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Full text of "Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques : qui contient leur vie, le catalogue, la critique, le jugement, la chronologie, l'analyse et le dénombrement des différentes éditions de leurs ouvrages; ce qu'ils renferment de plus intéressant sur le dogme, sur la morale et sur la discipline de l'église; l'histoire des conciles; et les actes choisis des martyrs"

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HISTOIRE  GÉNÉRALE 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 


ET  ECCLÉSIASTIOUES. 


ANGERS.  —  IMPRIMERIE  DE  COSNIER  ET  LÂCHESE. 


l^ 


HISTOIRE  GÉNÉRALE 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 

ET  ECCLÉSIASTIQUES 

QUI  CONTIENT 

LEUR    VIE,    LE    CATALOGUE,    LA    CRITIQUE,    LE    JUGEMENT,    LA    CHRONOLOGIE,    L'ANALYSE 

ET  LE  DÉNOMHREMENT  DES  DIFFÉRENTES   ÉDITIONS  DE  LEURS   OUVRAGES; 

CE  QU  ILS    RENFERMENT  DE  PLUS  INTÉRESSANT  SUR  LE  DOGME,  SUR  LA   MORALE   ET  SUR   LA  DISCIPLINE  DE    L'ÉGLISK  , 

L'HISTOIRE  DES  CONCILES  TANT   GÉNÉRAUX  QUE  PARTICULIERS,    ET  LES   ACTES  CHOISIS   DES   MARTYRS, 

PARLER.P.DOMBEliqYGEILLIER 

Bénédictin  de  la  (Congrégation  de  Saint-Vnnnes  et  rie  Saint-Hsdulijhe,  Coadjuteur  de  Flnvigny. 

NOUVELLE  ÉDITION 

SOIGNEUSEMENT   REVUE,    CORRIGÉE,    COMPLETEE   ET  TERMINEE    PAR   UNE   TABLE    GÉNÉRALE   DES   MATIERES 

PAR  IJi\  DIRECVKUR  »E  CiRASiTU  SÉMIIVAIRE:  , 

DÉDIÉE 

AU  CLERGÉ  CATHOLIQUE  FRANÇAIS 

HONORÉE  DES  SDFFBAGES  DE  PLUSIEURS  ÉVÈQUES, 

Dss  encourajemeQts  de  plasieurs  Vicaires  Génératix,  Dmcieurs  k  Séminaires  et  d'un  jraDd  nombre  de  personnages  distingués 

de  la  France  et  des  pajs  étrangers. 


TOME    DIXIÈME 


PARIS 

CHEZ  LOUIS  VIVES,  LIBRAIRE  -  ÉDITEUR 

5,    RUE   DELAMBKE,    5. 

1861 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

Boston  Library  Consortium;  Mafnber  Libraries 


Iittp://www.archive.org/details/histoiregnra010ceil 


TABLE 


DES  CHAPITRES,  ARTICLES  ET  PARAGRAPHES 


CONTENUS  DANS  CE  VOLUME. 


\'  ET  VP  SIECLES. 

Pages 

CHAPITRE  I".  Paul  Orose,  prêtre,  historien  la- 
tin, [vers  l'an  423] 1 

CHAP.  II.  Saint  Pierre  Chrysologue,  archevê- 
que   de   Ravenne,   [docteur  de  l'Eglise, 

après  l'an  449] 6 

CHAP.  III.  Juvénalj  évèque  et  premier  patriar- 
che de  Jérusalem,  écrivain  grec,  en  l'an 

458 17 

CHAP.  IV.  Le  bienheureux  Théodoret,  évêque 
de  Cyr,  docteur  de  l'Eglise  et  confesseur 
[écrivain  grec,  vers  l'an  457  ou  458].   .    .      19 

Article  i".  Histoire  de  sa  vie 19 

Art.  II.  Ecrits  de  Théodoret 26 

§  I.  Commentaires  sur  l'Octateuque.   ...       26 
§  II.  Questions  sur  le  livre  des  Rois  et  les 

Paralipomèites 32 

§  III.  Commentaires  sur  les  Psaumes  et  sur 

le  Cantique  des  Cantiques 34 

§  IV.  Commentaires  sur  les  Prophètes  et  sur 

saint  Paul 39 

§  V.  Histoire  ecclésiastique  de  Théodoret.    .       42 

§  VI.  Histoire  des  solitaires 50 

§  VII.  Lettres  de  Théodoret 64 

§  VIII.  Ouvrage  intitulé  Eraniste  ou  Poly- 
morphe         79 

§  is.  Ouvrage  sur  les  Here'sie'! 83 

§  X.  Sermons  de  Théodoret 88 

§  XI.  Divers  ouvrages  mis  dans  l'appendice.      98 
§  XII.   Divers  ouvrages   attribués   à  Théo- 
doret  100 

§  XIII.  Ouvrages  de  Théodoret  qui  sont  per- 
dus, ouvrages   qui  lui  sont  faussement 

attribués 107 

X. 


Pages 

Art.  III.  Doctrine  de  Théodoret 108 

Art.  IV.  Jugement  des  écrits  de  Théodoret. 

Catalogue  des  éditions  qu'on  en  a  faites.     139 
CHAP.  V.    Acaoe,   évêque   d'Amida  [vers  l'an 
420];    Rabulas.    évêque  d'Edesse    [436]; 
Ibas,  évêque  de  la  même  ville  [457].  Ce 

sont  des  écrivains  grecs 142 

CHAP.  VI.  Firmus,  archevêque  de  Césarée  en 

Cappadoce  [écrivain  grec,  en  l'an  439].  .     149 
CHAP.  VII.  Fastidius,  évèque  des  Bretons,  [écri- 
vain latin,  vers  l'an  480] 152 

CHAP.  VIII.  Saint  Valérien,  évêque  de  Cémèle, 

[écrivain  latin,  après  l'an  455] 154 

CHAP.  IX.  Saint  Pétrone,  évèque  de  Bologne, 

[écrivain  latin,  vers  l'an  450] 160 

CHAP.  X.  Basile,   archevêque   de   Séleucie   en 

Isaurie,  [écrivam  grec,  vers  l'an  458]  .    .     162 
CHAP.   XI.   Saint    Léon,   pape,    surnommé    le 

Grand,  docteur  de  l'Eglise 169 

Art.  1.  Histoire  de  sa  vie 169 

Art.  II.  Ecrits  de  saint  Léon ,   .   .   .     178 

§  I.  Ses  sermons 178 

§  II.  Ses  lettres 198 

§  m.  Livres  de  la  Vocation  des  Gentils  et 

lettre  à  Démétriade 240 

Art.  m.  Doctrine  de  saint  Léon 247 

Art.  IV.  Jugement  des  écrits  de  saint  Léon. 

Catalogue  des  éditions  qu'on  en  a  faites.    274 
CHAP.   XII.   Saint    Prosper,    défenseur    de    la 
grâce  de  Jésus-Christ,  [père  latin,  vers 

l'an  463] 276 

Art.  I.  Histoire  de  sa  vie 276 

Art.  II.  Des  écrits  de  saint  Prosper 278 

§  I.  Lettres  à  saint  Augustin  et  à  Rufin. ,   .     278 

1* 


VI 


TABLE  DES  CHAPITRES. 


§  II.  Du  poème  contre  les  Ingrats 284 

§  III.  Réponses  aux  objections   contre  les 

Gaulois 292 

§  IV.  Réponses  à  Vincent 298 

§  V.  Réponses  aux  prêtres  de  Gênes,  ...     300 
§  VI.  Livre  de  la  Grâce  de  Dieu  et  du  Libre 
arbitre,    contre  le  GoUateur  ou  l'auteur 

des  Conférences 303 

§  VII.  Commentaire  sur  les  Psaumes;  livre 
des  Sentences   tirées   de   saint  Augustin; 

épigrammes 310 

§  VIII.  Chronique  de  saint  Prosper 312 

§  is.  Ouvrages  faussement  attribués  à.  saint 
Prosper,  ou  qu'on  doute  être  de  lui.   .    .     313 
Art.  III.  Jugement  des  écrits  de  saint  Pros- 
per. Editions  qu'on  en  a  faites 317 

CHAP.  XIII.  Saint  Maxime,  évêque   de  Turin, 

[écrivain  latin,  après  l'an  465] 319 

CHAP.  XIV.  Arnobe,  surnommé  le  Jeune,  [écri- 
vain latin,  après  l'an  460] 330 

CHAP.  XV.  Saint  Hilaire,  pape  et  confesseur, 
[467];  Léonce  d'Arles,  [vers  l'an  482],  et 
Victorius,  [vers  la  même  époque].    .    .    .     335 
CHAP.  XVI.  Idace,  évêque  de  Ghiaves,  [écrivain 

latin,  en  471] 341 

CHAP.  XVII.  Saint  Gennade,  patriarche  de  Gous- 

tantinople,  [écrivain  grec,  vers  l'an  471].     343 
CHAP.   XVIII.  Mammert  Claudieu,  prèire   de 
l'Eglise  de  Vienne,  [écrivain  latin,  en  473 

ou  474] 346 

CHAP.  XIX.  Saint  Loup,  évêque  de  Troyes, 
[après  l'an  471],  et  saint  Euphrone,  évê- 
que   d'Autun,   [vers   l'an  490,   écrivains 

latins] 356 

CHAP.  XX.  Salvien,  prêtre  de  Marseille,  [écri- 
vain latin,  vers  l'an  485] 359 

CHAP.  XXI.  Saint  Sidoine  Apollinaire,  évêque 
de  Clermont  en  Auvergne  [écrivain  latin, 

vers  l'an  489] 379 

Art.  I.  Histoire  de  sa  vie 379 

Art.  II.  Ecrits  de  saint  Sidoine 382 

§  I.  Ses  lettres 382 

§  II.  Poésies  de  saint  Sidoine 396 

Art.  !I.  Jugement  des  écrits  de  saint  Sidoine. 

Editions  qu'on  en  a  faites 398 

CHAP.  XXII.  Constance,  prêtre  de  Lyon;  samt 
Auspice,  évêque  de  Toul,  [écrivains  la- 
tins de  la  En  du  v*  siècle] '  .     399 

CHAP.  XXllI.  Saint  Simplice,  [en  483];  saint 
Félix,  [en  492],  papes;  Acace  de  Constan- 
tinople,  [en  489],  et  quelques  autres  évè- 

ques  d'Orient 401 

CHAP.  XXIV.  Fauste,  abbé  de  Lerins,  et  depuis 
évêque  de  Riez  en  Provence,  [  écrivain 

latin,  après  493] 420 

CHAP.   XXV.   Saint  Perpétue,   archevêque   de 

Tours,  [écrivain  latin,  en  491] 438 

CHAP.  XXVI.  Paulin  de  Périgueux,  poète  chré- 
tien, [vers  490]  ;  Benoît  Paulin,  et  quel- 
ques autres  écrivains  de  la  fin  du  v'  siè- 
cle, savoir  deux  autres  Paulin,  Victorin 

de  Marseille 441 

CHAP.  XXVII,  Saint  Patrice,  apôtre  d'Irlande, 

[écrivain  latin  de  la  fin  du  W  siècle].  .   .     444 


Pages 

CHAP.  XXVIII.  Saint  Victor,  évêque  de  Vite, 
[481],  et  saint  Eugène,  évêque  de  Car- 
thage,  [485],  écrivains  latins] 448 

CHAP.  XXIX.  Antonin,  évêque  de  Cirthe;  Gé- 
réal  de  Gaslèle;  Victor  de  Cartenne;  As- 
clépius;  Voeonius;  Siagrius;  Paul;  Pas- 
teur; Servus  Dei,  [écrivains  latins  de  la 
dernière  moitié  du  v'  siècle];  Théodule, 
[écrivain  grec  de  la  même  époque]  .   .   .     466 

CHAP.  XXX.  Musée,  prêtre  de  Marseille;  Vin- 
cent, ])rêtre  des  Gaules,  [écrivains  latins]  ; 
Cyrus  d'Alexandrie,  Jean  d'Antioche, 
[écrivains  grecs];  Philippe,  prêtre,  Vi- 
gile, diacre,  [écrivains  latins.  Tous  sont  de 
la  dernière  moitié  du  v=  siècle]     ....     471 

CHAP.  XXXI.  Vigile,  évêque  de  Tapse,  [écri- 
vain latin,  après  l'an  518] 472 

CHAP.  XXXII.  Euphémius,  [505];  Macédonius, 

[515],  palriarches  de  Constantinople.  .    .     485 

CHAP.  XXXIII.  Enée  ae  Gaze,  philosophe,  pro- 
fesseur de  sciences  et  de  belles-lettres , 
[écrivain  grec  sur  la  fin  du  v=  siècle]..    .     490 

CHAP.  XXXIV.  Saint  Gélase,  pape,  [en  496]     .     493 

CHAP.  XXXV.   Saint  Anastase,  II"  du  nom  S 

pape,   [498] 518 

CHAP.  XXXVI.  Saint  Symmaque,  pape,  [514]  .     521 

CHAP.  XXXVII.  Paschase,  diacre  de  l'Eglise 
romaine,  [écrivain  latin  du  commence- 
ment du  vi"  siècle] 528 

CHAP.  XXXVm.  Gélase  de  Gysique,  [écrivain 

grec,  en  460] 532 

CHAP.  XXXIX.  Saint  Denis  l'Aréopagite,  [écri- 
vain grec,  i"  siècle  probablement]. .   .   .     534 
Art.  i.  Histoire  de  sa  vie.  Mission  de  saint 

Denis,  apôtre  de  Paris,  au  l"  siècle.    .    .     534 
Art.  n.  Des  écrits   attribués  à    saint   Denis 

l'Aréopagite 539 

CHAP.  XL.  Saint  Avit,  évêque  de  Vienne,  [écri- 
vain latin,  en  518  ou  523] 553 

CHAP.  XLI.  Saint  Ennode,  évêque  de  Pavie  et 

confesseur,  [écrivain  latin,  en  521].   .   .     569 

CHAP.  XLII.  Quelques  écrivains  syriens  des  v" 
et  vi"  siècles,  savoir  :  Isaac  le  Grand; 
Cosme,  prêtre  syrien  ;  saint  Siméon  Sty- 
lite;  saint  Baradate  et  saint  Jacques; 
.Maras,  évêque  d'Amida;  Nonnus,  évêque 
d'Edesse;  Jacques,  diacre  d'Edesse;  Mo- 
chimus ,  prêtre  d'Antioche  ;  Pierre  d'E- 
desse; Samuel,  prêtre  d'Edesse;  Josué 
Stylite STS 

CHAP.  Xmi.  Eutrope;  Draconce,  [écrivains  la- 
tins du  V  siècle];  Théodore,  prêtre 
d'Antioche,  [écrivain  grec  de  la  même 
époque] 587 

CHAP.  XLIV.  Julien  Pomère,  prêtre  et  abbé, 

[écrivain  latin,  en  498].- 588 

CHAP.  XLV.  Saint  Honorât,  évêque  de  Mar- 
seille ,  et  Gennade ,  prêtre  de  la  même 
Eglise,  [écrivains  latins  de  la  fin  du  v* 
siècle] 600 

1  D.  Ceilller  oublie  le  nom  de  saint  devant  les  noms  rt'Anas- 
tase  et  de  Symmaque.  Ces  deux  papes  sont  inscrits  dans  le 
Martyrologe  romain.  (Vèditenr.J 


TABLE  DES  CHAPITRES. 


Vil 


Pages 

CHAP.  XLVI.  Saint  Rurice,  évêque  de  Limoges, 

[après  l'an  506] 607 

CHAP.  XLVII.  Saint  Eugende ,  abbé  de  Gonda- 
tidcone  ou  Condat;  auteur  anonyme  de 
la  Vie  de  saint  Venance,  [vers  l'an  510].     610 

CHAP.  XLVIII.  Saint  Hormisdas,  pape,  [528].   .     612 

CHAP.  XLIX.  Jean  Maxence,  [écrivain  grec], 
et  Tiifolius,  [écrivain  latiu,  vers  l'an 
520] 634 

CHAP.  L.  Saint  Jacques,  évêque  de  Batna,  eu 
Mésopotamie,  [en  521];  Jean,  évêque  de 
Téla  aussi  en  Mésopotamie,  vi«  siècle, 
[écrivains  syriaques] 639 

CHAP.   LI.   Siméon,    évêque  de   Beth-Arsam, 

écrivaiu  syriaqne ,  [en  525] 643 

CHAP.  LU.  Boëce,  sénateur  romain,  [525].   .    .     645 

CHAP.  LUI.  Des  conciles  des  V  et  vi'  siècles. 
Art.  I.  Des  conciles  d'Ephèse,  [434  et  444], 
de  Conslantinople ,  [444],  d'Antioche , 
[443],  de  Rome,  [443  ou  444],  d'Hiéraple, 
[444J,  d'Astorga,  [445  ou  446],  des  Gau- 
les, d'Angleterre,  d'Antioche,  [448],  de 
Goustautinople,  [448],  de  Tolède,   [447], 

de  Galicie,  [vers  l'an  447] 666 

Art.  n.  Des  conciles  de  Conslantinople,  [448 

et  449] 669 

Art.  m.  Du  faux  concile  d'Ephèse,  [449],  et 

du  concile  de  Rom^,  [449] 675 

Art.  IV.  Des  conciles  de  Constantinople,  [450], 

de  Milan  et  des  Gaules,  [451] 680 

Art.  V.  Du  concile  de  Chalcédoine,  [451].   .     681 


Pages 


704 


708 


Art.  VI.  Des  conciles  attribués  à  saint  Pa- 
trice   

Art.  vu.  Des  conciles  d'Arles,  [452],  d'An- 
gers, [453],  d'Arles,  [455],  de  Constantino- 
ple,  [459],  de  Tours,  [461]  et  de  Vannes, 
[465] 

Art.  VIII.  Des  conciles  de  Rome,  [442],  des 
Gaules,  [463],  d'Espagne,  [464],  de  Rome, 
[465],  d'Angleterre,  [465],  de  Châlons, 
[470],  de  Bourges,  [475],  d'Antioche,  [477], 
d'Arles,  [475  ou  477],  de  Lyon,  [vers  le 
même  temps],  d'Antioche,  de  Laodicée, 
[479],  de  Rome  [484] 715 

Art.  IX.  Conciles  de  Rome,  [487]  et  de  Car- 

thage,   [484] 719 

Art.  X.  Conciles  de  Constanlinople,  [en  492, 

496] 722 

Art.  XI.  Des  conciles  de  Rome,  [494,  495, 

499,  502,  503  et  504] 723 

Art.  XII.  Conférence  de  Lyon  avec  les  ariens 

[vers  l'an  500] 733 

Art.  siii.  Concile  d'Agde  [506] 736 

Art.  XIV.  Conciles  de  Toulouse,  [507],  d'Or- 
léans, [511],  et   d'Agaune,  [515] 742 

Art.  XV.  Conciles  de  Tarragone,  [516],  et  de 

Girone,  [517] 747 

Art.  XVI.  Du  concile  de  Sidon,  [512]  ....     750 
Supplément.  Authenticité  des  œuvres   de  saint 

Denis  l'Aréopagite 751 

Table  analytique 761 


FIN  DE  L.\  TABLE  DES  CHAPITRES. 


HISTOIRE  GENERALE 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 


ET  ECCLÉSIASTIOIIES. 


AUTEURS   ECCLÉSIASTIQUES. 

[V«    SIÈCLE.] 


CHAPITRE  I. 


Paul  Orose,  prêtre  et  historien  latin. 


[Vers  l'an  423.] 


l .  A  jiiger  de  Paul  Orose  par  les  écrils  que 
nous  avons  de  lui,  il  avait  l'esprit  vif,  parlait 
aisément  et  avec  éloquence,  et  n'était  pas 
moins  habile  dans  les  matières  de  la  religion 
que  dans  Ihisloire.  Il  était  '  espagnol  de 
naissance,  et  né,  ce  semble,  à  Tarragone, 
ville  située  sur  la  mer  Méditerranée.  Comme 
il  était  encore  jeune  lorsque  son  pays  fut  ex- 
posé en  proie  aux  Vandales  et  aux  Alains, 
vers  l'an  409,  il  ne  vit  ^  d'abord  ces  barbares 
qu'avec  effroi.  Mais  il  adoucit  leur  cruauté 
par  ses  humbles  soumissions,  lorsqu'ils  furent 
maîtres  du  pays.  En  se  précautionnant  con- 
tre leur  infidélité,  il  évita  les  pièges  qu'ils  lui 
tendirent.  Quelle  que  fût  sa  douleur  de  voir  le 
ravage  de  sa  patrie  par  ces  barbares,  il  fut 
bien  plus  affligé  de  voir  la  foi  combattue 
dans  l'Espagne  par  diverses  erreurs,  en  par- 
ticulier par  celle  des  priscillianistes  :  car, 
outre  la  piété  dont  il  faisait  profession,  il 
brûlait  de  zèle  pour  la  foi  orthodoxe.  Il  ar- 
riva vers  le  même  temps  que  deux  espagnols 


nommés  tous  deux  Avitus,  étant  allés  l'un  à 
Rome,  et  l'autre  à  Jérusalem ,  l'un  en  rap- 
porta les  ouvrages  de  Victorin,  célèbre  rhé- 
toricien  ,  qui  avait  écrit  contre  les  ariens  ;  et 
l'autre  le  livre  des  Principes  d'Origène,  tra- 
duit par  saint  Jérôme.  Ces  écrits  contenaient 
la  vraie  foi  sur  divers  articles  de  la  religion; 
mais  ils  renfermaient  aussi  quelques  erreurs, 
surtout  le  livre  des  Principes;  en  sorte  qu'ils 
excitèrent  de  nouveaux  troubles  dans  l'Es- 
pagne. 

2.  Orose  dans  le  désir  de  se  rendre  capa- 
ble de  combattre  les  erreurs  répandues  dans 
son  pays,  le  quitta  pour  passer  en  Afrique, 
où  il  se  promettait  d'apprendre  de  saint  Au- 
gustin tout  ce  qu'il  pouvait  souhaiter  de  sa- 
voir, sur  les  matières  qui  étaient  en  contes- 
tation, et  dont  il  ne  se  croyait  pas  encore 
assez  instruit  pour  en  instruire  les  autres.  Il 
semble  dire  qu'ayant  fixé  son  départ  à  cer- 
tain jour,  il  avait  été  obligé  de  le  prévenir  ^ 
par  la  crainte  de  quelque  accident  dont  il 


Il  pnpse  en 
Afrique  vers 
l'anAlS. 


'  Gennad.,  de  Viris  illust.,  cap.  XL,  el  Oros.,  lib. 
Vil  Hisl,,  cap.  xxn. 

X, 


2  Oros.,  lib.  m,  cap.  xx. 

3  Oroâ.,  lib.  V,  cap.  Ii. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Il 

snint 


consulte 
AugLS- 


était  menacé  par  les  Barbares,  qui  en  effet, 
le  poursuivirent  '  à  coups  de  pierres,  lors- 
qu'il était  déjà  en  mer  ;  et  qui  étaient  prêts 
de  l'atteindre,  lorsqu'une  nuée  survenue 
tout-à-coup  le  déroba  à  leur  vue,  et  le  sauva.  • 
Il  était  prêtre  avant  de  quitter  l'Espagne  ,  et 
il  n'eut  aucune  -  peine  d'en  sortir,  assuré  de 
trouver  parlent  où  il  se  retirerait,  sa  patrie, 
sa  foi  et  sa  religion.  L'Afrique  le  reçut  avec 
autant  de  bonté  qu'il  y  était  entré  avec  con- 
fiance. On  l'y  reçut  en  ami,  à  cœur  ouvert, 
et  comme  s'il  y  fût  né.  Il  rend  témoignage  à 
cette  province,  qu'elle  ouvrait  son  sein  avec 
toute  la  tendresse  possible  pour  y  recevoir 
tous  ceux  qui  lui  étaient  unis  par  le  lien  de 
la  foi  et  de  la  religion  ;  qu'elle  invitait  même 
les  misérables  à  y  venir  recevoir  tous  les  de- 
voii's  et  tous  les  meilleurs  traitements  de 
rhospitalité  chrétienne. 

3.  Il  exposa  à  saint  Augustin  le  sujet  de 
son  voyage;  mais  il  ne  lui  présenta  point 
d'abord  le  mémoire  des  difficultés  sur  les- 
quelles il  venait  le  consulter,  l'ayant  trouvé 
trop  occupé  à  d'autres  matières.  Pendant  ^ 
qu'il  en  attendait  l'occasion,  arrivèrent  deux 
évêques  nommés  Paul  et  Eutrope,  qui,  tou- 
chés du  même  désir  que  lui,  donnèrent  à  ce 
saint  docteur  un  mémoire  touchant  quelques 
hérésies.  Gomme  ils  n'y  avaient  pas  compris 
toutes  celles  qui  troublaient  l'Espagne,  Orose 
se  hâta  de  présenter  le  sien,  où  il -marquait 
quelles  étaient  les  hérésies  de  Priscillien  et 
d'Origène,  afin  que  saint  Augustin  les  réfutât 
en  même  temps  qu'il  répondrait  au  mémoire 
des  deux  évêques.  Ce  Père  considérant  l'ar- 
deur qu'Orose  témoignait  pour  s'instruire 
comme  un  etfet  de  cette  charité  par  laquelle 
Dieu  nous  fait  demander  et  chercher  les  lu- 
mières qu'il  nous  veut  donner,  lui  répondit 
par  un  écrit  qu'il  lui  adressa ,  intitulé  :  Contre 
les  priscillianisies  et  contre  les  origénistes  *.  11 
s'y  étendit  peu  contre  les  premiers,  se  con- 
tentant de  renvoyer  Orose  aux  ouvrages  qu'il 
avait  faits  contre  les  manichéens ,  parce  que 
les  principes  qu'il  y  avait  établis,  ruinaient 
également  les  uns  et  les  autres.  A  l'égard 
des  erreurs  attribuées  à  Origène,  il  en  fit  la 
réfutation.  Mais  trouvant  de  l'embarras  dans 
la  question  qui  regarde  l'origine  de  l'âme,  il 
conseilla  à  Orose  d'aller  en  Palestine  consul- 

1  Oros.,  lib.  m,  cap.  SX. 

2  Oros.,  lib.  V,  cap.  ii. 

3  Gros.,   Epist.  ad  August.,  tom.  VIII  Oper.  Aug. 
pag.  607. 

*  Voyez  tom.  IX,  pag.  356. 


ter  saint  Jérôme  sur  ce  sujet;  disant  que 
pour  apprendre  les  erreurs  d'Origène,  il  fe- 
rait bien  d'aller  dans  le  pays  où  elles  avaient 
pris  naissance,  et  où  on  les  avait  découvertes 
depuis  peu.  Il  chargea  Orose  de  deux  traités 
pour  saint  Jérôme,  l'un  touchant  l'origine  de 
l'âme ,  l'autre  sur  ce  passage  de  saint  Jac- 
ques :  Celui  qui  transgresse  un  précepte,  est  -'acob  xt, 
coupable  de  tout. 

4.  Orose  suivant  le  conseil  de  saint  Au-  ,  iivaenPa. 

lestineen'.15, 

gustin  partit  pour  la  Palestine,  où  il  trouva  ei assiste  à  i.i 

G  i.  1  '  conTerence  de 

saint  Jérôme  occupé  à  réfuter  les  pélagiens.  Jérusiiem. 
Il  se  retira  ^  auprès  de  lui  à  Bethléem  pour 
apprendre  la  crainte  du  Seigneur,  aux  pieds 
de  celui  à  qui  saint  Augustin,  qui  l'appelle 
son  père,  l'avait  recommandé.  11  croyait  y 
être  caché  comme  un  pauvre  et  un  inconnu, 
lorsqu'il  fut  appelé  par  les  prêtres  de  Jé- 
rusalem pour  assister  à  la  conférence  qui 
devait  se  tenir  au  sujet  de  l'hérésie  de  Pe- 
lage, qui  faisait  beaucoup  de  bruit  dans  la 
Palestine.  La  conférence  se  fint  le  28  juillet 
de  l'an  413.  Jean  de  Jérusalem  qui  y  présida 
fit  asseoir  Orose  avec  les  prêtres.  A  leurs 
prières,  il  expliqua  en  peu  de  mots  comment 
Célestius  dénoncé  aux  évêques  assemblés  à 
Carthage,  y  avait  été  ouï  et  condamné.  Il 
ajouta  que  saint  Augustin  travaiUait  actuel- 
lement à  réfuter  un  livre  de  Pelage  ^ ,  et  dit 
plusieurs  autres  choses  que  nous  avons  rap- 
portées ailleurs.  La  conclusion  de  cette  con- 
férence tut  qu'on  enverrait  des  députés  et 
des  lettres  à  Rome  au  pape  Innocent,  et  que 
tous  suivraient  ce  qu'il  aurait  décidé  ;  qu'en 
attendant  Pelage  demeurerait  dans  le  silence 
qu'on  lui  imposa  sur-le-champ,  car  il  était 
présent  ;  et  que  d'un  autre  côté  ses  adver- 
saires s'abstiendraient  de  lui  faire  aucun  re- 
proche, comme  s'il  eût  été  convaincu. 

5.  Le  treizième  de  septembre  de  la  même     orose  es 
année,  jour  de  la  fête  de  la  Dédicace,  Orose  hîas°piième.  ) 

se  justifie. 

étant  venu  à  Jérusalem  pour  accompagner 
l'évêque  Jean  à  l'autel,  selon  '  la  coutume  , 
Jean  au  lieu  de  le  saluer, 'lui  dit  :  «Pourquoi 
venez-vous  avec  moi,  vous  qui  avez  blas- 


phémé ' 


(I  Qu'ai-je  dit,  répondit  Orose, 


qu'on  puisse  appeler  blasphème?»  L'évêque 
reprit  :  «  Je  vous  ai  ouï  dire  que  l'homme, 
même  avec  le  secours  de  Dieu  ne  peut  être 
sans  péché.  »  Orose  prenant  à  témoin  les 

5  Gros.,  Apolocj.,  pag.  449,  tom.  VI  Biblioth.  Pat. 
Lugd. 
"  Voyez  tom.  VIll,  pag.  550  et  551. 
'  Gros.,  Apologia,  pag.  450. 


[v' SIÈCLE.]         CHAPITRE  I.  —  PAUL  OROSE,  PRÊTRE  ET  HISTORIEN. 


prêtres  et  les  autres  personnes  qui  étaient 
présents,  protesta  qu'un  tel  discours  n'était 
jamais  sorti  de  sa  bouche.  «Comment,  ajou- 
ta-t-il,  l'évêque  qui  est  grec  et  n'entend  pas 
le  latin,  a-t-il  pu  m'entendre,  moi  qui  ne 
parle  que  latin?  Il  aurait  dû  m'avertir  pater- 
nellement dans  le  moment  qu'il  m'a  ouï  tenir 
ce  discours.  »  Quoique  Jean  ne  fût  pas  rece- 
vable  à  le  lui  reprocher  au  bout  de  quarante 
jours,  que  s'était  tenu  la  conférence,  Orose 
crut  devoir  embrasser  l'occasion  que  la  Pro- 
vidence lui  offrait  pour  réprimer  l'insolence 
des  hérétiques  qui  abusaient  de  la  patience 
avec  laquelle  l'Eglise  les  tolérait.  11  écrivit 
donc  une  Apologie  où  en  défendant  son  inno- 
cence contre  la  calomnie  de  l'évêque  de  Jé- 
rusalem, il  faisait  voir  l'impiété  de  l'hérésie 
de  Pelage. 
B-neni  6.  Oroso  quita  la  Palestine  vers  le  prin- 
'°°°°  temps  de  416.  Le  prêtre  Avitus  qui  venait  de 
traduire  en  latin  la  relation  de  l'invention  des 
reliques  de  saint  Etienne,  trouvées  depuis 
peu  dans  un  bourg  à  vingt  milles  de  Jérusa- 
lem, nommé  Caphargamala,  l'envoya  par 
Orose  avec  quelques  reliques  de  ce  saint 
martyr,  à  Palconius,  évêque  de  Brague  en 
Lusitanie,  avec  une  lettre  pour  lui  et  pour 
son  Eglise,  dans  laquelle  il  les  consolait  dans 
les  maux  que  leur  causaient  les  incursions 
des  Barbares.  Orose  se  chargea  aussi  de  la 
réponse  de  saint  Jérôme  à  saint  Augustin 
sur  les  questions  de  *  l'origine  de  l'âme  et  de 
l'égalité  des  péchés.  Il  apporta  encore  des 
lettres  d'Héros  et  de  Lazare  contre  Pelage  et 
Célestius,  où  l'on  voyait  que  Pelage  était  à 
Jérusalem  et  infectait  quelques  personnes  du 
venin  de  son  hérésie.  H  y  a  apparence  que 
saint  Jérôme  chargea  aussi  Orose  de  ses  Dia- 
logues pour  les  rendre  à  saint  Augustin,  puis- 
que ce  Père  les  cite  dans  sa  lettre  àOcéanus, 
écrite  quelque  temps  après.  Orose  de  retour 
en  Afrique,  rendit  toutes  ces  pièces  à  ceux  à 
qui  elles  étaient -adressées.  Il  trouva  les  évo- 
ques de  la  province  de  Carthage  assemblés 
en  cette  ville,  etleur  remit  les  lettres  d'Héros 
et  de  Lazare.  Saint  Augustin  ,  à  qui  il  rendit 
compte  de  son  voyage,  et  remit  les  éci'its  dont 
saint  Jérôme  l'avait  chargé,  lui  conseilla  d'é- 
crire l'histoire  générale  du  monde,  pour  ser- 
vir de  preuve  à  l'ouvrage  de  la  Cité  de  Dieu, 
dont  il  écrivait  alors  le  onzième  livre. 
inEs-  1-  Orose  ne  put  se  refuser  à  ce  que  ce 
'ioire"du  grand  évêque  demandait  de  lui.  Mais  avant 


de  commencer  un  ouvrage  de  cette  impor- 
tance, après  avoir  séjourné  quelque  temps  en 
Afrique,  il  s'embarqua  pour  l'Espagne.  Les 
ravages  des  Goths  l'ayant  empêché  d'y  abor- 
der, il  s'arrêta  quelque  temps  à  Magole,  ville 
de  l'Ile  de  Minorque,  aujourd'hui  Mahon,  où 
il  déposa  les  reliques  de  saint  Etienne,  dont 
le  prêtre  Avitus  l'avait  chargé.  Il  revint  de 
là  en  Afrique  où  il  travailla  à  son  Histoire, 
qui  ne  fut  achevée  qu'en  417.  C'est  tout  ce 
que  l'on  sait  d'Orose,  qui  florissait,  selon 
Gennade,  dans  les  dernières  années  de  l'em- 
pire d'Honorius,  mort  le  15  août  423.  On  ne 
dit  point  s'il  survécut  à  ce  prince. 

8. 'L'Histoire  générale  du  monde  ,V Apologie  ses  écrit». 
d'Orose  contre  Pelage,  et  le  mémoire  qu'il 
présenta  à  saint  Augustin  contre  les  erreurs 
des  origénistes  et  des  priscillianistes  ^,  sont 
les  seuls  ouvrages  que  nous  ayons  de  lui. 
Comme  il  avait  entrepris  son  histoire  à  la 
prière  de  saint  Augustin,  ou,  comme  il  le 
dit,  par  l'ordre  de  ce  Saint,  ce  fut  à  lui  qu'il 
l'adressa.  Elle  est  divisée  en  sept  livres.  Dans 
la  préface  il  donne  les  raisons  qui  rendaient 
cette  histoire  comme  nécessaire.  Les  païens 
qui  ne  considéraient  pas  l'avenir,  et  qui 
avaient  oublié  le  passé,  tiraient  toujours 
avantage  contre  la  religion  chrétienne  de  la 
prise  de  Rome  et  des  autres  malheurs  dont 
l'empire  était  afQigé,  prétendant  qu'ils  n'ar- 
rivaient que  parce  que  l'on  croyait  en  Jésus- 
Christ;  qu&  l'on  n'adorait  qu'un  seul  Dieu, 
et  que  l'on  négligeait  le  culte  des  idoles. 
Pour  répondre  à  cette  objection,  Orose  rap- 
porte dans  celte  Histoire  tous  les  accidents 
funestes  qui  sont  arrivés  dans  les  différentes 
parties  du  monde  avant  la  venue  de  Jésus- 
Christ;  les  guerres,  les  contagions,  les  fa- 
mines, les  tremblements  de  terre,  les  dé- 
bordements des  rivières,  les  feux  sortis  de  la 
terre,  les  grêles  extraordinaires,  les  crimes 
même  les  plus  signalés,  et  tous  les  autres 
événements  tragiques  marqués  par  les  écri- 
vains tant  sacrés  que  profanes.  Parce  détail, 
on  pouvait  voir  s'il  était  arrivé  plus  de  ces 
sortes  de  malheurs  depuis  l'avènement  de 
Jésus-Christ  qu'auparavant.  Orose  marque 
qu'il  entreprit  aussi  ce  travail  aux  instances 
de  Julien,  diacre  de  Carthage,  qui  l'en  avait 
apparemment  pressé  par  ordre  de  saint  Au- 
gustin. Mais  avant  de  le  rendre  pu"blic,  il  le 
soumit  au  jugement  de  ce  Père ,  voulant  qu'il 
le  supprimât  s'il  ne  le  jugeait  pas  digne  de 


August.,  V:pist.  172,  175  et  176. 


2  Tom.  VI  Biblioth.  Palrum,  pag.  378. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES 


Histoire  gé- 
nérale du 
monde,  liv.  I, 
p.  378. 


voir  le  jour.  Saint  Augustin  l'approuva  sans 
doute  ;  et  l'on  voit  cet  ouvrage  cité  par  l'au- 
teur du  livre  *  des  Promesses,  qui  écrivait 
dans  le  même  siècle  qu'Orose  ^.  Cet  auteur  ^ 
qualifie  celui-ci  un  homme  tout  docte.  Gen- 
nade*qui  parle  avec  éloge  de  cette  Histoire, 
en  appelle  l'auteur  un  homme  éloquent  et 
habile.  Il  dit  qu'il  y  réfute  solidement  les 
calomnies  des  païens,  et  qu'il  montre  par  la 
description  qu'il  fait  des  calamités,  des  mi- 
sères, des  troubles  et  des  guerres  qui  ont 
affligé  tous  les  siècles,  que  l'empire  romain 
doit  sa  conservation,  non  à  sa  puissance, 
mais  à  la  religion  chrétienne  ;  et  que  la  paix 
dont  il  jouissait  en  cette  année-là,  était  l'effet 
de  la  liberté  et  de  la  paix  avec  laquelle  Dieu 
y  était  adoré.  UHistoire  d'Orose  ne  fut  pas 
seulement  approuvée  dans  le  concile  ^  de 
Rome  sous  Gélase  ;  elle  y  fut  encore  louée 
parce  qu'elle  renferme  beaucoup  de  choses 
en  peu  de  mots,  et  jugée  nécessaire  pour  ré- 
pondre aux  calomnies  des  païens.  On  ne 
laisse  pas  cependant  d'y  trouver  quelques 
fautes  ^  de  chronologie,  parce  que  n'enten- 
dant pas  bien  le  grec,  il  n'avait  pas  lu  dans 
Toriginal  les  auteurs  qui  ont  écrit  en  cette 
langue.  On  remarque  qu'il  ne  s'accorde  pas 
quelquefois  avec  lui-même  ^  dans  la  manière 
de  compter  les  années  de  Rome. 

9.  Presque  tous  les  auteurs  grecs  et  latins 
qui  ont  entrepris  de  transmettre  à  la  posté- 
rité les  actions  des  rois  et  des  peuples,  ont 
commencé  leur  histoire  k  Ninus,  fils  de 
Bélus,  roi  des  Assyriens,  croyant  que  le 
monde  n'avait  pas  eu  de  commencement,  et 
que  jusqu'à  Ninus  les  hommes  s'étaient  con- 
duits comme  des  bêtes,  sans  aucune  forme 
de  gouvernement  pohtique.  Orose  commence 
la  sienne  à  la  prévarication  du  premier 
homme,  c'est-à-dire  trois  mille  cent  quatre- 
vingt-quatre  ans  avant  le  règne  de  Ninus, 
sous  lequel  Abraham  vint  au  monde  ;  et  il 
compte  depuis  la  naissance  de  ce  patriarche 
jusqu'à  César-Auguste,  ou  jusqu'à  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ,  qui  naquit  la  quarante- 

1  De  Promissionibus,  lib.  III,  cap.  sxsiv,  pag.  183. 

2  Lib.  VII  Hist.,  cap.  XLVU,  pag.  448. 

3  Vir  eruditissimus  Orosius  hisioriographus.  Idem, 
lib.  II,  cap.  xxxni. 

^  Orosius  preshyter,  hispanus  yenere,  vir  eloquens  et 
lùistoriarum  cognitor,  scripsit  adversum  qverulos  et 
infamatores  christiuni  nominis  qui  dicunt  defectum 
romance  reipublicœ  Christi  doctritia  invectum,  libres 
septem  :  in  quibus  pêne  totius  mundi  lemporis  calami- 
tates  et  miserias,  ac  bellorum  inquietiid ines  replicam 
ostendit   nmgis  christianœ    observaiionis  esse,   quod 


deuxième  année  de  ce  prince,  deux  mille 
quinze  ans.  Comme  il  ne  connaissait  que 
trois  parties  du  monde,  l'Asie,  l'Europe  et 
l'Afrique,  il  borne  sa  narration  à  ce  qui  s'y 
est  passé,  rapportant  les  divers  événements 
arrivés  dans  les  provinces  et  les  villes  dont 
ces  trois  parties  sont  composées.  Le  premier 
livre  de  son  Histoire  commence  à  Adam,  et 
finit  à  la  fondation  de  Rome.  Il  la  met  414 
ans  après  la  ruine  de  Troie  dans  la  sixième 
olympiade  ;  et  raconte  de  suite  dans  le  se- 
cond livre  ce  qui  s'est  passé  dans  la  répu- 
blique romaine  jusqu'à  la  prise  de  Rome  par 
les  Gaulois,  qui  en  furent  les  maîtres  pendant 
six  mois,  la  brûlèrent  el  réduisirent  en  cap- 
tivité ses  habitants.  Il  conduit  le  troisième 
livre  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  de  Macé- 
doine. Il  commence  le  quatrième  par  le  narré 
de  celle  de  Pyrrhus,  d'où  il  passe  à  la  guerre 
punique  ;  il  termine  ce  livre  par  la  ruine  de 
Carthage,  arrivée  516  ans  après  la  fondation 
de  Rome,  cinquante  ans  après  la  seconde 
guerre  punique,  et  sept  cents  ans  depuis  sa 
propre  fondation.  Cette  ville  fut  consumée 
par  un  feu  de  dix-sept  jours,  qui  en  réduisit 
toutes  les  pierres  en  poussière.  Tous  les  ha- 
bitants, excepté  quelques-uns  des  principaux, 
furent  réduits  en  servitude.  Orose  montre 
dans  le  cinquième  livre,  que  Rome  ne  s'est 
agrandi  qu'aux  dépens  du  reste  de  l'univers. 
Il  y  parle  du  rétablissement  de  Carthage  qu'il 
met  vingt-deux  ans  après  sa  destruction,  et 
six  cent  vingt-sept  ans  depuis  la  fondation 
de  Rome.  Dans  le  sixième,  il  rapporte  les 
guerres  que  les  Romains  ont  eues  avec  diffé- 
rents peuples,  comme  avec  les  Gaulois,  les 
Suèves ,  les  Bretons ,  et  parle  de  la  guerre 
civile  entre  César  et  Pompée. 

10.  Le  septième  livre  commence  à  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ  arrivée  sept  cent  cin- 
quante-deux ans  depuis  la  fondation  de  Rome 
et  finit  à  l'an  417.  En  sorte  que  l'Histoire 
d'Orose  renfernie  ce  qui  est  arrivé  dans  le 
monde  pendant  l'espace  de  cinq  mille  cinq 
cent  quatre-vingt  dix-huit  ans.  Il  remarque 

contra  meritum  suum  res  romana  adhuc  duraret,  et 
pace  culturœ  Dei  pacatuni  retineret  imperium.  Gen- 
nad.,  de  Viris  illustribus,  cap.  xxxix. 

^  Item.  Orosium  virum  erudilissimum  collaudamus 
quia  valde  nobis  necesiariam  aduersus  paganorum 
calumnias  dignam  ordinavit  historiam,  miraque  bre- 
vitate  conlexuit.  Tom.  IV  Conc.il.,  pag.  1264. 

^  Vossius,  de  Historicis  latin.,  lib.  II,  cap.  xlV. 

'  Petavius,  de  Doctrina   lemporum,   lib.  XI,   cap, 

XLVU. 


in,  p.  392. 


IV,  p.  400. 


T,  p.  410. 


TI,  p.  421. 


[v=  SIÈCLE.]         CHAPITRE  I.  —  PAUL  OROSE,  PRÊTRE  ET  HISTORIEN. 


dans  ce  dernier  livre  que  sur  la  relation  que 
Pilate  fit  à  Tibère  des  miracles  opérés  par 
Jésus-Christ,  ce  prince  proposa  au  sénat  de  le 
mettre  au  rang  des  dieux  ;  le  sénat  le  refusa 
et  donna  un  édit  portant  que  tous  les  chré- 
paE.43t.  tiens  seraient  chassés  de  Rome.  Il  donne 
pour  raison  de  ce  refus,  que  le  sénat  fut  fâ- 
ché de  ce  qu'on  ne  s'était  pas  d'abord 
adressé  à  lui  suivant  la  coutume,  pour  sta- 
tuer sur  le  culte  que  l'on  devait  rendre  à  Jé- 

435  sus-Christ.  Il  dit  que  ce  fut  Néron  qui  décerna 
le  premier  la  peine  de  mort  contre  les  chré- 
tiens, qui  ordonna  une  persécution  contre 
eux  dans  toutes  les  provinces  ;  et  que  ce  fut 
par  ses  ordres  que  saint  Pierre  et  saint  Paul 
furent  mis  à  mort ,  l'un  par  le  glaive ,  l'autre 

j3B.  par  le  supplice  de  la  croix.  Il  ne  doute  pas 
que  l'empereur  Philippe  n'ait  été  chrétien 
de  même  que  son  fils,  et  qu'ils  ne  soient 
morts  tous  deux  dans  la  profession  du  chris- 

ui.  tianisme.  Mais  en  parlant  du  père,  il  ne 
donne  pas  une  grande  idée  de  sa  vertu,  di- 
sant qu'il  semblait  n'avoir  été  chrétien  qu'afin 
que  la  millième  année  de  Rome  fût  consacrée 
plutôt  à  Jésus-Christ  qu'aux  idoles.  Ainsi  il 
donne  à  l'empereur  Constantin  le  titre  de 
premier  prince  chrétien,  quoiqu'il  l'eût  déjà 
donné  à  Philippe.  Il  rapporte  que  le  comte 
Théodose,  père  de  l'empereur  de  ce  nom, 
ayant  été  condamné  à  mort  par  un  motif 
d'envie,  à  cause  de  sa  valeur  et  parce  qu'il 
avait  subjugué  les  Maures,  demanda  d'être 
baptisé  à  Carthage,  pour  la  rémission  de  ses 
péchés  ;  et  qu'aussitôt  après  avoir  reçu  le  sa- 
crement de  Jésus-Christ,  il  présenta  avec  fer- 
meté sa  tête  au  bourreau,  assuré  de  l'éternité 
d'une  autre  vie. 
^  ^1^  .^  11.  On  trouve  dans  l'Apologie  qui  porte  le 
■°péu  e°°"  "°™  d'Orose  le  même  style  et  le  même  génie 
que  dans  l'Histoire  du  monde,  que  personne 
ne  lui  conteste.  Il  faut  ajouter  que  cette  Apo- 
logie lui  est  attribuée  dans  divers  manuscrits. 
Ceux  qui  ont  douté  qu'elle  fût  de  lui  se  sont 
fondés  sur  ce  qu'à  la  suite  de  ce  traité  il  se 
trouvait  divers  endroits  tirés  mot  à  mot  du 
livre  de  saint  Augustin  intitulé  de  la  Nature 
et  de  la  grâce ,  qu'Orose  ne  pouvait  pas  avoir 
vu.  Mais  on  convient  aujourd'hui  qu'ils  ne 
font  point  partie  de  l'Apologie  d'Orose,  avec 
laquelle  ils  n'ont  aucune  liaison.  Ce  qui  fait 
qu'on  les  a  retranchés  dans  les  dernières  édi- 
tions. 

12.  Orose  la  composa  non-seulement  pour 
elle  apoio-  détendre  son  mnocencs  que  Jean  de  Jérusa- 
lem attaquait  en  l'accusant  de  blasphème  ; 


mais  aussi  pour  faire  voir  l'impiété  de  l'hé- 
résie pélagienne.  Il  remarque  qu'elle  avait 
été  combattue  même  avant  sa  naissance  par 
saint  Cyprien,  saint  Hilaire  et  saint  Ambroise, 
dont  la  doctrine  est  entièrement  contraire  à 
celle  de  Pelage;  que  saint  Augustin  et  saint 
Jérôme  avaient  aussi  publié  plusieurs  écrits 
contre  cet  hérésiarque,  mais  sans  le  nom- 
mer ;  et  que  ce  qui  l'engageait  à  se  joindre 
à  ces  grands  hommes,  c'était  qu'il  voyait  Pe- 
lage défier,  comme  Goliath,  les  sei'viteurs  de 
Dieu,  et  leur  reprocher  depuis  longtemps 
une  lâche  timidité,  comme  s'ils  n'eussent  osé 
l'attaquer  nommément.  Orose  adressa  son 
Apologie  aux  prélats,  par  où  il  semble  enten- 
dre les  prêtres  de  Jérusalem,  avec  qui  il  avait 
assisté  à  la  conférence  tenue  en  cette  ville. 
Il  rapporte  ce  qui  s'y  passa  ;  puis  venant  à 
l'accusation  formée  contre  lui  par  l'évêque 
Jean,  il  proteste  n'avoir  jamais  dit  que 
l'homme  même  avec  le  secours  de  Dieu  ne 
peut  pas  être  sans  péché.  C'était  là  le  blas- 
phème dont  l'évêque  de  Jérusalem  l'accusait. 
Il  prend  Dieu  à  témoin  et  les  prêtres  de  cette 
assemblée,  qu'il  n'avait  rien  proféré  de  sem- 
blable, et  laisse  à  Dieu  de  juger  si  Jean  avait 
cru  trop  légèrement  l'erreur  qu'il  lui  repro- 
chait, ou  s'il  l'avait  inventée  par  malignité, 
ou  enfin  s'il  l'avait  tirée  de  quelques  mots 
qu'il  avait  mal  entendus  et  mal  compris  :  ce 
qui  était  facile ,  parce  que  l'évêque  n'enten- 
dait pas  le  latin,  qui  était  la  seule  langue  à 
l'usage  d'Orose.  Il  prend  occasion  de  l'accu- 
sation de  Jean,  d'expliquer  fort  au  long  sa 
doctrine  sur  la  nécessité  de  la  grâce  ;  ce  qu'il 
fait  d'une  manière  conforme  à  ce  que  saint 
Jérôme  enseigne  sur  ce  sujet ,  auquel ,  sans 
doute,  il  avait  communiqué  son  Apologie 
avant  de  la  rendre  publique.  Il  appuie  ce 
qu'il  dit  sur  la  grâce,  d'un  grand  nombre  de 
passages  de  l'Ecriture ,  et  se  moque  de  Pe- 
lage, qui  avait  osé  avancer  qu'il  était  sans 
tache  et  sans  péché.  Pour  lui,  il  demeure 
d'accord  que  l'homme  avec  le  secours  de  la 
grâce,  peut  vivre  sans  péché  ;  mais  il  soutient 
que  cela  n'est  jamais  arrivé  et  n'arrivera  ja- 
mais, et  que  ce  n'est  point  l'état  de  l'homme 
en  cette  vie.  Il  est  dit  toutefois  de  Job  qu'il 
était  sans  crime  ,  et  il  objecte  que  saint  Paul 
en  parlant  des  qualités  d'un  évêque,  marque 
qu'il  faut  qu'il  soit  sans  crime.  Mais  Orose  xi„„ih,,. 
distingue  entre  crime  et  péché.  Le  péché 
consiste  dans  la  pensée  :  on  connaît  le  crime 
par  l'action.  11  donne  des  preuves  de  la  force 
de  la  grâce  dans  la  conversion  des  Gentils, 


6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


montrant  par  divers  passages  que  le  libre 
arbitre  nu  peut  faire  le  bien  sans  ce  secours. 
II  finit  son  Apologie  en  prenant  à  témoin  Jé- 
sus-Christ ',  qu'il  hait  l'hérésie  et  non  l'héré- 
tique ;  «  mais,  ajoute-t-il,  à  cause  de  l'héré- 
sie, j'évite  l'hérétique,  puisque  après  l'avoir 
repris,  il  n'a  point  voulu  se  corriger.  Que 
s'il  veut  détester  son  hérésie,  et  la  condam- 
ner de  la  bouche  et  de  la  main,  je  m'atta- 
cherai à  lui  par  tous  les  liens  de  l'union  fra- 
ternelle. » 
Lettre     I       -13.  Nous  ne  répéterons  point  ici  ce  que 

saint  Augus-  t.,       -i,  i  '  •  •/-. 

tm.  Ouvrages   nous  avous  dit  ailleurs  du  mémoire  qu  Orose 

faussement  ■* 

attribués    à   présButa  en  forme  de  lettre  à  saint  Augustin, 

Orose.  ^  ^ 

étant  avec  lui  en  Afrique  en  415.  On  lui  a 
attribué  un  commentaire  sur  les  Cantiques  et 
un  traité  des  Hommes  illustres,  mais  on  croit 
§9.  que  ce  dernier  ouvrage  est  d'Honorius  d'Au- 

tun,  et  l'autre  d'un  écrivain  du  même  nom^. 
h' Histoire  universelle  d'Orose  a  été  imprimée 
à  Cologne  en  1526,  1536,  1561,  1572,  1582, 
1613,  in-8»,  et  à  Paris,  en  1574  et  1589,  d'où 
elle  est  passée  dans  les  Bibliothèques  de  Paris, 
de  Lyon,  [et  dans  \ti  Bibliothèque  de  Galland, 
tome  IX.]  On  y  trouve  aussi  son  Apologie  qui 
fut  imprimée  avec  l'épitre  de  saint  Jérôme  à 
Ctésiphon,   contre  Pelage,    à    Louvain,   en 


Vo;cz  toni. 
art.   IX, 


1558,  à  Cologne  en  1572,  et  à  Paris  en  1639. 
Le  Mémoire  d'Orose ,  touchant  les  erreurs 
des  origénistes  et  des  priscillianistes ,  se 
trouve  dans  les  diverses  éditions  des  œuvres 
de  saint  Augustin.  [Le  tome  XXXI  de  la 
Patrologie  latine  reproduit  les  œuvres  de  Paul 
Orose  d'après  l'édition  d'Havercamp,  de Leyde 
1738.  On  y  trouve  :  1°  une  dédicace  au  roi  de 
Norwège  ;  2°  une  préface  de  l'éditeur  ;  3°  les 
préfaces  et  les  dédicaces  des  diverses  édi- 
tions; 4°  une  notice  sur  Orose  par  Galland; 
5°  un  fac-similé  du  manuscrit.  Viennent  en- 
suite les  Histoires  avec  les  nombreuses  et  sa- 
vantes notes  d'Havercamp  et  les  médailles 
dont  il  a  enrichi  son  édition.  Ces  médailles 
très-bien  exécutées  sont  au  nombre  de  deux 
cent  soixante  sept,  et  forment  un  véritable 
cours  de  numismatique  pour  cette  époque. 
Le  livre  apologétique  contre  Pelage  et  la 
lettre  consultative  à  saint  Augustin  contre  les 
priscillianistes  suivent  les  Histoires.  La  lettre 
consultative  est  donnée  d'après  Galland  avec 
ses  noies.  Morner  a  publié  en  1844,  à  Berlin, 
un  excellent  ouvrage  sur  Orose  intitulé  :  De 
Orosii  vita  ejusque  historiarum  libris  septem 
adversus  pelagianos,  1  vol.  in-8°.] 


CHAPITRE  II. 

Saint  Pierre  Chrysologue,  archevêque  de  Ravenne. 

[Docteur  de  l'Eglise,  après  l'an  449.] 


Son  éduca- 
tion, 


1 .  Saint  Pierre  que  l'on  a  surnommé  Chry- 
sologue, comme  si  toutes  les  paroles  dont 
ses  discours  sont  composés  étaient  d'or,  fut 
élevé  dans  la  pratique  ^  des  exercices  de  la 
vie  monastique,  sous  la  conduite  de  Cor- 
neille, qu'il  qualifie  *  un  homme  illustre 
pour  sa  vie,  en  qui  brillaient  toutes  les  ver- 
tus, et  qui  s'était  fait  connaître  de  tout  le 
monde  par  ses  grandes  actions.  Il  l'appelle  ^ 
son  père,  parce  qu'il  l'avait  engendré  par 
l'Evangile,  nourri  dans  toute  la  piété  qu'il 
pratiquait  lui-même  excellemment,  et  qu'il 


lui  avait  appris  à  servir  Dieu  d'une  manière 
toute  sainte.  Ce  fut  le  même  Corneille  qui 
étant  devenu  évêque,  le  présenta^  aux  saints 
autels,  et  le  consacra  pour  y  servir. 

2.  On  ne  sait  point  comment,  ni  en  quel 
temps  saint  Pierre  fut  choisi  évêque  de  Ra- 
venne ;  on  sait  seulement  qu'il  pratiqua, 
étant  évêque,  les  mêmes  exercices  qu'il  avait 
pratiqués  dans  le  monastère;  qu'il  atténuait' 
son  corps  par  les  jeûnes;  qu'il  oEFrait  à  Dieu 
pour  les  péchés  de  son  peuple,  ses  aumônes 
et  ses  larmes  ;  qu'on  venait  à  Ravenne  de 


1  Ego,  teste  Jesu  Chrisio,  odisse  me  fateor  hœresirrij 
non  hœreticum  ;  sed  sicut  j'usfum  est,  intérim  propter 
hœresim,  hœreticum  vito;  quia  et  prohibui  et  corripui. 
Deiestetur  et  damnet  are  pariter  ac  manu,  et  cunctis 
fraternitatis  vinculo  hœrebit.  Orosius,  Apolog-,  pag. 
458. 


2  Vossius,  de  Hist.  latin.,  lih.  II,  cap.  xiv. 

3  Chrysol.,  serm.  107. 

'>  Idem,  serm.  165.  —  ^  Ibid. 

6  Ibid. 

'  Serm.  107. 


[V  SIÈCLE.] 

toutes  parts  et  des  pays  les  plus  éloignés, 
pour  y  être  témoins  de  ses  vertus,  dont  il 
donnait  des  règles  autant  par  son  exemple 
que  par  ses  paroles;  qu'il  était  regardé 
comme  le  gardien  de  la  foi,  et  qu'il  faisait 
revivre  en  sa  personne,  l'apôtre  dont  il  por- 
tait le  nom,  invitant  au  salut  par  l'exemple 
de  sa  sainteté,  ceux  qui  étaient  submergés 
parles  flots  de  l'erreur,  et  enfermant  dans 
les  filets  de  sa  doctrine,  un  grand  nombre 
d'hommes,  non  pour  leur  ôter  la  vie,  mais 
pour  leur  donner  celle  de  la  foi  ;  enfin  qu'il 
expliquait  à  son  peuple,  d'une  manière  fort 
claire,  les  difficultés  mystérieuses  des  livres 
saints,  semant  en  même  temps  dans  les  cœurs 
de  ceux  qui  l'écoutaient,  les  préceptes  de  la 
justice. 
Ravennede-       3.  Dès  l'an  408,  Ravcune  était  métropole 

eut    mélro-  .  ^^,  .     .  .  , 

.leecciésias-   civilc  dc  la  nrovmce  Flammie,  comprise  dans 

3ue     avant  ^        .  ,  .        i  i 

10  431.  la  Gaule  cisalpme,  que  1  on  nommait  alors  le 
vicariat  d'Italie  ;  mais  son  évêque  dépendait 
de  celui  de  Milan,  comme  de  son  métropoli- 
tain. Elle  fut  tirée  de  cette  dépendance  quel- 
ques années  après  par  un  décret  '  du  Pape 
et  de  l'empereur,  qui  lui  accordèrent  le  droit 
de  métropole  ecclésiastique.  C'était,  ce  sem- 
ble, avant  l'an  431,  puisque  saint  Pierre 
Chrysologue  ^  consacra,  en  sa  qualité  de  mé- 
tropolitain, Projectus,  évêque  d'Imola,  légat 
au  concile  d'Ephèse,  de  la  part  du  pape  saint 
Célestin. 

Qip.crra  4.  Eu  448,  saiut  Germain  d'Auxerre  ayant 
çoir'Tini  entrepris  le  voyage  de  Ravenne,  pour  obtenir 
ermain  en  ^  ^^  provluce  de  Brclague  qu'elle  ne  fût  pas 
ravagée  par  Cocharich,  roi  des  Allemands,  fut 
reçue  ^  avec  beaucoup  d'affection  et  de  respect 
par  saint  Pierre  Chrysologue  ;  il  en  reçut  aussi 
après  sa  mort,  tous  les  honneurs  religieux 
qui  pouvaient  se  rendre  en  pareilles  occa- 
sions; et  ce  saint  s'estima  fort  heureux  d'hé- 
riter de  saint  Germain,  sa  coule  et  son  cilice. 

11  écrit  à       ^-  ^^^5  le  commencement  de  l'année  sui- 
.«ijrcbes.       Yante  449,  saint  Chrysologue  reçut  de  l'hé- 

e  de   résiarque  Eutychès  une  lettre  circulaire  pour 

jÎΰit'mo'   ^^®  principaux  évêques  de  l'Egfise,  dans  la- 

ig.  35.         quelle  il  se  plaignait  du  jugement  de  Flavien 

de  Constantinople.  La  réponse  que  lui  fit  le 

saint  évêque  est  du  mois  de  juin.  Il  y  témoi- 


CHAPITRE  II.  —  SAINT  PIERRE  CHRYSOLOGUE. 


gne  à  Eutychès  sa  douleur  de  voir  que  les 
disputes  sur  un  mystère  aussi  bien  établi 
que  celui  de  l'Incarnation,  ne  finissaient 
point.  «  Car  comme  la  paix  des  Eglises  nous 
donne,  lui  dit-il,  une  joie  céleste,  de  même 
la  division  nous  afflige,  surtout  quand  elle  a 
de  semblables  causes.  Les  lois  humaines  par 
un  laps  de  trente  ans,  éteignent  tous  les  dif- 
férends des  hommes,  et  après  tant  de  siècles 
on  dispute  sur  la  génération  de  Jésus-Christ, 
que  la  loi  divine  nous  propose  comme  inex- 
plicable. Vous  n'ignorez  pas  dans  quels  éga- 
rements s'est  jeté  Origène  en  recherchant  les 
principes,  et  Nestorius  en  disputant  des  na- 
tures. Les  Mages  ont  reconnu  Jésus-Christ 
pour  Dieu  dans  son  berceau,  et  des  prêtres 
par  un  procédé  auquel  on  ne  peut  penser 
qu'avec  douleur,  demandent  aujourd'hui  qui 
est  celui  qui  est  né  de  la  Vierge  et  du  Saint- 
Esprit  ?  »  Saint  Pierre  rapporte  le  témoignage 
que  les  anges  rendirent  à  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ dans  le  temps  de  sa  naissance 
temporelle  ;  et  celui  que  lui  rend  saint  Paul 
dans  plusieurs  de  ses  épîtres.  Puis  il  ajoute  : 
«  J'ai  répondu  en  peu  de  mots  à  vos  lettres, 
mon  frère,  et  je  me  fusse  plus  étendu,  si 
notre  frère  Flavien  m'eût  écrit  sur  cette  af- 
faire :  car,  puisque  vous  vous  plaignez  vous- 
même  de  n'avoir  pas  été  entendu,  comment 
pouvons-nous  juger  de  ce  que  nous  n'avons 
ni  vu  ni  appris  de  ceux  qui  étaient  présents? 
Celui-là  n'est  point  un  médiateur  équitable, 
qui  entend  tellement  une  partie,  qu'il  refuse 
d'écouter  l'autre.  Je  vous  *  exhorte  donc  de 
vous  soumettre  en  tout  à  ce  qui  a  été  écrit 
par  le  bienheureux  Pape  de  Rome  ;  car  saint 
Pierre  qui  vit  et  préside  dans  son  Siège, 
donne  la  vraie  foi  à  ceux  qui  la  cherchent. 
Pour  ce  qui  est  de  nous,  notre  affection  pour 
la  pais  et  pour  la  foi,  ne  nous  permet  pas  de 
juger  les  causes  de  la  foi,  sans  le  consente- 
ment de  l'évêque  de  cette  ville.  »  C'est  de 
saint  Léon  dont  il  parle  et  de  sa  lettre  à  Fla- 
vien. Saint  Chrysologue  vivait  donc  encore 
après  le  13  de  juin  de  l'an  449,  auquel  cette 
lettre  fut  écrite. 

6.  Mais  depuis  ce  temps-là  il  n'est  plus  fait     ^^     ^^^, 
mention  de  lui  dans  l'histoire  ^.  On  met  sa  ^p"^  *"• 


1  Chrysolog.,  serm.  175.  —  2  Idem,  serm.  165. 

3  Surius,  ad  diem  31  jul. 

*  In  omnibus  autem  hortamur  te  ut  his  quœ  a  bea- 
tissimo  papa  romanœ  civitatis  scripta  suni  ohedienter 
attendas,  quoniam  beatus  Petrus  qui  in  propria  sede 
et  vioit  et  prœsidet,  prœstat  quœrentibus  fidei  ve- 
ritatem.    Nos  enim  pro  studio  pacis  et   fidei  extra 


consensum  romanœ  civitatis  episcopi  causas  fidei  au- 
dire  non  possumus.  S.  Ghrysol.,  Epist.  ad  Eutijch., 
tom.  IV  Concil.,  pag.  37. 

s  Voyez  sur  la  vie  de  saint  Ciirysologue  l'oiiTrage 
intitulé  :  Descriptio  et  explicatio  Patenœ  S.  Pétri 
Chrysolog.  a  Jounne  Pastritio,  à  Rome  1706,  in-4°, 
surtout  depuis  la  page  72. 


8 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mort  au  2  décembre  ;  et  c'est  en  ce  jour  que 
l'Eglise  de  Ravenne   célèbre    sa   mémoire. 
Dans   un   de  ses  sermons   qui   est  le   cent 
quarante  -  cinquième  ,  il   compte  '  environ 
cinq  cents  ans  depuis  la  naissance  de  Jésus- 
Christ,  ce  qui  pourrait  donner  lieu  de  croire 
ou  que  l'évêque  Pierre,  contemporain  d'Eu- 
tycbès,  est  diflférent  de  celui  dont  nous  avons 
les  discours,  ou  que  cet  évéque  aurait  vécu 
jusque  sur  la  fin  du  cinquième  siècle,  et  sous 
le  règne  de  Théodoric.  Mais  nous  avons  déjà 
fait  remarquer  plus  d'une  fois  que  les  anciens 
étaient  peu  exacts   dans   ces  supputations, 
surtout  lorsqu'ils   les   faisaient    en   chaire. 
Ainsi,  il  ne  faut  pas  prendre  à  la  rigueur  ce 
que  saint  Chrysologue  dit  du  nombre   des 
années  écoulées  depuis  la  naissance  du  Sau- 
veur jusqu'à  son  temps.  Le  discours  où  il 
fait  ce  calcul  est  même  une  preuve  de  sa 
fausseté  ;  car  il  est  de  même  style  que  la 
lettre  à  Eutychès.  Or,  saint  Chrysologue  l'é- 
crivit en  449,  lorsqu'il  était  déjà   évéque. 
Dira-t-on  que  cinquante  ans  après,  il  faisait 
encore  les  fonctions  de  prédicateur?  Il  n'in- 
sinue dans  aucun  de  ses  discours,  qu'il  ait 
vécu  sous  un  prince  arien  tel  qu'était  Théo- 
doric; au  contraire,  il  fait  l'éloge  des  princes 
sous  lesquels  il  vivait,  comme  faisant  profes- 
sion de  la  foi  catholique,  comme  s'étant  em- 
ployés ^  à  faire  donner  à  l'Eglise  de  Ravenne 
la  dignité  de  métropole  :  il  dit  encore  ^  qu'il 
prêchait  un  jour  en  présence  d'une  impéra- 
trice catholique,  mère  de  trois  enfants,  c'est- 
à-dire  de  Placidie,  mère  de  Valentinien,  et 
de  deux  filles^  Placidie  et  Eudoxie.  C'était 
donc  avant  le  27  de  novembre  de  l'an  450, 
jour  auquel  cette  impératrice  mourut;  mais  ce 
qui  prouve  qu'il  était  mort  lui-même  avant 
l'année  458,  c'est  la  lettre  que  saint  Léon 
écrivit  au  plus  tard  en  cette  année  à  Néonas 
son  successeur  *  dans  l'archevêché  de  Ra- 
venne. 
Be;t,eii  de       1-  Nous  avoHs  sous  le  nom  de  saint  Pierre 
s^fissoïïS  Chrysologue,   cent   soixante-seize   sermons, 
'""  '"'■  recueillis  et  mis  dans  l'ordre  où  ils  sont  au- 

jourd'hui par  Félix,  archevêque  de  Ravenne, 
vers  l'an  708.  11  mit  à  la  tête  de  cette  collec- 
tion un  petit  prologue,  où  il  faisait  l'éloge  de 


ces  discours  et  de  leur  auteur  ^  ;  si  elle  est 
du  commencement  du  huitième  siècle , 
comme  on  prétend  le  prouver  par  plusieurs 
manuscrits,  il  ne  faut  pas  penser  à  attribuer 
les  sermons  soixante-sept,  soixante-huit,  soi- 
xante-dix, soixante  -  onze  et  soixante-douze 
à  saint  Pierre  Damien,  qui  a  vécu  long- 
temps après  Félix  de  Ravenne.  Le  cent  soi- 
xante-septième est  un  éloge  des  vertus  de 
saint  Chrysologue  :  on  ne  peut  donc  soutenir 
qu'il  soit  de  lui.  Le  cent  quarante-neuvième 
porte  quelquefois  le  nom  de  Sévérien,  appa- 
remment de  Gabales  :  le  style  en  parait  plus 
conforme  à  celui  de  saint  Chrysologue,  ne 
fût-ce  que  par  l'entassement  de  plusieurs 
phrases  l'une  sur  l'autre,  qui  ne  signifient 
que  la  même  chose.  Quelques-uns  voudraient 
aussi  lui  ôter  le  cent  vingt-neuvième  sur 
saint  Cyprien,  et  le  cent  trente-cinquième 
sur  saint  Laurent,  à  cause  de  la  différence 
du  style  qui  paraît  en  effet  plus  net  et  plus 
naturel  que  celui  de  saint  Chrysologue. 

8.  Tous  ses  sermons  sont  courts  ;  il  crai-     wée  de  m 

sermoDE. 

gnait  de  leur  donner  trop  d'étendue  *  de 
peur  d'ennuyer  et  de  fatiguer  plutôt  ses  au- 
diteurs que  de  les  instruire.  C'est  pour  cela 
qu'ayant  à  traiter  une  matière  qui  demandait 
beaucoup  de  temps,  il  aimait  mieux  la  par- 
tager en  plusieurs  discours  que  la  traiter 
dans  un  seul  qui  aurait  dépassé  le  temps  qu'il 
se  prescrivait  ordinairement  pour  parler.  Il 
lui  arrivait  souvent  ''  de  prêcher  trois  fois  le 
jour  ;  mais  il  prêchait  rarement  dans  les 
grandes  chaleurs  ^,  pour  ne  pas  trop  incom- 
moder le  peuple  qui  venait  en  foule  pour 
l'entendre  ;  il  en  usait  de  même  '  au  jour  de 
Noël,  peut-être  à  cause  de  la  longueur  de 
l'office.  Il  s'excuse  en  un  endroit '"  de  n'avoir 
point  prêché  le  jour  du  vendredi  saint,  disant 
que  sa  parole  était  demeurée  morte  et  en- 
sevelie avec  celui  de  qui  il  l'avait  reçue.  11 
marque  "  dans  un  autre,  qu'en  parlant  de  l'Hé- 
mori-hoïsse,  il  était  demeuré  court,  et  qu'en 
cette  occasion  il  avait  reconnu  l'amour  que 
ses  peuples  avaient  pour  lui,  par  la  pâleur 
qui  parut  sur  leurs  visages,  par  leurs  cris, 
par  leurs  larmes,  parles  prières  qu'ils  adres- 
sèrent à  Dieu.  Ce  sermon  est  apparemment 


'  Christus  circa  yuingentos  annos  nativitatis  suœ  ">  Léo.,  Epist.  135. 


causas  prœstat.  Serin.  115. 

2  Décréta  beati  Pétri  et  décréta  principis  christiani. 
Serm.  175. 

3  Adest  etiam  ipsa  mater  christiani,  perennis,  et 
fidetis  imperatoris,  quœ  possidere  augustam  meruit 
trinitatem.  Serm.  130. 


^  Oudin,  tom.  I  Script.  Eccles.,  pag.  1251. 

6  Serm.  120,  122,  36  et  86. 

'  Serm.  115  et  116. 

8  Serm.  5).  —  9  Serm.  146. 
1»  Serm.  77. 
"  Serm.  86. 


[V^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IL  —  SAINT  PIERRE  CHRYSOLOGUE. 


9 


le  trente-cinquième  où  il  traite  de  l'Hémor- 
rhoïsse,  et  qui  n'est  pas  achevé.  Dans  le  sui- 
vant, le  saint  évêque  crut  devoir  consoler 
son  peuple  de  cet  accident  ;  il  le  fit  en  ces 
termes  '  :  «  Les  discours  ordinaires  ayant  la 
raison  humaine  pour  principe,  obéissent  à 
cette  raison,  et  l'esprit  en  est  le  maître  ;  mais 
les  discours  de  piété  sont  en  la  main  de  Dieu 
qui  les  donne,  et  non  de  celui  qui  les  pro- 
nonce. La  parole  divine  commande  et  n'obéit 
pas,  parce  que  c'est  Dieu  même.  Ainsi,  celui 
qui  fait  parler,  fait  aussi  taire,  et  ses  ministres 
l'ont  dans  la  bouche,  non  quand  il  leur  plaît , 
mais  quand  il  leur  veut  faire  cette  grâce. 
Recevez-la  donc  quand  elle  se  donne;  quand 
elle  se  refuse,  attendez  et  priez  :  car  celui 
qui  parle  reçoit  à  proportion  du  mérite  ou 
du  besoin  de  ceux  qui  l'écoutent.  Zacharie 
ne  dédaigne  pas  de  recouvrer  par  son  fils  la 
parole  qu'il  avait  perdue.  Et  vous,  mes  en- 
fants, priez  aussi  afin  que  je  reçoive  la  grâce 
de  la  parole.  Du  reste,  ne  soyons  pas  ingrats 
envers  Dieu,  et  ne  nous  plaignons  pas,  s'il  a 
voulu  que  nous  nous  soyons  tus  une  fois, 
après  nous  avoir  toujours  fourni  une  source 
abondante  de  sa  parole.  » 

La  plupart  des  sermons  de  saint  Chryso- 
logue  sont  sur  l'Ecriture  dont  il  explique  le 
texte  avec  autant  d'agrément  que  de  netteté. 
Il  en  donne  ordinairement  le  sens  littéral, 
puis  l'allégorique,  auquel  il  joint  quelques 
réflexions  morales.  Il  explique  l'Ecriture, 
non  de  suite,  mais  ce  qu'on  en  avait  lu  dans 
l'Eglise  le  jour  qu'il  prêchait.  Il  y  a  aussi 
des  discours  où  il  traite  exprès  du  jeûne,  de 
l'aumône,  de  la  prière,  de  l'Oraison  domini- 
cale, du  Symbole  ;  d'autres  où  il  déclame 
contre  l'hypocrisie,  l'envie,  l'avarice.  Il  y  en 
a  peu  de  dogmatiques;  ce  n'est  que  comme 
en  passant  qu'il  s'explique  sur  quelques-uns 
de  nos  mystères.  Il  a  fait  toutefois  des  homé- 
lies sur  les  jours  de  Noël,  de  l'Epiphanie  et  de 
Pâques.  Nous  en  avons  aussi  de  lui  sur  les 
fêtes  des  Innocents,  de  saint  André,  de  saint 
Thomas,  de  saint  Jean-Baptiste,  de  saint  Mat- 
thieu, de  saint  Etienne,  de  saint  Laurent,  de 
saint  Cyprien ,  de  saint  A  poUinaire ,  et  de  quel- 


ques autres.  Tous  ces  discours  paraissent 
travaillés,  les  termes  en  sont  choisis,  mais 
souvent  peu  usités,  les  comparaisons  justes, 
les  descriptions  suivies,  ce  qui  suppose  de 
l'étude  et  de  la  réflexion.  Il  en  a  fallu  aussi 
pourune  quantité  de  jeux  de  mots,  qui  parais- 
sent avoir  été  du  goût  de  saint  Chrysologue. 
la  plupart  de  ses  pensées  sont  belles  ;  mais 
il  y  en  a  qui  cessent  de  plaire  quand  on  les 
approfondit ,  d'autres  qui  sont  tirées  de  loin 
et  qui  viennent  moins  bien  au  sujet.  Son 
style  est  extrêmement  serré  et  coupé,  ce  qui 
le  rend  obscur  et  embarrassé.  Il  y  a  trop  de 
tours,  et  trop  peu  de  naturel.  Il  prêcha  le 
cent  trente-huitième  discours  dans  un  diocèse 
étranger,  à  la  prière  d'un  évèque  qu'il  ap- 
pelle le  père  et  le  maître  commun.  Etait-ce 
le  Pape?  ou  quelque  autre  évêque  au-dessus 
des  autres  par  ses  vertus  ou  par  son  savoir  ? 
C'est  sur  quoi  nous  ne  pouvons  rien  affirmer. 
Il  témoigne  dans  ce  discours  un  grand  fonds 
d'humilité  et  de  modestie  ;  il  en  fait  paraître 
dans  tous  les  autres,  traitant  ses  auditeurs 
avec  autant  de  ménagement  que  de  charité. 
Nous  donnerons  de  suite  ce  qui  nous  y  a  paru 
de  plus  intéressant. 
9.  «  C'est,  dit-il,  par  l'esprit  ^  de  Dieu  que     caqu-uj» 

1  l't  A  'j'Li»  •  -,      de  remarqua- 

les  prophètes  ont  prédit  l  avenir,  que  saint   bie  d^s  ics 

PI        n-,        1       1,1  ,       .        sermons      de 

lerre  a  connu  que  le  tus  de  1  homme  était   saim  cbryso- 

•     n-i         1  T-.'  •  .  ,  T  logue         sur 

aussi  l^iJs  du   Dieu   vivant,  et  c  est  Jésus-  iiicnture,  u 

_,,      .  .  ,  ,  Trinité,  l'In- 

Christ  qui  a  opère  et  parle  dans  saint  Paul,    carnation,  le 

,  ,    ,  pèche    onp- 

L  un  de  ces  prophètes  a  composé  des  psau-  ""'• 
mes,  dans  lesquels,  après  nous  avoir  décou- 
vert les  maladies  les  plus  secrètes  de  nos 
âmes,  il  en  prescrit  les  remèdes,  les  propor- 
tionnant par  une  modération  pleine  de  piété, 
à  la  différence  des  âges  et  des  conditions.  ,> 
On  chantait  les  Psaumes  ^  dans  l'église. 
Saint  Chrysologue  regarde  le  premier  comme 
la  préface,  comme  la  clef  de  tous  les  autres; 
il  paraît  persuadé  que  quand  on  en  pénètre 
le  sens,  on  vient  aisément  à  bout  d'entrer 
dans  les  mystères  que  les  autres  renferment. 
Celui  de  la  sainte  Trinité  est  développé  * 
dans  les  premières  paroles  du  Symbole  :  Je 
crois  en  Dieu  le  Père  tout-puissant.  Ce  symbole 
dit  Dieu,  et  non  les  dieux,  parce  que  la  foi 


1  Serm.  86. 

2  Vbi  sunt  prophetœ  per  Dei  Spiritum  prophetantes? 
Ubi  cui  Pater  révélât  ?  Vbi  Paulus  in  quo  operatur  et 
loquitur  Christus?  Serm.  97. 

^  Psalmus  quem  hodie  cantavimus  psalmorum  prœ- 
fatio  est,  toia  causa  sequentium  canticorum...  Iste 
psalmus  ubi  reseraverit  aditus  inielligentiœ  primas, 
psalmorum  omnium  pandit  mysterium.  Serm.  44. 


*  Credo  iu  Deum  Patrem  omnipotentein.  Hœc  vox 
totum  Trinitatis  fatetur  et  aperit  sacramentum.  Deum 
dicit,  non  deos,  quia  unum  Deum  in  Trinitate  crédit 
christiana  fides  ;  scit  Patrem,  sait  Filium,  scit  Spiri- 
tum Sanctum,  Deos  nescit  ;  divinitas  in  personis  trina 
est,  sed  una  est  in  Trinitate  diuinitas  :  personis  trini- 
tas  distincta  est,  non  est  divisa  substantiis.  Serm.  60. 


10 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


chrétienne  croit  en  Diea  dans  la  Trinité. 
Elle  sait  le  Père,  elle  sait  le  Fils,  elle  sait  le 
Saint-Esprit;  mais  elle  ne  connaît  point  les 
dieux.  La  divinité  est  dans  les  trois  person- 
nes; mais  il  n'y  a  qu'une  divinité  dans  la 
Trinité.  La  Trinité  est  distinguée  par  les  per- 
sonnes; mais  elle  n'est  point  divisée  par  les 
substances.  Dieu  est  un,  mais  en  trois  per- 
sonnes. La  Trinité  '  est  un  seul  Dieu;  la  ma- 
jesté est  une  et  égale  dans  le  Père,  le  Fils  et 
le  Saint-Esprit  :  Dieu  est  le  nom  de  la  Tri- 
nité. La  confession  ^  de  la  Trinité  est  parfaite 
quand  nous  confessons  fidèlement  que  le 
Saint-Esprit  est  de  la  même  substance  que 
le  Père  et  le  Fils.  Dieu  le  Père  n'a  pas  en- 
gendré 3  son  Fils  dans  le  temps,  parce  qu'il 
ne  connaît  point  de  temps,  mais  il  a  telle- 
ment engendré  de  lui-même  son  Fils,  que 
tout  ce  qui  était  en  lui,  devait  être  et  de- 
meurer dans  le  Fils.  Ce  Fils  s'est  tellement 
fait  homme  *,  qu'il  est  demeuré  Dieu,  et  il 
est  tellement  mort,  que  par  sa  mort,  il  a 
rendu  la  vie  à  ceux  qui  étaient  morts  depuis 
le  commencement  :  car  Jésus  ^,  c'est-à-dire 
le  Sauveur,  est  appelé  avec  justice,  le  salut, 
parce  que  c'est  lui  qui  a  donné  l'être  aux 
choses,  et  qui  les  a  rachetées  lorsqu'elles 
périssaient.  Nous  disons  dans  le  Symbole, 
que  nous  croyons  au  Fils  unique  du  Père.  Il 
est  en  effet  Fils  unique  :  ce  qu'il  accorde  aux 
autres  par  la  grâce,  il  le  possède  par  sa  na- 
ture unique.  Ce  n'était  point  une  nécessité  * 
au  Christ  de  naître;  en  cela  il  a  plutôt  fait 


voir  sa  puissance.  Sa  naissance  a  été  un 
mystère  de  piété,  et  non  pas  une  diminution 
de  la  divinité;  elle  a  été  la  réparation  du  sa- 
lut des  hommes,  et  non  pas  une  diminution 
de  la  substance  divine.  Jésus-Christ  naît, 
afin  qu'en  naissant,  il  remette  en  son  en- 
tier, la  nature  corrompue;  il  porte  l'homme 
afin  que  l'homme  ne  puisse  plus  tomber.  Les 
hommes  ^  blessés  par  le  péché  du  premier 
homme,  perdaient  tout  leur  sang,  ils  allaient 
originairement  à  la  mort;  cette  blessure 
iQortelle  causait  la  ruine,  non-seulement  des 
grands,  mais  encore  des  petits;  non-seule- 
ment des  coupables,  mais  aussi  des  inno- 
cents, c'est-à-dire  de  ceux  qui  n'étaient 
point  coupables  de  leur  propre  faute,  mais 
qui  l'étaient  de  celle  de  leurs  parents,  et 
dont  la  condition  était  d'autant  plus  déplora- 
ble, qu'ils  expiaient  la  peine  d'un  père, 
ayant  à  peine  goûté  la  vie  qu'ils  avaient  re- 
çue de  lui,  et  la  faute  d'un  monde  qu'ils  ne 
connaissaient  pas.  0  dure  *  et  cruelle  suc- 
cession, à  laquelle  il  ne  nous  est  pas  même 
permis  de  renoncer!  Si  la  nature  humaine  ^ 
avait  pu  se  secourir  elle-même.  Dieu  ne  se 
serait  pas  fait  homme.  Mais,  qu'est-ce  que 
ce  péché  qui  est  entré  dans  le  monde  par  la 
prévarication  d'Adam,  ce  péché  de  la  nature 
humaine?  On  peut  dire  '"  qu'il  est,  par  rap- 
port à  cette  nature,  ce  qu'est  la  fumée  par 
rapport  aux  yeux,  la  fièvre  à  l'égard  du 
corps,  un  sel  amer  à  l'égard  d'une  fontaine 
d'eau  douce.  L'œil  de  sa  nature  est  pur  et 


*  Trinilas  Deus  unus  est,  in  Pâtre  et  Filio,  et  Spi- 
ritu  Sancto  ;  una  est  tota  œqualitate  mai'estas;  Deus 
Trinitatis  nomen  est.  Serm.  83. 

3  Nunc  perfecta  est  tua  in  Trinitate  confessio,  quando 
Spiritum  Sanctum  unius  cum  Pâtre  et  Filio  sutjstan- 
tiœ  fideli  voce  confessus  est.  Serm.  58.   ■ 

3  Deus  Pater  non  genuit  in  lempore,  quia  tempus 
ignorât;  non  dédit  initium  qui  initium  nescit ;  sed 
sic  genuit  ex  se  Filium,  ut  totum  quod  in  se  erat, 
esset  et  maneret  in  Filio.  Serm.  60. 

'  Christus  sic  homo  factus  est,  ut  quod  Deus  est 
permanerei  :  sic  est  mortuus,  ut  mortuos  totis  sœculis 
sua  resuscitaret  ex  morte.  Serm.  83. 

5  Et  Jésus  quideni,  id  est  Salvafor,  recte  dicilur 
salus,  quia  et  dédit  rébus  esse,  et  idem  pereuntihus 
dat  saiutem.  Filium  ejas  iinicum.  In  se  est  unicus 
Filius,  qui  quod  aliis  per  suam  graiiam  donat,  ipse 
sibi  unicam  possidet  per  naturam.  Serm.  59. 

s  Nasci  Christum  nécessitas  non  fuit,  sed  potestas  : 
sacramentum  pietatis  fuit,  Deitatis  non  fuit  detri- 
mentum  ;  reparatio  salutis  humanœ,  imminutio  subs- 
iantiœ  non  fuit  hoc  divinœ.  Nascitur  Christus  ut  nas- 
cendo  corruptam  redintegret  naturam  ;  portât  liominem, 
ne  jam  cadere  homo  possit.  Serm.  148. 

'  Jsta  est   Ecclesia  quœ  primi  hominis  vulnerata 


peccato,  tota  afjluebat  sanguine,  tota  originaliter  de- 
currebat  in  mortem.  Serm.  35.  Quia  prœvaricatio  Âdœ 
non  tantum  magnos,  sed  devorabat  et  parvulos  ;  et 
non  tantum  noxios,  sed  et  devastabat  innoxios  ;  inno- 
xios  dico  a  culpa  propria,  non  parentls;  ethinc  gravius 
erat  lamentanda  conditio,  quia  ejus  parentis  solvebat 
pœnam,  cujus  vix  vitam  degustarat  infantulus,  et  lue- 
bat  peccatum  mundi  qui  mundum  cognitum  non  ha- 
bebat.  Serm.  112. 

8  0  dura  hereditas  ac  crudelis  I  nec  renuntiare  nos 
licuit  heredes.  Ibid. 

9  Si  sibi  ipsa  per  se  natura  subvenire  potuissel, 
numquam  eam  ad  reparandum  in  se  auctor  ipse  susce- 
pisset.  Ibid. 

1»  Hoc  est  peccatum  naturce  quod  est  fumus  oculis, 
quod  febris  corpori,  quod  dulcissimis  fontibus  amara 
salsedo.  Utique  purus  et  lucidus  est  oculus  per  natu- 
ram, sed  per  fumi  conturbatur  et  obscuratur  inju- 
riant :  ac  corpus  membrorum  partibus  et  sensibus  suis, 
per  hoc  quod  est  a  Deo  condiium  vigei,  sed  ubi  vis  fe- 
brium  cœperit  et  procella  dominarit,  totum  efficitur 
imbecillum  ;  et  fontes  aquarum  grati  sunt  per  suam 
dulcedinem  et  naturam,  tantum  efficiuntur  ingrati, 
cum  aliquod  vitium  ex  accessione  susceperint.  Ibid. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  II. 


SAINT  PIERRE  CHRYSOLOGUE. 


11 


Ibid. 


lumineux,  mais  il  devient  trouble  et  obscur 
par  la  fumée.  Le  corps,  en  le  considérant 
dans  l'état  dans  lequel  Dieu  l'a  créé,  est  vi- 
goureux dans  tous  ses  membres  et  dans  tous 
ses  sens;  mais  il  devient  faible  et  impotent 
aussitôt  qu'il  est  attaqué  par  la  fièvre.  Les 
eaux  de  fontaine  ont  naturellement  une  dou- 
ceur qui  les  rend  agréables;  et  elles  devien- 
nent fâcheuses  au  goût  si  l'on  y  jette  quelque 
chose  d'amer  qui  en  ôte  la  douceur.  » 

Saint  Chrysologue,  en  parlant  des  deux 
natures  en  Jésus-Christ,  semble  donner  dans 
l'erreur  de  ceux  qui  soutenaient  qu'elles 
avaient  été  confondues  par  l'union  qui  s'en 
est  faite  dans  l'Incarnation.  «  La  diversité  ' 
des  substances,  dit-il,  a  cessé  en  Jésus- 
Christ,  depuis  que  la  chair  a  commencé  d'y 
être  ce  qu'est  l'esprit,  l'homme  ce  qu'est 
Dieu,  la  divinité  et  notre  corps,  une  même 
majesté.  »  Il  parlait  apparemment  ainsi, 
avant  qu'il  eût  connaissance  de  l'hérésie 
d'Eutychès,  qui  l'aurait  engagé  à  s'exprimer 
sur  ce  mystère  avec  plus  d'exactitude;  mais 
il  le  fit  depuis,  et  même  assez  au  long  dans 
un  de  ses  discours  sur  l'Annonciation,  où  il 
explique  ces  paroles  de  l'Ange  à  la  sainte 
Vierge  :  Le  Seigneur  Dieu  le  fera  asseoir  sur 
le  trône  de  David  son  père  ^.  «  Vous  voyez,  dit 
saint  Chrysologue,  que  quand  Jésus-Christ 
reçoit,  il  est  appelé  fils  de  David,  et  que 
quand  il  donne,  il  est  nommé  fils  de  Dieu. 
Il  dit  toutefois,  fout  ce  que  mon  Père  a  est  à 
moi.  Devrait-il  y  avoir  nécessité  de  recevoir, 
où  est  la  puissance  d'avoir?  qui  est-ce  qui 
reçoit  ce  qui  est  k  lui? Nous  avouons  que  Jé- 
sus-Christ a  reçu,  mais  c'est  cet  homme  qui 
est  né,  qui  a  été  dans  le  berceau,  qui  a  eu 
faim  et  soif,  qui  a  souffert  les  opprobres,  la 


croix  et  la  mort,  qui  est  entré  dans  le  tom- 
beau. » 

I!  ajoute,  comme  s'il  avait  parlé  à  Euty- 
chès  même  :  «  Hérétique  ,  attribuez  à  cet 
homme  ce  qu'il  a  reçu.  Croyez-vous  qu'il 
dédaigne  de  recevoir  de  l'honneur  de  Dieu, 
lui  qui  n'a  pas  refusé  de  recevoir  des  injures 
des  hommes?  Pensez-vous  qu'il  n'ait  pas 
voulu  que  Dieu  lui  conférât  un  royaume,  lui 
qui  a  souffert  des  supplices  et  la  mort  même 
de  la  part  de  ses  ennemis?  Hérétique,  si 
vous  reconnaissez  que  ce  qui  est  dit  de  son 
enfance,  de  ses  supplices,  de  sa  mort,  des 
dons  qui  lui  ont  été  faits,  ne  regarde  pas  sa 
divinité,  mais  son  humanité,  vous  ne  ferez 
alors  aucune  injure  au  Fils,  et  vous  ne  met- 
trez aucune  diiférence  entre  les  personnes 
de  la  Trinité.  »  Il  établit  aussi  en  plusieurs 
endroits  la  doctrine  de  l'Eglise  contraire  à 
celle  qu'elle  a  condamnée  dans  Nestorius. 
«  Nous  croyons,  dit-il,  dansle  symbole  en  Jésus- 
Christ  son  fils.  De  qui  egt-il  fils?  C'est  de  Dieu 
le  Père .  Lors  donc  ^  que  nous  faisons  profession 
de  croire  en  Jésus  son  fils,  nous  confessons 
que  Jésus  qui  est  né  de  Marie,  est  Fils  de 
Dieu.  »  C'est  le  raisonnement  de  saint  Chry- 
sologue. Il  reprend  ailleurs  *  Nestorius  et 
ses  sectateurs  d'avoir  voulu  corrompre  la 
pureté  de  la  foi  des  Latins  en  les  obligeant 
d'appeler  la  sainte  Vierge  Mère  de  l'homme 
ou  Mère  du  Christ,  au  Heu  de  Mère  de  Dieu. 
(i  Ce  qu'ils  ne  pouvaient  faire,  dit-il,  qu'en 
blasphémant  :  car  ce  qui  est  né  dans  elle  est  du 
Saint-Esprit.  Or,  ce  qui  est  né  du  Saint-Es- 
prit est  esprit,  parce  que  Dieu  est  esprit. 
Pourquoi  demandez-vous  donc  qui  est  celui 
qui  est  né  du  Saint-Esprit,  puisque  Dieu  lui- 
même  vous  répond  qu'il  est  Dieu?  » 


'  Desiit  in  Christo  suhsiantiarum  diversitas,  uhi 
caro  cepit  esse  guod  Spiritus,  quod  homo  Deus,  quod 
nostri  corporis  et  deiiatis  una  majestns.  Sprm.  59. 

^  Dabit  illi  Dominus  Deus  sedem  David  patris  sui. 
Vides  quia  quondo  accipii ,  David  filins  diciiur  ; 
quando  daf,  Dei  filius  nuncupatur.  Ipse  dixit  :  Omnia 
quœ  habet  pater,  mea  sunt.  Ei  quœ  nécessitas  acci- 
piendi,  v,hi  est  hahendi  patentas  ?  Quis  accipit  quœ  sua 
sunf?  Fafemur  quia  accepif,  sed  iste  gui  no  tus  est, 
qui  cunalmta  pertulit,  qui  famem  sensif,  qui  sitim 
passiis  est,  qui  iota  injuriarum  gênera  non  refugit, 
qui  ascendit  crucem,  qui  subiit  mortem,  qui  intravii 
sepulcrum  ;  hœretice,  huic  guod  accepit  ascrihe.  Aut 
putas  quod  honorem  a  Deo  dedignaiur  accipere  qui  ab 
tiominibus  tantas  accepit  injurias?  Aut  existimas  quod 
conferri  sihi  regnum  a  Paire  fastidit,  qui  ab  inimicis 
pœnas  mortemque  suscepit?  Hœretice,  guod  est  inju- 
riœ,  quod  infantiœ,  quod  temporis,  quod  dati,  quod 


accepfi,  quod  mortis,  si  iniellexeris  non  esse  divini- 
tatis  sed  corporis,  tu  nullam  Filio  irrogabis  injuriam, 
nulla  tu  faciès  in  Triniiaie  distantiam.  Serm.  144. 

3  Et  in  Ghristum  Jesum  filium  ejus.  Cujits  ?  Utique 
Dei  Patris  :  cum  dicis  ergo  in  Jesum  filium  ejus, 
confiieris  Jesum  qui  natus  est  de  Maria,  Dei  esse 
filium.  Serm.  60. 

'  Ventant,  audiant  qui  requirunt  quis  sit  quem 
Maria  (jenv.it:  Quod  in  ea  natum  est  de  Spiritu  Sancto 
est.  Ventant,  audiant  gui  grœco  turbine  latinam  nubi- 
lare  nisi sunt puritatem,  hominem  parientem  et  Ckristi- 
param  :  ut  Dei-param  tollerent  blasphémantes.  Quod 
in  ea  natum  est  de  Spiritu  Sancto  est.  Et  quod  de 
Spiritu  Sancto  natum  est,  spiritus  est,  quia  Deus  spi- 
ritus est,  quid  ergo  requiris,  quis  est,  qui  de  Spiritu 
sancto  natus  est,  cum  tibi  quia  Deus  est,  Deus  ipse 
respondeat?  Serm.  146. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  les  sa- 
crements. 


12 

10.  «  Depuis  que  par  son  empire  le  démon 
a  été  mis  en  fuite,  les  liens  '  par  lesquels  cet 
ennemi  nous  tenait  dans  l'esclavage,  ont  été 
rompus,  la  parole  nous  a  été  rendue,  nous 
avons  recouvré  l'ouïe,  nous  avons  été  rétablis 
dans  notre  ancien  état;  le  diable  seul  gémit 
en  se  voyant  chassé  de  son  ancienne  pos- 
session. C'est  pour  cela  que  lorsque  quel- 
qu'un d'entre  les  gentils  se  présente  pour 
être  reçu  dans  l'Eglise,  on  chasse  de  lui  le 
démon  par  l'imposition  des  mains  et  par  les 
exorcismes;  et  qu'on  lui  ouvre  les  oreilles 
afin  qu'il  puisse  écouter  la  doctrine  de  la  foi, 
et  parvenir  au  salut  avec  la  grâce  du  Sei- 
gneur. » 

On  voit  par  deux  discours  ^  de  saint  Chry- 
sologue ,  qu'il  administrait  quelquefois  le 
baptême,  hors  le  temps  de  Pâques,  à  quel- 
ques personnes  qui  le  lui  demandaient  avec 
beaucoup  d'instance;  mais  il  ne  marque  pas 
les  raisons  qu'elles  alléguaient  de  ne  pouvoir 
attendre  le  temps  prescrit  par  la  discipline 
de  l'Eglise.  Ces  deux  discours  sont  sur  le 
Symbole  des  Apôtres,  parce  que  c'était  l'u- 
sage de  l'expliquer  à  ceux  que  l'on  préparait 
au  baptême.  C'était  encore  l'usage  ^  alors  de 
ne  point  permettre  aux  catéchumènes  de 
l'écrire  ailleurs  que  dans  leur  mémoire,  soit 
pour  se  conformer  à  ce  que  dit  l'Apôtre,  que 
l'on  croit  de  cœur  pour  être  justifié,  et  que 
l'on  confesse  de  bouche  pour  être  sauvé, 
soit  pour  empêcher  que  ce  symbole  ne  par- 
vînt à  la  connaissance  des  infidèles  :  ce  qui 
aurait  pu  se  faire  aisément  si  on  l'eût  écrit 
sur  du  papier.  Le  baptême  *  de  Jésus-Christ 
que  l'on  conférait  à  la  suite  de  cette  instruc- 


tion, régénérait  et  changeait  de  telle  sorte 
celui  qui  le  recevait,  qu'il  le  rendait  nouveau 
de  vieux  qu'il  était,  en  sorte  qu'il  ne  se  sou- 
venait plus  de  son  ancienne  vie  ;  et  que  de- 
venu céleste  de  terrestre  qu'il  était,  il  possé- 
dait par  ce  sacrement  les  choses  divines.  Il 
n'en  était  pas  de  même  de  celui  de  saint 
Jean.  Ce  n'était  qu'une  purification  pour  pré- 
parer l'homme  à  la  pénitence;  il  ne  confé- 
rait pas  la  grâce.  Il  ^  parait  que  l'on  bapti- 
sait encore  du  temps  de  saint  Cbrysologue 
par  la  triple  immersion,  qui  représentait  les 
trois  jours  que  Jésus-Christ  avait  passés  dans 
le  tombeau. 

Les  novaliens  prétendaient  que  les  péchés 
ne  pouvaient  être  remis  par  les  hommes,  et 
qu'il  n'y  avait  point  d'espérance  de  pardon 
pour  ceux  qui  avaient  une  fois  perdu  la 
grâce.  Le  saint,  condamnant  ^  cette  dureté, 
dit  au  pécheur  :  »  Ne  vous  désespérez  pas  '  : 
vous  avez  encore  de  quoi  satisfaire  à  celui  à 
qui  vous  êtes  redevable  de  tant  de  dettes, 
mais  qui  est  plein  de  bonté.  Voulez-vous 
être  absous?  Aimez,  aimez  Dieu,  mais  aimez- 
le  de  tout  ce  que  vous  êtes,  et  vous  pourrez 
sans  peine  remporter  la  victoire  sur  tous  les 
crimes.  C'est  une  guerre  bien  douce  et  bien 
facile,  quand  pour  vaincre,  il  ne  faut  qu'ai- 
mer. » 

Il  dit  en  parlant  de  l'Hémorrhoïsse  qui  fut 
guérie  en  touchant  le  bord  de  la  robe  du 
Sauveur  :  «  Malheureux  ^  que  nous  sommes, 
nous  touchons  tous  les  jours  et  nous  prenons 
le  corps  du  Seigneur,  et  toutefois  nous  ne 
sommes  point  guéris  de  nos  plaies.  Il  n'est 
pas  douteux  que  les  chrétiens  ^  qui  touchent 


1  Ubi  imperio  Christi  fugalus  est  diabalus,  vincula 
solvuntur,  sermo  reddUur,  auditus  redit,  homo  repa- 
ralur,  et  solus  diabolus  deflet  diuturna  se  pnssessione 
detrusum.  Hinc  est  quod  veniens  ex  gentibus  imposi- 
tione  manus,  et  exorcismis  ante  a  dœmone  pmrgatur, 
et  apertionem  aurium  percipit  ut  fidei  capere  possit 
auditum,  ut  possit  ad  salutem  proser/uente  Domino 
pervenire.  Serm.  52. 

2  Serm.  52  et  58. 

2  Boc  monemus  solum,  ne  guis  committat  litteris, 
quod  est  cordi  mandaturus  ut  credat  :  Apostolo  sic 
monente  :  Corde  creditur  ad  justitiam,  ore  autem  con- 
fessio  fit  ad  salutem.  Seim.  61.  Quod  audisiis  et 
credidistis,  quod  confessi  estis,  cor  haheat,  niemoria 
teneat,  charta  nesciat,  scriptura  ignoret,ne  sacramen- 
tum  fidei  divulgetur  inpublicum,  ne  ad  infidelem  fidei 
deriveiur  arconum.  Serm.  57. 

»  Per  baptisma  Joannis  purificabatur  homo  ad  pae- 
niientiam,  non  promovebalur  ad  gratiam.  Ai  vero 
Christi  baptisma  sic  régénérât,  sic  immutat,  sic  ho- 
minem  reddit  ex  vetere  novum  ut  prœterita  nesciat. 


non  recordetur  antiqua,  qui  de  terreno  cœlesiis  jam 
cœlestia  possidet  et  divina.  Serm.  132. 

5  Audiant  fidèles;  intelligant  quemadmodum  tri- 
duana  Domini  sepultura  trina  demersione  figuratur 
in  baptismo.  Serm.  113. 

6  Serm.  84. 

1  Sed  licet  in  hœc  recideris,  licet  fueris  in  ista 
devolufus ,  vide  ne  desperes  ;  homo  remansit  tibi 
unde  piissimo  satisfacias  credilori.  Absolvivis?  Ama, 
charitas  cooperiet  muHitudinem  peccatorum.  Ama  ergo 
homo  Deum,  et  ama  totus,  ut  possis  omnia  sine  labore 
vincere  peccata.  Tenerœ  miliiiœ,  delicati  conflictus 
est,  amore  solo  de  cunctis  criminibus  reportare  victo- 
riam.  Serm.  94. 

8  Tetigit  vestimentum  mulier,  et  curata  est.  Miseri 
qui  quotidie  corpus  Domini  tractamus  et  stimimus,  et 
a  nostris  vulneribus  non  curamur!  Serm.  33. 

9  Audiant  chrisiiani  qui  quotidie  corpus  Christi  at- 
tingunt,  quantam  de  ipso  corpore  sumere  possunt  me- 
dicinam,  quando  mulier  totam  rapuit  de  sola  Christi 
fimbria  sanitaiem.  Serm.  34. 


CHAPITRE  II.  —  SAINT  PIERRE  CHRYSOLOGUE. 


[V  SIÈCLE.] 

tous  les  jours  ce  corps  sacré,  ne  puissent  en 
tirer  quelque  remède,  puisque  cette  femme 
reçut,  par  l'attouchement  seul  de  la  robe  de 
ce  divin  Sauveur,  ime  entière  guérison.  »  Il 
enseigne  que  le  corps  de  Jésus-Chi'ist  formé 
dans  le  sein  de  la  Vierge,  mort,  enseveli  et 
ressuscité,  est  le  même  qui  est  sur  nos  au- 
tels, et  qui  est  glorieux  dans  le  ciel.  «  Celui, 
dit-il,  qui  nous  a  fait  part  de  '  ses  honneurs 
et  de  son  royaume,  a  voulu  aussi  que  nous 
lui  demandions  le  pain  qui  nous  est  néces- 
saire pour  chaque  jour.  Mais  qu'est-ce  que 
la  pauvreté  humaine  peut  rechercher  dans 
le  royaume  de  Dieu,  après  en  avoir  reçu  des 
dons  si  divins  ?  Est-il  possible  qu'un  père  si 
bon,  si  favorable  et  si  libéral,  ne  veuille  pas 
même  accorder  du  pain  â  ses  enfants  sans 
qu'ils  le  lui  demandent?  Que  deviendront  ces 
paroles  qu'il  leur  adresse  :  Ne  soyez  jjoirU  in- 
quiets par  la  crainte  de  n  avoir  pas  de  quoi 
manger,  ou  de  quoi  boire,  ou  de  quoi  vous  vê- 
tir? Il  nous  commande  donc  de  lui  deman- 
der ce  qu'il  ne  nous  défend  pas  de  désirer 
avec  ardeur;  ce  Père  céleste  exhorte  ses  en- 
fants à  lui  demander  un  pain  céleste.  C'est 
lui  qui  a  dit  :  Je  suis  le  pain  qui  est  descendu 
du  ciel.  Ce  pain  a  tiré  du  sein  de  la  Vierge 
le  grain  dont  il  a  été  formé;  il  a  comme 
reçu  le  mélange  du  levain  dans  l'Incarna- 
tion; il  a  été  pétri  dans  la  passion,  cuit  dans 
le  sépulcre,  serré  dans  l'église,  servi  sur  les 
autels,  et  il  est  tous  les  jours  distribué  aux 
fidèles  comme  une  céleste  nourriture.  C'est 
donc  dans  le  Sacrement  ^  du  corps  du  Sei- 
gneur que  Dieu  veut  qu'on  lui  demande  le 
pain  qui  nous  est  nécessaire  pour  chaque 
jour,  et  qui  est  comme  le  viatique  dont  nous 


13 


avons  besoin  durant  le  pèlerinage  de  cette 
vie;  afin  qu'étant  soutenus  par  cette  divine 
viande,  nous  puissions  arriver  au  jour  éter- 
nel, à  la  table  céleste  de  Jésus-Christ,  et 
qu'après  en  avoir  goûté  durant  le  cours  de 
la  vie  présente,  nous  en  soj'ons  pleinement 
rassasiés  dans  la  vie  future.  Nous  ^  lisons 
dans  l'Evangile  qu'un  pharisien  pria  le  Sei- 
gneur de  venir  manger  avec  lui.  Mais  pour- 
quoi, ô  pharisien,  voulez-vous  manger  avec 
Jésus-Christ?  Croyez  en  lui,  soyez  chrétien, 
vous  le  mangerez  lui-même.  Je  suis ,  dit  le 
Sauveur,  le  pain  qui  est  descendu  du  ciel. 
Dieu  donne  toujours  plus  qu'on  ne  lui  de- 
mande, car  il  se  donne  lui-même  à  manger 
à  celui  qui  ne  souhaitait  que  Tlionneur  de 
manger  avec  lui;  néanmoins  en  lui  accor- 
dant cette  faveur  plus  insigne  qu'il  n'espé- 
rait, il  ne  lui  en  dénia  pas  une  moindre  qu'il 
lui  demandait.  Ne  promet-il  pas  aussi  volon- 
tairement la  même  chose  à  ses  disciples, 
lorsqu'il  leur  dit  :  Vous  qui  avez  toujours  de- 
meuré avec  moi  jusqu'à  présent,  vous  man- 
gerez et  vous  boirez  à  ma  table  dans  mou 
royaume?  Celui  qui  s'est  donné  à  manger  à 
vous  durant  cette  vie,  vous  pourra-t-il  rien 
refuser  dans  l'autre  de  tous  les  biens  qu'il 
possède?  »  Saint  Chrysologue  n'explique  pas 
de  quefie  manière  *  on  mangeait  le  corps  de 
Jésus-Christ,  et  on  buvait  son  sang,  suppo- 
sant que  ceux  qui  l'écoutaient  étaient  ins- 
truits de  ce  mystère. 

H .  «  Quand  nous  demandons  à  Dieu  '^  des 
grâces,  il  faut  les  lui  demander  avec  beau- 
coup d'instances  et  frapper  par  des  prières 
réitérées,  en  attendant  avec  une  hmnble  pa- 
tience ses  délais.  Car  celui  qui  se  fâche  de 


Sur  la  priè- 
re, le  jeûne  et 
l'auméne. 


'  Qui  nos  suo  et  honore  donavii,  et  regno  ipse  nos 
ut  panem  quolidianum  posiulemus  addixit.  In  regno 
Dei  inter  munera  divina,  guid  quœrit  paupertas  hu- 
mana?  Tarn  bonus,  tam  plus,  tam  largus  pater  pa- 
nem filiis  nonnisi  postulatus  indulget?  Et  ubi  est  : 
Noiite  solliciti  esse  quid  manducetis,  aut  quid  bibatis, 
aut  quid  vestiamini  ?  Hoc  petere  jubet,  quod  prohibet 
cogitare,  gualenus  cœlestis  Pater  cœ/estem  punem,cœ- 
lestes  filiiut  postulemtis  hortatur,  ipse  dixit:  Ego  sum 
partis  qui  de  cœlo  descendi.  Ipse  est  panis,  qui  satus 
in  Virgine,  fermentaius  in  carne,  in  passione  confes- 
sus,  in  fomuce  coctus  sepulcri,  in  ecclesiis  conditus. 
Hiatus  altarilms  cœlestem  cibum  quotidie  fidetibus 
subyninistrat.  Serm.  67. 

2  Sed  quotidianum.  et  in  diem  vult  nos  in  sacra- 
mento  sui  corporis  panis  viaticum  postuiare^  ut  per 
hoc  ad  perpetuum  diem,  et  ipsam  Christi  perveniamus 
ad  mensam,  ut  unde  hic  gmtum  sumpsimus,  inde  ibi 
plenitudinem  totasque  satietutes  capiamus.  Serm.  68. 

3  Rogas,  Pharisee,  ut  manduces  cum  itlo,  crede,  esto 


christianus  et  mnnducas  ex  ilto.  Ego  sum^  inquit,  pa- 
nis qui  de  cœlo  desoeudi.  Semper  Deus  majora  iribuit 
quani  royatiir  :  nom  se  manducandum  dédit,  qui  rO' 
gabanfur  ut  manducandi  secum  fiduciam  lurgiretur  ; 
et  tamen  si  hoc  dédit  ut  illud  quod  postulalus  est  non 
negaret:  nonne  promittit  hoc  et  sponte  discipulis  suis  ? 
Vos  qui  perseverastis  mecum,  manducabitis  et  bibetis 
in  meusa  mea  in  reguo  meo.  Christiane,  qui  se  tibi 
hic  manducandum  dédit,  quid  suum  tibi  denegare  po- 
terit  in  futurum  ?  Serm.  95. 

*  Quemadmodum  autem  manducelur  caro  Christi, 
quomodo  bibalur  et  sanguis  ejus,  norunt  illi  qui  sunt 
sacramentis  cœlestibus  institua.  Serm.  95. 

s  Sed  dicis  esto  quod  petere  possim,  pulsare  quo- 
modo potero  cœlesie  secreium  ?  Quemadmodum  ?  Ite- 
rando  preces  et  expeclando  judicium  largitoris,  moras 
dantis,  palientissime  sustinebo,  quia  quicumque,  cum 
semel  pulsaverit,  indignatur  mox  si  non  fuerit  au- 
difus,  iste  non  est  petitor  supplex,  sed  est  imperiosus 
exactor.  Serm.  39. 


14 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


n'être  pas  exaucé  dès  qu'il  a  frappé  et  prié 
une  fois,  celui-là  n'est  point  un  suppliant  qui 
demande  une  grâce,  c'est  un  superbe  qui 
exige  avec  empire  ce  qu'il  croit  lui  être  dû.  » 
Saint  Chrysologue  donne  pour  modèle  de 
prière,  celle  que  fit  au  milieu  de  la  nuit  cet 
homme  qui  avait  besoin  de  trois  pains  pour 
les  donner  à  un  de  ses  amis;  il  les  obtint  par 
ses  importunités.  Il  dit  que  la  prière  *  est 
une  des  trois  choses  qui  soutiennent  la  foi; 
les  deux  autres  sontle  jeûne  et  la  miséricorde. 
«  Ce  que  la  prière  demande,  dit-il,  le  jeûne 
l'obtient,  et  la  miséricorde  le  reçoit.  Mais  la 
prière,  le  jeûne,  la  miséricorde,  sont  felle- 
ments  liés  ensemble,  qu'ils  se  donnent  mu- 
tuellement la  vie.  Le  jeûne  est  l'âme  de  la 
prière,  et  la  miséricorde  la  vie  du  jeûne. 
Que  personne  donc  ne  les  sépare;  qui  n'en  a 
qu'une  ne  possède  rien.  D'où  il  suit  que  ce- 
lui qui  prie  doit  jeûner,  et  que  celui  qui 
jeûne  doit  s'exercer  à  des  œuvres  de  miséri- 
corde :  ce  qu'est  ^  la  cour  royale  sans  le  roi, 
le  jeûne  l'est  sans  la  miséricorde.  Celui  qui 
ferme  son  oreille  à  l'infirme  et  à  l'indigent, 
criera  à  son  tour,  et  il  ne  trouvera  personne 
qui  l'exauce  :  comment  même  oserait-il  de- 
mander miséricorde,  lui  qui  l'aura  refusée 
aux  autres?  La  miséricorde  et  la  piété  du 
jeûne  ^  sont  comme  des  ailes  par  lesquelles 
l'homme  est  porté  vers  le  ciel,  et  sans  les- 
quelles il  rampe  sur  la  terre.  A  l'exemple  de 
Jésus-Christ  et  de  plusieurs  prophètes,  les 
chrétiens  jeûnent  quarante  jours;  cette 
discipline  n'est  point  une  invention  *  hu- 
maine, mais  d'une  autorité  divine.  » 


Saint  Chrysologue  se  plaint^ que,  ce  jeûne 
de  quarante  jours  nous  ayant  été  transmis 
par  Jésus-Christ  même,  quelques-uns  en 
aient  voulu  changer  la  disposition,  en  jeû- 
nant moins  exactement  en  certaines  semai- 
nes, et  plus  exactement  en  d'autres.  Il  en- 
tend ce  relâchement  de  certains  aliments  et 
assaisonnements  qu'on  se  permettait  contre 
l'usage;  et  veut  que  l'on  observe  le  jeûne  en 
la  manière  qu'il  l'a  été  dans  les  premiers 
temps  de  son  institution.  Que  celui  qui  ne 
peut  jeûner,  n'innove  rien  dans  cet  usage; 
qu'il  avoue  que  c'est  uniquement  à  cause  de 
la  faiblesse  de  sa  santé,  s'il  se  relâche  de  la 
rigueur  ordinaire  du  jeûne;  et  qu'il  supplée 
à  ce  défaut  par  l'aumône.  Ce  Père  dit  •>,  en 
parlant  de  l'aumône  :  «  Est-ce  qu'un  chré- 
tien ne  fera  pas  ce  qu'a  fait  un  mage?  Est-ce 
qu'il  faudra  que  dans  la  joie  de  la  naissance 
du  Sauveur,  les  pauvres  pleurent,  les  captifs 
gémissent,  les  étrangers  soient  dans  les  lar- 
mes? Que  personne  ne  prenne  ce  que  je  dis 
comme  une  déclamation  :  c'est  une  vraie 
douleur  qui  parle.  Oui  j'en  suis  percé,  quand 
je  vois  que  les  Mages  ont  répandu  l'or  dans 
le  berceau  de  Jésus-Christ,  et  que  les  chré- 
tiens oublient  l'autel  où  repose  le  corps  de 
Jésus-Christ,  sans  y  faire  aucun  présent,  et 
cela  en  un  temps  où  les  pauvres  souffrent 
une  famine  cruelle,  où  nous  sommes  envi- 
ronnés d'uns  foule  de  misérables  captifs 
échappés  à  la  fureur  des  Barbares.  Que  per- 
sonne ne  dise  qu'il  n'a  pas  de  quoi  donner. 
Est-ce  qu'on  n'a  pas  autant  que  cette  veuve 
si  louée  par  Jésus-Clnist  même?  Donnez-lui 


1  Tria  sunt  per  quce  stat  fides,  oratlo,  jejun'mm, 
misericordia .  Quod  oratio  puisât,  impelrat  jejunium  ; 
misericordia  accipit.  Oratio,  misericordia,  jejunium 
dant  hœc  sibi  invicem  vitam.  Est  namque  orationis 
anima  jejunium  ;  jejunii  vita  misericordia  est.  Hœc 
nemo  rescindât  :  nesciunt  separari.  Horum  gui  unum 
liabet,  ista  qui  siniul  non  hahet,  nihil  habet.  Ergo  qui 
orat,  jejunet  ;  qui  jejunat,  misereatur.  Serm.  43. 

2  Quod  est  sine  rege  aula  regia,  hoc  est  sine  largi- 
tate  jejunium.  Qui  claudit  aurem  ne  audiat  infirmum, 
et  ipse  clamabit  et  non  erit  qui  exaudiat.  Quomodo 
petet  misericordiam,  qui  negarit  ?  Serm.  42. 

3  Misericordia  et  pietas  jejunii  sunt  alœ  per  quas 
tollitur  et  portatur  ad  cœlum,  sine  quibus  jacet  et 
voluiatur  in  terra.  Serm,  8. 

*  Videte,  fratres,  quod  quadragesimam  jejunamus  : 
non  est  humana  inventio,  ouctoritas  est  divina. 
Serm.  12. 

s  Si  ergo  quadraginla  dierum  simp/ex,  purum, 
(Squale,  tantis  testimoniis  sub  tanti  numéro  sacra- 
menti  traditum  nobis  a  Domino  jejunium  perdocetur  : 
unde  ista  varietas,  unde  novitas  ista,  unde  hebdomudœ 
nunç  resoluiœ,  nunc  rigidœ,  nunc  indulgentes  nimium, 


nunc  severœ...  Jejunium  sit  œquale  .  et  ut  est  nobis 
traditum,  servetur  ad  corporis  et  animœ  disciplinam. 
Certe  qui  jejunare  non  potest,  non  prœsumat  inducere 
novitatem  :  sed  faleatur  esse  fragilitatis  propriœ  quod 
relaxât  :  et  rcdimat  eleemosynis,  quod  non  potest 
supplere  jejuniis.  Serm.  166. 

^  Quale  est  si  quod  fecit  magus  non  faciat  christianm? 
Quale  est  si  ad  gaudium  nasceniis  Christi  fleat  pauper, 
captivus  gemat,  hospes  lamentetur,  ejulet  peregritius? 
Ne  quis  me  hoc  dicere  existimet  declamantis  studio, 
non  dolentis  affectu.  Doleo  certe  quando  tego  Christi 
cunabula  Magos  rigasse  aura  :  et  video  altare  corporis 
Christi  christianos  vacuum  reliquisse,et  in  tempore  hoc 
presertim,  quando  se  pauperum  famés  vastat  :  quando 
se  fundit  iurba  lamentabilis  captivorum.  Non  habeo 
nemo  dicat,  quando  Deus  ex  eo  quod  habes,  non  ex  eo 
quod  non  habes  quœrit;  quando  duo  œra  viduœ  in 
acceptum  dignanter  adscribit.  Devoti  simus  creatori, 
ut  nobis  devota  sit  creaiura.  Proximorum  nustrorum 
susienfemus  angustias,  ut  a  noslris  liberemur  angus- 
tiis.  Repleamus  altare  Dei,  ut  nostra  horrea  repleat 
fritctuuin  plenitudo.  Certe  si  non  damus,  quia  non 
accipimus,  non  quœramur.  Serm.  103. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  II. 

ce  que  vous  avez,  il  en  sera  content.  Don- 
nons avec  largesse  h  notre  Créateur,  afin 
que  sa  créature  nous  donne  de  même.  Enri- 
chissons son  autel,  afln  que  nos  greniers 
soient  riches.  Si  nous  ne  donnons  rien,  ne 
nous  plaignons  pas  de  ce  que  nous  ne  rece- 
vons rien.  » 

Il  parait  que  c'était  l'usage  à  Ravenne  de 
mettre  sur  l'autel  toutes  les  oblations  des 
fidèles  comme  un  sacrifice  que  la  charité 
offrait  à  Dieu,  afin  qu'il  les  sanctifiât  lui- 
même  ;  et  qu'ensuite  elles  fussent  employées 
au  soulagement  des  pauvres,  et  en  d'autres 
œuvres  de  charité. 

12.  Saint  Chrysologue  pose  pour  principe 
qu'il  n'y  a  rien  d'inutile  '  dans  le  culte  ec- 
clésiastique; que  la  célébration  des  fêtes 
instituées  de  Dieu,  ne  devant  point  se  régler 
sur  notre  volonté,  mais  sur  leur  mérite,  nous 
devons  suivre  en  ce  point  les  traditions  des 
Pères,  et  ce  que  le  temps  a  autorisé.  Les  fê- 
tes du  Seigneur  ^  sont  marquées  du  nom  du 
mystère  qui  en  fait  l'objet.  Ainsi  nous  appe- 
lons Nativité  du  Seigneur  le  jour  de  sa  nais- 
sance; Résurrection,  le  jour  qu'il  est  ressus- 
cité; Epiphanie,  le  jour  qu'il  s'est  manifesté 
aux  hommes.  Cette  fête  de  FEpiphanie  a  pro- 
duit, pour  ainsi  dire,  trois  preuves  de  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ;  l'une  est  l'adoration 
des  Mages;  Tautreestle  changement  de  l'eau 
en  vin  aux  noces  de  Cana  ;  et  la  troisième 
la  consécration  des  eaux  du  baptême  par 
l'entrée  de  Jésus-Christ  dans  le  Jourdain, 
où  Dieu  le  Père  rendit  témoignage  qu'il  était 
son  Fils  bien  aimé.  Dans  le  sermon  ^  sur 
saint  Apollinaire,  il  remarque  qu'il  est  le 
seul  des  évêques  de  Ravenne  qui  ait  honoré 
cette  Eglise  par  le  martyre.  Il  dit  dans  l'é- 


SAINT  PIERRE  CHRYSOLOGUE. 


18 


loge  *  de  saint  Cyprien  que  l'on  célèbre  avec 
joie  la  fêle  des  martyrs,  afin  que  leurs  ac- 
tions se  perpétuent  dans  la  mémoire  des  fi- 
dèles, afin  encore  qu'en  les  entendant  réci- 
ter on  soit  porté  à  les  imiter.  En  parlant  des 
innocents  ^  mis  à  mort  par  Hérode ,  il  ensei- 
gne qu'ils  furent  baptisés  dans  leur  sang,  et 
leurs  mères  dans  leurs  larmes;  et  qu'ayant 
eu  part  au  martyre  de  leurs  enfants,  le  glaive 
qui  perça  ces  enfants  ayant  pénétré  jusqu'au 
cœur  de  leurs  mères,  il  était  nécessaire 
qu'ayant  été  compagnes  de  leur  martyre, 
elles  participassent  aussi  à  leur  récompense. 
Il  avertit  ses  auditeurs  que  le  martyre  de  ces 
enfants  ne  leur  était  point  venu  par  leur  mé- 
rite, mais  par  la  grâce,  puisqu'ils  n'avaient 
alors  ni  volonté  ni  libre  arbitre.  Il  dit  même 
du  martyre  en  général,  que  nous  le  devons 
tout  à  Dieu  et  rien  à  nous  ;  «  vaincre  le  dia- 
ble, ajoute-t-il,  livrer  son  corps  aux  tour- 
ments, mépriser  la  vie,  fatiguer  le  bourreau, 
tirer  gloire  des  injures,  cela  n'est  pas  des 
forces  humaines,  mais  un  don  de  Dieu.  »  Saint 
Chrysologue  semble  par  ces  paroles  exclure 
le  mérite  du  libre  arbitre.  Mais  si  l'on  y 
prend  garde,  on  verra  qu'il  ne  combat  que 
l'erreur  de  ceux  qui  soutenaient  que  l'homme 
peut  faire  le  bien  par  ses  propres  forces. 
C'est  pourquoi  il  ajoute  :  «  Celui  qui,  par 
son  propre  courage,  court  au  martyre,  n'ob- 
tient pas  la  couronne  qui  ne  s'acquiert  que 
par  Jésus-Christ.  »  D'ailleurs  en  disant  que 
les  innocents  n'ont  pas  reçu  la  gloire  du 
martyre  par  leur  volonté  propre  ni  pai'  leur 
libre  arbitre,  puisqu'à  leur  âge  l'un  et  l'autre 
étaient  comme  captifs,  il  suppose  clairement 
que  ces  deux  facultés  auraient  eu  part  à  leur 
martyre,  s'ils  eussent  été  dans  un  âge  plus 


'  Nulla  est  ecclesiastici  culius  infructuosa  solemni- 
tas,  divina  festivitas  non  pro  nosiris  est  voluntatilius 
consecranda,  sed  pro  suis  est  percolenda  virtutibus  : 
christianus  animus  quœ  sunt  traditione  Patrum,  et 
ipsis  roborata  temporibus,  nescit  in  desperationem 
deducere,  sed  venerari  ea  toto  desiderat  devotionis 
obsequio.  Serm.  85. 

2  Dominicœ  festivUaies  causas  suas  suis  vocabulis 
eloquunlur  ;  nani  sicut  nascendo  Christus  diem  dédit 
natalem,  et  resurgendo  resurrectionis  diem  dédit,  sic 
lumine  signorum  diem,  diem  suœ  illuminationis  os- 
tendit.  Merito  ego  so/emnitas  prœsens  Epiphaniœ  vo- 
cabulo  nuncKpalur,  in  qua  iltuxit  deitas,  quœ  nostra 
nobis  obscuratur  in  carne.  Ma  festivitas  peperit  tria 
deitatis  insignia.  Per  Epiphaniam  Magi  Christum 
Dominum  mysiicis  muneribus  confitentur...  Per  Epi- 
phaniam Christus  in  nuptiis  aquas  saporavit  in  vi- 
num...  Per  Epiphaniam  Christus  Jordanis  alveum 
baptisma  nostrum  consecraius  intravit...  Hinc  est  quod 


Spiritiis  Sanctus  toto  se  fudit  i/tapsu,  quando  Pater 
de  cœlestibus  clamât  :  Hic  est  fllius  meus  dilectus. 
Serm.  157. 

3  Sei-m.  128.  —  '>  Serm.  129. 

5  Diverso  modo,  dono  uno  in  lacrymis  suis  maires 
et  sui  fitii  suo  sanguine  bapiizantur.  In  martyrio 
filiorum  passœ  sunt  maires,  nam  gladius  filiorum 
pertransiens  membra  ad  matruin  corda  pervenit,  et 
necesse  est  ut  sint  prœmii  consortes,  quœ  fuerunt  so- 
ciœ  passionis...Hocloco  aftendat  auditor  ut  intelligat 
martyrium  non  constare  per  meritum,  sed  venire  per 
graiiam.  In  parvulis  quœ  voluntas,  quod  arbilrium, 
ubi  captiva  fuit  et  ipsa  natura  ?  De  martyrio  ergo 
debemus  totum  Deo,  nihil  nobis.  Vincere  diabolum, 
corpus  tradere,  contemnere  viscera,  tormenta  expen- 
dere,  lassare  tortorem,  capere  de  injuriis  gloriam,  de 
morte  vitam,  non  est  virtutis  humanœ,  muneris  est 
divini.  Ad  martyrium  qui  sua  virtute  currit,  per 
Christum  non  pervenit  ad  coronam.  Serm.  152. 


16 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


avancé,  et  où  ils  eussent  pu  user  de  leur 
liberté.  Il  dit  que  saint  Pierre  '  et  saint  An- 
dré imitèrent  dans  leur  martyre  le  genre  de 
moit  de  Jésus-Christ,  l'un  ayant  été  attaché 
à  la  croix,  l'autre  à  an  arbre.  Il  dit  de  Za- 
chée  ^  qu'il  ne  se  contenta  pas  d'offrir  à 
Dieu  la  moitié  de  ses  biens;  mais  tout  ce 
qu'il  avait,  et  lui-même;  en  sorte  qu'élevé  à 
l'épiscopat,  il  passa  du  bureau  d'un  publi- 
cain,  à  la  table  du  corps  du  Seigneur,  c'est- 
à-dire  à  l'autel. 

13.  Il  y  a  des  manuscrits  qui  attribuent  à 

Discours  at-  ''  ^ 

S°»ioguc'.'  saint  Chrysologue  un  sermon  sur  la  Naissance 
de  Jésus-Christ,  qui  est  le  cent  vingt-qua- 
trième dans  l'appendice  de  ceux  de  saint 
Augustin;  mais  le  style  en  est  entlé,  et  n'est 
point  coupé  comme  celui  de  ce  Père.  On 
trouve  au  contraire  son  génie  et  son  style 
dans  les  sermons  soixante-treizième  et  qua- 
tre-vingt-dix-septième du  même  appendice. 
L'un  est  sur  le  Jeûne  et  la  Prière,  l'autre  sur 
la  Paix.  Ils  ne  paraissent  achevés  ni  l'un  ni 
l'autre.  Le  soixante-unième  de  cet  appen- 
dice, est  le  cinquante-tioisième  daus  les  édi- 
tions de  saint  Chrysologue,  mais  beaucoup 
plus  long,  et  avec  plusieurs  variantes. 
Il  est  encore  sur  la  Paix.  Le  Père  Labbe 
,  ,,    „.    en  cite  un  sur  la  Nativité  de  la  Vierqe.  Nous 

iiiolb.  pag.  ne  l'avons  pas;  et  il  y  aurait  heu  de  croire 
qu'il  n'est  point  de  saint  Chrysologue,  puis- 
qu'on ne  célébrait  point  cette  fêle  de  son 
temps  ;  si  l'on  ne  savait  que  l'on  a  corrompu 
les  inscriptions  de  ses  discours,  et  que  dans 
les  manuscrits  il  n'y  en  a  aucun  qui  soit  in- 
titulé de  quelque  fête  de  la  sainte  Vierge. 
Aussi  Dominique  Mita,  qui,  dans  son  édition, 
a  suivi  exactement  les  manuscrits,  ne  donne 
point  au  sermon  cent  quarante-deuxième, 
l'inlitulation  de  discours  sur  l'Annonciation 
de  la  Vierge  qu'il  porte  dans  les  éditions  or- 
dinaires. Trithème  3  attribue  plusieurs  lettres 
à  saint  Chrysologue.  Nous  n'avons  que  celle 


que  ce  Père  écrivit  à  Eutychès.  On  voit  par 
la  cent  douzième  de  Théodoret ,  que  les 
Orientaux  écrivirent  à  ce  Père,  en  l'an  431  ; 
mais  on  ne  lit  nulle  part  qu'il  leur  ait  fait  ré- 
ponse. 

14.  La  lettre  à  Eutychès  a  été  imprimée  Ejuionsdc 
avec  les  Actes  du  concile  de  Chalcédoine,  sesspraons. 
dans  les  recueils  des  conciles.  Pour  ce  qui 
est  de  ses  sermons,  ils  ont  été  donnés,  pre- 
mièrement à  Cologne,  en  1541 ,  puis  en  1607, 
en  1678;  à  Paris,  en  1583  ;  à  Anvers,  en  1618; 
â  Lyon,  en  1636;  à  Rouen,  en  1640;  à  Bou- 
logne, en  1643;  à  Toulouse,  en  1670;  à  Pa- 
ris, en  1614  et  1670,  avec  les  œuvres  de 
saint  Léon,  et  dans  les  Bibliothèques  des  Pè- 
res. [La  meilleure  édition  des  sermons  de 
saint  Chrysologue  est  celle  que  donna,  en 
17S0,  à  Venise,  en  un  vol.  in-foL,  Sébastien 
Paul;  elle  a  été  réimprimée  à  Augsbourg, 
en  1738,  in-fol.,  et  en  dernier  lieu  dans  la 
Patrologie  latine,  tome  LU.  On  trouve  ici  : 
1°  une  préface  de  Paulus;  2"  une  vie  de  saint 
Pierre,  d'après  le  Pontifical  d'Agnelli,  édité 
par  Bacchinius,  avec  des  observations  sur 
cette  vie  par  ce  dernier;  3°  sa  Vie  par  Ghâ- 
tillon  (Castillus);  4°  une  autre  Vie  par  Domi- 
nique Mita;  3°  témoignages  en  faveur  de 
saint  Pierre;  6°  notice  littéraire  par  Schœ- 
nemann;  7°  dissertation  sur  la  métropole 
ecclésiastique  de  Ravenne,  par  J.-A.  Am.a- 
désius;  8°  remarques  critiques  sur  l'authen- 
ticité de  quelques-uns  des  discours.  Viennent 
ensuite  :  1°  les  discours  au  nombre  de  cent 
soixante-seize,  avec  notes;  2°  un  appendice 
qui  contient  les  sermons  qui  avaient  été  at- 
tribués à  ce  Père ,  au  nombre  de  sept.  La 
lettre  à  Eutychès  se  trouve  dans  ce  volume, 
à  la  col.  71  et  suiv.  On  la  lit  aussi  parmi  les 
témoignages  et  dans  les  lettres  de  saint  Léon- 
le-Grand,  édition  de  Ballérini  où  elle  est  la 
vingt-cinquième.] 


'  Petrus  ci'ucem,  arborem  conscendil  Andréas,  ut 
qui  Christo  compati  gestieôant,  in  semetipsis  fiyurum, 
formamque  ipsius  exprimèrent  passionis.  Serm.  133. 

^  Ne  (juis  putet  Zacckœum  offerendo  dimidium  bo- 
norum  perfectionis  non  tenuisse  fastigium,  qui  post 
omnia  sua  et  seipsam  sicdedit  Domino,  ut  episcopatus 


honore  fullus,  a  mensa  publicani  qucestus  ad  mensam 
Dominici  cnrporis  perveniret.  Serm.  54. 

3  Petrus,  arcliiepiscopus  Ravennas,  multa  scrij)sit  de 
quibus  ferunlur  sermones  et  homiliœ  plures,  ad  Euty- 
chem  epislola.  Scripsit  eliam  epistolas  alias.  Trithem., 
de  Script,  eccles.,  cap.  CLIX. 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  m.  —  JUVÉNAL,  ÉVÊQUE  DE  JÉRUSALEM. 


1"? 


CHAPITRE  III. 

Juvénal,  évêque  et  premier  patriarche  de  Jérusalem. 


[458.] 


1 .  Juvénal,  successeur  de  Prayle  dans  le 
siège  de  Jérusalem,  vers  l'an  420  ou  424, 
consacra  \  quelque  temps  après,  Pierre  I", 
évêque  des  Sarrazins  dans  la  Palestine,  dont 
saint  Eiithymius  avait  converti  un  grand 
nombre.  Pierre  se  nommait  auparavant  As- 
pébète  ;  depuis  on  lui  donna  le  nom  d'évê- 
que  des  camps ,  parce  que  ces  Sarrazins 
campaient  dispersés  en  plusieurs  quartiers. 
Juvénal  dédia,  le  7  mai  de  l'an  428,  l'église 
de  la  Laure  de  saint  Eutliymius,  accompa- 
gné dans  cette  cérémonie  par  le  prêtre  Hésy- 
chius  et  par  le  célèbre  Passarion,  supérieur 
d'un  monastère  de  Jérusalem  ou  des  envi- 
rons. Lorsqu'elle  fut  unie,  il  ordonna  diacre 
Domnus,  neveu  et  successeur  de  Jean  d'An- 
tiocbe.  En  430,  il  reçut  du  pape  Célestin, 
une  lettre  pour  l'engager  à  soutenir  la  doc- 
trine de  l'Eglise  contre  les  nouvelles  erreurs 
de  Nestorius.  Saint  Cyrille  d'Alexandrie  lui 
en  écrivit  une  la  même  année,  sur  le  même 
sujet. 

2.  L'année  suivante  il  se  rendit  au  concile 
œcuménique  d'Ephèse,  oîi,  suivant  les  dé- 
sirs de  ces  deux  évêques  et  de  saint  Eutliy- 
mius, il  agit  fortement  contre  les  adversaires 
de  la  foi  orthodose.  11  tint  le  second  rang 
dans  ce  concile,  et  quelquefois  le  premier. 
Il  prétendit  s'y  attribuer  ^  la  primauté  de  la 
Palestine  ;  mais  saint  Cyrille  s'opposa  à  cette 
prétention,  et  pria  instamment  le  pape  Cé- 
lestin de  n'y  point  consentir.  Juvénal  n'eut 
aucun  égard  à  cette  opposition.  Il  fut  un  des 
huit  députés  ^  du  concile  d'Ephèse  à  l'empe- 
reur, et  du  nombre  de  ceux  qui  ordonnèrent 
Maximien,  évêque  de  Constantinople. 

3.  En  449,  il  assista  *  au  faux  concile  d'E- 
phèse, où  il  parut  comme  défenseur  de  Dios- 
core,  évêque  d'Alexandrie,  qui  l'était  lui- 
même  des  erreurs  d'Eutychès;  cela  le  fit  sé- 


parer de  la  communion  de  toute  l'Eglise  ^; 
mais  ayant  depuis  souscrit  à  la  lettre  de  saint 
Léon  à  Flavien,  et  abandonné  dans  le  con- 
cile de  Chalcédoine  le  parti  de  Dioscore,  le 
concile  le  rétablit  dans  la  communion  de 
l'Eglise,  et  lui  confirma  sa  dignité;  il  eut 
même  part  au  décret  de  la  foi,  qui  fut  porté 
en  ce  concile.  Il  y  signa  la  condamnation  ^de 
Dioscore,  et  le  canon  qui  fut  fait  en  faveur 
de  l'Eglise  de  Constantinople,  sur  la  requête 
d'Aétius,  archidiacre  de  cette  Eglise.  Dans 
la  septième  action  "^  de  ce  même  concile, 
Juvénal,  après  avoir  conféré  avec  Maxime 
d'Antioclie  sur  les  différends  qu'ils  avaient 
ensemble,  proposa  les  conditions  dont  ils 
étaient  convenus  pour  s'accorder;  elles  por- 
taient que  le  siège  de  saint  Pieri'e  d'Antio- 
che  aurait  les  deux  Phénicies  et  l'Arabie;  et 
celui  de  Jérusalem,  les  trois  Palestines.  Les 
légats  du  Saint-Siège ,  Anatolius  de  Cons- 
tantinople ,  et  enfin,  tous  les  évêques  du 
concile  consentirent  à  cet  accommodement, 
et  les  magistrats  ^  l'appuyèrent  de  leur  auto- 
rité, déclarant  nuls  au  nom  de  l'empereur 
tous  rescrits  obtenus  départ  et  d'autre.  Saint 
Léon  s  dans  sa  lettre  aux  évêques  du  concile 
de  Chalcédoine,  ne  s'explique  point  en  ter- 
mes formels  sur  l'accord  de  Maxime  et  de 
Juvénal;  mais  il  fait  assez  sentir  qu'il  ne 
l'approuvait  point,  en  témoignant  qu'il  cas- 
sait absolument  ce  que  l'ambition  de  quel- 
ques-uns pouvait  avoir  obtenu  dans  le  con- 
cile de  Chalcédoine,  au  préjudice  de  l'an- 
cienne discipline  de  l'Eglise,  et  des  décrets 
de  Nicée;  il  offrit  ">  même  quelque  temps 
après  à  Maxime,  qui  se  repentait  de  la  tran- 
saction qu'il  avait  faite  avec  Juvénal,  de  faire 
tout  ce  qui  dépendrait  de  lui,  pour  maintenir 
l'ancienne  dignité  de  l'Eglise  d'Antioche , 
aussitôt  qu'il  lui  aurait  marqué  clairement 


*  Euthym.  Vita,  tom.  I  Analect.   Cot.,  pag.  29   et 
seq. 

2  Léo,  Epist.  92  ad  Max. 

3  Tom.  111  Concil.,  pag.  780. 

*  Tom,  IV  Concil.,  pag.  113. 
5  Léo,  Epist.  60  et  75. 

X. 


•5  Tom.  IV  Concil.,  pag.  798. 
■J  Tom.  IV  Concil.,  pag.  G13. 

8  Tom.  IV  Concil.,  pag.  618. 

9  Léo,  Epist.  87. 

w  Léo,  Epist.  92  ad  Max. 


d8 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


en  quoi  elle  avait  été  blessée.  Mais  il  faut 
bien  qu'il  ne  se  soit  plus  élevé  de  contesta- 
tion sur  cette  matière,  puisque  les  évêques 
.  de  Jérusalem  ont  toujours  joui,  depuis  le 
concile  de  Chalcédoine,  de  la  dignité  de  pa- 
triarche que  Juvénal  avait  obtenue.  Il  avait 
sous  lui,  en  cette  qualité,  les  trois  Palestines. 
Elles  ne  faisaient  d'abord  qu'une  province , 
laquelle  fut  divisée  en  trois  vers  l'an  394. 
Comme  elles  avaient  chacune  leur  métropole, 
savoir  :  Césarée,  Scythople  et  Pétra,  l'évê- 
que  de  Jérusalem  avait  droit,  comme  pa- 
triarche, d'ordonner  les  évêques  de  ces  trois 
villes.  Il  est  surprenant  que  cet  accord  se 
soit  fait  sans  l'agrément  de  l'évéque  de  Cé- 
sarée, qui,  dès  avant  le  concile  de  Nicée  et 
depuis,  avait  eu  la  juridiction  sur  les  évê- 
ques de  Palestine ,  en  qualité  de  métropoh. 
tain;  mais  peut-être  que  Juvénal  avait  déjà 
usurpé  ce  droit, 
javénai  est  4.  Le  coucile  de  Chalcédoine  fini,  Juvénal 
t°ir''^'dc°  s°n'   s'en  retourna  dans  la  Palestine,  qu'il  trouva 

ligliseen  4b2.  ,  ,  ,  .  ,        i    /  ti 

Il  revieni  en  soulcvce  par  les  mornes  eulychéens.  Us  vou- 
lurent l'obhger  à  se  rétracter,  et  à  anathéma- 
tiser  la  doctrine  qu'il  avait  souscrite  à  Chal- 
cédoine; mais  n'en  ayant  rien  voulu  faire, 
ces  séditieux  attentèrent  à  sa  vie,  ce  qui  l'o- 
bligea de  s'enfuir  à  Constantinople  ;  alors  ils 
s'assemblèrent  dans  l'église  de  la  Résurrec- 
tion, et  ordonnèrent  évêque  de  Jérusalem, 
un  moine  nommé  Théodose,  qui,  convaincu 
de  crimes  par  son  évêque,  avait  été  chassé 
de  son  monastère.  Cet  intrus  n'occupa  pas 
longtemps  ce  siège.  L'empereur  Marcien  l'en 
fit  chasser  en  l'an  453,  et  le  trouble  étant 
apaisé,  Juvénal  rentra  dans  Jérusalem  après 
une  absence  de  vingt  mois. 
5.  Théodose  avait  ordonné  des  évêques 
Il  tient  un  pQjjj,  plusieurs  villes  de  Palestine,  surtout  à 
la  place  de  ceux  qui  n'étaient  pas  encore  de 
retour  de  Chalcédoine.  Juvénal  déposa  tous 
ceux  que  ce  moine  avait  ordonnés,  et  tint  un 


concile  à  Je- 
ruE'ilem  er 
'tS3. 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

concile  à  Jérusalem,  composé  des  évêques 
des  trois  Palestines.  Nous  en  avons  la  lettre 
synodale  '  souscrite  par  Juvénal ,  Irénée  de 
Césarée,  Paul  de  Parale,  et  tous  les  évêques 
de  ces  trois  provinces.  Elle  est  adressée  à 
tous  les  abbés  et  les  moines  de  Palestine, 
pour  leur  déclarer  que  l'Eghse  de  Jérusalem 
avait  toujours  conservé,  et  conserverait  sans 
tache,  la  foi  qui  nous  a  été  transmise  par  les 
saints  Apôtres;  que  c'est  la  même  foi  que 
les  Pères  de  Nicée  nous  ont  enseignée  dans 
leur  Symbole;  que  le  concile  de  Chalcédoine 
n'a  fait  que  la  confirmer;  qu'on  ne  peut  rien 
y  ajouter,  ni  en  rien  retrancher.  Juvénal 
rassure  aussi  ces  abbés  et  ces  moines  contre 
les  calomnies  des  schismatiques,  c'est-à-dire 
des  eutychéens  qui  avaient  fait  ordonner 
Tbéodose  ,  et  les  exhorte  à  demeurer  fer- 
mes dans  la  foi  qu'ils  ont  reçue.  Nous  n'a- 
vons plus  la  lettre  qu'il  écrivit  à  saint  Léon; 
mais  il  nous  reste  la  réponse  que  ce  saint 
Pape  lui  fit,  et  une  autre  lettre  de  l'an  457, 
dans  laquelle  il  l'encourage  à  défendre  la  foi 
contre  les  eutychéens,  à  ne  point  souffrir  que 
l'on  mît  en  question  les  vérités  qui  avaient 
été  confirmées  dans  le  concile  de  Chalcé- 
doine. Juvénal  reçut  la  même  année  une 
lettre  de  l'empereur  Léon  sur  l'usurpation 
que  Timothée  Elure ,  prêtre  d'Alexandrie, 
avait  faite  du  siège  épiscopal  de  cette  ville, 
qui  était  occupé  par  saint  Protèi'e.  Il  mourut 
l'année  suivante  458,  après  avoir  gouverné 
l'Eglise  de  Jérusalem  environ  quarante  ans. 
On  dit  que  ce  fut  lui  ^  qui  commença  à  célé- 
brer la  fête  de  la  Naissance  du  Sauveur; 
c'est-à-dire  qu'il  en  fit  une  fête  particulière, 
fixée  au  25  décembre,  au  lieu  qu'auparavant, 
l'Eglise  de  Jérusalem,  comme  beaucoup  d'au- 
tres Egfises,  la  célébrait  le  sixième  jour  de 
janvier,  en  même  temps  que  celle  de  l'Epi- 
phanie. 


I 


1  Tom.  IV  Coneil.,  pag 


2 Basil.  Seleuc,  apud  Combef.  de  Chrysost.,  pag.  302. 


[V«   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYR. 


19 


CHAPITRE  IV. 

Le  bienheureux  Théodoret,  évêque  de  Cyr,  docteur  de  l'Eglise  '  et 

confesseur. 

[Vers  l'an  457  ou  458.] 


ARTICLE  I". 


HISTOIRE   DE    SA    YIE. 


relire 


1 .  Théodoret,  l'un  des  pins  savants  de  son 
siècle,  eut  une  naissance  semblable  à  celle 
d'Isaac,  de  Samuel,  de  saint  Jean-Baptiste 
et  de  saint  Grégoire  de  Nazianze ,  ayant 
comme  eux,  été  donné  de  Dieu,  suivant  la 
signification  de  son  nom.  Ce  fut  à  la  prière  ^ 
d'un  fameux  solitaire  nommé  Macédonias, 
que  ses  parents  l'obtinrent;  mais  en  le  lui 
demandant,  ils  promirent  l'un  et  l'autre, 
qu'ils  le  consacreraient  à  Dieu,  et  ils  exécu- 
tèrent leur  promesse  ^  en  le  lui  offrant  aus- 
sitôt qa'il  fut  hors  du  berceau.  Théodoret  * 
fut  nourri,  dès  son  enfance,  dans  la  doctrine 
des  Apôtres,  et  instruit  dans  la  foi  pure  da 
concile  de  Nicée.  Il  était  encore  jeune  ^lors- 
qu'il lisait  au  peuple  les  divines  Ecritures  ; 
ainsi.  Ton  peut  croire  qu'il  avait  été  mis, 
étant  encore  encoi-e  enfant,  au  rang  des  lec- 
teurs. Sa  demeure  ordinaireétait  à  Anlioche, 
oîi  il  était  né  vers  l'an  387;  ce  fut  apparem- 
ment en  cette  ville  qu'il  s'appliqua  à  l'étude 
de  réloquence  et  à  la  connaissance  des  lan- 
gues étrangères  :  car  on  voit  par  ses  ouvra- 
ges, qu'outre  le  syriaque  qui  était  la  langue 
commune  de  son  pays,  il  savait  encore  le 
grec  et  l'hébreu. 

2.  Il  n'était  pas  fort  avancé  en  âge  lors- 
qu'il perdit  son  père  et  sa  mère.  Alors  se 
voyant  le  maître  des  grands  biens  qu'ils  lui 
avaient  laissés,  il  les  distribua  ^  aux  pauvres, 
choisissant  pour  son  partage  la  pauvreté  vo- 
lontaire. Depuis  ce  temps-là  il  ne  voulut 
rien  posséder  en  propre,  ni  maisons,  ni 
terres,  n'ayant  pour  toutes  choses  que  ses 
habits,  qui  étaient  même  fort  médiocres.  Il 


avait  été  accoutumé,  étant  jeune,  d'aller  à 
un  monastère  situé  à  près  de  trente  lieues 
d'Antioche.  Après  la  mort  de  ses  parents,  il 
y  fixa  sa  demeure,  et  n'en  sortit  que  malgré 
lui,  lorsqu'on  l'en  tira  en  423,  pour  le  faire 
évêque  de  Cyr,  dans  la  partie  de  Syrie  ap- 
pelée Euphratésienne. 

3.  C'était  une  petite  ville  déserte  ',  fort 
désagréable,  qui  n'avait  que  peu  d'habitants 
et  tous  pauvres.  Quoique  le  territoire  de  Cyr 
eût  seize  lieues  de  long  et  autant  de  large, 
Théodoret  *  le  représente  comme  peu  de 
chose;  mais  il  fallait  que  le  pays  fut  fertile, 
du  moins  dans  la  plaine,  puisqu'il  compte  ' 
huit  cents  églises  ou  paroisses  dans  son  dio- 
cèse. On  croit  qu'étant  évêque,  il  continua 
la  manière  de  vie  qu'il  avait  pratiquée  dans 
le  monastère.  Il  nous  apprend  '"  lui-même 
qu'outre  les  prières  de  la  liturgie  qui  se 
faisaient  dans  l'église,  il  priait  et  glorifiait  la 
sainte  Trinité,  au  commencement  et  à  la  fin 
du  jour,  et  dans  les  heures  qui  divisaient  le 
jour  en  trois  parties.  Il  avait  "  aussi  coutume 
de  faire  coucher  quelques  personnes  avec 
lui  dans  sa  chambre.  On  voit  '-  par  ses  lettres, 
qu'il  ne  tenait  ni  à  la  dignité  épiscopale, 
sous  le  poids  de  laquelle  il  gémissait,  ni  à  la 
vie.  Un  de  ses  amis  lui  envoya  un  jour  du 
vin  de  Lesbos,  en  lui  mandant  qu'il  était 
fort  sain,  et  bon  pour  faire  vivre  longtemps. 
Théodoret  '^  lui  fit  réponse  que  ce  présent  lui 
était  fort  inutile,  puisqu'il  n'aspirait  pas  à 
une  longue  vie,  voyant  les  troubles  et  les 
tempêtes  dont  elle  est  agitée. 

4.  Toute  son  attention  '*  dans  l'épiscopat, 
fut  d'édifier  l'Egfise  de  Dieu,  et  de  plaire  à 
son  divin  époux.  Rien  ne  pouvait  l'empêcher 
de  dire  ou  de  faire  '^  pour  la  vérité  et  pour 


Il  est  f.iil 
évèinc  de  Cyr 
en  ;23. 


Sa  confluite 
dnos  répisco- 


'  L'Eglise  ne  lui  donne  pas  le  titre  de  docteur. 
(U  éditeur.) 
'^  Théodoret.,  Vit.  Pair.,  cap.  siii. 
3  Idem,  Epist.  81.  —  *  Idem,  Epist  88. 
'  Idem,  Vit,  l'atr.,  cap.  su. 
^  Idem,  Epist.  223.  —  7  Idem,  Episi.  32. 


s  Théodoret,  Epist.  42.  —  9  Idem,  Epist.  113. 

'0  Idem,  Epist.  145. 

"  Théodoret.,  Vif.  Pafr.,  cap.  xxi. 

12  Idem,  Epist.  16.  —  "  Idem,  Epist.  13. 

'*  Idem,  Epist.  iC.  —  >''  idem,  Episl.  79. 


10 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ses  amis,  tout  ce  que  sa  conscience  deman- 
dait de  lui.  Pendant  tout  le  temps  qu'il  fut 
évêque,  il  ne  forma  '  jamais  de  plaintes  en 
justice,  et  personne  n'en  forma  contre  lui; 
en  sorte  qu'on  ne  le  vit  point  importuner  les 
magistrats,  ni  ses  ecclésiastiques  pai-aitre 
dans  les  tribunaux  des  juges.  Il  avait  pour 
maxime,  de  recommander  souvent  à  ses  peu- 
ples, les  œuvres  de  charité;  et  il  rend  témoi- 
gnage ^  à  ceux  de  Cyr  que,  quoique  pauvres 
et  en  petit  nombre,  ils  secouraient  néanmoins 
ceux  qui  avaient  recours  à  leur  assistance. 
Tant  dans  cette  ville,  que  dans  les  paroisses  ^ 
de  la  campagne,  les  hommes  et  les  femmes 
s'assemblaient,  dès  le  point  du  jour,  à  l'E- 
glise pour  y  offrir  à  Dieu  leurs  prières  et 
leurs  cantiques;  ils  faisaient  la  même  chose 
à  la  fin  du  jour.  Théodoret  ayant  trouvé  * 
dans  les  Eglises  de  son  diocèse  plus  de  deux 
cents  exemplaires  de  la  Concorde  de  l'Evan- 
gile par  l'hérésiarque  Tatien,  où  étaient  sup- 
primés tous  les  endroits  contraires  à  ses  er- 
reurs, il  prit  toutes  ces  concordes,  et  mit  à 
la  place  le  texte  ordinaire  des  quatre  Evan- 
géhstes.  Il  fit  bâtir  ^  à  Cyr  une  église  où  il 
mit  des  reliques  des  Apôtres  et  des  Prophè- 
tes, qu'on  lui  avait  envoyées  de  Palestine  * 
et  de  Phénicie,  et  qu'il  avait  reçues  solen- 
nellement avec  le  chant  des  Psaumes,  ac- 
compagné de  tout  le  peuple  de  la  ville  et  de 
la  campagne.  Parmi  ces  reliques,  il  y  en  avait 
du  patriarche  Joseph  et  de  saint  Jean-Bap- 
tiste. Il  en  reçut  aussi  de  Perse  ',  qu'il  mit 
dans  l'église  de  Citte,  bourg  de  son  diocèse. 
Voulant  aussi  pourvoir  aux  besoins  temporels 
de  Cyr,  il  bâtit,  des  revenus  de  l'Eglise,  des 
galeries  ^  publiques  et  deux  grands  ponts,  et 
fit  réparer  les  bains.  Il  fît  un  aqueduc  dans 
la  ville,  par  le  moyen  duquel  il  la  remplit 
d'eau  dont  elle  manquait  auparavant,  n'en 
ayant  que  de  la  rivière;  et  de  peur  que  cette 
rivière  ne  continuât  à  se  déborder,  comme 
il  arrivait  souvent,  il  fit  construire  un  canal. 
Il  attira  encore  à  Cyr  des  médecins  ^  et  d'au- 
tres personnes  de  diverses  professions  néces- 
saires. Enfin,  il  s'employa  "*  auprès  de  l'im- 
pératrice Pulchérie,  pour  le  soulagement  de 
son  diocèse,  tellement  accablé  d'impositions. 


que  plusieurs  terres  y  étaient  incultes. 
Comme  il  y  avait  un  très-grand  nombre 
d'hérétiques,  ariens,  macédoniens  et  mar- 
cionites,  il  en  convertit  un  grand  nombre  ", 
et  baptisa  plus  de  dix  mille  marcionites  en 
huit  bourgades.  Il  y  en  avait  une  autre  pleine 
d'eunomiens,  et  une  autre  d'ariens  ;  il  les 
convertit  encore,  en  sorte  qu'en  449,  il  ne 
restait  pas  un  seul  hérétique  dans  le  diocèse 
de  Cyr  :  mais  cette  moisson  lui  coûta  beau- 
coup; il  ne  la  recueillit  qu'après  l'avoir  se- 
mée '^  avec  ses  larmes,  et  l'avoir  même  arro- 
sée de  son  sang;  car  il  fut  souvent  poursuivi 
à  coups  de  pierres  par  ceux  dont  il  tâchait 
d'amollir  la  dureté.  Pour  leur  procurer  la  vie 
de  l'âme,  il  se  trouva  plus  d'une  fois  en  dan- 
ger de  perdre  celle  du  corps;  c'est  ce  qui  lui 
a  fait  donner  le  titre  de  confesseur  de  Jésus- 
Christ.  Il  reconnait  avoir  été  beaucoup  aidé  '^ 
dans  ces  conversions  par  les  prières  d'un 
saint  solitaire  nommé  Jacques,  et  des  saints 
dont  il  avait  des  reliques.  Théodoret  com- 
battit '**  aussi,  par  ses  discours,  les  païens  et 
les  juifs,  les  apollinaristes  et  les  autres  héréti- 
ques; il  y  eut  même  plusieurs  païens  qui  le 
vinrent  voir;  il  s'entretint  avec  eux,  et  réfuta 
les  railleries  qu'ils  faisaient  de  la  religion 
chrétienne.  Quelquefois  il  sortait  de  son  dio- 
cèse pour  annoncer  la  parole  de  Dieu.  On 
voit  par  ses  lettres  qu'il  la  prêcha  à  Bérée  ">, 
et  encore  plus  souvent  à  Antioche;  mais  il 
ne  faisait  jamais  cette  fonction  qu'il  n'en  fût 
prié  "^  ou  même  qu'on  ne  l'y  contraignît.  11 
était  avec  cela  accablé  "  d'une  infinité  de 
soins  pour  les  affaires  de  la  ville  et  de  la 
campagne,  pour  celles  de  la  police  et  de  la 
cour,  pour  celles  du  monde  et  de  l'Egiise. 
Son  zèle  trouva  de  quoi  s'exercer  durant  la 
persécution  que  l'EgHse  de  Perse  soulïrit  de- 
puis l'an  420.  11  ne  se  contenta  pas  de  re- 
cueillir les  rehques  des  martyrs  et  de  les 
faire  transporter  dans  son  diocèse  ;  il  écrivit  '^ 
encore  aux  évoques  de  la  partie  d'Arménie 
soumise  aux  Perses,  pour  les  exhorter  à  sou- 
tenir les  faibles  dans  des  tentations  si  dan- 
gereuses, à  traher  avec  beaucoup  de  charité 
ceux  que  la  crainte  ou  la  rigueur  des  suppli- 
ces avaient  fait  tomber,  à  s'appliquer  à  les 


1  Théodoret.,  Epist.  81.  —  s  Idem,  Epist.  32. 

3  Vit.  Pair.,  cap.  xxx. 

4  Théodoret.,  lib.  I  Hœreik.  fabuL,  cap.  XX. 

5  Idem,  Epist.  66.  —  ^  Vit.  Pair.,  cap.  xxi. 
''  Théodoret.,  cap.  x.'iiv. 

8  Idem,  Epist.  79  et  81 . 

2  Idem,  Epist.  114  et  115.  —  lo  Idem,  Epist.  /i5. 


•1  Théodoret,  Epist.  81,  113  et  145. 

12  Idem,  Epist.  81.  —  "  .f!7.  Pair.,  cap.  sxi. 

»*  Idem,  Epist.  113  et  145. 

»s  Idem,  Epist.  75,  81  et  83. 

"  Idem,  Epist.  81. 

'•  Théodoret.,  in  Cant.,  tom.  I,  pag.  984  et  988. 

is  Epist.  77  et  78. 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


relever  et  à  guérir  leurs  plaies;  mais  tou- 
jours conformément  aux  canons  des  Pères; 
à  donner  eux-mêmes  des  exemples  de  force, 
de  constance  et  de  courage.  «Car  un  évêque, 
leur  dit-il,  n'est  pas  évêque  pour  recevoir 
les  respects  des  peuples  pendant  la  paix, 
mais  pour  combattre  à  leur  tête  pendant  la 
guerre;  les  animaux  même  les  plus  faibles 
et  les  plus  farouches,  nous  apprennent  com- 
ment les  pères  doivent  s^exposer  pour  leurs 
enfants.  C'est  dans  cette  épreuve  que  l'on 
voit  qui  sont  les  mercenaires,  et  qui  sont  les 
vérilables  pasteurs.  » 

S.  Théodoret  était  lié  d'amitié  avec  Nesto- 
rius  et  avec  Jean  d'Antiocbe.  Il  se  trouva  ' 
en  cette  ville,  lorsqu'on  rendit  à  Jeau,  qui 
en  était  évêque,  les  lettres  que  le  pape  Cé- 
lestin  et  saint  Cyrille  lui  écrivaient  contre 
Nestorius.  Consulté  comme  les  autres  évo- 
ques qui  étaient  présents,  il  fut  d'avis  que 
Jean  devait  écrire  à  Nestorius;  il  lui  écrivit 
en  effet  une  lettre  fort  belle  et  très-ortho- 
doxe, pour  l'engager  à  faire  tomber  les  bruits 
qu'il  venait  d'exciter  dans  l'Eglise.  Quelques- 
uns  ont  cru  que  Théodoret  avait  lui-même 
motivé  cette  lettre.  La  troisième  de  saint 
Cyrille  à  Nestorius,  à  laquelle  il  avait  joint 
ses  douze  anathématisraes,  ne  plut  ni  à  Jean 
ni  à  Théodoret;  ils  en  furent  clioqués  ^, 
croyant  que  les  anathématismes  renfer- 
maient l'hérésie  d'Apollinaire.  Théodoret  les 
réfuta  à  la  prière  de  Jean,  par  un  écrit  assez 
aigre,  auquel  saint  Cyrille  fit  une  réponse. 
Le  jugement  rendu  contre  Nestorius  avant 
l'arrivée  des  Orientaux  à  Ephèse,  l'approba- 
tion que  le  concile  parut  donner  aux  anathé- 
matismes de  saint  Cyrille  ^  ne  choquèrent 
pas  moins  Jean,  Théodoret  et  les  autres  évê- 
ques  qui  étaient  venus  avec  eux.  Ils  déposè- 
rent saint  Cyrille  sans  aucune  formalité  ca- 
nonique, déclarèrent  les  anathématismes  hé- 
rétiques, se  séparèrent  de  la  communion  du 
concile,  en  cassèrent  tout  ce  qui  avait  été 
fait.  Le  concile  les  cita  dans  les  formes  pour 
venir  rendre  raison  d'un  procédé  si  irrégu- 
lier :  sur  le  refus  qu'ils  en  Orent,  il  les  re- 
trancha de  la  communion  ecclésiastique, 
avec  défense  d'user  de  l'autorité  sacerdotale 
jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  reconnu  et  confessé 
leur  faute. 

6.  Pour  terminer  les  divisions  qui  régnaient 


21 

entre  eux  et  le  concile  d'Ephèse,  l'empereur 
Théodose-le-Jeune  ordonna  que  chacun  des 
deux  partis  lui  députerait  huit  évêques. 
Théodoret  fut  un  des  huit  du  côté  des  Orien- 
taux. Il  est  marqué  qu'il  était  vicaire  d'A- 
lexandre de  Hiéraple ,  c'est-à-dire  qu'il  par- 
lerait pour  lui.  Il  nous  reste  ■*  quelques  frag- 
ments des  discours  qu'il  fil  à  diverses  per- 
sonnes, pour  les  engager  à  la  défense  de  la 
foi  qu'il  croyait  blessée  dans  les  anathéma- 
tismes de  saint  Cyrille,  et  à  ne  point  aban- 
donner Nestorius.  Il  n'oubha  ni  politesse,  ni 
fermeté,  ni  prières,  pour  exciter  l'empereur 
et  son  consistoire  à  ne  pas  négliger  la  foi  ; 
toutes  ses  sollicitations  furent  inutiles;  on 
prit  à  injure  tout  ce  qu'il  dit  en  faveur  de 
Nestorius.  La  légation  des  Orientaux  fut  sans  ' 
effet.  Saint  Cyrille  fut  renvoyé  à  Alexandrie, 
et  la  sentence  de  déposition  rendue  par  le 
concile  contre  Nestorius  fut  confirmée. 

7.  Théodoret  et  les  autres  Orientaux  s'en 
retournèrent  chacun  chez  eux;  mais  étant  à  % 
Bérée,  ils  tinrent  un  concile  pour  savoir  ce 
qu'ils  feraient  sur  les  nouvelles  instances  de 
Théodose,  pour  les  obHger  de  s'accorder 
avec  saint  Cyrille.  Le  résultat  de  cette  as- 
semblée fut  que  l'on  dresserait  quelques  ar- 
ticles que  l'on  enverrait  à  saint  Cyrille.  Ce 
saint  y  répondit  par  une  lettre  à  Acace,  où 
il  marquait  à  quelle  condition  il  se  réunirait 
avec  les  Orientaux  ;  et  où  il  faisait  aussi  une 
exposition  de  sa  foi,  pour  lever  les  doutes 
que  ses  anathématismes  en  avaient  fait  con- 
cevoir. Théodoret  après  avoir  examiné  cette 
lettre  avec  soin,  la  trouva  catholique;  mais 
il  ne  put  se  résoudre  à  abandonner  Nesto- 
rius. L'empereur,  voyant  que  le  schisme  con- 
tinuait, donna  des  ordres  pour  chasser  de 
leurs  Eglises  ceux  qui  refuseraient  de  se 
réunir.  'Théodoret  n'en  fut  point  effrayé;  il 
fut  bien  plus  touché  des  instances  ^  que  lui 
firent  saint  Jacques  de  Nisibe  le  Jeune,  saint 
Siméon  Stylite  et  saint  Baradat;  ils  l'enga- 
gèrent à  conférer  avec  Jean  d'Antiocbe  qui 
s'était  déjà  réuni  avec  la  plupart  des  Orien- 
taux. Jean  le  reçut  avec  toute  sorte  d'amitié, 
et  ayant  conféré  ensemble ,  ils  convinrent 
qu'on  ne  parlerait  point  de  la  déposition  de 
Nestorius,  mais  seulement  de  la  foi  sur  la- 
quelle ils  étaient  d'accord.  A  ces  conditions 
Théodoret  se  réunit  avec  Jean  d'Antiocbe  et 


Théodoret 
réunit  avec 
nt  CyiiUe. 


'  Tom.  m  Concil.,  pag.  394. 

2  Libérât.,  cap.  iv. 

'  Append.  Concil.  Baluz.,  pag.  701. 


i  Tom.  III  oper.  Tlieod.,  pag.  725,  735,  733,  533  et 
53b,  et  tom.  V,  pag.  505,  et  506. 
'"  Append.  Concil.  Baluz.,  pag.  834  et  836. 


22 


HISTOTRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


avec  saint  Cyrille.  Maximin  d'Anazarbe  et 
los  autres  évêques  de  la  seconde  Cilicie  en 
firent  de  même;  mais  Alexandre  d'Hiéraple 
demeura  inflexible,  malgré  les  prières  et  les 
instances  que  lui  fit  Théodoret  '.  Cela  se  pas- 
sait en  43.3  et  en  434.  Environ  deux  ans 
après,  on  demanda  de  nouveau  la  signature 
de  la  condamnation  de  Nestorius.  Théodoret 
la  refusa  d'abord;  mais  ayant  enfin  reconnu 
que  la  doctrine  de  Nestorius  était  entièrement 
opposée  à  celle  de  l'Eglise  catholique,  il  dé- 
clara publiquement  qu'il  détestait  son  héré- 
sie. 
^^^Théojorei  8.  La  lettre  de  saint  Proclus  de  Constanti- 
^iit'ptuesie'!'  nople  écrite  aux  Arméniens  vers  la  fin  de 
cydiii.  '''"'  l'an  436,  fut  une  nouvelle  occasion  à  Théo- 
doret de  se  déclarer  contre  saint  Cyrille. 
Les  Orientaux,  assemblés  à  Antioche,  ne  fi- 
rent aucune  difficulté  de  souscrire  à  cette 
lettre;  mais  ils  refusèrent  absolument  de 
condamner  les  propositions  qu'on  avait  join- 
tes à  cette  letlre  et  qu'on  disait  être  de  Théo- 
dore de  Mopsueste.  Saint  Cyrille  les  pressa 
souvent  de  condamner  Théodore,  et  il  fit 
même  un  écrit  en  438,  pour  montrer  que 
c'était  un  impie,  et  que  Diodore  de  Tarse 
était  coupable  de  plusieurs  erreurs.  Théodo- 
ret, qui  estimait  particulièrement  ces  deux 
évêques,  en  prit  la  défense  dans  un  écrit  où 
il  répondait  à  tous  les  passages  que  saint 
Cyrille  avait  allégués  contre  Théodore.  Cet 
ouvrage,  qui  est  cité  ^  dans  le  cinquième  con- 
cile, était,  ce  semble,  divisé  en  plusieurs  li- 
vres. Théodoret  y  rapportait  les  propres  ter- 
mes de  saint  Cyrille,  et  les  réfutait  ensuite 
d'une  manière  assez  vive.  On  ne  voit  point 
que  cette  dispute  ait  eu  entre  eux  d'autres 
siiites. 
Théodore!       9.  Celle  qu'il  eut  avec  Dioscore,  qui  avait 

combat    I  lie-       ,  f    •  -î 

résie  .l'Eoiy-   etc  fait  cvcque  d'Alexandrie  en  444,  ne  se 

tbe?.  11  luiost  ^  ' 

ciéfBodo    de   termina  pas  si  tôt.  Théodoret  lui  était  odieux, 

sortir  de  Lyr.  ^  ' 

parce  qu'il  ne  cessait  point  de  combattre 
l'hérésie  d'Eutychès.  Dioscore  qui  en  était  le 
protecteur  déclaré,  suscita  à  Théodoret  des 
ennemis  dans  Constantinople,  qui  l'accusè- 
rent d'être  lui-même  dans  de  mauvais  senti- 
ments, entr'autres  de  croire  deux  Fils  ^,  et 
de  jeter  le  trouble  dans  l'Eglise  par  ses  dis- 
cours et  par  les  assemblées  qu'il  tenait  fré- 
quemment à  Antioche.  Ces  calomnies  furent 
portées  jusqu'à  l'empereur  Théodose,   qui, 


sans  l'avoir  entendu  ni  confronté  avec  ses 
accusateurs,  et  sans  même  qa'il  y  eût  des 
accusateurs  déclarés  selon  les  formes  de  la 
justice,  lui  ordonna  de  se  retirer  à  son  dio- 
cèse de  Cyr,  avec  défense  d'en  sortir.  L'or- 
dre fut  adressé  au  général  des  armées  ro- 
maines dans  la  Syrie,  qui  l'envoya  au  comte 
Rufus.  Celui-ci  le  montra  *  à  Théodoret  qui 
promit  d'y  obéir,  ce  qu'il  fit  aussitôt.  Il  sortit 
d'Antioche  sans  dire  adieu  à  personne,  à 
cause  de  ceux  qui  l'y  voulaient  retenir,  et  se 
retira  à  Cyr;  il  ne  laissa  pas  de  se  plaindre 
à  diverses  personnes,  entr'autres  au  palrice 
Anatolius,  au  préfet  Eutréchius,  au  consul 
Nomus,  et  à  Eusèbe,  évêque  d'Ancyre.  «  Ce 
n'est  pas  ^,  leur  disait-il,  que  le  séjour  de 
Cyr  me  déplaise,  je  l'aime  plus  que  les  villes 
les  plus  célèbres,  parce  que  Dieu  me  l'a 
donnée  en  partage;  mais  il  me  paraît  insup- 
portable d'y  être  attaché  par  nécessité.  » 
Cette  conduite  enhardit  les  méchants  et  les 
rendit  plus  indociles.  En  eflet,  sa  relégation 
devint  la  terreur  ^  et  l'afiliction  commune  de 
tout  l'Orient.  Personne  n'osait  parler  contre 
une  injustice  si  visible,  et  personne  ne  pou- 
vait s'empêcher  d'en  gémir.  Tous  les  solitai- 
res ''  en  témoignaient  leur  douleur  par  leurs 
larmes,  et  dans  toutes  les  assemblées  de 
personnes  de  piété,  on  s'exphquait  sur  cette 
affaire,  plus  par  des  soupirs  que  par  des  pa- 
roles. On  ne  peut  guère  mettre  cette  reléga- 
tion que  vers  la  fin  de  l'an  Ail,  ou  au  com- 
mencement de  448.  Théodoret  demeura  dans 
son  diocèse  sans  en  sortir,  jusqu'après  le 
faux  concile  d'Ephèse,  c'est-à-dire  jusqu'à 
la  fin  de  l'an  449.  Il  s'occupa  pendant  cette 
retraite  à  composer  divers  ouvrages  et  à 
écrire  plusieurs  lettres  pour  sa  justification, 
une  entr'autres  à  Dioscore,  qui  n'y  eut  aucun 
égard  ^.  Il  souffrit  au  contraire  que  ses  ac- 
cusateurs l'anathématisassent  pubhquement 
dans  l'église  d'Alexandrie,  et  s'étant  levé  de 
son  siège,  il  cria  lui-même  avec  eux  :  Ana- 
thême.  Ensuite  il  envoj^a  des  évêques  à 
Constantinople  pour  accuser  Théodoret  et 
les  Orientaux.  Celui-ci  s'en  plaignit  à  Fla- 
vien,  et  montra  l'injustice  del'anathème  pro- 
noncé contre  lui  par  Dioscore.  Domnus,  évê- 
que d'Antioche,  envoya  de  son  côté  des  évê- 
ques à  Constantinople,  pour  la  défense  de 
Tliéodoret  et  des  Orientaux.  Ce  fut  par  Dom- 


'  Appeud.  Concil.  Balus.,  pag. 

2  Tom.  V  Concil.,  pas.  621. 

3  Théodoret.,  Epist.  82. 


%-ik, 


4  Théodoret,  Epist.  79. 
6  Idem,  Epist.  82.  —  f 
8  Epist.  6  et  8. 


—  s  Ibid. 

Epist.  80,  81  et  82. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODOREÏ,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


[V   SIECLE.] 

nus  d'Antioche  que  Théodoret  apprit  qu'il  y 
avait  *  un  ordre  de  l'empereur  pour  déposer 
Iréne'e  qu'il  avait  ordonné  évêqae  de  Tyr; 
l'ordre  ajoutait  qu'il  serait  chassé  de  son 
Eglise,  privé  de  toutes  les  marques  et  du  nom 
même  d'évêque,  et  obligé  de  vivre  dans  son 
pays  sans  en  sortir,  et  sans  se  mêler  d'au- 
cune aEfaire.  Dans  l'édit  qui  portait  cet  ordre, 
Théodose  blâmait  ceux  qui  avaient  fait  Iré- 
née  évêque,  après  avoir  été  marié  deux  fois, 
ajoutant  pour  raison  principale  de  son  expul- 
sion, qu'il  voulait  donner  un  exemple  de  son 
aversion  pour  l'hérésie  de  Nestorius;  mais 
ce  prince  n'y  apportait  aucune  preuve  qu'I- 
rénée  en  fût  infecté;  il  était  daté  du  17  fé- 
vrier de  l'an  448.  Théodoret  ^  écrivit  à  Dom- 
nus  d'Antioche,  qu'il  y  avait  grand  lieu  de 
douter  si  tout  ce  qui  se  passait  à  l'égard  d'I- 
rénée,  venait  de  l'empereur;  qu'ainsi  il  de- 
vait répondre  à  ceux  qui  lui  avaient  écrit 
pour  lui  donner  part  de  cet  édit,  que  l'ordi- 
nation d'Irénée  était  trop  canonique  pour  le 
pouvoir  déposer.  «  Je  l'ai  ordonné,  ajoutait- 
il,  en  exécution  du  décret  de  tous  les  évoques 
de  Phénicie,  connaissant  son  zèle,  sa  gran- 
deur d'âme,  sa  charité  pour  les  pauvres,  et 
ses  autres  vertus.  Au  reste,  je  ne  sache  pas 
qu'il  ait  jamais  refusé  de  nommer  la  sainte 
Vierge  Mère  de  Dieu,  ni  qu'il  ait  eu  aucune 
autre  opinion  contraire  à  la  foi.  Quant  à  la 
bigamie,  j'ai  suivi  l'exemple  de  nos  prédé- 
cesseurs. Alexandre  d'Antioche,  avec  Acace 
de  Bérée,  ordonnèrent  Diogène,  bigame  ; 
Prayle  de  Jérusalem  ordonna  Domnin  de 
Césarée,  bigame  ;  aussi  Proclus  de  Constanti- 
nople  a-t-il  approuvé  l'ordination  d'Irénée, 
comme  les  principaux  évéques  de  Pont  et 
tous  ceux  de  la  Palestine.  »  Irénée,  informé 
de  l'ordre  de  l'empereur,  voulait  se  retirer 
de  Tyr,  mais  il  crut  devoir  consulter  Théo- 
doret sur  cette  démarche  :  il  le  fit  sous  cette 
parabole  ^  :  «  Un  juge  impie  a  donné  le 
choix  à  deux  martyrs,  de  sacrifier  aux  idoles, 
ou  de  se  jeter  à  la  mer.  Le  premier  s'y  est 
précipité  ;  le  second  n'a  fait  ni  l'un  ni  l'autre, 
en  attendant  qu'on  l'y  jette  par  force.  » 
Théodoret  approuvant  la  conduite  du  der- 
nier, conseilla  à  Irénée  de  ne  point  abandon- 
ner son  troupeau  qu'il  n'y  fût  contraint.  On 
l'y  contraignit  en  elïet,  et  on  ordonna  Pho- 
tius  évêque  de  Tyr  à  sa  place. 

10.  Vers  le  même  temps,  Eusèbe,  évêque 


23 


de  Dorylée  en  Phrygie,  ayant  reconnu  par 
plusieurs  conversations  qu'il  avait  eues  avec 
Eutychès,  qu'il  donnait  dans  une  erreur  op- 
posée à  celle  de  Nestorius,  essaya' longtemps 
de  le  ramener  à  la  saine  doctrine  ;  mais 
voyant  qu'il  s'opiniâtrait,  et  qu'il  s'emportait 
avec  excès  contre  lui,  contre  les  saints  Pè- 
res, et  contre  Dieu  même,  il  en  avertit  Fla- 
vien  de  Constantinople,  où  était  situé  le  mo- 
nastère dont  Eutychès  était  abbé.  Flavien 
ayant  assemblé  un  concile  le  8  novembre  de 
l'an  448,  Eusèbe  de  Dorylée,  qui  était  un  des 
évoques  assistants,  présenta  un  libelle  qui 
contenait  divers  chefs  d'accusations  contre 
Eutychès.  Celui-ci  fut  cité  à  comparaître  de- 
vant le  concile.  Il  le  refusa  d'abord;  mais 
ayant  comparu  ensuite,  et  refusé  avec  opi- 
niâtreté de  reconnaître  deux  natures  en  Jé- 
sus-Christ après  l'incarnation,  il  fut  excom- 
munié et  déposé  par  le  concile.  Eutychès 
voulant  se  pourvoir  contre  cette  sentence, 
obtint  de  l'empereur  la  convocation  d'un 
concile  œcuménique  à  Ephèse.  Ce  prince 
rendit  Dioscore  d'Alexandrie  maître  de  cette 
assemblée,  dont  il  exclut  en  termes  exprès 
Théodoret.  Comme  il  était  ami  de  Flavien, 
après  que  Dioscore  eut  prononcé  sa  sentence 
contre  cet  évêque,  il  déposa  aussi  Théodo- 
ret, quoique  absent.  Celui-ci  s'en  plaignit  au 
pape  saint  Léon  par  une  grande  lettre  ^  où 
après  lui  avoir  donné  beaucoup  de  louanges, 
il  dit  que  Dioscore  l'avait  condamné  sans 
l'appeler  et  sans  l'entendre,  absent  et  éloi- 
gné de  trente-cinq  journées.  Il  lui  fait  le  dé- 
tail de  ses  travaux  pour  l'Eglise  et  de  ses 
écrits,  «  dans  lesquels,  dit-il,  on  peut  voir  ai- 
sément si  j'ai  gardé  la  règle  de  la  foi,  ou  si 
je  m'en  suis  écarté.  »  Il  prie  le  Pape  de  lui 
marquer  s'il  doit  acquiescer  à  cette  injuste 
déposition.  «Si  vous  m'ordonnez, dit-il, de  m'en 
tenir  à  ce  qui  a  été  jugé,  je  le  ferai,  je  n'im- 
portunerai plus  personne,  j'attendrai  le  ju- 
gement de  Dieu.  Il  m'est  témoin  que  je  ne 
suis  pas  en  peine  de  mon  honneur,  mais  du 
scandale,  et  de  ce  que  plusieurs  d'entre  les 
simples,  principalement  d'entre  les  héréti- 
ques convertis,  peuvent  me  regarder  comme 
hérétique ,  voyant  l'autorité  de  ceux  qui 
m'ont  condamné,  et  n'étant  pas  capables  de 
discerner  la  doctrine.  »  Cette  lettre  fut  por- 
tée par  les  prêtres  Hypatius  et  Abraham, 
chorévêques,  et  Alypius,  exarque  des  moines 


faax  cuDcile 
d'F.phose.  11 
sort  deCyren 
KO. 


'  Tom.  m  CoticiL, 
2  Epist.  110. 


pag.  1215  et  1216. 


3  Epist.  3. 

<-  Théodoret.,  Epist.  113. 


24 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pel, 

ché  eD  f,5Q. 


de  Cyr.  Il  écrivit  par  les  mêmes  dépulés  *  à 
René,  prêtre  de  l'Eglise  romaine;  àHilarius, 
archidiacre;  et  à  un  évêque  nommé  Floren- 
tins. Il  pria  en  même  temps  ^  le  patrice  Ana- 
tolius  de  lui  obtenir  de  l'empereur,  la  liberté 
d'aller  en  Occident  pour  être  jugé  par  les 
évêques  du  pays,  ou  du  moins  de  se  retirer 
à  son  monastère.  Cela  lui  ayant  été  permis, 
il  se  retira,  ce  semble,  à  son  monastère,  près 
d'Apamée;  cependant  on  ne  mit  point  d'é- 
vêque  à  sa  place ,  et  ni  le  peuple  de  Cyr  ni 
les  évêques  de  la  province  ne  se  mirent 
en  peine  d'en  chercher  un  autre.  En  effet, 
le  temps  fut  court  depuis  que  Théodoret  sor- 
tit de  Cyr,  ce  qui  n'arriva  pas  avant  l'an  4S0, 
jusqu'à  la  mort  de  Théodose-le-Jeune,  arri- 
vée le  29  juillet  delà  même  année. 
Il  esi  rap-  II.  Alors  Marcien,  devenu  maître  de  l'em- 
pire par  son  mariage  avec  sainte  PuJchérie, 
sœur  de  Théodose,  donna  un  ordre  particu- 
lier pour  rappeler  les  évêques  qui  avaient 
été  exilés  avec  saint  Flavien,  pour  la  défense 
de  la  foi  catholique.  Théodoret  fat  rappelé 
nommément,  ainsi  qu'il  paraît  par  ses  let- 
tres 3  de  remerciement  aux  premières  per- 
sonnes de  l'empire  qui  s'étaient  employées  à 
son  rappel.  Sa  députation  ayant  été  bien  re- 
çue du  Pape,  il  en  obtint  son  rétablissement 
dans  l'épiscopat,  sans  qu'on  eût  eu  à  Rome 
aucun  égard  au  jugement  de  Dioscore.  C'é- 
tait avant  la  tenue  du  concile  de  Chalcédoine, 
qui,  regardant  le  jugement  du  Pape  en  fa- 
veur de  Théodoret,  comme  le  jugement  de 
Dieu,  le  reçut  aussi  comme  entièrement 
exempt  de  la  tache  d'hérésie. 

12.  Il  assista  à  ce  concile  par  un  ordre 
exprès  de  l'empereur  *  notifié  aux  évêques 
par  les  magistrats  présents.  Les  évêques 
d'Egypte,  d'Illyrie  et  de  Palestine  s'opposè- 
rent à  cet  ordre;  mais  ceux  d'Orient,  d'Asie 
et  de  Thrace,  demandèrent  au  contraire,  que 
Théodoret  entrât  pour  avoir  part  au  concile. 
Les  magistrats  dirent  que  sa  présence  ne 
porterait  préjudice  à  personne,  et  que  tous 
les  droits  que  les  évêques  pourraient  avoir 
contre  lui  et  contre  eux,  seraient  conservés; 
après  quoi  ils  le  firent  asseoir  au  miheu, 
avec  Eusèbe  de  Dorylée,  en  qualité  d'accu- 
sateurs. C'est  ce  qui  se  passa  dans  la  pre- 
mière session  du  concile  de  Chalcédoine,  en 


Il  estnrlmis 
su  concile  de 
ChalcéJoine. 


431.  Dans  la  huitième  session,  les  évêques  ^ 
s'écrièrent  :  «  Que  Théodoret  anathématise 
Nestorius.  »  Théodoret  voulut  s'exphquer  sur 
sa  doctrine,  et  justifier  son  innocence;  mais 
pressé  à  plusieurs  reprises  d'anathématiser 
Nestorius,  il  dit  :  «  Anathème  à  Nestorius,  à 
quiconque  ne  dit  pas  que  la  vierge  Marie  est 
Mère  de  Dieu,  et  à  quiconque  divise  en  deux 
le  Fils  unique.  J'ai  souscrit  à  la  définition 
de  foi  et  à  la  lettre  du  très-saint  archevêque 
Léon,  et  je  crois  ainsi.  «  Les  magistrats  di- 
rent qu'il  n'y  avait  plus  de  difficultés  sur 
Théodoret,  et  tous  les  évêques  s'écrièrent, 
qu'il  était  digne  de  son  siège,  et  qu'on  le 
rendît  à  son  Eglise.  «  C'est,  dirent-ils,  le 
jugement  de  Jésus-Christ.  Nous  l'approuvons 
tous.  )) 

13.  Théodoret,  ainsi  rétabli  dans  l'Eglise 
de  Cyr,  avec  promesse  de  la  part  des  offi- 
ciers de  l'empereur,  que  ce  prince  lui  laisse- 
rait une  entière  liberté  de  la  gouverner, 
opina  comme  évêque  dans  les  actions  sui- 
vantes, nommément  dans  la  seizième  et  der- 
nière, qui  se  tint  le  1"  novembre  de  l'an- 
née 451,  où  il  souscrivit  ^  comme  évêque  de 
Cyr.  Il  n'y  a  donc  aucune  vraisemblance, 
comme  le  prétendirent  ^  depuis  les  ennemis 
du  concile  de  Chalcédoine,  que  Théodoret  n'y 
ait  nnathématisé  Nestorius  que  de  bouche. 
Il  n'y  en  a  pas  non  plus  qu'il  ait  abandonné  son 
évêché  pour  se  retirer  en  un  monastère  près 
de  Cyr  :  car  outre  que  ce  fait  n'est  attesté 
de  personne,  on  voit  que,  dans  une  loi  *  du 
6  juillet  de  l'an  452,  l'empereur  Marcien  le 
qualifie  évêque.  Le  pape  saint  Léon  ^  dans 
la  lettre  qu'il  lui  éci-ivit  le  i  1  juin  de  l'année 
suivante,  lui  parle  comme  à  un  évêque  oc- 
cupé de  toutes  les  fonctions  de  l'épiscopat  ; 
et  Théodoret  '''lui-même  se  donne  la  qualité 
d'évêque  de  Cyr,  à  la  tête  de  son  traité  des 
Hérésies  qu'il  composa  depuis  le  concile  de 
Chalcédoine.  Ce  qui  occasionna  la  lettre  que 
lui  écrivit  saint  Léon,  fut  le  bon  témoignage 
que  ses  légats  lui  rendirent  de  la  doctrine  de 
'Théodore! ,  aussitôt  après  leur  retour  de 
Chalcédoine.  Ce  saint  Pape  lui  témoigne 
dans  cette  lettre  une  estime  toute  particu- 
lière. Il  s'y  réjouit  d'avoir  appris  la  victoire 
qu'il  avait  remportée  par  sa  foi  sur  l'hérésie 
de  Nestorius  de  même  que  sur  celle  d'Euty- 


1  Théodoret,  Epist.  116,  117  et  118. 

2  Epist.  119.  —  3  Epist.  138,  139  et  140. 
'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  102. 

^  Tom.  IV  Concil.,  pag.  620. 


«  Tom.  IV  Concil.,  pag.  808. 

'  Ibid.,  pag.  1773.  —  8  Ibid.,  pag.  866. 

'^  Léo,  Epist.  93. 

1°  Tlieodoret.,  tom.  IV,  pag.  187. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V"    SIÈCLE.] 

chès,  et  de  ce  que  le  jugement  rendu  en  sa 
faveur  par  le  Siège  Apostolique ,  avait  été 
autorisé  par  les  sufTrages  de  tout  le  concile. 
Il  prie  ensuite  Théodoret  de  ne  s'éloigner 
pas  moins  des  erreurs  de  Nestorius  que  de 
celles  d'Eutychès,  dans  les  instructions  qu'il 
ferait  à  l'avenir,  soit  sur  le  baptême,  soit 
dans  toute  autre  occasion,  et  de  ne  témoi- 
gner pas  moins  d'horreur  pour  l'un  de  ces 
hérésiarques  que  pour  l'autre,  afin  de  ne 
donner  plus  aucun  lieu  de  douter  de  sa  foi. 
Il  l'avertit  encore  qu'en  combattant  les  enne- 
mis de  l'Eglise,  nous  devons  mesurer  nos 
discours  avec  une  extrême  précaution;  qu'on 
ne  doit  plus  disputercomme  d'une  chose  dou- 
teuse ,  mais  établir  avec  une  entière  auto- 
rité ce  qui  est  défini  dans  le  concile  de  Chal- 
cédoine.  Après  quoi  il  l'exhorte  de  continuer 
à  défendre  toute  l'Eglise  avec  la  même  pu- 
reté et  le  même  courage  qu'il  avait  fait  pa- 
raître auparavant;  à  travailler  avec  lui  pour 
extirper  de  FOrient  les  restes  des  hérésies 
de  Nestorius  et  d'Eutychès,  et  de  l'avertir  des 
progrès  que  la  saine  doctrine  fera  dans  ces 
provinces.  On  croit  communément  que  Théo- 
doret mourut  en  338.  Gennade  '  ne  marque 
pas  l'année  de  sa  mort.  11  dit  en  général, 
qu'il  mourut  sous  le  règne  de  Léon-l'Ancien, 
c'est-à-dire  en  -407  au  plus  tôt ,  et  en  474  au 
plus  tard.  Marcellin  ^  suppose  qu'il  vivait 
encore  en  466,  et  qu'il  écrivait  alors  contre 
les  hérésies  de  Nestorius  et  d'Eutychès. 

14.  La  vie  sainte  et  édifiante  que  Théodo- 
ret mena  dès  sa  première  jeunesse;  les  tra- 
vaux apostoliques  dont  il  honora  son  épis- 
copat;  son  zèle  pour  la  conversion  des  enne- 
mis de  l'Eglise;  les  persécutions  qu'il  souf- 
frit pour  le  nom  de  Jésus-Christ;  son  amour 
pour  la  solitude,  pour  la  pauvreté  et  pour 
les  pauvres;  l'esprit  de  charité  qu'il  a  fait 


25 

paraître  dans  toutes  les  occasions;  sa  géné- 
reuse liberté  dans  la  confession  de  la  vérité  ; 
sa  profonde  humilité  qui  paraît  dans  tous 
ses  écrits;  le  succès  dont  Dieu  bénit  ses 
soins  et  ses  mouvements  pour  le  salut  des 
âmes,  l'ont  rendu  vénérable  dans  l'Eglise. 
Les  anciens  l'ont  qualifié  saint  ^,  et  appelé 
un  homme  divin  *;  mais  la  qualité  qu'ils  lui 
donnent  ^  ordinairement,  est  celle  de  bien- 
heureux. Son  nom  depuis  sa  mort  fut  tou- 
jours récité  ^  à  l'autel  dans  l'Eghse  catholi- 
que, comme  d'un  évêque  dont  la  foi  avait 
été  pure  ;  il  y  en  a  même  qui  l'ont  appelé  '' 
la  colonne  immobile  de  la  foi,  et  un  pasteur 
à  qui  il  ne  manquait  rien  de  ce  qui  fait  les 
plus  grands  pasteurs.  Il  est  vrai  que  dans  le 
cinquième  concile  général  ',  on  condamna 
les  écrits  de  Théodoret  contre  saint  Cyrille  ^; 
mais  on  ne  toucha  point  "^  à  sa  personne,  et 
plusieurs  grands  Papes  qui  ont  écrit  depuis 
ce  concile,  ont  parlé  de  Théodoret  comme 
d'un  évêque  orthodoxe,  digne  de  leur  res- 
pect, et  qu'ils  honoraient  avec  le  concile  de 
Chalcédoine. 

15.  Ses  ouvrages  font  un  commentaire  en 
forme  de  demandes  et  de  réponses,  swr  les 
huit  premiers  livres  de  la  Bible;  un  commen- 
taire sur  tous  les  Psaumes;  l'explication  du 
Cantique  des  Cantiqxies  ;  des  commentaires 
sur  Jérémie,  sur  Ezéchiel,  sur  Daniel,  sur  les 
douze  petits  Prophètes  et  sur  les  Epîtres  de 
saint  Paul  ;  l'Histoire  ecclésiastique  divisée  en 
cinq  livres  ;  VEraniste  ou  le  Polpno'rphe,  di- 
visé en  trois  dialogues  ;  cinq  livres  des  Fables 
des  Hérétiques  ;  dix  livres  sur  la  Providence  ; 
un  sur  la  Charité;  un  sur  saint  Jean;  un  frag- 
ment du  traité  des  Hérésies  à  Sporace;  réfu- 
tation des  douze  anathématismes  de  saint 
Cyrille  ;  fragment  des  livres  cont?^e  saint  Cy- 
rille ;  et  un  grand  nombre  de  lettres.  Nous 


Catalogue 
de  ses  ouvra- 


'  Gennad.j  de  Vir.  illustr.,  cap.  LXXXix. 

2  Marcell.,  ad  ann.  466. 

3  Theodoretus  episcapus  sanctus  Cyri  ciuilatis,  scrip- 
sit  de  incarnatione  Domini  adversus  Eutychem  et 
Dioscorum.  Marcellin.,  ad  ann.  466. 

*  Legi  ejusdem  divini  viri  Theodoreti  explanationem 
Octateuchi.  Photius,  cod.  204,  pag.  527. 

»  Legimus  beati  Theodoreti,  episcopi  Cyri,  inter- 
pretationem  Danielis.  Photius,  Cod.  203,  pag.  526. 

s  Ibas  ergo  et  Theodoretus  sicut  reelœ  fidei  suscepU 
sunt  a  synodo,  et  sicut  rectœ  fidei  in  divinis  diptycfiis 
recilantur.  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1775. 

'  Doctos  magistros  litteris  dum  prosequor,  jure 
Theodoretus  inter  hos  censendus  est,  diuinus  ut  vir  et 
magister  optimus,  fidei  orthodoxie  ceu  columna  im- 
mobilis.  Hune  ergo  cernens  cœteris  in  omnibus  non 
imparem  esse  maximis  pastoribus,  merito  inter  illos 


hoc  loco  recensui.  Joan.  Euchaita,  tom.  IV  Oper. 
Theod.,  pag.  148.—  s  Ibid.,  pag.  170. 

3  Parmi  ces  écrits  se  trouvent  l'écrit  contre  les 
douze  anathématismes,  plusieurs  lettres,  et  en  parti- 
culier l'Epître  aux  moines  d'Euphratésie,  donnée  en 
grec  et  en  latin  dans  l'édition  de  Sohulze,  tom.  IV, 
pag.  1291-1306;  et  dans  Galland,  tom.  IX,  pag.  405- 
412.  [L'éditeur) 

'"  Quis  non  videat  quanta  temeritate  plénum  sif, 
Theodoreti  scripta  superbiendodefendere,  quœeurndem 
ipsum  constat  recta  post  profitendo  damnasse  ?  Dum 
vero  ejus  et  personam  recipimus,  et  ea  quœ  dudmn 
lutuerant,  prava  scripta  reprobamus ;  in  nullo  a  sancta 
synodi  actione  deuiamus  :  quia  sola  ejus  tiœretice  scripta 
respuentes  et  cum  synodo  adhuc  Nestorium  insequimur , 
et  cum  synodo  Theodoretum  profitentem  recta  venere- 
mur.  Gregor.  Magn.,  ibid.,  pag.  171. 


26 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


avons  perdu  ses  commentaires  su?^  haïe,  ses 
cinq  livres  contre  saint  Cyrille,  son  traité  de 
l'Incarnation,  ses  traités  contre  les  Ariens, 
contre  les  Macédoniens,  contre  les  Apollinaristes , 
contre  les  Marcionites,  contre  les  Juifs;  un  dis- 
cours sur  la  Virginité  ;  sa  réponse  aux  de- 
mandes des  mages  de  Perse,  son  livre  mys- 
tique, son  Apologie  pour  Diodore  de  Tharse 
et  pour  Théodore  de  Mopsueste  ;  on  lui  a 
faussement  attribué  une  préface  sur  les 
Psaumes  avec  divers  fragments  d'un  com- 
mentaire sur  le  même  sujet,  et  cinq  sermons 
à  la  louange  de  saint  Cbrysostôme. 

ARTICLE  II. 

LES  ÉCEITS   DE   THÉODOHET. 
§1- 

Commentaire  sur  l'Octateuque. 

{.  Le  premier  des  ouvrages  de  Théodoret 
dans  l'édition  de  Paris  en  1642,  est  son  com- 
mentaire sur  l'Octateuque,  c'est-k-dire  sur  les 
huit  premiers  livres  de  la  Bible,  qui  sont  les 
cinq  livres  de  Moïse,  celui  de  Josué,  ceux 
des  Juges  et  de  Ruth  *.  Ces  commentaires 
sont  intitulés  :  Questions  sur  les  endroits  diffi- 
ciles de  l'Ecriture  sainte;  en  sorte  que  ce 
n'est  pas  un  commentaire  suivi  et  continu 
sur  le  texte  de  la  Bible.  Photius  approuve 
beaucoup  cette  méthode  d'en  éclaircir  les 
difficultés,  parce  qu'on  les  présente  tout 
d'un  coup  au  lecteur,  et  qu'on  les  propose 
avec  plus  précision,  en  les  divisant  par  cha- 
pitres. Us  sont  écrits  en  forme  de  questions 
et  de  réponses.  La  question  propose  la  diffi- 
culté, et  la  réponse  en  donne  la  solution. 
Théodoret  composa  cet  ouvrage  dans  les 
dernières  années  de  sa  vie  ;  il  le  rappelle 
dans  sa  préface  ^  sur  les  livres  des  Rois  ;  et 
dans  ses  Questions  ^  sur  les  Paralipomènes,  il 
cite  celles  qu'il  s'était  faites  sur  les  livres  des 
Rois  touchant  la  diversité  des  instruments 
de  musique.  Photius  parle*  de  ces  commen- 
taires comme  d'un  ouvrage  très-utile.  Théo- 


Théodoret  5 
prttfat.  in  Ge-  ' 
nés. 


doret  entreprit  l'explication  de  l'Octateuque 
à  la  prière  d'un  nommé  Hypace,  qu'il  appelle 
le  plus  cher  de  ses  enfants.  Il  était  malade 
lorsqu'Hypace  le  pria  d'y  travailler  ;  mais 
son  incommodité  ne  l'arrêta  point,  dans  la 
confiance  qu'il  avait  au  pouvoir  du  souverain 
Maître,  auquel  il  croyait  obéir  en  l'entrepre- 
nant :  «  Car  c'est  à  lui,  dit-il,  à  nous  décou- 
vrir les  sens  cachés  sous  l'écorce  de  la  lettre 
de  l'Ecriture,  comme  il  avait  coutume  d'ex- 
pliquer ce  qu'il  avait  d'abord  dit  en  parabole 
et  d'une  manière  obscure  dans  les  Evangi- 
les. ))  C'est  à  lui  que  Théodoret  s'adresse  pour 
pouvoir  avec  son  secours,  pénétrer  dans  les 
mystères  que  renferme  le  livre  de  la  Genèse. 
Mais  avant  de  l'entreprendre,  il  remarque 
qu'il  y  a  deux  sortes  de  personnes  qui  pro- 
posent des  difficultés  sur  les  livres  saints; 
les  uns  pour  s'instruire,  et  les  autres  pour 
en  ruiner  l'autorité,  en  y  faisant  remarquer 
des  faussetés  ou  des  contradictions  ;  il  se 
propose  de  faire  voir  contre  ceux-ci,  que 
l'Ecriture  sainte  n'enseigne  rien  qui  se  con- 
tredise, qui  ne  soit  vrai,  juste  et  saint,  et 
promet  à  ceux-là  de  satisfaire  autant  qu'il 
sera  en  lui  à  leurs  doutes  et  à  leurs  diffi- 
cultés. 

2.  Pour  suivre  l'ordre  des  livres  sacrés, 
Théodoret  commence  par  le  livre  de  la  Ge- 
nèse, dont  il  éclaircit  les  difficultés  dans  cent  ""■  ""'■ 
dix  questions,  qui  ne  sont  pas  toutes  de  la 
même  importance.  Souvent  après  y  avoir 
répondu,  il  ajoute  l'explication  que  Diodore 
de  Tarse,  Théodore  de  Mopsueste  et  Origène 
en  ont  donnée.  Dans  la  première,  il  demande  q„ssi.  i 
pourquoi  l'auteur  du  livre  de  la  Genèse  n'a 
point  fait  un  discours  sur  la  divinité,  avant 
d'entrer  dans  le  récit  de  la  création.  A  cette 
demande,  qui  paraît  éti'angère  à  son  sujet, 
Théodoret  répond  qu'étant  à  craindre  que  les 
Israélites  qui  avaient  longtemps  séjourné 
chez  les  Egyptiens,  n'eussent  appris  d'eux  à 
honorer  la  créature  comme  Dieu,  il  était  né- 
cessaire de  leur  apprendre  que  la  créature  a 
eu  un  commencement,  et  qu'elle  a  été  créée 


QuestioDn 
surlaGenèst!, 
tom.I.psg  3, 
éJit.       Paris, 


'  L'édition  de  Schulze  contient  des  additions  et 
des  variantes  à  ce  commentaire,  ainsi  que  pour 
l'ouvrage  des  Questions  sur  les  livres  des  Rois  et  des 
Paralipomènes.  Beaucoup  de  fragments  de  ces  deux 
ouvrages  se  trouvent  dans  la  Chaîne  sur  l'Octateuque 
et  sur  le  livre  des  Rois,  par  Nicéphore.  Leipsik  1772, 
2  tomes  in-folio. 

'^  Quoniam  divina  freti  gro.tia  interpretati  sumus 
libros  Mosis  legislatoris ,  et  Jésus  prophètes,  et  Judi- 
cum  et  Ruth,  aye  splendorem  hujus  lucis  ut  accipia- 
mus   iterum    implorantes,  explicemus  Regnorum  his- 


torias.   Théodoret.,  prsefat.  in   lib.  Reg.,   pag.  229. 

3  Musicorum  autem  instrumentorum  differentiam 
diximus  in  libris  Regum.  Théodoret.  in  lib.  I  Para- 
lip.,  pag.  367. 

'  Legi  ejusdem  divini  viri  beati  Theodoreti  expla- 
nntionem  in  Octateuchum ,  quœ  inseriptionem  nacta  est 
operi  congruentem,  in  obscura  et  abstrusa  Seripturœ 
loca.  In  quibus  sunt  et  ad  libros  Regum,  et  in  Parali- 
pomena.  Vtilissimum  autem  imprimis  hoc  opus.  Phot., 
Cod.  204,  pag.  S27, 


[v«  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

de  Dieu.  Moïse  a  voulu  aussi  leur  faire  con- 
naître le  Créateur  par  les  créatures,  et  il 
parlait  à  des  personnes  à  qui  il  avait  déjà 
donné  quelques  connaissances  delà  divinité, 
lorsqu'on  leur  parlant  en  Egypte  de  la  part 
de  Dieu,  il  leur  apprit  qu'il  est  Celui  qui  est, 
termes  qui  signifient  son  éternité.  Il  enseigne 
(jiiitsi.  2.  (j;;5is  les  questions  suivantes,  que  Moïse  a  eu 
raison  de  ne  point  parler  de  la  création  des 
anges,  de  peur  que  les  Israélites  extrême- 
ment adonnés  à  l'idolâtrie  ne  les  prissent 
pour  des  divinités,  en  apprenant  qu'ils  sont 
d'une  nature  invisible;  qu'il  est  inutile  de 

5.  savoir  s'ils  ont  été  créés  avant  le  ciel  et  la 
terre,  ou  s'ils  ont  été  créés  en  même  temps; 
qu'il  suffit  de  savoir  que  ce  sont  des  créa- 
tures dont  la  substance  est  finie;  qu'ils  tien- 
nent leur  place  dans  l'univers,  et  qu'il  y  en 
a  d'établis  de  Dieu  pour  veiller  à  la  garde 
des  peuples,  des  nations  et  même  des  parti- 
culiers; au  reste,  qu'il  n'est  pas  contre  la  piété 
de  croire  qu'ils  ont  été  créés  avant  le  ciel  et 

s.  la  terre.  En  expliquant  ces  paroles  :  L'Esprit 
de  Dieu  était  'porté  sur  les  eaux,  il  dit  que 
quelques  interprètes  croyaient  que  c'était  le 
Saint-Esprit  même  qui  animait  les  eaux,  et 
leur  donnait  de  la  fécondité.  Pour  lui  il  croit 
que  par  l'Esprit  de  Dieu,  Moïse  entend  l'air, 
parce  que,  ayant  dit  que  Dieu  avait  créé  le 
ciel  et  la  terre,  et  fait  mention  des  eaux  sous 
le  nom  d'abîme,  il  devait  conséquemment 
parler  de  l'air  qui  s'étend  depuis  la  superficie 
des  eaux  jusqu'au  ciel;  et  c'est  pour  cela  que 
l'historien  sacré  se  sert  du  terme  :  //  était 
porté,  qui  marque  la  nature  de  l'air  ;  il  ap- 
puie cette  explication  de  l'endroit  du  psaume 

I,  où  nous  lisons  :  Son  Esprit  soufflera,  et  les 
eaux  couleront  ;  ce  qui  s'entend  évidemment 
de  l'air.  Il  ne  connaît  que  deux  cieux,  le  ciel 
proprement  dit,  et  le  firmament  que  Dieu 
composa  de  la  substance  fluide  des  eaux 
après  l'avoir  condensée  et  rendue  solide. 
«  Si  l'Ecriture  dit  au  pluriel  :  Les  cieux  des 
cieux,  c'est,  dit  Tiiéodoret,  que  la  langue 
hébraïque  n'a  point  de  nombre  singulier 
pour  marquer  le  ciel  ni  l'eau.  Ce  fut  aussi  de 
la  lumière  créée  d'abord,  que  Dieu  forma  le 
soleil,  la  lune  et  les  étoiles;  que  ces  parole?  : 
Afin  qu'ils  servent  de  signes  pour  marquer  les 
temps  et  les  saisons,  signifient  que  Dieu  a 
voulu  que  le  soleil  et  la  lune  dans  leurs  ré- 
volutions et  leurs  mouvements  fussent  des 
signes  des  saisons,  des  jours,  et  de  l'année. 

14.  Ces  paroles  :  Faisons  l'homme  à  notre  image, 
ne  peuvent  s'entendre  des  anges,  puisqu'ils 


THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR.  27 

ne  sont  point  de  la  substance  de  Dieu,  et  que 


l'image  de  Dieu  et  celle  des  anges  ne  sont 
point  une  même  chose  ;  mais  elles  doivent  Quicsi.  19. 
s'entendre  des  personnes  de  la  sainte  Trinité 
qui  ont  eu  part  à  la  formation  de  l'homme, 
comme  elles  en  ont  à  sa  régénération  dans 
le  baptême  ;  au  reste  l'image  de  Dieu  n'est 
point  dans  le  corps  de  l'homme  ;  mais  dans 
son  ame  qui  est  spirituelle,  intellectuelle,  in- 
visible et  incorporelle.  » 

En  expliquant  ce  qui  est  dit  de  l'arbre  de   23. 
vie,  et  de  celui  de  la  science  du  bien  et  du 
mal,  Théodoret  dit  que  ces  noms  leur  ont  été 
donnés,  non  dès  le  commencement,  mais  à   20. 
cause  des  effets  qu'ils  ont  produits  ;  que  l'un 
contenait  la  vie,  parce  que  Dieu  l'avait  pro- 
mise comme  une  récompense  à  Adam,  s'ix 
eût  observé  la  défense  que  Dieu  lui  avait 
faite  de  manger  du  fruit  de  cet  arbre;  et 
que  l'autre  a  fait  connaître  à  l'homme  ce  que 
c'était  que  le  péché.  Mais,  dira-t-on,  ceux   21. 
qui  avaient  été  créés  à  l'image  de  Dieu,  ne 
pouvaient-ils  pas  distinguer  le  bien  et  le  mai 
sans  manger  du  fruit  de  ces  deux  arbres?  Ils 
le  pouvaient,  sans  doute,  mais  ils  n'en  ont 
fait  l'expérience  qu'après  avoir  mangé  de  ce 
fruit.  Jusque  là  nos  premiers  pères,  sembla- 
bles à  des  enfants  qui  n'ont  point  encore  été 
souillés  par  le  péché,  n'avaient  point  honte 
d'être  nus  ;  mais   ils  en  rougirent  aussitôt  s». 
après  leur  péché,  comme  des  enfants  ne  peu- 
vent plus  souffrir  cette  nudité  quand  ils  sont 
dans  un  âge  plus  avancé.  Par  ce  qui  est  dit 
que  leurs  yeux  furent  ouverts  après  avoir 
mangé  du  fruit,  Théodoret  entend  par  là  les  33- 
remords  de  conscience  qui  suivent  le  péché. 
11  ne  croit  pas  que  Dieu  ait  créé  l'homme 
immortel  ;  mais  il  dit  qu'il  ne  prononça  l'ar-   "■ 
rêt  de  sa  mort  qu'après  son  péché,  afin  que 
lui  et  ses  descendants  eussent  de  l'horreur 
du    péché,  comme  étant  la  cause  de   leur 
mort.  Il  ajoute  qu'Adam  chassé  du  paradis,   40. 
fut  mis  dans  un  lieu   qui  n'en  était  pas  éloi- 
gné, afin  que  la  vue  de  l'Eden  le  fit  ressou- 
venir de  son  péché.  Quant  aux  chérubins  qui 
furent  mis  à  la  porte  du  paradis ,  Théodore 
de  Mopsueste,  cité  en  cet  endroit,  dit  qu'on 
ne  doit  point  entendre  par  là  des  anges  ni 
des  esprits  invisibles ,  mais  des  spectres  et 
des  fantômes,  qui  sous  la  figure  d'animaux 
terribles,  fermaient  à  Adam  l'entrée  du  pa- 
radis. Par  les  enfants  de  Dieu,  Théodoret  n. 
croit  qu'il  faut  entendre  ceux  d'Enos,  parce 
qu'il  est  dit  de  lui  qu'il  invoqua  le  nom  du 
Seigneur,  ce  qu' Aquila  a  rendu  de  cette  sorte  : 


28 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


«  On  commença  alors  à  nommer  Enos  du 
nom  du  Seigneur,  d'où  ses  enfants  tirèrent 
le  nom  d'enfants  de  Dieu,  comme  nous  avons 
le  nom  de  chrétiens,  à  cause  de  Jésus-Christ 
Gen  is,  22  uotre  Seïgneur.  »  Il  est  dit  dans  l'Ecriture, 
""*■  que  Cham,  père  de  Chanaan,  ayant  trouvé 

son  père  dans  un  état  indécent,  sortit  dehors 
OiiKt.  58.  et  le  vint  dire  à  ses  frères  ;  toutefois  il  est  dit 
au  même  endroit  que  ce  fut  Chanaan.  Théo- 
dore! explique  cette  contrariété  apparente, 
en  disant,  que  Chanaan  vit  le  premier  Noé 
en  cet  état,  et  qu'il  le  vint  dire  à  Cham,  son 
c9.  père.  Il  remarque  que  mal  à  propos  quel- 
ques-uns ont  entendu  la  chaux  vive  par  le 
bitume  employé  à  la  constrution  de  la  tour 
de  Babel  ;  qu'il  avait  appris  lui-même  de 
ceux  qui  avaient  voyagé  en  Assyrie,  que  l'eau 
de  ce  pays-là  entraîne  avec  soi  du  bitume 
dont  on  fait  des  briques  ;  que  comme  il  n'y  a 
pas  de  pierres,  ou  qu'elles  y  sont  très  rares, 
on  ne  peut  y  faire  de  chaux  ;  et  que  les  ha- 
bitants sont  contraints  de  se  servir  de  briques 

60.  pour  leurs  bâtiments.  Des  noms  d'Adam,  de 
Caïn,  d'Abel  et  de  Noé  qui  sont  syriaques,  il 
infère  que  cette  langue  est  la  plus  ancienne  de 
toutes;  et  ne  croit  pas  que  l'hébraïque  ait  tiré 
son  nom  d'Héber,  mais  de  ce  qu'Abraham 
en  passant  de  la  Chaldée  dans  la  Palestine, 

61.  avait  travei'sé  l'Euphrate  :  car,  dans  la  lan- 
gue syrienne,  on  nommeHébra  celuiqui  passe 
un  fleuve.  Il  blâme  ceux  qui  accusaient  ce 
patriarche  d'intempérance,  lorsqu'il  prit  Agar 
pour  concubine,  disant  qu'il  ne  l'avait  fait 
qu'à  la  prière  de  sa  femme  qui  était  stérile, 
et  dans  un  temps  où,  ni  la  loi  naturelle,  ni  la 
loi  écrite,  ne  défendaient  point  la  pluralité 

8,.  des  femmes.  Sur  la  question  :  Pourquoi  Dieu 
qui  connaît  toutes  choses,  avait  tenté  Abra- 
ham pendant  trois  jours  pour  savoir  s'il  en 
était  aimé  ?Théodoret  répond  que  Dieu  ne  mit 
point  ce  patriarche  à  l'épreuve  pour  appren- 

,3  dre  ce  qu'il  savait  déjà,  mais  a6n  d'appren- 
dre à  ceux  qui  ne  le  savaient  pas  combien  il 
aimait  Abraham,  et  combien  il  en  était  aimé. 
Il  prétend  que  le  but  de  Rachel  en  emportant 
les  idoles  de  son  père,  ne  fut  point  qu'elle 
eût  encore  de  l'inclination  pour  ces  fausses 
divinités,  comme  quelques-uns  l'ont  avancé  ; 

gj  mais  que  son  dessein  était  de  détourner  par 
ce  vol  son  père  du  culte  impie  des  démons. 
En  effet,  l'Ecriture  rend  témoignage  à  la  piété 
de  Rachel,  lorsqu'elle  dit  que  Dieu  se  souvint 
d'elle,  qu'il  exauça  sa  prière  et  la  rendit  fé- 
conde. On  lit  dans  la  Genèse,  que  Joseph 
acheta  toutes  les  terres  d'Egypte,  excepté 


celle  des  prêtres,  à  qui  on  fournissait  par  ordre 
du  roi  une  certaine  quantité  de  blé  des  gre- 
niers pubhcs.  Sur  quoi  Théodoret  remai-que  quisi.  ioi. 
que  sous  les  princes  chrétiens,  les  prêtres 
de  celui  qui  est  véritablement  Dieu,  sont 
moins  favorisés  que  ne  l'étaient  les  ministres 
et  les  prêtres  des  faux  dieux,  parmi  des  peu- 
ples aussi  impies  que  les  Egyptiens. 
3.  Il  est  dit  dans  l'Exode  que  Moïse  s'étant      (jnesuous 

,     ,  ■  1  '  1       1       .  T  sur     l'Exode, 

approche  pour  considérer  le  buisson  ardent,  pag.  ". 
Dieu  lui  dit  d'ôter  ses  souliers,  parce  que  le 
lieu  où  il  était,  était  une  terre  sainte.  Théo- 
doret rend  deux  raisons  de  ce  commande- 
ment. La  première  que  Dieu  voulait  par  là  Q„a.st.  7. 
imprimer  à  Moïse  un  profond  respect  pour 
sa  présence,  qui  le  rendît  attentif  à  ce  qu'on 
lui  commandait.  La  seconde,  pour  lui  ap- 
prendre de  quelle  manière  il  fallait  que  les 
prêtres  servissent  dans  le  tabernacle:  «car  ils 
quittaient,  dit-il,  leurs  souliers  dans  leurs 
fonctions  sacrées,  et  lorsqu'ils  offraient  des  sa- 
crifices.» Sur  ce  qui  est  dit,  que  ce  législateur,  io. 
ayant  mis  par  ordre  de  Dieu  sa  main  dans 
son  sein,  l'en  retira  pleine  de  lèpre,  Théo- 
doret dit  que  Dieu  voulut  l'avertir  par  ce  si- 
gne, de  ne  point  s'élever  des  grands  prodiges 
auxquels  cette  main  avait  servi  d'instrument; 
à  quoi  il  ajoute  que  si  Dieu  ne  lui  ôta  pas  la 
difïiculté  qu'il  avait  de  parler,  ce  fut  afin  de 
faire  éclater  davantage  sa  puissance  divine,  n. 
comme  il  a  fait  depuis,  en  prenant  pour  pré- 
dicateurs de  la  vérité,  des  gens  de  la  lie  du 
peuple.  Il  prouve  par  une  suite  de  passages  ,; 
du  livre  de  l'Exode,  que  ce  ne  fut  pas  un 
ange  qui  apparut  à  Moïse  dans  le  buisson 
ardent  ;  mais  le  Fils  unique  de  Dieu  appelé 
ange  en  cet  endroit,  parce  qu'il  est  effective- 
ment l'ange  du  grand  conseil.  Il  s'étend 
beaucoup  à  montrer  que  l'endurcissement 
de  Pharaon  venait  de  lui-même  ;  que  quand 
il  est  dit  que  Dieu  l'endurcit,  cela  ne  doit 
point  se  prendre  à  la  lettre ,  mais  s'entendre 
ou  de  la  prescience  de  Dieu,  qui  avait  prévu 
l'endurcissement  de  Pharaon,  ou  de  la  résis- 
tance que  ce  prince  opposa  aux  eflbrts  que 
Dieu  fit  pour  amollir  la  dureté  de  son  cœur. 
Il  insiste  particulièrement  sur  ces  paroles  : 
Pharaon  voyant  que  la  pluie,  la  grêle  et  les  ton-  Exod.  g,  si 
nerres  avaient  cessé,  augmenta  encore  son  péché. 
Son  cœur  et  celui  de  ses  serviteurs  s'appesantit 
et  s'endurcit  de  plus  en  plus,  et  il  ne  laissa  pas 
aller  les  enfants  d'Israël,  selon  que  Dieu  l'avait 
dit  à  Moïse.  Moïse  n'a  rapporté  toutes  ces  quœsi.  12. 
particulai'ités  que  pour  montrer  que  Pharaon 
n'était  point  d'une  nature  mauvaise  par  elle- 


Joan.  IX, 


Qaœst.  18 


[v"  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

même,  et  que  Dieu  n'avait  ni  endurci  son 
cœur,  ni  rendu  rebelle  à  ses  ordres  :  car  ce- 
lui qui  penche  tantôt  d'un  côté,  tantôt  d'un 
autre,  comme  faisait  Pharaon  en  promettant 
de  laisser  aller  les  enfants  d'Israël,  puis  le 
leur  refusant,  fait  voir  qu'il  a  la  libre  dispo- 
sition de  sa  volonté.  Pour  expliquer  néan- 
moins comment  on  peut  dire  que  Dieu  en- 
durcit quelqu'un,  il  se  sert  de  cet  exemple 
familier  :  «  On  dit  que  le  soleil  fond  la  cire 
et  qu'il  endurcit  la  boue,  quoiqu'il  n'y  ait  en 
lui  qu'une  seule  vertu  qui  est  celle  d'échauf- 
fer; de  même  la  bonté  et  la  patience  de  Dieu 
produit  deux  effets  contraires  dans  diverses 
personnes  ;  elle  est  utile  aux  uns  et  rend  les 
autres  coupables;  ce   qui  fait  dire   qu'elle 
convertit  les  uns  et  endurcit  les  autres.  C'est 
ce  que  le  Seigneur  a  déclaré  dans  les  saints 
Evangiles,  en  disant  :  Je  suis  venu  dans  ce 
monde,  afin  que  ceux  qui  ne  voient  pas,  soient 
éclairés,  et  que  ceux  qui  voient,  deviennent  aveu- 
gles. Non  que  Jésus-Christ  soit  venu  dans  le 
dessein  d'aveugler  ceux  qui  voient,  puisque 
au  contraire,  il  veut  ^Me  tous  les  hommes  soient 
sauvés,  et  vienneyit  à  la  connaissance  de  la  vé- 
rité :  mais  il  marque  par  ces  paroles  ce  qui 
est  arrivé.  Car  l'homme  jouissant  du  libre 
arbitre,  ceux  qui  ont  cru  se  sont  sauvés,  et 
ceux  qui  n'ont  pas  cru,  ont  été  eux-mêmes 
les  auteurs  de  leur  damnation.  C'est  ainsi  que 
Judas,  qui  connaissait  sans  doute  la  vérité, 
puisqu'il   était  apôtre,  est   devenu   ensuite 
aveugle.  Saint  Paul,  au  contraire,  qui  était 
aveugle  avant  que  Jésus-Christ  lui  apparût, 
a  depuis  reçu  la  vue.  C'est  ainsi  encore,  que 
par  la  venue  du  Sauveur,  plusieurs  d'entre 
les  Juifs  ont  été  aveuglés,  et  les  Gentils  éclai- 
rés. Il  ne  fallait  pas  néanmoins   parce  que 
quelques-uns  ne  devaient  pas  croire,  que  le 
mystère  de  l'Incarnation  ne  s'accomplît  pas  ; 
autrement  le  monde  aurait  été  privé  du  salut. 
Théodoret  remarque  que  quelques-uns  attri- 
buaient à  Tart  magique   les   prodiges   que 
Moïse  opéra  en  présence  de  Pharaon;  mais 
ce  qui  prouve  qu'il  ne  les  opérait  que  par  la 
vertu  de  Dieu,  c'est  qu'il  en  fit  que  les  magi- 
ciens de  Pharaon  ne  purent  pas  imiter;  leurs 
verges,  il  est  vrai,  se  changèrent  en  serpents, 
mais  celle  de  Moïse  les  dévora.  Ils  purent 
bien  changer  l'eau  en  sang;  mais  ils  n'eurent 
pas  le  pouvoir  de  faire  que  l'eau  du  fleuve 
changé  en  sang  redevînt  de  l'eau.  Ils  produi- 
sirent des  grenouilles,  mais  ils  ne  purent  en 
délivrer  les  maisons  des  Egyptiens.  Mais, 
demandera  quelqu'un,  si  Moïse  avait  changé 


—  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR.  29 

en  sang  toute  l'eau  d'Egypte,  en  quel  endroit 
les  magiciens  purent-ils  en  trouver  pour  imi- 
ter ce  prodige?  «  La  mer,  répond  Théodoret, 
était  dans  le  voisinage,  et  ils  en  pouvaient 
tirer  de  là,  car  Moïse  n'avait  changé  en  sang 
que  l'eau  bonne  à  boire.  »  Il  dit  que  ce  com- 
mandement: Vous  ne  prendrez  point  en  vain  le 
nom  du  Seigneur,  défend  de  prononcer  ce 
saint  nom  sans  raison,  si  ce  n'est  dans  la 
prière,  ou  lorsqu'il  est  besoin  d'enseigner  les 
autres,  ou  dans  quelque  occasion  nécessaire, 
car  il  y  en  a  plusieurs  qui  ont  coutume  de  le 
prononcer  à  tout  propos,  soit  en  jouant,  soit 
en  riant,  ce  que  je  crois  être  défendu  par  la 
loi  de  Dieu.  «  La  loi  ordonnait  de  percer  l'o- 
reille avec  un  poinçon  à  un  esclave  qui  re- 
cevait, dit  Théodoret,  cette  marque  ignomi- 
nieuse, pour  le  punir  de  ce  qu'il  trvait  préféré 
la  servitude  à  la  liberté.  Celte  marque  le  fai- 
sait aussi  souvenir  qu'il  devait  à  son  maître 
une  obéissance  si  entière,  qu'il  ne  lui  était 
point  permis  de  sortir  même  de  la  maison  de 
son  maître,  sans  son  ordre.  »  D'après  Théo- 
doret, si  Dieu  ne  donna  pas  aux  Israélites 
toute  la  terre  qu'il  leur  avait  promise,  c'est- 
à-dire  jusqu'à  l'Euphrate,  ce  fut  parce  qu'ils 
refusèrent  d'observer  la  loi  qu'il  leur  avait 
donnée.  Dieu  leur  laissa  exprès  des  enne- 
mis à  combattre,  afin  que  sentant  le  besoin 
qu'ils  avaient  du  secours  de  Dieu,  il  l'implo- 
rassent. Dieu  qui  leur  avait  commandé  de 
bâtir  dans  cette  terre  de  proraission  un  tem- 
ple à  sa  gloire,  où  ils  célébreraient  les  divins 
offices,  leur  ordonna  aussi  de  porter  avec 
eux  dans  le  désert  un  tabernacle  où  ils  pus- 
sent offrir  leurs  prières  et  des  sacrifices,  afin 
qu'ayant  réglé  lui-même  le  culte  qu'ils  de- 
vaient lui  rendre,  ils  ne  s'adonnassent  point 
à  celui  des  démons.  Il  remarque  que  dans  le 
temps  de  guerre  on  pouvait  connaître  par  les 
pierres  du  Rational  que  le  grand-prêtre  por- 
tait sur  sa  poitrine,  si  l'on  remporterait  la 
victoire,  ou  si  l'on  serait  battu  de  l'ennemi. 
Lorsqu'il  est  question  de  mesures  ou  de  poids 
dans  l'Ecriture,  Théodoret  est  d'avis  que  l'on 
s'en  rapporte  à  ce  qu'en  a  dit  l'historien  Jo- 
sèphe  qui  connaissait  parfaitement  la  valeur 
des  unes  et  des  autres  cliez  les  Juifs. 

On  voit  par  ce  que  nous  avons  rapporté  des 
Questions  de  ce  Père  sur  la  Genèse  et  l'Exode, 
qu'il  n'y  cherche  point  à  allégoriser;  mais 
qu'il  s'attache  presque  toujours  à  l'explica- 
tion de  la  lettre  et  de  l'histoire,  en  prenant 
pour  l'ordinaire  le  sens  le  plus  simple  et  le 
plus  naturel. 


Quœst.  20 


30 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ouesiioM  4.  Mais  dans  celles  qu'il  a  faites  sur  le  Lé- 
que.teNorà'  vîtique,  il  en  explique  ordinairement  le  texte 
rcs,  p.  .  d'une  manière  allégorique,  rapportant  aux 
cérémonies  et  au  sacrifice  de  la  loi  nouvelle 
ce  qu'on  lit  dans  ce  livre  des  cérémonies  et 
des  sacrifices  de  la  loi  ancienne.  Par  exem- 
ple, en  expliquant  ce  qui  est  dit  des  deux 
boucs  que  le  grand-prêtre  devait  présenter 
devant  le  Seigneur  à  l'entrée  du  tabernacle, 
dont  l'un  était  destiné  pour  le  Seigneur,  et 
l'autre  pour  le  bouc  émissaire,  il  parle  ainsi  : 
Quio-t  21  "  ^^^  deux  boucs  étaient  visiblementla  figure 
de  Jésus-Christ  ;  un  seul  n'aurait  pu  marquer 
les  deux  natures  en  Jésus-Christ,  l'une  pas- 
sible et  l'autre  impassible  ;  mais  celui  qui 
était  offert  marquait  très-bien  l'humanité 
sainte,  qui  étant  mortelle  a  pu  souffrir  et 
mourir.  L'autre,  qui  étant  chargé  de  tous  les 
péchés  du  peuple  était  renvoyé  libre  dans  le 
désert,  figurait  la  divinité  qui  est  impassible 

32.  et  immortelle.  Cette  façon  d'expliquer  l'Ecri- 
ture ne  l'empêche  pas  de  rechercher  souvent 
le  sens  de  la  lettre,  comme  on  le  voit  par  la 
question  trente-deuxième  où  il  traite  des 
fruits  de  la  terre  que  les  Israélites  devaient 
offrir  à  Dieu  eu  certains  jours  de  fêtes.  Il 
rapporte  au  sens  moral  ce  qui  est  dit  au 
même  endroit  des  mêmes  arbres  dont  ils 
se  devaient  faire  des  loges  pendant  la  fête 
des  tabernacles.  Il  suit  la  même  méthode 
dans  le  livre  des  Nombres,  tirant  des  ins- 
tructions pour  les  mœurs,  de  plusieurs  oi'- 
donnances  renfermées  dans  ce  livre.  Sur  ce 
QQœst.'iT."^'  que  le  beau-père  de  Moïse  y  est  appelé  Ra- 
guel,  au  lieu  que  dans  l'Exode  on  le  nomme 
Jéthro,  il  dit  qu'il  avait  deux  noms,  comme 
Jacob  qui  s'appelait  aussi  Israël,  et  comme 
Thomas  qui  portait  encore  le  nom  de  Di- 

45  dyme.  11  ne  doute  pas  que  Balaam  ne  con- 
sultât ordinairement  le  démon,  quoiqu'il  lui 
donnât  le  nom  de  Seigneur,  afin  de  passer 

j^  pour  un  vrai  prophète.  Mais  il  dit  que  ce  faux 
prophète  ayant  reconnu  par  sa  propre  ex- 
périence qu'il  ne  profitait  de  rien  par  son 
art  magique,  n'usa  plus  à  l'avenir  de  ses  si- 
gnes ordinaires,  et  qu'il  se  livra  entièrement 
au  service  de  Dieu.  Il  réfute  ceux  qui  soute- 
naient que  Balaam  n'avait  rien  prédit  tou- 
chant notre  Sauveur;  et  il  montre  que  comme 
Dieu  avait  révélé  l'avènement  de  son  Fils  à 
l'impie  Nabuchodonosor,  il  avait  de  même 
aussi  prédit  par  Balaam  le  salât  de  tout  le 
monde,  afin  que  cette  prédiction  se  conser- 
vât parmi  les  gentils,  comme  parmi  les  Juifs. 
«  L'événement,  ajoute  ïhéodoret,  a  vérifié 


les  prophéties  de  Balaam  touchant  notre 
Sauveur,  de  même  que  celle  qu'il  avait  faite 
touchant  la  victoire  que  les  Macédoniens  de- 
vaient remporter  sur  les  Perses.  »  Mais  ce 
Père  attribue  toutes  ces  prédictions  non  à  la 
magie  dont  Balaam  faisait  profession,  mais 
à  la  vertu  du  Saint-Esprit.  «  Pourquoi,  de- 
mande Théodoret,  est-il  écrit  que  l'homicide 
involontaire  ne  pourra  sortir  de  l'asile  où  il 
s'est  réfugié,  ni  retourner  en  sa  ville  avant 
la  mort  du  grand-prêtre  ?  C'est,  répond-il, 
afin  que  la  douleur  particulière  de  celui  dont 
le  parent  avait  été  tué,  s'adoucit  par  le  laps 
de  temps  qui  pouvait  quelquefois  être  fort 
long,  et  que  ce  délai  tempérât  la  colère  de 
celui  qui  désirait  venger  son  sang.  »  Selon  so. 
ce  Père,  on  peut  entendre  par  le  grand-prê- 
tre Jésus-Christ,  dont  la  mort  a  été  la  ré- 
demption du  genre  humain.  A  cette  autre 
question  :  Pourquoi  Dieu  voulut  que  les  tribus 
demeurassent  toujours  séparées  ?  il  répond 
que  ce  fut  afin  que  la  race  de  Juda  de  la- 
quelle il  avait  promis  que  naîtrait  celui  qui  ui. 
serait  la  bénédiction  des  nations,  se  conser- 
vât toute  pure  ;  que  néanmoins  la  tribu  royale 
et  sacerdotale  se  mêlaient  ensemble,  parce 
que  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  devait  être 
selon  son  humanité  roi  et  pontife. 
5.  Il  commence  ses  Questions  sur  le  Deuté-      Questions 

...  -,  -I  T  sur  le  Deuté- 

ronome,  par  l'explication  du  nom  de  ce  livre,  ronome,  paj. 
qui  signifie  seconde  loi.  Puis  venant  à  ce  qu'il 
contient,  il  dit  que  Jésus-Christ  nous  a  ex- 
pliqué ce  premier  précepte  du  Décalogue  : 
Vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu  de  tout 
votre  cœur,  par  ces  paroles  :  Nul  ne  peut  ser- 
vir deux  maîtres  en  même  temps  Ce  qui  si-  q^^sl^. 
gnifie  que  notre  amour  ne  doit  point  être 
partagé  entre  Dieu  et  les  richesses,  entre 
Dieu  et  une  femme,  ou  des  enfants,  ou  des 
amis  ;  mais  qu'il  doit  être  entièrement  con- 
sacré au  Créateur,  et  que  l'on  ne  doit  aimer 
qu'après  lui  et  pour  lui  tous  ceux  que  l'on 
est  obligé  d'aimer  ses  parents,  sa  femme, 
ses  enfants,  ses  frères  et  ses  amis.  En  expli- 
quant cet  autre  précepte  :  Vous  ne  tenterez 
point  le  Seigneur  votre  Dieu ,  il  dit  que  c'est 
le  tenter,  que  de  s'exposer  à  quelque  péril 
sans  nécessité  et  sans  raison,  ainsi  que  Jé- 
sus-Christ le  dit  au  démon,  lorsqu'il  voulait 
lui  persuader  de  se  jeter  en  bas  du  haut  du 
temple.  Il  remarque  que  Dieu  voulant  dé- 
truire parmi  les  Israélites  tout  désir  d'idolâ- 
trie, et  sachant  que  le  démon  se  servait  des 
réjouissances  publiques  et  des  festins  pour 
attacher  A  son  culte  les  infidèles,  se  servit  de 


[■V«  SIECLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


31 


ces  moyens  pour  en  retirer  un  peuple  aussi 
charnel  qu'étaient  les  Juifs,  en  leur  prescri- 
QuTst.  10.  vant  des  ordonnances  touchant  ces  fêtes,  en 
leur  permettant  des  sacrifices,  en  tolérant 
chez  eux  l'usage  des  instruments  de  musique, 
et  en  leur  recommandant  de  se  réjouir.  11  dit 
ensuite  que  les  défenses  si  souvent  réitérées 
aux  Israélites  de  manger  du  sang  des  bêtes, 
avaient  pour  but  de  leur  inspirer  encore  plus 
d'horreur  de  l'homicide,  et  de  leur  faire  com- 
prendre que  si  Dieu  punissait  celui  qui  au- 

"■  rait  mangé  du  sang  des  animaux  sans  raison, 
il  punirait  encore  plus  sévèrement  celui  qui 
oserait  séparer  d'avec  le  coi-ps  de  l'homme 
son  âme  qui  est  raisonnable.  Voici  sa  réfle- 
xion sur  ces  paroles  du  seizième  chapitre  : 
Vous  exécuterez  tout  ce  qui  est  de  la  justice  dans 
la  vue  de  la  justice,  «  c'est-à-dire  vous  agirez 
suivant  l'intention  d'un  homme  juste  ;  vous 
ne  ferez  point  le  bien  dans  la  vue  de  plaire 
aux  hommes  et  par  vaine  gloire,  mais  pour 
l'amour  du  bien  même.  Car  on  en  voit,  dit-il, 
quelques-uns  qui  n'ayant  pas  un  véritable 
amour  de  la  justice,  ne  laissent  pas  de  faire 

16-  paraître  extérieurement  qu'Ms  l'ont  en  véné- 
ration, dans  le  dessein  de  plaire  en  quelque 
sorte  à  ceux  qui  l'aiment  véritablement.  »  11 
regarde  la  défense  que  Dieu  fait  de  semer 
des  graines  au  milieu  des  vignes,  comme 
une  borne  que  Dieu  voulait  donner  à  l'insa- 
tiable cupidité  du  cœur  de  l'homme,  et  pour- 
voir en  même  temps   d'une   manière   plus 

23.  abondante  à  ses  besoins.  En  effet,  la  terre 
ensemencée  de  diverses  semences,  fait  que 
les  fruits  qu'efle  produit  en  sont  plus  mai- 
gres et  plus  petits.  Pai'lant  des  bénédictions 
et  des  malédictions  rapportées  dans  le  Deu- 
téronome,  il  demande  pourquoi  le  nombre 
des  malédictions  surpasse  celui  des  bénédic- 

,j  lions?  A  quoi  il  répond  que  c'est  parce  que 
les  mauvais  serviteurs  sont  moins  touchés 
des  promesses  qu'on  leur  fait  de  les  mettre 
en  liberté,  que  des  coups  et  des  châtiments 
dont  on  les  menace. 
QiicstioGs       6.  Il  s'attache  plus  au  sens  littéral  dans  les 

sur  Josue,  'es^.  r         '      i         t  rx       7 

j uses     ei    (Juestions  sur  Josue,  les  Juqes  et  Ruth  ;  mais 

Ruth,  p.  10'..      .,  '  ^  ' 

il  ne  laisse  pas  de  donner  de  temps  en  temps 
le  sens  allégorique.  11  fait  un  parallèle  de 
Josué  avec  Jésus-Christ,  disant  que  comme 
Pritrai.  in  Josué  fit  cutror  le  peuple  dans  la  terre  que 
'°'°°-  Dieu   lui  avait  promise,  et  l'y  établit,  de 

même  Jésus-Christ  nous  a  mis  en  possession 
du  royaume  des  cieux.  11  regarde  Rahab, 
qui,  avant  sa  conversion,  était  une  femme 
débauchée,  comme  la  figure  de  l'Eghse  des 


Gentils,  que  Dieu  a  sauvée  du  milieu  de  tant 
de  pécheurs  par  son  Fils.  Il  trouve  dans  les  Q„œsi.  a. 
douze  pierres  mises  dans  le  camp  des  Israé- 
lites, où  ils  avaient  passé  la  nuit  après  le 
passage  du  Jourdain,  la  figure  de  l'établisse- 
ment de  l'Eglise,  dont  les  douze  Apôtres  ont 
été  comme  les  douze  pierres  vivantes  et  fon- 
damentales. Quelques  interprètes  disaient 
que  c'était  Dieu  qui  avait  apparu  à  Josué 
sous  la  figure  d'un  homme  qui  tenait  en  sa 
main  une  épée  nu»;  mais  Théodoret  pense  5. 
que  c'était  saint  Michel  qui  venait  l'assurer 
d'un  prompt  secours  de  la  part  de  Dieu.  Il 
remarque  sur  l'anathème  prononcé  contre  la 
ville  de  Jéricho,  que  Dieu  ayant  arrêté  que 
toutes  les  villes  des  Chananéens  seraient 
traitées  avec  la  dernière  rigueur,  voulut  que  , 
la  première  de  toutes  lui  fut  offerte  tout  en- 
tière en  holocauste,  comme  les  prémices  de 
la  conquête  de  cette  terre  promise.  A  quoi  il 
ajoute,  que  Dieu,  leur  ayant  livré  ces  deux 
villes  sans  le  secours  des  armes  ni  des  ma- 
chines de  guerre,  mais  au  son  seul  des  trom- 
pettes, leur  faisait  voir  clairement  que  lors- 
qu'ils seraient  vaincus  dans  des  combats  par 
leurs  ennemis,  ils  en  devraient  rejeter  la 
cause  sur  l'inobservation  de  ses  lois.  Dieu 
leur  ordonna  toutefois  de  dresser  une  em- 
buscade derrière  la  ville  de  Haï,  «afin,  dit  cet  ,, 
interprète,  de  leur  faire  connaître  qu'il  fallait 
que  ceux  qui  se  confiaient  le  plus  en  sou  se- 
cours tout-puissant,  ne  négligeassent  pas 
néanmoins  de  travailler  de  leur  côté.  En  ^^ 
effet,  comme  ils  s'étaient  rendus  maîtres 
de  la  première  ville  de  Chanaan  par  le  bruit 
seul  des  trompettes,  il  était  important  qu'ils 
apprissent  à  combattre  et  à  travailler,  et  à 
espérer  en  même  temps  que  leur  travail  serait 
secondé  par  le  secours  de  Dieu  qui  les  pro- 
tégeait. »  L'Ecriture  ne  donne  point  la  raison 
pourquoi  Dieu  dans  le  sort  qui  régla  le  par- 
tage des  familles  sacerdotales,  leur  fit  échoir 
les  villes  qui  étaient  proches  du  tabernacle 
de  Jérusalem,  où  l'on  devait  un  jour  bâtir 
un  temple  en  son  honneur.  Théodoret  dit 
qu'il  arriva  néanmoins  par  un  effet  particu- 
lier de  la  Providence,  que  ces  villes  sacerdo-  ^^ 
taies  se  trouvèrent  jointes  à  la  tribu  de  Juda, 
afin  que  les  alliances  des  personnes  de  cette 
tribu  avec  ceux  de  la  race  d'Aaron  se  pussent 
faire  facilement,  et  qu'ainsi  celui  qui  selon 
les  prophéties  devait  naître  de  Juda,  n'eût 
pas  seulement  le  nom  de  roi,  mais  encoi'e 
de  pontife.  Les  Israélites  ayant  fait  alliance 
contre  les  ordres  du  Seigneur,  avec  les  ha- 


32 


HISTOIHE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


bitants  du  pays  de  Chanaan,  Dieu  ne  voulut 
point  exterminer  ces  peuples,  afin  qu'ils  les 
eussent  pour  ennemis,  et  que  leurs  dieux 
fussent  aux  Israélites  un  sujet  de  chute  et  de 
ruine.  «C'est,  dit  Théodoret,  comme  si  Dieu 
leur  avait  dit  :  N'attribuez  qu'à  vota^e  faute 
si  je  n'extermine  point  ces  nations  au  milieu 
desquelles  vous  avez  voulu  demeurer  contre 
mon  ordre,  et  si  leurs  dieux  deviennent  la 
cause  de  votre  perte.  Vous  avez  violé  ma  loi, 
vous  n'avez  point  observé  mes  ordonnances; 
et  en  accordant  la  paix  à  ceux  qui  devaient 
vous  servir  de  maîtres  dans  l'impiété,  vous 
vous  êtes  engagés  à  servir  leurs  dieux.  Jouis- 
Quîcsi.  7.  sez  donc  maintenant  de  ce  que  vous  avez 
injudicea.  ^^gj^^,  et  rccueillez  le  fruit  malheureux  du 
premier  crime  que  vous  avez  commis.  Car 
ceux  qui  fuyaient  auparavant  devant  vous 
par  la  crainte  de  la  mort,  ne  cesseront  point 
à  l'avenir  de  vous  combattre,  et  leurs  dieux 
s'assujettiront  vos  âmes  comme  leurs  escla- 
ves. » 

Voici  la  réponse  que  Théodoret  fait  faire 
par  l'ange  à  Manué  qui  voulait  lui  préparer 
un  chevreau ,  ne  sachant  pas  que  c'était 
l'ange  du  Seigneur.  «  Pour  ce  qui  est  de 
manger  votre  pain,  je  ne  pourrai  point  le 
Quassi.  20.  ^^^^^  '■>  i^^'S  PO*!!'  ^c  qui  est  d'offrir  un  holo- 
causte, vous  le  pouvez  si  vous  voulez,  pourvu 
que  ce  soit  à  Dieu.  Je  n'ai  point  besoin  de 
nourriture ,  et  je  ne  puis  accepter  le  sacri- 
fice. L'un  n'appartient  qu'à  Dieu,  et  l'autre 
convient  à  la  nature  de  l'homme.  » 

Cet  interprète  croit  que  l'histoire  de  Mi- 
chas,  et  celle  du  lévite  qui  abandonna  sa 
femme  à  la  brutalité  des  hommes  de  Gabaa, 
sont  déplacées,  et  que  l'auteur  du  livre  des 
Juges  les  a  mises  où  elles  sont  pour  ne  point 
interrompre  la  suite  de  son  histoire.  11  dit 
que  la  raison  principale  pour  laquelle  l'his- 
toire  de  Ruth  a  été  écrite,  est  l'Incarnation 
du  Fils  de  Dieu,  qui  est  descendu  de  Ruth 
selon  la  chair  ;  que  c'est  pour  cela  que  saint 
Matthieu,  qui  en  écrivant  la  généalogie  de 
Jésus-Christ,  a  passé  sous  silence  plusieurs 
femmes  illustres,  telles  qu'ont  été  Sara,  Re- 
becca  et  plusieurs  autres,  a  marqué  à  des- 
Quœsi.i.in  sein  Thamar,  Raab,  Ruth  et  la  femme  d'Urie, 
"""'■  pour  nous  apprendre  que  le  Fils  unique  de 

Dieu  s'est  fait  homme  pour  tous  les  hommes, 
soit  juifs,  soit  gentils,  justes  ou  pécheurs. 
Théodoret  ajoute  que  l'histoire  de  Ruth  est 
en  elle-même  très-utile  à  cause  des  exemples 
qu'elle  y  donne  d'un  détachement  parfait  de 
tous  ses  proches,  et  d'une  soumission  ac- 


complie envers  Noémie  sa  belle-mère.  Il  fait 
dans  ses  Questions  sur  ce   livre,  l'éloge  de 
Booz  secoud  mari  de  Ruth,  relevant  sa  sa-  qoxsi.  : 
gesse,  sa  pureté,  sa  bonté,  et  la  prudence  de 
sa  conduite. 

§11. 

Des  Questions  sur  le  livre  des  Bois  et  des 

Paralipomènes. 

1.  Théodoret  ayant  exphqué  l'Octateuque,       Q"'"i°J!^ 
expliqua  aussi  les  livres  des  Rois  et  des  Pa-  ei  les  paniu 
ralipomènes,   afin    de   ne    pas   laisser   im- 
parfait l'ouvrage  que  lui  avait  demandé  Hy- 

pace.  Mais  pour  ne  pas  l'allonger  mal  à  pro-  prJil'Sîb! 
pos,  il  n'entreprit  d'expliquer  que  les  endroits  ''°^' 
obscurs  et  difficiles,  et  qu'un  lecteur  aurait 
peine  à  entendre  de  lui-même.  Pour  les  tex- 
tes dont  le  sens  est  clair,  il  crut  qu'il  était 
inutile  de  les  expliquer.  Selon  ce  Père,  ce 
qui  cause  de  l'obscurité  dans  ces  livres,  c'est 
que  les  interprètes  les  ont  traduits  mot  pour 
mot  ;  que  ce  défaut  se  trouve  ordinairement 
dans  ceux  qui  traduisent  le  latin  en  grec.  Il 
y  a  eu  plusieurs  prophètes  ou  écrivains  dont 
les  noms  nous  sont  connus  par  les  livres  des 
Paralipomènes,  mais  dont  les  ouvrages  sont 
perdus  ;  ces  prophètes  avaient  coutume  d'é- 
crire ce  qui  se  passait  de  leur  temps;  et  c'est 
pour  cette  raison  que  le  premier  livre  des 
Rois  est  nommée  chez  les  Hébreux  et  les  Sy- 
riens, prophétie  de  Samuel,  parce  qu'en 
effet,  il  renferme  l'histoire  de  ce  prophète. 
C'est  sur  ces  mémoires  faits  par  des  auteurs 
contemporains,  que  ceux  qui  sont  venus  de- 
puis ont  composé  les  livres  des  Rois.  Et  parce 
qu'ils  avaient  omis  Certaines  choses  impor- 
tantes pour  l'histoire,  d'autres  ont  suppléé 
à  ce  défaut  en  écrivant  les  livres  que  nous 
appelons  Paralipomènes. 

2.  On  peut  regarder  les  questions  de  Théo-  ^'^\f^l'f„ 
doret  sur  tous  ces  livres,  comme  un  com-  '.^^^1^;^^^]°^ 
mentaire  littéral  et  historique  très-utile  pour 
l'intehigence  du  texte,  comme  on  pourra  en 
juger  par  quelques-mies  de  ces  Questions  qui 
nous  ont  paru  plus  remarquables.  11  demande 
pourquoi  Dieu  ayant  commandé  qu'on  l'a- 
dorât en  un  même  heu,  Samuel  lui  bâtit  un 
autel  à  Ramatha.  Il  répond  qu'alors  le  tem- 
ple n'étant  point  encore  bâti,  les  justes  ado- 
raient Dieu  en  ditierents  endroits  ;  que  Dieu 
n'avait  ordonné  son  culte  en  un  même  lieu, 
que  parce  qu'il  savait  que  le  peuple  juif  était 
toujours  porté  à  l'idolâtrie;  mais  que  les  q„^^,  ,3._ 
saints,  comme  Samuel,  qui  pénétraient  la  fin 
de  la  loi  et  des  ordonnances  de  Dieu,  savaient 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODOREÏ,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V'  SIÈCLE.] 

que  tous  les  Jieux  élaienl  propres  pour  l'a- 
dorer. D'où  vient  qu'Elie  dans  le  temps  que 
tous  devaient  adorer  dans  le  temple  de  Jéru- 
salem, bâtit  un  autel  sur  le  mont  Carmel,  et 
y  oti'rit  un  sacrifice.  «  Pourquoi ,  demande-t-il, 
Jonatlias  voulant  iondre  sur  les  ennemis, 
donna-t-il  certains  signes  à  son  écuyer  ?  »  Il 
répond  :  «  Ce  prince  ,  ayant  voulu  agir  en 
cette  rencontre  par  l'ordre  de  Dieu ,  avait 
appris  de  lui  que  ces  signes,  c'est-à-dire  la 
réponse  des  ennemis,  seraient  une  marque 
infaillible  de  la  protection  de  Dieu,  en  sorte 
qu'il  pourrait  sans  témérité,  attaquer  avec 
son  écuyer  seul  toute  une  armée,  parce 
qu'une  main  toute  puissante  combattrait 
pour  lui.»  Comment  doit-on  entendre  ce  qui 
est  dit  de  Saiil,  qu'il  était  comme  un  enfant 
d'un  an  lorsqu'il  commença  de  régner,  et 
qu'il  régna  deux  ans  sur  Israël?  On  doit 
l'entendre  de  la  simplicité  d'esprit  et  de 
cœur  de  Saûl  lorsqu'il  fut  choisi  roi.  Mais 
comme  il  déchut  bientôt  de  celte  droi- 
ture ,  c'est  pour  cela  que  l'historien  sacré  dit 
qu'il  régna  deux  ans,  savoir,  avec  cette  sim- 
plicité qu'il  avait  en  acceptant  le  gouverne- 
ment. Théodoret  trouve  dans  les  pains  de 
proposition  que  le  grand-prêtre  Achimélech 
donna  à  David,  et  dont  il  n'était  permis 
qu'aux  prêtres  seuls  de  manger,  une  figure 
de  la  table  sacrée  et  mystique  à  laquelle 
toutes  les  personnes  de  piété  participent 
dans  la  loi  nouvelle.  Car  on  y  admet  non- 
seulement  ceux  qui  ont  reçu  le  caractère  sa- 
cerdotal, mais  tous  ceux  qui  ont  été  baptisés 
y  sont  participants  du  corps  et  du  sang  du 
Seigneur.  Il  condamne  comme  impie  l'opinion 
de  ceux  qui  veulent  que  la  py  thonisse  ait  vé- 
ritablement évoqué  l'âme  de  Samuel  :  «  Car 
je  ne  crois  point,  dit-il,  que  les  femmes  qui 
ont  l'esprit  de  Python  puissent  tirer  quelque 
âme  que  ce  soit  du  lieu  où  elle  est,  à  plus 
forte  raison  celle  d'un  prophète  et  d'un  si 
grand  prophète.  »  Il  rejette  de  même  le  senti- 
ment de  ceux  qui  ont  avancé  que  le  démon 
s'était  présenté  à  Saûl  sous  la  forme  de  Sa- 
muel, et  lui  avait  dit  des  choses  qu'il  avait 
ouï  souvent  dire  à  Samuel.  Pour  lui,  il  parait 
persuadé  que  Dieu  même,  ayant  formé, 
comme  il  le  voulut,  une  ressemblance  de 
Samuel,  prononça  à  Saul  sa  sentence;  et  il 
appuie  son  sentiment  sur  ce  qui  est  dit  dans 
les  livres  des  Paralipomènes  :  Ainsi  Saûl 
mourut  dans  ses  iniquités ,  selon  la  parole 
du  Seigneur.  Plusieurs  faisaient  un  crime  à 
David  d'avoir  fait  mourir  l'amalécife  qui  lui 
X. 


33 


avait  apporté  la  nouvelle  de  la  mort  de  Saûl. 
Théodoret  justifie  l'action  de  ce  prince,  en 
disant  que  cet  Amalécite  s'était  rendu  cou- 
pable de  mensonge  en  disant  qu'il  avait  ôté 
la  vie  à  Saûl,  ce  qui  était  faux;  que  d'ailleurs 
il  y  avait  longtemps  que  Dieu  avait  rendu 
une  sentence  de  mort  contre  tous  les  Ama- 
lécites,  dont  David  fut  en  cette  occasion  l'exé- 
cuteur. Il  ne  croit  point  que  la  mort  d'Oza 
soit  arrivée  pour  avoir  porté  la  main  à  l'ar- 
che de  Dieu,  lorsqu'elle  penchait,  mais  pour 
l'avoir  mise  sur  un  chariot,  tandis  que  selon 
le  commandement  du  Seigneur  elle  devait 
être  portée  sur  les  épaules  des  lévites.  «  En 
quel  sens  peut-on  dire  que  Salomon  a  parlé 
de  tous  les  bois  à  compter  du  cèdre  qui  est 
sur  le  mont  Liban  jusqu'à  l'hysope  qui  sort 
de  la  muraille?  Cela  s'entend  de  la  nature  et 
des  propriétés,  tant  des  herbes  et  des  arbres 
que  des  brutes  ou  animaux  privés  de  raison 
sur  lesquels  Salomon  a  disserté.  »  C'est  de  ses 
écrits  sur  ces  matières  que  ceux  qui  ont  traité 
de  la  médecine  ont  tiré  ce  qu'il  y  avait  de 
remarquable  sur  ce  sujet. 

Si  le  temple  de  Jérusalem  a  été  bâti  de 
pierres  non  taillées,  pourquoi  Salomon  avait- 
il  fait  venir  tant  de  tailleurs  de  pierres?  II  est 
vrai  que  le  temple  fut  construit  de  pierres 
non  taillées ,  la  Providence  divine  ayant 
voulu  que  l'on  en  trouvât  de  propres  à  ce 
bâtiment  sans  qu'il  fût  besoin  d'instruments 
de  fer.  Mais  l'enceinte  du  temple  de  même 
que  le  palais  du  roi ,  et  les  murs  de  la  ville 
de  Jérusalem,  et  des  autres  que  Salomon 
fortifia,  furent  bâtis  de  pierres  taillées.  Quant 
auxpierres  qui  furent  employées  àl'enceinte 
du  temple,  ce  prince  avait  ordonné  de  les  tail- 
ler, de  les  polir  et  de  les  arranger  dans  la  car- 
rière même  :  d'où  vient  que  l'on  put  élever 
cette  enceinte  sans  que  l'on  entendît  le  bruit 
du  marteau  ou  de  quelques  autres  instru- 
ments de  fer  pendant  la  construction  du 
temple.  L'auteur  du  troisième  livre  des  Rois 
répète  deux  fois  la  même  chose  et  renverse 
quelquefois  l'ordre  des  temps,  mettant  après 
ce  qui  est  arrivé  auparavant.  Théodoret  dit 
que  l'historien  sacré  a  été  contraint  de  suivre 
cette  méthode ,  parce  qu'ayant  à  parler  de 
deux  royaumes  divisés,  la  suite  de  son  dis- 
cours l'a  obhgé  quelquefois  de  s'étendre 
beaucoup  sur  certains  évéuements,  et  que 
passant  ensuite  à  ce  qui  regardait  l'autre 
royaume,  il  lui  a  fallu  répéter  ce  qu'il  avait 
dit  du  premier,  pour  garder  quelque  ordre 
dans  sa  narration.  On  ne  voit  pas  bien  com- 

3 


(Jn.Tsl. 
liL.  n. 


Qulst.  9. 


Lb.niRe?. 
qua.'^t.  18. 


QaKst.23et 
24. 


34 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ment  le  législateur  qui  avait  mis  le  corbeau 
au  nombre  des  animaux  impurs,  s'en  servit 
néanmoins  pour  faire  apportera  Eliedupain 
le  matin,  et  de  la  viande  le  soir.  Tbéodoret 
explique  cette  difficulté  eu  disant  que  cet 
exemple  même  est  une  preuve  que  les  lois 
qui  regardent  la  distinction  des  viandes  n'ont 
été  faites  qu'à  cause  de  la  faiblesse  des  Juifs; 
puisque  ce  législateur  les  a  fait  transgresser 
en  cette  occasion.  Il  ajoute  qu'il  en  est  de 
même  des  autres  lois  cérémonielles,  comme 
on  le  voit  par  l'ordre  qu'il  donna  à  Josué  de 
faire  sept  fois  le  tour  de  Jéricbo,  aux  prêtres 
et  aux  lévites  le  jour  du  sabbat.  Dieu  ne  re- 

(JoiEsl.  62.  ■>  .  ,   ,  •     1 

prit  pas  Samson  pour  avoir  mange  le  miei 
qu'il  avait  trouvé  dans  un  lion  mort;  en  quoi 
toutefois  Samson  avait  transgressé  la  loi. 
Tbéodoret  dit  encore  en  parlant  de  la  veuve 
vers  laquelle  Dieu  envoya  Elle,  que  s'il  avait 
connu  plus  de  constance  et  de  force  dans  les 
Juifs,  il  ne  leur  aurait  pas  défendu  le  com- 
merce avec  les  étrangers  ;  qu'au  contraire  il 
leur  aurait  ordonné  de  demeurer  avec  eux, 
et  de  leur  prêcher  la  piété  et  la  vraie  reli- 
gion. Il  croit  que  si  l'on  ne  trouve  pas  dans 
le  livre  de  Jonas  la  prophétie  dont  il  est  parlé 
dans  le  quatrième  livre  des  Rois  ,  c'est  qu'il 
n'écrivit  dans  le  livre  qui  porte  son  nom,  que 
les  choses  qui  se  passèrent  à  Ninive. 

Tbéodoret  ne  dit  pas  si  ce  fut  à  la  prière 
d'Hypace  qu'il  travailla  sur  les  livres  des  Pa- 
ralipomènes.  Il  a  mis  à  la  tète  de  l'un  et  de 
l'autre  une  préface  où  il  en  donne  le  précis, 
et  en  marque  l'utilité  ;  mais  il  ne  se  propose 
qu'une  seule  question  sur  chacun  de  ces  li- 
vres. Dans  la  préface  sur  le  premier  qui  ne 
fait  mention  que  des  rois  de  Juda,  il  dit  que 
l'on  y  apprend  que  Nathan  de  qui  saint  Luc 
tire  la  généalogie  de  Jésus-Christ,  était  fils 
de  David  et  frère  de  Salomon  ;  que  Réchab 
si  souvent  loué  dans  l'Ecriture,  était  de  Juda; 

Prs.ra(.  in    st  commeut  Ruben  étant  déchu  de  son  droit 

j?i\if.  p.ig.  ^g  premier-né,  Joseph  l'avait  acquis.  Il  pense 

que  ces  deux  livres  n'ont  été  écrits  qu'après 

Quïsi.  I     ^^  ïclour  de  la  captivité  de  Babyloue,  dont  il 

D  r ,        y  est  parlé  en  effet.  Il  attribue  à  l'auteur 

Prœfat.    m     "^  '^ 

ra,  "'  ^'^'   <i'avoir  cru  que  tous  les  psaumes  sont  de 


David,  et  il  dit  même  que  l'histoire  nous  ap- 
prend qu'ils  sont  de  ce  saint  roi. 

§111. 

Des  commentaires  sur  les  Psaumes  et  sur  le 
Cantique  des  cantiques, 

\.  Les  commentaires  de  Tbéodoret  sur  les 

Ces     COI 

Psaumes  sont  cités  dans  ses  Questions  '  sur  le  fff  l^^f 
second  livre  des  Rois.  Il  les  cite  aussi  dans  sa  41"° 'gué 
lettre  ^  à  Eusèbe  d'Ancyre  écrite  vers  448.  Les  l^^fl  '^  ° 
Psaumes  étant  de  tous  les  livres  sacrés,  celui 
qui  est  le  plus  en  usage  parmi  les  personnes 
de  piété,  et  particulièrement  parmi  les  reli- 
gieux, Tbéodoret  avait  toujours  ^  eu  dessein 
de  commencer  par  là  ses  explications  de  l'E- 
criture. Maisobhgé  décéder  aux  instances  de 
ses  amis,  dont  les  uns  lui  demandaient  un 
commentaire  sur  le  Cantique  des  cantiques, 
les  autres  sur  Ezéchiel,  quelques-uns  sur  les 
douze  petits  Prophètes,  d'autres  sur  Daniel,  ce 
ne  fut  qu'après  les  avoir  satisfaits  tous,  qu'il 
se  satisfit  lui-même  en  travaillant  sur  les 
Psaumes.  Il  a'ignorait  pas  que  beaucoup 
d'autres  n'eussent  travaillé  avant  lui  sur  cette  prarat.io 
matière,  ce  fut  au  contraire  parce  qu'il  avait 
lu  leurs  commentaires,  qu'il  couçut  le  des- 
sein d'en  faire  de  nouveaux  :  car  il  avait 
trouvé  que  les  uns  étaient  remplis  d'allégo- 
ries ennuyeuses  ;  que  les  autres  s'attachant 
trop  à  l'histoire  du  temps,  détruisaient  les 
prophéties  qui  marquaient  Jésus-Christ  et 
son  Eglise,  en  faisant  entendre  que  ce  qui 
est  dit  dans  les  Psaumes  regardait  plus  les 
juifs  que  les  chrétiens.  Il  prit  donc  un  milieu 
en  exphquant  à  la  lettre  les  choses  qui  ont 
rapport  aux  anciennes  histoires,  et  en  appli- 
quant à  Jésus-Christ,  à  l'Eglise  des  gentils  et 
à  la  morale  apostolique,  ce  qui  est  dit  de  Jé- 
sus-Christ, de  son  Eglise  et  de  la  prédication 
des  apôtres.  Il  se  fit  aussi  une  loi  d'éviter  la 
longueur  des  autres  commentateurs,  et  de 
rendre  en  peu  de  mots  ce  qu'ils  avaient  dit 
de  plus  utile. 

2.  Mais  avant  d'en  venir  à  l'expHcation  des     Y\mrsa 
Psaumes,  il  avertit  que  le  propre  de  la  pro-  JJ^'^« 
phétie  n'est  pas  seulement  de  prédire  les 


i  Consonat  auiem  psalmo  xvd.  Vel  potius  idem  est 
paucas  habens  nomiiium  miitationes.  Ego  auiem  cum 
aliis  psalmis  hune  quo'/ue  ùtterprelatus  sum.  Theodor., 
prœfat.  in  Psalm. 

2  Quœ  divina  est  gratia,  et  prophetas  omnes  eom- 
rneatariis  exposui,  et  Psalierium  et  Âposlolum.  Tlieo- 
doret.,  Epist.  82  nd  Euseb. 

8  Haneprimam  volebani,  psalinorum  prophetiam  ex- 


ponere...  Sed  hoc  nostrum  desiderium  non  sinerunt  ad 
finem  pervenire  ii,  qui  a  nobis  aliorum  sacrorum  vo- 
luminum  explanaiiones  efflagitarunt.  Namque  impo- 
suerunt  nobis  nonnulli,  ut  Caniicum  canticorum  ex- 
poneremus  ;  aliqui  vero  viri  denderiorum  prophetiam 
desideraverunt ;  alii  divini  Ezecliielis ,  alii  duodecim 
Propheiarum  prœdictiones  enucleari  et  declarari  fia' 
gitarunt.  Theodoret.,  prœfat.  in  Psalm. 


CHAPITRE  IV.  —  ÏHÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYU. 


[V«  SIECLE.] 

choses  à  venir ,  mais  aussi  de  faire  l'histoire 
du  présent  et  du  passé;  puisque  Moïse  qui  a 
écrit  riiistoire  de  la  création  non  sur  les  mé- 
moires des  hommes,  mais  par  l'inspiration 
du  Saint-Esprit,  a  raconté  les  choses  qui  s'é- 
taient passées  dès  le  commencement,  celles 
qui  sont  arrivées  de  son  temps  à  Pharaon  et 
aux  Israélites  ;  et  qu'il  a  prédit  l'avenir, 
comme  l'avènement  de  Jésus-Christ,  la  dis- 
persion des  Juifs  et  le  salut  des  gentils.  De 
même  David  fait  mention  non-seulement  des 
bienfaits  de  Dieu ,  conférés  aux  hommes  dès 
les  premiers  temps;  il  découvre  encore  ceux 
qu'ils  en  devront  recevoir  dans  les  siècles  fu- 
turs. V  Les  Psaumes,  ajoute  ïhéodoret ,  outre 
les  prédictions  contiennent  diverses  instruc- 
tions et  divers  préceptes.  David  y  parle  tan- 
tôt de  morale  et  tantôt  de  doctrine.  Quelque- 
fois il  y  déplore  les  calamités  du  peuple  juif; 
en  d'autres  endroits  il  prédit  le  salut  des  na- 
tions. Il  annonce  aussi  la  passion  et  la  résur- 
rection de  Jésus-Christ  en  tant  d'endroits  et 
tant  de  manières  différentes,  que  l'on  n'y 
peut  faire  attention  sans  en  recevoir  du  plai- 
sir. Il  y  en  a,  dit  encore  cet  interprète,  qui 
ont  cru  que  tous  les  psaumes  n'étaient  point 
de  David,  et  qui  en  ont  attribué  quelques- 
uns  à  Idithun ,  à  Ethan  ,  aux  enfants  de  Coré  , 
et  aux  fils  d'Asaph  ,  auquel  l'histoire  des 
Paralipomènes  donne  le  nom  de  prophète. 
Pour  moi,  dit-il,  je  ne  veux  rien  décider  sur 
cela.  Que  m'importe  qu'ils  soient  tous  ou  en 
partie  de  David ,  puisqu'il  est  constant  que 
tous  ont  été  écrits  par  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit?  Nous  n'ignorons  pas  que  David  n'ait 
été  prophète,  ni  que  l'histoire  des  Paralipo- 
mènes ne  donne  ce  nom  à  ces  autres  écrivains. 
Or,  le  fait  d'un  prophète  est  de  faire  servir 
sa  langue  à  la  grâce  de  Dieu,  ainsi  qu'il  est 
écrit  dans  le  psaume  xliv  :  Ma  langue  est 
comme  la  plume  d'un  écrivain  qui  écrit  avec  vi- 
tesse. »  Malgré  cette  irrésolution,  Théodoret 
semble  se  décider  enfin  pour  l'opinion  com- 
mune qui  attribue  tous  les  psaumes  à  David. 
3.  Traitant  ensuite  des  inscriptions  des 
psaumes,  il  dit  qu'on  ne  peut  sans  témérité 
les  rejeter  ou  les  changer,  puisqu'elles  ont 
été  reconnues  dès  le  temps  de  Ptolémée  qui 
régna  en  Egypte  après  Alexandre;  qu'elles 
ont  été  traduites  par  les  Septante,  de  même 
que  tout  le  reste  de  la  sainte  Ecriture^  dont 
le  texte  avait  été  revu  et  rétabli  cent  cin- 
quante ans  auparavant  par  l'admirable  Es- 
dias,  que  Dieu  avait  remph  de  sa  grâce. 
Théodoret  rapporte  ensuite  les  diverses  in- 


35 

terprétations  que  l'on  avait  données  du  mot 
diapsalma,  qui  se  rencontre  souvent  dans  les 
versions  grecques  des  Psaumes.  Ce  mot  selon 
quelques-uns  signifiait  l'intermission  de  l'ins- 
piration du  Saint-Esprit ,  et  selon  d'autres 
un  changement  ou  de  prophétie  ou  de  chant. 
Aquila  l'a  traduit  par  toujours,  comme  si  ce 
terme  marquait  la  liaison  de  ce  qui  suit  avec 
ce  qui  précède.  Mais  sans  s'arrêter  au  sens 
de  cet  interprète,  Théodoret  aime  mieux 
croire  que  le  diapsalma  marque  un  simple 
changement  d'air  et  de  musique  ,  persuadé 
que  David  qui  avait  institué  le   chant   des 
hymnes  et  des  psaumes  à  différents  chœurs 
pour  l'utilité  du  peuple,  l'avait  fait  de  façon 
que  ce  chant  se  fît  avec  mélodie,  et  que  les 
instruments  de  musique  qui  l'accompagnaient 
rendissent  des  sons  agréables  par  leur  va- 
riété, autant  que  par  leur  accord.  «Au  reste, 
ajoute  ce  Père,  celui-là  seul  sait  la  valeur  de 
ce  mot,  qui  l'a  mis  le  premier,  ou  celui  à  qui 
il  a  plu  à  Dieu  de  le  faire  connaître.  »  Il  finit 
sa  préface  sur  les  Psaumes  en  remarquant 
qu'ils  ne  sont  pas  rangés  suivant  l'ordre  des 
temps;  qu'il  y  en  a  parmi  les  derniers  qui 
ont  rapport  à  des  histoires  plus  anciennes 
que  cefies  dont  il  est  parlé  dans  les  premiers; 
que  cela  se  voit  dans  le  troisième  qui  est  sur 
Absalon,  beaucoup  plus  jeune  que  Saûl,  au- 
quel le  cent  quarante  et  unième  a  rapport  ; 
mais  que  ce  changement  vient  moins  de  Da- 
vid que  de  celui  qui  depuis  a  disposé  les 
Psaumes  dans  l'ordre  où  ils  sont  aujourd'hui. 
Il  ne  se  tlatte  pas  d'avoir  toujours  rencontré 
juste  dans  l'explication  des  Psaumes.  Mais  il 
propose  ce  qu'il  avait  appris  des  anciens, 
n'exigeant  de  ses  lecteurs  d'autre  récom- 
pense de  son  travail,  que  le  secours  de  leurs 
prières.  Sa  réflexion  sur  les  maux  que  David 
souhaite  quelquefois  à  ses  ennemis,  ne  doit 
pas  être  oubhée.  Il  dit  qu'on  ne  doit  ni  s'en 
scandaliser,  ni  en  prendre  occasion  de  faire 
des  imprécations  contre  ceux  qui  nous  haïs- 
sent ;  parce  que  ce  saint  roi  vivait  au  temps 
de  la  loi  qui  en  ordonnant  d'aimer  son  pi'O- 
chain  permettait  de  haïr  son  ennemi  ;  et  non 
au  temps  de  l'Evangile,  où  Jésus-Christ  de- 
mandant de  nous  une  vertu  plus  parfaite, 
nous  commande  d'avoir  de  l'amour  pour  nos 
ennemis,  et  de  bénir  nos  persécuteurs. 

4.  Nous  avons  déjà  remarqué  que  Théo- 
doret avant  de  commenter  les  Psaumes  avait 
expliqué  le  Cantique  des  cantiques,  il  semble 
même  que  ce  fut  son  premier  ouvrage  sur 
l'Ecriture.  11  y  en  a  qui  doutent  qu'il  soit 


Théodore!, 
in  Psilm.  CL, 
paj.  982. 


Théodoret. 
in  Ps  xxxiv, 
pag.  MO. 


Le  com- 
mcntsire  sur 
le  Cantiquo 
des  car.tiqiies 
est  de  Tliéo- 

dOTL'l. 


36 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


venu  jusqu'à  nous,  et  qui  ne  peuvent  se  per- 
suader qu'il  soit  auteur  de  celui  qui  porte 
son  nom,  et  que  l'on  a  imprimé  à  la  suite  de 
son  commentaire  sur  les  Psaumes.  Leurs  rai- 
sons sont  que  le  commentateur  du  Cantique 
des  cantiques  dit  dans  la  préface  qu'il  était 
chargé  d'une  infinité  d'affaires  tant  *  de  la 
ville  que  de  la  campagne,  tant  militaires  que 
civiles^  tant  de  l'Eglise  que  de  la  république; 
qu'il  parle  de  saint  Jean  Chrysoslôme  comme 
vivant  ^  ;  qu'il  réfute  assez  vivement  ^  Théo- 
dore de  Mopsueste,  pour  lequel  Théodoret  a 
toujours  eu  beaucoup  de  respect;  que  Théo- 
doret attaqué  dans  sa  foi  ne  cite  point  ce 
commentaire  pour  sa  justification,  quoiqu'il 
eût  pu  y  trouver  des  moyens  de  défense  ; 
qu'il  est  plus  long  que  les  commentaires  de 
Théodoret  ;  enfin  qu'on  cite  un  passage  de 
son  commentaire  sur  les  Psaumes,  qui  ne  se 
lit  ])oint  dans  celui-ci.  Mais  ces  raisons  ne 
sont  point  sans  réplique.  Il  est  vrai  qu'on  ne 
peut  dire  de  Théodoret  renfermé  dans  son 
monastère,  qu'il  ait  été  accablé  des  affaires 
du  dehors  ;  mais  depuis  qu'il  fut  évêque,  ne 
s'appliqua-t-il  pas  à  combattre  les  hérétiques 
de  son  temps,  à  convertir  les  Juifs  et  les 
païens?  Quelles  persécutions  ces  travaux 
ne  lui  suscitèrent-ils  pas  ?  Ne  le  vit-on  pas 
s'occuper  du  soin  de  rétablir  les  églises ,  de 
les  orner,  de  rendre  la  ville  de  Cjt  plus  saine 
et  plus  commode  ?  Ne  pouvait-il  pas  y  avoir 
des  soldats  en  quartier  dans  son  diocèse,  qui 
l'obligeassent  à  se  mêler  des  affaires  mili- 
taires ?  Ne  sait-on  pas  que  son  zèle  pour  le 
salut  des  âmes  l'engagea  plusieurs  fois  à 
aller  prêcher  la  parole  de  Dieu  à  Antioche 
et  en  d'autres  endroits  ?  N'eut- il  pas  recours 
aux  puissances  du  siècle  pour  le  soulagement 
de  son  peuple?  A  combien  de  mouvements 
ne  l'exposa  pas  le  concile  d'Ephèse  ?  Il  est 
vrai  encore  qu'en  parlant  de  saint  Jean  Chry- 
soslôme il  dit  qu'il  a  éclairé  jusqu'à  présent 
le  monde  entier,  par  le  torrent  de  son  élo- 
quence ;  mais  cela  ne  peut  s'entendre  que 
de  ses  écrits  qui  ont  en  effet  éclairé  tout  le 
monde,  et  non  de  ses  prédications  qui  ne  se 
sont  fait  entendre  qu'à  Antioche  et  à  Cons- 


tantinople.  11  n'y  a  donc  rien  dans  ce  pas- 
sage qui  prouve  que  l'auteur  du  commen- 
taire sur  le  Cantique  des  cantiques  ait  parlé 
de  saint  Chrysostôme  comme  de  son  contem- 
porain. On  avoue  que  Théodoret  a  eu  du 
respect  et  de  la  vénération  pour  Théodore 
de  JWopsueste  ,  mais  il  n'en  a  pas  adopté  tou- 
tes les  opinions.  Au  contraire,  il  le  reprend 
fortement  d'avoir  regardé  le  Cantique  des 
cantiques  comme  un  hvre  tout  humain  qui 
représentait  les  amours  de  Salomon  avec  la 
fille  de  Pharaon.  Mais,  en  le  reprenant  de 
cette  faute,  il  supprime  son  nom  par  respect. 
C'est  ainsi  qu'il  en  agit  dans  sa  préface  sur 
les  Psaumes  lorsqu'il  combat  ceux  qui  les 
avaient  exphqués  d'une  manière  qui  favori- 
saitles  Juifs;  c'est  à  Théodore  de  Mopsueste, 
comme  à  d'autres,  qu'il  en  veut;  mais  il  ne 
les  nomme  pas  par  considération.  Si  l'on  ne 
s'est  pas  avisé  d'ôter  ces  commentaires  à 
Théodoret,  parce  que  Théodore  de  Mop- 
sueste y  est  maltraité ,  pourquoi  lui  ôtei-ait- 
on  pour  une  semblable  raison  les  commen- 
taires sur  le  Cantique  des  cantiques?  Si  Théo- 
doret n'en  a  rien  tiré  pour  sa  justification, 
c'est  qu'il  en  trouvait  ailleurs  assez  de  moyens . 
Au  reste  si  ces  commentaires  sont  plus  dif- 
fus que  ceux  que  Théodoret  a  faits  sur  quel- 
ques livres  de  l'Ecriture ,  cela  vient  du 
livre  même  qui,  devant  êti'e  expliqué  dans 
un  sens  allégorique,  demande  plus  de  dis- 
cussion et  d'étendue,  que  si  on  l'expliquait 
à  la  lettre.  Quant  à  ce  qu'on  dit  que  le  moine 
Néophite  cite  dans  sa  Chaîne  un  passage  du 
commentaire  de  Théodoret,  qui  ne  se  lit  pas 
dans  celui  dont  nous  parlons,  on  peut  ré- 
poudre qu'il  y  a  faute  dans  la  citation,  et  que 
ce  moine  a  pu  citer  sous  le  nom  de  Théodo- 
ret, ce  qui  était  de  Théodore  de  Mopsueste, 
qui  aussi  a  commenté  le  Cantique  des  canti- 
ques. Tout  le  monde  convient  d'ailleurs  que 
les  Chaînes,  soit  grecques,  soit  latines,  sont 
de  peu  d'autorité.  Il  faut  donc  laisser  Théo- 
doret dans  la  possession  de  ce  commentaire. 
Il  lui  est  adjugé  non-seulement  par  ce  qu'il 
y  a  de  gens  habiles,  mais  par  de  très-anciens 
monuments.  Théodoret  dit  lui-même  qu'il 


1  hmumerahilibus  tum  urbanis,  tum  rusticanis,  ium 
militaribus,  tum  civilibus,  tum  ad  Ecclesiam,  tum  ad 
rempublicam  pertinentibus  occupationibus  distracti  stc- 
mus.  Théodoret.,  prœfat.  in  Cantic. 

-  Joannes  qui  ad  hune  usquc  diem  irrigat  univer- 
sum  orbem  terrarum.  Ibid. 

3  Plerique  ex  iis  qui  Canticum  canticorum.  calum- 
nianlur,  ac  spiritalem    esse   librmn  negani   fabulas 


quasdam  ne  aniculis  quidem  delirantibus  dignas  coil' 
iexunt  :  alii  nimirum,  quod  sapiens  Salomon  de  se 
ipso,  deque  Pharaonis  filia  conscrxpserit  :  nonnulli 
auiem  ejusdem  classis  auctores  pro  Pkaraonis  filia 
sponsam  esse  Abisai  sunamitidem  confinxeruni...  at- 
qui  debehant  isti,  se  longe  vel  sapientia  vel  spiriiu 
prœsiuntiores  agnoscere  sanetos  patres,  qui  librum 
Imnc  inier  divinas  Scripturas  coltocarunt.  Ibid. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÈVÊQUE  DE  CYR. 


[y  SIÈCLE.] 

avait  expliqué  '  le  Cantique  des  cantiques  à  la 
prière  de  quelques-uns  de  ses  amis.  Pelage  II, 
ou  saint  Grégoire-le-Grand  "-  dans  la  lettre 
qu'il  écrivit  au  nom  de  ce  pape  à  Elie  d'A- 
quilée  et  à  un  évéque  d'Istrie,  dit  que  Tliéo- 
doret  a  blûmé  l'opinion  de  Théodore  de  Mop- 
sueste  sur  le  sens  du  livre  du  Cantique  des 
cantiques,  on  supprimant  son  nom.  Or,  c'est 
ce  que  fait  l'auteur  de  ce  commentaire  dans 
sa  préface.  11  y  a  plus,  c'est  qu'on  y  lit  les 
paroles  que  saint  Grégoire  en  rapporte  dans 
sa  lettre  comme  étant  de  Théodoret ,  en  sorte 
qu'il  n'y  a  aucun  lieu  de  douter  que  sous  le 
pontificat  de  ce  saint  pape,  ce  commentaire 
ne  fût  communément  attribué  à  Théodoret. 
Il  faut  ajouter  que  l'endroit  d'Ezéchiel  où  la 
ville  de  Jérusalem  est  comparée  à  une  femme 
perdue,  est  expliqué  de  la  même  manière 
dans  la  préface  de  ce  commentaire,  que  dans 
le  commentaire  de  Théodoret  sur  ce  pro- 
phète. Disons  encore  que  cette  préface  est 
dans  le  même  goût  et  de  même  style  que 
celle  de  Théodoret  swr /es /*saMmes;  enfin  que 
le  commentaire  entier  porte  son  nom  dans 
les  deux  anciens  manuscrits,  sur  lesquels 
François  Zinus  et  le  Père  Sirmond  l'ont 
donné  au  public. 

5.  Théodoret  le  composa  à  la  prière  de  l'é- 
vêque  Jean,  apparemment  celui  de  Germa- 
nicie,  avec  qui  il  était  lié  d'amitié,  d'où  vient 
qu'il  le  quahfie  très-aimé  de  Dieu  et  sou  cher 
ami.  Dans  la  préface  de  ce  commentaire,  qui 
est  assez  longue ,  après  avoir  rendu  compte 
de  ses  occupations  infinies  qui  semblaient  le 
mettre  hors  d'état  de  travailler  à  l'explication 
des  divines  Ecritures ,  il  en  demande  à  Dieu 
le  pouvoir,  témoignant  ^  que  ce  n'est  point 
par  les  secours  humains,  mais  par  celui  qu'on 


37 


obtient  de  Dieu  dans  la  prière,  que  l'on  ac- 
quiert l'intelligence  des  livres  saints.  Ensuite 
il  attaque  ceux  qui,  regardant  le  livre  du 
Cantique  des  cantiques  comme  un  ouvrage 
purement  humain,  l'entendaient  des  amours 
de  Salomon  avec  la  fille  de  Pharaon  ou  avec 
la  sunamite  Abisaï.  Il  leur  oppose  le  senti- 
ment *  des  saints  pères  qui  ont  mis  ce  livre 
au  rang  des  divines  Ecritures,  qui  l'ont  jugé 
digne  d'être  reçu  dans  l'Eglise,  comme  rem- 
pli de  l'esprit  de  Dieu;  et  l'autorité  du  Saint- 
Esprit,  par  l'inspiration  duquel  Esdras  réta- 
blit ce  livre,  après  la  captivité,  sans  le  secours 
d'aucun  exemplaire.  Car  Théodoret  a  cru, 
avec  quelques  autres  anciens ,  que  les  livres 
saints  ayant  été  brûlés  sous  le  roi  Manassé, 
et  entièrement  perdus  pendant  la  captivité  de 
Babylone ,  Esdras ,  après  le  retour  de  cette 
captivité,  les  avait  rétablis  tous  sans  avoir  été 
aidé  d'aucun  exemplaire,  et  par  l'inspiration 
seule  du  Saint-Esprit.  «Dire  donc,  ajoute-t-il, 
que  le  Cantique  est  un  livre  purement  hu- 
main, c'est  attaquer  le  Saint-Esprit  même  et 
faire  retomber  sur  lui  l'injure  que  l'on  fait  à 
ce  livre,  en  disant  qu'il  contient  la  descrip- 
tion de  l'amourpassionné  d'une  créature.  Ce 
n'est  pas  sans  raison  que  les  saints  pères,  qui 
mettaient  ce  livre  au  rang  des  divines  Ecri- 
tures, l'ont  expliqué  par  des  commentaires 
ou  cité  avec  éloge  dans  leurs  écrits.  C'est  ce 
qu'ont  fait  non-seulement  Eusèbe  de  Pales- 
tine, Origène  d'Egypte,  Cyprien  de  Carthage 
et  quelques  autres  pères  plus  anciens  et  plus 
proches  des  apôtres;  mais  ceux  encore  qui 
ont  depuis  excellé  dans  l'Eglise,  comme  saint 
Basile,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint  Gré- 
goire de  Nysse^  Diodore  de  Tarse,  saint  Jean 
Chrysostôme  et  plusieurs  autres,  qui  tous  ont 


'  Imposuerunt  nabis  nonnulli  ut  Canticum  cantico- 
rum  exponeremus,  aliqui  vero  viri  deîideriorum  desi- 
deruverunt  prophetiam  cognoscere  ;  alii  divini  Eze- 
chielis,  alii  duodecim  Prophetarum  prœdictlones  obs- 
curitate  involutas  sibi  declarari  posiularunt.  Post- 
quam  igiiur  dédit  nuhis  Deus  ut  commentarios  in  hœc 
ipsius  eloquia  ad  finem  perduceremus,age  hujus  etiam 
praphetiœ  expositionem  fidenter  agrediamur.  Théo- 
doret., praefat.  in  Psalm. 

■^  Cum  Theodorus  Canticum  canticorum  vellet  expo- 
nere,  Salomonem  per  hune  lihrum  Ethiopissœ  reginœ 
blanditum  esse  professus  est  :  quod  Theodoretus  re- 
prehendens,  nomen  quidem  Theodori  suppressit,  sed 
iarnen  vesaniam  patefecit;  ejusdem  namque  libri  com- 
menta describens,  ait  :  Audio  plures  Canticum  canti- 
corum detrahentes,  et  non  credentes  spiritualem  esse 
librum,  tabulas  autem  quasdam  aniculares  per  vesa- 
niam texentes  componere  et  praesumere  dicenles, 
quia  sapiens  Salomon  ad  seipsum  et  ad  ffliam  Pha- 
raonis  conscripsisset.  (Ces  paroles  se  trouvent  dans  la 


préface  du  commentaire  sur  le  Cantique  des  canti- 
ques que  nous  disons  être  de  Théodoret).  Greg.,  Epist. 
ad  Episcopos  Istrice. 

s  Neque  vero  oleum  ore  sumpsimus,  cujus  auxilio 
tanquam  factitio  lumine  ad  investigandum  uteremur  : 
sed  orationem  acpreces,  quorum  prœsidio  pofissimum 
egent  ii,  qui  ad  sacrosanctœ  Scripturœ  cognitionem 
cupiunt  pervenire.  Théodoret.,  prsefat  in  Canticum 
canticorum. 

">  Sed  qui  necesse  est  Patrum  auctoritatem  adhibere, 
cum  ipsius  divini  Spirilus  uti  liceat  testimonio?  Nam 
cum  sacra  volumina  partim  a  Manasse  combusfa  essent^ 
partim  captiviiatis  tempore,  templo  a  Babylonis  in- 
censo...  Beatus  vir  Esdras  Spiritu  Sa7icto  plenus,  non 
solum  Mosis  lihros  sed  et  Josue...et  Cantica  canticorum 
restitua.  Si  igitur  nullo  adjutiis  exemplari  sed  divino 
Spiritu  ufflatus,  hœc  conscripsit,  qui  fieri  poiest  ut 
liber  hic  argumentum  illud  contineat  quod  affirmatis? 
Théodoret.,  ibid. 


38 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


E  r.  G  c  h 
xvu,  3. 


reconnu  ce  livre  pour  un  ouvrage  spirituel. 
Les  choses  étant  ainsi,  est-il  juste  de  mépri- 
ser ces  grands  hommes,  et  le  Saint-Esprit 
même,  pour  suivre  des  opinions  particulières? 
Mais,  de  peur  qu'on  ne  nous  accuse  de  nous 
contenter  de  nous  persuader  de  la  vérité  sans 
nous  inquiéter  de  la  persuader  aux  autres  et 
de  les  guérir  de  leurs  erreurs,  voyons  d'où  elles 
ont  pris  leur  origine  et  tâchons  de  les  en  gué- 
rir par  des  remèdes  tirés  de  l'Ecriture  sainte. 
En  lisant,  comme  je  pense,  le  livre  des  Can- 
tiques, et  trouvant  qu'il  y  est  fait  mention 
des  parfums,  des  lys,  des  fruits,  des  baisers, 
des  joues,  des  yeux,  des  cuisses,  et  de  quan- 
tité d'autres  choses  de  cette  nature,  ils  se 
sont  arrêtés  à  la  lettre,  sans  vouloir  pénétrer 
le  sens  spirituel  et  caché  ;  d'où  vient  que, 
prenant  les  choses  charnellement ,  ils  sont 
tombés  dans  le  blasphème  dont  nous  les  ac- 
cusons. Mais  ils  devaient  considérer  que  les 
écrivains  sacrés  de  l'Ancien  Testament  sont 
dans  l'usage  de  se  servir  de  plusieurs  expres- 
sions figurées  qui  ont  un  autre  sens  que  ce- 
lui que  les  termes  signifient  proprement  et 

ei  dans  leur  sens  naturel.  Ezéchiel,  par  exem- 
ple, ayant  à  parler  du  roi  de  Babylone,  ne  le 
nomme  ni  par  son  propre  nom,  qui  était  ce- 
lui de  Nabuchodonosor,.ni  par  celui  qui  est 
commun  à  tous  les  hommes  ;  il  le  désigne  par 
un  aigle ,  sa  puissance  par  les  ailes  de  cet 
oiseau ,  et  ses  troupes  par  les  ongles  de  l'ai- 
gle. Au  même  endroit,  ce  prophète  repré- 
sente Jérusalem  sous  le  nom  de  Liban,  elles 
habitants  de  cette  ville  sous  le  nom  de  cèdres. 
Est-il  jamais  arrivé  à  personne,  en  lisant  cet 
endroit  du  prophète ,  d'entendre  par  l'aigle 
l'oiseau  qui  porte  ce  nom,  et  par  le  mot  de 
Liban  la  forêt  connue  sous  ce  nom  dans  l'E- 
criture? Tous,  généralement,  soit  chrétiens, 
soit  juifs,  ont  eiitendu  par  l'aigle ,  qui  est  un 
animal  royal,  le  roi  même  ;  par  ses  ailes,  l'é- 
tendue de  son  royaume,  et  par  les  ongles  de 
cet  oiseau ,  le  grand  nombre  de  troupes  du 
roi  de  Babylone.  Il  en  est  de  même  du  Liban 
à  l'égard  de  Jérusalem  ,  et  des  cèdres  à  l'é- 
gard de  ses  habitants.  Cette  ville  est  encore 
entendue  sous  le  nom  de  Liban  dans  le  pro- 

,  phète  Zacharie  ;  le  roi  de  Babylone  y  est  mar- 
qué sous  le  nom  d'un  feu,  les  cèdres  y  re- 
présentent les  grands,  les  puissants  en  ri- 
chesses et  en  honneurs,  de  même  que  les 
superbes  ;  et  les  pins  y  sont  la  figure  des  gens 
de  médiocre  condition.  Mais  pour  donner  un 
exemple  qui  ait  plus  de  rapport  avec  notre 
sujet.    Dieu ,  s'adressant  à  la  nation  juive  , 


lui  parle  comme  à  une  femme,  et  dans  les 
mêmes  termes  dontSalomon  s'est  servi  dans 
le  Cantique  des  cantiques.  Qu'on  lise  le  cha- 
pitre XVI  d'Ezéchiel,  où  se  trouve  ce  discours 
que  Dieu  adresse  à  cette  nation ,  on  y  trou- 
vera qu'il  y  est  parlé  de  mamelles,  de  cuisses, 
de  mains,  de  narines,  d'oreilles,  de  beauté, 
d'embrassements.  Néanmoins,  lorsque  nous 
lisons  ce  discours  de  Dieu  à  son  peuple,  nous 
ne  l'entendons  pas  dans  le  sens  de  la  lettre 
présente,  mais  nous  y  cherchons  un  sens  spi- 
rituel. Cet  interprète  rapporte  divers  autres 
exemples  de  ces  façons  de  parler,  non-seule- 
ment dans  les  prophètes ,  mais  dans  l'Evan-  !■"'■  ■"•  '• 
gile ,  qu'il  ne  serait  pas  prudent  d'expliquer 
à  la  lettre.  Saint  Jean  n'appelle-t-il  pas  les 
Juifs  qui  venaient  à  lui  race  de  vipères?  Et  loann.T» 
lorsque  les  Juifs  se  vantaient  devant  Jésus- 
Christ  d'avoir  Abraham  pour  père  ,  Jésus- 
Christ  ne  leur  répondit-il  pas  :  a  Vous  êtes 
les  enfants  du  diable?  » 

De  tous  ces  exemples,  Théodoret  conclut 
qu'on  ne  fait  donc  rien  d'extraordinaire  quand 
on  donne  un  sens  spirituel  à  tout  ce  qui  est 
dit  dans  le  Cantique  des  cantiques,  et  quand 
par  l'époux  et  l'épouse  que  Salomon  y  intro- 
duit on  entend  Jésus-Christ  et  son  Eglise.  En 
effet,  saint  Paul  donne  à  l'Eglise  le  nom  d'é-  ii  corim 
pouse,  et  celui  d'époux  à  Jésus-Christ.  Le 
Sauveur  s'appelle  lui-même  époux.  Nous  de-  Maiih.ixj 
vous  donc  donner  le  nom  d'épouse  àson Eglise 
et  entendre  par  les  filles  de  la  suite  de  l'é- 
pouse les  âmes  qui  ne  sont  pas  encore  assez 
parfaites  pourêtre  lesépousesde  Jésus-Christ. 
Théodoret  remarque  ensuite  que  les  trois 
livres  de  Salomon  sont  comme  autant  de  de- 
grés pour  arriver  à  la  perfection;  les  Pro- 
verbes donnent  des  préceptes  très-utiles  pour 
la  conduite  des  mœurs  ;  l'Ecclésiaste  nous  fait 
connaître  la  nature  des  choses  sensibles  et  la 
vanité  de  la  vie  présente,  afin  que,  connais- 
sant l'instabilité  et  le  vide  des  biens  tempo- 
rels et  passagers,  nous  ne  nous  attachions 
qu'à  la  recherche  de  ceux  qui  sont  stables  et 
éternels;  le  Cantique  des  cantiques  donne  la 
connaissance  de  l'union  mystique  de  l'époux 
et  de  l'épouse  ;  ce  livre  est  misle  dernier  parce 
que  l'épouse ,  instruite  dans  le  livre  précé- 
dent de  la  caducité  des  biens  et  des  plaisirs 
de  la  vie  présente ,  ne  court  vers  son  époux 
que  pour  recevoir  de  lui  les  biens  et  les  plai- 
sirs éternels  qu'il  lui  promet.  L'évêque  de  Cyr 
croit  que  Salomon  avait  appris  de  son  père, 
qui  était  un  grand  prophète,  ce  qu'il  dit  dans 
ce  livre ,  en  quoi  il  se  fonde  sur  certains  en- 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQDE  DE  CYR. 


[V«  SIÈCLE.] 

droits  du  psaume  XLiv,  qui  ont  beaucoup  de 
rapport  à  ce  qui  est  dit  de  l'époux  et  de  l'é- 
pouse dans  le  Cantique  des  cantiques.  C'était, 
comme  il  le  remarque,  l'usage  des  Juifs  d'in- 
terdire la  lecture  de  ce  livre  aux  Jeunes  gens, 
et  de  ne  l'accorder  qu'aux  hommes  parfaits 
qui  pouvaient  en  comprendre  les  sens  spiri- 
tuels et  cachés.  Il  prie  ses  lecteurs  de  ne  point 
l'accuser  de  vol  s'il  se  trouve  quelques  choses 
dans  ses  commentaires  que  d'autres  aient 
dites  avant  lui;  il  reconnaît  avoir  profité  de 
leurs  écrits,  ne  fût-ce  que  d'en  avoir  pris  oc- 
casion d'écrire  lui-même  sur  la  même  ma- 
tière. «Or,  cela,  dit-il,  ne  s'appelle  pas  un  lar- 
cin, mais  une  succession  paternelle.  »  Il  recon- 
naît encore  qu'ila  ajouté  à  ce  qu'ils  avaient  déjà 
dit;  que  tantôt  il  a  abrégé  ce  qui  était  trop  long 
dans  leurs  commentaires ,  et  étendu  ce  qu'ils 
avaient  écrit  avec  trop  de  précision.  Le  com- 
mentaire de  Théodoret  est  divisé  en  quatre 
livres  où  il  explique  le  texte  sacré  dans  un  sens 
spirituel ,  entendant  partout,  sous  le  nom  d'é- 
poux et  d'épouse,  Jésus-Christ  et  son  Eglise. 

§  IV. 
Commentaire  sur  les  Prophètes  et  sur  saint  Paul. 

l.On  voit,  par'l'épître  quatre-vingt-deu- 
xième de  Théodoret,  qu'il  avait,  avec  la  grâce 
de  Dieu,  expliqué  tous  les  prophètes.  Il  té- 
moigne ^  la  même  chose  dans  la  lettre  cent- 
treizième  et  dans  sa  préface  ^  sur  les  Psaumes; 
mais  il  ne  les  expliqua  pas  selon  l'ordre  qu'on 
leur  a  donné  dans  la  Bible.  Il  commença  par 
Daniel,  donna  ensuite  l'explication  d'Ezéchiel, 
puis  des  douze  petits  Prophètes,  d'Isaïe,  de 
Jérémie,  et  finit  par  les  Lamentations. 

2 .  11  avait  achevé  ses  commentaires  sur  Isaïe 
lorsqu'il  écrivait  sur  le  quatrième  livre  *  des 
Rois  et  sur  Jérémie  ^'.  Nous  n'en  avons  que 
des  fragments  que  le  père  Sirmond  a  tirés 
des  Chaînes  grecques;  c'est  pour  cela  qu'on 
n'y  trouve  point  ce  que  Théodoret  lui-même 
en  cite  dans  ses  Questions  sur  les  Rois,  et  qu'ils 
ne  sont  point  dans  les  éditions  qui  ont  pré- 
cédé celles  du  père  Sirmond.  Cet  éditeur  ne 
croyait  pas  même  que  tous  ces  fragments 
fussent  du  commentaire  de  Théodoret  sur 
Isaïe;  il  croyait  qu'il  y  en  avait  des  explica- 


39 


Gnrnerins 
in  Theodorél. 


lions  de  Théodore  de  Mopsueste  sur  le  même 
prophète  ;  u  étant,  dit-il,  fort  aisé  que  les  com- 
positeurs des  Chaînes  grecques  aient  confondu  p'b-  iss,  isg, 
les  noms  de  Théodoret  et  de  Théodore.»  Il  est 
remarqué,  dans  l'argument  qui  se  lit  à  la  tête 
de  ces  commentaires  sur  Isaïe,  que  les  pro- 
phètes prédisaient  non-seulement  ce  qui  de- 
vait arriver  au  peuple  d'Israël ,  mais  encore 
ce  qui  regardait  le  salut  des  nations  et  l'avè- 
nement de  Notre-Seigneur;  qu'Isaïe,  en  par- 
ticulier, a  prédit  la  naissance  du  Messie  d'une 
vierge,  et  de  la  race  d'Abraham  et  de  David; 
ses  miracles ,  sa  passion ,  sa  mort ,  sa  résur- 
rection, son  ascension  au  ciel,  l'élection  des 
apôtres  et  le  salut  de  toutes  les  nations;  qu'il 
a  encore  annoncé  l'envie  et  la  rage  des  Juifs 
contre  notre  Sauveur,  leur  dispersion,  la  dé- 
solation du  temple,  leur  défaite  par  les  Assy- 
riens et  par  les  Romains ,  leur  retour  de  Ba- 
bylone  et  la  ruine  des  Babyloniens;  ce  qui 
devait  arriver  aux  habitants  de  Tyr  et  de 
Damas,  aux  Ammonites  et  aux  Moabites;  la 
vengeance  que  Dieu  devait  tirer  des  Juifs 
pour  avoir  mis  à  mort  Jésus-Christ,  et  le  se- 
cond avènement  de  ce  divin  Sauveur.  Comme 
il  y  a,  dans  les  prophéties  d'Isaïe ,  certains 
endroits  exprimés  clairement,  et  d'autres  dits 
d'une  manière  figurée,  Théodoret  passe  légè- 
rement sur  les  premiers  et  s'étend  davantage 
sur  les  autres. 

3.  Il  trouvait  aussi  Jérémie  assez  clair  pour 
qu'il  n'eût  pas  besoin  d'explication.  Sollicité 
néanmoins  par  beaucoup  de  personnes  depiété 
qui  lui  représentèrent  qu'elles  ne  compre- 
naient pas  bien  le  sens  de  ce  prophète,  il  en- 
treprit de  l'expliquer  en  douze  livres,  que 
nous  avons  encore,  comprenant  dans  ce  com- 
mentaire Baruch  et  les  Lamentations,  comme 
faisant  partie  et  suite  de  Jérémie.  Ce  com- 
mentaire est  précédé  d'un  argument  qui 
donne  le  précis  de  la  prophétie  de  Jérémie, 
et  qui  marque  sous  quels  rois  il  a  prophétisé. 
Théodoret  suit  cette  méthode  dans  ses  autres 
commentaires. 

4.  Dans  l'argument  qu'il  a  mis  à  la  tête  de 
ses  explications  sur  Ezéchiel,  il  fait  voir  que 
si  les  oracles  des  prophètes  ont  encore  au- 
jourd'hui quelque  obscurité,  ce  n'est  que 
pour  ceux  qui  demeurent  volontairement  dans 


Commentai- 
re Eur  Jéré- 
mie. 

PriEfat.  in 
Jeremiam.  p. 

Hô,  ton.  n. 


Commen- 
taire sur  £zé- 
cbiel,  f.  300. 


'  Per  Dei  gratiam  Prophetas  omnes  interpretati  su- 
mus.  Théodoret.,  Epist.  82. 

*  Explicata  sunt  a  me  oracula.  Idem,  Epist.  113. 

3  PraBfat.  in  Psalm.,  ubi  supra. 

'■>  Cœterum  exisiimo  supervacuum  eadem  dicere  : 
nam  Isaiam  prophetam  inierpretans  hœc  explicavi.... 


Ararat  aiitem  vocavit  Armeniam  ;  etenim  Isaiœ  pro- 
phetia  hanc  habet  interpretationem.  Théodoret.,  Quœst. 
52  in  IV  Reg. 

5  Et  hujus  locutionis  rationem  pluribus  explicuimus 
in  dioini  Isaiœ  interprétative.  Idem,  Quœst.  22  in 
Jerem. 


40 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CommeD- 
laire  sur  Dn- 
aiul.pag.  5U. 


Theodoret, 
hiCi-etii-,  fa- 
bu 
xxiil,  lib 


c<ip 


leur  aveuglement;  que  leurs  prédictions 
étaient,  à  la  vérité,  enveloppées  de  ténèbres 
pour  les  Juifs,  de  crainte  que,  y  apercevant  la 
vocation  des  gentils  en  leur  place,  l'envie  et 
la  haine  ne  les  portassent  à  détruire  les  livres 
sacrés  qui  renfermaient  ces  oracles;  mais 
que  depuis  leur  accomplissement  il  suffit  de 
les  lire  pour  les  comprendre.  Tliéodoret  dii 
que  le  prophète  Ezéchiel  est  le  dernier  de 
tous  ceux  qui  prophétisèrent  pendant  la  cap- 
tivité; qu'Aggée,  Zacharie  et  Malachie  ne 
prophétisèrent  que  depuis  le  retour  de  cette 
captivité,  et  qu'on  doit  mettre  le  commence- 
ment de  la  prophétie  d'Ezécliiel  àla  cinquième 
année  de  la  captivité  de  Joachim,  appelé  au- 
trement Jéchonias. 

S .  Il  divisa  son  commentaire  sur  Daniel,  en 
dix  tomes  ou  livres,  qui  sont  précédés  d'une 
préface  dans  laquelle  cet  interprète  déclare 
que  son  dessein  est  de  transmettre  k  la  pos- 
térité ce  qu'il  avait  appris  des  pères.  Il  y  sou- 
tient, contre  les  Juifs,  que  l'on  ne  peut  refu- 
ser à  Daniel  l'honneur  et  le  titre  de  prophète, 
et  que  c'était  à  eux  une  folie  et  une  impu- 
dence de  l'avoir  exclu  du  rang  des  prophè- 
tes. «Ils  ont  néanmoins  agi  en  cela,  dit-il, 
avec  dessein ,  car  ce  prophète  ayant  prédit 
d'une  manière  beaucoup  plus  claire  l'avène- 
ment de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  les  mi- 
racles qu'il  devait  faire ,  le  nombre  d'années 
qui  devaient  s'écouler  depuis  son  temps  jus- 
qu'à la  venue  du  Sauveur,  les  calamités  dont 
Dieu  devait  punir  dans  les  Juifs  le  crime  de 
perfidie  ;  c'était  avec  quelque  sorte  de  raison 
qu'étant  ennemis  de  Dieu  et  de  la  vérité ,  ils 
osaient  assurer  que  Daniel  n'était  point  un 
prophète.»  Theodoret  ne  dit  rien  dans  ce  com- 
mentaire sur  les  chapitres  xiii  et  xiv  de  Daniel, 
où.  sont  rapportées  les  histoires  de  Suzanne, 
de  Bel  et  du  Dragon;  mais  il  y  renvoie  ceux 
qui  souhaiteraient  s'instruire  de  ce  qui  re- 
garde l'antechrist.  Photius  '  parle  de  ce  com- 
mentaire avec  éloge,  soitpour  les  choses,  soit 
pour  le  style  et  la  manière  dont  Theodoret 
développe  et  éclaircit  les  paroles  du  prophète, 


Il  dit  qu'il  explique  par  des  termes  propres  et 
significatifs  ce  qu'il  y  a  d'obscur  et  de  diffi- 
cile dans  le  texte;  que  par  la  douceur  et  l'a- 
grément de  son  discours  il  se  rend  favorables 
les  lecteurs,  sans  les  fatiguer  par  de  longues 
et  inutiles  digressions;  qu'il  les  instruit  d'une 
façon  claire  et  aisée  ,  en  n'y  mêlant  rien  qui 
puisse  leur  donner  de  l'ennui,  les  embrouiller 
ou  les  dissiper  par  des  idées  différentes  et 
étrangères  à  son  sujet  ;  que  ses  termes  sont 
choisis  et  que   sa  composition  ne  s'éloigne 
point  de  la  noblesse  et  de  l'élégance  attique, 
évitant  tout  ce  qu'elle  a  de  trop  affecté  comme 
n'étant  pas  propre  à  un  commeiitaire.  Il  pré- 
fère le  commentaire  de  Theodoret  SM?'Z>arae/ 
à  celui  qu'en  avait  fait  saint  Hippolyte,  mar- 
tyr, dans  le  iii*  siècle,  et  à  ceux  que  plusieurs 
interprètes  en  ont  donnés  depuis.  Theodoret 
dit  jusqu'à  deux  fois  ^  qu'il  y  avait,  lorsqu'il 
écrivait  sur  Daniel ,  plus  de  440  ans  que  Jé- 
sus-Christ était  mort;  que  les  soixante-dix 
semaines  marquées  dans  ce  prophète  étaient 
accomplies,  et  que  les  Juifs  étaient  dispersés 
par  toute  la  terre,  exilés  de  leur  patrie,  et 
passaient  d'un  lieu  à  un  autre  sans  demeure 
fixe;  ce  qui  nous  obligerait  de  dire  que  son 
commentaire  sur  Daniel  n'a  été  fait ,  nu  plus 
tôt,  que  vers  l'an  473.  Cependant,  ce  pro- 
phète est  le  premier  que  Theodoret  ait  expli- 
qué, et  il  n'y  a  pas  même  moyen  de  dire  qu'il 
ait  vécu  jusqu'à  ce  temps-là,  étant  mort,  se- 
lon Gennade,  sous  l'empereur  Léon,  dont  le 
règne  finit  en  474.  Il  faut  donc  dire  ou  qu'il 
y  a  erreur  dans  la  supputation  de  Theodoret, 
ou  qu'il  en  suivait  une  particulière  que  nous 
ne  connaissons  pas.  Quelques-uns  ^,  pour 
résoudre  cette  difficulté,  disent  que  cet  inter- 
prète a  compté  les  440  ans  à  commencer  de- 
puis la  naissance  de  Jésus-Christ,  et  que  les 
années  dont  il  parle  sont  des  années  lunaires  ; 
mais  il  est  certain,  par  ce  qui  précède  im- 
médiatement, que  Theodoret  commence  sa 
supputation  à  la  mort  de  Jésus-Christ.  Pour 
ce  qui  est  des  années  lunaires,  il  est  vrai  que 
les  Juifs  y  étaient  accoutumés;  ce  n'était  pas 


1  Legimus  Theodoreti,  episcopi  Cyri,  inierpreiatio- 
nem  Danielis.  Vir  hic  sane  dodus,  non  Hippolyto 
modo,  verum  etiam  aliis  multis  propheficoruni  ser- 
monum  interprelatione  alque  explanatione  longe  ante- 
cellit.  Puris  signantibusqus  verbis  abdita  quœque  et 
obscura  révélât,  et  j ucunditate  quo.dam  quasi  delini- 
mento  suavique  lepore  ad  sui  leciionem  invitât.  Quin 
et  ex  eo  guod  ad  ambages  nullas  digressionesque  a 
proposito  argumenta  recédât,  saiietatem  non  modo 
nullam  adfert,  sed  ea  insuper,  quœ  in  dubium  vocun- 
tur,  sine  ulla   confusione  vel   dissipatione    facile  et 


commoda  ratione  lectores  suos  docet.  Vocum  item 
ejus  delectus,  titque  ipsa  compositio  ab  Atticœ  ele- 
gantiœ  origine  non  refugit,  nisi  quid  forte  curiosius 
illic  occurrat,  quod  quis  multorum  auribus  insolitum 
dicat.  Pholius,  Cod.  203,  pag.  526. 

2  Verum  cum  amplim  quadringenti  quadraginta 
effluxerint  anni  dispersi  per  orbem  terrarum,  ex  aliis 
in  alia  loca  migrantes,  et  exules  vagantur.  Tlieodor., 
in  Daniel.,  pag.  658  et  666. 

2  Garnerius,  tom.  V  Theodoret.,  pag.  188. 


CHAPITRE  rv.  —  THÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYR.  M 


[y  SIÈCLE.] 

la  même  chose  des  Grecs  à  qai  Théodoret 
parlait  :  ils  avaient  coutume  de  compter  par 
les  années  solaires;  mais  en  accordant  même 
qu'il  faut  entendre  son  texte  d'années  lu- 
naires ,  comme  les  440  ans  ne  font  que  426 
ans  et  onze  mois ,  elles  ne  feraient  pas  le 
compte  de  cet  auteur,  qui  en  met  440  et  non 
pas  426. 

6.  Photius  '  ne  faisait  pas  moins  de  cas  du 
commentaire  de  'Hhéodovet  sur  les  douze  petits 
Prophètes,  que  de  ses  autres  ouvrages  sur 
l'Ecriture;  il  y  trouvait  la  même  beauté  d'ex- 
pressions et  de  pensées.  Il  y  avait  déjà  plu- 
sieurs commentaires  sur  ces  prophèteslorsque 
Théodoret  entreprit  le  sien  aux  instances  de 
quelques  particuliers  qu'il  ne  nomme  pas;  il 
ne  craignait  point  de  travailler  de  nouveau 
sur  une  matière  que  d'autres  avaient  traitée 
avant  lui.  Sa  raison  était  que  Dieu  ne  s'est 
pas  contenté  de  communiquer  l'esprit  de  pro- 
phétie à  Moïse,  mais  qu'il  l'avait  accordé  à 
Josué,  à  Samuel  et  à  beaucoup  d'autres  ;  qu'il 
n'avait  pas  seulement  confié  la  prédication  de 
l'Evangile  à  saint  Pierre  et  aux  autres  apôtres, 
mais  qu'il  avait  encore  employé  à  ce  minis- 
tère Tite,  Silas,  Timothée  et  Appollo,  leurs 
disciples  ,  et  que  les  dons  du  Saint-Esprit  se 
distribuaient  encore  de  son  temps  dans  les 
saintes  Eglises.  Ce  fut  dans  la  confiance  qu'il 
en  serait  lui-même  éclairé  qu'il  se  livra  à  ce 
travail,  et  que  ceux  qui  l'y  avaient  engagé 
lui  obtiendraient  par  leurs  prières  la  grâce  de 
l'achever.  Dans  l'argument  qui  précède  l'ex- 
plication des  douze  petits  Prophètes,  il  re- 
marque qu'on  ne  les  a  point  renfermés  dans 
un  même  livre,  comme  s'ils  avaient  prophé- 
tisé en  même  temps.  <(  Au  contraire,  dit-il,  ils 
ont  la  plupart  prophétisé  sous  différents 
princes  :  Osée  sous  le  règne  d'Ozias,  Michée 
sous  celui  d'Achas  et  d'Ezéchias,  Sophonie 
sous  Josias.  La  vraie  raison  pour  laquelle  on 
lesaréunis  enunseuletmême  volume  est  que 
leurs  prophéties  n'ont  pas  beaucoup  d'éten- 
due et  qu'elles  n'auraient  pu  suffire  pour  faire 
chacune  un  livre.  Théodoret  finit  ses  ex- 
plications sur  les  Prophètes  en  invitant  ses 
lecteurs  à  rendre  gloire  à  la  sainte  Trinité  de 
ce  qu'il  pouvait  y  avoir  dit  de  bon  et  de  rai- 
sonnable, et  en  les  priant,  au  cas  que  ses 


explications  ne  leur  parussent  pas  justes, 
d'excuser  sa  faiblesse,  parce  qu'il  était  homme 
comme  les  autres,  et  d'agréer  du  moins  l'ef- 
fort qu'il  avait  fait  pour  servir  ses  frères. 

7.  Ses  commenluires  sur  les  Epîtres  de  saint 
Paul  sont  antérieurs  à  ses  Questions  sur  leLé- 
vitique  ^,  puisqu'ils  sont  cités  dans  la  pre- 
mière. Théodoret  ^  les  cite  aussi  dans  une  de 
ses  lettres  à  un  évêque  de  ses  amis,  auquel  il 
les  avait  envoyés  pour  en  avoir  le  sentiment; 
dans  celle  qu'il  écrivit  à  Eusèbe  d'Ancyre,  et 
dans  une  autre  au  pape  saint  Léon.  Quoique 
plusieurs  eussent  déjà  expliqué  les  épitres  de 
ce  saint  apôtre,  cela  ne  l'empêcha  point  d'en 
entreprendre  une  nouvelle  explication,  per- 
suadé que  Dieu,  qui  distribue  ses  dons  à  qui 
il  lui  plaît,  ne  lui  refuserait  pas  ses  lumières 
dans  ce  travail.  Il  dit  toutefois  qu'il  rassem- 
blera dans  ces  commentaires  ce  qu'il  avait 
trouvé  de  mieux  dans  ceux  qu'on  en  avait 
faits  avant  lui,  et  qu'il  s'appliquera  à  être 
court,  sachant  que  les  ouvrages  qui  sont  écrits 
avec  précision  se  font  lire  même  par  les  pa- 
resseux. Ce  fut  à  saint  Chrysostôme  surtout 
qu'il  s'apphqua.  Aussi,  ne  fait-il  souvent  que 
l'abréger;  mais  il  le  fait  avec  autant  de  choix 
que  de  netteté  ;  il  ne  laisse  pas  de  mettre  du 
sien  dans  les  explications  qu'il  donne,  lorsque 
les  autres  ont  laissé  quelque  chose  à  désirer 
pour  l'entière  intelhgence  du  texte;  et  il  ne 
doute  pas  que  les  quatorze  épitres  que  nous 
avons  sous  le  nom  de  saint  Paul  ne  soient  de 
cet  apôtre,  même  celle  aux  Hébreux;  en  quoi 
il^'appuie  de  l'autorité  d'Eusèbe  de  Césarée 
qui  non-seulement  l'attribue  à  saint  Paul, 
mais  qui  nous  apprend  encore  que  tous  les 
anciens  l'en  ont  reconnu  auteur.  Il  en  juge 
encore  par  les  pensées  et  les  maximes  de 
cette  épitre,  qui  ont  une  très-grande  affinité 
avec  les  treize  autres.  Comme  ceux,  qui  attri- 
buaient l'Epître  aux  Hébreux  à  quelque  autre 
qu'à  saint  Paul,  en  alléguaient  pour  raison 
que  cet  apôtre  n'y  avait  pas  mis  son  nom 
comme  aux  autres,  Théodoret  répond  qu'il 
en  usa  ainsi  parce  qu'il  n'était  point  l'apôtre 
des  Hébreux,  et  que  l'étant  des  Gentils,  il 
avait  coutume,  lorsqu'il  leur  écrivait,  d'ins- 
crire les  lettres  de  son  nom  et  d'y  ajouter  sa 
qualité  d'apôtre.  Cetinterprète  remarque  que. 


Commen. 
tiir(;s  sur  lea 
Epitres  de 
saint  PaQl, 
lom.  UI.p.l. 


Théodoret. 
Pra-M  in 
Epist.  Pauli, 
p. g.  2. 


Idern.argu- 
rf  e  n  t.  in 
K'ist.  ad  H»- 
brffos,  p. 393. 


1  Legimus  ejusdem  in  dmdecim  Pi-ophetas  eadem 
dktionis  oc  senteniiœ  venustate  adornaium  librum. 
Photius,  Cod.  205,  pag.  527. 

'  De  his  diximus...  in  Episfolarum  apostolicarum 
commenlariis.  Quœst.  1  in  Levit.,  Epist.  114. 

'  Ego  vero  sanctitati  hcœ  tanquum  sapienti  ac  vero 


judici  scriptum  a  me  in  divinum  Apostolum  volumen 
obtiili.  Théodoret.,  Epist.  1.  Per  Dei  gratiam  pro- 
phetas  omnes  interpretaii  sumus  et  Apostolum.  Epist. 
82.  Exposita  sunt  a  me  tum  apostolica  scrtpla  tum 
prophetica  oracula.  Idem,  Epist.  113. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dans  les  exemplaires  de  la  Bible,  l'on  n'a  pas 
suivi  l'ordre  des  temps  pour  la  distribution 
des  épîtres  de  saint  Paul,  mais  qu'elle  s'est 
faite  arbitrairement  de  même  que  celle  des 
Psaumes.  Il  pense  que  les  deux  aux  Thes- 
saloniciens  ont  été  écrites  les  premières,  puis 
les  deux  aux  Corinthiens;  la  première  à  Ti- 
mothée  ;  celle  à  Tite  ;  puis  l'Epître  aux  Ro- 
mains, aux  Galates,  aux  Philippiens,  à  Phi- 
lémon,  aux  Epbésiens,  aux  Colossiens,  aux 
Hébreux,  et  en  dernier  lieu  la  seconde  à  Ti- 
motbée.  On  a  eu,  selon  lui,  diverses  raisons 
de  placer  celle  aux  Romains  la  première,  soit 
parce  que  saint  Paul  y  traite  avec  exactitude 
et  fort  au  long  de  toute  la  doctrine  chrétienne, 
soit  parce  que,  la  ville  de  Rome  étant  la  capi- 
tale de  tout  le  monde  et  le  siège  de  l'Empire,  il 
convenait  qu'on  donnât  la  première  place  à 
la  lettre  que  saint  Paul  lui  avait  écrite;  mais 
cette  dernière  raison  paraît  moins  solide  à 
Théodoret  que  la  première.  Il  divise  ses  com- 
mentaires sur  toutes  les  épitres  de  saint  Paul 
par  tomes,  mettant  au  commencement  de 
chacun  un  argument  où  il  en  donne  le  pré- 
cis, et  marque  en  même  temps  en  quel  lieu 
et  à  quelle  occasion  elle  a  été  écrite.  On  met 
cet  ouvrage  après  le  concile  d'Ephèse,  et 
même  après  la  réunion  de  Jean  d'Antioche 
avec  saint  Cyrille,  vers  l'an  438  ou  439  '. 

§  V. 
Histoire  ecclésiastique  de  Théodoret. 

i.  Théodoret  semble  dire  qu'il  n'a  écpit 
l'Histoire  ecclésiastique  que  par  forme  de  sup- 
plément à  celles  que  Socrate  et  Sozomène 
avaient  écrites  avant  lui,  et  de  peur  que  tant 
d'actions  éclatantes  et  dignes  d'être  sues , 
qu'ils  avaient  oubliées,  ne  s'effaçassent  de  la 
mémoire  des  hommes.  Il  traite  plus  exacte- 
ment qu'eux  l'histoire  des  ariens ,  éclaircit 
celle  de  saint  Athanase ,  rapporte  un  grand 
nombre  de  faits,  touchant  l'Eglise  d'Orient, 
que  ces  deux  historiens  avaient  oubliés,  et 
donne  quantité  depièces  originales  qu'ils  n'ont 
point  rapportées. 

2.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  ait  poussé 
son  exactitude  jusqu'à  n'avoir  lui-même  fait 
aucune  faute.  On  lui  en  reproche  plusieurs 
qui  regardent  surtout  la  chronologie,  qu'il 


n'avait  point  étudiée  avec  assez  de  soin.  Il 
met,  par  exemple,  la  mort  d'Arius  dans  le 
temps  du  concile  de  Nicée,  quoiqu'elle  ne  soit 
arrivée  que  douze  ans  après.  Il  donne  pour 
successeur  immédiat  de  saint  Alexandre, 
évêque  de  Constantinople,  Eusèbe  de  Nico- 
médie,  qui  succéda,  non  à  Alexandre,  mais 
à  Paul,  api'ès  que,  par  ses  artifices  et  par  ses 
violences,  il  eut  chassé  ce  dernier  du  siège  de 
la  capitale  de  l'empire.  11  étend  l'exil  de  saint 
Athanase  à  deux  ans  et  quatre  mois,  quoiqu'il 
n'ait  duré  que  deux  ans  entiers,  ce  saint  évê- 
que n'ayant  été  relégué  à  Trêves  que  sur  la 
fin  de  l'an  333 ,  et  en  ayant  été  rappelé  en 
337,  quelque  temps  après  la  mort  de  l'empe- 
reur Constantin.  Il  semble  mettre  au  com- 
mencement du  règne  de  Valentinien  l'élec- 
tion de  saint  Ambroise,  qui  ne  fut  faite  tou- 
tefois que  dix  ans  après  que  ce  prince  fut 
parvenu  à  l'empire.  Il  met  la  sédition  d'An- 
tioche après  le  meurtre  de  Thessalonique  ; 
mais  elle  était  arrivée  deux  ans  auparavant, 
c'est-à-dire  en  388 ,  au  lieu  que  le  meurtre 
ne  fut  commisqu'en390.  Théodoret  se  trompe 
aussi  quand  il  assure  que  les  évêques  qui 
assistèrent  au  concile  de  Sardique  étaient  au 
nombre  de  deux  cent  cinquante ,  puisque  saint 
Athanase  ,  qui  paraît  mieux  instruit,  n'en 
compte  que  cent  soixante-dix  dans  sa  lettre 
aux  solitaires.  Il  confond  le  siège  que  les 
Perses  mirent  devant  Nisibe  en  350,  avec 
celui  qu'ils  y  mirent  en  3S9,  et  fait  un  se- 
conde faute  en  attribuant  la  levée  de  ce  siège 
aux  prières  de  saint  Jacques,  évêque  de  cette 
ville,  tandis  qu'il  est  certain  qu'ilfut  levé  par 
les  prières  de  Vologèse  ,  successeur  de  Jac- 
ques ;  mais  ces  fautes  ne  sont  point  assez  con- 
sidérables pour  diminuer  ni  le  prix  ni  la  ré- 
putation de  l'histoire  de  Théodoret.  11  serait 
seulement  à  souhaiter  qu'il  eût  marqué  les 
dates  et  les  années  des  événements  qu'il  rap- 
porte. 

3.  Photius  ^  préfère  cette  histoire,  pour 
le  style  qui  est  clair,  net  et  élevé  et  n'a  rien 
de  superflu,  à  celles  d'Eusèbe,  de  Socrate, 
d'Evagre  et  de  Sozomène,  mais  il  n'approuve 
pas  certaines  métaphores  trop  hardies. 

4.  Elle  est  divisée  en  cinq  livres,  qui  com- 
prennent ce  qui  s'est  passé  durant  cent  cinq 
ans,  depuis  le  temps  auquel  Arius  commença 


Lib.  I,  ca!'- 
XVI. 


Lib. 
cap.  V. 


Lib.  II,  cap. 


Lib.  V,  cap. 


'  Les  Chaînes  publiées  par  Cramer,  tome  IV,  con- 
tiennent de  nombreux  extraits  des  commentaires  de 
Théodoret  sur  les  Epitres  de  saint  Paul.  (L'édit.) 

?   Lecta  est  Jheodoreti  Historia  ecclesiastica.    Om- 


nium quûs  proxime  nominavi,  convenientem  magis  his- 
ioriœ  siyluin  adttibet  ;  ctarus  enim  et  grandis  est,  mi- 
nimequeredundans,  nisi  quod  translationibus  audacius 
interdum  et  pêne  inepte  utitw.  Phot.,  Cod.  31,  p.  19. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

à  débiter  ses  erreurs,  jusqu'à  celui  de  la  mort 
de  Théodore  de  Mopsueste  et  de  Théodote 
d'Anlioche,  c'est-à-dire  depuis  l'an  324,  où 
le  grand  Constantin ,  devenu  maître  de  TO- 
rient,  s'appliqua  à  détruire  l'arianisme,  jus- 
qu'en 429,  époque  de  la  mort  de  Théodote. 
S.  On  croit  que  Théodoret  écrivit  son  His- 
toireytï?,  l'an  449,  dans  le  temps  qu'obligé 
de  demeurer  dans  son  diocèse  par  ordre 
de  Théodose ,  il  se  trouvait  tout  le  loisir  né- 
cessaire à  cette  sorte  d'ouvrage,  et  qu'il  l'a- 
cheva du  vivant  de  ce  prince,  avant  le  mois 
de  juin  de  Tan  450.  car  il  dit,  dans  le  chapi- 
tre XXXVI  du  livre  V,  en  parlant  de  la  trans- 
lation du  corps  de  saint  Jean  Chrysostôme, 
par  Théodose  :  «  Le  prince  qui  jouit  mainte- 
nant de  l'empire  et  qui  suit  si  religieusement 
les  exemples  de  piété  que  son  aïeul  lui  a  lais- 
sés, a  fait  apporter  ce  trésor  dans  la  ville  ca- 
pitale. En  baisant  le  cercueU  ,  il  a  demandé 
pardon  à  Dieu  des  fautes  que  l'empereur  et 
l'impératrice,  ses  père  et  mère,  avaient  com- 
mises en  persécutant  le  saint  évêque.  »  Une 
autre  preuve  qu'il  acheva  son  Histoire  vers 
l'an  430,  c'est  que  dans  le  chapitre  xxxviii  du 
même  livre ,  où  il  est  fait  mention  d'Abdas, 
martyrisé  le  16  mai  de  l'an  420,  sous  Isde- 
gerde,  roi  de  Perse,  Théodoret  témoigne  * 
que  la  persécution  dans  laquelle  Abdas  mou- 
rut, et  qu'il  avait  occasionnée  lui-même,  du- 
rait depuis  trente  ans,  ce  qui  revient  à  l'an 
430.  Théodoret  ^  parle  lui-même  de  son  His- 
toire dans  le  livre  IV  des  Fables  des  hérétiques. 
Il  en  est  aussi  parlé  dans  Cassiodore  ^  et  dans 
Gennade  *;  mais  ce  dernier  nous  assure  qu'il 
y  ajouta  cinq  autres  livres  pour  la  continuer 
jusqu'au  règne  de  Léon,  c'est-à-dire  jusqu'à 
l'an  457.  Gennade  est  le  seul  qui  donne  dix 
livres  d'Histoire  à  Théodoret.  Evagre  ^,  Pho- 
tius  et  Nicéphore  n'ont  connu  que  les  cinq 
que  nous  avons;  néanmoins,  'Théodore  le 
lecteur  ^  et  saint  Jean  de  Damas  citent  de 
l'Histoire  ecclésiastique  de  Théodoret  divers 
événements  que  nous  n'y  trouvons  point;  mais 
l'un  est  arrivé  en  482,  et  l'autre  en  498;  ainsi, 
longtemps  après  la  mort  de  Théodoret,  que 
l'on  ne  peut  mettre  plus  tard  qu'en  474,  puis- 
qu'il mourut ,  selon  Gennade  ,  sous  le  règne 

1  Hinc  igitur  eversa  procella  gravissimos  et  sœvis- 
simos  fluctus  contra  pielatis  alumnos  excitavit  et  tri- 
ginta  jam  annis  elapsis  tempestas  a  mugis  velut  a 
turbinibus  quibusdam  agitata  duravit.  Théodoret., 
lib.  V,  cap.  xxxviii. 

2  Sed  cum  hœc,  de  Ario,  in  Historia  ecclesiastica 
copiose  conscripserim  supervacaneum  puto  hœc  di- 
cere.  Théodoret.,  hh.  IV  Hœreiic.  fabul.,  cap.  I. 


THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR.  43 

de  Léon.  Pour  résoudre  celte  difficulté  ',  il  y 
en  a  qui  ont  mieux  aimé  se  persuader  qu'il  y 
avait  eu  un  second  Théodoret  qui  s'était  aussi 
mêlé  d'écrire  l'histoire  de  l'Eglise,  et  que  c'est 
de  lui  que  Théodore  le  lecteur  et  saint  Jean 
de  Damas  ont  tiré  les  événements  qu'ils  rap. 
portent;  ils  ajoutent  que  ce  Théodoret  est 
l'évêque  d'Alindes  en  Carie,  qui  se  trouva  au 
concile  de  Constantinople  en  336.  Tout  cela 
parait  fort  incertain. 

6.  Eusèbe,  évêque  de  Césarée  en  Palestine, 
avait  écrit  ce  qui  était  arrivé  de  plus  consi- 
dérable dans  l'Eghse  depuis  le  temps  des 
apôtres  jusqu'au  règne  de  Constantin.  La  fin 
de  son  Histoire  fait  le  commencement  de  celle 
de  Théodoret  qui  s'exprime  ainsi  :  «  Lorsque 
Maxence,  Maximin  et  Licinius  furent  enlevés 
de  ce  monde,  les  troubles  que  leur  fureur 
avait  excités  dans  l'Eglise  se  dissipèrent  et 
firent  place  à  la  paix  solide  et  durable  que  lui 
procura  Constantin,  prince  établi  sur  le  trône, 
non  par  la  volonté  des  hommes ,  mais  par 
l'ordre  de  Dieu  ,  comme  le  divin  apôtre.  Dès 
lors  il  fit  des  lois  qui,  en  défendant  de  sacri- 
fier -aux  idoles ,  permettaient  de  bâtir  des 
églises.  Il  donna  le  gouvernement  des  pro- 
vinces à  des  chrétiens  ,  en  leur  commandant 
d'honorer  les  prêtres ,  et  menaçant  du  der- 
nier supplice  ceux  qui  oseraient  les  outrager. 
On  commença  à  l'heure  même  à  relever  les 
églises  qui  étaient  abattues  et  à  en  bâtir  de 
plus  grandes  et  de  plus  magnifiques  que  les 
anciennes.  Ainsi,  la  religion  chrétienne  pros- 
pérait et  tout  y  était  dans  la  joie,  au  lieu  que 
le  paganisme  était  dans  la  tristesse  et  dans  la 
consternation.  Les  temples  des  idoles  étaient 
fermés  et  les  églises  ouvertes.  Mais  le  bonheur 
de  l'Eglise  fut  bientôt  traversé  par  une  nou- 
velle erreur  que  le  démon  y  introduisit,  non 
en  proposant  aux  fidèles,  comme  autrefois  , 
des  créatures  qui  fussent  l'objet  de  leur  culte, 
mais  en  tâchant  de  réduire  le  Créateur  au 
rang  des  créatures.  Il  jeta  les  semences  de 
cette  fausse  doctrine  dans  la  ville  d'Alexan- 
drie ,  par  le  ministère  d'un  prêtre_  de  cette 
Eglise,  nommé  Arius,  chargé  d'expliquer  au 
peuple  l'Ecriture  sainte.  » 

Voilà  de  quelle  manière  Théodoret  com- 


Ce  qne  con- 
tient Je  pre- 
mier livre  , 
pag. 321. 


2  Gassiodor.,  praefat.  in  Histor.  iripart. 

*  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  Lxxxix. 

^  Evagr.,  prolog.  in  Hist.  ecclesiast.;  Phot.,  Cod. 
31,  pag.  19;  Nicephor.,  hb.  I,  cap.  i. 

"  Theodor.  Lector,  iib.  II,  pag.  566;  Joan.  Damasc, 
lib.  m  de  Imag. 

'  Baron.,  ad  an.  ,494,  num.  55,  et  Garner.,  tocn.  V; 
Théodoret.,  pag.  250. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mence  le  livre  I"  de  son  Histoire,  qu'il  em- 
ploie à  montrer  quels  furent  les  partisans  de 
l'erreur  d'Arius,  ses  progrès,  ceux  qui  la 
combattirent  avec  le  plus  de  force ,  les  trou- 
bles qu'elle  causa  dans  l'Eglise ,  et  comment 
elle  fut  condamnée  dans  un  concile  nombreux 
assemblé  pour  ce  sujet  dans  la  ville  de  Nicée. 
Théodoret  dit  que   deux   cent   soixante-dix 
évéques  ou  environ  y  assistèrent,  car  il  avoue 
qu'il  n'en  pouvait  précisément  marquer  le 
nombre,  tant  il  était  grand,  et  parce  qu'il 
n'avait  pas  pris  beaucoup  de  soin  de  s'en  in- 
former. Mais  sachant  qu'Eusèbe  de  Césarée 
avait  été  de  ce  nombre,  il  se  sert  de  son  té- 
moignage contre  les  ariens,  et  dit  d'après  lui 
que  tous  les  évéques  de  ce  concile  approu- 
vèrent d'un  commun  consentement  la  doc- 
trine de  la  foi  qui  fut  expliquée  ,  c'est-à-dire 
la  consubstantialité.  11  ajoute  que  le  même 
Eusèbe  déclarait,  dans  un  de  ses  ouvrages, 
que  le  terme  de  consubstantiel  n'était  pas  un 
terme  nouveau  inventé  par  les  évéques  de  ce 
concile  ;  que  c'était  un  terme  ancien  que  les 
pères  avaient  fait  passer  depuis  longtemps  à 
leurs  enfants.  Il  rapporte  la  mort  d'Arius  en 
la  manière  qu'on  la  lit  dans  la  lettre  de  saint 
Athanase  à  Appion  ;  et ,  après  avoir  raconté 
avec  quel  zèle  Constantin  travailla  à  la  des- 
truction du  paganisme  et  à  l'établissement  de 
l'Eglise,  il  marque  en  ces  termes  comment  se 
fit  l'invention  de  Ta  vraie  croix  par  sainte  Hé. 
lène,  dans  le  voyage  qu'elle  fit  à  Jérusalem, 
quelque  temps  avant  sa  mort  qui  arriva  en  la 
quatre-vingtième  année  de  son  âge.  «  Lors- 
qu'elle fut  au  lien  '  où  le  Sauveur  souffrit 
autrefois  la  mort  qui  a  été  une  source  de  vie 
pour  tout  le  monde  ,  elle  commanda  qu'on 
démolit  le  temple  qui  y  était  bâti  et  qu'on  on 
transportât  les  démolitions.  Après  qu'on  eut 
découvert  le  tombeau  qui  était  demeuré  si 
longtemps  caché,  on  aperçut  trois  croix  :  on 
ne  doutait  pas  qu'une  des  trois  ne  fût  celle 


du  Sauveur,  mais  la  difficulté  était  de  la  dis- 
tinguer de  celles  des  deux  larrons.  Macaire, 
alors  évêque  de  Jérusalem,  homme  rempli  de 
sagesse,  trouva  le  moyen  de  lever  cet  obs- 
tacle. Après  s'être  mis  en  prière,  il  fit  tou- 
cher les  trois  croix  à  une  dame  de  qualité, 
malade  depuis  longtemps.  A  peine  la  croix  où 
le  corps  du  Seigneur  avait  été  attaché  ,  et 
teinte  de  son  sang,  eut-elle  touché  la  ma- 
lade, qu'elle  lui  rendit  la  santé.  Hélène  ayant 
appris  de  la  sorte  ce  qu'elle  avait  souhaité  de 
savoir,  fit  mettre  une  partie  des  clous  au 
casque  de  Constantin  pour  le  garantir  des 
traits  de  ses  ennemis,  et  une  autre  partie  au 
mors  de  son  cheval,  tant  pour  le  conduire  et 
le  défendre ,  que  pour  accomplir  cette  pro- 
phétie de  Zacharie  :  Ce  qui  est  dans  le  mors  du 
cheval  sera  saint  au  Seigneur  tout-puissant.  Elle 
fit  porter  une  partie  de  la  vraie  croix  au  pa- 
lais, et  laissa  l'autre  dans  une  châsse  d'ar- 
gent entre  les  mains  de  l'évêque ,  en  lui  re- 
commandant de  la  garder  avec  soin.  » 

Théodoret,  reprenant  ensuite  l'histoire  de 
l'arianisme ,  blâme  Eusèbe  de  Nicomédie ,  le 
protecteur  de  cette  impiété,  de  ce  que,  sans 
respecter  les  règles  de  l'Eglise,  qu'il  avait 
faites  lui-même  un  peu  auparavant  avec  les 
autres  évéques ,  et  les  canons  qui  défendent 
aux  évéques  et  aux  prêtres  de  passer  d'une 
ville  à  l'autre,  il  avait  quitté  son  Eglise  pour 
s'emparer  de  celle  de  Constantin ople.  «  Cen'é- 
tait  pas,  ajoute-t-il,  la  première  fois  qu'il  avait 
contrevenu  à  ces  canons.  Il  avait  déjà  aban- 
donné l'Eglise  de  Béryte  pour  passer  à  celle 
de  Nicomédie.  Comme  la  conversion  des  In- 
diens et  des  Ibériens  à  la  foi  de  Jésus- Christ 
se  fit  sous  Constantin,  Théodoret  en  rapporte 
la  manière  ;  après  quoi  il  parle  des  persécu- 
tions que  ce  prince  fit  souffrir  à  saint  Atha- 
nase, et  tâche  de  l'excuser  en  disant  qu'il  ne 
l'avait  exilé  que  trompé  par  des  évéques  qui 
avaient  l'adresse  de  cacher  leur  malice  sous 


1  Pûstquam  ergo  locum  illum  conspexit,  qui  com- 
munis  salutis  crucialus  excepit,  continua,  execrandum 
illud  fanum  deturbari,  humumque  e.xporiari  jussii. 
Ubi  vero  emersil  sepulcrum  quod  latebai,  très  circa 
dominicum  monimentum  défasses  cruces  apparuerimt. 
Et  haruin  quidem  unam  Domini  nostri  Jesu  Christi 
fuisse,  reliquas  latronum  qui  una  cum  eo  sufflxi  sunt, 
sine  caniroversia  credebant  omnes  ;  cœterum  quœnam 
illarum  Damini  corpus  tetigisset,  et  pretiosi  snnguinis 
guitis  aspersa  fuisset,  penitus  ignarabant.  Sed  sa- 
pientisshnus  planeque  divinus  Macarius,  dubitationem 
ad  hune  modum  exemit.  Femina  erat  illustris,  quœ 
diuturno  marbo  tenebatur.  Huic  cum  singulas  cruces 
cum  precibus   intente  applicuisset,  saluiaris  crucis 


virtutem  deprehendit.  Simul  enim  ut  femines  hœc  ad- 
inata  est,  gravem  illius  marbum  depulit,  sanitatemque 
restitua.  Re  comperta,  voti  compas  facta  imperaioris 
mater,  clavarum  partem  galea  regia  inclusit,  filii 
cnpiti  cansulens,  ut  hostium  iela  repelleret  ;  partem 
equi  frœno  indidit,  et  imperaioris  saluti  prospiciens, 
et  vêtus  explens  oraculum,  quod  alim  Zacharias  pra- 
pheta  ediderat  :  Et  quod  in  fraeno  equi  sanctum  Deo 
omnipotenti.  Salutaris  vero  crucis  partem  palatio 
destinavit.  Reliquum  urgentea  theca  fabrica ta  conditmn 
episcapa  dédit,  ut  ad  posteritaiem  salutis  noslrœ  mo- 
nimenta  servarentur.  Théodoret.,  lib.  I  Hist.  eccles., 
cap.  I,  pag.  564. 


CHAPITRE  IV.  —  THÈODORET,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


[V^  SIÈCLE. J 

d'éclatantes  qualités.  Il  ajoute  que  Conslan- 
tin  étant  proche  de  la  mort,  ordonna  le  rap- 
pel de  saint  Athanase  en  présence  d'Eusèbe 
de  Nicomédie ,  qui  fit  tout  ce  qu'il  put  pour 
l'en  détourner. 

7.  Le  second  livre  contient  ce  qui  se  passa 
parmi  les  ariens  sous  le  règne  de  Constan- 
tius.  On  y  voit  que  saint  Athanase,  revenu 
des  Gaules  à  Alexandrie,  en  fut  exilé  une  se- 
conde fois  par  les  intrigues  d'un  prêtre  arien 
qui  avait  su  mettre  dans  son  parti  ce  prince, 
que  Théodoret  représente  comme  aussi  léger 
et  inconstant  que  les  roseaux  dont  le  vent  se 
joue.  On  y  voit  aussi  l'ordination  de  Grégoire 
qui,  pendant  l'exil  de  saint  Athanase,  exerça 
sur  l'Eglise  d'Alexandrie  les  plus  horribles 
cruautés;  le  bannissement  de  Paul,  évêque 
de  Constantinople ,  l'un  des  plus  généreux 
défenseurs  de  la  foi  orthodoxe ,  et  sa  mort  à 
Gueuse,  oij  les  ariens  le  firent  étrangler;  l'in- 
trusion de  Macédonius  sur  le  siège  de  Cons- 
tantinople, et  la  naissance  de  son  hérésie, 
qui  faisait  passer  le  Saint-Esprit  pour  une 
créature  ;  les  actes  du  concile  de  Sardique, 
en  ce  qui  regardait  la  cause  de  saint  Atha- 
nase; la  déposition  d'Etienne,  évêque  arien 
d'Antioche;  la  lettre  de  l'empereur  Constance 
qui  rappelait  saint  Athanase  de  son  exil;  un 
nouvel  ordre  de  la  part  de  ce  prince  à  ce  saint 
évêque  de  sortir  d'Alexandrie;  les  violences 
que  Georges ,  que  les  ariens  mirent  en  sa 
place ,  commit  dans  cette  ville  ,  et  ce  qui  se 
passa  dans  le  concile  de  Milan  contre  saint 
Athanase.  Théodoret  rapporte  ensuite  la  con- 
férence que  le  pape  Libère  eut  avec  Cons- 
tance, telle  qu'elle  fut  recueilhe  par  des  per- 
sonnes de  piété  qui  vivaient  alors.  Libère  fit 
paraître  dans  cet  entretien  toute  la  force  et 
toute  la  générosité  que  l'on  pouvait  attendre 
de  lui;  il  quitta  ce  prince  sans  s'être  rendu  à 
ce  qu'il  demandait  de  lui.  Constance  lui  ayant 
dit  quelle  partie  du  monde  chrétien  il  faisait 
donc  pour  vouloir  protéger  seul  Athanase  et 
pour  vouloir  troubler  la  paix  de  Tunivers,  ce 
pape  lui  répondit  :  «Quand  je  serais  seul,  la 
cause  de  la  foi  n'en  serait  pas  moins  bonne.  » 
Il  ne  se  trouva  toutefois  que  trois  personnes 
assez  généreuses  pour  résister  au  comman- 
dement injuste  d'un  prince.  Il  parlait  de  Na- 
buchodonosor.  Il  insiste  sur  le  rappel  des 
évêques  exilés,  et  dit  à  l'empereur  :  «  S'ils 
s'accordent  avec  celui  qui  défend  maintenant 
la  doctrine  qui  a  été  définie  dans  le  concile  de 
Nicée,  qu'ils  rendent  la  paix  au  monde  chré- 
tien^ et  qu'un  innocent  ne  soit  point  noté.  » 


43 


Cette  fermeté  mérita  l'exil  à  Libère.  Félix, 
son  diacre,  fut  ordonné  évêque  de  Rome  en 
sa  place;  mais  Libère  ayant  été  rappelé,  Fé- 
lix quitta  Rome  et  se  retira  dans  une  autre 
ville.  Théodoret  raconte ,  après  cela ,  ce  qui 
se  passa  à  Rimini .  et  rapporte  la  profession 
de  foi  faite  à  Nicée  en  Thrace,  d'où  les  ariens 
avaient  ôté  les  termes  de  substance  et  de 
consubstantiel  pour  y  mettre  celui  de  sem- 
blable. Quelques-uns  des  évêques  assemblés 
à  Rimini  signèrent  cette  profession  par  im- 
prudence, après  avoir  été  trompés;  les  autres 
par  crainte.  Mais  elle  fut  désapprouvée  par 
tous  les  défenseurs  de  la  vérité,  surtout  par 
les  évêques  d'Occident,  comme  on  le  voit  par 
leurs  lettres  aux  évêques  d'Illyrie.  Saint  Atha- 
nase n'eut  que  du  mépris  pour  tout  ce  qui 
s'était  fait  à  Rimini,  sachant  que  l'intrigue  et 
la  violence  y  avaient  dominé.  Théodoret  ra- 
conte une  partie  des  injustices  et  des  impié- 
tés commises  h  Antioche  par  Flaccille,  par 
Etienne  et  par  Léonce,  qui  avait  été  élevé  sur 
le  siège  épiscopal  de  cette  ville,  contre  la  dis- 
position du  concile  de  Nicée,  puisqu'il  s'é- 
tait mutilé  lui-même;  les  violences  qu'Eu- 
doxe  de  Germanicie  exerça  dans  la  même 
Eglise,  après  s'en  être  emparé  depuis  la  mort 
de  Léonce;  les  contestations  qui  arrivèrent 
entre  les  évêques  à  Séleucie  et  à  Constanti- 
nople; les  différends  survenus  entre  les  ariens 
et  les  partisans  d'Eunomius.  Celui-ci  ayant 
usurpé  le  siège  de  Cyzique  du  vivant  d'Eleu- 
sius,  Eudoxe,  qui  savait  que  le  peuple  de  cette 
ville  était  très-attaché  à  la  foi  catholique, 
avertit  Eunomius  de  cacher  ses  sentiments. 
Il  suivit  ce  conseil  et  enveloppa  son  impiété 
d'une  multitude  de  termes  obscurs  et  embar- 
rassés; mais,  l'ayant  découverte  à  quelques- 
uns  dont  il  ne  se  méfiait  pas,  ils  le  déférèrent 
premièrement  à  Eudoxe  et  ensuite  à  l'empe- 
reur. Ce  prince,  sensiblement  touché  des  blas- 
phèmes dont  Eunomius  était  accusé,  com- 
manda à  Eudoxe  de  le  déposer  du  sacerdoce, 
au  cas  qu'il  fût  convaincu.  Eudoxe,  effrayé 
des  menaces  qu'on  lui  faisait,  s'il  ne  châtiait 
Eunomius  selon  la  justice,  lui  écrivit  de  sor- 
tir de  Cyzique  et  de  s'imputer  à  lui-même  les 
malheurs  qui  lui  étaient  arrivés  pour  n'avoir 
pas  voulu  suivre  ses  avis.  Eunomius,  contraint 
d'abandonner  l'épiscopat,  se  rendit  chef  d'une 
secte  particulière,  et  enchérit  sur  les  impiétés 
d'Arius. 

A  l'histoire  de  l'arianisme,  Théodoret  joint 
celle  du  siège  de  Nisibe  par  Sapor,  roi  do 
Perse;  ce  qui  lui  donne  occasion  de  parler  de 


46 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


la  vertu  singulière  de  saint  Jacques,  évêque 
de  cette  ville.  Il  dit  qu'ayant  relevé,  par  la 
force  de  ses  prières,  le  courage  des  soldats  et 
des  habitants,  rebâti  la  muraille  que  les  assié- 
geants avaient  renversée,  et  mis  dessus  cette 
nouvelle  muraille  des  machines  pour  repous- 
ser les  ennemis,  Sapor,  étonné  de  la  promp- 
titude avec  laquelle  les  ruines  de  Nisibe 
avaient  été  réparées,  et  épouvanté  parune  vi- 
sion, prit  le  parti  de  lever  le  siège,  reconnais- 
sant que  Dieu  combattait  pour  la  défense  de 
cette  ville.  Constance  ayantfînila  guerre  avec 
ce  prince ,  assembla  les  évéques  à  Antioche 
pour  les  obliger  à  i-ejeter  les  termes  de  con- 
substantiel,  ou  même  de  substance.  Mélèce,  élu 
évêque  de  cette  ville  dans  la  même  assem- 
blée ,  prit  ouvertement  la  défense  de  la  foi 
orthodoxe.  L'empereur  en  fut  irrité  et  voulut 
obliger  Eusèbe  de  Samosate,  entre  les  mains 
duquel  on  avait  déposé  le  décret  de  l'élection 
de  Mélèce,  de  le  rendre;  mais  il  témoigna 
qu'il  était  prêt  de  souÊfrir  qu'on  lui  coupât  les 
deux  mains  plutôt  que  de  rendre  un  décret 
qui  était  une  conviction  manifeste  de  l'im- 
piété arienne. 
cequGcoa-       8.  Le  troisième  livre  représente  les  persé- 

tient   le  troi-  .  ^  ^ 

•ième  livre ,   cutious  quc  les  catholiques  souffrirent  sous  le 

pae.  637,  >  ,        ,     > 

règne  de  Julien  l'Apostat,  dont  Théodoret 
marque  l'éducation  et  l'apostasie.  Pour 
mieux  couvrir  son  impiété,  ce  prince  rappela 
les  évéques  que  Constance  avait  chassés  de 
leurs  Eglises  et  relégués  aux  extrémités  de  la 
terre;  mais  en  même  temps  qu'il  semblait 
favoriser  les  chrétiens,  les  païens,  sous  ses 
yeux,  les  persécutaient  cruellement.  A  Gaza 
et  à  Ascalon,  villes  de  Palestine,  ils  fendirent 
le  ventre  à  des  prêtres  et  à  des  femmes  con- 
sacrées à  Dieu,  le  remplirent  d'orge,  et  jetè- 
rent ces  personnes  aux  porcs ,  afin  qu'ils  les 
mangeassent.  A  Sébaste,  dans  la  même  pro- 
vince ,  ils  ouvrirent  la  châsse  de  saint  Jean- 
Baptiste,  brûlèrent  ses  ossements  et  en  jetè- 
rent les  cendres  au  vent.  A  Héliopolis,  proche 
du  mont  Liban ,  un  diacre  ,  nommé  Cyrille  , 
ayant  brisé  quantité  d'idoles ,  les  païens  le 
tuèrent,  l'ouvrirent  après  sa  mort  et  mangè- 
rent une  partie  de  ses  entrailles.  La  justice 
divine  éclata  sur  eux  :  les  dents  leur  tombè- 
rent l'une  après  l'autre,  ils  perdirent  ensuite 
leur  langue,  et  enfin  les  yeux.  Capitolin,  gou- 
verneur de  la  Thrace ,  fit  brûler  vif  Emilien , 
défenseur  intrépide  de  la  foi  chrétienne,  à 
Dorostole,  ville  de  cette  province.  On  ne  sau- 
rait bien  exprimer  l'atrocité  des  supplices  que 
les  habitants  d'Arétuse  firent  soufl'rir  à  Marc, 


évêque  de  cette  ville ,  pour  avoir  changé  un 
de  leurs  temples  en  église.  Sans  pitié  de  sa 
vieillesse  et  sans  respect  pour  sa  vertu,  ils  le 
dépouillèrent,  et,  après  l'avoir  déchiré  à  coups 
de  fouet,  ils  le  jetèrent  dans  un  égoût  ;  puis, 
l'en  ayant  retiré,  ils  le  livrèrent  aux  jeunes 
garçons  de  la  vifie ,  afin  qu'ils  le  perçassent 
de  leurs  canifs;  ils  le  frottèrent,  après  cela, 
de  sauce  de  poisson  et  de  miel,  l'enfermèrent 
dans  un  réseau,  rélevèrent  en  Fair  et  le  lais- 
sèrent exposé  aux  mouches  durant  la  plus 
grande  ardeur  du  jour.  Leur  dessein  était  de 
l'obliger  ou  à  relever  le  temple  qu'il  avait 
démoh ,  ou  à  fournir  de  l'argent  pour  le  re- 
bâtir. Rien  ne  put  ébranler  sa  constance. 
Croyant  que  sa  pauvreté  l'empêchait  à  four- 
nir l'argent  qu'ils  lui  demandaient ,  ils  lui 
en  remirent  la  moitié  ;  mais  il  persévéra  à 
ne  vouloir  rien  promettre  ni  donner,  disant 
qu'il  y  avait  une  aussi  grande  impiété  à  leur 
donner  une  obole  pour  l'usage  qu'ils  en  vou- 
laient faire,  qu'à  leur  donner  la  somme  en- 
tière. Vaincus  par  sa  patience,  ils  changèrent  • 
si  fort  à  son  égard,  qu'ils  apprirent  de  lui  les 
premiers  principes  de  la  religion  chrétienne. 
Théodoret  parle  ensuite  des  lois  que  Julien 
fit  contre  les  chrétiens^  portant  défense  de 
leur  enseigner  les  belles-lettres,  et  ordre  de 
les  chasser  des  armées  ;  du  quatrième  exil 
auquel  il  condamna  saint  Athanase  ;  de  l'or- 
dre que  ce  prince  donna  aux  chrétiens  de 
transporter  les  reliques  du  martyr  saint  Ba- 
bylas,  dont  la  présence  empêchait  Apollon 
Pythien  de  rendre  des  oracles  à  Daphné;  de 
la  constance  du  martyr  saint  Théodore  ;  et  de 
l'incendie  du  temple  de  Daphné.  Cet  accident 
fit  découvrir  l'imposture  de  l'oracle;  car  le 
tonnerre  étant  tombé  sur  le  temple  d'Apollon 
il  y  mit  le  feu,  et  réduisit  en  cendre  sa  sta- 
tue, qui  n'était  que  de  bois  dorée. 

Le  reste  de  ce  troisième  livre  est  employé 
à  rapporter  divers  traits  de  la  tyrannie  de  Ju- 
lien, les  victoires  que  plusieurs  saints  rem- 
portèrent sur  lui  ;  les  vains  efforts  qu'il  fit 
pour  le  rétablissement  du  temple  de  Jérusa- 
lem ;  son  expédition  contre  les  Perses,  où  il 
pei'dit  la  vie,  et  les  réjouissances  que  l'on  fit 
partout  dans  Antioche,  aussitôt  que  sa  mort 
y  eut  été  publiée  :  car  les  théâtres,  aussi  bien 
que  les  églises ,  retentirent  des  louanges  de 
la  croix  qui  avait  remporté  la  victoire  sur 
l'impiété. 

9.  Le  quatrième  livre  traite  des  matières  cequecon- 
ecclésiastiques  qui  furent  agitées  sous  trois  Vdèmfiim;' 
empereurs  ;   savoir,  Jovien   et  Valentinien,   ^'^-  *™- 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR.  47 


[V'  SIÈCLE.] 

catholiques,  et  Valens,  arien.  Théodoret, 
après  avoir  rapporté  de  quelle  manière  Jo- 
vien  lut  élevé  à  l'empire,  marque  le  retour 
de  saint  Athanase  et  des  autres  évêques  qui 
avaient  été  exilés  sous  Julien  ;  la  lettre  que 
cet  évèque  avec  ceux  de  TEgypte,  de  la  Thé- 
baïde  et  des  Lybies,  écrivirent  â  ce  prince 
pour  lui  apprendre  quelle  était  la  foi  de  l'E- 
glise catholique,  ainsi  qu'il  avait  désiré  le 
savoir  d'eux  ;  ia  loi  de  Jovien,  portant  ordre 
de  fournir  aux  Eglises  le  blé  que  Constantin 
leur  avait  autrefois  acordé,  et  que  Julien  leur 
avait  retranché  depuis  qu'il  avait  déclaré  la 
guerre  à  Dieu;  la  mort  de  cet  empereur  qui 
fut  suivie  du  regret  de  tous  ceux  qui  avaient 
goûté  la  douceur  de  son  gouvernement  ;  l'é- 
lection de  Valentinien,  prince  aussi  recom- 
mandable  par  sa  valeur,  sa  bonne  mine,  sa 
prudence  et  sa  modération,  que  par  son 
équité.  «  Auxence,  évèque  de  Milan,  étant 
mort,  Valentinien  assembla  les  évêques  et 
leur  dit  :  L'étude  particulière  que  vous 
avez  faite  de  l'Ecriture  sainte,  ne  vous  per- 
met pas  d'ignorer  les  qualités  que  doivent 
avoir  ceux  qui  sont  élevés  à  l'honneur  du 
sacerdoce,  et  l'obligation  étroite  qu'ils  ont 
d'instruire  par  leurs  actions,  autant  que  par 
leurs  paroles,  ceux  qui  sont  soumis  à  leur 
conduite,  de  leur  offrir  des  modèles  de  toutes 
sortes  de  veiius,  et  de  confirmer  la  vérité  de 
leur  doctrine  par  la  sainteté  de  leur  vie. 
Choisissez  donc  un  homme  pour  l'élever 
sur  le  siège  de  l'Eglise  qui  soit  tel,  que  moi 
qui  tiens  entre  les  mainsl'autorité  souveraine, 
je  me  soumette  volontiers  à  sa  conduite,  que 
je  reçoive  ses  remontrances  et  ses  répriman- 
des comme  un  remède  salutaire;  car  étant 
homme,  je  suis  sujet  à  pécher  souvent. 
Les  évêques  l'ayant  ouï  parler  de  la  sorte,  le 
supplièrent  de  nommer  un  évèque  ;  mais  il 
leur  répondit  que  cette  entreprise  était  au- 
dessus  de  ses  forces.  Etant  donc  sortis  du  pa- 
lais, les  évêques  délibérèrent  entre  eux  et  le 
choix  tomba  sur  Ambroise.  L'empereur  qui 
connaissait  parfaitement  l'équité  de  son  es- 
prit, et  la  pureté  de  ses  sentiments,  approuva 
cette  élection.  Ayant  appris  en  même  temps 
qu'il  y  avait  encore  en  Asie  et  en  Phrygie 
des  contestations  touchant  la  doctrine,  il  or- 
donna la  tenue  d'un  concile  en  lUyrie,  dont 
il  envoya  le  résultat  à  ces  provinces,  afin 
qu'elles  s'y  conformassent;  ce  concile  n'ayant 
rien  défini,  sinon  que  la  profession  de  foi  ar- 
rêtée à  Nicée  aurait  lieu  par  tout  le  monde.  » 
Théodoret  rapporte  au  même  temps,  la  nais- 


sance de  l'hérésie  des  audiens  et  des  messa- 
liens.  Les  premiers  croyaient  que  Dieu  a  une 
forme  humaine  et  un  corps  composé  de  par- 
ties, fondés  sur  ce  passage  de  l'Ecriture  qu'ils 
n'entendaient  pas  :  Faisons  L'homme  à  notre 
image  et  à  notre  ressemblance.  Le  chef  de  cette 
hérésie  est  un  nommé  Audée  natif  de  Syrie. 
A  l'erreur  dont  nous  venons  de  parler,  il 
ajouta  quelques-unes  des  extravagances  de 
Manès,  disant  que  le  Dieu  de  l'univers  n'a 
point  créé  le  feu  ni  les  ténèbres.  Quant  aux 
messalienS;,  ils  fuyaient  le  travail  des  mains 
comme  un  vice,  et  s'adonnaient  uniquement 
au  sommeil  prenant  leurs  songes  pour  des 
prophéties.  Les  chefs  de  cette  secte,  qui 
étaient  Sabas,  Adelphius,  Hermas,  Siméon 
et  plusieurs  autres,  ne  voulurent  jamais  se 
séparer  de  la  communion  de  l'Eglise  :  mais 
Flavien  ayant  reconnu  leur  mauvaise  doc- 
trine, les  chassa  de  Syrie.  Leur  erreur  consis- 
tait à  soutenir  que  le  baptême  ne  sejvait  de 
rien ,  que  l'assiduité  seule  à  la  prière  chassait 
le  démon,  qu'étant  ainsi  chassé,  le  Saint-Es- 
prit venait  à  sa  place,  et  donnait  des  preuves 
sensibles  de  sa  présence  en  délivrant  le  corps 
du  mouvement  déréglé  des  passions,  et  l'âme 
de  l'inclination  violente  au  mal,  en  sorte 
qu'après  cela  l'un  n'a  plus  besoin  de  jeûnes 
pour  abattre  ses  forces,  ni  l'autre  d'instruc- 
tions pour  la  conduire.  Ils  ajoutaient  que 
l'homme  en  cet  état  connaissait  l'avenir,  et 
voyait  de  ses  propres  yeux  la  Trinité. 

Théodoret  décrit  ensuite  la  manière  dont 
Valens  qui  tenait  la  doctrine  des  apôtres 
lorsqu'il  parvint  à  l'empire,  tomba  dans  l'hé- 
résie arienne;  les  maux  qu'il  causa  à  l'Eglise 
par  l'exil  d'un  grand  nombre  d'évéques  ; 
les  maux  que  souffrit  l'Eglise  d'Alexandrie 
de  la  part  des  ariens,  après  la  mort  de 
saint  Athanase;  le  martyre  de  quelques  prê- 
tres catholiques  que  les  ariens  firent  périr 
sur  mer  en  mettant  le  feu  au  vaisseau  sur 
lequel  ils  les  avaient  fait  monter;  le  soin  que 
Flavien  et  Diodore  prirent  de  l'Eglise  d'An- 
tioche  en  l'absence  de  Mélèce  qui  en  était 
évèque  ;  le  zèle  de  Julien  et  d'Antoine  pour  ^ 
le  soutien  de  la  foi  cliancelante  des  fidèles, 
et  les  vertus  de  plusieurs  solitaires  du  désert 
de  Chalcide  et  de  quelques  grands  évêques  de 
Syrie,  du  Pont  et  de  l'Asie.  Il  rapporte  que 
le  général  Térence  ayant  remporté  la  vic- 
toire sur  les  ennemis  de  l'empire,  Valens  lui 
promit  tout  ce  qu'il  lui  demanderait  ;  mais 
au  lieu  de  demander  de  l'or,  de  l'argent,  des 
maisons,  des  terres,  des  charges,  il  demanda 


48 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


une  église  pour  ceux  qui  suivaient  la  doctrine 
des  Apôtres.  «  L'empereur,  dit-il,  ayant  lu 
sa  requête,  la  déchira  et  lui  ordonna  de  de- 
mander autre  chose.  Térence  ramassa  les  piè- 
ces de  sa  requête,  et  dit  à  Valens  :  a  J'ai  ce 
que  je  souhaitais  et  je  ne  demanderai  rien 
autre  chose  ;  Dieu  qui  voit  et  qui  juge  tout, 
voit  et  juge  mes  intentions.  »  Trajan,  Arinté 
et  Victor,  maîtres  de  la  milice,  reprochèrent 
hautement  à  ce  prince  son  impiété,  et  Vé- 
traniou  qui  était  seul  évêque  de  toute  la  Scy- 
thie,  le  reprit  publiquement  de  ce  qu'il  pro- 
tégeait l'erreur.  Valens  méprisa  toutes  leurs 
remontrances,  et  n'ayant  voulu  faire  aucun 
cas  de  la  prédiction  que  lui  avait  faite  le  soli- 
taire Isaac  qu'il  périrait  dans  la  bataille  si 
auparavant  il  ne  rappelait  les  évêques  exilés, 
il  y  périt  en  etï'et,  les  ennemis  ayant  mis  le 
feu  dans  le  bourg  où  il  s'était  sauvé  avec  ses 
soldats.  Le  dialogue  qu'il  eut  quelque  temps 
auparavant  sa  mort  à  Antioche,  avec  Aphra- 
tez,  est  remarquable.  Ce  prince  ayant  aperçu 
du  haut  de  la  galerie  de  son  palais,  ce  soli- 
taire qui  passait  vite  allant  au  champ  où 
s'exerçaient  les  soldats,  dans  le  dessein  d'y 
prendre  soin  des  nécessités  spirituelles  du 
peuple  fidèle  qui  y  était  assemblé,  lui  de- 
manda où  il  allait.  «  Je  vais,  lui  répondit-il, 
prier  Dieu  pour  la  prospérité  de  votre  em- 
pire. »  L'empereur  qui  savait  qu'Aphratez 
gouvernait  toute  la  ville,  lui  répartit  :  «  Vous 
feriez  mieux  de  demeurer  dans  votre  cellule 
et  d'y  prier  selon  la  règle  des  solitaires.  »  — 
«  J'avoue,  lui  dit  le  saint  homme,  que  ce  que 
vous  dites  est  véritable,  et  tandis  que  le  trou- 
peau a  été  en  sûreté,  j'en  ai  toujours  usé  de 
la  sorte;  mais  maintenant  qu'il  est  en  danger 
d'être  attaqué  par  les  bêtes  farouches,  je  dois 
employer  toutes  sortes  de  moyens  pour  les 
conserver.  Si  une  fille  qui  garde  la  maison  de 
son  père  la  voyait  en  feu,  que  devrait-elle 
faire  ?  Devrait-elle  attendre  sur  son  siège  que 
le  feu  vint  la  consumer  ?  Ne  devrait-elle  pas 
courir  de  tout  côté,  aller  chercher  de  l'eau, 
et  éteindre  l'embrasement?  Je  ne  doute  point 
que  vous  ne  demeuriez  d'accord  qu'elle  de- 
vrait faire  ce  queje  dis,  parce  que  c'est  en  effet 
*ce  que  la  prudence  demanderait  d'elle  en 
cette  occasion.  Je  fais  présentement  quelque 
chose  de  semblable,  je  cours  pour  éteindre 
le  feu  que  vous  avez  mis  à  la  maison  de  mon 
père.  »  Valens  ne  répondit  rien;  mais  un  de 
ses  valets  de  chambre  ayant  menacé  le  saint 
sohtaire,  fut  sur  le  moment  châtié  de  son 
insolence,  s'étant  donné  la  mort  lui-même 


en  se  jetant  dans  l'eau  chaude  préparée  ])our 
le  bain  de  l'empereur,  » 

10.  Théodoret  fait  au  cinquième  livre  l'his- 
toire de  la  condamnation  de  l'hérésie  arienne, 
et  de  deux  autres  qui  en  sont  comme  les  ra- 
cines :  l'hérésie  d'Apollinaire  et  celle  de  Ma- 
cédonius.  Il  s'y  étend  aussi  beaucoup  sur  les 
louanges  de  l'empereur  Théodose  ,  et  sur 
celles  de  saint  Ambroise ,  de  saint  Jean 
Chrysostôme,  des  évêques  d'Antioche  et  de 
Théodore  de  Mopsueste.  Après  avoir  loué  la 
piété  de  Gratien  qui  se  vit  en  possession  de 
l'empire  après  la  mort  de  Valens  son  oncle, 
il  remarque  que  ce  prince  voulant  consacrer 
à  Dieu  les  prémices  de  son  règne,  ordonna 
aussitôt  que  les  évêques  exilés  sous  le  règne 
précédent,  reprendraient  la  conduite  de  leur 
troupeau,  et  que  les  Eglises  seraient  livrées 
à  ceux  qui  étaient  de  la  communion  du  pape 
Damase  ;  qu'au  contraire  l'on  chasserait  de 
l'Eglise  comme  des  loups,  les  sectateurs  de  la 
doctrine  d'Arius.  «  Cette  loi,  dit-il,  fut  exécutée 
dans  toutes  les  provinces  sans  aucune  résis- 
tance ;  mais  il  y  eut  de  la  contestation  dans 
Antioche.  Les  défenseurs  de  la  doctrine  des 
apôtres  y  étaient  divisés  en  deux  partis  :  les 
uns  ayant  à  leur  tête  Paulin  et  les  autres 
Mélèce.  Apolhnaire  de  Laodicée  se  fit  chef 
d'un  troisième  parti.  On  avait  cru  d'abord 
que  sa  doctrine  était  orthodoxe  ;  mais  on 
connut  depuis  qu'elle  était  erronée,  et  qu'il 
ne  croyait  point  que  le  Verbe  de  Dieu  dans 
le  mystère  de  l'Incarnalion  se  fût  uni  à  l'âme 
humaine,  ni  qu'il  l'eût  rachetée.  De  cette  ei'- 
reur  il  en  sortait  une  autre  qui  enseignait 
que  la  divinité  et  la  chair  de  Jésus-Christ 
sont  d'une  même  nature  ;  que  la  divinité  a 
souffert.  Cette  erreur  et  plusieurs  autres  qui 
tirèrent  leur  origine  de  l'hérésie  d'Apolli- 
naire, excitèrent  de  grandes  contestations 
entre  le  clergé  et  le  peuple  des  provinces. 
Théodose  associé  à  l'empire  par  Gratien, 
voulut  dès  le  commencement  de  son  règne 
travailler  au  rétablissement  de  la  paix  dans 
l'Eglise.  Il  assembla  pour  cet  efi'et  les  évê- 
ques de  son  obéissance  à  Constantiuople  où 
l'erreur  d'Arius  avait  fait  de  plus  grands  pro- 
grès. La  doctrine  de  Nicée  fut  confirmée  dans 
cette  assemblée,  et  l'on  y  condamna  celle  de 
Macédonius  et  d'Apollinaire,  de  même  que 
les  hérésies  précédentes.  Le  pape  Damase, 
de  son  côté,  les  condamna  aussi,  comme  on 
le  voit  par  la  profession  de  foi  qu'il  envoya  à 
l'évêque  Paulin  lorsqu'il  était  à  Thessaloni- 
que  en  Macédoine.  Tout  cela  arriva  sous  le 


Ceque  cod- 
tinnt  le  cin- 
quième livre, 
pag,  705. 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORE!,  ÉVEQUE  DE  CYR.  49 


[y   SIÈCLE.] 

règne  deGratien;  mais  ce  prince  étant  mort, 
Justine,  femme  de  l'empereur  Valentinien, 
qui  était  infectée  de  l'erreur  arienne,  en  prit 
la  défense  et  communiqua  ce  poison  au  jeune 
Valentinien  son  fils.  Saint  Ambroise  n^omit 
rien  pour  le  faire  rentrer  dans  la  doctrine  de 
l'Eglise;  ses  soins  furent  inutiles;  mais  aussi 
le  saint  évêque  ne  fut  point  ébranlé  par  les 
menaces  du  jeune  prince.  Maxime  ayant  ap- 
pris ce  qui  se  passait,  pria  Valentinien  de  ne 
plus  faire  la  guerre  à  la  piété,  et  de  lîe  point 
renoncer  à  la  religion  de  son  père  ;  qu'au- 
trement il  prendrait  les  armes  contre  lui  ;  il 
les  prit  en  effet,  et  marcha  vers  Milan.  Va- 
lentinien se  sauva  en  lUyrie  et  implora  la 
protection  de  Tliéodose.  Ce  prince  ayant  pris 
les  armes,  rétablit  Valentinien  dans  ses  états, 
après  l'avoir  retiré  de  l'erreur  et  ramené  au 
sentiment  de  ses  pères.  Théodose  donna  en- 
suite une  loi  contre  les  ariens,  qui  leur  ôtail 
la  liberté  de  tenir  des  assemblées.  » 

Théodoret  mêle  aux  marques  de  zèle 
que  cet  empereur  faisait  paraître  pour  l'E- 
glise catholique,  le  récit  du  massacre  qui 
fut  fait  par  son  ordre  à  Thessalonique,  où 
sept  mille  personnes  furent  tuées  sans  con- 
naissance de  cause,  et  sans  formalités  de 
justice  ;  mais  il  y  ajoute  la  manière  dont  il 
fit  pénitence  d'une  faute  où  la  colère  l'avait 
jeté.  Il  fait  ensuite  honneur  à  Théodose  de 
la  démolition  des  temples  des  idoles,  des 
mouvements  qu'il  se  donna  pour  terminer  les 
différends  qui  existaient  entre  Flavien  évê- 
que d'Antioche,  et  les  évêques  d'Occident; 
et  de  la  victoire  qu'il  remporta  sur  le  tyran 
Eugène.  De  là  il  passe  au  règne  d'Arcade, 
successeur  de  la  puissance  de  Théodose,  et 
imitateur  de  sa  piété  ;  à  l'ordination  de  saint 
Jean  Chrysostôme,  et  à  ce  qu'il  fit  de  consi- 
dérable pendant  qu'il  fut  évêque  de  Constan- 
tinople.  Il  dit  aussi  quelque  chose  de  la  trans- 
lation de  son  corps,  de  la  réunion  des  apol- 
linaristes  à  l'Eglise,  de  saint  Cyrille,  évêque 
d'Alexandrie  ,  et  d'Alexandre  d'Antioche  ; 
puis  il  relève  la  piété  de  Théodose  le  Jeune 
et  des  princesses  ses  sœurs  ;  il  raconte  ce 
qu'il  avait  appris  de  la  persécution  excitée 
en  Perse  contre  les  chrétiens,  et  finit  son  cin- 
quième livre  par  l'éloge  de  Théodore  de 
Mopsueste.  Abdas  qui  était  évêque  dans  la 
Perse,  avait  donné  lieu  à  cette  persécution 
en  abattant  un  temple  consacré  en  l'honneur 
du  feu  que  les  Perses  adorent  comme  un 
dieu.  Le  roi  Isdegerde  en  étant  averti  par  les 
mages,  fit  venir  Abdas,  le  reprit  doucement 
X. 


d'avoir  renversé  ce  temple,  et  lui  commanda 
de  le  relever.  Abdas  refusa  d'obéir.  Le  roi  le 
menaça  de  renverser  toutes  les  églises  des 
chrétiens,  et  les  fit  en  elïet  renverser.  Mais 
auparavant  il  fit  mourir  Abdas.  «  J'avoue, 
dit  Théodoret,  que  la  démolition  du  temple 
consacré  au  feu,  était  hors  de  saison.  Quand 
saint  Paul  entra  dans  Athènes,  ville  si  fort 
adonnée  au  culte  des  idoles,  il  n'y  renversa 
point  les  autels,  content  d'y  découvrir  l'er- 
reur et  d'y  prêcher  la  vérité.  J'admire  ce- 
pendant la  générosité  qu'Abdas  eut  de  mourir 
plutôt  que  de  relever  le  temple,  et  je  ne  vois 
point  de  couronnes  qu'elle  ne  mérite  :  car 
élever  un  temple  en  l'honneur  du  feu,  c'est 
presque  la  même  chose  que  l'adorer,  n  Entre 
le  grand  nombre  de  chrétiens  qui  souffri- 
rent dans  cette  persécution,  qui  fut  conti- 
nuée par  Gororanes,  fils  et  successeur  d'Is- 
degerde,  cet  historien  nomme  Hormisdas, 
issu  de  l'illustre  race  des  Achéménides,  et 
fils  d'un  gouverneur.  Le  roi  n'ayant  pu 
ébranler  sa  fermeté  dans  la  foi  chrétienne, 
par  la  privation  de  son  bien  et  de  ses  char- 
ges, l'exila  nu  de  son  royaume.  Il  nomme 
encore  Suanez,  homme  riche;  et  un  diacre 
appelé  Benjamin. 

Aux  cinq  livres  de  l'Histoire  de  l'Eglise, 
Théodoret  ajoute  un  catalogue  des  évêques 
qui  avaient  gouverné  les  grands  sièges  de- 
puis la  fin  des  persécutions  :  à  Rome,  Mil- 
tiade,  Sylvestre,  Jules,  Libère,  Damas,  Si- 
rice,  Athanase,  Innocent,  Boniface,  Zosime, 
Célestin  :  à  Antioche,  Vital,  Philogone,  Eus- 
tathe,  qui  ont  été  ortliodoxes;  Eulalius,  Eu- 
phrone,  Flaccille,  Etienne,  Léonce,  Eudoxe, 
qui  ont  été  ariens;  Mélèce,  Flavien,  Por- 
phyre, Alexandre,  Théodote,  auxquels  se 
joignirent  Paulin  et  Evagre,  qui  étaient  du 
parti  d'Eustathe  ;  à  Alex'andrie,  Pierre,  Achil- 
las,  Alexandre,  Athanase,  Grégoire  arien, 
Athanase  rétabli,  George  hérétique,  le  même 
Athanase  rétabli  une  seconde  fois,  Pierre 
disciple  d' Athanase,  Lucius  arien,  Pierre  une 
seconde  fois,  Timothée,  Théophile,  Cyrille 
fils  du  frère  de  Théophile  :  à  Jérusalem,  Ma- 
caire,  Maxime,  Cyrille,  Jean,  Prayle,  Juvé- 
nal  :  à  Constantinople,  Alexandre,  Eusèbe 
transféré  de  Nicomédie,  arien,  Paul  confes- 
seur, Macédonius,  ennemi  du  Saint-Esprit. 
Après  qu'il  eut  été  chassé  du  siège  de  cette 
Eglise,  l'impie  Eudoxe  le  remplit,  puis  Démo- 
phile,  hérétique,  sorti  de  Bérée,  ville  de 
Thrace  ;  Grégoire  de  Nazianze,  Nectaire,  Jean 
Chrysostôme,  Arsace,  Atticus,  Sisinnius. 

4 


50 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


§  VI. 


De  l'Histoire  des  solitaires,  et  du  discours  sur 
la  Charité. 

Fn  qneiie  ^  •  Oi^  HB  doiite  point  quB  l'Histoire  des  so- 
Sofre  a"é'é  Utaircs  ne  soit  le  même  ouvrage  que  Théo- 
Gcrite.  doret  nomme  la  Vie  des  saints  dans  sa  lettre  ' 

à  Eusèbe  d'Ancyre.  Il  l'appelle  quelquefois 
Histoire  religieuse  ^  ou  monastique,  et  en  d'au- 
tres endroits,  Histoire  philothée  ^,  c'est-à-dire 
des  amis  de  Dieu,  et  elle  est  citée  sous  ce 
nom  par  saint  Jean  de  Damas  *  et  par  Nicé- 
phore  ;  mais  il  permet  ^  à  ses  lecteurs  de  lui 
donner  d'autres  titres.  Il  ne  l'écriAàt  pas  plus 
tard  qu'en  443,  qui  est  l'époque  de  la  lettre 
à  Eusèbe  où  il  en  est  fait  mention,  ni  plus  tôt 
qu'en  437  ou  438,  puisqu'il  y  parle  de  la 
mort  de  cet  évêque,  arrivée  en  l'une  ou  l'au- 
tre de  ces  deux  années. 
Biitdecei  2.  Théodoret,  qui  avait  été  témoin  des 
iimo'ql%nen   ffraudes  actions  des  solitaires  de  son  temps, 

fait 

ou  qui  les  avait  apprises  de  ceux  qui  les 
avaient  vues  de  leurs  yeux,  ne  crut  pas  qu'il 
lui  fût  permis  de  les  laisser  dans  l'oubli.  En 
effet,  si  l'on  a  quelquefois  élevé  des  statues 
et  d'autres  monuments  publics  en  l'honneur 
de  ceux  qui  s'étaient  distingués  dans  les  jeux 
olympiques,  quoique  le  souvenir  de  leurs 
actions  dût  être  plus  nuisible  que  profitable, 
pouvait-on  se  dispenser  de  transmettre  à  la 
postérité,  la  mémoire  de  ces  grands  hommes 
qui  ont  mené  sur  la  terre  une  vie  ^  toute  cé- 
leste? C'est  le  but  de  Théodoret  dans  cet  ou- 
vrage. Ce  qui  le  rend  encore  plus  recomman- 
dable,  c'est  qu'il  nous  y  représente  non-seule- 
ment les  actions  vertueuses  de  ces  hommes 
divins  qui  ont  paru  impassibles  dans  un  corps 
mortel,  et  capables  de  souffrir,  et  qui  ont  vécu 
en  anges  plutôt  qu'en  hommes;  mais  qu'il 
nous  y  donne  aussi  divers  modèles  '  d'une 
piété  parfaite,  que  chacun  peut  se  proposer 
selon  son  état,  ou  par  rapport  à  sa  disposition 
particulière.  Il  choisit  ceux  des  solitaires  dont 
la  piété  avait  éclaté  en  différentes  manières, 
et  ajouta  à  l'histoire  de  plusieurs  saints, 
celle  de  quelques  femmes  dont  les  vertus 
n'étaient  pas  moins  capables  d'édifier.  Il  ne 
se  proposa  point  d'écrire  les  vies  de  tous 
les  saints  qui  s'étaient  rendus  illustres  dans 
tous  les  endroits  de  la  terre.  Outre  qu'il  ne 


les  connaissait  point,  il  convient  que  ce  tra- 
vail surpassait  les  forces  d'un  seul  homme. 
Il  se  borna  donc  à  raconter  la  vie  des  soli- 
taires qui  avaient  brillé  dans  le  comté  d'O- 
rient, comme  des  lumières  du  monde,  encore 
ne  s'engagea-t-il  de  rapporter  qu'une  partie 
de  leurs  actions,  et  de  le  faire  avec  simpli- 
cité, sans  charger  sa  narration  des  ornements 
de  l'éloquence.  Il  prie  ses  lecteurs  de  ne  pas 
se  refuser  à  ce  qu'il  dira  de  merveilleux 
toucliant  la  conduite  de  ces  grands  saints; 
disant  que  nous  serions  injustes  de  mesurer 
leur  vertu  par  la  nôtre;  que  Dieu  a  coutume 
de  proportionner  ses  dons  aux  saintes  dispo- 
sitions de  ses  serviteurs;  qu'il  en  donne  de 
plus  grands  aux  hommes  parfaits;  que  ceux 
qui  sont  instruits  des  secrets  de  son  esprit, 
savent  avec  quelle  magniticence  il  se  plait  à 
les  répandre,  et  à  faire  voir  aux  hommes,  par 
des  hommes,  les  miracles  les  plus  extraor- 
dinaires, pour  attirer  les  incrédules  à  la  con- 
naissance de  la  vérité.  Théodoret  était  si  as- 
suré des  choses  miraculeuses  qu'il  se  propo- 
sait de  rapporter,  qu'il  ne  doute  pas  que  ceux 
qui  feront  difficulté  d'y  ajouter  foi,  ne  regar- 
dent comme  des  fables  les  miracles  qui  ont 
été  faits  par  Moïse,  par  Josué,  par  Elle,  par 
Elisée  et  par  les  Apôtres.  11  se  flatte  au  con- 
traire que  ceux  qui  croiront  à  ces  miracles, 
n'auront  point  de  peine  à  croire  les  prodiges 
qu'il  va  raconter,  les  uns  et  les  autres  ayant 
été  l'effet  de  la  grâce  de  Dieu.  Il  ajoute  qu'il 
avait  vu  lui-même  une  partie  de  ces  prodiges 
et  qu'il  avait  appris  les  autres  de  personnes 
qui  en  avaient  été  les  témoins  oculaires,  et  qui 
étant  elles-mêmes  les  imitatrices  de  la  piété 
de  ces  saints,  avaient  été  dignes  de  les  voir 
et  de  profiter  de  leurs  instructions.  Il  marque 
qu'il  avait  appris  d'Acace  de  Bérée,  l'his- 
toire de  saint  Jufien  Sabas,  et  de  saint  Eu- 
sèbe, et  qu'il  tenait  de  sa  mère  la  vie  de  saint 
Siméon  l'Ancien.  Il  avait  vu  lui-même  saint 
Siméon  Slylite.  Le  septième  concile  général, 
qui  est  le  second  de  Nicée,  rapporte  un  té- 
moignage de  cette  histoire  touchant  le  culte 
des  images,  et  on  ne  voit  point  que  per- 
sonne en  ait  contesté  ni  l'autorité  ni  la  vérité  ; 
et,  quoique  Théodoret  ait  eu  un  grand  nombre 
d'ennemis,  aucun  ne  s'est  avisé  de  l'accuser, 
ou  de  trop  de  crédufité,  ou  d'infidélité  dans 
cet  ouvrage. 


1  Tlieodoret.,  Episi.  82. 

2  Idem,  prolog.  m  Vit.  relig. 

«  Idem,  lib.  III,  Hist.  eccles.,  cap.  xix,  et  lib.  IV, 
cap.  ssn. 


'•Lib.  m  f?e //najf. ,  et  Nicepbor.,  lib.  XIV,  cap.  Liv, 

5  Théodoret.,  prolog.  in  Hist.  relig. 

6  Théodoret.,  prolog.  in  Hist.  relig. 
1  Idem,  Vit.  relig.,  cap.  SX. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


[V=   SIÈCLE.] 

3.  Il  contient  la  vie  de  trente  solitaires, 
dont  le  premier  est  saint  Jacques  de  Nisibe. 
Comme  nous  en  avons  déjà  parlé,  nous  nous 
contenterons  de  citer  deux  miracles  dont 
l'un  avait  pour  but  de  punir  l'impudence,  et 

•  l'auti'e  de  faire  connaître  la  vérité.  Le  saint 
allant  en  Perse  pour  visiter  les  chrétiens  qui 
s'y  étaient  nouvellement  établis,  et  prendre 
de  ces  heureuses  plantes  le  soin  qu'elles  mé- 
ritaient, passa  le  long  d'une  fontaine,  où 
quelques  jeunes  filles  lavaient  des  robes. 
Dépouillées  de  toute  honte,  elles  regardèrent 
effrontément  l'homme  de  Dieu,  sans  couvrir 
leurs  têtes  et  sans  abattre  leurs  robes  qui 
étaient  toutes  retroussées.  Le  saint  maudit  la 
fontaine  qui  sécha  au  même  moment  ;  il 
maudit  aussi  ces  filles  pour  châtier  l'inso- 
lence de  leur  jeunesse,  en  les  rendant  vieil- 
les avant  le  temps.  Ses  paroles  ayant  été  sui- 
vies de  l'effet,  leurs  cheveux  de  noirs  qu'ils 
étaient,  devinrent  blancs.  Effrayées  de  ce 
double  événement,  elles  coururent  vers  la 
ville  pour  l'annoncer.  Ceux  qui  l'entendirent 
supplièrent  saint  Jacques  de  faire  cesser  ce 
châtiment.  Il  se  laissa  fléchir  à  leurs  prières, 
et  ofirant  les  siennes  à  Dieu,  il  fit  couler  l'eau 
dans  la  fontaine,  et  rendit  aux  cheveux  de 
ces  filles  la  couleur  qu'ils  avaient  auparavant. 
Ayant  vu  dans  une  autre  occasion  un  juge 
persan  rendre  une  sentence  injuste,  il  donna 
sa  malédiction  à  une  pierre  d'une  grandeur 
démesurée  qui  était  proche  de  là,  et  lui 
commanda  de  se  briser  et  de  se  fendre,  pour 
faire  connaître  l'injustice  de  ce  jugement. 
La  pierre  obéissant  à  sa  voix  se  brisa  en  raille 
morceaux  :  le  juge  épouvanté  révoqua  sa 
sentence,  et  en  donna  une  toute  opposée. 

4.  Julien,  que  les  habitants  du  pays  sur- 
nommaient Sabas,  c'est-à-dire  VAncien,  vou- 
lant passer  sa  vie  dans  la  solitude ,  établit  sa 
demeure  dans  une  caverne  d'un  désert  de 
rOsroëne,  où  il  ne  mangeait  qu'une  seule  fois 
la  semaine ,  vivant  de  pain  de  son  de  millet 
avec  du  sel.  L'eau  lui  servait  de  breuvage, 
encore  n'en  prenait-il  qu'autant  que  la  néces- 
sité l'y  obhgeait.  Sa  réputation  lui  attira  jus- 
qu'à cent  disciples,  auxquels  il  donna  pour 
règle  de  chanter  les  louanges  de  Dieu  tous 
ensemble,  lorsqu'ils  seraient  dans  la  caverne 
qu'il  s'était  choisie  d'abord,  et  où  il  les  logeait 
tous;  mais  aussitôt  que  le  soleil  était  levé, 
ils  en  sortaient  et  s'en  allaient  dans  le  désert 
deux  à  deux,  dont  l'un  mettant  les  genoux  en 

•  terre ,  rendait  à  Dieu  l'adoration  qui  lui  est 
due ,  et  l'autre  demeurant  debout,  chantait 


M 


quinze  psaumes  de  David;  ensuite  celui  qui 
était  à  genoux  se  levait  pour  chanter,  et  celui 
qui  était  debout  se  mettait  à  genoux  pour 
adorer.  Ils  observaient  cet  exercice  depuis  la 
pointe  du  jour  jusqu'au  soir,  et  après  s'être 
un  peu  reposés  avant  le  coucher  du  soleil, 
ils  rentraient  tous  dans  la  caverne,  où  ils 
offraient  à  Dieu  tous  ensemble  les  hymnes  et 
les  cantiques  du  soir.  Sabas  avait  coutume 
de  prendre,  pour  l'assister  dans  les  soins  de 
sa  charge,  ceux  d'entre  ses  disciples  qui  lui 
paraissaient  les  plus  éminents  en  vertu. 

Théodoret  raconte  de  lui  qu'ayant  rencon- 
tré en  son  chemin  un  dragon  qui  voulait  le 
dévorer,  il  fit  tomber  mort  à  ses  pieds  ce  dan- 
gereux animal ,  en  faisant  sur  lui ,  avec  le 
doigt,  le  signe  de  la  croix;  que,  voyageant 
dans  un  désert  avec  un  solitaire  nommé  As- 
tère,  il  fit  naître  par  ses  prières  une  source 
d'eau  vive  pour  sauver  la  vie  à  ce  solitaire, 
qui  était  accablé  parla  soif;  qu'étant  en  orai- 
son depuis  dix  jours  pour  demander  à  Dieu 
de  protéger  l'Eglise  contre  les  entreprises  de 
Julien-l' Apostat,  il  eut  révélation  de  sa  mort 
et  fit  part  de  cette  nouvelle  à  ses  disciples. 

((  Ce  saint,  dit  Théodoret,  fit  à  Antioche, 
sous  le  règne  de  Valens,  un  voyage,  à  la  prière 
d'Acace  de  Béréo,  pour  y  fortifier  les  catholi- 
ques contre  les  ariens.  Ayant  logé,  après  deux 
ou  trois  jours  de  marche  dans  le  désert,  chez 
une  femme,  il  arriva  que  pendant  qu'elle  était 
occupée  à  lui  préparer  à  manger,  son  fils, 
qui  n'était  âgé  que  de  sept  ans ,  tomba  dans 
un  puits.  Dans  la  crainte  que  cet  accident  ne 
causât  quelque  déplaisir  à  ses  hôtes,  car  Acace 
était  avec  lui,  elle  défendit  à  ses  domestiques 
d'en  rien  témoigner.  Quand  on  eut  apporté 
à  manger,  le  saint  vieillard,  voulant  donner 
sa  bénédiction  à  l'enfant ,  demanda  qu'on  le 
fit  venir.  La  mère  ayant  répondu  qu'il  se 
trouvait  mal,  saint  Sabas  insista.  Alors  cette 
femme  fut  contrainte  d'avouer  son  aflliction 
le  saint  se  leva  de  table,  courut  vers  le  puits, 
et  en  ayant  fait  ôter  la  couverture  et  appor- 
ter de  la  lumière,  il  vit  l'enfant  au-dessus  de 
l'eau  ,  qu'il  remuait  avec  la  main  comme  en 
se  jouant.  Lorsqu'on  l'eut  tiré  il  se  jeta  aux 
pieds  du  saint,  en  disant  qu'il  l'avait  vu  le 
soutenir  dessus  l'eau  et  l'empêcher  d'enfon- 
cer. Saint  Sabas  tomba  malade  en  arrivant  à 
Antioche  ;  cet  accident  donna  beaucoup  de  dé- 
plaisir à  Acace  de  Bérée,  à  cause  de  la  multi- 
tude de  peuple  qui  venait  de  tous  côtés,  soit 
par  le  désir  de  le  voir,  soit  dans  l'espérance 
de  recouvrer  la  santé  par  son  moyen.  «  Ne 


32 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vous  mettez  point  en  peine,  lui  dit  le  saint;  si 
ma  santé  est  nécessaire  pour  le  salut  de  ce 
peuple,  Dieu  saura  bien  me  la  rendre  à  l'heure 
même.  »  Mettant  ensuite,  selon  sa  coutume, 
les  genoux  et  le  front  à  terre,  il  pria  Dieu  de 
le  guérir,  si  ceux  qui  étaient  venus  le  trou- 
ver en  devaient  recevoir  quelque  avantage. 
Il  n'avait  pas  encore  achevé  cette  prière,  qu'il 
lui  vint  une  si  grande  sueur  qu'elle  éteignit 
toute  l'ardeur  de  sa  fièvre;  en  même  temps 
il  guérit  plusieurs  personnes  affligées  de  di- 
verses maladies,  puis  s'en  alla  à  l'assemblée 
des  fidèles.  Étant  à  Cyr,  ville  éloignée  d'An- 
tioche  de  deux  journées,  les  fidèles  de  ce  lieu 
lui  représentèrent  le  danger  où  était  la  reli- 
gion cathohque  à  cause  qu'un  nommé  Astère, 
grand  sophiste,  était  passé  du  côté  des  héré- 
tiques, qui  l'avaient  établi  évêque.  Saint  Sa- 
bas ,  sachant  qu'il  devait  parler  devant  le 
peuple  un  certain  jour,  invita  les  fidèles  à 
prier  avec  lui,  à  jeûner,  et  à  faire  quelques 
autres  mortifications.  Ils  suivirent  ce  conseil, 
et  Dieu  ayant  égard  à  leur  crainte,  frappa 
Astère  d'une  maladie  qui  vingt-quatre  heures 
après  le  mit  au  tombeau.  » 
Saint  Mar-  ^'  Saint  Marcieu,  méprisant  la  splendeur 
ien,  p.  784.  jg  gfj  naissance,  qu'il  tirait  d'une  race  patri- 
cienne, et  tous  les  avantages  de  la  cour  où  il 
paraissait  avec  éclat  par  les  qualités  de  son 
corps  et  de  son  esprit,  se  retira  dans  le  milieu 
d'un  désert,  où  il  bâtit  une  cabane  si  petite, 
qu'à  peine  était-elle  de  la  grandeur  de  son 
corps.  Là,  séparé  de  toute  conversation  hu- 
maine, il  s'entretenait  avec  Dieu,  faisant  suc- 
céder le  chant  des  psaumes  à  la  prière  ,  la 
prière  au  chant  des  psaumes,  et  la  lecture  de 
l'Ecriture  sainte  à  l'un  et  à  l'autre.  Une  livre 
de  pain  lui  suffisait  pour  quatre  jours,  n'en 
mangeant  qu'un  quarteron  par  jour.  11  pre- 
nait son  repas  sur  le  soir,  croyant  qu'il  était 
plus  à  propos  de  manger  tous  les  jours  sans 
se  rassasier  jamais,  que  d'être  plusieurs  jours 
sans  manger,  et  manger  ensuite  jusqu'à  se 
rassasier,  parce  que  le  véritable  jeûne  con- 
siste à  avoir  toujours  faim.  Il  eut  pour  disci- 
ples Eusèbe  et  Agapet  :  le  premier  se  char- 
gea de  la  conduite  de  plusieurs  religieux  qui 
se  retirèrent  dans  la  solitude  où  il  demeurait  ; 
le  second  établit  un  monastère  à  Apamée. 
Ces  deux  communautés  subsistaient  encore 
du  temps  de  Théodoret,  qui  dit  que  l'on  y 
voyait  plus  de  quatre  cents  de  ces  généreux 
athlètes  qui,  combattant  continuellement  pour 
devenir  toujours  plus  parfaits,  et  brûlant  d'a- 
mour pour  la  piété ,  acquéraient  le  ciel  par 


leurs  travaux.  Il  rapporte  plusieurs  miracles 
de  saint  Mai'cien,  en  remarquant  qu'il  en  fai- 
sait le  moins  qu'il  lui  était  possible,  pour  ca- 
cher les  grâces  dont  Dieu  le  favorisait.  Fla- 
vien  d'Antioche,  Acace  de  Bérée,  Eusèbe  de 
Chalcide,  Isidore  do  Cyr  et  Théodote  d'Hié- 
raple  l'étant  venus  voir,  accompagnés  de  quel- 
ques magistrats,  il  fut  longtemps  sans  parler. 
Comme  un  des  assistants ,  qui  était  de  ses 
amis ,  le  pressait  d'entretenir  la  compagTiie, 
saint  Marcien,  après  avoir  jeté  un  profond 
soupir,  lui  répondit  :  «  Le  Dieu  de  l'univers 
nous  parle  continuellement  par  ses  créatures, 
il  nous  instruit  par  ses  Ecritures  saintes,  il 
nous  apprend  quels  sont  nos  devoirs,  il  nous 
enseigne  ce  que  nous  avons  à  faire  pour  notre 
propre  avantage  ,  il  nous  épouvante  par  ses 
menaces,  il  nous  encourage  par   ses  pro- 
messes, et  nous  ne  profitons  point  de  tout 
cela  :  comment  Marcien  pourrait-il  donc  vous 
être  utile  par  ses  discours?  »  Lorsque  ces 
évêques  se  furent  levés  et  eurent  fait  la  prière, 
ils  voulurent  l'ordonner  prêtre;  mais  aucun 
n'osa  lui  imposer  les  mains.   Un  solitaire 
nommé  Avitus  vint   le  voir;   après   s'être 
entretenus  et  avoir  dit  ensemble  l'office  de 
none,    saint    Marcien  invita   le    solitaire  à 
prendre  le  repas  avec  lui.  Avitus  le  refusa, 
disant  qu'il  n'avait  coutume  de  manger  que 
le  soir ,  et  qu'il  demeurait  souvent  deux  et 
trois  jours  sans  prendre  de  nourriture.  «  Pas- 
sez donc  aujourd'hui,  je  vous  prie,  par-dessus 
votre  règle  ordinaire,  répartit  saint  Marcien.» 
Sa  prière  fut  sans  effet  ;  et  alors ,  se  mettant 
à  soupirer,  il  dit  à  Avitus  :  «  J'ai  l'esprit  ou- 
tré de  douleur  de  ce  qu'étant  venu  pour  voir 
un  homme  ami  du  travail ,  instruit  dans  une 
sainte  et  chrétienne  philosophie ,  vous  avez 
été  trompé  dans  votre  espérance,   et  qu'au 
lieu  d'une  personne  sobre  vous  en  avez  trouvé 
une  délicate,  qui  semble  ne  prendre  plaisir 
qu'à  la  bonne  chère.  »  Ces  mots  touchèrent 
si  vivement  Avitus,  qu'il  lui  répondit  :  «J'ai- 
merais mieux  manger  de  la  viande  que  de 
vous  entendre  parler  de  la  sorte.  »  Sur  quoi 
Marcien  dit  :  «  Votre  manière  de  vivre  est 
aussi  la  nôtre  ;  nous  préférons  le  travail  au 
repos  ^  et  nous  estimons  beaucoup  plus  le 
jeûne  que  le  manger;  nous  n'en   prenons 
même  ordinairement  que  sur  le  soir.  Mais 
nous  savons  que  la  charité  est  plus  agréable 
à  Dieu  que  le  jeûne,  parce  que  sa  loi  nous  la 
commande,  au  lieu  que  le  jeûne  dépend  de 
nous  et  de  notre  volonté.  Or,  il  est  sans  doute 
que  nous  devons  beaucoup  plus  estimer  les 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR. 


[V  SIÈCLE.] 

commandements  de  Dieu  que  nos  austérités 
et  nos  travaux,  n  S'étant  entretenus  de  la 
sorte  et  ayant  rendu  grâces  à  Dieu,  ils  man- 
gèrent un  peu  et  passèrent  trois  jours  ensem- 
ble. Saint  Marcien  engagea  un  autre  solitaire 
appelé  Abraham ,  qui  ne  savait  pas  ce  qui 
avait  été  décidé  au  concile  de  Nicée  touchant 
la  fête  de  Pâques,  à  la  célébrer  suivant  la 
discipline  établie  dans  ce  concile.  Il  avait  un 
grand  éloignement  pour  tous  les  hérétiques, 
en  particulier  pour  les  apoUinaristes  ,  pour 
les  sabelliens  et  pour  les  euchites,  qui,  sous 
un  habit  religieux,  étaient  infectés  de  l'hé- 
résie des  manichéens.  Sachant  que  plusieurs 
personnes,  entre  autres  Alypius  son  neveu, 
avaient  bâti  des  oratoires  pour  y  mettre  leurs 
corps  après  leur  mort ,  il  exigea  le  serment 
d'Eusèbe,  son  disciple,  qu'il  l'enterrerait  dans 
un  lieu  où  de  longtemps  il  ne  serait  connu 
de  personne.  Eusèbe  obéit ,  et  on  ne  sut  où 
était  le  corps  du  saint  qu'après  que  tous  ces 
oratoires  eurent  été  honorés  des  reliques  de 
quelques  apôtres  ou  de  quelques  martyrs. 

6.  Un  saint  homme  nommé  Amien  avait 
établi  une  école  de  vertu  et  de  piété  sur  une 
montagne  très-haute,  à  l'orient  d'Antiocbe  et 
à  l'occident  de  Bérée.  Il  pressa  saint  Eusèbe 
de  quitter  sa  solitude  pour  prendre  en  sa 
place  la  conduite  de  ce  monastère.  Comme 
ils  étaient  un  jour  assis  ensemble  sur  un  ro- 
cher, Amien  lisant  l'Evangile,  et  Eusèbe  lui 
expliquant  les  passages  les  plus  difficiles,  il 
arriva  que  ce  dernier  arrêta  ses  yeux  sur  des 
laboureurs  qui  cultivaient  la  terre  dans  une 
plaine  au-dessous  d'eux.  Amien  lui  ayant 
demandé  l'explication  d'un  passage,  Eusèbe 
lui  dit  de  le  relire,  parce  qu'étant  apphqué  à 
cet  objet ,  il  n'y  avait  pas  fait  d'abord  atten- 
tion. Amien,  qui  s'en  était  aperçu,  lui  dit  : 
«  Il  me  semble,  mon  Père,  que  le  plaisir  que 
vous  prenez  à  regarder  ces  laboureurs  vous 
a  empêché  de  m'entendre.  »  Eusèbe  ne  ré- 
pondit rien,  mais  depuis  ce  jour  il  défendit  à 
ses  yeux  de  ne  plus  regarder  cette  campagne 
ni  de  jouir  du  plaisir  de  considérer  la  beauté 
du  ciel  et  des  astres.  Il  ne  leur  permit  pas 
même  de  s'étendre  au-delà  d'un  petit  sentier 
large  seulement  d'une  palme ,  par  lequel  il 
allait  à  son  oratoire.  Pour  s'astreindre  à  cette 
mortification ,  il  ceignit  ses  reins  avec  une 
ceinture  de  fer,  puis  mit  un  fort  gros  collier 
à  son  col,  et  l'attacha  avec  un  autre  morceau 
de  fer  à  cette  ceinture,  afin  qu'étant  ainsi 
courbé  il  fût  contraint  de  regarder  toujours 
vers  la  terre.  Acace  de  Bérée  lui  ayant  de- 


53 


mandé  un  jour  quel  avantage  il  pensait  tirer 
de  ces  sortes  de  mortifications  :  «  Celui,  ré- 
pondit Eusèbe,  de  résister  aux  embûches  du 
démon.  Pour  l'empêcher  de  me  faire  la  guerre 
dans  les  choses  importantes,  afin  de  me  faire 
perdre  la  tempérance  et  la  justice  ,  de  me 
porter  à  la  colère,  d'exciter  mes  passions,  de 
m'enfler  d'orgueil  et  de  vanité,  et  d'employer 
tous  les  autres  efforts  dont  il  a  coutume  de 
se  servir  pour  attaquer  mon  âme  ;  je  tâche  de 
lui  donner  le  change  en  cette  guerre  que  j'ai 
contre  lui,  et  de  l'engager  à  m'attaquer  dans 
ces  petites  choses,  dans  lesquelles  il  ne  sau- 
rait guère  me  nuire  ,  quoiqu'il  demeure  vic- 
torieux, et  où  il  se  rendra  digne  de  risée  s'il 
est  vaincu.  »  Saint  Eusèbe  reçut  sous  sa  con- 
duite Jacques-le-Persan  et  Agrippa,  et  les  éta- 
blit ensuite  supérieurs  ;  mais  le  premier  se 
démit  de  sa  charge,  aimant  mieux  obéir  que 
de  commander,  et  se  laisser  conduire  que  de 
conduire  les  autres.  Agrippa  fut  donc  obligé 
de  prendre  soin  du  monastère  où  il  avait  été 
élevé  sous  saint  Eusèbe. 

7.  La  ville  de  Zeugma  fut  le  lieu  de  la 
naissance  de  saint  Publie.  Il  choisit,  à  trente 
stades  de  cette  ville,  un  lieu  élevé  où  il  bâtit 
une  petite  cellule ,  et  s'y  retira  après  avoir 
vendu  sa  maison ,  ses  terres,  sa  vaisselle  d'ar- 
gent, ses  meubles,  ses  troupeaux,  et  généra- 
lement tous  ses  biens  ,  et  en  avoir  distribué 
le  prix  aux  pauvres.  Dans  les  commence- 
ments de  sa  retraite,  il  ne  voulut  permettre 
à  personne  de  demeurer  avec  lui;  mais 
enfin  il  consentit  à  bâtir,  pour  ceux  qui  s'é- 
taient mis  sous  sa  discipline,  un  logement,  et 
renversa  les  petites  cellules  qu'il  leur  avait 
bâties  auparavant  près  de  la  sienne.  Comme 
sa  communauté  était  composée  de  Grecs  et 
de  Syriens,  ils  s'assemblaient  les  uns  et  les 
autres  dans  une  chapelle,  tous  les  jours,  soir 
et  matin,  pour  y  faire  l'office  et  y  chanter 
tous  ensemble  les  louanges  de  Dieu,  chacun 
en  sa  langue,  mais  séparément,  les  uns  étant 
d'un  côté  et  les  autres  de  l'autre,  et  disant 
ainsi  tour  à  tour  chacun  un  verset.  Théoctène 
et  Aphtone  furent  ses  successeurs  dans  le 
gouvernement  de  cette  maison.  Ce  dernier, 
après  l'avoir gouvernéependantquarante  ans, 
fut  fait  évêque,  sans  vouloir  quitter  pour  cela 
son  manteau  de  solitaire  ni  sa  tunique  de  poil 
de  chèvre,  ni  changer  de  nourriture.  Il  parait 
que  saint  Publie  permettait  dans  son  monas- 
tère l'usage  du  vin,  du  vinaigre,  des  raisins 
secs  ,  du  lait  clair  et  caillé  ,  et  de  l'huile  du- 
rant le  temps  de  la  Pentecôte. 


S^ûnlPublie 
pag.  802. 


54 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Saint  Si- 
in  é  o  a  I  '  A  n- 
cien,pag.806. 


Sainl    Pal 
lade,  pag.811. 


8.  Tliéodoret  prend  pour  témoin  de  ce  qu'il 
raconte  de  saint  Siméon  l'Ancien  un  solitaire 
nommé  Jacques,  qu'il  qualifie  admirable  pour 
ses  vertus.  «Un  jour,  dit-il,  deux  solitaires  éga- 
rés dans  le  désert  se  trouvèrent  auprès  de 
la  caverne  où  demeurait  Siméon;  l'ayant 
prié  de  leur  montrer  le  chemin  d'un  bourg 
où  ils  désiraient  aller,  il  fit  venir  deux  lions, 
auxquels  il  commanda  de  conduire  ces  étran- 
gers, et  de  les  remettre  dans  le  chemin  qu'ils 
avaient  quitté.  Ces  deux  animaux,  après  avoir 
caressé  le  saint  comme  leur  maître,  obéirent 
sur-le-champ.  Dans  une  autre  occasion,  il 
éteignit  le  feu  du  ciel  qui  avait  pris  à  une 
grange,  après  avoir  auparavant  obligé  le  pro- 
priétaire cl  restituer  quelques  gerbes  qu'il 
avait  prises  à  son  voisin.  Faisant  voyage  à  la 
montagne  de  Sinaï ,  il  trouva  en  chemin  un 
homme  dans  une  caverne  qui  y  habitait  de- 
puis longtemps.  Comme  il  s'entretenait  avec 
lui,  un  lion  vint  à  paraître  assez  loin  de  là; 
ce  qui  remplit  de  crainte  ceux  qui  accompa- 
gnaient saint  Siméon;  ce  solitaire  s'en  aper- 
cevant ,  fit  signe  de  la  tête  à  ce  lion  de  s'en 
aller  d'un  autre  côté,  à  quoi  il  obéit  après  lui 
avoir  apporté  une  branche  de  palmier  char- 
gée de  dattes.  L'anachorète  leur  donna  ces 
dattes^  et  après  avoir  fait  des  prières  et  chanté 
des  psaumes  avec  eux,  puis  les  avoir  salués, 
il  leur  dit  adieu.  Saint  Siméon  demeura  huit 
jours  au  même  lieu  où  Moïse  fut  trouvé  digne 
de  voir  Dieu  autant  qu'un  homme  mortel  en 
est  capable ,  et  pendant  tout  ce  temps  il  ne 
but  ni  ne  mangea  quoi  que  ce  fût.  Ayant  en- 
suite étendu  sa  main,  il  prit  trois  pommes 
qu'il  mangea ,  suivant  l'ordre  qu'il  en  avait 
reçu  d'une  voix  descendue  du  ciel.  »  Théodo- 
ret  dit  que  sa  mère,  qui  avait  eu  souvent  le 
bonheur  de  recevoir  la  bénédiction  du  saint, 
lui  avait  raconté  la  plupart  des  choses  qu'il 
en  rapporte. 

9.  Saint  Pallade  avait  porté  avec  saint  Si- 
méon l'Ancien  le  même  joug  dans  le  service 
de  Dieu.  Théodoret  n'en  raconte  que  le  mi- 
racle suivant  dont  il  dit  que  la  mémoire  était 
encore  toute  récente.  «  Un  méchant  homme 
ayant  tué  et  volé  un  marchand  sur  le  grand 
chemin,  prit  le  corps  et  le  porta  devant  la  cel- 
lule de  saint  Pallade.  Le  bruit  de  ce  meurtre 
se  répandit  aussitôt,  et  chacun  accourut  à  la 
porte  de  l'homme  de  Dieu,  demandant  qu'il 
fût  puni  de  l'homicide.  Dans  cet  état,  il  éleva 
ses  yeux  vers  le  ciel,  et  après  avoir  prié  Dieu 
de  faire  connaître  la  vérité ,  il  prit  la  main 
droite  du  mort  et  le  conjura  de  dire,  en  pré- 


sence de  tout  le  peuple  assemblé ,  qui  était 
son  meurtrier.  Le  mort  leva  à  l'instant  la  tête, 
regarda  tous  les  assistants,  et  montra  du  doigt 
celui  qui  avait  commis  le  meurtre .  On  le  fouilla 
et  l'on  trouva  que  son  épée  était  encore  toute 
teinte  du  sang  de  cet  homme ,  et  qu'il  était 
saisi  de  l'argent  qui  l'avait  poussé  à  le  tuer.» 
Théodoret  parle  ensuite  d'un  solitaire  appelé 
Abraham,  qui  après  avoir  opéré  quantité  de 
merveilles  pendant  sa  vie,  en  opérait  encore 
après  sa  mort,  son  cercueil  étant  comme  une 
source  de  guérisons  de  toutes  sortes  de  ma- 
ladies. 

■10.  Saint  Aphraate  préférant  à  sa  nation, 
dont  l'impiété  lui  faisait  horreur,  une  nation 
étrangère,  s'en  alla  à  Edesse.  Ayant  trouvé 
hors  de  cette  ville  une  petite  maison ,  il  s'y 
enferma  pour  ne  penser  qu'à  son  salut.  De  là 
il  passa  à  Antioche,  qu'il  avait  appris  être 
violemment  agitée  par  la  tempête  de  l'héré- 
sie arienne.  Quoiqu'il  ne  sût  que  fort  peu  le 
grec,  il  ne  laissa  pas  d'attirer  un  grand  nom- 
bre de  personnes  qui  venaient  l'entendre, 
dont  les  unes  l'écoutaient  sans  dire  mot,  et  les 
autres  lui  faisaient  des  questions.  Il  confon- 
dait les  raisonnements  des  hérétiques  et  des 
philosophes,  et  par  ses  discours  tout  divins,  il 
soumettait  à  l'obéissance  de  Jésus-Christ  ceux 
qui  l'écoutaient.  Dans  ces  pénibles  occupa- 
tions, il  ne  reçut  jamais  de  personne  ni  pain 
ni  aucune  nourriture,  ni  habit,  ni  quoi  que 
ce  fût,  excepté  d'un  seul  de  ses  amis  qui  lui 
apportait  du  pain,  auquel  dans  son  extrême 
vieillesse  il  ajoutait  un  peu  d'herbe  qu'il  man- 
geait après  le  coucher  du  soleil.  On  ne  put 
même  lui  persuader  de  recevoir  quelqu'un 
pour  demeurer  avec  lui,  aimant  mieux  se 
servir  que  d'être  servi  par  un  autre.  Un  homme 
de  condition  lui  ayant  apporté  une  robe  de 
Perse,  il  ne  put  se  résoudre  à  la  recevoir,  ne 
voulant  point  en  avoir  deux  à  la  fois.  Nous 
avons  vu  ailleurs  la  réponse  qu'il  fit  à  l'em- 
pereur Valens,  qui  avait  trouvé  mauvais  qu'il 
eût  quitté  sa  cellule  pour  aller  dans  des  as- 
semblées publiques  y  fortifier  les  fidèles  con- 
tre l'hérésie  arienne.  Il  fit  cesser,  par  ses 
prières,  une  dissension  qui  existait  entre  une 
dame  et  son  mari ,  et  chassa  par  une  cruche 
d'eau,  sur  laquelle  il  avait  fait  sa  prière  et  mis 
sa  main,  un  nombre  infini  de  sauterelles  qui 
dévoraient  les  moissons  et  les  autres  fruits  de 
la  campagne.  «J'ai  eu,  dit  Théodoret,  le 
bonheur  de  le  voir  et  de  recevoir  sa  bénédic- 
tion étant  encore  fort  jeune,  et  accompagnant 
ma  mère  à  qui  il  la  donna  aussi  :  il  lui  parla 


Apbraale 
San,  pag. 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  EVÊQUE  DE  CYR. 


55 


au  dehors  de  sa  porte,  suivant  sa  coutume. 
Pour  moi,  il  me  fit  entrer  et  me  rendit  parti- 
cipant des  richesses  de  ses  prièi'es.  » 
îairi  pier.  11.  Saint  Pisrre,  descendant  des  Gaulois 
pag.  819.  ^^^yjg  ^jj  j^sie,  et  dont  les  ancêtres  avaient 
choisi  leur  demeure  vers  le  Pont-Euxin,  sor- 
tit, dès  l'âge  de  sept  ans,  de  la  maison  de  son 
père  et  passa  le  reste  de  sa  vie,  qui  fut  de 
quatre-vingt-dix-neuf  ans ,  dans  les  combats 
d'une  vie  toute  spirituelle.  La  Galatie  fut  le 
lieu  où  il  s'exerça  d'abord  dans  la  pratique 
de  la  vertu.  De  là  il  passa  dans  la  Palestine 
pour  voir  les  lieux  où  s'était  accomplie  la 
passion  de  notre  Sauveur,  et  y  adorer  le  Dieu 
qui  nous  a  rachetés  par  son  sang.  Ce  n'est 
pas  qu'il  le  crût  renfermé  dans  un  certain 
lieu,  n'ignorant  pas  que  sa  nature  est  infinie, 
mais  il  souhaitait  voir  de  ses  propres  yeux 
l'objet  dont  son  esprit  jouissait  par  la  foi. 
Ayant  satisfait  à  ce  désir,  il  passa  k  Antioche, 
où  il  choisit  pour  demeure  un  sépulcre  dont 
le  dessus,  qui  s'avançait  en  dehors ,  avait 
un  plancher  sur  lequel  on  pouvait  monter 
avec  des  échelles.  Sa  nourriture  était  de  l'eau 
froide  et  du  pain  dont  il  ne  mangeait  que  de 
deux  jours  en  deux  jours.  Sa  réputation  lui 
attira  plusieurs  malades  ou  possédés  du  dé- 
mon :  il  les  guérissait  par  ses  prières.  La 
mère  de  Théodoret,  ayant  une  incommodité 
à  un  œil,  que  tous  les  remèdes  enseignés 
par  les  médecins  n'avaient  pu  guérir,  ré- 
solut, de  l'avis  d'une  femme  de  ses  amies, 
d'aller  trouver  le  saint;  comme  elle  était  en- 
core fort  jeune  et  aimait  à  se  parer,  elle  y 
alla  avec  des  pendants  d'oreille  ,  des  colliers 
et  d'autres  ornements  d'or,  vêtue  d'un  bro- 
card de  soie  très-magnifique,  le  visage  tout 
couvert  de  fard.  Saint  Pierre  la  voyant  en  un 
état  si  peu  conforme  à  la  modestie  chrétienne, 
lui  dit,  pour  la  guérir  de  l'amour  qu'elle  avait 
pour  le  luxe  :  a  Dites-moi,  je  vous  prie,  si 
quelque  peintre  excellent,  ayant  fait  un  por- 
trait selon  toutes  les  règles  de  l'art  et  l'ayant 
exposé  à  la  vue  de  tous  ceux  qui  voudraient 
le  regarder,  il  arrivait  que  quelqu'un  qui  ne 
connaîtrait  rien  à  la  peinture  voulût,  selon  sa 
fantaisie,  porterjugement  de  celle-là,  et  qu'en 
y  trouvant  à  redire  il  allongeât  les  traits  des 
sourcils  et  des  paupières,  blanchît  le  visage 
et  mit  du  rouge  sur  les  joues,  croyez-vous 
que  ce  peintre  ne  se  mit  point  en  colère  de 
voir  gâter  par  une  main  ignorante  ce  qu'il 
aurait  fait  avec  tant  d'art?  Ne  doutez  donc 
point  que  le  Créateur  de  toutes  choses,  cet 
admirable  ouvrier  qui  nous  a  formés,  ne  s'of- 


fense avec  sujet  de  ce  que  vous  accusez  d'i- 
gnorance son  incomparable  sagesse.  Car  vous 
ne  mettriez  pas  du  noir,  du  blanc  et  du  rouge 
sur  votre  visage  si  vous  ne  croyiez  en  avoir 
besoin ,  et  vous  ne  sauriez  croire  en  avoir 
besoin  sans  accuser  de  quelque  impuissance 
celui  qui  vous  a  donné  l'être.  Or,  sachez  que 
son  pouvoir  est  égal  à  sa  volonté,  puisque, 
selon  que  le  dit  David,  il  fait  tout  ce  qu'il  lui 
plaît.  Mais  le  soin  qu'il  a  de  chacun  de  nous 
l'empêche  de  nous  donner  ce  qui  nous  serait 
dommageable.  C'est  pourquoi  gardez-vous 
bien  de  rien  changer  à  ce  portrait  qui  est  l'i- 
mage vivante  de  Dieu  ,  ni  de  tâcher  de  vous 
donner  à  vous-même  ce  que  sa  sagesse  n'a 
pas  voulu  vous  donner,  en  vous  efforçant 
d'acquérir  contre  son  dessein  une  beauté 
fausse  et  non  naturelle,  qui  rend  coupables 
les  plus  chastes  femmes ,  parce  qu'elle  tend 
des  pièges  à  ceux  qui  les  voient.»  Cette  dame, 
touchée  de  ce  discours,  se  jeta  aux  pieds  du 
saint,  le  suppliant  de  la  guérir;  et  àforce  de 
redoubler  ses  prières  et  de  protester  qu'elle 
ne  le  quitterait  point  qu'il  ne  l'eût  guérie, 
Pierre  lui  dit  :  «  Si  votre  foi  est  sincère,  ferme 
et  pleine  de  confiance,  donnez  congé  aux  mé- 
decins, renoncez  à  tous  leurs  remèdes  et  re- 
cevez celui-ci  au  nom  du  Seigneur.  »  Après 
ces  paroles  il  mit  la  main  sur  son  œil,  et 
en  faisant  le  signe  de  la  croix  il  la  guérit  en- 
tièrement. De  retour  en  sa  maison,  elle  lava 
tout  le  fard  qu'elle  avait  sur  le  visage,  quitta 
tous  ses  ornements,  et  s'habilla  depuis  ce 
jour  avec  simplicité,  sans  porter  ni  étoffes 
à  fleurs ,  ni  aucun  ornement  d'or.  Elle  em- 
brassa de  plus  une  vie  pénitente,  et  fournit  à 
Pierre  l'orge  dont  il  fit  toute  sa  nourriture 
pendant  quarante  ans,  jusqu'à  ce  qu'une  ma- 
ladie l'obhgea  de  la  prier  de  lui  envoyer  du 
pain  au  lieu  d'orge.  Saint  Pierre  fit  d'autres 
guérisons  miraculeuses  :  il  guérit  une  fille 
des  douleurs  qu'un  cancer  lui  causait. 

12.  Le  saint  abbé  ïhéodose,  outre  les  saimThéo. 
mortifications  ordinaires  aux  anachorètes,  fTl'sû!'^"' 
qui  étaient  de  coucher  sur  la  terre ,  de  ne 
porter  qu'une  tunique  de  poil  de  chèvre,  por- 
tait des  chaînes  de  fer  au  cou,  aux  reins  et 
aux  mains;  il  ne  peignait  point  ses  cheveux, 
qui  étaient  si  longs  qu'allant  plus  bas  que  ses 
pieds  il  était  contraint  de  les  attacher  autour 
de  son  corps.  Il  priait  ou  chantait  continuel- 
lement des  psaumes,  s'occupant  aussi  du  tra- 
vail des  mains,  soit  à  faire  des  corbeilles,  soit 
à  défricher  dans  le  bois  ou  à  semer  pour  pour- 
voir à  sa  nourriture.   Ses  disciples  s'occu- 


56 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sainl 
main  , 
«30. 


piiieiit  de  même  à  divers  ouvrages  qu'ils  ven- 
daient dans  les  villes  voisines  d'où  ils  rap- 
portaient en  échange  ce  qui  leur  était  néces- 
saire. Ils  avaient  pour  cela  un  petit  bateau 
sur  lequel  ils  portaient  leurs  ouvrages.  Ce 
saint  abbé  donnait  pour  raison  des  travaux 
corporels  qu'il  prescrivait  à  ceux  qui  se  ran- 
geaient sous  sa  conduite,  qu'il  serait  ridicule 
de  voir  les  gens  du  monde  travailler  avec 
tant  de  peine  non-seulement  pour  se  nourrir 
avec  leur  famille  ,  mais  aussi  pour  satisfaire 
aux  impositions  et  aux  tributs,  pour  payer  les 
dimes  et  pour  assister  les  pauvres  selon  leur 
pouvoir,  et  que  des  solitaires  ne  gagnassent 
pas  par  leur  travail  ce  qui  leur  est  nécessaire, 
et  que ,  demeurant  en  repos ,  ils  voulussent 
jouir  du  travail  des  autres.  Sa  vertu  était 
connue  même  des  Isaures,  de  sorte  que  tan- 
dis qu'ils  ravageaient  la  plus  grande  partie 
de  l'Orient,  ils  se  contentèrent ,  en  passant 
devant  le  monastère  de  cet  abbé,  de  lui  de- 
mander du  pain  et  des  prières.  Les  évêques, 
craignant  néanmoins  que  ces   barbares  ne^ 
l'emmenassent  prisonnier,  afm  d'exiger  de 
grandes  sommes  pour  sa  rançon ,  comme  ils 
en  avaient  payé  pour  deux  de  leurs  confrères, 
lui  persuadèrent  de  se  retirer  à  Autioche.  Au- 
dessus  du  monastère  qu'il  avait  bâti,  se  trou- 
vait une  roche  sèche  et  aride  dans  laquelle  il 
tailla  nn  aqueduc.  Après  que  cet  ouvrage  fut 
achevé,  il  se  leva  la  nuit  avant  que  les  frères 
fussent  éveillés  pour  l'office,  et,  plein  d'une 
foi  vive  et  d'une  ferme  confiance  en  Dieu  ,  il 
lui  adressa  sa  prière  ;  puis,  frappant  la  roche 
de  son  bâton,  elle  s'ouvrit  aussitôt  et  produi- 
sit un  ruisseau  qui,  étant  porté  par  cet  aque- 
duc jusqu'au  monastère  ,  y  fournit  des  eaux 
en  abondance,  qui  retombaient  dans  la  mer; 
ce  qui  fait  voir  encore  aujourd'hui  que  Dieu 
a  fait  à  l'abbé  Théodose  la  même  grâce  qu'à 
Moïse.  Après  sa  mort,  son  corps  fut  porté  par 
les  principaux  magistrats   d'Antioche   dans 
l'église  des  saints  martyrs,  et  mis  dans  le 
même  cercueil  que  saint  Aphraate.  Hellade 
et  Romulus  furent  depuis  supérieurs  de  son 
monastère. 
Ro-       13.  Ce  fut  encore  dans  le  voisinage  d'An- 
'"'°'   tioche  que  saint  Romain  établit  sa  demeure 
dans  une  cellule  extrêmement  petite.  Il  y  vé- 
cut longtemps  sans  user  jamais  de  feu  ni  de 
lampe,  n'ayant  pour  toute  nourriture  que  du 
pain ,  du  sel  et  de  l'eau  pure.  Ses  cheveux , 
son  habit  et  ses  chaînes  étaient  en  tout  sem- 
blables à  ceux  de  l'abbé  Théodose.  Il  faisait 
à  ceux  qui  le  venaient  voir  diverses  exhorta- 


tions sur  l'amitié  fraternelle,  l'union  et  la  paix 
dans  laquelle  il  faut  vivre  avec  tout  le  monde. 
«Il  s'en  est  rencontré,  dit  Théodoret,  que  son 
seul  regard  a  portés  à  aimer  les  choses  saintes: 
car,  qui  n'eût  été  ravi  d'admiration  en  voyant 
ce  saint,  si  affaibli  par  sa  vieillesse,  être 
chargé  volontairement  de  tant  de  chaînes, 
n'avoir  pour  tout  vêtement  qu'une  tunique  de 
poil  de  chèvre ,  et  ne  prendre  de  la  nourri- 
ture qu'autant  qu'il  en  fallait  pour  ne  pas 
mourir  !  »  Cet  historien  rapporte  de  lui  plu- 
sieurs miracles. 

14.  La  vie  de  saint  Zenon  n'était  pas  sai 
moms  pauvre.  Après  avon-  renonce  a  un 
emploi  qu'il  avait  à  la  cour  de  l'empereur 
Valens,  il  s'enferma  dans  un  sépulcre  sur  la 
montagne  d'Antioche,  n'ayant  ni  lit  ni  lampe, 
ni  feu,  ni  pot,  ni  coffre,  ni  livres;  mais  seu- 
lement de  vieux  habits,  et  des  souliers  si 
usés  qu'il  n'y  avait  pas  même  de  quoi  les 
attacher.  Il  recevait  d'un  de  ses  amis  un 
pain  de  deux  jours  l'un  et  il  allait  lui-même 
puiser  l'eau  fort  loin  de  là.  Un  jour  comme 
il  venait  de  la  fontaine,  Théodoret  le  ren- 
contra qui  portait  deux  cruches  d'eau. 
((  Comme  je  lui  demandai ,  dit  cet  historien,  où 
demeurait  l'admirable  Zenon,  il  me  répon- 
dit qu'il  ne  connaissait  point  de  solitaire 
qu'on  nommât  ainsi.  Cette  réponse  m'ayant 
fait  juger  que  c'était  lui-même,  je  le  suivis; 
étant  entré,  je  vis  un  ht  fait  avec  du  foin,  et 
un  autre  avec  des  pierres  accommodées  de 
telle  sorte  qu'on  pouvait  se  coucher  dessus 
sans  se  faire  mal.  Après  m'être  entretenu 
avec  lui  de  plusieurs  discours  de  piété,  je  le 
priai  de  me  donner  sa  bénédiction;  ce  qu'il 
refusa,  sachant  que  j'étais  lecteur,  et  que  je 
lisais  au  peuple  l'Ecriture  sainte.  Mais  enfin 
il  se  laissa  fléchir  et  offrit  pour  moi  ses  priè- 
res à  Dieu.  Tout  les  dimanches  il  se  trouvait 
avec  le  peuple  à  réghse  où  il  entendait  avec 
beaucoup  d'attention  la  parole  de  Dieu  de 
la  bouche  de  ceux  qui  l'enseignaient;  après 
avoir  reçu  la  sainte  communion,  il  s'en  re- 
tournait dans  sa  demeure  ordinaire,  où  il 
n'avait  jamais  qu'un  livre;  encore  l'emprun- 
tait-il,  et  le  rendait  après  l'avoir  lu  ;  puis  il 
en  empruntait  un  autre.  La  minorité  de  ses 
neveux  fut  cause  qu'il  ne  put  pas  vendre  son 
bien  ni  le  distribuer  aux  pauvres  comme  il 
l'aurait  souhaité;  mais  en  étant  devenu  le 
maître,  il  le  vendit,  en  distribua  une  partie,  et 
n'ayant  pu  le  leur  donner  tout  entier  à  cause 
d'une  maladie  qui  lui  survint,  il  pria  saint 
Alexandre  son  évêque  de  distribuer  l'autre.  » 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYR. 


[V<=  SIÈCLE.] 

15.  Ce  saint  anachorète,  nommé  Crito- 
pliage,  parce  qu'il  ne  mangeait  que  de  l'orge, 
se  rendit  illustre  par  ses  vertus  et  par  ses 
miracles.  11  passa  quarante-cinq  ans  sur  le 
sommet  des  montagnes,  n'ayant  d'autre  de- 
meure qu'une  profonde  caverne.  La  mère  de 
Tliéodoret  qui  avait  reçu  par  le  ministère  de 
Macédonius  de  gi-andes  grâces  de  Dieu, 
fournissait  à  sa  subsistance.  L'étant  venu 
voir  un  jour  qu'elle  était  malade,  on  lui  dit 
que  l'on  ne  pouvait  la  faire  résoudre  de 
prendre  de  la  nourriture  telle  que  son  mal 
en  demandait.  Macédonius  l'exhorta  d'obéir 
aux  médecins,  et  de  considérer  comme  un 
remède  la  nourriture  dont  elle  userait  seule- 
ment par  nécessité ,  et  non  pas  par  délica- 
tesse :  car  elle  avait  scrupule  d'en  user  à 
cause  qu'elle  avait  embrassé  la  vie  solitaire. 
«  Moi-même,  lui  dit-il,  qui,  comme  vous  le 
savez,  n'ai  durant  quarante  ans  mangé  que 
de  l'orge  ;  me  trouvant  hier  malade,  je  priai 
mon  compagnon  d'aller  chercher  et  de  m'ap- 
porter  un  petit  pain,  considérant  que  si 
je  me  laissais  mourir  faute  de  ce  secours, 
Dieu  me  demanderait  compte  de  ma  mort. 
Je  mangeai  donc  le  pain  qu'on  m'apporta; 
je  vous  prie  maintenant  de  m'en  donner 
dans  la  suite,  et  non  plus  de  l'orge.»  Flavien 
ayant  fait  venir  Macédonius  sous  prétexte  de 
quelque  accusation,  l'ordonna  prêtre  pendant 
la  célébration  du  saint  sacrifice.  La  cérémonie 
finie,  l'évêque  lui  dit  ce  qui  s'était  passé  : 
Macédonius  qui  n'en  savait  rien,  lui  en  fit 
des  reproches  et  à  tous  ceux  qui  étaient 
présents  ;  tant  il  craignait  que  cette  charge 
ne  l'obligeât  à  quitter  sa  montagne  et  son 
repos.  Le  dimanche  suivant  Flavien  le  fit 
venir  encore  à  Antioche,  et  le  pria  d'assister 
à  la  cérémonie  de  la  fête  avec  les  autres, 
n  N'êtes-vous  pas  content,  lui  dit  ce  saint 
solitaire,  de  ce  qui  s'est  déjà  passé?  Vou- 
driez-vous  encore  de  nouveau  m'ordonner 
prêtre?  »  Les  prêtres  lui  répondirent  que 
cela  ne  se  pouvait,  puisqu'on  n'imposait  ja- 
mais les  mains  qu'une  seule  fois  ;  mais  il  ne 
se  rendit  qu'après  qu'on  lui  eût  fait  com- 
prendre ce  qu'on  lui  disait.  Quelque  temps 
après  sachant  que  l'empereur  Théodose  vou- 
lait ruiner  la  ville  d'Antioche  à  cause  que 
l'on  y  avait  renversé  sa  statue,  et  celle  de 
l'impératrice  sa  femme,  Macédonius  s'adres- 
sant  aux  deux  officiers  chargés  de  porter 
aux  citoyens  de  cette  ville  l'arrêt  et  l'effet 
tout  ensemble  de  leur  ruine,  leur  dit  de 
mander  à  l'empereur  qu'il  y  avait  de  l'excès 


S7 

dans  sa  colère,  puisqu'elle  le  portait  à  faire 
périr  les  images  de  Dieu  pour  venger  l'in- 
jure faite  à  la  sienne,  et  ù  faire  mourir  des 
corps  vivants,  parce  qu'on  avait  abattu  des 
statues  de  bronze,  qu'on  était  prêt  à  réta- 
blir. Théodoret  rapporte  plusieurs  miracles 
dont  Dieu  favorisa  saint  Macédonius,  et  n'ou- 
blie point  qu'il  était  redevable  de  sa  nais- 
sance à  ses  prières.  Il  l'avait  vu  souvent,  et 
dit  que  pour  l'exhorter  à  bien  faire,  ce  saint 
homme  lui  disait  :  «  Mon  fils,  vous  êtes  venu 
au  monde  par  beaucoup  de  travaux;  j'ai 
passé  plusieurs  nuits  sans  demander  autre 
chose  à  Dieu,  sinon  que  ceux  de  qui  vous 
tenez  la  vie,  portassent  le  nom  que  votre 
naissance  leur  a  donné  :  répondez  donc  par 
vos  actions  à  tant  de  peines  et  à  tant  de  grâ- 
ces. Vous  n'aviez  pas  encore  vu  le  jour  que 
votre  mère  vous  avait  consacré  à  Dieu.  Or 
les  choses  qui  lui  sont  ofl'ertes  doivent  être 
respectées  de  tout  le  monde  et  séparées  du 
commun  des  hommes.  »  Saint  Macédonius 
fut  enterré  à  Antioche  dans  l'église  des  mar- 
tyrs. 

16.  Théodoret  passe  sous  silence  Sévère, 
Pierre  d'Egypte  et  un  grand  nombre  de  so- 
litaires, dont  la  piété  avait  éclaté  dans  An- 
tioche, pour  ne  s'arrêter  qu'à  ceux  qui  avaient 
vécu  dans  le  diocèse  de  Cyr.  Il  met  en  pre- 
mier lieu  Maysime  qui  était  chargé  de  la 
desserte  d'une  église  dans  un  bourg,  fonction 
dont  il  s'acquitta  si  dignement  qu'il  ne  disait 
et  ne  faisait  rien  qui  ne  fût  conforme  à  la  loi 
de  Dieu.  Il  fut  longtemps  sans  ehanger  d'ha- 
bit et  de  manteau,  se  contentant  d'y  mettre 
des  pièces  lorsqu'ils  étaient  déchirés.  Sa 
porte  était  toujours  ouverte  aux  étrangers  et 
aux  pauvres.  Ou  dit  qu'il  avait  deux  muids 
l'un  de  blé  et  l'autre  d'huile,  qui  ne  désem- 
plissaient jamais,  quoiqu'il  en  donnât  sans 
cesse  à  tous  ceux  qui  en  avaient  besoin.  II 
guérit  par  ses  prières  l'enfant  d'une  dame 
abandonné  des  médecins,  et  fit  quelques  au- 
tres miracles. 

17.  Acépésim  reclus  dans  le  même  dio- 
cèse passa  soixante  ans  dans  une  cellule  sans 
voir,  ni  sans  parler  à  personne.  On  lui  ap- 
portait une  fois  la  semaine  des  lentilles  trem- 
pées dans  de  l'eau,  par  un  trou  percé  obli- 
quement, afin  qu'on  ne  pût  voir  à  travers 
dans  le  lieu  où  il  était.  Il  sortait  la  nuit  pour 
aller  puiser  de  l'eau  dans  une  fonlaine  pro- 
che de  sa  cabane.  Un  jour  il  fut  rencontré 
par  un  berger,  qui,  le  voyant  marcher  à 
quatre  pattes,  à  cause  de  la  quantité  de 


Saint  May- 
sime, p.  841. 


Saint  Acé- 
pésim, pag. 
843. 


S8 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  ADTEUaS  ECCLÉSLASTIQUES. 


chaînes  dont  il  était  chargé,  le  prit  pour  un 
loup,  et  voulut  lui  jeter  une  pierre  avec  sa 
fronde;  mais  sa  main  et  sa  fronde  s'arrêtè- 
rent. Un  autre  ayant  eu  la  curiosité  de  mon- 
ter sur  un  arbre  pour  voir  ce  qu'Acépésim 
faisait  dans  sa  cellule,  devint  perclus  de  la 
moitié  du  corps,  et  ne  recouvra  la  santé 
qu'après  avoir  fait  abattre  cet  arbre.  Son 
évêque  étant  venu  le  visiter,  l'ordonna  prê- 
tre; ce  que  ce  saint  homme  n'accepta  que 
parce  qu'il  savait  qu'il  n'avait  plus  que  peu 
de  jours  à  vivre.  Comme  les  bourgs  d'alen- 
tour contestaient  à  qui  emporterait  son  corps, 
il  vint  un  homme  qui  termina  leur  différend, 
en  disant  que  le  saint  l'avait  obligé  par  ser- 
ment de  l'enterrer  en  ce  lieu  là. 
Saint  Ma-       jg.  Daus  la  même  province,  un  solitaire 

ron,  pag.  845.  '^  ' 

nommé  Maron  ayant  résolu  de  passer  sa  vie 
à  découvert,  se  logea  sur  le  haut  d'une  mon- 
tagne où  il  consacra  à  Dieu  un  temple  autre- 
fois dédié  au  démon.  Dieu  lui  accorda  le  don 
de  guérir  non-seulement  les  maladies  corpo- 
relles ,  mais  aussi  les  spirituelles ,  faisant 
cesser  l'avarice  de  l'un,  et  la  colère  de  l'au- 
tre; instruisant  l'un  dans  les  règles  de  la 
tempérance,  et  donnant  des  préceptes  à  l'au- 
tre pour  vivre  selon  la  justice.  Les  habitants 
d'un  bourg  voisin  emportèrent  son  corps 
après  sa  mort,  puis  lui  bâtirent  une  église, 
où,  en  suite  des  honneurs  publics  et  solennels 
qu'ils  lui  rendaient,  ils  recevaient  par  son 
intercession  des  grâces  très-abondantes. 
saiDtAbra-  19.  Salut  Abraham  ayant  appris  que  l'im- 
lam,  p.  ,  .  ^.^^^  régnait  dans  le  bourg  de  Lybane,  y 
alla  avec  quelques-uns  de  ses  compagnons 
pour  tâcher  de  le  convertir.  Ayant  com- 
mencé à  chanter  assez  bas  le  divin  office 
dans  une  maison  qu'ils  avaient  louée,  les 
habitants  accoururent  et  jetèrent  par-dessus 
le  toit  une  grande  quantité  de  poudre.  Mais 
voyant  que  ces  solitaires  prêts  d'être  suffo- 
qués, ne  pensaient  à  autre  chose  qu'à  prier 
Dieu,  ils  les  retirèrent  du  milieu  de  cette 
poussière,  et  leur  commandèrent  de  sortir 
du  bourg  à  l'heure  même.  Cependant  il  ar- 
riva des  sergents  qui,  pour  obliger  les  habi- 
tants à  payer  la  taille,  enchaînaient  les  uns 
et  battaient  les  autres  :  sur  quoi  Abraham 
pria  ces  sergents  d'exécuter  avec  moins  de 
rigueur  leur  commission.  Les  habitants  sur- 
pris d'une  si  extrême  bonté  dans  un  homme 
qu'ils  venaient  de  maltraiter,  le  conjurèrent 
d'être  leur  seigneur;  car  ce  bourg  n'en  avait 
point.  Le  saint  qui,  pour  adoucir  les  ser- 
gents, g'étalt  cautionné  pour  cent  écus,  les 


emprunta  d'un  de  ses  amis  dans  la  ville  d'E- 
messe.  Ceux  de  Lybane,  voyant  sa  prompti- 
tude à  s'acquitter  de  sa  promesse,  le  pressè- 
rent de  nouveau  de  vouloir  être  leur  sei- 
gneur. Abraham  y  consentit,  mais  à  condition 
qu'ils  bâtiraient  une  église.  Lorsqu'elle  fut 
achevée,  il  leur  dit  de  jeter  les  yeux  sur  un 
prêtre;  à  quoi  ils  répondirent  qu'ils  n'en 
voulaient  point  d'autre  que  lui-même  qu'ils 
élisaient  tous  pour  être  ensemble  et  leur 
pasteur  et  leur  père  ;  ainsi  il  se  trouva  oWigé 
d'accepter  le  sacerdoce.  Après  avoir  passé 
trois  ans  avec  eux,  et  les  avoir  instruits  dans 
la  religion,  il  mit  un  de  ses  compagnons  à 
sa  place,  et  retourna  dans  sa  solitude.  Mais 
la  réputation  de  ses  vertus  le  fit  appeler  à 
l'épiscopat  de  Carres,  ville  adonnée  au  culte 
des  démons.  Il  l'en  retira  par  ses  prédica- 
tions, par  ses  ijrières  et  par  ses  bons  exem- 
ples, ne  s'étant  relâché  en  rien  de  ses  an- 
ciennes austérités  pendant  tout  le  temps 
qu'il  fût  évêque.  11  recevait  les  étrangers 
avec  beaucoup  d'humanité,  leur  faisant  don- 
ner ce  qu'il  trouvait  de  mieux  en  pain,  en 
vin,  en  poisson,  en  légumes,  et  de  forts  bons 
lits.  Il  leur  servait  lui-même  à  manger,  et  leur 
présentait  à  boire.  Il  passait  les  journées  en- 
tières à  accorder  les  différends,  s'appliquant 
surtout  k  protéger  ceux  à  qui  l'on  faisait  du 
tort.  L'empereur  l'ayant  envoyé  chercher, 
lui  rendit  toute  sorte  d'honneur.  L'impéra- 
trice lui  baisa  les  mains,  lui  embrassa  les 
genoux  et  se  recommanda  à  ses  prières.  Son 
corps  après  sa  mort  fut  porté  à  Antioche,  et 
de  là  à  Carres,  l'empereur  ayant  ordonné 
que  le  pasteur  fût  rendu  à  son  troupeau. 

20.  Saint  Eusèbe  n'avait  pour  tout  habit  c,^^^^  g^. 
qu'une  peau  ;  sa  nourriture  ordinaire  était  ^^''''  p-  *'"'■ 
des  pois  chiches  et  des  fèves  trempées  dans 

l'eau.  Quelquefois  il  ajoutait  des  figues  pour 
soulager  la  faiblesse  de  son  corps.  L'hiver  il 
demeurait  exposé  au  plus  grand  froid,  l'été 
aux  plus  ardentes  chaleurs.  Ses  austérités 
l'atténuèrent  de  telle  sorte  que  sa  ceinture 
ne  pouvant  plus  tenir  sur  ses  reins,  il  fut 
obligé  de  la  coudre  à  sa  tunique,  pour  l'em- 
pêcher de  tomber.  11  fut  longtemps  sans  vou- 
loir recevoir  de  visite  que  de  Théodoret, 
qu'il  entretenait  toujours  des  choses  divines. 
On  dit  qu'il  passa  un  carême  sans  manger 
autre  chose  que  quinze  figues. 

21 .  Saint  Salanan  ne  recevait  qu'une  seule  ^^.^^^  5,,^. 
fois  par  un  trou,  qu'il  avait  creusé  sous  sa  """p^swa. 
cabane,  de  quoi  se  nourrir  toute  l'année, 
sans  parler  jamais  à  personne.  L'évêque  dio- 


[V  SIÈCLE. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYR. 


39 


césain  ayant  résolu  de  le  faire  prêtre,  lui 
parla  assez  longtemps  des  grâces  dont  Dieu 
le  favorisait.  Mais  n'ayant  pu  tirer  de  lui  au- 
cune parole,  il  se  retira,  et  fit  boucher  l'ou- 
verture qu'il  avait  faite  dans  sa  petite  maison 
pour  y  entrer.  Les  habitants  du  bourg  où  il 
était  né,  vinrent  une  nuit  l'enlever,  sans 
qu'il  témoignât  ni  s'y  opposer  ni  y  consentir, 
et  lui  bâtirent  un  logement  semblable  au 
sien.  11  n'y  demeura  pas  longtemps.  Ceux  du 
bourg  qu'il  avait  quitté  rompirent  la  maison 
et  le  ramenèrent  chez  eux,  sans  qu'il  fit  au- 
cune résistance  pour  demeurer  dans  le  lieu 
de  sa  naissance,  ni  qu'il  témoignât  aucun 
désir  de  retourner  au  lieu  dont  on  Favait  tiré 
d'abord. 

22.  Théodoret  qui  avait  connu  particuliè- 
rement ce  saint  solitaire,  dit,  qu'étant  jeune 
il  avait  la  voix  excellente;  qu'il  avait  chanté 
en  plusieurs  solennités  des  martyrs,  et  ravi 
le  peuple  par  son  chant;  qu'il  conserva  long- 
temps sa  voix  fort  nette;  et  quoiqu'il  fût 
très-beau  de  visage,  ni  la  beauté  de  sa  voix, 
ni  la  beauté  de  son  visage,  ni  la  fréquenta- 
tion du  monde  ne  diminuèrent  rien  de  la 
beauté  de  son  âme.  Son  vêtement,  depuis 
qu'il  avait  embrassé  la  vie  d'anachorète,  con- 
sistait dans  une  peau  de  chèvre,  et  sa  nour- 
riture dans  un  peu  de  pain  et  de  sel.  Ayant 
un  jour  souhaité  de  voir  célébrer  le  saint 
sacrifice,  il  pria  Théodoret  de  dire  la  messe 
dans  sa  cellule.  L'évêque  y  consentit,  et 
ayant  envoyé  chercher  les  vases  sacrés  dans 
une  église  du  voisinage,  il  offrit  le  divin  et 
salutaire  sacrifice  en  se  servant  aulieu  dau- 
tel,  des  mains  des  diacres. 

23.  Tous  les  saints  solitaires  dont  nous 
venons  de  parler,  étaient  morts,  lorsque 
Théodoret  écrivait  leur  Vie. Ceux  dont  il  parle 
ensuite  vivaient  encore.  Le  premier  est  saint 
Jacques,  disciple  de  saint  Maron.  Ses  austé- 
rités surpassèrent  celles  de  son  maître,  vi- 
vant dans  un  lieu  où  il  n'avait  pour  toute 
couverture  que  le  ciel.  Il  portait  de  grosses 
chaînes  autour  de  ses  reins  et  de  son  cou. 
Celle-ci  avait  un  anneau  d'où  partaient  qua- 
tre autre  chaînes,  dont  deux  se  croisaient 
sur  le  dos  et  deux  sur  l'estomac.  D'autres 
chaînes  qu'il  avaitsur  les  poignets  jusqu'aux 
coudes  faisaient  sur  ses  bras  la  même  figure. 
Théodoret  s'en  étant  aperçu  en  couchant  au- 
près de  lui,  dans  une  maladie  dont  ce  saint 
était  attaqué  depuis  plusieurs  jours,  le  pria 
de  se  décharger  d'un  si  grand  poids,  et  de 
donner  quelque  relâche  à  son  corps  épuisé 


de  la  fièvre  :  le  saint  lui  obéit.  Dans  une  autre 
maladie  qui  lui  survint  quelque  temps  après, 
Théodoret  eut  bien  de  la  peine  à  le  résoudre 
à  prendre  un  verre  de  tisane.  11  lui  persuada 
aussi  de  laver  ses  pieds,  qui,  parleur  extrême 
faiblesse,  avaient  perdu  l'usage  démarcher. 
Il  arrivait  quelquefois  qu'étant  couché  par 
terre  en  priaut  Dieu,  la  neige  tombant  du- 
rant trois  jours  et  trois  nuits,  le  couvrait  de 
telle  sorte  qu'on  ne  voyait  que  S5s  habits, 
jusqu'à  ce  que  les  habitants  des  lieux  voisins 
l'ôtassent  avec  des  bêches,  et  le  retirassent 
de  là.  Il  rendit  par  ses  prières  la  santé  aux 
malades,  et  la  vie  à  un  enfant  mort;  ce  fut 
en  recourant  aussi  à  ses  prières  que  Théo- 
doret purgea  son  diocèse  de  l'hérésie  des 
marcionites.  Cet  évêque  avait  reçu  solennel- 
lement avec  son  clergé  les  reliques  de  saint 
Jean-Baptiste,  qui  lui  avaient  élé  apportées 
de  Phénicie  et  de  Palestine.  Le  saint  ana- 
chorète eut  quelque  doute  si  ces  reliques 
étaient  véritablement  du  grand  saint  Jean 
ou  de  quelque  autre  martyr,  qui  portât  le 
même  nom.  Il  en  fut  repris  dans  une  vision, 
et  vit  saint  Jean  qui  l'assura  qu'elles  étaient 
de  lui.  Sur  quoi  il  pria  Théodoret  de  les  lui 
apporter,  pour  satisfaire  au  désir  extrême 
qu'il  avait  de  les  baiser.  On  lui  fit  une  grande 
chapelle  dans  le  bourg  le  plus  proche  de  sa 
montagne,  et  Théodoret  lui  fit  faire  un  tom- 
beau dans  l'église  des  Apôtres.  Le  saint  qui 
vivait  encore  le  pria  de  lui  donner  la  sépul- 
ture sur  la  montagne,  Théodoret  y  fit  donc 
transporter  ce  tombeau  qu'il  fit  environner 
d'une  petite  chapelle  parce  que  les  pierres 
se  gâtaient  à  l'air.  Quand  saint  Jacques  la 
vit  couverte,  il  lui  dit  :  «  Je  ne  souffrirai  ja- 
mais qu'on  appelle  ceci  le  tombeau  de  Jac- 
ques; mais  je  désire  qu'il  porte  le  nom  de 
la  Chapelle  des  saints  et  victorieux  martyrs, 
et  qu'on  me  mette  auprès  d'eux  dans  un  au- 
tre cercueil,  comme  un  pauvre  à  qui  ils  font 
la  grâce  de  le  recevoir  chez  eux.  »  C'est  ce 
qu'il  exécuta  en  efl:et  :  car  ayant  rassemblé 
de  tous  côtés  des  reliques  de  plusieurs  pro- 
phèteSj  de  plusieurs  apôtres  et  d'un  très- 
grand  nombre  de  martyrs,  il  les  mit  dans  le 
tombeau  que  Théodoret  avait  fait  faire,  s'es- 
timant  heureux  d'avoir  quelque  place  dans 
le  lieu  où  se  trouvaient  tant  de  saints,  pour 
ressusciter  et  jouir  un  jour  avec  eux  de  la 
présence  de  Dieu. 

2-4.  Théodoret  dit  de  saint  Thalasse  que 
c'était  un  homme  orné  de  plusieurs  grandes 
vertus,    qu'il    excellait    principalement   sur 


Saint  Tis- 
lasse  et  saint 
Lymnée,  pae. 


60 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tous  les  solitaires  de  son  temps  en  simplicité 
et  en  modestie,  comme  il  l'avait  appris,  non- 
seulement  sur  le  rapport  d'autrni,  mais  par 
sa  propre  expérience.  Ce  saint  eut  pour  dis- 
ciple Lymnée  dont  le  nom  devint  très-célè- 
bre. La  première  leçon  qu'il  lui  donna  fut 
de  garder  le  silence;  ce  que  Lymnée  ob- 
serva avec  tant  d'exactitude  qu'il  fut  très- 
longtemps  sans  dire  une  seule  parole  à  qui 
que  ce  fût.  Il  se  mit  aussi  sous  la  conduite 
de  saint  Maron  oii  il  profita  beaucoup.  Puis 
ayant  fixé  sa  demeure  sur  le  sommet  d'une 
montagne  qui  est  au-dessus  d'un  bourg  ap- 
pelé Targale,  il  s'y  logea  à  côté  d'un  petit 
mur  dont  if  ferma  la  porte  qu'il  n'ouvrait 
jamais  qu'à  Théodoret.  Mais  il  parlait  à  ceux 
qui  venaient  le  voir  par  une  petite  fenêtre, 
et  leur  donnait  sa  bénédiction  qui  rendait  la 
santé  aux  malades.  Souvent  aussi  il  chassait 
les  démons  en  invoquant  le  nom  de  notre 
Sauveur,  et  faisait  les  mêmes  mii'acles  qu'o- 
péraient autrefois  les  Apôtres.  Lorsqu'il  se 
trouvait  lui-même  incommodé,  il  n'avait  pas 
recours  à  la  médecine,  mais  il  se  guérissait 
par  la  vertu  de  la  prière,  du  signe  de  la 
croix  et  du  nom  de  Jésus-Christ.  Ce  fut  par 
ce  remède  salutaire  qu'il  se  guérit  un  jour 
de  la  morsure  d'une  vipère.  Le  désir  d'être 
utile  à  plusieurs  l'engagea  à  rassembler  au- 
près de  lui  des  aveugles  et  des  pauvres,  à 
qui  il  fit  deux  logements  pour  les  retirer,  l'un 
du  côté  du  soleil  levant,  et  l'autre  du  côté 
du  soleil  couchant.  Il  leur  ordonna  de  louer 
Dieu,  et  pourvut  à  leur  nourriture,  en  exhor- 
tant ceux  qui  le  venaient  voir  d'en  prendre 
soin.  11  demeurait  reclus  au  milieu  de  ces 
logements,  d'où  il  excitait  les  uns  et  les  au- 
tres à  chanter  les  louanges  du  Seigneur;  ce 
qu'ils  faisaient  sans  cesse, 
sainijean,  23.  La  nourrlturc,  le  vêtement  et  les  chaî- 
p^'s'i .'s'ain't  nés  de  saint  Jean,  étaient  les  mêmes  que 
pfi'ycïoîi'ê.'  celles  des  solitaires,  dont  nous  avons  déjà 
parlé.  Il  était  si  au-dessus  des  consolations 
humaines,  que  pour  se  priver  de  l'ombrage 
que  lui  donnait  un  amandier,  il  le  fit  couper. 
Moïse,  Antioque  et  Antonin  vivaient  aussi 
d'une  manière  très-austère,  ne  se  laissant 
ébranler  en  aucune  manière  par  la  faiblesse 
de  leurs  corps  dans  leurs  travaux,  et  leurs 
prières  continuelles.  On  dit  que  Zébin  sur- 
passait tous  les  hommes  de  son  temps  en 
assiduité  à  prier,  y  employant  les  nuits  et 
les  jours  entiers  avec  une  fei-veur  toujours 
nouvelle.  Après  sa  mort  l'on  bâtit  une  grande 
église  dans  le  bourg  proche  de  sa  demeure 


nommé  Citte,  où  l'on  mit  son  cercueil.  Les 
malades  qui  s'en  approchaient  avec  foi,  y 
étaient  guéris.  On  mit  dans  la  même  église 
les  corps  de  quelques  autres  saints ,  qui 
avaient  reçu  dans  la  Perse  la  couronne  du 
martyre,  et  en  l'honneur  desquels,  dit  Théo- 
doret, nous  faisons  tous  les  ans  un  office  et 
un  service  solennel.  Il  n'avait  pas  vu  Zébin, 
mais  il  avait  conversé  avec  Polycrone  son 
disciple,  embrasé  comme  son  maître  du  feu 
de  l'amour  divin.  Il  passait  les  nuits  entières 
debout,  occupé  de  la  prière,  de  la  contem- 
plation et  de  la  méditation  des  choses  divi- 
nes. Théodoret,  le  voyant  accablé  de  vieillesse 
et  de  faiblesse,  sans  recevoir  ni  services  ni 
soulagements  de  qui  que  ce  fût,  persuada 
à  deux  solitaires  qui  demeuraient  séparé- 
ment proche  de  là,  de  donner  leurs  soins  à 
ce  grand  serviteur  de  Dieu.  Ne  pouvant  sup- 
porter de  passer  avec  lui  les  nuits  entières 
debout,  ils  le  prièrent  de  proportionner  ses 
travaux  à  la  faiblesse  de  son  corps.  «  Je  ne 
prétends  point,  leur  répondit-il,  vous  con- 
traindre à  demeurer  debout  comme  m.oi, 
mais  je  vous  ordonne  de  vous  coucher  sou- 
vent. »  La  crainte  de  la  vanité  l'empêcha  de 
se  charger  de  chaînes  de  fer.  En  échange  il 
se  fit  apporter  une  grosse  racine  de  chêne, 
sous  prétexte  d'en  avoir  besoin,  et  la  met- 
tant la  nuit  sur  ses  épaules,  il  priait  Dieu  en 
cet  état,  ce  qu'il  faisait  aussi  durant  le  jour 
lorsqu'il  était  seul.  Théodoret  assure  que 
cette  racine  était  si  pesante,  qu'il  eut  peine 
à  la  lever  avec  ses  deux  mains.  Il  raconte  de 
lui  plusieurs  miracles,  et  loue  surtout  sa 
modestie  et  sa  charité. 

26.  Il  ne  s'étend  pas  beaucoup  sur  saint     saimAsciê- 
Asclépie,  se  contentant  de  dire  que  demeu-  p""'P''b™- 
rant  à  dix  stades  de  chemin  de  saint  Poly- 
crone, il  avait  embrassé  sa  manière  de  vivre, 

sa  nourriture,  son  vêtement,  sa  modestie,  sa 
douceur,  son  attention  à  recevoir  les  étran- 
gers, son  amour  envers  les  frères  et  son  ap- 
plication à  Dieu.  Il  eut  pour  disciple  un 
nommé  Jacques,  que  ses  austérités  n'empê- 
chèrent pas  de  vivre  au-delà  de  quatre-vingt- 
dix  ans.  Il  répondait  par  un  trou  fort  étroit 
à  ceux  qui  venaient  le  consulter,  sans  user 
jamais  de  feu  dans  sa  cellule,  et  sans  y  allu- 
mer de  lampe. 

27.  Saint  Siméon  était  né  dans  un  bourg  g^■^^  s,. 
nommé  Sisa,  sur  les  confins  de  la  province  "'âve.^^'jM 
de  Cyr  et  de  la  Cilicie .  Sa  première  occupation  353  euVï.^' 
fut  de  mener  paître  des  brebis.  Etant  un  jour 

à  l'église,  il  entendit  lire  ces  paroles  :  Bien- 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORE!,  EVEQUE  DE  CYR. 


61 


heureux  sont  ceux  qui  pleurent,  et  malheureux 
ceux  qui  rient  ;  bienheureux  sont  ceux  qui  ont 
le  cœur  pur.  N'en  comprenant  pas  bien  le 
sens,  il  le  demanda  à  un  de  ceux  qui  étaient 
présents,  lequel  lui  répondit,  que  la  vie  re- 
tirée et  solitaire  était  la  plus  propre  pour  ac- 
quérir une  vertu  solide.  Siméon  fut  confirmé 
dans  cette  vérité,  par  une  vision  qu'il  eut 
étant  dans  une  église  des  saints  martyrs.  11 
prit  donc  la  résolution  de  se  retirer  dans  un 
monastère.  11  y  demeura  deux  ans  et  passa 
ensuite  dans  un  autre,  où  il  vécut  dix  ans, 
ayant  pour  compagnons  de  ses  combats  qua- 
tre-vingts moines;  mais  il  les  surpassait  tous, 
car  les  autres  mangeant  de  deux  jours  l'un, 
lui  seul  ne  mangeait  qu'une  fois  la  semaine. 
Ses  supérieurs  l'en  reprirent  souvent  comme 
d'un  excès,  mais  il  ne  put  se  résoudre  à  mo- 
dérer cette  austérité.  Il  y  en  ajouta  une  se- 
conde, qui  fut  de  se  ceindre  sur  la  chair  avec 
une  corde  faite  de  feuilles  de  palmier.  Au 
bout  de  dix  jours,  cette  corde  qu'il  avait  trop 
serrée,  fit  sortir  de  son  corps  le  sang  à  gros- 
ses gouttes.  Les  frères  s'en  étant  aperçus,  la 
lui  arrachèrent  ;  mais  ils  ne  purent  lui  per- 
suader de  rien  faire  pour  se  guérir.  Ils  prirent 
occasion  de  ses  austérités  pour  le  faire  sortir 
de  la  maison,  disant  qu'elles  pourraient  nuire 
à  ceux  qui  n'auraient  pas  la  force  d'en  sup- 
porter de  semblables,  et  qui  pourraient  tou- 
tefois entreprendre  de  les  imiter.  Siméon 
prit  le  chemin  du  lieu  le  plus  désert  de  la 
montagne,  où  ayant  trouvé  un  puits  sec,  il  y 
descendit.  Là  il  chantait  les  louanges  de 
Dieu,  lorsque  cinq  jours  après  sa  sortie,  deux 
frères  de  son  monastère  vinrent  l'en  retirer 
par  ordre  de  leur  supérieur  qui  s'était  re- 
penti de  l'avoir  fait  sortir.  De  retour  à  son 
monastère,  il  n'y  demeura  que  peu  de  temps, 
résolu  d'aller  fixer  sa  demeure  près  d'un 
bourg  nommée  Thélanisse.  Il  y  demeura  trois 
ans,  reclus  dans  une  cabane,  travaillant  sans 
cesse  à  s'enrichir  de  plus  en  plus  des  vertus 
célestes.  Le  désir  d'imiter  le  jeûne  de  Moïse 
et  d'Elie,  lui  fit  entreprendre  de  passer  le 
carême  entier  sans  boire  ni  manger.  Un  saint 
homme  nommé  Bassus  à  qui  il  en  confia  le 
secret,  fit  ce  qu'il  put  pour  le  détourner  de 
cette  entreprise.  «  Mon  père,  lui  dit  Siméon, 
donnez-moi  donc,  s'il  vous  plaît,  dix  pains  et 
une  cruche  d'eau  pour  m'en  servir,  si  j'en  ai 
besoin.  »  La  porte  de  sa  cellule  fut  bou- 
chée comme  il  l'avait  souhaité  ;  mais  lorsque 
les  quarante  jours  furent  passés,  Bassus  la 
déboucha,  et  étant  entré,  il  trouva  tous  les 


pains  et  l'eau  qu'il  y  avait  mis,  et  le  saint 
couché  par  terre,  sans  parole  et  sans  mou- 
vement, comme  s'il  n'eût  plus  eu  de  vie. 
Ayant  trempé  une  éponge  dans  de  l'eau,  il 
lui  en  arrosa  la  bouche,  puis  lui  donna  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  :  car  Bassus 
était  initié  dans  le  sacerdoce,  et  chargé  de 
la  conduite  de  plusieurs  prêtres.  Siméon  for- 
tifié par  la  communion  sacrée,  se  leva  et  prit 
un  peu  de  nourriture  en  suçant  des  laitues, 
de  Li  chicorée  et  quelques  autres  légumes. 
Depuis  ce  temps-là,  il  passa  tous  les  carêmes 
sans  manger.  Les  premiers  jours,  il  se  tenait 
debout,  chantant  les  louanges  de  Dieu  ;  les 
jours  suivants,  son  corps  affaibh  par  le  jeûne, 
n'ayant  plus  la  force  de  se  tenir  en  cet  état, 
il  demeurait  assis,  et  disait  ainsi  son  office  ; 
mais  les  derniers  jours,  ses  forces  étant  en- 
tièrement abattues  et  se  trouvant  comme  à 
demi-mort,  il  était  contraint  de  se  couclier 
par  terre.  Après  s'être  ainsi  exercé  pendant 
plusieurs  années.  Dieu  le  fortifia  tellement 
par  la  puissance  de  sa  grâce,  qu'il  passait 
tous  ces  quarante  jours  avec  une  joie  sans 
égale.  Ayant  passé  du  bas  de  la  montagne 
sur  le  sommet,  il  le  fit  environner  d'une  mu- 
raille, et  ayant  fait  faire  une  chaîne  de  fer 
qui  avait  vingt  coudées  de  longueur,  il  s'en 
fit  attacher  un  bout  au  pied  droit,  et  l'autre 
à  une  grosse  pierre,  afin  de  ne  pouvoir, 
même  quand  il  le  voudrait,  sortir  de  ces  li- 
mites. Saint  Mélèce  alors  patriarche  d'An- 
tioche,  lui  ayant  représenté  que  cette  chaîne 
était  inutile  pour  l'engager  à  demeurer  en 
ce  lieu,  s'il  en  avait  la  volonté,  il  consentit  à 
la  faire  rompre.  Comme  on  avait  rais  un 
morceau  de  cuir  entre  deux  pour  empêcher 
que  la  chaîne  n'entrât  dans  sa  chair,  le  ser- 
rurier en  rompant  cette  chaîne  trouva  plus 
d'une  vingtaine  de  vers  cachés  dessous,  le 
saint  voulant  s'accoutumer  par  les  piqûres 
importunes  de  ces  insectes,  à  supporter  de 
plus  grandes  souffrances.  La  réputation  de 
Siméon  se  répandant  partout,  les  peuples 
accouraient  de  toute  part  pour  le  voir.  Il  en 
venait  non-seulement  de  la  province  de  Cyr, 
mais  on  y  voyait  encore  des  Ismaélites,  des 
Perses,  des  Arméniens,  des  (bériens,  des 
Ethiopiens,  des  Espagnols,  des  Anglais,  des 
Gaulois,  et  d'autres  peuples  plus  éloignés.  Il 
était  si  célèbre  dans  Rome  que  les  habitants 
mettaient  son  image  à  l'entrée  de  leurs  bou- 
tiques, comme  pour  chercher  de  l'assurance 
et  de  l'appui  dans  sa  protection  et  dans  son 
secours.  Il  se  faisait  de  grands  miracles  au- 


62 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


près  de  sa  demeure  ;  les  uns  y  obtenaient  la 
guérison  des  paralytiques  qu'ils  y  avaient 
amenés;  les  autres  celle  de  diverses  mala- 
dies. Pour  éviter  les  honneurs  excessifs  qu'on 
lui  rendait,  en  touchant  les  peaux  dont  il  était 
revêtu,  par  la  croyance  qu'elles  renfermaient 
quelque  bénédiction,  il  s'avisa  de  demeurer 
sur  une  colonne  qu'il  fit  d'abord  de  six  cou- 
dées de  haut,  puis  de  douze,  ensuite  de  vingt- 
deux,  et  enfin  de  trente-six.  Cette  lampe  si 
éclatante  étant  exposée  de  la  sorte,  comme 
sur  un  chandelier  fort  élevé,  jeta  ses  rayons 
de  toute  paît.  On  vit  des  troupes  d'Ismaélites 
de  deux  et  trois  cents,  et  quelquefois  de  mille 
personnes,  abjurer  en  sa  présence  l'idolâtrie, 
recevoir  le  baptême  et  embrasser  avec  révé- 
rence les  divins  mystères  de  notre  foi. 

Théodoret  qui  en  avait  été  témoin  oculaire, 
se  trouva  un  jour  dans  un  extrême  péril  :  car 
le  saint  ayant  commandé  à  ces  barbares  d'al- 
ler à  lui  pour  recevoir  la  bénédiction  épisco- 
pale,  ils  se  jetèrent  en  foule  sur  lui,  les  uns 
le  tirant  par  devant,  les  .autres  par  derrière, 
et  les  autres  par  les  côtés.  «  Ils  m'arrachaient 
la  barbe,  dit  Théodoret,  et  déchiraient  mes 
habits,  en  sorte  qu'ils  m'auraient  étouffé,  si 
le  saint  ne  leur  eût  crié  de  se  retirer;  à  quoi 
ils  obéirent  tous  à  l'heure  même.  »  Cet  his- 
torien avait  aussi  été  témoin  des  miracles 
suivants  :  Un  gouverneur  des  Sarrasins  étant 
venu  prier  Siméon  de  guérir  un  paralytique, 
le  fit  apporter  devant  lui  en  présence  de  tout 
le  monde  :  le  saint  commanda  au  paraly- 
tique de  renoncer  à  l'impiété  de  ses  pères;  ce 
qu'il  fit  de  bon  cœur  ;  le  saint  lui  demanda 
alors  s'il  croyait  au  Père,  au  Fils,  au  Saint- 
Esprit;  le  malade  répondit  qu'oui.  «  Je  vous 
commande  donc,  enleurnom,  de  vous  lever,» 
ajouta  le  saint.  Le  malade  se  leva  à  ces  pa- 
roles parfaitement  guéri.  Un  Ismaélite  qui 
avait  promis  à  Dieu  en  présence  du  saint,  de 
ne  manger  jamais  rien  qui  eût  eu  vie,  depuis 
qu'il  avait  embrassé  la  foi  de  Jésus-Christ, 
tua  une  poule  et  en  mangea.  Dieu  voulant 
lui  faire  connaître  sa  faute,  et  honorer  en 
même  temps  son  serviteur,  témoin  du  vœu 
de  cet  Ismaélite,  changea  en  pierre  le  reste 
de  la  chair  de  cette  poule.  Celui-ci  etfrayé, 
accourut  vers  le  saint,  à  qui  il  découvrit  son 
péché  en  implorant  son  secours  pour  en  ob- 
tenir pardon  de  Dieu.  «  Plusieurs,  dit  Théo- 
doret, virent  ce  miracle,  et  touchèrent  de 
leurs  propres  mains  l'estomac  de  cette  poule, 


dont  une  partie  était  d'os  et  l'autre  de  pierre, 
Pour  moi,  ajoute-t-il,  non-seulement  j'ai  vu 
ce  prodige;  mais  je  l'ai  ouï  prédire  une  ex- 
trême sécheresse  deux  ans  avant  qu'elle  ar- 
rivât. Il  me  prédit  aussi  qu'un  homme  qui 
me  persécutait,  me  laisserait  en  repos  dans 
quinze  jours;  l'effet  confirma  sa  prédiction. 
Le  roi  de  Perse  lui  envoya  des  personnes  de 
sa  part  pour  lui  marquer  son  respect,  et  la 
reine  sa  femme  obtint  un  enfant  par  ses 
prières.  Aussitôt  qu'elle  fut  en  état  de  sortir, 
elle  mena  ce  jeune  prince  à  l'homme  de 
Dieu,  pour  recevoir  sa  bénédiction.  Les  jours 
de  fêtes.  Saint  Siméon  demeurait  en  prières 
les  mains  élevées  vers  le  ciel,  depuis  le  cou- 
cher du  soleil  jusqu'à  son  lever,  sans  jamais 
fermer  les  paupières  ni  chercher  le  moindre 
repos.  Toujours  plein  de  modestie  et  de  dou- 
ceur, il  répondait  avec  bonté  aux  pauvres, 
aux  artisans,  et  généralement  à  Ions  ceux 
qui  venaient  lui  parler.  Il  faisait  des  exhor- 
tations deux  fois  chaque  jour,  discourant 
avec  un  jugement  et  une  sagesse  admirables, 
et  répandant  dans  l'esprit  de  ses  auditeurs, 
par  l'assistance  du  Saint-Esprit,  des  instruc- 
tions très-salutaires.  Après  noue,  il  faisait  les 
fonctions  de  juge,  terminant  les  différends  de 
ceux  qui  les  remettaient  à  sa  décision.  Il  ne 
négligeait  point  non  plus  les  intérêts  de  l'E- 
glise. Tantôt  il  combattait  l'impiété  des  ido- 
lâtres, tantôt  il  terrassait  la  résistance  opi- 
niâtre des  juifs,  et  tantôt  il  dissipait  les  fac- 
tions des  hérétiques.  Il  écrivait  quelquefois 
à  l'empereur  pour  le  bien  de  l'Eglise.  Nous 
n'avons  plus  ses  lettres.  11  s'adressait  aussi 
quelquefois  aux  magistrats,  pour  réveiller 
en  eux  le  zèle  du  service  de  Dieu,  et  quel- 
quefois il  exhortait  même  les  évoques  à  s'in- 
téresser davantage  au  salut  des  âmes  qui  leur 
étaient  confiées.»  Outre  la  vie  de  ce  saint,  don- 
née par  Théodoret,  nous  en  avons  deux  au- 
tres, dont  l'une  fut  écrite  par  Antoine,  dis- 
ciple de  saint  Siméon  StyUte,  et  par  consé- 
quent témoin  oculaire  des  merveilles  qu'il 
en  rapporte.  Cette  Vie  qui  est  cité  par  Eva- 
gre  '  se  trouve  en  grec  dans  un  manuscrit 
du  duc  de  Bavière;  Bollandus  qui  l'a  fait  im- 
primer le  premier^,  ne  l'a  donnée  qu'en  latin, 
avec  une  autre  Vie  du  même  saint,  mais  dont 
l'auteur  n'est  pas  connu.  Cette  dernière  avait 
déjà  été  imprimée  dans  la  Vie  des  Pères  par 
Rosveyde.  Comme  ces  deux  Vies  ont  entre 
elles  quelques  rapports,  et  qu'elles  sont  né- 


>  Evagr.,  lib.  I  Hist.,  cap.  xm. 


2  Tom.  I,  Januar.,  pag.  264. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV. 


anmoins  différentes  en  beaucoup  de  choses, 
on  croit  *  que  la  première,  qui  est  la  plus 
courte,  est  l'originale,  telle  qu'elle  fut  écrite 
par  Antoine,  et  que  la  seconde  est  l'ouvrage 
de  quelque  écrivain  postérieur,  qui  a  fait  une 
nouvelle  Vie  de  saint  Siméon,  en  prenant 
dans  celle  d'Antoine  ce  qu'il  a  jugé  à  propos, 
et  en  y  ajoutant  ce  qu'il  avait  lu  ailleurs, 
ou  entendu  dire  du  saint. 

28.  Saint  Baradate  vécut  longtemps  sur  le 
haut  d'un  rocher  où  il  s'était  pratiqué  une 
cabane,  dont  les  ais  mal  assemblés  ne  le  pa- 
raient ni  de  la  pluie  ni  du  soleil  ;  elle  était 
en  même  temps  si  petite  que  ne  pouvant  s'y 
tenir  debout,  il  était  toujours  contraint  de  se 
courber.  Il  quitta  cette  demeure  aux  instan- 
ces de  Théodote  patriarche  d'Antioche,  et  se 
retira  dans  une  autre  cellule,  où  il  se  tenait 
debout,  en  levant  sans  cesse  les  mains  vers  le 
ciel,  et  enchantant  les  louanges  de  Dieu.  Son 
habit  était  d'un  cuir  qui  le  couvrait  tout  entier, 
n'étant  ouvert  qu'à  l'endroit  du  nez  et  de  la 
bouche  pour  pouvoir  respirer.  11  avait  l'esprit 
clair  et  intelligent,  et  argumentait  souvent 
plus  fortement  que  les  plus  exercés  dans  les 
subtilités  d'Aristote.  A  l'égard  de  saint  Tha- 
lélée,  il  se  bâtit  une  cellule  dans  le  teri'itoire 
de  Gabales,  auprès  d'un  temple  consacré 
aux  démons.  Ces  malheureux  esprits  tâchè- 
rent en  vain  de  l'épouvanter  ;  sa  foi  était 
comme  un  bouclier  qui  le  couvrait.  Ne  sa- 
chant donc  que  lui  faire,  ils  déchargèrent 
leur  colère  sur  quantité  de  figuiers  et  d'oli- 
viers. Cela  n'ayant  point  ébranlé  le  soldat  de 
Jésus-Christ,  ils  vinrent  la  nuit  avec  de  grands 
cris  et  des  flambeaux  allumés,  croyant  par 
la  lui  donner  de  l'épouvante.  Il  s'en  moqua, 
et  le.s  obligea  d'abandonner  ce  temple.  Ses 
miracles  et  ses  instructions  engagèrent  les  ha- 
bitants voisins  à  quitter  les  ténèbres  de  l'ido- 
lâtrie, pour  passer  à  la  lumière  de  l'Evangile. 
Le  saint  après  avoir  passé  plusieurs  années 
dans  cette  cellule,  se  pratiqua  une  espèce 
d'estrade  suspendue,  sur  laquelle  il  était  con- 
traint de  demeurer  si  courbé  que  sa  tête  tou- 
chait à  ses  genoux.  Théodoret  l'ayant  trouvé 
un  jour  occupé  à  lire  les  saints  Evangiles,  lui 
demanda  la  cause  d'une  vie  si  nouvelle.  Tha- 
lélée  lui  répondit  en  grec,  car  il  était  cilicien  : 
«  Me  trouvant  coupable  d'un  très-grand  nom- 
bre de  péchés,  et  ne  doutant  point  ,'es  châti- 
ments de  l'autre  monde,  je  traite  mon  corps 
comme  vous  voyez,  afin  d'éviter  par  des  pei- 

'  BoUand.,  ibid.,  pag.  263. 


THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR.  63 

nés  qui  ne  sont  que  médiocres,  les  tourments 
effroyables  dont  j'étais  menacé,  et  qui  sont 
incomparablement  plus  grands  que  ceux-ci 
non-seulement  en  nombre ,  mais  en  eux- 
mêmes,  parce  qu'ils  sont  involontaires.  »  Il 
faisait  quantité  de  miracles  par  ses  prières, 
soit  en  faveur  des  personnes  du  voisinage, 
soit  pour  leur  bétail.  Il  renversa  le  temple 
près  duquel  il  s'était  logé,  et  en  éleva  un 
autre  en  l'honneur  des  saints  martyrs. 

29.  Pour  donner  quelque  perfection  à  son 
Histoire  religieuse,  Théodoret  après  avoir 
écrit  les  actions  de  plusieurs  illustres  solitai- 
res, rapporte  celles  de  quelques  femmes,  qui 
ne  les  ont  pas  seulement  égalés,  mais  sur- 
passés par  leurs  travaux  et  par  leurs  com- 
bats, eu  égard  à  la  faiblesse  de  leur  tempé- 
rament et  à  la  fragilité  de  leur  sexe.  Les  plus 
célèbres  furent  Marane  et  Cyre  ;  elles  étaient 
de  Bérée,  d'une  naissance  considérable,  et 
avaient  été  élevées  selon  leur  condition  ;  mais 
méprisant  tous  ces  avantages  de  la  nature, 
elles  s'enfermèrent  dans  un  lieu  proche  de 
la  ville,  n'ayant  rien  au-dessus  de  leur  clô- 
ture qui  pût  les  mettre  à  couvert  des  in- 
jures de  l'nir;  au  lieu  de  porte,  elles  avaient 
une  petite  fenêtre  qui  servait  à  leur  passer 
les  choses  nécessaires  à  la  vie ,  et  par  la- 
quelle elles  parlaient  aux  femmes  qui  les  ve- 
naient voir  durant  le  temps  de  la  Pentecôte 
seulement,  passant  le  reste  de  l'année  dans 
un  silence  continuel.  Il  n'y  avait  même  que 
Marane  qui  parlât  à  ces  femmes;  jamais  on 
n'entendit  dire  à  Cyre  la  moindre  parole. 
Elles  étaient  l'une  et  l'autre  si  chargées  de 
chaînes  de  fer,  que  Cyre,  dont  la  complexion 
était  plus  faible,  restait  toujours  courbée  en 
terre,  sans  qu'il  lui  fût  possible  de  se  lever.  Les 
robes  qu'elles  portaient  leur  couvraient  les 
pieds;  et  par  devant  elles  avaient  comme  un 
voile  qui  descendant  jusqu'à  la  ceinture,  leur 
cachait  le  visage,  les  mains  et  l'estomac.  Leur 
l'espect  pour  la  dignité  sacerdotale,  les  porta 
un  jour  à  faire  démurer  leur  porte  pour  faire 
entrer  Théodoret.  Il  vit  de  ses  propres  yeux 
les  chaînes  dont  elles  étaient  chargées,  et  en 
si  grande  quantité,  que  les  hommes  les  plus 
forts  auraient  eu  peine  à  les  porter.  A  force 
de  prières,  il  vint  à  bout  de  les  leur  faire 
quitter  ;  mais  il  ne  fut  pas  plutôt  sorti  de 
leur  cellule,  qu'elles  les  reprirent.  Elles  les 
mettaient  comme  un  collier  sur  leur  cou,  et 
comme  une  ceinture  sur  leurs  reins,  outre 
celles  qui  étaient  attachées  à  leurs  mains 
et  à  leurs  pieds.  Exposées  avec   cela  aux 


Sainte  Ma- 
rane, sainte 
ilyie  et  sainte 
Do  m  n  i  n  e , 
pag.  892  et 
814. 


64 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


injures  de  l'air,  elles  souffraient  avec  joie  la 
pluie,  la  neige  et  la  chaleur  du  soleil;  elles 
passèrent  sans  manger,  deux  carêmes  entiers 
et  une  autre  fois  trois  semaines.  Quoique 
éloignées  de  Jérusalem  d'environ  vingt  jour- 
nées de  chemin,  elles  y  allèrent  à  jeun  et  ne 
mangèrent  qu'après  y  avoir  adoré  Dieu, 
puis  s'en  retournèrent  encore  à  jeun.  Elles 
observèrent  la  même  abstinence  dans  un 
autre  voyage  qu'elles  firent  dans  Flsaurie 
pour  visiter  l'église  de  Sainte-Thècle.  Une  vie 
si  admirable  les  rendit  Tornement  de  leur 
sexe,  et  l'exemple  de  toutes  les  femmes  qui 
se  proposent  d'arriver  à  la  perfection. 

Voici  quel  était  le  genre  de  vie  de  sainte 
Domnine.  «  Logée  dans  une  cabane  au  fond 
du  jardin  de  sa  mère,  elle  y  passait  les  jours 
et  les  nuits  en  pleurs.  Aussitôt  qu'elle  enten- 
dait le  chant  du  coq,  elle  allait  à  l'église,  et 
là  avec  tous  ceux  qui  s'y  rencontraient,  elle 
offrait  ses  louanges  au  Créateur  de  l'univers. 
Le  soir  elle  faisait  la  même  chose,  persuadée 
qu'il  n'y  a  point  de  lieu  que  l'on  doive  avoir 
en  si  grande  vénération  que  ceux  qui  sont 
consacrés  à  Dieu.  Elle  prenait  donc  un  ex- 
trême soin  de  cette  église,  portant  même  sa 
mère  et  ses  frères  à  y  employer  libéralement 
leurs  biens.  Ses  habits  étaient  tissus  de  poil 
de  chèvre;  des  lentilles  trempées  dans  de 
l'eau  faisaient  sa  seule  nourriture  ;  aussi  ses 
austérités  consumèrent  de  telle  sorte  tout  ce 
qu'elle  avait  de  graisse  et  de  chair,  que  sa 
peau  était  collée  sur  ses  os.  Elle  ne  parlait 
jamais  sans  verser  des  larmes;  ce  que  je  sais, 
dit  Théodoret,  par  expérience  :  car  souvent, 
m'ayant  pris  la  main  et  l'ayant  portée  à  ses 
yeux,  elle  la  trempait  tellement  de  ses  pleurs, 
qu'elle  en  était  toute  dégouttante  ;  elle  pre- 
nait soin  de  ceux  qui  venaient  visiter  les  so- 
litaires du  diocèse  de  Cyr,  les  faisant  loger 
chez  le  pasteur  du  bourg  où  elle  était  née, 
et  leur  faisant  donner  tout  ce  qui  leur  était 
nécessaire  par  sa  mère  et  par  ses  frères.  Elle 
m'envoie  aussi  à  moi-même,  ajoute  cet  his- 
torien, du  pain,  des  fruits  et  des  lentilles 
trempées  dans  de  l'eau,  lorsque  je  vais  dans 
cette  partie  de  notre  province  qui  est  du  côté 
du  midi.  »  Il  ajoute  qu'il  y  avait  plusieurs 
autres  femmes  dont  les  unes  avaient  em- 
brassé la  vie  solitaire,  et  les  autres  demeu- 
raient ensemble  jusqu'au  nombre  de  deux 
cent  cinquante,  usant  toutes  d'une  même 
nourriture,  couchant  sur  des  nattes,  et  em- 
ployant leurs  mains  à  filer,  et  leur  langue  à 
chanter  des  hymnes  à  la  louange  de  Dieu. 


On  en  voyait  de  cette  sorte,  non-seulement 
dans  la  province  de  Cyr,  mais  aussi  dans 
tout  l'Orient,  dans  la  Palestine,  dans  l'Egypte, 
dans  l'Asie,  dans  le  Pont  et  dans  toute  l'Eu- 
rope; car  depuis  que  Notre-Seigneur  en  pre- 
nant naissance  d'une  Vierge,  a  honoré  la 
virginité,  on  a  vu  quantité  de  vierges  se  con- 
sacrer dans  cet  état,  et  passer  leur  vie  dans 
les  exercices  de  la  piété.  Il  remarque  qu'en 
Egypte,  il  y  avait  certains  monastères  d'hom- 
mes, où  l'on  disait  qu'il  y  avait  environ  cinq 
mille  moines,  qui  en  s'occupant  à  leur  ou- 
vrage, chantaient  les  louanges  de  Dieu,  et 
gagnaient  non-seulement  de  quoi  se  nourrir, 
mais  aussi  de  quoi  subvenir  aux  nécessités 
des  pèlerins  et  des  pauvres. 

§  VII. 

Des  Lettres  de  Théodoret. 

1.  Les  deux  premières  lettres  sont  adres-  „  i'="r==|,=; 
sées  à  un  ami  à  qui  Théodoret  avait  envoyé  ""'^• 
ses  commentaires  sur  saint  Paul,  en  le  priant 
de  lui  en  dire  son  sentiment.  Cet  ami  qui 
n'est  pas  nommé,  les  lui  renvoya  sans  lui  en 
rien  marquer.  Théodoret  prenant  son  silence 
pour  une  preuve  qu'il  n'approuvait  pas  son 
ouvrage,  lui  écrivit  qu'il  demeurerait  dans 
cette  pensée  s'il  ne  lui  mandait  précisément 
la  sienne.  Celui-ci  fit  de  grands  éloges  de  ces 
commentaires,  sur  quoi  Théodoret  lui  récrivit 
qu'il  n'en  avait  jugé  ainsi  que  par  des  motifs 
d'amitié,  qui  fait  qu'on  ne  voit  pas  les  dé- 
fauts de  ceux  que  l'on  aime,  de  même  qu'un 
père  ne  voit  pas  ceux  de  son  fils,  ni  le  fils 
les  défauts  de  son  père.  Ces  deux  lettres  en 
supposent  d'autres  qui  ne  sont  pas  venues 
jusqu'à  nous. 

2.  L'évêque  Irénée  lui  ayant  demandé  ce 
qu'il  fallait  dire  de  deux  personnes  qui,  ayant 
la  liberté  de  la  part  d'un  juge  païen  de  sa- 
crifier aux  démons,  ou  de  se  jeter  dans  la 
mer;  l'une  s'y  serait  jetée  aussitôt,  et  l'autre 
se  contentant  de  déclarer  qu'elle  ne  pouvait 
sacrifier  aux  démons,  aurait  attendu  que  le 

juge  même  lui  fît  ôter  la  vie.  Théodoret  ré- 
pondit que  le  courage  de  la  première  peut 
mériter  quelque  éloge;  mais  que  selon  toutes 
les  règles  ordinaires,  la  seconde  en  mérite 
beaucoup  plus,  ayant  eu  autant  de  courage 
que  la  première,  et  plus  de  sagesse  et  de  pru- 
dence, puisqu'il  nous  est  défendu  de  nous 
donner  la  mort  à  nous-mêmes.  Il  appuie  cette 
maxime  du  précepte  de  Jésus-Christ,  qui 
"nous  ordonne  de  sortir  de  la  ville  où  l'on 


[t^  siècle.] 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR. 


63 


nous  persécutera,  pour  nous  sauver  dans 
une  autre  ;  et  de  l'exemple  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul,  qui  échappés  des  mains  de 
leurs  persécuteurs,  ont  fui  devant  eux.  Il 
ajoute  néanmoins,  que  le  plus  sûr  est  d'at- 
tendre l'arrêt  que  prononcera  au  dernier 
jour  l'Arbitre  souverain  des  actions  et  des 
pensées  des  hommes,  lui  qui  juge  moins  par 
l'apparence  extérieure  des  choses  que  par  la 
disposition  intérieure  de  la  volonté  qu'il  con- 
naît seul,  et  que  c'est  pour  cela  que  saint  Paul 
nous  interdit  ces  sortes  de  comparaisons  et 
de  jugements.  Le  cas  proposé  par  Irénée  pa- 
rait supposer  que  les  tyrans  avaient  effecti- 
vement voulu  obliger  quelques  chrétiens  à 
sacrifier  aux  idoles  ou  à  se  noyer,  comme  on 
sait  qu'ils  les  ont  quelquefois  condamnés  à 
se  battre  en  gladiateurs  lorsqu'ils  refusaient 
de  sacrifier. 
.eitres  4,  3.  Les  trois  lettres  suivantes  sont  intitulées: 
i  '  P"^'  Festales.  On  ne  voit  pas  à  qui  elles  ont  été 
adressées.  Cène  sont  que  des  témoignages  de 
charité  et  d'amitié  que  l'on  avait  coutume  de 
se  faire  mutuellement  au  jour  des  grandes 
fêtes,  particulièrement  à  Pâques,  à  la  Pen- 
tecôte et  le  jour  de  Noël. 
eitresTà  4.  Théouilie,  femme  de  grande  condition 
ug'ra'phie,  et  de  piété,  ayant  perdu  son  mari,  Théodoret 
lui  écrivit  sur  cela  une  lettre  de  consolation, 
où  il  l'exhorte  de  supporter  cet  accident  avec 
constance,  de  regarder  la  mort  de  son  mari 
comme  un  long  voyage,  et  de  n'avoir  aucun 
doute  qu'il  ne  doive  ressusciter  un  jour.  Celle 
qu'il  écrivit  à  Eugraphie,  est  sur  un  sembla- 
ble sujet.  Il  lui  dit  que  le  seul  souvenir  de  la 
passion  de  Jésus-Christ  devait  apporter  un 
lénitif  à  sa  douleur;  le  Sauveur  ayant  détruit 
la  mort  pour  procurer  à  nos  corps  l'avantage 
de  ressusciter. 
Retire  9,  s.  Sa  lettre  à  un  ami  qu'il  ne  nomme  pas, 
fut  écrite  sur  la  fin  de  l'an  449,  après  sa  dé- 
position dans  le  faux  concile  d'Ephèse.  Il  dit 
à  cet  ami  :  v  Votre  piété  se  fâche  et  s'attriste 
de  ce  qu'on  m'a  condamné  injustement,  sans 
observer  aucune  formalité;  mais  celte  injus- 
tice même  est  ma  consolation.  Si  j'avais  été 
condamné  avec  justice,  j'aurais  de  la  douleur 
d'avoir  mérité  cette  peine  ;  trouvant  au  con- 
traire ma  conscience  nette  sur  ce  point,  j'en 
sens  même  de  la  joie,  dans  la  confiance  que 
cette  injustice  m'obtiendra  le  pardon  de  mes 
véritables  fautes.  Qui  a  rendu  Naboth  si  cé- 
lèbre ,  si  ce  n'est  sa  mort  injuste?  Demandez 
seulement  à  Dieu  qu'il  ne  m'abandonne  pas; 
après  cela  qu'on  me  fasse  la  guerre  tant  que 
X. 


l'on  voudra,  sa  miséricorde  me  suffit  pour 
avoir  le  cœur  dans  la  joie.  S'il  lui  plaît  de 
demeurer  avec  moi,  je  regarderai  comme  un 
jeu  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  affligeant.  » 

6.  On  voit  par  la  lettre  à  l'avocat  Hélie,      LGUretoà 

,  'il  1  .1  .      Hélie,  avocat, 

qu  un  nomme  Abram,  après  avoir  demeure  pag-ii™. 
longtemps  dans  un  terre  de  l'Eglise,  s'associa 
quelques  personnes  d'un  aussi  mauvais  ca- 
ractère que  lui,  avec  lesquelles  il  commit 
beaucoup  de  violences  et  de  pillages.  Théo- 
doret fit  constater  tous  ces  faits  qu'Abram 
reconnut  ensuite  lui-même  publiquement  ; 
après  quoi  cet  évêque  l'envoya  à  Hélie,  avec 
les  personnes  qu'il  avait  pillées,  et  les  actes 
de  tout  ce  qui  s'était  passé  ;  non  pour  mettre 
ce  malheureux  entre  les  mains  des  juges  , 
mais  afin  que  l'avocat,  après  avoir  examiné 
toute  l'afiaire,  l'obligeât  à  restituer  tout  ce 
qu'il  avait  pris. 

7.  Les  évêques  s'étant  déclarés  pour  le  Lettre  n  à 
dogme  des  deux  natures  dans  le  concile  que  ^4]"'°'  '"'^' 
saint  Flavien  tint  à  Constantinople  sur  la  fin 

de  l'an  448,  et  ayant  déposé  Eutychès  en- 
nemi déclaré  de  cette  doctrine,  et  persécu- 
teur des  Orientaux,  Théodoret  n'eut  pas  plu- 
tôt appris  la  nouvelle,  qu'il  en  témoigna  sa 
joie  à  ce  saint  évêque  par  une  lettre  remplie 
des  éloges  de  sa  foi  et  de  son  courage. 

8.  Celle  qu'il  écrivit  à l'évêque  Irénée  était  ,  J-="?==  <2 

■^  ^  ajrenee,  pag. 

pour  le  consoler  sur  la  mort  de  son  gendre.  ™=:  ;'  23 
Il  lui  recommanda  dans  une  autre  lettre  Ce-  '*■  p'"-  ""• 
lestiaque,  sénateur  de  Carthage,  chassé  d'A- 
frique par  les  Vandales,  afin  qu'il  l'assistât 
dans  ses  besoins,  et  lui  procurât  du  secours 
par  les  personnes  riches  de  la  ville  de  Tyr, 
dont  Irénée  était  évêque.  Il  paraît  par  une 
troisième  lettre  à  Irénée,  que  Théodoret  était 
très-uni  avec  lui  pour  la  défense  de  Diodore 
de  Tarse  et  de  Théodore  de  Mopsuesle. 
Théodoret  avait  fait  un  ouvrage  en  forme  de 
dialogue,  où  il  citait  un  grand  nombre  de 
passages  des  Pères  anciens  et  nouveaux, 
grecs  et  lalins  ;  mais  il  n'en  avait  point  mis 
de  Diodore  de  Tarse,  ni  de  Théodore  de 
Mopsueste,  à  cause  de  l'extrême  et  grande 
aversion  que  ses  adversaires  en  avaient. 
Irénée  et  quelques  autres  de  ses  amis  l'en 
blâmèrent;  mais  il  fait  voir  dans  cette  lettre 
qu'il  aurait  eu  tort  de  les  citer,  étant  de  règle 
ordinaire  que  celui  qui  est  accusé»>ne  doit 
alléguer  que  des  témoins  non  suspects  à  ses 
accusateurs;  qu'au  reste,  il  avait  omis  beau- 
coup d'autres  pères  très-célèbres  ;  et  pour 
montrer  combien  il  honorait  ces  deux  au- 
teurs, il  fait  mention  de  l'ouvrage  qu'il  avait 

3 


66 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lçllre  21  à 
IDusèbe,  nvo- 
cat,  pag,  913, 


entrepris  pour  les  justifier  des  crimes  qu'on 
leur  imputait.  Quelques-uns  blâmèrent  aussi 
Théodoret  de  n'avoir  pas  appelé  la  sainte 
Vierge  mère  de  Dieu  et  mère  de  l'homme  ;  à 
quoi  il  répond  qu'il  avait  évité  cette  expres- 
sion, qui  pouvait  exciter  des  contestations, 
et  dont  plusieurs  personnes  auraient  été 
blessées  ;  qu'il  avait  jugé  plus  à  propos  de 
dire  qu'elle  est  la  mère  et  la  servante  de  son 
Fils,  étant  sa  mère  parce  qu'il  est  homme, 
et  sa  servante  parce  qu'il  est  Dieu.  Il  fait  re- 
marquer à  Irénée  que  lui-même  dans  deux 
ou  trois  de  ses  discours  qu'il  lui  avait  en- 
voyés, n'avait  point  ajouté  à  la  qualité  de 
mère  de  Dieu,  celle  de  mère  de  l'homme,  et 
le  prie  d'arrêter  ces  personnes  qui  ne  cher- 
chaient qu'à  censurer  les  travaux  des  autres, 
et  de  leur  faire  concevoir  qu'il  ne  faut  point 
que  ceux  qui  sont  hors  de  la  portée  du  trait, 
se  donnent  la  liberté  de  condamner  ceux  qui 
sont  dans  la  mêlée,  occupés  à  soutenir  et  à 
attaquer  les  ennemis.  Il  ajoute  qu'il  ne  se 
propose  point  dans  ses  écrits  de  plaire  à  ce- 
lui-ci ou  à  celui-là  ;  mais  uniquement  d'édi- 
fier l'Eglise  de  Dieu  ;  que  s'il  conserve  l'é- 
piscopat,  ce  n'est  par  aucun  intérêt  temporel  ; 
qu'il  l'aurait  abandonné  depuis  longtemps 
volontairement,  s'il  n'eût  appréhendé  les  ju- 
gements de  Dieu  ;  et  qu'il  attendait  la  mort 
de  jour  en  jour  à  cause  des  embûches  que  lui 
dressaient  ses  ennemis. 

9.  Informé  qu'il  se  répandait  un  bruit  qu'on 
voulait  l'inquiéter ,  et  peut-êti-e  même  le  dé- 
poser et  le  bannir,  il  écrivit  à  l'avocat  Eusèbe 
que,  par  la  grâce  de  Dieu ,  il  recevrait  cette 
nouvelle  avec  joie,  et  qu'il  en  verrait  de  même 
l'exécution;  «  car  quand  Dieu  ne  promettrait, 
dit-il ,  aucune  récompense  à  ceux  qui  com- 
battent pour  la  vérité,  elle  est  toute  seule 
assez  belle  pour  obhger  ceux  qui  l'aiment  à 
souflrir  toutes  sortes  de  peines  et  de  travaux 
pour  son  amour.»  Il  rapporte  sur  cela  quelques 
sentiments  et  quelques  paroles  généreuses 
des  païens  dont  il  est  fait  mention  dans  Ho- 
mère, ajoutant  qu'il  serait  honteux  à  des  chré- 
tiens qui  ont  les  prophètes  et  les  apôtres  pour 
maîtres,  qoi  adorent  Jésus-Christ  mort  en 
croix,  qui  attendent  la  résurrection  du  corps 
et  le  royaume  des  deux ,  d'avoir  moins  de 
courage  que  ceux  qui  n'étaient  disciples  que 
de  la  nature.  «  Consolez-donc,  dit-il  à  Eusèbe, 
ceux  qui  s'affligent  des  menaces  que  l'on  me 
fait.  S'il  y  en  a  d'assez  lâches  pour  s'en  ré- 
jouir, qu'ils  sachent  que  je  m'en  réjouis  en- 
core plus  qu'eux.»  Il  fait  ensuite  une  profes- 


sion de  sa  foi ,  déclarant  qu'il  croit  au  Père, 
au  Fils  et  au  Saint-Esprit  ;  qu  'il  n'admet  point 
deux  fils  comme  ses  ennemis  l'en  accusaient, 
mais  un  fils  seul  qui  est  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ,  Fils  unique  de  Dieu,  le  Verbe  de  Dieu 
incarné;  que,  loin  de  nier  les  propriétés 
des  deux  natures ,  il  confesse  qu'elles  ont 
été  unies  sans  confusion,  en  sorte  qu'il  y  en 
a  qui  appartiennent  à  l'humanité  et  d'autres 
à  la  divinité  ;  que  la  divinité  est  sans  com- 
mencement, au  lieu  que  l'humanité  en  a  un, 
ayant  tiré  son  origine  de  la  race  d'Abraham 
et  de  David ,  dont  la  sainte  Vierge  est  des- 
cendue. 

10.  Sa  lettre  au  patrice  Aréovinde  est  pour 
l'engager  à  faire  quelque  remise  aux  fermiers 
des  terres  qu'il  avait  dans  son  diocèse.  «  Ce- 
lui qui  a  fait  toutes  choses,  lui  dit-il,  et  qui 
les  gouverne ,  distribue  à  chacun  de  nous  la 
pauvreté  et  les  richesses;  mais,  par  un  etfet 
de  la  même  justice,  afin  que  les  riches  trou- 
vent dans  les  besoins  des  pauvres  de  quoi 
subvenir  à  leurs  besoins  spirituels ,  il  fait  de 
même  sentir  les  châtiments  aux  hommes,  non- 
seulement  pour  les  punir  de  leurs  péchés, 
mais  encore  afin  que  ceux  qui  en  ont  le  moyen 
aient  occasion  de  faire  voir  leur  compassion 
et  leur  bonté  pour  leurs  frères.  Que  la  disette 
de  cette  année  vous  soit  donc  un  moyen  d'en- 
richir votre  âme.  Faites  une  vendange  abon- 
dante, et  attirez  sur  vous  la  miséricorde  de 
Dieu  par  celle  que  vous  exercerez  envers  les 
receveurs  et  les  paysans  de  vos  terres,  n 

11 .  Vers  l'an  442 ,  Théodoret  écrivit  à  Apel- 
lion ,  à  Aërius  et  à  Domnus ,  évêque  d'An- 
tioche,  pour  les  porter  à  la  compassion  envers 
Célestiaque ,  sénateur,  une  dame  nommée 
Marie  et  quelques  autres  personnes  de  con- 
sidération, que  la  prise  de  Carthage  par  Gen- 
séric ,  roi  des  Vandales ,  avait  rendus  ou  fu- 
gitifs ou  réduits  en  servitude.  Ces  lettres  sont 
pleines  d'une  ardente  charité  et  de  grands 
sentiments  d'humilité.  Il  invita  Aërius,  qui 
était  un  homme  de  lettres ,  à  la  dédicace  de 
l'église  des  Apôtres,  que  l'on  croit  être  celle 
que  Théodoret  fit  bâtir  à  la  prière  d'un  saint 
solitaire  nommé  Jacques,  dont  nous  avons  vu 
l'histoire.  Les  lettres  à  Théoctiste,  évêque  de 
Bérée,  à  Stasime,  au  comte  Patrice,  à  l'évê- 
que  Irénée ,  à  Pompéien ,  évêque  d'Emèse, 
ont  pour  but  de  les  engager  à  soulager  aussi 
ceux  qui  avaient  souffert  par  la  prise  de  Car- 
thage. 

12.  Il  paraît  que  Saluste,  à  qui  est  adres- 
sée la  lettre  trente-septième,  n'avait  pas  en- 


Lettre;  / 

30.  31,3 
34,  33,  3 
et  70,  I 
919  et  ei 


Lellrl 
pag.  93tl 


i 


[v  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

core  embrassé  la  religion  chrétienae.  Comme 
il  venait  d'être  nommé  pour  la  seconde  fois 
gouverneur  de  la  province  Eupliratésienne, 
ïliéodoret  lui  en  témoigne  sa  joie  ;  après  quoi 
il  lui  marque  qu'il  lui  envoie  un  diacre  habile 
pour  les  eaux  que  Saluste  lui  avait  deman- 
dées. Il  lui  recommande  les  intérêts  de  la 
ville  de  Cyr,  dont  il  avait  apparemment  chargé 
ce  diacre  de  lui  parler. 

13.  Il  écrivit  les  quatre  lettres  suivantes 
sur  la  Pâqiie,  témoignant  qu'il  prenait  peu 
de  part  à  la  joie  de  cette  fête ,  à  cause  des 
marques  que  Dieu  donnait  de  sa  colère,  tant 
par  des  tremblements  de  terre  que  par  des 
incursions  des  Barbares  ;  ce  qui  ne  lui  per- 
mettait pas  de  penser  à  autre  chose  qu'à  ses 
péchés  et  aux  supplices  dont  il  craignait  que 
Dieu  ne  les  punit  en  celte  vie  et  en  l'autre. 
Nous  avons  plusieurs  autres  lettres  de  lui , 
écrites  dans  de  semblables  solennités,  une 
entre  autres  à  Hermésigère,  et  une  à  Urbain. 
Il  dit  dans  celle-là  que,  dans  le  temps  que  les 
hommes  vivaient  dans  la  nuit  de  l'ignorance, 
ils  ne  célébraient  pas  tous  les  mêmes  fêtes  ; 
qu'il  y  en  avait  de  particulières  pour  chaque 
ville,  mais  que  depuis  que  la  lumière  de  l'E- 
vangile a  dissipé  ces  ténèbres  en  se  répan- 
dant partout,  soit  sur  terre,  soit  sur  mer,  tous 
célèbrent  en  même  temps  des  fêtes  en  l'hon- 
neur de  Dieu ,  chantan  l  en  ces  jours  des  hymnes 
et  des  cantiques  au  Seigneur,  et  lui  offrant 
des  hosties  spirituelles  et  mystiques. 

14.  Dans  les  lettres  au  préfet  Constance,  à 
l'impératrice  Pulchérie,  aux  patrices  Séna- 
teur et  Anatole ,  à  l'avocat  Pierre  et  à  saint 
Procle,  évêque  de  Constantinople,  Théodoret 
s'emploie  à  empêcher  l'augmentation  des  im- 
pôts à  Cyr,  dont  cette  ville  était  déjà  extrê- 
mement chargée.  On  ne  voit  pas  quelle  fut  la 
réussite  de  cette  affaire;  on  voit  seulement, 
par  une  de  ses  lettres,  que  le  préfet  du  Pré- 
toire avait  envoyé  des  personnes  sur  les  lieux 
pour  s'informer  de  l'état  des  choses ,  et  que 
ces  personnes  avaient  fait  un  règlement  qui 
fut  autorisé  par  Isidore ,  préfet  d'Orient  en  435 , 
et  par  Florent  qui  fut  revêtu  de  la  même  di- 
gnité l'année  suivante. 

15.  La  lettre  à  Ibas,  évêque  d'Edesse  ,  est 
pour  lui  recommander  l'évêque  Cyprieu, 
chassé  de  l'Afrique,  qui  lui  avait  apporté  des 
lettres  de  recommandation  de  la  part  d'Eu- 
sèbe  d'Antioche.  Théodoret  en  écrivit  une 
autre  à  Sophrone  de  Constantine  ,  le  même 
qui  assista  au  concile  d'Antioche  en  445,  et  à 
celui  de  Chalcédoine  en  4SI,  comme  évêque 


png.  939, 


THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR.  67 

de  Syrie.  Marie,  que  Théodoret  recommanda 
aussi  à  Bustathe  ,  évêque  d'Egès  en  Cilicie, 
était  une  fille  de  qualité,  dont  le  père,  nom- 
mé Eudémon,  vivait  encore.  Réduite  en  ser- 
vitude dans  la  ruine  de  Carthage ,  elle  fut 
vendue  à  des  marcliands  d'Orient;  ceux-ci  la 
revendirent  à  des  habitants  de  Cyr,  avec  une 
autre  fille  qui,  avant  ce  malheur,  était  esclave 
de  Marie.  Cette  fille  n'oublia  pas,  dans  cette 
circonstance  fâcheuse  où  se  trouvait  sa  mai- 
tresse,  l'affection  et  le  respect  qu'elle  lui  de- 
vait; après  avoir  satisfait  à  ce  que  ceux  quj 
l'avaient  achetée  demandaient  d'elle ,  elle 
rendit  à  Marie  tous  les  services  qui  étaient 
en  son  pouvoir.  La  qualité  de  la  maîtresse, 
que  Ton  connut  par  là ,  et  le  bon  naturel  de 
la  servante,  firent  impression  sur  quelques 
gens  de  guerre  qui  étaient  à  Cyr.  Ils  les  ra- 
chetèrent l'une  et  l'autre  de  ceux  à  qui  elles 
appartenaient,  et  rendirent  la  liberté  à  Marie. 
Théodoret  était  alors  absent  ;  mais  ayant  ap- 
pris à  son  retour  ce  qui  s'était  passé,  non- 
seulement  il  loua  la  générosité  de  ceux  qui 
a  valent  racheté  ces  esclaves,  mais  encore  il  prit 
soin  de  l'entretien  de  Marie,  qu'il  confia  à  un 
de  ses  diacres ,  avec  ordre  de  lui  fournir  les 
besoins  de  la  vie.  Environ  dix  mois  après, 
cette  fille  apprit  que  son  père,  Eudémon, 
vivait ,  et  qu'il  occupait  même  dans  l'Oc- 
cident une  charge  dans  la  magistrature  ; 
comme  elle  souhaitait  de  l'aller  joindre,  ïhé- 
doret  l'adressa  à  Eustathe,  afin  qu'il  eût  soin 
de  la  renvoyer  à  son  père  par  des  marchands 
d'Occident  qui  devaient  venir  à  une  foire  que 
l'on  tenait  à  Egès.  Célestiaque,  recommandé 
si  souvent  dans  les  lettres  de  Théodoret,  avait  H-.J^/^  3*'  '■'^ 
été  enveloppé,  de  même  que  Marie,  dans  les 
malheurs  de  Carthage.  Riche  et  puissant,  ac- 
coutumé à  recevoir  beaucoup  de  monde  chez 
lui,  il  ne  s'imaginait  pas  devoir  être  jamais 
réduit  à  demander  du  secours  aux  autres; 
mais,  dépouillé  en  un  moment  de  tous  ses 
biens  par  la  violence  des  Barbares,  il  fut  con- 
traint de  s'enfuir,  sans  rien  conserver  de  son 
bonheur  passé  que  la  liberté.  Sa  femme,  ses 
enfants  et  plusieurs  de  ses  serviteurs  l'ac- 
compagnèrent dans  sa  fuite  ;  ce  qui  lui  i-en- 
dit  son  exil  onéreux  par  l'obligation  de  cher- 
cher de  quoi  fournir  à  leur  entretien.  Sa  dis- 
grâce, toutefois,  fut  un  effet  de  la  miséricorde 
de  Dieu  sur  lui  ;  tandis  qu'il  vivait  dans  la 
prospérité,  il  ne  voulait  point  qu'on  lui  parlât 
de  la  misère  de  son  âme  ;  mais ,  contraint  de 
se  reconnaître  malheureux  par  la  privation 
de  ses  biens  temporels ,  il  se  reconnut  aussi 


F.pisl.  29, 


68 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


paj.  931 


Lettres  66, 
67,  68,  pag. 
'j3a. 


Lettre  75, 
pag.  842. 


Epist.  77, 
pag.  944. 


Lettre  78, 
pag.  947. 


pécheur.  Alors  il  quitta  sonimpiété ,  et  Dieului 
fit  la  grâce  de  mépriser  ses  infortunes,  qu1I 
supporta  dans  la  suite  avec  courage ,  les  re- 
gardant comme  la  cause  de  son  salut.  Il  bé- 
nit la  sagesse  de  Dieu  dans  l'état  où  il  l'avait 
mis,  et  il  y  vécut  plus  content  que  les  riches 
ne  le  sont  dans  leur  abondance.  Théodoret  le 
garda  longtemps  chez  lui ,  ce  qui  lui  donna 
lieu  de  reconnaître  sa  piété  et  ses  autres 
vertus. 

16.  Il  faut  mettre  vers  l'an  444  la  lettre  de 
Théodoret  à  Dioscore ,  puisqu'elle  regarde 
son  élévation  sur  le  siège  épiscopal  d'Alexan- 
drie, qui  se  fit  en  cette  année-là.  Il  le  comble 
d'éloges,  relevant  particulièrement  son  humi- 
lité et  sa  modération  ;  mais  il  ne  fut  pas  long- 
temps à  penser  d'une  manière  si  avantageuse 
de  Dioscore ,  qui  n'avait  en  effet  que  les  de- 
hors de  la  vertu. 

17.  Les  lettres  à  Aërius,  à  Maran  et  à  Epi- 
phane  sont  pour  les  inviter  à  la  dédicace  de 
l'église  qu'il  avait  fait  bâtir  sous  le  nom  des 
Apôtres.  On  voit ,  par  celle  qu'il  écrivit  au 
clergé  de  Bérée,  qu'il  prêchait  quelquefois  la 
parole  de  Dieu  dans  leur  église  et  qu'il  don- 
nait avec  joie  au  peuple  de  cette  ville  ce  qu'il 
avait  reçu  de  Dieu ,  comme  ce  peuple  rece- 
vait avec  plaisir  la  vérité  de  sa  bouche.  Sa 
lettre  à  Eulalius ,  évêque  dans  la  partie  de 
l'Arménie  soumise  aux  Perses,  paraît  être 
générale  pour  les  évêques  du  même  pays. 
Théodoret  y  témoigne  la  part  qu'il  prend  à 
leurs  souffrances ,  surtout  au  danger  que 
courent  les  faibles  dans  la  persécution  dont 
leur  Eglise  est  agitée.  Il  exhorte  ces  évêques 
à  déployer  dans  cette  occasion  le  courage 
qu'on  attend  d'eux,  disant  qu'un  évêque  ne 
l'est  pas  pour  recevoir  les  respects  des  peu- 
ples pendant  la  paix,  mais  pour  combattre  à 
leur  tête  durant  la  guerre.  11  leur  représente 
que  les  animaux  les  plus  faibles  comme  les 
plus  farouches  nous  apprennent  comment  les 
pères  doivent  s'exposer  pour  leurs  enfants. 
Quoiqu'il  leur  parle,  dans  cette  leitre,  avec 
beaucoup  d'autorité,  on  ne  laisse  pas  d'y  re- 
marquer que  c'était  la  charité  qui  parlait  en 
lui ,  et  non  un  esprit  d'empire  et  de  domina- 
tion, tant  il  y  mêle  d'humilité,  se  comparant  à 
Jéthro  et  les  égalant  à  Moïse.  II  écrivit  dans 
le  même  esprit  à  Eusèbe,  aussi  évêque  de  cette 
province,  à  qui  il  représente  en  peu  de  mots 
les  devoirs  des  pasteurs ,  en  lui  faisant  remar- 
quer que,  si  Jacob  veillait  avec  tant  de  soin 
sur  ses  troupeaux  ,  il  devait ,  lui ,  en  pren- 
dre beaucoup  plus  des  hommes  rachetés  du 


sang  de  Jésus-Christ,  et  dont  il  faudra  rendre 
compte  à  Dieu.  11  le  conjure ,  de  même  que 
les  autres  évêques  de  sa  province,  de  témoi- 
gner beaucoup  de  compassion  et  de  charité 
envers  ceux  qui  étaient  tombés  dans  la  per- 
sécution, de  travailler  à  guérir  leurs  plaies  et 
à  les  faire  retourner  au  combat ,  «  n'y  ayant 
rien,  dit-il,  de  plus  sensible  au  démon  que  de 
se  voir  vaincu  par  ceux  qu'il  a  une  fois  terras- 
sés. ))  Mais  il  veut  que  leur  compassion  pour 
les  pécheurs  soit  sage,  judicieuse  et  conforme 
aux  canons  des  pères;  qu'on  les  admette  à 
prier  et  à  recevoir  les  instructions  de  l'Eglise 
avec  les  catéchumènes,  en  les  séparant  tou- 
tefois, pour  un  temps,  de  la  participation  des 
mystères,  jusqu'à  ce  qu'ils  reconnaissent  leur 
maladie,  qu'ils  désirent  la  santé  et  qu'ils  sen- 
ent  combien  ils  sont  malheureux  d'avoir 
abandonné  Jésus-Christ  pour  se  livrer  au 
démon. 

18.  Théodoret  ayant  reçu,  en  449,  un  ordre 
de  l'empereur  qui  lui  défendait  de  sortir  de 
son  diocèse,  promit  non-seulement  d'y  obéir, 
mais  il  donna  encore  un  acte  par  lequel  il  re- 
connaissait que  cet  ordre  lui  avait  été  signi- 
fié. Il  accepta  cette  espèce  d'exil  avec  joie, 
dans  la  vue  du  repos  qu'il  aimait  et  dans  la 
confiance  que  le  traitement  injuste  que  les 
ennemis  de  la  vérité  lui  faisaient  lui  obtien- 
drait le  pardon  d'une  partie  de  ses  fautes; 
cela  ne  l'empêcha  pas  de  penser  à  se  justi- 
fier, et  d'écrire  pour  ce  sujet  plusieurs  lettres. 
11  en  écrivit  une  au  patrice  Anatole,  son  ami  : 
nous  ne  l'avons  plus.  Dans  une  autre,  adres- 
sée au  même,  après  avoir  dit  qu'il  était  parti 
pour  se  rendre  à  Cyr,  suivant  l'ordre  de  l'em- 
pereur, il  raconte  comment  et  par  qui  il  lui 
avait  été  signifié  ;  ensuite  il  prie  Anatole  de 
s'informer  si  cet  ordre  a  véritablement  été 
expédié  par  l'empereur.  «Ce  n'est  pas,  ajoute- 
t-il,  que  le  séjour  de  Cyr  me  déplaise;  je  le 
dis  en  vérité ,  je  l'aime  mieux  que  les  autres 
villes  les  plus  célèbres  ,  parce  que  Dieu  me 
l'a  donnée  en  partage  ;  mais  il  me  parait  in- 
supportable d'y  être  attaché  par  nécessité. 
Cette  conduite  enhardit  les  méchants  et  les 
rend  plus  indociles.  »  Il  entre  dans  quelques 
détails  de  la  conduite  qu'il  avait  gardée  dans 
l'épiscopat  et  de  l'emploi  qu'il  avait  fait  des 
revenus  de  l'Eglise  pour  l'utilité  et  l'embel- 
lissement de  la  viUe  de  Cyr,  donnant  à  en- 
tendre qu'il  aurait  dû  recevoir  des  récom-- 
penses  plutôt  que  des  châtiments;  et  parce 
qu'il  paraissait  avoir  donné  de  la  jalousie  à 
ses  ennemis  en  gémissant  des  violences  qu'on 


Lettrsi 
80,  81, 
pag.  94 
suiv. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  GYR. 


69 


faisait  aux  Eglises  de  Phénicie,  et  qu'il  dé- 
fendait la  doctrine  des  apôtres,  il  déclare  qu'on 
ne  l'en  empêchera  pas,  quand  on  le  banni- 
rait aux  extrémités  du  monde.  Il  marque,  dans 
sa  lettre  au  préfet  Eutréchius ,  comme  il  l'a- 
vait déjà  marqué  dans  sa  première  à  Ana- 
tole, que  l'ordre  de  l'empereur  avait  pour 
motif  le  trouble  qu'il  causait  dans  l'Eglise  par 
les  conciles  qu'il  assemblait  continuellement 
à  Antioche  ;  qu'il  avait  obéi  à  cet  ordre  sans 
résistance;  mais  qu'avant  de  le  donner,  ce 
prince  aurait  dû  l'entendre  et  le  convaincre; 
qu'en  cela  il  ne  demandait  que  la  justice,  qui 
ne  se  refuse  ni  aux  adultères,  ni  aux  homi- 
cides, ni  aux  violateurs  des  tombeaux;  qu'il 
méritait  cette  attention  après  avoir  rendu  ser- 
vice pendant  vingt-cinq  ans  à  l'Eglise  et  même 
à  l'Etat  par  les  ouvrages  qu'il  avait  faits  pour 
l'ornement  et  l'utilité  delà  ville  de  Cyr;  qu'au 
reste  tout  est  supportable  à  celui  qui  craint 
le  jugement  de  Dieu,  qui  ne  permettra  jamais 
que  ses  ennemis  établissent  leur  mauvaise 
doctrine.  Il  se  plaint  encore,  dans  sa  lettre  à 
Nomus,  de  ce  qu'on  le  condamnait  sans  l'en- 
tendre ;  ((  en  quoi  c'était,  dit-il,  le  traiter  plus 
mal  que  ni  les  païens,  ni  les  juifs,  ni  les  plus 
détestables  de  tous  les  hérétiques.  Toutes  les 
villes  leur  sont  ouvertes,  et  moi,  qui  combats 
pour  la  doctrine  de  l'Evangile,  on  me  chasse 
de  toutes  les  villes;  on  dit  que  j'ai  de  mau- 
vais sentiments.  Que  l'on  assemble  donc  un 
concile  ;  que  je  m'explique  en  présence  des 
évêques  et  des  magistrats  ,  et  que  les  juges 
disent  ce  qui  s'accorde  avec  la  doctrine  des 
apôtres.  J'écris  ceci,  non  que  je  souhaite  d'al- 
ler à  Constantinople  ou  dans  quelque  autre 
ville ,  désirant  plus  le  repos  que  ceux  qui, 
étant  moines,  ambitionnent  de  gouverner  des 
Eglises.  »  Il  ajoute  :  «  Je  ne  suis  jamais  venu 
de  moi-même  à  Antioche,  ni  sous  Théodote, 
ni  sous  Jean,  ni  sous  Domnus  ;  mais  j'ai  obéi 
à  peine,  étant  appelé  cinq  à  six  fois,  cédant 
aux  menaces  des  canons  contre  ceux  qui  ne 
viennent  pas  aux  conciles.  Qu'ai-je  fait  dans 
ces  assemblées  qui  soit  contre  la  volonté  de 
Dieu?  Est-ce  en  ôtant  des  sacrés  dyptiques 
ceux  dont  les  crimes  rendaient  indignes  d'y 
être  nommés?  ou  en  élevant  des  personnes 
qui  en  étaient  dignes?  ou  en  prêchant  aux 
peuples  la  doctrine  de  l'Evangile?   Si   ces 
choses  sont  dignes  de  supplices,  j'en  souffri- 
rai encore  de  plus  grands  que  ceux  qu'on  me 
fait  souffrir.  »  Il  dit  que  pendant  tout  le  temps 
de  son  épiscopat,  qui  était  de  vingt-cinq  ans, 
personne  ne  l'avait  accusé,  et  qu'il  n'avait 


accusé  personne;  qu'aucun  de  ses  clercs  ne 
s'était  présenté  devant  les  tribunaux;  que, 
content  d'habits  fort  pauvres,  il  avait  em- 
ployé les  i-evenus  de  son  Eglise  à  l'utinté  pu- 
blique; que  son  occupation  avait  été  ou  de 
travailler  à  la  conversion  des  méchants,  ou  à 
ramener  les  hérétiques  à  la  saine  doctrine, 
ce  qu'il  disait  non  par  vanité,  mais  parla  né- 
cessité de  sa  cause;  qu'il  regardait  la  honte 
de  son  exil  comme  un  honneur  et  comme  la 
preuve  de  ce  que  dit  saint  Paul  :  Ceux  qui 
veulent  vivre  avec  piété  souffriront  persécution. 
Il  exhorte  Nomus ,  à  qui  il  écrivait  pour  la 
troisième  fois,  de  se  faire  instruire  des  maux 
de  l'Eglise  pour  en  arrêter  le  cours. 

Dans  sa  lettre  àEusèbed'Ancyre,Théodoret 
dit  que  ceux  qui  renouvellent  l'hérésie  de  Va- 
lentin,  de  Marcion  et  des  autres,  irrités  de  ce 
qu'illes  avait  réfutés  ouvertement,  avaient 
essayé  de  surprendre  l'empereur  en  le  faisant 
passer  auprès  de  ce  prince  pour  un  hérétique, 
qui  divisait  en  deux  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  «  Mais,  ajoute-t-il,  ils  n'ont  pas  réussi 
dans  leur  tentative,  puisque  l'ordre  qui  a  été 
donné  contre  moi  ne  contient  aucune  accu- 
sation d'hérésie,  mais  seulement  certains  re- 
proches mal  fondés,  comme  d'avoir  assemblé 
plusieurs  fois  des  conciles  à  Antioche.  Je 
suis  si  éloigné  de  l'exécrable  doctrine  qu'ils 
m'imputent ,  que  je  n'ai  pu  même  voir  sans 
peine  que  quelques-uns  des  pères  du  concile 
de  Nicée,  en  écrivant  contre  les  ariens,  aient 
poussé  trop  loin  la  distinction  de  l'humanité 
et  de  la  divinité»  Car  je  n'ignore  pas  que  la 
nécessité  de  distinguer  ces  deux  natures  dans 
Jésus-Christ  n'ait  quelquefois  jeté  dans  l'ex- 
cès ceux  qui  ont  été  obligés  de  traiter  cette 
matière.  Et  afin  qu'on  ne  croie  pas  que  la 
crainte  me  fasse  parler  ainsi  à  présent,  on 
peut  lire  ce  que  j'ai  écrit  avant  le  concile 
d'Ephèse  ,  et  après  ,  il  y  a  douze  ans.  Par  la 
grâce  de  Dieu  j'ai  expliqué  tous  les  Prophètes, 
les  Psaumes  et  saint  Paul;  j'ai  écrit,  il  y  a 
longtemps,  contre  les  ariens,  les  macédo- 
niens, les  apollinaristes  et  les  marcionites. 
J'ai  composé  un  livre  mystique,  un  autre  de 
la  Providence ,  un  sur  les  Questions  des  mages, 
la  Vie  des  Saints,  et  plusieurs  autres.  Je  défie 
mes  accusateurs  et  mes  juges  d'y  trouver 
aucune  opinion  que  je  n'aie  apprise  de  la 
sainte  Ecriture,  n 

19.  Les  ennemis  de  Théodoret,  après  avoir 
surpris  la  religion  de  l'empereur,  trompèrent 
encore  un  grand  nombre  d'autres  personnes, 
en  sorte  que  l'on  commença  à  crier  publique- 


Lettres  83, 

pag.    937,    et 
86,  pag.  96J. 


70 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ment  contre  lui.  Dioscore  d'Alexandi'ie ,  qui 
avait  paru  son  ami,  se  laissa  prévenir  comme 
les  autres  et  se  persuada  que  son  confrère 
était  coupable ,  sans  avoir  vérifié  les  accusa- 
tions dont  on  le  chargeait.  Il  écrivit  à  Dom- 
nus  d'Antioche  que  Théodoret  était  accusé 
de  séparer  notre  unique  Seigneur  Jésus-Christ 
en  deux  fils,  et  d'avoir  prêché  cette  impiété 
dans  Antioche.  Théodoret,  à  qui  Domnus  lit 
part  de  cette  lettre,  en  écrivit  une  à  Dioscore, 
où  il  se  plaignait  amèrement  de  la  légèreté 
avec  laquelle  il  s'était  laissé  persuader  par 
des  calomniateurs.  Il  prend  à  témoin  de  sa 
saine  doctrine  et  de  la  pureté  de  sa  foi  les 
milliers  d'auditeurs  qu'il  avait  eus  à  Antioche  ; 
au  Heu  que  ses  accusateurs  n'étaient  que 
quinze  tout  au  plus.  «  J'ai  enseigné,  dit-il^ 
six  ans  sous  Théodote  d'heureuse  mémoire, 
treize  ans  sous  le  bienheureux  Jean,  qui  pre- 
nait tant  de  plaisir  à  m'entendre  que  souvent 
il  se  levait  et  battait  des  mains.  C'est  la  sep- 
tième année  du  saint  évêque  Domnus,  et  jus- 
qu'ici aucim  évêque  n'a  rien  trouvé  à  redire 
dans  mes  discours.»  Théodoret  proteste  en- 
suite qu'il  veut  suivre  les  traces  des  pères  et 
conserver  la  doctrine  de  TEvangile ,  que  les 
pères  de  Nicée  nous  ont  donnée  en  abrégé. 
Se  servant  des  expressions  de  leur  symbole, 
il  explique  sa  croyance  sur  l'Incarnation  d'une 
manière  catholique ,  donnant  à  la  sainte 
Vierge  le  litre  de  mère  de  Dieu.  Il  ajoute  que 
c'était  la  doctrine  qu'il  avait  apprise  des  di- 
vines Ecritures,  nommément  de  saint  Paul  et 
des  anciens  pères,  en  particulier  de  Théo- 
phile et  de  saint  Cyrille,  dont  il  avait  cité  les 
témoignages  dans  ses  Dialogues  contre  ceux 
qui  ne  voulaient  pas  i-econnaître  la  différence 
des  deux  natures.  «  Je  crois,  dit-il  à  Dios- 
core, que  vous  savez  bien  que  ce  dernier  m'a 
écrit  plusieurs  fois.  Quand  il  envoya  à  An- 
tioche ses  livres  contre  Julien  et  le  traité  du 
Bouc  émissaire ,  il  pria  le  bienheui'eux  Jean 
d'Antioche  de  les  montrer  aux  docteurs  les 
plus  célèbres  d'Orient.  Jean  me  les  envoya. 
Je  les  lus  avec  admiration.  J'en  écrivis  à  saint 
Cyrille  ;  il  me  fit  réponse,  rendant  témoignage 
à  mon  exactitude  et  à  mon  affection.  Je  garde 
seslettres.»  Théodoret  exhorte  donc  Dioscore 
de  ne  point  écouter  ceux  qui  le  calomnient, 
de  prendre  soin  de  la  paix  de  l'Eglise,  de  ne 
pas  permettre  qa'on  en  altère  les  dogmes, 
de  ramener  à  la  pureté  de  la  foi  ceux  qui 
s'en  sont  écartés,  ou,  si  cela  ne  lui  est  pas 
possible,  de  les  chasser  de  l'Eglise,  afin  qu'ils 
n'infectent  pas  les  autres  de  leurs  erreurs. 


Il  finit  pai'  un  anathème  contre  les  dogmes 
qui  avaient  causé  la  condamnation  de  Nésto- 
rius.  Il  est  conçu  en  ces  termes  :  «  Si  quel- 
qu'un ne  dit  pas  que  la  sainte  Vierge  est  mère 
de  Dieu,  ou  s'il  dit  que  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ  est  un  pur  homme,  ou  s'il  divise  en 
deux  le  Fils  unique  et  premier  né  de  toutes 
créatures ,  qu'il  soit  déchu  de  l'espérance 
en  Jésus-Christ.  »  Puisque  Théodoret  mar- 
que qu'il  avait  écrit  cette  lettre  dans  la 
septième  année  de  l'épiscopat  de  Domnus, 
on  peut  la  rapporter  à  l'an  447.  Dioscore 
ne  s'était  pas  contenté  de  se  plaindre  à 
Domnus  de  la  conduite  de  Théodoret  :  il 
s'en  plaignit  à  lui-même  par  une  lettre  dont 
il  chargea  quelques  ecclésiastiques.  Théodo- 
ret, après  avoir  persuadé  ces  envoyés  qu'il 
n'était  rien  moins  que  coupable  des  erreurs 
dont  on  l'accusait,  essaya  d'en  persuader 
aussi  Dioscore  par  une  seconde  lettre,  lui 
prolestant  qu'aucun  évêque  de  l'Orient  n'en- 
seignait rien  de  contraire  à  la  pureté  de  la  foi 
catholique.  Mais  cette  lettre  fut  sans  effet. 

20.  Il  en  écrivit  une  aux  évêques  de  Cilicie, 
où  il  les  avertissait  que  l'occasion  de  la  ca- 
lomnie répandue  contre  eux  venait  de  ce 
qu'on  disait  de  quelques-uns,  enpetitnom- 
bre,  qu'ils  divisaient  en  deux  personnes  Dieu 
Verbe  incarné.  Il  leur  oppose  des  passages 
formels  de  l'Ecriture,  pour  l'unité  des  per- 
sonnes, en  particulier  ces  deux  de  saint  Paul  : 
Ilyaun  seul  Seigneur  Jésus-Christ;  et  encore  : 
Un  Seigneur,  une  foi ,  un  baptême.  Et  celui-ci 
de  saint  Jean  :  Personne  n'est  monté  au  ciel 
que  celui  qui  en  est  descendu,  le  Fils  de  l'homme, 
qui  est  au  ciel.  Il  leur  oppose  encore  la  for- 
mule du  baptême  qui  nous  apprend  qu'il  n'y 
a  qu'un  Fils ,  et  prie  les  évêques  des  deux 
Cilicies  de  réprimer  ceux  qui  s'éloignaient  de 
cette  doctrine ,  soit  par  ignorance  ou  par  es- 
prit de  contention  :  «  si  toutefois  il  est  vrai, 
dit-il,  qu'il  y  en  a  quelques-uns  et  que  ce  n'est 
pas  une  calomnie.  »  Il  semble  que  Théo- 
doret écrivit  aux  évêques  de  ces  deux  pro- 
vinces par  le  conseil  de  Basile,  qu'on  croit 
avoir  été  évêque  de  Séleucie.  Comme  il  était 
en  crédit  et  en  autorité,  et  qu'il  avait  ouï  sou- 
vent prêcher  Théodoret  sur  les  dogmes  de  la 
foi,  sans  l'avoir  jamais  repris  de  rien  dans  sa 
doctrine,  celui-ci  eut  recoui-s  à  lui  dans  la 
persécution  que  Dioscore  lui  suscitait.  Mais 
Basile  ne  fit  point,  en  cette  occasion,  tout  ce 
que  l'amour  de  la  vérité  et  la  connaissance 
qu'il  avait  de  la  catholicité  de  Théodoret  de- 
mandaient de  lai.  Théodoret  lui  en  fit  des 


1    Corii 
TIII,  G,   .M 


CHAPITRE  rV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[y  SIÈCLE.] 

reproches  par  une  lettre  où  il  lui  marquait 
que,  quoique  l'on  ne  doive  point  préférer  l'a- 
mitié à  la  vérité,  on  doit  faire  quelque  chose 
de  plus  qu^à  l'ordinaire  lorsque  l'amitié  et  la 
vérité  sont  jointes  ensemble,  et  que  comme 
on  ne  doit  point  mépriser  les  plus  petits ,  on 
ne  doit  point  non  plus  redouter  les  puissants 
lorsqu'il  s'agit  de  la  vérité  et  de  la  justice. 

21.  Cependant  Dioscore  souffrait  que  les 
accusateurs  de  Théodoret  prononçassent  ana- 
thème  contre  lui  dans  l'église  d'Alexandrie; 
lui-même  se  leva  de  son  siège  et  cria  comme 
eux  anathème.  Il  fit  plus  :  il  envoya  des  évé- 
ques  à  la  cour  pour  y  exciter  de  nouveaux 
troubles  contre  Théodoret  et  les  Orientaux, 
dans  la  vue  sans  doute  de  le  faire  déposer  et 
bannir  de  son  diocèse.  Théodoret  en  écrivit 
à  saint  Flavien  de  Constantinople  pour  l'aver- 
tir de  la  fausseté  des  calomnies  répandues 
contre  lui.  «  J'ai  envoyé,  dit-il,  à  Dioscore  un 
de  nos  prêtres  avec  des  lettres  synodales  pour 
lui  apprendre  que  nous  nous  en  tenons  à  l'ac- 
cord fait  sous  Cyrille  ,  d'heureuse  mémoire  , 
que  nous  approuvons  sa  lettre  et  que  nous 
recevons  avec  respect  celle  de  saint  Athanase 
à  Epictète,  et  la  foi  de  Nioée.  Les  clercs  qu'il 
a  envoyés  ont  reconnu  eux-mêmes ,  par  ex- 
périence, qu'aucun  des  évêques  d'Orient  n'a 
d'opinion  contraire  àla  doctrine  apostolique.» 
Ensuite  il  conjure  Flavien  de  prendre  la  dé- 
fense des  canons  violés  en  sa  personne  par 
l'anathèmc  que  Dioscore  avait  prononcé  con- 
tre lui.  Carie  concile  de  Constantinople  ayant, 
conformément  à  celui  de  Nicée,  séparé  la  ju- 
ridiction des  provinces  et  défendu  aux  éyè- 
ques  d'un  département  de  prendre  autorité 
sur  un  autre,  l'évêque  d'Alexandrie  ne  devait 
gouverner  que  l'Egypte.  «Dioscore,  ajoute 
Théodoret,  vante  continuellement  la  chaire 
de  saint  Marc  ;  mais  il  sait  bien  qu'Antioche 
possède  la  chaire  de  saint  Pierre,  qui  était  le 
maître  de  saint  Marc,  le  prince  et  le  chef  des 
apôtres.  »  Il  observe  en  passant  que  quelque 
sublime  que  soit  un  siège  épiscopal,  celui  qui 
y  est  assis  ne  doit  pas  pour  cela  oublier  les 
sentiments  d'humilité  dont  les  apôtres  ont 
donné  l'exemple.  «  Sachez,  seigneur,  conti- 
nue Théodoret,  que  le  chagrin  de  Dioscore 
contre  nous  vient  de  ce  que  nous  avons  con- 
senti à  la  lettre  synodale  que  vous  fîtes  sous 
Procle,  d'heureuse  mémoire,  conformément 
aux  canons  des  saints  pères.  Il  nous  en  a  fait 
des  reproches  jusqu'à  deux  fois,  comme  si 
nous  avions  abandonné  les  droits  de  l'Eglise 
d'Antioche  et  de  celle  d'Alexandrie.  Il  s'en 


71 


venge,  croyant  en  avoir  trouvé  le  moment.» 
On  croit  que  cette  lettre  synodale  est  celle 
qui  fut  depuis  citée  dans  le  concile  de  Chal- 
cédoine,  à  l'occasion  d' Athanase,  évèque  de 
Perrha  en  Syrie.  Dioscore  prétendait  que  les 
Orientaux,  en  recevant  cette  lettre,  avaient 
reconnu  la  préséance  de  l'évêque  de  Cons- 
tantinople sur  tous  ceux  d'Orient. 

22.  Il  marque  dans  sa  lettre  à  Domnus, 
évèque  d'Apamée,  que  quand  il  aurait  mille 
bouches  pour  louer  Dieu,  il  ne  pourrait 
pas  le  louer  autant  que  le  mérite  l'honneur 
qu'il  lui  fait  de  souffrir,  pour  la  confession 
de  la  vérité,  une  ignominie  apparente,  qu'il 
trouve  plus  glorieuse  que  tous  les  honneurs 
du  monde  ;  que  quand  on  le  condamnerait  à 
s'aller  cacher  dans  le  dernier  coin  de  la  terre, 
il  le  louerait  encore  davantage,  puisqu'il  lui 
serait  redevable  d'une  plus  grande  faveur, 
«  Car  ce  n'est  point,  dit-il ,  le  déplaisir  des  maux 
que  je  souffre,  ni  la  crainte  de  ceux  qu'on 
peut  y  ajouter  qui  me  font  agir  et  écrire  tant 
de  lettres.  Ce  n'est  que  l'obhgation  de  défen- 
dre mon  innocence.  »  Il  ne  niait  pas  qu'il  ne 
fût  coupable  de  beaucoup  de  fautes;  mais 
il  se  tenait  assuré  d'avoir  conservé  dans  sa 
pureté  la  doctrine  des  apôtres,  dont  il  avait 
même  pris  la  défense  contre  les  hérétiques, 
et  qu'il  ne  cessait  de  prêcher  aux  fidèles.  Il 
met  saint  Ignace  entre  ceux  qui  nous  ont 
transmis  la  saine  doctrine,  et  le  compte  pour 
une  des  lumières  du  monde  avec  saint  Atha- 
nase, saint  Basile,  saint  Grégoire  et  saint 
Jean  Chrysostôme.  Dans  cette  confiance,  il 
demande  que,  si  on  le  croit  dans  l'erreur,  il 
soit  entendu  avant  d'être  jugé.  «  Mais , 
ajoute-t-il,  si  l'on  veut  me  condamner  sans 
que  je  voie  seulement,  ni  mes  juges,  ni  mes 
accusateurs,  je  me  soumets  de  bon  cœur  à 
cet  arrêt  injuste,  en  attendant  le  jour  du 
souverain  Juge,  où  nous  n'aurons  besoin  ni 
de  témoins  ni  d'avocats;  puisque  toutes  cho- 
ses lui  sont  parfaitement  connues.  »  Il  dit 
ailleurs  qu'en  sa  présence,  ses  ennemis 
étaient  muets,  et  qu'ils  ne  l'accusaient  que 
lorsqu'il  était  absent. 

23.  Les  évêques  de  Syrie  qui  regardaient 
Théodoret  comme  faisant  l'honneur  de  leur 
province,  et  qui  se  voyaient  anathématisés, 
en  sa  personne,  se  crurent  obligés  d'en  pren- 
dre la  défense.  Sachant  donc  que  Dioscore 
avait  envoyé  des  députés  à  l'empereur,  vrai- 
semblablement pour  demander  la  déposition 
et  le  bannissement  de  Théodoret,  ils  lui  en 
députèrent  d'autres  pour  détruire  les  calom- 


Lellres  S'i, 
Set  sa.iiag. 
G'>  el  OCS. 


Lcllrc  90, 
pag.  9U6. 


Lettr»  91, 
pag.  967. 


Lettres  92, 
93,  91,93,96, 
97,  98,  99, 
100,  101,  102, 
103, 104, les, 
lOC,  107, lOS, 
109,  pog.  968 
et  SUiv. 


72 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


nies  dont  ils  n'étaient  pas  moins  chargés 
que  l'évêque  de  Cyr,  pour  défendre  la  vérité 
des  dogmes  de  la  foi,  et  pour  faire  cesser  les 
troubles  dont  leurs  églises  étaient  agitées. 
Théodoret  se  servit  de  cette  occasion  pour 
écrire  à  un  grand  nombre  de  personnes  de 
considération,  dont  la  plupart  avaient  été 
consuls,  préfets,  patrices  ou  élevés  à  d'autres 
dignités.  Il  en  écrivit  même  à  quelques  da- 
mes, comme  à  Alexandra  et  à  Gélérine, 
moins  pour  leur  recommander  ses  propres 
affaires,  que  pour  les  engager  à  prendre  soin 
des  évêques  députés  à  la  cour.  A  ces  lettres 
il  en  joignit  trois  autres,  l'une  pour  Flavien 
de  Constantinople,  l'autre  pour  Basile  de  Sé- 
leucie,  qui  était  alors  dans  la  même  ville,  et 
la  troisième  à  Eusèbe  d'Ancyre,  chez  qui  les 
députés  devaient  passer.  Il  les  chargea  en 
tout  de  vingt-deux  lettres  où  il  est  presque 
toujours  occupé  à  protester  de  la  pureté  de 
sa  foi,  et  à  rejeter  l'erreur  d'une  seule  na- 
ture, à  reprocher  à  ses  adversaires  qu'ils 
admettaient  eux-mêmes  celle  de  deux  per- 
sonnes et  de  deux  fils,  qu'ils  lui  imputaient; 
et  à  marquer  qu'ayant  appris  à  mépriser 
toutes  les  choses  présentes,  pour  n'attendre 
que  les  biens  futurs,  il  regardait  les  événe- 
ments les  plus  fâcheux,  comme  des  effets  de 
la  bonté  de  Dieu  à  son  égard,  n'y  ayant  rien 
de  fâcheux  pour  un  philosophe  chrétien,  que 
ce  qui  blesse  son  âme  et  sa  conscience.  Dans 
sa  lettre  à  Flavien,  il  s'explique  sur  le  dogme 
et  entre  dans  le  détail  des  hérésies  différen- 
tes sur  l'Incarnation.  Simon,  Basilide,  Valen- 
tin,  Bardesane ,  Marcion  et  Manichée,  ne 
connaissaient  Jésus-Christ  que  comme  Dieu, 
ne  lui  attribuant  l'humanité  qu'en  apparence. 
Les  ariens  enseignent  que  le  Verbe  n'a  pris 
qu'un  corps,  auquel  il  tenait  lieu  d'âme. 
ApolMnaire  dit  qu'il  a  pris  un  corps  animé , 
mais  non  d'une  âme  raisonnable.  Photin  au 
contraire,  Marcel  d'Ancyre  et  Paul  de  Samo- 
sate  disent  que  c'est  un  pur  homme.  «  Il  faut 
donc,  dit  Théodoret,  opposer  à  ceux-ci  les 
passages  qui  prouvent  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  et  au  premier  ceux  qui  prouvent  l'hu- 
manité. »  Il  joignit  à  sa  lettre  pour  Eusèbe 
d'Ancyre  un  abrégé  de  ce  qu'il  avait  appris 
sur  l'Incarnation  du  Fils  unique  de  Dieu ,  afin 
que  personne  ne  pût  douter  de  sa  véritable 
croyance  sur  cet  article,  priant  cet  évèque 
d'examiner  son  écrit,  et  de  lui  dire  ensuite 
s'il  l'avait  trouvé  conforme  aux  dogmes  apos- 
toliques. Il  paraît  qu'il  y  avait  inséré  plu- 
sieurs passages  des  Pères. 


24.  Quelque  temps  après   on   écrivit  de     Leiire  ui 
Constantinople  à  Théodoret,  que  l'empereur 

avait  donné  un  ordre  pour  la  déposition  d'I- 
rénée,  évoque  de  Tyr.  Comme  c'était  lui  qui 
l'avait  ordonné,  il  crut  devoir  écrire  à  Dom- 
nus,  évêque  d'Antioche,  pour  lui  expliquer 
les  raisons  de  soutenir  cette  ordination.  «  Je 
l'ai  ordonné,  dit-il,  en  exécution  du  décret  de 
tous  les  évêques  de  Phénicie,  connaissant  le 
zèle  d'Irénée,  sa  grandeur  d'âme,  sa  charité 
pour  les  pauvres,  et  ses  autres  vertus.  Au 
reste  je  ne  sache  point  qu'il  ait  jamais  refusé 
de  donner  à  la  sainte  Vierge  le  titre  de  mère 
de  Dieu,  ni  qu'il  ait  eu  aucune  autre  opinion 
contraire  à  la  foi.  Pour  ce  qui  est  de  la  biga- 
mie, j'ai  suivi  l'exemple  de  nos  prédéces- 
seurs. Alexandre  d'Antioche  avec  Acace  de 
Bérée  ordonnèrent  Diogène  bigame  ;  Prayle 
de  Jérusalem  ordonna  Domnin  de  Césarée 
bigame,  et  Procle  de  Constantinople  a  ap- 
prouvé l'ordination  d'Irénée,  de  même  que 
les  principaux  évêques  du  Pont,  et  tous  ceux 
de  la  Palestine.  » 

25.  Les  accusateurs  d'Ibas  que  Théodoret     i-Mr^it- 

^  et    112,    pi 

avait  reçus  chez  lui  avec  bonté,  étant  allés  "s"- 
d'Antioche  à  Constantinople  l'an  448,  le  dé- 
chirèrent par  toutes  sortes  de  calomnies.  On 
n'en  sait  point  d'autres  raisons, sinon  qu'ayant 
accusé  Ibas  leur  évêque  d'être  nestorien, 
c'était  une  conséquence  pour  eux  de  se  dé- 
clarer contre  ceux  qui  n'étaient  pas  euty- 
chéens,  afin  de  s'attirer  la  faveur  de  ce  parti. 
Le  patrice  Anatole  en  écrivit  à  Théodoret, 
lui  marquant  le  soulèvement  que  ces  calom- 
nies avaient  excité  contre  lui  en  particulier. 
Théodoret  répondit  qu'il  y  était  si  accou- 
tumé, qu'il  ne  les  ressentait  presque  plus, 
quoiqu'il  plaignit  beaucoup  le  malheur  de 
ceux  qui  le  calomniaient  avec  aussi  peu  de 
sujet  que  de  vérité.  Il  ajoutait  que,  las  de  se 
voir  attaqué  de  tous  côtés,  il  se  serait  retiré 
dans  im  désert  pour  y  passer  le  reste  de  ses 
jours,  s'il  n'en  eût  été  empêché  par  l'ordre 
de  l'empereur  qui  lui  défendait  de  sortir  de 
son  diocèse;  qu'il  ne  croyait  pas  néanmoins 
que  les  ecclésiastiques  d'Edesse  l'eussent 
calomnié  d'eux-mêmes,  si  d'autres  personnes 
ne  les  y  eussent  engagés.  Il  témoigne  la 
peine  de  ce  que  toutes  les  Eglises  étant  en 
paix,  celles  de  l'Orient  fussent  seules  dans 
le  trouble  et  dans  l'agitation.  Il  apprit  vers 
le  même  temps  par  les  lettres  de  Domnus 
d'Antioche  qu'on  parlait  de  convoquer  un 
concile.  Cette  nouvelle  l'attrista  beaucoup, 
ne  doutant  pas  que  cette  assemblée  ne  dût 


[V   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  _  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


73 


avoir  des  suites  fâcheuses,  si  Dieu,  par  sa 
miséricorde  ne  détruisait  toutes  les  machines 
dont  les  ennemis  de  la  paix  et  de  la  vérité 
ne  manqueraient  pas  de  se  servir  en  cette' 
occasion.  Il  en  jugeait  ainsi,  parce  qu'il  pré- 
voyait que  Dioscore  y  présiderait,  le  premier 
évêque  d'Orient,  qui  était  saint  Flavien  de 
Constantinople,  devant  se  trouver  à  cette  as- 
semblée comme  partie.  Théodoret  craignait 
surtout  que  l'on  n'y  confirmât  les  anathé- 
matismes  de  saint  Cyrille,  qu'il  ne  pouvait 
se  résoudre  à  approuver,  persuadé  qu'ils 
renfermaient  l'hérésie  d'Apollinaire.  Il  re- 
présente à  Domnus  avec  quelle  vigueur  les 
Orientaux  s'étaient  opposés  à  ces  anathéma- 
tismes.  et  après  lui  avoir  marqué  qu'il  lui 
envoyait  les  copies  de  ce  qui  s'était  passé 
dans  l'accord  fait  avec  saint  Cyrille,  il  lui 
conseille  de  les  faire  porter  au  concile,  pour 
montrer  que  cet  accord  ne  les  obligeait  pas 
à  recevoir  les  anatbématismes.  Il  l'exhorte  et 
avec  lui  tous  ceux  qui  étaient  appelés  pour 
le  maintien  de  la  piété,  à  recourir  à  Dieu 
pour  en  recevoir  du  secours;  à  ne  point 
craindre  de  tout  faire  et  de  tout  souffrir, 
puisqu'il  s'agissait  de  la  foi  et  de  la  conser- 
ver telle  que  nous  l'avons  reçue  de  nos  pè- 
res. Il  le  piie  de  choisir  avec  soin  parmi  les 
évêques  et  les  ecclésiastiques  ceux  qu'il  mè- 
nerait avec  lui  à  ce  concile,  et  de  ne  prendre 
que  ceux  qui  étaient  les  plus  fermes  dans 
ces  sentiments,  et  qui  avaient  le  plus  de  zèle 
pour  la  défense  de  la  vérité  ;  de  peur  qu'il 
ne  soit  trahi  par  les  siens  mêmes,  et  réduit  à 
faire  quelque  chose  contre  sa  conscience,  et 
ce  qu'il  doit  à  Dieu  ,  ou  qu'il  ne  se  voie  ex- 
posé à  la  violence  de  ses  ennemis.  «Il  s'agit,  lui 
dit-il,  de  la  foi  qui  fait  toute  l'espérance  de 
notre  salut,  et  nous  devons  faire  tous  nos 
efiforts  pour  ne  la  point  altérer,  et  empêcher 
aussi  que  la  doctrine  apostolique  ne  souffre 
quelque  atteinte.  » 
p.s.°m.'"'  26.  Ce  que  Théodoret  avait  prévu  arriva  ; 
Dioscore  d'Alexandrie  se  rendit  le  maître  ab- 
solu du  concile  d'Ephèse;  il  y  employa  les 
dernières  violences  pour  faire  réussir  ses  in- 
justes desseins.  Théodoret  fut  condamné 
comme  chef  d'hérésie;  sa  doctrine  anathéti- 
sée  avec  défense  à  qui  que  ce  fût  de  lui  don- 
ner ni  retraite,  ni  vivres.  Comme  il  était  ab- 
sent, on  l'appela  par  trois  fois,  quoiqu'on  sût 
qu'il  lui  était  impossible  de  venir,  puisqu'il 
était  éloigné  de  trente-cinq  journées;  mais 
Dioscore  voulait  qu'on  observât  cette  ombre 
de  formalité,  afin  qu'il  eût  occasion  de  le 


condamner  par  défaut.  La  raison  de  sa  con-  Libérai. 
damnation  fut  qu'il  avait  écrit  contre  les  ana-  u!'  ""'  '"^' 
thématismes  de  saint  Cyrille,  et  qu'il  avait 
envoyé  une  lettre  à  son  diocèse  contre  le 
premier  concile  d'Ephèse  durant  les  disputes 
entre  saint  Cyrille  et  Jean  d'Anlioche.  On 
produisit  aussi  contre  lui  quelques-uns  de  ses 
écrits;  mais  au  lieu  d'y  trouver  aucune  hé-  Théodoret. 
résie,  on  en  fit»  de  grands  éloges;  ce  qui  Kpilt.  loi  ci 
n'empêcha  pas  qu'on  ne  dit  anathème  à  la 
doctrine  de  leur  auteur,  parce  que  Dioscore, 
sur  l'esprit  duquel  la  justice  et  la  vérité  ne 
faisaient  aucune  impression,  le  voulait  ainsi. 
Les  légats  de  saint  Léon  ne  laissèrent  pas  de 
s'opposer  aux  injustices  que  l'on  commit  en 
cette  assemblée.  Théodoret  l'apprit  en  même 
temps  que  sa  condamnation,  par  une  copie 
des  actes  de  tout  ce  qui  s'y  était  passé.  Sa- 
chant d'ailleurs  le  zèle  de  ce  saint  Pape  pour 
la  vérité,  il  ne  douta  pas  qu'il  ne  dût  trouver 
en  Occident  la  justice  qu'on  lui  refusait  en 
Orient.  Il  prit  donc  le  parti  de  lui  députer 
quelques-uns  de  ses  ecclésiastiques  qu'il 
chargea  de  plusieurs  lettres.  Dans  celle  qui 
est  adressée  à  saint  Léon,  il  reconnaît  d'a- 
bord que  le  Saint-Siège  tenant  le  premier 
rang  en  tout,  c'est  de  lui  que  les  Eglises 
blessées  doivent  recevoir  les  remèdes  néces- 
saires. Il  fait  ensuite  un  grand  éloge  de  la 
ville  de  Rome,  louant  surtout  la  foi  dont  on 
y  faisait  profession,  et  déjà  célèbre  du  vivant 
de  saint  Paul.  Il  relève  l'avantage  que  cette 
ville  avait  de  posséder  les  tombeaux  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul,  pères  et  maîtres  l'un 
et  l'autre  de  la  vérité.  Après  quoi  il  fait  l'é- 
loge de  saint  Léon,  dont  il  relève  le  zèle 
contre  les  manichéens,  et  la  lettre  à  Flavien, 
«  qu'il  a,  dit-il,  lue  et  admirée  comme  le  lan- 
gage du  Saint-Esprit.  »  11  se  plaint  de  l'in- 
justice de  Dioscore,  qui  l'avait  condamné 
sans  l'appeler  et  sans  l'entendre  ,  absent  et 
éloigné.  Venant  après  cela  à  sa  propre 
cause,  il  marque  les  travaux  qu'il  a  es- 
suyés pour  le  service  de  l'Eglise.  «  Il  y  a 
vingt-six  ans,  dit-il,  que  je  suis  évêque,  sans 
avoir  reçu  aucun  reproche,  ni  sous  Théodote, 
ni  sous  les  évêques  d'Antioche,  ses  succes- 
seurs. J'ai  ramené  à  l'Eglise  plus  de  mille 
marcionites  et  quantité  d'ariens  et  d'euno- 
miens;  il  ne  reste  pas  un  hérétique  dans  les 
huit  cents  paroisses  que  je  gouverne.  Dieu 
sait  combien  j'ai  reçu  de  coups  de  pierres, 
et  quels  combats  j'ai  soutenus  dans  plusieurs 
villes  d'Orient  contre  les  païens,  les  juifs  et 
toutes  sortes  d'erreurs.  Après  tant  de  sueurs 


74 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lellrn  lie, 
p>g.  080. 


et  de  travaux  je  suis  condamné  sans  avoir 
été  appelé.  J'attends  donc  le  jugement  de 
votre  Siège  apostolique;  je  prie  et  je  conjure 
voire  Sainteté,  au  juste  tribunal  de  laquelle 
j'en  appelle,  de  me  prêter  son  secours,  et  de 
m'ordonner  d'aller  lui  rendre  compte  de  ma 
doctrine,  et  de  montrer  qu'elle  est  en  tout 
conforme  à  celle  des  apôtres.  »  Il  fait  un  dé- 
nombrement des  ouvrages  qu'il  avait  com- 
posés depuis  vingt  ans,  et  il  ajoute  :  «  On  y 
peut  voir  aisément  si  j'ai  gardé  la  règle 
constante  de  la  foi,  ou  si  je  m'en  suis  écarté  : 
ne  rejetez  pas,  je  vous  supplie,  mes  très- 
humbles  prières,  et  ne  méprisez  pas  ma  vieil- 
lesse, traitée  si  indignement  après  tant  de 
travaux.  Avant  toutes  choses,  je  désire  sa- 
voir de  vous  si  je  dois  acquiescer  à  cette  in- 
juste déposition,  ou  non.  J'attends  votre  dé- 
cision. Si  vous  m'ordonnez  de  m'en  tenir  à 
ce  qui  a  été  jugé,  je  le  ferai,  je  n'importu- 
nerai plus  personne,  et  j'attendrai  le  juge- 
ment de  Dieu.  Il  m'est  témoin  que  je  ne  suis 
pas  en  peine  de  mon  honneur  ni  de  ma 
gloire  ;  mais  du  scandale,  et  de  ce  que  plu- 
sieurs d'entre  les  simples,  principalement 
d'entre  les  hérétiques  convertis,  peuvent  me 
regarder  comme  hérétique,  voyant  l'autorité 
de  ceux  qui  m'ont  condamné,  et  n'étant  pas 
capables  de  discerner  la  doctrine,  ni  de  con- 
sidérer que  depuis  tant  d'années  d'épiscopat, 
je  n'ai  acquis  ni  maisons,  ni  terres,  ni  sépul- 
cre, ni  même  une  obole,  ayant  embrassé  la 
pauvreté  volontaire,  et  distribué  mon  patri- 
moine aussitôt  après  la  mort  de  mes  parents, 
comme  tout  l'Orient  en  est  témoin.  Je  vous 
écris  ceci  par  les  prêtres  Hypatius  et  Abra- 
ham, coévêques,  et  Alypius  exarque  des 
moines,  qui  sont  chez  nous,  ne  pouvant  aller 
moi-même  vers  vous  à  cause  des  ordres  de 
l'empereur,  qui  me  retiennent  comme  les 
autres.  » 

Théodoret  écrivit  aussi  à  René,  prêtre  de 
l'Eglise  romaine,  l'un  des  légats  pour  le  con- 
cile d'Ephèse,  et  qu'il  croyait  y  avoir  assisté. 
Il  le  prie  avec  beaucoup  d'instance  d'obtenir 
du  Pape  un  ordre  pour  l'obhger  d'aller  à 
Rome  rendre  compte  de  sa  doctrine  :  «  car  ce 
Saint-Siège  possède,  dit-il,  la  prééminence 
sur  toutes  les  Eglises  du  monde,  et  cela  par 
un  grand  nombre  de  titres,  principalement 
par  la  pureté  de  la  foi  qui  n'a  jamais  été  in- 
fectée d'aucune  hérésie,  et  sur  lequel  aucun 
ne  s'est  assis  qui  n'ait  conservé  entière  la  foi 
et  la  grâce  apostohque.»  11  proteste  qu'il  n'a 
lui-même  rien  enseigné  de  contraire;  que 


comme  il  a  toujours  professé  de  ne  recon- 
naître qu'un  Père  et  un  Saint-Esprit,  il  n'a 
reconnu  non  plus  qu'un  Fils  qui  s'est  fait 
chair  pour  nous;  et  que  c'est  le  même  qui 
est  Fils  de  Dieu  et  fils  de  l'homme  :  Fils  de 
Dieu  parce  qu'il  est  engendré  de  Dieu,  et  fils 
de  l'homme  à  cause  de  la  forme  d'esclave  se- 
lon laquelle  il  est  né  de  la  race  d'Abraham 
el  de  David.  Sa  troisième  lettre  esta  un  évê-     "-"'''J'"' 

pag.  yao. 

que  nommé  Florent.  Il  s'y  adresse  aussi  à 
plusieurs  autres  évêques  d'Occident  qui  de- 
vaient avec  le  Pape  prendre  connaissance  de 
son  affaire.  Il  les  conjure  de  confirmer  par 
leur  jugement  la  foi  qui  nous  a  été  transmise 
par  les  saints  apôtres;  de  proscrire  l'hérésie 
qui  attaque  la  doctrine  de  l'Incarnation;  de 
reprendre  ouvertement  ceux  qui  protègent 
cette  nouvelle  erreur;  et  de  protéger  ceux 
qui  sont  persécutés  pour  la  défense  de  la 
vérité  et  de  la  justice.  Dans  sa  lettre  à  l'ar-  ^'"^'^  '"• 
chidiacre  Hilarus,  il  le  prie  d'engager  saint 
Léon  à  procurer  la  paix  aux  Eglises  d'Orient, 
et  à  y  maintenir  dans  toute  sa  pureté  le  dé- 
pôt de  la  foi  qui  nous  a  été  confié  par  les 
Apôtres.  Théodoret  écrivit  en  même  temps  r.eit™  no, 
au  patrice  Anatole  pour  le  prier  de  lui  obte-  '"^ 
nir  de  l'empereur  la  liberté  d'aller  en  Occi- 
dent, pour  être  jugé  par  les  évêques  du  pays, 
ou  du  moins  de  se  retirer  à  son  monastère, 
éloigné  de  Gyr  de  cent  vingt  milles,  d'Antio- 
che  de  soixante-quinze,  et  à  trois  milles  d'A- 
pamée.  11  demandait  cette  grâce  sur  l'avis 
qu'il  avait  reçu  qu'on  voulait  le  chasser  de 
Cyr.  Il  disait  dans  la  même  lettre  qu'il  con- 
sentait d'être  jeté  au  miheu  de  la  mer,  si  les 
évêques  d'Occident  trouvaient  qu'il  se  fût 
écarté  tant  soit  peu  de  la  règle  de  la  foi.  On 
a  mis  parmi  ces  lettres,  celles  que  Théodoret  Letiresn, 
écrivit  à  Andibère  et  Appelle,  pour  les  prier  ■p^'s  ■■' 
de  prendre  soin  d'un  nommé  Pierre  qui  était 
tout  à  la  fois  prêtre  et  médecin  :  quoiqu'éta- 
bli  depuis  longtemps  à  Cyr ,  lorsqu'il  apprit 
que  l'on  songeait  à  en  chasser  son  évêque, 
il  voulut  en  sortir  avec  lui. 

27.  L'empereur  permit  à  Théodoret  de  se  Leuresias 
retirer  en  son  monastère  près  d'Apamée,  '-^■'"s- 
avec  défense  d'en  sortir.  On  ne  mit  point 
d'évêque  en  sa  place  ;  mais  on  le  priva  des 
revenus  de  son  évêché.  Cela  se  passait  en 
l'an  450.  Vers  le  même  temps  ou  au  com- 
mencement de  l'année  suivante,  Uranius, 
évêque  d'Emèse,  qui,  ce  semble,  lui  avait 
conseillé  d'user  de  plus  de  ménagement,  de 
peur  de  tomber  dans  la  persécution,  lui  fit 
des  reproches  de  n'avoir  pas  suivi  ses  avis. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


Lettre  126, 


[V«    SIÈCLE.] 

ïhéodoret  lui  fit  réponse  qu'il  avait  mieux 
aimé  suivre  ceux  des  apôtres  et  des  prophè- 
tes, et  parler  avec  force  et  avec  constance 
pour  la  vérité  ;  que  loin  de  se  repentir  d'avoir 
parlé  avec  liberté,  il  s'en  glorifiait,  bénissant 
la  bonté  de  celui  qui  l'avait  ïendu  digne  de 
souffrir  pour  lui.  Uranius  lui  ayant  récrit 
pour  expliquer  quelques  paroles  de  sa  pre- 
mière lettre,  dont  il  croyait  que  ïhéodoret 
n'avait  pas  bien  pris  le  sens  :  «  Je  ne  me  re- 
pens  pas,  lui  dit-il,  d'avoir  mal  pris  le  com- 
mencement de  votre  autre  lettre,  parce  que 
mon  erreur  vous  a  donné  occasion  de  nous 
faire  paraître  l'amitié  fraternelle ,  qui  est 
dans  votre  cœur,  la  pureté  de  votre  foi  et  le 
zèle  que  vous  avez  pour 'la  véi'ité,  »  Pour  lui 
témoigner  plus  particulièrement  combien  il 
l'aimait,  il  voulut  bien  recevoir  ses  présents, 
quoiqu'il  se  fût  fait  une  loi  de  n'en  recevoir 
de  personne. 

28.  Dans  la  lettre  à.l'avocatMarane,  Théo- 
doret  lui  prédit  que  ceux  qui  troublaient  l'E- 
glise par  leur  persécution,  recevraient  bien- 
tôt de  Dieu  la  peine  qu'ils  méritaient;  ce  qui 
arriva  en  effet.  Théodose-le-Jeune  étant  mort 
dans  le  mois  de  juin  ou  de  juillet  de  l'an 450, 
Chrysaphe  qui  avait  entretenu  ce  prince 
dans  l'attachement  au  schisme  de  Dioscore, 
fut  disgracié  bientôt  après,  relégué  dans  une 
île,  et  mis  à  mort  par  le  conseil  de  l'impéra- 
trice Pulchérie.  Théodoret  était  encore  dans 
son  monastère  lorsque  Mécimas,  prêtre  et 
abbé  y  vint  de  fort  loin  pour  lui  apprendre 
les  combats  que  soutenaient  pour  la  foi, 
Aphthone,  Nonnus  et  quelques  autres  des 
principaux  de  la  ville  de  Zeugma  dans  l'Eu- 
phratésienne  ;  ce  qui  l'engagea  à  leur  écrire 
pour  animer  de  plus  en  plus  leur  zèle.  Mais 
dans  la  crainte  que,  combattant  pour  la  foi, 
ils  ne  tombassent  dans  l'une  des  deux  héré- 
sies opposées,  savoir,  celle  de  Nestorius  et 
d'Eutychès,  il  leur  exphqua  dans  sa  lettre  ce 
que  l'on  doit  croire  du  mystère  de  l'Incarna- 
tion. 

29.  La  lettre  à  Sabinien  regarde  sa  con- 
duite particulière.  Il  avait  été  contraint  par 
la  violence  d'abandonner  l'Eglise  de  Perrha, 
dont  il  était  évêque,  à  Athanase  ,  malgré  les 
larmes  de  tout  sou  peuple.  Comme  il  laissa 
entrevoir  de  la  faiblesse  dans  cette  occasion, 
s'étant  adressé,  pour  procurer  son  rétablis- 
sement, à  ceux  mêmes  qui  l'avaient  chassé, 
apparemment  à  Dioscore  ,  ïhéodoret  lui  fit 
faire  réflexion  sur  cette  démarche,  disant  qu'il 
eût  eu  beaucoup  plus  de  raisons  de  fuir  l'é- 


73 


piscopat  si  on  l'eût  voulu  obliger  de  le  gar- 
der dans  l'état  où  étaient  les  choses  ;  que  les 
uns,  blasphémant  ouvertement  contre  ce  que 
les  pères  nous  ont  enseigné  touchant  le  mys- 
tère de  l'Incarnation ,  et  les  autres  n'ayant 
pas  la  force  de  s'élever  contre  leurs  blas- 
phèmes, il  ne  restait  que  deux  moyens  à  ceux 
qui  aimaient  la  vérité  :  l'un,  de  s'opposer  for- 
tement à  l'erreur,  et  de  s'exposer  conséquem- 
ment  aux  persécutions  ;  l'autre,  de  fuir  et  d'a- 
bandonner les  dignités  de  l'Eghse  pour  ne 
point  communiquer  avec  les  impies. 

30.  La  lettre  de  Théodoret  à  Jobius  est 
pour  le  féliciter  sur  le  zèle  qu'il  faisait  paraî- 
tre dans  sa  grande  vieillesse  pour  la  doctrine 
de  l'Evangile.  11  l'exhorte  à  demander  la  paix 
de  l'Eglise.  Les  lettres  à  Candide  et  à  Magnus, 
tous  deux  prêtres  et  abbés,  sont  encore  pour 
les  louer  de  leur  zèle  et  les  exhorter  à  prier 
pour  lui  et  pour  toute  l'Eglise. 

31.  Un  autre  zélé  défenseur  de  la  foi  était 
l'évêque  Timothée.  Pour  mieux  réussir,  il 
pria  Théodoret  de  lui  donner  une  instruction 
sur  l'Incarnation,  afin  d'en  défendre  le  mys- 
tère avec  plus  de  lumière  et  de  force.  ïhéo- 
doret lui  écrivit  sur  cela  ime  assez  longue 
lettre  où  il  lui  expose  la  doctrine  qu'il  avait 
apprise  dans  les  livres  saints  et  dans  ceux  des 
pères.  Il  avertit  Timothée  qu'il  est  besoin, 
avant  toute  chose,  de  savoir  la  différence  des 
noms  donnés  à  Jésus-Christ,  et  la  cause  de 
l'Incarnation.  «  Avec  cette  connaissance  il  ne 
reste  plus,  dit-il,  aucune  ambiguïté  louchant 
la  passion  du  Sauveur.  Nos  ennemis  con- 
viendront sans  peine  que  les  noms  de  Fils 
unique  de  Dieu  avant  l'Incarnation  étaient 
ceux  de  Dieu ,  de  Verbe  ,  du  Fils  unique , 
de  Seigneur  de  toutes  créatures ,  et  que 
le  nom  de  Jésus-Christ  marque  proprement 
son  incarnation,  puisque  auparavant  il  ne 
s'appelait  ni  Christ  ni  Jésus.  On  l'appelait 
toutefois,  depuis  l'Incarnation,  Dieu,  Verbe, 
Seigneur,  Tout-puissant,  Fils  unique  et  Créa- 
teur; parce  qu'en  se  faisant  homme  il  est  de- 
meuré ce  qu'il  était.  Mais  lorsqu'il  s'agit  de 
sa  passion,  l'Ecriture  ne  lui  donne  jamais  le 
nom  de  Dieu ,  et  les  évangélistes ,  lorsqu'ils 
font  sa  généalogie,  ne  la  font  que  suivant  sa 
nature  humaine,  selon  laquelle  il  descend 
d'Abraham  et  de  David.  Théodoret  pose  pour 
un  principe  certain  et  avoué  même  des  héré- 
rétiques  qu'il  y  a  deux  natures  en  Jésus- 
Christ  :  la  divine,  qui  est  éternelle,  et  l'hu- 
maine, qui  est  née  dans  le  temps;  d'où  il  in- 
fère que  sans  les  diviser  ni  admettre  deux 


Lettre  127, 
pag.  990. 


Lettres  158, 
129,  p.  1000. 


Lettre  130, 
paj. 1000. 


•76 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


personnes  en  Jésus-Christ ,  on  doit  dire  que 
sa  chair  est  passible  et  sa  divinité  impassible . 
«Nous  en  usons  de  même,  dit-il, àl'égard  de  no- 
tre âme  et  denotre  corps,  quoique  ces  deux  na- 
tures soient  d'un  même  temps  et  unies  natu- 
rellement :  nous  disons,  sans  les  diviser,  que 
l'âme  est  simple,  raisonnable,  immortelle  et 
invisible;  et  que  le  corps  est  composé,  pas- 
sible et  mortel.  Encore  donc  que  les  natures 
soient  différentes,  nous  devons  néanmoins 
adorer  un  seul  Fils  et  reconnaître  que  c'est 
le  même  qui  est  Fils  de  Dieu  et  fils  de  Thom- 
me.  L'union  rend  les  noms  communs,  mais 
elle  ne  confond  pas  les  natures.  Car  il  est 
clair  à  ceux  qui  pensent  sainement  qu'il  y  a 
des  choses  qui  conviennent  à  Jésus-Christ 
comme  Dieu,  et  d'autres  comme  homme.  On 
dit  de  lui  qu'il  est  passible  et  impassible.  Il  a 
souffert  selon  son  humanité,  il  est  demeuré 
impassible  en  tant  que  Dieu.  S'il  avait  souf- 
fert selon  sa  divinité  ,  comme  le  disent  quel- 
ques impies  ,  en  vain  il  se  serait  fait  chair.  » 
Théodoret  montre  une  seconde  fois  que 
c'est  toujours  de  l'humanité  que  parle  l'Evan- 
gile, lorsqu'il  rapporte  les  circonstances  delà 
passion  du  Sauveur,  et  qu'il  ne  fait  jamais 
mention  de  la  divinité  qui  est  impassible  en 
elle-même.  Il  envoya  en  même  temps  à  Ti- 
mothée  un  écrit  assez  court  qu'il  avait  fait  sur 
l'Incarnation,  à  la  prière  d'un  saint  homme 
qu'il  ne  nomme  pas.  Il  lui  envoya  encore 
quelques  passages  des  Pères  sur  la  même 
matière ,  en  lui  promettant  de  lui  donner  un 
exemplaire  de  ses  Dialogues,  s'il  pouvait  trou- 
ver un  copiste  pour  les  transcrire. 
Leiiresi3i,  32.  Les  lottrcs  à  Longin,  abbé  de  Dolique 
l'.  1006^  îa;  en  Syrie  ,  à  Jean  de  Germanicie  ,  à  Marcel , 
pas- 1016.  2,\,]^Q  des  Acémètes,  près  de  Constantinople, 
sont  des  éloges  de  leur  zèle  dans  la  défense 
de  la  foi.  Celui  de  Marcel  n'avait  pu  être  arrêté 
par  l'autorité  de  l'empereuj',  ni  affaibli  par 
l'exemple  d'un  grand  nombre  d'évêques  qui 
avaientlàchement  abandonnéla  vérité.  Théoc- 
tiste  de  Bérée  paraît  avoir  été  du  nombre. 
Lotiro  134,  Théodoret  lui  en  fit  des  reproches,  et  du  peu 
pag,  1007.       ^g  g^jjj  gi^.jj  g^^j^jj  gy  (jg  jyj  jjj^jjg  ggg  besoins. 

Lettre  132,  33.  Ibas ,  compris  comme  beaucoup  d'au- 
pag-ii'os-  ^j,gg  ^jjjjg  jgg  persécutions  de  Dioscore,  fut 
déposé  dans  le  conciliabule  d'Ephèse,  et  Non- 
nus  mis  à  sa  place.  Théodoret,  pour  l'en- 
courager à  souffrir  des  vexations  qui  n'étaient 
que  l'effet  de  l'injustice  de  leurs  ennemis  com- 
muns, lui  écrivit  de  considérer  que  depuis  la 
création  de  l'homme  jusqu'à  nos  jours,  ceux 
qui  ont  voulu  servir  Dieu  ont  tous  eu  beau- 


coup à  souffrir  de  la  part  de  ceux  qui  vivaient 
de  leur  temps.  «  Ne  songez  donc,  lui  dit-il, 
qu'à  pleurer  les  évêques  qui  commettent  ces 
injustices  et  à  plaindre  ceux  qui  ne  se  met- 
tent pas  en  peine  de  s'y  opposer.  Gémissons 
en  voyant  l'Eglise  dans  un  aussi  grand  trou- 
ble; mais  réjouissons-nous  de  ce  que  nous 
avons  le  bonheur  de  souffrir  pour  la  piété,  et  • 
ne  cessons  point  d'en  rendre  gloire  à  celui 
qui  veut  bien  nous  faire  une  telle  grâce.  Cé- 
dons à  nos  meurtriers  l'honneur,  les  digni- 
tés, la  gloire  si  peu  estimable  de  ce  siècle. 
Mais  pour  nous,  qu'il  nous  suffise  de  demeu- 
rer attachés  à  la  doctrine  de  l'Evangile.  Souf- 
frons avec  elle,  s'il  est  nécessaire,  tous  les 
traitements  les  plus  fâcheux,  et  préférons  une 
glorieuse  pauvreté  à  des  richesses  sujettes  à 
tant  de  chagrins  et  de  peines.  »  Un  prêtre 
nommé  Ozée,  que  Théodoret  appelle  un  gé- 
néreux défenseur  de  la  vérité,  fut  porteur  de 
cette  lettre. 

24.  Un  évêque^  nommé  Romulns,  avait  écrit  Lettre  ne, 
à  Théodoret  sur  l'indulgence  dont  il  fallait 
user  à  l'égard  de  ceux  qui  étaient  tombés 
durant  la  persécution  de  Dioscore;  et,  pour 
l'y  engager,  il  se  servait  de  divers  exemples 
tirés  de  l'Ecriture ,  où  la  miséricorde  parais- 
sait être  préférée  à  la  justice.  Théodoret  lui 
fait  remarquer  que,  quoique  Achab  eût  quel- 
quefois usé  de  miséricorde  ,  il  avait  néan- 
moins ressenti  les  effets  de  la  vengeance  di- 
vine. «  Pour  nous,  ajoute-t-il,  nous  croyons 
qu'il  faut  tempérer  la  miséricorde  parla  jus- 
tice, parce  que  toute  miséricorde  ne  plaît 
point  à  Dieu;  que,  comme  l'indulgence  est 
bonne  en  des  occasions,  la  justice  l'est  en 
d'autres;  que  les  fautes  ayant  été  inégales,  il 
ne  faut  pas  traiter  tous  les  coupables  égale- 
ment, mais  agir  envers  eux  avec  beaucoup 
de  discrétion  et  de  prudence.  » 

35.  L'empereur  Marcien  ayant,  dès  le  com-  ^^^^^^^  ,j, 
mencement  de  son  règne,  rendu  la  hberté  à  f^|-  ""f^,!' 
l'Eglise ,  à  Théodoret  et  aux  autres  évêques, 
dès  qu'il  en  eut  connaissance ,  Thodoret  fit 
part  de  cette  nouvelle  à  ses  amis.  Dans  la  lettre 
qu'il  en  écrivit  à  l'abbé  Jean,  il  le  prie  de  se 
joindre  à  lui  pour  rendre  grâces  à  Dieu  de  ce 
changement,  et  obtenir  que  ceux  qui  embras- 
saient alors  la  vérité  fussent  assez  généreux 
pour  l'aimer  pour  elle-même,  sans  aucun  in- 
térêt temporel.  Il  en  écrivit  une  autre  au 
patrice  Anatole,  pour  le  prier  de  remercier 
de  sa  part  l'empereur  et  l'impératrice  de  la 
liberté  qu'ils  accordaient  à  l'Eglise,  et  de  sol- 
liciter puissamment  la  convocation  d'un  con- 


CHAPITRE  TV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


Lettres  14(1, 
p.Tg.  1014,  et 
li2,  p.   lulb. 


[V  SIÈCLE.] 

cile  où  ce  prince  voulût  bien  se  trouver  en 
personne  pour  empêcher  le  désordre.  II  fît 
les  mêmes  prières  à  Aspar,  consul  et  patrice, 
et  à  Vincomale,  en  les  remerciant  de  ce  qu'ils 
avaient  procuré  son  rappel,  comme  avait  fait 
aussi  Anatole.  Sa  seconde  lettre  à  Marcel, 
abbé  des  Acémètes,  est,  comme  la  première, 
un  éloge  de  sa  vertu  et  de  sa  générosité. 
Théodoret^  en  expliquant  ce  qu'il  faut  croire 
du  mystère  de  l'Incarnation,  dit  que  la  sainte 
Trinité  n'a  reçu  par  là  aucune  augmentation, 
n'y  ayant  toujours  qu'an  Fils,  comme  il  n'y 
a  qu'un  Père  et  un  Saint-Esprit;  que  telle  est 
la  foi  qu'il  a  apprise  dès  le  commencement) 
celle  dans  laquelle  il  a  été  baptisé  et  qu'i^ 
continue  d'avoir.  Il  demande  à  cet  abbé  de 
lui  obtenir  de  Dieu  d'être  plutôt  du  nombre 
de  ceux  qui  souffrent  persécution  pour  la  vé- 
rité, que  de  ceux  qui  la  font  souffrir  aux  au- 
tres. Il  s'explique  de  la  même  manière  dans 
sa  lettre  à  André ,  moine  de  Constantinople , 
condamnant  ceux  qui  séparaient  Jésus-Christ 
Fils  du  Dieu  vivant,  le  Verbe  fait  homme,  en 
deux  fils,  s'il  J  en  avait  qui  fussent  de  ce 
sentiment,  car  il  en  doutait.  Le  désir  de  faire 
connaissance  avec  André ,  dont  la  réputa- 
tion était  grande,  fut  ce  qui  engagea  Théo- 
doret  à  lui  écrire  le  premier. 

36.  Il  avait  dit  en  une  certaine  occasion  que 
Dieu  peut  tout  ce  qu'il  veut,  mais  qu'il  ne  veut 
et  ne  peut  rien  de  ce  qui  ne  convient  pas  à  sa 
nature.  Les  eutychéens  condamnèrent  cette 
parole,  et,  prétendant  qu'il  n'y  avait  rien 
d'impossible  à  Dieu,  ils  soutenaient  aussi  qu'il 
avait  pu  souffrir  et  mourir  dans  sa  nature  di- 
vine. Quelques  personnes,  qui  avaient  pris 
apparemment  le  parti  de  Théodoret  contre 
les  eutychéens,  lui  écrivirent  pour  le  prier  de 
leur  éclaircir  cette  difficulté.  Il  est  dit,  dans 
l'inscription  de  la  lettre,  que  c'étaient  des  sol- 
dats; mais  il  est  rare  qu'ils  s'occupent  de  ques- 
tions de  théologie.  Quoi  qu'il  en  soit,  Théo- 
doret fit  voir,  dans  sa  réponse,  que  ceux  qui 
condamnaient  ce  qu'il  avait  dit  touchant  le 
pouvoir  de  Dieu  ,  n'étaient  point  instruits 
comme  ils  devaient  l'être.  «  Nous  confessons, 
dit-il,  que  Dieu  peut  tout;  mais  sous  le  terme 
de  tout  nous  n'entendons  que  les  choses 
bonnes  et  honnêtes,  celui  qui  est  bon  et  sage 
de  sa  nature  n'admettant  rien  de  contraire  à 
sa  bonté  et  à  sa  sagesse.  Que  ceux  qui  pen- 
sent autrement  nous  disent  si  Dieu  peut  men- 
tir, lui  qui  est  la  vérité?  s'il  peut  commettre 
des  injustices,  lui  qui  est  la  source  de  la  jus- 
tice? s'il  peut  devenir  insensé,  lui  qui  est  un 


77 


abîme  et  une  profondeur  de  sagesse?  s'il  peut 
n'être  ni  Dieu,  ni  bon,  ni  créateur?  S'ils  con- 
viennent que  ces  choses  ne  sont  pas  possibles 
à  Dieu ,  alors  nous  leur  dirons  qu'il  y  a  plu- 
sieurs choses  impossibles  à  Dieu  par  une  im- 
possibilité qui  ne  vient  pas  de  faiblesse  ou  de 
défaut,  mais  de  la  perfection  de  sa  nature  et 
de  sa  grande  puissance,  comme  ce  n'est  point 
une  faiblesse,  mais  une  perfection  et  une 
marque  de  puissance  à  notre  âme  de  ne  pou- 
voir mourir.  S'ils  objectent  que  Dieu  pont  tout 
ce  qu'il  veut ,  il  faut  leur  répondre  qu'il  ne 
veut  rien  faire  qui  ne  convienne  à  sa  nature; 
qu'étant  bon  et  juste  de  sa  nature,  il  ne  veut 
par  conséquent  rien  de  mauvais  ni  d'injuste.» 
Théodoret  prouve,  par  quelques  passages  de 
l'Ecriture,  que  Dieu  n'étant  point  susceptible 
de  changement,  dès  lors  il  n'a  pu  devenir 
mortel  et  passible,  d'immortel  et  et  d'impas- 
sible qu'il  est;  qu'autrement  il  n'aurait  point 
pris  notre  nature.  Mais  parce  que  sa  nature 
est  immortelle,  il  a  pris  un  corps  qui  pùl 
souffrir,  et  avec  ce  corps  une  âme  humaine, 
aBn  de  délivrer  en  même  temps  notre  âme  et 
notre  corps. 

Il  prouve,  par  le  témoignage  des  quatre 
évangélistes ,  que  ce  fut  le  corps  de  Jésus- 
Christ  qui  fut  attaché  à  la  croix  ;  et  parce  qu'il 
y  est  dit  aussi  que  le  Seigneur  fut  mis  dans 
le  tombeau,  il  répond  qu'il  est  d'usage  de  dire 
de  la  personne  ce  qu'on  dit  du  corps.  «  Nous 
lisonSj  dit-il,  dans  les  Actes,  que  des  personnes 
craignant  Dieu  ensevelirent  saint  Etienne, 
quoiqu'elles  n'eussent  enseveli  que  son  corps. 
Jacob  dit  à  ses  enfants  :  Ensevelissez-moi  avec 
mes  pères,  et  non  pas  :  Ensevelissezmon  corps. 
Nous-mêmes,  lorsque  nous  parlons  des  tem- 
ples des  saints  apôtres  et  des  martyrs ,  nous 
les  nommons  du  nom  de  Denis,  de  Julien  ou 
de  Côme ,  quoique  nous  sachions  qu'il  n'y  a 
souvent  dans  ces  temples  qu'une  petite  par- 
tie de  leurs  reliques  et  que  leurs  âmes  repo- 
sentailleurs.  Lors  donc  que  l'ange  dit  :  Venez, 
voyez  le  lieu  où  le  Seigneur  avait  été  mis,  il 
ne  voulait  pas  dire  que  la  divinité  eût  été  en- 
fermée dans  le  tombeau ,  mais  il  donnait  au 
corps  du  Seigneur  le  nom  même  de  Sei- 
gneur. » 

Théodoret  montre  que  ce  qu'il  avait  avancé 
était  conforme  à  la  doctrine  des  anciens;  que 
saint  Athanase,  le  pape  Damase  et  saint  Léon, 
dans  sa  lettre  àFlavien,  enseignaient  que  le  Fils 
de  Dieu  n'avait  souffert  que  dans  sa  nature 
humaine.  Il  recommande  à  ceux  qui  l'avaient 
consulté  de  ne  plus  s'entretenir  sur  les  dogmes 


Act.vm,  a. 


Geaes.xLix, 
29. 


78 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


avec  ceux  contre  qui  ils  étaient  entrés  en  dis- 
pute, s'ils  ne:  cédaient  pas  aux  raisons  et  aux 
autorités  alléguées  dans  sa  lettre,  et  de  leschas- 
sermêmede  leur  communauté  s'ils  étaient  as- 
sez impies  pour  dire  que  le  mensonge  est  pos- 
sible à  Dieu.  Cette  circonstance  fait  voir  en- 
core que  ceux  à  qui  Théodoret  s'adresse  dans 
cette  lettre  n'étaient  point  soldats,  car  il  n'ap- 
partient pas  à  des  soldats  de  chasser  de  leur 
compagnie  ceux  qui  ne  pensent  pas  comme 
eux  sur  quelques  points  de  doctrine. 
Lettre  143,  37.  Malgré  la  précaution  que  Théodoret 
'°^'  '■  prenait,  dans  la  plupart  de  ses  lettres,  de 
justifier  sa  foi  sur  l'Incarnation,  on  ne  lais- 
sait pas  de  l'accuser  de  croire  deux  fils  en 
Jésus-Christ.  Il  écrivit  aux  moines  de  Cons- 
tantinople  que  ceux  qui  formaient  contre  lui 
de  semblables  accusations  n'en  avaient  point 
d'autres  raisons  que  son  attention  à  com- 
battre leurs  erreurs.  Il  témoigne  sa  douleur, 
dans  cette  lettre,  de  la  nécessité  où  il  se  trouve 
d'employer  contre  ceux  qui  se  disent  enfants 
de  l'Eghse  les  mêmes  preuves  qu'il  avait  em- 
ployées pour  combattre  et  convertir  tant  de 
marcionites.  Il  appelle  à  témoin  les  milliers 
d'hommes  qui  lui  avaient  ouï  prêcher  l'E- 
vangile, pour  attester  qu'il  n'a  rien  ensei- 
gné de  conti-aire  à  la  vérité  ,  et  renvoie  aux 
ouvrages  qu'il  a  écrits  contre  les  Grecs , 
contre  les  juifs  et  contre  les  ariens ,  disant 
qu'on  y  trouvera  qu'il  a  combattu  contre 
eux,  non  pour  deux  fils,  mais  pour  le  Fils 
unique  de  Dieu.  Il  ajoute  que  chaque  année 
il  obhge  ceux  qui  reçoivent  le  baptême  d'ap- 
prendre le  symbole  de  Nicée;  que  lorsqu'il 
les  baptise,  c'est  au  nom  du  Père ,  du  Fils  et 
du  Saint-Esprit,  nommant  au  singulier  cha- 
cune des  trois  personnes;  et  que  lorsqu'il  cé- 
lèbre la  hturgie  dans  l'Eghse ,  il  rend  gloire  au 
Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit.  «Si  nous  ad- 
mettons deuxfils,  dit-il,  comme  on  nous  en  ac- 
cuse, lequel  des  deux  omettons-nous  dans  no- 
tre glorification  et  notre  adoration?  Ne  serait-il 
pas  d'une  extrême  folie  de  croire  deux  tîls 
et  de  n'en  glorifier  qu'un  seul  ?  Mes  ennemis, 
quoique  accoutumés  à  mentir ,  n'oseront  ja- 
mais avancer  qu'ils  m'ont  ouï  parler  de  la 
sorte ,  et  ils  ne  m'accusent  d'admettre  deux 
fils  que  parce  que  j'admets  deux  natures. 
Chaque  homme  a  une  âme  immortelle  et  un 
corps  sujet  à  la  mort.  Tous  connaissent  la 
diËFérence  de  ces  deux  natures  ;  mais  per- 
sonne ,  jusqu'ici ,  ne  s'est  avisé  de  dire  que 
dans  Paul  ou  dans  Adam  elles  font  deux  Paul 
ou  deux  Adam.  Nous  confessons  les  proprié- 


tés des  deux  natures  dans  Jésus-Christ;  mais 
nous  ne  connaissons  qu'un  fils,  le  Fils  de 
Dieu  et  de  l'homme.» 

Il  fait  voir  que  c'est  la  doctrine  de  l'Eglise 
et  qu'elle  a  été  enseignée  par  le  grand  saint 
Basile,  par  saint  Grégoire,  saint  Amphiloque, 
par  saint  Damase ,  évêque  de  la  grande  Rome; 
par  saint  Ambroise  ,  par  saint  Cyprien  ,  par 
saint  Athanase,  saint  Alexandre,  Eustathe, 
Mélèce,  Flavien,  saint  Jean  Chrysostôme, 
Atticus  et  par  d'autres  saints  plus  anciens, 
savoir  :  par  saint  Ignace,  saint  Polycarpe, 
saint  Justin,  saint  Hippolyte  et  saint  Irénée. 
Il  ajoute  que  quoique  le  corps  de  Jésus-Christ 
ne  soit  plus  passible  depuis  sa  résurrection, 
il  existe  réellement ,  et  que  c'est  à  ceux  qui 
(parce  qu'il  est  dit  que  Jésus-Christ  entre  les 
portes  fermées)  nient  l'existence  de  ce  corps 
depuis  la  résurrection,  à  expliquer  comment 
avant  sa  mort  il  marchait  sur  les  eaux,  com- 
ment il  est  né  sans  rompre  le  sceau  de  la  vir- 
ginité, comment  Habacuc,  transporté  en  un 
moment ,  au  travers  des  airs ,  de  Judée  en 
Babylone ,  entra  dans  la  caVferne  où  Daniel 
était  enfermé ,  sans  en  avoir  auparavant  ou- 
vert la  porte ,  et  comment  il  en  sortit  sans 
avoir  rompu  le  sceau  dont  on  en  avait  scellé 
l'entrée.  «  C'est  folie,  dit  Théodoret,  de  vou- 
loir approfondir  la  manière  dont  Dieu  opère 
ses  miracles.  Nos  corps  mêmes,  après  la  ré- 
surrection ,  seront  incorruptibles ,  immortels 
et  assez  légers  pour  s'élever  jusques  dans  les 
airs  en  allant  au  devant  du  souverain  Juge.» 
C'est  ce  qu'il  prouve  par  un  passage  de  la  se- 
conde Épitre  aux  Corinthiens ,  inférant  de  là 
qu'à  plus  forte  raison  le  corps  du  Seigneur, 
uni  à  la  divinité  et  devenu  immortel  depuis 
sa  résurrection  ,  a  pu  entrer ,  les  portes  fer- 
mées, dans  la  chambre  où  les  apôtres  étaient 
assemblés.  Comme  il  ne  dit  rien,  dans  cette 
lettre,  ni  de  son  rétablissement  ni  du  concile 
de  Chalcédoine ,  on  a  lieu  de  juger  qu'il  l'é- 
crivit auparavant. 

38.  Lalettre  suivante  fut  écrite  depuis  et  lors-  r.eiireue 
que  la  tempête  était  déjà  apaisée;  Théodoret  p^s-'"^"- 
était  encore  néanmoins  dans  son  monastère, 
où  il  jouissait  d'une  grande  tranquillité.  Elle 
fut  troublée  par  la  nouveUe  qu'il  y  reçut  d'un 
scandale  arrivé  dans  une  ville  que  l'on  croit 
être  celle  de  Cyr  même.  Quelques  prêtres  , 
après  avoir  fait  la  prière,  la  finissaient  à  l'or- 
dinaire par  le  nom  de  Jésus-Christ.  L'archi- 
diacre les  en  reprit,  soutenant  qu'il  ne  fallait 
point  nommer  Jésus-Christ  dans  la  glorifica- 
tion, mais  le  Fils  unique  du  Père.  C'était,  pour 


rintb. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

ainsi  dire,  séparer  Jésus-Christ  du  Fils  de 
Dieu,  comme  faisaient  les  nestoriens,  ou  ne 
reconnaître  en  lui  que  la  nature  divine,  et 
nier  avec  les  eutychéens  la  vérité  de  son  in- 
carnation. L'injure  faite  à  Jésus-Christ,  en 
cette  occasion,  excita  beaucoup  de  bruit  dans 
la  ville.  Pour  y  remédier,  Théodoret  écrivit 
à  l'économe  de  l'Eglise  ,  nommé  Jean ,  une 
lettre  assez  longue  où  il  fait  voir  que  le  Fils 
de  Dieu  n'étant  qu'un,  l'Ecriture  lui  donne 
indifféremment  tantôt  le  nom  de  Fils  de  Dieu, 
tantôt  celui  de  Christ.  «  C'est  ce  queTon  voit, dit- 
il,  dans  plusieurs  endroits  des  Epitres  de  saint 
Paul  :  //  ny  a,  dit  cet  apôtre,  qu'un  Dieu  Père, 
de  qui  sont  toutes  choses,  et  un  Seigneur  Jésus- 
Christ  par  lequel  toutes  choses  ont  été  faites. 
Et  ailleurs  :  Nous  sommes  toujours  dans  l'at- 
tente de  la  béatitude  que  nous  espérons,  et  de 
l'avènement  glorieux  du  grand  Dieu  et  notre 
Sauveur  Jésus-Christ.  Et  l'apôtre  saint  Pierre  : 
Vous  êtes  le  Christ,  Fils  du  Dieu  vivant.»  11  cite 
beaucoup  d'autres  passages  tant  de  l'Ancien 
que  du  Nouveau  Testament ,  et  ajoute  qu'il 
ne  faut  pas  s'arrêter  à  ce  que  la  qualité  de 
Christ   est  quelquefois  donnée   à   d'autres, 
puisqu'il  y  en  a  aussi  plusieurs  à  qui  l'Ecri- 
ture donne  le  nom  de  Dieu,  ou  qui  l'ont  donné 
à  l'ouvrage  de  leurs  mains,  c'est-à-dire  aux 
fausses  divinités;  que  nous  ne  devons  pas 
rougir  du  nom  de  Christ,  puisque  nous  por- 
tons nous-mêmes  celui  de  chrétien,  qui  vient 
du  Christ;  que,  quoiqu'il  y  ait  quelque  diifé- 
rence  dans  les  gloi'ifications  usitées  dans  les 
Églises,  les  uns  glorifiant  le  Père,  le  Fils  et 
le  Saint-Esprit;  les  autres,  le  Père  avec  le 
Christ  et  le  Saint-Esprit,  c'est  toutefois  le 
même  sens.  Ce  qui  parait  en  ce  que  le  Sei- 
gneur ayant  commandé  de  baptiser  au  nom 
du  Père ,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit ,  l'apôtre 
saint  Pierre  n'ordonna  à  ceux  qui  venaient 
d'embrasser  la  foi  que  de  se  faire  baptiser  au 
nom  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  comme 
si  ce  nom  renfermait  toute  la  force  du  pré- 
cepte divin. 

Théodoret  confirme  ce  qu'il  vient  de  dire 
par  un  endroit  de  saint  Basile  où  nous  lisons 
que  nommer  le  Christ  c'est  nommer  les  trois 
personnes  de  la  Trinité ,  savoir  :  le  Père  qui 
a  oint,  le  Fils  qui  est  oint,  et  le  Saint-Esprit 
par  qui  il  est  oint.  11  fait  voir  encore  que  les 
pères  de  Nicée  n'ont  pas  distingué  le  Fils  de 
Dieu  du  Christ,  mais  qu'ilsl'ont  regardé  comme 
une  seule  et  même  personne,  en  disant  :  Nous 
croyons  aussi  en  un  Seigneur  Jésus-Christ,  Fils 
unique  de  Dieu.  Théodoret  défend  encore  de 


THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR.  79 

dire  que  le  Fils  n'est  plus  Christ  depuis  son 
ascension;  et  par  ce  que  saint  Paul  dit  dans 
une  de  ses  Epitres  :  Nous  ne  connaissons  plus 
maintenant  Jésus-Christ  selon  la  chair,  il  en- 
seigne que  cela  n'empêche  pas  que  Jésus- 
Christ  n'ait  encore  un  corps  humain,  mais 
tout  divin  et  revêtu  de  la  gloire  de  la  divinité  ; 
que  l'apôtre  ne  s'est  servi  de  ces  termes  :  Nous 
ne  le  connaissons  plies  selon  la  chair,  que  pour 
nous  confirmer  dans  l'espérance  de  devenir 
nous-mêmes  incorruptibles  et  immortels.  Cette 
lettre  n'est  point  achevée  dans  nos  exem- 
plaires. 

39.  On  n'y  trouve  point  non  plus  la  lettre 
que  Théodoret  écrivit  à  Abundius ,  évêque  de 
Cosme,  l'un  des  légats  que  saint  Léon  envoya 
à  Constantinople  pour  travailler  à  la  paix  des 
Eglises.  Ces  légats  ayant  fait  signer,  dans  un 
concile  tenu  en  cette  ville,  la  lettre  de  ce  saint 
pape  à  saint  Flavien ,  la  firent  passer  à  tous 
les  métropolitains,  afin  qu'ils  la  signassent. 
Théodoret,  pour  donner  un  nouveau  témoi- 
gnage de  sa  foi ,  envoya  une  copie  de  cette 
lettre,  signée  de  sa  main,  à  Abundius,  et  il  y 
joignit  une  autre  lettre  pleine  de  louanges 
pour  les  légats,  où  il  faisait  un  abrégé  de  sa 
croyance  sur  le  mystère  de  l'Incarnation.  I 
y  assurait  aussi  à  Abundius  que  les  autres 
évêques  que  l'on  avait  persécutés,  et  nom- 
mément Ibas  d'Edesse,  n'avaient  point  d'au- 
tre doctrine  que  la  sienne.  Cette  lettre  est 
rapportée  par  Earonius  et  par  les  continua- 
teurs de  Bollandus. 


II  Cor. 


Lettre 
Abuadiu3. 


Baron,  ad 
an.  /.oO,  ses. 
sxn,     XXIV, 

fiolland.  toT. 
II,  April.  p. 
93. 


§  vm. 

De  l'ouvrage  intitulé  :  Eraniste  ou  Polymorphe. 

i .  Théodoret  intitula  ainsi  cet  ouvrage  parce 
qu'il  y  combat  une  erreur  qui  lui  paraissait 
un  ramas  de  plusieurs  anciennes  hérésies: 
CS.V  E raniste  est ,  selon  lui,  un  quêteur  qui 
ramasse  de  divers  endroits,  de  la  libéralité  de 
plusieurs  personnes,  ce  quilui  est  nécessaire. 
Il  lui  donna  encore  le  titre  de  Polymorphe , 
c'est-à-dire  qui  a  plusieurs  formes,  parce  que 
l'erreur  qu'il  attaque  était  un  composé  de 
celles  deMarcion,  de  Valentin,  d'Apollinaire 
et  d'Arius.  Il  ne  nomme  pas  ceux  qui  en 
étaient  les  défenseurs  ,  se  contentant  de  les 
représenter  comme  des  personnes  qui ,  n'ayant 
l'ien  ni  par  leur  naissance,  ni  par  leur  érudi- 
tion, ni  par  leurs  actions,  qui  les  rende  con- 
sidérables dans  le  monde ,  cherchent  à  s'y 
signaler  par  leur  impiété ,  comme  avait  fait 
autrefois  Alexandre,  ouvrier  en  cuivre,  dont 


A  quelle  oc- 
casion cet  ou- 


80 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


il  est  parlé  dans  sa  seconde  lettre  à  Timotliée,  et 
Manichée,  qui  était  esclave  de  condition.  On 
''  ne  doute  point  qu'il  n'ait  voulu  marquer  par 
là  le  moine  Eutychès,  dont  l'hérésie  commen- 
çait à  se  répandre ,  et  contre  laquelle  Théo- 
doret  s'était  déjà  élevé,  soit  en  public,  soit 
en  particulier,  avant  qu'il  eût  reçu  ordre  de 
la  part  de  l'empereur  de  se  retirer  à  Cyr. 
veîi  rtn  wt!  ^-  C'était  en  447,  et  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
Epis?!°"'uo;  î*^^  ^^  ^"*  ^  '^^^  ouvrage  que  Théodoret  tra- 
pag.  1002.  vailla  dans  les  premiers  temps  de  sa  retraite. 
Il  le  cile  dans  une  de  ses  lettres,  écrite,  en 
449,  à  l'évéque  Timotliée.  [1  est  en  forme  de 
dialogue;  mais,  pour  le  rendre  plus  intelli- 
gible aux  personnes  les  moins  instruites ,  et 
plus  à  la  portée  de  tout  le  monde ,  il  crut  ne 
pas  devoir  s'astreindre  à  toutes  les  règles  que 
Platon  et  les  autres  anciens  sages  de  la  Grèce 
ont  gardées  dans  ce  genre  d'écrire.  Il  n'in- 
troduit que  deux  personnes  :  l'une,  à  qui  il 
donne  le  nom  d'Orthodoxe,  et  qui  prend  tou- 
jours la  défense  de  la  saine  doctrine;  l'autre, 
qui  est  nommée  Eraniste,  propose  les  objec- 
tions et  les  questions  nécessaires  pour  l'é- 
claircissement des  matières, 
iiestdivisé  3.  L'ouvrage  entier  est  divisé  en  trois  dia- 
en  mis  .d,o-  JQg^gg^  qyj  gQjjj.  gyjyjg  jjg  dîvcrs  raisonne- 
ments plus  serrés ,  à  peu  près  dans  la  forme 
de  l'école  ,  où  il  prouve  d'une  manière  plus 
précise  et  plus  abrégée  les  mêmes  choses  qu'il 
avait  traitées  avec  plus  d'étendue  dans  ses 
dialogues. 
Premierdia.  4.  Lc  premier  est  intitulé  Immuable,  parce 
iv,°pag.  T'  que  Théodoret  y  fait  voir  que  le  Vei'be,  en  se 
faisant  chair,  n'a  point  été  changé.  Il  y  mon- 
tre d'abord  que  quoique  l'on  ne  mette  point 
ordinairement  de  différence  entre  substance 
et  hypostase,  il  y  en  a  néanmoins,  suivant  le 
langage  et  la  doctrine  des  pères,  comme  nous 
en  mettons  entre  le  commun  et  le  propre, 
l'espèce  et  l'individu.  Le  nom  d'homme  est 
commun  à  toute  la  nature  humaine ,  et  le 
nom  de  substance  aux  personnes  de  la  Trinité  ; 
mais  le  terme  à'hypostase  marque  une  per- 
sonne en  particulier,  le  Père,  ou  le  Fils,  ou 
le  Saint-Espril.  Le  nom  d'immuable  est  aussi 
commun  aux  trois  personnes,  n'étant  pas  pos- 
sible que  dans  une  même  substance  l'im- 
muable et  le  muable  se  rencontrent.  Cela 
étant  ainsi,  le  Fils  imique  de  Dieu  est  im- 
muable ,  de  même  que  le  Père  et  le  Saint- 
Esprit.  C'est  en  effet  du  Fils  qu'il  est  dit  dans 
le  psaume  ci  :  Vous  êtes  toujours  le  même  et 
vos  années  ne  finiront  point .  Théodoret  prouve 
ensuite  que  le  Verbe  s'est  fait  chair  en  nais- 


sant de  la  race  d'Abraham  ;  et  rapporte  ce 
qu'on  ht  sur  ce  sujet  touchant  le  temps  et  le 
lieu  de  sa  naissance  dans  les  divines  Ecri- 
tures, et  sur  sa  manifestation  aux  hommes 
dans  un  corps  semblable  aux  leurs,  montrant 
en  même  temps  que  c'est  en  lui  et  non  pas 
en  Salomon  ni  en  Zorobabel  que  se  sont  ac- 
complies les  promesses  faites  à  Abraham  et 
aux  autres  patriarches  touchant  la  vocation 
des  gentils  à  la  foi.  Après  quoi  il  prouve  que 
le  Verbe,  en  prenant  un  corps  et  une  âme 
douée  de  raison,  n'a  souffert  aucun  change- 
ment; sur  quoi  il  rapporte  divers  passages  du 
Nouveau  Testament;  mais  il  appuie  particu- 
lièrement sur  ce  qui  est  dit  dans  saint  Jean  : 
Le  Verbe  a  été  fait  chair,  en  remarquant  que 
cet  évangéliste  ajoute  :  Et  il  a  habité  parmi 
nous,  comme  s'il  disait  que  le  Verbe  s'étant 
fait  une  espèce  de  temple  de  la  chair  à  laquelle 
il  s'est  uni ,  il  a  fixé  parmi  nous  son  taber- 
nacle. Pour  preuve  que  sa  divinité  n'a  souf- 
fert en  cela  aucun  changement,  saint  Jean 
dit  aussitôt  après  :  Nous  avons  vu  sa  gloire 
comme  du  Fils  unique  du  Père,  étant  plein  de 
grâce  et  de  vérité.  Car  étant  homme,  il  portait 
avec  soi  sa  noblesse  paternelle ,  et  faisait 
partout  resplendir  les  rayons  de  sa  divinité 
et  l'éclat  de  sa  puissance  par  un  grand  nom- 
bre de  miracles.  Aux  preuves  tirées  de  l'Ecri- 
ture, il  joint  plusieurs  témoignages  des  an- 
ciens docteurs  de  l'Eglise,  qui,  d'un  commun 
consentement,  ont  enseigné  que  le  Verbe  s'est 
fait  chair  sans  que  sa  divinité  en  souffrît  au- 
cune altération,  et  qu'il  est  véritablement  né 
de  la  Vierge.  Les  pères  dont  il  rapporte  les 
témoignages,  sont  saint  Ignace,  évêque  d'An- 
tioche  et  martyr;  saint  Irénée,  évêque  de 
Lyon;  saint  Hippolyte,  évêque  et  martyr;  saint 
Méthodius,  évêque  et  martyr;  saint  Eustathe, 
évêque  d'Antioche  et  confesseur;  saint  Atha- 
nase  ,  saint  Basile,  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  saint  Grégoire  de  Nysse,  saint  Fla- 
vien  d'Antioche ,  saint  Amphiloque,  évêque 
d'Icône;  saint  Jean  Chysostôme  et  Apolli- 
naire, quoique  ce  dernier  fût  d'ailleurs  favo- 
rable à  l'hérésie  d'Eutychès. 

5.  Le  principal  point  de  son  hérésie  consis- 
tait à  enseigner  qu'il  n'y  a  qu'une  seule  na-  t". 
ture  en  Jésus-Christ,  et  qu'on  ne  peut  pas 
dire  qu'il  y  en  ait  deux  :  erreur  qui  l'enga- 
geait nécessairement  à  admettre  la  confusion 
des  deux  natures.  Mais  pour  la  rendre  moins 
odieuse,  il  disait  qu'avant  l'union  Jésus-Christ 
était  de  deux  natures,  lesquelles,  toutefois, 
api'ès  l'union  n'en  faisaient  qu'une.  Théodoret 


cimiogue,    p. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

entreprend  donc  dans  ce  second  dialogue, 
de  montrer  que  la  divinité  a  été  unie  en  Jé- 
sus-Christ avec  la  nature  humaine,  sans  qu'il 
y  ait  eu  aucune  confusion  dans  l'une  ou  dans 
l'autre,  la  divinité  et  l'humanité  ayant  tou- 
jours conservé  les  propriétés  de  leur  nature. 
11  montre  que  cette  union  s'est  faite  dans  le 
moment  même  que  la  sainte  Vierge  conçut, 
c'est-à-dire  aussitôt  après  la  salutation  angé- 
lique,  et  qu'avant  ce  temps  il  n'y  avait  qu'une 
seule  nature  qui  était  celle  du  Verbe.  Il 
prouve  par  l'Ecriture,  qu'après  l'union  cha- 
cune des  deux  natures  est  demeurée  entière. 
«  S'il  n'en  était  resté  qu'une,  dit-il,  comment 
pourrait-on  accorder  ensemble  les  Evangélis- 
tes,  qui  tous  ont  écrit  depuis  l'union  des  deux 
natures  ?  Or,  saint  Jean,  en  parlant  de  Jé- 
sus-Christ, dit  qu'il  était  au  commencement 
dans  Dieu,  et  que  toutes  choses  ont  été  faites 
par  lui;  saint  Matthieu,  au  contraire,  de 
même  que  saint  Luc,  le  font  descendre  d'A- 
braham et  de  David.  L'un  dit  qu'il  est  Dieu, 
et  éternel  ;  d'autres  lui  donnent  des  hommes 
pour  parents,  et  le  font  naître  dans  le  temps. 
On  ne  peut  pas  dire  néanmoins  qu'il  y  ait 
deux  natures  incarnées  ;  il  n'y  en  a  qu'une 
de  même  qu'il  n'y  a  qu'un  fils.  Met-on  deux 
Paul  pour  un,  parce  que  Paul  est  composé 
de  deux  natures,  dont  chacune  conserve  ses 
propriétés  après  l'union  du  corps  et  de  l'àme 
en  lui  ?  »  Théodoret  fait  voir  qu'à  cause  de 
l'union  de  ces  deux  natures,  on  dit  de  Paul 
ce  qui  convient,  soit  au  corps,  soit  à  l'âme, 
et  qu'il  en  doit  être  de  même  de  Jésus- 
Christ  :  quand  nous  parlons  de  chacune  des 
deux  natures  séparément,  nous  attribuons  à 
la  divinité  ce  qui  lui  appartient,  et  à  l'hu- 
manité ce  qui  lui  est  propre  ;  mais  lorsqu'il 
est  question  de  la  personne  de  Jésus-Christ, 
nous  disons  de  lui  ce  qui  est  des  deux  natu- 
res, l'appelant  Dieu  et  homme.  Fils  de  Dieu 
et  Fils  de  l'homme.  Fils  de  David  et  Seigneur 
de  David,  descendant  d'Abraham  et  Créateur 
d'Abraham.  «N'est-il  pas  marqué,  dit-il,  dans 
l'Evangile  qu'il  est  né?  N'y  est-il  pas  appelé 
enfant?  N'y  est-il  pas  dit  aussi  qu'il  fut  adoré 
des  pasteurs,  qu'il  croissait  en  âge  et  en  sa- 
gesse, qu'il  a  eu  faim,  et  autres  choses  sem- 
blables qui  ne  peuvent  s'entendre  que  de  son 
bumanité  ?  Cette  nature  subsistait  donc  de- 
puis l'union  avec  la  divinité.  »  Théodoret  tire 
une  autre  preuve  de  l'existence  de  cette  na- 
ture après  l'union,  de  l'oblation  mystique 
qui  se  fait  par  les  prêtres  sur  les  saints  au- 
tels. «  De  quelles  choses,  ajoute-t-il,  le  pain  et 
X. 


THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR.  81 

le  vin  sont-ils  les  symboles  ?  n'est-ce  pas  du 
corps  et  du  sang  du  Seigneur?  Si  donc  les 
divins  mystères  représentent  le  vrai  corps, 
il  faut  nécessairement  que  ce  corps  existe 
encore,  et  qu'il  ne  soit  pas  changé  en  la  na- 
ture de  la  divinité,  quoiqu'il  soit  rempli  de 
gloire  depuis  sa  résurrection.  »  Théodoret 
joint  à  ces  raisonnements  les  témoignages  des 
Pères  qui  ont  distingué  nettement  les  deux 
natures  en  Jésus-Christ  après  l'union.  Ce 
sont  les  mêmes  qu'il  avait  cités  dans  le  pre- 
mier dialogue  ;  mais  il  cite  de  plus  dans  ce- 
lui-ci, saint  Ambroise,  Théophile  d'Alexan- 
drie, saint  Cyrille  de  Jérusalem,  Antiochus 
évéque  de  Ptolémaïde^  saint  Hilaire,  saint 
Augustin,  Sévérien  de  Cabale,  Atlicus  de 
Constantinople,  et  saint  Cyrille  d'Alexandrie. 
6.  Il  rapporte  dans  le  troisième  dialogue  les 
témoignages  de  Gélase,  évéque  de  Césarée 
en  Palestine,  et  d'Eusèbe  d'Emèse.  Il  est  in- 
titulé :  De  l'Impassible,  parce  que  Théodoret 
se  propose  d'y  montrer  que  la  divinité  est  im- 
passible de  sa  nature.  «Si  elle  était  passible, 
dit-il,  et  qu'elle  eût  pu  souffrir  sans  la  chair,  en 
vain  elle  s'y  serait  unie.  Comment  donc  est-il 
dit  dans  l'Ecriture  que  le  Fils  de  Dieu  a  souf- 
fert? C'est  que  le  corps  qui  a  souffert  était  le 
sien,  et  que  c'est  l'usage  de  l'Ecriture  d'at- 
tribuer à  la  personne  ce  qui  ne  convient  qu'à 
une  des  parties  dont  elle  est  composée.  Elle 
dit  d'Isaac,  qu'il  était  aveugle,  et  du  paraly- 
tique, qu'il  fut  guéri  ;  il  n'y  avait  néanmoins 
que  le  corps  de  l'un  et  de  l'autre  qui  fût  at- 
taqué. Il  est  encore  de  l'usage  commun  de 
donner  le  nom  d'homme  à  une  de  ses  par- 
ties :  ainsi,  lorsque  nous  entrons  dans  une 
église  où  reposent  les  reliques  des  Apôtres, 
des  Prophètes  ou  des  martyrs,  si  nous  de- 
mandons :  Quel  est  celui  que  l'on  a  renfermé 
dans  une  châsse  exposée  dans  cette  église? 
ceux  qui  le  savent,  répondent  que  c'est  ou 
Thomas  l'apôtre,  ou  Jean  -  Baptiste ,  ou 
Etienne,  le  premier  des  martyrs,  quoique 
souvent  il  n'y  ait  dans  cette  châsse  qu'une 
petite  partie  de  leurs  reliques.  Si  cela  se  dit 
des  hommes,  pourquoi  ne  pourrait-on  pas  le 
dire  du  Sauveur  ?  Et  pourquoi  confondre  en 
lui  deux  natures  que  nous  distinguons  dans 
l'homme,  et  qui  sont  infiniment  plus  difl'é- 
rentes  dans  Jésus-Christ  que  l'âme  ne  l'est 
du  corps  ?  I)  Théodoret  répond  de  la  même 
manière  à  ces  paroles  de  l'ange  à  Marie  : 
Venez,  voyez  le  lieu  oh  le  Seigneur  était  mis, 
dont  les  hérétiques  se  servaient  pour  prou- 
ver que  la  divinité  avait  souffert  la  mort.  En 

6 


dialogue. 


82 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


effet,  cet  endroit  ne  pouvait  s'entendre  que 
du  corps  de  Jésus-Christ,  le  sépulcre  n'étant 
point  destiné  à  renfermer  l'âme,  et  moins 
encore  la  divinité  dont  la  nature  ne  soutire 
aucune  borne.  ïhéodoret  fait  difficulté   de 
dire  que  Dieu  Verbe  a  souffert  dans  sa  chair; 
la  raison  qu'il  en  donne  est  que  l'Ecriture  ne 
s'exprime  point  de  cette   manière,  et  que 
nous  ne  disons  pas  même  de  notre  âme 
qu'elle  souiîre  dans  le  corps,  ni  de  l'âme  de 
Paul,  qu'elle  soit  morte  dans  sa  chair;  mais 
s'il  rejette  l'expression,  il  en  admet  le  sens, 
avouant  que  la  pei'sonne  qui  a  souffert  était 
Dieu,  quoiqu'elle  n'ait  pas  souffert  en  tant 
que  Dieu,  mais  en  tant  qu'homme.  II  veut 
donc  que  l'on  s'en  tienne,  sur  ce  sujet,  aux 
expressions  ordinaires  de  l'Ecriture,  qui  eu 
parlant  de  la  Passion  de  Jésus-Christ,  dit  que 
le  Seigneur  de  la  gloire  a  été  attaché  à  la 
croix  ;  et  que  conformément  à  la  foi  de  l'E- 
glise, établie  dans  les  livres  saints,  et  recon- 
nue dans  le  concile  de  Nicée,  nous  attribuions 
à  la  seule  personne  de  Jésus-Christ,  ce  qui 
convient  aux  deux  natures  unies,  c'est-à-dire 
les  choses  les  plus  sublimes  et  celles  qui  sont 
les  plus  humiliantes  :  celles-là  parce  qu'il  est 
Dieu  ;   ceUes-ci  parce   qu'il   est  homme.  Il 
prouve  que  les  Pères  de  ce  concile,  après 
avoir  reconnu  dans  leur  symbole,  que  l'on 
doit  croire  au  Fils  unique  du  Père,  le  même 
qui  s'est  fait  homme,  déclarent  nettement 
leur  foi  sur  son  impassibilité  en  tant   que 
Dieu,   lorsqu'ils   disent  anathème    avec  la 
sainte  Eglise,  catholique  et  apostolique,  à 
ceux  qui  enseignent  que  le  Fils  de  Dieu  est 
sujet  au  changement  et  à  quelque  altération. 
Démonstra-       '^ ■  Photius  après  avoir  parlé  de  ces  trois 
gi°sme" 'png.'   dialogucs,  ajoute  que  Théodoret  fit  un  autre 
cid. sc^p'.'"^'    ^^^^^^  intitulé  :  Démonsti^ation  par  syllogismes, 
dans  lequel  il  prouvait  les  trois  mêmes  vé- 
rités qu'il  avait  établies  dans  ses  trois  dialo- 
gues, savoir,   que  le  Verbe  est  immuable, 
incapable  de  mélange,  et  impassible.  Ces  syl- 
logismes sont  en  assez  grand  nombre,  y  en 
ayant  plusieurs  pour  démontrer  chacune  de 
ces  vérités  ;  mais  ils  ne  sont  pas  tous  pro- 
posés avec  la  même  force  et  la  même  netteté. 
Il  dit  sur  l'immutabilité  du  Verbe  :  «  On  con- 
vient que  la  substance  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit  est  une   et  immuable  ;  d'où  il 
suit  que  la  substance  du  Fils  qui  est  une  per- 
sonne de  la  Trinité,  est  immuable.   S'il  est 
immuable,  il  n'a  donc  pas  été  changé  lors- 
qu'il s'est  fait  chair,  et  on  ne  dit  qu'il  a  été 
fait  chair,  que  parce  qu'il  a  pris  une  chair 


humaine.  Si  Dieu  Verbe  a  été  fait  chair  par 
un  changement  de  la  divinité  en  la  chair,  il 
n'est  point  immuable ,  ni  par  conséquent 
consubstantiel  à  son  Père.  Comment,  en 
eflfet,  se  pourrait-il  faire,  que  de  deux  per- 
sonnes d'une  substance  très-sainte,  l'une  fût 
sujette  au  changement,  etl'autre  immuable? 
Cela  ne  se  peut  qu'en  disant  que  le  Fils  est 
d'une  autre  substance  que  le  Père.  Or  ce  se- 
rait tomber  dans  les  blasphèmes  d'Arius  et 
d'Eunomius,  qui  enseignent  que  le  Fils  est 
d'une  substance  différente  de  celle  du  Père. 
Saint  Jean  l'Evangéliste  appelle  tabernacle 
ou  temple,  la  chair  que  le  Verbe  a  prise,  et 
dit  qu'il  a  habité  en  elle.  Il  n'a  donc  pas  été 
changé  en  chair  ;  autrement  on  ne  pourrait 
dire  qu'il  a  habité  en  elle,  puisque  celui  qui 
demeure  dans  un  temple  est  différent  du 
temple  même.  Le  même  Evangéliste,  après 
avoir  parlé  de  l'incarnation  du  Fils,  ajoute  : 
Nous  avons  vu  sa  gloire,  comme  du  Fils  unique 
du  Père  ;  d'où  l'on  doit  inférer,  que  le  Fils 
est  demeuré  après  l'incarnation  ce  qu'il  était 
auparavant.  Or,  cela  ne  se  pourrait  dire, 
s'il  avait  été  changé  en  chair  par  l'incarna- 
tion. Saint  Paul  appelle  notre  Seigneur  Jé- 
sus-Christ fils  d'Abraham.  Si  cela  est,  comme 
on  n'en  peut  pas  douter,  le  Verbe-Dieu  n'a 
donc  pas  été  changé  en  chair;  mais  il  a  voulu 
naître  selon  la  chair,  de  la  race  d'Abraham.  » 
Voici  d'autres  raisonnements  pour  montrer 
que  la  divinité  a  été  unie  en  Jésus-Christ 
avec  la  nature  humaine,  sans  confusion  de 
l'une  dans  l'autre.  «Confondre  les  deux  natu- 
res, dit-il,  c'est  les  détruire,  car  en  les  suppo- 
sant confondues,  on  ne  peut  appeler  la  chair, 
chair;  ni  Dieu,  Dieu.  Or,  la  différence  de 
ces  deux  natures  s'est  manifestée  depuis  leur 
union.  Elles  n'ont  donc  pas  été  confondues 
par  cette  union.  Nous  lisons  en  effet  que  le 
Sauveur  a  eu  faim  et  soif,  et  nous  croyons 
que  c'est  réellement  qu'il  a  souffert  ces  be- 
soins. Or,  ils  sont  une  suite  de  la  nature  du 
corps,  et  ne  conviennent  en  aucune  manière 
à  une  nature  incorporelle.  Le  Sauveur  a  donc 
eu  un  corps  capable  de  semblables  besoins.» 
Théodoret  prouve  par  les  Actes  des  Apôtres, 
que  ce  corps  est  resté  même  après  la  résurrec- 
tion. «  La  nature  divine,  dit-il,  est  invisible. 
Or,  saint  Etienne  dit  qu'il  a  vu  le  Seigneur 
debout  à  la  droite  de  Dieu,  ce  qui  ne  peut 
s'entendre  que  du  corps  du  Seigneur.  Ce  corps 
subsistait  donc  dans  sa  propre  nature,  même 
après  son  ascension.  »  A  l'égard  de  l'impassi- 
bilité de  la  nature  divine  en  Jésus-Christ,  il 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V^  SIECLE. J 

la  démontre  par  l'autorité  du  symbole  de 
Nicée  en  cette  manière  :  «  Les  Pères  de  ce 
concile  nous  apprennent  d'après  FEci'Jture 
sainte,  que  le  Fils  est  consubstantiel  à  Dieu 
son  Père  :  or,  l'impassibilité  est  de  la  na- 
ture du  Père,  et  l'Ecriture  nous  enseigne  qu'il 
est  impassible  ;  le  Fils  l'est  donc  aussi  puis- 
qu'il est  d'une  même  substance  que  le  Père. 
Ainsi,  lorsque  nous  lisons  que  Jésus-Christ  a 
souffert  la  mort,  cela  doit  s'entendre  de  la 
chair  :  car  il  a  souflert  de  même  qu'il  est 
ressuscité  comme  homme  ;  il  est  donc  mort 
comme  homme.  »  ïhéodoret  reproche  aux 
ennemis  de  la  foi,  que  connaissant  en  Jésus- 
Christ  une  nature  capable  de  souffrir,  ils  s'o- 
piniâtrent  à  enseigner  qu'il  a  soufi'ert  dans 
sa  divinité.  «  Pour  nous,  ajoute-t-il,  lorsque 
nous  disons  que  l'humanité  a  souffert,  nous 
ne  désunissons  pas  pour  cela  la  nature  divine 
delà  nature  humaine;  mais  nous  disons  que 
comme  elle  a  été  unie  à  la  nature  humaine 
lorsqu'elle  avait  faim,  soif  et  besoin  de  som- 
meil, sans  qu'elle  souffrît  elle-même  de  ces 
sortes  d'infirmités,  de  même  cette  nature 
divine  a  permis,  sans  se  séparer  de  son  hu- 
manité, qu'elle  souflrît  la  mort,  pour  détruire 
la.  mort  même.  » 

§1X. 

De  l'ouvrage  sur  les  Hérésies. 

1.  Théodoret  le  composa  à  la  prière  du 
comte  Sporace,  un  des  commissaires  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  le  même  qui  fut  consul 
en  43!2.  Ce  seigneur  au  milieu  des  engage- 
ments qu'il  avait  à  la  cour,  donnait  tout  son 
loisir  à  la  méditation  de  la  loi  de  Dieu,  et  ci 
la  connaissance  de  la  vérité.  Ce  fut  ce  qui 
l'engagea  à  demander  à  Théodoret  un  abrégé 
des  diverses  hérésies  qui  s'étaient  élevées 
jusqu'alors;  non  qu'il  se  fit  un  plaisir  d'écou- 
ter des  fables,  ni  de  connaître  toutes  les  fo- 
lies inventées  par  ceux  qui  avaient  quitté  le 
chemin  de  la  vérité,  mais  parce  qu'il  désirait 
apprendre  aux  autres  quels  étaient  les  éga- 
rements dont  ils  devaient  se  garder,  pour  ne 
pas  tomber  dans  le  précipice  où  ils  condui- 
sent; et  quel  est  le  chemin  de  la  vérité,  qui 
tracé  sur  les  vestiges  des  Apôtres  et  des  Pro- 
phètes, mène  au  royaume  des  cieux.  Le  dé- 
sir de  Sporace  était  digne  de  louanges  ;  mais 
ïhéodoret  avait  quelque  peine  à  le  satisfaire, 
soit  parce  que  la  plupart  des  hérésies  an- 
ciennes n'avaient  plus  de  cours  ayant  été 
éteintes  par  la  grâce  de  Dieu,  soit  parce  qu'il 


83 

craignait  de  mettre  de  nouveau  en  lumière 
ce  qui  était  enseveli  dans  les  ténèbres,  soit 
enfin  à  cause  des  blasphèmes  et  des  infamies 
horribles  de  la  plupart  de  ces  hérésies.  Il 
trouvait  néanmoins  qu'il  pourrait  être  utile 
d'en  donner  une  connaissance  légère,  mais 
suffisante  pour  que  le  lecteur  conçût  de 
l'horreur,  de  l'éloignement  et  de  la  pitié  pour 
ceux  qui  avaient  inventé  ou  suivi  ces  héré^ 
sies  infâmes  et  extravagantes.  Comme  il  parle 
dans  cet  ouvrage  de  l'hérésie  d'Eutychès,  de 
ses  suites^  et  de  la  manière  dont  elle  avait 
été  détruite,  on  ne  peut  douter  qu'il  ne  l'ait 
écrit  après  le  concile  de  Chalcédoine  en  431, 
où  elle  fut  condamnée. 

2.  Il  eut  recours  pour  le  composer  aux 
anciens  écrivains  ecclésiastiques,  qui  avaient 
traité  la  même  matière  ou  combattu  les  hé- 
résies, soit  celles  qui  s'étaient  élevées  dans 
les  premiers  siècles^  soit  celles  qu'ils  avaient 
vues  naître  eux-mêmes.  Il  nomme  entre  ces 
auteurs,  saint  Justin,  saint  Irénée,  saint  Clé- 
ment, Origène,  les  deux  Eusébe,  celui  de 
Palestine  et  celui  de  Phénicie,  Adamantins, 
Rhodon,  Tile,  Diodore  et  Georges;  mais  il 
ne  dit  rien  de  saint  Epiphane,  ce  dont  on  ne 
sait  point  la  raison.  Il  divisa  son  ouvrage  en 
cinq  livres,  qu'il  disposa  non  suivant  l'ordre 
des  temps ,  mais  par  ordre  de  matières.  Le 
premier  comprend  l'histoire  des  hérésies  qui 
établissaient  deux  principes,  et  qui  disaient 
que  le  Fils  de  Dieu  ne  s'était  incarné  qu'en 
apparence.  Ce  livre  commence  àl'hérésiede 
Simon  le  Magicien,  et  finit  à  celle  de  Manès 
ouManichée.  Il  traite  dans  le  second  des  héré- 
sies qui  enseignaient  l'unité  d'un  premier 
principe,  mais  soutenaieat  que  Jésus-Christ 
n'était  qu'un  pur  homme  ;  il  les  conduit  de- 
puis Ebion  jusqu'à  Photin.  Il  est  parlé  dans 
le  troisième  livre,  de  diverses  autres  héré- 
sies, qui  n'avaient  que  peu  ou  pas  de  rapport 
avec  les  précédentes;  savoir,  de  l'hérésie 
des  nicolaïtes,  des  montanistes,  des  néotiens, 
des  quartodécimans,  des  novatiens  et  des  né- 
potiens.  Les  erreurs  de  ces  derniers,  qui  sont 
moins  connues,  regardaient  les  promesses  de 
Dieu  à  son  peuple,  qu'ils  s'imaginaient  faus- 
sement devoir  s'accomplir  en  Egypte,  et  se 
passer  en  bonne  chère  et  en  réjouissances 
pendant  l'espace  de  mille  années.  Népos,  in- 
venteur de  cette  hérésie,  fut  réfuté  par  saint 
Denis  d'Alexandrie.  Il  le  fut  si  efficacement, 
que  lorsque  Théodoret  écrivait,  à  peine  l'hé- 
résie de  Népos  avait-elle  quelques  sectateurs. 
Il  en  était  de  même  de  la  plupart  des  autres 


Il  Gst  divi» 
se  en  cinq 
livres.  Cequtf 
(;onliertnenl 
les  Irois  pre- 
miers, p.  190. 
et  suiv. 


ïsaï     XLix, 
et  Pôal.  Lxxi. 


Livre  IV^, 
pag. 232. 


Gar  ner. 
tom.  V,  op. 
Théori.  dis- 
sert. 2,  pag. 
â51. 


84  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 

anciennes  hérésies;  comme  elles  ne  s'étaient 
répandues  que  dans  quelques  provinces,  on 
n'y  voyait  presque  plus  personne  qui  en  fît 
profession;  au  lieu  que  toute  la  terre  jusqu'à 
ses  extrémités,  était  pleine  de  chrétiens  qui 
faisaient  profession  de  la  vraie  foi,  suivant  la 
promesse  que  Dieu  avait  faite  à  son  Eghse 
par  ses  prophètes. 

3.  Le  quatrième  livre  commence  à  Thé- 
résie  d'Arius,  et  finit  par  celle  de  Nestorius 
et  d'Eutychès  ;  mais  Théodore!  n'y  dit  rien 
des  origénistes  et  des  pélagiens.  Ce  n'était 
pas  que  ces  derniers,  dont  l'hérésie  avait  pris 
naissance  dans  l'Occident,  ne  fussent  connus 
aux  Orientaux,  puisqu'ils  avaient  reproché 
à  saint  Cyrille  de  les  favoriser;  mais  ïhéo- 
doret  pouvait  bien  n'être  pas  assez  instruit 
de  leur  histoire  ni  de  leurs  sentiments,  pour 
en  faire  un  article  séparé.  La  dureté  avec 
laquelle  il  traite  Nestorius,  a  rendu  suspect 
le  chapitre  où  il  en  parle,  et  quelques  criti- 
ques se  sont  imaginés  qu'il  avait  été  inséré 
mal  à  propos  dans  son  quatrième  livre  des 
Hérésies.  Voici  sur  quoi  ils  fondent  leurs 
conjectures  :  1°  Théodoret  dans  la  préface  des 
cinq  livres  sur  les  Hérésies,  promet  de  réfu- 
ter dans  le  cinquième  toutes  celles  dont 
il  aura  parlé  dans  les  précédents.  Or,  dans 
le  onzième  chapitre,  où  il  est  fait  mention  de 
ceux  qui  ont  erré  sur  l'Incarnation,  il  ne  dit 
pas  un  mot  des  nestoriens.  2°  H  n'est  point 
croyable  que  Théodoret,  qui  dans  ses  autres 
écrits,  traite  ordinairement  Nestorius  de 
très-pieux,  de  très-saint,  de  vénérable  évê- 
que,  et  qui  l'y  représente  comme  ayant  été 
injustement  condamné  à  Ephèse,  l'ait  appelé 
ensuite  l'instrument  du  démon,  le  fléau  d'E- 
gypte, et  un  hypocrite  qui  ne  songeait  qu'à 
s'acquérir  une  réputation  par  une  piété  feinte 
et  apparente.  C'est  toutefois  la  manière  dont 
il  est  traité  dans  ce  chapitre,  où  on  lit  encore 
qu'aussitôt  qu'il  fut  placé  sur  le  siège  de  la 
ville  impériale,  il  changea'  la  puissance  sa- 
crée en  domination  tyrannique,  et  qu'abu- 
sant de  son  pouvoir,  il  prêcha  hautement  son 
impiété,  en  prononçant  pubhquement  des 
blasphèmes  contre  le  Fils  de  Dieu.  3°  L'au- 
teur de  ce  chapitre  dit  qu'il  ne  savait  point 
quelle  avait  été  l'éducation  de  Nestorius; 
mais  seulement  qu'il  avait  changé  de  demeure 
avant  de  venir  à  Antioche,  et  que  dès  le 
commencement  de  son  épiscopat,  il  avait 
fait  voir  de  quelle  manière  il  devait  se  con- 
duire un  jour.  Théodoret,  au  contraire,  sa- 
vait que  Nestorius  avait  été  disciple  de  Théo- 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

dore  de  Mopsueste,  et  élevé  dans  le  monas- 
tère de  saint  Euprépius ,  près  d'Antioche, 
et  qu'il  avait  été  baptisé  dans  cette  ville. 
4°  Le  style  de  ce  chapitre  est  ampoulé,  figuré 
et  plein  d'exagération,  ce  qu'on  ne  peut  dire 
de  celui  de  Théodoret.  3°  Si  ce  chapitre  est 
de  Théodoret,  pourquoi  n'a-t-il  point  été  al- 
légué par  ceux  qui  défendirent  sa  mémoire 
dans  le  cinquième  concile  général?  Pourquoi 
Facundus  et  Libérât  n'en  ont-ils  pas  fait  men- 
tion? Et  pourquoi  le  pape  saint  Grégoire, 
dans  la  lettre  qu'il  écrivit  pour  le  pape  Pe- 
lage II,  aux  évêques  d'Islrie,  ne  le  cita-t-il 
point  en  preuves  de  la  catholicité  de  Théo- 
doret? Car  son  but  était  de  prouver  que  cet 
évêque  avait  été  dans  des  sentiments  ortho- 
doxes depuis  le  concile  deChalcédoine. 

On  peut  répondre  à  la  première  objection, 
que  si  Théodoret  n'a  pas  mis  Nestorius  entre 
les  ennemis  de  l'Incarnation  dans  le  onzième 
chapitre  de  son  cinquième  livre,  il  n'y  a  pas 
mis  non  plus  Eutychès;  toutefois,  personne 
ne  révoque  en  doute  qu'il  ne  soit  auteur  de 
l'article  qui  contient  l'histoire  de  l'hérésie 
d'Eutychès.  On  peut  dire  sur  la  seconde  que 
Théodoret  après  avoir  anathématisé  Nesto- 
rius dans  le  concile  de  Chalcédoine,  ne  pou- 
vait se  dispenser  dans  un  ouvrage  fait  depuis, 
de  représenter  cet  hérésiarque  tel  qu'il  était 
alors  et  qu'il  avait  été,  depuis  le  temps  qu'il 
s'était  livré  à  l'esprit  d'erreur.  Photius  con- 
vient que  Théodoret  parlait  dans  ce  chapitre 
avec  beaucoup  de  force  contre  Nestorius,  et 
toutefois,  il  ne  doute  pas  que  ce  chapitre  ne 
soit  de  lui.  Il  est  aisé  de  répondre  à  la  troi- 
sième objection,  que  lorsque  l'auteur  de  ce 
chapitre  dit  qu'il  ne  savait  pas  quelle  avait 
été  l'éducation  de  Nestorius,  il  entendait 
parler,  non  de  l'éducation  qu'il  avait  reçue  de 
Théodore  de  Mopsueste,  mais  de  ses  parents. 
Il  pouvait  aussi  ignorer  les  voyages  que  Nes- 
torius avait  faits  avant  de  se  retirer  dans 
le  monastère  de  saint  Euprépius,  et  beau- 
coup d'autres  choses  qui  avaient  précédé 
son  épiscopat  :  car  on  ne  voit  point  que 
Théodoret  l'ait  connu  avant  le  concile  d'E- 
phèse.  Comme  ils  étaient  alors  tous  deux 
évêques  et  engagés  dans  des  disputes  consi- 
dérables, ils  avaient  autre  chose  à  penser 
qu'à  s'entretenir  de  ce  qu'ils  avaient  fait  l'un 
et  l'autre  dans  leur  jeunesse.  Pour  ce  qui  est 
du  style  de  ce  chapitre,  d'où  l'on  tire  la 
quatrième  objection,  il  n'est  pas  tel  qu'on  le 
suppose,  et  il  a  un  rapport  sensible  avec  le 
reste  de  cet  ouvrage.  On  convient  de  ce  qui 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V=  SIECLE.] 

est  dit  dans  le  cinquième  concile  général; 
mais  c'est  à  ceux  qui  font  cette  objection  de 
montrer  que  les  défenseurs  de  Théodoret  ont 
cité  tous  les  endroils  qu'ils  pouvaient  allé- 
guer pour  sa  justification;  à  montrer  encore 
que  nous  avons  tout  ce  qui  a  été  allégué 
pour  sa  défense,  et  que  saint  Grégoire  avait 
une  entière  connaissance  de  tous  les  ouvra- 
ges de  ce  Père.  En  attendant  nous  sommes 
bien  autorisés  à  lui  attribuer  le  chapitre  con- 
testé, puisqu'il  est  cité  sous  son  nom,  non- 
seulement  par  Photius  ',  mais  encore  par 
Léon  de  Byzance  ^  qui  écrivait  vers  l'an  600. 
Il  dit,  en  faisant  allusion  à  ce  chapitre,  que 
si  l'on  veut  voir  combien  Théodoret  haïssait 
Nestorius,  on  peut  lire  son  livre  sur  les  Hé- 
résies ;  elles  y  sont  rapportées  avec  beau- 
coup de  précision,  de  netteté  et  d'exacti- 
tude. 

4.  Théodoret  joignit  à  l'Histoire  des  héré- 
sies, l'abrégé  de  la  doctrine  de  l'Eglise  sur 
les  principaux  articles  de  la  foi  et  de  la  mo- 
rale pour  servir  de  réfutation  aux  erreurs 
qu'il  avait  rapportées.  C'est  la  matière  du 
cinquième  livre  qui  est  distribué  en  vingt- 
huit  articles;  en  voici  le  résumé  :  «  Suivant 
les  Ecritures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament, il  n'y  a  qu'un  principe  de  toutes  cho- 
ses ;  savoir,  Dieu  le  Père  de  notre  Seigneur. 
Ce  Dieu  est  sans  commencement,  immortel, 
éternel,  infini,  incorporel,  invisible,  simple, 
bon,  juste  et  tout -puissant,  son  pouvoir 
n'ayant  d'autres  bornes  que  sa  volonté.  Avant 
lui  il  n'y  avait  point  d'autres  dieux,  il  n'y  en 
aura  point  d'autres  après  :  il  est  le  premier 
et  le  dernier.  Comme  nous  croyons  en  un 
Dieu,  nous  avons  appris  aussi  à  croire  en  un 
seul  Fils  engendré  avant  tous  les  siècles.  S'il 
était  créé,  ainsi  que  le  disent  certains  héré- 
tiques, il  ne  serait  pas  unique,  il  aurait  la 
créature  pour  sœur  ;  mais  dès  lors  qu'il  est 
unique,  il  n'a  plus  rien  de  commun  avec  les 
êtres  créés.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les 
Apôtres  qui  le  nomment  vrai  Fils  de  Dieu  , 
le  Père  même  a  rendu  ce  témoignage  en  di- 
sant :  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé  dans  le- 
quel j'aimis  toutes  mes  complaisances .  Il  est  égal 
à  son  Père,  de  sa  même  substance  et  aussi 
puissant  que  lui  ;  il  lui  est  coéternel,  et  ne 
peut  pas  plus  en  être  séparé  que  le  rayon 


85 


du  soleil.  Lorsque  nous  entendons  dire  qu'il 
est  engendré,  éloignons  de  notre  esprit  tout 
ce  qui  se  passe  dans  les  générations  humai- 
nes. Celle  du  Fils  de  Dieu  est  exempte  de 
toutes  passions.  Notre  âme  même  engendre 
son  Verbe,  seule;  le  Fils  pouvait-il  mieux  nous 
faire  connaître  sa  parfaite  et  invariable  res- 
semblance avec  son  Père,  qu'en  disant  à 
l'apôtre  saint  Philippe  :  Celui  qui  me  voit, 
voit  mon  Père.  Nous  avons  encore  appris  que  An.  3. 
le  Saint-Esprit  reçoit  son  existence  de  Dieu 
le  Père.  Il  n'est  ni  créé  ni  engendré,  mais  il 
est  Dieu,  et  de  la  même  substance  que  le 
Père  et  le  Fils.  S'il  était  créé,  le  Sauveur  au- 
rait-il ordonné  que  son  nom  fût  prononcé 
avec  celui  du  Père  dans  la  forme  du  Ijaptême, 
et  nous  enseignerait-on  de  croire  au  Saint- 
Esprit  comme  au  Père  et  au  Fils?  Le  Père 
seul  n'a  point  formé  le  premier  homme  ;  il  l'a 
formé  avec  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  ainsi 
qu'il  paraît  par  cet  endroit  de  l'Ecriture  : 
Faisons  l'homme  à  notre  image.  Il  était  donc 
juste  que  la  régénération  de  l'homme  se  fit 
aussi  par  l'incarnation  des  trois  personnes 
divines,  qui  ne  font  qu'un  seul  Dieu.  » 

S .  «  La  création  de  l 'univers  est  leur  ouvrage;    «  et  a. 
elles  ne  l'ont  point  formé  d'une  manière  pré- 
existante et  co-éternelle  à  Dieu,  mais  de  rien  ; 
étant  au  pouvoir  de  Dieu  d'appeler  ce  quin'est   Rom.  iv 
poi7it  comme  ce  qui  est ,  ainsi  que  parle  l'Apô- 
tre. «  D'où  vient,  dit-il,  que  l'Ecriture,  parlant 
de  la  création  de  l'univers,  s'exprime  en  ces 
termes  :  Dieu  dit  :  Que  la  lumière  soit  faite, 
et  la  lumière  fut.  C'était  une  folie  aux  va-  Ari.  6. 
lentiniens  et  une  grande  impiété  d'imaginer 
des  Eons  plus  anciens  que  Dieu  :  Il  est  avant 
tous  les  siècles,  et  nous  n'en  avons  jamais  connu 
d'autres,  disait  le  prophète  Isaïe.  Les  poètes   j,^,.  ^j, 
et  les  philosophes  de  la  Grèce  admettaient 
des  anges;  mais  ils  en  faisaient  des  dieux. 
Nous  disons  qu'ils  ont  été  créés,  non  par  deux 
comme  les  hommes,  mais  par  milliers.nThéo-  An.  7. 
doret  réfute  l'opinion  de  ceux  qui  entendaient 
des  anges  ce  qui  est  dit  dans  l'Ecriture  du 
mariage  des  enfants  de  Seth  avec  les  filles  de 
la  race  de  Caïn.  Il  dit  que  la  fonction  de  ces 
esprits  célestes  est  de  chanter  les  louanges  de 
Dieu,  de  servir  dans  la  dispensation  de  ses 
mystères  ;  qu'il  y  en  a  auxquels  le  soin  des  na- 
tions et  des  royaumes  est  confié,  et  d'autres 


'  Lectns  est  liber  Theodoreti  contra  Héereses...  per- 
git  porro  usque  ad  Nestorium,  ejusque  hœresim, 
cvjus  mirani  fundit  reprehensionem.  Photius,  Cod.  56, 
pag.  48. 

2  Si  eui  vero  cognoscere  libet  quam  gravi  Nesto- 


rium Theodoretus  odio  prosecutus  fuerit,  is  librum 
ipsius  Theodoreti  perspicuv.m  de  sectis  légat.  Léo  By- 
zant.,  act.  4  de  Sectis,  pag.  666,  tom.  IX  Bibliotli. 
Pat. 


86 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qui  prennent  soin  de  chaque  homme  en  par- 
ticulier, et  nous  défendent  contre  la  mahce 
des  démons.  Le  diable  et  les  démons  ne  sont 
pas  mauvais  de  leur  nature.  Créés  bons  dès 
le  commencement  et  doués  du  libre  arbitre, 
il  était  en  leur  pouvoir  de  faire  le  bien  et  le 
mal;  mais  ayant  péché,  ils  sont  déchus  de  la 
beauté  de  leur  nature  ,  tandis  que  les  autres 
anges  l'ont  conservée  par  leur  fidélité  à  Dieu. 
Théodoret  dit  qu'ils  ont  été  créés  incorporels 
les  uns  et  les  autres,  et  fait  consister  le  péché 
des  démons  dans  leur  faste  et  leur  orgueil. 
Art.  9.  L'homme  n'est  pas  l'ouvrage  des  anges, 
comme  l'ont  avancé  certains  hérétiques  ;  il  a 
été  formé  de  la  main  de  Dieu ,  terme  dont 
l'Ecriture  se  sert  pour  marquer  dans  Dieu  la 
puissance  de  créer,  car  Dieu  n'est  point  une 
nature  composée  de  divers  membres.  Outre 
le  corps,  l'homme  a  une  âme  qui  est  simple 
de  sa  nature,  raisonnable  et  immortelle,  mais 
créée  en  même  temps  que  le  corps.  Cette 
âme,  qui  est  marquée  par  l'esprit  de  vie  que 
Dieu  mit  dans  l'homme  après  l'avoir  formé, 
n'est  point  une  partie  delà  substance  divine. 
Dieu,  après  avoir  formé  l'homme  et  tout  l'u- 
nivers, les  conserve  et  les  gouverne.  Il  ne 
serait  pas  raisonnable  qu'après  les  avoir  tirés 
du  néant  il  les  abandonnât  à  eux-mêmes.  Tout 

10.  ce  qui  est  dans  le  monde  est  bon  de  sa  na- 
ture. Tout  ce  qui  est  vertu ,  comme  la  pru- 
dence, la  tempérance,  la  justice,  la  force,  est 
bon  ;  mais  l'imprudence,  l'intempérance,  l'in- 
justice et  la  timidité  sont  mauvaises.  A  l'é- 
gard des  richesses  et  de  la  pauvreté,  de  l'au- 
torité et  de  la  servitude,  de  la  santé  et  de  la 
maladie,  de  la  prospérité  et  de  l'adversité, 
elles  tiennent  comme  un  miheu,  parce  que  ce 
sont  comme  des  moyens  proposés  aux  hom- 
mes pour  acquérir  la  vertu.  Ceux  qui  en  usent 
bien  sont  dignes  de  louanges;  ceux  qui  en 
abusent  sont  dignes  de  supplices.  Il  dépend 
de  Dieu  de  donner  la  fertilité  à  la  terre  et  de 
rendre  la  navigation  heureuse  ;  s'il  en  dispose 
autrement,  nous  devons  nous  soumettre  à  ses 
ordres  sans  rechercher  avec  trop  de  curiosité 
la  raison  de  sa  conduite  envers  nous;  elle  est 

„  incompréhensible.  Le  Verbe  de  Dieu,  son  Fils 
unique ,  s'est  fait  homme  pour  renouveler  la 
nature  humaine  corrompue  par  le  péché  ; 
comme  l'homme  entier  avait  péché,  il  a  pris 
la  nature  entière  de  l'homme,  c'est-à-dire  un 
corps  et  une  âme,  et  non  pas  seulement  un 
corps  pour  couvrir  sa  divinité ,  comme  l'en- 
seignaient follement  Arius  et  Eunomius. 
S'il  n'eût  été  question  que  de  se  montrer  aux 


hommes,  il  aurait  pu  le  faire  en  la  manière 
qu'il  se  fit  voir  autrefois  à  Abraham,  à  Jacob 
et  aux  autres  patriarches;  mais,  voulant  que 
la  nature  même  qui  avait  été  vaincue  par  le 
démon  le  vainquît  à  son  tour,  c'est  pour  cela 
qu'il  a  pris  un  corps  et  une  âme  semblables 
aux  nôtres.  Le  péché  d'un  seul  avait  causé  la 
mort  à  tout  le  genre  humain;  le  salut  lui  a 
a  été  accordé  par  la  justice  d'un  seul  :  car  il 
est  proposé  à  tous  ceux  qui  veulent  l'accep- 
ter parlafoi.  Avantla  venue  de  Jésus-Christ, 
plusieurs,  non-seulement  d'entre  les  patriar- 
ches, les  prophètes  et  les  Juifs ,  mais  aussi 
d'entre  les  Gentils,  ont  pratiqué  la  vertu.  De- 
puis qu'il  est  venu ,  tous  n'acquièrent  pas  le 
salut ,  mais  ceux-là  seulement  qui  croient  et 
qui  conforment  leur  vie  à  la  loi  divine.  Que  An.  12. 
le  Verbe  se  soit  fait  chair,  cela  paraît  par  les 
langes  dont  le  Sauveur  fut  enveloppé  dans  sa 
naissance,  par  la  faim  et  la  soif  qu'il  souffrit 
dans  un  âge  plus  avancé,  puisque  ces  choses 
ne  peuvent  se  dire  de  la  divinité.  Il  nous  as-  13. 
sure  lui-même,  en  divers  endroits  de  son 
Evangile ,  qu'il  avait  aussi  pris  une  âme  hu- 
maine, disant  :  Je  quitte  mon  âme  pour  la  re~  Joan.x,! 
jorendre;  c'est  de  moi-même  que  je  la  quitte, 
et  j'ai  le. pouvoir  de  la  reprendre.  Il  est  dit, 
dans  le  même  livre  des  Evangiles  :  Jésus 
croissait  en  âge,  et  la  grâce  de  Dieu  était  en 
lui;  paroles  qui  prouvent  en  même  temps 
qu'il  avait  un  corps  et  une  âme ,  la  sagesse 
appartenant  à  l'âme  et  l'accroissement  au 
corps.  Saint  Paul  parle  de  ces  deux  natures  An.  u. 
dans  le  commencement  de  son  épître  aux 
Romains,  où  il  reconnaît  en  même  temps  que 
Jésus-Christ  est  Fils  de  Dieu  et  fils  de  David, 
ce  qui  ne  serait  pas  vrai  si  le  Verbe  n'avait 
pris  que  la  chair.  Il  était  donc  homme  parfait 
comme  Dieu  parfait,  afin  de  procurer  aux 
hommes  un  parfait  salut.  Il  n'a  point  quitté,  is- 
à  sa  résurrection,  la  nature  qu'il  avait  prise, 
mais  il  est  ressuscité  avec  la  même  nature  à 
laquelle  il  s'était  uni.  C'est  lui-même  qui  en 
convainquit  ses  apôtres  en  leur  montrant  ses 
mains  et  ses  pieds,  et  en  disant  à  saint  Tho-  le. 
mas  de  mettre  ses  doigts  dans  la  plaie  de 
son  côté.  La  doctrine  qu'il  est  venu  nous  en- 
seigner est  plus  parfaite  que  celle  de  la  loi, 
et  plus  l'emplie  d'humanité  et  de  douceur; 
mais  elle  ne  lui  est  pas  contraire.  Comment 
le  serait-elle,  puisqu'il  est  l'auteur  de  l'un  et  n. 
l'autre  Testament?  » 

6.  «  Le  baptême  tient  heu  des  aspersions  n 
de  la  loi  à  ceux  qui  le  reçoivent:  non-seule- 
ment il  leur  accorde  la  rémission  de  leurs  an- 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V  SIÈCLE. J 

ciens péchés,  mais  encore  il  leurdonne l'espé- 
rance de  jouir  des  biens  promis,  les  rend  en- 
fants de  Dieu  et  cohéritiers  de  Jésus-Christ,  et 
les  fait  participants  de  sa  mort,  de  sa  résur- 
rection et  des  dons  du  Saint-Esprit.  Si  le  bap- 
tême '  n'efface  que  les  péchés  passés,  comme 
le  disent  les  messaliens,  de  quelle  utilité 
peut-il  être  aux  enfants  qui  n'ont  pas  encore 
goûté  le  péché?»  Cette  proposition,  qui  parait 
d'abord  pélagienne ,  ne  l'est  point  en  effet  si 
l'on  en  pèse  bien  les  termes  et  si  l'on  fait  at- 
tention aux  circonstances  dans  lesquelles 
Théodorel  s'est  exprimé  de  la  sorte.  Le  terme 
de  goûter  le  péché  marque  bien  qu'il  voulait 
parler  du  péché  actuel,  qui  se  commet  par  un 
acte  de  la  volonté  dont  les  enfants  ne  sont  pas 
capables.  Et  ce  qui  prouve  que  c'était  des 
péchés  actuels  qu'il  parlait  en  cet  endroit, 
c'est  qu'il  y  réfute  les  messaliens  qui  ensei- 
gnaient que  le  baptême  coupait  bien  comme 
un  rasoir  les  branches  extérieures  des  péchés, 
mais  qu'il  ne  pouvait  ôterde  l'âme  le  démon 
qui  en  était  la  racine;  qu'ainsi  il  était  inutile 
de  le  recevoir  dans  un  âge  où  les  branches 
n'avaient  pas  encore  poussé.  Ils  ajoutaient 
que  l'assiduité  à  la  prière  pouvait  seule  chas- 
ser ce  démon  qui  habite  dans  chaque  homme 
depuis  sa  naissance,  et  qui  l'excite  à  de  mau- 
vaises actions.  C'est  pourquoi  ils  ne  confé- 
raient le  baptême  qu'aux  adultes,  pour  effa- 
cer en  eux  les  péchés  qu'ils  avaient  commis 
auparavant.  Sur  ce  pied-là,  Théodoret  rai- 
sonnait juste  en  disant  que  si  le  baptême  n'é- 
tait que  comme  un  rasoir  qui  retranchait  les 
branches  extérieures  des  péchés,  c'est-à-dire 
les  péchés  actuels,  il  était  inutile  de  baptiser 
les  enfants  ,  puisqu'ils  n'ont  pas  commis  de 
ces  sortes  de  péchés.  Au  reste,  Théodoret  ne 
peut  être  soupçonné  d'avoir  été  dans  des  sen- 
timents pélagiens  au  sujet  du  péché  originel, 
puisqu'il  reconnaît,  dans  le  même  livre,  que 
le  péché  d'Adam  a  corrompu  ^  foute  la  na- 
ture humaine,  et  que  pour  la  guérir  toute  en- 
tière, il  a  fallu  que  le  Fils  de  Dieu  se  fit 
homme. 

7.  «  Dans  le  baptême,  nous  recevons  un 
gage  de  la  résurrection  des  corps  et  non  pas 
de  l'âme,  puisque,  étant  immortelle,  elle  ne 
doit  point  ressusciter,  mais  se  réunir  à  son 
corps.  Théodoret  rapporte  sur  ce  sujet  ce  que 


87 

les  prophètes  et  les  apôtres  ont  dit  de  la  résur- 
rection future.  Il  en  donne  encore  une  raison 
qui  est  que  l'âme  ayant  péché  par  les  organes 
et  les  sens  du  corps,  il  est  juste  que  dans  le 
jugement  dernier  elle  ne  soit  ni  condamnée 
seule  pour  ses  péchés,  ni  récompensée  seule 
si  elle  s'est  servie  de  son  corps  pour  des  actes 
de  vertu.  «La  résurrection  sera  commune  aux 
infidèles  et  aux  fidèles,  aux  impies  et  aux 
justes.  Tous  i-endront  compte  do  leurs  ac- 
tions, les  uns  pour  en  recevoir  des  récom- 
penses, les  autres  pour  en  être  punis.  La  ré- 
compense des  saints  consistera  dans  la  jouis- 
sance des  biens  éternels,  et  non  pas  dans  un 
règne  de  mille  ans  accompagné  de  délices 
et  de  voluptés  temporelles,  comme  Cérinfhe 
et  quelques  autres  anciens  hérétiques  l'ont 
imaginé.  Le  bonheur  des  saints  sera  de  ce 
que  leur  vie  sera  exempte  de  péché  et  rem- 
plie d'une  joie  qui  ne  sera  jamais  troublée 
par  la  tristesse.  Toutes  ces  choses  n'arrive- 
ront qu'après  le  second  avènement  de  Jésus- 
Christ,  qui  n'est  déjà  venu  que  pour  nous  dé- 
livrer de  nos  iniquités,  nous  enseigner  la  pra- 
tique de  la  vertu  et  nous  préparer  à  son  se- 
cond avènement.  Il  sera  précédé  de  la  venue 
de  l'antechrist,  ce  père  d'iniquité  et  le  maître 
de  ceux  qui  n'ont  point  cru  à  la  parole  de 
vérité.  Si  Dieu  le  voulait,  l'antechrist  ne  vien- 
drait pas;  mais  Dieu  permettra  sa  venue,  soit 
pour  faire  connaître  sa  malice,  soit  celle  des 
Juifs.  Il  se  servira  à  cet  effet  du  ministère 
d'Elie,  qui  annoncera  aussi  le  prochain  avè- 
nement du  Sauveur.  L'antechrist  se  vantera 
non-seulement  d'être  supérieur  à  toutes  les 
fausses  divinités,  il  s'assiéra  encore  dans  le 
temple  de  Dieu ,  comme  s'il  était  Dieu  lui- 
même.»  Par  ce  temple,  Théodoret  entend  les 
Eglises,  et  renvoie,  pour  un  plus  grand  dé- 
tail de  ce  qui  regarde  l'antechrist,  à  ses  com- 
mentaires sur  Daniel  et  sur  saint  Paul. 

8.  Il  avait  montré,  dans  les  livres  précé- 
dents, que  les  hérétiques  ont  corrompu  la 
morale  de  l'Evangile.  Il  crut  donc  qu'il  était 
nécessaire  d'établir  contre  eux,  par  l'autorité 
de  l'Ecriture,  certaines  maximes  qui  regar- 
dent les  mœurs.  La  première  est  de  la  virgi- 
nité. Dieu  ne  l'a  point  commandée,  mais  il 
lui  a  donné  les  louanges  qu'elle  mérite  afin 
d'engager  les  hommes  à  l'embrasser.  Théo- 


'  Si  enim  hoc  solum  opus  erat  baptismatis,  guorsum 
infantes  baptizumus,  qui  peccatum  nondum  gustarunt? 
Tbeodoret.,  lib.  V  Hœret.  fabul.,  pag.  292. 

2  Homo  autem  factus  est  Deus  Verbum,  ut  corrup- 


tam  a  peccato  naturam  renovaret.  Proplerea  fotam 
quœ  peccarat  assumpsit  ut  toti  medereiur.  Ibid.^  pag. 
279.  Cum  unus  peccasset,  universum  genus  morii  tra- 
didit. 


88 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


doret  fait  voir  les  avantages  de  cet  état,  en 
ce  qu'il  dégage  l'homme  du  soin  des  choses 
temporelles  pour  ne  s'appliquer  qu'à  celles 
qui  regardent  le  culte  de  Dieu.  Il  parle  en- 
Art.  23.  suite  du  mariage  dont  il  dit  que  la  fin  doit 
être  d'avoir  des  enfants.  Il  montre  que  c'était 
le  seul  but  des  patriarches  dans  leur  polyga- 
mie, et  il  en  prend  sujet  de  les  justifier  sur 
ce  point,  disant  que  ce  n'était  point  dans  la 
vue  de  satisfaire  une  passion  déréglée  qu'ils 
épousaient  plusieurs  femmes,  mais  pour 
avoir  des  enfants.  «  Le  mariage  est  bon  en 
lui-même,  dit-il,  et  n'est  défendu  par  aucune 
loi.  S'il  était  un  mal ,  Dieu  ne  l'aurait  point 
établi  dès  le  commencement  du  monde;  il 
n'aurait  point  appelé  bénédiction  la  généra- 
tion des  enfants.  Jésus-Christ  non-seulement 
ne  l'a  point  défendu ,  mais  il  l'a  encore  ho- 
noré de  sa  présence  et  donné  aux  nouveaux 
mariés  un  vin  miraculeux.  Nous  voyons  aussi 
que  le  premier  des  apôtres  avait  été  marié, 
et  que  saint  Paul  écrivit  à  Philémon  et  à  Ap- 
pia,  engagés  l'un  et  l'autre  dans  le  mai-iage. 
Dieu  demande  de  cet  état  qu'on  ne  le  fasse 
point  servir  à  l'impudicité  :  car  saint  Paul  ne 
l'appelle  un  don  de  Dieu  que  lorsqu'il  est  ac- 

26.  compagne  de  tempérance.  Il  a  aussi  donné 
des  lois  qui  en  établissent  l'indissolubilité. 
Les  secondes  noces  ne  sont  pas  même  défen- 
dues; »  Théodoret  le  prouve  par  divers  pas- 
sages de  saint  Paul  qu'il  oppose  à  l'erreur  de 
Novat,  qu'il  appelle  Navat.  Pour  ce  qui  est 

27.  de  la  fornication  et  des  autres  conjonctions 
illégitimes ,  elles  sont  condamnées  par  la  loi 
de  Dieu. 

28.  9.  Elle  condamne  encore  toutes  sortes  d'i- 
niquités, mais  en  même  temps  elle  prescrit 
le  remède  h  ceux  qui  se  sont  blessés  par  le 
péché,  en  les  exhortant  à  la  pénitence.  Théo- 
doret montre  encore  contre  Novat  que  ce  re- 
mède peut  s'appliquer  aux  péchés  commis 
depuis  le  baptême.  Sur  quoi  il  rapporte 
l'exemple  de  l'incestueux  de  Corinthe,  qui, 
après  avoir  fait  pénitence  de  son  crime  ,  fut 
rétabli  dans  la  participation  des  divins  sacre- 
ments, et  reçut  la  grâce  d'enseigner  les  au- 
tres. 11  rapporte  aussi  l'exemple  de  saint 
Pierre,  ne  doutant  pas  qu'il  n'eût  déjà  reçu 
le  baptême  lorsqu'il  renia  par  trois  fois  Jésus- 
Christ.  Mais  Théodoret  dit  que  les  péchés 
commis  depuis  le  baptême  ne  s'effacent  point 
de  la  même  manière  que  ceux  qu'on  a  commis 
auparavant;  qu'on  obtient  la  rémission  de 
ceux-ci  par  la  foi ,  au  lieu  que  ceux-là  ne  se 
remettent  que  par  beaucoup  de  larmes,  de 


pleurs,  de  gémissements,  de  jeûnes,  de  prières 
et  par  des  travaux  proportionnés  à  la  gran- 
deur du  péché  que  l'on  a  commis.  Pour  ce 
qui  est  de  ceux  qui  ne  sont  pas  dans  une  sem- 
blable disposition ,  comme  l'on  ne  doit  pas 
désespérer  de  leur  salut,  aussi  ne  doit-on  pas 
leur  accorder  facilement  les  saints  mystères, 
pour  ne  point  donner  les  choses  saintes  aux 
chiens  et  ne  pas  jeter  des  perles  devant  les 
porcs.  «  Telles  sont,  dit-il,  les  lois  de  l'Eglise 
touchant  la  pénitence.  A  l'égard  de  l'absti- 
nence du  vin  et  de  la  viande,  elle  ne  la  pres- 
crit pas  dans  le  même  sens  que  les  hérétiques 
qui  ne  défendent  l'usage  de  ces  aliments  que 
parce  qu'ils  les  ont  en  abomination.  Elle  n'en 
interdit  aucun,  laissant  la  liberté  à  un  chacun 
d'en  user  ou  de  s'en  abstenir.  C'est  même  le 
fait  d'un  homme  sage  de  ne  condamner  per- 
sonne sur  ce  sujet.  Il  en  est  de  même  de  la 
vie  monastique,  qu'il  est  libre  d'embrasser 
ou  de  ne  pas  embrasser.  » 

§X. 

Des  Sermons  de  Théodoret. 

1.  Nous  en  avons  àix  sur  la  Providence,  que 
l'on  peut  regarder  comme  ce  qu'il  y  a  de 
mieux  sur  cette  matière  dans  l'antiquité.  On 
y  voit  toute  la  beauté  du  génie  de  Théodo- 
ret; du  choix  dans  les  pensées,  delà  noblesse 
dans  les  expressions  ,  de  l'élégance  et  de  la 
netteté  dans  le  style,  de  la  suite  et  de  la  force 
dans  les  raisonnements.  On  y  voit  aussi  d'une 
manière  sensible  combien  il  aimait  la  vérité. 
Il  dit  lui-même  qu'il  ne  composa  ces  discours 
que  dans  le  dessein  de  témoigner  à  Dieu  son 
amour,  en  employant  pour  lui  les  talents  qu'il 
avait  reçus  de  lui,  et  en  défendant  ses  vérités 
contre  ceux  qui  les  attaquaient,  se  comparant 
à  un  fils  qui  doit  prendre  en  toutes  rencon- 
tres les  intérêts  de  son  père,  ou  à  un  soldat  qui 
doit  exposer  sa  vie  pour  son  prince.  Il  les 
finit  tous  par  la  glorification  ordinaire  ;  d'où 
l'on  peut  inférer  qu'il  les  prononça  en  public. 
On  ne  sait  ni  en  quel  temps  ni  en  quel  endroit; 
quelques-uns  pensent  que  ce  fut  à  Antioche.  Ce 
qu'on  en  peut  dire,  c'est  qu'ils  ont  été  com- 
posés avec  beaucoup  d'art ,  ce  qui  demande 
du  loisir  et  de  la  réflexion.  Théodoret  les  cite 
dans  son  commentaire  sur  les  Psaumes. 

2.  Dans  le  premier  discours,  il  demande 
à  ceux  qui  nient  la  Providence  s'il  y  a  quel- 
que chose  dans  l'univers  qui  soit  défectueux, 
soit  par  rapport  à  la  forme,  soit  par  rap- 
port à  la  matièi'e,  soit  par  rapport  aux  pro- 


s  er  mo  n  e 
sur  la  Provi- 
d'-nce,  pas. 
319. 


Pag 
321. 


ThcuJorel. 
in  Psal. 
i.xvil,  pa^. 
447,  4S7,  468. 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  EVEQUE  DE  CYR. 


89 


portions.  Comme  ils  ne  peuvent  rien  objec- 
ter ,  il  leur  fait  aperce-voir  des  marques  sensi- 
bles de  cette  Providence  dans  toutes  les  par- 
ties du  monde;  et,  commençant  par  le  ciel, 
il  montre  qu'enveloppé  de  tant  de  corps  de 
feu,  comme  sont  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles, 
il  ne  pourrait  s'être  conservé  en  entier  pen- 
dant tant  de  siècles  si  celui  qui  l'a  créé  ne  le 
conservait  lui-même  en  suspendant  la  force 
qui  est  naturelle  au  feu,  et  qui  est  telle  qu'il 
dissout  l'or,  l'argent,  le  fer  et  beaucoup  d'au- 
tres matières  plus  dures  que  celles  dont  le 
ciel  est  composé.  Il  ne  dissout  pas  même  cette 
partie  qui  nous  paraît  de  glace  ;  et  quelle  que 
soit  sa  force,  il  ne  cause  aucune  inégalité  dans 
sa  surface  ,  ni  dans  la  rondeur  de  sa  figure. 
ïhéoQoret  fait  un  semblable  raisonnement  sur 
la  nature  du  soleil  et  des  étoiles,  qui,  au  lieu 
de  pousser  leurs  rayons  vers  le  ciel,  les  éten- 
dent sur  la  terre  pour  obéir  à  leur  Créateur 
cpii  ne  les  a  formés  que  pour  l'utilité  de 
l'homme.  Le  cours  réglé  du  soleil  et  de  la 
lune  pour  marquer  les  temps  et  les  saisons, 
partager  les  jours  et  les  nuits  ,  ne  peut  être 
aussi  qu'un  effet  de  la  Providence.  On  doit 
raisonner  de  même  h  l'égard  de  l'air,  de  la 
terre,  de  la  mer,  des  fleuves  et  des  fontaines 
dont  les  productions  ne  peuvent  être  l'effet 
du  hasard,  mais  d'une  Providence  bien  mar- 
quée. Comment  en  effet  des  choses  aussi  dif- 
férentes entre  elles  que  l'eau  et  le  feu  pour- 
raient-elles s'accorder?  comment  la  terre, 
après  tant  d'évolutions  d'années,  produirait- 
elle  toujours  de  nouveaux  trésors  ?  comment 
les  flots  de  la  mer  continueraient-ils  à  se  bri- 
ser sur  le  rivage?  comment  les  fontaines  se 
formeraient-elles  sur  le  haut  des  montagnes, 
l'eau  y  remontant  contre  sa  nature,  si  ce  n'é- 
tait en  vertu  des  lois  que  Dieu  leur  a  impo- 
sées ?  La  construction  admirable  du  corps  hu- 

'  main,  l'arrangement  de  toutes  les  parties  dont 
il  est  composé,  fournissent  une  autre  preuve 
qu'il  est  l'ouvrage  de  Dieu  et  que  c'est  lui  qui 

,  le  conserve.  Peut-on  ne  pas  reconnaître  son 
pouvoir  dans  la  facilité  qu'il  a  accordée  à 
l'homme  pour  l'invention  des  arts  nécessaires 
ou  utiles  à  la  conservation  du  genre  humain  ? 

;  11  ne  paraît  pas  moins  dans  le  domaine  qu'il 
a  accordé  aux  hoftimes  sur  tous  les  animaux 
dont  il  n'y  en  a  point  qui  ne  lui  obéissent  ou 
qu'il  ne  puisse  faire  servir  à  ses  usages.  Il  est 
vrai  que  parmi  les  animaux  il  y  en  a  qui  font 
des  ouvrages  que  l'homme  ne  pourrait  imi- 
ter, particulièrement  ce  que  font  les  abeilles; 
mais  il  faut  remarquer  que  leur  travail  tourne 


même  à  l'utilité  de  l'homme.  Son  domaine 
sur  les  animaux  qui  sont  d'une  force  beau- 
coup supérieure,  comme  sont  toutes  les  bêtes 
de  charge,  parait  en  ce  qu'elles  lui  obéissent 
en  tout ,  lors  même  qu'elles  en  sont  maltrai- 
tées. C'est  de  l'homme  qu'elles  reçoivent  leur 
nourriture,  et  elles  ne  savent  pas  se  venger 
contre  leur  maître  lorsqu'il  la  leur  refuse,  la 
nature  même  leur  apprenant  quelles  sont  les 
bornes  de  leur  servitude.  N'y  en  a-t-il  pas  une 
infinité  d'autres  que  le  Créateur  a  données 
aux  hommes  pour  leur  servir  de  nourriture? 
S'il  y  en  a  qui  refusent  de  se  soumettre  à  leur 
empire ,  comme  sont  les  bêtes  féroces ,  elles 
servent  même  de  preuve  que  c'est  le  Créa- 
teur qui  leur  a  soumis  les  autres.  Mais,  disent 
les  impies,  pourquoi  les  bons  sont-ils  souvent 
réduits  à  la  pauvreté,  tandis  que  les  méchants 
possèdent  de  grandes  richesses  et  que  tout 
leur  prospère  ?Théodoret  répond  que  l'abon- 
dance ne  faisant  qu'enflammer  de  plus  en 
plus  l'avarice,  on  ne  peut  la  regarder  comme 
un  bonheur,  puisqu'il  ne  peut  y  en  avoir 
dans  ce  qui  nous  aide  à  devenir  mauvais. 
Ceux  au  contraire  qui  vivent  dans  la  pau- 
vreté ,  cultivent  la  vertu  qui  est  le  plus 
beau  et  le  plus  grand  de  tous  les  biens.  Ce 
n'est  pas  que  les  richesses  soient  mauvaises 
par  elles-mêmes ,  autrement  on  ne  pourrait 
dire  qu'elles  aient  été  créées  de  Dieu;  on  ne 
doit  blâmer  que  l'abus  que  l'on  en  fait.  Dieu 
les  a  données  à  l'homme  comme  des  instru- 
ments avec  lesquels  il  pût  travailler  à  son 
salut;  il  en  est  de  même  de  la  pauvreté.  Dieu 
a  donné  de  même  à  l'homme  le  fer  pour  l'u- 
sage de  l'agriculture  et  les  autres  besoins  de 
la  vie.  Doit-on  blâmer  ce  métal  parce  que 
qu  elques-uns  s'en  servent  pour  commettre  des 
homicides?  Le  pauvre,  qui  paraît  aux  impies 
une  preuve  que  laProvidence  n'a  aucune  part 
aux  choses  humaines,  produit  une  preuve 
toute  contraire,  puisque  le  pauvre  est  employé 
àfouir  et  à  creuser  la  terre  pour  y  chercher  des 
richesses,  et  que  si  le  pauvre  reçoit  de  l'ar- 
gent des  riches,  il  fournit  à  leurs  besoins  par 
les  divers  arts  mécaniques  auxquels  sa  con- 
dition l'oblige  de  s'occuper  pour  avoir  de  quoi 
subsister.  Théodoret  fait  voir  que  la  dépen- 
dance mutuelle  qu'il  y  a  pour  les  besoins  de 
la  vie  entre  le  maître  et  le  serviteur  est  en- 
core une  preuve  de  la  Providence  ;  qu'au  sur- 
plus les  travaux  qui  nous  rendent  la  servitude 
méprisable  ne  sont  pas  à  mépriser  en  eux- 
mêmes,  des  hommes  très-sages  et  très-riches 
s'en  étant  occupés  autrefois.  Il  en  donne  pour 


sixième 
digrours,  p3g. 
377. 


Septième 
dis(^ours,pag, 
392. 


90 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


exemple  Noé,  qui  travailla  de  ses  propres 
mains  à  la  construction  de  l'arche;  Abraham, 
qui ,  avec  Sara ,  préparait  à  manger  aux 
étrangers;  Rébecca,  qui  allait  elle-même  tirer 
de  l'eau  pour  abreuver  les  troupeaux  de  son 
père;  Jacob,  qui  fit  le  métier  de  berger  pen- 
dant vingt  ans  et  qui  se  battit  quelquefois  avec 
les  bêtes  sauvages  pour  les  empêcher  de  dé- 
vorer ses  brebis  ;  et  Moïse,  qui  exerça  la  même 
profession  pendant  quarante  ans. 
Huitième       3.  L'exemple  d'Eliézer,  serviteur  d'Abra- 

Qiscours,  pugi  ^ 

*''^-  ham,  dont  la  conduite  par  l'apport  au  ma- 

riage d'Isaac  avec  Rébecca  est  si  digne  d'é- 
loges, fait  voir  par  les  grâces  dont  Dieu  le 
favorisa,  que  la  servitude  ne  porte  d'elle- 
même  aucun  préjudice  à  la  vertu.  On  voit 
encore  par  celui  de  Joseph  qui  refusa  de 
consentir  aux  empressements  criminels  de 
sa  maîtresse,  qu'un  serviteurpeut  vivre  dans 
la  piété  sous  un  mauvais  maître.  Il  trouva 
même  tant  de  consolation  dans  la  disgrâce 
que  sa  chasteté  lui  occasionna,  qu'il  était  le 
consolateur  de  ceux  qui  se  trouvèrent  avec 
lui  dans  la  prison  par  ordre  du  l'oi.  Théo- 
doret  rapporte  quelques  autres  exemples  de 
celte  nature  pour  montrer  que  les  malheurs 
auxquels  les  hommes  et  même  les  justes 
peuvent  être  sujets,  ont  leur  utilité  et  leur 
avantage  ;  et  que  ceux  qui  prennent  occasion 
de  ces  malheurs  de  nier  la  Providence,  ne 
connaissent  point  les  secrets  de  sa  conduite. 
ciismu""pa™  "  Il  6st  vrai ,  dit-il ,  que  tous  ceux  qui ,  dans  cet 
"'•  état ,  pratiquent  la  vertu ,  n'en  reçoivent  pas 

toujours  la  récompense  en  ce  monde  ;  mais 
Dieu  la  leur  rendra  en  l'autre .  Ce  qui  le  prouve, 
c'est  que  Dieu  récompensant  quelquefois  les 
gens  de  bien  dès  cette  vie,  on  ne  peut  dou- 
ter qu'il  ne  récompense  en  l'autre  ceux  qui 
ne  l'ont  point  été  en  celle-ci  ;  de  même  que 
les  supplices  qu'il  fait  subir  à  quelques  mé- 
chants dans  ce  monde  sont  une  preuve  qu'il 
punit  en  l'autre  ceux  qui  sont  sortis  de  ce- 
lui-ci sans  y  avoir  expié  leurs  crimes.  Penser 
autrement  de  Dieu,  c'est  l'accuser  d'injustice 
et  de  partialité  dans  ses  jugements.  »  Théodo- 
re! prend  de  là  sujet  de  traiter  de  la  résur- 
rection, qu'il  rend  probable  par  divers  exem- 
ples tirés  des  causes  naturelles,  comme  de 
celles  des  plantes  et  des  semences,  qui, 
après  avoir  été  ensevelies  dans  la  terre,  se 
reproduisent  quelque  temps  après.  Il  l'établit 
par  des  passages  des  deux  Epîtres  de  saint 
disS'ur'T'  P^'^l  'i"^  Corinthiens.  Théodoret,  dans  son 
"'•  dernier  discours  sur  la  Providence,  s'appli- 

que à  montrer  qu'elle  étend  ses  soins,  non- 


seulement  sur  les  Juifs,  mais  sur  tous  les 
hommes  en  général.  Il  montre  que  cette  at- 
tention de  la  part  de  Dieu  sur  les  hommes, 
est  une  suite  de  son  amour  pour  eux,  qui 
paraît  surtout  en  ce  qu'il  leur  a  donné  son 
Fils  unique  pour  les  racheter,  n'en  ayant 
pas  voulu  confier  la  charge  aux  anges.  Il  en- 
tre à  ce  sujet  dans  le  détail  de  ce  que  Jésus- 
Christ  a  fait  pour  notre  salut  depuis  sa  nais- 
sance jusqu'à  sa  mort,  en  faisant  voir  que 
tout  ce  que  le  Sauveur  a  soufifert  pour  nous, 
avait  été  prédit  par  les  prophètes. 

4.  Les  douze  discours  contre  les  Païens  ne     nisconrsde 
cèdent  en  rien  aux  précédents  pour  l'élo-  L  ^«rèura 
quence,  mais  le  style  en  est  plus  étendu,   pa|. 461?°°'' 
Théodoret  ayant  cru  devoir  se  conformer  à 
celui  de  Platon  et  des  autres  philosophes, 
dont  il  était  obligé  de  rapporter  de  temps  en 
temps  les  propres  paroles.  Ces  discours  fu- 
rent la  suite   de  quelques   entretiens   qu'il 
avait  eus  avec  plusieurs  païens  où  ils  avaient 
fait  en  sa  présence  diverses  railleries  de  la 
religion  chrétienne ,  tantôt  en  accusant  les 
apôtres  d'ignorance,  et  de  n'avoir  pas  même 
su  parler  avec  politesse  ;  tantôt  en  repro-     Proiog.  ai 

-,  .     ,,     .  Grœcos,  pie. 

chant  à  ceux  qui  étaient  préposes  pour  en-  «ei. 
seigner  les  autres,  d'exiger  de  leurs  disci- 
ples une  foi  sans  preuve.  Théodoret,  non 
content  d'avoir  réfuté  de  vive  voix  ces  vaines 
objections,  crut  devoir  Içs  réfuter  aussi  par 
écrit  en  faveur  des  simples,  afin  de  pouvoir 
guérir  les  plaies  de  ceux  que  les  langues 
empoisonnées  des  païens  avaient  déjà  bles- 
sés, et  de  garantir  les  autres  des  mêmes 
blessures.  C'est  pourquoi  il  intitula  cet  ou-  ' 

vrage  :  La  Guérison  des  maladies  des  païens^  ou 
la  connaissance  de  la  vérité  de  l'Evangile 
par  la  philosophie  des  Grecs.  Il  le  divisa  en 
douze  discours,  précédés  d'un  prologue,  où 
il  en  donne  le  précis;  mais  il  ne  les  termine 
point  comme  ceux  qu'il  a  faits  sur  la  Pro- 
vidence par  la  glorification  ordinaire  :  ce 
qui  fait  voir  qu'il  ne  les  prononça  pas  en 
public.  Ils  ne  sont  pas  d'ailleurs  composés 
d'une  manière  à  être  récités  de  mémoire, 
soit  à  cause  de  leur  longueur,  soit  à  cause 
du  grand  nombre  des  passages  tirés  des  poè- 
tes et  des  philosophes,  dont  Théodoret  fait 
usage  dans  tous  ces  discours.  Il  les  fit  au 
plus  tard  en  437,  puisqu'il  en  parle  dans  sa 
lettre  à  saint  Léon,  et  dans  celle  qu'il  écri- 
vit à  René ,  prêtre  de  l'Eglise  romaine  , 
comme  d'un  ouvrage  qu'il  avait  composé  pa„.Bso. 
avant  l'an  438.  Il  y  en  a  même  qui  les  met- 
tent en  427  ;  parce  que  dans  le  septième  dis- 


[■V<=  SIÈCLE, 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


91 


cours  où  il  traite  des  sacrifices,  il  parle  des 
lois  rigoureuses  des  empereurs  contre  les 
païens,  ce  qui  semble  marquer  celle  qui  est 
datée  de  l'an  426  et  adressée  à  Isidore.  Mais 
outre  que  cette  loi  pourrait  bien  n'être  que 
de  43S,  il  n'y  a  aucune  preuve  que  Théo- 
dore t  ait  composé  ce  discours  aussitôt  après 
la  publication  de  cette  loi.  Pliotius  ne  dit 
rien  de  cet  ouvrage,  non  plus  que  Nicéphore, 
peut-être  parce  que  les  exemplaires  n'en 
étaient  pas  communs  de  leur  temps.  Il  suffit 
que  Théodoret  le  cite  '  lui-même,  pour  ne  lais- 
ser aucun  lieu  de  douter  qu'il  n'en  soit  auteur. 
Premier       S.  Lc  prcmicr  discours  est  intitulé  de  la 

discours,  pag       ,-,.  ■,.         t,  'ti-<t  t/- 

46i.  foi^  c  est-a-dire  de  la  crédulité  des  chrétiens, 

et  du  peu  de  science  des  apôtres.  Théodoret 
y  fait  voir  que  quand  ces  reproches  auraient 
été  fondés,  on  ne  pouvait  en  tirer  une  preuve 
pour  la  fausseté  de  la  religion  chrétienne.  Il 
en  donne  pour  raison  que  les  plus  sages  et 
les  plus  illustres  d'entre  les  philosophes 
païens  n'ont  pas  fait  difficulté  de  voyager 
parmi  les  nations  qu'ils  regardaient  comme 
barbares,  pour  y  apprendre  des  choses  dont 
ils  croyaient  qu'elles  avaient  une  connais- 
sance plus  parfaite  qu'eux-mêmes;  qu'ils 
allèrent  en  Egypte  où  ils  apprirent  des  Hé- 
breux la  doctrine  du  vrai  Dieu  ;  qu'ils  par- 
coururent un  grand  nombre  de  provinces, 
sans  se  laisser  effrayer  par  les  dangers  des 
guerres  et  de  la  navigation,  pour  y  appren- 
dre ce  que  les  peuples  avaient  de  mieux  ; 
que  Soerate,  le  plus  excellent  des  philoso- 
phes ne  rougit  point  de  se  mettre  pendant 
quelque  temps  sous  la  disciphne  de  deux 
femmes,  Diotime  et  Aspasie;  et  que  Pytha- 
gore  reçut  la  circoncision  en  Egypte  ,  que  les 
Egyptiens  avaient  eux-mêmes  reçue  des  Hé- 
breux. «  Ce  fut  encore ,  dit-il ,  des  Egyptiens , 
des  Chaldéens  et  des  Arabes  que  les  Grecs 
apprirent  les  règles  de  la  géométrie,  de  l'as- 
tronomie et  de  l'astrologie,  comme  ils  appri- 
rent des  Phrygiens  les  cérémonies  qui  re- 
gardaient le  culte  des  démons.  Tous  ces  peu- 
ples néanmoins  étaient  regardés  comme  bar- 
bares par  les  Grecs.  Ceux  même  qui  parmi 
eux  ont  eu  le  plus  de  réputation  comme  Tha- 
ïes, Pythagore,  Phérécyde,  Aristote,  n'é- 
taient point  nés  dans  la  Grèce  ;  et  les  brah- 
manes que  les  Grecs  avaient  en  vénération, 
étaient  Indiens  de  naissance.  Théodoret 
prouve  ensuite  que  c'était  une  erreur  de  pré- 


férer les  ornements  du  discours  à  la  connais- 
sance de  la  vérité.  Soerate,  qui  était  tailleur 
de  pierres  de  profession,  et  qui,  au  jugement 
de  Porphyre,  n'avait  ni  esprit,  ni  savoir,  ni 
facilité  de  parler,  n'a-t-il  pas  été  regardé  par 
les  Grecs,  comme  le  premier  de  leurs  philo- 
sophes? Ne  l'ont-ils  pas  mis  au-dessus  de 
Platon,  celui  d'entre  eux  qui  a  écrit  avec  le 
plus  de  politesse?  Ils  ont  donc  été  persuadés 
que  la  vraie  sagesse  ne  consiste  pas  dans 
l'éloquence,  mais  dans  la  connaissance  delà 
vérité.  Porphyre  convient  qu'il  n'est  pas  aisé 
de  la  trouver;  mais  il  convient  aussi,  quoi- 
que ennemi  irréconciliable  des  chrétiens,  que 
les  Hébreux  l'ont  connue,  et  par  eux  les 
Egyptiens.  D'où  il  est  naturel  de  conclure 
que  l'on  doit  préférer  le  sentiment  des  Hé- 
breux à  celui  des  Grecs,  qui,  de  l'aveu  du 
même  philosophe  se  sont  beaucoup  éloignés 
du  vrai.  Au  reste,  c'est  calomnier  les  chré- 
tiens, de  dire  qu'ils  croient  légèrement  et 
sans  preuves.  Leur  foi  est  telle  qu'ils  peuvent 
en  rendre  compte,  et  l'établir  par  des  témoi- 
gnages non  suspects.  Car  quoique  la  foi  pré- 
cède la  connaissance,  elle  n'en  peut  être  sé- 
parée. Dans  l'usage  des  choses  humaines,  il 
faut  avoir  confiance  dans  l'habileté  d'un  mai- 
re pour  se  mettre  sous  sa  discipline.  La  foi 
dans  ces  occasions  est  comme  la  base  de  la 
science,  et  un  préambule  nécessaire  pour  l'ac- 
quérir. Or,  si  cette  foi  est  nécessaire  à  ceux 
qui  désirent  d'apprendre  les  sciences  humai- 
nes, il  y  aurait  de  la  folie  à  dire  qu'elle  ne 
l'est  pas  dans  la  connaissance  des  choses 
divines,  puisque  les  yeux  de  la  foi  sont  surtout 
nécessaires  dans  les  choses  qui  ne  se  peu- 
vent voir  des  yeux  du  corps.  C'est  pour  cela 
que  lorsque  nous  nous  présentons  pour  être 
admis  à  les  connaître,  on  exige  d'abord  de 
nous  la  foi,  et  que  l'on  ne  nous  découvre  les 
mystères,  qu'après  que  nous  y  avons  été 
initiés.  Les  païens  en  usent  de  même.  Il  n'y 
a  parmi  eux  que  leurs  prêtres  qui  soient  ins- 
truits du  secret  des  mystères  de  Yénus  et  de 
Bacchus.  Le  peuple  n'en  voit  que  les  dehors. 
Il  est  obligé  de  croire  sans  connaître;  parce 
que,  regardé  comme  profane,  on  ne  doit  lui 
rien  découvrir  de  ces  mystères.  C'est  la  doc- 
trine de  Pindare,  de  Platon  et  d'Orphée,  qui, 
conséqiiemmenfc,  ont  reconnu  la  nécessité  de 
la  foi  dans  les  choses  qui  passent  les  lumiè- 
res ordinaires  de  la  raison. 


•  De  his  diximus  multis  in  lacis,  tum  in  kis  quœ 
contra  Grœcos  scripsimus  et  in  lis  quœ  adversus  hœ- 


reses.  Théodoret.,  Quœst.  1  in  Levit.,  et  Episl.  113 
et  116. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


92 

6.  Dans  le  second  discours  qui  a  pour  titre 
du  Principe  de  l'univers,  Tliéodoret  rapporte 
ce  qu'en  ont  pensé  les  philosophes  païens. 
Thaïes,  l'un  des  sept  sages,  disait  que  c'était 
l'eau.  Anaximandre  le  mettait  dans  l'infini. 
Anaximènes  et  Diogène  n'en  reconnaissaient 
point  d'autre  que  l'air.  Héraclide  soutenait 
que  c'était  le  feu;  mais  Empédocle  voulait 
que  l'univers  eût  eu  pour  principe  les  qua- 
tre éléments.  Cette  variété   de   sentiments 
ne   plaisait  pas   même  aux  païens.  Platon 
et  beaucoup  d'autres  l'ont  condamnée.  Théo- 
doret  après  avoir  rapporté  ce  que  ce  phi- 
losophe en  a  dit,  montre  que  ce  que  nous 
lisons  de  la  création  du  monde  dans  les  li- 
vres de  Moïse,  est  beaucoup  plus  raisonna- 
ble, et  que  c'est  de  Ici  qu'Anaxagore,  Pytha- 
gore  et  Platon  ont  tiré  ce  qu'ils  ont  dit  de 
mieux  sur  ce  sujet.  Mais  il  remarque  que 
leur  théologie  est  mêlée  de  plusieurs  erreurs, 
et  qu'après  avoir  dit  des  choses  admirables 
sur  l'unité  et  l'éternité  de  Dieu,  ils  ont  dit 
aussi  quantité   de   choses  qui  n'avaient  de 
fondement  que  dans  l'ima^'ination  des  poè- 
tes ou  dans  une  tradition  fabuleuse.  Il  ajoute 
que  la  crainte  du  peuple  les  a  engagés  à  ad- 
mettre du  moins  au  dehors  une  multitude  de 
fausses  divinités  auxquelles  ils  ne  croyaient 
pas  en  effet.  11  prouve  par  le  témoignage  de 
Porphyre  ,  qui  ne  pouvait  être  suspect  aux 
païens,  que  Moïse,  le  législateur  des  Juifs, 
est  plus  ancien  que  tous  les  historiens,  les 
poètes    et  les  philosophes   du  paganisme; 
qu'il  a  vécu  longtemps  avant  la  guerre  de 
Troie,  avant  Sémiramis  et  avant  Sanchonia- 
thon,  plus  anciens  l'un  et  l'autre  de  mille 
ans  que  celte  guerre,  au  heu  qu'Orphée,  le 
premier  des  poètes,  ne  l'a  précédée  que  d'une 
seule  génération.  Théodoret   entre  ensuite 
dans  le  détail  de  la  théologie  que  Moïse  nous 
a  laissée  par  écrit,  où  l'on  voit  qu'il  n'y  a 
qu'un  Dieu,   et  que  l'on   ne  doit  point   en 
adorer  d'autres;  que  ce  Dieu  est  un  en  trois 
personnes,  qui  sont  de  la  même  substance, 
qui  ont  un  même  pouvoir  et  une  même  vo- 
lonté. Les  prophètes  Isaïe,  Jérémie  ,  Ezé- 
clîiel  et  les  autres,  qui  sont  venus  depuis  ont 
enseigné  une  semblable  doctrine.  C'est  dans 
leurs  écrits  que  Platon  et  ceux  qui  l'ont  suivi, 
ont  puisé  ce  qu'ils  ont  dit  de  vrai  sur  la  di- 
vinité et  la  trinité  des  personnes  qu'ils  ont 
exprimé  en  des  termes  différents  des  nôtres. 
Plotin  et  Numénius  en  expliquant  ce   que 
Platon  en  a  mis  dans  ses  écrits,  disent  qu'il 
a  reconnu  trois  choses  qui  sont  éternelles. 


savoir  :  le  bien,  l'intelligence  et  l'âme  de 
l'univers.  Ce  qu'il  appelait  bien,  nous  le 
nommons  Père;  ce  qu'il  nommait  intelli- 
gence, nous  l'appelons  Fils  et  Verbe  ;  et  par 
l'âme  de  l'univers  nous  entendons  le  Saint- 
Esprit,  cette  puissance  qui  anime  et  donne  la 
vie  à  tout.  On  voit  par  un  endroit  des  écrits 
d'Amélius,  le  maître  d'école  de  Porphyre, 
qu'il  avait  pris  dans  l'évangile  selon  saint 
Jean  ce  qu'il  dit  du  Verbe,  qu'il  avoue  avoir 
été  dès  le  commencement  dans  Dieu,  et  qu'il 
reconnaît  pour  Dieu.  Plutarque  et  Plotin 
avaient  aussi  eu  connaissance  des  saints 
Evangiles,  comme  le  remarque  Théodoret. 
Il  dit  que  ce  sont  les  Egyptiens,  les  Phéni- 
ciens ,  les  poètes  et  les  philosophes  des 
Grecs  qui  ont  donné  le  commencement  aux 
fausses  divinités,  en  décernant  les  honneurs 
divins  aux  éléments,  ou  à  certains  hommes 
de  qui  ils  avaient  reçu  des  bienfaits,  ou  qui 
s'étaient  rendus  recommandables  par  quel- 
ques actions  de  vertu.  «  Pour  nous,  ajoute- 
t-il,  nous  ne  faisons  Dieu  aucune  des  choses 
que  nous  voyons  de  nos  yeux;  mais  nous 
honorons  les  hommes  qui  ont  mérité  d'être 
honorés  par  l'éclat  de  leurs  belles  actions, 
et  nous  n'adorons  que  le  Dieu  de  l'univers, 
le  Père,  son  Verbe  et  le  Saint-Esprit,  tous 
trois  d'une  même  nature  et  d'une  même 
substance.  » 

7.  Le  troisième  discours  renferme  un  pa-       Troisième 

^    .  discours,  pag. 

rallèlé  entre  le  culte  que  les  païens  rendaient  ms. 
aux  démons,  et  celui  que  les  chrétiens  ren- 
daient aux  anges,  et  la  doctrine  des  uns  et 
des  autres  sur  ces  créatures  spirituelles.  Le 
soleil,  la  lune,  la  terre,  le  ciel,  les  éléments, 
sont  les  premiers  que  les  Egyptiens,  les  Phé- 
niciens et  les  Grecs  ont  regardés  comme 
leurs  dieux;  dans  la  suite  des  temps,  ils  ont 
honoré  de  la  même  qualité  certains  hommes 
de  réputation,  soit  dans  la  guerre,  soit  d'une 
autre  manière,  savoir  :  Saturne,  Jupiter, 
Hercule,  Esculape,  ce  dernier  parce  qu'il 
passait  pour  avoir  inventé  la  médecine.  Ils 
portèrent  leur  extravagance  jusqu'à  accor- 
der les  honneurs  de  la  divinité  à  des  reptiles 
et  à  des  animaux  venimeux.  Après  quoi  ils 
ne  craignirent  pas  d'en  accorder  à  Vénus, 
femme  qui  faisait  métier  de  se  prostituer;  ni 
de  mettre  au  rang  des  dieux  les  empereurs 
les  plus  débauchés  et  les  plus  cruels,  Néron, 
Domitien  et  Commode.  C'était  donner  lieu 
à  toutes  sortes  de  crimes.  Les  peuples  ado- 
raient des  dieux  qu'ils  savaient  avoir  été  su- 
jets à  l'impureté,  au  vin,  à  la  colère,  au  par- 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V=  SIÈCLE.] 

jure;  n'était-ce  pas  pour  eux  un  motif  de  s'y 
livrer  eux-mêmes?  lis  allèrent  encore  plus 
loin,  en  mettant  les  mauvais  anges  au  nom- 
bre de  leurs  dieux;  ce  fut  d'eux  qu'ils  appri- 
rent l'art  magique.  Ils  leur  offraient  des  liba- 
tions et  des  victimes,  persuadés  qu'ils  s'en 
repaissaient.  Porphyre  leur  donne  pour  prin- 
ces Pluton  et  Hécate.  Les  plus  sages  d'en- 
tre les  païens  rougissaient  de  tant  de  fausses 
divinités,  accusant  de  mensonge  ce  que  les 
poètes  en  avaient  dit;  mais  ils  adoraient, 
comme  les  autres  ,  les  idoles  de  Vénus  et  de 
Bacchus,  tout  infâmes  qu'étaient  ces  divinités. 
Théodoret  explique  ces  choses  fort  au  long, 
puis  il  s'objecte  que  les  chrétiens  outre  le 
Dieu  du  ciel  et  de  la  terre  reconnaissent  en- 
core certaines  puissances  invisibles,  à  qui  ils 
donnent  le  nom  d'anges,  d'archanges,  de 
principautés,  de  puissances,  de  dominations, 
de  chérubins  et  de  séraphins.  Il  répond  qu'ils 
ne  les  reconnaissent  que  parce  que  l'Ecri- 
ture divine  leur  enseigne  qu'il  y  a  en  effet 
certaines  puissances  invisibles  occupées  à 
louer  leur  Créateur  et  toujours  prêtes  cà 
obéir  à  ses  volontés,  mais  qu'ils  ne  les  ap- 
pellent pas  dieux,  et  ne  leur  rendent  point 
un  culte  divin,  ni  l'adoration  qui  n'est  due 
qu'à  Dieu  seul;  qu'ils  les  regardent  comme 
au-dessus  des  hommes ,  mais  néanmoins 
comme  leurs  conservateurs.  11  ajoute  que 
ces  puissances  étant  d'une  nature  qui  ne 
tient  rien  de  la  matière  ni  de  nos  infirmités, 
et  dont  les  fonctions  sont  de  chanter  dans  le 
ciel  les  louanges  de  celui  qui  les  a  créés, 
nous  les  appelons  saints;  qu'il  se  trouve  des 
hommes  sur  la  terre  qui,  voulant  les  imiter 
autant  qu'il  est  en  eux,  vivent  dans  le  céli- 
bat, abandonnent  leurs  biens ,  leurs  parents 
et  leur  patrie,  pour  ne  s'occuper  que  de  Dieu, 
que  le  nombre  en  était  alors  si  grand,  que 
les  villes,  les  villages,  le  haut  des  montagnes 
et  les  vallées  en  étaient  remphs.  «  Voilà, 
continue  Théodoret,  ce  que  les  saintes  let- 
tres nous  ont  appris  à  croire  de  ces  natu- 
res célestes,  qui,  quoique  créées,  sont  invi- 
sibles à  nos  yeux.  Quant  aux  démons  et  au 
prince  des  démons,  objets  du  culte  des  païens, 
nous  savons  qu'ils  ont  été  non-seulement 
chassés  du  ciel,  mais  qu'ils  ont  encore  en  hor- 
reur ceux  d'entre  les  hommes  qui  pratiquent 
la  vertu,  qu'ils  les  craignent  et  les  fuient,  ne 
soumettant  à  leur  empire  que  ceux  qui  veu- 
lent bien  s'y  soumettre  d'eux-mêmes.» 

8.  Après  avoir  montré  dans  le  quatrième 
discours  que  les  philosophes  païens  ne  s'ac- 


93 

cordent  point  entre  eux  sur  la  nature  du 
monde,  les  uns  disant  qu'il  est  éternel,  les 
autres  qu'il  a  un  principe;  quelques-uns 
n'admettant  qu'un  monde,  d'autres  en  ad- 
mettant une  infinité.  11  dit  que  Platon  est 
celui  qui  a  parlé  le  plus  raisonnablement  de 
tous  sur  cette  matière;  qu'il  enseigne  dans 
ses  écrits  que  Dieu  a  créé  toutes  choses,  non 
d'une  matière  préexistante,  mais  de  rien,  en 
la  manièi'e  qu'il  a  voulu  ;  que  c'est  par  son 
Verbe  que  Dieu  a  créé  non-seulement  l'uni- 
vers, mais  aussi  le  ciel,  la  lune  et  les  étoiles. 
Théodoret  établit  ensuite  par  l'autorité  de 
l'Ecriture  la  foi  de  l'Eglise,  touchant  la  créa- 
tion du  monde,  en  remarquant  que  lorsqu'il 
est  dit  que  Dieu  a  fait  tout  ce  qu'il  a  voulu, 
nous  ne  devons  pas  croire  qu'il  a  voulu  tout 
ce  qu'il  a  pu  faire ,  mais  ce  qu'il  a  cru  suiïï- 
sant.  «Il  lui  était  en  effet  très-facile,  dit-il,  de 
produire  un  plus  grand  nombre  de  mondes, 
de  tous  les  ouvrages  le  plus  aisé  étant  de 
vouloir.  »  L'orateur  parle  de  la  chute  des 
anges  qu'il  dit  faire  leur  demeure  dans  l'air  et 
sur  la  terre,  sans  avoir  de  lieu  stable  et  fixe, 
afin  que  par  cette  instabihté  ils  apprennent 
de  combien  de  maux  leur  malice  est  la  cause. 
Quelques  mouvements  qu'ils  se  donnent  pour 
nuire  aux  hommes,  cela  ne  leur  réussit  pas 
toujours,  à  cause  de  l'empêchement  que  les 
anges  destinés  à  nous  garder,  y  apportent. 
Dieu  en  créant  le  monde  l'a  fait  de  telle  ma- 
nière qu'il  pût  durer  autant  de  temps  qu'il  a 
prescrit  pour  sa  durée.  D'où  vient  que  la 
terre  est  encore  aujourd'hui  ce  qu'elle  était 
dès  le  commencement;  que  la  mer  ne  croit 
ni  ne  décroit;  que  l'air  conserve  la  nature 
qu'il  a  reçue  dans  sa  création;  et  que  le  so- 
leil, sans  altérer  la  substance  du  firmament, 
continue  son  cours  comme  il  l'a  commencé. 
C'est  donc  en  l'honneur  de  ce  Dieu  qui  a 
tout  créé,  et  par  les  ordres  duquel  se  font 
les  révolutions  des  saisons  et  les  productions 
de  la  terre,  que  nous  devons  chanter  des 
hymnes  et  des  psaumes,  sans  nous  amuser 
à  former  ni  des  dieux  imaginaires,  des  nym- 
phes, des  montagnes;  ni  des  néréides,  des 
fleuves  et  des  fontaines.  11  finit  ce  discours 
en  marquant  la  conformité  des  sentiments 
des  prophètes,  des  patriarches  et  des  apô- 
tres sur  la  création  du  monde,  dont  ils  font 
tous  Dieu  auteur, 

9.  Ils  s'accordent  encore  parfaitement  sur 
la  nature  de  l'homme,  convenant  que  son 
corps  est  composé  de  terre,  d'eau  et  des  au- 
tres éléments  ;  que  son  âme  n'existait  point 


Cinquième 
discours,  pag. 

ti42. 


94 


IIISTOIIIE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


auparavant  ;  mais  que  Dieu  ayant  formé  ce 
corps  y  mit  une  âme  raisonnable.  Ce  qui  s'est 
fait  dès  le  commencement  se  fait  encore  au- 
jourd'hui par  une  loi  établie  de  Dieu  ;  c'est 
lui  qui  crée  l'âme  ;  elle  ne  vient  point  au 
corps  par  la  génération  ni  par  quelques  au- 
tres causes  extérieures.  Dieu  en  formant  la 
femme  en  a  pris  la  matière  de  l'homme 
même,  de  peur  que  se  croyant  d'une  nature 
différente  de  son  mari,  elle  ne  lui  fût  rebelle. 
Les  lois  sont  les  mêmes  pour  les  hommes  et 
pour  les  femmes;  parce  qu'encore  qu'il  y  ait 
quelque  différence  entre  eux  à  l'égard  du 
corps,  il  n'y  en  a  point  par  rapport  à  l'âme, 
qui  dans  les  uns  et  dans  les  antres  est  douée 
de  raison  et  d'intelligence,  sait  ce  qu'il  faut 
faire  et  ce  qu'il  faut  éviter.  Il  arrive  même 
quelquefois  que  la  femme  prévoyant  mieux 
que  son  mari  ce  qui  peut  lui  être  utile,  lui 
est  d'un  bon  conseil.  Il  est  donc  également 
des  femmes  comme  des  hommes  d'être  ins- 
truites des  divins  mystères,  d'y  participer  et 
de  fréquenter  les  églises.  Dieu  leur  propor 
saut  également  des  récompenses,  parce  que 
les  travaux  et  les  combats  inséparables  de  la 
vertu  leur  sont  communs.  La  différence  des 
nations  et  des  langues  ne  fait  rien  à  cet 
égard,  la  nature  étant  partout  la  même,  et 
la  religion  chrétienne  étant  répandue  dans 
tout  l'univers,  et  pratiquée  non-seulement 
par  ceux  qui  font  dans  l'Eglise  les  fonctions 
de  maîtres  ;  mais  par  des  hommes  et  des 
femmes  de  toute  sorte  de  conditions.  Tous 
croient  également  ce  que  l'Ecriture  nous  ap- 
prend de  la  formation  du  corps  et  de  l'im- 
mortalité de  l'âme. 
..   ^       dO.  Le  sixième  discours  traite  de  la  Provi- 

lem  e 

''P='e-  dence,  Théodoret  ayant  cru  qu'après  avoir 
parlé  de  Dieu  et  des  créatures,  il  était  raison- 
nable de  montrer  par  des  raisons  tirées  de  la 
nature  et  de  la  disposition  du  monde,  qu'il 
est  gouvei'ué  par  une  providence  particu- 
lière. Le  but  de  ce  discours  est  de  réfuter 
l'impiété  de  Diagore,  les  blasphèmes  d'Epi- 
cure  et  les  incertitudes  d'Aristote  sur  ce  sujet. 
Il  paraît  qu'il  fut  composé  avec  les  dix  dis- 
cours sur  la  Providence^  dont  Théodoret  ne 
fait  aucune  mention  dans  celui-ci.  Il  y  fait 
voir  la  contrariété  des  philosophes  sur  la 
cause  des  différents  événements  humains,  en 
rapportant  ce  qu'ils  en  ont  dit  dans  leurs 
écrits.  «  Les  uns,  dit-il,  voyant  avec  quelle 
sagesse  les  choses  d'ici-bas  sont  réglées,  ont 
admiré  et  relevé  par  de  grands  éloges  celui 
qui  les  gouverne.   D'autres,  au  contraire. 


trouvant  à  redire  à  tout  ce  qui  se  passe, 
condamnent  les  richesses,  méprisent  la  pau- 
vreté, se  plaignent  des  maladies,  ne  suppor- 
tent qu'avec  peine  ceux  qui  sont  en  santé, 
souffrent  avec  impatience  la  stérilité  et  la 
fertilité  des  campagnes  ;  la  paix  et  la  guerre 
leur  sont  également  à  charge,  et  ils  n'ont  pas 
moins  de  chagrin  d'avoir  des  enfants  que  de 
n'en  point  avoir  du  tout.  De  là  leurs  plaintes 
contre  la  Providence  ;  ils  en  prennent  occa- 
sion de  l'ôter  entièrement  autant  qu'il  est  en 
eux,  et  d'attribuer  tout  au  hasard,  à  la  for- 
tune ou  à  une  nécessité  violente,  maîtresse 
de  nos  actions.»  Théodoret  leur  oppose  ce 
que  Platon  et  Plotin  ont  dit  de  la  Providence. 
Mais  comme  ils  en  ont  parlé  d'une  manière 
conforme  à  peu  près  à  ce  que  nous  en  lisons 
dans  nos  saintes  Ecritures,  il  dit  que  c'est  de 
là  qu'ils  ont  tiré  ce  qu'ils  en  ont  laissé  dans 
leurs  écrits.  Il  remarque  que  le  dernier  pou- 
vait avoir  lu  même  les  saints  Evangiles,  ayant 
vécu  sous  l'empereur  Commode,  sous  le  rè- 
gne duquel  on  dit  qu'il  prit  des  leçons  du 
fameux  Ammonius,  surnommé  Saccas,  qui 
fut  aussi  le  maître  d'Origène.  Théodoret 
ajoute  que  la  Providence  une  fois  bien  éta- 
bhe,  l'Incarnation  en  est  une  suite  néces- 
saire :  car  il  était  convenable  que  le  Créa- 
teur de  toutes  choses  qui  avait  tiré  les  êtres 
du  néant,  prît  soin  de  la  nature  humaine  dé- 
truite pour  ainsi  dire  par  le  péché,  n'aj'ant 
créé  qu'à  cause  d'elle  toutes  les  choses  visi- 
bles. Il  est  vrai  qu'il  aurait  été  facile  à  Dieu 
de  procurer  le  salut  aux  hommes  sans  se 
faire  homme  lui-même,  et  de  détruire  par  sa 
volonté  seule  la  puissance  de  la  mort;  mais 
il  a  mieux  aimé  donner  des  preuves  de  l'é- 
quité de  sa  Providence,  que  de  son  pouvoir. 
Il  aurait  pu  de  même  parler  aux  hommes  du 
haut  du  ciel;  toutefois  il  ne  l'a  pas  fait,  parce 
qu'il  savait  que  leur  nature  n'était  point  ca- 
pable de  l'écouter  en  cette  manière;  ce  n'est 
même  que  rarement  qu'il  a  apparu,  jugeant 
qu'il  était  plus  convenable  de  leur  donner 
des  lois  et  de  leur  parler  par  le  ministère  des 
prophètes.  Voulant  donc  dans  les  siècles  sui- 
vants procurer  le  salut  aux  hommes,  il  s'est 
lui-même  fait  homme  dans  le  sein  d'une 
Vierge,  pour  converser  plus  facilement  avec 
eux,  lui  qui  est  le  Dieu  adorable  et  engendré 
de  la  substance  du  Père  avant  tous  les  siè- 
cles. Que  si  l'on  demande  pourquoi  l'Incar- 
nation ne  s'est  point  faite  plutôt,  que  l'on 
demande  aussi  aux  médecins,  pourquoi  ils 
réservent  leurs  plus  forts  remèdes  pour  les 


|V°  SlEaE. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


95 


derniers  accès  de  la  maladie  ?  Dieu  en  a  usé 
de  même  :  car  après  avoir  apporté  divers 
remèdes  aux  hommes,  il  leur  a  douné  enfin 
le  plus  eiiicace  de  tous^  puisqu'il  a  mis  fin  à 
leurs  maladies.  Théodore!  dit  aux  Gentils, 
que  s'ils  ne  veulent  point  s'en  rapporter  à 
ses  paroles,  ils  peuvent  se  convaincre  eux- 
mêmes  de  la  vérité,  en  considérant  que  la 
venue  de  Jésus-Christ  a  délivré  le  monde  en- 
tier de  l'ignorance  dans  laquelle  il  vivait  au- 
paravant; qu'elle  a  fait  cesser  le  culte  des 
idoles,  banni  l'impiété,  répandu  partout  la 
lumière  de  la  vérité,  fait  embrasser  la  foi  en 
un  Dieu  crucifié,  aux  Grecs,  aux  Romains  et 
aux  Barbares,  rendu  le  signe  de  la  croix  res- 
pectable ,  établi  le  culte  de  la  Trinité  ,  au 
lieu  de  celui  que  l'on  rendait  aux  faux  dieux; 
renversé  les  temples  des  idoleS;,  fait  bâtir  des 
éghses,  non-seulement  dans  les  villes,  mais 
encore  dans  les  villages  et  dans  les  campa- 
gnes, et  des  temples  d'une  grande  beauté 
en  l'honneur  des  martyrs;  enfin  qu'elle  a 
peuplé  les  sommets  des  montagnes  et  les 
plus  vastes  solitudes  de  monastères  où  l'on 
vit  saintement.  Les  païens  verront  encore 
que  l'Evangile  n'est  que  l'accompiissement 
des  prophéties  faites  longtemps  avant  la  ve- 
nue du  Sauveur;  que  les  prophètes  ont  an- 
noncé que  le  Messie  naîtrait  d'une  Vierge , 
qu'il  serait  attaché  à  la  croix  ;  que  par  lui  le 
monde  serait  sauvé  ,  que  les  Juifs  demeure- 
raient incrédules;  qu'ils  seraient  dispersés  et 
réduits  en  captivité.  Or  l'événement  a  vérifié 
toutes  ces  prédictions. 
Septième  11-  Théodore!  invective  dans  le  septième 
tours, pag.  discours  coutro  les  fêtes  et  les  sacrifices  abo- 
minables que  les  païens  faisaient  en  l'hon- 
neur de  leurs  faux  dieux.  Mais  parce  qu'ils 
auraient  pu  répondre  que  la  loi  ancienne  en 
prescrivait,  il  explique  quelle  a  été  en  cela 
l'intention  du  législateur.  Dieu  qui  voulait 
délivrer  son  peuple  de  la  servitude  d'Egypte, 
et  qui  savait  que  pendant  le  long  temps 
qu'efie  avait  duré,  il  avait  appris  des  Egyp- 
tiens le  culte  des  idoles,  lui  permit,  depuis 
qu'il  l'eut  mis  en  liberté,  de  continuer  à  of- 
frir des  sacrifices  ;  mais  non  pas  de  toute  es- 
pèce, ni  aux  faux  dieux  des  Egyptiens.  Il  fixa 
leur  culte  à  lui-même,  et  voulut  que  les 
Israélites  lui  otfrissent  les  dieux  de  l'Egypte, 
c'est-à-dire  les  bœufs,  les  brebis,  les  colom- 
bes et  les  tourterelles.  La  permission  qu'il  leur 
accorda  en  cette  occasion,  fut  une  espèce  de 
remède  à  leur  faiblesse,  et  en  même  temps 
une  instruction,  puisqu'il  leur  ordonne  de  lui 


sacrifier  ce  qu'ils  adoraient  auparavant,  leur 
faisant  entendre  qu'ils  ne  pouvaient  regarder 
comme  dieux,  des  victimes  qu'ils  immolaient 
eux-mêmes.  S'il  leur  défendit  de  manger  de 
la  chair  de  porc,  ce  fut  parce  que  les  Egyp- 
tiens n'en  mangeaient  point  d'autres,  regar- 
dant les  autres  animaux  comme  des  dieux  ; 
au  contraire,  il  leur  ordonna  de  manger  de 
ceux  dont  les  Egyptiens  s'abstenaient,  pour 
leur  donner  du  mépris  de  ce  que  ces  peuples 
honoraient  d'un  culte  divin.  Après  cette  in- 
terprétation de  la  loi  de  Dieu  touchant  les 
sacrifices,  Théodore!  montre  par  divers  en- 
droits de  l'Ecriture,  que  Dieu  n'a  besoin  ni 
de  sacrifices  ni  d'instruments  de  musique; 
que  toute  la  terre  est  à  lui,  et  tout  ce  qu'elle 
contient;  que  s'il  exige  aujourd'hui  quelques 
sacrifices  de  la  part  des  hommes,  ce  sont  des 
sacrifices  de  louanges;  que  le  sang  des  boucs 
et  des  taureaux  est  inutile  pour  la  rémission 
des  péchés;  que  nous  la  trouvons  dans  le 
baptême;  que  Dieu  déteste  surtout  les  sacri- 
fices que  quelques  peuples  faisaient  autrefois 
de  leurs  enfants  aux  fausses  divinités. 

12.  C'était  l'usage  des  chrétiens  de  rendre  Hmtième 
un  culte  refigieux  à  ceux  qui  avaient  répandu  '^^^'•""■^'P'e. 
leur  sang  pour  la  confession  du  nom  de  Jé- 
sus-Christ; ne  doutant  point  que  ces  martyrs 
ne  fussent  déjà  dans  le  ciel,  et  admis  dans  le 
chœui'  des  anges,  ils  recueillaient  leurs  reli- 
ques et  se  les  partageaient,  les  appelant  les 
sauveurs  des  âmes,  et  les  médecins  des 
corps,  à  cause  que  par  leur  intercession,  ils 
recevaient  de  Dieu  quantité  de  bienfaits.  Ils 
les  regardaient  aussi  comme  les  gardiens  et 
les  défenseurs  de  leurs  villes,  n'y  eussent-ils 
qu  'une  petite  partie  de  leur  corps ,  parce  qu'elle 
avait  autant  de  vertu  que  le  tout.  Les  Gentils 
quoique  informés  des  merveilles  qui  se  pas- 
saient aux  tombeaux  de  ces  saints,  tournaient 
en  ridicule  le  culte  qu'on  leur  rendait.  Ils  re- 
gardaient même  comme  un  crime  abomina- 
ble, de  s'approcher  de  ces  reliques  avec  res- 
pect. C'est  là  la  matière  du  septième  discours. 
Théodoret  bat  les  Gentils  avec  leurs  propres 
armes.  En  efiét,  ils  faisaient  eux-mêmes  des 
libations,  ils  offraient  des  sacrifices  d'expia- 
tions, ils  avaient  des  héros,  des  demi-dieux, 
et  mettaient  des  hommes  au  rang  des  dieux. 
Hercule,  fils  d'Amphiti-yon,  Cléomède,  Anti- 
noiis,  favori  de  l'empereur  Adrien,  étaient 
de  ce  nombre.  C'était  donc  à  tort  que  les 
Grecs  reprochaient  aux  chrétiens  le  culte 
des  martyrs,  puisqu'ils  n'en  faisaient  pas  des 
dieux,  et  qu'ils  ne  les  honoraient  que  comme 


96 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  témoins  et  des  serviteurs  de  Dieu.  Les 
Grecs  faisaient  encore  enterrer  dans  leurs 
temples  les  plus  illustres  d'entre  eux.  Acri- 
sius  avait  son  tombeau  à  Larisse  dans  le  tem- 
ple de  Minerve,  et  Lycophron  à  Magnésie 
dans  le  temple  de  Diane.  Ils  croyaient  aussi 
que  ceux  qui  avaient  bien  vécu  parmi  eux, 
allaient  dans  le  ciel  après  leur  mort,  et  qu'ils 
y  chantaient  les  louanges  du  grand  Dieu  : 
cela  se  voit  dans  Piudare.  Platon  dit  la  même 
chose,  et  l'on  voit  par  Hésiode,  que  les  Grecs 
regardaient  les  gens  de  bien  après  leur  mort, 
comme  les  gardiens  et  les  protecteurs  des 
vivants  ;  Platon  dit  même  qu'ils  prenaient 
soin  en  l'autre  vie  des  affaires  de  celle-ci. 
Théodoret  remarque  qu'il  y  avait  parmi  eux 
de  la  partialité  dans  le  culte  qu'ils  établis- 
saient en  l'honneur  des  hommes,  et  que  tan- 
dis qu'ils  en  mettaient  quelques-uns  au  rang 
des  dieux,  ils  privaient  de  cet  honneur  plu- 
sieurs grands  hommes  qui  ne  l'avaient  pas 
moins  mérité.  «  Y  a-t-il  quelqu'un  ,  dit-il , 
qui  connaisse  le  tombeau  de  Xerxès,  ou  de 
Darius,  ou  d'Alexandre  ?  On  ne  connaît  pas 
non  plus  celui  d'Auguste.  Mais  les  temples 
que  nous  élevons  en  l'honneur  de  nos  mar- 
tyrs, sont  célèbres  partout  par  leur  beauté. 
Nous  ne  nous  contentons  pas  d'y  aller  deux 
ou  cinq  fois  l'année,  nous  nous  y  assemblons 
souvent,  et  quelquefois  tous  les  jours,  pour 
chanter  les  louanges  du  Seigneur.  Là,  ceux 
qui  se  portent  bien  demandent  la  conserva- 
tion de  leur  santé,  et  ceux  qui  sont  malades 
demandent  leur  guérison.  C'est  aussi  aux 
martyrs  que  s'adressent  les  femmes  stériles 
pour  avoir  des  enfants  ^,  les  voyageurs  pour 
en  être  protégés  pendant  leur  voyage  ;  mais 
ni  les  uns  ni  les  autres  ne  les  regardent  pas 
comme  des  dieux,  mais  comme  des  interces- 
seurs auprès  de  Dieu.  S'il  arrive  qu'ils  ob- 
tiennent l'effet  de  leurs  prières,  ils  en  lais- 
sent des  monuments  publics,  qui  marquent 
la  maladie  dont  ils  ont  été  guéris.  Les  uns 
suspendent,  dans  leurs  temples,  des  yeux, 
des  pieds';  et  les  autres  des  mains  d'or  ou 
d'argent,  chacun  suivant  ses  facultés.  Au 
reste,  ces  martyrs  n'étaient  point,  pour  la 
la  plupart,  d'une  naissance  illustre;  mais  des 
hommes  d'une  condition  privée,  ou  même 
réduits  à  la  qualité  de  serviteur  et  de  ser- 
vante. Il  y  en  a  eu  même  qui,  après  avoir 
fait  le  métier  de  comédien,  sont  passés  dans 
l'ordre  de  ces  généreux  athlètes,  et  qui  ont 
remporté,  aux  dépens  de  leur  vie,  la  cou- 
l'onne  du  martyre.  La  plupart  des  philoso- 


phes, des  orateurs,  des  empereurs,  des  gé^ 
néraux  d'armée,  sont  tombés  dans  l'oubli  ; 
mais  les  noms  des  martyrs  sont  connus  de 
tout  le  monde.  Les  Perses  et  les  Mèdes  les 
donnent  à  leurs  enfants  dès  leur  naissance, 
pour  leur  obtenir  la  protection  des  martyrs 
dont  ils  leur  font  porter  le  nom.  Mais  il  y 
a  plus  :  les  temples  même  des  dieux  sont 
tellement  détruits,  qu'il  n'en  reste  presque 
plus  aucun  vestige  ;  on  en  a  pris  les  maté- 
riaux pour  en  bâtir  d'autres  en  l'honneur 
des  martyrs.  Il  en  est  de  même  des  fêtes  du 
paganisme,  auxquelles  on  a  substitué  celles 
de  Pierre  et  de  Paul,  de  Thomas,  de  Sergius, 
de  Marcel,  de  Léonce,  de  Pantaléon,  d'An- 
touin,  de  Maurice  et  de  plusieurs  autres.» 

13.  Dans  le  neuvième  discours,  Théodoret  Neûtièmo 
compare  les  législateurs  des  Grecs  et  des  Ro-  ^^jjS^'-s.p'ê- 
mains  avec  les  Apôtres,  et  après  être  entré 
dans  le  détail  des  lois  établies  par  les  plus 
sages  d'entre  ces  peuples,  il  montre  qu'elles 
n'ont  été  en  vigueur  que  dans  quelques  pro- 
vinces, au  lieu  que  l'Evangile  prêché  par  les 
Apôtres,  s'est  répandu  non  seulement  chez 
les  Romains  et  chez  les  Grecs,  mais  chez  les 
nations  bai'bares,  non  par  la  force  des  armes, 
ni  par  la  violence,  mais  par  la  persuasion  des 
vérités  qu'il  contient.  «Ce  qui  en  relève  davan- 
tage rétabhssement,  dit-il,  c'est  que  ceux  qui 
s'y  sont  employés  l'ont  fait  au  péril  de  leur 
vie,  n'en  étant  empêchés  ni  par  les  injures, 
ni  par  les  flagellations,  ni  par  les  tortures,  ni 
par  aucun  des  tourments  que  la  cruauté  des 
persécuteurs  leur  faisaient  souffrir.  Us  ont  ré- 
sisté à  tous  les  efforts  des  Perses,  des  Scy- 
thes, des  Romains  et  de  toutes  les  autres  na- 
tions, et  malgré  les  persécutions  violentes  de 
Dioctétien,  de  Maximien,  de  Maxence,  de 
Maximiu,  de  Licinius,  l'Evangile  a  prévalu 
partout.  »  Théodoret  fait  mention  de  plusieurs 
miUiers  de  chrétiens  mis  à  mort  en  même 
temps  dans  quelques-unes  de  ces  persécu- 
tions, des  églises  brûlées,  lorsqu'elles  étaient 
remplies  d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants, 
et  de  la  destruction  de  toutes  celles  qui 
étaient  dans  l'empire  romain,  un  jour  de 
Pâques.  «Mais,  ajoute-t-il,  ces  persécuteurs 
n'ont  détruit  que  des  édifices  matériels,  et 
n'ont  pas  fait  de  tort  à  la  piété  ;  le  sang  qu'ils 
répandaient  donnait  de  l'accroissement  à 
l'Eglise  par  le  grand  nombre  de  ceux  qui 
embrassaient  la  religion  chrétienne.»  Il  passe 
légèrement  sur  toutes  ces  choses,  particuliè- 
rement sur  ce  qui  arriva  dans  la  persécu- 
tion de  Julien  contre  les  chrétiens,  trouvant 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR. 


[\^  SIEOLE.J 

une' preuve  de  ce  qu'il  avançait  à  l'avantage 
de  l'Eglise,  dans  le  nombre  infini  de  chrétiens 
dont  elle  était  composée,  et  dans  la  destruc- 
tion presque  entière  du  culte  des  faux  dieux. 
Il  s'étend  beaucoup  plus  sur  les  lois  indé- 
centes de  Platon,  au  sujet  de  la  communauté 
des  femmes,  en  remarquant  que,  quelque  fa- 
vorable qu'elle  fût  au  libertinage,  il  n'avait 
pu  l'établir,  qu'elle  avait  même  été  rejetée 
avec  mépris,  et  que  ni  l'empereur  Néron,  le 
plus  impudique  des  princes  de  l'empire  ro- 
main, ni  Sardanapale,  si  connu  par  son  amour 
pour  les  délices  et  les  voluptés,  n'avaientlii 
cité,  ni  loué  cette  loi.  Celle  au  contraire  que 
les  Apôtres  ont  publiée  après  l'avoir  reçue  du 
Sauveur,  ne  défend  pas  seulement  les  crimes 
d'impureté,  elle  va  jusqu'à  défendre  les  mau- 
vais désirs.  Cette  loi,  néanmoins,  est  en  vi- 
gueur dans  tout  l'univers,  de  même  que  celles 
qui  défendent  la  vengeance,  le  mensonge,  le 
jurement,  en  sorte  que  l'on  a  vu  des  milliers 
d'hommes  et  de  femmes  souffrir  volontaire- 
ment la  mort  pour  la  défense  de  ces  lois. 

14.  Le  dixième  discours  est  intitulé,  des 
V7'a.is  et  faux  oracles,  parce  que  Tbéodoret  y 
compare  les  prédictions  des  Grecs  avec  celles 
des  Juifs,  et  qu'il  y  fait  voir  la  fausseté  des 
unes  et  la  vérité  des  autres.  Les  mauvais 
anges  déchus  de  l'état  où  Dieu  les  avait  créés, 
se  sont  établi  une  espèce  de  tyrannie  sur 
les  hommes,  et  se  donnant  à  eux-mêmes  le 
nom  de  Dieu  ,  ils  ont  persuadé  à  quelques 
hommes  insensés  de  leur  rendre  les  hon- 
neurs divins.  Pour  les  autoriser  dans  ce  faux 
culte,  ils  se  sont  vantés  de  connaître  et  de 
prédire  l'avenir  ;  c'est  surtout  par  ce  moyen 
qu'ils  les  ont  séduits.  Dans  cette  vue,  ils  éta- 
blirent par  toute  la  terre  divers  oracles  que 
les  hommes  pussent  consulter,  dans  Delphes, 
dans  Délos,  à  Dodone,  dans  la  Libye,  et  en 
beaucoup  d'autres  endroits.  Tbéodoret  fait 
voir  que  tous  ces  oracles  n'étaient  que  des 
prestiges  :  premièrement,  parce  que  depuis 
la  venue  du  Sauveur,  ils  ont  cessé  de  rendre 
des  réponses  à  ceux  qui  les  consultaient,  le 
mensonge  ne  pouvant  se  soutenir  à  la  vue 
de  la  vérité  ;  secondement,  parce  que  les 
païens  eux-mêmes  sont  convenus  qu'il  n'y 
avait  rien  de  vrai  dans  toutes  les  prédictions 
de  ces  prétendus  oracles.  C'est  ce  que  té- 
moignent Plutarque,  Porphyre  et  Diogénien, 
qui  ont  écrit  depuis  l'établissement  de  la  re- 
ligion chrétienne.  L'oracle  d'Apollon  qui  avait 
engagé  Julien  à  transporter  les  reliques  de 
saint  Babylas,  parce  qu'elles  étaient  un  obs- 
X. 


9? 


tacle  à  ses  prédictions,  fut  réduit  en  poudre 
quelques  moments  après,  par  le  feu  du  ciel. 
Il  n'en  est  pas  ainsi  des  oracles  rendus  en 
faveur  de  la  religion  chrétienne;  l'événement 
a  fait  voir  la  vérité  de  leurs  prédictions.  Les 
prophètes  avaient  prédit  le  renversement  de 
l'idolâtrie,  la  venue  du  Sauveur,  l'établisse- 
ment de  l'Eglise,  la  vocation  des  Gentils  à  la 
foi,  la  prédication  de  l'Evangile  dans  toute  la 
terre,  et  qu'au  lieu  des  sacrifices  sanglants, 
on  en  offrirait  un  à  Dieu,  qui  serait  spirituel 
et  sans  effusion  de  sang.  Ils  avaient  encore 
annoncé  que  le  sceptre  ne  sortirait  point  de  la 
race  de  Juda  jusqu'à  la  venue  de  celui  qui 
était  l'attente  des  nations.  Tbéodoret  rap- 
porte toutes  ces  prophéties,  et  montre,  en 
commençant  par  celle  qui  regardait  la  des- 
truction des  idoles  et  de  leur  culte,  qu'elles 
ont  eu  toutes  leur  accomplissement. 

15.  Il  rapporte  dans  le  onzième  discours 
ce  que  les  Grecs  et  les  Apôtres  ont  dit  de  la 
félicité  de  l'homme  et  du  jugement  dernier. 
Les  opinions  de  ceux-là  sur  le  bonheur  de 
l'homme,  sont  si  ditïérentes,  qu'on  peut  dire 
qu'ils  n'ont  pas  connu,  pour  la  plupart,  en 
quoi  il  consistait.  Epicnre  le  mettait  dans  la 
volupté  et  dans  la  jouissance  des  plaisirs  ; 
Démocrile,  dans  la  tranquillité  de  l'âme  ; 
Pythagore,dans  la  parfaite  connaissance  des 
nombres;  Platon,  dans  la  ressemblance  avec 
Dieu,  autant  que  l'homme  en  est  capable  ; 
Socrate,  son  maître,  dans  la  justice;  et  Aris- 
tote,  dans  la  possession  de  trois  sortes  de 
biens,  savoir,  de  ceux  du  corps,  de  ceux  de 
l'âme,  et  des  biens  extérieurs.  Tbéodoret 
approuve  le  sentiment  de  Platon  et  de  So- 
crate ;  mais  comme  ils  ne  l'avaient  pas  assez 
développé,  il  enseigne  que,  suivant  les  divi- 
nes Ecritures,  le  commencement  de  la  sa- 
gesse ou  des  biens  est  la  crainte  du  Sei- 
gneur, et  que  la  fin  de  cette  sagesse  ou  de 
ces  biens  est  une  vie  ornée  de  vertus  et 
d'actions  réglées  sur  la  loi  de  Dieu  :  car  le 
Seigneur  n'appelle  point  heureux  les  riches, 
ni  ceux  qui  vivent  dans  les  délices  et  à  qui 
tout  prospère ,  mais  les  pauvres  d'esprit, 
ceux  qui  sont  doux  et  miséricordieux,  qui 
ont  faim  et  soif  de  la  justice,  et  qui  souffrent, 
sans  se  plaindre,  d'être  maltraités  pour  elle. 
Tbéodoret  dit  ensuite  que  ce  que  Platon  a 
écrit  touchant  le  jugement  que  les  hommes 
subiront  après  leur  mort,  et  des  supphces 
destinés  aux  impies,  a  beaucoup  de  confor- 
mité avec  ce  que  les  Ecritures  nous  en  ap- 
pi-ennent,  parce  qu'ayant  été  quelque  temps 

7 


Onzième 
discours,  pag. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


98 

en  Egypte  avec  les  Hébreux,  il  avait  appris 
d'eux  ce  qu'on  doit  croire  sur  cette  matière  ; 
mais  il  ajoute  que  ce  philosophe  ne  s'en  te- 
nant pas  à  ce  qu'il  avait  appris  de  vrai,  y 
avait  joint  plusieurs  circonstances  fabuleuses 
tirées  des  poètes  grecs,  qui  se  sont  imaginés 
qu'Eacus,  Minos  et  Rhadamante,  dont  les 
mœurs  n'ont  pas  été  sans  reproche,  préside- 
raient à  ce  jugement.  «  Pour  nous  ,  dit  Théo- 
doret,  nous  attendons  pour  juge  celui  qui 
nous  a  créés  et  qui  connaît  parfaitement  nos 
actions,  nos  paroles  et  nos  pensées  les  plus 
secrètes.  11  nous  jugera  revêtu  de  notre  hu- 
manité, n'étant  pas  visible  à  nos  yeux  dans 
sa  nature  divine  ;  c'est  pour  cela  qu'il  s'ap- 
pelle lui-même  Fils  de  l'homme,  parce  que 
ceux  qu'il  jugera,  le  verront  revêtu  de  cette 
nature.  »  Il  établit  cette  vérité  sur  un  passage 
des  Actes  des  Apôtres,  où  saint  Paul  parle 
du  jour  destiné  de  Dieu  pour  ce  jugement; 
et  ajoute  que  si  quelqu'un  révoque  en  doute 
ce  qui  en  est  dit  dans  l'Ecriture,  il  peut  s'en 
assurer  en  considérant  que  plusieurs  des 
choses  qui  sont  prédites  dans  l'Evangile, 
étant  déjà  arrivées,  c'est  une  preuve  que  ce 
qui  est  dit  de  la  vie  future,  aura  aussi  son 
accomphssement.  Jésus-Christ  n'a-t-il  point 
prédit  le  siège  de  Jérusalem  et  le  reverse- 
ment de  ses  murs,  de  même  que  la  destruc- 
tion totale  du  célèbre  temple  qu'on  y  avait 
bâti?  N'a-t-il  pas  prédit  que  les  Juifs  qui  le 
devaient  crucifier,  seraient  errants  et  vaga- 
bonds dans  tout  le  monde  ?  Ces  deux  prédic- 
tions ont  été  accomplies.  La  chose  est  indu- 
bitable à  l'égard  des  Juifs,  qui  chassés  de 
Jérusalem  habitent  partout  ailleurs.  A  l'é- 
gard du  temple,  il  n'en  reste  plus  de  vesti- 
ges. Théodoret  dit  en  avoir  été  témoin  ocu- 
laire. Jésus-Christ  n'a-t-il  pas  encore  prédit 
que  les  Apôtres  auraient  beaucoup  de  com- 
bats à  soutenir  et  de  dangers  à  essuyer  dans 
la  prédication  de  l'Evangile  ,  mais  qu'ils  se- 
raient victorieux  de  leurs  persécuteurs?  N'a- 
t-il  pas  dit  que  l'action  sainte  de  cette  femme, 
qui  répandit  un  parfum  précieux  sur  ses 
pieds,  serait  publiée  dans  tout  le  monde?  Or 
les  tombeaux  des  apôtres  et  des  martyrs, 
qui  sont  connus  dans  toute  la  terre,  sont  une 
preuve  de  la  première  de  ces  prédictions,  et 
Ja  seconde  se  vérifie  par  l'établissement  de 
l'Evangile  dans  tout  l'univers,  où  chacun  lit 
ce  qui  est  dit  de  cette  femme  dans  le  vingt- 
sixième  chapitre  de  saint  Matthieu. 
Douzième  16.  Ce  n'est  pas  assez  de  savoir  ce  que  l'on 
doit  penser  de  Dieu,  il  faut  encore  former  sa 


discours,  pag, 
QUI 


sa  vie  et  ses  mœurs  sur  les  lois  qu'il  nous  a 
données,  et  même  l'imiter  autant  qu'il  est 
en  nous,  c'est-à-dire  haïr  ce  qu'il  hait,  aimer 
ce  qu'il  aime  :  c'est  le  langage  de  l'Ecriture. 
Platon  a  parlé  de  même  ,  et  il  n'a  pas  craint 
d'avancer  que  nous  pouvions  imiter  le  Dieu 
créateur  dans  ses  bonnes  afteciions.  Il  a 
donné  aussi  d'excellents  préceptes  pour  la 
conduite  des  mœurs;  mais  on  ne  voit  point 
qu'ils  aient  été  suivis  par  ceux-là  mêmes  qui 
ont  porté  le  nom  de  sages  parmi  les  philoso- 
phes païens.  Socrate,  l'un  d'entre  eux,  était 
si  adonné  à  la  débauche,  qu'il  s'y  livi'ait  pu- 
bliquement. Diogène  en  faisait  de  même, 
ainsi  que  Cratès  le  Thébéen,  et  plusieurs 
autres.  La  religion  chrétienne,  au  contraire, 
donne  non-seulement  des  préceptes  de  ver- 
tus ,  en  particulier  sur  la  chasteté,  mais  elle 
a  eu  aussi  un  grand  nombre  de  sectateurs 
qui  les  ont  mis  en  pratique.  C'est  ce  qui  fait 
le  sujet  du  douzième  et  dernier  discours  de 
Théodoret,  contre  les  fausses  opinions  des 
païens. 

§XL 

De  divers  ouvrages  mis  dans  l'Appendice. 

i.  Le  discours  sur  la  C^anïe  rappelle  dès  ^■,. 
le  commencement  les  combats  de  ces  illus-  pâg.'Vso! 
très  solitaires  dont  Théodoret  a  écrit  les  Vies  ; 
ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  ce  discours 
est  une  espèce  de  péroraison  de  ces  Vies  ; 
aussi  leur  est-il  joint  dans  divers  manuscrits. 
Il  y  examine  quelle  était  la  force  qui  rendait 
ces  saints  invincibles  dans  leurs  combats;' 
quel  était  le  motif  qui  les  leur  avait  fait  en- 
treprendre, et  par  quels  moyens  ils  étaient 
parvenus  à  la  perfection  de  la  divine  philo- 
sophie. Il  paraissait  évident  à  Théodoret  que 
leurs  vertus  n'avaient  pas  pour  principe  les 
seules  forces  du  corps,  puisqu'ils  ont  pra- 
tiqué des  austérités  qui  surpassent  les  for- 
ces de  la  nature  humaine,  et  qu'aucun  autre 
que  ces  saints  n'en  a  souffert  de  semblables 
sans  y  succomber.  Il  prouve  donc  que  cette 
force  n'était  autre  que  l'amour  de  Dieu  qui 
brûlait  dans  leurs  cœurs  et  qui  leur  faisait 
faire  et  souffrir  avec  joie  les  choses  les  plus 
opposées  aux  sentiments  de  la  nature.  «  On  se 
rassasie,  dit-il,  des  plaisirs  du  corps  ;  mais 
l'amour  divin  n'a  point  de  bornes.  Moïse,  qui 
avait  été  jugé  digne  d'entrer  en  conversation 
avec  Dieu,  passa  quarante  jours  dans  la  nuée, 
et  il  n'en  fut  point  rassasié  ;  au  contraire, 
son  désir  de  continuer  à  contempler  la  ma- 
jesté de  Dieu,  ne  fit  que  s'enflammer  de  plus 


I  V=  SIECLE. 


CHAPITRE  IV.  —  ÏHÉODORET,  ÉVÉQUE  DE  CYR. 


99 


en  plus.  L'amour  que  saint  Paul  se  sentait 
pour  Jésus-Christ  était  si  ardent,  qu'il  ne 
pouvait  en  être  séparé,  ni  par  l'affliction,  ni 
par  les  déplaisirs,  ni  par  la  faim,  ni  par  la 
persécution,  ni  par  la  nudité,  ni  par  les  pé- 
rils, ni  par  le  fer,  ni  parla  violence.  «  Je  suis 
assuré,  disait  cet  apôtre,  que  ni  la  mort,  ni 
la  vie,  ni  les  anges,  ni  les  principautés,  ni 
tout  ce  qu'il  y  a  au  plus  haut  des  cieux,  ou 
au  plus  profond  des  enfers,  ni  toute  autre 
créature,  ne  pourra  jamais  nous  séparer  de 
l'amour  de  Dieu  en  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur. !)  C'était  le  même  amour  qui  animait 
saint  Pierre  dans  les  larmes  qu'il  versait  pour 
avoir  renié  son  Sauveur,  dans  la  célérité 
avec  laquelle  il  courut  au  sépulcre  pour  y 
être  témoin  de  sa  résurrection,  dans  les  tra- 
vaux et  les  persécutions  qu'il  souffrit  pour  la 
prédication  de  l'Evangile,  et  dans  la  joie  et 
la  constance  qu'il  fit  paraître  lorsque  l'em- 
pereur Néron  le  condamna  au  supplice  de  la 
croix.  »  Théodoret  dit  qu'Abel,  Enoch,  Noé, 
Melchisédech,  Abraham  et  plusieurs  autres 
anciens  patriarches  furent  animés  du  même 
amour;  mais  qu'il  éclata  surtout  dans  les 
apôtres  et  les  martyrs,  qui  aimèrent  mieux 
souffrir  mille  morts,  que  de  manquer  à  la 
reconnaissance  qu'ils  devaient  à  Dieu  pour  ses 
bienfaits,  et  de  trahir  leur  foi  dans  la  vue 
de  jouir  d'une  vie  délicieuse,  dont  les  persé- 
cuteurs les  flattaient, 
re  à  2.  Ce  que  nous  lisons  dans  la  lettre  à  Spo- 
'^°^'  race  contre  Nestorius,  se  trouve  en  mêmes 
termes  dans  le  chapitre  xii  du  livre  IV  des 
Hérésies.  La  suite  de  cette  lettre  est  une  ré- 
futation de  Nestorius.  Ce  qui  peut  faire  dou- 
ter que  Théodoret  en  soit  l'auteur,  c'est  que 
celui  qui  a  fait  cette  réfutation  s'adresse  sou- 
vent à  Nestorius  même,  et  jamais  à  Sporace. 
Cette  lettre  parait  donc  être  un  composé  que 
quelqu'un  aura  fait  d'un  fragment  du  ti'aité 
des  Hérésies  et  d'un  fragment  de  quelque  au- 
tre ouvrage  de  Théodoret  sur  l'Incarnation. 
,j  j  3.  La  lettre  à  Jean  de  Germanicie,  qui  se 
'^'Jjg"  trouve  la  cent  vingt-cinquième  parmi  celles 
de  Théodoret,  fut  écrite  après  le  conciliabule 
d'Ephèse.  Jean  de  Germanicie  lui  avait  écrit 
sur  les  persécutions  qu'on  lui  faisait  souffrir, 
et  avait  lâché  de  le  consoler  par  l'espérance 
que  les  évêques  de  Syrie  ne  permettraient 
point  qu'on  l'opprimât.  Théodoret,  dans  sa 
réponse,  lui  dit  qu'il  n'avait  rien  à  atten- 
dre dans  une  lâcheté  si  générale  de  tous  les 
évêques  ;  qu'en  vain  ils  disaient  qu'ils  avaient 
été  contraints  de  faire  ce  qu'ils  avaient  fait  ; 


qu'il  leur  était  facile  de  se  rétracter;  qu'ils 
ne  pouvaient  alléguer  contre  lui  aucun  crime, 
mais  qu'il  était  notoire  qu'ils  avaient  pi'is  pré- 
texte de  sa  doctrine  pour  le  condamner. 
«  Lorsqu'ils  étaient,  dit-il,  encore  du  nombre 
des  frères,  et  même  depuis  qu'ils  ont  été  faits 
lecteurs  et  ordonnés  diacres,  prêtres  et  évê- 
ques, ils  donnaient  de  grandes  louanges  aux 
discours  que  je  prononçai  à  Antioche  en  leur 
présence.  Quand  le  sermon  était  terminé,  ils 
m'embrassaient,  me  baisaient  et  la  tête,  et  la 
poitrine,  et  les  mains;  quelques-uns  même 
touchaient  mes  genoux,  appelant  ma  doctrine 
la  doctrine  apostolique  ;  et  toutefois  ils  vien- 
nent de  l'analhématiser.  Ils  m'appelaient  la 
lumière  non-seulement  de  l'Orient,  mais  du 
monde  entier;  et  voilà  que  je  suis  proscrit  de 
manière  qu'autant  qu'il  est  en  eux,  je  n'ai  pas 
même  du  pain  pour  me  nourrir.  »  Il  ne  blâme 
pas  Jean  de  Germanicie  de  n'avoir  pas  en- 
core rompu  de  communion  avec  eux,  mais  il 
lui  conseille ,  au  cas  qu'ils  ne  veuillent  pas 
rétracter  ce  qu'ils  avaient  fait,  de  les  éviter 
comme  des  gens  qui  avaient  trahi  la  foi,  et 
de  ne  prendre  aucune  part  à  leur  impiété. 

4.  On  a  mis  à  la  suite  de  cette  lettre  l'abrégé      Livre  con- 
que Phofius  a  fait  de  vingt-sept  livres  ou  de   ^àt  'p'|' 
v'ingt-Re]}idiscom's  contre  les  Eutychiens,  qu'il 
croyait  être  de  Théodoret;  mais  on  ne  doute 

pas  aujourd'hui  qu'il  n'y  ait  faute  dans  Pho- 
tius,  et  que  ce  qu'il  attribue  à  Théodoret  ne 
soit  l'ouvrage  d'Eutérius  de  Tyanes,  sous  le 
nom  duquel  il  est  cité  par  Marins  Meixator, 
auteur  contemporain. 

5.  Jean  d' Antioche  a j^ant  vu  les  douze  ana-      Périls  de 
thématismes  que  saint  Cyrille  avait  mis  à  la   L''„''i°r''e°ies 
fin  de  sa  lettre  à  Nestorius,  les  communiqua   m"iism'r"de' 
à  Théodoret,  en  le  priant  de  les  réfuter.  Ce-   pa'f.SS."""' 
lui-ci,  prévenu  contre  saint  Cyrille,  comme  la 
plupart  des  Orientaux,  ne  put  lire  ces  ana- 
Ihématismes  sans  en  concevoir  de  l'indigna- 
tion ,  croyant  y  voir  des  erreurs  manifestes. 

11  en  était  d'autant  plus  touché,  qu'il  en  crai- 
gnait les  suites,  parce  que  ces  anathématismes 
avaient  pour  auteur  un  évêque  chargé  d'un 
vaste  diocèse.  11  fit  donc  un  écrit  pour  les  ré- 
futer; mais  il  n'y  nomma  point  saint  Cyrille, 
doutant,  comme  il  le  dit  dans  sa  lettre  à  Jean 
d'Antioche,  qu'ils  fussent  de  ce  saint  évêque , 
et  si  ce  n'était  pas  plutôt  l'ouvrage  de  quel- 
que ennemi  de  la  vérité ,  composé  à  dessein 
d'allumer  de  plus  en  plus  dans  l'Eglise  le  feu 
de  la  division.  Théodoret  reconnaît  dans  cet 
écrit  que  la  sainte  Vierge  est  mère  de  Dieu; 
mais  il  y  a  quelques  endroits  où  il  s'explique 


loo 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Commec- 
InîrB  sur  If  s 
Psaumes, 
loni.  V.  pag.  2 
li.lit.  .de  l'a- 
ri.s  16S4. 


avec  moins  de  précision  sur  l'incarnation  que 
dans  les  ouvrages  qu'il  composa  depuis;  aussi 
fut-ce  de  là  que  l'on  tira  divers  passages  dans 
le  cinquième  concile  pour  les  faire  condam- 
ner. II  y  accuse  neltement  saint  Cyrille  d'hé- 
résie et  de  blasphèmes ,  mais  sur  des  faux 
sens  qu'il  lui  attribuait.  Ils  se  réconcilièrent 
depuis,  et  longtemps  auparavant  saint  Cy- 
rille, en  blâmant  les  expressions  de  Théodo- 
ret,  avait  reconnu  *  qu'il  avait  la  même  foi  et 
l;i  même  doctrine  que  lui. 

§xn. 

De  divers  ouvrages  attribués  à  Théodoret. 

i.  Nous  avons  parlé  jusqu'ici  des  ouvrages 
de  Théodoret  recueillis  par  le  père  Sirmond, 
ot  imprimés  à  Paris,  en  1642,  en  quatre  vo- 
lumes in-foho.  Le  père  Garnier  en  a  ajouté  un 
cinquième,  imprimé  en  la  même  ville  en  1684; 
ce  volume  contient  une  préface  et  quelques 
fragments  d'un  commentaire  sur  les  Psaumes, 
sous  le  nom  de  Théodoret;  quelques-uns  de 
ses  discours,  diverses  lettres,  des  traités  contre 
les  Anoméens,  les  Macédoniens  et  les  Apollina- 
ristes,  et  un  grand  nombre  de  corrections  du 
livre  qui  a  pour  titre  :  De  la  Guérison  des  fausses 
opinions  des  païens.  La  préface  sur  les  Psaumes 
n'a  presque  rien  de  commun  avec  celle  de 
Théodoret.  Le  style  ,  la  méthode  ,  les  senti- 
ments ,  tout  en  est  différent.  Théodoret  re- 
marque dans  la  sienne  que  les  interprètes  ne 
s'accordent  pas  entre  eux  sur  l'auteur  des 
Psaumes;  que  les  uns  en  donnent  une  par- 
tie à  David,  et  d'autres  à  Etham,  aux  enfants 
de  Coré,  aux  fils  d'Asaph,  appelés  prophètes 
dans  l'histoire  des  Paralipomènes.  Il  ajoute 
toutefois  que,  sans  vouloir  rien  assurer  sur 
cela,  il  aime  mieux  suivre  le  sentiment  com- 
mun qui  les  attribue  tous  à  David.  L'auteur 
de  la  préface  donnée  par  le  père  Garnier 
n'entre  pas  dans  cette  discussion.  Il  décide 
nettement  que  tous  les  Psaumes  sont  de  Da- 
vid^ sans  marquer  qu'il  y  eût  sur  cela  de  la 
diflterence  de  sentiment  parmi  les  interprètes. 
11  ne  s'accorde  pas  non  plus  avec  Théodoret 
sur  la  signification  du  Diapsalma.  Celui-ci, 
content  d'avoir  remarqué  que  les  Psaumes  ne 
sont  pas  rangés  suivant  l'ordre  des  temps, 
n'avait  pas  cru  devoir  nommer  sous  quel  roi 
ils  avaient  été  placés  ainsi ,  apparemment 


parce  qu'il  ne  le  savait  pas;  mais  dans  cette 
nouvelle  préface  il  est  dit  que  ce  fut  le  roi 
Ezéchias  qui  réduisit  le  Psautier  à  cent  cin- 
quante psaumes,  ayant  choisi,  parmi  le  grand 
nombre  que  David  en  avait  composés,  ceux 
qui  lui  paraissaient  les  plus  beaux.  Théodo- 
ret n'entre  pas  dans  le  détail  des  différentes 
versions  que  l'on  a  faites  des  Psaumes.  L'au- 
teur de  la  préface  nomme  toutes  celles  qu'il 
connaissait,  savoir  :  celles  des  Septante,  d'A- 
quila,  de  Symmaque,  de  Théodotion,  de  Jé- 
richo, ou  que  l'on  trouva  dans  cette  ville,  de 
Nicople  et  de  Lucien,  martyr.  Il  faut  dire  la 
même  chose  des  fragments  du  commentaire 
sur  les  Psaumes,  donnés  par  le  père  Garnier. 
Il  y  en  a  quelques-uns  qui  se  trouvent  dans 
celui  que  le  père  Sirmond  a  donné,  et  d'au- 
tres où  l'on  dit  des  choses  qui  ne  s'accordent 
pas  avec  ce  que  Théodoret  dit  dans  celui-ci. 
Il  paraît  donc  que  tant  la  préface  que  le 
commentaire  donné  par  le  père  Garnier  sont 
d'un  écrivain  postérieur  qui  a  pris  dans  Théo- 
doret ce  qui  lui  a  paru  de  mieux,  et  y  a  ajouté 
les  sentiments  de  quelques  autres  interprètes 
ou  les  siens  propres. 

2.  A  la  suite  de  ces  fragments  on  en  trouve 
un  tiré  ^d'un  commentaire  sur  l'Evangile  de 
saint  Luc.  Le  père  Garnier  ne  dit  point  si  dans 
les  Chaînes ,  d'où  il  a  tiré  ces  fragments ,  il 
portait  le  nom  de  Théodoret;  mais  il  croit 
qu'il  faisait  partie  du  livre  IP  de  l'ouvrage 
que  Théodoret  écrivit  contre  saint  Cyrille. 
Ce  fragment  est  une  explication  de  l'endroit 
de  saint  Luc  où  nous  lisons  que  Jésus- Christ 
étant  tombé  en  agonie ,  il  lui  vint  une  sueur 
comme  des  gouttes  de  sang  qui  découlaient 
jusqu'à  terre.  L'auteur  remarque  que  la  grâce 
divine  permit  qu'il  en  arrivât  ainsi  à  l'huma- 
nité de  Jésus-Christ. 

3.  Le  discours  en  l'honneur  de  saint  Jean- 
Baptiste  est  assez  du  style  de  Théodoret,  mais 
on  ne  nous  dit  point  d'où  on  l'a  tiré,  ni  sur 
quelle  autorité  on  le  lui  attribue.  On  y  fait 
également  l'éloge  de  Zacharie  et  d'Ehsabetb, 
comme  de  leur  fils ,  et  il  roule  paiiiculière- 
ment  sur  ce  qui  précéda  et  sur  ce  qui  suivit 
immédiatement  la  naissance  du  saint  pré- 
curseur. L'auteur  aurait  souhaité  pouvoir  ren- 
fermer dans  le  même  discours  ce  qui  regarde 
la  prédication  de  saint  Jean  dans  le  désert, 
le  baptême  de  Jésus-Christ  et  le  martyre  de 


Discoi 
Tbéodc 
pag.  21 


1  Hic  auiem  bonus  vir  (Theodorelus)  nullum  genus 
maledicentiœ  in  nos  intentatum  prcetermiitens,  qunm- 
vis  iis  quœ  dixi  assenliatur,  inuril  versus  noijis  ma- 


culam  falsœ  senientice  ApolUnarii.  Cyrill.,  Defeni.  XI 
anathemat.,  tom.  III  Concil.,  pag.  940  et  9'!l. 


[V"  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV..  —  THÉODOREï,  ÈVÊQUE  DE  CYR. 


ce  saint;  mais,  craignant  trop  de  longueur, 
il  remit  à  en  parler  une  autre  fois.  Sur  la  fin 
de  son  discours,  il  s'adresse  à  saint  Jean, 
qu'il  appelle  l'ami,  le  précurseur,  le  prophète 
dn  Seigneur,  et  le  prie  de  s'entremettre,  par 
ses  prières  auprès  de  Dieu,  pour  nous  obte- 
nir la  grâce  de  jouir,  dans  le  siècle  futur,  de 
la  gloire  qui  nous  est  promise.  Les  cinq  dis- 
cours à  la  louange  de  saint  Ghrysostôme  n'ont 
pas  la  gravité  ni  le  sérieux  ordinaire  de  ceux 
de  Théodoret;  ce  n'est  que  figures  et  jeux  de 
mots.  PLotius  ',  qui  en  rapporte  des  extraits 
comme  étant  véritablement  de  Théodoret,  dit 
que  le  premier  de  ces  cinq  discours  était  la 
suite  de  quelques  autres  ,  ou  du  moins  qu'il 
en  faisait  partie.  On  y  voyait  de  quelle  ma- 
nière saint  Ghrysostôme  avait  été  appelé  à 
Constantinople,  et  ensuite  élu  archevêque  de 
cette  ville  ;  comment  il  s'était  appliqué  à  re- 
mettre en  vigueur  les  anciens  canons  de  l'E- 
glise, et  avec  quelle  force  il  avait  résisté  aux 
entreprises  de  Gainas,  général  des  Goths.  Le 
second  discours,  qui  était  très-court,  ue  con- 
tenait que  des  éloges.  Le  troisième  surpas- 
sait les  deux  premiers  par  le  choix  des  termes 
et  des  pensées;  mais  ce  n'était  aussi  qu'un 
panégyrique.  11  en  était  de  même  du  qua- 
trième; Théodoret  le  commençait  par  l'éta- 
blissement de  cette  maxime,  que  nous  de- 
vons honorer  nos  parents.  Il  louait,  dans  le 
même  discours  ,  saint  Ghrysostôme  d'avoir 
établi  parmi  le  peuple  le  chant  des  Psaumes. 
Dans  le  cinquième,  il  se  répandait  en  éloges 
sur  les  actions  de  ce  saint ,  mais  avec  plus  de 
forcé  et  de  netteté  que  dans  les  précédents. 
Il  fut  prononcé  dans  l'église  des  Apôtres,  après 
que  plusieurs  autres  avaient  déjà  fait  l'éloge 
de  saint  Ghrysostôme.  On  croit  que  ce  fut 
depuis  que  son  corps  eut  été  rapporté  à  Cons- 
tantinople, c'est-à-dire  depuis  l'an  438.  Théo- 
doret le  compare  à  Job,  pour  les  persécutions 
qu'il  eut  à  souilVir  tant  de  la  part  de  ses  en- 
nemis que  de  ceux  qui  paraissaient  ses  amis, 
et  il  ne  doute  pas  qu'il  n'ait  aussi  reçu  comme 
Job  une  gloire  d'autant  plus  grande  qu'il  avait 
plus  souffert  d'opprobres  de  la  part  des 
hommes. 

4.  En  suite  de  ces  discours,  le  père  Garnier 
met  divers  fragments  des  disputes  que  Théo- 
doret eut,  à  Chalcédoine,  avec  les  défenseurs 
de  saint  Cyrille,  et  des  discours  qu'il  pro- 
nonça en  la  même  viUe,  en  présence  de  plu- 
sieurs personnes  attachées  au  parti  de  Nes- 

1  Phodus,  Cod.  273,  pag.  1513  et  seq. 


101 

torius,  qui  étaient  venues  de  Constantinople 
pour  l'entendre.  Théodoret  tenait  avec  eux 
des  assemblées  dans  une  fort  grande  salle 
environnée  de  tribunes,  dans  l'une  desquelles 
il  se  mettait,  et  le  peuple  l'écoutait  d'en  bas 
avec  tant  de  plaisir,  qu'il  le  haranguait  sou- 
vent pendant  plusieurs  heures.  Dans  un  de 
ses  sermons,  il  parla  avec  beaucoup  de  feu 
et  de  vivacité  contre  ceux  qui  voulaient  qu'on 
adorât  un  Dieu  passible ,  sans  s'expliquer  en 
quel  sens  cette  proposition  pouvait  être  dé- 
fendue ou  rejetée.  Les  fragments  que  rap- 
porte le  père  Garnier  sont  tirés  des  actes  du 
faux  concile  d'Ephèse,  de  ceux  du  cinquième 
concile  général,  et  de  la  lettre  de  Théodoret 
à  Alexandre  d'Hiéraple.  Il  y  en  ajoute  d'un 
discours  que  Jeand'Antioche  fit  après  Théo- 
doret, où  l'on  voit  que  Jean  ne  prétendait  en- 
seigner d'autre  doctrine  que  celle  qu'il  avait 
reçue  des  anciens,  et  pour  laquelle  les  mar- 
tyrs avaient  répandu  leur  sang.  Le  fragment 
du  sermon  prononcé  à  Antioche  contre  saint 
Cyrille,  mort  depuis  peu,  est  rapporté  par 
Mercator.  On  le  produisit  dans  le  cinquième 
concile  contre  Théodoret,  et  dans  le  faux  con- 
cile d'Ephèse.  On  s'en  servit  pour  faire  con- 
damner Domnus,  en  présence  de  qui  on  di- 
sait que  ce  sermon  avait  été  prêché;  mais  il 
est  à  remarquer  que  Doranus  fut  condamné 
étant  absent  pour  cause  de  maladie,  et  qu'il 
le  fut  par  une  faction  des  ennemis  de  la  foi, 
à  qui  il  était  aisé  de  produire  contre  lui  de 
fausses  pièces  qu'ils  avaient  peut-être  fabri- 
quées eux-mêmes.  Le  témoignage  de  Merca- 
tor devint  suspect.  Ennemi  déclaré  de  Théo- 
doret, il  pouvait  avoir  ajouté  foi  à  ce  qu'on 
disait  de  lui  sans  l'avoir  beaucoup  examiné. 
Si  les  pères  du  concile  de  Chalcédoine  eussent 
cru  que  ce  sermon  fût  de  Théodoret,  ne  le  lui 
auraient-ils  pas  objectélorsqu'il  leur  demanda 
d'être  rétabli  dans  son  siège?  Il  est  vrai  qu'on 
allégua  ce  sei'mon  contre  lui  dans  le  cin- 
quième concile  général,  mais  Léonce  de  By- 
zance  est  témoin  qu'on  y  produisit  aussi  plu- 
sieurs lettres  contre  lui,  que  les  eutychiens 
avaient  supposées  eux-mêmes,  pour  montrer 
que  le  concile  de  Chalcédoine  n'avait  pas  dû 
le  rétablir  dans  le  siège  épiscopal  de  Gyr.  Au 
reste ,  la  doctrine  contenue  dans  ce  sermon 
est  entièrement  nestorienne,  d'où  il  suit  que 
non-seulement  Théodoret,  mais  encore  Dom- 
nus et  toute  l'Eglise  d'Antioche,  où  l'on  sup- 
pose qu'il  fut  prêché,  étaient  dans  les  erreurs 
de  Nestorius,  ce  qui  est  contraire  à  l'histoire; 
d'ailleurs,  Théodoret  désavoue  et  condamne 


Léon  t. 

de 

Sectis  act 

IV, 

pag.  ti09. 

102 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cette  doctrine  en  cent  endroits  de  ses  ouvra- 
ges, comme  on  l'a  déjà  vu  et  comme  on  le 
verra  dans  la  suite.  Enfin,  Théodoret  s'était 
non-seulement  réconcilié  avec  saint  Cyrille, 
il  avait  encore  travaillé  à  y  réconcilier  les  au- 
tres évoques.  Comment  se  persuader  qu'il  lui 
eût  insulté  après  sa  mort  en  le  faisant  pas- 
ser, en  présence  du  patriarche  d'Antioclie  et 
d'une  Eglise  nombreuse,  pour  un  homme  dont 
la  mort  devait  être  un  sujet  de  joie,  puisque 
de  son  vivant  il  mettait  partout  la  division  et 
le  trouble,  et  qu'il  contraignait  les  autres  à 
blasphémer?  Car  c'est  ce  qui  est  dit  de  saint 
Cyrille  dans  le  discours  dont  le  père  Garnier 
nous  a  donné  un  fragment  après  Mercator. 
Le  Peni».  5.  C'cst  eucore  des  écrits  de  Mercator  qu'il 
ogue,  p.  40.   ^  ^.^^  j^  ^j^^  grande  partie  de  ce  qui  nous 

reste  du  Pentalogue  de  Théodoret  '.  On  l'ap- 
pelait ainsi  parce  qu'il  était  divisé  en  cinq 
livres.  Il  le  composa  eu  432,  pour  réfuter  de 
nouveau  les  anathématismes  de  saint  Cyrille. 
Il  y  dit  que  l'incarnation  s'est  faite ,  non  par 
le  changement  de  la  nature  divine  en  la  na- 
ture humaine ,  mais  par  l'union  des  deux.  Il 
ne  peut  soutfrir  qu'à  cause  des  souffrances  et 
des  combats  de  la  nature  humaine  l'on  dise 
que  Dieu  a  combattu  et  souffert.  Il  reconnaît 
toutefois  qu'il  n'y  a  qu'un  Fils,  et  que  nous 
ne  devons  pas  diviser  l'adoration  que  nous 
rendons  à  Jésus-Christ.  Il  explique  de  son 
Lac  II,  ô2.  humanité  ce  qu'on  lit  dans,  saint  Luc ,  que 
Jésus  croissait  en  sagesse,  en  âge  et  en  grâce 
devant  Dieu  et  devant  les  hommes.  Pour 
marquer  les  actions  qu'il  faisait  comme  Dieu 
et  homme  tout  ensemble,  il  se  sert  du  terme 
Théandrique,  et  prouve  contre  les  apollinaristes 
que  le  Verbe,  en  se  faisant  chair,  a  pris  aussi 
une  âme  raisonnable,  la  fin  de  son  incarna- 
tion ayant  été  de  l'acheter  l'homme  tout  en- 
tier, parce  que  par  le  péché  l'homme  entier 
avait  été  réduit  sous  l'esclavage  du  démon. 
Il  se  servait,  pour  le  prouver,  de  l'autorité  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze,  dont  il  rapportait 
un  assez  long  passage  tiré  de  son  apologie 
pour  sa  fuite. 
Leiires  de  6.  Le  pèrc  Garnier  a  mis  aussi  dans  son  re- 
coBia"»"»'.'"'  cueil  plusieurs  lettres  de  Théodoret,  dont  la 
plupart  avaient  déjà  été  données.  Il  y  en  a  une 
à  Jean  d'Antioche ,  qui  sert  de  préface  à  Fé- 
crit  de  Théodoret  contre  les  anathématismes 
de  saint  Cyrille;  une  qui  était  circulaire  pour 
les  monastères   d'Orient ,    dans  laquelle  il 


reprenait  avecvivacité  les  erreurs  qu'il  croyait 
apercevoir  dans  ces  anathématismes;  une  à 
Nestorius,  citée  dans  le  cinquième  concile 
général;  une  à  André  de  Samosate,  écrite 
d'Ephèse  avant  la  députation  des  Orientaux 
à  l'empereur  ;  une  à  Alexandre  d'Hiéi'aple, 
où  il  lui  rapportait  ce  qui  s'était  passé  pen- 
dant le  temps  que  les  députés  des  Orientaux 
avaient  été  en  Chalcédoine.  «  Nous  n'avons 
omis,  lui  disait-il,  ni  honnêteté,  ni  fermeté, 
ni  prières  pour  exciter  le  prince  et  le  consis- 
toire à  ne  pas  négliger  la  foi  que  l'on  veut 
corrompre  ;  mais  jusqu'ici  nous  n'avons  rien 
gagné.  »  Il  marquait  à  Alexandre  que  toutes 
les  fois  qu'ils  avaient  fait  mention  de  Nesto- 
rius, soit  devant  ce  prince,  soit  devant  son 
consistoire,  on  l'avait  pris  à  injure;  à  quoi  il 
ajoutait  :  «  Le  pis  est  que  l'empereur  en  aie 
plus  d'aversion,  et  nous  a  dit  :  Que  personne 
ne  m'en  parle  ,  son  affaire  est  réglée.  Nous 
travaillons  à  nous  tirer  d'ici  et  à  vous  tirer 
de  là,  car  nous  n'avons  rien  de  bon  à  espé- 
rer d'ici.  Tous  sont  gagnés  par  argent  et  sou- 
tiennent qu'il  n'y  a  qu'une  nature  dé  la  divi- 
nité et  de  l'humanité.  Le  peuple,  grâce  à 
Dieu  ,  est  en  hon  état  et  vient  à  nous  conti- 
nuellement; mais  tout  le  clergé  avec  les 
moines  nous  persécute  fortement ,  en  sorte 
qu'il  y  eut  un  combat  en  revenant  du  Rufi- 
nien,  la  première  fois  que  nous  eûmes  au- 
dience du  prince  ;  plusieurs  furent  blessés, 
tant  des  laïques  qui  étaient  avec  nous  que  de 
ces  faux  moines.  L'empereur  ayant  su  que  le 
peuple  s'assemblait  avec  nous,  m'a  dit  :  «J'ai 
appris  que  vous  tenez  des  assemblées  irré- 
gulières.»  Je  lui  ai  répondu  :  «  Est-il  juste  que 
ces  hérétiques  excommuniés  fassent  les  fonc- 
tions ecclésiastiques,  et  que  nous,  qui  com- 
battons pour  la  foi,  n'entrions  point  dans  l'é- 
glise? »  Il  m'a  dit  :  «  Que  voulez-vous  que  je 
fasse?  ))  J'ai  répondu  :  «  Ce  que  fit  le  comte 
Jean  quand  il  vint  à  Ephèse.  Voyant  qu'ils 
célébraient  les  assemblées,  et  non  pas  nous, 
il  les  empêcha  en  disant  :  Jusqu'à  ce  que  vous 
ayez  fait  la  paix,  je  ne  permettrai  ni  aux  uns 
ni  aux  autres  de  les  célébrer.  Vous  deviez 
ordonner  de  même  à  l'évêque  de  cette  ville 
de  ne  laisser  tenir  les  assemblées  ni  à  eux  ni 
à  nous  ,  jusqu'à  ce  nous  fussions  d'accord.  » 
L'empereur  m'a  répondu  :  «  Je  ne  puis  com- 
mander aux  évêques.  »  J'ai  dit  :  «  Ne  nous 
commandez  donc  rien  non  plus.  Nous  pren- 


1  Galland  a  publié  quelques  autres  fragments  de 
cet  ouvrage^  mais  en  latin  seulement,  tom.  IX,  pag. 


418-22;  ils  sont  tous  dans  Schulze,  tom.  V,  pag.  Hb- 
132.  {L'éditeur.) 


[V^  SIÈCLE. J 


CHAPITRE  IV, 


THÉODORET,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


103 


drons  une  église,  et  nous  célébrerons  l'assem- 
blée; vous  verrez  qu'il  y  a  bien  plus  de  peu- 
ple avec  nous  qu'avec  eux.  »  J'ai  ajouté  : 
«  Dans  nos  assemblées,  iln'y  a  ni  lecture  des 
saintes  EcriUires  ni  oblations,  mais  seulement 
des  prières  pour  la  foi  et  pour  votre  Majesté, 
et  des  cours  de  piété.  »  11  l'a  approuvé  et  ne 
nous  en  a  point  empêché  jusqu'ici.  Nos  as- 
semblées croissent  toujours;  mais  nous  som- 
mes tous  les  jours  en  péril  et  en  crainte, 
voyant  la  violence  des  moines  et  des  clercs, 
et  la  facilité  des  grands.  » 

La  lettre  suivante  est  adressée  à  Rufus  de 
ïhessalonique.  Elle  porte  dans  l'inscription 
les  noms  de  Jean,  d'Himérius  et  de  ïhéodo- 
ret,  qui,  avec  les  autres  Orientaux,  voulaient 
attirer  cet  évêque  dans  leur  parti,  en  le  pré- 
venant contre  le  concile  d'Epbèse.  Il  n'y  avait 
point  assisté  en  personne ,  mais  Flavien  de 
Philippes  s'était  donné  la  qualité  de  son  sub- 
délégué à  Ephèse.  Julien  de  Sardique,  qui 
était  du  côté  des  Orientaux,  avait  aussi  reçu 
une  lettre  de  Rufus,  qui  lui  recommandait  la 
défense  de  la  foi  de  Nicée  et  de  ne  pas  souf- 
frir qu'on  introduisît  aucune  nouveauté.  Dans 
la  crainte  donc  que  Flavien  et  Julien  ne  fis- 
sent à  Rufus  une  relation  différente  de  la  leur, 
Jean,  Tbéodoret  et  les  autres  députés  des 
Orientaux  lui  écrivirent  pour  lui  marquer  que 
Julien  avait  suivi  ses  amis  en  défendant,  au- 
tant qu'il  était  en  lui ,  la  foi  de  Nicée;  mais 
que  beaucoup  d'autres  l'avaient  abandonnée 
et  avaient  souscrit  aux  anatbéniatismes  de  Cy- 
rille, remplis  des  erreurs  d'Apollinaire,  d'A- 
rius  et  d'Eunomius.  «  Pour  nous,  ajoutaient- 
ils,  et  beaucoup  d'autres  avec  nous,  de  dif- 
férents diocèses,  nous  avons  combattu  forte- 
ment pour  le  maintien  de  la  foi  établie  par 
les  pères  de  Nicée.  Nous  avons  même  déposé 
Cyrille  et  Memnon,  celui-là  comme  hérésiar- 
que, celui-îi  comme  fauteur  d'hérésie.  A  l'é- 
gard des  autres  qui  ont  souscrit  à  leurs  er- 
]-eurs,  nous  les  avons  excommuniés  légère- 
ment jusqu'à  ce  qu'ils  aient  anatliématisé 
cette  doctrine  et  retourné  à  la  foi  de  Nicée. 
Mais  la  douceur  dont  nous  avons  usé  envers 
eux  n'a  servi  de  rien  ;  ils  ont  continué  à  sou- 
tenir ces  dogmes  hérétiques ,  et  par  là  ils  se 
sont  rendus  eux-mêmes  sujets  à  la  peine  por- 
tée par  les  canons,  nommément  par  le  qua- 
trième d'Antioche,  qui  ordonne  qu'un  prêtre 
ou  diacre  qui ,  déposé  par  son  évêque  ,  con- 
tinuera à  faire  les  fonctions  de  son  ministère 
sans  que  sou  affaire  ait  été  jugée  dans  un 
concile,  ne  sera  plus  admis  à  se  justifier.  Or, 


Cyrille  et  Memnon,  sachant  fort  bien  que  nous 
les  avions  déposés  et  excommuniés,  ont  célé- 
bré les  saints  mystères  aussitôt  après  la  sen- 
tence que  nous  avons  portée  contre  eux,  et 
ils  continuent  à  les  célébrer.  »  Us  s'excusent 
d'avoir  été  si  longtemps  à  lui  donner  avis  de 
toutes  ces  choses;  puis,  passant  aux  douze 
anathématismes  de  Cyrille,  ils  entreprennent 
de  montrer  que  ce  père  y  enseigne  la  confu- 
sion des  deux  natures  et  que  la  divinité  a  vé- 
ritablement souffert.  Ils  justiflent  au  contraire 
leur  foi  en  disant  qu'ils  n'en  ont  point  d'au- 
tre que  celle  des  pères  de  Nicée  et  de  plu- 
sieurs autres  qui  se  sont  depuis  rendus  illus- 
tres dans  l'Eglise  par  leur  doctrine,  savoir  : 
Eustathe  d'Antioche,  Basile  de  Césarce,  Gré- 
goire de  Nazianze,  Jean  de  Gonstantinople, 
Athanase  et  Théophile  d'Alexandrie,  Damase 
de  Rome,  et  Ambroise  de  Milan;  que  c'est  la 
foi  de  l'Orient,  de  la  Bithynie  et  de  plusieurs 
provinces  d'Asie;  enfin  qu'ils  ont  assuré  que 
les  Italiens  ne  souffriront  pas  les  nouveautés 
que  l'on  veut  introduire  :  «  car,  ajoutent-ils, 
le  très-saint  évêque  de  Milan,  Martinien,  nous 
a  écrit,  et  il  a  envoyé  au  très-pieux  empe- 
reur le  livre  de  saint  Ambroise  sit?^  l'Incarna, 
tion,  qui  contient  une  doctrine  toute  contraire 
à  celle  des  douze  anathématismes  de  Cyrille.» 
On  croit  que  la  lettre  de  Martinien  était  adres- 
sée au  concile  d'Ephèse  en  général,  mais  que, 
contre  son  intention,  elle  tomba  entre   les 
mains  des  Orientaux  schismatiques.   Ils   se 
plaignent  encore  de  ce  que  Cyrille  et  Mem- 
non avaient  violé  les  canons  en  communiquant 
avec  des  personnes  excommuniées  et  en  ré- 
tablissant des  disciples  de  Pelage  et  de  Céles- 
tius,  comme  aussi  des  euchites  ou  enthou- 
siastes excommuniés  par  leurs  évoques  ou 
métropolitains,  à  cause  de  leur  mauvaise  doc- 
trine. Ils  prient  donc  Rufus  de  ne  point  rece- 
voir à  sa  communion  Cyrille  et  ceux  de  son 
parti,  et  de  ne  pas  même  recevoir  leur  lettre. 
Ils  joignirent  à  celle-ci  un  exemplaire  de  la 
profession  de  foi  qu'ils  avaient  présentée  à 
l'empereur,  dans  laquelle  ils  s'attachaient  à 
la  foi  de  Nicée  et  condamnaient  les  anathé- 
matismes de  Cyrille  comme  hérétiques.  Nous 
n'avons  plus  ni  la  lettre  de  Rufus  à  Julien,  ni 
celle  de  Julien  au  concile  d'Ephèse. 

7.  Saint  Cyrille,  informé  que  quelques-uns 
lui  attribuaient  les  erreurs  d'Apollinaire,  d'A- 
rius  ou  d'Eunomius,  s'en  justifia  dans  une 
lettre  à  Acace  de  Bérée ,  où  il  s'explique  en 
ces  termes  :  «  J'anathématise  Apollinaire  et 
tous  les  autres  hérétiques.  Je  confesse  que  le 


Autres  let- 
tres lie  Théo- 
doTH,  pag.  93 
et  sQiv. 


104 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


corps  de  Jésus-Chi-ist  est  animé  d'une  âme 
raisonnable;  qu'il  ne  s'est  point  fait  de  con- 
fusion; que  le  Verbe  divin  est  immuable  et 
impassible  selon  sa  nature;  mais  je  soutiens 
que  le  Christ  et  le  Seigneur,  Fils  unique  de 
Dieu,  est  le  même  qui  a  souffert  en  sa  cbair. 
Quant  aux  douze  articles,  ils  ne  regardent  que 
les  dogmes  de  Nestorius,  et  lorsque  la  paix 
sera  rendue  aux  Eglises  et  que  nous  pour- 
rons écrire  librement  et  fraternellement,  il 
me  sera  facile  de  contenter  tout  le  monde  sur 
ces  articles.  »  Acace  de  Bérée  envoya  cette 
lettre  à  Théodoret,  qui,  la  trouvant  conforme 
à  la  doctrine  des  pères,  en  approuva  la  doc- 
trine. Il  se  réjouit  de  ce  changement  et  en 
loua  Dieu  comme  en  étant  l'auteur,  car  il  était 
persuadé  que  jusqu'alors  la  doctrine  de  saint 
Cyrille  n'avait  point  été  orthodoxe;  mais  il 
ne  fut  pas  content  de  ce  que  cet  évêque  n'a- 
bandonnait point  ses  anathématismes,  et  il 
refusa  de  souscrire  à  la  déposition  de  Nesto- 
rius, disant  qu'il  n'avait  pas  été  son  juge,  et 
que  sa  doctrine  n'avait  été  condamnée  que 
sur  de  faux  extraits  de  ses  œuvres.  Il  déclara 
toutefois  que  si  on  l'y  obligeait ,  il  était  prêt 
à  anathématiser  quiconque  dit  que  Jésus- 
Christ  est  un  pur  homme,  ou  qu'il  n'est  pas 
Dieu,  et  ceux  qui  le  divisent  en  deux  Fils; 
mais  non  en  général  la  doctrine  d'un  homme 
que  les  uns  entendaient  d'une  manière  et  les 
autres  d'une  façon  toute  différente.  Ses  let- 
tres à  Jean  d'Antioche,  à  Nestorius,  à  André 
de  Samosate,  sont  des  preuves  de  sa  fermeté 
à  cet  égard.  Il  en  écrivit  une  à  ceux  de  Cons- 
tantinople  qui  étaient  encore  attachés  à  Nes- 
torius, pour  les  consoler  des  peines  qu'on 
leurfaisait  souffrir  àl'occasion  de  leur  schisme. 
Il  marque,  dans  cette  lettre,  que  l'Egypte 
était  enfin  revenue  aux  vérités  qu'elle  avait 
condamnées  dans  Nestorius,  et  se  plaint  de 
ce  qu'on  ne  veut  pas  néanmoins  réparer  le 
tort  qu'on  hii  avait  fait,  Le  père  Garnier  dit 
qu'elle  était  adressée  à  un  moine  de  Constan- 
tinople  nommé  André;  mais  il  vaut  mieux 
s'en  tenir  à  Mercator,  qui  marque  qu'elle  s'a- 
dressait en  général  à  ceux  qui  soutenaient 
dans  cette  ville  le  parti  de  Nestorius.  La  let- 
tre de  Théodoret  à  Himérius  de  Nicomédie 
est  une  réponse  à  celle  qu'il  en  avait  reçue. 
Il  lui  dit  qu'il  avait  lu  souvent  et  avec  exac- 
titude la  lettre  de  Cyrille  à  Acace,  qu'il  en 
avait  trouvé  la  doctrine  conforme  à  celle  de 
l'Eglise,  mais  qu'il  n'en  était  pas  de  même  de 
celle  des  douze  anathématismes  qu'il  conti- 
nuait à  combattre.  Il  lui  mandait  en  même 


temps  le  résultat  du  concile  de  sa  province, 
c'est-à-dire  de  l'Euphratésienne  ,  et  ajoutait 
que  si  l'on  condamnait  la  doctrine  de  Nesto- 
rius, il  était  résolu  de  rompre  la  communion 
avec  ceux  qui  le  feraient.  Nous  verrons  dans 
la  suite  qu'il  la  condamna  lui-même,  en  ayant 
compris  le  sens. 

8.  A  la  suite  de  ces  lettres^,  on  en  trouve 
une  sous  le  nom  de  Théodoret,  adressée  à 
Jean,  évêque  d'Antioche.  L'inscription  porte 
qu'elle  fut  écrite  après  la  mort  de  saint  Cy- 
rille. C'est  une  pièce  dont  les  pensées  ont 
paru  si  basses,  si  l'idicules  et  si  impertinen- 
tes aux  plus  habiles  critiques,  qu'ils  n'ont 
pas  conçu  comment  on  avait  osé  l'attribuer 
à  un  esprit  aussi  grave  et  aussi  solide  qu'é- 
tait celui  de  Théodoret;  aussi  l'ont-ils  reje- 
tée comme  supposée  et  du  nombre  de  celles 
que  ses  ennemis  avaient  forgées  pour  le  faire 
condamner  dans  le  cinquième  concile  géné- 
ral, où  cette  lettre  fut  produite  :  on  ne  la 
connaissait  pas  auparavant,  puisqu'elle  ne 
lui  fut  point  objectée  dans  le  concile  de 
Chalcédoine,  où  il  avait  des  ennemis  passion- 
nés. Mercator,  l'un  de  ses  plus  déclarés  ad- 
versaires, ne  la  connaissait  pas  non  plus, 
puisqu'il  n'en  dit  pas  un  mot,  lui  qui  avait 
ramassé  avec  soin  tout  ce  qui  était  contre 
Théodoret.  L'inscription  même  de  la  lettre 
en  fait  voir  la  supposition;  elle  est  adressée 
à  Jean  d'Antioche,  mort  plusieurs  années 
avant  saint  Cyrille.  Comment  donc  Théodo- 
ret pouvait-il  dire,  comme  on  lit  dans  cette 
lettre,  qu'il  se  réjouissait  avec  Jean  de  la 
mort  de  Cyrille?  Le  Père  Garnier  ne  voyant 
pas  moyen  de  répondre  à  cette  difEcullé,  a, 
au  lieu  de  Jean,  mis  Domnus  dans  l'intitula- 
tion  de  la  lettre.  Mais  sur  quelle  autorité 
l'a-t-il  fait?  Quel  manuscrit  a-t-il  allégué? 
On  a  laissé  le  nom  de  Jean  dans  toutes  les 
éditions  des  Conciles,  même  dans  celles  du 
Père  Labbe  et  du  Père  Hardouin,  qui  l'ont  re- 
jetée l'un  et  l'autre  comme  supposée.  Pour- 
quoi en  ôter  le  nom  de  Jean  pour  y  mettre 
celui  de  Domnus?  On  convient  que  Théodo- 
ret a  souvent  maltraité  saint  Cyrille ,  jusqu'à 
l'accuser  de  blasphémer,  de  corrompre  la  foi 
orthodoxe,  de  renouveler  l'impiété  des  an- 
ciennes hérésies;  mais  cette  censure  ne  regar- 
dait que  les  douze  anathématismes,  blâmés 
aussi  par  Acace  de  Bérée ,  qui  néanmoins 
approuvait  la  doctrine  et  le  zèle  de  saint  Cy- 
rille. Il  y  trouvait,  comme  Théodoret,  quel- 
que chose  de  l'hérésie  d'Apollinaire.  Saint 
Cyrille  s'engagea,  dans  sa  lettre  à  cet  évè- 


sèment  attti 
buée  ù  Tljéo 
durât,  p. 


L  u  p  11 
epist.  17,  p; 
51, 


fV^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


103 


que,  de  donner,  après  la  paix,  des  éclaircis- 
sements sur  ces  douze  articles,  qui  conten- 
teraient tout  le  monde,  et  il  en  donna  en 
effet  dans  la  réplique  qu'il  fit  à  Théodoret; 
il  en  donna  encore  dans  sa  lettre  à  Jean 
d'P  ntioche,  pour  lever  tous  les  scrupules  des 
Orientaux.  Il  trouvait  donc  lui-même  quel- 
qu'obscurité  dans  les  expressions  dont  il  s'é- 
tait servi,  soit  dans  ces  douze  articles,  soit 
dans  d'autres  écrits;  mais  Théodoret  n'en 
voyant  point  dans  la  lettre  de  ce  Père  à 
Acace  de  Bérée,  il  en  approuva  aussitôt  la 
doctrine,  rentra  dans  la  communion  de  saint 
Cyrille,  et  fit  tous  ses  efforts  pour  y  faire 
rentrer  Alexandre  d'Hiéraple.  Quelle  appa- 
rence que  Théodoret,  après  avoir  donné  des 
marques  si  publiques  de  sa  réconciliation 
avec  saint  Cyrille,  eût  témoigné  sa  joie  de 
la  mort  d'un  homme  qui,  depuis  sa  réunion 
avec  les  Orientaux,  leur  avait  donné  sujet 
de  se  louer  de  sa  modération  et  de  son 
amour  pour  la  paix?  Il  n'y  en  a  pas  plus  de 
croire  que  Théodoret,  qui  savait  que  saint 
Cyrille  avait  dit  dans  sa  lettre  à  Acace  que 
le  Verbe  divin  est  immuable  et  impassible 
selon  sa  nature,  l'eût  accusé,  comme  on  fait 
dans  cette  lettre,  d'attribuer  la  mort  à  la  na- 
ture immortelle.  Il  avait  même  pris  le  parti 
de  saint  Cyrille  contre  ceux  qui  l'accusaient 
d'être  dans  l'erreur  à  cet  égard.  Il  faut  ajou- 
ter que  l'auteur  de  cette  lettre  n'était  pas  au 
fait  de  ce  qui  regardait  saint  Cyrille  :  car, 
après  avoir  avancé  cette  maxime,  que  Dieu 
laisse  d'ordinaire  les  méchants  jouir  long- 
temps des  biens  de  ce  monde,  il  dit  qu'il  n'a 
pas  même  'voulu  accorder  cela  à  Cyrille. 
Est-ce  ainsi  qu'aurait  parlé  Théodoret,  qui 
ne  pouvait  ignorer  que  saint  Cyrille  avait  été 
évêque  d'Alexandrie  pendant  environ  trente- 
deux  ans,  et  qu'il  était  mort  dans  un  âge 
avancé,  c'est-à-dire  après  plus  de  soixante- 
dix  ans  de  vie,  comme  en  conviennent  ceux 
qui  attribuent  cette  lettre  à  Théodoret?  Il 
faut  donc  la  regarder  comme  l'ouvrage  d'un 
imposteur,  plus  hardi  à  inventer  des  calom- 
nies qu'habile  à  les  rendre  croyables. 

9.  Mais  ce  qui   fait  voir  nettement  que 
Théodoret  a  été  bien  éloigné  de  parler  mal 


de  saint  Cyrille  après  sa  mort,  et  de  le  taxer 
de  misérable  et  de  méchant,  c'est  que  dans 
sa  lettre  à  Dioscore,  écrite  plusieurs  années 
depuis,  il  l'appelle  un  homme  d'heureuse 
mémoire  ',  se  faisant  gloire  de  l'union  qu'il 
avait  eue  avec  lui,  de  lui  avoir  écrit  des  let- 
tres, et  d'en  avoir  reçu.  Il  y  proteste  encore 
que  sa  croyance  sur  l'incarnation  était  telle 
qu'il  l'avait  apprise,  non-seulement  des  divi- 
nes Ecritures,  mais  encore  des  saints  Pères, 
nommément  de  Théophile  et  de  Cyrille,  qu'il 
qualifie  bienheureux  ^.  Il  ajoute  qu'il  s'était 
servi  de  leur  autorité  contre  ceux  qui  ne 
voulaient  pas  reconnaître  la  différence  des 
deux  natures.  Pouvait -il  mieux  marquer 
son  respect  et  sa  vénération  pour  saint  Cy- 
rille? Cette  lettre  à  Dioscore,  successeur  de 
cet  évêque,  est  de  l'an  447,  environ  trois 
ans  après  la  mort  de  saint  Cyrille.  Nous  en 
avons  donné  le  précis  ailleurs,  de  même  que 
decelle  à  Abandius,  évêque  de  Côme,run  des 
légats  de  saint  Léon  à  Constantinople.  C'est 
par  cette  lettre  que  le  Père  Garnier  finit  le 
recueil  de  celles  qu'il  nous  a  données  de 
Théodoret. 

10.  Il  lui  attribue  les  sept  dialogues  sur  la  , 
Trinité,  que  l'on  a  imprimés  plusieurs  fois  ^^""^^"■■J'' 
parmi  les  œuvres  de  saint  Athanase,  et  que  ^"■ 
l'on  convient  aujourd'hui  n'être  pas  de  lui. 
Voici  ses  raisons  :  1°  Théodoret  marque  dans 
sa  lettre  quatre-vingt-deuxième  à  Eusèbe, 
qu'il  avait  écrit  il  y  avait  longtemps  contre 
les  ariens ,  les  macédoniens  et  les  apolli- 
naristes.  Or,  ce  sont  les  mêmes  hérétiques 
que  l'on  combat  dans  ces  dialogues.  2°  La 
doctrine  en  est  conforme  à  celle  de  Théodo- 
ret, et  on  y  trouve  quantité  d'expressions 
toutes  semblables  aux  siennes.  3°  L'auteur 
de  ces  dialogues  a  écrit  depuis  le  concile  gé- 
néral de  Constantinople  en  381 ,  et  avant  ce- 
lui d'Ephèse  en  431 .  Théodoret  dit  en  termes 
exprès  dans  la  même  lettre  à  Eusèbe,  qu'il 
avait  écrit  contre  les  ariens,  les  macédoniens 
et  les  apoliinaristes  avant  ce  dernier  con- 
cile. 4°  Ces  dialogues  ont  été  écrits  lorsque 
ces  hérésies  étaient  en  vigueur,  et  on  n'y 
voit  rien  contre  celles  des  nestoriens  et  des 
eutychéens.    Rien    ne    convient  mieux   au 


1  Beatœ  porro  memoriœ  Cyrillum  sœpe  ad  nos  lit- 
teras  dédisse  perspectiim  est  opinor,  sancfitaii  tuœ... 
et  beatœ  memoriœ  Cyrillo  scripsimus  ;  et  ille  ad  nos 
rescripsit,  diligentiamque  ac  benevolentiam  nostram 
commendavii ;  quœ  Hiterœ  apv.d  ?ws  sermnlur.  Théo- 
doret., Epist.  ad  Diosc,  tom.  V,  pag.  105. 

•2  Hœc  enim  et  a  divina  Scriptura  didicimus,  et  a 


Patribus  qui  hanc  interpretati  sunt,  Alexandre  et 
Âthanasio  clarissimis prœconibus  veritatis...  quod  vero 
beatorum  quoque  Theophili  et  Cyrilli  scripiis  utamur, 
atque  hi?  etiam  adversantiuni  audaciam  retundanms, 
libri  ipsi  testantur.  Eos  enim  qui  dominicœ  carnis  ac 
deilatis  differentiam  7ieyant,  admirandorum  Pairum 
istorum  medicamentis  curare  nitamur.  Ibid.,  pag.  104. 


106 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


temps  dans  lequel  Théodoret  dit  avoir  écrit 
contre  les  ariens,  les  macédoniens    et  les 
apollinarisles,  c'est-à-dire,  avant  le  concile 
d'Ephèse  en  43i.  §°  On  voit  dans  ces  dialo- 
gues le  même  ordre  qne   Théodoret  avait 
gardé  en  réfutant  les  héréliques  qui  y  sont 
combattus  :   premièrement,  les  ariens;   en 
second  lieu,  les  macédoniens  ,  puis  les  apol- 
linaristes;   mais  ces  raisons  ne   sont   point 
convaincantes.  On  avoue  que  Théodoret  a 
combattu  les  ariens,  les  macédoniens  et  les 
apoUinaristes,  mais  il  ne  dit  pas   qu'il  ait 
.  écrit  contre  les  anoméens  :  c'est  toutei:ois 
contre  eux  que  sont  écrits  les  deux  premiers 
dialogues;  d'ailleurs,  a-t-il  été  le  seul  dans 
le  cinquième  siècle  qui  ait  attaqué  ces  trois 
hérésies  ?  Saint  Athanase  n'a-t-il  pas  écrit 
contre  les  erreurs  des  ariens  et  d'Apollinaire? 
saint  Basile,  contre  Eunomius  et  Aétius?  saint 
Grégoire  de  Nysse,  contre  Apollinaire  et  con- 
tre Eunomius?  Si  ces  dialogues  sont  de  Théo- 
doret,  pourquoi  n'y  trouve-t-on  point  sou 
écrit  contre  les  marcionites  \  qui  était  une 
suite   de  ceux   qu'il   avait  faits   contre   les 
ariens,  les  macédoniens  et  les  apoUinaristes? 
On  dira  qu'il  est  perdu.  Ne  peut-on  pas  en 
dire  autant  des  autres?  Cela  est  d'autant  plus 
vraisemblable,  que  ces  sept  dialogues  ne  lui 
sont  attribués  dans  aucun  manuscrit,  et  qu'ils 
ne  sont  cités  sous  son  nom  par  aucun  ancien 
écrivain  ecclésiastique.  Il  y  a  des  manuscrits 
où  ils  portent  le  nom  de  saint   Athanase , 
d'autres  celui  de  saint  Maxime,  et  quelques- 
uns  où  ils  sont  sans  nom  d'auteur.  Celui  de 
Théodoret  ne  parait  nulle  part.  On  avoue 
encore  que  ces  dialogues  ont  été  écrits  de- 
puis  le   concile  de  Constantinople,  en  381. 
Cela  se  voit  par  le  troisième  dialogue  où  il 
est  parlé  des  additions  qu'on  fit  en  ce  con- 
cile au  symbole  de  Nicée;  on  avouera  aussi 
qu'ils  ont  été  composés  avant  le  concile  d'E- 
phèse. Qu'en  résultera-t-il?  Que  Théodoret 
en  est  aviteur.    La   conséquence   n'est   pas 
juste;  celle  qu'on  tire  de  la  conformité  de  la 
doctrine  et  de  quelques  expressions,  le  serait 
davantage,  si  l'on  ne  savait  qu'il  est  assez 
ordinaire  que  deux  personnes  qui  écrivent 
sur  la   même   matière,  se    rencontrent   en 
beaucoup  de  choses.  Pour  ce  qui  est  de  l'or- 
dre dans  lequel  ces  dialogues  sont  composés, 
on  n'en  peut  rien  conclure  pour  les  attribuer 
à  Théodoret.  II  marque  de  suite  qu'il  avait 


écrit  contre  les  ariens,  les  macédoniens  et 

les  apoUinaristes.  Ce  n'est  pas  là  l'ordre  des 

sept  dialogues.  Les  deux  premiers  sont  con-      Ton.,  m 

tre  les  Anoméens,  le  troisième  contre  les  Ma-  pog.  iii  edu'. 

cédoniens,  le  quatrième  et  le  cinquième  contre  ,',«'.  ='  p=s- 

les  Apollina?'àtes,  les  deux  suivants  contre  les 

Macédoniens.  Il  est  vrai  que  dans  l'édition  du 

Père  Garnier,  les  trois  dialogues  contre  les 

Macédoniens  sont  de  suite,  et  qu'il  en  fait  les 

troisième,  quatrième  et  cinquième  dialogues. 

Sa  vue,  en  cela,  a  été  sans  doule  d'en  tirer     Lib.vHiE- 

Il  .-1  T       niï  retic.   Fabul. 

une  nouvelle  preuve  qu  ns  sont  de  Théo-  Mp-m- 
doret,  qui  dit  en  effet  dans  son  cinquième 
livre  des  Fables  des  Hérétiques,  qu'il  avait 
composé  trois  livres  contre  les  Macédoniens  ; 
mais  il  est  vrai  aussi  qu'on  ne  trouve  aucun 
manuscrit  où  les  deux  derniers  dialogues 
contre  ces  hérétiques  soient  joints  au  pre- 
mier; il  paraît  même  que  le  second  n'est 
qu'un  fragment  d'un  plus  long  ouvrage;  en- 
tin,  ils  ne  portent  dans  aucun  manuscrit  le 
nom  de  Théodoret.  Encore  donc  qu'on  ne 
puisse  douter  que  Théodoret  n'ait  écrit  trois 
dialogues  contre  les  Macédoniens ,  on  sera 
toujours  en  droit  de  lui  contester  ceux  dont 
il  est  question. 

11.  Outre  ces  dialogues  et  les  autres  piè-  Lettres  de 
ont  nous  venons  de  parler,  le  Père  Gar-  sto. 
nieradonné  un  très-grand  nombre  de  différen- 
tes leçons  grecques  du  traité  de  Théodoret 
contre  la  Religion  des  gentils,  recueillies  par 
Fui viusUrsinus.  lia  composé  aussi  cinq  disser- 
tations, la  première  sur  la  vie  de  Théodoret, 
la  seconde  sur  ses  écrits,  la  troisième  sur 
sa  doctrine,  où  il  cherche  surtout  à  le  faire 
passer  pour  nestorien  ;  la  quatrième,  sur  le 
cinquième  concile  général;  la  cinquième  est 
moins  une  dissertation  qu'un  recueil  de  piè- 
ces qui  regardent  l'atïaire  des  Orientaux 
avant  et  après  le  concile  d'Ephèse.  Il  avait 
déjà  été  donné  par  le  Père  Lupus,  sur  un 
manuscrit  du  Mont-Cassin.  Le  Père  Garnier 
l'a  donné  plus  correct,  avec  de  courtes  notes 
de  sa  façon.  On  y  trouve  plusieurs  lettres  de 
Théodoret  à  André  de  Samosate,  à  Alexandre 
de  Hiéraple,  au  peuple  de  Constantinoplej  à 
Hellade  de  Tarse ,  à  Himérius  de  Nicomé- 
die,  à  Jean  d'Antioche;  à  Théosébie,  évêque 
de  Ciq  en  Bithynie;  à  Nestorius,  à  Méièce  de 
Néocésarée,  au  maître  de  la  milice,  aux  im- 
pératrices Puîchérie  et  Marine;  à  Dorothée, 
métropolitain  de  Mésie  :  comme  nous  avons 


1  Per  gratiam   Dei    adversus    arianos  et  macedo- 
nianos  et  Apotlinaris  prœstigias  rabiemque  Marcionis 


libros  otim  composui.  Théodoret.,  Epist.  82  ad  Eu- 
sebium. 


[yo  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET ,  ÉVÊQUE  DE  CYR 

eu  occasion  d'en  parler,  soit  en  faisant  l'his- 
toire du  concile  d'Ephèse,  soit  dans  l'article 
de  saint  Cyrille,  de  Jean  d'Antioche  et  des 
autres  évêques  à  qui  ces  lettres  furent  adres- 
sées, soit  dans  la  vie  de  Théodoret,  il  nous 
parait  inutile  d'en  donner  ici  le  précis. 


107 


§  XIII. 

Des  ouvrages  de  Théodoret  qui  sont  perdus,  et 
de  ceux  qu'on  lui  a  attribués. 

■•  1.  Théodoret,  dans  sa  lettre  quatre-vingt- 
■  deuxième  à  Eusèbe,  et  dans  le  chapitre  xviii» 
du  livre  Y"  des  Fables  des  Hérétiques,  parle 
d'un  ouvrage  mystique  qui  était  divisé  en 
douze  livres.  Nous  ne  l'avons  plus,  et  il  n'en 
est  fait  aucune  mention  dans  Photius  ni  dans 
Nicéphore;  on  sait  seulement  qu'il  y  traitait 
du  baptême.  C'est  peut-être  le  même  ou- 
vrage dont  Théodoret  parle  au  chapitre  ii  du 
même  livre,  et  qu'il  dit  avoir  fait  contre  les 
ariens.  II  est  le  seul  aussi  qui  nous  apprenne 
qu'il  avait  composé  un  Traité  de  théologie,  ou 
de  la  divine  Incarnation  :  c'est  dans  sa  lettre 
cent  treizième  au  pape  saint  Léon.  Dans  la 
lettre  cent  seizième  au  prêtre  René,  dans 
la  cent  quarante -cinquième  aux  moines 
de  Constantinople,  et  dans  la  quatre-vingt- 
deuxième  à  Eusèbe,  il  cite  l'ouvrage  qu'il 
avait  fait  contre  l'hérésie  de  Marcion.  Il  en 
avait  eu  sujet  par  le  grand  nombre  de  mar- 
cionites  qu'il  trouva  dans  le  diocèse  de  Cyr, 
lorsqu'il  en  fut  fait  évêque.  Cet  ouvrage  n'est 
pas  venu  jusqu'à  nous,  non  plus  que  celui 
qu'il  écrivit  contre  les  Juifs,  et  dont  il  fait 
mention  dans  les  trois  lettres  que  nous  ve- 
nons de  citer.  Il  leur  faisait  voir  que  Jésus- 
Christ  est  celui  que  les  prophètes  ont  prédit. 
Entre  quelques  ouvrages  de  Théodoret  tra- 
duits en  syriaque,  Hébed-Jésu,  évêque  d'O- 
rient, qui  fit  le  voyage  de  Rome  sous  Ju- 
les III,  marque  un  livre  contre  Origène,  et 
un  autre  sur  la  manière  de  bien  vivre.  Nous 
n'avons  aucune  connaissance  du  premier. 
Quelques-uns  croient  que  le  second  peut 
s'entendre  de  ses  discours  sur  la  Providence; 
mais  ils  n'en  donnent  point  de  preuves.  Ses 
réponses  aux  mages  des  Perses  sont  perdues. 
Il  en  parle  dans  ses  lettres  à  saint  Léon  et 

1  Gennad.  de  Yir.  illustr.,  cap.  lxxxix. 

2  Théodoret.,  Epist.  16,  pag.  910. 

3  On  en  trouve  des  fragments  dans  Mansi,  tom.  TX 
Collect.  Concil,  pag.  252-54.  {L'éditeur.) 

'■  Tom.  V  Concil.,  pag.  474  et  475;  ibid.,  pag.  473 
et  474.  —  5  Théodoret.,  in  I  ad  Corintli.,  pag.  155. 


à  Eusèbe,  et  dans  le  cinquième  livre  de  son 
Histoire  ecclésiastique.  Théodoret  y  traitait 
des  sacrifices  de  l'ancienne  loi,  et  y  expli- 
quait les  fables  de  la  théologie  des  mages. 

2.  Nous  n'avons  rien  des  écrits  contre  Eu- 
tychès  et  contre  Dioscore;  on  ne  peut  néan- 
moins douter,  après  le  témoignage  de  Gen- 
nade,  que  Théodoret  n'ait  composé  quelque 
ouvrage  contre  eux.  Il  parait  même  qu'il 
était  divisé  en  plusieurs  livres.  Gennade  '  dit 
qu'ils  étaient  pleins  de  force,  et  que  Théodo- 
ret y  faisait  voir  par  la  raison  et  par  l'auto- 
rité des  divines  Ecritures,  que  Jésus-Christ 
avait  aussi  véritablement  une  nature  et  une 
chair  consubstantielle  à  sa  mère,  par  la  nais- 
sance qu'il  avait  reçue  de  la  sainte  Vierge; 
qu'il  avait  véritablement  la  nature  divine  par 
la  naissance  éternelle  qu'il  avait  reçue  de 
Dieu  son  Père.  Théodoret  ^  avait  encore 
composé  une  apologie  de  Théodore  de  Mop- 
sueste  et  de  Diodore  de  Tarse,  où  il  entre- 
prenait de  montrer  la  fausseté  des  crimes 
qu'on  leur  reprochait.  II  y  répondait  à  tous 
les  passages  que  saint  Cyrille  citait  des  Pè- 
res contre  Théodoret.  Nous  n'avons  plus 
cette  apologie  ^.  Le  cinquième  concile  *  rap- 
porte un  endroit  de  l'épitre  seizième,  à  Iré- 
née,  où  Théodoret  en  parlait;  mais  on  en 
a  ôté  le  nom  de  Diodore,  sans  que  l'on  sa- 
che pourquoi.  On  trouve  dans  le  même  con- 
cile quelques  fragments  de  cette  apologie, 
qui  nous  apprennent  que  Théodoret  réfutait 
nommément  saint  Cyrille;  et  en  rapportant 
les  propres  termes  de  son  écrit ,  dans  le  dis- 
cours ^  sur  la  Virginité,  Théodoret  exhortait 
tous  ceux  qui  veulent  être  heureux,  à  cher- 
cher ce  trésor,  et  il  y  représentait  fort  au 
long  les  peines  et  les  embarras  du  mariage. 
Ce  discours  est  perdu  :  il  ne  nous  reste  que 
quelques  fragments  de  son  Pentaloge,  et  rien 
du  tout  de  deux  de  ses  discours,  dont  l'un 
était  sur  les  causes  du  schisme,  et  l'autre 
sur  le  dogme.  11  en  avait  fait  un  ^  contre  les 
eunomiens  et  les  ariens,  où  il  traitait  avec 
beaucoup  d'étendue  de  ce  que  dit  saint  Paul , 
que  le  Fils  sera  soumis  à  celui  qui  lui  a  soumis 
toutes  choses,  pour  montrer  que  ces  héréti- 
ques n'en  pouvaient  tirer  aucun  avantage. 
II  n'est  pas  venu  jusqu'à  nous  '.  Nicéphore 

^  Lib.  V  Hœret.  Fab.,  pag.  254,  et  in  lad  Corintk., 
pag.  201. 

'  Il  a  été  publié  par  Mansi  en  grec  et  en  latin, 
tom.  V,  col.  1039-46,  pag.  15;  dans  Galland,  tom.  IX, 
pag.  412-15;  dans  Schulze,  tom.  IV,  pag.  1307-13. 
Théodoret  y  expose  parfaitement  sa  foi  sur  l'incar- 


108 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dit  qu'il  avait  lu  plus  de  cinq  cents  lettres  de 
Théodoret  ',  toutes  fort  bien  éci'ites.  Nous 
n'en  avons  que  cent  quarante-sept  en  grec, 
dans  le  corps  de  ses  ouvrages,  avec  environ 
quarante  eu  lalin  dans  le  Synodique  du  Père 
Lupus,  que  le  Père  Garnier  et  M.  Baluze  ont 
fait  réimprimer.  On  doit  regretter  la  perte 
des  autres,  qui  répandraient  sans  nul  doute 
beaucoup  de  lumière,  soit  sur  l'histoire  de 
l^Eglise,  soit  sur  celle  de  Théodoret.  Nous 
mettrons  aussi  parmi  les  ouvrages  perdus, 
les  trois  livres  de  Théodoret  contre  les  Macé- 
doniens,  et  ceux  qu'il  avait  faits  contre  les 
ariens,  les  eunomiens  ^^  les  marcionites  et 
les  païens.  Photius  n'en  dit  rien  ;  ce  qui  mar- 
que ou  qu'il  ne  les  avait  pas  vus,  ou  qu'ils 
n'existaient  plus  de  son  temps.  M.  Baluze  ' 
nous  a  donné  deux  passages  latins  sur  la 
Trinité,  attiibués  l'un  et  l'autre  à  Théodoret 
dans  deux  manuscrits.  Il  paraît  que  M.  Co- 
telier  *  les  croyait  véritables,  puisqu'il  en  a 
corrigé  quelques  endroits. 
Ouvr-iges  3.  Nous  avons  déjà  remarqué  ailleurs  que 
°Thé°joret.°  l'ou  attribuait  à  Théodoret  les  cent  quarante- 
Clll.iiu'  six  Questions  imprimées  parmi  les  oeuvres  de 
saint  Justin,  soit  à  cause  de  la  conformité  du 
style,  soit  par  rapport  à  certaines  expres- 
sions dont  Théodoret  s'est  servi  dans  ses 
Questions  sur  l'Optateuque.  Quelques-uns  l'ont 
fait  aussi  l'auteur  d'un  dialogue  sur  les  Mani- 
chéens, qui  se  trouve  dans  le  recueil  des  ou- 
vrages de  saint  Jean  Damasccne.  On  cite  un 
manuscrit  qui  lui  attribue  un  autre  dialogue 
sur  la  Vie  solitaire;  mais  il  y  a  plus  d'appa- 
rence qu'il  est  de  saint  Maxime,  sous  le  nom 
duquel  il  est  cité  ^  par  Photius.  Il  y  a  dans 
la  bibliothèque  du  roi  ^  une  collection  de  ca- 
nons inscrite  du  nom  de  Théodoret.  Elle  ren- 
ferme ceux  de  Nicée,  d'Ancyre,  de  Néocésa- 


rée,  de  Sardique,  de  Constantinople,  d'E- 
phèse  et  de  Ghalcédoiue,  avec  ceux  de  saint 
Basile,  et  les  quatre-vingt-cinq  attribués  aux 
Apôtres.  Dans  celle  de  Vienne  en  Autriche, 
on  trouve  un  autre  manuscrit  d'un  ouvrage 
intitulé  :  Introduction  des  institutions  mysti- 
ques sur  toute  l'Ecriture.  Sixte  de  Sienne  ' 
dit  que  c'est  une  explication  mystique  et 
spirituelle  de  tous  les  mots  de  la  Bible  :  elle 
porte  le  nom  de  Théodoret;  mais  on  croit 
que  ce  n'est  qu'un  simple  recueil  de  ce  qu'il 
en  a  dit  par  occasion  en  divers  endroits  de 
ses  écrits.  Le  Père  Garnier  *  avait  promis  de 
nous  donner  un  commentaire  mystique  de 
Théodoret  sur  les  Cantiques.  On  ne  le  trouve 
point  dans  le  supplément  qu'il  a  donné  aux 
ouvrages  de  cet  auteur.  Les  Orientaux  ^  ont, 
à  leur  usage,  une  liturgie  qu'ils  disent  être 
de  Théodoret;  on  n'en  trouve  rien  dans  le 
recueil  de  M.  Renaudot. 

ARTICLE  III. 

DOCTRINE   DE   THÉODORET. 

1.  Les  livres  historiques  de  la  Bible  ne  surPEcri- 
sont  pas  moins  l'ouvrage  de  l'Esprit  saint,  '"""°"=- 
que  les  livres  prophétiques,  le  propre  de  la 
prophétie  *"  n'étant  pas  seulement  de  prédire 
l'avenir,  mais  aussi  de  raconter  les  choses 
présentes  et  passées  :  ainsi  le  divin  Moïse 
nous  a  rapporté  tout  ce  que  le  Dieu  de  l'u- 
nivers avait  fait  dès  le  commencement,  ins- 
truit de  ces  choses  moins  par  les  hommes 
que  par  la  grâce  du  Saint-Esprit.  C'est  par 
le  même  organe  que  David  a  parlé  dans  les 
Psaumes  des  merveilles  que  Dieu  avait  faites 
pour  son  peuple,  et  de  celles  qu'il  ferait  dans 
la  suite.  Il  y  en  a  qui  disent  *'  que  tous  les 
Psaumes  ne  sont  pas  de  ce  saint  roi  :  «  c'est 


nation  du  Fils  de  Dieu  ;  il  la  confirme  par  l'Ecriture, 
par  le  consentement  des  Pères,  et  il  la  défend  contre 
Nestorius  et  Eutychès.  [L'éditeur.) 
'  Nicephor.,  lib.  XIV,  cap.  Liv. 

2  Gallaudjdansletom.lXdesaBié^w</2è(7Me,pag.416- 
417,  a  donné  quelques  fragments  du  livre  de  la  Tri- 
ntié,  contre  Sabellius  et  contre  Arius.  (L'éditeur.) 

3  Baluze,  tom.  IV  Miscel.,  pag.  1  et  8. 
^  Cotel.,  tom.  m,  pag.  560  et  561. 

5  Photius,  Cod.  193,  pag.  505. 

8  Marca,  de  Concord.,  lib.  VII,  cap.  vm,  pag.  327, 

1  Sixt.,  lib.  IV  Biblioth.,  pag.  382. 

s  Garn.,  tom.  V,  pag.  255;  ibid.,  pag.  258. 

3  Bona,  lib.  I  Liturg.,  cap.  ix,  pag.  64. 

•"  Sciendum  est  igitur  prophetiœ  proprium  esse,  non 
solnm  futura  prœdicere,  verum  etiam  et  pncsentia  et 
prœteriia  narrare  ;  quandoquidem  divinus  Muses , 
quœcumque  a  prima  origine  a  Deo  universorum  con- 


diia  sunt,  et  ah  eo  ut  essent  acceperunf,  manifesiissime 
nobis  aperuit,  non  ab  hominibus  hanc  docirinam,  sed 
a  gratia  Spiritus  Sancti  edoctus...  Sic  etiam  divinus 
David,  qui  primiis  post  liunc  propheiiam  conscripsit, 
et  beneficioruni  a  Deo  universorum  Jam  olim  collato- 
rum  meminit,  et  longis  post  sœculis  futura  prœnions- 
trat.  Théodoret.,  prsefat.  in  Psalrn.,  tom.  I,  pag.  395. 
"  Psalmos  autem  non  omnes  ipsius  David  quidam 
esse  dixerunt,  sed  quosdam  aliorum...  Ego  autem  de 
his  sane  nihil  affirma.  Quid  enim  mea  refert,  sive 
hujus  omnes,  sive  illorum  aliqui  sint,  cum,  constet 
divini  Spiritus  afflatu  universos  esse  conscriptos? 
Etiam  non  ignoramus  et  divinum  Davidem  prophetam 
fuisse,  et  illos  itidem  prophetas  in  Paralipomenon 
hisloria  nuncupari.  Prophetœ  autem  est  linguam  prœ- 
bere  ministram  gratiœ  Sancti  Spiritus,  ut  legitur  in 
Psalmis  :  Lingua  mea  calamus  scribse  velociter  scri- 
benlis.  Théodoret.,  preef.  in  Psalm.,  pag.  395. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAriTRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVEQUE  DE  CYR. 


i09 


sur  quoi,  dit  Théodoret,  je  n'assure  rien. 
Que  m'importe  qu'ils  soient  tous  de  lui,  ou 
que  d'autres  en  aient  fait  quelques-uns, 
puisqu'il  est  constant  qu'ils  ont  tous  été 
écrits  par  l'inspiration  du  Saint-Esprit.  Nous 
savons  que  David  a  été  prophète  ,  et  que 
ceux  dont  il  est  parlé  dans  le  livre  des  Para- 
lipomènes  l'ont  été  aussi  :  or,  le  propre  des 
prophètes  est  que  leur  langue  soit  l'organe 
du  Saint-Esprit,  selon  qu'il  est  écrit  dans  les 
Psaumes  :  Ma  langue  est  comme  la  plume 
d'un  habile  écrivain.  »  Ce  Père  '  dit  ailleurs, 
et  en  général,  que  David  a  écrit  les  Psaumes 
par  l'opération  du  Saint-Esprit,  et  que  les 
titres  mêmes  en  sont  inspirés.  11  y  avait  des 
personnes  qui  pensaient  différemment  de 
ces  inscriptions,  et  qui  les  regardaient  ^ 
comme  fausses.  Théodoret  soutient  que  c'est 
une  grande  témérité  de  penser  ainsi  de  ces 
titres  que  l'on  voyait  à  la  tête  des  Psaumes 
dès  le  règne  de  Ptolémée  Philadelphe,  sous 
l'empire  duquel  les  Septante  interprètes  les 
traduisirent  d'hébreu  en  grec,  de  même  que 
le  reste  des  saintes  Ecritures.  Cent  cinquante 
ans  avant  cette  version,  Esdras,  rempli  de  la 
grâce  du  ciel,  décrivit  les  Livres  saints,  qui 
depuis  longtemps  avaient  été  corromi)us  et 
gâtés,  tant  par  la  négligence  des  Juifs  que 
par  l'impiété  des  Babyloniens.  Que  si  Esdras, 
inspiré  de  Dieu,  a  renouvelé  la  mémoire 
des  saintes  Ecritures,  sans  doute  les  Sep- 


tante n'ont  pu,  sans  un  pareil  secours,  se 
rencontrer  si  bien  dans  la  traduction  qu'ils 
ont  faite  de  ces  mêmes  livres  avec  les  ins- 
criptions des  Psaumes.  «  N'y  a-t-il  donc  pas 
de  la  témérité  de  les  regarder  comme  faus- 
ses, et  de  préférer  sur  ce  point  ses  propres 
lumières  à  celles  du  Saint-Esprit?  Il  est  d'ail- 
leurs évident  que  les  anciens  interprètes 
avaient  trouvé  les  litres  des  Psaumes  dans 
l'hébreu,  puisque,  lorsqu'il  ^  en  manquait  à 
un  psaume,  ils  avaient  soin  d'en  avertir. 
C'est  ce  qu'ils  font  à  la  tête  du  premier 
psaume,  auquel  ils  n'ont  point  osé  en  don- 
ner de  leur  autorité,  pour  ne  pas  mêler  des 
pensées  humaines  aux  paroles  du  Saint-Es- 
prit. » 

Théodoret  *  reconnaît  Moïse  pour  auteur 
du  Pentateuque,  et  prétend  ^  que  ce  saint  lé- 
gislateur est  plus  ancien  que  tous  les  histo- 
riens, les  poètes  et  les  philosophes  païens. 
Il  n'attribue  ^  à  Salomon  que  les  Pi'overbes, 
l'Ecclésiaste  et  le  Cantique  des  Cantiques. 
L'auteur  des  livres  des  Rois  ne  lui  paraît  pas 
contemporain  ;  il  croit  '  qu'il  avait  composé 
son  histoire  sur  des  livres  ou  des  mémoires 
dressés  longtemps  auparavant  par  les  pro- 
phètes qui  avaient  coutume  d'écrire  ce  qui 
se  passait  de  leur  temps.  11  est  persuadé  * 
que  Jonas  a  fait  d'autres  prophéties  que  celles 
qui  portent  son  nom.  On  n'y  voit  point,  en 
effet,  ce  qui  est  marqué  dans  le  quatrième 


'  Sacros  quidem  psalmos  divinus  suscepfa  Saneti 
Spirilus  operatione  conscripsit.  Théodoret-,  prsefat. 
in  Epist.  S.  Pauli. 

2  Quoniam  etiain  inscripliones  Psulmontm  quidam 
.  falsas  esse  dixerunt  :  inihi  quidem  iemerHas'Mdetur 

inveriere  inscripliones  quœ  jam  olim  Piolemœi,  qui 
post  Alexandrum  in  jEgypto  regnavit,  temporibus  cir- 
cumferehaniur,  quasque  sepiuaginta  omnes  soiiores  in 
grœcam  linguam  iranstulere,  sicut  re/iquam  omnem 
sacram  Scripturam.  Annis  autem  ante  interpréta tionem 
istam  ce.ntum  et  quinquaginta,  mirabilis  Esdras  cœ- 
/estis  gratis  plenus,  sacros  libros  descripsif,  qui  par- 
tiin  per  Judœorum  incuriam,  partim  vero  per  impie- 
tatem  Babyloniorum,  dudum  fuerant  dépravait.  Quod 
si  et  hic  a  Spirita  Sancto  afflatus  horum  voluminum 
memoriam  renovavit,  et  Hli  non  sine  divino  afflata 
eadem  in  grœcum  sermonem  consensione  maxima  con- 
verterimf,  atque  inler  cœtera  inscriptiones  interpretati 
sunt  ;  rem  equidem  nimiœ  temeritatis,  et  confidentiœ 
plenam  arbitror,  falsas  illas  affirmare,  et  cogiiationes 
nostras  Saneti  Spiritus  efficieniia  sapieniiores  ducere. 
Idem,  prsefat.  in  Psalm.,  pag.  396. 

3  Hinc  facile  est  cognoscere  quod  antiquitus,  cum 
apud  Hehrœos  inscriptiones  invenissent,  qui  divinas 
Scripluras  interpretati  sunt,  eas  in  linguam  grœcam 
transtulerunt.  Hune  enim  psalmum  et'' eum  qui  pro- 
xime  sequitur  sine,  inscriptiohe  nacti,  sine  inscriptione 
reliquerunt,  non  audentes  a  seipsis  aliquid  adjungere 


verbis  Spiritus  Saneti.  Théodoret.,  prsefat.  in  Psalm., 
pag.  398. 

'  Quoniam  divina  freti  gratta  interpretati  sumus 
libros  Moisis  legislatoris.  Théodoret.,  prsefat.  in  lib. 
Reg.,  pag.  229. 

^  An  nescitis  Mosen  Judœorum  legislatorem  vestris 
omnibus  historicis^  poetis ,philosophis  esse  antiquiorem? 
Idem,  serm.  2  de  Principio,  pag.  93. 

8  Beatus  vir  Esdras  resiituit,  nec  solum  Moisis  li- 
bros, sed  et  sexdecim  prophetas  et  sapientis  Salomonis 
tum  Proverbia,  tum  Ecclesiaslica,  tum  Cantica  Can- 
tieorum.  Idem,  ioterpret.  in  Cantica  Canticorum, 
pag.  985. 

'  Plurimi  fuerunt  prophetœ,  quorum  libros  quidem 
non  invenimus,  nomina  aiitem  'didicimus  ex  historia 
Paralipomenon,  horum  unusquisque  consueraf  scribere 
quœcumque  contitigebat  fieri  suo  iempore.  Théodoret., 
tom.  I  prœt.  in  lib.  Regum,  pag.  230. 

'  Beatus  Jonas  etiam  alias  edidit  prophetias,  quœ 
hoc  libro  non  continerdur,  eas  autem  ex  quarto  fie- 
go'rum  agnovimus.  Scriptura  enim  de  Hieroboam  ; 
qui  tertius  ab  Jehii  progenitas,  decem  tribubus  rex 
imperavit,  docet  quœ  sequuntur  :  Ipse  restitnit  ter- 
minos  Israël  ab  EmatU  usque  ad  mare,  quod  coegit 
ad  occidentem,  juxta  sermonem  Domiai  Dei  Israël, 
quem  locutus  est  per  servum  suum  Jonam  filium 
Amathi  prophetœ,  qui  erat  de  Getophra.  Théodoret., 
tom.  H  comm.  in  Jonam,  pag.  798,  ■i99. 


iio 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


livre  des  Rois  :  Que  Jéroboam  rétablit  les  li- 
mites d'Israël,  depuis  l'entrée  d'Emath  jusqu'à 
la  mer  du  désert,  selon  la  parole  que  le  Seigneur 
avait  prononcée  par  son  serviteur  Jonas,  fils 
d'Amathi,  prophète.  'J'iiéodoret  '  remarque  sur 
cela  que  Jouas  ne  voulut  point  enlremêler 
cet  événement  et  autres  semblables,  avec  ce 
qui  regardait  Ninive.  Il  cite  le  premier  ^,  le 
second  ^  et  le  troisième  *  livre  des  Macha- 
hées,les  histoires  de  Suzanne^ et  de  Daniel'' 
dans  la  fosse  aux  lions,  de  même  que  l'hym- 
ne '  des  trois  jeunes  hommes  dans  la  four- 
naise de  Babylone.  «  Ils  opposèrent,  dit-il, 
un  chant  tout  divin  ^  et  une  céleste  sympho- 
nie à  la  musique  et  aux  sons  profanes  des 
instruments  qui  retentissaient  autour  de  la 
statue  d'or,  faisant  voir,  tant  par  leur  chant 
que  par  l'état  même  où  ils  se  trouvaient, 
combien  il  était  plus  avantageux  de  ne  point 
adorer  l'image  d'un  homme  mortel.  Les  ex- 
pressions dont  ils  se  servent  dans  leurs  can- 
tiques, sont  les  paroles  d'un  cœur  qui  est 
embrasé  d'amour  et  qui  ne  peut  exprimer 
l'ardeur  de  ses  sentiments.  Blessés  heureu- 
sement dans  cet  amour  tout  divin,  ils  cher- 
chent des  noms  qui  soient  propres  pour  ex- 
primer la  grandeur  et  la  majesté  de  celui 
qu!ils  louent.  N'en  trouvant  point,  ils  s'effor- 
cent de  la  relever  au  moins  en  disant  qu'il 
est  au-dessus  de  tonte  louange  et  de  toute 
gloire.  »  Théodoret  ^  cite  l'histoire  de  l'ange 
qui  apparut  à  Jésus-Christ  pour  le  conforter 
dans  son  agonie,  et  ce  qui  est  dit  de  la  sueur 
de  sang  qu'il  souffrit  en  ce  moment.  Il  re- 
marque que  les  nazaréens  *°  se  servaient  de 
l'Evangile  apocryphe  de  saint  Pierre;  que  les 
gaïanistes  "  ou  caïanistes  en  avaient  supposé 
un  sous  le  nom  de  Judas  Iscariote  ;  que  les 


sévériens  '^  rejetaient  les  Epîtres  de  saint 
Paul  et  les  Actes  des  Apôtres  ;  que  les  qnar- 
todécimans  *^  avaient  à  leur  usage  de  faux 
Actes  des  Apôtres  et  quelques  autres  pièces 
apocryphes.  Il  fait  un  reproche  aux  ariens  ** 
de  ce  qu'ils  l'ejetaient  l'épitre  aux  Hébreux, 
contre  l'autorité  de  l'Eglise,  qui  la  recevait 
comme  de  saint  Paul,  et  contre  le  témoi- 
gnage d'Eusèbe,  qu'ils  regardaient  comme 
le  défenseur  de  leurs  dogmes.  Ils  la  reje- 
taient, parce  que  la  divinité  de  Jésus-Christ 
y  est  solidement  établie.  Ce  Père  soutient  '^ 
que  la  langue  syrienne  ou  chaldaïque  est  la 
première  de  toutes  les  langues  ;  que  l'ivresse 
de  Noé  '^  était  également  une  preuve  qu'il 
ignorait  la  force  du  vin,  et  qu'il  vivait  sobre- 
ment; que  l'on  voyait '''encore  de  son  temps 
des  restes  de  la  tour  de  Babel,  et  que  ceux 
qui  l'avaient  vu  et  qui  en  avaient  arraché 
quelque  morceau,  assuraient  qu'elle' était  de 
briques  liées  ensemble  avec  du  bitume  ou  du 
ciment;  que  Jacobine  mentit  point  quand  il 
se  donna  pour  Esaii,  puisqu'ayant  acheté  le 
droit  d'aînesse  de  son  frère,  il  parlait  vrai  en 
disant  qu'il  était  le  fils  aîné;  que  Job  tirait  '^ 
son  origine  d'Esaii;  que  Mo'ise^"  avait  appris 
les  noms  de  Jannès  et  Jambrès,  fameux  ma- 
giciens de  Pharaon,  par  la  tradition  des  Juifs, 
ou  plutôt  par  la  révélation  du  Saint-Esprit; 
et  que  les  prophètes  ^'  sont  antérieurs  aux 
philosophes  païens  de  plus  de  quinze  cents 
ans.  11  prétend '-que  tout  l'univers  s'aperçut 
de  la  rétrogradation  du  soleil,  arrivée  à  Thor- 
loge  d'Achaz,  et  que  c'est  ce  qui  attira  des 
ambassadeurs  du  roi  de  Babylone,  pour  s'in- 
former de  la  cause  de  cette  merveille. 

2.  Il  dit  ^3  que  Manassès,  prince  impie  et 
cruel,  ne  répandit  pas  seulement  le  sang  in- 


sulte des 

re  m  arq  u  es 
s  nr  l'Ecri- 
lure. 


'  Theodoret.,  Quœst.  4b  in  IV  Èeg.,  pag.  351,  tom.  t. 

s  Idem,  in  Daniel.,  pag.  682,  tom.  II. 

3  Idem,  ibid  ,  pag.  689.  —  ''  Idem,  ibid.,  pag.  678. 

979. 
.   1028. 

S83,  584. 


608,  et  lib.  y  Hœreiic. 


«  Idem,  Hpist.  110,  pag 

6  Idem,  Episl.  145,  pas 

'  Idem,  in  Daniel.,  pag. 

8  Idem,  ibid.,  pag.  484. 

8  Idem,  in  Psalm.  Liv,  pag 
Fabul.,  cap.  xni,  pag.  284. 

10  Idem,  lib.  II  Hœreiic.  Fabul.,  pag.  219. 

"  Lib.  I  Hœretic.  Fabul.,  pag.  206. 

»2  Ibid.,  lib.  I,  pag.  208.  —  »'  Ibid.,  lib.  III,  pag.  228. 

">  Idem,  prœfat  in  Epis  t.  ad  Bœbr.,  pag.  393. 

^'•'  Idem,  Quœst.  60  in  Gènes.,  pag.  47. 

16  Quœsi.  36  in  Gènes.,  pag.  44. 

"  Idem,  Quœst.  60,  pag.  47. 

18  Emerat  privilégia  primogenilurce.  Vere  igitur  seip- 
sum  appellabat  primogenitum.  Theodoret.,  Quœst.  81, 
pag.  50. 


15  Theodoret.,  Quœst.  93  in  Gènes.,  pag.  65. 

2"  Idem,  in  Epist.  2  ad  Timoih.,  pag.  SOI. 

-1  Prophetarum  vero  nomino,  gui  mille  quingentis 
amplius  annis  philosophas  illos  antecesserunf,  in  are 
habent  et  circumferunt.  Idem,  serm.  5  de  Naiur.  Ito- 
minis,  pag.  544,  tom.  l'y. 

22  Solis  autem  miraculum  pervasit  iiniversum  orbem 
terrœ.  Omnibus  enim  fuit  cognitum  solem  retrocessisse. 
Quamobrem  rex  Babyloniorum,  cum  et  interitum  ros- 
civisset,  et  quœ  in  sole  admirabiliier  facta  erant  didi- 
cisset,  misil  et  legatos  et  dona  ad  regem  Judcsorum. 
Idem,  Quœst.  52  in  IV  Reg.,  pag.  357. 

2''  Non  enim  solum  in  furorem  acttts  est  idolorum, 
sed  etiam  innoxium  sanguinem  effadit  Manasses  plu- 
rimum,  donec  implevit  Jérusalem  os  ad  os.  Ens  autem 
prœcipue  de  medio  tollebat  gui  pieiatem  defendebanii 
et  divinam  iram  ei  prœdicebant.  Cum,  aiu?it,  Esainm 
quoque  prophetam  serra  lignea  usum  dissecuisse.  Id., 
Quœst.  54  in  IV  Reg.,  pag.  358. 


CHAPITRE  IV.  —  THEODOREï,  EVEQUE  DE  CYR. 


[V  SIECLE.] 

noceiit,  mais  qu'il  fit  surtout  mourir  ceux  qui 
combattaient  pour  la  piété,  ou  qui  le  mena- 
çaient de  la  colère  de  Dieu  ;  que  le  prophète 
Isaïe  fut  de  ce  nombre,  aj-ant  été  scié  en 
deux  avec  une  scie  de  bois.  Il  parle  de  Beth- 
léem '  comme  d'une  ville  peu  considérable, 
et  remarque  que  Jésus-Christ  vint  au  monde 
dans  une  caverne,  et  que  les  mages  qui  vin- 
rent l'adorer  ^étaient  persans.  Selonlui,  saint 
Paul  était  de  la  tribu  ^  de  Benjamin.  Les  au- 
tres Apôtres  tiraient  leur  origine  des  tribus 
de  Zabulon  et  de  Nephtali.  Il  applique  *  à  cet 
apôtre  la  prophétie  de  Jacob  touchant  Ben- 
jamin, disant  que  saint  Paul  comme  un  loup 
ravissant,  après  avoir  ravagé  d'abord  l'Eglise 
de  Jésus-Christ,  a  distribué  ensuite  la  nour- 
riture spirituelle  au  monde.  Il  n'avait''  point 
reçu  de  sa  famille  le  nom  de  Paul  :  ce  ne  fut 
qu'après  sa  vocation  qu'il  eut  ce  nom,  comme 
Simon  fut  honoré  de  celui  de  Pierre.  La 
femme  dont  il  parle  ''  dans  l'épitre  aux  Phi- 
lippiens  n'était  pas  la  sienne.  Il  est  probable 
qu'il  ne  fut  jamais  marié.  Dans  son  ravisse- 
ment jusqu'au  troisième  ciel,  il  vit  la  beauté 
du  paradis  ^  et  les  troupes  des  anges;  il  en- 
tendit leurs  cantiques  à  la  gloire  du  Créa- 
teur ;  mais  lui  seul  a  su  ce  qui  s'était  passé 
dans  cette  rencontre.  On  croit  qu'il  combattit 
réellement  à  Ephèse  contre  les  bêtes,  mais 


lit 


qu'il  fut  ^  miraculeusement  délivré  de  ce 
danger  contre  toutes  les  apparences  humai- 
nes, et  qu'il  est  allé  prêclier  ^  en  Espagne. 
L'empereur  Néron  *"  le  fit  mourir  avec  saint 
Pierre,  qui  fut  crucifié  "la  tète  en  bas  comme 
il  l'avait  demandé  lui-même  aux  exécuteurs, 
de  peur  qu'on  n'eût  cru  qu'il  affectait  la 
gloire  de  Jésus-Christ,  s'il  eût  été  crucifié 
comme  lui.  Théodoret  '^  parle  des  corps  de 
ces  deux  apôtres  comme  étant  encore  à 
Rome  de  son  temps.  Il  croit  que  Judas  '^  a 
été  engagé  dans  le  mariage,  et  qu'il  a  fait 
des  miracles  par  le  pouvoir  qu'il  en  avait 
reçu  de  son  maître  ;  que  saint  André  '*  a  porté 
les  lumières  de  l'Evangile  dans  la  Grèce,  et 
saint  Philippe  '^dans  les  deux  Phrygies;  que 
ce  saint  apôtre  et  saint  Jean  l'Evangéliste 
apparurent  '^  au  grand  Théodose,  presque 
vaincu  par  le  tyran  Eugène,  et  lui  promirent 
la  victoire  qu'il  remporta  en  effet  le  lende- 
main par  un  miracle  visible.  Pour  enlever 
tout  doute  à  cette  vision,  ces  Apôtres  appa- 
rurent la  même  nuit  à  un  soldat,  à  qui  ils 
dirent  la  même  chose  qu'à  Théodose.  Théo- 
doret croit  encore  "  que  saint  Thomas  et  les 
autres  apôtres  touchèrent  et  manièrent  les 
plaies  du  Sauveur.  Il  dit  que  l'on  voyait'^  de 
son  temps  la  maison  de  saint  Philémon  à 
Colosses. 


'  Sed  speluncam  et  prœsepe  "t  pauperculam  Virgi- 
nem,  et  ienui  fascia  obvoluium  infantulum  illo  in  prœ- 
sepi  reclinaium ,  et  oppidum  in  quo  hœc  gesia  sunt, 
pusillum  et  ignohile.  Idem,  Se.r>n.  8,  pag.  593. 

2  Hist.  relig.,  cap.  VIII,  pag.  812. 

3  Porro  Beajamin  adolescentior,  est  beatus  Paulus, 
qui  ex  tribu  Benjamin  ortus  est...  Ex  his  nomque  iri- 
bubus  cœleri  Apostoli  originem  duxerunt.'ïh.&oAwai, , 
in  Psalm.,  pag.  659. 

'  Sciendum  est  autem  nonnullos  hanc  prophetiam 
dii'ino  Pnulo  optasse.  Qui  instar  lupi  vaslabat  Eccle- 
siam,  ingrediens  domos  :  postea  vero  spiritalem  cibum 
orbi  tradidit.  Idem,  in  Gènes.,  pag.  77. 

^  Ac  primum  quideyn  seipsum  Paulum  vocat,  non  a 
parentibus  appellationem  liane  ab  initia  adeptus,  sed 
post  vocationem  ea  dignatus,  sicut  Simon  Petrus  vo- 
calus  est.  Idem,  in  Epist.  ad  Rom.,  pag.  9. 

6  Idem,  m  Epist.  ad  Philipp.,  pag.  338  et  339,  et  in 
Epist.  1  ad  Corinth. ,  pag.  149. 

■'  Quidam  autem  dicimt  verba  esse  res.  Vidisse  enim 
ipsum  Paradisi  pulchritudinem,  et  snnctorum  quœ  in 
illo  sunt  choreas,  et  niodulatissimam  hymnorum  can- 
tus  vocem.  Sed  horum  certitudinem  is  nouit,  qui  ea 
contemplatus  est.  Idem,  in  Epist.  2  ad  Corinth.,  pag. 
236. 

8  Théodoret.,  in  I  Epist.  ad  Corinth.,  cap.  xv, 
vers.  32,  pag.  203. 

8  Idem,  in  Epist.  ad  TU.,  pag.  506. 

'"  Peirum  namque  et  Paulum  interfici  Jussit  {Nero). 
Idem,  serm.  9  de  Leg.,  pag.  611,  tom.  IV. 


u  Cumque  a  Nerone  crucis  supplicio  propter  cruci- 
fixum  damnatus  esset,  lictores  orubat  ne  eodem  quo 
Dominus  modo  crucifigereiur,  sed  contra  atque  iile 
suspenderetur  :  metiiens  videlicet,  ne  similitudo  pas- 
sionis  œqualem  sibi  apud  ignaros  honorent  afferret. 
Propterea  tnanus  deorsum,  pedes  sursum  affîgi  roga- 
vit.  Idem,  orat.  de  Charit.,  pag.  689,  tom.  IV. 

12  Habet  prœterea  communium  patrum  magistrorum- 
que  veritatis  Pétri  et  Pauli  sepulcra,  fidelium  animas 
illuminantia.  Idem,  Epist.  113,  pag.  985. 

•3  Maximorumque  rniraculorum  non  modo  speclator 
ipse  fuit,  verum  etiam  operator,  cum  ab  ip.m  potesfo' 
fem  excepisset.  Théodoret.,  in  Psalm.  cvni,  pag.  843. 

1*  Sic  divinus  Andrceas  Grœciam  divinœ  cognitionis 
radiis  illustravil.  Idem,  in  Psalm.,  pag.  871. 

1^  Sic  divinissimus  Philippus  idrorumque  Phrygum 
errorem  redarguit.  Ibid. 

'5  Humi  ergo  prostratus  videre  sibi  visus  est  duos 
viros  candida  veste  amiclos,et  equis  albis  vestitos,  qui 
ipsum  bono  animo  esse,  timorem  abjicere,  et  prima 
luce  arma  capere,  copiasque  ad  pugnam  instruere  ju- 
berent  auxiliatores  se  missos  esse  ac  defensores,  quO' 
rum  aller  se  Joannem  Evangelistam  aiebat  esse,  aller 
Philippum...  hoc  idem  miles  quidam  cum  vidisset, 
ceniurioni  suo  indicavit.  Idem,  lib.  V  Hist.  eccles., 
cap.  XXIV,  pag.  739,  tom.  III. 

"  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fahul.,  cap.  v,  pag.  287. 

)8  Erat  autem  ex  ciuitate  Colossis  :  guin  etiam  do- 
mus  ejus  mansit  usque  in  hodiernam  diem.  Idem 
prsef.  in  Epist.  ad  Phil.,  pag.  516. 


di2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


suricsv.T-  3.  11  cite  '  en  divers  endroits  le  texte  lié- 
''^"ure.'  '"  brcn,  le  syriaque,  les  versions  de  Symma- 
que^,  d'Aquila,  de  Tbéodotion^  et  les  Hexa- 
ples  d'Origène.  Il  dit*  qne  toute  la  terre  était 
pleine  de  la  doctrine  prophétique  et  aposto- 
lique, parce  que  les  livres  Lébreux  avaient 
été  non-seulement  traduits  en  grec,  mais  aussi 
en  la  langue  des  Romains,  des  Egyptiens, 
des  Indiens,  des  Arméniens,  des  Scythes, 
des  Sarmates,  et  en  toutes  les  autres  langues 
usitées  alors  parmi  toutes  les  nations. 
scriiief-  4.  En  expliquant  =  ces  paroles  du  prophète 
illre'sai'nf"''  Isaïe  ".  Puisoiis  des  eaux  avec  joie  des  fontaines 
isaïe  XII,  3.  ^^^  Sauveuf .  il  enseigne  que  ce  sont  les  Ecri- 
tures divines  que  les  prophètes  appellent  les 
fontaines  du  Sauveur,  parce  que  c'est  là  que 
puisent  avec  joie  ceux  qui  ont  une  foi  sincère. 
C'est  pourquoi,  ayant  à  consoler  une  dame  qui 
avait  perdu  son  mari,  il  l'assure  qu'elle  trou- 
vera sa  consolation  dans  la  lecture  de  l'Ecri- 
ture sainte,  qui,  dès  l'enfance,  «  nous  est,  dit- 
il  *,  comme  une  mamelle  sacrée  à  laquelle 
nous  devons  être  attachés,  en  la  lisant  et  en 
la  méditant,  afin  que,  s'il  survient  quelque 
maladie  à  notre  âme,  nous  y  trouvions  un 
remède  salutaire  par  les  saintes  instructions 
de  l'Ecriture.  »  On  voit  ''  par  l'Histoire  de 
l'Eglise  que  les  sœurs  de  l'empereur  Théo- 
dose-le-Jeune,  qui  avaient  consacré  à  Dieu 
leur  virginité,  faisaient  de  la  méditation  des 


livres  saints  leurs  plus  grandes  et  plus  agréa- 
bles délices.  «  Les  Juifs  *  ne  permettaient  la 
lecture  du  Cantique  des  Cantiques  qu'à  ceux 
qui  avaient  atteint  l'âge  de  l'homme  parfait, 
et  qui,  étant  capables  de  pénétrer  les  choses 
cachées,  pouvaient  entendre  d'une  manière 
spirituelle  ce  qui  est  écrit  dans  ce  hvre.  Il 
est  donc  besoin  d'une  prière  ^  très-fervente 
avant  d'en  commencer  la  lecture,  afin  que 
nos  yeux  deviennent  purs  comme  des  co- 
lombes, pour  n'avoir,  en  lisant  ce  Cantique 
sacré  que  des  vues  toutes  spirituelles;  pour 
nous  élever  tout  d'un  coup  au-dessus  du 
voile  de  la  lettre ,  et  pour  découvrir  les 
grands  mystères  qui  y  sont  cachés.  Car  il  ne 
nous  est  pas  possible  de  comprendre  le  vrai 
sens  des  divines  Ecritures,  en  particulier  du 
Cantique  des  Cantiques,  si  celui-là  même  qui 
a  inspiré  les  écrivains  sacrés,  n'éclaire  nos 
yeux  p;ir  les  rayons  de  sa  grâce,  et  ne  nous 
découvre  les  sens  divins  renfermés  dans  les 
Livres  saints.  » 

5.  Suivant  la  doctrine  '"  de  l'Ecriture  et  surhTri- 
des  Pères  assemblés  à  Nicée,  il  n'y  a  qu'une  ""°' 
substance  de  Dieu  le  Père,  de  son  Fils  uni- 
que, et  du  très-saint  Esprit.  La  substance  et 
l'hypostase  diffèrent  *'  l'une  de  l'autre  comme 
le  commun  diffère  du  propre,  le  genre  de 
l'espèce  et  de  l'individu.  De  même  donc  *^  que 
le  nom  d'homme  est  commun  à  toute  la  na- 


1  Idem,  interpret.  in  Jeremiam^  cap.  ssxi,  pag.  226, 
tom.  II;  in  Psalm.  XLj  pag.  553,  et  in  Psalm.  LXVli, 
pag.  6bl,  tom.  I. 

2  Interp.  Psalm.  Lxsm,  pag.  694  et  695. 

3  In  Psalm.  xxVj  pag.  493^  et  in  Psalm.  xxvill,  pag. 

soo. 

*  Universa  enim  quœ  sub  sole  est  terra,  his  sermonibus 
repleia  est.  Et  hebraica  lingua,  non  in  Grœcorum  modo 
linguam  versa  est,  sed  etiam  Romanorum.,  et  JEgyp- 
tiormn,  Persarumque  et  Indorum,  et  Armeniorum,  et 
Scytharum  ac  Sarmatarum,  atrjiie,  ut  semel  dicam,  in 
linguas  omnes  in  guihus  ad  hanc  diem  nationes  utun- 
tur.  Idem,  serm.  5  de  Natura  hominis,  pag.  555, 
tom.  IV. 

''>  Et  haurite  aquam  cum  Isetitia  de  fontibus  Salu- 
taris.  Fontes  Satuturis  divinas  vocat  Scripturas,  ex 
quibus  liauriunt  cum  lœtitia  qui  sincère  crediderunt. 
Tlieod.,  in  Isaiam,  cap.  xil,  pag.  58,  tom.  II. 

s  Vt  tristitiœ  dolorem  cogitatione  vincas,  divino- 
rumque  eloquiorum  carmen  aniniœ  in  fempore  admo- 
ceas.  Hujus  enim  rei  gratta  statim  a  cunabulis  velut 
mamillam  quamdum  sacraruni  Scripturarum  medi- 
tutionem  haurimus  :  ut  cum  morbus  9ios  invaserit  sa- 
luiare  pharmacum  spiritus  disciplinam  adhibeamus. 
Idem,  Epist.  14,  pag.  906,  tom.  III. 

'  Habet  vero  divince  laudalionis  socias  sororcs,  quœ 
et  perpetuam  virginilatem  colunt,  et  divinorum  elo- 
quiorum meditationem  summas  delicias  ducunt.  Idem, 
lib.  V  Hist.  eccles.,  cap.  x.iixvi,  pag.  749,  tom,  III. 


8  Hujus  libri  lectionem  adoleseentibus,  atque  cetaie 
adhuc  imperfectis,  prorsus  interdicunt.  Solis  aufem 
viris  perfectis  qui  reeondita  et  arcana  percipere  va- 
leant,  et  spiritaliter  intelligere  quœ  scripta  sunt,  le- 
gendum  prœbent.  Idem,  prsef.  in  Cantica  Canticorum, 
pag.  995,  tom.  I. 

3  Orandum  est  nobis,  diligenter  et  studiose  oran- 
dum  est,  ut  oculi  nostri  columbœ  fiant;  quibus  spiri- 
taliter inluentes,  et  litterœ  vélum  transvolantes,  mys- 
ieria  reeondita  dilucide  inlerpretemur.  Neque  enim 
aliter  fieri  poiest,  ut  divinœ  Scripturœ,  imprimisque 
Cantici  Canticorum  intelligentiam  consequamur,  nisi 
ipse,  qui  scriptoribus  il  lis  largitus  est  spiritum,gratiœ 
radiis  oculos  nostros  illustret,  et  sensum  reconditum 
aperiat.  Idem,  ibid.,  pag.  1045. 

"*  Quoniam  igitur  hœc  ita  fieri  oportere  censuimus, 
responde,  o  amice,  Dei  Patris,  et  unigeniti  Filii,  et 
sanctissimi  Spiritus,  num  unam  substantiam  dicimus, 
sicul  a  divina  Scriptura  vetere  et  nova,  et  a  Patribus 
Niceœ  congregatis  edocti  sumus,  an  Arii  blasphemiam 
sequimur  ?  Theodoret.,  Dialog.  1,  pag.  4. 

^^  At  secundum  Patrum  doctrinam,  sicut  differunt 
commune  et  proprium,  vel  genus  et  species  :  ac  indi' 
viduum,  ita  differunt  substantia  et  hyposlasis.  Idem, 
ibid.,  pag.  5. 

>2  Sicut  ergo  nomen  homo  commune  est  toii  kuic  na- 
turœ ,  ita  divinœ  suhstaniiœ  nomen  sanctam  Trinila- 
tem  significare  accepimus  ;  hypostasim  vero  pcrsonam 
aliquam  designare,  vel  Patris,  nempe  vel  Filii  vel 


CHAPITRE  IV.  —  THEODORET,  EVÊQUE  DE  CYR.  113 

mêmes.  L'incarnation  du  Fils  unique  de  Dieu 


[V=  SIÈCLE,  j 

ture  humaine,  ainsi  le  nom  de  substance 
marque  la  sainte  Trinité  ;  au  lieu  que  celui 
d'hypostase  marque  la  personne  du  Père,  ou 
du  Fils,  ou  du  Saint-Esprit  :  en  sorte  que  hy- 
poslase  et  personne  sont  une  même  chose. 
Tout  ce  que  l'on  dit  de  la  nature  divine  est 
commun  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit; 
comme  le  nom  de  Dieu,  de  Seigneur,  de 
Créateur,  de  Tout-Puissant.  Mais  tout  ce  qui 
marque  l'hypostase  ou  la  personne,  n'est,  pas 
commun  à  la  Trinité.  Par  exemple,  le  nom 
de  Père,  de  non  engendré,  est  propre  au 
Père  ;  celui  de  Fils  unique,  de  Verbe,  ne 
convient  ni  au  Père,  ni  au  Saint-Esprit,  mais 
seulement  au  Fils.  Le  nom  de  Saint-Esprit  et 
de  Paraclet  marque  la  personne  du  Saint- 
Esprit.  Quand  l'Ecriture  appelle  esprit  le 
Père  et  le  Fils,  c'est  pour  signifier  que  la  na- 
ture divine  est  incorporelle,  et  qu'elle  ne 
peut  être  circonscrite;  mais  elle  ne  donne  le 
nom  de  Saint-Esprit  qu'à  la  troisième  per- 
sonne. Nous  croyons  '  donc  en  un  Père,  en 
un  Fils  et  en  un  Saint-Esprit.  Nous  confes- 
sons une  divinité,  une  domination,  une  es- 
sence et  trois  liypostases  qui  sont  -  unies 
sans  confusion  et  qui  subsistent  par  elles- 


n'a  point  augmenté  le  nombre  ^ de  la  Trinité; 
elle  est  demeurée  Trinité,  même  après  l'in- 
cai'nation.  Il  n'y  a  *  qu'un  seul  principe  de 
toutes  choses,  savoir  :  Dieu,  le  Père  de  noti'c 
Seigneur  Jésus-Christ.  Ce  Dieu  n'est  point 
engendré  :  il  est  immortel,  éternel,  mfîni.  Il 
n'est  ni  borné,  ni  circonscrit,  ni  composé.  Il 
est  incorporel,  invisible,  simple,  bon  et  juste. 
C'est  une  lumière  intelligente  et  une  puis- 
sance sans  bornes.  Le  Fils  est  engendré  =  du 
Père  avant  tous  les  siècles,  consubstantiel  ^ 
au  Père,  semblable  et  égal  '  au  Père  en  tou- 
tes choses.  Le  Saint-Esprit  ^  reçoit  son  exis- 
tence du  Père.  Il  n'est  ni  créé  ni  engendré  ^ , 
mais  il  est  Dieu .  Ces  trois  personnes  ne  font 
qu'un  seul  et  même  Dieu  qui  a  créé  le  ciel 
et  la  terre  '",  et  tout  ce  qu'ils  contiennent. 
L'Eglise  a  reçu  des  Apôtres  la  pratique  où 
elle  est  encore  aujourd'hui  de  glorifier  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit.  Mais  Arius, 
qui  trouvait  "  dans  cette  doxologie  la  con- 
damnation de  ses  erreurs,  la  changea  parmi 
ceux  de  sa  secte,  et  leur  fit  chanter  gloire 
au  Père  par  le  Fils  dans  le  Saint-Esprit. 
Théodoret  ne  veut  pas  que  l'on  dise  que  le 


Spiriius  Sancti.  Nam  hyposiasim,  et  personam,  et 
proprietatem,  idem  signifieare  dicimus,  sanctorum 
Pairum  doctrinam  sequentes.  Quœcumque  ergo  de  na- 
tura  divina  sequuntur ,  communia  sunt  Palris,  et  Filii, 
et  Spiritus  Simcti,  ut  Deus,  Dominus,  Conditor^  Omni- 
poiens,  et  quœ  his  similia.  Quœ  autem  hypostases  seu 
personas  désignant,  ea  sanctœ  Trinitati  communia  non 
sunt,  sed  illius  sunt  personœ,  cujus  sunt  propria.  Ut 
nomen  Pater,  et  ingenitus,  propria  sunt  Patris  :  nomen 
quoque  Filius  et  unigeniiiis,  nt  Deus  Verbum.  non  Pa- 
irem  significanf,  nec  Spiritum  Sanctum,  sed  Filium. 
Spiritus  vero  Sanctus,  et  Paracletus,  Spiritus  perso- 
nam  désignant.  Spiritum  vocavit  {sacra  Scriptura)  et 
Palrem  et  Filium,  ut  significet  divinam  naiuram  esse 
incorpoream ,  et  circumscribi  non  passe  ;  Spiritum  au- 
tem Sanctum  solam  Spiritus  personamappellat.  Idem, 
iljid.,  pag.  6. 

1  Credimus  enim  in  unum  Pairem,  in  unum  Filium, 
in  unum  Spiritum  Sanctum;  et  confitemur  unam  divi- 
nitatem,  unam  dominationem,  unam  essenliam,  très 
lujpostases.  Idem,  Epist.  145,  pag.  1029. 

2  At  in  sancta  Trinitute  ires  intelligimus  liyposiases, 
casque  sine  confusione  unitas,  et  per  se  subsistentes. 
Idem,  quœst.  20  in  Gènes.,  pag.  19. 

3  Vnigeniti  namque  incarnatio  Trinilatis  7mmerum 
non  auxit,  sed  Trinitas  etiam.  post  incarnationem  man- 
sit  quœ  Trinilas  erat.  Idem,  Epist.  I(i2,  pag.  1016,  et 
Epist.  145,  pag.  1029. 

*  Unum  esse  universorum  principium ,  et  vêtus  et 
nova  docet  Scriptura,  Deum  universorum,  et  Pcdrem 
Domini  noslri  Jesu  Christi,  ingenitum,  ab  interitu  li- 
berum,  œiernum,  infiniium,  incircumscriptum,  inter- 
minatum,  incompositum,  incorporeum,  invisibilem, 
simplicem,  bonum,justum,  lucem  intelligentem,  poien- 

X, 


tiam  quœ  nulla  mensura  cognoscitur,  sed  sola  divina 
voluntate  mensuratur.  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag. 
250,  tom.  IV. 

'  Quemadmodum  uufem  in  unum  Deum  credere  di- 
dicimus,  sic  etiam  et  in  unum  Filium  ante  sœcula  ge- 
nitum.  Théodoret.,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  1S3, 
tom.  IV. 

^  Consubstantialem  Deo  et  Patri  filium  confiteri,  et 
a  divina  Scriptura,  et  a  Sanctis  Patribus  Niceœ  con- 
gregaiis  didicimus.  Idem,  Demonstr.  per  syilog., 
pag.  183. 

■^  Quod  autem  et  viribus  par  sit  genitori,  et  in  om- 
nibus similis  et  œqualis,  ex  Domini  doctrina  sciri  fa- 
cile potest.  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  256. 

8  Spiritum  ergo  Sanctum  ex  Deo  et  Pâtre  existentiam 
habere  didicimus,  exùtentiœ  autem  modus,  nec  crea- 
turœ  est  similis,  increatus  est  enim  Spiritus  Sanctus. 
Idem,  ibid.,  pag.  257. 

3  Gratia  enim  divini  Spiritus  locuta  est  per  Pro- 
phetas  ci  Âpostolos.  Deus  est  ergo  Sanctus  Spiritus,  si 
quidem  vere,juxta  divinum  Apostolum,  a  Deo  est  ins- 
piraia  Scriptura  spiritus.  Idem,  in  Epist.  ad  Timoth., 
pag.  505,  et  lib.  V  Hœret.  fabul.,  pag.  259. 

1"  Sed  universorum  Deum  cum  Vnigenilo,  et  sanctis- 
simo  Spiritu  omnia  condidisse,  et  didicimus  et  doce- 
mus.  Verbo  enim  Domini  cœli  firmali,  et  spiritu  oris 
ejus  omnes  virtutes  eorum.  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fabul., 
pag.  260  et  261. 

"  Idem  gloriœ  decantandœ  legibus  relictis,  quas 
tradiderant  qui  ab  initio  spectutores  et  fninislri  verbi 
fuerant,  aliam  formam  inlroduxit,  glorificare  quos 
deceperat  docens  Patrem  per  Filium  in  Sancto  Spiritu. 
Idem,  lib.  IV  Hreret.,  Fabul.,  pag.  232  et  233. 


8 


M4 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Saint-Esprit  a  son  existence  du  Fils  ou  par 
le  Fils  '. 
siirrincar-       6.  Parmi  les  hérétiques  des  premiers  siè- 

nation.      Et-  ^  '- 

roors  sur  ce  cles,  il  v  en  avait  plusieurs,  comme  Simon^^, 
Basilide,  Valentin,  Bardesane,  Marcion  et  Mâ- 
nes, qui  ne  donnaient  à  notre  Seigneur  Jé- 
sus-Christ que  la  qualité  de  Dieu,  ne  le 
croyant  homme  qu'en  apparence.  Les  ariens 
et  les  eunomiens  disaient  quels  Verbe  n'a  pris 
qu'un  corps  auquel  lui-même  tient  lieu  d'âme. 
Apolhnaire  admettait  une  âme  dans  ce 
corps,  mais  il  ne  voulait  pas  qu'elle  fût  rai- 
sonnable. Au  contraire  ,  Faustin ,  Marcel 
d'Ancyre  et  Paul  de  Samosate  soutenaient 
que  Jésus-Christ  était  un  pur  homme.  La 
première  nouveauté  que  Nestorius  s'efforça 
d'introdaire,  fut  que  la  sainte  Vierge  ne 
doit  ^  pas  être  appelée  Mère  de  Dieu,  mais 
Mère  du  Christ.  Théodoret  remarque  qu'en 
cela  il  était  opposé  aux  plus  anciens  prédi- 
cateurs de  la  foi  orthodoxe,  qui  ont  toujours 
enseigné,  selon  la  tradition  des  Apôtres,  que 
l'on  doit  appeler  Marie,  Mère  de  Dieu,  et 
croire  qu'elle  l'est  en  effet.  Le  nom  de  Christ, 
disait  Nestorius,  renferme  l'idée  de  deux  na- 
tures. Celui  de  Dieu  ne  renferme  au  con- 
traire que  l'idée  de  la  nature  divine,  comme 
le  nom  d'homme  ne  renferme  que  l'idée  de 


la  nature  humaine.  C'est  pour  cela,  ajoutait 
cet  hérésiarque,  qu'il  faut  confesser  que  la 
Vierge  est  Mère  du  Christ,  et  non  pas  Mère 
de  Dieu,  de  peur  que  nous  ne  nous  engagions 
à  dire,  sans  y  penser,  que  le  Verbe  divin  a 
tiré  son  origine  de  Ig,  sainte  Vierge  ,  et  que 
pour  parler  conséquemment  nous  ne  soyons 
obligés  de  reconnaître  qu'elle  est  plus  an- 
cienne que  le  Verbe  même.  Dans  la  crainte 
qu'on  ne  lui  reprochât  d'accuser  faussement 
Nestorius,  Théodoret  rapporte  les  propres  pa- 
roles que  cet  hérétique  prononça  dansl'assem- 
blée  des  fidèles,  où  il  dit  :  «  Marie  n'a  point 
mis  au  monde  un  Dieu  :  elle  n'y  a  mis  qu'un 
homme,  qui  était  l'organe  de  la  divinité,  n 
Et  encore  :  «  Il  n'appartient  qu'aux  païens 
de  donner  des  mères  aux  dieux.  »  Eutychès 
enseignait  avec  Valentin  *  que  le  Verbe  n'a- 
vait rien  pris  de  la  sainte  Vierge,  n'ayant  fait 
que  passer  par  elle,  et  qu'il  s'était  lui-même 
fait  chair;  en  sorte  que  c'était  la  divinité  qui 
avait  souffert  la  croix  et  la  mort,  qui  avait 
été  ensevelie,  et  qui  était  ressuscitée. 

7.  Théodoret,  qui  rapporte  toutes  ces  er- 
reurs sur  l'Incarnation,  a  été  accusé  lui-même     f^ussém. 

.  ,  altribuées 

d  avou'  donne  dans  celles  de  Nestorms,  en  Théodorei 
admettant  comme  lui  deux  personnes  en  Jé- 
sus-Christ. On  cite  à  cet  effet  un  extrait  du 


'  Proprhim  auiem  Spiritum  Filii,  siquidem  ut  ejus- 
dem  cum  eo  natures,  et  ex  Paire  procedenfem  dixit, 
simul  confitebimitr,  et  tanquam  piam  suscipiemus  vo- 
cem  ;  si  vero  tanquam  ex  Filio,  aut  per  Filium  exis- 
tentiam  hubeat,  hoc  ut  blasphemum  et  impium  reji- 
ciemus.  Credimus  enim  Domino  dicenti  :  Spiritus  qui 
ex  Pâtre  prooedit.  Sed  et  sacratissimo  Paulo  dicenti 
similiter  :  Nos  autem  non  spiritum  mundi  accepi- 
muSj  sed  spiritum  qui  ex  Deo  Pâtre  est.  Théodoret., 
in  Reprehens.  9  anaihematismi  S.  Cyrilli,  pag.  718, 
tom.  IV. 

2  Hœc  et  alia  hujusmodi  e  divina  Scripiura  ampu- 
tantes Simon,  et  Basilides,  et  Valentinus,  et  Barde- 
sanes,  et  Marcion,  et  qui  ab  insania  nomen  habet  Mâ- 
nes, Deum  tantummodo  uppellant  Christum  Dominum, 
qui  humant  habeat  nihil,  sed  phantasia  et  specie  ve/ut 
homo  apparuerit  hominihus.  Qui  vero  Arium  seclantur 
et  Eimomium,  Deum  Verbum  aiunt  carnem  duniaxat 
assumpsisse,  animœque  vices  ipsummet  in  corpore  sup- 
plevisse,  Apollinaris  aulem  animaium  quidem  corpus 
dominicum  vocat,  sed  mentem  peractœ  salutis  exoriem 
facit...  Est  porro  et  alterum  agmen  hœreticorum  his 
contraria  profitentium.  Phoiinus  enim  et  Marcellus  et 
Paulus  Samosatenus  hominem  solum  esse  aiunt  Do- 
minum nostrum  ac  Deum.  Idem,  Epist.  104,  pag.  975 
et  976,  tom.  III. 

3  Primus  autem  initœ  novitatis  gradus  fuit,  non 
oportere  sanctam  Virginem,  quœ  Dei  Verbum  peperit, 
quod  ex  ea  carnem  suscepit,  Deiparam  confiteri,  sed 
Christiparam  duntaxat ,  cum  tamen  antiquissimi  or- 
thodoxes fidei  prœdicatores,  juxta  traditionem  apos- 


tolicam,  Deiparam  docuerint  nominare  et  credere 
Domini  miitrem.  Age  nunc  vero  blasphemum  artifi- 
cium,  et  observationem  nulli  antea  cognitam  in  mé- 
dium producamus.  Christi  appellatio,  inquit,  duas 
naturas  signifîcat,  divinitatem  Unigeniti  et  humani- 
tatem  :  Dei  autem  vox  absolute  prolata,  simplicem  et 
incorpoream  Dei  Verbi  substantiam  l'cprœsentat  :  no- 
minis  vero  solam  humanam  naturam  ostendit,  prop- 
terea  Christiparam,  inquit,  et  non  Deiparam  Virginem 
fateri  necesse  esse,  ne  imprudentes  dicamus  Deum 
Verbum  initium  ex  sancta  Virgine  sumpsisse,  atque 
ita  antiquiorem  matrem  eo  qui  ex  ea  natus  est,  ex 
consequenti  confiteri  cogamur.  Ne  videar  autem  ina- 
nibus  convitiis  hœc  in  illum  jactare,  illum  ipsum  suis 
verbis  tesfem  producam.  Apostolicorum  enim  documen- 
torum,  et  sanctorum  quorumcumque  memoriam  ex 
cogitatione  sua  exterminans,  in  ortltodoxorum  Ecclesia 
multas  istiusmodi  voces  edidit ,  non  peperit,  optimi 
viri.  Maria  Deum,  sed  hominem  peperit  divinitatis 
instrumentum ,  et  in  aliis  rursum  nugis  cutpa  vacat 
gentilis,  qui  dits  Matrem  inducit.  Théodoret.,  lib.  IV 
Hœret.  Fabul.,  pag.  245  et  246,  tom.  IV. 

*  Dicebat  enim  [Eutychès)  Deum  Verbum  nihil  hu- 
manum  ex  Virgine  sumpsisse  :  sed  ipsum  immutabi- 
liier  conversum,  et  carnem  factum  (ridiculis  enim 
ejus  verbis  utor)  per  Virginem  tantummodo  trajecisse, 
crucique  affixam  et  appensam  fuisse  incircumscripfam, 
interminatam,  incomprehensam  Unigeniti  divinitatem, 
eamdemque  tumulo  mandatam  resurrexisse.  Idem, 
ibid.,  pag.  246. 


\\'  SIÈCLE.]  CHAPITRE  IV. 

cinquième  livre  du  Pentaloge ,  où  il  est  dit  '  : 
n  Lorsque  nous  distinguons  les  natures,  nous 
disons  que  la  nature  du  Verbe  est  tout  en- 
tière en  Jésus-Christ,  que  sa  personne  y  est 
aussi  entière  et  parfaite,  la  personne  n'étant 
point  sans  la  substance.  Nous  confessons  pa- 
reillement que  la  nature  humaine  y  est  en- 
tière avec  sa  personne.  Mais  lorsque  nous 
considérons  ces  deux  natures  après  leur 
union,  nous  disons  avec  raison  qu'il  n'y  a 
qu'une  personne.  »  On  ne  peut  disconvenir 
que  la  seconde  partie  de  celte  proposition  ne 
soit  orthodoxe ,  puisque  la  foi  nous  enseigne 
qu'après  l'union  des  deux  natures,  il  n'y  a 
qu'une  personne  en  Jésus-Chi-ist  ;  ne  pour- 
rait-on pas  même  expliquer  la  première  d'une 
manière  qui  ne  serait  pas  répréhensible,  en 
reconnaissant  que  ïhéodoret  n'y  parle  que 
de  la  nature  humaine  considérée  en  elle- 
même,  telle  qu'elle  se  trouve  généralement 
dans  tous  les  hommes,  en  qui  on  ne  peut  en 
effet  la  regarder  comme  parfaite,  qu'on  ne 
la  conçoive  avec  la  personne  ?  Mais  il  n'est 
pas  même  certain  que  cette  proposition  soit 
de  Théodoret.  Le  cinquième  concile  général 
dit  qu'elle  est  ^  de  Théodore  de  Mopsuesle  ; 
et  le  pape  Pelage  II  l'attribue  ^  à  Théodoret. 
Qu'elle  en  soit  ou  non,  il  est  certain  qu'il 
s'est  pleinement  justifié  sur  l'erreur  de  Nes- 
torius.  (!  Ceux,  dit-il  *,  qui  renouvellent  l'hé- 
résie de  Marcion  et  des  autres  docites,  irrités 
de  ce  que  je  les  réfuie  ouvertement,  ont  es- 


THEODORET,  EVEQUE  DE  CYR.  113' 

sayé  de  surprendre  l'empereur  en  me  trai- 
tant d'hérétique  et  m'imposant  de  diviser 
en  deux  notre  Seigneur  Jésus-Christ.  Je  suis 
si  éloigné  de  cette  détestable  opinion,  que  je 
suis  fâché  d'avoir  trouvé  quelques-uns  des 
Pères  de  Nicée  qui,  écrivant  contre  les  ariens, 
ont  poussé  trop  loin  la  dislinclion  de  l'huma- 
nité et  de  la  divinité.»  11  proteste  ^  qu'il  veut 
suivre  les  traces  des  anciens  Pères  et  con- 
server inviolablement  le  dépôt  delà  doctrine 
évangélique  qu'il  a  reçue  d'eux,  et  il  ajoute  : 
«  Comme  je  crois  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  Père 
et  qu'un  Saint-Esprit  qui  procède  du  Père, 
je  crois  de  même  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  Fils  unique  de  Dieu,  en- 
gendré du  Père  avant  tous  les  siècles;  qu'il 
est  la  splendeur  de  la  gloire  et  le  caractère 
de  la  substance  du  Père  ;  qu'il  s'est  fait 
homme  pour  notre  salut  ;  qu'il  est  né  de  la 
Vierge  Marie,  selon  la  chair.  Si  quelqu'un  ^ 
ne  dit  pas  qu'elle  est  Mère  de  Dieu,  ou  s'il 
dit  que  notre  Seigneur  Jésus-Christ  est  un 
pur  homme,  ou  s'il  divise  en  deux  le  Fils 
unique  et  le  premier-né  de  toute  créature, 
qu'il  soit  déchu  de  l'espérance  en  Jésus- 
Christ,  et  que  tout  le  peuple  réponde  :  ainsi 
soit-il.  Ceux  qui  divisent  en  deux  personnes 
le  Verbe  incarné,  devraient  '  écouter  l'Apô- 
tre qui  dit  :  Il  y  a  un  Seigneur  ;  et  encore  : 
Un  Seigneur,  une  foi,  un  baptême.  Ils  devraient 
aussi  écouter  Jésus-Christ  qui  dit  :  Personne 
n'est  monté  au  ciel  que  celui  qui  en  est  descendu, 


I  Cor.  VMl, 


Eplies.  IV 
Joan. ni, 


1  Denique  cum  naturas  discemimus,  Dei  Verbi  na- 
turam  integi-am  dicimus,  et  personam  sine  dubitatione 
perfeclam  :  nec  enim  sine  persona  fas  est  asseverare 
subsiantiam  ;  perfectam  quoque  naturam  humanam, 
cum  sua  persona,  similiier  confitemur.  Cum  vero  ad 
conjunctionem  respicimus ,  tune  demum  unam  perso- 
nam merito  !2Mnc«pû)?îi(s.  Apiid  Gainer.,  dissert.  3  de 
Fide;  Théodoret.,  pag.  463,  tom.  V. 

2  Concil.  Gonstautin.  II,  collât.  4,  pag.  80  loin.  III 
Concil.  Hard. 

3  Pelag.  II,  Epist.  5,  pag.  437,  tom.  III  Concil. 

'  Etenim  qui  Marcionis  et  Valentini,  et  Manetis, 
aliorumque  dociiarum  hœresim  hac  nostra  tempestaie 
rénovant,  œgre  ferenies  hœresim  a  me  suam  aperte 
confatari,  imperatoris  uures  circumvenire  conati  sunt, 
hœreticos  nos  appellantes,  et  unum  Dominum  nostrum 
Jesum  Christum  incarnatum  Deum  Verbum,  in  duos 
filios  diuidere  calumniantes...  Ego  vero  ab  exeeranda 
hac  sententia  tantum  absum,  ut  cum  aliquos  e  sanctis 
Patribus,  qui  apicd  Nicceam  convenerant,  adversus 
Arii  vesaniam  in  libris  suis  disputantes ,  ob  susceptutn 
contra  illos  certamen  coactos,  nimia  usos  divisione 
animadverlo,  œgre  feram,  et  divisionem  ejusmodi  non 
admittam.  Théodoret.,  Epist.  82^  pag.  955  et  950. 

^  Sunctorum  namque  Patrum  vestigia  sequi  cupio  et 
}pto,  et  evangeticam  docirinam,  quam  compendio  nobis 
tradiderunt,  qui  apud  Nicœam  convenere  sanctissimi 


Paires,  illibatam  studeo  conservare.  Et  sicut  unum 
esse  credo  Deum  Patrem,  et  unum  Spiritum  Sanctum 
ex  Paire  procedentem  ;  sic  et  unum  Dominum  Jesum 
Christum,  Filium  Dei  unigenitum,  unie  omnia  sœcula 
genitum  a  Pâtre,  splendorem  gloriœ,  et  characterem 
paternœ  substantiœ,  propter  hominum  salutem  incar- 
natum et  hominem  factum,et  secundumcarnem  natum 
ex  Maria  Virgine.  Théodoret.,  Epist.  83,  pag.  958, 
tom.  III. 

"  Si  quis  sanctam  Virginem  Deiparam  non  dicit, 
aut  purum  hominem  vocat  Dominum  nostrum  Jesum 
Christum,  vel  in  duos  filios  dividif,  unum  genitum  ac 
primogenitum  omnis  créatures,  a  spe  in  Christum  ex- 
cidaf,  et  dicet  omnis  populus  :  Fiat  fiât.  Idem,  ibid., 
pag.  960. 

'  Qui  apud  nos  lia  sentiunt,  atque  in  duas  personas 
incarnatum  Deum  Verbum  dividunt  :  quos  apostolicam 
vocem  audire  oportet,  disertis  verbis  dicentem  :  Umis 
Dominus  Jésus  Christus  per  quem  omnia.  Et  iterum  : 
Unus  Dominus,  una  fides,  unum  baptisma.  Oportebat 
et  Dominicœ  illos  obsequi  doctri?iœ,  Ipse  siquidem 
Dominus  sic  ait  :  Nemo  ascendit  in  cœlum,  nisi  qu 
descendit  de  cœlo,  Filius  hominis  qui  est  in  coelo.  Et 
iterum:  Si  videritis  Filium  hominis  ascendentem  ubi 
erat  prius.  Et  sancti  quoque  baptismatis  traditio  unum 
esse  Filium  nos  docet,sic  unum  Patrem,  et  unum  Spi- 
ritum Sanctum.  Idem,  Epist.  84,  pag.  961. 


dl6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  Fils  de  l'homme  qui  est  au  ciel.  Et  ailleurs  : 
Si  vous  voyez  le  Fils  de  l'homme  monter  au 
ciel  où  il  était  auparavant.  La  tradition  du 
saint  baptême  nous  enseigne  qu'il  n'y  a  qu'un 
Fils,  comme  il  n'y  a  qu'un  Père  et  un  Saint- 
Esprit.  Nous  n'adorons  *  donc  qu'un  seul  Fils 
de  Dieu,  même  après  l'incarnation,  et  nous  ap- 
pelons impies  ceux  qui  pensent  autrement.  » 
Qu'on  lise  les  dialogues  de  Théodoret  contre 
les  Eutychiens,  ses  livres  des  Fables  des  he- 
lvétiques, et  surtout  ses  lettres,  on  remarquera 
que  sa  doctrine  n'a  rien  de  commun  avec 
celle  de  Nestorius,  ni  d'Eutycliès  ;  que  ce 
père  enseigne  que  la  divinité  ^  du  Fils  unique 
de  Dieu  étant  immuable ,  elle  n'a  point  été 
changée  en  la  nature  de  la  chair  ;  qu'il  y  a 
deux  natures  en  Jésus-Christ^,  et  que  l'Ecri- 
ture parle  tantôt  de  lui  selon  la  nature  hu- 
maine ,  et  tantôt  selon  la  divine.  Mais  quand 
elle  le  considère  comme  Dieu ,  elle  ne  nie 
pas  qu'il  soit  homme;  et  lorsqu'elle  l'appelle 
homme,  elle  confesse  en  même  temps  qu'il 
est  Dieu.  Théodoret* reconnaît  que  ces  deux 
natures  ont  été  unies  en  une  seule  personne  ^ 


sans  confusion  ni  mélange  de  l'une  dans 
l'autre.  11  réfute  les  eutychiens,  qui  disaient^ 
que  hi  nature  humaine  avait  été  absorbée 
par  la  divine,  comme  une  goutte  de  miel 
jetée  dans  la  mer  est  absorbée  par  la  mer; 
et  que  la  nature  humaine  ''■  avait  été  changée 
en  la  divinité  après  la  résurrection.  On  re- 
proche encore  à  Théodoret  d'avoir  rejeté  ces 
expressions  :  Dieu  a  souffert^,  Dieu  est  mort^ , 
quoiqu'on  en  trouve  de  semblables  dans  l'E- 
criture et  dans  l'usage  commun  de  l'Eglise. 
Elles  sont  même  fondées  sur  la  maxime 
qu'il  établit  dans  un  de  ses  dialogues  ;  savoir, 
que  l'union  *"  des  natures  rend  les  noms  com- 
muns. Mais  il  est  encore  aisé  de  le  justifier 
sur  cet  article.  S'il  rejette  "  ces  expressions, 
ce  n'est  que  dans  le  mauvais  sens  qu'elles 
peuvent  avoir,  c'est-à-dire  en  les  entendant 
de  la  divinité  même  ;  il  ne  les  combat  que 
dans  le  sens  que  l'on  appelle  réduplicatif , 
comme  qui  dirait  :  Dieu  a  souffert  en  tant 
que  Dieu.  Mais  il  avoue  que  la  personne  qui 
a  soufi'ert  était  Dieu,  quoiqu'elle  n'ait  point 
souffert  en  tant  que  Dieu  '^,  mais  en  tant 


•  Nos  quippe  unum  etiam  post  incarnationem  Dei 
Filiitm  adoramus,  et  eos  qui  aliter  sapiant,  impios 
vocamits.  Idem,  Epist.  104j  pag.  976. 

2  Et  primiis  quidem  {dialogus)  immutabilem  esse 
imigeniti  Filii  divinitaiem  contendot.  Idem,  praetat.  m 
Dialog.,  pag.  3^  tom.  IV.  Si  non  carne  assumpia  caro 
factus  dicitur,  duorum  alterum  ajfirmari  necesse  est 
vel  ipsmn  in  carnem  mutatum  esse,  vel  opinione  tanlmn 
ialem  visum  esse,  rêvera  autem  carnis  expertem  esse 
Deum.  Idem,  ibid.,  pag.  7.  Si  ergo  una  est  Trinitatis 
subsiantia,et  heec  immutabilis  est ,  immuiabilis  utique 
est  nnigenitus  Fitius,  qui  una  est  Trinitatis  persona. 
Quûd  si  immutabilis  est,  non  immutatus  videlieet  caro 
factus  est,  sed  carne  assumpta,  caro  factus  dicitur. 
Idem,  in  Demonstrat.  per  sxjllog.,  pag.  176. 

^  Sciendum  est  ergo  duas  esse  Christi  Domini  natu- 
ras  :  et  quod  aliquando  quidem  Scriptura  eum  ab  hu- 
mana  nalura  nominat,  aliquando  a  divina,  sive  enim 
Deum  dixerii,  non  negat  humanitatem ;  sive  hominem 
nominaverit,  una  confiteiur  divinitatem.  Théodoret., 
in  Epist.  1  ad  Corinih.,  pag.  200,  tom.  III. 

'  Nos  enim  divinitatis  et  humanitaiis  talem  prœdi- 
camus  unionem,  ut  unam  pei^sonam  indivisam  intelli- 
gamus,  eumdemque  Deum  et  hominem  agnoscamus,  vi- 
sibilem  et  invisibilem,  circumscriptum  et  incircum- 
scriptum,  et  alia  omnia,  quœ  divinitatem  et  humani- 
tatem désignant,  uni  personœ  accommodamus.  Idem, 
Dialog.  3,  pag.  136,  tom.  IV. 

5  Nec  carnem  a  Deo  Verbo  separamus,  nec  confusio- 
nem  facimus  unionem.  Idem,  Dialog.  2,  pag.  68.  Qui 
unam  divinitatis  el  humanitatis naturam post  unionem 
factam  essecredunt,  naturarum.proprietaies  hac  ratione 
iollunt  :  liaruyn  vero  ablatio  utriumque  naturœ  est  ne- 
gatio.  Non  sinit  enim  unitorum  confusio,  nec  carnem 
carnem  intelligere,  nec  Deum  Deum.  Sin  autem  mani- 
festa est  etiam  post  unionem  unitorum  differentia, 
nequaquam  facta  est  confusio,  sed  inconfusa  est  unio. 


Hoc  vero  conce.sso,  non  una  est  natura  Christus  Domi- 
nus,  sed  unus  Filius  naturam  utramque  iniegram  os- 
tendens.  Idem,  Demonst.  per  syllog.,  pag.  179.  Secun- 
dus  autem  {dialogus)  inconfusam,  Deo  bene  juvante, 
Christi  Domini  divinitatis  et  humanitatis  unionem 
fuisse  ostendit.  Idem,  praefat.  Dialog.,  pag.  3. 

^  Ego  dico  monsisse  divinitaiem,  ab  hac  vero  ab- 
sorpiam  esse  humanitatem.  Ut  more  mellis  guttam  si 
accipiat,  statim  enim  gutta  illa  evanescii  maris  aquœ 
permixta.  Idem,  Dialog.  2,  pag.  77. 

'  Eran.  Non  recte  designavi.  Postquam  enim  a  mor- 
tuis  resurrexit,  caro  mutationem  in  divinitatis  natu- 
ram sortita  est.  Idem,  ibid.,  pag.  79. 

8  Eran.  Deus  igitur  passionem  sustinuit.  Ovlhod.  Si 
sine  corpore  cruci  affixus  est,  divinitati  passioiiem 
tribue.  Cum  autem  carne  assumpta  homo  factus  sit, 
cur  id  quod  paiibile  est  paii  non  sinis,  et  impatibilis 
subjicis  passioni?  Idem,  Dialog.  3,  pag.  117. 

9  Quomodo  igitur  Deum  Verbum  dicitis  mortem  gus- 
tasse?  Si  etiim  quod  immortale  creatum  est,id  visum 
est  morlale  fieri  non  passe  ;  quomodo  fieri  potest,  ut 
qui  non  creatus  et  ah  œterno  est  immortalis,  morta- 
lium  et  immortalium  naturarum  conditor,  morti  sit 
obnoxius?  Idem,  Dialog.  3,  pag,  120. 

"•  Eran.  Ego  assentior  Apostolo,  qui  Dominum  glo- 
riœ  crucifixum  vocut.  Orth.  Et  ego  assentior,  et  credo 
esse  Dominum  gloriœ.  Non  enim  hominis  ulicujus 
communis,  sed  Domini  gloriœ  corpus  ligno  affixum 
fuit.  Dicendum  est  autem  unionem  nomina  facere 
communia.  Idem,  Dialog.  3,  pag.  Ibl. 

11  Dupin,  sur  Théodoret,  pag.  242. 

12  Ergo  ut  homo  passionem  sustinuit,  ut  Deus  pati 
non  potuit...  Quia  corpus  quod  passum  est,  ipsius  cor- 
pus erat.  Idem,  Dialog,  3,  pag.  124  et  12b.  Nec  ut 
Deus  passus  est ,  sed  ut  homo.  Idem ,  in  Epist.  ad  Hebr., 
cap.  II,  pag.  407. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V=  SIÈCLE,] 

qu'homme.  La  nature  divine  n'a  pu  souffrir'; 
mais  le  corps  que  le  Verbe  a  pris  a  souffert. 
«  Jésus-Clirist^,  dit  cet  interprète,  n'estpoint 
un  pur  homme  :  il  est  Dieu  et  homme  tout 
ensemble;  nous  en  avons  fait  plusieurs  fois 
profession.  Il  a  souffert  en  tant  qu'hommO;, 
et  non  en  tant  que  Dieu.  » 

8.  Le  Verbe  divin  s'est  fait  homme  ^  afin 
de  renouveler  la  nature  corrompue.  Comme 
l'homme  entier  avait  péché,  il  a  pris  sa  na- 
ture entière.  S'il  n'eût  pris  que  le  corps  pour 
couvrir  sa  divinité,  il  lui  eût  été  facile  de  se 
rendre  visible  sans  ce  corps,  comme  autre- 
fois il  apparut  à  Abraham  et  aux  autres  pa- 
triarches. Il  pouvait  encore  *,  sans  s'incarner, 
sauver  les  hommes  et  détruire  par  sa  seule 
volonté  la  puissance  de  la  mort  ;  mais  il  a 
voulu  ^  que  la  nature,  qui  a  été  vaincue , 
combattit  aussi  son  adversaire,  c'est-à-dire 
le  démon,  et  qu'elle  remportât  sur  lui  la 
victoire.  C'est  pour  ce  sujet  qu'il  a  pris  un 
corps  ^  et  une  âme  raisonnable.  Saint  Luc 
nous  enseigne  que  Jésus-Christ  croissait  en 
âge,  en  sagesse  et  en  grâce  devant  Dieu  et  de- 

'  Nam  divina  naiura  pati  non  potinl,  sed  corpus 
passum  est.  Theodoret.,  interpret.  in  Cantic.  Cantic, 
pag.  1057. 

2  Eran.  Homo  ergo  tantum  est  Chrisius?  Orth.  Ahsit. 
Conirarium  sœpe  diximus,  quod  non  solum  homo  sit, 
sed  etiam  Deus  œternvs.  Passus  est  autem  ut  homo, 
non  ut  Deus.  Idem,  Dialog.  3,  pag.  141. 

'  Deus  enim  Verbum  homo  factus  est,  Christus  Jé- 
sus nominatus  est:  homo  autem  factus  ut  corruptam  a 
peccato  jiaturam  renovaref .' Propferea  toiam  quœ  pec- 
carat  assumpsit,  ut  toti  mederetur.  Non  enim  ad  di- 
vinitatis  integumentum  corporis  naturam  assumpsit, 
facile  namque  ipsi  erat  etiam  sine  corpore  videri  qiie- 
madmodum  olim  visus  est  ab  Abraham,  et  Jacob,  et 
aliis  sanctis.  Theodoret.,  lib.  V  Hœret.  Fahul.,  pag. 
279,  tom.  IV. 

^  Erat  illi  quidem  facillimum,  vel  citra  carnis  in- 
volucrum,  hominiim  salutem  perficere,  solaque  volun- 
tate  mortis  potestatem  dissolvere.  IdeiUj  serm.  6  de 
Prcmid.,  pag.  578. 

s  Sed  voluit  ut  natura  ipsa  quœ  victa  fuerat,  de- 
bellaret  adversarium,  et  victmnam  referret.  Idem, 
lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  279. 

^  Eamque  ob  causant  et  corpus  et  animam  ratione 
prœditam  assumpsit.  Idem,  ibid. 

'  Hœc  autem  sufjîciunt  ad  ostendendum  perfectam 
illum  naturam  humanam  assumpsisse,  ideoque  et  fi- 
lium  David  et  filium  Abrahœ,  et  filium  hominis  et 
hominem,  et  Adam,  et  Jacob,  et  Israël  esse  appella- 
tum.  Sicut  enim  perfectus  erat  Deus,  ita  et  perfecius 
homo  perfectam  hominibus  salutem  prœbuit.  Idem, 
ibid.,  pag.  287. 

*  Quod  autem  quam  suscepit  naturam  suscitaverit, 
festatur  ipse  Apostolus ,  et  manus  et  pedes  ostendens  ; 
testantur  et  Thomœ  digiti,  qui  vulnera  contreciarunt. 
Idem,  ibid. 

'  Divinitas  autem  ab  humanitate  separata  non  est. 


117 

vaut  les  hommes.  C'est  le  corps  qui  croît  en 
âge,  et  l'âme  en  sagesse.  La  divinité  ne  reçoit 
aucun  accroissement,  le  Verbe  étant  parfait 
en  tout.  C'est  avec  raison  que  le  saint  évan- 
géliste  a  joint  l'accroissement  de  l'âge  à  celui 
de  la  sagesse,  parce  qu'à  mesure  que  le  corps 
croissait  en  âge,  la  nature  divine  donnait  de 
plus  grandes  marques  de  sagesse.  Le  Verbe 
a  pris  une  nature  ''parfaite,  il  a  ressuscité 
cette  vertu  '  et  n'en  a  pas  été  séparé  ^  ni  sur 
la  croix,  ni  dans  le  sépulcre;  mais  comme  la 
divinité  est  immortelle  et  immuable,  elle  n'a 
ni  souffert  la  mort  ni  la  passion. 

9.  Moïse  ne  dit  rien  des  anges  '"  dans 
l'histoire  de  la  création,  parce  que  les  Juifs, 
dont  la  vertu  n'était  ni  solide  ni  constante, 
n'auraient  pas  manqué  d'en  faire  des  dieux, 
portés  comme  ils  l'étaient  à  l'idolâtrie.  Ces 
esprits  célestes  ont  été  *'  créés  en  même 
temps  que  le  monde.  Rien  même  n'empêche 
de  dire  que  leur  création  a  précédé  '^  celle 
du  ciel  et  de  la  terre.  Leur  nombre  monte  à 
plusieurs  .millions  '3.  Hs  sont  immortels  '*  et 
incorporels  '=.  C'est  sans  fondement  que  quel- 

nec  in  cruce^nec  in  sepulcro,  sed  cum  sit  immortalis 
et  immutabilis,  nec  mortem  nec  passionem  sustinuit. 
Idem,  ibid.,  pag.  288. 

'»  Quilege  regebantur  solidœvel  constantis  virtutis 
nihil  haliebant.  Mox  enim  post  plura  et  ineffabilia 
miracula,  imaginem  vituli  Deum  desiynaverunt.  Quod 
si  tam  facile  Deos  finxerunt  e  jumentorum  simulacris, 
quid  non  perpetraturi  fuissent,  invisibilis  naiurœ  no- 
titiam  assecuti?  Idem,  qusest.  2  in  Gènes.,  pag.  3 
et  4,  tom.  I. 

"  Verisimile  autem  est  angelos  una  cum  cœlo  et 
terra  crcaios  esse.  Theodoret.,  quaest.  4  in  Gènes., 
pag.  6. 

*^  Illud  porro  scire  necesse  est  omnia  quœcumque 
exstani,  excepta  sancta  Trinitate,  naturam  halierc 
creatam.  Hoc  autem  concesso,  ii  quis  angelorum  turbas 
ante  cœlum  et  terram  conditas  esse  dixerit,  non  offen- 
det  verbum  pietatis.  Idem,  ibid. 

13  Multas  porro  angelorum  esse  mijriadas  divina 
docet  Scriptura.  Millia  enim,  inquit,  millium  minis- 
trabant  ei,  et  decies  millies  centena  millia  assiste- 
bant  ei.  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  267. 

1'  Naturam  incorpoream  carnes  non  habere,  neque 
angelos  vitam  habere  tempore  definitam,  immortales 
enim  creati.  Idem,  quaest.  47  in  Gènes.,  pag.  38. 

'2  Quare  licet  expertem  corporum  fateamur  angelo- 
rum esse  naturam,  circumscriptam  tamen  illorum 
substantiam  dicimus.  Idem,  queest.  3  in  Gènes.,  pag.  5. 
Videntur  autem  earum  non  naturœ,  sunt  enim  hœ  in- 
corporeœ;  sed  prout  in  singulis  est  opus,  illarum  spe- 
ciem  conformât,  qui  et  illorum  ac  rerum  omnium  est 
Dominus.  Idque  nos  aperte  divina  Scriptura  docet,  di- 
versas  earum  figuras  ostendens.  Aliter  enim  cas  vidit 
Daniel,  aliter  Ezechiel,  et  Esaias  et  Michœas,  aliis  et 
aliis  figuris.  Idem,  comment,  ùi  cap.  i  Zachar.,  pag. 
886. 


Sur  les  An- 
pes  et  les  Dé- 
mons. 


H8 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ques  anciens  ont  cru  que,  par  les  anges,  il 
fallait  entendre  les  enfants  de  Dieu,  dont  il 
est  dit  dans  la  Genèse  *  qu'ils  eurent  com- 
merce avec  les  filles  des  hommes.  Par  ces 
enfants  de  Dieu,  l'Ecriture  entend  les  des- 
cendants de  Seth,  qui  s'allièrent  avec  les 
filles  des  hommes,  c'est-à-dire  avec  les  filles 
de  la  postérité  de  Caïn.  Le  ministère  des  an- 
ges est  de  chanter  ^  les  louanges  de  Dieu. 
Leur  langage  ^  n'est  point  sensible ,  mais  in- 
tellectuel. C'est  une  opération  de  leur  esprit, 
par  laquelle  ils  louent  Dieu  et  se  communi- 
quent réciproquement  leurs  pensées.  Dieu  se 
sert  *  de  leur  ministère  pour  combler  de  bien- 
faits ceux  qui  en  sont  digues,  et  pour  punir 
ceux  qui  méritent  des  châtiments.  Il  en  a 
destiné  quelques-uns  pour  présider  ^  aux  na- 
tions, d'autres  pour  la  garde  de  chaque 
homme,  afin  d'empêcher  les  démons  de  leur 
nuire.  On  voit  ^  que  l'ange  dont  il  est  parlé 
dans  le  premier  chapitre  de  Zacharie,  était 
tout  contrit  et  plein  de  douleur,  de  ce  que  le 
peuple  qu'il  avait  sous  sa  garde,  se  trouvait 
accablé  de  misère,  tandis  que  les  autres  na- 
tions vivaient  dans  la  paix  et  dans  l'abon- 
dance. Le  diable  et  les  démons  ne  sont  pas 
mauvais  '  de  leur  nature  ,  mais  par  leur  vo- 
lonté. Dieu  les  avait  créés  bons  ^;  ils  se  sont 
portés  volontairement  au  mal.  Tombés  dans 


l'orgueil  et  dans  l'amour  de  l'indépendance, 
ils  déchurent  de  l'état  de  gloire  où  ils  avaient 
été  créés.  Quoique  incorporels  ',  ils  ont  cou- 
tume de  tromper  les  hommes  en  se  montrant 
à  eux  sous  différentes  formes.  Nous  ne  don- 
nons point  aux  anges  '"  le  nom  de  Dieu  ;  nous 
ne  leur  attribuons  point  un  culte  divin,  et  ne 
partageons  pas  l'adoration  entre  eux  et  Dieu. 
Nous  les  croyons  plus  dignes  d'honneur  que 
les  hommes,  tout  en  les  regardant  comme 
nos  compagnons  de  service. 

Théodoret,  en  expliquant  ces  paroles  de 
saint  Paul  :  Que  nul  ne  vous  ravisse  le  prix  coiosj.  h.k 
de  votre  course  en  affectant  de  paraître  humble 
par  un  culte  superstitieux  des  anges,  remar- 
que "  que  ceux  qui  défendaient  la  loi,  soute- 
naient qu'il  fallait  adorer  les  anges,  par  les- 
quels la  loi  avait  été  donnée  ;  que  cet  abus 
avait  subsisté  longtemps  dans  la  Phrygie  et 
dans  la  Pisidie  ;  que  ce  fut  pour  cette  raison 
que  le  concile  de  Laodicée  défendit  de  prier 
les  anges.  Il  ajoute  que  l'on  voyait  encore  de 
son  temps,  dans  les  mêmes  provinces,  et  chez 
leurs  voisins,  des  oratoires  de  saint  Michel, 
et  que  les  auteurs  de  ce  culte  l'autorisaient, 
en  disant  que  le  Dieu  de  l'univers  ne  pouvant 
être  ni  vu,  ni  touché,  ni  compris,  il  fallait 
gagner  sa  faveur  par  le  moyen  des  anges. 

10.   Avant  la  grâce,  la  loi  ne  faisait  que   sur  la  Loi. 


1  IdeiB,  qusest.  47  in  Gènes.,  pag.  38  et  seq.,  et  lib.  V 
Hœret.  Fabul.,  pag.  266. 

2  Ministerium  autem  angelorum  est  hymnorum  de- 
cantatin.  Théodoret.,  Xûi.y  Hœret.  Fahul.,  pag.  267. 

^  Angelorum  autem  linguas  dicit,  non  quœ  sensu, 
sed  quœ  infelligentia  percipiuntur,  per  quas  et  uni- 
versorum  Deum  laudant,  et  inter  se  colloquuntur. 
Idem,  in  Epist.  ad  Cor.,  cap.  xii,  pag.  185. 

*  Angelorum  autem  ministerio  imiversorum  Deus 
dignos  tiomines  beneficiis  afficit  et  indignos  plectit. 
Idem,  in  Psalm.  au,  pag.  809. 

^  Cum  Ctiristus  Dominus  dixerit  singulos  homines 
subesse  singutorum  angelorum  proeurationi  :  quin 
etiam  euique  genti proprium  angelum  prœesse  affirmât 
Scriptura.  Idem,  qujest.  3  in  Gènes,,  pag.  5.  Conjec- 
tura est,  et  angelos  quosdam  gentibus  prœesse,  et  qui- 
busdam  singutorum  ftominum  créditant  curam  esse, 
ne  eos  tœdant  damnove  officiant  infesti  dœmones.  Idem, 
lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  268. 

6  Quo  audito,  angélus,  eut  populi  mandata  erat 
prœfectura,veliementer  indignatus,  quid  omnibus  pace 
fruentihus,  poputus  sibi  subdiius,  in  œrumnis  adhuc 
innumeris  versaretitr,  supplexDominum  obsecrat.  Idem, 
in  Zacliar.,  cap.  i,  pag.  887. 

'  Voluntate  vAique  malus  est  diabolus,  et  qui  ejus 
sunt  parlium.  Théodoret.,  lib.  V  Hœretic.  Fabul., 
pag.  269. 

8  Hos,  inquam,  nos  nequaguam  ab  i?iitio  malos  fuisse 
a  Deo  universorum  créâtes  perhibemus,  neque  talem 
sortitos  naturam  fuisse,  sed  vitio  voluntatis  a  melio- 


ribus  ad  pejora  corruisse.  Cum  enim  clatis  sibi  mune- 
ribus  contenti  non  essent,  sed  aliiora  appelèrent,  su- 
perbiœ  labem  contraxisse,  et  dignitale  qua  honestati 
ab  initio  fuerant,  excidisse.  lAem,  serm.  3  de  Angelis, 
pag.  524  et  525. 

s  Incorparea  quidem  est  natura  dœmonum,  sed  ho- 
mines decipere  soliti,  aliénas  iltis  quasdam  formas 
ostentant.  Idem,  in  Isai.,  cap.  siv,  pag.  62. 

'"  Ego  vero  fateor  equidem  docere  nos  divinam 
Scripturam  esse  quasdam  invisibiles  potestales,  et 
Creatorem  laudantes,  et  divinœ  ejus  votuntali  obse- 
quentes.  Hos  tamen  deos  non  appellamus,  nec  divinum 
illis  cullum  Iribuimus,  nec  in  Deum  verum  et  istos 
divinam  adorationem  partimur  ;  sed  hos  quidem  plu- 
ris  esse  quam  homines  putamus,  at  conservas  tamen 
opinamur.  Idem,  serm.  3  de  Angelis,  p.  522. 

n  Nemo  vos  fraudet  pTEemio.  Volens  in  humilitate 
et  reUgione  angelorum,  quœ  non  vidit  ambulans, 
frustra  inflatus  sensu  carnis  sua;.  Qui  legem  defende- 
bant,  eos  etiam  ad  angelos  colenclos  inducebant,  di- 
cenies  legem  fuisse  per  eos  datam.  Mansit  autem  per- 
diu  hoc  vitium  et  Phrygia  et  Pisidia.  Proinde  synodus 
quœ  convenu  apud  Laodiceam  Phrygiœ,  lege  prohibuit 
ne  precarentur  angelos.  Et  in  hodiernum  usque  diem 
oratoria  sancti  Michaelis  apud  illos  illorumque  frui- 
tiones  videre  est.  Illi  ergo  humilitate  ducti  lioc  fieri 
suadebant,  dicentes  universorum  Deum  nec  cerni,  nec 
attingi,  nec  comprehendi  passe,  et  oportere  per  angelos 
divinam  sibi  benevolentiam  conciliare.  Théodoret.,  in 
Epist.  ad  Coloss.,  cap.  u,  vers.  18,  pag.  355. 


[V   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


montrer  ce  qu'il  fallait  faire  '  ;  mais  elle  ne 
donnait  aucun  secours  à  ceux  à  qui  elle  était 
imposée.  La  grâce,  au  contraire,  donne  du 
secours  pour  accomplir  les  lois  en  même 
temps  qu'elle  les  établit.  Cette  loi  a  été  pla- 
cée -  entre  Abraham  et  Jésus- Christ  ;  elle  a 
fait  connaître  plus  clairement  quelle  est  la 
mahce  du  péché  ;  mais,  loin  de  la  réprimer, 
elle  l'a  en  quelque  sorte  augmentée  ;  car  plus 
elle  a  donné  de  préceptes,  plus  il  y  a  eu  de 
prévaricateurs  :  ce  n'est  pas  que  la  loi  soit 
mauvaise  ^  ;  elle  était  bonne,  mais  impuis- 
sante, faible  et  infirme,  faite  pour  des  hom- 
mes d'une  nature  fragile.  Dans  la  loi  nou- 
velle ,  nous  avons  reçu  par  le  saint  baptême 
un  gage  de  l'immortalité.  L'Apôtre  dit  donc 
que  la  loi  *  n'ayant  pu  atteindre  à  son  but,  à 
cause  de  la  faiblesse  de  ceux  à  qui  elle  était 
donnée,  le  Verbe  de  Dieu  fait  homme  a  dé- 
truit et  anéanti  le  péché  par  la  chair  hu- 
maine qu'il  a  prise.  Par  une  suite  nécessaire, 
les  sacrifices  de  la  loi  judaïque  ^  ont  été  abo- 
lis, parce  qu'ils  ne  pouvaient  purifier  la  cons- 
cience de  ceux  qui  s'en  approchaient. 

H.  Quoique  Dieu  voie  de  loin  toutes 
choses,  il  n'impose  pas  aax  uns  ^  la  néces- 
sité de  pratiquer  la  vertu,  ni  aux  autres  celle 
de  vivre  dans  le  vice  ;  s'il  contraignait  à  la 
vertu  ou  au  vice,  il  ne  pourrait  punir  ni  ré- 
compenser avec  justice  ;  mais  juste  comme 


119 

il  l'est,  il  se  contente  d'exhorter  au  bien,  et 
de  défendre  le  mal;  de  louer  ceux  qui  vivent 
dans  la  piété,  et  de  punir  ceux  qui  se  laissent 
aller  au  péché.  Pour  montrer  en  quel  sens  il 
est  dit  que  Dieu  endurcit  le  cœur  de  Pharaon, 
il  rapporte  cet  exemple  familier  '  :  «Comme 
on  dit  que  le  soleil  fond  la  cire  et  qu'il  en- 
durcit la  boue,  quoiqu'il  n'y  ait  en  lui  qu'une 
seule  vertu ,  qui  est  celle  d'échauffer  ;  de 
même  la  bonté  et  la  patience  de  Dieu  produit 
deux  effets  contraires;  elle  est  utile  aux  uns, 
elle  rend  les  autres  plus  coupables.»  C'est  ce 
que  Jésus-Christ  a  déclaré  dans  l'Evangile, 
en  disant  qu'il  est  venu  au  monde  pour  exer- 
ce?' un  jugement,  afin  que  ceux  qui  ne  voient  pas, 
voient,  et  que  ceux  qui  voient,  deviennent  aveu- 
gles. Le  dessein  de  Jésus-Christ  n'est  point 
d'aveugler  ceux  qui  voient,  puisqu'il  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  et  qu'ils 
viennent  à  la  connaissance  de  la  vérité  :  mais 
il  marque  par  ces  paroles  ce  qui  est  arrivé. 
L'homme  étant  libre  de  sa  nature,  ceux  qui 
ont  cru  se  sont  sauvés,  et  ceux  qui  n'ont  pas 
cru  ont  été  eux-piêmes  les  auteurs  de  leur 
damnation.  C'est  en  ce  sens  que  Judas,  qui 
était  éclaii'é,  parce  qu'il  était  apôtre,  esf  de- 
venu aveugle.  C'est  encore  encore  en  ce  sens 
que  saint  Paul,  qui  était  aveugle,  a  reçu  la 
vue.  C'est  ainsi  que  les  Juifs  ont  été  aveu- 
glés, et  les  Gentils  éclairés.  Dieu  dit  dans 


'  Non  enim  sub  lege  estis,  sed  sub  gratia.  Docet 
enim  quod  ante  gratiam  lex  solum  docebaf,  quid  esset 
agendum;  Us  aiitem,  quibus  imponehaiur,  nullum  au- 
xilium  afferebat.  Idem,  in  Epist.  ad  Rom.,  pag.  48. 

2  Inter  Abraham  autem  et  Christum  lex  média  in- 
gressa  est.  Hœc  autem  exactius  docuit  peccatum  ma- 
lum  esse  ;  ipsum  autem  compescere  non  potuit,  sed 
etiam  magis  auxit.  Quo  emm  plura  prcecepta  data 
su7it,  eo  plures  transgressiones  fiienmt.  Idem^  ibid., 
pag.  44. 

3  Non  est  ergo  mala  lex,  sed  bona  quidem ,  verum 
impotens.  Imbecitla  autem  erat,  quœ  mortali  natura 
prœditis  jura  daret.  In  prcesentia  enim,  per  sanctum 
baptismum  arrham.immortalitatis  accipimus.  Idem, 
ibid.j  in  cap.  vm,  pag.  60. 

*  Dicit  autem  (Apostolus)  quod  cum  lex  non  potuis- 
se.t  suum  institutum  implere,  propter  eorum  quibus  lex 
dabatur  imbecillitatem.  [hahebant  enim  morialem  etpa- 
tibilem  naturam),  unigenitum  Dei  Verbum  humo  fac- 
tum,  per  humanam  carnem  peccatum.  fregit  ac  profli- 
gavit.  Idem,  ibid. 

^  Idcirco  nia  finem  accipiunt,  ut  quœ  non  possint 
puram  redderc  conscientiam.  Idem,  in  Epist.  ad  He- 
brœos,  cap.  vni,  vers.  8,  pag.  438. 

^  Deus  autem  universorum  omnia  procul  videt  ut 
Deus ;  non  tamen  huic  offert  necessitatem  ut  virtutem 
exerceat,  illi  autem  ut  otiosam  vitam  agat.  Etenim  si 
ad  utrumvis  eorum  ipse  vim  affert,non  jure  vel  hune 
laudat  et  coronat,  vel  in  iltum  supplicium  decernit.  Si 


autem  justus  est  Deus,  ut  justus  certe  est,  adhortutur 
quidem  ad  ea  quœ  honesta  sunf,  et  prohibet  contraria, 
laudat  autem  eos  qui  bona  faciunt,  et  punit  eos  qui 
sua  sponte  vitium  amplectuntur.  Idem,  in  cap.  viii  ad 
Rom.,  pag.  69,  tom.  II. 

'  Cœterum.  ut  aliqua  adducta  similitudine  confro- 
versiam  dissolvamus,  sol  vi  caloris  sui  ceram  quidem 
tiquefacit,  lutum  vero  exsiccat;  et  illam  quidem  emol- 
lit,  hoc  autem  indurat.  Quemadmodum  ergo  sol  iste  una 
et  eadem  virtute  contraria  operatur;  sic  ex  longanimitate 
Dei  nonnulli  capiunt  utilitaiem,  alii  vero  damnum;  et 
illi  emoliuntur,  isti  vero  indurantur.  Quod  et  Domi- 
nus  declaravit  in  saais  Evangeliis  :  lu  judicium,  in- 
quii,  ego  in  bunc  mundum  veni,  ut  qui  non  vident, 
videant,  et  qui  vident,  caeci  iîant.  Non  quod  per  hoc 
declaratur  talem  fuisse  Domini  scopum.  Neque  enim 
hujus  rei  gratia  venit,  ut  reddat  eos  qui  vident  cœcos, 
sed  quod  factum  est  indicavit.  Ipse  enim  vult  omnes 
homines  salvos  fieri,  et  ad  agnitionem  veritatis  ve- 
nire.  Sed  cum  humana  natura  arbitrii  habeat  liberta- 
tem,  qui  crediderunt,salutem  sunt  consecuti  :  qui  vero 
non  crediderunt,  gehennœ  sibi  facti  sunt  auctores.  Sic 
et  Judas  cum  videret,si  quidem  Apostolus  erat,postea 
excœcutus  est  :  divinus  autem  Paulus,  cum  antea 
cœcus  esset,  postea  visum  recepit.  Sic  per  adventum 
Saluatoris  Judœorum  plurimi  excœcati  sunt,  gentes 
autem  visum  receperunt.  Tbeodoret.,  quaest.  12  in 
Exodum,  pag.  83. 


120 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ezéchiel  '  :  Je  vous  donnerai  un  cœur  nouveau. 
Cette  façon  de  parler  ne  détruit  en  aucune 
manière  le  libre  arbitre.  Dieu  a  persuadé  par 
sa  parole,  par  ses  œuvres  et  par  une  infinité 
de  miracles,  non-seulement  les  Juifs,  mais 
toutes  les  nations,  d'embrasser  la  piété.  Il 
ne  les  y  a  point  contraints,  et  toutefois  il  dit 
que  c'est  lui  qui  a  ôté  de  leur  chair  le  cœur 
de  pierre,  qu'il  leur  a  donné  un  cœur  de  chair 
et  son  esprit. 

12.  «  Le  succès  de  la  prédication  des  apô- 
tres 2  était  un  effet  de  la  grâce  de  Dieu  ;  s'il 
n'eût  coopéré,  tout  leur  travail  eût  été  inu- 
tile.» Théodoret  enseigne  que  c'est  de  la  puis- 
sance de  Dieu  que  nous  devons  tout  attendre. 
«  Il  n'y  a  ^  dit-il  à  Dieu,  que  vous  seul  qui 
puissiez  délivrer  les  affligés  de  toutes  leurs  mi- 
sères. Les  secours  des  hommes ,  si  vous  n'êtes 
présent  et  ne  les  favorisez,  sont  inutiles.»  C'est 
pourquoi  le  prophète  dit  :  Ce  sera  avec  Dieu  que 
nous  ferons  des  actions  de  vertu  et  de  courage. 
C'est  comme  s'il  disait  :  Implorons  son  assis- 
tance ;  appuyons-nous  sur  elle  ;  elle  suffit 
seule  pour  dissiper  toutes  les  afQictions  et 
renverser  la  puissance  de  nos  ennemis.  Sur 
ces  paroles  du  psaume  Lxi"  :  Mon  âme,  soyez 
soumise  à  Dieu,  car  il  est  votre  5aM?;eîM',  Théo- 
doret dit  que* cette  servitude  est  notre  salut, 
et  que  c'est  elle  qui  nous  sauve,  puisque  c'est 
Dieu  qui  donne  tous  les  biens,  et  qui  rend 


fermes  ceux  qui  chancellent.  Il  dit  ailleurs  ^ 
que  personne  ne  doit  se  réjouir  ni  se  com- 
plaire dans  ses  bonnes  actions  ,  mais  seule- 
ment dans  le  Seigneur,  comme  le  dit  l'a- 
pôtre :  Si  quelqu'un  se  glorifie,  qu'il  se  glorifie 
dans  le  Seigneur.  Dans  l'explication  de  ce 
verset  du  psaume  cxviiP  :  Seigneur,  j'ai  gardé 
vos  préceptes,  ne  m'abandonnez  pas  entièrement, 
il  remarque  ^  que  le  plus  souvent  la  grâce 
divine  abandonne  quelques-uns  pour  un  peu 
de  temps,  leur  procurant  par  là  un  grand 
bien  spirituel  pour  leurs  âmes.  C'est  ainsi 
que  le  grand  Elie  ayant  été  délaissé  de  Dieu, 
tomba  dans  la  timidité  et  dans  la  frayeur,  ce 
qui  lui  donna  lieu  de  reconnaître  la  faiblesse 
humaine  ;  mais  bientôt  après  il  reçut  de 
nouvelles  grâces.  C'est  ainsi  que  Pierre  tomba 
en  renonçant  son  maître  ;  mais  Dieu  le  releva 
peu  après.  Judas,  au  contraire,  dépouillé  en- 
tièrement de  la  grâce,  devint  aussitôt  la  proie 
du  démon.  C'est  donc  avec  grande  raison  que 
le  prophète  prie  de  ne  pas  être  délaissé  en- 
tièrement, afin  qu'il  ne  soit  pas  dépouillé  de 
la  grâce  de  la  divine  Providence. 

13.  Il  n'y  a  qu'une  Eglise  '  dans  tout  le 
monde  ;  c'est  pour  cela  que  dans  les  prières 
nous  prions  pour  l'unique,  sainte  Eglise,  ca- 
tholique et  apostolique.  Toutes  les  Eglises 
sont  réunies  en  une  seule,  parce  qu'elles 
s'accordent  toutes  dans  la  profession  des 


1  Et  dabo  vobis  cor  novum,  et  spiritum  novum 
dabo  vabis.  Per  hœc  mentis  mutationem  significavit. 
Ad  meliora  enim  cor  vesirum  inclinabit,  non  item  se- 
cundum  pristinam  consuetudinem  ad  détériora  pro- 
pendens.  Illiid  vero  dabo,  nequaquam  liberum  lœdit 
arbitrium.  Vcrbis  enim,  et  operibus,  et  infinitis  adhi- 
bitis  miraculis,  non  illis  fantum,  sed  etiam  omnibus 
gentibus,  ut  ad  pietaiem  accédèrent,  persuasit,  non 
,  coegit  ;  et  tamen  quamvis  non  coegerit,  sed  persua- 
serit,  se  ait  dédisse  animis  ad  meliora  propensio- 
neni  ;  quippe  ipse  auctor  hujusce  rei,  tum  his  quœ 
dixit,  tum  quœ  fecit  cffectus  :  Et  auferam  cor  lapi- 
deum  de  carne  vestra,  et  dabo  vobis  cor  carneum, 
et  spiritum  meum  dabo  in  vobis.  Idem^  in  cap.  xxxvi 
Ezechiclis,  pag.  500  et  501,  tom.  IL 

*  Ego  plantavi.  Primus  enim  vobis  prœdicavi.  Apollo 
rigavit.  Post  me  doctrinam  meam  confirmavit.  Sed 
Deus  incrementum  dédit.  Est  enim  ejus  gratiœ  quod 
res  féliciter  successif.  Itaque  neque  qui  plantât  est  ali- 
quid,  neque  qui  rigat,  sed  oui  incrementum  dat 
Deus;  nisi  enim  Deus  cooperetur,  noster  labvr  est  ina- 
nis.  Tlieodoret.,  in  Epiit.  1  ad  Corinth.,  pag.  132, 
tom.  Ht. 

3  Da  nobis  auxilium  ex  tribulatione,  vana  enim 
salus  liominis.  Fer  opem,  inqtiit,  maie  affectis,  quan- 
doquidem,  tu  solus  calamitates  solvere  potes,  auxilia 
autem  hominum,  curn  tu  non  faves,  vana  sunt.  Idcirco 
merilo  subjunxii  :  In  Deo  faciemus  virtutem,  et  ipse 
ad  nihilum  deduoet  tribulantes  nos.  Ejus  opem,  in- 


quit,  imploremus,  et  hoc  freti  simns.  Ipsa  namque  sala 
satis  est  ad  res  tristes  dissolvendas ,  atque  ad  inimi- 
corum  nostrorum  potentiam  evertendam.  Theodoret.j 
in  Psalm.  lis,  pag.  629,  tom.  I. 

*  Ista  servitus,  o  anima,  tibi  salutem  prœljet.  Nam 
ipse  est  Deus,  et  bonorum  omnium  largitor,  et  qui  po- 
test  eos,  qui  commoventur,  confîrmare.  Théodoret.,  in 
Psalm.  LXij  pag.  632. 

^  Nemo  igitur  suis  recte  factis  lœtatur,  sed  in  Deo 
exsultet,  et  hinc  voluptatem  capiat,et  hoc  verbis  apos- 
tolicis  convenu  :  Qui  gloriatur,  in  Domino  glorietur. 
Idem,  ibid.,  in  Psalm.  xxxi,  pag.  516. 

8  Sœpius  divina  Scriptura  nonnullos  ad  brève  tem- 
pus  deserit,  utilitatem  illis  hinc  procurans.  Sic  ma- 
gnus  Elias,  derelictus  cum  esset,  in  timiditatis  affee- 
tum  incidit,  et  humanœ  naturœ  imbecillitatem  didicit. 
Sed  confestim  divinam  iterum  nactus  est  gratiam.  Sic 
divinus  Petrus  negando  prolapsus  est,  sed  protinus 
Dominus  eum  suffulsit.  Destitutus  autem  penitus  di- 
vina ope  Judas  parata  prœda  diaboli  fuit.  Jure  igitur 
prophetaprecatur,  ne  delinquatur  usquequaque,  hoc  est, 
ne  providentiœ  gratia  spoliatur.  Idem,  iti  Psalm.  cxvui 
pag.  880. 

'  Vna  quidem  per  totum  orbem  atque  mare  est  Ec- 
clesia,  propterea  orantes  dicimus  :  Pro  sancta  et 
unica;  catholica  et  apostolica  Ecclesia,  quse  a  iinibus 
usque  ad  fines  terrie...  Simulque  omnes  in  unum  re- 
diguntur ,verorum  dogmatum  unitœ  consonantia.  Idem, 
in  Psalm.  XLvn,  pag.  580. 


\ 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


Sur  la  pri- 
mauté de 
saint  Pierre 
et  de  l'Eglise 
romaiue. 


[V  SIÈCLE.] 

mêmes  dogmes.  L'Eglise  *  est  appelée  par 
saint  Paul,  l'assemblée  des  fidèles;  elle  n'est 
pas  néanmoins  entièrement  composée  d'iiora- 
mes  parfaits  ^,  elle  renferme  aussi  des  pé- 
cheurs. Hors  de  l'Eglise,  il  n'y  a  point  de  sa- 
lut^, en  sorte  qu'il  n'est  pas  permis  de  s'en 
séparer,  même  à  cause  des  méchants.  Les 
audiens  disaient  qu'ils  fuyaient  *  la  commu- 
nion des  catholiques,  parce  que  les  uns  amas- 
saient de  l'argent  par  des  usures  infâmes  ; 
que  les  autres  vivaient  scandaleusement  avec 
des  femmes  qui  ne  leur  appartenaient  pas, 
et  que  ceux  qui  étaient  exempts  de  ces  dé- 
sordres, communiquaient  sans  crainte  avec 
ceux  qui  les  commettaient.  En  cela,  ils  imi- 
taient, d'un  côté,  l'orgueil  des  pharisiens,  en 
condamnant  ceux  qui  communiquaient  avec 
les  pécheurs,  comme  si  l'on  n'eût  pu  le  faire 
sans  se  souiller;  de  l'autre,  ils  se  condam- 
naient eux-mêmes,  puisqu'ils  tombaient  dans 
les  fautes  qu'ils  reprochaient  aux  catholi- 
ques. Ils  demandaient  encore  une  chose  im- 
possible, puisque,  quelque  exact  que  soit  un 
évéque,  il  ne  peut  condamner  les  coupables 
sans  avoir  des  preuves  et  des  témoins  de 
leurs  crimes;  ce  qui  ne  se  rencontre  pas  tou- 
jours. Ils  ne  pouvaient  pas  d'ailleurs  se  plain- 
dre que  l'Eglise  ne  condamnât  point  les  pé- 
cheurs convaincus  de  l'être  ;  car  on  voyait 
par  toute  la  terre  des  évêques,  des  prêtres  et 
des  diacres  dégradés  de  l'état  ecclésiastique 
pour  leurs  crimes. 

14.  Théodoret  donne  à  saint  Pierre  la  qua- 
lité de  prince  des  Apôtres  ;  mais  il  ne  craint 
point  de  dire  que  Dieu  ^  avait  permis  qu'il 
tombât,  même  après  avoir  posé  la  confession 


121 

comme  le  fondement  de  l'Eglise;  qu'ensuite 
il  l'avait  relevé,  pour  nous  apprendre  par  là 
deux  choses  :  l'une,  de  ne  nous  point  fier' 
à  nous-mêmes;  l'autre,  de  relever  ceux  qui 
tombent. 

Voici  comme  il  s'exprime  sur  la  grandeur 
de  l'Eglise  romaine,  en  écrivant  à  René  qui 
en  était  prêtre  :  «  Je  vous  prie  ^  de  persuader 
à  votre  saint  archevêque  d'user  de  son  auto- 
rité apostolique,  et  d'ordonner  qu'on  se  rende 
au  plus  tôt  à  son  concile.  Car  le  Saint-Siège 
a,  par  beaucoup  d'endroits ,  la  principauté 
sur  toutes  les  Eglises  du  monde,  principale- 
ment parce  qu'elle  n'a  jamais  été  tachée  par 
aucune  hérésie  ;  que  pas  un  de  ceux  qui  l'ont 
rempli  n'a  eu  de  sentiment  contraire  à  sa  foi, 
et  qu'elle  a  conservé  en  son  entier  la  grâce 
apostolique.  Outre'  ces  marques  d'honneur, 
elle  possède  les  sépulcres  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul,  les  Pères  et  les  maîtres  com- 
muns de  la  vérité  :  sépulcres  qui  éclairent  les 
âmes  de  tous  les  fidèles.  Ce  très-heureux  et 
ce  très-divin  couple,  s'étant  levé  première- 
ment dans  l'Orient,  a  fait  éclater  ses  rayons 
de  toute  part;  mais  il  est  venu  se  coucher  et 
mourir  dans  l'Occident,  d'où  il  éclaire  main- 
tenant toute  la  terre.  Ce  sont  ces  deux  apô- 
tres qui  ont  rendu  votre  siège  si  illustre  et  si 
vénérable  (il  parle  à  saint  Léon).  Mais  le 
Dieu  de  ces  mêmes  apôtres  a  honoré  leur 
trône  en  y  faisant  asseoir  votre  Sainteté  pour 
répandre  partout  la  lumière  de  la  foi  ortho- 
doxe. » 

13.  Soyez  *  évêques,  soyez  prêtres,  soyez 
moines,  vous  n'en  êtes  pas  moins  obligés  d'o- 
béir aux  magistrats.  Il  ne  faut  pas  toutefois 


Sur  l'obéis- 
sance due  aux 
puissauces. 


1  Ecclesiam  vocal  cœium  fidelium.  Idem,  in  Epist. 
ad  Ephes.,  pag.  298,  tom.  III. 

^  Prœterea  tiec  Dei  Eccleîia  ex  hominibus  perfectis 
iota  constat,  sed  habet  etiam  ignavos,  et  qui  remissam 
vitam  amplexi  sunt,  et  gui  voluptutibus  servira  decre- 
verunt.  Idem,  in  Psalm.  xux,  pag.  552. 

2  Etnobis  autem  salus  per  Ecclesiam  provenit  :  qui 
vero  sunt  extra  illam,  non  fruuntur  œterna  uîïa.  Idem, 
qusest.  2  in  Jesum  Nave,  pag.  197,  tom.  I. 

4  Idem,  lib.  IV  Hist.,  cap.  ix,  pag.  669,  et  lib.  IV 
Hœret.  Fabiil.,  cap.  x,  pag.  242. 

s  Quin  hac  etiam  de  causa  Christus  Dominus  noster 
aposlolorum  principem,  cujus  confessionem  velut  basim 
quamdam  et  fundamentum  Ecclesiœ  defixerat,  fluc- 
tuare  et  errare  permisit,  duo  eadeni  opéra  docens,  nec 
fidere  seipsis,  et  fluctuantes  firmare.  Idem,  Epist.  11, 
pag.  947. 

^  Quam  ob  causam  oro  Sanctitatem  tuam,  sanctissimo 
et  beatissimo  archiepiscopo  persuadeat,  ut  apostolica 
potestate  uiatur,  et  ad  concilium  vestrum  advolare 
prœcipiat.  Habet  enim  sanctissima  illa  sedes  Eccle- 
siarum  quœ  in  loto  sunt  orbe  priticipatum  multis  no- 


minibus,  atque  hoc  ante  omnia,  quod  ah  hœretica  iabe 
immunis  mansit,  nec  ullus  contraria  sentiens  in  illa 
sedif,  sed  apostolicam  gratiam  integram.  conseroavit. 
Idem,  Epist.  116  ad  Renatum,  pag.  989. 

■>  Habet  prœterea  communium  Patrum  magistro- 
rumque  veritatis  Pétri  et  Pauli  sepulcra,  fidelium 
animas  illuminantia,  quorum  beatissimum  uc  divinum 
par  in  Oriente  quidem  exortum  est,  et  radios  quaqua- 
versum  disiulit  :  sed  in  Occidente  vitœ  occasum  ultro 
subiit,  atque  inde  mine  orbem  universum  collustrat. 
Hi  sedeni  vesiram  nobilissimam  reddiderunt  :  hic  bo- 
norum  vestrorum  est  apex.  At  illorum  sedem  nunc 
etiam  illorum  Deus  illustravit,  dum  in  ea  Sanctitatem 
vestram  rectœ  fidei  radios  fundentem  constitua.  Idem, 
Epist.  113  ad  Léon.  Episc.  Rom.,  pag.  985. 

^  Sive  est  sacerdos  aliquis,  sive  antistes,  sive  monus- 
ticam  vitum  professus,  ils  cedat  quibus  mandati  sunt 
principatus.  Clarum  est  auiem  si  cum  pietate  :  non 
enim,  si  Dei  prœceptis  répugnent,  magistratibus  ob- 
sequi  permittitur.  Idem,  in  Epist.  ad  Rom.,  cap.  xui, 
pag.  99. 


122 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Snr  la  cir- 
concision et 
le  baptême. 


obéir  '  aux  princes  en  toutes  choses.  On  doit 
leur  payer  le  tribut  et  leur  rendre  l'honneur 
qui  leur  convient.  Mais  s'ils  nous  comman- 
dent le  mal,  nous  devons  leur  résister  ouver- 
tement. 

16.  Une  preuve  ^  que  la  circoncision  n'a 
été  donnée  aux  Juifs  que  pour  les  distinguer 
des  autres  peuples,  c'est  que  pendant  tout  le 
temps  qu'ils  demeurèrent  dans  le  désert,  sé- 
parés des  autres  nations,  aucun  d'eux  ne  fut 
circoncis.  D'ailleurs,  si  la  circoncision  eût 
conféré  la  justice,  il  faudrait  dire  que  les  Egyp- 
tiens et  les  Ismaélites,  qui  se  faisaient  circon- 
cire, ont  été  justes,  ce  qui  ne  se  peut,  puisque 
l'Ecriture  nous  les  représente  comme  des  im- 
pies. Ainsi  l'on  doit  dire  qu'Abraham  n'a  point 
été  justifié  par  la  circoncision,  mais  par  la 
foi,  et  que  la  circoncision  lui  a  été  donnée 
comme  le  signe  et  le  sceau  de  sa  foi.  Le  bap- 
tême, au  contraire  ^,  qui  a  succédé  aux  asper- 
sions des  Juifs,  n'est  pas  établi  seulement  pour 
remettre  les  péchés  passés,  mais  aussi  pour 
nous  faire  espérer  les  biens  promis,  en  nous 
faisant  participer  à  la  mort  et  à  la  résurrec- 
tion de  Jésus-Christ ,  et  en  nous  rendant  les 
enfants  de  Dieu  etles  héritiers  de  son  royaume. 
Ceux  qui  croient  en  Jésus-Christ  *  viennent 


au  baptême  et  reçoivent,  par  l'imposition  des 
mains  du  prêtre,  la  grâce  du  Saint-Esprit. 
On  leur  ordonne  d'apprendre  ^  la  foi  de  Ni- 
cée,  et,  après  les  avoir'instruits,  on  les  bap- 
tise au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Es- 
prit, en  nommant  en  particulier  chacune  de 
ces  personnes.  Arius  ^  souhaitait  de  changer 
l'invocation  de  la  Trinité  dans  la  forme  du 
baptême  ;  mais  il  n'osa  l'entreprendre,  n'étant 
pas  assez  hardi  pour  s'opposer  au  texte  for- 
mel de  l'Evangile.  Il  conserva  donc  les  termes 
de  cette  invocation  dans  le  baptême,  quoiqu'il 
en  ruinât  le  sens.  Mais  Eunomius  '  ôta  en 
même  temps  la  triple  immersion  et  l'invoca- 
tion de  la  Trinité,  voulant  qu'on  ne  plongeât 
qu'une  fois  le  néophyte,  en  mémoire  de  la 
mort  de  Jésus-Christ.  Ses  disciples  ne  vou- 
laient point  que  l'eau  dn  baptême  touchât  les 
parties  qui  sont  au-dessous  de  l'estomac,  les 
estimant  impures;  superstition  qui  les  obli- 
geait à  des  choses  tout-à-fait  ridicules,  que 
Théodoret  rapporte  comme  lés  ayant  apprises 
de  ceux  qui  avaient  quitté  cette  hérésie.  Saint 
Epiphane  remarque  ^  qu'en  baptisant,  ils  plon- 
geaient la  tête  en  bas  et  tenaient  les  pieds 
élevés  en  l'air.  Les  novatiens  '  ne  faisaient 
point  l'onction  du  chrême  à  ceux  qu'ils  bap- 


1  Neque  enim  principibus  in  omnibus  pa7'endum  est; 
sed  vectigal  quidem  et  tribulum  conferendum  est,  et 
honor  gui  eis  convenii  tribuendus  :  at  si  ut  impie  agas 
jusserint,  aperte  contradicendum.  Ideuij  in  Epist.  ad 
Tit.,  cap.  m,  pag.  513. 

2  Cum  Deus  prœdixisset  incolatum,  pietati  cuslodiam 
aliquam  molitur  :  ne  hominibus  impiis  permixti  ma- 
culent nobilitatem,  sed  in  signum  intuentes,  itidelebi- 
lem  memoriam  ejus  qui  dédit  illud  conservent.  Atque 
hoc  esse  verum,  tesiatur  desertum.  Nam  cum  in  eo 
degerent  quadraginta  annos,  superfluam  existimabant 
circumcisionem  :  nempe  a  cœteris  gentibus  segregati, 
et  guod  secum  inter  se  versarentur...  Erant  enim  futuri 
proximi  popiilis  alietiigenis.  Quamobrem  indigebant 
necessario  signo  quodam,  guod  illos  distingueret  ab 
alienigenis  nationibus.  Quod  si  Judœi  gloriantur  de 
circumcisione,  discant  et  certo  sciant,  quod  non  solus 
palriarcha  circumcisus  est,  sed  etiam  Ismael  servi 
serons,  et  vernaculi,  et  pretio  empli  servi,  et  Idumœi, 
et  qui  ex  Chettura  orti  sunt.  'Quin  et  JEgyptii  quoque 
didicerunt  ab  Israelitis  circumddi.  Non  igitur  circum- 
cisio  justos  reddit.  Isti  enim  omnes  tanquam  impii,  a 
divina  Scriptura  notantur.  Ergo  neque  Abraham  cir- 
cumcisio  justificavit ,  sed  fides  illum  justum  declara- 
vit,  et  illustriorem  reddidit  virtus.  Circumcisio  autem 
data  est  velut  signum  fidei.  Id.,  quaest.  68  in  Gènes., 
pag.  53. 

3  Pro  mis  autem  aspersionibus  sufpcit  lis  qui  cre- 
dunt  donuni  sanctissimi  baptismaiis.  Non  solum  enim 
remissionem  donat  veterum peccatorum,  sed spem  etiam 
ingerit  promissorum  bonorum,  mortisque  dominicœ,et 
resurrectionis  efficit  participes,  et  doni  spiritus  parti- 
cipationem  largitur,  et  fitios  Dei  reddit,  nec  filios  so- 


lum, sed  et  hœredes  Dei,  et  cohœredes  Christi.  Idem, 
lib.  V  Hœrei.  FabuL,  cap.  xvill  de  Bapt.,  pag.  292. 

*  Qui  enim  crediderunt,  horum  tetrum  odorem 
abhorrentes  et  pœnitentia  utentes,  accedunt  ad  divi- 
num  baptismum,  et  per  manum  sacerdotalem  spiritus 
gratiam  accipiunt.  Theod.,  in  Epist.  Hebr.,  cap.  vi^ 
pag.  418,  tom.  III. 

^  Eos  enim  qui  ad  sacrosanctum  baptisma  singulis 
annis  accedunt,  fidem  Niceœ  a  sunctis  Patribus  expo- 
sitam  ediscere  jubemus  :  et  instituentes  eos,  sicut  jussi 
sumus,  baptizamus  in  nomine  Patris  et  Filii  et  Spi- 
ritus Sancii,  singulariter  unum  quodque  nomen  pro- 
ferentes.  Idem,  Epist.  145,  pag.  1023. 

^  Et  divini  quidem  baptismatis  usitatam  invocatio- 
nem  mutare  propter  apertam  transgressionem  ausus 
non  est  (Arius)  -.sedjuxta  dominicum prœceptum  bap- 
tizare  docuit  in  nomine  Patris,  et  Filii,  et  Spiritus 
Sancti  :  gtorificare  autem  juxta  baptismatis  legem 
vetuit  licet  Deus  et  Salvator  nosier,  non  simplicHer 
baptizare,  sed  prius  docere  prœceperit.  Idem,  lib.  IV 
Hceret.  Fabul.,  pag.  233. 

'  Mon  (Eunomius)  sancti  etiam  baptismatis  legem 
olim  a  Domino  et  Aposlolis  tradiiam  evertit,  et  con- 
trariam  aperte  sanxit,  non  oporiere  dicens  ter  illum 
immergere  gui  baptizatur,  nec  invocare  Trinitatem,  sed 
semel  baptizare  in  Christi  mortem.  Bapiizantes  vero 
usque  ad  pectus  aqua  mudefaciimt,  reliquis  autem  par- 
tibus  tatiquam  execrandis  aquam  adhibere  prohibent. 
Idem,  lib.  IV  Hœret.  Fabul.,  pag.  236  et  237. 

x  Epiph.,  Hœres.  16,  pag.  992,  tom.  II. 

3  Èis  quos  baptizant  (•  novatiani  )  sanctissimum 
chrisma  non  prœbent.  Qtiapropter  eos  qui  ex  hac  hœ- 
resi  corpori  Ecclesiœ  conjungu,ntur,  laudatissimi  Pa- 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V=   SIÈCLE.] 

tisaient.  D'où  vient  qu'il  fut  ordonné  par  les 
saints  Pères  que  ces  hérétiques  seraient  oints 
quand  ils  reviendraient  ù  l'Eglise.  C'est  ce 
que  l'on  voit  par  le  septième  canon  '  du  con- 
cile de  Laodicée,  et  par  le  septième  ^  du  pre- 
mier concile  de  Gonstantinople. 

17.  Il  y  a  des  remèdes  ^  pour  les  plaies 
que  l'on  reçoit  après  le  baptême.  Ils  ne  con- 
sistent pas  dans  la  seule  foi,  mais  dans  beau- 
coup de  larmes  et  de  gémissements ,  dans  le 
jeûne  et  la  prière,  et  dans  une  pénitence  pro- 
portionnée à  la  grandeur  des  péchés.  Nous 
avons  appris  des  divines  Ecritures  et  de  ne 
pas  jeter  dans  le  désespoir  ceux  qui  sont  dis- 
posés à  agir  de  la  sorte,  et  de  ne  pas  non  plus 
les  admettre  trop  facilement  à  la  participa- 
tion des  mystères,  suivant  le  commandement 
que  le  Seigneur  nous  fait,  de  ne  pas  donner 
le  Saint  aux  chiens,  ni  de  jeter  les  perles  de- 
vant les  pourceaux.  Voilà  quelles  sont  les 
règles  de  l'Eglise  touchant  la  pénitence.  Les 
audiens,  qui  ne  les  suivaient  point,  avaient 
sur  ce  sujet  une  pratique  encore  plus  dange- 
reuse que  ridicule  :  car,  ayant  divisé  *  leurs 
livres  en  deux  parties,  les  uns  sacrés,  les  au- 
tres apocryphes,  qu'ils  n'estimaient  pas  moins 
que  les  premiers ,  ils  faisaient  deux  parts  de 
ces  livres,  et  les  mettant  de  rang  les  uns  d'un 
côté,  les  autres  d'un  autre,  ils  commandaient 
aux  pécheurs  de  passer  entre  ces  deux  rangs 
et  de  confesser  leurs  péchés.  Après  quoi  ils 
en  donnaient  l'absolution,  sans  prescrire  au- 
cune pénitence  pour  les  fautes,  et  les  remet- 
tant par  la  seule  autorité  de  leur  puissance. 
Comme  ceux  qui  faisaient  celte  cérémonie 


■123 


voyaient  bien  que  ce  n'était  qu'un  jeu,  iTs 
cachaient  leurs  véritables  péchés  et  ne  s'ac- 
cusaient que  de  petites  fautes  dont  ils  n'au- 
raient pas  eu  la  volonté  de  s'accuser,  s'ils 
n'avaient  été  engagés  dans  l'erreur.  Au  reste, 
on  avait  beaucoup  de  compassion  ^  dans  l'E- 
glise catholique  pour  ceux  qui  étaient  tombés 
durant  les  persécutions  ;  mais  cette  compas- 
sion était  sage  et  judicieuse,  et  conforme  aux 
canons  des  pères.  On  les  admettait  à  la  prière, 
on  les  recevait  avec  les  catéchumènes  pour  les 
instruire.  Mais  on  les  séparait  pour  un  temps 
de  la  participation  des  mystères,  jusqu'à  ce 
qu'ils  reconnussent  leur  maladie,  qu'ils  dési- 
rassent la  santé  et  qu'ils  sentissent  combien 
ils  étaient  malheureux  d'avoir  quitté  Jésus- 
Christ  pour  s'abandonner  au  démon. 

18.  Un  moine  •'  d'un  naturel  hardi  ayant  de- 
mandé plusieurs  fois  une  grâce  à  Théodose- 
le-Jeune,  sans  pouvoir  l'obtenir,  le  retrancha 
de  la  communion  de  l'Eglise  et  se  retira.  Ce 
prince ,  rentré  dans  son  palais,  ne  voulut  ja- 
mais se  mettre  à  table  quand  l'heure  en  fut 
venue  et  que  tout  le  monde  fut  assemblé, 
qu'il  n'eût  été  absous  de  cette  excommuni- 
cation. Il  envoj'a  prier  un  évêque,  en  qui  il 
avait  confiance,  de  le  faire  déher  par  celui-là 
même  qui  l'avait  excommunié.  L'évéque  ré- 
pondit qu'on  ne  pouvait  être  excommunié 
par  toute  sorte  de  personnes,  et  l'assura  qu'il 
ne  l'était  point.  Mais  Théodose ,  peu  satisfait 
de  cette  assurance,  persista  à  vouloir  rece- 
voir l'absolution  de  ce  moine,  qu'on  eut  bien 
de  la  peine  à  trouver.  On  voit  ',  par  l'exem- 
ple de  l'incestueux  de  Corinthe  livré  à  Satan 


Surl'Excora 
inDDicalioD. 


très  inungi  prœceperunt.  Idem,  lib.  III  Hœret.  FabuL, 
pag.  223  et  229. 

>  Tom.  I  ConciL,  pag.  1497. 

2  Tom.  II,  pag.  951^ 

3  Itaque  medicabilia  siint  etiam  quœ  post  hapiis- 
mum  fiunt  vulnera;  medicabilia  autem,  non  ut  olim 
per  solam  fidem  data  remissione,  sed  per  mullas  la- 
crymas,  et  fletus,  et  luctus  et  jejunia,  et  orationem, 
et  laborem  commissi  peccaii  magnitudine  responden- 
iem.  Qui  enim  sic  affecti  non  suni,  eos  nec  desperare 
docii  sumus,  nec  illis  facile  sacra  impertiri.  Nolite, 
inquit,  dare  sanctum  canibus,  nec  projiciatis  marga- 
riias  ante  porcos.  Has  Ecclesia  de  pœnitentia  leges 
habet.  Tlieodoret.,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  pag.  316, 
tom.  IV. 

^  Hi  autem  (audiani)  peccatorum  remissionem  dare 
se  jactant.  Duas  enim  in  partes  libros  sacras  cum 
adulterinis  dioidentes  (hos  enim  eximie  arcanos  et 
mysiicos  existimant),  et  ordine  hinc  inde  collocantes, 
inter  lias  jubent  transire  unumquemque,  et  peccaia 
sua  confiteri  :  deimie  confessis  dant  veniam,  non  tem- 
pus  ad  pœnitentiam  definientes,  sicut  Ecclesiœ  le- 
ges prœcipiunt,  sed  potestate  condonantes.   Scientes 


autem  qui  sic  transeant  ludum  esse  quod  agilur,  vera 
peccata  celant,  et  parva  quœdam  risu  digna  dicunt, 
quœ  et  dicere  aliquem  pigeât,  nisi  eadem  qua  ipsi 
ameniia  teneaiur.  Idem,  lib.  IV  Hœret.  Fabul.,  pag. 
242. 

5  Arceantur  aparticipationesacrorummysteriorum, 
a  catechumenorum  autem  oratione  non  prohibeantur, 
neque  a  divinarum  Scripturarum  auditione,  neque  a 
magistrorum  admonitione.  A  sacris  vero  mysteriis  ar- 
ceantur, non  ad  mortem  usque,  sed  ad  tempus  aliquod 
definitum  :  quoad  morbum  agnoscant,  quoad  salutem 
expetant,  quoad  compeienter  luxerint;  quod  verorege 
derelicto,  ad  lyrannum  irons fugerint,  et  benefacto- 
rem  deserentes  inimico  se  dederint.  Atquëhœc  quidem 
sanctorum  etiam  beatorumqiie  Patrmn  canones  docent. 
Idem,  Epist.  77  ad  Eulal.,  pag.  947. 

6  Idem,  lib.  V  Hist.  écoles.,  cap.  xsxvi,  pag.  749, 
tom.  m. 

'  Hinc  autem  docemur,  quod  eos  qui  segregantur, 
et  ab  ecclesiasiico  corpore  separantur,  invadit  diaholus, 
illûs  graiia  destitutos  inveniens.  Idem ,  in  Epist.  1 
Cor.,  cap.  y,  pag.  141,  tom.  III. 


124 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


par  saint  Paul,  que  le  diable  s'empare  de  ceux 
qui  sont  excommuniés  et  séparés  du  corps  de 
l'Eglise,  parce  qu'il  les  trouve  destitués  delà 
grâce.  Il  les  tourmente  '  cruellement,  eu  sorte 
que  ces  malheureux  tombent  dans  des  mala- 
dies, dans  des  langueurs  et  d'autres  afflictions 
corporelles. 
sari'Eucha-  19.  Eusevelis  ^  avec  Jésus-Christ  dans  le 
baptême,  nous  ressuscitons  avec  lui ,  nous 
mangeons  son  corps  et  nous  buvons  son  sang. 
Les  prêtres  ^  ne  sont  pas  les  seuls  qui  parti- 
cipent cl  la  table  mystique  du  Seigneur.  Tous 
ceux  qui  ont  reçu  le  baptême  ont  le  même 
droit.  De  même  que  le  grand-prêti'e  ne  pou- 
vait entrer  *  dans  le  sanctuaire  qu'en  levant 
le  voile  qui  en  fermait  l'entrée,  ainsi  les  fidèles 
n'entrent  dans  le  ciel  qu'après  avoir  participé 
à  la  chair  du  Sauveur  et  mangé  son  sacré 
corps.  Saint  Paul  fait  ressouvenir  ^  les  Corin- 
thiens de  cette  sainte  nuit  dans  laquelle  le 
Seigneur,  mettant  fln  à  la  pâque  typique  ou 
figurative,  montra  le  vrai  original  de  cette 
figure ,  ouvrit  les  portes  du  sacrement  salu- 
taire, et  donna  son  précieux  corps  et  son  pré- 
cieux sang  non-seulement  aux  onze  apôtres, 
mais  encore  à  Judas.  Quand  saint  Paul  dit 
I  Cor  .\i  lue  quiconque  mangera  ce  pain  et  hohm  le  calice 
^'  du  Seigneur  indignement ,  il  sera  coupable  du 

corps  et  du  sang  du  Seigneur,  cela  signifie  ''  que 
comme  Judas  l'a  trahi  et  les  Juifs  lui  ont  in- 
sulté, de  même  ceux-là  le  chargent  d'igno- 
minie et  d'opprobre,  qui  prennent  avec  des 


mains  impures  son  très-saint  corps  et  le  met- 
tent dans  leur  bouche  souillée.  Théodoret 
rapporte  un  passage  de  saint  Ignace,  martyr, 
qui  dit  ',  en  parlant  de  certains  hérétiques, 
qu'ils  ne  recevaient  pas  l'eucharistie ,  parce 
qu'ils  ne  confessaient  pas  qu'elle  fût  la  chair 
de  notre  Sauveur  Jésus-Christ,  qui  a  souffert 
pour  nos  péchés  et  que  le  Père  a  ressuscité 
par  sa  bonté.  D'où  il  suit  que  les  orthodoxes 
confessaient  que  l'eucharistie  est  la  chair  de 
Jésus  -  Christ.  Ou  ne  doit  la  recevoir  que 
dans  l'Eglise  catholique ,  comme  il  était  or- 
donné ^  aux  Juifs  de  manger  l'agneau  pascal 
dans  une  seule  maison.  C'est  ce  qui  s'observe 
parmi  les  fidèles.  Ils  ne  reçoivent  les  divins 
mystères  que  dans  la  seule  Eghse,  ayant  en 
exécration  les  assemblées  des  hérétiques. 
C'était  ^  l'usage  de  donner  l'eucharistie  après 
le  baptême.  Quand  les  fidèles  s'approchaient 
de  la  sainte  table,  ils  recevaient  l'eucharistie 
dans  leurs  mains.  «  Comment ,  disait  saint 
Ambroise  à  l'empereur  Théodose  ,  après  le 
massacre  de  Thessalonique,  pourrez-vous  *" 
élever  vers  Dieu  des  mains  qui  dégouttent 
encore  du  sang  que  vous  avez  répandu  injus- 
tement? comment  porterez-vous  à  votre  bou- 
che son  sang  précieux^  vous  qui,  transporté 
de  fureur,  avez  fait  une  si  horrible  effusion 
de  sang?  »  A  l'égard  des  dispositions  néces- 
saires pour  s'approcher  de  l'eucharistie ,  voici 
ce  qu'en  dit  Théodoret  en  expHquant  ces  pa- 
roles de  saint  Paul  :  Que  l'homme  s'éprouve  dans   ,,'  '^°''-  •■"• 


1  Ab  ecclesiastico  enim  corpore  séparait,  et  divina 
gratia  nudati,  crudeliter  ab  adversario  flagellahan- 
tur,  incidentes  in  morbos  et  difficiles  affectiones,  et  in 
alias  œruninas  et  calamitates.  Idem,  in  Epist  1  Tim., 
cap.  I,  pag.  469. 

^  Cum  eo  enim  in  bapiismo  consepelinmr,  et  una 
cum  eo  resurgimus,  et  corpus  ejus  comedimus,  et  san- 
guinem  bibimus.  Idem,  in  Epist.  Eplies.,  cap,  v,  pag. 
316. 

3  Non  enim  ii  soli  qui  sunt  consecrati,  sunt  partici- 
pes dominici  corporis  et  sanguinis,  sed  omnes  qui  sunt 
sanctum  assecuti  bapiismum.  Idem,  quaest.  52  in  lib.  I 
lieg.,  pag.  253. 

''  Quemadmodum  enim  legis  sacerdos  per  velamen 
in  sancta  sanoiorum  iniroibat,  nec  ut  aliter  ingrede- 
retur  fieri  poterat  :  ita  qui  in  Dominum  crediderunt 
per  sanctissimi  corporis  pariicipationem  cœlestem  ci- 
vitatem  adipiscuntur .  Idem,  in  cap.  x  Epist  Hebrœor., 
pag.  441,  tom.  III. 

i"  Sanctam  illam  et  omni  ex  parte  sanctam  noctem  in 
memoriam  eis  revocavit,  in  qua  et  typico  Paschati  fi- 
nem  imposuit,  et  verum  typi  nrchetypum  ostendil,  et 
salutaris  sacramenti  portas  aperuit,  et  non  solum  un- 
decim  apostolis,  sed  etiam  Judœ  proditori,  pretiosum 
corpus  et  sanguinem  imperiiit.  Docet  autem  quod  il- 
lius  noctis  bonis  semper  frui  possumus.  Quotiescum- 
que  enim  manducabitis  panem  hune,  et  calicem  bi- 


betis,  mortem  Domini  annuntiabitis  donec  veniat. 
Idem,  in  Epist.  1  Cor.,  cap.  il,  p.  175. 

s  Illud  autem  :  Reus  erit  corporis  et  sanguinis,  Ao^' 
significat,  quod  quemadmodum  tradidit  quidem  il- 
lum  Judas,  ipsi  autem  insullarunt  Judœi  :  ita  eum 
ignominia  et  dedecore  afficiunt,  qui sanctissimum  ejus 
corpus  immundis  manibus  accipiunt,  et  in  pollutum 
os  imrnitunt.  Idem,  ibid.,  pag.  176. 

'  Eucharistias  et  oblationes  non  admittunt,  quod 
non  confîteantur  eucharistiam  carnem  esse  Salvatoris 
nostri  Jesu  C/iristi,  quœ  pro  peccatis  nostris  passa  est, 
quam  Pater  benignitate  sua  susciiavit.  Theod.,  Dia- 
log.  3,  pag.  154,  tom.  IV. 

8  Quod  autem  prœcipitur,  ut  agnus  ille  in  una  domo 
manducefur,  observant  fidèles,  qui  in  sola  Ecclesia 
divina  sumunt  mtjsteriu,  execrationi  habentes  liœreti- 
corum  cœtus.  Idem,  quaest.  24  in  Exod.,  pag.  91. 

s  Siquidem  et  in  veritate  post  salutare  baptisma 
Agni  immaculati  participatio  peragitur.  Idem,  quaest. 
2  in  Jesum  Nave,  pag.  198. 

'"  Quomodo  manus  extendes  injustœ  cœdis  sanguine 
adhuc  stillantes  ?  Quomodo  hujusmodi  manibus  sacro- 
sanctum  Domini  corpus  accipies?  Quomodo  pretiosum 
ori  sanguinem  admovebis,  qui  furore  actus  tantum 
sanguinis  nefarie  profudisti?  Idem,  lib.  V  Hist.  éc- 
oles., cap.  XVII,  pag.  727. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


lui-même  :  Soyez  '  votre  juge  à  vous-même, 
recherchez  soigneusement  quelle  est  votre 
vie,  sondez  et  examinez  votre  conscience,  et 
ensuite  recevez  ce  don ,  c'est-à-dire  le  corps 
du  Sauveur  ;  car  celui  qui  /e  mange  et  boit  in- 
dignement, boit  et  mange  son  jugement.  Non- 
seulement  vous  n'en  obtiendrez  pas  le  salut, 
mais  vous  serez  puni  de  votre  insolence  et  de 
l'injure  que  vous  avez  faite  h  Jésus-Christ.  » 
Les  messaliens  2,  qui  regardaient  comme  une 
chose  indifférente  la  participation  du  corps 
et  du  sang  de  Jésus-Christ,  ne  s'inquiétaient 
point  ^  d'y  apporter  quelques  dispositions.  Ils 
ne  la  recevaient  point  comme  un  mystère  qui 
nous  sanctifie  et  dont  nous  ne  devons  appro- 
cher qu'avec  crainte  et  avec  foi ,  parce  que 
nous  croyons  que  c'est  effectivement  la  chair 
vivifiante  du  Verbe  incarné. 

20.  L'immolation  *  des  victimes  irraison- 
nables ayant  pris  fin ,  le  seul  agneau  sans 
tache  qui  ôte  les  péchés  du  monde,  est  sacri- 
fié. On  offrait  quelquefois  ce  sacrifice  dans 
des  maisons  particulières ,  et  ce  que  raconte 
Théodoret  sur  ce  sujet  est  remarquable.  «  Il 


a ,  dit-il  ^,  un 


village 


parmi  nous  nomme 


Homère,  où  saint  Maris  ayant  bâti  une  petite 
maison,  s'y  enferma  et  y  demeura  trente- 
sept  ans.  Il  conserva  toujours  son  corps  et 
son  âme  chastes,  comme  il  me  l'avoua  dans 


125 

les  visites  que  je  lui  ai  rendues  souvent.  Sa 
porte  était  fermée  pour  tout  le  monde;  mais 
il  l'ouvrait  pour  moi  et  m'entretenait  à  loisir 
sur  des  sujets  de  piété.  Comme  il  y  avait  fort 
longtemps  qu'il  souhaitait  de  voir  offrir  le 
spirituel  et  mystique  sacrifice  ,  il  me  pria  un 
jour  de  présenter  à  Dieu,  dans  sa  cellule, 
cette  oblation  sainte  du  don  divin  qu'il  a  fait 
aux  hommes,  ce  que  je  lui  ai  accordé  volon- 
tiers. J'envoyai  chercher  des  vases  sacrés 
dans  l'église  d'un  bourg  qui  n'était  pas  loin, 
et,  me  servant  des  mains  des  diacres  au  lieu 
d'autel,  j'offris  le  mystique,  le  divin  et  le  sa- 
lutaire sacrifice,  durant  lequel  ce  saint  homme 
était  si  transporté  d'une  joie  toute  spirituelle, 
qu'il  s'imaginait  être  dans  le  ciel,  et  disait 
depuis  n'avoir  jamais  reçu  une  si  sensible 
consolation. 

21.  Lessacramentaires  objectent  divers  pas- 
sages de  Théodoret,  où  ils  prétendent  qu'il 
se  déclare  nettement  contre  la  présence  réelle . 
Le  premier  est  tiré  du  premier  dialogue  contre 
les  Eutychéens,  où  il  introduit  un  catholique 
qu'il  appelle  Orthodoxe,  disputant  avec  un 
eutychéen  à  qui  il  donne  le  nom  d'Eraniste. 
Dans  ce  passage  Théodoret  dit  :  «Notre  Sau- 
veur a  changé  les  noms  ^.  Il  a  donné  au  corps 
le  nom  de  symbole,  et  au  symbole  le  nom  de 
corps,  et  s'étant  donné  à  lui-même  le  nom  de 


Képonses 
niix  objec- 
lions. 


Tom.  111 
de  la  Perpé- 
tuilé  rie  In  foi. 
liv.  V,  cb.  11 
et  lîi. 


*  Probet  autem  seipsum  homo,  sive  de  pane  illo 
edat,  et  de  calice  bibat.  Tui  ipsius  judex  esto,  actu- 
umque  iuovum  exacius  arbiter  conscientiam  scrutare  ; 
ac  tune  donum  suscipe.  Qui  enim  manducat  et  bibit 
indigne,  judicium  sibi  manducat  et  bibit,  non  diju- 
dicans  corpus  Domini.  i^on  solum  enim  salulem  inde 
non  assequeris,  si  prœier  fas  acceperis,  sed  tuœ  etiam 
in  eum  peiulantiœ  pœnas  dahis .  Idem,  in  Episf.  1  Coi-., 
cap.  XI,  pag.  176. 

'^  Messaliani  ab  ecclesiastica  se  communione  non  se- 
pararunt,  quod  dicerent  nec  prodesse,  nec  obesse  divi- 
nam  escam.  Idem,  lib.  IV  Histor.  eccles.,  cap.  x, 
pag.  670. 

'  Item  sacri  eorporis  et  sangv.inis  Christi  veri  Dei 
nostri  sanctam  percept ionem  nihil  adjuvare  mit  lœ- 
dere  eos  qui  digne  vel  indigne  communicant  ;  quoque 
ob  id  solum  nemo  unquam  separari  debsat  ab  eccle- 
siastica communione,  cum  res  sit  indifferens.  Proinde 
isti  ea  non  sumunt  cum  timoré  ac  fide,  velut  vivifica, 
et  tanquam  quœ  sint  ac  esse  credantur  incarnati  Dei. 
Timoth.  presbyt.,  de  Recept.  hœret.,  apud  Coteler., 
tom.  III,  pag.  403. 

''  Victimarum  quidem  ratione  carentium  ccedes  finem 
cepit,  solus  autem  immaculatus  Agnus  saoi/icattir, 
qui  toliit  peccatum  mundi.  Théodoret.,  in  cap.  i  Ma- 
lach.,  pag.  935,  tom.  II. 

^  Vicus  apud  nos  est,  cui  nomen  Homerus.  Ad  hune 
angustam  domunculam  cum  extruisset  divinus  Mari, 
inclusus  in  ea  mansit  annos  triginta  septem...  Vnde 
et  eorporis  et  animœ  castinioniam  conservavit.  Quod 


mihi  aperle  ipsemet  innuit,  corpus  incorruptum  sibi 
persfare  docens  et  quale  materna  ex  utero  pr-odiit.... 
liujus  ego  consuetudine  usus  sum  persœpe.  Obstnictam 
enim  januam  patefacere  me  jubebat,  ingressumque 
amplexabatnr,  et  prolixu  oratione  de  philosophia  dis- 
serebat...  Cum  autem  spiriialis  mysticique  sacrifieii 
videndi  desiderio  diuiurno  teneretur,  rogavit  ut  illic 
divini  doni  fieret  oblalio.  Ego  vero  libenter  obtempe- 
ravi,  et  sacra  vasa  adferri  jussi  (nec  enim  procul 
aherat  locus),  diaconorumque  manibus  utens  pro  al- 
tari,  mysticum  et  divinum  ac  salutare  sacrifieium  ob- 
iuli.  Ille  autem  spirifali  refcrtus  voluptate,  cœlum 
ipsum  videre  se  existimahaf,  nec  tali  se  unquam  lœti- 
tia  perfusum  aiebai  fuisse.  Idem,  Hist.  relig.,  cap.  XX, 
pag.  853,  854. 

s  Salvator  autem  noster  nomina  permutavit,  et  eor- 
poris quidem  id  quod  erat  symboli  nomen  imposuit  : 
symbolo  vero  quod  erat  eorporis.  Sic  vitem  seipsmn 
qui  nominavit,  sanguinis  nomen  symbolo  tribuit.  nia- 
nifestus  est  scopus  iis  qui  divinis  mystcriis  sunt  ini- 
tiati.  Volebat  enim  eos,  qui  divinis  mysleriis  partici- 
pant, non  attendere  naturam  eorum  quœ  cernuntur, 
sed  per  nominum  muiationem  mutationi  quœ  ex  gra- 
tia  faeta  est  fidem  adhibere.  Qui  enim  corpus  naturale 
frumenium  et  panem  appellavit,  et  vitem  rursus  seip- 
sum  nominavit,  is  visibilia  symhola  eorporis  et  san- 
guinis appellatione  honoravit,  non  naluram  mutons, 
sed  naturœ  gratiam  addens.  Idem,  Dialog.  1,  pag. 
17,  18,  tom.  IV. 


126 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


vigne ,  il  a  donné  au  symbole  celui  de  sang. 
La  raison,  dit-il,  en  est  claire  à  ceux  qui 
sont  initiés  aux  mystères,  c'est  que  Jésus- 
Clirist  voulait  que  ceux  qui  y  participent  ne 
considérassent  pas  la  nature  des  choses  qui 
s'y  voient,  mais  que  par  ce  changement  de 
'noms  ils  crussent  le  changement  qui  se  fait 
parla  grâce.  »  Le  second  passage,  qui  est 
tiré  du  second  dialogue  contre  les  mêmes  eu- 
tychéens,  est  conçu  en  ces  termes  '  :  «  Vous 
vous  enveloppez  dans  les  filets  que  vous  avez 
vous-mêmes  tissus  (c'est  l'Orthodoxe  qui  parle 
à  l'Eraniste),  car  les  symboles  mystiques  ne 
quittent  point  leur  propre  nature;  ils  demeu- 
rent en  leur  première  essence  et  dans  leur 
figure  et  dans  leur  forme.  Ils  sont  visibles  et 
palpables  comnip  auparavant;  mais  on  con- 
çoit par  l'esprit  qu'ils  sont  ce  qu'ils  ont  été 
faits;  on  croit  qu'ils  le  sont,  et  on  les  adore 
comme  étant  ce  qu'on  les  croit.  » 

Quelques  lignes  avant  le  premier  passage, 
Théodoret  avait  dit  que  comme  le  fruit  mys- 
tique de  la  vigne  s'appelle,  après  la  con- 
sécration, sang  du  Seigneur,  de  même  le  pro- 
phète appelait  sang  du  raisin  le  sang  de 
la  véritable  vigne.  D'oii  les  sacramentaires 
concluent  que  comme  le  sang  de  Jésus-Christ 
n'est  appelé  par  le  patriarche  Jacob  sang  du 
raisin  que  par  métaphore ,  de  même ,  selon 
Théodoret,  le  fruit  de  la  vigne  n'est  appelé 
sang  de  Jésus-Christ  que  par  métaphore.  A  cela 
on  peut  répondre  que  Théodoret  compare  ces 
expressions  dans  ce  qu'elles  ont  de  sembla- 
ble, mais  qu'il  n'en  a  pas  ignoré  les  diffé- 
rences. La  ressemblance  consiste  en  ce  que, 
comme  Jésus-Christ  s'est  appelé  lui-même 
vigne  et  froment,  et  que  le  prophète  appelle 
son  sang  du  nom  de  sang  du  raisin,  Jésus- 
Christ  a  de  même  donné  le  nom  de  son  corps 
et  de  son  sang  à  ce  qui  était  pain  et  vin  par 
sa  nature.  Ainsi,  comme  le  nom  de  froment, 
de  vigne  et  de  vin  ne  convient  point  par  na- 
ture à  Jésus-Christ ,  de  même  il  est  vrai  de 
dire  que  le  pain  et  le  vin  qu'il  a  appelés  son 
corps  et  son  sang  n'étaient  pas,  par  leur  na- 
ture, son  corps  et  son  sang;  mais  la  diffé- 
rence consiste  en  ce  que  Jésus-Christ,  en 
s'appelant  vigne,  n'a  point  été  réellement 
changé  en  vigne  ;  en  s'appelant ^jam^  ne  s'est 
point  rendu  pain;  ainsi  il  n'a  point  fait  que 


les  noms  de  pain  et  de  vigne  lui  convinssent 
réellement;  au  lieu  qu'en  donnant  au  pain  le 
nom  de  son  corps,  il  l'a  réellement  changé  en 
son  corps ,  et  en  donnant  au  vin  le  nom 
de  son  sang,  il  l'a  réellement  changé  en  son 
"sang,  et  fait  par  conséquent  que  les  noms 
de  corps  et  de  sang  convinssent  réellement  à 
ce  qu'il  a  appelé  son  corps  et  son  sang.  De 
cette  sorte,  ces  dernières  expressions  sont 
fondées  sur  un  changement  réel ,  et  non  pas 
les  autres.  Théodoret  reconnaît  donc  que  le 
vin  mystique  est  appelé  sang  de  Jésus-Christ, 
comme  le  sang  est  appelé  vin;  il  reconnaît 
encore  que  le  Seigneur  a  changé  les.noms  en 
se  donnant  les  noms  des  symboles,  et  don- 
nant aux  symboles  les  noms  de  son  corps  et 
de  son  sang.  Cela  prouve  qu'il  a  reconnu  la 
ressemblance  de  ces  expressions;  mais  il  en 
a  reconnu  aussi  la  différence  en  disant  ^  que 
Jésus-Christ  a  changé  les  noms  afin  que,  par 
ce  changement  de  noms,  ils  crussent  le  chan- 
gement qui  se  fait  par  la  grâce.  Cetinterprète 
veut  donc  qu'on  reconnaisse  un  changement 
pour  fondement  de  ces  expressions ,  et  il  re- 
connaît que  ce  changement  se  fait  dans  les 
mystères;  il  le  déclare  expressément,  parce 
qu'il  parle  de  ceux  qui  participent  aux  mys- 
tères, et  il  leur  défend  de  s'arrêter  à  la  na- 
ture des  choses  qui  s'y  voient ,  les  obligeant 
de  croire  le  changement  qui  s'y  fait. 

22.  Il  marque,  dans  le  passage  qui  est  tiré  g^.^^ 
de  son  second  dialogue ,  quel  est  ce  change- 
ment, en  disant  que  c'est  un  changement  qui 
se  conçoit  par  l'esprit.  «  On  conçoit,  dit-il  ^, 
par  l'esprit,  que  les  symboles  sont  ce  qu'ils 
ont  été  faits;  on  croit  qu'ils  le  sont,  et  on  les 
adore  comme  étant  ce  qu'on  les  croit.  »  Théo- 
doret reconnaît  expressément  fout  cela  du 
pain  et  du  vin,  que  l'on  appelle  corps  et  sang 
de  Jésus-Christ;  et  il  ne  reconnaît  rien  de 
tout  cela  à  l'égard  de  Jésus-Christ,  qui  s'ap- 
pelle vigne  et  froment;  il  ne  concevait  point 
par  l'esprit  qu'il  eût  été  fait  vigne  ou  fro- 
ment; il  ne  croyait  point  par  la  foi  qu'il 
eût  été  fait  vigne  ou  froment;  et  s'il  l'a- 
dorait comme  Jésus-Christ,  il  ne  l'adorait 
pas  comme  ayant  été  fait  ni  froment  ni 
vigne.  On  ne  peut  donc  pas  dire  qu'il  ne 
reconnut  point  de  différence  entre  ces  expres- 
sions qu'il  compare.  Mais  que  veut  dire  Théo- 


i  Retibus  quœ  ipse  lexuisti  captus  es,  neque  enim 
symhola  mysllca  post  sanctificationem  i^ecedunt  a  sua 
nutura.  Matient  enim  in  priore  subsiantia,  et  figura 
et  forma,  et  videri  tangique  possunt,  sicut  et  prius; 
intelliguntur  en  esse  quœ  facta  suni,  et  creduntur,  et 


adorantur,   ut  quœ  illa  sint  quœ  creduntur.   Idena, 
Dialog.  2,  pag.  85. 

2  Théodoret.,  Dialog.  1,  pag.  17,  18,  tom.  IV. 

3  Tlieodoret.,  Dialog.  2,  pag.  85,  tom.  IV. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V'  SIECLE.] 

doret,  dans  son  second  dialogue,  lorsqu'il 
avance  «  que  l'on  conçoit  par  l'esprit  que  les 
symboles  sont  ce  qu'ils  ont  été  faits;  cju'on 
croit  qu'ils  le  sont,  et  qu'on  les  adore  comme 
étant  ce  qu'on  les  croit?  »  Il  est  indubitable 
que  lorsqu'il  dit  que  «  l'on  conçoit  qu'ils  sont 
ce  qu'ils  ont  été  faits,  »  c'est  la  même  chose  que 
s'il  avait  dit  «  qu'ils  ont  été  faits  le  corps  et 
le  sang  de  Jésus-Christ ,  et  que  l'on  conçoit 
qu'ils  le  sont;  »  que  quand  il  dit  «  qu'on  croit 
qu'ils  le  sont,  »  c'est  comme  s'il  avait  dit 
«  qu'on  croit  qu'ils  sont  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ,  »  et  que  quand  il  dit  «qu'on  les 
adore  comme  étant  ce  qu'on  les  croit,  »  c'est 
la  même  chose  que  s'il  s'était  ainsi  exprimé  : 
«  On  les  adore  comme  étant  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ,  et  l'on  croit  qu'ils  le 
sont.  »  En  un  mot,  il  est  certain  que  les  termes 
à  quoi  les  pronoms  relatifs  se  rapportent  dans 
l'expression  de  Théodoret  sont  ceux  de  coi-ps 
et  de  sang  de  Jésus-Ckiist,  et  non  pas  ceux 
des  mystères  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ. 
Cela  est  si  vrai,  que  le  ministre  Auberlin  * 
reconnaît  que  les  mots  qu'il  faut  suppléer 
sont  ceux  de  cot'ps  et  de  sang  de  Jésus-Christ. 
«  Théodoret,  dit-il,  a  raison  de  dire  que  l'on 
conçoit,  et  que  l'on  croit  que  les  symboles 
mystiques  sont  après  la  consécration  ce  qu'ils 
ont  été  faits  ,  c'est-à-dire  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Christ.  »  Il  n'y  avait  pas  moyen  de 
désavouer  que  ce  ne  fût  en  cette  manière 
quïl  fallait  suppléer  à  la  proposition  de  Théo- 
doret, car  il  est  clair  que  cette  expression 
dont  il  se  sert,  qu'on  croit  que  les  symboles 
sont  ce  qu  ils  ont  été  faits,  est  prise  du  langage 
des  liturgies  et  de  l'invocation  que  le  prêtre 
fait,  et  dont  il  est  fait  mention  trois  lignes 
auparavant.  Or,  par  cette  invocation,  on  de- 
mandait expressément  à  Dieu  a  qu'il  fit  le  pain 
et  le  vin  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  »  et 
non  «  le  mystère  du  corps  et  du  sang.»  Cela 
paraît  même  évidemment  par  la  suite  de 
Théodoret,  sans  ce  rapport  à  la  liturgie;  car 
l'Eraniste  ayant  fait  confesser  à  l'Orthodoxe 
qu'après  la  consécration  les  symboles  qui 
s'appelaient pam  et  vin  auparavant,  s'appel- 
lent corps  et  sang  de  Jésus-Christ,  pour  mon- 
trer que  ce  n'était  point  d'un  simple  nom  qu'il 
parlait,  mais  d'un  nom  joint  à  l'etTet,  il  en 
conclut  «  qu'il  faut  donc  croire  que  l'on  reçoit 
le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ,  »  et  il  le 
fait  confesser  à  l'Orthodoxe  :  «  Et  vous  croyez. 


127 


lui  dit-il,  que  vous  recevez  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Christ?  »  —  «  Oui,  je  le  crois,  »  ré- 
pond l'Orthodoxe.  De  cette  première  consé- 
quence, l'Eraniste  en  tire  une  autre,  qui  est 
que  le  pain  est  donc  changé;  car  il  n'avait  fait 
avouer  à  l'Orthodoxe  que  l'on  recevait  le  corps 
de  Jésus-Christ  qu'afin  d'avoir  droit  de  con- 
clure, comme  il  fait,  a  que  les  symboles  sont 
autres  avant  la  consécration  ,  et  qu'après  la 
consécration  ils  sont  changés.  »  Ainsi  il  y  a, 
selon  Théodoret ,  rm  ordre  de  conséquences 
entre  ces  trois  propositions  :  Le  pain  est  ap- 
pelé le  corps  de  Jésus-Christ;  l'on  reçoit  le 
corps  de  Jésus-Christ  en  recevant  le  pain;  le 
pain  est  donc  changé.  La  première  produit  la 
seconde  ,  et  la  seconde  produit  la  troisième. 
Cependant  il  est  clair  que  l'on  ne  saurait 
conclure  de  ce  que  le  pain  est  appelé  corps 
de  Jésus-Christ,  que  l'on  reçoit  le  corps  de 
Jésus-Christ  en  recevant  le  pain,  si  l'on  ne 
conçoit  qu'il  n'est  pas  simplement  appelé 
corps  de  Jésus-Christ,  mais  qu'il  l'est  réelle- 
ment; car  qui  a  jamais  conclu  de  ce  que 
l'agneau  pascal  était  le  mystère  et  la  figure 
du  passage,  que  l'on  recevait  donc  le  passage 
en  mangeant  l'agneau.  De  même,  si  cette 
réception  du  corps  de  Jésus-Christ  n'était 
qu'intellectuelle  et  par  le  moyen  de  la  foi, 
il  serait  impertinent  de  conclure  de  ce  qu'on 
reçoit  spirituellement  le  corps  de  Jésus-Christ 
en  recevant  le  pain,  que  le  pain  est  donc 
changé  ;  car  quel  ministre  a  jamais  conclu 
de  ce  que  l'on  reçoit,  comme  ils  disent,  Jésus- 
Christ  en  quelque  sorte,  en  écoutant  la  parole 
des  prédicateurs,  que  cette  parole  est  donc 
changée?  11  suit  de  là  que  quand  l'Eraniste 
conclut  que  le  pain  est  changé,  il  entend  qu'il 
est  changé  au  corps  de  Jésus-Christ ,  et  qu'il 
faut  suppléer  à  ces  paroles  dont  il  se  sert  : 
«  Les  symboles  sont  changés  après  l'invoca- 
tion, »  et  les  entendre  comme  s'il  avait  dit  : 
«  Les  symboles  sont  changés  au  corps  de  Jé- 
sus-Christ, »  puisque,  comme  nous  avons  re- 
marqué ,  ces  paroles  ne  sont  qu'une  conclu- 
sion de  ce  que  l'Eraniste  avait  fait  confesser 
à  l'Orthodoxe,  «  qu'il  croyait  recevoir  le  corps 
de  Jésns-Christ.  »  Cela  étant,  il  est  visible  que 
ce  que  Théodoret  ajoute  ensuite ,  «  que  l'on 
croit  que  les  symboles  sont  ce  qu'ils  ont  été 
faits,  »  ne  signifie  que  la  même  chose  que  ce 
qu'il  avait  exprimé  par  ce?  mots  :  sont  changés. 
Ainsi,  comme  il  est  clair  que  Théodoret  a 


'  Theodoretus  vere  quidem  ait  symbola  mysika  post 
cnnsecrationem  intelligi,  et    credi  illa    quœ  fada, 


nempe  Christi  corpus  et  sanguinem.  Albertin.,  de  So' 
cram.,  tom.  TII  Perpet.  fidei,  lib.  V. 


128 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


voulu  dire  que  les  symboles  sont  changés  au 
corps  de  Jésus-Clirist ,  il  est  clair  aussi  qu'il 
a  voulu  dire  qu'ils  sont  faits  le  corps  de  Jésus- 
Cbrist.  Tout  cela  a  un  rapport  et  une  liaison 
Indissoluble.  Il  paraît  donc  que  quoique  Théo- 
doret  ait  comparé  ces  deux  propositions  :  «  J  e 
suis  la  vigne ,  le  vin  est  le  sang  de  Jésus- 
Christ,  ))  et  qu'il  dise  «  que  le  Seigneur  a 
changé  les  noms  et  qu'il  a  donné  au  symbole 
le  nom  de  son  corps ,  et  qu'il  s'est  donné  à 
lui-même  le  nom  de  symbole  ;  »  il  ne  les  com- 
pare néanmoins  qu'en  ce  qu'elles  ont  de  sem- 
blable ,  et  qu'il  y  reconnaît  en  même  temps 
de  très-grandes  difTérences  ;  il  a  regardé  cette 
première  proposition  :  «  Je  suis  la  vigne,  » 
comme  une  métaphore  dont  il  ne  suivait  ni 
que  Jésus-Christ  fût  changé  en  vigne,  ni  qu'en 
recevant  Jésus-Christ  nous  reçussions  une 
vigne ,  ni  que  nous  dussions  concevoir  par 
l'entendement  que  Jésus-Christ  fût  une  vigne, 
ni  que  nous  le  dussions  croire  vigne  ni  l'ado- 
rer comme  une  vigne;  il  est  certain,  au  con- 
traire, que  de  cette  proposition  :  «Le  vin  est 
le  sang  de  Jésus-Christ,  »  il  a  cru  qu'il  sui- 
vait «  que  nous  recevons  le  sang  de  Jésus- 
Christ  »  en  recevant  le  vin  consacré;  «  que 
le  vin  était  changé  au  sang  de  Jésus-Christ, 
qu'il  était  fait  le  sang  de  Jésus-Christ,  que 
nous  devions  croire  qu'il  avait  été  fait  sang 
de  Jésus-Christ,  que  nous  le  devions  adorer 
comme  sang  de  Jésus-Christ.  »  Tout  cela  suit 
manifestement  du  discours  de  Théodoret.  Voi- 
là les  différences  des  deux  pi-opositions  qu'il 
a  marquées  et  reconnues.  En  les  supposant, 
il  est  ridicule  do  rien  conclure  contre  la  pré- 
sence réelle,  de  la  comparaison  que  Théodo- 
ret fait  de  ces  deux  propositions  :  «  Je  suis  la 
vigne,  le  vin  est  le  sang  de  Jésus-Christ;  »  au 
contraire  ,  ces  différences,  jointes  à  la  com- 
paraison ,  ne  sont  propres  qu'à  établir  cette 
doctrine.  Selon  la  remarque  du  cardinal  Du- 
perron,  ce  père  ne  compare  pas  ces  deux 
prop&sitions  comme  ayant  une  vérité  égale, 
et  dans  lesquelles  l'attribut  convienne  au  su- 
jet également;  il  les  compare  au  contraire 
comme  subordonnées  l'une  à  l'autre,  comme 
l'une  étant  la  cause  de  l'autre  ;  car  il  veut  que 
Jésus-Christ  se  soit  appelé  une  vigne,  et  qu'il 
ait  appelé  le  vin  son  sang,  parce  qu'il  devait 
changer  le  vin  en  son  sang.  C'est  ce  qui  pa- 
raît clairement  par  les  paroles  de  son  premier 
dialogue  :  «  La  raison  ,  dit-il,  de  ce  change- 
ment de  noms  (par  lequel  Jésus-Christ  s'ap- 
pelle vigne  et  donne  au  vin  le  nom  de  son 
sang)  est  claire  à  ceux  qui  sont  initiés  aux 


mystères  :  c'est  que  Jésus-Christ  voulait  que 
ceux  qui  participent  aux  divins  mystères  ne 
s'arrêtassent  pas  à  la  nature  des  choses  qui 
s'y  voient,  mais  que,  par  ce  changement  de 
noms,  ils  crussent  le  changement  qui  se  fait 
par  la  grâce;  car  Jésus-Christ,  qui  a  appelé 
son  corps  naturel /romew^  eipain,  et  qui  s'est 
lui-même  nommé  vigne,  honore  les  symboles 
visibles  du  nom  de  son  corps  et  de  son  sang, 
non  en  changeant  la  nature,  mais  en  ajoutant 
la  grâce  à  la  nature.  »  Ainsi  selon  Théodo- 
ret, la  fin  que  Jésus-Christ  a  eue,  non-seule- 
ment en  appelant  le  pain  et  le  vin  son  corps 
et  son  sang,  mais  aussi  en  appelant  son  corps 
froment  et  paiii,  et  en  s'appelant  lui-même 
vigne ,  est  de  nous  faire  croire  que  le  pain  et 
le  vin  sont  changés  au  corps  et  au  sang  de 
Jésus-Christ.  Ce  changement  est  la  cause  et 
le  fondement  de  ces  expressions;  mais  comme 
ce  changement  n'est  pas  également  signifié 
par  ces  expressions ,  et  que  quand  Jésus- 
Christ  a  dit  :  Ceci  est  mon  corps ,  ceci  est  mon 
sang,  il  l'a  marqué  directement  et  clairement  ; 
au  lieu  qu'il  ne  l'a  marqué  que  métaphori- 
quement et  obscurément,  en  disant  :«  Je  suis 
la  vigne;  »  il  s'ensuit  que  la  vérité  de  l'une 
dépend  de  celle  de  l'autre ,  et  que  la  pre- 
mière est  propre,  et  l'autre  métaphorique. 
On  ne  doit  donc  nullement  conclure  de  la 
comparaison  que  fait  Théodoret  entre  ces 
propositions,  qu'il  les  égale  dans  leur  vé- 
rité ou  dans  leur  manière  de  signifier,  mais 
seulement  qu'il  les  rapporte  à  la  même  fin, 
qui  est  de  montrer  que  par  le  sang  du  raisin 
dans  lequel  Jacob  dit  que  le  Messie  lavera 
son  vêtement,  il  faut  entendre  le  sang  de  Jé- 
sus-Christ. 

23.  La  difficulté  que  les  sacramentaires 
font  sur  le  second  passage  de  Théodoret, 
vient  d'être  suffisamment  éclaircie;  car  il  pa- 
raît par  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  que 
Théodoret  admet  dans  le  sacrement  de  l'eu- 
charistie un  changement  du  pain  et  du  vin 
au  corps  et  au  sang  de  Noire-Seigneur;  d'ofi 
l'on  doit  conclure  qu'il  a  cru  la  transsubstan- 
tiation, et  qu'il  n'a  point  eu  sur  cet  article 
de  foi  des  sentiments  différents  de  ceux  des 
Pères  de  son  temps  :  mais  on  peut  encore 
objecter  que  Théodoret,  en  pailant  de  ce 
changement,  dit  non-seulement  qu'il  se  fait 
par  grâce,  mais  qu'il  ne  change  pas  même 
la  nature,  et  que  la  grâce  ajoute  seulement 
à  la  nature.  «  Jésus-Christ,  dit  cet  interprète, 
a  honoré  les  symboles  de  son  corps,  non  en 
changeani  la  nature,  mais  en  ajoutant  la 


[V^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORE!,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


Tom.  m 
la  Perpé- 
lé,  liv.  V, 
,  VI  et  VII. 


grâce  à  la  nature  '.  »  Et  encore  :  «  Les  sym- 
boles 2  mystiques  ne  quittent  point  leur  pro- 
pre nature,  et  ils  demeurent  en  leur  pre- 
mière essence  et  dans  leur  figure  et  dans 
leur  forme.  »  On  conclut  de  ces  passages 
que  la  nature  du  pain  n'est  donc  point  chan- 
gée dans  l'eucharistie.  Il  est  vrai  que  Théo- 
doret  ne  détermine  point  quel  est  l'efiet  de 
la  grâce  qui  produit  le  changement  qui  se 
fait  dans  l'eucharistie;  mais  la  suite  de  son 
discours  donne  lieu  de  croire  que  c'est  de 
rendre  les  symboles  corps  et  sang  de  Jésus- 
Christ;  en  sorte  qu'en  les  recevant,  on  re- 
çoive le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ.  A 
l'égard  de  ce  qu'il  dit  que  les  symboles  mys- 
tiques demeurent  en  leur  première  essence, 
il  faut  remarquer  que  les  termes  de  nature 
et  de  substance  ou  essence,  ont  un  usage  très- 
commun  dans  les  Pères,  selon  lequel  il  n'est 
point  contraire  à  la  doctrine  catholique  ,  de 
dire  que  les  symboles,  c'est-à-dire  le  pain  et 
le  vin  «  retiennent  leur  propre  nature  et  de- 
meurent dans  leur  propre  essence.  »  Le  mot 
de  nature,  dit  le  ministre  Aubertin,  se  prend 
très-souvent  pour  la  qualité  et  la  condition. 
Ainsi  l'on  dit  qu'une  chose  est  changée  en 
la  nature  d'une  autre,  parce  qu'elle  en  ac- 
quiert les  qualités;  ce  qu'il  prouve  par  vingt- 
quatre  passages  tirés  de  divers  Pères.  Selon 
ce  sens,  on  peut  bien  dire  que  le  pain  ne 
change  pas  de  nature  par  la  consécration, 
puisqu'il  ne  change  pas  de  qualités.  11  faut 
encore  remarquer  que  le  dialogue  de  Théo- 
doret  d'où  l'on  a  tiré  les  passages  que  l'on 
objecte  contre  la  transsubstantiation,  a  pour 
but  de  réfuter  l'hérésie  des  eutychéens,  qui 
enseignaient  qu'il  n'y  avait  qu'une  nature 
en  Jésus-Christ.  Ils  voulaient,   selon  l'idée 
que  ce  Père  donne  de  leur  sentiment,  que 
l'essence  humaine  fût  tellement  absorbée, 
que  le  corps  de  Jésus-Christ  fût  invisible, 
impalpable,  sans  étendue,  incirconscrit,  sans 
forme  humaine  et  sans  aucune  des  proprié- 


129 

tés  de  la  nature  de  l'homme.  L'Eglise,  au 
contraire,  prétendait  contre  eux  que  le  corps 
de  Jésus-Christ  était  encore  visible ,  palpa- 
ble ,  circonscrit ,  qu'il  avait  la  forme  et  la 
figure  humaine,  et  qu'il  conservait  Fessence 
d'un  corps  humain.  C'est  sur  cette  question 
que  Théodoret  ayant  tiré  un  argument  de 
l'eucharistie,  pour  montrer  que  Jésus-Christ 
avait  encore  un  vrai  corps,  l'eutychéen  en 
veut  tirer  un  de  son  côté,  et  il  le  fait  en  cette 
manière  :  premièrement,  il  fait  confesser  à 
l'orthodoxe  que  les  symboles,  après  la  con- 
sécration, s'appellent  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ.  Il  lui  fait  confesser,  en  second 
lieu,  qu'il  croyait  recevoir  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Christ.  Sur  ce  double  aveu  il  forme 
cet  argument  :  «  Comme  donc  -  les  symbo- 
les du  corps  et  du  sang  du  Seigneur  sont 
autres  avant  l'invocation  sacerdotale;  mais, 
après  la  consécration,  ils  sont  changés  et 
sont  faits  autres;  de  même  le  corps  du  Sei- 
gneur a  été  changé  en  essence  divine.  »  Que 
répond   Théodoret    à    ce   raisonnement  de 
l'eutychéen  ?  «  Vous  vous  êtes,  lui  dit-il,  en- 
veloppé dans  les  filets  *  que  vous  avez  vous- 
même  tendus;  car  les  symboles  mystiques 
ne  quittent  point  leur  propre  nature  après 
la  consécration,  puisqu'ils  demeurent  comme 
auparavant  dans  leur  première  essence,  en 
leur  première  figure  et   en  leur  première 
forme,  et  qu'ils  sont  visibles  et  palpables  : 
mais  on   conçoit  par   l'entendement  qu'ils 
sont  ce  qu'ils  ont  été  faits,  »  c'est-à-dire  le 
corps  et  le  sang  de   Jésus-Christ,    comme 
nous  avons  prouvé  que  Théodoret  ne  pou- 
vait entendre  autre  chose.  «  On  croit  qu'ils 
le  sont,  et  on  les  adore  comme   étant  ce 
qu'on  les  croit.  Comparez  donc  maintenant 
celte  image  avec  son  original,  et  vous  verrez 
le  rapport  qu'il  y  a  de  l'un  à  l'autre;  car  il 
faut  que  la  figure  ressemble  à  la  vérité.  Le 
corps  donc  de  Jésus-Christ  garde  sa  première 
figure,  sa  première  forme ,  sa  première  cir- 


1  Visibilia  symbola  corporis  et  sanguinis  appella- 
tione  honoravit,non  naturam  mufa?is,  sed  naturœ  gra- 
tiam  addens.  Tlieodoret.,  Dialog.  i,  pag.  18. 

2  Negite  enim  symbola  mystica  post  sanctificalionem 
rccedunt  a  sua  nafiira  :  manent  enim  in  priore  subs- 
iantia,  et  figura,  et  forma.  Idem,  Dialog.  2,  pag.  85. 

'  Eranistes  :  Sicut  ergo  symbola  Dominici  corporis 
et  sanguinis  alia  sunt  ante  sacerdotis  inmcationem , 
post  invocationem  vero  mutantur,  et  alia  fiunt;  ita 
Dominicum  corpuspost  ascensionemin  divinam  substan- 
liam  mutatum  est.  Dialog.  2,  pag.  85. 

'•  Retibus  quœ  ipse  texuisii  captus  es.  Negue  enim 
symbola  mystica  post  sanctificationem  recedunta  sua 


natura;  manent  enim  in  priore  substantia,  et  figura, 
et  forma,  et  videri  tangique  possunt,  sicut  et  prius  ; 
intelliguntur  autem  ea  esse  quœ  factasunt,  etcredun- 
tur,  et  adorantur,  ut  quœ  illa  sint  quœ  creduntur. 
Confer  igitur  imaginem  cum  archetypo,  et  videbis 
similitudinem.  Oportet  enim  figuram  similem  esseve- 
ritati,  Illud  enim  corpus  priorem  habet  formam,  et 
circumscriptionem,  et,  ut  semel  dicam,  corporis  subs- 
tantiam;  immortale  autem  post  resurrectionem,  et 
immune  a  corruptione  factum  est,  sedemque  a  dextris 
adeptum,  et  ab  omni  creutura  adoratur,  quia  Domini 
naturœ  corpus  appellaiur.  Ibid, 


130 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


conscription,  et  pour  le  dire  en  un  mot,  il  a 
l'essence  d'un  corps.  »  Quand  il  serait  même 
vrai  que  par  les  termes  dont  Théodoret  use 
à  l'égard  des  symboles,  il  leur  aurait  donné 
trop  de  réalité,  ces  expressions  se  trouve- 
raient corrigées  par  ce  qu'il  dit  ensuite, 
«  que  les  symboles  sont  faits  corps  de  Jésus- 
Christ,  et  qu'on  les  adore  comme  étant  ce 
qu'on  les  croit.  »  On  dira  peut-être  que 
quand  Théodoret  conclut  que  le  corps  de 
Jésus-Christ  conserve  la  substance  du  corps, 
il  veut  dire  qu'il  conserve  la  substance  par 
opposition  aux  accidents  :  non^  le  mot  de 
substance  ne  signifie  en  aucun  des  deux  en- 
droits objectés  la  substance  par  opposition 
aux  accidents,  il  signifle  en  tous  les  qualités 
et  les  propriétés;  Théodoret  s'en  sert  dans 
le  même  sens,  et  dans  le  principe  et  dans  la 
conclusion.  Le  principe  est  que  les  symboles 
retiennent  leur  première  essence,  c'est-à- 
dire  les  propriétés  du  pain  et  du  vin,  et  la 
conclusion  est  que  le  corps  de  Jésus-Christ 
consei've  l'essence  du  corps,  c'est-à-dire  les 
propriétés  d'un  corps  :  c'est  ce  qui  paraît  par 
son  expression  même  ;  car,  après  avoir  dit 
«  que  le  corps  de  Jésus-Christ  garde  sa  pre- 
mière forme,  sa  première  figure,  sa  première 
circonscription,  »  il  ajoute,  pour  rassembler 
en  un  mot  toutes  les  autres  propriétés  du 
corps  humain  :  «  Il  a  l'essence  d'un  corps;  » 
par  où  il  fait  voir  qu'il  regardait  le  mot  de 
substance  comme  renfermant  les  propriétés 
déjà  exprimées,  et  celles  qui  ne  l'étaient 
pas. 
Sur  l'Ordre  '^^-  ^^  "°™  d'évêquo  *  ct  dc  prêtre  était 
commun  aux  évéques  du  temps  des  apôtres. 
On  ne  laissait  pas  dès  lors  de  distinguer  trois 


degrés  dans  la  hiérarchie  de  l'EgHse.  Les 
évéques  étaient  distingués  des  prêtres  parle 
nom  d'apôtres,  et  on  ne  doutait  pas  qu'ils 
ne  leur  fussent  supérieurs  en  dignité.  Outre 
les  évéques,  les  prêtres  et  les  diacres,  Théo- 
doret marque  ^  parmi  les  ministres  de  l'E- 
glise, des  sous-diacres  ^  et  des  lecteurs  *.  Il 
dit  que  ^  l'on  doit  examiner  la  vie  de  celui 
que  l'on  veut  ordonner,  et  après  cet  exa- 
men, invoquer  la  grâce  du  Saint-Esprit  sur 
lui.  L'ordination  se  faisait  par  l'imposition 
des  mains,  qu'on  ne  réitérait  pas.  Flavien, 
évêque  d'Antioche,  ayant  su^  quelle  était  la 
vertu  du  solitaire  Macédonius,  le  fit  venir  du 
haut  de  la  montagne  où  il  demeurait ,  sous 
prétexte  de  répondre  à  une  accusation  for- 
mée contre  lui,  et,  durant  la  célébration  du 
saint  sacrifice,  il  l'ordonna  prêtre.  La  céré- 
monie achevée,  Flavien  lui  ayant  dit  ce  qui 
s'était  passé,  Macédonius,  qui  l'avait  ignoré 
jusque-là,  lui  en  fit  mille  reproches,  et  à  tous 
ceux  qui  étaient  présents.  Le  dimanche  sui- 
vant, Flavien  le  fit  encore  venir  et  le  pria 
d'assister  à  la  cérémonie  avec  les  autres. 
Macédonius,  s'adressant  à  l'évêque  et  aux 
prêtres,  leur  dit  :  «  N'êtes -vous  donc  pas 
content  de  ce  qui  s'est  déjà  passé  ?  Voudriez- 
vous  de  nouveau  m'ordonner  prêtre?  »  Ils 
lui  répondirent  que  cela  ne  se  pouvait,  puis- 
qu'on n^imposait  jamais  les  mains  qu'une 
seule  fois.  Théodoret  rapporte  une  histoire 
qui  montre  combien  on  avait  en  horreur  les 
ordinations  faites  par  des  évéques  héréti- 
ques. Marie,  reine  des  Sarrasins'',  ayant  de- 
mandé le  saint  solitaire  Moïse  pour  évêque, 
celui-ci  ne  voulut  point  souffrir  que  Lucien, 
évêque  arien,  intrus  à  Alexandrie,  lui  impo- 


*  Paulus  et  Timotheus  servi  Jesu  Christi  omnibus 
sanctis  in  Christo  Jesu  qui  stmt  Philippis,  cum  epis- 
copis  et  diaconibus...  Episcopos  vero  appellat  presby- 
teros,  utrumque  enim  nometi  habebant  illo  tempore.... 
beatum  porro  EpaphrodHum  in  epistola  ipsa  eorum 
appellavit  apostolum  :  «  Vesirurn  enim ,  inquit,  aposto- 
lum,  et  neeessiiuiis  meœ  adjutorem.  >:  Aperte  ergo  do- 
cuit  episcopalem  dispensaiionem  ei  fuisse  crédit am, 
cum  appellationem  haberet  opostoli.  Théodoret.,  in 
Mpist.  ad  Philipp.,  cap.  I,  pag.  3^3.  Eum  autem  ip- 
sorum  apostolum  vocavit ,  ut  oui  esset  illorum  cura 
concredita  ;  ut  clarum  sit  sub  eo  fuisse  eos  qui  in 
principio  dicti  sunt  episcopi ,  presbyterorum  scilicet 
in  ordine  constitua.  Ibid.j  in  cap.  u,  vers,  25,  pag. 
333.  Eosdem  olim  vocabant  presbyteros  ei  episcopos  ; 
eos  autem  qui  nutic  vocantur  episcopi.  apostolos  nomi- 
nabant.  Précédente  autem  tempore,  apostolalus  nomen 
reliquerunt  iis  qui  vero  erant  apostoli  :  episcopatus 
autem  appellationem  imposuerunt  iis  qui  olim  appel- 
labantur  apostoli.  Itu  Philippensium  apostolus  erat 


Epaphroditus.  lia  Çretensium  Titus  et  Asianorum 
Timotheus  apostoli.  Ita  ab  Hierosolymis  iis  qui  erant 
Antiochiœ  scripserunt  apostoli  et  presbyteri.  Sed 
tamen  eliam  si  presbyteris  isia  consiituit  divinus  Apos- 
tolus, clarum  est  quod  lias  leges  oporieret  primas 
servare  episcopos,  qui  majorem  dignitatem  sortiti 
sunt.  Théodoret.,  in  cap.  xssi  ad  Timoth.,  pag.  473, 
474. 

2  Idem,  Epist.  125,  pag.  703,  tom.  IV. 

3  Idem,  Epist.  10,  pag.  904,  tom.  111. 
*  Idem,  Epist.  125,  pag.  703,  tom.  IV. 

'■  Oportet  enim  prius  examinare  vilam  e/us  qui  or- 
dinatur,  deinde  in  ipsum  invocare  gratiam  Spiritus. 
Idem,  in  Epist.  1  ad  Timoth.,  cap.  v,  pag.  785, 
tom.  III. 

^  Théodoret.,  Hist.  relig.,  cap.  xm,  pag.  833, 
tom.  III. 

'  Idem,  ILb.  IV  Hist.  eccles.,  cap.  xx,  pag.  694  et 
695. 


[V«   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


131 


sât  les  mains,  disant  que  les  prières  d'un  tel 
homme  étaient  incapables  d'attirer  la  grâce 
du  Saint-Esprit.  Antiochus,  neveu  de  saint 
Eusèbe  de  Samosate,  fit  la  même  chose.  Le 
concile  de  la  province  '  s'étant  assemblé  sui- 
vant la  coutume,  pour  l'ordonner  évêquc  de 
cette  ville,  Jovien,  évêque  de  Perge,  qui 
avait  été  quelque  temps  dans  la  communion 
des  ariens,  s'y  trouva  comme  les  autres. 
Tous  ayant  donné  leur  sulïrage  pour  l'élec- 
tion d'Antioclms,  on  le  mena  près  de  l'autel, 
et  on  le  fit  mettre  à  genoux  pour  recevoir 
l'imposition  des  mains  :  en  se  retournant,  il 
vit  Jovien  qui  s'avançait  avec  les  autres  ;  il 
repoussa  sa  main  et  voulut  qu'il  se  retirât, 
disant  qu'il  ne  pouvait  souffrir  sur  sa  tête 
une  main  qui  avait  reçu  les  mystères  célé- 
brés par  des  blasphèmes,  c'est-à-dire  l'eu- 
charistie des  ariens.  On  ordonnait  quelque- 
fois des  bigames  en  Orient.  Le  comte  Irénée 
ayant  été  nommé  évêque  de  Tyr  par  le  suf- 
frage -  des  évêques  de  Phénicie,  Théodoret 
l'ordonna,  quoiqu'il  eût  été  marié  deux  fois; 
il  crut  devoir  passer  par-dessus  cette  irrégu- 
larité, à  l'exemple  d'Alexandre  d'Antioche, 
qui  avait  ordonné  avec  Acace  de  Bérée,  Dio- 
gène,  bigame;  etdePrayle,  évêque  de  Jéru- 
salem ,  qui  avait  aussi  ordonné  Domnin , 
évêque  de  Césarée,  bigame.  Proclus,  évêque 
de  Constantinople ,  approuva  l'ordination 
d'Irénée;  les  principaux  évêques  du  diocèse 
de  Pont,  et  tous  ceux  de  la  Palestine  l'ap- 
prouvèrent également;  mais  l'empereur  Théo- 
dose-le-Jeune  donna  ^  une  loi  portant  qu'I- 
rénée  qui^  après  avoir  encouru  l'indigna- 
tion de  ce  prince,  comme  nestorien,  avait 
été  ordonné  contre  les  canons,  serait  chassé 
de  l'Eglise  de  Tyr;  qu'il  ne  sortirait  point 
de  son  pays,  et  qu'il  y  demeurerait  en  re- 


pos, sans  porter  le  nom  ni  l'habit  d'évêque. 
25.  Les  femmes  étaient  *  communes  par- 
mi les  nicolaïtes,  hérétiques  des  premiers 
siècles,  qui  avaient  donné  à  leur  secte  le 
nom  de  Nicolas,  l'un  des  sept  premiers  dia- 
cres de  l'Eghse  de  Jérusalem.  Saint  Clément  ^ 
d'Alexandrie,  et  après  lui  Théodoret  ^,  ra- 
content que  ce  diacre  ayant  une  femme 
dont  on  disait  qu'il  était  jaloux,  à  cause  de 
sa  beauté,  la  fit  venir  en  présence  de  l'as- 
semblée, et  permit  de  l'épouser  à  quiconque 
la  voudrait.  Il  agit  de  cette  sorte,  ajoutent 
ces  écrivains,  non  qu'il  voulût  la  donner  en 
mariage  à  personne,  mais  uniquement  pour 
confondre  ceux  qui  l'accusaient  de  jalousie. 
Son  action  ne  laissa  pas  de  servir  de  pré- 
texte à  quelques-uns  de  mépriser  les  règles 
du  mariage.  Pour  lui,  il  était  très-sage  et 
très-  chaste.  Son  fils  et  ses  filles,  qui  vécurent 
longtemps,  gardèrent  toujours  la  virginité. 
L'hérésiarque  '  Saturnin  est  le  premier  qui 
ait  dit  que  le  mariage  vient  de  satan.  Les 
encratites  ^  enseignèrent  la  même  chose. 
Montan  ^  séparait  les  personnes  mariées. 
Les  novaliens  '"  condamnaient  les  secondes 
noces,  et  excluaient  "  des  saints  mystères 
ceux  qui  s'étaient  mariés  une  seconde  fois. 
Le  mariage  n'est  point  mauvais  '^;  autre- 
ment Dieu  ne  l'aurait  pas  établi,  ni  appelé 
bénédiction  la  génération  des  enfants.  11  n'a 
pas  même  défendu  aux  anciens  la  pluralité 
des  femmes,  alors  nécessaire  pour  la  multi- 
plication du  genre  humain;  mais  l'unique 
but  que  les  patriarches  se  proposaient  dans 
le  mariage  étant  d'avoir  des  enfants;  ce  mo- 
tif les  mettait  à  couvert  du  reproche  d'in- 
continence. L'Apôtre^,  loin  de  '^  condamner 
le  mariage,  en  défend  la  dissolution,  quand 
même  il  l'aurait  contracté  avec  des  infidèles. 


Sur  le  Ma- 
riage. 


1  Théodoret.,  lib.  IV  Hisi,  eccles.,  cap.  xin, 
pag.  677,  678. 

2  Idem,  Epist.  110,  pag.  980. 

'  Toin.  III  Concil.,  pag.  215,  216. 

">  Théodoret.,  lib.  III  Eceret.  FabuL,  pag.  226  et 
227. 

s  Lib.  m  Siromat,  pag.  436. 

«  Théodoret.,  lib.  III  Hœret.  FabuL,  pag.  226. 

'  Idem,  ibid.,  pag.  194. 

8  Idem,  ibid.,  pag.  208. 

s  Idem,  ibid.,  pag.  227. 

'"  Idem,  m  Epist.  1  Cor.,  cap.  vu,  pag.  156. 

'1  Idem,  lib.  III  Hœret.  FabuL,  pag.  229. 

12  Siautem  tnatum  esset  malrimonium,  minime  illud 
a  principio  constituisset  Dominus  Deus,  nec  liherorum 
suscepiionem  benedictionem  vocasset.  Propterea  enim 
veteres  plures  habere  nxores  non  vetuit,  ut  genus  hu- 
manum  augeretur,  Eaque  de  causa  etiam  viri  reli- 


giosi,  ciim  plurium  filiorum  patres  esse  cupereni,  dua- 
bus  et  tribus  et  pluribus  uxoribus  jungebanlur.  Quod 
enim  non  voiuptali  servientes,  plurium  uxorum  con- 
suetudinem  ferebant,  testatur  Abraham  patriarcha, 
qui  post  multas  Sarœ  adhortationes  cum  Agar  con- 
g7'essus  est,  et  post  efus  partum  ad  eam  non  amplius 
accessit,  etc.  Idem,  lib.  III  Hœret.  FabuL,  cap.  xsv, 
pag.  307. 

13  Tantum  abest  ut  prohibeat  matrimonium,  ut  etiam 
eum  gui  dissolvit,  dominicis  legibus  cohibeat.  Non 
enim  ego,  inquit,  hanc  Icgem  scribo,  sed  Dominus 
Deus,  qui  in  Evangeliis  divinis  adjecit,  et  eam  quœ 
separata  fuerit  innuptam  manere  jussit,  hac  rations 
cogens  redire  ad  virum,  Quin  etiamsi  quœ  infidèles 
habent  viros,  et  iis  qui  infidelibus  juncii  sunt  uxori- 
bus, prœcipit  non  soluere  matrimonium.  Idem,  ibid., 
pag.  309,  310. 


132 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sur  les  Mar- 
tyrs. 


Il  approuve  '  les  secondes  noces;  mais  il  dé- 
fend la  fornication  ^  et  toutes  les  autres  im- 
pudicités. 

26.  «  Les  martyrs  ^  jouissent,  après  leur 
mort,  de  la  vie  bienheureuse;  ils  ont  soin  * 
des  affaires  des  hommes,  et  parce  qu'ils  ont 
souffert  la  mort  pour  la  justice  et  la  piété, 
ils  chassent  ^  les  maux  et  promettent  des 
biens.  Ce  sont  les  amis  de  Dieu,  auprès  de 
qui  ils  ont  une  grande  liberté  :  ainsi  on  les 
regarde  avec  raison  comme  les  médecins, 
les  guides,  les  défenseurs  ^  des  fidèles,  qu'ils 
pi'otégent  contre  ceux  qui  veulent leurnuire. 
Ce  n'est  point  l'usage  d'offrir  aux  martyrs 
des  hosties  ni  des  libations  '.  On  les  honore 
seulement  comme  de  saints  hommes  qui  ont 
aimé  Dieu,  pendant  que  leurs  âmes  sont 
dans  le  ciel  ^  au  milieu  des  chœurs  des  an- 
ges; les  villes  et  les  bourgades  se  partagent 
leurs  corps,  qu'elles  appellent  leurs  méde- 
cins salutaires;  elles  les  honorent  comme 
leurs  gardiens,  et  elles  obtiennent  par  leur 
intercession  des  grâces  extraordinaires  ;  ce- 
pendant, le  partage  de  leurs  reliques  n'en 
diminue  pas  la  vertu,  parce  que  la  grâce 
qui  est  présente,  distribue  les  dons  et  les 


proportionne  à  la  foi  de  ceux  qui  prient.  Les 
temples  des  martyrs  étaient  ordinairement  ' 
magnifiques  les  fidèles  s'y  assemblaient,  non 
une,  deux  ou  cinq  fois  l'année,  mais  fort 
souvent,  et  quelquefois  tous  les  jours  de  la 
semaine,  pour  chanter  les  louanges  du  Sei- 
gneur et  des  martyrs.  Ceux  qui  jouissaient 
d'une  parfaite  santé,  les  priaient  de  la  leur 
conserver;  ceux  qui  avaient  quelqu'indispo- 
sition  corporelle,  en  démandaient  la  guéri- 
son;  ceux  qui  n'avaient  point  d'enfants,  leur 
en  demandaient;  les  femmes  stériles  les 
priaient  pour  obtenir  la  fécondité;  ceux  qui 
voyageaient  les  prenaient  pour  guides,  et 
lorsqu'ils  revenaient  sains  et  saufs  de  leurs 
voyages,  ils  leur  en  rendaient  des  actions  de 
grâces.  Les  fidèles,  toutefois,  ne  s'adressaient 
pas  aux  martyrs  comme  à  des  dieux,  mais 
comme  à  des  hommes  saints,  les  priant  d'ê- 
tre leurs  intercesseurs  auprès  de  Dieu .»  Théo- 
doret  finit  presque  toutes  les  vies  des  saints 
solitaires  '",  en  les  priant  d'intercéder  pour 
lui  auprès  de  Dieu.  «Les  pères  et  mères  don- 
naient à  leurs  enfants  "  des  noms  de  mar- 
tyrs, espérant  par  là  leur  attirer  la  protec- 
tion de  ces  saints.  Il  se  faisait  dans  leurs 


*  Notandiim  est  autem,  quod  non  beatam,  sed  bea- 
tiorem  emn  dical  quœ  se  continet.  lia  docens,  quod 
non  omnino  beatiludine  sit  destiluta,  quœ  secundum 
etiam  matrimonium  ampleciitur,  sijuxta  positam  hic 
legem  jugum  subeat.  Ideni;,  ibid.,  pfig.  310. 

2  Fornicationem  autem  et  omnem  intemperantiam , 
tanquam  illegiiimas  aciiones  prohibemus.  Idem,  ibid., 
pag.  311. 

3  Quod  si  cœlum  sedes  illorum  est  qui  pie  vitam. 
duxerunt,  hanc  profecto  martyres  sortem  obiinent, 
quilius  pium  inagis  esse  nihil  potest.  Tàeodoret., 
serm.  8  de  Martyribus,  pag.   599. 

'  Theodoret.,  ibid.,  pag.  602,  603. 

^  Nos  enim  pari  modo  eos  qui  pietate  claruerunt, 
proque  ea  cœsi  sunt,  malorum  depulsores  et  medicos 
nominamus  ;  dœmones  non  appellamus  {absit  a  nobis 
hic  furor),  sed  Dei  amicos  servosque  benevolos,  liber- 
iate  utentes  bonorumque  copiam  nobis  promittentes. 
Theodoret.,  ibid.,  pag.  602. 

''  Hi  sunt  vere  hominum  duces  et  propugnatores  et 
auxiliatores,  malorumque  depulsores,  damna  quœ  a 
dœmonibus  instigantur  procul  arcentes.  Idem ,  ibid., 
pag.  600. 

'  At  nos,  0  viri,  nec  hostias  martyribus,  nec  liba- 
mina  deferimus,  sed  ut  sanctos  Deique  amantes  hono- 
ramus.  Idem,  ibid.,  pag.  599. 

8  Ac  generosœ  quidetn  animœ  triximphatorum  cœ- 
lum nunc  obambulant  et  angelorum  choris  intersunt ; 
eorum  vero  corpora  non  singula  cujusque  condunt 
monurnenta ,  sed  urbes  et  vici  hœc  inter  se  partiti, 
animarum  illos  seroatores  corporumque  medicos  up- 
pellant,  veneranturque  tanquam  urbium  prœsides  at- 
gue  custodes.  Et  horum  apud  Deum  uniuersorum  in- 
terventu  divina  per  eos  mimera  consequuntur,  Sectis  eo- 


rum corporibus,  intégra  et  indivisa  gratia persévérât . 
Et  tenues  illœ  ac  lantillœ  reliquiœ  intégra  nullasque 
in  partes  dissecto  martyri  parem  hahent  virtuiem.  Quœ 
enim  adstat  gratia  dona  distribuit,  et  fi.de  supplican- 
tiuni  liberalitatem  metitur.  Idem,  serm.  8  de  Martyri- 
bus, pag.  593,  594. 

9  Victorum  vero  marlyrum  iempla  clara  et  conspi- 
cua  cernuntur,  magnitudineque  prœstantia,  et  omni 
ornatus  génère  illustria,  et  pulchritudinis  splendorem 
late  fundentia.  Neque  ad  hœc  nos  semel  bisve  aut  quin- 
quies  quot  annis  accedimus,  sed  fréquentes  conventus 
celebramus,  sœpe  etiam  diebus  siîigulis  horum  Domino 
laudes  decantamus,  et  qui  intégra  sunt  valetudine, 
hanc  sibi  conservari  ;  qui  autem  morbo  quopiam  con- 
flicfantur,  hmic  depelli  petunt.  Petiint  et  libéras  qui 
his  carent,  et  quœ  stériles  sunt,  rogant  ui  maires  fiant; 
qui  donum  adepti  sunt,  saluum  id  sibi  servari  postu- 
lant. Qui  peregrinationem  aliquam  auspicaniur,  ab 
his  petunt,  ut  viœ  sibi  comités  sinf,  ducesque  itineris  ; 
qui  sospites  redierunt,  gratias  referunt  :  non  illos 
adeuntes  ut  Deos,  sed  tanquam  divinos  homines  eos 
crantes,  intercessoresque  sibi  ut  esse  velint  postulan- 
tes. Idem,  serm.  9  de  Martyr.,  pag.  605,  606. 

i»  Idem,  Eist.  relig.,  pag.  772  et  seq. 

"  Quin  et  nascentibui  filiis  horum  vocabula  impo- 
nere  student,  securitatem  incle  tutelamque  comparantes. 
Theodoret.,  serm.  8  de  Martyribus,  pag.  606.  Quod 
vero  verborum  compotes  fiant  qui  fideliter  petunt,  pa- 
lam  testantur  illorum  donaria  curaiionem  indicantia. 
Alii  enim  oculorum,  alii  pedum,  alii  manuum  simu- 
lacra  suspetidunt,  ex  argenio  aurove  confecta...  hœc 
autem  morborum  depulsionem  indicant,  cui  lestan- 
dœ  ab  lis  posita  sunt  qui  sanitalem  receperunt.  Idem, 
ibid. 


i 


[V  SIÈCLE.' 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


temples  grand  nombre  de  guérisons  miracu- 
leuses. On  y  voyait  des  figures  d'yeux,  de 
mains,  de  pieds,  faites  d'argent  ou  d'or,  que 
ceux  qui  avaient  été  guéris  y  suspendaient, 
pour  marquer  leur  reconnaissance.  Les  fem- 
mes *  de  piété  avaient  aussi  coutume  d'oin- 
dre les  châsses  des  martyrs.  Au  lieu  des  l'êtes 
de  Jupiter  et  de  Bacchus  ^,  qui  se  passaient  en 
débauche  parmi  les  païens,  les  chrétiens  célé- 
braient celles  de  saint  Pierre,  de  saint  Paul, 
de  saint  Thomas,  des  saints  Sergius,  Marcelle, 
Léontius,Pantéléemont,  Maurice,  Antonin,  en 
chantant  des  hymnes  ,  en  écoutant  la  parole 
de  Dieu,  et  en  faisant  des  prières  mêlées  de 
larmes.  On  mettait  les  corps  des  martyrs 
dans  des  tombeaux  ornés  superbement.  Ju- 
lien l'Apostat  3  ayant  fait  mourir  deux  olfl- 
ciers  de  sa  cour,  Juventin  et  Maximin,  sous 
prétexte  de  rébellion  à  ses  ordres,  mais  en 
effet  pour  leur  ravir  la  gloire  du  martyre, 
l'Eglise  d'Antioche  mit  leurs  corps  dans  un 
superbe  tombeau,  et  établit  une  fête  annuelle 
pour  honorer  leur  mémoire.» 

Théodoret,  dans  son  discours  contre  les 
Païens,  semble  leur  reprocher  de  n'avoir  pas 
accordé  à  Socrate  des  honneurs  semblables  * 
à  ceux  que  les  chrétiens  rendent  aux  martyrs, 
après  avoir  fait  mourir  ce  grand  homme 
d'une  mort  violente.  «On  ne  lui  a  pas,  dit-il, 
bâti  de  temple,  on  ne  lui  a  point  consacré 
de  chapelle,  on  ne  lui  a  point  institué  de  fê- 
tes. »  Il  raconte  ^  que  Julien  ayant  fait  bâtir 
une  église  en  l'honneur  des  martyrs,  ces 
saints,  qui  prévoyaient  son  apostasie,  refusè- 
rent son  présent.  Les  fondements  de  cet  édi- 
fice n'étant  pas  plus  stables  que  l'esprit  de 
celui  qui  les  avait  jetés,  il  tomba  avant  d'être 
dédié.  On  voit,  par  la  Vie  de  saint  Marcien, 
que  l'on  bâtissait  quelquefois  des  oratoires 
aux  saints,  même  pendant  leur  vivant.  Plu- 
sieurs personnes  ^  en  firent  construire  pour 
mettre  son  corps  après  sa  mort.  Alypius  en 


133 

bâtit  un  dans  la  ville  de  Cyr.  Zénobianne, 
femme  riche,  de  grande  condition  et  d'une 
vertu  émi'nente,  en  fit  un  dans  Chaleine,  et 
d'autres  ailleurs,  chacun  désirant  d'enlever 
et  de  posséder  les  reliques  du  saint.  Marcien, 
l'ayant  su,  obligea  sous  serment  Eusèbe, 
son  ami,  d'enterrer  son  corps  dans  le  désert, 
et  de  n'en  découvrir  l'endroit  qu'à  deux  de 
ses  disciples  en  qui  il  avait  une  confiance 
particulière.  Eusèbe  exécuta  cet  ordre  si  fi- 
dèlement, que  le  corps  du  saint  demeura 
inconnu  durant  plus  de  cinquante  ans. 

27.  Pour  abolir   '   la  mémoire  de  la  ré-   ..surrjnven- 

tio  n    d  e    1  a 

surrection  de  Jésus-Christ,  les  païens  avaient  '''°'°  '^"''■• 
comblé  la  grotte  du  Saint-Sépulcre ,  élevé  au- 
dessus  une  grande  quantité  de  terre ,  et  bâti 
un  temple  à  Vénus,  où  ils  olfraient  des  sa- 
crifices à  cette  idole,  afin  que  les  chrétiens 
parussent  eux-mêmes  l'adorer  quand  ils 
viendraient  en  ce  lieu  ^  pour  y  adorer  Jésus- 
Christ.  Constantin,  au  lieu  du  temple  dédié 
à  Vénus,  ordonna  de  bâtir  en  cet  endroit 
une  église  magnifique  ^,  voulant  qu'elle  sur- 
passât en  beauté,  non-seulement  les  autres 
églises,  mais  tous  les  édifices  des  autres 
viOes.  «  J'ai  donné  ordre,  dit-il,  à  Dracilien, 
vicaire  des  préfets  du  prétoire  et  gouvei- 
neur  de  la  province,  d'employer,  suivant  vos 
ordres  (il  parle  à  saint  Macaire,  évêque  de 
Jérusalem),  les  ouvriers  nécessaires  pour 
élever  les  murailles.  Mandez-moi  quels  mar- 
bres précieux  et  quelles  colonnes  vous  ju- 
gerez plus  convenables,  afin  que  je  les  y 
fasse  conduire.  Je  serais  bien  aise  de  savoir 
si  vous  jugez  à  propos  que  la  voûte  de  l'é- 
ghse  soit  ornée  de  lambris  ou  de  quelqu'au- 
tre  sorte  d'ouvrage.  Si  c'est  du  lambris,  on 
y  pourra  mettre  de  l'or.  »  Sainte  Hélène, 
mère  de  ce  prince,  ayant  entrepris  le  voyage 
de  Jérusalem,  malgré  son  grand  âge,  se  char- 
gea de  la  lettre  '"  de  son  fils  à  Macaire.  Arri- 
vée au  lieu  où  le  Sauveur  avait  souffert  la 


1  Muîierculœ  consueverunt  in  templis  divinis  oleo 
ungere  adytorum  cancellos  et  sunciorum  niartyrum 
thecas.  Id  vero  demonstrat  animi  pietatem.  Theodor.j 
qi:i|;est.  84  in  Gènes.,  pag.  61. 

2  Pro  Pandiis  enim  Diasiisque,  ac  Dionisiis  et  aliis 
vesfris,  Pétri  et  Pauli,  et  Thomœ,  et  Sergii,  et  Mar- 
celli,  et  Leonfii,  et  Panteleemonis,  et  Antonini,  et 
Mauricii,  aliorumqiie  martyrum  so/emnitaies  pera- 
guntur,  et  pro  illa  veteri  pompa  turpique  rerum  ac 
verborum  obscœnilate,  modastœ  celebrantur  feslivila- 
les,  non  ebrietatem,  et  jocos  risusque  exhibentes ,  sed 
divina  caniica,  sacrorumque  sermonum  auditionem,  et 
preces  laudahilibus  lacrymis  ornatas.  Théodoret. , 
serm.  8  de  Martyr.,  pag.  607. 


3  Lib.  III  Hisf.  eccles.,  cap.  xi,  pag.  650. 

'  Neque  tamen  honorem  martyribus  parem  est  con- 
secutus  [Sacrâtes);  num  nec  illi  templum  extruxerunt , 
nec  locum  aliquem  consecrarunt,  nec  solemnem  festi- 
vitatem  indixerunt.  Théodoret.,  serm.  8  de  Martyr., 
pag.  603. 

'"  Idem,  lib.  Ht  Hist.  eccles.,  cap.  I,  pag.  637. 

^  Théodoret.,  Hist.  relig.,  cap.  lu,  pag.  792  et 
793. 

''  Euseb.,  lib.  III  de  Vita  Constanlini,  cap.  xvi, 
pag.  497. 

8  Rufiu.,  lib.  I  Hist.,  cap.  vu,  pag.  237. 

9  Théodoret.,  lib.  I  Hist.,  cap.  svi,  pag.  563. 
1»  Idem,  ibid.,  cap.  xvu,  pag.  563,  564. 


134 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  te  signe 
de  la  Croix. 


mort,  elle  fit  démolir  le  temple  de  Vénus, 
avec  ordre  d'en  transporter  les  démolitions 
ailleurs.  Le  tombeau  de  Jésus-Christ  qui 
était  resté  si  longtemps  caché,  ayant  été 
découvert,  on  aperçut  trois  crois.  Il  n'y  avait 
point  de  doute  que  l'une  des  trois  ne  i'iït 
celle  où  le  corps  du  Seigneur  avait  été  atta- 
ché; mais  la  difficulté  était  de  la  distinguer 
de  celles  des  deux  larrons.  Macaire,  qui  était 
un  homme  rempli  de  sagesse,  trouva  le 
moyen  de  lever  cette  difficulté.  Après  s'être 
mis  en  prière,  il  fit  toucher  les  trois  croix  à 
une  dame  de  qualité,  malade  depuis  long- 
temps. Celle  du  Sauveur  ne  l'eut  pas  plutôt 
touchée,  qu'elle  recouvra  la  santé.  Sainte 
Hélène,  informée  par  ce  miracle  de  ce  qu'elle 
avait  tant  souhaité  de  savoir,  fit  mettre  une 
partie  des  clous  au  casque  de  Constantin, 
pour  le  garantir  des  traits  de  ses  ennemis, 
et  une  autre  partie  au  mors  de  son  cheval, 
tant  pour  le  conduire  et  le  défendre ,  que 
pour  accomplir  cette  prophétie  faite  long- 
temps auparavant  :  Ce  qui  est  dans  le  mors 
du  cheval  sera  saint  au  Seigneur  tout-puissant. 
Elle  fit  porter  une  partie  de  la  vraie  croix 
au  palais,  et  laissa  l'autre  dans  une  châsse 
d'argent,  entre  les  mains  de  l'évêque,  le 
priant  de  la  garder  avec  soin. 

28.  Le  signe  de  la  croix  était  en  grande 
vénération  chez  tous  les  Grecs*,  les  Romains 
et  les  Barbares,  qui  confessaient  que  Jésus- 
Christ  crucifié  est  Dieu.  Théodoret  raconte 
qu'un  imposteur^  ayant  mené  Juhen  l'Apos- 
tat dans  la  partie  la  plus  secrète  d'un  temple 
d'idoles,  et  ayant  commencé  à  invoquer  les 
démons,  ils  parurent  sous  la  même  forme 
qu'ils  avaient  accoutumé  de  prendre.  A  la 
vue  de  ces  objets,  Julien,  frappé  de  peur,  fit 
sur  son  front  le  signe  de  la  croix,  et  aussitôt 
les  démons  s'enfuirent.  L'enchanteur  s'en 
plaignit  à  Julien,  qui,  avouant  sa  peur,  ne 
put  s'empêcher  d'admirer  la  vertu  du  signe 
de  la  croix.  «  Ce  n'est  pas,  lui  répondit  l'en- 
chanteur, la  crainte  de  la  croix  qui  les  a  fait 
retirer;  c'est  l'horreur  qu'ils  ont  eue  de  votre 
action.  »  Julien  se  paya  de  cette  raison  et  se 
fit  initier  aux  cérémonies  profanes.  Le  même 
historien,  en  louant  la  patience  ^  d'un  saint 


anachorète,  nommé  Limnée,  remarque  que 
dans  les  douleurs  d'une  effroyable  colique, 
et  dans  celles  que  lui  avait  causées  la  morsure 
d'une  vipère  en  dix  endroits  du  corps^  il  se 
guérit  par  le  signe  de  la  croix.  On  voit  en- 
core par  Théodoret*  que  les  chrétiens,  avant 
de  boire,  faisaient  le  signe  de  la  croix  sur 
leur  verre. 

29.  Julien  l'Apostat  voulant^  déclarer  la 
guerre  aux  Perses,  fit  auparavant  consulter 
par  ses  plus  fidèles  amis,  tous  les  oracles  de 
l'empire.  Etant  allé  lui-même  à  Daphné  ^ 
consulter  Apollon  Pythien,  l'oracle  lui  ré- 
pondit que  les  corps  morts  l'empêchaient  de 
parler,  mais  qu'aussitôt  qu'ils  seraient  ôtés, 
il  lui  prédirait  ce  qu'il  souhaitait.  Par  ces 
corps  morts,  l'oracle  d'Apollon  entendait  les 
reliques  du  martyr  saint  Babylas,  qu'on  avait 
déposées  dans  le  voisinage,  et  celles  de  quel- 
ques jeunes  hommes  martyrisés  avec  lui. 
C'était  la  puissance  de  ces  saints  corps  qui 
réduisait  '  Apollon  au  silence  et  l'empê- 
chait d'imposer  aux  peuples.  Julien,  sa- 
chant par  les  lumières  qu'il  avait  tirées  de 
notre  religion,  de  quoi  il  s'agissait,  n'osa  pas 
toucher  à  ces  reliques  ;  mais  il  commanda 
aux  chrétiens  de  transporter  celles  des  mar- 
tyrs. Aussitôt  ils  furent  en  foule  au  lieu  où 
étaient  celles  de  saint  Babylas,  les  mirent 
sur  un  char,  les  conduisirent  à  Antioche  en 
chantant  des  psaumes  et  en  répétant  à  cha- 
que verset,  ces  paroles  :  Que  tous  ceux-là 
soient  confondus  qui  adorent  des  statues.  Les 
chrétiens  regardèrent  cette  translation  comme 
une  victoire  remportée  sur  le  démon.  Lors- 
que l'empereur  Jovien  céda  la  ville  de  Nisibe 
aux  Perses,  les  habitants,  obligés  d'en  sortir, 
empoi'tèrent  ^  avec  eux  le  corps  de  saint  Jac- 
ques, évêque  de  celte  ville  et  leur  protec- 
teur. Quoique  fondant  en  larmes  en  aban- 
donnant leur  patrie,  ils  ne  laissaient  pas  de 
chanter  les  louanges  de  leur  patron,  persua- 
dés que  s'il  eût  été  encore  en  vie,  ils  n'eus- 
sent pas  été  réduits  à  sortir  de  leur  ville.  A 
l'arrivée  des  reliques  de  saint  Chrysostôme 
à  Constantinople,  le  peuple  ^  fidèle  accourut 
en  foule.  La  mer  se  vit  alors  couverte  de 
tant  de  vaisseaux,  qu'elle  paraissait  une  terre 


1  Grœci,  Romani,  Barbari  crucifixum  Deum  pro- 
nuntiantes,  crucisque  signum  honore  prosequentes,etc. 
Théodoret.  ,  serm.  6  de  Providentia  ,  pag.  5S0  , 
toru.  IV. 

2  Idem,  lib.  IH  Hisi.  eccles.,  cap.  i,  pag.  637,  638. 
2  Idem,  Hisl.  relig.,  cap.  sxil,  pag.  869,  870. 

*  Idem,  lib.  III  Hist.  eccles. ^  cap.  xixi,  pag.  651. 


''  Théodoret.,  lib.  III  Hisi.  eccles.,  cap.  vi,  pag. 
644. 
6  C'était  un  bourg  près  d' Antioche. 
'  Serm.  10  de  Oraculis,  pag.  632,  tom.  IV. 
8  Hist.  relig.,  cap.  i,  pag.  772. 
s  Hist.  eccles.,  lib.  V,  pag.  748. 


[V'  SJÈCLE.] 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORE!,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


ferme.  On  ne  voyait  de  tous  côtes  que  flam- 
beaux, depuis  l'embouchure  du  Bosphore 
jusqu'à  la  Propontide.  Théodose-le-Jeune 
imitant  la  piété  de  son  aïeul,  fit  conduire  ce 
riche  trésor  dans  la  ville  impériale,  et  tenant 
les  yeux  et  le  visage  sur  le  tombeau  du  saint, 
lui  demandait  pardon  de  tous  les  péchés  que 
son  père  et  sa  mère  avaient  commis  contre 
lui  par  ignorance,  en  l'exilant  et  en  lui  faisant 
souffrir  toutes  sortes  de  mauvais  traitements. 
Sous  Julien  l'Apostat  les  païens  ouvrirent  ' 
le  sépulcre  de  saint  Jean-Baptiste,  qui  était 
à  Sébaste,  brûlèrent  ses  os  et  en  jetèrent  les 
cendres  au  vent  ;  il  se  rencontra  là  quelques 
moines  2  de  Jérusalem  qui,  croyant  se  devoir 
exposer  à  la  mort  pour  conserver  du  moins 
une  partie  de  ces  os  sacrés,  se  mêlèrent 
parmi  ceux  qui  les  ramassaient  pour  les 
brûler;  ils  en  prirent  autant  qu'ils  purent, 
puis  se  retirèrent  sans  que  personne  se  mît 
en  état  de  les  arrêter.  Ils  les  portèrent  à  leur 
abbé  nommé  Phihppe,  qui  les  envoya  à  saint 
Atlianase  par  un  diacre  nommé  Julien,  qui 
fut  depuis  évêque  dans  la  Palestine.  Saint 
Athanase  reçut  ces  reliques,  les  mit  en  pré- 
sence de  peu  de  personnes  dans  la  muraille 
d'une  église,  disant,  par  esprit  de  prophétie, 
que  la  génération  suivante  en  profiterait. 
L'événement  vérifia  sa  prédiction.  Théophile 
d'Alexandrie,  l'un  de  ses  successeurs,  après 
avoir  renversé  le  temple  de  Sérapis  ^,  bâtit 
d'un  côté  une  église ,  et  de  l'autre  une  cha- 
pelle, où  l'on  mit  les  reliques  de  saint  Jean- 
Baptiste.  Il  y  a  apparence  que  l'abbé  Phi- 
lippe n'envoya  point  à  saint  Athanase  toutes 
les  reliques  que  ses  moines  lui  avaient  ap- 
portées, ou  que  d'autres  que  Philippe  en 
avaient  reçu  de  Sébaste,  puisqu'entre  celles 
que  Théodore!  reçut  de  Phénicie  et  de  Pa- 
lestine*, il  y  en  avait  de  saint  Jean.  Un  soli- 
taire nommé  Jacques,  doutant  si  elles  n'é- 
taient pas  de  queiqu'autre  martyr  de  même 
nom,  fut  assuré  dans  une  vision  qu'elles 
étaient  de  saint  Jean-Baptiste,  qui  lui  appa- 
rut habillé  et  la  main  étendue  comme  pour 
baptiser.  Le  même  sohtaire  assura  à  Théo- 
doret  que  le  saint   précurseur  olïrait   sans 


133 

cesse  ses  prières  à  Dieu,  pour  demander  que 
le  diocèse  de  Cyr  fût  purgé  des  hérésies  qui 
l'infectaient  ;  ce  qui  arriva  en  efi'et. 

30.  La  vertu  de  saint  Siméon  Stylite  l'a-  suriesima- 
vait  ^  rendu  si  célèbre,  qu'à  Rome  les  artisans 
mettaient  son  image  à  l'enti'ée  de  leurs  bou- 
tiques, pour  cherclier  de  l'appui  dans  sa 
protection.  Ce  fait  fut  cité  ^  dans  le  second 
concile  de  Nicée  pour  autoriser  le  culte  des 
images. 

31.  L'Histoire  de  Théodoret  fournit  divers     suriesPè- 
exemples  de  pèlerinages.  Saint  Siméon  l'An- 
cien '  fit  par  piété  le  voyage  de  la  montagne 

Sinaï.  Saint  Pierre,  anachorète',  alla  dans  la 
Palestine  pour  visiter  les  saints  lieux.  Sainte 
Marane  et  sainte  Cyre  vinrent  ^  de  Bérée, 
ville  de  Syrie,  pour  visiter  l'église  qui  était 
dans  l'Isaurie  sous  le  nom  de  sainte  Thècle. 
Théodore!  fit  lui-même  '"  le  voyage  de  Jéru- 
salem, où  il  vit  de  ses  yeux  les  ruines  du 
temple;  ce  qui  lui  donna  sujet  d'adorer  la 
vérité  des  oracles  de  l'Ecriture,  qui  ont  pré- 
dit cette  ruine. 

32.  Depuis  que  Siméon  Stylite  se  fut  retiré  suriojeiioe. 
dans  un  monastère,  il  ne  mangeait"  qu'une 

fois  en  chaque  semaine,  quoique  les  autres 
religieux  mangeassent  de  deux  jours  l'un. 
S'étant  fortifié  dans  les  exercices  de  la  péni- 
tence par  une  longue  suite  d'années,  il  pas- 
sait les  quarante  jours  entiers  du  carême 
sans  manger.  La  première  fois  qu'il  entreprit 
ce  jeûne,  il  souffrit  qu'on  lui  donnât  *^  dix 
pains  avec  une  cruche  d'eau,  pour  obéir  à 
ceux  qui  l'accusaient  de  vouloir  tenter  Dieu. 
Il  fit  murer  sa  porte ,  et  au  bout  des  quarante 
jours  on  le  trouva  étendu  par  terre  sans 
mouvement,  les  dix  pains  entiers  et  la  cruche 
pleine  d'eau.  Après  cet  essai,  il  continua  ses 
abstinences ,  et  Théodoret,  qui  demeurait  dans 
son  voisinage ,  assure  quelorsqu'il  écrivit '3  son 
Histoire  religieuse,  saint  Siméon  avait  déjà 
passé  vingt-huit  carêmes  sans  prendre  au- 
cune nourriture.  Il  passait  les  premiers  jours 
debout,  occupé  à  louer  Dieu.  Les  jours  sui- 
vants, n'ayant  plus  la  force  de  se  tenir  en 
cet  état,  il  demeurait  assis,  récitant  son  office 
dans  cette  posture.  Les  derniers  jours,  il  se 


1  Théodoret.,  lib.  III  Hist.   eccles.,  cap.  m,  pag. 
641. 

2  Rufin.,  ILb.  11  Hist.,  cap.  sxvjir/pag.  261. 
8  Rufin.,  ibid.j  cap.  xxvji,  xsvui. 

">  Hist.  relig.,  cap.  XX],  pag.  862,  863. 
s  Hist.  relig.,  cap.  xsvi^  pag.  882. 
6  Concil.  Nicaen.  II,  Act.  w,  pag  218,  tom.  IV  Con- 
cil.,  Hard. 


7  Tlieodoret.,  Hist.  relig.,  cap.  vi,  pag.  808. 

8  Idem,  ibid.,  cap.  is,  pag.  820. 

9  Idem,  ibid.,  pag.  894. 

">  Serm.  11  de  Fine  et  Judicio,  pag.   659,  tom.  IV. 

11  Hist.  relig.,  cap.  ssvi,  pag.  878. 

12  Ibid.,  pag.  880. 
'3  Ibid.,  pag.  880. 


136 


HISTOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sorl' 
ne  n  ce 

vianJes. 


Sur  les 

nés. 


tenait  couché  ou  étendu  par  terre.  Sainte 
Marane  et  sainte  Cyre,  qui  avaient  embrassé 
la  vie  solitaire  auprès  de  Bérée  en  Syrie  ', 
passèrent  aussi  trois  carêmes  sans  manger, 
voulant  imiter  Moïse  dans  son  jetîne.  Une 
autre  fois  elles  gardèrent  la  même  abstinence 
pendant  trois  semaines,  à  l'imitation  du  pro- 
phète Daniel.  Elles  firent  même  le  voyage  de 
Jérusalem  à  jeun ,  d'où  elles  retournèrent 
aussi  à  jeun,  quoique  le  chemin  fût  au  moins 
de  vingt  journées. 

bsii-  3.3.  Certains  hérétiques^nommés  encratites 
s'abstenaient  de  la  chair  et  du  vin.  C'est  pour 
cela  qu'ils  n'offraient  que  de  l'eau  dans  leurs 
mystères,  d'où  leur  vint  le  nom  d'hydropa- 
rastates  ou  aquariens.  Mais  l'Eglise  ne  dé- 
fend ^  ni  l'un  ni  l'autre,  laissant  la  liberté 
d'en  user  ou  de  s'en  abstenir.  Sur  la  ques- 
tion *  pourquoi  Dieu  permit  aux  hommes, 
après  le  déluge,  de  manger  de  la  viande, 
Théodoret  répond  que  Dieu  prévoyant  l'ex- 
trême folie  où  les  hommes  tomberaient  en 
mettant  les  animaux  au  rang  des  dieux,  leur 
ordonna  de  manger  de  la  chair  de  ces  ani- 
maux ;  parce  qu'il  serait  de  la  dernière  folie 
d'adorer  ce  que  l'on  mange.  Par  une  sem- 
blable raison,  Dieu  fit  la  distinction  des  ani- 
maux ,  en  purs  et  impurs,  afin  que  les  hom- 
mes qui  auraient  horreur  des  animaux  im- 
purs, ne  les  déifiassent  pas,  et  qu'ils  n'ado- 
rassent point  les  autres  qui  étaient  destinés 
à  leur  usage. 

Moi-  34.  Théodoret  ^  appelait  la  vie  monasti- 
que, la  maîtresse  de  la  philosophie  et  une 
image  de  la  vie  que  l'on  mène  dans  le  ciel, 
quoique  pleine  d'une  infinité  ^  de  travaux; 
les  moines  passant  leurs  jours  dans  les  mor- 
tifications, dans  les  pleurs,  dans  les  veilles  et 
dans  les  jeûnes.  Il  attribue  leurs  grandes  ' 
austérités  à  l'amour  qu'ils  avaient  pour  Dieu, 
cet  amour  étant  capable  seul  de  leur  inspirer 
la  résolution  de  pousser  leurs  travaux  au- 
delà  des  bornes  de  la  nature.  Il  remarque 
qu'il  y  en  avait  ^  qui  ne  se  nourrissaient 
que  de  ce  que  la  terre  produit  d'elle-même, 
sans  être  semée  ni  cultivée  ;  qu'ils  n'allu- 


maient jamais  de  feu,  et  n'avaient  qu'une 
tunique  et  un  manteau  de  poil  de  chèvre 
très  -  rude  ;  que  d'autres  ne  mangeaient 
qu'une  '  fois  la  semaine,  et  seulement  du 
pain  fait  de  son  de  millet,  auquel  ils  joi- 
gnaient un  peu  de  sel;  que  quelques-uns  se 
contentaient  '"  de  quatre  onces  de  pain  par 
jour;  d'autres,  de  simple  farine  trempée  dans 
de  l'eau,  où  ils  la  laissaient  pendant  un  mois 
afin  de  lui  donner  un  goût  de  moisi  et  d'é- 
teindre par  là  le  plaisir  qu'ils  auraient  pris 
à  manger  ;  mais,  quelque  grandes  que  fus- 
sent leurs  austérités,  ils  prenaient  un  grand 
soin  des  étrangers,  les  faisant  "  coucher  sur 
de  bons  lits,  leur  donnant  d'exellent  pain,  du 
vin,  du  poisson  et  des  légumes,  sans  toute- 
fois manger  avec  eux.  Il  rapporte  diverses 
prédictions  faites  par  de  saints  moines. 
Isaac  *^,  qui  avait  sa  cellule  proche  de  Cons- 
tantinople,  prédit  à  Valons  qu'il  perdrait  la 
bataille,  et  qu'il  n'en  reviendrait  pas.  La 
chose  arriva  ainsi  ;  son  armée  fut  mise  en 
fuite  et  poursuivie  jusqu'à  un  certain  bourg 
où  ce  prince  s'était  caché.  Les  ennemis  y 
mirent  le  feu,  et  Valons  y  fut  brûlé.  Julien 
Sabas  *^  connut  la  fin  tragique  de  Julien  l'A- 
postat avant  qu'elle  fût  arrivée.  Il  en  fit  part 
à  ses  disciples ,  leur  disant  avec  joie  :  «  L'impie 
a  cessé  de  vivre  ;  son  châtiment  a  été  pro- 
portionné à  la  grandeur  de  ses  crimes.  C'est 
pourquoi  je  me  réjouis  en  voyant  quelle  est 
la  joie  des  Eglises  qu'il  persécutait,  et  en 
considérant  que  ce  méchant  n'a  pu  trouver 
d'assistance  dans  les  démons  auxquels  il  ren- 
dait des  adorations  sacrilèges. 

35.  Les  Eglises  avaient  pour  la  plupart  de  s„  , 
grands  revenus.  Théodoret  '*,  avec  ceux  de  Sî's^-J'nô' 
son  Eglise  ,  bâtit  des  galeries  puMiques  et  de 
grands  ponts.  Il  fit  réparer  les  bains  et  cons- 
truire un  aqueduc  pour  distribuer  del'eau  dans 
la  ville  de  Cyr,  qui  auparavant  n'en  tirait  que 
de  la  rivière.  Il  remarque  '^  qu'une  des  plus 
grandes  et  des  plus  pénibles  occupations  des 
évêques,  était  de  terminer  les  procès  de  leurs 
peuples.  Saint  Abraham,  évêque  de  Carres, 
employait  les  journées  entières  à  accorder 


'  Theodoret.j  Hist.  relig.,  cap.  xxix,  pag.  893  et  ^  Idem,  ibid.,  cap.  ii,  pag.  773. 


'2  Lib.  I  Hœret.  FabuL,  cap.  xx,  pag.  208. 

3  Lib.  V  Hœret.  FabuL,  cap.  xxis,  pag.  316  et  317. 

*  Théodoret.,  qusest.  53  in  Gènes.,  pag.  44,  tom.  I. 

s  Théodoret.,  prœfat.  in  Hist.  relig.,  pag.  759. 

«  Idem,  ibid.,  pag.  7C1,  762. 

'  Théodoret.,  orat.  de  Chariiate,  pag.  683. 

8  Hist.  relig.,  cap.  I,  pag.  765. 


'"  Idem,  ibid.,  cap.  m,  pag.  785,  793.    . 
"  Idein,  ibid.,  cap.  xvii,  pag.  849. 

12  Théodoret.,  lib.  IV  Hist.  eccles.,  cap.  XSXI,  pag. 
703. 

13  Théodoret.,  Hist.  relig.,  cap.  Il,  pag.  779. 

i*  Théodoret.,  Epist.   79,  pag.   950,  et  Mpist.   81, 
pag.  954. 

"i  Idem,  Hist.  relig.,  cap.  xvu,  pag.  849. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V=   SIÈCLE.] 

des  différends,  persuadant  aux  uns  de  s'ac- 
commoder, et  y  contraignant  les  autres, 
quand  ils  résistaient  à  la  douceur  avec  la- 
quelle il  les  exhortait,  ne  souffrant  jamais 
que  l'insolence  et  ropiniàtreté  des  méchants 
demeurassent  victorieuses  de  la  justice.il  pro- 
tégeait de  telle  sorte  ceux  à  qui  l'on  faisait 
tort,  qu'il  leur  procurait  l'avantage  sur  ceux 
qui  cherchaient  à  les  opprimer.  Les  moines 
devenus  évêques  gardaient  leur  ancien  ins- 
titut dans  l'épiscopat.  Saint  Aphtone  '  ne 
voulut  jamais  quitter  son  manteau  de  soli- 
taire, ni  sa  tunique  de  poil  de  chèvre,  ni 
changer  de  nourriture.  Théodoret  -,  en  par- 
lant d'Eusèbe  de  Nicomédie  qui  avait  aban- 
donné l'Eglise  de  Béryte,  et  qui  voulut  en- 
suite passer  à  celle  de  Constantinople,  blâme 
les  translations  comme  contraires  aux  ca- 
nons, qui  défendent  aux  évêques  et  aux  prê- 
tres de  passer  d'une  ville  à  une  autre.  Il  ra- 
conte que  Julien  ^  l'Apostat  ayant  fait  fermer 
la  grande  église  d'Antioche,  après  en  avoir 
tiré  les  vases  sacrés,  Félix,  grand  trésorier 
de  l'Etat,  dit  en  admirant  la  magnificence  de 
ces  vases  donnés  par  Constantin  elles  autres 
empereurs  précédents  :  «  Voyez  en  quelle 
vaisselle  est  servi  le  Fils  de  Marie.  »  C'était'' 
un  usage  général  dans  l'Eglise  de  chanter 
des  psaumes  de  David.  Saint  Publius  ^  ayant 
fondé  un  monastère  double  pour  les  Grecs  et 
pour  les  Syriens,  ils  s'assemblaient  tous  soir 
et  matin  dans  une  même  église,  où  ils  chan- 
taient, les  uns  d'an  côté  et  les  autres  de 
l'autre,  les  louanges  de  Dieu,  disant  tour  à 
tour,  chacun  en  leur  langue,  un  verset  d'un 
psaume,  puis  un  autre.  Cet  usage  fut  observé 
par  les  abbés  qui  succédèrent  à  Publius. 
Théodoret  "  attribue  à  Flavien  et  à  Diodore, 
prêtres  d'Antioche,  vers  l'an  350,  d'avoir  les 
premiers  fait  chanter  les  psaumes  de  David 
à  deux  chœurs.  Socrate  '  dit,  au  contraire, 
que  ce  fut  saint  Ignace,  martyr,  qui  étabht 
cette  manière  de  chanter  dans  son  Eglise 
d'Antioche,  d'oii  elle  se  répandit  partout. 
Si  le  fait  est  vrai,  il  faut  dire  que  Flavien 


137 


et  Diodore  n'ont  fait  que  renouveler  cet 
usage.  Dans  les  paroisses  de  la  campagne, 
les  hommes  et  les  femmes  s'assemblaient  •* 
dès  le  point  du  jour  à  l'église  pour  y  offrir 
à  Dieu  leurs  prières.  Ils  en  faisaient  de 
même  le  soir  ;  on  n'apprenait  '''  l'Oraison 
dominicale  qu'à  ceux  qui  avaient  reçu  le 
baptême. 

36.  Nous  lisons  dans  Théodoret  que  les  sariHisioiro. 
patriarches  des  Juifs  '"  venaient  d'Hérode,  et 
non  de  David,  et  qu'ils  étaient  éteints  long- 
temps avant  qu'il  écrivit  ses  Z'i'afo^wes;  d'après 
lui,  saint  Ignace  martyr  avait  reçu  la  grâce  " 
de  l'épiscopat  par  l'imposition  des  mains 
de  saint  Pierre  ;  il  avait  écrit  '^  plusieurs 
lettres  ;  saint  Lin  *^  succéda  à  saint  Pierre 
dans  le  siège  de  Rome  ;  les  chrétiens  ''^  ayant 
appris  par  révélation  que  Tite  et  Vespasien 
se  préparaient  à  la  guerre  contre  les  Juifs, 
abandonnèrent  la  ville  de  Jérusalem,  suivant 
l'ordre  que  Jésus-Christ  leur  avait  donné  de 
quitter  la  Judée  et  de  fuir  sur  les  montagnes 
lorsqu'ils  verraient  Jérusalem  environnée 
d'une  armée.  Ce  Père  compte  parmi  les  héré- 
tiques '^  Népos,  évêque  d'Egypte,  Marcel  '^ 
d'Ancyreetles  quartodécimans, c'est-à-dire*^ 
ceux  qui  faisaient  toujours  la  pâque  le  qua- 
torzième de  la  lune,  comme  les  Juifs.  Un  so- 
htaire  de  grande  vei-tu,  nommé  Abraham  *^, 
suivait  cette  pratique,  ignorant  sans  doute 
le  canon  du  concile  de  Nicée  sur  ce  sujet, 
Marcien,  autre  solitaire  de  réputation,  l'en  ' 
reprit,  l'exhorta  à  changer  de  sentiment,  et 
voyant  qu'il  résistait,  il  se  sépara  de  sa  com- 
munion. Mais  enfin  Abraham  se  conforma  à 
l'usage  de  l'Eglise  sur  ce  point.  L'hérésie  des 
novatiens  '^  subsistait  encore  du  temps  de 
Théodoret,  de  même  que  celle  des  monta- 
nistes  dans  quelques  parties  de  l'Asie  et  du 
Pont,  et  on  voit  ^^  par  une  lettre  de  saint 
Léon,  que  Donat,  évêque  de  Salice  dans  la 
Mauritanie  Césarienne ,  avait  quitté  depuis 
peu,  c'est-à-dire  vers  l'an  432,  l'hérésie  des 
novatiens  avec  tout  son  peuple.  Ce  saint  Pape 
consentit  à  le  laisser  évêque,  à  condition 


1  Theodoret.j  Hist.  relig.,  cap.  v,  pag.  805. 

2  Idem,  Hist.  eccles.,  lib.  I,  cap.  xvin,  pag.  S65. 
5  Idem,  lib.  lU  Hist.,  cap.  viii,  pag.  646. 

*  Théodoret.,  quaest.  43  in  lib.llRegum,  pag.  291. 

5  Idem,  Hist.  relég.,  cap.  v,  pag.  804. 

^  Hist.  eccles.,  lib.  II,  cap.  six,  pag.  622. 

'  Socrat.,  lib.  II  Hist.,  cap.  xix,  pag.  313. 

8  Théodoret.,  Hist.  reliçj.,  cap.  xxx,  pag.  894. 

^  Idem,  lib.  V  Hœret.  Fabul.,  cap.  xsvni,  pag.  316. 

'0  Idem,  Dialog.  1  immutab.,  pag.  22. 

1'  Idem,  ibid.,  pag.  33. 


>2  Théodoret.,  ibid.,  pag.  33,  34,  86  et  154. 
13  Idem,  in  II  ad  Timoth.,  pag.  506. 
'*  Idem,  comment,  in  cap.  xiv  Zachariœ,  pag.  926. 
15  Lib.  III  Hœret.  Fabul.,  cap.  vi,  pag.  230. 
1^  Idem,  lib.  il  Hœret.  Fabul.,  cap.  x,  pag.  224,  et 
in  cap.  II  Epislolœ  ad  Philipp.,  pag.  330. 
"  Idem,  lib.  111  Hœret.  Fabul.,  tap.  IV,  pag.  228. 

18  Hist.  relig.,  cap.  m,  pag.  792. 

19  Lib.  III  Hœret.  Fabul.,  cap.  vi,  pag.  230. 
2»  S.  Léo,  Epist.  1,  cap.  vi,  pag.  205. 


138 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'il  lui  enverrait  sa  profession  de  foi.  Tliéo- 
doret  '  met,  d'après  Rufin,  la  conversion 
des  Indiens  et  des  Ibériens  sous  le  règne  du 
grand  Constantin  ;  ce  fut  par  le  ministère  de 
deux  jeunes  hommes,  dont  l'un  se  nommait 
Edésius  et  l'autre  Frumentius.  Ils  avaient 
fait  le  voyage  des  Indes  avec  un  philosophe 
natif  de  Tyr,  qui  était  leur  oncle.  Après  y 
avoir  satisfait  à  leur  curiosité,  ils  se  mirent 
en  mer  pour  retourner  en  leur  pays;  mais  le 
vaisseau  sur  lequel  ils  étaient  ayant  été 
obligé  de  faire  eau,  les  barbares  fondirent 
dessus,  tuèrent  le  philosophe  et  menèrent  ses 
deux  neveux  au  roi.  Ce  prince  reconnaissant 
en  eux  de  l'esprit  et  de  la  capacité,  leur 
donna  l'intendance  de  sa  maison.  Après  sa 
mort,  son  fils  les  continua  dans  leurs  em- 
plois avec  un  pouvoir  plus  absolu  qu'ils  n'a- 
vaient sous  son  père.  Des  marchands  chré- 
tiens qui  savaient  qu'Edésius  et  Frumentius 
professaient  la  même  foi  qu'eux,  leur  propo- 
sèrent de  s'assembler  et  de  célébrer  ensem- 
ble les  saints  mystères.  Au  bout  de  quelques 
années  le  roi  leur  ayant  accordé  la  permis- 
sion de  retourner  en  leur  patrie,  Frumen- 
tius, préférant  la  piété  à  la  tendresse  natu- 
relle qu'il  avait  pour  ses  parents,  alla  à  Ale- 
xandrie informer  saint  Athanase  de  l'ardeur 
que  les  Indiens  témoignaient  pour  la  religion 
chrétienne.  Ce  saint  évêque  ne  connaissant 
personne  qui  pût  mieux  les  en  instruire  que 
Frumentius,  lui  conféra  la  grâce  du  sacer- 
doce, et  le  renvoya  dans  les  Indes.  Il  prêcha 
donc  l'Evangile  à  ces  peuples,  et  Dieu  con- 
firmant sa  doctrine  par  des  miracles,  ils  se 
convertirent  à  la  foi.  Les  Ibériens  en  firent 
de  même  par  le  ministère  ^  d'une  femme 
qu'ils  avaient  faite  prisonnière.  Occupée  uni- 
quement des  exercices  de  piété,  elle  n'avait 
point  d'autre  ht  qu'un  sac  étendu  sur  la 
terre.  Une  femme  du  pays  étant  allée  la  trou- 
ver avec  un  enfant  malade,  lui  demanda  si 
elle  ne  savait  point  quelque  moyen  de  le 
guérir.  La  femme  chrétienne  prit  l'enfant,  le 
mil  sur  le  sac  dont  elle  se  servait  pour  se 
coucher,  pria  Dieu,  et  à  l'instant  l'enfant  fut 
guéri.  Ce  mJracle  étant  parvenu  jusqu'aux 
oreilles  de  la  reine  des  Ibériens,  elle  envoya 
chercher  cette  femme  pour  recevoir  d'elle  la 
guérison  d'une  fâcheuse  maladie.  La  femme 


chrétienne  n'osait,  par  modestie,  l'aher  trou- 
ver. La  princesse  alla  eUe-méme  dans  son 
logis.  Le  remède  fut  le  même  que  celui  de 
l'enfant;  elle  fit  coucher  la  reine  sur  son  sac, 
pria  Dieu,  et  obtint  sa  guérison.  La  reine  lui 
otfrit  en  récompense  de  l'or  et  de  l'argent. 
La  femme  n'en  voulut  point  d'autre  que  la 
permission  de  lui  faire  connaître  la  vérité. 
Elle  proposa  à  cette  princesse  les  maximes 
de  notre  rehgion,  l'exhortant  de  faire  bâtir 
une  église  en  l'honneur  de  Jésus-Christ  qui 
lui  avait  rendu  la  santé,  La  reine  raconta  au 
roi  ce  qui  était  arrivé  ;  mais  elle  ne  put  lui 
persuader  de  bâtir  une  église.  Quelque  temps 
après,  étant  à  la  chasse,  il  se  trouve  environné 
de  ténèbres,  pendant  que  ceux  de  sa  suite 
étaient  en  plein  jour.  Il  implore  le  secours  de 
la  femme  chrétienne,  voit  le  jour  comme  au- 
paravant, et  sur-le-champ  il  va  trouver  cette 
femme  pour  savoir  d'elle  de  quelle  façon  il 
fallait  bâtir  une  église;  eUe  en  donna  le  des- 
sin, qui  fut  aussitôt  exécuté.  Après  quoi  ayant 
demandé,  de  l'avis  de  cette  femme,  des  prê- 
tres à  Constantin,  ce  prince  lui  envoya  un 
évêque  d'une  vertu  exemplaire. 

37.  Le  grand  Constantin  voyant  les  peuples 
trop  attachés  à  l'idolâtrie,  s'était  contenté  de 
défendre  les  sacrifices  et  de  fermer  les  tem- 
ples sans  les  détruire.  Théodose  aha  plus 
loin.  Il  entreprit  de  détruire  les  superstitions 
païennes  jusqu'au  fondement,  en  ordonnant^ 
que  les  temples  des  idoles  seraient  détruits. 
Marcel  d'Apamée  fut  le  premier  qui  mit  cette 
loi  en  exécution.  Nous  avons  vu  ailleurs  de 
quelle  manière  il  vint  à  bout  d'abattre  les 
temples  qui  étaient  dans  cette  ville.  Les  prê- 
tres* des  idoles  avaient  fait  fondre  en  bronze 
et  tailler  en  bois,  à  Alexandrie,  des  statues 
creuses  qu'ils  adossaient  contre  les  murailles 
de  leurs  temples.  Entrant  dans  ces  statues 
par  des  montées  secrètes,  sans  qu'ils  fussent 
vus,  ils  parlaient  de  là  au  peuple  simple  et 
ignorant,  à  qui  ils  faisaient  faire,  comme  par 
ordre  des  dieux^  tout  ce  qu'ils  voulaient. 
Théophile,  évêque  d'Alexandrie,  fit  abattre 
ces  statues,  découvrit  l'imposture,  et  en  con- 
vainquit tout  le  monde.  On  avait  répandu  le 
bruit  dans  la  même  ville  qu'elle  serait  ren- 
versée par  un  tremblement  de  terre  aussitôt 
que  quelqu'un  oserait  toucher  à  l'idole  de 


Suiledes  re- 
marques   sur 


Voyez  tom. 


'  Idem,  lib.  I  Hist.  eccles.,  cap.  xxn,  pag.  570  ; 
Rufin.,  lib.  I  Hist.,  cap.  is,  x. 

2  Theodoret.,  lib.  I  Hist.  eccles.,  cap.  xsin,  pag. 
S71  et  seq. 


3  Theodoret.,  lib.  V  Hist.,    cap.    xs,   pag.    732, 
733. 
*  Idem,  lib.  V  Hist.,  cap.  xxii,  pag.  735,  736. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V*  SIÈCLE.] 

Sérapis.  Théopliile,  méprisant  ces  bruits,  en- 
tra dans  le  temple  dédié  à  celte  idole,  la  fît 
frapper  d'un  coup  de  cognée,  qui  lui  brisa 
la  tête.  On  en  vit  dans  le  moment  sortir  une 
quantité  de  souris  ,  ce  qui  fit  connaître  au 
peuple  que  cette  prétendue  divinité  avait 
servi  de  retraite  à  ces  vilains  animaux.  Le 
corps  fut  mis  en  pièces  et  brûlé  :  d'où  il  ar- 
riva que  le  peuple  fit  des  l'ailleries  de  ce  qu'il 
adorait  auparavant.  Un  saint  solitaire  nommé 
Télémaque,  animé  du  désir  de  travailler  à 
abolir  les  spectacles  des  gladiateurs,  entre- 
prit à  cet  effet  le  voyage  de  Rome.  Y  étant 
arrivé,  il  descendit  dans  la  place  où  ces  sor- 
tes de  combats  se  donnaient.  Comme  il  se 
mit  en  devoir  d'empêcher  les  gladiateurs  de 
s'entretuer,  les  spectateurs  se  jetèrent  sur 
lui  et  le  tuèrent  à  coups  de  pierres.  L'em- 
pereur Honorius,  informé  de  cet  événement, 
mit,  selon  l'expression  de  Théodoret ',  ce 
solitaire  au  nombre  des  saints  martyrs,  et 
défendit  absolument  les  combats  des  gladia- 
teurs. 

ARTICLE  IV. 

JUGEMENT  DES  ÉCRITS   DE  THÉODORET.  —  CATA- 
LOGUE  DES  ÉDITIONS  QU'ON   EN   A    FAITES. 

■] .  Le  style  de  Théodoret  dans  tous  ses 
écrits  -  est  clair,  net,  facile,  coulant,  élevé, 
vif  et  agréable.  Ses  termes  sont  purs  et  bien 
choisis.  S'il  abonde  en  pensées,  elles  sont 
toujours  proportionnées  à  son  sujet,  et  n'ont 
rien  de  superflu.  D'un  génie  excellent  et  ca- 
pable de  toutes  les  sciences,  il  en  est  peu 
dans  lesquelles  il  ne  se  soit  rendu  habile. 
Poètes,  orateurs,  historiens,  philosophes,  il 
avait  lu  presque  tous  leurs  écrits.  Mais  il 


139 


s'appliqua  surtout  à  l'étude  des  Livres  saints, 
dont  il  acquit  l'intelligence,  autant  par  son 
travail  que  par  la  lecture  des  plus  célèbres 
interprètes.  Sa  modestie  ne  lui  a  pas  permis 
de  nous  laisser  ignorer  combien  il  avait  tiré 
de  secours  de  leurs  travaux.  Il  se  compare  ^' 
aux  femmes  des  Juifs  qui,  n'ayant  point  d'or 
ni  de  pierreries  à  donner  à  Dieu  pour  la 
construction  du  tabernacle,  ramassaient  les 
poils  ,  les  laines  et  le  lin  que  les  autres 
avaient  donnés,  les  filaient  et  les  unissaient 
ensemble  pour  en  faire  des  étoffes  et  des 
couvertures.  Il  parait  qu'il  savait  l'hébreu  ; 
la  connaissance  de  cette  langue  lui  était 
d'autant  plus  facile  qu'il  parlait  la  syriaque, 
dont  l'usage  était  commun  dans  son  pays. 
Il  cite  souvent  les  différentes  versions  de 
l'Ecriture;  celles  de  Symmaque,  de  Théodo- 
tion,  d'Aquila,  les  Hexaples  d'Origène  et  au- 
tres, n'ayant  épargné  aucuns  soins  pour 
donner  à  ses  commentaires  toute  la  solidité 
dont  il  était  capable;  d'où  vient  qu'on  les  a 
regardés  *  comme  beaucoup  au-dessus  de  la 
plupart  de  ceux  qu'on  avait  faits  avant  lui, 
et  qu'on  les  a  préférés  à  tous  pour  la  ma- 
nière d'écrire  et  de  traiter  les  choses.  Il 
explique  par  des  termes  propres  et  significa- 
tifs ce  qu'il  y  a  d'obscur  et  de  difficile  dans 
le  texte  sacré,  et  rend  l'esprit  porté  à  le  lire, 
par  la  douceur  et  par  l'agrément  de  son  dis- 
cours. Sans  s'écarter  jamais  de  son  sujet  par 
aucune  digression,  ni  fatiguer  son  lecteur 
par  des  discours  inutiles,  il  l'instruit  d'une 
manière  claire  et  aisée,  qui  ne  l'embrouille 
et  ne  le  dissipe  point  par  des  idées  difl'éren- 
tes.  Ses  termes  et  sa  composition  ne  s'éloi- 
gnent point  de  l'élévation  et  de  l'élégance 


'  Re  eognita  laudabilis  imperator,  et  illum  invic. 
iorum  martyrum  numéro  adscripsit,  et  nefurium  spec- 
iaculi  genus  interdixit.  Théodoret.,  lib.  V  Hisf.,  cap. 
xsvi,  pag.  741. 

^  Stylus  ei  in  omnibus  perspicuus  est,  est  enim  dis- 
iinctus  ac  purus,  negue  jucunditatis  expei-s  :  pro- 
portions vero  sensibus  exuberat.  Pliotius ,  Cod.  46, 
pag.  34. 

3  Théodoret.,  prolog.  in  Oscee,  pag.  700^  tom.  II. 

*  Legimus  Tlieodoreti  episcopi  Cyri  interpretatio- 
nem  Danielis.  Vir  hic  sane  doctus  non  Hippolyto 
modo,  verum  etiam  aliis  multis  propheticorum  ser- 
monum  inlerprefatione  atque  explanatione  longe  ante- 
cellit.  Diclio  ejus,  commentationi ,  si  cujusquam  alius, 
apilssima.  Nam  et  puris  et  significantibus  verbis  ab- 
dita  quœijue  etobscura  reuelat,  et  jucundilate  quadam 
quasi  delinimento  suavique  lepore  ad  sui  lectionem 
invitât,  quin  et  ex  eo  quod  ad  nullas  ambages  di- 
gressionesque  a  proposito  argumenta  recédât,  satieta- 
tem  non  modo  nullam  offert,  sed  ea  insuper,  quœ  in 


dubium  vocantur,  sine  ulla  confusions  vel  dissipa- 
tione  facile  et  commoda  ratione  lectores  suos  docet. 
Vocum  item  ejus  delectus,  atque  ipsa  compositio  ab 
atticœ  elegonliœ  origine  non  refugit,  nisi  quid  forte 
curiosius  illic  occurrat  quod  quis  multorum  auribus 
insolitum.  Hoc  constat  nihil  eum,  quod  ad  interpre- 
tandum  faciat,  declinare,  adeoque  in  summum  eva- 
sisse  optimorum  interpretum  culmen,  ut  non  facile 
sis  aliquem  reperiurus,  qui  illo  melius  obscura  expli- 
cet.  Suni  quidem  et  alii  pure  loquentes,  qui  proposi- 
tarum  sibi  verum  sensum  haud  segniter  investigent  : 
ac  simul  et  perspicue  dicere  et  nihil  intérim  cognitu 
necessarium,  vel  breviiaiis  causa  prœtermittere  :  non 
item  ad  diverticula  vel  ad  ostentationem  doctrinœ 
digredi,  nisi  hœ  forsan  non  sine  utilitale  sit,  adhi- 
beaniur,  ut  percipi  nequeat,  quod  a  re  proposita  dis- 
cedatur,  hoc  certe  prœ  cœteris  rébus  omnibus  a  bono 
Theodoretû  studiose  curatum  est,  non  solum  in  hoc 
opère,  sed  fere  dixerim  in  omnibus  ejus  scriptis.  Phot., 
Cod.  203,  pag.  520. 


140 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


attique  ;  mais  il  évite  tout  ce  qu'elle  a  de 
trop  curieux  et  de  trop  affecté,  qui  ne  serait 
pas  entendu  de  tout  le  inonde,  parce  qu'en 
effet  cela  ne  serait  point  propre  h  un  com- 
mentaire. Ainsi  il  a  tout  ce  qui  peut  exceller 
en  ce  genre,  et,  sans  être  embarrassé,  il  n'o- 
met rien  de  nécessaire;  il  retranche  tout 
l'inutile  et  tout  ce  qui  ne  pourrait  servir 
qu'à  faire  montre  de  son  savoir.  Ses  ouvra- 
ges contre  les  Païens  sont  d'un  stjde  plus 
étendu  ',  parce  qu'il  lui  parut  nécessaire  de 
leur  donner  du  rapport  au  style  de  Platon  et 
des  autres  philosophes,  dont  il  emploie  sou- 
vent les  témoignages  contre  les  fausses  maxi- 
mes du  paganisme.  Il  quitte  cette  façon 
d'écrire  dans  ses  traités  contre  les  Héréti- 
ques, ne  s'occupant  qu'à  proposer  les  diffi- 
cultés de  la  rehgion  avec  toute  la  netteté 
dont  elles  sont  susceptibles.  Mais  il  y  presse 
vivement  ses  adversaires,  et  les  bat  ordinai- 
rement en  ruine  par  des  arguments  tirés 
de  la  tradition  des  Pères,  dont  il  allégué  des 
témoignages  bien  choisis  et  sans  réphque. 
Ceux  qu'il  apporte  de  l'Ecriture  sainte  ne 
sont  pas  toujours  si  décisifs,  et  souvent  il  ne 
les  fait  valoir  que  par  les  conséquences  qu'il 
en  tire.  Son  Histoire  ecclésiastique  est  préfé- 
rée*, pour  la  netteté  et  la  noblesse  du  style, 
à  celle  de  Socrate,  de  Sozomène  etd'Evagre, 
bien  qu'on  y  blâme  quelques  métaphores 
trop  hardies.  Lorsqu'on  lit  celle  qui  a  pour 
titre  Histoire  religieuse,  on  n'est  pas  moins 
édifié  de  la  vertu  de  son  auteur,  que  de  celle 
des  saints  dont  il  rapporte  la  vie  et  les  mer- 
veilles. Ses  lettres  sont  courtes  pour  la  plu- 
part, mais  toutes  écrites  avec  politesse  et 
avec  respect.  C'est  là  surtout  où  l'on  remar- 
que aisément  les  sentiments  de  piété,  d'hu- 
milité et  de  charité  dont  il  ne  se  départit  pas 
même  au  milieu  des  persécutions  qu'on  lui 
fit  souffrir.  S'il  eut  des  liaisons  avec  Nesto- 
rius,  il  n'en  défendit  jamais  les  erreurs;  s'il 
se  sépara  de  la  communion  de  Jean  d'Antio- 
che,  c'est  que  celui-ci  lui  en  avait  donné  oc- 
casion par  des  ordinations  illicites  ;  s'il  fut  en 
mésintelligence  avec  saint  Cyrille,  ce  fut 


pour  n'avoir  pas  compris  le  sens  des  écrits 
de  ce  Père  sur  l'incarnation.  Il  fut,  au  reste, 
le  premier  à  quitter  le  schisme  que  les  dis- 
putes sur  ces  matières  avaient  occasionné; 
il  travailla  même  à  en  retirer  les  autres;  il 
se  réunit  à  Jean  d'Antioche  et  à  saint  Cyrille, 
et  mourut  dans  la  paix  et  dans  la  communion 
de  l'Eglise,  après  avoir  été  reconnu  pour 
orthodoxe  par  les  évêques  du  concile  de 
Chalcédoine,  par  le  pape  saint  Léon,  et  dans 
une  loi  ^  de  l'empereur  Marcien,  datée  du  6 
juillet  432,  où  il  est  joint  avec  saint  Flavien, 
comme  fidèle  dépositaire  de  la  véritable  foi. 
Le  cinquième  concile  général,  en  condam- 
nant ses  écrits  contre  saint  Cyrille ,  ne  tou- 
che point  à  sa  personne ,  et  saint  Grégoire- 
le-Graud,  comme  on  l'a  déjà  remarqué,  dé- 
clara depuis  qu'il  l'honorait  avec  le  concile 
de  Chalcédoine. 

2.  Jean  Pic,  président  de  la  Chambre  des  Editions 
enquêtes  à  Paris ,  fît  imprimer  en  la  même  daihéodoVeï 
ville,  en  15S8;,  in-4"',  le  texte  grec  des  Ques- 
tions de  Théodoret  sur  les  cinq  livres  de  Moïse, 
sur  Josué  et  sur  les  Juges.  11  traduisit  depuis  ce 
texte  en  latin,  qui  parut  aussi  à  Paris  en  l'an- 
née 1563.  C'est  cette  version  que  l'on  a  sui- 
vie dans  les  éditions  latines  de  Théodoret.  Le 
Père  Sirmond  s'en  est  aussi  servi,  mais  en  y 
rétablissant  plusieurs  lacunes  et  endroits  dé- 
fectueux sur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
du  roi.  Il  a  ajouté  et  publié  la  préface  de 
Théodoret  sur  ces  Questions,  qui  n'avait  pas 
encore  été  imprimée.  Le  président  Pic  n'a- 
vait pas  donné  non  plus  la  Question  de  Théo- 
doret sur  le  Livre  de  Ruth.  Heschéhus  l'a 
donnée  en  grec  à  la  suite  de  la  Bibliothèque 
de  Photius,  et  elle  a  été  traduite  par  le  Père 
Sirmond.  C'est  lui  qui  a  traduit  le  pi'emier 
le  texte  grec  des  Questions  sur  les  Livres  des 
Rois  et  des  Paralipomènes,  avec  la  version  la- 
tine de  Gentien  Hervet,  imprimée  souvent 
dans  les  éditions  de  Théodoret.  La  traduc- 
tion des  commentaires  sur  les  Psaumes,  im- 
primée à  Padoue  en  1S64,  in- 4°,  est  d'An- 
toine Carafle.  Le  Père  Sirmond  en  a  donné 
le  grec  avec  cette  traduction.  Nous  en  avons 


1  Ttieodoret.,  de  Grœcorum  affectionibus,  tom.  V, 
pag.  548. 

2  Leda  est  Tlieodoreti  Historia  ecclesiastioa,  om- 
nium rjuos  proxime  nominavi  convenienlem  magis  his- 
toriœ  siylum  adhibet.  Clarus  enim  et  grandis  est, 
minimeque  redundans,  nisi  quod  translationibus  in- 
terdum  aiidacius  et  pêne  inepte  uiatur.  Photius,  Cod. 
31,  pag.  18. 

3  Aboleaiur   ilta   constitutio  quœ  sceleratorum  su- 


bréptione  post  obitum  sanctœ  memoriœ  Flaviani  ad- 
versus  eum  lata  eognoscitur.  Cessentqve  in  totum  ea 
quorum  initium  fuit  iniquum,  et  injusta  sententia  nihil 
ùhsii  Eusebio  quoque  et  T/ieodorelo  religiosis  episco- 
pis,  qui  eadem  lege  continentur;  quoniam  non  possunt 
sacerdoies  constitutione  damnuri ,  quos  synodicum 
ornât  de  conservata  religione  decretum.  Tom.  [V  Con- 
cil.,  pag.  865. 


CHAPITRE  IV.  —  THÉODORET,  ÉVÊQUE  DE  CYR. 


[V»   SIÈCLE.] 

deux  du  commentaire  sw  le  Cantique  des 
Cantiques  :  l'une  de  Gabius,  imprimée  à  Rome 
en  1S63,  in-fol.;  Tautre  de  Zinus,  qui  fut 
aussi  mise  sous  la  presse  la  même  année  en 
cette  ville,  et  à  Venise  en  1S74,  in-l".  Les 
commentaires  sur  haïe  sont  de  la  version  du 
Père  Sirmond,  qui  nous  a  donné  le  premier 
le  grec  des  commentaires  sur  Jérémie,  Ba- 
ruch  et  les  Lamentations.  Le  président  Pic  en 
avait  fait  une  traduction  imprimée  à  Paris 
en  Î564.  C'est  encore  du  Père  Sirmond  que 
nous  avons  le  grec  du  commentaire  sur  Ezé- 
chiel;  Gabius  l'avait  traduit  en  latin  et  fait 
imprimer  en  cette  langue  à  Rome,  en  1563, 
avec  le  commentaire  sur  Daniel,  dont  le  Père 
Sirmond  a  aussi  donné  le  grec,  de  même 
que  du  commentaire  sur  les  Douze  Petits 
Prophètes.  La  version  qui  est  de  Cillius,  fut 
imprimée  à  Lyon  cliez  Gryphe ,  en  1333  , 
in-S".  Ce  fut  Gentien  Hervet  qui  traduisit  en 
latin  les  commentaires  sur  les  Epîtres  de 
saint  Paul.  Nous  en  avons  une  édition  à  Flo- 
rence, en  1SS2,  in-8°.  Le  grec  est  du  Père 
Sirmond. 

3.  V Histoire  ecclésiastique  est  celui  de  tous 
les  écrits  de  Théodoret  que  l'on  a  mis  le 
plus  souvent  sous  presse.  Béatus  Renan  us 
la  donna  en  grec  avec  l'Histoire  d'Eusèbe, 
de  la  traduction  de  Rufm,  et  quelques  autres 
ouvrages  à  Bâle,  chez  Froben,  en  1535,  in- 
folio. Elle  fut  réimprimée  à  Paris  en  l'an 
154-4,  aussi  avec  VHistoire  d'Eusèbe,  chez 
Robert  Etienne.  La  version  latine  qu'en  fit 
Camérarius,  fut  imprimée  en  1539  à  Bâle,  et 
réimprimée  depuis  avec  les  autres  historiens 
ecclésiastiques,  Socrate,  Sozomène,  et  dans 
les  éditions  différentes  de  VHistoire  Tripar- 
tite.  La  version  de  M.  de  Valois  parut  à  Pa- 
ris en  1677,  in-fol.,  sans  le  texte  grec  et  sans 
notes.  On  l'imprima  en  grec  et  en  latin  de 
la  version  de  Christophorson,  à  Genève,  en 
l'an  1612,  in-fol.,  et  ensuite  à  Paris,  en  1642, 
dans  le  recueil  des  csuvres  de  Théodoret  par 
le  Père  Sirmond,  qui  se  servit  de  la  traduc- 
tion de  Camérarius  et  de  Christophorson. 
M.  de  Valois  en  ayant  corrigé  le  texte  grec, 
en  fit  une  nouvelle  version  latine,  qu'il  fit 
imprimer  à  Paris  en  1673 ,  et  que  l'on  a 
réimprimée  depuis  aussi  avec  le  texte  grec, 
à  Mayence,  en  1679,  et  à  Amsterdam,  en 
l'an  1695,  in-fol.  Martin  Matthieu  la  mit  en 
français,  et  après  lui  M.  Cousin.  Cette  der- 
nière édition  est  de  Paris,  en  1676.  [Elle  a 
été  réimprimée  parmi  les  écrivains  de  l'his- 
toire de  l'Eglise  grecque,  tome  III,  édition 


141 


de  Réading,  Cambridge,  en  1720,  et  Turin, 
en  1748.] 

4.  On  en  cite  une  allemande  de  Gaspard 
Hédion,  à  Strasbourg,  en  1543.  Les  éditions 
de  l'Histoire  Tripartite,  où  celle  de  Théodo- 
ret se  trouve,  sont  de  Bâle,  en  1523,  1328, 
1333,  1339,  1368;  de  Francfort,  en  1388,  et 
de  Rouen,  en  1679,  parmi  les  œuvres  de 
Cassiodore.  Pour  ce  qui  est  de  l'Histoire  re- 
ligieuse, elle  fut  d'abord  traduite  en  latin  par 
Camérarius,  imprimée  à  Bâle  en  1539  ;  Gen- 
tien Hervet  en  fit  une  autre  traduction  qui 
parut  à  Paris  en  1336,  et  au  même  endroit, 
en  1583,  dans  l'Histoire  chrétienne  Aeha.\xven\, 
de  la  Barre,  puis  dans  les  Vies  des  Pères  par 
Rosweyde,  à  Anvers,  en  1628.  Nous  ne  sa- 
vons pas  qu'elle  ait  été  donnée  en  grec  avant 
l'édition  du  Père  Sirmond,  à  Paris,  en  1642; 
il  nous  a  donné  les  lettres  de  Théodoret  en 
grec  et  en  latin  au  nombre  de  cent  quarante- 
sept  ,  dont  quelques  -  unes  se  trouvent  en 
latin  dans  les  tomes  V^  et  VP  des  Annales  de 
Baronius.  Les  Dialogues  ont  été  imprimés, 
premièrement  en  grec,  à  Rome,  en  1347,  et 
à  Leipsick,  en  1368.  Cette  édition  estde  Stri- 
gchus,  qui,  vers  le  même  temps,  traduisit 
ces  Dialogues  en  latin,  et  les  lit  imprimer  sé- 
parément avec  la  Vie  de  Théodoret.  L'édition 
de  Zurich,  en  1593  et  1606,  est  composée 
des  deux  éditions  de  Strigélius,  c'est-à-dire 
de  la  grecque  et  de  la  latine.  Scultet  fit  im- 
primer à  Neustadt,  en  1604,  l'analyse  de  ces 
Dialogues  par  Laurent  Louis.  Gentien  Hervet 
les  traduisit  aussi  en  latin,  et  sa  traduction 
fut  imprimée  séparément  à  Venise,  en  1548; 
c'est  celle  que  le  Père  Sirmond  a  suivie;  il  y 
en  a  une  traduction  allemande  de  Martin 
Mollérus,  à  Bâle,  en  1575.  Les  cinq  livres 
des  Fausses  Opinions  des  hérétiques,  furent 
imprimés  à  Rome,  en  grec,  en  1617.  Gen- 
tien Hervet  les  ayant  traduits  en  latin,  on 
les  imprima  en  cette  langue  à  Bâle,  en  1349, 
et  depuis  à  Paris,  en  1566,  parmi  les  œuvres 
de  saint  Epiphane.  C'est  la  traduction  d'Her- 
vet  que  l'on  a  gai'dée  dans  l'édition  de  Pa- 
ris de  1642.  Les  dix  homélies  de  la  Providence 
parurent  en  grec,  à  Rome,  en  1545,  et  à  Zu- 
rich, en  1546.  Rodolphe  Gualtérus  en  donna 
au  même  endroit  une  version  latine,  et  Stri- 
gélius, à  Leipsick,  en  1566.  Ces  dixhoméhes 
furent  imprimées  en  grec  et  en  latin  de  la 
version  de  Gualtérus,  à  Paris,  en  1623;  on 
en  cite  trois  versions  françaises,  l'une  de 
Louis  Leroi ,  l'autre  de  Simon  Goulart,  la 
troisième  de  M.  l'abbé  Le  Mère,  in-8°,  à  Pa- 


J42 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ris,  en  llAO,  avec  la  traduction  du  discours 
du  même  Théodoret  de  la  divine  Charité.  Le 
jésuite  Michel  Mourgues  fit  imprimer  en  la 
même  langue  à  Toulouse,  en  1712,  les 
douze  livres  contre  les  Mauvais  sentiments  des 
Gentils,  dans  le  tome  11=  de  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Plan  théologique  du  paganisme;  on  les 
donna  en  lalin,  en  1519,  à  Paris,  chez  Henri 
Etienne,  de  la  version  de  Zénobius  Acciajoli. 
L'édition  grecque  et  latine  d'Heidelberg,  en 
l'an  1592,  et  celle  du  Père  Sirmond,  sont 
l'une  et  l'autre  de  la  traduction  d'Acciajoli. 
On  trouve  dans  le  supplément  du  Père  Gar- 
nier,  imprimé  à  Paris  en  168-4,  un  grand 
nombre  de  variantes  pour  ces  douze  livres, 
tirées  des  manuscrits  de  la  Bibhothèque  Va- 
ticane  et  de  Fulvius  Ursinus.  Nous  avons 
parlé  plus  haut  de  ce  supplément.  L'édition 
de  Théodoret  par  le  Père  Sirmond,  à  Paris^ 
en  1642,  est  la  plus  ample  de  toutes.  Ce 
Père  a  mis  dans  une  espèce  d'appendice  à  la 
fin  du  tome  IV«,  un  discours  sur  la  Charité, 


qui,  dans  la  version  de  Gentien  Hervet,  et 
dans  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
Vienne,  est  joint  à  l'Histoire  religieuse,  dont 
il  fait  partie.  Ce  discours  a  été  imprimé  sé- 
parément à  Rome,  en  1580,  \n-¥,  par  Gé- 
rard Vossius,  avec  des  notes  de  sa  façon. 
Les  éditions  qui  ne  sont  qu'en  latin,  ont  été 
faites  à  Rome  en  1536,  chez  Manuce;  à  Co- 
logne, en  1567,  1573  et  1617;  à  Paris,  en 
l'an  1603,  chez  Antoine  Hiérat. 

[J.  H.  Schulse  a  reproduit  en  entier.  Hal- 
le, 1769-7-4,  cinq  tomes  in-8'' ,  l'édition  grec- 
que et  latine  de  Sirmond  et  de  Garnier,  en 
changeant  un  peu  l'ordre  des  derniers  volu- 
mes et  en  corrigeant  quelquefois  le  texte.  Il  y 
a  ajouté  des  préfaces,  des  observations,  des 
notes,  des  tables  et  un  glossaire.  La  Patro- 
logie  grecque  reproduit  cette  édition  dans  les 
tomes  LXXX  à  LXXXV,  cinq  tomes.  Une 
édition  du  texte  grec  parut  en  1768-75,  à 
Halle  en  Saxe,  en  cinq  tomes  in-4°,  par  les 
soins  du  diacre  Eugène  de  Bulgarie.] 


CHAPITRE  V. 

Âcace,  évêque  d'Amida  [vers  l'an  420];  Rabulas,  évêque  d'Edesse  [436], 
et  Ibas,  évêque  de  la  même  ville  [457]. 


Acace,  évo- 
que d'Amida, 
vers  i'an  4Î!0. 
Asséma  ni, 
Bib.  Orient, 
pag.  19S. 


1.  Acace,  évêque  d'Amida  dans  la  Méso- 
potamie, se  rendit  célèbre  par  ses  vertus, 
surtout  par  sa  charité,  vers  l'an  420  et  422. 
Les  Romains ,  en  ravageant  la  province 
d'Arzunitide  ou  Azanène,  firent  prisonniers 
sept  mille  Perses,  qu'ils  refusèrent  de  rendre 
à  leur  l'oi.  L'évêque  Acace  voyant  que  dans 
leur  captivité  ils  manquaient  de  tout  et  des 
choses  même  nécessaires  à  la  vie,  assembla 
ses  ecclésiastiques  '  et  leur  dit  :  «  Dieu  n'a  pas 
besoin  de  plats  ni  de  pots,  puisqu'il  ne  boit 
ni  ne  mange.  Il  est  donc  juste  de  vendre 
quantité  de  vases  d'or  et  d'argent  que  l'é- 
ghse  possède  par  la  libéralité  des  fidèles,  et 
d'en  employer  le  prix  à  racheter  et  à  nourrir 


ces  prisonniers.  »  Ayant  donc  fait  fondre 
tous  ces  vases,  il  paya  la  rançon  de  ces  cap- 
tifs, les  nourrit  quelque  temps,  et  les  ren- 
voya avec  de  l'argent  pour  la  dépense  de 
leur  voyage.  Une  action  aussi  extraordinaire 
donna  de  l'étonnement  au  roi  de  Perse  et 
lui  fit  avouer  que  les  Romains  le  surpassaient 
autant  en  magnificence  durant  la  paix,  qu'en 
valeur  dans  la  guerre.  On  dit  même  que  ce 
prince  souhaita  de  voir  le  saint  évêque,  et 
que  Théodose  lui  permit  de  faire  à  cet  effet 
le  voyage  de  Perse.  C'est  ce  que  raconte 
Socrate  ;  mais  Denys,  patriarche  des  jacobi- 
tes,  qui  rapporte  aussi  ce  fait,  le  met,  non 
en  422,  sous  le  treizième  consulat  d'Hono- 


1  Cum  milites  romani  captivas  Persarum,  quos  ipsi 
Azanenam  vasiantes  ceperant,  régi  Persarum  resti- 
tuere  prorsus  almuerint,  atque  intérim  caplivi,  qui 
erani  circiier  septem  hominum  miltia,  faine  consume- 
rentur,  Acacius  eam  rem  tiaudquaquam  negîigendam 
putavit.  Convocatis  igitur  clericis  qui  sut  ipso  erant  : 
«  Deus,  inquit,  nosier  nec  lancihus  indiget,  nec  pocu- 
lis.  Nam  neque  comedit,  neque  bibit;  quippe  qui  nulla 
re  opus  fiaheat.  Cum  igitur  mulia  vusa  partim  aurea, 


partim  argentea  possideat  Ecclesia  ea,  benevolentia  et 
liberalitate  eorum  qui  in  ipsam  adscripti  suni,  con- 
senianeum  est  ut  illorum  preiio  captivas  a  mililibus 
redimamus,  eisque  cibas  subministremus.  »  Cum  licec 
aliaque  ejusmodi  iliis  disseruisset,  vasa  quidem  sacra 
canflari  j'ussit  ;  deinde  pro  singulis  captivis  pretio 
militibus  persaluto,  aliquandiu  eas  aluit ,  tandemque 
viatlco  insiructos  ad  regem  Persarum  remisit.  Socrat.j 
lib.  VII,  cap.  xja. 


CHAPITRE  V.  —  RABULAS,  ÉVÊQUE  D'EDESSE. 


[V«  SIÈCLE.] 

rius,  et  le  dixième  de  Théodose,  comme  fait 
cet  historien,  mais  en  424;  et  au  lieu  de 
sept  raille  Perses,  il  compte  dix  mille  famil- 
les. A  quoi  il  ajoute  que  ceux  que  saint 
Acace  ne  put  racheter,  obtinrent  leur  liberté 
par  les  libéralités  des  principaux  de  la  ville 
d'Amida. 

2.  Acace  est  joint  à  Siméon  Barsaboé, 
évêque  de  Séleucie,  dans  le  catalogue  des 
écrivains  syriens,  comme  ayant  écrit  l'un  et 
l'autre  quelques  lettres  sur  des  matières 
ecclésiastiques.  Il  y  est  dit  encore  que  Ma- 
ris, Persan,  fit  des  commentaires  sur  celles 
de  saint  Acace  :  d'où  l'on  peut  conjecturer 
qu'elles  étaient  des  lettres  canoniques , 
comme  celles  de  saint  Basile  et  de  Timolhée 
d'Alexandrie,  sur  lesquelles  les  Grecs  ont 
aussi  fait  des  commentaires.  Ce  Maris,  Per- 
san, est,  à  ce  que  l'on  croit,  le  même  qui, 
quelque  temps  après  le  concile  d'Ephèse  , 
écrivit  la  fameuse  lettre  à  Ibas  d'Edesse, 
dont  nous  parlerons  dans  la  suite. 

3.  Rabulas  *  fut  fait  évêque  d'Edesse  en 
412,  suivant  la  chronique  de  cette  ville,  dont 
il  occupa  le  siège  épiscopal  jusqu'en  435 
ou  436,  étant  mort  le  8  août  de  celte  année. 
Théodore  le  Lecteur^  dit  qu'il  était  aveugle, 
ce  qu'il  faut  apparemment  entendre  des  der- 
nières années  de  sa  vie;  car  on  ne  voit  pas 
qu'il  ait  emprunté  une  main  étrangère  pour 
souscrire  au  concile  d'Ephèse  où  il  se  trouva. 
Il  fut  quelque  temps  uni  avec  Jean  d'Antio- 
che  et  les  autres  Orientaux,  et  opina  comme 
eux,  qu'il  fallait  déposer  saint  Cyrille  et 
Memnon;  mais  ayant  changé  de  sentiment, 
il  se  déclara  pour  saint  Cyrille,  contre  Nes- 
torius.  Il  fit  plus  :  étant  de  retour  à  Edesse, 
il  y  assembla  un  concile,  où  il  se  sépara  de 
la  communion  de  Jean  d'Antioche  et  de  tous 
les  Orientaux.  Il  dit  ^  encore  anathème  en 
pleine  église  à  Théodore  de  Mopsueste , 
comprenant  dans  son  anathème  ceux  qui 
lisaient  les  ouvrages  de  cet  auteur  et  qui  ne 
les  lui  apportaient  pas  pour  les  brûler.  11  y 
comprit  encore  ceux  qui  lisaient  les  écrits 
des  Orientaux  contre  saint  Cyrille,  et  en  par- 
ticulier ce  qu'André  de  Samosate  avait  écrit 
contre  les  anathématismes  de  ce  Père.  Tou- 
tes ces  démarches  lui  attirèrent  de  grandes 


143 


louanges  de  la  part  de  saint  Cyrille  '*,  qui  le 
qualifie  le  fondement  et  la  colonne  de  la 
vérité  pour  tous  les  Orientaux;  mais  aussi 
elles  lui  attirèrent  des  reproches  violents  de 
la  part  d'André  de  Samosate.  Il  y  eut  des 
personnes  à  Edesse  ^  qui  consultèrent  cet 
évêque  s'ils  ne  devaient  pas  se  séparer  de 
la  communion  de  Rabulas.  Ibas,  prêtre  de 
cette  Eglise,  fut  de  ce  nombre;  il  écrivit 
même  une  lettre  à  Maris,  dans  laquelle  il 
désapprouvait  fort  la  conduite  de  son  évêque. 
On  l'accusait  de  prêcher  qu'il  n'y  a  en  Jé- 
sus-Christ qu'une  nature;  de  chasser  ceux 
qui  soutenaient  le  contraire;  de  jeter  ainsi 
le  trouble  dans  toute  la  ville  d'Edesse  et 
dans  toutes  les  provinces  voisines.  André  en 
écrivit  à  Alexandre  de  Hiéraple,  et  la  chose 
ayant  été  portée  jusqu'à  Jean  d'Antioche,  il 
assembla  quelques  évoques,  avec  lesquels  il 
écrivit  à  ceux  de  l'Osroène,  suffragants  -d'E- 
desse, que  si  ce  que  l'on  disait  de  Rabulas 
était  vrai,  ils  devaient  s'être  d'eux-mêmes 
séparés  de  lui;  mais  que  du  moins  ils  de- 
vaient s'en  séparer  alors  en  attendant  que 
l'évêque  d'Antioche  l'eût  appelé  et  examiné 
sa  cause.  Rabulas  eut  part  aux  disputes  qui 
s'élevèrent  vers  l'an  436,  au  sujet  des  écrits 
de  Théodore  de  Mopsueste  et  de  Diodoi-e  de 
Tarse;  comme  il  les  avait  anathématisés,  il 
ne  pouvait  voir  qu'avec  douleur  ^  qu'on  les 
répandit  partout,  pour  favoriser  l'hérésie  de 
Nestorius  :  c'est  pourquoi  il  écrivit  conjoin- 
tement avec  Acace  de  Mélitine  aux  évêques 
d'Arménie,  pour  les  avertir  de  ne  point  rece- 
voir les  livres  de  Théodore,  parce  que  c'était 
un  hérétique  et  l'auteur  de  l'hérésie  de 
Nestorius.  Nous  n'avons  plus  cette  lettre  ni 
l'écrit  de  Rabulas  pour  la  défense  des  ana- 
thématismes de  saint  Cyrille  :  car  il  paraît 
qu'il  en  avait  fait  un  ''.  Les  canons  de  son 
concile  sont  souvent  cités  par  les  auteurs 
syriens,  et  on  dit  qu'on  les  conserve  manus- 
crits dans  la  bibliothèque  de  Florence.  Avant 
sa  mort  il  s'était  réconcilié  avec  Jean  d'An- 
tioche et  les  autres  Orientaux.  On  le  fait  au- 
teur d'une  lettre  à  cet  évêque,  où  il  lui  di' 
sait  :  «  Purifiez  votre  Eglise,  ô  homme  de 
Dieu  ',  de  la  zizanie  des  nestoriens  et  de 
leur  venin  dangereux.  »  Il  nous  reste  un 


1  Voyez  tom.  VIII,  pag.  297.  {L'éditeur.) 

2  Theodorus  Lect.,  pag.  565. 

=  Tom.  IV  ConciL,  pag.  663,  et  in  appeod.  Baluz.j 
pag.  748,  et  Ttieodorus  Lect.,  pag.  565. 
*  Tom.  IV  ConciL,  pag.  468. 
5  In  append.  Concil.  Baluz.,  pag.  874  et  7  49. 


^  Liberatus,  cap.  vin  et  X. 

'  Rabulas  Edessenus  cœcus  erat.  Andréas  vero  Sa' 
mosatemis  accusavit  eum  quasi  contra  duodecim  capita 
Theodoreti  scripsisset.  Ttieodorus,  lib.  II,  pag.  165, 

8  Theophanes,  in  Chrome. ,  pag.  79, 


144 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


fragment  '  de  celle  qu'il  écrivit  à  saint  Cy- 
rille, où  il  lui  parle  très-fortement  contre 
Théodore  de  Mopsueste,  en  l'accusant  d'être 
la  source  des  hérésies  de  Nestorius;  de  ne 
pas  connaître  la  sainte  Vierge  pour  vraie 
mère  de  Dieu,  de  rejeter  entièrement  l'union 
hypostatique,  et  de  n'en  admettre  qu'une 
morale.  Il  se  plaint  aussi  de  ce  que  plusieurs 
personnes,  même  des  plus  habiles,  suivaient 
cette  doctrine  dans  l'Orient.  Il  est  dit  dans 
la  Chronique  ^  d'Edesse  que  Rabulas  bâtit, 
par  ordre  de  l'empereur,  une  église  en  l'hon- 
neur de  saint  Etienne,  dans  un  lieu  où  il  y 
avait  auparavant  une  synagogue  de  Juifs, 
ibas,  évB.  4.  Ibas,  qui  lui  succéda  en  436  dans  le  siège 
rsfémànLBi-  d'Edessc,  fit   aussi  construire  une  nouvelle 

bliot.  Orient.       '     t  i  i  •      ,        i        \,  i-^ 

pag.  m.  Il   eghse  sous  le  nom  des  samts  Apôtres.  On 

est  accusé  et  ,  ■  r>        ,  r 

absous  «An-  remarque  que  sous  son  pontificat,  un  sena- 
'"'  "•'  ^  '  teur  offrit  à  l'église  une  table  en  argent  du 
poids  de  sept  cent  vingt  livres, et  qu'Anatolius, 
préfet  de  la  milice,  fit  faire  en  442  une  châsse 
d'argent  pour  y  mettre  les  reliques  de  l'a- 
pôtre saint  Thomas.  Ibas  n'étant  encore  que 
prêtre,  s'opposa  avec  beaucoup  de  vivacité 
aux  efforts  que  Rabulas,  son  évêque,  se  donna 
pour  faire  condamner  les  écrits  de  Théodore 
de  Mopsueste,  en  quoi  il  fut  soutenu  par  une 
partie  considérable  du  clergé  d'Edesse;  mais 
lorsqu'il  en  fut  élu  évêque,  les  amis  de  Ra- 
bulas l'accusèrent  auprès  de  l'empereur  et 
de  saint  Procle,  patriarche  de  Constantinople, 
d'être  l'auteur  des  troubles  entre  les  Orien- 
taux et  les  Egyptiens  ;  d'avoir  traduit  en 
Lingue  syrienne  les  livres  de  Théodore  de 
Mopsueste  ;  de  les  avoir  répandus  partout 
l'Orient  ;  de  n'avoir  pas  voulu  souscrire  à  la 
lettre  de  saint  Procle  aux  Arméniens,  et  d'a- 
voir refusé  de  condamner  les  propositions 
impies  qui  se  trouvaient  à  la  suite  de  cette 
Tom.  IV  lettre.  Ses  accusateurs  étaient  quatre  prêtres 
^"tMxconcu;  du  clergé  d'Edesse,  savoir  :  Samuel,  Cyrus, 
^^^^°-  Euloge  et  Maras.  Saint  Procle  renvoya  l'af- 

faire à  Jean  d'Antioche,  à  qui,  disait-il;,  il 
appartenait  de  corriger  et  de  punir  Ibas  : 
mais  Jean  étant  mort  quelque  temps  après, 
les  accusateurs  d'Ibas  donnèrent  leurs  libel- 
les contre  lui  à  Domnus,  évêque  d'Antioche 
„.,  ,.  en  la  place  de  Jean.  Comme  c'était  en  Ca- 
Bct.  K.  rême,  Domnus  remit  l'assignation  après  la 

fête  de  Pâques  ;  mais  il  demanda  à  Ibas  de 
lever  l'excommunication  qu'il  avait  pronon- 
cée contre  ces  prêtres.  Ibas  fit  ce  que  Dom- 


nus souhaitait,  à  condition  que  ces  prêtres 
ne  sortiraient  point  d'Antioche  jusqu'à  ce 
que  l'affaire  fût  finie ,  s'en  rapportant  entiè- 
rement à  son  jugement.  Mais  Samuel  et  Cy- 
rus se  retirèrent  à  Constantinople;  il  n'y  eut 
que  Maras  et  Euloge  qui  restèrent  à  Antioche 
en  attendant  l'arrivée  d'Ibas.  Domnus  y  as-  ibid.p.6is. 
sembla  un  concile  nombreux,  où  l'on  fit  lire 
les  libefies  d'accusation  contre  Ibas.  Les  évê- 
ques  voyant  qu'ils  portaient  les  noms  de 
quatre  accusateurs,  et  qu'il  n'en  paraissait 
que  deux,  demandèrent  où  étaient  les  autres. 
Maras  et  Euloge  répondirent  :  «  Nous  avons  ibid.  p.6«i. 
ouï  dire  qu'ils  sont  allés  à  Constantinople.  » 
Le  concile  déclara  qu'étant  défaillants,  ils 
avaient  encouru  la  peine  de  déposition.  Ura- 
nius  d'Himérie,  l'un  des  évêques  du  concile, 
avec  les  prêtres  Euloge  et  Maras,  et  les  au- 
tres accusateurs  d'Ibas,  allèrent  à  Constanti- 
nople joindre  Samuel  et  Cyrus,  pour  deman- 
der à  l'empereur  d'autres  juges  que  Domnus, 
qui  leur  était  suspect.  Ce  prince  commit  Ura- 
nius  lui-même,  avec  Photius,  évêque  de  Tyr, 
et  Eustathe,  évêque  de  Béryte.  Les  lettres  de  ibid.p.eza 
commission  étaient  datées  du  septième  des  "'  '^'' 
calendes  de  novembre,  c'est-à-dire  du  26  oc- 
tobre de  l'an  447.  Pliotius  et  Eustathe  ayant 
accepté  la  commission,  les  accusateurs  d'Ibas, 
arrivés  à  Tyr,  proposèrent  plusieurs  chefs 
d'accusation,  dont  la  capitale  était  contre  la 
foi,  l'accusant  d'être  nestorien  et  d'avoir  dit 
publiquement  dans  l'Eghse  :  «  Je  n'envie 
point  à  Jésus-Christ  d'être  devenu  Dieu.  » 
Ibas  le  nia  avec  serment,  protestant  qu'il  était 
catholique.  Comme  on  ne  produisait  contre 
lui  que  trois  témoins,  qu'il  récusait  parce 
qu'ils  demeuraient  avec  ses  accusateurs , 
Photius  et  Eustathe  ne  voyant  rien  de  sohde 
dans  les  accusations,  quittèrent  le  person- 
nage de  juges  pour  prendre  celui  d'arbitres, 
et  firent  convenir  les  parties  d'un  traité  dont 
l'acte  fut  dressé  le  25  de  février  de  l'an  448. 
Il  y  était  dit  qu'Ibas  avait  donné  par  écrit 
sa  confession  de  foi,  avec  promesse  de  s'y 
conformer  en  prêchant  dans  son  Egfise  et 
d'anathématiser  Nestorius  et  ceux  qui  se  ser- 
vaient de  ses  discours  ou  de  ses  écrits;  qu'il 
avait  déclaré  que  sa  doctrine  était  conforme 
aux  lettres  d'union  entre  Jean  d'Antioche  et 
saint  Cyrille;  qu'il  recevait  tous  les  décrets 
du  concile  d'Ephèse  comme  inspiré  par  le 
Saint-Espritj  et  qu'il  le  tenait  égal  au  concile 


Ibid.  p.  6ia. 


1  Tom.  V  Concil.,  pag.  469,  et  in  append.   Concil, 
Baluz.,  pag.  896. 


^  Assémani,  pag.  197. 


V"   SIECLE. 


CHAPITRE  V.  —  IBAS,  EVEQUE  D'EDESSE. 


143 


de  Nicée,  sans  aucune  différence;  qu'en  con- 
séquence, il  avait  promis  d'oublier  tout  le 
passé  et  de  tenir  ses  accusateurs  pour  ses 
enfants ,  comme  ils  avaient  promis  eux-mê- 
mes de  s'assembler  avec  lui  dans  l'église,  de 
le  reconnaître  pour  leur  père  et  de  lui  té- 
moigner toute  sorte  d'aiïection.  Ibas  ajoutait 
dans  ce  traité  que  s'il  croyait  avoir  dans  la 
suite  quelque  sujet  de  se  plaindre  des  quatre 
prêtres  qui  l'avaient  accusé,  il  ne  les  puni- 
rait que  de  l'avis  de  l'archevêque  Domnus; 
qu'à  l'égard  des  revenus  et  des  offrandes  de 
l'Eglise  dont  on  l'accusait  d'abuser,  il  se  con- 
formerait à  l'usage  de  l'Eglise  d'Autioche, 
voulant  bien  que  les  revenus  de  celle  d'E- 
desse  fussent  administrés  par  des  économes 
qu'il  choisirait  dans  le  clergé  :  en  suite  de  cet 
accord,  Ibas,  Cyrus,  Maras  et  Euloge  commu- 
nièrent ensemble  aux  sacrés  dons,  dans  l'é- 
glise cathédrale  de  Tyr. 
Jugement       5.  Cette  réconciliation  ne  fut  pas  de  lon- 

Ifvenr'dïbaï  S^^  durée.  Ces  quatre  prêtres  recommencè- 
rent leur  procédure  contre  Ibas,  et  accusè- 
rent avec  lui  Daniel,  évêque  de  Carrhes,  son 
neveu,  et  Jean,  évêque  de  Batnes.  Il  y  eut 
encore  cinq  autres  ecclésiastiques  qui  se  dé- 
clarèrent leurs  accusateurs,  savoir:  Albanius, 
Jean,  Anatole,  Caïumas  et  Abib.  Ils  s'adres- 
sèrent à  l'empereur  Théodose,  et  à  Flavien, 
évêque  de  Constantinople,  qui  renvoya  le  ju- 
gement de  cette  affaire  à  ceux  qui  en  avaient 
connu  d'abord ,  c'est-à-dire  à  Photius  de 
Tyr,  à  Eustathe  de  Béryte,  et  à  Uranius  d'Hi- 

Tom.    IV   mérie.  L'assemblée  se  tint  à  Béryte  le  pre- 

n,''';'ct.''°x  mier  de  septembre  de  la  même  année  448. 

>Dcii.chaic.  j^gg  juges,  pour  établir  d'abord  les  qualités 
des  parties,  demandèrent  à  Ibas  ce  qui  s'é- 
tait passé  au  concile  d'Antioche.  Cet  évêque 
en  fit  le  récit,  et  parce  que  deux  accusateurs 
s'étaient  absentés  d'Antioche  lors  de  la  tenue 
de  ce  concile,  on  en  lut  les  actes  qu'Ibas  avait 
en  main  ;  on  lut  aussi  le  libelle  d'accusation 
présenté  le  jour  précédent  par  les  neuf  ac- 
cusateurs, lesquels,  interrogés,  déclarèrent 
ibid  041  l'élis  Persistaient.  Les  chefs  d'accusation,  qui 
s='i-  étaient  au  nombre  de  dix-huit,  se  réduisaient 

à  trois  principaux  contre  Ibas  :  on  l'accusait 
d'être  nestorien,  de  traiter  saint  Cyrille  d'hé- 
rétique ;  d'avoir  ordonné  plusieurs  personnes 
indignes,  entre  autres  son  neveu  Daniel, 
l'ayant  fait  évêque  de  Carrhes,  ville  qui  avait 
besoin  d'un  pasteur  d'un  grand  exemple,  à 


cause  des  païens  qui  y  étaient  en  grand  nom- 
bre, quoique  ce  fût  un  jeune  homme  et  un  dé- 
bauché; d'avoir  pris  de  l'argent  des  ordina- 
tions, et  détourné  les  revenus  de  l'Eglise  et 
les  donations  qu'on  y  faisait  pour  enrichir 
son  neveu  et  ses  parents.  On  disait  contre 
Daniel  qu'il  aimait  une  femme  mariée  de  la 
ville  d'Edesse,  qu'il  la  menait  avec  lui  en 
divers  lieux,  et  l'avait  enrichie  aux  dépens 
de  l'Eglise  ;  en  sorte  que  de  pauvre  qu'elle 
était  auparavant,  elle  prêtait  deux  cents  et 
trois  cents  sous  d'or  ;  que  Daniel,  par  son 
testament,  lui  laissait,  à  elle  et  à  ses  enfants, 
les  grands  biens  qu'il  avait;  qu'il  lui  avait 
donné  aussi  la  succession  d'un  riche  diacre 
et  des  bois  appartenant  à  l'Eglise  ;  enfin,  que 
Daniel  ordonnait  les  complices  de  ses  débau- 
ches, et  qu'il  prenait  des  présents  pour  ab- 
soudre de  l'idolâlrie.  Les  autres  chefs  d'ac- 
cusation contre  Ibas  étaient  de  moindre  con- 
séquence, comme  de  ne  pas  donner  du  bon 
vin,  ni  en  assez  grande  quantité  pour  le  sa- 
crifice de  l'autel  ;  en  sorte  qu'il  y  en  avait  à 
peine  pour  la  communion  du  peuple,  quoi- 
qu'il en  eût  beaucoup  et  du  bon;  d'avoir  dé-  ibij.p.  553 
tourné  à  son  usage  cinq  cents  sous  de  quinze  "'  ''^°- 
cents  que  la  ville  d'Edesse  avait  donnés  pour 
le  rachat  des  captifs,  et  de  n'avoir  pas  mis 
dans  le  sacraire  de  l'église  '  un  calice  orné 
de  pierres  précieuses,  qui  lui  avait  été  donné 
par  un  homme  de  piété.  Les  juges  dirent 
qu'il  fallait  commencer  par  l'accusation  con- 
tre la  foi  ;  sur  quoi  Maras  dit  qu'Ibas,  dans  ua 
discours,  s'était  exprimé  ainsi  :  «  Je  n'envie 
point  à  Jésus-Christ  d'être  devenu  Dieu  :  car 
je  le  suis  devenu  comme  lui.  »  Samuel  ap- 
puya cette  accusation,  et  s'offrit  à  la  prouver 
par  témoins  qui  étaient  présents,  et  d'en 
faire  venir  d'autres.  Ibas,  interrogé  par  les 
évêques,  répondit  :  ((  Anathème  à  qui  l'a  dit, 
et  à  l'auteur  de  la  calomnie;  pour  moi,  je  ne 
l'ai  point' dit.  Notre  clergé,  est  composé  de 
deux  cents  personnes,  plus  ou  moins.  Elles 
ont  toutes  rendu  témoignage  si  je  suis  héré- 
tique ou  orthodoxe,  et  en  ont  envoyé  des  dé- 
clarations par  écrit  à  l'archevêque  Domnus  et 
à  votre  piété.  C'est  à  vous  à  examiner  si  leur 
témoignage  est  conforme  à  celui  de  ces  trois 
qui  sont  venus  avec  mes  accusateurs  à  Cons- 
tantinople et  sont  encore  avec  eux.  »  Ibas, 
pour  détruire  l'accusation  d'hérésie  que  l'on 
formait  contre  lui,  avait  envoyé  un  de  ses 


•  Rursum  calicem  gemmahim  miigni  pretii  oblatum 
noslrœ  ecclesiœ  a  sancto  Vito  unie  annos  undecim  in- 

X. 


ter  vasa  sanclce  ecclesice  non  reposuit,  et  nescimus, 
quid  factum  sit  de  eo.  Tom.  IV  Concil.,  pag.  648. 

10 


146 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


diacres  de  Béryte  à  Edesse,  pour  demander 
au  clergé  de  sou  Eglise  des  lettres  testimo- 
niales sur  la  pureté  de  sa  foi.  Ce  diacre  en 
rappoi'ta  de  favorables,  qui  constataient  que 
Ibas  n'avait  jamais  dit  de  Jésus-Christ  ce 
dont  on  l'accusait.  C'est  à  ces  lettres  qu'il 
appelle  de  son  innocence.  Samuel,  requis  de 
nommer  les  témoins  qu'il  s'était  offert  de 
produire,  nomma  David,  diacre,  qui  avait  été 
trésorier  de  l'Eglise  d'Edesse,  etMaras,  aussi 
diacre.  Ibas  les  récusa,  disant  qu'ils  étaient 
allés  avec  ses  accusateurs  à  Antiocbe  et  à 
Constantinople;  que  Maras,  en  particulier, 
avait  donné  avec  eux  les  libelles  contre  lui, 
et  qu'il  était  d'ailleurs  excommunié  par  son 
archidiacre,  pour  avoir  insulté  à  un  prêtre. 

ibid.  p.  657.  Les  évêques  voyant  que  les  témoins  produits 
étaient  suspects  à  Ibas,  ne  voulurent  point 
admettre  leur  témoignage  ;  ils  demandèrent 
donc  encore  une  fois  à  Ibas  s'il  avait  dit  ce 
qu'on  lui  reprochait.  Il  répondit  :  «Je  ne  l'ai 
point  dit,  et  j'anathématise  quiconque  l'a  dit. 
Je  ne  crois  pas  qu'un  démon  puisse  parler 
ainsi.  »  Les  juges  passèrent  à  l'autre  chef 
d'accusation,  qui  regardait  saint  Cyrille.  Ibas 
dit  qu'il  ne  se  souvenait  pas  de  l'avoir  appelé 

ibid.  p.  660.  hérétique  ;  que  s'il  l'avait  nommé  ainsi,  c'é- 
tait quand  le  concile  d'Orient  l'avait  anathé- 
matisé  comme  hérétique,  et  qu'alors  il  avait 
suivi  son  patriaixhe.  Maras  dit  :  «  N'avez- 
vous  pas  dit  que  si  Cyrille  n'eût  anathéma- 
tisé  ces  articles,  vous  ne  l'auriez  pas  reçu?» 

—  «  J'ai  dit,  répondit  Ibas,  que  s'il  ne  se  fût 
exphqué,  le  concile  d'Orient  ne  l'eût  pas 
reçu,  ni  moi  non  plus.  »  Les  juges  deman- 
dèrent aux  accusateurs  s'ils  étaient  en  état 
de  montrer  qu'il  eût  nommé  Cyrille  héréti- 
que, après  la  réunion  avec  Jean  d'Antioche. 
Ibas,  prenant  la  parole,  dit  :  «  Il  s'en  faut 
beaucoup  que  je  l'aie  anathématisé  depuis 
qu'il  a  expliqué  ses  articles,  puisque  j'ai  reçu 
de  lui  des  lettres  et  lui  ai  envoyé  les  mien- 
nes, et  que  nous  avons  été  en  communion.» 

—  «  Montrez,  dirent  les  évêques  aux  accu- 
sateurs, si,  depuis  la  mort  du  bienheureux 
Cyrille,  l'évêque  Ibas  l'a  appelé  hérétique.  » 

Md.p. 6G1.  ^^^  produisirent  sur  cela  une  lettre  d'Ibas  à 
un  Perse  chrétien,  nommé  Maris,  dans  la- 
quelle Ibas  accusait  saint  Cyrille  d'être  tombé 
dans  l'hérésie  d'Apollinaire,  et  disait  que 
ses  douze  articles  étaient  rempHs  de  toutes 

Ibid  p.  668.  sortes  d'impiétés.  Ibas,  de  sou  côté  demanda, 
qu'on  fît  la  lecture  de  la  lettre  de  son  clergé 
adressée  aux  deux  juges  Photius  et  Eustathe. 
Treize  prêtres  l'avaient  signée  avec  trente- 


six  diacres,  onze  sous-diacres  et  un  lecteur. 
Tous,  au  nombre  de  soixante  et  un,  rendaient 
témoignage  qu'ils  n'avaient  jamais  ouï  pro- 
noncer à  Ibas  ni  à  aucun  autre  le  blasphème 
dont  il  était  accusé.  Ils  suppliaient  ces  deux 
évêques  de  leur  renvoyer  au  plus  tôt  Ibas,  à 
cause  de  la  fête  de  Pâques  qui  approchait, 
où  sa  présence  était  nécessaire  pour  les  ca- 
téchèses et  le  baptême.  Sur  cette  lettre  jointe 
à  tout  le  reste,  Ibas  fut  renvoyé  absous. 

6.  Les  clercs  de  l'Eghse  d'Edesse,  qui     ^^^^ 
avaient  fait  un  traité  avec  Ibas,  ne  furent  5°„°''iê'"r. 
pas  les  seuls  qui  se  déclarèrent  depuis  contre  p^lse'en'l 
lui;  il  fut  condamné,  et  déposé  de  l'épiscopat 
par  les  évêques  mêmes  qui  l'avaient  déclaré 
innocent  dans  l'assemblée  de  Béryte.  Cela  se 
passa  en  449,  dans  le  faux  concile  d'Ephèse, 
où  Dioscore  d'Alexandrie,  ennemi  déclaré  de 
tout  ce  qui  s'opposait  aux  progrès  de  l'héré- 
sie d'Eutychès,  anathématisa  saint  Flavien 
de  Constantinople,  Domnus  d'Antioche,  Iré- 
née  de  Tyr,  Ibas  d'Edesse,  Eusèbe  de  Dory- 
lée,  Daniel  de  Carrhes,  Aquilin  de  Byblus, 
Sabinien  de  Perhe,  Sophrone  de  Constantine, 
et  Théodoret  de  Cyr.  Ibas,  déposé  de  l'épis- 

^  ^  ^  Asscma 

copat,  sortit  d'Edesse  le  premier  de  janvier  p^s-^oa. 
de  l'an  450  ;  on  lui  donna  pour  successeur 
le  21  de  juillet  de  la  même  année,  un  nom- 
mé Nonnus,  qui  tint  le  siège  de  cette  ville 
pendant  deux  ans,  c'est-à-dire  jusqu'au  con- 
cile de  Chalcédoine  qui  rétablit  Ibas  en  cette 
manière. 

7.  En  la  neuvième  session  de  ce  concile,      nesiréi 
datée  du  26  octobre  de  l'an  451,  Ibas  étant   eonciu  , 
entré  dans  l'assemblée,  dit  :  «  Ayant  été  par-  "aicédoin. 
sécuté  et  déposé  par  Eutychès,  quoiqu'ab- 
sent  de  quarante  journées,  je  me  suis  adressé 
â  l'empereur,  qui  a  ordonné  que  le  saint  con- 
cile examinerait  ma  cause.  Je  vous  prie  donc      j„„ 
de  faire  lire  ce  qui  a  été  jugé  par  les  évê-  îi°°'c'o'nci 
ques  Photius  et  Eustathe,  qui  m'ont  ti'ouvé    Ss.'"  '  '' 
innocent.  Cassez  ce  qui  a  été  fait  à  Ephèse 
en  mon  absence,  et  me  rendez  mon  Eglise.  » 
On  lut  premièrement  la  sentence  arbitrale  de  ^j  p  ^^ 
Photius   de   Tyr,  et  d'Eustathe  de  Béryte, 
donnée  à  Tyr,  le  25  février  de  l'an  448,  par  la-  : 

quelle  il  paraissait  qu'Ibas  avait  donné  une 
déclaration  de  sa  foi,  et  reçu  en  grâce  les 
clercs  d'Edesse,  ses  accusateurs.  L'atfaire 
n'ayant  pu  se  terminer  le  môme  jour,  Ibas  , 
se  présenta  le  lendemain  où  l'on  tenait  la 
dixième  session.  Il  se  plaignit  de  nouveau 
d'Eutychès,  qui  l'avait  traduit  par  quarante 
journées  de  chemin  et  fait  changer  de  vingt 
prisons,  comme  déposé  au  concile  d'Ephèse, 


[V=  SIÈCLE.  J 


CHAPITRE  V.  —  ]BAS,  ÉVÊQUE  D'ÉDESSE. 


147 


quoiqu'abseiit  et  sans  connaissance  de  cause. 
Les  évêqaes  s'écrièrent  que  l'on  ne  condam- 
nait point  un  absent  ;  qu'Ibas  avait  été  con- 
damné à  Ephèse  contre  les  canons,  et  que, 
ayant  été  reconnu  évêque  par  la  sentence 
des  arbitres,  il  devait  être  reçu  comme  tel. 
Ce  jugement  parut  juste  aux  Orientaux;  il  y 
eut  toutefois  des  gens  qui  s'y  opposèrent,  dé- 
clarant qu'ils  voulaient  accuser  l'évêque  Ibas. 
C'étaient  Théophile,  diacre;  Euphrasius,  An- 
tiochus   et  Abraham.  Ayant  eu  permission 
d'entrer,  Théophile  demanda  qu'on  lût  ce 
qui  avait  été  fait  à  Béryte  contre  Ibas^  afin 
qu'on  vît  qu'il  était  justement  déposé.  On  lut 
d'abord  la  commission  de  l'empereur  Théo- 
dose,  puis  les  actes  du  jugement  rendu  à 
Béryte  le  1"  de  septembre  448,  par  lequel 
Ibas  avait  été  renvoyé  absous.  Les  magis- 
trats voulaient  qu'on  fit  aussi  la  lecture  de 
la  procédure  faite  contre  Ibas  au  faux  concile 
d'Ephèse;  mais  les  légats  s'y  opposèrent,  en 
disant  qu'on  ne  devait  avoir  aucun  égard  à 
ce  qui  avait  été  fait  dans  ce  concile.  Les  ma- 
gistrats invitèrent  donc  le  concile  à  opiner 
sur  l'aflaire  d'Ibas.  Alors  Paschasin,  parlant 
pour  les  légats,  dit  :  «  Suivant  les  pièces  qui 
ont  été  lues,  nous  connaissons  qu'il  est  or- 
thodoxe ;  c'est  pourquoi  nous  jugeons  qu'il 
doit   recouvrer    l'honneur   de    Tépiscopat, 
et  son  Eglise,  dont  il  a  été  chassé  injuste- 
ment. »  Anatolius  de  Constantinople  déclara 
aussi  Ibas  exempt  de  tous  soupçons,  parce 
qu'il  avait  souscrit  à  la  lettre  de  saint  Léon 
à  Flavien.  Maxime  d'Antioche  déclara  la  let- 
tre d'Ibas  orthodoxe;  et  tous  les  autres  évo- 
ques ayant  opiné  en  sa  faveur,  on  se  con- 
tenta de  lui  demander  qu'il  anathématisât 
Nestorius  et  Eutychès.  «J'ai  déjà,  dit  Ibas, 
anathématisé  par  écrit  Nestorius  et  sa  doc- 
trine, et  maintenant  je  l'anathématise  mille 
fois  :  car  on  n'a  point  de  peine  à  faire  mille 
fois  ce  dont  on  est  une  fois  persuadé  :  ana- 
thème  donc  à  Nestorius,  à  Eutychès  et  à  qui- 
conque dit  une  seule  nature  :  j 'anathématisé 
aussi  quiconque  ne  cx'oit  pas  comme  ce  saint 
concile.  »  Les  magistrats  dirent  :  «  Ce  que  le 
saint  concile  a  jugé  touchant  Ibas  sera  exé- 
cuté. » 

8.  Ibas,  rétabli  sur  le  siège  d'Edesse,  l'oc- 
cupait encore  au  commencement  de  l'an  437, 
comme  on  le  voit  par  la  requête  adressée  à 


l'empereur  Léon,  pour  la  confirmation  du 
concile  de  Chalcédoine,  où  son  nom  se  trouve 
avec  celui  de  beaucoup  d'autres  évoques  : 
mais  il  mourut  cette  année-là  même,  selon 
la  Chronique  d'Edesse  ;  cela  se  voit  encore 
par  une  lettre  au  môme  prince,  à  laquelle 
Nonnus  souscrivit  comme  évêque  d'Edesse, 
avec  ceux  de  la  province  de  l'Osroène.  Cette 
lettre  était  une  réponse  à  celle  que  l'empe- 
reur Léon  avait  écrite  la  même  année  à  Ibas. 
Nonnus,  en  qualité  de  métropolitain  d'Edesse, 
l'écrivit  au  nom  de  ses  comproviuciaux,  au 
nombre  de  quatre.  Comme  son  élection  en  la 
place  d'Ibas  avait  été  légitime  de  sa  part, 
puisqu'il  avait  succédé  à  un  évêque  déposé 
par  une  autorité  apparente ,  les  légats  du 
Pape  et  Anatolius  de  Constantinople,  après 
avoir  opiné  dans  le  concile  de  Chalcédoine 
pour  le  rétablissement  d'Ibas,  remirent  à  la 
discrétion  de  Maxime  d'Antioche,  d'ordonner 
de  Nonnus  ce  qu'il  jugerait  à  propos.  Maxime 
promit  de  lui  conserver  l'honneur  de  l'épis- 
copat,  ajoutant  que  pour  le  surplus  il  en  dé- 
libérerait avec  les  évêques  de  son  départe- 
ment. Quoique  Nonnus  fût  présent  à  ce  con- 
cile, on  ne  voit  pas  qu'il  se  soit  donné  aucun 
mouvement  pour  empêcher  le  rétablissement 
d'Ibas. 

9.  Il  ne  nous  reste  de  cet  évêque  que  sa 
lettre  à  Maris,  qu'il  représente  comme  un 
homme  occupé  jour  et  nuit  à  s'instruire  dans 
la  science  de  Dieu,  afin  d'en  instruire  les  au- 
tres. Il  la  commence  par  l'histoire  de  la  dis- 
pute entre  Nestorius  et  saint  Cyrille.  Il  dit  que 
le  premier  enseignait  dans  ses  écrits  que  la 
sainte  Vierge  n'est  pas  Mère  de  Dieu,  ce  qui 
le  faisait  regarder  par  un  grand  nombre  de 
personnes  comme  infecté  de  l'hérésie  de 
Paul  de  Samosate,  d'api^ès  lequel  Jésus-Christ 
était  un  pur  homme.  A  l'égard  de  saint  Cy- 
rille, il  l'accuse  de  ne  mettre  aucune  diffé- 
rence entre  les  deux  natures  ;  en  sorte  qu'il 
lui  paraissait  être  tombé  dans  le  dogme  d'A- 
polhnaire.  Il  attaque  particulièrement  ses 
douze  anathématismes,  qu'il  dit  être  pleins 
de  toufes  sortes  d'impiétés,  supposant  qu'il 
n'y  reconnaît  qu'une  seule  nature  après  l'In- 
carnation :  «  Doctrine,  dit-il,  qui  n'est  pas 
celle  de  l'Eglise  qui,  comme  nous  l'avons  ap- 
pris des  saints  pères  ',  enseigne  qu'il  y  a  en 
Jésus-Christ  deux  natures,  une  vertu  et  une 


Tom.  IV 
Concil.  pajr. 
917. 


Ibif],   png. 
61Scl  678. 


Lettre  d'I- 
bas à  Maris, 
tom.  IV  Coii- 
cil.,  pag.  661. 


T  Ecclesia  sic  clicit,  sicid  et  tua  religiositas  novit  et 
a  principio  est  edocta  atque  firmata  divina  doctrina 
ex  libris  beatissimorum  Patrum    duce  naturœ,  una 


virtus,  una  persnna,  quœ  est  unus  Filins  Dominus 
noster  Jésus  Christus.  Ibas,  Epist.,  tom.  IV  Concit., 
pag.  661. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Tom.  IV 
Concil.,  pag. 
673,  078,  680. 


148 

personne,  qui  est  le  Fils  unique,  notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ.  »  Ibas  marque  ensuite 
que  les  très-pieux  empereurs  voulant  finir 
ces  contestations,  ordonnèrent  la  tenue  d'un 
concile  à  Ephèse,  où  les  écrits  de  Nestorius 
et  de  saint  Cyrille  fussent  examinés  par  les 
évéques  ;  que  saint  Cyrille,  avant  leur  arrivée, 
trouva  moyen  de  prévenir  les  esprits  et  de 
faire  condamner  Nestorius  ;  que  les  Orien- 
taux qui  n'arrivèrent  à  Ephèse  que  deux 
jours  après,  ayant  appris  la  déposition  de 
Nestorius,  condamnèrent  saint  Cyrille  et  pro- 
noncèrent une  senlence  d'excommunication 
contre  tous  ceux  qui  avaient  approuvé  ses 
douze  anathématismes.  Telle  fut  la  cause  de 
la  division  qui  régna  depuis  entre  saint  Cyrille 
et  les  Orientaux.  Ibas  traite  de  tyran  Rabulas, 
son  prédécesseur ,  mais  sans  le  nommer.  Il 
l'accuse  d'avoir  étendu  sa  haine,  non-seule- 
ment sur  les  vivants,  mais  aussi  sur  les 
morts,  nommément  sur  Théodore  de  Mop- 
sueste ,  en  l'anathématisant  publiquement 
dans  l'Eglise,  quoique,  par  un  zèle  pour  Dieu, 
il  eût  converti  à  la  foi  et  ramené  à  la  vérité 
sa  propre  ville  et  beaucoup  d'Eglises  très- 
éloignées.  Il  parle  de  cet  évèque  et  de  ses 
écrits  avec  éloge,  disant  qu'on  ne  les  avait 
condamnés  que  par  une  inimitié  secrète. 
Après  cela  il  rapporte  comment  la  réunion 
s'était  faite  de  Jean  d'Antioche  avec  saint 
Cyrille,  par  la  médiation  de  Paul  d'Emèse  ; 
et  afin  que  Maris  en  sût  mieux  les  circons- 
tances, il  dit  qu'il  lui  en  envoyail  les  actes. 
11  finit  sa  lettre  en  disant  :  «  La  dispute  a 
cessé,  il  n'y  a  plus  de  schisme,  l'Eghse  est  en 
paix.  Vous  le  verrez  par  ces  actes,  et  vous 
pourrez  apprendre  à  tous  cette  bonne  nou- 
velle. La  muraille  de  division  est  ôtée  ;  ceux 
qui  attaquaient  insolemment  les  vivants  et 
les  morts  sont  confondus,  étant  obligés  à  se 
défendre  eux-mêmes  et  à  enseigner  le  con- 
traire de  leur  doctrine  précédente  :  car  per- 
sonne n'ose  plus  dire  qu'il  n'y  a  qu'une  na- 
ture de  la  divinité  et  de  l'humanité  ;  mais  on 
confesse  que  le  temple  et  celui  qui  y  habite, 
est  un  seul  Fils  Jésus-Christ,  n  Cette  lettre  et 
d'autres  pièces  qui  concernaient  Ibas,  furent 

1  Unde  sancta  illa  synodus  formam  canonicœ  scrip- 
turœ  in  sua  senlentia  non  excedens,  secundum  dua- 
rum  naturarum  in  una  Christi  persona,  caiholicam 
et  ge.neralem  confessionem,  non  secundum  privatam 
suspicionem  quam  de  beato  Cyrillo  cum  aliis  Ibas  hn- 
buit,  ejus  epistolum  pronuntiavit  orthodoxam;  hoc 
ipso  vocabulo,  guod  eam  orthodoxam  nunciipavit,  os- 


lues  dans  la  dixième  action  du  concile  de 
Chalcédoine.  Les  légats  du  Pape  reconnurent 
cet  évèque  pour  cathohque,  et  opinèrent  pour 
son  rétablissement  dans  le  siège  d'Edesse, 
ainsi  que  Maxime  d'Antioche,  qui  déclara  sa 
lettre  à  Maris  orthodoxe.  Eunoraius  de  Nico- 
médie  blâma  ce  qu'on  y  lit  au  commence- 
ment contre  saint  Cyrille  ;  mais  il  avoua 
qu'Ibas  s'en  rétractait  à  la  fin  en  confessant 
la  vraie  foi  sur  l'incarnation.  Les  autres  évé- 
ques,  sans  s'expliquer  sur  la  lettre  à  Maris, 
consentirent  aîi  rétablissement  d'Ibas,  voyant 
qu'il  anathématisaii  sincèrement  les  erreurs 
de  Nestorius  et  d'Eutychès  qui  avaient  donné 
lieu  à  sa  déposition.  Il  n'y  eut  donc  qu'un  ou 
deux  évoques  qui  s 'expliquèrent  sur  la  lettre 
d'Ibas.  Facuudus  soutient  '  néanmoins  que 
le  concile  la  déclara  catholique,  sur  ce  que 
cet  évèque  y  confessait  l'union  des  deux  na- 
tures en  une  personne,  et  qu'il  ne  désap- 
prouvait que  les  expressions  trop  dures  dont 
Ibas  s'était  servi  avec  beaucoup  d'autres 
contre  saint  Cyrille,  dont  il  ne  connaissait  pas 
bien  la  créance.  Mais  on  verra  dans  la  suite 
que  l'on  s'étonna  dans  le  cinquième  concile 
général  que  quelques-uns  eussent  voulu  dé- 
fendre la  lettre  d'Ibas  au  nom  du  concile  de 
Chalcédoine,  sur  ce  que  qnelqu'évêque  avait 
semblé  approuver  cette  lettre  ;  que  le  pape 
Vigile  dit  même  anathème  à  ceux  qui  soute- 
naient qu'elle  avait  été  déclarée  orthodoxe 
à  Chalcédoine;  que  ce  Pape  prétendit  que  la 
lettre  sur  laquelle  Ibas  fut  absous  dans  ce 
concile,  était  celle  du  clergé  d'Edesse  en  sa 
faveur,  et  que  celle  qui  s'adressait  à  Maris, 
Persan,  avait  été  fabriquée  par  les  nestoriens 
pour  calomnier  Ibas.  On  lit  dans  celle  de 
saint  Grégoire  à  Secondin,  qu'Ibas  désavoua 
sa  lettre  à  Maris  dans  le  concile  de  Chalcé- 
doine, et  Justinien  soutint  qu'il  l'avait  désa- 
vouée à  Béryte.  On  ne  trouve  rien  de  sembla- 
ble dans  les  actes  du  concile  de  Chalcédoine, 
et  on  ne  voit  rien  de  ce  désaveu  dans  le  cin- 
quième concile  général  :  aussi  Facuudus  porte 
le  défi  ^  à  ceux  qui  avançaient  ce  fait,  de  lui 
montrer  en  quelqu'endroit  ce  prétendu  dé- 
saveu d'Ibas. 

tendens  fidei  se  confessionem  in  illaprobasse.Va.sc\ia- 
dus,  lib.  VI,  pag.  232. 

2  Unde  nec  itlud  dicimus...quia  illam  epistolam  apud 
judices  Photium  et  Eustathium  sitam  esse  negavit  Ibas 
episcopus;  quod  et  ipsum  aperte  falsum  est...  Ostendite 
nobis  ipsa  negalionis  ejus  vei'ba,si dixil  :  mea  non  eslhœc 
quœ  adoersum  me  profet'tur  epistola.  Ibid.,  pag.  184. 


J 


[v-^  SIÈCLE.]         CHAPITRE  VI.  —  FIRMUS,  ARCHEVÊQUE  DE  CÉSARÉE. 


im 


CHAPITRE  VI. 

Firmus,  archevêque  de  Césarée  en  Cappadoce  [écrivain  grec]. 

[439.] 


Firmus,  1-  Depuis  la  mort  de  saint  Basile ,  arrivée 
?"f  m'',  en  370,  ou  ne  connaît  point  d'autres  évoques 
5TOpa°t/sà  de  celte  ville,  jusqu'en  439,  qu'Heliade  etFir- 

rt  en  439.  ,    „    .,  ,  .  « 

mus;  ce  qui  fait  un  espace  de  soixante-neuf 
ans.  Si  ce  n'est  pas  trop  pour  deux  ponlili- 
cats  ,  il  faut  dire  que  Firmus  succéda  immé- 
diatement à  Hellade,  qui  fut  lui-même  suc- 
cesseur immédiat  de  saint  Basile.  Le  concile 
d'Eplièse  ayant  été  indiqué  en  l'an  431,  pour 
y  juger  l'affaire  de  Nestorius ,  dont  l'hérésie 
faisait  grand  bruit,  Jean  d'Antioche  écrivit  à 
Firmus  pour  l'indisposer  contre  saint  Cyrille 
et  le  rendre  favorable  à  Nestorius,  qu'il  pro- 
tégait,  le  croyant  innocent.  Mais  sa  lettre, 
quoique  très-flateuse  '  pour  Firmus,  ne  pro- 
duisit aucun  efifet.  Il  assista  -  au  concile  dès 
le  moment  qu'il  fut  ouvert,  approuva  avec 
les  autres  évoques  la  seconde  lettre  de  saint 
Cyrille  à  Nestorius ,  et  souscrivit  dans  son 
rang  à  la  condamnation  de  Nestorius;  on  l'a- 
vait déjà  prononcée  quand  les  légats  du  Saint- 
Siège  arrivèrent  à  Ephèse  ;  ils  présentèrent 
au  concile  les  lettres  du  pape  Célestin  ^,  de- 
mandant qu'elles  fussent  exécutées.  Firmus 
leur  fit  remarquer  qu'elles  l'avaient  été  par 
la  sentence  même  rendue  contre  Nestorius. 
Il  fut  du  nombre  des  huit  évêques  *  que  l'on 
députa  à  l'empereur  de  la  part  du  concile, 
pour  défendre  les  intérêts  de  la  foi  ^  et  des 
évêques  que  lepartide  Jeand'Antioche  avait 
maltraités.  Le  succès  de  la  députation  fut 
heureux,  et  l'empereur  ayant  approuvé  la 
déposition  de  Nestorius,  déféra  aux  députés  ^ 
du  concile  l'ordination  d'un  nouvel  évêque 
de  Constantinople.  Le  choix  tomba  sur  Maxi- 
mien. Cet  évêque,  Théodote  d'Ancyre  et  Fir- 
mus écrivirent  des  lettres  contre  Jean  d'An- 
tioche  et  les  autres  Orientaux,  voulant  qu'on 

'  Theodor.,  Epist.  112;  Lupus,  Epist.  4. 

2  Tom.  III  Concil.,  pag.  4C2,  491,  547. 

3  Ibid.,  pag.  617. 
'  Ibid.,  pag.  784. 
s  Ibid.,  pag.  779. 

«  Ibid.,  pag.  730  et  1038,  et  append.  Concil.  Ba- 
luz.,  pag.  730. 


les  traitât  comme  des  excommuniés.  Jean 
d'Antioche  l'ayant  appris'  lorsqu'il  passait  à 
Ancyre  pour  s'en  retourner,  en  écrivit  d'au- 
tres, au  nom  de  son  parti,  dans  lesquelles  il 
protestait  *  qu'il  ne  reconnaissait  aucun  de 
ces  trois  évêques.  A  Ephèse,  les  Orientaux 
avaient  en  effet  '  porté  des  censures  contre 
Firmus  et  les  autres  évêques  du  concile.  Ils 
entreprirent  une  seconde  fois  de  les  dépo- 
ser dans  un  concile  qu'ils  tinrent  à  Tarse,  en 
Cilicie  *",  nommément  saint  Cyrille  et  les  huit 
députés  du  concile  d'Ephèse.  Maximien  d'A- 
nazarbe ,  qui  était  du  parti  de  Jean  d'Antio- 
che, refusa  même  "  de  répondre  aux  lettres 
que  Firmus  lui  avait  écrites,  apparemment 
pour  le  ramener  à  la  paix  et  à  l'unité.  Euthé- 
rius ,  évêque  de  Thyanes ,  avait  été  déposé 
par  Maximien  de  Constantinople,  en  432.  Pour 
lui  donner  un  successeur,  Firmus  assembla 
les  évêques  de  la  Cappadoce ,  avec  qui  il  or- 
donna un  laïque ,  assesseur  de  quelque  ma- 
gistrat. Les  habitants  de  Thyanes  s'opposè- 
rent à  cette  ordination;  ils  se  saisirent  même 
du  nouvel  évêque,  qui,  se  voyant  arrêté,  dé- 
clara ,  soit  par  crainte  ou  par  quelqu'autre 
motif,  qu'il  n'avait  point  consenti  à  son  ordi- 
nation. Théodoret  '^  raconte  sur  cela  diverses 
choses  qu'il  est  inutile  de  rapporter.  Firmus 
fut  toujours  très-attaché  au  concile  d'Ephèse 
et  à  saint  Cyrille.  Celui-ci,  ayant  à  répondre 
à  un  concile  d'Antioche  sur  ce  qu'on  devait 
penser  de  Théodore  de  Mopsueste  et  sur  les 
moyens  de  prévenir  les  troubles  que  les  écrits 
de  cet  évêque  allaient  occasionner,  consulta 
Théodote  d'Ancyre  et  Firmus.  C'était  en  438. 
Firmus  mourut  '^  l'année  suivante;  on  élut 
pour  lui  succéder  Thalasse,  préfet  du  pré- 
toire d'Illyrie. 

'  Ibid.,  pag.  741,  et  tom.  III  Concil.,  pag.  G53  et  757. 

'  Append.  Concil.,  pag.  741. 

3  Tom.  III  Concil.,  pag.  596. 

>»  Append.  Concil.,  pag.  840,  843,  S74. 

11  Ibid.,  pag.  84. 

■2  Append.  Concil.,  pag.  749. 

!•'  Socrat.,  lib.  VII  Hist.,  cap.  ultimo. 


130 


niSTOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettres    dg 
Firmus. 


Tom.  /.nec- 
(lot.  Muratoti 
Patav,,  an. 
n09,  io-i". 
pag.  277,  32â. 


2.  Nous  n'avons  ni  la  réponse  qu'il  fit  à 
Jean  d'Antioche ,  ni  la  lettre  qu'il  écrivit  à 
Maximien  d'Anazarbe,  ni  son  avis  à  saint  Cy- 
rille touchant  Théodore  de  Mopsueste.  Mais, 
en  1709,  Muratori  nous  a  donné  quarante- 
cinq  lettres  sous  le  nom  do  Firmus  de  Césa- 
rée,  tirées  d'un  ancien  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque Ambrosienne.  On  juge  de  l'authenti- 
cité de  ces  lettres,  premièrement,  parce  que 
les  personnes  à  qui  elles  sont  adressées  vi- 
vaient en  même  temps  que  Firmus;  secon- 
dement, par  le  rapport  que  quelques-unes 
ont  avec  le  concile  d'Ephèse;  en  troisième 
lieu,  parce  qu'on  y  voit  un  caractère  de  dou- 
ceur, de  bonté,  d'humilité,  qui  sont  les  ver- 
tus que  Jean  d'Antioche  relève  '  le  plus  dans 
Firmus.  La  plupart  de  ces  lettres  sont  dans 
le  genre  familier  ou  ne  contiennent  que  des 
choses  peu  intéressantes  pour  notre  dessein. 
Dans  la  première,  qui  est  adressée  à  un  nom- 
mé Achille,  goxiverneur  ou  même  préfet  dan? 
le  Pont ,  Firmus  l'exhorte  de  continuer  à  tra- 
vailler pour  la  paix  et  l'avantage  des  peuples 
qui  lui  étaient  soumis.  La  quatrième  est  au 
comte  Cynégius.  Firmus  le  presse  de  faire  le 
voyage  auquel  il  s'était  engagé;  et  parce  que 
son  grand  âge  ou  ses  infirmités  pouvaient 
le  faire  hésiter  à  l'entreprendre,  il  lui  pro- 
met ^,  de  la  part  de  l'Eglise  de  Césarée  sa 
mère,  qu'en  se  hâtani;  de  la  visiter  il  recou- 
vrera sa  première  santé,  On  voit,  par  cette 
lettre,  que  Cynégius  était  de  Césarée.  Un  co- 
évêque,  nommé  Alypius^  était  tombé  dans 
une  faute  qui  marquait  son  peu  de  vigueur 
et  de  fermeté  à  l'égard  du  peuple  confié  à  ses 
soins.  Sachant  que  Firmus,  de  qui  il  dépen- 
dait, en  était  irrité,  il  employa  pour  l'adou- 
cir Himérius  ,  qu'on  croit  être  celui  de  Nico- 
médie.  Firmus,  à  la  considération  decetévê- 
que,  pardonna  à  Alypius,  mais  en  avertissant 
celui-ci  de  se  montrer  à  l'avenir  également 
habile  dans  l'art  d'obéir  et  de  commander. 
La  dixième  est  à  Géronce ,  prêtre  de  l'Eglise 
de  Césarée.  Comme  il  en  avait  été  absent  fort 
longtemps,  Firmus  lui  écrivit  qu'il  aurait  con- 
venu qu'il  revint  pour  une  fête,  la  première 
de  toutes  et  la  plus  remplie  de  mystères; 
mais  que,  puisqu'il  en  avait  été  empêché  par 
quelques  restes  de  maladie,  il  ne  différât  plus 
son  retour,  une  plus  longue  absence  pouvant 
devenir  préjudiciable  à  lui-même.  Il  semble, 
par  le  texte  de  cette  lettre,  que  c'était  la  cou- 


tume de  faire  quelques  largesses  aux  prêtres, 
dans  les  grandes  solennités.  Géronce  avait 
perdu  celles  de  Pâques,  et  il  y  avait  à  crain- 
dre qu'il  ne  perdit  encore  celles  de  la  Pente- 
côte, s'il  ne  revenait  pour  la  célébration  de 
cette  fête.  11  paraît  encore  que  Géronce  s'é- 
tait retiré  dans  une  maison  de  campagne  qui 
lui  appartenait,  et  que  de  là  il  avait  envoyé 
à  Firmus  quatre  perdrix,  deux  poulains  et  la 
moitié  d'un  porc  gras,  avec  une  cruche  de  vin 
vieux.  Firmus  l'en  remercia  en  lui  témoignant 
que,  quelque  cas  qu'il  fit  de  ses  présents,  il 
en  faisait  encore  plus  de  son  amitié  et  du  plai- 
sir de  vivre  avec  lui.  Il  dit,  dans  la  onzième 
lettre  au  prêtre  Auson,  qu'il  faut  de  la  règle 
en  toutes  choses ,  mais  qu'en  fait  de  l'amour 
qu'on  se  doit  mutuellement,  celui  qui  en  a  da- 
vantage est  le  plus  agréable  à  Dieu.  Dans  la 
douzième  lettre,  il  représente  à  Hellade  les  be- 
soins de  la  Cappadoce,  affligée  d'une  grande 
famine.  Il  le  conjure  de  diminuer  les  contri- 
butions qu'on  exigeait  à  cause  de  la  guerre, 
et  d'empêcher  le  passage  des  armées  dans 
cette  province. 

3.  La  treizième  lettre  à  l'évêque  Alticus  est 
pour  lui  demander ,  au  nom  de  l'Eglise  de 
Césarée,  son  consentement  pour  mettre  dans 
le  clergé  de  cette  ville  un  homme  d'un  grand 
mérite ,  qui  était  apparemment  du  diocèse 
d'Alticus.  Firmus  s'était  chargé  de  l'éduca- 
tion d'un  jeune  homme  quel'évêque  Anthyme 
avait  adopté  pour  son  fils.  11  se  glorifie  de  ce 
soin,  disant  :  «  Nous  mettons  parmi  nos  gains 
les  succès  des  jeunes  gens,  parce  qu'ils  font 
notre  gloire  et  qu'ils  cimentent  les  amitiés.  » 
On  trouve  encore,  dans  sa  vingt-cinquième 
lettre ,  un  témoignage  de  sa  tendresse  et  de 
sa  sollicitude  pour  les  jeunes  gens  dont  il  se 
chargeait.  Il  appelle  celui  dont  il  y  est  parlé, 
son  fils,  sans  doute  parce  qu'étant  son  élève, 
il  lui  servait  de  père.  La  quinzième  est  une 
lettre  d'invitation  à  l'évêque  Evandre,  pour 
venir  faire  l'office  dans  une  église  de  Césarée 
ou  des  environs,  en  un  jour  de  fête  de  quel- 
que martyr.  Sachant  qu'il  y  avait  des  ordres 
pour  réparer  les  édifices  pubfics  de  Césarée, 
et  pour  ajouter  quelques  vifies  à  la  province 
de  Cappadoce ,  Firmus  écrivit  les  lettres  sei- 
zième et  dix-septième  aux  préfets  ou  à  leurs 
vicaires,  pour  leur  remontrer  qu'à  l'illustra- 
tion de  sa  patrie  ,  à  laquelle  il  prenait  beau- 
coup de  part,  il  fallait  ajouter  l'autorité,  et 


'  Lupus,  Epist.  4,  pag.  20. 

^  Quod  si  ex  œiate  viribus  fractus  ac  debilitatiis 


es,  midi  matrem  tuain  Ecchsiam  spondentem  prislinœ 
va/etudini  iterum  te  restituendum.  Ibid. 


CHAPITRE  VI.  —  FIRMUS,  ARCHEVÊQUE  DE  CESARÉE. 


[V  SIÈCLE.] 

faire  en  sorte  que  les  villes  ajoutées  de  nou- 
veau à  la  province  fussent  du  ressort  de  Cé- 
sarée  même  et  du  gouveniement  de  cette 
ville.  11  dit,  dans  la  dix  -  huitième  ,  qui  est 
■  à  Colossien ,  que  le  commerce  de  lettres 
entre  les  personnes  préposées  au  gouverne- 
ment de  la  patrie,  est  d'un  grand  soulage- 
ment. Acace ,  apparemment  celui  de  Mélitine , 
s'était  mis  en  chemin  pour  aller  rendre  visite 
à  Firmus  ;  mais  le  cheval  qu'il  montait  s'étant 
abattu,  Acace,  qui  en  avait  sans  doute  été 
incommodé,  ne  put  continuer  son  chemin. 
Firmus  ,  infqi'mé  de  l'accident ,  lui  écrivit  la 
dix-neuvième  lettre  en  ces  termes  :  «  J'ad- 
mire comme  vous  ne  vous  faites  pas  traîner 
par  un  bige  de  chevaux  blancs,  ou,  pour  par- 
ler plus  modestement,  dans  des  chariots  gar- 
nis de  bandes  d'airain;  mais  vous  aimez  trop 
vos  pégases  ,  quoiqu'ils  ne  soient  rien  moins 
qu'ailés,  ayant  au  contraire  grand  besoin  d'é- 
perons. Ayez  du  moins  soin  de  vous  procu- 
rer un  bon  cheval ,  afin  que  nous  puissions 
nous  voir.  »  La  trente-cinquième  lettre  ,  qui 
est  encore  à  Acace,  est  aussi  une  lettre  d'a- 
mitié. 11  y  est  dit  que  les  restes  de  la  table  de 
l'évêque  étaient  distribués  '  aux  pauvres.  On 
croit  que  Lausus,  à  qui  la  neuvième  et  la  ving- 
tième lettres  sont  adressées,  est  le  même  que 
celui  à  qui  Pallade  a  dédié  son  Histoire  Lau- 
siaque.  Celui  dont  il  est  question  dans  ces 
deux  lettres,  était  d'un  rare  mérite,  qu'il  re- 
levait devant  Dieu  par  de  grandes  aumônes. 

4.  La  vingt-deuxième  est  une  lettre  de  re- 
suite. ^ 

commandation  en  faveur  d'un  homme  qui 
était  venu  demander  l'iiospitalité  à  Firmus. 
Cet  étranger  venait  de  l'Orient,  muni  de  let- 
tres formées  des  évêques  de  ce  pays-là.  Fir- 
mus le  reçut,  et  pour  lui  procurer  du  secours 
à  Constantinople  où  il  avait  des  affaires ,  il 
écrivit  à  Théodote,  peut-être  celui  d'Ancyre, 
son  ami ,  de  lui  aider  à  réussir  dans  l'afifaire 
qv.i  faisait  le  sujet  de  son  voyage.  La  vingt- 
troisième  lettre  est  à  Eulhérius,  qu'il  prie  de 
faire  rendre  l'argent  que  le  porteur  de  cette 


ISl 


lettre  avait  prêté  à  un  de  ses  sujets.  Il  écrivit 
la  vingt-neuvième  lettre  à  Florent,  du  rang 
des  illustres ,  en  lui  envoyant  des  eulogies 
qu'il  était  d'usage  de  bénir  à  Pâques  en  l'hon- 
neur de  Dieu  ^.  Il  l'avertit  de  les  recevoir  avec 
respect.  Lui-même  recevait  avec  joie  ^,  et 
même  des  laïques,  ces  sortes  de  présents  qui 
avaient  été  bénits  sur  l'autel  sacré,  quoiqu'ils 
fussent  souvent  peu  de  chose  pour  la  ma- 
tière. Il  dit,  dans  la  vingt-cinquième  et  la 
trente-deuxième  lettres,  qu'il  n'avait  point 
d'autres  richessesque  ses  amis.  Dansla  trente- 
troisième  lettre ,  il  félicite  un  homme  de  guei're 
sur  la  victoire  remportée  sur  les  ennemis; 
comme  il  avait  reçu  des  blessures  dans  le 
combat,  Firmus  lui  promet  d'aller  lui-même 
prendre  soin  de  sa  guérison,  et  de  porter  avec 
lui  des  reliques  *  des  martyrs  dont  cet  ofHcier 
avait  coutume  d'orner  les  tombeaux.  Il  prie, 
dans  la  trente-sixième  lettre,  l'évêque  Léonce 
de  faire  chercher  certains  domestiques  qui 
s'y  étaient  réfugiés,  et  de  les  renvoyer  à  leur 
maître  sous  bonne  escorte.  Les  lettres  qua- 
rante-unième et  quarante -deuxième  traitent 
d'une  matière  à  peu  près  semblable.  Il  s'agit, 
dans  celle-là  ,  d'une  femme  qui ,  après  avoir 
quitté  le  siècle,  s'était  abandonnée  à  l'impu- 
reté, et  ensuite  à  divers  autres  crimes  avec 
les  complices  de  ses  débauches.  Firmus  mar- 
que à  l'évêque  Hellade  de  la  retrancher  ^  de 
toute  communion  ecclésiastique,  ou  pour  tou- 
jours, ou  du  moins  jusqu'à  ce  qu'elle  se  soit 
corrigée.  Dans  celle-ci,  il  prie  l'évêque  Daniel 
d'obliger  un  voleur  qui  avait  pillé  des  per- 
sonnes de  piété  à  Césarée,  de  leur  renvoyer 
tout  ce  qu'il  leur  avait  pris.  Il  ajoute  que  cet 
homme  subira  à  Césarée  la  peine  due  à  son 
crime,  lorsqu'il  en  aura  été  convaincu,  appa- 
remment devant  le  tribunal  ecclésiastique, 
n'étant  point  à  présumer  que  des  évêques 
eussent  voulu  traduire  un  voleur  devant  les 
juges  laïques,  qui  l'auraient  peut-être  puni  de 
moi't. 

3.  Firmus,  dans  la  lettre  trente-septième,   g^,,. 


'  Victima  hac  {pisce)  insirucia  mensa  ita  condimen- 
tis  suis  ad  usus  plures  inserviit,  ut...  inferiores  esse 
videreniur  Alcinoi  deliciœ  vel  nostrœ  cœnœ  reliquiis 
in  pauperes  disiributis.  Pag.  313. 

2  Ad  clarissinmm  tiài  fesium  Paschutis  diem  per- 
facjium  habui,  obsecrans  ut  symbola  quœ  in  illo  jiunt 
ad  honorem  Numinis  a  nobis  suscipias  reverenler. 
Idem,  pag.  307. 

3  Quanquam  plus  decuisset  quam  magnitudinem 
tuam  de  sacra  mensa  nobis  gratificai'i...  Qui  nullo 
negotio  polest  parvis  magnitudinem  conciliare...  Ego 
vero...  in  iis  quœ  ad  sacram  mensam  pertinent  cmn 


delectatione  gavisus  sum.  Vaià,,  pag.  308.  La  qualifi- 
cation de  grandeur,  magnitudo,  ne  se  donnait  point 
aux  évêques,  mais  aux  laïques  de  grande  considération- 

^  Veniam  ipsemet  curaturus  et  studii  erga  omnes 
atgue  benevolentiœ  socios  accipiam  eos,  quia  pruden- 
tia  tua  memoria  honorantur  martyres.  Ibid.,  pag.  312. 

'^  Ab  liac  igitur  fœmina,  quœ  ad  pietatem  luam  mi- 
gravit,  quod  Christum  negaverit,  quod  post  hœc  alia 
tentaverit,  pœnas  erigi  jubeat  srmciitas  tua,  eique 
'  omni  ecclesiastica  communione  interdicat  in  perpe- 
tuum,  si  tibi  placuerit,  sin  minus  donee  se  ad  bonam 
frugem  receperit  et  rem  emendaverit.  Ibid.,  pag.  318. 


152 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'il  écrivit  à  saint  Cyrille  quelque  temps 
après  le  concile  d'Ephèse,  le  prie  de  lui  man- 
der en  quel  état  se  trouvaient  les  affaires  de 
l'Eglise,  et  de  quels  moyens  lui  et  leurs  amis 
communs  se  servaient  pour  réunir  les  esprits 
et  ramener  les  Orientaux  à  l'unité.  Il  parle 
encore  de  cette  affaire  dans  sa  lettre  trente- 
huitième  à  Valère  à  qui  il  dit  qu'il  en  était 
d'elle  comme  de  la  pierre  de  Sisyphe,  qui  re- 
tombait toujours  au  même  endroit  d'où  on 
l'avait  prise  :  »  Mais  vos  prières  ,  ajoute-t-il, 
feront  que  cette  pierre  sera  amenée  sur  la 
montagne,  »  c'est-à-dire  que  la  réunion  se 
fera.  La  trente-neuvième  lettre  est  adressée 
à  un  comte  nommé  Eustrate.  Il  était  de  Césa- 
rée,  où  il  avait  '  soiivent  pris  plaisir  à  enten- 
dre chanter  un  des  chantres  de  cette  église , 
c[ui  avait  la  voix  extrêmement  belle.  Ce  chan- 
tre ayant  eu  depuis  une  affaire  où  la  calom- 
nie avait  part,  Firmus  pria  ce  comte  de  pro- 
téger ce  chantre ,  en  lui  faisant  envisager  le 
chagrin  qu'il  donnerait  à  l'Eghse,  sa  mère,  s'il 
négligeait  de  prêter  son  secours  à  un  de  ceux 
qui  la  servaient.  Il  recommande,  dans  la  qua- 
rantième lettre  à  Eupnius,  d'examiner  avec 
soin  une  affaire  que  l'on  avait  portée  à  son 
tribunal,  et  d'en  saisir  tellement  le  vrai,  que 
les   accusateurs   contre   qui   il  y  avait  des 
charges,  et  l'accusé,  fussent  traités  suivant 
leurs  mérites.  On  voit,  par  la  quarante-troi- 
sième lettre  à  Inachius,  et  par  la  réponse  de 


celui-ci,  qui  fait  la  quarante-quatrième  lettre, 
que  Firmus  lui  avait  envoyé  un  chien  et  un 
faucon  de  chasse.  Il  approuve  ,  dans  la  qua- 
rante-cinquième lettre,  l'indulgence  dont  le 
co-évéque   Pergamus   avait  usé   envers  un 
vieillard  coupable  de  quelque  faute ,  mais 
dont  l'espiit  baissait.   «  Prenez  néanmoins 
pour  maxime  ,  ajoule-t-il ,  de  ne  pas  ^  vous 
porter  aisément  ni  à  accuser  personne,  ni  à 
prier  pour  personne.  »  Voilà  ce  qui  nous  a 
paru  de  plus  remarquable  dans  les  lettres  de 
Firmus.  En  parlant  aux  évèques,  il  dit  indiffé- 
remment votre  sainteté,  votre  piété;  aux  co- 
évéques  et  aux  prêtres,  votre  piété;  aux  grands 
de  l'empire,  votre  magnificence ,  votre  grandeur. 
Ces  lettres  sont  courtes  et  ne  manquent  point 
d'élégance,  telle  qu'on  doit  en  demander  dans' 
le  style  familier.  On  y  trouve  aussi  quelques 
traits  d'érudition  ;  mais  elles  sont  plus  recom- 
mandables  par  les  sentiments  de  bonté,  de 
charité,  d'amitié  et  de  politesse  dont  elles  sont 
remplies.  On  les  a  imprimées  à  Padoue,  en 
1709,  par  les  soins  de  M.  Muratori  ;  mais  c'est 
la  seule  édition  que  nous  connaissions,  et  que 
nous  n'avons  connue  que  depuis  l'impression 
du  volume  précédent ,  où  elles  auraient  dii 
avoir  place.  [Galland  les  a  reproduites  au 
tome  IX  de  sa  Bibliothèque,  avec  une  préface. 
Elles  ont  passé  de  là  dans  le  tome  LXXVII 
de  la  Patrologie  grecque.] 


CHAPITRE  VII. 

Fastidius,  évêque  des  Bretons  [écrivain  latin,  vers  l'an  430.] 


Ce  qu'on 
sait  de  l'asli- 
rlius. 


1 .  Nous  aurions  beaucoup  de  choses  à  dire 
de  Fastidius ,  si  nous  voulions  nous  en  rap- 
porter à  ce  que  les  historiens  anglais  du  der- 
nier âge  en  ont  dit.  Mais  comme  ils  n'ont 
point  trouvé  de  croyance  chez  les  plus  ha- 
biles de  leur  nation  qui  ont  écrit  depuis,  nous 
prendrons  le  parti  qu'a  pris^Ussérius,  de  re- 
jeter comme  fabuleux  ce  qu'ils  en  ont  rap- 
porté. Gennade  *,  qui  le  place  entre  le  pape 
saint  Géleslin  et  saint  Cyrille  d'Alexandrie, 


le  fait  évêque  des  Bretons,  sans  marquer  son 
siège.  Pitséus^,  doyen  de  la  collégiale  de  Li- 
verdun  en  Lorraine ,  chapitre  aujourd'hui 
supprimé,  dit  qu'il  était  évêque  de  Londres; 
mais  il  n'en  donne  aucune  preuve.  Ilyamême 
des  manuscrits  de  Gennade,  entre  autres  ce- 
lui de  Corbie ,  où  Fastidius  n'est  point  quali- 
fié évêque;  et,  à  en  juger  par  le  commence- 
ment de  son  ouvrage ,  il  était  plutôt  un  sim- 
ple moine  qu'un  évêque  ,  car  il  s'y  rabaisse 


1  Te  quem  sœpe  honesta  voluptafe  ac  delcctatione  in 
dioinis  canticis  ipse  implevit  brevibus  obsecro,  ut  quœ 
institua  facitia  illi  reddas.  Pag.  317. 

2  Eum  ergo  senem  excipe,  hune  servans  morem  ut 
neque  facile,  accuses,  neque  facile  depreceris.  Pag.  324. 


3  Usserius,  de  Britanniœ  Eccles.  antiquit.,  pag.  317, 
318. 
'*  Gennad.j  in  Caialog.  vir.  illust.,  cap.  lvt. 
s  Pitsieus,  de  Illus.  Britan.  script.,  in  Fastidio. 


\\'  siÈaE.]         CHAPITRE  Vn.  —  FASTIDIUS,  ÉVÊQUE  DES  BRETONS. 


ÎS3 


extrêmement,  soit  pour  la  science,  soit  pour 
la  vertu,  et  cela,  en  parlant  d'une  veuve. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  avait,  selon  Gennade, 
composé  deux  ouvrages  :  l'un  intitulé  :  De  la 
Vie  chrétienne;  Fautre  :  Des  Moyens  de  conser- 
ver la  viduité. 
Ses  écrits.  2.  Le  premier  a  été  donné  par  Holsténius, 
sur  un  très-ancien  manuscrit,  avec  le  nom 
d'évéque,  et  imprimé  à  Rome  en  1663.  Le 
second  est  perdu  ,  à  moins  que  l'on  ne  dise 
qu'il  y  a  erreur  dans  Gennade ,  et  que  d'un 
écrit  il  en  a  fait  deux.  En  effet  Fastidins, 
dans  le  chapitre  xv  de  son  ouvrage  De  la  Vie 
chrétienne,  traite  des  moyens  de  garder  la  vi- 
duité, mai'quant,  dès  le  commencement  de 
ce  chapitre,  qu'il  avait  achevé  ce  qu'il  s'était 
proposé  de  dire  touchant  les  préceptes  de  la 
vie  chrétienne.  Fastidius  s'adresse  dans  cet 
écrit  à  une  veuve  qu'il  appelle  sa  sœur  en 
Jésus-Christ,  et  une  femme  très-sainte  et  très- 
prudente.  Ainsi  il  faut  corriger  les  imprimés 
de  Gennade,  qui  marquent  que  l'ouvrage  est 
adressé  à  un  certain  Fatale.  Le  manuscrit  de 
Corbie  n'a  point  le  mot  de  certain,  mais  seu- 
lement le  nom  de  Fatale,  qui  peut  être  le  nom 
d'une  femme  comme  celui  d'un  homme. 
Analysa  de       3.  Fastîdius  commcuce  ce  traité  par  l'ex- 

ce traite.        phcation  du  nom  de  Christ,  qui  signifie  oint. 
Appnud.  11  montre  ensuite  que  les  chrétiens  ayant  tiré 

Aucusiiiii,  p.  de  la  le  nom  qn  ils  portent,  doivent  imiter 
celuidont  ils  ont  tiré  leur  nom.  Il  fait  voir  que 
Dieu  diffère  ,  pour  deux  raisons  ,  la  punition 
des  crimes  :  l'une,  pour  laisser  aux  pécheurs 
le  temps  de  faire  pénitence;  l'autre,  pour 
leur  donner  des  preuves  de  sa  patience.  Si 
Dieu  en  avait  moins ,  et  s'il  nous  punissait 
aussitôt  après  nos  crimes,  il  y  a  longtemps 
que  le  monde  aurait  cessé  d'être ,  et  l'on  ne 
verrait  pas  des  hommes  passer  du  péché  à  la 
justice.  Cet  auteur  ne  veut  pas,  toutefois,  que 
la  patience  de  Diea  nous  autorise  à  pécher 
avec  sécurité,  disant  que  s'il  y  en  a  à  qui  Dieu 
ne  fait  pas  sentir  dans  le  moment  les  effets 
de  sa  colère,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  qui 
l'éprouvent  à  cause  du  grand  nombre  et  de 
l'énormité  de  leurs  fautes.  Il  avance,  comme 
n'en  doutant  pas,  que  l'on  ne  saurait  mon- 
trer des  personnes  coupables  de  rapines,  d'a- 
dultère ,  d'homicide  et  d'autres  crimes  sem- 
blables ,  que  Dieu  ait  laissé  vivre  longtemps 
sur  la  terre.  En  quoi  il  fait  voir  qu'il  n'était 
pas  trop  instruit  de  l'histoire  sacrée  ni  pro- 
fane, où  l'on  voit  beaucoup  d'exemples  du 
contraire.  Il  prouve,  par  celui  des  habitants 
de  Sodome  et  de  Gomorrhe,  qu'il  y  a  un  cer- 


tain nombre  de  crimes  que  les  pécheurs  ne 
passent  point  sans  en  recevoir  la  peine.  A  l'é- 
gard des  méchants  que  Dieu  enlève  de  bonne 
heure,  il  dit  qu'il  en  arrive  ainsi  afin  qu'ils 
fassent  moins  de  mal  et  moins  souffrir  les 
bons.  Il  compare  les  chrétiens  qui  refusent  de 
remplir  les  obligations  de  leur  état  et  de  s'ins- 
truire ,  à  ceux  qui  veulent  embrasser  la  pro- 
fession des  armes  sans  se  mettre  en  peine  de 
les  savoir  manier.  «  Celui-là  seul,  dit-il,  est 
véritablement  chrétien,  qui  ne  l'est  pas  seule- 
ment de  nom  ,  mais  d'effet  ;  qui  imite  Jéscis- 
Clirist  en  tout,  aimant  à  son  exemple  ses  en- 
nemis, leur  faisant  du  bien  et  priant  pour  ses 
persécuteurs.  »  Il  fait  voir  par  un  détail  tiré 
de  l'Ecriture,  que  si  les  hommes  ont  toujours 
offensé  Dieu  par  l'infraction  de  ses  lois,  ils 
l'ont  apaisé  par  la  pratique  de  ces  mêmes 
lois;  ce  qui  lui  donne  occasiou  d'examiner 
les  préceptes  de  l'amour  de  Dieu  et  du  pro- 
chain, qu'il  fait  consister  dans  l'observation 
générale  des  lois,  n'étant  pas  possible  que 
l'on  aime  Dieu  quand  on  ne  lui  obéit  pas.  Il 
donne  pour  règle  de  l'amour  du  prochain 
celle  qu'on  lit  dans  le  chapitre  iv  du  livre  de 
Tobie  :  Ne  faites  point  à  autrui  ce  que  vous  ne 
voulez  point  que  l'on  vous  fasse.  Q  infère  de  là 
que  celui-là  n'est  point  véritablement  chré- 
tien, qui  n'en  remplit  pas  les  devoirs,  qui  op- 
prime les  malheureux,  qui  désire  le  bien  d'au- 
trui,  qui  se  nourrit  des  larmes  de  son  pro- 
chain, qui  vit  dans  les  voluptés,  et  qui  s'em- 
pare des  biens  des  autres  au  lieu  de  leur 
distribuer  le  sien.  Il  se  moque  de  ceux  qui  se 
flattent  d'obtenir  le  pardon  de  leurs  péchés  x 

par  quelques  aumônes  qu'ils  font  aux  dépens 
même  des  pauvres  dont  ils  ont  usurpé  les 
biens.  Il  ajoute  qu'il  connaissaitdes  personnes 
assez  déraisonnables  pour  croire  que  leur  foi 
seule  leur  servirait  devant  Dieu ,  sans  qu'ils 
fussent  obligés  de  fairt  de  bonnes  œuvres, 
sous  prétexte  que  Dieu  ne  condamne  que  ce 
qui  est  contre  la  foi ,  et  non  pas  ce  qui  est 
contre  les  bonnes  mœui's.  Il  cite  sur  cela  plu- 
sieurs passages  de  l'Ecriture,  tant  de  l'An- 
cien que  du  Nouveau  Testament ,  qui  prou- 
vent que  la  foi  ne  suiHt  pas  pour  le  salut,  si 
elle  n'est  accompagnée  des  œuvres  de  jus- 
tice. 'Venant  ensuite  au  devoir  des  veuves,  il 
en  distingue  de  trois  sortes  :  celles  qui,  selon 
qu'il  est  marqué  dans  l'Evangile  de  saint  Luc,    , 

i  ^  o  ,  Luc.  Il,  37. 

servent  Dieu  jour  et  nuit  dans  les  jeûnes  et 
dans  les  prières;  celles  qui  ont  grand  soin  de 
leur  maison  et  de  l'éducation  de  leurs  enfants; 
et  celles  qui  vivent  dans  les  délices.  Il  appli- 


lU 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  aux  premières  ce  que  dit  saint  Paul  à  Ti- 
i.Tim.v,3.  mothée  :  Honorez  et  assistez  les  veuves  qui  sont 
vraiment  veuves.  Il  dit  que  les  secondes  méri- 
tent moins  d'attention,  quoiqu'elles  ne  soient 
pas  indignes  de  la  vie  éternelle;  mais  que, 
pour  les  troisièmes,  c'est  d'elles  que  le  même 
ibid.  Tj.  apôtre  a  dit  qu'elles  sont  mortes,  quoiqu'elles 
paraissent  vivantes.  11  ne  prescrit  d'autres 
règles  à  Fatale,  pour  se  conduire  dignement 
dans  la  viduité  ,  que  celles  qu'on  lit  dans  le 
chapitre  v  de  la  première  épitre  à  Timothêe, 
en  l'exhortant  toutefois  à  ajouter  aux  œuvres 
qui  sont  oi'données  ,  la  méditation  de  la  loi 
cle  Dieu ,  la  prière  et  la  récitation  des  Psaumes, 
et  veut  qu'on  la  trouve  en  tout  temps,  s'il  est 
possible,  occupée  de  la  lecture  et  de  la 
prière. 
Jugement       4.  Gcnuade  parle  '  avantageusement  de 

ît  éditions  de  ,  T  ,  )•!  n  i 

:et  écrit.  cct  ouvragc,  disaut  qu  il  rentei'me  une  doc- 
trine saine  et  digne  de  Dieu.  Mais  il  paraît 
que  cet  écrivain  n'en  a  Jugé  ainsi  que  parce 
qu'il  était  aussi  favorable  aux  ennemis  de  la 
grâce,  que  Fastidius  l'a  été  lui-même.  Car 
on  voit  par  divers  endroits  qu'il  était  infecté 
du  venin  et  de  l'orgueil  de  Pelage,  dont  les 
erreurs  s'étaient  répandues  dès-lors  en  An- 


gleterre. Il  propose  à  la  veuve  qu'il  instruit 
celte  prière  que  saint  Jérôme  reproche  si 
fort  à  Pelage,  et  dont  il  lui  fit  un  crime  dans 
le  concile  de  Diospolis  :  «  Vous  savez  ^,  Sei-     Hieron™., 

T  .  .  ..  ,1 1  dial.  III  cou- 

gneur,  combien  ces  mams  que  j  eleve  vers  traPeug. 
vous  sont  saintes,  et  combien  sont  pures  les  xn°p";.y°T5 
lèvres  avec  lesquelles  je  vous  demande  misé-  "  '"'• 
ricorde.  »  Cette  prière,  comme  le  remarque    Aui;ust.,iib. 
saint  Augustin,  se  trouve  dans  le  livre  de  lagii.cap.vi. 
Pelage  adressé  à  une  veuve;  et  après  l'avoir 
rapportée,  il  s'écrie  :  «  Est-ce  là  la  prière  d'un 
chrétien  ?  ou  plutôt  n'est-elle  pas  d'un  phari. 
sien  orgueilleux?  »  Fastidius  dit  aussi,  en  par- 
lant du  péché  d'Adam,  qu'il  ^  a  été  la  cause 
de  la  damnation,  et  que  tous  les  hommes  se 
damnent  en  imitant  sa  désobéissance.  C'est 
le  langage  que  tenaientlespelagiens.il  con- 
vient que  c'est  la  foi  *  de  tous  les  chrétiens, 
que  les  péchés  nous  sont  remis  par  le  bap- 
tême; mais  il  ne  dit  rien  du  péclié  originel. 
Au  surplus,  il  écrit  avec  netteté,  et  paraî 
touché  des  vérités  qu'il  enseigne.  [Galland  a 
publié  cet  écrit  dans  sa  Bibliothèque,  tome  IX , 
page  481.  Il  est  reproduit  dans  le  tome  L  de 
la  Patrologie  latine,  col.  1233  et  suiv.] 


CHAPITRE  VIII. 


Saint  Valérien,  évêque  de  Cémèle  [écrivain  latin]. 


[Après  l'an  455.' 


1.  Cémèle,  aujourd'hui  Cimiez,  était  autre- 
fois une  ville  considérable.  Elle  avait  le  titre 
de  cité,  et  un  siège  épiscopal  dépendant  de 
la  métropole  d'Embrun.  Saint  Léon  l'unit  à 
celui  de  Nice  en  Provence,  à  cause  de  la  pro- 
ximité de  ces  deux  villes,  et  cette  union  fat 
confirmée  par  le  pape  ^  Hilaire,  son  succes- 
seur. On  voit  ^  qu'en  549  l'évêque  de  Nice 
se  qualifiait  aussi  évêque  de  Cémèle.  Mais 

•  Fastidius,  Brifannorum  episcopus,  scripsit  ad  Fa- 
talem  quemdam  de  Vita  chrisliana  librum  unum,  et 
aliiim  de  Viduitate  servanda,  sana  et  Deo  digna  doc- 
trina.  Gennad.,  de    Viris  illust.,  cap.  LVi. 

2  Ille  merito  ad  Deum  extoUit  manus,  ille  preces 
bonœ  conscienliœ  fundil,  qui  potest  dicere  :  «  Tu  nosti. 
Domine,  quain  sandœ,  quam  innocentes,  quam  purœ 
sunt  ab  omni  fraude,  et  injuria,  et  rapina,  quas  ad  te 
expendo  manus,  quam   immaculata  labia  quibus  tibi, 


en  S8o,  Catulin  '  ne  prenait  d'autre  titre  que 
celui  d'évêque  de  Nice  ;  ce  qui  donne  lieu  de 
croire  que  Cémèle  tendait  dès-lors  vers  sa 
ruine.  Elle  ne  subsiste  plus  que  dans  une 
église  et  dans  quelques  restes  de  son  an- 
cienne splendeur.  On  croit  que  saint  Valérien 
eu  était  évêque  dès  l'an  439,  et  qu'ill'était 
encore  en  455,  deux  ans  au  plus  avant  la 
suppression  de  cet  évêché.  11  y  a  en  effet  un 

ut  miserearis  mihi,  preces  fundo.  »  Faslid.,  lib.  de 
Vita  Christ.,  cap.  si. 

3  In  quo  nihil  fuisse  incredulitaiis  invenio,  prœter 
solam  inobedientiam,  cujus  causa  ille  damnatus  est, 
et  omnes  suo  damnantur  exemplo.  Ibid.,  cap.  xm. 

'  Baptismo  peccata  ablui  fides  omnium  ienet.  Ibid., 
cap.  XIII. 

s  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1038.  —  <=  Tom.  V  Concil., 
pag.  309.  —  ■>  Ibid.,  pag.  9S9. 


[V  SIÈCLE. 


CHAPITRE  VIII.  —  SAINT  VALÉRIEN,  ÉVÉQUE  DE  CÉMÈLE. 


155 


évêque  *  de  ce  nom  parmi  ceux  qui  assistèrent 
au  concile  de  Riez  en  439,  entre  les  évoques^ 
de  la  province  d'Arles,  à  qui  saint  Léon  écri- 
vit en  450,  et  entre  ceux  ^  qui,  en  431,  ap- 
prouvèrent la  lettre  de  ce  Pape  à  Fiavien,  et 
à  qui  il  fit  répon=e  *  sur  ce  sujet  en  452.  Ce 
qui  embarrasse,  c'est  qu'on  ne  voit  par  aucun 
de  ces  endroits  que  ce  Valérien  ait  été  évêque 
de  Cémcle.  Il  y  est  simplement  qualifié  évê- 
que, sans  qu'on  dise  de  quel  siège.  Mais  dans 
un  ancien  manuscrit  de  l'abbaye  "  de  Saint- 
Gall,  et  dans  un  autre  de  l'abbaye  de  Fleury, 
il  est  appelé  évêque  de  Cémèle,  avec  la  qua- 
lité de  saint.  On  trouve  sous  son  nom,  dans 
l'un  et  l'autre  de  ces  manuscrits,  un  discours 
intitulé  :  Du  Bien  de  la  discipline,  auquel  on 
a  depuis  joint  dix-neuf  autres  sermons,  que 
la  conformité  du  style  a  fait  juger  être  du 
même  auteur,  et  une  lettre  qui  paraît  être  de 
la  même  main.  Il  paraît  par  cette  lettre  que 
Valérien  avait  été  élu  abbé  d'un  monastère  en 
son  absence,  et  que  ne  pouvant  s'y  rendre 
aussitôt  après  son  élection,  il  écrivit  aux  re- 
ligieux une  exhortation  générale  à  la  piété, 
tirée  des  épîtres  de  saint  Paul  et  de  celles 
de  saint  Jacques. 

2.  Le  premier  des  vingt  discours  que  nous 
avons  sous  le  nom  de  saint  Valérien,  a  pour 
titre,  Du  Bien  de  la  discipline.  On  l'a  imprimé 
souvent  parmi  les  œuvres  de  saint  Augustin  ; 
et  il  se  trouve  encore  dans  l'appendice  du 
sixième  tome  de  la  nouvelle  édition  des  œu- 
vres de  ce  père.  Mais  Goldast  l'a  restitué  à 
saint  Valérien  de  Cémèle,  sur  l'autorité  d'un 
ancien  manuscrit  et  sur  un  catalogue  des  li- 
vres de  l'abbaye  de  Saint-Gall,  fait  dans  le 
viii°  siècle.  Goldast  le  fit  imprimer  avec 
un  traité  de  saint  Isidore,  et  quelques  notes 
de  sa  façon,  à  Genève,  chez  La  Rouière,  en 
1601,  in-I2.  Il  l'inséra  dans  son  recueil  des 
Exhortations  chrétiennes,  imprimé  en  la  même 
ville,  en  1604,  in-4°.  Le  Père  Sirmond  ayant 
recouvré  dix-neuf  autres  discours  du  même 
saint,  les  fit  imprimer  avec  celui  du  Bien  de 
la  discipline,  à  Paris,  chez  Nivelle,  en  1612, 
in-12.  Us  furent  depuis  imprimés  à  Lyon,  en 
1633,  parle  Père  Théophile  Raynaud,  avec 
un  discours  apologétique  oîi  ce  Père  entre- 
prend de  justifier  saint  Valérien  de  l'erreur 


des  semi-pélagiens,  qu'on  prétend  trouver 
dans  ses  écrits.  Ces  vingt  discours  furent  en- 
core mis  sous  presse  en  1623,  avec  les  œu- 
vres de  saint  Léon  et  de  saint  Pierre  Chryso- 
logue  ;  d'où  ils  passèrent  dans  le  huitième 
tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères,  à  Lyon,  en 
1677,  avec  la  préface  que  le  Père  Sirmond 
avait  mise  dans  l'édition  de  Paris,  en  1612. 
Nous  les  avons  aussi  dans  le  recueil  de  ses 
ouvrages,  à  Paris,  en  1696,  où  ils  sont  pré- 
cédés de  la  même  préface;  d'une  lettre  au 
cardinal  Barberin  sur  la  doctrine  de  saint 
Valérien,  et  de  deux  réponses  aux  deux  objec- 
tions formées  contre  les  vingt  discours  de  cet 
évêque  ^  Le  Père  Sirmond  fait  voir  dans  la 
première  que  si,  dans  l'édition  de  1612,  il  lui 
a  donné  le  titre  de  saint,  il  n'a  fait  que  suivre 
en  cela  ce  que  d'autres  avaient  fait  avant  lui 
en  publiant  le  traité  du  Bien  de  la  fUscipline  ; 
qu'il  est  appelé  saint  dans  un  manuscrit  de 
l'abbaye  de  Saint-Gall;  et  que,  quand  même 
il  y  aurait  dans  ses  ouvrages  quelques  en- 
droits favorables  au  semi-pélagianisme,  cette 
erreurn'ayantpas encore  été  condamnée  dans 
l'Eglise,  on  pouvait  lui  donner  le  nom  de 
saint,  comme  on  l'a  donné  à  Cassien  et  à 
saint  Hilaire  d'Arles,  accusés  l'un  et  l'autre 
de  la  même  erreur.  Il  dit  dans  la  seconde 
que  l'on  peut  donner  un  bon  sens  aux  en- 
droits de  ces  discours  qui  paraissent  suspects 
d'erreur,  comme  on  le  fait  h  beaucoup  de 
passages  de  quelques  autres  Pères  tant  grecs 
que  latins,  nommément  de  saint  Chrysos- 
tôme  ;  et  que  le  Père  Théophile  Raynaud  a 
montré  qu'il  n'y  avait  en  effet  rien  à  repren- 
dre dans  sa  doctrine.  Le  père  Sirmond,  ou 
celui  qui  a  recueilli  ses  œuvres,  ajoute  à  ces 
deux  réponses  plusieurs  passages  des  an- 
ciens qui  se  sont  exprimés  de  la  même  ma- 
nière que  saint  Valérien,  en  parlant  de  la 
grâce  et  du  libre  arbitre.  Ces  anciens  sont 
saint  Méthode,  saint  Chrj'sostôme,  saint  Hi- 
laire, Optât,  saint  Jérôme,  et  saint  Augustin 
dans  sou  Manuel  à  Laurent. 

3.  Les  discours  de  saint  Valérien  sont  écrits 
d'un  style  net,  grave  et  éloquent.  Dans  celui 
du  Bien  de  la  discipline  et  du  bofi  ordre,  il 
fait  voir,  par  le  cours  réglé  du  soleil  et  des 
astres,  de  même  que  par  celui  des  éléments, 


Idée  de  ses 
discours. 

Pag.  614. 


1  Tom.  III  Concil.,  pag.  1289. 

2  Léo,  Epist.  50,  pag.  271. 

3  Ibid.,  pag.  289.  —  *  Ibid.,  pag.  290. 
^  Sirmond.,  prsef.  in  Valenim. 

s  Ces  discours  ont  paru  dans  le  tome  X  de   Gal- 


land,  avec  préface.  On  les  retrouve  dans  le  tom.  LU 
de  la  Patroiogie  latine,  d'après  le  même  éditeur.  On 
y  a  joint  une  notice  d'après  Schoeneman.  On  y  trouve 
aussi  la  lettre  aux  moines  et  l'Apologie  de  saint  Va- 
lérien, par  le   Père  Théophile  Reynaud.  (L'éditeur.) 


1S6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


qui  tous  obéissent  à  la  volonté  du  Créateur, 
ce  que  doit  faire  l'âme  raisonnable  créée  à 
l'image  de  Dieu  ,  parce  que  s'il  n'y  avait  pas 
un  ordre  établi  dans  les  choses  humaines, 
l'homme  ne  cesserait  point  de  se  livrer  à  ses 
passions  déréglées.  Il  promet  sur  la  fin  de  ce 
discours  d'en  faire  d'autres  où  il  traitera  des 
Pag.  619.  vertus  rehgieuses.  C'est  ce  qu'il  fait  dans 
les  deux  suivants^  qui  sont  intitulés  :  De  la  Vie 
étroite.  Il  montre  que  la  voie  étroite  qui  con- 
duit à  la  vie,  n'a  de  difficulté  que  pour  les 
lièdes  et  les  négligents,  qui  en  trouveraient 
même  dans  une  voie  large  et  aisée.  Pour 
rendre  la  chose  plus  sensible,  il  propose 
l'exemple  de  deux  hommes  qui  montent  une 
montagne,  dont  l'un  est  chargé  d'un  gros 
poids,  et  l'autre  n'a  qu'un  bâton  sur  lequel 
il  s'appuie  en  montant.  Le  premier,  accablé 
de  son  fardeau,  peut  h  peine  gagner  le  som- 
met de  cette  montagne,  au  lieu  que  l'autre 
y  arrive  avec  facilité.  Il  fait  ensuite  l'appli- 
cation de  cette  comparaison  à  deux  chrétiens 
qui  ont  chacun  pour  but  de  parvenir  à  la  fé- 
licité :  l'un  chargé  du  poids  de  sespécliés,  et 
l'autre  qui  les  a  expiés  par  les  larmes  de  la 
pénitence.  Il  infère  de  là  que  celui  qui  veut 
paraître  sans  crainte  devant  son  Juge,  doit 
se  décharger  du  poids  de  ses  péchés,  et  que 
celui    qui  désire   posséder   les    choses   cé- 

527,  lestes,  doit  mépriser  les  terrestres.  Dans  le 
quatrième  discours  qui  traite  des  promesses 
faites  à  Dieu,  et  que  l'on  néglige  d'accom- 
plir, il  remarque  que  c'est  assez  l'usage  des 
hommes  qui  se  trouvent  en  danger,  de  faire 
des  vœux  à  Dieu,  pour  en  être  délivi'és,  et 
d'en  négliger  l'accomplissement  lorsqu'ils  se 
trouvent  hors  de  tous  périls.  Il  blâme  celte 
conduite,  qu'il  compare  à  celle  d'Ananie  et 
de  Saphire.  Il  veut  que  quiconque  fait  à  Dieu 
une  promesse,  l'accomplisse  aussitôt,  et  que 
ceux-là  n'en  fassent  point,  qui  ne  se  trouvent 

j3,_  pas  en  état  de  les  remplir.  Le  cinquième  est 
intitulé  :  Be  l'Insolence  de  la  bouche.  Saint  Valé- 
rien  fait  voir  tous  les  fâcheux  eiïets  que  pro- 
duit une  langue  mahgne,  la  difficulté  qu'il  y 
a  de  guérir  les  blessures  qu'elle  fait  à  la  ré- 
putation du  "prochain,  les  procès  qu'ehe  sème 
dans  la  société  humaine,  les  haines  qu'elle 
produit,  et  les  traits  envenimés  qu'elle  lance 
dans  les  cœurs.  Comme  on  pouvait  lui  ob- 
jecter qu'il  n'était  point  possible  de  passer 
tout  le  jour  sans  parler,  il  répond  qu'il 
n'exige  cela  de  personne,  mais  seulement 
que  l'on  s'entretienne  de  choses  honnêtes  et 
qui  tendent  au  maintien  de  la  paix  et  de  la 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

tranquillité.  11  conseille  de  ne  répondre  aux 
injures  que  par  le  silence,  et  dit  qu'il  n'y  9,  pas 
moins  de  perfection  à  savoir  se  taire  qu'à 
parler  à  propos.  «  Parlons,  dit-il,  mais  avec 
crainte  et  tremblement,  songeant  sérieuse- 
ment que  nous  rendrons  compte  de  toutes 
nos  paroles.  » 

4.  Dans  le  sixième,  il  traite  des  paroles  oi-  suite,  p.  ese. 
sensés  et  inutiles,  et  semble  insinuer  dans  le 
commencement  de  ce  discours,  qu'il  en  avait 
fait  d'autres  où  il  montrait  que  l'ivrognerie 
et  la  cupidité  étaient  les  sources  des  vices.  11 
entend  par  paroles  oiseuses  des  paroles  des- 
tituées de  raison  et  de  vérité,  inventées  pour 
exciter  à  rire,  et  à  donner  pour  certain  ce 
qui  ne  l'est  pas.  Il  comprend  sous  le  même 
terme  certaines  expressions  figurées,  qui 
renferment  quelques  reproches,  soit  en  elles- 
mêmes,  soit  dans  la  façon  de  les  prononcer. 
((  Quand  vous  appelez,  dit-il,  un  enfant  un 
homme  d'un  âge  avancé  et  d'une  haute 
taille,  ne  lui  faites-vous  point  injure  en  sup- 
primant la  vérité  par  une  affectation  pué- 
rile ?  »  Il  convient  toutefois  que  ces  sortes  de 
fautes  sont  légères;  mais  parce  qu'elles  sont 
toujours  contre  la  charité  que  nous  devons  à 
nos  frères,  on  doit  s'en  abstenir  par  le  dan- 
ger qu'il  y  a  que  ces  sortes  de  paroles  ne 
causent  des  haines  et  des  dissensions,  comme 
une  petite  étincelle  produit  de  grands  embra- 
sements. Le  septième  discours  et  les  deux  sui-  en 
vants  traitent  de  la  miséricorde.  «Cette  vertu, 
dit  ce  Père,  est  le  principe  des  diverses  actions 
dans  lesquelles  l'homme  peut  se  glorifier, 
savoir  dans  la  réfection  des  pauvres  et  la  ré- 
demption des  captifs,  pourvu  toutefois  qu'il 
agisse  en  ces  occasions  de.manière  que  ni  la 
vaine  gloire,  ni  un  esprit  chagrin  n'en  ôtent 
le  mérite.  L'avantage  des  œuvres  de  mi- 
séricorde, c'est  que  l'on  est  à  tout  moment 
en  état  de  les  faire.  Le  Seigneur  qui  veut 
que  nous  le  nourrissions  et  que  nous  lui 
donnions  de  quoi  se  vêtir,  n'est  pas  loin  de 
nous.  Il  nous  attend  à  la  porte  avec  une 
troupe  de  ses  domestiques.  11  n'y  a  pas  même 
pour  nous  d'occasion  d'erreur  dans  le  choix 
de  celui  à  qui  nous  devons  faire  l'aumône  ; 
et  nous  devons  tenir  pour  certain  que  celui-là 
est  Jésus-Christ,  notre  Sauveur,  que  nous 
voyons  tout  nu,  privé  de  la  vue,  boiteux,  en- 
veloppé de  langes  et  couvert  de  vieux  hail- 
lons. C'est  dans  ce  misérable  état  que  les 
mages  le  trouvèrent  lorsqu'ils  lui  otfrirent 
leurs  trésors.  En  vain  nous  nous  excuserions 
de  faire  l'aumône  sur  la  modicité  de  nos  fa- 


Pag. 646. 


Luc  VT. 


[v=  SIÈCLE.]     CHAPITRE  VIII.  —  SAINT  VAL 

cultes.  S'il  s'agissait  d'acheter  quelque  belle 
maison,  nous  nous  donnerions  à  cet  efi'et  tous 
les  mouvements  nécessaires.  Dieu  nous  offre 
la  possession  du  royaume  céleste,  et  cela  à 
vil  prix;  pouvons-nous  la  refuser?  Mais  que 
demande  de  nous  le  pauvre?  A  manger,  k 
boire,  et  de  quoi  se  vêtir.  Peut-on  dire  que 
l'on  ne  trouve  chez  soi  rien  pour  le  soulager 
dans  ses  besoins?  Vous  avez  de  quoi  vendre  ; 
n'avez-vous  donc  pas  aussi  de  quoi  donner? 
Dieu  nous  commande  par  son  prophète  de 
ne  point  mépriser  ceux  qui  sont  de  notre 
race  ;  ce  qui  renferme  nécessairement  tous 
ceux  qui  nous  sont  hés  par  la  loi  de  la  na- 
ture. Qu'est-il  besoin  de  vous  informer  si 
celui  qui  vous  demande  l'aumône  est  chré- 
tien ou  juif,  hérétique  ou  païen,  romain  ou 
barbare,  libre  ou  esclave?  Il  n'est  pas  besoin 
d'acception  de  personne,  où  il  y  a  nécessité. 
D'où  pouvons-nous  savoir  en  quelle  partie  du 
monde  Jésus-Christ  habite  ?  Nous  devons 
croire  qu'il  est  partout,  puisque  nous  ne  pou- 
vons douter  qu'il  ne  possède  tout.  » 

Saint  Valérien  dit  qu'il  y  a  différents  de- 
grés dans  la  miséricorde;  mais  il  compte 
pour  les  principaux,  de  tendre  la  main  à 
celui  qui  est  tombé  ,  de  montrer  la  voie  du 
salut  à  celui  qui  en  est  éloigné,  de  visiter  les 
infirmes ,  de  consoler  celui  qui  est  dans  la 
tribulation ,  et  surtout  de  nourrir  celui  qui 
a  faim;  de  vêtir  les  nus,  de  racheter  les  cap- 
tifs ,  et  de  prêter  pour  un  temps  à  celui  qui 
est  dans  la  nécessité.  Il  fait  sentir  le  ridicule 
deceux  qui, pouvant  soulagerlesmalheureux, 
se  contentent  de  prendre  part  à  leur  misère 
en  leur  témoignant  de  paroles  quelque  sorle 
de  compassion.  «  De  beaux  discours,  dit-il, 
ne  rassasient  point  celui  qui  a  faim  ;  et  des 
conseils  infructueux  ne  couvrent  pomt  celui 
qui  est  nu.  Que  sert-il  de  répandre  des  lar- 
mes sur  le  naufrage  d'autrui,  si  l'on  néglige 
de  soulager  celui  qui  est  sur  le  rivage  ?  Le 
Seigneur  dit  dans  l'Evangile  :  Bienheureux 
les  miséricordieux,  parce  que  Dieu  leur  fera 
miséricorde.  Comment,  après  une  telle  décla- 
ration, quelqu'un  peut-il  hésiter  de  donner 
son  argent  pour  soulager  le  pauvre,  sachant 
qu'il  doit  lui  en  revenir  un  si  grand  bienfait 
de  la  part  de  Dieu?  Ce  n'est  pas  sans  raison 
qu'il  nous  ordonne  de  donner  à  tous  ceux 
qui  nous  demandent.  Il  sait  que  les  bons  sont 
nécessairement  mêlés  quelquefois  parmi  les 
méchants;  et  il  en  a  ordonné  ainsi,  de  petir 
qu'en  voulant  trop  examiner  ceux  qui  ne 
sont  pas  dignes  de  nos  libéralités,  nous  les 


,ÉRIEN,  ÉVÊQUE  DE  CÉMÊLE.  137 

refusions  à  ceux  qui  méritent  d'en  recevoir 
de  notre  part.  II  n'y  a  donc  point  de  diffé- 
rence à  faire  entre  ceux  qui  demandent,  et 
il  ne  faut  pas  trop  examiner  le  besoin  du 
pauvre.  Il  est  indifférent  à  qui  vous  donniez; 
les  fruits  de  l'aumône  sont  pour  celui  qui  la 
fait,  et  non  pour  celui  qui  la  reçoit.  Dieu  ne 
fait  point  attention  si  celui  qui  demande  l'au- 
mône la  mérite  ,  mais  combien  donne  celui 
qui  la  fait.  C'est  pourquoi  l'Apôtre  dit  :  Celui 
qui  sème  peu  moissonnera  peu.  C'est  à  nous  que  n  cor.  m,  c. 
nous  donnons,  lorsque  nous  donnons  aux 
pauvres;  leur  donner  de  notre  bien,  c'est 
un  gain  pour  nous.  » 

Ce  Père  distingue  deux  sortes  de  richesses  : 
les  unes  conduisent  à  la  mort,  les  autres  à  la 
vie.  Il  met  au  rang  des  premières  celles  que 
l'on  a  acquises  injustement,  c'est-à-dire  aux 
dépens  d'autrui,  et  celles  qui  sont  à  la  vérité 
le  fruit  des  travaux  de  celui  qui  les  possède , 
mais  qui  s'y  attache  et  les  accumule  pour  les 
laisser  à  ses  héritiers.  Les  autres  sont  celles  p^g.  eso. 
dont  on  nourrit  les  pauvres,  dont  on  revêtit 
les  nus,  dont  on  rachète  les  captifs,  par  les- 
quelles on  rachète  ses  péchés,  et  dont  on  se 
sert  pour  acquérir  le  royaume  céleste.  Saint 
Valérien  dit  que  l'on  trouve  fort  souvent  des 
personnes  qui,  après  avoir  donné  une  fois 
l'aumône  h  un  pauvre,  croient  avoir  accom- 
pli le  précepte  de  l'Evangile.  H  fait  voir 
qu'elles  sont  en  cela  dans  l'erreur  ;  que 
d'être  ingrat  le  lendemain,  c'est  perdre  le 
fruit  de  la  bonne  action  que  l'on  a  faite  la 
veille  ;  qu'au  contraire,  celui  qui  n'attriste 
jamais  le  pauvre  en  le  refusant,  se  prépare 
des  fruits  entiers  de  miséricorde.  Il  blâme  la 
conduite  de  ceux  qui,  en  présence  d'un  pau- 
vre, font  beaucoup  de  bruit  pour  ne  point 
l'entendre,  ou  qui  feignent  de  ne  l'entendre 
pas  ;  de  même  que  ceux  qui,  voulant  avoir  du 
moins  l'apparence  de  miséricorde,  remettent 
les  pauvres  au  lendemain,  sans  avoir  dessein 
de  leur  donner.  Il  cite  sur  ce  sujet  un  passage 
des  Proverbes  de  Salomon,  où  il  est  défendu  p^^^^^.^^  _^^_ 
de  renvoyer  le  pauvre  à  un  autre  temps,  -'■ 
lorsqu'on  peut  lui  donner  dans  le  moment. 
«  Il  vaudrait  mieux,  ajoute-t-il,  refuser  d'a- 
bord l'aumône  à  un  pauvre,  que  de  le  trom- 
per par  la  fausse  espérance  de  la  lui  donner 
un  autre  jour.  » 

5.  Le  dixième,  qui  traite  des  parasites,  est  p^,  e-^, 
une  invective  contre  les  personnes  de  ce  ca- 
ractère. Le  onzième  est  sur  ces  paroles  de 
saint  Paul  :  Que  celui  qui  se  glorifie,  se  glorifie  „  c„,. ,:,  ■,, 
dans  le  Seigneur.  Quoiqu'il  y  ait  plusieurs  en- 


158 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Rom.  Til,  I 


Pag.  670. 


613. 


droits  dans  ce  discours  conformes  à  la  doc- 
trine catholique  sur  la  grâce,  il  y  en  a  deux 
ou  trois  qu'il  n'est  guère  possible  de  justifier 
de  l'erreur  des  semi-pelagiens.  «  Il  est  en 
nous,  dit  cet  auteur,  de  vouloir  le  bien;  mais 
c'est  à  Jésus-Clirisl  *  à  le  parfaire.  »  Il  s'au- 
torise dans  ce  sentiment  par  ces  paroles  de 
l'Apôtre  :  Je  trouve  en  moi  la  volontéde  faire 
le  bien,  et  je  ne  trouve  pas  le  moyen  de  l'accom- 
plir. Après  quoi  il  ajoute  :  a  Vous  voyez  donc 
que  la  volonté  de  la  bonne  action  doit  venir 
de  nous,  mais  que  l'accomplissement  dépend 
du  pouvoir  de  Dieu.  »  11  ne  laisse  pas  de 
conclure  son  discoui's  en  répétant  ce  qu'il 
avait  dit  au  commencement,  que  celui  qui  se 
glorifie  se  glorifie  dans  le  Seigneur  ;  ce  qui 
pourrait  en  quelque  sorte  l'excuser  par  la 
généralité  de  sa  proposition,  dont  le  sens  est 
qu'on  doit  se  glorifier  en  Dieu,  même  de  la 
bonne  volonté.  Le  douzième  et  le  treizième 
traitent  du  bien  de  la  paix  et  des  moyens  de 
la  conserver.  Un  de  ces  moyens  est  de  se 
taire  lorsqu'on  nous  insulte,  et  de  supporter 
avec  patience  les  reproches  que  l'on  nous 
fait,  en  laissant  à  Dieu  la  vengeance  des  in- 
jures ;  l'autre  est  de  faire  même  du  bien  à 
ceux  qui  nous  font  du  mal.  Il  répond  à  ceux 
qui  pouvaient  objecter  l'endroit  du  Lévitique 
où  il  est  dit  :  OEil  pour  œil,  dent  pour  dent , 
que  cette  maxime  a  été  longtemps  en  usage 
parmi  les  gens  du  siècle,  parce  que  l'auteur 
de  la  bonté,  Jésus-Christ,  n'était  pas  encore 
venu.  Le  quatorzième  discours  est  un  éloge 
de  l'humilité  ;  saint  Valérien  dit  que  celle-là 
est  sainte  et  véritable,  qui  nous  est  inspirée 
par  l'amour  de  Dieu  et  de  la  religion,  qui  est 
accompagnée  de  la  charité  et  qui  se  nourrit 
de  la  loi  ;  mais  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
de  l'humilité  que  la  crainte  du  maitre  exige 
de  son  esclave. 

6.  Dans  les  trois  discours  suivants,  saint 
Valérien  traite  de  l'avantage  du  martyre,  à 


l'occasion  de  la  fête  d'un  saint  martyr  dont 
les  reliques  reposaient  dans  l'église  où  il 
prêchait.  Saint  Valérien  ne  le  nomme  pas , 
mais  il  le  désigne  assez  pour  le  faire  connaî- 
tre de  ceux  devant  qui  il  en  faisait  l'éloge.  Il 
dit  qu'il  a  été  citoyen  de  la  ville  même  qu'ils 
habitaient,  qu'il  y  a  répandu  son  sang,  qu'il 
en  est  le  patron  et  le  protecteur.  On  ne  doute 
pas,  ce  semble,  qu'il  ne  veuille  parler  de  saint 
Pons,  dont  Usuard  met  le  martyre  au  qua- 
trième de  mai,  dans  la  ville  de  Cémèle.  Les 
trois  discours  que  nous  avons  à  la  louange  de 
ce  saint  furent  faits  le  jour  de  sa  fête,  que 
l'on  célébrait  ^annuellement  dans  cette  ville. 
La  dévotion  que  l'on  avait  pour  ses  reli- 
ques, attirait  un  concours  de  peuple  de  tou- 
tes parts,  dans  l'espérance  ^  que  l'on  avait 
d'obtenir,  par  son  intercession,  l'effet  des 
prières  que  l'on  faisait  auprès  de  son  tom- 
beau, comme  d'un  ami  de  Dieu.  Saint  Valé- 
l'ien,  qui  savait  sans  doute  combien  grande 
était  la  protection  de  ce  martyr  sur  la  ville 
de  Cémèle,  et  les  avantages  qu'il  lui  avait 
procurés,  dit  que  le  souvenir  seul  de  ses 
bienfaits  *  devrait  engager  à  en  rendre  de 
continuelles  actions  de  grâces  à  Dieu  ;  mais 
il  veut  surtout  que  les  habitants  de  ces  deux 
villes  en  témoignent  leur  reconnaissance  en 
imitant  la  constance  de  la  foi  de  leur  patron, 
et  en  suivant  le  chemin  de  la  vertu  qu'il  leur 
avait  tracé.  «  Celui,  leur  dit-il,  que  vous  de- 
vez imiter,  n'est  pas  loin  de  vous;  il  est  sous 
vos  yeux,  il  vous  attire  tous  les  jours  à  la 
vertu  par  les  exemples  qu'il  vous  en  a  don- 
nés, et  il  vous  y  invite  par  des  marques  de 
son  affection  paternelle.  »  Il  avait  soin  de 
faire  lire  publiquement  les  actes  de  son  mar- 
tyre ^,  afin  qu'ils  connussent  que  si  ce  saint 
était  parvenu  au  royaume  du  ciel,  c'était 
après  avoir  combattu  sur  la  terre  et  rem- 
porté la  victoire  sur  les  ennemis  de  Dieu.  Il 
leur  fait  remarquer  ^  que  Dieu  avait  récom- 


*  Nostrum  est  igitur  bonum  velle,  Chrisii  vero  per- 
ficere;  nam  ita  Apostolus  loquitur  :  Velle  adjacet 
mlhl  perficere  autem  bonum  non  invenio.  Vides 
ergo  botti  operis  voluntalem  ex  nobis  debere  descen- 
dere,  perfectionem  vero  in  Dei  poiestate  pendere.  Va- 
lerian.,  Homil.  11,  pag.  659. 

2  Quis  passe t  de  hac  mercede  dubitare,  cum  videat 
in  amore  sanctorum  ioiius  orbis  studia  convenire,  et 
passim  undique  ad  devotionem  annuce  solemnitatis  oc- 
currere?  Homil.  15,  pag.  676. 

8  Si  quis  Chrisii  consolaiionem  requirit,  lacrymas 
suas  huic  in  cujus  honore  convenimus  puirono  corn- 
mendetj  ac  se  frequeniibus  patrociniis  insinuel,  quo 
facilius  possii  impetrare  qucecumque  Domino  pro  sua 


utilitate  sitggesserit.  Occurrendum  est  semper  Dei 
amicis  et  incessahiliter  supplicandum,  ut  sanctœ  i>i- 
teixessionis  possimus  obtinere  suffragium.  Ibid.,  pag. 
677. 

*  Si  cogitaremus  quantum  nobis  civis  martyris  vir' 
tus  prœstitit,  a  laudibus  Dei  nostri  nunquam  linguœ 
studium,  nunquam  oris  cessaret  officium.  Ibid.,  pag. 
678. 

^  Quœ  sicut  leciio  docet,  victorem  possessio  regni 
cœlesiis  exeipit.  Ibid.,  pag.  688.    - 

^  Perfacile  pofestis  intelligere  quid  prosit  forlissi- 
mis  quibusque  in  persecutione  vieisse,  eum  videuiis 
quolidie  adversus  nequiiiain  diabolicœ  prœsumptionis 
per  singula  sanctorum  loca  spiritalis  judicii  sœvire 


[v«  SIÈCLE.]     CHAPITRE  VIII.  —  SAINT  VALÉRIEN,  ÉVÈQUE  DE  CÉMÈLE. 

pensé  la  constance  des  martyrs,  en  leur 
donnant  le  pouvoir  de  chasser  les  démons, 
et  que  ce  n'était  pas  en  vain  que  l'on  voyait 
plusieurs  personnes  possédées  de  ces  esprits 
immondes  ;  qu'il  en  arrivait  ainsi  pour  la 
gloire  des  saints,  dont  l'invocation  seule  chas- 
sait les  démons.  II  leur  fait  envisager  leur 
patron  comme  le  propagateur  de  la  vraie  foi, 
et  leur  dit  qu'ils  doivent  d'autant  plus  comp- 
ter '  sur  ses  soins  paternels,  qu'il  leur  appar- 
tenait de  plus  près.  Il  les  excite  à  son  inter- 
cession, par  l'exemple  de  ceux  qui  venaient 
l'implorer  de  tous  côtés,  et  les  assure  qu'il 
n'y  a  rien  qu'ils  ne  paissent  obtenir  de  Dieu^ 
en  s'adressant  à  celui  qui  en  est  ami.  Il  re- 
marque que  l'on  s'empressait  de  tous  côtés  ^ 
pour  avoir  des  reliques  des  martyrs;  que 
l'on  voj'ait  *  partout  de  celles  du  martyr  de 
Gémèle,  et  que  la  châsse  où  elles  étaient 
renfermées  était  enrichie  d'or  et  couverte 
d'étoffe  très-précieuse.  Sur  la  fin  du  troi- 
sième discours,  il  dit  quelque  chose  de  sainte 
Thècle,  marquant  qu'elle  avait  conservé  sa 
pureté,  ayant  mieux  aimé  être  livrée  aux 
ilammes  et  exposée  aux  bêtes  féroces,  que  de 
la  perdre. 

7.  Le  dix-huitième  discours, qui  est  enl'hon- 
neur  des  Machabées,  fut  prononcé  le  jour  de 
leur  fête.  Saint  Valérien  donne  un  précis  des 
actes  de  leur  martyre,  d'où  il  tire  quelque 
moralité.  Le  dix-neuvième  est  sur  le  jeûne 
du  carême.  L'e  saint  évêque  y  fait  voir  qu'il 
sert  de  peu  de  jeûner  pendant  quarante 
jours,  si  l'on  se  livre  ensuite  à  la  dissolution, 
un  seul  jour  de  débauches  pouvant  faire  per- 
dre le  mérite  des  vertus  que  l'on  a  pratiquées 

sententiam.  Non  ofiosa  res  est,  quodvidemus  fréquen- 
ter in  castigatione  immundi  spiritus  corpora  humana 
vexari ,  et  invocatis  sanctorum  nominibus  actus  suos 
auctorem  scelerum  confiteri.  Ibid.,  pag.  680. 

1  Nemo  dvMtet  illum  pro  actions  suis  esse  sollici- 
tum,  quem  videt  sibi  parentdœ  affinitate  conjundum. 
Homil.  17,  pag.  683. 

^Nihil  est  quud  non  possit  homo  in  qualibet  necessi- 
taie  positus  obtinere,  si  amicis  summi  imperatoris  non 
desinat  supplicare.  Ibid.,  pag.  684. 


pendant  le  carême  entier.  II  traite  dans  le   pa^.  coi. 
vingtième  des  mauvais  effets  que  produit 
l'amour  de  l'argent,  auquel  rien  ne  résiste. 

Sa  lettre  aux  moines  contient,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  dit,  une  exhortation  à  la 
vertu,  dont  il  tire  les  motifs  des  épîtres  de 
saint  Paul,  à  qui  il  attribue  celle  aux  Hé- 
breux. 

8.  Les  BoUandistes  nous  ont  donné  les  ac-  Aciesdu mar- 
tes de  la  vie  et  du  martyre  de  saint  Pons,  f'ons. 
écrits  par  celui-là  même  qui  avait  été  nourii  mlî'iT'apud 

1  .  •        *    •  L    ji       T  '  T     •  HnlIaDd  ,pag. 

avec  le  martyr,  qui  avait  étudie  avec  lui,  vu  2h. 
de  ses  propres  yeux  et  entendu  de  ses  oreilles 
ce  qu'il  en  raconte ,  qui  avait  eu  part  à  ses 
soutfrances,  enterré  son  corps  et  acheté  du 
greffier  les  actes  de  son  martyre.  C'est  du 
moins  ce  qu'on  lit  dans  le  prologue  qui  est  à 
la  tête  de  ces  actes.  L'auteur  se  nommait  Va- 
lérius.  Ce  qui  donne  beaucoup  de  poids  à  sa 
narration ,  c'est  qu'il  est  très-exact  dans  ce 
qu'il  dit  des  papes  et  des  empereurs,  ce  que 
ne  font  pas  ordinairement  ceux  qui  compo- 
sent de  faux  actes.  Il  parait  néanmoins  qu'on 
l'a  beaucoup  amplifiée ,  et  que  tout  le  mer- 
veilleux qui  s'y  trouve,  soit  pour  la  naissance 
de  saint  Pons ,  soit  quelques  autres  circons- 
tances de  sa  vie ,  a  été  ajouté  après  coup  ; 
mais  les  circonstances  de  son  martyre  peu- 
vent, au  moins  pour  le  fond ,  être  regardées 
comme  originales.  Ce  saint  était  né  à  Rome, 
où  il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie. 
Obligé  d'en  sortir  pour  éviter  la  persécution, 
il  se  retira  à  Cémèle,  où  il  reçut  la  couronne 
du  martyre ,  sous  les  empereurs  Valérien  et 
Gallien,  vers  Fan  257. 


3  Respicite  illorum  siudia,  qui  sanctas  ac  venerabiles 
martyrum  reliquias  per  extensa  spatia  terrarum  stu- 
dio religionis  inquirimt...  Vidimus  enim  per  divet'sas 
et  longe  positas  regiones  scisci  corporis  plagus  passim 
dividi,  etpretiosa  vulnerum  documenta  toto  cominus 
orbe  portari.  Ibid. 

^  Videte  qixœ  suni  nrnamenia  pectoris  qiiœ  pretioso 
serico  quasi  opus  Dei  tegitis  et  fulvo  aura  sidereum 
vultum  oneratis.  Ibid, 


160 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  IX. 

Saint  Pétrone,  évêque  de  Bologne. 


[Vers  l'an  4&0.] 


1.  Saint  Pétrone,  (font  l'Eglise  de  Bologne 
en  Italie  célèbre  la  fête  le  4  octobre ,  était  fils  ' 
d'un  autre  Pétrone,  qui  fut  préfet  du  Prétoire, 
le  même  ,  à  ce  que  l'on  croit,  qui  avait  été 
vicaire  en  Espagne  en  395,  396.  397,  et  pré- 
fet des  Gaules  quelques  années  après.  Dès  sa 
jeunesse  -,  il  pratiqua  les  exercices  de  la  vie 
monastique.  Dans  le  désir  de  s'y  perfection- 
ner, il  sortit  de  la  maison  de  son  pèi'e,  alla  à 
Jérusalem,  et  de  là  en  Egypte,  pour  y  voir  de 
ses  yeux  les  merveilles  qu'on  lui  avait  racon- 
tées des  solitaires  de  cette  province.  Il  était 
avec  saint  Jean  de  Lycople  ^  lorsqu'on  ap- 
porta à  Alexandrie  la  nouvelle  de  la  victoire 
remportée  par  le  grand  Théodose ,  le  6  sep- 
tembre do  l'an  394,  sur  le  tyran  Eugène.  Pen- 
dant ses  voyages,  il  se  trouva*  plusieurs  fois 
en  danger  de  perdre  la  vie.  Il  les  faisait  nu- 
pieds,  sans  cheval  ni  aucune  autre  monture, 
n'étant  accompagné  quelquefois  que  de  deux 
moines  ^,  et  faisant  partout  profession  de  l'é- 
tat monastique  ".  D'Egypte  il  passa  dans  la 
Thébaïde,  accompagné  de  six  laïques  ',  dont 
le  plus  jeune  était  diacre.  Ils  demeurèrent 
trois  jours  avec  saint  Jean  de  Lycople,  qui 
leur  donna  diverses  instructions  de  piété ,  et 
guérit  l'un  d'entre  eux  qui  était  attaqué  d'une 
fièvre  tierce.  Pétrone  visita  *,  dans  la  même 
solitude,  Hor,  abbé  de  plusieurs  monastères; 
Ammon,  supérieur  de  la  congrégation  de  Ta- 
bène;  l'évêque  d'Oxyrrhynque,  et  quelques 
autres  personnages  qui  étaient  en  réputation 
de  sainteté.  Il  alla  de  là  ^  voir  saint  Apollon, 
qui  gouvernait  cinq  cents  solitaires  près  de  la 
grande  Hermopole.  Lorsqu'il  y  arriva,  il  trouva 
les  religieux  qui  étaient  venus  au-devant  de 
lui ,  ayant  été  avertis  de  sa  venue  trois  Jours 


auparavant  par  le  saint  abbé,  qui  voulut  lui- 
même  lui  laver  les  pieds  et  à  ceux  de  sa  com- 
pagnie. Après  avoir  passé  une  semaine  avec 
saint  Apollon,  Pétrone  s'avança  '"  dans  le  dé- 
sert du  côté  du  midi,  où  il  vit  la  trace  d'un 
dragon  prodigieux.  Les  disciples  d'Apollon, 
qui  accompagnaient  Pétrone,  voulaient  suivre 
cette  trace,  pour  tuer  cet  animal;  mais  Pé- 
trone n'en  eut  pas  la  hardiesse.  Il  alla  voir 
un  anachorète  qui  leur  raconta  plusieurs  mer- 
veilles d'Ammon,  son  maitre.  11  vit,  dans  le 
même  désert,  le  saint  prêtre  Coprsè  ",fut  té- 
moin de  plusieurs  de  ses  miracles ,  et  apprit 
de  lui  non-seulement  l'histoire  de  sa  vie,  mais 
aussi  celle  de  plusieurs  illustres  solitaires  que 
Coprès  avait  connus.  Il  y  avait  vers  Antino- 
ple ,  dans  la  Thébaïde ,  un  solitaire  nommé 
Elie,  âgé  de  cent  dix  ans.  Pétrone  lui  rendit 
visite  '^.  La  crainte  des  Barbares,  qui  faisaient 
de  fréquentes  incursions  dans  la  haute  Thé- 
baïde, empêcha  *3  Pétrone  d'y  pénétrer.  Il  re- 
vint donc  vers  Alexandrie,  où  il  vit  Pityrion, 
disciple  de  saint  Antoine  '*,  et  le  prêtre  Eu- 
loge,  à  qui  Dieu  avait' accordé  le  don  de  con- 
naître ceux  qui  se  présentaient  à  la  sainte 
table.  Quand  il  en  voyait  de  souillés  par  quel- 
ques fautes  ou  par  des  mauvaises  pensées,  il 
leur  refusait  la  communion,  leur  en  disait  la 
raison ,  et  leur  conseillait  de  se  purifier  pen- 
dant quelque  temps  par  la  pénitence,  pour 
se  rendre  dignes  de  s'approcher  de  Jésus- 
Christ. 

2.  Pétrone  étant  passé  jusqu'à  l'extrémité 
du  diocèse  d'Héraclée  '5,  il  visita  le  monas- 
tère de  saint  Papbnuce  et  celui  d'Isidore,  qui 
était  composé  de  mille  moines .  Ils  ne  sortaient 
jamais,  excepté  deux  d'entre  euxqui'avaient 


voyjigee 
Pélrooe. 


*  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  xli. 

5  Ibid. 

8  Lib.  II  de  Vit.  Pair.,  cap.  i. 

'  Gennad.,  de  Vit.  Patr.,  cap.  xxxiv. 

s  Ibid.,  cap.  vu. 

6  Ibid.,  cap.  V  et  vu. 
'  Ibid.,  cap.  I. 


s  Gennad.,  de  Vit.  Pat.,  cap.  ii,  lu,  iv,  v,  vi. 
9  Ibid.,  cap.  VII.  —  i»  Ibid.,  cap.  viii. 
11  Ibid.,  cap.  IX.  —  12  ibid.,  cap.  xii. 
'■'  Ibid.,  cap.  XXIV. 
1'-  Ibid., 

XXVIII. 

«  Gennad.,  lu  Vit,  Patr.,  cap.  xvi  et  et  xvji. 


L,  cap.  siii  et  xiv,  et  Sozom.,  lib.  VI,  cap. 


ry=  SIECLE. 


CHAPITRE  IX.  —  SAINT  PÉTRONE,  ÉVEQUE  DE  BOLOGNE. 


161 


la  charge  de  celleriers;  mais  Isidore  leur  fai- 
sait fournir  tout  le  nécessaire,  même  avec 
abondance.  Les  étrangers  étaient  reçus  au 
dehors  du  monastère  avec  charité,  mais  on 
ne  leur  permettait  pas  d'y  entrer,  à  moins 
qu'ils  ne  voulussent  s'y  enfermer.  Il  vit  aussi 
celui  de  Dioscore ,  où  il  y  avait  environ  cent 
religieux.  On  remarque  que  cet  abbé  \  qui 
était  prêtre,  ne  permettait  à  ses  religieux 
d'approcher  de,  l'eucharistie  qu'avec  une 
grande  pureté  de  cœur  et  de  corps.  Dans  les 
solitudes  qui  étaient  vers  Memphis  et  Baby- 
lone,  Pétrone  apprit  ^  l'histoire  de  saint  Apol- 
lone  et  de  quelques  autres  qui  souffrirent  le 
martyre  dans  la  persécution  de  Dioclétien. 
Les  moines  de  Nitrie,  des  Cellules  et  de  Scété 
le  reçurent  ^  au  chant  des  Psaumes,  le 
conduisirent  à  l'éghse  et  le  traitèrent  avec 
beaucoup  de  charité.  Il  vit,  dans  ces  déserts, 
Ammonius  et  ses  frères,  célèbres  par  les  per- 
sécutions de  Théophile  *,  évêque  d'Alexan- 
drie. Il  y  vit  encore  Crone  et  Origène,  disci- 
ples de  saint  Antoine,  et  quelques  autres  so- 
litaires de  réputation.  Enfin,  après  avoir  visité 
ceux  ^  de  la  solitude  de  Diolgue,  sur  le  bord 
de  la  Méditerranée,  il  retourna  à  Jérusalem, 
où ,  à  la  prière  des  solitaires  de  la  montagne 
des  Olives,  il  mit  par  écrit  ^  ce  qu'il  avait  vu, 
dans  l'espérance  de  rendre  utiles  aux  autres 
les  exemples  de  vertu  dont  il  avait  été 
témoin. 

3.  De  retour  en  Occident,  il  fut  choisi  évê- 
que de  Bologne,  après  la  mort  de  saint  Félix, 
et  gouverna  cette  Eghse  jusque  vers  Tan  430, 
étant  mort,  selon  Gennade,  sous  Théodose  le 
Jeune  etValentinienlII.  Surius  '  nous  a  donné 
sa  vie,  dont  le  titre  porte  qu'elle  est  tirée 
d'auteurs  assurés  et  de  monuments  anciens; 
mais  les  plus  habiles  la  rejettent  comme  une 
pièce  sans  autorité;  et  en  effet,  elle  contient 
des  faits  entièrement  insoutenables.  11  y  est 
dit,  par  exemple  ^  que  l'empereur  Théodose 


députa,  en  430,  saint  Pétrone,  encore  laïque, 
au  pape  Gélestin,  pour  chercher  avec  lui  quel- 
ques moyens  de  détruire  l'hérésie  de  Nesto- 
rius,  et  que  ce  saint  Pape  promit  sur  cela  de 
convoquer  le  concile  d'Ephèse,  fait  qui  est 
démenti  par  les  monuments  les  plus  assurés 
de  riiistoire  de  l'Eglise. 

4.  Gennade  ^  dit  que  l'on  tenait  que  saint 
Pétrone  avait  éciit  les  Vies  des  Pères  et  des 
Solitaires  d'Egypte,  et  que  les  moines  esti- 
maient et  honoraient  ces  Vies  comme  la  règle 
et  le  miroir  de  leur  sainte  profession  ;  on  con- 
vient qu'il  entend  par  là  le  second  livre  des 
Vies  des  Pères  :  mais  saint  Jérôme,  au  lieu  de 
l'attribuer  à  Pétrone,  en  fait  auteur  Rufîn. 
Nous  avons  proposé  ailleurs  un  moyen  de 
concilier  Gennade  avec  saint  Jérôme ,  en  di- 
sant que  saint  Pétrone  qui,  selon  lu  remarque 
de  Gennade,  n'avait  pas  le  don  de  bien  écrire, 
avait  eu  recours  à  la  plume  de  Rufin  pour 
transmettre  les  Vies  des  Pères  d'Egypte  à  la 
postérité.  Pierre '"des  Noëls  cite,  d'après  Gen- 
nade, diverses  homélies  de  saint  Pétrone  sur 
les  Evangiles.  Nous  ne  voyons  pas  qu'il  en 
soit  parlé  dans  les  imprimés  de  Gennade; 
mais  il  dit  qu'on  lisait  sous  son  nom  un  livre 
intitulé  :  De  l'Ordination  d'un  évêque.  Il  ajoute 
qu'on  voyait  dans  cet  ouvrage  beaucoup  de 
sens  et  de  délicatesse ,  qu'il  était  trop  bien 
écrit  pour  être  de  l'évêque  de  Bologne,  et  que 
quelqu'un  en  faisait  auteur  Pétrone,  son  père, 
homme  très-éloquent  et  très-instruit  dans  les 
sciences  humaines.  Cela  donne  lieu  de  croire 
que  Pétrone  le  père  ,  après  avoir  passé  par 
les  grandes  dignités  du  siècle,  fut  élevé  à  l'é- 
piscopat.  Comment  serait-il  veuu  en  pensée 
à  un  préfet  du  Prétoire  de  traiter  de  l'ordina- 
tion des  évoques^  s'il  n'eût  été  lui-même  élevé 
à  cette  dignité,  après  avoir  quitté  celle  de  pré- 
fet? Cela  est  confirmé  par  un  endroit  de  la 
lettre  de  saint  Eucher  à  Valérien,  écrite  vers 
427,  où  l'évêque  deLyon  dit  de  Pétrone  "  qu'il 


Voyez  tom. 
X,  pag.  41  et 

suiv. 


1  Gennad.,  in  Vit.  Pair.,  cap.  xx. 

"^  Ibid.,  cap.  xvm. 

3  Ibid.,  cap.  XXI,  xxii. 

'>  Ibid.,  cap.  xsm,  xxiv,  xxvi. 

°  Ibid.,  cap.  xxsn. 

s  Praei'at.,  iu  VU.  Pair.,  pag.  448. 

'  Surius,  ad  diem  4  octobris,  pag.  29. 

8  Ibid. 

5  Petronius  Bononiensis  Ecclesiœ  episcopus ,  vir 
saiictœ  vitœ  et  monaclwrum  studiis  ab  adolescentia 
exercitatus,  scripsisse  pulaiur  Vitas  monachorum  JE- 
yypti,  quas  velut  spéculum  ac  normam  professionis 
suœ  monachi  amplecluntur.  Legi  suh  nomine  ejus,  de 
Ordinalioue  episcopi,  ratione  et  humanitate  plénum 
X. 


tractatwn;  quem  linguœ  eleganiia  ostendit  non  esse 
ipsiiis,  sed,  ut  quidum,  patris  ejus  Petronii,  eloquen- 
tissimi  viri  et  eruditissimi  in  sœcularibus  Utteris, 
nam  et  prœfeclum  pi-œtorii  fuisse  in  ipso  iraciatu  dé- 
signât. Moritur  Theodosio,  Arcadii  filio,  et  Valenii- 
niano  regnantibus.  Gennad.,  de  Viris  illustribus , 
cap.  SLi. 

»o  Petr.  de  Natal.,  lib.  IV,  cap.  xs. 

1'  Hilarius  nuper,  et  in  Italia  nunc  antistes  Petro- 
nius, ambo  ex  illa  plenissima,  ut  aiunt,  mundanœ 
poteslaiis  sede,  unus  in  religiotiis,  alius  in  sacerdotii 
notnen  ascendii.  Eucher.,  Ëpist.  ad  Valerian.,  tom. 
VI  Biblioth.  Pair.,  pag.  860. 


11 


162 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


était  passé  du  trône  le  plus  éminent  de  la 
puissance  séculière  à  la  dignité  de  l'épisco- 
pat.  Ce  qui  peut  faire  quelque  peine ,  c'est 
que  Pétrone,  son  fils ,  étant  en  âge  d'entre- 
prendre de  grands  voyages  dès  l'an  394,  où 
il  se  trouvait  en  Egypte,  son  père  se  serait 


trouvé  bien  âgé ,  en  427,  pour  remplir  les 
fonctions  de  l'épiscopat.  Mais  il  ne  serait  pas 
le  premier  qui  aurait  été  élevé  dans  un  âge 
fort  avancé.  Nous  n'avons  plus  le  livre  De 
l'Ordination  des  évèques. 


CHAPITRE  X. 

Basile,  archevêque  de  Séleucie  en  Isaurie  [écrivain  grec]. 


[Vers  l'an  488.] 


Basile  e?t 
fait  évêque  de 
Séleucie,  vers 
l'an  432. 


11  assiste  à 
divers  coii- 
eiles  en  U8 
«449. 


1.  Basile,  surnommé  de  Séleucie,  soit  parce 
qu'il  y  était  né,  soit  parce  qu'il  en  fut  évêque, 
a  quelquefois  été  confondu  avec  un  autre 
Basile,  ami  de  saint  Chrysostôme.  Mais  cette 
opinion  ne  peut  se  soutenir ,  en  effet  '  l'ami 
de  saint  Cliiysostôme  était  évêque  dès  avant 
la  fin  du  IV*  siècle  ,  et  celui  de  Séleucie 
ne  l'était  pas  encore  en  431 ,  puisque  Dexien, 
métropolitain  de  cette  ville,  vint  au  concile 
d'EphèseavecJeand'Antioche.  Basile  raconte 
qu'ayant  entrepris  un  discours  ^  à  la  louange 
de  sainte  Thècle,  le  jour  de  sa  fête,  il  lui  prit 
la  veille  un  mal  d'oreille  si  violent,  qu'il  déses- 
pérait de  pouvoir  prononcer  son  discours  : 
«Ce  qui  me  faisait  rougir,  dit-il,  dans  la 
pensée  qu'on  aurait  qu'api'ès  m 'être  chargé 
de  parler,  j 'aurais  manqu  é  de  courage  à  l'exé- 
cution. »  Mais,  ayant  été  guéri  la  nuit  par 
cette  sainte,  il  parut  sur  la  tribune  et  fit  son 
discours.  Il  n'était  pas  encore ,  comme  il  le 
dit  lui-même,  du  nombre  de  ceux  qui  parlent 
dans  l'église;  cela  fait  voir  qu'il  s'exerçait  à 
l'éloquence  et  qu'il  faisait  quelquefois  des 
discours  en  public,  avant  même  d'être  prêtre. 
En  effet,  après  avoir  raconté  ce  trait  de  sa  vie, 
il  parle  aussitôt  de  son  ordination.  Il  succéda 
à  Dexien,  et  ce  fut  au  plus  tôt  en  432,  puisque 
Dexien  vivait  encore  en  431 ,  et  au  plus  tard 
en  447,  puisque  Tliéodoret  ^  le  qualifie  évê- 
que de  Séleucie  dans  la  lettre  qu'il  lui  écrivit 
sur  la  fin  de  cette  année,  parles  évoques  dé- 
putés de  Syrie  à  Constantinople. 

2.  L'année  suivante,  448,  Basile  assista  au 
concile  qui  se  tint  à  Constantinople  dans  le 

1  Voyez  tom.  VII,  pag.  35. 

2  Basil.,  lib.  II  de  Miraculis  S.  Theclœ,  pag.  310, 
cap.  ssvii. 


mois  de  novembre.  On  y  fit  beaucoup  d'ins- 
tances à  Eutychès  pour  l'obliger  de  recon- 
naître deux  natures  en  Jésus -Christ  après 
l'incarnation.  Basile  lui  dit,  entre  autres  *  : 
(I  Si  vous  n'admettez  pas  deux  natures  en 
Jésus-Christ  après  l'union ,  vous  j  admettez 
donc  une  confusion  et  du  mélange  ?  »  Dans 
une  autre  assemblée ,  Basile  avoua  qu'il  ne  se 
souvenait  ^  pas  des  termes  dont  il  s'était  servi 
en  cette  occasion,  et  prétendit  avoir  dit  à  Eu- 
tychès :  «  Si  vous  admettez  simplement  une 
seule  nature  en  Jésus-Christ  après  l'union, 
sans  vous  exphquer ,  on  a  lieu  de  croire  que 
vous  y  admettez  une  confusion  et  un  mé- 
lange; si  vous  reconnaissez  une  seule  nature 
du  Verbe  incarné  et  fait  homme,  vous  parlez 
comme  nous  et  comme  les  Pères,  mais  il  faut 
toujours  reconnaître  que  la  divinité  que  le 
Fils  a  reçue  du  Père,  et  la  chair  qu'il  a  priçe 
de  sa  mère ,  ne  sont  point  la  même  chose.  » 
Basile  dit  qu'il  tint  ce  langage,  qui  est  un  peu 
obscur  et  embarrassé,  non  comme  pour  dé- 
cider, mais  par  manière  d'entretien,  pour 
adoucir  Flavien  d'une  part,  et  pour  attirer  de 
l'autre  insensiblement  Eutychès  à  la  vérité. 
Voyant  sa  résistance,  il  condamna  et  sa  per- 
sonne et  sa  doctrine.  Le  13  avril  de  l'an  449, 
les  évoques  s'étant  assemblés  par  ordre  de 
l'empereur,  dans  la  grande  galerie  de  l'égHse 
de  Constantinople ,  pour  vérifier  les  actes  de 
la  condamnation  d'Eutychès,  Basile  s'y  trouva 
avec  les  autres.  Comme  Macédonius,  tribun 
et  référendaire  ,  chargé  de  faire  la  vérifica- 
tion de  ces  actes,  déclara  que  l'empereur  vou- 

3  Theodoret.,  EpUt.  85,  pag.  962. 
'Tom.  IV  Concil.,  pag.  239. 
5  Ibid.,  pag.  239. 


[v«  SIÈCLE.]         CHAPITRE  X.  —  BASILE,  ARCHEVÊQUE  DE  SELEUCIE. 


lait  que  les  évêques  s'obligeassent ,  par  sei- 
ment,  à  dire  la  vérité,  Basile  dit  *  :  «  Jamais 
on  n'a  exigé  le  serment  des  évêques,  Jésus- 
Christ  nous  défendant  même  tout  serment. 
Chacun  de  nous  ayant  la  crainte  de  Dieu  de- 
vant les  yeux ,  se  regardera  comme  présent 
devant  un  autel,  travaillera  à  conserver  sa 
conscience  pure  aux  yeux  de  Dieu,  et  ne 
manquera  pas  de  dire  toute  chose  selon  qu'il 
s'en  souviendra.  » 

3.  Le  faux  concile  d'Ephèse  fut,  pour  Ba- 
sile comme  pour  beaucoup  d'autres,  une  oc- 
casion de  chute.  Il  y  fut  invité  par  l'empereur 
Théodose ,  et  il  parait  -  même  que  ce  prince 
lui  donna  quelque  autorité  dans  ce  concile. 
Il  se  met  en  effet  lui-même  au  nombre  de 
ceux  qui  devaient  plutôt  être  juges  que  jugés 
dans  cette  assemblée  ^.  Après  qu'on  y  eut  lu 
les  actes  du  concile  de  Constantinople,  on  ne 
trouva  rien  à  condamner  dans  ce  que  Flavien 
y  avait  dit  pour  l'exposition  de  sa  foi  ;  il  ne 
parait  pas  non  plus,  par  ceux  du  concile  d'E- 
phèse, que  personne  se  soit  élevé  alors  con- 
tre Basile  ,  qui  avait  dit  qu'il  faut  adorer 
Jésus-Christ  en  deux  natures;  mais  il  dit  lui- 
même  *  qu'un  personnage ,  qu'il  ne  nomme 
pas ,  se  leva  aussitôt  pour  dire  que  c'était  là 
la  parole  qui  avait  troublé  toute  l'Eglise,  et 
qu'en  même  temps  tous  les  Egyptiens,  les 
moines  qui  suivaient  Barsumas,  et  toute  la 
foule  s'écrièrent  :  «  Déchirez  en  deux  celui  qui 
admet  deux  natures;  c'est  un  second  Neslo- 
rius.  »  Basile  avoue  que-le  trouble  qui  saisit 
son  esprit  et  ses  yeux  l'empêcha  de  voir  qui 
s'était  élevé  le  premier  contre  lui.  Comme 
Séleuque  d'Amasée  s'était  servi  de  la  même 
expression  que  Basile ,  on  s'éleva  de  même 
contre  lui.  Basile  tâcha  de  déguiser  ses  sen- 
timents, comme  il  avait  fait  à  Constantinople 
dans  l'assemblée  ^  du  13  avril,  et  se  réduisit 
à  l'expression  d'une  seule  nature  incarnée, 
ajoutant  seulement  que  la  divinité  et  la  chair 
de  Jésus-Christ  ne  sont  pas  la  même  chose. 
Il  dit  ^  que  par  ce  moyen  il  apaisa  ceux  qui 
s'étaient  élevés  contre  lui.  Ce  déguisement 
de  la  vérité  le  fit  tomber  dans  une  faute  en- 
core plus  considérable,  car  il  rétracta  positi- 
vement '  ce  qu'il  avait  dit  des  deux  natures 
dans  le  concile  de  Constantinople,  déclara 
qu'il  anathématisait  quiconque  divisait  Jésus- 


163 

Christ  en  deux  natures  et  eu  deux  personnes, 
et  protesta  qu'il  adorait  la  seule  nature  incar- 
née du  Verbe.  Séleuque  d'Amasée  n'eut  pas 
plus  de  fermeté  que  Basile;  il  rétracta,  dans 
les  mêmes  termes ,  ce  qu'il  avait  dit  à  Cons- 
tantinople. Dioscore  ayant  ce  qu'il  souhaitait 
pour  faire  réussir  ses  desseins ,  demanda  les 
avis  des  évêques  sur  la  croyance  d'Eutychès, 
et  comment  il  fallait  le  traiter.  Juvénal,  qui 
opina  le  premier,  le  déclara  parfaitement  or- 
thodoxe et  digne  de  tenir  le  rang  de  prêtre 
dans  FEglise.  Tout  le  concile  s'écria  que  ce 
jugement  était  juste  ;  mais  Dioscore  voulant 
que  chacun  en  particulier  prit  part  à  cette 
abomination,  obligea  tout  le  monde  à  opiner. 
Basile  déclara  donc ,  comme  les  autres^  Eu- 
tycliès  absous  ,  et  consentit  à  sou  rétablisse- 
ment. Dioscore  voulut  encore  obliger  les  évê- 
ques à  condamner  Flavien  de  Constantinople; 
mais  Basile  le  conjura  ^  de  ne  le  point  faire, 
de  peur  de  condamner  en  sa  personne  le  sen- 
timent de  toute  la  tei're.  Ses  remontrances  et 
celles  de  quelques  autres  évêques  furent  inu- 
tiles. Les  menaces  de  Dioscore,  la  vue  des 
soldats  et  des  moines  intimidèrent  tellement 
tous  les  évêques,  qu'ils  témoignèrent  chacun 
en  particulier  consentir  à  la  déposition  de  Fla- 
vien, Basile  eut  la  faiblesse  d'ajouter,  dans 
son  suffrage,  que  Dioscore  s'était  conformé, 
dans  la  sentence  portée  contre  Flavien ,  aux 
canons  des  saints  Pères  ^,  touchant  ceux  qui 
avaient  prévariqué  dans  la  loi. 

A.  Les  magistrats  qui  assistèrent  au  con-  d^h,,  „. 
cile  de  Chalcédoine,  qui  se  tint  en  4SI,  dans  ciïè°d?chu°i' 
l'église  de  Sainte-Euphémie,  demandèrent '"à  11°.'°^  "" 
Basile  comment,  après  avoir  soutenu,  comme 
il  le  disait,  une  doctrine  orthodoxe  contre 
Eutychès,  il  avait  souscrit  à  la  déposition  de 
Flavien?  «J'étais,  leur  répondit  Basile,  livré 
au  jugement  de  cent  vingt  ou  trente  évêques. 
Il  a  bien  fallu  suivre  leur  décision.  »  Comme 
Dioscore  lui  faisait  des  reproches,  il  ajouta  : 
«  Si  c'eût  été  devant  des  magistrats,  j'aurais 
souffert  le  martyre  ;  mais  un  fils,  jugé  par  son 
père,  n'a  point  de  défense.»  Les  Orientaux  et 
les  évêques  de  leur  côté  s'écrièrent  :  «  Nous 
avons  tous  failli  ;  nous  demandons  tous  par- 
don; »  ce  qu'ils  répétèrent  trois  fois.  Basile 
se  plaignit,  dans  une  autre  occasion  ,  de  ce 
que  Dioscore  l'avait  forcé  à  souscrire  à  la  con- 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  239. 
2|bid.,  pag.  1079. 
3  Ibid.,  pag.  140.  —  •<  Ibid. 
^  Ibid.,  pag.  239.  —  6  ibid.j  pag 


140". 


'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  251. 

3  Ibid.,  pag.  251. 

8  ibid.,  pag.  307.  —  "  Ibid.,  pag.  139. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


164 

damnation  dîi  bienheureux  Flavien  ;  il  en  prit 
à  témoin  tous  les  métropolitains  deLycaonie, 
de  Phrygie,  de  Perge,  et  même  Eusèbe,  «qui, 
dit-il,  courut  risque  d'être  déposé  pour  avoir 
un  peu.  tardé  à  parler.  »  Dioscore  ayant  été 
condamné  et  déposé  dans  ce  concile,  on  y  lut 
la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien,  qui  fut  ap- 
prouvée d'un  consentement  unanime  ;  après 
quoi  tous  les  évêques  demandèrent  ',  d'une 
commune  voix  qu'on  leur  rendit  leurs  pères, 
c'est-à-dire  les  cinq  évêques  du  nombre  des- 
quels était  Basile  de  Séleucie ,  et  ils  assurè- 
rent qu'ils  suivaient  tous  cinq  la  même  foi 
que  le  concile  et  que  saint  Léon;  les  magis- 
trats répondirent  qu'ils  en  avaient  demandé 
le  sentiment  de  l'empereur,  et  qu'ils  atten- 
daient sa  réponse.  Ce  prince  remit  l'affaire  à 
l'examen  des  évêques,  qui,  sans  délibérer^ 
davantage,  demandèrent  qu'on  fit  entrer  ces 
cinq  évêques.  Ils  prirent  donc  séance  dans 
l'assemblée ,  et  en  même  temps  tout  le  con- 
cile s'écria  que  Dieu  seul  avait  fait  cette  œu- 
vre ;  qu'enfin  l'union  était  parfaite,  et  que  la 
paix  des  Eglises  était  consommée.  En  457, 
l'empereur  demanda  les  avis  de  tous  les  évê- 
ques sur  le  concile  de  Chalcédoine  et  sur  Ti- 
mothée  Elure,  usurpateur  du  siège  d'Alexan- 
drie. Il  leur  écrivit  ^  à  cet  effet  une  lettre  cir- 
culaire adressée  particulièrement  aux  métro- 
politains. Basile  de  Séleucie  fut  de  ce  nombre. 
Sa  réponse  *  à  ce  prince,  et  celle  de  tous  les 
autres  évêques,  fut  que  l'on  devait  maintenir 
le  concile  de  Chalcédoine,  c'est-à-dire  la  foi 
que  l'on  y  avait  établie,  et  condamner  l'in- 
trusion d'Elure  dans  le  siège  d'Alexandrie. 
Il  meiiri  5.  C'est  tout  cc  que  nous  savons  des  actions 
de  Basile  de  Séleucie,  dojnt  on  met  la  mort 
avant  l'an  460.  On  lui  donna  le  titre  de  bien- 
heureux s  dans  la  conférence  de  .533,  et  Pho- 
tius  le  qualifie  de  même;  néanmoins,  ni  l'E- 
glise grecque  ni  la  latine  ne  l'ont  mis  au 
nombre  des  saints. 
SK  discours.  6-  L^  Père  Dausquéïus  nous  a  donné  qua- 
Tom.  oper.  '"^"^0  discours  en  grec  et  en  latin,  sous  le  nom 
m"";  PaHs"  ^^  Basile  de  Séleucie,  dont  il  y  en  a  quinze 
1C23,  rari.  ii,  g^j  Jqj  gont  attrlbués"  par  Pliotius  ^  savoir  : 
le  premier,  le  deuxième,  le  quatrième,  le  sep- 
tième, le  huitième,  le  neuvième,  le  onzième, 
le  douzième,  le  dix -neuvième,  le  vingt- 
deuxième,  le  vingt-quatrième,  le  vingt-cin- 


quième, le  vingt-neuvième,  le  trente-qua- 
trième, le  trente-cinquième;  les  autres  sont, 
pour  la  plupart ,  de  même  style ,  si  l'on  en 
excepte  le  trente-huitième  et  le  trente-neu- 
vième, qui  sont  plus  longs  que  les  autres, 
d'un  style  plus  simple  et  moins  serré.  Le  pre-  p=g- 1- 
mier  est  sur  la  Création.  Basile  y  remarque 
que  Dieu  a  mis  un  tel  ordre  dans  les  choses 
qu'il  a  créées ,  qu'elles  nous  servent  comme 
d'une  échelle  pour  monter  vers  lui,  c'est-à- 
dire  pour  le  connaître.  Il  dit  que  les  anges 
voyaient  les  créatures  à  mesure  que  Dieu 
leur  donnait  l'être,  mais  qu'ils  ne  voyaient 
point  le  Créateur,  de  qui  ils  venaient  de  rece- 
voir eux-mêmes  leur  existence.  Il  trouve  dans 
le  terme  pluriel  dont  se  sert  l'Ecriture  :  Fai- 
sons l'homme  à  notre  image,  une  preuve  de  la 
trinité  des  personnes  et  de  l'unité  de  leur 
substance.  Dans  le  second  discours,  qui  est  e. 
sur  Adam,  il  entre  dans  le  détail  de  la  créa- 
tion de  l'homme  et  de  la  formation  de  la 
femme,  en  remarquant  que,  quoiqu'il  soit  le 
dernier  des  ouvrages  de  Dieu,  l'homme  a  paru 
comme  le  premier  parla  dignité  de  sou  être, 
qu'il  relève  par  le  pouvoir  que  Dieu  lui  donna 
sur  tous  les  animaux.  Le  troisième  discours  n. 
est  sur  la  même  matière.  Basile  y  explique 
comment  l'homme,  avant  sa  chute,  pouvait, 
dans  une  liberté  entière,  prendre  dans  le 
paradis  terrestre  toutes  sortes  de  plaisirs 
innocents ,  tous  les  biens  de  la  nature  étant 
en  sa  disposition,  à  l'exception  d'an  seul  fruit 
dont  Dieu  lui  défendit  de  manger;  et  com- 
ment le  démon,  jaloux  de  son  bonheur,  l'en 
fit  déchoir  en  lui  persuadant  de  manger  de 
ce  fruit.  Il  croit  qu'il  se  servit  à  cet  effet  de 
la  langue  du  serpent,  ou  qu'il  en  prit  '  la  fi- 
gure. La  prévaricationdenospremierspai'ents  14. 
fut  punie  de  peines  qui  ont  passé  à  leur  pos- 
térité ;  mais  Jésus-Christ  étant  venu  pour  nous 
guérir  de  notre  ancienne  blessure ,  nous  ne 
devons  point  désespérer  de  notre  salut.  Caïn 
et  Abel  sont  le  sujet  du  quatrième  discoui'S. 
Basile  trouve  dans  le  sang  du  juste  Abel  une  19. 
assurance  de  la  résurrection,  «  car,  dit-il,  si 
la  prévarication  est  la  cause  de  la  mort,  il  est 
juste  que  celui  qui  n'a  point  donné  ma- 
tière à  la  mort,  demeure  libre  parmi  ceux-là 
mêmes  qui  sont  morts.  Le  cinquième  discours  25. 
contient  une  description  des  crimes  qui  ont 


"  Tom.  IV  Concil.,  pag.  308. 

2  Ibid.,  pag.  509. 

3  Ibid.,  pag.  890,  et  Evagr.,  lib.  II,  cap.  ix. 
'•  Ibid.,  pag.  923,  926. 


5  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1769  ;  Pliotius,  Cod.  168, 
pag.  376.  —  6  Photius,  ibid. 

'  Serpeniis  facie  personatus  insidiose  meditaia  ag- 
qreditur.  Pag.  14. 


[v^  SIÈCLE.]         CHAPITRE  X.  —  BASILE,  ARCHEVÊQUE  DE  SÉLEUCIE. 


165 


attiré  le  déluge.  Une  pénitence  de  trois  jours 
mit  les  Ninivites  dans  le  chemin  du  salut,  et 
ils  surent ,  par  un  changement  de  mœurs, 
adoucir  la  colère  de  Dieu  ;  au  lieu  que  ces 
hommes  impies,  dont  les  crimes  ne  furent 
arrêtés  que  par  le  déluge,  méprisèrent  le  long 
espace  de  temps  qui  leur  était  donné  pour 
les  effacer  par  une  pénitence  convenable. 
Par-  30.  Basile  traite  de  folie ,  dans  le  sixième  disco  u  rs , 
qui,  comme  le  précédent,  est  sur  Noé,  l'opi- 
nion de  ceux  qui,  par  les  enfants  de  Dieu  qui 
eurent  commerce  avec  les  filles  des  hommes, 
entendent  les  anges ,  au  lieu  d'expliquer  cet 
endroit  des  enfants  de  Seth  qui  s'allièrent 
avec  les  filles  de  la  race  de  Caïn.  Selon  lui, 
la  raison  pour  laquelle  une  partie  des  ani- 
maux de  chaque  espèce  fut  conservée,  est 
afin  qu'il  ne  parût  pas  que  Dieu,  en  en  créant 
de  nouveaux,  eût  condamné  la  première 
création,  et  qu'on  ne  crût  qu'il  se  fût  repenti 
de  ce  qu'il  avait  fait  d'abord.  Il  semble  dire 
que  l'on  voyait  encore  de  son  temps  des 
restes  de  l'arche  sur  les  montagnes  d'Armé- 
nie, où  elle  s'était  arrêtée  après  le  déluge. 

j8.  7.  Il  fait  dans  le  septième  discours  une  pein- 
ture très-touchante  du  sacrifice  d'Abraham, 
qui  représentait  celui  de  Jésus -Christ  ;  mais 
comme  le  glaive  de  ce  patriarche  ne  toucha 
point  son  fils,  de  même,  dit-il,  la  croix  du 
Fils  unique  ne  toucha  point  sa  divinité  ;  car 
Basile  enseigne  dans  ce  discours,  comme 
dans  le  trente-quatrième,  qu'on  ne  doit  pas 
attribuer  les  souffrances  de  la  chair  à  Dieu 
qui  portait  la  chair  ;  mais,  dans  le  vingt-cin- 
quième, il  dit  que  le  Verbe  de  Dieu,  sans 
cesser  d'être  impassible,  se  rendait  propre 

,,,  tout  ce  que  la  chair  souffrait.  Le  huitième 
est  un  éloge  des  vertus  de  Joseph,  particu- 

so.  fièrement  de  sa  chasteté.  U  remarque  dans 
le  neuvième  que  Dieu,  parlant  à  Moïse,  lui 
dit  :  Le  Seigneur  votre  Dieu  est  un;  et  qu'il  se 
servit  de  cette  expression,  parce  qu'il  n'était 
pas  encore  temps  de  faire  connaître  aux 
hommes  le  mystère  de  la  Trinité,  quoique 
l'Esprit  saint  l'eût  déjà  annoncé  en  quelque 
manière,  soit  lors  de  la  création  de  l'homme, 
soit  lorsqu'il  confondit  les  langues  de  ceux 
qui  avaient  entrepris  la  construction  de  la 
tour  de  Babel.  Basile  trouve  dans  Efisée,  qui 

C6.  fait  le  sujet  du  dixième  discours,  ime  figure 
de  Jésus-Christ  ;  et  dans  le  fils  de  la  Suna- 


mite,  ressuscité  par  ce  prophète,  la  figure 
du  peuple  gentil.  Il  était  mort  par  le  péché. 
Jésus-Christ  est  venu  comme  un  autre  Eli- 
sée ;  il  a  appliqué  ses  yeux,  ses  mains,  ses 
pieds,  et  tous  ses  autres  membres  sur  ceux 
de  ce  peuple,  et  lui  a  rendu  la  vie.  Le  on- 
zième est  une  espèce  de  paraphrase  du  p^s- 
chapitre  xvii'=  du  troisième  livre  des  Rois, 
où  nous  lisons  de  quelle  manière  Elle  fut 
nourri  par  la  veuve  de  Sarepta.  Basile  y  dit 
que  ce  prophète,  encore  dans  la  chair,  a  été 
enlevé  de  dessus  la  terre  pour  aller  conver- 
ser avec  les  anges;  le  Fils  de  Dieu  y  descend 
en  se  faisant  chair  pour  le  salut  des  hommes. 
Basile  remarque  dans  le  douzième,  que,  bien 
que  Dieu  haïsse  l'âme  pécheresse,  il  recon- 
naît toujours  sa  créature,  et  qu'il  en  a  pitié; 
il  y  décrit  la  manière  dont  le  prophète  Jonas 
prêcha  la  pénitence  aux  Ninivites,  le  zèle  de 
ces  peuples  à  recourir  à  la  clémence  de  Dieu, 
la  sincérité  de  leur  douleur,  et  la  bonté  de 
Dieu  à  leur  égard.  «Les  marques  d'une  vraie 
pénitence  ',  dit  ce  Père,  sont  une  ûme  qui 
gémit  de  ses  fautes,  des  yeux  qui  les  pleu- 
rent, l'amendement  des  mœurs,  la  fuite  de 
l'impiété,  la  mortification  de  la  chair,  le  ser- 
rement du  cœur  et  le  renoncement  à  toute 
injustice.  Lorsque  Dieu  voit  le  pécheur  ex- 
pier ainsi  ses  crimes,  il  ne  rougit  pas  de  ré- 
voquer la  sentence  qu'il  avait  prononcée 
contre  lui  ;  il  annule  son  décret  et  ses  me- 
naces. »  Il  explique  dans  le  treizième  com-  -s. 
ment  Jonas  a  été  la  figure  de  Jésus-Christ. 
Sa  croix  et  sa  passion  avaient  été  figurées 
dans  le  sacrifice  d'Abraham  ;  sa  naissance 
d'une  vierge  rendue  croyable  par  la  fécon- 
dité de  Sara  dans  un  âge  avancé.  Le  baptême 
avait  été  marqué  dans  le  passage  de  la  mer 
[louge,  et  le  genre  de  la  mort  du  Sauveur 
dans  le  serpent  que  Moïse  fit  élever  sur  un 
arbre  dans  le  désert  ;  enfin,  tout  ce  qui  s'est 
passé  dans  l'Ancien  Testament,  était  une 
figure  du  Nouveau.  Les  trois  jours  que  Jonas 
passa  dans  le  ventre  de  la  baleine,  étaient 
la  figure  de  ceux  que  le  Sauveur  devait 
passer  dans  les  entrailles  de  la  terre. 

8.  Les  quatre  discours  suivants  regardent   7s. 
l'histoire  de  David.   Basile  relève   dans  les 
trois  premiers  les  bienfaits  dont  Dieu  favo- 
risa ce  prince,  qu'il  destinait  au  trône,  quand 
il  était  encore  occupé  à  garderies  troupeaux. 


'  Hœc  verw  pœnitenfice  indicia  lugens  anima,  pln- 
ranies  oculi,  improbitatis  correctio ,  impietaiis  fuga, 
carnis  contrilio,  animi  contraciio,  injustitiœ  deseriio. 


His  expurgatur  iniquitas,  divina  sententia  retrocedere 
non  erubescit;  et  solvit  decrelum  Deus,  et  abolet  peri- 
culmn.  Orat.  12,  pag.  70. 


166 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Il  rapporte  non  à  la  force  naturelle  de  David, 
mais  au  secours  particulier  de  Dieu,  les  vic- 
toires qu'il  remporta  sur  les  ennemis  de  son 
peuple,  particulièrement  celle  où  il  vainquit 
Gqliath.  Dans  le  quatrième,  il  parle  du  péclié 
de  ce  prince  avec  la  femme  d'Urie,  et  de  sa 
pénitence;  par  occasion,  il  dit  aussi  quelque 
chose  de  la  chute  de  saint  Pierre  et  de  son 
retour  à  Dieu;  il  lui  donne  le  titre  de  cory- 
phée des  apôtres,  de  premier  des  disciples  de 
Jésus-Christ,  et  d'exact  interprète  des  mys- 
tères que  le  Fils  avait  appris  du  Père. 
•  loa-  9.  Il  n'y  a  rien  de  bien  remarquable  dans 
les  autres  discours  de  Basile.  Ils  sont  presque 

121.  tous  sur  le  Nouveau  Testament.  Il  remarque 
dans  le  vingt  -  unième ,  où  il  explique  ce 
qui  est  dit  dans  le  livre  des  Actes,  de  la  gué- 
rison  du  boiteux  qui  était  à  la  poi'te  du  tem- 
ple, que  saint  Pierre  fit  sur  lui  deux  miracles 
en  même  temps ,  l'un  en  le  faisant  lever,  et 

m.  l'autre  en  le  faisant  marcher.  Il  établit  dans 
le  vingt-quatrième  l'unité  de  substance,  de 
pouvoir  et  d'honneur  dans  le  Père  et  le  Fils, 
et  y  établit  clairement  la  distinction  des  deux 

140.  natures.  Il  prouve  la  même  chose  dans  le 
vingt-cinquième,  où  il  explique  de  la  confes- 
sion de  saint  Pierre  ce  que  Jésus-Christ  dit 
de  la  pierre  sur  laquelle  il  a  bâti  son  Eghse. 

U3.  Le  vingt- septième  est  contre  la  fête  et  les 
spectacles  des  jeux  olympiques.  Pour  dé- 
tourner les  chrétiens  d'y  assister,  il  leur  dit: 
«  Si,  lorsque  vous  êtes  l'un  des  spectateurs, 
la  mort  vous  surprenait,  en  quel  rang  Jésus- 
Christ  vous  mettrait-il  dans  l'autre  monde  ? 
Sei'ait-ce  au  rang  des  Gentils?  Mais  vous 
portez  avec  vous  le  symbole  de  la  foi.  Se- 
rait-ce au  rang  des  fidèles?  Mais  comment  y 
pourrait-il  mettre  celui  qui  se  mêle  dans  les 
spectacles  avec  les  Gentils?»  Il  dit  encore 
que  dans  ces  assemblées,  celui  qui  est  ado- 
rateur du  sacrifice  des  chrétiens  *,  se  trouve 
participant  des  danses  des  païens,  ne  faisant 
point  attention  à  ce  que  dit  saint  Paul,  qu'il 
n'y  a  point  de  société  entre  la  lumière  et  les 


ténèbres.  Le  trente-huitième  contient  une  dé-  f^?-  »4- 
monstration  de  la  venue  de  Jésus-Christ.  Le 
style,  comme  nous  l'avons  dit,  est  moins  serré 
et  plus  simple  que  celui  de  Basile.  L'auteur 
y  fait  voir  par  les  prophéties,  principalement 
par  celle  de  Daniel,  que  le  Messie  est  venu, 
et  que  c'est  Jésus-Christ.  Il  commence  les 
soixante-dix  semaines  marquées  par  ce  pro- 
phète, au  rétablissement  de  Jérusalem,  qui 
se  fit  sous  le  règne  de  Cyrus,  et  met  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ  à  la  vingt-neuvième 
année  d'Auguste,  et  sa  mort  à  la  dix-hui- 
tième de  l'empire  de  Tibère,  contenant  qua- 
tre cent  quatre-vingt-trois  ans  depuis  la  pre- 
mière année  de  Cyrus  jusqu'à  l'ascension  de 
Jésus-Christ,  ce  qui  fait  soixante-neuf  semai- 
nes d'années.  La  soixante-dixième,  qu'il  com- 
mence à  la  résurrection  du  Sauveur,  finit, 
selon  lui,  à  la  troisième  année  de  l'empereur 
Caïus.  Dans  le  trente-neuvième  qui  est  sur  sos. 
l'Annonciation  de  la  Vierge,  l'auteur  donne  à 
Marie  le  titre  de  Mère  de  Dieu ,  et  dit  net- 
tement, qu'il  n'y  a  qu'une  nature  divine  en 
trois  personnes. 

10.  Le  style  de  ces  discours  ^  est  figuré,  ^^  '"s" 
plein  de  feu  et  d'une  cadence  plus  égale  que  «»"=. 
celle  d'aucun  autre  auteur  gi-ec.  Il  est  toute- 
fois clair,  doux  et  coulant  ;  mais  comme  les 
tropes  et  les  figures  sont  trop  fréquentes,  ou 
plutôt  continuelles,  il  ennuie,  il  lasse,  il  in- 
dispose son  lecteur  contre  lui,  et  il  n'est  pas 
possible  de  ne  le  point  condamner  comme 
un  homme  qui  ne  sait  pas  assez  accorder  la 
nature  avec  l'art,  ni  modérer  cet  excès  de 
figures  et  les  renfermer  dans  de  justes  bor- 
nes. Néanmoins  ce  défaut  ne  rend  son  dis- 
cours ni  bas  ni  obscur,  et  on  le  voit  rarement 
tomber  dans  de  froides  allusions.  Si,  par  quel- 
ques figures,  il  laisse  de  l'obscurité  dans  un 
membre  d'une  péi'iode ,  il  l'éclaircit  dans 
l'autre.  C'est  le  jugement  qu'en  porte  Pho- 
tius,  et  qu'en  porteront  tous  ceux  qui  se  don- 
neront la  peine  de  les  lire.  Il  faut  ajouter 
que  les  pensées  en  sont  pour  la  plupart  peu 


1  Qui  christiani  sacrificii  adoraior  est,  sedet  in 
grœcis  saltaloribus,  et  ipse  saltalor  voeem  Pauli  non 
audiens  :  quœ  societas  lucis  ad  tenebras?  Orat.  27, 
pag.  149. 

2  hi  his  quidem  ejus  orationibus  figuratum  cjus  et 
velox  et  paria  paribus  relata,  si  ah  alio  vMquam,  ah 
hoc  certe  servatum  videmiis.  Perspicuitas  in  eo  ut  sua- 
viias  decurrit;  verum  quod  niniius  in  tropis  et  sche- 
matis  Gorgiœ  satietafem  parit;  imo  continuum  et  pu- 
rum  atque  indesinens ,  auditori  fastidium  movet  et 
reprehensionem  excitât,  et  adscriptoris  vitvperationem 


incitai;  quod  ut  videtur  naturam  cum  arte  aptare  nes- 
ciat,  et  régula  inordinatum  regere.  Âbundat  tamen 
tropis,  et  ipsum  tropologiœ  spécimen  effimdens,  non 
in  frigidum  sermonem,  nisi  modice,  dilahitur;  neque 
ohscuritas  sensum  obumbrut,  sed  asperitate  memhro- 
nim  et  periodonim,  dictionumque  copia  perceptu  dif- 
ficile tropologiœ  dissolviiiir.  Verum,  ut  jam  dixi,  sa- 
tietas  gratiam  illam  hebetat,  et  puritas  illairoporum 
artificium  dure  apparere  non  sinit.  Phot.,  Cod.  168, 
pag.  377. 


[V  SIÈCLE.]         CHAPITRE  X.  —  BASILE, 

naturelles,  et  les  réflexions  peu  touchantes; 
qu'il  n'y  approfondit  presque  jamais  aucune 
vérité,  soit  morale,  soit  théologique,  et  qu'il 
paraît  s'être  plus  occupé  d'une  vaine  élo- 
quence, que  de  l'instruction  et  de  l'édifica- 
tion de  ses  auditeurs.  Outre  les  quarante  dis- 
cours dont  nous  venons  de  parler,  il  y  en  a 
un  sous  son  nom  dans  le  recueil  du  Père 
Combefis,  qui  est  un  éloge  de  saint  Etienne, 
où  l'on  trouve  plusieurs  particularités  qui 
regardent  l'invention  des  reliques  de  ce  saint  ; 
mais  le  style  en  est  tout  difTérent  de  celui  de 
Basile. 
Leiire  à       n.  Rieu  u'empèche  qu'on  ne  lui  attribue 

enipereQr 

<""'■  la  lettre  des  évéques  d  Isaune  à  l'empereur 

loMiL.'pag^  Léon,  en  inS;  elle  est  assez  de  son  style.  Il 
'^'  l'écrivit  à  la  suite  d'un  concile  des  évéques 

de  sa  province  qu'il  avait  assemblé.  Nous 
n'avons  cette  lettre  qu'en  latin.  Basile  la 
commence  par  l'éloge  de  ce  prince,  qu'il 
compare  au  grand  Constantin,  dont  il  relève 
aussi  les  vertus,  surtout  son  zèle  pour  la 
vraie  foi.  Ensuite  il  demande  à  Léon  de 
maintenir  les  décisions  qui  avaient  été  faites 
dans  le  concile  de  Chalcédoine  contre  Thé- 
résie  d'Eutychès,  disant  que  ce  concile  n'a- 
vait rien  décidé  que  conformément  à  la  doc- 
trine de  celui  de  Nicée,  de  Constantinople  et 
d'Ephèse,  et  qui  n'eût  été  enseigné  par  saint 
Célestin  et  par  saint  Cyrille.  A  l'égard  de  Ti- 
mothée  Elure,  intrus  dans  le  siège  épiscopal 
d'Alexandrie,  il  opine  que,  suivant  les  décrets 
des  saints  Pères,  il  ne  mérite  aucune  indul- 
gence. Basile  souscrivit  le  premier  à  cette 
lettre,  en  qualité  de  métropohtain  d'Isaurie, 
et  après  lui  seize  évéques  de  la  même  pro- 
vince. 
tesainie  12.  Photius  attribuc  encore  à  Basile  divers 
écrits,  dont  quelques-uns  étaient  en  vers,  où 
cet  évêque  racontait  les  actions,  les  combats 
et  les  victoires  de  sainte  Thècle,  dont  les  re- 
liques étaient  à  Séleucie,  dans  une  église 
hors  de  la  ville.  Nous  n'avons  plus  l'écrit  en 
vers  ou  le  poème  de  Basile  ;  mais  il  nous 
reste  sous  son  nom  une  Vie  de  sainte  Thècle, 
en  prose,  divisée  en  deux  livres,  dont  le  se- 
cond contient  plusieurs  miracles  faits  au 
tombeau  de  cette  sainte,  et  arrivés  du  temps 
de  Basile,  ou  peu  auparavant.  Vossius  '  a 


ARCHEVÊQUE  DE  SÉLEUCIE.  167 

voulu  lui  contester  cet  ouvrage,  sur  le  peu 
d'apparence  de  quelques-unes  des  choses 
qui  y  sont  rapportées.  Le  silence  de  Photius 
sur  cet  écrit  en  prose  formerait  une  objection 
plus  considérable,  si  l'auteur  même  de  cette 
vie  ne  "-  disait  qu'il  avait  encore  écrit  d'au- 
tres ouvrages  sur  sainte  Thècle  ;  ce  qu'il  ne 
dit  apparemment  que  pour  distinguer  sa 
prose  de  ses  vers  :  car  il  n'est  point  extraor- 
dinaire qu'un  auteur  écrive  en  prose  et  en 
vers  sur  une  même  matière.  Mais  ce  qui  fait 
voir  clairement  que  Basile  est  auteur  de  cette 
Vie,  c'est  qu'elle  est  d'un  évêque  ou  du  moins 
d'un  prêtre  de  l'Eglise  de  Séleucie,  puisqu'il 
dit  3 qu'il  s'était  préparé  à  prononcer  un  dis- 
cours en  l'honneur  de  sainte  Thècle,  en  pré- 
sence du  peuple  qui  s'assemblait  au  jour  de 
sa  fête.  Il  marque  encore  qu'il  écrivait  après 
la  mort  de  Dexien*,  évêque  de  cette  ville  ;  et 
dans  le  même  endroit,  il  répète  que  l'Eglise 
de  Séleucie  lui  appartenait  en  quelque  façon. 
Il  y  fait  aussi  mention  ^  d'Isocasius,  sophiste, 
comme  n'ayant  point  embrassé  la  religion 
chrétienne^  qu'il  n'embrassa  en  effet  qu'après 
l'an 431,  et  de  la  femme ^  du  général  Bytien, 
comme  vivante.  Or,  on  sait  que  ce  général 
se  rendit  célèbre  sous  le  règne  de  Théodose  II, 
par  la  victoire  qu'il  remporta  sur  les  Perses. 
Toutes  ces  circonstances  marquent  Basile  de 
Séleucie,  et  ne  conviennent  à  aucun  autre 
que  l'on  connaisse.  Ajoutons  que  cette  Vie 
lui  est  attribuée  unanimement  par  tous  les 
manuscrits  ^.  Le  style  n'en  est  pas  non  plus 
différent  de  celui  de  seshoméhes,  si  ce  n'est 
qu'il  est  plus  diffus. 

13.  Au  reste,  la  Vie  de  sainte  Thècle,  pour  pag.  230. 
être  de  Basile  de  Séleucie,  n'en  est  pas  plus 
authentique.  Il  convient  qu'il  l'a  composée 
sur  d'anciens  mémoires  qui  contenaient  l'his- 
toire de  sainte  Thècle  et  de  saint  Paul.  C'était 
apparemment  le  livre  des  Voyages  de  saint 
Paul  et  de  sainte  Thècle,  qu'un  prêtre  d'Asie 
avait  composé  sous  le  nom  de  cet  apôtre. 
TertuUien  ^,  et  après  lui  saint  Jérôme,  nous 
apprennent  que  ce  prêtre  ayant  été  con- 
vaincu de  cette  fausseté  et  l'ayant  avouée  à 
saint  Jean,  fut  déposé  pour  ce  sujet.  Le 
pape  Gélase  a  rejeté  ce  livre  comme  apocry- 
phe, sous  le  titre  des  Actes  de  saint  Paul  et 


•  Vossius,  lib.  II  de  Hist.  grœc,  cap.  xsiv. 

2  Pluiima  a  nobis,  prœsertim  prœcedenti  volumine 
de  martyre  sunt  explicafa.  Ibid.,  pag.  278. 

3  Basil.,  Ub.  II,  pag.  310. 

*  Ibid.,  pag.  295,  296. 


5  Basil.,  pag.  308. 

6  Ibid.,  pag.  284  et  285. 
'  Ibid.,  pag.  379. 

8  TertuU.,  de  Baptis.,  cap.  xvii  ;  Hieronym.,  in 
Catalog.,  cap.  vn. 


168 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Pag.  218. 


Edi  tion  s 
des  œuvres 
de  Basile. 


de  sainte  Thècle.  Il  est  vrai  qu'on  ne  trouve 
point  dans  la  Vie  de  cette  sainte,  le  conte 
d'un  Léon,  baptisé ,  dont  il  est  parlé  dans 
saint  Jérôme;  mais  il  y  a  d'autres  choses  qui 
n'en  prouvent  pas  moins  la  supposition , 
comme  lorsqu'il  y  est  dit  ',  que  saint  Paul  or- 
donna à  sainte  Thècle  d'aller  prêcher  l'E- 
vangile, et  partagea  avec  elle  l'apostolat  que 
J.-C.  lui  avait  confié  ;  qu'elle  baptisait  éga- 
lement les  hommes  et  les  femmes  après  leur 
avoir  annoncé  la  parole  du  salut,  et  fait  un 
grand  nombre  de  miracles  semblables  à  ceux 
que  saint  Pierre  avait  faits  à  Antioche  et  à 
Rome,  saint  Paul  à  Athènes,  et  saint  Jean  à 
Ephèse. 

1-4.  Basile  ajouta  à  cette  Vie  un  recueil  de 
plusieurs  miracles,  ou  de  choses  extraordi- 
naires arrivées  de  son  temps,  ou  peu  aupa- 
ravant. Il  avait  appris  une  partie  de  ce  qu'il 
en  raconte  de  personnes  dignes  de  foi,  hom- 
mes et  femmes  ;  et  afin  qu'on  pût  s'assurer 
de  la  vérité  des  choses,  il  nomme  les  per- 
sonnes, les  lieux  et  le  temps  auxquels  elles 
sont  arrivées.  Il  rapporte,  entr'autres,  qu'une 
femme  nommée  Aba  ^,  qui  s'était  cassé  la 
cuisse  par  une  chute,  s'étant  fait  porter  dans 
l'église  de  Sainte-Tbècle,  avait  obtenu  par 
son  intercession  une  guérison  si  prompte, 
qu'au  bout  de  trois  jours  elle  marchait  seule 
sans  le  secours  de  personne.  Un  nommé 
Pausicacus  ^,  qui  avait  perdu  la  vue.  la  re- 
couvra par  le  bienfait  de  la  martyre.  La  plu- 
part des  autres  merveilles  qu'il  rapporte  en- 
suite, n'ont  que  peu  ou  point  de  vraisem- 
blance. Après  avoir  raconté  que  sainte  Thè- 
cle ayant  fait  des  reproches,  dans  une  vision, 
à  l'évèque  Maxime,  de  ce  qu'il  avait  accordé 
la  sépulture  à  Eusèbe  dans  le  vestibule  de 
l'église  qui  lui  était  dédiée,  il  ajoute  que, 
comme  il  se  lassait  de  recueillir  ses  miracles, 
elle  lui  apparut  un  jour*  assise  auprès  de  lui 
dans  son  étude,  et  que,  prenant  le  cahier  où 
il  avait  commencé  de  les  écrire,  elle  semblait 
en  lire  le  récit  avec  plaisir  et  en  souriant, 
comme  pour  lui  témoigner  qu'elle  était  con- 
tente de  son  travail,  et  l'exhorter  à  conti- 
nuer. 

15.  La  Vie  et  les  miraclesde  sainte  Thècle, 
recueilfis  par  Basile,  ont  été  imprimés  sépa- 
rément à  Anvers  en  1608,  de  la  version  de 
Pierre  Pantin,  avec  la  VieAe  la  même  sainte, 
telle  qu'elle  a  été  écrite  parMétaphraste.  On 


a  mis  cette  Vie  dans  l'édition  des  œuvres  de 
Basile,  à  la  suite  de  ceUe  de  saint  Grégoire 
Thaumaturge,  à  Paris,  en  1622,  in-folio.  Elle 
est  du  Père  Dausquéïus,  qui  s'est  servi  de 
celle  que  l'on  avait  faite  chez  Commelin,  en 
leO'i,  in-S"  ;  mais  il  y  a  ajouté  des  notes  sur 
divers  endroits  du  texte  de  Basile.  Bigot  s'é- 
tait proposé  de  donner  une  nouvelle  édition 
des  œuvres  de  ce  Père.  Elle  n'a  point  paru. 
Le  Père  Combefis  en  a  donné  quelques  ho- 
mélies dans  sa  Bibliothèque  des  Prédicateurs, 
à  Paris,  en  1662,  in-folio,  après  les  avoir  re- 
vues sur  divers  manusci'its  grecs.  Il  y  en  a 
une  édition  à  Leyde,  en   1596,  in-S",  chez 
Commelin;  mais  elle  n'est  qu'en  grec.  On  n'y 
trouve  point  l'homélie  sur  la  Transfiguration, 
qui  nous  a  été  donnée  en  grec  et  en  latin  en 
1604,  par  le  Père  Dausquéïus.  On  la  trouve 
dans  Surins  au  sixième  d'août,  mais  seule- 
ment en  latin.  Ces  homélies  se  lisent  aussi 
dans  le  cinquième  tome  de  la  Bibliothèque 
des  Pères,  à  Cologne,  en  1610,  et  dans  celle 
de  Lyon,  en  1677.  L'homélie  sur  l'Annoncia- 
^ibnseliten  latin,  de  la  traduction  de  Peltan, 
dans  le  premier  tome  de  la  Bibliothèque  des 
Pères,  à  Paris,  en  1589,  et  dans  le  Nouveau 
Supplément   du  Père  Combefis,  tome  I", 
pag.  569,  à  Paris,  en  1648,  in-folio,  avec  des 
notes  et  une  version  nouvelle.  L'homélie  sur 
le  commenceraent  de  la  Genèse,  fut  imprimée 
séparément  à  Hambourg  en  1618,  in-8°,  par 
les  soins  de  Voldérus.  Celle  qui  est  sur  Adam, 
parut  aussi  séparément  à  Paris,  chez  Morel, 
eu  1602.  L'édition  de  Voldérus  à  Hambourg, 
en  1618,  contient  aussi  l'homélie  swr  j^feee 
et  la  Sunamite,  et  elle  y  est  en  grec  et  en  la- 
tin, de  même  que  celle  qui  est  sur  le  com- 
mencement de  la   Genèse.    Morel    donna   en 
1597,  en  grec  et  en  latin,  l'homélie  sur  le 
Bon  Pasteur;  en  1600,  celle  qui  est  sur  ces 
paroles  du  chapitre  xx  de  saint  Matthieu  : 
Nous  montons  à  Jérusalem  ;  en  1602,  celle  qui 
est    contre  les  Jeux   olympiques.    L'homélie 
sur  les  deux  Aveugles  de  l'Evangile  fut  mise 
sous  presse  à  Heidelberg  en  1598,  de  la  tra- 
duction de  Georges  Rémus,  avec  les  notes 
de  Hœschélius.  On  trouve  celle  qui  a  pour 
titre  -.Démonstration  de  la  venue  de  Jésus-Christ^ 
dans  le  recueil  de  Stewartius,  à  Ingoldstat,  en 
1616,  d'où  elle  a  passé  dans  les  Bibliothèques 
des  Pères.  L'homélie  sur  saint  Etienne,  attri- 
buée à  Basile,  a  été  donnée  par  le  Père  Com- 


\ 


1  Basil.,  pag.  274  et  276. 
s  Ibid.,  pag.  282. 


3  Basil.,  pag.  287. 
'>  Ibid.,  pag.  298. 


[y  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

befis,  à  Paris,  en  1646,  avec  quelques  opus- 
cules de  saint  Chrysostôme,  de  Sévcrien  de 
Gabales,  et  de  Zacharie,  évèque  de  Jérusa- 
lem. Pour  ce  qui  est  de  la  lettre  que  Basile 
écrivit  à  l'empereur  Léon,  on  la  lit  dans 
les  collections  des  conciles,  à  la  suite  des  ac- 
tes du  concile  de  Chalcédoine.  Allatius  fait 
mention  d'une  homélie  sur  Job,  attribuée  à 
Basile.  On  ne  l'a  pas  encore  imprimée.  Les 
homélies  sw  la  Fête  de  Pâques  et  sur  V Ascen- 
sion de  Jésus-Christ,  qui,  dans  quelques  ma- 
nuscrits, portent  le  nom  de  Basile,  ont  été 
données  sous  celui  de  saint  Athanase  par  le 


SAINT  LEON,  PAPE.  169 

Père  Combefis  dans  le  premier  tome  de  son 
Nouveau  Supplément,  à  Paris,  en  1648,  in- 
folio. [Les  œuvres  de  Basile  de  Séleucie  sont 
au  tome  LXXXV"  de  la  Patrologie  grecque. 
Quarante  discours  sont  reproduits  d'après 
l'édition  de  Dausquéïus.  L'éloge  de  saint 
Etienne,  premier  martyr,  est  donné  d'après 
Combefis  ;  les  deux  livres  de  sainte  Thècle 
sont  donnés  d'après  l'édition  de  Pantin  ;  les 
scholies  sur  saint  Grégoire  de  Nazianze  sont 
autom.  XXXVP  de  la  Patrologie  grecque.  Bois- 
sonnade  les  avait  publiées  dans  les  notices 
sur  les  manuscrits,  XI,  n.  131. 


CHAPITRE  XL 

Saint  Léon,  pape,  surnommé  le  Grand,  docteur  de  l'Église. 


[En  461.] 


ARTICLE  1". 


HISTOIRE   DE   SA    VIE. 


1.  Saint  Léon,  à  qui  ses  qualités  person- 
nelles et  les  services  importants  qu'il  a  ren- 
dus à  l'Eglise,  ont  fait  donner  le  surnom  de 
Grand,  était  né  à  Rome.  Quelques-uns  lui 
donnent  la  Toscane  pour  patrie  ;  mais  leurs 
preuves  sont  faibles,  et  il  vaut  mieux  s'en 
rapporter  à  lui-même,  qui  parle  de  Rome 
comme  d'une  ville  où  il  avait  pris  '  naissance. 
C'est  aussi  le  sentiment  de  saint  Prosper  ^, 
auteur  contemporain.  On  ne  sait  rien  de  sa 
famille,  sinon  que  son  père  se  nommait  Quin- 
tien  3.  L'année  de  sa  naissance  ne  nous  est 
pas  plus  connue,  les  monuments  de  l'his- 
toire de  l'Eglise  de  ce  temps  n'en  faisant  au- 
cune mention.  On  voit  par  les  ouvrages  qu'il 
nous  a  laissés,  qu'il  avait  un  génie  supérieur 
et  qu'il  était  instruit  avec  beaucoup  de  soin 
dans  les  belles-lettres  et  dans  la  science  de 
l'Eglise.  Ce  fut  lui  qui,  en  430,  porta  Cassien  à 
écrire  sur  le  mystère  de  l'Incarnation  contre 
la  nouvelle  hérésie  de  Nestorius.  Il  était  dès- 
lors  diacre  de  l'Eglise  romaine,  ou  archi- 
diacre, comme  le  dit*Gennade.  L'année  sui- 


vante, saint  Cyrille  ^  lui  écrivit  pour  le  prier 
d'empêcher  que  Juvénal  de  Jérusalem  ne  fît 
approuver  à  l'Eglise  romaine  le  dessein  am- 
bitieux qu'il  avait  formé  de  faire  ériger  sa 
ville  épiscopale  en  patriarchat  :  ce  qui  marque 
que  saint  Léon  avait  beaucoup  de  part  aux 
affaires  sous  saint  Célestin,  qui  occupait  alors 
le  Saint-Siège.  Saint  Prosper"  rapporte  à  ses 
exhortations  la  vigueur  avec  laquelle  le  pape 
Sixte  III  rejeta  en  439,  la  fausse  pénitence  de 
Julien  le  Pélagien,  qui  tâchait  depuis  long- 
tem_ps,  par  toutes  sortes  d'artifices^  de  ren- 
trer dans  la  communion  de  l'Eglise  romaine. 
2.  11  y  avait  alors  quelques  troubles  mili- 
taires dans  l'empire  gouverné  par  Placidie, 
veuve  de  Constance,  et  par  Valentinien  III, 
son  fils,  qui  n'avait  que  vingt  et  un  ans.  Ces 
troubles  venaient  d'un  différend  survenu  en- 
tre le  général  Aétius,  en  qui  consistait  toute 
la  force  de  l'empire,  et  entre  un  autre  sei- 
gneur nommé  Albin.  Pour  prévenir  le  dan- 
ger d'une  guerre  civile,  saint  Léon  les  alla 
trouver  '  dans  les  Gaules  pour  les  réconci- 
her.  Pendant  son  absence,  le  pape  Sixte  III 
mourut  vers  le  milieu  du  mois  d'août  440. 
L'Eglise  romaine  montra  Sparte  choix  qu'elle 


11  est  élu 
pape  en  iiO. 
Sa  conduite 
pendant  sOU 
épiseopat. 


'  Léo,  Epist.  27  ad  Pulcheriam,  cap.  iv. 

2  Prosper.,  in  Chronic,  ad  Consul.  Valent. 

3  Baron.,  ad  an.  440. 

'  Gennad.,  de  Vir,  illust.,  cap.  LXi. 


V. 


Léo,  Epist.  92,  cap.  xsiv. 
ad  ann.  439. 

440  et  441. 


s  Prosper.,  __  ._ 
T  Prosper.,  ad  ann 
s  Prosper 


ibid. 


170 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


fit  de  son  archidiacre  pour  lui  succéder,  avec 
quelle  sagesse  elle  savait  distinguer  le  mérite 
des  grands  hommes.  Elle  aima  mieux  de- 
meurer plus  de  quarante  jours  sans  pasteur, 
que  d'en  nommer  un  autre;  et  ce  qu'il  y  eut 
d'admirable,  c'est  que,  pendant  un  si  long 
temps,  il  ne  se  forma  aucun  trouble  dans  la 
ville.  On  envoya  vers  Léon  une  députation 
publique  pour  l'inviter  à  prendre  le  soin  de  sa 
patrie  et  de  son  Eglise.  Il  vint,  et  fut  ordonné 
évêque  le  dimanche  vingt-neuvième  de  sep- 
tembre de  la  même  année.  Son  élévation  *  lui 
donna  moins  de  joie,  qae  l'obligation  où  elle 
le  mettait  de  servir  les  autres  ;  il  ne  se  char- 
gea qu'avec  crainte  d'un  ministère  aussi  re- 
levé, sachant  qu'il  peut  occasionner  de  fré- 
quentes chutes.  Mais  l'affection  ^  que  son 
peuple  lui  témoigna  à  son  entrée,  lui  donna 
lieu  d'espérer  de  le  conduire  facilement,  et 
de  le  porter  au  bien  sans  contrainte.  Il  ne 
fut  pas  trompé.  Son  peuple  eut  pour  lui 
beaucoup  de  soumission,  et  il  reconnut  par 
les  effets,  que  ses  avis  ^  étaient  reçus  avec 
joie.  Il  prêchait  souvent,  surtout  dans  les 
grandes  solennités  et  au  jour  où  il  faisait 
chaque  année  la  mémoire  de  son  ordination. 
On  ne  sait  où  Sozomène  *  avait  appris  qu'à 
Rome,  ni  le  Pape,  ni  aucun  autre  ne  prêchait 
jamais  dans  l'église.  Les  sermons  que  nous 
avons  encore  de  saint  Léon  sont  une  preuve 
du  contraire  ,  et  il  dit  lui-même,  dans  l'éloge 
qu'il  fit  de  son  prédécesseur  le  jour  de  la 
fête  des  sept  frères  Machabées,  qu'il  avait 
coutume  d'instruire  pubhquement  son  peu- 
ple. Dans  un  très-grand  nombre  =  de  ses  dis- 
cours, il  parle  de  la  prédication  comme  d'un 
devoir  attaché  au  ministère  des  papes,  de 
même  qu'à  celui  des  autres  évêques.  Saint 
Grégoire  *,  qui  lui  succéda  dans  la  suite,  dit 
en  général  que  celui  qui  se  charge  de  l'épis- 
copat,  se  charge  en  même  temps  de  l'office  de 
prédicateur.  Un  des  soins  de  saint  Léon  fut  de 
faire  venir  à  Rome  les  personnes  les  plus  dis- 
tinguées par  leur  savoir  et  par  l'intégrité  de 
leurs  mœurs,  pour  s'en  servir  dans  le  gou- 
vernement de  l'Eghse.  On  met  de  ce  nombre 
saint  Prosper  d'Aquitaine,  qui  lui  aida  à 
écrire  ses  lettres  les  plus  importantes. 


3.  Quoique  toute  l'Eglise  convînt  qu'il  fal- 
lait faire  la  fête  de  Pâques  le  dimanche  d'a- 
près la  pleine  lune  du  premier  mois  de  prin- 
temps, il  ne  laissait  pas  d'arriver  de  temps 
en  temps  de  la  difficulté  poar  trouver  ce  pre- 
mier mois.  Rome  et  Alexandrie  avaient  fait 
chacune  leur  supputation  et  leurs  cycles.  En 
Oi'ient,  on  suivait  sans  contestation  le  cycle 
d'Alexandrie  ;  mais,  en  Occident,  le  cycle  de 
Rome  n'avait  pas  toujours  le  même  crédit. 
Il  se  trouva  qu'il  marquait  la  Pâque,  pour  l'an 
44-4,  le  vingt-si.xième  de  mars,  et  que  celui 
d'Alexandrie,  dressé  par  Théophile,  la  mettait 
le  vingt-troisième  d'avril.  Sur  cela  saint  Léon 
écrivit  à  saint  Cyrille,  qui  avait  succédé  à 
Théophile  dans  le  siège  d'Alexandrie.  Saint 
Cyrille  fit  réponse  que  l'on  devait  célébrer  la 
fête  le  vingt-troisième  d'avril.  Saint  Léon 
voulant  s'éclaircir  sur  cette  difficulté,  la  com- 
muniqua ''  à  Paschasin,  évêque  de  Lilybée  en 
Sicile,  le  priant  de  l'examiner  avec  soin.  Il 
paraît  qu'il  joignit  à  sa  lettre  quelques  billets 
pour  faire  toucher  de  l'argent  à  cet  évêque, 
réduit  à  une  extrême  pauvreté  par  les  rava- 
ges que  Genséric  avait  faits  en  Sicile  en  440. 
Paschasin  soutint  dans  sa  réponse  qu'il  ne  fal- 
lait faire  la  Pâque  que  le  vingt-troisième  d'a- 
vril. Entre  diverses  raisons  qu'il  en  allégua, 
il  s'autorisa  d'un  miracle  arrivé  l'an  417,  où 
les  Latins  ayant  fait  la  Pâque  le  23  mars,  des 
fonts  baptismaux  qui  se  remplissaient  mira- 
culeusement d'eux-mêmes  la  nuit  de  Pâques, 
ne  se  trouvèrent  remplis  que  la  nuit  du  22 
avril, auquellesAlexandrinsl'avaient  marqué. 
Il  fit  voir  que  la  célébration  de  la  Pâque  le 
23  avril,  n'était  point  une  chose  contraire  au 
principe  des  Latins,  qui  se  faisaient  une  loi 
de  ne  point  passer  le  21  de  ce  mois ,  parce 
que  le  jour  de  la  Passion,  qu'il  prétendait 
être  marqué  particulièrement  par  celui  de 
Pâque,  tombait  ce  jour-là.  Saint  Léon  suivit 
l'avisde  Paschasin,  et  l'onfit  la  Pâque,  en 444, 
le  23  avril,  sans  erreur,  dit  saint  Prosper  ^, 
parce  que  le  jour  de  la  Passion  était  le  21  du 
même  mois.  On  conserva  la  lettre  de  Pascha- 
sin dans  les  archives  de  l'Eglise  romaine. 
Elle  était  de  l'an  443,  et  celle  que  lui  écrivit 
saint  Léon  de  442. 


Itrajtrépl'îr 
la  fêle  de  P;\- 
quespourl'an 


1  Léo,  serm.  4  in  Assumpt.,  cap.  v. 

-  Serm.  1,  cap.  i.  —  ^  Serm.  14. 

*>  Jn  eadem  urbe  Roma  nec  episcopus,  nec  alhis  quii- 
quam  in  Ecclesia  populum  docet.  Sozomen.,  lib.  VII, 
cap.  xvu.  —  5  Léo,  Serm.  3,  7,  11,  etc. 

'  Prœconis  ofjicimn  suscipit  quisquis  ad  sacerdo- 
tium  accedit.  Greg.,  lib.  I,  Epist.  14. 


'  Léo,  Epist.  68. 

8  Hoc  anno  444,  Pascha  Domini  is  calend.  maii 
celebratum  est,  nec  erratum  est  quia  inde  si,  calend. 
maiarum  dies  Passionis  fuit  :  ob  cujus  reverentiam 
nalalis  urbis  Romœ  sine  circensibus  transiit.  Prosp., 
ad.  ann.  444. 


[V^  SIÈCLE.] 

i.  Longtemps  avant  le  pontificat  de  snint 
Léon,  les  manichéens  s'étaient  fixés  à  Rome. 
Mais  on  y  en  vit  un  plus  grand  nombre  de- 
puis que  le  trouble  et  la  misère  occasionnées 
par  la  prise  et  la  ruine  de  Carthage,  en  439, 
les  eut  obligés  de  sortir  des  provinces  où  ils 
faisaient  leur  demeure  ordinaire.  Pour  mieux 
se  cacher  à  Rome  et  éviter  la  rigueur  des  lois 
faites  contre  eux  par  les  empereurs  chrétiens, 
ils  faisaient  profession  d'être  catholiques,  as- 
sistaient '  avec  eux  dans  les  églises  à  la  cé- 
lébration des  divins  mystères,  et  ne  crai- 
gnaient pas  même  d'y  recevoir  quelquefois 
le  corps  de  Jésus-Christ.  Mais  ils  ne  rece- 
vaient jamais  son  sang  précieux,  regardant 
le  vin  comme  l'ouvrage  du  mauvais  prin- 
cipe. Leur  extérieur  humble  et  modeste, 
leur  abstinence  et  leurs  jeûnes  fi'équents 
étaient  un  piège  pour  les  simples  ;  ils  les 
surprenaient  ^  par  une  fausse  douceur,  les 
enchaînaient  par  leurs  caresses,  et  les  tuaient 
ainsi  sans  qu'ils  s'en  aperçussent.  Pour  mieux 
s'insinuer  dans  leurs  esprits,  ils  les  divertis- 
saient par  un  grand  nombre  de  narrations 
fabuleuses  '  qu'ils  leur  débitaient  comme  les 
ayant  apprises  des  apôtres  et  de  Jésus-Christ 
même,  mais  qui  étaient  en  effet  remplies  du 
venin  de  leurs  erreurs.  Quelques  soins  qu'ils 
prissent  de  se  cacher,  ils  n'échappèrent  pas 
à  la  vigilance  de  saint  Léon,  qui,  jugeant  * 
qu'il  serait  utile  à  l'Eghse  d'avoir  de  cette 
secte  l'horreur  dont  elle  était  digne,  résolut 
de  rendre  public  ce  qu'il  en  avait  appris  par 
leurs  écrits  et  le  témoignage  de  ceux  qui  en 
étaient  infectés.  Il  assembla  donc  un  grand 
nombre  d'évêques  et  de  prêtres,  les  princi- 
paux de  l'empire,  une  grande  partie  du  sénat 
et  du  peuple.  Au  jour  de  l'assemblée,  saint 
Léon  fit  amener  '  les  élus  des  manichéens, 
c'est-à-dire  ceux  qui,  api'ès  avoir  reçu  leur 
baptême,  avaient  droit  de  participer  à  leurs 
mystères.  Ils  confessèrent  en  présence  des 
évêques  et  du  reste  du  concile  plusieurs  im- 
piétés de  leurs  dogmes,  et  diverses  supersti- 
tions de  leurs  fêtes  ;  puis  ils  découvrirent  un 
crime  que  la  pudeur  ne  permet  point  de 
nommer,  mais  qui  fut  vérifié  avec  tant  de 
soins,  que  les  plus  incrédules  et  les  plus  opi- 
niâtres ne  pouvaient  en  douter.  Leur  évê- 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


171 


que  ^  avoua  de  sa  propre  bouche  toutes  ces 
abominations;  et  après  qu'on  eut  fait  voir  à 
tous  ceux  de  l'assemblée  ce  que  les  mani- 
chéens avaient  de  profane  et  de  honteux, 
soit  dans  leurs  livres,  soit  dans  leurs  tradi- 
tions secrètes,  on  brûla  leurs  livres  et  on 
dressa  des  procès-verbaux  de  tout  ce  qui 
s'était  passé  en  cette  occasion.  11  y  en  eut  du 
nombre  de  ceux  qu'on  avait  arrêtés,  qui, 
confus  de  leurs  infamies,  témoignèrent  s'en 
repentir  et  vouloir  rentrer  dans  le  chemin 
de  la  vérité.  Saint  Léon  '  les  reçut,  les  obli- 
gea de  condamner  à  la  face  de  toute  l'assem- 
blée des  manichéens,  la  doctrine  et  la  disci- 
pline de  leur  secte,  de  signer  cette  déclara- 
tion, et  leur  accorda  la  pénitence.  Ceux  qui 
persistèrent  dans  leurs  erreurs,  furent  bannis 
à  perpétuité  par  les  magistrats.  Quelques-uns 
de  ceux  qui  n'avaient  point  été  pris,  se  reti- 
rèrent de  Rome,  entre  autres  un  nommé 
Pascentius,  qui,  après  quelque  séjour  à  As- 
torga  en  Espagne,  fut  obligé  de  s'enfuir  à 
Mérida,  et  de  là  en  Lusitanie.  Pour  empê- 
cher que  ceux  qui  s'étaient  enfuis  n'infectas- 
sent les  provinces  où  ils  avaient  choisi  leur 
asile,  saint  Léon  écrivit,  le  30  janvier  444, 
une  lettre  circulaire  aux  évêques  d'Itahe  et 
de  divers  autres  pays,  pour  les  informer  de 
l'affaire  des  manichéens  et  les  prier  de  veiller 
sur  leurs  troupeaux.  On  voit  par  Idace  ^  que 
ce  saint  Pape  envoya  aussi  dans  les  provin- 
ces les  actes  et  les  procès-verbaux  contre  les 
manichéens.  Le  zèle  de  saint  Léon  anima 
celui  de  l'empereur  Valentinien,  qui,  étant  à 
Rome  le  19  juin  445,  renouvela  toutes  les 
lois  faites  contre  les  manichéens,  ordonna  de 
les  traiter  comme  des  sacrilèges,  avec  dé- 
fense de  les  souffrir  dans  les  villes,  de  les 
admettre  à  aucun  emploi,  de  recevoir  d'eux 
ou  de  leur  donner  par  testament.  Il  obligea 
même  tout  le  monde  à  les  déceler,  sans  qu'il 
fût  besoin  d'aucune  formalité  de  justice. 

5.  Vers  le  même  temps ,  on  reçut  dans  les 
Eglises'de  Vénétie  quelques  pélagiens,  parce 
qu'ils  témoignèrent  abandonner  leur  erreur. 
Photius  5  dit  qu'ils  l'anathématisèrent;  mais 
il  parait,  par  une  lettre  de  saint  Léon  'f*,  qu'ils 
furent  reçus  sans  l'avoir  condamnée.  De  ce 
nombre  étaient  divers  prêtres,  diacres  et  au- 


II    combat 
les  pélagiens. 


1  Léo,  Episi.  15,  cap.  xvi,  et  Serm. 

2  Idem,  Serm.  15,  cap.  in. 

'  Idem,  cap.  v,  et  Serm.  38. 

'  Léo,  Epist.  8,  et  Sertn.  33  et  15. 

*■  Serm.  15,  cap.  IV. 


1,  cap.  V.  «  LeOj  Episi.  8,  et  Prosper.,  in  Chrome. 

'  Léo,  Ser)J2.  15. 

8  Idacius,  ia  Chronic,  ad  ann.  444. 

9  Phot.,  Cod.  U,  pag.  43. 
1»  Léo,  Epist.  6,  cap.  i. 


172 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ires  ecclésiastiques  de  la  province  d'Aquilée. 
Non-seulemenl  ils  furent  rétablis  dans  leurs 
degrés  sans  avoir  été  auparavant  bien  exa- 
minés, ils  se  donnèrent  encore  la  liberté  de 
passer  d'une  église  en  une  autre,  quoique 
cela  fût  défendu  parles  canons.  En  se  répan- 
dant ainsi  dans  différents  diocèses,  ils  eurent 
moyen  d'infecter  de  leur  erreur  plus  de  per- 
sonnes. Ce  mal  toutefois  n'alla  pas  loin ,  ayant 
été  arrêté  par  la  vigilance  de  Septimius,  que 
l'on  qualifie  évêque  d'Altino.  Il  donna  avis  à 
saint  Léon  de  ce  qui  se  passait ,  et  ce  saint 
Pape  prit  aussitôt  les  armes  '  conire  ces  res- 
tes de  l'impiété  pélagienne.  Il  écrivit  à  l'évê- 
que  d'Aquilée  ^  pour  se  plaindre  de  sa  faci- 
lité à  recevoir  ces  hérétiques  mal  convertis  ; 
et,  pour  empêcher  les  progrès  de  l'erreur,  il 
lui  ordonna  d'assembler  les  évêques  de  sa 
province,  devant  qui  tous  les  ecclésiastiques 
pélagiens  qui  n'auraient  point  abjuré  leur 
erreur  seraient  obligés  de  la  condamner  par 
un  acte  signé  d'eux;  de  condamner  en  même 
temps  les  auteurs  de  leurs  dogmes  et  tout  ce 
que  l'Eglise  universelle  a  condamné  dans  les 
pélagiens  ;  d'embrasser  tous  les  décrets  des 
conciles  faits  contre  leur  doctrine  et  approu- 
vés du  Saint-Siège ,  et  de  faire  tout  cela  en 
des  termes  clairs  et  sans  équivoque,  voulant 
que  si  quelqu'un  de  ceux  qui  prétendaient 
avoir  abandonné  le  pélagianisme  refusait  de 
se  soumettre  à  ces  conditions,  on  le  bannit  de 
la  communion  de  l'Eglise,  soit  qu'il  soit  ec- 
clésiastique ou  laïque.  Saint  Léon  recom- 
manda aussi  àl'évêque  d'Aquilée  d'empêcher 
que  les  ecclésiastiques  quittassent  les  Eglises 
où  ils  avaient  été  ordonnés,  et  de  les  obliger 
d'y  retourner  sous  peine  d'être  séparés  delà 
communion.  Malgré  toutes  ces  précautions, 
l'hérésie  pélagienne  reprit  vigueur  quelque 
temps  après  dans  Rome  même.  Mais  saint 
Prosper  ayant  présenté  des  requêtes  contre 
ceux  qu'il  savait  être  les  auteurs  de  ces  nou- 
veaux troubles,  i)  les  dissipa  et  les  obligea  de 
disparaître. 
DriicuitéJe  6.  En  443,  Quélidoine,  que  l'on  croit  com- 
ivec'saiht'ni°  niunément  avoir  été  archevêque  de  Besan- 
Miis^'^'^'"  çon,  vint  à  Rome  se  plaindre  de  saint  Hilaire 
d'Arles,  qui  l'avait  déposé  dans  un  concile. 
Saint  Léon  le  rétablit  dans  les  fonctions  de 
l'épiscopat,  persuadé  qu'il  avait  été  déposé 
,,      .       contre  les  rèales  de  l'Eglise.  Saint  Hilaire 

Voyez  tom.  ^  *^ 

SI' Hilaire    a-yant  appris  ce  que  le  Pape  avait  fait,  vint  à 


Rome  à  pied  ,  malgré  la  rigueur  de  l'hiver, 
pour  soutenir  que  Quélidoine  n'avait  point  eu 
droit  d'appeler  à  Rome  d'une  sentence  ren- 
due contre  lui  par  un  concile  des  Gaules.  11 
conjura  saint  Léon  de  faire  corriger  secrète- 
ment cet  abus,  ajoutant  qu'il  était  venu  pour 
l'instruire  de  ce  qui  s'était  passé  dans  l 'affaire 
de  Quélidoine ,  non  par  forme  d'accusation  , 
mais  par  simple  récit.  Le  Pape  assembla  un 
concile  pour  juger  cette  affaire;  saint  Hilaire 
j'prit  séance  avec  les  autres  évêques.  La  ma- 
nière dont  il  s'expliqua  fut  désapprouvée,  et 
les  dépositions  des  témoins  ayant  été  favo- 
rables à  Quélidoine,  le  concile  le  déclara  ab- 
sous et  le  rétablit  en  son  siège.  Saint  Hilaire 
ne  changea  pas  pour  cela  de  sentiment;  il 
refusa  de  communiquer  avec  Quélidoine,  et 
s'en  retourna  à  Arles,  nonobstant  les  gardes 
qu'on  lui  avait  donnés,  sans  même  attendre 
la  fin  de  l'hiver.  Le  Pape,  indigné  de  son  dé- 
part, ôta  à  l'Eglise  d'Arles  le  droit  de  métro- 
pole pour  le  donner  à  celle  de  Vienne,  et  écri- 
A'it  aux  évêques  des  Gaules  une  lettre  contre 
saint  Hilaire,  qu'il  traite  de  perturbateur  de 
l'union  des  Eghses,  de  présomptueux  et  d'en- 
treprenant. Il  changea  de  langage  dans  la 
suite,  mieux  informé  de  la  vertu  de  saint 
Hilaire. 

7.  Il  s'éleva,  l'an  447,  de  grands  troubles  sainiLéon 
dans  les  Eglises  d'Orient  sur  le  mystère  de  "Éuiïïhlsî"' 
l'Incarnation.  Eutychès  ,  Dioscore  et  Barsu- 
mas  en  furent  les  principaux  auteurs,  mais 
on  regarda  toujours  Eutychès  comme  celui 
qui  avait  eu  le  plus  de  part  à  la  persécution 
qu'on  fit  à  l'Eglise  d'Orient.  Déféré,  en  448, 
au  concile  que  Flavien  de  Constantinople  tint, 
le  8  novembre ,  dans  la  salle  du  conseil  de 
son  église  cathédrale ,  il  refusa  d'abord  de 
comparaître;  mais,  cité  de  nouveau,  il  com- 
parut à  la  dernière  session  de  ce  concile, 
tenue  le  22  du  même  mois.  Son  opiniâtreté  à 
refuser  de  reconnaître  deux  natures  en  Jésus- 
Christ  après  l'incarnation,  lui  attira  l'ana- 
Ihème  de  tous  les  évêques  de  ce  concile  ,  au 
nombre  de  trente-deux  ;  il  fut  convaincu  d'être 
dans  l'erreur  de  Valentin  et  d'Apollinaire,  et 
de  suivre  opiniâtrement  leurs  blasphèmes. 
Eutychès  ^,  se  voyant  condamné,  écrivit  à 
saint  Léon  une  lettre  assez  longue,  où,  après 
s'être  plaint  de  ses  accusateurs  et  de  la  pro- 
cédure du  concile  de  Constantinople ,  il  pro- 
testait qu'il  n'innovait  rien  contre  la  foi,  et 


1  Léo,  Epist.  7. 

2  Epist.  6,  cap.  n  et  m. 


3  Tom.  IV  Concil., 
pag.  934. 


pag.  13,  et  in  append.  Concil., 


[v  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI.  — 

qu'il  anatliémalisait  Apollinaire,  Valentin, 
Manès,  Nestorius,  et  toutes  les  autres  héré- 
sies jusqu'à  Simon  le  Magicien.  Saint  Léon  , 
qui  n'avait  point  encore  reçu  de  lettres  de 
Flavien,  lui  écrivit  '  pour  savoir  de  lui  ce  qui 
s'était  passé  dans  son  concile,  et  quelle  nou- 
velle erreur  s'était  élevée  contre  la  foi.  Fla- 
vien répondit  :  «  Eutychès  -,  voulant  renou- 
veler les  hérésies  d'Apollinaire  et  de  Valentin , 
soutenant  qu'avant  l'incarnation  de  Jésus- 
Christ  il  y  a  deux  natures,  la  divine  et  l'hu- 
maine; mais  qu'après  l'union,  il  n'y  a  qu'une 
nature,  et  que  son  coi'ps,  pris  de  Marie,  n'est 
pas  de  notre  substance  ni  consubstantiel  à 
sa  mère,  quoiqu'il  l'appelle  un  corps  humain  ; 
nous  l'avons  condamné,  sur  l'accusation  de 
l'évêque  Eusèbe ,  et  sur  les  réponses  qu'il  a 
faites  dans  le  concile ,  découvrant  sou  héré- 
sie de  sa  propre  bouche ,  comme  vous  ap- 
prendrez par  les  actes  que  nous  vous  en- 
voyons avec  ces  lettres.  Il  est  juste  que  vous 
en  soyez  instruit  ;  car  Eutychès  ,  au  lieu  de 
faire  pénitence  pour  apaiser  Dieu,  et  de  nous 
consoler  dans  la  douleur  que  nous  sentons  de 
sa  perte,  s'empresse  à  troubler  notre  Eglise, 
en  affichant  publiquement  des  libelles  rem- 
plis d'injures,  et  présentant  cà  l'empereur  des 
requêtes  insolentes.  Nous  voyons  aussi,  par 
vos  lettres ,  qu'il  vous  a  envoyé  des  libelles 
pleins  d'impostures ,  en  disant  qu'au  temps 
du  jugement  il  nous  a  donné  des  libelles  d'ap- 
pellations à  votre  Sainteté.  Ce  qui  n'est  pas 
vrai;  mais  il  a  prétendu  vous  surprendre  par 
ce  mensonge.  Tout  cela  doit  vous  exciter, 
très-saint  Père,  à  employer  ici  votre  vigueur 
ordinaire.  Faites  votre  propre  cause  de  la 
cause  commune;  autorisez, par  vos  écrits, la 
condamnation  prononcée  régulièrement,  et 
fortifiez  la  foi  de  l'empereur.  Cette  alt'aire  n'a 
besoin  que  de  votre  secours ,  c'est-à-dire  de 
votre  consentement^  pour  procurer  la  paix  et 
empêcher  la  tenue  d'un  concile  dont  on  fait 
courir  le  bruit ,  et  qui  troublerait  toutes  les 
Eglises  du  monde.  » 
il  envoie       8.  Le  coucile  dont  Flavien  appréhendait 

Ephfafen   Ics  suitesfut  iudlqué  àEphèse  pour  le  1'"' août 
de  l'année  449 ,  à  la  demande  d'Eutychès  et 

[■  à  la  sollicitation  de  Dioscore  et  de  Chrysaphe. 

Saint  Léon,  invité  par  l'empereur  Théodose 
de  se  trouver  à  ce  concile,  résolut  d'y  envoyer 
des  légats  qui  y  assisteraient  en  son  nom  ; 
mais,  en  attendant  leur  départ,  il  écrivit  à 


SAINT  LEON,  PAPE.  173 

Flavien  pour  lui  donner  avis  qu'il  avait  reçu 
ses  lettres,  et  qu'il  y  répondrait  amplement 
par  celui  qui  les  lui  avait  apportées.  Cette 
lettre  ^  est  du  21  mai.  Le  23  du  même  mois, 
il  répondit  à  celle  que  l'empereur  lui  avait 
écrite  touchant  la  convocation  d'un  concile  à 
Ephèse.  Il  supplie  ce  prince  de  le  faire  assem- 
bler en  Italie,  et  lui  promet  qu'en  ce  cas  il 
verrait  bientôt  tous  les  scandales  apaisés ,  et 
la  foi,  aussi  bien  que  la  paix,  régner  par 
tous  ses  Etats.  Théodose  n'ayant  point  voulu 
changer  le  lieu  de  la  destination  du  concile, 
saint  Léon  écrivit  une  seconde  lettre  à  Fla- 
vien ,  datée  du  13  juin ,  et  tirée  entièrement 
de  la  doctrine  de  l'Evangile  et  des  Apôtres, 
où  il  expliquait  à  fond  ce  qu'il  fallait  croire 
sur  le  mystère  de  l'Incarnation.  Il  en  écrivit 
aussi  un»  au  concile  d'Ephèse  ,  et  à  diverses 
personnes,  nommément  à  l'impératrice  Pul- 
chérie.  Dans  celle  qui  était  à  l'empereur,  il 
lui  marquait  qu'il  envoyait  ses  légats  au  con- 
cile. C'étaient  Jules,  évêque  de  Pouzolles; 
René,  prêtre  du  titre  de  Saint-Clément;  Hi- 
larius  ou  Hilaire,  diacre  ;  et  Dulcitius,  notaire. 
Le  concile,  qui  avait  été  convoqué  pour  le 
l^aoùt,  ne  se  tint  que  le  8.  Dioscore  d'A- 
lexandrie y  présida ,  suivant  l'ordre  de  l'em- 
pereur. Eutychès  fut  admis  à  exphquer  ses 
défenses,  déclaré  absous  et  rétabli  dans  la 
communion  de  l'Eglise.  On  rendit  au  con- 
traire une  sentence  de  déposition  contre  Fla- 
vien, à  laquelle  tous  les  évoques  souscri- 
virent, excepté  les  légats  du  Pape.  Le  diacre 
Hilarius  s'échappa  d'Ephèse  à  grande  peine, 
et  revint  à  Rome  par  des  chemins  détournés, 
craignant  la  violence  des  émissaires  de  Dios- 
core. Il  arriva  sur  la  fin  de  septembre,  quel- 
ques jours  avant  la  tenue  du  concile  que  l'on 
avait  coutume  d'assembler  tous  les  ans,  au 
commencement  d'octobre.  Le  pape,  informé 
par  Hilarius  de  l'irrégularité  du  concile  d'E- 
phèse, s'en  plaignit  *  à  l'empereur,  en  lui 
représentant  que  si  l'on  n'effaçait  les  sous- 
criptions qui  s'y  étaient  faites  au  gré  de  Dios- 
core, le  mystère  de  la  foi  chrétienne  était  en- 
tièrement détruit.  Il  se  plaignit  aussi  à  Pul- 
chérie  ^  que  sa  lettre  à  Flavien  n'avait  point 
été  lue  dans  le  concile  d'Ephèse,  et  pria  cette 
princesse  d'appuyer  auprès  de  l'empereur  la 
demande  d'un  concile  universel.  Théodoret , 
qui  avait  été  exclus  de  celui  d'Ephèse ,  y  fut 
déposé.  11  en  fit  ses  plaintes  à  saint  Léon  ^, 


'  Léo,  Episf.  20. 

2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  14,  etLeo,  post  Epist.%\, 


3  Léo,  Epist.  22.  —  *  Léo,  Epist.  40.  —  ^  Epist.  41 
6  Tom.  IV  Concil.,  pag.  101,  622. 


174  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES 

qui  lui  rendit  l'épiscopat,  le  rang  qui  lui  ap- 
partenait, et  l'admit  à  sa  communion  en  qua- 
lité d'évêque,  sans  avoir  égard  au  jugement 
de  Dioscore. 


cStone'       9-  Il  ne  se  contenta  pas  de  demander  par 
uotf'f  e°!  lui-même  et  par  la  médiation  de  l'impératrice 
voie  se.  lé-    Pulchérie  la  tenue  d'un  concile  général,  il  la 
fit  encore  demander  par  Valentinien  III  et  par 
les  impératrices  Piacidie  et  Eudoxie.  Théo- 
dose  n'eut  point  d'égard  à  tant  d'instances  ; 
mais,  étant  mort  dans  le  mois  de  juillet  de 
l'an  430,  Marcien,  son  successeur  par  son 
mariage  avec  Pulchérie,  indiqua  ce  concile  à 
Nicée.  Les  lettres  de  convocation,  datées  du 
17  mai  431 ,  furent  adressées  à  Anatolius  de 
Constantinople ,  et  à  tous  les  évêques  des 
grands  sièges.  Saint  Léon,  qui  avait  souhaité 
que  l'on  différât  ce  concile  ou  qu'on  le  tînt 
en  Italie,  ne  voulut  point  s'opposer  au  des- 
sein de  IMarcien ,   dessein   louable    en  lui- 
même.  Il  choisit  deux  nouveaux  légats  pour 
envoyer  à  Nicée  :  Paschasin,  évêque  deLily- 
bée  en  Sicile,  et  Boniface,  prêtre  de  l'EgMse 
romaine.  Ce  dernier  fut  chargé  des  lettres  de 
la  légation,  parce  qu'il  partit  seul  de  Rome. 
De  Nicée,  les  évêques  du  concile  passèrent  à 
Ghalcédoine ,  suivant  les  désirs  de  l'empe- 
reur. Leur  première  séance  se  tint  le  8  octo- 
bre 431,  et  il  y  en  eut  seize  eu  tout,  nommées 
actions  dans  les  éditions  des  Conciles.  Pascha- 
sin présida  au  nom  de  saint  Léon.  Dioscore, 
obligé  de  comparaître  comme  accusé,  fut  ana- 
thématiséparle  concile;  saint  Flavienjustifié; 
la  lettre  que  saint  Léon  lui  avait  écrite,  ap- 
prouvée; l'hérésie  eutychienue  condamnée 
dans  le  décret  de  la  foi ,  qui  fut  signé  d'un 
consentement  unanime.  Le  concile  ',  en  écri- 
vant à  saint  Léon,  lui  envoya  les  actes  de  tout 
ce  qui  s'était  passé ,  en  le  priant  de  les  con- 
firmer et  d'y  donner  son  consentement.  Ce 
saint  Pape  réduisit  ^  son  approbation  à  ce  qui 
regardait  la  cause  de  la  foi ,  n'ayant  ^  auto- 
risé ses  légats  qu'en  ce  point,  et  prétendant  * 
que  c'était  le  seul  motif  de  la  convocation  de 
ce  concile  et  de  l'agrément  que  l'Eglise  ro- 
maine y  avait  donné.  Il  s'opposa  ^  au  vingt- 
huitième  canon,  qui  donnait  le  second  rang  à 
l'Eglise  de  Constantinople ,  et  généralement 
à  tout  ce  qui  pouvait  être  contraire  au  con- 


cile de  Nicée.  «  Si  tous  les  évêques,  dit-il'', 
observaient  exactement  les  décrets  de  ce  con- 
cile, comme  ils  y  sont  obligés,  on  verrait  ré- 
gner dans  toules  les  Eglises  une  paix  profonde 
et  une  union  constante;  iln'y  aurait  point  de 
différends  pour  l'étendue  des  honneurs,  point 
de  disputes  pour  les  droits  des  ordinations, 
point  de  difficultés  sur  les  privilèges  dus  à 
chacun,  point  de  procès  pour  l'usurpation  des 
droits  d'autrui  ;  tous  garderaient  en  leur  par- 
ticuher  et  à  l'égard  des  autres  l'ordre  légi- 
time que  la  loi  de  la  charité  leur  prescrit.»  Il 
convient  que  la  ville  de  Constantinople  a  ses 
avantages  ;  mais  ils  ne  sont,  dit-il  ',  que  tem- 
porels; elle  est  ville  royale,  mais  elle  ne  peut 
devenir  siège  apostolique.  On  ne  peut  don- 
ner atteinte  aux  privilèges  des  Eglises  étabhs 
par  les  canons ,  ni  blesser  l'autorité  de  tant 
de  métropolitains  pour  contenter  l'ambition 
d'un  seul  homme.  Alexandrie  ne  doit  pas 
perdre  le  second  rang  pour  le  crime  particu- 
lier de  Dioscore,  ni  Antioche  le  troisième;  il 
y  a  environ  soixante  ans  »  que  cette  entre- 
prise est  tolérée  ;  mais  les  évoques  de  Cons- 
tantinople n'ont  jamais  envoyé  au  Saint-Siège 
le  prétendu  canon  que  l'on  allègue.  Le  vingt- 
huitième  de  Ghalcédoine  ne  laissa  pas  d'avoir 
lieu  dans  la  suite;  il  subsista  ^  et  fut  exécuté 
malgré  l'opposition  de  saint  Léon  et  de  ses 
successeurs ,  étant  appuyé  de  l'autorité  des 
empereurs.  L'évêque  de  Constantinople  con- 
serva la  préséance  sur  Alexandrie  et  Antio- 
che, et  exerça  sa  juridiction  sur  l'Asie,  lePonl 
et  la  Thrace.  Comme  les  actes  du  concile  de 
Ghalcédoine ,  envoyés  à  saint  Léon ,  étaient 
en  grec,  et  qu'on  y  trouvait  à  Rome  beaucoup 
d'obscurité,lePapepriai»,en  433,  Julien  deCos 
d'en  recueillir  toutes  les  séances  en  un  seul 
corps ,  et  de  les  traduire  en  latin  d'une  ma- 
nière si  claire  et  si  nette,  qu'on  n'y  trouvât 
plus  de  difficulté. 

10.  En  432 ,  saint  Léon  fit  un  vovage  crui 

Ti  p  ,1  >  1  */     o      ^  s.iiDt  Léon 

rendit  son  nom  tort  célèbre  dans  l'Iiistoire.  °"''".  -*»"" 
Attila  •',  descendu  en  Italie  parla  Pannonie, 
avec  une  puissante  armée  de  Huns,  courut 
librement  plusieurs  provinces,  mettant  tout 
à  feu  et  à  sang.  Il  avait  déjà  pris  Aquilée, 
Pavie  et  Milan ,  et  pensait  à  venir  fondre  sur 
Rome;  mais  les  siens  l'en  détournèrent,  di-     • 


iTom.  IV  Concil ,  pag.   838. 

2  Léo,  Epist.  87. 

3  Idem,  Epist.  92,  cap.  v, 

*  Idem,  Epist.  87.  —  »  Léo,  Epist.  92. 

6  Idem,  Epist.  79.  —  '  Idem,  Epist.  78,  79. 


s  Léo,  Epist.  80. 
^  Libérât.,  cap.  xm. 
"  Léo,  Epist.  86. 

"  Prosper.,  in  Chvonic,  ad  anu.  452,  et  Cassiod, 
in  Chronic,  ad  aun.  452. 


[V  SIECLE. J 

sant.  qu'Alaric  n'avait  pas  vécu  longtemps 
après  l'avoir  pillée.  Cependant  l'empereur 
Valentinieu  demeurait  renfermé  dans  Ra- 
venne,  et  Aétius,  général  des  Romains,  son- 
geait plus  à  abandonner  l'Italie  qu'à  la  défen- 
dre. Dans  ces  fâcheuses  circonstances,  on  crut 
qu'il  était  à  propos  de  tenter  des  propositions 
de  paix  avec  le  barbare.  On  lui  envoya  donc 
saint  Léon,  accompagné  de  deux  des  princi- 
paux officiers  de  l'empire  :  Aviénus ,  consu- 
laire ,  et  Trygétius ,  qui  avait  été  préfet.  Ils 
allèrent  jusque  vers  Mantoue,  et  trouvèrent 
Attila  dans  un  lieu  nommé  Ambuléium,  au 
passage  du  Menzo.  Attila  témoigna  beau- 
coup de  joie  de  voir  saint  Léon,  écouta  ses 
propositions,  lui  accorda  la  paix,  et,  au  lieu 
de  passer  le  Pô  pour  venir  à  Rome ,  il  se  re- 
tira au-delà  du  Danube.  Le  saint  Pape  '  vou- 
lut qu'on  attribuât  l'heureux  succès  de  cette 
négociation,  non  à  sa  sagesse,  mais  à  la  grâce 
de  Dieu  qui  avait  adouci  les  cœurs  et  la  fu- 
reur des  Barbares ,  et  à  l'intercession  des 
saints,  dont  les  prières  avaient  fléchi  la  justice 
divine  et  obtenu  le  pardon  pour  ceux  qui  ne 
méritaient  que  le  châtiment. 

11.  La  difficulté  que  saint  Léon  fit  de  rece- 
voir le  canon  en  faveur  de  l'évêque  de  Cons- 
tantinople,  donna  -lieu  aux  schismatiques  de 
pubUer  qu'il  ne  recevait  pas  le  concile  de 
Chalcédoine.  La  conséquence  qu'ils  en  tiraient 
était  que  les  décrets  de  ce  concile  ne  pou- 
vaient avoir  beaucoup  d'autorité,  n'ayant  pas 
été  confirmés  par  le  Saint-Siège.  Ceux  qui  par- 
laient ainsi  étaient  des  sectateurs  d'Eutychès, 
ennemis  de  ce  concile.  Leur  calomnie  fit  tant 
d'impression,  que  l'empereur  Marcien  écrivit 
à  saint  Léon  pour  le  prier  de  confirmer  le 
concile  de  Chalcédoine  par  une  lettre  publi- 
que qui  fût  adressée  à  tous  les  évêques  qui 
avaient  assisté  au  concile.  Le  saint  Pape  fit 
avec  joie  ce  que  Marcien  souhaitait;  il  écri- 
vit 3  une  lettre  circulaire  ,  datée  du  21  mars 
■  de  l'an  453,  avec  cette  inscription  :  «Au  saint 
concile  tenu  à  Chalcédoine.  i;  Il  y  déclare 
qu'il  approuve  tout  ce  qui  s'était  fait  dans  ce 
concile  touchant  la  foi,  ajoutant  que  quicon- 
que osera  soutenir  l'erreur  de  Nestorius  ou 
d'Eutychès  et  de  Dioscore,  doit  être  retran- 
ché de  l'Eglise.  Mais  il  proteste  qu'il  est  ré- 
solu d'observer  inviolablement  les  canons  de 
Nicée,  et  de  résister  à  l'ambition,  de  quelque 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


17S 


concile  qu'elle  puisse  s'autoriser.  II  envoya 
deux  copies  de  celte  lettre  à  Julien  de  Cos, 
afin  qu'il  les  présentât  toutes  deux  ensemble 
à  l'empereur,  s'il  le  jugeait  à  propos.  Par  une 
autre  lettre*  du  11  mars  de  la  même  année, 
il  avait  établi  Julien  son  nonce  à  Constanti- 
nople ,  en  exigeant  de  lui  qu'il  ne  quittât  ni 
celte  vifie  ni  la  cour,  afin  qu'il  y  agît  en  son 
nompourymaintenirlapaix  elles  intérêts  des 
Eglises  contre  les  hérésies  de  Nestorius  et 
d'Eutychès,  et  qu'il  pût  soUiciter  auprès  de 
l'empereur  tout  ce  qu'il  croirait  être  utile  pour 
le  bien  pubhc.  Julien,  en  sa  qualité  d'évêque 
de  l'ile  de  Cos,  était  obligé  d'y  résider;  mais 
saint  Léon  aima  mieux  lui  conférer  l'emploi 
d'apocrisiaire,  ou  de  nonce,  qu'à  tout  autre, 
soit  parce  qu'il  était  membre  de  l'Eglise  grec- 
que, soit  parce  qu'il  était  plus  au  fait  que  per- 
sonne des  affaires  de  l'Eglise  romaine. 

12.  Le  cycle  des  Latins  marquait  la  fête  de 
Pâques  au  17  avril,  en  455,  et  celui  de  Théo- 
phile d'Alexandrie  la  mettait  au  24  du  même 
mois.  Saint  Léon,  voulant  empêcher  qu'il  ne 
survint  du  trouble  dans  l'Eglise  au  sujet  de 
cette  solennité ,  écrivit ,  dès  avant  le  concile 
de  Chalcédoine,  à  Paschasin  de  Lilybée%  pour 
le  prier  d'examiner  avec  soin  cette  difficulté. 
Il  pria  l'empereur  Marcien  '^,  par  une  lettre 
du  16  juin  453,  de  consulter  là-dessus  les  per- 
sonnes les  plus  habiles ,  et  de  faire  en  sorte 
que  les  Egyptiens  ne  s'opiniâtrassent  pas  à 
soutenir  une  chose  qui  lui  paraissait  impra- 
ticable; c'est  qu'il  ne  savait  pas  que  saint 
Ambroise  avait  soutenu  avec  les  Alexandrins 
que  Pâque  se  devait  faire,  en  387,  le  25  avril. 
Saint  Profère ,  évêque  d'Alexandrie,  chargé 
par  l'empereur  d'examiner  le  cycle  de  Théo- 
phile, trouva  qu'il  n'y  avait  aucune  faute,  ni 
en  cet  endroit  ni  dans  tout  le  reste.  C'est 
pourquoi  il  écrivit  à  saint  Léon  '  qu'à  Alexan- 
drie, dans  l'Egypte  et  partout  l'Orient,  on  cé- 
lébrait la  fête  de  Pâques,  en  455,  le  24  avril. 
Il  en  donne  pour  raison  que  le  dimanche 
17  avril  n'était  que  le  quatorzième  jour  de 
la  lune ,  auqijel  on  avait  toujours  observé, 
avant  et  après  Théophile ,  de  ne  point  faire 
la  Pâque.  Il  ajoute  que  la  même  raison  avait 
obligé  de  différer  cette  fête,  l'an  387,  jusqu'au 
25  avril,  et  que  cela  arriverait  encore  en  482. 
Quoique  saint  Léon  ne  fût  pas  convaincu  des 
raisons  de  saint  Prolère,  il  s'y  rendit  ^  toute- 


Saint  Léoa 
règle  la  fête 
de  Pâques  en 
455. 


1  Léo,  Serm.  81,  cap.  n. 

2  Léo,  Epist.  88. 

3  Epist.  87. 


*  Léo,  Epist.  84  et  86. 

»  Léo,  Epist.  68.  —  «  Idem,  Epist.  94,  95. 

'  Léo,  Epist.  105.  —  »  Léo,  Epist.  108, 


176 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCEÉSIASTIQUES. 


fois  par  l'amour  extrême  qu'il  avait  pour  l'u- 
nité. Ainsi  il  manda  '  aux  évêques  des  Gaules, 
d'Espagne  et  des  autres  provinces  de  l'Occi- 
dent, de  faire  la  Pâque,  en  433  ,  le  24  avril. 
Pour  prévenir  de  semblables  difficultés,  saint 
Léon  fit  examiner  plus  exactement  qu'on  n'a- 
vaitfaitjusqu'alorslesrèglespropres  à  trouver 
chaque  année  le  jour  de  Pâque.  On  croit  que 
ce  fut  par  son  ordre  que  Victorius  composa 
son  cycle  pascal,  que  nous  avons  encore.  Il 
est  du  moins  certain  qu'il  le  fit  à  la  prière 
d'Hilarius ,  alors  archidiacre  de  Rome ,  qui 
avait  apparemment  reçu  celte  commission  de 
la  part  du  Pape.  Victorius  publia  son  cycle 
sous  le  consulat  de  Constantiu  et  de  Rufus, 
Tan  437;  il  fut  depuis  le  plus  en  usage  parmi 
lesLatîns,  et  le  concile  d'Orléans,  en  341, 
ordonna  qu'il  serait  suivi  pour  la  célébration 
de  la  Pâque.  Ce  cycle  est  de  532  ans.  Victo- 
rius le  commence  Tan  28  de  l'ère  commune, 
marquant  les  consuls  jusqu'à  Constantin  et 
Rufus. 
Saint  Léon  13.  Auatolius,  prcssé  par  l'emperour,  offrit 
Anatoi'iosTsê  clc  satlsfairc  saint  Léon.  Il  déposa  à  cet  effet  - 
pai°x°de  la'pJî  Audré,  qu'll  avait  fait  archidiacre,  et  lui  ôta, 
p'êchêV'incfn'-  ct  aux  autres  qui  avaient  été  ennemis  de  saint 
Flavien  et  infectés  de  l'erreur  d'Eutychès, 
la  part  qu'ils  avaient  dans  le  gouverne- 
ment; au  contraire,  il  rétablit  Aétius  dans  les 
degrés  d'honneurs  qu'il  possédait  auparavant, 
en  lui  confiant  de  nouveau  l'administration 
des  affaires  de  l'Eglise ,  et  le  soin  de  répon- 
dre aux  lettres  qu'on  lui  écrivait  sur  ces  ma- 
tières. Saint  Léon ,  satisfait  de  sa  conduite, 
l'exhorta  de  donner  la  dignité  d'archidiacre 
et  toutes  les  autres  principales  fonctions  à 
des  personnes  qui  n'eussent  jamais  été  soup- 
çonnées d'erreur,  lui  permit  d'établir  dans 
leurs  degrés  ceux  qui,  ayant  été  autrefois  dans 
l'hérésie,  en  auraient  demandé  pardon;  et 
consentit  même  qu'André  et  Euphratas,  ac- 
cusateurs de  saint  Flavien,  fussent  élevés  à 
la  prêtrise.  Sa  lettre  est  de  l'an  434.  La  même 
année,  saint  Léon  apprit  avec  joie  le  rétablis- 
sement de  Juvénal  de  Jérusalem.  Mais,  per- 
suadé qu'il  n'avait  été  chassé  de  son  siège 
que  par  sa  faute,  il  lui  en  fit  quelques  repro- 
ches dans  la  lettre  qu'il  lui  écrivit  sur  son 
retour  à  Jérusalem.  «  Je  vois,  lui  dit-il  ^,  que 
vous  vous  êtes  attiré  vos  malheurs,  et  que 
vous  avez  perdu  l'autorité  pour  résister  aux 


1  Léo,  Epist.  109  et  112. 

2  Léo,  Epist.  106.  —  3  Léo,  Epist.  110. 
*  Prosper.,  in  Chrunic,  ad  anu.  455. 


hérétiques,  quand  vous  avez  témoigné  ap- 
prouver leur  erreur  en  condamnant  Flavien 
et  en  recevant  Eutycliès  dans  le  faux  concile 
d'Ephèse.  »  L'année  suivante  453,  Valenti- 
nien  III,  le  dernier  de  la  race  du  grand  Théo- 
dose, ayant  été  tué  le  17  mars,  par  les  gens 
d'Aétius,  Maxime  fut  aussitôt  reconnu  empe- 
peur.  Comme  il  était  veuf,  il  contraignit  Eu- 
doxia ,  femme  de  Valentinien  ,  de  l'épouser  ; 
mais  cette  princesse  ayant  découvert  qu'il 
était  l'auteur  de  la  mort  de  son  premier  mari, 
elle  en  eut  un  tel  chagrin,  qu'elle  envoya  eu 
Afrique  à  Genséric,  roi  des  Vandales,  pour 
l'inviter  à  venir  se  rendre  maître  de  Rome. 
Au  bruit  de  sa  venue,  plusieurs  nobles  se  re- 
tirèrent de  la  ville.  Maxime  songeait  à  en  sor- 
tir lui-même ,  lorsque  des  serviteurs  de  Va- 
lentinien le  tuèrent  le  soixante-dix-septième 
jour  de  son  règne,  12  juin  435.  Genséric,  ar- 
rivé trois  jours  après  *,  trouva  Rome  sans 
défense.  Saint  Léon  alla  au-devant,  hors  les 
portes  de  la  ville,  et  obtint,  par  ses  prières, 
que ,  content  du  pillage ,  il  s'abstiendrait  des 
incendies,  des  meurtres  et  des  supplices. 

14.  La  mort  do  l'empereur  Marcien,  arri-  saim  T.éon 
vée  dans  le  commencement  de  l'an  457,  nniîusïo'ifciê 
donna  lieu  au  parti  d'Eutychèsde  se  relever  EUr°a,  en 
à  Alexandrie.  Timothée  Elure,  prêti'e  de 
cette  Eglise,  mais  qui  s'était  séparé  des  ca- 
tholiques après  le  concile  de  Chalcédoine, 
ayant  ramassé  une  troupe  de  séditieux  ^  ga- 
gnés par  argent,  s'empara  de  la  grande 
église,  nommée  la  Césarienne,  et  se  fit  or- 
donner évéque  par  Eusèbe  de  Péluse  et  par 
Pierre  de  Majume,  tous  deux  hérétiques  et 
déposés.  Le  duc  Denys,  qui  commandait  les 
troupes  de  la  province,  était  alors  dans  la 
haute  Egypte.  A  la  nouvelle  ^  de  l'ordination 
de  Timothée,  il  revint  à  Alexandrie,  et  l'o- 
bligea d'en  sortir.  Ceux  de  son  parti,  irrités 
de  ce  mauvais  traitement,  s'en  vengèrent 
sur  saint  Protère,  qu'ils  tuèrent  d'un  coup 
d'épée  dans  le  baptistère  où  il  s'était  retiré, 
croyant  se  garantir  par  la  sainteté  du  heu  et 
du  temps,  car  c'était  le  jeudi  saint  ''  28  mars; 
l'EgHse  l'honore  comme  martyr. Nous  n'avons 
de  lui  que  sa  lettre  à  saint  Léon  sur  le  jour 
auquel  on  devait  faire  la  Pâque  en  l'an  435; 
c'est  apparemment  de  celte  lettre  que  parle 
le  pape  Gélase ,  lorsqu'il  met  ^  saint  Protère 
au  nombre  de  ceux  dont  l'Eglise  romaine 


s  Tom.  IV  Concil.,  pag.  898. 
s  Evagr.,  lib.  II,  cap.  vni. 
■i  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1080.  ■ 


Ibid.,  pag.  1262- 


[V   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


17^ 


reçoit  et  approuve  les  écrits.  Timothée  se 
voyant  seul  à  Alexandrie,  y  exerça  libre- 
ment toutes  les  fonctions  du  sacerdoce.  Il 
déclara  nulles  toutes  les  ordinations  que 
saint  Protère  '  avait  faites,  reçut  à  sa  com- 
munion et  rétablit  dans  le  ministère  ceux 
qui  avaient  été  condamnés  et  déposés;  ana- 
thématisa  le  concile  de  Chalcédoine,  avec 
tous  ceux  qui  le  recevaient,  nommément 
saint  Léon,  Anatolius  de  Constantinople  et 
Basile  d'Antioche;  mit  son  nom  et  celui  de 
Dioscore  dans  les  sacrés  dyptiques,  et  com- 
mit toutes  sortes  de  violences  dans  toute 
l'Egypte  pour  y  établir  l'eutyclùanisme.  Les 
évêques  catholiques  de  cette  province,  qui 
s'étaient  sauvés  de  la  persécution  de  Timo- 
thée, vinrent  avec  quelques  ecclésiastiques 
d'Alexandrie  à  Constantinople,  où  l'empe- 
reur Léon  et  l'évêque  Anatolius  leur  fourni- 
rent ^  tous  les  soulagements  nécessaires.  Ils 
racontèrent  tout  ce  qui  leur  était  arrivé,  et 
présentèrent  à  l'empereur  une  requête  si- 
gnée de  quatorze  évêques,  de  quatre  prêtres 
et  de  deux  diacres.  Après  y  avoir  parlé  de 
l'intrusion  de  Timothée  Elure  ^,  du  massacre 
de  saint  Protère,  et  de  la  persécution  que 
souffraient  les  catholiques  d'Egypte,  ils  sup- 
pliaient ce  prince  d'écrire  au  très-saint  ar- 
chevêque de  Rome,  à  ceux  d'Antioche,  de 
Jérusalem,  de  Thessalonique  et  d'Ephèse, 
afin  que,  suivant  qu'ils  le  trouveraient  con- 
forme aux  canons,  l'usurpateur  fût  chassé 
de  l'Eglise  d'Alexandrie,  et  qu'on  élût  en  sa 
place  une  personne  digne  de  remplir  le  siège 
de  saint  Marc.  Ils  ajoutaient  que  s'il  était 
besoin  d'un  concile,  ce  qui  ne  leur  parais- 
sait pas  nécessaire,  ils  y  viendraient  hardi- 
ment pour  soutenir  les  faits  qu'ils  avançaient 
contre  Timothée,  quoiqu'ils  fussent  si  clairs 
et  si  publics,  qu'il  ne  fallait  point  de  preuves 
pour  les  constater.  Timothée,  de  son  côté, 
envoya  des  députés  à  Constantinople,  avec 
des  lettres  pour  l'empereur  et  un  mémoire, 
où  il  prétendait  faire  voir  que  saint  Léon,  le 
concile  de  Chalcédoine  et  tous  les  évêques 
d'Orient  étaient  nestoriens.  L'empereur , 
embarrassé,  prit  le  parti  de  consulter  tous 


les  évêques  sur  le  concile  de  Chalcédoine  et 
sur  l'ordination  de  Timothée.  Saint  Léon  qui 
avait  été  informé  par  Anatolius  *  de  l'intru- 
sion de  Timothée,  et  sachant  qu'il  demandait 
un  nouveau  concile,  qui  cassât  les  décrets  de 
celui  de  Chalcédoine,  écrivit  =>  de  nouveau  à 
l'empereur  qu'il  n'y  avait  aucune  apparence 
de  vouloir  examiner  de  nouveau  ce  qui  avait 
été  décidé  par  le  concile  de  Chalcédoine  ; 
qu'il  enverrait  des  légats,  non  pour  disputer 
de  la  foi,  mais  pour  presser  l'expulsiou  de 
Timothée  et  le  rétablissement  des  catholi- 
ques d'Egypte.  La  réponse  de  tous  les  évê- 
ques d'Orient  fut  conforme  à  celle  de  ce  saint 
Pape;  ils  convinrent  ^  qu'il  fallait  soutenir  le 
concile  de  Chalcédoine  jusqu'à  la  mort;  con- 
damner Timothée  comme  indigne,  non-seu- 
lement de  l'épiscopat,  mais  du  nom  de  chré- 
tien, et  l'exclure  même  de  la  communion 
laïque.  Sur  ces  réponses,  l'empereur  Léon 
fit  chasser  d'Alexandrie  Timothée  Elure,  qui 
fut  relégué  dans  la  Chersonèse,  sous  bonne 
garde.  Le  Pape  en  remercia  ce  prince  '  au 
nom  de  toutes  les  Eglises,  et  le  pria  de  faire 
élire  un  évêque  d'Alexandrie,  qui  n'eût  ja- 
mais été  soupçonné  d'hérésie.  On  choisit  un 
autre  Timothée,  surnommé  Solofaciol  ou  Le 
Blanc.  La  lettre  que  saint  Léon  lui  écrivit 
sur  son  élection,  est  du  18  août  460;  il  le 
prie  de  lui  éci'ire  souvent,  pour  lui  donner 
avis  du  progrès  que  la  paix  ferait  dans  son 
Eglise. 

15.  Saint  Léon  mourut  le  10  novembre  de     M 

saint 

l'an  461  ;  son  corps  fut  mis  dans  l'église  de  '-'■i- 
Saint-Pierre,  en  une  cave  *  au  bas  du  vesti- 
bule qui  servait  de  sépulture  à  ceux  des 
Papes  qui  avaient  souffert  le  martyre,  parce 
qu'on  le  crut  digne  d'avoir  son  tombeau 
dans  une  éghse  si  respectable.  S'il  ne  répan- 
dit pas  son  sang  pour  la  foi,  comme  quelques- 
uns  de  ses  prédécesseurs ,  il  n'en  fut  pas 
moins  le  soutien.  Tandis  ^  que  tous  les  évê- 
ques, ceux  mêmes  des  grands  sièges,  l'aban- 
donnaient lâchement  dans  le  brigandage 
d'Ephèse,  il  en  prit  la  défense  et  la  fit  revi- 
vre par  ses  paroles  et  par  ses  écrits.  On  lit  '" 
qu'après  le  ravage  des  Vandales,  il  renouvela 


0  rt    do 

Léon  en 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  890,  896. 

2  Léo,  Epist.  123,  124. 

3  Evagr.,  lib.  II,  cap.  vni,  et  tom.  IV  Concil.,  pag. 
897. 

*  Léo,  Epist.  118  et  115.  —  s  Epist.  132. 
«  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1081,   et  Evagr.,  lib.   II, 
cap.  X. 
'  Idem,  Epist.  137. 


8  Aringus,  lib.  II,  cap.  vni  Rom.  subier.,  pag.  159. 

^  In  Ephesino  latrocinio  cunctis  prœsulibus  et  ipsis 
quoque  patriarchis  prolaieniibus,  nisi  magnus  Léo  di- 
vinitus  excitaius  os  aperiens  totum  orbem  et  angustos 
ipsos  concuteret  et  ad  pietatem  commooeref,  religio 
cliristiana  penitus  corruisset.  Nicolaus  I,  Epist.  nd 
Michael.  Imperat. 

1»  Lib.  Pontif. 

12 


178 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sernio  ns 
sur  son  onJi- 
iiation.  Piig. 
2J  edil.  Lng- 
dun.,  un. 
1700. 


l'argenterie  par  toutes  les  églises  de  Rome, 
ayant  fait  fondre  à  cet  effet  six  grands  va- 
ses de  cent  livres  chacun,  donnés  autrefois 
par  Constantin  ;  qu'il  répara  la  basilique  de 
Saint-Pierre,  où  il  fit  une  voûte  qu'il  orna  ; 
qu'il  rebâtit  *  la  basilique  de  Saint-Paul,  frap- 
pée du  tonnerre,  et  y  fit  une  voûte  avec  une 
peinture  en  mosaïque  qui  représentait  No- 
tre -  Seigneur  Jésus-Christ  accompagné  des 
vingt-quatre  vieillards,  et  une  inscription  qui 
marquait  que  cette  église  avait  été  commen- 
cée par  Théodose,  achevée  par  Honorius,  et 
ornée  par  Placidie  et  par  saint  Léon;  qu'il 
bâtit  une  basilique  en  l'honneur  du  pape 
saint  Corneille,  près  du  cimetière  de  Calliste, 
en  la  voie  Appienne;  qu'il  établit  au  sépul- 
cre des  saints  Apôtres,  des  gardiens  qu'on 
appelait  chambriers,  et  depuis  chapelains, 
parce  qu'on  nommait  ^  alors  chambres  les 
chapelles;  et  qu'il  fit  faire  une  fontaine  de- 
vant l'église  Saint-Paul,  afin  qu'on  s'y  lavât 
les  mains  avant  d'entrer  dans  l'église.  On  lui 
attribue  encore  divers  autres  ouvrages  pu- 
blics, qui  étaient  autant  de  monuments  de 
sa  piété.  Il  occupa  le  Saint-Siège  pendant 
vingt-un  ans,  et  eut  pour  successeur  Hilarus, 
son  archidiacre,  le  même  qui  assista  au  con- 
cile d'Ephèse,  en  l'an  -431.  Il  nous  reste  de 
ce  saint  Pape  quatx'e-vingt-seize  sermons  sur 
les  principales  fêtes  de  l'année,  et  cent-qua- 
rante-une lettres  ^. 

ARTICLE  IL 

DES  ÉCRITS  DE  SAINT  LÉON. 
§1- 

De  ses   Sermons. 

l.  Le  premier  des  sermons  de  saint  Léon 
fut  prononcé,  non  le  jour  de  son  ordination, 
comme  quelques-uns  l'ont  cru  ■*,  ni  à  l'anni- 
versaire de  son  élévation  au  pontificat  mais 
le  jour  de  Foctave  de  son  ordination.  C'est 
ce  qu'il  marque  assez  clairement,  en  disant 
qu'il  l'avait  fait  après  nne  certaine  révolu- 
tion de  jours  ^  qui  le  ramenait  à  celui  auquel 
il  avait  été  ordonné  évêque,  ce  qui  ne  peut 
s'entendre  que  du  dimanche  qui  suivait  im- 


médiatement celui  de  sou  installation,  qui 
s'était  faite  aussi  un  dimanche,  suivant  Fu-" 
sage  de  l'Eglise  romaine,  et  non  de  son  anni- 
versaire :  car  il  avait  dit  plus  haut  ^  qu'il 
était  juste  qu'il  consacrât  les  prémices  de 
son  ministère  par  les  louanges  et  les  actions 
de  grâces  qu'il  devait  à  Dieu.  On  voit  en- 
core par  toute  la  suite  de  ce  discours,  qu'il 
n'avait  été  choisi  que  depuis  peu  pour  rem- 
plir le  Saint-Siège  ;  il  en  témoigne  sa  recon- 
naissance, dans  l'espérance  que  Faiïection 
dont  on  lui  avait  donné  des  marques  à  cette 
occasion,  lui  attirerait  le  respect  et  l'amour 
des  fidèles  soumis  à  sa  conduite,  et  que  Dieu 
qui  lui  avait  imposé  un  fardeau  si  pesant, 
l'assisterait  de  ses  grâces  pour  s'acquitter 
dignement  de  son  ministère.  Il  dit  que  Dieu 
ne  les  mesure  pas  sur  la  qualité  de  nos  mé- 
rites, et  que,  s'il  prenait  garde  à  nos  iniqui- 
tés, personne  ne  pourrait  soutenir  la  ri- 
gueur de  ses  jugements.  Plusieurs  évêques 
furent  présents  à  ce  discours,  ceux  apparem- 
ment qui  l'avaient  été  à  son  ordination  huit 
jours  auparavant;  il  les  appelle  des  taber- 
nacles du  Dieu  vivant  et  les  membres  les 
plus  excellents  du  corps  mystique  de  Jésus- 
Christ. 

Dans  son  second  sermon,  qu'il  fit  au  jour 
anniversaire  de  son  élévation  au  pontificat, 
il  dit  que,  quoiqu'il  n'y  ait  rien  de  plus  re- 
doutable que  le  sacré  ministère,  il  ne  s'a- 
bandonnait pas  à  un  lâche  désespoir  d'en 
pouvoir  remplir  les  devoirs,  s'appuyant,  non 
sur  ses  propres  forces,  mais  sur  le  secours 
de  celui  qui  opère  en  nous.  Il  veut  même 
que  Ton  se  réjouisse  du  sacerdoce,  pourvu 
qu'on  le  fasse  servir  à  la  gloire  de  Dieu,  qui 
nous  en  a  honoré,  remarquant  que  le  sacer- 
doce de  Jésus-Christ,  dont  celui  de  Melchi- 
sédech  était  la  figure,  ne  se  communique 
point  de  père  en  fils,  comme  celui  d'Aaron  ; 
mais  qu'on  le  confère  à  ceux  que  le  Saint- 
Esprit  dispose  à  cet  auguste  ministère,  sans 
que  ceux  qui  choisissent  ces  ministres  aient 
égard  aux  privilèges  de  la  chair  et  du  sang. 
«  C'est  l'onction,  dit-il,  de  la  grâce  céleste 
qui  fait  un  évêque;  les  avantages  naturels, 
et  les  prérogatives  de  la  naissance,  ne  sont 


»  Tom.  VII  ConciL,  pag.  955. 

2  Fleury,  lib.  XXIX  Hisi.  ecclés.,  pag.  543. 

^  Aiig.  Mai  a  publié  en  grec  un  fragment  inédit  de 
saint  Léon  sur  la  procession  du  Saint-Esprit  par  le  Fils. 
Le  voici  :  ^ytoç  Aeâv  o  iràTruç  <p»^iv  '  iiyctp  tû  Oveu/zit  tjîç 


ixiy^iTci.1  To/jLi)  mftfiKsi  S'iS'ifiivov,  Spicilegiuin  Roman., 
tom.  VI,  p.  XXXVI  de  la  préface  {L'éditeur). 

*  Not,  in  hune  serm.^  pag.  50.  —  ^  Recui'renle  igi- 
tur  per  suum  ordinem  die  quo  me  Dominus  episcopalis 
ofjlcii  voluit  habere  principium.  Serm.  I,  pag.  49. 

^  Dignutn  est  a  sacrifieiis  dominieœ  laudi  obsequimn 
consecrati  pontificis  inchoare.  Ibid, 


[V^  SIÈCLE.] 

point  des  degrés  pour  monter  à  l'éminente 
dignité  du  sacerdoce,  ni  des  titres  pour  être 
admis  parmi  ce  peuple  d'adoption.  »  Il  re- 
connaît que  s'il  fait  quelques  bonnes  œuvres 
et  des  règlements  utiles,  c'est  un  eflet  de  la 
protection  et  des  mérites  de  saint  Pierre, 
dont  le  pouvoir  et  l'autorité  subsistaient  en- 
core sur  le  siège  qu'il  a  occupé. 
semoQ  3,       ^0  troisièmo  sermon  est  proprement  un 
par.  M.         ^jQgg  ^jg  gj^jjj^  Pierre.  Saint  Léon  le  pro- 
nonça à  l'anniversaire  de  son  exaltation.  En 
voici  l'analyse  :  Bien  qu'il  y  ait  une  intinité  de 
prêtres  parmi  le  peuple  de  Dieu,  saint  Pierre 
est  néanmoins  le  principal  ministre  dont  Jé- 
sus-Christ se  sert  pour  gouverner  ceux  qui 
sont  sous  sa  loi;  que  Dieu  a  fait  entrer  ce 
grand  apôtre  en  société  de  sa  toute-puis- 
sance, et  que  s'il  a  fait  la  même  grâce  à 
tous  ceux  qui  ont  été  choisis  pour  gouverner 
les  autres,  saint  Pierre  a  été  comme  le  mé- 
diateur des  grâces  qui  leur  ont  été  commu- 
niquées. Quoique  la  puissance  de  lier  et 
de  déher  ait  été  accordée  aux  autres  apô- 
tres et  à  tous  les  princes  de  l'Eghse,  ce  n'est 
pas  sans  raison  que  Jésus-Christ,  en  la  leur 
accordant^   s'adressa   uniquement    à    saint 
Pierre;    ce  privilège   lui    fut   accordé   par- 
ticulièrement parce  qu'il  devait  être  la  règle 
et  le  modèle  de  tous  les  autres  prélats  de 
l'Eglise.    Ce    fut    pour  fortiQer  la  foi   que 
Jésus-Christ  pria  son  Père ,  comme  si  l'as- 
surance  et    la   victoire    du    chef    devaient 
établir  la  sûreté  des  autres   et  les  mettre 
hors  des  atteintes  de  leur  ennemi.  Ce  vigi- 
lant pasteur,  dit  encore  saint  Léon,  accom- 
plit exactement  ces  ordres  de  son  Maître  : 
Affermissez  vos  frères;  paissez  mes  brebis.  Il 
nous  exhorte  intérieurement  par  des  inspi- 
rations secrètes,  et  ne  cesse  de  prier  pour 
nous,  afin  que  nous  ne  succombions  pas  aux 
tentations.  S'il  étend  ses  soins  sur  tout  le 
peuple  de  Dieu,  quel  secours  n'en  devons- 
nous  pas  attendre,  nous  qui  sommes  ses  en- 
fants et  dépositaires  de  ses  sacrées  reliques? 
Ce  même  corps  qui   a   présidé   dans   cette 
chaire,  repose  parmi  nous  dans  son  tombeau. 
4,pag..w.       ^^'"^  '"^"'^  avoue  dans  le  quatrième  dis- 
cours, fait  aussi  à  l'anniversaire  de  son  intro- 
nisation, que  la  sublimité  de  son  ministère 
jt  l'exposait  à  des  occasions  plus  fréquentes  de 

r  chutes  :  «  car  on  a,  dit-il,  recours  de  tous 

les  endroits  de  la  terre  au  siège  du  bienheu- 
reux apôtre  saint  Pierre,  et  l'Eglise  univer- 
selle, que  le  Seigneur  lui  a  recommandée, 
étant  maintenant  confiée  à  nos  soins,  nous 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


179 


avons  à  soutenir  une  charge  d'autant  plus 
pesante,  que  nos  devoirs  sont  plus  étendus, 
puisqu'ils  regardent  tout  le  monde.  »  Mais  il 
avoue  aussi  qu'il  ne  s'appuyait  point  sur  ses 
propres  forces  pour  remplir  les  devoirs  de 
son  ministère;  qu'il  ne  pouvait  rien  sans  le 
secours  de  Jésus-Christ,  l'auteur  et  le  prin- 
cipe de  tout  bien,  et  qu'il  mettait  toute  sa 
confiance  dans  sa  protection,  sachant  que 
tout  son  pouvoir  venait  de  lui.  » 

2.  Les  six  sermons  suivants  sont  sur  les  sermoi,. 
Collectes  ou  les  Quêtes  que  l'on  faisait  pour  iMterp.'^îi" 
les  pauvres  dans  les  diverses  églises  de  sermon  e, 
Rome.  Du  temps  de  saint  Léon  on  les  faisait 
non-seulement  le  dimanche ,  mais  le  lundi, 
le  mardi  et  en  d'autres  jours  de  la  semaine  ; 
mais  ce  saint  Pape  avait  coutume  d'avertir 
dans  ses  sermons  des  jours  auxquels  on  fe- 
rait ces  quêtes.  Le  sujet  de  ces  six  sermons 
est  l'aumône  :  le  saint  Pape  en  fait  voir  les 
grands  avantages.  «  C'est  amasser,  dit-il,  un 
trésor  dans  le  ciel,  que  de  nourrir  Jésus-Christ 
en  nourrissant  le  pauvre  ;  mais  il  faut  le  soula- 
ger avec  promptitude  et  avec  ioie.  Outre  le 
baptême  dans  lequel  toutes  les  taches  des 
péchés  ont  été  effacées,  l'aumône  a-  été  di- 
vinement instituée  pour  raclieter  les  crimes 
que  nous  pouvons  commettre  pendant  notre 
séjour  sur  la  terre.  Si  nous  ne  sommes  pas  ,,  p,g,B6 
tous  dans  le  pouvoir  de  faire  les  mêmes  lar- 
gesses, nous  devons  au  moins  avoir  tous  une 
égale  piété  et  la  même  intention,  la  libéra- 
lité des  fidèles  ne  se  mesurant  point  au  poids 
de  l'or,  ni  par  la  grandeur  des  présents , 
mais  sur  l'intention  et  la  bienveillance;  il  .     „  ,., 

'  8,pjg.  56. 

taut  surtout  user  d'une  diligence  ingénieuse, 
pour  découvrir  celui  que  la  honte  retient.  Il 
y  en  a  plusieurs  qui  n'osent  demander  publi- 
quement les  choses  dont  ils  ont  besoin,  ai- 
mant mieux  souffrir  les  incommodités  d'une 
misère  cachée  et  secrète,  que  de  souffrir  la 
confusion  qu'ils  auraient  en  demandant  l'au- 
mône à  découvert.  On  doit  user  d'adresse 
pour  les  déterrer  et  pour  soulager  des  be- 
soins qu'ils  rougissent  de  découvrir,  afin 
qu'ils  aient  une  double  consolation,  voyant 
qu'on  les  soulage  dans  leurs  nécessités  en 
ménageant  leur  pudeur.  Dieu  n'est  pas  seu- 
lement l'auteur  et  le  principe  des  richesses 
spirituelles,  nous  tenons  aussi  de  sa  bonté 
les  temporelles  ;  il  nous  demandera  compte 
de  l'usage  que  nous  en  aurons  fait,  parce 
qu'il  nous  les  donne  afin  que  nous  en  fassions 
part  aux  autres,  et  non  pour  les  garder.  La 
chaiité  envers  les  pauvres  nous  est  tellement 


3,  P»S 


180 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


Sermon  10, 
pag.  59. 


S  er  mo  T]  s 
sur  le  .leùne 
du  dixième 
mois. 


Sermon  IS , 
pag.  67. 


16,  pag.  6.Ï. 


1l,pag.  60. 


recommandée,  que  les  autres  vertus,  sans 
elle,  ne  peuvent  servir  de  rien.  Soyez  fidè- 
les, soyez  chastes,  soyez  sobres  tant  qu'il 
vous  plaira;  ajoutez  tous  les  ornements  des 
autres  vertus  :  si  vous  n'avez  point  de  zèle 
pour  les  pauvres.  Dieu  ne  vous  fera  point 
miséricorde.  Que  reprochera-t-on  à  ceux  qui 
seront  à  la  gauciae  du  Juge  au  dernier  jour, 
sinon  leur  manque  de  charité  ,  leur  dureté  , 
leur  inhumanité,  les  secours  qu'ils  auront 
refusés  aux  pauvres?  Il  semble  qu'on  ne 
comptera  aux  prédestinés  que  le  zèle  qu'ils 
auront  eu  pour  les  pauvres,  et  qu'on  ne  con- 
damnera dans  les  réprouvés  que  leur  négli- 
gence envers  les  mêmes  pauvres,  comme  si 
Dieu  n'avait  point  d'égard  aux  autres  vices 
et  aux  autres  vertus.  L'on  mettra  à  un  si 
haut  prix,  au  jugement  dernier,  cette  charita- 
ble libéralité;  l'on  traitera  si  rigoureusement 
cette  impitoyalDle  avarice,  que  l'une  tiendra 
la  place  de  toutes  les  autres  vertus,  et  l'autre 
sera  regardée  comme  l'assemblage  de  tous 
les  vices.  La  première  ouvrira  la  porte  du 
ciel  aux  élus;  l'autre  précipitera  les  réprou- 
vés dans  le  feu  éternel.  »  Saint  Léon  attribue 
aux  Apôtres  et  aux  saints  Pères,  l'institution 
des  collectes.  11  dit  qu'ils  les  ont  instituées 
dans  des  temps  où  la  superstition  païenne 
redoublait  son  faux  zèle  envers  les  démons, 
afin  que  les  aumônes  que  les  fidèles  donne- 
raient aux  pauvres  combattissent  en  quelque 
manière  ces  hosties  profanes  que  des  impies 
ofiïaient  à  leurs  faux  dieux,  et  que  cette  sainte 
pratique  ayant  été  très-utile  à  l'augmentation 
de  l'Eglise,  on  l'avait  continuée  jusqu'à  son 
temps,  où  ceux  qui  étaient  dans  le  besoin, 
recevaient  de  l'Eglise  de  quoi  se  soulager 
par  les  libérahtés  des  fidèles. 

3.  Suivent  neuf  sermons  sur  le  Jeûne  du 
dixième  mois,  c'est-à-dire  de  celui  que  l'on 
pratiquait  en  hiver  dans  le  mois  de  décem- 
bre. Il  distingue  les  jeûnes  en  la  manière 
que  nous  le  faisons  aujourd'hui.  «  L'Eglise, 
dit-il,  a  assigné  des  jeûnes  à  toutes  les  sai- 
sons de  l'année  par  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit,  afin  que  les  fidèles  se  souvinssent 
qu'ils  devaient  pratiquer  l'abstinence  en  tout 
temps.  Le  jeûne  du  printemps  s'observe  pen- 
dant le  carême  ;  celui  d'été  à  la  Pentecôte; 
le  jeûne  de  l'automne  est  dans  le  septième 
mois;  et  celui  de  l'hiver  dans  le  dixième.  » 
Ce  jeûne  durait  trois  jours,  le  mercredi,  le 
vendredi  et  le  samedi.  Il  l'appelle  avec  nous 
le  jeûne  des  Quatre-Temps.  L'homme,  dit-il, 
a  éié  créé  à  l'imaoe  et  à  la  ressemblance  de 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

Dieu,  afin  qu'il  tâchât  d'imiter  les  perfections 
de  son  Créateur  :  car  la  dignité  de  notre 
condition  naturelle  consiste  à  représenter 
en  nous  comme  dans  un  miroir  quelques 
traits  de  la  Majesté  divine.  Si  la  ressemblance 
des  mœurs  et  des  inclinations  lie  fortement 
l'amitié  parmi  les  hommes,  quels  efforts  ne 
devons-nous  point  faire  sur  la  volonté  de 
Dieu?  Saint  Léon  fait  l'application  de  ces 
principes  à  la  charité,  et  dit  que  Dieu  nous 
brûle  du  feu  de  son  amour,  afin  que  non- 
seulement  nous  l'aimions ,  mais  que  nous 
aimions  aussi  notre  prochain.  Tous  les  hom- 
mes sont  compris  sous  ce  nom,  puisque  la 
nature  humaine  nous  est  commune  à  tous, 
soit  qu'ils  soient  nos  amis  ou  nos  ennemis, 
libres  ou  esclaves;  nous  sommes  tous  sortis 
des  mains  du  même  Créateur;  nous  jouissons 
du  même  ciel,  et  nous  respirons  le  même 
air;  les  jours  et  les  nuits  sont  également 
partagés  pour  nous.  Quoique  parmi  les  hom- 
mes, les  uns  soient  bons  et  les  autres  mé- 
chants, Dieu  répand  ses  bienfaits  sur  tous. 
Saint  Léon  tire  un  autre  motif  de  l'amour  que 
nous  devons  à  notre  prochain,  de  la  con- 
duite que  l'Eglise  garde  envers  tout  le 
inonde  ;  elle  reçoit  en  son  sein  toutes  les  na- 
tions; elle  permet  qu'on  ente  l'olivier  sau- 
vage sur  l'olivier  franc;  elle  se  réconcilie 
avec  ceux  qui  étaient  ses  ennemis  déclarés; 
elle  adopte  les  étrangers  et  les  met  au  nom- 
bre de  ses  enfants  ;  elle  sanctifie  les  pécheurs 
et  en  fait  des  gens  de  bien. 

Il  ne  s'étend  pas  beaucoup  dans  le  pre- 
mier discours  sur  les  avantages  et  les  obliga- 
tions du  jeûne;  il  dit  seulement  que  celui  du 
dixième  mois  est  établi  par  la  tradition  des 
Apôtres,  et  en  général,  que  le  jeûne  amortit 
les  mouvements  déréglés  de  la  chair.  Il  dit 
dans  le  suivant  que  le  jeûne  est  une  espèce 
de  tribut  que  nous  offrons  à  Dieu,  en  recon- 
naissance des  fruits  de  la  terre  qu'il  a  eu  la 
bonté  de  nous  donner;  que  rien  n'est  plus 
propre  à  nous  sanctifier  que  le  jeûne  ;  qu'il 
donne  la  force  de  résister  au  démon  et  de 
dompter  les  vices  de  la  chair;  qu'il  est  la 
nourriture  de  la  vertu  et  la  mère  des  bonnes 
pensées,  des  désirs  justes  et  raisonnables, 
et  des  conseils  salutaires;  qu'il  n'est  pas 
toutefois  l'unique  instrument  de  notre  salut, 
que  l'on  doit  y  ajouter  la  charité  envers  les 
pauvres,  en  sorte  que  nous  donnions  à  la 
vertu  ce  que  nous  dérobons  au  plaisir,  et 
que  ce  que  nous  retranchons  par  le  jevme, 
soit  la  portion  du  pauvre.  Dans  le  troisième 


Sermon  1; 
pag.  01. 


[V"  SIÈCLE.] 

discours  sur  le  même  sujet,  il  remarque  que 
les  démons  redoublent  leurs  efTorts  et  leurs 
artifices  contre  nous,  pour  nous  traverser 
dans  la  pratique  de  la  vertu;  qu'ils  font 
craindre  la  disette  à  ceux  qui  auraient  plus 
de  penchant  à  donner  l'aumône;  qu'ils  exa- 
gèrent aux  autres  la  peine  du  jeûne,  ce  qui 
fait  que  plusieurs  ne  l'observent  pas  avec 
exactitude.  Il  enseigne  dans  le  quatrième 
que,  quoique  le  jeûne  du  dixième  mois  soit 
une  pratique  tirée  de  l'ancienne  loi,  ce  n'est 
pas  une  raison  de  s'en  dispenser,  parce  que 
les  préceptes  qui  regardent  le  jeûne  n'ont 
pas  été  abolis  par  la  loi  nouvelle. 

Il  insiste  fortement  dans  le  cinquième,  sur 
l'obligation  où  sont  les  riches  de  faire  part 
de  leur  bien  aux  pauvres.  Tout  ce  que  les 
campagnes  produisent  sont  autant  d'effets 
de  la  libéralité  de  Dieu.  La  raison  humaine 
n'est  pas  assez  éclairée  pour  disposer  ulile- 
ment  les  causes  naturelles,  afin  qu'elles  pro- 
duisent sûrement  leurs  effets,  si  Dieu  ne  les 
préparait  lui-même  par  les  qualités  qu'il 
leur  imprime.  La  piété  et  la  justice  exigent 
donc  de  nous  que  nous  fassions  part  aux  au- 
tres des  choses  que  Dieu  nous  donne  si  libéra- 
lement, afm  que,  suppléant  à  leur  indigence, 
ils  se  joignent  à  nous  pour  bénir  Dieu  de  la 
fécondité  de  la  terre.  Dans  ce  discours  et  dans 
quelques-uns  des  suivants,  saint  Léon  parle 
beaucoup  de  l'hérésie  des  manichéens,  qu'il 
représente  comme  un  amas  de  toutes  sortes 
d'ordures. 

Dans  le  sixième,  il  déclame  contre  les  usu- 
riers. De  quelque  manière  que  les  choses  tour- 
nent à  un  usurier,  soit  que  son  fonds  croisse  ou 
diminue,  sa  condition  est  toujours  mauvaise, 
car  ou  il  devient  malheureux  en  perdant  ce 
qu'il  a  prêté,  ou  il  est  coupable  en  recevant 
ce  qu'il  n'a  pas  donné.  Il  rapporte  sur  ce  su- 
jet l'endroit  du  psaume  xrf',  qui  déclare  ex- 
clu du  tabernacle  de  Dieu,  celui  qui  prête  à 
usure.  En  comparant  à  la  culture  de  la  terre 
celle  que  nous  devons  donner  à  notre  âme, 
il  enseigne  que  nous  devons  fortifier  notre 
faiblesse  par  les  exercices  spirituels,  afin  que 
notre  âine,  devenue  féconde,  produise  les 
fruits  de  toutes  sortes  de  vertus  ;  que  la  foi 
en  est  comme  le  germe  ;  que  l'espérance  y 
donne  l'accroissement;  que  la  charité  les  fait 
mûrir,  et  que  les  pénitences  et  les  prières 
ont  leur  dernière  perfection  quand  elles  sont 
secondées  par  le  mérite  de  l'aumône  ;  qu'il 
ne  suffit  pas,  toutefois,  de  s'interdire  seule- 
ment l'usage  des  viandes,  qu'il  faut  encore 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON ,  PAPE. 


181 


Sermon  18, 
paj.  07. 


étouffer  tous  les  désirs  de  la  chair,  renoncer 
à  ses  mauvaises  volontés  et  se  défaire  de 
l'habitude  du  péché.  Il  ne  veut  pas  que  per- 
sonne se  dispense  défaire  des  bonnes  œuvres 
sous  le  prétexte  de  n'avoir  pas  même  de  quoi 
subvenir  à  ses  propres  besoins.  «  Le  peu  que  ".  p^s-  es, 
l'on  donne,  dit-il,  est  toujours  d'un  grand 
mérite  ;  l'on  ne  pèse  point  dans  les  balances 
de  la  justice  divine  le  présent  selon  la  quan- 
tité, on  n'examine  que  le  cœur  et  l'intention. 
La  veuve  dont  il  est  parlé  dans  l'Evangile, 
ne  mit  dans  le  tronc  que  deux  oboles,  qui 
furent  d'un  plus  grand  prix  que  les  dons  ma- 
gnifiques des  riches.  Quelque  petite  que  soit 
l'aumône,  Dieu  ne  la  trouve  point  méprisa- 
ble ;  elle  n'est  jamais  infructueuse.  Dieu  a 
partagé  inégalement  les  richesses  entre  tous 
les  hommes  ;  mais  il  veut  que  tous  aient  la 
même  volonté  de  faire  du  bien  ;  que  chacun 
considère  ce  qu'il  possède  ;  que  ceux  qui  ont 
davantage  en  donnent  à  proportion.  Ce  que 
les  fidèles  se  retranchent  par  l'abstinence ,  doit 
être  la  nourriture  des  pauvres;  ce  qu'ils  se 
refusent  à  eux-mêmes  par  vertu,  doit  être 
destiné  à  secourir  ceux  qui  sont  dans  le  be- 
soin. Quoique  la  sobriété  soit  un  excellent 
remède  pour  les  infirmités  des  corps  et  des 
âmes,  cependant  les  jeûnes  ne  sont  pas  d'un 
grand  mérite  si  la  charité  ne  les  sanctifie. 
L'aumône  est  une  espèce  de  baptême,  elle 
en  a  l'efficace;  car  de  même  que  l'eau  éteint 
le  feu,  ainsi  l'aumône  eflace  les  ordures  du 
péché.  » 

■4.  Il  y  a  dix  sermons  sur  la  Fête  de  la  Na- 
tivité de  notre  Seigneur  Jésus- Christ,  dans 
chacun  desquels  saint  Léon  explique  en  dif- 
férentes manières  le  mystère  de  l'Incarna- 
tion. Le  Fils  de  Dieu,  après  la  plénitude  des 
temps  marqués  par  les  décrets  impénétrables 
de  la  sagesse  divine,  s'est  revêtu  de  la  nature 
humaine  pour  la  réconcilier  avec  son  créateur, 
et  afin  que  le  démon,  auteur  de  la  mort,  fût 
vaincu  par  les  mêmes  armes  dont  il  s'était 
servi  pour  vaincre.  La  nativité  de  ce  Sauveur 
a  été  exempte  de  la  loi  commune  du  péché. 
Une  vierge  de  la  race  de  David  fut  choisie 
pour  donner  au  monde  cet  enfant  merveil- 
leux qu'elle  devait  concevoir  en  son  esprit 
avant  de  le  concevoir  dans  son  sein.  Pour 
empêcher  qu'un  prodige  si  surprenant  ne  lui 
causât  du  trouble  et  de  la  crainte  si  elle  n'eût 
eu  aucune  connaissance  des  desseins  de  la 
Sagesse  éternelle,  l'ange  du  Seigneur  l'ins- 
truisit pleinement  du  mystère  qui  se  devait 
opérer  en  elle.  Le  titre  de  Mère  de  Dieu  ne 


Sermons 
sur  1,1  Nali- 
viLé  de  ■Iè£us- 
Cbriit. 


Sermon  20, 


182 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


lui  fit  point  appréhender  que  sa  pudeur  dût 
être  blessée.  Comment  serait-elle  entrée  en 
défiance  pour  la  nouveauté  de  ce  prodige, 
puisqu'on  l'assura  qu'il  serait  opéré  par  la 
vertu  du  Très-Haut?  Sa  foi  fut  préparée  par 
l'authenticité  d'un  miracle  dont  elle  fut  té- 
moin elle-même.  Elisabeth,  dans  un  âge 
avancé,  se  trouva  inopinément  féconde;  le 
même  Dieu  qui  avait  donné  la  fécondité  à 
une  femme  stérile,  pouvait  bien  la  donner  à 
une  vierge.  Le  propre  Fils  de  Dieu^  qui  était 
avec  Dieu  dès  le  commencement,  par  qui 
toutes  choses  ont  été  faites,  sans  rien  perdre 
de  sa  grandeur  et  de  sa  majesté,  s'est  revêtu 
de  notre  bassesse,  et  demeurant  toujours  ce 
qu'il  était,  il  s'est  fait  ce  qu'il  n'était  pas.  Il 
a  uni  la  forme  d'un  esclave  à  cette  substance 
divine  qui  le  rend  égal  à  son  Père,  alfiant 
tellement  ces  deux  natures,  que  l'inférieure 
n'a  point  été  absorbée  par  la  gloire  et  la  ma- 
jesté de  la  supérieure,  et  que  la  grandeur  de 
.la  supérieure  n'a  point  été  blessée  par  la 
bassesse  de  l'inférieure;  les  deux  substances 
ont  conservé  leurs  attributs  particuliers  et 
se  sont  réunies  dans  une  seule  personne.  La 
majesté  s'est  revêtue  de  l'humilité,  la  force 
a  été  jointe  à  l'infirmité,  et  la  mortalité  à 
l'immortalité.  Pour  payer  les  dettes  du-genre 
humain,  une  nature  passible  s'est  unie  à  une 
nature  impassible.  Jésus-Christ  est  tout  en- 
semble vrai  Dieu  et  vrai  homme,  afin  que 
celui  qui  était  venu  pour  être  le  médiateur 
entre  Dieu  et  les  hommes,  pût  mourir  à  cause 
de  son  humanité,  ressusciter  à  cause  de  sa 
divinité,  et  remédier  parla  à  tous  nos  maux. 
Sermon  21,  Ce  quB  uous  croyons  de  la  naissance  de 
''°*'"'  Jésus-Christ  est  au-dessus  de  l'usage  et  des 
règles  ordinaires  ;  mais  il  est  appuyé  sur 
l'autorité  et  la  puissance  de  Dieu.  Voilà  le 
motir  qui  nous  porte  à  croire  qu'une  fille  a 
conçu,  qu'elle  a  enfanté  et  qu'elle  est  de- 
meurée vierge.  11  ne  faut  point  s'arrêter  à 
l'état  et  à  la  condition  de  la  mère,  il  faut 
considérer  la  volonté  toute-puissante  de  celui 
qui  naît  de  la  manière  qu'il  a  voulu.  Si  vous 
voulez  savoir  ce  qu'il  est,  faites  réflexion  sur 
les  propriétés  de  la  nature  humaine.  Si  vous 
voulez  examiner  la  manière  miraculeuse  dont 
il  est  né,  considérez  combien  est  grand  le 
pouvoir  d'un  Dieu.  Saint  Léon  croit  que  Jé- 
sus-Christ a  choisi  une  vierge  pour  être  sa 
mère,  afin  de  cacher  sa  naissance  au  démon. 
22,  pas.  73.  ^^  déplore  l'aveuglement  des  ariens ,  qui 
n'ont  pu  se  résoudre  à  croire  que  le  Fils  fût 
égal  à  son  Père,  que  ce  fût  la  même  subs- 


Sermon  23, 
pag.  75. 


lance  et  la  même  gloiie.  «  Ils  ont,  dit- il, 
fondé  leurs  faux  raisonnements  sur  les  attri- 
buts qui  lui  conviennent  en  tant  qu'homme; 
mais,  pour  montrer  que  ce  n'est  que  la  même 
personne,  il  disait  :  Mon  Père  et  moi  sommes  •'™°-  ^' 
U7ie  même  chose.  Si  on  regarde  Jésus-Christ 
sous  la  forme  d'un  esclave  qu'il  a  prise  dans 
le  temps,  pour- nous  racheter,  il  est  au-des- 
sous de  son  Père  ;  mais  si  on  l'envisage  par 
rapport  à  sa  divinité  qui  est  éternelle,  il  est 
égal  à  son  Père.  Les  deux  natures  ont  con- 
servé toutes  leurs  perfections  sans  le  mélange 
d'aucune  imperfection.  Si  la  divinité  n'em- 
pêche pas  qu'il  n'ait  pris  la  forme  d'esclave, 
les  faiblesses  de  l'humanité- ne  font  aucun 
tort  à  la  gloire  de  la  divinité.  L'union  de  la 
faiblesse  humaine  avec  la  toute-puissance, 
est  cause  que  le  Fils  de  Dieu  se  met  au-des- 
sous de  son  Père  ;  mais  la  divinité  qui  est  la 
même  dans  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit, 
et  qui  en  fait  une  Trinité  adorable,  doit  ban- 
nir tout  soupçon  d'inégalité.  » 

Saint  Léon  fait  voir  que  les  figures  et  les 
promesses  qui  avaient  commencé  à  nous  ins- 
truire, ont  été  accomplies  par  l'incarnation 
du  Verbe  ;  que  s'il  ne  s'était  fait  homme, 
l'arrêt  de  la  condamnation  porté  contre  notre 
premier  père,  aurait  entraîné  sans  ressource 
tous  ses  descendants,  et  que  la  nature  hu- 
maine, corrompue  par  le  péché  originel , 
n'aurait  point  trouvé  de  remède  à  ses  maux. 
Il  parle  de  diverses  hérésies  qui  se  sont  éle- 
vées sur  le  mystère  de  l'Incarnation,  et  re- 
garde celle  des  manichéens,  qui  niaient  que 
Jésus-Christ  eût  pris  un  vrai  corps,  comme 
la  plus  impie  de  toutes.  «  Que  la  foi  catho- 
lique reconnaisse  sa  gloire  dans  l'humihté 
du  Sauveur;  que  l'Eglise  se  réjouisse  de  ce 
mystère,  qui  est  le  fondement  du  salut  des 
fidèles.  Si  le  Verbe  ne  s'était  pas  fait  chair,  et 
n'eût  pas  habité  parmi  nous,  la  mort  aurait 
exercé  son  règne  et  sa  domination  depuis 
Adam  j  usqu'à  la  fin  des  siècles.  L'arrêt  de  con- 
damnation qui  réprouve  les  hommes,  aurait 
toujours  subsisté,  puisqu'ils  étaient  tous  éga- 
lement exposés  à  périr  par  le  malheur  de  leur 
naissance.  »  Ce  saint  pape  remarque  qu'en 
adorant  la  nativité  de  noti'e  Sauveur,  nous 
célébrons  en  même  temps  notre  naissance  à 
la  grâce,  puisque  la  divinité  de  Jésus-Christ 
est  l'origine  du  peuple  chrétien,  et  que  le 
corps  nait  en  même  temps  que  le  chef. 
Cette  naissance  nous  a  apporté  la  paix  avec 
Dieu,  et  cette  paix  consiste  à  vouloir  tout  ce 
qu'il  commande,  et  à  s'abstenir  de  tout  ce 


pag.  77. 


25,  pag.  79. 


[V=  SIÈCLE.] 

qu'il  défend. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


183 


Elle  nous  interdit  par  consé- 
quent foute  amitié  mondaine,  et  nous  fait 
résister  à  tous  les  obstacles  qui  nous  empê- 
chent d'aller  à  Dieu.  Il  y  a  un  crime  égal  à 
dire  qu'il  n'y  a  pas  en  Jésus-Christ  une 
nature  semblable  à  la  nôtre,  ou  de  nier 
qu'il  soit  égal  à  son  Père  en  toutes  cho- 
ses. Tune  et  l'autre  de  ces  vérités  étant  ap- 
puyées de  l'autorité  divine.  C'est  ce  qu'il 
prouve  par  le  premier  chapitre  de  l'Evan- 
gile selon  saint  Jean.  Il  s'élève  avec  force 
contre  une  superstition  qui  s'était  introduite 
paj'mi  les  chrétiens.  «  Ils  vont,  dit-il,  sur  les 
lieux  les  plus  élevés  pour  adorer  le  soleil  le- 
vant, et  ils  sont  tellement  ]3ersuadés  que  ce 
culte  superstitieux  est  un  acte  de  religion, 
que  lorsqu'ils  ont  monté  les  degrés  de  la  basi- 
lique de  Saint-Pierre,  dédiée  au  seul  et  vrai 
Dieu,  avant  d'entrer  dans  l'église,  ils  se 
tournent  sur  la  plate-forme  vers  le  soleil  le- 
vant, et  font  des  inclinations  de  la  tête  et  de 
tout  le  corps  pour  honorer  cet  astre,  qui  est 
le  principe  de  la  lumière.  Cette  superstition 
qui  vient  en  partie  d'une  ignorance  grossière, 
en  partie  d'un  reste  de  paganisme,  nous  cause 
une  douleur  amère;  quoique  peut-être  plu- 
sieurs, en  s'inclinant  vers  le  soleil,  adorent  le 
créateur  de  cet  astre,  plutôt  que  la  lumière 
qui  n'est  qu'une  créature,  il  vaut  mieux 
s'abstenir  de  cette  espèce  de  culte,  qui  pour- 
rait être  une  pierre  de  scandale  pour  ceux 
qui  renoncent  aux  idoles,  et  un  motif  pour 
reprendre  leurs  anciennes  erreurs,  s'ils  re- 
marquaient que  les  chrétiens  sont  attachés  à 
ces  cérémonies  superstitieuses.  Nous  devons, 
ajoute-t-il,  faire  le  même  usage  des  créatures 
lumineuses  que  des  autres,  et  rapporter  à  la 
gloire  de  Dieu  tout  ce  qu'elles  ont  de  beau  et 
d'utile.  » 

Il  pose  comme  un  principe  certain,  que  le 
Verbe  n'a  pas  été  séparé  un  moment  du 
corps,  qu'il  s'est  formé  dans  le  sein  de  la 
Vierge,  depuis  que  ce  saint  corps  a  été  ani- 
mé ;  et  c'est  sur  ce  principe  qu'il  taxe  Nes- 
toriusde  témérité  et  de  blasphème, pouravoir 
dit  que  la  bienheureuse  Vierge  n'a  mis  au 
monde  qu'un  homme  comme  les  autres,  et 
que  le  Verbe  n'a  point  été  uni  au  corps  de 
Jésus-Christ,  en  sorte  que  le  Fils  de  Dieu  ne 
serait  pas  Fils  de  l'homme.  «  Si  la  nature  di- 
vine, dit  ce  saint  Pape,  n'a  pas  été  unie  à  la 
nature  humaine  dans  l'Incarnation,  ou  si  ces 
deux  natures  ont  été  réduites  à  une,  il  faut 
conclure  que  la  seule  divinité  est  née  dans 
le  sein  de  Marie  ;  qu'elle  s'est  nourrie  et  ac- 


Serinon  2li, 


crue  en  apparence,  et  sans  parler  des  autres 
accidents  auxquels  la  nature  humaine  est 
sujette,  il  faut  dire  que  la  seule  divinité  a  été 
crucifiée,  qu'elle  est  morte,  qu'elle  a  été  en- 
sevelie. » 

Ce  raisonnement  est  contre  l'hérésie  d'Eu- 
tychès,  à  laquelle  il  oppose  la  doctrine  de 
l'Eglise,  qu'il  explique  en  ces  termes  :  n  L'hu- 
manité a  tellement  été  jointe  à  la  divinité 
dans  une  unité  de  personne,  que  Jésus-Christ 
n'a  point  été  conçu  sans  la  divinité,  qu'il 
n'est  point  venu  au  monde,  qu'il  n'a  point 
pris  de  nourriture  et  d'accroissement  sans 
elle.  Le  même  qui  a  fait  tant  de  miracles,  a 
souffert  toutes  sortes  d'affronts;  il  a  pu  être 
crucifié  à  cause  de  l'infirmité  humaine;  il  est 
mort  ;  il  a  été  enseveh  ;  mais  il  s'est  ressus- 
cité le  troisième  jour  par  la  toute-puissance 
divine  ;  il  est  monté  au  ciel  ;  il  est  assis  à  la 
droite  de  son  Père.  Il  a  reçu  de  son  Père 
comme  homme  ce  qu'il  lui  a  donné  lui-même 
comme  Dieu.  Si  son  corps  croit  et  se  nourrit, 
son  essence  éternelle  et  immuable  n'en  souf- 
fre aucune  altération;  s'il  s'est  revêtu  d'une 
chair  semblable  à  celle  du  péché,  et  s'il  a 
épousé  les  faiblesses  des  hommes,  il  est  tou- 
jours égal  à  son  Père  dans  l'unité  de  la  divi- 
nité. Soit  que  l'on  regarde  la  naissance  de 
notre  Sauveur  par  rapport  à  la  divinité,  soit  23,  pag.se, 
qu'on  l'envisage  selon  la  chair,  elle  est  tehe- 
ment  au-dessus  des  forces  de  l'éloquence 
humaine,  qu'on  peut  avec  justice  lui  appli- 
quer ces  paroles  d'Isaïe  :  Qui  pourra  expli-  is,ïeL,„,s 
quer  le  mystère  de  sa  génération  ?  Saint  Paul  a 
dit  :  Que  toute  la  plénitude  de  la  divinité  habite 
en  Jésus-Christ  corporellement .  »  Ce  que  saint 
Léon  explique  en  cette  manière  :  «  Toute  la 
divinité  remplit  tout  le  corps  du  Fils  de  Dieu, 
et  comme  rien  ne  manque  à  cette  majesté 
souveraine,  qui  remplit  toute  la  demeure 
qu'elle  occupe  ;  ainsi  toutes  les  parties  du 
corps  de  Jésus-Christ  sont  pénétrées  par  la 
divinité  qui  habite  en  lui.  » 

Après  avoir  expliqué  dans  tous  ces  discours 
ce  que  la  foi  nous  enseigne  sur  le  mystère 
de  l'Incarnation  ,  le  saint  Pape  conclut  qu'il 
faut  croire  cette  vérité  pour  être  chrétien, 
vrai  Israélite,  enfant  de  Dieu  et  héritier  lé- 
gitime de  ses  promesses.  11  ajoute  que  tous 
les  saints  qui  ont  précédé  le  temps  de  la 
venue  de  notre  Sauveur,  ont  été  justifiés 
par  cette  foi,  qui  les  a  faits  en  quelque  ma- 
nière membres  du  corps  de  Jésus -Christ. 
«  Ils  attendaient  la  rédemption  des  fidèles, 
et  le  Sauveur  qui  devait  naître  de  la  race 


Culoss.  II,  8. 


184 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


d'Abraham,  suivant  les  promesses  faites  à  ce 
patriarche.    Saint  Matthieu,   pour  montrer 
qu'elles  ont  été  accomplies  en  Jésus-Christ, 
parcourt  toutes   les  générations  et  fait  voir 
l'ordre  dans  lequel  les  bénédictions  avaient 
été  préparées.  Saint  Luc  ne  suit  pas  le  même 
ordre  ;  il  commence  par  la  naissance  de  Jé- 
sus-Christ pour  faire  connaître  sa  généalogie, 
en  remontant  jusqu'à  sa  source  :  mais  il  fait 
voir  également  que  tous  les  degrés  de  suc- 
cession ont  rapport  au  Messie,  qui   devait 
être  le  Sauveur  du  genre  humain.  » 
Sermons       5.  Les  scrmous  sw  la  Fête  de  l'Epiphanie 
'IL  "'"''  '"  sont  au  nombre  de  huit.  Une  étoile  d'une 
nouvelle  beauté  apparut  à  trois  mages  dans 
l'Orient.  Par  l'éclat  de  cet  astre,  on  comprit 
aisément  qu'il  n'avait  point  été  créé  en  vain. 
Celui   qui  avait  donné   ce  signal  fit  naître 
l'envie  de  chercher  ce  qu'il  signifiait,  et  per- 
mit que  ceux  qui  le  chercliaient  le  trouvas- 
sermon  30,  sent  en  effet.  Mais  en  même  temps  qu'ils  sui- 
"^'    '         vaient  la  route  que  leur  traçait  cette  lumière 
supérieure,  la  lumière  intérieure  de  la  grâce 
les  conduisit  à  la  connaissance  de  la  vérité. 
si.pag.so.  Cette  étoile  pouvait  conduire  les  mages  au 
lieu  oii  Jésus-Christ  était  né,  sans  les  faire 
passer  par  Jérusalem,  comme  elle  fit  à  leur 
retour  ;  mais  les  choses  furent  disposées  de 
la  sorte,  pour   confondre   l'endurcissement 
des  Juifs,  et  afin  que  la  naissance  du  Sau- 
veur fût  manifestée,  non-seulement  par  l'ap- 
parition  d'une   nouvelle  étoile,  mais  aussi 
par  le  témoignage  des  scribes  nnêmes.  Les 
prophéties  le  divulguaient  déjà  par  le  moyen 
des  mages  pour  l'instruction   des   Gentils; 
les   infidèles   apprenaient   que   Jésus-Christ 
promis  par  les  oracles,  était  venu  au  monde. 
Les  Juifs  professaient  de  bouche  la  vérité  ; 
mais  ils  cachaient  le  mensonge  dans  leur  cœur 
et  ils  ne  voulurent  point  aller  voir  de  leurs 
j'eux  celui  dont  ils  facilitaient  la  connais- 
sance aux  autres  parles  oracles  de  nos  livres 
sacrés,  a  Pourquoi,  leur  dit  saint  Léon,  vous 
fermez-vous  un  chemin  que  vous  ouvrez  aux 
autres  ?  Pourquoi  votre  incrédulité  s'obstine- 
t-elle  à  douter  d'un  mystère  dont  vos  propres 
réponses  ont  donné  l'intelligence?  Vous  faites 
connaître  par  les  oracles  de  l'Ecriture,  où  le 
Messie  est  né,  savoir,  dans  Bethléem,  de  la 
tribu  de  Juda;  les  témoignages  du  ciel  et  de 
la  terre  déterminent  le  temps  de  cette  nais- 
sance  et  vous  ôtent  tous  vos  doutes.  Mais 
depuis  que  la  fureur  d'Hérode  s'est  enflam- 
mée, et  que  ce  prince  cruel  s'est  acharné  à 
persécuter  le  nouveau  roi,  vous  vous  êtes 


endurcis  par  une  obstination  aveugle  à  ne 
rien  croire.  L'ignorance  des  enfants  que  le 
persécuteur  a  fait  massacrer  a  eu  un  succès 
plus  heureux  que  votre  science,  à  laquelle  il 
a  eu  recours  pour  apaiser  les  troubles  dont 
il  était  agité.  Quoique  vous  puissiez  montrer 
le  lieu  où  le  Messie  était  né,  vous  n'avez  pas 
voulu  reconnaître  sa  royauté;  mais  les  inno- 
cents ont  donné  leur  vie  pour  celui  qu'ils  ne 
pouvaient  encore  confesser.Parlà  Jésus-Christ 
en  a  fait  les  prémices  de  ceux  qui  devaient 
dans  la  suite  répandre  leur  sang  pour  lui,  afin 
d'apprendre  an  monde  qu'il  n'y  a  point  d'âge 
si  tendre  où  les  hommes  ne  puissent  être  les 
instruments  de  la  gloire  de  Dieu.  » 

Saint  Léon  nous  fait  regarder  les  mages 
comme  les  prémices  de  notre  foi  et  de  notre 
vocation,  et  le  jour  de  l'Epiphanie  comme 
celui  où  nous  avons  commencé  d'être  les  hé- 
ritiers adoptifs  de  la  gloire  éternelle.  «  Les  sermon 
mages  arrivés  au  lieu  où  était  Jésus-Christ,  ^'^' 
ils  adorent  le  Verbe  sous  la  chair  qui  le  dé- 
robe à  leurs  yeux  ;  ils  reconnaissent  la  sa- 
gesse éternelle  dans  un  enfant ,  la  toute- 
puissance  dans  la  faiblesse,  le  Seigneur  de 
la  majesté  sous  la  figure  d'un  homme.  Pour 
donner  encore  des  marques  plus  authenti- 
ques de  leur  foi  et  de  l'intelligence  qu'ils 
avaient  de  ce  mystère,  ils  font  connaître  les 
secrets  mouvements  de  leur  cœur  par  l'es- 
pèce de  leurs  présents.  Us  offrent  de  l'encens 
à  Jésus-Christ  comme  à  un  Dieu,  de  la  myr- 
rhe comme  à  un  homme,  de  l'or  comme  à 
un  roi  :  persuadés  qu'il  fallait  reconnaître  la 
nature  di\'lne  avec  la  nature  humaine,  réu- 
nies dans  une  seule  personne,  qui  rassem- 
blait les  propriétés  des  deux  natures  sans 
les  confondre.  Après  avoir  adoré  le  Seigneur,  33,  pa-j 
ils  s'en  retournèrent  par  un  chemin  différent 
de  celui  qu'ils  étaient  venus,  soit  parce  que, 
croyant  déjà  en  Jésus-Christ,  il  fallait  qu'ils 
changeassent  de  conduite,  et  que,  renonçant 
à  leurs  anciennes  erreurs,  ils  embrassassent 
une  vie  nouvelle,  soit  parce  qu'il  fallait  se  pré- 
cautionner contre  les  embûches  d'Hérode, 
qui,  pour  cacher  le  dessein  qu'il  avait  formé 
de  perdre  Jésus-Christ,  témoignait  vouloir 
lui  rendre  ses  devoirs.  » 

Avant  que  les  mages  se  missent  en  chemin,  ^^^^^^ 
dit  saint  Léon ,  ils  avaient  connu  par  révéla- 
tion celui  qu'ils  devaient  adorer  dans  l'éta- 
ble  ;  cette  connaissance  était  suffisante  pour 
ce  qui  regardait  les  lumières  de  la  foi;  ce 
qu'ils  croyaient  dès-lors  pouvait  les  dispenser 
de  venir,  dans  un  pays  si  éloigné ,  chercher 


[V  SIÈCLE.] 

un  enfant  ; 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


18S 


il  n'était  pas  nécessaire  qn'ils 
le  vissent  des  yeux  du  corps,  puisqu'ils  le 
voyaient  si  distinctement  des  yeux  de  l'es- 
prit; mais  leur  persévérance  et  leur  em- 
pressement à  chercher  cet  enfant  devaient 
être  d'une  grande  utilité  pour  les  siècles  à 
venir,  comme  il  a  été  très-important  que 
l'apôtre  saint  Thomas  ait  manié  les  plaies  de 
Jésus-Christ  après  sa  résurrection.  Il  se  sert 
de  leur  témoignage  contre  les  manichéens, 
qui  renversaient  la  vérité  de  l'incarnation  du 
Fils  de  Dieu,  en  prétendant  qu'il  est  indigne 
de  la  majesté  de  Dieu  de  se  renfermer  dans 
le  sein  d'une  femme  et  de  s'unir  à  la  sub- 
stance humaine.  Il  défend  aux  fidèles  d'avoir 
aucun  commerce  avec,  ces  sortes  d'héréti- 
ques ;  mais  il  veut  que  l'on  prie  Dieu  pour 
eux  suivant  l'ancienne  coutume  de  l'Eglise. 
Sur  cette  prophétie  de  Jacob,  qui  regarde 
la  venue  du  Messie  :  Le  royaume  ne  sera  pas 
été  de  la  famille  de  Juda,  les  princes  de  sa  race 
se  succéderont  toujours  les  uns  aux  autres,  jus- 
qu'à l'avènement  de  celui  qui  sera  l'espérance 
des  nations,  saint  Léon  dit,  en  parlant  des 
Juifs  :  «  Ils  ne  comprennent  pas  encore  ce 
qu'ils  ne  peuvent  nier,  et  ce  que  les  Ecritures 
leur  ont  appris.  La  vérité  est  un  scandale 
aux  maîtres  insensés  ;  ce  qui  est  lumière 
pour  les  autres,  se  change  en  ténèbres  pour 
les  docteurs  aveugles.  Ces  maîtres  étant  in- 
terrogés, répondirent  que  Jésus-Christ  devait 
naître  en  Bethléem;  mais  ils  ne  profitèrent 
point  de  leur  science,  ni  des  instructions 
qu'ils  donnèrent  aux  autres.  La  succession 
de  leurs  rois  a  été  interrompue  ;  ils  n'ont 
plus  ni  temples,  ni  prêtres,  ni  victimes,  ni 
sacerdoce  ;  ils  voient  assez  que  tout  est  fini 
pour  eux,  que  tous  leurs  privilèges  ont  cessé, 
et  que  tous  les  avantages  dont  ils  se  vantaient 
ont  été  transportés  à  Jésus-Christ.  Ce  que 
trois  mages,  qui  représentaient  toutes  les  na- 
tions, ont  mérité  en  adorant  le  Sauveur,  tous 
les  peuples  du  monde  l'obtiennent  par  la  foi 
qui  justifie  les  pécheurs.  Ils  sont  devenus  les 
héritiers  adoptifs  de  la  succession  de  Dieu, 
tandis  que  ceux  qui  se  regardaient  comme 
les  héritiers  légitimes,  en  ont  été  exclus.  » 
Il  exhorte  les  Juifs  à  renoncer  à  leur  infidé- 
lité, leur  remontrant  que  Jésus-Christ  ne 
s'est  point  rebuté  de  leurs  impiétés,  puisqu'il 
a  prié  pour  eux  lorsqu'ils  le  crucifièrent,  et 
il  ajoute  :  «  Nous  devons  souhaiter  que  ce 
peuple,  qui  a  dégénéré  de  l'ancienne  no- 
blesse de  ses  aïeux,  reprenne  les  droits  de 
sa  première  origine,  et  nous  devons  y  con- 


tribuer de  tous  nos  soins.  Leur  crime  nous  a 
ouvert  le  sein  de  la  miséricorde;  mais  il  faut 
que  notre  foi  leur  inspire  un  ardent  désir  de 
se  remettre  dans  la  voie  du  salut;  il  est  juste 
que  la  piété  et  les  bons  exemples  des  gens 
de  bien  contribuent  au  salut  des  autres,  afin 
qu'on  obtienne  par  l'exemple  d'une  sainte 
vie,  ce  qu'on  ne  peut  obtenir  d'eux  par  les 
paroles.  »  Ce  saint  Pape  dit  encore  que  le 
mystère  que  nous  célébrons  le  jour  de  l'Epi- 
phanie, n'est  pas  tellement  accomph  que  sa 
vertu  et  son  efScacité  ne  soit  toujours  la 
même;  que  nous  ressentons  maintenant  par 
la  bonté  de  Dieu  l'effet  des  merveilles  opé- 
rées dans  les  trois  mages  ;  que  la  même 
chose  s'accomplit  tous  les  jours  dans  ceux 
que  Dieu  éclaire  par  ses  grâces  ;  qu'il  en  est 
de  même  des  effets  de  la  cruauté  d'Hérode  ; 
que  le  démon,  qui  a  pris  sa  place,  l'imite 
dans  ses  fraudes  et  dans  ses  artifices;  qu'il  a 
animé  les  Juifs  par  l'attachement  qu'ils 
avaient  à  la  loi  et  à  leurs  traditions  ;  qu'il 
s'est  servi  des  Gentils  pour  allumer  d'horri- 
bles persécutions,  et  qu'il  a  corrompu  la  foi 
de  plusieurs  par  le  mélange  de  certains  dog- 
mes erronés  :  «  Mais,  ajoute-t-il,  celui  qui  a 
récompensé  les  innocents  de  la  couronne  du 
martyre,  a  dissipé  les  efforts  d'Hérode  eu 
rendant  invincible  la  charité  des  fidèles.  Les 
supplices  et  les  massacres  que  les  tyrans  ont 
fait  souffrir  aux  martyrs,  ont  augmenté  le 
nombre  des  chrétiens.  La  cruauté  des  persé- 
cuteurs a  été  si  avantageuse  à  notre  foi,  que 
les  fidèles  se  trouvent  plus  glorieux  d'être 
les  membres  de  Jésus-Christ,  que  les  enfants 
des  princes  ne  se  glorifient  d'une  naissance 
royale.  La  fureur  des  premières  tempêtes  est 
apaisée,  et  il  y  a  longtemps  que  nous  jouis- 
sons d'une  parfaite  tranquillité,  un  Dieu  en 
trois  personnes  étant  adoré  avec  autant  de 
ferveur  dans  les  palais  des  princes  chrétiens, 
que  dans  les  églises  :  mais  notre  ennemi,  qui 
n'a  pu  nous  abattre  par  des  persécutions  ou- 
vertes, nous  attaque  d'une  manière  plus  ca- 
chée. Il  allume  le  feu  de  l'avarice,  ne  pou- 
vant plus  alarmer  les  chrétiens  par  la  crainte 
de^  proscriptions  ;  il  tâche  de  brûler  par  le  feu 
des  voluptés  ceux  qu'il  ne  peut  plus  tour- 
menter par  les  supplices.  Il  sème  partout  la 
division  et  la  discorde;  il  irrite  la  colère,  il 
envenime  la  médisance,  il  suggère  miUe  dé- 
tours, mille  artifices  criminels  pour  engager 
dans  le  vice  ceux  qui  se  tiennent  le  plus  sur 
leurs  gardes.  Nous  ne  devons  donc  pas  nous 
croire  en  sûreté  pour  avoir  une  liberté  entière 


Sermoa  3S, 


186 


HiSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  faire  profession  publique  de  la  foi,  et  nous 
devons  recourir  aux  armes  spirituelles,  pour 
résister  aux  attaques  de  l'ennemi  de  notre 
salut.  )) 
Sermon  36,       Saint  Léon  relève  la  grandeur  de  la  foi  des 

pag.  97.  " 

mages  qui  adorèrent  Jésus-Christ,  non  dans 
le  temps  qu'il  commandait  an  démon,  qu'il 
ressuscitait  les  morts,  qu'il  rendait  la  vue  aux 
aveugles,  qu'il  faisait  marcher  les  boiteux  et 
parler  les  muets  ;  mais  dans  le  temps  qu'il 
n'était  qu'un  enfant  qui  ne  parlait  point, 
qui  avait  besoin  de  sa  mère,  et  dans  lequel 
on  ne  remarquait  aucun  signe  de  sa  puis- 
sance :  mais  il  dit  que  l'enfance  même  du 
Sauveur  est  un  degré  pour  nous  faire  monter 
à  la  connaissance  de  sa  divinité,  lorsque  nous 
élevons  nos  sens  des  choses  humaines  aux 

37,  psg.ss.  divines,  et  que  si  la  connaissance  de  ses  in- 
firmités abaisse  nos  pensées,  les  prodiges  qui 
accompagnent  sa  naissance  doivent  en  même 
temps  les  élever. 
Sermons       6.  Les  douzo  sermous  sur  le  Carême  roulent 

ïme.  '"  *"*'  presque  tous  sur  l'obligation  où  sont  les  chré- 
tiens de  se  purifier,  pendant  ce  saint  temps, 
de  leurs  fautes  passées ,  et  de  se  préparer, 
par  la  pénitence,  à  la  célébration  de  la  Pâque. 
Saint  Léon  fît  la  plupart  de  ces  discours  à 
l'approche  ou  au  commencement  du  carême. 
Sermon  38,   Ilrcmarque  que  les  Juifs  se  prescrivaient  quel- 

"^'  '  quefois  l'abstinence  du  boire  et  du  manger, 
dans  l'espérance  qu'après  avoir  dompté  la 
gourmandise  "et  leur  propre  sensualité,  ils 
pourraient  vaincre  plus  facilement  leurs  en- 
nemis; qu'il  était  arrivé  en  effet  que  des  na- 
tions fières  et  puissantes  avaient  plié  sous 
l'effort  d'un  peuple  afiamé ,  qu'elles  avaient 
subjugué  ,  tandis  qu'il  faisait  bonne  chère  et 
qu'il  vivait  dans  les  délices.  Notre  situation 
est  à  peu  près  pareille  à  la  leur,  étant  atta- 
qués d'une  infinité  d'ennemis  spirituels  et  in- 
visibles, comme  ils  étaient  environnés  d'une 
foule  d'ennemis  visibles.  Le  moyen  de  nous 
mettre  au-dessus  d'eux  et  de  les  vaincre,  c'est 
de  nous  rendre  les  maîtres  de  nos  passions 
en  les  mortifiant.  Cette  guerre,  que  nous  de- 
vons faire  à  nous-mêmes,  est  d'autant  plus 
nécessaire  en  carême ,  que  les  démons  font 
de  plus  grands  efforts  afin  que  le  mystère  de 
la  Pâque,  qui  devrait  être  pour  nous  une 
source  de  bénédictions,  nous  replonge  dans 
de  nouveaux  crimes  en  nous  en  approchant 
indignement.» 

Saint  Léon  parle  aussi  fort  souvent,  dans 

Sermon  39,  ,  t  t       i  •  x  n        ±    i 

lag.  101.  ces  douze  discours,  de  la  manière  dont  le 
Sauveur  permit  au  démon  de  le  tenter.  «  Il 


ne  le  permit,  dit-il,  que  pour  donner  à  con- 
naître qu'il  était  un  homme  véritable,  afin 
de  confondre  l'erreur  et  tant  d'opinions  im- 
pies qu'ondevaitimaginer  sur  son  humanité. 
Après  un  jeûne  de  quarante  jours,  il  sentit 
les  importunités  de  la  faim  ;  le  démon,  remar- 
quant en  lui  les  signes  d'une  nature  mortelle, 
voulut  avoir  une  connaissance  plus  parfaite 
d'une  puissance  qu'il  redoutait.  Si  vous  êtes,  *'""''•  "•  '■ 
lui  dit-il,  le  Fils  de  Dieu,  commande:  gue  ces 
pierres  deviennent  des  pains.  Jésus-Christ  eût 
pu  faire  ce  miracle,  puisqu'il  était  tout-puis- 
sant et  qu'il  avait  déjà  changé  l'eau  en  vin 
dans  un  festin  de  noces;  mais  il  aima  mieux 
confondre  les  artifices  du  démon  par  son  hu- 
milité et  par  les  témoignages  de  la  loi ,  que 
par  la  toute-puissance  de  sa  divinité.  Ainsi 
les  interrogations  malignes  du  démon  ne  ser- 
virent qu'à  faire  connaître  l'humanité  de  Jé- 
sus-Christ, comme  les  anges  qui  se  présen- 
tèrent pour  le  servir  ont  fait  connaître  sa  di- 
vinité. » 

Sur  ces  paroles  de  Jésus-Christ  au  démon  : 
L'homme  ne  vit  pas  seulement  de  pain,  mais  de  Matib.  it,  *.' 
toute  parole  sortant  de  la  bouche  de  Dieu,  saint 
Léon  s'exprime  ainsi  :  «  Il  faut  que  les  chré- 
tiens, quelque  besoin  qu'ils  aient  de  manger, 
souhaitent  plutôt  de  se  rassasier  de  la  divine 
parole,  que  du  pain  matériel;  à  l'égard  du 
précepte  qui  nous  ordonne  de  jeûner,  il  ne 
faut  pas  se  contenter  précisément  de  la  diète 
et  de  l'abstinence  que  l'on  peut  faire  par  un 
motif  d'avarice  ;  mais  il  faut  accompagner  le 
jeûne  de  ces  mets  exquis  qui  donnent  l'im- 
mortalité, c'est-à-dire  de  sustenter  les  pau- 
vres à  nos  dépens,  de  leur  donner  des  habits 
pour  couvrir  leur  nudité,  de  soulager  les  ma- 
lades, de  servir  d'appui  et  de  soutien  aux 
faibles,  d'adoucir  les  ennuis  des  exilés,  de 
protéger  les  orphelins,  d'être  la  consolation 
des  veuves  désolées.  Il  n'y  a  personne  qui  ne 
puisse  donner  quelques  secours  à  toutes  ces 
espèces  d'infirmités;  on  a  toujours  assez  de 
bien  pour  en  faire  part  aux  autres  quand  on 
a  l'âme  grande  et  généreuse.  La  piété  ne 
mesure  point  son  pouvoir  ni  ses  forces  sur  la 
quantité  de  ses  richesses;  quelque  peu  de 
bien  qu'on  ait,  on  peut  en  faire  un  grand  fond 
de  mérite;  les  riches  peuvent  faire  de  grands 
présents;  ceux  qui  n'ont  qu'un  bien  médio- 
cre n'en  peuvent  faire  que  de  petits  ;  mais  le 
mérite  n'est  pas  inégal  quand  l'affection  est 
la  même.  » 

Le  saint  pape   veut   qu'à  l'exemple  des 
pieux  empereurs  romains,  qui  de  tout  temps 


[V  SIÈCLE.] 

élargissaient,  pendant  le  carême,  une  quan- 
tité de  criminels  et  adoucissaient  la  sévérité 
de  leurs  lois,  nous  pardonnions  les  fautes 
commises  contre  nous,  et  renoncions  au  dé- 
'  sir  de  nous  venger.  Il  ajoute  que,  quoiqu'il 
faille  piincipalement  soulager  les  fidèles  dans 
leurs  nécessités,  on  ne  doit  pas  abandonner 
à  leurs  malheurs  ceux  qui  n'ont  pas  encore 
reçu  l'Evangile,  étant  faits  comme  nous  à  l'i- 
mage de  Dieu.  «  Le  carême,  dit-il,  est  encore 
un  temps  où  nous  devons  travailler  particu- 
lièrement à  apaiser  la  dissension  qui  règne 
entre  notre  esprit  et  notre  corps.  Que  l'âme 
conserve  sa  dignité  et  son  autorité,  et  que  le 
corps  soit  soumis  à  l'esprit  qui  le  doit  con- 
duire. ))  Saint  Léon  prévient  les  fidèles  con- 
tre les  erreurs  des  manichéens,  qui  ne  s'abs- 
tenaient de  certaines  viandes  que  parce  qu'ils 
les  avaient  en  horreur,  pour  outrager  le  Créa- 
teur. «  Leur  abstinence  ,  dit-il ,  ne  sert  qu'à 
les  rendre  plus  criminels  et  plus  impurs.  C'est 
une  chose  louable  de  s'abstenir  des  aliments 
qui  sont  permis,  mais  on  ne  doit  pas  en  con- 
damner la  nature.  »  Il  dit  que  le  carême  est  un 
temps  très-favorable  à  la  sanctification ,  non- 
seulement  pour  ceux  qui  doivent  recevoir  une 
vie  nouvelle  dans  le  baptême  ,  mais  encore 
pour  ceux  qui  sont  déjà  régénérés.  Les  pre- 
miers se  servent  utilement  de  ce  saint  temps 
pour  se  rendre  dignes  de  la  grâce  qu'ils  n'ont 
pas  encore  reçue ,  les  autres  pour  conserver 
ce  qu'ils  ont  déjà;  car  personne  n'est  telle- 
ment établi  dans  la  vertu,  qu'il  puisse  s'assu- 
rer de  sa  persévérance.  Quelque  régulière 
que  soit  notre  vie,  elle  se  sent  toujours  de  la 
fragilité  et  des  imperfections  humaines,  qui 
ternissent  la  beauté  de  l'âme  créée  à  l'image 
de  Dieu.  Il  faut  donc  travailler  à  lui  rendre 
tout  son  éclat  par  la  pénitence.  Si  les  per- 
sonnes les  plus  exactes  ont  besoin  de  renou- 
veler leur  ferveur,  que  doit-on  penser  de 
celles  qui  passent  toute  l'année  dans  la  tié- 
deur? En  vain  ils  se  persuaderaient  que  Dieu 
n'est  point  irrité  ,  parce  qu'ils  n'ont  point  en- 
core vu  des  effets  de  sa  colère.  Le  temps  qui 
borne  la  vie  de  l'homme  est  court,  la  jouis- 
sance des  fausses  voluptés  de  ce  siècle  ne 
dure  pas  longtemps  ;  elles  seront  suivies  de 
douleurs  et  de  peines  éternelles,  si  l'on  n'a 
recours  à  la  pénitence  tandis  que  l'arrêt  de 
la  justice  divine  est  suspendu.  Les  malades 
mêmes  sont  capables  d'un  certain  jeûne,  qui 
consiste  à  s'abstenir  du  péché  et  à  pratiquer 
de  bonnes  œuvres  ;  mais  l'infirmité  du  corps 
est  pour  eux  une  pénitence  suffisante  ;  elle  va 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


187 


même  quelquefois  au-delà  des  pénitences  vo- 
lontaires. Le  jeûne  du  carême  doit  durer  pen- 
dant quarante  jours.  C'est  une  préparation  à 
la  fête  de  Pâques,  pourvu  qu'on  accompagne 
ce  jeûne  des  œuvres  de  la  foi  et  de  la  cha- 
rité. Ces  actes  de  vertu  augmentent  le  mérite 
du  jeûne.  Ce  sont  les  apôtres  qui  l'ont  insti- 
tué par  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  afin  de 
nous  conformer,  par  la  mortification,  à  la 
croix  et  aux  souffrances  de  Jésus-Christ,  pour 
avoir  ensuite  part  à  ses  récompenses.  Ils  ont 
eu  aussi  en  vue  de  nous  préparer,  par  une 
abstinence  de  quarante  jours,  à  la  célébra- 
tion de  la  Pâque,  où  non-seulement  les  évê- 
ques,  les  prêtres  du  second  ordre  et  les  au- 
tres ministres  du  sacrement,  mais  aussi  tous 
les  fidèles  qui  composent  l'Eglise  universelle 
doivent  être  exempts  de  l'ordure  des  vices, 
afin  que  le  temple  de  Dieu,  dont  Jésus-Christ 
est  le  fondateur,  soit  brillant  dans  toutes  ses 
pierres  et  qu'il  éclate  dans  toutes  ses  jjarties.» 
Saint  Léon  marque  clairement  qu'en  ce  saint 
jour  les  fidèles  s'approchaient  de  l'auguste 
sacrement  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ.  Il  dit  que  ni  le  péché  originel,  ni  les 
péchés  personnels  ne  sont  point  un  obstacle 
à  la  justification;  qu'elle  ne  se  donne  point 
au  mérite,  mais  qu'elle  est  un  pur  eflet  de  la 
grâce;  que  ceux  qui  sont  tombés  dans  le  pé- 
ché peuvent  se  laver  dans  les  larmes  de  la 
pénitence  et  se  faire  ouvrir  les  portes  de  la 
miséricorde  en  se  réconciliant  avec  Dieu  ;  que 
les  commandements  de  Dieu  sont  comme  au- 
tant de  miroirs  qui  représentent  l'homme  à 
lui-même  tel  qu'il  est,  pour  lui  faire  connaître 
s'il  est  ressemblant  à  l'image  de  Dieu,  ou  dis- 
semblant; qu'il  ne  dépend  que  de  nous  d'é- 
prouver la  vengeance  ou  la  miséricorde  de 
Dieu,  selon  que  nous  serons  vindicatifs  ou  in- 
dulgents; qu'ainsi  il  est  au  pouvoir  de  l'homme 
de  régler  en  quelque  manière  le  jugement  de 
Dieu,  puisqu'il  sera  traité  de  la  même  façon 
qu'il  aura  traité  ses  égaux. 

7.  Les  dix-neuf  sermons  SMr  la  Passion  du 
Sauveur  ont  été  prononcés  en  difl'érents  jours; 
les  uns  le  dimanche,  les  autres  le  mercredi 
ou  la  quatrième  férié.  Saint  Léon  y  étabfit 
d'abord  la  nécessité  du  mystère  de  l'incar- 
nation et  de  la  foi  en  Jésus-Christ,  même  dans 
l'Ancien  Testament.  Il  fait  voir  que  le  Verbe 
n'a  rien  perdu  de  sa  majesté  en  se  faisant 
homme,  et  que  ce  que  la  nature  passible  a 
souffert,  n'a  fait  aucun  tort  à  la  nature  impas- 
sible; que  le  mystère  que  l'humanité  a  con- 
sommé avec  la  divinité,  a  été  un  efiet  de  la 


Sermon  44, 
pag.  109. 


JS.pag.  111. 
«6,pag. lia. 


47,  pog.  m. 


«8,  pag.ltô 


49,  pai 


Sermons 
sur  la  Passion 
du  Sauveur. 


Sermon  EO, 
pag.  118. 


188 


HISTOIEE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


bonté  de  Dieu;  que  les  liens  dont  nous  étions 
enchaînés  étaient  si  forts,  qu'ils  ne  pouvaient 
être  brisés  que  par  ce  secours.  «  Nous  ne  de- 
vons donc  point,  ajoute-t-il,  rougir  de  la  crois 
de  Jésus-Christ,  puisqu'elle  n'a  point  été  la 
punition  du  péché,  mais  l'ouvrage  de  la  di- 
vine sagesse;  nous  ne  devons  pas  non  plus 
mépriser  les  humiliations  de  celui  qui  a  ren- 
versé d'une  seiile  parole  cette  troupe  impie 
de  soldats  qui  le  cherchaient ,  puisque  ces 
humiliations  étaient  de  son  choix  ;  s'il  ne  l'eût 
pas  permis,  jamais  ses  persécuteurs  n'au- 
raient pu  se  saisir  de  sa  personne.  Mais  com- 
ment les  hommes  auraient-ils  pu  être  sauvés, 
s'il  ne  se  fût  abandonné  à  leur  fureur  en  leur 
permettant  de  la  déployer  tout  entière?  il 
leur  donne  des  signes  de  sa  divinité  en  re- 
mettant miraculeusement  l'oreille  à  l'un  des 
domestiques  du  prince  des  prêtres,  à  qui  saint 
Pierre  l'avait  coupée.  «  Saint  Léon  dit  que  si 
Judas  avait  voulu  faire  pénitence  de  son  crime 
il  en  aurait  obtenu  le  pardon  de  la  bonté  de 
notre  Rédempteur;  mais  il  croit  que  ce  traî- 
tre ne  reconnaissait  pas  Jésus-Christ  pour 
Fils  de  Dieu,  et  qu'il  ne  le  regardait,  dans 
son  désespoir  et  dans  les  horreurs  de  la  mort, 
que  comme  un  homme  ordinaire.  Il  dit,  sur 
la  conversion  du  bon  larron,  quelle  exhorta- 
tion a  pu  lui  inspirer  une  foi  si  vive  :  «  Quelle 
doctrine  l'a  éclairé  de  la  sorte?  s'écrie-t-il; 
quel  est  le  prédicateur  qui  a  allumé  en  son 
sormonsi,  ccBur  ùu  si  grand  zèle?  11  n'avait  point  été  le 
^'^■™-  témoin  des  miracles  que  Jésus-Christ  avait 
opérés;  on  ne  guérissait  plus  alors  de  ma- 
lades, on  ne  ressuscitait  plus  le?  morts;  il  ne 
voyait  encore  aucun  signe  des  prodiges  qui 
se  devaient  manifester  un  moment  après; 
néanmoins  il  confesse  que  Jésus-Christ  est 
son  Roi  et  son  Seigneur,  quoiqu'il  le  voie 
condamné  comme  lui  à  un  infâme  supplice. 
Ce  changement  merveilleux  était  l'effet  de  la 
grâce;  et,  pour  récompenser  sa  foi,  Jésus- 
Luc.  xmi,43.  Christ  lui  répondit  :  Vous  serez  aujourd'hui 
avec  moi  dans  le  paradis.  Cette  promesse  passe 
le  pouvoir  d'un  homme  ordinaire;  elle  part 
plutôt  du  trône  de  la  souveraine  puissance 
que  de  l'arbre  de  la  croix.  C'est  de  là  (jue 
l'on  récompense  la  foi ,  puisque  c'est  de  là 
qu'on  efface  le  crime  de  la  transgression  liu- 
maine.  La  forme  d'un  esclave  n'est  pas  in- 
compatible avec  la  puissance  d'un  Dieu  ;  Jé- 
sus-Christ a  consei'vé  les  attributs  divins  au 
miheu  des  supplices;  la  divinité  est  demeu- 
rée inviolable ,  tandis  que  l'humanité  souf- 
frait. » 


pag.  121. 


Saint  Léon  fait  voir  que  toutes  les  créatures 
qui  ont  rendu  témoignage  à  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ, lorsqu'il  était  attaché  à  la  croix, 
ont  condamné  les  Juifs,  et  que  c'est  avec  jus- 
tice que  l'on  a  fait  aux  Gentils  les  grâces  dont 
les  Juifs  s'étaient  rendus  indignes  par  leur 
impiété.  «  Le  mystère  de  notre  rédemption ,  sermon 
qui  avait  été  annoncé  à  ce  peuple  longtemps 
auparavant,  ne  pouvait  s'accomplir,  dit  ce 
Père,  sans  que  la  divinité  se  revêtît  de  l'in- 
firmité humaine  ;  l'une  et  l'autre  nature 
exercent  les  fonctions  qui  leur  sont  propres, 
en  se  prêtant  mutuellement  leurs  secours. 
Le  Verbe  opère  ce  qui  convient  au  Verbe  ;  le 
corps  fait  ce  qui  convient  au  corps;  l'un  éclate 
par  les  prodiges  qu'il  fait,  l'autre  est  soumis 
aux  injures  et  aux  affronts;  l'un  a  conservé 
la  majesté  qui  le  rend  égal  au  Père  éternel, 
l'autre  n'a  point  été  exempt  des  faiblesses 
attachées  à  la  nature  humaine;  mais,  ens'ex- 
posant  à  ses  infirmités ,  il  n'en  a  point  été 
tellement  accablé,  que  la  puissance  de  la  di- 
vinité en  ait  été  suspendue.  Tous  les  oppro- 
bres et  tous  les  outrages,  toutes  les  peines  et 
tous  les  tourments  que  la  fureur  des  Juifs  a 
fait  souffrir  à  Jésus-Christ,  il  les  a  soufferts 
volontairement  et  sans  y  être  contraint  par 
quelque  nécessité,  se  servant  de  la  malice  de 
ses  persécuteurs  comme  d'un  moyen  propre 
à  la  réparation  du  genre  humain,  en  sorte 
que  ceux  qui  le  faisaient  mourir  pouvaient 
participer  aux  fruits  de  sa  résurrection  et  de 
sa  mort ,  et  être  sauvés  s'ils  l'eussent  voulu. 
Judas  même  pouvait  y  participer,  et  il  ne  de- 
vait point  se  défier  de  la  bonté  de  celui  qui 
ne  l'avait  point  privé  de  la  participation  de 
son  corps  et  de  son  sang.  »  Saint  Léon  re- 
marque que  ces  paroles  de  Jésus-Christ  ;  Mon 
Père,  s'il  est  possible,  faites  que  ce  calice  s'éloi- 
gne de  moi,  qui  témoignent  en  lui  quelque 
crainte,  étaient  des  remèdes  pour  guérir  nos 
infirmités,  auxquelles  le  Fils  de  Dieu  a  bien 
voulu  se  soumettre.  «  C'est  pour  nous  rassu- 
rer, dit-il,  qu'il  a  voulu  craindre;  il  s'est  as- 
sujetti à  nos  faiblesses  pour  guérir  notre  in- 
constance par  sa  fermeté  et  par  son  courage. 
Saint  Pierre  n'aurait  pu  vaincre  sa  peur,  qui 
est  un  effet  de  la  fragilité  humaine,  si  le  vain- 
queur de  la  mort  n'avait  craint  avant  lui.  » 

Saint  Léon  dit  que  la  conversion  de  cet 
apôtre  fut  l'ouvrage  delà  grâce  intérieure  de 
celui  qu'il  avait  renié  un  peu  auparavant.  Il 
regarde  les  deux  voleurs  qui  furent  crucifiés 
avec  Jésus-Christ,  comme  la  figure  des  élus 
et  des  réprouvés  :  «  La  foi  du  voleur  qui  se 


V^  SIlîCLE. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


489 


convertit,  est  le  symbole  de  ceux  qui  doivent 
être  sauvés  ;  l'impiété  du  voleur  qui  blasphé- 
mait en  mourant,  est  le  symbole  des  damnés. 
Sermon  53,   Les  Juifs,  GH  voyaut  Jésus-Christ  sur  la  croix, 
Maîihxxvii.  blasphémaient  en  disant  :  S'il  est  le  roi  d'Is- 
*-'■  '  7'aël,  qu'il  descende  2}7'ésenteinent  de  la  croix,  et 

nous  croirons  en  lui.  Rien  de  plus  mal  fondé 
que  ces  blasphèmes.  Il  n'est  point  écrit  que 
le  Seigneur  devait  descendre  de  la  croix,  mais 
Psaim.xcv    1"^  ^^  Seigneur  a  triomphé  par  le  bois.  La  croix 
'"•  de  Jésus-Christ  est  une  espèce  d'autel  où  la 

nature  humaine  a  été  immolée  comme  une 
hostie  saliitaire  ;  c'est  sur  cet  autel  que  le  sang 
de  l'Agneau  sans  tache  a  effacé  le  crime  de 
l'ancienne  prévarication ,  que  l'empire  tyran- 
nique  du  démon  a  été  détruit,  que  l'humilité 
a  triomphé  de  l'orgueil,  que  la  vertu  de  la 
foi  a  été  si  efficace,  que  des  deux  voleurs  qui 
furent  crucifiés  avec  Jésus-Christ,  celui  qui 
crut  en  lui  fut  justifié  sur-le-champ  et  trouvé 
digne  d'entrer  dans  le  paradis  :  un  moment 
a  suffi  pour  effacer  le  crime  des  vieilles  ha- 
bitudes. » 

Saint  Léon  exhorte  les  fidèles  à  faire  de 
sérieuses  réflexions  sur  la  captivité  dont  ils 
ont  été  délivrés,  à  en  glorifier  Dieu  en  faisant 
connaître,  par  la  sainteté  de  leurs  mœurs, 
qu'il  habite  en  eux,  et  à  graver  fortement  dans 
leur  cœur  le  mystère  de  la  passion  du  Sau- 
veur comme  le  plus  grand  prodige  de  la  mi- 
,,    séricorde  de  Dieu.  Si  la  divinité  toute  seule 

Sermon  B4, 

pjg.  124.  gi^t  racheté  les  pécheurs,  la  victoire  rempor- 
tée sur  le  démon  serait  moins  l'effet  de  la 
raison  que  de  la  toute-puissance  de  Dieu.  Si 
l'humanité  toute  seule  se  fût  employée  pour 
nous  relever  de  notre  chute,  comment  eûl- 
elle  pu  affranchir  la  nature  humaine,  n'étant 
que  delà  même  condition?  Il  a  donc  fallu  que 
la  nature  humaine  fût  unie  avec  la  natui'e  di- 
vine en  Jésus-Christ,  afin  que  la  naissance  et 
la  mort  du  Verbe  fait  chair  pussent  guérir  nos 

„       ,„.    infirmités.  Saint  Léon  fait  sentir  l'extrava- 

65,  pag.  ]2o. 

gance  de  Caïphe  qui,  pour  rendre  la  réponse 
de  Jésus-Christ  plus  odieuse,  déchira  ses  vê- 
tements, sans  faire  réflexion  qu'il  se  dépouil- 
lait, par  cette  fohe,  de  sa  dignité  sacerdotale, 
et  qu'en  déchirant  de  ses  propres  mains  les 
habits  pontificaux^  il  donnait  à  entendre  que 
M,  pas.  126.  l'ancienne  loi  était  prête  à  expirer.  Il  dit  que 
ce  fut  par  une  sage  disposition  de  la  Provi- 
dence que  le  temps  de  Pâque  fut  choisi  pour 
la  passion  de  Jésus-Christ,  parce  qu'il  fallait 
que  l'agneau,  qui  n'était  que  figuratif,  fit 
place  à  l'Agneau  véritable ,  et  que  les  diffé- 
rentes victimes  de  l'ancienne  loi  cédassent  au 


sacrifice  de  la  loi  nouvelle.  «  Tout  ce  que 
Moïse  avait  ordonné  par  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit  touchant  l'immolation  de  l'Agneau, 
c'étaient  autant  de  prophéties  qui  regardaient 
la  personne  de  Jésus-Christ  et  des  figures  de 
sa  mort.  Les  ombres  ont  disparu  à  l'approche 
de  la  réalité  ;  la  présence  de  la  vérité  a  fait 
cesser  les  images ,  le  nouveau  sacrement  a 
banni  les  anciennes  cérémonies,  les  anciennes 
hosties  ont  été  changées  dans  l'hostie  nou- 
velle, le  sang  a  été  ôté  par  le  sang,  les  céré- 
monies légales  ont  eu  leur  perfection  et  leur 
accomplissement  en  cessant  d'être.  Le  Fils  de 
Dieu ,  en  disant  ;  Faites  que  ce  calice  s'éloigne 
de  moi,  laisse  voir  en  sa  personne  des  marques 
delà  fragilité  humaine;  mais  en  ajoutant  : 
Que  votre  volonté  soit  faite,  il  nous  donne  à  en- 
tendre que  nos  craintes  ne  doivent  pas  durer 
toujours.  C'est  cette  résignation  à  la  volonté 
de  son  Père,  qui  a  enflammé  le  zèle  de  tous 
les  confesseurs  et  qui  a  couronné  tous  les 
martyrs'.  Qui  pourrait  en  eflet  supporter  l'im- 
pétuosité des  tentations,  la  fureur  des  persé- 
cutions, si  Jésus-Christ  ne  nous  avait  appris 
à  dire  au  Père  éternel  :  Que  votre  volonté  soit 
faite?  Que  tous  les  enfants  de  l'Eglise,  rache- 
tés à  un  si  grand  prix,  apprennent  cette  leçon. 
Lorsqu'ils  se  trouveront  exposés  à  quelque 
violente  tentation,  qu'ils  aient  recours  à  l'ef- 
ficacité de  la  prière  pour  vaincre  leursfrayeurs 
et  pour  souffrir  patiemment  leurs  peines.  C'est 
en  vain  que  Pilate,  après  avoir  abandonné  à  sermon  57, 
la  fureur  d'un  peuple  injuste  la  vie  d'un  in-  P''s-i2». 
nocent,  se  lave  les  mains.  Cette  cérémonie 
n'efface  pasle  crime  dont  son  cœur  est  souillé; 
l'eau  qu'il  répand  sur  ses  doigts  ne  peut  pas 
expier  les  forfaits  que  son  esprit  a  enfantés.» 
Saint  Léon  exphque  du  bois  de  la  croix  de 
Jésus-Christ,  qui  lui  tenait  en  quelque  façon 
lieu  de  sceptre,  ce  que  nous  lisons  dans  Isaïe  : 
//  nous  est  né  un  enfant  qui  porte  sur  ses  épaules  j^j,_  ^^ 
les  marques  de  sa  royauté.  Sur  ces  paroles  de 
Jésus-Christ  en  saint  Jean  :  Quand  on  m'aura  j„an.  x.[,23. 
élevé  de  la  terre,  je  tirerai  tout  à  moi,  il  s'ex- 
prime ainsi  :  «  0  merveilleux  pouvoir  de  la 
croix  !  Que  la  gloire  de  la  passion  est  ineffable! 
La  croix  est  comme  le  tribunal  de  Dieu,  où  il 
juge  le  monde  et  où  il  fait  éclater  sa  puis- 
sance. Seigneur,  vous  avez  attiré  à  vous  toutes 
choses,  et  après  avoir  tenté  toutes  sortes  de 
moyens  pour  faire  rentrer  dans  son  devoir  un 
peuple  incrédule  et  qui  a  résisté  opiniâtre- 
ment à  vos  inspirations,  vous  avez  vu  tout 
l'univers  plier  sous  le  joug  de  la  foi  et  adorer 
votre  majesté.  Vous  avez.  Seigneur,  attiré 


190 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


tout  à  vous,  lorsque  tous' les  éléments  ont  fait 
paraître,  comme  de  concert,  l'horreur  qu'ils 
avaient  de  l'attentat  que  les  Juifs  venaient  de 
commettre,  lorsque  les  astres  qui  éclairent  le 
monde  ont  été  éclipsés,  que  le  jour  a  été 
changé  en  une  nuit  affreuse,  lorsque  la  terre 
se  vit  ébranlée  par  des  mouvements  extraor- 
dinaires, et  que  toutes  les  créatures  refusaient 
leur  secours  et  leur  ministère  à  des  impies. 
Vous  avez  attiré  toutes  choses  à  vous  lorsque 
le  voile  du  temple  s'est  déchiré  et  que  d'in- 
dignes pontifes  ont  été  chassés  du  sanctuaire, 
c'est-à-dire  que  la  vérité  a  pris  la  place  des 
figures;  qu'on  a  vu  l'accomplissement  et  l'é- 
claircissement des  prophéties,  et  que  l'Evan- 
gile a  succédé  à  la  loi.  Vous  avez.  Seigneur, 
attiré  tout  à  vous  lorsque  ce  qui  était  caché 
sous  des  expressions  obscui-es  et  figurées,  et 
renfermées  dans  le  seul  temple  de  Jérusalem, 
a  été  manifesté  à  toutes  les  nations  de  l'uni- 
vers. L'ordre  des  lévites  est  maintenant  bien 
plus  illustre,  la  dignité  des  sénateurs  du  peu- 
ple est  plus  considérable,  l'onction  des  prêtres 
est  plus  sainte,  la  croix  est  la  souzxe  de  toutes 
sortes  de  bénédictions  et  le  principe  de  toutes 
grâces  ;  c'est  par  elle  que  l'infirmité  des 
fidèles  se  change  en  force,  que  leurs  oppro- 
bres sont  suivis  d'une  gloire  infinie  et  que 
leur  mort  est  récompensée  de  la  vie  éter- 
nelle. On  n'immole  plus  de  victimes  de  plu- 
sieurs espèces,  toutes  les  hosties  ont  cédé  la 
place  au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Christ. 
Vous  êtes  le  véritable  Agneau  de  Dieu,  l'A- 
gneau qui  ôte  les  péchés  du  monde.  Vous 
avez  rassemblé  en  vous  tous  les  mystères, 
comme  le  sacrifice  nouveau  supplée  à  tous 
les  anciens  sacrifices;  ainsi  toutes  les  nations 
du  monde  ne  font  plus  qu'un  seul  royaume. 
La  fête  dé  la  passion ,  ou  plutôt  du  triomphe 
de  Jésus -Chi'ist ,  qui  est  pour  les  Juifs  char- 
nels une  nuit  obscure,  est  pour  nous  une  écla- 
sermonEs,  tante  lumlèrc.  C'est  là  le  mystère  surprenant  à 
'^'^'  ""■  qui  tous  les  autres  n'ont  servi  que  de  prélude. 
C'est  maintenant  que  le  sang  du  juste  Abel 
annonce  la  mort  du  souverain  Pasteur,  et  que 
le  crime  de  Caïn,  qui  tua  son  frère,  se  renou- 
velle dans  le  parricide  des  Juifs.  C'est  main- 
tenant que  l'arche  de  Noé,  qui  le  sauva  du 
déluge,  fait  connaître  la  vertu  du  baptême  et 
l'efficacité  du  bois  de  la  croix.  C'est  mainte- 
nant qu'Abraham,  qui  est  le  père  des  nations, 
devient  le  chef  de  la  postérité  qui  lui  avait 
été  promise,  et  que  les  fidèles  de  sa  race  re- 
çoivent la  bénédiction  de  la  foi,  et  non  pas 
des  bénédictions  temporelles.  C'est  mainte- 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

naut  que  le  mois  sacré  nous  ouvre  la  célé- 
bration de  la  fête  qui  surpasse  toutes  les  au- 
tres fêtes,  puisque  ce  mois  a  donné  commen- 
cement au  christianisme.  » 

Saint  Léon  fait  voir  combien  était  vaine 
l'accusation  des  Juifs,  qui  faisaient  un  crime  à 
Jésus-Christ  d'avoir  afl'ecté  la  royauté,  puis- 
que tout  ce  que  Jésus-Christ  avait  ou  dit  ou 
fait,  marquait  une  puissance  divine,  et  non 
pas  le  pouvoir  d'un  roi  de  la  terre.  «  En  effet, 
dit-il ,  Jésus  ne  s'opposa  jamais  à  l'exécution 
des  lois  romaines  ;  il  paya  le  tribut  au  prince  ; 
il  enseigna  aux  autres  à  le  payer,  disant  qu'il 
faut  t'endreà  César  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu 
ce  qui  est  à  Dieu.  11  aima  la  pauvreté,  il  con- 
seilla l'obéissance,  il  recommanda  la  douceur  : 
maximes  qui  défendaient  plutôt  l'autorité  de 
César  qu'elles  ne  la  combattaient.  »  Saint 
Léon  dit  que  le  Sauveur  désapprouva  les 
larmes  que  la  peine  arrachait  aux  femmes  qui 
le  voyaient  conduire  au  supplice,  parce  qu'il 
ne  croyait  point  que  les  larmes  convinssent  à 
un  jour  de  triomphe,  et  qu'il  regardait  leurs 
lamentations  comme  déshonorant  sa  victoire. 
Il  attribue  à  la  prière  que  Jésus-Christ  fit  sur 
la  croix,  pour  ceux  qui  l'y  avaient  attaché, 
une  si  grande  efficacité,  qu'elle  causa  la  con- 
version d'une  infinité  de  ces  mêmes  per- 
sonnes qui  avaient  crié  un  peu  auparavant  : 
Que  son  sang  retombe  sur  nous  et  sur  notre  pos- 
térité. A  quoi  il  ajoute  que  le  traître  Judas 
n'eut  point  de  part  à  celle  grâce,  parce  qu'il 
était  le  fils  de  la  perdition  dont  le  démon  s'é- 
tait emparé ,  et  qu'il  aima  mieux  s'abandon- 
ner à  son  désespoir  que  de  participer  à  l'elfi- 
cacité  de  la  rédemption  générale  que  Jésus- 
Christ  avait  méritée  par  son  sang,  étant  mort 
pour  tous  les  impies.  «  Quoique  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit  aient  une  même  divi- 
nité, dit-il;  bien  que  l'essence  de  la  très-sainte 
Trinité  soit  éternelle  et  la  même  dans  les  trois 
personnes,  qu'elles  ne  soient  point  divisées 
en  elles-mêmes,  qu'elles  soient  parfaitement 
égales  et  qu'elles  n'aient  jamais  cessé  d'être, 
que  toutes  les  opérations  soient  communes 
dans  cette  ineffable  unité  de  la  Trinité,  c'est 
néanmoins,  à  pi'oprement  parler,  la  personne 
du  Fils  qui  s'est  chargée  de  la  rédemption  du 
genre  humain.  Comme  c'est  lui  qui  a  inspiré 
le  soufHe  de  vie  à  l'homme  formé  du  limon 
de  la  terre ,  il  a  remis  dans  sa  première  di- 
gnité la  nature  humaine  déchue  de  ses  droits 
par  le  péché,  voulant  en  être  le  réformateur 
après  en  avoir  été  le  créateur.  Le  sang  qu'il 
a  répandu  pour  réparer  l'homme  a  été  d'un 


Sermon  o9, 
pag,  13-!. 


60,  pag,  133. 


Sermon  6t, 
pag.  135. 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


191 


si  grand  prix,  que  s'ils  eussent  tous  voulu 
croire  en  lui,  ils  eussent  été  délivres  de  leur 
captivité.  La  mort  d'un  grand  nombre  de 
saints  a  été  précieuse  devant  Dieu  ;  mais  leur 
martyre  n'a  point  opéré  la  rédemption  du 
genre  humain.  Ils  ont  reçu  des  couronnes  et 
n'en  ont  point  donné;  la  force  et  le  courage 
qu'ils  ont  témoignés  sont  des  exemples  de 
patience  pour  nous;  ce  ne  sont  point  des 
grâces  qui  nous  justifient;  le  mérite  de  leur 
mort  a  été  personnel  et  particulier  à  chaque 
saint,  sans  qu'ils  aient  expié,  en  répandant 
leur  sang,  le  supplice  des  autres.  Il  n'y  a  eu 
que  Jésus-Clirist  dans  lequel  tous  les  hommes 
aient  été  crucifiés,  dans  lequel  ils  soientmorls 
et  ensevelis ,  et  avec  lequel  ils  soient  ressus- 

joan.xii,  32.   cltés.   Vollà  pourquoï  il   disait  :  Quand  on 

m'aura  élevé  de  la  terre,  je  tirerai  tout  à  moi. 

Sermon  c2,   C'cst  par  Jésus-Chrlst  que  les  fidèles  de  l'un 

^'°'  "^'  et  de  l'autre  Testament  ont  été  justifiés,  et  il 
n'y  a  point  de  différence  entre  les  mystères 
que  les  saints  de  l'Ancien  Testament  croyaient 
et  ceux  que  la  religion  chrétienne  nous  pro- 
pose. Ils  espéraient  que  le  genre  humain  se- 
rait racheté  par  le  Messie  ;  les  prophètes  l'ont 
annoncé ,  et  il  a  été  prédit  sous  différentes 
figures  qui  sont  toutes  passées  en  réalité 
dans  les  sacrements  de  Jésus-Christ.  Le  saint 
chrême  et  la  consécration  des  prêtres  ont 
succédé  à  la  circoncision.  Le  baptême  nous 
tient  lieu  de  la  purification  qu'on  obtenait  par 
les  sacrifices,  les  prophéties  ont  cessé  par 
l'accomplissement  de  ce  qu'elles  annonçaient; 

63  pag.  138.  '^'^i^  c^'^'ài  toujours  la  même  foi  qui  justifie 
les  saints  dans  tous  les  temps,  et  qui  nous 
oblige  à  croire  ce  que  Jésus-Christ,  média- 
teur entre  Dieu  et  les  hommes,  a  opéré  pour 
notre  salut,  et  que  nos  pères  ont  cru  comme 
des  mystères  qui  se  devaient  accomplir  dans 
la  suite  des  temps.  » 

Saint  Léon  dit  que  l'union  qui  est  entre  la 
nature  humaine  et  Jésus-Christ,  est  si  étroite, 
que  c'est  son  esprit  qui  anime  non-seule- 
ment cet  homme,  qui  est  le  premier  né  de 
toutes  créatures,  mais  aussi  tous  les  saints, 
qui  sont  ses  membres.  «  Comme  le  chef  ne 
peut  être  séparé  des  membres,  ajoute-t-il, 
ainsi  les  membres  ne  doivent  point  être  di- 
visés du  chef.  Cette  multitude  infinie  de 
martyrs  qui  ont  fait  paraître  tant  de  force, 
ont  souffert  avec  lui,  et  à  son  exemple,  et 
c'est  pour  sa  gloire  que  tant  de  fidèles  ont 
été  régénérés  dans  les  eaux  du  baptême; 
,,     depuis  le  moment  que  le   Verbe  s'est  fait 

64,  pag.  lio.  ^  ^ 

chair  dans  le  sein  de  la  Vierge,  il  n'y  a  au- 


cune division  entre  la  substance  divine  et  la 
nature  humaine;  toutes  les  actions  de  Jésus- 
Christ  appartiennent  à  la  môme  personne  ; 
il  ne  faut  pas  toutefois  les  confondre,  mais 
les  attribuer  chacune  à  la  nature  qui  en  est 
le  principe.  Lorsque  le  Verbe  fait  chair  souf- 
frait, ses  peines  ne  regardaient  pas  le  Verbe  : 
il  n'y  avait  que  le  corps  qui  soufl'rait,  mais 
les  tourments  qu'endurait  l'humanité  retom- 
baient en  quelque  façon  sur  le  Verbe;  en  sorte 
qu'on  peut  lui  attribuer  ce  qu'il  a  souffert  en 
son  corps.  C'est  en  ce  sens  que  l'apôtre  saint 
Paul  dit  :  S'ik  l'eussent  connu,  ils  n'eussent  ja-  ,(.„j  „  j_ 
mais  crucifié  le  Seigneur  et  le  Moi  de  gloire.  Les 
Juifs  ne  connaissaient  pas  dans  le  corps  d'un 
homme  la  substance  de  la  divinité,  et  ils  ont 
méprisé  la  douceur  de  celui  qui  se  soumet-  sermones 
tait  à  leur  jugement.  Tout  ce  que  leur  im-  '"'^'  '*'" 
piété  a  commis  contre  lui,  avait  été  prédit 
longtemps  auparavant,  plutôt  comme  des 
choses  présentes  aux  yeux  des  prophètes 
qui  les  annonçaient,  que  comme  des  choses 
futures.  David,  Tun  des  ancêtres  de  Jésus- 
Christ  selon  la  chair,  a  parlé  de  sa  passion 
plus  de  onze  cents  ans  auparavant.  Ce  prince 
n'a  souffert  aucun  des  supphces  dont  il  parle 
comme  d'une  chose  arrivée  à  sa  propre  per- 
sonne; mais  Jésus-Christ,  qui  devait  prendre 
naissance  dans  la  race  de  David,  parlait  par 
sa  bouche.  On  peut  dire,  toutefois,  que  Da- 
vid a  souffert  en  Jésus-Christ,  parce  que  le 
corps  qui  a  été  crucifié,  venait  du  sang  de 
David.  Lorsque  nous  lisons  dans  le  livre  des  ^  ^^ 
Actes  que  les  Juifs  ont  fait,  à  l'égard  de  Jé- 
sus-Christ, ce  que  Dieu  en  avait  ordonné 
dans  son  conseil ,  il  ne  faut  pas  s'imaginer 
que  l'iniquité  des  persécuteurs  de  Jésus- 
Christ  eût  été  fondée  sur  les  décrets  de  Dieu, 
ni  que  les  mains  du  Très-Haut  eussent  trem- 
pé dans  un  crime  qui  surpasse  tous  les  au- 
tres. Les  pernicieux  conseils  des  Juifs,  qui 
ont  conduit  avec  tant  d'artifice  Jésus-Christ 
à  la  mort,  sont  bien  différents  des  conseils 
de  Dieu,  qui  ont  disposé  l'ordre  de  la  pas- 
sion. La  volonté  de  faire  mourir  Jésus-Christ 
ne  vient  pas  du  même  principe  que  le  désir 
qu'il  avait  lui-même  de  mourir  ;  la  barbarie 
des  Juifs  et  la  patience  du  Sauveur  n'a- 
vaient pas  le  même  motif.  Ce  n'est  pas  le 
Sauveur  qui  a  armé  contre  sa  personne  les 
mains,  criminelles  des  Juifs,  il  s'est  contenté 
de  souffrir  leur  violence.  Il  n'a  point  forcé  - 
leur  liberté  en  prévoyant  ce  qui  devait  arri- 
ver, quoiqu'il  n'ait  pris  un  corps  que  dans  le 
dessein  de  souffrir.  En  un  mot,  il  s'est  servi. 


192 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pour  l'utilité  des  fidèles,  de  la  mauvaise  vo- 
lonté de  ses  pei'sécuteurs.  Jésus  étant  sur  la 

Psaira.xxi.i.  croix  Cria  à  haute  voix  :  Pourquoi  m'avez- 
vous  abandonné?  Faut-il  croire  qu'il  ait  de- 
mandé à  son  Père  de  lui  prolonger  la  vie, 
lui  qui  l'a  quittée  quand  il  l'a  voulu,  et  qui 
l'a  reprise  de  même  par  sa  propre  puis- 
sance ?  Non,  ce  n'est  pas  le  Père  qui  a  aban- 
donné le  Fils;  c'est  le  Fils  qui  s'est  aban- 
donné lui-même  en  quelque  manière,  non 
en  cédant  lâchement  et  en  succombant  à  sa 
peur,  mais  par  une  volonté  pleine  el  entière. 
sermon  6b,   CbM  qui  SB  laissait  crucifier,  ne  s'est  point 

'"'^'  '"■  servi  de  son  pouvoir  contre  ses  persécuteurs; 
il  n'a  point  voulu  faire  éclater  sa  toute-puis- 
sance, de  peur  d'interrompre  le  cours  de  ses 
dispositions  secrètes.  11  était  venu  pour  dé- 
truire l'empire  de  la  mort  et  pour  confon- 
dre par  sa  passion  l'auteur  de  la  mort  même. 
Comment  eût-il  pu  sauver  les  pécheurs,  s'il 
eût  résisté  à  ses  bourreaux?» 

Saint  Léon  dit  que  si  Dieu  a  différé  si  long- 

67,  pag.  144  ^  .  " 

temps  le  mystère  de  ITncarnation,  c  est  aiin 
qu'on  rendît  d'abord  à  ce  mystère  tout  l'hon- 
neur qui  lui  est  dû  après  l'avoir  cru  si  long- 
temps. «La  foi  est  le  fondement  des  choses  que 
l'on  espère,  et  une  preuve  certaine  de  ce  qui 
ne  se  voit  point;  ainsi,  c'est  un  effet  delà 
bonté  de  Dieu,  d'avoir  différé  jusqu'à  ce 
temps  l'exécution  de  ces  grandes  merveilles, 
afin  de  nous  en  faciliter  l'intelligence  par  la 
multitude  des  témoins  et  des  autorités.  Il 
faut  donc  croire  sans  hésiter,  tout  ce  que 
l'Ecriture  nous  apprend  de  la  passion  de  Jé- 
sus-Christ. En  lui  la  divinité  est  réellement 
unie  avec  l'humanité  ;  la  même  personne  est 
Verbe  et  chair  tout  ensemble.  Si  Jésus- 
Christ  est  de  même  substance  que  le  Père,  il 
est  aussi  de  même  substance  que  sa  Mère.  Il 
n'y  a  point  en  lui  une  double  personne,  et 
les  essences  n'y  sont  point  confondues.  Il  est 
impassible  par  rapport  à  la  divinité  ;  mais  il  est 
sujet  à  la  mort  par  rapport  à  son  humanité.  La 
force  divine  soutient  la  faiblesse  humaine  ; 
son  infirmité  ne  fait  aucun  tort  à  sa  toute- 
puissance.  Ce  n'est  point  par  nécessité  qu'il 
s'est  soumis  aux  tourments,  c'est  par  un  pur 
effet  de  sa  miséricorde.  »  Après  avoir  ainsi 
expliqué  les  principales  circonstances  de  la 
passion  du  Sauveur,  saint  Léon  demande 
qui  est  celui  qui  honore  dignement  ce  mys- 
*  tère,  et  celui  de  la  résurrection.  «C'est, 
répond-il,  celui  qui  souffre,  qui  meurt,  et 


Sermons 
snr  la  Hésnr- 


qui  ressuscite  avec  Jésus -Christ.  Tous  les 
enfants  de  l'Eglise  participent  en  quelque  ^J'uS"" 
sorte  aux  fruits  de  ces  mystères  dans  le  bap- 
tême. La  mort  du  péché  est  la  vie  de  celui 
qui  renaît.  Si  l'on  plonge  trois  fois  dans  l'eau 
celui  que  l'on  baptise,  c'est  pour  imiter  le 
Fils  de  Dieu  qui  demeura  trois  jours  dans  le 
tombeau.  On  se  dépouille  du  vieil  homme 
dans  le  baptême,  pour  se  revêtir  du  nou- 
veau. Il  faut  que  les  œuvres  correspondent 
au  sacrement,  et  que  ceux  qui  ont  eu  le 
bonheur  de  renaîti'e  par  le  baptême,  em- 
ploient dans  la  mortification,  et  à  porter  la 
croix,  ce  qui  leur  reste  de  temps  à  vivre.  » 

8.  Les  deux  sermons  suivants  sont  intitu- 
lés ordinairement,  de  la  Résurrection  du  Sei-  rëition! 
gneur.  11  est  toutefois  certain  que  saint  Léon 
ne  les  fil  pas  le  jour  même  de  Pâques,  mais 
le  samedi  précédent.  C'est  ce  que  l'on  voit 
par  le  dernier  discours  '  sur  la  Passion  de 
Jésus-Christ,  où  il  dit  :  «  Il  me  reste  main- 
tenant à  parler  du  mystère  de  la  résurrec- 
tion; mais,  de  peur  de  vous  être  à  charge,  il 
est  à  propos  de  différer  de  traiter  cette  ma- 
tière jusqu'à  samedi.»  En  effet,  le  dimanche 
de  Pâques  était  si  occupé,  soit  pour  l'ins- 
truction et  le  baptême  des  catéchumènes, 
soit  pour  la  célébration  des  divins  mystères, 
qu'on  aurait  eu  peine  de  trouver  le  temps 
de  prêcher  sur  la  fête  du  jour.  On  doit  dire 
la  même  chose  du  second  discours.  11  fut 
prononcé  ^  le  jour  qu'on  avait  lu  dans  l'é- 
ghse  l'histoire  entière  de  la  Passion  et  de  la 
Résurrection  de  Jésus-Christ.  Or,  cette  lec- 
ture convenait  au  samedi  saint,  où  l'on  avait 
coutume  de  lire  les  divines  Ecritures,  pour 
remplir  le  vide  qui  se  trouvait  entre  l'office 
de  ce  jour  et  celui  de  la  fête  de  Pâques. 
Saint  Léon  s'occupe  dans  ces  deux  discours 
à  exphquer  le  fruit  que  nous  devons  retirer 
de  la  Passion  et  de  la  Mort  du  Sauveur.  Il 
remarque  que,  dans  la  crainte  que  l'âme  des 
disciples  ne  succombât  sousle  poids  d'une  trop 
longue  tristesse,  Jésus-Christ  abrégea,  autant 
qu'il  fut  en  son  pouvoir,  l'espace  des  trois 
jours  qu'il  devait  demeurer  dans  le  tombeau; 
que  la  dernière  partie  du  premier  jour,  el  la 
première  partie  du  troisième  jour,  avec  le 
jour  d'entre  les  deux  tout  entiers,  suffirent  à 
l'impatience  qu'il  avait  de  les  revoir;  de 
sorte  qu'un  espace  de  temps  assez  court 
remplit  le  nombre  des  trois  jours.  «  L'âme 
du  Sauveur,  ajoute-l-il,  ne  fit  pas  un  long 


Sormop  09, 
psg. 148. 


1  Léo,  Serm.  68,  pag.  148. 


3  Serm.  70,  pag.  150, 


[v^  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

séjour  dans  l'enfer,  et  son  corps  ne  fut  pas 
longtemps  clans  le  tombeau.  Cette  chair  in- 
corruptible reprit  une  nouvelle  vie;  la  sépa- 
ration de  son  âme  ressemblait  plutôt  à  un 
doux  repos  qu'à  une  mort  véritable.  La  di- 
vinité, qui  ne  se  sépara  jamais  de  son  corps 
et  de  son  âme,  réunit  par  sa  toute-puissance 
ce  qu'elle  avait  divisé  par  la  même  puis- 
sance. La  pierre  qui  couvrait  le  sépulcre  et 
qui  avait  été  levée  et  ôtée  de  sa  place;  les 
linges  dont  Jésus-Christ  avait  été  enseveli, 


Sermon  71 
.  f52. 


qui  demeurèrent  au  tombeau,  et  le  récit  des 
anges  aux  disciples,  qu'ils  assurèrent  de  la 
résurrection  de  leur  maître,  étaient  des 
preuves  authentiques  qu'il  était  ressuscité; 
le  Sauveur  voulut  néanmoins  se  manifes- 
ter plusieurs  fois  à  eux  et  aux  femmes  qui 
l'avaient  suivi,  pour  les  confirmer  davantage 
dans  la'créance  de  ce  mystère.  Il  ne  se  con- 
tenta pas  de  leur  parler  souvent,  il  voulut 
même  habiter  et  converser  parmi  eux;  il 
mangea  en  leur  présence  ;  il  permit  qu'on  le 
touchât  et  qu'on  l'examinât  soigneusement 
pour  les  guérir  de  leurs  doutes.  » 

Saint  Léon  nous  fait  envisager  la  croix  de 
Jésus- Christ,  qui  a  été  l'instrument  de  notre 
rédemption,  comme  un  sacrement  et  comme 
un  modèle.  «  C'est  un  sacrement  qui  nous 
communique  la  grâce  divine;  c'est  un  mo- 
dèle pour  animer  la  ferveur  et  la  piété 
des  hommes.  Après  avoir  été  délivrés  de  la 
captivité,  nous  avons  encore  cet  avantage 
de  pouvoir  imiter  notre  Rédempteur.  Si  l'on 
suit  les  mœurs,  les  opinions  et  les  manières 
de  celui  qu'on  a  choisi  pour  chef,  ne  devons- 
nous  pas,  pour  remplir  le  caractère  de  chré- 
tien que  nous  portons,  nous  attacher  insépa- 
rablement à  Jésus-Christ,  qui  est  la  voie,  la 
vérité  et  la  vie?  Il  est  la  voie  qu'il  faut  suivre 
pour  vivre  saintement;  il  est  la  vérité  qui 
nous  a  appris  la  saine  doctrine  ;  il  est  la  vie 
qui  nous  communique  la  félicité  éternelle.  » 
11  explique  le  nom  âe passage  que  les  Hébreux 
donnaient  à  la  solennité  que  nous  appelons 
Pâques,  de  la  nature  humaine  et  de  son  élé- 
vation par  son  union  avec  le  Verbe  divin. 

9.  Il  dit  que  le  séjour  que  Jésus-Christ  fit 
sur  la  terre  après  sa  résurrection,  et  les 
doutes  des  disciples,  leurs  regards  curieux, 
ce  qu'ils  entendirent  de  la  bouche  de  leur 
Maître,  et  les  réponses  qu'il  leur  fit,  nous 
confirment  dans  la  croyance  de  sa  résurrec- 
tion. «  Ils  ont  douté,  dit-il,  pour  nous  em- 
pêcher de  douter  nous-mêmes.  L'intervalle 
qui  sépare  la  Résurrection  de  l'Ascension, 
X. 


Sermon  72, 
pag.  153. 


SAINT  LEON,  PAPE.  193 

ne  s'est  pas  écoulé  inutilement;  on  a  révélé 
durant  ces  quarante  jours  de  grands  mys- 
tères, et  l'on  a  confirmé  des  sacrements  bien 
augustes.  C'est  en  ce  temps-là  qu'on  nous  a 
fortifiés  contre  les  horreurs  d'une  mort 
cruelle,  et  qu'on  nous  a  fait  connaître  que 
la  chair  était  immortelle  comme  l'âme;  c'est 
alors  que  le  Sauveur  du  monde,  en  soufflant 
sur  les  Apôtres,  leur  a  communiqué  le  Saint- 
Esprit,  et  que  l'on  confia  à  saint  Pierre  les 
clefs  du  royaume  du  ciel  et  le  soin  du  trou- 
peau du  Seigneur.  C'est  alors  que  le  Sauveur 
reprocha  aux  deux  disciples  leur  timidité  et 
leur  incréduhté,  pour  dissiper  nos  craintes 
et  nos  incertitudes.  Il  découvrit  à  ses  Apô- 
tres les  cicatrices  qui  étaient  demeurées  à 
ses  pieds  et  à  ses  mains  ;  il  les  exhorta  à  les 
manier  et  à  les  considérer  attentivement, 
ayant  conservé  sur  son  corps  les  vestiges 
des  clous  pour  guérir  les  blessures  que  l'in- 
fidélité avait  faites  dans  leurs  cœurs  :  car  il 
voulait  que  l'on  crût  avec  une  foi  inébranla- 
ble que  cette  même  nature  qui  avait  reposé 
dans  le  tombeau^  était  assise  sur  le  trône  du 
Père  éternel:  mais,  après  l'ascension  de  Jé- 
sus-'Christ ,  les  disciples  et  les  Apôtres  se 
trouvèrent  tellement  fortifiés  par  ce  mystère, 
que  tout  ce  qui  les  avait  épouvantés  aupara- 
vant, les  comblait  de  joie.  Ils  considéraient 
Jésus-Christ  assis  à  la  droite  de  son  Père;  ils 
ne  faisaient  point  de  difficulté  de  croire  que 
le  Fils  de  Dieu,  en  descendant  sur  la  terre, 
n'avait  point  été  séparé  de  son  Père,  et  qu'il 
n'avait  point  abandonné  ses  disciples  en 
montant  au  ciel.  » 

10.  «  De  même  que  la  loi  fut  donnée  à 
Moïse  sur  le  mont  Sinaï  le  cinquantième 
jour  après  l'immolation  de  l'agneau  pascal; 
ainsi  le  Saint-Esprit  descendit  sur  les  Apô- 
tres et  sur  les  disciples  le  cinquantième  jour 
d'après  la  résurrection  de  l'Agneau  de  Dieu, 
immolé  sur  le  calvaire  :  d'ovi  l'on  voit  que 
les  commencements  de  l'Ancien  Testament 
ont  été  comme  les  préludes  du  Nouveau.  La 
majesté  du  Saint-Esprit  fut  sans  doute  pré- 
sente dans  l'assemblée  des  fidèles  sur  les- 
quels il  descendit;  mais  il  ne  faut  pas  croire 
que  la  substance  du  Saint-Esprit  ait  été  réel- 
lement dans  ces  langues  de  feu  qui  furent 
aperçues  par  les  sens.  La  nature  divine, 
commune  aux  trois  personnes  de  la  Trinité, 
s'est  manifestée  d'une  manière  conforme  à 
ce  qu'elle  voulait  opérer,  mais  eUe  a  contenu 
dans  sa  divinité  la  propriété  de  son  essence, 
qui  est  d'être  invisible.  »  Saint  Léon  prend  7i,par.  tse 

13 


S  erm  on  s 
sur  la  Pente- 
côte. 


Sermon  "i 
pag.  155. 


194 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


occasion  de  ce  qui  est  dit  dans  les  Actes 
touchant  la  descente  du  Saint-Esprit,  de 
montrer  qu'il  y  a  entre  les  trois  Personnes 
une  égalité  parfaite  de  puissance,  de  volonté 
et  d'opération.  «  Si,  ajoute- 1 -il,  l'Eglise 
catholique  attribue  aux  Personnes  divines 
des  propriétés  particulières,  ce  n'est  point 
pour  confondre  nos  lumières,  mais  pour 
nous  faire  connaître  plus  distinctement  la 
vérité  de  la  Trinité,  atin  que  l'entendement 
ne  divise  pas  ce  que  l'oreille  distingue.  Ou 
ne  pourrait  se  former  une  idée  de  la  Trinité, 
si  on  se  la  représentait  toujours  comme  une 
chose  inséparable;  c'est  pour  cela  qu'on 
donne  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit  des 
notions  singulières.  Au  reste,  si  le  Saint-Es- 
prit descendit  sur  les  Apôtres  le  jour  de  la 
Penfecôte,  ce  n'était  pas  la  première  fois 
qu'il  eût  fait  part  de  ses  dons  aux  hommes  ; 
ce  n'était  qu'une  continuation  de  ses  grâces. 
Les  patriarches,  les  prophètes,  les  prêtres, 
les  saints  de  l'ancienne  loi,  ont  tous  été  ani- 
més et  sanctifiés  par  le  Saint-Esprit  ;  sans  sa 
grâce,  on  n'aurait  jamais  institué  aucun  sa- 
crement ni  célébré  aucun  mystère;  quoique 
la  mesure  des  dons  n'ait  pas  toujours  été  la 
même,  ils  ont  eu  la  même  force,  n  Saint 
Léon  réfute  l'erreur  de  Manès,  qui  ensei- 
gnait que,  jusqu'à  son  temps,  TEglise  avait 
été  privée  du  Saint-Esprit.  Cet  imposteur  ne 
parut  dans  le  monde  que  deux  cent-soixante 
ans  après  la  résurrection  du  Seigneur,  sous 
l'empire  de  Probus,  et  sous  le  consulat  de 
Paulin,  durant  la  fureur  de  la  huitième  per- 
sécution, où  plusieurs  milliers  de  martyrs 
furent  immolés  à  la  gloire  de  Dieu.  Dira-t-on 
que  Jésus-Christ  ait  différé  pendant  un  si 
long  temps  la  promesse  qu'il  avait  faite  à  ses 
Apôtres  en  montant  au  ciel,  de  leur  envoyer 
«crmonTô  l'Esprit  do  vérité  ?  Ce  Père  exphque  encore 
png.  159.  '  comment  les  trois  personnes  de  la  Trinité 
ont  partagé  entre  elles  l'ouvrage  de  notre  ré- 
demption, et  comment  ce  partage  ne  détruit 
point  leur  égahté  et  leur  consubstantiahté. 
«  Le  Père  a  eu,  dit-il,  compassion  de  nos 
malheurs,  le  Fils  s'est  chargé  d'y  remédier, 
le  Saint-Esprit  a  tout  enflammé  par  le  feu 
de  sa  charité.  » 
H.  Nous  avons  quatre  sermons  de  saint 

Sermons  ^ 

17  u  Se-  Léon  sur  le  Jeûne  de  la  Pentecôte.  On  y  voit 
'^"°-  que  les  jeûnes  ont  été  institués  par  l'inspi- 

Sermon  76,  .  -,        ^     .     .    ,t  ■ ,         .  i  i       i 

pag.  161.  ration  du  Samt-Esprit,  et  que  les  docteurs 
de  l'Eglise  naissante  ont  fondé  sur  le  jeime 
les  premiers  éléments  de  la  milice  chrétienne, 
afin  que  ceux  qui  se  préparaient  à  combattre 


Sermoni 
pag.  161. 


Sermo 
sur  les  a 
très  sai 
Pierre  etst 
Paul. 


Sermon 
pag.  16;i. 


les  puissances  infernales,  prissent  les  armes 
de  l'abstinence  pour  réprimer  l'impétuosité 
des  vices.  On  a  établi  ces  jeûnes  après  les 
fêtes,  afin  que  si  nous  nous  étions  oubliés 
durant  la  fête  par  trop  de  liberté  ou  de  né- 
gligence, nous  puissions  expier  nos  fautes 
par  l'abstinence.  Ce  Père  semble  dire  que  le 
jeûne  de  la  Pentecôte  est  d'institution  apos- 
tolique :  car  il  dit  en  général  que  toutes  les 
saintes  pratiques  établies  dans  l'Eglise , 
viennent  de  la  tradition  apostolique.  Le  pre- 
mier degré,  pour  jeûner  utilement,  est  de 
s'abstenir  de  toutes  erreurs.  Il  faut  encore 
qu'il  soit  animé  de  la  grâce  du  Saint-Esprit  : 
sans  cela,  il  nous  sera  inutile,  puisque  l'Apô- 
tre dit  que  les  vertus  dénuées  de  la  charité, 
ne  servent  de  rien.  On  doit  encore  joindre  7s,  pag.u 
l'aumône  au  jeûne,  en  sorte  que  nous  dé- 
pensions en  charité  ce  que  nous  épargnons 
par  le  jeûne.  L'abstinence  étouffe  les  désirs  79,  pag.  m 
de  la  chair,  et  la  miséricorde  fait  fructifier 
les  désirs  de  l'âme. 

12.  Ce  saint  Pape  fait  voir  dans  le  sermon 
sur  la  Fête  des  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul, 
combien  la  gloire  de  la  viUe  de  Rome  s'est 
augmentée  par  la  religion,  et  par  le  minis- 
tère des  Apôtres.  «  Ils  vous  ont,  dit-il,  éle- 
vée à  ce  haut  degré  de  gloire,  qu'on  vous 
appelle  maintenant  la  race  choisie,  la  nation 
sainte,  le  peuple  conquis,  la  ville  royale  et 
sacerdotale.  Le  siège  de  saint  Pierre  vous  a 
rendue  la  capitale  de  l'univers,  et  la  religion 
chrétienne  a  plus  étendu  votre  empire  que 
n'avait  fait  la  domination  des  princes  de  la 
terre.  Quoique  vos  limites  aient  élé  reculées 
par  une  infinité  de  victoires,  et  que  la  terre 
et  la  mer  aient  subi  le  joug  de  votre  empire; 
néanmoins,  ce  que  vous  avez  acquis  par  les 
droits  de  la  guerre,  est  moins  considérable 
que  ce  que  la  paix  de  Jésus-Christ  vous  a 
soumis.  1)  La  raison  qu'il  donne  de  l'établis- 
sement du  premier  siège  de  l'Eglise  dans  la 
ville  de  Rome,  est  afin  que  lu  lumière  de  l'E- 
vangile qui  devait  éclairer  tout  le  genre  hu- 
main, répandit  plus  efficacement  ses  rayons 
partout,  parce  qu'il  n'y  avait  aucune  nation 
dans  le  monde  dont  il  n'y  eût  alors  des  hom- 
mes à  Rome,  ou  qui  ignorât  ce  que  cette 
ville  avait  appris.  Il  relève  la  force  et  la  cha- 
rité de  saint  Pierre,  qui  ne  trembla  point  à 
l'aspect  de  cette  maîtresse  du  monde,  lors- 
qu'il y  vint  prêcher  l'Evangile.  Il  dit  qu'il 
entra  sans  crainte  dans  cette  forêt  remphe 
de  bêtes  féroces ,  et  qu'il  marcha  sur  cet 
océan  tumultueux  avec  plus  de  constance 


V"  SIECLE. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


195 


qu'il  n'avait  marché  autrefois  sur  la  mer.  Il 
fait  pareillement  l'éloge  de  saint  Paul,  «  qui 
accourut,  dit-il,  au  même  temps  dans  celte 
ville  où  la  pudeur,  l'innocence  et  la  liberté 
étaient  aux  abois  sous  l'empire  du  cruel  Né- 
ron. Les  persécutions  de  ce  prince  ne  firent 
aucune  brèche  à  l'Eglise,  elles  ne  servirent 
qu'à  lui  donner  un  nouveau  lustre;  le  champ 
du  Seigneur  en  pi'oduisit  de  plus  riches 
moissons,  tous  les  grains  qui  tombaient  re- 
naissant et  se  multipliant.  » 

Le  discours  suivant  fut  fait  le  jour  de  l'oc- 
tave de  ces  saints  Apôtres,  où  l'on  rendait 
grâces  à  Dieu  de  la  délivrance  de  Rome. 
Salut  Léon  s'y  plaint  de  ce  que  les  Romains 
avaient  plus  de  zèle  pour  les  jeux  du  cirque 
que  pour  le  culte  des  saints  Apôtres  ;  en  quoi 
ils  manquaient  de  reconnaissance.  «  Qui  est- 
ce,  leur  dit-il,  qui  a  réformé  les  mœurs  de 
cette  ville?  Qui  est-ce  qui  l'a  délivrée  de 
l'esclavage  ?  Qui  est-ce  qui  a  fait  cesser  les 
massacres?  Sont-ce  les  mérites  des  saints  ou 
les  jeux  du  cirque?  Leurs  prières  ont  fléchi 
la  justice  de  Dieu  et  révoqué  la  sentence; 
nous  mérilions  de  sentir  les  effets  de  sa  co- 
lère, et  il  nous  a  fait  sentir  les  effets  de  sa 
clémence.  »  Les  uns  rapportent  ce  discours 
aux  ravages  d'Attila  en  452,  d'autres  aux  in- 
cursions des  Vandales,  dont  Rome  fut  déli- 
vrée par  la  médiation  de  saint  Léon,  en  435. 
13.  Le  sermon  en  l'honneur  des  sept  frè- 
res martyrs  Machabées,  fut  prononcé  le  jour 
de  leur  fête.  Comme  on  avait  lu  publique- 
ment dans  l'église  l'histoire  de  leur  mai'tyre, 
telle  qu'elle  est  rapportée  dans  les  livres  qui 
portent  leurs  noms,  il  n'en  relève  pas  les 
circonstances;  il  fait  seulement  une  réflexion 
sur  les  persécutions,  et  dit  :  «  Si  vous  croyez 
qu'elles  ont  entièrement  cessé,  entrez  dans 
le  secret  de  vos  cœurs,  examinez-en  soigneu- 
sement tous  les  replis.  Voyez  si  vous  n'êtes 
combattus  d'aucune  adversité,  et  si  aucun 
tyran  ne  tâche  de  s'emparer  de  votre  esprit 
pour  le  réduire  en  servitude.  Ne  vous  fami- 
liarisez point  avec  l'avarice;  faites  rme 
guerre  continuelle  à  l'orgueil;  craignez  plus 
l'élévation  de  la  gloire  que  l'abaissement  de 
l'humilité;  bannissez  la  colère  et  Tamour  de 
la  vengeance;  renoncez  aux  voluptés,  à  l'ini- 
quité, aux  tromperies  et  au  mensonge.  »  On 
célébrait  le  même  jour  à  Rome,  la  fête  de  la 
Dédicace  de  l'Eglise,  où  saint  Léon  fit  l'éloge 
des  Machabées  :  c'est  pourquoi  il  dit  qu'il 
y  avait  ce  jour-là  un  double  sujet  de  réjouis- 
sance dans  la  dédicace  de  l'Eglise  et  dans  le 


triomphe  des  martyrs.  Il  dit  que  celui  qui 
avait  bâti  cette  église,  avait  encore  formé 
les  âmes  à  la  piété,  étendu  ses  bonnes  œu- 
vres au-delà  des  bornes  de  sa  vie,  par  ses 
saintes  institutions.  On  croit  qu'il  veut  par- 
ler de  Sixte  III,  son  prédécesseur,  à  qui  le 
Pontifical  et  le  pape  Adrien,  dans  sa  lettre  à 
Chai'lemagne ,  attribuent  la  construction 
d'une  basilique  eu  l'honneur  de  Marie  Mère 
de  Dieu. 

14.  Saint  Léon  dit,  dans  le  discours  qu'il  fil 
sur  la  Fête  de  saint  Laurent,  que  le  Seigneur 
a  tellement  ménagé  le  courage  qu'il  inspirait 
aux  martyrs,  que  la  mort,  ni  les  plus  cruels 
supplices  ne  les  épouvantaient  point,  et  qu'ils 
ont  eu  la  force  de  marcher  sur  les  traces  de 
Jésus-Christ.  11  ajoute  que  celle  qui  soutenait 
saint  Laurent,  l'empêchait  non-seulement  de 
succomber,  mais  qu'elle  fortifiait  encore  les 
autres  par  l'exemple  de  sa  patience  ;  que  le 
feu  qui  le  brûlait  au  dehors,  était  bien  plus 
languissant  que  celui  dont  il  était  enflammé 
au  dedans  ;  qu'il  est  un  de  ces  saints  dont  il 
s'est  servi  pour  faire  connaître  son  nom  par- 
tout l'univers,  et  pour  étendre  sa  gloire  de- 
puis l'orient  jusqu'au  couchant;  qu'autant 
saint  Etienne  a  illustré  Jérusalem,  autant 
Rome  est  devenue  célèbre  par  le  martyre  de 
saint  Laurent. 

15.  11  dit  dans  le  premier  sermon  sur  le 
Jeûne  du  septième  mois,  qu'il  en  ordonne  lui- 
môme  l'observation  par  l'autorité  que  Dieu 
lui  a  confiée.  Il  conseille  de  joindre  l'aumône 
au  jeûne,  et  même  la  retraite,  parce  qu'il  est 
utile  de  se  dérober  de  temps  en  temps  aux 
afl'aires  du  monde,  pour  vaquer  avec  plus 
de  ferveur  à  son  salut.  Il  enseigne  que  les 
œuvres  de  piété  qui  sont  publiques,  et  qui  se 
pratiquent  par  toute  la  communauté  des 
fidèles,  sont  plus  saintes  et  d'un  plus  grand 
mérite  que  celles  que  chacun  s'impose  en 
son  particulier;  que  l'abstinence  que  chaque 
fidèle  observe  en  secret,  est  pour  son  utilité 
et  pour  sa  sanctification  personnelle  ;  mais 
que  le  jeûne  que  toute  l'Eglise  impose  au 
corps  des  fidèles,  n'exclut  personne  de  sa 
sanctification  générale;  que  la  force  du  peu- 
ple de  Dieu  se  redouble,  lorsque  tous  les 
cœurs  des  fidèles  se  réunissent  par  le  nœud 
d'une  sainte  obéissance.  «  On  ne  vous  pres- 
crit rien  de  trop  rude,  ajoute-t-il,  ou  de  trop 
difficile,  ou  qui  soit  au-dessus  de  vos  forces, 
pour  la  rigueur  de  l'abstinence,  ou  pour 
la  libérable  de  l'aumône.  Chaque  particulier 
sait  au  juste  ce  qu'il  peut  ou  ce  qu'il  ne  peut 


Sermon  de 
saint  L3ti< 
Ti-M,  p.  168. 

Sermon  83. 


Sermons 
snr  le  Jeûne 
du     septième 

mois. 


Sermon  8 
pag.  169. 


86,  pag.  no. 


196 


HISTOIRE  GÉNÉRA.LE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sermon  87, 
paf.  171. 


,  pag.  1-3. 


89,  paj.  174. 


pas.  »  Ce  saint  Pape  veut  que  Ton  soit  gai  et 
content  quand  on  donne,  et  que  l'on  tempère 
tellement  ses  libéralités,  que  les  besoins  do- 
mestiques n'en  souffrent  pas,  et  que  les  pau- 
vres aient  de  quoi  se  sustenter.  Selon-  lui,  il 
est  libre  à  un  chacun  de  châtier  son  corps 
par  des  mortifications  volontaires;  mais  il  ne 
l'est  pas  de  ne  point  observer  en  de  certains 
temps  les  jeûnes  prescrits  à  tous  les  fidèles. 
Il  veut  que  dans  la  distribution  des  aumônes 
nous  préférions  aux  étrangers  ceux  qui  nous 
sont  liés  par  l'union  de  la  foi  catholique  et 
de  la  grâce.  Il  attribue  aune  sage  disposition 
de  la  Providence  qu'il  y  ait  toujours  des 
pauvres  dans  l'Eghse,  de  même  que  des  gens 
riches  pour  s'entr'aider  les  uns  les  autres,  par 
la  diversité  de  leur  fortune,  à  mériter  des  ré- 
compenses éternelles.  Il  ne  connaît  que  deux 
espèces  d'amour,  l'amour  de  Dieu  et  l'amour 
du  monde,  qui  sont,  dit-il,  les  sources  de 
tous  nos  désirs.  Jamais  il  ne  peut  y  avoir 
d'excès  dans  l'amour  de  Dieu  ;  mais  tout  est 
nuisible  et  pernicieux  dans  l'amour  du 
monde.  Voilà  pourquoi  il  faut  nous  attacher 
inséparablement  aux  biens  éternels,  et  user 
en  passant  des  biens  temporels. 

Dans  le  sixième  discours  sur  le  Jeûne  du 
septième  mois,  saint  Léon  marque  que  l'Eglise 
avait  séparé  du  corps  mystique  de  Jésus- 
Christ  certains  hérétiques  qui  osaient  sou- 
tenir, contre  la  doctrine  des  apôtres,  qu'il  n'y 
a  qu'une  nature  en  Jésus-Christ.  «  La  foi  ca- 
tholique, dit-il,  condamne  toutes  sortes  d'er- 
reurs ;  elle  proscrit  celle  de  INestorius,  qui 
sépare  la  nature  divine  de  la  nature  hu- 
maine ;  elle  déteste  l'erreur  d'Eutychès,  qui 
exclut  l'humanité  pour  ne  reconnaître  que  la 
divinité.  Le  Fils  de  Dieu  est  véritablement 
Dieu  comme  son  Père  ;  il  lui  est  parfaitement 
égal,  aussi  bien  que  le  Saint-Esprit  ;  mais  il 
n'a  pas  dédaigné  de  se  faire  homme,  ni  cessé 
d'être  Dieu,  en  s'unissant  à  la  nature  hu- 
maine. Il  a  tellement  accordé  la  divinité  avec 
l'humanité,  qu'il  a  honoré  la  nature  humaine, 
au  lieu  de  l'anéantir  en  s'unissant  à  elle. 
Quoiqu'il  se  soit  revêtu  de  la  forme  d'un  es- 
clave, il  n'a  point  perdu  la  forme  et  la  nature 
de  Dieu;  c'est  la  même  personne  dans  les 
deux  natures.  D'après  saint  Léon,  le  sacrifice 
de  l'Eucharistie  prouve  la  vérité  du  corps  de 
Jésus-Christ.  Ce  sacrifice  est  pur,  quand  on 
n'a  pas  de  sentiments  contraires.  Le  Sauveur 
a  dit  :  Si  vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils  de 
l'homme  et  ne  buvez  son  sang,  vous  n'aurez  point 
la  vie  en  vous.  Vous  devez  donc  approcher  de 


Isai  1,  13. 


la  table  sacrée  avec  une  telle  disposition  d'es- 
prit, que  vous  n'ayez  aucun  doute  sur  la  réa- 
lité du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  ;  on 
prend  avec  la  bouche  ce  qu'on  croit  par  la 
foi.  » 

Il  enseigne  que  les  préceptes  moraux  de  la 
loi  ancienne  ont  la  même  force  parmi  nous 
qu'ils  avaient  parmi  les  Juifs,  et  que  Jésus- 
Christ  n'a  aboli  que  les  observations  légales, 
comme  les  purifications,  les  sacrifices,  le  re- 
pos du  sabbat  :  ainsi  les  préceptes  affirma- 
tifs  ou  négatifs  de  l'ancienne  loi,  c'est-à-dire 
qui  ordonnent  ou  qui  défendent  de  faire  cer- 
taines choses,  ont  encore  toute  leur  force  en 
ce  qui  regarde  la  morale.  «  Il  ne  faut  pas 
croire  que  la  perfection  évangélique  leur  soit 
contraire.  La  vertu  des  chrétiens  est  plus  en- 
tière et  plus  parfaite  que  celle  des  pharisiens 
et  des  scribes.  Ils  jeûnaient  pour  s'attirer  les 
applaudissements  et  les  louanges  des  hom- 
mes ;  aussi  Dieu  dit  d'eux  par  le  prophète 
Isaïe  :  Mon  âme  a  de  l'aversion  pour  votive  jeûne. 
Pour  que  le  jeûne  soit  saint  et  méritoire,  il 
ne  faut  pas  qu'il  soit  gâté  par  une  vaine  os- 
tentation, ni  que  les  fidèles  dépendent  du 
caprice  des  hommes,  ni  des  jugements  hu- 
mains dans  la  pratique  de  la  vertu.  Il  suffit 
de  plaire  à  Dieu  quand  on  l'aime  ;  l'amour 
même  est  la  plus  grande  récompense  de  l'a- 
mour; Dieu  est  tout  ensemble  charité,  et  le 
principe  de  la  charité  ;  une  âme  qui  a  de  la 
vertu  et  de  la  piété  se  contente  de  posséder 
Dieu  et  ne  souhaite  rien  davantage.  Quoique  s„œ„i 
nous  soyons  devenus  une  créature  nouvelle  p^s-ns. 
par  la  grâce  de  Jésus-Christ,  et  que  l'image 
de  l'homme  terrestre  ait  été  changée  en  celle 
de  l'homme  céleste,  cependant,  tandis  que 
nous  sommes  revêtus  d'un  corps  mortel,  il 
faut  que  nous  soyons  toujours  en  garde  con- 
tre les  désirs  de  la  chair.  Une  âme  soumise 
à  Dieu  doit  être  dans  une  perpétuelle  inquié- 
tude, de  peur  de  s'abandonner  au  péché  ; 
elle  a  toujours  de  quoi  combaltre  et  de  quoi 
vaincre.  » 

Saint  Léon  fait  voir  que  la  vertu  cause  plus 
de  plaisir  que  le  vice,  et  que  dans  un  homme 
qui  n'est  pas  esclave  de  ses  passions,  la  rai- 
son trouve  un  plus  grand  plaisir  à  pardonner 
une  injure  qu'à  la  venger;  à  donner  son  bien 
qu'à  prendre  celui  d'autrui  ;  à  vivre  avec 
tempérance  et  frugaUté,  qu'à  s'abandonner 
au  luxe  et  à  la  Jjonne  chère.  Il  dit  que  le 
jeûne  du  septième  mois,  pratiqué  dans  l'an- 
cienne loi,  a  été  renouvelé  par  les  apôtres; 
que  le  plus  utile  et  le  plus  excellent  de  tous 


92,  pag.  1 


[V  SIÈCLE.] 

les  jeûnes,  est  de  s'abstenir  des  mauvais  dé- 
sirs ;  ce  qui  n'empêche  pas  que  l'abstinence 
des  viandes  ne  soit  méritoire  quand  elle  est 
l'effet  de  l'abstinence  intérieure.  Il  donne 
pour  raison  de  l'institution  des  Quatre-Temps, 
que  c'est  pour  nous  faire  souvenir  que  nous 
avons  besoin  de  nous  purifier  en  tout  temps, 
et  de  faire  tous  nos  efforts  pour  effacer  par 
les  jeûnes  et  par  les  aumônes  les  péchés  que 
nous  avons  commis  par  la  fragilité  de  la 
chair. 

IG.  Certains  marchands  égyptiens,  venus  à 
Rome,  y  soutinrent  qu'il  n'y  avait  en  Jésus- 
Christ  que  la  seule  nature  divine,  et  qu'il 
n'avait  pas  pris  un  corps  véritable  dans  le 
sein  de  la  sainte  Vierge.  Saint  Léon,  en  étant 
averti,  réfuta  publiquement  cette  erreur  dans 
l'église  de  Sainte-Anastasie.  Il  montra  que 
cette  hérésie  avait  autrefois  été  condamnée 
dans  Photin,  dans  les  manichéens  et  dans 
Apollinaire.  Il  ajouta  que  la  foi  catholique 
nous  enseignait  que  le  Fils  unique  de  Dieu  a 
pris  une  chair  véritable  et  une  âme  humaine, 
ayant  été  conçu  par  l'opération  du  Saint-Es- 
prit dans  le  sein  de  la  Vierge  ;  qu'ayant  un 
corps,  il  a  pu  faire  des  actions  corporelles  ; 
mais  qu'étant  Dieu,  il  a  toutes  les  vertus  in- 
séparables de  la  divinité  ;  que  si  c'est  une  suite 
de  la  faiblesse  humaine  d'avoir  faim  et  soif, 
de  dormir,  de  craindre,  de  mourir,  c'est  une 
marque  de  la  puissance  divine,  de  marcher 
sur  les  ondes,  de  changer  l'eau  en  vin,  de 
ressusciter  les  morts,  de  faire  trembler  la 
terre  en  mourant  et  de  monter  au  ciel  après 
s'être  ressuscité  ;  que  ceux  qui  distinguent 
bien  ces  difterentes  propriétés  savent  ce  qu'ils 
doivent  attribuer  à  la  divinité  et  à  l'humanité. 
Il  exhorte  les  fidèles  à  n'avoir  aucun  com- 
merce avec  ces  hérétiques,  parce  que  l'Eglise 
les  avait  retranchés  de  sa  communion  par  un 
jugement  équitable. 

17.  Le  sermon  sur  la  Transfiguration  est 
une  explication  de  l'endroit  de  l'Evangile  où 
l'histoire  de  ce  mystère  est  rapportée.  Saint 
Léon  y  dit  que  la  sublimité  de  la  foi  de  saint 
Pierre  lui  mérita  les  éloges  de  Jésus-Christ, 
qui  le  compara  à  une  pierre  solide  sur  la- 
quelle son  Eglise  était  fondée  ;  que  Jésus- 
Christ  se  transfigura  pour  prouver  la  vérité 
de  sa  chair,  pour  rassurer  ses  apôtres  contre 
les  horreurs  de  la  croix,  effacer  de  leur  cœur 
le  scandale  de  la  croix,  pour  confirmer  leur 
foi  qui  aurait  pu  être  ébranlée  par  la  mort 
de  leur  maître;  enfin,  pour  fortifier  l'espé- 
rance des  fidèles,  en  leur  faisant  connaître  à 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


li 


quelle  gloire  ils  étaient  destinés,  puisqu'ils 
devaient  participer  à  celle  qui  avait  brillé 
dans  leur  Sauveur.  Le  témoignage  du  Père, 
qui  fit  entendre  du  milieu  d'une  nuée  ces  pa- 
roles :  C'est  mon  Fils  bien-aimé,  écoutez-le,  était  MauL  xvn, 
plus  que  suffisant  pour  ôter  aux  apôtres  tous 
leurs  doutes.  C'est  comme  si  le  Père  leur 
avait  dit  :  C'est  mon  Fils  qui  est  avec  moi 
avant  tous  les  temps,  la  divinité  ne  nous  sé- 
pare point,  notre  puissance  est  égale  ;  ce 
n'est  point  un  Fils  adoptif,  je  l'ai  engendré 
de  ma  propre  substance,  et  il  fait  tout  ce  que 
je  fais,  il  opère  inséparablement  avec  moi, 
sans  rien  perdre  de  sa  gloire  ;  il  s'est  abaissé 
jusqu'à  se  revêtir  de  la  forme  d'un  esclave 
pour  sauver  le  genre  humain  :  les  mys- 
tères de  la  loi  l'ont  annoncé,  les  prophètes 
ont  prédit  son  avènement  ;  il  a  racheté  le 
monde  par  son  sang  et  aftrancbi  les  hommes 
de  la  dette  de  l'ancienne  prévarication. 
Ecoutez-le  :  c'est  lui  qui  ouvre  le  chemin  du 
ciel,  et  il  a  fait  de  sa  croix  une  échelle  pour 
monter  à  la  gloire  :  accomplissez  ses  volon- 
tés, puisqu'elles  sont  conformes  aux  mien- 
nes. Saint  Léon  dit  que  ces  paroles  ne  s'a- 
dressaient pas  aux  seuls  apôtres,  mais  à  l'E- 
glise universelle,  en  la  personne  des  trois 
disciples. 

18.  Ce  père  ne  fait  aussi  qu'expfiquer  une 
partie  du  sermon  de  Jésus-Christ  sur  la  mon- 
tagne, dans  celui  qui  est  intitulé  :  Des  degrés 
pour  monter  à  la -béatitude.  Par  les  pauvres 
d'esprit,  il  entend  ceux  qui  se  sont  rendus 
recommandables  par  une  parfaite  humilité 
d'esprit,  et  non  pas  ceux  qui  manquent  des 
choses  nécessaires.  On  promet  des  consola- 
tions éternelles  à  ceux  qui  pleurent,  non  les 
afilictions  ou  les  malheurs  du  monde,  mais 
leurs  péchés  ou  ceux  d'auti'ui.  Les  personnes 
douces  et  tranquilles  à  qui  la  possession  de  la 
terre  est  promise,  sont  ceux  qui  sont  hum- 
bles et  modestes,  et  disposés  à  souffrir  toutes 
sortes  d'injures.  Saint  Léon  croit  que  sous  le 
symbole  de  la  terre  promise  à  ceux  qui  sont 
doux,  on  doit  entendre  la  chair  des  saints, 
qui,  pour  les  récompenser  de  leur  humilité, 
sera  heureusement  revêtue  de  l'immortalité. 
Il  dit  que  la  faim  qui  rend  bienheureux,  c'est 
celle  qui  ne  demande  rien  de  corporel  ni  de 
terrestre,  et  qui  ne  peut  être  rassasiée  que 
par  la  justice  et  par  la  possession  de  Dieu. 
«  Toute  sorte  de  paix,  ajoute-t-il,  ne  conduit 
pas  à  la  félicité  promise  aux  pacifiques  dans 
l'Evangile,  il  n'y  a  que  celle  dont  parle  l'A- 
pôtre :  Ayons  la  paix  avec  Dieu  par  Jésus- 


Sermon  95, 
sur  les  liserés 
dû  la  beali- 
tudo,  p.  iSO. 


198 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sermon  sur 
la  Cliaîre  rie 
Eiint  Pierre, 
pag,  1S3. 


Prières  at- 
tribuées à 
saict  Léon. 


Di !Coa  rs 
Taussement 
attribués       à 
saint  Léon. 


Christ.  Les  amitiés  les  plus  étroites  et  la  plus 
exacte  conformité  des  espi'its  ne  peuvent  en- 
tretenir cette  paix  sans  une  parfaite  corres- 
pondance à  la  volonté  de  Dieu.  Les  person- 
nes unies  par  la  ressemblance  de  leurs  mau- 
vais désirs,  ces  sociétés  qui  n'ont  d'autres 
objets  que  le  crime,  ces  pactes  qui  se  font 
pour  l'amour  du  vice,  sont  bien  éloignés  de 
cette  heureuse  paix  dont  parle  l'Evangile. 
L'amour  du  monde  est  incompatible  avec 
■  l'amour  de  Dieu  ;  ceux  qui  demeurent  tou- 
jours attachés  à  la  chair  et  au  sang,  ne  par- 
viendront jamais  à  l'adoption  des  enfants  de 
Dieu.  »  Saint  Léon  n'explique  que  sept  béa- 
titudes, parce  que  ce  sont  les  sept  degrés  pour 
parvenir  à  la  perfection,  et  que  la  huitième 
appartient  à  l'homme  parfait. 

19.  Le  discours  sur  la  Chaire  de  saint  Pierre, 
est  entièrement  de  son  style  et  lui  est  attri- 
bué dans  un  ancien  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque du  roi.  Il  y  dit  que  l'on  doit  célébrer 
cette  fête  avec  autant  de  joie  que  celle  du  mar- 
tyre de  saint  Pierre,  qui  était  en  vénération 
par  toute  la  terre.  Il  entend  par  cette  chaire 
le  jour  où  saint  Pierre  fut  assis  sur  le  pre- 
mier siège  de  l'Eghse,  et  qu'il  fut  fait  pontife 
du  peuple  de  Dieu.  On  allumait  ce  jour-là 
quantité  de  cierges  dans  l'église  de  son  nom, 
et  on  la  décorait  par  divers  ornements  exté- 
rieurs. Saint  Léon  en  prend  occasion  d'ex- 
horter les  fidèles  à  honorer  cette  fête  par  la 
pureté  intérieure  de  leur  cœur  et  par  la  pra- 
tique des  maximes  que  ce  saint  apôtre  a  ap- 
prises aux  fidèles  dans  sa  première  épître, 
dont  il  rapporte  plusieurs  passages  '. 

20.  On  a  joint  aux  sermons  de  saint  Léon 
plusieurs  prières  tirées  du  Pontifical  romain, 
comme  étant  de  sa  composition.  Elles  sont 
en  effet  de  son  style.  La  première  est  pour  la 
consécration  d'un  évêque  ;  la  seconde,  pour 
l'ordination  d'un  prêtre;  on  en  trouve  une 
partie  dans  l'ancien  Pontifical  de  l'Eglise  de 
Sens.  La  troisième  est  pour  la  réconciliation 
des  pénitents  qui  se  fait  le  jeudi  de  la  se- 
maine sainte. 

21.  11  y  a  des  manuscrits  qui  lui  attribuent 
un  discours  en  l'honneur  de  saint  Vincent 


martyr  ;  mais  il  n'est  point  de  son  style,  et 
il  y  a  un  endroit  ^  dans  ce  discours  qui  fait 
voir  qu'il  a  été  prêcbé  dans  le  lieu  même  où 
saint  Vincent  souffrit  le  martyre,  c'est-à-dire 
en  Espagne.  On  croit  qu'il  est  plutôt  de  saint 
Léandre,  évêque  de  Séville.Le  sermon «wr-fa 
Naissance  du  Sauveur  paraît  n'avoir  été  attri- 
bué à  saint  Léon  que  parce  que  l'auteur  a 
tiré  beaucoup  de  choses  du  premier  discours 
de  ce  saint  pape  sur  le  même  mystère  ;  le 
reste  n'est  point  de  son  style.  Il  faut  dire  la 
même  chose  du  sermon  sur  l'Ascension  de 
Jésus-Christ.  11  n'y  a  rien  non  plus  qui  con- 
vienne à  saint  Léon  dans  le  discours  sur  la 
Fête  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  si  ce  n'est 
ce  que  le  compilateur  a  pris  du  second  et  du 
troisième  sermon  faits  à  l'anniversaire  de 
son  ordination  ^  Quant  au  traité  contre  les 
erreurs  d'Eutychès  et  de  quelques  autres  hé- 
rétiques, c'est  une  compilation  des  discours 
et  des  lettres  de  saint  Léon.  Tous  les  endroits 
en  sont  marqués  à  la  marge  dans  la  nouvelle 
édition  de  ses  œuvres. 

§n. 

Des  Lettres  de  saint  Léon  *. 

1 .  La  lettre  aux  évêques  de  Mauritanie,  qui 
se  trouve  la  première  dans  l'ordre  de  celles 
de  saint  Léon,  est  sans  date  :  on  y  voit  que 
ce  pape  en  avait  déjà  écrit  d'autres  du  nom- 
bre de  celles  qu'on  appelle  décrétales;  mais 
elles  peuvent  n'être  pas  venues  jusqu'à  nous. 
Il  y  fait  encore  mention  d'une  autre  lettre 
qui  est  perdue;  elle  était  adressée,  de  même 
que  celle-ci,  aux  évêques  de  la  Mauritanie 
Césarienne.  Voici  quelle  en  fut  l'occasion  : 
les  troubles  de  la  guerre  entre  Valentinien  III 
et  Genséric,  roi  des  Vandales,  avaient  occa- 
sionné des  ordinations  irrégulières  dans  cette 
province.  Saint  Léon,  en  ayant  eu  avis,  donna 
commission  à  l'évêque  Potentius ,  qui  était 
alors  à  Rome,  et  qui  s'en  retournait  en  Mau- 
ritanie, de  s'informer  de  ces  ordinations  ;  il 
le  chargea  en  même  temps  d'une  lettre  pour 
les  évêques  de  cette  province.  C'est  celle-là 
que  nous  n'avons  plus.  Potentius  s'acquitta 


Lettre  p 
m  i  ê  re 
évêques 
Ma  u  ri  tan 
vers  l'an  4 
fag.  2tlJ. 


'  Les  fi'ères  Ballerini  prouvent  par  des  raisons 
assez  fortes  que  ce  sermon  est  supposé.  (L'éditeur.) 

2  Hune  ergo  amplius  propria  venereniur,  quem 
etiam  peregrina  mirantur.  Pag.  187. 

3  Les  frères  Ballerini  ont  adjugé  ce  sermon  h  saint 
Léon  d'après  un  très-bon  et  très-ancien  manuscrit. 
Vid.  tom.  I,  eoL  327-30.  [L'éditeur.) 

*  Dans  l'édition  des  frères  Ballerini   on    compte 


cent  soixante-treize  lettres;  mais  on  y  comprend 
plusieurs  lettres  qui  sont  adressées  à  saint  LéoU;, 
d'autres  qui  éclaircisseut  les  matières  qu'il  a  traitées^ 
d'autres  enfin  qui  regardent  les  lois  des  empereurs 
touchant  les  affaires  ecclésiastiques,  arrivées  du 
temps  du  saint  pape.  Le  nombre  exact  des  épitres  de 
saint  Léon  est  de  cent  quarante-trois.  (L'éditeur.) 


[V<^  SIÈCLE.] 

de  sa  commission,  et  envoya  au  pape  une 
ample  relation  de  l'état  des  Eglises  de  Mau- 
rir.inie,  où  soit  par  brigue,  soit  par  des  émo- 
tions populaires,  on  avait  élevé  à  l'épiscopat 
de  simples  laïques,  des  hérétiques  convertis, 
des  bigames,  dont  quelques-uns  avaient  eu 
deux  femmes  à  la  fois.  Saint  Léon,  touché  de 
douleur,  écrivit  une  seconde  lettre  aux  évê- 
ques  de  la  Mauritanie  Césarienne,  où  il  leur 
représente  que  si  l'on  ne  doit  constituer  dans 
les  divers  degrés  du  ministère  ecclésiastique 
que  des  gens  qui  en  soient  dignes,  il  est  bien 
plus  important  de  choisir  de  bons  évêques  ; 
que  lorsque  saint  Paul  disait  à  Timothée  : 
lisi.  i  ad  JY' imposez  légèrement  les  mains  à  personne,  il 
entendait  qu'aucun  ne  serait  honoré  du  sa- 
cerdoce, qu'il  ne  fût  d'un  âge  mûr  et  qu'il 
n'eût  donné  des  preuves  de  son  mérite  par 
son  travail  et  son  savoir.  Il  dit  ensuite  que, 
parmi  les  qualités  que  saint  Paul  demande 
dans  un  évêque,  une  des  premières  est  qu'il 
n'ait  épousé  qu'une  femme,  qui,  de  son  côté, 
n'ait  eu  qu'un  mari  ;  que  si  la  bigamie  ex- 
cluait du  sacerdoce  dans  la  loi  ancienne,  elle 
en  excluait  à  plus  forte  raison  dans  la  loi 
nouvelle.  11  décide  donc  que  les  bigames  or- 
donnés évêques,  prêtres  ou  diacres,  doivent 
être  déposés  de  l'épiscopat,  de  la  prêtrise  et 
du  diaconat.  Il  compte  pour  bigames  non- 
seulement  ceux  qui  avaient  épousé  deux  fem- 
mes, l'une  après  la  mort  de  l'autre,  mais 
aussi  ceux  qui  avaient  épousé  des  veuves.  Il 
ajoute  qu'on  doit  à  plus  forte  raison  déposer 
celui  qui  avait  deux  femmes  à  la  fois,  ou  qui 
en  avait  épousé  une  autre  après  que  la  sienne 
l'avait  quitté.  Son  premier  dessein  avait  été 
de  punir  sévèrement  les  évêques  qui  avaient 
fait  de  semblables  ordinations;  mais  sa  sévé- 
rité se  changea  en  clémence,  faisant  réflexion 
que  toutes  les  voies  du  Seigneur  étaient  rem- 
pHes  de  miséricorde.  Quant  aux  laïques  qui 
avaient  été  élevés  à  l'épiscopat,  sans  avoir 
auparavant  passé  par  les  divers  degrés  du 
ministère  ecclésiastique,  saint  Léon  leur  per- 
met de  demeurer  dans  leurs  dignités,  même 
à  un  Maxime  qui  avait  été  donatiste,  sans 
toutefois  que  cette  dispense  dût  tirer  à  con- 
séquence, au  préjudice  des  décrets  du  Saint- 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


199 


Siège,  et  de  ceux  qu'il  avait  déjà  faits  lui- 
même  sur  ce  sujet.  11  accorde  la  même  grâce 
à  Donat  de  Salicine,  qui  s'était  converti  avec 
tout  son  peuple  de  l'hérésie  des  novatiens,  de 
même  que  Maxime  :  mais  il  veut  que  l'un  et 
l'autre  donnent  leur  profession  de  foi  par 
écrit.  Il  charge  les  évêques  de  la  Mauritanie 
de  s'informer  s'il  était  vrai  qu'Agar  et  Tibé- 
rien  eussent  été  ordonnés  avec  des  séditions 
violentes,  se  réservant  le  jugement  de  cette 
affaire  sur  leur  rapport  '.  Quelques  religieu- 
ses avaient  souffert  violence  pendant  l'incur- 
sion des  Vandales,  saint  Léon  les  déclare  in- 
nocentes, si  leur  volonté  n'avait  point  eu  de 
part  dans  la  violence  qu'elles  avaient  souf- 
ferte de  la  part  des  Barbares  :  il  leur  con- 
seille néanmoins  de  ne  se  pas  mettre  au  rang 
de  celles  qui  n'avaient  pas  eu  le  même  mal- 
heur, afin  de  réparer  leur  perte  par  l'aug- 
mentation de  leur  modestie  et  de  leur  humi- 
lité. Cette  lettre  fut  portée  par  un  évêque 
nommé  David,  dont  saint  Léon  fait  l'éloge. 

2.  La  lettre  à  saint  Rustique,  évêque  de 
Narbonne,  est  encore  sans  date;  mais  on  la 
met  ordinairemant  après  l'an  4-48,  parce  que 
Hermès,  qui  en  fut  le  porteur,  était  alors  ar- 
chidiacre de  cette  Eglise,  et  qu'il  n'en  était 
que  diacre  en  cette  année,  comme  on  le  voit 
par  une  ancienne  inscription  de  l'Eglise  de 
Narbonne.  Saint  Rustique  était  fils  d'un  évê- 
que nommé  Bonose,  et  sa  mère  sœur  d'un 
autre  évêque  nommé  Arator.  Elle  ne  se  con- 
tenta pas  de  le  nourrir  et  de  l'élever  dans  son 
enfance  ;  après  l'avoir  fait  étudier  dans  les 
écoles  des  Gaules,  elle  l'envoya  à  Rome  pour 
achever  de  se  former  dans  l'éloquence,  et 
pour  modérer  par  la  gravité  romaine  ce  que 
les  Gaulois  avaient  de  trop  diffus.  C'est  ce 
qu'on  ht  dans  la  quatrième  lettre  de  saint 
Jérôme,  adressée  à  Rustique,  qu'on  croit  être 
le  même  que  notre  saint.  Ce  père  lui  con- 
seille de  respecter  sa  mère  comme  une  sainte, 
mais  de  la  quitter  pour  aller  demeurer  dans 
le  désert,  ou  plutôt  dans  un  monastère,  y 
ayant  moins  de  danger  de  vivre  en  commu- 
nauté, que  seul,  à  moins  que  l'on  ne  soit 
déjà  avancé  dans  la  vertu.  Saint  Rustique 
suivit  l'avis  de  saint  Jérôme,  embrassa  la  vie 


T.ellre  2  à 
saint  Rusti- 
qu-i  de  Nar- 
bonne, p. 205. 


Qui  était 
saint  Rusti- 
que. 

Voyez  tom. 
Vn.pag.  641. 


1  Cette  décrétale,  dit  M.  Rhorbacher,  Histoire  uni- 
verselle de  l'Eglise,  tom.  VIII,  pag.  141,  est  des  plus 
mportantes,  en  ce  cpi'elle  nous  montre  le  droit, 
l'usage  et  les  effets  des  appellations  à  Rome,  particu- 
lièrement de  l'Afrique.  Le  janséniste  Quesnel,  que 
Fleury  prend  pour  guide,  voudrait  faire  croire  que 
ces  passages  si  importants  sont  supposés  et  qii'ilfaut 


s'en  tenir  à  la  décrétale  abrégée  qu'il  donne  dans 
son  édition  de  saint  Léon.  Mais  la  décrétale  se  trouve 
avec  ses  passages  dans  toutes  les  éditions  antérieures, 
dans  les  meilleurs  manuscrits,  comme  le  reconnais- 
sent les  meilleurs  critiques,  tel  que  Baluze  et  Gous- 
tant,  et  comme  l'ont  prouvé  les  doctes  Cacciari  et 
Ballerini.  (L'éditeur.) 


200 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


monastique  dans  le  même  monastère  où  était 
Vénérius,  qui  fut  depuis  fait  évêque  de  Mar- 
seille ;  il  fut  ensuite  élevé  à  la  prêtrise  ;  ce 
que  saint  Jérôme  semblait  lui  avoir  prédit, 
en  l'exhortant  à  vivre  tellement  dans  le  mo- 
nastère, que  ce  lui  fût  une  préparation  à  la 
cléricature,  si  l'Eglise  l'y  appelait  dans  un 
âge  plus  avancé.  Après  avoir  rempli  quelque 
temps  les  fonctions  de  prêtre  dans  l'Eglise 
de  Marseille,  on  le  choisit  pour  évêque  de 
Narbonne,  le  9  octobre  de  l'an  427  ou  430. 
Les  fréquentes  guerres  entre  les  Gotlis,  ariens 
de  religion,  et  les  Romains  qui  étaient  encore 
en  possession  de  Narbonne,  rendirent  son 
épiscopat  difficile  ;  mais  il  souffrit  beaucoup 
plus  des  scandales  qu'il  vit  naître  dans  son 
diocèse,  par  la  mésintelligence  et  la  division 
qui  régnaient  parmi  son  peuple.  Il  en  conçut 
un  tel  chagrin,  qu'il  pensa  à  renoncer  à  Vé- 
piscopat,  pour  passer  le  reste  de  sa  vie  dans 
le  repos  et  le  silence.  Saint  Léon,  à  qui  il  fît 
part  de  son  dessein,  l'en  détourna,  en  lui  re- 
présentant que  la  patience  est  moins  néces- 
saire contre  les  tentations  ordinaires  de  la 
vie,  que  contre  les  persécutions  pour  la  foi; 
que  ceux  qui  sont  chargés  du  gouvernement 
de  l'Eglise,  doivent  garder  courageusement 
leur  poste,  en  se  confiant  non  en  leur  propre 
force,  mais  en  Jésus-Christ;  qu'en  quelque 
état  que  l'on  fût  en  ce  monde,  on  ne  devait 
point  espérer  d'y  avoir  du  repos.  «  Il  faut, 
ajoutait-il,  nous  attacher  immuablement  à  la 
justice,  exercer  en  même  temps  la  clémence 
et  la  bonté.  Haïssons  les  péchés,  et  non  pas 
les  hommes  ;  reprenons  avec  force  les  su- 
perbes, tolérons  les  infirmes,  et,  s'il  est  né- 
cessaire de  punir  quelques  péchés  avec  une 
juste  sévérité,  faisons  en  sorte  qu'il  paraisse 
que  nous  n'aimons  pas  à  faire  souffrir  les 
autres,  mais  à  les  guérir.  Ne  nous  effrayons 
point  des  tribulations  les  plus  violentes , 
comme  si  nous  devions  les  soutenir  par  nos 
propres  forces.  Mettons  notre  confiance  en 
Jésus-Christ  qui  a  vaincu  le  monde  et  qui 
a  promis  d'être  toujours  avec  nous.  » 

Saint  Rustique  consulta  en  même  temps 
saint  Léon  sur  le  procédé  de  deux  prêtres  de 
son  Eglise,  nommés  Sabinien  et  Léon,  qui, 
en  poursuivant  la  punition  d'un  adultère, 
avaient  été  trop  loin.  Cités  l'un  et  l'autre  de- 
vant une  assemblée  d'évêques  et  de  laïques 
qualifiés,  ils  avaient  d'abord  comparu,  mais 
ayant  ensuite  fait  défaut,  n'osant  soutenir  ce 
qu'ils  avaient  avancé  contre  l'accusé,  ils  fu- 
rent condamnés.  Saint  Léon,  à  qui  saint  Rus- 


tique avait  envoyé  les  actes  de  cette  assem- 
blée, répondit  que  les  deux  prêtres  ne  pou- 
vaient se  plaindre  d'y  avoir  été  condamnés  : 
mais  il  laissa  au  pouvoir  de  leur  évêque  de 
les  traiter  comme  il  le  trouverait  bon,  et 
lui  conseilla  d'employer  la  douceur  de  la 
charité,  plutôt  que  la  rigueur  de  la  justice 
envers  des  personnes  qui  semblaient  n'avoir 
péché  que  par  un  excès  de  zèle  :  carie  crime 
de  l'accusé  était  certain,  et  il  paraît  que  ce 
ne  fut  que  par  défaut  de  preuves  néces- 
saires, que  Sabinien  et  Léon  furent  con- 
damnés. 

A  sa  lettre  saint  Rustique  avait  joint  un 
mémoire  contenant  dix-neuf  questions  sur 
divers  points  de  discipline,  qu'il  priait  saint 
Léon  de  résoudre.  Ce  pape  le  fit  en  peu  de 
mots,  en  témoignant  que  pour  le  satisfaire 
plus  pleinement,  il  eût  souhaité  de  le  voir  et 
de  lui  parler.  Le  prêtre  ou  le  diacre  qui  s'est  .'"'jif" 
faussement  dit  évêque,  ne  doit  point  passer 
pour  tel,  puisqu'on  ne  peut  compter  entre 
les  évêques,  ceux  qui  n'ont  été  ni  choisis  par 
le  clergé,  ni  demandés  par  le  peuple,  ni  con- 
sacrés par  les  évêques  du  consentement  du 
métropolitain.  Les  ordinations  faites  par  ces 
faux  évêques  sont  nulles,  si  elles  n'ont  été 
faites  du  consentement  de  ceux  qui  gouver- 
naient les  églises  auxquelles  ces  clercs  ap- 
partenaient. Il  fallait  donc  que  ces  faux  évê- 
ques eussent  le  caractère  épiscopal,  mais 
qu'ils  l'eussent  reçu  par  une  ordination  illé- 
gitime, comme  Armentarius  d'Embrun,  dé- 
posé au  concile  de  Riez.  Si  un  prêtre  ou  un  2,pag.2o7. 
diacre  demande  d'être  mis  en  pénitence,  il 
la  doit  faire  en  particulier,  parce  qu'il  est 
contre  la  coutume  de  l'Eglise  de  leur  impo- 
ser la  pénitence  publique.  La  loi  de  la  conti-  3,  pag.  soi 
nence  est  la  même  pour  les  ministres  de 
l'autel  que  pour  les  évêques  et  les  prêtres  ; 
ils  ont  pu  étant  laïques  ou  lecteurs,  se  ma- 
rier et  avoir  des  enfants  ;  étant  élevés  à  un 
degré  supérieur,  ils  ne  doivent  pas  quitter 
leurs  femmes,  mais  vivre  avec  elles  comme 
s'ils  ne  les  avaient  pas.  Par  les  ministres  de 
l'autel  obligés  à  la  continence,  saint  Léon 
entend  même  les  sous-diacres,  comme  il  pa- 
raît par  sa  lettre  à  Anastase  de  Thessaloni- 
que.  11  faut  distinguer  la  concubine  de  la  ,.  Fie» 

^  ^  ,  liv.       AS 

femme  légitime  ;   ainsi   celui  qui  quitte   sa  M  sy,. 
concubine  pour  se  marier  fait  bien,  et  celle   la. '«?•■'■ 
qui  épouse  un  homme  qui  avait  une  con- 
cubine ne   fait  point  mal,  puisqu'il  n'était 
point  marié.  Saint  Léon  ne  parle  ici  que  des     inquisiiw 
concubines  esclaves,  et  non  de  celles  qui 


[V=  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


201 


étaient  en  effet  des  femmes  légitimes,  mais 
sans  en  porter  le  titre  suivant  les  lois. 

Ceux  qui  reçoivent  la  pénitence  en  mala- 
die, et  ne  veulent  pas  l'accomplir  étant  re- 
venus en  santé,  ne  doivent  pas  être  aban- 
donnés; il  faut  les  exhorter  souvent,  et  ne 
désespérer  du  salut  de  personne,  tant  qu'il 
iiio9,  est  en  vie.  Il  faut  user  de  la  même  patience 
à  l'égard  de  ceux  qui,  pressés  du  mal,  deman- 
dent la  pénitence,  et  la  refusent  quand  le 
.207.  prêtre  est  venu.  Si  le  mal  leur  donne  quel- 
ques relâches,  s'ils  demandent  ensuite  la 
pénitence,  on  ne  la  leur  doit  pas  refuser; 
ceux  qui  reçoivent  la  pénitence  à  l'extrémité 
et  meurent  avant  d'avoir  reçu  la  communion, 
c'est-à-dire  la  réconciliation,  doivent  être 
laissés  au  jugement  de  Dieu,  qui  pouvait  dif- 
férer leur  mort  :  mais  on  ne  prie  point  pour 
eux,  comme  morts  hors  la  communion  de 
.208.  l'Eglise.  En  d'autres  Eglises,  on  ne  laissait 
pas  de  prier  pour  eux.  Les  pénitents  doivent 
s'abstenir  même  de  plusieurs  choses  permi- 

255  ses.  Ils  ne  doivent  point  plaider,  s'il  est  pos- 
sible, et  s'adresser  plutôt  au  juge  ecclésias- 

208.  tique,  qu'au  sécuher.  Ils  doivent  perdre,  plu- 
tôt  que  de  s'engager  au  négoce,   toujours 

2JJ  dangereux.  Il  ne  leur  est  point  permis  d'en- 
trer dans  la  milice  séculière,  ni  de  se  marier, 
si  ce  n'est  que  le  pénitent  soit  jeune  et  en 
péril  de  tomber  dans  la  débauche  ;  encore 
ne- le  lui  accorde-t-on  que  par  indulgence.  Le 

jjg  moine  qui,  après  son  vœu,  se  marie  ou  em- 
brasse la  milice  séculière,  doit  être  mis  en 
pénitence  publique.  Les  filles  qui,  après  avoir 
pris  l'habit  de  vierge,  se  sont  mariées,  quoi- 
qu'elles n'eussent  pas  été  consacrées,  ne  lais- 
sent pas  d'être  coupables  :  c'est  qu'il  y  avait 
deux  sortes  de  vierges  :  celles  qui  ne  s'étaient 
engagées  que  par  le  vœu,  ou  solennel  en  en- 
trant dans  un  monastère,  ou  simple  en  pre- 
nant l'habit  et  demeurant  chez  leurs  pa- 
rents; et  celles  qui  avaient  reçu  la  consécra- 
tion qui  ne  se  donnait  qu'à  l'âge  de  quarante 
ans,  comme  saint  Léon  même  l'ordonne,  et 
par  l'évêque,  un  jour  de  fête  solennelle. 

2(18  Ceux  qui  ont  été  abandonnés  jeunes  par 
leurs  parents  qui  étaient  chrétiens,  en  sorte 
qu'on  ne  trouve  aucune  preuve  de  leur  bap- 
tême, doivent  être  baptisés  sans  craindre  de 

„„„    réitérer  le  sacrement.  Ceux  qui  ont  été  pris 

>  209.  -!■  Ir 

si  jeunes  par  les  ennemis,  qu'ils  ne  savent 
s'ils  ont  été  baptisés,  quoiqu'ils  se  souvien- 
nent que  leurs  parents  les  ont  menés  à  l'é- 
glise, doivent  être  interrogés  s'ils  ont  reçu 
ce  qu'on  donnait  à  leurs  pai'ents,  c'est-à-dire 


l'eucharistie;  s'ils  ne  s'en  souviennent  pas, 
il  faut  les  baptiser  sans  scrupule.  Il  était  venu 
en  Gaule  des  gens  d'Afrique  et  de  Maurita- 
nie, qui  savaient  bien  qu'ils  avaient  été  bap- 
tisés, mais  ils  ne  savaient  dans  quelle  secte. 
Saint  Léon  répond  qu'il  ne  faut  pas  les  bap- 
tiser, puisqu'ils  ont  reçu  la  forme  du  bap- 
tême, de  quelque  manière  que  ce  soit;  il  faut 
seulement  les  i-éunir  à  l'Eglise  catholique 
par  l'imposition  des  mains,  avec  l'invocation 
du  Saint-Esprit,  c'est-à-dire  la  confirmation. 
D'autres,  ayant  été  baptisés  en  enfance  et  pris 
par  les  païens,  avaient  vécu  comme  eux, 
étaient  venus  encore  jeunes  en  terre  des  Ro- 
mains. Saint  Rustique  souhaitait  de  savoir  ce 
qu'on  devait  faire,  s'ils  demandaient  la  com- 
munion. Saint  Léon  répond  :  «  S'ils  ont  seu- 
lement mangé  des  viandes  immolées,  ils  peu- 
vent être  purifiés  par  le  jeûne  et  l'imposition 
des  mains  ;  s'ils  ont  adoré  les  idoles,  ou  com- 
mis des  homicides  ou  des  fornications,  il  faut 
les  mettre  en  pénitence  publique.  »  On  voit 
ici  une  imposition  des  mains  différente  de  la 
confirmation  et  de  la  pénitence  publique. 

En  444,  saint  Rustique  entreprit  avec  le 
concile  de  son  clergé,  et  avec  le  secours  de 
Marcel,  préfet  des  Gaules,  de  rétablir  l'église 
de  Narbonne  qui  avait  été  brûlée.  Il  en  posa 
la  première  pierre  le  18  novembre.  L'année 
suivante  on  en  commença  la  voûte,  et  on 
l'acheva  sur  la  fin  de  novembre  de  l'an  448. 
Il  signa  le  premier  après  Ravenne  d'Arles 
dans  le  concile  des  évoques  des  Gaules  qui, 
en  451,  approuvèrent  la  lettre  de  saint  Léon 
à  Flavien.  Quelque  temps  après,  il  assista  à 
un  autre  concile  qui  se  tint  à  Arles  au  sujet 
d'un  différend  entre  Théodore,  évêque  de 
Fréjus,  et  Fauste,  abbé  de  Lérins.  Il  ne  nous 
reste  de  Théodore  que  ce  que  saint  Léon  a  in- 
séré de  sa  lettre  daiis  la  réponse  qu'il  y  fit. 
Nous  n'avons  pas  même  les  actes  qu'il  avait 
envoyés  à  saint  Léon  touchant  la  condamna- 
tion de  Sabinien  et  Léon,  deux  de  ses  prê- 
tres. 

3.  Nous  avons  déjà  remarqué  qu'il  y  eut 
une  difficulté  pour  la  Pâque  de  l'an  444,  le 
cycle  de  Rome  la  mettant  au  26  de  mars,  et 
celui  d'Alexandrie  le  23  avril.  Saint  Léon  en 
écrivit  à  saint  Cyrille,  alors  évêque  d'Alexan- 
drie, et  à  Paschasin  évêque  de  Lilybée  en  Si- 
cile. Ces  deux  lettres  sont  perdues  ;  mais 
celle  de  Paschasin  ayant  été  mise  dans  les  ar- 
chives de  l'Eglise  romaine,  est  venue  jusqu'à 
nous  :  il  y  parle  des  ravages  que  les  Vandales 
avaient  faits  dans  la  Sicile;  puis,  venant  à  la 


Inquisitio 
18,  pag.  209. 


19,  pag.  209. 


Lettre    de 
Pas'^hasin 
saint    Léon  , 
paç.  209. 


so'a 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


question  que  le  pape  lui  avait  proposée,  il 
répond  qu'après  l'avoir  bien  examinée,  et 
calculé  exactement  les  années  des  Hébreux, 
il  avait  trouvé  que  le  jour  de  Pâques,  en  444, 
devait  être  le  23  avril.  Il  appuie  ses  raisons 
d'un  miracle  arrivé  l'an  417,  où,  les  Latins 
ayant  fait  la  pâque  le  25  de  mars,  des  fonts 
baptismaux,  qui  chaque  année  se  remplis- 
saient miraculeusement  d'eux-mêmes  la  nuit 
de  Pâques  dans  l'église  d'un  lieu  appelé  Mel- 
tines,  ne  se  trouvèrent  remplis  que  la  nuit 
du  22  avril,  auquel  le  cycle  d'Alexandrie  l'a- 
vait marqué.  Il  dit  que  Libanius,  ou,  selon 
d'autres,  Sylvain,  diacre  de  Palerme,  qui  lui 
avait  apporté  la  lettre  de  saint  Léon,  con- 
naissait parfaitement  cet  endroit;  et,  pour 
preuve  qu'il  n'y  avait  point  d'illusion  dans  le 
fait  miraculeux  qu'il  racontait,  il  ajoute  qu'il 
n'y  avait  point  de  fontaines  proche  de  ces 
fonts  baptismaux,  ni  aucun  conduit  souter- 
rain par  où  il  en  pût  venir  ;  qu'en  vain  le 
prêtre  attendit  le  25  mars  jusqu'au  lever  du 
soleil,  pour  voir  si  ces  fonts  se  rempliraient  ; 
qu'il  fut  obhgé  de  renvoyer  les  catéchumènes 
sans  leur  avoir  administré  le  baptême,  qu'ils 
ne  reçurent  que  le  22  avril,  où  les  fonts  sa- 
crés se  remplirent  ù  l'ordinaire. 
LetiKSaux  4.  La  lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de 
ctm7a'/il:  la  Campanie,  de  la  Marche  d'Ancône,  de  la 
p^s-2'o.  Toscane  et  de  toutes  les  autres  provinces 
suburbicaires  soumises  immédiatement  k 
l'Eglise  romaine,  est  du  10  octobre  de  l'an 
443  ;  il  y  reprend  divers  abus,  particulière- 
ment dans  l'ordination  des  ministres  de  l'E- 
glise, où  l'on  admettait  les  bigames,  les  ma- 
ris des  veuves,  des  personnes  de  mœurs  peu 
réglées,  et  des  gens  de  condition  servile  ou 
engagés  à  des  devoirs  incompatibles  avec  le 
service  de  l'Eghse,  et  quelquefois  sans  le  con- 
sentement de  ceux  à  qui  ils  appartenaient; 
il  s'y  plaint  encore  contre  des  clercs  qui  prê- 
taient à  usure,  ou  sous  leur  nom,  ou  sous 
des  noms  empruntés,  quoique  l'usure  fût  dé- 
fendue même  aux  laïques.  Saint  Léon  veut 
que  tous  ceux  qui  avaient  été  ordonnés  contre 
les  règles  de  l'Eghse,  soient  déposés,  ajou- 
tant que  s'il  s'y  rencontrait  quelques  diffi- 
cultés, il  s'en  réservait  la  discussion  et  le  ju- 
gement; il  ordonne  que  les  évêques  qui  né- 
o-lio-eront  l'exécution  de  ses  décrets  ou  qui 
feront  quelque  chose  au  contraire,  soient  in- 
terdits et  privés  de  sa  communion  :  et  afin 
qu'on  ne  crût  pas  qu'il  eùtnéghgé  lui-même 
de  réformer  quelques  autres  abus,  il  adopte 
tous  les  décrets  faits  par  saint  Innocent  et 


par  ses  autres  prédécesseurs;  ce  qui  fait  voir 
qu'il  y  avait  dès-lors  un  code  des  décrétales 
des  papes.  Les  évêques  commis  pour  porter 
cette  lettre  aux  évêcpies  de  la  Campanie,  fu- 
rent Innocent,  Légitimus  et  Ségélius,  qui 
furent  aussi  sans  doute  chargés  d'en  faire 
exécuter  les  décrets. 

S .  C'était  l'usage  des  papes,  depuis  Damase     uum  i  ei 
et  Sirice,  de  commettre  les  évoques  de  Thés-   <■■?  Thessaio- 

'  ^  nique  e(  aux 

salonique  pour  agir  en  leur  nom  dans  toutes  j^^^^j'.",,"' 
les  Eglises  de  l'illyrie  orientale.  Anastase  ne^.  pas- 211, 
avait  reçu  la  même  commission  de  la  part 
du  pape  Sixte  III,  dès  l'an  433  au  plus  tard  ; 
mais,  ayant  su  que  saint  Léon  lui  avait  suc- 
cédé, il  envoya  lui  demander  le  même  pou- 
voir par  un  prêtre  nommé  Nicolas.  Saint 
Léon  le  lui  accorda  volontiers  par  une  lettre 
datée  du  12  janvier  de  l'an  444,  où  il  dit  qu'il 
ne  fait  que  suivre  l'exemple  de  saint  Sirice, 
qui  avait  donné  le  même  pouvoir  à  Anysius. 
Il  l'exhorte  de  s'en  servir  pour  la  conserva- 
tion des  canons,  et  lui  recommande  particu- 
lièrement l'ordination  des  évêques,  où  l'on 
ne  doit  regarder  que  le  mérite  de  la  personne, 
et  le  service  qu'elle  a  rendu  à  l'Eglise,  sans 
aucune  vue  de  faveur  ni  d'intérêt.  11  veut  que 
dans  le  choix  des  ministres,  il  donne  l'exclu- 
sion à  ceux  qui  avaient  été  mariés  deux  fois, 
soit  avant,  soit  après  leur  baptême,  ou  qui 
avaient  épousé  des  veuves.  «Personne,  ajou- 
te-t-il,  ne  doit  être  oi'donné  évêque  dans  ces 
Eglises,  sans  vous  consulter  ;  on  les  choisira 
avec  plus  de  maturité  quand  on  craindra  votre 
examen,  et  nous  ne  tiendrons  point  pour 
évêques,  ceux  que  le  métropolitain  aura  or- 
donnés sans  votre  participation.  Comme  les 
métropohtains  sont  en  droit  d'ordonner  les 
évêques  de  leurs  provinces,  nous  voulons 
que  vous  ordonniez  les  métropolitains,  et  que 
vous  les  choisissiez  avec  un  plus  grand  soin, 
comme  devant  gouverner  les  autres.  Que  per- 
sonne ne  manque  au  concile  quand  il  y  sera 
appelé.  Rien  n'est  plus  utile  que  les  fréquen- 
tes assemblées  des  évêques,  pour  corriger 
les  fautes  et  conserver  la  charité.  S'il  se  ren- 
contre quelques  affaires,  elles  pourront  être 
terminées  avec  le  secours  du  Seigneur  dans 
ces  assemblées  :  mais  vous  nous  renverrez, 
suivant  l'ancienne  coutume,  les  causes  ma- 
jeures qui  ne  pourront  être  terminées  sur  les 
lieux,  et  les  appellations,  afin  que  nous  les 
terminions  nous-mêmes  suivant  les  lumières 
que  Dieu  nous  en  donnera,  et  que  nous  vous 
envoyions  ensuite  notre  jugement.  » 
Saint  Léon  se  plaint  que,  contre  les  canons 


[V  SIÈCLE.] 

et  conire  la  tradition  des  pères,  on  faisait 
tous  les  jours  iudifféremnaeiit  les  ordinations 
des  prêtres  et  des  diacres,  et  veut  qu'on  ne 
les  fasse  que  le  dimanche,  ou  la  nuit  du  sa- 
medi au  dimanche,  comme  celle  des  évêques. 
11  veut  aussi  que  l'on  garde  les  interstices 
entre  chaque  ordre,  en  sorte  qu'un  diacre 
fasse  pendant  longtemps  les  fonctions  du 
diaconat,  avant  d'être  promu  au  sacerdoce, 
et  aiusi  des  autres  clercs.  Le  prêtre  Nicolas 
qui  fut  chargé  de  cette  lettre,  en  porta  une 
de  la  part  de  saint  Léon  aux  métropolitains 
de  rUlyrie,  de  même  date  que  la  précédente  ; 
c'était  pour  les  avertir  du  pouvoir  qu'il  avait 
donné  à  Anastase  de  Thessalonique,  et  les 
exhorter  à  lui  ohéir;  il  les  priait  néanmoins 
de  croire  qu'il  n'avait  rien  diminué  de  leurs 
droits,  et  leur  demandait  une  réponse  pour 
marque  qu'ils  avaient  reçu  sa  lettre;  elle 
contient  les  mêmes  règlements  touchant  les 
ordinations,  la  tenue  des  conciles  et  le  ju- 
gement des  causes  majeures,  que  celle  que 
saint  Léon  écrivit  à  Anastase. 

6.  Saint  Léon  ayant  appris  de  Septimius, 
évêque  d'Altino  en  Véuétie,  que  dans  cette 
province  on  avait  reçu  à  la  communion  ca- 
tholique divers  prêtres,  diacres  et  autres  ec- 
clésiastiques engagés  dans  l'hérésie  de  Pe- 
lage, et  qu'on  les  avait  même  rétablis  dans 
leurs  degrés,  sans  avoir  exigé  d'eux  l'abju- 
ration de  leur  erreur  et  la  profession  de  la 
foi  catholique  ;  que  l'on  souffrait  même  qu'ils 
passassent,  au  mépris  des  canons,  d'une 
église  en  une  autre  pour  y  faire  leur  fonc- 
tion, d'où  ils  prenaient  occasion  de  répan- 
dre leur  hérésie,  il  en  écrivit  .'i  l'évêque  d'A- 
quilée,  pour  se  plaindre  de  la  façon  dont  ces 
pélagiens  avaient  été  reçus  dans  la  province 
dont  il  était  métropolitain.  Pour  empêcher 
que  le  mal  ne  fit  de  nouveaux  progrès,  il  lui 
ordonna  d'assembler  les  évêques  de  sa  mé- 
tropole, pour  y  obliger  tous  ces  ecclésiasti- 
ques pélagiens  qui  n'auraient  point  abjuré 
leur  erreur,  de  condamner  ouvertement  et 
par  écrit  l'hérésie  pélagienne  avec  ses  au- 
teurs, et  tout  ce  que  l'Eglise  universelle  a 
condamné  dans  eux  ;  comme  aussi  d'approu- 
ver tous  les  décrets  des  conciles  faits  contre 
cette  pernicieuse  doctrine  et  confirmés  par 
le  Saint-Siège  ;  de  faire  tout  cela  en  termes 
si  clairs,  qu'il  ne  leur  restât  aucun  prétexte 
d'en  éluder  la  force.  Saint  Léon  fait  remar- 
quer à  l'évêque  d'Aquilée  que  ces  sortes  d'hé- 
rétiques usent  tellement  de  dissimulation 
lorsqu'on  leur  fait  abjurer  leur  hérésie,  qu'ils 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


203 


se  conservent  toujours  la  liberté  de  dire  que 
la  grâce  est  donnée  selon  le  mérite  de  l'hom- 
me ;  en  quoi  ils  font  voir  qu'ils  n'entendent 
pas  même  le  mot  de  grâce,  qui  n'est  plus 
grâce,  mais  récompense,  si  elle  ne  se  donne 
gratuitement  et  non  pas  en  vue  des  mérites. 
Il  recommande  aussi  à  cet  évêque  de  ne  pas 
souffrir  que  contre  les  canons  qui  ordonnent, 
la  stabilité  des  clercs,  ils  quittent  les  Eglises 
où  ils  ont  été  ordonnés,  et  de  séparer  de  la 
communion  ceux  qui,  après  être  passés  à  une 
autre,  feront  difficulté  de  retourner  à  la  pre- 
mière ;  la  raison  qu'il  donne  de  cette  sévé- 
rité, est  que  les  clercs  ne  passaient  ordinai- 
rement d'Eglise  en  Eglise,  que  par  ambition 
ou  par  intérêt.  Saint  Léon  manda  à  Septi- 
mius ce  qu'il  avait  écrit  à  l'évêque  d'Aquilée, 
et  le  pria  de  se  joindre  à  lui  pour  l'exécution 
de  ses  volontés.  Ces  deux  lettres  sont  sans 
date.  Celle  de  Septimius  à  saint  Léon  n'est 
pas  venue  jusqu'à  nous  :  il  en  est  parlé  dans 
Photius.  On  forme  diverses  difficultés  contre 
la  réponse  que  saint  Léon  y  fit,  de  même  que 
contre  sa  lettre  à  Janvier,  qui  est  la  quator- 
zième :  mais  elles  ne  nous  ont  pas  paru  suf- 
fisantes pour  rejeter  ni  l'une  ni  l'autre. 

7.  La  lettre  adressée  aux  évêques  d'Italie, 
l'est  aussi  quelquefois  aux  évêques  de  diver- 
ses autres  provinces,  parce  que  c'était  une 
lettre  circulaire  qui  devait  être  envoyée  par- 
tout, avec  les  actes  de  ce  qui  s'était  passé  à 
Rome  dans  la  découverte  des  manichéens  et 
de  leurs  infamies  :  elle  est  datée  du  30  janvier 
444.  Saint  Léon  y  fait  un  abrégé  de  ce  qui 
se  passa  en  cette  occasion,  et  exhorte  les  évê- 
ques de  veiller  avec  soin  sur  leur  troupeau 
pour  empêcher  qu'il  ne  fût  infecté  par  cette 
sorte  de  peste.  Il  marque  encore  que  l'évê- 
que des  manichéens  avait  confessé  de  sa 
propre  bouche  les  abominations  dont  ils 
étaient  accusés,  et  qu'il  avait  accordé  la  pé- 
nitence à  ceux  de  cette  secte  qui  avaient  té- 
moigné du  repentir  et  qui  avaient  condam- 
né publiquement,  à  la  face  de  toute  l'Eglise, 
Manichée,  sa  doctrine  et  sa  discipline.  On  a 
joint  à  cette  lettre  la  Novelle  de  Valentinien 
contre  les  manichéens. 

8.  Les  deux  lettres  suivantes  regardent 
saint  Hilaire  d'Arles.  Cet  évêque,  qui  était 
venu  à  Rome  sur  la  fin  de  l'an  444,  pour 
faire  au  pape  des  remontrances  contre  Qué- 
lidoine,  s'était  sauvé  de  cette  ville,  voyant 
qu'il  ne  pouvait  persuader  saint  Léon  et  son 
concile.  Le  pape,  surpris  et  indigné  de  son 
départ,   écrivit  contre  lui  aux  évêques  des 


Photius, 

coj.  Liv.pag. 
45. 


Lettre  8 
aux  évéqnfls 
d'Italie,   pag. 


ques  des  Gau- 
les, fag.  -ne. 


Histoire  générale  des  auteurs  ecclésiastiques. 


Gaules  deux  lettres  :  dans  l'une,  qui  est  très- 
courte,  il  avertit  les  évêques  de  la  province 
de  Vienne  qu'il  avait  ôté  à  l'Eglise  d'Arles  le 
droit  de  métropole  pour  le  donner  à  celle  de 
Vienne.  Mais  on  regarde  cette  lettre  comme 
fort  douteuse  ;  elle  est  datée  du  quatrième 
consulat  de  Valentinien  avec  Aviénus.  Jamais 
ce  prince  n'eut  Aviénus  pour  collègue ,  et 
saint  Léon  n'était  pas  encore  pape  lorsque 
Valentinien  fut  consul  pour  la  quatrième  fois. 
Le  style  de  cette  lettre  ne  parait  pas  non  plus 
être  celui  de  saint  Léon;  on  ne  voit  pas  d'ail- 
leurs quelle  raison  il  aurait  eu  d'écrire  deux 
lettres  en  même  temps  aux  mêmes  évêques 
sur  le  même  sujet.  Dans  la  seconde,  qui  est 
beaucoup  plus  longue,  ce  pape  fait  un  récit 
du  différend  qu'il  avait  eu  avec  saint  Hilaire 
d'Arles  à  l'occasion  de  la  déposition  de  Qué- 
lidoine.  Il  dit  que  c'était  une  coutume  an- 
cienne, même  aux  évêques  des  Gaules,  de 
consulter  le  Siège  apostolique,  et  d'y  appeler 
des  jugements  rendus  dans  leurs  provinces  ; 
que  Rome  en  avait  confirmé  ou  infirmé  plu-" 
sieurs  qui  lui  avaient  été  dévolus  par  appel; 
qu'Hilaire  avait  voulu  troubler  l'union  et  la 
bonne  harmonie  qui  était  entre  les  Eglises,  en 
voulant  s'attribuer  la  dignité  de  métropoli- 
tain, et  soumettre  à  sa  puissance  toutes  les 
Eglises  des  Gaules,  sans  vouloir  reconnaître 
l'autorité  de  celle  de  saint  Pierre  ;  que  la 
cause  de  Quélidoine  ayant  été  examinée  dans 
un  concile,  il  avait  été  jugé  innocent  ;  qu'en 
conséquence,  on  avait  cassé  la  sentence  ren- 
due contre  lui,  saint  Hilaire  qui  était  présent 
n'ayant  rien  avancé  qui  dût  la  faire  subsister. 
Saint  Léon  ajoute  que  l'affaire  de  Quélidoine 
étant  terminée,  le  concile  avait  examiné  celle 
d'unévêquedela  province  de  Vienne,  nommé 
Projectus,  qui  s'était  plaint  par  lettres  au 
pape,  que  saint  Hilaire  avait  voulu  ordonner 
en  sa  place  une  personne  qui  n'avait  été 
choisie  ni  par  le  clergé  ni  parles  notables  du 
peuple.  Il  demande  pourquoi  saint  Hilaire  se 
mêlait  des  ordinations  d'une  autre  province, 
ce  qu'aucun  évêque  d'Arles  n'avait  tenté 
avant  Patrocle,  à  qui  cela  ne  fut  accordé  que 
pour  un  temps.  11  lui  reproche  sa  fuite  de 
Rome,  et  déclare  qu'il  a  ordonné  que  Pro- 
jectus demeurerait  paisible  dans  son  siège. 
On  avait  fait  entendre  à  saint  Léon  que  saint 
Hilaire  menait  à  sa  suite  des  gens  armés  pour 
ordonner  ou  chasser  des  évêques.  Il  désap- 
prouve ce  procédé,  recommandant  aux  évê- 
ques des  Gaules  de  ne  faire  des  ordinations 
qu'en  suite  de  l'élection  du  clergé  et  du  peu- 


ple, et  de  laisser  à  chaque  métropolitain 
celles  de  sa  province;  car  s'il  n'est  pas  permis 
de  s'emparer  des  droits  d'autrui,  il  ne  l'est 
pas  non  plus  d'abandonner  ses  propres  droits. 
Il  fixe  le  jour  de  l'ordination  au  dimanche, 
suivant  les  statuts  des  anciens;  déclare  que 
les  évêques  d'une  province  n'iront  point  aux 
conciles  des  autres  provinces,  défend  à  saint 
Hilaire  d'en  indiquer  aucun,  le  déclare  privé 
non-seulement  du  droit  de  primatie  qu'il 
avait  prétendu,  mais  du  droit  de  métropole 
dans  la  province  de  Vienne  qu'il  avait  usur- 
pé ,  et  déchu  de  la  communion  du  Saint- 
Siège,  avec  défense  d'ordonner  personne  et 
de  se  trouver  même  aux  ordinations.  Il  éta- 
blit pour  maxime  qu'on  ne  doit  pas  excom- 
munier facilement,  ni  user  de  cette  censure 
que  pour  punir  un  grand  crime,  et  ceux-là 
seulement  qui  en  sont  coupables.  11  exhorte 
les  évêques  des  Gaules  d'exécuter  le  contenu 
de  sa  lettre,  en  déclarant  qu'il  ne  prétend 
pas  s'attribuer  pour  cela  le  gouvernement  de 
leurs  provinces,  mais  qu'il  veut  au  contraire 
conserver  à  chacun  ses  droits  et  ses  privilè- 
ges, et  les  maintenir  dans  l'union.  Néanmoins 
il  leur  propose  de  leur  donner  pour  primat, 
au  cas  qu'ils  l'agréeraient,  l'évêque  Léonce, 
recommandable  par  son  mérite  et  par  son 
grand  âge,  sans  que  cela  portât  préjudice  aux 
droits  de  métropolitains  :  c'était  vouloir  in- 
troduire dans  les  Gaules  la  discipline  d'Afri- 
que, où  l'on  attribuait  la  primatie  non  à  un 
certain  siège,  mais  au  plus  ancien  évêque. 
Saint  Léon  voulant  appuyer  son  jugement  de 
l'autorité  de  Valentinien,  qui  était  alors  à 
Rome,  obtint  de  lui  un  rescrit  adressé  au  pa- 
trice  Aétius,  général  des  armées  de  l'empire, 
et  daté  du  6  juin  44S  :  on  y  voit  les  mêmes 
plaintes  contre  saint  Hilaire,  que  dans  la  let- 
tre de  saint  Léon  aux  évêques  de  la  province 
de  Vienne.  L'empereur,  api'ès  l'avoir  traité 
d'entreprenant  et  de  séditieux,  lui  défend,  et 
à  tout  autre  évêque,  d'employer  à  l'avenir 
les  armes  pour  les  affaires  ecclésiastiques,  et 
de  rien  entreprendre  contre  l'ancienne  cou- 
tume sans  l'autorité  du  Siège  apostolique, 
voulant  que  tous  les  évêques  tiennent  pour 
loi  ce  que  le  pape  aura  ordonné,  et  que  si 
quelqu'un  d'entre  eux  étant  appelé  à  son  ju- 
gement, néglige  d'y  venir,  il  y  soit  contraint 
par  le  gouverneur  de  la  province. 

9.  Dioscore,  archidiacre  d'Alexandrie,  ayant     r.eiire  n  i 
été  élu  évêque  de  cette  Eglise  après  la  mort  220.'' 
de  saint  Cyrille,  envoya  à  Rome  le  prêtre 
Possidonius,  donner  avis  de  son  ordination 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


205 


à  saint  Léon.  Ce  pape,  dans  sa  réponse  du 
21  juin  443,  lui  donna  quelques  instructions 
pour  l'uniformité  de  la  discipline  touchant 
les  ordinations  et  la  célébration  du  sacrifice. 
II  dit  sur  le  premier  chef  que  Ton  ne  doit  à 
Alexandrie  comme  à  Rome,  faire  les  ordina- 
tions des  prêtres  et  des  diacres,  que  la  nuit 
du  samedi  au  dimanche,  ou  le  dimanche 
matin,  et  que  ceux  qui  donnent  l'ordre,  de 
même  que  ceux  qui  le  reçoivent,  doivent  être 
à  jeun.  Il  déclare  sur  le  second  que  dans  les 
grandes  fêtes,  lorsque  le  peuple  vient  à  l'é- 
glise en  si  grand  nombre,  qu'il  ne  peut  y  te- 
nir ensemble,  on  ne  doit  point  faire  difficulté 
de  réitérer  le  sacrifice  autant  de  fois  que 
l'église  dans  laquelle  on  l'offre  sera  remplie 
de  peuple,  et  que  telle  est  la  coutume  de 
l'Eglise  romaine  :  ainsi  l'on  n'offrait  alors  le 
saint  sacrifice,  soit  à  Rome,  soit  à  Alexan- 
drie, que  dans  une  seule  église,  même  dans 
les  plus  grandes  solennités.  Saint  Léon  ajoute 
que  le  prêtre  Possidonius,  porteur  de  sa  let- 
tre, ayant  souvent  assisté  à  Rome  aux  ordi- 
nations et  aux  processions,  était  parfaitement 
■  instruit  de  ce  qui  s'y  pratiquait. 
Lettre  12  à       10.  Auastasc  de  Thessalouique  usa  d'abord 

Aaaslase    de      t  .  •     ,    t    >  i     ■  ■.      i  , 

Tiiessaioni-  du  pouvoir  quo  samt  Léon  lui  avait  donne, 
de  manière  à  causer  à  ce  saint  pape  de  la 
joie  et  de  la  consolation  ;  mais  cherchant 
dans  la  suite  plus  ses  intérêts  que  ceux  de 
Jésus-Christ,  il  abusa  d'une  autorité  qu'on 
ne  lui  avait  accordé  que  pour  le  bien  et  la 
paix  des  Eglises.  Ce  qui  causa  surtout  de  la 
douleur  à  saint  Léon,  fut  l'affaire  d'Atticus, 
évêque  de  Nicople  ,  métropolitain  de  l'an- 
cienne Epire.  Anastase  l'avait  appelé  à  Thes- 
salonique,  pour  y  assister,  ce  semble,  à  un 
concile.  Atticus  s'en  excusa,  sous  prétexte 
de  maladie.  Anastase  en  écrivit  à  saint  Léon, 
et  sans  en  attendre  la  réponse,  il  obtint  du 
préfet  d'Illyrie  de  se  faire  amener  de  force 
Atticus.  Des  gens  armés  arrachèrent  cet 
évêque  des  lieux  les  plus  sacrés  de  l'Eglise, 
et  sans  avoir  égard  ni  à  sa  maladie,  ni  à  la 
rigueur  de  l'hiver,  ils  le  contraignirent  d'aller 
à  Thessalonique,  au  milieu  des  neiges,  par 
un  chemin  très-rude  et  très-dangereux.  Ar- 
rivé en  cette  ville,  il  fut  obligé  de  donner  un 
acte  par  lequel  il  s'engageait  d'obéir  à  Anas- 
tase. Celui-ci  manda  à  saint  Léon  ce  qui  s'é- 
tait passé  ;  mais  Atticus  se  trouvant  en  li- 
berté, alla  lui-même  à  Rome  et  forma,  en 
présence  même  des  diacres  d'Anastase,  de 
grandes  plaintes  du  mauvais  traitement  qu'il 
lui  avait  fait  souffrir.  Saint  Léon  voyant  bien 


que  la  faute  d'Anastase,  que  ses  diacres  n'a- 
vaient pu  excuser,  retombait  sur  lui,  crut 
n'avoir  d'autres  précautions  à  prendre  pour 
l'avenir,    que    de    tâcher   d'empêcher   qu'il 
n'abusât  de  la  primauté  qu'il  lui  avait  ac- 
cordée sur  les  métropolitains  de  l'Illyrie.  Il 
lui  écrit  donc  une  lettre  assez  longue,  où, 
après  l'avoir  blâmé  de   la  manière  dont  il 
avait    traité   Atticus,    il   déclare   qu'il   veut 
maintenir  dans  toute  leur  étendue  les  droits 
que  les  canons  donnent  au  métropolitain. 
Dans  sa  lettre  du  douzième  janvier  444,  il 
avait  réservé  à  l'évêque  de  Thessalonique 
Tordination  des  métropolitains;  dans  celle-ci 
il  laisse  cette  ordination  aux  évêques  de  la 
province  ;  il  veut  toutefois  que  les  métropo- 
litains, avant  de  sacrer  un  évêque,  avertissent 
de  son  élection  et  de  ses  qualités  celui  de 
Thessalonique,  afin  qu'il  confirmât  l'élection. 
Il  défend  d'admettre  à  l'épiscopat  un  laïque, 
un  catéchumène,  un  bigame,   et  celui   qui 
aura  épousé  une  veuve.  Il  parle  de  la  conti- 
nence des  sous-diacres  comme  d'une  chose 
qui  était  d'usage  ordinaire  :  d'où  il  infère 
qu'à  plus  forte  raison  elle  doit  être  observée 
par  les  diacres,  les  prêtres  et  les  évêques.  Il 
veut  que  dans  l'élection  d'un  évêque  on  s'en 
tienne  à  celui  que  le  clergé  et  le  peuple  dé- 
signeront unanimement,  et  qu'en  cas  de  di- 
vision, il  soit  au  pouvoir  du  métropolitain  de 
décider  en  faveur  de  celui  qui  a  le  plus  de 
capacité  et  de  mérite,  pourvu  qu'il  soit  de- 
mandé par  une  partie  du  clergé  et  du  peu- 
ple. Il  ordonne  que  les  métropolitains,  con- 
formément  aux   canons   des   saints   pères , 
tiendront  deux  fois  l'année  des  conciles  pro- 
vinciaux, et  qu'ils  ne  renverront  à  l'évêque 
de  Thessalonique  que  ce  qu'ils  n'auront  pu 
terminer  dans  leur  concile.  Quant  aux  con- 
ciles de  toute  l'Illyrie,  il  déclare  qu'il  ne  s'en 
tiendra  que  dans  la  nécessité,  et  qu'il  n'y 
viendra  que  deux  évêques  de  chaque  pro- 
vince, choisis  par  le  métropolitain  :  à  quoi  il 
ajoute  qu' Anastase  ne  pourra  les  retenir  plus 
de  quinze  jours  après  le  terme  marqué  pour 
le  concile,  voulant  que  si  dans  le  concile  son 
avis  se  trouvait  différent  de  celui  des  autres 
évêques,  on  renvoyât  l'affaire  à  Rome.  «S'il 
arrive,  dit  encore  le  pape,  qu'un  évêque,  par 
mépris  pour  la  médiocrité  de  son  Eglise,  la 
quitte  pour  en  prendre  une  plus  considéra- 
ble, et  qu'il  se  fasse  transporter,  pour  quel- 
que raison  que  ce  soit,  à  une  Eglise  plus 
nombreuse,  il  les  perdra  toutes  deux,  n'étant 
pas  juste  qu'il  demeure  dans  celle  qu'il  n'c^ 


206 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


DX  n'étropo- 


prise  que  par  avarice,  ni  dans  celle  qu'il  n'a 
quittée  que  par  orgueil  et  par  ambition.  »  II 
défend  de  recevoir  un  clerc  étranger,  sans  le 
consentement  de  son  évêque,  et  dit  que  si  un 
ecclésiastique  quitte  sa  province  sans  ce  con- 
sentement, l'évéque  de  Thessalonique  l'o- 
bligera de  retourner  à  son  Eglise.  Il  exhorte 
Anastase  et  ceux  qui  avaient  formé  des 
plaintes  contre  lui  à  vivre  dans  l'union  et 
dans  la  paix,  afin  d'y  maintenir  l'Eglise,  en 
sorte  que  les  évêques  soient  soumis  â  leui's 
métropolitains,  les  métropolitains  aux  évê- 
ques des  grandes  villes,  et  ceux-ci  au  pape  ; 
car,  bien  que  la  dignité  épiscopale  soit  la 
même  dans  tous,  ils  ne  sont  pas  tous  dans  le 
même  degré  d'honneur  et  de  pouvoir.  Saint 
Léon  en  donne  pour  exemple  le  collège  des 
apôtres  ;  quoiqu'ils  eussent  tous  un  même 
honneur,  qui  était  celui  de  l'apostolat,  saint 
Pierre  avait  par-dessus  tous  une  prééminence 
de  pouvoir  et  d'autorité. 
Lciirei-j  H.  Six  des  métropolitains  de  rillyrie  orien- 
îriy'.  taie,  savoir  :  Sénécion,  Carose,  Théodule,  Luc, 
Antiochus  et  Vigilance,  ayant  reçu  la  lettre 
que  saint  Léon  leur  avait  écrite,  en  -444,  au 
sujet  d 'Anastase  de  Thessalonique,  lui  écri- 
virent pour  lui  témoigner  qu'ils  avaient  reçu 
sa  lettre  avec  joie.  Il  paraît  toutefois  qu'ils 
n'avaient  pas  encore  eu  pour  Anastase  toute 
la  déférence  que  saint  Léon  souhaitait;  car, 
dans  la  réponse  qu'il  leur  fit  le  6  janvier  446, 
il  leur  recommande  de  se  trouver  aux  conciles 
qu'Anastase  assemblera ,  et  menace  de  pro- 
céder contre  ceux  qui  le  refuseront,  afin, 
dit-il,  de  corriger  leur  désobéissance.  Era- 
sistrate  de  Corinthe ,  métropolitain  de  l'A- 
chaïe  ,  était  un  de  ceux  qui  ne  voulaient  pas 
se  soumettre  à  l'autorité  d'^nastase,  ne  vou- 
lant pas  se  résoudre  à  le  consulter  pour  les 
ordinations  des  évêques;  il  en  ordonna  même 
un  à  Thespie,  malgré  la  résistance  et  l'oppo- 
sition du  peuple,  qui  ne  l'avait  jamais  vu. 
Anastase  en  écrivit  à  saint  Léon,  qui  en  fait 
des  plaintes  dans  sa  lettre  aux  six  autres  mé- 
tropolitains, à  qui  il  recommande  une  seconde 
fois  de  s'unir  et  de  se  soumettre  à  Anastase, 
et  de  se  trouver  à  son  concile.  II  les  exhorte 
aussi  à  l'union,  à  la  charité  et  à  la  vigilance 
pastorale.  Il  ajoute  que,  pour  mieux  mainte- 
nir entre  eux  le  lien  de  la  concorde  sacerdo- 
tale, il  ne  sera  permis  à  aucun  de  recevoir  un 
ecclésiastique  d'un  autre  diocèse,  sans  avoir 
par  écrit  le  consentement  de  son  évêque, 
ainsi  que  les  canons  l'ordonnent  et  que  l'a- 
mour de  l'unité  le  prescrit.  On  voit,  par  la 


fin  de  cette  lettre,  qu'il  en  écrivit  une  à 
Anastase,  dans  laquelle  il  lui  marquait  di- 
verses choses  auxquelles  il  souhaitait  que 
les  évêques  d'IUyrie  prissent  garde ,  et  qu'il 
l'avait  chargé  de  les  en  avertir.  Cette  lettre 
n'est  pas  venue  jusqu'à  nous. 

12.  La  lettre  à  Janvier  est  du  30  décembre     L.tire  u  à 
de  l'an  447.  Saint  Léon  y  recommande  à  cet  q^îiée?  pig" 
évêque  de  ne  recevoir  dans  l'Eglise  aucun  """'  ' 
clerc,  de  quelque  degré  que  ce  fût,  qui  l'au- 
rait abandonnée  pour  se  souiller  par  les  er- 
reurs ou  par  la  communion  des  hérétiques, 

si  auparavant  il  ne  condamne  nettement  leurs 
erreurs  et  ceux  qui  les  ont  inventées.  Il  lui 
permet  toutefois  de  recevoir  ces  clercs  dans 
leur  degré  ,  pourvu  qu'ils  n'aient  point  été 
rebaptisés;  mais  il  lui  défend  de  les  élever  à 
un  degré  supérieur,  disant  que  c'était  leur 
faire  une  assez  grande  grâce  de  leur  conser- 
ver celui  qu'ils  avaient  avant  d'être  reçus  à 
la  communion  de  l'Eglise.  Nous  n'avons  plus 
la  lettre  que  Janvier  avait  écrite  au  pape  pour 
le  consulter  sur  ce  sujet. 

13.  Les  priscillianistes  continuant  d'infec-     Leiireisà 
ter  l'Espagne,  et  particulièrement  la  Galice,  év"qcé  À-aÏ 
Turribius,  évêque  d'Astorga,  ville  de  cette  iice,p»g.  s26. 
province,  les  convainquit  juridiquement  avec 
l'évéque  Idace;  ils  dressèrent  ensemble  des 

actes  de  ce  qui  s'était  passé  dans  cette  pro- 
cédure, et  firent  des  extraits  des  blasphèmes 
qu'ils  avaient  trouvés  dans  les  livres  de  ces 
hérétiques,  afin  que  personne  ne  pût  plus 
prétendre  que  ces  livres  fussent  exempts  d'er- 
reur; et  ayant  réduit  ces  blasphèmes  sous 
seize  titres  ou  chapitres,  Turribus  en  fit  une 
réfutation  ;  il  l'envoya  au  même  Idace ,  avec  Tom.  oper. 
qui  il  avait  convaincu  les  priscillianistes,  et  à  ™"'  ^'  ^'"' 
l'évéque  Céponius,  avec  une  lettre  que  nous 
avons  encore,  où  il  leur  parlait  en  ces  termes  : 
«  J'ai  voyagé  en  beaucoup  de  provinces,  et 
j'ai  trouvé  partout  une  même  foi;  mais,  étant 
revenu  dans  mon  pays,  j'ai  vu  avec  douleur 
les  erreurs  que  l'Eglise  catholique  a  condam- 
nées, il  y  a  longtemps,  et  que  je  croyais  abo- 
lies, pulluler  encore  tous  les  jours,  par  le 
malheur  de  notre  temps  qui  a  fait  cesser  les 
conciles.  Ainsi  on  s'assemble  au  même  au- 
tel avec  une  créance  bien  difi'érente;  car  quand 
on  presse  ces  hérétiques ,  ils  nient  leurs  er- 
reurs et  les  cachent  de  mauvaise  foi;  ils  ont 
plusieurs  livres  apoci'yphes  qu'ils  préfèrent 
aux  Ecritures  canoniques  ;  mais  ils  enseignent 
encore  des  choses  qui  ne  sont  point  dans  ceux 
que  j'ai  pu  lire,  soit  qu'ils  les  en  tirent  par 
interprétation,  soit  qu'elles  soient  écrites  dans 


[Y»  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

d'autres  livres  plus  secrets.  Dans  les  actes  qui 
portent  le  nom  de  saint  Thomas,  il  est  dit 
qu'il  ne  baptisait  pas  avec  l'eau,  mais  seule- 
ment avec  l'huile,  ce  que  toutefois  nos  héré- 
tiques ne  font  pas;  mais  les  manichéens  le 
font.  Ils  ont  encore  des  prétendus  actes  de 
saint  André,  ceux  de  saint  Jean,  composés 
par  Leucius,  et  le  livre  intitulé  :  La  Mémoire 
des  Apôtres,  où,  entre  autres  blasphèmes,  ils 
font  parler  notre  Seigneur  contre  l'Ancien 
Testament.  Il  n'y  a  pas  de  doute  que  les  apô- 
tres ont  pu  faire  les  miracles  contenus  dans 
ces  livres ,  mais  il  est  constant  que  les  dis- 
cours ont  été  insérés  par  les  hérétiques.  J'en 
ai  tiré  divers  passages  remplis  de  blasphèmes, 
que  j'ai  rangés  sous  certains  titres,  et  j'y  ai 
répondu  selon  ma  capacité.  J'ai  cru  devoir 
vous  en  avertir,  afin  que  personne  ne  garde 
ou  ne  lise  ces  hvres,  sous  prétexte  de  ne  les 
pas  connaître.  C'est  à  vous  à  tout  examiner 
et  à  condamner  avec  vos  confrères  ce  que 
vous  trouverez  contraire  à  la  foi.  » 

Turribius  joignit  à  cette  lettre  un  mémoire 
que  nous  n'avons  plus.  Son  zèle  n'ayant  pas 
été  secondé  de  quelques  évèqaes,  il  eut  re- 
cours à  saint  Léon ,  à  qui  il  envoya  son  écrit 
contre  ces  priscilhanistes,  avec  une  copie  du 
mémoire  qu'il  avait  présenté  à  Idace  et  àCé- 
ponius.  11  disait,  dans  sa  lettre  à  ce  saint 
pape  ,  que  quelques  catholiques  doutaient  si 
la  chair  de  Jésus-Christ  était  véritablement 
demeurée  dans  le  tombeau.  Saint  Léon  ayant 
reçu  toutes  ces  pièces  par  un  des  diacres  de 
l'Eglise  d'Astorga,  nommé  Pervincus,  fit  ré- 
ponse à  Turribius,  par  une  lettre  datée  du  21 
juillet  de  l'an  447;  il  y  fait  l'éloge  de  cet  évo- 
que, en  particulier  de  son  zèle  pour  la  saine 
doctrine,  et  du  soin  avec  lequel  il  veillait  sur 
son  troupeau.  L'hérésie  des  prisciiiianistes, 
qui  s'était  renouvelée  en  Espagne,  était  un 
ramas  des  plus  détestables  erreurs  et  des  plus 
infâmes  superstitions  que  l'on  avait  vues  jus- 
qu'alors, en  sorte  que  ces  hérétiques  renfer- 
maient dans  leur  secte  tout  ce  que  les  autres 
avaient  de  mauvais.  Ils  avaient  même  eu  re- 
cours aux  arts  magiques  et  pris  des  païens 
que  tout  se  passe  dans  l'ordre  par  une  fatale 
nécessité.  Dès  que  cette  hérésie  parut  dans 
l'Eglise,  elle  fut  généralement  condamnée,  et 
on  eut  même  recours  à  l'autorité  des  princes 
pour  empêcher  que  cette  erreur  ne  continuât 
à  se  répandre  ;  car,  quoique  l'Eglise  rejette 
les  exécutions  sanglantes,  elle  ne  laisse  pas 
d'être  aidée  par  les  lois  des  princes  chrétiens, 
et  la  crainte  du  supplice  corporel  fait  quel- 


SAINT  LEON ,  PAPE. 


207 


quefois  recourir  au  remède  spirituel  ceux  qui 
n'en  auraient  fait  aucun  cas  si  on  ne  les  y  eût 
engagés  par  la  terreur  des  peines  corporelles  ; 
mais  les  incursions  des  ennemis  dans  plusieurs 
provinces  avaient  empêché  l'exécution  de  ces 
lois,  et  les  chemins  étant  devenus  imprati- 
cables, les  évêques  n'avaient  pu  s'assembler 
que  rarement.  Ainsi  l'erreur  cachée,  ayant 
trouvé  la  liberté  au  milieu  des  calamités  pu- 
bliques, s'était  répandue  de  nouveau  et  avec 
un  tel  succès  ,  qu'outre  une  grande  quantité 
de  peuple ,  elle  infecta  même  des  évêques. 
Turribius  avait  réduit  à  seize  articles  les  blas- 
phèmes des  prisciiiianistes;  saint  Léon  les 
réfute  chacun  en  particulier.  Ils  enseignaient 
que  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  sont 
qu'une  seule  personne,  ce  qui -était  l'hérésie 
des  sabelliens,  dout  les  disciples  furent  nom- 
més patri-passiens,  parce  qu'il  suivait  de  leur 
erreur  que  le  Père  avait  souffert.  Saint  Léon 
leur  oppose  la  foi  catholique,  qui  enseigne 
que,  quoique  la  Trinité  soit  consubstantielle, 
c'est-à-dire  d'une  même  essence,  les  trois  per- 
sonnes sont  toutefois  distinguées  l'une  de 
l'autre,  sans  qu'il  y  ait  entre  elles  aucune  con- 
fusion. Ils  disaient  qu'il  sort  de  l'essence  de 
Dieu  des  vertus,  c'est-à-dire  des  êtres  spiri- 
tuels qui  procèdent  de  son  essence.  En  cela, 
ils  favorisaient  l'erreur  des  ariens,  qui  ensei- 
gnaient que  le  Père  est  avant  le  Fils,  qu'il  y 
a  eu  un  temps  où  il  était  sans  Fils,  et  qu'il 
n'a  commencé  d'être  Père  que  quand  il  a  en- 
gendré un  Fils.  «Mais  ,  dit  saint  Léon  ,  comme 
l'Eglise  catholique  déteste  les  ariens,  elle  a 
en  horreur  ceux  qui  s'imaginent  qu'il  a  été 
un  temps  où  Dieu  n'avait  pas  ce  qui  est  de  la 
même  essence  que  lui.  De  même  qu'on  ne 
peut  dire  que  Dieu  est  sujet  au  changement, 
on  ne  peut  dire  non  plus  qu'il  augmente  en 
quelque  chose.»  Les  prisciUianistes  ajoutaient 
que  Jésus-Christ  n'est  Fils  de  Dieu  que  parce 
qu'il  est  né  d'une  vierge.  Ils  avaient  appris 
cette  doctrine  de  Paul  de  Samosate  et  de  Pho- 
tin ,  qui  ont  dit  que  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ  n'était  pas  avant  qu'il  naquît  de  la 
vierge  Marie.  Mais  il  suivait  de  là  qu'il  y  avait 
plusieurs  fils  de  Dieu,  dont  l'un,  qui  était 
Jésus-Christ,  n'était  appelé  Fils  unique  que 
parce  qu'il  était  le  seul  qui  fût  né  de  la  vierge 
Marie.  Ces  hérétiques  jeûnaient  le  jour  de  la 
Nativité  de  Jésus-Christ  et  le  jour  du  diman- 
che ;  en  quoi,  comme  le  remarque  saint  Léon, 
ils  imitaient  les  marcionites  et  les  manichéens, 
croyant  avec  eux  que  Jésus-Christ  n'est  pas 
né  véritablement  selon  la  chair,  mais  seule- 


Chip. 
pag.  227. 


208 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


cbap.  V,  ment  en  apparence.  Ils  soutenaient  que  l'âme 
pag.  208.  gg^  l'essence  divine  et  de  même  natui-e  que 
son  Créateur  :  c'est  ce  que  disaient  encore  les 
manichéens,  et  ce  que  condamne  la  foi  catho- 
lique, qui  reconnaît  qu'il  n'y  a  point  de  créa- 
tures si  sublimes  qui  soient  de  la  nature  de 
Dieu  même.  Dire  que  l'âme  est  de  la  nature 
de  Dieu ,  c'est  dire  que  Dieu  est  muable  et 
qu'il  est  sujet  à  toutes  les  impressions  dont 
la  nature  de  notre  âme  est  susceptible.  Une 
VI.  autre  de  leurs  erreurs  était  que  les  démons 
n'ont  jamais  été  bons  de  leur  nature;  que  ce 
n'est  point  Dieu  qui  les  a  crééSj  et  qu'ils  ont 
été  formés  du  chaos  et  des  ténèbres.  La  foi 
catholique  enseigne  au  contraire'  que  la  sub- 
stance de  tous  les  êtres ,  soit  spirituels ,  soit 
corporels  ,  est  bonne  ,  et  que  le  mal  n'a  au- 
cune nature  particulière.  Dieu,  qui  a  créé 
toutes  choses,  n'ayant  rien  fait  que  de  bon  ; 
d'où  vient  que  le  diable  même  seraitbon,  s'il 
eût  persévéré  dans  l'état  où  Dieu  l'a  créé; 
mais,  ayant  abusé  de  son  excellence  natu- 
relle, il  n'a  pas  été  changé  en  une  substance 
contraire,  il  est  seulement  déchu  du  souve- 
rain bien  auquel  il  aurait  dû  s'attacher. 
T„.  Les  priscillianistes  s'accordaient  encore 
avec  les  manichéens  sur  le  mariage ,  qu'ils 
condamnaient  les  uns  et  les  autres,  regardant 
la  génération  comme  une  chose  détestable. 
Saint  Léon  fait  voir  qu'en  cela  ils  ne  pen- 
saient point  du  mariage  comme  ils  devaient, 
puisque  l'usage  n'en  peut  être  blâmé  lorsqu'il 
se  fait  avec  pudeur  et  selon  sa  véritable  fin, 
,,,„  qui  est  d'avoir  des  enfants.  L'Eghse  catho- 
lique avait  déjà  condamné  cette  proposition  : 
Les  corps  des  hommes  sont  formés  paj'  le  diable, 
et  ils  ne  ressusciteront  point.  «  Le  corps  humain 
n'est  pas  ,  dit  saint  Léon ,  l'ouvrage  des  dé- 
mons; mais  ce  sont  eux  qui  forment  dans  les 
cœurs  des  hommes  de  semblables  erreurs,  n 
IX  pag.  229.  Le  même  père  fait  voir  qu'il  est  contraire  à 
la  foi  catlioHque  de  dire  avec  les  priscillia- 
nistes, que  les  enfants  de  promission  naissent 
des  femmes^  mais  qu'ils  sont  conçus  du  Saint- 
Esprit.  L'homme  est  formé  tout  entier  dans 
le  sein  de  sa  mère  par  le  Créateur,  mais  il 
renaît  dans  le  sacrement  de  baptême  par  le 
Saint-Esprit.  C'est  pourquoi  David,  en  par- 
lant de  sa  naissance,  lui  qui  était  sans  doute 
„    ,       un  fils  de  promission,  dit  à  Dieu  :  Vos  mains 

Psn Im .  ^  ' 

?o""x'x!' ■'"'   m  ont  fait  et  m'ont  formé;  et  le  Seigneur,  à 

Jérémie  :  Avant  que  je  vous  eusse  formé ,  je 

vous  ai  connu  et  je  vous  ai  sanctifié  dans  le  sein 

Cl. a     X    de  votre  mère.  L'Eglise  enseigne  encore  que 

p.ig.229.       l'âme  est  unie  au  corps  dans  le  même  mo- 


ment qu'elle  est  créée;  par  conséquent,  elle 
condamne  l'opinion  de  ceux  qui  disent  que 
les  âmes  ont  demeuré  dans  le  ciel  avant  d'ê- 
tre enfermées  dans  les  corps,  et  qu'elles  n'y 
sont  envoyées  qu'à  cause  des  péchés  qu'elles     chap. 
ont  commis  auparavant.  Elle  retranche  aussi  ^"^' 
de  son  corps  tous  ceux  qui  enseignent  que 
les   astres  et  les  étoiles  gouvernent  toutes  xn. 
choses  par  une  fatale  nécessité,  de  même  que 
ceux  qui  soutiennent  que  les  parties  de  l'âme 
sont  soumises  à  certaines  puissances,  et  les 
membres  du  corps  à  d'autres  ;  que  celles  qui 
président  à  l'âme  ont  les  noms  des  patriar- 
ches, et  que  celles  qui  régissent  les  membres 
du  corps  sont  des  astres.  » 

Les  priscillianistes  disaient  que  tout  le  corps  xm,  p.  230 
des  Ecritures  canoniques  était  compris  sous 
le  nom  des  patriarches ,  qui  désignent  les 
douze  vertus  qui  réforment  et  éclairent 
l'homme  intérieur.  Saint  Léon  dit  que  la  sa- 
gesse chrétienne  rejette  avec  mépris  de  sem- 
blables imaginations.  Il  traite  aussi  de  fable  xi». 
ce  que  les  mêmes  hérétiques  disaient,  que 
nos  corps  sont  soumis  aux  astres  et  aux  con- 
stellations. II  remarque  qu'ils  avaient  cou-  xv 
tume  de  corrompre  les  divines  Ecritures,  et 
qu'on  les  en  avait  convaincus  par  la  confron- 
tation de  leurs  exemplaires  ;  qu'ils  se  servaient 
de  divers  livres  apocryphes  remplis  d'erreurs  ; 
qu^il  était  du  devoir  des  évêques  de  se  saisir 
de  tous  ces  livres  et  de  les  bi'ùler,  encore 
même  qu'il  s'en  trouvât  quelqu'un  intitulé  du 
nom  des  apôtres;  car,  quoique  ceshvres  apo- 
cryphes aient  une  apparence  de  piété,  ils  ren- 
ferment ordinairement  un  venin  caché  qui 
porte  à  l'erreur.  Il  défend  la  lecture  des  ser- 
mons et  autres  écrits  que  Dictinius  avait  com- 
posés, étant  encore  engagé  dans  l'erreur  des 
priscillianistes ,  et  que  quelques-uns  ne  fai- 
saient point  difficulté  de  lire ,  sons  prétexte 
qu'il  étaitmort  dans  la  communion  de  l'Eglise. 
Dictinius,  après  avoir  abjuré  le  priscillianisme 
au  concile  de  Tolède,  eniOO,  fut  fait  évêque 
d'Astorga,  et  eut  Turribius  pour  son  succes- 
seur. Saint  Léon  raconte  en  peu  de  mots  ce 
qu'il  avait  découvert  à  Rome  des  infâmes 
mystères  des  manichéens,  à  qui  il  dit  que  les 
priscillianistes  étaient  si  semblables,  qu'ils  ne 
différaient  que  de  nom.  Il  ajoute,  en  parlant 
des  évêques  infectés  des  erreurs  qu'il  venait 
de  réfuter,  ou  qui  ne  s'y  opposaient  point, 
qu'ils  ne  peuvent,  en  conscience,  garder  la 
qualité  d'évêques,  s'ils  ne  changent  de  doc- 
trine et  de  conduite.  A  l'égard  de  ceux  d'en- 
tre les  cathofiques  qui  témoignaient  douter 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI.  — 

si  la  chair  de  Jésus-Christ  était  demeiu'ée  dans 
le  tombeau,  il  dit  qu'il  y  a  lieu  de  s'en  éton- 
ner, puisqu'il  est  clair,  par  l'Evangile,  que 
Jésus-Christ  a  été  enseveli  et  qu'il  est  ressus- 
cité. Il  finit  sa  lettre  en  ordonnant  la  tenue 
d'un  concile  dans  un  lieu  où  les  évoques  des 
provinces  voisines  pussent  assister,  et  où  l'on 
examinât  s'il  y  en  avait  quelques-uns  infectés 
de  l'hérésie  des  priscillianistes.  Il  veut  que 
dans  ce  cas  on  les  sépare  de  la  communion, 
s'ils  ne  rétractent  et  condamnent  leur  erreur. 
Il  témoigne  souhaiter  qu'il  y  ait  un  coucile 
général  des  provinces  de  Tarracone,  de  Car- 
thage,  de  Lusitanie  et  de  Galice  ;  mais  que 
s'il  s'y  trouve  quelques  obstacles,  les  évêques 
de  Galice  s'assemblent  à  la  diligence  d'Idace, 
de  Céponius  et  de  Turribius.  Cette  lettre  fut 
rendue  à  Turribius  par  le  diacre  qu'il  avait 
envoyé  à  Rome,  avec  une  autre  lettre  que  le 
pape  adressait  aux  évêques  de  la  Tarrago- 
naise,  de  la  Carthaginoise,  de  la  Lusitanie  et 
de  la  Galice,  et  avec  les  actes  de  ce  qui  s'était 
fait  à  Rome,  en  443,  contre  les  manichéens. 
Turribius  ne  manqua  pas  de  faire  passer  la 
lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de  ces  qua- 
tre provinces,  mais  ils  ne  purent  assembler 
si  tôt  le  concile  général  que  le  pape  souhai- 
tait; ces  provinces  étaient  alors  trop  divisées. 
Les  Suèves  occupaient  la  Galice  avec  une 
partie  de  la  Lusitanie,  sous  leur  roi  Réchila, 
qui  mourut  en  448  ;  le  reste  était  sous  la  domi- 
nation, partie  des  Goths,  partie  des  Romains. 
Mais  il  se  tint  deux  conciles  :  l'un  en  Galice, 
l'autre  des  quatre  provinces  de  Tarracone, 
de  Carthage,  de  Lusitanie  et  de  Bétique.  Dans 
ce  dernier ,  les  évêques  déclarèrent  qu'ils 
s'assemblaient  par  ordre  de  saint  Léon.  Ce 
pape  écrivit  au  concile  de  Galice  par  un  no- 
taire de  l'Eglise  romaine,  nommé  Turribius. 
14.  Les  évêques  de  Sicile  donnaient  le  bap- 
tême solennel,  non-seulement  à  Pâques  et  à  la 
Pentecôte,  mais  encore  à  l'Epiphanie,  croyant 
par  là  honorer  le  jour  auquel  Jésus-Christ 
avait  reçu  le  baptême.  Saint  Léon,  en  ayant 
eu  avis,  leur  écrivit,  le  21  octobre  de  l'an  447, 
pour  les  obliger  à  quitter  cet  abus  et  à  suivre 
la  disciphne  du  Saint-Siège,  d'où  ils  rece- 
vaient l'ordination  épiscopale.  Il  déclare  qu'il 
use  envers  eux  d'indulgence  pour  les  fautes 
qu'ils  avaient  commises  à  cet  égard,  dans 
l'espérance  qu'ils  s'en  corrigeraient  à  l'ave- 
nir; ensuite  il  fait  voir  que  l'on  doit  observer 
certains  temps  pour  la  célébration  des  mys- 
tères de  la  religion  ;  qu'autre  est  le  temps  où 
la  sainte  Vierge  a  conçu  par  l'opération  du 
X, 


SAINT  LEON,  PAPE.  âÔ9 

Saint-Esprit,  autre  celui  où  elle  a  enfanté; 
autre  le  temps  auquel  Jésus-Christ  a  été  cir- 
concis ou  adoré  des  mages;  que  toute  la  vie 
de  Jésus-Christ  ayant  été  une  suite  de  mira- 
cles et  de  mystères,  l'Eglise,  qui  ne  pouvait 
les  honorer  tous  à  la  fois^  en  a  distribué  la 
mémoire  à  divers  jours.  Or  c'est,  ajoule-t-il,  chap.  m. 
principalement  de  sa  mort  et  de  sa  résurrec- 
tion que  le  baptême  a  tiré  sa  vertu,  et  c'est 
le  sacrement  qui  représente  plus  expressé- 
ment l'une  et  l'autre.  Sa  mort  y  est  exprimée 
par  l'abolition  du  péché,  les  trois  jours  de  sa 
sépulture  par  les  trois  immersions,  sa  résur- 
rection par  la  sortie  hors  de  l'eau.  L'on  joint 
à  la  fête  de  Pâques  celle  de  la  Pentecôte,  en 
faveur  de  ceux  qui -n'ont  pu  être  baptisés  à 
Pâques,  soit  parce  qu'ils  étaient  malades  ou 
en  voyage,  soit  par  quelqu'autre  empêche- 
ment, parce  que  la  descente  du  Saint-Esprit 
est  la  suite  de  la  résurrection  du  Sauveur. 
Saint  Léon  prouve  cet  usage  par  l'exemple  ^^ 
de  saint  Pierre,  qui  baptisa  trois  mille  per- 
sonnes le  jour  de  la  Pentecôte;  mais  il  veut 
que  l'on  fixe  tellement  le  baptême  solennel 
à  ces  deux  jours,  qu'on  l'accorde  en  d'autres 
temps  à  ceux  qui  se  trouveront  ou  en  danger 
de  mort,  ou  dans  quelques  villes  assiégées,  ou 
exposées  à  la  persécution ,  ou  dans  le  péril  de 
faire  naufrage,  ces  deux  jours  n'étant  que 
pour  ceux  qui  sont  en  santé  et  en  liberté ,  et  ^^ 
que  l'on  a  choisis,  après  les  avoir  exorcisés, 
examinés,  sanctifiés  par  les  jeûnes  et  prépa- 
rés par  de  fréquentes  instructions.  Il  répond 
à  la  raison  que  les  évêques  de  Sicile  allé- 
guaient pour  l'administration  du  baptême  le 
jour  de  l'Epiphanie,  qu'il  n'est  pas  certain 
que  Jésus-Christ  l'ait  reçu  en  ce  jour,  quoi- 
que quelques-uns  le  crussent  ainsi;  que  d'ail- 
leurs Jésus-Christ  n'a  reçu  que  le  baptême 
de  saint  Jean,  et  cela  pour  accomplir  toute 
justice  et  montrer  l'exemple,  comme  il  a  été 
circoncis  et  a  pratiqué  les  cérémonies  légales  ; 
mais  qu'il  a  institué  le  sacrement  du  baptême 
à  sa  mort,  par  l'eau  qui  coula  de  son  côté 
avec  le  sang.  Il  ordonne  donc  à  ces  évêques, 
pour  mieux  conserver  l'uniformité  de  la  dis- 
cipline et  empêcher  les  scandales  dans  l'E- 
glise de  Jésus-Christ,  d'envoyer  chaque  année 
trois  d'entre  eux  à  Rome,  le  29  septembre, 
pour  assister  à  l'un  des  deux  conciles  qui 
doivent  se  tenir  tous  les  ans,  suivant  qu'il  a 
été  sagement  établi  par  les  saints  pères.  Sa 
lettre  fut  portée  par  les  évêques  Baccillus  et 
Paschasin,  qu'il  chargea  de  l'informer  de 
quelle  manière  elle  aurait  été  reçue. 

14 


210 


HISTOIKE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Leiiia  17  15.  H  J  a  Une  autre  lettre  de  saint  Léon, 
dTsicilë!"^  adressée  aux  évoques  de  Sicile,  le  lende- 
main de  la  précédente,  c'est-à-dire  le  22  oc- 
tobre de  l'an  Ml,  mais  sur  un  sujet  tout 
différent.  Quelques  clercs  de  deux  églises 
de  Sicile  avaient  fait  des  plaintes  au  pape  de 
ce  que  leurs  évéques  en  avaient  dissipé  le 
bien  ;  c'étaient  les  évêques  de  Tadormine  et 
de  Palerme,  dont  le  dernier  était  mort  depuis 
peu.  Le  pape,  après  avoir  traité  cette  affaire 
dans  un  concile  et  fait  un  règlement  particu- 
lier pour  le  rétablissement  de  ces  deux  Eglises, 
écrivit  à  tous  les  évêques  de  la  Sicile  pour 
leur  défendre  de  rien  échanger  ou  aliéner 
des  biens  de  leurs  Eglises  que  pour  l'utilité 
des  Eglises  mêmes  et  avec  le  consentement 
de  tout  le  clergé.  Cette  lettre  n'est  datée  que 
du  consulat  d'Alipius,  et  elle  ne  dit  rien  d'Ar- 
dabure,  son  collègue;  mais  il  est  assez  ordi- 
naire à  saint  Léon  d'omettre  l'un  des  deux 
consuls.  Quelques-uns  ont  cru  qu'elle  était 
de  Léon  II;  mais  pourquoi  y  aurait-on  ajouté 
la  date  d'un  consul  contemporain  de  LéonI? 
Ils  conviennent  qu'elle  est  citée  par  Gratien 
sous  le  nom  du  pape  saint  Léon;  ainsi  il  faut 
la  lui  laisser,  le  style  de  cette  lettre  n'étant 
pas  si  différent  du  sien  qu'on  le  veut  faire 
entendre  *. 
Letira  18  à  16-  I-'a  lettre  à  Dorus,  évêque  de  Bénévent, 
qZ'iè  Bi»t   est  du  13  mars  -448.  Cet  évêque  avait  ordonné 

vent,   p.  236.  -  ,  'T^■  ,    ^^  .,'11 

prêtre  un  nomme  Epicarpe,  et  1  avait  mis  à  la 
tête  de  tous  ses  prêtres,  quoique,  suivant 
l'ordre  de  la  discipline,  il  dût  tenir  le  dernier 
rang  entre  les  prêtres.  Dorus  n'avait  fait  cet 
arrangement  que  du  consentement  et  même 
à  la  prière  des  deux  plus  anciens  prêtres  qui, 
par  une  basse  complaisance,  voulurent  mettre 
Epicarpe  au-dessus  d'eux.  Mais  un  autre  prê- 
tre ,  nommé  Paul ,  en  porta  ses  plaintes  au 
pape,  qui  reprit  sévèrement  Dorus  d'avoir 
troublé  l'ordre  qui  devait  être  entre  les  prê- 
tres de  son  Eglise.  Il  lui  ordonna  de  réparer 
sa  faute,  et  en  même  temps  de  mettre  les  der- 
niers, et  même  au  -  dessous  d'Epicarpe  les 
deux  prêtres  qui  lui  avaient  cédé  le  rang.  En 
cela  saint  Léon  croyait  leur  faire  grâce,  disant 
qu'ils  méritaient  bien  d'être  déposés.  Il  com- 
mit l'exécution  de  ses  ordres  à  un  évêque 
nommé  Jules,  qu'on  croit  être  celui  de  Pou- 
zolles,  qui  fut  député  l'année  suivante  au 
concile  d'Ephèse.  Cette  lettre,  comme  la  pré- 
cédente, ne  met  qu'un  consul,  qui  est  Pos- 

'  Les  frères  Ballerini  ont  prouvé  par  de  solides 
raisons  que   cette  lettre  était  de  saint  Léon.  Voir 


Lettre  2( 
Flavien,  p; 
237,  et  21 
Tliéûdose, 
238. 


thumien,  et  ne  parle  pas  de  celui  d'Orient. 
C'était  Zenon. 

17.  Eutychès,  avant  de  publier  son  hérésie,  Lettre  is 
avaitécritàsaintLéonquequelquespersonnes  l,",.'"'''''  ' 
renouvelaient  celle  de  Nestorius,  condamnée  [ 
dans  le  premier  concile  d'Ephèse.  Ce  saint 

pape  lui  lit  réponse  qu'il  louait  son  zèle  et 
qu'il  apporterait  du  remède  à  ce  nouveau,  mal 
aussitôt  qu'il  serait  plus  amplement  informé 
de  ceux  qui  en  étaient  les  auteurs.  La  réponse 
de  saint  Léon  est  du  i  "  juin  448. 

18.  La  même  année,  Eutychès  lui  écrivit 
une  seconde  lettre  où  il  se  plaignait  d'avoir  été 
privé  de  la  communion  par  Flavien  de  Cons- 
tantinople,  surraccusaliond'EusèbedeDory- 
lée.  «  J'ai  présenté,  disait-il,  une  requête  au 
concile  devant  lequel  il  m'a  cité,  qui  contenait 
ma  profession  de  foi;  mais  l'évêque  Flavien 
n'a  voulu  ni  la  recevoir  ni  la  faire  lire.  J'ai 
déclaré  en  propres  termes  que  je  suivais  la 
foi  du  concile  de  Nicée,  conlirmée  à  Ephèse. 
On  voulait  me  faire  confesser  deux  natures 
et  anathématiser  ceux  qui  le  nient.  Pour  moi, 
je  craignais  la  défense  du  coiicile,  de  rien 
ajouter  à  la  foi  de  Nicée,  sachant  que  nos 
saints  pères  Jules,  Félix,  Athanase  et  Grégoire 
ont  rejeté  le  mot  de  deux  natures,  et  je  n'o- 
sais raisonner  sur  la  nature  du  Verbe  divin, 
ni  anathématiser  ces  pères.  C'est  pourquoi  je 
priais  que  l'on  en  fit  rapport  à  votre  Sain- 
teté, protestant  de  suivre  en  tout  votre  juge- 
ment. JMais,  sans  m'écouter,  le  concile  étant 
dissous,  on  a  publié  contre  moi  une  sentence 
de  déposition.  J'ai  donc  recours  à  vous,  qui 
êtes  le  défenseur  de  la  religion,  puisque  je 
n'innove  rien  contre  la  foi.  » 

Eutychès  joignit  à  cette  lettre  la  requête 
d'Eusèbe  de  Dorylée  contre  lui,  et  celle  qu'il 
présenta  lui-même  au  concile  de  Flavien.  On 
croit  qu'il  obtint  en  même  temps,  par  le  cré- 
dit de  l'eunuque  Cln'ysaphius,  son  protecteur, 
une  lettre  de  l'empereur  Théodose  à  saint 
Léon,  dans  laquelle  ce  prince,  sans  lui  expli- 
quer ce  qui  s'était  passé  dans  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople,  l'exhortait  à  y  rétablir  la  paix.  Le 
pape,  ayant  reçu  ces  lettres,  écrivit  à  Flavien 
pour  se  plaindre  de  ce  qu'il  ne  l'avait  pas  ins- 
truit le  premier  du  scandale  arrivé  à  Cons- 
tantinople,  et  de  ce  qu'il  avait  séparé  Euty- 
chès de  la  communion  de  l'Eglise.  Il  le  prie 
donc  de  lui  envoyer  une  ample  relation  de 
tout  ce  qui  s'était  passé,  et  de  lui  apprendre 


tom.  1  des  œuvres  de  saint  Léon,  édition  Migne, 
col.  7S!5-2e.  [L'éditeur.) 


fV   SIECLE.] 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


211 


quelle  nouvelle  erreur  s'était  élevée  contre 
la  foi ,  «  alin  que  nous  puissions  ,  dit-il ,  sui- 
vant l'intention  de  l'empereur,  éteindre  la 
division.  Cela  ne  sera  pas  ditScile,  puisque  le 
prêtre  Eulychès  a  déclaré ,  dans  son  libelle  , 
que  s'il  se  trouvait  en  lui  quelque  chose  de 
répréliensible,  il  était  prêt  à  le  corriger.  » 
Cette  lettre  est  du  18  février  449;  la  réponse 
à  l'empereur  est  du  I"  mars  suivant.  Saint 
Léon,  après  y  avoir  fait  l'éloge  de  la  foi  de 
ce  prince  et  de  son  zèle  pour  la  paix  de  l'E- 
glise, y  fait  en  peu  de  mots  le  récit  des  plaintes 
d'Eutychès.  Il  s'y  plaint  aussi  du  silence  de 
Flavien,  et  detuande  d'être  instruitde  l'affaire, 
afin  d'en  porter  son  jugement  avec  maturité 
et  connaissance  de  cause. 

19.  Flavien  ayant  reçu  la  lettre  de  saint 
Léon,  y  fit  une  réponse  en  ces  termes  :  «  Eu- 
tychès  veut  renouveler  les  hérésies  d'Apolli- 
naire et  de  Valentin,  soutenant  qu'avant  l'in- 
carnatioa  de  Jésus-Christ  il  y  a  deux  natures, 
la  divine  et  l'humaine  ;  mais  qu'après  l'union 
il  n'y  a  qu'une  nature,  et  que  son  corps,  pris 
de  Marie,  n'est  pas  d'une  autre  substance  ni 
consubstuutiel  à  sa  mère ,  quoiqu'il  l'appelle 
un  corps  humain.  Nous  l'avons  condamné  sur 
l'accusation  de  l'évêque  Eusèbe  et  sur  les  ré- 
ponses qu'il  a  faites  dans  le  concile  ,  décou- 
vrant son  hérésie  de  sa  propre  bouche,  comme 
vous  apprendrez  par  les  actes  que  nous  vous 
envoyons  avec  ces  lettres.  Il  est  juste  que 
vous  en  soyez  inslruit;  car  Eutychès,  au  lieu 
de  faire  pénitence  pour  apaiser  Dieu  et  nous 
consoler  dans  la  douleur  que  nous  sentons  de 
sa  perte,  s'empresse  de  troubler  notre  Eglise, 
en  affichant  publiquement  des  libelles  rem- 
plis d'injures,  et  présentant  à  l'empereur  des 
leqiiêtes  insolentes.  Nous  voyons  aussi,  par 
vos  lettres ,  qu'il  vous  a  envoyé  des  libelles 
pleins  d'impostures,  en  disant  qu'au  temps  du 
jugement  il  nous  a  donné  des  libelles  d'ap- 
pellation à  votre  Sainteté,  ce  qui  n'est  pas 
vrai;  mais  il  a  prétendu  vous  surprendre  par 
ce  mensonge.  Tout  cela  vous  doit  exciter  à 
employer  ici  votre  vigueur  ordinaire.  Faites 
votre  propre  cause  de  la  cause  commune. 
Autorisez,  par  vol  écrits,  la  condamnation 
prononcée  réguhèrement ,  et  fortifiez  la  foi 
de  l'empereur.  » 

Saint  Léon  ayant  trouvé  un  nommé  Ro- 
dane  qui  allait  à  Constantinople,  écrivit  un 
billet  à  Flavien,  où  il  se  contentait  de  lui 
marquer  qu'il  avait  reçu  ses  lettres,  ajoutant 
qu'il  y  répondrait  plus  amplement  par  celui- 
là  même   qui  les   lui   avait   apportées;   en 


attendant,  il  témoignait  être  pleinement  con- 
vaincu de  l'hérésie  d'Eutychès,  et  promettait 
à  Flavien  qu'il  ne  souffrirait  pas  que  ses  ad- 
versaires le  troublassent  plus  longtemps. 

20.  Eutychès  obtint,  par  le  moyen  de  i.euroija 
Dioscore  et  les  sollicitations  d'Eudoxie  et  de  1'^.%»°'' 
Chrysaphius,  un  concile  universel.  La  lettre 

de  convocation  est  du  30  mars  449.  Suint 
Léon  y  fut  invité  avec  les  évoques  d'Occi- 
dent. Dans  la  réponse  qu'il  fit  à  Théodose  le 
25  mai,  après  lui  avoir  déclaré  sou  attache-' 
ment  pour  la  foi  de  Nicée ,  il  lui  dit  que, 
comme  il  condamne  Nestorius,  il  ne  con- 
damne pas  moins  ceux  qui,  avec  Eulychès, 
nient  que  Jésus-Christ  ait  pris  la  véjité  de 
notre  chair.  Ensuite  il  prie  ce  prince,  dont  il 
loue  la  sollicitude  pour  la  foi,  d'ordonner  la 
tenue  du  concile  en  Italie,  l'assurant  qu'en 
ce  cas  il  verrait  bientôt  tous  les  scandales 
apaisés,  et  la  foi,  de  même  que  la  paix  chré- 
tienne, régner  partout  ses  Etats. 

21.  Le  13  du  mois  suivant,  saint  Léon  Leureaià 
écrivit  à  Flavien  une  lettre  beaucoup  plus    cÔnsîâmino- 

I  11  ,    .1    I     •  • ,  .   ,  1       pie,  pag.  242, 

longue  que  celle  ou  u  lui  avait  accuse  la  re-  «  leure  u, 
ception  de  la  sienne.  Il  y  traite  avec  autant 
d'étendue  que  d'exactitude  la  question  de 
l'incarnation,  renversant  également  les  deux 
erreurs  opposées  de  Nestorius  et  d'Eutychès. 

II  fuit  voir  que  si  ce  dernier  est  tombé  dans   chap.  icin 
l'erreur,  c'est  faute  d'avoir  étudié  les  saintes 
Ecritures  et  d'avoir  même  fait  attention  aux 
termes  du  symbole,  que  savent  non- seule- 
ment tous  les  fidèles,  mais  ceux  encore  que 

l'on  prépare  au  baptême.  Ils  y  disent,  en 
etfet,  qu'ils  croient  en  Dieu  le  Père  tout- 
puissant,  et  en  Jésus-Christ  son  Fils  unique 
notre  Seigneur,  qui  est  né  du  Saint-Esprit  et 
de  la  vierge  Marie.  «  Trois  articles,  dit  saint 
Léon,  qui  suffisent  pour  ruiner  presque  tou- 
tes les  machines  des  hérétiques  :  car,  en 
croyant  que  Dieu  tout-puissant  et  éternel  est 
Père,  on  montre  que  son  Fils  lui  est  co-éter- 
nel,  consubstantiel  et  entièrement  sembla- 
ble; c'est  le  même  Fils  éternel  du  Père  éter- 
nel, qui  est  né  du  Saint-Esprit  et  de  la  vierge 
Marie.  Cette  génération  temporelle  n'a  rien 
ôté  ni  rien  ajouté  à  la  génération  éternelle, 
mais  elle  a  été  employée  tout  entière  à  la 
réparation  de  l'homme,  pour  vaincre  la  mort 
et  le  démon  :  car  nous  n'aurions  pu  sur- 
monter l'auteur  du  péché  et  de  la  mort,  si 
celui-là  n'avait  pris  notre  nature  et  ne  l'a- 
vait pas  fait  sienne,  qui  ne  pouvait  être  in- 
fecté par  le  péché,  ni  retenu  par  la  mort.  Il 
a  donc  été  conçu  du  Saint-Esprit  dans  le  sein 


212 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Isa 
et  IX, 


de  la  Vierge,  sa  mère,  qui  l'a  enfanté,  comme 
elle  l'avait  conçu,  sans  préjudice  de  sa  vir- 
ginité. » 

Saint  Léon  appuie  celte  doctrine  de  plu- 
sieurs passages  de  l'Ecriture  où  nous  lisons 

Maiih.  I,  i.   que  le  Verbe  a  pris  une  véritable  cbair.  «  L'E- 
vangile le  nomme  fils  de  David  et  d'Abra- 
p.om.i,  1.   ham.  Saint  Paul  dit  qu'il  a  été  fait  du  sang 

Gaïai.  ,11, 8.   dc  David  selon  la  chair.  Cet  apôtre  applique 
à  Jésus-Christ  la  promesse  faite  à  Abraham, 

Gcnes. XII, 3 ."  de  bénir  toutes  les  nations  par  son  Fils; 
c'est  aussi  de  Jésus-Christ  que  l'on  doit  en- 
i  „,  ij  tendre  les  prophéties  d'Isaïe  touchant  l'Em- 
manuel, fils  d'une  Vierge,  et  l'enfant  qui 
est  né  pour  nous.  D'où  il  suit  que  Jésus-Christ 
n'a  pas  eu  seulement  la  forme  d'un  homme, 
mais  un  corps  véritable  tiré  de  sa  mère. 
L'opération  du  Saint-Esprit  n'a  pas  empêché 
que  la  chair  du  Fils  ne  fût  de  même  nature 
que  celle  de  la  mère  ;  elle  a  seulement  donné 
la  fécondité  à  une  vierge.  L'une  et  l'autre 

Chap.  III.  °  , 

nature  demeurant  donc  en  son  entier,  ont  été 
unies  en  une  personne,  afin  que  le  même 
médiateur  pût  mourir,  demeurant  d'ailleurs 
immortel  et  impassible.  Il  a  tout  ce  qui  est 
en  nous,  tout  ce  qu'il  y  a  mis  en  nous  créant, 
et  qu'il  s'est  chargé  de  réparer;  mais  il  n'a 
point  ce  que  le  trompeur  y  a  mis;  il  a  pris 
la  forme  d'esclave,  sans  la  souillure  du  pé- 
ché, augmentant  la  dignité  de  la  nature  hu- 
maine, sans  rien  diminuer  de  ce  qui  appar- 
,^.  tient  à  la  nature  divine.  Une  nature  n'est 
point  altérée  par  l'autre  ;  le  même  qui  est 
vrai  Dieu  est  vrai  homme;  il  n'y  a  point  de 
mensonge  dans  cette  union.  Comme  Dieu 
ne  change  point  par  la  grâce  qu'il  nous  fait, 
l'homme  n'est  point  consumé  par  la  dignité 
qu'il  reçoit.  Le  Verbe  et  la  chair  gardent  les 
opérations  qui  leur  sont  propres;  l'un  fait 
des  miracles ,  l'autre  souffre  les  injures. 
C'est  ce  que  saint  Léon  prouve  par  un  grand 
nombre  de  passages,  tant  des  évangiles  que 
des  épitres  de  saint  Paul.  Il  est  Dieu,  puis- 
qu'il est  dit  :  Au  commencement  était  le  Yerbe, 
et  le  Verbe  était  en  Dieu,  et  le  Verbe  était  Dieu. 
,  Il  est  homme,  puisqu'il  est  dit  :  Le  Verbe  a 
été  fait  chair  et  a  habité  avec  nous.  Il  est  Dieu, 
Gaut.  IV,  4.  puisque  toutes  choses  ont  été  faites  par  lui,  et 
que  sans  lui  rien  n'a  été  fait.  Il  est  homme, 
étant  né  d'une  femme,  et  soumis  à  la  loi.  La 
naissance  de  la  chair  montre  la  nature  hu- 
maine. L'enfantement  d'une  vierge  montre 
la  puissance  divine.  C'est  un  enfant  dans  le 
L„c,  M,  7  berceau,  et  le  Très-Haut  loué  par  les  anges. 
etn,etjiaii.  jj^po^e  veut  le  tuer;  mais  les  anges  viennent 


Joan.  I,   1. 


l'adorer.  Il  vient  au  baptême  de  saint  Jean, 
et  en  même  temps  la  voix  du  Père  déclare 
que  c'est  son  Fils  bien  aimé,  dans  lequel  il  a  siauh.u 
mis  toute  son  affection.  Comme  homme,  il  est 
tenté  par  le  démon  ;  comme  Dieu,  il  est  servi 
par  les  anges.  La  faim,  la  soif,  la  lassitude,      s'aiih. 
le  sommeil,  sont  évidemment  d'un  homme; 
mais  il  est  certainement  d'un  Dieu,  de  ras-     joan.i 
sasier  cinq  mille  hommes  de  cinq  pains,  de 
donner  à  la  Samaritaine  de  l'eau  vive,  de 
marcher  sur  la  mer  et  d'apaiser  la  tempête. 
Il  n'est  pas  d'une  même  nature  de  pleurer  2s^'""'' 
son  ami  mort,  et  de  le  ressusciter;  d'être  at-  uaiiii.x 

35 

taché  à  la  croix,  et  de  changer  le  jour  en 
nuit,  défaire  trembler  les  éléments  et  d'ouvrir 
au  larron  les  portes  du  ciel.  Comme  Dieu,  il  joan.  x, 
dit  :  Le  Père  et  moi  nous  ne  sommes  qu'un; 
comme  homme  :  Le  Père  est  plus  grand  que  j„j„.„ 
moi.  Car,  encore  qu'en  Jésus-Christ  il  n'y  ait 
qu'une  personne  de  Dieu  et  de  l'homme, 
toutefois,  autre  est  le  sujet  de  la  souffrance 
commun  à  l'un  et  à  l'autre,  et  autre  le  sujet 
de  la  gloire  commune.  C'est  cette  unité  de  chap.r 
personne  qui  fait  dire  que  le  Fils  de  l'homme 
est  descendu  du  ciel,  et  que  le  Fils  de  Dieu 
a  pris  chair  de  la  Vierge,  que  le  Fils  de  Dieu 
a  été  crucifié  et  enseveli,  comme  nous  disons 
dans  le  symbole,  quoiqu'il  ne  l'ait  été  que 
dans  la  nature  humaine.  L'Apôtre  dit  :  S'ils  j  £■„,. 
avaient  connu  le  Seigneur  de  majesté,  jamais 
ils  ne  l'auraient  crucifié.  Jésus-Christ  demande 
à  ses  apôtres  :  Et  vous,  qui  dites-vous  que  je  ^^^^^^ 
suis?  moi  qui  suis  le  fils  de  l'homme,  et  que  "■ 
vous  voyez  avec  une  véritable  chair.  Saint 
Pierre  répond  :  Vous  êtes  le  Christ,  Fils  du 
Dieu  vivant,  le  reconnaissant  également  Dieu 
et  homme,  parce  qu'il  y  avait  autant  de  dan- 
ger de  croire  que  Jésus-Christ  était  seule- 
ment Dieu,  ou  seulement  homme.  Après  sa 
résurrection,  il  montrait  son  corps  sensible 
et  palpable  avec  les  trous  de  ses  plaies  ;  il 
parlait,  mangeait  et  habitait  avec  ses  disci- 
ples, et  en  même  temps  il  entrait  les  portes 
fermées,  donnait  le  Saint-Esprit  aux  apôtres 
et  l'intelligence  des  Ecritures,  montrant  en 
lui  les  deux  natures  distinctes  et  unies.  Eu- 
tychès,  en  niant  que  notre  nature  est  dans  le 
Fils  de  Dieu,  doit  craindi'e  ce  que  dit  saint 
Jean  :  Tout  esprit  qui  confesse  que  Jésus- 
Christ  est  venu  dans  la  chair,  est  de  Dieu; 
et  tout  esprit  qui  divise  Jésus-Christ,  n  est  pas  ijoan. 
de  Dieu,  et  c'est  l'Antéchrist  :  car  qu'est-ce 
que  diviser  Jésus-Christ,  si  ce  n'est  en  sépa- 
rer la  nature  humaine  et  anéantir  par  d'im- 
pudentes fictions  le  mystère  par  lequel  seul 


[V  SIECLE. J 

nous  sommes  sauvés?  L'erreur  touchant  la 
nature  du  corps  de  Jésus-Christ,  détruit 
par  nécessité  sa  passion  et  l'elScacité  de 
son  sang.  Quand  Kutychès  vous  a  répondu  : 
Je  confesse  que  notre  Seigneur  était  de  deux 
natures  avant  l'union  mais  après  l'union ,  je 
ne  reconnais  qu'une  seule  nature,  Je  m'é- 
tonne que  vous  n'ayez  point  relevé  un  si 
grand  blasphème,  puisqu'il  n'y  a  pas  moins 
d'impiété  à  dire  que  le  Fils  de  Dieu  était  de 
deux  natures  avant  l'incarnation,  que  de 
n'en  reconnaître  qu'une  en  lui  après  l'incar- 
nation. Ne  manquez  pas  de  lui  faire  rétrac- 
ter cette  erreur,  si  Dieu  lui  fait  la  grâce  de 
se  convertir  :  mais,  en  ce  cas,  vous  pourrez 
user  envers  lui  de  toutes  sortes  d'indul- 
gences; car,  lorsque  l'erreur  est  condamnée, 
même  par  ses  sectateurs,  la  foi  en  est  plus 
utilement  défendue.  » 

92.  Julien,  évêque  de  Cos,  légat  du  pape 
saint  Léon  à  Constantinople,  lui  avait  écrit 
touchant  l'erreur  d'Eutychès,  par  un  diacre 
nommé  Basile.  Il  en  reçut  deux  réponses. 
Dans  la  première,  qui  lui  fut  rendue  par  le 
même  diacre  et  qui  est  datée  du  13  juin  de 
l'an  449,  le  Pape  dit  qu'il  est  inutile  à  Euty- 
chès  d'accuser  les  catholiques  de  nestoria- 
nisme,  que  leur  foi  est  inébranlable;  eu  niant, 
comme  il  faisait,  la  vérité  de  l'incarnation, 
il  en  détruisait  toutes  les  suites  et  toute  l'es- 
pérance des  chrétiens;  par  l'union  qui  s'est 
faite  de  la  nature  divine  avec  la  nature  hu- 
maine en  une  seule  personne,  le  Verbe  ne 
s^'est  point  changé  en  chair  ni  en  âme,  puis- 
que la  divinité  est  immuable  et  que  la  chair 
ne  s'est  point  changée  au  Verbe;  il  ne  doit 
point  paraître  impossible  que  le  Verbe,  avec 
la  chair  et  l'âme,  fasse  un  seul  Jésus-Christ, 
puisqu'on  chaque  homme  la  chair  et  l'âme 
qui  sont  d'une  nature  si  différente,  sont  une 
seule  personne.  Ce  n'est  pas  un  autre  qui  est 
né  du  Père,  et  un  autre  de  la  Mère,  mais  le 
même  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes  Jé- 
sus-Christ, qui  est  né  autrement  du  Père  avant 
toutes  choses,  et  autrement  de  la  Mère  à  la  fin 
(les  siècles;  il  faut  qu'Eutychès,  en  disant 
qu'avant  l'incarnation  il  y  avait  deux,  natu- 
res, ait  cru  que  l'âme  du  Sauveur  avait  de- 
meuré dans  le  ciel  avant  d'être  unie  au  Verbe 
dansleseindela  viergeMarie;  ce  quelafoica- 
tholique  ne  permet  pas  de  penser  :  car  il  n'a 
rien  apporté  du  ciel  qui  fût  de  notre  condition  ; 
il  n'a  pas  pris  une  âme  déjà  créée,  mais  il  l'a 
créée  en  la  prenant.  Il  faut  donc  punir  dans 
Eutychès  ce  qu'on  a  condamné  dans  Origène, 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


213 


savoir,  que  les  âmes  ont  vécu  et  agi  avant 
d'être  mises  dans  les  corps.  Quoique  la  nais- 
sancede  Jésus-Christ  soit  au-dessusdelanôtre 
par  diverses  raisons,  ayant  été  conçu  d'une 
manière  différente  de  nous,  et  sa  mère  l'ayant 
conçu  et  enfanté  sans  perdre  sa  virginité,  sa 
chairn'était  point  d'une  nature  différente  de  la 
nôtre.  11  en  est  de  même  de  son  âme,  elle 
n'est  pas  distinguée  des  nôtres  par  la  diver- 
sité du  genre ,  mais  par  la  sublimité  de  la 
vertu.  Sa  chair  ne  produisait  point  de  désirs 
contraires  à  l'esprit;  il  n'y  avait  point  en  lui 
de  combat,  mais  seulement  des  affections 
soumises  à  la  divinité. 

Dans  la  seconde  lettre,  saint  Léon  témoigne 
sa  douleur  des  égarements  d'Eutychès,  et 
marque  à  Julien  qu'il  pourra  apprendre  par 
sa  lettre  à  Flavien,  quelle  est  la  foi  de  l'E- 
glise, ajoutant  que  s'il  arrivait  qu'Eutychès 
se  corrigeât,  il  faudrait  user  envers  lui  d'in- 
dulgence et  se  relâcher  de  la  sévérité  de  la 
sentence  prononcée  contre  lui.  Il  dit  qu'il  a 
envoyé  au  concile  d'Ephèse,  indiqué  par 
l'empereur,  des  légats  a  latere,  c'est-ù-dire 
tirés  de  l'Eglise  romaine,  ou  de  celles  qui 
lui  étaient  immédiatement  soumises.  Il  em- 
ploie la  même  expression  dans  sa  lettre  à 
Fauste  et  aux  anciens  archimandrites  de 
Constantinople. 

23.  Il  envoyait  ces  légats  pour  tenir  sa 
place  au  concile  et  pour  y  porter  l'esprit  de 
justice  et  de  miséricorde ,  afin  que  l'erreur 
fût  condamnée,  puisqu'on  ne  pouvait  douter 
quelle  était  la  foi  chrétienne,  et  que  l'on 
pardonnât  à  Eutychès,  s'il  se  repentait.  C'est 
ce  que  dit  saint  Léon  dans  sa  seconde  lettre 
à  Théodose.  Il  ne  doutait  plus,  lorsqu'il  écri- 
vit, qu'Eutychès  ne  fût  coupable,  parce  qu'il 
avait  vu  les  actes  de  sa  condamnation.  Il 
renvoie  encore  ce  prince  à  sa  lettre  à  Fla- 
vien^ pour  savoir  ce  que  l'Eglise  catholique 
croyait  universellement  touchant  le  mystère 
de  l'Incarnation. 

24.  Il  fait  mention  de  la  même  lettre  dans 
celle  qu'il  écrivit  à  l'impératrice  Pulchérie, 
dont  il  loue  le  zèle  contre  tous  les  héréti- 
ques de  son  temps.  Il  fait  voir  qu'il  était  né- 
cessaire au  salut  du  genre  humain  que  Jé- 
sus-Christ fût  non -seulement  homme,  mais 
encore  de  même  nature  que  nouSj  et  que  les 
généalogies  que  saint  Mathieu  et  saint  Luc 
en  ont  faites,  quoique  dans  un  ordre  diffé- 
rent, prouvent  qu'il  était  en  effet  d'une  na- 
ture semblable  à  la  nôtre,  l'un  le  faisant 
descendre  de  David,  et  l'autre  d'Adam.  Il  té- 


Lettre  se  à 

l'em  p  er  e  II  r 
Théodose,  p. 
2'.6. 


Lettre  27  i 
Pulchérie,  p. 
247. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


214 

moigne  espérer  qu'Eutychès  se  corrigera,  et 
croire  qu'il  est  tombé  dans  l'erreur,  plus  par 
ignorance  que  par  malice  :  «  Mais,  ajoute- 
t-il,  s'il  persévère  dans  sa  mauvaise  doctrine, 
personne  ne  pourra  révoquer  la  sentence  que 
les  évêqnes  ont  prononcée  contre  lui.  n  II 
marque  que,  n'aj'ant  reçu  la  lettre  de  convo- 
cation au  concile  que  le  13  mai ,  à  peine 
avait-il  eu  assez  de  temps  pour  y  envoyer 
des  légats;  que,  pour  lui,  il  ne  pouvait  s'y 
trouver  en  personne,  soit  parce  qu'aucun  de 
ses  prédécesseurs  ne  s'était  trouvé  à  des  con- 
ciles tenus  hors  de  Rome,  soit  parce  que 
l'état  des  affaires  de  l'empire  ne  lui  permet- 
tait pas  de  quitter  son  siège  et  sa  patrie, 
sans  mettre  le  peuple  dans  une  espèce  de 
désespoir.  On  craignait  alors  que  les  Huns 
ne  fissent  quelqu'incursion  en  Italie,  comme 
cela  arriva  trois  ans  après. 
L8Ure^2s       ^o.  La  IcttrB  à  Fauste,  à  Martin  et  aux 
nii.ndrites  de   autrBs  arclumandrites  de  Constantinple,  qui 
nopie.  p.  249.   avaient  souscrit  à  la  condamnation  d'Euty- 
chès,  est  pour  les  encourager  à  la  défense  de 
la  foi.  Saint  Léon  déclare  détester  l'erreur 
d'Eutycliès,  ayant  connu  par  les  actes  qu'on 
lui  avait  envoyés,  qu'il  était  véritablement 
coupable;  mais  il  témoigne  souhaiter  qu'il  re- 
vienne à  récipiscence,  afin  qu'il  soit  rétabli 
dans  la  communion  de  l'Eghse.  Il  les  renvoie 
à  sa  lettre  à  Flavien,  disant  qu'il  y  avait  suffi- 
samment expliqué  la  doctrine  qu'il  avait  reçue 
de  la  tradition  des  Pères  sur  le  mystère  de 
l'Incarnation. 
Lettre  29       25.  Sa  lettre  au  concile  d'Ephèse  est  de 
HT.phèse,  p.   même  date  que  celles  à  Flavien,  à  Théodose 
et  àPulchérie,  c'est-à-dire  du  13  juin  M9; 
il  y  établit  la  foi  de  l'Incarnation  par  le  té- 
moignage que  saint  Pierre  rendit  également 
à  la  divinité  et  à  l'humanité  de  Jésus-Christ. 
Il  ne  fait  point  difficulté  de  reconnaître  que 
l'empereur   avait  convoqué  le  concile  d'E- 
phèse, mais  il  dit  en  même  temps  que  ce 
prince,  par  respect  pour  les  divins  instituts, 
avait  aussi  employé  Tautorité  du  Siège  apos- 
tolique, pour  empêcher  qu'aucun  germe  d'er- 
reur ne  s'élevât  dans  le  sein  de  l'Eglise  catho- 
lique. Il  ajoute  que  la  fin  de  ce  concile  est  pour 
abolir  l'erreur  par  un  jugement  plus  authen- 
tique, et  déclare  qu'il  donne  pouvoir  à  ses 
légats  d'ordonner  en  commun  avec  le  con- 
cile ce  qui  sera  agréable  à  Dieu,  c'est-à-dire 
de  condamner ,  premièrement  l'erreur,  en- 
suite de  rétablir  Eutychès,  s'il  se  rétracte  et 
s'il  condamne  son  hérésie,  comme  il  me  l'a, 
dit-il,  promis  dans  le  libelle  qu'il  m'a  envoyé. 


27.  On  trouve  à  peu  près  les  mêmes  cho-   „'rl"™  "• 

^  ^  Pulcherje,  \ 

ses  dans  la  trentième  lettre  à  Pulchérie,  que  230. 
dans  la  vingt-septième,  et  souvent  en  mêmes 
termes.  Saint  Léon  y  conjure  cette  princesse 
de  rendre  à  l'Eglise  les  mêmes  services 
qu'elle  lui  avait  rendus  en  d'autres  occasions, 
et  de  travailler  à  détruire  une  erreur  qui  ve- 
nait plutôt  de  l'ignorance  d'Eutychès  que  de 
sa  malice.  11  relève  la  modération  du  Siège 
apostolique,  qui  usait  tellement  de  sévérité 
envers  les  endurcis,  qu'il  souhaitait  toujours 
leur  accorder  le  pardon,  pourvu  qu'ils  se 
corrigeassent.  Cette  lettre  ne  fut  pas  rendue 
à  Pulchérie,  ce  qui  engagea  saint  Léon  à  lui 
en  envoyer  une  copie  avec  la  trente-unième 
lettre  qu'il  lui  écrivit  le  lo  octobre  de  la 
môme  année  449.  Le  Pape  dit  dans  celle-ci 
que  si  la  trentième  eût  été  rendue  à  cette 
impératrice ,  il  y  avait  tout  lieu  de  croire 
qu'elle  eût  pu  empêcher  les  maux  que  pro- 
duisit le  faux  concile  d'Ei)hèse. 

28.  Le  20  juin  il  écrivit  une  troisième  lettre   j^^^l'J 
à  l'empereur  Théodose,  pour  s'excuser  de   ^°^ 

ce  qu'il  n'allait  pas  lui-même  au  concile. 
Il  dit  qu'il  eût  été  même  plus  raisonnable  de 
n'en  point  indiquer,  la  question  de  la  foi  qui 
en  était  le  motif,  étant  si  évidente,  qu'elle 
ne  laissait  aucun  doute. 

29.  Quelque  temps  après  le  départ  des  lé-  Leiipes 
gais,  saint  Léon  reçut  une  seconde  lettre  de  vi",  p-s' 
Flavien,  où,  après  lui  avoir  expliqué  de  nou- 
veau les  erreurs  d'Eutychès  et  sa  condamna- 
tion, il  le  priait  de  faire  connaître  son  im- 
piété à  tous  les  évêqnes  d'Occident,  afin  que 
personne  ne  communiquât  avec  lui  par  lettre 

ou  autrement.  Le  Pape  lui  fit  réponse  le  23 
juillet  par  le  même  diacre  qui  lui  avait  ap- 
porté sa  lettre,  nommé  Basile.  Il  exhorte  Fla- 
vien à  combattre  généreusement  pour  la  vé- 
rité, rien  n'étant  plus  glorieux  que  de  dé- 
fendre la  foi  contre  les  ennemis  de  la  nais- 
sance et  de  la  croix  de  Jésus-Christ  :  mais  il 
l'exhorte  aussi  de  tâcher  de  vaincre  par  sa 
patience  et  ses  remontrances  paternelles,  la 
folie  et  l'obstination  de  ceux  qui,  ayant  pour 
le  corps  l'âge  des  vieillards,  n'avaient  pour 
l'esprit  que  l'imprudence  des  enfants.  Il  par- 
lait d'Eutychès.  Le  11  août  il  écrivit  encore 
à  Flavien  par  une  personne  de  qualité  nom- 
mée Eupsyque,  pour  se  plaindre  de  ce  qu'il 
n'avait  pas  répondu  à  sa  lettre,  et  le  prier 
de  lui  donner  des  nouvelles,  tant  de  ce  qui 
le  regardait  lui-même,  que  ses  légats  et  les 
affaires  de  l'Eglise. 

30.  Saint  Hilaire,  évêque  d'Arles,  étant   37,  i"^^' 


[V=   SIÈCLE.] 

mort  le  S  mai  de  l'an  449,  Ravenne,  prêtre 
de  la  même  Eglise,  fut  élu  pour  lui  succé- 
der; c'était  un  homme  fort  instruit  des  règles 
de  la  discipline,  et  d'une  conduite  irrépro- 
chable. Aussitôt  qu'il  fut  élu,  les  évêquesde 
la  province,  au  nombre  de  douze,  en  donnè- 
rent avis  à  saint  Léon,  qui  leur  fit  réponse 
en  ces  termes  :  «  Nous  confirmons  par  notre 
jugement  la  bonne  œuvre  que  vous  avez 
faite,  en  consacrant  dans  la  ville  d'Arles, 
après  la  mort  d'Hilaire  de  sainte  mémoire, 
un  homme  que  nous  estimons  autant  que 
notre  frère  Ravenne,  et  cela  d'un  consente- 
ment unanime,  selon  les  désirs  du  clergé, 
des  magistrats  et  du  peuple.  »  Les  termes 
honorables  dont  use  saint  Léon  en  parlant 
de  saint  Hilaire  d'Arles,  font  voir  qu'alors  il 
était  revenu  des  préjugés  qu'il  avait,  quel- 
ques années  auparavant,  conçus  contre  lui'. 
Ravenne  avait  aussi,  sans  doute,  écrit  cà  saint 
Léon  sur  sa  promotion.  Quoi  qu'il  en  soit,  le 
Pape  lui  écrivit  pour  l'exhorter  à  répondre  à 
ce  que  lui  et  les  autres  attendaient  de  sa 
vertu  et  de  sa  capacité,  à  observer  exacte- 
ment les  règles  de  l'Eglise ,  à  s'acquitter  des 
fonctions  épiscopales  avec  vigilance  et  en 
même  temps  avec  une  sage  modération  : 
V  Mais  il  faut,  lui  dit-il,  que  cette  modéra- 
tion soit  accompagnée  d'autorité,  étant  néces- 
saire que  la  bonté  fasse  aimer  la  force  de  la 
constance;  que  la  douceur  tempère  la  ri- 
gueur de  la  justice,  et  que  la  patience  arrête 
l'ardeur  du  zèle.  »  Il  le  prie  de  lui  donner 
.  souvent  des  nouvelles  de  la  manière  dont  il 
conduirait  son  troupeau,  afin  qu'il  se  glori- 
fiât dans  le  Seigneur  de  -ses  progrès.  Cette 
lettre  est  toute  remplie  d'affection  pour  Ra- 
venne, que  saint  Léon  avait  connu  à  Rome 
dans  le  temps  qu'il  y  était  pour  l'affaire  de 
saint  Hilaire,  son  prédécesseur.  Il  lui  écrivit 
une  seconde  lettre  au  sujet  d'un  vagabond 
nommé  Pétronien,  qui  courait  par  tontes  les 
provinces  des  Gaules,  se  disant  diacre  de 
l'Eglise  romaine.  «  Avertissez,  lui  dit  saint 
Léon,  les  évêques  de  le  rejeter  de  la  com- 
munion de  toutes  les  Eglises,  afin  qu'il  n'en- 
treprenne plus  rien  de  semblable,  n 

31.  Les  deux  lettres  à  Théodose,  l'une  du 
12  octobre,  l'autre  du  15  du  même  mois,  ont 
un  même  motif  et  un  même  but;  ce  qui  pa- 
raît suffire  pour  rendre  l'une  des  deux  sus- 
pecte, n'étant  pas  vraisemblable  que  dans 
l'intervalle  de  trois  jours,  saint  Léon  eût  écrit 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON ,  PAPE. 


213 


deux  lettres  à  ce  prince  sur  une  même  ma- 
tière. La  première,  qui  est  la  trente-neuvième 
dans  l'édition  que  nous  suivons,  n'a  ni  l'élé- 
gance, ni  l'élévation  de  celles  de  ce  saint 
Pape;  on  ne  conçoit  pas  même  comment  il 
aurait  pu  dire,  comme  on  le  lit  dans  cette 
lettre,  qu'il  avait  appris  ce  qui  s'était  passé 
à  Ephèse  des  évêques  qu'il  y  avait  envoyés, 
puisqu'il  n'y  en  avait  envoyé  qu'un  seul,  qui 
était  Jules,  évêque  de  Pouzolles,  et  que  ce 
ne  fut  pas  de  lui,  mais  du  diacre  Hilarus  ou 
Hilaire,  qu'il  apprit  le  mauvais  succès  du 
faux  concile  d'Ephèse.  La  même  lettre  donne 
à  Théodose  le  titre  de  plus  tranquille  ou  de 
plus  pacifique  de  tous  les  princes.  Ce  n'est 
pas  ainsi  que  saint  Léon  le  qualifie  ordinai- 
rement. 

La  seconde,  qui  parait  la  seule  véritable,  est 
au  nom  de  saint  Léon  et  de  son  concile.  Il  s'en 
tenait  un  à  Rome  tous  les  ans,  sur  la  fin  de 
septembre  ou  au  commencement  d'octobre. 
Ce  concile  était,  ce  semble,  déjà  assemblé, 
lorsque  le  diacre  Hilarus  arriva  à  Rome.  On 
y  délibéra  sur  ce  qui  s'était  passé  à  Ephèse 
touchant  le  rétablissement  d'Eutychès  et  la 
condamnation  de  Flavien,  et  on  convint  una- 
nimement de  n'y  avoir  aucun  égard.  Voici 
les  raisons  qu'en  donne  saint  Léon  dans 
cette  lettre  :  «  Nous  avons  appris,  dit-il,  non 
par  des  avis  incertains,  mais  par  le  rapport 
très-fidèle  d'Hilarus,  notre  diacre,  qui,  crai- 
gnant d'être  contraint  par  force  de  souscrire, 
s'est  sauvé  d'Ephèse;  que  tous  ceux  qui 
étaient  venus  au  concile,  n'ont  pas  assisté 
au  jugement.  On  a  rejeté  les  uns  et  intro- 
duit les  autres,  qui  ont  livré  leurs  mains  cap- 
tives pour  faire,  au  gré  de  Dioscore,  ces 
souscriptions  impies,  convaincus  qu'ils  per- 
draient leur  dignité,  s'ils  n'obéissaient.  Nos  lé- 
gats y  ont  résisté  constamment,  parce  qu'en 
effet  tout  le  mystère  de  la  foi  chrétienne  est 
détruit,  si  on  n'etîace  pas  ce  crime,  qui  sur- 
passe tous  les  sacrilèges.  Nous  vous  conju- 
rons donc,  mes  confrères  et  moi,  de  peur 
que  notre  silence  ne  nous  rende  coupables 
devant  le  tribunal  de  Jésus-Christ,  nous  vous 
conjurons  devant  l'inséparable  Trinité  et  de- 
vant les  saints  anges,  d'ordonner  que  toutes 
choses  demeurent  au  même  état  où  elles 
étaient  avant  tous  ces  jugements,  jusqu'à  ce 
qu'on  assemble  de  tout  le  monde  un  plus 
grand  nombre  d'évêques.  n 

Il  donne  pour  motif  de  convocation,  la 


'  Saint  Hilaire  avait  pu  satisfaire  le  Pape.  Pourquoi      vouloir  donner  tort  à  ce  saint  et  grand  Pontiîel  [L'édit.] 


216 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


réclamation  des  légats  contre  ce  qui  s'était 
fait,  l'appel  interjeté  par  Flavien,  la  néces- 
sité d'ôter  tous  les  doutes  sur  la  foi  et  toutes 
les  divisions  qui  blessaient  la  charité.  Il  de- 
mande que  ce  concile  se  tienne  en  Italie,  et 
que  tous  les  évéques  des  provinces  d'Orient 
soient  obligés  de  s'y  trouver,  afin  que  ceux 
qui  s'étaient  écartés  de  leur  devoir  par  fai- 
blesse, puissent  y  être  rétablis.  «  Vous  ver- 
rez, ajoute-t-il,  par  les  canons  de  Nicée  joints 
à  cette  lettre,  combien  notre  demande  est 
nécessaire  après  un  appel  interjeté.  »  On 
croit  que  les  canons  de  Nicée  étaient  ceux 
de  Sardique,  qui  défèrent  en  effet  au  Pape 
seul  le  jugement  des  appellations  interjetées 
par  les  évéques.  Dans  les  exemplaires  grecs 
du  concile  de  Cbalcédoine,  le  quatrième  ca- 
non de  Sardique  est  joint  à  la  lettre  de  saint 
Léon  à  Tbéodose,  et  c'est  ce  canon  où  il  est 
parlé  des  appellations  au  Pape.  Saint  Léon 
ajoute  :  «  Favorisez  les  catholiques,  à  l'exem- 
ple de  nos  ancêtres;  laissez  aux  évéques  la 
liberté  de  défendre  la  vraie  foi,  qu'aucune 
force  et  qu'aucune  terreur  du  monde  ne 
pourront  jamais  détruire  :  maintenez  la  paix 
dans  l'Eglise,  si  vous  voulez  que  Jésus-Christ 
affermisse  et  protège  votre  empire.  » 
Leiireiià  32.  La  Icttrc  à  Pulchérie  est  encore  au 
PuXrie'"p'!  nom  de  saint  Léon  et  du  concile  de  Rome. 

ass;  elle.T  été     ^     .      ,     ^    .  •  i±  •  1) 

donnée  en   Samt  Lcoo    coujurc   cette  prmcesse   d  em- 
coleiiCT^om:   ployer  tous  ses  soins  et  toute  son  autorité 
pag.  54.         afin  d  empêcher  que  la  guerre  que  1  on  dé- 
clarait à  la  paix  et  à  la  foi  de  l'Eglise  ne  prît, 
avec  le  temps,  de   nouvelles  forces.  Il  lui 
donne,  à  cet  eâ'et,  la  légation  de  saint  Pierre. 
Il  se  plaint,  comme  il  avait  déjà  fait  dans  sa 
lettre  à  Théodose,  que  celle  qu'il  avait  écrite 
à  Flavien  n'avait  point  été  lue  à  Ephèse,  et 
déclare  que  tous  les  évéques  d'Occident  con- 
servent la  communion  avec  celui  de  Constan- 
tinople,  tenant  pour  nul  tout  ce  qui  avait  été 
fait  à  Ephèse.  Saint  Léon  joignit  à  cette  let- 
tre une  copie  de  celle  qu'il  avait  écrite  à 
l'empereur  pour  la  tenue  d'un  concile  univer- 
sel, et  prie  Pulchérie  d'appuyer  sa  demande. 
LctiresHi       33.    Saint  Léon    écrivit   en   particulier   à 
Anastase,  et  Flaviou,  pour  1  assuror  quil  lerait  tout  son 

*4   à  Julien,  '  ^  ,       ,  .  T      , 

pag.  259.  possible  pour  le  bien  de  la  cause  commune 
et  pour  l'encourager  à  souflrir  avec  cons- 
tance, dans  la  persuasion  que  les  mauvais 
traitements  qu'il  endurait  de  la  part  de  ses 
ennemis,  lui  serviraient  à  acquérir  la  gloire 
éternelle.  Dans  sa  lettre  à  Anastase  de  Thes- 


salonique,  il  le  félicite  de  ne  s'être  point 
trouvé  à  Ephèse,  et  l'exhorte  à  la  défense  de 
la  vérité  et  à  demeurer  ferme  dans  la  com- 
munion de  Flavien,  sans  avoir  aucun  égard 
à  tout  ce  que  l'on  pourrait  faire  pour  l'en 
détacher.  «  Appuyons-nous,  lui  dit-il,  dans 
ce  temps  d'épreuve,  sur  le  secours  du  ciel, 
et  disposons-nous  à  demeurer  fermes  contre 
les  efforts  de  nos  adversaires.  Celui  qui  est 
en  nous,  est  plus  puissant  que  celui  qui  est 
contre  nous.  »  Il  témoigne  à  Julien,  évoque 
de  Cos,  combien  il  était  aflligé  de  ce  qui  était 
arrivé  à  Ephèse  par  les  violences  d'un  seul 
homme  (c'était  Dioscore),  et  la  ferme  réso- 
lution où  il  était  d'apporter  à  ces  maux  tous 
les  remèdes  qui  dépendraient  de  lui. 

34.  Les  deux  lettres  suivantes  sont  adres-     Lettres  a' 

au  peuple  de 

sées  au  clersré  et  au  peuple  de  Constantino-   consiantî- 

o  1.         *.  iiop'e,    et   4o 

pie.  Dans  la  première,  saint  Léon  exhorte  les  l^^^^^'l§|  ""^ 
clercs  à  combattre  pour  la  défense  de  la  foi,  et  ^ss. 
à  ne  point  se  séparer  de  la  communion  et  de 
l'obéissance  de  leur  évéque,  quelque  vio- 
lence qu'on  dût  employer  pour  ébranler  leur 
constance.  Il  proteste  qu'il  ne  recevra  jamais 
en  sa  communion,  ni  au  nombre  des  évé- 
ques, celui  qui  osera  usurper  le  siège  de 
Flavien.  Il  parait,  par  la  seconde  lettre, 
que  saint  Léon  avait  reçu  de  Constantinople 
des  lettres  par  lesquelles  on  lui  mandait 
que  l'on  avait  fait  en  cette  ville  des  acclama- 
tions en  faveur  de  la  vérité  et  de  l'innocence 
de  Flavien.  Il  en  prend  occasion  d'exhorter 
le  clergé  et  le  peuple  de  cette  Eglise  à  per- 
sévérer constamment  dans  la  foi  de  l'Incar- 
nation, dont  il  leur  fait  une  exposition  assez 
longue,  en  montrant  qu'il  était  nécessaire 
que  le  Fils  de  Dieu  se  fit  homme  pour  nous 
racheter  de  la  peine  de  damnation  à  laquelle 
tout  le  genre  humain  était  soumis  par  le 
péché  originel  qne  nous  contractons  en  nais- 
sant. Il  apporte,  entre  autres  preuves  de  l'In- 
carnation, le  sacrement  de  l'Eucharistie,  où 
les  enfants  mêmes,  lorsqu'ils  le  recevaient, 
reconnaissaient  de  leur  bouche  la  vérité  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  (en  répon- 
dant Amen  comme  les  adultes).  Il  ajoute  qu'a- 
près avoir  imploré  le  secours  de  Dieu,  ils  de- 
vaient encore  tâcher  de  gagner  la  bienveil- 
lance des  princes  cathohques,  et  prier  avec 
humilité  et  avec  sagesse  l'empereur  Théo- 
dose, pour  obtenir  de  lui  un  concile  général. 

35.  Saint  Léon  et  son  concile  écrivirent  en       i-euj-e  n 

aux  abbes  de 

particulier àFauste,  Martin,Pierre,Magnus',   (^"['/''"eî; 


'  La  traduction  grecque  ne  porte  point  les  noms       deMagnusetd'Elie.Gotel.,tom.  H  i)/on«me«;. ,pag 


64. 


[v-'  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

Elie  et  Emmanuel,  tous  prêtres  et  abbés  de 
Constantinople,  pour  les  exhorter  à  ne  se 
séparer  jamais  de  leur  saint  évéque,  ni  de 
l'unité  de  la  foi,  leur  représentant  qu'il  était 
nécessaire  que  les  troubles  élevés  dans  l'E- 
glise se  dissipassent  au  plus  tôt  par  la  puis- 
sance de  Dieu,  afin  que  tout  ce  qui  est  digne 
de  réprobation  fut  séparé  de  l'Eglise,  dont  la 
pureté  n'admet  ni  tache  ni  ride. 

36.  En  450,  l'empereur  Valentinien  vint  de 
Ravenne  à  Rome,  accompagné  de  Placidie, 
sa  mère,  et  d'Eudoxie,  sa  femme,  fille  de 
l'empereur  Théodose.  Le  sujet  de  leur  voyage 
était  d'offrir  à  Dieu  leurs  prières  et  de  visiter 
les  églises  de  cette  ville.  Le  lendemain  de 
leur  arrivée,  ils  allèrent  à  l'église  de  Saint- 
Pierre,  dont  on  célébrait  la  fête  ce  jour-là. 
Saint  Léon  se  présenta  à  Valentinien  et  aux 
impératrices,  accompagné  de  plusieurs  évo- 
ques des  provinces  d'Italie,  qui  étaient  venus 
à  Rome,  ou  pour  cette  solennité,  ou  pour  y 
tenir  un  concile.  Il  leur  représenta  le  danger 
où  se  trouvait  la  foi  par  les  violences  com- 
mises à  Ephèse,  et  par  l'injuste  déposition 
de  Flavien,  les  conjurant  par  le  saint  apôtre 
à  qui  ils  venaient  rendre  leurs  respects,  par 
leur  propre  salut  et  par  celui  de  Théodose, 
d'écrire  à  ce  prince  pour  l'engager  à  faire 
réparer,  par  son  autorité,  les  désordres  que 
le  concile  d'Ephèse  avait  causés,  et  à  en  as- 
sembler un  de  tous  les  évêques  du  monde 
en  Italie,  où  l'évêque  de  Rome  pût  examiner 
avec  soin  toute  cette  affaire,  et  en  juger  sui- 
vant les  règles  de  la  foi.  L'empereur  et  les 
impératrices  ne  pouvant  se  refuser  aux  ins- 
tances de  saint  Léon  et  des  autres  évêques, 
écrivirent  séparément  à  Théodose.  Valenti- 
nien le  pria  de  conserver  à  l'évêque  de  Rome 
la  primauté  au-dessus  de  toutes  les  Eglises, 
qui  lui  a  été  accordée  par  l'antiquité,  en  sorte 
qu'il  puisse  juger  de  la  foi  et  des  évêques  : 
«  Car  c'est,  ajoute-t-il,  en  conséquence  de 
cette  prérogative,  que,  suivant  les  conciles, 
l'évêque  de  Constantinople  a  appelé  à  lui.  » 
Il  demanda  donc  à  ce  prince  que  tous  les 
autres  évêques  du  monde  étant  assemblés  en 
Italie,  le  pape  prît  avec  eux  connaissance  de 
toute  la  cause  et  en  portât  un  jugement  con- 
forme à  la  foi  et  à  la  religion.  Les  deux  im- 
pératrices firent  la  même  prière  à  Théodose, 
qui  répondit  à  toutes  ces  lettres  que  le  pape 
ne  pouvait  l'accuser  d'avoir  abandonné  en 
quoi  que  ce  fût  la  foi  des  pères;  que  c'était 
pour  la  maintenir  qu'il  avait  assemblé  un 
concile  à  Ephèse  ;  que  ceux  qui  y  avaient  été 


SAINT  LEON,  PAPE. 


217 


condamnés  méritaient  de  l'être;  que  Flavien 
ayant  été  convaincu  de  nouveauté  en  fait  de 
religion,  il  avait  été  justement  déposé;  que, 
par  sa  déposition,  la  paix  avait  été  rendue  à 
l'Orient,  et  qu'il  ne  fallait  plus  penser  à  exa- 
miner une  affaire  jugée  et  terminée  par  l'au- 
torité de  Dieu  même.  Il  ajouta  qu'il  avait 
écrit  à  saint  Léon  sur  cette  affaire,  d'une 
manière  à  le  satisfaire,  et  qu'on  lui  en  avait 
même  écrit  plusieurs  fois.  Ces  lettres  ne  sont 
point  venues  jusqu'à  nous;  mais  nous  avons 
celles  de  Valentinien,  et  des  impératrices 
Placidie  et  Eudoxie,  avec  les  réponses  de 
Théodose.  Nous  avons  aussi  celle  que  Pla- 
cidie écrivit  à  Pulchérie,  pour  l'engager  à  la 
défense  de  la  foi.  Le  diacre  Hilarus  lui  écrivit 
aussi  une  lettre  d'excuse  de  ce  qu'il  n'était 
pas  allé  à  Constantinople  lui  rendre  les  lettres 
dont  il  était  chargé  pour  elle,  de  la  part  du 
pape.  Il  lui  faisait  dans  la  même  lettre  un 
précis  de  ce  qui  était  arrivé  à  Ephèse,  des 
violences  qu'il  y  avait  souffertes  pour  n'avoir 
pas  voulu  souscrire  à  la  condamnation  de 
Flavien ,  et  de  la  manière  dont  il  s'était 
sauvé  de  cette  ville  pour  retourner  à  Rome, 
rendre  compte  de  tout  au  pape  ;  il  ajoutait 
que  saint  Léon  et  les  évêques  assemblés  avec 
lui  avaient  condamné  ce  qui  s'était  fait  à 
Ephèse  contre  les  canons,  en  tumulte  et  par 
la  puissance  séculière,  au  préjudice  de  la  foi 
et  de  l'innocence  de  Flavien. 

37.  Dans  la  réponse  que  Pulchérie  fit  à 
saint  Léon  sur  la  fin  de  l'an  449,  elle  témoi- 
gnait beaucoup  d'attachement  et  d'affection 
pour  la  foi  cathohque;  ehe  l'exhortait  même 
à  entreprendre  avec  zèle  la  défense  de  l'E- 
glise. Ce  pape  l'en  remercia  par  une  lettre 
du  17  mars  de  l'an  430,  la  priant  d'employer 
de  plus  en  plus  son  autorité  pour  l'extinction 
de  l'hérésie  d'Eutychès,  qui  sapait  la  foi  ca- 
tholique par  ses  fondements,  quoiqu'il  pré- 
tendît tenir  celle  de  Nicée,  dont  il  était  en 
effet  très-éloigné.  Il  établit  pour  maxime  que 
les  choses  humaines  ne  peuvent  être  en  sû- 
reté, si  l'autorité  royale  et  sacerdotale  ne 
soutient  ce  qui  appartient  à  la  foi.  Le  même 
jour  saint  Léon  fit  réponse  à  la  lettro  qu'il 
avait  reçue  de  Martin  et  de  Fauste,  abbés  de 
Constantinople  ;  il  les  prie  de  répandre  au- 
tant qu'ils  pourraient  l'écrit  sur  l'Incarnation 
qu'il  leur  avait  envoyé,  tant  en  son  nom, 
qu'en  celui  de  son  concile,  et  dans  la  crainte 
qu'ils  ne  l'eussent  pas  reçu,  il  en  joignit  une 
copie  à  sa  lettre. 

38.  Vers  le  commencement  de  la  même 


Letirea  48  à 
Pulchérie,  et 
49  aux  ahbés 
de  Constanli- 
Dople,  p.  269. 


Lettres  50 
aux    é^èques 


218 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


do  la  méiio-   année  iSO,  saint  Léon  reçut  les  députés  de 
et  51  à  Ka-   l'Eglise  de  Vienne,  gui  se  plaignaient  de  ce 
éy^^i'iSrade k   9"^  Ravenne,  qui  était  alors  évêque  d'Ar- 
ci'luîel!"'"'    les,  s'était  attribué  l'ordination  de  celui  de 
Vaison,  au  préjudice  du  droit  de  métropole 
accordé  àl'évêque  devienne.  Quelque  temps 
après  les  évoques  de  la  province  d'Arles,  au 
nombre  de  dix-neuf,  députèrent  à  Rome  nn 
prêtre  nommé  Pétrone,  et  un  diacre  appelé 
Régulus,  avec  une  lettre  où  ils  suppliaient 
saint  Léon  de  rendre  à  l'Eglise  d'Arles  ce 
qu'il  lui  avait  ôté  du  vivant  de  saint  Hilaire  ; 
leurs  raisons  étaient  qu'il  n'était  pas  juste 
que  Ravenne,  leur  évêque,  qui  était  aimé  du 
Saint-Siège,  fût  privé  d'un  honneur  qu'on 
n'avait  ôté  à  son  prédécesseur  que  parce 
qu'il  avait  offensé  le  même  Siège  ;  qu'il  était 
notoire,  tant  à  Rome  que  dans  les  Gaules, 
que  saint  Tropliime,  premier  évêque  d'Arles, 
avait  été  envoyé  par  saint  Pierre,  c'est-à-dire 
par  l'un  de  ses  successeurs   '  ;   que  c'était 
d'Arles  que  les  autres  provinces  des  Gaules 
avaient  reçu  la  foi,  et  que  par  conséquent 
elle  avait  eu  un  évêque  avant  qu'il  y  en  eût 
à  Vienne  :  «  Aussi,  ajoutaient-ils,  nos  pré- 
décesseurs ont  toujours  honoré  l'Eglise  d'Ar- 
les comme  leur  mère  ;  nos  villes  lui  ont  tou- 
jours demandé  des  évéques,  et  son  évêque  a, 
dans  tous  les  temps,  consacré  nos  prédéces- 
seurs et  nous.  Les  vôtres  ont  confirmé  par 
leurs  lettres  les  privilèges  de  cette  Eglise. 
Vous  en  trouverez  sans  doute  les  preuves 
dans  vos  archives;  ils  ont  voulu  qu'elle  eût 
l'autorité  dans  les  Gaules,  comme   l'Eglise 
romaine  a  la  primauté  sur  toutes  les  Eglises 
du  monde.  A  l'égard  de  l'Eglise  d'Arles,  le 
grand  Constantin  l'houorait  tellement  qu'il 
lui  donna  son  nom.  Valenlinien  et  Honorius 
la  nommèrent  la  mère  de  toutes  les  Gaules. 
Sous  leur  règne,  on  y  a  donné  et  reçu  le 
consulat  ;  le  préfet  du  prétoire  y  fait  sa  rési- 
dence ;  les  avantages  que  l'on  trouve  dans 
cette  ville,  font  qu'on  y  accourt  de  toutes  les 
autres,  ce  qui,  d'un  commun  consentement, 
la  fait  regarder  comme  la  première  de  toutes, 
comme  son  Eglise  l'est  de  toutes  les  Eglises 
des  Gaules,  à  raison  de  son  antiquité  ;  d'où 
il  est  arrivé  qu'elle  a  toujours  eu  le  gouver- 
nement, non-seulement  de  la  province  de 
Vienne,  mais    des   trois  provinces,  et  par 
commission  du  Saint-Siège,    de   toutes   les 
Gaules.  »  Ils  finissaient  leur  lettre  en  assu- 
rant le  pape  qu'ils  auraient  été  eux-mêmes  à 


Rome,  tant  pour  lui  rendre  leurs  devoirs  que 
pour  lui  faire  leurs  remonlrances  sur  ce  su- 
jet, si  l'infirmité  n'eût  retenu  quelques-uns 
d'entre  eux,  et  si  la  stérilité  de  l'année  n'eût 
mis  les  autres  hors  d'état  de  faire  ce  voyage. 
Saint  Léon  ayant  examiné  les  prétenlions 
des  Eglises  de  Vienne  et  d'Arles,  reconnut 
qu'elles  avaient  joui,  tantôt  l'une,  tantôt  l'au- 
tre, de  divers  privilèges  ecclésiastiques,  et 
qu'en  divers  temps  elles  s'étaient  surpassées 
l'une  l'autre  en  prérogatives  :  c'est  pourquoi, 
pour  le  bien  de  la  paix,  il  ordonna  que 
Vienne  et  Arles  demeureraient  métropoles  : 
Vienne,  des  quatre  Eglises  voisines,  savoir. 
Valence,  Tarantaise,  Genève  et  Grenoble;  et 
A.r!es,  des  autres  Eglises  de  la  même  pro- 
vince. Sa  lettre  est  du  cinquième  de  mai  438. 
Il  en  écrivit  une  le  même  jour  à  Ravenne,  où, 
après  lui  avoir  marqué  qu'il  avait  retenu 
longtemps  Pétrone  et  Régulus,  afin  qu'ils  fus- 
sent présents  aux  délibérations  qui  se  faisaient 
à  Rome  au  sujet  de  l'hérésie  d'Eutychès,  il 
les  prie  de  communiquer  les  lettres  dont  il 
les  avait  chargés,  à  tous  les  évêques  des 
Gaules;  c'était  sa  lettre  à  Flavien,  et  la  se- 
conde de  saint  Cyrille  à  Nestorius.  Il  paraît 
C[u'il  y  avait  joint  quelques  autres  écrits  sur 
l'Incarnation.  Ces  deux  députés  furent  aussi 
chargés  de  dire  de  bouche  certaines  choses 
à  Ravenne  qu'il  devait  anéantir,  et  que  saint 
Léon  ne  voulut  pa^  confier  au  papier. 

89.  Aussitôt  qu'Anatolius  eut  été  fait  évê-  uiir8  62i 
que  de  Constantinople,  à  la  place  de  Flavien  a-i^  °'°'  ''' 
déposé  par  le  faux  concile  d'Ephèse,  il  écrivit 
à  saint  Léon  pour  lui  donner  part  de  son 
élection  et  demander  la  communion  du 
Saint-Siège.  Les  évêques  qui  l'avaient  or- 
donné, écrivirent  aussi  au  pape,  mais  sans 
faire  aucune  mention  des  troubles  d'Orient, 
ni  de  l'hérésie  d'Eutychès  qui  en  avait  été 
l'origine.  Il  nous  reste  un  fragment  delà  lettre 
d'Anatolius.  L'empereur  Théodose  en  écrivit 
une  dans  le  même  temps,  dans  laquelle  il 
demandait  que  saint  Léon  approuvât  l'ordi- 
nation d'Anatolius.  Il  relevait  dans  la  même 
lettre  le  concile  de  Nicée,  disant  qu'il  était 
sulfisant,  sans  qu'il  fût  nécessaire  d'en  as- 
sembler un  autre  ;  il  piotestait  qu'il  ne  souf- 
frirait point  que  personne  s'en  écartât.  Saint 
Léon,  à  qui  l'ordination  d'Anatolius  était  sus- 
pecte, à  cause  de  ceux  qui  l'avaient  faite, 
suspendit  son  jugement  à  cet  égard,  et  sans 
lui  accorder  ni  lui  refuser  sa  communion,  il 


'  C'est  Dom  Ceillier  qui  ajoute  mal  à  propos  cette       observation.  (L'éditeur.) 


Lettres  Îi3 
aux  abt)és  de 
Co  ns  la  n  ti- 
nople,  p.  273, 
et  54  à  Pul- 
chérie,  ibid. 


Lettre  55  an 
prêtre  Mar- 
tin, p.  274. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

résolut  d'attendre  qu'AnatoIius  lui-même  lui 
eût  donné  des  preuves  de  la  pureté  de  sa  foi. 
II  répondit  donc  à  Théodose  qu'il  fallait 
qu'AnatoIius  la  déclarîit  en  présence  de  tout 
le  clergé  et  da  peuple  ;  qu'il  envoj'ât  sa  pro- 
fession de  foi  au  Saint-Siège,  pour  être  pu- 
bliée par  toutes  les  Eglises;  qu'elle  fût  con- 
forme à  la  lettre  de  saint  Cyrille  à  Nestorius 
et  à  celle  qu'il  avait  écrite  lui-même  à  Fla- 
vien,  et  qu'il  rejetât  de  sa  communion  ceux 
qui  avaient  une  doctrine  différente  sur  l'In- 
carnation. Comme  cette  discussion  deman- 
dait du  temps,  le  pape,  pour  abréger,  envo}^ 
des  légats  à  l'empereur,  avec  les  instructions 
nécessaires,  c'est-à-dire  avec  une  formule  de 
foi  nette  et  précise  de  ce  qu'il  fallait  croire, 
suivant  la  tradition  des  pères,  sur  le  mystère 
de  l'Incarnation,  afin  que  si  Anatolius  y  sous- 
crivait de  tout  son  cœur,  on  eût  lieu  de  se 
réjouir  de  la  paix  de  l'Eglise.  Saint  Léon  de- 
mande dans  la  même  lettre  qu'au  cas  que 
quelques-uns  s'éloigneraient  de  la  foi  des 
pères  et  de  celle  de  l'Eglise  romaine  dont  il 
envoyait  la  formule,  l'empereur  voulût  bien 
accorder  un  concile  universel  en  Italie , 
comme  le  synode  de  Rome  l'avait  déjà  de- 
mandé. Saint  Léon  n'écrivit  pas  à  Anatolius 
ni  à  ceux  qui  l'avaient  ordonné,  se  conten- 
tant de  s'expliquer  avec  Théodose  sur  l'ordi- 
nation de  cet  évêque. 

40.  Mais  il  écrivit  à  Fauste,  à  Martin,  à 
Pierre  et  aux  autres  abbés  de  Constantino- 
ple,  au  nombre  de  seize,  qu'il  croyait  fermes 
dans  la  foi,  les  priant  de  se  joindre  à  ses  lé- 
gats pour  solliciter  la  profession  de  foi  d'A- 
natolius  et  travailler  avec  eux  à  l'établisse- 
ment de  la  vérité.  Cette  lettre  et  la  précé- 
dente sont  du  16  juillet  de  l'an  450.  Celle 
qu'il  écrivit  à  Pulchérie  est  du  20  du  même 
mois  ;  elle  contient  à  peu  près  les  mêmes 
choses  que  celle  qui  est  adressée  à  Théo- 
dose. Saint  Léon  recommande  ses  légats  à 
cette  princesse,  en  la  priant  de  s'employer 
pour  la  tenue  d'un  concile  en  Italie,  si  l'on  ne 
pouvait  pas  s'accorder  sur  la  foi  en  Orient. 

41.  Lorsque  les  légats  arrivèrent  à  Cons- 
tantinople,  ils  apprirent  que  le  plus  grand 
obstacle  de  la  paix  était  levé  par  la  mort  de 
Théodose,  que  l'on  met  au  28  juillet  430,  pour 
le  plus  tard.  Saint  Léon  n'en  avait  pas  en- 
core de  nouvelles  le  13  septembre,  quand  il 
écrivit  à  l'abbé  Martin  et, à  ses  moines. 
Le  but  de  cette  lettre  est  de  les  exhorter  à 
persévérer  dans  la  défense  de  la  vérité,  et  à 
supporter  avec  patience  les  peines  et  les 


SAINT  LÉON,  PAPE.  219 

persécutions  qu'elle  pourrait  leur  occasion- 
ner. 11  les  assure  que  Dieu  ne  manque  point 
de  consoler  ceux  à  qui  il  fait  connaître  sa  vé- 
rité, et  les  prie  de  se  joindre  à  ses  légats, 
qu'il  croyait  arrivés  à  Constantinople  depuis 
longtemps.  Ils  étaient  quatre  :  Abundius  et  As- 
lérius,  évèques;  Basile  et  Sénateur,  prêtres. 
42.  Saint  Léon  ayant  su  que  le  comte  Ma- 
ximin  partait  pour  Constantinople,  lui  donna 
deux  lettres  semblables  pour  Fauste  et  Mar- 
tin, prêtres  et  abbés  à  Constantinople;  elles 
sont  du  8  novembre  450.  Le  pape  y  marque 
combien  le  faux  concile  d'Ephèse  était  en 
horreur  chez  les  évèques  d'Occident.  Il  ex- 
horte ces  deux  abbés  à  s'opposer  également 
aux  défenseurs  de  l'hérésie  de  Nestorius  et 
d'Eutychès,  qui  combattaient  les  uns  et  les 
autres  pour  l'Antéchrist  et  contre  l'Eglise, 
qui  fait  profession  d'adorer  en  Jésus-Christ 
non  une  nature,  mais  une  seule  personne. 
Dans  une  seconde  lettre  à  Fauste,  saint  Léon 
l'exhorte  à  ne  point  rougir  de  confesser  avec 
l'Evangile  que  Jésus-Christ  est  fils  de  David 
et  d'Abraham  selon  la  chair. 

43.  L'empereur  Marcien,  aussitôt  après 
son  élection,  écrivit  à  saint  Léon  pour  lui  en 
donner  avis,  se  recommander  à  ses  prières  et 
lui  proposer  la  tenue  d'un  concile,  pour  ban- 
nir de  l'empire  toutes  les  erreurs,  et  d'établir 
une  paix  sohde  parmi  tous  les  évèques  de  la 
foi  catholique.  Le  pape  le  remercia  de  sa  let- 
tre et  en  même  temps  des  services  qu'il  avait 
commencé  de  rendre  à  l'Eghse.  Il  fit  de  sem- 
blables actions  de  grâces  à  l'impératrice 
Pulchérie,  qui  avait  beaucoup  contribué  par 
son  autorité  à  la  défense  de  la  doctrine  catho- 
hque  contre  les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Eu- 
tychès  ;  au  rappel  des  évèques  exilés  pour  la 
foi,  et  à  faire  rapporter  à  Constantinople  le 
corps  de  saint  Flavien.  Comme  cette  prin- 
cesse lui  avait  mandé  qu'AnatoIius  avait 
souscrit  à  sa  lettre  à  Flavien,  et  que  plusieurs 
d'entre  les  évèques  qui  s'étaient  laissés  sé- 
duire dans  le  faux  concile  d'Ephèse,  deman- 
daient pardon  de  leur  faute  et  de  se  réunir  à 
la  communion  des  évèques  catholiques,  saint 
Léon  veut  bien  leur  accorder  la  paix  après 
qu'ils  auront  condamné,  par  leur  propre  sous- 
cription, ce  qu'ils  ont  fait  de  mauvais  dans 
ce  concile.  Il  recommande  à  Pulchérie,  Eu- 
sèbe  de  Dorylée,  chassé  de  son  siège  sous 
prétexte  de  nestorianisme,  quoiqu'il  fût  très- 
orthodoxe  et  dans  la  communion  du  pape  ; 
Julien  de  Cos,  et  tous  les  clercs  qui  avaient 
été  attachés  à  Flavien  d'heureuse  mémoire. 


Lelties  86 
à  F.iLSle  et  à 
Martin,  cl  ET 
à  Fausie,  p. 
875. 


220 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettre  60  à       44.  Aiiatolius  avait  écrit  lui-même  à  saint 

Anatolius,  p.     ^    '  t  r         • 

2Î8.  Léon,  pour  rendre  témoignage  de  sa  foi,  et 

lui  avait  envoyé  trois  députés,  Castérius, 
prêtre,  Patrice  et  Asclépiade,  diacres.  Comme 
ils  portèrent  à  Rome  les  actes  du  concile  de 
Gonstantinople  et  les  lettres  de  Marcien  et  de 
Pulchérie  saint  Léon  les  chargea  des  répon- 
ses à  ces  lettres,  qui  sont  toutes  écrites  du 
13  avril  341.  Dans  celle  qui  est  adressée  à 
Anatolius,  le  pape  le  félicite  de  la  pureté  de 
sa  foi  et  de  la  paix  dont  jouissait  l'Eglise  de 
Gonstantinople.  Quant  aux  évêques  qui 
avaient  souscrit  par  faiblesse  à  la  condam- 
nation de  saint  Flavien,  il  approuve  ce  qui 
avait  été  réglé  au  concile  de  Gonstantinople, 
qu'ils  fussent  réduits  par  provision  à  la  com- 
munion de  leurs  Eglises  :  «  Mais,  ajoute-t-il, 
vous  ordonnerez,  avec  la  participation  de  nos 
légats,  que  ceux  qui  condamnent  entière- 
ment ce  qui  a  été  mal  fait,  aimant  mieux 
s'accuser  eux-mêmes  que  de  défendre  ce 
qu'ils  ont  fait,  soient  reçus  à  notre  commu- 
nion. Pour  ce  qui  est  de  ne  point  réciter  à 
l'autel  les  noms  de  Dioscore,  de  Juvénal  et 
d'Eustathe,  vous  observerez  ce  qui  ne  répu- 
gnera point  à  l'honneur  de  saint  Flavien,  et 
n'aliénera  pas  de  vous  l'esprit  du  peuple. 
Nous  voulons,  au  reste,  que  Julien  de  Cos  et 
les  clercs  qui  sont  demeurés  fidèles  à  Fla- 
vien, vous  soient  aussi  attachés,  et  qu'ils  re- 
gardent en  vous  comme  présent,  celui  que 
nous  croyons  vivre  en  Dieu  par  le  mérite  de 
sa  foi.  »  Il  recommande  à  Anatolius,  Eusèbe 
de  Dorylée,  cliassé  de  son  siège  pour  la  foi, 
et  le  prie  de  prendre  tant  de  soin  de  son 
Eglise,  qu'elle  ne  soutfre  rien  de  l'absence  de 
son  évêque.  Il  lui  ordonne  de  rendre  publi- 
que cette  lettre,  afin  qu'elle  fût  un  témoi- 
gnage de  son  ati'ecliou  pour  lui,  et  qu'elle  lui 
attirât  celle  du  peuple  chrétien. 
Lettre  61  à       4.5.  On  voit  par  la  lettre  du  13  avril  à  Ju- 

279'/°'  '"'^'  lien  de  Cos ,  que,  parmi  les  évêques  qui 
avaient  cédé  dans  le  faux  concile  d'Ephèse  à 
la  violence  de  Dioscore,  il  y  en  avait  plu- 
sieurs qui  témoignaient  du  regret  de  leur 
faute,  et  qui  souhaitaient  avec  ai'deur  de 
rentrer  dans  la  communion  de  l'Eglise  ro- 
maine, offrant  pour  cela  de  condamner  l'er- 
reur d'Eutychès  avec  ses  auteurs;  mais  qu'il 
y  en  avait  quelques-uns  qui  persévéraient 
dans  leur  endurcissement.  Saint  Léon  veut 
qu'on  accorde  aux  premiers  la  communion 
de  l'Eglise  romaine,  après  qu'ils  auront  ac- 
compli leur  promesse,  et  qu'on  punisse  sé- 
vèrement les  autres. 


46.  Tatien,  préfet  de  Gonstantinople,  lui      Leurs»  es 

-,.,  '    "■    ,  ,  f      '  et  63  à  Mar- 

rendit  quelque  temps  après  une  lettre  de  o™,  p.  aso. 
l'empereur  Marcien,  datée  du  22  novembre 
de  l'an  430,  par  laquelle  il  lui  témoignait 
avoir  reçu  avec  joie,  et  comme  il  convenait, 
les  légats.  Ce  prince  l'invitait  par  la  même 
lettre  à  venir  en  Orient  pour  y  tenir  le  con- 
cile, témoignant  que  sa  présence  lui  serait 
également  agréable  et  utile  à  la  religion. 
«  Si  ce  voyage  vous  parait  à  charge,  ajou- 
tait-il, faites-le-nous  savoir  par  vos  lettres, 
afin  que  nous  envoyions  les  nôtres  par  tout 
l'Orient,  la  Tlirace  et  l'Illyrie,  pour  convo- 
quer tous  les  évêques  en  un  lieu  certain,  tel 
qu'il  nous  plaira,  et  régler  ce  qui  regarde  la 
paix  de  l'Eglise  et  la  foi  catholique,  comme 
vous  avez  défini,  suivant  les  canons.  »  Il  sem- 
ble que  Marcien  avait  aussi  insinué  au  pape 
un  nouvel  examen  de  l'hérésie  d'Eutychès  et 
de  la  condamnation  de  Flavien  ;  car,  répon- 
dant à  la  lettre  de  ce  prince,  il  le  prie  de  ne 
pas  permettre  d'examiner  le  mystère  du  sa- 
int comme  si  l'on  doutait  de  ce  que  l'on  doit 
croire,  parce  qu'il  n'est  pas  permis  de  s'éloi- 
gner, même  d'un  mot,  de  la  doctrine  des 
évangélistes  et  des  apôtres,  ni  d'entendre 
autrement  les  divines  Ecritures,  que  nos 
pères  l'ont  appris  et  enseigné,  ni  par  consé- 
quent de  remuer  les  questions  impies  et  dé- 
raisonnables que  le  Saint-Esprit  a  autrefois 
éteintes  aussitôt  que  le  démon  les  a  émues.  Il 
dit  ensuite  qu'il  n'est  pas  juste  qu'un  petit 
nombre  d'insensés  fassent  révoquer  en  doute 
si  Eutychès  a  eu  des  sentiments  impies,  et  si 
Dioscore  a  eu  tort,  de  condamner  saint  Fla- 
vien; que  ce  sont  des  faits  qui  doivent  passer 
pour  constants,  puisque  ceux  mêmes  qui  ont 
signé  le  contraire  par  force,  reconnaissent  la 
plupart  qu'ils  ont  eu  tort  et  en  demandent 
pardon  comme  d'une  faute;  en  sorte  qu'il  ne 
doit  plus  être  question  quelle  foi  on  doit  tenir, 
mais  à  qui  on  doit  pardonner,  de  ceux  qui 
s'avouent  coupables.  A  l'égard  du  concile,  il 
prie  Marcien  d'attendre  ce  que  ses  légats 
lui  en  diraient  dans  peu.  Cette  lettre  est  du 
23  avril  451.  Ces  légats  étaient  Lucentius, 
évêque  d'Ascoli,  et  Basile,  prêtre.  Saint  Léon 
les  envoya  pour  travailler  avec  Anatolius  à 
la  réunion  des  évêques  qui  témoigneraient 
un  sincère  repentir  de  s'être  laissé  entraîner 
k  la  faction  de  Dioscore  ;  mais  il  leur  or- 
donna de  bien  examiner  ceux  qui  mérite- 
raient indulgence,  sans  toutefois  différer  trop 
longtemps  de  les  recevoir,  ni  user  envers 
eux  de  trop  de  sévérité.  Il  les  chargea  de 


[ve  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

trois  lettres  datées  du  7  juin  451 .  La  pre- 
mière étnit  adressée  àMarcien;  la  seconde  à 
Pulcliérie;  la  troisième  à  Anatolius.  11  re- 
mercie ce  prince  de  son  zèle  pour  la  défense 
de  la  foi  catholique,  du  témoignage  qu'il 
avait  rendu  à  celle  d' Anatolius,  du  rappel 
des  évoques  exilés  pour  la  foi,  et  de  la  sé- 
pulture honorable  qu'il  avait  procurée  à  saint 
Flavien.  Quant  au  concile,  il  avoue  qu'il  l'a- 
vait demandé  lui-même  ;  mais  il  fait  remar- 
quer à  Marcien  que  l'état  présent  des  affaires 
ne  permettait  pas  d'assembler  les  évêques 
de  toutes  les  provinces,  principalement  de 
celles  d'Occident,  tellement  troublées  par  les 
guerres,  que  les  évéques  ne  pouvaient  quit- 
ter leurs  Eglises.  Il  demande  donc  que  le 
concile  soit  renvoyé  à  un  temps  plus  propre, 
lorsque,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  la  sûreté 
publique  sera  rétablie. 

47.  Il  fait  voir  dans  sa  lettre  à  Pulchérie 
qu'il  n'y  avait  pas  moins  d'impiété  dans  l'hé- 
résie d'Eutychès  que  dans  celle  de  Nesto- 
rius,  l'une  et  l'autre  détruisant  également  le 
mystère  de  l'Incarnation  :  c'est  pourquoi  il 
prie  cette  princesse  de  faire  reléguer  Euty- 
chès  loin  de  Constantinop^e,  et  mettre  à  sa 
place,  dans  son  monastère,  un  abbé  catholi- 
que, qui  puisse  délivrer  les  serviteurs  de 
Dieu  de  l'erreur  dont  ils  pourraient  être  in- 
fectés, et  les  nourrir  de  la  doctrine  de  la  vé- 
rité. Il  recommande  à  Anatolius  de  ne  rien 
décider  à  l'égard  de  tous  ceux  qui  s'étaient 
attribué  une  autorité  particulière  à  Ephèse, 
en  attirant  les  autres  dans  l'erreur  par  le 
poids  de  leur  autorité.  Il  veut  que  si  ces  per- 
sonnes reviennent  en  résipiscence,  avec  offre 
de  satisfaire  à  leur  faute,  on  lui  en  donne 
avis,  afin  d'examiner  mûrement  lui-même  ce 
qu'il  y  aurait  à  faire  sur  ce  sujet.  Il  dit  qu'a- 
vant ce  temps  Anatolius  ne  nommerait  point 
à  l'autel  les  noms  de  ceux  qui  avaient  pré- 
sidé à  ce  concile  ,  c'est-à-dire  de  Dioscore, 
de  Juvénal  et  d'Eustathe  de  Béryte,  soit  parce 
qu'ils  avaient  été  les  principaux  persécuteurs 
de  leurs  frères,  soit  parce  qu'ils  ne  témoi- 
gnaient point  de  repentir  de  leur  faute.  A 
l'égard  du  mémoire  qu'Anatolius  avait  en- 
voyé à  Rome  par  ses  députés,  le  pape  lui  dit 
que  ses  légats  lui  diraient  de  vive  voix  ce 
qu'il  en  pensait.  En  parlant  du  concile  d'E- 
phèse,  il  dit  qu'il  ne  méritait  pas  le  nom  de 
concile. 

48.  Le  8  juin,  saint  Léon  écrivit  à  Julien  de 
Cos,  pour  l'engager  à  travailler  avec  ses  lé- 
gats à  extirper  l'hérésie  d'Eutychès.  Deux 


—  SAINT  LÉON,  PAPE.  221 

prêtres  de  Constanlinople,  Basile  et  Jean 
étaient  venus  à  Rome  chercher  la  pais  et 
une  doctrine  assurée,  qu'ils  n'avaient  pu  dé- 
couvrir parmi  les  troubles  d'Orient.  Saint 
Léon  leur  fit  donner  une  déclaration  de  leur 
foi,  où  ils  condamnaient  Nestorius  et  Euty- 
chès,  et  faisaient  profession  de  ne  recevoir 
sur  le  mystère  de  l'Incarnation  d'autre  doc- 
trine que  celle  qu'il  avait  apprise  et  ensei- 
gnée lui-même  ;  après  quoi  il  les  renvoya  à 
Anatolius,  avec  une  lettre  datée  du  19  juin, 
par  laquelle  il  les  lui  recommandait  comme 
étant  dans  la  foi  et  dans  la  communion  de 
l'Eglise  romaine. 

49.  Le  24  du  même  mois,  saint  Léon,  qui 
avait  choisi  Paschasin  pour  assister  au  con- 
cile général  avec  les  deux  légats  Lucentius 
et  Basile,  lui  envoya  sa  lettre  à  Flavien,  avec 
quelques  passages  choisis  des  pères,  afin 
qu'il  fût  mieux  instruit  des  matières  qui 
étaient  alors  en  contestation.  Il  combat  dans 
cette  lettre  l'expression  d'une  seule  nature  in- 
carnée du  Verbe,  disant  qu'Eutychès  ne  s'en 
était  servi  que  pour  mieux  couvrir  son  er- 
reur, qu'il  dit  avoir  été  déjà  condamnée  dans 
les  hérétiques  des  siècles  précédents.  Il 
ajoute  que  toute  l'Eghse  de  Constanlinople, 
avec  les  monastères  qui  en  dépendaient,  et 
un  grand  nombre  d'évêques,  avaient  ana- 
thématisé  par  leurs  souscriptions  Nestorius 
et  Eutychès,  avec  leurs  dogmes,  et  qu'il  ve- 
nait de  recevoir  une  lettre  de  l'évêque  de 
cette  ville,  qui  portait  que  celui  d'Antioche 
avait  envoyé  des  lettres  circulaires  à  tous  les 
évêques,  approuvant  sa  lettre  à  Flavien,  et 
condamnant  Nestorius  et  Eutychès  par  une 
semblable  souscription.  Sur  la  fin  de  sa  let- 
tre, il  le  charge  de  faire  calculer  par  des 
gens  habiles  le  jour  de  Pâques  de  l'an  453, 
parce  que  le  cycle  dont  on  se  servait  à  Rome 
ne  se  rencontrait  pas  avec  celui  de  Théophile 
d'Alexandrie.  Saint  Léon  ne  dit  rien  à  Pas- 
chasin du  choix  qu'il  avait  fait  de  lui  pour  as- 
sister au  concile  général  ;  ce  qui  fait  voir  ou 
que  cette  lettre  n'est  pas  entière,  ou  qu'il  lui 
en  avait  écrit  une  autre  auparavant,  qui  ne 
sera  pas  venue  jusqu'à  nous. 

50.  Le  second  légat  fut  le  prêtre  Boniface. 
Comme  il  partait  seul  de  Rome,  saint  Léon 
le  chargea  des  lettres  qu'il  écrivit  alors  pour 
l'Orient.  Il  y  en  a  deux  adressées  à  l'empe- 
reur Marcien,  une  à  Anatolius,  une  au  con- 
cile, et  une  à  Jufien  de  Cos,  toutes  datées  du 
26  juin  451.  Il  fait  entendre  dans  sa  première 
lettre  à  l'empereur  qu'il  eût  mieux  aimé 


Lettres  69 
à  M.ircien,  70 
à    AiMtolius, 

71  à  Julien  de 
^■os,  p.   ï8i; 

72  au  coni^ile 
(le  Chalcé- 
(ioine,  p  386  ; 
el  71  à  Mar- 
cien, p.  286, 


222 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


que  le  concile  eût  été  différé  à  un  temps  plus 
commode,  afin  que  les  évèqnes  de  toutes  les 
provinces  y  ayant  été  appelés,  il  eût  été  vé- 
ritablement un  concile  universel  ;  mais  que, 
pour  se  conformer  à  sa  volonté,  il  envoyait 
l'évêque  Paschasin  et  le  prêtre  Boniface  pour 
présider  en  son  nom  à  ce  concile,  avec  Lu- 
centius,  Basile  et  Julien  de  Cos.  Il  témoigne 
à  ce  prince  que  ses  légats  agiront  avec  une 
telle  sagesse,  que  la  paix  sera  rétablie  dans 
tout  l'Orient  ;  que  les  disputes  seront  assou- 
pies, et  les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Euty- 
chès  tellement  étouffées,  qu'il  n'en  restera 
plus  aucun  vestige.  Quant  aux  évoques  qui 
auraient  prévariqué  dans  le  faux  concile  d'E- 
phèse,  il  veut  que  ses  légats  admettent  à  la 
u  .^1  ,j  réconciliation  ceux  qui  pourront  se  guérir, 
sans  agir  ni  par  haine,  ni  par  faveur  envers 
qui  que  ce  soit,  et  sans  rejeter  la  satisfaction 
de  ceux  mêmes  qui  sont  les  plus  criminels. 
Sa  lettre  à  Anatolius  est  pour  lui  témoigner 
sa  peine  de  ce  qu'on  pressait  le  concile  plus 
qu'il  n'eût  souhaité,  et  que  par  là  on  ôtait 
aux  évêques  des  provinces  éloignées  le 
moyen  de  s'y  rendre.  Il  dit  aussi  qu'il  ne 
croyait  pas  qu'il  y  eût  plus  de  difficultés  à 
faire^  ni  aucun  lieu  de  disputer  sur  les  ma- 
tières de  la  foi,  puisqu'd  l'avait  assez  éclair- 
cie,  et  que  tous  les  Orientaux  avaient  signé 
la  condamnation  des  erreurs  d'Eutychès  et 
de  Nestorius.  Il  mande  à  Julien  de  Cos  de  se 
joindre  à  ses  légats  et  de  les  aider  de  ses 
conseils,  sachant  qu'il  était  parfaitement  ins- 
li'uit  de  toute  l'affaire  que  l'on  devait  traiter 
dans  le  concile,  à  cause  qu'il  était  depuis 
longtemps  en  Orient,  et  qu'il  avait  assisté  au 
faux  concile  d'Ephèse.  Il  marque  aux  évê- 
ques du  concile  indiqué  d'abord  à  Nicée,  et 
transféré  ensuite  à  Chalcédoine,  que  les  cir- 
constances des  temps  et  la  coutume  ne  lui 
permetlant  pas  d'y  assister  en  pex-sonne,  ses 
légats  présideraient  en  son  nom.  Il  répète  ce 
qu'il  avait  déjà  dit  dans  sa  lettre  à  Anatolius, 
qu'il  n'était  plus  question  de  disputer  sur  la 
foi  de  l'Eglise,  qui  était  suffisamment  éclaircie 
dans  sa  lettre  à  Flavien,  où  il  avait  montré, 
par  l'autorité  des  prophètes  et  des  apôtres, 
ce  que  l'on  devait  croire  sur  le  mystère  de 
l'Incarnation  ;  et  parce  qu'on  avait  mis  des 
évoques  en  plusieurs  endi'oits  à  la  place  de 
ceux  qui  avaient  été  déposés  injustement  à 
Ephèse  et  envoyés  en  exil,  il  consent  que 
ces  évêques  intrus  puissent  conserver  l'hon- 
neur de  l'épiscopat,  s'ils  abandonnent  l'er- 
reur ;  mais  il  veut  qu'avant  toutes  choses  on 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

rétablisse  dans  leurs  droits  et  dans  leurs  siè- 
ges ceux  qui  en  ont  été  chassés  pour  la  défense 
de  la  vérité.  Il  veut  encore  que  l'on  conserve 
inviolablement  les  décrets  du  premier  concile 
d'Ephèse,  auquel  saint  CyriUe  présida,  afin 
que  l'hérésie  de  Nestorius,  qui  y  fut  condam- 
née, ne  puisse  se  flatter  d'être  encore  en  vi- 
gueur. C'est  que  les  zélés  adversaires  d'Eu- 
tychès étaient  accusés  de  nestorianisme.  II 
dit,  pour  la  même  raison,  dans  sa  seconde 
lettre  à  Marcien,  que  c'est  avec  justice  que 
le  premier  concile  d'Ephèse  a  condamné 
Nestorius  avec  sa  doctrine,  et  ajoute  qu'il  n'y 
a  aucune  espérance  de  rétablissement  pour 
tous  ceux  qui  persisteront  dans  les  erreurs 
condamnées  par  ce  concile.  Il  semble  dire 
que  Marcien  avait  déjà  donné  une  loi  qui 
défendait  de  donner  le  nom  de  concile  au 
second  d'Ephèse,  où  l'on  avait  plutôt  tra- 
vaillé à  renverser  la  foi  qu'à  l'établir.  II 
conjure  ce  prince,  par  notre  Seigneur  Jésus- 
Christ,  de  ne  pas  permettre  que  dans  celui  que 
l'on  allait  tenir,  on  mit  en  question  la  foi  qui 
nous  est  venue  de  la  tradition  des  Apôtres, 
comme  si  elle  était  douteuse,  ni  aux  héréti- 
ques de  soutenir  des  erreurs  condamnées 
autrefois  ;  mais  de  conserver  inviolables  les 
statuts  du  concile  de  Nicée. 

31.  Il  paraît  que  saint  Léon,  depuis  le  dé-  Lettres 74à 
part  de  ses  légats,  reçut  des  lettres  de  Mar-  ase^'etl'-fs^i 
cien  et  de  Pulcbérie,  puisqu'il  fut  obligé  de 
leur  en  écrire  deux,  l'une  du  19,  l'autre  du 
20  juillet.  Celle-ci  fut  portée  par  Théoctiste, 
magistrien,  c'est-à-dire  courrier  de  l'empe- 
reur, et  il  faut  dire  la  même  chose  de  celle- 
là,  quoique  saint  Léon  ne  le  marque  pas.  Il 
dit  à  Marcien  qu'il  n'avait  souhaité  la  tenue 
du  concile  en  Itahe,  qu'afinque  les  évêques, 
ceux  mêmes  des  provinces  les  plus  éloignées 
pussent  s'y  trouver.  Il  lui  recommande  ses 
légats,  et  le  prie  .de  nouveau  d'empêcher 
que  l'on  ne  renouvelle  les  disputes  sur  la  foi. 
L'impératrice  Pulcbérie  lui  avait,  ce  semble, 
témoigné  ne  pas  approuver  la  rigueur  dont 
il  avait  usé  envers  les  auteurs  de  l'hérésie, 
apparemment  en  empêchant  de  réciter  à 
l'autel  les  noms  de  Dioscore,  de  Juvénal  et 
d'Eustathe  de  Béryte.  Le  pape  lui  répond 
que  les  grands  maux  ont  besoin  de  grands 
remèdes,  et  qu'il  n'avait  pu  moins  faire  pour 
obMger  ces  évêques  à  rentrer  dans  leur  de- 
voir; qu'il  consent  volontiers  qu'on  leur  par- 
donne, s'ils  reconnaissent  leur  faute,  n'ayant 
point  d'autres  désirs  que  de  voir  la  paix  et  la 
foi  régner  dans  l'Eglise,  et  tous  les  coupables 


[v  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XL 

mériter  le  pardon  par  leur  repentir.  11  ajoute 
qu'il  a  déjà  donné  des  preuves  de  sa  douceur 
à  ceux  qui  sont  revenus  de  bonne  foi,  puis- 
qu'il les  a  admis  à  sa  communion,  et  que  les 
chefs  mêmes  du  parti  occupent  encore  leurs 
sièges  et  jouissent  de  l'honneur  de  l'épisco- 
pat.  Il  qualifie  dans  cette  lettre  le  second 
concile  d'Ephèse  de  brigandage. 
is76à  52.  La  petite  lettre  à  Ravenne,  évêque 
'évô-  d'Arles,  est  sans  date.  Saint  Léon  l'écrivit 
2ii8  pour  lui  marquer  qu'il  fallait  faire  Pâques  en 
432,  le  23  mars,  et  le  charge  de  le  faire  sa- 
voir aux  autres  évêques.  11  lui  envoya,  ce 
semble,  cette  lettre  avec  une  copie  de  celle 
qu'il  avait  écrite  à  Flavien,  afin  que  les  évê- 
ques des  Gaules  y  souscrivissent;  mais  ils  ne 
purent  le  faire  que  sur  la  fin  de  l'an  431, 
puisque  le  pape  ne  répondit  à  leur  lettre  que 
le  1"  février  de  l'année  suivante  432.  On 
croit  que  ce  fut  à  Arles  qu'ils  s'assemblè- 
rent pour  donner  leur  approbatiou  à  la  lettre 
à  Flavien.  Ils  étaient  eu  tout  quarante-quatre 
évêques,  dont  les  plus  connus  sont  Ravenne 
d'Arles,  saint  Rustique  de  Narbonne,  Véné- 
rius  de  Marseille,  saint  Maxime  de  Riez,  Va- 
lérien  de  Cémèle,  Constance  d'Uzès,  Ingé- 
nuus  d'Embrun,  Julien  Pomère  de  Cavaillon. 
Nous  n'avons  de  ce  concile  que  la  lettre  sy- 
nodale remplie  d'éloges  de  saint  Léon  et  de 
sa  lettre  à  Flavien.  Ils  reconnaissent  que  la 
doctrine  en  est  la  même  que  celle  qu'ils 
avaient  apprise  de  la  tradition  de  leurs  pè- 
res, et  attribuent  à  une  providence  parti- 
culière de  Dieu,  que  l'hérésie  d'Eutychès, 
après  s'être  nourrie  pendant  quelque  temps 
dans  le  secret,  s'était  montrée  à  découvert 
sous  un  pape  si  zélé,  si  éclairé  et  si  capable 
d'en  arrêter  le  progrès.  Trois  évêques  des 
Gaules,  Cérécius,  Salone  et  Véran,  qui  ne 
s'étaient  point  trouvés  à  ce  concile,  ayant 
fait  tirer  une  copie  de  la  lettre  à  Flavien, 
écrivirent  à  saint  Léon  pour  le  remercier  de 
les  avoir  enrichis  d'un  si  grand  trésor  :  mais 
dans  la  crainte  que  leur  copie  ne  fût  défec- 
tueuse, ils  la  lui  envoyèrent  en  le  priant  de 
la  revoir,  d'y  corriger  de  sa  main  les  fautes 
qui  pouvaient  s'y  être  glissées,  et  d'y  mettre 
les  additions  qu'il  y  aurait  pu  faire,  afin  que 
les  évêques  et  les  laïques  qui  désiraient  d'avoir 
cette  lettre,  en  fissent  faire  des  copies  sur 
cet  exemplaire,  qui  pourraient  passer  pour  un 
véritable  original.  Nous  n'avons  plus  la  ré- 
ponse de  saint  Léon  à  ces  trois  évêques  ; 
mais  nous  savons  qu'il  fit  pour  eux  ce  qu'ils 
désiraient,  puisque,  voulant  faire  approuver 


SAINT  LÉON,  PAPE. 


223 


sa  lettre  à  Flavien  par  les  évêques  du  concile 
de  Milan,  il  écrivit  à  Eusèbe,  évêque  de  cette 
ville,  vers  le  mois  de  juin  451,  d'emprunter 
la  copie  de  l'évêque  Cérécius.  Dans  sa  ré- 
ponse à  la  lettre  des  évêques  des  Gaules,  il 
dit  qu'il  aurait  souhaité  la  recevoir  dans  le 
temps  qu'ils  la  lui  avaient  promise,  afin  que 
les  légats  qu'il  avait  envoyés  pour  tenir  sa 
place  au  concile  d'Orient,  y  eussent  aussi 
porté  leur  déclaration.  Il  ne  laisse  pas  de 
leur  témoigner  qu'il  avait  reçu  leur  lettre 
avec  beaucoup  de  joie,  y  ayant  remarqué 
une  doctrine  qui  ne  pouvait  leur  avoir  été 
enseignée  que  par  le  Saint-Esprit.  Comme  il 
avait  déjà  reçu  des  nouvelles  du  concile  de 
Chalcédoine,  il  dit  qu'il  n'était  plus  permis 
d'alléguer  aucun  prétexte  d'ignorance,  ou 
d'obscurité  sur  la  foi  de  l'Incarnation,  après 
la  décision  d'un  concile  d'environ  six  cents 
évêques,  et  que  ses  légats  ont  si  bien  fait 
dans  cette  assemblée,  avec  le  secours  de  la 
grâce  de  Dieu,  que  non-seulement  les  évê- 
ques, mais  encore  les  princes  et  les  puissan- 
ces, les  clercs,  le  peuple  et  tous  les  ordres 
ont  été  pleinement  persuadés  que  c'était  la 
foi  apostolique  qu'il  prêchait  dans  sa  lettre  à 
Flavien,  comme  il  l'avait  reçue,  et  qu'il  sou- 
tenait, ayant  maintenant  pour  lui  le  consen- 
tement de  tout  le  monde.  Il  fait  voir  que  l'hé- 
résie de  Nestorius  et  celle  d'Eutychès  ren- 
versaient le  mystère  de  l'Incarnation,  et  que 
c'est  avec  justice  que  le  concile  de  Chalcé- 
doine avait  condamné  Dioscore,  sectateur  et 
défenseur  des  erreurs  de  ce  dernier,  pour  ne 
point  laisser  le  siège  d'Alexandrie,  fondé  par 
par  saint  Marc  et  honoré  par  plusieurs  grands 
évêques,  nommément  par  saint  Athanase, 
Théophile  et  saint  Cyrille,  sous  la  domination 
d'un  hérétique.  Il  exhorte  les  évêques  des 
Gaules  à  rendre  grâces  à  Dieu  de  cet  heu- 
reux succès  du  concile,  leur  promettant  de 
les  instruire  pleinement  de  tout  ce  qui  s'y 
serait  passé,  aussitôt  qu'il  en  aurait  été  ins- 
truit lui-même  par  le  retour  de  ses  légats. 
«  Nous  n'avons  pas  voulu,  ajoute-t-il,  retenir 
notre  frère  Ingenuus  (porteur  de  votre  lettre) 
pour  les  attendre,  afin  de  ne  pas  vous  laisser 
ignorer  plus  longtemps  une  si  agréable  nou- 
velle, dont  nous  vous  prions  même  de  faire 
part  à  nos  frères  les  évêques  d'Espagne.  » 
On  voit  par  la  réponse  des  évêques  de  la 
province  de  Milan,  qui  est  une  lettre  syno- 
dale que  saint  Léon  leur  avait  écrite,  de  même 
qu'aux  évêques  des  Gaules,  pour  leur  faire 
approuver    sa    leltie    à    Flavien.   Eusèbe, 


224 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


évoque  de  Milan,  assembla  pour  ce  sujet  les 
évêques  dépendants  de  sa  métropole.  Us  lu- 
rent cette  lettre  dans  leur  concile,  la  trouvè- 
rent conforme  aux  saintes  Ecritures,  à  la 
doctrine  de  saint  Ambroise,  à  toute  la  tradi- 
tion, et  en  conséquence,  condamnèrent  les 
erreurs  qui  s'étaient  élevées  contre  le  mys- 
tère de  l'Incarnation.  Cette  lettre  synodale 
est  souscrite  de  dix-neuf  évêques,  entre  au- 
tres de  saint  Maxime  de  Turin,  dont  nous 
avons  plusieurs  homélies. 
Letircs  18  33.  Aussitôt  quo  le  concile  de  Chalcédoine 
i'^pnîcîiérie!  eut  fuil  SCS  séaiicBS,  il  en  envoya  les  actes  à 
loiius,  p.sij'e;  saint  Léon,  avec  une  lettre  pour  le  prier  de  les 
deCos.  "  confirmer.  On  ne  dit  point  qui  fut  le  porteur  de 
cette  lettre;  mais  Lucien,  évêque,  et  Basile, 
diacre,  apportèrent  au  pape  des  lettres  de 
l'empereur  Marcien,  de  l'impératrice  Pulclié- 
rie,  d'Anatolius  de  Constantinople  et  de  Ju- 
lien de  Cos  ,  qui  avaient  toutes  pour  but  de 
lui  persuader  de  confirmer  le  canon  du  con- 
cile de  Chalcédoine  qui  autorisait  l'Eglise  de 
Constantinople  pour  les  ordinations  des  mé- 
tropolitains des  diocèses  d'Asie,  de  Pont  et 
de  Thrace.  Le  concile  de  Chalcédoine  disait, 
dans  sa  lettre  à  saint  Léon  ,  qu'il  était  de  sa 
générosité  de  ne  point  envier  ce  droit  à  Cons- 
tantinople ;  que  l'empereur  Anatolius  et  tout 
le  concile  ayant  eu  une  entière  déférence 
pour  toutes  ses  décisions,  il  devait  lui-même 
avoir  égard  au  désir  commun  de  toutes  ces 
personnes  ;  qu'ainsi  il  espérait  que  l'opposi- 
tion faite  par  ses  légats  à  ce  canon  n'avait  été 
que  pour  donner  l'honneur  au  pape  de  l'éta- 
bhr  le  premier.  Marcien  ,  après  lui  avoir  té- 
moigné sa  joie  de  ce  que  tous  les  troubles  de 
l'Eglise  avaient  cessé,. et  qu'il  ne  restait  plus 
aucun  doute  sur  la  foi,  le  priait  aussi  de  con- 
firmer ce  vingt-huitième  canon ,  nonobstant 
l'opposition  de  ses  légats ,  remettant  à  l'évê- 
que  Lucien  et  au  diacre  Basile  à  s'expliquer 
sur  ce  sujet  avec  plus  d'étendue.  L'impéra- 
trice Pulchérie  demandait  sans  doute  la  même 
chose,  mais  nous  n'avons  plus  sa  lettre,  et  on 
ne  juge  qu'elle  écrivit  à  saint  Léon  au  sujet 
des  prérogatives  accordées  à  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople, que  par  sa  lettre  à  cette  princesse; 
mais  il  marque  expressément  qu'il  en  avait 
reçu  une  d'Anatolius  et  une  de  Julien  de  Cos. 
Nous  ne  les  avons  plus.  11  répondit  à  l'empe- 
reur Marcien  qu'il  ne  pouvait  voir  qu'avec 
peine  que  l'esprit  d'ambition  voulût  continuer 
le  trouble  que  le  concile  venait  d'apaiser; 
qu'Anatolius,  en  voulant  augmenter  ses  pri- 
vilèges, diminuait  son  propre  mérite;  qu'il 


ne  devait  point  se  flatter  que  le  Saint-Siège 
dût  appuyer  ses  prétentions  ambitieuses  au 
préjudice  du  droit  des  autres  évêques;  que 
les  privilèges  des  Eglises  étaient  tellement 
établis  par  les  canons  des  saints  pères,  qu'on 
ne  pouvait  y  donner  atteinte  par  aucune  nou- 
veauté. «  C'est  à  quoi ,  ajoute-t-il ,  je  suis 
engagé  à  veiller  par  le  ministère  dont  je  suis 
chargé,  et  je  me  rendrais  coupable  d'un  grand 
crime,  si  les  décrets  que  le  concile  de  Nicée  a 
faits  pour  le  gouvernement  de  toute  l'Eglise 
étaient  violés  par  ma  négligence  et  par  ma 
faute ,  et  si  la  volonté  d'un  particulier  faisait 
plus  d'impression  sur  moi  que  l'utilité  com- 
mune de  toute  la  maison  du  Seigneiu-.  Que 
la  ville  de  Constantinople  ait,  comme  nous  le 
souhaitons,  ses  avantages,  et  qu'elle  jouisse 
longtemps  de  votre  règne  par  la  protection 
de  Dieu  ;  mais  ces  avantages  ne  sont  que  tem- 
porels ,  et ,  pour  être  ville  royale  ,  il  ne  suit 
pas  qu'elle  puisse  devenir  siège  apostohque.  » 
Il  dit  qu'Anatolius  devrait  se  contenter  de  ce 
qu'il  avait  approuvé  son  ordination  mal  fon- 
dée, puisqu'il  avait  été  ordonné  évêque  de 
Constantinople  par  Dioscore,  après  l'injuste 
déposition  de  Flavien ,  et  dissimulé  l'entre- 
prise par  laquelle  il  avait  oi'donné  Maxime 
pour  évêque  d'Antioche,  à  la  place  de  Dom- 
nus,  déposé  aussi  injustement  que  Flavien 
par  le  faux  concile  d'Ephèse  ;  il  avait  cru  de- 
voir s  approuver  l'une  et  l'autre  ordination 
pour  le  bien  de  la  paix ,  et  cette  indulgence 
devait  rendre  Anatohusmodeste  plutôt  qu'am- 
bitieux. 

Saint  Léon  fait  à  cet  évêque  les  mêmes  re- 
proches dans  sa  lettre  à  l'impératrice  Pulché- 
rie. Il  y  dit,  comme  dans  la  précédente,  qu'on 
ne  peut  donner  atteinte  aux  privilèges  des 
Eglises  établis  par  les  canons  de  Nicée;  que 
si  tous  les  évêques  les  observaient  exacte- 
ment, comme  ils  y  sont  obligés,  on  verrait 
régner  dans  toutes  les  Eglises  une  paix  pro- 
fonde et  une  union  constante  ;  qu'il  n'y  aurait 
point  de  différend  pour  l'étendue  des  hon- 
neurs, point  de  disputes  pour  les  droits  des 
ordinations,  point  de  difiicultés  sur  les  privi- 
lèges dûs  à  chacun,  point  de  procès  pour  l'u- 
surpation des  droits  d'autrui;  que  tous  gar- 
deraient, et  en  leur  particulier  et  à  l'égard  des 
autres ,  l'ordre  légitime  que  la  loi  de  la  cha- 
rité leur  a  prescrit,  et  que  celui-là  seul  serait 
vraiment  grand  qui  n'aurait  aucune  ambition. 
Il  ajoute  qu'il  ne  voit  pas  ce  qu'Anatolius  peut 
désirer  de  plus  que  l'évêché  de  Constantino- 
ple, ni  ce  qui  pourrait  le  contenter,  s'il  n'est 


[V   SIECLE.] 

pas  content  de  la  magnificence  et  de  la  beauté 
de  cette  ville;  qu'il  ferait  beaucoup  mieux 
d'imiter  la  modestie  et  l'humilité  de  Flavien, 
son  prédécesseur,  et  il  déclare  nul  tout  ce  qui 
avait  été  fait  en  sa  faveur  contre  les  canons  de 
Nicée.  En  écrivant  à  Anatolius,  il  fait  l'éloge 
de  la  manière  dont  il  s'était  comporté  dans 
les  commencements  de  son  épiscopat,  et  il  dit 
que  l'on  avait  appréhendé  qu'il  ne  ressemblât 
à  ceux  qui  l'avaient  ordonné  contre  l'autorité 
des  saints  canons;  mais  il  lui  reproche  en- 
suite d'avoir  lui-même  violé  ces  canons  en 
ordonnant  Maxime  évêque  d'Antioche,  et  en 
voulant,  contre  les  décrets  de  Nicée,  s'attri- 
buer les  ordinations  des  métropolitains  des 
diocèses  d'Asie ,  de  Pont  et  de  Thrace.  Il  lui 
fait  sentir  l'indécence  qu'il  y  avait  de  faire 
perdre  à  Alexandrie  le  second  rang,  et  à  An- 
tioche  le  troisième ,  pour  contenter  son  am^ 
bition  ;  à  quoi  il  ajoute  qu'il  y  avait  environ 
soixante  ans  que  cette  entreprise  était  tolé- 
rée, mais  que  les  évêques  de  Constantinople 
n'avaient  jamais  envoyé  au  Saint-Siège  le 
prétendu  canon  sur  lequel  ils  fondaient  cette 
entreprise.  Il  le  menace  ,  au  cas  qu'il  persé- 
vérerait dans  ses  prétentions ,  de  le  retran- 
cher de  la  paix  et  de  la  communion  de  l'E- 
glise. 11  reproche  à  Julien  de  Cos  de  s'être 
chargé  de  lui  écrire  touchant  l'affaire  d'Ana- 
tolius,  et  lui  remontre  qu'il  devait  aimer  l'état 
de  l'Eglise  universelle  plus  qu'aucun  homme 
particulier,  et  ne  lui  jamais  demander  de 
grâce  qui  nous  rendrait,  dit-il,  tous  deux  cou- 
pables, moi  en  l'accordant ,  vous  en  l'obte- 
nant. Ces  quatre  lettres,  qui  sont  toutes  datées 
du  22  mai  452 ,  furent  portées  en  Orient  par 
l'évêque  Lucien. 

54.  Saint  Léon,  aussitôt  après  le  retour  de 
ses  légats,  écrivit  une  seconde  lettre  aux  évo- 
ques des  Gaules ,  pour  leur  faire  part  de  ce 
qui  s'était  passé  dans  le  concile  de  Chalcé- 
doine  ,  sur  la  principale  affaire  ,  c'est-à-dire 
sur  la  doctrine  de  l'incarnation,  qui  y  fut  éta- 
blie d'un  consentement  unanime.  Il  joignit  à 
sa  lettre  une  copie  delà  sentence  que  ses  lé- 
gats y  prononcèrent  contre  Eutychès  et  Dios- 
core. 

55.  Cette  lettre  est  sans  date;  celle  qu'il 
écrivit  à  Théodore,  évêque  de  Fréjus,  est  du 
10  juin  452.  Théodore  lui  avait  proposé  quel- 
ques difficultés  sur  ceux  qui  demandent  la 
pénitence  à  la  mort ,  et  sur  ceux  qui ,  ayant 
été  mis  en  pénitence ,  tombent  malades  ou 
meurent  avant  d'avoir  reçu  l'absolution  de 
l'Eglise.  Le  pape  lui  dit  d'abord  qu'il  aurait 

X. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON ,  PAPE. 


228 


dû  consulter  premièrement  son  métropolitain 
pour  s'instruire  de  ce  qu'il  ignorait,  puis  s'a- 
dresser ensemble  au  Saint-Siège  pour  avoir 
des  éclaircissements  sur  ce  qu'ils  auraient 
ignoré  l'un  et  l'autre,  parce  que,  dans  ce  qui 
regarde  la  disciiDline  publique  et  générale^  on 
ne  doit  rien  demander  qu'avec  son  supérieur. 
Puis,  venant  aux  difficultés  proposées,  il  ré- 
pond que,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  les 
péchés  nous  sont  remis  non-seulement  parle 
baptême,  mais  encore  par  la  pénitence;  qu'à 
cet  effet,  le  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes, 
Jésus-Christ,  a  donné  aux  pasteurs  de  l'Eglise 
le  pouvoir  d'accorder  la  pénitence  à  ceux 
qui  confessent  leurs  péchés,  de  les  absoudre^ 
et  recevoir  à  la  participation  des  sacrements, 
après  une  satisfaction  salutaire  pour  leurs  fau- 
tes; que  ce  remède  n'est  qu  e  pour  les  vivants  et 
ne  peut  être  appliqué  aux  morts  qui  l'ont  né- 
gligé pendant  leur  vie  ;  mais  que,  pendant  la 
la  vie,  nous  ne  pouvons  mettre  de  bornes 
à  la  miséricorde  de  Dieu,  et  nous  devons  ac- 
corder la  satisfaction  et  la  réconciliation  à 
tous  ceux  qui  la  demandent,  même  dans  le 
péril  et  à  l'extrémité  de  la  vie,  parce  qu'il  ne 
dépend  pas  de  nous  de  fixer  le  temps  auquel 
Dieu  fera  miséricorde ,  lui  qui  accorde  sans 
délai  le  pardon  à  ceux  qui  sont  véritablement 
convertis ,  ainsi  qu'il  le  déclare  en  plusieurs 
endroits  de  l'Ecriture.  Nous  ne  devons  donc 
pas  être  difficiles  dans  la  dispensation  des 
dons  de  Dieu,  ni  mépriser  les  larmes  de  ceux 
qui  s'accusent,  mais  croire  que  c'est  Dieu  qui 
leur  inspire  la  pénitence.  Saint  Léon  blâme 
ceux  qui  diffèrent  de  jour  en  jour  à  se  con- 
vertir, et  qui  remettent  à  satisfaire  pour  leurs 
péchés  à  la  fin  de  leur  vie,  où  peut-être  ils 
ne  trouveront  ni  le  temps  de  confesser  leurs 
fautes  ni  d'en  recevoir  l'absolution  du  prêtre. 
Ensuite  il  décide  que  si  un  malade  perd  la 
parole,  on  doit  lui  accorder  la  réconciliation, 
pourvu  qu'il  donne  des  marques  d'une  entière 
connaissance ,  ou  que  des  personnes  dignes 
de  foi  rendent  témoignage  qu'il  a  demandé  la 
pénitence;  mais  il  veut  qu'on  observe  les  ca- 
nons à  Fégard  de  ceux  qui  ont  renoncé  à  la 
foi.  11  recommande  à  Théodore  de  montrer 
cette  lettre  à  son  métropolitain ,  pour  l'ins- 
truction des  autres  évêques,  au  cas  qu'ils  en 
aient  besoin. 

86.  Anatolius,  dont  saint  Léon  n'était  pas 
content,  lui  donna  un  nouveau  sujet  de  plainte 
en  ôtant  de  sa  place  l'archidiacre  Aétius, 
homme  zélé  pour  la  foi  catholique  ,  pour  lui 
substituer  un  nommé  André,  ami  d'Eutychès. 


IsaT.  XXX, 
13,  el  Psalm. 
cxxix,  7. 


Lettres  8'.  à 
Marcieii,  8fi  à 
l'ulcbér'.e,  et 
86  à  Jlllinn 
de  Los,  pag. 
303. 


226 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Pour  faire  ce  changement  avec  quelque  dé- 
cence, il  ordonna  prêtre  Aétius,  et  lui  donna 
le  soin  d'une  église  ,  d'un  cimetière  hors  de 
la  ville  de  Constantinople.  Julien  de  Cos ,  en 
écrivant  au  pape  sur  les  peines  et  les  maux 
qu'avait  soufferts  l'Italie  dans  les  incursions 
des  Goths ,  lui  fit  part  en  même  temps  de  l'en- 
treprise d'Anatolius.  Saint  Léon  s'en  plaignit 
à  Marcien  et  à  Pulchéi'ie,  comme  ayant  le  pou- 
voir de  faire  cesser  les  scandales  dans  ce  qui  re- 
gardait la  foi  et  la  discipline  de  l'Eglise.  Il  leur 
remontre  qu'Anatolius  n'avait  traité  Aétius 
de  la  sorte  que  parce  qu'il  avait  toujours  été 
attaché  à  Flavien  et  à  la  foi  catholique  ;  qu'ainsi 
en  le  déplaçant  pour  y  mettre  un  homme  at- 
taché à  Eutychès,  il  se  rendait  suspect  de  n'a- 
voir pas  renoncé  sincèrement  aux  erreurs  de 
cet  hérésiarque;  qu'il  avait  de  plus  péché 
contre  les  canons  eu  faisant  l'ordination  d'Aé- 
tius  un  vendredi  au  lieu  de  la  faire  le  diman- 
che, suivant  la  tradition  apostolique.  Il  prie 
donc  l'empereur  et  l'impératrice  de  rétablir 
Aétius  dans  ses  fonctions ,  qui  consistaient  à 
avoir  l'Intendance  de  toutes  les  atïaires  de 
l'Eglise,  d'empêcher  qu'à  l'avenir  Anatolius 
ne  fasse  de  semblables  entreprises,  et  d'être 
favorables  à  Julien  de  Cos,  qu'il  avait  établi 
son  légat  à  Constantinople,  pour  y  prendre 
soin  des  affaires  de  l'Eglise.  On  nomma  dans 
la  suite  ces  légats  apocrisiaires  ou  corres- 
pondants. Julien  fut  le  premier  qui  eut  cette 
commission  à  Constantinople  de  la  part  du 
pape  ;  mais  les  évêques  d'Alexandrie  et  d'An- 
tioche  y  avaient  déjà  des  apocrisiaires.  Ces 
deux  lettres  sont  du  1 1  mars  453  ;  celle  à  Ju- 
lien est  du  même  jour.  Il  l'avertit  de  ne  se 
pas  mêler  des  affaires  dont  chaque  évêque 
doit  prendre  connaissance  dans  son  propre 
diocèse,  mais  de  se  charger  de  celle  d'Aétius 
et  de  faire  réparer  le  tort  qui  lui  avait  été  fait 
par  Anatolius.  Il  lui  donne  commission  de 
l'informer  de  l'état  des  Eglises  d'Egypte,  de 
même  que  de  celles  de  la  Palestine  troublées 
par  des  moines  eutychiens,  et  de  lui  en  rendre 
compte,  afin  qu'il  pût  y  apporter  les  remèdes 
convenables.  Aétius  avait  envoyé  à  saint  Léon 
,  quelques  écrits,  et  Julien  lui  en  avait  promis 
un  intitulé  :  Ab?'égéde  la  foi.  Le  pape  marque 
qu'il  n'avait  reçu  aucune  de  ces  pièces,  pour 
lesquelles  il  témoigne  beaucoup  d'empresse- 
ment, comme  aussi  de  savoir  s'il  avait  reçu 
une  copie  de  sa  lettre  à  Flavien.  Il  prie  en- 
core Julien  de  faire  mettre  en  ordre  et  de 
traduire  exactement  en  latin  les  actes  du  con- 
cile de  Clialcédoine,  et  de  les  lui  envoyer. 


57.  Quoiqu'il  eût  déjà  donné  plusieurs 
preuves  qu'il  n'avait  pas  d'autres  sentiments 
sur  la  foi  que  ce  concile,  les  schismatiques 
ne  laissaient  pas  de  publier  qu'il  ne  l'approu- 
vait pas,  sous  prétexte  qu'il  avait  refusé  d'en 
recevoir  le  vingt-huitième  canon  fait  en  faveur 
de  l'évêque  de  Constantinople.  Il  écrivit  donc, 
suivant  les  désirs  de  l'empereur,  une  lettre 
circulaire  adressée  aux  évêques  qui  avaient 
assisté  au  concile  de  Chalcédoine,  pour  leur 
déclarer  qu'il  approuvait  sans  aucune  réserve 
tout  ce  qui  s'y  était  fait  touchant  la  foi  et  la 
condamnation  des  hérétiques,  déclarant  qu'on 
devait  retrancher  de  l'Eglise  quiconque  ose- 
rait soutenir  l'hérésie  de  Nestorius  ou  d'Eu- 
tychès.  Il  ajoute,  en  parlant  du  vingt-hui- 
tième canon,  qu'il  observera  inviolablement 
ceux  de  Nicée,  sans  consentir  jamais  à  ce  que 
l'ambition  pouvait  avoir  obtenu  dans  le  con- 
cile de  Clialcédoine.  Il  envoya  deux  copies 
de  cette  lettre,  qui  est  datée  du  2!  mars 433, 
à  Julien  de  Cos,  avec  celle  qu'il  avait  écrite 
à  Anatolius,  afin  qu'il  les  présentât  l'une  et 
l'autre  à  l'empereur,  s'il  le  jugeait  à  propos. 
C'est  ce  qu'il  marque  dans  sa  lettre  à  Juhen, 
datée  du  même  jour  que  la  précédente.  Il 
le  chargea  de  veiller  à  ce  que  Marcien  en- 
voyât sa  lettre  circulaire  aux  évêques,  et 
d'engager  ce  prince  à  leur  écrire  lui-même. 
Julien  avait  prié  saint  Léon  d'écrire  à  Ana- 
tolius ;  le  pape  répond  qu'il  n'avait  pas  voulu 
suivre  en  cela  son  avis ,  sachant  qu'il  persis- 
tait tellement  à  se  maintenir  dans  les  préro- 
gatives que  le  concile  de  Chalcédoine  lui  avait 
accordées,  qu'il  avait  tâché  d'y  faire  sous- 
crire les  évêques  d'Illyrie.  Il  dit  encore  qu'à 
l'égard  du  prêtre  Aétius,  il  fallait  souflrir, 
pour  le  présent,  l'injure  qu'on  lui  avait  faite, 
de  peur  qu'on  ne  l'accusât  d'excéder  les  bor- 
nes de  la  gravité. 

58.  Ce  fut  aussi  le  21  mars  de  l'an  453  qu'il 
écrivit  à  Marcien  pour  lui  témoigner  combien   *'■','■';'?"•  ^<>J' 

1  O  l'ulcliene,  91 

sa  dernière  lettre  lui  avait  causé  de  joie.  Il  y  ^J."''""'  ""' 

reconnaît  que  c'était  surtout  par  ses  soins  que 

le  concile  de  Chalcédoine  avait  été  assemblé 

et  que  l'hérésie  y  avait  été  éteinte,  et  prie  ce 

prince  de  donner  ordre  que  la  lettre  qu'il  avait 

écrite  aux  évêques  du  concile  de  Chalcédoine 

leur  fût  envoyée.  En  lui  recommandant  Ju-  ^ 

lien,  son  légat,  il  dit  que  le  pouvoir  qu'il 

lui  avait  donné  avait  pour  objet  de  veiller 

à  la  conservation  de  la  foi.  Quoiqu'il  n'eût 

point  reçu  de  lettre  de  Pulchérie,  il  lui  en 

écrivit  une  pour  la  remercier  du  soin  qu'elle 

avait  pris  de  ramener  doucement  les  moines 


[V=  SIÈCLE.] 

de  Palestine.  C'était  Julien  qui  avait  donné 
avis  à  saint  Léon  de  ce  que  cetle  impératrice 
avait  fait  en  cette  occasion;  il  lui  manda  de- 
puis que  les  hérétiques  faisaient  beaucoup  de 
maux  dans  la  Palestine  et  dans  l'Egypte.  Le 
pape  lui  fit  réponse ,  le  2  avril  de  la  même 
année  -433  ,  qu'il  devait  porter  Fempereur 
Marcien  à  employer  contre  les  auteurs  de  ces 
troubles  une  juste  sévérité  ,  qui  n'allât  pas, 
toutefois,  jusqu'à  répandre  leur  sang,  quel- 
ques peines  que  méritassent  des  gens  qui  ne 
craignent  point  de  violer  les  lois  divines  et 
humaines.  Un  moine,  nommé  Georges,  trou- 
blait la  Cappadoce  par  ses  prédications  et  par 
ses  écrits,  parlant  contre  la  foi  et  se  rendant 
indigne  du  nom  et  de  la  profession  de  moine 
par  ses  entreprises  criminelles;  néanmoins 
ïhalasse  ,  évêque  de  Césarée  ,  lui  avait  per- 
mis d'écrii'e  et  de  prêcher.  Saint  Léon  le 
trouve  mauvais  ,  et  dit  à  Julien  que  si  c'est 
son  avis,  il  en  écrira  à  cet  évêque. 

59.  Il  y  avait  en  Orient  un  grand  nombre 
de  nesloriens  et  d'eutychiens  qui  s'anathé- 
matisaient  mutuellement.  Maxime  d'Antioche 
en  écrivit  à  saint  Léon,  qui  Texhorta,  par  sa 
lettre  du  10  juin  453,  à  s'opposer  aux  uns  et 
aux  autres,  et  à  veiller  non-seulement  sur  les 
Eglises  de  sa  juridiction,  mais  aussi  sur  toutes 
celles  de  l'empire  d'Orient ,  et  à  l'informer 
exactement  de  ce  qui  s'y  passerait.  Il  l'exhorta 
encore  au  maintien  des  privilèges  de  son 
Eglise,  en  la  manière  qu'ils  avaient  été  réglés 
par  les  canons  de  Nicée,  en  lui  faisant  enten- 
dre qu'il  en  prendrait  lui-même  la  défense, 
s'il  arrivait  que  quelqu'autre  évêque  voulût 
s'en  emparer,  comme  Juvénal  de  Jérusalem 
avait  fait  à  l'égard  de  la  Palestine ,  dont  il 
voulut  s'attribuer  la  primalie  dans  le  concile 
d'Ephèse,  par  des  écrits  supposés.  «  Si  mes 
frères,  que  j'ai  envoyés  à  ma  place  à  ce  con- 
cile, ont  fait  autre  chose  que  ce  qui  regardait 
la  foi,  il  n'aura  aucune  force,  le  Saint-Siège 
ne  les  ayant  députés  que  pour  éteindre  les 
hérésies  et  prendre  la  défense  de  la  foi.»  Pour 
marquer  combien  il  était  attaché  au  concile 
de  Nicée,  il  dit  à  Maxime  qu'il  lui  envoie  une 
copie  de  la  lettre  qu'il  avait  écrite  à  Analo- 
lius  pour  réprimer  son  ambition;  après  quoi, 
il  dit  que,  quoiqu'il  soit  à  désirer  que  tous  les 
enfants  de  l'Eglise  soient  instruits  de  la  vraie 
et  saine  doctrine,  on  ne  doit  pas  néanmoins 
permettre  que  ceux  qui  ne  sont  pas  revêtus 
du  sacerdoce  s'attribuent  la  qualité  de  doc- 
teurs, ni  qu'ils  en  fassent  les  fonctions  en 
prêchant  et  en  enseignant,  soit  qu'ils  soient 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


227 


moines  ou  laïques,  tout  devant  se  faire  selon 
l'ordre  dans  l'Eglise  de  Dieu,  en  sorte  que  les 
membres  supérieurs  du  corps  de  Jésus-Christ 
fassent  ce  qui  est  de  leur  devoir,  et  que  les 
inférieurs  se  tiennent  dans  la  subordination. 
Saint  Léon  parlait  ainsi  par  rapport  aux  trou- 
bles que  les  moines  avaient  excités  dans  la 
Cappadoce  et  dans  la  Palestine,  par  leurs  dis- 
cours et  par  leurs  écrits.  Sa  lettre  du  H  juin, 
à  Théodoret,  est  pour  l'exhorter  à  travailler 
avec  lui  à  éteindre  les  restes  de  l'eutychéa- 
nisme  et  du  nestorianisme  dans  l'Orient,  et 
de  lui  donner  avis  des  progrès  qu'y  fera  la 
saine  doctrine.  Il  répète  ce  qu'il  avait  dit  dans 
sa  lettre  à  Maxime,  que,  quelque  savoir  qu'ait 
un  moine  ou  un  laïque,  il  ne  lui  est  pas  per- 
mis de  prêcher,  le  ministère  de  la  parole  étant 
réservé  aux  prêtres  du  Seigneur. 

Ce  qu'il  dit  des  décisions  du  Saint-Siège, 
confirmées  par  le  concile  de  Chalcédoine,  est 
remarquable  :  «  Nous  avons  connu ,  par  le 
rapport  de  nos  frères ,  que  le  Siège  du  bien- 
heureux Pierre  avait  envoyés  au  saint  con- 
cile, qu'aidé  du  secours  d'en  haut,  vous  avez, 
avec  nous,  remporté  la  victoire  sur  l'im- 
piété nestorienne  et  sur  la  folie  eutychienne. 
C'est  pourquoi  nous  nous  glorifions  en  notre 
Seigneur  de  ce  qu'il  n'a  pas  permis  que  nous 
perdions  aucun  de  nos  frères;  mais  ce  qu'il 
avait  auparavant  défini  par  notre  ministère,  il 
l'a  confirmé  par  le  consentement  irrévocable 
de  toute  la  fraternité,  et  a  montré  que  ce  que 
le  premier  de  tous  les  sièges  avait  décidé,  a 
été  reçu  par  le  jugement  de  tout  le  monde 
chrétien,  afin  qu'en  cela  les  membres  s'accor- 
dassent avec  leur  chef;  car,  de  crainte  que 
le  consentement  des  autres  sièges  ne  parût 
ime  flatterie,  ou  qu'on  pût  former  quelqu'au- 
tre soupçon  fâcheux ,  il  s'en  est  trouvé  qui 
ont  douté  de  l'équité  de  notre  jugement ,  ce 
qui,  par  une  disposition  de  l'Auteur  de  toute 
bonté  ,  a  produit  un  plus  grand  bien,  parce 
que  la  vérité  parait  plus  clairement  et  s'im- 
prime plus  fortement  quand  ce  que  la  foi  avait 
enseigné  auparavant  est  ensuite  confirmé  par 
l'examen,  et  que  le  mérite  du  ministère  sa- 
cerdotal éclate  beaucoup  plus  quand  les  pre- 
miers supérieurs  conservent  tellement  leur 
autorité,  qu'ils  ne  diminuent  point  la  liberté 
des  inférieurs.  » 

Saint  Léon  continue  ainsi  :  «  Tandis  que 
la  splendeur  du  soleil  de  justice  est  comme 
obscurcie  en  Orient  par  les  ténèbres  de  l'er- 
reur de  Nestorius  et  d'Eutychès,  elle  brille 
dans  toute  sa  pureté  en  Occident,  où  elle  s'est 


228 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


placée  principalement  dans  les  docteurs  et 
les  apôtres  qui  y  ont  enseigné,  quoiqu'il 
ne  soit  pas  permis  de  croire  qu'elle  ait  refusé 
sa  lumière  à  l'Orient,  où  Dieu  s'est  en  effet 
réservé  de  très-illustres  confesseurs.»  Il  ne 
dissimule  pas  la  douleur  que  lui  avait  causée 
Dioscore ,  en  l'excommuniant  par  une  té- 
mérité incroyable,  ajoutant  qu'il  s'est  lui- 
même  séparé  de  la  communion  des  clirétiens 
en  chassant  les  évêques  de  leurs  sièges,  et 
■qu'il  s'est  ôté  la  vie  de  l'âme  en  clierchant  h 
ôter  à  saint  Flavieu  celle  du  corps.  Il  avertit 
Théodoret  de  mesurer  ses  discours  avec  une 
extrême  précaution ,  lorsqu'il  aurait  à  com- 
battre les  ennemis  de  l'Eglise,  afin  de  ne  leur 
laisser  aucune  occasion  de  calomnie,  comme 
si,  en  combattant  les  nestoriens  et  les  euty- 
chiens,  on  avait  cédé  aux  uns  ou  aux  autres; 
de  les  condamner  également  et  de  les  frap- 
per d'anathème,  sans  hésiter,  toutes  les  fois 
que  l'utilité  des  auditeurs  le  demandera.  Il 
finit  sa  lettre  par  ces  paroles,  qui  font  l'apo- 
logie de  Théodoret  :  «  Béni  soit  Dieu,  dont 
la  vérité  invincible  vous  a  montré  net  de 
toute  tache  d'iiérésie,  suivant  le  jugement  du 
Siège  apostolique.  » 
L.itressio  60.  Lc  16  julu  dc  l'an  453,  saint  Léon  crai- 
oô"à"j'ulien,'  gnant  qu'il  n'arrivât  du  trouble  dans  l'Eglise 
"'''  '  ■  •  au  sujet  de  la  Pâque  qui ,  dans  le  cycle  de 
Théophile  d'Alexandrie,  était  marquée  au  24 
avril  pour  l'année  4S5 ,  ce  qui  ne  s'accordait 
pas  avec  le  calcul  des  Occidentaux,  qui  ne 
ci'oyaient  pas  qu'on  pût  la  faire  plus  tard  que 
le  21,  ou  au  plus  le  23  du  même  mois,  écri- 
vit à  l'empereur  Marcien,  pour  le  prier  de 
faire  examiner  cette  difficulté  par  les  per- 
sonnes qu'il  saurait  être  les  plus  habiles  en 
ces  supputations,  et  de  lui  mander  quel  au- 
rait été  le  succès  de  cet  examen.  Le  même 
jour  il  en  écrivit  à  Julien  de  Gos,  son  légat, 
afin  qu'il  sollicitât  souvent  cette  affaire  au- 
près de  l'empereur. 
Lci[res9cn  61.  Dès  avant  le  21  mars  de  l'an  453,  le 
sis'ei'gS  prince  avait  donné  un  ordre  secret  à  Paul  de 
Tesll'ae.  pag.   prier  saiut  Léon  d'écrire  à  Eudoxie ,  et  de 

j»°i'«n,  pag.   travailler  à  la  retirer  du  schisme  où  elle  s'e- 
ste. 

tait  laissé  entraîner  par  le  moine  Théodose. 

Ce  saint  pape  fit  sans  doute  aussitôt  ce  que 
Marcien  demandait  de  lui;  mais  nous  n'avons 
pas  cette  lettre.  11  nous  en  reste  une  seconde 
à  Eudoxie,  datée  du  2o  juin  de  la  même  an- 
née, par  laquelle  il  l'exhorte  à  employer  tout 
son  pouvoir  pour  ramener  les  moines  à  la  foi 
catholique  touchant  le  mystère  de  l'incar- 
nation, elles  engager  à  faire  pénitence  des 


blasphèmes  et  des  cruautés  dont  ils  étaient 
coupables.  Il  les  renvoie  à  l'Evangile  et  au 
symbole  où  ce  mystère  est  si  clairement  ex- 
primé, et  veut  que,  pour  preuve  de  la  sincé- 
rité de  leur  foi,  ils  souscrivent  aux  décrets  du 
concile  de  Chalcédoine ,  et  qu'à  l'avenir  ils 
n'aient  plus  rien  de  commun  avec  les  dogmes 
impies  de  Nestorius  et  d'Eutychès,  que  la  foi 
catholique  condamne  également.  Il  prie  Eu- 
doxie de  lui  faire  savoir,  par  lettres,  quels 
fruits  auront  produit  ses  exhortations  ;  et,  sans 
lui  rien  dire  de  son  attachement  au  schisme 
dont  elle  ne  se  défit  qu'en  456,  il  suppose 
qu'elle  ne  pouvait  que  bien  penser  du  mys- 
tère de  l'incarnation,  dont  elle  avait  des  preu- 
ves sensibles  dans  le  lieu  même  de  sa  de- 
meure, qu'elle  avait  établie  à  Jérusalem.  Saint 
Léon  écrivit  lui-même  à  ces  moines  de  Pales- 
tine, persuadé  qu'étant  chargé  du  soin  de 
l'Eglise  universelle,  il  devait  prendre  soin  de 
tous  ses  enfants.  L'occasion  de  leur  erreur 
venait  d'une  traduction  infidèle  de  sa  lettre  à 
Flavien.  Il  fait  voir  qu'il  n'y  avait  rien  dit  que 
de  conforme  à  la  doctrine  de  l'Evangile  et  des  ■ 

apôtres,  et  qu'il  ne  s'était  éloigné  en  aucune 
manière  de  celle  des  saints  pères,  la  foi  catho- 
lique étant  tellement  une,  qu'on  ne  peut  ni 
y  ajouter,  ni  en  rien  retrancher.  Il  veut  qu'on 
dise  anathème  àNestorius,  àEutychès,  àApol- 
linaire,  à  Marcion  et  à  Manichée,  qui  tous  ont 
erré  sur  le  mystère  de  l'incarnation ,  et  ne 
pouvaient  conséquemment  porter  ajuste  titre 
le  nom  de  chrétiens  ,  leur  doctrine  ne  s'ac- 
cordant  point  avec  celle  de  l'Evangile,  qui 
nous  apprend  que  le  Verbe  a  été  fait  chair,  j„an. ,,  ,j. 
qu'il  a  habité  parmi  nous,  et  que  Dieu  était  ncor.v.ig 
en  Jésus-Christ,  se  réconciliant  le  monde.  Il 
montre  que  celui-là  ne  participe  point  à  la 
médiation  de  Jésus-Chri'st,  qui  ne  reconnaît 
point  en  lui  la  vérité  de  la  nature  humaine, 
et  que  ceux-là  seuls  sont  lavés  dans  son  sang, 
qui  confessent  que  c'est  dans  leurs  corps  qu'il 
a  souffert,  qu'il  est  mort,  qu'il  a  vaincu  la 
mort  ;  d'où  il  prend  occasion  de  distinguer  les 
propriétés  des  deux  natures.  «  S'il  n'eût  pas 
été  Dieu ,  dit-il ,  les  mages  ne  l'eussent  pas 
adoré;  s'il  n'eût  pas  été  homme,  il  n'au- 
rait pas  été  ordonné  de  le  transporter  en 
Egypte  pour  le  soustraire  à  la  persécution 
d'Hérode.  Jamais  il  n'y  a  eu  de  sépara- 
tion entre  les  natures  depuis  leur  union; 
mais  aussi  elles  n'ont  point  été  confondues, 
et  les  propriétés  de  l'une  n'ont  point  été  absor- 
bées dans  celles  de  l'autre,  quoique  attribuées 
les  unes  et  les  autres  à  une  même  personne. 


[V'  SIÈCLE.] 

C'est  à  ceux  qui  n'admettent  en  Jésus-Christ 
qu'une  chair  apparente  et  fantastique,  à  ex- 
pliquer comment  elle  a  été  attachée  à  la  croix 
et  mise  dans  le  tombeau ,  ou  comment  elle  en 
est  sortie  après  avoir  ôté  la  pierre  qui  la  cou- 
vrait ;  comment  elle  a  été  touchée  des  disci- 
ples et  a  conservé  les  marques  des  clous  qui 
l'avaient  percée.  Il  n'importe  de  quelle  na- 
ture on  nomme  Jésus-Christ,  parce  qu'étant 
unies  indivisiblement  par  l'unité  de  personne , 
c'est  le  même  qui  est  Fils  de  l'homme  à  cause 
de  la  chair  ou  de  la  nature  humaine  ,  et  Fils 
de  Dieu  à  cause  de  la  divinité  qui  est  une  dans 
lui  et  dans  le  Père.  Ce  qu'il  a  donc  reçu  dans 
le  temps,  il  l'a  reçu  comme  homme.  C'est  en 
ce  sens  qu'il  a  reçu  un  nom  qui  est  an-dessus 
de  tout  nom ,  et  qu'il  a  reçu  aussi  une  aug- 
mentation de  gloire;  car,  en  tant  que  Verbe 
le  Fils  a  indistinctement  tout  ce  qu'a  le  Père, 
en  sorte  que  c'est  le  même  qui  est  riche  et 
pauvre.  Il  est  riche  parce  qu'il  est  Dieu,  pau- 
vre parce  qu'il  a  été  fait  chair,  ce  qui  n'est 
arrivé  qu'à  cause  que  les  liens  originels  de 
notre  captivité  n'auraient  pu  être  rompus  si 
le  Verbe  ne  se  fût  fait  homme  comme  nous, 
et  n'eût  effacé,  pur  l'effusion  de  son  sang  in- 
nocent, la  cédule  mortelle  de  notre  condam- 
nation. Il  témoigne  à  ces  moines  sa  douleur 
de  les  voir  encore  attachés  aux  hérésies  de 
Nestorius  et  d'Eutychès,  que  la  foi  chrétienne 
avait  condamnés  avec  Dioscore  ,  et  leur  re- 
proche fortement  les  crimes  et  les  violences 
où  leur  faux  zèle  les  avait  engagés.  «  Vous 
vous  êtes,  leur  dit-il,  armés  pour  la  défense 
de  l'Eglise,  et  vous  avez  combattu  contre  elle. 
Est-ce  là  ce  que  vous  avez  appris  des  pro- 
phètes, des  évangélistes  et  des  apôtres?  »  Il 
les  rappelle  au  symbole  qu'ils  avaient  récité 
en  présence  de  beaucoup  de  témoins  au  mo- 
ment de  leur  baptême,  et  qu'ils  paraissaient 
avoir  oublié ,  et  les  exhorte  de  rentrer  enfin 
en  eux-mêmes  et  d'embrasser  la  foi  commune 
de  l'Eglise.  La  lettre  à  Julien  de  Cos  est  en- 
core du  2S  juin;  elle  n'a  ]'ien  de  remarquable. 
Il  y  est  fait  mention  d'une  lettre  à  l'empereur 
qui  est  perdue. 
,  „    „„.        62.  Il  lui  en  écrivit  une  autre  le  9  ianvier 

LeUres99a  J 

i"''et'ioo'à   ^^  ^'^^  '^^^'  pour  le  remercier  de  ce  que,  par 
'•  ses  soins,  Juvénal  de  Jérusalem  avait  été  ré- 

tabli dans  son  siège,  et  les  troubles  de  la  Pa- 
lestine dissipés.  Il  le  prie  de  travailler  avec 
autant  de  zèle  à  la  paix  de  l'Egypte,  où  les 
ténèbres  de  l'hérésie  bannie  de  toute  la  terre, 
s'étaient  concentrées.  C'était  Julien  de  Cos 
qui  avait  mandé  à  saint  Léon  la  paix  de  la 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


229 


Palestine.  Il  lui  avait  marqué  en  même  temps 
qu'on  avait  lu  à  Constantinople  sa  lettre  aux 
évêques  du  concile  de  Chalcédoine  en  pré- 
sence des  évêques  et  des  prêtres;  mais  qu'on 
n'en  avait  lu  que  la  première  partie  qui  re- 
gardait la  foi,  et  non  la  seconde  touchant 
l'entreprise  d'Anatolius;  qu'Aétius  avait  été 
pleinement  justifié  après  un  mùr  examen  de 
sa  conduite.  Saint  Léon  témoigne  quelque 
peine  dans  sa  réponse,  de  ce  qu'on  n'avait  pas 
lu  à  Constantinople  ce  qu'il  avait  dit  contre 
l'ambition  d'Anatolius,  et  sa  joie  du  rétablis- 
sement d'Aétius.  Comme  Julien  n'avait  pas 
bien  compris  la  difficulté  qu'il  lui  avait  pro- 
posée sur  la  fête  de  Pâques,  dans  ses  let- 
tres précédentes,  il  la  lui  expliqua  de  nou- 
veau dans  celle  qu'il  lui  écrivit  le  9  janvier 
454,  en  le  chargeant  de  l'informer  exacte- 
ment quel  jour  on  devait  célébrer  cette  fête 
eu  455.  Il  reconnaît  dans  la  même  lettre 
qu'après  Dieu,  l'on  était  redevable  à  l'empe- 
reur Marcien  de  la  fin  des  troubles  de  la 
Palestine,  et  de  ce  que  Juvénal  de  Jérusa- 
lem était  rentré  dans  son  évêché.  Il  parle 
d'une  lettre  que  ce  prince  lui  avait  écrite 
touchant  la  soumission  d'Anatolius  en  tout 
ce  qui  regardait  les  matières  de  la  foi. 

63.  Il  répondit  à  Marcien  le  9  mars  454,  Len^,  lot 
que,  quoiqu'il  eût  écrit  à  Anatolius,  il  n'en  îo^Y juû'e" 
avait  reçu  aucune  réponse  ;  que  son  silence  '"5■^^''• 
était  la  seule  cause  qui  l'obligeait  à  ne  lui 
point  écrire  ;  mais  que  ce  défaut  de  com- 
merce ne  diminuait  rien  de  l'affection  qu'il 
avait  pour  lui  et  pour  son  salut;  qu'il  était 
donc  tout  prêt  de  lui  écrire  aussitôt  qu'il  au- 
rait satisfait  aux  canons,  promis  de  conser- 
ver l'union  avec  les  autres  évêques  par  un 
esprit  de  paix  et  d'humilité,  et  qu'il  l'aurait 
assuré  par  ses  lettres  qu'il  n'était  plus  dans 
les  sentiments  que  son  ambition  lui  avait  ins- 
pirés. Par  une  lettre  du  même  jour,  saint 
Léon  chargea  Julien  de  Cos  de  faire  une 
nouvelle  traduction  grecque  de  sa  lettre  à 
Flavien,  et  de  la  remettre  à  l'empereur,  afin 
qu'il  l'envoyât  sous  son  sceau  aux  magis- 
trats d'Alexandrie,  et  qu'elle  fût  lue  publi- 
quement dans  l'église  avec  les  passages  qu'il 
y  avait  joints.  Son  dessein  était  de  détrom- 
per les  simples  que  les  eutychiens  avaient 
séduits  par  une  fausse  traduction  de  cette 
lettre.  Il  marquait  aussi  à  Julien  qu'il  avait 
reçu  des  lettres  de  saint  Profère,  dans  les- 
quelles il  avait  l'econnu  qu'il  pensait  saine- 
ment sur  la  foi,  et  qu'il  travaillait  à  la  dé- 
fendre contre  les  hérétiques.  La  raison  que 


230 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettre  ion  à 

siinl  Prolère. 

L^tlre     de 

siilit  Protère, 


pa| 


.  321. 


le  pape  avait  eue  de  se  défier  de  ce  saint  évo- 
que, est  qu'il  était  disciple  de  Dioscore. 

64.  Cet  évéque  l'avait  fait  archiprêtre  de 
son  Eglise,  et  lui  en  avait  confié  le  soin  ;  il 
parait  qu'il  contribua  beaucoup  à  le  faire 
évéque  d'Alexandrie,  lorsqu'il  se  vit  obligé 
de  quitter  lui-même  cet  évêclié,  après  avoir 
été  déposé  par  le  concile  de  Chalcédoine. 
Quoi  qu'il  en  soit,  saint  Protère  fut  élu  par 
un  consentement  général  et  mis  en  posses- 
sion du  siège  de  saint  Marc,  en  présence  de 
quatre  évêques  qui  avaient  quitté  le  parti  de 
Dioscore,  même  avant  sa  condamnation.  C'é- 
taient Atbanase  de  Busiris,  Annonius  de  Sé- 
bennyte,  Nestorius  de  Phragonée ,  et  Macaire 
de  Cabases. L'empereur  Marcienrendit  àsaint 
Protère  un  témoignage  avantageux  à  saint 
Léon,  qui  eut  beaucoup  de  joie  de  voir  l'E- 
glise d'Alexandrie  gouvernée  par  un  évéque 
digne  de  l'être;  ce  qui  n'empêcha  pas  que  la 
division  ne  se  mît  dans  cette  Eglise,  les  uns 
prenant  le  parti  de  Dioscore  qui  vivait  en- 
core, les  autres  celui  de  saint  Protère.  Aus- 
sitôt que  celui-ci  put  jouir  d'un  peu  de  tran- 
quillité, il  assembla  un  concile  de  toute 
l'Egypte,  oii  il  condamna  '  Timothée  Elure 
et  Pierre  Mongus,  l'un  prêtre,  l'autre  diacre 
de  son  clergé  ;  il  y  reçut  aussi  le  décret  du 
concile  de  Chalcédoine,  et  confirma  ^  celui 
de  Conslantinople  en  381.  Il  fit  part  de  son 
élection  à  saint  Léon,  et  de  la  sentence  qu'il 
avait  rendue  contre  Timothée  et  les  autres 
schismatiques.  Quoique  le  pape  ne  parût  pas 
satisfait  de  sa  lettre,  ne  la  trouvant  pas  assez 
claire  sur  la  foi  ^,  il  ne  laissa  pas  de  lui  faire 
réponse  *,  et  aux  évêques  qui  l'avaient  or- 
donné. Nous  n'avons  plus  cette  lettre  de  saint 
Protère.  Il  en  écrivit  une  autre  au  pape,  en 
■453,  où  il  s'exprime  avec  plus  de  netteté  ; 
elle  est  encore  perdue.  Saint  Protère  y  dé- 
clarait qu'il  recevait  de  tout  son  cœur  la 
doctrine  de  l'Eglise  romaine,  en  particulier 
la  lettre  à  Flavien.  Nous  en  avons  une  autre 
du  même  évéque,  imprimée  parmi  celles  de 
saint  Léon.  Il  y  traite  à  fond  la  question  de 
la  Pâque,  sur  laquelle  il  avait  été  consulté, 
et  montre  qu'elle  doit  être  célébrée  par  les 
chrétiens  non  le  quatorzième  de  la  lune  du 
premiers  mois  comme  chez  les  Juifs,  qui  en 
cela  se  conformaient  à  ce  qui  est  prescrit 
dans  la  loi  de  Moïse,  mais  le  dimanche  sui- 
vant; d'où  il  infère  que  le  quatorzième  de 


la  lune  arrivant  un  dimanche,  il  faut  reculer 
la  fête  de  Pâques  jusqu'au  dimanche  suivant, 
qui  tombe  alors  au  vingt  et  unième  de  la 
lune.  Suivant  ce  principe,  il  déclare  qu'à 
Alexandrie,  dans  l'Egypte  et  partout  l'Orient, 
on  fera  la  Pâque  en  455,  le  24  avril,  parce 
que  le  quatorzième  de  la  lune  tombait  le  17, 
qui  était  un  dimanche.  Il  se  fonde  sur  l'usage 
observé  avant  et  après  Théophile  d'Alexan- 
drie, de  ne  point  faire  la  Pâque  le  quator- 
zième de  la  lune,  tombât-il  le  dimanche,  et 
rapporte  divers  exemples  du  renvoi  de  la 
Pâque  au  23  avril.  En  387,  on  fît  la  Pâque 
en  ce  jour,  parce  que  le  dimanche  précédent 
n'était  que  le  quatorzième  de  la  lune;  on  de- 
vait en  faire  de  même  en  482,  pour  la  même 
raison.  Il  regarde  comme  attachés  aux  opi- 
nions fabuleuses  des  Juifs,  ceux  qui,  en  fai- 
sant la  Pâque  le  24  ou  le  25  avril,  s'imagi- 
nent ne  la  faire  que  dans  le  second  mois,  et 
non  dans  le  premier,  comme  il  est  ordonné 
par  la  loi.  On  ne  compte  pas,  dit-il,  ce  pre- 
mier mois  dujour  del'équinoxe,  qui  est  tou- 
jours le  21  mars,  mais  du  jour  de  la  nou- 
velle lune  d'après  l'équinoxe.  Il  aurait  mar- 
qué plus  clairement  sa  pensée,  en  disant  que 
le  premier  mois  est  celui  auquel  le  quator- 
zième de  la  lune  tombe  après  l'équinoxe.  La 
conclusion  de  la  lettre  est  que  le  cycle  de 
Théophile  d'Alexandrie  est  bon,  et  qu'en 
453  on  doit  célébrer  la  Pâque  le  24  avril. 
Saint  Protère  n'ayant  personne  qui  sût  bien 
traduire  en  latin,  envoya  sa  lettre  en  grec  au 
pape.  Nous  ne  l'avons  néanmoins  qu'en  latin. 
Saint  Léon  ne  dit  rien  de  cette  lettre  dans 
celle  qu'il  lui  écrivit  le  9  mars  de  l'an  454. 
C'est  une  réponse  à  la  seconde  lettre  de  saint 
Protère.  Le  pape  le  loue  de  son  attachement 
à  la  doctrine  des  apôtres  et  des  saints  pères, 
et  l'exhorte  à  maintenir  avec  vigueur  la  pu- 
reté de  la  foi,  contre  les  hérétiques,  sans 
permettre  qu'on  altérât  la  vérité  parle  chan- 
gement d'une  seule  syllabe,  qui  peut  quel- 
quefois servir  de  couverture  à  l'hérésie.  Il 
dit  C[ue  si  Dioscore  eût  voulu  suivre  la  doc- 
trine établie  dans  la  lettre  à  Flavien,  et  qui 
est  entièrement  conforme  à  celle  des  pères, 
nommément  de  saint  Athanase,  Théophile  et 
saint  Cyrille  ses  prédécesseurs,  il  serait  en- 
core aujourd'hui  dans  le  corps  de  Jésus-Christ, 
c'est-à-dire  dans  la  communion  de  l'Eglise  ; 
et  ajoute  :  «  Je  vous  avertis  donc,  mes  très- 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.  lOSO. 
«  Ibid.,  pag.  945. 


=  Léo,  Epist.  100. 
'  Idem,  Episi.  80. 


|-V°  SIÈCLE.] 

chers  frères,  par  le  soin  que  j'ai  de  la  foi  qui 
nous  est  commune  ;  les  ennemis  de  la  croix 
de  Jésus  -  Christ  examinent  jusqu'à  nos 
moindres  paroles  ,  aussi  ne  leur  donnons 
aucune  occasion  de  nous  accuser  faussement 
de  nestorianisme.  Il  est  de  votre  devoir,  en 
exhortant  le  peuple,  le  clergé  et  tous  les  frè- 
res à  s'instruire  et  à  profiter  de  plus  en  plus 
dans  la  doctrine  de  la  foi,  de  leur  persuader 
que  vous  ne  leur  enseignerez  rien  que  ce  que 
tous  les  saints  évoques,  nos  prédécesseurs, 
ont  enseigné  d'une  manière  uniforme,  et 
avec  qui  ma  lettre  à  Flavien  a  une  entière 
conformité  :  mais  il  ne  suffit  pas  que  vous 
leur  disiez  toutes  ces  choses,  il  faut  encore 
les  en  convaincre  par  la  lecture  et  l'explica- 
tion des  ouvrages  de  ces  saints  évoques,  afin 
que  les  peuples  reconnaissent  qu'on  ne  leur 
enseigne  rien  présentement  que  ce  que  nos 
prédécesseurs  avaient  appris  de  leurs  pères, 
et  ce  qu'ils  ont  enseigné  à  leurs  successeurs. 
C'est  pourquoi  je  vous  prie  de  leur  lire , 
premièrement,  les  écrits  des  évêques  qui  ont 
été  avant  nous,  et  ensuite  ma  lettre  à  Fla- 
vien, afin  qu'ils  soient  assurés  que  nous  prê- 
chons la  même  doctrine  que  nous  avons  re- 
çue de  la  tradition.  »  Saint  Léon  exhorte 
aussi  saint  Profère  à  maintenir  l'honneur  et 
les  droits  de  son  Eglise  contre  tous  ceux  qui 
voudraient  y  donner  atteinte  ;  à  contenir 
sous  son  autorité  les  évêques  d'Egypte,  et  à 
les  obliger  de  venir  à  son  concile  quand  il 
les  appellerait,  pour  concerter  en  commun  ce 
qui  pourrait  être  utile  à  l'Eglise,  lui  promet- 
tant de  l'appuyer  de  son  côté,  autant  qu'il 
serait  en  son  pouvoir.  Cette  lettre  est  du  dou- 
zième de  mars  de  l'an  454;  elle  est  rappelée 
dans  la  lettre  suivante  à  l'empereur  Marcien. 
Leiii-es  104  ^^'  Saint  Léon  dit  à  ce  prince  que  le  té- 
ie'eur'  mTt-  nioignage  qu'il  avait  rendu  à  Profère  suffisait 
isn,  p.  321.  pour  lever  tous  les  doutes  qu'on  aurait  pu 
avoir  sur  sa  foi ,  mais  que  cet  évêque  les 
avait  levés  lui-même  par  une  explication 
claire  de  sa  doctrine.  Il  ajoute  qu'il  lui 
avait  écrit  que  la  manière  la  plus  propre  de 
convaincre  les  peuples  d'Alexandrie,  qu'on 
ne  leur  prêchait  rien  de  nouveau  sur  le  mys- 
tère de  l'Incarnation,  était  de  leur  montrer 
que  les  anciens  évêques  de  cette  ville  avaient 
enseigné  une  semblable  doctrine.  Il  prie 
Marcien  de  lui  procurer  une  nouvelle  tra- 
duction grecque  de  sa  lettre  à  Flavien,  pour 
détromper  ceux  que  les  eutychiens  avaient 
séduits  par  une  fausse  traduction  de  la  même 
lettre.  Le  pape  avait  demandé  la  même  chose 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


231 


à  Julien,  son  légat.  Dans  une  autre  lettre  k 
l'empereur,  il  lui  promet  de  se  réconcilier 
avec  Anatolius,  aussitôt  que  cet  évêque  sera 
rentré  dans  son  devoir.  Comme  il  avait  ap- 
pris par  Julien  de  Cos  qu'Eutychès  continuait 
à  blasphémer,  il  demande  en  grâce  à  IVIar- 
cien  de  bannir  cet  hérésiarque  dans  quelque 
désert  éloigné  deConstantinople.  Il  remercie 
ce  prince  des  soins  qu'il  s'était  donnés  tou- 
chant le  jour  auquel  on  devait  faire  la  Pâque 
en  455,  et  lui  recommande  les  ecclésiastiques 
de  Constantinople,  dans  la  crainte  qu'ils  ne 
fussent  vexés  par  Anatolius.  La  première  de 
ces  deux  lettres  est  du  10  mars  454,  la  se- 
conde du  15  avril. 

66.  Cependant  Anatolius  écrivit  à  saint 
Léon,  en  lui  témoignant  sa  douleur  de  ce 
qu'il  ne  recevait  aucune  de  ses  lettres.  Il 
ajoutait  qu'il  ne  souhaitait  que  d'exécuter 
ses  ordres  ;  qu'il  l'avait  fait  dès  le  moment 
que  l'empereur  les  lui  avait  fait  connaître  ; 
qu'en  conséquence,  il  avait  rétabli  Aétius  et 
déposé  André;  qu'il  le  priait  donc,  tant  pour 
la  satisfaction  de  ce  prince  que  pour  celle  de 
toute  l'Eglise,  et  pour  Jésus-Qirist  même,  de 
lui  faire  la  grâce  de  lui  écrire  ;  qu'à  l'égard 
du  vingt-huitième  canon  du  concile  de  Chal- 
cédoine  en  faveur  des  évêques  de  Constan- 
tinople, il  avait  été  sollicité  par  le  clergé  de 
cette  Eglise,  et  qu'enfin  on  en  avait  réservé 
la  validité  et  la  confirmation  au  Saint-Siège. 
Saint  Léon,  prenant  ces  paroles  d'Analolius 
comme  des  marques  de  désistement  de  ses 
prétentions,  lui  écrivit  pour  lui  témoignerqu 'il 
était  satisfait  de  sa  conduite.  Il  approuva 
aussi  ce  qu'il  avait  fait  à  l'égard  d' Aétius 
et  d'André,  consentant  toutefois  que  si  André 
et  Euphratas ,  accusateurs  de  Flavien ,  con- 
damnaient par  écrit  et  d'une  manière  au- 
thentique les  Iiérésies  d'Eutychès  et  de  Nes- 
torius,  il  les  ordonnât  prêtres,  après  avoir 
choisi  pour  archidiacre  un  homme  que  l'on 
n'ait  jamais  soupçonné  de  ces  hérésies.  Il 
consent  aussi  au  rétablissement  des  autres 
qui  avaient  accusé  insolemment  Flavien , 
pourvu  qu'ils  satisfassent  de  même  qu'André 
et  Euphratas  ;  mais  il  dit  qu'on  ne  doit  met- 
tre dans  les  premières  places  que  ceux  qui 
n'auront  eu  aucune  part  à  l'erreur.  A  l'égard 
des  prétentions  ambitieuses  dont  il  avait  ac- 
cusé AnatoHus,  il  l'exhorte  à  y  renoncer  sin- 
cèrement, et  à  se  contenir  dans  les  bornes 
que  les  saints  pères  avaient  posées,  à  renou- 
veler son  amitié  avec  Julien  de  Cos,  et  à  l'ob- 
servation des  décrets  de  Nicée  touchant  les 


l.eUrPs  106 
à  Anatoliii?, 
11(7  et  108  à 
Mirfien,    p. 

ne. 


232 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


prééminences  et  les  droits  du  sacerdoce,  di- 
sant que  de  là  dépendait  la  paix  de  l'Eglise. 
Cette  lettre  est  du  29  mai  454.  Le  même  jour, 
saint  Léon  écrivit  deux  lettres  à  l'empereur 
Marcien.  Dans  l'une,  il  lui  marque  sa  récon- 
ciliation avec  Anatolius,  et  le  prie  de  répri- 
mer un  certain  moine  ignorant,  nommé  Ca- 
rose,  qui,  infecté  de  sentiments  hérétiques, 
les  inspirait  à  beaucoup  de  personnes.  Dans 
l'autre,  il  remercie  ce  prince  de  ce  qu'il  avait 
fait  pour  savoir  au  juste  en  quel  jour  on  de- 
vait célébrer  la  Pàque  en  4So,  déclarant  qu'il 
s'en  tiendrait  à  ce  que  saint  Protère  lui  avait 
écrit  sur  ce  sujet.  Il  demande  à  Marcien  d'or- 
donner que  les  économes  de  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople  rendraient  leurs  comptes  en  pré- 
sence des  évêques,  suivant  l'usage,  et  non 
devant  les  magistrats  comme  on  voulait  les  y 
obliger.  Il  avait  déjà  écrit  à  ce  prince  sur  le 
même  sujet.  Cette  lettre  n'est  pas  venue  jus- 
qu'à nous. 
Lettre  103  67.  Il  BU  écrivit  une  le  28  juillet  aux  évé- 
d°s  gIX"!  ques  des  Gaules  et  d'Espagne^  pour  leur 
marquer  qu'en  435  la  Pâque  serait  le  24  avril. 
Il  marque  en  peu  de  mots  les  précautions 
qu'il  avait  prises  pour  s'assurer  du  jour  qu'on 
devait  la  célébrer  en  cette  année-là.  La  lettre 
qu'il  envoie  sur  le  même  sujet  aux  autres 
évêques  d'Occident,  était  apparemment  sem- 
blable à  celle-là. 
Lettre  110       68.  Juvéual  étaut  rentré  dans  son  siège, 

à  Juvcnat  de  .  >,  «r  .  ■       i  . 

.iérusaic.n,,p.  aprcs  quo  1  empereur  Marcien  en  eut  chasse 
Théodose,  il  écrivit  à  saint  Léon  pour  lui 
donner  part  de  son  rétablissement.  Dans  sa 
lettre,  dont  les  porteurs  furent  André,  prêtre, 
et  Pierre,  diacre,  il  parlait  de  celle  de  saint 
Léon  à  Flavien  ;  mais  on  ne  sait  à  quel  pro- 
pos. Le  pape  lui  répondit  le  4  septembre, 
pour  lui  témoigner  sa  joie  de  son  retour  à 
Jérusalem  :  «  mais  en  faisant,  lui  dit-il,  ré- 
flexion sur  le  passé,  je  vois  que  vous  vous 
êtes  attiré  vos  malheurs,  et  que  vous  avez 
perdu  l'autorité  pour  résister  aux  hérétiques, 
quand  vous  avez  témoigné  approuver  leur 
erreur  en  condamnant  Flavien  et  en  rece- 
vant Eulychès  au  concile  d'Ephèse.  N'était-ce 
pas  là  renier  Jésus-Christ  selon  la  chair? 
Quoiqu'il  ne  soit  permis  à  aucun  prêtre  d'i- 
gnorer le  mystère  de  l'Incarnation,  il  l'est 
bien  moins  aux  chrétiens  qui  demeurent  à 
Jérusalem,  puisqu'ils  n'ont  pas  besoin  de 
lecture  pour  connaître  la  vérité  de  l'Evan- 
gile, voyant  de  leurs  yeux  les  lieux  où  se 
sont  accomplis  les  mystères.  C'est  là  qu'une 
vierge  de  la  race  de  David  a  enfanté,  qu'elle 


a  enveloppé  de  langes  son  enfant  dans  une 
crèche,  n'ayant  point  trouvé  d'hôtellerie  où 
se  loger.  C'est  là  que  les  anges  ont  annoncé 
la  naissance  du  Sauveur;  qu'il  a  été  adoré 
des  mages  ;  qu'Hérode  l'a  cherché  pour  le 
faire  mourir;  qu'il  a  crû  en  âge  et  en  force; 
qu'il  est  devenu  homme  parfait  ;  qu'il  a  eu 
faim  et  soif;  qu'il  a  pleuré;  qu'on  l'a  attaché 
à  la  croix.  On  y  voit  la  pierre  qui  lui  servait 
de  tombeau,  et  d'où  il  est  sorti  par  sa  puis- 
sance divine.  C'est  le  même  qui,  dans  la 
forme  de  Dieu,  a  fait  des  miracles,  et  qui, 
dans  la  forme  d'esclave,  a  souffert  la  mort; 
pour  rendre  la  vie  à  tous,  il  s'est  chargé  des 
péchés,  et  il  a  acquitté  la  dette  ancienne  de 
tous,  lui  seul  qui  ne  devait  rien,  n'ayant  pas 
péché.  »  Il  dit  à  Juvénal  qu'il  ne  pouvait 
ignorer  cette  vérité  si  clairement  marquée 
dans  les  hvres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  dans  les  écrits  des  pères,  dans  sa 
lettre  à  Flavien,  et  confirmée  depuis  peu 
dans  le  concile  de  Chalcédoine.  Il  l'exhorte 
donc  d'en  instruire  ceux  que  la  malice  ou 
l'ignorance  retenait  encore  dans  le  schisme, 
et  d'employer  à  cet  effet  l'autorité  des  écri- 
vains que  Dieu  avait  rendu  illustres  dans 
l'Eglise  apostolique  par  leur  savoir,  afin 
qu'ils  connaissent  que  nous  ne  croyons  sur 
l'Incarnation  que  ce  que  ces  auteurs  en  ont 
cru,  et  qu'ils  ne  se  mettent  pas  eux-mêmes, 
par  leur  opiniâtreté  dans  l'erreur,  hors  du 
corps  de  Jésus-Christ,  c'est-à-dire  de  son 
Eghse,  parce  que  la  foi  ne  nous  permet  pas 
de  dire  que  la  divinité  ait  pu  être  passible 
de  son  essence,  ni  que  la  vérité  nous  ait 
trompés  en  feignant  de  prendre  notre  na- 
ture. Selon  quelques  éditions,  saint  Léon  re- 
merciait Juvénal  de  lui  avoir  envoj^é  des  eu- 
logies  avec  un  petit  morceau  de  la  vraie 
croix.  On  a  retranché  cet  endroit  dans  la 
dernière,  parce  qu'il  ne  se  lit  point  dans 
presque  tous  les  manuscrits. 

69.  Dioscore,  relégué  à  Gangres  en  Paphla- 
gonie  quelque  temps  après  qu'il  eut  été  dé- 
posé par  le  concile  de  Chalcédoine,  mourut  à  juiion,  n 
dans  le  lieu  de  son  exil  le  4  septembre  434.  ="*-°*^°'"'=- 
Julien  de  Cos  en  donna  avis  à  saint  Léon,  qui 
lui  répondit,  le  6  décembre  suivant,  que  cette 
mort  était  un  effet  de  la  providence  de  Dieu 
sur  son  Eglise,  ayant  lieu  d'espérer  que  le 
défenseur  du  mensonge  n'étant  plus,  ceux 
qui  l'avaient  suivi  dans  ses  égarements,  s'en 
retirei-aient  avec  plus  de  facilité ,  surtout 
étant  aidés  du  secours  d'un  prince  aussi 
pieux  que  l'était  "Marcien.  Au  commence- 


Lettre  111 

à  Julien, pag, 
:ii9;  112  à 
Marcien,   M'-l 


[y  SIÈCLE.  J 


CHAPITRE  XI. 


SAINT  LEON,  PAPE. 


233 


ment  de  l'année  suivante  455,  le  pape  re- 
mercia ce  prince  d'avoir  mis  Carose  et  Do- 
rotliée,  abbés  eutychiens,  en  des  lieux  où  ils 
ne  pouvaient  nuire  à  personne.  Marcien  lui 
avait  donné  lui-même  avis  de  ce  qu'il  avait 
fait  à  cet  égard,  en  lui  écrivant  sur  la  fête  de 
Pâques.  Julien  lui  en  écrit  aussi.  Il  marqua 
dans  une  autre  lettre  à  saint  Léon,  que  Carose 
avait  quitté  l'eutychianisme,  et  que  Jean  le 
décurion  avait  été  envoyé  en  Egypte.  Jean 
était  chargé  d'une  lettre  de  l'empereur,  adres- 
sée aux  moines  du  pays  pour  les  informer 
des  crimes  de  Théodose  et  les  exhorter  à  le 
livrer,  avec  ses  complices,  au  gouverneur  de 
la  province,  non  pour  le  punir  selon  ses  mé- 
rites, mais  pour  l'empêcher  de  continuer  à  sé- 
duire les  simples.  Le  même  décurion  fut  aussi, 
selon  toute  apparence,  chargé  dans  la  suite  de 
l'exécution  d'une  loi  de  Marcien  contre  les 
eutychianistes,  par  laquelle  il  leur  était  dé- 
fendu de  donner  ou  de  recevoir  par  testament  ; 
d'ordonner  des  évêques  et  des  clercs,  sous 
peine  d'exil  et  de  confiscation  de  leurs  biens  ; 
de  tenir  des  assemblées  et  de  parler  mal  du 
concile  de  Chalcédoine.  Cette  loi  est  datée  du 
l"  août  455.  Julien  informa  encore  saint 
Léon  des  poursuites  que  l'on  avait  commen- 
cées contre  Maxime,  évêque  d'Antioche  ;  on 
ne  sait  point  quel  en  était  le  sujet.  Le  pape 
répondit  le  11  mars  à  Julien,  de  lui  marquer 
quelles  auraient  été  les  suites  du  voyage  de 
Jean  en  Egypte,  et  des  accusations  formées 
contre  Maxime.  Deux  jours  après,  il  écrivit 
à  Anatolius  pour  le  remercier  d'une  lettre  de 
civilité  qu'il  en  avait  reçue,  et  pour  l'engager 
à  travailler  avec  zèle  à  la  destruction  des 
restes  de  l'hérésie  de  Nestorius  et  d'Euty- 
chès,  dont  l'Eglise  de  Constanlinople  était 
encore  infectée.  11  lui  représente  qu'en  tar- 
dant plus  longtemps,  ces  sectes  pourraient 
reprendre  vigueur. 

70.  Cette  lettre  à  Anatolius  est  la  dernière 
At°a;oH^us!  ^^  celles  que  saint  Léon  écrivit  en  455,  et 
"ag.^a"."'"'  Qoi^s  n'en  avons  aucune  de  lui  de  l'année 
suivante  456,  parce  que,  occupé  à  réparer  les 
maux  que  les  Vandales  avaient  faits  à  Rome, 
il  n'avait  guère  le  loisir  de  prendre  part  aux 
affaires  des  autres  Eglises.  La  première  qu'il 
écrivit  en  457,  est  du  9  juin;  elle  est  adressée 
à  l'empereur  Léon,  élevé  à  cette  dignité  le 
7  février  457,  par  l'autorité  du  patrice  Aspar. 
Son  règne  fut  plus  long  que  celui  de  Mar- 
cien, qui  ne  gouverna  l'empire  que  six  ans  et 
demi;  mais  moins  favorable  à  l'Eglise.  Saint 
Léon  ayant  appris  son  élection,  l'en  félicita. 


LeUres IIS 
à    l'emp 


Nous  n'avons  plus  cette  lettre  ;  mais  il  en  fait 
mention  dans  celle  qu'il  lui  écrivit  le  9  juin. 
Il  le  prie  instamment  d'arrêter  la  suite  des 
désordres  arrivés  à  Alexandrie,  dontl'évêque 
avait  été  tué  dans  le  baptistère  par  la  faction 
de  Timothée  Elure,  qui  s'en  était  fait  évêque, 
et  de  procurer  la  paix  de  cette  Eglise  en  y 
faisant  ordonner  un  nouveau  pasteur  qui  fût 
irrépréhensible  dans  sa  foi  et  dans  ses 
mœurs.  Il  conjure  aussi  ce  prince  de  ne  pas 
permettre  que  l'on  affaiblit  l'autorité  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  ni  que  l'on  mît  en  ques- 
tion les  choses  qui  y  avaient  été  décidées. 
Saint  Léon  avciit  été  averti  par  Anatolius  des 
violences  commises  à  Alexandrie  par  Elure  ; 
mais  ni  Julien  de  Cos,  son  légat,  ni  Aétius  ne 
lui  en  avaient  rien  écrit.  Le  pape  remercia 
donc  Anatolius  par  une  lettre  du  9  juin,  en 
le  priant  de  l'informer  des  suites  de  cette 
affaire,  et  fit  des  reproches  à  Julien  et  à 
Aétius  de  ne  lui  avoir  pas  écrit  avec  Anato- 
lius. Il  les  chargea  l'un  et  l'autre,  comme  il 
avait  fait  Anatolius,  défaire  tous  leurs  etforts 
pour  rendre  inébranlable  l'autorité  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  dont  il  regardait  les  dé- 
crets sur  la  foi  comme  l'ouvrage  du  Saint- 
Esprit,  et  de  solliciter  vivement  l'élection  d'un 
nouvel  évêque  à  la  place  de  saint  Protère. 

71.  Rasile,  que  l'on  avait  donné  pour  suc-  Leiues  im 
cesseur  à  Maxime  dans  le  siège  d'Antioche,  f,Se|'"'pag." 
n'eut  pas  soin  d'écrire  au  pape  sur  son  ordi-  'i„l,iîs  àl 
nation,  comme  il  aurait  dû  le  faire  suivant  la  li'nVerua' 
coulume  de  l'Eglise.  Saint  Léon  lui  en  fit  des  Jaien'." ''^'"" 
reproches  par  sa  lettre  du  23  août  454,  où  il 
marque  qu'il  avait  appris  son  sacre  par  les 

lettres  de  Marcien,  qui  rendait  en  même 
temps  un  témoignage  avantageux  à  Basile. 
II  l'exhorte  à  s'opposer  fortement  aux  entre- 
prises des  eutychiens,  qui,  n'ayant  aucun 
égard  pour  le  concile  de  Chalcédoine,  de- 
mandaient qu'on  en  assemblât  un  nouveau, 
(i  Ils  ne  le  demandent,  ajoute-t-il,  que  pour 
anéantir  le  mystère  de  l'Incarnation;  mais  je 
suis  assuré  que  l'empereur  Léon,  le  patrice 
et  tous  les  magistrats  n'accorderont  rien  aux 
hérétiques,  au  préjudice  de  l'Eglise,  s'ils 
voient  que  le  courage  des  évêques  n'est  pas 
ébranlé.  »  II  écrivit  dans  les  mêmes  termes 
à  Euxithée  de  Thessalonique  et  à  Juvénal  de 
Jérusalem,  priant  ces  trois  évêques  de  com- 
muniquer sa  lettre  aux  évêques  de  leurs  pro- 
vinces. 

72.  Julien  de  Cos  eut  ordre  d'envoyer  ces  Lcures  120 
lettres  à  ceux  à  qui  elles  étaient  adressées,  Ilélîns.'i'M 
comaie  on  le  voit  par  celle  que  saint  Léon   uonTp.'sw! 


234 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettres  123 
aux  évéques 
d'Egypte ,  et 
124  à  Anato- 
tius,  pag.  31)3. 


lui  écrivit  le  1"  de  septembre.  Il  s'y  plaint 
de  ce  que  quelques-uns  trouvaient  de  l'obs- 
curité dans  sa  lettre  à  Flavien,  vu  qu'elle 
avait  été  reçue  de  tout  le  monde,  et  qu'il  n'y 
avait  rien  dit  qui  ne  fût  tiré  de  la  doctrine  de 
l'Evangile  et  des  Apôtres,  et  rien  qui  sentit 
la  nouveauté,  soit  dans  le  sens,  soit  dans  les 
expressions.  Il  écrivit  le  même  jour  à  Aétius, 
dont  il  avait  reçu  des  lettres  qui  marquaient 
son  zèle  et  sa  vigilance  pour  les  affaires  de 
l'Eglise.  Il  le  charge  de  faire  passer  sa  lettre 
à  Basile  d'Antioche,  disant  que  celles  qu'il 
avait  écrites  aux  évêques  de  ïhessalonique 
et  de  Jérusalem,  devaient  déjà  leur  être 
rendues.  Il  lui  marque  qu'il  en  avait  écrit 
une  au  patrice  Aspar,  une  à  Sporatius,  et 
d'autres  à  diverses  personnes.  «  Je  vous  en- 
voie aussi,  lui  dit-il,  des  copies  des  lettres 
que  les  évêques  des  Gaules  nous  ont  écrites, 
afin  que  vous  voyiez  combien  nous  sommes 
uni  avec  eux  par  la  même  foi.  »  Il  ajoute  qu'il 
avait  encore  écrit  à  l'empereur.  C'est  la  seule 
lettre  qui  nous  reste  de  toutes  celles  dont 
saint  Léon  parle  dans  la  sienne  à  Aétius.  Il 
loue  ce  prince  de  son  zèle  contre  les  héréti- 
ques, et  de  ce  qu'il  s'était  déclaré  le  protec- 
teur du  concile  de  Chalcédoine,  disant  que 
c'était  le  moyen  de  maintenir  en  paix  tout  le 
monde.  On  voit  par  cette  lettre  qu'Analolius 
avait  informé  le  pape  des  bonnes  dispositions 
de  l'empereur  pour  la  défense  des  décrets 
de  ce  concile. 

73.  Le  parti  des  eutycbiens,  qui  s'était  re- 
levé dès  le  commencement  du  règne  de  Léon, 
exerça  ses  cruautés  non-seulement  sur  saint 
Protère  d'Alexandrie  et  sur  ses  parents,  mais 
aussi  sur  plusieurs  évêques  d'Egypte  et  sur 
leur  clergé.  Quatorze  d'entre  eux,  avec  qua- 
tre prêtres  d'Alexandrie  et  deux  diacres,  vin- 
rent par  mer  à  Constantinople  ,  où  ils  furent 
reçus  avec  toutes  les  marques  de  charité  dues 
à  des  confesseurs  de  Jésus-Christ  par  l'em- 
pereur et  par  Anatolius  ,  à  qui  ils  firent  un 
récit  des  persécutions  qu'ils  avaient  souffertes 
de  la  part  de  Timothée  Elure.  Saint  Léon  en 
ayant  été  informé,  leur  écrivit  uae  lettre  de 
consolation,  le  11  octobre,  dans  laquelle  il 
les  exhortée  souffrir  constamment  des  persé- 
cutions qui  leur  ouvraient  le  chemin  à  la  cou- 
ronne du  martjTe.  Le  même  jour,  ou  le  14 
octobre,  il  écrivit  à  Anatolius  une  lettre  de 
remerclment  de  ce  qu'il  lui  avait  donné  avis 
des  troubles  de  l'Egypte.  Il  l'avertit,  de  son 
côté,  que  les  hérétiques  avaient  beaucoup 
d'amis  et  de  disciples  dans  le  clergé  de  Cons- 


tantinople ;  de  veiller  sur  eux  et  de  punir  avec 
sévérité  les  coupables,  s'il  voulait  ne  point 
tomber  dans  la  malédiction  du  grand-prêtre 
Héli.  II  le  prie  de  s'employer  auprès  de  l'em- 
pereur pour  obtenir  que  les  hérétiques  fus- 
sent réprimés,  qu'ils  n'eussent  aucune  liberté 
d'agir  dans  les  Eglises  de  Jésus-Christ ,  bien 
moins  d'y  célébrer  les  divins  mystères,  puis- 
qu'ils n'avaient  pas  même  droit  d'y  faire  leurs 
prières. 

74.  Nous  n'avons  plus  la  lettre  par  laquelle  uum  ns 
saint  Léon  rendait  grâces  à  l'empereur  de  la  Léinrp".''S' 
manière  dont  il  avait  reçu  les  évêques  chas-  iins^27"'l°ï 
ses  par  Timothée  Elure.  Il  lui  en  écrivit  une  m'"'"' 
autre  le  1"  décembre  457,  où  il  remontre  à 
ceprince  qu'après  ce  qui  avait  été  décidé  dans 
le  concile  de  Chalcédoine,  accepté  de  toute 
l'Eglise,  il  ne  fallait  plus  disputer  sur  la  foi, 
parce  qu'autrement  les  troubles  n'auraient 
point  de  fin,  si  on  renouvelait  les  disputes  au 
gré  des  hérétiques.  Celui-là,  dit-il,  doit  être 
regardé  comme  l'antechrist,  qui  examine  de 
nouveau  une  vérité  attestée  par  l'EgMse  ; 
la  doctrine  du  concile  de  Chalcédoine  sur  le 
mystère  de  l'Incarnation,  et  celle  du  concile 
de  Nicée  ne  diffèrent  en  rien;  la  puissance 
royale  étant  dans  le  dessein  de  Dieu ,  parti- 
culièrement pour  la  défense  de  l'Eglise,  il 
était  du  devoir  de  l'empereur  d'empêcher  que 
des  parricides  eussent  le  gouvernement  de 
celle  d'Alexandrie.  Les  évêques  persécutés 
avaient  présenté  une  requête  à  ce  prince  au 
nom  de  tous  les  évêques  d'Egypte  et  des  clercs 
d'Alexandrie ,  où  ils  racontaient  l'invasion 
d'EIure  ,  le  massacre  de  saint  Protère  et  les 
violences  des  eutycbiens  contre  les  catho- 
liques. Les  députés  d'EIure  à  Constantinople 
en  présentèrent  une  autre  qui  n'était  signée 
de  personne,  au  lieu  que  celle  des  évêques 
d'Egypte  l'était  de  quatorze  évêques,  de  qua- 
tre prêtres  d'Alexandrie  et  de  deux  diacres. 
Le  pape  fait  remarquer  à  Léon  la  différence 
de  ces  deux  requêtes.  Les  catholiques  ont 
mis  hardiment  leurs  noms  et  leurs  qualités; 
les  schismatiques  n'en  ont  pas  fait  de  même, 
de  peur  que  l'on  ne  vît  leur  petit  nombre; 
car  il  n'y  avait  que  quatre  évêques  pour  Elure. 
Ils  craignent  de  se  montrer,  parce  qu'ils  ont 
mérité  d'être  condamnés.  Dans  la  requête  des 
évêques  catholiques,  ce  ne  sont  que  des  re- 
montrances sur  les  maux  de  l'Eglise.  Dans 
celle  des  députés  d'EIure,  on  ne  voit  que  des 
mensonges  et  une  continuation  des  crimes  les 
plus  atroces.  Il  ne  doute  pas  que  l'empereur 
n'ait  égard  à  celle  des  catholiques,  et  qu'en 


V"  SIECLE. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


233 


conséquence  il  ne  prête  son  secours  à  l'Eglise 
d'Alexandrie,  qui  était  devenue  une  caverne 
de  voleurs  où  l'on  ne  faisait  plus  la  consécra- 
tion du  chrême,  où  l'on  n'offrait  plus  le  saint 
sacrifice,  où  l'on  ne  célébrait  plus  aucun  mj's- 
tère.  Il  lui  promet  de  s'expliquer  avec  éten- 
due dans  d'autres  lettres,  comme  il  le  fit  en 
eifet  par  celle  qui  est  la  centtrente-quatrième. 
Il  prie  ce  prince  de  suppléer  au  peu  de  vi- 
gueur d'Anatolius,  en  chassant  du  clergé  et 
de  la  ville  de  Constantinople  ceux  qui  y  favo- 
risaient le  parti  de  l'erreur,  et  d'écouter  fa- 
vorablement Julien ,  son  légat,  et  Aétius,  prê- 
tre, dans  les  remontrances  qu'ils  lui  feront 
pour  la  défense  de  la  foi.  Saint  Léon  se  plai- 
gnit à  Anatolius  même  de  ce  qu'il  n'avait  pas 
encore  corrigé  ni  puni  ceux  de  ses  clercs  qui 
prenaient  le  parti  de  l'eutychianisme,  en  par- 
ticulier Attique  et  André,  dont  le  premier, 
en  prêchant,  avait  osé  parler  contre  la  foi 
catholique  et  contre  le  concile  de  Chalcé- 
doine.  11  lui  ordonne  de  l'excommunier  s'il 
ne  rétracte  publiquement  ce  qu'il  avait  dit  et 
ne  condamne  l'hérésie  eutychienne.  Par  la 
même  lettre,  qui  est  sans  date ,  il  marque 
qu'il  avait  écrit  à  l'empereur,  et  recommande 
à  Anatolius  de  le  presser  d'empêcher  que  les 
évêques  d'Egypte,  condamnés  par  saint  Pro- 
lère  dans  un  concile  d'Alexandrie,  en  452, 
eussent  aucun  pouvoir  dans  l'Eglise.  Sa  let- 
tre aux  évêques  d'Egypte  venus  à  Constanti- 
nople, est  du  1"  décembre.  Il  leur  fait  part 
des  soins  qu'il  s'était  donnés  pour  eux  auprès 
de  l'empereur,  et  les  exhorte  à  ne  se  pas 
lasser  de  solficiler  eux-mêmes  pour  les  inté- 
rêts de  l'Eglise  et  pour  leur  retour.  11  leur 
fait  espérer  que  les  restes  de  l'eutychianisme, 
condamné  par  toute  la  terre,  ne  seront  pas 
difficiles  à  détruire. 

73.  Anatolius,  ne  trouvant  pas  bon  que  le 
pape  prît  soin  du  clergé  de  Constantinople, 
s'en  plaignit  par  une  lettre  qu'il  lui  envoya 
par  le  diacre  Patrice,  qui  fut  aussi  chargé  d'un 
écrit  du  prêtre  Attique ,  où  il  protestait  qu'il 
n'avait  que  de  l'aversion  pour  Eutychès. 
«  Vous  ne  devez  point,  répondit  saint  Léon 
à  Anatohus,  trouver  mauvais  que  je  vous  aie 
renvoyé  l'examen  de  ce  que  l'on  disait  contre 
vos  clercs.  Je  n'ai  point  en  cela  blessé  votre 
dignité,  mais  j'ai  pris  soin  de  votr;  réputa- 
tion, qui  m'est  aussi  chère  que  la  mienne. 
Quant  au  prêtre  Attique,  l'ambiguité  de  l'é- 
crit qu'il  m'a  envoyé  confirme  ce  qui  nous  en 
a  été  rapporté,  au  lieu  de  le  détruire;  car 
autre  chose  est  l'inimitié  qui  se  trouve  même 


entre  les  catholiques,  autre  chose  l'erreur  que 
la  foi  condamne.  S'il  veut  donc  se  délivrer  de 
toute  suspicion  contraire,  il  faut  qu'il  montre 
évidemment  ce  qu'il  anathématise  dans  Eu- 
tychès, et  qu'il  souscrive  sans  aucune  ambi- 
guïté à  l'erreur  qu'il  aura  condanmée,  et  qu'il 
promette  de  garder  tout  entière  la  définition 
de  foi  du  concile  de  Chalcédoine;  autre- 
ment il  sera  soumis  à  la  sentence  du  concile 
contre  les  ennemis  de  la  foi.»  Cette  lettre  est 
du  18  ou  28  mars  de  l'an  458. 

76.  Le  21  du  même  mois  et  de  la  même      Leuro  129 

,  .  T.  '  TvT  Trv^^    Nicétas,  p. 

année  ,  samt  Léon  répondit  a  diverses  difn-   3'.o. 
cultes  que  Nicétas,  évêque  d'Aquilée,  lui  avait 
proposées,  et  que  les  ravages  des  Huns,  sous 
Attila,  avaient  occasionnées.  Il  paraît  que  Ni-   c:>p.  1. 
celas  n'écrivit  pas  lui-même,  mais  qu'il  char- 
gea de  ses  doutes  un  sous-diacre  de  l'Eglise 
romaine,  nommé  Adéodal,  qui  était  venu  à 
Aquilée,  et  qui  s'en  retournait  à  Rome.  Un 
grand  nombre  d'hommes  ayant  été  emmenés 
captifs  par  les  ennemis,  leurs  femmes,  qui  les 
croyaient  morts  ou  qui  n'avaient  aucune  es- 
pérance de  les  revoir,  en  épousèrent  d'au- 
tres; mais  il  arriva  que  plusieurs  des  captifs 
furent  délivrés;  ils  revinrent  dans  leur  pays 
et  redemandèrent  leurs  femmes.  Saint  Léon    „, ,  ,ei  it. 
répond  que  dans  ce  cas  les  femmes  doivent 
retourner  avec  leurs  maris,  sous  peine  d'ex- 
comraunicalion,  parce  que  le  premiermariage 
subsiste  toujours ,  quoique  le  second  ait  pu 
être  contracté  sans  péché.  D'autres,  pressés   v. 
par  la  faim  ou  par  la  crainte,  avaient,  pen- 
dant leur  captivité  ,  mangé  des  viandes  im- 
molées aux  idoles,  ou  soufi'ert  qu'on  les  re- 
baptisât. A  l'égard  de  ceux  qui  avaient  mangé 
des  viandes  oflertes  aux  idoles,  le  pape  dit 
qu'il  faut  les  purifier  par  la  satisfaction  de  la 
pénitence;  mais  il  recommande  à  Nicétas  de 
ne  pas  tant  considérer,  dans  cette  pénitence, 
la  longueur  du  temps,  que  la  componction  du 
cœur.  11  ordonne  la  même  chose  pour  ceux   ■"■ 
qui  avaient  été  rebaptisés,  voulant  qu'outre 
la  disposition  du  cœur,  on  ait  aussi  égard  à 
l'âge  et  à  la  profession  des  pénitents,  et  que 
si,  pendant  le  cours  de  leur  pénitence,  ils  tom- 
bent en  danger  de  mort ,  on  leur  accorde  la 
communion.  11  déclare,  au  surplus,  que  les 
rebaptisés  doivent  être  réconciliés  par  l'im- 
position des  mains  de  l'évêque  ;  qu'on  en  usera 
de  même  envers  ceux  qui  n'ont  été  baptisés 
qu'une  fois,  mais  par  les  hérétiques;  qu'ils   ^„ 
seront  confirmés  par  l'imposition  des  mains, 
avec  l'invocation  du  Saint-Esprit,  pour  rece- 
voir la  satisfaction  que  les  hérétiques  ne  don- 


236 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nent  point.  Saint  Léon  dit  à  Nicétas  de  com- 
muniquer cette  lettre  à  tous  ses  con-provin- 
ciaux ,  afin  qu'ils  observent  une  même  disci- 
pline, 
«ux^'/vê  lies  '^'^'  La  lettre  aux  quatorze  évêques  d'Egypte 
isf^a^'cVerlé  ^^  ^^'^  autres  clercs  de  cette  province  qui 
nop"e,°p!°3°4i;  étaient  à  Constantinople,  est  du  21  mars.  Saint 
Léon  leur  dit  que,  quoiqu'ils  soient  en  état  de 
défendre  eux-mêmes  les  vérités  de  la  foi  con- 
tre les  hérétiques,  il  ne  laissera  pas  d'envoyer 
les  légats  que  lempereur  lui  avait  demandés. 
Pour  les  consoler  dans  leurs  persécutions,  et 
de  l'absence  de  leurs  Eglises  ,  il  leur  repré- 
sente que  Dieu,  qui  leur  donnait  la  force  de 
vaincre  dans  le  temps,  serait  leur  récompense 
dans  l'éternité,  et  que,  demeurant  en  lui  par 
le  secours  qu'ils  en  reçoivent,  ils  ne  devaient 
pas  se  plaindre  d'être  hors  de  leur  patrie.  Il 
les  prie  défaire  tous  leurs  efforts  pour  empê- 
cher qu'on  ne  mette  de  nouveau  en  délibé- 
ration ce  qui  avait  été  décidé  dans  le  concile 
de  Chalcédoine,  autorisé  de  l'empereur  et 
confirmé  du  Saint-Siège.  Sa  lettre  aux  prê- 
tres, diacres  et  autres  clercs  de  Constantino- 
ple, est  de  même  date.  Il  leur  fait  remarquer 
que  les  disputes  que  l'on  voulait  renouveler 
sur  la  foi,  ne  pouvaient  qu'avoir  de  fâcheuses 
suites,  étant  certain  que  les  ennemis  de  la  foi 
ne  demandaient  un  examen  des  décrets  de 
Chalcédoine  que  pour  en  ruiner  l'autorité  en 
les  faisant  regarder  comme  des  choses  dont 
il  était  permis  de  douter.  Il  les  avertit  de  ne 
souffrir  parmi  euxni  eutychéens  ni  nestoriens, 
fallût-il,  pour  les  éloigner,  avoir  recours  à 
l'empereur,  et  de  se  séparer  d'Attique  et 
d'André,  s'ils  ne  faisaient  profession  de  la  foi 
de  Chalcédoine. 
Leitre5i32,  '^8.  Los  cutychicns  voyant  qu'ils  ne  pou- 
rem  p'e'rl  n  ?  valent  obtenir  un  concile  général,  se  rédui- 
Mn,p.  3,j.  gjj.gj^^  ^  demander  du  moins  une  conférence 
où  ils  pussent  dire  leurs  raisons.  Saint  Léon, 
à  qui  l'empereur  en  avait  apparemment  écrit, 
lui  répondit,  le  22  mars,  qu'il  ne  fallait  en- 
trer avec  eux  en  aucun  examen  de  doctrine; 
qu'il  y  avait  sur  cela  des  lois  de  Marcien,  qu'il 
avait  lui-même  autorisées  de  son  consente- 
ment; qu'il  ne  laisserait  pas  d'envoyer  ses 
légats  en  Orient,  non  pour  disputer  avec  per- 
sonne, mais  pour  instruire  ceux  qui  souhai- 
teraient de  l'être,  n'étant  pas  permis  de  met- 
tre en  question  ce  qui  a  été  décidé  càNicée  et 
à  Chalcédoine,  puisque  les  décrets  de  ces  deux 
conciles  sont  certainement  sortis  de  la  fon- 
taine pure  de  l'Evangile.  11  choisit  pour  ses  lé- 
gats Domitien  et  Géminien,  tous  deux  évê- 


ques, qui  partirent  de  Rome  le  17  août,  char- 
gés d'une  lettre  pour  l'empereur,  où  saint 
Léon  dit  qu'il  les  envoyait  pour  lui  demander 
en  son  nom  de  ne  pas  souffrir  que  l'on  mit  en 
question  ce  qui  avait  été  défini  à  Chalcédoine. 
Il  lui  représente  que  si  l'on  permet  une  fois  de 
se  servir  des  raisonnements  de  la  dialectique 
et  de  la  rhétorique  pour  expliquer  les  mystè- 
res, on  ne  finira  jamais  de  disputer;  que  Jésus- 
Christ  a  fait  assez  connaître  qu'il  ne  voulait  pas 
que  l'on  eût  recours  à  cet  art,  puisqu'au  lieu 
de  prendre  des  philosophes  ou  des  orateurs 
pour  annoncer  son  Evangile ,  il  n'avait  em- 
ployé que  de  pauvres  pêcheurs,  dans  la  crainte 
que  l'on  ne  s'imaginât  que  la  doctrine  céleste 
avait  besoin  du  secours  de  l'éloquence  hu- 
maine; ce  qui  n'est  pas,  puisqu'elle  est  claire 
d'elle-même,  et  qu'on  ne  doit  point  chercher 
ce  qui  peut  flatter  l'oreille  quand  on  ne  veut 
apprendre  que  ce  qu'on  doit  croire.  Il  mon- 
tre que  le  concile  de  Chalcédoine ,  à  qui  on 
ne  pouvait  disputer  la  qualité  de  concile  gé- 
néral, puisqu'il  avait  été  assemblé  de  toutes 
les  provinces  de  l'empire  romain,  et  du  con- 
sentement de  tout  l'univers,  ayant  retranché 
de  la  communion  les  défenseurs  de  l'hér  ésie 
eutychéenne,  elle  ne  pouvait  leur  être  ren- 
due qu'après  une  parfaite  satisfaction  de  leur 
part;  que  Timothée  Elure  et  ses  complices  ne 
pouvaient  pas  non  plus  espérer  de  Jésus- 
Christ  et  de  l'Eglise  le  pardon  de  tant  de 
crimes,  qu'en  abandonnant  l'Eglise  d'Alexan- 
drie dont  ils  s'étaient  emparés  par  violence, 
et  en  embi'assant  les  larmes  et  l'humiliation 
de  la  pénitence.  Il  conjure  l'empereur  de  faire 
donner  à  cette  Eglise  un  évêque  observateur 
des  décrets  de  Chalcédoine,  qui  soit  propre  à 
rétablir  la  paix  parmi  le  peuple  d'Alexandrie, 
et  do  renvoyer  en  Egypte  les  évêques  de  cette 
province  que  les  hérétiques  avaient  chassés 
de  leurs  sièges.  Trois  jours  après,  c'est-à-dire 
le  20  août ,  saint  Léon  envoya  à  l'empereur 
une  ample  exposition  de  la  foi  sur  les  mystères 
de  l'incarnation  et  de  la  rédemption.  Il  y  ré- 
fute les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Eutychès, 
montrant  qu'elles  sont  condamnées  l'une  et 
l'autre  dans  le  symbole  de  Nicée,  dont  il  rap- 
porte les  paroles.  Il  dit  anathème  à  Nesto- 
rius ,  parce  qu'il  ne  voulait  pas  que  la  sainte 
Vierge  fûtMère  de  Dieu.  Saint  Ephrem  '  d'An- 
tioche,  qui  cite  cet  endroit,  dit  qu'aucun  saint, 
avant  saint  Léon,  n'avait  donné  à  Marie  le  titre 
de  Mère  de  Dieu  d'une  manière  aussi  claire 

1  Photius,  Cûd.  228,  pag.  78. 


[V«  SIÈCLK.] 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


237 


et  aussi  forte.  Il  est  néanmoins  certain  que 
heaucoup  d'écrivains  ecclésiastiques  l'ont 
qualifiée  de  même  longtemps  avant  saint 
Léon;  mais  le  témoignage  de  saint  Ephrem 
peut  servir  du  moins  à  faire  rejeter  l'opinion 
de  ceux  qui  ont  attribué  cette  lettre  au  pape 
Agapet.  Saint  Léon  fait  voir  ensuite  que  les 
fonctions  de  médiateur  entre  Dieu  et  les 
hommes  supposent  nécessairement  que  Jé- 
sus-Christ était  Dieu  et  homme  tout  ensem- 
ble ,  et  que  la  nature  divine  et  la  nature  hu- 
maine étaient  unies  en  lui  dans  une  même 
personne.  «  Quelque  précieuse  que  soit  de- 
vant Dieu  la  mort  des  saints,  aucun  d'eux  n'a 
racheté  le  monde  par  sa  mort.  Ils  ont  reçu 
des  couronnes,  mais  ils  n'en  ont  point  donné. 
Ils  ont  laissé  aux  fidèles  des  exemples  de  pa- 
tience ;  ils  n'ont  donné  la  justice  à  personne. 
C'est  dans  Jésus-Christ  seul,  le  vrai  Agneau 
sans  tache,  qu'ils  ont  tous  été  crucifiés  et 
qu'ils  sont  ressuscites;  c'est  de  lui  seul  qu'il 
;oan.  xii,32.  Gst  dit  i  Quand  on  m  aura  élevé  de  la  terre,  je 
tirerai  tout  à  moi.  Quoiqu'il  n'y  ait  qu'une 
personne  du  Verbe  et  de  la  chair  en  Jésus- 
Christ,  et  que,  par  cette  l'aison,  les  actions 
soient  communes  à  cette  personne  ,  les  deux 
natures  conservent  toutefois  leurs  qualités  et 
leurs  propriétés,  sans  aucune  confusion.  » 
Saint  Léon  rapporte  un  grand  nombre  de 
passages  de  l'Ecriture  pour  prouver  que  ces 
deux  natures  sont  réellement  en  Jésus-Christ. 
Il  y  en  ajoute  plusieurs  des  anciens  auteurs 
ecclésiastiques  sur  le  même  sujet  :  de  saint 
Hilaire,  de  saint  Athanase,  de  saint  Âmbroise, 
de  saint  Augustin,  de  saint  Chrysostome,  de 
Théophile  d'Alexandrie,  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze,  de  saint  Basile  et  de  saint  Cyrille 
d'Alexandrie.  Ce  recueil  des  autorités  des 
pères  sur  l'incarnation  est  plus  ample  que 
celui  qu'il  envoya  à  Théodose  en  450. 
,  Leiire  ISS  79.  La  lettre  à  Néouas,  évêquc  de  llavenue, 
éïêqu'cdêîsl:  est  le  résultat  d'un  concile  que  saint  Léon 
avait  assemblé  pour  régler  la  manière  dont 
on  devait  se  comporter  à  l'égard  de  ceux  qui, 
ayant  été  emmenés  captifs  avant  l'âge  de  rai- 
son, ne  se  souvenaient  point  d'avoir  reçu  le 
baptême.  Il  fut  décidé  ,  d'un  commun  avis, 
qu'on  les  examinerait  d'abord  avec  beaucoup 
de  soin,  pour  voir  si  l'on  ne  découvrirait  point 
par  eux  ou  par  d'autres  quelque  preuve  de 
leur  baptême  ;  mais  que  si  l'on  n'en  trouvait 
rien,  on  les  baptiserait  sans  aucune  difficulté, 
pour  ne  pas  les  laisser  périr,  par  une  crainte 
mal  fondée  de  les  rebaptiser.  On  ne  proposa 
point  de  les  baptiser  sous  condition.  Cette  ré- 


venne.p.  3o4. 


serve,  qui  n'était  point  encore  en  usage ,  est 
toujours  sous-entendue  dans  l'esprit  et  dans 
la  doctrine  de  l'Eglise.  Cette  lettre,  qui  est 
du  24  octobre,  fut  adressée  à  Néonas,  sans 
qu'on  ensache  d'autre  raison,  sinon  qu'étant 
circulaire,  il  devait  en  avoir  une  copie  comme 
les  autres  évêques.  Saint  Léon  lui  marque, 
comme  il  avait  fait  à  Nicétas,  qu'à  l'égard  de 
ceux  qui  auraient  été  baptisés  par  les  héré- 
tiques, il  suffirait  que  l'évêque  leur  imposât 
les  mains.  Le  Pontifical  attribue  à  ce  saint 
pape  un  décret  par  lequel  il  est  défendu  de 
donner  la  bénédiction  solennelle  avec  le  voile 
aux  vierges,  à  moins  qu'elles  n'eussent  été 
éprouvées  jusqu'à  quarante  ans.  Ce  qui  donne  cod.TiiPoi. 
lieu  de  croire  que  ce  fut  par  son  avis  que  l'em-  ao""'""''' 
pereur  Majorien  donna  une  loi  datée  de  Ra- 
venne  le  26  octobre  4.58,  contre  les  parents  qui 
contraignent  leurs  filles  à  se  consacrer  à  Dieu. 
Cette  loi  défend  aux  filles  ainsi  offertes  de 
recevoir  le  voile  avant  quarante  ans  ,  et  leur 
accorde  la  liberté  de  se  marier  jusqu'à  cet 
âge. 

80.  Les  évêques  delà  Campanie  et  des  deux  l^i,,  „5 
provinces  voisines ,  nommées  Samuium  et  Pi-  2"  ^  Sp" 
cénum,  ou  la  Marche,  donnaient  le  baptême  °"'  ■■  ^°^- 
en  des  jours  de  fêtes  de  martyrs,  sans  qu'il 
y  eût  de  nécessité  et  sans  y  apporter  les  pré- 
parations nécessaires,  c'est-à-dire  les  jeûnes, 
les  exorcismes,  l'imposition  des  mains,  et 
même  les  instructions  prescrites  par  l'Eglise. 
Saint  Léon  ,  averti  de  cet  abus ,  en  fut  sensi- 
blement touché,  sachant  surtout  qu'ils  ne  mé- 
prisaient ainsi  les  règles  ordinaires  que  par 
un  motif  d'intérêt;  ceux  qui  demandaient  le 
baptême  en  ces  jours,  achetant  apparemment 
la  dispense  des  exercices  laborieux  qui  de- 
vaient précéder  le  baptême.  Il  défend  donc 
à  ces  évêques  d'administrer  le  baptême  en 
d'autres  jours  qu'à  Pâques  et  à  la  Pentecôte, 
si  ce  n'est  dans  les  cas  de  nécessité,  savoir  : 
dans  une  maladie  désesj)érée,  dans  une  in- 
cursion des  ennemis,  dans  le  danger  d'un 
naufrage.  Il  blâme  aussi  ces  évêques  de  ce 
qu'ils  faisaient  réciter  pubhquement  aux  pé- 
cheursles  crimes  qu'ils  avaient  commis,  «Cette 
abondance  de  foi,  dit-il,  est  louable,  qui  fait 
que  l'on  craint  Dieu  jusqu'à  ne  pas  craindre 
de  rougir  devant  les  hommes;  mais  tous  les 
péchés  ne  sont  pas  de  telle  nature  que  ceux 
qui  demandent  la  pénitence  ne  craignent  pas 
de  les  publier,  et  plusieurs  s'en  éloigneraient 
ou  par  la  honte  ou  par  la  crainte  de  leurs 
ennemis,  qui  poun\aient  les  poursuivre  en 
vertu  des  lois.  11  suffit  donc  que  les  péchés 


238 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


soient  confessés  premièrement  à  Dieu,  et  en- 
suite au  prêtre,  qui  priera  pour  les  péchés 
des  pénitents.  Le  moyen  d'attirer  les  pécheurs 
à  la  pénitence  est  de  ne  -point  rendre  puWic 
ce  qu'ils  ont  confessé  en  secret,  n 
r,eiiresi37       81.  Lc  pQpo  saiut  Léon  ayant  été  informé 
13S  à  Gc.n-   que  1  empereur  avait  fait  chasser  Tmiothee 
siaiiiiropu ;    Elure  d'Alexandrie,  lui  écrivit,  le  17  iuin  de 
mothée  d'A-   l'au  460,  pour  l'cn rcmercier  au uom  dc  toutcs 

lexandno  ;  ^ 

i/,(i.ucierçé  les  Eglises;  mais  ayant  su  en  même  temps 
pag.  336,  qu'Elure  était  allé  à  Gonstantinople,  et  croyant 
que  c'était  dans  le  dessein  d'y  faire  une  pro- 
fession apparente  de  la  foi  catholique,  pour 
obtenir  par  ce  moyen  son  rétablissement  sur 
le  siège  d'Alexandrie,  il  dit  à  ce  prince  que 
quand  même  sa  profession  de  foi  serait  sin- 
cère, ses  crimes  le  rendaient  pour  toujours 
indigne  de  l'épiscopat,  puisque  dans  un  évê- 
que,  surtout  d'un  si  grand  siège,  le  son  des 
paroles  ne  suffit  pas,  à  moins  qu'on  ne  soit 
assnré  de  sa  religion  par  ses  bonnes  œuvres. 
Par  une  lettre  du  même  jour,  il  se  plaignit  à 
Gennade,  successeur  d' Anatolius  dans  le  siège 
de  Gonstantinople,  de  ce  qu'on  avait  permis 
à  Elure  de  venir  en  cette  ville,  le  priant  d'em- 
pêcher que  personne  n'eût  d'entretien  avec 
lui,  soit  en  particulier,  soit  en  public,  et  qu'on 
ne  tînt  aucune  conférence  sur  son  sujet,  sous 
prétexte  de  le  ramener  à  son  devoir.  Timo- 
thée  Solofaciole,  ouïe  Blanc,  fut  élu  à  sa  place 
par  les  suffrages  unanimes  du  clergé  et  du 
peuple,  et  ordonné  par  Théophile  et  par  neuf 
autres  évêques  d'Egypte.  Il  fit  part  de  son 
élection  à  saint  Léon,  qui  l'en  congratula  par 
une  lettre  du  18  août,  où  il  l'exhortait  à  com- 
battre les  hérésies  de  Nestorius  etd'Eutychès. 
Il  fit  aussi  réponse  aux  évêques  qui  l'avaient 
ordonné  et  au  clergé  d'Alexandrie.  Il  dit  à  ces 
évêques  qu'ils  doivent  s'unir  à  leur  patriarche 
pour  bannir  tous  les  scandales  que  l'hérésie 
avait  causés,  et  ti^availler  de  concert  à  rame- 
ner ceux  qui  étaient  dans  l'erreur,  à  les  ins- 
truire et  à  les  réconcilier  avec  Dieu.  A  l'égard 
des  ecclésiastiques  d'Alexandrie ,  il  leur  re- 
commande de  conserver  la  foi  enseignée  par 
les  évêques  catholiques  de  cette  ville,  sans 
aucune  variation,  parce  que  la  vérité,  qui  est 
en  elle-même  simple  et  unique,  ne  reçoit  pas 
de  variation. 
Fragmenu       82.  Salut  Léon  avalt  écrït  bcaucoup  '  d'au- 

de     (jiielques  J- 

lain'i"uo'i°  t''63  lettres  que  nous  n'avons  plus  ^.  Nous 

p»B.  353. 

1  On  en  trouve  le  catalogue  à  la  pag.  5H.  de  l'édi- 
liou  de  Lyon,  en  1700,  in-fol. 

2  Voyez  la  dissertation  des  frères  Ballerini  sur  les 


avons  eu  soin  de  marquer  à  chaque  occasion 
celles  dont  il  nous  reste  quelque  connaissance. 
Le  pape  Péiage  II,  dans  sa  troisième  lettre  à 
Elle  d'Aquilée  et  aux  autres  évêques  d'Istrie, 
cite  deux  fragments  de  celle  que  saint  Léon 
écrivit  à  Basile.  Il  y  en  a  un  qui  se  trouve 
dans  la  lettre  cent  trente-troisième  à  l'empe- 
reur Léon;  l'autre  ne  s'y  lit  point.  Ce  qui 
montre  ou  que  la  citation  est  fausse,  ou  que 
saint  Léon  a  écrit  à  Basile  dans  les  mêmes 
termes  qu'à  l'empereur;  ou  enfin  que  la  cent 
trente-troisième  à  ce  prince  n'est  pas  entière. 
Le  même  pape  rapporte  un  fragment  d'une 
lettre  de  saint  Léon  à  l'archidiacre  Aétius, 
qui  ne  se  rencontre  point  dans  celles  que  nous 
avons.  Le  prêtre  Boniface  lut ,  dans  la  sei- 
zième action  du  concile  de  Chalcédoine  ,  un 
endroit  du  mémoire  que  saint  Léon  lui  avait 
donné  en  le  députant  à  ce  concile.  Le  reste 
de  ce  mémoire  est  perdu.  Ce  qui  nous  en 
reste  regarde  le  maintien  des  décrets  des 
saints  pères,  apparemment  de  ceux  de  Nicée, 
et  l'opposition  que  ses  légats  devaient  former 
aux  prétentions  des  évêques  qui,  à  cause  de- 
la  splendeur  de  leur  ville  épiscopale,  vou- 
draient usurper  les  droits  de  leurs  confrères. 

83.  On  a  joint  aux  lettres  de  saint  Léon  ^enre  de 
celle  que  Julien,  évêque  de  Cos,  son  légat  à  i°s'pag.3uo! 
Gonstantinople,  écrivit  à  l'empereur  Léon; 
c'est,  de  toutes  ses  lettres,  la  seule  qui  nous 
reste.  Le  diacre Libératenfaitmention.  L'em- 
pereur, qui  avait  écrit  une  lettre  circulaire  à 
tous  les  évêques,  pour  avoir  leur  avis  sur  le 
concile  de  Chalcédoine  et  sur  Timothée  Elure, 
l'envoya  à  Julien,  en  lui  ordonnant  de  lui  dire 
là-dessus  son  sentiment.  Julien,  quoique  ré- 
solu de  demeurer  dans  le  silence  et  de  s'en 
rapporter  au  jugement  des  métropolitains, 
changea  toutefois  de  résolution.  Il  répondit 
donc  que  les  crimes  de  Timothée  étaient  si 
énormes,  que  l'Eglise,  n'ayant  pas  de  peines 
assez  grandes  pour  les  punir,  c'était  à  la  jus- 
tice de  l'empereur  à  en  ordonner  comme  il 
le  trouverait  à  propos;  qu'à  l'égard  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  il  en  fallait  maintenir  les 
décrets,  puisqu'ils  ne  contenaient  rien  tou- 
chant la  foi  qui  ne  fût  entièrement  conforme 
aux  décisions  des  conciles  de  Nicée  et  d'E- 
phèse.  Cette  lettre  fut  écrite  en  grec.  Nous 
ne  l'avons  qu'en  latin,  d'un  style  fort  mau- 
vais. Ce  qui  fait  voir  que  la  traduction  n'est 

lettres  perdues  de  saint  Léon,  tom.  I,  col.  1439-1462. 
(L'édiieur.) 


[V=  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


pas  de  Julien  même,  qui  savait  fort  bien  ces 
deux  langues. 
Lettres raus-      84.  La  lettre  quatre-vingt-huitième,  dans 

EGment  atlri-  .  ri..  .        /  .   i 

buées  à  saint  les  auciennes  éditions,  est  reietee  parmi  les 

Léon,  ton,. II.  .  n  ,  ,  ,,  i 

pag.  329  et  supposées  dans  la  nouvelle;  elle  est  adressée 
aux  évêques  d'Allemagne  et  des  Gaules,  tou- 
chant Je  privilège  ou  les  fonctions  des  chor- 
évêques.  Les  raisons  de  la  rejeter  sont  qu'elle 
ne  se  trouve  point  dans  les  anciens  manus- 
crits, mais  seulement  dans  de  postérieurs  à 
la  collection  d'Isidore;  qu'il  n'en  est  parlé 
dans  aucun  ancien  écrivain  ecclésiastique , 
pas  même  dans  les  collections  des  canons  faits 
avant  celle  d'Isidore;  que  le  style  n'a  ni  la 
beauté  ni  l'élégance  de  celui  de  saint  Léon, 
.  qui,  ayant  à  traiter  une  matière  de  cette  im- 
portance avec  des  évêques  étrangers,  l'eût 
fait  avec  plus  d'étendue  et  avec  toute  l'élo- 
quence que  l'on  remarque  dans  ses  autres 
lettres;  que  le  titre  même  de  cette  lettre  en 
prouve  la  supposition.  Saint  Léon  y  est  qua- 
lifié évêque  de  l'Eglise  romaine ,  au  lieu  que 
dans  ses  antres  lettres  il  prend  la  qualité  d'é- 
v.êque  de  Rome  ou  de  l'Eglise  catholique  de 
la  ville  de  Rome.  D'ailleurs,  saint  Léon  au- 
rait-il écrit  conjointement  aux  évoques  des 
Gaules  et  d'Allemagne?  Ces  évêques  n'ont 
rien  eu  de  commun  qu'après  que  Cbarlema- 
gne  eut  réuni  l'Allemagne  à  la  couronne  de 
France.  Enfin  l'auteur  de  cette  lettre  était 
si  peu  au  fait  de  ce  qui  se  passait  dans  les 
conciles  de  Rome,  qu'il  dit  que  les  laïques 
mêmes  y  étaient  appelés.  Il  cite  encore  le 
treizième  canon  de  Néocésarée,  delà  version 
de  Denys-le-Petit,  qui  n'a  vécu  qu'après  saint 
Léon.  Rlondel  etlepèreMorin  ont  remarqué 
que  celte  lettre  n'est  autre  chose  que  le  sep- 
tième canon  du  second  concile  de  Séville, 
tenu  en  619,  auquel  l'imposteur  a  mis  une 
espèce  d'exorde  pour  lui  donner  la  forme  de 
lettre.  On  objecte  que  les  évêques  du  concile 
de  Séville  fondent  sur  l'autorité  du  Saint- 
Siège  la  défense  qu'ils  font  aux  prêtres  d'en- 
trer dans  le  baptistère  et  de  baptiser  en  pré- 
sence de  l'évêqae;  que  Léon  III,  dans  sa  let- 
tre aux  évêques  des  Gaules,  contre  les  chor- 
évêques ,  cite  les  décrets  de  saint  Léon ,  et 
que  les  conciles  de  Paris,  de  Meaux  et  de  Metz 
citent  les  décrets  de  Damase  ,  d'Innocent  et 
de  Léon,  pour  montrer  que  les  fonctions  épis- 
copales  étaient  de  nul  effet  dans  les  cher  évê- 
ques  qui  les  usurpaient.  A  cela  on  répond 


239 

deux  choses  :  la  première  ,  que  saint  Léon 
fournissant,  dans  sa  lettre  à  Rustique  des 
principes  contre  les  ordinations  des  chor  évê- 
ques ,  c'est  apparemment  cette  lettre  qui  a 
été  citée  par  Léon  JII  et  par  les  évêques  des 
conciles  de  Paris,  de  Meaux  et  de  Metz  ;  la  se- 
conde, que  quand  dans  le  viii«ou  ix=  siècle  on 
aurait  cité  la  lettre  aux  évêques  des  Gaules  et 
d'Allemagne  sous  le  nom  de  saint  Léon,  ce 
ne  serait  pas  un  argument  certain  qu'il  en  fût 
auteur.  Combien  de  mauvaises  pièces  n'a-t-on 
pas  citées  comme  bonnes  dans  ces  siècles-là? 
Pour  ce  qui  est  du  concile  de  Séville ,  outre 
que  ce  qu'on  en  allègue  ne  se  ht  pas  dans 
l'édition  de  Loaysias ,  il  n'a  pas  plus  de  rap- 
port à  saint  Léon  qu'à  tout  autre  pape. 

L'autre  lettre  faussement  attribuée  à  saint 
Léon  est  la  quatre-vingt-seizième  dans  les 
anciennes  éditions,  où  elle  est  adressée  aux 
évêques  de  la  Thrace.  On  a  reconnu  depuis 
que  c'était  une  synodique  écrite  au  nom  de 
Léon,  évêque  de  Bourges;  de  Victurius,  évê- 
que du  Mans  ;  d'Eustochius,  évêque  de  Tours, 
et  de  quelques  autres  évêques  aux  Eglises 
de  la  troisième  province  de  Lyon,  c'est-à-dire 
de  celle  de  Tours.  L'ignorance  du  copiste  qui, 
au  lieu  de  Tertiœ,  a  mis  Thraciœ,  est  cause 
qu'on  a  attribué  cette  lettre  à  saint  Léon,  n'y 
ayant  point  d'apparence  que  les  évêques  des 
Gaules  envoyassent  leurs  synodiques  aux 
évêques  de  la  Thrace. 

85.  Gennade  '  dit  que,  de  son  temps,  le 
bruit  courait  que  les  lettres  de  saint  Léon   i>"'""\^iol 

j  ,  11-  attribuées     a 

adressées  à  diverses  personnes  contre  les  er-   s»mi    itos- 

per. 

reurs  d'Eutychès  sur  l'Incarnation,  étaient 
de  saint  Prosper.  On  lit  la  même  chose  dans 
la  Chronique  de  Marcellin  et  dans  celle  d'A- 
don  de  Vienne,  qui  ont  copié  Gennade  ;  néan- 
moins le  même  écrivain  dit  °  ailleurs  que  la 
lettre  à  Flavien  est  de  saint  Léon.  C'est  sans 
contredit  la  plus  forte  de  toutes  contre  Euty- 
chès,  et  celle  qui  a  été  la  plus  célèbre  dans 
l'Eglise.  Si  elle  est  de  saint  Léon,  pourquoi 
attribuer  à  saint  Prosper  les  autres  lettres 
qui  sont  sur  le  même  sujet  et  qui  roulent 
toutes  sur  les  principes  étabfis  dans  la  let- 
tre à  Flavien  ?_  Il  semijle  que  ce  que  l'on 
peut  dire  de  mieux  pour  conciher  ce  qu'on 
disait  des  lettres  de  saint  Léon  contre  Euty- 
chès,  du  temps  de  Gennade,  avec  ce  qu'il  dit 
lui-même  de  la  lettre  à  Flavien,  est  que  saint 
Prosper  avait  fourni  la  matière  de  ces  lettres, 


'  Geonad.,  de  Vir.  i/htst.,  cnp.  Lxxxiv;  Marcellin,  in 
Chronic,  ad  aa.  463,  et  Ado.  Vieu.,  œtat.  6.  ad  au.  458. 


'  Genuad.,  ibid.,  cap.  lxx. 


240 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et  que  saint  Léon  leur  avait  donné  la  forme. 
Le  pape  Damase,  quoique  très-habile,  se  ser- 
vait du  ministère  de  saint  Jérôme  dans  ses 
réponses  à  diverses  consultations,  et  on  ne 
diminuera  rien  du  mérite  de  saint  Léon, 
quand  on  dira  qu'il  employait  saint  Prosper 
dans  les  lettres  importantes  qu'il  avait  à 
écrire  ;  mais  que  ces  lettres  aient  été  écrites 
par  saint  Prosper  même,  c'est  ce  que  la  dif- 
l'érence  de  son  style  d'avec  celui  de  saint 
Léon  ne  permet  pas  de  soutenir.  Le  style  de 
saint  Prosper  est  serré,  il  n'affecte  ni  caden- 
ces nombrées,  ni  périodes  égales,  ni  figures. 
Celui  de  saint  Léon  est  au  contraire  très-dif- 
fus, d'une  cadence  bien  mesurée,  chargé  d'é- 
pithèles  et  de  figures.  D'ailleurs,  comme  les 
lettres  de  ce  saint  pape  ont  toutes  un  même 
style,  en  attribuant  à  saint  Prosper  celles  qui 
sont  contre  Eutychès,  il  faudrait  lui  attribuer 
encore  toutes  les  autres;  ce  qui  n'est  pas  sup- 
posable,  surtout  en  mettant  sa  mort  quelque 
temps  après  l'an  4S5,  on  il  finit  sa  Chronique: 
car  nous  avons  des  lettres  de  saint  Léon 
écrites  plusieurs  années  depuis,  et  jusqu'au  1" 
septembre  de  l'an  460.  Il  y  en  a  qui  préten- 
dent qu'il  fut  même  aidé  dans  ses  sermons 
par  saint  Prosper;  mais  outre  que  le  style  en 
est  beaucoup  plus  élevé  que  celui  de  saint 
Prosper,  c'est  qu'ils  ne  sont  point  méthodi- 
ques, pour  la  plupart  :  ils  paraissent  même 
avoir  été  faits  sans  beaucoup  de  préparation  ; 
et  il  en  fallait  peu  pour  des  discours  qui  ne 
sont  pas  longs,  particulièrement  dans  un 
homme  qui  avait  le  don  de  la  parole  el  qui 
possédait  les  matières  qu'il  avait  à  traiter. 
Saint  Prosper,  chargé  de  préparer  des  dis- 
cours, s'en  serait  acquitté  à  loisir  et  leur  au- 
rait donné  plus  de  suite.  Il  est  vrai  qu'on 
trouve  dans  ses  écrits  des  pensées  toutes 
semblables,  et  quelquefois  en  mêmes  termes  : 
mais  devait-il  rougir  de  les  emprunter  de  son 
maître?  Peut-être  aussi  se  les  était-il  rendues 
propres  en  écrivant  les  sermons  de  saint  Léon 
à  mesure  qu'il  les  prêchait,  afin  de  les  gar- 
der dans  les  archives  de  l'Eglise  romaine. 

§IIL 

Des  livres  de  la  Vocation  des  Gentils  et  delà 
lettre  à  Démétriade. 

1.  Quelques  recherches  que  l'on  ait  faites 
u   vocaiion  iusou'ici  touclianl  l'auteur  des  livres  de  la 

(les      Gentils    M         J- 


L'nutRUP 
des  livres  de 


est incoDnu. 


i  Apologie  des  Pères,  lib.  I,   cap.  1,  lï  et  m;  An- 
thelmi,   de  Oper.  Léon.,  Paris.,   an  1689;   Quesncl 


Vocation  des  Gentils,  on  n'est  pas  encore  venu 
à  bout  de  le  découvrir.  Après  les  avoir  quel- 
que temps  attribués  à  saint  Ambroise,  à 
saint  Eucher  et  à  Hilaire,  dont  nous  avons 
une  lettre  à  saint  Augustin,  on  s'est  restreint  ' 
à  dire  qu'ils  étaient  ou  de  saint  Léon  ou  de 
saint  Prosper  :  l'une  et  l'autre  de  ces  opinions 
a  encore  aujourd'hui  ses  partisans  ;  mais  le 
parti  le  plus  sûr  est  d'avouer  qu'ils  sont  d'un 
inconnu.  Les  raisons  de  les  attribuer  à  saint 
Prosper  sont  que  ces  livres  portent  son  nom 
dans  quelques  manuscrits;  qu'Hincmar  les  a 
cités  sous  son  nom  dans  son  hvre  de  la  Pré- 
destination; que  la  doctrine  en  est  conforme  à 
celle  de  saint  Prosper  ;  que  es  que  dit  ce 
père  dans  son  poème,  que  Rome  est  devenue 
la  première  Eglise  du  monde,  s'est  rendue 
maîtresse,  par  la  religion,  de  tout  ce  qu'elle 
n'avait  pu  conquérir  par  les  armes,  se  trouve 
presque  en  mêmes  termes  dans  le  seizième 
chapitre  du  second  livre  de  la  Vocation  des 
Gentils;  qu'on  y  trouve  beaucoup  d'autres 
expressions  et  d'autres  pensées  sembla- 
bles à  celles  qui  se  lisent  dans  les  écrits 
de  saint  Prosper;  qu'enfin  Photiu s,  en  par- 
lant des  actes  des  évêques  d'Occident  contre 
les  pélagiens,  dit  que  saint  Prosper  fit,  étant 
à  Rome,  sous  le  pontificat  de  saint  Léon,  des 
livres  contre  quelques-uns  de  cette  secte, 
après  que  ce  pape  les  eut  réprimés,  sur  les 
avis  qu'il  avait  reçus  de  Septimius,  qu'ils  ex- 
citaient de  nouveaxix  troubles  ;  ce  qui  ne 
peut  s'entendre,  dit-on,  que  des  livres  de  la 
Vocation  des  Gentils.  Mais  on  répond  à  cela 
que  s'il  y  a  des  manuscrits  qui  attribuent  cet 
ouvrage  à  saint  Prosper,  on  en  trouve  de 
très-anciens  qui  le  donnent  à  saint  Ambroise; 
qu'il  est  ordinaire  à  Hincmar  de  citer  des 
écrits  sous  le  nom  de  ceux  qui  n'en  sont  pas 
auteurs,  comme  on  le  voit  par  Y Hypomnesti- 
con  et  le  livre  de  la  Prédestination  et  de  la 
Grâce,  qu'il  attribue  à  saint  Augnstin,  quoi- 
qu'ils n'en  soient  pas  ;  que  s'il  y  a  entre  les 
écrits  de  saint  Prosper  et  les  livres  de  la  Vo- 
cation des  Gentils,  une  conformité  de  doctrine, 
ce  qui  peut  se  rencontrer  avec  toute  autre, 
les  façons  de  parler  ne  sont  pas  les  mêmes  ; 
que  saint  Prosper  se  déclare  partout  contre 
les  adversaires  de  saint  Augustin,  au  lieu 
que  l'auteur  de  ces  livres  ne  prend  aucun 
parti  et  ne  parle  pas  même  de  saint  Augus- 
tin ;  qu'à  l'égard  du  témoignage  de  Photius, 

Dissert.  2,  pag.  191. 


[v«  SIÈCLE. J 

il  peut  s'entendre  de  tout  autre  ouvrage  de 
saint  Prosper  sur  la  grâce,  qui  ne  serait  pas 
venu  jusqu'à  nous,  plutôt  que  des  livres  de 
la  Vocation  des  Gentils,  où  l'auteur  n'entre  en 
dispute  avec  personne,  ne  cherchant  qu'à 
éclaircir  une  question  agitée  depuis  long- 
temps entre  les  défenseurs  du  libre  arbitre 
et  de  la  grâce  ;  qu'au  surplus,  son  style  est 
beaucoup  plus  poli  et  plus  travaillé  que  celui 
de  saint  Prosper.  C'est  au  contraire  à  cause 
de  la  conformité  du  style  avec  celui  de  saint 
LéoH;,  que  d'autres  le  font  auteur  de  ces  li- 
vres, et  c'est  même  leur  plus  fort  argument, 
les  autres  preuves  qu'ils  en  allèguent  n'ayant 
pas  la  même  solidité  ;  mais  cet  argument 
n'est  pas  non  plus  sans  réplique.  On  dit  que 
cette  conformité  consiste  plus  dans  les  ter- 
mes et  dans  les  pensées  que  dans  la  manière 
d'écrire  ;  qu'il  s'en  trouve  à  peu  près  autant 
enlre  les  écrits  de  saint  Prosper  et  ceux  de 
saint  Léon  ;  que  l'auteur  des  livres  de  la  Vo- 
cation des  Gentils  '  ayant  écrit  longtemps  de- 
puis la  dispute  entre  les  catholiques  et  les 
semi-pélagiens  au  sujet  de  la  grâce  et  du 
libre  arbitre,  et  conséquemment  depuis  saint 
Léon,  mort  trente  ans  seulement  après  le 
commencement  de  cette  dispute,  il  a  pu,  par 
la  lecture  des  ouvrages  de  ce  Père,  s'en  ren- 
dre familières  les  pensées  et  les  expressions. 
11  faut  ajouter  à  cette  réponse  qu'il  est  diffi- 
cile de  se  persuader  que  si  cet  ouvrage  eût 
été  d'un  pape  aussi  célèbre  que  saint  Léon, 
on  n'eût  pas  été  depuis  la  fin  du  cinquième 
siècle,  où  il  était  entre  les  mains  d'un  grand 
nombre  de  personnes,  jusqu'au  dix-septième 
à  le  lui  attribuer.  On  l'a  attribué  à  saint  Au- 
gustin, à  saint  Ambroise,  à  saint  Eucher,  à 
Hilaire,  à  saint  Prosper.  Personne  ne  s'est 
avisé,  avant  l'auteur  de  la  dernière  édition 
des  œuvres  de  saint  Léon,  de  lui  en  faire 
honneur,  et  il  n'est  sous  son  nom  dans  aucun 
manuscrit.  Le  pape  Gélase,  dans  son  troisième 
traité  contre  l'hérésie  pélagienne,  cite  les  li- 
vres de  la  Vocation  des  Gentils  ;  mais  sous  le 
nom  général  ^  «  d'un  certain  docteur  de  l'E- 
glise. »  S'ils  eussent  été  de  saint  Léon,  com- 
ment l'eùt-il  ignoré,  lui  qui  devait  mieux 
savoir  que  nous  quels  étaient  les  écrits  de 
saint  Léon,  puisqu'il  avait  fait  une  recherche 
particulière  des  ouvrages  des  pères  qui  l'a- 

1  Inier  defensores  liberi  arbitrii  et  prœdicaiores 
gratiœ  Dei  mo.gna  et  difficilis  dudum  vertitur  quœs- 
iio.  Lib.  I,  cap.  \,  pag.  1. 

^  Quod  totuiii  ideo  sit  sicul  quidam  magister  Eccle- 
siœ  sapienter   edocuit,  dicens  :  «  Ad  magnmn  enim 

Y 


CHAPITRE  XI,  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


241 

valent  précédé,  et  qu'il  avait  pu  le  voir,  ayant 
été  fait  pape  en  492,  environ  trente-deux  ans 
après  la  mort  de  saint  Léon?  D'ailleurs,  quel 
intérêt  avait  ce  saint  pape  de  cacher  au  pu- 
blic qu'il  avait  composé  les  livres  de  la  Voca- 
tion des  Gentils?  N'en  avait -il  pas  au  con- 
traire de  s'en  avouer  l'auteur?  Son  nom  ne 
pouvait  que  donner  du  poids  et  de  l'autorité 
à  un  écrit  fait  pour  l'utihté  de  l'Eglise ,  qui 
a  été  si  estimé  dans  tous  les  siècles,  que 
chacun  a  cherché  à  en  faire  honneur  aux 
écrivains  les  plus  habiles.  Saint  Léon  est  le 
premier  de  tous  les  papes  dont  nous  ayons 
un  corps  d'ouvrages.  Ceux  qui  les  ont  re- 
cueillis eussent-ils  négligé  celui  qui  a  pour 
titre  de  la  Vocation  des  Gentils,  s'ils  eussent 
eu  la  moindre  preuve  qu'il  en  fût  auteur  ? 
Voici  ce  qu'il  contient  : 

2.  Les  défenseurs  du  libre  arbitre  et  les 
prédicateurs  de  la  grâce  se  font  également 
cette  question  :  Dieu  veut-il  sauver  tous  les 
hommes?  Comme  on  ne  peut  le  nier,  ils  de- 
mandent pourquoi  la  volonté  du  Tout-Puis- 
sant n'est  pas  toujours  accomplie?  Si  l'on  dit 
que  cela  dépend  de  la  volonté  de  l'homme, 
il  parait  que  l'on  exclut  la  grâce ,  qui  en  effet 
n'est  plus  un  don  gratuit,  mais  une  dette,  si 
elle  est  donnée  selon  les  mérites.  Ils  deman- 
dent encore  pourquoi  ce  don,  sans  lequel 
personne  n'est  sauvé,  n'est  pas  conféré  à 
tous  par  celui  qui  veut  que  tous  soient  sau- 
vés? Les  défenseurs  du  libre  arbitre  s'imagi- 
naient qu'on  le  détruisait  lorsqu'on  prêchait 
la  nécessité  de  la  grâce,  ne  prenant  pas 
garde  qu'on  pouvait  les  accuser  eux-mêmes 
de  nier  la  grâce,  lorsqu'ils  supposaient 
qu'elle  ne  précède  pas,  mais  qu'elle  accom- 
pagne seulement  la  volonté.  L'auteur  sou- 
tient qu'on  doit  admettre  l'un  et  l'autre,  a  Si 
onôte,  dit-il,  la  volonté,  où  est  la  source  des 
vraies  vertus  ?  Et  si  l'on  ne  reconnaît  pas  la 
grâce,  où  est  la  cause  des  mérites?»  Pour 
procéder  avec  méthode,  il  distingue  trois 
sortes  de  volonté  ,  la  sensuelle  ,  l'animale  et 
la  spirituelle.  La  sensuelle,  que  l'on  peut 
aussi  appeler  charnelle  est  bornée  à  certains 
mouvements  qui  naissent  des  sens  du  corps; 
telle  est  celle  des  enfants  qui,  quoique  sans 
usage  de  raison,  font  connaître  ce  qu'ils  veu- 
lent, ce  qu'ils  aiment^  ce  qui  leur  fait  peine. 

utilitatem  fidalium  materia  servata  est  certaminum, 
ut  non  superbiat  sanclitas,  dum  pulsalur  infirmitas.  » 
Gelas.,  tract.  3  contra  Pelag.,  pag.  12't8,  tom.  IV 
Coiicil. 


16 


Amlyse  (la 
premier  livro 
de  LiVocalion 
des  Genlils, 
lom.  I.  oper. 
Leur,  pnç,  1. 


Cap.  I, 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  m.  L'animale  est  celle  qui  n'agit  point  par  un 
mouvement  de  la  grâce,  ni  par  amour  du 
souverain  bien,  et  qui  ne  se  propose  ou  que 
les  satisfactions  de  la  chair,  ou  les  récom- 
,^  penses  temporelles;  cette  sorte  de  volonté  se 
trouve  non-seulement  dans  les  hébétés,  mais 
dans  ceux  mêmes  qui  gardent  les  règles  de 
l'honnêteté,  lorsqu'ils  ne  le  font  que  par  des 
„  motifs  humains.  La  spirituelle  est  celle  qui 
agit  par  la  grâce  et  dont  les  mouvements  sont 
réglés  par  la  loi  de  la  raison  supérieure, 
c'est-à-dire  par  la  loi  de  Dieu.  L'auteur  dis- 
^  tingue  aussi  deux  sortes  de  grâces  :  des  grâ- 
ces générales,  qui  consistent  dans  les  secours 
extérieurs,  comme  sont  les  éléments,  la  loi 
naturelle,  les  prophéties,  les  préceptes  de  la 
loi  de  Moïse,  ceux  de  l'Evangile  qui  servent 
de  preuves  de  la  providence  et  de  la  bonté 
de  Dieu  envers  tous  les  hommes,  et  qui  ren- 
dent inexcusables  les  peuples  qui,  adonnés 
au  culte  des  idoles,  ont  rendu  à  la  créature 
ce  qu'ils  ne  devaient  qu'au  Créateur  :  des 
jjj  grâces  particulières  et  intérieures,  qui  éclai- 
rent l'esprit  et  échauûent  le  cœur.  Les  pre- 
mières sont  inutiles  au  salut  sans  les  derniè- 

yi. 

res,  par  lesquelles  Dieu  forme  en  nous  une 
bonne  volonté,  non  en  créant  dans  nous  une 
nouvelle  nature ,  mais  en  réparant  celle  qui 
a  été  viciée  par  le  péché  d'Adam.  Cette  ré- 
paration se  fait  de  façon  qu'elle  n'ôte  point 
la  liberté  ;  elle  guérit  le  libre  arbitre  ;  et  ce 
que  la  grâce  fait  en  lui,  elle  le  fait  aussi  par 
lui.  Dieu  est  le  principe  de  toutes  les  vertus; 
c'est  lui  qui  inspire  le  désir  du  bien,  et  qui, 
par  le  secours  de  la  grâce  nous  le  fait  ac- 
complir. S'il  n'agit  et  n'opère  eu  nous,  nous 
ne  pouvons  avoir  aucune  vertu,  parce  que 
sans  ce  bien  rien  n'est  bon,  sans  cette  lu- 
mière l'ien  n'est  lumineux,  sans  cette  sa- 
gesse rien  n'est  sage,  sans  cette  justice  rien 
n'est  juste.  La  lumière  naturelle  ne  suffit  pas 
pour  croire  les  vérités  de  la  religion.  Tout 
homme  qui  se  convertit  à  Dieu  y  est  premiè- 
rement excité  par  la  grâce  ;  et  comme  c'est 
la  grâce  qui  donne  la  foi,  c'est  elle  qui  l'aug- 
mente et  qui  la  conserve. 

Cesprincipes  établis,  l'auteur  donne  quatre 
règles  pour  expliquer  ce  qui  est  dit  en  gé- 
néral du  salut  des  hommes  dans  l'Ecriture  : 
j^  la  première,  que  lorsqu'elle  parle  des  bons 
et  des  méchants,  des  élus  et  des  réprouvés, 
elle  use  de  termes  généraux,  comme  si  elle 
voulait  comprendre  tous  les  hommes  en  par- 
ticuher  sous  ces  expressions  générales  :  il  en 
^'-  donne  des  exemples  tirés  tant  de  l'Ancien 


que  du  Nouveau  Testament  ;  la  seconde ,  is... 
qu'en  parlant  des  élus  et  des  réprouvés  d'un 
même  peuple,  elle  s'exprime  d'une  façon  oenes.xx' 
générale,  comme  si  tous  Jes  hommes  de  ce  Hom.xr 
peuple  étaient  ou  sauvés  ou  réprouvés ,  cap.  x. 
bien  qu'elle  ne  veuille  parler  quelquefois 
que  des  élus,  et  quelquefois  des  réprouvés  lîom.xi.i, 
séparément.  La  troisième,  que  l'Ecriture  cip. xi. 
parle  des  hommes  qui  ont  vécu  en  divers 
temps,  comme  s'ils  avaient  vécu  ensemble 
et  sous  une  même  génération;  la  quatrième,  iPei.i  u, o. 
que  le  terme  tous  se  prend  souvent  dans 
l'Ecriture  pour  toutes  sortes  de  personnes, 
de  tout  âge,  de  toutes  sectes,  de  tous  pays, 
et  que  c"est  en  ce  sens  que  l'on  peut  enten- 
dre ces  paroles  de  l'Apôtre  :  Dieu  veut  sauver  ixim.  n,* 
tous  les  hommes.  Comme  cette  explication 
pouvait  être  rejetée  de  quelques-uns  à  qui 
elle  paraîtrait  contraire  au  texte  de  saint 
Paul,  l'auteur  déclare  qu'il  reçoit  si  entière- 
ment et  si  pleinement  cette  partie  des  pa- 
roles de  l'Apôtre,  qu'il  ne  retranche  rien  de 
ce  qui  la  regarde,  soit  en  ce  qui  précède  ou 
en  ce  qui  suit  dans  le  discours  du  même 
apôtre  ;  et  pour  le  prouver,  il  rapporte  le 
passage  en  ces  termes  :  Je  vous  conjure  donc,  ,  ^^^  „ 
avant  toutes  choses,  que  l'on  fasse  des  supplica- 
tions ,  des  prières ,  des  demandes  et  des  actions 
de  grâces  jMur  tous  les  hommes,  pour  les  rois  et 
pour  tous  ceux  gui  sont  élevés  en  dignité,  afin 
que  nous  menions  une  vie  paisible  et  tranquille 
dans  toute  sorte  de  piété  et  d'honnêteté.  Ce  que  c^p  x„ 
je  vous  ordonne  en  cela  est  bon  et  ag?^éable  à 
Dieu,  notre  Sauveur,  qui  veut  que  tous  les  hom- 
mes soient  sauvés,  et  qu'ils  viennent  à  la  con- 
îiaissance  de  la  vé?'ité  ;  car  il  n'y  a  qu'un  Dieu 
et  un  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  Jé- 
sus-Christ homme.  Il  ajoute  qu'on  peut  juger 
du  vrai  sens  de  ce  précepte  de  saint  Paul, 
par  la  manière  dont  l'Eghsc  l'observe  tous 
les  jours;  elle  prie  Dieu  en  tous  lieux,  non- 
seulement  pour  les  saints  et  pour  ceux  qui 
sont  régénérés  en  Jésus-Christ,  mais  aussi 
pour  les  infidèles  et  les  ennemis  de  sa  croix, 
pour  tous  ceux  qui  adorent  des  idoles,  pour 
tous  ceux  qui  persécutent  Jésus-Christ  en 
ses  membres,  pour  les  Juifs,  à  l'aveuglement 
desquels  la  lumière  de  l'Evangile  ne  luit  pas, 
pour  les  hérétiques  et  les  schismatiqués  qui 
sont  retranchés  de  l'unité  de  Ja  foi  et  de  l'a- 
mour :  or,  que  demande-t-elle  dans  ses  priè- 
res pour  toutes  ces  personnes,  sinon  qu'ayant 
quitté  leurs  erreurs,  ils  se  convertissent  à 
Dieu  ;  qu'ils  reçoivent  la  foi,  qu'ils  reçoivent 
la  charité  et  l'amour,  et  qu'étant  délivrés  des 


fv  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XL  — 

ténèbres  de  l'ignorance,  ils  viennent  à  la 
connaissance  delà  vérité?  Et  parce  qu'ils  ne 
peuvent  y  venir  d'eux-mêmes,  étant  accablés 
du  poids  de  leurs  mauvaises  habitudes  et 
enchaînés  des  liens  du  diable,  et  qu'ils  n'ont 
pas  la  puissance  de  surmonter  les  illusions  et 
les  erreurs  auxquelles  ils  sont  attachés  avec 
une  si  grande  obstination,  qu'ils  aiment  au- 
tant la  fausseté  qu'ils  devraient  aimer  la  vé- 
rité Dieu  qui  est  miséricordieux  et  juste, 
veut  qu'on  lui  offre  des  prières  pour  tous  les 
hommes,  afin  que,  lorsque  nous  en  voyons 
un  si  grand  nombre,  qui  sont  délivrés  d'un 
si  profond  abîme  de  maux,  nous  ne  doutions 
pas  que  ce  ne  soit  Dieu  qui  a  fait  ce  que 
l'Eglise  l'a  prié  de  faire,  et  que  lui  rendant 
grâces  pour  ceux  qui  sont  sauvés,  nous  es- 
périons aussi  que  ceux  qui  n'ont  pas  encore 
été  illuminés,  seront  tirés  un  jour  de  la  puis- 
sance des  ténèbres  par  le  même  ouvrage  de 
la  même  grâce  divine,  et  seront  transférés 
dans  le  royaume  de  Dieu  avant  qu'ils  sor- 
tent de  cette  vie.  Voilà  de  quelle  manière 
l'auteur  montre  que  ces  paroles  de  saint 
Paul  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient 
sauvés,  se  doivent  entendre  des  hommes  de 
toutes  conditions,  parce  qu'il  n'y  en  a  point 
dont  il  n'en  attire  à  lui  par  la  puissance  de 
sa  grâce.  Mais  pourquoi  les  prières  que  l'E- 
glise fait  pour  tous  les  hommes  ne  sont-elles 
point  exaucées  à  l'égard  de  chaque  particu- 
lier, quoiqu'elles  le  soient  à  l'égard  des  au- 
tres ?  L'auteur  répond  que  la  raison  de  cette 
différence  dépend  des  secrets  jugements 
de  Dieu ,  sur  lesquels  nous  devons  nous 
écrier  avec  saint  Paul  :  0  profondeur  des  tré- 
sors de  la  sagesse  et  de  la  science  de  Dieu  !  Que 
ses  jugements  sont  impénétrables  f  que  dans  la 
dispensation  des  œuvres  de  Dieu,  il  arrive 
souvent  qu'on  ne  connaît  que  les  effets  et 
non  pas  les  causes;  quel'onue  peut  pas  dire 
que  ce  soit  le  mérite  de  la  volonté  qui  dis- 
tingue les  élus  et  les  réprouvés,  ce  qui  parait 
évidemment  dans  les  enfants,  dont  les  uns  re- 
çoivent le  baptême,  les  autres  meurent  sans 
l'avoir  reçu;  que  la  conversion  tardive  des  im- 
pies est  une  preuve  que  la  grâce  ne  leur  est 
pas  donnée  en  vue  de  leurs  mérites;  que  ceux 
mêmes  qui  se  rendent  aux  impressions  de  la 
grâce,  ne  le  font  que  parce  que  Dieu  le  veut 
ainsi,  sans  aucun  mérite  précédent  de  leur 
part;  que  l'homme  ,  sans  la  grâce  ,  vit  dans 
l'ignorance  et  dans  les  ténèbres  ;  que  cette 
grâce  étant  un  effet  de  la  pure  libéralité  de 
Dieu,  on  ne  doit  point  chercher  de  raison 


SALNT  LEON,  PAPE.  243 

pourquoi  Dieu  la  donne  aux  uns  et  qu'il  la 
refuse  aux  autres;  pourquoi  il  choisit  l'un  et 
ne  choisit  pas  l'autre  ;  que  ceux  qui  veulent 
que  les  mérites  de  l'homme  soient  cause  de 
son  élection,  sont  suffisamment  réfutés  par 
l'exemple  des  enfants,  n'étant  pas  possible 
de  rendre  raison  pourquoi  de  deux  enfants 
qui  sont  d'une  origine  également  corrompue, 
l'un  est  sauvé  parle  baptême,  et  l'autre  périt 
pour  ne  l'avoir  pas  reçu  ;  que  tout  le  mérite 
de  l'homme,  depuis  le  commencement  de  la 
foi  jusqu'à  la  persévérance  finale,  est  un  don 
de  Dieu,  sa  grâce  agissant  en  nous  pour  que 
nous  agissions;  que  cette  foi,  qui  est  elle- 
même  un  don  de  Dieu,  est  le  principe  de  tous 
les  mérites  ;  que  la  grâce  nous  fait  non-seu- 
lement choisir  le  parti  de  la  vertu  et  nous  re- 
lever de  nos  chutes ,  mais  qu'elle  nous  fait  en- 
core user  en  bien  des  dons  de  Dieu;  en  sorte 
que  la  continence,  la  crainte  de  Dieu,  la  sa- 
gesse, la  piété,  la  conversion  du  cœur,  sont  des 
effets  de  la  grâce.  L'auteur  remarque  qu'un 
certain  interprète,  en  expliquant  cet  endroit 
de  l'épître  aux  Philippiens  :  J'ai  confiance  que 
celui  qui  a  commencé  en  nous  le  saint  ouvrage 
de  notre  salut ,  l'achèvera,  lisait  :  quia  commencé 
de  nous;  comme  si  le  commencement  de  l'ou- 
vrage et  sa  perfection  venaient  de  l'homme  : 
ce  qui  est  pélagien  et  absolument  contraire 
à  la  pensée  de  saint  Paul,  qui  dit  ensuite  : 
C'est  Dieu  qui  opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire, 
selon  qu'il  lui  plaît. 

Il  finit  son  premier  livre  en  montrant  que 
la  question,  pourquoi  l'un  reçoit  la  grâce^  et 
que  l'autre  ne  la  reçoit  pas,  est  impénétra- 
ble, et  que  l'on  ne  doit  point  avoir  recours 
au  fibre  arbitre  pourl'exphquer.  Ces  paroles 
méritent  d'être  rapportées  :  «  Ce  que  nous 
avons  dit  jusqu'ici,  prouve  clairement  que 
tout  ce  qui  sert  à  nous  faire  mériter  la  vie 
éternelle,  ne  peut,  sans  la  grâce  de  Dieu,  ni 
commencer,  ni  s'accroître,  ni  s'achever,  et 
que  tout  choix  dont  on  voudrait  attribuer  la 
cause  au  libre  arbitre,  est  invinciblement 
détruit  par  ces  paroles  de  l'apôtre  :  Qui  est-ce 
qui  vous  distingue  et  vous  rend  différent  des  au- 
tres ?  Qu'avez-vous  que  vous  n'ayez  point  ?'eçu  ? 
Ainsi  la  profondeur  de  cette  question,  que 
l'étonnement  du  grand  apôtre  nous  oblige 
de  regarder  comme  impénétrable,  ne  se  ré- 
sout pas  en  disant  que  cette  différence  vient 
de  ce  que  les  uns  veulent  et  les  autres  ne 
veulent  pas,  parce  que,  encore  que  lorsque 
l'homme  ne  veut  pas  le  bien,  ce  soit  de  lui- 
même  qu'il  ne  le  veut  pas;  toutefois,  lorsqu'il 


Cap.  .\xij. 


Philip.  I,  6. 


Philip,  ir,  13. 
Cap.  XX7. 


244 


mSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


veut  le  bien,  ce  n'est  pas  de  lui-même  qu'il 
le  veut ,  mais  c'est  Dieu  qui  lui  donne  ce 
vouloir.  La  nature  a  contracté  cette  faiblesse 
par  le  péché,  et  elle  reçoit  cette  vertu  par  la 
grâce.  Mais  d'où  vient  que  cette  même  na- 
ture, qui  est  péchei^esse  et  misérable  dans 
tous  les  hommes,  avant  la  réconcilialion, 
n'est  pas  justifiée  dans  tous  les  hommes,  et 
qu'en  l'une  de  ses  parties,  elle  est  distinguée 
et  séparée  de  ceux  qui  périssent,  par  celui 
qui  est  venu  chercher  et  sauver  ce  qui  était 
perdu?  C'est  ce  qui  ne  peut  être  pénétré  par 
aucune  raison  humaine  :  car,  que  l'on  ac- 
cuse tant  que  l'on  voudra,  la  malice  des  im- 
pies, comme  résistant  à  la  grâce  de  Dieu, 
peut-on  dire  que  ceux  qui  ont  reçu  cette 
grâce  l'aient  méritée;  ou  que  cette  puis- 
sance de  la  grâce,  qui  s'est  assujetti  ceux 
qu'elle  a  voulu,  n'ait  pu  convertir  ceux  qui 
sont  demeurés  inconvertibles?  Ceux  qui  ont 
été  attirés  ont  été  tels  que  ceux  qui  ont  été 
laissés  dans  leur  dureté  ;  mais  la  grâce  ,  par 
un  elfet  digne  d'admiration  et  d'étonnement, 
a  donné  aux  uns  ce  qu'elle  a  voulu,  et  la  jus- 
tice divine,  par  un  jugement  équitable,  a 
rendu  aux  autres  ce  qu'eUe  leur  devait  ;  de 
sorte  que  le  décret  de  Dieu  est  encore  plus 
impénétrable  dans  ce  qu'il  donne  libérale- 
ment aux  uns  par  l'élection  de  sa  grâce, 
qu'en  ce  qu'il  rend  justement  aux  autres  par 
l'arrêt  de  sa  justice.  » 
Analyse  do  ^-  ^^^^^  LéoH  sc  proposB ,  daus  le  second 
second  livre,  li-yro,  de  moutrcr  en  quel  sens  il  est  vrai  de 

pag.  la.  '  -i. 

dire  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés;  sur  quoi  il  dit  qu'il  y  a  trois 
choses  qui  sont  certaines  :  la  première,  que 
Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient  sau- 
vés et  qu'ils  soient  éclairés  des  lumières 
de  la  vérité  ;  la  seconde,  que  l'on  ne  par- 
vient à  la  connaissance  de  la  vérité  et  au 
salut,  que  par  le  secours  de  la  grâce,  et  non 
par  les  propres  mérites  de  l'homme  ;  la  troi- 
sième, que  la  profondeur  des  jugements  de 
Dieu  à  l'égard  des  élus  et  des  réprouvés,  est 
impénétrable.  R  prouve,  par  l'autorité  de  l'E- 
"■  criture,  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés,  et  qu'à  cet  effet  il  a  envoyé 
les  apôtres  dans  toutes  les  parties  du  inonde, 
sans  en  excepter  aucune.  Il  est  vrai  que  lors- 
que les  apôtres  eurent  traversé  la  Phrygie  et 
la  Galatie,  le  Saint-Esprit  leur  défendit  d'an- 
noncer la  parole  de  Dieu  en  Asie;  mais  Dieu 
Ad.  XVI,  6.  j^g  refusa  pas  absolument  à  ces  peuples  la 
connaissance  delà  vérité;  il  ne  la  leur  diti'éra 
que  pour  un  temps,  puisqu'ils  la  connurent 


Cap.  I. 


dans  la  suite.  Quelle  fut  la  cause  de  ce  délai? 
On  ne  la  sait  pas.  Connaît-on  mieux  pourquoi 
il  y  a  encore  des  nations  qui  vivent  dans  l'in- 
créduhté  ?  pourquoi  les  enfants  croient  pen- 
dant que  leurs  parents  ne  croient  pas  ?  et 
pourquoi  des  gens  qui  doivent  se  convertir 
un  jour,  continuent  à  vivre  dans  le  péché  ? 
Non  :  toutefois.  Dieu  veut  que  nous  priions 
pour  tous  chaque  jour,  afin  que  ,  s'il  exauce 
nos  prières,  sa  miséricorde  nous  soit  connue, 
et  que,  s'il  ne  les  exauce  pas,  nous  adorions 
ses  jugements  qui  ne  peuvent  être  que  vrais. 
S'il  a  donné  des  marques  particulières  de  son  ç^^^_ 
attention  aux  Israélites,  il  n'a  pas  négligé  les 
autres  nations.  N'est-ce  pas  pour  les  hommes 
qu'il  a  créé  le  ciel  et  la  terre,  afin  que,  par  la 
considération  des  merveilles  qui  y  sont  ren- 
fermées, ils  conçussent  de  l'amour  pour  celui 
qui  les  a  faites,  et  qu'ils  lui  rendissent  le 
culte  qui  lui  est  dû?  Le  témoignage  que  les 
créatures  rendent  au  Créateur,  et  les  choses 
merveilleuses  que  Dieu,  par  sa  bonté,  a  faites 
en  faveur  de  toutes  les  nations,  leur  ont  tenu 
lieu  de  la  loi  et  des  prophéties  qu'il  a  don- 
nées au  peuple  d'Israël.  Il  n'y  a  pas  de  siècles 
où  la  grâce  n'ait  produit  des  effets  :  ceux  qui, 
de  quelque  nation  que  ce  fût,  ont  plu  à  Dieu, 
ont  eu  cet  avantage  par  le  secours  de  la 
grâce.  Maintenant  même,  où  les  fleuves  des 
dons  inefl'ables  de  Dieu  arrosent  toute  la 
terre,  chacun  ne  produit  des  fruits  que  par 
proportion  à  l'abondance  de  la  grâce  qu'il 
reçoit.  C'est  donc  sur  la  mesure  de  la  grâce 
qui  nous  est  donnée,  et  non  sur  notre  libre 
arbitre,  qu'il  faut  décider  la  différence  des 
mérites.  S'il  fallait  l'attribuer  à  nos  propres 
œuvres,  l'apôtre  ne  terminerait  pas  le  cata- 
logue qu'il  fait  des  dons  de  Dieu  par  ces  pa- 
roles :  Or,  c'est  un  seul  et  même  Esprit  qui 
opère  toutes  ces  choses,  distribuant  à  chacun  ses  "■ 
dons  selon  quil  lui  plaît.  Chacun  a  la  possibi- 
lité naturelle  d'opérer,  mais  d'opérer  effec- 
tivement, nous  le  devons  à  la  grâce ,  étant 
autre  chose  de  pouvoir  opérer,  et  d'opérer 
en  eflet.  Souvent  Dieu  nous  donne  des  grâ- 
ces sans  les  avoir  demandées  ;  mais  il  les 
donne  afin  que,  par  le  bon  usage  que  nous 
en  ferons,  nous  en  méritions  de  nouvelles  : 
Au  reste,  ce  n'est  pas  à  nous  à  approfondir 
les  raisons  que  Dieu  a  eues  de  distribuer  di- 
versement ses  grâces  et  en  différents  temps. 
11  en  a  usé  différemment  à  l'égard  des  Gen- 
tils, à  qui  il  n'avait  donné  pour  le  connaître, 
que  le  témoignage  du  ciel  et  de  la  terre,  et 
différemment  à  l'égard  des  Juifs,  à  qui,  ou- 


Cap.  viil. 


[V«   SIÈCLE.] 

tre  la  loi  et  les  prophètes,  il  a  accordé  des 
prodiges  et  l'aide  des  anges  :  mais  plus  il  a 
été  favorable  aux  Juifs  avant  la  venue  du 
Messie,  moins  il  leur  a  accordé  depuis;  c'est 
envers  les  Gentils  que  sa  miséricorde  a  sur- 
tout éclaté,  parce  qu'ils  sont  devenus  les  en- 
fants de  la  promesse. 

L'auteur  fait  voir  quels  sont  les  progrès  de 
la  grâce  dans  une  âme  ;  il  enseigne  qu'elle 
n'ôte  point  à"  celui  qu'elle  anime  le  pouvoir 

»p.ï  et  XI.  de  tomber  dans  le  péché  ;  que  la  charité  par- 
faite rend  seule  l'homme  invincible  aux  at- 
traits du  mal  ;  que  si  nous  nous  tenons  fer- 
mes dans  le  bien,  c'est  un  mérite  pour  nous, 
xMi.  parce  que  nous  pouvons  tomber;  que  la  pré- 
science de  Dieu  n'est  pas  la  cause  des  péchés 
qu'il  a  prévus;  que  les  bienfaits  de  Dieu  envers 
les  endurcis  avant  le  déluge  sont  une  preuve 
qu'il  n'est  point  auteur  de  leur  aversion  pour 
xiv.  lui;  qu'une  autre  preuve  que  c'est  à  la  grâce 
particulière  que  les  hommes  sont  redevables 
de  leur  conversion,  et  non  pas  à  leur  bon  na- 
turel ,  c'est  que  ,  depuis  le  déluge  ,  Dieu  n'a 
cessé  de  les  appeler  par  des  miracles^  par 
des  signes,  par  des  prophéties,  et  que  toute- 
XT.  fois  peu  se  sont  convertis  :  au  lieu  que  depuis 
l'Incarnation,  où  la  grâce  est  devenue  plus 
abondante,  les  apôtres  ont  converti  toute  la 
terre  par  leur  prédication  ;  c'est  néanmoins 
dans  ce  temps-1,^  que  les  nations  se  sont  sou- 
levées contre  la  vérité  ;  que  les  princes  ont 
sévi  contre  ceux  qui  la  prêchaient,  et  que 
les  puissances  et  les  défenseurs  de  l'erreur 
leur  ont  résisté  ;  mais  la  grâce  a  surmonté 
tous  ces  obstacles  ;  la  vérité  a  vaincu  au  mi- 
lieu des  supplices,  et  la  foi  s'est  fortifiée  par 
l'effusion  du  sang  des  saints. 
snite.      .4.  Il  n'y  a  donc  aucun  lieu  de  douter  que 

Cap.  xTi.  Jésus -Christ  ne  soit  mort  pour  tous  les 
hommes,  pour  les  impies  et  pour  les  pé- 
clieurs,  parce  que  tous  les  hommes  étaient 
esclaves  du  péché;  d'où  vient  qu'il  n'y  a  au- 
cune nation  à  qui  la  rédemption  n'ait  été  an- 
noncée; elle  le  fut  d'abord  aux  Parthes,  aux 
Mèdes  et  à  tous  les  autres  peuples  marqués 

Act.  11,0  dans  les  livres  des  Actes  des  apôtres,  d'où 
elle  devait  se  répandre  parmi  les  nations  les 
plus  éloignées.  Ce  fut  aussi  dans  cette  vue 
que  Dieu  permit  que  l'empire  romain  s'éten- 
dît, afin  que  la  religion  clirétienne  se  répan- 
dît plus  facilement,  comme  il  est  arrivé  en 
effet,  Rome  étant  devenue  plus  considérable 
par  la  religion  que  par  la  puissance  tempo- 

cap.  xvii.  relie.  Quant  aux  nations  qui  n'ont  pas  encore 
reçu  la  lumière  de  l'Evangile,  elles  la  rece- 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


245 


vront  cliacune  en  leur  temps.  La  grâce  de 
Jésus-Christ  cachée  depuis  si  longtemps  aux 
Gentils,  ne  leur  a-t-elle  pas  été  enfin  com- 
muniquée suivant  les  oracles  des  prophètes? 
Mais  comment  Dieu  veut-il  que  tous  les  hom- 
mes soient  sauvés,  puisqu'il  y  en  a  tant  de 
damnés,  particulièrement  parmi  les  enfants 
qui  meurent  sans  baptême  ?  L'auteur  répond, 
1°  qu'il  n'est  point  permis  de  croire  que  ces  cap.nx,  xx. 
enfants  appartiennent,  en  quelque  façon  que 
ce  soit,  à  la  société  des  élus  ;  que  la  conduite  .xxi,  sxu. 
de  Dieu  à  leur  égard,  soit  dans  cette  vie,  soit 
dans  l'autre,  n'a  rien  de  répréhensible,  parce 
qu'ils  sont  coupables  du  péché  originel;  que 
si  la  plupart  meurent  sans  avoir  été  baptisés,  ^sm. 
cela  vient  ou  de  la  négligence,  ou  de  l'infidé- 
lité de  leurs  parents,  et  que  ce  qui  prouve 
que  Dieu,  outre  la  grâce  générale  qu'il  ac- 
corde même  aux  enfants,  en  leur  donnant 
des  parents  qui  puissent  en  prendre  soin, 
leur  en  accorde  une  spéciale  ,  c'est  que  plu- 
sieurs d'entre  eux  reçoivent  le  baptême  par 
les  soins  des  étrangers,  après  qu'ils  ont  été 
abandonnés  par  ceux-là  mêmes  qui  leur 
avaient  donné  la  vie  du  corps.  2°  Que  si 
rien  ne  pouvait  procurer  la  mort  aux  enfants  xxiv. 
avant  le  baptême,  cette  assurance  rendrait 
leurs  parents  extrêmement  négligents  à  cet 
égard  ;  qu'au  surplus  Dieu,  en  permettant 
que  les  uns  soient  baptisés  et  que  les  autres 
ne  le  soient  pas,  fait  voir  par  un  secret,  mais 
juste  jugement,  sa  miséricorde  envers  les 
uns,  sa  justice  envers  les  autres,  étant  tous 
d'une  nature  qui  mérite  d'être  punie  pour 
avoir  prévariqué  en  Adam  ;  qu'ainsi  personne 
ne  peut  se  plaindre  de  n'être  pas  tiré  de  l'état 
de  damnation,  parce  que  Dieu  ne  doit  cette 
grâce  à  personne,  et  que  s'il  la  fait  à  quel- 
qu'un ,  c'est  un  pur  effet  de  sa  bonté.  3°  Qu'on  xxt. 
ne  peut  nier  que  Dieu  ne  veuille  sauver  tous  les 
hommes,  puisqu'il  leur  donne  à  tous  certai- 
nes grâces  générales  qui  peuvent  les  aider  à 
le  chercher  et  à  le  connaître  ;  que  les  enfants 
mêmes  n'en  sont  pas  privés,  ayant  des  pa- 
rents qui  peuvent  leur  procurer  le  salut  ; 
qu'il  y  a  toutefois  des  grâces  particulières, 
tant  pour  les  enfants  que  pour  les  adultes  , 
mais  que  Dieu  ne  les  doit  à  personne. 

S .  L'auteur  fait  ensuite  l'accord  de  la  grâce  s„iie. 
avec  le  fibre  arbitre,  en  disant  qu'elle  n'em-  cap.  uti. 
pêche  pas  que  nous  fassions  librement  le 
bien,  puisque  nous  le  faisons  volontairement, 
u  La  grâce  tient  le  premier  lieu  dans  toutes 
les  œuvres  qui  nous  sanctifient  ;  elle  nous 
persuade  par   ses   exhortations  ;  elle   nous 


246 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  sXTii, 


Cap.  XXTIII. 


-x.xxr,  xxxii 


mène  par  les  exemples  qu'elle  nous  propose  ; 
elle  nous  effraie  salutairement  parla  vue  des 
dangers  ;  elle  nous  excite  par  les  miracles  de 
sa  toute-puissance  ;  elle  éclaire  notre  enten- 
dement; elle  échaufife  notre  cœur;  elle  nous 
donne  de  bons  sentiments  pour  la  foi  ;  mais 
la  volonté  de  l'homme  se  joint  et  s'unit  à  elle, 
n'étant  excitée  par  tous  ces  moyens,  qu'atîn  ^ 
qu'elle  coopère  à  l'œuvre  de  Dieu.  Soit  donc 
que  nous  considérions  le  commencement  et 
le  progrès  de  la  piété  dans  les  fidèles,  soit 
que  nous  regardions  la  persévérance  jusqu'à 
la  fin,  il  n'y  a  aucune  sorte  de  vertu  qui 
puisse  être  en  nous,  ou  sans  le  don  de  la 
grâce,  ou  sans  le  consentement  de  notre  vo- 
lonté :  car,  en  quelque  manière  que  la  grâce 
agisse  pour  guérir  l'homme  dans  ses  mala- 
dies, ou  pour  le  secourir  dans  ses  faiblesses, 
la  première  chose  qu'elle  fait  en  celui  qu'elle 
appelle  est  de  préparer  sa  volonté  pour  lui 
faire  recevoir  ses  dons  et  l'assujettir  à  ses 
mouvements,  puisque  l'on  ne  peut  être  ver- 
tueux sans  le  vouloir  être,  et  qu'on  ne  peut 
dire  que  la  foi,  ou  l'espérance,  ou  la  charité 
soient  en  ceux  qui  ne  voudraient  pas  être 
enrichis  de  ces  biens  ;  mais  c'est  encore  la 
grâce  qui  produit  dans  l'homme  ce  consen- 
tement ;  c'est  elle  qui  ouvre  les  yeux  de  sa 
volonté,  son  âme  n'étant  capable  d'aucune 
vertu  que  par  le  rayon  de  la  lumière  céleste. 
Pourquoi  est-il  dit  que  sans  l'attrait  du  Père 
personne  ne  vient  au  Fils,  sinon  parce  que 
Dieu  fait  croire  et  fait  voir  ceux  qu'il  attire  ? 
Ceux  néanmoins  qui,  par  la  grâce  de  Dieu, 
croient  en  Jésus-Christ,  pouvaient  ne  pas 
croire,  et  ceux  qui  persévèrent  dans  le  bien, 
pouvaient  n'y  pas  persévérer  ,  le  pouvoir  de 
ne  pas  consentir  à  la  grâce  demeurant  en 
nous  lors  même  que  cette -grâce  a  son  effet. 
Ceux  donc  qui  veulent  venir  et  qui  viennent 
sont  appelés  par  la  grâce,  et  il  en  est  de 
même  de  ceux  qui  persévèrent,  c'est  par  un 
effet  de  la  grâce  ;  ceux  qui  ne  viennent  pas 
résistent  par  leur  propre  volonté  :  ainsi  la 
pi-omesse  faite  à  toutes  les  nations,  s'accom- 
plit de  manière  que  ceux  qui  périssent  n'ont 
point  d'excuse  légitime,  et  que  ceux  qui  sont 
sauvés  n'ont  aucun  sujet  de  se  glorifier  dans 
leurs  propres  forces,  comme  s'ils  avaient  ac- 
quis le  salut  d'eux-mêmes.  De  tout  temps  il 
y  a  eu  des  grâces  générales  pour  tous  les 
hommes,  et  des  grâces  particuhères  aux  jus- 
tes. Entre  ceux-ci,  il  y  en  a  eu  qui  en  ont 
reçu  davantage,  d'autres  moins  ;  ce  qui  est 
arrivé  non  à  cause  de  leurs  différents  mé- 


rites, mais  parce  que  Dieu  l'a  voulu  ainsi  par 
un  juste  et  secret  jugement  ;  aucun  ne  périt 
qu'il  ne  soit  un  enfant  de  perdition,  et  tous 
ceux  qui  sont  élus  de  toute  éternité,  sont 
sauvés,  rien  ne  pouvant  empêcher  que  la 
volonté  de  Dieu  ne  soit  accomplie.  Cependant 
le  décret  immuable  de  Dieu  pour  l'élection 
de  quelques-uns,  ne  rend  point  inutiles  le 
travail,  les  prières  et  les  bonnes  œuvres. 
Dieu  ne  donne  pas  sa  grâce  aux  élus  pour 
demeurer  dans  l'oisiveté  et  pour  n'avoir  pas 
d'ennemis  à  combattre.  Il  la  leur  donne  pour 
faire  de  bonnes  œuvres  et  pour  vaincre  leurs 
ennemis  ;  leur  élection  ne  s'accomplit  que 
par  la  prière  et  par  l'exercice  des  autres  ver- 
tus :  ainsi  il  donne  des  mérites  par  sa  grâce 
à  ceux  qu'il  a  choisis^  sans  mérites.  Comme 
ces  décrets  nous  sont  inconnus,  nous  ne  de- 
vons dire  de  personne,  avant  la  mort,  qu'il 
sera  du  nombre  des  élus,  ni  désespérer  du 
salut  de  personne  pendant  la  vie,  les  plus 
saints  pouvant  tomber  et  les  pécheurs  se 
convertir;  c'est  pour  cela  que  la  sainte  Eglise, 
dans  ses  prières,  rend  grâces  pour  ceux  qui 
ont  reçu  la  foi,  qu'elle  demande  la  persévé- 
rance pour  eux,  et  qu'elle  implore  la  miséri- 
corde de  Dieu  pour  les  infidèles,  afin  qu'ils 
embrassent  la  foi.  » 

6.  On  convient  que  la  lettre  à  Démétriade 
et  les  livres  de  la  Vocation  des  Gentils  sont 
d'une  même  main  :  c'est  non-seulement  le 
même  style,  ce  sont  encore  les  mêmes  pen- 
sées ,  et  dans  l'un  et  l'autre  de  ces  écrits, 
l'Ecriture  est  citée  selon  la  version  de  saint 
Jérôme.  Quoique  Démétriade  ne  se  fût  point 
laissée  entraîner  aux  erreurs  des  pélagiens, 
la  crainte  que  la  lettre  que  Pelage  lui  avait 
écrite  autrefois,  et  les  relations  qu'eUe  pou- 
vait avoir  entretenu  es  avec  Julien  le  Pélagien, 
n'eussent  fait  sur  elle  quelque  impression, 
engagèrent  l'auteur  des  livres  de  la  Vocation 
des  Gentils  à  lui  écrire  pour  l'affermir  dans 
la  doctrine  de  l'Eglise  sur  la  grâce.  Après 
avoir  loué  la  noblesse  de  son  extraction  et 
ses  vertus  personnelles,  il  fait  voir  que  l'hu- 
milité est  essentielle  aux  vierges,  qu'elle  doit 
faire  l'ornement,  non-seulement  des  pauvres, 
mais  aussi  des  riches  ;  qu'elle  consiste  égale- 
ment dans  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain, 
et  dans  le  mépris  des  vanités  et  des  richesses 
du  siècle  ;  que  si  tous  les  enfants  de  l'Eglise 
ne  sont  pas  égaux  en  mérites,  ils  sont  unis 
entre  eux  par  l'humilité,  qui  est  comme  le 
lien  des  vertus  ;  qu'il  n'est  pas  possible  d'a- 
voir une  humilité  véritable,  si  l'on  ne  con- 


Cap.  xxxni. 


XXXIV,  XXXT, 
XXXVI . 


Cap 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI.  — 

fesse  la  nécessité  de  la  grâce  de  Dieu  pour 

Cap.  X.  faire  le  bien  ;  que  c'est  l'orgueil  qui  a  donné 

naissance  à  l'hérésie  pélagienne  ,  et  qui  fait 

dire  à  quelques-uns  que  la  grâce  est  don- 

XI.  née  selon  les  mérites  :  au  contraire  ,  l'hu- 
milité chrétienne  nous  apprend  que  nous 
sommes  tous  nés  dans  le  péché,  qu'il  n'y  a 
point  de  salut  à  espérer  pour  nous,  si  nous 
ne  renaissons  en  Jésus-Christ  par  le  bap- 

XII.  tême  ;  que  nous  devons  nous  glorifier  en 
Dieu  seul,  de  qui  vient  la  vraie  gloire,  la 

X,,,.  vraie  vertu,  la  vraie  sagesse  ;  que,  sans  le  se- 
cours de  Jésus -Christ  qui  opère  en  nous, 
nous  ne  pouvons  rien  faire  de  bien  ;  qu'en 
opérant  en  nous,  il  aide  notre  libre  arbitre 

j,T.  et  ne  le  détruit  point  ;  que  l'opération  de  la 
grâce  n'est  jamais  prévenue  par  la  volonté 
humaine,  et  que  les  commandements  que 
Dieu  nous  fait  ont  pour  fin  de  nous  rendre 
assidus  à  demander  son  secours  et  attentifs 
à  suivre  les  impressions  de  sa  grâce,  en  coo- 
pérant avec  elle  aux  bonnes  œuvres  qui  nous 

XV.  sont  prescrites.  L'obéissance  est  la  preuve 
de  l'opération  divine  dans  celui  qui  obéit  à 

.XVI.  ce  qui  lui  est  ordonné  :  mais  plus  on  avance 
dans  l'accomplissement  des  commandements 
de  Dieu,  plus  on  doit  être  sur  ses  gardes 
contre  la  vaine  gloire,  la  vanité  la  plus  dan- 
gereuse étant  celle  que  l'on  tire  des  bonnes 
.xvm.  œuvres.  L'auteur  prend  occasion  de  cette 
ma.xime,  de  représenter  à  Démétriade  le  be- 
soin qu'elle  avait  de  l'humilité  pour  ne  point 
s'élever  de  tant  de  dons  qu'elle  avait  reçus 
de  Dieu.  Il  y  en  avait  beaucoup  d'autres  qui 
faisaient  comme  elle  profession  de  virginité, 
mais  peu  qui  lui  fussent  comparables  pour  la 
noblesse  et  les  autres  avantages  du  siècle.  Il 
xciseq.  lui  dit  donc  que  de  s'élever  de  son  propre 
mérite,  est  de  tous  les  péchés  le  plus  grand; 
que  nous  n'avons  rien  de  bon  nous-mêmes  ; 
que  la  prière  même  est  un  don  de  Dieu,  ainsi 
que  la  coopération  à  la  grâce,  les  bonnes 


SAINT  LÉON,  PAPE. 


247 


pensées,  les  bons  désirs,  en  un  mot,  tout  ce 
que  les  saints  font  de  bien  en  cette  vie  ;  ce 
qui  ne  doit  pas  paraître  surprenant,  puisque 
c'est  aussi  de  Dieu  qu'ils  recevront  la  félicité 
dans  le  ciel. 

ARTICLE  III. 

DOCTRINE   DE   SAINT   LÉON. 

1.  Les  patriarches',  les  prophètes,  les  pré-  s. 
très,  les  saints  de  l'ancienne  loi,  ont  tous  été 
animés  et  sanctifiés  par  le  Saint-Esprit.  Sans 
la  grâce^  on  n'aurait  jamais  institué  aucun 
sacrement  ni  célébré  aucun  mystère;  quoique 
la  mesure  des  dons  n'ait  pas  toujours  été  la 
même,  la  grâce  a  toujours  eu  la  même  force. 
Le  respect  ^  que  nous  devons  à  la  doctrine 
des  évangélistes  et  des  apôtres,  ne  nous  per- 
met pas  de  nous  en  éloigner  dans  le  moindre 
mot,  ni  d'entendre  autrement  les  divines 
Ecritures  que  nos  pères  l'ont  appris  et  ensei- 
gné. Bien  moins  est-il  permis  d'en  rejeter 
quelque  partie  ,  et  on  a  chassé  les  mani- 
chéens, qui  refusaient  ^  de  recevoir  la  loi  de 
Moïse  par  laquelle  on  connaît  Dieu  l'auteur 
de  l'univers,  et  qui  condamnaient  par  une 
impiété  damnable  les  psaumes  de  David  qui 
se  chantent  dans  toute  l'Eglise  avec  édifi- 
cation. 

Saint  Léon  lisait  *  dans  le  psaume  xcv^  : 
Le  Seigneur  a  triomphé  par  le  bois,  et  il  suppose 
nettement  que  les  Juifs  lisaient  ainsi  dans 
leurs  exemplaires.  Il  paraît  qu'au  jour  anni- 
versaire de  la  consécration  d'un  évêque,  on 
chantait  dans  l'Eglise  ^  le  psaume  cix",  qui 
regarde  le  sacerdoce  éternel  de  Jésus-Christ, 
et  qu'au  jour  de  la  Pentecôte,  on  lisait  le 
quatorzième  chapitre  ^  de  l'Evangile  selon 
saint  Jean,  que  nous  y  lisons  aujourd'hui. 
La  collecte  '  du  premier  samedi  de  carême 
est  tirée  du  premier  discours  de  saint  Léon 
sur  le  jeûne,  si  l'on  n'aime  mieux  dire  que 


ur  l'iLcri 
sainlQ. 


1  Patriarchœ,  et  prophetœ,  et  sacerdotes  omnesque 
sancti,  gui  prioribus  fuere  temporibus,  ejusdem  sunt 
Spiritus  Sancti  snnctificatione  vegetati;  et  sine  gra- 
tia  hac  nulla  imquam  instiiuta  sacramenla,  nulla 
sunt  celebrata  mysleria,  ut  eadem  semper  fuerit  vir- 
tus  charismatum,  quanivis  non  eadem  fuerit  mensura 
donorum.  Serm.  74,  pag.  157. 

2  Et  ciim  ab  evanc/elica  apostolicaque  doctrina  ne 
uno  quidem  verho  liceat  dissidere,  aut  aliter  de  Scrip- 
turis  divinis  sapere,  quam  beati  apostoli  et  patres 
nostri  didicerunt  atqup.  docuerunt,  nunc  indiscipii- 
natœ  moventur  quœstiones.  Epist.  62,  pag.  280. 

2  Non  sinantur  laiere  homines,  qui  legem  per  Mo- 
sen  datam,  in  qua  Deus  universitatis  conditor  osten- 
ditur ,   recipiendam  esse  non    credunt,   prophetœ   et 


Sancto  Spiritui  contradieunt ,  psalmos  Davidicos,  gui 
per  universalem  Ecclesiam  cum  omni  pietate  cantan- 
tur,  damnabili  impietate  ausi  sunt  refutare.  Serm.  8, 
pag.  58. 

'  Non  quidem  legistis  :  Dominus  descendit  de  cruce; 
sed  legistis:  Dominus  regnavit  a  ligno.  Serm.  53, 
pag.  123. 

^  Non  deest  poniifex  summus  a  suorum  congrega- 
tione  pontificum ,  meritoque  illi  totius  Ecclesiœ  et 
omnium  sacerdotum  ore  canlatur  :  Juravit  Dominus, 
etc.  Serm.  4,  pag.  55. 

^  Dicit  quidem  Dominus  Jésus  discipulis  suis,  sicut 
evangelicu  lectione  recitatum  est  :  Si  diligeretis  me, 
etc.  Serm.  3  in  Pentecoste,  pag.  160. 

'  Hodiernam  festivitatem   sequitur,  ut  nostis,  so- 


248 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  k  Tra- 
dition. 


cette  collecte  étant  déjà  dans  l'office  de 
l'Eglise,  ce  père  en  aurait  emprunté  les  pa- 
roles. 

2.  C'est  par  l'autorité  de  la  tradition  que 
saint  Léon  voulait  que  les  évêques  convain- 
quissent leurs  peuples  de  la  pureté  de  leur 
doctrine,  et  qu'ils  fermassent  la  bouche  aux 
novateurs.  «  Je  vous  avertis  ',  dit  ce  père  à 
saint  Protère,  par  le  soin  que  j'ai  de  notre 
foi,  que  comme  les  ennemis  de  la  croix  de 
Jésus- Christ  examinent  jusqu'à  nos  moin- 
dres paroles,  nous  ne  leur  donnions  pas  oc- 
casion de  nous  accuser  faussement  d'avoir 
des  sentiments  erronés.  Il  est  de  notre  de- 
voir, en  exhortant  le  peuple,  le  clergé  et  tous 
les  frères  à  s'instruire  et  à  s'avancer  de  plus 
en  plus  dans  la  foi,  de  les  persuader  que 
vous  ne  leur  enseignez  rien  de  nouveau  , 
mais  la  même  doctrine,  que  tous  les  saints 
évêques  qui  nous  ont  précédés  :  il  ne  faut 
pas  même  vous  contenter  de  leur  dire  ces 
choses,  il  faut  les  en  convaincre  par  la  lec- 
ture et  par  l'explication  des  ouvrages  de  ces 


saints,  afin  que  le  peuple  de  Dieu  recon- 
naisse qu'on  ne  leur  enseigne  rien  présen- 
tement que  ce  que  nos  pi'édécesseurs  avaient 
appris  de  leurs  pères,  et  ce  qu'ils  ont  ensei- 
gné à  leurs  successeurs.  »  Saint  Léon  dit  la 
même  chose  ^  dans  une  de  ses  lettres  à  l'em- 
pereur Marcien.  II  renvoie  lui-même  ^  aux 
écrits  des  pères  pour  prouver  l'orthodoxie 
de  sa  lettre  à  Flavien,  par  la  conformité 
qu'elle  avait  avec  ce  que  saint  Athanase, 
Théophile  et  saint  Cyrille  ont  enseigné  sur  la 
même  matière,  et  pour  montrer  qu'il  ne  s'é- 
tait éloigné  en  rien  de  la  règle  *  de  la  foi  qu'ils 
ont  établie.  Il  ne  doutait  ^  pas  que  toutes 
les  saintes  pratiques  ne  fussent  d'institution 
divine,  et  que  nous  n'eussions  reçu  de  la 
tradition  apostolique  les  coutumes  établies 
dans  l'Eglise,  comme  de  jeûner^ le  septième 
mois,  de  faire  les  ordinations  '  le  jour  du  di- 
manche, qui  commençait  dès  le  soir  du  sa- 
medi, de  ne  donner  le  baptême  solennel  * 
que  dans  la  fête  de  Pâques.  Il  reconnaît  aussi 
que  le  jeûne  ^  de  la  Pentecôte  et  celui  du 


lemne  Jejunium,  quod  animis  corporibusque  curandis 
sa/ubrilev  insiUutum  deuota  nobis  est  observantia  ce- 
lebrandum.  Serm.  76,  pag.  161. 

*  Hoc  igiiur,  frater  carissime,  pro  solliciiudine  fi- 
dei  communis  admoneo,  ut  quia  inimici  crucis  Christi 
omnibus  et  verbis  nostris  insidiantur,  et  syllabis,  nul- 
lam  illis  vel  tenuem  occasionem  demus,  qua  nesio- 
riano  nos  sensui  congriiere  meniiantur.  Plebem  aufem 
et  clei'um,  omnemque  fraternitatem  ita  débet  diligen- 
tia  tua  ad  profectum  fidei  cohortari,  ut  nihil  te  no- 
vum  doeere  demomtres ,  sed  ea  omnium  insinuare 
penloribus,  quœ  venerandœ  memoriœ  Paires  consona 
prœdicaiione  docuerunt,  cum  quibus  in  omnibus  nos- 
tra  concordat  epistola;  hoc  autem  non  solum  tuis  ver- 
bis,  sed  et  ipsa  prœcedentium  expositione  et  recitatione 
monslrandum  est,  ut  plebs  Dei  noverit  ea  sibiprœsenti 
doctrina  innnuari,  quœ  Patres  et  acceperunt  a  prœ- 
cedentibus  suis,  et  posteris  tradiderunt.  Epist.  103, 
pag.  321. 

2  Et  ne  memoraius  nova  inferre  et  propria  videa- 
tur  adstruere,  venerahilium  Patrum  qui  eidem  Eccle- 
siœ  prœfuerunt,scripta  relegantur.  Epist.  loij  pag.  324. 

s  Quœ  si  de  nostra  putes  ambigendum  esse  doctrina, 
saltem  beatœ  memoriœ  Athanasii,  Theophili  et  Cyrilli 
Alexandriœ  sacerdotum  scripta  non  renuat  ;  cum  qui- 
bus ita  fidei  nostrœ  forma  concordat,  ut  in  nullo  a 
nobis  discrepet,  qui  se  illis  consentira  profitelur. 
Epist.  88,  pag.  306.  Ut  autem  pietas  tua  cum  venera- 
bilium  Patrum  prœdicationibus  nos  concordare  co- 
gnoscat ,  aliquanias  eorum  sententias  huic  credidi 
subjiciendas  esse  sermoni.  Epist.  134,  pag.  349. 

*  Non  enim  novœ  prœdicat ionis  est  epistola  mea, 
quœ  ad  relutionem  sanciœ  memoriœ  Flaviani  contra 
Eutychen  de  dominica  incarnatione  respondit,  in  nullo 
discedens  ab  ejus  fidei  régula,  quœ  evidenter  et  nostris 
vestrisque  est  defensa  majoribus.  Epist.  103,  pag.  321. 

5  Dubitandum  non  est  omnem  observantiam  erudi- 
tionis  esse  divinœ,  et  quidquid  ab  Ecclesia  in  consue- 


tudine  est  devofionis  receptum,  de  traditione  aposio- 
lica  et  deSancti  Spiritus  prodire  doctrina.  Serm.  11, 
pag.  161. 

8  Cm  medicinœ  licet  tempus  omne  sit  congruum, 
hoc  tamen  habemus  aptissimum,  quod  et  apostolicis  et 
legalibus  institutis  videmus  elecium,  ut  sicut  in  aliis 
anni  diebus,  ita  mense  sepiimo  spiritalibus  nos  puri- 
ficalionibus  emundemus.  Serm.  91,  pag.  177. 

"  Ideo  pie  et  laudabiliier  apostolicis  morem  gessuri 
instituas,  si  hanc  ordinandorum  sacerdotum  formam 
per  Ecclesias  quibus  Dominus  prœesse  te  voluit,  eiiam 
ipse  servaveris ;  ut  his  qui  consecrandi  sunt,  nunquam 
benedictio  nisi  in  die  resurrectionis  Dominicœ  Iribua- 
tiir,  cui  a  vespera  sabbati  initium  constat  adscribi. 
Epist.  11,  pag.  220. 

8  Cu7n  ergo  tnihi  innotuerit  vos  in  eo  quod  inler  sa- 
cramenta  Ecclesiœ  principale  est,  ab  apostolicœ  ins- 
titutionis  consuetudine  discrepare ,  ita  ut  baptismi 
sacramentum  numerosius  in  die  Epiphaniœ,  quam  in 
Paschali  tempore  celebretis,miror  vos,  vel  prœcessores 
vest7'0s  tarn  irrationabilem  novitatem  usurpare  po- 
iuisse,  ut  confuso  temporis  utriusque  mysterio,  nullam 
esse  differenliam  crederetis  inter  diem  quo  udoraius 
est  Christus  a  magis,  et  diem  quo  resurrexit  Christus 
a  moriuii.  Epist.  16,  pag.  233.  Magna  indignatione 
commoveor,  quod  quosdam  ex  vobis  comperi  ita  esse 
apostolicœ  iradiiionis  obliios,  utprœter  Paschalem  fes- 
tivitalem,  cui  sala  Pentecostes  solemnitas  comparalur, 
audeant  sibimet,  non  aliqua  humanœ  infirmilatis  ne- 
cessitate  cogente,  sed  sola  indisciplinati  arbitrii  liber- 
tate,  jus  baptismatis  vindicare;  et  innatalibus  marty- 
rum,  quorum  finis  aliter  honorandus  est,  quam  dies 
dominicœ  Passionis,  regenerationis  celel/rare  myste- 
ria.  Epist    136,  pag.  355. 

3  Ad  prœsentem  solemnitatem  etiam  ista  nobis  est 
adjicienda  devolio,  ut  jejunium  quod  ex  apostolica 
traditione  subsequitur,  celebremus.  Serm.  74  in  Pen- 
tecost.,  pag.  159. 


Sur  la  Foi, 


fv«  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI. 

dixième  mois  '  sont  de  tradition  apostolique, 
et  que  c'était  l'usage  des  apôtres  ^  de  faire 
précéder  du  jeûne  la  pratique  des  autres  -ver- 
tus. Pendant  celui  du  quatrième,  qu'ils  ont 
aussi  institué  ^,  on  lisait,  comme  nous  faisons 
encore  aujourd'hui,  les  épîtres  de  saint  Paul  : 
mais  quoiqu'on  attribue  aux  apôtres  l'insti. 
tution  des  jeûnes,  ils  étaient  établis  dès  l'an- 
cienne loi,  seulement  ils  ont  ordonné  *  qu'on 
en  continuerait  la  pratique  comme  très-utile; 
car  encore  que  la  loi  nouvelle  nous  oblige 
à  plus  d'fiustérités  et  à  de  pénitences  plus 
longues  que  ne  le  faisait  celle  de  Moïse, 
néanmoins  la  pratique  de  l'Ancien  Testament 
est  le  motif  qui  a  obligé  l'Eglise  à  retenir  le 
jeûne,  croyant  que  c'eût  été  une  indécence 
de  rejeter  une  chose  aisée  pendant  qu'elle 
en  observe  de  plus  difficiles  ;  aussi  en  pres- 
crit-elle ^  la  pratique,  même  de  celui  du  ca- 
rême, à  tous  les  fidèles  sans  aucune  excep- 
tion, tous  ayant  besoin  de  ce  moyen  pour 
effacer  leurs  péchés. 

3.  La  foi  de  l'Eglise  n'est  donc  suscepti- 
ble d'aucune  nouveauté  ;  ce  que  les  prophè- 
tes ^  ont  annoncé,  les  apôtres  l'ont  prêché. 
Incapable  d'aucun  changement',  on  ne  peut 
rien  ajouter  à  cette  foi,  et  l'on  ne  peut  en  rien 
retrancher  :  simple  de  sa  nature,  elle  cesse- 


SAINT  LÉON,  PAPE.  249 

rait  d'être  foi,  si  elle  cessait  d'être  une,  sui- 
vant ce  que  dit  l'Apôtre  :  Il  n'y  a  qu'un  Sei- 
gneur, qu'une  foi,  qu'un  baptême.  Aussi  l'a-t-on 
regardée  comme  le  meilleur  rempart  qu'on 
puisse  opposer  aux  ennemis  de  l'Eglise,  parce 
qu'en  effet  la  foi  catholique  '  est  celle  que 
nous  avons  reçue  des  apôtres  par  les  saints 
Pères,  avec  le  secours  du  Saint-Esprit.  C'esL 
ce  qui  la  rend  invincible  ;  c'est  elle  qui  a 
vaincu  le  démon  ^  et  qui  a  brisé  les  liens  de 
ceux  qu'il  avait  enchaînés;  c'est  elle  qui  ar- 
rache les  hommes  au  monde  pour  les  con- 
duire au  ciel  ;  les  portes  de  l'enfer  ne  pré- 
vaudront point  contre  cette  foi;  elle  est  si 
bien  établie  par  la  grâce  de  Dieu,  que  la  ma- 
lice et  les  efforts  des  hérétiques  ne  pourront 
la  renverser,  la  perfidie  des  païens  ne  sera 
pas  assez  forte  pour  la  détruire  ou  pour  la 
corrompre.   La  fermeté  de  cette  foi   qui   a 
rendu  le  prince  "*  des  apôtres  si  recomman- 
dable,  durera  éternellement,  et  de  même  que 
ce  que  Pierre  a  cru  de  Jésus-Christ  subsiste 
toujours,  ainsi  ce  que  Jésus-Christ  a  établi 
sur  la  foi  de  saint  Pierre,  subsistera  éternel- 
lement. La  foi  "  catholique  est  la  seule  qui 
sanctifie  le  genre  humain,  qui  lui  donne  la 
vie;  c'est  la  pierre  sur  laquelle  la  cité  de 
Dieu  est  bâtie,  et  qui,  par  sa  solidité,  détruit 


Epbcs.  IV,  S. 


1  Decimi  hujus  mensis  solemne  jejunium  non  ideo 
negligendum  est,  quia  de  observantia  veieris  legis  as- 
stimptum  est.  JejvMiorum  enim  utilitaiem  Novi  Tes- 
tamenti  gratia  non  removit ,  et  continentimn  corpori 
atque  animœ  semper  profuturam  pia  observatione 
suscepit.  Serra.  14,  pag.  62,  vide  et  67. 

^  Inler  omnia  apostolicœ  instituta  doctrines  guœ  ex 
divinœ  eruditionis  fonte  manarunt,  dubium  non  est, 
influente  in  Ecclesiœ  principes  Spiritu  Sancto,  hanc 
primum  ab  eis  observantiam  fuisse  conceptum ,  ut 
sancti  observatione  fejunii,  omnium  viriutum  régulas 
inchoarent.  Serm.  79,  pag.  163. 

'  Quod  in  omni  tempore  unumquemque  convenit  fa- 
cere  christianum,  id  nunc  sollicitius  est  et  devoiius 
exequendum,  ut  apostolica  institutio  quadraginta  die- 
rum  jejuniis  impleatur ,  non  ciborum  tantummodo 
parcitate,  sed  privatione  maxime  vitiorum.  Serm.  43j 
pag.  108,  vide  pag.  113. 

'  Unde  merilo  disposuerunt  apostolicœ  sanctiones, 
ut  veterum  jejuniorum  utilitas  permaneret,  et  iicet 
Ecclesiœ  consv.etudo  prolixioribus  se  castigationibus 
exercere  didicisset,  amplectereniur  tamen  continentiœ 
sanctificationem  ex  lege  venientem;  quibus  enim  dona- 
tum  erat  poste  quod  majus  est,  indecens  fuit  non  ce- 
lebrare  quod  minus  est.  Serm.  19,  pag.  68. 

^  Appropinquante  festivitate  Paschali  adest  maxi- 
mtim  sacratissimumque  jejunium,  quod  observantiam 
sui  universis  fidelibus  sine  exceptione  denuntiat;  quia 
nemo  tam  sanctus  est,  ut  non  sanctior.  Quis  enim  in 
hujus  vitœ  constitutus  incerto,  aut  immunis  a  tenta- 
tione,  aut  liber  inveniatur  a  culpa  ?  Serm.  48j  pag.  IIS. 

^  Quod  prœdicaverunt  Apostoli ,  hoc  unnuntiaverunt 


prophetœ;   nec  sera   est  impletum,  quod  semper  est 
creditum.  Serm.  22,  pag.  74. 

'  Magnum  prœsidium  est  fides  intégra,  fides  vera, 
in  qua  nec  augeri  ab  ullo  quidquam,  nec  minui  po- 
test;  quia  nisi  una  est,  fides  non  est,  dicenie  Apos- 
tolo  :  Unus  Dominus,  una  fides ,  uuum  baptisma. 
Serm.  23,  pag.  76.  Vide  et  pag.  316. 

8  Catho/ica  fides  quam  instruente  nos  Spiritu  Dei 
per  sanctos  Patres  a  beatis  apostolis  didicimus  et  do- 
cemus,  neutrum  Nestorii  vel  Eulycheiis  subrepere  per- 
mittet  errorem.  Epist.  69,  pag.  284.  Facile  firmabitur 
probanda  concordia,  si  m  eam  fidem,  quam  evangelicis 
et  apostolicis  prœdicationibus  declaratam,  per  sanctos 
Patres  nostros  accepimus  et  tenemus,  omnium  corda 
concurrant.  Epist.  74,  pag.  286. 

9  Hœc  fdes  diabolmn  vincit,  et  captivorum  ejus  vin- 
cula  dissolvit.  Hœc  erutos  mundo  inserit  cœlo,  et 
portœ  inferi  adversus  eam  prœvalere  non  possunt. 
Tanta  enim  divinitus  soliditate  munita  est,  ut  eam 
neque  hœretica  unquam  perrumpere  pravitas,  nec  pa- 
gana  potuerit  superare  perfidia.  Serm.  2,  pag.  52. 

10  Soliditas  illius  fidei,  quœ  in  apostolorum  prin- 
cipe est  laudata,  perpétua  est  ;  et  sicut  permunet  quod 
in  Christo  Petrus  credidit,  ita  permanel  quod  in  Pe- 
tro  Chrisfus  insiituit.  Serm.  2,  pag.  52. 

'^  Reiigiosœ  providentiœ  fanmlatum  divinis  et  œter- 
nis  dispositionibus  persevernnter  impenditis;  ut  scili- 
cet  catholica  fides,  quœ  humanum  genus  sola  sanctifi- 
cat,  in  una  confessione  permaneat,  et  dissensiones  quœ 
de  terrenarum  opinionum  varietate  nascuntur,  a  soli- 
ditate illius  petrœ,  supra  quam  civitas  Dei  œdificatur, 
abigantur.  Epist.  132,  pag.  343. 


250 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


toutes  les  sectes  qui  prennent  leur  naissance 
dans  Jes  ditférentes  opinions  des  hommes. 
La  foi  '  en  la  venue  du  Messie,  qui  ne  sauvait 
qu'un  petit  nombre  de  fidèles  dans  la  loi,  en 
sauve  beaucoup  plus  depuis  l'accomplisse- 
ment de  ce  mystère.  Sans  cette  foi^,  il  n'y  a 
rien  de  saint,  rien  de  chaste,  rien  qui  ait  vie. 
Comme  elle  est  le  principe  de  la  justice,  elle 
est  aussi  le  principe  de  la  vie  éternelle.  Si  la 
charité  soutient  la  foi  ^,  la  foi  réciproque- 
ment fortifie  la  charité.  Lorsque  ces  deux 
vertus  sont  liées  d'un  lien  indissoluble,  elles 
sont  des  vertus  parfaites  et  l'on  en  goûte  les 
fruits  :  mais  si  on  ne  les  possède  pas  toutes 
deux  à  la  fois,  on  n'en  possède  aucune  ;  elles 
se  donnent  mutuellement  de  la  force  et  de 
l'éclat,  jusqu'à  ce  que  la  claire  vision  de  Dieu 
nous  récompense  de  notre  foi,  et  jusqu'à  ce 
que  nous  voyions  intuitivement,  et  que  nous 
aimions  sans  crainte  de  le  perdre,  celui  que 
nous  ne  pouvons  aimer  maintenant  sans  la 
foi,  et  dans  lequel  on  ne  peut  croire  sans 
l'aimer.  Mais  en  quoi  consiste  l'excellence  et 
le  mérite  de  la  foi?  En  ce  que  leurs  esprits 
étant  remplis  de  ses  vives  lumières,  ils 
croient  ''  sans  hésiter  ce  qu'ils  ne  voient  pas 
des  yeux  du  corps  et  ce  qui  ne  frappe  point 
leurs  sens,  et  qu'ils  attachent  leurs  désirs 


sur  des  biens  qui  se  dérobent  à  leurs  yeux, 
n'étant  pas  possible  que  personne  soit  justifié 
par  la  foi,  si  notre  salut  dépendait  des  choses 
qui  tombent  sous  les  sens.  Mais  telle  est 
la  vertu  de  la  foi  ^,  qu'elle  nous  représente 
aussi  vivement  les  mystères  que  si  nous  en 
avions  été  lés  témoins;  soit  qu'on  se  rappelle 
le  passé,  soit  qu'on  étende  ses  vues  sur  l'a- 
venir, la  connaissance  de  la  vérité  n'est  point 
retardée  par  la  différence  des  temps.  Le  sym- 
bole des  apôtres  ^  est  la  règle  de  notre  foi, 
et  nous  devons  tâcher  de  convaincre  notre 
esprit  de  tout  ce  que  nous  y  lisons;  au  con- 
ti'aire,tout  ce  que  nous  lirons 'et  tout  ce  que 
nous  entendrons  dire  de  contraire  à  ce  sym- 
bole catholique  et  apostolique,  croyons  que 
c'est  une  doctrine  mortelle  et  une  invention 
du  démon.  Ce  symbole  *,  qui  est  composé 
d'autant  d'articles  qu'il  y  avait  d'apôtres, 
suffit  pour  détruire  toutes  les  hérésies.  C'é- 
tait l'usage  dans  toutes  les  Eglises  du  monde 
de  le  faire  réciter^  à  ceux  que  l'on  préparait 
au  baptême  ;  ils  le  récitaient  '"  encore  en  pré- 
sence de  témoins,  lorsqu'ils  recevaient  ce 
sacrement. 

4.  Nous  apprenons  dans  ce  symbole  ce  que 
nous  devons  croire  des  trois  personnes  "  de  la 
sainte  Trinité  :  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Es- 


Sur  la  Tri- 
nité. 


'  Quod  lune  paucis  eredenUbu^  profuit  faciendum, 
innumeris  jam  fidelihus  prodesi  effeclum.  Serm.  23 
de  Nativit.,  pag.  75. 

^  Ni/til  sine  illa  fide  sanclum,  nihil  castum  est,  ni- 
hil  vivum;  j'ustus  enim  ex  fide  vivit.  Serm.  23,  pag. 
76. 

'  Caritas  robur  fidei,  fides  fortiludo  est  caritatis. 
Et  tune  verum  nomen  ac  verus  est  fructus  ambarum, 
eum  insolubilis  utriusque  manet  comiexio.  Vbi  enim 
non  siniul  fuerint,  simul  désuni;  quia  invicem  sihi  et 
adjumentum  et  lumen  sunt;  donec  desiderium  credu- 
litatis  impleat  remuneratio  visionis,  et  incommutabi- 
liter  videatur  et  ametur,  quod  nunc  et  sine  fide  non 
diligitur,  et  sine  dileeiione  non  creditur.  Serm.  44, 
pag.  110. 

*  Mngnarum  hic  vigor  est  mentium  et  valde  fide- 
lium  lumen  est  animarum  incunclanter  credere  quœ 
corporeo  non  videntur  inluitu,  et  ibi  figere  deside- 
rium, quo  nequeas  inferre  conspectum.  Serm.  72, 
pag.  154. 

^  Habet  enim  liane  pofentiam  fides  vera,  ut  ab  Us 
mente  non  desii,  quihus  corporulis  prœsentiu  interesse 
non  potuit,  et  sive  in  prœteritum  redeat,  sive  in  futu- 
rum  se  cor  credentis  extendat,  nulla  senliat  mora 
iemporis  cogniiio  veritaiis.  Serm.  68,  pag.  146. 

^  Hoc  fixum  habete  in  animo,  quod  dicitis  in  sym- 
bolo.  Serm.  45,  pag.  112. 

'  Nolite  impias  fabulas  prœponere  lucidissimœ  veri- 
tati,  et  quidquid  contra  regulam  catholici  et  apostolici 
sijmboli  aut  légère  aut  uudire  contigerit,  id  omnino 
mortiferum  gl  diabolicum  judicate.  Serm.  23,  pag. 
76. 


8  Ipsa  catholici  symboli  brevis  et  perfecta  confessio, 
quœ  duodeeim  apostolorum  toiidem  est  signala  sen- 
tenliis,  instructa  est  munitione  cœlesti,  ut  omnes  hœre- 
ticorum  opiniones  solo  ipsius  gludio  jiossint  delrun- 
cari.  Epist.  27,  pag.  249. 

s  Ne  quidem  symboli  initia  comprehendil  Eutyches, 
et  quod  per  totum  mundum  omnium  regenerandorum 
voce  depromilur,  istius  adhuc  senis  corde  non  cnpilur. 
Epist.  24,  pag.  242. 

1"  Quœ  tanla  exiitit  decipienlis  ashitia,  ut  oblili 
prophelarum  et  apostolorum,  oblili  symboli  saluiaris 
et  confessionis ,  quam  pronuntianies  corain  multis 
testilius,  sacramentum  bapiismi  suscepistis,  diabolicis 
vos  illusionibus  subderetis?  Epist.  97,  pag.  318. 

"  In  Trinitate  divina  -nihil  dissimile,  nihil  impar 
est;  et  omnia  quœ  de  illa  possunt  substanlia  cogilari, 
nec  virtute,  nec  gloria,  nec  œterniiate  discreta  sunt. 
Cumque  in  personarum  proprietalilms  alius  sit  Pater, 
alius  sit  Filius,  alius  Spiritus  Saitctus;  non  tamen 
alla  deitas,  nec  diversa  natura  est.  Si  quidem  cum  et 
de  Paire  sit  Filius  unigenilus,  et  Spiritus  Sanctus  Pa- 
tris  Filiique  sit  Spiritus,  non  sicut  quœcumque  crea- 
tura  quœ  et  Patris  et  Filii  est,  sed  sicut  cum  utro- 
que  vivens  et  potens,  et  sempiterne  ex  eo  quod  est  Pa- 
ter Filiusque  subsistens.  Unde  cum  Dominus  anlepas- 
sionis  suœ  diem  discipulis  suis  Sancti  Spiritus  spon- 
deret  adventum  :  Adlmc,  inquit,  multa  habeo  yobis 
dicere...  cum  autem  ille  venerit  Spiritus  veritatis, 
etc.  Non  ergo  alla  sunt  Patris,  alla  Filii,  alla  Spi- 
ritus Sancti;  sed  omnia  quœcumque  habet  Pater 
habet  et  Filius,  habet  et  Spiritus  Sanctus.  Nec  un- 
quam  in  illa  Trinitate  defuit  ista  communio;  quia  hoc 


[V  SIÈCLE.] 

prit.Laualuie  divine  de  ces  trois  personnes, 
qui  est  de  soi  invisible,  s'est  manifestée  le  jour 
de  la  Pentecôte  d'une  manière  conforme  à  ce 
qu'elle  voulait  opérer;  mais  elle  a  contenu 
dans  la  divinité  la  propriété  de  son  essence. 
Les  yeux  du  corps  ne  peuvent  voir  ni  le  Père, 
ni  le  Fils,  ni  le  Saint-Esprit.  Il  n'y  a  rien  d'i- 
négal ni  de  dissemblable  dans  la  sainte  Tri- 
nité ;  on  ne  peut  rien  penser  de  cette  subs- 
tance divine  qui  ne  soit  parfaitement  égal  en 
puissance,  en  gloire, en  éternité. Quoique, dans 
les  propriétés  des  personnes,  le  Père  soit  dif- 
férent du  Fils ,  et  le  Fils  du  Saint-Esprit ,  ce 
n'est  pas  cependant  une  nature  différente, 
puisque  le  Fils  unique  est  engendré  du  Père, 
et  que  le  Saint-Esprit  est  l'Esprit  du  Père  et 
du  Fils,  non  pas  comme  quelque  créature  dont 
ils  soient  le  principe;  mais  il  subsiste  et  il  vit 
avec  le  Père  et  le  Fils;  il  est  également  puis- 
sant et  éternel.  Lorsque  le  Fils  de  Dieu,  quel- 
que temps  avant  sa  passion,  piomit  à  ses  dis- 
ciples de  leur  envoyer  le  Saint-Esprit,  il  leur 
dit  :  Quand  l'Esprit  de  vérité  sera  venu,  il  vous 
fera  entrer  dans  toutes  les  vérités;  car  il  ne  par- 
lera pas  de  lui-même ,  mais  il  dira  tout  ce  qiCil 
aura  entendu;  il  ne  faut  pas  s'imaginer  des 
natures  différentes  dans  le  Père,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit;  tout  ce  qu'a  le  Père,  il  le  donne 
au  Fils,  et  tout  ce  que  le  Fils  possède  ,  il  le 
donne  au  Saint-Esprit.  Celte  communication 
a  toujours  été  dans  la  Trinité,  parce  que  c'est 
avoir  toutes  choses  que  d'exister  toujours.  Il 
ne  faut  point  penser  aucune  succession  de 
temps  ni  aucune  différence  de  perfections, 
aucun  degré  de  vertus.  Si  personne  ne  peut 
expliquer  ce  que  c'est  que  la  nature  divine. 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


231 


personne  ne  doit  avoir  la  témérité  d'assurer 
ce  qu'elle  n'est  pas.  Il  est  plus  excusable  de 
dire  d'une  nature  ineffable  des  cbosesquine 
lui  conviennent  pas  entièrement,  que  de  lui 
en  attribuer  de  contraires.  Tout  ce  que  les 
personnes  de  piété  peuvent  se  figurer  de  l'é- 
ternelle et  immuable  gloire  du  Père,  elles 
doivent  le  concevoir  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
sans  aucune  distinction  et  sans  aucune  ditfé- 
rence.  Nous  confessons  que  la  bienheureuse 
Trinité  n'est  qu'un  seul  Dieu,  parce  qu'il  n'y 
a  aucune  diversité  de  substance,  de  puis- 
sance, de  volonté  et  d'opérations  dans  les 
trois  personnes.  La  majesté  du  Saint-Esprit* 
n'a  jamais  été  séparée  de  la  foute-puissance 
du  Père  et  du  Fils.  Tout  ce  que  la  divine  Pro- 
vidence opère  pour  le  gouvernement  du 
monde ,  ce  sont  des  actions  de  la  très-sainte 
Trinité  qui  agit  indivisiblement.  C'est  la  même 
miséricorde  qui  nous  fait  grâce,  c'est  la  même 
justice  qui  nous  condamne;  il  n'y  a  rien  de 
divisé  dans  l'action  où  il  n'y  a  aucune  diffé- 
rence dans  la  volonté.  Le  Père,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit  donnent  les  mêmes  lumières.  Si 
la  personne  de  celui  qui  est  envoyé  est  diffé- 
rente de  celle  qui  l'a  envoyé,  c'est  pour  nous 
faire  connaître  l'unité  de  Dieu  et  la  Trinité 
tout  ensemble;  l'essence  divine  est  parfaite- 
ment égale,  sans  exclure  la  pluralité;  ce  qui 
vient  de  la  même  essence  ne  doit  pas  tou- 
jours être  attribué  à  la  même  personne.  Si, 
sans  parler  de  la  coopération  de  la  divinité, 
qui  est  indivisible,  le  Père  a  quelques  actions 
qui  lui  sont  propres ,  si  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit  en  ont  de  même,  c'est  pour  concourir 
à  notre  rédemption  et  pour  terminer  l'afi'aire 


est  ibi  omnia  habere,  quod  semi.er  exisfere.  Nulla  M 
iempora,  nulli  gradus,  nullœ  differentiœ  coç/iientur, 
et  si  nemo  de  Deo  pofest  explicare  quod  est,  nemo  au- 
deat  et  affirmare  quod  non  est.  Excusabiliiis  enim  est 
de  naiura  ineffabili  non  eloqui  digna,  quam  definire 
contraria.  Quidquid  itaque  de  sempiierna  et  incom- 
mutahili  gloria  Patris  pia  possutit  corda  conciperc, 
hoc  siniul  et  de  Filio,  et  de  Spiriiu  Sancto,  insepara- 
biliter  atque  indifferenter  inlelligant.  Ideo  enim  hanc 
beatam  Trinitatem,  iinum  confiiemur  Deum,  quia  in 
his  tribus  perscnis,  nec  substantiœ,  nec  polentiœ,  née 
voluntatis,  nec  operationis  est  ulla  diversitas.  Serm. 
73,  pag.  155. 

1  Nunquom  enim  ab  omnipotentia  Patris  et  Filii  et 
Spiritus  Sancti  est  discreta  majesta^  ;  et  quidquid  in 
dispositione  omnium  rerum  agit  divina  moderatio,  ex 
totius  venit  providentia  Trinilaiis.  Una  est  ibi  beni- 
gnitas  misericordiœ ,  una  ccnmrajustitiœ;  nec  aliquid 
est  in  actione  divisum,  ubi  nihil  est  in  voluntate  di- 
versum.  Quœ  ergo  illuminât  Pater,  illuminât  Filius, 
illuminai  Spiritus  Sancius;  cumque  alla  sit  persona 
missi,  atia  mittentis,  alla  promitlentis ,  sin,ul  nobis  et 


unitas  manifesiatur  et  Trinitas;  ut  essentiœ  habens 
œqualitatem,  et  non  recipiens  solitudinem  et  efusdem 
substantiœ  et  non  efusdem  intelligaiur  esse  personœ. 
Quod  ergo  salva  coopérations  inseparabilis  deitatis 
quœdam  Pater,  quœdam  Filius,  quœdam  proprie  Spi- 
ritus Sanctus  exequUur,  noslrœ  redemptionis  disposi- 
tio,  noslrœ  salutis  est  ratio.  Si  enim  homo  ad  imagi- 
nem  et  similiiudinem  Dei  factus  in  suœ  honore  natu- 
rœ  mansisset,  nec  diabolica  fraude  deceptus  a  lege 
sibi  posita  per  concupiscentiam  deviasset ,  Creator 
mundi,  creatura  non  fieret  :  neque  aut  sempiternus 
temporalitatem  subiret,  aut  œqualis  Deo  Patri  Filius 
Deus  formam  servi  et  similitudine.m  carnis  peccati 
assumeret.  Sed  quia  invidia  diaholi,  mors  introivit  in 
orbem  terrarum,  et  aliter  solvi  captivitas  humana  non 
potuit,nisi  causam  nostram  ipse  susciperet,  qui  sine 
mafestatis  suœ  damno,  et  verus  homo  fieret,  et  solus 
peccati  contagium  non  haberet,  divisit  sibi  opus  nos- 
lrœ reparationis  misericordia  Trinitaiis ;  ut  Pater 
propitiaretur ,  Filius  propitiaret ,  Spiritus  Sanctus 
igniret.  Serm.  75,  pag.  159. 


?52 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  notre  salut.  Si  l'homme ,  créé  à  l'image 
et  à  la  ressemblance  de  Dieu,  n'eût  point 
déshonoré  son  origine  par  le  péché;  si,  sé- 
duit par  les  artifices  du  démon,  il  ne  se  fû^ 
point  détourné,  par  la  concupiscence,  de  la 
voie  qu'on  lui  avait  marquée,  le  Créateur  du 
monde  ne  se  serait  point  fait  créature,  l'Eter- 
nel n'aurait  point  été  sujet  au  temps;  le  Fils 
de  Dieu,  égal  à  son  Père,  ne  se  serait  point 
revêtu  de  la  forme  d'un  esclave  et  d'une  chair 
semblable  à  celle  du  péché.  Mais  parce  que 
la  mort  est  entrée  dans  le  monde  par  la  ma- 
lice du  démon  ,  et  qu'on  n'a  pu  délivrer  les 
hommes  de  la  captivité  où  ils  gémissaient,  si 
le  Fils  de  Dieu  ne  se  chargeait  de  cette  en- 
treprise, il  s'est  fait  homme  véritable  sans 
rien  perdre  de  sa  dignité  et  sans  contracter 
la  contagion  du  péché.  La  très-sainle Trinité 
a  partagé  entre  elle  tout  l'ouvrage  de  notre 
rédemption  :  le  Père  a  eu  compassion  de  nos 
malheurs ,  le  Fils  s'est  chargé  d'y  remédier, 
le  Saint-Esprit  a  tout  entlammé  par  le  feu  de 
sa  charité.  En  parlant  des  macédoniens  *,  qui 
croyaient  que  le  Saint-Esprit  est  d'une  nature 
inférieure  au  Père  et  au  Fils  :  «  Ils  ne  font 
pas,  dit-il,  rétlexion  que  ce  blasphème  ne  leur 
sera  pardonné  ni  dans  ce  monde  ni  dans 
l'autre,  selon  cette  parole  du  Sauveur  :  Je  vous 
déclare  que  tout  péché  et  tout  blasphème  sera 
remis  aux  hommes  ;  mais  le  blasphème  contre  le 
Saint-Esprit  ne  leur  sera  pioint  remis.  Celui  qui 
s'opiniâtre  dans  cette  impiété,  ne  peut  espé- 
rer de  pardon,  parce  qu'il  se  prive  de  la  source 
de  la  grâce.  Comment  pourrait-il  obtenir  la 
rémission  de  ses  crimes ,  puisqu'il  n'a  plus 
d'avocat  qui  puisse  plaider  pour  lui  ?  Car  c'est 


par  le  secours  du  Saint-Esprit  qu'on  peut  in- 
voquer le  Père,  qu'on  verse  des  larmes  de 
pénitence  et  qu'on  pousse  d'utiles  gémisse- 
ments. » 

S.  Tant  que  l'homme  est  sur  la  terre,  il 
fait  des  chutes  continuelles.  C'est  un  défaut 
attaché  généralement  ^  à  la  nature  humaine, 
qui  lui  vient  non  du  Créateur,  mais  de  la  pré- 
varication de  notre  premier  père  ,  qui  est 
passée  de  lui  dans  ses  descendants  par  la 
voie  de  la  génération,  et  qui  du  corps  se  ré- 
pand jusque  sur  l'âme  qu'elle  corrompt.  C'est 
pour  cela  que  le  Sauveur  ^  nous  défend  de 
suivre  les  désirs  de  la  chair,  et  qu'il  nous  or- 
donne de  suivre  ceux  que  le  Saint-Esprit  nous 
inspire.  Etant  enfants  d'Adam,  nous  savons 
assez  d'oii  nous  viennent  ces  désirs,  qu'il  faut 
toujours  combattre.  Depuis  la  révolte  du  père 
commun  du  genre  humain,  la  corruption  de 
la  racine  s'est  répandue  sur  les  branches;  le 
démon  *,  qui  fit  naître  aux  premiers  hommes 
le  désir  de  manger  du  fruit  défendu,  et  qui  se 
servit  de  cet  attrait  pour  séduire  leur  crédu- 
lité et  pour  leur  inspirer  le  poison  de  toutes 
les  mauvaises  concupiscences,  se  sert  encore 
tous  les  jours  des  mêmes  ruses,  et  cherche 
dans  la  nature  corrompue  les  fruits  de  la 
mauvaise  semence  qu'il  y  a  jetée;  il  emploie 
le  désir  de  la  volupté  pour  ralentir  l'amour 
de  la  vertu.  Mais  aussi  cet  esprit  malin  ^  est 
dévoré  d'envie  lorsqu'il  voit  qu'on  le  dépouille 
des  droits  qu'il  avait  usurpés,  et  qu'on  le 
chasse  des  cœurs  dont  il  s'était  emparé  ;  qu'on 
lui  arrache,  dans  l'un  et  l'autre  sexe,  une  ia- 
finité  de  vieillards,  de  jeunes  gens,  d'enfants, 
et  que  le  péché  originel  ni  les  péchés  person- 


Sur  le  Pé- 
ché origiQci. 


'  Sicut  ergo  detestamur  arianos...  ita  etiam  mace- 
donianos,  qui  licet  Patri  et  Fi/io  trihuant  œqualUa- 
fem,  Spiriturn  lamen  Sanctum  inferioris  putant  esse 
naturœ;  non  considérantes  in  eam  blasphemium  se  in- 
cidere,  quœ  neque  in  prœsenti  sœculo,  7ieqiie  in  faiuro 
sit  remitlenda  judicio,  dicenie  Domino  :  Qui  dixerit 
contra  Spiriturn  Sanctum,  non  remittetur  ei,  etc. 
Permanens  itaque  in  hac  impietate,  sine  venia  est. 
quia  exclusit  eam  a  se  per  quern  poterat  confiteri; 
nec  unquani  perveniet  ad  indulgentiœ  remedimn,  qui 
patrocinaturum  sibi  non  habet  advocatum.  Ab  ipso 
enitn  est  invocatiu  Patris,  ah  ipso  sunt  lacrymœ  pœ- 
nitentium,  o.b  ipso  sunt  gemitus  supplicantium.  Serm. 
73,  pag.  156. 

^  Habet  enim  hoc  in  se  generaliier  humana  natura, 
non  a  creatore  insitum,  sed  a  prœvaricatore  contrac- 
tum,  et  in  posteras  generandi  lege  transfusum,  ut  de 
corruptilAli  corpnre,  etiam  quod  animatn  corrumpere 
possii,  oriatur.  Serm.  88,  pag.  173. 

s  Merito  ergo  Dominus  in  oratione  quatn  tradidit, 
noluit  nos  ad  Deum  dicere  ;  Fiat  voluntas  nostra, 
sed  fiât  voluntas  tua  :  hoc  est,  non  illa  quam  caro 


incitât,  sed  quam  Spirittis  Sancfus  inspirât.  Vnde  au- 
tem  hoc  desiderium  conceptum  .ni,  cui  semper  dcbeal 
repugnari,  non  difficulter  intelligunt.  qui  se  Adœ  fi- 
lios  esse  noveruni,  et  peccante  humant  generis  Paire 
non  dubitant  in  propagine  vitiatum  esse,  quod  est  in 
radice  corruptum.  Serm.  91,  pag.  176. 

'  Ule  enim  qui  ab  initia primis  hominibus  interdicli 
cibi  inseruit  appetitum,  et  maie  credulis  per  illece- 
bram  edcndi,  omnium  concupiscentio.rum  vivus  infu- 
dit,  easdem  fraudes  retractare  non  desinit;  et  in  na- 
tura quam  scit  suis  seminibus  esse  vitiatam,  sationis 
suœ  germen  inquirit,  ut  ad  labefactanda  sludia  vir- 
tutis,  desiderium  voluptaiis  accendai.  Serm.  85,  pag. 
169. 

^  .Vlodo  maximo  dolore  cruciafur.  Videt  se  domi- 
nationis  suœ  jure  priva tum,  a  cordibus  eo7nim  quos 
possidebat,  expetli ;  eripi  sibi  in  utroque  sexu  millia 
senum,  millia  juvenum,  millia  parvulorum ,  nec  obesse 
cuiquam  vel  proprium,  vel  originale  peccatum,  ubi 
justificatio  non  meritis  reiribuilur,  sed  sala  gratiœ 
largiiate  donatur.  Serm.  48,  pag.  116. 


[v=  siÈaE.]  CHAPITRE  XI.  — 

nels  ne  sont  point  un  obstacle  à  la  justifica- 
tion, qui  ne  se  donne  point  au  mérite,  mais 
par  un  effet  de  la  grâce  de  Dieu. 

6.  Les  blessures  de  l'bomme  '  ne  pou- 
vaient se  guérir  que  par  le  Fils  de  Dieu  fait 
homme ,  et  il  fallait  qu'il  prit  un  corps  dans 
lomiè" ^''''"'  1^  s^'"  '^^  1^  Vierge  Marie ,  et  que  le  Verbe 
fût  uni  avec  la  chair  humaine  dans  la  même 
personne.  Ce  mystère,  que  l'humanité  a  con- 
sommé avec  la  divinité,  a  été  un  effet  de  la 
bonté  de  Dieu  ^  et  de  sa  miséricorde  ;  les  liens 
dont  nous  étions  enchaînés  étaient  si  forts, 
qu'ils  ne  pouvaient  être  brisés  que  par  ce 
secours.  L'abaissement  de  la  divinité  nous  a 
élevés.  Voilà  le  prix  qu'il  en  coûta  pour  nous 
racheter;  c'est  le  remède  qu'il  fallait  appor- 
ter pour  nous  guérir,  le  moyeu  de  passer  de 
l'impiété  à  la  justice ,  de  la  misère  à  la  féli- 
cité. Quoique  toutes  les  opérations  soient  ^ 
communes  dans  l'ineffable  unité  de  la  Tri- 
nité, c'est  proprement  la  personne  du  Fils  qui 


SAINT  LEON,  PAPE.       '  233 

s'est  chargée  de  la  rédemption  du  genre  hu- 
main :  C'est  par  le  Fils  que  toutes  choses  ont  été 
faites;  c'est  lui  qui  a  inspiré  le  souffle  de  vie 
à  l'homme  formé  du  limon  de  la  terre.  Il  a 
remis  dans  sa  première  dignité  la  nature  hu- 
maine, qui  était  déchue  de  tous  ses  droits  et 
qui  avait  été  chassée  du  paradis.  Il  ne  s'est 
pas  contenté  d'en  être  le  créateur,  il  a  voulu 
aussi  en  être  le  réformateur.  Tous  les  mé- 
rites des  saints  ne  pouvaient  affranchir  de 
l'arrêt  de  mort  le  genre  humain;  il  a  fallu 
qu'un  médecin  extraordinaire  vînt  du  ciel.  Il 
avait  été  annoncé  par  plusieurs  signes  et  pro- 
mis par  les  prophètes.  Sans  rien  perdre  de  la 
gloire  attachée  à  sa  divinité ,  il  s'est  revêtu 
de  notre  chair  mortelle  sans  en  contracter  la 
contagion  ou  le  péché.  Lui  seul  est  né  exempt 
du  péché,  en  naissant  *  de  la  Vierge  Marie. 
A  cela  près,  il  ressemble  aux  hommes  en 
toutes  choses.  11  été  conçu  du  Saint-Esprit  ^ 
dans  le  sein  de  la  Vierge  sa  Mère,  qui  l'a  en- 


'  Non  aliter  in  humana  natura  sanari poterant  ori- 
ginalis  vidnera  veiusfatis,  nisi  de  utero  Virginis  car- 
nem  sil/i  assumenie  Dei  Verbo,  in  una  eademque  per- 
sona  simul  et  caro  nasceretur  et  Verbum.  Serm.  45, 
pag.  H2. 

2  Talibus  enim.  vinculis  tenebamur  conslricti ,  ut 
nisi  per  hune  opem  non  possemus  absolvi;  humilitas 
igilur  divinitaiis  nostra  jirovectio  est.  Nos  ianlo  rcdi- 
mimur  pretio,  nos  ianto  curamur  impendio.  Quis  enim 
ab  impietaie  ad  jusiitiam,  a  miseria  ad  beatitudinem 
esset  recursus,  nisi  et  justus  ad  impios ,  et  beatus  in- 
clinaretur  ad  miseras?  Serm.  SO,  pag.  119. 

s  In  bac  autem  ineffabili  unitaie  Trinitatis,  cujus 
in  omnibus  cotimunia  sunt  opéra  atque  judicia,  repa- 
raiionem  humani  generis  proprie  Filii  persona  suscepit; 
ut  quoniam  ipse  est  per  quem  omnia  fada  sunt,  qui- 
que  plasmutum  de  limo  ierrm  kominem  flatu  vitcera- 
tionalis  animavit,  idem  naturam  nostram  ab  œterni- 
tatis  arce  dejectam,  amissœ  restitueret  dignitati,  et 
cujus  erat  conditor,  esset  etiam  reformator;  sic  consi- 
lium  suum  dirigens  in  effectmn,  ut  ad  dominationem 
diaboli  destruendam  magis  uleretur  justitia  rationis, 
quam  poteslaie  virtutis.  Serm.  fil,  pag.  135. 

*  Conceptus  quippe  est  de  Spiritu  Sancto  intra  uie- 
rum  matris  Virginis,  quœ  ita  illum  saloa  virginitate 
edidit  quemadmodum  salva  virginitate  concepit. 
Epist.  -24,  pag.  243. 

5  Fecunditatem  enim  Virginis  Spiritus  Sanctus  de- 
dit,  Veritas  autem  corporis  sumpta  de  corpore  est... 
Satva  igitur  proprietate  utriusque  naturœ  et  substan- 
tiœ,  et  in  unam  coeunte  personam  suscepta  est  a  ma- 
jesiate  tiumilitas.  .  In  intégra  ergo  veri  hominis  per- 
fectaque  natura  verus  natus  est  Deus,  totus  in  suis, 
tolus  in  noslris.  Nostra  autem  dicimus ,  quœ  in  nobis 
ab  initia  creator  condidit,  et  quœ  repurandii  mscepit. 
Nam  illa  quœ  deceptor  intulit,  et  homo  deceptus  ad- 
misit,  nullum  habuere  in  Saivatore  vestigium;  as- 
sumpta  est  de  Matre  Domini  natura,  non  culpa... 
Vnus  idemque  est  vere  Dei  Fitius  et  vere  hominis  Fi- 
lius.  Deus  per  id  quod  :  In  principio  erat  Verbum  ; 


homo  per  id  quod  :  Verbum  caro  factum  est,  et  habi- 
tavit  in  nobis.  Deus  per  id  quod  :  omnia  per  ipsum 
facta  sunt  :  honio  per  id  quod  :  factus  est  ex  muliere, 
factus  sub  lege.  Nulivitas  carnis  manifestatio  est  hu- 
manœ  naturœ  :  partus  Virginis,  divinœ  est  virtutis 
indicium.  Infantia  parvuli  ostenditur  humilitate  cu- 
narum;  magnitudo  Altissimi  declaratv.r  vocibus  an- 
gelorum.  Esurire,  sitire,  lassescere  atque  dormire, 
evidenter  humaymyn  est.  Sed  quinque  panibus  quinque 
7nHlia  hominum  satiare,  et  largiri  Samaritanœ  aquam 
vivam,  cujus  haustus  bibenti  prœstet  ne  ultra  Jam  si- 
tiai  ;  supra  dorsum  maris  plantis  non  desidentibus 
ambulore,  et  elationes  fluctuum  increpata  tempestate 
consternere,  sine  ambiguitate  divinum  est.  Sicut  ergo 
non  ejusdem  naturœ  est  flere  miserationis  affectu  ami- 
cum  mortuum,  et  eumdem  remoto  quatriduanœ  aggere 
sepuliurœ  et  ad  vocis  imperium  excitare  redivivum  ; 
aut  in  ligno  pendere,  et  in  noctem  luce  conversa,  om- 
nia elementa  tremefacere ;  aut  clavis  transfixum  esse, 
et  paradisi  portai  fidei  latronis  aperire  :  ita  non 
ejusdem  naturœ  est  dicere  :  Ego  et  Pater  unum  su- 
mus;  et  dicere  :  Pater  major  me  est.  Quamvis  enim 
in  Domino  Jesu  Christo  Dei  et  hominis  una  persona 
sit,  aliud  tamen  est,  unde  contumelia  in  utroque  corn- 
munis,  aliud  unde  communis  est  gloria.  De  noslro 
enim  illi  est  minor  Pâtre  humanitas;  illi  est  œqualis 
cum  Pâtre  divinitas.  Propter  hanc  ergo  unitatem  per- 
sonœ  in  utraque  natura  intelligendam,  et  Filius  ho- 
minis legitur  descendisse  de  cœlo,  cum  Filius  Dei 
curnem  de  ea  Virgine,  de  qua  est  natus,  assumpserit  : 
et  rursus  Filius  Dei  crucifixus  dicitur  ac  sepultus, 
cum  hœc  7ion  in  divinitate  ipsa,  qua  unigenitus  con- 
sempiternus  et  consubstantialis  est  Pairi,  sed  in  natu- 
rœ humanœ  sit  infirmitate  perpessus.  Vndeunigenitum 
Filium  Dei  crucifixum  et  sepultum  omnes  etiam  in 
symbolo  confitemur,  secundum  illud  Apostoli  :  Si  enim 
cognovissent,  nunquam  Domiuum  majestatis  cruci- 
fixissent.  Cum  autem  ipse  Dominus  fidem  discipulo- 
rum  suis  interrogationilms  condiret,  quem,  inquit, 
dicunt  homines  esse  Filium  bominis?  Cumque  illi 


254 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Gilal.  IT,  4. 


fanté  comme  elle  l'avait  conçu,  sans  préju- 
dice de  sa  virginilé;  d'où  il  suit  que  Jésus- 
Christ  n'a  pas  eu  seulement  la  forme  d'un 
homme,  mais  un  corps  véritable  tiré  de  sa 
Mère.  L'opération  du  Saint-Esprit  n'a  pas 
empêché  que  la  chair  du  Fils  ne  fût  de  même 
nature  que  celle  de  la  Mère  ;  elle  a  seulement 
donné  la  fécondité  à  une  Vierge.  Ainsi  l'une 
et  l'autre  nature  demeurant  en  son  entier,  a 
été  unie  à  une  personne  ,  afin  que  le  même 
médiateur  pût  mourir,  demeurant  d'ailleurs 
immortel  et  impassible.  Il  a  tout  ce  qui  est 
en  nous,  tout  ce  qu'il  y  a  mis  en  nous  créant, 
et  qu'il  s'est  chargé  de  réparer;  mais  il  n'a 
point  ce  que  le  trompeur  y  a  mis.  Il  a  pris  la 
forme  d'esclave  sans  la  souillure  du  péché; 
une  nature  n'est  point  altérée  par  l'autre.  Le 
même  qui  est  vrai  Dieu  est  vrai  homme;  il 
n'y  a  point  de  mensonge  dans  cette  union. 
Dieu  ne  change  point  par  la  grâce  qu'il  nous 
fait;  l'homme  n'est  point  consumé  par  la  di- 
gnité qu'il  reçoit.  Le  Verbe  et  la  chair  gar- 
dent les  opérations  qui  leur  sont  propres.  Il 
est  Dieu,  puisqu'il  est  dit  :  Au  commencement 
était  le  Verbe,  et  le  Verbe  était  en  Dieu.  Il  est 
homme ,  puisqu'il  est  dit  :  Le  Verbe  a  été  fait 
chair  et  a  habité  parmi  nous.  Il  est  Dieu,  puis- 
que toutes  choses  ont  été  faites  par  lui,  et  que 
sans  lui  rien  n'a  été  fait.  Il  est  homme,  né  d'une 
fe^nme  soumise  à  la  loi.  La  naissance  de  la  chair 
montre  la  nature  humaine;  l'enfantement 
d'une  Vierge  montre  la  puissance  divine.  C'est 
un  enfant  dans  le  berceau,  et  le  Très-Haut 
loué  par  les  anges.  La  faim ,  la  soif,  la  lassi- 
tude, le  sommeil,  sont  évidemment  d'un 
homme;  mais  il  est  certainement  d'un  Dieu 
de  rassasier  cinq  mille  hommes  de  cinq  pains, 


de  donner  à  la  Samaritaine  de  l'eau  vive  afin 
qu'elle  n'ait  plus  soif,  de  marcher  sur  la  mer 
et  d'apaiser  la  tempête.  Il  n'est  pas  d'une 
même  nature  de  pleurer  son  ami  mort,  et  de 
le  ressusciter;  d'être  attaché  à  la  croix,  et  de 
changer  le  jour  en  nuit;  de  faire  trembler  les 
éléments,  et  d'ouvrir  au  bon  larron  les  portes 
du  ciel.  Comme  Dieu,  il  dit  :  Le  Père  et  moi, 
nous  ne  sommes  qu'un.  Comme  homme  :  Le 
Père  est  plus  grand  que  moi;  car  encore  qu'en 
Jésus-Christ  il  n'y  ait  qu'une  personne  de 
Dieu  et  de  l'homme ,  toutefois ,  autre  est  le 
sujet  de  la  souffrance  commune  à  l'un  et 
à  l'autre ,  et  autre  est  le  sujet  de  la  gloire 
commune.  C'est  cette  unité  de  personne 
qui  fait  dire  que  le  Fils  de  l'homme  est 
descendu  du  ciel,  et  que  le  Fils  de  Dieu  a 
pris  chair  de  la  Vierge;  que  le  Fils  de  Dieu  a 
été  crucifié  et  enseveli,  comme  nous  le  lisons 
dans  le  symbole ,  quoiqu'il  ne  l'ait  été  que 
dans  la  nature  humaine.  L'apôtre  dit  :  S'ils 
avaient  connu  le  Dieu  de  majesté,  jamais  ils  ne 
l'auraient  crucifié.  Jésus-Christ  demande  à  ses 
apôtres  :  Et  vous,  qui  .dites-vous  que  je  suis? 
moi  qui  suis  le  Fils  de  l'homme  et  que  vous  voyez 
avec  une  véritable  chair?  Saint  Pierre  répond  : 
Vous  êtes  le  Christ,  Fils  du  Dieu  vivant,  le  re- 
connaissant également  Dieu  ethomrue.  Après 
sa  résurrection ,  il  montrait  son  corps  sensi- 
ble et  palpable,  avec  les  trous  de  ses  plaies; 
il  parlait,  il  mangeait  et  habitait  avec  ses  dis- 
ciples, et  en  même  temps  il  entrait  les  portes 
fermées ,  leur  donnait  le  Saint-Esprit  et  l'in- 
telhgence  des  divines  Ecritures ,  montrant 
ainsi  en  lui  les  deux  natures  distinctes  et 
unies.  Eutychès,  niant  que  notre  nature  est 
dans  le  Fils  de  Dieu,  doit  craindre  ce  que  dit 


Joan.  s,  30. 
Joan.  XIV,  28. 


diverses  aliorum  opiniones  retexuissent  :  Vos  autem, 
ait,  qaem  me  esse  dicilis?  Me  utique,  qui  sum  Filius 
hominis ,  et  quern  in  forma  servi  atque  in  veritate  car- 
nis  aspicitis,  quern  esse  dicitis?  Vbi  bealus  Petrus 
divinitus  inspiratus  et  confessione  sua  omnibus  genti- 
lius  profuiurus  :  Tu  es,  inquit,  Christus  Filius  Dei 
vivi.  Per  revelaiionem  Patris  eumdem  et  Filium  Dei 
est  confessas  et  Christum.  Post  resurreetionem  collo- 
quens  cum  discipulis  suis,  et  cohabitans  atque  conver- 
sans,  et  pertractari  se  ditigenti,  curiosoque  contactu 
ab  eis  quos  dubietas  perstringehat,  admitiens,  idea  et 
ctausis  ad  discipulos  januis  iîitroibat,  et  flatu  suo 
dabat  Spiritum  Sanctum,  et  donato  i/itelligentiœ  lu- 
mine  sanctarum  Scripturarum  occulta  pandebat  ;  et 
rursus  vulnus  lateris,  fixuras  clavorum,  et  onmia  re- 
centissimœ  passionis  signa  monsirabat ,  dicens  ut 
agnosceretur  in  eo  proprietas  diuinœ  humanœque  na- 
tures individua  permanere.  Quo  fidei  sacramento  Eu- 
tgches  iste  nimium  œstimandus  est  vanus,  qui  natu- 
rain  nostram  in   unigenilo   Dei,  nec  per  humilitatem 


mortalitatis,  nec  per  gloriam  resurrectionis  agnovit, 
nec  sententiam  beati  apostoli  et  evangelistœ  Joannis 
expuvit  diceniis  :  Omnis  spiritus  qui  couiitetur  Jesum 
Gliristum  in  carne  venisse,  ex  Deo  est;  et  omuis  spi- 
ritus qui  solvit  Jesum,  ex  Deo  non  est,  et  hic  est 
antichristus.  Quid  autem  est  solvere  Jesum,  nisi  hu- 
manam  ab  eo  separure  naturam?  Cum  autem  ad  in- 
terlocutionem  examinis  vestri  Eutychès  responderit, 
dicens  :  «  Confiteor  ex  duabus  naturis  fuisse  Domi- 
num  nostrum  ante  adunationem;  post  adunaiionem 
vero,  unam  naturam  confiteor.  r.  Miror  tam  absurdam 
tamque  perversam  ejus  professionem,  nulla  judican- 
iium  increpaiione  reprehensam ,  et  sermonem  nimis 
insipieniem,  nimisque  blaspliemum,  ita  omissum,  quasi 
ni/lit  quod  offenderet  essct  auditum  :  cum  tam  impie 
duarum  nalurarum  ante  incarnationem  unigenitus 
Dei  Filius  fuisse  dicatur,  quam  nefarie  postquam 
Verbum  caro  factum  est,  natura  in  eo  singularis  asse- 
ritur.  Epist.  24,  pag.  243  et  seq. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XL  — 

I  joan.  IV,  2.  sainl  Jean  :  Tout  esprit  qui  confesse  que  Jésus- 
Christ  est  venu  dans  la  chair,  est  de  Dieu;  et 
tout  esprit  qui  divise  Jésus-Christ  n'est  pas  de 
Dieu,  et  c'est  l'antechrist.  Car  qu'est-ce  que 
diviser  Jésus-Christ,  si  ce  n'est  en  séparer  la 
nature  humaine?  Quand  Eutychès  dit  :  «  Je 
confesse  que  notre  Seigneur  était  de  deux 
natures  avant  l'union  ;  mais,  après  l'union,  je 
ne  reconnais  qu'une  nature,  »  il  blasphème, 
puisqu'il  n'y  a  pas  moins  d'impiété  à  dire  que 
le  Fils  de  Dieu  était  de  deux  natures  avant 
l'incarnation,  que  de  n'en  reconnaître  qu'une 
en  lui  après  l'incarnation.  Le  Verbe  '  ne  s'est 
point  changé  en  chair  ni  en  âme,  puisque  la 
divinité  est  simple  et  immuable  de  sa  nature, 
et  qu'elle  demeure  toujours  tout  entière  dans 
son  essence  sans  recevoir  de  déchet  ni  d'aug- 
mentalion;  la  chair  ne  s'est  point  non  plus 
changée  au  Verbe;  mais  l'une  et  l'autre  na- 
ture demeurent  unies  en  une  seule  personne 
qui  ne  souffre  ni  division  ni  confusion  par  la 
diversité  des  natures,  n'y  ayant  pas  un  autre 
Ghi'ist  né  du  Père,  et  un  autre  né  de  la  Mère. 
C'est  le  même  qui  est  né  différemment  du 
Père  avant  tous  les  siècles,  et  différemment 
de  la  Mère  à  la  On  des  siècles  ,  afin  qu'il  fut 
le  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes.  Pour- 
quoi y  aurait-il  de  l'inconvénient  ou  de  l'im- 
possibilité que  le  Verbe,  avec  la  chair,  fasse 


SAINT  LEON,  PAPE.       .  255 

un  seul  Jésus-Christ,  puisqu'on  chaque  homme 
la  chair  et  l'âme ,  qui  sont  de  nature  si  dif- 
férente ,  font  une  seule  personne?  Quand 
Eutychès  a  dit  qu'avant  l'incarnation  il  y  avait 
deux  natures  ,  il  faut  qu'il  ait  cru  que  l'âme 
du  Sauveur  avait  demeuré  dans  le  ciel  avant 
d'être  unie  au  Verbe  dans  le  sein  de  la  Vierge, 
ce  qui  est  contrôla  foi  catholique;  car  il  n'a 
pas  pris  une  humanité  déjà  créée,  mais  il  l'a 
créée  en  la  prenant.  L'âme  de  Jésus-Christ 
n'est  pas  distinguée  des  nôtres  par  la  diver- 
sité du  genre,  mais  par  la  sublimité  de  la 
vertu.  Sa  chair  ne  produisait  point  de  désirs 
contraires  à  l'esprit;  il  n'y  avait  point  en  lui 
de  combat ,  mais  seulement  des  affections 
soumises  à  sa  divinité.  L'union  des  deux  na- 
tures en  une  seule  personne  ^  dans  Jésus- 
Christ  ne  détruit  et  ne  confond  aucune  pro- 
priété de  ces  deux  natures,  elle  fait  seule- 
ment que  leurs  actions  et  leurs  propriétés 
sont  communes  indivisiblement  à  cette  per- 
sonne, en  sorte  que  la  chair  n'agit  point  sans 
le  Verbe ,  ni  le  Verbe  sans  la  chair.  Jésus- 
Christ  étant  près  de  souffrir,  dit  à  son  Père  ^  : 
S'il  est  possible,  faites  que  ce  calice  passe  et  s'é- 
loigne de  moi;  mais  néanmoins  que  votre  volonté 
s'accomplisse,  et  non  pas  la  mienne.  La  première 
partie  de  cette  prière  témoigne  de  l'infirmité, 
la  seconde  marque  de  la  vertu.  Il  souhaite, 


Matlh.  XXYI, 
sa. 


'  Nec  Verbum  aut  in  carnem,  aut  in  animam  ali- 
gna sui  parte  conversiim  est  :  cum  simplex  et  incom- 
mv.tabilis  natura  deilatis,  tota  in  sua  sit  semper  es- 
sentia,  nec  damnuni  sui  reeipiens ,  nec  augmentum  : 
et  sic  assumptam  naiuram  beatificant,  ut  glorificata 
in  giorificante  permaneat.  Cur  autem  inconveniens  aut 
impossibile  videatur,  ut  Verbum  et  caro  atque  anima 
unus  Jésus  Christus,  et  unus  Dei  hominisgue  sit  fi- 
lius,  si  caro  et  anima,  quœ  dissimilium  naiurarum 
sunt,  unam  faciunt  etiam  sine  Verbi  inca)  natione  per- 
sonam  :  cum  multo  sit  facilius,  ut  hanc  unitoiem  sui 
atque  hominis  deitatis  prœstet  potestas,  quam  ut 
earn  in  substantiis  suis  obtineat  solius  humanitatis 
infirmitas?  ISec  Verbum  igitur  in  carnem,  nec  in  Ver- 
bum caro  mutata  est;  sed  utrumque  in  una  manet  et 
unus  in  utroque  est,  non  diversitute  divisus,  non  per- 
mixtione  confusus,  nec  alter  ex  Pâtre,  alter  ex  Matre  : 
sed  idem  aliter  ex  Pâtre  ante  omne  principium,  ali- 
ter de  Matre  in  fine  sœculorum  :  ut  esset  mediator 
Dei  et  hominum...  in  eo  vero  quod  Eutychès  in  epis- 
copali  judicio  auius  est  dicere  duas  in  Christo  fuisse 
naturas  ante  incarnalionem,  post  incarnationem  au- 
tem, unam  ;  arbitror  ialia  loquentem  hoc  habere  per- 
suasum,  quod  anima  quam  Salvator  assumpsit,  prius 
in  cœlis  sit  commorata,  quam  de  Maria  Virgine  nas- 
ceretur,  eamque  sibi  Verbum  in  utero  copularit.  Sed 
hoc  catholicœ  mentes  auresque  non  tolérant  :  quia 
nihil  secum  Dominus  de  cœlo  veniens  nostrœ  conditio- 
uis  exhibuit,  nec  animam  enim  quœ  anterior  extitisset, 
nec  carnem  quœ  non  materni  corporis  accepit  :  natura 


quippe  nostra  non  sic  assumpta  est  ut  prius  creata, 
post  assumeretur;  sed  ut  ipsa  assumptione  crearetur. 
Non  alterius  naturœ  erat  ejus  caro,  quam  nostra;  nec 
alio  illi  quam  cœteris  hominibus  anima  est  intpiraia 
principio,  quœ  excelleret  non  diversitate  generis,  sed 
sublimitate  virtutis.  Nihil  enim  carnis  suœ  habebat 
adversum,  nec  discordia  desideriorum  gignebat  compu- 
gnantiam  volunfatum.  Sensus  corporel  vigebant  sine 
lege  peccati,  et  veritas  affectionum  sub  moderamine 
Deitatis  et  mentis,  nec  tentabatur  illecebris,  nec  cede- 
bat  injuriis.  Epist.  25,  pag.  246. 

2  Licet  ergo  in  uno  Domino  Jesu  Christo  vero  Dei 
atque  hominis  filio,  Verbi  et  carnis  una  persono.  sit, 
quœ  inseparabiliter  atque  indivise  communes  habeat 
actiones,  intelligendœ  tanien  sunt  ipsorum  opérant 
qualifates...  Caro  sine  Verbo  non  agit,  et  Verbum  sine 
carne  non  efflcit.  Epiât.  134,  pag.  347. 

3  Patri  supplicans  ait  :  Pater,  si  possibile  est,  tran- 
seat  a  me  calix  iste  :  verunotamen  non  sicut  ego  volo, 
sed  sicut  tu.  Prima  petitio  infirmitatis  est,  secunda 
virtutis;  illud  optavit  ex  nostro,  hoc  elegit  in  proprio  ; 
nec  enim  œqualis  Patri  Filius  omnia  esse  possibilia 
nesciebat  :  aut  ad  suscipiendam  crucem  sine  sua  in 
hune  mundum  descendcrat  voluntate,  ut  hanc  diver- 
sarum  affectionum  compugnantiam  perturbata  quo- 
dammodo  ratione  pateretur  :  sed  ut  suscipienlis  sus- 
ceptœque  naturœ  esset  manifesta  distinctio;  quod  erat 
hominis,  divinam  desideravit  potentiam;  quod  erat 
Dei,  ad  causam  respexit  humanam.  Superiori  igitur 
voluntati  voluntas  cessit  inferior.  Seim.  54,  pag.  124, 


236 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


comme  homme ,  d'être  délivré  de  la  mort  ;  il 
l'a  choisie  de  son  plein  gré  comme  Dieu.  Le 
Verbe,  égal  à  son  Père,  ne  peut  douter  que 
toutes  choses  ne  soient  possibles  à  Dieu;  il 
était  venu  au  monde  de  son  propre  mouve- 
ment pour  souffrir  la  mort  de  la  croix,  mais 
ces  diverses  atïections  marquaient  le  trouble 
de  sa  volonté  pour  faire  connaître  évidem- 
ment la  distinction  de  la  nature  humaine  d'a- 
vec la  divinité.  Ce  qui  était  humain  en  Jésus- 
Christ  s'appuya  sur  le  pouvoir  de  la  divinité^ 
ce  qui  était  divin  eut  compassion  de  l'huma- 
nité ;  la  volonté  inférieure  céda  à  la  volonté 
supérieure.  Mais  chaque  nature  '  n'a  pas  tel- 
lement confirmé  ses  attributs  particuliers,  que 
ce  fussent  deux  personnes  distinctes.  Le  Créa- 
teur ne  s'est  point  tellement  uni  à  la  nature 
humaine,  qu'elle  ne  lui  ait  servi  que  comme 
de  demeure  où  il  soit  venu  habiter.  L'une  et 
l'autre  nature  se  sont  trouvées  unies  dans  une 
seule  personne.  Quoique  la  nature  qui  reçoit 
soit  différente  de  celle  qui  est  reçue,  cette  diffé- 
rence n'empêche  pas  que  l'union  n^en  soit  par- 
faite, et  que  ce  ne  soit  le  même  Fils  qui  recon- 
naît qu'il  est  au-dessous  de  son  Père  par  rap- 
port à  son  l'humanité,  mais  il  déclare  qu'il  lui 
est  égal  par  rapport  à  la  divinité.  L'aveugle- 
ment des  ariens  ne  leur  a  pas  permis  de  voir 
cette  union  de  la  créature  avec  le  Créateur;  ils 
n'ont  pu  se  résoudre  à  croire  que  le  Fils  fût 
égal  à  son  Père  ,  que  ce  fût  la  même  gloire 
et  la  même  substance.  Ils  ont  fondé  leurs 
faux  raisonnements  sur  les  attributs  qui  lui 
conviennent  en  tant  qu'homme.  Mais,  pour 
montrer  que  ce  n'est  que  la  même  personne, 


il  disait  :  Mon  Père  et  moi  sommes  une  même 
chose.  Si  on  le  regarde  sous  la  forme  d'esclave 
qu'il  a  prise  dans  le  temps  pour  nous  rache- 
ter, il  est  au-dessous  de  son  Père  ;  mais  si  on 
l'envisage  par  rapport  à  sa  divinité  ,  qui  est 
éternelle,  il  est  égal  à  son  Père.  Les  deux  na- 
tures ont  conservé  toutes  leurs  perfections 
sans  le  mélange  d'aucune  imperfection.  Si  la 
divinité  n'empêche  pas  qu'il  n'ait  pris  la  forme 
d'un  esclave ,  les  faiblesses  de  l'humanité  ne 
font  aucun  tort  à  la  divinité. 

Saint  Léon ,  pour  marquer  l'union  intime 
des  deux  natures,  se  sert  ^  du  terme  de  mé- 
lange; mais,  par  ce  mélange,  il  ne  veut  dire 
autre  chose ,  sinon  que  la  divinité  a  pénétré 
pour  ainsi  dire  toute  la  substance  de  l'âme  et 
du  corps  auxquels  le  Verbe  s'est  uni.  C'est 
dans  deux  de  ses  premiers  sermons  qu'il  parle 
ainsi.  Il  aurait  sans  doute  usé  d'autres  termes 
depuis  que  l'hérésie  d'Eutychès  se  fut  répan- 
due ,  lui  qui  conseillait  ^  à  Théodoret  d'être 
extrêmement  réservé  dans  ses  expressions 
lorsqu'il  combattrait  les  nestoriens  ou  les  eu- 
tychéens,de  peur  qu'en  attaquant  une  erreur, 
il  ne  donnât  dans  une  autre.  11  marque  d'ail- 
leurs *  si  clairement  la  distinction  des  deux 
natures  dans  ce  que  nous  venons  de  rappor- 
ter, qu'on  ne  peut  le  soupçonner  d'avoir  erré 
en  ce  point.  Il  dit  nettement  que  le  Verbe  n'a 
point  quitté  le  corps  et  l'âme  auxquels  il  s'est 
uni . 

7.  On  n'a  jamais  vu  un  sacrifice  ^  plus 
saint  que  celui  que  le  véritable  Pontife  a  offert 
sur  l'autel  de  la  croix,  en  immolant  sa  propre 
chair.  La  mort  de  plusieurs  saints  a  été  très- 


JORO.   X,  i 


JéFOS-Cbrist 
est  mort  pour 
tous  les  hom- 
mes. 


1  Non  ita  proprietaies  suas  tenitit  utraque  substan- 
tia,  ut  personurum  in  eis  possit  esse  discretio  :  nec  sic 
nalura  in  societatem  sui  crealoris  est  assumpfa,  ut 
il  te  liabitalor,  et  illa  hahitaculum  esset;  sed  ita  ut 
naturœ  atteri  altéra  miscerefur.  Et  quamvis  alia  sit 
quœ  suscipitur,  alia  vero  quœ  suscipit;  in  ianlam  ta- 
men  unitatem  convertit  ulriusque  diversitas,  ut  units 
idemque  sit  Filius,  qui  se  et  secundum  quod  verus  est 
hotno,  Patri  dicit  minorem,  et  secundum  quod  verus 
est  Deus,  Patri  profiletur  œqualem.  Serm.  22,  pag.  73. 

^  Nec  sic  natura  in  societatem  sui  crealoris  est 
assumpta,  ut  ille  habitator  et  illa  habitaculum  esset; 
sed  ita  ut  naturœ  alieri  altéra  misceretur.  Serm.  22, 
pag.  73. 

3  Unde  hoc  quoque  nos  contra  hostes  Ecclesiœ  pro- 
videre  condignmn  est,  ut  eis  nullam  calumniandi  oc- 
casionem,  qaod  ad  nos  attinet,  penitus  relinquamus, 
nec  unquam  contra  nestoriatios  aut  eutychianos  agen- 
tes,  alteri  eorum  videamur  terya  vertisse;  sed  utros- 
que  Christi  hostes  cequa  lance  vitemus  atque  damne- 
nus  :  ita  ut  eos  quoties  audientium  quanlalibet  possit 
utiliias  ,  cmn  dogmaiibus  eorum  digno  anathemate 
prompiissime  atque  evidentissime  feriamus:  nec  si  hoc 


a  nobis  aut  obscurius  fieri  videatur,  aut  tardius  pute- 
iur  invitum.  Epist.  93,  pag.  313. 

*  Natura  quœ  minor  est  pâtre,  vadit  ad  patrem,  ut 
ibi  sit  caro,  ubi  semper  est  Verbum;  et  una  Ecclesiœ 
catholicœ  fides,  quem  secundum  humanitatem  non  dif- 
fitetur  minorem,  secundum  deitatcm  credat  œqualem. 
Serm.  75,  pag.  160. 

^  Quod  unquam  sacrificium  sacratius  fuit,  quam 
quod  verus  pontifex  altari  crucis  per  immolationem 
suœ  carnis  imposuit?  Quamvis  enim  in  conspectu  Do- 
mini  multorum  sanctorum  pretiosa  mors  fuerit,  nul- 
lius  tamen  insontis  occisio,  propiiiatio  fuit  mundi. 
Acceperunt  justi,  non  dederunt  coronas,  et  de  fidelium 
fortitudine  exempla  nata  sunt  patieniiœ,  non  dona  ju;- 
iitiœ;  singulares  quippe  in  singulis  mortes  fueruni, 
nec  alterius  quisquam  debitmn  suo  fine  persolvit,  cum 
inter  filios  hominum  solus  Dominus  nosler  Jésus  exti- 
terit,  in  quo  omnes  crucifixi,  omnes  mortui,  omnes 
etiam  sint  suscitati;  de  quibus  ipse  dicebat  :  Cum 
esaltatus  fuero,  omnia  traliam  ad  meipsum.  Fides 
vera  justificans  impios  et  creans  jusios  ad  naturœ 
suœ  tractât  participem,  in  illo  acquirit  salulem  in  quo 
se  invenit  innocentem.  Serm,  61,  pag.  135. 


[V=  SIÈCLE.] 

précieuse  devant  Dieu,  mais  leur  martyre  n'a 
point  opéré  la  rédemption  du  genre  humain. 
Les  saints  ont  reçu  des  couronnes,  ils  n'en 
ont  point  donné.  La  force  et  le  courage  qu'ils 
ont  témoignés  sont  des  exemples  de  patience 
pour  nous  ;  ce  ne  sont  point  des  grâces  qui 
nous  justifient.  Le  mérite  de  leur  mort  a  été 
personnel  et  particulier  à  chaque  saint  sans 
qu'ils  aient  expié ,  en  répandant  leur  sang, 
le  supplice  des  autres.  Il  n'y  a  eu  que  Jésus- 
Christ  dans  lequel  tous  les  hommes  soient 
morls  et  ensevelis ,  et  avec  lequel  ils  soient 
ressuscites.  C'est  pourquoi  il  disait  :  Quand 
on  m'aura  élevé  de  terre,  je  tirerai  tout  à  moi. 
La  véritable  foi,  qui  justifie  les  impies  et  qui 
donne  la  grâce ,  tire  sa  force  de  celui  qui  a 
toujours  été  innocent.  Connaissant  '  ce  qui 
était  de  son  ministère  ,  il  suspendit  les  etiéts 
de  sa  puissance  pour  permettre  à  ses  persé- 
cuteurs d'achever  leur  crime;  s'il  n'y  eût  pas 
consenti,  jamais  ils  n'auraient  pu  se  saisir  de 
lui.  Mais  comment  les  hommes  auraient-ils 
pu  être  sauvés,  s'il  ne  s'était  abandonné  à  leur 
fureur?  C'aurait  été  s'opposer  au  mystère  de 
notre  rédemption,  d'empêcher  qu'on  se  sai- 
sit de  celui  qui  devait  mourir  pour  tous  les 
hommes.  En  diflférant  le  glorieux  triomphe 
de  la  croix,  on  faisait  durer  davantage  la  ty- 
rannie du  démon  et  la  servitude  des  hommes. 
Le  Fils  de  Dieu  permit  donc  à  ses  ennemis  de 
déployer  leur  fureur.  Cependant  il  ne  dédai- 
gna pas  de  leur  donner  des  signes  de  sa  divi- 
nité, en  remettant  à  sa  place  l'oreille  de  ce 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


257 


valet,  qui  en  avait  été  séparée.  Quelque  in- 
firme que  l'on  soit  ^,  il  n'y  a  personne  qui  ne 
puisse  vaincre  avec  le  secours  de  la  croix,  et 
personne  qui  ne  puisse  sentir  l'efiicacité  de 
la  prière  de  Jésus-Christ.  Si  elle  a  été  utile  à 
plusieurs  de  ceux  qui  le  persécutaient,  quels 
fruits  n'en  retireront  point  ceux  qui  sont  de 
son  parti?  Les  ténèbres  de  l'ignorance  sont 
dissipées,  toutes  les  difficultés  sont  levées. 
Le  sang  de  Jésus-Christ  a  éteint  cette  épée  de 
feu  qui  défendait  l'entrée  de  la  région  de  la 
vie. 

8.  Le  baptême,  qui  est  Je  principal  ■''  en- 
tre les  sacrements  de  l'Eglise,  tire  sa  vertu  de   lémeoisescé. 

rémoQies. 

la  mort  et  de  la  résurrection  de  Jésus-Clirist  ; 
et  c'est  le  sacrement  qui  représente  plus  ex- 
pressément l'une  et  l'autre.  Sa  mort  y  est 
exprimée  par  l'abolition  du  péché,  les  trois 
jours  de  sa  sépulture  par  les  trois  immersions, 
sa  résurrection  par  la  sortie  de  Teau.  C'est 
pourquoi  on  l'administrait  *  à  Pâques.  On  y 
ajoulait  le  jour  de  la  Pentecôte  '^  en  faveur  de 
ceux  qui  n'avaient  pu  être  baptisés  à  Pâques, 
soit  parce  qu'ils  étaient  en  voyage  ou  ma- 
lades, soit  pour  quelqu'autre  empêchement, 
parce  que  la  descente  du  Saint-Esprit  est  la 
suite  de  la  résurrection  du  Sauveur.  D'où 
vient  que  saint  Pierre  baptisa  trois  mille  per- 
sonnes le  jour  de  la  Pentecôte.  C'était  donc 
l'usage  de  ne  baptiser  qu'en  ces  deux  jours, 
et  non  pas  en  celui  de  l'Epiphanie  ^,  suivant 
l'abus  qui  s'en  était  glissé  en  quelques  Eglises, 
encore  ne  baptisait-on  à  Pâques  et  à  la  Pen- 


1  Dominus  sciens  quid  magis  mysierio  suscepto 
conveniret,  in  hac  potestale  non  perstitit.  Sed  perse- 
cuiores  suos  in  facuUatem  dispositi  sceleris  redire 
permisit.  Nam  si  teneri  nollet,  non  utigue  ieneretur; 
sed  guis  hominum  satvari  possef,  si  ille  non  sineret 
se  comprehendi ?  Contra  sacramentum  enim  eral  re- 
demptionis  nostrœ,  ut  gui  mori  pro  omnibus  venerat, 
capi  nollet,  ne  dilata  gloriosœ  crucis  iriumpho,  et 
dominatio  diabolica  fieret  longior,  et  eaptivitas  hu- 
mana  diuiurnior.  Bat  ergo  in  se  fureniibus  licentiam 
sœviendi,  nec  tamen  etiam  talibus  dedignafur  se  indi- 
care  divinitas.  Aurem  servi  jam  ipsa  seciione  demor- 
tuam  in  sedem  revocat  manus  Christi.  Serm.  50, 
pag.  119. 

^  Nulli  infirmorum  crucis  est  negata  Victoria  :  nec 
quisguam  est  cui  non  Christi  auxiliatur  oraiio.  Quœ 
si  in  multis  in  ipsum  sœvientibus  profuit,  qaanto  ma- 
gis eos,  qui  ad  ipsum  convertentur,  adjuvit?  Sublata 
est  ignorantia,  temperata  est  difficultas,  et  ign'eam 
illam,  qua  vitœ  regio  erut  interctusa,  romphœam  sa- 
cer  Christi  sanguis  exlinxii.  Serm.  62,  pag.  137. 

3  Baplisma  iiiter  sacramenta  Ecclesiœ principale  est . 
Epist.  16,  pag.   233. 

'  In  morte  crucifixi  et  in  resurrectione  mortui,  po- 
tentia  baptismatis  novam  creaturam  condit  ex  veieri... 

X. 


in  baptismatis  rcgula  et  mors  intervenu  interfectione 
peccati,  et  sepulluram  triduanam  imitatur  trina  de- 
mersio,  et  ab  aguis  elevatio  resurgeniis  instar  est  de 
sepulcro.  Ibid.,  Epist.  334. 

°  Additur  huic  observantiœ,  etiam  Pentecostes  ex 
adventu  Spiritus  Sancti  sacraia  solemnitas ,  guœ  de 
Paschalis  fesii  pendet  articula.  Et  cum  ad  alios  dies 
alla  festa  pertineant ,  hœc  semper  ad  eum  diem  qui 
resurrectione  Domini  est  insignis,  occurrit  :  porrigens 
quodammodo  auxilianiis  gratiœ  manum,  et  eos  quos 
a  die  Paschœ  aut  motestia  infirmitaiis,  aut  longinqui- 
tas  itineris,  aut  navigationis  difficuHas  inierclusit, 
invitans,  ut  guibuslibet  necessitatibus  impediti,  deside- 
rii  sui  effectum  dono  Sancti  Spiritus  conseguantur... 
hoc  autem  nos  non  ex  nostra  persuasione  defendere, 
sed  ex  apostolica  auctoritate  servare,  satis  idoneo  pro- 
bamus  exempta,  sequentes  beatum  Petrum,  gui  in  ipso 
die  gua  omnem  credentium  numerum  promissus  Spi- 
ritus Sancti  replevit  aduentus,  trium  millium  popu- 
lum,  sua  prœdicatione  cotiversum,  lavacra  baptismatis 
consecravit.  Epist.  16,  pag.  234. 

s  Cum  mihi  ianotuerit  vos  baptismi  sacramentum 
numerosius  in  die  Epiplianiœ,  guam  in  Paschali  tem- 
pore  celebrure,  miror  vas  tam  irrationabilem  novita- 
tem  usurpare  potuisse.  Ibid.,  pag.  233. 

il 


238 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tecôte  que  ceux  '  que  l'on  avait  choisis,  après 
les  avoir  exorcisés  ,  examinés  ,  sanctifiés  par 
les  jeûnes  et  préparés  par  de  fréquentes  ins- 
tructions. Ces  deux  jours  étaient  les  seuls  lé- 
gitimes pour  ceux  qui  étaient  en  santé  et  en 
liberté;  mais  on  baptisait  en  tout  temps  ^  en 
cas  de  nécessité ,  comme  en  péril  de  mort, 
pendant  un  siège,  dans  la  persécution,  dans 
la  crainte  de  naufrage.  La  raison  d'adminis- 
trer 3  le  baptême  le  jour  de  l'Epiphanie  était 
que  Jésus-Christ  avait  été  baptisé  ce  jour-là. 
Mais  ce  fait  n'était  pas  certain.  D'ailleurs, 
Jésus-Christ  n'avait  reçu  que  le  baptême  de 
saint  Jean,  et  cela  pour  accomplir  toute  jus- 
tice, comme  il  avait  été  circoncis  et  avait  pra- 
tiqué les  cérémonies  légales,  au  heu  qu'il 
institua  le  sacrement  du  baptême  à  sa  mort, 
par  l'eau  qui  coula  de  son  coté  avec  le  sang. 
Saint  Léon  compare  le  bain  sacré  du  baptême 
au  sein  de  la  Vierge  où  le  fruit  de  vie  fat 
conçu.  Le  Saint-Esprit  *  répand  sa  vertu  sur 
l'eau  da  baptême ,  comme  il  la  répandit  sur 
le  sein  d'une  Vierge  pour  la  rendre  féconde. 
Cette  manière  de  concevoir,  pure  et  miracu- 
leuse, bannit  le  péché,  comme  l'eau  l'efi'ace 
dans  le  baptême  ;  mais  ce  sacrement  n'efi'ace 


que  les  péchés  :  il  n'ôte  point  la  bigamie  '',  le 
mariage  contracté  avant  le  baptême  ne  pou- 
vant non  plus  se  dissoudre  que  celui  que  l'on 
contracte  depuis.  Celui  qui  ne  vit  pas  ^  con- 
formément à  la  profession  de  foi  qu'il  a  faite 
dans  le  baptême  s'accorde  mal  avec  Dieu  ;  il 
ne  se  souvient  plus  du  pacte  qu'il  a  fait,  il 
s'attache  aux  choses  auxquelles  il  a  renoncé, 
parce  qu'il  s'éloigne  des  principes  de  la 
créance.  La  réitération  du  baptême  étant  un 
crime  '  inexpiable,  on  ne  doit  donner  le  bap- 
tême qu'à  ceux  dont  on  n'a  point  de  preuves 
qu'ils  l'aient  reçu,  comme  à  ceux  qui  ont  été 
abandonnés  jeunes  par  leurs  parents  qui 
étaient  chrétiens,  ou  qui  ont  été  pris  si  jeunes 
par  les  ennemis,  qu'ils  ne  savent  s'ils  ont  été 
baptisés,  ni  s'ils  ont  reçu  l'eucharistie.  Mais 
pour  ceux  qui  ont  été  baptisés  par  les  héré- 
tiques ,  il  ne  faut  point  les  rebaptiser,  mais 
seulement  les  réunir  à  l'Eglise  par  l'imposi- 
tion des  mains  avec  l'invocation  du  Saint- 
Esprit,  c'est-à-dire  par  le  sacrement  de  con- 
firmation. 

9.  Ceux  donc  qui  n'ont  été  baptisés  qu'une 
fois,  mais  par  les  hérétiques,  doivent  être 
seulement  confirmés  ^  par  l'imposition  des 


SnrhC 
firntaLica. 


'  His  itaque  evidenter  agnoscitis,  in  baptizandis 
eledis,  qui  secundum  apostolicam  regulam,  et  exor- 
cismis  scrutandi,  et  jejuniis  sanctificandi,  et  frequen- 
tibus  suni  prœdicationihus  imbuendi ,  duo  tantum 
iempora,  id  est  Pascha  et  Peniecosien,  esse  servanda. 
Ibid.,  pag.  235. 

2  Ita  ad  lias  diias  festivitates  connexas  sibimet  at- 
que  cognatas,  incolumium  et  in  pacis  securitaie  de- 
gentium  libéra  vota  differimus,  ut  in  mortis  periculo, 
in  obsidionis  discrimine,  in  persecationis  angustiis, 
in  timoré  naufragii,  nullo  tempore,  hoc  verœ  salufis 
singulare  prœsidium  cuiquam  denegemus.  Ibid.,  pag. 
235. 

8  Si  quis  autem  Epiphaniœ  festivitatem  ob  hoc  exis- 
timat  privilegium  habere  baptismaiis,  quia  hoc  qui- 
dam putant  quod  in  eodem  die  Dominus  ad  baptis- 
mum  sancti  Joannis  accesserit,  sciât  illius  boptismi 
aliam  gratiam,  aliam  fuisse  rationem,  nec  ad  eam- 
dem  periinuisse  virtutem  qua  per  Spiritum  Sanctum 
renascuntur,  de  quibus  dicitur  :  Qui  non  exsanguine, 
etc.  Dominus  enim  nullius  indigens  remissione  peccati 
^ic  voluit  baptizari ,  quomodo  vnluit  circumcidi... 
Baptismi  autem  sui  in  se  condidit  sacramenium...  et 
tmic  regenerationis  potentiam  sanxif ,  quando  de  laiere 
ipsius  pi'ofluxerunt  sanguis  redemptionis  et  aqua  bap- 
tismaiis. Epist.  16,  pag.  235. 

*  Cujus  spiritalem  originem  in  regeneratione  quis- 
que  conseguitur,  et  omni  homini  renuscenti  aqua  bap- 
tismaiis instar  est  uteri  virginaiis,  eodem  Spiritu 
Sancto  replente  fontem,  qui  replevit  et  Virginem,  ut 
peccatum  quod  ibi  vacuavit  sacra  conceptio,  hic  niys- 
tica  toll.at  ablutio.  Serm.  23,  pag.  76. 

s  Nec  se  quisquam  credat  passe  ad  sacerdotium 
pervenire,  qui  uxorem  antequam  Christi  gratiam  con- 


sequeretur  accepit;  qua  déficiente  alteram  post  bap- 
iismum  conjunxerit  sibi.  Cum  negari  illa  uxor  non 
possit,  nec  prioris  conjugii  numerus  aboliri;  et  eorum 
ita  sit  pater  fitiorum ,  quos  ante  baptismum  ex  illa 
susceperit,  quemadmodum  et  illorum  quos  ex  altéra 
post  baptismum  cognoscitur  suscepisse.  Sicut  enim 
peccata  per  lavacrum  baptismatis  abolentur,  ita  quœ 
sunt  legis  prœcepto  concessa  vel  licita  non  delentur. 
Epist.  4,  pag.  212. 

s  Non  concordat  Deo,  qui  ab  ea  quœ  in  regeneratione 
sua  edidit,  professione  dissentit,  et  divini  iiyirnemor 
pacti,  inhœrere  ostenditur  renuntiatis,  dum  recedere 
invenitur  a  crediiis.  Serm.  62,  pag.  137. 

'  Cum  baptismi  sui  nihil  recordetur,  qui  regenera- 
tionis est  cupidus,  nec  alter  attestari  de  eo  possit,  qui 
sciât  consecratum,  nihil  est  in  quo  pussit  peccatum 
obrepere  cum  in  hac  parte  conscietitice  suœ  nec  ille 
reus  sit  qui  consecratur,  nec  ille  qui  consecrat.  Sci- 
mus  quidem  inexpiabile  esse  facinus  quoties  contra 
sanctorum  Patrum  insiituta  cogitur  aliquis  lavacrum, 
quod  regenerandis  semel  est  tributum,  bis  subire  ;  sed 
in  hoc  nihil  simile  formidatur,  quoniam  non  potest 
in  iterationis  crimen  ventre,  quod  factum  esse  om- 
nino  nescitur...  quod  si  ab  hœreticis  buptizatum  fuisse 
quempiam  constiterit,  erga  hune  nullalenus  sacramen- 
tum  regenerationis  iteretur  :  sed  hoc  tantum  quod 
ibi  defuit  conferatur,  ut  per  episcopalis  manus  impo- 
sitionem  virtutem  Spiritus  Sancti  consequatur.  Epist- 
135,  pag.  355. 

8  Cujus  ablulio  nulla  iferatione  temeranda  est,  se'd 
sola  Spiritus  sanctificatio  invocanda  est  :  ut  quod  a!i 
hœreticis  nemo  accipit,  hoc  a  catholicis  sacerdotibus 
consequatur.  Ibid  ,  et  pag.  341,  Epist.  129. 


[V^  SIÈCLE.] 

mains  de  l'évêque,  avec  l'invocation  du  Saint- 
Esprit,  pour  recevoir  la  sanctification  que  les 
hérétiques  ne  donnent  point. 

10.  Comme  c'était  l'usage  de  conférer  en 
même  temps  les  sacrements  de  baptême,  de 
conBrmation  et  d'eucliaristie,  saint  Léon,  dans 
sa  lettre  au  clergé  et  au  peuple  de  Gonstanti- 
nople  ' ,  apporte  entre  au  très  preuves  de  l'Incar- 
nation, le  sacrement  de  l'Eucharistie,  oùles  en- 
fants mêmes  reconnaissent  de  leur  Ijouche  la 
vérité  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ, 
parce  qu'alors  les  enfants,  en  le  recevant, 
répondaient  Ame7i,  comme  les  autres.  [1  ap- 
pelle l'eucharistie,  sacrifice,  et  exige  de  ceux 
qui  s'en  approchent  une  foi  constante  en  la 
présence  réelle  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ.  ((  Le  sacrifice  est  pur  -,  dit-il,  et  les 
charités  sont  saintes  quand  on  n'a  point  de 
sentiments  contraires  à  la  saine  doctrine  ; 
puisque  le  Sauveur  du  monde  a  dit  :  Si  vous 
ne  mangez  la  chair  du  Fils  de  l'homme,  et  si 
vous  ne  buvez  son  sang,  vous  n  aurez  point  la 
vie  en  vous,  vous  devez  approcher  de  la  table 
sacrée  avec  une  telle  disposition,  que  vous 
n'ayez  aucun  doute  sur  la  réalité  du  corps  et 
du  sang  de  Jésus-Christ.  On  prend  avec  la 
bouche  ce  qu'on  croit  par  la  foi.  C'est  en 
vain  que  ceux-là  répondent  Amen,  qui  dis- 
putent contre  la  vérité  de  ce  qu'ils  reçoivent. 
L'effet  de  la  participation  ^  du  corps  et  du 
sang  de  Jésus-Christ  est  de  nous  transformer 
en  ce  que  nous  prenons.  »  Les  manichéens  * 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


259 


assistaient  k  la  célébration  des  saints  mys- 
tères pour  cacher  leur  infidélité,  et  se  com- 
portaient de  telle  sorte  dans  la  communion, 
qu'ils  présentaient  une  bouche  infâme  pour 
recevoir  le  corps  de  Jésus-Christ;  mais  ils  évi- 
taient de  recevoir  son  sang  précieux,  comme 
s'ils  eussent  eu  peur  qu'on  ne  les  reconnût 
pour  ce  qu'ils  étaient.  C'était  un  sujet  de 
consternation  dans  une  Eglise,  lorsque,  par 
la  violence  de  ses  ennemis,  le  sacrifice  ^  de 
l'autel  et  les  autres  mystères  y  étaient  inter- 
rompus, et  que  l'on  ne  pouvait  y  consacrer 
le  saint  chrême.  Quand  le  peuple  venait  à 
l'église  ^  en  si  grand  nombre,  qu'il  ne  pou- 
vait y  tenir  ensemble  ,  on  ne  faisait  point  de 
difficulté  de  réitérer  le  sacrifice  autant  de 
fois  que  l'église  dans  laquelle  on  devait  l'of- 
frir était  remplie  de  peuple. 

il.  Par  l'abondance  de  la  miséricorde  de 
Dieu  ',  nous  avons  deux  moyens  d'effacer 
nos  péchés  ;  l'un  est  le  baptême,  l'autre  est 
la  pénitence.  Celui-ci  nous  est  accordé  pour 
obtenir  la  rémission  des  fautes  que  nous 
avons  commises  depuis  notre  régénération  ; 
mais  nous  n'en  obtenons  le  pardon  qu'en 
nous  jugeant  nous-mêmes  de  notre  propre 
bouche  et  par  les  supplications  des  prêtres. 
Car  c'est  à  eux  que  le  médiateur  de  Dieu  et 
des  hommes,  Jésus-Christ,  a  donné  le  pouvoir 
d'admettre  à  la  pénitence  ceux  qui  confes- 
sent leurs  péchés,  et  de  les  faire  entrer  par 
la  réconciliation  dans  la  participation  des  sa- 


1  In  quo  hacienus  desidiœ  torpoi'e  jacuere!  Ul  nec 
audihi  discerent,  vel  hctione  cognoscerent  guod  in  Ec- 
clesia  Domini  in  omnium  ore  tam  consonum  est,  ut  nec 
ab  infantium  linguis  verilas  corporis  et  sanguinis 
ChrisU  inter  communionis  sacraitienfa  faceatur.  Quia 
in  illa  mystica  distributione  spiritalis  alimoniœ  hoc 
impartitur,  hoc  sumitur  :  ut  accipientes  virttitem  cœ- 
lestis  cibi  in  carnem  ipsius,  qui  caro  nostra  factus 
est,  transeamus.  Epist.  46,  pag.  260. 

2  Tune  et  sacrifleii  oblatiq  munda  est,  et  miseri- 
cordiœ  sancta  largitio,  quando  ii  qui  ista  dependunt, 
quod  operantur  intelligun(;  nam  dicente  Domino  : 
Nisi  manducaverilis  caruem  Filii,  etc.;  sic  sacrœ  mensœ 
communicare  debetis,  ut  nihil  prorsus  de  veritate 
corporis  Christi  et  sanguinis  ambigatis.  Hoc  enim  ore 
sumitur,  quod  fide  credilur  :  et  frustra  ab  illis  Amen 
respondetur,  a  quibus  contra  id  quod  accipitur,  dis- 
putatur.  Serm.  89,  pag.  175. 

2  Non  enim  aliud  agit  participatio  corporis  et  san- 
guinis Christi,  quam  ut  in  quod  sumimus  transeamus, 
Serm.  63,  pag.  139. 

4  Cum  ad  tegendum  infidelitatem  suam  nostris  au- 
deant  adesse  mysteriis,  ita  in  sacramentorum  commxi,- 
nione  se  tempérant,  tit  interdum,  ne  penitus  latere  non 
poisint,  ore  indigna  Christi  corpus  accipiant,  sangui- 
nem  autem  redemptionis  nostrœ  haurire  omninu  dé- 
diaient. Serm.  41,  pag.  106. 


5  Intercepta  est  sacrificii  oblatio ,  defecit  chris- 
matis  sanctificatio ,  et  parricidalibus  manibus  im- 
piorum  omnia  se  subtraxere  mysteria.  Epist.  125, 
pag.  337. 

^  Cum  solemnior  quœque  festivitas  conventum  populi 
numerosioris  indixerif,  quam  recipere  simul  basilica 
una  non  possit,  sacrificii  oblatio  indubitanier  iteretur  : 
ne  his  tantum  admissis  ad  hnnc  devotionem,  quiprimi 
advenerint,  videatitur  hi  qui  postmodum  confluxerint , 
non  recepti  :  cum  plénum  pietatis  ac  rationis  sit  ut 
qiioties  basilicam  in  qua  agitur,  prœsentia  novœ  pie- 
bis  impleverit,  toties  sacrificium  subsequens  offeratur. 
Epist.  11,  pag.  221. 

"^  Multiplex  misericordia  Dei  ita  lap.nbus  subvenit 
humo.nis,  ut  non  solum  per  baptismi  gratiam,  sed 
etiam  per  pœnitentiam  medicinam  spes  vilœ  repareiur, 
ut  qui  regenerationis  dnna  violassent,  proprio  se  judi- 
cio  condemnantcs  ad  remissionem  criminum  perveni- 
rent  :  sic  divinœ  bonitatis  prœsidiis  ordinatis,  ut  in- 
dulgenfia  Dei  nisi  supplicationibus  sacerdotum  nequeal 
obtineri  :  mediator  enim  Dei  et  liominum  homo  Chris- 
tiis  Jésus  hanc  prœpositis  Ecclesiœ  tradidit  potesia- 
tem,  et  ut  confitentibus  actionem  pœnitentiœ  darent, 
et  eosdem  salubri  satisfactione  purgatos  ad  commu- 
nionem  sacramentorum  per  januam  reconciliationis 
udmitterent.  Epist.  83,  pag.  302. 


260 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


crements  après  une  satisfaction  salutaire.  Ce 
remède  *  n'est  que  pour  les  vivants  et  ne 
peut  être  appliqué  aux  morts,  qui  l'ont  né- 
gligé pendant  leur  vie  ;  mais  tant  que  la  vie 
dure,  nous  ne  pouvons  mettre  des  bornes  à 
la  miséricorde  de  Dieu,  et  nous  devons  ac- 
corder la  satisfaction  et  la  récoriciliation  à 
tous  ceux  qui  la  demandent,  même  dans  le 
péril  et  à  l'extrémité  de  la  vie,  pourvu  que 
la  conversion  soit  véritable.  Nous  ^  ne  devons 
pas  être  difficiles  dans  la  dispensation  des 
dons  de  Dieu^  ni  mépriser  les  larmes  de  ceux 
qui  s'accusent;  au  contraire,  nous  devons 
croire  que  c'est  Dieu  qui  inspire  la  péni- 
tence. 

Saint  Léon  blâme  ^  ceux  qoi  remettent 
leur  conversion  à  la  mort,  et  qui  différent 
jusque-là  de  satisfaire  pour  leurs  péchés.  Il 
leur  fait  voir  qu'en  employant  le  temps  pré- 
sent à  la  pénitence,  ils  sont  bien  plus  sûrs 
d'obtenir  l'indulgence  de  leurs  fautes,  que  de 
renvoyer  cette  pénitence  et  leur  conversion 
h  quelques  peu  d'heures  où  ils  n'auront 
peut-être  ni  le  loisir  de  confesser  leurs  pé- 
chés, ni  le  temps  d'être  réconciliés  par  un 
prêtre.  Il  décide  que  lorsque  dans  l'extrémité 
un  fidèle  perd  la  parole,  il  suffit  qu'il  donne 
des  marques  d'une  connaissance  entière,  ou 
que  des  personnes  dignes  de  foi  témoignent 
qu'il  a  demandé  la  pénitence,  pour  que  le 


prêtre  lui  accorde  le  bienfait  de  la  réconci- 
liation, en  observant  toutefois  les  règles 
prescrites  par  les  saints  pères  à  l'égard  de 
ceux  qui  ont  offensé  Dieu  en  renonçant  à  la 
foi.  C'était  à  Pâques  *  que  se  faisait  ordinai- 
rement la  réconciliation  solennelle  des  péni- 
tents, et  que  l'empire  du  démon  était  détruit 
par  la  puissance  de  la  croix. 

Voici  quelques  règles  que  saint  Léon  pres- 
crit sur  la  manière  dont  on  doit  se  conduire 
envers  les  pécheurs  qui  demandent  la  péni- 
tence. «  Ceux  qui  la  demandent^  en  maladie, 
et  ne  veulent  pas  l'accomplir  étant  revenus 
en  santé,  ne  doivent  pas  être  abandonnés  ; 
il  faut  les  exhorter  souvent,  et  ne  désespérer 
du  salut  de  personne  tant  qu'il  est  dans  cette 
vie.  Il  faut  user  de  la  même  patience  à  l'é- 
gard de  ceux  qui,  pressés  du  mal,  demandent 
la  pénitence,  et  la  refusent  quand  le  prêtre 
est  venu  ;  si  le  mal  leur  donne  quelque  re- 
lâche, et  qu'ils  demandent  ensuite  la  péni- 
tence, on  ne  doit  pas  la  leur  refuser.  Ceux 
qui  reçoivent  la  pénitence  ^  h  l'extrémité,  et 
meurent  avant  d'avoir  reçu  la  communion, 
c'est-à-dire  la  réconciliation,  doivent  être 
laissés  au  jugement  de  Dieu  qui  pouvait  dif- 
férer leur  mort.  Mais  on  ne  prie  point  pour 
eux  comme  morts  hors  de  la  communion  de 
l'Eglise.  Les  pénitents  doivent  s'abstenir  de 
plusieurs  choses  même  permises.  Ils  ne  doi- 


'  Si  auteni  nliquis  eormn  pro  quitus  Domino  sup- 
plicmnus,  quocumque  intercepius  obstaculo  a  munere 
prœsentis  indulgeniiœ  exciderit ,  et  priusquam  ad 
constituta  remédia  perveniat,  temporalem  vitam  hu- 
mana  conditione  finierU,  quod  manens  in  corpore  non 
recepii,  consequi  exutus  carne  non  poterit...  His  au- 
tem  qui  in  tempore  necessifatis  et  in  periculi  urgentis 
inslantia,  prœsidium  pœnitentiœ  et  mox  reconciliulio- 
nis  implorayit,  nec  salisfactio  interdicenda  est,  nec  re- 
conciliatio  deneganda ,  quia  iniseHcordiœ  Dei  nec 
mensuras  possumus  ponere ,  nec  tempora  definire , 
apud  quem  nullas  patitur  veniœ  moras  vera  conversio. 
Ibid. 

^  In  dispensandis  ilaque  Dei  donis  non  debemus  esse 
difficiles,  nec  accusantium  se  lacrymas  gemiiusque 
negligere,  cum  ipsam  pœnitendi  off'ectionem  ex  Dei 
crcdamus  inspiiratione  conceptam.  Ibid. 

3  Oporlet  unmnquemque  christianum  conscientiœ 
sues  hahere  judicium,  ne  converti  ad  Deum  de  die  in 
diem  différât,  nec  saiisfactionis  sibi  tempus  in  fine 
vitœ  suce  constituât  ;  quia  periculose  hac  se  condi- 
tione fragilitas  et  ignorantia  humana  concludit,  ut 
adpitucarum  horarum  se  reservet  incertum,  et  cum 
passif  pleniore  satisfactione  indulgentiam  promereri, 
illius  femporis  angustias  eligat,  quovix  inveniat  spa- 
tium,  vel  confessio  pœnitenlis,  vel  reconciliaiio  sa- 
cerdotis.  Verum  etiam  talium  necessitati  ita  auxilian- 
dum  est,  ut  et  actio  illis  pœnitentiœ  et  communionis 
gratia,  si  eam   etiam   amisso  vocis  officia  per  indicia 


integri  sensus  postulant,  non  negetur.  At  si  aliqua 
œgriiiidine  ita  fuerint  aggravait,  ut  quod  paulo  anie 
poscebant  sub  prœsentia  sacerdotis  significare  non  va- 
leunt,  iestimonia  eis  fidelium  circumstantium  pro- 
desse  deliebunt,  ut  simul  pœnitentiœ  et  reconciliationis 
beneficium  consequentur  :  servata  tamen  régula  cuno- 
num  paternorum  circa  personas  eorum  qui  in  Deum  a 
fide  discedendo  peccai'uyit.  Ibid. 

">  Lapsos  videt  diabolus  pœnitentiœ  lacrymis  ablui 
et  portas  misericordiœ  apostolica  clave  reserante  ad 
remédia  reconciliationis  admitti.  Sentit  insuper  diem 
passionis  dominicœ  instare  et  se  illius  crucis  poteslate 
conteri,  quœ  in  Christo  redemptio  fuit  mundi,  non 
pœna  peccati.  Serm.   48  in   Quadrogesim.,  pag.  116. 

^  Pœnitentia  quœ  dilata  est  cum  studiosius  petila 
fuerit,  non  negetur,  ut  quaquo  modo  ad  indulgeniiœ 
medicinam  anima  vulneraia  perveniat.  Epist.  2,  pag. 
20S.  Culpanda  es/  eorum  negligentia  qui  in  œgritu- 
dine  pœnitentiam  recipiunf,  et  cum  revaluerint,  agere 
eam  nolunt,  sed  non  penitus  deserenda  :  ut  crebris,  co- 
horlationibus  incitati,  quod  nécessaire  expeiieruni,  fi- 
deliter  exequantur.  Nemo  enim  desperandus  est, 
dum  in  hoc  corpore  constitutiis  est.  Ibid.,  pag.  207. 

^  Qui  anima  jam  déficientes  pœnitentiam  accipiunt, 
et  ante  communionem  moriuntur,  horum  causa  Dei 
judicio  reservanda  est,  in  cujus  manu  fuit,  ut  talium 
obitus  usque  ad  communionis  remedium  differreiu,r. 
Nos  nutem  quibus  viventibus  non  communicavimus, 
inortuis  communicare  non  possumus.  Iliid. 


[V^  SIÈCLE.] 

vent  '  pas  plaider,  s'il  est  possible,  e  t  s'adresser 
plutôt  au  juge  ecclésiastique  qu'au  séculier. 
Ils  doivent  -  perdre  plutôt  que  de  s'engager 
au  négoce  toujours  dangereux.  Il  ne  leur  est 
point  permis  ^  de  rentrer  dans  la  milice  sé- 
culière, ni  de  se  marier,  si  ce  n'est  que  le 
pénitent  soit  jeune  et  en  péril  de  tomber 
dans  la  débauche;  encore  ne  lui  accorde-t-on 
que  par  indulgence.  On  purifiait  *  par  les 
jeûnes  et  par  l'imposition  des  mains  ceux 
qui,  étant  pris  par  les  païens,  avaient  vécu 
comme  eux  de  viandes  immolées  ;  mais  s'ils 
avaient  adoré  des  idoles  et  commis  des  ho- 
micides ou  des  fornications,  on  les  mettait  en 
pénitence  publique,  dont  on  '"  proporlionnait 
la  durée  sur  la  douleur  que  les  pénitents  té- 
moignaient de  leurs  crimes,  et  non  sur  les 
canons,  la  prudence  voulant  que  dans  des 
choses  de  discipline,  l'on  s'accommodât  au 
temps.  » 

12.  Suivant  la  tradition  apostolique  ^,  on 
ne  mettait  point  les  prêtres  en  pénitence  pu- 
blique ;  on  ne  leur  en  imposait  que  de  se- 
crètes. Il  en  était  de  même  des  diacres.  La 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


261 


loi  de  la  continence  ^  est  la  même  pour  les 
ministres  de  l'autel,  c'est-à-dire  pour  les  dia- 
cres et  les  sous-diacres  ^,  que  pour  les  évo- 
ques et  les  prêtres.  Ils  peuvent,  étant  laïques 
ou  lecteurs,  se  marier  et  avoir  des  enfants  ; 
étant  élevés  à  un  degré  supérieur,  ils  ne  doi- 
vent point  quitter  leurs  femmes,  mais  vivre 
avec  elles  comme  s'ils  ne  les  avaient  point. 
Il  n'est  pas  permis  '  d'élever  à  la  prêtrise  ni 
un  néophyte,  ni  un  laïque,  étant  nécessaire 
d'éprouver  dans  les  ordres  inférieurs  ceux 
qui  doivent  être  élevés  aux  ordres  supé- 
rieurs, afin  de  s'assurer  non-seulement  de 
leur  capacité,  mais  aussi  de  leur  humilité.  Les 
bigames '"doivent  être  exclus  de  l'épiscopat, 
de  la  prêtrise  et  même  du  diaconat.  Sous  le 
nom  de  bigames,  on  comprend  ceux  qui  ont 
épousé  des  veuves.  Dans  chaque  Eglise  on 
donnait  "  le  rang  aux  prêtres  selon  le  temps 
de  leur  ordination,  et  on  ne  permettait  pas  à 
un  ancien  de  céder  sa  place  à  un  plus  jeune. 
On  ne  permettait '^ pas  d'élever  au  plus  haut 
degré  du  sacerdoce  des  gens  de  condition 
servile,  ou    qui   n'étaient   point   de   bonnes 


1  lllicitorum  veniam  postulaniem  oportet  a  muliis 
etiam  licitis  ahstinere...  unde  si  pœnitms  liabel  eau- 
sam  qiiam  negligere  forie  non  debeat,  melius  expetit 
ecclesiasticum  quam  foreuse  judicium.  Ibid. ,  pag. 
208. 

2  Qualitas  lucri  negotiantem  aut  excusai  aut  arguit  : 
quia  est  et  honestus  quœstus  et  turpis.  Verumtamen 
pœnitenti  utiliiis  est  dispendiu  pati,  quam  periculis 
negotiationis  adstringi  :  quia  difficile  est  inter  emen- 
tis  vendentisque  commercium  non  inteivenire  pecca- 
ium.  Epist.  2,  pag.  208. 

3  Contrarium  est  omnino  ecclesiasticis  regulis  post 
pœnitentiœ  actianem  redire  ad  militiam  sœcularem. 
Ibid. 

*  Si'  convivio  solo  geniilium  et  escis  immolatitiis 
usi  sunt,  possunt  jejaniis  et  manus  impositione  pur- 
gari;  si  aulem  aut  idola  adoraverunt,  aut  homicidiis 
vel  fornicationibus  contavnnati  sunt,  ud  communia, 
nem  eos,  nisi  per  pœnitentiam  publicam,  non  oportet 
admitti.  Ibid.,  pag.  209. 

5  Quœ  pœnitentia  non  iam  temporis  longitudine, 
quam  cordis  compunctione  pensanda  est.  Epist.  129, 
pag.  341. 

"  Alienum  est  a  consuetudine  ecclesiastica,  ut  qui 
presbyteruli  honore  aut  in  diuconi  gradu  fuerint  con- 
secrati,  ii  pro  crimine  aliquo  suo  per  manus  imposi- 
tionem  remedium  accipiant  pœniiendi  :  quod  sine  du- 
bio  ex  apostolica  tradilione  descendit.  Unde  hujus- 
modi  lapsis  ad  promerendam  misericordium  Deipri- 
vata  est  et  petenda  secessio,  ubi  illis  satisfuctio,  si 
fuerit  dignu,  sit  etiam  fruciuusa.  Epist.  2,  pag.  205. 
'  Lex  conlinentiœ  eadem  est  ministris  altaris,  quœ 
episcopis  algue  presbyleris ;  qui  cuni  essenl  laici  sive 
leclores,  licite  et  uxores  ducere,  et  filios  procreare  po- 
tuerunt;  sed  cum  ad  prœdictos  gradus  pervenerunt, 
cœpit  eis  non  licere,  quod  licuit.  Ibid. 


8  Ad  exhibendam  perfeciœ  conlinentiœ  puritatem, 
nec  subdiaconis  quidem  connubium  carnale  concedilur. . . 
quod  si  in  hoc  ordine,  qui  quartus  a  capite  est,  di- 
gnum  est  custodiri;  quanlo  magis  in  primo  aut  se- 
cundo vel  tertio  servandum  est  :  ne  aut  levilico,  aut 
presbylerali  honore,  aut  episcopali  excellentiœ  quis- 
quam  idoneiis  exislimetur,  qui  se  a  voluptate  uxoria 
necdum  frœnasse  delegilur.  Epist.  12,  pag.  223. 

9  Qui  ordinandus  est,  etiamsi  bonœ  vitœ  lestimonium 
liabeat,  non  laicus,  non  neophytus,  nec  secundœ  con- 
jugis  sit  maritus.  Ibid.,  pag.  223. 

ï"  Eos  vel  qui  secundas  nuptius  inierunt  vel  vidua- 
runi  se  conjugio  sociarunt,  nec  apostolica,  nec  legalis 
auctorilas  sacerdotium  obtinere  permiltit.  Epist.  i, 
pag.  205. 

"  Cognovimus  apud  te  presbyterii  ordinem  fuisse 
turbalum,  ita  ut  unius  feslina  et  immatura  pervectio, 
quœdam  eorum  dejeclio  fada  sit,  quorum  œtas  ordi- 
nem commendabat,  cœteris  omnibus  in  eo  ordine  ma- 
nentibus  quem  cuique  tempus  ordinationis  adscripsit. 
Epist.  18,  pag.  236. 

'2  Adniiiiuntur  passim  ad  ordinem  sacrum  quibus 
nulla  natalium,  nulla  morum  dignitas  suffragatur ; 
et  qui  a  dominis  suis  libertalem  consequi  minime  po- 
tuerunt,  ad  fastigium  sacerdotii  tanquam  servitis  vili- 
tas  hune  honorem  capiat  provehuntur  :  duplex  in  hac 
parte  reaius  est,  quod  et  sacrum  minislerimn  talis 
consortii  vilitate  polluilur,  et  dominorum  jura  sol- 
vuntur.  Ab  his  omnes  provinciœ  vestrœ  sacerdotes 
abslineant;  et  non  tantum  ab  his  sed  ub  illis  etiam 
qui  aut  origini  aut  alicui  conditioni  obligali  sunt, 
volumus  lemperari,  nisi  forte  eorum  petitio  aut  vo- 
lu.nias  accesserit,  qui  aliquid  in  eos  sibi  vindicant 
poleslatis.  Epist.  3,  pag.  210.  Vide  et  pag.  203  et 
218. 


262 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mœurs,  ou  qui  étaient  engagés  à  des  devoirs 
incompatibles  avec  le  service  de  l'Eglise.  Il 
fallait,  pour  ordonner  des  esclaves,  qu'ils  fus- 
sent mis  auparavant  en  liberté  par  leurs  maî- 
tres. Afin  qu'on  connût  mieux  la  naissance 
et  le  mérite  des  sujets  qu'on  voulait  élever  ' 
à  l'épiscopat,  le  clergé  et  le  peuple  devaient 
avoir  part  à  leur  élection,  et  onue  leur  don- 
nait point  pour  évèque  ^  celui  qu'ils  ne  vou- 
laient pas,  ou  pour  qui  ils  témoignaient  de 
la  répugnance,  de  crainte  qu'il  ne  fût  ou  haï 
ou  méprisé  de  spn  peuple.  Les  deux  quali- 
tés 3  les  plus  essentielles  à  un  évèque  sont  la 
piété  et  le  talent  d'annoncer  la  parole  de  vé- 
rité. Leurs  ordinations  se  faisaient  *  par  le 
métropolitain  un  jour  de  dimanche  ^.  On  fai- 
sait le  même  jour  les  ordinations  des  prêtres 
et  des  diacres,  et  il  fallait  que  ceux  qui  don- 
naient l'ordre  et  ceux  qui  le  recevaient  ^  fus- 
sent à  jeun.  Les  évêques  avaient  coutume  de 
célébrer  annuellement  le  jour  de  leur  exal- 
tation au  pontificat  avec  plusieurs  de  leurs 
confrères.  On  oignait  ^  celui  que  l'on  ordon- 
nait évèque,  et  on  chantait  pendant  la  céré- 
monie de  son  ordination  ^  le  psaume  cix". 
Quelque  désir  qu'ait  un  évèque  de  vivre  dans 
le  repos  et  dans  la  retraite,  il  ne  doit  ^  point 


abandonner  l'Eglise  qu'il  s'est  chargé  de 
gouverner,  mais  garder  courageusement  son 
poste  et  se  confier  au  secours  de  celui  qui  a 
promis  de  ne  le  point  abandonner.  Il  ne  doit 
pas  non  plus  '"  quitter  son  évéché  pour  en 
prendre  un  autre  ;  ou  il  doit  les  perdre  tous 
deux,  surtout  lorsqu'il  fait  ce  changement 
par  un  motif  d'intérêt  ou  d'ambition,  en  pas- 
sant d'une  ville  médiocre  à  une  beaucoup 
plus  grande.  Ce  n'est  pas  **  la  foi  seule  qui 
fait  le  vrai  évèque,  il  faut  qu'elle  soit  accom- 
pagnée des  œuvres.  L'ignorance  '^  ne  peut 
lui  servir  d'excuse  légitime.  Comme  il  ne  lui 
est  point  permis  *3  d'ignorer  les  canons  de 
l'Eglise,  il  doit  **  aussi  avoir  soin  de  les  faire 
observer  et  de  les  observer  lui-même,  y 
étant '^soumis  comme  les  autres.  Quoique  la 
dignité  épiscopale  '"  soit  la  même  dans  tous 
les  évêques,  et  qu'elle  leur  soit  donnée  de 
Dieu,  ils  ne  sont  pas  tous  au  même  degré  ; 
en  sorte  que,  pour  conserver  l'union,  il  est 
besoin  qu'il  y  ait  entre  eux  de  la  subordina- 
tion, et  que  les  évêques  soient  soumis  à  leurs 
métropolitains,  les  métropolitains  aux  évê- 
ques des  grandes  villes,  et  ceux-ci  au  pape. 
Cette  distinction  a  tiré  son  origine  de  celle 
qui  était  dans  le   collège  des  apôtres.  Ils 


1  Metropolitano  hoc  licere  non  permittimus,  ut  sua 
tantum  arbitrio,  sine  cleri  et  plebis  assensu,  quem- 
quam  ordinet  sacerdotem ,  sed  eum  Dei  Ecelesiœ  prœ- 
ficiat,  quem  totius  civitatis  consensus  elegerit.  Epist. 
13,  pag.  225. 

2  Nullus  invitis  et  non  petenttbus  ordinetur,  ne  ci- 
vitas  episcopum  non  optatum  aut  contemnat  aut  ode- 
rit.  Epist.  12,  pag.  223. 

8  Pietate  et  recta  prœdicatione  verbi  nihil  honora- 
bilius  sacerdoti.  Epist.  Flavian.  ad  Leonem ,  pag. 
240. 

'  Is  sibi  vindicet  ordinationem  sacerdûtis,  quem  il- 
liiis  provinciœ  metropolitanum  esse  consfiferit.  Epist. 
9,  pag.  218. 

^  Non  passim,  sed  die  légitima  ordinatio  celebretur; 
nec  sibi  comtare  status  sut  noverit  firmitatem,  qui  non 
die  sabbati  vespere  vel  ipso  dominico  die  fuerit  ordi- 
natus.  Solum  enim  majores  nostri  resurrectionis  do- 
minicœ  diem  hoc  honore  dignum  judicaveruni,  ut  sa- 
cerdot.es  qui  sumuntur  hoc  die  potissimum  tribuan- 
iur.  Epist.  9j  pag.  219. 

^  Non  passim  diebus  omnibus  sacerdotalis  vel  levi- 
tica  ordinatio  celebretur  :  sed  post  diem  sabbati  ejus 
noctis  quœ  in  prima  sabbati  lucescit  exordia  deligan- 
tur,  in  quibus  hi  qui  consecrandi  sunt  jejuniis,  et  a 
jejununtibus  sacra  benedictio  conferatur.  Epist.  M, 
pag.  220. 

'  Non  prœrogativa  terrena  originis  obtinet  unctio- 
tiem,  sed  dignalio  cœlestis  graiiœ  gignit  anlistitem. 
Serm.  1,  pag.  51. 

8  Nunc  et  ordo  levitaruni  clarior  et  dignitas  am- 
plior  seniorum,  et  sacraiior  est  unciio  sacerdotum. 
Serm.  57,  pag.  130. 


9  Miror  dilectionem  tuam  malle  in  silentio  aique 
otio  vitam  degere  quam  in  his  quœ  tibi  commissasunt 
permanere ,  dicenie  Domino  :  Beatus  qai  persevera- 
verit  usque  in  flnem.  Vnde  beata  erit  perseveraniia 
nisi  de  virtute  patientiœ?  Epist.  2,  pag.  206. 

1"  Si  quis  episcopus  civitatis  suœ  mediocritate  des- 
pecta  administrationem  loci  amplioris  umbierit,  et  ad 
majorem  se  plebem  quacumque  rafione  translulerit ,  a 
cathedra  quidem  pelletur  aliéna  :  sed  carebit  et  pro- 
pria... Suis  igitur  terminis  quisque  contentus  sit. 
Epist.  12,  pag.  223. 

"  Epist.  137,  pag.  356. 

12  Epist.  16,  pag.  233. 

'^  Ignorare  nunquam  liciiit  sacerdotem  qund  cano- 
num  fuerit  regulis  definitum.  Epist.  3,  pag.  211. 

1*  Noveris  hanc  maxime  curam  ad  sacerdotes  imiver- 
salium  plebium  pertinere,  ut  sanctarum  constiiutio- 
num  regulœ  nuilis  corrumpantur  excessibus.  Epist.  18, 
pag.  236. 

15  Epist.  3,  pag.  210. 

16  Quibus  {episcopis)  et  si  dignitas  sit  communis,  non 
est  tamen  ordo  generalis  :  quoniam  et  inter  beatissi- 
mos  apostolos  in  smiiliiuditie  honoris  fuit  quœdam 
discretio  potestutis,  et  cmn  omnium  par  esset  electio, 
uni  tamen  datum  est  ut  cœleris  prœemineret.  De  qua 
forma  episcoporum  quoque  orta  est  distinctio,  et  ma- 
gna ordinatione  provisum  est  ne  omnes  sibi  omnia  vin- 
dicarent  :  sed  essent  in  singulis  provinciis  singuti 
quorum  inter  fralres  haberetur  prima  sententia  :  et 
rursus  quidam  in  majoribus  urbiljus  constitua  solli- 
citudinem  susciperent  ampliorem,  per  quos  ad  unam 
Pétri  sedcm  universalis  Ecelesiœ  cura  conflueret. 
Epist.  12,  pag.  224. 


[V^  SIÈCLE.] 

avaient  tous  l'honneur  de  l'apostolat,  mais  il 
fut  donné  à  un  seul  d'avoir  la  prééminence 
sur  tous  les  autres.  Le  ministère  de  la  parole 
divine  '  appartient  aux  évêques  et  aux  prê- 
tres du  Seigneur,  et  on  ne  doit  l'accorder  ni 
aux  laïques  ni  aux  moines,  quelle  que  soit  leur 
science.  Il  y  avait  des  prêtres  ^  attachés  à  la 
desserte  des  églises  des  cimetières.  Les  ar- 
chidiacres étaient  chargés  '•  des  affaires  de 
l'Eglise.  S'il  arrivait  qu'un  évêque  fût  *  sus- 
pect dans  sa  foi,  l'examen  devait  s'en  faire 
dans  un  concile  ;  mais,  en  cas  de  défaut  de 
mœurs,  c'était  au  métropolitain  ^  à  les  re- 
prendre et  à  les  exhorter  avec  modération. 
Ils  doivent  ^  eux-mêmes  être  très-modérés 
dans  leurs  jugements,  ne  les  rendre  qu'avec 
beaucoup  de  maturité,  et  n'excommunier  ^ 
personne  sans  de  fortes  raisons.  Il  ne  leur  est 
pas  permis  d'aliéner  ^  les  biens  de  l'Eglise 
dont  ils  ont  le  gouvernement,  ni  de  s'atta- 
cher le  clerc  5  d'une  autre  Eglise  sans  l'agré- 
ment de  l'évêque  diocésain.  C'est  à  révéque'" 
à  ordonner  les  jeûnes  publics  par  l'autorité 
que  Dieu  lui  a  donnée;  mais  il  doit  exhorter 
en  même  temps  qu'on  les  observe  par  un  mo- 
tif de  charité,  afin  qu'en  mortifiant  le  corps, 
en  le  privant  d'une  partie  de  ses  aliments 
ordinaires,  on  songe  à  soulager  les  pauvres, 
et  afin  encore  que,  par  l'humiliation  attachée 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LÉON,  PAPE. 


263 


au  jeûne,  nous  méritions  le  secours  de  Dieu 
contre  nos  eunemis.  Il  y  avait  dans  l'église  *' 
un  trône  élevé  pour  l'évêque,  où  il  s'asseyait 
revêtu  de  tous  ses  ornements  sacerdotaux. 
Saint  Léon  appelle  les  simples  prêtres  '^, 
prêtres  du  second  rang,  mettant  les  évêques 
dans  le  premier,  et  les  diacres  dans  le  troi- 
sième. Il  parle  de  différentes  paroisses  ^^  ou 
éghses  établies  dans  les  quartiers  de  la  ville 
de  Rome,  où  chacun  portait  ses  aumônes  le 
samedi  pour  le  soulagement  des  pauvres.  11 
voulait'* que  l'on  observât  à  l'égard  des  clercs 
hérétiques  le  prescrit  des  canons,  c'est-à-dire 
qu'on  les  reçût  dans  le  degré  qu'ils  avaient 
dans  leur  secte,  sans  espérance  d'être  promus 
à  un  degré  supérieur,  pourvu  toutefois  qu'ils 
n'eussent  point  été  rebaptisés.  Il  approuvait 
que  les  princes  employassent  envers  les  hé- 
résiarques*^ et  leurs  disciples  la  sévérité  des 
lois,  par  l'utilité  que  l'Eglise  en  avait  tirée  ; 
mais  il  reconnaissait  en  même  temps  qu'elle 
devait  se  contenter  elle-même  des  armes  spi- 
rituelles que  Jésus-Christ  lui  a  mises  en  main, 
sans  se  porter  jamais  à  des  exécutions  san- 
glantes. Sa  raison  d'autoriser  en  quelque 
sorte  la  procédure  des  empereurs  envers  les 
hérésiarques,  était  que  la  crainte  des  sup- 
plices corporels  fait  souvent  recourir  aux  re- 
mèdes spirituels,  et  que  l'Eglise  qui  n'est  pas 


1  Prœter  Domini  sacerdotes  nullus  audeat  prœdi- 
care,  seu  monachus,  sivc  ille  sit  laicus,  qui  cvjvsli- 
bet  scientiœ  nomine  glorietur.  Epist.  93,  pag.  313. 
Vide  et  Epist.  92,  pag.  311. 

2  Epist.  85,  pag.  303  et  304.  —  3  Ibid. 

*  Habeaiur  inter  vos  concilium  episcopale...  ut  pia- 
nissimo examine  disquiraiur  an  sint  aliqui  inter  epis- 
copos  qui  hujus  hœreseos  contagio  poltuantur .  Epist. 
15,  pag.  231. 

5  Epist.  12,  pag.  222.  —  6  Ibid. 

'  Nulli  christianorum,  facile  communio  denegetur, 
nec  ad  indignantis  fiât  hoc  arbitrium  sacerdotis,  qnod 
in  magni  reatus  ultionem  invitas  et  dolens  quodam- 
modo  débet  inferre  animus  judicantis.  Epist.  10,  pag. 
219. 

8  Sine  exceptione  decernimus  ut  ne  guis  episcopus 
de  Ecclesiœ  suœ  rébus  audeat  guidquam  vel  donare, 
vel  commutare,  vel  vendere,  nisi  forte  ila  aliquid  au- 
rum  faciat,  ut  meliora  prospiciat,  et  cum  totius  cleri 
fraclatu  atque  consensu  id  eligat,  quod  noti  sit  du- 
bium  Ecclesiœ  profuturum.  Epist.  17,  pag.  236. 

5  Nullus  episcopus  alterius  episcopi  clericum  sibi 
audeat  vindicare,  sine  illius  ad  quem  pertinet  ces- 
sione,  quam  tamen  evidentia  scripta  contineant.  Epist. 
13,  pag.  225. 

•"  Nos  oportet  sacratissimain  consuetudinem  cele- 
brare,  ut  per  humilitatem  jejunii  conira  omnes  hostes 
nostros  divinum  mereomur  auxilium;  res  enim  est 
prœcipui  operis,  quam  et  ex  auctoritate  indicimus  et 
ex  charitate  suademus.  Serm.  84,  pag.  169. 


11  Iniueamur  oculis  fidei beatissinnim  pontificem  nos- 
trum  episcopali  subsellio  sublimatum ,  sacerdotalibus 
infulis  redimitum.  Serm.  96,  pag.  184. 

'2  Non  enim  summos  tantum  antistifes  aut  secundi 
ordinis  sacerdotes  :  nec  solos  sacramentorum  minis- 
tros,  sed  omne  corpus  Ecclesiœ  a  coniaminationibus 
oportet  esse  purgatum.  Serm.  47,  pag.  114. 

'3  Ad  cujus  operis  desideratum  vobis  fructum  dies 
vos  vicinus  invitât,  accedentibus  admbnitionibus  nos- 
tris,  ut  ad  Ecclesias  regionum  vestrarum  sabbato 
proxime  futuro  misericordiœ  mimera  deferatis.  Serm. 
10,  pag.  59. 

1*  Circa  quos  liœreticos,  illam  canonum.  constitutio- 
nem  prœcipimus  custodiri,  ut  in  magno  habeanl  béné- 
ficia, si  adempta  sibi  omni  spe  promotionis ,  in  quo 
inveniuntur  ordine  stabiliiate  perpétua  maneant  :  si 
tamen  iterata  iinctione  non  fuerint  maculati.  Epist.  14, 
pag.  226. 

1^  Meriio  patres  nostri  per  toium  mundum  instanter 
egere  ut  impius  furnr  ab  universa  Ecclesiapellereiur  : 
quando  etiam  mundi  principes  ita  hanc  sacrilegum 
amentiam  defestati  sunt,  ut  auctorem  ejus  cum  pie- 
risque  discipulis  legum  publicarum  ense  prosternè- 
rent. Profuit  diu  isla  disiriciio  Ecclesiœ  leniiati  quœ 
et  si  sacerdotali  contenta  judicio,  cruentas  refugit 
ultiones,  severis  tamen  christianorum  principum  cons- 
iiiutionibus  adjuventur,  dum  ad  spiriiale  nonnunquam 
recurrunt  remedium,  qui  timent  corporale  supplicium . 
Epist.  15,  pag.  227. 


264 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


?nr  le  Ma- 
rias». 


toujours  en  pouvoir  de  réprimer  la  fureur 
impie  des  sectaires,  a  besoin,  pour  le  main- 
tien de  ses  lois,  de  l'autorité  de  celles  des 
puissances  du  siècle. 

13.  Toute  conjonction  '  de  l'homme  avec 
la  femme  ne  fait  pas  un  légitime  mariage, 
de  même  que  tout  enfant  n'est  pas  héritier 
de  son  père.  Le  mariage  légilime  est  celui 
qui  se  contracte  entre  deux  personnes  de 
condition  libre.  Il  faut  distinguer  ^  la  concu- 
bine de  la  femme  légitime;  ainsi  celui  qui 
quitte  sa  concubine  pour  se  marier  fait  bien, 
et  celle  qui  épouse  un  homme  qui  avait  une 
concubine  ne  fait  point  mal,  puisqu'il  n'était 
point  marié.  Cela  s'entend  des  concubines 
esclaves,  et  non  de  celles  qui  étaient  en  effet 
des  femmes  légitimes,  mais  sans  en  porter  le 
titre  suivant  les  lois.  Mais  si  la  concubine 
avait  été  mise  en  liberté,  dotée  selon  les  lois, 
et  qu'elle  se  fût  mariée  publiquement,  alors 
il  n'était  plus  permis  à  nne  femme  de  se  ma- 
rier avec  celui  qui  avait  celte  concubine, 
parce  qu'elle  était  censée  sa  femme  légitime. 
On  ne  permettait  point  ^  à  ceux  qui  avaient 
été  mis  en  pénitence,  de  se  marier,  si  ce 
n'est  qu'ils  fussent  jeunes  et  en  péril  de  tom- 
ber dans  la  débauche.  Le  lien  du  mariage  * 
étant  indissoluble,  les  femmes  qui  se  sont 
remariées ,  croyant  que  leurs  maris  ont  été 
tués,  ou  qu'ils  ne  reviendront  jamais,  doivent 
retourner  avec  eux  quand  ils  reviennent, 


parce  que  le  premier  mariage  subsiste  tou- 
jours, quoique  les  seconds  maris  soient  ex- 
cusables. On  excommuniait  celles  qui  en  fai- 
saient refus. 

^i.  Saint  Léon  n'entre  point  dans  de  plus 
grands  détails  sur  les  sacrements.  Il  avoue  ^ 
avec  toute  l'humilité  et  toute  la  piété  dont  il 
était  capable,  que  Jésus-Christ  était  le  prin- 
cipe et  l'auteur  de  tout  ce  qu'il  faisait  de  bien 
dans  son  ministère  ;  «  nous  ne  nous  appuyons 
point,  dit-il,  sur  nos  propres  forces,  puisque 
nous  ne  pouvons  rien  sans  lui;  nous  mettons 
notre  confiance  dans  sa  protection,  puisque 
tout  notre  pouvoir  vient  de  lui.  C'est  la  force 
de  la  grâce  divine  ^  qui  dispose  tous  les  jours 
nos  cœurs  à  mépriser  les  choses  terrestres 
pour  les  élever  à  l'amour  des  biens  célestes. 
La  vie  même  que  nous  menons  sur  la  terre 
est  un  présent  de  notre  Créateur  :  il  nous  la 
conserve  par  sa  providence.  Celui  qui  nous 
a  promis  des  biens  éternels  nous  comble  de 
biens  temporels.  »  On  vit  dans  les  mages  une 
preuve  de  l'efBcacité  de  sa  grâce.  Dieu,  qui 
avait  fait  naître  l'étoile  qui  devait  les  con- 
duire, fit  naître  en  eux  ^  l'envie  de  chercher 
celui  qu'il  avait  fait  connaître  par  ce  signal, 
et  permit  qu'ils  le  trouvassent  en  effet.  Pen- 
dant '  que  cette  étoile,  qui  surpassait  toutes 
les  autres  par  l'éclat  de  sa  lumière,  excitait 
leur  curiosité.  Dieu  agissait  sur  leurs  cœurs 
par  ses  inspirations,  pour  leur  faire  compren- 


Pur 
cil. 
bitre. 


laGricfl 
Libre  ar- 


•  Non  omnis  millier  juncta  viro,  uxor  estviri,  quia 
nec  omnis  filins  hœres  est  patris.  Nuptiarum  autem 
fœdera  infer  ingenuos  sunt  légitima  et  inter  œqvales. 
Epist.  2,  pag.  207. 

2  Cujuilibet  loci  clerieum  si  filiam,  suam  viro  !ia- 
benti  concubinam  in  matrimoniiim  dederif,  non  ita 
accipiendum  est  quasi  eam  conjugaio  dederit,  nisi 
forte  illa  mulier  et  ingenna  facta,  et  dotata  légitime, 
et  publiais  nuptiis  honestata  videalur.  Palerno  arhi- 
trio  viris  junctœ  carent  culpa,  si  mulieres  quœ  a  vi- 
ris  habebantur  in  matrimonio  non  fuerunt,  quia  aliud 
est  nupta,  aliud  concubinn.  Ancillam  a  toro  abjicere, 
et  uxorem  certœ  ingenuitatis  accipere,  non  duplica- 
iio  conjugii,  sed  profectus  est  lionestatis.  Epist.  2, 
pag  207. 

2  In  adolescentia  constilutus,  si  vrgenfe  aut  metu 
mortis,  aut  captivitatis  periculo,  pœnilentiam  gessit, 
et  postea  timens  lapsum  incontinenfiœ  juvenitis,  copu- 
lam  uxoris  elegit,  non  crimen  fornicationis  incurrit, 
rem  fecisse  videtur  venialem,  si  prœter  conjugem, 
nullam  omnino  cognoverit.   Ibid.,  pag.  208. 

'  Quia  novimus  scripfum  :  Quod  Deus  junxit  homo 
non  separetj  necesse  est  ut  legitimarum  fœdera  nup- 
tiarum redintegranda  credamus...  Omnique  studio 
procurandum  est  ut  recipiat  unusquisque  quod  pro- 
prium  est...  et  ideo  si  viri  post  longam  cuptivitatem 
reversi  ita  in  dilectione  suarum  conjugum  persévèrent, 
ut  eos  cupiant  in  suum  redire  consortium,   restiluen- 


dum  quod  posait;  si  autem  aliquœ  mulieres  ita  pos- 
ieriorum  virorum  amore  sunt  captœ,  ut  niaient  cohœ- 
rere,  quam  ad  legiiimum  redire  consortium,  merito 
sunt  notandœ;  ita  ut  etiam  ecclesiastica  communione 
priventur.  Epist.  129,  pag.  340,  341. 

^  Pie  et  veraciter  confitetnur  quod  opus  ministerii 
nostri  in  omnibus  quœ  recte  agimus  Chrisfvs  exequi- 
tur;  et  non  in  nobis  qui  sine  illo  nihil  passumus,  sed 
in  ipso  qui  possibilitas  nostra  est,  gloriamur.  Serm.  4, 
pag.  53. 

s  Sublimitas  quidem  gratiœ  Dei  hoc  quotidie  ope- 
ratur  in  cordibus  cliriitianis,  ut  omne  desiderium 
noslriim  a  terrenis  ad  coslesiia  transferalur.  Sed  etiam 
prœsens  vita  per  Creaioris  opem  ducitur,  et  per  ip- 
siiis  providentiam  sustinetur  :  quia  idem  est  largitor 
temporalium,  qui  promissor  est  œternorum.  Serm.  15, 
pag.  63. 

'  Dédit  ergo  aspicientibus  iniellectum,  qui  prœs- 
titit  signum  :  et  quod  fecit  Intel ligi,  fecit  inguiri ,  et 
se  inveniendum  obtutii  requisitus,  Serm.  30,  pag.  88. 

8  Commovet  magos  remotioris  Orientis  habitatores 
siellis  cœieris  Stella  fulgenlior,  et  de  mirandi  lumi- 
nis  claritaie  viri  ad  hœc  spectanda  non  inscii,  magiii- 
tudinem  significationis  intelligunt  :  ogente  hoc  sine 
dubio  in  eorum  cordibus  inspiratione  divina ,  ut  eos 
tantœ  visionis  myslerium  non  lateret,  et  quod  oculis 
nstendebatur  insolitum,  animis  non  esset  obscurum. 
Serm.  32,  pag.  90. 


[v»  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XI. 


dre  ce  que  cette  étoile  signifiait,  etponr  leur 
ouvrir  l'intelligence  de  ce  mystère,  et  pour 
développer  à  leurs  esprits  ce  phénomène 
qui  paraissait  à  leurs  yeux.  La  grâce,  comme 
l'événement  le  fit  connaître  ',  conduisit  toute 
l'entreprise.  Le  ciel  servait  d'interprète  à  ce 
que  les  paroles  humaines  ne  pouvaient  en- 
core expliquer.  Comment  ^  les  mages  au- 
raient-ils pu,  sans  une  inspiration  particulière, 
lorsqu'ils  sortirent  de  leur  pays,  faire  un 
choix  aussi  juste  des  présents  qu'ils  devaient 
offrir  à  Jésus-Christ,  puisqu'ils  ne  l'avaient 
jamais  vu  et  qu'ils  n'avaient  aucune  con- 
naissance de  sa  personne?  Ne  faut-il  pas  dire 
qu'outre  la  lumière  de  l'étoile  qui  leur  frappa 
les  yeux  et  qui  leur  servit  de  guide,  ils 
avaient  an  fond  du  cœur  une  lumière  plus 
éclatante  qui  les  éclairait  encore  bien  plus 
vivement?  Le  signal  ^  qui  les  excita  si  effica- 
cement, fut  sans  doute  un  effet  de  la  grâce 
de  Dieu  et  le  commencement  de  la  vocation 
des  Gentils.  Car  il  n'est  pas  *  douteux  qu'un 
homme  qui  fait  des  bonnes  œuvres,  sent  sa 
volonté  excitée  par  la  grûce,  qui  lui  donne 
le  moyen  d'agir  et  d'arriver  à  la  consomma- 
tion de  son  ouvrage.  La  correction  de  nos 
mœurs  est  encore  un  don  de  Dieu.  Si,  en  les 
réformant  ^  par  les  grâces  qu'il  nous  donne, 
nous  remportons  la  victoire  sur  nos  ennemis 
invisibles,  nous  aurons  même  l'avantage  de 
triompher  de  nos  ennemis  visibles  et  de 
rendre  tous  leurs  efforts  inutiles.  Si  nous  ^ 


SATNT  LÉON,  PAPE.  263 

voulons  les  dompter  tous,  il  faut  nous  rendre 
dignes  du  secours  céleste  par  notre  fidélité, 
par  l'observance  des  préceptes  et  en  nous 
rendant  nous-mêmes  les  maîtres  de  nos  pas- 
sions. Quoique  ''  notre  édifice  ne  puisse  sub- 
sister sans  le  secours  de  celui  qui  en  est  l'ar- 
chitecte, et  que  nous  ne  puissions  nous  conser- 
ver sains  et  saufs  sans  une  protection  parti- 
culière de  celui  qui  nous  a  form  es  ;  néanmoins, 
comme  dans  cet  édifice  nous  tenons  lieu  de 
pierres  vives  et  d'une  matière  animée,  il  faut 
que  nous  coopérions  aux  soins  de  notre  Créa- 
teur; que  notre  obéissance  seconde  la  grâce, 
et  que  nous  demeurions  toujours  attachés  à 
celui  sans  lequel  nous  ne  pouvons  rien  faire 
de  bon.  Si  nous  trouvons  quelque  chose  de 
difficile  ou  d'impossible  dans  la  pratique  des 
commandements  de  Dieu,  pour  fortifier  notre 
faiblesse  nous  devons  implorer  le  secours  de 
celui  qui  nous  adonné  ces  commandements. 
En  nous  les  donnant,  il  excite  notre  désir,  et 
il  lient  ses  secours  tout  prêts,  suivant  ce  que 
dit  le  prophète  :  Rejetez  vos  soins  et  vos  in- 
quiétudes sur  le  Seigneur,  et  il  vous  nourrira 
lui-même.  C'est  donc  dans  le  Seigneur  ^  et 
non  dans  nous-mêmes  que  nous  devons  nous 
glorifier  des  progrès  que  nous  faisons  dans 
la  vertu.  C'est  lui  '  qui  est  l'auteur  des  bon- 
nes œuvres  et  des  bons  désirs  ;  en  même 
temps  qu'il  nous  inspire  de  faire  le  bien,  il 
nous  aide  à  l'accomplir.  Avec  sa  grâce  nous  '" 
pouvons  tout,  sans  sa  grâce  rien  ne  nous  est 


Psalm.Liv, 


1  Prœerat,  skut  res  docuii,  huic  miraculo  grafia 
Dei,  et  ciim  Chrisli  nativUatem  nec  ipsa  adhuc  Be- 
thléem iota  didicisset,  fam  illam  crediiuris  geniibus 
mserehat;  et  quod  nnndum  pofernf  hitmnno  eloquio 
disseri,  cœlo  faciebat  evangelizante  cognosci.  Serm. 
33,  pag.  92. 

2  Unde  enim  In  viri  cum  proficiscerenfur  de  pafria, 
qui  nonditm  videront  Jesum,  nec  aliquid  eoniuilu 
ejiis,  quo  eum  tam  ordinale  venerarentur,  adverterant, 
hanc  deferendnrum  munerum  servavere  rationem  ? 
Nisi  quia  prœfer  illam  stellœ  speciem,  quœ  corporeum 
excUavit  obtûtum,  fulgentior  veritaiis  radius  eorum 
corda  perdocuit.  Ibid. 

'  Hoc  signum  quod  magos  in  longinquo  positos  et 
efficaciter  movit,  et  ad  Dominum  Jesum  perseveranler 
attraxit,  illius  sine  dubio  gratiœ  sacramentum,  et  il- 
lius  fuit  vocationis  exordium.  Serm.  34,  pag-   94. 

'  Dubium  non  est  hominem  bona  agentem  a  Deo  Iia- 
bere  et  effectum  operis  et  initium  voluntatis.  Serm.  37, 
pag.  99. 

5  Si  donata  nobis  per  Dei  graiiam  morum  correc- 
tione  vincantur,  etiam  corporeorum  nobis  hostium  for- 
titudo  succumbet ,  et  emendatione nostra  infirmabuniur. 
Serm.  88,  pag.  100. 

^  Quapropier  ut  omnes  hostes  nostros  superare  va- 
leamus  per  observanliam  cœlestium  mandatorum,  di- 


vinum  quœramus  auxilium,  scientes  non  aliter  nos 
prœvalere  passe  adversariis  nostris  nisi  prœvalueri- 
mus  et  nobis.  Ibid. 

'  Qunmvis  enim  œdificivm  nosfrum  sine  ope  sut  non 
subsistât  ariificii,  nec  fabrica  nostra  posnt  esse  inco- 
lumis  nisi  ei  profeclio  prœfuerit  condiioris,  tamen 
quia  rationabiles  lapides  sumus  et  viva  materi.es,  sic 
nos  auctoris  nostri  extruit  manus,  ut  cum  opiftce  suo 
etiam  is  qui  reparatur,  operetur  :  gratice  igitur  Dei 
obedientia  se  Inimana  non  sulistrafiat ,  nec  ab  illo  bono, 
sine  quo  non  potest  bona  esse,  deficiat  ;  ac  si  quid  sibi 
impossibile  nut  arduum  in  mandatorum  effectibus  ex- 
peritur,  non  in  se  remaneat,  sed  ad  jubentem  recur- 
rai  ;  qui  ideo  dut  prœceptum,  ut  excitet  desiderium, 
et  prœstet  auxilium,  dicente  Prophela  :  JactainDeum 
cogitationem  tuam,  et  ipse  te  enutriet.  Serm.  42, 
pag.  10C  et  107. 

s  Quo  desiderio  quisquis  gratta  Dei  adjutus  imple- 
tur,  de  profectu  suo  non  in  se,  sed  in  Domino  gloria- 
tur.  Serm.  53,  pag.  123. 

'  Bonorum  operum  et  spiritalium  studiorum  Detim 
auctorem  esse,  non  dubium  est  .'  qui  quorum  iticitat 
mentes,  adjuvat  actiones.  Epist.  49,  pag,  269. 

'"  Cum  et  consilium  nostrum  et  fortitudo  sit  Chris- 
tus  ac  sine  quo  nihil  possumus,  per  ipsum  cuncta 
possimus.  Epist.  2,  pag.  206. 


266 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


possible.  Le  repentir  de  nos  fautes  *  est  même 
un  effet  de  sa  grâce  et  de  sa  divine  miséri- 
corde, et  c'est  elle  "-  encore  qui  nous  donne 
la  force  de  coopérer  aux  secours  qu'elle  nous 
accorde.  Au  reste,  quoique  la  grâce  ^  qui  a 
justifié  les  saints  dans  tous  les  siècles,  ait  été 
augmentée  à  la  naissance  de  Jésus-Christ,  ce 
n'est  pas  alors  qu'elle  a  commencé.  Cette 
grâce,  qui  est  maintenant  répandue  par  tout 
le  monde,  a  eu  tant  d'efHcacité  par  les  signes 
seuls,  que  ceux  qui  ont  cru  le  mystère  de 
l'Incarnation,  ont  eu  les  mêmes  privilèges 
que  les  autres  qui  en  ont  vu  l'accomplisse- 
ment ,  aucun  n'ayant  été  justifié  *  que  par 
Jésus-Christ,  et  aucun  n'ayant  eu  l'espé- 
rance ^  de  la  vie  éternelle  que  par  ce  mé- 
diateur de  Dieu  et  des  hommes.  Comme  ^  on 
ne  peut  obtenir  la  rémission  de  ses  péchés 
sans  la  grâce  du  Saint-Esprit,  on  ne  peut 
gémir  utilement,  ni  faire  pénitence,  ni  prier, 
sans  son  secours.  C'est  donc  le  dernier  des 
malheurs  d'être  privé  de  sa  grâce  ,  parce 
qu'on  ne  peut  obtenir  de  pardon  quand  on 
manque  d'intercesseur.  Pour  jouir  '  d'une 
véritable  paix  et  d'une  parfaite  liberté,  il 
faut  que  la  chair  soit  gouvernée  par  l'esprit, 
et  que  l'esprit  soit  parfaitement  soumis  à 
Dieu.  » 
13,  «  Cela  ne  peut  se  trouver  que  dans 


l'Eglise  catholique,  hors  ^  de  laquelle  il  n'y  a 
rien  de  saint  ni  de  chaste,  selon  cette  maxime 
de  l'apôtre  :  Tout  ce  qui  ne  se  fai(  point  selon 
la  foi  est  péché.  Les  dons  ^  de  toutes  les  ver- 
tus lui  ont  été  accordés  par  le  Saint-Esprit. 
L'Eglise  chrétienne  '°  a  pris  naissance  avec 
Jésus-Christ,  parce  que  le  corps  naît  en 
même  temps  que  le  chef.  Fondée  sur  la  foi" 
de  Pierre,  qui  est  une  pierre  inébranlable  et 
qui  ne  redoute  point  les  portes  de  la  mort, 
la  force  de  cette  foi  consiste  à  confesser  que 
Jésus-Christ  est  vrai  Dieu  et  vrai  homme  ; 
qu'il  est  né  de  la  Vierge  Marie;  qu'il  est  le 
Créateur  de  sa  mère  ;  que  celui  qui  est  le 
maître  des  temps,  est  né  dans  le  temps;  qu'il 
est  le  Seigneur  des  puissances  et  des  vertus 
célestes  ;  qu'il  est  semblable  aux  hommes, 
sans  être  sujet  au  péché,  et  qu'il  a  été  im- 
molé dans  une  chair  semblable  à  celle  du 
péché.  »  Saint  Léon  explique  ailleurs  ces 
paroles  de  Jésus-Christ  :  Vous  êtes  Pierre,  et 
sur  cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise,  de  la 
personne  même  de  saint  Pierre.  «  Cet  ordre 
établi,  dit-il  '^,  par  Jésus-Christ,  subsiste  en- 
core, et  le  chef  des  apôtres  qui  a  conservé 
jusqu'à  cette  heure  la  solidité  de  la  pierre, 
n'abandonne  point  le  gouvernement  de  l'E- 
glise dont  il  a  été  chargé.  Car  il  a  cette  pré- 
rogative au-dessus  des  autres  apôtres,  que, 


Il  Cor.  XI,  2. 


'  Ad  pœnUentmm  miserntio  divina  convertit.  Epist. 
90,  pag.  309. 

^  Ipse  gui  dndit  velle  donabit  et  passe,  ut  simiis  co- 
operatores  operum  ejus.  Serm.  25,  pag.  80. 

3  Gratia  Dei  qua  semper  est  universiias  justificata 
sanctorum,  aucta  est  Christo  nascente,  non  cœpta  :  et 
fioc  inagnœ  pietatis  sacramentum,  giio  totus  jam  mun- 
dus  impletvs  est^  iam  potens  e.tiam  in  suis  significa- 
iionibus  fuit,  ut  non  minus  adepti  sint,  gui  in  illud 
credidere  promiîsum,  guam  qui  suscepere  donaium. 
Serm.  22,  pag.  74. 

*  Fides  justificans  impios  in  illo  acquirit  so.lutem, 
in  quo  solo  homo  se  invenit  innovatum.  Epist.  97,  pag. 
316. 

s  Oitendant  unde  sibi  spem  vitœ  polliceantur  œter- 
nœ,  ad  quam  nisi  per  medialorem  Dei  et  hominum, 
hominem  Jesum  Christum,  non  potest  perveniri,  nec 
est  redemptio  nisi  in  sanguine  ejus.  Ibid.,  pag.   317. 

^  Unde  manifestum  est  peccalorum  remissionem  sine 
Spiritus  Sancti  advocatione  non  péri,  nec  guemguam 
sine  illo,  sicut  expedit,  ingemiscerc,  aut  sicut  oportet, 
orare.  guo  vacuari  nimis  exitiabile  est  nimisgue  mor- 
tiferum,  guia  nunquum  veniam  meretur,  qui  ab  in- 
tercessore  deseritur.  Serm.  74,  pag.  157. 

'  Quia  tune  est  vera  pax  hominis  et  liera  libertas, 
quandn  et  caro  animo  judice  regitur,  et  animus  Deo 
prœside  gubernatur.  Serm.  38,  pag.  100. 

8  Extra  Ecclesiam  catholicam  niliil  est  integrum, 
nihil  castum,  dicente  Apostolo  :  Omne  quod  uon  est 
ex  fide,  peccatuin  est.  Serm.  77,  pag.  162. 


9  Secundum  eriiditionem  Spiritus  Sancti,  per  guem 
Ecclesiœ  Dei  omnium  virtutum  coltata  sunt  dona, 
contineamus  nos.  Ibid,  pag.  162. 

'"  Generatio  Christi  origo  est  populi  christiani  ;  et 
natalis  capitis ,  natalis  est  corporis.  Serm.  25,  pag. 
79. 

11  Christianœ  fidei  foriitudo,  guœ  portas  mortis  su- 
per inexpv gnabilem  petram  œdificata  non  metuit , 
uniini  Dominutn  Jesum  Christum,  et  veruni  Deiim  et 
verum  hominetn  confitetur  :  eumdem  credens  filium 
Virginis,  qui  auctor  est  matris;  eumdem  natum  in  fine 
sœculorum,  gui  creator  est  temporum  ;  eumdem  Do- 
minum  omnium  virtutum,  et  unum  de  stirpe  morta- 
lium;  eumdem  peccati  nescium,  et  in  similitudine 
carnis  peccati  pro  pcccaloribus  immolatum.  Serm.  60, 
pag.  134.  Soliditas  illius  fidei  guœ  in  apostolorum 
principe  est  laudatU;  perpétua  est;  et  sicut  permanet 
quod  in  Christo  Peirus  credidit,  ita  permanet  quod 
in  Petro  Christus  institut  t.  Serm.  2,  pag.  51. 

'-  Manet  ergo  dispositio  vcritatis,  et  beatus  Petrus  in 
accepta  fortitudine  petrœ  persévérons,  suîcepta  Eccle- 
siœ gubernacula  non  reliquit.  Sic  enim  prœ  cœteris 
es!  ordinatus,  ut  dum  petra  dicitur,  dum  fundamen- 
tum  pronuntiatur,  dum  regni  cœlorum  junitor  cons- 
iituitur,  dum  ligandorum  solvendorumgue  arbiter, 
mansura  etiam  in  cœtis  judicioi-um  suormn  defini- 
tione,  prœficitur,  qualis  ipsi  cum  Christo  esset  socie- 
tas,  per  ipsa  appellationum  ejus  mysteria  nosceremus. 
Serm.  2,  pag.  52. 


[V  SIÈCLE. 


ayant  été  appelé  Pierre,  aj'anfc  été  choisi 
pour  être  le  fondement  de  l'Eglise,  aj'ant  été 
établi  pour  fermer  et  pour  ouvrir  la  porte  du 
ciel,  lorsqu'on  lui  a  donné  le  pouvoir  de  lier 
et  de  délier,  il  a  eu  cette  prérogative,  d'être 
comme  l'associé  de  Jésus-Clirist  dans  son 
ministère  ;  et  les  noms  qu'on  lui  a  imposés 
nous  donnent  une  parfaite  connaissance  de 
sa  dignité.  Jésus-Christ,  comme  chef  de  l'E- 
glise *,  anime  tous  les  saints  qui  sont  ses 
membres  ;  et  comme  le  chef  ne  peut  être 
séparé  des  membres,  ainsi  les  membres  ne 
peuvent  être  divisés  du  chef.  L'Eglise^,  qui  est 
cette  Vierge  dont  parle  l'apôtre,  est  l'épouse 
d'un  seul  homme,  Jésus-Christ.  Elle  ne  peut 
souffrir  la  tache  d'aucune  erreur,  ni  d'alté- 
ration dans  la  chaste  communion  qu'elle  en- 
tretient dans  tout  le  monde.  »  Cest  à  raison 
de  cette  communion  que  saint  Léon  veut  ^ 
qu'entre  les  nécessiteux  nous  ayons  princi- 
palement soin  de  ceux  qui  nous  sont  liés  par 
l'union  de  la  foi  catholique,  disant  que  nos 
obligations  sont  plus  étroites  envers  les  nô- 
tres à  qui  nous  tenons  par  les  liens  de  la 
grâce,  qu'envers  les  étrangers  à  qui  nous  ne 
tenons  que  par  les  liens  de  la  nature.  L'unité 
de  la  foi  *  et  du  baptême  étant  le  lien  de 
notre  société,  la  différence  des  degrés  et  des 
emplois  qui  se  trouvent  dans  l'Eglise  de  Dieu, 
n'empêche  pas  que  nous  ne  soyons  tous  réu- 
nis en  Jésus-Christ  :  c'est  ce  qui  fait  notre 
gloire.  Saint  Pierre  ^  fut  choisi  seul  entre 
tous  les  hommes  pour  être  le  chef  des  autres 
apôtres^  de  tous  les  pères  de  l'Eglise,  et  pour 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LÉON,  PAPE.  26^ 

être  l'instrument  de  la  sanctification  des 
Gentils.  Quoiqu'il  y  ait  un  grand  nombre  de 
prêtres  dans  le  peuple  de  Dieu  ,  néanmoins 
saint  Pierre  est  le  principal  ministre  dont 
Jésus-Christ  se  sert  pour  gouverner  ceux  qui 
sont  sous  sa  loi.  Dieu  a  fait  entrer  ce  grand 
apôtre  eu  société  de  sa  toute-puissance ,  et 
s'il  a  fait  la  même  grâce  à  tous  ceux  qui  ont 
été  choisis  et  préposés  pour  gouverner  les 
autres,  saint  Pierre  a  été  comme  le  média- 
teur des  grâces  qui  ont  été  communiquées 
aux  autres.  Le  Fils  de  Dieu  dit  à  Pierre  ^  : 
Je  vous  donnerai  les  clefs  du  royaume  du  ciel, 
et  tout  ce  que  vous  lierez  sur  la  terre  sera  lié 
dans  le  ciel,  et  tout  ce  que  vous  délierez  sur  la 
terre  sera  délié  dans  le  ciel.  Cette  même  puis- 
sance fut  aussi  communiquée  aux  autres 
apôtres  et  à  tous  les  prélats  de  l'Eglise.  Mais 
ce  n'est  pas  sans  liaison  que  la  parole  fut 
adressée  uniquement  à  saint  Pierre,  quoique 
les  autres  entrassent  en  société  du  même 
droit.  Ce  privilège  fut  accordé  principale- 
ment à  saint  Pierre,  parce  qu'il  devait  être 
la  règle  et  le  modèle  des  autres  prélats  de 
l'Eglise.  Le  privilège  de  la  primauté  accordé 
à  saint  Pierre  demeure  donc  (même  dans 
ses  successeurs,  surtout  les  évêques  succes- 
seurs des  apôtres).  Les  Eglises  ^  particulières 
avaient  des  privilèges,  comme  celles  d'Ale- 
xandrie. C'était  aux  évêques  à  les  maintenir 
conformément  aux  canons  sur  lesquels  ces 
privilèges  étaient  fondés.  Ils  devaient  aussi, 
eu  cas  de  diftîculté  sur  la  foi  *,  consulter  ce 
que  leurs  prédécesseurs  avaient  enseigné,  et 


1  In  omnibus  sanctis  suis  unus  idemque  est  Christus  : 
et  sicut  a  membris  caput,  Ha  a  capile  niembra  dividi 
non  possunt.  Serm.  63,  pag.  138. 

2  Illa  est  Virgo  Ecclesia,  sponsa  unius  viri  Christi, 
quœ  nulle  se  patitur  errore  viiiari  :  ut  per  totum 
mundum  una  nobis  sit  unius  castœ  communionis  inte- 
gritas.  Epist.  60,  pag.  278. 

3  Omnibus  quidem  indigeniibus  generali  benevolen- 
tia  consulentes,  sed  maxime  eorum  memores  qui  sunt 
de  membris  corporis  Christi,  et  nobis  unitate  catho- 
licœ  fidei  copulanfur.  Plus  enim  debemus  nostris  pro 
consoriio  graliœ,  guam  alienis  pro  communione  natu- 
res. Serm.  87,  pag.  172. 

'  Licet  miiversa  Ecclesia  Dei  distinctis  ordinata  sit 
gradibus,  ut  ex  diversis  membris  sar.raii  corporis 
subsistât  integritas  :  omnes  tamen  in  Christo  unum 
sumus  ;  nec  quisguam  ab  alterius  ita  est  diuisus  ofpcio, 
ut  non  ad  connectionem  periineat  capitis  cujuslibet 
humilitas  portionis;  in  unitate  igitur  fidei  alque  bap- 
tismatis,  indiscrefa  nobis  socielas  et  generalis  est  di- 
gnitas.  Serm.  3,  pag.  52. 

^  De  toto  mundo  unus  Petrus  eligitur,  qui  et  uni- 
versarum  geniium  vocaiioni ,  et  omnibus  apostolis 
cunctisque  Ecclesiœ  Pairibus  prœponatur  :  ut  guamvis 


in  populo  Dei  multi  sacerdotes  sint,  omnes  tamen  pro- 
prie regat  Petrus,  guos  principaliter  régit  et  Christus. 
Magnum  et  mirabile  huic  viro  consortium  potentiœ 
suce  tribuit  divina  dignaiio,  et  si  quid  cum  eo  com- 
mune cœteris  voluit  psse  principibus,  nunquam  nisi 
per  ipsum  dédit,  quidquid  aliis  non  negavit.  Serm.  3, 
pag.  53. 

s  Dicitur  beatissimo  Fetro  :  Tibi  dabo  claves,  etc. 
Transivit  quidem  etiam  in  alios  apostolos  jus  potes- 
tatis  istius,  et  ad  omnes  Ecclesiœ  principes  decreti  hu- 
jus  constitutio  commeavit  :  sed  non  frustra  uni  com- 
mendaiur,  quod  omnibus  intimatur.  Petro  enim  ideo 
hoc  singulariter  credilur ;  qui  cunctis  Ecclesiœ  recfo- 
ribus  Pétri  forma  prœponitur.  Manet  ergo  Pétri  pri- 
vilegium,  ubicumque  ex  ipsius  feriur  œquitate  judi- 
cium.  Ibid.,  pag.  53. 

'  Fratrem  Proterium  Alexandrinœ  urbis episcopum 
gratulor...  cui  condignam  gratiam  necesse  est  pro  fi- 
dei ipsius  sinceritate  prœstare,  ut  honorem  in  nullo 
suœ  perdat  Ecclesiœ,  sed  sedis  suœ  privilégia  paternœ 
antiquiiatis  e.xemplo,  juxta  canonum  illibata  jura, 
possideat.  Epist.  100,  pag.  319. 

8  Quœ  si  de  nostra  putat  ambigendum  esse  doctrina, 
saltem  beatai  memoriœ  Âthanasii,  Theophili  et   Cy- 


268 


HISTOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


SurlesCoa- 
elles- 


lorsqu'il  s'agissait  d'affaires  '  temporelles  qui 
regardaient  leur  Eglise,  ils  devaient  non  les 
porter  devant  les  tribunaux  séculiers,  mais 
les  faire  examiner  par  leurs  confrères,  sui- 
vant l'ancien  usage.  Il  leur  était  défendu  de 
s'arroger  de  nouveaux  droits  ou  d'en  usur- 
per^ sur  les  autres  diocèses,  dont  les  limites 
avaient  été  sagement  réglées,  ainsi  que  les 
privilèges,  surtout  dans  le  concile  de  Nicée. 
Saint  Léon  fait  dépendre  la  paix  et  la  tran- 
quillité de  l'Eglise  de  l'observation  des  ca- 
nons faits  dans  ce  concile. 

16.  Il  avait  un  si  grand  respect  pour  les 
décrets  des  conciles  généraux,  qu'il  n'osait 
pas  mettre  en  question  ^  ce  qui  avait  été  dé- 
cidé à  Nicée  et  à  Chalcédoine,  regardant  les 
décrets  de  ces  deux  conciles,  en  matière  de 
foi,  comme  des  oracles  du  Saint-Esprit.  Il 
fait  valoir  *  à  l'empereui-  Léon,  qui  était  sol- 
licité de  faire  examiner  de  nouveau  ce  qu'on 
avait  décidé  à  Chalcédoine ,  l'autorité  de 
Marcien,  son  prédécesseur,  qui  avait  con- 
firmé tout  ce  qui  s'y  était  passé.  11  l'appelle 
lui-même  le  gardien  ^  des  décrets  de  ce  con- 
cile, et  le  fait  souvenir  que  Dieu   lui  avait 


donné  l'empire  non-seulement  pour  le  bien 
de  l'Etat,  mais  ^  pour  le  soutien  de  l'Eglise. 
Il  prouve  la  canonicité  du  concile  de  Chalcé- 
doine, parce  qu'il  a  eu  les  deux  conditions 
essentielles  à  un  concile  général  :  la  pre- 
mière ',  qu'il  a  été  assemblé  de  toutes  les 
provinces  de  l'empire  romain  ;  la  seconde, 
qu'il  l'a  été  du  consentement  de  tout  le 
monde,  et  qu'il  ne  s'est  éloigné  en  rien  des 
décrets  du  concile  de  Nicée.  Il  reconnaît  ^ 
que  la  convocation  de  celui  de  Chalcédoine 
est  proprement  l'ouvrage  de  l'empereur  Mar- 
cien, et  que  le  dessein  lui  en  a  été  inspiré  de 
Dieu.  11  dit  la  m.ême  chose  de  celui  d'Ephèse. 
Mais  il  parait  soutenir  ^  que  Théodose  avait 
besoin,  à  cet  effet,  de  l'autorité  du  Saint-Siège. 
Invité  de  s'y  trouver  lui-même,  il  ne  voulut 
pas  s'y  rendre,  disant '"que  quand  on  aurait 
eu  des  exemples  que  les  papes  eussent  as- 
sisté aux  conciles  tenus  en  Orient,  il  ne  le 
pouvait,  à  cause  de  la  circonstance  des  temps. 
Mais  il  y  envoya  ses  légats.  Ce  fut  par  eux 
qu'il  présida  "  au  concile  de  Chalcédoine, 
dont  les  décrets  lui  parurent  depuis  si  par- 
faits '^,  qu'il  ne  voulut  jamais  qu'on  y  chan- 


rilli  Alexandriœ  sacerdotum  scripfa  non  renuat.  Epist. 
88,  pag.  308. 

1  Illud  etiam  raiionahiliter  huic  episiolœ  credidi 
copulandum,  ut  pietatem  vcstram  deprecaret,  ut  œco- 
nomns  Conifanfinopolilanœ  Ecclesiœ  novo  exemplo  a 
publicis  judicihus  non  slnatis  audiri ;  sed  rationes 
Ecclesiœ  secundum  Iraditum  murem  sacerdotali  exa- 
mine jubeatis  inquiri.  Epist.  108,  pag.  328. 

^  Ahjiciatur  penilus  inconcessi  juris  qui  dissensio- 
nem  fecerat,  appetilus.  Sufpciant  limites,  quos  sanctii- 
rum  Patrum  providentissima  décréta  posuerunt  :  ut 
quieta  sil  suis  meritis  et  antiquis  privilegiis  digni- 
tas  omnium  sacerdotum.  Super  omnia  hnrtor  ut  ea 
quœ  ad  gloriam  vel'ad  munimen  pertinent  sacerdo- 
talis  officii,  NIcœnorum  canonum  universalis  Ecclesiœ 
pacem  servantia  décréta  custodias.  Sic  enim  inler  Do- 
minisacerdotes  inviolata  chariias  permanebit,  si  pari- 
bus  studiis,  quœ  sunt  a  sanciis  Patribus  constituta,  ser- 
ventur.  Epist.  106,  pag.  326. 

'  Prcecognoscat  pielas  tua  quia  de  rébus  et  apud  Ni- 
cœam  et  apud  Chalcedoneni ,  sicut  Deo  placuit,  defi- 
nitis,  nullum  audemus  itiit-e  Iraciatum  :  tanquam 
duhia  vel  infirma  sint,  quœ  tania  per  Spiritum  Sanc- 
tum  fixit  auctoritas.  Epist.  132,  pag.  344. 

*  (Chalcedonensis  concilii  sanctiones)  non  solum 
auctoritas  bealœ  memoriœ  principis  iMarciani,  sed 
etiam  ego  mea  consensione  firmavi.   Ibid.,   pag.   343. 

^  Ita  hœreticorunt  impudentiœ  restilislis,  ut  profite- 
remini  ad  totius  mundi  pacem  Chalcedonensis  synodi 
vos  esse  custodem.  Epist.  122,  pag.  335. 

^  Debes  incunctunier  advertere  regiam  potestatem 
tibi  non  solum  ad  mundi  regimen,  sed  maxime  ad 
Ecclesiœ  prœsidium  esse  collatam.  Epist.  125,  pag. 
337. 

'  Sancta  synodus  Chalcedonensis  ab   universis  ro- 


mani orhis  provinciis  cum  totius  mundi  est  celebrata 
consensu,  et  a  sacratissimi  concilii  Nicœni  est  indi- 
visa decretis.  Epist.  133,  pag.  345.  Vide  et  Epist.  09, 
pag.  284. 

8  Ne  autem  piissimi  principis  dispositioni  qun 
episcopale  concilium  volidt  congregari,  nosira  vide- 
retur  prœsentia  defuisse;  fratres  nostros  Julium,  Re- 
naium  et  Hilarum  misi,  qui  vicem  prœsentiœ  meœ 
sufficerent  implere.  Epist.  30,  pag.  251.  Vide  et  pag. 
309  et  257. 

9  Religiosam  ctementissimi  principis  fidem  sciens 
ad  suam  gloriam  maxime  pertinere,  si  inira  Eccle- 
siam  catholicam  nullius  erroris  germen  exurgeret,  hanc 
reverentiam  divinis  deiulit  institutis,  ut  ad  sanctœ 
disposiiionis  effectum  auctoriiaiem  apostolicœ  Sedis 
adhiberet    Epist.  229,  pag.  144. 

'"  Num  illud  quod  pielas  ipsius  credidit  etiam  me 
debere  intéresse  concilio,  etiamsi  secundum  aliquod 
prœcedens  exigeretur  exemplum,  nunc  tamen  nequa- 
quam  posset  impleri  :  quia  rerum  prœsentium  incerta 
conditio  a  tantœ  urbis  populis  nec  abesse  non  sineret. 
Epist.  27,  pag.  248. 

"  Quia  quidam  de  fratribus  contra  turbines  falsila- 
tis  non  valuers  catholicam  ienere  conslantiam,  prœ- 
dictum  fralrem  (Poschasinum)  vice  mea  convenit  sy- 
nodo  prœsidere.  Epist.  69,  pag.  284. 

12  Quod  opus  virtutibus  vestris  conveniens ,  Deo  pla- 
citum  habebit  effectum,  si  so.nctam  Chalcedonensem 
synodum  de  Domini  Christi  incarnatione  firmalam 
nullu  permiseritis  retractatione  pulsari;  quia  in  illo 
concilio  per  Spiritum  Sanclum  congregato,  tamplenis 
aique  perfectis  definitionibus  cuncta  firmaia  sunt,  ut 
nihil  ei  regulœ,  quœ  ex  diuina  inspiratione  prolata 
est,  addi  possii  aut  minui.  Epist.  115,  pag.  331.  Quod 
ergo  in  causa  fidei  principale  est,  incessabilibus  sug- 


1V=  SIECLE. J 

geât  quoi  que  ce  fiit ,  regardant  la  règle  de 
foi  que  l'on  y  établit,  comme  divinement 
inspirée  et  entièrement  conforme  à  la  doc- 
trine évangélique  et  apostolique.  Mais  il 
n'approuva  que  ce  qui  s'y  était  fait  '  touchant 
la  foi ,  parce  que  c'était  pour  cela  seul  que 
l'empereur  avait,  de  son  consentement,  as- 
semblé ce  concile.  Ces  sortes  d'assemblées 
sont  les  vrais  remèdes  2  aux  maux  de  l'Eglise, 
mais  les  matières  de  la  foi  ^  en  doivent  être 
le  sujet  principal.  Les  choses  de  discipline 
peuvent  se  traiter  dans  des  conciles  provin- 
ciaux ou  nationaux  ;  il  leur  appartient  de 
statuer  ■*  sur  ces  sortes  de  matières  et  de  faire 
pour  l'utilité  des  Eglises  ce  que  le  Saint-Es- 
prit inspire  à  ceux  qui  les  composent.  Mais 
l'autorité  des  conciles  même  généraux  à  cet 
égard  n'est  pas  telle  qu'on  doive  y  acquies- 
cer. Saint  Léon  rejeta  absolument  ^  les  dé- 
crets de  Chalcédoine  en  faveur  de  l'Eglise  de 
Constantinople,  comme  contraires  aux  canons 


CHAPITRE  XL  —  SAINT  LÉON  ,  PAPE. 


269 


de  Nicée.  Jl  appelle  brigandage  le  faux  con- 
cile *  d'Ephèse,  et  le  regarde  comme  indigne 
de  porter  le  nom  de  concile.  11  établit  pour 
maxime  qu'il  n'est  '  au  pouvoir  de  personne 
d'alTaiblir  ou  de  casser  une  sentence  pro- 
noncée dans  un  concile  même  proviucial 
contre  un  hérétique. 

17.  La  prima«té  '  au-dessus  de  toutes  les 
Eglises  a  été  accordée  à  l'évêque  de  Rome 
par  l'antiquité ,  en  sorte  qu'il  a  toujours  eu 
la  liberté  de  juger  de  la  foi  et  des  évêques. 
Les  évêques  '  des  Gaules  en  donnaient  pour 
raison  que  des  oracles  de  l'esprit  apostolique 
continuaient  à  émaner  du  Saint-Siège.  Ce  que 
ce  premier  de  tousles  sièges  décida  en  faveur 
de  Théodoret*''fut  confirmé  par  le  consente- 
ment irrévocable  de  toute  la  fraternité,  et 
reçu  par  le  jugement  de  toute  la  chrétienté. 
On  était  persuadé  "  que  les  conciles,  même 
généraux,  devaient  être  confirmés  par  l'évê- 
que de  Rome.  Il  se  réservait  la  connaissance 


Sur  Taufo- 
rité  du  pm,e. 


gestionibus  obiineie,  ut  sanctœ  synodi  Chalcednnensis 
stutula  nullis  hœreticorum  pulsentur  insidiis,  neqiie 
liceat  quidquam  ex  illa  definitione  convelli,  quam  ex 
inspiraiione  divina  non  dubium  est  per  oniniu  evange- 
licis  atque  aposiolicis  coiisonare  docirinis.  Epist.  117, 
pag.  33-2. 

1  Ne  eigo  per  malignos  interprètes  diihitabile  videa- 
tur  utrum  quœ  in  synodo  Cholcedonensi  de  fide  sta- 
ticta  sunt  approbem,  hœc  ad  omnes  coepiscopos  nostros 
scripta  direxi,  ut  omnium  fidelium  corda  cognoscant, 
me  non  solnm  per  fratres  qui  vicem  meam  exsecuti 
sunt,  sed  etiam  per  approbaiionem  gcstoruot  si/noda- 
lium,  propriam  vobiscum  unisse  sententiam  :  in  sola 
videlicet  causa  fidei,  quod  sœpe  dicendum  est,  propter 
quam  générale  concilium  et  ex  prœcepto  christianoriim 
principum,  et  ex  consensu  apostolicœ  Sedis  placuit 
congregari.  Epist.  87,  pag.  305. 

2  Universale  concilium  sacerdotum  haberi  intra  Ita- 
liam,  clementia  vestra  annitenle  jubeatur  :  quo  tan- 
dem pateat  quid  altiore  tractatu  aul  coerceri  debeut 
aut  sanari.  Epist.  54,  pag.  274. 

3  Si  quid  ab  his  frairibus  quos  ad  sanctam  syno- 
dum  vice  mea  misi,  prœter  id  quod  ad  causam  fidei 
pertinebat  gestum  esse pjerhibetur ,  nullius  erit  penitus 
firmitatis  :  quia  ad  fioc  tanlum  ab  apostolica  Sede 
sunt  directi,  ut  calliolicœ  essent  fidei  defensores. 
Epist.  92,  pag.  311. 

'  Invitait  fratres  in  causis  maximis,  et  quœ  intra 
provincias  suas  finire  nequeant  tcrminandis,  si  nulla 
gravi  necessitate  retinentur,  fraterno  se  studio  pro 
Ecclesiœ  utilitate  non  denegent  :  atque  ita  efficiatur 
studio  charitatis,  ut  sacerdotalis  tractatus  ea  quœ  ad 
disciplinam  passant  ecclesiasticam  pertinere,  Sancto 
ibi  Spiritu  révélante,  constituai.  Epist.  13,  pag.  225. 

5  In  totius  Ecclesiœ  perturbaiionem  supcrba  hœc 
tendit  elatio,  quœ  ita  abuii  voluit  concilio  synodali, 
lit  fratres  in  fidei  tantummodo  negotio  convocatos,  ad 
consentiendum  sibi,  aul  depravando  traduceret,  aut 
terrendo  compellcret.  Inde  enim  fratres  nostri  ah  apos- 
tolica Sede  directi,  qui  vice  mea  synodo  prœsidebant , 


probabiliter  aique  constanter  illicitis  ausihus  obstite- 
runt,  aperte  reclamantes,  ne  contra  instituta  Nicœni 
concilii ,  prœsumptio  reprobœ  novitatis  assurgeref. 
Epist.  80,  pag.  299. 

'  Nec  opus  est  episiolari  pagina  comprehendi,  quid- 
quid  in  illo  Ephesino  non  judicio,  sed  latrocinio  po- 
tuit  perpetrari.  Epist.  75,  pag.  287.  Vide  et  pag.  282 
et  28G. 

'  Qui  (Eutyches),  dum  videret  insipientiœ  suœ  sen- 
sum  cathùlicis  auribus  displicere,  revocare  se  a  sua 
opinione  dehueraf;  nec  ita  Ecclesiœ  prœsules  Constan- 
tinopoli  congregatos  commovere,  ut  damnationis  sen- 
tentiam mereretur  excipere,  quam  utique,  si  in  suo 
sensu  voluerit  permanere,  nullus  poterit  relaxare. 
Epist.  27,  pag.  248. 

*  Rogatus  sum  scribere  vestrœ  mansuetudini  de  fide 
quœ  diciiur  perturbata  :  quam.  nos  a  nosfris  majori' 
bus  irailiiam  debemus  defendere,  et  digniiatem  pjro- 
priœ  venerationis  beato  apostolo  Petro  intemeratam 
conservare  :  quatenus  beatissimus  Romœ  civitaiis  epis- 
copus,  oui  principatum  sacerdotii  super  orrines  anti- 
quitus  contulit,  locum  habeat  ac  facultatem  de  fide  et 
sacerdotibus  judicare.  Valentiniaiius  imper.,  Epist. 
ad  Theodos.,  pag.  263  oper.  Leonis. 

9  Magna  et  ineffabili  quadam  tui  gratulatione  suc 
creseimus,  quod  illa  speciali  doctrinœ  vestrœ  pagina 
ita  per  omnium  Ecclesiarum  convenlicula  celehratur, 
ut  vere  consona  omnium  sententia  declaretur,  merito 
illic  principalum  Sedis  apostolicœ  constiiutum  ;  unde 
adhuc  apostolici  Spiritus  oracula  referentur,  Galliœ 
Episcopi,  Epist.  ad  Léon,  pap.,  pag.  288. 

">  Sed  quœ  noslro,  sedes  Pétri,  prius  ministerio  de- 
finierat,  iiniversœ  fraternitatis  irretractabiti  firmavit 
assensu  {concilium  Chalcedonense).  Epist.  93,  pag. 
311. 

"  Quod  facilius  clementia  vestra  arbilratur  implen- 
dum,  si  per  universas  Ecclesias  definitiones  sanctœ 
synodi  Chalcedonensis  apostolicœ  Sedi  placuisse  do- 
ceantur.  Epist.  89  ad  Marciun.  August.,  pag.  308  et 
309. 


270 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  causes  majeures' dans  les  lieux  où  il  éta- 
blissait des  vicaires  apostoliques.  C'était  un 
ancien  usage  que  les  évêques  consultassent  ^ 
le  Saiut-Siége  dans  les  atTaires  difficiles,  et 
que  ceux,  qui  se  plaignaient  des  jugements 
rendus  dans  les  conciles  de  la  province  en 
appelassent  à  Rome.  Saint  Flavien^y  appela 
de  la  sentence  rendue  contfe  lui  à  Ephèse. 
Aussi  saint  Léon  ne  doutait  pas  que  Dieu  ne 
lui  eût  confié  *  le  soin  de  l'Eglise  universelle. 
11  dit  ^  que  jusqu'à  son  temps  le  Saint-Esprit 
avait  préservé  les  Romains  de  toutes  les  hé- 
résies. 11  était  d'usage  "  que  l'évêque  d'A- 
lexandrie réglât  le  jour  qu'on  devait  faire  la 
Pâque,  et  qu'il  le  fit  connaître  au  pape,  qui, 
de  son  côté ,  était  chargé  de  le  notifier  aux 
Eglises  éloignées,  afin  que  cette  fête  fût  cé- 
lébrée partout  en  un  même  jour.  La  difficulté 
qu'il  y  eut  à  ce  sujet  en  444,  nous  a  procuré 
la  connaissance  d'un  miracle  qui  se  faisait 
annuellement  dans  une  petite  paroisse  de  Si- 
cile '',  où  les  fonts  baptismaux  se  remplis- 
saient d'eux-mêmes  la  nuit  de  Pâques,  ainsi 
qu'on  l'a  rapporté  plus  haut.  Le  pouvoir  des 
nonces  apostoliques  ne  portait  aucun  préju- 
dice ^  à  la  juridiction  ordinaire  des  évêques, 
seulement  ils  étaient  chargés  de  veiller  sur 


la  pureté  de  la  foi ,  particulièrement  quand 
les  évêques  n'élaient  pas  assez  vigilants  sur 
ce  sujet.  Les  vicaires  apostoliques  devaient 
aussi  borner  leur  pouvoir  '  à  l'exécution  des 
canons.  On  avait,  du  temps  de  saint  Léon,  un 
recueil  des  épîtres  '°  décrétales  du  pape  In- 
nocent et  de  ses  autres  prédécesseurs.  L'E- 
glise de  Rome  avait  aussi  des  archives  "  où 
l'on  conservait  les  lettres  et  les  autres  monu- 
ments qu'on  croyait  dignes  de  passer  à  la 
postérité. 

18.  Saint  Léon  '^  louait  l'impératrice  Pul-     surie  cuite 
chêne  de  son  zèle  pour  la  pureté  de  la  foi  et   <i«  1=""  ro- 

*•  ^  tiques. 

de  ce  qu'elle  honorait  les  saints  d'un  culte 
proportionné  à  leur  mérite.  Il  célébrait  lui- 
même'^  avec  joie  et  avec  empressement  leurs 
fêtes.  Le  jour  de  leur  martyre  était  en  véné- 
ration "' dans  l'Eglise;  on  décorait  les  lieux 
où  reposaient  leurs  reliques;  on  les  rendait 
brillants  par  de  grandes  illuminations;  on  y 
chantait  des  cantiques  ,  et  en  ces  jours  on 
s'abstenait  d'œuvres  serviles.  Il  parle  sou- 
vent de  l'intercession  des  saints.  «  Nous  de- 
vons, dit-il  '^,  dans  le  panégyrique  de  saint 
Laurent ,  être  persuadés  qu'il  nous  aidera 
par  ses  prières,  pour  nous  soutenir  dans  nos 
malheurs.  »  Et,  dans  le  onzième  sermon  sur 


1  Si  qua  vero  causa  major  evenerit,  quce  a  tua  fra- 
terniiate  illie  prœsidenie  non  potuerit  definiri,  relatio 
tua  missa  nos  consulat  :  ut  révélante  Domino  quod 
ipse  nobis  aspiraverit  rescribamiis.  Epist.  4,  pag.  212. 
Et  quce  vero  causœ  graviores  vel  appellutiones  emer- 
serint,  eus  sub  ipsius  relalione  ad  nos  mitti  debere 
decrevimus ,  ut  nostra  secundum  ecclesiasiicum  morem 
sententia  finiatur.  Epist.  5,  pag.  213. 

2  Nobiscum  vestra  frateniitas  recognoscat  apostoli- 
cam  Sedem  pro  sut  reverentia  a  vestrœ  etiam  provin- 
cial sacerdotibus  innumeris  relationibus  esse  consuliam, 
et  per  diversarum,  quemadmodvm  vêtus  consuetudo 
poscebat,  appellafio?iem  causarum,  aut  retractata  aut 
confirmata  fuisse  judicia.  Epist.  10  ad  Episcopos  Gai- 
liœ,  pag.  217. 

3  Libellum  appellationis  Flavianus  episcopus  dédit. 
Epist.  40,  pag.  257. 

*  Ratio  pietatis  exigit  ut  pro  sollicitudine  quam 
universœ  Ecclesiœ  ex  divina  institutione  dependimus, 
rerum  fidem  studeremus  agnoscere.  Epist.  \,  pag. 
203. 

^  Nemo  vestrum  efficiatur  hujus  laudis  alienus,  ut 
quos  per  tôt  sœcula  docente  Spiritu  Sancio  hœresis 
nulla  violavit.  Serin.  93,  pag.  179. 

«  Epist.  94,  pag.  314. 

'  Quœdam  vilissima  possessio,  Meltinas  appellatur 
in  montibus  arduis  ac  sylvis  densissimis  constitula, 
illicque  perparva  atqne  vili  opère  construcla  est  ec- 
clesia.  In  cujus  baptisterio  nocte  sacrosancta  Pas- 
chali,  baptizandi  hora,  cum  nullus  canalis,  nulla  sit 
fistula,  nec  aqua  omnino  vicina,  fons  ex  se  repleiur, 
paucisque  qui  fuerint  consecratis,  cum  deductorium 
nullum  habeat  ut  aqua  venerat,  ex  se  sediscedit.  Tune 


ergo  sub  sanctce  memoriœ  papa  Zosimo,  cum  apud 
Occidentales  error  orfus  fuisset,  consuetis  lectionibus 
nocte  sancta  discussis,  cum  presbyter  secundum  mo- 
rem baptizandi  horam.  requireret,  usque  ad  lucem 
aqua  non  veniente,  non  consecrnti  qui  baptizandi  fue- 
ro.n1,  recesserunt.  At  illa  nocte  quœ  lucescebat  indiem 
dominicam  decimo  die  calendas  maii  fons  sacer  hora 
competenti  nipletus  est.  Evidenfi  ergo  miraculo  cla- 
ruit  Occidentalium  partium  fuisse  errorem.  Paschas., 
Epist.  ad  Léon.,  pag.  210. 

8  Epist.  86,  pag.  304. 

8  Epist.  4,  pag.  212. 

1»  Epist.  3,  pag.  211. 

'1  Epist.  53,  pag.  272. 

'2  In  quibus  omnibus  gloriœ  vestrœ  multipHcatur 
augmentum,  dum  satictos  pro  suis  meritis  veneramini. 
Epist.  54,  pag.  277. 

^^  Adest  beati  apostolorumprincipis  gloi'iosa  sole.m- 
nitas,  quam  tota  debemus  animi  alacritafc  suscipere, 
tûta  mentis  devotione  celeljrare.  Serm.  96,  pag.  1S4. 

'*  Cum  dies  martyrii  e/us  [Pétri)  merito  habeatur 
in  tolo  orbe  clarissima,  hœc  non  impari  est  totius  Ec- 
clesiœ sanctœ  gaudio  celebranda.  Ibid.  Hanc  ilaque 
solemnilatem  nostram  non  modo  exterius,  sed  etiam 
interius  celebremus.  Hinc  suaviter  modulantium  sym- 
plioniœ  resonent;  illinc  concordes  animorum  motus 
concordent.  Adornetur  luminaribus  Ecclesia;  resplen- 
deat  virtutibus  conscientia.  Mundetur  sordibus  basi- 
licœ  pavimentum;  purgetur  vitiis  interioris  hominis 
templum.  Serm.  96,  pag.  184. 

'5  Cujus  oratione  et  patrocinio  adjuvari  nos  sine 
cessatione  confidimus.  Serm.  83,  pag.  169. 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XI.  — 

le  Jeûne  :  «  Il  faut  '  que  nous  passions  Je  sa- 
medi en  prières  dans  l'église  du  bienlieureux 
apôtre  saint  Piei-re,  qui  nous  aidera,  par  son 
intercession,  à  obtenir  l'accomplissement  de 
nos  vœux.  »  11  dit ,  en  parlant  des  innocents 
massacrés  par  Hérode,  que  Jésus -Christ  les 
récompensait  -  et  qu'il  eu  faisait  les  prémices 
de  ceux  qui  devaient  dans  la  suite  répandre 
leur  sang  pour  lui,  pour  apprendre  au  monde 
que  tous  les  hommes  peuvent  être  les  instru- 
ments de  la  gloire  de  Dieu ,  puisque  cet  âge 
si  tendre  peut  aspirer  à  l'honneur  du  mar- 
tyi'e.  Il  met  le  martyre  ^  de  saint  Pierre  sous 
Néron,  et  sa  venue  à  Rome  sous  Claude. 
Quoique  mort  depuis  plusieurs  siècles,  saint 
Léon  le  regardait  comme  présidant  *  toujours 
à  son  Eglise  ,  et  reconnaissait  que  c'était  de 
cet  apôtre  que  venait  la  solidité  de  la  foi,  la 
fermeté  et  la  force  de  ses  successeurs.  «  Si 
Dieu,  ajoute-t-il,  a  donné  aux  martyrs,  pour 
honorer  leur  constance  et  pour  manifester 
leur  mérite  ,  le  pouvoir  de  guérir  les  mala- 
dies, de  secourir  ceux  qui  sont  en  danger,  de 
chasser  les  démons,  qui  pourra  juger  si  peu 
sainement  de  la  gloire  de  saint  Pierre,  ou  la 
regarder  avec  tant  d'envie  ,  que  d'oser  sou- 
tenir que  ses  soins  ne  s'étendent  pas  sur  toutes 
les  parties  de  l'Eglise  ,  et  que  ce  n'est  point 
par  sa  protection  qu'elle  s'est  multipliée  de 
la  sorte?»  Sa  fête  était  ^  précédée  d'une 
veille. 


SAINT  LÉON ,  PAPE. 


271 


19.  L'abstinence  est  ^  un  moyen  propre  à 
détruire  les  vices;  mais  il  est  inutile  de  souf- 
frir les  incommodités  de  la  faim,  si  on  ne  re- 
nonce à  ses  mauvaises  volontés.  De  se  mor- 
tifier en  se  refusant  l'usage  des  viandes,  sans 
se  défaire  de  l'habitude  du  péché  ,  cette  es- 
pèce de  jeûne  est  purement  charnelle.  On 
dompte  le  corps,  mais  l'on  se  permet  ce  qu'il 
y  a  de  plus  criminel  dans  les  délices.  Donc, 
tandis  que  le  corps  fait  abstinence,  il  faut  que 
l'âme  se  défasse  du  vice  et  qu'elle  ne  s'em- 
barrasse des  soins  et  des  atfaires  du  monde 
qu'autant  que  Dieu  le  lui  permet.  S'il  est  dif- 
ficile d'observer  '  un  jeûne  exact  pendant 
toute  la  vie ,  il  faut  du  moins  le  renouveler 
de  temps  en  temps ,  afin  de  donner  plus  de 
loisir  aux  occupations  de  l'esprit  qu'à  ce  qui 
regarde  le  corps.  L'utilité  de  cette  pratique 
parait  dans  les  jeûnes  que  l'Eglise  nous  pres- 
crit et  qu'elle  a  assignés  à  toutes  les  saisons 
de  l'année  par  l'inspiration  du  Saint-Esprit, 
afin  que  les  fidèles  se  souvinssent  qu'ils  de- 
vaient pratiquer  l'abstinence  en  tout  temps.  Le 
jeûne  du  printemps  s'observe  pendant  le  ca- 
rême, celui  d'été  à  la  Pentecôte;  le  jeûne 
d'automne  est  dans  le  septième  mois  ,  celui 
d'hiver  s'observe  dans  le  dixième,  c'est-à-dire 
en  décembre.  S'il  se  rencontre  quelqu'un  qui 
ait  moins  ^  de  force  que  de  bonne  volonté,  il 
doit  suppléer  par  les  aumônes  au  mérite  du 
jeûne,  qui  ne  peut  compatir  avec  sa  faiblesse 


Surlejeûne, 
i'ituinùRe,  la 
prière, les  col- 
L'ctes  et  les 
bonnes  Œu- 
vres faites  en 
conimnD. 


'  Sabbalo  autem  apud  beatissimum  Pefrum  vigilias 
celebremus,  qui  et  orationes  et  jejunia  et  eleemosynas 
nosiras  precibus  suis  dignabitur  adjitvare.  Serm.  IJ, 
pag.  61.  Vide  et  pag.  65,  93,  161,  166,  etc. 

2  Nova  gloria  coronabat  infunies  et  de  initiis  suis 
parvulorumprimordia  consecrabal  :  ut  disceretur  nemi- 
nem  hominuin  divini  incapacem  esse  sacramenti,  quando 
etiam  ilia  œtas  gloriœ  esset  apla  martyrii.  Serin.  31, 
pag.  90. 

3  Serm.  80,  pag.  164  et  165. 

'  Subjungit  autem  se  ad  rationem  solemnitatis  nos- 
irœ  non  solum  apostolica,  sed  etiam  episcopalis  bea- 
tissimi  dignitas  Pétri,  qui  sedi  suce  prœesse  non  desi- 
nii;  et  indeficiens  ohlinet  cum  œierno  sacerdote  con- 
sortium. Soliditas  enim  illa  quam  de  pelra  Christo 
etiam  ipse  petra  factus  accepil,  in  suos  quuque  se 
transfudit  hœredes,  et  ubicumque  aliquid  ostendilur 
firmitalis,  non  dubie  npparet  forliludo  pastoris.  Nam 
si  omnibus  fere  ubique  martyribus  pro  susceptnrum 
tolerantia  pjssionum,  hoc  ad  mérita  ipsorum  manifes- 
tanda  donatum  est,  ut  opem  ])erichtantibus  ferre,  mor- 
bos  abigere,  immundos  spiritus  pellere,  et  innumeros 
possint  curare  languores;  quis  gloriœ  beati  Pétri  erit 
tam  invidus  œstimator,  qui  allas  Ecclesiœ  paries  non 
ipsius  sollicitudine  régis,  non  ipsius  ope  credut  augeri. 
Serm.  4,  pag.  55. 

s  Valentinianus,  Epist.  ad   Theodosium,  pag.  263. 

s  Cuin  universa  viiia  per  continentium  deslruantur, 


quis  non  inielligal  quantum  nobis  per  jejunia  confe- 
ratur?  In  quibus  indicitur  ut  non  solum  a  cibis,  sed 
etiam  ab  omnibus  carnalibus  desideriis  temperetur, 
Alioqui  superfluum  est  suscipere  esuriem,  et  iniquam 
non  deponere  voluntatem  ;  reciso  affligi  ciho,  et  a  con' 
cepfo  non  desinere  peccato.  Carnale  est,  non  spiritale 
jejunium,  ubi  sali  corpori  non  parcitur  et  in  ils  quœ 
omnibus  deliciis  nocentiora  sunt,  permanetur  ;  jeju- 
nanie  ergo  corpore  ab  escis,  mens  jejunet  a  viiiis,  et 
curas  cupiditutesque  terrcnas  régis  sui  lege  dijudicet. 
Serm.  18,  pag.  67,  68. 

'  Quod  si  in  hue  vita  difficile  est  confinuari  jeju- 
nium,  potest  tamen  fréquenter  assumi,  ut  sœpius  ac 
diutius  spiritalibus  potius  quam  carnalibus  occupemur; 
et  cum  melioribus  curis  majores  impendimus  moras, 
ad  incorruptibiles  divitias,  etiam  temporales  iranseant 
actiones.  Hujus  observanliœ  utilitas  in  eccleiiasticis 
pracipue  est  constituta  jejuniis,  quœ  ex  dodrina  Sancti 
Spiritus,  ita  per  toiius  anni  circulum  di.iributa  sunt, 
ut  lex  absiineiitiœ  omnibus  sit  adscripta  temporibus. 
Si  quidem  jejunium  vernum  in  Quadragesima,  œsti- 
vum  in  Pentecoste,  autumnale  in  mense  septimo,  hye- 
male  autem  in  hoc  qui  est  decimus,  celebramus.  Ibid., 
pag.  67. 

8  Quamvis  nos  omnes  unanimiter  oporteat  esse  devo- 
ios,  si  qui  tamen  sunt  quorum  voluntati  atiqua  obsis- 
tat  infirmitas,  lalorem  qui  supra  vires  est  corporum 
redimel  impendiis  facullaium.  Nam  cum  ii  qui  nihil 


272 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


naturelle.  Ce  serait  même  se  consumer  d'un 
travail  stérile,  que  de  jeûner  sans  seconder  le 
jeûne  par  les  aumônes  qui  sont  pins  propres 
à  sanctifier  l'âme.  Ainsi,  ceux  qui  ont  moins 
de  force,  doivent  faire  de  plus  grandes  au- 
mônes et  compenser  par  les  largesses  qu'ils 
font  aux  pauvres  l'indulgence  qti'ils  ont  pour 
eux-mêmes,  en  sorte  qu'ils  partagent  pour 
ainsi  dire  leurs  infirmités  avec  les  pauvres. 
Un  homme  faillie  ou  malade  qui  s'exempte 
du  jeûne,  est  exempt  de  blâme,  s'il  a  soin  de 
subvenir  à  la  faim  du  pauvre.  Il  ne  pèche 
point  en  prenant  des  aliments ,  parce  que 
l'aumône  le  purifie ,  selon  que  le  dit  le  Sau- 
veur :  Donnez  l'aumône  de  ce  que  vous  avez,  et 
toutes  choses  vous  seront  pwes.  Ceux-là  même 
qui  se  refusent  le  plaisir  de  manger,  ne  doi- 
vent pas  se  priver  du  mérite  des  œuvres  de 
miséricorde.  Dieu  nous  récompense  avec 
usure  des  choses  que  nous  donnons  en  son 
nom  ,  et  qu'il  ne  nous  dispense  avec  tant  de 
bonté  qu'afln  que  nous  en  fassions  part  aux 
autres.  Il  est  dit  dans  les  Psaumes  :  Heureux 
celui  qui  considère  avec  discernement  la  misère 
du  pauvre,  le  Seigneur  le  délivrera  au  jour  de 
son  indignation.  11  faut  donc  user  '  d'une  dili- 
gence ingénieuse  pour  découvrir  celui  qui  se 
cache  sous  le  voile  de  la  modestie,  et  que  la 
honte  retient.  Il  y  en  a  plusieurs  qui  n'osent 
demander  publiquement  les  choses  dont  ils 
ont  le  plus  de  besoin;  ils  aiment  mieux  souf- 
frir les  incommodités  d'une  misère  cachée  et 
secrète,  que  de  souffrir  la  confusion  qu'ils 


auraient  en  demandant  l'aumône  à  décou- 
vert. On  doit  user  d'adresse  pour  les  déter- 
rer et  pour  soulager  les  besoins  qu'ils  rougis- 
sent de  découvrir,  afln  qu'ils  aient  une  dou- 
ble consolation,  voyant  qu'on  les  soulage  dans 
leurs  nécessités  en  ménageant  leur  pudeur. 
La  prière  -,  accompagnée  du  jeûne  et  de  l'au- 
mône, est  très-efficace  pour  obtenir  le  pardon 
des  péchés  qu'on  a  commis;  de  tels  suffrages 
la  rendent  agréable  à  Dieu.  Nous  ne  devons 
pas  nous  contenter  ^  de  faire  des  aumônes, 
qui  peuvent  être  très- utiles  à  la  réformation 
de  nos  mœurs  ;  il  faut  encore  que  nous  par- 
donnions les  injures  que  l'on  nous  a  faites 
et  que  nous  ne  songions  plus  à  nous  venger, 
si  nous  voulons  que  nos  prières  soient  exau- 
cées, en  remplissant  l'obligation  de  pardon- 
ner que  Dieu  nous  a  imposée.  Lorsque  nous 
adressons  à  Dieu  cette  prière  :  Pardonnez- 
nous  nos  offenses,  comme  nous  pardonnons  à  ceux 
qui  nous  ont  offensés,  il  faut  que  nous  fassions 
ce  que  nous  disons;  nous  obtiendrons  par  ce 
moyen  l'effet  de  nos  autres  prières.  Dieu  nous 
accordera  *  ce  que  nous  lui  demandons,  puis- 
que c'est  lui  qui  nous  inspire  la  volonté  de  le 
demander. 

Pour  subvenir  aux  besoins  des  pauvres, 
les  saints  pères,  à  l'imitation  des  apôtres, 
avaient  ^  marqué  certains  jours  où  l'on  fai- 
sait des  coUecles.  Chacun  portait  à  cet  effet, 
dans  les  églises  de  leurs  quartiers,  les  au- 
mônes qu'ils  pouvaient  faire,  selon  leur  piété 
et  leurs  facultés.  Ces  jours  étaient  ou  le  di- 


omUtunt  de  humitiatione  j'ejunii  suh  sierili  fatigaiione 
desudenf,  nisi  se  eleemosynurum,  quo.  passant,  eroga- 
lione  sanctificent,  dignum  est  ut  in  alimoniam  paupe- 
rum  abundaniior  sit  eorum  largitio,  quorum  ad 
abslinendum  est  minor  fortiiudo.  Quod.  ergo  in  sua 
sibi  infirmitate  non  denegnt,  alienœ  inopiœ  tibenter 
impendat;  at  pj'opriam  necessitalem  facial  sibi  cum 
indigente  commwiem.  Non  culpatur  infirmus  j'ejunium 
solvens,  a  quo  cibum  accipit  pnuper  esuriens  :  nec  es- 
cam  sumendo  poltuitur,  qui  eleemosijnam  i-niperliendo 
nmndatur ;  dicente  Domino  :  Date  eleemosynaiiij  et 
ecce  omnia  munda  suut  vobis.  Etiam  ii  qui  ah  epu- 
larum  de/eclatione  se  continent,  fructus  sibi  debent 
tnisei'icordiœ  compurare ,  qui  fidelis  est  in  verbis  suis, 
et  abundanter  largila  retribuit,  quœ  bénigne  largienda 
donauit.  Serra.  85,  pag.  170. 

'  Sollicita  benignitate  vigilandum  est,  ut  quem  mo- 
destia  tegit  et  verecundia  prœpedii,  itwenire  possimus. 
Sunt  enim  qui  palam  poscere  ea  quibus  indigent  eru- 
bescunt;  et  maluni  miseria  tacitœ  egestatis  affligi, 
quam  publica  petitione  cnnfundi.  Intelligendi  ergo  isti 
sunt  et  al)  occulta  necessitale  sublevandi,  ut  hoc  ipso 
amplius  gaudeant,  cum  et  paupertati  eorum  consullum 
fuerii,  et  pudori.  Serin.  8,  pag.  57. 

2  Efficacissima  pro  peccatis  deprecatio  est  in  elee- 


mosynis  alque  jejuniis,  et  velociier  ad  divinas  cons- 
cendit  aures  ialibus  oratio  elevnia  suffragiis.  Serui.  15^ 
pag.  63. 

3  Sollicitiovibus  vos  pielaiis  operibus  expoliie,  non 
solum  in  distribuendis  eleemosynis  quœ  magnum  ha- 
beni  emendaiionis  effecium,  sed  etiam  in  remittendis 
offensionibus  et  peccatorum  reatibus  relaxandis  :  ut 
conditio  quam  inter  se  et  hominem  Deus  posuit,  non 
resiitet  orantibus.  Dicenfes  enim  secundum  doctrinam 
Domini  :  Dimitte  nobis  débita,  etc.,  debemus  tolo 
corde  implere  quod  dicimus.  Tune  enim  fiet  omnino 
quod  in  consequentibus  postulamus.  Serm.  45^  pag. 
112. 

'  Dabit  quod  petitur,  qui  dédit  unde  peteretur. 
Serm.  25,  pag.  97. 

^  Pi'ovidentissime  in  sancfa  Ecclesia  prima  est  ins- 
tiluta  colleclio  :  volumus  ilaque  dilectionem  vestram 
tertia  feria  per  omnes  regionum  vestrarum  Ecclesias 
cum  voluntariis  oblationibus  eleemosynurum  convenire. 
Serm.  7,  pag.  5(j.  Vnde  hortamur  Sanctitutem  ves- 
tram ut  per  Ecclesias  regionum  vestrarum  quarto 
feria  de  facultatibus  vestris,  quantum  suadet  possibi- 
lilas  et  voluntas,  expensas  misericordiœ  conferatis. 
Serm.  8,  pag.  57. 


[V  SIBCLE.] 

manche  ',  ou  le  mercredi  2,  ou  quelque  autre 
jour  de  la  semaine.  L'usage  de  ces  collectes 
avait  été  très-utile  à  l'augmentation  de  l'E- 
glise, les  fidèles  combattant  en  quelque  ma- 
nière par  leurs  aumônes  les  hosties  profanes 
que  les  païens  ofiraient  au  démon.»  Saint  Léon 
préfère  les  jeûnes  communs  et  publics  aux 
particuliers.  «  Quoiqu'il  nous  soit  libre,  dit-iP, 
de  châtier  notre  corps  par  des  mortifications 
volontaires,  et  d'employer  les  efforts  que  nous 
jugeons  à  propos  pour  dompter  les  mouve- 
ments de  la  chair,  qui  combattent  les  désirs 
de  l'esprit;  néanmoins,  il  faut  que  tous  les 
fidèles,  en  certains  temps,  observent  des 
jeûnes  généraux.  La  dévotion  est  plus  effi- 
cace et  plus  agréable  à  Dieu,  lorsque  tous  les 
fidèles  sont  unis  parles  mêmes  sentiments  et 
par  les  mêmes  affections  dans  la  pratique  des 
œuvres  de  piété.  Les  bonnes  œuvres  publi- 
ques sont  préférables  aux  particulières,  et 
l'on  retire  de  grands  avantages  des  actions 
qui  se  font  par  toute  la  communauté.  Quoi- 
qu'un chrétien  puisse  combattre  en  particu- 
lier ses  ennemis,  il  est  plus  expédient  pour^ 
lui  de  le  faire  en  pubhc ,  et  de  ne  se  point 
tant  confier  en  ses  propres  forces.  11  vaut 
mieux  qu'il  se  fortifie  du  secours  de  ses  frères 
et  qu'il  se  mette  sous  l'étendard  du  Roi  invin- 
cible pour  soutenir  une  guerre  publique. 
Quand  plusieurs  combattent  un  ennemi ,  ils 
courent  moins  de  danger  que  quand  on  com- 
bat seul  à  seul.  Celui  qui  se  pare  du  bouclier 
de  la  foi  est  moins  exposé  au.K  blessures, 
parce  qu'il  est  défendu  non-seulement  par  ses 
propres  armes  ,  mais  aussi  par  les  armes  de 
ses  frères;  comme  ils  soutiennent  une  cause 
commune,  ils  remportent  aussi  une  victoire 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON ,  PAPE. 


273 


commune.  Les  œuvres  de  piété  qui  sont  pu- 
bliques *  et  qui  se  pratiquent  par  toute  la 
communauté  des  fidèles,  sont  même  plus 
saintes  et  d'un  plus  grand  mérite  que  celles 
que  chacun  s'impose  en  son  particulier.  L'ab- 
stinence que  chaque  fidèle  observe  en  secret 
est  pour  son  utilité  et  pour  sa  sanctification 
personnelle;  mais  le  jeûne  que  toute  l'Eglise 
impose  au  corps  des  fidèles  n'exclut  personne 
de  cette  sanctification  générale.  La  force  du 
peuple  de  Dieu  se  redouble,  lorsque  ious  les 
cœurs  des  fidèles  se  réunissent  par  le  nœud 
d'une  sainte  obéissance.  Les  fidèles  ^  parti- 
cipent en  commun  au  fruit  de  leurs  bonnes 
œuvres  par  la  grâce  de  Dieu  qui  opère  tout 
en  tous;  quoique  leurs  richesses  soient  iné- 
gales ,  ils  ont  la  même  volonté  et  par  consé- 
quent le  même  mérite.  Si  les  uns  se  réjouis- 
sent du  bien  que  fontles  autres,  ils  les  égalent 
par  l'affection,  quoiqu'ils  ne  les  aient  pu  éga- 
ler par  la  dépense.  11  ne  peut  y  avoir  de  dé- 
règlement ni  d'inégalité  dans  un  corps  dont 
tous  les  membres  sont  dans  une  parfaite  cor- 
respondance. » 

20.  On  peut  encore  remarquer,  dans  les 
écrits  de  saint  Léon,  que  l'on  allait  à  Jérusa- 
lem ,  sur  le  mont  "^  des  Oliviers ,  vénérer  les 
saints  lieux  ;  qu'on  lisait  publiquement  l'his- 
toire de  la  passion  de  Jésus-Christ  ^  le  diman- 
che des  Rameaux  et  le  mercredi  suivant  ;  que 
l'enjoignait  quelquefois  la  fêle  ^  de  la  dédi- 
cace d'une  église  avec  la  fête  d'un  martyr; 
que  l'on  réconciliait  par  les  prières  de  l'Eglise  ^ 
ceux  qui  avaient  été  opposés  quelque  peu  à 
la  vérité,  et  que  lorsqu'il  arrivait  que  des  hé- 
rétiques se  convertissaient  '",  il  était  permis 
de  les  admettre  aux  ordres  sacrés.  Saint  Léon 


fur  quel- 
quespointsde 
àiscipliac. 


>  Serm.  5,  pag.  55, 

2  Serm.  8,  pag.  57. 

3  Publica  prœferenda  sunt  propriis  :  ei  ibi  intelli- 
genda  est  prœcipua  ratio  utilitatis,  ubi  vigilat  cura 
communis.  Teneat  igitur  diligentiam  suam  observantia 
singulorum,  et  contra  nequitiœ  spiritalis  insidias , 
{mplorato  divitiœ  protectionis  auxilio,  cœlesiia  quis- 
gue  arma  arripiat.  Sed  ecclesiaslicus  miles,  etiam  si 
specialibus  prœliis  possit  fortiter  facere,  tutius  tamen 
et  felicius  dimicavit,  si  contra  hostem  palam  in  acie 
steterit,  ubi  non  suis  tantum  viribus  certamen  ineat, 
sed  sub  invicii  Régis  imperio,  fruternis  consociatus 
agminihas,  bellum  universale  confieiat.  Minore  enim 
discrimine  plures  confligunt  cum  hoste ,  quani  singuli  : 
nec  facile  patet  vulneri,  quem  opposito  scuto  fidei, 
non  sua  tantum,  sed  etiam  fortitudo  défendit  :  M  ubi 
una  est  omnium  causa,  sit  una  Victoria.  Serm.  87, 
pag.  17'2. 

*  Divinarum  reverentia  sanctionum,  inter  quœlibet 
spontaneœ  observantiœ  studia  habet  semper  privile- 
gium  suum  :  ut  sacratius  sit  quod  publica  leye  cele- 


braiur,  quam  quod  privata  instifufione  dependitur. 
Exercitatio  enim  continentiœ,  quam  sibi  quisque  pro- 
prio  arbitrio  indicit,  ad  utilifatem  cujusdam  pertinet 
portionis;  jefunium  vero  quod  universa  Ecclesia  sus- 
cipit,  neminem  a  generali  purificatione  sejungit  :  et 
tune  fit  potentissimus  Dei  populus,  quando  in  unitatem 
sanctœ  obedientiœ  omnium  fidelium  corda  conveniunt. 
Serm.  86,  pag.  170. 

5  Per  hanc  autem  Dei  gratiam,  communis  fidelium 
fructus  et  commune  fit  meritum  :  quoniam  quidem 
potest  et  eorum  par  esse  animus,  quorum  iinpar  est 
census,  et  cum  aller  de  alterius  lœtatur  largilate,  oui 
œquari  non  potuit  impendio,  œquatur  affectu.  Nihil 
in  tali  populo  inordinatum,  nihilque  diversum  est, 
ubi  ad  unum  pietatis  vigorem  omnia  sibi  totius  cor- 
poris  membra  conseniiunt.  Serm.  86,  pag.  171. 

6  Epist.  110,   pag.  329 

7  Serm.  50,  pag.  118,  et  Serra.  52,  pag.  122. 

8  Serm.  82,  pag.  107. 

9  Epist.  139,  pag.  337. 
1»  Epist.  lOG,  pag.  326. 

18 


274 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


établit  pour  principe  que ,  dans  les  choses  dou- 
teuses '  ou  obscures  ,  on  doit  toujours  pren- 
dre un  parti  qui  ne  soit  contraire  ni  à  la  doc- 
trine de  l'Evangile,  ni  aux  décrets  des  saints 
pères. 

ARTICLE  IV. 

JUGEMENT  DES  ÉCRITS  DE  SAINT  LÉON.  CATALOGUE 
DES   ÉDITIONS   QU'ON   EN   A   FAITES. 

Jugement       1.  L'aualyse  des  discours  et  des  lettres  de 
sSnuoa.  '   saint  Léon  peut  faire  connaître  aisément  les 
qualités  de  son  esprit  et  les  sentiments  de 
son  cœur.  Digne  d'occuper  le  premier  siège 
de  l'Eglise,  s'il  en  fut  l'ornement  par  son  sa- 
voir et  par  ses  vertus,  il  en  maintint  les  droits 
et  les  prérogatives  avec  autant  de  vigueur 
que  de  prudence  et  de  sagesse.  Son  humilité, 
sa  douceur,  sa  charité  le  rendii-ent  respecta- 
ble aux  puissances  de  la  terre ,  et  il  fut  l'ad- 
miration de  l'Eglise  catholique  par  son  zèle  à 
défendre  la  pureté  de  sa  doctrine,  à  mainte- 
nir l'observation  des  décrets  faits  dans  les 
conciles  généraux,  et  à  faire  garder  l'unifor- 
mité dans  ses  usages  et  dans  sa  discipline. 
Ce  qui  ne  lui  fait  pas  moins  d'honneur,  c'est 
qu'il  mérita  des  anathèmes  de  la  part  des  hé- 
rétiques et  de  leurs  fauteurs,  par  l'ardeur  in- 
_  fatigable  avec  laquelle  il  combattit  leurs  er- 
reurs, et  par  les  fréquentes  victoires  qu'il 
remporta  sur  eux.  Les  manichéens,  les  ariens, 
les  apollinaristes ,  les  nestoriens,  les  euty- 
chiens,  les  juifs  mêmes  succombèrent  tour  à 
tour  sous  la  force  de  ses  raisonnements,  et 
il  la  fit  également  sentir  aux  nova  tiens  et  aux 
donatistes ,  en  maintenant  contre  ceux-là  le 
pouvoir  des  clefs  de  l'Eglise,  et  contre  ceux- 
ci  l'unité  de  son  corps  mystique.  Ses  écrits 
ont  tout  ensemble  l'avantage  d'instruire  et  de 
plaire;  le  mystère  de  l'incarnation  y  est  en 
particulier  autant  développé  qu'il  est  permis 
à  un  homme  de  le  faire.  On  n'a  plus  rien  à 
désirer  sur  ce  sujet  quand  on  possède  bien 
sa  lettre  à  Flavien.  Son  style  est  affecté  et 
quelquefois  embarrassé;  mais  il  plaît  par  un 
certain  arrangement  des  mots  qui  se  soutient 
partout,  et  par  une  variété  de  figures  bien 
ménagée.  Avec  cela  ses  pensées  sont  nobles 
et  justes,  et  marquent  parfaitement  l'éléva- 
tion de  son  esprit.  Il  ne  pousse  pas  ordinaire- 
ment ses  réflexions  morales,  mais  elles  sont 
solides,  et  il  y  en  a  de  très-touchantes.  Ses 


lettres  ont  cela  de  particulier  qu'il  n'y  en  a 
presque  aucune  où  il  n'y  ait  à  profiter  et  où 
il  ne  traite  quelque  point  de  doctrine  ou  de 
discipline. 

2.  La  plus  ancienne  édition  des  œuvres  de     Edi 
ce  père  est  de  Jean  André ,  évêque  en  l'île  ?a°ès.° 
de  Corse;  elle  ne  contient  que  quelques  let- 
tres avec  les  sermons ,  et  parut  à  Venise  en 
1483  et  1505.  On  en  fît  une  autre  à  Paris  en 
1511,  augmentée  du  traité  qui  a  pour  titre  : 
Combat  des  Vertus  et  des  Vices ,  qui  ne  peut 
être  de  saint  Léon,  puisqu'il  y  est  fait  men- 
tion de  la  règle  de  saint  Benoît.  L'édition  de 
Jacques  Merlin,  à  Paris,  en  1524,  ne  renferme 
que  les  lettres  de  ce  pape,  mais  en  plus  grand 
nombre  que  les  précédentes ,  et  elles  y  sont 
à  la  suite  des  Efitres  décrétales  des  papes, 
fabriquées   par  Isidore  le  Marchand.   Cette 
édition  fut  remise  sous  presse  à  Cologne,  en 
1530,  et  à  Paris  en  1533.  Jusque-là  les  lettres 
de  saint  Léon  avaient  été  imprimées  sans 
beaucoup  d'ordre.  Pierre  Crabbe  les  ayant 
rangées  suivant  leurs  dates,  les  fit  imprimer 
à  Cologne  en  1538  et  1551.  Ce  fut  aussi  en 
cette  ville  que  l'on  vit  paraître  l'édition  de 
Canisius,  en  1546  et  1547.  Il  était  alors  dans 
le  clergé  de  cette  Eglise;  mais  depuis  il  en- 
tra dans  la  société  des  Jésuites.  Il  joignit  aux 
écrits  de  saint  Léon,  qu'il  put  recouvrer,  le 
traité  du  Combat  des  Vertus  et  des  Vices.  En 
1561 ,  Laurent  Surius  ,  chartreux ,  donna  en 
la  même  ville  une  nouvelle  édition  des  œu- 
vres de  saint  Léon,  qui  y  fut  réimprimée  en 
1 569.  Il  fit  encore  entrer  les  lettres  de  ce  pape 
dans  sa  collection  des  Conciles,  à  Cologne,  en 
1567.  On  trouve  aussi  ses  lettres  parmi  les 
œuvres  de  saint  Clément  romain,  recueillies 
par  Jean  Sicbard,  imprimées  à  Paris  en  1368, 
et  en  beaucoup  d'autres  endroits.  Les  éditions 
de  Louvain  ,  en  1375  ,  1377,  et  d'Aiivers ,  en 
1583,  sont  dues  aux  soins  de  Jean  Ulimérius, 
prieur  de  Saint-Martin  de  Louvain,  et  de  ses 
confrères.  Les  lettres  de  saint  Léon  furent 
insérées  dans  les  collections  des  Conciles,  à 
Venise,  en  J585;  dans  celle  des  Epîtres  dé- 
crétales des  Papes,  à  Rome,  en  1591;  dans  les 
Conciles  de  Binius,  à  Cologne,  en  1606  et  1618, 
et  à  Paris,  en  1638,  et,  depuis,  dans  ceux  du 
père  Labbe  et  du  père  Hardouin.  La  premièi-e 
édition  de  toutes  les  œuvres  de  saint  Léon  est 
celle  de  Paris,  en  1614.  La  suivante  est  de 
1618.  On  les  imprima  avec  les  homélies  de 


1  In  hii  guce  vel  dubia  fuerini,  aut  obscura,  ici  no- 
verimus  sequendum,  quod  nec  prœceptis  emiitgclicis 


conirarium,  necdecretis  sanctorum  Patrum  inve.niatur 
aduei'sum.  Epist.  5,  pag.  206. 


[V*  SIÈCLE.] 

saint  Maxime  de  Turin  et  de  saint  Pierre  Chry- 
sologue,  tant  à  Lyon  qu'à  Paris,  en  1623, 
1633,  1651,  1661,  1671  et  1672.  Gérard  Vos- 
sius  avait  promis  de  les  revoir  sur  divers  ma- 
nuscrits, et  de  les  donner  de  nouveau  au  pu- 
blic. On  ne  voit  point  qu'il  ait  tenu  parole.  Le 
père  Sirmond  et  le  père  Labbe  ont  revu  quel- 
ques lettres  de  ce  pape,  qui  ont  rapport  aux 
Eglises  de  France.  On  les  trouve  dans  l'appen- 
dice du  tome  IV  des  Conciles  du  père  Labbe. 
La  lettre  àFlaviena  été  imprimée  séparément 
dans  la  collection  des  auteurs  qui  ont  traité 
des  doQx  natures  en  Jésus-Christ,  à  Zuricb,  en 
1571  et  1578;  et  à  la  fm  des  ouvrages  de  Vi- 
gile de  Tapse ,  par  Gérard  Vossius  et  par 
Pierre-François  Chifflet. 

L'édition  du  père  Quesnel ,  qui  est  la  der- 
nière, surpasse  toutes  les  précédentes,  soit 
pour  le  nombre  des  pièces,  soit  pour  l'arran- 
gement, soit  pour  la  beauté  et  l'exactitude  de 
l'impression .  Elle  est  distribuée  en  deux  tomes 
imprimés  à  Paris,  en  1675,  in-4'',  et  à  Lyon, 
en  1700,  in-folio.  Le  tome  I"  comprend  les 
livres  de  la  Vocation  des  Gentils  et  l'épitre  à 
Démétriade,  que  l'éditeur  croit  être  de  saint 
Léon;  quatre-vingt-seize  sermons,  dont  le 
quatre-vingt-seizième  ,  qui  est  sur  la  Fête  de 
la  Chaire  de  saint  Pierre,  n'avait  pas  encore 
été  donné;  l'appendice  où  sont  quelques  dis- 
cours faussement  attribués  à  saintLéon;  cent 
quarante  et  une  lettres,  dont  trente  n'avaient 
pas  été  imprimées;  la  Vie  de  saint  Hilaire 
d'Arles,  et  ce  qui  nous  reste  de  se's  écrits ,  le 
tout  revu  et  corrigé  sur  plusieurs  anciens  ma- 
nuscrits. On  trouve  dans  le  tome  II  un  code 
ancien  de  canons  et  de  constitutions  des  pa- 
pes, qu'on  dit  être  celui  qui  était  autrefois  en 
usage  dans  l'Eglise  romaine;  et  seize  disser- 
tations pour  l'éclaircissement  des  matières 
qui  sont  traitées  dans  les  écrits  de  saint  Léon, 
ou  qui  y  ont  du  rapport.  La  première  est  pro- 
prement Fbistoire  de  la  vie  et  du  pontificat 
de  ce  saint  pape,  depuis  l'an  41 8  jusqu'en 
461.  On  examine,  dans  la  seconde,  qui  est 
l'auteur  des  deux  livres  de  la  Vocation  des 
Gentils.  L'éditeur  s'efforce  de  montrer,  dans 
la  troisième,  que  les  autorités  des  pères  tou- 
chant la  grâce  et  le  libre  arbitre  dont  nous 
avons  parlé  dans  l'article  de  saint  Célestin, 
sont  de  saint  Léon.  Il  entreprend,  dans  la 
quatrième ,  de  le  faire  auteur  de  la  lettre  à 
Démétriade.  La  cinquième  est  ime  apologie 
pour  saint  Hilaire  d'Arles,  et  une  discussion 
des  droits  anciens  de  cette  Eglise.  La  sixième 
est  sur  la  manière  dont  on  observait  à  Rome 


CHAPITRE  XI.  —  SAINT  LEON,  PAPE. 


275 


le  jeûne  du  samedi  du  temps  de  saint  Léon. 
L'hérésie  d'F^utychès  et  les  suites  qu'elle  eut 
dans  l'Eglise,  font  le  sujet  de  la  septième.  Ou 
traite,  dans  la  huitième,  de  la  condamnation 
et  de  la  déposition  de  saint  Flavien  dans  le 
conciliabule  d'Ephèse  ;  dans  la  neuvième,  de 
la  condamnation  de  Domnus  d'Anlioche,  et 
de  l'ordination  de  Maxime,  son  successeur; 
dans  la  dixième  ,  de  la  déposition  de  Théo- 
dore! et  de  son  rétablissement  par  saint  Léon 
et  par  le  concile  de  Chalcédoine.  La  onzième 
est  une  démonstration  de  la  fausseté  de  la 
lettre  aux  évêques  d'Allemagne  et  des  Gaules, 
touchant  les  privilèges  des  chorévêques.  La 
douzième  traite  du  code  ancien  de  l'Eglise 
romaine,  et  des  décrets  du  concile  d'Hippone 
en  393;  la  treizième,  des  conciles  tenus  en 
Afrique  contre  les  pélagiens;  la  quatorzième, 
des  différentes  formules  de  foi  qui  se  trouvent 
dans  le  code  ancien  de  l'Eghse  romaine;  la 
quinzième ,  de  la  supposition  du  concile  de 
Telle  ou  Zelle,  et  de  la  lettre  du  pape  Sirice, 
citée  dans  les  actes  de  ce  concile  ;  la  seizième, 
du  temps  auquel  le  code  de  Denys-le-Petit  a 
commencé  à  être  en  usage  dans  les  Gaules. 
Suivent  des  notes  et  des  observations  sur  les 
lettres  de  saint  Léon ,  soit  pour  en  fixer  la 
chronologie,  soit  pour  en  éclaircir  le  texte  ; 
et  le  catalogue  des  lettres  de  ce  pape,  qui 
sont  perdues,  et  de  celles  qu'on  lui  a  écrites. 
C'est  sur  cette  dernière  édition  que  l'on  a  fait 
ime  traduction  française  des  sermons  de  saint 
Léon,  imprimée  à  Paris,  chez  Florentin,  en 
1 701 ,  in-S".  Cette  traduction  est  de  l'abbé  de 
Bellegarde.  [L'édition  du  père  Quesnel  a  été 
mise  à  l'index  des  livres  prohibés ,  à  cause 
des  dissertations  et  des  notes  qu'elle  contient 
et  où  l'auteur  semble  avoir  pris  à  tâche  d'at- 
taquer les  prérogatives  du  Saint-Siège.  Cette 
même  édition  parut  sans  dissertations  et  sans 
notes,  à  Venise,  en  1741,- et  de  nouveau  en 
1748,  deux  tomes  in-fol.  Le  père  Cacciari, 
professeur  à  la  Propagande,  opposa  à  l'édi- 
tion de  Quesnel  une  autre  édition,  Rome,  1753- 
55,  deux  vol.  in-fol.;  elle  est  revue  et  corri- 
gée sur  des  manuscrits  du  Vatican.  L'éditeur 
l'avait  fait  précéder,  en  1751 ,  d'un  vol.  in-fol. 
contenant  des  dissertations  sur  toutes  les  œu- 
vres de  saint  Léon.  Dans  sa  préface,  Cacciari 
reproche  vivement  à  Quesnel  des  infidélités 
et  des  altérations  considérables.  La  meilleure 
de  toutes  les  éditions  est  celle  des  frères  Bal- 
lerini,  prêtres  de  Vérone,  Venise,  1753-57, 
trois  vol.  in-fol.  ;  elle  est  dédiée  au  souverain 
pontife  Benoît  XIV.  On  y  reproduit  l'édition 


276 


HISTOIRE  GENERALE  DES 


entière  de  Quesnel,  mais  avec  des  réfutations 
et  des  additions,  et  en  particulier  le  Sacra- 
mentaire  de  l'Eglise  romaine  et  la  plus  an- 
cienne collection  des  canons,  avec  une  dis- 
sertation où  les  éditeurs  prouvent  que  ces 
canons  sont  antérieurs  à  saint  Léon.  La  Pa- 
trologie  latine  reproduit  l'édition  des  frères 
Ballerini ,  tomes  LIV,  LV,  LVL  Le  tome  LVI 
contient  huit  discours  inédits  de  saint  Léon, 
publiés  d'abord  par  MM.  Caillau  et  Saint- 
Yves.  Ces  sermons  sont  donnés  d'après  des 
manuscrits  de  Florence.  Le  premier  est  sîh' 
le  Temps  du  Jeûne,  le  deuxième  est  sur  la  Pas- 
sion du  Sauveur,  le  troisième  et  le  quatrième 
sont  sur  la  Pâque.  Ce  dernier  a  été  donné  en 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

partie  par  les  éditeurs  comme  étant  l'œuvre 
de  saint  Augustin,  dans  le  supplément  des 
œuvres  de  ce  père.  Ici  on  le  donne  plus  com- 
plet et  comme  convenant  davantage  à  saint 
Léon.  Le  cinquième  est  sur  la  Fête  de  saint 
Paul,  le  sixième  est  sur  l'Annonciation  de  la 
sainte  Vierge,  le  septième  est  sur  saint  Denys, 
martyr;  mais  il  n'est  pas  de  saint  Léon,  puis- 
qu'on y  parle  de  saint  Grégoire,  et  il  ne  pa- 
rait pas  conforme  à  la  gravité  du  saint  doc- 
teur. On  y  fait  saint  Denys  Aréopagite  évêque 
d'Athènes,  et  on  fixe  sa  mort  dans  les  Gaules, 
sous  Domitien.  Le  huitième  est  sur  Absalon; 
il  ne  parait  pas  être  de  saint  Léon,  à  cause  de 
la  différence  du  style.] 


CHAPITRE  XII. 

Saint  Prosper,  défenseur  de  la  grâce  de  Jésus-Christ. 


[Père    Idtin,    vers   l'an    463.] 


Saint  Pros- 
per ètiifîie  les 

lellresdivinea 
et  humaïQes. 


]1  défetîrlla 
dociriiie  de  la 
grâce  en  423 
ou  423. 


ARTICLE  I". 

HISTOIRE    DE     SA    VIE. 

i.  Saint  Prosper,  surnommé  d'Aquitaine  ', 
apparemment  pour  le  distinguer  de  saint 
Prosper  évêque  d'Orléans,  et  d'un  antre  évê- 
que du  même  nom  qui  souscrivit,  en  527  et 
529,  aux  conciles  de  Carpentras  et  de  Vaison, 
se  rendit  célèbre  par  son  zèle  pour  la  défense 
de  la  vérité,  autant  que  par  son  éloquence 
et  son  érudition.  On  ne  marque  ni  le  temps 
ni  le  lieu  de  sa  naissance;  on  la  met  ordinai- 
rement en  403.  Mais  tout  ce  qu'on  dit  de  sa 
jeunesse  n'est  fondé  que  sur  des  monuments 
incertains  ou  sur  des  conjectures  peu  assu- 
rées. Ses  écrits  sont  une  preuve  qu'il  ne  s'é- 
tait pas  moins  appliqué  à  l'étude  des  belles- 
lettres  qu'à  l'intelligence  des  livres  saints.  11 
paraît  encore  que  ses  mœurs  étaient  pures, 
puisqu'un  auteur,  qui  écrivait  de  son  temps, 
l'appelle  ^  un  homme  saint  et  vénérable. 

2.  Il  demeurait  en  Provence ,  et  ce  semble 
à  Marseille,  lorsqu'on  y  apporta  le  livre  de  la 
Correction  et  de  la  Grâce,  que  saint  Augustin 
avait  composé  pour  répondre  à  quelques  dif- 
ficultés que  ses  livres  cont7'e  les  Pélagiens 


avaient  fait  naître  parmi  plusieurs  fidèles  de 
cette  ville.  Ils  s'étaient  imaginé  que  ce  que 
ce  père  y  enseignait  touchant  la  vocation  des 
élus,  fondée  sur  le  décret  de  la  volonté  de 
Dieu,  était  contraire  au  sentiment  commun 
de  l'Eglise.  La  lecture  du  livre  de  la  Correc- 
tion et  de  la  Grâce  ne  les  fit  point  revenir  de 
leur  préjugé;  mais  aussi  elle  rendit  plus  éclai- 
rés ceux  qui  avaient  reconnu ,  en  lisant  les 
livres  contre  les  Pélagiens,  que  la  doctrine 
que  saint  Augustin  y  enseignait  était  celle  des 
apôtres.  Hilaire,  qui  n'était  que  laïque,  en 
entreprit  la  défense;  et  comme  il  était  connu 
de  saint  Augustin,  il  voulut  procurer  le  même 
avantage  à  saint  Prosper.  Il  l'engagea  donc 
à  écrire  à  ce  saint  évêque,  le  croyant  très- 
capable  de  lui  expliquer  en  quoi  consistait 
l'erreur  de  ceux  qu'ils  avaient  à  combattre, 
et  de  lui  proposer  les  difficultés  sur  lesquelles 
il  était  nécessaire  qu'il  donnât  des  éclaircisse- 
ments. Nous  avons  donné  ailleurs  le  contenu 
de  la  lettre  de  saint  Prosper  à  saint  Augus- 
tin. Ce  fut  pour  y  répondre  que  ce  saint  doc- 
teur écrivit  les  deux  livres  intitulés  :  de  la 
Prédestination  des  Saints  et  du  Don  de  la  per- 
sévérance. Ils  sont  adressés  aussi  à  Hilaire, 


Voyez  tû 
IX,  pag. 
et  SUIT. 


1  Prosper,  Jwmo  Aquilaniœ  regionis.  Gennad. ,  de 
Vir.  illust.,  cap.  Lxxxiv. 


2  Quœ  a  sancto  et  venerabili  viro  Prospéra  constat 
fuisse  compléta.  Victor.,  apud  Bûcher.,  pag.  6. 


[V  SIKCLZ.] 

parce  que  saint  Augustin  en  avait  reçu  une 
lettre  avec  celle  de  saint  Prosper,  et  sur  le 
même  sujet.  Ceci  se  passait  vers  l'an  428 
ou  429. 

3.  Ces  deux  livres  purent  bien  confondre 
les  ennemis  de  la  grâce,  mais  ils  ne  les  con- 
vertirent point.  N'osant  en  combattre  ouver- 
tement la  doctrine ,  ils  recoururent  à  la  ca- 
lomnie, accusant  '  saint  Augustin  et  ses  dis- 
ciples d'introduire  une  fatalité  et  d'admettre 
deux  natures  dans  l'homme.  Rufin,  ami  de 
saint  Prosper,  sachant  qu'on  l'accusait  d'être 
dans  de  mauvais  sentiments,  lui  en  écrivit 
pour  s'assurer  de  la  vérité.  Saint  Prosper  le 
satisfit  pleinement  par  une  lettre  assez  lon- 
gue, où  il  lui  e.xplique  quels  étaient  les  bruits 
que  les  ennemis  de  saint  Augustin  répan- 
daient, quel  motif  ils  en  avaient,  dans  quelles 
erreurs  ils  étaient  eu.K-mêmes,  et  quelle  était 
la  véritable  doctrine  de  saint  Augustin  sur  la 
grâce  et  sur  le  libre  arbitre. 

4.  Saint  Prosper  ayant  reproché ,  dans  la 
même  lettre,  aux  calomniateurs  de  saint  Au- 
gustin de  n'oser  découvrir  leurs  sentiments, 
ils  le  firent  par  divers  écrits,  où  toutefois  ils 
s'appliquaient  moins  à  marquer  ce  qu'ils  pen- 
saient eux-mêmes  sur  les  matières  de  la  grâce, 
qu'à  tirer  de  fausses  conséquences  de  la  doc- 
trine établie  par  saint  Augustin.  On  vit  pa- 
raître desuiteplusieursiibelles, auxquels  saint 
Prosper  répondit  avec  autant  de  force  que  de 
modestie.  Mais  comaie  ils  continuaient  à  l'ac- 
cuser d'erreur,  et  qu'ils  déclaraient  d'ailleurs 
qu'ils  ne  voulaient  suivre,  sur  les  matières  de 
la  grâce,  que  ce  que  l'Eglise  romaine  en  avait 
décidé,  il  prit  le  parti  d'aller  à  Rome  avec 
Hilaire,  et  de  porter  ensemble  leurs  plaintes 
au  pape.  Saint  Célestin,  qui  occupait  alors  le 
Saint-Siège,  touché  des  persécutions  qu'on 
leur  faisait  souffrir  ^  écrivit  en  leur  faveur  aux 
évêques  des  Gaules,  nommément  à  Vénérius, 
évêque  de  Marseille ,  où  les  troubles  avaient 
pris  naissance.  Les  autres  évêques  nommés 
dans  l'inscription  de  la  lettre  sont  Léonce  de 
Fréjus,  Marin,  Auxone,  Arcade,  Filtérius.  Le 
pape  leur  fait  des  reproches  sur  leur  négli- 
gence àréprimer  le  scandale  qu'avaient  donné 
les  ennemis  de  la  grâce.  En  parlant  de  saint 
Augustin,  il  dit  :  «  Cet  homme,  de  sainte  mé- 
moire, a  toujours  été  dans  notre  communion 
pour  son  mérite,  et  n'a  jamais  été  flétri  du 


CHAPITRE  XIL  —  SAINT  PROSPER. 


277 


moindre  bruit  d'aucun  mauvais  soupçon.  Sa 
science  était  telle,  que  mes  prédécesseurs  le 
comptaient  entre  les  principaux  docteurs.  Il 
était  aimé  et  honoré  de  tout  le  monde.  C'est 
pourquoi  vous  devez  résister  à  ceux  qui  osent 
attaquer  sa  mémoire,  et  leur  imposer  silence.» 
A  cette  lettre ,  qui ,  comme  l'on  voit ,  fut  écrite 
après  la  mort  de  saint  Augustin,  et  ainsi  en 
431  ou  au  commencement  de  432,  auquel 
saint  Célestin  mourut,  étaient  joints  neuf  ar- 
ticles touchant  la  grâce,  pour  servir  de  ré- 
ponses à  ces  nouveaux  hérétiques,  qui  décla- 
raient ne  vouloir  s'en  tenir  qu'à  ce  qui  avait 
été  décidé  par  le  Saint-Siège. 

5.  La  lettre  de  saint  Célestin  n'apaisa  pas  r  cent  cou- 
les troubles.  Comme  il  ne  disait  rien  des  cier-  ù°av  vcr3°432 
mers  ouvrages  de  samt  Augustin,  qui  avaient 

en  partie  occasionné  les  disputes,  ses  enne- 
mis 3  prétendirent  qu'ils  n'avaient  pas  été 
approuvés  à  Rome.  Ils  continuèrent  donc  à 
le  calomnier  et  à  dire  qu'au  lieu  d'avoir  bien 
défendu  la  cause  de  la  grâce,  il  avait  trou- 
blé *  la  paix  de  l'Eglise.  Ces  bruits,  répandus 
par  des  personnes  d'esprit  et  de  savoir,  et 
qui  faisaient  même  profession  de  piété,  firent 
impression  sur  ceux  ^  qui  étaient  ou  peu  ins- 
truits ou  qui  n'avaient  pas  assez  de  discerne- 
ment pour  juger  sainement  des  choses.  C'est 
ce  qui  obligea  saint  Prosper,  de  retour  dans 
les  Gaules,  à  prendre  de  nouveau  la  défense 
de  la  doctrine  de  saint  Augustin.  Cassien  était 
le  seul  qui  eût  rendu  publiques  les  erreurs 
qui  lui  étaient  communes  avec  les  prêtres  de 
Marseille.  C'était  surtout  dans  sa  treizième 
conférence  qu'il  s'en  était  expliqué.  Saint 
Prosper  fit  un  écrit  où  il  les  réfuta  en  les 
rapportant  dans  les  propres  termes  de  l'au- 
teur. Il  compte  vingt  ans  depuis  le  premier 
triomphe  de  l'Eglise  sur  l'hérésie  pélagienne 
jusqu'au  tenips  où  il  réfutait  Cassien.  Ce  pre- 
mier triomphe  arriva  en  412,  lorsque  saint 
Augustin  combattit  contre  les  pélagiens,  dans 
ses  livres  à  Marcellin ,  intitulés  :  des  Mérites 
des  péchés  et  du  Baptême  des  enfants.  Saint 
Prosper  n'écrivit  donc  contre  Cassien  que  vers 
l'un  432  ou  433,  sous  le  pontificat  de  saint 
Sixte. 

6.  Ce  Pape  étant  mort  vers  le  milieu  du  i,  neionmc 
mois  d'août  de  l'an  440,  l'Eglise  romaine  sn;n't'u<.nra 
choisit  pour  lui  succéder  saint  Léon,  occupé  «r^ul'""' 
dans   les    Gaules    à   réconcilier  le   général 


*  Prosper.,  Epist.  ad  Rufin.,  cap.  I  et  xvm. 
"  Tom.  oper.  Prosper.,  pag.  259. 
'  Prosper.,  in  Collât.,  cap.  XLm. 


'  Prosper.,  in  Collât.,  cap.  xxxix. 
i»  Ibid.,  cap.  I. 


278 


HISTOIEE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Aétius  avec  Albin.  Lorsqu'il  en  sortit  pour 
retourner  à  Rome,  il  emmena  avec  lui  saint 
Prosper,  pour  s'en  servir  dans  les  affaires 
d'importance.  Photius  '  remarque  que  quel- 
ques personnes  ayant  tciché  de  renouveler 
dans  cette  ville  l'hérésie  pélagienne ,  saint 
Prosper  dissipa  leur  entreprise  par  ses  écrits. 
Saint  Prosper  finit  sa  Chronique  en  455;  ce 
qui  a  fait  croire  à  plusieurs  qu'il  était  mort 
en  cette  année-là.  Mais  Marcellin  ^  parle  de 
lui  en  463,  comme  vivant  encore.  On  n'a  pas 
de  preuve  qu'il  ait  jamais  été  admis  dans  le 
clergé.  Le  pape  Gélase,  Gennade,  saint  Ful- 
gence  et  Cassiodore,  qui  parlent  de  ses  écrits, 
ne  le  qualifient  ni  diacre,  ni  prêtre,  ni  évê- 
que.  Ainsi  l'on  peut  rejeter  sans  scrupule 
tout  ce  qu'on  trouve  de  son  épiscopat,  soit 
dans  Ughellus,  soit  dans  Trithème,  ou  dans 
quelques  autres  écrivains  très- éloignés  de 
son  temps  ^. 
.sesécnis.  7.  Lcs  écrits  qui  nous  restent  de  saint 
Prosper,  sont  :  une  lettre  à  saint  Augustin, 
une  à  Rufin;  le  poème  contre  les  Ingrats; 
deux  épigrammes  contre  un  censeur  jaloux 
de  la  gloire  de  saint  Augustin;  VEpitaphe 
des  hérésies  de  Nestorius  et  de  Pelage;  cent 
seize  autres  épigrammes  avec  une  préface  ; 
la  réponse  aux  objections  des  Gaulois;  la 
réponse  aux  objections  de  Vincent;  la  ré- 
ponse à  ceux  de  Gênes;  le  livre  sur  la  Grâce 
et  le  Libre  arbitre  contre  le  Collateur;  le  com- 
mentaire sur  les  Psaumes;  le  recueil  des  trois 
cent  quatre-vingt-douze  sentences  tirées  des 
ouvrages  de  saint  Augustin;  la  Chronique,  di- 
visée en  deux  parties,  dont  la  première  finit 
en  478,  et  la  seconde  en  555.  Nous  parlerons 
dans  la  suite  des  autres  ouvrages  qu'il  avait 
composés,  et  qui  ne  sont  pas  venus  jusqu'à 
nous;  et  de  ceux  qu'on  lui  a  faussement  at- 
tribués. 

ARTICLE  II. 

DES   ÉCRITS  DE   SAINT  PROSPEfi. 
§1- 

De  ses  Lettres  à  saint  Augustin  et  à  Rufin. 

Leiirs    de       1-  Saint  Prospcr  n'était  counu  dc  Saint  Au- 

f'îàirrAu-  gustin  que  par  une  lettre  de  civilité  qu'il  lui 

S.'°' p5ril!  avait  écrite  par  un  diacre  nommé  Léonce, 

an.  nii.  lorsqu'il  lui  écrivit  sur  les  troubles  dont  les 


fidèles  de  Marseille  étaient  agités  au  sujet 
des  matières  de  la  grâce  et  du  libre  arbitre. 
Son  but,  dans  cette  lettre,  était  de  trouver 
un  moyen  de  ramener  les  esprits,  en  leur  fai- 
sant connaître  la  vérité  qu'ils  croyaient  bles- 
sée dans  les  écrits  de  saint  Augustin,  parce 
qu'ils  ne  les  entendaient  pas,  et  parce  qu'ils 
étaient  eux-mêmes  dans  l'erreur,  pour  la  plu- 
part. Quoiqu'ils  reconnussent  que  tous  les 
hommes  ont  péché  en  Adam,  et  que  ce  ne 
sont  point  nos  œuvres  qui  nous  sauvent, 
mais  la  grâce  par  la  régénération  spirituelle, 
ils  voulaient  néanmoins  que  la  propitiation 
qui  est  dans  le  mystère  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  fût  offerte  à  tous  les  hommes  sans 
exception,  en  sorte  que  le  salut  fût  accordé  à 
tous  ceux  qui  voulaient  recevoir  la  foi  et  re- 
courir au  baptême;  qu'à  l'égard  de  ceux  qui 
croient  ou  qui  persévèrent  dans  la  foi,  Dieu 
les  a  prédestinés  à  son  royaume,  en  vue  de 
ce  qu'après  les  avoir  appelés  gratuitement, 
ils  devaient  se  rendre  dignes  de  leur  élec- 
tion et  finir  saintement  leur  vie.  A  l'égard 
du  décret  de  la  volonté  de  Dieu  touchant  la 
vocation  des  hommes,  par  lequel  on  dit  que 
la  séparation  des  élus  et  des  réprouvés  a  été 
faite  avant  tous  les  siècles,  ou  dans  le  temps 
de  la  création  du  genre  humain,  en  sorte 
que,  selon  qu'il  a  plu  au  Créateur  d'en  or- 
donner,' les  uns  naissent  des  vases  d'honneur 
et  les  autres  des  vases  d'ignominie,  ils  sou- 
tenaient que  tout  ce  qu'on  en  disait  n'était 
propre  qu'à  ôter  à  ceux  qui  sont  tombés,  le 
courage  et  le  soin  de  se  relever,  et  à  inspi- 
rer même  la  paresse  et  la  tiédeur  aux  saints, 
puisque  ce  serait  en  vain  que  les  uns  et  les 
autres  travailleraient,  n'y  ayant  point  de  soin 
qui  puisse  faire  admettre  celui  qui  a  été  re- 
jeté, ni  de  négligence  qui  puisse  faire  périr 
celui  qui  est  choisi,  s'il  ne  peut  rien  arriver 
à  l'un  et  à  l'autre,  quoi  qu'ils  fassent,  que  ce 
que  Dieu  a  déterminé;  qu'ainsi  l'espérance 
étant  toujours  flottante  et  incertaine,  la  course 
ne  saurait  être  que  lâche  et  chancelante, 
tous  les  efforts  qu'on  pourrait  faire  pour  le 
salut  étant  inutiles,  si  Dieu  en  a  ordonné  au- 
trement dans  sa  prédestination.  Ils  en  con- 
cluaient que,  suivant  cette  doctrine,  toutes 
les  vertus  étaient  anéanties;  que  sous  le  nom 
de  prédestination  on  établissait  une  uéces- 


1  Photius,  Cod.  34,  pag.  45. 

2  Prosper,  homo  Aquitanicœ  regionis,  sermane  sclio- 
lasticus  et  assertionibus  nervosus,  multa  composuisse 
dicitur.  Marcelliu.,  in  Chronic,  ad  ann.  463. 


3  La  tradition  constante  de  l'Eglise  deReggio,  dans 
l'Emilie,  veut  que  saint  Prosper  ait  été  évêque  de 
cette  ville,  et  on  l'y  honore  comme  tel,  ainsi  qu'à 
Limoges,  depuis  1838.  (L'éditeur.) 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  Xn.  - 

site  fatale  et  inévitable  ;  que,  quand  même 
celte  doctrine  serait  véritable,  on  ne  devrait 
pas  la  prêcher  publiquement,  étant  dange- 
reux, en  matière  de  foi,  de  proposer  ouverte- 
ment des  choses  qui  ne  peuvent  être  bien 
reçues,  et  n'y  ayant  aucun  inconvénient  de 
les  taire. 
iie.  Pag  i.  2.  C'est  ainsi  que  parlaient  ceux  d'entre 
les  ennemis  de  la  grâce  qui  étaient  les  plus 
modérés.  Il  y  en  avait  d'auti'es  plus  péla- 
giens,  qui,  faisant  consister  la  véritable  grâce 
de  Jésus-Christ  dans  les  facultés  natiu'elles 
du  libre  arbitre  et  dans  l'usage  de  la  raison, 
disaient  qu'en  usant  bien  de  l'un  et  l'autre, 
on  méritait  d'arriver  à  la  participation  de 
cette  grâce  qui  nous  fait  chréliens  et  enfants 
de  Dieu  ;  qu'ainsi  tous  ceux  qui  le  voulaient, 
devenaient  enfants  de  Dieu,  et  que  ceux  qui 
ne  le  voulaient  pas  étaient  inexcusables , 
parce  qu'il  est  de  la  justice  de  Dieu  que 
ceux-là  périssent  qui  n'ont  pas  cru,  comme 
il  est  de  sa  bonté  de  n'exclure  personne  de 
la  vie  et  de  vouloir  indifféremment  que  tous 
les  hommes  soient  sauvés  ;  en  un  mot,  leur 
sentiment  était  que  l'homme  a  autant  de  dis- 
position au  bien  qu'au  mal,  et  qu'il  peut 
également  se  tourner  à  la  vertu  et  au  vice. 
Quand  on  leur  objectait  le  nombre  infini 
d'enfants  qui  meurent  avant  l'âge  de  discré- 
tion, n'étant  coupables  que  du  seul  péché 
originel,  avec  lequel  naissent  tous  les  hom- 
p  5  mes,  ils  répondaient  que  Dieu  sauvait  ou 
damnait  ces  enfants  selon  qu'il  prévoyait 
qu'ils  auraient  été  dans  un  âge  avancé,  où 
ils  auraient  été  en  état  d'agir  et  de  mériter. 
Ils  disaient  la  même  chose  des  nations  entiè- 
res, soutenant  que  l'Evangile  leur  avait  été 
annoncé  ou  non,  suivant  que  Dieu  avait 
prévu  qu'elles  croiraient  ou  ne  croiraient 
pas.  Dieu,  disaient-ils  encore,  offre  et  pré- 
pare k  tous  la  vie  éternelle;  mais,  parles  di- 
vers mouvements  du  libre  arbitre  de  chacun, 
il  arrive  qu'elle  n'est  que  pour  ceux  qui  se 
déterminent  à  croire  en  lui,  et  qui,  par  le 
mérite  de  cette  foi  se  rendent  dignes  de  re- 
cevoir le  secours  de  sa  grâce.  Ils  ne  voulaient 
pas  que  les  mérites  des  saints  fussent  des 
eifets  de  l'opération  invisible  et  surnaturelle 
de  Dieu,  ni  que  le  nombre  des  prédestinés 
fût  tellement  certain,  qu'il  ne  pût  être  aug- 
menté ni  diminué,  parla  raison  qu'il  ne  ser- 
virait plus  de  rien  d'exhorter  les  infidèles  à 
embrasser  la  foi,  ni  de  solliciter  les  tièdes  à 
s'avancer  dans  la  vertu,  puisque  les  efforts 
de  ceux  qui  ne  seraient  pas  du  nombre  des 


SAINT  PROSPER. 


279 


élus,  n'auraient  aucun  succès.  Enfin  ils  en- 
seignaient que  de  deux  choses  qui  con- 
courent au  salut  des  adultes,  la  grâce  de 
Dieu  et  l'obéissance  de  l'homme,  celle-ci 
marche  la  première,  en  sorte  que  le  com- 
mencement du  salut  vient  de  celui  qui  est 
sauvé,  et  non  pas  de  Dieu  qui  le  sauve. 

3.  Saint  Prosper,  après  avoir  fait  remarquer   snue.pjg.  6. 
à  saint  Augustin  que,  tandis  que  l'on  met- 
trait dans  l'homme  le  piincipe  de  son  salut, 
l'hérésie  pélagienne  ne  serait  pas  entière- 
ment détruite,  le  conjurait  de  mettre  dans 

le  plus  grand  jour  qu'il  serait  possible,  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  obscur  et  de  plus  diffi- 
cile sur  cette  matière;  de  montrer  qu'on  ne 
pouvait  prétendre  sans  témérité  que  les  dis- 
putes sur  la  grâce  ne  blessaient  pas  la  foi  ; 
de  quelle  manière  le  libre  arbitre  s'accorde 
avec  la  grâce  qui  le  prévient,  et  de  lui  dire 
si,  dans  la  prédestination,  il  fallait  distinguer 
un  décret  absolu  pour  les  enfants  qui  sont 
sauvés  sans  avoir  fait  de  bonnes  œuvres,  et  pag.  t. 
une  prévision  du  bien  que  les  autres  doivent 
faire;  ou  croii'e,  sans  distinction,  qu'il  n'y  a 
en  nous  aucun  bien  dont  Dieu  ne  soit  l'au- 
teur et  qui  ne  découle  de  lui  comme  de  sa 
source.  Il  le  priait  aussi  de  lui  apprendre  ce 
qu'il  fallait  répondre  à  l'autorité  des  anciens, 
qui  ont  presque  tous  été  du  sentiment  que  la 
prescience  de  Dieu  sert  de  fondement  à  la 
prédestination  ;  en  sorte  que,  si  Dieu  a  fait 
les  uns  des  vases  d'honneur  et  les  autres 
des  vases  d'ignominie,  c'est  parce  qu'il  a 
prévu  la  différente  manière  dont  les  uns  et 
les  autres  devaient  finir  leur  vie,  et  com- 
ment chacun  d'eux  userait  par  sa  volonté  du 
secours  de  sa  grâce.  En  suite  de  cette  lettre 
on  a  mis  dans  la  nouvelle  édilion  des  œuvres 
de  saint  Prosper,  celle  qu'Hilaire  écrivit  à 
saint  Augustin  sur  le  même  sujet,  puis  les 
deux  livres  de  ce  Père,  l'un  intitulé  :  de  la  Pré- 
destination des  Saints;  l'autre,  du  Don  de  la 
persévérance,  où  il  répond  aux  difficultés 
qu'ils  lui  avaient  proposées. 

4.  Cependant  Rufin,  ami  de  saint  Prosper,  ^ 
ayant   ouï    parler   des   mauvais   sentiments   f">  p's-  *'■ 

«  ^  iin  (]uoi  con- 

qu'on   lui   attribuait,    lui   en   écrivit.   Saint   =f=  '»  s''?,'" 

^  '  seîûn  les  ital^- 

Prosper  reçut  sa  lettre  comme  une  marque  e'°"=- 
de  son  affection.  Mais  pour  lui  donner  aussi 
des  preuves  de  sa  science,  il  le  mit  parfaite- 
ment au  fait  de  la  question  qui  avait  occa- 
sionné les  bruits  vagues  et  les  vaines  accu- 
sations que  l'envie  avait  répandus  contre  lui. 
Il  commence  par  faire  remarquer  à  Rufm 
que  la  plus  dangereuse  erreur  des  pélagiens. 


280 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


P»E.  8S. 


Les  rèrea 
ont  coiiiiamné 
cnlte  dotlri- 
nc.  Pas,  89. 


et  qui  renferme  toutes  les  autres,  est  celle 
qui  leur  fait  dire  que  la  grâce  de  Dieu  est 
donnée  aux  hommes  selon  leurs  mérites. 
«  Ils  avaient  d'abord,  continue  saint  Prosper, 
voulu  soutenir  que  la  nature  humaine  était 
tellement  saine  et  tellement  pure ,  qu'elle 
pouvait,  par  la  seule  force  de  son  libre  arbi- 
tre, acquérir  le  ciel  et  le  royaume  de  Dieu; 
mais,  voyant  que  l'Eglise  avait  condamné 
cette  pernicieuse  doctrine,  en  la  conservant 
dans  le  fond  de  leurs  cœurs,  ils  ont  protesté 
publiquement  qu'ils  croyaient  que  la  grâce 
de  Dieu  était  nécessaire  à  l'homme,  soit  pour 
le  commencement,  soit  pour  le  progrès,  soit 
pour  la  persévérance  dans  le  bien.  Mais  ce 
qui  fait  voir  la  fausseté  de  cette  protestation, 
c'est  que  tout  ce  qu'ils  donnent  à  la  grâce 
consiste  à  la  faire  servir  comme  de  maître  et 
de  précepteur  au  libre  arbitre,  afin  que,  se 
montrant  à  l'esprit  par  des  choses  extérieu- 
res, par  les  exhortations,  par  la  loi,  par  la 
doctrine,  par  les  créatures,  par  les  miracles 
et  par  la  crainte  des  jugements  de  Dieu, 
l'homme,  ensuite,  mène  et  apphque  sa  vo- 
lonté, pour  qu'en  cherchant  il  trouve,  qu'en 
demandant  il  reçoive,  et  qu'en  frappant  à  la 
porte  elle  lui  soit  ouverte;  en  sorte  que,  sui- 
vant leur  doctrine,  la  grâce  ne  fait  par  rap- 
port à  nous,  que  ce  que  fait  la  loi,  que  ce 
que  fait  un  prophète,  que  ce  que  fait,  uu  maî- 
tre qui  nous  instruit.  Ils  veulent  déplus,  que 
la  grâce  soit  donnée  généralement  à  tous  les 
hommes^  afin  queceuxqui  voudront  croient, 
et  que  ceux  qui  auront  cru  reçoivent  la  jus- 
tification par  le  mérite  de  leur  foi  et  de  leur 
bonne  volonté,  c'est-à-dire  que  la  grâce  ne 
soit  plus  grâce,  puisque,  selon  eux,  elle  est 
donnée  aux  mérites,  et  qu'elle  n'est  ni  la 
source,  ni  le  principe  de  tous  nos  mérites.  « 
5.  Mais  quelques  soins  qu'ils  aient  pris  de 
déguiser  leurs  erreurs,  elles  ont  été  décou- 
vertes et  étouffées  par  les  évêques  de  l'O- 
rient, par  l'autorité  du  Saint-Siège  et  par  la 
vigilance  des  évêques  d'Afrique,  nommément 
de  saint  Augustin,  que  saint  Prosper  appelle 
ici  la  principale  et  la  plus  illustre  partie  du 
corps  sacré  des  pontifes  qui  ont  paru  dans 
le  V  siècle.  Ce  père  se  plaint  qu'après  que  cet 
homme  incomparable  a  soutenu  tant  de  com- 
bats et  remporté  tant  de  victoires  et  de  cou- 
ronnes, qu'après  qu'il  a  éclairé  toute  l'Eglise 
par  ses  ouvi-ages,  et  relevé  la  gloire  de  Jé- 
sus-Christ en  triomphant  de  ses  ennemis , 
quelques-uns  aient  osé  noircir  sa  réputation 
en  déniant  les  ouvrages  par  lesquels  il  a  com- 


battu l'hérésie  pélagienne.  «  Ils  soutiennent, 
ajoute-t-il,  que  ce  saint  évêque  détruit  en- 
tièrement le  libre  arbitre;  qu'il  établit  une 
nécessité  fatale  sous  le  nom  de  grâce,  et  qu'il 
enseigne  qu'il  y  a  comme  deux  masses  dif- 
férentes et  deux  natures  dans  les  hommes; 
ce  qui  est  rendre  coupable  de  l'impiété  des 
païens  et  des  manichéens  un  homme  dont 
la  piélé  est  révérée  de  toute  l'Eglise.  Que  si 
ce  qu'ils  soutiennent  est  véritable,  pourquoi 
ne  s'opposent-ils  pas  à  la  publication  d'une 
doctrine  aussi  extravagante  ?  Pourquoi  ne 
font-ils  pas  quelque  écrit  pour  l'en  avertir?  » 
Cet  endroit  fait  voir  que  la  lettre  à  Rufin  fut 
écrite  avant  le  28  août  de  l'an  430,  auquel 
saint  Augustin  mourut.  «  C'est  peut-être, 
continue  saint  Prosper,  que  ces  nouveaux 
censeurs  sont  trop  modestes,  et  qu'ayant 
quelque  respect  pour  ce  prélat,  ils  veulent 
épargner  sa  vieillesse,  ne  croyant  pas  d'ail- 
leurs nécessaire  la  réfutation  de  ses  livres, 
comme  n'étant  lus  que  de  peu  de  personnes. 
Non.  Ils  savent  très-bien  que  l'Eglise  de  Rome, 
celle  d'Afrique  et  généralement  tous  les  en- 
fants de  la  bénédiction  et  de  la  promesse 
divine,  répandus  dans  toutes  les  parties  de 
la  terre,  s'accordent  avec  ce  grand  person- 
nage aussi  bien  dans  sa  doctrine  touchant  la 
glace,  que  dans  tous  les  autres  points  de  la 
foi.  Ils  savent  encore  que,  touchant  les  ques- 
tions sur  lesquelles  ils  forment  des  plaintes, 
un  grand  nombre  de  personnes  vont  appren- 
dre dans  ses  ouvrages  la  doctrine  évangéli- 
que  et  apostolique  sur  la  grâce,  et  que  Jésus- 
Christ  se  sert  tous  les  jours  du  ministère  de 
sa  plume  et  de  sa  parole  pour  se  former  de 
nouveaux  membres  dans  le  corps  sacré  de 
son  Eglise.  Ce  qui  les  pousse  donc  et  ce  qui 
les  anime,  c'est  que,  voulant  se  glorifier  dans 
leur  propre  justice  plutôt  que  dans  la  grâce 
de  Dieu,  ils  ne  peuvent  soutiVir  la  résistance 
avec  laquelle  nous  combattons  les  discours 
qu'ils  sèment  de  toutes  parts  contre  ce  grand 
homme  qui  possède  une  autorité  si  sublime 
dans  toute  l'Eglise,  ni  qu'on  leur  oppose 
partout  ses  écrits.  » 

6.  «  Pour  prouver  leur  opinion,  ils  allé-     auiodi 
guent  ces  paroles   où  Jésus-Christ   appelle   dofnes'sëmi! 
tous  les  hommes  :  Vaiez  à  moi  vous  tous  qui  IbolUtâ' 
êtes  dans  la  peine  et  gui  êtes  cha7'gés,  et  je  vous     °^' 
soulaget^ai ;  soumettez-vous  à  mon  joug,  et  ap- 
prenez de  moi  que  je  suis  humble  de  cœi»'/ pré- 
tendant qu'étant  au  pouvoir  de  tous  tes  hom- 
mes de  suivre  l'exemple  de  douceur  et  d'hu- 
milité que  Jésus-Christ  nous  a  donné,  ceux 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


[V  SIÈCLE.] 

qui  lui  auront  obéi  auront  la  vie  éternelle, 
au  lieu   que   les  désobéissants   perdront  le 
saint  par  leur  propre  faute.  Mais  qu'ils  écou- 
tent aussi,  dit  saint  Prosper,  ce  que  le  même 
Seigneur  a  dit  à  ceux  qui  avaient  la  même 
joan.ir,  ■•.  puissauce  du  libre  arbitre  :  Vous  ne  pouvez 
oan.  VI,  H.  rieu  foirB  sans  moi.  Personne  ne  vient  à  moi, 
s'il  n'est  entraîné  par  mon  Père  qui  m'a  envoyé. 
loan.  Ti,  66.  Personne  ne  peut  venir  à  moi  s'il  ne  lui  est 
donné  de  mon  Père.  Il  est  donc  hors  de  doute 
qu'afm  que  le  libre  arbitre  obéisse,  il  faut 
que  la  grâce  de  Dieu  forme  dans  lui  le  mou- 
vement et  l'affection,  par  laquelle  il  croit  et 
obéit.   Autrement,   il   suffirait   d'avertir   un 
bomme ,    et  il   ne   serait   point    nécessaire 
qu'une  nouvelle  volonté  fut  formée  dans  lui, 
■rov.Tin,38.   sclou  cct  oracle  de  l'Ecriture  :  C'est  le  Sei~ 
gneur  qui  prépare  la  volonté.  Et  selon  cette 
parole  de  l'Apôtre  :  C'est  Dieu  qui  produit  le 
vouloir  et  le  parfaire  selon  la  bonne  volonté. 
Quelle  bonne  volonté,  sinon  celle  que  Dieu 
a  produite  en  eux  ?  Afin  qu'après  leur  avoir 
donné  la  volonté  d'agir,  il  leur  donne  encore 
le  moyen  de  le  faire.  » 
objeciion       7.  Ils  prouvent  encore  la  force  du  libre 
4xeDipie  M  arbitre  par  l'exemple  de  Corneille  le  Cente- 
>a°/.°3K'   "■   nier,  prétendant  qu'ayant  eu  la  crainte  de 
Dieu    et  l'ayant  prié  avant  d'avoir  reçu  la 
grâce,  il  s'est  appliqué  par  lui-même  et  par 
son   propre    mouvement  aux  exercices   de 
l'aumône,  des  jeûnes  et  de  la  prière;  qu'en 
conséquence,  il  a  reçu  de  Dieu  le  don  du  bap- 
tême. A  cela  saint  Prosper  répond  que  les 
bonnes  œuvres  de  Corneille,  avant  son  bap- 
tême, furent  l'effet  de  la  grâce.  Il  montre, 
par  la  vision  qu'eut  saint  Pierre   avant  de 
baptiser  ce  centenier,  que  c'était  Dieu  même 
qui  avait   purifié  Corneille  en  commençant 
dans  lui  les  bonnes  œuvres  qui  précédèrent 
la  prédication  de  la  parole,  afin  que  cet  apô- 
tre ne  doutât  point  d'annoncer  le  salut  à  un 
gentil,  voyant  que  Dieu  l'y  avait  déjà  disposé 
par  l'infusion  de  sa  grâce.  «  11  était  même  be- 
soin, dit-il,  que  les  cboses  se  passassent  ainsi, 
de  peur  que  la  vocation  de  l'Eglise  des  gentils 
qui  était  nouvelle,  et  qui  n'avait  point  été 
révélée  jusqu'alors,  ne  parût  incertaine  et 
peu  assurée,  si  Dieu  ne  l'eût  confirmée  lui- 
même,  en  témoignant,  par  l'éloge  qu'il  fit  de 


281 


Corneille,  qu'il  avait  déjà  purifié  par  ces 
saintes  dispositions  le  cœur  de  celui  qui  de- 
vait être  les  prémices  de  cette  Eglise.  Car  la 
foi  n'est  pas  commune  à  tout  le  monde,  et 
tous  ne  croient  pas  à  l'Evangile.  Mais  ceux 
qui  croient  y  sont  poussés  par  l'Esprit  de 
Dieu,  et  ceux  qui  ne  croient  pas  en  sont  dé- 
tournés par  leur  libre  arbitre.  Ainsi  notre 
conversion  à  Dieu  ne  vient  point  de  nous, 
mais  de  Dieu  même,  comme  le  dit  l'apôtre  : 
La  grâce  nous  a  sauvés  par  la  foi,  et  ce  bien  ne  Eptes.  n.a. 
vous  est  pas  venu  de  vous-mêmes  :  c'est  un  don 
de  Dieu,  qui  n'est  point  la  récompense  de  vos 
œuvres,  afin  que  nid  ne  se  glorifie  en  soi-même.)) 

8.  «L'homme  ayant  perdu  par  le  péché  sa      d'où  »iciit 
justice  naturelle,  s'égarait  sans  cesse,  lors-   rhTmme. 

Pae  92. 

que  Dieu  l'a  fait  rentrer  dans  la  voie  et  qu'il 
lui  a  inspiré  de  l'amour  pour  celui  qui  l'avait 
aimé  le  premier  avant  d'être  aimé  de  lui. 
Ce  n'est  pas,  dit  saint  Jean,  que  nous  nous     lUoan.iv, 
soyons  portés  de  nous-mêmes  à  aimer  Dieu;  c'est 
lui  qui  nous  a  aimés  le  premier.  Le  même  apô- 
tre dit  :  Quiconque  aime  est  né  de  Dieu  et  il     i  joa„,  ,t, 
connaît  Dieu.  Celui  qui  n'aime  point  ne  connaît    ''  *' 
point  Dieu,  parce  que  Dieu  est  amour;  ce  qui 
fait  voir  qu'on   peut  trouver   beaucoup  de 
choses  louables  dans  un  homme,  qui  toute- 
fois ,  n'étant  point  animées  de   l'amour   de 
Dieu,  n'ont  ni  l'esprit  ni  l'essence  de  la  piété. 
C'est  Dieu,  comme  le  dit  saint  Paul,  qui  nous    uAdiimoi. 
a  délivrés  et  qui  nous  a  appelés  par  sa  vocation  ''  "' 
sainte,  non  selon  nos  œuvres,  mais  selon  son 
propre  décret  et  sa  grâce,  qui  nous  a  été  don- 
née en  Jésus-Christ  avant  tous  les  temps. 
Lorsque  sa  grâce  '  nous  justifie,  elle  ne  nous 
rend  pas  de  bons,  meilleurs  ;  mais  de  mau-    „ 
vais  que  nous  étions,  elle  ne  nous  rend  bons, 
afin  de  nous  rendre  ensuite  de  bons,  meil- 
leurs, par  un  avancement  continuel  dans  la 
vertu,  non  en  nous  ôtant  le  libre  arbitre, 
mais  plutôt  en  le  rendant  libre  :  car  tant  que 
notre  libre  arbitre  a  agi  seul  sans  être  as- 
sisté de  Dieu,  il  n'a  vécu  que  pour  le  péché, 
étant  mort  pour  la  justice.  Mais  lorsque  la 
miséricorde  de  Jésus-Christ  l'a  éclairé  par 
sa  divine  lumière,  il  a  été  tiré  du  règne  du 
diable,  afin  que  Dieu  même  régnât  en  lui,  et 
il  ne  peut  encore  demeurer  ferme  dans  cet 
état  si  heureux  par  cette  grâce  qu'il  a  reçue. 


1  Gralia  Dei  quoscumque  juitificat  non  ex  bonis 
meliores,  sed  ex  malis  bonos  facit;  postea  per  profec- 
fum  ex  bonis  factura  meliores  ■"  non  adempto  lihero 
arbitrio,  sed  liberuto.  Qund  donec  sine  Deo  solum  fuit, 
mortuum  fuit  justilice  vixitque  peccato  ;  ubi  autem 


ipsum  illuminavit  misericordia  Christi,  erutum  est  a 
regno  diaboli ,  et  factum  est  regnum  Dei,  in  quo  ut 
perinanere  possit,  ne  ea  quidem  facullate  sufficit  sibi, 
nisi  inde  accipial  perseverantiam  iinde  accipit  justi- 
tiam.  Prosper,  Episi.  ad  Rufin.,  pag.  93. 


282 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


f>'où 
l'erreur 
s  B  m  i  -  n 
giens.  P, 


vlpnt 

des 

é  I  a- 

9'.. 


si  celui  qui  l'a  premièrement  appelé  à  la  jus- 
lice,  ne  lui  donne  aussi  la  persévérance  dans 
la  justice.  Dieu,  pour  confirmer  cette  vérité, 
permit  que  saint  Pierre,  qui  se  promettait  de 
lui-même  d'aller  avec  Jésus-Gln-ist  à  la  pri- 
son et  à  la  mort,  tombât  dans  le  péril  de  se 
perdre,  afin  qu'il  fût  relevé  par  la  main 
toute-puissante  de  celui  sans  lequel  personne 
ne  peut  ni  subsister  pour  quelque  temps,  ni 
persévérer  jusqu'à  la  fin. 

9.  Ce  qui  empêchait  les  nouveaux  ennemis 
de  la  grâce  de  Dieu  de  la  reconnaître  telle 
que  l'Ecriture  nous  la  représente  et  qu'elle 
se  fait  sentir  elle-même  par  ses  grands  effets, 
c'est  qu'ils  craignaient  d'être  obligés  d'avouer 
en  même  temps  que  de  tous  les  hommes  qui 
sont  nés  et  doivent  naître  dans  tous  les  siè- 
cles, Dieu  a  choisi  un  certain  nombre  pour 
en  composer  ce  peuple  qu'il  a  prédestiné  à 
la  vie  éternelle,  et  qu'il  a  élu  eu  l'appelant 
selon  le  décret  de  sa  volonté.  «  Ce  qui  est, 
dit  saint  Prosper  ',  une  vérité  si  constante, 
qu'il  ne  faut  pas  être  moins  impie  pour  la 
combattre ,  que  pour  combattre  la  grâce 
même.  »  Il  le  prouve  par  ce  grand  nombre 
d'hommes  que  Dieu  a  laissé  périr  dans  les 
siècles  passés,  ensevelis  dans  les  ténèbres 
de  l'ignorance  et  du  paganisme  ;  et  ajoute  : 
i(  Si  la  lumière  de  la  raison  naturelle,  ou 
l'usage  de  tant  de  biens  que  Dieu  fait  aux 
hommes,  avait  pu  suffire  à  tous  ces  peu- 
ples pour  obtenir  le  salut,  il  faudrait  con- 
clure qu'encore  aujourd'hui  les  pensées  natu- 
relles de  notre  esprit,  la  considération  des 
temps,  des  saisons  et  de  cette  abondance  de 
fruits  que  nous  trouvons  en  ce  monde,  nous 
pourraient  suffire  pour  nous  sauver,  parce 
qu'usant  bien  de  tous  ces  avantages  de  la 
nature,  et  reconnaissant  Dieu  dans  ces  dons 
et  ces  faveurs  dont  il  nous  comble  tous  les 
jours,  nous  pourrions  l'adorer  encore  plus 
parfaitement  que  n'ont  pu  faire  ces  anciens 
peuples.  Mais  à  Dieu  ne  plaise  ^  que   des 


âmes  qui  ont  quelque  piété  et  qui  se  sou- 
viennent qu'elles  ont  été  rachetées  par  le 
sang  de  Jésus-Christ,  soient  jamais  capables 
d'une  pensée  si  extravagante  et  si  pernicieuse 
tout  ensemble.  La  nature  humaine  n'a  point 
d'autre  libérateur  que  Jésus-Christ,  qui,  étant 
homme,  est  devenu  le  médiateur  entre  Dieu 
et  les  hommes.  Nul  sans  lui  n'a  part  au  salut. 
Comme  ce  n'est  pas  nous,  mais  lui  seul  qui 
nous  a  formés,  aussi  n'est-ce  pas  nous,  mais 
lui  seul  qui  nous  forme  pour  la  seconde  fois 
en  nous  justifiant.  Et  de  peur  que  l'homme 
qui  a  reçu  le  don  de  la  grâce,  et  qui  fait  en- 
suite de  bonnes  œuvx-es,  ne  s'imaginât  que 
la  grâce  lui  eût  été  donnée  parce  que  Dieu  " 

prévoyait  que  lorsqu'il  l'aurait  relevé  de  sa 
chute,  il  se  rendrait  digne  de  ce  don  par  ses 
œuvres  ;  Dieu ,  pour  confondre  ses  pensées ,  a. 
répandu  les  richesses  de  sa  miséricorde  sur 
les  premiers  moments  de  la  vie  de  quelques 
enfants,  dans  lesquels  il  est  visible  qu'il  ne 
peut  avoir  pour  cause  de  son  choix,  ni  la 
piété  précédente,  ni  celle  qui  doit  suivre, 
non  plus  que  l'obéissance,  ou  le  discerne- 
ment, ou  la  volonté.  «Je  parle,  dit  saint 
Prosper,  de  ces  enfants  qui  ne  sont  pas  plutôt 
nés  qu'ils  renaissent  heureusement  par  le 
baptême,  et  qui  n'ont  pas  plutôt  reçu  le 
baptême  qu'ils  entrent  par  une  mort  prompte 
dans  la  participation  des  biens  éternels.  » 

10.  «  On  nous  objecte  sans  cesse,  dit  ce     Enqneisen» 
père,  ces  paroles  de  l'Ecriture  :  Dieu  veut  mIiv."  "tous 

,  .les    hommes. 

que  tous  les  hommes  soient  sauves,  comme  si  vag.  sî. 
elles  étaient  contraires  à  notre  doctrine.  Quoi  ""°  '"'  ' 
donc  !  Tant  de  millions  d'hommes,  qui,  dans 
l'espace  de  tant  de  siècles  jusqu'aujourd'hui, 
sont  morts  malheureusement  sans  avoir  la 
moindre  connaissance  de  Dieu,  n'ont-ils  pas 
été  du  nombre  des  hommes?  Pourquoi  le 
même  Dieu  qui  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés  et  qu'ils  parviennent  à  la  con- 
naissance de  la  vérité,  empêche-t-il  ses  apô- 
tres d'annoncer  son  Evangile   dans  l'Asie, 


1  Ab  hac  autem  confessione  gratiœ  Dei  ideo  quidam 
resiliunf,  ne  hoc  neccsse  habeant  confiteri,  quod  ex 
omni  numéro  hominum  per  sœcula  cuncia  natorum 
certus  apud  Deum  definiiusque  sit  numerus  prœdes- 
tinati  in  vitam  œternam  popuii,  et  secundum  propo- 
situm  Dei  vocaniis  electi.  Quod  quidem  tam  inipium 
est  negare,  quam  ipsi  gratiœ  conirarium.  Neque  enim 
remotum  est  ab  inspedione  commun/,  quoi  sœculis, 
quam  innumera  hominunCmillia  erroribus  suis  impie- 
lalibusque  dimissa  sine  ulla  veri  Dei  cognitione  de- 
fuerint.  Prosper,  Epist.  ad  Rufin.,  pag.  94. 

2  Sed  absit  ab  animis  piorum  et  Chi'isii  sanguine 
redemptorum,  stulta  nimium  et  perniciosa  persuasio  ; 


naturam  humanam  non  libérât  extra  unum  Mediato- 
rem  Dei  et  hominum,  hominem  Christum  Jesum:  sine 
illo  nemini  salus  est.  Sicut  ipse  fecit  nos,  et  non  ipsi 
nos;  iia  ipse  reficit  yios,  et  non  ipsi  nos.  Ac  ne  sibi 
facultus  hominis  pretium  reparationis  hujus  vel  post 
restitutionem  sui  per  opéra  videretur  justitiœ  repen- 
sare,  effuderunt  se  divitiœ  bonitatis  Dei  in  ipsa  quo- 
rumdam  primordia  parvulorum;  in  quibus  nec  prœ- 
cedens  eligitur,  nec  secutura  devotio;  non  obedientia, 
non  discretio,  non  voluntas.  De  his  enim  loquor  qui 
mox  ut  nati  sunt,  renaseuntur,  et  rapti  ab  hac  vita 
œternœ  beatitudini  deputantur.  Prosper^  ibid.,  pag.  95. 


[V   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII. 


SAINT  PROSPER. 


283 


tandis  qu'il  leur  ordonne  de  le  prêcher  à 
tous  les  peuples  du  monde  ?  Dans  le  temps 
même  que  nous  vivons,  la  plupart  des  peu- 
ples du  monde  ne  font  que  commencer  à  re- 
cevoir la  religion  chrétienne,  y  en  ayant  en- 
core plusieurs  qui  non-seulement  ne  jouis- 
sent pas  d'un  si  grand  bien,  mais  qui  même 
n'en  ont  pas  ouï  parler.  Quant  aux  causes  de 
ce  discernement  si  terrible,  elles  ne  peuvent 
être  pénétrées  par  l'esprit  humain,  et  on  peut 
les  ignorer  sans  préjudice  de  la  foi  et  du  sa- 
lut. Confessons  seulement  *  que  Dieu  ne  con- 
damne personne  sans  qu'il  l'ait  mérité,  et 
qu'il  ne  sauve  personne  parce  qu'il  Fa  mé- 
rité, et  que  sa  bonté  toute-puissante  sauve 
et  éclaire  par  la  lumière  de  sa  vérité  divine 
tous  ceux  qu'il  veut  qui  soient  sauvés  et  ar- 
rivent à  la  connaissance  de  sa  même  vérité. 
Car  nul  ne  vient  à  lui,  s'il  ne  l'appelle  :  nul 
ne  reçoit  l'instruction  de  la  foi,  s'il  ne  l'en- 
seigne :  nul  n'est  sauvé,  s'il  ne  le  sauve , 
parce  qu'encore  qu'il  ait  commandé  à  ses 
minisires  de  prêcher  indifféremment  à  tous 
les  hommes,  néanmoins  ni  celui  qui  plante, 
ni  celui  qui  arrose  n'est  rien  ,  mais  c'est  Dieu 
qui  donne  l'accroissement  qui  est  tout.  » 

H.  «  On  dira  peut-être  que  ce  sont  les 
hommes  qui  s'opposent  à  la  volonté  de  Dieu, 
et  que  de  ce  qu'il  y  en  a  à  qui  la  foi  n'a 
pas  été  prêchée,  c'est  que  Dieu  voyait  que 
leurs  cœurs  et  leurs  esprits  étaient  fermés  à 
sa  divine  lumière?  Mais  qui  a  changé  le  cœur 
des  autrespeuples  qui  croient  en  Jésus-Christ, 
sinon  celui  qui,  comme  parle  le  psalmiste, 
a  formé  en  particulier  les  cœurs  de  chacun 
d'eux?  Qui  a  pu  amollir  la  dureté  de  ces 
cœurs  en  les  rendants  flexibles  et  obéissants 
à  la  parole  sacrée,  sinon  celui  qui  des  pierres 
mêmes  peut  susciter  des  enfants  à  Abraham  ? 
Il  est  d'ailleurs  constant,  par  divers  en- 
droits de  l'Ecriture,  que  l'Evangile  doit  être 
prêché  par  toute  la  terre  ;  et  il  ne  l'est  pas 
moins  que  nul  n'entrera  dans  la  société  bien- 
heureuse de  l'héritage  du  Sauveur,  qu'il  ne 


lîpbeâ.  I,  11. 


RéponflG  à 
une  autre  ob- 
jectiûiidesîjC- 
iiii-pélagieus. 
Pag.  97. 


soit  du  nombre  de  ceux  qui  ont  été  prédes- 
tinés et  prévus  avant  la  création  du  monde, 
suivant  le  décret  de  celui  qui  fait  toutes  choses  aci.  xm,  48, 
selon  le  conseil  de  sa  volonté.  Mais  qui  sont  les 
vases  que  Dieu  a  choisis,  et  quel  en  doit  être, 
le  nombre?  C'est  un  mystère  dont  l'igno- 
rance ne  nuit  point  à  notre  salut.  Il  nous 
suffit  de  savoir  ^  que  tous  les  bons  entreront 
dans  le  royaume  de  Dieu  ;  que  ce  sera  la 
grâce  qui  les  y  fera  entrer,  et  que  tous  les 
méchants  en  seront  bannis  par  leur  propre 
malice.  » 

12.  i'  En  admettant,  dit-on,  la  nécessité  de 
la  grâce,  il  ne  reste  plus  rien  à  faire  au  libre 
arbitre.  La  grâce,  répond  saint  Prosper,  ne 
détruit  pas  le  libre  arbitre,  elle  le  transforme 
et  le  change  en  mieux,  lui  imprimant  d'au- 
tres pensées  et  le  faisant  agir  en  lui  appre- 
nant à  mettre  toute  l'espérance  de  sa  guéri- 
son  dans  son  médecin  et  non  dans  soi-même. 
Il  n'est  jamais,  durant  cette  vie,  dansune  santé 
si  parfaite,  que  ce  qui  l'avait  blessé  aupara- 
vant, ne  le  puisse  blesser  de  nouveau  ;  et  il 
n'est  jamais  tempérant  jusqu'à  ce  point,  de 
pouvoir  s'empêcher  par  ses  propres  forces 
d'user  des  choses  qui  le  font  malade.  Ainsi 
l'homme  qui  avait  été  mauvais  dans  son  libre 
arbitre,  est  rendu  bon  dans  le  même  libre 
arbitre  ;  étant  mauvais  par  la  coiTuption  qu'il 
trouve  en  lui-même.  Dieu  le  rend  bon  en  le 
l'établissant  dans  le  premier  honneur  dont  il 
est  déchu  :  ce  que  Dieu  fait  non-seulement 
en  lui  remettant  les  fautes  de  volonté  et  d'ac- 
tion, mais  en  lui  donnant  la  grâce  de  vouloir 
le  bien,  de  le  faire  et  d'y  persévérer.  » 

13.  Saint  Prosper  porte  le  défi  aux  calom- 
niateurs de  saint  Augustin  de  montrer  un 
seul  endroit  dans  ses  écrits  qui  autorise  tant 
soit  peu  le  destin  et  la  doctrine  de  deux  na- 
tures différentes  dans  l'homme.  «  Quoi  qu'ils 
fassent,  ajoute-t-il,  ils  ne  trouveront  jamais 
qu'on  nous  ait  ouï  dire,  ou  que  nous  ayons 
enseigné  rien  de  semblable,  parce  que  nous 
savons  très-bien  qu'il  n'y  a  aucune  ^  néces- 


JuBiillptiiion 

de  la  (loclrinu 
de  s-ii[i[   Au- 

gufi.n.p.  as, 


1  Quœ  sit  discretionis  isiius  ratio ,  sine  fidei  diminu- 
lione  noscitur  :  modo  confiteamur  neminem  immerito 
perdi,  neminem  merito  liberari,  et  omnipotentissimam 
Domini  bonitatem  omnes  salvare,  et  omnes  ad  agni- 
tionem  veriiaiis  imbuere,  quos  vult  omnes  fieri  sal- 
ves et  ad  agnitionem  veritatis  venire.  Nisi  enim  ipso 
vacante,  docenle,  saluante,  nemo  venit,  nemo  eruddiir, 
nemo  salvatur.  Quia  et  si  indifferenter  omnibus  ho- 
minibus  jubenluv  prœdicare  doctofes ,  et  semen  verbi 
ubique  discerere  ;  tamen  neque  qui  plantât,  neque  qui 
rigat  est  aliquid,  sed  qui  incrementum  dot  Deus. 
Prospefj  Epist.  ad  Rufin.,  pag.  94. 


^  Constat  regnum  cœlorum  omnes  ingressuros  bonos, 
hoc  eis  donante  Dei  gratia;  et  nullos  ingressuros  ma- 
los,  hoc  ipsorwn  merente  nequitia.  Ibid.,  pag.  97. 

3  Ea  auiem  quœ  de  fato  et  de  duabus  massis  ditu- 
husque  naturis  stultissimo  mendacio  in  tanti  viri  in- 
juriam  jactitantur,  neque  ipsum  quidem  onerant,Au- 
gustinum,  in  cujus  libris  copiosissime  hujusmodi  des- 
truuntur  errores;  nec  nos  perturbant,  qui  taies  opi- 
nionescum  suis auctoribus  execramur .  Prorsus /lihil  talc 
apud  nos  audierunt,  nihil  taie  legeruni.  Quia  non  fato 
quidquam  geri,  sed  omnia  Dei  Judicio  novimus  ordi- 
nari.  Nec  ex  duabus  massis,  duabusue  naturis;  sed  ex 


284 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ce  poème  a 
été  f.tit  vers 
l';.Il  *30.  Di- 
vision et  des- 
sein ilecetou- 
Trnge. 


Pag.  105,    06. 


site  fatale  qui  agisse  dans  le  monde,  mais 
que  Dieu  règle  toutes  choses  par  la  loi  su- 
prême de  sa  providence  et  de  sa  justice.  Nous 
savons  que  la  nature  de  l'homme  est  créée  de 
Dieu, non  de  deux  masses,  mais  d'une  seule, 
savoir,  de  la  chair  du  premier  homme  ;  que 
cette  nature  étant  tombée  dans  Adam,  a  été 
enveloppée  dans  la  ruine  de  son  péché,  lors- 
qu'il s'est  perdu  par  son  libre  arbitre  ;  qu'é- 
tant destinée  à  la  mort  et  aux  supplices  éter- 
nels, elle  n'en  sera  jamais  délivrée,  si  le  Sau- 
veur ne  retrace  dans  elle  l'image  de  Dieu  par 
la  grâce  d'une  seconde  création,  et  s'il  ne 
soutient  son  libre  arbitre  en  le  poussant  par 
l'impression  de  son  Esprit,  en  lui  inspirant 
ce  qu'il  doit  faire,  en  l'assistant  et  en  le  for- 
tifiant dans  ses  faiblesses  ,  en  marchant  de- 
vant lui  et  en  le  conduisant  jusqu'à  la  fin  de 
cette  vie.  » 

Ce  père  finit  sa  lettre  en  renvoyant  Rufin 
aux  ouvrages  de  saint  Augustin,  l'assurant 
qu'il  y  trouvera  de  quoi  s'instruire  pleine- 
ment de  la  vérité  des  questions  importantes 
qui  regardent  la  grâce  et  la  prédestination. 

§11. 

Du  'poème  contre  les  Ingrats. 

1.  Saint  .\ugustin  '  vivait  encore  lorsque 
saint  Prosper  composa  ce  poème.  C'était 
donc  avant  la  fin  d'août  de  l'an  430.  Il  l'inti- 
tula :  contre  les  Ingrats;  terme  qui  peut  mar- 
quer en  général  tous  les  ennemis  de  la 
grâce,  pélagiens  et  semi-pélagiens.  Mais 
il  paraît  que  ce  père  le  prit  dans  un  sens 
plus  particulier  et  pour  marquer  uniquement 
ceux  qui  soutenaient  que  le  commence- 
ment de  la  bonne  volonté  et  de  la  foi  vient 
de  nous.  On  les  a  depuis  nommés  semi-péla- 
giens; mais  saint  Prosper  ne  voulut  point  les 
taxer  ouvertement  d'hérésie,  soit  parce  que 
l'Eglise  n'avait  pas  encore  condamné  leur 
erreur,  soit  parce  qu'il  ne  les  croyait  pas 
apparemment  si  opiniâtres  dans  leurs  erreurs, 
qu'il  n'eût  quelque  espérance  de  les  en  voir 
sortir.  Cet  ouvrage,  qui  est  à  proprement 
parler  l'abrégé  de  tous  ceux  que  saint  Au- 
gustin a  écrits  sur  la  grâce  pour  la  défendre 
contre  les  pélagiens,  est  divisé  en  quatre 
parties,  qui  sont  précédées  d'une  petite  pré- 


face, où  l'auteur  déclare  qu'il  écrit  contre 
ceux  qui,  pleins  de  la  témérité  que  donne 
une  fausse  vertu,  croyaient  mériter  par  eux- 
mêmes  les  dons  de  Dieu,  et  que  son  dessein 
est  d'appiendre  à  ses  lecteurs  que  notre  mé- 
rite est  l'eliét,  et  non  la  cause  de  la  grâce  de 
Dieu  en  nous.  Ce  poème  contient  mille  vers, 
tous  hexamètres,  non  compris  l'exorde,  qui 
est  comme  une  seconde  préface. 

2.  Quoique  l'Eglise  eût  remporté  en  tant 
de  conciles  une  célèbre  victoire  sur  Pelage 
et  son  hérésie,  et  que  la  guerre  qu'elle  avait 
eue  avec  lui  eût  été  heureusement  terminée, 
néanmoins  ce  cruel  aspic,  tout  écrasé  qu'il 
était,  ou  n'était  pas  encore  mort,  ou  il  re- 
naissait dans  un  certain  nombre  de  personnes 
qui,  feignant  de  le  condamner,  faisaient  re- 
vivre ses  erreurs.  Les  capitales  étaient  que 
le  premier  homme  devait  mourir  nécessaire- 
ment, soit  qu'il  observât  les  commandements 
de  Dieu,  soit  qu'il  les  transgressât,  la  mort 
étant  la  suite  de  sa  nature,  et  non  l'effet  du 
péché;  qu'il  n'y  avait  pas  de  péché  originel, 
et  que  les  enfants,  ne  tirant  aucune  cor- 
ruption de  leurs  pères,  naissaient  aujourd'hui 
dans  le  même  état  où  Adam  et  Eve  avaient 
été  créés;  que  nos  premiers  parents,  en  usant 
mal  de  leur  libre  arbitre,  ont  péché  contre 
Dieu ,  mais  que  leur  péché  ne  nous  a  nui  que 
par  le  mauvais  exemple  qu'il  nous  ont  donné; 
que  tous  les  hommes  naissant  donc  sans  au- 
cune tache  et  sans  aucune  corruption,  peu- 
vent arriver  au  comble  de  la  perfection  et  de 
la  vertu,  et  conserver  la  grâce  qu'ils  ont  re- 
çue dès  leur  origine  ,  parce  qu'il  ne  dépend 
que  de  leur  volonté  de  se  maintenir  toujours 
d'ans  cette  première  intégrité  delà  nature, la 
loi  qui  est  imprimée  dans  leurs  cœurs  leur 
proposant  d'elle-même  tout  le  bien  que  Dieu 
leur  commande  au-dehors  parla  loi  écrite;  que 
la  grâce  de  Jésus-Christ  ajoutée  dans  ces 
derniers  temps  aux  forces  de  la  nature,  s'offre 
généralement  à  tous  ceux  qui  ont  péché, 
pourvu  qu'ils  se  renouvellent  dans  les  eaux 
du  baptême  ;  qu'alors  Dieu  leur  pardonnant 
les  crimes  qu'ils  ont  commis  par  leur  propre 
volonté,  ils  recouvrent  aussi  par  cette  même 
volonté  naturelle  la  pureté  et  l'innocence  qui 
leur  est  propre  ;  en  sorte  que,  purifiés  par  ce 
sacrement,  ils  reprennent  la  première   vi- 


Analysfi  de 
la  première 
partie.  P.  lia, 
Erreurs  de 
Pelage. 


Pag. I n. 


una  massa,  quœ  est  caro  primi  hominis,  unam  scimus 
omnium  hotninum  creatam,  crearigua  iialuram,  et  eam- 
dem  per  ipsiusprimi  liominis  liberum  arbitrium,  in  quo 
omnes  peccauerunt,  esse  prostratam  :  nec  ullo  modu 
ab  œternœ  mortis  débita  liberam,  nisi  eam  ad  inia- 


ginem  Dei  secundo;  crealionis  Christi  gratta  reforma- 
verit,  liberumque  ejus  arbitrium  agenda,  adspirando, 
auxilianda,  et  usque  in   finnm  prœeunda  servaverit. 
Prosperj  Epist.  ad  Rufin  ,  pag.  98. 
'  Prosper^  pag.  127. 


[V^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


285 


Pag. 110. 


Pag. 122. 


gueur  dont  ils  s'étaient  privés  par  leurs  dé- 
règlements volontaires  ,  et  la  conservent  en- 
suite par  la  puissance  de  leur  libre  arbitre  ; 
que  le  baptême  renferme  tant  de  richesses  et 
de  grâces,  qu'on  le  donne  avec  raison  aux 
enfants  mêmes,  quoique  purs  et  sans  laclie, 
afin  qu'étant  nés  bons,  ils  deviennent  encore 
i^ieilleurs,  et  que  l'innocence  de  la  nature 
reçoive  un  nouvel  éclat  par  la  bénédiction 
de  la  grâce  du  Sauveur  ;  que  Dieu  ne  refuse 
à  aucun  homme  cette  faveur  dès  sa  naissance, 
tous  méritant  par  leur  volonté  et  leur  liberté 
naturelle  de  recevoir  les  biens  de  la  grâce 
auxquels  Jésus-Christ  nous  appelle,  ces  biens 
étant  dus  à  tous  ceux  qui  veulent  bien  vivre, 
et  n'étant  ôtés  qu'à  ceux  qui  les  rejettent. 

3.  Lorsque  ce  serpent,  que  l'Angleterre 
avait  produit,  inspirait  de  toutes  parts  le  ve- 
nin mortel  de  sa  doctrine  ',  Rome,  qui  est  le 
siège  de  saint  Pierre  et  le  premier  siège  du 
monde,  le  condamna;  Rome,  dis-je,  qui, 
étant  devenue  le  chef  de  tous  les  évêques  de 
la  terre,  possède  par  l'autorité  et  par  les  lois 
de  la  religion,  tout  ce  qu'elle  ne  possède  pas 
par  les  lois  de  la  guerre  et  par  la  puissance 
de  ses  armes.  Les  évêques  d'Orient  obligè- 
rent Pelage,  dans  le  concile  de  Diospolis,  de 
condamner  lui-même  son  erreur,  sous  peine 
d'être  retranché  du  nombre  des  fidèles  et  du 
corps  de  Jésus-Christ.  Saint  Jérôme  décou- 
vrit la  nuit  épaisse  dont  cet  enfant  de  ténè- 
bres voulait  obscurcir  la  lumière  de  la  vérité. 
Atticus,  évêque  de  Constantinople,  opposa 
aux  députés  des  pélagiens  la  foi  ancienne  et 
la  tradition  de  l'Eglise.  La  ville  d'Ephèse 
ne  voulut  point  souffrir  dans  l'enceinte  de 
ses  murs  ces  vases  de  colère  dont  le  soufQe 
contagieux  donnait  la  mort  â  ceux  qui  les 
écoutaient.  Les  évêques  d'Afrique  ne  se  con- 
tentèrent pas  de  dire  anathème  aux  secta- 
teurs de  cette  doctrine  impie,  ils  en  décou- 
vrirent le  veniu  le  plus  secret,  et  ne  laissè- 
rent aucun  de  leurs  arguments  qui  ne  fût 
détruit  par  la  science  et  par  la  lumière  de  la 
foi.  Mais  nul  d'entre  ces  évêques  ne  soutint 
la  cause  de  Dieu  par  de  plus  grands  travaux 
et  de  plus  excellents  ouvrages  que  saint  Au- 
gustin. En  quelque  part  que  se  trouve  cet 
ennemi  si  subtil  et  si  malin,  en  quelque  ma- 


nière qu'il  cherche  à  s'échapper  par  des  pro- 
positions ambiguës  ou  oljscurcs,  il  rencontre 
toujours  ce  saint  admirable,  qui  l'ai-rête  et 
prévient  ses  artifices.  Il  vivait  encore  alors; 
son  âme,  élevée  au-dessus  des  sens,  trouvait 
en  Dieu  seul  sa  nourriture,  son  repos  et  sa 
vie,  et  ne  goûtant  ^  en  ce  monde  aucune 
douceur  que  celle  de  l'amour  de  Jésus-Christ 
dont  il  brûlait,  il  n'était  touché  d'autre  hon- 
neur que  de  celui  de  son  divin  maître.  Ainsi, 
ne  s'attribuant  aucun  bien.  Dieu  seul  lui  de- 
venait toutes  choses,  et  la  sagesse  éternelle 
régnait  dans  son  cœur  comme  dans  son 
temple. 

4.  A  peine  l'Eglise  avait-elle  joui  d'un  mo- 
ment de  tranquillité,  lorsque  quelques  per- 
sonnes, enflées  d'une  honteuse  présomption 
s'efforcèrent  de  rallumer  les  flammes  déjà 
mortes  et  éteintes  de  l'hérésie  pélagienne  , 
enseignant  que  l'homme  étant  libre  de  soi- 
même  et  tournant  sa  volonté  comme  il  lui 
plait  par  la  puissance  et  le  mouvement  de  sa 
nature,  il  peut  embrasser  le  bien  par  son 
propre  choix,  comme  par  son  propre  choix 
il  peut  se  porter  au  vice.  C'était  renouveler 
les  erreurs  des  pélagiens,  qui  assuraient  que 
l'intégrité  de  la  nature  n'a  point  été  blessée 
par  le  péché  d'Adam,  et  que  tous  les  hommes 
naissent  encore  aujourd'hui  avec  la  même 
lumière  que  Dieu  inspira  au  premier  homme 
en  le  créant;  et  dès-lors  les  pélagiens  étaient 
en  droit  de  demander  ou  qu'on  leur  permît 
d'enseigner  dans  l'Eglise  ce  que  ces  nouveaux 
docteurs  y  enseignaient,  ou  qu'on  les  en  re- 
tranchât aussi  bien  qu'eux. 

5.  Saint  Prosper  rapporte  dans  la  seconde 
partie  les  principaux  articles  de  l'hérésie  pé- 
lagienne, qui,  de  l'aveu  des  ingrats  ou  des 
semi-pélagiens,  avaient  été  condamnés  par 
l'Eglise  et  par  les  lois  mêmes  des  empe- 
reurs, savoir  :  que  le  crime  de  notre  premier 
père  n'a  nui  qu'à  lui  seul;  qu'ainsi,  naissant 
encore  aujourd'hui  dans  le  même  état  dans 
lequel  il  était  avant  son  péché,  l'homme  peut, 
s'il  veut,  n'en  commettre  aucun,  ainsi  qu'A- 
dam, dans  l'état  d'innocence,  pouvait  ne  pas 
pécher  en  usant  bien  de  sa  liberté  naturelle; 
que  les  hommes  se  sauvaient  autrefois  par 
la  loi  -de  Moïse,  comme  on  fait  maintenant 


L  'hé  résio 
s  *:  m  i  - 1)  é  1  a- 
gicnnesVffor- 
cc  de  faire  re- 
Daitre  lapela- 
gîeûne. 


Pag.  i27. 


Deuxîfime 
panie.  Senti- 
ments (jueles 
se  m  i-p  él  a- 
giens  rectjn- 
n;iissent  avoir 
été  coiiiiaiii- 
Bés  dins  les 
pélagiens.    P. 

las. 


'  Pestem  subeuntem  prima  recidit  sedes  Roma  Pétri, 
quœ  pasioralis  honoris  fada  caput  mundo,  quidquid 
non  possidet  armis,  religione  tenet.  Prosper,  de  In- 
yraiis,  pag.  119. 

2  Auyustinus  crat,  quem  Christi  gratia  cornu  ube- 
riore  rigans  nostro  lumen  dédit  œm,  accensum  vero 


de  lumine.  ham  cihus  illi,  et  vita  et  requies  Deus  est, 
omnisque  voluptas,  unus  amor  Christi  est,  uniis  Christi 
est  honor  illi.  Et  dmn  nulla  sibi  tribuit  bona,  fit  Deus 
illi  omnia,  et  in  sancto  régnant  sapientia  temple, 
Ibid,,  pag.  126  et.  127. 


286 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Pag.  138.  par  la  loi  de  grâce.  On  objecta  à  Pelage,  dans 
le  concile  de  Diospolis,  qu'il  enseignait  que 
la  grâce  de  Jésus-Christ  est  donnée  aux  hom- 
mes selon  leur  mérite.  Mais  il  désavoua  cette 
doctrine  devanltoutlemonde,  etdit  anathème 
à  quiconque  la  soutiendrait.  Ce  père  propose 
ensuite  la  doctrine  des  semi-pélagiens,  qu'il 
réduit  à  deux  chefs  :  l'un,  que  Dieu  voulant 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  offre  sa 
grâce  à  tous  ;  l'autre,  que  c'est  le  libre  arbitre 
qui  est  cause  que  l'un  obéit  à  la  grâce,  et 
que  l'autre  la  rejette  ;  que  l'un  la  conserve 
en  persévérant,  et  que  l'autre  ne  persévère 
138.  pas  ;  ce  qui  suppose  qu'il  est  resté  assez  de 
force  dans  la  nature  pour  désirer  et  deman- 
der le  secours  de  Dieu. 

Corainsnt       6.  Il  réfutc  le  premier  par  l'exemple  de 


Dieu    VRU  t 
sa  II  viir 
lioiiimos 


saiivor  les   cBux  qui  sout  morts  dans  la  nuit  profonde 


de  l'ignorance  et  du  péché,  tandis  que  Dieu, 
ce  soleil  de  justice,  répandait  la  lumière  de 
son  Evangile  sur  plusieurs  autres.  Il  est  bien 
vrai  que  Jésus-Christ  a  commandé  à  ses  apô- 
tres d'aller  prêcher  l'Evangile  à  tous  les 
hommes;  mais  ce  qui  s'est  dit  en  un  moment 
n'a  pas  été  exécuté  même  plusieurs  siècles 
après;  on  sait  '  qu'à  présent  l'Evangile  n'a 
pas  encore  été  prêché  par  toute  la  terre.  Si 
pag.iso.  l'on  dit  que  s'il  y  a  des  hommes  à  qui 
la  foi  n'a  point  été  annoncée,  c'est  qu'ils  s'en 
sont  rendus  indignes  par  la  brutahté  de  leurs 
esprits  et  le  dérèglement  de  leurs  moeurs, 
c'est  dire  nettement  que  tous  les  hommes, 
quoiqu'égaux  par  leur  naissance,  se  sont 
distingués  les  uns  des  autres  par  des  dispo- 
sitions différentes  de  leur  volonté,  et  que 
tous  pouvant ,  par  leur  hberté  naturelle ,  vou- 
loir le  bien,  peu  l'ont  voulu  effectivement,  et 
en  conséquence  ont  mérité  le  don  de  la 
grâce  ;  ce  qui  est  une  erreur  condamnée 
(42.  dans  les  pélagiens.  S'il  est  vrai  d'ailleurs  ^ 
que  Dieu  veuille  que  tous  les  hommes  géné- 
ralement soient  sauvés,  sans  en  excepter 
aucun,  il  faut  que  tout  ce  que  veut  cette  su- 
prême et  toute-puissante  volonté ,  soit  ac- 


compli :  néanmoins,  il  est  certain  que  tous 
les  hommes  ne  sont  pas  sauvés,  mais  qu'au 
contraire,  il  y  en  a  une  très-grande  partie 
qui  ne  reçoit  point  la  vie  de  la  foi,  ou  qui 
demeure  plongée  dans  les  ténèbres  du  pé- 
ché et  de  la  mort.  Répondre  que  Dieu  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  mais 
c[u'ils  ne  le  sont  pas  tous,  parce  que  les 
uns  le  veulent  et  que  les  autres  ne  le  veu- 
lent pas,  c'est  répondre  que  la  volonté  de 
Dieu  sera  eCEicace  ou  inefficace,  selon  qu'il 
plaira  au  libre  arbitre  de  l'homme  ,  qu'ainsi 
la  volonté  de  l'homme  sera  comme  la  borne 
et  la  mesure  des  actions  de  Dieu,  puisque  ce 
sera  en  vain  qu'il  voudra  secourir  une  âme,, 
si  elle  ne  veut  auparavant  être  secourue,  en 
sorte  que  la  grâce  ne  fera  que  suivre  ce 
mouvement  de  la  volonté  qui  précédera  son 
opération  dans  les  cœurs. 

7.  Pour  réfuter  le  second  chef  de  la  doc-    cesn-. grâce' 

.       qui  convertit 

trine  des  semi-pélagiens,  samt  Prosper  tait  i«  cœu"-  p- 
voir  en  premier  lieu  que  la  grâce  agit  sur 
l'homme,  non-seulement  en  lui  proposant  le 
bien  et  en  l'invitant  à  le  suivre ,  mais  en 
changeant  elle-même  sa  A'olonté  et  en  fai- 
sant qu'elle  embrasse  la  vertu.  «  Comme  Jé- 
sus-Christ attire  maintenant  à  soi  par  sa 
grâce  les  nations  les  plus  cruelles  et  les  plus 
barbares  parmi  lesquelles  il  était  auparavant 
ou  inconnu  ou  méprisé,  de  même  dans  les 
siècles  passés,  il  a  soumis  à  son  empire  les 
peuples  farouches  ^  et  les  villes  rebelles  en 
surmontant,  par  la  piété  qu'il  leur  a  inspirée, 
tous  les  obstacles  qu'il  a  rencontrés  dans 
leurs  esprits.  Il  ne  les  a  pas  convertis  de  la 
sorte  par  de  simples  exhortations,  comme  si 
la  grâce  était  semblable  à  la  loi  et  qu'elle 
n'agisse  pas  autrement  qu'elle  ;  mais  en  chan- 
geant le  fond  de  leur  cœur,  en  le  renouve- 
lant et  en  formant,  par  une  puissance  de 
créateur  et  de  souverain,  un  vase  nouveau 
au  lieu  du  premier  qui  était  brisé.  Les  ex- 
hortations de  la  loi,  les  remontrances  des 
prophètes  et  tous  les  efforts  de  la  nature, 


*  Nec  enim  vel  t  empare  nosiro  omnibus  in  terris 
jam  certum  est  insinuatum  Chrisii  Evangelium.  Pros- 
per, pag.  139. 

2  Nam  si  nemo  usquam  est,  quem  non  venit  esse 
redemptum  :  haud  dubie  implehir  quidquid  vult 
summa  potestas.  Non  omnes  autem  salvantur,  magna- 
que  pars  est  quœ  sedet  in  tenebris  mortis,  nec  vivifi- 
cntur.  Ibid.,  pag.  141. 

3  Namque  ut  nunc  sœvas  gentes  et  barbara  régna, 
ignoti  prias  aut  spreli  nova  graiia  Christi  attrahit , 
et  terra  templum  sibi  condit  in  omni  :  sic  prius  im- 
7nites  populos    urbesque    rebelles  vincente  obs tantes 


animas  pie  taie  subegit.  Non  hoc  consilio  tantum  hor- 
tatuque  benigno  suadens  atque  docens,  quasi  normam 
Icgis  haberet  gratia  :  sed  mutons  intus  mentem  atque 
reformons,  vasque  novum  ex  facto  fingens,  virtute 
creandi.  Non  istud  monitus  legis,  non  verba  prophetœ, 
non  prœstat  sibi,  prœstat  natura;  sed  U)iu9  quod  fe- 
cit,  reficit.  Percurrat  apostolus  orbem,  prœdicet,  hor- 
tetur,  plantet,  riget,  increpef,  instet,  quaque  viam 
verbo  reserutam  invenerit,  intret  :  ut  tamen  his  stu- 
diis  auditor  promoveatur,  non  doctor,  neque  discipu- 
lus,  sed  gratia  sola  efficit,  inque  graves  adolet  plan- 
laria  fructus.  Prosper,  pag.  143. 


[V=  SIÈCLE.] 

lorsqu'elle  est  laissée  à  elle-même,  ne  sau- 
raient produire  un  si  grand  ouvrage  ,  Dieu 
seul  ayant  une-fois  créé  l'âme,  la  peut  réta- 
blir en  cette  sorte  et  la  créer  comme  une 
seconde  fois.  Qu'un  apôtre  s'en  aille  dans 
toutes  les  provinces  du  monde,  qu'il  prêche, 
qu'il  exhorte,  qu'il  plante,  qu'il  arrose,  qu'il 
reprenne,  qu'il  presse  les  hommes  avec  un 
grand  zèle,  et  qu'il  porte  le  flambeau  de  la 
parole  de  Dieu  partout  où  il  trouvera  une 
entrée  favorable  ;  après  cela,  néanmoins, 
lorsqu'il  s'agit  de  faire  embrasser  le  bien  à 
ceux  qui  l'écoutent,  ce  n'est  ni  le  maître  ni 
le  disciple,  mais  la  grâce  seule  qui  produit 
un  ouvrage  si  divin  et  qui  fait  fructifier  avec 
abondance  ce  qu'elle  a  planté  dans  les  âmes. 
C'est  elle  qui  est  cause  que  le  grain  de  la  foi, 
que  le  prédicateur  a  semé  par  sa  parole, 
prend  racine  et  germe  puissamment  dans  le 
cœur  de  l'homme  :  c'est  elle  qui  le  fait  mou- 
rir peu  à  geu,  qui  l'entretient  et  qui  le  con- 
serve, de  peur  que  l'ivraie,  les  chardons  et 
les  mauvaises  herbes  ne  l'étouffent;  de  peur 
que  le  vent  de  l'orgueil  ne  le  renverse,  que 
le  torrent  des  voluptés  ne  l'entraîne,  et  que 
le  feu  de  l'avarice  ne  le  sèche  et  ne  le  brûle, 
et  de  peur  que  cet  épi  s'étant  élevé  avec  trop 
de  précipitation  et  de  confiance  en  sa  propre 
force,  ne  s'abatte  et  ne  se  renverse  peu  après 
par  une  chute  honteuse.  » 

8.  Saint  Prosper  montre,  en  second  lieu, 
que  la  grâce  toute-puissante  '  de  Jésus- Christ 
forme  elle-même  et  accompht  son  ouvrage, 
et  quoi  qu'elle  veuille  faire ,  tout  temps  lui 
est  propre  pour  faire  ce  qu'elle  veut;  que  nul 
dérèglement  des  mœurs  ne  saurait  arrêter 
son  influence;  que  toutes  les  causes  secondes 
ne  sauraient  suspendre  la  certitude  de  son 
action  et  l'accomplissement  de  ses  desseins 
éternels;  elle  n'opère  point  par  les  soins  et 
par  l'entremise  de  ses  ministres  la  conversion 
des  cœurs,  qu'elle  peut  seule  produire  ,  et  ne 
commet  point  à  ses  serviteurs  la  charge  d'a- 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


287 


gir  en  sa  place;  car  encore  qu'ils  représen- 
tent par  leurs  paroles  les  lois  et  les  comman- 
dements du  Sauveur,  ils  ne  frappent  qu'au 
dehors  et  n'entrent  point  dans  l'âme.  Ainsi, 
c'est  Dieu  qui  ressuscite  les  morts,  qui  brise 
les  chaînes  de  ceux  qui  gémissent  sous  la 
captivité  du  péché,  qui  éclaire  ceux  qui  sont 
dans  les  ténèbres,  qui  rend  justes  les  injustes, 
qui  inspire  dans  l'âme  l'amour  par  lequel  elle 
aime,  et  il  est  lui-même  cet  amour.  Saint 
Prosper  prouve  ensuite  que  la  foi  est  un  don 
de  Dieu  purement  gratuit,  qu'elle  ne  suppose 
aucun  mérite  dans  ceux  à  qui  elle  est  don- 
née, et  qu'elle  est  au  contraire  la  source  de 
leur  mérite.  Pour  rendre  cette  vérité  plus 
sensible,  il  apporte  l'exemple  de  ceux  qui, 
ayant  vécu  dans  toutes  sortes  vices,  ont  été 
sauvés  par  le  baptême  qu'ils  ont  reçu  à  la 
mort,  et  il  s'exprime  ainsi  :  «  Car  où  sont 
les  mérites  que  Dieu  a  pu  récompenser  en 
eux?  Si  nous  considérons  ceux  qui  ont  pré- 
cédé leur  foi ,  ils  ne  méritaient  que  le  sup- 
plice. Si  nous  considérons  ceux  qu'ils  ont  eus 
après  avoir  embrassé  la  foi,  nous  n'en  trou- 
vons aucun ,  puisque  leur  mort  a  suivi  leur 
conversion.  On  dira  qu'ils  ont  mérité  en  ce 
qu'ils  ont  désiré  le  baptême;  mais  ce  désir 
même  est  un.  efî'et  de  la  foi,  et  la  foi  ne  meut 
dans  l'homme  que  par  l'inspiration  de  la 
grâce  et  par  l'opération  du  Saint-Esprit.  Ainsi 
la  foi  ^,  qui  est  le  principe  de  tous  les  bons 
désirs  et  la  source  de  toutes  les  bonnes  œu- 
vres, ne  naît  point  dans  nous  en  suite  de  no- 
tre mérite,  parce  que  tout  ce  qu'elle  ne  fait 
pas  n'est  jamais  bienfait.  Tant  qu'on  marche 
sans  elle,  on  marche  hors  de  la  voie,  et  celui 
qui  ne  marche  pas  dans  le  droit  chemin  où 
elle  conduit,  a  beau  courir  avec  ardeur,  plus 
il  ira  vite,  plus  il  s'égarera.» 

9.  Les  semi-pélagiens  enseignaient^  que, 
dans  la  formation  de  la  vie  de  l'âme,  c'est  la 
nature  qui  commence  et  qui  inspire  le  pre- 
mier désir  de  la  foi,  et  ils  ne  donnaient  point 


Pag. 147. 


Suivant  les 
s  era  i  -péla- 
giens,  i.i  vo- 
lonlé  pi-L'vient 
la  grâce. 

Suite  de 
cette  erreur. 


•  At  vero  omnipotens  hominem  cum  graiia  solvaf, 
ipsa  suum  consummat  opus;  cui  tempus  agendi  sem- 
per  adest  quœ  gesta  velit;  non  moribus  illi  fit  mora, 
non  cav.sis  anceps  suspendiiur  ullis.  Nec  quud  sola 
polest,  cura  officioque  ministri  exsequitur,  famulisve 
vicem  committit  agendi.  Qui  quamvis  multa  admo- 
veant  mandata  vocantis , puisant ,  non  intrant  animas. 
Deus  ergo  sepultos  suscitai,  et  solvit  peccnti  compede 
vinctos.  llle  obscuratis  dat  cordibus  intellectum;  ille 
ex  injustis  justos  facil ,  indit  amorem  quo  redametur 
amans;  et  amor  quem  conscrit,  ipse  est.  Prosper, 
pag.  146  et  147, 

2  Porro  fidem  quis  dat,  nisi  gratia;  non  est  ex  mé- 


rita; qttoniam  quod  non  fit  ab  illa,  non  bene  fit;  quem 
non  recto  via  limite  ducH,  quanto  plus  graditur, 
tante  longinquius  errât.  Prosper,  de  Ingratis,  pag, 
150. 

2  Talibus  assumptis  inimico  ex  dogmate,  nonne 
■perspicuum  est  quantum  damnatos  confoveatis  ?  Dum 
cuique  ad  verœ  capienda  exordia  viiœ,  naluram  affec- 
tum  fidei  conferre  docetis  :  dumque  uliud  non  est  vo- 
biscum  gratia,  quant  lex  quamque  propheta  monens, 
et  quant  doctrina  ministri.  Scilicet,  ut  taie  arbitriunt 
generaliter  insit  semine  damnato  genitis  in  corpore 
mortis,  quale  habuit  nondum  peccati  lege  subactus, 
primus  homo;  et  nullum  in  prolem  de  vulnere  vulnus 


288 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'iiE.  13t. 


d'autre  avantage  à  la  grâce  que  celui  qu'a- 
vait autrefois  la  loi,  que  celui  qu'a  uu  pro- 
phète qui  nous  exhorte  et  un  ministre  qui 
nous  instruit.  C'était  prétendre  que  des  hom- 
mes conçus  d'un  sang  impur  et  engendrés 
dans  un  corps  de  danmation  et  de  mort,  pos- 
sédaient tous  généralement  la  même  liberté 
que  le  premier  homme  a  possédée  avant  qu'il 
se  fût  soumis  volontairement  à  la  loi  du  pé- 
ché, et  que  le  péché  originel  passe  tellement 
du  père  au  fils,  que,  ne  faisant  aucune  im- 
pression que  dans  le  corps  qu'il  rend  mortel, 
sa  blessure  est  toute  extérieure  et  ne  pénètre 
point  au  dedans  de  l'âme  ,  qui ,  conservant 
toujours  sa  première  splendeur,  n'est  point 
obscurcie  par  l'aveuglement  qui  a  été  la  juste 
peine  de  sa  désobéissance.  Saint  Prosper  fait 
voir  que  de  cette  doctrine  des  semi-pélagiens 
suivent  toutes  les  impiétés  de  l'hérésie  de 
Pelage,  entre  autres,  que  l'homme  peut,  par 
sa  propre  justice,  acquérir  le  salut  et  mériter 
le  ciel;  que  plusieurs,  parleur  propre  vertu, 
se  sont  rendus  agréables  à  Dieu  dès  le  com- 
mencement du  monde,  sans  le  secours  de  sa 
grâce;  que  lorsque  les  enfants  som  renou- 
velés dans  le  baptême,  leurs  âmes  innocentes 
n'ont  aucune  part  à  ce  renouvellement,  et 
qu'ils  ne  sont  lavés  qu'au  dehors,  n'ayant  au- 
cune impureté  en  eux-mêmes.  «  Si  vous  désa- 
vouez, leur  dit-il,  ces  conséquences,  confes- 
sez sans  déguisement  que  la  nature  humaine 
a  reçu  une  blessure  profonde  dans  le  premier 
homme  ' ,  que  l'âme  a  perdu  tonte  sa  force^ 
que  le  cœur  est  devenu  tout  aveugle  et  tout 
obscurci,  que  la  volonté,  toujours  engagée 
dans  la  mort  sous  la  domination  du  démon, 
ne  peut  se  tirer  de  cet  esclavage,  si  le  Sau- 
veur ne  l'en  tire  lui-même  et  ne  la  guérit  par 
le  souverain  remède  de  sa  grâce.  Dieu  n'est 
point  injuste  ^,  et  saint  Paul  n'est  point  men- 
teur, lorsqu'il  dit  qu'un  seul  homme  tombant, 
tous  les  hommes  sont  tombés  avec  lui  ;  que 


toute  sa  postérité  a  été  enveloppée  dans  sa 
ruine  et  dans  sa  mort,  et  qu'elle  ne  peut  en 
aucune  sorte  recouvrer  la  vie  qu'elle  a  perdue 
si  elle  ne  renaît  dans  l'Eglise  par  le  baptême  ; 
car  il  est  indubitable  que  tous  ceux  qui,  de- 
puis le  commencement  du  monde,  sont  mis 
au  nombre  des  justes,  ont  été  sauvés  par  cette 
même  grâce  toute-puissante  qui  était  alors 
renfermée  en  peu  de  personnes,  et  qui  main- 
tenant est  répandue  dans  toutes  les  parties 
du  monde.  Cette  grâce  ne  récompense  pas 
les  mérites,  puisque,  lorsqu'elle  entre  dans 
l'homme,  il  ne  mérite  que  la  condamnation, 
et  que  son  libre  arbitre,  qui  est  aveugle,  ne 
fera  jamais  aucun  bien,  si  elle-même  ne  le 
produit  et  ne  le  lui  donne  gratuitement.  Nul 
ne  la  désire  et  ne  la  cherche  que  par  le  désir 
et  l'affection  qu'elle  lui  a  inspirés.  C'est  elle- 
même  qui  conduit  tous  ceux  qui  la  trouvent, 
et  si  on  ne  marche  avec  elle,  on  ne  va  point 
vers  elle.  Ainsi  c'est  la  voie  qui  mène  à  la 
voie  ;  on  ne  peut  voir  la  lumière  que  par  la 
lumière  ;  et  qui  cherche  la  vie  sans  le  secours 
de  la  vie,  trouvera  la  mort  au  lieu  de  la  vie.  » 
10.  Dans  la  troisième  partie,  saint  Prosper 
répond  aux  deux  principales  objections  des 
semi-pélagiens.  La  première  était  que  le  libre 
arbitre  demeurerait  sans  aucun  effet,  si,  lors- 
que l'homme  court  vers  Dieu,  il  n'est  lui-même 
auteur  de  sa  course,  et  si  lorsqu'il  veut  le 
servir,  il  n'est  lui-même  auteur  de  sa  volonté  ; 
qu'ainsi  il  ne  faudrait  plus  ni  punir  les  vices, 
ni  récompenser  les  vertus,  si  la  nature  était 
tellement  assujettie  au  péché,  qu'elle  se  portât 
au  mal  par  une  nécessité  inévitable;  ou  si, 
lorsque  nous  faisons  le  bien,  c'était  à  la  grâce 
et  non  à  nous-mêmes  qu'il  dût  être  attribué. 
«  Cette  objection,  répond  saint  Prosper,  dé- 
truit la  foi  du  péché  originel,  qui  nous  a  ôté 
la  liberté  de  faire  le  bien ,  que  nous  avions 
reçue  dans  Adam,  et  nous  a  engagés  dans  la 
tyrannie  de  la  concupiscence,  qui  nous  porte 


Pag.  139. 


iransierit,  nisi  corpnrenm  per  condidonem  ;  quce  sic 
exlerius  respondeai,  ut  nihil  iniiis  imminuat,  teneat- 
que  sumn  substantia  mentis  splendorem ,  et  nulla  pm- 
nali  nocte  prematur.  Prosper,  ibid.,  pag.  151. 

'  Hœc  si  nos  vestris  spirant  de  cordibus...  édite 
constanter  naturœ  vulnera  victœ,  exutam  virtute  ani- 
mam,  cœcataque  cordis  lumina,  et  in  pœnam  propriam 
jaculis  superatis  armatum  arbitrium  nunquam  con- 
surgere  passe  ;  inque  novos  lapsus  semper  nitendo  re- 
volvi  :  morsque  subacium  deiineat,  nisi  vera  salus  ex 
munere  Christi  adsit  et  oppressam  dignelur  gratta 
mentem.  Prosper,  pag.  loi,  155. 

2  Serf  non  injustus  Deus  est:  manifestaque  Pauli 
vox  doçet,  uno  omnes  homines  cecidisse  ruente;  in  quo 


tota  simul  séries  prostrata  nepofum  deperiit,  nec  ha- 
bet  quisquam  quo  surgere  possit  ad  vitam,  sacro  nisi 
rursum  nasciiur  ortu.  Quotquot  enirn  sumnio  justos 
numeratis  ab  œvo,  hac  ope  non  dubium  est  salvatos, 
quam  modo  toto  latins  omnipotens  exercet  gratia 
mundo.  Hœc  sicut  dictum  est,  non  judex  est  merito- 
rum  quœ'nisi  plena  malis  non  invenit;  et  nisi  donet 
quœ  bona  sunt,  nihil  efficiet  bene  cœca  voluntas.  Hœc 
ut  cujusquam  studio  affectuque  petatur,  ipsa  agit,  et 
cunctis  dux  est  venientibus  ad  se  :  perque  ipsam  nisi 
curratur,  non  itur  ad  ipsam.  Ergo  ad  lier,  per  iter 
ferimur  :  sine  lumine  lumen  nemo  videt  ;  vitatn  sine 
viia  inquirere  mors  est,  Ibid. 


[V   SIÈCLE.] 

sans  cesse  à  faire  le  mal,  encore  que  nous  le 
fassionsvolonlairement;  notre  volonté  ne  pou- 
vant êlre  délivrée  que  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  ilest  ridicule  de  s'imaginer  que  la  grâce, 
enla  délivrant,  luiôte  sa  liberté,  puisqu'elle  lui 
rend  plutôt  celle  que  le  Créateur  avait  don- 
née au  commencement  à  toute  la  nature  hu- 
maine. 11  prouve,  par  l'exemple  des  enfants, 
dont  les  uns  sont  sauvés  par  le  baptême  et 
les  autres  meurent  sans  l'avoir  reçu,  que  Dieu 
donne  ou  refuse  sa  grâce,  non  suivant  les  mé- 

.162.  rites  humains,  mais  selon  qu'il  lui  plait;  et 
parce  qu'on  pouvait  dire  que  ceux  qui  rece- 
vaient le  baptême,  devaient  ce  bonheur  à  la 
piété  et  àla  vigilance  de  leurs  pères  et  mères, 
et  que  ceux  qui  étaient  privés  de  ce  sacrement 
de  salut,  se  perdaient  par  la  faute  et  la  né- 
gligence des  leurs,  il  montre,  par  l'exemple 
de  deux  jumeaux,  dont  l'un  reçoit  le  baptême 
tandis  que  l'autre  en  est  privé,  qu'on  ne  peut 
rapporter  cette  diversité  aux  mérites  de  leurs 
parents,  mais  à  la  volonté  de  Dieu  qui  choisit 
l'un  et  laisse  l'autre. 

La  seconde  objection  des  semi-pélagiens 
était  que  si  la  grâce  n'est  pas  donnée  à  tous, 
ceux  qui  ne  l'ont  pas  ne  seront  point  coupa- 
bles dans  leur  péché ,  puisqu'ils  auront  été 
dans  l'impuissance  de  bien  vivre.  Saint  Pros- 
per  répond  que  ceux  qui  pensent  ainsi  ne  re- 
connaissent point  le  péché  originel,  qui  seul 
rend  tous  les  hommes  dignes  de  mort,  quand 
même  ils  n'ajouteraient  point  d'autres  crimes 
à  ce  premier;  que  tous  étant  donc  engagés 
par  ce  péché  dans  une  juste  condamnation, 
nul  ne  peut  se  plaindre  de  ce  que  Dieu  ne  l'en 

167.  délivre  pas  par  sa  grâce.  Il  ajoute  qu'on  ne 
doit  point  rechercher  pourquoi  de  tous  les 
hommes  enveloppés  dans  la  même  condam- 
nation. Dieu  en  délivre  une  partie  et  y  laisse 
l'autre  ;  que  c'est  un  secret  qu'il  a  voulu  nous 
être  inconnu  en  cette  vie,  comme  était  autre- 
fois la  vocation  des  Gentils ,  comme  est  en- 
core aujourd'hui  lejour  du  dernier  jugement; 
de  même  que  la  raison  de  cette  grande  diver- 
sité qui  se  trouve  entre  les  états  et  les  con- 
ditions des  hommes;  car,  quoique  ce  soit  la 
même  main  de  Dieu  qui  nous  forme  tous  de 
la  même  matière ,  des  mêmes  éléments,  et 
des  pères  et  des  mères  qui  n'ont  tous  ensem- 
ble qu'une  même  nature ,  néanmoins  ce  su- 
prême Artisan,  tirant  ces  vases  de  la  même 
boue,  les  diversifie  en  une  infinité  de  ma- 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


289 


nières,  et  comme  Créateur  et  Maître  souve- 
rain, il  imprime  en  la  matière,  qui  n'est  qu'une, 
des  qualités  toutes  différentes,  a  11  faut  donc , 
continue-t-il,  révérer  en  tremblant  les  divers 
jugements  de  Dieu  sur  les  hommes,  et  recon- 
naître que,  quoique  impénétrables  à  notre 
esprit,  ils  sont  souverainement  justes.  Car  '  ,7Î'.°^''^°'" 
tous  les  hommes  ont  bien  été  capables  de  mé- 
riter la  mort  par  un  seul  crime;  mais  ,  pour 
ce  qui  est  de  mériter  la  vie  éternelle,  c'est  la 
grâce  seule  qui  en  donne  le  mérite.  » 

Saint  Prosper  exhorte  les  fidèles  à  ne  point 
se  laisser  ébranler  par  le  souffle  et  par  l'in- 
solence de  ces  esprits  superbes  et  présomp- 
tueux qui  se  déclarent  ennemis  de  la  grâce, 
et  à  résister  à  la  tempête  qu'ils  excitent,  en 
demeurant  fermes  sur  les  fondements  d'une 
piété  stable  et  immobile,  sans  se  laisser  sur- 
prendre par  le  faux  éclat  deleursmœurs,  dont 
ils  se  couvrent  et  dont  ils  parent  leur  doctrine 
pernicieuse.  «  Comme  ils  ne  suivent,  dit-il, 
qu'une  fausse  lueur  du  bien,  pour  s'acquérir 
une  vaine  gloire,  leur  orgueil  les  engage  de 
plus  en  plus  dans  l'obscurité  et  dans  les  té- 
nèbres, parce  qu'aimant  leur  propre  louange, 
ils  cherchent  leur  avantage  et  non  ceux  de 
Jésus-Christ.  Ils  s'établissent  eux-mêmes ,  et 
non  Dieu,  pour  principe  de  leur  vertu.  Ce 
n'est  point  la  vertu  toute-puissante  du  Pèi-e  m. 
qui  les  entraîne  et  les  emmène  à  son  Fils; 
mais,  avant  qu'il  ait  agi  dans  eux,  ils  courent 
d'eux-mêmes  vers  lui  avec  une  grande  ar- 
deur, et  préviennent  son  assistance.  Ainsi, 
contre  l'oracle  de  la  vérité  même ,  ils  n'ont 
pas  besoin  du  secours  de  Jésus  dans  toutes 
leurs  actions,  puisqu'il  y  en  a  beaucoup  qu'ils 
croient  pouvoir  faire  par  eux-mêmes,  sans 
qu'il  les  assiste.  » 

H .  La  quatrième  partie  est  employée  à  faire  Q„Mrièm3 
un  parallèle  des  erreurs  des  semi-pélagiens  p""°-P- "•'■'• 
avec  l'hérésie  pélagienne,  en  montrant  ce 
qu'ils  en  ont  rejeté  et  ce  qu'ils  en  ont  retenu. 
;(  Il  a  été  avantageux  à  l'Eglise  que  Pelage, 
déclarant  ouvertement  la  guerre  à  la  grâce, 
ait  rendu  son  hérésie  odieuse  par  la  manière 
peu  mesurée  dont  il  l'a  proposée.  S'il  y  eût 
apporté  plus  de  précaution,  son  hérésie  eût 
fait  de  plus  grands  progrès.  Mais  les  semi- 
pélagiens,  ses  disciples,  plus  adroits  que  lui, 
en  ont  retranché  tout  ce  qu'elle  avait  de  gros- 
sier; ils  semblent  condamner  Pelage  en  re- 
connaissant que  la  mort,  par  un  seul  homme, 


i  Nam  meritiim  ad  mortem  subeundam  sufficil  unmn;       pag.  171. 
ad  vitam,  nisi  guod  donaril  gratta,  nutlum.  Prosper, 

X. 


Il) 


290 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


s'est  assujetti  tous  les  hommes,  et  qu'Adam 
nous  a  rendus  tous  coupables  par  son  crime; 
que  nul  ne  peut  acquérir  la  vie  éternelle,  s'il 
ne  renaît  auparavant  dans  l'eau  du  baptême, 
et  que  les  enfants  mêmes  ont  besoin  de  cette 
seconde  naissance  pour  être  purifiés  du  pé- 
ché originel ,  étant  soumis  à  la  mort  par  la 
première  génération  qu'ils  ont  reçue.  Mais 
Pag,  178.   ils  ïie  laissent  pas  de  soutenir  les  mêmes  sen- 
timents  que  Pelage  et  de  publier  une  doc- 
trine condamnée  par  l'Eglise,  lorsqu'ils  veu- 
lent '  que  la  volonté  de  l'homme  n'ait  rien 
perdu  de  sa  vigueur  et  de  sa  force  par  le  pé- 
ché originel,  et  que  l'âme  ait  encore  aujour- 
d'hui dans  notre  naissance  la  même  pureté 
et  la  même  lumière  qu'elle  avait  avant  le  pé- 
ché d'Adam;   qu'ainsi  le  libre  arbitre  peut 
discerner  par  la  vue  pure  et  saine  de  notre 
cœur  ce  qu'il  est  juste  de  faire  ou  de  ne  pas 
faire;  que  non-seulement  notre  esprit  est  as- 
sez fort  par  soi-même  pour  se  conduire  avec 
adresse  dans  tout  ce  qui  regarde  l'usage  de 
la  vie  présente,  et  pour  conserver  et  orner 
ses  qualités  Immaines  et  naturelles,  mais  qu'il 
est  encore  capable  de  concevoir  par  sa  pro- 
pre lumière  les  biens  souverains  et  éternels, 
de  s'élever  vers  les  choses  du  ciel  par  son  pro- 
pre mouvement,  et  de  venir  à  Jésus-Christ 
par  un  chemin  que  lui-même  se  sera  fait.  Ils 
prétendent  donc  qu'un  homme  s'étant  atfermi 
dans  la  piété  par  un  long  exercice  de  vertu, 
peut ,  sans  le  secours  de  la  grâce ,  résister  à 
toutes  les  attaques  du  démon  et  souffrir,  sans 
s'ébranler,  tous  les  tourments  dont  il  afflige 
son  corps  pour  vaincre  son  âme;  que  Dieu 
abandonne  à  dessein  ses  serviteurs  à  ce  com- 
bat, et  les  laisse  à  eux-mêmes  pour  les  favo- 
riser davantage  en  donnant  lieu  à  leurs  vic- 
toires et  â  leurs  couronnes,  de  peur  que  les 
saints  n'aient  aucun  mérite  et  qu'ils  soient 
privés  du  fruit  de  leur  vertu,  si,  lorsqu'il  s'a- 
git de  suivre  le  bien  et  de  fuir  le  mal,  ce  n'est 
point  leur  volonté  qui  est  le  principe  de  leurs 
actions,  mais  Dieu  qui  les  leur  fait  faire  par 
sa  grâce.  » 
Saint  Prosper  rejette  cette  doctrine  comme 


ennemie  de  la  foi ,  et  montre  que  le  péché  a 
fait  une  telle  plaie  à  la  nature  humaine ,  que, 
loin  de  pouvoir  demander  sa  guérison ,  elle 
ne  connaît  pas  même  la  profondeur  de  son 
mal;  que  les  dons  de  la  nature  qui  nous  res- 
tent, comme  sont  ceux  qui  nous  donnent  la 
facilité  de  nous  exercer  dans  les  sciences  hu- 
maines, ne  nous  servent  qu'à  nous  rendre 
superbes  et  nullement  à  nous  conduire  à  la 
véritable  vie;  que  si  notre  âme  n'avait  point 
été  blessée  par  le  péché ,  et  si  elle  avait  en- 
core aujourd'hui  la  même  force  que  le  pre- 
mier homme  dans  son  innocence  ,  chacun 
pourrait,  par  sa  propre  volonté,  se  réconci- 
lier avec  Dieu  et  s'affranchir  de  la  peine  qu'il 
aurait  méritée;  qu'en  vain  donc  Jésus-Christ  Pag. isa. 
serait  mort  pour  détruire  notre  mort  par  la 
sienne  et  pour  effacer  par  son  sang  les  pé- 
chés du  monde;  qu'il  ne  serait  pas  même  né- 
cessaire que  les  hommes  fussent  régénérés, 
puisque  leur  libre  arbitre  étant  sain,  leur  es- 
prit étant  exempt  de  toute  langueur,  ayant 
une  lumière  et  une  sagesse  véritable,  une  foi 
pure  et  entière,  ils  pourraient  mener  par  eux- 
mêmes  une  vie  digne  de  la  participation  des 
biens  éternels. 

Saint  Prosper  dit  que  la  mort  du  Fils  de 
Dieu,  pour  nous  racheter,  doit  nous  faire  re- 
connaître combien  nos  blessures  étaient  pro- 
fondes et  incurables,  puisqu'elles  n'ont  pu 
être  guéries  que  par  le  sang  et  la  mort  du 
médecin  même,  et,  par  une  conséquence  né- 
cessaire, que  c'est  ce  chef  adorable  dont  nous 
sommes  membres,  qui,  par  une  influence  se- 
crète ,  répand  sur  nous  toute  notre  vigueur 
et  nous  anime  teflement  que,  lorsque  nous 
agissons  et  que  nous  exerçons  nos  fonctions 
selon  les  mouvements  et  les  impressions  dif- 
férentes qu'il  nous  donne,  nous  ne  le  faisons 
que  par  la  force  que  nous  recevons  de  celui 
qui,  réconcihantla  terre  au  ciel  et  les  hommes 
à  Dieu,  s'est  rendu  participant  de  nos  maux  ,gg 
et  de  notre  faiblesse,  pour  nous  donner  part 
à  son  royaume  et  à  sa  gloire.  Les  semi-péla- 
giens  disaient  que  si  les  saints  n'ont  point  de 
mérites  qui  leur  soient  propres ,  ils  ne  méri- 


1  Sed  cum  damnatis  sapiunf,  damnoAaque  promunt, 
cum  dicunt  nihil  esse  animis  per  vubius  aviium  de- 
tractum  decoris,  splendoremque  omnibus  illitm  nunc 
talem  innasci,  qualis  fuit  unie  ruinam.  Hinc  liherta- 
tem  arbitra  discernere  sano  passe  oculo  cordis,  guid- 
quid  sit  rite  gerendum,  non  solum  ad  viiœ  prœsentis 
commoda  solers  sufflcere  ingenium,  quo  se  tueatur  et 
omet;  sed  summis  eiiam  mentem  aptam  percipiendis 
œternisque  bonis  sponte  ad  cœlestia  ferri;  perque  viam 
ad  Christum  quam  fecerit  ipsa   venire.  Hinc  multa 


hominem  recti  assuetudine  firmam  passe  repugnare 
aduersis,  nec  cedere  pœnis,  quas  superandœ  animœ 
per  carnem  admoverit  hostis.  Auxilio  abscedente  Dei; 
qui  deserat  apte  utiliterque  suos,  ut  de  cerfamine 
agonis  quœsitas  referont  palmas  :  ne  nulla  piorum 
sint  mérita,  et  verœ  priventur  tandis  honore  :  si  quod 
natures  sensu  7ioluntque  valuntque,  prœceptisque  te- 
nent  leyalibus  insinuatum,  divini  auxilii  manus  hoc 
operetur  in  illis.  Prosper,  pag.  118. 


[V=  SIÈCLE.] 

tent  point  de  récompense,  et  que  la  doctrine 
opposée  à  la  leur  entretenait  la  paresse  et 
la  lâcheté.  Saint  Px-osper  traite  cette  imagi- 
nation d'impie,  et  dit  qu'elle  ne  peut  avoir 
d'antre  effet  que  de  nous  priver  de  la  justice, 
de  la  vertu  et  de  Dieu  même,  et  d'empêcher 
que  les  aveugles  n'aperçoivent  la  lumière, 
que  les  malades  ne  recouvrent  la  santé,  et 
que  les  morts  ne  soient  ressuscites  par  l'Es- 
prit dévie.  «  Pour  nous,  ajoule-l-il,  nous  nous 
taisons  gloire  de  n'être  que  des  ruisseaux  de 
ces  sources  inépuisables  de  tous  les  biens,  et 
ne  mettons  point  notre  espérance  en  l'homme 
qui  n'est  qu'une  herbe  passagère  dont  la 
tieur  paraît  et  tombe  presque  au  même  ins- 
tant. Pourquoi  rougirions  -  nous  ,  dans  cette 
vallée  de  larmes  *,  de  recevoir  de  Dieu  notre 
force  et  de  n'avoir  en  nous  que  le  moins  qu'il 
nous  sera  possible  des  œuvres  de  l'homme 
mortel,  puisqu'elles  ne  sont  que  péchés  et 
qu'il  rempHt  de  peine  et  de  misère  notre  libre 
arbitre,  qui  se  porte  au  mal  quand  il  est  seul  ? 
11  n'est  pas  moins  vrai  que  lorsque  notre  es- 
prit forme  des  désirs  et  que  nous  faisons  des 
actions  saintes,  nous  agissons  librement ,  mais 
par  une  liberté  ^  qui  a  été  rachetée  et  déli- 
vrée par  le  Rédempteur,  par  une  liberté  qui 
est  tellement  animée  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  que  c'est  par  elle  qu'elle  court  dans 
la  voie  de  Dieu ,  qu'elle  se  réjouit  dans  le 
bien ,  qu'elle  souifre  les  maux ,  qu'elle  évite 
les  périls,  qu'elle  choisit  ce  qui  lui  est  avan- 
tageux, qu'elle  l'exécute  avec  ardeur,  qu'elle 
croit,  qu'elle  espère,  qu'elle  aime,  qu'elle  se 
purifie  et  se  sanctifie  tous  les  jours  de  plus 
en  plus.  C'est  en  vain,  continue-t-il,  que  les 
semi-pélagiens  s'efforcent  de  persuader  que 
c'est  rendre  les  hommes  lâches  et  paresseux, 
que  c'est  éteindre  toute  l'ardeur  et  l'affection 
avec  laquelle  ils  se  portent  au  bien ,  et  les 
jeter  dans  l'oisiveté  et  la  négligence,  que  de 
soutenir  que  tout  oe  qu'il  y  a  de  bon  dans  les 
saints  vient  de  Dieu,  et  que  toute  leur  sain- 
teté et  toute  leur  force  ne  subsiste  que  par 
son  esprit  et  par  sa  grâce.  C'est  en  vain  qu'ils 
l'ont  cette  plainte,  comme  si  la  volonté  de 
l'homme  ne  devait  rien  faire  ^  si  l'assistance 
de  Dieu  fait  tout  dans  l'homme;  car  que 
peut  notre  âme  sans  Dieu ,  sinon  s'éloigner 
de  Dieu?   Que  fait -elle  autre  chose  lors- 


CHAPITRE  XU.  —  SAINT  PROSPER. 


291 


qu'elle  marche  seule  et  qu'elle  se  conduit 
elle-même,  que  de  s'égarer  en  mille  dé- 
tours ,  que  de  se  lasser  dans  des  chemins 
perdus ,  et  de  se  jeter  dans  des  précipices, 
si  Dieu  n'a  soin ,  par  sa  miséricorde  intinie, 
de  la  secourir  et  de  la  ramener,  la  voyant 
toute  abattue  et  toute  languissante,  s'il  ne  la 
fortifie  peu  à  peu  et  ne  la  soutient,  s'il  ne  la 
conserve  sans  cesse  et  s'il  ne  l'orne  de  ses 
dons  et  de  ses  grâces  ?  C'est  par  cette  assis- 
tance divine  que  nous  marcherons  en  cou- 
rant dans  la  droite  voie,  que  nos  yeux  seront 
vraiment  éclairés,  que  notre  liberté  sera 
vraiment  fibre,  notre  sagesse  vraiment  sage, 
notre  justice  vraiment  juste,  notre  vertu  vrai- 
ment forte,  notre  volonté  vraiment  sainte.  » 

12.  Voilà  ce  que  contient  le  poème  de  saint  R,marqns 
Prosper  conti^e  les  Ingrats ,  celui  de  tous  ses  SlSlês? 
ouvrages  qui  lui  a  fait  le  plus  d'honneur  et 

où  l'on  voit  mieux  la  force  et  la  beauté  de 
son  génie.  Il  y  a  deux  endroits  qui  peuvent 
d'abord  faire  quelque  peine  :  l'un,  que  nous 
venons  de  rapporter,  où  il  dit  que  les  œuvres 
de  l'homme  mortel  ne  sont  que  péchés,  quand 
il  agit  sans  le  secours  de  la  grâce;  l'autre, 
où  il  enseigne  que  toutes  les  actions  ^  qui 
sont  même  bonnes  de  leur  nature  ,  sont  des 
péchés  si  elles  ne  naissent  de  la  semence  d'une 
foi  véritable.  Mais  on  voit,  par  ce  qu'il  dit 
ensuite,  qu'il  ne  regarde  comme  mauvaises 
les  actions  qui  sont  bonnes  de  leur  nature, 
que  parce  que,  ordinairement,  celui  qui  les 
fait  s'en  glorifie  eu  lui-même  et  non  pas  dans 
le  Seigneur;  ce  qui  arrive  surtout  dans  les 
infidèles  qui  ne  connaissent  point  Dieu. 

13.  On  a  mis  à  la  suite  du  poème  contre    _ . 

^  Epigrammes 

les  Ingrats,  trois  epigrammes,  soit  à  cause  de  p°/^'"''',™f; 
l'alfinité  de  la  matière,  soit  parce  qu'elles 
furent  faites  quelque  temps  après.  Les  deux 
premières  sont  contre  un  inconnu  qui  avait 
osé  décrier  saint  Augustin;  elles  sont  attri- 
buées, dans  tous  les  manuscrits  comme  dans 
tous  les  imprimés,  à  saint  Prosper;  mais  on 
ne  sait  pas  bien  qui  est  cet  inconnu  que  saint 
Prosper  y  attaque.  Les  uns  ont  cru  que  c'é- 
tait Vincent  de  Lérins,  d'autres  Cassien.  Rien 
de  moins  assuré.  Celui  contre  qui  est  faite  la 
première  épigramme  avait  composé  exprès 
un  ouvrage  pour  combattre  saint  Augustin, 
et  trouver,  en  le  combattant^  un  champ  pour 


1  Cur  pudet  hac  etiam  fletus  in  valle  patentes 
esse  Deo,  minimumque  operis  mortalis  habere  giiod 
non  est  nisi  peccalutn  quo  discrucieiur  libertas,  ad 
quam  solam  maie  gesta  recurrunt?  Prosper,  pag. 
186. 


'  Libertate  agimus,  sed  libertate  redempta.Vrosper, 
pag.  187. 

3  0>7ine  etenim  probitatis  opus  nisi  semine  verœ 
exoritur  fidei,  peccatum  est,  inque  reatum  verlitur, 
et  sterilis  cumulât  sibi  gloria  pœnam.  Pag.  147. 


292 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


exercer  son  esprit  et  son  éloquence.  Nous 
ne  voyons  pas  que  Vincent  ou  Cassien  aient 
entrepris   rien  de  semblable.  Il  paraît,  par 
ce  que  saint  Prosper  dit  de  l'écrit  de  ce  ca- 
lomniateur, qu'il  y  défendait  la  liberté  de 
l'homme  aux  dépens  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  et  que,  quoiqu'il  rejetât  le  nom  des 
pélagiens  et  qu'il  condamnât  de  paroles  leur 
.   hérésie ,  il  pensait  comme  eux.  C'est  pour- 
quoi ce  père,  pour  l'en  détourner,  le  prie  '  de 
considérer  que  le  Siège  Apostolique  avait 
frappé  ces  hérétiques  de  sa  foudre  par  toute 
la  terre.  Il  n'est  pas  clair  si  la  seconde  épi- 
gramme  est  contre  le  même  que  la  première  ; 
ce  qui  est  certain,  c'est.qu'il  avait  aussi  com- 
posé un  écrit  pour  rabaisser  l'estime  que  l'on 
avait  pour  saint  Augustin,  mais  qu'il  ne  l'a- 
vait pas  encore  rendu  public.  Saint  Prosper, 
qui  sans  doute  en  avait  eu  connaissance,  le 
presse  de  faire  éclore  ce  fruit  misérable  de 
son  esprit,  afin  qu'on  put  le  réfuter,  soit  qu'il 
y  formât  une  nouvelle  hérésie,  ou  qu^il  y  re- 
nouvelât les   anciennes.  Il  ne  doutait  pas 
que  cet  inconnu,    quel  qu'il  fût,  n'eût  été 
nourri  de  la  doctrine  de  Pelage,  soit  par  Pe- 
lage même,  soit  par  Julien  d'Eclane.  La  troi- 
sième, qui  est  intitulée  :  Epitaphe  des  hérésies 
de  Nestorius  et  de  Pelage ,  fut  écrite  après  la 
mort  de  saint  Augustin ,  au  lieu  qu'il  vivait 
encore  lorsque  saint  Prosper  composa  les 
deux  premières.  Il  y  en  a  qui  ont  contesté 
cette  épitaphe  à  saint  Prosper,  ne  concevant 
pas  comment  il  avait  avancé  que  l'hérésie  de 
Nestorius  était  tout  ensemble  la  fille  et  la 
mère  de  l'hérésie  de  Pelage.  Mais  on  trouve 
des  expressions  à  peu  près  semblables  dans 
saint  Léon  et  dans  Cassien.  Pour  bien  enten- 
dre ce  qu'il  dit  dans  cette  épitaphe,  il  faut  se 
souvenir  qu'il  y  avait  deux  articles  différents 
dans  l'hérésie  de  Nestorius.   Celui-ci  disait 
d'abord  que  l'union  de  la  nature  divine  avec 
la  nature  humaine  ,  dans  Jésus -Christ,  s'é- 
tait faite  par  la  seule  inhabitafion ,   de  la 
manière  que  Dieu  est  dans  ses  saints,  et  non 
pas  en  unité  de  personne;  en  sorte  que,  se- 
lon lui,  il  y  avait  en  Jésus-Christ  deux  per- 
sonnes, de  même  que  deux  natures,  et  le  Fils 
de  Dieu  était  autre  que  le  fils  de  Marie.   Il 
disait,  en  second  lieu,  que  cette  union  ne  s'é- 
tait point  faite  dès  le  moment  que  Jésus-Christ 


1  Verie  gradum,  fuge  perniciem;  stratosque  rebel- 
les oris  apostolici  fulmine  ubique  vide.  Prosper,  Epi- 
grum.  in  ohirect.  S.August.,  pag.  191. 

'  Doctrinam  quam  sanctœ  memoriœ  Augustinus  epis- 


avait  été  conçu  dans  le  sein  de  sa  mère,  mais 
qu'il  avait  mérité  de  devenir  Dieu  par  ses 
propres  vertus  et  ses  propres  œuvres.  C'est 
surtout  ce  dernier  article  que  saint  Prosper 
combat  dans  cette  épitaphe;  il  y  remarque 
que  l'hérésie  de  Nestorius  avait  été  condam- 
née et  renversée  par  les  seuls  anathèmes  d'un 
seul  concile  :  c'était  celui  d'Ephèse,  où  l'hérésie 
de  Pelage  fat  aussi  condamnée  avec  ses  sec- 
tateurs ;  mais  que  cette  dernière  hérésie  ayant 
essayé  de  reprendre  naissance  par  le  minis- 
tère de  Julien  d'Eclane,  elle  avait  été  con- 
damnée deux  fois,  savoir  :  par  le  jugement 
du  Saint-Siège  et  par  les  synodes  d'Afrique 
et  de  Palestine ,  ensuite  par  le  concile  géné- 
ral d'Ephèse,  où  elle  fut  une  seconde  fois 
proscrite  avec  l'hérésie  de  Nestorius. 

§in. 

Bes  réponses  aux  objections  des  Gaulois. 

1 .  L'approbation  que  les  souverains  pon- 
tifes avaient  donnée  à  la  doctrine  de  saint 
Augustin  sur  la  grâce ,  et  la  manière  dont 
saint  Prosper  en  avait  pris  la  défense  dans 
son  poème  contre  les  Ingrats,  ne  furent  point 
capables  d'arrêter  ceux  qui  s'étaient  déclarés 
ennemis  de  cette  doctrine.  Quelques  prêtres 
gaulois  continuèrent  à  la  décrier,  prétendant 
que  saint  Augustin  soutenait  que  Dieu  pré- 
destinait les  réprouvés  au  péché,  de  même 
qu'à  la  condamnation  où  ils  étaient  engagés 
par  le  péché  originel.  Ils  firent  une  liste  des 
erreurs  qu'ils  croyaient  avoir  trouvées  dans 
ses  écrits,  et  la  partagèrent  en  quinze  arti- 
cles, que  saint  Prosper  se  propose  comme 
autant  d'objections  à  résoudre.  Il  ne  dit  pas 
qui  étaient  ces  prêtres  gaulois,  soit  qu'il  ne 
les  connût  point,  soit  qu'il  voulût  ménager 
leur  réputation  ;  mais  on  ne  doute  pas  qu'ils 
ne  fussent  de  Marseille  et  du  nombre  de  ceux 
qui  ne  pouvaient  voir  sans  envie  la  grande 
réputation  que  saint  Augustin  s'était  faite.  Ce 
saint  évêque  était  mort  alors  ^,  puisque  saint 
Prosper  l'appelle  de  sainte  mémoire  :  ainsi 
il  peut  avoir  répondu  aux  objections  des 
Gaulois,  vers  l'an  431. 

2.  Les  Gaulois  objectaient  que  la  prédes- 
tination de  Dieu  introduisait  une  espèce  de 


Analyse 
ces  répoDst- 

ObjectioD: 

fatale  nécessité  qui,  obligeant  les  hommes  à  pas- 20s 


copus,  contra  pelagianos  asseruit,  quibusdam  visum 
est  reprehendere.  Prosper,  prsefat.  Responsionum  ad 
Gallos,  p;ig.  203. 


[V«  SIÈCLE.] 

pécher,  les  damnait  infailliblement.  Saint 
Prosper  répond  qu'il  n'y  a  point  de  catholi- 
ques qui  ne  reconnaissent  la  prédestination 
de  Dieu  ;  mais  que  pas  un  ne  dit  qu'il  y  ait 
une  nécessité  fatale  de  faire  le  mal,  et  qu'il 
y  en  a  même  plusieurs  qui  ne  sont  point 
chrétiens,  qui  rejettent  cette  fatalité.  Assu- 
rément, ajoute-t-il,  le  péché  donne  la  mort, 
mais  Dieu  ne  contraint  personne  au  péché; 
la  prédestination  n'est  pas  non  plus  la  cause 
du  péché,  ni  même  de  la  pente  que  nous 
avons  au  mal,  et  cette  pente  vient  de  la 
prévarication  du  premier  homme,  dont  per- 
sonne n'est  délivré  que  par  la  grâce  de  Jésiis- 
Chrisl,  préparée  et  prédestinée  par  Dieu 
dans  son  conseil  éternel,  avant  la  création 
du  monde. 
jeciions,  3.  Ils  disaient  que  la  grâce  que  nous  rece- 
vons dans  le  baptême  n'effaçait  pas  le  péché 
originel  dans  ceux  qui  ne  sont  point  du  nom- 
bre des  prédestinés  à  la  vie.  «  Tout  homme, 
répond  saint  Prosper,  qui,  croyant  au  Père, 
au  Fils  et  au  Saint-Esprit,  est  régénéré  dans 
le  baptême,  reçoit  la  rémission  des  péchés 
qu'il  a  commis  par  sa  propre  volonté  et  par 
sa  propre  action,  de  même  que  celle  du  péché 
originel  qu'il  a  contracté  par  sa  naissance  ; 
mais  s'il  retombe  dans  le  péché  après  le  bap- 
tême, et  s'il  meurt  dans  le  péché,  il  sera 
damné  pour  les  péchés  qui  ont  suivi  son  bap- 
tême ;  ce  que  Dieu  ayant  connu  de  toute 
éternité,  il  est  hors  de  doute  qu'il  n'a  jamais 
choisi  ni  prédestiné  cet  homme  pour  le  sa- 
lut. 1) 

4.  Les  Gaulois  ajoutaient  qu'il  ne  sert  de 
rien  à  ceux  qui  ne  sont  point  prédestinés  à 
la  vie,  de  vivre  saintement,  quand  même  ils 
auraient  été  baptisés,  puisqu'ils  sont  réser- 
vés en  ce  monde  jusqu'à  ce  qu'ils  tombent 
dans  le  péché,  et  qu'ils  ne  seront  retirés  de 
cette  vie  que  lorsqu'il  leur  arrivera  de  tomber 
dans  quelques  crimes.  Saint  Prosper  répond 
qu'on  ne  peut  douter  '  que  plusieurs  de  ceux 
qui  ne  sont  point  prédestinés  pour  être  en- 
fants de  Dieu  et  cohéritiers  de  Jésus-Christ, 
ne  passent  de  la  foi  à  l'impiété,  et  de  la  jus- 
tice à  l'iniquité,  mais  que  ces  personnes  ne 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


293 


tombent  pas  dans  le  crime  précisément  à 
cause  qu'ils  ne  sont  pas  du  nombre  des  pré- 
destinés ;  qu'au  contraire,  ils  ne  sont  pas  de 
ce  nombre,  parce  que  Dieu  a  prévu  qu'ils 
tomberaient  dans  le  crime,  et  qu'ainsi  la 
prédestination  ne  leur  impose  aucune  néces- 
sité de  pécher  ni  de  périr.  11  ajoute  que  si 
Dieu  ne  les  a  pas  enlevés  de  ce  monde  dans 
le  temps  qu'ils  étaient  dans  la  vraie  foi  et 
qu'ils  avaient  des  mœurs  pures,  cela  doit 
être  renvoyé  aux  jugements  de  Dieu,  qui 
peuvent  bien  être  secrets,  mais  non  pas  in- 
justes. Ceux  qui  tombent  ne  sont  pas  aban- 
donnés de  Dieu  afin  qu'ils  tombent  :  mais 
ils  l'ont  laissé  et  ont  été  laissés;  ils  sont 
changés  de  bien  en  mal  par  leur  propre  vo- 
lonté. 

5.  Tous  les  hommes,  disaient  les  Gaulois,     ,°''-i|58°° ''• 
ne  sont  pas  appelés  à  la  grâce,  u  Dieu  y  ap- 
pelle, répond  saint  Prosper,  tous  ceux  à  qui 
l'Evangile  a  été  prêché  et  annoncé,  quand 

même  ils  n'obéiraient  pas  ;  mais  on  peut  dire 
que  tous  les  hommes  ne  sont  point  appelés  à 
la  grâce,  puisqu'il  y  a  des  peuples  à  qui  l'E- 
vangile n'a  point  encore  été  prêché,  et  que 
tant  de  milliers  d'enfants  sont  morts  sans 
baptême.  » 

6.  Ils  objectaient  encore  que  tous  ceux  s,  pag.209. 
qui   sont  appelés  ne   le   sont  point   égale- 
ment, mais  que  les  uns  le  sont  pour  croire, 

et  d'autres  pour  ne  pas  croire.  Saint  Pros- 
per répond  que  si,  par  la  vocation,  on  en- 
tend autre  chose  que  la  prédication  de  l'E- 
vangile, il  n'est  pas  vrai  de  dire  que  les  uns 
sont  appelés  différemment  des  autres,  puis- 
que c'est  le  même  Evangile  que  l'on  prêche 
partout,  et  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu,  qu'une 
foi,  qu'un  baptême,  qu'une  même  promesse. 
Mais  que  si  l'on  considère  l'effet  que  produit 
la  prédication  de  cet  Evangile  dans  les 
cœurs,  il  est  vrai  de  dire  que  son  effet  est 
différent  dans  ceux  dont  il  ne  frappe  que  les 
oreilles  extérieures,  et  différent  dans  ceux  à 
qui  Dieu  ouvre  l'oreille  intérieure,  dans  le 
cœur  desquels  il  établit  le  fondement  de  la 
foi,  et  auxquels  il  inspire  son  amour.  La  pré- 
dication néanmoins  à  l'égard  de  ceux  qui  ne 


'  A  jusliiia  ad  iniquitaiem,  a  fide  ad  impietalem 
plerosque  iransire  non  dubium  est  ;  et  ad  taies  pi'œ- 
destinationem  filiorum  Dei  et  cohœredum  Christi  non 
pertinere  certissimum  est.  Quod  ergo  hujusmodi  in  hœc 
prolapsi  mala,  sine  eorreptione pœnitentiœ  defecerunt, 
non  ex  eo  necessitutem  pereundi  habuerunt,  quia  prœ- 
destinati  non  sunt.  Sed  ideo  prœdestinati  non  sunt, 
quia  taies  futuri  ex  voluntaria  prœvaricatione  presciti 


sunt.  Quod  autem  illos  non  eo  tempore,  quo  in  fide 
recta  et  bonis  m'oribus  erant,  ah  hue  vita  Deus  abstu- 
lit,  ad  occulta  ejus  judicia,  quœ  tamen  nunquam 
sunt  injusta,  référendum  est...  non  enim  re'icti  sunt 
a  Deo,  ut  relinquerent  Deum;  sed  reliquerunt  et  re- 
lecti  sunt,  et  ex  bono  in  malum  propria  voluntate  mu- 
tati  sunt.  Prosper,  ad  Gallos,  pag.  207. 


294 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


croient  pas,  n'est  pas  la  cause  de  leur  incré- 
dulité, elle  vient  de  leur  mauvaise  volonté. 
Quant  à  ceux  qui  croient,  c'est  qu'ils  sont  in- 
térieurement éclairés  par  la  grâce. 
pag.S."""'  7.  Un  autre  chef  d'accusation  contre  la 
doctrine  de  saint  Augustin  était  que  le  libre 
arbitre  dans  l'homme  n'est  rien,  et  que  la 
prédestination  de  Dieu  fait  tout  en  nous,  soit 
pour  le  bien,  soit  pour  le  mal.  Saint  Prosper 
dit  qu'on  ne  peut  nier  que  le  libre  arbitre 
ne  soit  comme  enseveli  dans  les  ténèbres, 
tant  qu'il  n'est  point  éclairé  par  la  lumière 
de  la  foi.  «En  cet  état,  dit-il,  il  ne  connaît  pas 
même  son  mal;  mais  il  commence  de  le  sen- 
tir aussitôt  qu'il  reçoit  de  Dieu  la  première 
grâce,  avec  laquelle  il  peut  ensuite  désirer 
l'assistance  du  médecin  suprême  qui  le  doit 
guérir.  L'homme  étant  donc  '  justifié  reçoit 
un  don  qu'il  n'avait  mérité  par  aucun  bien 
qu'il  eût  fait,  afin  qu'il  puisse  mériter  par  ce 
don-là  même,  et  que  ce  qui  a  été  commencé 
par  la  grâce  de  Jésus-Cbrist  s'accroisse  par  le 
travail  du  libre  arbitre,  accompagné  toujours 
néanmoins  du  secours  de  Dieu,  sans  lequel 
personne  ne  peut  ni  s'avancer  ni  persévérer 
dans  le  bien.  »  Ce  Père  traite  d'impertinente 
l'objection  des  Gaulois  touchant  la  prédesti- 
nation, et  dit  que  nous  devons  reconnaître 
que  dans  les  bons,  c'est  la  grâce  même  qui 
forme  leur  volonté  pour  leur  faire  faire  lebien, 
au  lieu  que  dans  les  méchants  leur  volonté 
destituée  de  la  grâce  se  porte  d'elle-même  à 
faire  le  mal,  sans  que  la  prédestination  im- 
pose à  l'un  ou  à  l'autre  aucune  nécessité. 
v.pag.  210.  8.  Les  Gaulois  disaient  que  la  raison  pour 
laquelle  ceux  qui  sont  régénérés  et  à  qui  Dieu 
a  donné  la  foi,  l'espérance  et  la  charité  ne 
persévèrent  pas,  est  qu'il  ne  les  a  pas  sépa- 
rés de  la  masse  de  perdition  dans  son  décret 
éternel.  Saint  Prosper  répond  que  l'on  peut 
montrer  par  divers  exemples  que  plusieurs 
de  ceux  qui  ont  été  régénérés  en  Jésus-Christ 
ont  abandonné  la  foi,  mais  qu'on  ne  peut 
attribuer  leur  chute  à  Dieu ,  et  que  s'il  ne  les 
a  pas  séparés  de  la  masse  de  perdition  par 
son  décret,  c'est  qu'il  a  prévu  qu'ils  tombe- 
raient dans  l'apostasie  par  leur  propre  vo- 
lonté; qu'il  est  vrai  qu'ils  n'ont  point  reçu  de 


lui  le  don  de  la  persévérance,  mais  qu'il  ne 
leur  devait  point  cette  grâce. 

9.  Dieu  ne  veut  pas,  disaient-ils,  sauver  obiertioj 
tous  les  hommes  :  le  nombre  des  prédestinés 
est  fixé.  Saint  Prosper  répond  que  de  croire 
qu'il  n'y  ait  jamais  eu  aucun  homme  que 
Dieu  n'ait  voulu  sauver,  c'est  ne  pas  recon- 
naître la  profondeur  des  jugements  de  Dieu 
marquée  par  saint  Paul;  dans  les  siècles 
passés,  Dieu  a  abandonné  toutes  les  nations 
à  elles-mêmes,  les  laissant  marcher  selon 
IcTirs  désirs,  tandis  qu'il  choisissait  Jacob, 
c'est-à-dire  le  peuple  d'Israël,  par  une  élec- 
tion particuhère;  depuis,  ceux  qui,  pen- 
dant plusieurs  siècles,  n'avaient  point  été  le 
peuple  chéri,  sont  devenus  le  peuple  de  Dieu 
et  sont  comblés  aujourd'hui  de  ses  grâces, 
au  lieu  que  le  peuple  juif,  choisi  d'abord,  est 
maintenant  dans  l'aveuglement  ;  en  con- 
sidérant tous  ces  mystères  et  tous  ces  secrets, 
on  doit  convenir  qu'il  est  impossible  à 
l'homme  de  les  comprendre ,  et  qu'il  lui 
est  dangereux  de  les  vouloir  pénétrer  ;  ce 
qui  nous  reste  est  de  reconnaître  qu'il  n'y  a 
en  Dieu  aucune  ombre  d'injustice,  et»  de 
croire  que  nul  homme,  ni  avant  la  loi  ni  du- 
rant la  loi ,  n'a  été  justifié  par  une  autre  foi, 
ou  par  une  autre  grâce  que  par  celle  de  Jé- 
sus-Christ. 

Saint  Prosper  rapporte  les  passages  de 
l'Ecriture  touchant  la  volonté  de  Dieu  de 
sauver  tous  les  hommes;  les  promesses  faites 
à  Abraham  de  bénir  dans  sa  race  tous  les 
peuples  de  la  terre  ;  il  dit  qu'elles  ont  été 
accomplies  en  la  personne  de  ceux  qui  sont 
sauvés  par  toute  la  terre;  que  c'est  en  eux 
qu'il  est  vrai  de  dire  que  Dieu  a  attiré  à  soi 
tout  le  genre  humain  et  qu'il  a  fait  venir  à 
soi  tous  les  peuples,  les  ayant  choisis  dans 
sa  prescience  et  les  ayant  prédestinés  en 
Jésus-Christ  avant  la  création  du  monde  ; 
que  c'est  de  ces  prédestinés  que  Jésus-Christ 
dit  :  Tous  ceux  que  mon  Père  in  a  donnés  vien- 
dront à  moi;  que  cela  n'empêche  point  qu'on 
ne  doive  dire  que  Dieu  a  soin  de  tous  les 
hommes,  et  qu'il  n'y  a  personne  à  qui  il  ne  se 
fasse  entendre  ou  par  la  prédication  de  l'E- 
vangile, ou  par  le  témoignage  de  la  loi  écrite, 


'  Jusiificatus  itaque  homo,  id  est  ex  impio  pi'us 
factits,  ullo  prœcedente  bono  merito,  accipit  donum, 
quo  dono  acquiraf  et  merifum  ;  ut  quod  in  illo  incho- 
utum  est  per  gratiam  Christi,  etiam  per  industriam 
liberi  augeatur  arbitrii,  unquam  remoto  adjutorio 
Dei  fine  quo  proficere ,   nec  permanere  in  bono  quis- 


quam  potest.  Prœdestinationem  auiem  Dei  sive  ad  bo- 
num,  sive  ad  malum  in  hominibus  operari,  itieptis- 
sime  dicitur,  ut  ad  utrumque  homines  quœdam  néces- 
sitas videatur  impellere.  Cum  in  bonis  voluntas  sit 
intelligenda  de  gratia,  in  nialis  autem  voluntas  in- 
telliyenda  sine  gratia.  Vtos,^%v,  ad  Gallos,  pag.  210. 


[V  SIÈCLE.] 

OU  par  l'instruction  et  la  loi  antérieure  de  la 
nature  ;  que  nous  devons  reconnaître  en 
même  temps  que  si  les  hommes  sont  infidè- 
les, c'est  par  leur  propre  faute,  et  que  s'ils 
ont  la  foi,  c'est  par  un  don  et  une  faveur  de 
Dieu,  sans  la  grâce  duquel  nul  ne  se  porte  et 
ne  s'avance  vers  sa  grâce.  «Embrassons  donc, 
ajoute  ce  Père,  ce  qu'ont  défini  deux  cent 
quatorze  évéques  d'Afrique  ',  qui  ont  été  sui- 
vis par  toute  la  terre  dans  leur  décision  con- 
tre les  ennemis  de  la  grâce,  et  disons  avec 
eux  que  la  grâce  de  Dieu  par  notre  Seigneur 
Jésus-Clirist,  ne  nous  assiste  pas  seulement  à 
chaque  action  pour  connaître  le  bien,  mais 
encore  pour  le  faire  :  en  sorte  que  sans  elle 
nous  ne  pouvons  ni  concevoir  une  pensée, 
ni  dire  une  parole,  ni  former  une  action  qui 
soit  vraiment  sainte  et  vraiment  pieuse,  et 
ne  croyons  pas  que  Dieu  soit  seulement  au- 
teur.de  ces  dons,  parce  qu'il  est  auteur  de 
notre  nature,  comme  nous  en  ayant  donné 
le  principe  lorsqu'il  nous  a  donné  l'être  en 
nous  créant.  Il  est  vrai  qu'il  avait  imprimé 
d'abord  en  notre  nature  cette  puissance  de 
faire  le  bien,  mais  nous  l'avons  tous  perdue 
en  celui  en  qui  nous  avons  tous  péché.  Il  est 
donc  besoin  que  nous  soyons  renouvelés  en 
Jésus-Christ  par  un  second  principe  et  une 
nouvelle  création,  afin  d'être  en  lui  un  nou- 
vel ouvrage  de  Dieu  et  une  nouvelle  créa- 
ture, puisque  c'est  lui  qui,  ne  trouvant  en 
nous  aucun  bien  pour  mériter  ses  faveurs,  et 
y  trouvant  beaucoup  de  péchés  pour  irriter 
sa  Justice,  nous  a  changés  de  vases  de  colère 
que  nous  étions,  en  des  vases  de  sa  miséri- 
corde et  de  sa  bonté.  » 

10.  Ils  disaient  encore  que  le  Sauveur  n'a 
pas  été  crucifié  pour  la  rédemption  de  tout 
le  monde.  Saint  Prosper  leur  fait  voir  que  Jé- 
sus-Christ ayant  une  nature  semblable  à  la 
nôtre,  et  ne  l'ayant  prise  que  pour  nous  dé- 
livrer de  la  contagion  du  péché  et  de  la  mi- 
sère qui  nous  est  commune  à  tous  dans  le 
premier  homme,  on  peut  dire  qu'en  ce  sens 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


29S 


il  est  mort  pour  la  rédemption  de  tout  le 
monde;  mais  l'on^  peut  dire  aussi^  ajoute-t-il, 
qu'il  n'a  été  crucifié  que  par  ceux  qui  ont 
reçu  le  fruit  de  sa  mort ,  comme  il  dit  lui- 
même  qu'il  n'est  venu  que  pour  les  brebis 
de  la  maison  d'Israël  qui  s'étaient  perdues, 
c'est-à-dire  pour  ses  élus. 

il.   Ils  objectaient  que   Dieu  soustrait  à   j.  otJ 


0,  pag.  2lîj 


quelques-uns  la  prédication  de  l'Evangile,  de 
peurqiie,  l'ayant  ouï,  ils  ne  soientsauvés.  «  Si 
l'on  peut  prouver,  répond  saint  Prosper,  que 
l'Evangile  ait  été  prêché  à  tout  le  monde, 
c'est  mal  à  propos  qu'on  objecte  que  Dieu  en 
a  soustrait  la  connaissance  à  quelques-uns. 
Mais  s'il  s'en  trouve  à  qui  l'Evangile  n'ait 
pas  été  prêché,  on  ne  peut  pas  dire  que  cela 
soit  arrivé  ainsi  sans  le  jugement  de  Dieu, 
qu'on  ne  doit  pas  reprendre,  parce  qu'il  est 
incompréhensible.  » 

12.  11  fait  voir  qu'en  vain  les  prêtres  gau-   n.pag. 
lois  objectaient  que  Dieu  pousse  les  hommes 

au  péché  par  sa  toute-puissance  ,  aucun  ca- 
tholique n'ayant  jamais  dit  et  ne  disant  que 
Dieu  pousse  au  péché  les  hommes  qui  vivent 
avec  piété,  ou  qu'ils  fassent  violence  à  ceux 
qui  vivent  dans  l'innocence,  pour  les  dé- 
tourner de  leur  bon  propos.  Ce  n'est  point 
là  l'œuvre  de  Dieu,  mais  du  diable ,  qui  met 
sa  joie  dans  la  chute  des  saints.  Lors  donc 
que  nous  lisons  que  Dieu  a  endurci  des  pé- 
cheurs, qu'il  les  a  livrés  à  leurs  désirs,  ou 
qu'il  les  a  abandonnés,  nous  avouons  qu'ils 
ont  mérité,  par  leurs  péchés  précédents, 
d'être  traités  ainsi.  C'est  pourquoi  nous  ne 
nous  plaignons  point  du  jugement  de  Dieu, 
par  lequel  il  abandonne  ceux  qui  méritent 
d'être  abandonnés  ;  et  nous  rendons  grâce  à 
sa  miséricorde  par  laquelle  il  délivre  ceux-là 
mêmes  qui  ne  méritaient  point  d'être  déli- 
vrés. 

13.  Il  n'y  avait  pas  plus  de  fondement  dans  ,2  ^^g 
la  plainte  qu'ils  faisaient  que  Dieu  ôte  le  don 

de  l'obéissance  à  quelques-uns  de  ceux  qu'il 
a  appelés  et  qui  vivent  bien,  afin  qu'ils  ces- 


1  Cum  ducentis  quatuordecim  sacerdotibus,  quorum 
constitutionem  contra  inimicos  gratiœ  Dei  totus  mun- 
dus  amplexus  est  veraci  professione,  quemadmodum 
ipsoritm  habet  sermo,  dicamus  gratiam  Dei  per  Jesum 
Christum  Dominum,  non  solum  ad  cognoscendam, 
verum  etiam  ad  faciendam  justitiam  nos  per  actus 
singulos  ad j avare;  ita  ut  sine  illa  nihil  verœ  sanctœ- 
que  pietatis  cogitare,  dicere,  agere  valenmus.  Negue 
hœc  dona  ita  ex  Deo  esse  opinemur,  ut  guia  ipse  na- 
tures nostrœ  auctor  est  per  conditionem  jam  hœc  con- 
tulisse  videatur.  Quia  dédit  quidem  ab  initia  hanc 
homini  facultatem,  sed  omnes  eam  in  illo  amisimus, 


in  quo  omnes  peccavimus.  Vnde  alia  creatione  alio- 
que  principio  renovari  in  Christo  egemus;  in  quo  su- 
mus  nova  creatura,  et  per  quem  nohis,  nullis  bonis  et 
nullis  malis  merilis  prœcedentibus,  donatur  ut  simus 
ex  vasis  irœ,  vasa  misericordiœ.  Prosper,  ad  Gallos, 
pag.  213. 

2  Cum  itaque  rectissime  dicatur  Salvator  pro  totius 
mundi  redemptione  crucifixus,  propter  veram  hiimanœ 
naturœ  susceptionem  et  propter  communem  in  primo 
homine  omnium  perdilionem,  potest  tamen  diciprohis 
tantum  crucifixus,  quibus  mors  ipsius  profuit.  Pros- 
per, ad  Gallos,  pag.  214. 


296 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ObjtclioQ 
13,  pag.  216. 


sent  d'obéir  ;  autrement  il  faudrait  l'accuser 
de  rendre  le  mal  pour  le  bien  :  ce  qui  ne 
peut  se  dire  sans  folie  et  sans  impiété.  Dieu 
connaît  le  bien  et  le  mal,  mais  il  ne  veut  que 
le  bien  et  ne  pousse  personne  à  faire  le  mal  ; 
il  n'a  jamais  non  plus  ôté  le  don  de  l'obéis- 
sance à  quelqu'un  pour  ne  l'avoir  pas  pré- 
destiné; mais  il  ne  l'a  pas  prédestiné,  parce 
qu'il  a  prévu  qu'il  ne  persévérerait  pas  dans 
l'obéissance. 

là.  Ils  objectaient  que  Dieu  a  créé  des 
hommes  non  pour  la  vie  éternelle,  mais  pour 
une  autre  fin  ;  savoir,  pour  orner  ce  monde 
et  pour  l'utilité  des  autres.  «  Il  n'y  a ,  dit  saint 
Prosper,  aucune  faute  de  la  part  du  Créa- 
teur, si  quelques-uns  ne  sont  point  partici- 
pants de  la  vie  éternelle;  il  est  Fauteur  de  la 
nature  et  non  du  péché  que  la  nature  con- 
tracte. Du  reste,  il  est  visible  que  les  mé- 
chants, comme  les  autres,  ont  leur  utilité,  et 
qu'ils  contribuent  à  la  variété  qui  fait  l'orne- 
ment du  monde.  N'est-ce  pas  par  la  malice 
des  Juifs  que  s'est  accompli  le  mystère  de 
notre  rédemption  sur  la  croix?  La  fureur  des 
persécuteurs  n'a-t-elle  pas  occasionné  la  cou- 
ronne du  martyre  à  une  infinité  de  saints  ? 
Quel  est  le  chrétien  qui,  faisant  attention  aux 
ténèbres  dans  lesquelles  vivent  les  impies,  et 
à  la  lumière  de  la  foi  qui  éclaire  les  fidèles, 
n'en  soit  pas  plus  porté  à  rendre  grâce  à 
Dieu,  et  n'apprenne  par  la  chute  de  ceux 
qui  périssent,  dans  quels  maux  notre  libre 
arbitre  nous  entraînerait,  si  Jésus-Christ  ne 
le  secourait  par  sa  grâce?» 

15.  Ils  objectaient  que  ceux  qui  ne  croient 

14,  pag,  2H.  J  ^  "a 

point  à  la  prédication  de  l'Evangile,  ne  refu- 
sent de  croire  que  parce  que  Dieu  l'a  ainsi 
ordonné.  «  Dieu ,  répond  saint  Prosper,  est 
auteur  des  biens  et  non  des  maux;  sa  prédes- 
tination a  toujours  eu  pour  objet  ce  qui  est 
bon,  savoir,  ou  la  rétribution  de  la  justice, 
ou  la  donation  de  sa  grâce  :  ainsi  l'infidélité 
de  ceux  qui  ne  croient  pas  n'est  pas  l'objet 
de  la  prédestination,  mais  de  la  prescience  '. 
Dieu  a  prévu  l'incrédulité  de  quelques-uns, 
il  ne  l'a  ni  ordonnée  ni  prédestinée.» 

16.  Ils  disaient  que  la  prescience  est  la 

15,  pag.  218.  ■'■  ^ 

même   chose   que   la   prédestination.  Saint 


Prem  iàte 
proposilion. 


Prosper  convient  que  la  prédestination  ne 
saurait  être  sans  la  prescience;  mais  il  dit 
que  la  prescience  peut  être  sans  la  prédesti- 
nation, et  il  met  cette  dififérence  entre  l'une 
et  l'autre,  que  la  prédestination  a  pour  objet 
le  bien,  et  que  la  prescience  connaît  aussi  le 
mal.  Dieu  donc  a  prédestiné  et  prévu  tout 
ensemble  le  bien,  parce  qu'il  le  connaît  et 
qu'il  en  est  l'auteur;  mais  il  a  prévu  le  mal 
sans  le  prédestiner,  parce  qu'il  ne  le  fait  pas  : 
c'est  l'ouvrage  de  l'homme  méchant. 

17.  Saint  Prosper,  après  avoir  répondu  à  sentemei 
chacune  des  objections  que  les  Gaulois  fai-  t^ns  SéTiïi 
saient  aux  disciples  de  saint  Augustin,  re-  aiTalùiv!^' 
prend  toutes  ces  objections  et  les  condamne 
en  quinze  propositions  qui  contiennent  une 
doctrine  toute  opposée.  Celui-là  n'est  pas 
catholique  qui  dit  que  la  prédestination  est 
une  espèce  de  fatalité  qui  nécessite  les  hom- 
mes à  faire  le  mal.  De  même  quiconque  dit  Deuxième. 
que  la  grâce  du  baptême  n'ôte  pas  le  péché 
originel  à  ceux  qui  ne  sont  pas  prédestinés  à 
la  vie,  n'est  pas  catholique.  Celui-là  ne  l'est  Troisièir.e. 
pas  non  plus  qui  dit  qu'il  ne  sert  de  rien  à 
ceux  qui  ne  sont  point  prédestinés,  de  vivre 
saintement  après  leur  baptême,  et  qu'ils  sont 
réservés  jusqu'à  ce  qu'ils  tombent  dans  le 
pécbé,  parce  que  Dieu  ne  prolonge  pas  la  vie 
à  un  homme  afin  qu'il  tombe  ou  qu'il  apos- 
tasie :  au  contraire,  la  longueur  de  la  vie  est 
un  bienfait  de  Dieu  dont  l'homme  doit  user 
pour  devenir  meilleur  et  non  pas  plus  mé- 
chant. Celui  qui  dit  que  tous  les  hommes  ne  Quatrième, 
sont  pas  appelés  à  la  grâce,  ne  doit  pas  être 
repris,  s'il  parle  de  ceux  à  qui  Jésus-Christ 
n'a  point  été  annoncé,  car  nous  savons  que 
le  dessein  de  Dieu  est  que  l'Evangile  soit 
prêcbé  par  toutes  les  régions  de  la  terre  ; 
mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  ait  encore 
été  prêché,  et  nous  ne  pouvons  pas  dire  que 
les  hommes  soient  appelés -à  la  grâce  dans 
les  pays  où  l'Eglise  n'engendre  point  encore 
d'enfants  à  Dieu.  Celui  qui  dit  que  ceux  qui  cinquième. 
sont  appelés  ne  le  sont  pas  également,  et 
que  les  uns  sont  appelés  pour  croire,  les  au- 
tres pour  ne  pas  croire,  comme  si  la  vocation 
était  la  cause  de  l'incrédulité  de  ceux-ci, 
ne  dit  pas  bien  :  car  quoique  la  foi  soit  un 


1  Qui  prœscientiam  Dei  in  nullo  ah  ipsiiis  prœdesti- 
natione  discernil,  quod  tribueyidum  est  Deo  de  bonis, 
hoc  etiam  ei  de  malis  conatur  adscribere.  Sed  cum 
bona  ad  largitorem  cooperatoreinque  eorum  Deum, 
mala  autem  ad  voluntariam  raiionalis  creaturœ  ne- 
quiiiam  referenda  sint,  dubium  non  est,  sine  ulla 
temporali  differentia  Deum  et  prœscisse  simul  et  prœ- 


destinasse,  quœ  ipso  erant  auctore  facienda,  vel  quœ 
malis  meritis  justo  erant  judicio  retribuenda;  prœs- 
cisse autem  taniummodo,  non  etiam  prœdestinasse, 
quœ  non  ex  ipso  ernnt  causam  operationis  habitura. 
Potest  itaque  sine  prœdestinatione  esse  prœscientia  ; 
prcedestinatio  autem  sine  prœscientia  esse  non  potest. 
Prosper,  ad  Gallos,  pag.  218  et  219. 


: 


[y  SIÈCLE.] 

don  de  Dieu,  et  qu'il  dépende  de  la  volonté 

de  l'homme  de  croire,  Finfidélité  néanmoins 

sijièmtpro.  vient  de  la  seule  volonté  de  l'homme.  Celui 

oBuon.        ^.  ^.^  ^^^^  j^  j.j^^^^  arbitre  n'est  rien  dans 

l'homme,  et  que  c'est  la  prédestination  qui 
fait  tout  le  bien  et  tout  le  mal  dans  les  hom- 
mes, n'est  pas  catholique  :  car  la  grâce  ne 
détruit  pas  le  libre  arbitre;  elle  l'aide,  le  for- 
tifie et  le  ramène  de  l'erreur  dans  le  chemin 

sepiième.  dc  la  vérlté.  Celui  qui  dit  que  les  fidèles  ré- 
générés en  Jésus-Christ  ne  reçoivent  pas  le 
don  de  la  persévérance,  parce  qu'ils  n'ont 
pas  été  séparés  de  la  masse  de  perdition 
dans  le  décret  éternel  de  Dieu,  s'il  entend 
par  là  que  Dieu  est  lui-même  la  cause  de  ce 
qu'ils  ne  persévèrent  pas,  il  a  mauvaise  opi- 
nion de  la  bonté  et  de  la  justice  de  Dieu,  qui 
n'abandonne  personne  avant  qu'il  n'en  soil 

Hpitième.  abandonné.  Celui  qui  dit  que  Dieu  ne  veut 
pas  sauver  tous  les  hommes,  mais  seulement 
un  certain  nombre  de  prédestinés,  use  d'une 
expression  plus  dure  qu'il  n'est  besoin  pour 
marquer  la  profondeur  impénétrable  de  la 
grâce  de  Dieu,  puisqu'il  est  vrai  de  dire  ' 
qu'il  veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés 
et  qu'ils  viennent  à  la  connaissance  de  sa 
vérité,  accomplissant  le  décret  de  sa  volonté 
suprême  dans  ceux  qu'il  a  prédestinés  après 
les  avoir  prévus  dans  sa  prescience,  qu'il  a 
appelés  après  les  avoir  prédestinés,  qu'il  a 
justifiés  après  les  avoir  appelés,  et  qu'il  a 
glorifiés  après  les  avoir  justifiés.  Il  n'en  perd 
aucun  de  toute  cette  plénitude  des  nations  et 
de  toute  la  semence  d'Israël,  à  laquelle  le 
royaume  éternel  a  été  préparé  en  Jésus- 
Christ,  avant  la  création  du  monde  :  car  tout 
le  monde  est  choisi  de  tout  le  monde,  et  tous 
les  hommes  sont  adoptés  d'entre  tous  les 
hommes.  Et  il  est  impossible  que  la  vérité 
de  la  promesse  que  Dieu  a  faite  à  Abraham, 
en  lui  disant  que  toutes  les  nations  seront 
remplies  de  bénédictions  dans  sa  race,  puisse 
être  ébranlée  par  l'infidélité  et  la  désobéis- 
sance de  plusieurs,  parce  que  Dieu  est  tout- 
puissant  pour  faire  lui-même  ce  qu'il  a  pro- 
mis de  faire  :  ceux  qui  se  sauvent  étant  sau- 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


297 


vés  parce  que  Dieu  a  voulu  qu'ils  fussent 
sauvés ,  et   ceux  qui   se  perdent  périssent 
parce  qu'eux-mêmes   ont  mérité   de  périr. 
Celui  qui  dit  que  Jésus-Christ  n'a  pas  été       Ni-mième 
crucifié  pour  la  rédemption  de  tout  le  monde,    p''"'"""'""' 
ne  fait  pas  attention  à  la  vertu  de  ce  sacre- 
ment, puisque  le  sang  de  Jésus-Christ  est  le 
prix  de  la  rédemption  de   tout  le  monde. 
Celui  qui  dit  que  Dieu  a  soustrait  à  quelques-   Dixième, 
uns  la  prédication   de  l'Evangile,  de  peur 
qu'en  croyant  ils  ne  soient  sauvés,  pourrait 
s'appuyer  sur  ce  qu'il  est  dit  dans  saint  Mat- 
thieu, que  certaines  nations  auraient  cru  en 
Jésus-Christ,  si  elles  avaient  été  témoins  de 
ses  miracles,  et  que  le  Sauveur  défendit  à 
ses  apôtres  d'aller  prêcher  à  certains  peu- 
ples ;  mais  la  foi  ne  nous  permet  pas   de 
douter  que  l'Eglise  ne  doive  s'étendre  à  tou- 
tes les  extrémités  de  la  terre,  et  que  cela  ne 
doive  être  accompli  avant  la  fin  du  monde. 
Celui-là  mérite  d'être  repiis,  qui  dit  que  Dieu   onzième, 
pousse  les  hommes  au  péché  par  sa  toute- 
puissance.  Celui  qui  dit  que  l'obéissance  est   i)„„jién,e. 
ôtée  à  quelqu'un  de  ceux  qui  sont  appelés  et 
qui  vivent  bien,  afin  qu'ils  cessent  d'obéir, 
pensent  mal  de  la  bonté  et  de  la  justice  de 
Dieu,  qui  donne  l'innocence  et  qui  en  est  le 
gardien.  Celui  qui  dit  que  Dieu  a  créé  des   Treizième. 
hommes  non  pour  la  vie  éternelle,  mais  pour 
l'ornement  du  siècle  présent  et  pour  l'utilité 
des  autres,  parlerait  mieux  en  disant  que 
Dieu  n'a  pas  créé  en  vain  ceux  qu'il  a  prévu 
ne  devoir  point  participer  à  la  vie  éternelle  , 
parce  que  dans  les  méchants  mêmes  il  y  a  un 
bien  qui  est  la  nature,  et  parce  que  Dieu  est 
louable  lorsqu'il  punit  les  méchants.  Celui   Q„a,„„i5„e. 
qui  dit  que  ceux  qui  ne  croient  pas  à  la  pré- 
dication de  l'Evangile,  à  cause  que  Dieu  l'a 
ainsi  ordonné,  n'est  pas  catholique;  la  foi 
qui  opère  par  la  charité  est  un  don  de  Dieu, 
mais  l'infidélité  n'est  pas  ordonnés  de  lui. 
Saint  Prosper  montre  dans  la  quinzième  pro-   Q„i„jif„e. 
position  en  quoi  diffère  la  prédestination  et 
la  prescience,  à  peu  près  comme  il  fait  dans 
la  réponse  à  la  quinzième  objection  des  Gau- 
lois, rapportée  plus  haut. 


1  Omnes  vult  sulvos  fieri  atqiie  in  agniiionem  ventre 
veritatis,  et  voluntatis  suce  propositum  in  eis  itnplet, 
quos  prœscitos  prœdeslinavit,  prœdestinatos  vocavit, 
vocatos  justificavif,  justificatos  glorificavit  :  nihil 
amiiiens  de  plcnitudine  gentium  et  de  omni  semine 
Israël,  cui  prœparatum  est  in  Christo  regnum  œter- 
num  ante  constitutionem  mundi.  Ex  toto  enim  mundo 
totus  mundus  eligilur,  et  ex  omnibiis  hominibus  omnes 


homines  adoptantur.  Nec  potest  ullo  modo  per  infide- 
litalem  atque  inobedientiam  multorum,  Dei  promissio 
vacillare,  dicentis  ad  Abraham  :  In  semine  tuo  be- 
nedicentur  omnes  gentes.  Quod  autem  promisit  Deus, 
potens  est  et  facere  :  ut  et  qui  salvantur,  ideo  salui 
sint,  quia  il/os  volait  Deus  salvos  fieri,  et  quipereunt, 
ideo  perennt,  quia  perire  meruerunl.  Prosper,  Sentent. 
8,  pag.  221. 


298 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


IV. 


Des  Béponses  à  Vincent. 

Vincr°°"  I       ^l-  Le  zèle  que  saint  Prosper  avait  fait  pa- 

qudie  icca-   faître  dans  la  défense  de  la  doctrine  de  saint 

prosp,i.ra.    Augustin  contre  les  prêtres  gaulois,  leur  fut 

fil.    m    resp.  ,  i       i>     .,  ,     .  . 

nd    viucen-   uuc  occasiou  de  1  attaquer  lui-même  person- 

tmm,  p.  227.  t  ,  i,  ,    ~,t- 

nellement.  L  un  d  eux,  nomme  Vmcent,  ou- 
bliant ce  qu'il  devait  à  la  charité  chrétienne 
et  fraternelle,  et  ne  prenant  pas  garde  qu'il 
ruinait  sa  propre  réputation  en  voulant  bles- 
ser celle  des  autres,  fit  une  liste  de  seize 
propositions  insoutenables,  qu'il  débita  en 
public  et  en  particulier  comme  les  véritables 
sentiments  de  saint  Pi'osper.  Le  saint  pou- 
vait couvrir  de  confusion  son  adversaire,  en 
disant  anathème  aux  propositions  qu'il  l'ac- 
cusait de  soutenir;  mais  craignant  qu'il  ne 
chicanât  sur  une  réponse  si  courte,  il  en  fit 
une  plus  étendue,  faisant  voir  sur  chaque 
proposition  quels  étaient  ses  véritables  sen- 
timents, afin  que  s'il  ne  pouvait  faire  taire 
son  calomniateur,  les  lecteurs  vissent  du 
moins  combien  ses  calomnies  étaient  punis- 
sables. On  ne  trouve  rien  dans  cet  écrit  qui 
puisse  en  fixer  l'époque.  Quelques-uns 
croient  que  saint  Prosper  le  composa  depuis 
que  saint  Célestin  eut  écrit  en  sa  faveur  aux 
évèques  des  Gaules,  sur  ce  qu'il  y  dit  qu'il 
défendait  la  grâce  par  l'autorité  du  siège 
apostolique;  mais  cette  preuve  n'est  pas  so- 
lide. Saint  Prosper  cite  également  l'autorité 
de  l'Eglise  romaine  dans  sa  lettre  à  Rufin  et 
dans  son  poème  contre  les  Ingrats.  Si  le  pape 
saint  Célestin  l'eût  chargé  d'écrire  pour  la 
défense  de  la  grâce,  il  n'eût  pas  manqué  de 
le  dire  en  termes  formels.  Il  vaut  donc  mieux 
avouer  qu'on  ne  sait  en  quel  temps  il  répon- 
dit à  Vincent.  Nous  avouerons  de  même  que 
nous  ne  savons  qui  était  ce  Vincent,  que 
quelques-uns  ont  confondu,  sans  en  donner 
de  preuves,  avec  Vincent  de  Lérins.  Gen- 
nade  parle  d'un  Vincent,  prêtre  et  gaulois; 
on  croit  que  c'est  le  même  qui  assista  en  439 
au  concile  de  Riez,  au  nom  de  Constantin, 
et  que  c'est  ce  Vincent  qui  répandit  les  seize 
propositions  réfutées  par  saint  Prosper. 
Objection  1,       g.  La  Première  est  conçue  en  ces  termes  : 

pag.  230.  '^  ' 


«  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  n'a  -pas  souf- 
fert pour  le  salut  et  la  rédemption  de  tous 
les  hommes.  »  Saint  Prosper  répond  qu'il  est 
vrai  de  dire  que  Jésus-Christ  est  mort  pour 
tous  les  hommes,  puisqu'il  a  pris  une  nature 
commune  à  tous  les  hommes,  qu'il  s'est  of- 
fert pour  la  cause  de  tous  les  hommes,  et 
que  son  sang  est  d'un  prix  suffisant  pour  les 
racheter  tous;  que  tous  néanmoins  n'ont  pas 
de  part  à  cette  rédemption ,  mais  ceux-là 
seulement  qui,  régénérés  par  la  grâce  du 
baptême,  sont  devenus  les  membres  de  Jé- 
sus-Christ. La  mort  de  Jésus-Christ  est  un 
breuvage  d'immortalité  et  de  salut,  qui  a 
assez  de  force  pour  rendre  la  sanlé  à  tous 
les  hommes;  mais  s'il  n'est  pas  pris,  il  n'est 
point  remède. 

3.  La  seconde  proposition  porte  que  Dieu 
ne  veut  pas  sauver  tous  les  hommes,  quand 
même  ils  voudraient  être  sauvés.  Saint  Pros- 
per répond  que  l'on  doit  croire  sincèrement 
et  dire  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés,  puisque  l'apôtre  veut  que  l'on 
prie  dans  toutes  les  Eglises  pour  tous  les 
hommes,  quoiqu'il  y  en  ait  qui  ne  soient  pas 
sauvés,  pour  des  raisons  qui  ne  sont  connues 
que  de  Dieu  seul;  que  ceux  qui  périssent, 
périssent  par  leur  faute,  et  que  ceux  qui 
sont  sauvés  le  sont  par  la  grâce  de  Dieu. 

4.  Vincent  objectait  en  troisième  lieu  que 
Dieu  crée  la  plus  grande  partie  du  genre  hu- 
main pour  la  perdre  éternellement.  «La  nais- 
sance '  des  hommes,  répond  saint  Prosper, 
est  un  bienfait  du  Créateur  ;  leur  perte  est  la 
peine  de  leurs  crimes.  Tous  ont  péché  dans 
Adam,  en  qui  la  nature  humaine  a  premiè- 
rement été  formée ,  et  ils  ont  tous  été  enve- 
loppés dans  la  même  sentence  dont  tout  son 
péché  a  été  suivi.  Le  lien  qui  les  lie  tous, 
quoiqu'ils  n'aient  point  de  péchés  propres, 
ne  peut  être  rompu,  s'ils  ne  renaissent  par 
le  Saint-Esprit  dans  le  sacrement  de  la  mort 
et  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ,  c'est-à- 
dire  dans  le  baptême.  Il  y  a  donc  de  l'im- 
piété et  de  l'ignorance  de  ne  pas  distin- 
guer le  vice  de  la  nature  de  l'auteur  même 
de  la  nature.  II  crée  les  hommes,  non  pour 
être  damnés,  mais  pour  être   hommes,  ne 


objection  2, 


P'ig. 


231. 


3,  p^g.  23t. 


1  Ut  nascantur  homines  Conditnris  est  heneficium, 
ut  auteni  pereant  prœvaricaioris  est  meiitum  ,  in 
Adam  :  quippe  in  quo  omnium  hominum  prœformata 
natura  est,  omnes  peccaveruni  .  eademque  sententia, 
quam  ille  excepit,  obstricti  suni.  Neque  ab   hoc  vin- 


culo,  eliamsi  propriis  peccafis  careant,  resolvuntur, 
nisi  in  sacramento  mortis  et  resurrectionis  Christiper 
Spiritum  Sanctum  renascantur.  Prosper,  ad  Object.  3 
Vincent.,  pag.  231. 


[y   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII. 


SAINT  PROSPER. 


299 


refusant  point  son  concours  pour  la  mul- 
tiplication du  genre  humain  ;  mais  il  récom- 
pense dans  plusieurs,  selon  le  conseil  de  sa 
bonne  volonté,  le  bien  qu'il  a  fait  en  eux, 
et  il  punit  dans  les  autres  le  mal  qu'il  n'y  a 
pas  fait. 
ps^S'.""'"  3.  La  quatrième  objection  est  que  la  plus 
grande  partie  du  genre  humain  est  créée 
de  Dieu,  non  pour  faire  la  volonté  de  Dieu, 
mais  celle  du  diable.  Saint  Prosper  répond 
que  la  prévarication  des  hommes  n'a  point 
été  capable  de  troubler  l'ordre  de  la  créa- 
tion, et  que  la  créature  pécheresse  est  sou- 
mise avec  justice  à  la  domination  de  celui 
auquel  elle  s'est  rendue  volontairement  en 
abandonnant  son  véritable  Seigneur;  que 
cette  servitude  n'est  point  de  l'institution  de 
Dieu,  mais  la  peine  du  péché  de  l'homme, 
dont  aucun  n'est  délivré  que  par  le  média- 
teur de  Dieu  et  des  hommes,  Jésus-Christ, 
dont  la  grâce  toute  gratuite  n'est  pas  donnée 
à  plusieurs  à  cause  de  leurs  péchés,  et  qui 
est  donnée  à  d'autres  quoiqu'ils  ne  l'aient 
pas  méritée.  Il  dit  qu'encore  qu'il  soit  vrai 
que  tous  les  hommes  aient  péri  en  Adam, 
ce  n'est  pas  une  suite  que  Dieu  crée  un  cha- 
cun d'eux,  pour  faire  la  volonté  du  diable  ; 
mais  qu'on  doit  reconnaître  que  tout  homme 
qui  n'est  point  racheté  est  captif  du  démon, 
à  cause  de  la  prévarication  du  premier 
homme. 
B.p.f  233.  6.  Dans  la  cinquième  objection,  Vincent 
disait  que  Dieu  est  auteur  de  nos  péchés, 
puisqu'il  l'est  de  notre  mauvaise  volonté,  et 
qu'il  a  créé,  en  nous  donnant  l'être,  une  na- 
ture qui,  par  son  mouvement  naturel,  ne 
peut  faire  autre  chose  que  pécher.  Saint 
Prosper  répond  que  Dieu  n'est  auteur  d'au- 
cun péché,  mais  créateur  d'une  nature  qui, 
ayant  la  puissance  de  ne  point  pécher,  a  pé- 
ché volontairement  et  s'est  assujettie  de  sa 
propre  volonté  à  celui  qui  l'a  trompé  ;  que 
ce  n'est  donc  pas  par  un  mouvement  naturel, 
mais  par  une  suite  de  sa  servitude  qu'elle  vit 
dans  le  vice,  jusqu'à  ce  qu'elle  meure  au  pé- 
ché et  qu'elle  vive  pour  Dieu  :  ce  qui  ne 
peut  se  faire  sans  la  grâce  de  Dieu,  parce 
qu'elle  ne  peut  recouvrer  que  par  Jésus- 
Christ,  son  libérateur,  la  liberté  qu'elle  a 
perdue  librement. 
6,paB.233.  7-  H  Bst  dit  daus  le  sixième  que  Dieu  crée 
dans  les  hommes  un  libre  arbitre  tel  qu'est 
celui  des  démons,  qui,  de  son  propre  mou- 
vement, ne  veut  ni  ne  peut  vouloir  que  le 
mal.  Cette  objection  contient  deux  parties  : 


l'une,  que  le  libre  arbitre  laissé  à  lui-même 
ne  peut  que  pécher;  et  l'autre,  que  c'est 
Dieu  qui  l'a  rendu  tel.  Saint  Prosper  de- 
meure d'accord  de  la  première,  mais  il  nie 
la  seconde,  et  dit  qu'il  y  a  cette  différence 
entre  la  malice  des  hommes  et  celle  des  dé- 
mons, que  les  hommes,  quelque  perdus 
qu'ils  puissent  être,  peuvent  encore  être  ré- 
conciliés avec  Dieu  s'il  leur  fait  miséricorde; 
au  lieu  que  les  démons  ne  peuvent  jamais  se 
convertir,  et  que  comme  ce  n'est  point  Dieu 
qui  a  donné  aux  anges  rebelles  cette  volonté 
orgueilleuse  par  laquelle  ils  ont  abandonné 
la  vérité,  il  n'a  point  non  plus  inspiré  aux 
hommes  cette  affection  vicieuse  et  corrom- 
pue par  laquelle  ils  imitent  les  démons. 

8.  Les  quatre  obiections  suivantes  roulent      objections 
sur  la  même  matière,  savou-,  que  Dieu  ne   pas. 234, 
veut  pas  le  salut  de  la  plus  grande  partie 

des  hommes,  ni  même  que  la  plupart  aient 
la  volonté  d'être  sauvés.  Saint  Prosper  ré- 
pond que  ceux-là  ne  peuvent  être  sauvés 
qui  ne  veulent  pas  l'être  ;  mais  que  ce  n'est 
point  Dieu  qui  fait  qu'ils  ne  le  veulent  pas, 
puisqu'au  contraire  c'est  lui  qui,  selon  le 
Psalmiste,  relève  ceux  qui  tombent,  et  qu'il 
n'abandonne  personne  dont  il  n'ait  été  aban- 
donné auparavant;  que  la  prédestination  de 
Dieu  ne  concourt  en  aucune  manière  à  la 
chute  des  pécheurs,  et  que  si  les  hommes 
péchaient  par  la  volonté  de  Dieu,  il  n'y  au- 
rait point  de  jugement  où  ils  dussent  rendre 
compte  de  leurs  actions,  et  que  tout  ce  que 
l'on  -peut  rapporter  à  la  prédestination  re- 
garde ,  ou  la  rétribution  de  la  justice,  ou  la 
collation  gratuite  de  la  grâce. 

9.  La  prédestination  fait  encore  le  sujet  ,5.  n,  ,4, 
des  autres  objections  de  Vincent.  Elles  se  â."'  '"^' 
réduisent  à  dire  que  si  Dieu  a  prédestiné  les 

uns  au  salut  et  les  autres  à  la  damnation, 
cette  prédestination  est  la  cause  de  tout  le 
mal  que  fout  les  pécheurs,  et  de  ce  que  tous 
les  hommes  qui  sont  p-édestinés  pour  la 
damnation ,  ne  peuvent  l'éviter  quoi  qu'ils 
fassent.  La  réponse  de  saint  Prosper  est,  que 
la  prédestination  de  Dieu  n'est  cause  de  la 
chute  de  personne,  et  qu'elle  est  au  con- 
traire la  cause  de  la  persévérance  de  plu- 
sieurs; que,  quoique  Dieu  sache  de  toute 
éternité  ce  qu'il  doit  rendre  au  mérite  d'un 
chacun,  cette  connaissance  ne  met  personne 
dans  la  nécessité  ou  dans  la  volonté  de  pé- 
cher; que  ceux  qui  abandonnent  la  justice, 
se  jettent  dans  le  précipice  par  leur  propre 
libre  arbitre;  que  ceux  qui  vivent  dans  la 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Pourquoi 
saint  Augus- 


300 

piété  et  qui  y  persévèrent,  le  font  par  le  se- 
cours de  la  grâce  de  Dieu;  que  comme  il 
n'est  pas  possible  '  de  savoir  pourquoi  il  ac- 
corde à  Tun  la  persévérance  tandis  qu'il  la 
refuse  à  l'autre,  il  n'est  pas  permis  non  plus 
de  le  rechercher,  puisqu'il  suffit  de  savoir 
que  c'est  de  lui  que  l'on  tient  la  persévé- 
rance et  qu'il  n'est  point  la  cause  de  ce  que 
l'on  tombe.  «  Dieu  ^,  ajoute  ce  Père,  n'ôte  à 
personne  le  moj'en  de  se  corriger,  et  il  ne 
dépouille  personne  de  la  possibilité  de  faire 
le  bien.  Celui  qui  s'éloigne  de  Dieu,  s'ôte  à 
lui-même  le  vouloir  du  bien  et  le  pouvoir  de 
le  faire.  Ce  n'est  donc  pas  une  conséquence 
que  parce  que  Dieu  ne  donne  pas  à  quel- 
ques-uns la  pénitence,  il  leur  ôte  aussi  le  dé- 
sir de  la  faire,  ni  qu'il  terrasse  ceux  qu'il  ne 
relève  pas.  Il  y  a  bien  de  la  différence  entre 
pousser  un  innocent  à  faire  le  crime,  ce  qui 
est  éloigné  de  Dieu,  et  entre  ne  pas  donner 
à  un  coupable  la  peine  qu'il  mérite  par  son 
péché.  »  Saint  Prosper  fait  voir  que  lorsque 
ceux  qui  ne  sont  pas  du  nombre  des  pré- 
destinés, disent  dans  l'Oraison  Dominicale  : 
Que  votre  volonté  soit  faite,  ils  ne  demandent 
pas  à  Dieu  de  les  laisser  tomber  et  périr 
éternellement,  comme  le  disait  Vincent  ; 
mais  que  sa  volonté  à  l'égard  des  bons  et 
des  méchants  soit  accomplie,  en  sorte  que 
chacun  soit  jugé  suivant  ses  mérites. 

§  V. 
Des  Réponses  aux  prêtres  de  Gênes. 

\ .  Ce  fut  aussi  après  la  mort  de  saint  Au- 
gustin que  deux  prêtres  de  la  ville  de  Gênes 
en  Italie,  l'un  nommé  Camille,  l'autre  Théo- 
dore, envoyèrent  à  saint  Prosper  quelques 
propositions  tirées  du  livre  de  la  Prédestina- 
tion des  Saints  et  de  celui  de  la  Persévérance, 
pour  le  prier  de  leur  en  donner  le  vrai  sens, 
croyant  ne  le  pas  bien  prendre  eux-mêmes. 
Il  paraît  dans  leurs  demandes  autant  de  bonne 
foi  que  d'humilité;  saint  Prosper  n'en  fait 
pas  moins  paraître  dans  l'éclaircissement 
qu'il  leur  donne  sur  les  difficultés  propo- 
sées. 

2.  Il  leur  fait  d'abord  remarquer  que  les 
trois  premières  propositions  n'avaient  d'obs- 
curité que  parce  qu'elles  étaient  détachées 

1  Cur  autem  illum  retineaf,  illum  non  reimeat,  nec 
possibite  est  comprehendere,  nec  licitum  investigare, 
cum  scire  su/pciat,  et  ab  illo  esse  quod  stat,  et  non 
ab  illo  esse  quod  ruitur.  Prospefj  ad  Object.  14  Vin- 
cent., pag.  238. 


tin  a  changé 
de  sentiment 
sur  la  grâce. 
Au  gusti  a, 
lib.  1  lie  Prae- 
destin,  cap.  m 
et  y. 


UCor.  iT,  7. 


du  corps  de  l'ouvrage,  et  que  pour  les  bien 
entendre,  il  fallait  faire  attention  à  ce  qui 
précède  et  à  ce  qui  suit.  II  dit  ensuite  qu'en 
ces  endroits  saint  Augustin  répond  à  ceux 
qui  lui  reprochaient  d'avoir  changé  de  sen- 
timent au  sujet  de  la  grâce;  que,  dans  les 
commencements  de  sa  conversion,  il  croyait 
que  la  foi,  par  laquelle  nous  sommes  chré- 
tiens ,  n'était  pas  un  don  de  Dieu ,  mais 
que  nous  l'avions  de  nous-mêmes  et  par  les 
forces  de  noire  libre  arbitre;  qu'ensuite  il 
avait  enseigné  que  la  foi  est  un  don  de  Dieu, 
et  que  c'est  d'elle  qu'il  est  dit  dans  saint 
Paul  :  Quavez-vous  que  vous  n'ayez  reçu?  Il  leur 
paraissait  que  saint  Augustin  pensait  mieux 
lorsqu'il  se  convertit ,  qu'il  ne  pensa  depuis, 
et  que  c'est  mal  à  propos  que ,  sur  la  fm  de 
ses  jours,  il  rapportait  à  la  prédestination 
de  Dieu  l'élection  de  Jacob ,  que  long- 
temps auparavant  il  regardait  comme  une 
suite  de  la  prescience.  «  C'est ,  dit  saint 
Prosper,  pour  répondre  à  cette  objection, 
que  saint  .\ugus1in  avoue ,  dans  son  livre 
de  la  Prédestination,  et  dans  le  second  de 
ses  Rétractations,  qu'il  avait  été  dans  l'er- 
reur au  sujet  de  la  grâce  avant  son  épisco- 
pat;  mais  que,  consulté  depuis  par  le  saint 
évêque  de  Milan,  Simplicien,  sur  l'élection 
de  Jacob  et  la  réprobation  d'Esaii,  il  avait 
examiné  cette  question  avec  beaucoup  de 
soin  et  d'exactitude,  et  reconnu  certainement 
que  l'élection  de  la  grâce  n'est  précédée 
d'aucun  mérite  humain,  et  que  la  foi,  qui  est 
le  principe  de  tous  les  mérites  est  un  don  de 
Dieu,  parce  qu'autrement  la  grâce  ne  serait 
plus  grâce,  si  elle  était  précédée  de  quelque 
action  en  vertu  de  laquelle  elle  fût  donnée.  » 
Pour  appuyer  cette  doctrine,  saint  Prosper 
fait  voir  qu'Adam,  par  son  péché,  a  perdu 
la  foi,  que  nous  l'avons  tous  perdue  en  lui, 
et  que  nous  ne  pouvons  la  recouvrer  que  par 
la  grâce. 

3.  Les  prêtres  de  Gênes  demandaient  en-  cestraou 
core  l'éclaircissement  de  ces  paroles  de  saint  ?o"r  les'  I7s, 
Augustin  :  «  C'est  à  la  liberté  et  à  la  volonté  pàs''vdL.°o1riK 

1       1.1  ,  .  .  •        autres,     pag. 

de  1  homme  a  croire  ou  ne  croire  pas  ;  mais  245.  Augusi. 
c'est  le  Seigneur  qui  prépare  la  volonté  dans  destin. cap. V. 
les  élus.  1)  A  ces  paroles  que  ces  deux  prê- 
tres citaient  du  livre   de  la  Prédestination, 
saint  Prosper  en  ajoute  beaucoup  d'autres 

"  Nemini   autem   Deus  correctionis  adimit   viam, 
nec  guemquam  boni  possibilitaie  dispoliat.    Quia   qui  , 

se  a  Deo  avertit,  ipse  et  velle  quod  bonum  est,  et 
passe  sibi  sustulit.  Prosper,  ad  Object.  15  Vincent., 
pag.  238. 


[V«  SIÈCLE.] 

qui  donnent  du  jour  à  la  pensée  de  saint  Au- 
gustin par  la  liaison  de  tout  son  discours. 
Après  quoi  il  dit  :  «  Un  homme  qui  a  de  la 
piété  et  qui  se  souvient  qu'il  est  catholique, 
Proverb.vi,  pcut-îl  être  blossé  de  ces  paroles  ?  Le  sage 

''  a-t-il  avancé  faux  lorsqu'il  nous  a  assuré  que 

c'est  par  le  Seigneur  que  notre  volonté  est 

Boui.Tiii.u.  préparée  ?  L'apôtre  nous  a-t-il  trompé  lors- 
qu'il nous  a  dit  que  les  enfants  de  Dieu  sont 
ceux  qui  sont  poussés  par  l'Esprit  de  Dieu  ? 
Est-ce  la  nature  qui  distingue  l'homme  d'a- 
vec l'homme,  ou  n'est-ce  pas  plutôt  la  grâce 
qui  distingue  le  fidèle  d'avec  l'infidèle?  Y  a- 
t-il  quelqu'un  qui  prétende  avoir  quelque 
chose  qu'il  n'ait  pas  reçu,  ou  qui  puisse  se 
glorifier  de  ce  qu'il  a  reçu,  comme  s'il  lui 
était  propre  et  lui  venait  de  lui-même^  étant 
ceitain  qu'il  n'aurait  jamais  ce  qu'il  a,  s'il  ne 
l'avait  reçu  de  Dieu?  Peut-on  douter  que 
lorsqu'on  prêche  l'Evangile,  les  uns  croient 
parce  qu'ils  veulent  croire  ,  et  les  autres  ne 
croient  pas  parce  qu'ils  ne  veulent  pas  croire? 
Mais  parce  qu'il  est  certain  que  Dieu  ouvre 
le  cœur  des  uns  et  qu'il  n'ouvre  pas  le  cœur 
des  autres,  on  doit  distinguer  en  ces  rencon- 
tres les  effets  de  la  miséricorde  de  Dieu  sur 
les  uns,  d'avec  les  effets  de  sa  justice  sur  les 
autres.  »  Saint  Prosper  fait  voir  que  saint 
Augustin  prouve  cette  doctrine  par  plusieurs 
passages  tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau 
Testament,  et  conclut  qu'on  ne  peut  la  re- 
jeter sans  donner  dans  l'hérésie  de  Pelage. 
Car  s'il  est  vrai ,  dit-il ,  comme  le  soutenait  cet 
ennemi  de  la  grâce  ,  que  les  hommes  méri- 
tent aussi  bien  les  dons  de  Dieu  comme  ils 
méritent  les  effets  de  sa  colère  et  de  sa  jus- 
tice, il  s'ensuit  visiblement  qu'on  peut  com- 
prendre ses  conseils  incompréhensibles,  et 
que  les  raisons  de  sa  volonté  divine  ne  sont 
point  cachées  ni  inconnues. 
Li  foi, dans       4.  Un  autre  endroit  du  livre  de  la  Prédes- 

«menieslun   tmatioïi,  qui  taisait  peme  aux  prêtres  de  be- 

iJoQ    de   Dieu  ,     .       .  t        ».    •      i 

romme  d;,ns  nes,  cst  celui-ci  :  «  La  foi,  dans  son  commen- 

sa  perfection,  /.        •  t  t  i 

pas.  211.       cément  et  dans  sa  perfection,  est  un  don  de 

Auguslir». 

lib.  idePrœ-  Dieu,  et  nul  ne  peut  douter  que  ce  donne 

destin,     cap,  ^  ^ 

soit  accordé  aux  uns  et  refusé  aux  autres,  à 
moins  qu'ils  ne  veulent  combattre  ouverte- 
ment les  paroles  claires  de  la  divine  Ecri- 
ture. 1)  Saint  Prosper  dit  que  parler  autre- 
ment que  fait  ici  saint  Augustin,  c'est  dire 
que  l'on  tient  de  soi-même  la  foi  par  laquelle 
on  est  justifié,  et  que  l'on  a  par  soi-même  et 
par  la  force  de  la  nature,  le  bien  dont  le 
juste  vit.  «  Or,  ajoute-t-il,  si  la  foi  n'est  pas 
un  don  de  Dieu,  c'est  en  vain  que  l'Eglise 


CHAPITRE  Xllc  —  SAINT  PROSPER, 


301 


destin 
vin 


prie  pour  ceux  qui  ne  croient  pas  afin  qu'ils 
croient  ;  et  il  suffit  d'employer  envers  les  in- 
fidèles l'instruction  de  la  loi,  dont  toutefois 
l'apôtre  dit  :  Si  la  loi  p7'oduit  la  justice,  c'est 
inutilement  que  Jésus-Christ  est  mort.  C'est  en- 
core en  vain  que  l'apôtre  rend  grâce  à  Dieu 
pour  ceux  qui  ont  reçu  l'Evangile,  puisque, 
selon  les  pélagiens,  la  foi  par  laquelle  ils 
l'ont  reçu  n'est  pas  l'effet  du  don  et  de  la 
grâce  de  Dieu  en  eux,  mais  l'ouvrage  de  la 
seule  volonté  de  l'homme.  Enfin,  c'est  en 
vain  que  le  même  apôtre  souhaite  à  quel- 
ques-uns des  fidèles  que  Dieu  leur  donne 
sa  paix  et  son  amour  avec  la  foi.  11  faudra 
encore  conclure,  dans  le  principe  des  enne- 
mis de  la  grâce,  que  la  paix  et  la  charité  ne 
sont  pas  un  don  de  Dieu,  puisqu'ils  le  disent 
de  la  foi,  qui,  selon  saint  Paul,  n'est  pas  moins 
un  don  de  Dieu  que  les  deux  autres.  Ainsi 
on  ne  peut  combattre  ces  paroles  de  saint 
Augustin  :  «  La  foi,  dans  son  commence- 
ment et  dans  sa  perfection,  est  un  don  de 
Dieu.  »  Autrement  il  faudrait  condamner 
aussi  cet  endroit  de  l'épître  aux  Ephésiens  : 
Vous  avez  été  sauvés  par  la  foi,  et  cela  ne  vient  Ephes.  u,  s. 
j>as  de  vous;  c'est  un  don  de  Dieu,  qui  n'est  pas 
mérité  par  les  œuvres,  afin  que  personne  ne  s'é- 
lève dans  soi-même.  Quanta  ce  qu'ajoute  saint 
Augustin,  que  la  foi  est  donnée  aux  uns  et 
refusée  aux  autres,  c'est  une  vérité  que  l'on 
ne  peut  contester,  puisqu'il  est  visible  qu'il  y 
en  a  qui  croient,  d'autres  qui  ne  croient  pas, 
et  que,  selon  l'apôtre,  la  foi  n'est  pas  commune  i  xiiess. 
à  tous  :  d'où  il  suit  que  comme  tous  ceux  qui 
ont  la  foi,  l'ont  reçue  de  Dieu,  tous  ceux 
aussi  qui  ne  l'ont  pas  ne  l'ont  point  reçue.  » 

5.  Saint  Augustin  dit  encore  dans  son hvre       ^a  grsca 
de  la  Prédestination,  que  tous  les  hommes   S-ïT'tllû"; 
ayant  été  précipités  par  le  péché  d'un  seul  ''"^iuMstin. 
dans  une  condamnation  très-juste,  nul  ne   d'esii'n.'ra^ 
pourrait  se  plaindre  avec  justice  de  Dieu, 
quand  même  il  ne  délivrerait  aucun  homme 
de  cette  ruine  générale  de  la  nature;  que  ' 
c'est  donc  par  une  grâce  que  Dieu  en  délivre 
plusieurs  qui  reconnaissent  la  peine  qui  leur 
était  due  par  l'état  misérabh    de  ceux  qui 
n'en  sont  point  délivrés,  et  que  si  l'on  de- 
mande pourquoi  Dieu  délivre  l'un  et  ne  dé- 
livre pas  l'autre,  on  doit  répondre  avec  saint 
Paul  que  c'est  en  cela,  proprement,  que  ses 
jugements  sont  impénétrables.  Saint  Pros- 
per  confirme    celte   doctrine    en   montrant 
que  si  la  grâce  était  donnée  à  tout  le  monde, 
les  jugements  de  Dieu,  à  l'égard  du  choix  des 
élus,  ne  seraient  point  impénétrables,  et  que 


302 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'homme  aurait  lieu  de  se  glorifier  dans  lui- 
même,  et  non  pas  dans  le  Seigneur,  s'étant 
renda  digne  par  ses  mérites  que  Dieu  le 
choisit ,  comme  les  autres  ont  mérité  par 
leur  propre  faute  de  périr  éternellement, 
(i  Mais  à  Dieu  ne  plaise,  ajoute-t-il,  qu'il 
nous  vienne  jamais  à  la  pensée  qu'aucun 
homme  mérite  par  soi-même  d'être  délivi'é 
de  la  puissance  des  ténèbres  pour  passer  en- 
suite dans  le  royaume  du  Fils  de  Dieu,  par 
une  adoption  qui  ne  soit  pas  tant  une  misé- 
ricorde gratuite  qu'une  récompense  qu'il  ait 
méritée.  Adam  '  s'est  perdu  par  le  grand 
crime  qu'il  a  commis,  et  avec  lui  tous  les 
hommes  se  sont  perdus.  Il  n'y  en  a  aucun 
qui,  ayant  été  conçu  dans  le  péché,  n'ait 
mérité  en  Adam  d'être  condamné  et  de  pé- 
rir; et  comme  nous  ne  pouvons  nous  plain- 
dre de  ce  que  dans  les  siècles  passés  Dieu, 
abandonnaut  toutes  les  nations  du  monde, 
les  a  laissées  marcher  selon  leurs  désirs,  aussi 
il  ne  nous  resterait  aucun  sujet  d'une  plainte 
légitime,  si  la  grâce  n'étant  point  encore 
donnée  non  plus  qu'alors,  Dieu  nous  laissait 
périr  avec  tous  ces  peuples  avec  qui  nous 
avons  une  cause  commune,  étant,  comme 
eux,  sortis  d'une  race  corrompue.  Mais  c'est 
le  bonheur  de  ces  derniers  temps,  qu'au  lieu 
que  la  grâce  ne  sauvait  autrefois  que  peu 
d'hommes  de  tous  ceux  qui  étaient  répandus 
dans  le  monde,  elle  en  sauve  maintenant  un 
nombre  innombrable,  non  par  le  mérite  de 
nos  œuvres,  mais  par  le  décret  de  Dieu  et 
par  la  grâce  qui  nous  a  été  donnée  en  Jésus- 
Christ  avant  tous  les  siècles,  n 
commeci  6.  Lcs  prêtrcs  de  Gênes  n'entendaient  pas 
fmi  la  volonté  commcnt  saint  Augustin  avait  dit  que  les 
m.""''''^'  méchants,  en  faisant  contre  la  volonté  de 
lib.'idef'rai-    Dieu  ne  laissaient  pas  de  l'accomplir  quel- 

desLio.     cap.  ■*-  '• 

XVI.  queiois.  Samt  Prosper  le  leiir  fait  compren- 

dre par  l'endroit  du  livre  des  Actes  cité  par 
saint  Augustin,  où  nous  lisons  que  Pilate, 
Hérode,  avec  les  gentils  et  le  peuple  d'Israël, 
s'unirent  ensemble  contre  Jésus-Christ  pour 
Aci.  IV,  26.  faire  ce  que  la  puissance  de  Dieu  et  son  conseil 
avaient  ordonné  devoir  être  fait  :  d'où  il  paraît 
que  Dieu  se  sert  de  la  malice  des  pécheurs 
pour  accomplir  ses  desseins,  et  qu'en  faisant 


contre  sa  volonté,  ils  ne  laissent  pas  quel- 
quefois de  l'accomplir.  Mais  Dieu  les  arrête 
souvent  dans  leurs  desseins,  en  ne  leur  en 
laissant  l'exécution  qu'autant  qu'elle  peut 
être  utile  à  ses  saints,  soit  pour  les  punir  de 
quelque  faute,  soit  pour  les  éprouver. 

7.  L'endroit  du  livre  du  Bon  de  la  persévé-  ceq 
rance,  dont  Camille  et  Théodore  demandaient  i>n»i"> 
l'explication ,  est  tiré  du  chapitre  xiv^,  où 
saint  Augustin  dit  que  la  prédestination  des 
saints  n'est  autre  chose  que  cette  connais- 
sance éternelle  et  cette  préparation  des  grâ- 
ces de  Dieu  qui  opèrent  très -certainement 
le  salut  de  tous  ceux  qui  sont  sauvés;  qu'à 
l'égard  des  autres,  on  n'en  peut  dire  autre 
chose,  sinon  qu'ils  sont  laissés  dans  la  masse 
de  perdition,  par  un  juste  jugement  de  Dieu, 
comme  ceux  de  Tyr  et  de  Sidon,  qui  eussent 
cru  s'ils  eussent  vu  les  miracles  de  Jésus- 
Christ.  Saint  Prosper  dit  que  de  penser  au- 
trement, c'est  dire  que  la  foi  n'est  point  un 
don  de  Dieu,  qu'elle  suit  notre  libre  arbitre 
et  ne  le  prévient  pas,  et  que  la  grâce  de  Dieu 
nous  est  donnée  selon  nos  mérites.  Il  appuie 
la  doctrine  de  saint  Augustin  par  divers  pas- 
sages de  l'Ecriture,  entre  autres  par  celui  du 
psaume  où  nous  lisons  que  si  Dieu  ne  bâtit  p^^|_^ 
la  maison,  le  travail  de  ceux  qui  la  bâtissent 
est  vain  et  inutile.  Il  l'appuie  encore  par  ce 
qui  est  dit  dans  l'Evangile,  que  ceux  de  Tyr 
et  de  Sidon  auraient  cru  s'ils  avaient  vu  les 
miracles  de  Jésus-Christ.  «Car,  dit-il,  que  pou- 
vons-nous dire  d'eux,  sinon  qu'il  ne  leur  a  pas 
été  donné  de  croire,  et  qu'en  conséquence, 
ce  qui  aurait  pu  les  faire  croire  leur  a  été 
refusé?  C'est  à  ceux  qui  sont  dans  une  doc- 
trine contraire  à  celle  de  la  prédestination 
gratuite,  de  rendre  raison  de  ce  refus  et  de 
montrer  pourquoi  le  Seigneur  a  fait  des  mi- 
racles chez  ceux-là  mêmes  à  qui  ils  ne  doi- 
vent pas  profiter,  et  pourquoi  il  n'en  a  point 
fait  parmi  les  peuples  qui  auraient  pu  en 
profiter.  Pour  nous,  ajoute  ce  Père,  encore 
que  nous  ne  puissions  pénétrer  la  raison  de 
la  conduite  de  Dieu,  ni  la  profondeur  de  ses 
jugements,  nous  savons  certainement  que 
ce  qu'il  a  dit  est  vrai,  et  que  ce  qu'il  a  fait 
est  juste,  et  que  non-seulement  ceux  de  Tyr 


ue  c'est 
prédes- 
0,  pas- 


'  Magno  peccato  periit  Adam,  et  in  illo  omnes  pe- 
rlerunt.  Quia  nmni  homini  damnata  nativitate  genito, 
hoc  in  Adam  debelur  ut  pereat,  et  sicut  non  possumus 
conqueri  de  eo  quod  in  prœteritis  sœculis  dimisit  om- 
nes gentes  ingredi  vias  suas;  iia  justam  non  habere- 
mus  qucrelam,  si  cum  eis,  cum  quitus  nobis  fuit  causa 
communis,  cessante  adhuc  gratta,  periremus.  Quœ  ta- 


men  sicut  tune  de  omni  mundo  eruit  paucos  ;  ita  nunc 
de  universo  génère  hominum  salvat  innumeros;  non 
secundum  opéra  nosira,  sed  secundum  suum  proposi- 
tum  et  gratiam  quœ  data  est  nobis  in  Christo  Jesu, 
ante  tempora  œierna.  Prosper,  Hesp.  ad  Genuenses, 
pag.  249. 


[V^^   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


303 


et  de  Sidon,  mais  encore  ceux  de  Corozaïn 
et  de  Bethsaïde  auraient  pu  se  convertir,  si 
Dieu  avait  voulu  leur  en  accorder  la  grâce. 
Car  personne  ne  peut  révoquer  en  doute  ce 
que  la  Vérité  dit  :  Qu'aucun  ne  peut  venir  à 
moi,  s'il  ne  lui  est  donné  par  mon  Père.  C'est 
lui  qui,  selon  l'apôtre,  fait  tout  en  tout,  et 
s'il  ne  nous  avait  donné  l'esprit  de  la  foi,  de 
constance,  de  continence,  de  cliarité,  de  sa- 
gesse, d'intelligence,  de  conseil,  de  force, 
de  science,  de  piété  et  de  la  crainte  de  son 
saint  nom,  il  est  indubitable  que  nous  n'au- 
rions pas  eu  par  nous  nous-mêmes  tous  ces 
grands  biens,  et  qu'étant  joints  à  ceux  qui 
n'ont  pas  connu  le  Seigneur,  ou  qui  le  con- 
naissant, ne  l'ont  pas  glorifié  comme  Dieu, 
nous  serions  encore  ensevelis  dans  les  ténè- 
bres de  la  mort,  sans  pouvoir  trouver  ni  au- 
cun secours  dans  notre  nature,  ni  aucune 
excuse  dans  notre  ignorance,  ni  aucun  sujet 
de  plainte  dans  notre  supplice. 
riche?"  ""ï-  ^'  ^^  second  passage  que  les  prêtres  de 
prSini'"  Gênes  avaient  tiré  du  livre  du  Bon  de  la  per- 
tion,pag.2S3.  sévérance,  renfermait  les  inconvénients  que 
les  semi-pélagiens  trouvaient  dans  la  doc- 
trine de  la  prédestination,  si  on  l'enseignait 
publiquement  dans  les  églises.  Saint  Prosper 
fait  voir  que  ce  n'est  point  saint  Augustin 
qui  parle  en  cet  endroit,  mais  que  c'est  une 
objection  qu'il  se  fait  de  la  part  des  semi- 
pélagiens,  et  qu'il  y  répond  fort  au  long 
dans  le  même  livre  ,  voulant  toutefois  qu'on 
prêchât  au  peuple  la  prédestination  avec 
beaucoup  de  discrétion,  de  peur  de  la  rendre 
odieuse. 

•   §  VI. 

Du  Livre  de  la  grâce  de  Dieu  et  du  libre  arbi- 
tre, contre  le  Collateur  ou  V Auteur  des  Con- 
férences. 

Cet  écrit  a  1 .  Ou  uo  pcut  mettre  plus  tôt  qu'on  432 
wsrâ^E  le  livre  de  saint  Prosper  contre  l'Auteur  des 
Conférences,  puisque  dans  le  chapitre  xx=  il 
remarque  '  que  le  pape  Célestin  était  mort, 
et  que  Sixte  lui  avait  succédé;  ce  qui  n'ar- 
riva qu'en  cette  année-là.  Il  semble  -  toute- 
fois, dans  le  commencement  de  son  ouvrage, 
dire  que  saint  Augustin  vivait  encore,  ce  qui 
obligerait  à  le  mettre  en  430,  au  plus  tard. 


Pour  concilier  ces  deux  endroits,  quelques- 
uns  ont  cru  qu'il  fallait  dire  que  saint  Pros- 
per avait  écrit  contre  le  Collateur  dès  l'an- 
née 430,  auquel  effectivement  ses  Conférences 
étaient  rendues  publiques;  mais  que  pour 
certaines  raisons  que  nous  ne  savons  pas,  il 
avait  supprimé  sa  réponse  jusqu'en  432,  et 
qu'il  y  avait  ajouté  les  deux  derniers  chapi- 
tres où  il  parle  de  la  mort  de  saint  Célestin 
et  de  l'élévation  de  saint  Sixte  au  pontificat. 
Mais  ces  deux  derniers  chapitres  ont  une  si 
grande  liaison  avec  les  précédents,  qu'on 
doit  moins  les  regarder  comme  une  addition 
faite  à  un  ouvrage  déjà  achevé,  qu'une  suite 
nécessaire.  D'ailleurs,  en  disant  dans  le  pre- 
mier que  l'Eglise  combattait  depuis  plus  de 
vingt  ans  contre  les  pélagiens  sous  la  con- 
duite de  saint  Augustin,  cela  ne  veut  pas  dire 
absolument  que  ce  saint  docteur  vécût  en- 
core, mais  seulement  que  l'Eglise  se  servait 
de  ses  écrits  même  après  sa  mort,  pour  com- 
battre les  pélagiens.  Ce  qui  fait  croire  que 
c'est  là  le  sens  des  paroles  de  saint  Prosper, 
c'est  qu'au  même  endroit  il  appelle  saint 
Augustin  de  sainte  mémoire  ^  .'terme  qui  mar- 
que que  ce  saint  évêque  était  mort  alors. 

2.  Ceux  que  saint  Prosper  combat  dans  cet     Q„eii6ena 
ouvrage  n'étaient  pas  du  nombre  des  pela-  *"''''"™'°"- 
giens.  Depuis  plus  de  vingt  ans  que  l'Eglise 
catholique  avait  attaqué  ceux  de  cette  secte, 
elle  n'avait  cessé  de  les  vaincre,  de  façon  qu'il 
ne  leur  était  pas  permis  de  respirer.  Pour  les     pro.p.  con- 
exterminer  entièrement,  elle  les  avait  frappés  rem,  ra"."'",' 
d'anathème,  signé  de  la  main  de  tous  les  évê-  Ht  ^"'  " 
ques,  les  avait  déposés  de  l'épiscopat,  chas- 
sés de  sa  communion  et  bannis  de  l'Eglise 
comme  indignes  de  demeurer  au  nombre  de 
ses  enfants.  Il  y  attaque  certaines  personnes 
qui  participaient  à  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
qui  sont  encore  comme  nous,  dit-il,  les  mem- 
bres de  son  corps,  mais  qui  osent  s'élever 
contre  la  même  main  et  les  mêmes  armes 
qui  ont  soutenu  la  foi  qui  leur  est  commune 
avec  noLis,  et  qui  veulent  recommencer  une 
guerre  déjà  terminée,  et  affaiblir  autant  qu'il 
était  en  eux  les  principaux  remparts  de  l'E- 
glise, à  l'ombre  desquels  elle  jouissait  d'une 
paix  profonde.  Comme  la  plupart  d'entre  eux 
étaient  recommandables  par  leur  esprit  et 


1  Quod  ne  hypocrilarum  obtinentur  insiiHis,  confi- 
dimus  Domini  protectione  prœstandum,  ul  quod  ope- 
ratus  est  in  Innocentio,  Zosimo,  Bonifacio,  Cœlestino, 
operetur  in  Christo.  Prosper,  lib.  contra  Collât., 
cap.  31,  pag.  365. 

^  Viginti  et  eo  amplius  anni  sunt  quod  contra  ini- 


micos  gratiœ   Dei  catholica  actes,   hujus   viri  ductu 
pugnat  et  vincit.  Prosper,  ibid.,  cap.  ï,  pag.  309. 

3  Gratiam  Dei  qua  cliristiani  sumus,  quidam  di- 
cere  audent  a  sanctœ  memoriœ  Augustino  episcopo  non 
recte  esse  defensam.  Ibid.,  pag.  307. 


304 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'ils  faisaient  paraître  beaucoup  de  piété 
dans  leurs  mœurs,  ils  attiraient  à  leur  parti 
plusieurs  de   ceux  qui  n'étaient  point  ins- 
truits de  ces  matières,  et  jetaient  le  trouble 
dans  les  âmes  incapables  de  discerner  le  faux 
^Cap.ii.pag.   d'avec  le  vrai.  Saint  Prosper,  pour  les  vaincre 
plus  sûrement,  choisit  le  plus  habile  d'entre 
eux,  qui ,  ayant  déclaré  leur  doctrine  dans  un 
écrit  public,  ne  pouvait  être  désavoué.  Il  ne 
le  nomme  point,  se  contentant  d'intituler  son 
ouvrage,  contre  le  Collateur,  c'est-à-dire  con- 
tre l'Auteur  des  Conférences,  qu'on  sait  être 
Cassien,  qui  vivait  encore.  Dans  la  treizième 
de  ses  Conférences,  il  enseigne  que  le  com- 
mencement de  la  bonne  volonté  et  de  la  foi 
vient  quelquefois  de  Dieu,  et  quelquefois  de 
l'homme  ;  que   l'on   doit  reconnaître   dans 
nous  des  semences  de  vertus  ;  que  le  libre 
arbitre   peut   être    naturellement  porté   au 
bien  ;  que  quelquefois  il  est  prévenu  par  la 
grâce,  et  qu'en  d'autres  occasions  il  la  pré- 
vient. Saint  Prosper  entreprend  de  montrer 
que  tous  ces  principes  sont  des  conséquences 
du  pélagianisme;  qu'il  suivrait  de  là  que  la 
grâce  est  donnée  suivant  les  mérites,  et  que 
la  nature  humaine  n'a  point  été  blessée  par 
le  péché  d'Adam.  Il  montre  aussi  que  ces 
erreurs  ont  été  condamnées  avec  celles  de 
Pelage,  dans  divers  conciles,  par  les  lettres 
et  les  décrets  des  souverains  pontifes,  enfin 
qu'elles  sont  détruites  jusqu'au  fondement 
dans  les  écrits  de  saint  Augustin.  Afin  que 
l'on  jugeât  mieux  de  la  doctrine  répandue 
dans  cette  Conférence,  saint  Prosper  en  rap- 
porte les  propres  termes,  et  fait  voir  souvent 
que  l'auteur  ne  s'accordait  ni  avec  ses  pro- 
pres principes,  ni  avec  la  doctrine  de  l'E- 
glise. Gennade  *  avance  que  ce   que   saint 
Prosper  accuse  d'erreur  dans  le  Collateur, 
est  approuvé  de  l'Eglise;  mais  on  sait  que 
dans  le  concile  ^  de  Rome,  sous  Gélase,  les 
écrits  de  saint  Prosper  furent  approuvés,  et 
qu'on  y  condamnât  ceux  du  Collateur,  parti- 
culièrement en  ce  qui  regarde  la  grâce. 
Analyse  tia       3.  Il  avaucG  douze  propositions  sur  cette 

livre  coiilre  le  ..i  -,  ,        .    .,  /,  ,  ■     ... 

Collateur.  P.  matière  dans  sa  treizième  conterence,  intitu- 
lée :  de  la  Protection  de  Dieu,  où  il  fait  parler 
Première  l'abbé  Quérémon.  Dans  la  première  il  établit 

Pag?»"!'.'""'  "ïiie  Dieu  est  le  commencement  non-seule- 
ment de  toute  bonne  œuvre,  mais  de  toute 
bonne  pensée,  et  afin  que  l'on  ne  crût  pas 
qu'il  ne  restât  rien  à  faire  au  libre  arbitre,  il 
ajoute  que  c'est  à  nous  de  suivre  humble- 


ment les  attraits  de  la  grâce.  Saint  Prosper 
convient  qu'il  n'y  a  rien  que  de  catholique 
dans  cette  doctrine  ;  mais  il  ne  juge  pas  de 
même  des  autres  propositions  de  Cassien. 
La  seconde  porte  que  plusieurs  viennent       Deuxième 
à  la  grâce  sans  la  grâce,  et  qu'ils  ont  de   P"6-3ie. 
même  le  désir  de  demander,  de  chercher  et 
de  frapper  à  la  porte  du  père  de  famille, 
c'est-à-dire  de  se  porter  à  la  vertu ,  en  sorte 
que  Dieu  ,  voyant  en  eux  le  commencement 
d'une  bonne   volonté,  l'éclairé,   la   fortifie, 
l'excite  au  salut,  et  lui  donne  de  l'accroisse- 
ment. En  cela,  comme  le  remarque  saint 
Prosper,  le  Collateur  s'éloigne  de  ce  qu'il 
avait  dit  d'abord,  savoir,  que  le  commence- 
ment de  nos  bonnes  pensées  comme  de  nos 
bonnes  actions  vient  de  Dieu  ;  au  lieu  qu'il 
dit  ici  que  dans  plusieurs,  l'un  et  l'autre  vien- 
nent quelquefois  du  libre  arbitre.   «  Docteur 
catholique  ,  lui  dit-il ,  pourquoi  abandonnez- 
vous  la  cause  que  vous  faites  profession  de 
soutenir?  Pourquoi  vous  retirez-vous  de  la 
lumière  si  pure  et  si  éclatante  de  la  vérité, 
pour  vous  couvrir  des  ténèbres  de  l'obscurité 
et  du  mensonge  ?  Pourquoi  ne  reconnaissez- 
vous  pas  que  ces  premiers  désirs  que  vous 
admirez  en  ceux  qui  demandent,  qui  cher- 
chent et  qui  frappent  à  la  porte,  sont  des 
effets  de  la  même  grâce  qu'ils  demandent  et 
qu'ils  désirent  ?  Vous  voyez  des  efforts  loua- 
bles et  des  affections  saintes  et  pieuses  dans 
les  âmes,  et  vous  doutez  si  elles  sont  des 
dons  de  Dieu  ?  On  ne  peut  pas  bien  discerner 
l'impression  de  la  grâce ,  lorsqu'elle  reste 
cachée  dans  le  fond  du  cœur  sans  qu'elle  se 
produise  au-dehors  par  des  mouvements  et 
des    actions   sensibles.    Mais    lorsque  vous 
voyez   un  homme   qui  demande   avec   une 
humble  prière,  qui  cherche  avec  une  exacte 
fidélité  et  qui  frappe  à  la  porte  avec  une  ar- 
deur continelle,  comment  ne  connaissez-vous 
point,  par  la  qualité  même  de  ces  actions  si 
saintes,  que  c'est  Dieu  qui  remue  cette  âme, 
et  que  c'est  sa  grâce  qui  agit  en  elle?  Vous 
croyez-vous  assez  à  couvert  contre  le  venin 
si  dangereux  de  Pelage,  en  voulant  qu'il  n'y 
ait  que  quelques-uns  des  prédestinés  en  qui 
le  consentement  à  la  vocation  soit  un  don 
particulier  de  la  grâce  ;  au  lieu  que  ce  que      ^^ 
vous  accordez  seulement  de  quelques-uns  est   ^'*- 
vrai  de  tous  les  fidèles?  Ainsi  vous  n'êtes  en- 
tièrement d'accord  ni  avec  les  hérétiques,  ni 
avec  les  catholiques.  Ceux-là  soutiennent  que 


t  Gennad.,  de  Viris  illust.,  cap.  Lxxxiv. 


8  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1263  et  1265. 


[V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII. 


SAINT  PROSPER. 


305 


c'est  la  Yolonté  libre  de  l'horame  qui  com- 
mence et  qui  prévient  Dieu  dans  toutes  les 
bonnes  œuvres.  Nous  croyons  nous  autres^ 
avec  tous  les  catholiques,  que  c'est  toujours 
Dieu  qui  commence,  et  que  les  prenîièrcs 
pensées  pour  le  bien  naissent  dans  nous 
de  l'impression  de  sa  grâce.  Pour  vous,  il 
vous  a  plu  d'inventer  une  troisième  opinion 
qui  choque  également  les  deux  autres,  et 
vous  tombez,  sans  y  penser,  dans  un  senti- 
ment condamné  par  les  conciles  ,  lorsqu'en- 
seignant  qu'il  y  a  quelque  chose  de  bon  dans 
les  hommes,  qui  précède  la  grâce  et  qui  est 
cause  que  Dieu  la  leur  donne,  vous  êtes  con- 
vaincu par  vous-même  de  dire  que  la  grâce 
de  Dieu  nous  est  donnée  selon  nos  mérites.» 
Saint  Prosper  montre  par  ces  paroles  de 

m.  vi,  H.  Jésus-Christ  :  Personne  ne  vient  à  moi  s'il  n'est 
entraîné  par  mon  Père,  que  c'est  Dieu  qui  ap- 
pelle l'homme  et  l'entraîne  vers  son  Fils  ; 
«  non,  dit-il  ',  qu'il  l'emporte  malgré  lui  et 
contre  sa  volonté,  mais  parce  qu'il  le  fait 
vouloir,  au  lieu  qu'il  ne  voulait  pas  aupara- 
vant, et  que,  par  une  infinité  de  moyens  se- 
crets et  inefïableSjil  tourne  vers  lui  son  âme 
qui  était  détournée  de  lui  et  lui  résistait  par 
son  infidélité  :  afin  que  le  cœur  qui  écoute 
ce  maître  ineffable,  étant  touché  par  un 
saint  plaisir  que  Dieu  forme  en  lui  et  qui  le 
porte  avec  joie  à  lui  obéir,  après  avoir  été 
opprimé  par  la  domination  du  péché,  se  re- 

Troisiiime  lève  par  la  liberté  de  la  grâce.  »  La  troisième 

position.  .   .  T        ^         .  -  1       1 

proposition  de  Cassien  est  une  suite  de  la 
précédente.  Il  y  enseigne  que  l'homme  est 
porté  de  lui-même  à  la  vertu,  quoiqu'il  ait 
besoin  d'être  secouru  de  Dieu  pour  la  mettre 
en  pratique.  Saint  Prosper  lui  fait  voir  que 
nous  avons  besoin  du  médecin  céleste  non- 
seulement  pour  être   guéris,  mais   encore 

iir-iT,  p.  pour  désirer  de  l'être.  La  raison  qu'il  en 
donne  est  tirée  de  l'abîme  de  misère  où  le 
péché  nous  a  jetés,  qui  est  tel  que  nous  trou- 
vons du  plaisir  à  y  être  enfoncés,  que  nous 
aimons  nos  erreurs  et  que  nous  embrassons 
le  faux  pour  le  vrai.  Ce  qui  arrive  jusqu'à  ce 
que  celui  qui  seul  peut  nous  tirer  de  cet  abîme 
et  nous  guérir  de  nos  maux,  nous  en  inspire 

)a»trième  le  désir.  Cassien  ajoutait  dans  une  quatrième 
''°'''  proposition  que  les  biens  de  la  nature  que 
Dieu  a  mis  en  nous  lorsqu'il  nous  a  créés 
étaient  quelquefois  le  principe  des  bonnes 


volontés,  que  nous  ne  pouvions  toutefois 
accomplir  sans  le  secours  de  Dieu.  Il  en  ap- 
portait pour  preuve  ce  que  dit  saint  Paul  : 
Je  trouve  en  moi  la  volonté  de  faire  le  bien;  Romvn,  is. 
mais  je  ne  trouve  point  le  moyen  de  l'acconiplir. 
(i  11  est  vrai,  dit  saint  Prosper,  que  l'apôtre  a 
parlé  ainsi;  mais  il  djt  aussi  que  nous  ne  HCor.ni.s. 
sommes  pas  capables  de  former  de  nous-mêmes 
aucune  bonne  pensée  comme  de  nous-mêmes,  et 
que  c'est  Dieu  qui  noies  en  rend  capables.  Il  dit 
encore  que  c'est  Dieu  qui  opère  en  nous  le  piiiiip.  n,  n. 
vouloir  et  le  faire,  selon  qu'il  lui  plaît.  L'apôtre 
ne  pouvant  donc  être  contraire  à  lui-même, 
il  faut  reconnaître  que  lorsqu'il  a  dit  qu'il 
trouvait  en  lui  le  vouloir,  c'était  par  un  effet 
de  la  grâce,  et  que  dès  lors  il  se  plaisait, 
comme  il  le  dit  au  même  endroit,  dans  la  loi 
de  Dieu  selon  l'homme  intérieur,  mais  qu'il 
sentait  dans  les  membres  de  son  corps  une 
autre  loi  qui  combattait  conlre  la  loi  de  son 
esprit,  et  que,  quoiqu'il  eût  reçu  de  Dieu  la  Rom.  vi:, 22. 
volonté  de  faire  le  bien,  il  n'en  avait  pas  en- 
core reçu  le  pouvoir  d'accomplir  tout  le  bien 
qu'il  souhaitait  de  faire.  » 

4.  Dans  la  cinquième  proposition,  Cassien      cinquième 

.  1       i..  proposition. 

laisse  la  liberté  de  croire  ou  que  Dieu  a  pitie  ^^^'f-"'^"^- 
de  nous,  parce  qu'il  voit  en  nous  un  com- 
mencement d'une  bonne  volonté  ;  ou  que 
cette  bonne  volonté  est  en  nous  parce  que 
Dieu  a  pitié  de  nous.  Pour  montrer  qu'on 
peut  admettre  l'un  ou  l'autre  de  ces  senti- 
ments, ou  même  tous  les  deux  quoiqu 'oppo- 
sés, il  propose  l'exemple  de  saint  Paul  et  de 
saint  Matthieu,  en  qui  on  ne  peut  pas  dire 
que  Dieu  ait  trouvé  un  commencement  de 
bonne  volonté  lorsqu'il  les  convertit,  puis- 
qu'ils étaient  en  ce  moment  occupés  à  de 
mauvaises  actions  ;  et  celui  de  Zachée  et  du 
bon  larron  qui,  par  leurs  bons  désirs,  ont 
fait  une  espèce  de  violence  au  ciel,  et  pré- 
venu par  un  commencement  de  bonne  vo- 
lonté, les  avertissements  particuHers  du  sa- 
lut. Saint  Prosper  fait  voir  qu'en  disant  que 
le  commencement  des  bonnes  volontés  ne 
vient  pas  de  Dieu  dans  tous  les  hommes, 
c'est  accuser  d'erreur  les  saints  papes  Inno- 
cent et  Zosime,  les  évêques  d'Orient  dans  le 
concile  de  Diospolis,  et  ceux  d'Afrique  qui, 
soit  dans  divers  conciles,  soit  dans  leurs  let- 
tres, ont  enseigné  que  c'était  également  un 
don  de  Dieu  de  savoir  ce  que  nous  devons 


'  Vocatum  ad  Filhim  trahit  Pater  :  non  resistentem 
■invitumque  compellit,  sed  ex  invita  volentem  facit, 
et  quibuslibet  modis  infidelitalem  resistentis  inclinât  ; 

X. 


ut  cor  audientis,  obediendi  in  se  delectatione  generata 
ibi  surç/at,  ubi  premebatur.  Prosper,  contra  Collât., 
cap.  III,  pag.  314. 

20 


306 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


faire  et  de  le  faire  ;  que,  pour  faire  le  bien 
comme  pour  le  connaitre,  nous  avions  be- 
soin à  chaque  action  de  la  grâce  de  Dieu,  en 
sorte  que  sans  elle  nous  ne  pouvons  rien 
Cap.  T. .  penser,  ni  dire,  ni  faire  de  bien.  11  fait  un 
crime  à  Cassien,  qui  ne  pouvait  ignorer  ce 
que  l'Eglise  avait  défini  touchant  la  nécessité 
de  la  grâce  contre  les  pélagiens,  soit  pour  les 
bonnes  œuvres,  soit  pour  les  bonnes  actions, 
d'avoir  renouvelé  ces  questions,  en  soutenant 
que  le  libre  arbitre  est  anéanti  par  la  force 
de  la  grâce.  «  Elle  ne  le  met,  dit-il,  en  aucun 
danger  de  périr  :  la  volonté  ne  nous  est 
point  ôtée  lorsque  Dieu  forme  en  elle  le  bon 
vouloir  ;  comme  on  ne  peut  pas  dire  que  les 
enfants  de  Dieu  perdent  leur  liberté  lors- 
qu'ils sont  mus  de  l'Esprit  de  Dieu,  ni  que 
ceux-là  perdent  toute  la  force  de  la  raison 
et  tout  ce  qu'il  y  a  de  saint  et  de  louable  dans 
les  mouvements  d'une  charité  libre  et  volon- 
taire, qui  reçoivent  d'en  haut  l'esprit  de  sa- 
gesse et  d'intelligence,  l'esprit  de  conseil  et 
de  force,  l'esprit  de  science  et  de  piété,  et 
l'esprit  de  la  crainte  du  Seigneur.  » 

Il  montre  ensuite  que  la  lumière  de  la  grâce 
qui  éclaira  saint  Mathieu  et  saint  Paul  dans 
le  moment  que  l'un  était  occupé  au  bureau 
des  impôts,  et  l'autre  animé  de  fureur  contre 
l'Eglise,  éclaii'a  aussi  Zachée  et  le  bon  lar- 
ron; car  on  ne  peut  pas  dire  que  Jésus-Christ 
qui  se  choisit  chez  Zachée  un  logement, 
n'ait  point  disposé  son  cœur  à  le  recevoir , 
puisque  les  pliarisiens  murmurant  de  ce 
qu'il  était  descendu  chez  un  homme  de  mau- 
vaise vie,  il  assura  non-seulement  que  la 
maison  de  Zachée  avait  reçu  ce  jour-là  le 
salut,  et  qu'il  était  lui-même  un  enfant  d'A- 
braham. Il  ajouta  encore  que  le  Fils  de 
l'homme  était  venu  pour  chercher  et  pour 
sauver  ceux  qui  étaient  perdus,  afin  que 
nous  reconnussions  qu'il  avait  prévenu  de  sa 
grâce  celui  qu'il  déclarait  avoir  acquis  le  sa- 
lut. Saint  Prosper  prouve  la  même  chose  du 
bon  larron,  et  rapporte  le  passage  de  l'épître 
aux  Corinthiens  où  saint  Paul ,  parlant  des 
I  Cor.  x,i  3  opérations  du  Saint-Esprit,  dit  que  nul  ne 
peut  confesser  que  Jésus  est  le  Seigneur,  sinon 
par  le  Saint-Esprit. 
sixièmepro-       5.  La  sixièmo  proposition  du  Collateur  por- 


isilion,  cnp. 
VIII,  p3g;.323. 


tait  que  l'on  devait  reconnaître  le  même  de- 


gré de  force  dans  le  libre  arbitre  de  l'homme, 
que  dans  la  grâce  de  Dieu,  en  sorte  que  l'un 
et  l'autre  concouraient  également  au  salut. 
Saint  Prosper  réfute  cette  proposition  par  un 
grand  nombre  de  passages  de  l'Ecriture  qui 
attribuent  le  salut  de  l'homme  à  la  grâce,  et 
il  n'oublie  pas  celui  de  l'épître  aux  Philip- 
piens,  où  il  est  dit  que  Dieu  opère  en  nous  le  Phinp.  „,  u 
vouloir  et  le  faire  selon  son  bon  plaisir.  Il  mon- 
tre ensuite  que  Dieu,  en  agissant  dans  nous  ', 
ne  détruit  point  la  volonté  libre  d'aucun  de 
nous,  parce  que  la  vertu  de  sa  grâce  n'agit 
pas  sur  les  volontés  humaines  afin  qu'elles 
cessent  d'être,  mais  afin  qu'elles  commen- 
cent à  être  bonnes  de  mauvaises  qu'elles 
étaient,  et  qu'elles  commencent  à  être  fidèles 
d'infidèles  qu'elles  étaient  auparavant;  que 
ceux  qui  n'étaient  que  ténèbres  deviennent 
une  lumière  dans  le  Seigneur;  que  ceux  qui 
étaient  morts,  soient  ressuscites;  que  ceux 
qui  étaient  abattus  et  languissants,  soient 
relevés  et  guéris;  et  que  ceux  qui  étaient 
perdus,  soient  tirés  enfioi  de  leur  égarement. 
Il  montre  aussi  par  l'autorité  des  Ecritures 
divines  que  le  commencement  de  la  bonne 
volonté  est  l'effet  de  la  grâce,  et  que  c'est 
Dieu  qui  dirige  nos  pas  pour  nous  faire  en- 
trer dans  la  voie  du  salut  ;  qu'il  est  bien  vrai 
que  le  premier  homme,  dans  l'état  d'inno-  I 

cence,  pouvait,  en  n'abandonnant  point  le  se- 
cours dont  Dieu  le  favorisait,  persévérer 
dans  les  biens  qu'il  avait  reçus,  et  mériter 
par  sa  persévérance  volontaire  la  béatitude; 
mais  que  depuis  son  péché  le  libre  arbitre 
ne  peut  choisir  le  véritable  bien  sans  le  se- 
cours de  la  grâce. 

6.  Adam,  après  son  péché,  acquitla  science        .    .. 
du  mal  qu'il  n'avait  pas,  mais  il  ne  perdit    proposiuoi 

-^  »  -t         '  ^  cap.   IX,  p: 

pas  la  science  du  bien  qu'il  avait;  c'est  la  ^"'■ 
septième  proposition  du  Collateur.  Saint 
Prosper  dit  qu'Adam  avait  la  science  du  bien 
lorsqu'il  était  juste  et  qu'il  accomplissait 
avec  fidélité  les  commandements  de  Dieu, 
mais  qu'aussitôt  qu'il  les  eut  transgressés,  il 
perdit  cette  connaissance,  parce  qu'il  perdit 
l'innocence,  et  avec  l'innocence  la  liberté,  son 
péché  l'ayant  réduit  à  la  captivité  du  démon. 
Cassien  ne  voulant  pas  non  plus  que  le  genre 
humain  eût  perdu  la  science  du  bien  après 
la  prévarication  d'Adam,  alléguait  pour  le 


1  Hac  régula  nulli  hominum  aufertur  voluntas  : 
quia  virius  yratiœ  non  hoc  volunlatibm  operatur  ut 
non  sint,  sed  ut  ex  malts  bonœ,  et  ex  infîdeltbtis  sin/. 
fidèles;  et  qv,œ  in  semetipsis  erant  tenehrœ,  lux  effi- 


ciantur  in  Domino;  quod  mortuum  eraf,  vivificatur ; 
quod  jncebat,  erigitur;  quod  perierat,  invenitur.  Pros- 
per, lib.  contra  Collai.,  cap.  vin,  pag.  226. 


[V"  SIÈCLE.] 

prouve!'  l'endroit  do  l'épître  aux  Romains  où 
op  x.png.  î'apûti-e  dit  que  les  Gentils  qui  n'ont  point  la 
îom.  H,  14.  loi,  font  naturellement  les  choses  que  la  loi  com- 
mande, et  que,  n'ayant  pas  la  loi,  ils  se  tiennent 
à  eux-mêmes  lieu  de  loi.  Saint  Prosper  répond 
que  saint  Paul  parle  ou  des  Gentils  convertis 
à  la  foi,  ou  de  ceux  qui  n'avaient  pas  em- 
brassé le  christianisme  ;  que  s'il  paille  des  pre- 
miers, le  Collateur  ne  pouA'ait  en  tirer  aucun 
avantage  pour  son  sentiment,  étant  évident 
que  ces  Gentils  accomplissaient  les  comman- 
dements de  la  loi  nouvelle  par  le  secours  de 
la  grâce  du  médiateur.  Que  s'il  parle  des  der- 
niers, on  doit  entendre  ce  qu'il  en  dit  de  bien 
du  règlement  extérieur  de  leurs  mœurs,  n'é- 
tant pas  douteux  qu'il  ne  se  trouve  même  dans 
les  païens  quelque  reste  de  cette  sagesse  que 
Dieu  a  donnée  à  l'homme  en  le  créant,  et  avec 
le  secours  de  laquelle  ils  sont  en  état  de 
faire  même  des  lois  pour  l'utilité  de  la  vie 
temporelle,  pour  la  police  des  villes  et  la 
conservation  de  la  paix  parmi  les  peuples.  Il 
om.  in,2o.  ajoute  que  si  l'apôtre  décide  si  clairement, 
quelques  lignes  après,  que  nul  homme  ne 
sera  justifié  devant  Dieu,  même  par  les  œu- 
vres de  la  loi,  bien  moins  doit-on  croire  que 
les  païens  soient  justifiés  par  leurs  propres 
œuvres,  puisque,  comme  il  le  dit  au  même 
)m.xiv,23.  endroit:  Tout  ce  qui  ne  se  fait  point  selon  la  foi 
lebr.ii,  G.  '^^^  péché;  et  ailleurs  :  //  est  impossible  de 
plaù'e  à  Dieu  sans  la  foi.  Ce  père  fait  voir  que 
nous  n'avons  ni  le  vouloir  ni  le  pouvoir  du 
bien  que  par  la  grâce  ;  et  parce  qu'on  pou- 
vait lui  demander  pourquoi  Dieu  nous  fait 
des  commandements  que  nous  ne  pouvons 
accomplir  par  les  seules  forces  de  notre  libre 
ap.xi.poe.  arbitre,  il  répond  :  «  Dieu  '  commande  à 
l'homme  de  suivre  ses  lois,  afin  que  lui  pres- 
crivant de  faire  des  choses  dont  il  lui  avait 
donné  la  puissance  dans  la  première  création, 
il  reconnaisse  que  c'est  par  sa  propre  faute 
qu'il  l'a  perdue,  et  que  Dieu  n'est  pas  injuste 
lorsqu'il  exige  de  lui  ce  qui  lui  est  dû  légiti- 
mement, quoiqu'on  l'état  où  il  est,  il  soit  in- 
capable de  le  lui  rendre.  Ce  qui  lui  reste 
donc  est  d'avoir  recours  non  à  la  lettre  qui 
tue,  mais  à  l'esprit  qui  vivifie,  et  de  recher- 
cher dans  l'assistance  de  la  grâce  le  pouvoir 
de  faire  le  bien  qu'il  n'a  pu  trouver  aupara- 
vant dans  les  forces  de  la  nature.  Que  s'il 

'  Imperantur  autem  ista  homini,  ut  ex  ipso  prœ- 
cepto,  quo  ei  hoc  qiiod  accepit  indicitur,  agnoscat  id 
se  suo  vilio  perdidisse;  et  non  ideo  iniquam  esse  exac- 
tionem,quia  ud  reddendum  quod  débet  idoneus  non  est  : 
sed  a   littera  accidente  confttgiat  ad  spiritum  vivif.- 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


307 


recherche  ce  secours,  c'est  une  grande  misé- 
ricorde de  Dieu  ;  et  s'il  ne  le  fait  pas,  c'est 
une  juste  punition  de  son  péché.  » 

7.  Par  la  huitième  proposition  Cassien  po-  ^^.^..^ 
sait  pour  principe  qu'il  ne  fallait  pas  telle-  ^^g^l^!;]' 
ment  rapporter  à  Dieu  les  mérites  des  saints, 
qu'ils  n'en  eussent  aucun  que  par  la  grâce.  Il 
soutenait  qu'ils  avaient  d'eux-mêmes  de  bon- 
nespenséesetde  saints  désirs  :  «  ce  qui  parais-  jj,^  ^ 
sait,  dit-il,  dans  David,  dont  Dieu  approuva  la  "■ 
pensée  qu'il  avait  eue  de  bâtir  un  temple  au 
Seigneur.  »  Saint  Prosper  fait  voir  qu'en  cet 
endroit  comme  en  beaucoup  d'autres,  le  Col- 
lateur ne  s'accorde  pas  avec  lui-même,  puis- 
qu'il avait  dit  dans  sa  première  proposition 
que  Dieu  est  le  principe  non-seulement  de 
nos  bonnes  actions,  mais  aussi  de  nos  bonnes 
pensées.  Il  ajoute  que  le  passage  du  livre 
des  Rois  où  il  est  parlé  de  la  volonté  que 
David  avait  eue  de  bâtir  un  temple  à  Dieu, 
ne  prouve  nullement  qu'il  ait  eu  ce  dessein 
de  lui-même  et  non  par  l'inspiration  de  Dieu  ; 
qu'il  paraît  au  contraire,  par  la  manière  dont  (.  j,, 
il  parle  de  Dieu  dans  le  psaume  cxxxi",  que  ^^^• 
c'était  par  un  effet  de  sa  grâce  qu'il  avait  eu 
cette  volonté,  comme  c'était  par  un  effet  de 
la  même  grâce  que  Salomon  l'avait  accom- 
plie. Saint  Prosper  soutient  donc  que  la  con- 
version de  l'homme  a  Dieu  pour  principe, 
quoiqu'elle  ne  se  fasse  pas  sans  que  lui- 
même  y  travaille.  «Si  un  homme,  dit-il,  tou- 
ché de  honte  et  de  regret  d'avoir  suivi  si  long- 
temps les  vanités  et  les  illusions  du  monde, 
commence  à  reconnaître  que  ce  qu'il  avait 
embrassé  comme  la  lumière  de  la  vie,  n'est 
en  effet  que  ténèbres,  et  s'il  s'efforce  de  se 
retirer  de  ce  précipice,  ce  changement  ne 
vient  pas  de  lui,  quoiqu'il  ne  se  fasse  pas 
sans  lui.  Ce  n'est  point  par  sa  propre  vertu 
qu'il  se  porte  à  ces  premiers  commencements 
du  salut  :  c'est  la  grâce  puissante  et  secrète 
de  Dieu  qui  agit  dans  lui,  qui,  entrant  dans 
son  âme  et  en  rejetant  la  cendre  des  opi- 
nions terrestres  et  des  œuvres  mortes  qu'elle 
y  rencontre,  allume  un  feu  divin  dans  le 
cœur  tout  étouffé  et  tout  éteint,  et  l'en- 
flamme du  désir  de  la  vérité,  ne  s'assujettis- 
sant  pas  l'homme  contre  sa  volonté  et  mal- 
gré lui,  mais  lui  inspirant  une  affection  qui 
lui  fait  aimer  de  lui  être  assujetti.  Elle  ne 

cantem,  et  facullatem  quam  7ion  invenit  in  natura, 
quœrat  ex  gratia.  Quod  si  facit,  magna  est  misericor- 
dia  Dei;  sinon  facit,  justa  estpœna  peccaii.  Prosper, 
contra  Collât.,  cap.  Il,  pag.  334. 


308 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'entraîne  pas  sans  qu'il  sache  ce  qu'il  fait  ; 
mais  elle  marche  devant  lui  et  le  fait  suivre 
avec  connaissance  et  avec  plaisir.  » 
Neuvième       §_  i\  Qgt  (]ii  ,jans  la  neuvième  proposition 

proposition,  i^       1- 

png.  338.       quQ  Iq  Créateur  a  mis  dans  toute  âme  des 
semences  de  vertu,  en  sorte  qu'elles  sont 
portées  naturellement  à  la  pratiquer.  Saint 
Prosper  répond  premièrement,  que  ces  se- 
mences de  vertu  ont  été  détruites  par  la  pré- 
varication du  premier  homme,  et  que  nous 
ne  pouvons  les  avoir  à  moins  que  celui  qui 
nous  les  avait  données  d'abord  ne  nous  les 
rende.  Il  est  resté  à  Phomme  après  le  péché 
une  âme  raisonnable,  qui  n'est  pas  la  vertu, 
mais  la  demeure  de  la  vertu.  Il  dit  en  second 
lieu,  qu'il  lui  paraît  que  l'auteur  des  confé- 
rences s'est  laissé  tromper  par  la  vraisem- 
blance, et  qu'il  s'est  égaré  dans  ses  pensées, 
étant  ébloui  par  la  vaine  lueur  des  fausses 
vertus,  s'imaginant  que  les  impies  et  les  in- 
fidèles ont  dans  eux-mêmes  des  biens  qu'on 
ne  peut  avoir  que  par  une  grâce  et  un  don 
particuliers  de  Dieu ,  parce  '  qu'il  en  voj^ait 
plusieurs  qui  faisaient  profession  de  justice, 
de  tempérance,  de  continence  et  d'une  bonté 
particulière  pour  obliger  tout  le  monde.  «Ce 
n'est  pas,  ajoute  ce  père,  que  toutes  ces  cho- 
ses soient  absolument  inutiles  aux  païens, 
puisqu'ils  en  reçoivent  en  cette  vie  beaucoup 
d'honneur  et  beaucoup  de  gloire,  mais  comme 
ils  servent  le  diable  et  non  pas  Dieu  dans  ces 
actions,  encore  qu'elles  soient  récompensées 
temporellement  par  les  vaines  louanges  qu'on 
leur  donne,  elles  n'ont  rien  néanmoins  de  la 
solidité  des  vertus  véritables  et  bienheureu- 
ses. Ainsi  il  est  clair  qu'il  n'y  a  aucune  vertu 
dans  les  infidèles,  mais  que  toutes  leurs  œu- 
vres (pour  n'être  pas  rapportées  à  la  vérita- 
ble fin  qui  est  Dieu)  sont  impures  et  corrom- 
pues, parce  que  la  sagesse  qui  paraît  en  eux, 
est  une  sagesse  non  spirituelle,  mais  animale; 
non  céleste,  mais  terrestre  ;  non  chrétienne, 
mais  diabolique  ;  qui  a  pour  cause  et  pour 
principe,  non  le  Père  des  lumièi-es,  mais  le 
prince   des  ténèbres  ;   employant  tous  les 
biens  qu'ils  ont  reçus  de  la  libéralité  de 
Dieu,  pour  se  soumettre  à  la  tyrannie  de 


celui  qui  s'est  révolté  le  premier  contre  l'em- 
pire si  légitime  de  Dieu  même.  »  Il  prouve 
qu'il  n'y  a  dans  nous  aucun  principe  des 
vraies  vertus  et  des  mérites  avant  la  grâce  , 
parce  que,  comme  le  dit  l'apôtre  saint  Pierre, 
c'est  notre  Seigneur  qui,  par  sa  puissance  divine, 
nous  a  donné  toutes  les  choses  qui  regardent  la 
vie  et  la  piété  chrétienne,  en  nous  faisant  con- 
naître celui  qui  nous  a  appelés  par  la  gloire  et 
par  la  vertu  :  d'où  il  infère  que  tout  ce  qui 
regarde  la  piété  est  en  nous,  non  par  la  na- 
ture qui  est  corrompue,  mais  par  la  grâce 
qui  répare  la  nature.  «  Nous  ne  devons  pas 
croire  que  cette  nature  renferme  dans  ses 
trésors  les  principes  et  comme  les  semences 
des  vertus,  parce  qu'il  se  trouve  beaucoup 
de  choses  louables  dans  les  infidèles  ;  puis- 
qu'encore  que  toutes  ces  actions  éclatantes 
tirent  leur  origine  de  la  nature,  elles  ne  peu- 
vent néanmoins  être  des  vertus,  parce  qu'elles 
s'éloignent  de  l'auteur  de  la  nature.  Car 
comme  ce  qui  est  éclairé  par  la  véritable  lu- 
mière, est  lumière  :  aussi  ce  qui  est  privé  de 
la  lumière  n'est  que  nuit  et  ténèbres.  C'est 
pourquoi  l'apôtre  nous  assure  que  la  sagesse 
de  ce  monde  n'est  qu'une  folie  devant  Dieu,  n 
Le  Collateur  avait  allégué  l'autorité  du  livre 
intitulé  le  Pasteur,  pour  montrer  que  l'homme 
a,  sans  la  grâce,  un  pouvoir  égal  de  faire  le 
bien  et  le  mal.  Saint  Prosper  rejette  l'auto- 
rité de  ce  livre,  le  regardant  comme  apocry- 
phe, et  montre  par  divers  passages  de  l'Ecri- 
ture que  la  charité  est  un  don  de  Dieu,  et 
que  c'est  lui  et  non  le  libre  arbitre  qui  ouvre 
le  cœur  pour  entendre  la  vérité,  comme  il 
l'ouvrit  à  la  marchande  de  pourpre  de  la 
ville  de  Thyatire. 

9.  Cassien  prétendait  dans  sa  dixième  pro- 
position que  Job  avait  vaincu  le  démon  par 
ses  propres  forces,  et  non  par  le  secours  de 
la  grâce,  si  ce  n'est,  disait-il,  que  Dieu  ne 
donna  point  im  plus  grand  pouvoir  au  tenta- 
teur, que  Job  n'en  avait  pour  lui  résister. 
Saint  Prosper  prouve  au  contraire  que  Job 
vainquit  le  diable  par  le  secours  de  Dieu,  qui 
fit  alors  dans  ce  saint  homme  ce  qu'il  promit 
de  faire  depuis  dans  ses  apôtres  et  dans  ses 


HPclr. 1,2,3. 


I  Cur.  m,  V. 


Dixii 
proposition 
cap.  XIV,  paj 
344. 


*  Multi  eorum  simt  jusliiiœ,  temperantiœ  et  con- 
l'mentiœ  benevolentia  sectatores  :  guœ  omnia  non  frus- 
tra quidem,  neque  inutilUer  hahent,  multumqiie  ex  eis 
in  hac  viUi  honoris  et  gloriœ  consequunlur ;  sed  quia 
in  ils  studiis  non  Deo,  sed  diabolo  serviunt,  licet  lia- 
beanl  temporalem  de  vatia  lande  mercedem,  ad  illam 
iamen  beaiarum  virtuium  non  pertinent  veiilatem,  et 
itii  manifesiissime  palet  in  impiorum  animis  nullam 


habitare  virtuteni,  sed  omnia  opéra  eorum  immnnda 
esse  atque  polluia,  habenfivm  sapientiam  non  spiriia- 
lem  sed  animalem,  non  cœlesiem  sed  terrenam,  non 
christianam  sed  diabolicam,  non  a  Paire  luminum, 
sed  a  principe  ietielirarum  ;  dum  et  ipsa  quœ  non  lia- 
berent  nisi  dante  Deo  suhdunt  ei  qui  primas  récessif 
a  Deo.  Prosper,  çonira  Collât.,  cap.  xni,  pag.  340. 


[V  SIÈCLE.] 

martyrs  lorsqu'ils  seraient  présentés  aux 
gouverneurs  et  aux  rois  pour  rendre  témoi- 
gnage à  la  vérité.  11  rapporte  plusieurs  pas- 
sages du  livre  de  Job,  qui  sont  des  preuves 
de  sa  foi  au  rédempteur,  et  qu'il  avait  re- 
cours à  Dieu  dans  ses  afflictions  et  dans  ses 
tentations,  comme  à  la  source  de  la  force  et 
de  la  sagesse.  D'où  il  conclut  que  ce  n'était 
pas  de  lui-même,  mais  de  Dieu,  que  ce  saint 
homme  espérait  la  victoire  contre  le  démon. 
10.  Ce  que  Cassien  avait  tâché  de  prouver 
plus  haut  par  l'exemple  du  centurion,  comme 
si  Jésus-Christ  eût  trouvé  dans  cet  officier 
une  foi  qu'il  n'y  eût  pas  mise,  d'oîiil  formait 
sa  onzième  proposition,  en  disant  que  ce 
centurion  n'aurait  pas  mérité  la  louange  que 
le  Sauveur  lui  donna,  s'il  n'avait  trouvé 
en  lui  que  ce  qu'il  lui  avait  donné.  Saint 
Prosper  renverse  ce  raisonnement  par  ces 
paroles  de  la  Sagesse,  qui  nous  apprennent 
que  personne  n'a  la  vertu  de  continence,  s'il  ne 
l'a  reçue  de  Dieu  ;  par  cet  endroit  de  l'épître 
de  saint»  Jacques  :  Toute  grâce  excellente  et 
tout  don  parfait  vient  d'en  haut  et  descend  du 
Père  des  htmières  ;  et  par  ce  qui  est  dit  dans 
saint  Jean,  que  l'homme  ne  peut  rien  recevoir 
s'il  ne  lui  a  été  donné  du  ciel.  Mais  il  montre 
en  même  temps  que  la  grâce  de  Dieu  n'ôte 
point  le  mérite  des  bonnes  actions  dans  ceux 
à  qui  elle  est  donnée ,  comme  on  le  voit  dans 
l'éloge  que  saint  Paul  fait  des  progrès  que 
les  Corinthiens  avaient  faits  avec  le  secours  de 
cette  grâce.  «Je  rends,  dit-il,  à  mon  Dieu 
des  actions  de  grâce  continuelles  à  cause  de 
la  grâce  de  Dieu,  qui  vous  a  été  donnée  en 
Jésus-Christ,  et  de  toutes  les  richesses  dont 
vous  avez  été  comblés  en  lui  dans  tout  ce 
qui  regarde  le  don  de  la  parole  et  de  la 
science.  »  Ce  père  ajoute  que  le  Collateur.  en 
parlant  ainsi^  favorise  les  pélagiens  qui  en- 
seignaient que  la  grâce  nous  est  donnée  se- 


CHAPIÏRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


309 


Ion  nos  mérites,  et  que  comme  il  avait  taxé 
ce  sentiment  d'erreur,  il  était  conséquem- 
ment  contraire  à  lui-même. 

11.  Il  disait,  dans  la  douzième  proposition, 
que  dans  l'affaire  du  salut  Dieu  était  Sauveur 
pour  les  uns,  et  qu'il  y  en  avait  d'autres  qu'il 
ne  faisait  qu'aider  et  recevoir  lorsqu'ils  ve- 
naient à  lui.  Saint  Prosper  réfute  cette  doc- 
trine par  les  endroits  de  l'Ecriture  où  il  est 
dit  de  Jésus-Christ  qu'il  devait  sauver  son 
peuple  en  le  délivrant  de  ses  péchés  ;  que  nul 
autre  nom  sous  le  ciel  n'a  été  donné  aux 
hommes,  par  lequel  nous  devions  être  sau- 
vés, que  celui  de  Jésus  ;  que  personne  ne  peut 
venir  à  lui,  s'il  ne  lui  est  donné  par  son  Père, 
témoignage  qui  prouvait  que  Jésus-Christ  est 
le  Sauveur  de  tous  les  fidèles.  «  Nous  ne 
sommes  point,  ajoute  saint  Prosper,  troublés 
par  les  craintes  frivoles  et  indiscrètes  '  des 
hommes  superbes  qui  prétendent  que  noire 
libre  arbitre  est  détruit ,  s'il  est  vrai  que  le 
commencement  du  bien  dans  l'âme,  le  pro- 
grès et  la  persévérance  jusqu'à  la  fin  soient 
des  dons  de  Dieu.  Car  nous  savons  que  la  di- 
vine assistance  de  la  grâce  est  l'affermisse- 
ment et  non  pas  la  ruine  de  la  volonté  des 
hommes.  Nous  prions ,  parce  que  nous  vou- 
lons prier;  et  néanmoins,  c'est  Dieu,  selon 
l'apôtre,  qui  envoie  dans  nos  cœurs  l'esprit 
de  son  Fils  qui  crie  dans  nous  et  nous  fait 
crier  à  lui  comme  à  notre  Père.  Nous  parlons 
parce  que  nous  voulons  parler;  et  néanmoins, 
si  nos  paroles  sont  véritables  et  saintes,  ce 
n'est  pas  nous  qui  parlons,  mais  c'est  l'Esprit 
de  Dieu  qui  parle  en  nous.  Nous  faisons  ce 
qui  regarde  notre  salut ,  parce  que  nous  le 
voulons  faire;  et  néanmoins  c'est  Dieu  qui 
forme  dans  nous  et  le  vouloir  et  l'action,  se- 
lon l'oracle  de  saint  Paul.  Nous  aimons  Dieu 
et  notre  prochain,  parce  que  nous  les  voulons 
aimer;  et  néanmoins  l'amour  vient  de  Dieu, 


Duiiziènic 
proposition, 
cnp.  xvjli,  p. 


'  Non  enim  coniurbat  nos  superbienthim  inepla 
querimonia,  qua  caussantur  auferri  libcrum  arbitrmm, 
si  et  principia  et  profechts  et  perseverantia  in  bonis 
usque  in  finem  Dei  dona  esse  dicanlur.  Quoniam  opi- 
tulationes  divinœ  graliœ,  siabilimenia  siint  voluntatis 
Itumanœ.  Volentes  oramus  :  et  tamen  misit  Deus 
Spiritum  in  corda  nostra  clamentem  :  Abba  Pater, 
Gâtai,  iv,  G.  Volentes  loquinrar  :  et  tamen  si  pium 
est  quod  loquimur,  non  sumus  nos  loquentes,  sed 
Spiritus  PaU'is  nostri  qui  loquitur  in  nobis,  Matlh, 
X,  20,  et  Marc,  xiil,  11.  Volentes  operamur  salutem 
nostram,  et  tamen  id  ipsum  "velle  atque  operari  Deus 
est  qui  operatur  in  nobis,  Philipp.  ii  13,  et  I  Joan. 
IV,  7.  Volentes  diligimus  Deum  et  proximum  :  et  la- 
men  charilas  ex  Deo  est  diffusa  in  cordibus  noslris 


per  Spiritum  Sanctum  qui  datua  est  nobis,  Rom.  v, 
5.  Hoc  de  fide,  hoc  de  tolerantia  passionum,  hoc  de 
pudicitia  conjuguli,  hnc  de  continentia  virrjinali , 
omnibusque  virtulibus  sine  excepiione  profitemur;  r/iwd 
nisi  donatœ  cssent  nobis,  non  invenireniur  in  nobis,  et 
quod  liberum  urbitrium  naturaliier  liomini  indilum, 
maneat  in  natura,  sed  qualitale  et  condiiione  mv.iaiu 
per  mediatorem  Dei  et  hominum  Christum  Jesum  : 
qui  ipsam  vottmtatem  ab  eo  quod  perverse  voleboi, 
avertit,  et  in  id  quod  ei  bonum  esset  velle,  convertit, 
ut  delectatione  affecta,  fide  mundata,  spe  erecta,  cba- 
rilate  accensa,  liberalem  susciperel  servitutem,  ei  scr- 
vilem  abjiceret  îibertatem.  Piosper,  conira  Collut., 
cap.  xviii,  pag.  356. 


310 


FIISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Bûcnpilulii- 
tion  du  livre 
coiilrc  le  Col- 
latcur. 


C;iii.  XX ,  p . 
3C1. 


et  il  est  lépaudu  dans  nous  par  le  Saint-Es- 
prit qui  nous  a  été  donné.  C'est  pourquoi  nous 
croyons  et  nous  voulons  bien  le  protester  pu- 
hliquement,  que  la  foi,  que  la  souffrance  des 
maux,  que  la  continence  des  personnes  ma- 
riées, que  la  chasteté  des  vierges,  et  que  gé- 
néralement toutes  les  vertus,  sans  en  excep- 
ter aucune,  sont  des  dons  du  ciel,  et  que  Dieu 
no  les  trouverait  jamais  dans  notre  âme,  si 
lui-même  ne  les  y  avait  formées.  Nous  croyons 
que  le  libre  arbitre,  qui  est  attaché  insépara- 
blement à  la  nature  de  l'homme ,  demeure 
toujours  dans  lui,  mais  qu'il  change  de  con- 
dition et  d'état  par  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
comme  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes, 
lequel,  détournant  la  volonté  du  mal  que  son 
dérèglement  lui  faisait  vouloir,  la  retourne 
vers  le  bien  supi'ême,  pour  lui  faire  vouloir 
ce  qui  lui  est  bon,  afin  qu'étant  charmée  par 
un  saint  plaisir,  étant  purifiée  par  la  foi,  ani- 
mée par  l'espérance  et  embrasée  par  la  cha- 
rité, elle  s'engage  volontairement  dans  une 
bienheureuse  servitude  qui  la  rend  vraiment 
libre,  et  se  retire  de  cette  malheureuse  liberté 
qui  la  rendait  véritablement  esclave.  » 

12.  Saint  Prosper,  après  avoir  réfuté  les 
douze  propositions  du  Collateur,  reprend  eu 
peu  de  mots  les  raisons  qu'il  avait  données 
pour  montrer  que  ces  propositions ,  excepté 
la  première ,  renferment  une  doctrine  con- 
traire à  celle  de  l'Eglise ,  afin  que  le  lecteur 
pût  plus  facilement  remarquer  les  erreurs  de 
cet  écrivain  et  savoir  la  manière  de  les  réfu- 
ter. Il  donne  même  de  suite  toutes  les  erreurs 
renfermées  dans  ces  propositions,  et  fait  voir 
que  l'on  doit  combattre  les  ennemis  de  la 
doctrine  de  saint  Augustin  par  les  mêmes 
armes  dont  on  s'est  servi  contre  les  pélagiens, 
c'est-à-dire  par  l'autorité  de  l'Eglise  qui  les  a 
condamnés ,  par  les  décrets  des  saints  papes 
Innocent,  Zosime,  Boniface  et  Célestin,  et 
par  ceux  des  conciles  de  Palestine  et  d'Afri- 
que. Il  témoigne  un  grand  désir  que  le  pape 
Sixte ,  à  l'imitation  de  ses  prédécesseurs, 
chasse  les  ennemis  de  la  grâce  qui  se  tenaient 
encore  cachés,  comme  Innocent,  Zosime,  Bo- 
niface et  Célestin  ont  chassé  ceux  qui  l'atta- 
quaient ouvertement,  il  finit  son  livre  en  di- 
sant :  «  Je  crois  avoir  assez  prouvé  que  les 
■  adversaires  de  saint  Augustin  n'ont  que  de 


vaines  objections  à  opposer  à  sa  doctrine,  qu'ils 
combattent  la  vérité  et  défendent  le  men- 
songe, et  que,  se  servant  des  armes  d'enne- 
mis vaincus  et  terrassés,  pour  exciter  une 
guerre  intestine ,  ils  s'élèvent  contre  la  pa- 
role de  Dieu  et  contre  les  saints  décrets  de 
l'Eglise.  Néanmoins ,  tant  qu'ils  ne  seront 
point  retranchés  du  corps  des  fidèles ,  il  faut 
les  tolérer,  excuser  leur  intention  plutôt  que 
de  désespérer  de  leur  changement;  il  faut, 
dis  -je ,  espérer  que  Dieu  se  servira  des  évo- 
ques, des  princes  de  l'Eglise  '  et  des  juges 
légitimes  de  sa  doctrine  sainte,  pour  apaiser 
les  troubles  que  l'oi'gueil  d'un  petit  nombre 
de  gens  et  l'ignorance  de  quelques  autres  ont 
excités.  Pour  nous,  tâchons,  avec  la  grâce  de 
Dieu,  de  les  supporter  avec  toute  la  tranqui- 
lité,  la  modération  et  la  patience  possible;  de 
nous  venger  de  leur  haine  par  l'amour  que 
nous  leur  porterons,  d'éviter  les  disputes  avec 
des  personnes  incapables  d'entendre  raison, 
de  soutenir  généreusement  la  vérité,  sans 
nous  commettre  avec  les  partisans  de  l'er- 
reur, et  de  prier  continuellement  celui  qui 
s'appelle  le  principe  de  toute  chose,  d'être 
vraiment  le  principe  de  toutes  nos  pensées, 
de  tous  nos  désirs ,  de  toutes  nos  paroles  et 
de  tontes  nos  actions.  » 

§  VII. 

Du  Commentaire  sur  les  Psaumes,  du  Livre  des 
Sentences  tirées  de  saint  Augustin,  et  des 
Epigr aminés. 

l.  On  voit,  par  Notker-,  qui  écrivait  sur  la     common 
fin  du  IX'  siècle  et  au  commencement  du  x°,   fJâX  "'î 

.,  .,1  i    •  ..les   PsaiirneJ 

que  Ion  avait  aïoi's  un  commentante  entier  cent  vers  rai 
de  saint  Prosper  sur  tous  les  Psaumes,  et  que  '  ''"^' 
ce  père  y  avait  mis  une  préface  tirée  d'une 
homélie  de  saint  Basile  à  la  louange  des 
Psaumes.  Nous  n'avons  plus,  de  ce  commen- 
taire, que  ce  qui  regarde  les  cinquante  et  un 
derniers  Psaumes;  encore  faut-il  en  excepter 
le  cent  septième,  sur  lequel  saint  Prosper  ne 
donne  point  d'éclaircissement,  disant  qu'il 
l'avait  expliqué  dans  les  derniers  versets  des 
cinquante -sixième  et  cinquante -neuvième 
psaumes ,  ce  qui  fait  une  seconde  preuve  qu'il 
avait  en  elïet  exphqué  tout  le  Psautier.  Ce 
commeulaire  n'est,  à  proprementparler, qu'un 


'  Quorum  iamen  duin  adhuc  non  sunt  a  fraterna 
societaie  divisi,  toleranda  magis  e^t  intentio,  quam 
desperanda  correct io  ;  ut  donec  Dominus per  Ecclesiœ 
principes  et  legiiimos  jiidiciorum  suorum   ministros. 


hœc   quœ  per    paucorum  superbiam ,  et   quorumdam 
imperitiam  simt  turiata,  componat.  Prosper,  lib.  con- 
tra Collât.,  cap.  xxn,  pag,  3G9. 
5  Notker,  de  Interpret.  divin,  script.,  cap.  n. 


[y  SJÈCLE.] 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


3H 


abrégé  de  celui  de  saint  Augustin,  dont  il  rap- 
porte très-souvent  les  propres  paroles  sans  y 
rien  changer;  et  lorsqu'il  y  substitue  les 
siennes  propres,  il  suit  toujours  le  sens  de 
celles  de  son  maître.  Notker  dit,  toutefois, 
que  saint  Prosper  avait  ajouté  aux  explica- 
tions de  saint  Augustin  celles  de  divers  autres 
interprèles.  Nous  y  trouvons  quelques'  en- 
droits qui  ne  paraissent  point  être  de  ce  père  ; 
tel  est  le  commencement  du  commentaire  su?' 
le  Psaume  cent  quarante-quatrième,  où  saint 
Prosper  réfute  à  dessein  l'hérésie  de  Nesto- 
rius,  établissant  contre  lui  l'unité  de  personne 
en  deux  natures  dans  Jésus-Christ.  On  ne  lit 
rien  de  semblable  dans  l'exphcation  que  saint 
Augustin  a  faite  de  ce  psaume.  Cet  endroit 
peut  servir  à  fixer  l'époque  du  commentaire 
de  saint  Prosper  et  à  le  mettre  après  la  con- 
damnation de  l'hérésie  de  Nestorius,  c'est-à- 
dire  vers  l'an  433  ou  434.  Dans  l'exemplaire 
que  Sixte  de  Sienne  avait  en  main ,  il  com- 
mençait par  ces  mots  :  «  Toute  la  raison  de 
la  foi.  »  C'était  apparemment  le  commence- 
ment d'une  préface.  Elle  ne  se  trouve  ni  dans 
l'édition  de  Cologne,  en  1630,  ni  dans  celle 
de  Paris,  en  1711;  peut-être  que  Sixte  de 
Sienne  a  confondu  cette  préface  avec  celle  du 
livre  des  P/mnesses  et  des  Prédictions,  qui  com- 
mence par  ces  mêmes  termes.  Quoique  saint 
Prosper  s'applique  plus  au  sens  moral  et  allé- 
gorique qu'au  littéral ,  il  donne  néanmoins 
quelquefois  ce  dernier,  et  on  voit  en  quelques 
endroits,  que,  pour  plus  grande  exactitude,  il 
avait  recours  à  divers  exemplaires ,  et  qu'il 
corrigeait  sur  les  plus  corrects  ce  qui  lui  pa- 
raissait de  moins  exact  dans  ceux  dont  il  se 
servait  ordinairement. 
2.  Nous  avons  de  lui  un  recueil  de  trois 
SI,  cent  quatre-vingt-dix  sentences,  tirées  des 
ouvrages  de  saint  Augustin,  tant  de  ceux  qui 
nous  restent  que  de  ceux  qui  sont  perdus. 
C'est  une  espèce  d'abrégé  de  théologie  qu'il 
s'était  fait  pour  son  propre  usage,  afin  de  se 
rendre  plus  familière  la  doctrine  de  ce  père, 
à  laquelle  il  était  entièrement  attaché  ;  mais 
ce  que  saint  Prosper  n'avait  fait  d'abord  que 
pour  soulager  sa  mémoire  et  se  rappeler  en 
peu  de  mots  ce  qu'il  avait  vu  avec  plus  d'é- 
tendue dans  les  ouvrages  de  saint  Augustin, 
est  devenu  d'une  grande  utilité  pour  le  pu- 
blic. Ceux  qui  ont  eu  les  écrits  entiers  de  ce 
saint  docteur  peuvent  aisément ,  par  la  lec- 
ture de  ces  sentences,  se  rappeler  les  prin- 
cipes qu'il  y  établit;  et  ceux  qui  ne  sont  point 
capables  de  lire  ses  ouvrages  dans  l'original, 


!  des 
s  fait 


ou  qui  en  sont  détournés  par  leur  longueur, 
en  trouvent  la  clef  dans  ces  Sentences,  et  l'a- 
brégé qu'ils  y  trouvent  de  sa  doctrine  est  très- 
capable  de  les  porter  à  s'en  instruire  plus  à 
fond,  en  lisant  les  écrits  mêmes  sur  lesquels 
cet  abrégé  a  été  fait.  Le  plus  grand  nombre 
de  ces  sentences  regarde  la  morale  de  l'E- 
vangile ;  mais  il  ne  laisse  pas  d'y  en  avoir, 
particuHèrement  sur  la  fin  du  livre ,  où  l'on 
peut  apprendre  les  principaux  mystères  de  la 
religion;  comme  elles  sont  exprimées  avec 
beaucoup  de  précision,  l'éditeur  a  eu  soin  de 
marquer  à  la  marge  les  endroits  d'où  chaque  * 

sentence  est  tirée,  afin  que  le  lecteur  y  puisse 
recourir  et  voir  en  toute  son  étendue,  dans 
saint  Augustin,  ce  que  saint  Prosper  ne  re- 
présente qu'en  très-peu  de  paroles.  Ces  Sen- 
tences ont  été  imprimées ,  avec  quelques 
ouvrages  de  ce  père,  dans  l'appendice  du 
tome  X"  de  la  nouvelle  édition  de  saint  Au-     0|,cr.  au- 

1  gust.,lom.  X, 

gustni,  ou  Ion  remarque  que  les  uns  en  comp-  App.  p.  2m. 
tent  trois  cent  quatre-vingt-huit,  et  les  autres 
trois   cent   quatre-vingt-dix;  différence   qui 
ne  venait  alors  que  de  ce  que  l'on  répétait 
deux  différents  nombres,  savoir  :  le  trois  cent 
trente-six  et  le  trois  cent  trente-sept ,  ou  le 
trois  cent  quarante  et  le  trois  cent  quarante- 
un  dans  d'autres  éditions;  mais  dans  la  der- 
nière, qui  est  celle  de  Paris,  en  1711,  on  a 
ajouté  deux  sentences  trouvées  depuis  peu 
dans  les  manuscrits  ,  aux  trois  cent  quatre- 
vingt-huit  ,  ce  qui  fait  que  nous  en  avons  en 
tout  trois  cent  quatre-vingt-dix;  les  trente- 
sept  premières  se  trouvent  dans  le  commen- 
taire de  saint  Prosper  sur  les  Psaumes,  dont 
apparemment  il  les  détacha  lui-même  après 
l'avoir  composé;  mais   elles  n'en  sont  pas 
moins  de  saint  Augustin,  dont  il  n'a  fait  qu'a- 
bréger le  commentaire  sur  les  Psaumes,  en  y 
ajoutant,  comme  nous  avons  dit,  quelque 
chose  des  autres  interprètes.  Le  manuscrit  de 
la  bibliothèque  de  M.  Colbert  ne  compte  que 
soixante-seize  de  ces  sentences,  avec  une  in- 
terprétation entière  où  saint  Prosper  est  dit 
citoyen  de  Toulon.  Le  second  concile  d'Orange 
prit  de  plusieurs  de  ces  sentences  la  matière 
de  ses  décrets.  On  en  ti'ouve  aussi  citées  dans 
le  commentaire  sur  saint  Paul,  qui  porte  le 
nom  de  Florus.  Isidore,  appelé  ordinairement 
le  Marchand ,  en  a  tiré  quelque  chose  pour 
former  les  fausses  décrétâtes  qu'il  a  attribuées 
aux  papes  Zéphyriu,  Calixte  I,  et  à  leurs  suc- 
cesseurs. On  met  ce  recueil  de  saint  Prosper 
vers  l'an  451 ,  ce  dont  on  ne  donne  point  d'au- 
tres raisons,  sinon  qu'on  le  croit  fait  un  peu 


312 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'an  41 
GI6, 


avant  les  cent  sis  épigrammes  de  saint  Pros- 
per,  qui  paraissent  en  effet  avoir  été  com- 
posées vers  le  temps  du  concile  de  Chalcé- 
doine,  et  après  qu'Eutycliès  eut  répandu  ses 
erreurs. 
Epigrararaea       3.  gaint  Prospcr  los  combat  dans  les  épi- 

de  saint  Pros-  *■  ^ 

erfaiiravers  fframmcs  soixanto-cinq  et  soixante-six,  mon- 
trant,  contre  cet  hérésiarque,  que  le  Verbe  a 
pris  un  corps  consubstantiel  au  nôtre,  et  que 
l'union  de  la  nature  divine  avec  la  nature 
humaine  s'est  faite  sans  aucune  confusion. 
Le  génie  et  le  style  de  saint  Prosper  parais- 
sent si  évidemment  dans  ces  épigrammes, 
qu'on  ne  peut  douter  qu'elles  ne  soient  de 
lui;  elles  lui  sont  d'ailleurs  attribuées  dans 
tous  les  manuscrits,  comme  dans  les  impri- 
més. La  matière  de  ces  épigrammes  est  tirée 
des  Sentences  dont  nous  venons  de  parler,  et 
il  y  a  lieu  de  croire  que  saint  Prosper  voulut 
traiter  les  mômes  sujets  en  prose  et  en  vers, 
non-seulement  pour  exercer  sa  veine  poéti- 
tique,  mais  pour  s'imprimer  plus  fortement  à 
lui-même  et  aux  autres  les  vérités  de  la  reli- 
gion, la  contrainte  nécessaire  dans  les  vers 
faisant  que  l'on  retient  plus  aisément  ce  qui 
est  écrit  en  ce  genre.  Ces  épigrammes  sont 
précédées  d'une  préface  où  il  est  dit  qu'il  les 
a  faites  pour  exercer  son  esprit  dans  la  parole 
sacrée  et  pour  nourrir  son  âme  du  pain  cé- 
leste. 11  reconnaît  qu'elles  ne  sont  point  son 
ouvrage,  et  que  c'est  une  rosée  qui  vient  de 
celui  qui  fit  autrefois  couler  les  eaux  d'une 
roche  sèche.  «  La  foi ,  ajoute-t-il ,  exprime 
dans  ces  vers  ce  que  la  piété  nous  a  enseigné 
et  nous  fait  aimer.»  Le  fond  de  ces  épigrammes 
est  tiré  du  recueil  qu'il  avait  fait  des  sentences 
de  saint  Augustin. 

§  VIII. 
De  la  Chronique  de  saint  Prosper. 


Piosp ., 
rpiiiram  , 


Colle  Chio  ■ 

nul  110    C:l     llB 

saint  Prosper. 


\ .  La  Chronique  qui  porte  le  nom  de  saint 
Prosper  lui  est  attribuée  par  un  si  grand 
nombre  d'écrivains  et  d'une  autorité  si  res- 
pectable, que  l'on  ne  peut  douter  raisonna- 
blement qu'elle  ne  soit  de  lui.  Le  premier  ' 
qui  en  parle  et  qui  la  cite  sous  son  nom  est 
Victorius  ou  Victorin ,  le  même  qui ,  par  or- 
dre du  pape  saint  Léon,  fut  chargé  d'exami- 
ner la  difïiculté  qu'il  y  eut  sur  la  fête  de  Pâ- 
ques,  en  433.  Victorius  était  ^  d'Aquitaine, 


comme  saint  Prosper,  et  vivait  en  même  temps 
que  lui.  Son  témoignage  sufBrait  donc  seul 
pour  assurer  cet  ouvrage  à  celui  dont  il  porte 
le  nom.  Gennade  de  Marseille ,  qui  écrivait 
environ  quarante  ans  après,  mit^  aussi  cette  • 
Chronique  parmi  les  ouvrages  de  saint  Pros- 
per. Elle  lui  est  encore  attribuée  par  Cassio- 
dore,  par  saint  Isidore  de  Séville  *  et  par  Vic- 
tor, évêque  de  Tunes  en  Afrique.  Le  style 
fait  voir  aussi  qu'elle  est  de  saint  Prosper. 
S'ils'y  trouve  quelques  fautes  de  chronologie, 
elles  ne  sont  pas  de  nature  à  nous  empêcher 
de  croire  que  ce  père  ne  les  ait  pu  faire  ou 
qu'on  puisse  les  attribuer  aux  copistes. 

2.  Elle  commence  à  la  création  du  monde 
et  finit  à  la  mort  de  Valentinien  III  et  à  la  * 
prise  de  Rome  par  Genseric,  roi  des  Vandales, 
c'est-à-dire  l'an  453  ;  mais  il  ne  faut  pas  s'i- 
maginer qu'elle  soit  entièrement  l'ouvrage  de 
saint  Prosper.  Ce  père  a  suivi  la  Chronique 
d'Eusèbe  en  l'abrégeant,  ce  qu'il  a  fait  d'une 
manière  ti'ès-agréable,  ainsi  que  le  remarque 
Victorius.  Comme  Eusèbe  n'avait  continué  sa 
Chronique  que  jusqu'à  l'an  326,  saint  Prosper 
s'est  servi  de  celle  de  saint  Jérôme  qui,  com- 
mençant où  finit  Eusèbe,  a  conduit  l'histoire 
des  temps  jusqu'en  379;  mais,  en  se  servant 
du  travail  de  ces  deux  écrivains ,  saint  Pros- 
per y  a  ajouté  du  sien,  les  fastes  des  consuls, 
depuis  les  deux  Géminus,  c'est-à-dire  depuis 
la  quinzième  année  de  Tibère,  qui  est  la  vingt- 
neuvième  de  rère  commune,  dont  on  ne  trouve 
rien  dans  les  Chroniques  d'Eusèbe  et  de  saint 
Jérôme.  Il  en  donne  la  suite  dans  sa  Chro- 
nique, qu'il  commence  où  finit  celle  de  saint 
Jérôme,  et  qu'il  conduit  jusqu'en  453;  au 
reste,  il  s'est  tellement  attaché  à  ce  qu'ont 
dit  Eusèbe  et  saint  Jérôme,  qu'il  ne  les  a  pas 
copiés  mot  à  mot ,  rapportant  les  choses  en 
son  propre  style,  et  corrigeant  ce  qui  lui  pa- 
raissait défectueux  dans  le  calcul  de  l'un  et 
de  l'autre  ,  ce  qui  doit  rendre  sa  Chronique 
d'autant  plus  estimable.  Nous  ne  l'avions 
d'abord  qu'en  partie,  c'est-à-dire  que  jus- 
qu'en 446;  mais  elle  s'est  augmentée  de  dix 
ans  dans  l'édition  qu'en  fit  M.  du  Chesne,  dans 
le  tome  I"  des  Historiens  Français.  Le  père 
Labbe  nous  l'a  donnée  tout  entière  en  1637, 
sous  le  nom  de  saint  Prosper,  d'où  elle  est 
passée  dans  l'édition  de  Paris,  en  1711,  après 
avoir  été  revue  sur  les  meilleurs  manuscrits. 


'  Victor.,  apud  Bucherium,  pag.  6. 

2  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  LXXSvm. 

3  Gennad.j  ibid.,  cRp,  lxxxiv. 


^  Cassiod.,  lib.  Iiistit.  divin. ,  cap.  svu;  Isidor.,  lib. 
VI;  Orig.,  cap.  xvii;  Victor,  prsefat.  in  Chronic. 
Prosperi,  pag.  682. 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


[V  SIÈCLE.] 

On  croit  que  saint  Prosper  ne  la  donna  pas 
d'abord  entière  au  public ,  mais  en  trois  fois 
différentes,  savoir  :  en  433,  enM5  et  en  455. 
Elle  est  divisée  en  deux  parties,  dont  la  pre- 
mière finit  en  l'an  378,  où  finit  aussi  la  Chro- 
nique de  saint  Jérôme ,  et  la  seconde  com- 
fag.  755.   mence  à  l'an  379,  et  finit  en  455.  On  a  mis  à 

opcr.  Prosp.  \^  suito  dc  cettc  chronique  un  supplément 
qui  nous  représente  l'état  du  règne  des  Van- 
dales pendant  plusieurs  années,  depuis  la 
prise  de  Home  ;  mais  il  est  visible  qu'il  ne  peut 
être  de  saint  Prosper,  dont  la  chronologie 
finissait,  selon  Gennade ,  à  la  prise  de  cette 
ville. 
Auirochro-       3.  M.  Pllliou  uous  a  douué  une  Chronique 

Luôi!  à  saiut  nui  commence  et  finit  de  même  que  celle  de 

Prosper.  .        t-»  t  -i 

samt  Prosper,  c  est-à-du'e  qu  u  raconte  ce  qui 
s'est  passé  depuis  l'an  379  jusqu'en  l'an  455. 
Quoiqu'elle  porte,  dans  les  manuscrits,  le 
nom  de  Prosper,  sans  addition,  qui  est  le  nom 
consacré  pour  le  défenseur  de  la  grâce ,  il  le 
nomme  Tiro  Prosper  :  en  quoi  il  a  été  blâmé 
généralement.  Cette  Chronique  est  confuse, 
brouillée  et  pleine  de  fautes  de  chronologie, 
riudicsnc,  On  n'y  parle  de  saint  Augustin  que  pour  le 
i3:i.  jiucb?-  décrier,  en  faisant  sortir  de  lui  l'hérésie  des 

nus,  au  t.y-  ' 

chs.paj. 211.  pi'édestinatiens,  que  saint  Prosper  ue  con- 
naissait pas,  puisqu'il  ne  l'a  jamais  réfutée. 
Nuris.nisi.  Tout  cela  a  fait  croire  que  cette  chronique 

Sipl'xv!"'  "'  était  ditîéi'eute  de  celle  qu'on  attribue  com- 
munément  à  saint  Prosper.  Mais,  sans  les 
multiplier,  on  peut  dire  que  c'est  la  même 
chronique,  n'étant  pas  vraisemblable  qu'il 
y  ait  eu  deux  auteurs  du  même  nom  et 
du  même  temps  qui  aient  composé  deux 
chroniques  qui  commencent  et  finissent  l'une 
et  l'autre  à  la  même  année,  et  que  celle 
qui  a  élé  donnée  par  M.  Pithou  est  la  même 
que  celle  de  saint  Prosper,  mais  corrompue, 
abrégée  et  altérée  par  quelque  ignorant,  aussi 
peu  jaloux  de  la  gloire  de  saint  Augustin  que 
saint  Prosper  en  était  le  défenseur.  On  l'a 
imprimée  dans  l'appendice  des  œuvres  de  ce 
père,  de  la  nouvelle  édition. 
Cycle  ouri-       4.  Gcmiade,  dans  l'article  de  Victorius, 

prwfer.  marquc  un  cycle  pascal  composé  par  un  Pros- 
per, sans  dire  que  ce  soit  celui  d'A.quilaine. 
Ce  cycle  était  de  84  ans;  saint  Prosper  en 
parle  plus  d'une  fois  dans  sa  chronique^  mais 
Cïdi'sl'p'is'î^  ^^  "^  ^'^  l'attribue  point.  Nous  ne  l'avons  plus. 
On  sait  seulement  qu'il  était  en  usage  dans 
l'Eglise  romaine  du  temps  de  saint  Léon,  et 
que  saint  Prosper  s'appliquait  assez  à  ces 
sortes  de  supputations. 


313 


§  IX. 


Des  ouvrages  faussemen  t  a  ttrihués  à  saint  Prosper 
ou  qu'on  doute  être  de  lui. 

1 .  Le  père  Sirmond  fit  imprimer  à  Paris,  confcsion 
en  1619,  avec  les  poésies  d'Eugène  et  de  Dra-  d^AquiS" 
conce ,  un  écrit  intitulé  :  Confession  de  Pros-  """■ 

per  d'Aquitaine,  ou  ,  selon  d'autres ,  de  Tiro 
Prosper,  sur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
du  Vatican.  Mais  quoiqu'il  soit  écrit  avec 
assez  de  netteté  et  d'élégance,  on  n'y  trouve 
ni  le  génie  ni  le  style  de  saint  Prosper;  ou 
ne  voit  pas  comment  on  pourrait  dire  de  ce 
saint  ce  que  l'auteur  dit  de  lui-même,  que 
lorsqu'il  fui  touché  de  Dieu  et  qu'il  pensa  sé- 
rieusement à  quitter  les  voluptés  mortelles 
du  siècle,  il  était  parmi  des  peuples  barbares, 
et  qu'il  eût  quitté  leur  pays  s'il  n'en  eût  été 
empêché  par  les  gardes  dont  ils  avaient  bordé 
leurs  frontières.  Il  est  vrai  que  les  Barbares 
firent,  dans  le  v^  siècle,  des  ravages  dans  les 
Gaules  et  dans  l'Aquitaine;  mais  si  saint 
Prosper  eût  été  emmené  captif  par  ces  peu- 
ples ,  eût-il  omis  d'en  dire  quelque  chose 
dans  sa  chronique  ou  dans  ses  autres  écrits, 
où  il  à  eu  si  souvent  l'occasion  de  parler  de 
la  manière  dont  il  s'était  converti  et  d'en 
témoigner  à  Dieu  sa  reconnaissance?  On  ne 
voit  point  d'ailleurs  que  les  ravages  des  Bar- 
bares aient  été  cause  de  la  transmigration  do 
l'auteur  dans  les  pays  étrangers.  Il  dit  assez  p,g.  ,53, 
clairement  qu'il  avait  volontairement  quitté 
sa  patrie,  accompagné  de  gens  qui  ne  valaient 
pas  mieux  que  lui,  et  qu'il  avait  passé  jusque 
sur  les  terres  d'Egypte  et  de  Babylone.  Rien 
de  tout  cela  ne  convient  à  saint  Prosper. 

2.  Comme  il  ne  paraît,  par  aucun  endroit  poémed'oa 
de  sa  vie ,  qu'il  ait  été  engagé  dans  le  ma-  Jlmme,  Vg' 
riage,  c'est  une  raison  très-forte  de  douter 

qu'il  soit  auteur  du  Poème  d'un  mari  à  sa 
femme.  U  y  en  a  encore  plus  de  douter  qu'il 
ait  été  en  état  de  composer  ce  poème  dans 
le  temps  qu'il  a  été  fait,  car  on  ne  peut  le 
mettre  guère  plus  tard  qu'après  le  renverse- 
ment universel  qui  arriva ,  l'an  407,  dans 
l'empire  d'Occident,  puisque  le  poète  qui  en 
avait  été  témoin  en  prend  occasion  d'exhor- 
ter sa  femme  et  de  s'exciter  lui-même  au 
mépris  des  biens  périssables,  pour  ne  s'atta- 
cher qu'aux  éternels.  Or,  en  407,  saint  Pros- 
per ne  pouvait  avoir  que  trois  à  quatre  ans, 
étant  né,  selon  l'opinion  commune,  en  403. 
Ce  poème  est  attribué  à  Tiro  Prosper  par  le  [jed.n,icMo- 
vénérable  Bède;  quatre  manuscrits  le  don-  p'Ig;  j'o""-  '■ 


314 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


p.icfat.  in  lient  à  saint  Prosper  ;  mais  on  en  cite  un  de 
gis,  pag.  771.  Iiuit  cents  ans  ou  il  ne  se  trouve  pas  parmi 
les  poésies  de  ce  père.  Quelqu'en  soit  l'au- 
teur, on  peut  dire  qu'il  lui  fera  toujours  hon- 
neur par  l'élégance  etla  douceur  de  ses  vers. 
Les  seize  premiers  sont  anacréontiques  ou 
iambiques ,  c'est-à-dire  de  sept  syllabes  ;  le 
reste  est  en  vers  hexamètres  et  pentamètres 
ou  élégiaques. 
poopodoia       3.  Le  poème  de  la  Providence  fut  fait  aussi 

ProïlJence  .  \.  v      i  •  ■  t         it 

jivino,p.78o.  environ  dis  ans  après  les  incursions  des  Van- 
dales et  des  Goths  dans  les  Gaules,  c'est-à-dire 
vers  l'an  4:16.  L'auteur,  depuis  longtemps, 
avait'  coutume  de  s'exercer  àdivers  ouvrages 
de  littérature.  Il  témoigne  ^  que  les  Goths  ou 
les  Gèthes,  comme  il  les  appelle,  l'avaient 
fait  prisonnier  et  contraint  de  marcher  au  mi- 
lieu de  leurs  chariots.  Il  marque  assez  net- 
tement qu^il  n'était  plus  du  nombre  des  jeunes 
gens,  mais  ^  un  homme  fait;  il  semble  insi- 
nuer, en  parlant  de  la  destruction  *  des  olives 
de  son  pays,  qu'il  était  de  Provence.  Ainsi 
l'on  trouve  dans  ce  poème  même  deux  rai- 
sons pour  ne  pas  l'attribuer  à  saint  Prosper  : 
l'une,  parce  qu'il  était  encore  jeune  en  -416, 
n'étant  né,  comme  on  le  voit,  que  vers  l'an 
403,  ainsi  qu'on  vient  de  le  remarquer;  l'au- 
tre, parce  qu'il  était  d'Aquitaine  et  non  pas 
de  Provence.  Hincmar  ^  le  cite  sous  le  nom 
de  saint  Prosper,  et  il  lui  est  attribué  dans 
l'édition  de  Lyon  en  1339;  mais  dans  les  sui- 
vantes, on  l'a  mis  parmi  les  ouvrages  dou- 
teux ou  supposés,  à  cause  de  certains  en- 
droits oîi  l'auteur  enseigne  une  doctrine  con- 
traire à  celle  de  saint  Prosper  sur  la  grâce; 
il  faut  cependant  avouer  que  cette  raison  ne 
serait  pas  suffisante ,  parce  qu'il  se  pourrait 
faire  que  saint  Prosper  l'eût  composé  avant 
de  s'être  bien  instruit  sur  cette  matière  dans 
les  écrits  de  saint  Augustin  ;  mais  elle  sufSt 
pour  dire  que  l'auteur  du  poème  de  la  Pro- 
vidence est  dilïérent  de  celui  d'un  Mari  à  sa 
femme,  parce  que  ce  dernier  enseigne  sur 
la  grâce  une  doctrine  mieux  soutenue  ,  au 
lieu  que  l'autre  parle ,  en  certains  endroits, 


*  Prosper,  de  Provid.,  pag.  786,  vers.  1,  2,  3. 

2  Ibid.,  pag.  57,  58. 

3  Ibid.,  pag.  41,  43. 

*  Ibid.,  vers.  30,  pag.  787. 

s  Hincmar.,  de  Prœdestinat.,  cap.iv,  pag.  378,  381, 
tom.  II. 

•J  Cum  vida  tamen  est  bellum,  si  carne  vetusla  exuti, 
in  Chrisli  renovemus  corpus,  et  omnam  vincendi  nobis 
vim  de  victore  petamus;  qui  dum  nostra  suis  social. 


d'une  manière  conforme  à  la  doctrine  de  saint 
Augustin,  et  qu'en  d'autres  il  paraît  favori- 
ser celle  des  pélagiens.  11  dit,  par  exemple, 
que  ^,  quelque  puissant  que  soit  le  démon  que 
nous  avons  à  combattre,  c'est  néanmoins  un 
ennemi  vaincu,  si,  nous  dépouillant  du  vieil 
homme,  nous  nous  renouvelons  en  nous  re- 
vêtant de  Jésus-Christ,  et  si,  pour  vaincre, 
nous  attendons  notre  force  de  ce  vainqueur. 
En  unissant  sa  nature  divine  à  la  nôtre ,  Jé- 
sus-Christ nous  a  communiqué  sa  force,  afin 
que  rhomme  ne  s'appuyât  point  sur  les  sien- 
nes propres  et  mît  sa  confiance  en  celui  sans 
lequel  ne  se  soutiennent  point  ceux  qui  parais- 
sent demeurer  fermes,  qui  réunit  ceux  qui 
sont  dispersés,  et  qui  relève  ceux  qui  sont' 
tombés.  Mais  il  dit  a>llears  '  qu'ayant  tous 
une  même  origine  et  un  même  père,  la  loi 
naturelle ,  qui  comprend  la  connaissance  du 
vrai  et  de  ce  qui  est  juste,  est  innée  avec 
nous,  et  qu'avec  cette  connaissance  plusieurs 
ont  vécu  dans  la  piété  avant  la  loi  de  Moïse, 
rendant  à  Dieu  ce  qu'ils  lui  devaient.  Ces 
deux  poèmes  ne  sont  pas  non  plus  d'un  même 
style.  Celui  du  poème  de  la  Providence  est 
plus  diffus  et  moins  coulant.  L'auteur  y  fait 
un  précis  de  l'histoire  sacrée,  d'où  il  tire  des 
preuves  de  la  providence  de  Dieu  sur  l'homme, 
depuis  le  moment  de  sa  création  jusqu'à  sa 
rédemption  par  le  sang  de  Jésus-Christ.  Ses 
vers  sont  tous  hexamètres  ou  héroïques. 

4.  L'on  a  quelquefois  attribué  à  saint  Pros-    Antrcsccriis 
per  le  recueil  des  autorités  des  pères  sur  la  s^i-^ Pr^^i'or. 
grâce  et  sur  le  libre  arbitre,  qui  est  joint  or-  PrcdiSiscî 
dinairement  à  la  lettre  de  saint  Célestin  aux  sol. 
évêques  des  Gaules.  Nous  ne  répéterons  point 
ici  ce  que  nous  en  avons  dit  dans  l'article  de 
ce  pape.  On  peut  voir  aussi,  dans  celui  de 
saint  Léon,  ce  qui  nous  a  paru  de  mieux  tou- 
chant l'auteur  des  deux  livres  de  la  Vocation 
des  Gentils  et  de  la  lettre  à  la  vierge  Démé- 
triade,  qui,  dans  plusieurs  manuscrits  comme 
dans  les  imprimés ,  portent  le  nom  de  saint 
Prosper.  On  lui  a  aussi  attribué  les  trois  livres 
de  la  Vie  contemplative,  que  l'on  convient  au- 


junxit  sua  nostris,  ut  non  humanis  fidens  homo,  totus 
in  illum  se  referai,  sine  quo  non  siant  qui  stare  vi- 
dentur,  et  per  quem  sparsi  coeunt  stratique  resurgunt. 
Prosper,  de  Provid.,  vers.  967,  pag.  S23. 

■^  Unus  enim  paier  est  cunctorum ,  et  semine  recti 
nemo  caret,  similisque  omnes  produxit  origo,  unde 
etenim  nondum  descripta  lege,  fuerunt  qui  placidum 
sanctis  agerent  in  mori/ms  œvum  :  nec  summi  patris 
ignari,  nec  juris  egeni.  Ibid.,  vers.  427,  pag.  802. 


à 


I 


Nolk.  dfl  [n- 
lurpret.OiviQ. 
Script,  c.  vil. 


[V^  SIÈCLE.] 

jourd'hui  être  de  Julien  Pomère,  qui  écrivait 
sur  la  fin  du  y"  siècle.  Nous  en  parlerons  dans 
son  temps.  Il  paraît  que  Cassiodore  ne  dou- 
tait pas  que  Touvrage  intitulé  :  des  Promesses 
et  des  Prédictions  de  Dieu,  ne  fût  de  saint 
Prosper.  Il  en  recommande  la  lecture  dès  le 
premier  chapitre  de  ses  Institutions  divines, 
comme  étant  de  ce  père ,  et  il  le  cite  encore 
sous  son  nom  dans  son  commentaire  sur  le 
Psaume  xp.  Notlicr  le  lui  attribue  aussi,  et 
cette  opinion  a  eu  cours  pendant  plusieurs 
siècles;  mais  en  examinant  l'ouvrage  de  plus 
près,  on  a  remarqué  que  l'auteur  de  ces  trois 
livres  était  africain;  les  preuves  sont  qu'il 
nomme  '  les  donatistes  et  même  les  maxi- 
mianistes  entre  les  hérétiques  ;  qu'il  cite 
quelque  ^  chose  de  ïichonius,  célèbre  dona- 
tiste;  qu'il  rapporte  diverses  histoires  assez 
particulières  de  l'Afrique,  comme  en  ayant 
été  témoin  oculaire  ;  qu'il  dit  ^  avoir  été  pré- 
sent à  Carthage  lorsque  l'évêque  saint  Aurèle 
y  dédia  à  Jésus -Christ  le  temple  fameux  de 
la  déesse  Céleste;  que  ce  fut  lui  qui,  avec 
d'autres  jeunes  gens,  courant  et  furetant  par- 
tout, remarqua^  sur  le  fi'ontispice  du  temple, 
cette  inscription  qui  surprit  tout  le  monde  : 
Dédié  par  le  pontife  Aurèle;  qu'il  était  *  en 
cette  ville  en  même  temps  que  le  consul  As- 
pare,  c'est-à-dire  en  434  ;  et  qu'il  y  fut  témoin 
d'un  événement  singulier  qu'il  rapporte  tout 
au  long.  Il  dit  aussi  ^  que  pendant  qu'il  était 
k  Carthage,  un  prétendu  moine  y  vint,  se 
vantant  d'y  faire  des  guérisons  miraculeuses 
avec  de  l'huile  où  il  faisait  tremper  l'os  d'un 
mort  inconnu;  mais  son  imposture  ayant  été 
découverte,  il  s'enfuit  de  la  ville.  Soit  que 
cet  écrivain  eût  été  chassé  d'Afrique  par  les 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


313 


Vandales,  après  la  prise  do  Carthage,  en  439; 
soit  qu'il  en  fût  sorti  de  lui-même,  il  était  en 
Campanie  "  dans  les  temps  que  saint  Léon 
poursuivait  les  manichéens  et  les  pélagiens, 
c'est-à-dire  vers  l'an  443.  Il  marque  '  qu'il 
écrivait  du  temps  de  l'empereur  Valenti- 
nien  III,  et,  ce  semble,  après  la  mort  de  Pla- 
cidie,  c'est-à-dire  après  l'an  450  et  avant  433. 
Son  style  est  dur  et  sec,  et  peu  châtié. 

3,  On  trouve  deux  préfaces  à  la  tête  de  cet 
ouvrage,  qui  paraissent  être  de  la  même 
main.  Dans  la  seconde,  l'auteur  dit  qu'il  a 
divisé  son  ouvrage  en  plusieurs  parties  qui 
comprennent  les  promesses  de  Jésus-Christ 
et  de  l'Eglise  marquées  dans  l'Ecriture.  Il 
commence  par  les  promesses  faites  avant  la 
loi  et  sous  la  loi,  et  en  fait  voir  l'accomplis- 
sement sous  la  loi  de  grâce.  Il  renferme  tou- 
tes ces  promesses  sous  cent  cinquante-trois 
titres,  par  allusion  aux  cent  cinquante-trois 
poissons  de  l'Evangile.  Ce  n'est  pour  ainsi 
dire  qu'un  tissu  de  passages  dont  il  fait  l'ap- 
plication en  la  manière  qui  lui  paraissait  la 
plus  convenable.  Il  trouve,  par  exemple,  dans 
la  création  d'Adam  et  d'Eve,  la  figure  de  Jé- 
sus-Christ et  de  son  Eglise;  dans  la  malédic- 
tion qui  suivit  la  prévarication  de  la  pre- 
mière femme,  le  péché  originel  ;  dans  Caïn 
et  Abel,  la  figure  de  deux  peuples,  savoir  de 
celui  des  chrétiens,  et  des  Juifs  ;  dans  la 
construction  de  l'arche,  la  figure  de  l'Eglise; 
celle  des  nations  dispersées,  mais  réunies 
par  Jésus-Christ,  dans  les  trois  enfants  de 
Noé.  Il  croit  que  la  langue  hébraïque  lire 
son  origine  d'Héber,  et  prouve  que  celte 
langue  est  la  première  de  toutes,  parce  que 
dans  l'inscription  que  Pilate  fit  mettre  sur  la 


Coqurîfon- 
tient  lo  livi'u 
des    Prunies- 


Premièio 
partie,  p.  a!. 


P.irteJî.cap. 
ult.  pag.  200. 


1  Lepra  in  corpore,  donalistœ,  maximianistœ,  luci- 
feriani,  cœterique  similihus  erroribus  obvoluti.  Prosp., 
de  Promissis,  part.  2,  cap.  VI,  pag.  130. 

2  Sed  de  his  Tickoniiis  mulla  conscripsit.  Ibid., 
part.  4,  pag.  199. 

3  Cmn  sanctcB  Paschœ  solemnitas  arjereiur,  coltecla 
illic  et  undique  adveniens  multHudo  sacerdotum,  Pa- 
ter et  dignœ  memoriœ  nominandus  antistes  Aureiius, 
Celcstix  jam  patries  eivis,  cathedram  illic  loco  Celes- 
tis  et  habuit  et  sedit;  ipse  turn  aderam  cum  sociis  et 
ariiicis,  atqiie  ut  se  adolescentium  œtas  impatiens  cir- 
cumquaque  vertebat,  dum  curiosi  singula  quœquœpro 
magnitvdine  inspicimus,  mirum  quoddam  et  incredi- 
bile  nostro  se  ingessit  aspectui,  titulus  œneis  gran- 
diorihusque  litieris  in  frontispicio  templi  conscriptus  : 
Aureiius  ponlifex  dedicavit;  hune  legentes  populi 
mirabantur.  Prœlego  tune  spiritu  acta,  quœ  prcesciiis 
Dei  ordo  certo  isto  fine  concluserat.  Ibid.,  part.  S, 
cap.  xssviii,  pag.  186. 

*  Nostris  quoque  iemporibus  Asparo  viro  clarissimo 
consute  Carthagini  constituto,  hoc  signum  diabolicum , 


monstrosumque.  quod  illic  accidit,  quis  illius  patriœ 
eivis  ignorât?  Ibid.,  part.  4,  pag.  193. 

s  Novimus  etiam  advenisse  illuc  quemdam  sub  spe- 
■cie  monaeld,  qui  quœdam  signa  curationum  se  ope- 
rari  fatebatnr;  cumque  circa  cœcos  et  claudos  quos- 
dam  egeret  lusiis,  eosque  oleo  nescio  cujus  mortui  esse 
infusa  liniret ;  ut  sibivisus  gressusque  rcdditos  cesti- 
mabant,  discedentes  in  illis  quibus  antea  tenebantur 
infirmitatibus  permanebant.  Sed  in  his  perdituin  sese 
cognoscens  seducior  ille  aufugit.  Ibid.,  part..  4,  cap. 
VI,  pag.  193. 

"  In  llalia  quoque,  nobis  apud  Campaniam  consti- 
tutis,  dum  venerabilis  et  apostolico  honore  nominan- 
dus papa  Léo  manichœos  subvertebat,  et  conterebat 
pelagianos,  et  maxime  Juliamim.  Ibid. 

'  Ille  verus  Deus,  cujus  prophetica  vaticinia  nesciunt 
(imnino  mentiri  nec  fallere,  sub  Constantio  et  Augtista 
Placidia,  quorum  nunc  filius  Valentinianus  pius  et 
christianu^  imperat,  Urso  insistenie  tribuno,  omnia 
nia  tempta  ad  solum  usque  perducta,  agrum  reliquit  in 
sepulturam  moriuorum.  Ibid.,  part.  38,  cap.  vui,  p.  180. 


316 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


croix  où  Jésus-Christ  fut  attaché,  le  nom  du 
Sauveur  était  écrit  premièrement  en  lettres 
hébraïques.  Le  jugement  que  Dieu  prononça 
contre  Sodome  et  Gomorrhe,  lui  paraît  une 
prédiction  du  jugement  dernier.  Il  applique 
à  la  passion  de  Jésus-Christ  ce  qui  est  dit  dii 
sacrifice  d'isaac  ;,  et  aux  promesses  qu'Isaac 
fit  à  Esaii,  la  conversion  des  Gentils,  au 
nombre  desquels  il  met  Job  comme  l'on  des 
descendants  d'Esaû.  Le  reste  de  la  première 
partie  est  dans  le  même  goût. 

Tieuxiôme  g.  j]  f]it  dans  la  seconde  que  la  loi  donnée 
sur  la  montagne,  marquait  les  préceptes 
renfermés  dans  le  sermon  de  Jésus-Christ 
sur  la  montagne  ;  que  tous  les  sacrifices  de 
l'ancienne  loi  étaient  une  figure  de  celui  de 
Jésus-Christ  ;  qu'il  était  figuré  dans  le  ser- 
pent d'airain,  dans  la  personne  de  Josué  et 
des  autres  libérateurs  du  peuple  d'Israël  ; 
que  l'alliance  de  Ruth  avec  Booz  marquait 
qu'un  jour  les  Gentils  prendraient  la  place 
des  Juifs.  11  prétend  trouver  Jésus-Christ 
dans  toutes  les  visions  expliquées  par  le  pro- 
phète Daniel.  Il  reçoit  l'histoire  de  Judith 
comme  véritable,  et  il  en  fait  de  même  de 
cefie  de  Tobie. 

Troisiècno  7.  11  commeuce  la  troisième  partie  par  ce 
par  ic,  p.     .   ^^.  j,gg,^j.jjg   saint   Jean-Baptiste,  montrant 

qu'Isaïe  avait  annoncé  sa  venue.  Il  cite  sur 
le  même  sujet  trois  vers  de  la  sibylle  d'Ery- 
thrée. Puis,  venant  à  Jésus-Christ,  il  rapporte 
les  passages  de  l'Ancien  Testament  qui  an- 
nonçaient sa  naissance  et  les  autres  circons- 
tances de  sa  vie,  de  sa  passion ,  de  sa  résur- 
rection et  de  son  ascension,  faisant  voir  par 
ceux  du  Nouveau  que  tout  ce  qui  avait  été 
prédit  de  lui  a  été  accomph.  Il  cite  un  vers 
de  Virgile  sur  le  changement  qui  s'est  fait 
par  la  venue  de  Jésus-Chiist,  du  vieil  homme 
en  homme  nouveau.  Il  en  cite  un  autre  du 
même  poète,  sur  le  sang  que  les  martyrs 
ont  répandu  afin  de  rendre  témoignage 
à  Jésus-Christ.  Il  compte  dix  persécutions 
depuis  Néron  jusqu'à  Dioclétien  et  Maxi- 
milieu.  Il  en  met  une,  arrivée  de  son  temps 
chez  les  Perses,  à  l'occasion  de  quoi  il  ra- 
conte que  plusieurs  Arméniens  chrétiens  s'é- 
tant  réfugiés  dans  l'empire,  Arcade  qui  ré- 
gnait alors,  aima  mieux  avoir  la  guerre  avec 
les  Perses,  que  de  livrer  ceux  à  qui  il  avait 


accordé  une  retraite  ;  que,  dans  le  moment 
que  ses  soldats  entraient  dans  le  combat,  des 
croix  parurent  sur  leurs  habits,  et  '  qu'ayant 
remporté  la  victoire  sur  les  Perses,  il  fit 
frapper  une  monnaie  d'or  marquée  au  signe 
de  la  croix  ;  que  cette  monnaie  se  répandit 
dans  tout  le  monde,  et  qu'il  y  en  avait  surtout 
en  Asie  lorsqu'il  rapportait  ce  fait.  11  rap- 
porte après  cela  ce  qu'on  lit  dans  l'Ancien 
et  le  Nouveau  Testament,  touchant  la  voca- 
tion des  Gentils  au  christianisme,  la  conver- 
sion des  princes  païens  et  le  renversement 
des  temples  et  des  idoles,  et  montre  non- 
seulement  par  l'Ecriture,  mais  par  l'autorité 
de  la  Sibylle,  que  toutes  ces  choses  ont  été 
accomplies  ou  qu'elles  s'accomphssaient  tous 
les  jours  par  le  zèle  des  empereurs  chré- 
tiens, entre  lesquels  il  nomme  le  grand  Théo- 
dose, Honorius  et  Arcade. 

8.  La  quatrième  partie  est  employée  à  Qoairièmo 
l'explication  des  prophéties  qui  doivent  s'ac-  p"''"-?-"-'- 
complir  à  la  fin  du  m.onde  dans  l'Antéchrist. 
Il  y  en  a  aussi  qui  regardent  la  mission  d'Elie 
et  d'Hénoc,  leur  mort,  leur  résurrection;  le 
second  a^vénement  du  Fils  de  Dieu,  la  résur- 
rection générale,  le  jugement  dernier  et  le 
feu  qui  doit  tout  purifier  :  sur  quoi  l'auteur 
allègue  encore  deux  vers  de  la  Sibylle.  C'est 
dans  cette  quatrième  partie  qu'il  raconte 
qu'étant  à  Garthage^  une  jeune  fille,  arabe  de 
naissance,  qui  portait  l'habit  d'une  servante 
de  Dieu,  c'est-à-dire  d'une  vierge  consacrée 
à  Dieu,  s'étant  baignée  dans  un  bain  où  il  y 
avait  une  statue  de  Vénus,  il  lui  arriva  de  la 
regarder  avec  des  yeux  impudiques  et  d'eu 
aûecter  la  posture;  aussitôt  le  démon  se  sai- 
sit d'elle  et  la  pressa  sur  la  gorge,  de  façon 
qu'elle  fut  pendant  près  de  soixante-dix  jours 
et  autant  de  nuits  sans  pouvoir  ni  boire  ni 
manger.  Cet  événement  ayant  fait  grand 
bruit,  ceux  à  qui  efie  appartenait,  la  condui- 
sirent dans  un  monastère  de  filles  où  il  y 
avait  des  reliques  de  saint  Etienne.  Elle  y 
resta  deux  semaines  sans  prendre  de  nour- 
riture. Enfin  le  quinzième  jour,  qui  était  un 
dimanche,  le  prêtre  y  étant  allé  pour  y  oflrir 
le  sacrifice  du  matin,  on  conduisit  cette  fille 
à  l'autel  ;  à  peine  se  fut-elle  prosternée  que, 
fondant  en  larmes  et  poussant  des  sanglots, 
elle  en  excita  dans  les  assistants,  qui  prièrent 


*  Satie  nostris  temporibus  apud  Pemas  persecutio- 
nem  facfam  novimus,  impcrauie  Arcadio,  religioso  et. 
cliristiano  principe,  qui  ne  iraderet  ad  se  confuyientes 
Armenios,  belium  cum  Persis  confecit.  Eo  signo,  an- 
terjuam   potilus  Victoria  jam   coeimtibiis  in  prœlium 


militibns,  aeriœ  cruces  in  vestibus  panwre .  Vndeeiiam 
Victor  auream  monetam  eodem  cum  signo  crucis  fieri 
prœcepit,  quœ  in  usu  totius  orbis  et  maxime  Asice  ho- 
dieque  persista.  Prosp.,  de  prom.,  part.  3,  cap.  xxxiv, 
pag.  183. 


[V"  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XII.  —  SAINT  PROSPER. 


317 


Dieu  pour  el  '^  avec  beaucoup  d'instance.  Le 
sacrifice  fini,  le  prêtre  lui  donna  une  partie 
du  corps  de  Jésus-Christ  trempée.  Elle  la  tint 
dans  sa  bouche  pendant  une  demi -heure 
sans  pouvoir  l'avaler,  parce  que  le  diable  ne 
l'avait  encore  point  quittée.  Cependant  le 
prêtre  lui  tenait  le  visage  de  sa  main,  de 
peur  qu'elle  ne  jetât  le  saint  corps.  Le  diacre 
qui  était  auprès,  conseilla  au  prêtre  d'appli- 
quer à  la  gorge  de  la  fille  le  calice  du  sang 
précieux,  et  aussitôt  le  démon,  qui  s'était  em- 
paré de  cet  endroit,  l'abandonna,  et  la  fille 
cria  avec  actions  de  grâces  '  qu'elle  avait 
avalé  le  sacrement  qu'elle  avait  dans  sa  bou- 
che. Tout  le  monde  loua  Dieu  de  ce  que  cette 
fille  était  délivrée  de  l'esclavage  du  démon, 
qui  l'avaitpossédéependant  quatre-vingt-cinq 
jours.  On  offrit  une  seconde  fois  le  sacrifice 
pour  elle  en  action  de  grâce  ;  elle  y  partie 
cipa,  ensuite  on  la  renvoya  à  ses  fonctions 
ordinaires.  Alors  le  diacre  inspiré  de  Dieu, 
alla  à  l'endroit  où  était  la  statue  de  Vénus 
et  la  réduisit  en  poussière. 

9.  La  cinquième  regarde  les  prédictions  et 
les  promesses  qui  doivent  s'accomplir  dans 
la  nouvelle  Jérusalem,  c'est-à-dire'  la  gloire 
éternelle  dont  les  saints  jouiront  dans  le  ciel, 
où  ils  verront  Dieu  face  à  face.  L'auteur,  après 
avoir  rapporté  ce  qui  est  dit  dans  l'Apoca- 
lypse, qu'il  dit  être  de  l'apôtre  saint  Jean, 
touchant  ceux  qui  auront  vaincu,  qu'il  leur 
sera  donné  une  pierre  blanche  sur  laquelle  sera 
écrit  un  nom  nouveau,  remarque  que  l'on  avait 
coutume,  à  Carthage,  d'écrire  les  noms  des 
proconsuls  sur  un  jeton  d'ivoire  ;  qu'en  un 
jour  de  fête  le  juge  les  nommait  tous  dans  la 
place  pubhque,  en  présence  du  peuple,  qui 
comblait  de  louanges  ceux  qui  avaient  admi- 
nistré sagement  la  république,  et  chargeait 
d'injures  ceux  qui  n'avaient  songé  qu'à  con- 
tenter leur  avarice.  Il  finit  son  ouvrage 
par  de  grands  sentiments  d'humilité  et  en 
reconnaissant  qu'il  l'avait  achevé   avec   la 


grâce  de  Dieu  dont  il  avait  imploré  le  se- 
cours en  le  commençant. 

Cet  écrit,  quoique  défectueux  pour  le  style, 
ne  laisse  pas  d'être  utile ,  parce  qu'on  y  voit 
d'un  coup  d'œil  les  endroits  de  l'Ecriture 
qui  contiennent  quelques  prophéties,  avec 
ceux  qui  en  marquent  l'accomplissement, 
ce  que  l'auteur  n'a  pu  faire  sans  beaucoup 
de  travail  et  sans  une  grande  connaissance 
des  Livres  saints.  Il  ne  cite  point  les  anciens 
auteurs  ecclésiastiques,  si  ce  n'est  saint  Au- 
gustin, Orosius  et  Tichonius  ;  mais  il  cite 
plusieurs  fois  Virgile  et  la  Sibylle. 

ARTICLE  m. 

JUGEMENT    DES    ÉCRITS    DE    SAINT    PROSPER.   — 
ÉDITIONS   qu'on   en   A   FAITES. 

i .  Saint  Prosper  a  réuni  les  rares  talents 
d'écrire  avec  élégance  eu  vers  et  en  prose. 
Ses  poésies  ont  de  la  douceur,  de  l'ouction 
et  du  feu.  La  diction  en  est  pure,  et  le  tour 
aisé.  S'il  n'y  a  point  jeté  d'enjouement  à  la 
manière  des  poètes  profanes ,  c'est  qu'il  ne 
cherchait  qu'à  défendre  la  vérité,  à  édifier 
et  non  à  plaire  par  de  fausses  imaginations. 
Sa  matière  d'ailleurs  ne  le  permettait  pas  ; 
quelque  épineuse  qu'elle  paraisse  d'elle- 
même,  puisqu'elle  regarde  les  plus  sublimes 
mystères,  il  a  su  lui  donner  de  l'agrément 
par  la  beauté  de  ses  vers,  par  la  force  et  la 
hardiesse  de  ses  expressions,  par  l'élévation 
et  la  noblesse  de  ses  pensées,  et  par  la  ma- 
nière ingénieuse  dont  il  l'a  traitée.  Ses  ou- 
vrages en  prose  sont  d'un  style  concis,  nei- 
veux,  naturel,  sans  aiïectation  ni  de  termes 
ni  de  figures.  Dans  l'un  et  l'autre  genre  d'é- 
crire, il  traite  son  sujet  avec  beaucoup  do 
force  et  de  netteté,  songeant  moins  à  orner 
son  discours,  qu'à  le  rendre  utile;  c'est  pour- 
quoi l'on  ne  trouvera  point  dans  ses  écrits 
cette  sorte  d'éloquence  qui  a  plus  de  bril- 
lant que  de  solide,  et  qui  ne  consiste  souvent 


Jiigcmen 
de  CCI  écrit. 


Jugement 
des  éi'rits  de 
saiul  Prosper. 


1  Accidit  aiitem  ut  quinius  decimus  Dominicus  illu- 
cesceret  dies.  Ascendente  nobiscum  sacerdoie,  ui  ma- 
tutinum  illic  sacrificium  soliio  offerretur,  pueltam 
prœpositus  ad  ullare  perduxit.  Sed  ut  se  illa  pros- 
travit  altari,  clnmore  fletus  sui  cunctis  asfantiOus  ge- 
milus  lacrymasque  induxit,  qttibus  tanttim  inalum 
auferendum  prœsens  plabs  Dominum  exombat.  Peracto 
itaque  sacrificio,  cum  eadem  inter  cœleras  breoem 
particulam  corporis  Domird  linciam  a  sacerdote  per- 
ciperet,  semi  hora  mandens  trajicere  non  valuit,  non- 
dum  illo  fugalo,  de  quo  dicit  Apostolus  :  Quae  conso- 
nantia  Chrisli  ad  Belial.'  Manu  igitur  faciem  ejus 
sustentante  sacerdote,  ne   sancium  projiceret,  a  quo- 


dam  diacono  suggestum  est,  ut  calicem  salutare  gut- 
turi  ejus  pontifex  applicaret,  quod  et  factum  est, 
statim  ut  locum  illmn  quem  diabolus  obsederat,  Sal- 
vatoris  imperio  reliquit,  sacramentum  quod  ore  gesta- 
hat  cum  laude  Redemptoris  transglutisse  puella  cla- 
mavit.  Hinc  lœtitia,  hinc  voces  in  gloriam  Dei,  quod 
poit  octoginla  et  quinqve  dies,  diabolo  expulsa,  puella 
de  potestate  fuerit  erecta  inimici.  Oblatio  itaque  rur- 
sum  gratiarum  actionis  pro  ea  fit,  sacrificiique  per- 
cipiens  certam  partem,  prisco  est  reddita  ustu.  Tum 
etiam  dum  hœc  aguntur,  spiritu  divino  actus  diaco- 
nus  ejusdem  liluli  staluam  illam  sublatam  confregit 
in  pulverem.  Prosp.,  de  Prom.,  part.  4,  cap.  vi,  pag.  193 . 


318 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


que  dans  le  choix  et  l'aiTangeineiit  des  ter- 
mes et  dans  un  feu  d'imagination.  La  sienne 
esL  une  éloquence  mâle,  qui  a  pour  fonde- 
ment des  raisonnements  très -forts  et  bien 
suivis,  des  expressions  nobles,  des  pensées 
élevées,  une  érudition  profonde  dans  les  let- 
tres divines  et  humaines,  un  excellent  Juge- 
ment et  une  pénétration  d'esprit  à  qui  rien 
n'échappe. 
Editions       2.  Le  poème  contre  les  Inqrats  fut  imprimé 

parliculiBres  ^  .f77T,.;.''/ 

dos  écrits  do  en  1560,  m-S",  avec  le  traité  du  Pèche  originel 

saint  Prospor.  '  '  n       •  /-\ 

et  du  Libre  arbitre,  par  Flaccmslllyricns.  On 
joignit  à  l'édition  de  1647,  à  Paris,  en  un 
•  volume  in-4°,  la  traduction  française  en  prose 
et  en  vers  que  Lemaistre  de  Sacy  avait  faite 
de  ce  poème  ;  elle  fut  réimprimée  en  la 
même  manière,  à  Paris,  chez  Desprez,  en 
1717  et  en  1726,  in-12,  avec  la  traduction  de 
la  lettre  à  Rufin,  et  un  abrégé  de  la  doctrine 
de  saint  Prosper  sur  la  grâce  et  le  libre  ar- 
bitre, tiré  de  tous  ses  ouvrages.  Aldus  im- 
prima à  Rome  les  épigrammcs  de  ce  père  à 
la  suite  des  œuvres  de  Prudence,  in-i",  en 
1301  ;  on  le  trouve  dans  VEcole  chrétienne, 
in-S",  de  Jean  Susenbeth,  imprimée  à  Bâle, 
en  1.539  et  1541,  avec  le  poème  de  Sédulius, 
imprimé  dans  la  môme  ville,  mais  sans  date, 
et  avec  YAntologic  sacrée  de  Jacques  de  Billy, 
chez  Jacques  Chouet,  en  1591,  in-16.  Chris- 
tophe Plantin  donna  en  1560,  en  un  volume 
in-16,  à  Anvers,  toutes  les  poésies  de  saint 
Prosper,  avec  celles  de  saint  Paulin  de  Noie 
et  de  quelques  autres  poètes.  Pulman  prit 
soin  de  cette  édition.  Elles  se  trouvent  aussi 
dans  \&  Recueil  des  poètes,  par  Georges  Fabri- 
cius,  imprimé  à  Bâle,  chez  Oporin,  en  1564. 
Le  livre  de  la  Grâce  et  du  Libre  arbitre  contre 
le  Collateur,  a  été  donné  plusieurs  fois  avec 
les  Conférences  de  Cassien.  Jean  Sichard  l'in- 
séra dans  la  collection  de  quelques  anciens 
pères,  imprimée  à  Bâle  en  1528.  En  1524, 
il  fut  imprimé  à  Mayence  avec  la  lettre  de 
saint  Gélestin  aux  évoques  des  Gaules,  par 
les  soins  de  Nicolas  Carbacchius.  Nous  en 
avons  une  autre  édition  faite  à  Paris,  en  1533, 
in-12  ;  l'éditeur  y  donne  à  saint  Prosper  la 
qualité  de  prêtre.  Il  y  en  a  une  autre  de 
Leyde,  en  1606.  Jean  de  Sens,  curé  de  Jaulnes- 
lès  Bray-sur-Seine ,  en  traduisit  une  partie, 
qui  fut  imprimée  en  1576,  à  Paris,  avec  la 
traduction  du  traité  de  la  Vie  contemplative, 
par  Julien  Pomère.  Le  recueil  des  Sentences 
de  ce  père,  tirées  des  écrits  de  saint  Augus- 
tin, fut  mis  sous  presse  à  Cologne  en  1531, 
in-8°,  et  à  Helmstadt,  en  1613.  Nous  avons 


deux  éditions  particulières  de  la  Chronique  : 
l'une  du  père  Labbe,  en  1637,  dans  le  pre- 
mier tome  de  sa  Nouvelle  Bibliothèque,  et 
l'autre  de  Basnage,  dans  le  second  tome  des 
Anciennes  Leçons  de  Canisius,à  Anvers,  en 
1723,  in-folio. 

[L'édition  de  saint  Prosper,  donnée  à  Rome 
en  1732,  in-S",  par  Satinas,  avec  des  notes  et 
des  observations,  contient  seulement  les  épî- 
tres  de  saint  Prosper,  le  poème  des  Ingrats, 
deux  épigrammes  contre  les  détracteurs  de 
saint  Augustin,  et  l'épitaphe  sur  l'hérésie  nes- 
torienne.  Les  Opei'a  selecta  des  saints  pères, 
sur  la  grâce  et  la  prédestination  des  saints, 
par  Foggini,  Rome,  1758,  in-8",  et  souvent 
réimprimés ,  contiennent  les  opuscules  du 
saint  docteur  sur  le  semi-pélagianisme.  Deux 
autres  petits  volumes  avaient  été  publiés  par 
le  même  éditeur,  en  1734;  on  y  trouve  les 
autres  œuvres  de  saint  Prosper  sur  la  grâce; 
ils  ont  été  réimprimés  à  Paris,  en  1757.] 

3.  L'édition  d'Antoine  Augerèle,  imprimeur     Ejitionsgû- 
à  Paris,  ne  contient  que  la  lettre  à  Rufin  et  cents  desaim 

,  ,  ^       .  ,  .  ,        Prosper  [Tra- 

ies réponses   aux   extraits    des   prêtres   de  ducuonsfrau- 

'-  çalsc;;.] 

Gênes;  elle  est  de  l'an  1533;  celle  de  Ber- 
nardin Stagnini,  qui  est  de  1538,  contient, 
outre  les  deux  opuscules  de  l'édition  précé- 
dente, le  livre  contre  le  Collateur  et  les  épi- 
grammes,  avec  la  lettre  d'Aurèle  de  Car- 
thage ,  celle  de  saint  Gélestin  aux  évêques 
des  Gaules,  et  les  autorités  des  pères  sur  la 
grâce  et  le  libre  arbitre.  En  1539,  Sébastien 
Gryphe,  imprimeur  à  Lyon,  donna  une  nou- 
velle édition  des  œuvres  de  saint  Prosper, 
revue  sur  plusieurs  manuscrits,  dans  laquelle 
il  mit,  outre  les  ouvrages  déjà  imprimés,  le 
poème  cont7-e  les  Ingrats,  celui  de  la  Provi- 
dence, les  réponses  aux  objections  des  Gaulois, 
des  prêtres  de  Gênes  et  de  Vincent,  le  com- 
mentaire sur  les  Psaumes,  et  les  Sentences  de 
saint  Augustin  ;  mais  il  n'y  mit  point  la  lettre 
de  saint  Gélestin,  ni  les  autorités  du  Saint- 
Siège  sur  la  grâce  ;  son  édition  est  en  un  vo- 
lume in-foho.  Celle  qui  fut  faite  en  1540,  à 
Cologne,  chez  Héron  Alopétius,  in-8°,  con- 
tient de  plus  que  la  précédente,  les  trois  li- 
vres de  la  Vie  contemplative,  et  l'ouvrage  in- 
titulé :  des  Prédictions  et  des  Promesses  de  Dieu. 
Il  en  parut  une  autre  à  Louvain,  chez  Bau- 
gard,  en  1363,  un  vol.  in-4°,  par  les  soins  de 
Jean  Sotellus ,  théologien  de  la  même  ville.  Il 
ajouta  à  l'édition  de  Cologne  la  lettre  de 
saint  Prosper  à  saint  Augustin,  les  deux  li- 
vres de  la  Vocation  des  Gentils,  la  lettre  à  la 
vierge  Démétriadc,  et  les  canons  du  second 


[v  SIÈCLE.]        CHAPITRE  XIII.  —  SAINT  MAXIME,  ÉVÊQUE  DE  TURIN. 


319 


concile  d'Orange.  L'éditeur  y  fait  observer 
que  le  traité  des  Prédictions  et  des  Promesses, 
de  même  que  le  poème  sur  la  Providence, 
n'est  point  de  saint  Prosper.  Jean  Olivier  fit 
de  nouveau  mettre  sous  presse  les  œuvres  de 
ce  père,  à  Douai,  en  1577,  in-S".  C'est  sur 
cette  édition  qu'on  les  a  réimprimées  à  Co- 
logne, en  1609,  in-8°;  à  Rome,  en  1611,  de 
l'imprimerie  de  la  Chambre  apostolique  ;  à 
Cologne,  en  1630,  in-S";  à  Lyon,  en  1639,  et 
dans  les  Bibliothèques  des  Pères  de  Cologne,  de 
Paris  et  de  Lyon;  elles  furent  réimprimées  à 
Paris,  en  1671,  avec  les  écrits  de  saint  Léon. 
La  plus  ample  et  la  plus  complète  de 
toutes  éditions  de  saint  Prosper,  est  celle 
que  Mangeant  a  publiée  à  Paris,  en  1711, 
chez  Desprez  et  Desessarts ,  in-folio  ;  elle 
est  divisée  en  trois  parties  :  la  première 
renferme  la  Vie  de  saint  Prosper ,  tirée 
entièrement  des  Mémoires  de  de  Tillemont, 
dont  l'éditeur  avait  eu  communication  avant 
qu'ils  fussent  imprimés  ;  la  lettre  de  saint 
Prosper  à  saint  Augustin,  celle  d'Hilaire  au 
même  père  ,  les  deux  livres  de  la  Prédestina- 
tion des  Saints  et  du  Don  de  la  persévérance  ;  la 
lettre  de  saint  Prosper  à  Rufîn  ,  son  poème 
contre  les  Ingrats,  trois  de  ses  épigrammes, 
ses  réponses  aux  Gaulois ,  à  Vincent  et  aux 
prêtres  de  Gênes  ;  la  lettre  de  saint  Célestin 
avec  les  autorités  des  papes  sur  la  grâce  ;  la 
treizième  Conférence  de  Cassien,  la  réfutation 
que  saint  Prosper  en  a  faite  ;  son  commen- 
taire sur  les  Psaumes,  son  livre  des  Sentences 
et  celui  des  Epigrammes,  sa  Chronique  en- 
tière, les  canons  du  second  concile  d'Orange, 
à  quoi  il  a  ajouté  la  confession  qui  porte  le 
nom  de  saint  Prosper,  et  quatre  autres  éci-its 
qui  lui  sont  attribués,  savoir  :  un  Poème  d'un 


mari  à  sa  femme,  celui  de  la  Providence,  les 
deux  livres  de  la  Vocation  des  Gentils,  et  la 
lettre  à  Démétriade.  L'avertissement  mis 
à  la  tête  de  ces  deux  dernières  pièces,  est 
tiré  de  Dupin.  La  seconde  partie  contient  les 
trois  livres  de  la  Vie  contemplative ,  de  Julien 
Pomère  ;  l'ouvrage  qui  a  pour  titre  :  des  Pro- 
messes et  des  Prédictions  de  Dieu,  et  la  Chro- 
nique de  Tiro  Prosper,  donnée  au  public  par 
Pithou,  sur  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  Saint-Victor  de  Paris,  imprimée  en  cette 
ville,  en  1588,  et  depuis  par  le  père  Labbe, 
dans  le  premier  tome  de  sa  Bibliothèque,  en 
1657  ,  mais  après  l'avoir  revue  et  corrigée 
sur  divers  manuscrits.  On  trouve  dans  la 
troisième  partie  un  grand  nombre  de  pièces 
qui  peuvent  donner  de  l'éclaircissement  à 
certains  endroits  des  écrits  de  saint  Prosper, 
et  qui  en  donnent  beaucoup  à  l'histoire  des 
semi-pélagiens.  La  plus  considérable  est  le 
livre  de  la  Correction  et  de  la  grâce,  que  saint 
Augustin  adressa  à  l'abbé  Valentin  ;  les  au- 
tres sont  des  extraits  de  divers  ouvrages  de 
ce  père.  Ce  qui  rend  la  dernière  édition  de 
saint  Prosper  plus  utile  que  les  précédentes, 
est  surtout  le  grand  nombre  de  notes  margi- 
nales qui  servent  beaucoup  pour  l'intelli- 
gence du  texte.  [Elle  a  été  réimprimée  à  Ve- 
nise, en  1744,  in-folio,  et  dans  la  même  ville, 
en  1782,  in-4''.  Elle  est  reproduite  dans  le 
tome  LI=  de  la  Patrologie  latine.'] 

Les  œuvres  authentiques  de  saint  Prosper 
ont  été  traduites  en  français,  par  Lequeux, 
Paris  1762 ,  in-12.  Le  poème  contre  les  In- 
grats ,  donné  en  français  par  Lemaistre  de 
Sacy,  Paris  1646,  a  été  souvent  réimprimé, 
en  particulier  en  1650,  avec  la  traduction  en 
prose  de  la  lettre  à  Rufîn,  par  le  même.] 


CHAPITRE  Xill. 

Saint  Maxime,  évêque  de  Turin  [écrivain  latin]. 

[Après  l'an  405.] 


.  f;eqa;on       1-  Salut  Maxime,  évêque  de  Turin,  loué      peuples  les  vérités   qu'il  avait  apprises  de 

MaJm  '"'Jo   dans  Gennade  '  pour  le  don  particulier  qu'il      l'Ecriture  dont  il  faisait  son  étude  ordinaire. 

avait  de  parler  sur-le-champ,  enseignait  aux      II  assista,  en  451,  au  concile  de  Milan  *  as- 


'  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  XL. 


•  Toiu.  I  opor  Léon.,  pag.  292. 


320 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ses    Iiomû 
liei,    tom.Vl 


semblé  par  l'évêquc  saint  Eusèbe,  et  à  celui 
que  le  pape  Hilaire  *  tint  à  Rome  en  465  ;  il 
est  nommé  le  premier  après  le  pape  dans  ce 
concile  :  honneur  qu'on  lui  déféra  apparem- 
ment ou  pour  sou  grand  âge,  ou  pour  sou 
mérite  personnel.  11  protesta  dans  cette  as- 
semblée qu'il  2  ne  pouvait  mieux  marquer 
son  sentiment  sur  l'obsei'vation  des  canons, 
touchant  l'ordination  des  ministres  de  l'E- 
glise, qu'en  déclarant  qu'il  les  observerait 
toujours  inviolablement.  C'est  tout  ce  que 
nous  savons  de  la  vie  et  des  actions  de  ce 
saint  évêque.  Gennade  dit  qu'il  florissait  sous 
le  règne  d'Honorius  et  de  Théodose  le  Jeune. 
11  y  a  des  éditions  où,  au  lieu  de  florissait, 
on  lit,  il  mourut  ;  ce  qui  ne  peut  se  soutenir, 
puisqu'Honorius  mourut  en  423,  et  que  saint 
Maxime  vivait  encore  en  465. 
2.  Nous  avons  un  grand  nombre  d'homé- 

Sio'r'pà-  lies  de  saint  Maxime ,  imprimées  à  Paris  en 
1639,  avec  les  œuvres  de  saint  Léon,  et  de- 
puis dans  la  Bibliothèque  des  Pères,  à  Lyon,  en 
1677  [et  dans  le  LVIIP  volume  de  la  Patrologie 
latine.]  Comme  elles  sont  toutes  d'un  même 
style  et  qu'elles  se  rappellent  l'une  l'autre, 
on  convient  qu'elles  sont  d'un  même  auteur, 

Gen„..ioVi-  c'est-à-diro  de  saint  Maxime  de  Turiu,  à  qui 

rap.  XL.  ■  elles  sont  attribuées  par  Gennade  ;  elles  n'ont 
rien  de  bien  remarquable,  ni  pourl'élocution 
ni  pour  les  choses  qu'elles  renferment.  L'au- 
teur y  explique  ordinairement  l'Ecriture  dans 
un  sens  moral  et  allégorique.  Il  y  en  a  deux 
sur  l'Avènement  de  Jésus-Christ,  qui  furent 
prêchées  les  deux  dimanches  avant  la  fête 
de  Noël  ;  une  sur  la  veille  de  cette  fête,  et 
six  sur  la  fête  même.  Il  dit  dans  la  première 
que  si  nous  ne  pouvons  pas  comprendre  la 
manière  dont  nous  sommes  formés,  ni  com- 
ment les  choses  que  Dieu  a  faites  pour  nous, 
sont  créées,  c'est  une  folie  à  nous  de  vouloir 
approfondir  le  mystère  de  la  naissance  de 
Jésus-Christ.  «  Croyons  donc,  dit-il,  et  con- 
fessons que  le  même  qui  est  né  Dieu  de  Dieu 
le  Père,  a  été  fait  homme  en  naissant  d'une 
Tom.  v[  vierge;  ce  que  la  raison  ne  peut  comprendre 

tîLml'pag.^B.'  la  foi  doit  nous  le  faire  connaître.  »  Il  distin- 


gue dans  la  troisième  trois  naissances  admi- 
rables :  la  première  est  celle  d'Adam,  qui  fut 
formé  du  limon  ;  la  seconde  est  celle  de  la 
femme,  qui  fut  tirée  de  la  côte  de  l'homme  ; 
et  la  troisième  celle  de  Jésus-Christ,  qui  est  ^ibiiôai'  vJ- 
né  d'une  vierge.  Il  est  besoin  du  secours  de  ^""^'  v's-^- 
la  foi  pour  s'assurer  de  ces  trois  naissances. 
La  raison  n'y  comprend  rien.  Il  remarque 
dans  l'homélie  sur  la  Circoncision,  que  les 
premiers  jours  de  chaque  mois  étaient  pro- 
fanés par  des  usages  qui  tenaient  des  an- 
ciennes superstitions,  particulièrement  celui 
de  janvier,  qui  commençait  la  nouvelle  an- 
née '.  On  croyait  de  son  temps  qu'au  jour 
de  l'Epiphanie,  Jésus-Christ  avait  été  adoré 
par  les  mages  ;  qu'il  s'était  trouvé  le  même 
jour  aux  noces  de  Cana,  et  qu'en  ce  même 
jour  il  avait  été  baptisé  par  saint  Jean.  Saint 
Maxime  ne  décide  rien  *  sur  ce  fait,  se  con- 
tentant de  remarquer  qu'il  était  fondé  sur 
une  ancienne  tradition  ^.  Nous  avons  de  lui 
sept  homélies  sur  la  Fête  de  l'Epiphanie,  et 
une  huitième  sur  la  grâce  du  baptême. 
3.  11  dit,  dans  l'homélie  sur  le  Jour  des      suiio  des 

y-,        j  1.11  'A  .     ,  homélies,   p. 

Cendres,  que  celui-là  ne  jeune  pomt  pour  u. 
Dieu ,  mais  pour  les  hommes ,  qui  jerlne  par 
ostentation.  On  voit  par  cette  homélie  qu'on 
lisait  en  ce  jour,  comme  nous  faisons  encore, 
l'évangile  tiré  du  chapitre  vi  de  saint  Mathieu . 
Il  y  a  quatre  homéhes  sur  l'évangile  que  nous  png.  v,  h 
lisons  le  premier  dimanche  de  Carême.  La 
morale  ordinaire  est  que,  pour  rendre  le  jeûne 
agréable  à  Dieu  ,  il  faut  l'accompagner  des 
bonnes  œuvres ,  surtout  de  l'aumône.  Dans 
l'homélie  sur  le  Dimanche  des  Rameaux,  il  ex- 
plique le  psaume  xxi%  qui  renferme  une  pro- 
phétie des  diverses  circonstances  de  la  pas- 
sion de  Jésus-Christ.  L'homélie  suivante  est  is. 
touchant  le  jugement  que  Pilate  rendit  dans 
la  cause  de  Jésus-Christ  accusé  par  les  Juifs. 
Saint  Maxime  y  fait  un  parallèle  de  ce  juge- 
ment avec  celui  que  Daniel  rendit  en  faveur 
de  Suzanne.  Pilate  reconnaît  l'innocence  de 
Jésus-Christ,  et  toutefois  il  le  livre  entre  les 
mains  des  Juifs.  Daniel,  au  contraire,  sachant 
que  Suzanne  était  innocente,  la  délivre  des 


1  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1063. 

2  Maximus  episcopus  Ecclesiœ  Turitûnce,  dixit  : 
«  In  custodiendis  omnibus  quœ  ad  sacras  ordinationes 
pertinent,  disciplinis,  melius  sententiœ  meœ  profes- 
sione  denuntio  nihil  a  me  unquam  eorum  quœ  prohi- 
bita  sunt  esse  faciendum.  »  Tom.  IV  Concil.,  pag.  10G3. 

3  Novum  annum  januarias  appellant  calendas,  cum 
vetusto  semper  errore  et  horrore  sordescant.  Homil.  i 
in  Epiphan.,  pag.  8. 


*  Sed  quid  potissimum  prœsenti  hoc  factum  sit  die, 
non  oit  ipse  qui  fecit.  Pag.  8. 

^  Sicut  posteritati  suœ  fidelis  mandavit  antiquitas, 
hodie  Salvator  huniani  generis  cœlestibus  oslensus  in- 
diciis,  a  Chaldœis  est  adoratus.  Hodie  Christus  beafi 
Joannis  ministerio  fluenta  Jordanis  benedictione  pro- 
prii  baptismatis  conservavit.  Hodie  etiam  invitatus 
ad  nuptias,  aquas  in  vinum  vertit.  Homil.  6,  pag.  12. 


Pas.  10. 


[V^  SIÈCLE.]        CHAPITRE  XIII.  —  SAINT  MAXIME ,  ÉVÊQUE  DE  TURIN. 

mains  de  ses  accusateurs.  Pilale  a  beau  laver 
ses  mains,  il  ne  peut  laver  le  crime  qu'il 


321 


22. 


commet  en  livrant  l'innocent  au  supplice. 
Saint  Maxime  fit  une  autre  Iiomélie  sur  ce 
sujet;  mais  il  en  emploie  une  partie  à  expli- 
quer la  trahison  de  Judas.  Il  y  en  a  une  en- 
tière sur  ce  traître  et  sur  la  mort  funeste  qui 
fut  la  peine  de  sou  crime.  II  traite  ,  dans  les 
quatre  suivantes  ,  de  la  passion ,  de  la  croix 
et  de  la  sépulture  du  Sauveur.  Dans  la  der- 
nière il  explique  la  réponse  qu'il  fit  à  la  Ma- 
deleine qui  venait  le  chercher  dans  le  tom- 
beau. 11  y  en  a  deux  sur  le  Bon  Larron.  Il  dit, 
dans  la  première,  que  la  raison  pour  laquelle 
ce  voleur  reçut  si  tôt  le  pardon  de  ses  crimes, 
c'est  que ,  outre  le  regret  qu'il  en  sentit  en- 
tièrement, il  confessa  que  celui  qui  était  atta- 
ché à  la  croix  comme  lui  était  le  Christ,  et 
qu'il  reconnut  que  s'il  soutirait,  c'est  qu'il 
voulait  bien  souffrir.  «  Celui-là ,  dit  ce  père, 
ne  mérite-t-il  point  le  paradis,  qui  ne  regarde 
point  la   croix  de   Jésus-Christ   comme  un 
scandale,  mais  comme  une  vertu  qui  doit 
sauver  tout  le  monde  ?  Le  sang  qu'il  lui  voit 
répandre  n'empêche  pas  qu'il  n  e  le  croie  Die  u . 
C'est  donc  !a  foi  du  bon  larron  qui  l'a  sauvé, 
caria  foi  couvre  les  péchés;  c'est  elle  qui 
détruit  les  crimes  et  qui  des  coupables  en  fait 
des  innocents.  La  grâce  de  la  foi  est  plus 
grande  que  ne  sont  les  crimes  que  l'on  a 
commis,  et  il  y  a  plus  de  mérite  à  espérer  le 
pardon  du  Sauveur,  que  d'iniquité  dans  les 
actions  criminelles  dont  on  s'est  souillé.  »  Il 
continue,  dans  la  seconde  homélie,  à  relever 
la  foi  du  bon  larron  et  à  montrer  qu'elle  fut 
la  cause  de  son  salut.  Les  deux  homélies  sur 
la  Chute  et  la  Pénitence  de  saint  Piey^re,  font 
voir   que  l'amour  de  cet  apôtre   pour  son 
Maître  fut  si  grand,  qu'il  effaça  toute  l'énor- 
mité  du  crime  qu'il  avait  commis  en  le  renon- 
çant. L'orateur  explique  de  saint  Pierre  ces 
paroles  de  Jésus-Christ  :  Sur  celte  pierre  je 
bâtirai  mon  Eglise.  «Il  est,  dit-il  ',  appelé 
Pierre,  parce  qu'il  a  le  premier  posé  les  fon- 
dements de  la  foi  chez  les  nations,  et  que, 
semblable  à  un  rocher  ferme  et  immobile,  il 
soutient  le  poids  et  l'assemblage  de  l'édiflce 
chrétien.  » 

4.  Saint  Maxime  a  fait  cinq  homélies  sur 


la  Fête  de  Pâques.  Il  trouve ,  dans  le  sacrifice 
d'Abraham,  la  figure  du  double  sacrifice  de 
Jésus-Christ.  Isaacest  mis  sur  l'autel  pour  y 
être  otfert;  mais  dans  le  moment,  au  lieu 
d'isaac ,  Abraham  sacrifie  un  bélier.  Le  Fils 
unique  de  Dieu  est  offert ,  et  le  premier-né 
de  la  Vierge  est  immolé.  Les  deux  natures  ^ 
adorables  du  Rédempteur  sont  donc  figurées 
dans  le  sacrifice  d'Abraham.  L'homélie  inti- 
tulée :  des  Litanies,  est  pour  montrer  l'effica- 
cité du  jeûne  et  de  la  prière ,  ce  que  saint 
Maxime  fait  en  rapportant  ce  qu'on  lit  dans 
le  prophète  Jonas  de  la  pénitence  des  Nini- 
vites.  Il  parait,  par  la  première  '  des  trois  ho- 
mélies sur  la  Fête  de  la  Pentecôte,  que  l'on 
jeûnait  la  veille,  de  même  que  pour  celle  de 
Pâques,  et  qu'on  les  passait  l'une  et  l'autre 
en  priant  toute  la  nuit. 

3.  A  la  suite  des  homélies  sur  les  Mystères 
on  a  mis  celles  qui  sont  à  la  louange  des 
saints.  La  première  e^X  sur  saint  Etienne  ;  elle 
roule  principalement  sur  le  pardon  des  in- 
jures et  l'obligation  d'aimer  ses  ennemis.  «  Je 
ne  puis,  dira  quelqu'un,  aimer,  celui  qui  me 
persécute  cruellement  chaque  jour.  » — «Qui 
que  vous  soyez,  répond  saint  Maxime,  vous 
faites  attention  à  ce  qu'un  homme  vous  fait,  et 
vous  ne  considérez  pas  ce  que  vous  avez  fait  à 
Dieu.  Les  fautes  que  vous  avez  commises  en- 
vers Dieu  sont  sans  doute  plus  considérables 
que  celles  dont  vous  vous  plaignez  de  la  part 
de  votre  ennemi.  Pourquoi  ne  remettez-vous 
pas  une  petite  oflense  afin  que  Dieu  vous  en 
pardonne  une  grande  ?  » 

La  seconde  est  sur  sainte  Agnès.  Ce  que  saint 
Maxime  en  dit  est  tiré  en  partie  des  faux  actes 
de  cette  sainte ,  ce  qui  a  fait  douter  à  quel- 
ques-uns qu'il  fût  auteur  de  cette  homélie  ; 
mais  puisqu'on  convient  que  ces  actes  sont 
faits  avant  la  fin  du  vu"  siècle ,  et  qu'on  n'a 
point  de  preuves  qu'ils  n'aient  été  faits  plus 
tôt ,  il  n'y  a  pas  plus  d'inconvénient  à  dire 
qu'ils  ont  été  cités  dans  le  v''  siècle  par  saint 
Maxime ,  que  de  reconnaître  qu'ils  l'ont  été 
dans  le  ix''  par  saint  Aldelme  *.  Il  y  a  trois 
homélies  sur  saint  Jean- Baptiste.  Sanctifié 
dans  le  sein  de  sa  mère,  il  n'a  point  été  sujet 
dans  sa  naissance  aux  pleurs  et  aux  larmes 
que  répandent  dès  ce  moment  tous  les  autres 


Pag.  27. 


'  Petra  diciiuret  quocl primus  in  nationibus  fidei  fun- 
damenla  posuerit,  et  tanc/uam  saxiim  immobile  iotius 
operis  christiani  compagem  molemque  coniineaf.  P.  24. 

-  Gemina  hic  tidorandu  substantia  Redemptoris  os- 
tenditur.  Honiil.  i  in  Pasclia,  pag.  24. 


3  Tune  enim  sicut  modo  fecimus,  jejimavimus  sab- 
batho,  vigilias  celebravimus,  orationibus  pernoctan- 
fer  instiiinms.  Homil.  \  in  Pmlecot.,  pag.  28. 

''  Aldelmus,  de  Laudibus  virginilatis.  Gap.  xxv. 


2i 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Tom.  ITop. 
Ambros.  pj 


A6S, 
pead. 


Ap. 


Pag.  /,(>. 


Homélies 
suivantes. 


322 

enfants  des  hommes.  Il  venait  lenr  annoncer 
un  sujet  de  joie;  c'est  pour  cela  quje  l'on  fait 
dans  toutes  les  Eglises  du  monde  la  fête  de 
sa  naissance.  On  célèbre  de  même  celle  du 
martyre  des  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul, 
que  saint  Maxime  appelle  les  pères  de  toutes 
les  Eglises.  Nous  avons  de  lui  cinq  homélies 
à  leur  honneur;  il  en  a  fait  trois  si»'  le  Mar- 
tyre de  saint  Laurent,  et  deux  à  la  louange  de 
saint  Eusèbe,  évêque  de  Verceil.  Il  établit' 
clairement ,  dans  la  première ,  la  foi  de  Fin- 
carnation,  faisant  voir  que  Jésus -Christ  est 
Dieu  par  nature  et  homme  par  nature.  Dieu 
parfait  et  homme  parfait.  11  y  établit  aussi  - 
la  trinité  des  personnes  en  une  seule  nature 
ou  substance.  La  seconde  a  beaucoup  de  res- 
semblance avec  une  homélie  en  l'honneur  du 
même  saint,  donnée  parmi  celles  qui  ont 
porté  quelquefois  le  nom  de  saint  Ambroise. 
Il  y  a  toutefois  cette  diûërence,  que  celle  attri- 
buée à  saint  Ambroise  a  été  prononcée  dans 
l'église  même  de  Verceil,  dont  il  n'est  rien 
dit  dans  l'homélie  de  saint  Maxime.  L'auteur 
donne  de  grands  éloges  à  saint  Cyprien  dans 
les  deux  homélies  faites  le  jour  de  sa  fête.  Il 
relève  surtout  son  savoir  et  son  éloquence. 
L'homélie  sur  saint  Michel  est  une  explication 
de  l'évangile  qu'on  lit  au  jour  de  sa  fête.  11 
parait,  par  l'homélie  sur  les  saints  martyrs 
Octavius,  Aventitius  et  Solutor,  que  l'on  avait 
leurs  reliques  à  Turin,  et  que  c'était  dans  cette 
ville-là  même  ^  qu'ils  avaient  répandu  leur 
sangpourla  foi  de  Jésus-Christ.  Saint  Maxime 
profite  de  toutes  ces  circonstances  pour  rani- 
mer la  piété  de  ses  peuples  et  les  porter  à 
rendre  à  ces  martyrs  le  culte  qu'ils  leur  de- 
vaient. Il  les  assure  *  que  ces  saints  intercè- 
dent pour  eux,  qu'ils  les  protègent  pendant 
qu'ils  sont  en  ce  monde ,  et  qu'ils  les  l'ece- 
vront  au  sortir  de  cette  vie.  La  dernière  ho- 
mélie sur  les  saints  regarde  les  martyrs  en 
général. 

6.  Les  suivantes  sont  sur  divers  points  de 
morale,  excepté  la  première,  qui  est  une  ex- 
pUcation  du  symbole  des  apôtres.  On  le  fai- 
sait apprendre  à  ceux  que  l'on  destinait  au 


baptême ,  afin  qu'il  leur  servît  de  signe  dis- 
tinctif ,  soit  parmi  les  hérétiques ,  soit  parmi 
les  infidèles.  Dans  les  deux  homélies  intitu-  i 
lées  :  des  Actions  de  grâces  après  le  repas,  saint 
Maxime  reproche  à  la  plupart  des  chrétiens 
de  ne  penser  ,  lorsqu'ils  se  lèvent ,  qu'à  ce 
qu'ils  mangeront  à  diner,  et  de  se  coucher 
aussitôt  après  leur  repas,  sans  songer  à  ren- 
dre grâces  à  celui  de  qui  ils  ont  reçu  de  quoi 
boire  et  manger.  Il  veut  qu'en  se  levant  le 
matin,  on  commence  la  journée  par  rendre 
grâces  à  Dieu  qui  nous  a  conservé  la  nuit, 
et  que  les  œuvres  de  la  journée  soient  tou- 
jours précédées  de  quelques  actions  de  piété. 
Il  veut  encore  qu'à  chaque  action  nous  fas- 
sions sur  nous  le  signe  de  la  croix,  et  il  dit  à 
ceux  qui  l'écoutaient  :  «  Lorsque  vous  étiez 
encore  engagés  dans  les  erreurs  du  paga- 
nisme, n'aviez-vous  pas  coutume  de  recher- 
cher quel  signe  pourrait  faire  réussir  vos 
affaires?  Il  n'est  point  question  maintenant 
de  vous  tromper  dans  le  nombre  de  ces  signes. 
Sachez  que  la  prospérité  dans  toutes  choses 
est  en  sîtreté  dans  le  seul  signe  de  Jésus- 
Christ.  Celui  qui  aura  commencé  de  semer 
dans  ce  signe,  aura  le  fruit  de  la  vie  éter- 
nelle. »  Il  prescrit,  pour  la  prière  du  soir,  le 
chant  des  Psaumes,  et  dit  que  non-seulement 
la  raison  doit  nous  engager  à  chanter  les 
louanges  du  Créateur,  mais  que  l'exemple 
même  des  oiseaux  doit  encore  nous  en  être 
un  motif,  puisque  nous  voyons  qu'au  lever 
du  soleil  et  avant  de  sortir  de  leurs  nids,  ils 
chantent  les  louanges  de  celui  qui  les  a  créés, 
et  que  le  soir  ils  lui  rendent  grâces  en  la  ma- 
nière qu'ils  le  peuvent.  Dans  la  première  des 
deux  homélies  sur  l'Avarice,  ce  saint  évêque 
en  détourne  les  fidèles  en  leur  proposant  d'un 
côté  le  désintéressement  des  premiers  chré- 
tiens chez  qui  tous  les  biens  étaient  communs, 
et  de  l'autre  l'exemple  d'Ananie,  dont  l'atta- 
chement aux  richesses  fut  puni  de  mort.  Il  y 
a  aussi  deux  homélies  sur  l'Aumône  et  une 
sur  l'Hospitalité.  Dans  la  seconde  sur  l'Au- 
mône, il  applique  à  l'eau  du  baptême  ces  pa- 
roles du  prophète  :  Comme  l'eau  éteint  le  feu, 


i  Christus  natura  Deus,  et  natura  homo,  in  uti-ogue 
verus,  in  uiroque  perfeclus  est.  Homil.  de  S.  Euseb., 
pag.  38. 

2  Legerat  dixisse  Dominum  :  Ego  in  Paire,  et  Pater 
ia  me  est.  Sciens  in  hac  doctrina  personarum  esse 
distinctionem,  non  naturœ  disfantiam,  Patris  Filiiqtie 
ejus,  qui  non  unus,  sed  unum  sunt.  Ibid.,  pag.  39. 

3  Cum  omnium  marbjrum  diserlissime  natalem  ce- 
lebrare  debemus,  tum  prœciptie  eorum  solemnitas  iota 


nobis  veneratione  curanda  est,  qui  in  noslris  domici- 
liis  proprium  sanguinem  fuderttnt.  Homil.  de  SS.  Oc- 
tavia  et  Aveniiiio,  pag.  41. 

^  Cuncti  igiiur  martyres  percolendi  sunt,  sed  spe- 
cialiter  ii  venerandi  sunt  a  nobis,  quorum  reliquias 
possideinus.  llli  enim  nos  orationibus  adjuvant...  in 
corpore  nos  viventes  custodiunt,  et  de  corpore  receden- 
tes  excipiunt.  Ibid.,  pag.  41. 


[v  SIÈCLE.]        CHAPITHE  Xni.  —  SAINT  MAXIME,  ÉVÉQUE  DE  TURIN. 


de  même  l'aumône  éteint  le  péché.  C'est  pour- 
quoi il  dit  que  l'aumône  est  comme  un  autre 
baptême,  et  qu'elle  a  même  cet  avantage 
sur  le  baptême ,  en  ce  que  ce  sacrement 
ne  pouvant  être  donné  qu'une  fois,  ne  peut 
aussi  effacer  qu'une  fois  nos  péchés,  au  lieu 
que  nous  en  méritons  le  pardon  toutes  les 
fois  que  nous  faisons  l'aumône.  L'homélie 
sur  l'Eclipsé  de  lune  fut  faite  à  l'occasion  d'un 
abus  qui  régnait  dans  le  peuple  de  Turin,  qui 
poussait  des  cris  lamentables  lorsqu'il  arrivait 
une  éclipse  de  June.  Saint  Maxime,  après 
avoir  repris  souvent  les  fidèles  sans  qu'ils  se 
corrigeassent,  fit  un  discours  pour  leur  mon- 
trer que  ce  défaut  dans  la  lune  n'avait  rien 
que  de  naturel ,  en  sorte  que  cet  astre  n'en 
souffrait  rien,  comme  ils  se  l'imaginaient 
faussement.  La  dernière  homélie  est  sur  ces 
isnï.i.  paroles  d'Isaïe  :  Vos  cabaretiersmèlerd  de  l'eau 
dans  leur  vin.  Il  en  fait  l'application  à  ceux 
qui,  étant  engagés  dans  le  sacré  ministère  de 
l'épiscopat ,  en  négligent  les  fonctions  pour 
s'occuper  des  plaisirs  du  monde. 

7.  Outre  les  homélies  de  saint  Maxime ,  im- 
primées dans  le  tome  VP  de  la  Bibliothèque 
des  Pères,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  dans 
l'appendice  du  tome  IP  des  œuvres  de  saint 
Ambroise ,  qu'on  croit  être  de  l'évêque  de 
Turin.  On  met  de  ce  nombre  les  huitième, 
neuvième,  dixième,  onzième  et  douzième  sur 
l'Epiphanie;  la  seizième,  qui  est  une  explica- 
tion de  l'évangile  de  la  main  sèche  guérie  au 
jour  du  sabbat;  les  dix-huitième,  dix-neuviè- 
me,vingtième,vingt-unième,  vingt-deuxième, 
vingt-septième,  vingt-huitième  et  trente-troi- 
sième, sur  le  Jeûne  du  Carême;  la  trente-sep- 
tième, sur  les  Œuvres  admirables  de  Jésus- 
Christ;  la  trente-huitième,  sur  la  Grâce  du 
baptême;  la  trente-neuvième,  sur  la  difficulté 
que  les  riches  ont  de  se  sauver  ;  la  quarante- 
septième,  sur  la  différence  qu'il  y  a  entre  Sa- 
lomon  et  les  autres  prophètes  ;  la  quarante- 
neuvième,  sur  la  Fête  des  martyrs  saint  Can- 
tius,  saint  Cantianus  et  saint  Cantianilla  ;  la 
cinquante-septième,  sur  saint  Eusèbe  de  Ve?-- 
ceî7;la  cinquante-huitième,  sur  saint  Cyprien; 
les  soixante-unième  et  soixante-deuxième, 
sur  les  Martyrs  en  général.  La  plupart  de  ces 
homélies  avaient  été  attribuées  à  saint  Am- 
broise, parce  qu'on  y  trouve  plusieurs  en- 
droits copiés  de  ses  ouvrages  mot  à  mot,  sur- 
tout de  ses  commentaires  sur  saint  Luc;  mais 
on  aime  mieux  les  donner  à  saint  Maxime, 
dont  quelques-unes  portent  le  nom  dans  di- 
vers manuscrits;  elles  sont  d'ailleurs  d'un 


323 

style  qui  approche  plus  du  sien  que  de  celui 
de  saint  Ambroise. 

8.  Dom  Mabillon  en  a  trouvé  jusqu'à  qua- 
tre-vingt-dix-sept dans  un  manuscrit  de  Saint- 
Gai  ,  qu'il  croit  être  de  saint  Maxime  de  Tu- 
rin, et  quelques  autres  dans  un  manuscrit  de 
Milan  ;  quoiqu'il  y  en  eût  vingt-une  dans  ce 
nombre  qui  n'avaient  pas  encore  été  données 
au  pubhc,  il  n'en  a  fait  imprimer  que  douze, 
dont  il  prouve  l'authenticité  par  le  témoi- 
gnage de  Gennade  et  par  quelqu 'autre  raison. 
Les  deux  premières  sont  sur  le  prophète  Eh- 
sée;  on  y  voit  que  les  habitants  de  Turin, 
effrayés  àl'approche  des  Barbares,  songeaient 
à  s'enfuir.  Saint  Maxime  les  détourne  de  ce 
dessein,  les  assurant  que,  pourvu  qu'ils  corri- 
geassent leurs  mœurs,  ils  trouveraient  dans 
Dieu  une  protection  qui  les  mettrait  à  cou- 
vert des  insultes  de  l'ennemi,  parce  que 
l'ange  du  Seigneur  délivre  des  dangers  ceux 
qui  craignent  Dieu.  «Celui-là,  leur  dit-il,  ne 
doit  point  appréhender  les  armes  des  Bar- 
bares, qui  craint  le  Sauveur  et  qui  observe 
ses  préceptes.  Les  armes  qu'il  nous  a  mises 
eu  main  pour  nous  défendre,  sont  la  prière, 
le  jeûne  et  les  œuvres  de  miséricorde.  Le 
jeûne  nous  défendra  mieux  que  ne  feraient  les 
murailles;  la  miséricorde  aura  plus  d'efltl 
que  la  rapine ,  et  la  prière  portera  plus  loin 
ses  coups  que  les  flèches.  »  Ces  deux  homé- 
lies ont  été  j'éimprimées  dans  l'appendice  du 
tome  I"  des  œuvres  de  saint  Ambroise  ;  on 
peut  les  rapporter  à  l'an  432  ,  auquel  Attila, 
l'oi  des  Huns ,  après  s'être  rendu  maître  de 
Milan,  était  en  état  de  jeter  l'effroi  dans  tout 
le  reste  de  la  Ligurie.  La  troisième  est  sur  le 
même  sujet.  Saint  Maxime  y  fait  voir  que  le 
salut  de  la  ville  dépend  de  Dieu,  et  que  pour 
se  mettre  en  état  de  sauver  la  vie  aux  autres, 
il  faut  travailler  à  son  propre  salut.  La  qua- 
trième est  encore  parmi  les  sermons  attri- 
bués à  saint  Ambroise.  Elle  est  intitulée  ;  des 
Ninivites.  Il  y  en  a  une  sous  ce  titre  dans  le 
tome  VP  de  la  Bibliothèque  des  Pères.  Celle-ci 
la  rappelle  dès  le  commencement;  et  comme 
Gennade  dit  que  saint  Maxime  en  avait  fait 
sur  ce  sujet,  on  ne  doute  pas  qu'elles  ne  soient 
toutes  les  deux  de  ce  père.  Gennade  parle 
aussi  des  homélies  de  saint  Maxime  sur  les 
Calendes  de  janvier.  Outre  celle  qui  est  sous 
ce  titre  dans  la  Bibliothèque  des  Pères,  dom 
Mabillon  en  a  donné  une  qui  parait  en  être 
la  suite.  C'est  la  cinquième  de  son  recueil. 
Saint  Maxime  y  invective  contre  les  débau- 
ches de  ce  jour,  qu'il  dit  être  un  reste  du  pa- 


AHtr03  lio- 
niélio3  do 
s:iînt  Maxi- 
me, ïom.  I 
Musrpi  lulîci 
Mabillun.  p.  9 
et  seq. 


Pag. 14. 


Oennad. de 
Vlris  illuslr. 
cap,  XL, 


Pag.  n. 


324 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ganisme.  Il  y  parle  des  étrennes  qu'on  se  don- 
nait mutuellement  dès  le  grand  matin  du 
premier  jour  de  l'année,  et  des  marques  d'a- 
mitié dont  on  les  accompagnait,  auxquelles  le 
cœur  n'avait  souvent  aucune  part.  Il  se  plaint 
que  tel  qui,  dans  ce  jour,  portait  beaucoup  à 
la  maison  du  riche,  était  venu  le  jour  de  Noël 
)9.  à  l'Eglise  sans  y  rien  apporter.  La  sixième, 
qui  est  sur  l'Eclipsé  de  lune ,  suppose  un  dis- 
cours sur  la  même  matière.  Nous  en  avons 
parlé  plus  haut.  Saint  Maxime  donne  de 
grandes  influences  à  cet  astre  sur  les  élé- 
ments de  la  terre.  Il  lui  attribue  l'accroisse- 
ment et  le  décroissement  des  eaux  de  la  mer, 
selon  qu'elle  croît  elle-même  ou  qu'elle  di- 
minue. Les  trois  homélies  suivantes  sont  sur 

23.  la  Naissance  du  Sauveur.  Nous  en  avons  déjà 
marqué  six  sur  la  même  fête.  Gennade  n'en 
fixe  point  le  nombre.  Dom  Mabillon  trouve 
dans  les  trois  qu'il  a  données  plus  de  suc  et 
d'onction  que  dans  les  autres;  mais  les  pen- 
sées en  sont  à  peu  près  les  mêmes.  Ce  qu'on 
y  lit  des  débauches  et  des  superstitions  des 
calendes  de  janvier  a  aussi  beaucoup  de  rap- 
port aux  deux  homéhes  sur  ce  sujet,  qu'on 

27.  ne  doutepas  être  de  saint  Maxime.  La  dixième 
est  intitulée  :  des  Hérétiques  qui  vendent  l'ab- 
solution des  péchés.  Saint  Maxime  ne  dit  point 
quels  étaient  ces  hérétiques,  seulement  il 
marque  que  leurs  chefs  prenaient  la  qualité 
de  prêtres,  et  que  lorsque  quelques  laïques 
venaient  se  confesser  à  eux  de  quelques  cri- 
mes, ils  ne  leur  disaient  pas  :  Faites  péni- 
tence, pleurez  vos  péchés;  mais  :  Donnez- 
moi  tant  pour  ce  péché,  et  il  vous  sera  remis. 

29.  La  onzième  est  contre  les  clercs  qui  trafi- 
quaient. Saint  Maxime  leur  permet ,  comme 
aux  autres,  une  espèce  de  trafic,  qui  est 
celui  de  l'aumône.  «  Ce  que  vous  donnez  à 
un  ami ,  périt  pour  vous;  il  en  est  de  môme 
de  ce  que  vous  laissez  à  vos  héritiers.  Mais 
ce  que  vous  donnez  à  un  pauvre  ne  périt 
point;  ce  pauvre  vous  sera  utile  au  jour  du 
jugement,  au  heu  que  vos  amis  et  vos  héri- 
tiers ne  vous  y  seront  d'aucune  utihté.  »  La 

30.  douzième  est  sur  la  Sépulture  du  corps  de  Jé- 
sus-Christ. Il  paraît  que  saint  Maxime  la  prê- 
cha en  présence  de  plusieurs  évoques  assem- 
blés apparemment  au  concile  à  Turin  même. 
Il  y  relève  beaucoup  l'éloquence  d'un  évêque 


qui  avait  fait  la  veille  l'éloge  des  apôtres.  Les 
titres  de  grand  pontife,  de  père,  qu'il  donne 
à  cet  évêque,  font  croire  que  c'était  l'évêque 
de  Milan ,  chef  du  concile  et  de  la  province; 
ce  qui  peut  se  confirmer  parce  qu'il  ajoute  que 
cet  évêque  ayant  l'honneur  de  la  primauté  de 
l'épiscopat,  il  n'était  pas  surprenant  qu'il  fût 
aussi  le  premier  de  tous  par  son  éloquence'. 
9.  Le  P.  Mabillon  n'ayant  pas  donné  toutes 
leshoméhesdesaintMaxime  de  Turin,  d'après 
le   manuscrit  de    la    Bibliothèque    Ambro- 
sienne  àMilan^M.Muratori  en  afait  imprimer 
un  grand  nombre  tirées  du  même  manuscrit, 
écrites  en  lettres  longobardiques,  il  y  a  plus  de 
mille  ans.  Les  premières  homéhes  de  ce  ma- 
nuscrit sont  surla  Pâque^,  et  il  y  en  a  dix.  Dans 
la  quatrième,  saint  Maxime  s'exprime  claire- 
ment sur  le  mystère  de  l'incarnation ,  disant 
que  le  Fils  de  Dieu,  sans  déroger  en  rien  aux 
propriétés  de  sa  nature  divine ,  a  pris  la  na- 
ture humaine,  et  que  l'union  de  ces  deux  na- 
tures s'est  faite  sans  qu'elles  aient  été  con- 
fondues, chacune  ayant,  depuis  l'union,  con- 
servé ses  propriétés.  En  expliquant,  dans  la 
sixième,  ces  paroles  de  Jésus-Christ  sur  la 
croix  *  :  Mon  Père,  pardonnez-leur;  ils  ne  savent 
ce  c^u  ils  font,  il  dit:  «Les  Juifs  savaient  bien 
qu'ils  répaudaientle  sang  d'un  innocent,  mais 
ils  ne  savaient  pas  que  les  péchés  de  tous 
étaient  eft'acés  par  ce  sang.  Ils  savaient  bien 
qu'ils  faisaient  soutîrir  à  Jésus-Christ  le  cruel 
supplice  de  la  croix,  mais  ils  ne  savaient  pas 
que  Jésus-Christ  triomphait  par  la  croix.  Ils 
savaient  qu'il  devait  mourir,  mais  ils  igno- 
raient qu'il  dût  revenir  d'entre  les  morts.  » 
La  dixième  ^  est  employée  à  démontrer  que 
si  Jésus-Christ  a  tout  soufl'ert  comme  homme, 
il  pouvait  tout  comme  Dieu,  et  qu'il  l'était 
véritablement.  Saint  Maxime  en  donne  pour 
preuves  la  guérison  miraculeuse  du  fils  du 
centenier  et  la  résurrection  du  fils  unique  do 
la  veuve  de  Naïm ,  de  la  fille  du  prince  des 
prêtres  et  de  Lazare,  mort  et  enterré  depuis 
quatre  jours.  L'homélie  suivante  est  en  l'hon- 
neur des  martyrs  en  général  ^  H  y  dit,  en 
parlant  des  morts  qui  ressuscitèrent  à  la  pas- 
sion de  Jésus-Christ  et  entrèrent  dans  la  sainte 
cité,  qu'il  n'est  pas  impossible  que  ces  morts 
soient  sortis  de  leurs  tombeaux  saris  les  ou- 
vrir, puisqu'on  avait  un  exemple  de  l'apôtre 


Autres  bo- 
m  é  1  i  c  s  do 
siint  M^ixi- 
me  de  Turin. 


1  Dom  Martène  a  publié  six  autres  discours  de 
saint  Maxime,  d'après  le  inaiiuscrit  de  Saiut-Gall, 
transcrits  par  Mabillon  et  non  encore  publiés. 
(L'éditeur.) 


2  Tom.  III  Ânecd.  Muratori,  Patav.,  1713,  p.  6. 

3  Muratori,  tom.  lit  ^raecrfoi.,  Patav.,1713,  pag.  11. 

4  Pag.  15. 

•'  Pas.  23.  —  s  Pag.  20. 


CHAPITRE  XIII.  —  SAINT  MAXIME,  ÉVÉQUE  DE  TURIN. 


[y  SIÈCLE.] 

saint  Jean  '  qui,  après  avoir  été  mis  dans  le 
tombeau,  en  était  sorti  sans  l'avoir  ouvert. 
Il  y  a  trois  homélies  sur  la  Fête  de  l'Ascension 
et  six  sur  la  Fête  de  la  Pentecôte.  Saint  Maxime 
dit,  dans  la  troisième,  que  Dieu  permet  que 
l'Eglise  soit  persécutée  par  la  main  des  im- 
pies, non  afin  qu'elle  périsse  au  milieu  des 
supplices  et  des  tourments,  mais  afin  de  ia 
rendre  plus  belle  par  le  sang  des  martyrs  et 
leurs  victoires  sur  les  persécuteurs.  Il  établit, 
dans  la  sixième ,  la  virginité  perpétuelle  de 
Marie  ^.  Il  semble  que  l'homélie  qui  a  pour 
titre  :  Des  cinq  pains  et  des  deux  petits  poissons, 
fut  prononcée  pendant  la  solennité  de  Noël  ^. 
Des  neuf  homélies  sur  saint  Jean-Baptiste, 
rapportées  dans  le  manuscrit  de  Milan,  M.  Mu- 
ratori  n'en  a  donné  que  trois  et  une  partie  de 
la  quatrième  ^,  parce  que  les  autres  avaient 
été  imprimées  parmi  les  œuvres  de  saint  Am- 
broise  et  de  saint  Maxime.  11  en  a  usé  de  même 
à  l'égard  des  homélies  sur  la  Fête  des  apôtres 
saint  Pierre  et  saint  Paul,  de  saint  Laurent,  de 
saint  Cyprien ,  de  saint  Eusèbe  de  Verceil ,  de 
saint  Octavius  et  de  plusieurs  autres,  pour  ne 
point  donner  deux  fois  la  même  chose.  Le 
quatrième  discours  sur  saint  Cyprien  ^  est 
commun  au  pape  saint  Corneille,  dont  on  cé- 
lébrait la  fête  le  même  jour;  ceux  en  l'hon- 
neur de  saint  Eusèbe  de  Verceil  contiennent 
aussi  réloge  des  Machabées,  parce  que  leur 
fête  se  célébrait  en  même  temps  à  Verceil. 
Il  est  marqué,  à  la  marge  des  panégyriques 
de  saint  Eusèbe  ^,  que  l'auteur  était  né  à  Ver- 
ceil, et  il  le  dit  clairement  dans  le  huitième. 
S'ils  sont  de  saint  Maxime,  comme  il  y  a  lieu 
de  le  croire,  on  connaîtra  par  là  sa  patrie, 
qu'on  n'a  pas  connue  jusqu'ici.  Mais  on  ne 
peut  guère  lui  attribuer  les  deux  homélies 
sur  les  martyrs  Alexandre,  Sisinnius  et  Marty- 
rius,  puisque  l'auteur  dit  qu'ils  avaient  souf- 
fert de  son  temps  ^.  Or,  ils  furent  martyrisés 
dansl'Anaunie,  en  397,  et  saint  Maxime  vivait 
encore  en  465.  On  voit  par  les  discours  in- 
titulés :  Qu'il  faut  ôter  les  idoles  de  ses  hé- 
ritages, que  du  temps  de  saint  Maxime  l'i- 
dolâtrie avait  encore  beaucoup  de  partisans, 
mais  surtout  dans  les  campagnes,  où  il  y  avait 


32S 


des  autels  de  bois  et  des  simulacres  de  pierre, 
et  que  les  paysans  conservaient  dans  leurs 
maisons  plusieurs  marques  de  superstilions 
païennes.  Ce  qui  confirme  en  quelque  ma- 
nière l'opinion  de  ceux  qui  veulent  qu'on  n'ait 
donné  auxpaïenslenomde/'rt^anî  que  depuis 
que  l'idolâtrie,  bannie  des  villes  par  les  em- 
pereurs chrétiens,  s'était  réfugiée  dans  les 
villages,  où  l'on  avait  en  beaucoup  de  peine 
à  la  détruire.  Los  trois  homélies  suivantes  ^ 
regardent  les  devoirs  des  pasteurs  et  l'obli- 
gation où  ils  sont  de  reprendre  avec  force  les 
pécheurs  incorrigibles.  Saint  Maxime  traite 
la  même  matière  dans  les  cinq  derniers  dis- 
cours. Il  y  parle  aussi  de  la  charité  frater- 
nelle et  de  la  compassion  que  les  riches  doi- 
vent avoir  pour  les  pauvres.  Ces  paroles  de 
l'Evangile  :  Entrez  par  la  porte  étroite,  lui 
donnent  lieu  d'expliquer  ce  que  c'est  que  la 
voie  large,  et  d'en  montrer  les  dangers^. 

10.  Gennade  met  parmi  les  œuvres  de  saint   „ Livre  du 

■*■  Baptême, 

Maxime  un  livre  delà  Grâce  spirituelle  du  ban-  ^.?'i'""'::,  ■''= 

i  i  \lris      ll'ust. 

téme.  Quelques-uns  ont  cru  que  c'étaient  les  "p-  ^'■• 
six  livres  des  Sacrements ,  attribués  quelque- 
fois à  saint  Ambroise.  Ils  se  trouvent  joints 
en  effet  aux  sermons  de  saint  Maxime  dans 
un  manuscrit  d'environ  mille  ans;  maisilsn'y 
sont  pas  sous  le  nom  de  saint  Maxime,  et 
l'autorité  de  Gennade,  au  lieu  d'approuver  ce 
sentiment,  lui  est  défavorable.  Le  livre  dont 
il  parle  ne  traitait  que  de  la  grâce  spirituelle 
du  baptême.  Celui  des  Sacrements  traite  en- 
core de  la  grâce  que  l'on  reçoit  dans  les  sa- 
crements de  confirmation  et  d'eucharistie. 
Gennade  ne  parle  que  d'un  livre.  Il  y  en  a  six 
dans  le  traité  des  Sacrements .  Il  faut  ajouter 
que  le  style  de  cet  ouvrage  ne  vaut  pas  celui 
de  saint  Maxime  ;  il  est  moins  net  et  moins 
exact. 

[H.  On  désirait  depuis  longtemps  une  édi- 
tion complète  des  œuvres  de  saint  Maxime 
de  Turin.  Galland,  au  tome  IX  de  sa  Biblio- 
thèque, pag.  349-39o,  avait  réuni  les  écrils 
publiés  par  Mabillon,  Muratori  etMartène  '"; 
mais  on  ne  trouvait  point  dans  cette  collec- 
tion les  sermons  publiés  dans  les  Bibliothè- 
ques des  Pères,  et  plusieurs  manuscrits  of- 


Voyez  lom. 
VU,[iag.l06. 


[Edition  drs 
œuvres  de 
saint  Maxime 
publiée  parle 
père  Bruno- 
Bruui. 


'  Joannis  apnstoli  habemus  exemplum,  quem  iumu- 
lus  susceptum  claiidere  potuit,  custodire  non  potuit. 
Nam  depositum  corpus  perdidit,  non  absumpsit.  Max., 
Homil.  de  Martyr.,  pag.  26. 

2  Pag.  38.  —  3  Pag.  46.  —  *  P.ig.  48. 

''  Pag.  67. 

6  Pag.  80,  84,  85. 

'  Tom.  VI,  pag.  267. 


8  Pag.  102. 

3  Ce  numéro  se  trouve  au  tome  XVIII  de  l'an- 
cienne édition,  où  il  en  formait  deux.  Nous  l'avons 
mis  à  sa  place  naturelle.  [L'éditeur.) 

1"  Avant  cet  éditeur,  en  1748,  on  avait  déjà  publié 
il  Venise,  avec  les  œuvres  de  saint  Léon,  les  homélies 
et  les  sermons  de  saint  Maxime.  (L'e'diteur.) 


326 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES.  ' 


fraient  de  nouvelles  richesses.  En  1784,  on  a 
publié  à  Rome,  par  ordre  du  pape  Pie  VI,  une 
édition  in-folio,  de  l'imprimerie  de  la  Propa- 
gande. On  y  trouve  une  dédicace  de  Pie  VI  à 
Victor-Amédée,  roi  de  Sardaigne  ;  une  pré- 
face sur  les  sources  de  cette  édition  et  la 
doctrine  de  saint  Maxime,  sa  Vie  d'après  ses 
ouvrages,  les  témoignages  des  anciens,  une 
notice  par  Schœneman ,  des  fac-similé  des  ma- 
nuscrits. Viennent  ensuite  les  homélies  au 
nombre  de  cent  dix-huit,  avec  préfaces  et 
notes  ;  les  sermons  au  nombre  de  cent  seize, 
une  préface  sur  les  traités  suivants.  Ces  trai- 
tés se  divisent  ainsi  :  trois  traités  sur  le  Bap- 
tême, un  contre  les  Païens,  un  contre  les  Juifs, 
vingt-trois  expositions  sur  les  chapitres  des 
Evangiles.  Ils  sont  suivis  d'un  appendice  sur 
les  ouvrages  douteux  ou  supposés,  qui  com- 
prennent trente  et  un  sermons  '  et  quatre 
homélies,  plus  une  lettre  à  un  ami  malade 
attribuée  aussi  à  Tertullien;  une  autre  lettre 
sur  l'Homme  parfait,  attribuée  aussi  à  saint 
Jérôme.  Le  volume  est  terminé  par  deux  ta- 
bles de  matières,  l'une  sur  le  texte,  l'autre 
sur  l'appendice. 

Cette  édition  est  reproduite  au  tome  LVII 
de  la  Patrologie  latine. 
iiomiiieseï  12.  Los  liomélics  sont  divisées  en  deux 
crmons.  classcs  ;  il  y  OH  a  une  sur  le  Temps,  qui  com- 
prend soixante-trois  homélies.  Les  quatre 
premières  sur  la  Naissance  de  Notre- Seigneur, 
sont  éditées  pour  la  première  fois;  la  pre- 
mière, la  deuxième,  la  troisième,  la  qua- 
trième et  la  sixième,  sur  l'Epiphanie  ;  la  deu- 
xième, la  troisième,  la  quatrième  et  la  cin- 
quième, sur  le  Baptême  de  Notre-Seigneur, 
étaient  inédites.  La  deuxième  classe  com- 
prend d'abord  les  sermons  sur  les  Saints,  au 
nombre  de  dix-htiit  ;  le  sixième  est  sur  la  Fête 
des  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Vien- 
nent ensuite  les  sermons  sur  divers  sujets, 
au  nombre  de  trente-cinq  ;  il  y  en  a  un  sur 
la  Réparation  de  l'église  de  Milan,  qui  était 
inédit.  Parmi  les  sermons,  il  y  en  a  qua- 
rante-huit sur  le  Temps;  deux  autres,  sur  la 
Fête  de  la  Pentecôte,  trouvés  dans  des  ma- 
nuscrits français,  arrivèrent  quand  la  moitié 
du  volume  était  imprimée.  On  les  trouve  à  la 
fin,  avant  l'appendice.  Le  troisième,  le  hui- 
tième, le  neuvième,  le  dixième  sermon,  sur  le 
Carême; le  quatrième,  le  cinquième,  le  sixiè- 
me, le  septième,  sur  Pâques;  le  quatrième, 


sur  l'Ascension,  paraissent  pour  la  première 
fois. 

Les  sermons  sur  les  Saints,  au  nombre  de 
vingt-sept,  comprennent  comme  inédits  le 
troisième,  le  quatrième,  le  cinquième,  le 
septième  et  le  huitième  sur  saint  Jean-Bap- 
tiste, le  deuxième,  le  troisième  et  le  qua- 
trième sur  saint  Laurent,  un  sermon  sur  saint 
Etienne,  premier  martyr;  le  quatrième,  le  cin- 
quième, le  sixième,  le  septième,  sur  la  Fêfe 
de  plusieurs  martyrs,  le  sermon  sur  la  Fête  de 
plusieurs  confesseurs.  Dans  les  sermons  sur 
divers  sujets,  au  nombre  de  vingt-quatre,  on 
trouve  comme  inédits  le  sermon  sur  la  Pêche 
de  l'Evangile,  celui  sur  la  Femme  chananéenne, 
celui  sur  la  Correction  fraternelle,  celui  sur 
l'Amour  de  la  chasteté,  celui  contre  la  Méchan- 
ceté de  la  langue,  celui  sur  les  paroles  de 
l'Evangile  :  Quis  putas  major  erit  in  régna 
cœlorum'^.  Fesseler  fait  observer  que  les  deu- 
xième et  troisième  sermons  sur  la  Pentecôte 
doivent  être  comptés  comme  étant  les  qua- 
rante -  huitième,  quarante  -  neuvième,  cin- 
quantième, et  que  les  sermons  quatrième,  cin- 
quième et  sixième  sur  la  Pentecôte,  sont  de 
nouveau  comptés  comme  étant  les  quarante- 
huitième,  quarante- neuvième  et  cinquan- 
tième, ce  qui  réduit  le  nombre  des  sermons 
à  cent  douze  ;  mais  on  doit  y  ajouter  les  deux 
sur  la  Pentecôte,  découverts  plus  lard.  Il  y 
aurait  donc  en  tout  cent  quatorze  sermons  ; 
mais  le  sermon  soixante-septième  sur  la  Fête 
de  saint  Laurent,  martyr,  n'appartient  pas  à 
saint  Maxime;  il  est  de  saint  Léon-le-Grand 
et  se  trouve  le  quatre-vingt-cinquième  dans 
l'édition  des  œuvres  de  ce  pape  par  Balle- 
rini.  Le  sermon  deuxième  de  Duobus  in  lecto 
uno ,  n'est  point  non  plus  de  saint  Maxime  ; 
il  forme  la  question  quarante  -  quatrième 
des  Questicns  de  saint  Augustin  ,  livre  deu- 
xième. Il  reste  ainsi  cent  douze  sermons; 
mais  celui  sur  la  Fête  de  saint  Agnès ,  parait 
douteux,  quoiqu'il  ait  pour  lui  des  preuves 
extrinsèques  assez  fortes.  Quant  aux  homé- 
lies, la  cent  huitième,  sur  ces  paroles  de  saint 
Matthieu  :  Ascendit  Jésus,  appartient  plutôt  à 
saint  Pierre  Chrysologue  qu'à  saint  Maxime. 
On  doit  ajouter  aux  sermons  donnés  par  le 
père  Bruno,  trois  autres  sermons  publiés  par 
Muratori  dans  le  tome  IV  de  ses  Anecdota, 
pag.  lîl-16,  et  quelques  fragments  que  l'on 
trouve  dans  le  même  ouvrage,  pag.  97,  98, 


1  Plusieurs  de  ces  sermons  ont  pour  auteur  saint 
Césaire  d'Arles.  Vid.  Bruni,  prsefat.  Append.  oper. 


S.  Masimij  pag.  1-2,  elles  avertissements  mis  à  cha- 
que sermon.  —  ^Instit.  Pair.,  tom.  II,  note,  pag.  728. 


CHAPITRE  XIII.  —  SAINT  MAXIME,  ÉVÊQUE  DE  TURIN. 


raj  393. 


[V=  SIÈCLE.] 

•101  et  117,  et  qui  ont  été  laissés  de  côté  dans 
l'édition  de  Rome ,  sans  que  l'éditeur  en  ait 
prévenu. 

On  doit  encore  observer  que  la  distinction 
des  homélies  et  des  sermons,  telle  qu'elle  est 
donnée  par  les  manuscrits,  n'est  pas  établie 
sur  des  bases  très-solides.  Le  père  Bruno, 
après  avoir  cherché  à  en  rendre  raison ,  avoue 
lui-même  que  par  homélie  et  par  sermon  on 
doit  entendre  la  même  chose,  c'est-à-dire  un 
traité  fait  au  peuple  sur  les  choses  sacrées,  et 
que  les  éditeurs  et  les  manuscrits  emploient 
ces  mots  l'un  pour  l'autre.  Une  autre  obser- 
vation qu'on  ne  doit  point  négliger,  c'est  que 
ces  homélies  et  ces  sermons  sont  quelquefois, 
ù  cause  de  la  vétusté  des  manuscrits  qui  a 
détruit  plusieurs  lettres  et  même  plusieurs 
feuilles,  plutôt  des  fragments  que  des  discours 
entiers. 

13.  Les  traités  attribués  à  saint  Maxime 
sont  au  nombre  de  cinq,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit.  On  sait  que  par  traité  on  entend, 
chez  les  anciens,  un  sei'mon  prononcé  devant 
le  peuple.  De  fait  les  ti'ois  premiers  traités, 
qui  roulent  sur  le  Baptême,  ont  tous  les  ca- 
ractères de  sermons.  Les  deux  autres,  dont 
l'un  est  contre  les  païens  et  l'autre  contre  les 
juifs,  présentent  moins  ce  caractère,  et  on  y 
trouve  beaucoup  de  lacunes  et  des  expres- 
sions trop  dures,  qui  ne  semblent  pas  convenir 
à  saint  Maxime  dont  le  langage,  au  jugement 
dupèreBruno,  esttoujourstrès-châlié.  Cepen- 
dant, à  cause  de  la  ressemblance  du  style  et 
parce  qu'on  trouve  ces  traités  dans  les  ma- 
nuscrits qui  contiennent  les  homélies  et  les 
sermons  véritables  de  saint  Maxime,  l'édi- 
leur  les  adjuge  à  ce  père  '.  Fesseler,  sur  l'au- 
torité d'un  juge  si  compétent,  n'ose  pas  reje- 
ter tout-à-fait  ces  traités;  mais  il  ne  trouve 
pourtant  pas  les  preuves  d'authenticité  assez 
solides,  et  préfère  regarder  ces  deux  traités 
comme  douteux  ^. 

Les  vingt-trois  expositionsc?e  CapitulisEvan- 
Oeliorum  paraissent  également  douteuses  au 
même  critique.  Il  est  certain  ,  d'après  Gen- 
nade  ^  et  Trithème  *,  que  saint  Maxime  avait 


327 


composé  des  expositions  semblables ,  et  ces 
auteurs  en  font  un  grand  éloge;  mais  il  n'est 
pas  prouvé  que  celles  qu'on  lit  dans  l'édition 
du  père  Bruno,  soient  l'éellement  de  saint 
Maxime.  On  n'a  trouvé  ces  expositions  que 
dans  un  seul  manuscrit  do  Vérone ,  qui,  à 
cause  de  sa  vétusté,  a  beaucoup  de  lacunes, 
et  elles  y  sont  sans  nom  d'auteurs.  Cepen- 
dant le  père  Bruno,  à  cause  de  la  ressem- 
blance de  la  matière,  du  style  et  de  la  mé- 
thode qu'il  a  cru  trouver  entre  ces  exposi- 
tions et  les  écrits  de  saint  Maxime,  les  attri- 
bue avec  confiance  à  cet  auteur  ^.  Mais,  dit 
Fesseler,  ces  indices,  selon  les  principes  de  la 
plus  saine  ci'itique,  ne  suffisent  pas  pour  les 
altribuer  sans  scrupule  à  saint  Maxime.  D'a- 
près Gennade  s,  saint  Maxime  avait  encore 
parlé  beaucoup  et  avec  sagesse  sur  les  Actes 
des  apôtres.  Ces  expositions  n'ont  pas  en- 
core vu  le  jour.  Dans  les  expositions  publiées 
on  trouve  les  leçons  des  quatre  évangiles, 
commentées  brièvement  avec  le  sens  moral 
et  allégorique,  et  souvent  ce  commentaire 
ne  manque  pas  d'élégance.  On  peut  citer  la 
multiplication  des  cinq  pains  (I,IV,X  etXXII), 
la  décollation  de  saint  Jean-Baptiste  (III),  la 
résurrection  de  Lazare  et  de  la  fille  de  Zaïre, 
(XII  et  V),  la  guérison  de  la  femme  qui  souf- 
frait d'un  flux  de  sang  (VI),  celles  de  la 
femme  syro-phénicienne  (XXI),  du  sourd,  du 
muet  et  de  l'aveugle  (X),  la  conversion  de  la 
pécheresse  pubhque  (XIII),  le  festin  chez 
Lévi,aveclespublicainsetlespécheurs(XVIl), 
la  transfiguration  de  Jésus-Christ  (XV),  le 
commandement  que  fait  Notre-Seigneur,  de 
lui  amener  le  petit  d'une  ânesse  pour  s'y  as- 
seoir (XI),  les  éloges  qu'il  donne  à  la  veuve  qui 
avait  mis  deux  deniers  dans  le  trésor  (XI), 
les  paraboles  du  semeur  (III  et  XX),  du  pha- 
risien et  du  publicain  qui  priaient  dans  le 
temple,  celles  de  l'enfant  prodigue  et  de  son 
frère  aîné  (XVIII),  du  riche  et  de  Lazare 
(XIX)  '.  L'auteur  de  ces  expositions  se  sert 
de  l'ancienne  Italique ,  et  il  aime  à  montrer 
à  ses  auditeurs  l'allégorie  des  deux  peuples, 
du  juif  et  du  gentil.  ■ 


'  Vid.  Bruni,  prœfat.,  part,  i,  not.  28,  et  not.  cod. 
mss.,  pag.  CLXXXIII-IV,  et  préf.  sur  ces  traités,  pag. 
701-6. 

2  Vid.  Fesseler,  Insiit.  Pair.,  tom.  II,  pag.  729, 
note.  —  ^  De  Script,  ecchs.,  cap.  xL. 

*  De  Script,  eccles.,  cap.  cxxiil. 

'-  Vid.  P.  Bruni,  prEefat.  in  Oper.  S.  Maximi,  pag. 
XXXVII-VIII  et  pag.  GLXXX  etl'^rff/w«ii!one/?7,pag. 
751. 


6  De  Script,  eccles.,  cap.  XL. 

'  L'auteur  y  expose  aussi  les  endroits  les  plus  dif- 
ficiles de  saint  Matthieu,  vi,  14-15  (XIV),  de  saint  Marc 
XI,  27-32  (VII),  de  saint  Luc,  xil,  49-53  (XVI),  de  saint 
Jean,  vn,  37-38  ;  xjv,  6  avec  saiut  Matthieu,  v,  29  (ir, 
confer.  VI).  Le  fragment  sur  les  noms  des  douze  apô- 
tres (XXIII)  n'a  pomt  la  gi'avité,  la  clarté,  l'élégance 
de  saint  Maxime.  (L'e'dileur.) 


328 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


jugoinont  14.  Saint  Maxime  a  toujours  été  en  grande 
modo  Turin,  considéralion  dans  l'Eglise,  et  les  rédacteurs 
du  Bréviaire  romain  en  ont  tiré  plusieurs  le- 
çons. Il  est  remarquable  par  l'abondance  de 
sa  doctrine  et  son  éloquence  naturelle;  il  plaît 
à  ses  lecteurs  par  la  pureté  de  son  langage  ; 
il  les  tient  enchaînés  par  la  finesse  de  ses 
sentences  et  par  la  gravité  de  son  discours  ; 
s'appuyant  sans  cesse  £ur  les  saintes  lettres, 
il  apporte  continuellement  en  preuve  les  pa- 
roles de  la  sainte  Ecriture  selon  l'ancienne 
italique  ou  sa  propre  version  faite  sur  le 
grec,  et  il  commente  avec  une  merveilleuse 
facilité;  enfin,  à  peine  allègue-t-il  un  pas- 
sage de  la  sainte  Ecriture  sans  en  déclarer 
à  ses  auditeurs  le  véritable  sens  et  la  force 
probante,  ne  se  contentant  point  de  frapper 
seulement  les  oreilles  par  le  son  du  Verbe 
divin,  mais  pénétrant  surtout  les  âmes  par 
sa  vertu  intérieure  et  imitant  fréquemment 
saint  Augustin  et  saint  Ambroise,  alors  les 
plus  célèbres  docteurs  et  orateurs  de  l'Eglise 
latine.  Ses  discours  sont  courts,  et  quelque- 
fois, quand  la  fécondité  du  sujet  le  demande, 
il  revient  à  la  matière  traitée  la  dernière  fois. 
Ecrivant  généralement  avec  perfection,  avec 
abondance,  élégance  et  vigueur,  il  s'attache 
constamment  dans  ses  discours  à  la  foi  sainte 
transmise  par  les  pères,  et  déposée  dans  le 
sein  de  l'Eglise  catholique  par  le  moyen  du 
Siège  de  saint  Pierre.  Il  brise  les  erreurs 


non-seulement  de  son  époque,  mais  encore 
celles  de  la  nôtre  avec  autant  d'éloquence 
que  de  solidité  '. 

i3.  Le  père  Bnmo,  dans  la  deuxième  partie  Docirincdc 
de  la  pretace,  expose  longuement  la  doctnne 
de  saint  Maxime  sur  la  Trinité,  l'Incarnation, 
les  différents  mystères  de  la  vie  de  Notre- 
Seigneur,  sur  son  baptême,  ses  miracles,  sa 
prédication,  sa  passion,  sa  mort,  sa  sépul- 
ture, sa  résurrection,  son  ascension  ;  sur  la 
sainte  Vierge,  sa  perpétuelle  virginité,  sa 
sainteté,  sa  plénitude  de  grâce.  Sur  tous  ces 
points,  le  saint  évoque  s'exprime  d'une  ma- 
nière très-orthodoxe.  Il  en  est  de  même  par 
rapport  aux  moyens  de  salut,  aux  ornements 
très-grands  et  très-considéi'ables  qui  ont  été 
procurés  à  tout  le  genre  humain  par  le  bien- 
fait de  l'incarnation,  de  la  passion  et  de  la 
mort  du  Sauveur.  On  y  voit  qu'Adam  n'a  pas 
été  créé  mortel;  c'est  par  sa  faute  qu'il  a  in- 
troduit dans  le  monde  le  péché  originel,  et 
par  le  péché  la  mort.  Jésus-Christ  est  venu 
sauver  tous  les  hommes  et  rendre  les  privi- 
lèges perdus  2.  Saint  Maxime,  en  comparant 
le  baptême  que  Jésus-Christ  reçut  dans  le 
Jourdain  avec  le  nôtre,  décrit  la  justification 
chrétienne,  telle  que  l'a  définie  plus  tard 
le  concile  de  Trente  ^.  Il  parle  aussi  très- 
exactement  des  mérites  des  hommes  *,  du 
sacrifice  de  la  nouvelle  alliance  ^,  de  la 
vénération    due    aux   martyrs  et  de   leurs 


'  Vid.  Fesseler,  Instit.  Patrol.,  tom.  II,  pag.  737. 

^  Hodie  novus  ille  Adam  (Christus)  sua  nativitate 
mirabili  nosiram  de  novo  plasmavit  naturam ,  et 
quœ  veteris  Adœ  miserahili  lapsii  fneraf  fœdata  et 
corrupta,  pretiosa  sua  nativitate  et  lacrymahili  morte 
reduxit  ad  viiam.  Homil.  8  quse  est  tertia  de  Nativitate, 
pag.  23.  Hodie  natus  est  Christus;  sed  in  nativitate 
ejus  nostra  habel  vila  tvortalem;  qiiia  gui  privilégia 
primœ  nativitatis  amisimus,  visitante  nos  Christo, 
sanctiore  partu  redimus.  Homil.  11,  pag.  30.  Vide 
etiam  homil.  29^  pag.  87;  homil.  83,  pag.  272;  serm. 
35,  pag.  489,  serm.  88,  pag.  625,  homil.  19,  pag.  54; 
homil.  20,  pag.  55  et  seq. 

3  Justificatio  in  baptismo  ita  describitur,  ubi  baptis- 
mus  Christi  in  Jordane  cum  nostro  baptismo  compa- 
ratur  :  quia  constat  Jesum  Christum  non  sui  causa 
baptizatum  esse,  sed  nostri,  debemus  gratiam  baptis- 
malis  ejus  omni  festinalione  suscipere,  et  de  fonte 
Jordanis,  quem  ille  benedixit ,  betiedictionem  conse- 
crationis  haurire  ut  in  eum  gurgitem,  in  quam  se  il- 
lius  sanctitas  lyiersit,  quœ  Dominum  circumdedit  et 
servulos  circumpurget,  quaienus  ex  venerabili  Christi 
lavacro  nobis  utida  sancta  proficiat,  et  iisdem  vesti- 
giis  atque  mysteriis,  quibus  benedictionem  a  Salimiore 
est  mufuata  nos  fotu  beatiore  purificet,  grutiamque, 
quam  a  Christo  suscepit ,  in  christianos  refundal. 
Ergo,  frafres,  tingi  debemus  eodem  fonte,  quo  Chris- 
tus, ut  possimus  esse  quod  Christus  est.  î^am  quod 


salva  fide  dixerim,  licet  baptismum  uirumque  sit 
Domini,  tanto  gi'atius  puto  hoc  baptismum  esse,  quo 
nos  abluimus,  quam  illud,  quo  Salvator  baptizatur. 
Hoc  enim  celebratur  per  Christum,  illud  celebratum 
est  per  Joannem.  Ad  illud  Christus  sanctus  venit, 
sanctus  egressus  est;  ad  istud  peccator  venit,  et  sanc- 
tus abscedit.  In  illo  benedictis  conferfur  mysteriis,  in 
isto  mysteriis  débita  donanlur...  Benique  {nunc)  iis- 
dem sacramentis  res  agitur,  quibus  et  tune  gesta  est, 
nisi  quod  gratta  pleniore,  tune  Spiritus  Sanctus  velut 
columbœ  specie  hominem  circumfudit,  modo  se  ininte- 
riora  hominis  ipsa  virtute  divinitatis  infundit.  Ple- 
nior  gratta  est  ubi  Deus  non  assumpta  specie  descen- 
dit ad  homines,  sed  propria  substantia.  Serm.  13  de 
Gratia  baptismi.  Cf.  concil.  Trident.,  Sess.  vn,  can.  1, 
et  Sess.  VI,  cap.  vu. 

'•  De  meritis  humants  ita  loquitur  :  «  Ex  eodem  luto 
corporis  nostri  Deuspro  meritis  singulorum  alios  réser- 
vât ad  pœnam,  alios  ad  gloriam.  Nam  quid  esse  po- 
test  œquius  apud  Deum,  quam  ut  quorum  in  sœculo 
fuit  vita  diversa,  eorum  post  hoc  sœculum  mérita  dis- 
tinguanlur?  »  Homil.  48  et  83.  Cf.  concil.  Trident, 
Sess.  VI,  cap.  xvi. 

''  De  sacrificiis  novi  fœderis  hœc  testatur  :  Summo 
et  prœcipuo  loco  propler  fidem  habendi  sunt  bcati 
martyres.  Yidete  autem,  quem  iidem  locum  apud  ho- 
mines mereantur,  qui  apud  Deum  locum  sub  altare 
meruerunt  [Juxia  Apocalys.  vi,  9-11).   Quid  reveren- 


[v«  SIÈCLE.]         CHAPITRE  XIII.  —  SAINT  MAXIME,  ÉVÊQUE  DE  TURIN. 

reliques  '.  On  y  trouve  les  onctions  et  les 
rites  qu'on  employait  pour  le  baptême,  avec 
leur  signification  2.  La  primauté  de  saint 
Pierre  et  de  ses  successeurs  y  est  attestée 
plusieurs  fois  ^,  et  on  y  voit  que  cet  apôtre 


329 

a  élé  établi  chef  de  l'Eglise  pour  avoir  con- 
fessé la  divinité  de  Jésus-Christ  *.  La  puis- 
sance de  saint  Pierre  est  magnifiquement 
exaltée  ^.1 


tins,  quid  honorabilius  dici  potesf,  quam  sub  illa  ara 
rcquiescere ,  in  qua  Deo  sacrificium  celebratur,  in 
qua  offerunfur  hostiœ ,  in  qua  Dominus  est  sa- 
cerdos ,  sicut  scriptum  est  :  Tu  es  sacerdos  in 
œternum  secundum  ordinem  Melchisedeoh.  Recie 
ergo  sub  ara  martyres  collocantur,  quia  super  aram 
Chrisius  imponiiur.  Recle  sub  altare  justorum  animœ 
vequiescunt,  quia  super  altare  Domini  corpus  offeftur. 
Nec  immerito  illic  pro  justis  vindicta  sanguinis  pos- 
tulatur,  ubi  etiam  pro  peccatoribus  Chrisli  sanguis 
cffunditur.  Convenienter  igitur  et  quasi  pro  qundam 
consortio  ibi  martyribus  sepultura  décréta  est,  ubi 
mors  Domini  quotidie  celebratur,  sicut  ipse  ait  : 
Quoliescumque  héec  feceritiSj  mortem  meam  amiun- 
tiabitiSj  doneo  veuiam...  Legimus  plerusque  justorum 
Abraliœ  sinibus  refoveri,  nonnullos  paradisi  amœni- 
tate  Icetari.  Nemo  tamen  melius  prœter  martyres  me- 
nât, hoc  est  rcquiescere  ubi  et  hostia  Chrisius  est  sa- 
cerdos. Serm.  73.  Cf.  concil.  Trident.,  Sew.  sxiij  cap. 
1,  II,  III. 

•  De  veneratione  et  reliquiis  SS.  martyrum  sœpe 
verba  facit  ;  Ideo  Dominus  per  totum  mundum  diver- 
sis  in  locis  pati  martyres  voluit,  ut  tanquam  idonei 
testes  nos  prœsenti  quodam  fidei  exemplo  suce  confes- 
sionis  urgerent,  ut  humana  fragilitas  quœ  prœdica- 
tioni  Dominicœ  auditu  longiorc  vix  crédit,  vel  prœ- 
senti oculorum  testimonio  martyrio  crederet  beatorum. 
Cuncti  igitur  martyres  devotissime  percolendi  sunt, 
sed  specialiter  ii  venerandi  sunt  quorum  reliquias 
possidemus.  Illi  enim  nos  oralionibus  adjuvant,  isti 
etiam  adjuvant  passione...  Vidcmus  eos  hic  utigue 
jam  regnare;  cernimus  enim  ab  eis  obsessos  immundis 
dœmonibus  homines  liberari.  Hœc  et  alia  potiora  mi- 
rabilia  per  sanctos  fieri,  omnibus  notum  est.  Et  ideo, 
fratres,  veneremur  eos  in  sœculo,  quos  defensores  ha- 
bere  possumus  in  fuluro.  Homil.  81.  Gloriosissimos 
christianœ  fidei  principes  [Petrum  et  Paulum)  annuis 
soleninitaiibus  honorantes  ipsum  Dominum  ac  Deum 
nostrum,  gui  hujus  auetor  est  fidei ,  débita  rcligione 
veneramur.  Apostoîi  namque  latino  sermone  dicuntur 
lyiissi;  gui  ergo  honorant  missos,  manijcstum  est  tio- 


norare  eos  mittentem,  quoniam  dignitas  quœ  defer- 
tur  ministris,  illi  sine  dubio,  cujus  ministri  sunt, 
exhibetur,  ut  ait  ipse  Sulvator  ad  discipulos  suos  : 
Qui  vos  audit,  me  audit;  et  qui  vos  rocipit,  me  re- 
cipit.  Vere  beata  apostolorum  mérita,  in  quibus  se 
Christus  et  recipi  prœdicat  et  audiri.  Beali  nihilomi- 
nus  et  illi,  quorum  devotio  delata  apostolis  recurrit 
in  Christum,  tenentes  itaque  tanlœ  hujus  promissio- 
nis  fidem...  fldelibus  gaudiis  exultemus,  quoniam  qui 
de  martyrum  morte  lœtatur,  martyres  non  dubitat 
cum  Chrisio  regnare  post  mortem.  Homil.  68.  Quis- 
quis  ergo  honorât  martyres,  honorai  et  Christum,  et 
gui  spernit  sanctos,  spernit  et  Dominum.  Homil.  118. 
Quoliescumque  sancforum  martyria  celebramus,  loties 
laudes  Salvatoris  dicimus,  loties  Chrisli  gloriam  prœ- 
dicamus.  Serm.  73.  Sa/ictorum  patrurn  memorias  rc- 
ligiosis  conventibus  honorantes,  et  propria  eorum  mé- 
rita et  munera  in  eis  divina  miramur,  qui  idcirco 
nobis  sunl  venerabiles,  quia  pressentis  vitœ  luce  des- 
pecio  contemptique  suorum  corporum  cruciatu  sœvien- 
tem  mundum  Dei  pro  amore  vicerunt.  Homil.  77. 
Merilo  ergo  eos  colimus,qui  periculis  nostris  pugnant 
et  nostris  utilitatibus  militant,  qui  per  lucis  vitœque 
contemptum  edocent  nos,  quantum  Deo  noslro  debea- 
mus  affcctum...  Veneremur  ergo  in  SS.  martyrum 
gloria  fidem  noslram ,  congratulemur  magnœ  fidei 
nostrœ,  per  quam  dum  exules  [i.  e.  martyrum  reli- 
quias ex  aliéna  terra  allatas)  proflua  eharitale  susci- 
pitis ,  ipsos  eliam  intercessores  habere  mereamini. 
Hœc  est  enim  SS.  martyrum  gloria,  quorum  elsi  per 
universum  mundum  seminetur  in  cineribus  portio, 
manet  tamen  intégra  in  virtutibus  plenitudo.  Serm. 
83.  Cf.  concil.  Trident.,  Sess.  xxv.  De  Invocalione,  ve- 
neratione et  reliquiis  Sanctorum. 

2  Tract,  de  Bapt.,  1  et  2,  pag.  710. 

5  Serm.  94,  pag.  640  et  seq.;  serm.  95,  pag.  644; 
homil.  54,  pag.  169;  homil.  53,  pag.  108. 

'  Homil.  C8,  pag.  17  et  seq.;  homil.  113,  pag.  375; 
serm.  27,  pag.  467;  sei'm.  37,  pag.  497  et  seq. 

'■>  Homil.  70,  pag.  225  ;  homil.  72,  pag.  231  ;  serm. 
C9,  pag.  577  et  seq. 


330 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XIV. 

Arnobe,  surnommé  le  Jeune,  [écrivain  latin]. 

[Après  l'an  460.] 


Qui    éuil 
Arnobe. 


Son  com- 
niciiUiire  sur 
liiM  Psaumes, 

■i'om.     vm 

liiljliol.    l'ai. 


1 .  Arnobe,  que  l'on  a  surnommé  le  Jeune 
à  la  lètc  de  ses  écrits,  pour  le  distinguer 
d'un  écrivain  du  même  nom  qui  florissait 
sous  l'empire  de  Dioclétien  vers  la  fin  du 
troisième  siècle,  était,  selon  l'opinion  la  plus 
commune,  Gaulois  de  naissance.  La  manière 
dont  il  parle  de  la  grâce,  donne  lieu  de  croire 
qu'il  écrivait  dans  le  temps  que  cette  matière 
était  fort  agitée  dans  l'Eglise.  Il  prend  visi- 
blement le  parti  des  semi-pélagieus  contre  la 
doctrine  de  saint  Augustin  et  de  ses  disci- 
ples ;  ce  qui  fait  voir  qu'il  vivait  vers  le  mi- 
lieu du  cinquième  siècle.  Ce  qu'il  dit  '  de  la 
désolation  des  villes  et  des  provinces,  dont 
il  attribue  la  cause  à  l'inobservation  de  la 
discipline  ecclésiastique,  convient  encore  à 
ce  temps.  Il  semble"  en  un  endroit  se  mettre 
au  nombre  des  évêques,  ou  du  ^  moins  des 
prêtres,  puisqu'il  dit  qu'il  était  nourri  avec 
les  autres  des  oblations  que  l'on  faisait  pour 
les  morts. 

2.  Nous  avons  de  lui  un  commentaire  sur 
les  Psaumes,  trouvé  dans  le  monastère  de 
Frankendal,  entre  Spire  et  Worms.  Arnobe 
le  dédia  à  Léonce  ou  Laurent  et  Rustique, 
évêques,  qui  l'avaient  engagé  à  l'entrepren- 
dre. 11  profita,  pour  le  composer,  de  ce  qu'il 
avait  trouvé  de  son  goût  dans  les  anciens  in- 
terprètes ,  particulièrement  dans  Origène  ; 
car  il  paraît  avoir  eu  quelque  connaissance 
de  la  langue  grecque.  Il  met  d'abord  chaque 
psaume  tout  entier,  puis  il  en  donne  une 
explication  ti'ès-abrégée  et  qui  n'est  qu'une 
espèce  de  paraphrase.  Son  but,  dans  ce  com- 

1  Perennt  urbes,  pereunt  provinciœ,  quia  pereunt 
disciplinœ.  Psal.  cv,  pag.  298. 

"^  Quos  citm  sciamus  aut  turpes  in  factis,  aut  injuslos 
in  judicio,  tamen  quia  potentum  amicifiis  copulantur, 
aut  ipsi  patentes  sunt,  hos  in  sacerdotio  consecramus. 
Arnobius,  in  Psalm.  cv,  pag.  298,  tom.  Biblioih. 
Patrum. 

s  //  enim  qui  affermit  sive  pecunias,  sive  munera 
Ecclesiis,  et  mortni  sunt  in  peccatis  suis,  propterea 
utique  affermit  ut  nastris  precibus  reviviscant.  Ibid. 

'  Vide  graiiam  Dei  generalem  super  omne  hominum 
effusam  genus.  Omnes  antecedit  gratia  multiplici  lar- 


mentaire,  est  de  trouver  dans  les  Psaumes 
toute  l'économie  de  l'incarnation.  D'où  vient 
qu'il  s'attache  au  sens  allégorique,  et  qu'il 
rapporte  à  Jésus-Christ  et  à  son  Eglise  le 
texte  entier  des  psaumes.  Sur  le  psaume  cix», 
il  réfute  l'hérésie  de  Pliotin,  qui  n'a  com- 
mencé à  paraître  que  vers  l'an  347,  plusieurs 
années  après  Arnobe  l'Ancien,  qui  a  écrit 
contre  les  Gentils.  En  expliquant  le  psaume 
cxxxviii^,  il  se  sert  de  quelques  expressions 
africaines,  et  de  certaines  façons  de  lire  dans 
les  Psaumes,  que  saint  Augustin  reprenait 
dans  le  peuple  d'Hippone;  d'où  quelques- 
uns  ont  conjecturé  qu' Arnobe  le  Jeune  était 
Africain  et  qu'il  avait  écrit  ses  commentaires 
pour  l'usage  de  cette  province.  Mais  il  pou- 
vait les  avoir  prises  dans  les  interprètes  dont 
il  s'était  servi. 

3.  On  ne  peut  pas  dire  la  même  chose  des 
endroits  où  il  favorise  nettement  les  erreurs 
des  semi-pélagiens.  On  voit  bien  que  c'est 
lui  qui  y  parle,  et  qu'il  propose  non  le  sen- 
timent des  autres,  mais  le  sien  propre,  11  y 
établit  une  grîice  générale  prévenante,  telle 
que  l'admettaient  ces  hérétiques,  qu'il  fait 
consister  *  dans  l'incarnation  du  Fils  de  Dieu 
pour  le  salut  des  hommes,  dans  les  exemples 
de  vertu  qu'il  leur  a  donnés,  dans  ses  ins- 
tructions, dans  ses  miracles,  dans  sa  passion 
et  dans  l'accomplissement  de  tous  les  autres 
mystères  qui  ont  dépendu  de  la  seule  vo- 
lonté de  Dieu,  sans  que  les  hommes  l'en 
eussent  prié.  C'est  sur  le  psaume  cxLVi'=  où 
il  s'en  explique.  Il  dit  au   même   endroit, 

giiate  diffusa.  Descendit  de  cœlo  Deus,  homine  non 
volenie;  dacuil  exempta  et  verba,  hamine  non  rogante... 
sicut  ergo  antecessit  gratia  valuntatem  kominis,  in 
ostensiane  sui,  et  in  adapertione  veritatis,  ita  anteee- 
dit  voluntas  hominis  gratiani  Dei.  Non  enim  prius 
bapiizaris,  et  sic  velle  incipis  credere  ;  sed  prius  vo- 
luntaiem  tuam  perfectam  exhibes  sacerdati,  et  confes- 
sionem  tuam  iuis  labiis  pondis,  et  ita  demum  ad  Dei 
graiiam  ut  ca?isequnris,  attingis.  Quam  consecutus 
canfiteberis,  quia  omnia  Dei  dana  credendo  et  deside- 
rando  consecutus  es.  Arnobius,  in  Psalm.  cslvi,  pag. 
326. 


La  Birre, 
pricfatione  in 
Arnobiura,  p. 
237. 


il    parait 
avoir   été  se- 

nii-pél^igieu. 


[V^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XIV.  —  AHNOBE  LE  JEUNE. 


331 


après  avoir  établi  cette  grâce  générale  qui 
prévient  la  volonté  de  tous  les  hommes,  que 
la  volonté  de  l'homme  prévient  à  son  tour  la 
grâce  de  Dieu  dans  le  baptême  ;  qu'il  croit 
avant  de  recevoir  ce  sacrement  ;  qu'il  com- 
mence par  offrir  au  prêtre  une  volonté  par- 
faite, qu'il  confesse  la  foi  de  bouche ,  et  que 
par  ces  différents  degrés  il  parvient  à  la  grâce 
sanctifiante  qu'on  reçoit  dans  le  baptême.  Il 
ajoute  que  l'homme  peut  publier  cette  grâce, 
parce  qu'en  croyant  et  en  désirant,  il  a  ob- 
tenu tous  les  dons  de  Dieu.  Ce  n'est  pas  en 
passant  qu'il  enseigne  cette  doctrine,  qui  fut 
depuis  condamnée  dans  le  concile  d'Orange; 
c'est  en  répondant  aux  objections  qu'il  s'était 
faites  de  la  part  des  disciples  de  saint  Au- 
prosper.,  guslin.  Il  les  traite  de  prédestinatieus  *,  terme 
d  caïuniDias  jout  OH  Sait  ouB  Ics  senii-pelu gieus  se  ser- 

îalloium,  p.  ■*  ... 

»5'  vaient  pour  rendre  odieux  ceux  qui  suivaient 

la  docU'ine  de  saint  Augustin.  Ils  avaient  en- 
core coutume  de  dire  que  la  prédestination 
détruisait  le  libre  arbitre^  en  mettant  l'homme 
dans  la  fatale  nécessité  de  pécher.  Arnobe 
s'exprime  de  même.  Il  traite  les  sentiments 
de  la  prédestination  d'hérésie-,  et  dit  qu'elle 
voj.  lom.  détruit  le  libre  arbitre.  Il  rejette  absolument  ^ 
'  "'  '  la  doctrine  de  la  double  prédestination,  sou- 
tenant qu'on  ne  pouvait  l'appuyer  sur  ces 
paroles  de  saint  Paul,  ni  sur  aucune  autre 

de  l'Ecriture  :  J'ai  aimé  Jacob  et  j'ai  haï  Esaû  ; 
nttiii.  11.  .... 

et  il  fait  miséricorde  à  qui  il  lui  plaît,  il  endur- 
cit aussi  qui  il  lui  plaît.  En  expliquant  ces  pa- 
roles du  psaume  xc  :  Si  vous  demeurez  sous 
la  protection  du  Très-Haut,  mille  de  vos  ennemis 


tomberont  à  votre  côté,  et  dix  mille  à  votre 
droite,  il  dit  que  le  prophète  ne  dit  rien  à  cet 
endroit  du  côté  gauche,  qui  signifie  le  libre 
arbitre,  et  qu'il  ne  parle  que  du  côté  droit*, 
parce  que  c'est  là  qu'est  le  secours  de  Dieu  ; 
qu'il  a  toutefois  nommé  en  premier  lieu  le 
côté,  parce  qu'il  est  au  pouvoir  de  no trehbrc 
arbitre  de  croire  premièrement,  et  d'obtenir 
ensuite  la  grâce  par  le  mérite  de  sa  foi.  Sur 
le  psaume  L",  il  remarque  ^  que  David  ne  dit 
pas  qu'il  a  été  conçu  avec  le  péché,  mais 
dans  le  péché,  désignant  par  là  le  péché  de 
sa  mère,  et  non  pas  un  péché  qui  fût  com- 
mun à  la  nature  humaine,  parce  que  tout 
péché,  dit-il,  se  forme  d'abord  dans  le  cœur 
et  s'accomplit  de  la  bouche.  Ainsi  celui  qui  ne 
fait  que  de  naître,  se  trouve  enveloppé  dans 
la  condamnation  d'Adam  ;  mais  il  n'a  point 
de  péché  qui  lui  soit  propre.  Il  est  vrai  que 
ces  dernières  paroles  peuvent  s'entencliu 
d'un  péché  actuel  dont  les  enfants  ne  sont 
pas  capables.  Et  il  reconnaît  ailleurs  que  tt"  t 
le  genre  humain  a  péri  danslaprévaricali  '  i 
d'Adam,  et  que  c'est  pour  lui  rendre  la  v  o 
que  le  Verbe  de  Dieu  s'est  fait  homme  **,  t 
que  comme  c'est  par  le  péché  d'Adam  q  o 
nous  avons  été  condamnés  à  la  mort,  c'e  l 
aussi  par  Jésus-Christ  que  la  vie  nous  c;  t 
rendue.  Il  y  a  même  plusieurs  endroits  où  À 
parle  de  la  grâce  comme  la  reconnaissani  ' 
nécessaii'e  pour  être  délivré  des  agitatioi  ; 
qui  troublent  notre  cœur.  Il  appelle  Jésu- 
Christ  notre  force  et  la  lumière  de  nu., 
yeux.  Il  dit  ^  ailleurs,  et  ce  semble,  conti  o 


1  Nota  tibi,  prœdestinate,  rjuod  loquor.  In  Psalm. 
CXLVI,  pag.  326. 

2  Noluit  benedictionem  quœ  per  Christum  affertur, 
et  utique  elongabitur  ab  'lo.  Nota  ex  arbitrio  evenisse 
ut  notlet,  propter  hœresim  quœ  dicit  Deum  altos  prœ- 
deslinasse  ad  benedictionem,  altos  ad  maledictionem. 
Arnob.,  m  Psalm.  cvili,  pag.  301. 

^  Quid  nunc?  Contra  hanc  in  obscuro  nascilur  quœs- 
tio  :  Jauob  dilexi,  Esau  autem  odio  habui;  et  :  cui 
vult  miseretur,  et  quem  vult  indurat,  et  multa  simi- 
lia.  In  liis  positus  in  nocte  devenisti...  si  enim  mille 
taies  qucestiones  invenias,  nunquam  probabis  Dominum 
per  electionem  personœ  unum  velle,  recusare  alium. 
Arnob.,  in  Psalm.  xci,  pag.  288. 

*  Lalus  sinistrmn  quod  noluit  nominare,  liberum 
arbitrium  est;  in  dextera  autem  Dei  auxitiiim  est.  Et 
ideo  prius  nominavit  lalus,  quia  in  arbitrio  est,  ut 
credas  prius,  ut  dmn  credideris,  gratiam  consequaris. 
Arnob.,  iti  Psalm.  xc,  pag.  287. 

^  No?i  dixit  :  Cum  iniquitatibus ,  aut  cum  peccaiis 
genuit  me  mater  mea,  sed  :  In  iniquitatibus  conceplus 
sum,  et  in  peccatis  genuit  me  mater  mea.  Dicendo 
enim  matrem  in  suis  iniquitatibus  eum  concepisse,  et 
in  peccatis  sœculi  peperisse,  signavit,  quia  omne  pec- 


catum  corde  concipitur,  et  ore  consummatur.  Hic  au- 
tem qui  nascitur,  sententiam  Adœ  habet,  peccatum 
vero  suum  non  habet.  Ainohius,  in  Psahn.L,  pag.  204. 

*  Perierat  omne  genus  hominum  in  prœvaricatione 
Adœ,  et  promissum  fuerat  VerbumDeiin  carne  ventu- 
rum,  et  per  ipsum  genus  nostrum  recuperaturum  in 
melius.  Arnobius,  in  Psalm.  csviii,  pag.  308.  Tu  veni, 
Domine,  et  per  te  gressus  meos  dirige  secundtim  ver- 
bum  tuum,  quod  ille  Adam  prœvaricattis  est,  et  vi- 
tam  inveniam  per  te,  quam  per  illum  amisi.  Ibid., 
pag.  310. 

''  Hoc  orandum  docemur,  ut  huic  desiderio  annuat 
dimna  clementia,  quia  cor  nostrum  turbatur,  et  de- 
serit  nos  fortitudo  nostra  et  lumen  oculorum  nostro- 
rum,  id  est  Christus.  Arnobius^  in  Psalm.  xxxvii, 
pag.  2S7. 

^  Mulli  putant  tibertatem  urbilrii  eo  usque  sibi posse 
sufficere,  ut  sese  per  ipsam  libertalem  ab  hostibus  in- 
visibilibus  eruere  posse  confidant.  tibertatem  autem 
arbitra,  et  negare  periculum  est,  et  nudare  peccatum. 
Si  enim  negaveris,  omnibus  f'rena  laxasti.  Si  nuda- 
vei'is,  decepisti...  Nudas  autem,  cum  tantum  ipsi  ar- 
bitrio dederis,  ut  ettm  rébus  divini  adjutorii  dénuda- 
ris.  Arnobius,  in  Psalm.  xc,  pag.  287. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Vide  Pr03- 
pcr. ,  p.  175, 
137,  139.  Ib., 
li.ig.  137.  Ib., 
pag. 133. 


332 

les  pélagiens,  qui  croyaient  que  le  libre 
arbitre  suffisait  pour  les  délivrer  de  leurs 
ennemis  invisibles,  que  c'était  se  tromper 
de  prétendre  que  le  libre  arbitre  soit  assez 
fort  pour  se  passer  du  secours  de  Dieu; 
et  comme  il  est  dangereux  de  vouloir  dé- 
pouiller l'homme  de  son  libre  arbitre,  parce 
que  ce  serait  ôter  le  péché  et  ouvrir  consé- 
quemment  le  chemin  à  toutes  sortes  de  dis- 
solutions, il  ne  l'est  pas  moins  d'accorder 
tant  de  force  au  libre  arbitre,  qu'il  n'ait  pas 
besoin  du  secours  de  Dieu.  Il  dit  encore  ' 
qu'il  ne  faut  pas  présumer  du  libre  arbitre 
que  nous  avons,  mais  de  Dieu,  parce  que 
Dieu  ne  peut  être  vaincu,  et  que  le  libre  ar- 
bitre peut  l'être.  Enfin  il  enseigne  ^  que  la 
nature  humaine  étant  aussi  faible  qu'elle  est, 
elle  ne  peut  rien  faire  de  bien  sans  le  secours 
de  la  volonté  de  Dieu.  Mais  toutes  ces  façons 
de  parler  étaient  communes  aux  semi-péla- 
giens.  Ils  reconnaissaient  des  grâces  générales 
accordées  à  tous  les  hommes  ;  ils  ne  faisaient 
pas  difficulté  d'avouer  que  le  libre  arbitre 
avait  besoin  de  la  grâce  de  Jésus-Christ  pour 
faire  le  bien  ;  ils  reconnaissaient  encore  le 
péché  originel  et  la  nécessité  du  baptême 
même  pour  les  enfants,  qui  recevaient  la  ré- 
mission de  leur  péché.  On  peut  voir  sur  tous 
ces  articles  ce  que  nous  avons  dit  en  parlant 
des  écrits  de  saint  Prosper.  Mais  les  semi- 
pélagiens  enseignaient  '  en  même  temps 
que  la  grâce  nous  était  donnée  suivant 
nos  mérites  ;  que  la  persévérance  dans  le 
bien  dépendait  duhbre  arbitre,  et  que  c'était 
aussi  du  libre  arbitre  que  l'on  devait  tirer  la 
différence  de  ceux  qui  veulent  être  sauvés, 
d'avec  ceux  qui  ne  le  veulent  pas.  La  grâce 
générale  qu'Arnobe  dit  prévenir  la  volonté 
de  l'homme  n'est  qu'une  grâce  extérieure 
commune  aux  fidèles  et  aux  infidèles.  Il  dit 
nettement,  comme  nous  venons  de  le  l'emar- 
quer,  que  le  bon  mouvement  de  notre  vo- 
lonté nous  mérite  la  grâce  justifiante  que 
nous  recevons  dans  le  baptême.  11  fonde  ce 
mérite  sur  les  bons  désirs  et  sur  la  foi  de 
l'homme,  qu'il  attribue  non  à  la  grâce  inté- 
rieure et  excitante,  mais  au  libre  arbitre. 
S'il  enseigne  que  Dieu  nous  prévient  par  ses 


'  Habes  quidem  liberum  arbiirium,  sed  noli  de  eo 
prœsumere  :  de  Deo  prœsume,  quia  vinci  non  potest  : 
nmn  liberum  arbiirium  vinci  poiest.  Arnobius,  in 
Psahn.  CXVII,  pag.  305. 

-  Humana  natura  imbecilla  cum  sit,  minime  sane 
absque  divini  nutus  subsidio  prœstare  quidquam 
boni  potest.  Arnobius,  in  Psalm.  cxLvii,  pag.  327. 


grâces  générales,  il  enseigne  aussi  que  nous 
prévenons  la  grâce  de  Dieu  par  notre  bonne 
volonté,  et  que  dans  nous  la  foi  précède  la 
grâce  que  nous  recevons  dans  le  baptême. 
Fauste  de  Riez  ^,  l'un  des  plus  fameux  semi- 
pélagiens,  tenait  le  même  langage.  En  quoi 
il  s'appuyait,  comme  Gassien,  de  l'exemple 
de  Corneille  le.  Centurion,  en  qui  ils  disaient 
l'un  et  l'autre  que  la  bonne  volonté  avait 
prévenu  la  grâce  de  Dieu. 

4.  Les  commentaires  d'Arnobe  sur  les 
Psaumes  furent  imprimés  à  Bâle,  en  IS22, 
chez  Froben,  mais  sous  le  nom  de  l'ancien 
Arnobe.  Ils  furent  réimprimés  en  la  même 
ville,  en  1537  et  1560.  Il  y  en  a  une  édition 
de  Strasbourg,  en  1522,  et  une  de  Paris  en 
1639;  c'est  sur  cette  dernière,  qui  fut  faite 
par  les  soins  de  Laurent  de  la  Barre,  qu'on 
les  a  insérés  dans  la  Bibliothèque  des  Pères  à 
Lyon,  en  1677.  [Ils  sont  reproduits  au  tome 
LUI  de  la  Patrologie  latine]. 

5.  Ils  sont  suivis  dans  cette  Bibliothèque 
de  petites  annotations  sur  certains  endroits 
des  évangiles  de  saint  Jean,  de  saint  Mat- 
thieu et  de  saint  Luc.  Elles  avaient  déjà  été 
imprimées  à  Bâle,  en  1543,  puis  dans  les 
Orthodoxographes,  et  ensuite  à  Paris,  en  1639, 
par  les  soins  d'André  Schottus.  Quoique  dans 
toutes  ces  éditions  ehes  portent  le  nom  d'Ar- 
nobe, on  n'a  toutefois  aucune  preuve  qu'elles 
soient  de  lui.  L'auteur  y  explique  presque 
toute  l'Ecriture  dans  un  sens  allégorique. 
[On  les  trouve  aussi  au  tome  LUI  de  la  Pa- 
trologie latine]. 

6.  On  trouve  dans  la  même  Bibliothèque 
des  Pères  un  dialogue  ou  une  dispute  entre 
un  catholique  qui  prend  le  nom  d'Aniobe, 
et  un  eutychien  qui  se  nomme  Sérapion. 
Cette  dispute  roule  sur  le  mystère  de  la 
Trinité  et  sur  celui  de  l'Incarnation.  On  y  dit 
aussi  quelque  chose  touchant  l'accord  de  la 
grâce  et  du  libre  arbitre.  Feuardent  et  quel- 
ques autres  attribuent  cet  écrit  au  même 
Arnobe,  de  qui  est  le  commentaire  sur  les 
Psaumes,  c'est-^à-dire  à  Arnobe  le  Jeune. 
Leurs  preuves  sont  que  ces  deux  ouvrages 
sont  écrits  avec  la  même  précision  et  la 
même  vivacité  d'esprit;  que  le  style  en  est 


3  Vides  quia  non  tribuilur  munus  salutis,  nisi  prius 
interroqetur  dcsiderium  voluntatis,  sed  et  cum  vene- 
rit  ad  baptismum,  prius  accedentis  voluntas  inquiri- 
tur,  ut  regenerantis  gratta  subsequatur.  El  in  cen- 
turinne  Cornelio,  quia  prœcessit  volunlas  gratiam, 
ideo  prœuenit  et  gratia  regenerationem.  Fauslus,  lib. 
Il,  cap.  vm. 


Editions  À6: 
ce  commcQ. 
laire. 


I 


Annotation 
sur  les  livaa 
eiU's,  loin 
vm  lîibi 
Patr.  p.  Zm 


D  isp  ut 
entre  Arnot 
et  Sùrapiûr 
tom.  Vil 
Bib.  Palruu 
pag.  201. 


[V   SIÈCLE.] 

également  négligé;  que  l'on  y  trouve  les 
mêmes  expressions,  et  que  l'on  y  combat  les 
mêmes  hérésies.  On  peut  ajouter  que  ce  dia- 
logue est  cité  par  Alcuin  sous  le  nom  d'Ar- 
nobe,  et  qu'il  lui  est  attribué  dans  divers 
manuscrits.  Mais  s'il  est  de  lui,  il  faut  néces- 
sairement qu'Arnobe  ait  changé  de  senti- 
ment sur  la  grâce.  Car,  dans  son  commen- 
taire, il  se  déclare  eu  plusieurs  endroits 
contre  la  doctrine  de  saint  Augustin,  sans  le 
nonamer  :  au  lieu  que  dans  la  conférence 
avec  Sérapion,  il  parle  *  avec  éloge  de  ce 
saint  évêque.  Il  soutient  que  sa  doctrine  ne 
diffère  en  rien  ^  de  celle  des  apôtres,  qu'il 
l'embrasse  et  en  pi^end  la  défense  avec  un 
égal  respect.  11  rapporte  ensuite  ce  que  saint 
Augustin  dit  de  la  grâce  et  de  sa  nécessité 
pour  surmonter  les  tentations. 

7.  Le  but  de  ce  dialogue  est  de  montrer 
qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  en  trois  personnes  ; 
que  les  deux  natures,  la  divine  et  l'humaine, 
sont  unies  dans  Jésus-Christ  en  une  seule  per- 
sonne, et  que  la  grâce  agit  tellement  dans 
nous  qu'elle  laisse  au  libre  arbitre  toute  son 
activité.  Sérapion  propose  les  difHcuJtés,  et 
Arnobe  y  répond.  Constantius  et  Ammouius, 
qu'ils  avaient  choisis  pour  juges,  décident 
de  la  validité  des  réponses.  On  commence 
dans  cette  dispute  par  établir  la  foi  de  l'unité 
d'un  Dieu  en  trois  personnes,  puis  celle  de 
l'Incarnation.  Arnobe  appuie  ce  qu'il  dit  sur 
l'un  et  l'autre  mystère,  de  l'autorité  de  l'E- 
criture et  des  pères,  nommément  de  saint 
Athanase,  de  saint  Cyrille  d'Alexandrie,  de 
saint  Ambroise,  de  saint  Damas,  de  saint 
Léon  ,  de  saint  Hilaire  ,  de  saint  Grégoire  et 
de  saint  Célestin.  Ce  Père  donne  à  la  sainte 
Vierge  le  titre  de  Mère  de  Dieu.  Il  ne  cite 
sur  l'accord  de  la  grâce  avec  le  hbre  ar- 
bitre, que  des  passages  de  l'Ecriture  et  de 
saint  Augustin.  Dans  le  passage  qu'il  rap- 
porte 3  de  saint  Célestin,  ce  pape  cite  un 
endroit  des  livres  de  saint  Hilaire  contre 
l'empereur  Constance ,  que  nous  ne  trou- 
vons point  dans  les  imprimés;  ce  qui  donne 
lieu  à  Feuardent  de  dire  qu'il  y  manque 
quelque  chose.  Mais  peut-être  ce  passage 
est-il  tiré  de  quelques  autres  écrits  de  saint 
Hilaire  que  nous  n'avons  plus.  La  Dispute  de 
Sérapion  et  d' Arnobe  fut  imprimée  pour  la 


CHAPITRE  XIV.  —  ARNOBE  LE  JEUNE. 


333 


première  fois  avec  les  ouvrages  de  saint  Iré- 
née,  à  Cologne;,  en  1596,  et  depuis  dans  les 
éditions  du  même  Père  jusqu'en  1639.  [Elle 
se  trouve  dans  le  tome  LUI  de  la  Patrologie 
latine], 

8.  La  conformité  du  style,  de  la  doctrine  .i^Tc^inuiu'c 
et  des  expressions  a  fait  encore  attribuer  à  {^^''^'èapas 
Arnobe  le  Jeune  un  ouvrage  intitulé  Prœ-  '""""• 
destinatus,  parce  que  l'auteur  y  combat  cer- 
tains hérétiques  qu'il  nomme  prédestina- 
tiens.  11  paraît  qu'il  écrivait  avant  la  nais- 
sance de  l'hérésie  eutycliienne,  puisque  dans 
le  catalogue  qu'il  donne  des  hérésies  qui 
s'étaient  élevées  jusqu'à  son  temps,  il  ne  dit 
rien  de  celle  d'Eutychès,  dont  il  était  na- 
turel de  parler,  ou  après  celle  de  Nestorius, 
ou  du  moins  en  suite  de  l'hérésie  des  prédes- 
tinations, qui  est  la  dernière  dont  il  est  fait 
mention  dans  ce  catalogue.  11  paraît  donc 
qu'il  écrivait  avant  le. milieu  du  v^  siècle, 
temps  auquel  Arnobe  composa  son  com- 
mentaire sur  les  Psaumes.  Mais  quelque  fortes 
que  soient  ces  raisons,  le  père  Sirmond,  qui 
s'y  était  rendu  d'abord,  ne  les  a  pas  crues  as- 
sez convaincantes  pour  se  décider  absolu- 
ment sur  l'auteur  de  cet  écrit.  Hincmar,  qui     nincm.nac- 

*■  lal.  de  Hrœ- 

en  avait  connaissance,  l'attribue  à  Hygin,  iiesunai.  c.  i. 
trompé  par  le  titre  de  l'ouvrage  où  Hygin  est 
mis  avec  Polycrate,  africain,  Hésiode,  Epi- 
phane  et  Phylastre  au  nombre  de  ceux  qui 
ont  fait  l'histoire  des  hérésies.  Dans  un  ma- 
nuscrit de  la  bibliothèque  Barberine,  on 
trouve  un  écrit  sous  le  nom  de  Primase,  dis- 
ciple de  saint  Augustin,  où  l'on  fait  un  cata- 
logue de  quatre-vingt-dix  hérésies,  qui  est 
le  nombre  des  hérésies  rapportées  dans  le 
Prœdestinatus.  La  même  inscription  se  lit  dans 
un  autre  manuscrit  cité  par  Dom  Mabillon  * 
dans  son  Voyage  germanique.  Et  ce  qui  pour- 
rait donner  lieu  de  conjecturer  que  cet  ou- 
vrage est  le  Prœdestinatus,  c'est  qu'Isidore 
de  Séville,  dans  son  traité  ^  des  Ecrivains  ec- 
clésiastiques, dit  que  Primase  avait  composé 
un  ouvrage  sur  les  hérésies,  divisé  en  trois 
livres,  comme  est  celui  du  Prœdestinatus. 
Mais  il  est  à  remarquer  que  l'ouvrage  de 
Primase  était  dédié  à  l'évêque  Fortuuat,  dont 
il  n'est  rien. dit  dans  le  Prœdestinatus.  D'ail- 
leurs Primase  faisait  voir  dans  le  premier 
livre  de  son  ouvrage  ce  qui  faisait  un  homme 


•  Mira  sunt  ejus  verba.  Arnobius,  pag.  233. 

2  Arnohius  dixit  :  Meo  sensu  locutus  es;  nam  ea 
quœ  ejus  [Augustini]  nunc  proféra,  ac  si  sacratissima 
aposiolorum  scripta  sic  credo  et  teneo  et  defendo.  Ibid. 


2  Arnobius,  in  Confliclu,  pag.  222. 
'*  Mabillonius,  in  AnalecL,  pag.  14. 
s  IsidoruSj  de  Script.  Ecoles.,  cap.  IX. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Pr^destina- 
tus,  lib.  Iir, 
pog.  M8. 


334 

hérétique;  dans  le  second  et  dans  lo  troi- 
sième, comment  on  le  connaissait  pour  hé- 
rétique. Il  n'y  a  rien  de  semblable  dans  le 
Prœdestinatus.  Le  premier  livre  est  un  cata- 
logue de  quatre-vingt-dix  hérésies,  depuis 
Simon  le  Magicien  jusqu'aux  prédestinatiens 
inclusivement.  Le  second  est  un  discours 
faussement  attribué  à  saint  Augustin,  dont 
il  n'a  ni  le  style  ni  la  doctrine.  Le  troisième 
est  une  réfutation  de  ce  discours,  où  l'auteur 
répand  le  venin  de  l'hérésie  pélagienne  dont 
il  était  infecté,  quoiqu'il  y  fasse  profession 
d'anathématiser  Pelage  et  Célestius.  Picci- 
nardi  soutient  que  le  Pi-œdestinotus  est  ou  de 
Vincent  Victor ,  contre  qui  saint  Augustin 
écrivit  ses  quatre  livres  sur  l'Origine  de  l'âme, 
ou  du  prêtre  Vincent,  qui,  selon  Gennade  ', 
composa  un  commentaire  sur  les  Psaumes. 
Mais  il  n'avance,  pour  le  prouver,  que  de 
très-faibles  conjectures.  Nous  avons  vu  ail- 
leurs que  Vincent  Victor  avait  abjuré  le  pé- 
lagianisme  du  vivant  même  de  saint  Augus- 
tin, et  le  prêtre  Vincent  n'écrivait  que  vers 
l'an  480,  longtemps  après  le  Prœdestinatus, 
qu'on  convient  avoir  été  écrit  versl'an  434.  Il 
r.'j  a  pas  plus  de  raison  de  le  donner  à  Vin- 
c  -ut  de  Lérins,  dont  l'esprit  était  trop  solide 
pour  produire  un  si  mauvais  ouvrage,  rempli 
C'A  fautes  contre  l'histoire  et  d'erreurs  contre 
1:!  foi.  De  toutes  ces  opinions,  celle  qui  l'at- 
t.  ibue  à  Arnobe  le  Jeune,  est  donc  la  plus 
V  aisemblable.  On  trouve  dans  son  commen- 
I  ire  le  terme  ^  de  prédestinatiens  employé 
écisément  de  la  même  manière  que  dans 
'.  livre  III"  ^  du  Prœdestinatus  Ce  qu'Arnobe 
ciit  *  de  la  volonté  de  l'homme  qui  précède 
lo  grâce  que  nous  recevons  dans  le  baptême, 
le  Prœdestinatus  ^  le  dit  aussi  du  baptême  et 
de  la  pénitence.  Arnobe,  en  établissant  une 
grâce  générale  prévenante,  la  fait  ^  consister 
en  ce  que  Dieu,  sans  que  l'homme  l'en  eût 


prié,  ni  qu'il  le  voulût,  s'est  incarné  pour  lui 
et  l'a  engagé  à  la  vertu  par  les  exemples 
qu'il  lui  en  a  donnés.  Le  Prœdestinatus  fait  ^ 
consister  aussi  la  grâce  qui  précède  la  vo- 
lonté de  l'homme,  en  ce  que  Dieu  lui  montre 
d'un  côté  la  vie  éternehe  pour  qu'il  y  éta- 
blisse son  plaisir,  et  de  l'autre  le  feu  éternel, 
afin  qu'il  en  conçoive  de  la  crainte.  «  Cette 
grâce,  dit-il,  précède  la  volonté  de  l'homme, 
parce  qu'elle  l'exhorte  et;  qu'elle  l'invite  à 
venir.  »  Il  dit  encore,  comme  Arnobe,  que 
le  Fils  de  Dieu  est  venu  délivrer  le  monde 
de  la  mort,  sans  que  les  hommes  l'aient  de- 
mandé, qu'ils  l'en  aient  prié  et  qu'ils  l'aient 
même  voulu;  et  qu'il  est  descendu  du  ciel 
pour  y  faille  monter  les  hommes. 

9.  On  ne  connaissait  point  le  Prœdestinatus 
avant  Fan  1643,  qu'il  fut  imprimé  à  Paris  par  i 
les  soins  du  père  Sirmond.  La  même  année 
il  en  parut  une  censure,  réimprimée  en  164S. 
Cet  écrit  est  de  M.  de  Barcos,  qui  se  cacha 
sous  le  nom  de  Pierre  Auvray.  Le  père  Sir- 
mond avait  mis  une  préface  à  la  tête  de  cet 
ouvrage,  et  joint  plusieurs  passages  des  an- 
ciens qui  faisaient  mention  de  l'hérésie  des 
prédestinatiens.  Ces  passages  étaient  tirés 
des  écrits  de  Tyro  Prosper,  d'Arnohe-le- 
Jeune,  de  Fauste,  évêque  de  Riez,  de  Gen- 
nade de  Marseille,  de  Jean  Erigène  et  de  Si- 
gebert  de  Gemblours.  On  a  suivi  cette  dis- 
position dans  l'impression  que  l'on  a  faite  du 
Prœdestinatus  dan?  le  vingt-septième  volume 
de  la  Bibliothèque  des  Pères  à  Lyon,  en  1677. 
Le  père  Piccinardi  fit  mettre  de  nouveau 
sous  presse  le  Prœdestinatus,  h  Padoue,  en 
1686,  avec  de  longs  prolégomènes.  Il  a  en- 
core été  inséré  dans  le  recueil  des  œuvres 
du  père  Sirmond,  à  Paris,  en  1696,  in-folio. 
[Il  se  trouve  dans  le  tome  LUI  de  la  Patrolo- 
gie  latine,  d'après  Galland  qui  l'a  donné  avec  , 
prolégomènes  au  tome  X  de  sa  Bibliothèque]. 


'  Gennad.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  89. 

'  Nota  tibi ,  prœdestinafe,  quod  loquor.  Arnobms, 
in  Psalm.  CXLVII. 

°  Nota  tibi,  prcedestinate ,  qidd  dicat,  sed  pro 
omnibus  tradidit  eiwi.  Praedestinatus,  lib.  III,  pag. 
530. 

*  Antecedit  voluntas  hominis  gratiam  Dei,  non  enim 
prius  baptiiaris,  et  sic  vette  incipis  credere,  sed  prius 
voluntatem  iuam  perfectam  exhibes.  Sacerdoii,  et  iia 
ad  Dei  gratiam  ut  consequaris,  attingis.  Arnobius, 
in  Psalm.  cxLVii. 

''  Nos  dicimus  priorem  volimlatem  quam  gratiam, 
in  baptismatis  consecutione  et  pœniieniiœ  conversione. 
PreedesHuatus,  lib.  III,  pag.  540. 

"  Omnes  antecedit  graiiamuliiplicilargitate diffusa. 


Descendit  de  cailo  Deus,  homine  non  volenle,  docuit 
exempto  et  verbo,  homine  non  rogante,  signa  milita 
et  virtutes  ad  se  manifesiandum  exercuit...  Hœc  om- 
nia  ad  hominis  salutem.  Arnobius,  in  Psalm.  cxlvii. 
'  Antecedit  gratia  vohmtatem  hominum,  ostendendo 
viiam  œlernam  in  qua  deleclentur,  ostendendo  incen- 
diwn  sempilernum  in  quo  ierreanlur,  ut  a  peccato- 
rum  delectationibus  revoceniur...  Antecedit,  quia  vo- 
cat,  quia  provocat,  quia  invitât  ut  venias.  Praedesti- 
natus, lib.  III,  pag.  558,  560.  Antecedit  gratia  Dei 
hominis  voluntatem,  quia  non  petentibus,  non  rogan- 
iibiis,  non  etiam  volentibus  nobis  venit  Filius  Dei  uni- 
versum  a  morte  eripere,  et  ut  ascenderet  ad  Deum 
homo  Deus  descendit  ad  hominem.  Ibid.,  pag.  556. 


CHAPITRE  XV.  —  SAINT  HILAIRE,  PAPE,  ETC.  335 

publié  dans   le  Spicilége  romain,  tom.  V, 


[V=  SIÈCLE.] 

10.  Dom  Luc  d'Achéry  remarque  dans  lo 
tome  111°  de  son  Spicilége  que  l'on  voyait  dès 
le  viii"  siècle  dans  la  bibliothèque  de  Saiut- 
Vandi'ille,  un  discours  sur  la  Chute  d'Adam, qui 
portait  le  nom  d'Arnobe,  évêque  et  rhéteur. 
Ce  discours  n'a  pas  encore  été  rendu  public. 
Ainsi  l'on  ne  peut  en  rien  dire.  [Ang.  Maï  a 


pag.  101-118,  une  épltre  pascale  de  saint 
Cyrille  à  la  région  de  toute  l'Egypte.  Ce  dis- 
cours a  cela  de  remarquable,  qu'il  est  de  la 
traduction  d'Arnobe  le  Jeune.  La  lettre  est 
dirigée  contre  les  nestoriens]. 


CHAPITRE  XV. 

Saint  Hilaire,  pape  et  confesseur  [467],  Léonce  d'Arles  [vers  l'an  482] 

et  Victorius. 


1.  Le  pape  saint  Léon  étant  mort  le  10  no- 
vembre de  l'an  -461,  on  élut,  pour  lui  succé- 
der, saint  Hilaire,  qui  fat  consacré  le  diman- 
che 19  du  même  mois.  Son  nom,  en  latin,  est 
ordinairement  Hilarus,  et  quelquefois  Hyla- 
rius.  Il  était,  selon  les  Pontificaux  ' ,  originaire 
de  Sardaigne,  et  tils  de  Crispin.  En  449,  saint 
Léon  le  nomma  son  légat  au  concile  d'Ephèse, 
avecJulesdePouzzoles.SaintHilaii'eest  nom- 
mé dans  les  actes  de  ce  concile  le  dernier 
de  tous,  avec  le  notaire  Dulcilius,  aussi  légat 
du  pape.  Il  parla,  dans  cette  assemblée,  après 
l'évêque  Jules,  et  rendit  compte  pourquoi 
saint  Léon ,  qui  avait  été  invité  par  l'empe- 
reur Tbéodose ,  ne  s'y  était  point  trouvé.  Il 
dit  qu'il  n'y  avait  point  d'exemple  que  les 
papes  eussent  assisté  à  des  conciles  tenus  en 
Orient  -;  qu'ils  n'avaient  été  présents  ni  au 
concile  de  Nicée,  ni  au  premier  d'Ephèse,  ni 
à  aucun  autre  semblable.  La  plupart  des  évo- 
ques ayant  souscrit  par  force  à  la  condam- 
nation de  saint  Flavien ,  saint  Hilaire  s'op- 
posa à  une  sentence  si  injuste ,  et ,  dans  la 
ci-ainte  qu'il  n'y  fût  forcé,  il  s'échappa  d'E- 
phèse à  grande  peine  et  revint  à  Rome  par 
des  chemins  détournés.  Arrivé  en  cette  ville 
vers  la  fin  de  septembre  de  la  même  année 
449,  il  raconta  à  saint  Léon  tout  ce  qui  s'é- 
tait passé  à  Ephèse  ,  tant  à  l'égard  de  saint 
Flavien  que  des  autres  évoques ,  qui  furent 
forcés  de  souscrire  à  la  sentence  que  Dios- 
core  rendit  contre  lui.  Saint  Léon  tenait  alors 
un  concile  ;  saint  Hilaire  y  fut  appelé  pour 
délibérer  avec  les  autres  évêques  sur  ce  qui 
s'était  passé  à  Ephèse. 

'  Apud  BoUand.,  tom.  I  april.,  pag.  32. 
2  Vid.  tom.  IV,  sur  le  concile  d'Ephèse. 


2.  Aussitôt  après  son  retour  à  Rome,  saint     g^  loure  a 
Hilaire  écrivit  à  l'impératrice  Pulchérie 3,  pour  puIÎE'"" 
lui  marquer  que  son  dessein  avait  été  de  pas- 
ser d'Ephèse  à  Gonstantinople ,  autant  pour 

lui  rendre  ses  devoirs  que  pour  lui  remettre 
des  lettres  de  la  part  de  saint  Léon;  mais 
qu'il  en  avait  été  empêché  par  les  violences 
qu'il  avait  soutTertes  à  Ephèse  de  la  part  de 
Dioscore,  évêque  d'Alexandrie.  Il  témoigne 
sa  douleur  et  celle  de  tous  les  chrétiens  tou- 
clianl  les  vexations  de  cet  évêque,  et  assure 
cette  princesse  que  le  concile  d'Occident,  as- 
semblé par  saint  Léon,  avait  condamné  tout 
ce  qui  s'était  fait  à  Ephèse  contre  les  canons 
de  l'Eglise  et  par  violence. 

3.  Nous  avons  de  lui  une  autre  lettre  qu'il     s»  uare  i 
écrivit,  étant  archidiacre  de  Rome,  à  Victo-     '""'"''• 

'  '  B  u  c  II  e  r., 

rius ,  pour  l'engager,  soit  de  sa  part ,  soit  de  ^■^'''=-  p  •■ 
celle  de  saint  Léon ,  d'examiner  à  loisir  la 
raison  de  la  diversité  d'opinions  qui  se  trou- 
vaient sur  le  jour  de  la  fête  de  Pâques  entre 
les  Grecs  et  les  Latins,  et  de  montrer  à  quoi 
l'on  s'en  devait  tenir,  afin  que  tous  les  fidèles, 
n'ayant  plus  aucun  doute  sur  ce  sujet ,  s'ac- 
cordassent sur  la  célébration  d'un  si  grand 
mystère.  U  paraît  par  cette  lettre  que  saint 
Hilaire  s'était  appliqué  lui-même  à  lire  ce  que 
les  Grecs  et  les  Latins  avaient  écrit  sur  celte 
matière,  mais  qu'il  n'avait  lu  les  livres  grecs 
que  traduits  en  latin.  Victorius  accepta  la 
commission  et  publia  son  Canon  pascal  sous 
le  consulat  de  Constantin  et  de  Rufus,  en 
l'an  457, 

4.  On  dit  que  dès  que  saint  Hilaire  fut  élu 
pape,  il  envoya  par  tout  l'Orient  une  leltro 


Sa  lotln: 
am  évùqiics 
d'Orient  vers 
l'an  AC3. 


3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  51 . 


336 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettre  à 
Lûonce,  é^é- 
qiie    d'Arles. 


à  Léonce,  et 
1  ettre  do 
Léonce  à  St. 
Hilaire. 


décrétale  et  circulaire  ' ,  pour  établir  la  foi 
catholique ,  dans  laquelle  il  confirmait  les 
conciles  de  Nicée ,  d'Eplièse  et  de  Chalcé- 
doine,  avec  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien, 
où  il  condamnait  aussi  Nestorius,  Eutycbès 
et  toutes  les  autres  hérésies ,  en  recomman- 
dant en  même  temps  l'autorité  et  la  primauté 
de  son  siège. Il  ne  disaitrien, dans  cette  lettre, 
du  concile  de  Constantinople ,  ce  dont  on  ne 
sait  pas  la  raison. 

5.  Le  25  janvier  de  l'an  462,  saint  Hilaire 
écrivit  à  Léonce,  évèqae  d'Arles,  avec  qui  il 
était  lié  d'amitié  ,  pour  lui  faire  part  de  son 
élévation  au  pontificat  ^,  afin  qu'il  se  réjouit 
de  ce  que  Dieu  avait  bien  voulu  faire  en  lui; 
qu'il  en  donnât  avis  aux  évêques  de  sa  pro- 
vince, et  qu'ils  joignissent  tous  avec  lui  et 
leur  joie  et  leurs  prières  pour  toute  l'Eglise  ^. 
Il  marque  que  la  coutume  et  la  charité  de- 
mandaient de  lui  qu'il  leur  fit  part  de  cette 
nouvelle^,  afin  qu'on  sût  qu'il  ne  négligeait 
aucun  des  devoirs  de  la  fraternité.  On  croit 
que  cette  lettre  était  circulaire,  et  qu'il  était 
d'usage  que  les  papes  en  écrivissent  de  sem- 
blables à  toutes  les  Eghses  aussitôt  après  leur 
ordination. 

6.  Léonce,  qui  avait  déjà  appris  l'élection 
de  saint  Hilaire  *  par  Concorde,  diacre  de 
l'Eglise  d'Arles,  qui  y  avait  été  présent,  s'en 
était  réjoui  et  avait  rendu  grâces  à  Dieu  de  ce 
que  l'Eglise  romaine,  trouvait  dans  saint  Hi- 
laire de  quoi  réparer  la  perte  qu'elle  avait  faite 
par  la  mort  de  saint  Léon.  Ainsi,  sans  atten- 
dre aucune  lettre  de  ce  nouveau  pape ,  il  lui 
en  écrivit  une  l'an  462 ,  par  un  homme  de 
condition  nommé  Pappole,  où  il  congratulait 
l'Eghse  romaine ,  qu'il  appelle  la  mère  de 
toutes  les  Eglises,  de  ce  que  dans  la  faiblesse 
des  derniers  siècles,  dans  l'extrême  conster- 
nation où  l'empire  d'Occident  était  tombé  par 
la  mort  de  l'empereur  Majorien,  tué  le  7  août 
461,  Dieu  lui  avait  donné  un  juge  capable  de 
juger  les  peuples  dans  l'équité  et  de  diriger 
les  nations  sur  la  terre.  H  l'exhorte  à  agir 
avec  toute  la  vigueur  et  la  force  nécessaires 
pour  achever  ce  que  saint  Léon  avait  com- 
mencé, et  faire  tomber  tout-à-fait  par  terre 
les  murailles  de  Jéricho,  comme  avait  fait 
Gédéon.  Il  y  a  apparence  qu'il  entend  par  là 
l'hérésie  d'Eutychès,  qui  n'avait  pas  été  tel- 


lement détruite  par  le  concile  de  Chalcédoine, 
qu'elle  n'eût  encore  des  protecteurs.  Il  prie 
le  pape  de  continuer  à  favoriser  l'Eglise 
d'Arles,  à  laquelle  ses  prédécesseurs  avaient 
accordé  plusieurs  privilèges ,  et  de  lui  aider 
à  travailler  dans  la  -vigne  du  Seigneur  et  à 
arrêter  les  efforts  de  ses  envieux, dont  la  haine 
s'augmentait  de  plus  en  plus,  et  qui  ne  man- 
querait pas  de  prendre  de  jour  en  jour  de 
nouveaux  accroissements,  si  on  ne  les  répri- 
mait. Cette  lettre  a  été  donnée  d'abord  par 
dom  Luc  d'Acbéry,  dans  le  tome  V"  de  son 
Spicilécje,  d'où  elle  est  passée  dans  le  recueil 
des  Conciles  du  père  Labbe  ^.  Saint  Hilaire 
ayant  reçu  cette  lettre,  en  écrivitune  seconde 
à  Léonce,  où,  après  l'avoir  remercié,  il  le  prie 
de  lier  avec  lui  un  commerce  de  lettres.  Il 
loue  le  conseil  qu'il  lui  avait  donné  de  faire 
observer  les  règles  des  pères,  disant  qu'il  n'y' 
avait  rien  de  plus  salutaire  que  de  faire  ré- 
gner dans  toute  l'Eglise  cathohque  une  même 
discipline.  Il  ajoute  que  pour  entretenir  par- 
tout l'union  et  la  concorde  entre  les  évêques, 
il  fera  son  possible ,  avec  le  secours  de  la 
grâce,  pour  les  engager  à  rechercher  non 
leurs  propres  intérêts ,  mais  ceux  de  Jésus- 
Christ.  On  ne  trouve  rieu  ,  dans  la  lettre  de 
Léonce ,  qui  ait  rapport  à  ce  que  dit  ici  saint 
Hilaire  ;  peut-  êtrelui  avait-il  écrit  une  seconde 
lettre  eu  réponse  à  celle  que  le  pape  lui  avait 
écrite  le  25  janvier,  pour  lui  mander  sa  pro- 
motion. 

7.  Léonce  avait  succédé  à  Ravenne  dans 
le  siège  d'Arles  ,  après  l'an  434  ;  il  occupait  îés" 
encore  ce  siège  vers  l'an  482.  C'était  un 
homme  de  beaucoup  de  réputation ,  qui  s'é- 
tait acquis  l'estime  des  personnes  de  piété. 
Il  portait  lui-même  à  la  vertu,  autant  par  son 
exemple  que  par  ses  exhortations  ^.  Saint 
Sidoine  Apollinaire ,  qui  marque  son  érudi- 
tion et  la  pureté  de  ses  mœurs ,  lui  éci'ivit, 
vers  l'an  472 ,  pour  lui  recommander  un  de 
ses  amis  qui  avait  une  affaire  dans  la  ville 
d'Arles.  Léonce  eut  part  au  traité  de  paix  que 
l'empereur  Népos  fit,  en  473,  avec  Euric,  roi 
des  Visigotlis  '.  Il  assembla  vers  le  même 
temps  un  concile  à  Arles ,  où  l'on  agita  les 
questions  de  la  prédestination.  Ce  fut  à  cette 
assemblée  que  le  prêtre  Lucide  adressa  sa 
rétractation  ^.  Léonce  fut  le  maître  de  Félix 


Qui 
LéoDCO 


était 
d'Ar- 


<  Baron.,  ad  ann.  461^  et  tom.  I  april.,  apud  Bol- 
land.,  pag.  32. 
2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1039. 
2  Ibid.,  Epist.  ad  Leont.,  pag.  1040. 
*  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1828. 


s  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1040. 
6  Sidon.,  lib.  VI,  Epist.  3. 
'  Idem,  lib.  VII,  Episi.  6. 
3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1041. 


^1 

I 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XV.  —  SAINT  HILAIRE,  PAPE,  ETC. 


337 


dans  la  vie  spirituelle.  Félix,  de  patrice  qu'il 
était,  avait  embrassé  l'hnmble  état  de  servi- 
teur de  Jésus-Christ.  Ruricius  de  Limoges  ' 
avait  aussi  souhaité  d'être  instruit  à  la  piété 
par  Léonce,  qu'il  honorait  comme  son  père, 
et  qui  l'aimait  comme  son  fils  ;  mais  divers 
accidents  l'empêchèrent  de  jouir  de  ce  bon- 
heur. Pour  y  suppléer,  Ruricius  se  repré- 
sentait souvent  l'homme  extérieur  de  ce  grand 
prélat,  et  mettait  son  plaisir  à  contempler  les 
grâces  de  son  homme  intérieur.  11  se  le  ren- 
dait ainsi  en  quelque  façon  présent,  le  voyant 
en  esprit,  Fécoulant  par  son  application  à  ses 
vertus,  l'embrassant  par  son  alïection  et  lui 
demeurant  toujours  attaché  par  sou  incli- 
nation. 

8.  Saint  Rustique ,  évêque  de  Narbonne, 
ayant  ordonné  Hermès  ,  son  archidiacre  ^, 
pour  évoque  de  Béziers,  les  habitants  ne  vou- 
lurent point  le  recevoir,  soit  parce  qu'il  n'é- 
tait point  agréable  à  Frédéric,  frère  de  Théo- 
doric ,  roi  des  Goths,  soit  parce  qu'ils  ne  le 
croyaient  pas  digne  de  l'épiscopat.  Hermès, 
quoique  irrité  de  ce  refus,  ne  songea  point  à 
s'en  venger  ;  mais  saint  Rustique  étant  mort^, 
il  fit  en  sorte  que  l'Eglise  de  Narbonne  le 
reçût  pour  son  évêque.  Le  prince  Frédéric 
se  plaignit  à  saint  Hilaire  de  ce  que  Hermès 
s'était  emparé  de  ce  siège  par  une  usurpa- 
tion très-injuste ,  et  lui  députa  à  cet  effet  un 
diacre  nommé  Jean,  pour  l'instruire  de  toute 
cette  affaire.  Le  pape  ,  surpris  de  ce  que 
Léonce  d'Arles  ne  lui  en  avait  rien  mandé, 
lui  écrivit,  le  3  novembre  de  l'an  462,  pour 
se  plaindre  de  son  silence.  Il  l'exhorte  à  lui 
envoyer  au  plus  tôt  une  relation  du  fait,  sous- 
crite de  lui  et  des  autres  évêques  voisins,  afin 
qu'il  puisse  ensuite  lui  marquer  ce  qu'il  aura 
jugé  à  propos  d'en  ordonner. 

9.  11  n'y  avait  pas  longtemps  que  cette  let- 
tre était  écrite,  lorsque  deux  évêques,  Fauste 
de  Riez  et  Auxanius ,  qu'on  croit  avoir  été 
évêque  d'Aix  en  Provence ,  arrivèrent  à 
Piome  3,  députés  ouparles  évêques  des  Gaules 
ou  par  Léonce  d'Arles,  qui  envoya  en  même 
temps  au  pape  une  requête.  Plusieurs  autres 
évêques  vinrent  à  Rome  dans  le  même  temps, 
pour  y  célébrer  avec  saint  Hilaire  l'anniver- 
saire de  son  ordination,  qui  tombait  au  19  no- 
vembre. Le  pape  tint  avec  eux  un  concile, 

'  Ruric,  lib.  I,  Epist.  15. 
2  Tom.  IV  Cmicil.,  pag.  1040. 
s  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1041. 
*  Super  hoc  universam  fraterniiatem  volumus  esse 
communitum,   ne  prœdia,   quœ  neque  déserta,  nerjue 

X. 


auquel  Fauste  et  Auxanius  assistèrent.  L'af- 
faire de  Hermès  y  fut  examinée ,  et  le  pape 
informa  les  évêques  des  provinces  de  Vienne, 
de  Lyon,  de  Narbonne  et  des  Alpes  Pennines 
du  résultat  du  concile.  Sa  lettre ,  qui  est  du 
3  décembre  de  l'an  462 ,  poi-le  que  ,  pour  le 
bien  de  la  paix  et  par  indulgence  pour  Her- 
mès, ou  avait  jugé  qu'il  demeurerait  évêque 
de  Narbonne;  mais  que,  dans  la  crainte  que 
cet  exemple  ne  tirât  à  conséquence,  il  avait 
été  résolu  qu'il  n'aurait  point  le  pouvoir  d'or- 
donner des  évêques  tant  qu'il  vivrait;  que  ce 
pouvoir  serait  transféré  à  Constantius,  évê- 
que d'Uzès,  comme  le  plus  ancien  de  la  pro- 
vince; mais  qu'après  la  mort  d'Hermès,  le 
droit  des  ordinations  retournerait  à  l'évêque 
de  Narbonne,  comme  métropolitain.  Quoique 
il  parle  très-fortement,  dans  cette  lettre, 
contre  l'intronisation  d'Hermès,  comme  con- 
traire aux  canons  ,  il  ne  laisse  pas  de  par- 
ler avantageusement  de  sa  personne.  Pour 
éviter  à  l'avenir  de  semblables  inconvénients, 
le  pape  ordonne  aux  évêques  des  Gaules  de 
tenir  tous  les  ans  un  concile  des  provinces 
dont  on  pourra  l'assembler.  Il  chai'ge  Léonce 
d'Arles  de  marquer  le  lieu  et  le  temps  du 
concile,  et  d'en  écrire  au  métropolitain,  vou- 
lant qu'on  y  examinât  les  mœurs  et  les  ordi- 
nations des  évêques  et  des  autres  ecclésias- 
tiques; mais  qu'au  cas  qu'il  se  trouvât  quel- 
ques affaires  plus  importantes  qui  ne  pour- 
raient être  terminées  dans  le  concile,  on  en 
consultât  le  Saint-Siège.  Il  défend  aux  évê- 
ques de  sortir  de  leur  province  sans  lettre  de 
leur  métropolitain,  et  veut  qu'en  cas  de  refus, 
ils  s'adressent  à  l'évêque  d'Arles,  qu'il  charge 
aussi  d'empêcher  que  les  ecclésiastiques,  de 
quelque  rang  qu'ils  soient,  ne  soient  reçus 
dans  un  autre  diocèse  sans  le  témoignage  de 
leur  évêque.  Il  défend  encore  *  d'aliéner,  sans 
l'approbation  du  concile,  les  terres  de  l'Eglise 
qui  ne  sont  point  désertes  et  onéreuses,  et  ren- 
voie aux  évêques  des  Gaules  la  connaissance 
de  !a  requête  que  Léonce  lui  avait  adressée, 
pour  être  rétabli  dans  la  possession  de  quel- 
ques paroisses  qu'il  prétendait  avoir  été  dé- 
membrées de  son  diocèse  sans  raison,  et  cé- 
dées à  d'autres  par  saint  Hilaire  d'Arles,  son 
prédécesseur. 

10.  Auxanius  avait  obtenu,  dans  son  voyage        Lcitm 


Léonce,  à  Vi-- 


damnosa  sunt,  et  ad  Ecclesiam  pertinent,  ex  quibus 
plurimorum  consuevit  necessitatibus  subveniri,  aliquo 
jure  in  alierum  transferalur,  nisi  prius  apud  conci. 
lium  alienniionis  ipsius  causa  doccatur.  Hil.,  tom.  IV 
Concil.,  pag.  1043. 

22 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ran  el  à  Vic- 
turus. 


Lettre  à 
Léonce  d'Ar- 
les et  auxévê- 
(lues  de^  Gau- 
les. 


338 

de  Rome,  un  décret  contraire  à  celui  que  saint 
Léon  avait  rendu  pour  l'union  des  Eglises  de 
Cémèle  et  de  Nice  ' .  Saint  Hilaire  eu  ayant 
été  averti  par  Eugénuus,  évéque  d'Embrun, 
qui  s'était  plaint  à  lui  que  dans  le  concile  de 
Rome,  de  l'an  462,  on  avait  accordé  quelque 
avantage,  au  préjudice  de  sa  métropole,  à 
l'évèque  d'Aix,  ce  pape  écrivit  aux  évoques 
Léonce,  Véran  et  Victurus ,  de  prendre  con- 
naissance de  ce  différend.  Il  déclare  dans 
cetLe  lettre  ^  qu'il  ne  vent  rien  faire  contre 
les  canons  ni  contre  les  privilèges  des  Eglises, 
moins  encore  favoriser  l'ambition  des  évè- 
ques,  dont  le  ministère  doit,  dit-il,  fructifier 
non  par  l'étendue  des  pays,  mais  par  l'acqui- 
sition des  âmes.  11  veut  donc  qu'Eugénuus 
demeure  en  possession  de  l'Eglise  de  Nice, 
et  que  l'union  que  saint  Léon  en  avait  faite 
avec  l'Eglise  de  Cémèle  ait  lieu,  en  sorte  que 
ces  deux  Eglises  n'aient  plus  qu'un  évoque 
et  qu'il  dépendit  de  la  métropole  d'Embrun. 
Il .  Quoique  la  ville  de  Vienne  eût  été  sou- 
mise à  Arles  par  saint  Léon,  saint  Mammert, 
qui  en  était  évéque ,  ne  laissa  pas  d'ordon- 
ner, en  463,  sainl  Marcel  pour  évéque  de  Die, 
malgré  le  peuple  et  par  une  espèce  de  vio- 
lence ^  Sur  les  plaintes  que  saint  Hilaire  en 
reçut  de  la  part  dn  Gondiac,  roi  des  Bourgui- 
gnons, il  écrivit  à  Léonce  d'Arles,  le  10  oc- 
tobre de  la  même  année,  pour  être  informé 
du  fait.  Il  lui  marquait,  en  attendant,  qu'il 
avait  trouvé,  dans  les  archives  de  l'Eglise  ro- 
maine, que  l'Eglise  de  Die  n'était  pas  du 
nombre  de  celles  qui  dépendaient  de  Vienne. 
En  effet,  suivant  le  règlement  de  saint  Léon, 
la  métropole  de  Vienne  n'avait  sous  sa  juri- 
diction que  les  évèchés  de  Valence ,  de  Ta- 
rantaise ,  de  Genève  et  de  Grenoble.  «  Exa- 
minez donc,  lui  dit-il  *,  cette  affaire  dans  le 
concile  qui,  selon  nos  ordonnances,  doit  s'as- 
sembler tous  les  ans,  et  où  vous  devez  pré- 
sider; faites  rendre  compte  à  Mammert  de  sa 
conduite,  et  nous  en  instruisez  par  une  lettre 
commune,  afin  que,  par  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit,  nous  ordonnions  ce  qui  conviendra 
pour  réprimer  de  pareilles  entreprises.»  Saint 

1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1038. 

2  Nolumus  Ecclesiarum  primlegia  confundi,  nec  in 
alten'us  provincia  sacerdntis  allerum  jus  habere  per- 
mittimus;  quia  per  hoc  non  minus  in  sanclai'um  tra- 
ditionum  delinquitur  sanciiones,  quam  in  injuriam 
ipsius  Domini  prosilitur,  cujus  expectatio  frucius  nos- 
tri  ministerii  non  in  laiiiudine  regionum,  sed  in  ac- 
quisilione  poniiur  animarum.  Hilar. ,  ibid. ,  pag. 
1038. 

3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1043,  1044. 


Hilaire  écrivit  sur  le  même  sujet  aux  évê- 
ques  des  provinces  de  Vienne ,  de  Lyon ,  de 
Narbonne  et  des  Alpes,  par  un  évéque  nommé 
Antoine;  il  les  exhorta  à  réprimer  l'entre- 
prise de  Mammert  et  les  autres  semblables, 
et  à  tenir  exactement  les  conciles  annuels, 
tant  pour  le  maintien  de  la  bonne  discipline 
que  pour  terminer  les  difficultés  qui  arrivent 
souvent  entre  les  prêtres  du  Seigneur.  An- 
toine rapporta  la  réponse  des  évêques  des 
Gaules,  qui  s'étaient  assemblés  au  nombre  de 
vingt  pour  examiner  l'affaire  de  saint  Mam- 
mert ^.  Saint  Hilaire  leur  fit  une  réponse,  le 
24  février  de  l'an  464,  où  il  dit  que  l'évo- 
que de  Vienne,  pour  avoir  transgressé  les 
décrets  du  Saint-Siège  touchant  la  juridiction 
de  cette  Eglise,  devait  être  déposé  avec  celui 
de  Die,  qu'il  avait  ordonné  contre  les  règles. 
Voulant  toutefois  en  user  plus  modérément 
et  conserver  la  paix  des  Eglises,  il  dit  qu'il  a 
écrit  à  l'évèque  Véran ,  l'un  d'entre  eux , 
comme  délégué  du  Saint-Siège,  d'aller  trou- 
ver Mammert  de  Vienne ,  pour  l'admonester 
de  ne  plus  rien  entreprendre  de  semblable, 
sous  peine  d'être  privé  de  sa  juridiction  sur 
les  quatre  Eglises  de  sa  province  qui  seront 
attribuées  à  l'évèque  d'Arles.  A  Fégard  de 
l'ordination  de  l'évèque  de  Die,  il  ordonne 
qu'elle  soit  confirmée  par  Léonce,  évéque 
d'Arles,  à  qui  elle  appartenait  de  droit. 

12.  Silvain,  évéque  de  Calhorra,  à  l'extré- 
mité de  la  Castille,  y  avait  ordonné  un  évé- 
que à  l'insu  et  sans  le  consentement  d'As- 
cagne,  évéque  de  Tarragone,  son  métropo- 
litain s,  et  sans  que  le  peuple  l'eût  demandé. 
Il  avait  aussi  ordonné  un  curé  d'un  autre  dio- 
cèse, évéque  du  lieu  dont  il  était  curé,  sans 
même  que  ce  prêtre  y  eût  consenti.  On  fil  à 
Silvain  de  douces  et  de  charitables  remon- 
trances sur  de  semblables  entreprises,  qui 
étaient  visiblement  contre  les  canons  ;  mais 
il  n'en  devint  que  plus  insolent.  L'évèque  de 
Sarragosse  ,  alors  suffragant  de  Tarragone, 
s'en  plaignit  à  ses  confrères ,  et  les  avertit 
non-seulement  de  se  séparer  de  Silvain,  mais 
les  conjura  encore  de  ne  point  l'assister  dans 

*  In  conveniu  synodali  quis  secundum  slatula  nos- 
ira  annis  singulis  te  sibi  prœsidente  est  congregandus, 
discutere  quœ  sunt  acta  debebis,  el  a  prœdicto  Mam- 
merto  rationem  facti  sui  sub  universœ  casu  fruterni- 
iatis  exigere,  ac  deinde  omnium  litteris  nostrœ  inti- 
niare  notitiœ,  ut  quod  Sancto  Spiritu  dictante  est  fa- 
ciendum,  ad  comprimendos  conaius  illicitos  ordine- 
mus.  Hilar.,  ibid.,  pag.  1044. 

s  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1045. 

6  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1032. 


Lellre  •■ 
évèqucs  d' 
pngoe  à " 
Hilaire. 


[t=  stècle.] 


CHAPITRE  XV.  —  SAINT  HILAIRE,  PAPE,  ETC. 


339 


les  ordinations  qu'il  faisait.  Silvain  continua 
dans  son  désordre,  et  fit  seul  ce  qui  ne  lui 
était  pas  même  permis  de  faire  avec  le  nom- 
bre d'évêques  prescrit  par  les  canons.  Asca- 
gne,  pour  remédier  promptement  à  un  mal 
qui  pouvait  avoir  de  grandes  suites,  assem- 
bla tous  les  évèques  de  sa  province,  vers 
l'an  464.  Le  résultat  de  son  concile  fut  que 
l'on  écrirait  au  pape  pour  savoir  de  lui  com- 
ment on  devait  traiter  Silvain  et  celui  qu'il 
avait  ordonné  seul,  afin  de  tenir  ensuite  un 
nouveau  concile  où  Ton  exposerait  ce  qui 
aurait  été  résolu  par  le  Saint-Siège  sur  cette 
affaire.  Les  évoques  d'Espagne  écrivirent  donc 
à  saint  Hilaire  une  lettre  très-respectueuse, 
oii,  après  lui  avoir  exposé  le  fait,  ils  le  priaient 
de  leur  prescrire  ce  qu'ils  en  devaient  ordon- 
ner. Comme  ils  fui-ent  assez  longtemps  sans 
recevoir  de  réponse  du  pape,  craignant  qu'il 
n'eût  pas  reçu  leur  lettre ,  ils  lui  en  envoyè- 
rent une  copie ,  avec  une  seconde  lettre  sur 
une  autre  afïaii'e  qui  regardait  l'Eglise  de 
Barcelone.  Nundinaire,  qui  en  était  évêque, 
avait  déclaré,  en  mourant,  qu'il  souhaitait 
avoir  pour  successeur  Irénée,  déjà  évêque 
d'une  autre  viUe,  mais  qui  dépendait  du  dio- 
cèse de  Barcelone.  Le  mérite  d 'Irénée  était 
connu  de  tout  le  monde,  en  sorte  que  tout  le 
clergé  et  le  peuple  de  Barcelone,  avec  les 
personnes  les  plus  considérables  de  la  pro- 
vince consentirent  volontiers  à  sa  translation. 
Ascagne  et  tous  ses  suffragants  eurent  aussi 
égard  à  la  volonté  du  défunt,  jugeant  que 
l'utilité  de  l'Eglise  de  Barcelone  le  deman- 
dait. Ils  en  firent  un  décret,  se  fondant  sur 
ce  qu'on  avait  pratiqué  la  même  chose  en 
diverses  autres  occasions.  Ils  se  résolurent 
toutefois,  de  l'avis  de  Vincent,  ducdelaTarra- 
gonaise,  de  demander  au  pape  la  confirma- 
tion de  ce  qu'ils  avaient  fait.  11  n'est  point  dit, 
dans  leur  lettre,  si  Irénée,  en  passant  à  l'é- 
vêché  de  Barcelone,  y  réunissait  l'Eglise  dont 
il  était  évêque  auparavant,  ce  qui  eût  pu  ren- 
dre sa  cause  favorable, 
lire  de  13.  Los  deux  lettres  cles  évêquBS  d'Espagno 
éïêqaes  furcut  lucs  daus  le  concile  que  saint  Hilaire 

ïagne  et  ^ 

•^f"^'  tint  à  Rome  dans  la  basilique  de  Sainte-Ma- 
rie ',  le  19  novembre,  à  l'occasion  de  l'anni- 
versaire de  son  ordination.  L'affaire  d'Irénée 
ayant  été  proposée,  le  pape  se  déclara  for- 
tement contre  cet  évêque  ;  il  fut  ordonné  qu'il 
retournerait  à  son  Eglise  sous  peine  d'ex- 
communication; qu'Ascagne  ferait  élire  du 


clergé  de  Barcelone  un  évêque  digne  d'en 
remplir  le  siège,  et  le  consacrerait  sans  qu'à 
l'avenir  on  pût  regarder  comme  héréditaire 
l'èpiscopat,  qui  n'est  conféré  que  par  la  grâce 
de  Jésus-Christ.  Les  évèques  du  concile  in- 
terrompirent même  par  deux  fois  la  lecture 
de  la  lettre  des  évèques  d'Espagne  au  sujet 
d'Irénée ,  et  se  récrièrent  contre  l'abus  de 
donner  les  évôchés  comme  par  testament. 
Quand  on  eut  lu  l'autre  lettre  qui  regardait 
les  entreprises  de  Silvain,  les  évoques  du 
concile  demandèrent  que  l'on  observât  l'an- 
cienne discipline  et  qu'on  en  punît  les  viola- 
teurs. Saint  Hilaire  écrivit  donc  une  lettre 
dècrétale,  adressée  à  Ascagne  et  à  tous  les 
évèques  de  la  province  de  Tarragone  ^,  datée 
du  30  décembre  de  l'an  465 ,  où  il  marque 
que,  eu  égard  à  diverses  lettres  qu'il  avait  re- 
çues des  magistrats  et  des  principaux  citoyens 
de  plusieurs  villes  d'Espagne,  en  faveur  de 
Silvain,  et  à  la  nécessité  des  temps,  il  lui  par- 
donnait le  passé,  pourvu  que  dans  la  suite  il 
observât  les  canons.  Le  pape  eut  moins  d'é- 
gard pour  Irénée.  II  ordonna  que  cet  évêque 
demeurerait  dans  son  ancienne  Eglise,  à  con  - 
dition  qu'il  ne  songerait  pas  à  passer  à  une 
autre.  Saint  Hilaire  ne  se  contenta  pas  d'é- 
crire aux  évèques  d'Espagne  sur  cette  aflViire,  • 
il  écrivit  en  particulier  à  Ascagne ,  en  lui 
marquant  qu'il  envoyait  un  sous-diacre  de 
Rome ,  nommé  Trajan  ,  pour  faire  exécuter 
ce  qui  avait  été  résolu  dans  son  concile  tou- 
chant Irénée. 

14.  Rome  se  trouvant  sans  empereur,  parce      saiot  ni- 

S>     \  ',      t,  r  .  fi  laire  s'oppose 

evere  avait  ete  empoisonne  dans  son  à niéresie des 

palais,  le  iS  août  46£) ,  le  patince  Ricimer, 
qui  gouvernait  l'Occident,  convint  que  l'em- 
pereur Léon  enverrait  Anthémius,  fils  de  Pro- 
cope;  le  sénat  envoya  pour  cet  effet  une  dé- 
putation  à  Constantinople  ;  Anthémius,  arrivé 
en  Italie ,  fut  reconnu  empereur  d'Occident, 
au  mois  d'août  de  l'an  467.  Il  avait  amené 
avec  lui  un  nommé  Philothée,  hérétique  ma- 
cédonien, qu'il  chérissait  beaucoup.  Philo- 
thée, appuyé  de  la  faveur  d'Anthémius,  vou- 
lut introduire  à  Rome  diverses  sectes ,  avec 
la  liberté  d'y  tenir  leurs  assemblées.  Mais 
saint  Hilaire  s'y  opposa,  et  pria  l'empereur 
de  l'empêcher.  Il  lui  en  parla  même  publi- 
quement et  àhaute  voix  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre,  en  sorte  qu'Anthémius  lui  promit  avec 
serment  qu'il  ne  permettrait  l'ieri  à  Philo- 
thée sur  ce  sujet. 


Tom.  IV  Concil.,  pag.  1035,  1037. 


2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1208. 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


son  Cycle  pas- 
cal. 


340 

13.  Ce  fut  par  une  oclioii  si  généreuse  et 
si  importante  à  l'Eglise,  que  ce  saint  pape  ter- 
mina son  pontificat  et  sa  vie  ,  étant  mort  le 
47  septembre  de  la  même  année  467,  après 
avoir  gouverné  environ  six  ans.  Il  parait,  par 
ses  lettres,  qu'il  était  très-instruit  des  lois  et 
de  la  discipline  de  l'Eglise ,  et  qu'il  ne  man- 
quait ni  de  zèle  ni  de  fermeté  pour  les  faire 
observer.  Son  style  est  net,  mais  moins  fleuri 
que  celui  de  son  prédécesseur.  Il  fit  cons- 
truire plusieurs  églises  et  trois  oratoires  dans 
le  baptistère  de  la  basilique  de  Constantin, 
dont  un  portait  le  nom  de  la  Sainte-Croix  '. 
Il  y  mit  du  bois  de  la  vraie  croix,  enchâssé 
dans  une  croix  d'or  ornée  de  pierreries.  Dans 
un  autre  oratoii-e  ,  qu'il  bâtit  dans  le  baptis- 
tère de  Latran,  sous  le  nom  de  Saint-Etienne, 
il  mit  deux  bibliothèques  ou  deux  armoires 
de  livres.  On  parle  d'une  lettre  de  saint  Hi- 
laire ,  insérée  dans  le  second  concile  de  Ni- 
cée  '^,  où  il  cite  saint  Clirysostôme  sur  les 
images.  On  aurait  dû  marquer  l'endroit  de  ce 
concile  où  cette  lettre  est  citée  ^. 

16.Victorius,  à  qui  saint  Hilaire  avait  donné 
la  commission  de  travailler  a  un  cycle  pas- 
cal, était  né  à  Limoges,  ville  d'Aquitaine.  On 
croit  que  les  ravages  des  Goths  l'obligèrent 
de  quitter  les  Gaules  pour  se  retirer  à  Rome. 
Ce  fut  là  qu'il  examina  les  raisons  de  la  di- 
versité d'opinions  qui  se  trouvait  sur  cette 
matière  entre  les  Grecs  et  les  Latins,  et  qu'il 
entreprit  de  montrer  à  quoi  l'on  devait  s'en 
tenir.  Il  acheva  son  Cycle  pascal  en  l'an  457  ; 
comme  il  l'avait  fait  par  l'ordre  de  saint  Hi- 
laire, il  le  lui  dédia,  quoiqu'il  ne  fût  alors 
qu'archidiacre  de  l'Eglise  romaine.  La  lettre 
où  il  lui  rend  compte  de  son  travail,  est  très- 
bien  écrite.  Il  marque  à  la  fin  qu'il  était  dans 
le  dessein  de  faire  un  cycle  pascal  qui  com- 
mencerait à  la  création  du  monde;  mais  que 
dans  la  crainte  de  ne  trouver  pas  assez  de 
loisir  pour  un  ouvrage  de  cette  étendue,  il 
avait  d'abord  travaillé  au  cycle  pascal  que 
saint  Hilaire  lui  avait  demandé.  Nous  l'avons 
encore  avec  un  commentaire  du  père  Bou- 
cher, imprimé  à  Anvers,  chez  Plantin,  en  l'an- 
née 1633,  in-foho.  Ce  Cycle  est  de  cinq  cent 


trente-deux  ans,  parce  que,  selon  le  calcul 
de  Victorius,  au  Ijout  de  ce  temps,  le  jour 
de  la  Pâque  doit  recommencer  au  même 
jour  du  mois  et  de  la  lune  qui  s'est  ren- 
contré l'année  de  la  mort  de  Jésus-Christ  : 
car  Victorius  ayant  trouvé  que  le  cycle  lu- 
naire de  dix-neuf  ans  dont  se  servaient  les 
Grecs,  était  plus  sûr  que  ceux  des  Latins,  il 
le  multiplia  par  le  cycle  solaire  de  vingt-huit 
ans,  d'où  il  résulta  un  canon  pascal  de  cinq 
cent  trente-deux  ans.  Il  le  commence  au 
consulat  des  deux  Géminus,  c'est-à-dire  de 
Rufus  et  de  Rubelliiis,  qu'il  met  pour  l'année 
de  la  passion  du  Sauveur,  c'est-à-dire  à  l'an 
73,  qui  est  l'an  28  de  l'ère  vulgaire.  Victorius 
est  le  premier  des  Latins  qui  se  soit  servi  de 
la  période  de  dix-neuf  ans  pour  le  cycle  lu- 
naire. Son  Cycle  pascal  contient  huit  colon- 
nes. Il  met  dans  la  première  les  noms  des 
consuls;  dans  la  seconde,  les  nombres  des 
années  de  sa  période  ;  il  marque  dans  la 
troisième  les  années  bissextiles.  On  voit  par 
la  quatrième  en  quel  jour  de  la  semaine  tom- 
bait le  premier  jour  de  l'an  de  chaque  année  : 
ce  qui  sert  de  lettre  dominicale,  qu'on  n'avait 
pas  encore  inventée.  La  cinquième  montre 
quel  quantième  de  la  lune  arrivait  en  ce  même 
jour;  ce  qui  tient  lieu  d'épacte  qu'on  ne  con- 
naissait pas  non  plus  alors.  La  sixième  marque 
le  jour  de  la  Pâque;  la  septième  indique 
le  jour  de  la  lune  où  cette  fête  se  célébrait. 
La  huitième  contient  les  indictions.  Le  père 
Boucher  y  a  ajouté  les  années  du  nombre  de 
dix-neuf  ans  :  il  a  encore  marqué  dans  une 
autre  table  à  côté  les  années  du  monde  selon 
la  Chronique  d'Eusèbe  ,  les  années  de  l'ère 
vulgaire,  les  cycles  de  la  lune  et  du  soleil, 
les  années  de  l'époque  de  la  fondation  de 
Rome  selon  Varron,  la  suite  véritable  des 
consulats,  et  les  années  des  empereurs  ro- 
mains. Le  quatrième  concile  d'Orléans,  en 
341  *,  ordonna  que  tous  les  évêques  se  ser- 
viraient du  cycle  de  Victorius  pour  régler  le 
jour  de  la  fête  de  Pâques,  et  que  chaque 
évêqne  l'annoncerait  au  peuple  dans  l'église 
le  jour  de  l'Epiphanie.  Ce  Cycle  est  cité  avec 
éloge  par  Gennade  ^,  par  Honorius  d'Autun, 


>  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1030;  et  Baron.,  ad  ann. 
467. 

2  Tom.  I  oper.  Ambros,,  pag.  1095,  in  not. 

3  Dans  le  tome  LVHI  de  la  Patrologie  latine,  on 
trouve  la  Vie  de  saint  Hilaire  par  Anastase,  ses  let- 
tres au  nombre  de  onze,  parmi  lesquelles  il  y  en  a 
une  des  évêqaes  de  Tarragone  et  une  de  Léonce; 
vieiment  ensuite  deux  décrets  tirés  de  Gratien  :  le 


tout  est  reproduit  d'après  Mansi,  Collect.  Concil. 
gêner.  (L'éditeur.) 

*  Placuit  Deo  propitio,  ut  sanctum  Pascha  secundum 
Laterculum  Victorii  ah  omnibus  sacerdotibus  unotem- 
pore  celebretiir.  Quœ  festivilas  annis  singvlis  epis- 
copo  Epiphanioriim  die  in  ecclesia  populis  denuntie- 
tur.  Coucil.  Aurel.,  iv,  con.  1. 

^   Victorius,   homo  natione    Aquitanus ,   calculator 


CHAPITRE  XVI.  —  IDACE,  ÉVEQUE  DE  CHIAVES. 


[V"   SIÈCLE.] 

par  Cassiodore  et  par  un  grand  nombre 
d'autres  écrivains  ecclésiastiques,  dont  le 
père  Bouclier  a  rapporté  les  témoignages  à 
la  tête  de  son  édition.  11  l'a  enrichie  de  divers 


341 


autres  cycles  anciens ,  de  lettres  pascales  et 
d'un  grand  nombre  d'observations  qui  répan- 
dent beaucoup  de  lumières  sur  une  matière 
obscure  et  difficile. 


CHAPITRE  XVI. 

Idace ,    évêque    de    Chiaves. 

[Eu  471.] 


i .  Idace,  natif  de  Lamégo,  dans  la  province 
de  Beira,  comprise  alors  dans  la  Galicie,  au- 
jourd'hui dans  le  Portugal,  demeura  orphelin 
étant  encore  enfant  '.  Ayant  à  cet  âge  quitté 
sou  pays,  il  aha  en  Orient  où  il  vit  saint  Jé- 
rôme, Euloge  de  Césarée,  Jean  de  Jérusalem 
et  Théophile  d'Alexandrie.  C'était,  ce  sem- 
ble, vers  l'an  406.  Car  c'est  sur  cette  année 
qu'il  parle  de  toutes  ces  personnes.  Il  dit 
lui-même  ^  qu'il  avait  été  peu  instruit  dans 
les  lettres  humaines ,  moins  encore  dans 
l'étude  de  l'Ecriture  sainte.  Son  style  fait 
voir  qu'il  disait  vrai  pour  le  premier  ;  mais 
le  choix  que  saint  Léon  fit  de  lui  pour  tra- 
vailler contre  les  priscillianistes  ^ ,  marque 
qu'il  étail  plus  instruit  des  dogmes  de  la  re- 
ligion qu'il  ne  le  fait  paraître. 

2.  Il  faut  donc  attribuer  à  son  humilité  ce 
qu'il  dit*,  qu'il  fut  élevé  à  l'épiscopat,  moins 
par  son  propre  mérite  que  par  la  grâce  de 
Dieu.  Il  met  son  ordination  en  la  troisième 
ou  la  quatrième  année  de  Valentinien  III  ^, 
c'est-à-dire  depuis  que  ce  prince  eut  été 
fait  César.  C'était  donc  environ  l'an  4-27.  11 
y  a  contestation  sur  le  lieu  de  son  évêché. 
Quelques-uns  disent  que  c'était  Lamégo. 
Mais  Idace,  qui  marque  cette  ville  pour  le 
lieu  de  sa  naissance  «,  dit  qu'il  fut  pris  dans 


l'Eglise  de  Chiaves ,  à  l'extrémité  du  Portugal  ', 
et  qu'après  une  captivité  de  trois  mois  il  re- 
tourna cà  Chiaves.  Il  parait  indubitable  qu'il 
était  évoque  de  cette  ville,  qu'il  nomme  Aquae- 
Flaviœ,  que  nous  appelons  aujourd'hui  Chia- 
ves, et  qui^  selon  Sanson,  était  autrefois  un 
siège  épiscopal.  11  y  en  a  qui  l'ont  fait  arche- 
vêque de  Lugo,  mais  cet  opinion  n'est  point 
soutenable,  puisqu'Idace  était  évêque  dès 
l'an  427,  et  qu'Astérius  l'était  de  Lugo,  en 
43,3. 

3.  En  431,  les  peuples  de  la  Galice  l'en- 
voyèrent dans  les  Gaules  ^,  où  était  Aétius, 
général  des  armées  romaines,  pour  obtenir 
quelques  secours  contre  les  Suèves,  qui 
avaient  rompu  la  paix  faite  avec  eux  et  qui 
les  pillaient.  Il  revint  des  Gaules  l'année  sui- 
vante avec  le  comte  Censorius,  envoyé  par 
Aétius  pour  rétablir  la  paix  dans  le  pays,  en 
433.  Il  apprit  des  nouvelles  de  l'Orient  par 
un  prêtre  arabe  ",  qui  vint  en  Galice ,  et  l'in- 
forma particulièrement  de  ce  qui  s'était  passé 
dans  le  concile  d'Ephèse  contre  Nestorius, 
qui  avait  renouvelé  l'hérésie  des  ébionites. 

4.  En  l'an  443,  Turibius,  évêque  d'Astorga, 
ayant  découvert  dans  sa  ville  plusieurs  pris- 
cillianistes qui  s'y  étaient  cachés,  il  les  con- 
vainquit juridiquement  avec  Idace  '",  et  en 


Il  est  en- 
voie en  (lé- 
pulaLion  duns 
les  Giules. 


Jl  examine 
les  m  a  n  i- 
cliceusen  'i/i5. 


scrupulosus,  composuit  paschalem  recursum  indaga- 
tione cautissima.  Germad. ,  de  Vir.  illust.,  cap. lxxxviii; 
Houor.j  rfe  Sc)'i>;.  £ccte.,  cap.  Lssxvni;  Sigebert., 
de  Script.  Ecoles.,  cap.  xx;  Cassiod.,  Greg.  Turo- 
nens.j  et  alii,  apud  Bucherium,  pag.  29  et  seq. 

1  Idac,  in  Chronlc,  n.  32. 

2  Idem,  praef.  in  Clironic. 

3  Léo,  Epist.  3],  cap.  xvii. 
*  Idac,  praef.  in  Chronic. 

^  Idem,  in  Chronic,  n.  7. 
•*  Idem,  prœf.  in  Chronic. 

'  Frumarius   cum   manu   Suevorum    quam  hahebut 
impulsus,  capto  Idacio  episcopo  septimo  culendas  au- 


gusti  in  Aqua  Flaviensi  ecclesia ,  eumdem  convenliim 
grandi  evertit  excidio.  Idac,  in  Chronic,  n.  4.  Ida- 
cius,  qui  supra  tribus  mensihus  captivitatis  impletis 
mense  novenihri  rediit  ad  Flavias.  Ibid. 

3  Suevi  initam  cum  Gallicis  pacem  libata  sibi  occa- 
sio7ie  conturbant.  Oh  quorum  deprœdntionem  Idacius 
episcopus  ad  Aetium  diicem,  qui  expeditionem  ngehat 
in  Galliis,  suscipit  legaiionem  :  superalis  per  Aetium 
in  cei-iaraine  Francis  in  pace  susceptis,  Censorius  co- 
rnes, teguius  mittitur  ad  Suevos,  supradicio  sccum 
Idacio  redeunie.  Idac,  in  Chronic,  n.  7  et  8. 

3  Idac,  in  Clironic,  n.  11. 

10  Idem,  in  Chronic,  n.  21. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


emnicne  cap- 
tif. 


Ses  écrits, 
s^  Clironiqiie. 

[EdUions  ] 


342 

envoya  les  actes  à  Antoine ,  évêque  de  Mé- 
rida,  métropolitain  de  la  Lusitanie.  Turibius 
en  écrivit  encore  à  Idace  et  au  pape  saint 
Léon,  qui,  dans  sa  réponse  de  l'an  447  ', 
disait  à  Turibius  qu'il  fallait  assembler  un 
concile  général  des  provinces  de  Tarragone, 
de  Garthage,  de  Lusitanie  et  de  Galice  ;  ou 
que  s'il  s'y  trouvait  quelque  obstacle,  il  fal- 
lait du  moins  que  les  évêques  de  Galice  s'as- 
semblassent à  la  diligence  d'idace,  de  Cépo- 
nius  et  de  Turibius. 

5.  Idace,  trahi  par  quelque  délateur  en  462 
ou  463  ^,  fut  pris  par  les  Suèves  dans  l'église 
de  Chiaves,  le  26  de  juillet.  Mais,  après  trois 
mois  de  captivité,  il  retourna,  avec  le  secours 
de  Dieu  et  malgré  ses  ennemis,  à  Chiaves. 

6.  On  voit  par  sa  Chronique  ^  qu'il  vivait 
encore  en  468,  puisqu'il  parle  de  l'ordination 
de  saint  Simplice,  qui  succéda  en  cette  année 
ou  sur  la  fin  de  la  précédente  à  saint  Hilaire 
dans  le  siège  épiscopal  de  Rome. 

7.  Quoique  les  malheurs  de  son  temps,  et 
surtout  les  guerres  continuelles  des  Suèves 
et  des  Gollis,  ne  lui  laissassent  que  peu  de 
repos,  il  en  trouva  assez  pour  continuer  la 
Chromque  de  saint  Jérôme.  Ce  qu'il  y  a 
ajouté  *,  commence  à  la  première  année  de 
l'empire  de  Théodose-le-Grand,  et  finit  à  la 
onzième  du  règne  de  Léon,  la  troisième 
d'Anthémius  ;  ce  qui  fait  une  chronique  de 
quatre-vingt-sept  ans,  depuis  l'an  381  jus- 
qu'à l'an  468.  Ce  qu'il  dit  depuis  la  première 
année  de  Théodose,  jusqu'à  la  troisième  de 
Valentinien,  il  l'avait  lu  dans  les  écrivains  du 
temps,  ou  l'avait  appris  de  personnes  dignes 
de  foi;  mais  depuis  ce  temps-là,  qui  est  celjii 
où  il  fut  fait  évêque,  il  raconte  ce  qu'il  avait 
vu  lui-même  et  connu  des  misères  de  son 
temps,  où  l'empire  romain  était  réduit  dans 
des  bornes  très-étroites,  en  danger  de  perdre 
même  le  peu  qui  lui  restait.  Ce  qu'il  dit  des 
troubles  de  son  pays  est  remarquable  :  «  Je 
me  trouve  renfermé  ^  à  l'extrémila  du  monde 
dans  la  Galice,  où  l'ordre  et  l'état  de  l'Eglise 
sontrenverséspar  despromotions  indignes,  où 
nous  avons  perdu  la  liberté  et  où  la  rehgion 
semble  entièrement  ruinée,  soit  par  le  ren- 
versement de  la  discipline,  soit  par  le  mé- 
lange des  nations  qui  nous  dominent  et  qui 
n'ont  ni  équité  ni  douceur.  »  La  Chronique 
d'idace  contient  les  principaux  événements 


1  Léo,  Epist.  93,  cap.  XvU. 
^  Idac,  in  Chronic,  n.  4. 
3  Idem,  in  Chronic,  sub  fine. 


de  l'empire,  les  années  et  les  changements 
des  empereurs,  les  noms  et  les  années  des 
évêques  de  Rome.  Elle  marque  aussi  les 
évoques  des  autres  villes  principales  ,  mais 
avec  moins  de  suite  que  ceux  de  l'Eghse  de 
Rome.  Elle  s'étend  sur  tout  ce  qui  est  arrivé 
de  considérable  en  Espagne,  soit  pour  le 
civil,  soit  pour  l'ecclésiastique.  Idace  n'ou- 
blie pas  les  maux  que  souffrit  cette  province 
par  les  guerres  des  Barbares,  par  l'hérésie 
des  priscillianistes,  et  par  divers  autres  évé- 
nements funestes.  Il  se  sert  de  trois  épo- 
ques :  la  première  est  celle  des  années  du 
monde,  la  même  qu'Eusèbe  de  Césarée  a 
suivie  ;  la  seconde  est  l'ère  d'Espagne,  qui 
précède  la  nôtre  de  trente  ans  ;  mais  il  ne  l'a 
marquée  à  la  marge  que  deux  fois,  c'est  au 
commencement  de  sa  Chronique;  la  der- 
nière est  celle  des  olympiades,  qui  le  con- 
duit jusqu'en  440.  On  voit  aussi  dans  sa 
Chronique  les  années  des  empereurs,  et  il  y 
a  toute  apparence  qu'elles  y  sont  de  la  main 
d'idace.  Son  style,  quoique  dur  et  barbare, 
ne  laisse  pas  d'être  facile  à  entendre.  C'est 
de  là  que  saint  Isidore  et  divers  autres  ont 
tiré  ce  qu'ils  ont  dit  des  guerres  et  des  ac- 
tions des  Goths,  des  Suèves  et  des  autres  na- 
tions dans  l'Espagne  et  dans  les  Gaules  :  ce 
qui  fait  voir  que  la  Chronique  d'idace  avait 
été  rendue  publique  dans  le  temps  que  saint 
Isidore  écrivait.  Canisius  et  Scaliger  ne  nous 
avaient  d'abord  donné  que  des  fi-agments  de 
celte  Chronique  :  le  premier,  dans  le  recueil 
des  Anciennes  Leçons  ou  Anciens  Monuments 
ecclésiastiques;  le  second,  à  la  suite  des  Chro- 
niques d'Eusèbe  et  de  saint  Jérôme.  Mais 
le  père  Sirmond  l'a  fait  im])rimer  tout  en- 
tière à  Pai'is,  en  1619,  avec  une  préface  où 
il  remarque  qu'elle  a  été  aussi  imprimée  à 
Rome.  On  la  trouve  avec  la  même  préface 
dans  le  septième  tome  de  la  Bibliothèques  de 
Pères,  à  Lyon,  en  1677,  et  dans  le  recueil 
des  œuvres  du  père  Sirmond,  à  Paris,  en 
1696.  Ce  père  y  ajouta  des  Fastes  consulaires, 
qu'il  avait  trouvés  dans  le  même  manuscrit 
qui  contenait  la  Chronique  d'idace;  et  il 
jugea  que  ces  Fastes  étaient  du  même  au- 
teur, non  sur  l'autorité  du  manuscrit,  mais 
à  cause  de  la  conformité  du  style  de  ces 
deux  ouvrages,  de  l'affinité  de  la  matière,  et 
parce  qu'il  remarquait  dans  l'un  et  dans 

*  Idem,  prsefat.  in  Chronic. 
5  Ibid. 


I 


[V  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XVII.  —  SAINT  GENNADE  DE  CONSTANTINOPLE 

l'autre  le  même  génie.  Une  autre  preuve 
que  ces  Fastes  sont  d'Idace,  c'est  que  l'ère 


343 


d'Espagne  y  est  seule  marquée  à  la  marge, 
quoique  l'auteur  s'attache  moins  à  l'histoire 
d'Espagne  qu'à  ce  qui  s'est  passé  ailleurs. 
Le  père  Sirmond  ne  voulut  donner  qu'âne 
partie  de  ces  Fastes,  qu'il  croyait  la  plus  né- 
cessaire et  la  plus  correcte  :  mais  le  père 
Labbe  les  donna  tout  entiers  dans  le  premier 
tome  de  sa  Bibliothèque,  à  Paris,  en  1667,  et 
après  lui  Du  Gange  dans  sa  Chronique  pascale, 
imprimée  d'abord  à  Pai-is,  puis  à  Venise,  en 
■1729.  Ces  Fastes  commencent  à  Brutus,  le 
premier  de  tous  les  consuls  avec  Collatinus, 
et  finissent  au  second  consulat  de  l'empereur 
Anthémius,  c'est-à-dire  en  l'an  468.  On  les 
regarde  comme  très-exacts,  quoiqu'il  s'y  soit 
glissé  quelques  fautes,  de  même  que  dans  la 
Chronique,  soit  par  la  négligence  des  copistes 
ou  autrement.  Un  chronologiste  français,  sous 
le  règne  de  Charlemagne,  fit  un  abrégé  de  la 


Chronique  d'Idace,  et  même  de  la  préface. 
Nous  l'avons  dans  Canisius  '.  Mais  le  compi- 
lateur a  ajouté  beaucoup  de  choses  à  Idace, 
et  conduit  sa  chronologie  jusqu'au  règne  de 
Justinien. 

[Galland  a  publié  les  écrits  d'Idace  dans  le 
tome  X  de  sa  Bibliotheca  veterum  Patrum, 
d'où  ils  ont  passé  dans  le  tome  Ll  de  la  Pa- 
trologie  latine.  La  dernière  édition  d'Idace  est 
celle  qui  a  été  publiée  par  les  soins  du  Rec- 
teur de  l'Université  de  Louvain,  Mgr  Ram, 
1847.  On  la  reproduit  dans  le  tome  LXXIV 
de  la  Patrologie  latine,  col.  681.  Elle  avait  été 
préparée  par  les  soins  du  P.  Garzon,  jésuite 
d'Espagne;  le  manuscrit,  déposé  d'abord  à  la 
Bibliothèque  royale  de  Madrid,  se  trouve 
maintenant  dans  la  Bibliothèque  publique 
de  Bruxelles.  On  peut  voir  dans  V  Université 
catholique,  janvier  et  mars  1848,  un  travail 
de  M.  Nève  sur  cette  édition.] 


CHAPITRE  XYII. 

Saint  Gennade,  patriarche  de  Gonstantinopie. 

[Vers  l'an  471.] 


1 .  Les  anciens  qui  ont  parlé  de  saint  Gen- 
nade, nous  l'ont  représenté  comme  un  homme 
très-mortifîé  ^  et  en  même  temps  très-doux, 
dont  le  corps  était  pur  aussi  bien  que  l'âme; 
d'un  esprit  vif  ^,  d'une  langue  éloquente  et 
d'une  mémoire  enrichie  par  la  lecture  des 
écrivains  qui  s'étaient  rendus  célèbres  avant 
lui.  Vers  l'an  431  ou  432,  lorsque  la  dispute 
entre  saint  Cyrille  et  les  Orientaux  durait 
encore,  Gennade  fit  un  écrit  contre  ce  saint 
évèque,  où  il  traitait  sa  doctrine  et  ses  ana- 
thématismes  avec  beaucoup  de  mépris,  parce 
que,  ne  les  entendant  pas,  il  ne  pouvait  les 
accorder  avec  la  foi  de  l'Eglise  *.  Cette  faute 
lui  fut  commune  avec  beaucoup  d'autres 
évêques  d'Orient,  qui  s'étaient  persuadés  que 
saint  Cyrille,  en  combattant  Nestorius,  était 


tombé  dans  l'hérésie  d'Apollinaire.  Mais  ils 
revinrent,  la  plupart,  de  leur  préjugé,  lorsque 
saint  Cyrille  se  fut  expliqué  ,  et  l'on  ne  peut 
guère  douter  que  Gennade  n'ait  été  du  nom- 
bre de  ceux  qui  se  réunirent  avec  lui  en  433. 
Cela  doit  même  paraître  comme  certain,  si 
Gennade  est  le  prêtre  et  l'abbé  de  ce  nom, 
qui,  en  434,  fit  difficulté  d'entrer  dans  la  com- 
munion de  saint  Procle,  évêque  de  Constanti- 
nople,  parce  que  ce  saint  y  avait  admis  Ju- 
vénal  de  Jérusalem,  qui  avait  marqué  trop 
d'ambilion  en  faisant  ériger  son  Eglise  en 
nouveau  patriarchat  ^.  Car  ce  fut  saint  Cyrille 
qui  porta  ce  Gennade  à  ne  point  désapprou- 
ver la  condescendance  dont  saint  Procle  avait 
usé  en  cette  occasion. 

2.  Il  est  encore  certain  que  Gennade  était 


Il    esl    élo 
évéq  u  e    do 


>  Canis.,  tom.  II,  pag.  183. 

2  Mitissimus  et  mundus  corpore,  multumque  conti- 
nens  Germadius  fuit.  Mosch.,  cap.  CSLV. 

^  Gennadius  Consianlinopûlitunœ  Ecclesiœ  episco- 
pus,  vir  tingua  nitidus  et  ingénia  mer,  iam  dives  ex 


lectione  antiquorum  fuit ,  ut  Danielem  prophetam  ex 
intégra  ad  verbum  commentatus  exponeret.  Gennad., 
de  Vir.  illust.,  cap.  xc. 

'>  Facund.,  lib.  II,  cap.  iv,  pag.  76  et  78. 

s  Cyrill.,  Epist.  48,  pag.  191,  192. 


344 


HISTOIRE  GÉNÉRA.LE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Constantino- 
ple  ea  4d8. 


Iracondaite 
peiidnDt  SOQ 
épiscopat. 


prêlre  de  Constantinople  ',  lorsqu'il  en  fut 
fuit  évêque  après  la  mort  d'Anatolus,  arrivée 
dans  le  mois  de  juillet  de  l'an  458.  Son  élec- 
tion ne  fut  pas  unanime  :  Acace,  qui  fut  son 
successeur,  y  eut  quelques  suffi'ages.  Gcn- 
nade,  dès  le  commencement  de  son  épiscopat, 
donna  des  preuves  de  son  zèle  pour  la  foi 
catholique  et  le  maintien  de  la  discipline. 
Timothée  Elure ,  chassé  d'Alexandrie  par 
ordre  de  l'empereur  Léon,  avait  obtenu,  à 
la  solUcitation  de  quelques  ennemis  de  la  foi, 
la  permission  de  venir  à  Constantinople, 
dans  l'intention  de  se  faire  rétablir  sur  le 
siège  d'Alexandrie,  en  feignant  d'être  catho- 
lique. Gennade  en  avertit  aussitôt  saint  Léon, 
qui  lui  récrivit  le  17  juin  460  ^,  en  le  priant 
d'empêcher  les  mauvais  effets  que  l'on  avait 
à  craindre  du  voyage  d'Elure,  et  de  travailler 
à  ce  que  l'on  ordonnât  au  plus  tôt  un  évoque 
catholique  à  Alexandrie.  La  chose  réussit 
comme  saint  Léon  l'avait  souhaité.  Timothée 
Elure  fut  relégué  à  Chersonèse  ^,  et  on  élut 
évêque  d'Alexandrie  mi  autre  Timothée,  sur- 
nommé Solophaciole  ou  Le  Blanc. 

3.  On  remarque  que  Gennade  *  établit 
économe  des  biens  de  l'Eglise,  Marcien,  qui 
était  passé  de  la  secte  des  novatiens  à  l'Eglise 
catholique.  Dès  que  Marcien  fut  en  charge, 
il  ordonna  que  les  clercs  de  chaque  .Eglise 
particulière  en  prendraient  les  offrandes,  au 
lieu  que  la  grande  Eglise  les  prenait  toutes 
auparavant.  Un  lecteur  nommé  Carisius,  qui 
servait  dans  l'église  de  Saint-Eleuthère,  à 
Constantinople,  menait  une  vie  déréglée. 
Saint  Gennade  l'en  reprit  fortement.  Ses  ré- 
primandes ayant  été  inutiles,  il  le  fit  châtier 
selon  les  règles  et  la  douceur  de  l'Eglise. 
Mais  le  châtiment  ne  faisant  pas  plus  d'effet 
sur  Carisius  que  les  paroles,  le  saint  évêque 
envoj'^a  un  de  ses  officiers  à  l'église  du  saint 
martyr,  le  prier  de  corriger  ce  mauvais  mi- 
nistre de  son  Eglise  ou  de  l'ôter  du  monde. 


Carisius  fut  trouvé  mort  le  lendemain,  ce  qui 
jeta  l'effroi  dans  la  ville.  Ce  fait  est  attesté 
par  Jean  Mosch  ^,  qui  l'avait  appris  de  deux 
vieillards  du  clergé  de  Constantinople ,  ainsi 
que  par  Théodore  le  Lecteur,  qui  écrivait  dans 
le  commencement  du  siècle.  Le  même  rap- 
porte ^  qu'un  peintre  qui  entreprit  de  faire 
l'image  de  Jupiter  sous  celle  de  Jésus-Clirist, 
en  fut  puni  sur-ie-champ  par  le  dessèchement 
de  la  main,  que  Gennade  guérit  ensuite  par 
ses  prières.  Théodore  ajoute  que  l'auteur  de 
qui  il  avait  appris  cet  événement,  disait  que 
la  vraie  image  du  Sauveur  était  celle-là  qui 
le  représentait  avec  des  cheveux  crépus  en 
petite  quantité.  Théodore  parle  de  saint 
Daniel,  qui  vivait  sur  une  colonne  auprès  de 
Constantinople  ^,  mais  il  ne  dit  rien  de  ce 
qu'on  lit  dans  sa  Vie,  que  Gennade,  à  la  prière 
de  l'empereur  Léon,  l'ordonna  prêtre ,  en  fai- 
sant sur  lui  les  prières  et  les  cérémonies  de 
l'ordination  au  bas  de  la  colonne,  parce  que 
Daniel  n'avait  pas  voulu  souffrir  que  son  évê- 
que, dont  il  savait  le  dessein,  y  montât. 

4.  Le  concile  de  Clialcédoine  avait  con- 
damné la  simonie  ',  en  ordonnant  la  peine 
de  déposition  contre  ceux  qui  recevaient  de 
l'argent  pour  les  ordinations,  contre  ceux 
qui  en  donnaient  pour  être  ordonnés,  et 
contre  les  médiateurs  de  ce  mauvais  com- 
merce. Comme  cet  abus  continuait,  au  mépris 
du  canon  de  ce  concile,  saint  Gennade  crut 
devoir  le  renouveler  dans  celui  qu'il  tint  à 
Constantinople  en  439  ou  460.  Il  ajouta  l'ana- 
thème  à  la  déposition  ',  afin  que  personne 
n'osât  corrompre  par  de  fausses  interpréta- 
tions la  pureté  de  la  doctrine  de  l'Eglise  sur 
ce  point.  Nous  avons  la  lettre  synodique  de 
ce  concile  '",  qui  fut  envoyée  au  pape  et  aux 
métropolitains  de  l'Orient,  afin  qu'ils  s'em- 
ployassent avec  leurs  suffragants  à  détruire 
cet  infâme  abus.  Sous  le  pontificat  de  Gen- 
nade ",  deux  personnes  habiles  à  composer 


Ge  nna 

tient  un  ce 
cils  a  Coj 
ta  mi  no  p 
vers  i'jQ  ' 


1  Theod.  Lect.,  lib.  I,  pag.  718  edit.  Basil.,  an. 
15S4. 

2  LeOj  Epist.  138. 

3  Designavit  Gennadius  Marcianum  œconomum  ad 
ecclesiam  relicta  catharorum  secta  iranslatum,  qui 
mox  atque  œconotnus  faclus  esset,  quœ  in  unaquaque 
ecclesia  offerahantur,  ub  ejus  loci  clericis  auferri  dé- 
crivit, donec  magna  ecclesia  cuncta  illius  acciperet. 
Theod.  Lect.,  lil).  II,  pag.  718. 

'>  Eleutherio  martyri  Gennadius  propter  unum  tcm- 
pli  ipsius  clericum  significavit ,  dicens  :  «  Miles  tuus 
incondiie  se  gerit;  aut  corrige  eum,  aut  abjice.  »  Ille 
vero  tanquam  reprobus  confestim  est  mortuits.  Theod. 
Lect.,  ibid. 


s  Mosch.,  cap.  cXLVj  et  Theod.  Lect.,  ubi  supra. 

f  Sub  Gennadio  picioris  cujusdam  manus  exaruil, 
qui  loco  Jovis  Servatoi'em  pingere  prœsumpserat,  qiiem 
Gennadius  precibus  suis  curavit  :  dicit  autem  qui  ista 
scribit,  aliam  formam  Servatoris  veriiati  magis  conso- 
nam  esse,  quœ  crispis  sit  et  modicis  capillis.  Theod. 
Lect.,  lib.  Ij  pag.  718. 

1  Ibid. 

s  Tom.  IV  CoiiciL,  pag.  755. 

9  Ibid.,  pag.  1026  et  1030. 

">  On  la  trouve  dans  le  tome  VU  de  Mansi,  col. 
911-16.  (L'éditeur.) 

"  Theod.  Lect.,  pag.  718;  Theoph.,  in  Chronog., 
pag.  98,  et  Cedreu.,  pag.  394. 


CHAPITRE  XVII.  —  SAINT  GENNADE  DE  CONSTANTINOPLE. 


[V  SIÈCLE 

des  cantiques  en  prose,  mais  d'un  style  élevé 
et  poétique,  formèrent  dans  Constantinople 
deux  espèces  de  partis  :  l'un  se  nommait 
Antbime,  et  l'autre  Timocle.  Celui-ci,  qui  était 
apparemment  eutycliien,  avait  pour  lui  les 
ennemis  du  concile  de  Chalcédoine  :  mais  les 
orthodoses  s'assemblaient  chez  Anthime.  On 
célébrait  chez  lui  les  veilles,  et  afin  d'en 
augmenter  la  joie,  il  eut  soin  de  les  rendre 
agréables  par  les  hymnes  et  les  caniiques 
qu'il  composa  et  qu'il  faisait  chanter  à  diffé- 
rents chœurs  parles  hommes  et  par  les  fem- 
mes. Anthime  était  prêtre,  et  lorsqu'il  n'était 
que  laïque,  il  avait  pratiqué  les  exercices  de 
piété  avec  saint  Auxent  et  saint  Marcien,  laï- 
ques comme  lui. 

S.  Ce  fait  est  rapporté  par  Théodore  Lec- 
teur, qui  marque  que  ce  fut  aussi  du  vivant 
de  saint  Gennade,  que   Studius   bâtit  une 
éghse  de  Saint-Jean-Baptisle,  avec  un  mo- 
nastère où  il  mit  dés  moines  acémètes.  11 
joint  à  ce  monastère  celui  de  Saint-Cyriaque, 
fondé  par  Gratissimus,  grand  chambellan, 
qui  s'y  retira  et  y  mit  l'habit  monastique, 
sans  quitter  les  fonctions  de  sa  charge.  Le 
même  historien  racofie  '  que  saint  Gennade 
étant  allé  une  nuit  à  luutelpour  prier,  aper- 
çut un  démon  en  fome  de  spectre;  que 
l'évêque  lui  ayant  parle  avec  fermeté  et  avec 
menace,  le  démon  lui  dr  en  criant  qu'il  cé- 
dait pour  le  temps  de  sa  vie,  mais  qu'après 
sa  mort,  il  ferait  beaucoupde  mal  à  l'Eglise 
et  s'en  rendrait  le  maître.  iGennade,  ajoute 
Théodore,  pria  Dieu  de  délflurner  ce  mal- 
heur, et  la  crainte  qu'il  eut  que  ce  qu'avait 
dit  le  démon  n'arrivât,  lui  capsa  tant  de  dou- 
leur, qu'il  mourut  peu  de  temps  ajàvès.  Les 
maux  qu'Acace,  son  successeur,  fit  àlEglise, 
donnèrent  lieu  de  croire  que  la  visioi\  qu'a- 
vait eue  Gennade,  n'était  que  trop  vérf,able. 
Quelque  temps  avant  sa  mort,  Pierre  le\pou- 
"    Ion,  hérétique  eutychien  ^,  soutenu  pa\ Ze- 
non, gendre  de  l'empereur,  s'étant  em\aré 
du  siège  d'Antioche  dont  Martyrius  avaitété 
pourvu  en  439 ,  saint  Gennade  obtint  parW 
soins  et  ses  sollicitations  que  Martyrius  ç- 
rait  rétabli.  Mais  cet  évêque  voyant  que^( 
peuple  d'Antioche  aimait  la  division,  apri 
avoir  essayé  en  vain  de  le  ramener  par  s 
exhortations,  il  abandonna  son  Eglise  en  si 
réservant  la    dignité    du    sacerdoce.    Alor 


343 


Pierre  le  Foulon  s'empara  du  siège  vacant 
et  fut  reconnu  patriarche  d'Antioche.  Saint 
Gennade  en  informa  l'empereur  Léon,  qui 
ordonna  que  Pierre  fût  envoyé  en  exil  dans 
l'Oasis.  Il  prévint  l'exécution  de  cet  ordre 
par  la  fuite,  et  Julien  fut  élu  canoniquement 
évêque  d'Antioche. 

6.  Saint  Gennade  avait  laissé  plusieurs 
écrits  :  un  commentaire  sw'  le  Prophète  Da- 
niel, qu'il  expliquait  mot  à  mot;  un  sur  toutes 
les  Epîtres  de  saint  Paul  ^,  un  grand  nombre 
d'homélies,  un  livre  contre  les  Anathématismes 
de  saint  Cyrille,  et  deux  livres  adressés  à 
Parthène.  Il  ne  nous  reste  de  tout  cela  que 
deux  fragments,  l'un  du  second  livre  à  Par- 
thène, rapporté  par  Léonce  dans  les  Lieux 
communs  de  l'origine  de  l'âme  *  ;  et  l'autre 
par  Facundus.  Saint  Gennade  dit  dans  celui- 
ci  ^  :  «  Malheur  à  moi  d'être  dans  un  temps 
où  l'Eglise  est  affligée  de  si  grands  maux. 
Hélas  !  par  où  commencerai-je  que  par  là, 
dans  le  temps  où  nous  sommes?  Combien 
ai-je  entendu  de  blasphèmes  de  Cyrille  d'E- 
gypte ?   Malheur   au   fléau   d'Alexandrie.   » 
Voici  le  second  fragment  :  «  Pouvons-nous 
assez  déplorer  ce    qu'il  a  corrompu    et   ce 
qu'il  corrompt?  Il  n'y  a  point  de  blasphèmes 
qu'il  ne  vomisse  contre  les  saints  pères,  con- 
tre les  apôtres,  conti-e  Jésus-Christ  même.  Il 
détruit  l'humanité  que  le  Verbe  a  prise  de 
nous  et  pour  nous,  et  11  veut  rendre  passible 
sa  nature  impassible.  »  Gennade  entremêle 
cette  déclamation  des  passages  de  l'Ecriture 
les  plus  forts  contre  les  entreprises  des  mé- 
chants.  Sur   le  premier  anathématlsme  de 
saint  Cyrille,  il  dit  :  «  Dieu  vous  anathéma- 
tisera  vous-même,  muraille  blanchie  ^  :  car 
11  est  très-juste   qu'aiguisant   votre   langue 
contre  les  disciples  de  Jésus-Christ,  à  l'imi- 
tation  d'Ananie,   prince   des  prêtres  juifs, 
vous   receviez   un  pareil  traitement.  »   Fa- 
cundus ne  trouve  point  d'autre  moyen  d'ex- 
cuser des  termes  si  vifs  contre  saint  Cyrille, 
qu'en  disant  que  Gennade  ne  comprenait  pas 
le  sens  des  anathématismes  de  ce  père.  On 
peut    ajouter   qu'étant  alors  fort  jeune,  la 
chaleur    des    contestations    entre    l'évêque 
d'Alexandrie  et  les   Orientaux,  avait  occa- 
sionné  les   emportements  qu'il  fit  paraître 
dans  son  ouvrage  contre  les  Anathématismes. 
[La    Pat?'ologie   grecque,   tome    LXXXV', 


Ecri  ts  do 
saint  GCQ- 
iiailQ. 


1  Theod.  Lect.,  ibid. 

2  Idem,  ibid. 

3  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  xc. 


'  Sirmoud.,  not.  in  Facund.,  pag. 
s  Facund.,  lib.  II,  pag.  76. 
6  Ibid.,  pag.  78. 


70. 


346 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


coL  1611-1734,  contient  ce  qui  nous  reste  des 
éci'ils  de  saint  Gennade,  savoir  :  l'épitre  ea- 
cyclique  à  tous  les  métropolitains  et  au  pape 
de  Rome,  d'après  Mansi,  Concil.  gen.,  tome 
Vil,  pag.  912;  les  fragments  dogmatiques.  Il 
y  en  a  quatre  :  le  premier  est  tiré  de  Facun- 
dus,  le  deuxième  de  Philippe  solitaire,  le  troi- 
sième et  le  quatrième  sont  reproduits  d'après 
Ang.  Maï.  Le  troisième  est  sur  la  Procession 
du  Saint-Esprit,  venant  du  Père  et  du  Fils  '. 
A  la  suite  des  fragments  dogmatiques  vien- 
nent des  fragments  sur  l'Ecriture  sainte;  il  y 


en  a  sur  la  Genèse  et  sur  l'Exode,  d'après  la 
Chaine  de  Nicéphore,  Leipsik,  1772;  sur  les 
Psaumes,  d'après  Corder  ou  Cordier  ;  des 
fragments  étendus  sur  l'Epître  aux  Romains, 
d'après  les  commentaires  de  Théodule,  la 
Chaîne  de  Cramer  et  d'après  un  manuscrit 
de  Munich  ;  quelques  fragments  sur  la  pre- 
mière et  la  deuxième  Epîtres  aux  Corinthiens, 
d'après  la  Chaîne  de  Ci^amer,  sur  l'Epître  aux 
Galatts,  d'après  la  Chaîne  d'Œcuménius;  sur 
l'Epître  aux  Hébreux,  d'après  Cramer.] 


CHAPITRE  SVIII. 

Mammert  Claudien,  prêtre  de  l'Eglise  de  Vienne. 

[En  473  ou  474.] 


ËduCi>lioQ 
do  Mammert 
Claudien. 


1.  Mammert  Claudien,  que  saint  Sidoine 
Apollinaire  regardait  comme  le  plus  bel  es- 
prit de  son  siècle  ^  et  le  plus  grand  génie  de 
son  pays,  était  frère  puîné  de  saint  Mammert, 
archevêque  de  Vienne.  Dès  sa  jeunesse  ^  il 
embrassa  la  vie  monastique,  et  profita  d'une 
partie  du  repos  que  lui  procurait  cet  état, 
pour  lire  les  auteurs  grecs  et  latins,  sacrés 
et  profanes.  Par  ce  genre  d'étude,  il  devint 
géomètre,  astronome,  musicien,  poète,  ora- 
teur, dialectitien,  interprète  de  l'Ecriture,  suf- 
fisamment instruit  pour  répondre  à  toutes 
sortes  de  questions  et  pour  combattre  toutes 
les  erreurs;  d'où  vient  qu'on  lui  donnait  le 
premier  rang  entre  les  philosophes  chrétiens 
et  les  savants  de  toutes  les  classes.  Sa  sa- 
gesse *,  sa  prudence  et  sa  modestie  ne  le 
rendirent  pas  moins  recommandable  que 
son  savoir  et  son  éloquence.  Il  négligea  tous 
les  dehors  affectés  des  philosophes,  mais  il 


en  conserva  l'esprit,  stns  préjudice  pour  la 
pureté  de  sa  foi. 

2.  Son  frère,  qui  connaissait  ses  talents, 
voulant  l'attacher  à  l'Eglise  de  Vienne  l'en 
ordonna  prêtre  ^,  dais  le  dessein  de  partager 
avec  lui  les  travaux  de  l'épiscopat.  Il  prenait 
son  conseil  ^  dans  U  décision  des  procès;  il  le 
chargeait  du  goivernement  des  Eglises,  et 
se  reposait  sur  hi  du  soin  de  ses  affaires  do- 
mestiques. C'étdt  aussi  Claudien  qui  ensei- 
gnait aux.  autres  ecclésiastiques  le  chant  des 
psaumef,qu'ilsavait  parfaitement  ';  c'est  lui 
qui  réglait  l'office  divin,  marquant  les  lec- 
tures lue  l'on'devait  faire  à  toutes  les  fêtes 
de  l'Fnnée. 

3.  Ou  ne  peut  guère  douter  qu'il  n'ait  en- 
coreréglé  l'ofàce  des  Rogations,  établies  par 
sonfrère,  en  468.  Voici  quelle  en  fut  l'occa- 
sioi-  Dieu,  pour  punir  les  péchés  des  peuples, 
pemit  que  ceux-ci  fussent  affligés  par  une 


ïnflitutioQ 
dns  Ro^ntioQS 
en  46». 


1  Credimus  unum  Deum,  Patreni  et  Filium  et  Spi- 
ritum  Sanclum  :  Pairem,  eo  quod  habeat  Filium  ;  Fi- 
lium, eo  quod  habeat  Pairem;  Spiritum  Sanctum,  eo 
quod  sit  ex  Pâtre  procedens  et  Filio.  Tom.  LXXXV 
Patrol.  grœc,  col.  1622. 

2  Claudianus  vir  fuit  providus,  prudens,  doctus, 
eloquens,  acer  et  hominum  œvi,  loci,  popiili  sui  in- 
geniosissimus.  Sidon.,  lib.  IV^  Epist.  Il,  pag.  943 
edit.  Sirm. 

3  Triplex  biblioiheca   quo  magistro  romana  aitici 
christiana  fulsil;    quam  iotam   monachus  virente  i 
œvo  sécréta   bibit    institutione  :  orator ,   dialecticu, 
poeta,  iractator,  geometra  musicusque;  doctus  solve 

I 


incla   quœstionum,  et  verbi  gladio  secare  sectas,  si 

uœ  catholicam  fidem  lacessunt:  Sidon.j  ibid. 

*  Mammertus  Claudianus,  peritissimus  christianorum 
ohilosophus,  et  quorumlibet  primus  eruditorum  totis 
sectatœ  philosophiœ  membris ,  arlibus  partibusque 
comere  et  excolere  curavit,  novem  quas  vocant  Musas. 
Sidon.,  lib.  V,  Epist.  2,  pag.  970- 

■'  Sidon. j  lib.  IV,  Epist.  11,  ubi  supra. 

^  Idem,  ibid.,  pag.  943. 

'  Psalmorum  hic  modulator  et  phonascus,  ante  al- 
tarin,  fraire  gratulante,  insiructns  docuit  sonare  clas- 
ses. Hic  solemnibus  annuis  paravit,  quœ  quo  tempore 
lecta  convenirent.  Sidon.j  lib.  IV,  Epist.  W,  pag.  945. 


CHAPITRE  XVni.  —  MAMMERT  CLAUDIEN. 


fv=  siÈaE.] 

infinité  de  guerres  et  de  ravages;  mais  vou- 
lant ieai  faire  sentir  les  effets  de  sa  miséri- 
corde, en  même  temps  que  sa  sévérité,  il  les 
effraya  '  par  un  grand  nombre  d'embrase- 
ments, par  de  fréquents  tremblements  de 
terre,  par  des  bruits  extraordinaires,  et  par 
la  vue  des  bêtes  sauvages  qui  paraissaient 
eu  plein  jour  au  milieu  des  places  publiques 
et  dans  les  plus  grandes  assemblées.  Les 
impies,  attribuant  ces  événements  au  hasard, 
ne  pensaient  point  à  recourir  aux  larmes  de 
la  pénitence;  mais  les  plus  sages  les  regar- 
daient comme  des  marques  de  la  colère  de 
Dieu  qui  les  menaçait  d'une  ruine  totale.  Au 
milieu  de  tant  de  tristes  événements.  Dieu 
accorda  à  la  foi  de  saint  Mammert  une 
marque  de  sa  bonté.  Le  saint  évêque,  averti 
d'un  embrasement  qui  semblait  menacer 
toute  la  ville,  et  qui  en  jetait  déjà  les  habi- 
tants dans  la  consternation  2,  alla  en  pré- 
sence de  tout  le  peuple  s'opposer  aux  flam- 
mes, qui  se  recourbèrent  à  l'instant,  comme 
pour  fuir  de  lui.  Ce  miracle  lui  fit  espérer 
qu'il  arrêterait  les  eû'ets  de  la  colère  de  Dieu 
en  apaisant  sa  justice.  Il  indiqua  des  jeûnas  ^, 
exhorta  les  pécheurs  de  mettre  fin  à  leurs 
désordres,  d'embrasser  la  pénitence  et  de 
détourner  par  de  fréquentes  prières  les  châ- 
timents dont  ils  étaient  menacés.  Cependant 
un  second  incendie  arriva,  qui  mit  l'alarme 
parmi  le  peuple  et  troubla  la  solennité  de  la 
nuit  de  Pâques  *.  Chacun  tremblait  pour  sa 
maison  et  pour  ses  biens,  lorsque  ce  saint 
évêque,  prosterné  devant  les  saints  autels, 
éteignit  cet  incendie  par  l'abondance  de  ses 
larmes  et  par  la  force  de  ses  prières.  Ce  fut 
dans  cette  même  veille  qu'il  conçut  le  des- 
sein d'établir  les  Rogations.  Il  en  conféra 
d'abord  avec  quelques  particuliers,  et  sans 
doute  avec  Claudien,  son  frère;  puis  il  pro- 
posa publiquement  la  chose  à  son  peuple, 
qui  l'accepta  avec  joie.  Elles  consistaient 
dans  le  chant  des  Psaumes  ^  et  dans  la  prièj'C 
accompagnée  de  la  componction  du  cœur, 
des  larmes  et  du  prosternement  de  tout  le 
corps.  On  confessait  ses  péchés;  l'humilia- 


347 


tion  du  corps  était  une  preuve  du  regret  que 
l'on  en  avait,  et  tout  le  peuple  s'unissait 
pour  en  obtenir  le  pardon.  C'était  une  fête 
qui  trouvait  sa  joie  dans  la  sobriété,  où  les 
larmes  faisaient  les  délices  et  où  la  faim  te- 
nait lieu  de  bonne  chère  :  car  on  jeûnait 
pendant  les  trois  jours  que  duraient  ces  Ro- 
gations ;  et,  pour  les  rendre  plus  utiles  en 
les  rendant  plus  pénibles,  on  allait  les  célé- 
brer en  quelque  éghse  hors  de  la  ville.  Cet 
établissement  passa  de  l'Eglise  de  Vienne 
dans  celle  d'Auvergne  ^  sous  l'épiscopat  de 
saint  Sidoine,  avant  l'an  475,  et  de  là  dans 
un  grand  nombre  d'autres  Eglises.  On  trouve 
parmi  les  sermons  attribués  à  Eusèbe  d'E- 
mèse  '',  une  homéhe  que  l'on  croit  être  de 
saint  Mammert.  Il  y  exhorte  ses  auditeurs  à 
assister  comme  ils  avaient  déjà  fait,  aux  lita- 
nies qui  se  récitaient  quelque  temps  après  le 
jeûne  du  Carême.  Il  marque  en  même  temps 
quels  étaient  les  motifs  de  ces  prières  publi- 
ques. «  Nous  y  prierons,  dit-il,  le  Seigneur, 
de  nous  délivrer  de  nos  infirmités,  de  dé- 
tourner ses  fléaux  de  dessus  nous,  de  nous 
préserver  de  tout  malheur,  de  nous  garantir 
de  peste,  de  grêle,  de  sécheresse  et  de  la  fu- 
reur de  nos  ennemis;  de  nous  donner  un 
temps  favorable  pour  la  santé  des  corps  et 
pour  la  fertilité  de  la  terre,  de  nous  faire 
jouir  de  la  paix  et  du  calme,  et  de  nous  par- 
donner nos  péchés  »  On  attribue  encore  à 
Mammert  une  homélie  sur  la  Pénitence  des 
Ninivites  ^,  qui  se  trouve  aussi  parmi  celles 
qui  portent  le  nom  d'Eusèbe  d'Emèse.  Le 
style  en  est  le  même  que  celle  qui  est  su?-  les 
Rogations. 

•4.  Pour  retourner  à  Mammert  Claudien,  il 
était  à  Vienne  comme  un  second  évêque  ° 
par  les  secours  qu'il  prêtait  à  son  frère,  en 
sorte  que,  sans  avoir  le  titre  d'évêque,  il  por- 
tait presque  tout  le  poids  de  l'épiscopat.  La 
réputation  de  savoir  qu'il  s'était  acquise,  at- 
tirait vers  lui  un  grand  nombre  de  personnes 
qui  venaient  le  consulter.  Savant,  affable  et 
communicatif  '",  il  se  faisait  une  joie  de  faire 
part  aux  autres  des  trésors  de  son  érudition. 


Claudien  ré- 
pond aux 
(]ucslions 
d'uti  grand 
n  u  ui  b  r  e  de 
personnes. 


'  Sidon.,  lib.  VU,  Epist.  l,  pag.  1014. 

2  Ibid.  —  3  Ibid. 

'•  Avit.j  homil.  de  Rogat.,  tom.  II  oper.  Sirmund. 
pag.  136. 

s  Sidon.,  lib.  V,  Epist.  lit,  et  Avit.,  ubi  supra. 

s  Sidon.,  lib.  VU,  Epist.  1.  —  '  Euseb.  Emcssen., 
pag.  282.  —  8  Ibid.,  pag.  283,  284. 

^  Antisies  fuit  ordine  in  secundo  fratrem  fasce  le- 
vons episcopali.  Nam  de  pontificis  tcnore  summi,  ille 


insignia  sumpsit,  hic  laborem.  Sidon.,  lib.  IV,  Epist. 
11,  pag.  945. 

1"  Qaid  erat  illud,  quoties  ad  emn  sola  consulta- 
tionis  gratta  conveniebamus?  Quam  ille  omnibus  sta- 
tim  totum  non  dubitans,non  fasiidiens  aperiebat?  Vo- 
luptuosissimum  reputans,  si  forte  oborta  quarumpiam 
quœsiionum  insolubililate  labyrintliica  scientiœ  siiœ 
thesauri  eventilareniur.  Jam  si  fréquentes  consedera- 
mus,  officium  audiendi  omnibus,  uni  solum,  députons 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sa  mori  ) 
473  ou  M',. 


3 '18 

Mais  il  voulait  que  lorsqu'il  se  trouvait  plu- 
sieurs personnes  auprès  de  lui  pour  le  con- 
sulter, il  n'y  en  eût  qu'une  à  parler,  et  que 
les  autres  écoutassent  jusqu'à   ce   qu'elles 
pussent  parler  à  leur  tour,  afin  que  la  confé- 
rence se  passât  dans  l'ordre  et  sans  confu- 
sion, et  qu'il  pût  lui-même  communiquer  ses 
lumières  sur  les  difficultés  proposées.  Saint 
Sidoine  Apollinaire,  qui  s'était  souvent  trouvé 
dans  ces  conférences,  dit  que,  dès  que  Clau- 
dien  avait  avancé  quelque  chose,  on  l'acca- 
blait d'une  foule  d'objections;  «mais,  ajoute- 
t-il,  il  avait  bientôt  détruit  tous  nos  vains 
raisonnements.  L'avantage  qui  nous  en  re- 
venait, c'est  qu'on  ne  laissait  rien  passer  qui 
n'eût  été  bien  pesé  et  bien  examiné.  Ce  qu'il 
y  avait  d'admirable  en  lui,  était  la  facilité 
de  son  abord.  Les  ignorants  trouvaient  chez 
lui  de  l'accès  comme  les  savants;  il  répon- 
dait avec  bonté  aux  questions  des  uns  et  des 
autres.  Il  avait,  outre  cela,  une  compassion 
tendre  pour  les  malheureux,  les  soulageant 
dans  leurs  besoins    et  les   consolant   dans 
leurs  afflictions.  Il  rachetait  les  captifs,  revê- 
tait ceux  qui  étaient  nus,  donnait  à  manger 
à  ceux  qui  avaient  faim.  Uniquement  attentif 
à  transporter  ses  trésors  dans  le  ciel  où  il  at- 
tendait sa  récompense,  il  avait  soin  de  déro- 
ber aux  hommes,  autant  qu'il  était  en  lui,  la 
connaissance  de  ses  charités.  Il  n'avait  pas 
moins  de  zèle  pour  le  salut  des  peuples,  à  qui 
il  faisait  souvent  des  discours  pour  les  exhor- 
ter à  la  vertu.  Enfin  il  soulageait  les  ecclé- 
siastiques dans  leurs  fonctions,  leur  aidant  à 
les  remplir,  lorqu'ils  ne  le  pouvaient  eux- 
mêmes.  »  Saint  Sidoine,  qui  a  fait  son  éloge, 
le  commence  par  ces  belles  paroles,  qui  en 
font  un  éloge  accompli  :  «  Je  doute  '  si  jamais 
nos  yeux  verront  un   homme   qui  lui   soit 
égal.  »  Gennade  se  contente  de  dire  ^  que 
IMammert  Claudien   avait   un   grand  talent 
pour  bien  parler,  et   qu'il  l'aisonuail  avec 
beaucoup  de   subtilité  et  d'élévation.  Nous 
n'avons  plus  l'ouvrage  que  le  prêtre  Salvien, 
qui  florissait  alors  à  Marseille,  lui  adressa  ^. 
1       5.  On  croit  que  Claudien  mourut  en  473 


ou  474,  ainsi  avant  son  frère  l'archevêque 
de  Vienne  *,  dont  on  met  la  mort  en  477. 
Saint  Sidoine,  qui  était  venu  à  Vienne  peut- 
être  dans  l'intention  de  rendre  à  Claudien 
les  derniers  devoirs,  ne  le  put,  l'ayant  trouvé  \ 

mort.  Mais  il  y  suppléa  en  quelque  façon  par  j 

l'épitaphe  ^  qu'il  fit  sur  son  tombeau,  et  qu'il  ( 

envoya  depuis  à  Pétrée,  neveu  de  Claudien,  - 

comme  une   preuve   qu'il  aimait  après  la  | 

mort,  ceux  qu'il  avait  aimés  pendant  leur  " 

vie. 

6.  Fauste  de  Riez  avait  fait  un  ouvrage  où  j„^°y?ii;'j^ 
il  semblait  dire  que  Jésus-Christ  avait  souffert  ,'?i^e"conuê 
même  en  sa  divinité,  et  où  il  soutenait  ou-  ^iêz.Tom.vî 
vertement  que  Dieu  seul  était  incorporel;   p^g.Yooï"^' 
que  les  anges  et  les  âmes  des  hommes  sont 
corporels.  Fauste,  pour  prouver  son  senti- 
ment, se  servait  de  l'autorité  de  quelques 
anciens  écrivains,  en  particulier  de  saint  Jé- 
rôme et  de  Cassien,  qui  paraissent  dire  qu'il 
n'y  a  rien  d'incorporel,  si  ce  n'est  Dieu.  11 
employait  aussi  divers  raisonnements,  qu'il 
fondait  même  sur  la  doctrine  de  ceux  qui  ne 
pensaient  pas  comme  lui.  «  Vousm'objectez, 
leur  disait-il,  que  l'âme  ne  peut  être  corpo- 
relle, parce  qu'elle  n'est  point  dans  un  lieu 
et  qu'elle  n'a  point  d'étendue;  si  je  prouve 
donc  qu'elle  est  dans  un  lieu,  vous  ne  pour- 
rez disconvenir    qu'elle  ne  soit   corporelle. 
Or,  comment  ne  serait-elle  pas  dans  un  lieu, 
puisqu'elle  est  enclavée  dans  nos  membres, 
attachée  à   nos  viscères   et  enfermée  à  la 
manière  des  substances  corporelles?  Il  est 
vrai  que  son  imagination  peut  s'étendre  à 
des  choses  éloignées  et  se  représenter  soit 
des  villes,  soit  des  hommes  qui  ne  sont  pas 
près  d'elle;  mais  la  substance  n'est-elle  pas 
retenue  dans  le  corps?  N'est-ce  pas  ce  qui 
l'anime  et  qui  le  fait  vivre?  Tandis  que  l'âme 
du  Lazare  a  été  dans  le  corps  du  Lazare,  il 
a  vécu;  aussitôt  qu'elle  en  a  été  dehors,  il  a 
cessé  de  vivre  :  il  a  reçu  une  vie  nouvelle 
lorsque  Jésus-Christ  a  fait  rentrer  l'âme  dans 
le  corps  d'où  elle  était  sortie.  Comment  peut- 
on  dire  que  l'âme  ne  soit  point  dans  un  lieu, 
puisqu'elle    est    enfermée    dans   la    chair; 


jus  loquendi  :  viritim  vicissimrjue,  non  tumuUuatim, 
nec  sine  schematis  cujusque  gestu  ariificioso  doctrines 
suœ  opes  erogaturus.  Dein  quœcunique  dixissel,  pro- 
tinus  reluctanlium  syllogismorum  contrarietatihus 
excipieliamus.  Sed  repellebat  omnium  nostrum  teme- 
rarias  oppositiones .  Itaque  nihil  non  perpensum  pro- 
iiatumque  recipiebatiir.  Ibid.,  jîag.  943. 

1   Angit    me    nimis    damnum    sœculi    mei,  nuper 
erepto  Claudiano  oculis   nostris,   ambigo  an  quem- 


piam  deinceps  parem  conspicaiuris.  Ibid.,  pag.  94:2. 

2  Claudianus,  Viennmsis  Ecclcsiœ  presbyter,  virad 
loquendum  artifex,  et  ad  dispidandum  subtilis.  Geu- 
nad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  Lsssni. 

3  Labbc,  tom.  I  Biblioth.,  pag.  322.  * 
»  On  ne  voit  point  que  saint  Sidoine  soit  venu  à 

Vienne  depuis  son  épiscopat,  qu'en  474. 

5  Cet  épitapUe  est  joint  à  la  lettre  de  saint  Sidoùje 
à  Pétrée.  Sidon.,  lib.  IV,  Epist.  H,  pag.  944. 


[v"  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XVIII. 

qu'elle  est  unie  à  cette  chair  tant  qu'elle  l'a- 
nime, et  qu'elle  en  est  séparée  par  la  mort?» 
Fauste  faisait  le  même  raisonnement  sur 
les  âmes  séparées  du  corps  et  sur  les  anges. 
Si  les  âmes  n'avaient  point  un  lieu  déter- 
miné, comment  pourrait-on  dire  que  celles 
des  justes  sont  dans  le  ciel,  et  celles  des  mé- 
chants en  enfer?  Qu'entendrait-on  par  le 
chaos  qui  les  sépare?  Pour  preuve  que  les 
anges  sont  même  dans  un  lieu  et  tantôt  dans 
l'air,  tantôt  dans  le  ciel,  il  cite  la  vision  où 
le  patriarche  Jacob  vit  des  anges,  les  uns 
monter  au  ciel  et  les  autres  en  descendre.  Il 
cite  encore  l'apparition  de  l'ange  Gabriel  à 
la  sainte  Vierge,  qui  se  fit  sans  doute  dans  la 
chambre  même  où  elle  demeurait.  Une  der- 
nière raison  de  Fauste  était  que  si  quelque 
créature  n'était  point  dans  le  lieu ,  il  fau- 
drait qu'elle  fût  parlent,  qu'elle  pénétrât 
tout  :  ce  qui  ne  peut  se  dire  que  de  Dieu. 
cci^"Ôiw°ge°  '^-  Claudien  trouva  l'ouvrage  de  Fauste 
wm.'vi,''plgî  chez  des  personnes  qui  en  faisaient  beau- 
'""•  coup  de  cas.   Curieux  d'en  juger  par   lui- 

même,  il  le  lut  et  crut  qu'il  était  de  son 
amour  pour  la  vérité  de  le  réfuter.  Saint  Si- 
doine et  plusieurs  autres  personnes  de  mé- 
rite l'en  pressèrent  tellement,  qu'il  ne  put 
résister.  Quelque  étendue  qu'eut  son  ou- 
vi'age,  il  ne  le  regardait  que  comme  des  se- 
mences de  raisons  d'où  une  personne  stu- 
dieuse et  qui  aurait  plus  de  loisir  que  lui, 
pourrait  en  tirer  plusieurs  autres  pour  ré- 
futer plus  au  long  l'écrit  de  Fauste.  Il  intitula 
le  sien  :  de  la  Nature  de  l'âme,  ou,  selon  Gen- 
nade  :  de  l'Etat  et  de  la  substance  de  l'âme.  Il 
l'adressa  à  saint  Sidoine  alors  patrice,  et 
ainsi  avant  l'an  471,  où  Sidoine  fut  fait  évêque 
deClermont  en  Auvergne.  Dans  une  préface 
qui  est  à  la  tète  de  son  ouvrage,  Claudien 
prie  saint  Sidoine  de  juger  lequel  des  deux 
avait  vaincu,  de  lui  ou  de  son  adversaire, 
qu'il  ne  connaissait  point,  parce  qu'il  avait 
publié  son  écrit  sans  y  mettre  son  nom.  Il 
fait  dans  la  même  préface  un  précis  de  tout 
■  son  ouvrage,  qu'il  divise  en  trois  parties  ou 

*^  trois  livres.  Dans  le  premier,' il  raconte  de 

quelle  manière  il  avait  trouvé  l'écrit  de 
Fauste  et  les  raisons  qu'il  avait  de  tenir  cet 
ouvrage  pour  suspect  '.  La  principale  est 
qu'il  n'y  avait  pas  mis  son  nom,  en  quoi  il 


MAMMERT  CLAUDIEN. 


349 


avait  suivi  un  usage  tout  différent  de  ceux 
qui  ne  craignent  point  de  se  faire  counaitre, 
lorsqu'ils  n'ont  rien  que  de  vrai  à  dire.  Les 
prophètes,  les  évangélistes,  les  apôtres,  ceux 
qui  ont  fondé  l'Eghse  ou  qui  l'ont  honorée 
par  leur  savoir,  se  sont  nommés  à  la  tête  de 
leurs  écrits,  et  on  peut  dire  que  ceux-là  seuls 
se  cachent  qui  appréhendent  d'être  connus. 
Claudien  réfute  ensuite  la  première  partie  de 
l'écrit  de  Fauste,  où  l'auteur  avait  avancé  que 
la  divinité  avait  souffert  en  Jésus-Christ,  non 
en  sa  nature,  mais  par  un  sentiment  de 
compassion.  Nous  n'avons  plus  cette  pre- 
mière partie.  Claudien,  pour  la  réfuter,  fait 
voir  que  l'on  ne  peut  dire  en  aucun  sens  que 
la  divinité  ait  soutfert  par  un  sentiment  de 
compassion.  «  Toute  affection,  dit-il,  est  un  cimp. m, 
accident,  dont  la  divinité  n'est  point  capable. 
Si  l'on  pouvait  dire  qu'il  lui  est  arrivé  un 
sentiment  de  compassion,  ne  pourrait-on  pas 
dire  aussi  qu'elle  est  morte?  ce  qui  étant  ab- 
surde, il  ne  l'est  pas  moins  de  dire  qu'elle  a 
souffert  par  un  sentiment  de  compassion.  » 
Fauste  disait:  Pourquoi  la  divinité  n'aurait-elle 
pas  souffert  en  celte  manière,  puisque  selon 
l'apôtre,  les  Juifs  ont  crucifié  le  Seigneur  de  icr.  n,  n 
la  gloiret  Claudien  répond  que  l'apôtre  a  pu 
parler  ainsi  à  cause  de  l'union  des  deux  na- 
natures  en  une  seule  personne.  De  même 
que  Jésus-Christ  ^  est  vrai  homme  et  vrai 
Dieu,  et  qu'il  y  a  en  lui  deux  substances 
unies  en  une  seule  personne,  et  que  Dieu 
est  homme  et  que  l'homme  est  Dieu;  c'est 
aussi  le  même  qui  est  Seigneur  de  la  gloire 
et  qui  a  été  crucifié,  non  dans  sa  divinité,  qui 
est  impassible,  mais  dans  son  humanité  :  et 
on  dit  de  lui  qu'il  a  souffert  cette  mort  à 
cause  de  l'unité  de  personne  dans  ses  deux 
natures.  L'Homme -Dieu  a  donc  souffert 
d'une  manière  admirable  et  incompréhen- 
sible :  mais  la  divinité  n'a  point  souffert. 
Claudien  prouve  ensuite  que  l'âme  est  incor-  cinp  iv. 
porelle,  parce  qu'elle  a  été  faite  à  l'image 
de  Dieu  :  ce  qui  étant  marqué  clairement 
dans  l'Ecriture,  Fauste  ne  devait  point  em- 
brasser un  sentiment  contraire,  sur  l'auto- 
rité de  quelques  anciens  dont  il  avait  rap- 
porté les  passages.  Il  objectait  que  s'il  y  avait  v. 
un  être  créé  qui  fût  incorporel,  il  s'ensuivait 
que  cet  être  était  égal  au  Créateur.  Claudien 


'  Claudian.,  lib.  I,  cap.  ii. 

■^  Nunc  superest  quemadmodum  Chrislus  homo  ve- 
rus,  et  Ofiiis  verus,  ex  duplici  suàslaniia  una  per- 
sona,  et  Deus  homo,  et  homo  Deus  est,  idem  gloriœ 
Dominus,  et  non  sit  ci'ucifixus  pro  inviolabili  diuini- 


tate,  et  crucifixits  sit  in  homine  pro  unitute  pefsonœ. 
Itaque  miro  atque  incogiiabili  modo  passas  est  homo 
Deus,  et  non  est  passa  divinitas.  MmnmerL,  lib.  I, 
cap.  ni. 


350 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


répond  que  l'âme  est  semblable  à  Dieu  en 
ce  qu'elle  est  intellectuelle,  mais  qu'elle  lui 
chap.  VI.  est  inférieure  en  ce  qu'elle  est  créée  ;  et 
qu'autre  chose  est  la  vérité,  et  autre  l'image 
de  la  vérité.  Il  convient  que  tout  ce  qui  est 
invisible  n'est  pas  spirituel,  et  il  en  donne 
pour  exemple  les  sensations  qui  sont  invisi- 
bles quoique  corporelles.  La  voix  ne  se  voit 
pas,  c'est  néanmoins  quelque  chose  de  cor- 
vu  et  vm.  pore].  Il  montre  aussi  que  les  sens  corporels 
tiennent  de  la  nature  des  éléments,  au  lieu 
que  l'âme  n'en  dépend  point  :  elle  n'est  pas 
formée  de  la  matière,  mais  elle  l'uniforme,  au 
lieu  que  les  sens  dépendent  absolument  des 
éléments.  Le  sens  du  goût  n'agirait  pas  sans 
le  secours  de  l'humide  :  la  chose  est  évidente 
dans  une  personne  qui  a  la  langue  sèche  : 
elle  ne  trouve  aucun  goût  dans  ce  qu'elle 
-leixii.  prend.  Claudien  soutient  que  ce  qui  est  incor- 
porel n'est  pas  incréé  ;  et  que  quand  saint 
Jérôme  et  quelques  autres  ont  dit  qu'après 
la  résurrection,  les  hommes  seront  sembla- 
bles aux  anges,  leur  pensée  a  été  qu'ils  au- 
ront un  corps  aussi  léger  et  aussi  subtil  que 
celui  des  anges,  qui  est  un  corps  non  de 
chair,  mais  céleste  ;  mais  que  comme  ces 
esprits  célestes  ont  aussi  une  âme  incorpo- 
relle, il  en  est  de  même  de  l'homme.  L'apô- 
tre ne  distingue-t-il  pas  dans  l'homme  l'es- 
prit, l'âme  et  le  corps,  lorsqu'il  dit  aux  Thes- 
„    saloniciens  :  Que  le  Dieu  de  paix  vous  rende 

]  Thess.  V,  23.  /.    ■ 

parfaits  en  tout,  afin  que  tout  ce  qui  est  en 
vous,  l'esprit,  l'âme  et  le  corps  se  conservent 
_,  sans  tache.  Il  suivait  de  l'opinion  de  Fauste, 

que  l'on  verrait  Dieu  par  les  j^eux  du  corps. 
Claudien  témoigne  être  surpris  qu'un  chré- 

3;,^  tien  donne  dans  un  pareil  sentiment,  parce 
que  si  Dieu  pouvait  être  vu  localement, 
comme  il  faudrait  que  cela  fût,  s'il  était  vu 
des  yeux  du  corps,  il  faudrait  aussi  que  Dieu 
fût  dans  un  lieu  :  ce  qui  ne  peut  se  dire  d'un 
être  infini. 

xvi.  Il  demande  à  Fauste  qui  soutenait  que 
l'âme  étant  dans  le  corps,  est  conséquemment 
dans  un  lieu  ;  si  l'âme  est  dans  tout  le  corps 

j^i  ou  si  elle  est  dans  chaque  partie  ?  «  Si  elle 
est,  ajoute-t-il,  dans  tout  le  corps,  comment 
n'opère-t-elle  qu'en  un  seul  endroit,  c'est-à- 

;,„„_  dire  dans  le  cœur?  Si  elle  est  dans  chaque 
partie  du  corps,  pourquoi  ne  perd-elle  rien 
de  sa  force  quand  on  en  coupe  quelques- 
unes?  11  distingue  ensuite  trois  sortes  de 
mouvements,  le  stable,  le  local  et  celui  qui  ne 
se  fait  pas  dans  le  lieu.  Le  mouvement  stable 
ne  convient  qu'à  Dieu;  le  local,  qu'aux  créa- 


tures corporelles,  l'autre  est  propre  aux  créa- 
tures spirituelles.  Dieu veuttoujoursla même 
chose,  voilà  un  mouvement  stable;  un  corps 
se  meut  d'un  lieu  à  un  autre,  c'est  ce  qu'on 
appelle  un  mouvement  local;  l'âme  veut 
tantôt  une  chose,  tantôt  une  autre;  elle  hait 
maintenant  celui  qu'elle  aimait  auparavant; 
elle  se  souvient  à  ce  moment  de  ce  qu'elle 
avait  oubhé  il  y  a  un  instant  :  c'est  là  un 
mouvement  d'une  créature  qui  n'est  point 
local  :  on  en  voit  des  effets  dans  le  lieu, 
mais  le  mouvement  ne  se  fait  point  dans  le 
lieu.  » 

Claudien,  pour  rendre  la  chose  sensible, 
apporte  l'exemple  d'un  homme  qui  pense  à 
quelque  figure  de  mathématique,  ou  à  écrire 
le  nom  de  Paul  ou  de  Pierre  :  «  Son  âme  con- 
temple les  idées  immuables  de  ces  choses, 
son  bras  et  sa  main  le  mettent  sur  le  papier 
par  un  mouvement  local.  Ce  n'est  pas  son  âme 
qui  se  meut  localement,  c'est  son  bras,  qui 
toutefois  ne  pourrait  faire  des  mouvements 
si  justes,  si  l'âme  ne  le  conduisait.  De  dire 
que  c'est  la  partie  de  l'âme  qui  est  dans  son 
bras,  qui  se  meut  localement,  c'est  rendre 
l'âme  divisible;  ce  qui  ne  peut  être.  Car  tout 
ce  qui  est  divisible,  se  peut  toucher  par  par- 
tie, et  agir  selon  les  parties  dont  il  est  com- 
posé. Or,  l'âme  agit  tout  entière  dans  ses 
mouvements  :  elle  voit  tout  entière  par  les  ^,'^J'^p- 
yeux  du  corps,  et  agit  tout  entière  par  les 
autres  sens  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du  toucher, 
de  la  langue  ;  elle  n'a  ni  longueur,  ni  lar- 
geur, ni  hauteur;  elle  ne  se  meut  ni  vers  le 
haut,  ni  vers  le  bas,  ni  en  rond  ;  elle  n'a  ni 
partie  intérieure,  ni  partie  extérieure  ;  on 
peut  bien  dire  la  qualité  de  l'âme,  mais  on 
n'en  saurait  dire  la  quantité.  On  dira  peut- 
être  qu'elle  est  proportionnée  à  celle  du 
corps?  S'il  en  était  ainsi,  plus  on  serait  grand, 
plus  on  aurait  une  grande  âme,  et  l'on  ne  ==="• 
pourrait  jamais  donner  le  nom  de  magna- 
nime à  celui  qui  est  d'une  petite  stature  : 
l'un  et  l'autre  sont  contre  l'expérience.  » 

Claudien  traite  après  cela  de  la  différence 
qu'il  y  a  entre  l'âme  di;  l'homme  et  celle  des 
bêtes  et  des  plantes.  Il  la  fait  consister  prin- 
cipalement en  ce  que  celles-ci  n'ont  aucune 
connaissance.  «  La  mémoire  parait  vraisem- 
blablement être  commune  aux  hommes  et 
aux  bêtes.  On  voit  les  cigognes  et  les  hiron- 
delles revenir  dans  leurs  nids  au  bout  d'un 
an;  les  chevaux  retournent  de  même  dans 
leurs  écuries,  et  les  chiens  reconnaissent 
leurs  maîtres.  Cela  prouve  que  les  animaux 


[V«  SIÈCLE.] 

peuvent  avoir  les  images  des  corps  gravées 
dans  leur  cerveau  ;  mais  on  n'en  saurait  con- 
clure qu'elles  les  connaissent  :  tout  aboutit  à 
se  souvenir  des  choses  corporelles  qu'elles  ont 
vues.  Elles  ne  se  connaissent  pas  elles-mêmes, 
au  lieu  que  l'âme  de  l'homme  connaît  les  cho- 
ses corporelles  par  le  corps,  et  les  spirituelles 
chap. Mil.  sans  le  corps.  Il  arrive  même  quelquefois 
que  l'âme  ne  s'apphque  point  aux  choses 
qui  font  impression  sur  le  corps.  Je  lis  clai- 
rement quelque  chose,  un  autre  m'entend, 
et  parce  qu'il  a  l'esprit  occupé  à  ce  que  je 
dis,  il  le  comprend.  Pour  moi  je  ne  ne  sais 
point  ce  que  j'ai  lu,  parce  que  mon  âme  sans 
sortir  du  lieu,  était  occupée  ailleurs.  Mais 
lorsque  l'on  m'avertit,  je  retourne  à  moi- 
même  ;  c'est  moi-même  qui  i-etourne,  et 
c'est  à  moi  que  je  retourne.  Je  n'étais  point 
avec  moi,  puisque  j'y  suis  retourné,  non  par 
l'intervalle  des  lieux,  mais  du  temps  :  et  tou- 
tefois je  n'ai  point  été  hors  de  moi,  parce 
que  je  n'ai  pu  être  sans  moi.  L'âme  est  pré- 
sente pour  me  faire  apercevoir  par  les  yeux 
du  corps  ce  que  je  lis  :  mais  elle  n'y  est  pas 
pour  me  faire  comprendre  ce  que  j'ai  lu. 
XXIV.  Mais,  me  direz-vous  :  autre  chose  est  la  subs- 
tance de  l'âme,  autre  est  la  pensée  qui  naît 
de  l'âme.  Vous  vous  trompez  en  confondant 
la  pensée  de  l'âme  avec  sa  substance.  L'âme 
est  quelquefois  sans  pensée;  et  lorsqu'elle 
pense,  c'est  dans  le  corps  et  par  le  corps 
qu'elle  pense.  Ce  sont  les  images  corporelles 
des  objets  dont  elle  a  été  frappée  par  les 
sens,  qui  la  font  penser  ;  et  si  ces  images 
corporelles  n'étaient  point  gravées  dans  le 
cerveau,  elle  ne  se  souviendrait  jamais  des 
objets  qu'elle  a  vus  par  les  sens.  Je  réponds 
à  cela  que  l'âme  n'est  point  différente  de  la 
pensée,  quoique  les  choses  auxquelles  l'âme 
pense,  soient  différentes  de  l'âme  même  ; 
qu'il  n'estpas  vrai  que  l'âme  soit  jamais  sans 
pensée,  qu'elle  peut  bien  changer  de  pensée, 
mais  qu'elle  ne  peut  être  sans  pensée,  et 
qu'elle  est  tout  entière  où  elle  pense,  parce 
qu'elle  est  toute  pensée,  n 

11  ajoute  que  c'est  une  erreur  de  distinguer 
les  puissances  de  l'âme;  en  effet,  quoique 
ce  soit  par  accident  qu'elle  pense  à  un  objet 
plutôt  qu'à  un  autre,  son  essence  est  d'être 
une  substance  qui  pense.  «  Il  en  est  de  même, 
dit-il,  de  la  volonté  :  c'est  par  accident 
qu'elle  veut  ceci  ou  cela  :  mais  vouloir  en 
soi,  est  sa  substance  ;  et  comme  toute  l'âme 
est  pensée,  de  même  toute  l'âme  est  vo- 
lonté :  et  ce  qu'elle  veut  parfaitement,  elle 


CHAPITRE  XVIII.  —  MAMMRRT  CLAUDIEN. 


3S1 


le  veut  tout  entière  et  sans  aucune  division 

de  parties.  Il  cite  sur  cela  le  précepte  que     H.uih.xsn, 

Uieu  nous  fait  dans  l'Evangile,  de  l'aimer  de 

tout  notre  cœur  et  de  toute  notre  âme  :  ce 

qui  prouve  que  l'amour  n'est  pas  une  partie 

de  l'âme,  mais  qu'elle  est  tout  amour,  quel 

que  soit  l'objet  vers   lequel  son  amour  se 

porte.  Or,  on  ne  trouve  rien  de  semblable 

dans  le  corps  qui  n'agit  que  par  partie,  et 

non  par  l'union  des  mouvements  de  toutes 

ses  parties.  » 

Mammert  fait  voir  ensuite  quelles  sont  les  chap.  sït. 
choses  que  l'âme  voit  par  le  corps,  et  celles 
qu'elle  voit  indépendamment  du  corps.  H 
donne  pour  exemples  les  figures  de  géomé- 
trie, un  point,  une  ligne,  un  cercle,  un  tri- 
angle parfait,  dont  il  donne  des  définitions 
exactes.  «  L'âme  voit  ces  figures  par  les  yeux 
du  corps  ;  mais  elle  en  a  aussi  des  idées  qui 
ne  dépendent  pas  du  corps  :  ce  qui  est  si  vrai, 
que  tandis  qoe  je  forme  en  Occident  une  de 
ces  figures,  un  autre  qui  est  en  Orient,  en 
peut  former  une  toute  semblable  sans  avoir 
vu  la  mienne.  Mon  âme  connaît  encore  sa  xxn. 
pensée,  sa  volonté,  son  amour  :  est-ce  par 
quelque  image  corporelle  ?  non,  c'est  la  vé- 
rité intérieure  qui  lui  parle,  qui  lui  fait  com- 
prendre que  sa  pensée  est  différente  de  la 
parole  par  laquelle  elle  l'exprime.  Ce  qui 
marque  bien  qu'autre  chose  est  la  pensée  de 
l'âme,  et  autre  la  voix  ou  la  parole  qui  la 
manifeste  au  dehors,  c'est  que  la  pensée 
peut  être  sans  la  parole,  et  la  parole  sans  la 
pensée.  L'âme  connaît  Dieu  et  le  cherche  ; 
peut-on  dire  qu'elle  a  quelque  autre  image 
de  la  divinité  qu'elle-même  ?  » 

8.   Après  avoir  marqué   dans   le   second      Anaijse  du 

..  1       T  r     1  1  -1  1  ■•  second    livre, 

livre,  par  quels  degresles  plnlosopnes  païens  ohap.i,i,,iii. 
sont  parvenus  à  la  connaissance  du  vrai 
Dieu,  c'est-à-dire  par  les  créatures,  il  montre 
que  les  plus  fameux  d'entre  eux,  dont  il  avait 
lu  les  écrits,  enseignaient  que  l'âme  de 
l'homme  était  incorporelle.  Il  traite  ensuite  chap. ,  . 
de  la  nature  des  corps,  qu'il  fait  consister 
dans  la  longueur,  la  largeur  et  la  profon- 
deur ;  en  sorte  qu'il  n'y  en  a  aucun  qui  ne 
puisse  être  mesuré  à  raison  de  la  distance 
des  parties,  et  qui  ne  soit  pesant  et  nombra- 
ble.  Une  goutte  d'eau,  par  exemple,  peut  être 
mesurée;  on  peut  la  diviser  en  plusieurs  par- 
ties, elle  a  son  poids.  Il  trouve  aussi  qu'on  ^^j^__ 
peut  dire  de  l'âme  qu'elle  est  capable  de 
mesure,  de  nombre  et  de  poids.  Par  le  poids 
il  entend  la  volonté  de  l'âme,  qui  est  propre- 
ment son   amour,    c'est-à-dire   l'affection 


352 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'elle  a,  soit  pour  elle,  soit  pour  les  autres; 
par  la  mesure  et  par  le  nombre,  la  connais- 
sance que  l'âme  a  de  l'une  et  de  l'autre  :  car 
elle  connaît  que  trois  et  quatre  font  sept,  et 
cette  connaissance  est  réservée  à  elle  seule 
chap.  VII.  à  l'exclusion  du  corps.  Il  rapporte  un  grand 
nombre  de  passages  des  anciens  philosophes, 
en  particulier  d'Architasle  pythagoricien,  de 
Platon  et  de  Porphyre,  pour  montrer  qu'ils 
ont  cru  que  l'âme  n'avait  aucune  des  qualités 
T,„.  qui  constituent  l'essence  du  corps.  Il  en  cite 
aussi  de  Sextius,  philosophe  romain,  et  de 
Varron,  qu'il  appelle  le  plus  savant  homme 
,x.  de  son  siècle.  Il  y  ajoute  les  autorités  d'un 
grand  nombre  d'écrivains  ecclésiastiques,  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze,  de  saint  Am- 
broise,  de  saint  Augustin  et  de  saint  Eucher, 
qu'il  avait  connu  particulièrement,  et  dont  il 
fait  un  grand  éloge.  Il  convient  que  saint 
Hilairc  de  Poitiers  n'a  pas  pensé  de  même  que 
les  autres  sur  la  nature  de  l'âme,  et  qu'il  a 
enseigné  que  tout  ce  qui  est  créé  n'est  point 
incorporel  ;  mais  il  répond  que  c'est  en  lui 
une  faute  qu'il  a  etïacée  par  la  vertu  de  sa 
confession,  et  que,  quoique  l'on  puisse  re- 
prendre cet  endroit  de  ses  écrits,  cela  ne  di- 
minue rien  de  ses  mérites.  Claudien  aurait 
pu,  pour  excuser  ce  père,  rapporter  d'autres 
endroits  de  ses  ouvrages  où  il  dit  nettement 
que  l'âme  est  spirituelle  et  céleste  de  sa  na- 
ture, et  que  c'est  pour  cette  raison  '  qu'il  est 
dit  dans  l'Ecriture  que  Dieu  .a  fait  l'homme  à 
son  image. 

Il  finit  ses  preuves  par  celle  qu'il  tire  de 
l'Ecriture ,  et  il  appuie  beaucoup  sur  cet  en- 
droit de  la  première  épitre  aux  Corinthiens, 
à  qui  saint  Paul  dit,  en  parlant  de  ce  qu'ils  au- 
raient dû  faire  pour  punir  l'incestueux  qui 

I  Cor  T  3    avait  déshonoré  leur  Eglise  :  Quoique  absent  de 

corps,  je  suis  présent  en  esprit,  c  Que  veut  dire 
cette  façon  de  parler?  Comment  l'apôtre 
est-il  présent  en  esprit  où  son  corps  n'est 
pas?  Si  le  corps  est  esprit,  pourquoi  ne  dit-il 
pas  que,  composé  de  deux  corps,  il  était  pré- 
sent de  l'un  à  Corinthe,  et  absent  de  l'autre. 
Il  faut  donc  convenir  que  l'esprit  par  lequel 
saint  Paul  disait  être  présent  en  cette  ville, 
tandis  que  son  corps  en  était  éloigné,  est  in- 
corporel. A  l'égard  de  ce  que  dit  ce  même 
apôtre,  qu'il  avait  été  ravi  au  troisième  ciel, 
mais  qu'il  ne  sait  si  c'est  avec  son  corps  ou 
sans  son  corps,  cela  prouve  qu'il  se  voyait 

II  Cor.  XII,  ,11  1,  \.  T.  • 

2, 3.  compose  de  deux  substances,  I  une  incorpo- 

»  Vid.  tom.  IV,  pag.  71. 


Analyse  du 
troisiftme  li- 
vre, cli.Tp.  I, 


relie,  l'autre  corporelle,  et  qu'il  pouvait  être  cinp.  xm 
transporté  dans  le  ciel  selon  l'une  de  ces 
substances,  sans  que  l'autre  y  fût.  Mais  Jé- 
sus-Christ décide  nettement  la  spiritualité  de 
l'âme,  lorsqu'il  dit  :  Ne  craignez  point  ceux  Maiih.  x, 
qui  tuent  le  corps  et  qui  ne  peuvent  tuer  l'âme. 
Pourquoi,  en  effet,  pourrait-on  tuer  le  corps 
et  ne  pas  tuer  l'âme,  si  ce  n'est  que  l'âme 
n'est  pas  un  corps.  Vous  direz  peut-être  que 
l'âme  est  un  corps,  mais  plus  mince  et  plus 
léger.  Soit  :  c'est  toujours  un  corps,  et  il 
peut  être  tué  par  celui  qui  peut  tuer  le  corps  : 
or,  Jésus-Christ  n'a  pas  dit  :  Ne  craignez  pas 
ceux  qui  peuvent  luer  un  corps  épais  et  un 
corps  léger,  mais  en  général,  ceux  qui  peu- 
vent tuer  le  corps  et  ne  peuvent  tuer  l'âme.  » 

9.  Mammert  répond  dans  le  troisième  livre 
aux  objections  que  Fauste  faisait  contre  la 
spiritualité  de  l'âme.  «  Elle  est,  disait-il, 
contenue  dans  le  corps,  et  conséquemraent, 
elle  est  dans  le  lieu.  Comment  se  peut-il  ci.ap. m, 
faire,  répond  Mammert,  que  l'âme  soit  dans 
le  corps,  et  que  toutefois  elle  en  pénètre 
toutes  les  parties  ?  Est-elle  dehors  sans  être 
dedans  ?  Est-elle  dedans  sans  être  dehors  ? 
Est-elle  dedans  et  dehors  ?  Comme  il  n'était 
point  aisé  de  répondre  à  ces  questions,  il  fait 
admirer  à  Fauste  la  manière  d'agir  de  l'âme, 
qui  peut  mouvoir  localement  un  corps,  quoi- 
qu'elle ne  soit  pas  localement  dans  le  corps. 
Elle  est  dans  le  corps,  mais  non  pas  comme 
dans  un  lieu  :  elle  peut  être  dans  quelque 
autre  partie  du  monde,  comme  elle  est  dans 
le  corps.  Comment,  direz-vous,  peut-elle  être 
dans  un  endroit  et  n'y  être  pas  localement  ? 
Je  vous  demanderai,  à  mon  tour,  si  le  monde 
est  dans  un  lieu  ou  non.  Si  vous  dites  qu'il 
est  dans  un  lieu,  vous  serez  obligé  de  dire  si 
ce  heu,  dans  lequel  est  le  monde,  est  hors  du 
monde  ou  du  monde  même  ?  S'il  est  hors  du 
monde,  je  vous  demande  encore  si  ce  lieu, 
dans  lequel  est  le  monde,  est  aussi  dans  un 
lieu  :  et  si  vous  l'avouez,  vous  serez  aussi 
obligé  d'avouer  que  le  monde  est  infini,  ou 
de  dire  qu'il  n'est  pas  dans  un  lieu  :  en  ce 
cas,  pourquoi  ne  direz-vous  point  que  l'âme 
spirituelle  n'est  point  localement  en  un  en- 
droit ?  » 

Fauste  objectait  qu'on  ne  pouvait  dire 
que  l'âme  de  Jésus-Christ  eût  cessé  d'êti'e 
dans  son  corps  après  sa  mort,  si  elle  n'eût 
pas  été  dans  le  corps  comme  dans  .son  heu 
pendant  la  vie  du  Sauveur.  Claudien  répond 
que  si  cette  conséquence  est  bonne,  il  faudra 
dire  aussi,  que  la  divinité  était  dans  le  corps 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XVIII.  —  MAMMERT  CLAUDIEN. 


353 


chap.  IV.  de  Jésus-Christ  '  comme  dans  un  lieu,  puis- 
qu'à  la  mort  de  Jésus- Christ  elle  a  cessé 
d'être  unie  à  son  corps.  Or,  il  est  absurde  de 
dire  que  Dieu  soit  dans  un  lieu  :  et  comme 
on  ne  peut  point  prouver  qu'il  y  soit,  parce 
qu'il  d  abandonné  le  corps  auquel  il  s'était 
uni,  ce  n'est  pas  non  plus  une  conséquence 
que  l'âme  soit  dans  un  lieu,  parce  qu'à  la 
mort  du  corps,  elle  en  sort.  N'être  point 
dans  un  lieu,  est  un  privilège  de  l'âme, 
comme  il  en  est  un  de  Dieu  à  l'image  dnquel 
elle  a  été  faite. 

Mammert  dit  ensuite  que  la  sainte  Vierge 
ne  vit  pas  l'ange  Gabriel  dans  sa  nature  an- 
gélique  ,  mais  dans  le  corps  qu'il  avait  pris 
pour  un  temps,  afin  de  se  rendre  visible  :  et 
y.  à  celte  occasion,  il  dit  que  les  anges  ont  des 
corps  par  lesquels  ils  deviennent  visibles  ^, 
et  que  les  démons  en  ont  aussi  par  lesquels 
ils  souffrent,  n'étant  pas  possible  qu'ils  souf- 
frent sans  corps.  «Mais,  ajoute-t-il,  les  uns  et 
les  autres  ont  aussi  des  âmes  spirituelles  ; 
sans  cela,  comment  les  anges  pourraient-ils 
voir  Dieu?  »  Les  âmes  des  impies,  disait 
Fauste,  sont  en  enfer,  celles  des  justes  dans  le 
ciel;  et  il  y  a  entre  elles  an  grand  chaos  qui 
les  sépare  ;  elles  sont  donc  les  unes  et  les 
autres  dans  un  lieu.  «  Si  cela  est,  répond 
Mammert,  comment  Abraham  et  le  mauvais 
riche  se  parlaient-ils  et  s'entendaient-ils? 
Comment  Abraham  voyait-il  le  mauvais  ri- 
che ?  Comment  celui-ci  voyait-il  Lazare  dans 
le  sein  d'Abraham?  Cela  n'étant  pas  possible 
dans  la  supposition  qu'ils  étaient  l'un  et 
l'autre  séparés  des  lieux  par  un  grand  chaos.» 
Claudien  soutient  que  cette  séparation  doit 
s'entendre  non  des  lieux  différents,  mais  des 
états  différents  des  justes  et  des  injustes. 
Ils  peuvent,  quant  au  corps,  être  dans  un 
même  lieu;  mais  l'injuste,  tandis  qu'il  per- 
sévère dans  son  iniquité,  ne  peut  être  dans 
l'état  d'innocence  du  juste. 


Mammert  Claudien  fait  voir  la  différence 
qu'il  y  a  entre  la  vue  des  yeux  du  corps  et 
la  vue  de  ceux  de  l'âme.  Les  yeux  de  l'âme 
consistent  dans  son  entendement  :  ce  qui 
fait  qu'elle  voit  les  choses  incorporelles,  bien 
qu'elles  ne  lui  soient  pas  présentes  locale- 
ment; mais  elle  ne  voit  les  corporelles  que 
par  les  yeux  du  corps.  Si  elle  voyait  par  elle- 
même  les  choses  corporelles,  elle  verrait 
sans  doute  celles  qui  lui  sont  le  plus  unies, 
comme  le  cœur,  les  entrailles,  le  cerveau  ; 
mais  elle  ne  les  voit  point.  Elle  est,  disaient 
quelques-uns,  corporelle  aux  yeux  de  Dieu 
et  spirituelle  à  ses  propres  yeux.  «  Dieu,  ré- 
pond Mammert,  connaît  l'âme  telle  qu'elle 
est  et  qu'il  l'a  faite  ;  si  elle  est  spirituelle, 
Dieu  la  connaît  être  telle.  Il  ne  se  peut  pas 
que  Dieu  connaisse  les  choses  autrement 
qu'elles  sont ,  ni  conséquemment  que  l'âme 
soit  corporelle  aux  yeux  de  Dieu,  si  elle  est 
spirituelle  en  elle-même.  On  doit  dire  aussi 
de  l'homme  que  tout  ce  qu'il  connaît  vérita- 
blement, est  tel  qu'il  le  connaît.  » 

10.  La  conclusion  que  Mammert  Claudien     ^^     ,^^ 
tire  de  la  doctrine  établie  dans  ses  trois  11-   d°'}/rc'irii!o 
vres,  est  que  l'homme  est  composé  de  deux  cèf  i?ois''''n- 
substances,  l'une  spirituelle  et  immortelle,   "'"■ 
qui  est  l'âme;  l'autre  corporelle  et  mortelle, 
qui  est  le  corps.  Il  montre  qu'il  y  a  de  la 
contradiction  à  dire,  comme  faisait  Fauste, 
que  l'âme,  quant  à  sa  substance,  est  ren- 
fermée dans  le  corps  et  attachée  aux  mem- 
bres du  corps  ,  et  qu'elle  va  toutefois  çà  et 
là,  qu'elle  erre  de  côté  et  d'autre  par  ses 
différentes  opérations ,  n'étant  pas  possible 
qu'une  substance  qui  est  attachée  à  un  en- 
droit, puisse  agir  en  d'autres.  Après  quoi  il 
propose  dix  raisonnements  qui  renferment  ce 
que  l'on  pense  sur  la  nature  des  êtres  corpo- 
rels et  incorporels. 

I.  Dieu  est  incorporel  ^  ;  l'âme  humaine 
est  son  image  ;  elle  est  donc  incorporelle, 


1  Suh  hufus  ergo  necessitate  sentenù'œ  Deum  quoque 
profano  ausu  localem  credimus,  qui  et  in  Christacum 
ci'ucifixui  est,  fuit,  et  eumdem  in  passiotie  dereliquit, 
ipse  quoque  Dominus  de  cruce  clamavii  :  Deus  meus, 
qiiare  me  dereliquisti.  Si  enim  non  discessit,  non 
dereliquit,  uiique  discessit.  Objice  nunc  ir/itur  lucali- 
tatem  Deo.  Contiguus  videlicel  gradus  est,  ut  ab  in- 
juria similitudinis  Dei  feraris  in  Deum,  et  qui  in  fa- 
mas  imaginem,  lacesses  auctorem  :  sicul  ergo  illocali- 
tas  Deo  non  adimitur,  quod  hominem  Christum  dis- 
cedendo  deseruit,  sic  anima  illocalitatis  privilegium 
non  amiitit,  cum  corpore  moriente  discedit.  Mam- 
mert., lib.  III,  cap.  IV. 

^  Patet  beatos  ungelos  utriusque  subsiantiœ  et  in- 

X. 


corporeos  esse  in  ea  parte,  sub  qua  ipsis  visibilis  Deus 
est,  et  in  ea  iiidem  parte  corporeos,  qua  liominibus 
sunt  "cisibiles,  quoniam  nec  Deus  ab  angelo  per  corpus, 
nec  angélus  ab  homine  sine  corpore  videri  potest. 
Quœ  cum  Ha  sint,  negari  naquit,  diabolum  quoque  ex 
incorpoi'eo  corporeoque  factum,  duplicis  esse  subsian- 
tiœ... Habet  diaholus,  ipse  tamen  incorporeus,  corpus 
suum,  quia  et  sentire  sine  corpore  corporea  tormenlu 
non  poterit.  Lib.  III,  cap.  vu. 

^  I.  Deus  incorporeus  est;  imago  autem  Dei  est  hu- 
manus  animus  :  quoniam  ad  similitudinem  et  imagi- 
nem Dei  factus  est  homo  :  enimvero  imago  incorporel 
corpus  esse  non  potest.  Igitur  quia  imago  Dei  est  hu- 
manus  animus,  incotyoreus  est  animus  liumanus. 

23 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


334 

puisqu'un  coi'ps  ne  saurait  être  l'image  de 
l'incorporel. 

II.  Tout  ce  qui  n'est  point  dans  le  lien  est 
incorporel  *  :  l'âme  est  la  vie  du  corps  en 
cette  vie  et  est  également  dans  tout  le  corps 
et  dans  chacune  de  ses  parties  :  elle  n'est 
point  dans  le  lieu,  puisqu'elle  est  autant  dans 
une  des  parties  du  corps  que  dans  le  tout; 
elle  est  donc  incorporelle. 

III.  L'âme  pense  et  raisonne^,  et  il  lui  est 
essentiel  de  penser  et  de  raisonner  :  or  la 
raison  n'est  ni  dans  le  lieu  ni  corporelle  ; 
l'âme  est  donc  incoi-porelle. 

IV.  La  volonté  est  de  la  substance  de 
l'âme  ^  :  toute  l'âme  veut  et  elle  est  toute 
volonté  :  la  volonté  n'est  point  un  corps; 
donc  l'âme  n'est  point  un  corps. 

V.  La  mémoire  n'est  point  dans  le  lieu  *  : 
c'est  une  faculté  qui  ne  s'étend  point  par  le 
grand  nombre  des  choses  dont  elle  se  sou- 
vient, et  qui  ne  se  resserre  pas  par  le  petit 
nombre  :  elle  se  souvient  des  choses  corpo- 
relles d'une  manière  incorporelle  :  lorsqu'elle 
se  souvient^  elle  se  souvient  tout  entière  :  elle 
est  toute  mémoire;  donc  elle  n'est  pas  un 
corps. 

VI.  Le  corps  ne  sent  le  coup  qu'à  l'endroit 
où  on  le  frappe  •''  :  l'âme,  au  contraire,  sent 
tout  entière  quand  on  frappe  quelque  partie 
du  corps  :  ce  sentiment  n'est  donc  point  dans 
le  lieu.  Or,  tout  ce  qui  n'est  point  dans  le 
lieu,  est  incorporel  :  d'où  il  suit  que  l'âme 
est  incorporelle. 

vi(.  Le  corps  ne  s'approche  ni  ne  s'éloigne 
de  Dieu  ^  :  l'âme  s'en  approche  et  s'en  éloi- 
gne; elle  n'est  donc  pas  un  corps. 

vm.   Le  corps  se  meut  dans  le  lieu   et 


'  n.  Omne  illocale  incorporeum  quoque  est  :  porro 
vita  corporis  anima  est,  et  in  corpore  vivente  tant  viuit 
pars  minima  corporis,  quant  totum  corpus.  Tantum  ergo 
oitœ  in  parte  corporis  est,  quantum  in  foto  corpore  : 
et  vita  hœc  anirna  est.  Nec  locale  est  quod  tam  ma- 
gnum est  in  toto  quam  in  aliquo,  et  tam  magnum  in 
parvo  quam  in  magno.  Non  igitur  localis  est  animus  : 
et  quidquid  illocale  est,  corporeum  non  est;  igitur 
anima  corpus  non  est. 

2  III.  liaiiocintttur  anima  rationalis,  et  suhsfantia- 
liter  inest  anima  ratiocinari,  et  ratio  incorporalis  at- 
que  illocalis  est;  igitur  incorporalis  est  anima. 

3  IV.  Item  voluntas  animœ  substuntia  ejus  est,  et  si 
iota  vult  anima,  tota  voluntas  est,  et  voluntas  corpus 
non  est;  igitur  anima  non  est  corpus. 

*•  V.  Item  memoria  illocalis  quœclam  capaciias  est, 
quœ  nec  multittidine  recordabilium  distenditur,  nec 
paucitate  tenuatur,  et  incorporaliter  etiam  corpora- 
lium  reminiscitur;  et  cum  meminit  animus,  totus 
meminit,  et  totus  memoria  est,  qui  meminit  totus,  et 


change  de  place  ''  :  l'âme  ne  se  meut  point 
de  celte  sorte;  elle  n'est  donc  point  un  corps. 

IX.  Le  corps  est  étendu  en  longueur,  lar- 
geur et  profondeur  *  :  et  tout  ce  qui  n'a  pas 
ces  dimensions  n'est  pas  un  corps  :  l'âme  ne 
les  a  point,  elle  n'est  donc  pas  un  corps. 

X.  En  toutes  sortes  de  corps  il  y  a  un  côté 
droit  et  un  côté  gauche,  un  dessus  et  un  des- 
sous^ un  devant  et  un  derrière  '  :  rien  de  tout 
cela  ne  se  trouve  dans  aucune  âme  ;  elle  n'est 
donc  point  un  corps. 

La  crainte  que  quelqu'un  ne  trouvât  mau- 
vais que  Mammert  Glaudien  eût  composé  trois 
livres  pour  réfuter  ce  que  Fauste  avait  dit 
dans  une  petite  page ,  lui  fait  prévenir  cette 
plainte  en  disant  qu'il  n'était  pas  aussi  aisé  de 
réfuter  le  mensonge  que  de  l'avancer.  «  Que 
quelqu'un  s'avise,  dit-il,  de  nier  que  le  monde 
est  rond  et  en  forme  de  sphère,  il  peut  le  faire 
en  un  mot  ;  mais,  pour  prouver  qu'il  est  d'une 
forme  sphérique,  il  faut  un  discours.  »  Il  en 
appelle  à  l'équité  de  son  adversaire  pour  pro- 
noncer sur  son  ouvrage,  et  le  prie  qu'au  cas 
qu'il  voulût  y  répliquer,  de  ne  point  cacher 
son  nom ,  comme  il  avait  fait  dans  son  pre- 
mier écrit.  '' 

H .  Aux  trois  livres  de  la  Nature  de  l'Ame,  Lotire 
on  0  joint,  dans  la  Bibliothèque  des  Pères ,  à  sur"'ia"d?B 
Paris,  en  1376  ,  un  petit  écrit  de  Mammert  i«  ares  sf 
Claudien,  adressé  à  saint  Sidome  Apolhnaire,  '"^j.p»^';'} 
où ,  par  divers  raisonnements  fort  courts ,  il  jiio.ii>.  Pat 

'    J-  Pans.     1o7 

établit  la  différence  qu'il  y  a  entre  la  nature  p's-  ■'"• 
corporelle  et  l'incorporelle.  Il  ne  reconnaît 
dans  la  nature  que  deux  sortes  d'êtres  :  le 
spirituel  et  le  corporel.  Nous  recevons  le  pre- 
mier par  l'esprit,  nous  sentons  le  second  par 
le  corps.  L'auteur  fait  mention  dans  cet  écrit 


memoria  corpus  non  est;  non  igitur  corpus  est  ani- 
mus. 

^  VI.  Item  corpus  in  parte  sut  tactum  ibi  sentit  ubi 
tangitur  :  animus  per  non  totum  corpus,  hoc  est  per 
pariem  corporis  totus  sentit  :  hujusmocli  vero  sensus 
illocalis  est,  et  omne  illocale  incorporeum  est  :  incor- 
porea  ergo  est  omnis  anima. 

5  VII.  Item  corpus  nec  appropinquat  Deo,  necrecedit 
a  Deo  :  animus  auiem  et  proximat  et  longinquat  illo- 
caliier;  igiiur  animus  corpus  non  est. 

'  vlll.  Item  corpus  movetur  per  locum,  animus  au- 
tem  per  eumdem  non  movetur  ;  animus  igitur  non  est 
corpus. 

8  IX.  Item  longitudo,  latitudo  et  altitudo  in  corpore 
sunt  :  et  quidquid  lus  caret,  corpus  non  est.  Hisce 
auiem  caret  animus  corpus;  igitur  non  est. 

9  X.  Dextrum,  sinistrum,  sursum,  deorsum,  anie- 
rius  et  posterius  in  omni  sunt  corpore  :  in  nulla  au- 
tem  sunt  anima;  incorporea  igiiur  est  omnis  anima. 
Claud.,  lib.  III,  cap.  xiv. 


V  SIECLE.! 


CHAPITRE  XVm.  —  MAMMERT  CLAÛDIEN. 


355 


de  ses  livres  c?e  la  Nature  de  l'âme,  et  dit  qu'il 

les  avait  envoyés  à  saint  Sidoine  pour  les 

examiner  et  j  corriger  ce  qu'il  jugerait  à 

propos. 

jugemeni       12.  Saint  Sldoîne  en  fait  un  éloge  accom- 

a  Nninre  do  pli ,  dîsaut  qu6  Mammcrt  ' ,  qu'il  appelle  un 

jonsquonen   liomme  très-richc  et  très-profond  dans  la 

'  faites.  .  ,         ,  ,  ^         .  .     . 

science  des  choses  et  des  expressions,  traitait 
avec  clarté ,  dans  cet  ouvrage ,  une  matière 
fort  obscure  ;  qu'il  y  décidait  avec  évidence 
des  questions  extrêmement  embarrassées,  et 
que,  malgré  la  rudesse  et  la  barbarie  du  lan- 
gage syllogistique,  son  style  était  doux  et 
coulant.  Il  ajoute  *  qu'il  avait  rempli  et  em- 
belli cet  écrit  de  tout  ce  que  la  philosophie 
peut  fournir,  et  de  tout  ce  qui  est  propre  à  la 
grammaire,  à  la  dialectique  et  autres  arts  li- 
béraux. Ce  qu'on  ne  peut  refuser  à  Claudien, 
est  d'avoir  traité  avec  beaucoup  d'esprit,  de 
facilité  et  d'agrément  les  questions  les  plus 
abstraites ,  et  d'être  le  premier  qui  ait  rai- 
sonné avec  quelque  certitude  et  par  des  prin- 
cipes suivis  sur  la  nature  de  l'âme  et  du  corps. 
Son  traité  sur  cette  matière  fut  imprimé  à 
Venise  ,  en  1482  ,  in-4° ,  avec  divers  autres 
écrits;  à  Bâle,  dans  les  Orthodoxographes,  en 
1S5S  et  15S6;  à  Paris,  dans  les  Bibliothèques 
des  Pères,  en  1576  et  1644,  et  dans  celle  de 
Lyon,  en  1677.  On  ne  trouve  point  dans  celle- 
ci  la  lettre  de  Mammert  à  saint  Sidoine,  où 
il  traite  de  la  différence  des  êtres  corporels  et 
spirituels.  Thadée  Ugoleti  fit  imprimer  à  Ve- 
nise le  traité  de  la  Nature  de  l'âme,  en  1500. 
Mosellan  en  donna  aussi  une  édition  à  Bâle, 
en  1520,  in-S".  Claudien  y  est  qualifié  évêque 
de  Vienne,  l'éditeur  l'ayant  confondu  avec 
saint  Mammert,  son  frère.  La  même  faute  se 
i\:ovise.ài\.ns\&?,0rthodoxogra,phes.  Les  éditions 
d'Anvers,  de  1607  et  1610,  sont  dues  aux 
soins  de  Pulmannus,  qui  les  orna  des  notes 
deDelrio.  Gaspard  Barthius  en  donna  une  en 
1612,  in-S",  à  Hanau.  Celle  de  Zuickaw,  en 
1655,  est  la  plus  ample  et  la  plus  correcte. 
On  y  trouve,  outre  les  notes  de  Barthius,  celle 
d'André  Schottus.   [Galland  ,  au  tome  X  de 


sa  Bibliotheca  Veterum  Patrum,  donne  une 
notice  sur  Mammert  Claudien,  et  reproduit 
les  trois  livres  de  l'Etat  de  l'âme,  d'après  les 
Orthodoxographes .  Le  tome  LUI  de  la  Patro- 
logie  latine  contient  l'édition  de  Galland.] 

13.  Parmi  les  lettres  de  saint  Sidoine  don-   ..r.eiires  d», 

Mammert 

nées  par  le  père  Sirmond  ,  il  y  en  a  une  de  aaadien. 
Mammert  Claudien.  C'est  une  lettre  de  poli- 
tesse et  d'amitié.  Il  y  relève  l'attention  que 
ce  saint  évêque  avait  pour  les  pauvres  et  son 
application  à  l'étude  des  Livres  saints^;  mais 
il  s'y  plaint  de  son  silence  et  dit  que  pour 
s'en  venger  il  l'importunera  par  ses  lettres. 
Baluze  nous  en  a  donné  une  autre  *,  qui  est 
adressée  à  Sapande,  professeur  de  rhétorique 
à  Vienne.  11  y  attribue  l'émulation  qui  régnait 
parmi  les  Grecs  pour  les  sciences,  à  l'atten- 
tion que  l'on  avait  de  récompenser  le  mérite 
par  divers  degrés  d'honneur.  Il  faut  bien 
qu'on  ne  pensât  pas  de  même  alors  dans  les 
Gaules  ,  puisque  ,  selon  le  témoignage  de 
Mammert,  les  lettres  y  allaient  en  décadence. 
Comme  Sapande  s'efforçait  de  les  relever, 
Mammert  lui  marque  ceux  des  anciens  au- 
teurs qui  pouvaient  lui  servir  à  exécuter  son 
entreprise.  [Ces  deux  lettres  suivent  les  livres 
de  l'Etat  de  l'âme  dans  Galland  et  dans  la 
Patrologie  latiiie.] 

14.  Saint  Sidoine  ^  fait  l'éloge  d'une  hymne  nimncs  do 
en  vers  trochaïques  ,  où  Mammert  Claudien  """■"'"'■ 
exprimait  de  grands  sens  en  peu  de  paroles. 
Cet  évêque  y  trouvait  tant  d'élévation,  de 
douceur  et  d'agrément ,  qu'il  la  préférait  à 
tout  ce  que  l'on  a  écrit  en  ce  genre.  Si  cet 
éloge  n'est  point  flatté,  il  faut  convenir  qu'il 
ne  peut  s'appliquer  à  l'hymne  Pange  lingua 
gloinosi prœlium  certaminis ,  qui  ne  peut  pas- 
ser pour  un  ouvrage  de  poésie  si  excellent, 
qu'on  ne  puisse  en  faire  de  meilleur.  Il  paraît 
néanmoins  que  c'est  de  cette  hymne  que  saint 
Sidoine  veut  parler.  Elle  lui  est  attribuée  non- 
seulement  par  un  ancien  scholiaste  ^,  mais 
encore  par  Gennade,  suivant  le  manuscrit  de 
l'abbaye  du  Mont-Saint-Michel ,  que  l'on  a 
suivi  dans  l'édition  de  Hambourg,  en  1718. 


1  Adslipulatur  judicio  meo  volumeti  illud  quod  tuie 
super  statu  animœ  rerum,  verborumque  scientia  divi- 
tissimus  propalavisii...  quantumque  opus  illud  est  1 
Materia  clausum,  declamutione  conspicuum,  proposi- 
tione  obstructum,  disputatione  reseratum,  et  quan- 
quam  propter  hamata  syllogismorum  puncta  tribulo- 
sam,  vernaniis  tamen  eloquii  flore  mellitum.  Sidon., 
lib.  IV,  Epist.  3,  pag.  931. 

-  lllic  et  grammatica  dividil,  et  oratûria  déclamât, 
et  arithmetica  numéral,  et  geometria  nietitur,  et  mu- 
sica  pondérât,  et   diatectica   disputât,  et  astrotogia 


prœnoscit,  et  architectonica  struit,  et  metrica  modu- 
latur.  Idem,  lib.  V,  Epist.  2,  pag.  970. 

»  Sidon,  Epist.,  lib.  IV,  Epist.  2,  pag.  929. 

'  Baluz.,  tom.  VI  Miscellan.,  pag.  535  et  suiv. 

5  Jam  vero  de  liymno  tiio  si  percmiclere  quid  sen- 
tiam,  commaticus  est,  copiosus,dulcis,  elatus,  et  i/uos- 
libet  lyricos  dithyrambos  amœnitate  poelica  et  histo- 
rica  veritate  supereminet,  Sidou.,  Jib.  IV,  Epist.  3, 
pag.  932. 

^  Claudiano  carmcn  lioc  vindicat  non  solum  vêtus 
scholiastes,  verum  etiam   Gennudius,  non  quidem  ut 


356 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


[On  la  trouve  dans  la  Patrologie  latine,  au 
tome  LUI,  et  dans  tous  les  livres  d'Eglise.]  Il 
est  dit  dans  le  môme  manuscrit  que  Clau- 
dien  composa  divers  autres  ouvrages.  Nous 
n'en  avons  point  de  connaissance  ;  mais  on  ne 
doit  pas  mettre  de  ce  nombre  le  poème  inti- 
tulé :  Contre  les  Poètes  profanes,  imprimé  sous 
le  nom  de  Mammei't,  dans  le  tome  VP  de  la 
voy.i.vni,  Bibliothèque  des  Pères,  et  ailleurs.  Ce  poème 
est  de  saint  Paulin  de  Noie,  et  fait  une  suite 
de  sa  seizième  lettre  à  Jove,  son  ami  et  son 
parent.  Le  poème  qui  commence  par  ces 
mots  :  C liriste  j)otens  rerum,  n'est  pas  non  plus 
de  Mammert  Claudien ,  et  moins  encore  de 
Glaudien  d'Alexandrie  ',  qui  était  païen,  à  qui 
toutefois  on  l'a  attribué  dans  quelques  éditions 
de  ses  poésies. ;I1  est  du  pape  Damase  et  fait  le 
neuvième  de  ses  poèmes.  On  ne  peut  non  plus 
attribuer  à  Mammert  Glaudien  le  poème  sur 


la  Concorde  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment. On  ne  cite  aucun  manuscrit  où  il  porte 
son  nom.  Il  j'  en  a  au  contraire  où  il  porte 
celui  de  Flavius  Praesidius.  Quelques  savants 
le  donnent  au  poète  Sédulius,  d'autres  àRu- 
tius  Astérius,  sous  le  nom  duquel  on  l'a  im- 
primé dans  le  tome  VIII"  de  la  Bibliothèque 
des  Pères,  à  Paris,  en  1644.  [Les  deux  pièces 
Contre  les  Poètes  profanes  et  Christe  potens  re- 
rum se  trouvent  dans  la  Collection  des  Poètes, 
imprimée  à  Pesaro,  avec  quatre  autres  pièces 
d'une  autorité  douteuse.  Il  y  en  a  une  à  Jac- 
ques, maître  de  la  cavalerie;  deux  en  grec  : 
Tune  au  Sauveur,  et  l'autre  au  Maître  Christ. 
La  quatrième  fait  l'éloge  de  Jésus-Christ;  la 
sixième  célèbre  ses  miracles.  Elles  sont  re- 
produites dans  la  Patrologie ,  au  volume  in- 
diqué.] 


CHAPITRE  XIX. 


Saint  Loup,  évêque  de  Troyes,  et  saint  Euphrone,  évêque  d'Autun, 


saini  Loup  1  •  La  ville  de  Toul ,  en  Lorraine  ^ ,  fut  le 
fa'uTSl'nè'j'  lieu  de  la  naissance  de  saint  Loup.  Il  la  quitta 
vlulm.  ™"  pour  se  retirer  à  Lérins,  où  saint  Honorât  le 
reçut  sous  sa  discipline;  au  bout  d'un  an,  il 
sortit  de  Lérins  en  même  temps  que  saint 
Honorât.  C'était  vers  l'an  426.  De  là  il  passa 
à  Mâcon.  Il  était  en  cette  ville  lorsqu'on  vint 
l'enlever  pour  le  placer  sur  le  siège  épisco- 
pal  de  Troyes  en  Gliampagne,  après  la  mort 
de  saint  Urse  ,  mort ,  selon  toutes  les  appa- 
rences, le  23  juillet  de  l'an  426.  Saint  Loup 
s'était  rendu  célèbre  non-seulement  par  ses 
vertus,  mais  aussi  par  son  savoir  et  son  élo- 
quence, car  il  avait  un  fort  bel  espi'it  et  avait 
étudié  dans  les  écoles  des  rhéteurs.  Après 
sept  ans  de  mariage  avec  Péméniole,  sœur 
de  saint  Hilaire,  évêque  d'Arles,  ils  s'étaient 
séparés,  d'un  commun  consentement,  pour 
mener  une  vie  parfaite. 
Il  est  envoyé  2.  Los  évêques  des  Gaules,  assemblés  en 
co'iitre'ïéfpT.  429  pour  choisir  des  personnes  capables  d'al- 

lagiens. 

editus  est,  sed  prout  in  codice  cœnobii  sancti  Michae- 
lis  de  Tomba  vulgatis  auetior  in  Claudiani  mentiona 
legitur  liis  verbis  :  Scripsit  et  alia  nonnulla  :  inter 
quœ  et  liymnum  de  Passione  Doniini,  cujus princi[jium 
est  :  Pange    lingua  gloriosi.   Sirmond. ,  in  not.    ad 


1er  combattre  les  pélagiens  qui  corrompaient 
les  Eglises  de  la  Grande-Bretagne ,  jetèrent 
les  yeux  sur  saint  Loup  et  le  joignirent  à  saint 
Germain  d'Auxerre,  que  le  pape  saint  Céles- 
tin  avait  déjà  nommé  pour  cette  entreprise. 
En  arrivant  dans  cette  île ,  ils  trouvèrent  les 
peuples  assemblés  pour  les  recevoir,  leur  ar- 
rivée ayant  été  prédite  par  les  malins  esprits 
qu'ils  chassèrent  des  possédés.  Les  pélagiens 
évitèrent  d'abord  d'entrer  en  dispute  avec  les 
deux  évêques;  mais,  honteuxde  se  condamner 
eux-mêmes  par  leur  silence,  ils  consentirent 
aune  conférence.  Ilsyparlèrentlespremiers, 
et  quand  ils  eurent  discouru  longtemps , 
saint  Loup  et  saint  Germain  leur  répondirent 
avec  tant  de  force,  qu'ils  les  réduisirent  à  ne 
pouvoir  répliquer.  Gomme  le  peuple  en  témoi- 
gnait sa  joie  par  de  grandes  acclamations,  un 
homme  qui  avait  la  dignité  de  tribun ,  pré- 
senta aux  saints  évêques  sa  fille  âgée  de  dix 
ans,  qui  était  aveugle.  Ils  lui  dirent  de  la 

Epist.  3  ;  Sidon.,   pag-    933-  —  '  Gyrald.,  de  Hist. 
Poetarum,   Dial.  4,  pag.  260,  et  Vossius,  de  Poetis 
latin.,  cap.  v. 
^  Surius,  ad  diem  29  jiilii. 


1 


[V«  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XIX.  —  SAINT  LOUP,  ÉVÊQUE. 


337 


présenter  auxpélagiens;  mais  ceux-ci  se  joi- 
gnirent au  tribun  pour  demander  aux  deux 
évoques  la  guérison  de  la  fllle.  Ils  firent  l'un 
et  l'autre  une  courte  prière  ;  puis  saint  Ger- 
main, invoquant  la  sainte  Trinité,  appliqua 
sur  les  yeux  de  l'aveugle  le  reliquaire  qu'il 
portait  ordinairement  à  son  col ,  et  aussitôt 
elle  recouvra  la  vue.  Par  ce  miracle  et  par 
un  grand  nombre  d'autres,  ces  deux  saints 
rétablirent  dans  la  Bretagne  la  foi  catho- 
lique. 

3.  Saint  Loup  ,  de  retour  à  Troyes  ,  conti- 
nua ce  qu'il  avait  fait  dès  le  commencement 
qu'il  en  fut  évéque,  instruisant  sans  cesse  son 
troupeau  des  moyens  du  salut,  éclairant  par 
la  lumière  de  l'Evangile  ceux  qui  étaient  en- 
core dans  les  ténèbres  de  l'ignorance.  Il  ar- 
riva qu'un  de  ses  diocésains,  nommé  Gallus  ', 
ayant  quitté  sa  femme,  se  retira  en  Auvergne. 
Saint  Loup  en  écrivit  à  saint  Sidoine,  alors 
évêque  de  Clermont,  avec  une  force  telle- 
ment mêlée  de  douceur,  que  Gallus ,  effrayé 
et  gagné  en  même  temps ,  reprit  aussitôt  Je 
chemin  de  son  pays  dans  le  dessein  d'aller 
retrouver  sa  femme.  Nous  n'avons  plus  cette 
lettre,  mais  nous  en  connaissons  le  mérite  par 
l'effet  qu'elle  produisit,  et  que  saint  Sidoine 
représente  en  ces  termes  ^  :  «  Qu'y  a-t-il  de 
plus  estimable  qu'une  réprimande  qui  oblige 
le  pécheur  de  chercher  dans  sa  pénitence  un 
puissant  remède  contre  son  mal,  ne  trouvant 
rien  à  redire  contre  celui  qui  le  lui  fait  re- 
connaître?» 

4.  Attila,  après  avoir  passé  le  Rhin  en  451, 
avait  déjà  ravagé  plusieurs  villes  des  Gaules, 
lorsqu'il  fut  obligé  de  les  quitter  par  la  vic- 
toire qu'Aétius  remporta  sur  lui  avec  le  se- 
cours des  Goths  et  des  Francs.  La  ville  de 
Troyes,  qui  se  trouvait  sans  défense,  n'ayant 


pas  même  de  murailles,  craignait  l'approche 
des  Barbares;  mais  saint  Loup  sut  si  bien  se 
faire  respecter  par  Attila,  que  ce  prince  cruel 
l'obligea  de  l'accompagner  jusqu'au  Bhin, 
pour  la  conservation  de  sa  propre  personne 
et  de  son  armée.  11  se  recommanda  même  à 
ses  prières,  et  le  renvoya  chez  lui  en  sûreté. 
Saint  Loup  trouva,  à  son  retour,  que  les  ha- 
bitants de  Troyes  avaient  quitté  leurs  de- 
meures pour  se  retirer  en  des  lieux  où  ils 
fussent  à  couvert  de  la  crainte  des  ennemis. 
Le  saint  évêque  ,  voulant  les  rassembler,  se 
retira  lui-même  sur  une  montagne  nommée 
Latiscon,  environ  à  quinze  lieues  de  la  ville 
de  Troyes.  Il  y  demeura  deux  ans,  puis  il 
passa  à  Mâcon. 

5.  Il  était,  ce  semble,  à  Autun  sur  la  fin  de 
l'année  453,  lorsque  saint  Euphrone,  qui  ve- 
nait d'en  être  élu  évêque,  reçut  un  mémoire 
de  Talase  ,  évêque  d'Angers,  sur  quelques 
difficultés  qui  regardaient  la  discipline  ecclé- 
siastique ^.  Talase  demandait  par  ce  mé- 
moire, qu'il  envoya  par  un  sous-diacre  nommé 
Arconce,  quelle  différence  il  fallait  mettre 
dans  la  célébration  de  l'office  divin,  entre  la 
veille  de  Pâques  et  celles  de  Noël  et  de  l'E- 
piphanie. Il  demandait  encore  quelle  règle  il 
y  avait  à  observer  pour  le  mariage  des  clercs 
inférieurs,  et  s'il  était  permis  d'en  ordonner 
qui  fussent  bigames.  Saint  Loup  et  saint  Eu- 
phrone répondirent  que  la  différence  de  ces 
veilles  consistait  premièrement  en  ce  que 
celle  de  Pâques  commençait  le  soir  et  n'al- 
lait guère  jusqu'au  matin,  au  heu  qu'on  em- 
ployait à  celles  de  Noël  et  de  l'Epiphanie  la 
nuit  entière,  ou  du  moins  la  dernière  partie 
de  la  nuit  qui  approche  du  matin  ;  seconde- 
ment '',  en  ce  que  dans  chacune  de  ces  veilles 
il  y  avait  des  leçons  propres  aux  mystères, 


Leltres  de 
saint  Loup  tt 
(le  saiul  Jiu- 
phroDe  d'Au- 
tuu,  en  4S3. 


1  Sidon,  lib.  VI,  Episf.  9,  pag.  1007. 

2  Ibid. 

3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1048. 

^  Commonitorium  qitod  per  subdiaconum  Archon- 
tium  missum  fuerat,  inspeximus  :  ad  ([uod  sanctitaii 
iuœ,  siciit  poposcisti,  respondere  curavimus.  Vigiiia 
Natalis  Domini  longe  alio  more,  quam  Paschœ  vigiiia 
celebranda  :  quia  hic  Notivitatis  lecliones  legendce 
sunt,  illic  autem  passionis.  Epiphaniœ  quoque  solem- 
niias  habet  suum  specialfjn  culiurn.  Quœ  vigiliœ  vel 
maxime,  uut  perpele  nocte,  uut  certe  in  matulinum 
vergenie,  cxrandœ  sunt,  Faschalis  autem  vigiiia  a 
vespere  raro  in  matutinum  usque  perducitur.  Deinde 
in  vigiiia  Paschœ  diversorum  iibrorum  leciiones  sunt 
recensendœ,  quœ  totœ  hubeant  aliquid  de  prœfigura- 
tione,  aut  valicinio  passionis  :  aide  dicta  autem  vigi- 
iia, prout  visum  fuerit,  i/iter  psallendum  et  legen- 
dum ,  sive  de  prophetis,  sive  de    novo   leslamento. 


quod  quisque  voluerit,  non  legali,  sed  voluntaria  lec- 
tione  prœsumet.  De  clericis  vero  bigamis,  usque  ad 
ostiarios  Ecclesia  permiitit  et  patilur;  et  quam  quis 
sacerdotum  regulam  pro  districlione  sua  assumpserit , 
jure  cuslodiet.  Exorcistas  vero,  aut  subdiaconos,  a 
secundis  nuptiis  penitus  excludit.  Generationem  vero 
filiorum  ah  his,  quos  conjugatos  assumimus,  melius 
esset,  si  fieri  possit,  arceri  :  quos  melius  est  non  as- 
sumis;  quam  de  his  postea  sub  rliversa  sensuum  varie- 
tute  certari  :  cum  melius  sit,  omnes  disceptationum 
causas  excludi,  ut  qui  non  vuli  in  clericatu  generari 
non  constituai  in  altario  conjugatos.  Hœc  pro  coiisue- 
tudine  ecclesiarum  nostrarum,  quorum  una  est  régula, 
paginœ  hujus  sermone  texuimus.  Si  quid  vero  pro  ho- 
.  nore  Domini  potest  districtionis  accrescere,  et  si  imi- 
tari  non  possumus,  pro  Domini  honore  iaudabimus . 
Nom  jam  Ecclesiœ  ohsequiis  aggregatos  ad  secundus 
nuptias    Iransire    non  patimur  :  quos,  postquam   as- 


338 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


c'est-à-dire  que  pendant  là  veille  de  Noël  on 
lisait  les  endroits  de  l'Ecriture  qui  annon- 
çaient la  naissance  du  Messie ,  dans  celle  de 
l'Epiphanie,  ceux  où  il  était  parlé  de  sa  ma- 
nifestation, et  pendant  la  veille  de  Pâques 
les  endroits  qui  avaient  rapport  à  sa  passion. 
Cesleçons  se  prenaient,  pour  toutes  ces  veilles, 
tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Testament. 
La  veille  de  Noël  avait  encore  cela  de  parti- 
culier, qu'on  entremêlait  les  leçons  de  l'Ecri- 
ture du  chant  des  Psaumes.  Sur  la  seconde 
question  ,  ils  répondaient  qu'il  était  d'usage 
de  permettre,  en  certaines  occasions,  l'ordi- 
nation des  bigames  pour  les  portiers,  mais 
jamais  pour  les  sous-diacres  ni  même  pour 
les  exorcistes;  que  l'on  ne  souffrait  point  que 
ceux  qui  étaient  déjà  exorcistes  ou  sous- 
diacres  se  mariassent  en  secondes  noces;  que 
s'il  arrivait  qu'ils  épousassent  une  seconde 
femme,  on  les  privait  non-seulement  de  leur 
ministère,  mais  aussi  de  la  communion;  que 
l'on  ordonnait  quelquefois  des  hommes  ma- 
riés pour  sous-diacres  ,  et  qu'on  les  toléi'ait 
sans  les  séparer  de  leurs  femmes  ;  qu'à  l'é- 
gard des  degrés  supérieurs,  à  qui  les  canons 
défendent  l'usage  du  mariage  ,  ils  tâchaient 
de  n'y  élever  que  ceux  qui  n'étaient  point  en- 
gagés dans  cet  état.  L'usage  particulier  de  l'E- 
glise d'Autun  était  que  les  secondes  noces  fus- 
sent interdites  même  aux  portiers.  Et  parce 
que  ces  deux  évêques  n'obhgeaient  point  les 
sous-diacres  à  la  continence,  ils  ne  souffraient 
pas  non  plus  qu'ils  approchassent  de  l'autel 
pour  y  recevoir  la  paix  qu'ils  devaient  se 
donner  mutuellement  dans  le  sacraire,  mais 
ils  leur  permettaient  d'approcher  de  l'autel 
pour  donner  ou  recevoir  quelque  chose  du 
diacre.  Au  surplus,  ils  protestent  l'un  et  l'au- 
tre à  Talase  que  si  un  autre  évèque  peut  faire 
observer  dans  son  Eglise  une  discipUne  plus 
exacte  qu'eux,  ils  loueront  ce  qu'ils  n'auront 
pu  pratiquer  eux-mêmes,  parce  que  Dieu  en 
sera  honoré, 
ijuiéi.ii  6.  Saint  Euphrone,  dont  nous  venons  de 
pîrone.  °"  parler,  fit  bâtir,  n'étant  encore  que  prêtre  , 
une  église  dans  la  ville  d'Autun,  sous  l'invo- 


saiutLoup. 


cation  de  saint  Sj'mphorien  '.  Depuis  qu'il 
fut  fait  évêque,  il  s'appliqua  avec  soin  à  s'ins- 
truire de  la  science  nécessaire  à  sa  dignité, 
dans  les  écrits  des  pères  de  l'Eglise,  nommé- 
ment d'Origène,  de  saint  Jérôme  et  de  saint 
Augustin.  Il  pria  aussi  saint  Sidoine  de  lui 
envoyer  quelques  explications  surl'Ecriture^. 
Il  fut  appelé ,  vers  470,  pour  donner  un  suc- 
cesseur, sur  le  siège  de  Chalon-sur-Saône, 
à  Paul,  surnommé  le  Jeune,  mort  depuis  peu. 
Deux  ans  après,  c'est-à-dire  en  472,  saint 
Sidoine  lui  demanda  son  avis  touchant  Sim- 
plice  ,  que  l'on  proposait  pour  évêque  de 
Bourges.  On  croit  que  saint  Euphrone  mourut 
avant  490.  Il  avait  écrit  une  lettre  au  comte 
Agrippin,  où  il  lui  faisait  le  rapport  des  pro- 
diges que  l'on  avait  vus  en  l'air  dans  les  Gau- 
les pendant  les  fêtes  de  Pâques  et  le  mois 
de  septembre  de  Fan  452  ^.  Cette  lettre  n'est 
pas  venue  jusqu'à  nous. 

7.  Mais  nous  avons  celle  que  saint  Loup  Leiiro  do 
écrivit  à  saint  Sidoine  pour  le  congratuler  sur 
son  élévation  à  l'épiscopat.  Saint  Loup  avait 
occupé  le  siège  de  l'Eghse  de  Troyes  pendant 
quarante-cinq  ans  ,  lorsque  saint  Sidoine  fut 
placé  sur  celui  de  Clermont  en  Auvergne. 
Ainsi  l'on  doit  mettre  sa  lettre  vers  la  fin  de 
l'an  471 .  Elle  est  remplie  de  témoignages  d'a- 
mitié et  d'estime.  Quoiqu'il  y  témoigne  sa 
joie  de  ce  que  saint  Sidoine  était  passé  des 
dignités  mondaines,  c'est-à-dire  delà  préfec- 
ture à  l'épiscopat,  il  lai  fait  envisager  ce  mi- 
nistère comme  un  ministère  d'humilité,  qui 
ne  lui  serait  honorable  qu'autant  qu'il  s'a- 
baisserait plus  profondément  au-dessous  de 
tous  ceux  au-dessus  desquels  il  était  élevé 
auparavant  par  les  dignités  qu'il  possédait 
dans  le  siècle.  Il  le  lui  fait  encore  considérer 
comme  un  ministère  laborieux,  qui  l'obligeait 
indispensablement  de  faire  valoir  ses  talents 
pour  instruire  ses  peuples  dans  les  choses  di- 
vines ,  plus  encore  qu'il  ne  les  avait  fait  va- 
loir dans  le  maniement  des  affaires  tempo- 
relles. Il  veut  qu'au  lieu  des  discours  pom- 
peux d'une  éloquence  mondaine,  ils  n'enten- 
dent de  sa  bouche  que  ce  qui  pourrait  les  eu- 


sumpti  fuerint,  etiam  a  primis  penitus  arcemus ,  exor- 
cistas  duntaxat,  uique  subdiuconos .  In  Augustodu- 
nensi  autem  Ecclesia,  vel  ostiarius  in  imo  ofpcio  cons- 
titutus,  si  uxorem  aliam  acceperif,  ab  officio  penitus 
ubdicatur.  Subdiaconos  autem  ad  pacem  iater  se  in 
sacrario  oportet  accedcre  :  in  altario  autem,  nonnisi_ 
dum  porrigioit  pnllas  diacono,  aut  suscipiunt  guod 
referlur;  ad  pacem  autem  nequaquam  eis  permissum 
est.  Si  autem  illius  amentiœ  fuerit  vel  exorcista  vel 


subdiaconus,  vel  etiam,  sicui  supra  memoratum  est, 
ostiarius,  ut  secundis  se  nuptiis  illigarit,  non  solum 
ab  officio,  sed  etiam  a  communione  penitus  arcetur. 
Tom.  IV  Concil.,  pag.  1048. 

»  Greg.  Turon.,  lib.  II  Hist.  Franc.,  6,  15. 

2  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  %  pag.  1091. 

3  Idac,  iu  Chrome. ,  pag.  123!j',  tom.  VII,  Bibliuth. 
Patr. 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


[V  SIÈCLE.] 

gager  à  prendre  part,  par  leur  conduite,  aux 
souffrances  de  Jésus-Christ ,  et  à  mener  une 
vie  toute  céleste.  «Je  sens,  ajoute-t-il,  que 
le  moment  de  ma  mort  approche  ;  mais  il  me 
semble  aussi  que  je  revivrai  en  vous,  ne  dou- 
tant pas  que  je  ne  laisse  après  moi  un  évêque 
capable  d'être  le  soutien  et  la  consolation  de 
l'Eglise.  Priez  pour  moi,  afin  qu'en  terminant 
ma  vie  entre  les  mains  du  Seigneur,  j'achève 
l'œuvre  qu'il  m'a  imposée,  et  que  j'emploie 
du  moins  pour  lui  les  jours  qui  me  restent, 
après  en  avoir  tant  employé  ,  ce  qui  est  un 
malheur  pour  moi,  en  des  choses  que  je  ne 
devais  pas.  Mais  j'ai  confiance  au  Seigneur, 
parce  qu'il  est  plein  de  miséricorde.  » 

Cette  lettre  ,  qui  nous  a  été  donnée  pre- 
mièrement dans  le  Spicilège  de  dom  Luc  d'A- 
cheri  ',  se  trouve  dans  le  supplément  des 
CoîîCiYes  par  M.  de  Lalande.  [On  la  trouve  aussi 
avec  celle  que  saint  Loup  écrivit,  de  concert 
avec  saint  Euphrone,  dans  le  tome  LVIII  de 
la  Patrologie  latine.]  Elle  trouva  dans  saint 
Sidoine  les  sentiments  d'humilité  qu'elle  au- 
rait pu  lui  inspirer,  comme  on  le  voit  par  la 
réponse  qu'il  fît  à  saint  Loup.  «  S'il  est ,  lui 
dit-il,  permis  à  des  criminels  de  vous  rendre 
justice,  à  vous  qui  êtes  le  modèle  et  la  règle 


359 


des  mœurs,  la  colonne  des  vertus,  un  esprit 
rempli  de  douceur,  mais  d'une  douceur  vé- 
ritable, parce  qu'elle  est  sainte,  que  ne  vous 
dois-je  pas  pour  avoir  bien  voulu  panser,  par 
vos  exhortations ,  les  plaies  d'un  vermisseau 
très-méprisable  2?  Vous  n'avez  rien  épargné 
pour  nourrir  de  vos  saints  conseils  une  âme 
épuisée  et  accablée  de  faiblesse.  Vous  m'a- 
vez fourni  du  trésor  de  votre  grande  charité 
la  mesure  de  l'humilité  qui  m'est  nécessaire 
pour  ma  guérison.  » 

11  paraît,  par  une  autre  lettre  de  saint  Si- 
doine à  saint  Loup  ^,  qu'il  en  avait  reçu  de 
lui  qui  sont  perdues.  Nous  n'avons  rien  non 
plus  de  celles  qu'il  semble  avoir  écrites  à  saint 
Rurice  *;  on  en  cite  une  qu'il  écrivit,  dit-on  ^ 
à  Gibulile,  roi  des  Allemands,  pour  lui  de- 
mander la  liberté  des  peuples  qu'il  avait  em- 
menés captifs  à  Brienne  en  Champagne.  L'au- 
teur de  la  Vie  du  saint  ne  dit  point  ce  qu'il 
devint  depuis  son  voyage  à  Mâcon ,  en  453. 
Mais  la  lettre  que  saint  Sidoine  lui  écrivit  de- 
puis l'an  471  ^,  pour  lui  recommander  une 
personne  habituée  à  ïroyes,  ne  permet  pas 
de  douter  que  saint  Loup  n'y  fût  retourné 
après  son  voyage  de  Bourgogne. 


CHAPITRE  XX. 

Salvien,  prêtre   de  Marseille. 

[Vers  l'an  485.] 


1.  On  ne  peut  guère  mettre  la  naissance  de 
Salvien  plus  tard  que  vers  Tan  390,  puisque, 
dès  l'an  429,  il  était  prêtre  et  assez  illustre 
par  son  savoir  et  par  sa  vertu,  pour  mériter 
les  éloges  publics  de  saint  Hilaire  d'Arles. 
Ce  saint  évêque  le  qualifiait  dès-lors  très- 
saint  ^;  c'est  aussi  le  titre  que  lui  donnait  de 
son  vivant  ^  saint  Eucher,  évêque  de  Lyon, 


qui  lui  avait  confié  le  soin  de  ses  deux  en- 
fants, Salone  et  Véran.  De  la  manière  dont 
Salvien  parle  de  ceux  de  Trêves  et  de  Colo- 
gne, il  semble  marquer  qu'ils  étaient  les  uns 
etlesautres  ses  compatriotes;  car^  après  avoir 
dit  ^  qu'il  voulait  parler  de  sa  patrie  et  des 
villes  des  Gaules,  dans  son  sixième  livre  de 
la  Providence,  il  commence  par  Trêves  et  par 


1  Spkileg.,  tom.  Y,  pag.  579,  et  Supplem.  Conc, 
pag.  35  et  36. 

2  Te  ergo  norma  morum,  te  columna  virtulum,  te, 
si  blandiri  reis  licet,  oera,  quia  sunota  dukedo,  des- 
picatissimi  vermis  ulcéra  digiiis  exhortationis  con- 
ireclure  non  piguit  :  tihi  avaritice  non  fuit  pascere 
monitis  animam  fragililate  jejunam;  et  de  apoiheca 
dilectionis  iiltissimœ,  seclandœ  nobis  humilitntis  }:>ro- 
pinare  mensuram.  Sidon.,  lib.  VI,  Epist.  l,  pag.  997. 


3  Sidon.,  lib.  VII,  Epist.  i,  pag.  1001. 
'  Ruric,  lib.  I,  Epist.  10. 

5  Surius,  ad  diem  29  julii. 

6  Sidon.,  lib.  VI,  Episi.  4. 

'   Beatissimus  vir  Saluianus   preshyler.  Hilar.,  iu 
serni.  de  S.  Eonor. 
s  Euclier.,  Epist.  ad  Salon. 
9  Salv.,  lib.  VI  de  Provid.,  pag.  142,  144. 


360 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


II  s'engage 
dans  le  ma- 
riage. 


L"llre  d! 
Salvien  à  Hj- 
pace. 


Cologne.  Les  écrits  qui  nous  restent  de  lui 
sont  une  preuve  de  son  application  à  l'étude 
des  sciences  divines  et  humaines  *. 

2.  Il  ne  laissa  pas  de  s'engager  dans  le  ma- 
riage avec  Palladie ,  fille  aînée  d'Hypace  et 
de  Quiète^.  Hypace  était  païen,  mais  il  sem- 
ble que  Palladie  faisait,  comme  Salvien,  pro- 
fession de  la  religion  chrétienne.  Ils  eurent 
de  leur  mariage  une  fille  nommée  Auspiciole. 
Le  désir  d'avancer  dans  la  piété  et  dans  la 
perfection  fit  naître  à  Salvien  celui  de  passer 
le  reste  de  ses  jours  dans  la  continence.  Il  en 
fit  la  proposition  à  sa  femme,  qui  l'accepta 
avec  joie.  La  seule  peine  qu'elle  en  eut,  fut 
de  n'avoir  pas  elle-même  prévenu  son  mari 
sur  ce  point.  Elle  prévit  néanmoins  que  ce 
genre  de  vie  ne  pourrait  que  mécontenter 
son  père  et  sa  mère  ,  mais  l'amour  de  Dieu 
la  fit  passer  sur  cette  considération.  De- 
venue la  sœur  de  Salvien ,  elle  en  fut  en- 
core plus  aimée  qu'auparavant,  parce  qu'il 
aimait  Jésus-Christ  en  elle.  Hypace  vit  en 
effet  avec  douleur  le  parti  que  Salvien  et 
Palladie  avaient  embrassé.  Sa  conversion  au 
christianisme  ne  put  même  faire  cesser  sou 
mécontentement  à  cet  égard,  ce  qui  les  obli- 
gea de  se  retirer  dans  un  pays  fort  éloigné 
de  lui.  Ils  furent  près  de  sept  ans  sans  en 
recevoir  de  lettre,  quoiqu'ils  lui  en  écrivissent 
assez  souvent  l'un  et  l'autre. 

3.  Nous  avons  encore  celle  qu'ils  lui  écri- 
virent tous  deux  ensemble  ^.  Ils  y  joignirent 
même  leur  fille  Auspiciole,  afin  de  faire  un 
dernier  effort  sur  l'esprit  d'Hypace  et  de  sa 
femme,  et  employèrent  tout  ce  que  la  nature 
a  de  plus  vif  et  de  plus  tendre,  pour  les  flé- 
chir. Car  il  n'y  a  rien  que  l'on  ne  doive  ten- 
ter *,  pour  se  réconcilier  avec  ses  père  et 
mère.  La  raison  particulière  qu'eut  Salvien 
d'écrire  avec  sa  femme,  fut  de  certifier  à 
Hypace  qu'ils  étaient  ensemble,  afin  qu'il 
n'eût  rien  à  craindre  de  ce  côté-là.  «  Nous 
ignorons,  lui  dit-il,  si  vous  êtes  également 
irrité  contre  nous;  mais,  dans  la  conjoncture 
présente ,  notre  imion  ne  peut  souffrir  que  nous 
soyons  divisés.  Il  se  peut  faire  qu'un  seul  de 
nous  ait  excité  votre  colère  ;  mais  c'est  assez 
que  vous  en  regardiez  un  comme  coupable, 
pour  que  tous  les  deux  aient  autant  de  dou- 
leur que  si  chacun  en  particulier  était  crimi- 
nel. Souffrez  que  nous  vous  demandions  com- 
ment vous  pouvez  cesser  d'aimer  des  enfants 

'  Gennad.,  in  Cataloç/.,  cap.  lxvu. 
-  Salv.,  Epist.  4j  pag.  201  et  seq. 


qui  vous  aiment  si  tendrement?  Que  notre 
conversion  vous  ait  irrité  lorsque  vous  étiez 
encore  païen,  nous  n'en  avons  pas  été  sur- 
pris. La  différence  de  religion  éloignait  les 
cœurs  les  uns  des  autres.  Mais  aujourd'hui 
que  vous  avez  abjuré  l'erreur,  pourquoi  vou- 
driez-vous  conserver  les  sentiments  que  vous 
inspirait  le  paganisme?  Le  soin  que  je  prends 
de  perfectionner  en  moi  une  religion  que  vous 
avez  embrassée,  serait-il  mon  crime  ?  Mais 
pourquoi  me  haïriez-vous  parce  que  je  suis 
chrétien,  puisque  vous-même  avez  condamné 
l'erreur  qui  vous  avait  empêché  de  l'être 
plus  tôt?  J'avoue  qu'en  d'autres  occasions 
les  raisons  que  vous  aviez  de  vous  plaindre 
de  moi,  pouvaient  être  justes;  mais  à  pré- 
sent que  votre  colère  naît  de  ce  que  je  fais 
paraître  plus  de  piété  envers  Jésus-Christ , 
votre  colère  m'afflige  et  ne  me  fera  pas  con- 
damner la  démarche  que  j'ai  faite.  »  Salvien 
fait  ensuite  parler  sa  femme.  «  Je  l'entends, 
dit-il,  qui  me  conjure  de  vous  écrire  et  de 
la  représenter  tremblante  et  prosternée  à 
vos  pieds,  non  qu'elle  se  défie  de  sa  cause 
ni  de  son  juge ,  mais  pour  vous  demander 
quel  es  Idonc  son  crime?  Vous  a-t-elle  jamais 
manqué  de  respect  et  de  soumission  ?  Est-il 
sorti  de  sa  bouche  une  parole  qui  dût  vous 
offenser?  Lorsqu'elle  s'est  engagée  dans  le 
mariage,  n'est-ce  pas  vous  qui  l'avez  voulu  ? 
Ne  lui  avez-vous  pas  ordonné  d'obéir  en  tou- 
tes choses  à  son  mari  ?  Il  l'a  invitée  à  passer 
ses  jours  dans  la  solitude  et  la  chasteté  du 
célibat.  Pardonnez-lui  cette  faute,  si  c'en  est 
une.  Elle  a  cru  qu'il  lui  serait  honteux  de  re- 
jeter une  proposition  si  honnête,  si  louable, 
si  sainte.  N'est-elle  pas  encore  celle  par  qui 
vous  avez  porté  le  nom  de  père  et  de  grand- 
père?  Noms  que  vous  avez  toujours  envisagés 
avec  joie,  et  auxquels  les  avantages  que  vous 
souhaitez  ont  été  attachés.  Je  vais  mainte- 
nant vous  parler  au  nom  de  ma  fille.  Cet 
enfant  est  à  vous  comme  à  moi.  Je  ne  vous 
demande  pas  que  vous  aimiez  des  gens  que 
vous  n'avez  jamais  vus,  mais  que  vous  ne 
haïssiez  pas  ceux  qu'il  n'est  pas  naturel  que 
vous  puissiez  vous  empêcher  d'aimer.  Ayez 
pitié  de  son  innocence,  soyez  touché  de  la 
triste  situation  où  elle  est.  La  verrez-vous 
sans  émotion,  contrainte  de  demander  par- 
don avant  qu'elle  puisse  savoir  ce  que  c'est 
que  faire  une  faute  ?  Dieu,  autrefois  irrité 

'  Salv.,  Epist.  4,  pag.  201. 
»  Ibid.,  pag.  205. 


[v'  SIÈCLE.]  CHAPITRE 

contre  les  Ninivites  fut  désarmé  par  les  lar- 
mes des  enfants.  Dans  la  guerre  entre  les 
Romains  et  les  Sabins,  la  vue  des  enfants 
qui  se  mirent  entre  les  combattants,  leur  fît 
tomber  les  armes  des  mains,  et  procura  en- 
tre deux  peuples  ennemis  une  entière  réu- 
nion. »  Salvien  rappelle  encore  à  Hypace 
l'ingénieux  artifice  dont  Servius  Gerba,  qui 
voyait  sa  vie  et  sa  réputation  en  danger,  usa 
pour  sauver  l'un  et  l'autre.  Voyant  que  les 
paroles  ne  faisaient  point  d'impression  sur 
l'esprit  des  juges,  il  tâcha  d'exciter  leurs 
cœurs  à  la  tendresse,  en  présentant  devant 
leurs  sièges  ses  enfants  en  pleurs,  qui  con- 
juraient les  sénateurs  par  leurs  langues, 
d'avoir  pitié  de  l'état  où  ils  se  trouvaient.  La 
tendresse  naturelle  obtint  ce  qui  eût  été 
impossible  à  la  force  de  la  vérité.  Salvien, 
après  avoir  employé  tous  ces  moyens  pour 
fléchir  son  beau-père,  lui  dit  :  «  Faudra-t-il 
que,  pour  vous  toucher,  nous  mettions  en 
usage  les  larmes  des  étrangers  à  la  place 
des  nôtres  ?  Nous  vous  conjurons  de  nous 
pardonner  tout  ce  qui  vous  a  déplu  en  nous, 
soit  que  nous  méritions  ce  pardon,  soit  que 
nous  ne  le  méritions  pas.  Cette  manière 
d^agir  est  le  vrai  caractère  des  pères  tendres 
cl  raisonnables  :  ils  ne  peuvent  plus  glorieu- 
sement se  venger  de  leurs  enfants,  qu'en 
leur  pardonnant  leur  faute.  »  On  ne  sait  quel 
succès  eut  cette  lettre;  et  depuis  ce  temps-là 
l'histoire  ne  dit  plus  rien  de  Palladio,  ni  de 
sa  fille,  ni  d'Hypace,  ni  de  sa  femme. 

4.  Salvien  était  prêtre  de  Marseille  dès  le 
commencement  de  l'an  429  ou  430,  et  sa  ré- 
putation était  si  grande,  que  saint  Eucher 
lui  confia  l'éducation  de  ses  deux  fils  ',  Sa- 
lone  et  Véran.  Il  prit  aussi  le  soin  d'un  jeune 
homme  de  ses  parents  -,  qui  avait  été  pris  à 
Cologne  avec  sa  mère  et  toute  sa  famille, 
lorsque  cette  ville  tomba  sous  la  puissance 
des  Francs.  Voulant  l'assister  autant  pour  le 
bien  de  son  âme  que  pour  son  intérêt  tem- 
porel, il  l'adressa  à  des  serviteurs  de  Dieu, 
afin  qu'ils  lui  fissent  part  de  leurs  richesses 
spirituelles,  qu'ils  l'instruisissent,  qu'ils  l'ex- 
hortassent et  le  portassent  à  prendre  part 
avec  eux  aux  biens  dont  ils  jouissaient.  De 
la  manière  dont  il  parle  à  ses  serviteurs  de 


XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


361 


Dieu,  il  semble  qu'il  avait  demeuré  avec  eux 
soit  à  Lérins  ou  ailleurs  :  «  Puisque  vous  me 
regardez,  leur  dit-il,  comme  un  autre  vous- 
mêmes,  ne  sais-je  pas  quel  sera  votre  zèle 
pour  celui  que  la  parenté  rend  une  partie  de 
moi-même  -  ?»  On  voit  par  ses  ouvragiss, 
qu'il  eut  souvent  de  pareilles  occasions 
d'exercer  sa  charité,  en  un  temps  où  l'em- 
pire romain  était  pillé  et  ravagé  de  tous 
côtés  par  les  Barbares ,  et  où  ceux  d'entre 
les  Romains  qui  avaient  quelque  pouvoir,  ne 
s'en  servaient  que  pour  opprimer  les  faibles. 
Il  vécut  jusque  dans  un  âge  fort  avancé, 
c'est-à-dire  jusque  vers  l'an  485  :  car  il  vivait 
encore  lorsque  Gennade  parlait  de  lui  dans 
son  traité  des  Hommes  illustres  *,  où  il  est  fait 
mention  des  écrits  de  saint  Eugène  de  Car- 
thage,  faits  en  484  ^.  11  y  en  a  qui  ont  cru 
qu'il  avait  été  évêque,  sur  ce  que,  dans  l'édi- 
tion de  Gennade  par  Erasme,  il  est  dit  que 
Salvien  composa  plusieurs  homélies,  étant 
évêque.  Mais  dans  les  autres  éditions  et  dans 
les  meilleurs  manuscrits,  on  lit  simplement 
qu'il  les  avait  composées  pour  des  évêques 
qui,  n'ayant  pas  le  talent  d'en  composer  eux- 
mêmes,  recouraient  à  Salvien  pour  s'acquit- 
ter de  cette  partie  de  leur  ministère.  Quel- 
ques-uns ont  cru  que  c'était  pour  cela  que 
Gennade  le  qualifiait  le  maître  des  évêques  ; 
mais  il  est  plus  vraisemblable  qu'il  ne  lui  a 
donné  ce  titre  que  parce  qu'il  avait  été  le 
maître  des  deux  enfants  de  saint  Eucher,  qui 
furent  l'un  et  l'autre  évêques.  Gennade  ne 
lui  donne  que  la  qualité  de  prêtre  ^,  et  ja- 
mais celle  d'évêque. 

5.  Le  ])remier  des  ouvrages  de  Salvien 
dans  l'ordre  des  temps,  est  celui  qui  porte  le 
nom  de  Timothée,  et  qui  est  adressé  à  l'E- 
glise catholique  répandue  par  toute  la  terre. 
Il  est  cité  dans  le  quatrième  livre  sur  la  Pro- 
vidence ^ ."  on  peut  donc  assurer  que  Salvien 
l'écrivit  avant  l'an  440,  puisque  dans  son  ou- 
vrage sur  la  Providence,  il  parle  de  la  défaite 
de  Litorius  ^,  arrivée  en  439,  comme  d'un 
événement  tout  récent.  Il  y  parle  aussi  de  Li 
prise  de  Carthage,  arrivée  la  même  année  ^. 
Comme  il  n'avait  pas  mis  son  nom  à  l'écrit 
qu'il  avait  adressé  à  l'Eglise,  l'évêque  Salone, 
qui  sut  apparemment  qu'il  en  était  auteur, 


Eciils  dii 
Salvien.  S<s 
quatre  livres 
à  l'Es'iâe. 


'  Salv.,  Epist.  9,  pag.  215. 

2  Idem,  Epist.  1,  pag.  198. 

•'  Cum  me  portionem  vesfri  existimaiis ,  nucesse  est 
eum  qui  mei  portio  est  vestri  quoque  aliquatenus  por- 
tionem esse  ducatis.  Salv.,  Epist.,  pag.  199. 

'<■  Gennad.,  de  Viris  illusf.,  cap.  LWii. 


8  Gennad.,  ibid.,  cap.  scvn. 

8  Salv.,  apud  Massillau.   presbyt.;  Gennad.,   cip. 

I.XVH. 

1  Salv.,  lib.  IV  de  Provid.,  pag.  65. 
8  Ibid.,  lib.  VII,  pag.  64. 
3  Ibid.,  lib.  VIII,  pag.  195. 


362 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIAS'nQUES. 


Lettre  à  Pa- 
lone    EQP    cet 


lui  écrivit  pour  savoir  quelle  raison  il  avait 
eu  de  se  cacher  sous  le  nom  de  Timothée. 
Salvien  lui  en  donna  plusieurs  dans  une  let- 
tre assez  longue,  que  l'on  a  mise  à  la  tête  de 
cet  ouvrage  en  forme  de  préface,  où  il  donne 
en  même  temps  le  motif  qui  l'avait  engagé  à 
l'adresser  à  l'Eglise  universelle. 

6.  «  Vous  voulez  savoir,  lui  dit-il,  pourquoi 
ouvrage,  pag.  uu  aulour  incounu,  qui  depuis  peu  a  adressé 

215  eillt.  Pa-  ^  ^  ^ 

un  traité  à  l'Eglise  de  notre  temps,  l'a  rendu 
public  sous  le  nom  de  Timothée.  Vous  ajou- 
tez que  si  Je  ne  justifie  pas  bien  ce  titre,  vous 
regarderez  à  l'avenir  les  ouvrages  qui  le  por- 
teront comme  des  livres  apocryphes.  Je  vous 
réponds  d'abord,  qu'on  ne  peut  soupçonner 
un  auteur  de  vouloir  passer  pour  Timothée, 
disciple  de  saint  Paul,  lorsqu'il  déclare  dans 
son  ouvrage  qu'il  vit  encore.  J'ajoute  qu'é- 
tant inutile  de  savoir  si  c'est  son  nom  ou  un 
nom  emprunté  qu'il  a  mis  à  la  tête  de  son 
ouvrage,  c'est  en  vain  que  l'on  se  fatigue 
pour  découvrir  une  chose  dont  on  ne  peut 
retirer  aucun  fruit.  En  fait  de  livre,  on  doit 
examiner  si  la  lecture  en  peut  être  avanta- 
geuse; ce  n'est  pas  le  nom  de  l'auteur  qui 
produit  cet  avantage,  c'est  l'ouvrage  même, 
de  quelque  main  qu'il  vienne.  Les  livres  sont 
bons  par  ce  qu'ils  contiennent,  et  non  par  la 
qualité  et  le  nom  de  l'auteur.  »  Salvien  donne 
ensuite  les  raisons  pourquoi  il  avait  adressé 
son  livre  à  l'Eglise;  pourquoi  il  n'y  avait  pas 
mis  son  nom,  et  pourquoi  il  avait  pris  celui 
de  Timothée  plutôt  qu'un  autre.  Persuadé 
que  c'est  Dieu  que  nous  devons  aimer  sur 
toute  chose,  et  que  le  culte  et  l'amour  qu'on 
lui  doit,  non-seulement  dans  les  temps  de  per- 
sécution, mais  dans  la  paix,  sont  préférables 
à  tous  les  biens  temporels,  il  crut  ne  pouvoir 
mieux  adresser  ses  plaintes  contre  les  désor- 
dres du  siècle,  qu'à  l'Eglise  en  général,  parce 
qu'il  reprenait  ces  désordres,  non  dans  quel- 
ques particuliers,  mais  dans  des  gens  de  tout 
âge,  de  tout  sexe  et  de  toute  condition,  qui 
tous  étaient  membres  de  l'Eglise.  Il  en  trou- 
vait des  exemples  dans  les  veuves  qui  avaient 
renoncé  à  un  second  mariage  pour  vivre 
dans  la  continence;  dans  les  vierges  qui  s'é- 
taient consacrées  à  Dieu  au  pied  des  autels  ; 
dans  les  diacres,  les  prêtres  et  les  évêques, 
et  dans  la  plupart  des  autres  personnes  qui 
prétendaient  même  vivre  dans  la  pénitence 
par  une  louable  conversion.  Le  péché  qu'il 
reproche  à  ceux  qui  étaient  sans  enfants  et 
sans  famille,  est  celui  de  l'avarice.  Au  lieu 
d'employer  leurs  richesses  au  soulagement 


des  pauvres,  à  l'avantage  de  l'Eglise  et  à  se 
rendre  Dieu  propice,  ils  les  laissaient  ordi- 
nairement à  des  personnes  déjà  riches  et 
même  étrangères  à  leur  égard.  Les  raisons 
qu'eut  Salvien  de  ne  point  mettre  son  nom  à 
son  ouvrage,  furent  d'éviter  la  vaine  gloire, 
aimant  mieux  ne  laisser  voir  qu'à  Dieu  seul 
ce  qu'il  n'avait  entrepris  que  pour  sa  gloire. 
Il  se  croyait  d'ailleurs  le  dernier  des  servi- 
teurs de  Dieu,  et  cela  par  une  simple  convic- 
tion de  son  néant.  Enfin  il  craignit  que  le 
nom  d'un  homme  en  qui  tout  est  méprisable, 
ne  fit  tort  au  livre  même,  et  mépriser  les  vé- 
rités qu'il  y  établissait,  parce  que  c'est  assez 
la  coutume  dans  le  monde,  de  ne  juger  du 
mérite  des  choses  que  par  la  personne  dont 
elles  viennent.  Pour  ce  qui  est  du  nom  de 
Timothée,  il  le  préféra  à  tout  autre,  parce 
qu'il  lui  convenait,  n'ayant  entrepris  son  ou- 
vrage que  pour  l'honneur  de  Dieu,  motif  qui 
est  marqué  par  le  nom  même.  En  cela,  dit-il, 
il  s'en  est  tenu  à  l'exemple  de  saint  Luc,  qui, 
au  commencement  de  son  Evangile  et  des 
Actes  des  Apôtres,  les  a  adressés  à  Théophile, 
faisant  un  nom  d'homme  de  ce  qui  cachait 
celui  d'une  vertu.  Théophile,  dans  la  pensée 
de  l'évangéliste,  signifie  l'amour  de  Dieu  ;  Ti- 
mothée, dans  celle  de  l'auteur,  marque  que 
le  désir  de  la  gloire  de  Dieu  a  été  son  motif 
d'écrire. 
7.  En  effet,  la  matière  principale  de  son 


ouvrage  est  de  détourner  les  hommes  de  leur 


Analyse  da 

premier  livre 

du  Traité  de 

1  1  l'Eglise,  pag, 

attachement  aux  biens  temporels,  pour  les  222. 
porter  à  l'amour  de  ceux  qui  ne  périssent 
point.  Il  ne  connaissait  point  de  maux  plus 
pernicieux  aux  âmes,  ni  de  contagion  qui  fit 
périr  un  plus  grand  nombre  d'enfants  de 
l'Eglise,  que  l'avarice,  qui  est,  dit-il,  une 
vraie  idolâtrie.  Les  premiers  chrétiens  se 
soutenant  par  l'espérance  des  biens  éternels, 
ne  balançaient  pas  d'embrasser  la  pauvreté 
pour  mériter  les  trésors  de  l'immortalité.  La 
face  des  choses  changea  dans  les  siècles  sui- 
vants, où,  à  la  place  de  ces  vertus,  on  vit  ré- 
gner le  désir  insatiable  d'avoir  etl'injustice.  Le 
nombre  des  fidèles  augmentant,  la  foi  décrut, 
l'exactitude  de  la  disciphne  diminua,  en  sorte 
que  l'Eglise  devenue  riche,  à  ne  compter  que 
les  hommes,  tomba  dans  l'indigence  du  côté 
de  la  piété.  Pour  rendre  ce  parallèle  sensible, 
Salvien  fait  le  portrait  de  la  sainteté  des 
chrétiens  convertis  par  les  apôtres,  tel  que 
nous  le  lisons  dans  le  quatrième  chapitre  des 
Actes  :  à  quoi  il  oppose  ce  qu'il  avait  remar- 
qué dans  les  mœurs  des  chrétiens  de  son 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


[V«  SliXLE.J 

temps.  La  plus  grande  partie  ne  travaillait 
que  pour  les  choses  périssables.  On  les 
voyait  occupés  du  soin  d'acquérir  des  biens 
qu'ils  devaient  perdre,  risquer,  leur  vie  pour 
en  gagner,  et  cacher  dans  la  terre  des  tré- 
sors qui  en  procurant  une  longue  joie  aux 
héritiers,  ne  pouvaient  que  causer  une  dou- 
leur éternelle  à  ceux  de  qui  ils  auraient  hé- 
rité. Il  fait  voir  que  les  richesses  rendent 
rân:e  captive  ;  qu'on  est  avare  sans  avoir  de 
richesses,  lorsqu'on  est  dominé  par  le  désir 
d'en  avoir.  Ce  qu'il  prouve  par  ces  paroles 
de  Jésus-Cbrist  :  Ne  vous  faites  point  de  trésors 
sur  la  terre^  mais  faites-vous  des  trésors  dans  le 
ciel.  Paroles  qui  doivent  s'entendre  de  l'af- 
fection du  cœur,  et  non  pas  dans  un  sens 
littéral,  puisqu'on  ne  peut  pas  dire  que  tous 
les  méchants  aient  sur  la  terre  des  trésors 
réels.  La  tendresse  des  pères  pour  leurs  en- 
fants était  un  motif  ordinaire  de  l'avarice. 
«  Quoi  donc!  dit  Salvien,  l'avarice  sera-t-elle 
regardée  comme  l'âme  de  l'amour  paternel? 
On  doit  aimer  ses  enfants,  mais  les  aimer 
comme  Dieu  veut  qu'on  les  aime  ,  et  leur 
amasser  les  richesses  qu'il  ordonne  aux  pères 
d'amasser  pour  leurs  enfants.  Quelles  sonl- 
elles?  Saint  Paul  les  marque  en  ces  termes  : 
N'irritez  point  vos  enfants,  mais  intruisez-les  et 
reprenez-les  selon  les  intentions  du  Seigneur.  Et 
le  prophète  parlant  à  tous  les  pères,  leur  dit 
d'apprendre  à  leurs  enfants  de  mettre  leur 
confiance  en  Dieu ,  de  n'oublier  point  ses  ou- 
vrages, et  de  7'echercher  ses  commandements. 
Ils  ne  les  exhortent  point  à  amasser  des  tré- 
sors considérables  par  leur  poids ,  et  plus 
encore  par  les  crimes  qui  ont  servi  à  les  ac- 
quérir, ni  à  bâtir  des  palais  superbes,  ni  à 
acquérir  des  terres  riches  par  leurs  revenus 
et  distinguées  par  leurs  droits.  Les  lois  de 
Dieu  ne  roulant  pas  sur  des  choses  de  cette 
nature,  elles  n'ont  pour  but  que  le  salut;  les 
richesses  qu'elles  conseillent  aux  pères  d'a- 
masser à  leurs  enfants,  consistent  dans  la  foi, 
dans  la  crainte  du  Seigneur,  dans  la  modes- 
tie, dans  les  bonnes  mœurs,  dans  la  sainteté. 
Les  paroles  de  Jésus-Christ  nous  font  con- 
naître qu'il  y  a  deux  sortes  de  trésors,  un 
que  les  pères  doivent  amasser  à  leurs  en- 
fants ,  l'autre  qu'ils  doivent  amasser  pour 
eux-mêmes.  Ils  enrichissent  leurs  enfants  en 

1  Qui  enim  a  malis  actibus  tantum  morte  discedit, 
non  relinquit  scelera,  sed  relinquitur  a  sceleribus.  Non 
bonis  itayue  spebus  innititiir,  qui  ad  hoc  lanlum  pcccat 
in  vila,  ut  peccatorum  molem  redimat  in  morte;  et 
ideo  se  evasurum  putat,  non  quia  bonus,  sed  quia  di- 


363 


Suite  du 
premier  livre, 
pag.  232. 


leur  donnant  une  bonne  éducation,  en  leur 
apprenant  à  craindre  Dieu.  Ils  s'enrichissent 
eux-mêmes  par  le  bon  usage  qu'ils  font  de 
ce  qui  est  passager.  En  inspirant  à  leurs  en- 
fants l'amour  de  la  vertu,  ils  leur  assurent 
l'immortalité,  et  méritent  pour  eux-mêmes 
un  bonheur  éternel.  Personne  ne  peut  dis- 
convenir que  les  richesses  de  la  terre  ne 
soient  pour  nous  un  don  de  Dieu  :  il  est  donc 
essentiel  de  tout  rapporter  à  Dieu  et  de  tout 
faire  servir  à  l'honorer.  Honorez  le  Seigneur  Prov.  m. 
de  votive  substance,  dit  l'Ecriture.  Il  ne  nous 
remet,  en  quelque  sorte,  la  propriété  des 
biens,  qu'afm  que  nos  bonnes  œuvres  aient 
plus  de  mérite,  parce  que  la  libéralité  que 
l'on  tire  de  son  propre  fond,  est  digne  d'une 
plus  gj-ande  récompense.  De  peur,  toutefois, 
que  l'esprit  humain  ne  se  laissât  séduire  par 
cette  expression  de  l'Ecriture,  qui  nomme 
nos  richesses  notre  substance ,  elle  ajoute  en 
un  autre  endroit  :  Acquittez-vous  de  ce  que  eccIcs  u 
vous  devez;  comme  si  elle  disait  :  Payez  à 
Dieu  une  dette  légitime.  » 

8.  Saint  Paul,  en  ordonnant  aux  riches 
d'être  abondants  en  bonnes  œuvres,  leur  en- 
seigne que  les  bonnes  œuvres  sont  la  fin 
pour  laquelle  Dieu  donne  les  richesses.  Sur 
quel  fondement  peuvent-ils  donc  se  croire 
exempts  de  péché,  en  se  choisissant  des  hé- 
ritiers impies  et  libertins,  puisque  l'on  pèche 
dès-lors  que  pendant  cette  vie  on  ne  retran- 
che pas  une  partie  de  ce  qu'on  possède,  pour 
en  faire  une  offrande  à  Dieu.  Les  richesses 
ne  sont  point  mauvaises  en  elles-mêmes,  le 
défaut  est  tout  dans  l'homme  qui  en  use  mal. 
C'est  par  ce  mauvais  usage  que  les  riches 
amassent  ce  trésor  de  colère  pour  le  dernier 
jour,  ainsi  que  parle  l'apôtre  saint  Jacques. 
«  Au  reste  je  ne  prétends  pas,  dit  Salvien, 
qu'un  homme  qui  aurait  passé  sa  vie  dans 
de  grands  désordres,  fût  un  homme  du  salut 
duquel  on  ne  dût  pas  douter,  parce  qu'en 
mourant  il  aurait  disposé  avec  piété  de  son 
bien.  Les  aumônes  que  l'on  fait  à  la  mort, 
peuvent  beaucoup  servir  devant  Dieu,  mais 
elles  sont  inutiles  sans  la  conversion  du 
cœur.  La  mort  qui  arrête  le  cours  de  l'ini- 
quité, est  bien  une  marque  que  le  vice  quitte 
le  pécheur  ',  mais  ce  n'en  est  pas  une  que 
le  pécheur  quitte  le  vice.  Cela  me  fait  dire 

ves  sit  :  quasi  vero  Deus  non  vitam  quœrat  hominum, 
sed  pecuniam,  aique  a  cunctis  malorum  redimendo- 
rum  spe  maie  ageniibus  uccipere  solos  pro  crimitiibus 
mnnmos  velit,  et  corruplorum  judieum  more  argen- 
ium  exigat,  ui  peccata  vendat.   Non  ila  est.  Prodesse 


3é4 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


que  l'espérance  est  fausse  et  trompeuse, 
quand  on  se  livre  au  péché  pendant  la  vie, 
séduit  par  ce  faux  préjugé,  qu'on  l'effacera 
à  la  mort  par  des  aumônes,  et  qu'on  évitera 
sa  condamnation,  non  parce  qu'on  est  juste, 
mais  parce  qu'on  est  riche.  Quoi  donc!  est-ce 
que  Dieu  n'exige  que  de  l'argent  de  la  part 
des  hommes,  et  non  des  bonnes  œuvres? 
Laisse-t-il  aux  pécheui's  cette  ressource  cer- 
taine, qu'avec  de  l'argent  ils  rachèteront  leurs 
hiiquités  sans  autre  expiation  ?  Dieu  est-il 
donc  un  juge  qu'il  soit  facile  de  gagner  en 
lui  donnant  de  l'argent,  pour  éviter  la  peine 
due  aux  crimes?  Il  n'en  est  pas  ainsi.  L'au- 
mône est  une  vertu  dont  les  chrétiens  reti- 
rent de  grands  avantages  ;  mais  ils  ne  sont 
pas  pour  ceux  qui  vivent  mal,  parce  qu'ils 
comptent  sur  les  aumônes  qu'ils  feront  à  la 
mort,  ni  pour  ceux  qui  se  persuadent  faus- 
sement que  c'est  un  moyen  sûr  d'expier  en 
un  moment  les  plus  grands  crimes.  L'aumône 
est  utile  pour  ceux  qui,  ayant  été  menés  trop 
loin  par  la  vivacité  de  la  jeunesse,  qui,  ayant 
été  éblouis  parl'erreur,  ou  séduits  par  l'igno- 
rance, ou  entraînés  par  la  fragilité,  revien- 
nent entîn  à  eux-mêmes,  et  travaillent  à  re- 
prendre des  forces,  comme  on  fait  après  une 
maladie.  La  seule  différence  qu'il  y  a,  c'est 
que  les  malades  qui  ont  recouvré  la  santé  du 
corps  se  réjouissent,  et  que  les  pénitents, 
après  avoir  recouvré  la  santé  de  l'âme,  pleu- 
rent par  le  sentiment  d'une  sainte  componc- 
tion. Cette  différence  est  fondée  sur  la  raison. 
La  joie  du  malade  guéri,  vient  du  danger 
dont  il  voit  sa  vie  à  couvert.  La  douleur  du 
pénitentnaît  de  la  connaissance  qu'il  a  du  péril 
où  l'avait  jeté  son  égarement.  Il  faudrait,  s'il 
était  possible,  que  le  repentir  suivit  de  si 
près  la  faute  ou  plutôt  la  chute  du  pécheur, 
qu'il  n'en  restât  dans  peu  d'heures  aucune 
trace.  Du  moins,  doit-on  lui  inspirer  une 
grande  horreur  de  sa  situation,  aussilôt  qu'on 
la  connaît,  un  désir  vif  d'appliquer  un  salu- 
taire appareil  à  ses  plaies  et  d'arracher  au 
plus  tôt  le  trait  qui  l'a  blessé.  » 

Salvien  veut  qu'on  tente,  à  l'égard  des  pé- 
cheurs endurcis,  toutes  sortes  de  remèdes,  et 
condamne  comme  homicides  ceux  qui  ne  leur 
procurent  aucun  moyen  de  guérison.  11  dit 
que   les  moyens  d'expiation   sont   eu   petit 


nombre  et  difficiles  à  soutenir  dans  les  con- 
versions tardives.  «  Un  homme  mourant  pren- 
dra-t-il  la  résolution  d'humilier  sa  chair  sous 
le  cilice  et  sous  la  cendre,  afin  d'expier  par 
ces  mortifications  le  crime  de  ses  anciens 
plaisirs  ?  Comment  son  esprit  sera-t-il  même 
capable  de  sentiments  de  componction  dans 
un  corps  accablé  et  prêt  à  se  trouver  séparé 
de  son  âme?  La  seule  ressource  qui  lui  reste 
aux  approches  de  la  mort  pour  délivrer  son 
âme  du  feu  de  l'enfer,  est  de  faire  un  sacri- 
fice de  ses  richesses  temporelles,  suivant  en 
cela  le  conseil  que  le  prophète  Daniel  donna  Dan.  iv. 
au  roi  de  Babylone.  Mais  il  faut  que  son  sa- 
crifice soit  accompagné  de  larmes,  de  dou- 
leur, et  de  repentir  de  ses  fautes  :  sans  cela 
il  serait  rejeté,  l'affection  du  cœur  faisant  le 
prix  des  choses  devant  Dieu.  Car  ce  n'est  pas 
l'argent  qui  relève  l'éclat  de  la  foi,  c'est  la 
foi  qui  fait  agréer  l'oblation  de  l'argent.  L'au- 
mône n'efface  donc  pas  absolument  le  pé- 
ché ;  son  effet  est  de  rendre  le  pardon  plus 
facile  à  obtenir.  De  là  naît  la  nécessité  de 
prier  en  faisant  des  aumônes  tardives,  afin 
qu'elles  ne  soient  point  rejetées.  On  doit 
pleurer  en  faisant  si  tard  ce  qu'on  aurait  dû 
faire  de  meilleure  heure ,  et  faire  de  ce  re- 
tardement le  motif  de  la  pénitence.  Peut-être 
que  Dieu^  fléchi  alors  par  ces  dispositions,  de- 
viendra propice  au  pécheur.  »  Selon  Salvien, 
quand  les  bornes  de  nos  péchés  nous  sont 
inconnues,  nous  devons  offrir  à  Dieu  tout  ce 
que  nous  pouvons,  afin  que  si  notre  don 
n'est  pas  suffisant,  ce  qui  lui  manque  soit 
récompensé  par  notre  zèle.  Il  s'objecte  que 
le  prophète  conseilla  au  roi  de  Babylone  de 
beaucoup  donner.  A  quoi  il  répond  que  le 
sens  de  ce  conseil  était  que  ce  prince  ne 
pouvant  pas  distribuer  ses  Etats  aux  pauvres, 
il  devait  du  moins  leur  distribuer  l'argent  de 
son  trésor.  Il  dit  à  ceux  qui  faisaient  diffi- 
culté de  tout  donner,  qu'ils  doivent  juger  de 
la  satisfaction  par  le  nombre  et  l'énormité  de 
leurs  fautes,  et  ensuite  donner  de  quoi  satis- 
faire à  l'étendue  de  leur  dette.  «  Mais,  après 
avoir  pesé  et  examiné  vos  péchés,  vous  serez, 
leur  dit-il,  d'autant  plus  redevables  que  vous 
croirez  l'être  moins,  suivant  cette  maxime  de 
saint  Paul  :  Si  quelqu'un  s'estime  quelque  chose,  q^,  ^,^ 
quoiqu'il  ne  soit  rien,  Use  trompe  lui-même.  »  Il 


enim  Inrgitionem  plurimum  certum  est,  scd  non  illis 
qui  ultima  futurœ  largilionis  spe  maie  vivunl,  qui 
fiducia  redimendœ  immunitatis  scelera  commitiuni ; 
sed  illis  qui  decepii  aut  lubrico  œlatis,  aut  nubilo 
erroris,   aut    vitio  ignoranticB ,   aut   postremo   lapsu 


fragilitatis  humanœ,  resipiscere  tandem  quasi  post 
mortem  gravissimœ  infirniitatis  incipiuni  ;  in  uno  ian- 
tum  modo  a  se  dispares,  quod  illi  gaudeni  postquam 
evaserint  œgriludinem,  isii  plangunt  postquam  acce- 
perint  sanitaiem.  Salvian.,  lib.  I,  pag.  336. 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


[V^   SIÈCLE.] 

ajoute  que  l'on  ne  peut  point  prendre  à  la 
rigueur  l'avertissement  que  Daniel  donnait  à 
Nabucliodonosor.  «  Ce  prince  était  jeune 
alors  :  et  vous  à  qui  je  parle,  vous  devez  don- 
ner d'autant  plus  libéralement,  que  vous  ne 
pensez  à  donner  qu'à  l'extrémité  et  ayant 
déjà  la  mort  sur  les  lèvres.  » 

9.  Salvien  continue  dans  le  second  livre,  à 
montrer  la  nécessité  d'expier  les  pécbés  par 
l'aumône.  Il  étend  cette  obligation  aux  justes 
comme  aux  pécheurs,  avec  cette  différence, 
que  les  justes  n'ayant  point  de  péchés  à 
racheter  par  ces  sortes  de  largesses ,  ils 
doivent  les  employer,  ou  pour  mériter  des 
grâces,  ou  pour  acquitter  d'autres  dettes.  Il 
pose  pour  principe  que  tout  homme,  quelque 
juste  qu'il  soit,  est  redevable  à  Dieu  d'une  in- 
finité de  choses  :  de  la  naissance,  des  aliments, 
de  l'éducation,  de  sa  rédemption  par  le  sang 
de  Jésus-Christ, et  d'un  grand  nombre  d'autres 
bienfaits  ;  d'où  il  suit  que  le  justequi  donne 
l'aumône,  ne  fait  pas  tant  un  présent,  qu'il 
paie  une  dette.  On  dira  peut-être  qu'il  est 
bien  vrai  que  les  saints  sont  redevables  à 
Dieu,  mais  que  les  dettes  des  gens  du  monde 
qui  ont  beaucoup  péché,  sont  aussi  beaucoup 
plus  grandes.  Avant  de  s'expliquer  sur  ce 
point,  Salvien  déclare  qu'il  ne  parlera  que  des 
personnes  de  piété  qui  ne  se  sont  point  dé- 
pouillées de  leurs  biens.  Après  quoi  il  décide 
qu'il  est  besoin  que  l'aumône  accompagne 
les  autres  vertus  dans  ceux  qui  aspirent  à  la 
perfection.  Il  convient  qu'avant  la  loi,  il  était 
permis  d'acquérir  et  de  conserver  des  ri- 
chesses, et  que  ce  droit  subsista  même  en 
son  entier  après  la  loi,  qui  ne  défendait  pas 
de  posséder  des  biens,  pourvu  que  l'acquisi- 
tion en  eût  été  juste  :  «  Alors,  dit-il,  les  gens 
de  bien  conservaient  leurs  richesses,  en  se 
renfermant  dans  les  bornes  d'un  usage  légi- 
time. Mais,  depuis  l'Evangile,  nos  devoirs  à 
l'égard  de  Dieu  sont  plus  étendus,  parce  que 
les  bienfaits  que  nous  avons  reçus  sont  plus 
grands.  Ce  ne  sont  pas  seulement,  selon  l'a- 
pôtre, des  richesses  périssables  que  nous  de- 
vons à  Dieu;  les  tribulations,  les  périls,  la 
faim,  le  glaive,  les  tourments,  notre  sang, 
notre  vie  :  tout  cela  entre  dans  ce  que  nous 
devons  faire  ou  souffrir  afin  de  lui  marquer 
notre  reconnaissance.  Ainsi  les  justes,  en  ne 
donnant  que  leurs  biens  temporels,  ne  satis- 
font qu'en  partie,  puisqu'ils  se  doivent  eux- 
mêmes  à  Dieu.  1)  Il  prescrit  les  devoirs  d'une 
veuve  qui  veut  vivre  avec  piété  en  Jésus- 
Christ,  ceux  des  personnes  mariées,  ceux  des 


365 


vierges  et  ceux  des  ministres  des  autels.  «Les 
dignités  sans  mérite  sont  des  titres  vains  : 
c'est  un  devoir  des  prêtres  de  n'être  pas 
moins  élevés  par  leurs  vertus,  qu'ils  le  sont 
par  le  rang  qu'ils  tiennent  dans  l'Eglise.  Dans 
cette  place,  on  doit  faire  réflexion  que  si  Dieu 
a  prescrit  des  règles  de  perfection  si  sublimes 
pour  le  commun  des  fidèles  et  pour  un  sexe 
faible  et  infirme,  la  loi  exige  une  perfection 
bien  plus  grande  de  ceux  qu'il  destine  à 
rendre  les  autres  parfaits  et  à  leur  servir  de 
modèle.  Il  était  défendu  aux  apôtres  de  por- 
ter ni  or  ni  argent,  pas  même  un  bâton  pour 
se  soutenir  dans  les  voyages.  Comment  pour- 
ra-t-on  excuser  dans  les  diacres  et  dans  les 
prêtres,  qui  senties  successeurs  des  apôtres, 
d'avoir  de  grands  biens  et  de  laisser  de  ri- 
ches successions  à  leurs  héritiers?  N'est-ce 
pas  assez  de  mépriser  Dieu  pendant  notre 
vie,  sans  étendre  ce  mépris  jusqu'après  notre 
mort?  La  piété  ne  décharge  pas  du  devoir 
de  faire  l'aumône;  au  contraire,  elle  l'aug- 
mente. Vous  direz  peut-être  qu'en  ce  cas  la 
condition  des  gens  du  monde  est  plus  heu- 
reuse que  celle  des  justes?  C'est  une  erreur; 
l'obligation  est  la  même  pour  l'un  et  pour 
l'autre;  les  motifs  seuls  en  sont  différents.  Le 
juste  doit  s'acquitter  du  devoir  de  l'aumône, 
parce  qu'il  est  instruit  de  la  volonté  du  maî- 
tre qui  l'ordonne  ;  le  mondain,  parce  qu'il  a 
négligé  de  s'en  instruire.  »  Salvien  descend 
dans  le  détail  des  avantages  de  l'aumône. 
Après  quoi  il  réfute  les  vains  prétextes  que 
l'on  allègue  ordinairement  pour  s'en  dispen- 
ser. Il  ne  s'oppose  point  aux  soulagements 
que  demandent  le  sexe,  l'âge,  la  mauvaise 
santé  ;  mais  il  veut  qu'on  les  accorde  sans 
aller  au-delà  du  nécessaire,  afin  que  tout  ce 
qui  est  superflu  soit  employé  en  bonnes  œu- 
vres. Il  fait  sentir  l'imprudence  des  riches, 
qui  aiment  mieux  employer  leurs  biens  à 
rendre  les  autres  heureux,  qu'à  se  procurer 
à  eux-mêmes  une  félicité  éternelle.  «  De  là 
vient,  dit-il,  que  les  avares  ont  moins  à 
craindre  de  leurs  ennemis  que  d'eux-mêmes. 
La  haine  des  hommes  à  leur  égard,  finit  avec 
la  vie  ;  celle  que  les  avares  ont  pour  eux- 
mêmes,  va  jusqu'après  la  mort.  » 

10.  Après  avoir  montré  dans  les  deux 
livres  précédents  que  l'aumône  est  un  devoir 
et  une  vertu  nécessaire  à  tous  les  chrétiens; 
qu'elle  fait  le  mérite  des  justes,  et  qu'elle  est 
le  remède  des  pécheurs,  Salvien  avance  dans 
le  second,  que  le  premier  et  le  plus  salutaire 
devoir  de  la  religion  pour  les  riches  consiste, 


Analyào  âa 
Irois.iime  li- 
vre, pag.  260. 


366 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dans  cette  vie,  à  distribuer  libéralement  lenrs 
richesses  par  le  motif  pur  de  la  gloire  de 
Dieu,  et  le  second  à  les  distribuer  à  la  mort, 
si,  empêché  par  la  crainte,  les  infirmités  ou 
la  nécessité,  onadifféréjusqu'alorsàlefaire. 
J'ai  des  enfants,  répondent  les  gens  du  monde: 
faut-il  que  je  les  dépouille?  Salvien  oppose  à 
ce  prétexte  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Celui 
qui  aime  son  fils  ou  sa  fille  plus  que  moi,  nest 
pas  digne  de  moi.  A  quoi  il  ajoute  que  quand 
il  serait  vrai  que  les  pères  qui  ont  des  enfants 
sont  excusables  par  la  tendresse  naturelle, 
ceux-là  ne  le  seraient  pas  qui,  n'ayant  point 
d'enfants,  cherchent  des  gens  à  qui  ils  puis- 
sent laisser  leurs  biens.  Il  fait  la  peinture  d'un 
homme  près  de  paraître  devant  le  tribunal  de 
Dieu.  «  Quoique  environné,  dit-il,  de  dangers 
si  effrayants,  on  le  voit  occupé,  non  de  son 
salut ,  mais  du  partage  de  ses  biens ,  entrer 
dans  le  détail  indigne  qui  lui  fait  léguer  à 
l'un  ses  terres ,  à  l'autre  ses  meubles ,  à  ce- 
lui-ci ses  esclaves ,  et  une  autre  partie  de  sa 
succession  à  celui-là.  Il  pense  au  moyen  de 
faire  mener  à  des  étrangers  une  vieheureuse, 
tandis  qu'il  est  sur  le  point  de  faire  une  mé- 
chante mort.  Je  ne  dis  pas,  continue  Salvien, 
qu'il  faille  manquer  d'attention  pour  les  inté- 
rêts de  ses  enfants  ,  mais  j'exhorte  les  chré- 
tiens à  avoir  plus  de  charité  pour  eux-mêmes 
et  à  se  procurer  tous  les  secours  qui  peuvent 
servir  au  salut  de  leurs  âmes.  C'est  une  affaire 
si  importante,  qu'elle  doit  l'emporter  sur  tous 
les  autres  devoirs.  »  Il  met  au  nombre  des 
charités  le  bien  qu'on  laisse  à  des  parents  ou 
à  des  amis  qui  sont  dans  l'indigence,  poui'vu 
que  Dieu  soit  le  motif  de  ces  libéralités.  Il  se 
plaint  du  choix  que  les  pères  et  mères  fai- 
saient de  ce  qu'il  y  avait  de  moins  estimable 
parmi  leurs  enfants  pour  les  consacrer  à  Dieu , 
etdece  qu'ils  neléguaientpas  également  leurs 
biens  à  ceux  de  leurs  enfants  qui  étaient  dans 
l'état  rehgieux  et  à  ceux  qui  restaient  dans  le 
monde.  A  quoi  servirait,  disait-on,  de  laisser 
beaucoup  de  biens  à  des  religieux?  «  Le  voici, 
répond  Salvien  :  à  remplir  tous  les  devoirs 
de  leur  état ,  à  faire  que  le  bien  de  la  reh- 
gion  augmentant,  ceux  qui  manquent  de  biens 
soient  secourus  par  ceux  qui  ont  du  patri- 
moine. Si  les  pères  et  mères  souhaitent  que 
leurs  enfants  soient  pauvres  ,  qu'ils  laissent 
au  supérieur  religieux  entre  les  mains  de  qui 
ils  sont,  le  soin  de  marquer  les  bornes  de  cette 
pauvreté.  Comme  alors  tout  sera  volontaire, 
la  vertu  en  aura  plus  de  mérite.  Qu'on  les 
abandonne  à  leur  piété ,  qu'on  leur  laisse 


choisir  la  pauvreté  par  goût,  et  qu'on  ne  les 
y  réduise  pas  par  nécessité.  Une  pauvreté 
forcée  a  plus  l'air  d'un  châtiment  que  d'une 
vertu.  En  user  ainsi  à  l'égard  de  ses  enfants, 
c'est  en  être  le  meurtrier,  c'est  violer  les 
droits  du  sang  et  de  la  nature.  Ne  serait-il  pas 
de  la  prudence  que  les  pères  et  mères  lais- 
sassent à  leurs  enfants  religieux  une  partie 
de  leurs  richesses  pour  être  employées  en 
bonnes  œuvres  dont  ils  partageraient  avec 
eux  le  mérite?  Ils  faisaient  tout  le  contraire, 
ne  leur  laissant  rien,  de  peur  qu'ils  n'eus- 
sent de  quoi  consacrer  à  Dieu.  C'était  leur 
donner  occasion  de  se  repentir  d'avoir  em- 
brassé une  condition  qui  les  rendait  méprisa- 
bles aux  yeux  mêmes  de  leurs  père  et  mère.  » 
Salvien  se  plaint  d'un  autre  abus.  Les  parents 
laissaient  à  leurs  enfants  rehgieux  les  reve- 
nus de  certains  fonds ,  à  condition  que  ces 
fonds  retourneraient  à  leurs  frères  qui  étaient 
restés  dans  le  monde.  Il  taxe  d'injuste  cette 
conduite,  disant  que  c'était  pour  ainsi  dire 
exclure  Dieu  de  leurs  successions,  en  ne  lais- 
sant la  propriété  de  rien  à  leurs  enfants.  «  C'é- 
tait la  coutume,  chez  les  Romains,  de  rendre 
la  liberté  aux  esclaves  après  un  certain  temps, 
et  cette  liberté  leur  donnait  droit  de  disposer 
de  leurs  biens  par  testament.  Le  contraire  ar- 
rivait chez  les  chrétiens  qui  retranchaient  à 
leurs  enfants  religieux  la  propriété  de  leur 
patrimoine,  puisque  c'était  les  priver  du  droit 
d'en  disposer  par  testament.  Ainsi  les  en- 
fants religieux,  de  libres  qu'ils  étaient,  deve- 
naient esclaves;  au  lieu  que  chez  les  Romains 
les  esclaves  devenaient  hbres.  La  rehgion, 
parmi  les  chrétiens,  devenait  un  crime,  et  les 
pères  ne  reconnaissaient  plus  leurs  enfants 
que  comme  des  étrangers,  parce  qu'ils  avaient 
commencé  à  être  enfants  de  Dieu.  Mais, 
disait-on  ,  à  qui  les  enfants  rehgieux  laisse- 
raient-ils leur  patrimoine  ?  Ils  s'en  serviraient 
pour  eux-mêmes,  répond  Salvien;  ils  s'en 
serviraient  pour  assurer  leur  salut,  pour 
rendre  plus  certaine  leur  espérance  en  Dieu.» 
ll.dAureste,  ces  paroles  de  l'Ecriture  :  Ne 
vous  faites  point  de  trésors  sur  la  terre,  mais 
dans  le  ciel,  sont  pour  les  gens  du  monde 
comme  pour  les  religieux,  pour  ceux  qui  ont 
des  enfants  comme  pour  ceux  qui  n'en  ont 
pas.  Parmi  le  grand  nombre  de  fidèles  dont 
il  est  dit  dans  le  livre  des  Actes  que  ce  qu'ils 
avaient  était  commun  entre  eux,  il  y  en  avait 
sans  doute  qui  avaient  des  enfants  ;  cela  les 
empêchait-il  de  mettre  leurs  biens  en  com- 
mun, de  vendre  leurs  terres  et  leurs  maisons 


Suite 
troisième 
vre,  pag.  28J 

Matlli.  Tl. 

Act.  IV. 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEJLLE. 


[V=  SIÈCLE.] 

et  d'en  apporter  le  prix  aux  pieds  des  apôtres 
pour  le  soulagement  des  pauvres?  C'est  un 
amour  insensé  d'aimer  les  autres  en  se  per- 
dant. Le  père  ne  portera  pas  l'iniquité  de  son 
fils,  et  le  fils  ne  portera  pas  celle  de  son  père. 
Les  richesses  des  héritiers  ne  diminueront 
point  le  feu  où  brûleront  ceux  qui  les  ont 
laissées.  A  quoi  servirent  au  mauvais  riche 
les  richesses  qu'il  avait  laissées  à  ses  frères? 
Purent-elles  lui  obtenir  une  goutte  d'eau 
pour  se  rafraîchir?  La  bonne  chère  que  fai- 
saient ses  héritiers,  et  leurs  plaisirs  assaison- 
né? de  tout  ce  que  la  volupté  invente,  lui 
procuraient-ils  de  la  consolation  ?  Non .  Insen- 
sible à  tout  le  reste ,  il  n'était  occupé  que  de 
son  malheur  et  de  son  supplice.  » 

Salvien  détaille  les  excès  où  les  gens  du 
monde,  et  quelquefois  même  des  personnes 
consacrées  à  Dieu,  se  portent  pour  enrichir 
leurs  héritiers ,  léguant  même  à  des  étran- 
gers des  trésors  qu'ils  auraient  dû  faire  ser- 
viraleurpropreredemption.il  montre  qu'une 
vanité  ridicule  est  le  motif  de  beaucoup  de 
testaments,  et  que  souvent  un  homme  de 
basse  naissance  rappelle  comme  parents  des 
personnes  de  qualité,  pour  se  donner  de  l'é- 
clat en  mourant.  «  Ne  pas  assurer  son  salut 
par  de  bonnes  œuvres,  c'est,  ajoute-t-il,  être 
persuadé  ou  que  l'on  ne  ressuscitera  pas  au 
dernier  jour,  ou  que  Dieu  ne  jugei'a  pas  les 
hommes  selon  ce  qu'ils  auront  fait  de  bien 
ou  de  mal.  Saint  Paul  assure  toutefois  que 
l'homme  recueillera  ce  qu'il  aura  semé,  et 
que  celui  qui  sème  peu  moissonnera  peu; 
qu'au  contraire,  celui  qui  sème  avec  abon- 
dance moissonnera  aussi  avec  abondance. 
C'est  aux  riches  qu'il  est  dit  :  Allez,  vendez  ce 
que  vous  avez,  donnez-en  le  prix  aux  pauvres, 
et  vous  aurez  un  trésor  dans  le  ciel,  n  Salvien 
leur  fait  voir  que  souvent  il  ne  leur  reste  à  la 
mort  qu'une  seule  ressource  pourleur  salut,  et 
qu'elle  consiste  à  offrir  à  Dieu  leurs  richesses, 
n'ayant  plus  rien  qu'ils  puissent  lui  offrir.  Il 
les  détrompe  sur  les  marques  d'amitié  qu'ils 
reçoivent  dans  ce  moment  de  la  part  de  leurs 
proches,  v  Ces  larmes,  leur  dit-il,  ces  soupirs, 
cette  inquiétude  que  font  paraître  ceux  qui 
environnent  le  moribond ,  naissent ,  non  du 
désir  que  l'on  a  de  le  voir  recouvrer  la  santé, 
mais  de  la  crainte  qu'il  ne  meure  pas.  Ces 
yeux  agités  et  toujours  tournés  vers  le  ma- 
lade sont  autant  de  reproches  qu'on  lui  fait 
de  sa  trop  longue  agonie;  si  l'on  fait  des 
vœux  pour  lui,  ce  sont  des  voé'ux  de  mort  et 
non  de  convalescence.  « 


367 


12.  Il  montre  dans  le  quatrième  livre  que 
les  justes  et  les  pécheurs  ont  également  be- 
soin de  finir  leur  vie  par  de  bonnes  œuvres. 
«La  raison  en  est  sensible  :  étant  sur  le  point 
de  paraître  devant  son  juge  ,  peut-on  pren- 
dre trop  de  précaution  pour  se  le  rendre  fa- 
vorable ?  Si  l'on  a  fait  du  bien  pendant  le 
reste  de  sa  vie,  ne  doit-on  pas  craindre  de  se 
démentir  à  la  mort,  de  peur  d'être  trouvés 
de  Dieu  moins  bons  qu'en  un  autre  temps?» 
La  conséquence  qu'il  en  tire  est  qu'on  doit 
alors ,  surtout  quand  on  est  riche  ,  faire  des 
largesses  aux  pauvres,  grandes  à  proportion 
des  bienfaits  que  l'on  a  reçus  de  Dieu.  A 
l'objection  que  Dieu  n'a  pas  besoin  des 
dons  de  l'homme,  il  répond  :  «  Gela  est  vrai, 
à  ne  considérer  que  sa  puissance;  sa  gran- 
deur le  met  au-dessus  des  besoins;  en  lui- 
même  rien  ne  lui  manque.  Mais  au  dehors  il 
est  dans  l'indigence  ,  c'est-à-dire  dans  les 
pauvres  qui  sont  ses  membres.  Riche  par  sa 
toute-puissance,  il  est  pauvre  par  sa  miséri- 
corde. Parmi  les  pauvres  ordinaires,  il  n'en 
est  point  qui  soutfre  seul  la  pauvreté  de  tous 
les  autres,  ou  qui  manque  en  même  temps 
de  toutes  choses.  Jésus -Christ  est  le  seul  à 
qui  tous  les  biens  et  toutes  les  commodités 
de  la  vie  manquent  à  la  fois.  Aucun  de  ses 
serviteurs  n'est  dans  l'exil,  ne  souffre  le  froid, 
la  nudité,  la  persécution^  la  faim,  la  soif, 
qu'il  n'en  partage  avec  lui  la  peine  et  l'in- 
commodité. 11  y  a  donc  de  la  dureté  et  de 
l 'ingratitude  aux  riches  qui  se  trouvent  à  l'ar- 
ticle de  la  mort,  de  ne  penser  qu'à  enrichir 
des  hommes  qui  vivent  dans  les  délices,  et 
non  à  soulager  la  misère  que  Jésus-Christ 
souffre  dans  les  pauvres.  »  Il  représente  à  ces 
riches  qu'en  méprisant  ainsi  Jésus-Christ 
pauvre,  ils  ne  peuvent  attendre  de  lui  que  du 
mépris  dans  l'autre  vie;  qu'en  vain,  étant 
cités  devant  son  tribunal,  ils  voudront  se  van- 
ter d'avoir  gardé  la  tempérance,  la  loi  du 
jeûne  et  les  autres  préceptes  de  l'Evangile, 
le  défaut  seul  de  miséricorde  envers  les  pau- 
vres sera  le  motif  de  la  sentence  qui  les  con- 
damnera au  feu  éternel.  «Vous  serez,  leur 
dit-il ,  jugés  comme  vous  aurez  jugé  ,  et  vos 
préférences  sei'ont  la  règle  de  votre  destinée. 
Vous  avez  donné  aux  riches  et  refusé  aux 
pauvres.  Vous  ne  serez  point  avec  Jésus- 
Christ  que  vous  aurez  méprisé  ,  mais  vous 
serez  avec  ceux  que  vous  avez  plus  aimés 
que  lui.  » 

Tel  est ,  en  substance  ,  l'ouvrage  de  Sal- 
vien, intitulé  :  Timothée.  On   ne  doute  pas 


Annlyso  du 
qijalrrÈiii6  li- 
vre, png.  30J. 


368 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


que  ce  ne  soit  le  même  que  Gennade  lui  at- 
tribue contre  l'avarice,  et  qu'il  dit  être  divisé 
en  quatre  livres  '.  Le  zèle  avec  lequel  Sal- 
vien  combat  ce  vice ,  surtout  dans  ceux  qui 
sont  si  attachés  aux  richesses,  que  même  à 
l'heure  de  la  mort,  ils  ne  pensent  pas  à  les 
donner  aux  pauvres  pour  racheter  leurs  pé- 
chés, a  fait  dire  à  quelques-uns  qu'il  était 
tombé  dans  l'excès,  jusqu'à  ne  vouloir  pas 
qu'un  père  puisse,  sans  péché,  laisser  même 
une  partie  de  son  bien  à  ses  enfants;  mais 
nous  avons  remarqué  qu'il  trouve  bon  que 
les  pères  et  mères  laissent  du  bien  à  leurs 
enfants,  quand  ceux-ci  ne  sont  point  dans 
l'opulence;  que  d'ailleurs  ses  invectives  tom- 
bent principalement  sur  les  riches  qui,  ayant 
vécu  jusqu'à  la  mort  dans  une  espèce  d'ou- 
bli de  Dieu  et  d'inattention  à  leur  salut,  n'ont 
d'autres  moyens,  à  l'extrémité  de  leur  vie, 
pour  fléchir  la  justice  de  Dieu,  que  de  rache- 
ter leurs  péchés  par  l'aumône  ;  enfin  qu'il  en 
veut  surtout  à  ceux  qui  choisissent  pour  leurs 
héritiers  des  personnes  d'une  vie  déréglée, 
et  qui,  selon  toutes  les  apparences,  feront  un 
mauvais  usage  des  successions  qu'ils  leur 
laissent.  Il  n'ignorait  pas  que  la  morale  ré- 
pandue dans  son  ouvrage  ne  dût  paraître 
trop  sévère  à  beaucoup  de  personnes.  «Mais 
est-ce  à  nous,  dit-il ,  de  changer  l'ordre  des 
choses?  Ou  ne  va  au  ciel  que  par  les  choses 
pénibles;  il  est  donc  indigne  d'un  chrétien 
de  trouver  la  loi  de  l'Evangile  trop  sévère, 
puisque,  quoi  qu'il  fasse  pour  la  féhcité  du 
ciel,  tout  est  vil  en  comparaison  de  cette  ré- 
compense. Toutes  les  lois  du  christianisme 
trouvent  des  ennemis  qui  les  combattent. 
Dieu  ordonne-t-ill'aumône,  l'avare  murmure; 
ordonne-t-il  l'économie ,  le  prodigue  secoue 
le  joug  qui  le  gêne.  La  restitution  révolte  le 
ravisseur  du  bien  d'autrui.  L'humilité  est  un 
objet  d'horreur  pour  le  superbe;  la  tempé- 
rance l'est  pour  les  débauchés,  et  la  chasteté 
pour  les  libertins.  En  fait  donc  de  religion, 
il  faut  garder  le  silence  ou  s'attendre  à  trou- 
ver des  contradicteurs  par  les  hommes  domi- 
nés par  quelque  passion.  Que  doivent  faire, 
dans  cette  extrémité,  ceux  que  leur  ministère 
oblige  de  parler?  S'ils  se  taisent,  ils  pèchent 
contre  Dieu;  s'ils  parlent,  ils  sont  haïs  des 
hommes.  Mais  il  vaut  mieux  obéir  à  Dieu 
qu'aux  hommes.  »  Salvienajoute  que  lemoyen 
de  ne  pas  trouver  la  vérité  dure,  c'est  de 


n'être  pas  dur.  «Car  tous  ceux  qui  haïssent  la 
loi  de  Dieu ,  ont  en  eux-mêmes  la  cause  de 
cette  aversion.  Le  dégoût  ne  vient  point  de 
la  loi,  mais  de  la  corruption  de  l'homme.  La 
loi  est  bonne ,  mais  les  mœurs  des  hommes 
sont  corrompues.  C'est  donc  à  eux  à  changer 
leurs  affections  et  leurs  inclinations.  Quand 
elles  seront  réglées,  la  loi  de  Dieu  leur  de- 
viendra aimable,  parce  que  dès  qu'un  homme 
devient  bon,  il  ne  peut  pas  ne  point  aimer  la 
loi  de  Dieu ,  qui  est  en  elle-même  ce  que  le 
juste  est  dans  ses  mœurs,  c'est-à-dire  sainte.» 

13.  Le  second  ouvrage  de  Salvien  est  ce- 
lui qui  est  intitulé  :  Su?'  la  Providence,  ou  de 
la  Justice  du  jugement  que  Dieu  exerce  pré- 
sentement sur  les  hommes.  C'est  sous  ce  der- 
nier titre  que  Gennade  paraît  l'avoir  connu  2. 
Salvien  l'écrivit  peu  de  temps  après  la  dé- 
faite de  Litorius  ^  et  la  prise  de  Carthage  *, 
arrivées  l'une  et  l'autre  en  439.  Il  l'adressa  à 
l'évêque  Salone,  son  disciple,  à  qui  il  té- 
moigne que  ne  voulant  pas  imiter  la  plupart 
des  écrivains,  qui  songent  plus  à  se  faire 
honneur  parleurs  écrits  qu'à  se  rendre  utiles 
à  leurs  lecteurs,  il  ne  veut  agir,  dans  le  sien, 
par  d'autres  motifs  que  de  remédier  aux  maux 
présents ,  c'est-à-dire  d'engager  ses  lecteurs 
à  proflter  des  calamités  publiques  pour  leur 
salut. 

14.  Ces  calamités  étaient  montées  jusqu'à 
un  tel  point  dans  l'empire  romain,  qu'elles 
faisaient  murmurer  contre  Dieu  et  ceux  qui 
n'avaient  point  de  foi  et  ceux  qui  n'en  avaient 
qu'une  faible ,  en  sorte  que  l'on  voyait  des 
chrétiens  se  plaindre  hautement  que  Dieu  ne 
prenait  pas  soin  des  hommes,  qu'il  ne  se  met- 
tait en  peine  ni  de  protéger  les  bons,  ni  de 
punir  les  méchants;  que  de  là  venait  qu'on 
voyait  si  souvent  les  justes  malheureux  et  les 
pécheurs  dans  la  prospérité.  Ce  fut  pour  ré- 
pondre à  ces  plaintes  que  Salvien  entreprit 
son  ouvrage.  Il  semble  que  du  temps  de  Gen- 
nade il  n'ait  été  divisé  qu'en  cinq  livres  :  il 
l'est  aujourd'hui  en  huit;  mais  il  ne  paraît 
pas  que  cette  distribution  soit  originale,  et  il 
s'est  pu  faire  qu'on  l'aurait  distribué  ainsi 
depuis  Gennade.  Car,  si  l'on  excepte  le  com- 
mencement des  troisième  et  septième  livres, 
il  n'y  a  rien  qui  fasse  voir  en  quelle  manière 
ils  ont  été  partagés  par  Salvien.  Il  remarque 
d'abord  que  les  anciens  philosophes,  comme 
Pythagore,  Platon  et  les  disciples  de  l'un  et 


Livre  do' 
Salvien  sur  la: 
PiovidCDCe, 


Analyse  c 
premier  livre, 
pag.  4 ,  êdit. 
Paris.,  1C63. 


'  Gennad.,  de  Vir.  iltust.,  cap. 
2  Gennad. j  ibid. 


s  Salv.j  lib.  VII,  pag.  167. 
<•  Lib.  VIII,  pag.  195. 


[y=  siècle.] 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


369 


de  l'autre ,  de  même  que  les  stoïciens ,  ont 
reconnu  une  providence  qui  donne  une  atten- 
tion continuelle  à  tout  ce  qui  se  passe  sur  la 
terre,  et  qui  ne  cesse  jamais  d'en  prendre 
soin;  que  les  épicuriens  seuls  ou  quelques 
libertins  aussi  dépourvus  de  bon  sens  qu'eux, 
ont  prétendu  que  la  paresse  et  l'inaction 
étaient  le  caractère  de  la  divinité.  Ensuite  il 
fait  voir  que  ce  que  l'on  appelait  malheurs  et 
calamités,  ne  l'était  point  à  l'égard  des  justes, 
et  que  ces  choses  ne  détruisaient  pas  la  tran- 
quillité qu'ils  sentent  au  fond  du  cœur.  «  Etre 
heureux,  dit-il,  c'est  pouvoir  faire  sans  con- 
trainte ce  que  l'on  souhaite.  Jugeons  des 
justes  sur  ce  principe.  Ils  sont  dans  Thumi- 
liation,  mais  c'est  par  choix  et  non  par  né- 
cessité. Ils  sont  pauvres,  mais  ils  aiment  la 
pauvreté.  S'ils  ne  sont  pas  dans  des  degrés 
d'honneur,  s'ils  ne  brillent  pas  dans  les  char- 
ges, c'est  qu'ils  ne  sont  point  ambitieux  et 
qu'ils  fuient  l'élévation.  Ils  pleurent,  ils  sont 
infirmes;  mais  ils  aiment  leurs  larmes  et  leurs 
infirmités,  sachant  que  la  vertu  se  perfec- 
cor.  XII.  tionne  dans  la  faiblesse ,  ainsi  que  Jésus-Christ 
le  dit  à  saint  Paul.  Pourquoi  donc  se  décou- 
rager dans  les  afflictions ,  puisqu'on  sait 
qu'elles  sont  la  source  des  vertus  ?  »  La  consé- 
quence que  Salvien  tire  de  ce  raisonnement, 
c'est  qu'il  n'y  a  que  les  gens  de  bien  qui 
soient  heureux,  les  maux,  les  peines,  les  tri- 
bulations ne  pouvant  être  un  malheur  pour 
ceux  qui  les  aiment.  Il  est  vrai  que  ceux  qui 
dans  le  monde,  ont  le  moyen  de  satisfaire 
leurs  passions  déréglées,  passent  pour  être 
heureux;  mais  c'est  une  fausse  et  une  trom- 
peuse félicité,  de  jouir  de  ce  que  l'on  devrait 
détester. 

Salvien  demande  s'il  serait  raisonnable  de 
dire  que  les  Fabius,  les  Fabricius  et  les  autres 
illustres  Romains  qui  méprisaient  les  riches- 
ses, ont  été  malheureux  dans  leur  pauvreté, 
eux  qui  n'avaient  d'empressement  que  pour 
l'utilité  publique,  eux  qui  ne  craignaient  pas 
de  s'appauvrir  pour  enrichir  l'Etat.  Sans 
connaître  le  vrai  Dieu ,  ils  méprisaient  des 
richesses  que  les  chrétiens  ont  appris  à 
mépriser  de  Jésus-Christ  même.  D'autres 
anciens  Romains,  mettant  la  perfection  de 
leur  philosophie  dans  le  mépris  de  la  dou- 
leur et  de  la  mort ,  ont  prétendu  que  leur 
sage  était  heureux  dans  les  fers  et  dans  les 
tourments.  S'ils  ont  pensé  ainsi ,  serait-on 
raisonnable  de  regarder  comme  malheu- 
reux des  chrétiens  qui  sont  soutenus  dans 
les  afflictions  par  la  joie  intérieure  que  la 
X. 


foi  et  l'espérance  entretiennent  au  fond  de 
leur  cœur. 

S'il  y  a  une  pro^àdence,  disait  un  libertin, 
d'où  vient  que  tant  de  personnes  qui  vivent 
dans  la  débauche,  sont  à  l'abri  des  adversi- 
tés, tandis  que  ceux  qui  mènent  une  vie  irré- 
prochable sont  accablés  de  faiblesses  et  d'in- 
firmités? Salvien  répond  qu'ils  n'en  sont 
chargés  que  parce  qu'à  l'exemple  de  saint 
Paul,  ils  châtient  leur  corps  et  le  réduisent  en 
servitude ,  dans  la  crainte  d'être  réprouvés. 
Les  infirmités  du  corps  des  justes  sont  des 
marques  de  l'amour  et  non  pas  de  la  négli- 
gence du  Créateur.  S'ils  ont  encore  pour  leur 
partage  les  chaînes,  les  tourments  et  la  mort 
même,  ils  éprouvent  en  cela  le  sort  et  la  des- 
tinée des  prophètes  et  des  apôtres.  Les  uns 
ont  gémi  dans  une  longue  captivité ,  les  au- 
tres ont  expiré  dans  les  tourments.  On  ne 
peut  néanmoins  douter  que  Dieu ,  pour  qui 
ils  souffraient,  ne  les  chérit  alors  et  ne  prît 
soin  d'eux.  Salvien  prouve  la  providence  de 
Dieu  par  la  providence  humaine  qui  se  trouve 
dans  les  hommes.  «  Celle  de  Dieu  fait,  dit-il, 
à  l'égard  du  monde  entier,  ce  que  l'âme  fait 
dans  le  corps.  Dieu  a  soumis  à  l'autorité,  à 
la  prudence,  à  la  force  et  au  pouvoir  de 
l'homme,  non-seulement  les  empires  et  les 
états,  le  maniement  des  affaires  civiles  et  le 
commandement  des  armées;  il  l'a  encore 
chargé  de  la  conduite  d'une  famille.  Il  en  use 
de  la  sorte  pour  nous  marquer  qu'il  a  de  tout 
l'univers  un  soin  semblable  à  celui  que  les 
hommes  prennent  d'une  partie  des  créa- 
tures. » 

Les  impies  répondaient'que  Dieu,  au  com- 
mencement du  monde  ,  avait  mis  dans  les 
choses  un  certain  ordre  qui  devait  durer  tou- 
jours. «  Si  cela  est,  répond  Salvien,  que  de- 
viendra la  religion?  En  vain  nous  tendons  i^m.  n. 
chaque  jour  les  mains  vers  le  ciel.  C'est 
ôter  la  nécessité  de  prier,  que  d'ôler  l'espé- 
rance d'obtenir.  Quelle  a  donc  été  l'intention 
de  saint  Paul,  quand  il  a  ordonné  d'offrir 
chaque  jour  dans  l'Eglise  des  prières  à  Dieu, 
des  supplications  et  des  demandes  pour  la 
tranquillité  de  la  vie  et  afin  que  les  chrétiens 
vécussent  dans  toute  sorte  de  piété  et  d'hon- 
nêteté?» Pour  donner  des  marques  sensibles 
delà  providence,  Salvien  en  cite  plusieurs 
exemples  auxquels  on  ne  pouvait  se  refuser. 
Dieu,  après  avoir  créé  Adam,  le  met  dans  le 
paradis  terrestre,  et  il  l'en  chasse  du  moment 
qu'il  devient  coupable.  Là,  c'est  la  sagesse 
de  Dieu  qui  conduit  l'homme  dans  son  éta- 

24 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


370 

blissement;  ici,  c'est  la  justice  qui  agit  en 
bannissant  un  criminel.  Il  prouve  la  même 
chose  par  la  conduite  que  Dieu  tint  à  l'égard 
de  Caïn,  après  qu'il  se  fut  rendu  coupable; 
et  à  l'égard  des  hommes  qui  périrent  par  le 
déluge,  il  est  dit  premièrement,  dans  l'Ecri- 
ture, que  Dieu  vit  la  malice  des  hommes;  se- 
condement ,  qu'il  fut  touché  de  douleur  jus- 
qu'au fond  du  cœur;  en  troisième  lieu,  qu'il 
résolut  d'exterminer  l'homme  qu'il  avait  créé. 
;(Dieu  voit  toutes  choses,  voilà  qui  démontre 
sa  vigilance;  il  sent  de  la  douleur,  voilà  la 
marque  de  son  indignation  ;  il  punit,  voilà  la 
sévérité  d'un  juge.  Dieu  parle  à  Abraham, 
lui  ordonne  de  sortir  de  son  pays,  d'aller  ha- 
biter dans  une  autre  province,  d'immoler  son 
fils.  Dans  toutes  ces  circonstances  on  doit  re- 
garder Dieu  comme  voyant  tout  et  disposant 
de  tout,  comme  un  protecteur,  comme  un 
conducteur,  comme  un  rémunérateur.  Il  pa- 
raît aussi  comme  juge  et  vengeur  dans  la  pu- 
nition de  l'attentat  que  l'on  fit  à  la  chasteté 
de  Sara.  Dieu  ne  parut  pas  moins  juge  dès 
ce  monde ,  par  la  conduite  qu'il  tint  dans  le 
châtiment  des  crimes  de  Sodome.  Sa  provi- 
dence paraît  aussi  bien  marquée  dans  la  dé- 
vrance  des  Hébreux  par  le  ministère  de  Moïse, 
dans  ce  qui  leur  arriva  pendant  le  temps  qu'ils 
furent  dans  le  désert,  et  dans  la  manière  dont 
il  leur  donna  sa  loi.  On  dira  peut-être  qu'il 
prenait  alors  un  soin  particulier  des  hommes, 
mais  qu'il  a  cessé  de  le  prendre.  Sur  quoi 
peut  être  fondée  une  objection  de  cette  na- 
ture? Dira-t-on  que  la  manne  ne  tombe  plus 
sur  la  terre?  Il  est  vrai,  mais  les  campagnes 
sont  couvertes  de  riches  moissons.  Dira-t-on 
que  les  eaux  ne  coulent  plus  par  miracle  des 
rochers?  Mais  cette  perte  n'est-elle  pas  bien 
réparée  par  la  douceur  et  la  délicatesse  des 
vins?  On  sait  d'ailleurs  que  dans  le  temps  que 
Dieu  prenait  soin  de  nourrir  les  Hébreux  dans 
le  désert,  ils  regrettaient  les  viandes  et  les 
légumes  d'Egypte.  S'il  n'y  eut  qu'une  partie 
du  peuple  frappée  de  mort  pour  le  crime  du 
veau  d'or,  Dieu  fit  en  cela  éclater  sa  provi- 
dence. Comme  il  est  juste  et  miséricordieux, 
il  fît  d'un  côté  éclater  son  horreur  pour  le 
crime  par  sa  sévérité ,  et  de  l'autre  sa  bonté 
paternelle  pour  les  hommes,  en  retenant  son 
bras  vengeur.  En  châtiant  des  coupables,  il 
donne  à  ceux  qu'il  épargne  le  moyen  de  se 
corriger.  » 

Salvien  rapporte  ce  qu'on  lit  dans  l'Ecri- 
ture de  la  punition  de  Nadab  et  d'Abiu,  pour 
s'être  servi  d'un  feu  étranger  devant  le  Sei- 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

gneur;  de  la  punition  de  Marie,  sœur  de 
Moïse,  à  cause  de  ses  murmures  contre  son 
frère  et  de  plusieurs  autres  châtiments  ;  d'où 
il  tire  cette  conséquence,  que  si  Dieu  est  mi- 
séricordieux, il  est  également  juste  ;  que  s'il 
pardonne  à  quelques  pécheurs^  il  en  punit 
d'autres;  que  comme  juge  il  reprend,  il  punit 
les  prévaricateurs  et  récompense  ceux  dont 
la  vie  est  innocente. 

13.  Salvien  commence  le  second  livre  par 
un  grand  nombre  d'autorités  tirées  de  l'Ecri- 
ture, qui  montrent  que  Dieu  est  présent  à 
tout,  qu'il  gouverne  tout  et  qu'il  est  le  sou- 
verain juge  de  toutes  choses.  «  Les  yeux  du 
Seigneur,  dit  un  prophète^  sont  en  tous  lieux 
ouverts  sur  les  bons  et  sur  les  méchants;  ils  le 
sont  sur  ceux  qui  le  craignent  et  qui  espèrent  en 
sa  miséricorde;  et  ses  oreilles  sont  attentives  aux 
cris  des  justes.  Ils  considb-ent  aussi  ceux  gui 
font  le  mal,  pour  les  exterminer  et  pour  dé- 
truire jusqu'au  souvenir  de  leurs  noms.  Le 
regard  de  Dieu  est  universel  :  la  vertu  et  le 
vice  lui  font  produire  de  différents  effets.  Il 
conserve,  il  protège  les  justes  :  il  condamne, 
il  extermine  les  pécheurs.  Or  si  Dieu  voit 
tout,  on  doit  dire  qu'il  dispose  de  tout.  Re- 
garderait-il les  choses  pour  les  négliger? 
Non,  la  même  bonté  qui  le  porte  à  les  regar- 
der, l'engage  à  les  conserver.  Seigneur,  s'é- 
criait David,  écoutez  nos  voix,  vous  qui  régnez 
sur  Israël  et  qui  conduisez  la  postérité  de  Joseph, 
ainsi  qu'un  pasteur  conduit  ses  brebis.  Jésus- 
Christ  confirme  cette  doctrine  en  disant 
dans  l'Evangile  :  Je  suis  avec  vous  tous  les  jours 
jusqu'à  la  fin  dumonde.  On  voit  par  l'exemple 
de  David,  que  Dieu,  dès  cette  vie,  agit  en  juge 
et  en  protecteur  des  élus.  Ce  prince  innocent 
est  protégé  de  Dieu  contre  ceux  qui  le  per- 
sécutaient ;  mais  il  est  puni  lorsqu'il  devient 
pécheur.  Il  en  est  de  même  des  autres  saints  : 
ils  ont  été  châtiés  pour  leurs  fautes  par  un 
juste  jugement  de  Dieu  ;  mais  aussi  Dieu  les 
a  protégés  contre  leurs  persécuteurs.  »  Salvien 
dit  que,  pour  bien  concevoir  la  providence 
de  Dieu  envers  les  hommes,  il  faut  distin- 
guer entre  le  jugement  présent  et  le  juge- 
ment à  venir.  David  marque  l'un  et  l'autre; 
quand  il  s'agit  du  premier,  il  dit  :  Seigneur, 
vous  montez  sur  votre  trône,  et  vous  jugez  avec 
justice.  Lorsqu'il  est  question  du  second,  il 
dit  :  Dieu  jugera  le  monde  dans  la  justice. 

16.  S'il  est  vrai  que  les  soins  de  Dieu  s'é- 
tendent sur  tout  ce  qui  est  sur  la  terre,  et 
s'il  ne  s'y  fait  rien  que  par  ses  ordres  et  ses 
jugements,  pourquoi  les  Barbares  sont-ils 


[v<^  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XX. 

plus  heureux  que  nous?  Pourquoi,  parmi  les 
chrétiens  mêmes,  les  bons  sont-ils  plus  miil- 
heui'eux  que  les  méchants?  Pourquoi  les  mé- 
chants sont-ils  dans  la  prospérité,  pendant 
que  les  justes  sont  accablés  de  misère?  Pour- 
quoi voyons-nous  toute  la  terre  soumise  à 
d'injustes  puissances?  Ces  questions  sont  la 
matière  du  troisième  livre.  Salvien  répond 
premièrement  qu'il  ne  sait  pourquoi  les  cho- 
ses vont  ainsi;  que  c'est  un  mystère  et  un 
conseil  de  la  Divinité  qu'il  ignore.  Ce  doit 
être  assez  pour  dissiper  nos  doutes,  que  l'on 
montre  clairement  par  l'autorité  de  l'Ecri- 
ture, que  Dieu  est  auteur  de  tout  ce  qui  ar- 
rive ;  et  dès-lors  qu'on  est  persuadé  qu'une 
chose  vient  de  Dieu,  on  doit  avouer  qu'elle 
est  juste.  Il  répond  en  second  lieu  que,  sui- 
vant l'avertissement  que  l'Apôtre  donne  aux 
Thessaloniciens,  personne  ne  doit  s'ébranler 
pour  les  persécutions  qui  arrivent,  sachant 
que  c'est  à  quoi  nous  sommes  destinés.  Car 
s'il  est  vrai,  comme  l'assure  saint  Paul,  que 
nous  sommes  destinés  à  soufTrir  des  cha- 
grins, des  misères  et  des  afQictions,  il  ne  doit 
pas  être  étonnant  que  nous  soyons  exposés 
à  tant  de  maux,  nous  qui  sommes  engagés 
dans  une  milice  où  l'on  fait  profession  de 
toujours  souffrir.  Il  fait  voir  que  l'objection 
n'est  fondée  que  sur  un  faux  préjugé,  que 
les  biens  temporels  devraient  être  la  récom- 
pense de  la  foi,  et  que  les  chrétiens  étant 
plus  religieux,  devraient  aussi  être  plus  heu- 
reux que  le  reste  des  hommes.  Pour  détruire 
ce  préjugé,  il  explique  ce  que  c'est  que  la 
foi  et  quelles  en  sont  les  véritables  marques. 
«  La  foi  n'est  autre  chose  qu'une  pratique  fi- 
dèle des  commandements  de  Dieu.  Ce  qui 
sert  de  fondement  à  cette  foi,  c'est  la  voca- 
tion au  christianisme,  la  loi,  les  prophètes, 
l'Evangile,  les  écrits  des  apôtres,  le  don  de 
la  régénération,  le  baptême,  l'onction  sainte 
du  chrême.  Etre  fidèle,  c'est  observer  ce  qui 
est  prescrit  par  les  règles  de  la  foi.  Mais  où 
trouve-t-on  des  personnes  qui  en  remplissent 
les  devoirs?  Le  nombre  des  violateurs  de  la 
loi  évangélique  est  presque  infini.  Les  apô- 
tres, toutefois,  n'ont  rien  exigé  dans  leurs 
écrits  que  ce  qu'ils  ont  pratiqué  eux-mêmes.» 
Salvien  fait  une  peinture  abrégée  de  leur  vie 
laborieuse,  et  montre  que  nous  ne  leur  res- 
semblons en  rien.  «  Toutes  les  vertus  aposto- 
liques, dit-il,  n'entrent  point  dans  le  plan  de 
notre  conduite.  Les  vices  régnent  avec  tant 
d'insolence,  qu'ils  nous  précipitent  aisément 
dans  l'abime.  11  est  vrai  que  nous  ne  sommes 


SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


371 


plus  dans  un  temps  où  l'on  soit  obligé  de 
souffrir  ce  qu'ils  ont  souffert  pour  la  foi.  On 
ne  voit  plus  de  princes  païens,  plus  de  ty- 
rans, plus  de  persécuteurs;  le  sang  des  mar- 
tyrs ne  coule  plus,  et  ce  n'est  plus  par  la 
constance  à  souffrir  les  tourments  que  l'on 
prouve  la  fermeté  de  la  foi  :  mais  Dieu  de- 
mande de  nous  que  nous  le  servions  dans  la 
paix  dont  il  nous  fait  jouir,  et  que  nous  nous 
rendions  agréables  à  lui  par  une  vie  sainte 
et  irréprochable.  Exempts  de  l'obligation  de 
nous  signaler  par  de  grandes  épreuves,  il 
veut  que  nous  nous  signahonsparla  pratique 
des  devoirs  moins  pénibles.  Quels  sont  ces 
devoirs?  Entretenir  la  paix  en  bannissant  tous 
procès  d'entre  nous;  recevoir  des  injures 
sans  songer  à  s'en  venger  ;  faire  à  notre  pro- 
chain tout  le  bien  que  nous  nous  souhaitons 
à  nous-mêmes  ;  ne  poiut  jurer,  ne  dire  d'in- 
jures à  personne,  retenir  sa  langue  pour 
l'empêcher  de  médire  ;  bannir  de  son  cœur 
l'envie  ;  ne  se  point  laisser  aller  au  murmure 
et  aux  plaintes  contre  la  Providence;  vivre 
dans  une  chasteté  parfaite.  Ce  sont  là  les  de- 
voirs qui  sont  pour  nous  indispensables.  Mais 
puisqu'il  y  en  a  si  peu  qui  les  mettent  en 
pratique,  nous  convient-il  de  nous  plaindre 
de  Dieu,  lorsqu'il  a  de  si  justes  reproches  à 
nous  faire?  Sourds  à  sa  voix,  nous  voulons 
qu'il  ne  manque  jamais  de  nous  écouter.  Je 
vous  ai  appelés,  nous  dira-t-il,  et  vous  n'avez 
pas  voulu  m'entendre.  Un  jour  viendra  que 
vous  m'invoquerez,  et  à  mon  tour  je  ne  vous 
écouterai  point.  Le  Seigneur  peut-il  nous 
traiter  avec  plus  de  justice?»  Salvien  fait  voir 
qu'il  n'y  a  point  de  condition  où  ne  régnent 
de  grands  désordres,  même  parmi  les  chré- 
tiens. 

17.  «  Cessons  donc,  ajoute-t-il,  de  nous 
étonner  de  ce  que  Dieu  nous  frappe  et  nous 
châtie,  et  de  ce  que,  permettant  que  nous 
soyons  les  plus  faibles,  il  nous  laisse  devenir 
la  proie  de  nos  ennemis.  Les  misères,  les 
maladies,  la  captivité  et  toutes  les  autres  ca- 
lamités que  nous  souffrons  sont  les  peines 
de  notre  révolte  et  les  marques  de  la  bonté 
de  Dieu  :  les  peines  de  notre  révolte,  en  nous 
faisant  souffrir  ce  que  nous  avons  mérité  par 
notre  désobéissance  ;  les  marques  de  la  bonté 
de  Dieu,  en  nous  faisant  voir  les  châtiments 
que  nous  méritons.  Mais,  en  nous  punissant, 
il  se  souvient  toujours  de  sa  miséricorde  :  il 
cherche  à  nous  corriger  et  non  pas  à  nous 
perdre.  Vous  dites  que  les  souffrances  n'ont 
rien  d'agréable.  Cela  est  vrai.  Mais  pensez  à 


Annlyse  du 
quatrième  li- 
vre, pag,  C3. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


372 

la  sévérité  avec  laquelle  vous  châtiez  vos  ser- 
viteurs lorsqu'ils  vous  ont  volés,  et  vous  ne 
serez  pas  surpris  que  Dieu  vous  punisse, 
quand  vous  violez  sa  loi.  Juges  injustes  que 
nous  sommes,  nous  n'avons  que  de  la  rigueur 
quand  on  nous  désobéit,  et  nous  voulons  être 
traités  avec  douceur  lorsque  nous  désobéis- 
sons. Toujours  sévères  pour  les  autres,  in- 
dulgents pour  nous-mêmes;  toujours  prêts  à 
punir,  et  ne  voulant  jamais  être  châtiés.  N'y 
a-t-il  pas  de  l'insolence  et  de  la  présomption 
dans  une  telle  conduite  ?  » 

Comme  on  aurait  pu  objecter  à  Salvien  qu'il 
y  a  une  grande  différence  entre  le  maître  et 
le  serviteur,  que  les  vices  de  ceux-ci  sont  en 
plus  grand  nombre  et  plus  considérables, 
il  montre  que  les  serviteurs  méchants  et 
infidèles  sont  moins  coupables  envers  leurs 
maîtres,  que  les  chrétiens  envers  Dieu,  a  Les 
mauvais  traitements  des  maîtres  sont,  dit-il, 
souvent  la  cause  des  péchés  de  leurs  domes- 
tiques; la  misère  et  la  crainte  des  tourments 
en  sont  encore  des  occasions.  Mais  quelles 
excuses  peut  apporter  à  ses  crimes  un  homme 
qui  vit  dans  l'abondance  ?  Quel  sujet  a-t-il  d'a- 
bandonner la  loi  de  Dieu?  Ne  serait-il  pas  de 
son  devoir  d'honorer  par  de  bonnes  œuvres 
celui  dont  il  a  reçu  ses  richesses  ?  Les  hommes 
font  fout  le  contraire.  La  plupart  ne  sont 
constitués  en  dignité  pour  devenir  le  fléau 
des  villes.  Les  pauvres  n'ont  rien  plus  à  re- 
douter sur  la  terre  que  la  puissance  de  ceux 
qui  sont  sur  leurs  têtes.  Ils  paient  les  charges 
des  grands,  et  n'en  cueillent  pas  les  fruits. 
Ils  donnent  le  prix,  et  ignorent  le  traité, 
comme  s'il  était  de  l'ordre,  que  la  désolation 
d'un  peuple  entier  servit  à  illustrer  un  petit 
nombre  de  familles.  »  11  donne  divers  exem- 
ples de  ces  injustices  dans  plusieurs  provinces, 
comme  dans  celles  d'Espagne,  d'Afrique,  des 
Gaules  et  d'Italie,  en  remarquant  que  la  Ré- 
publique romaine  était  éteinte  ou  sur  le  point 
de  l'être  bientôt. 

Une  autre  impiété  régnait  parmi  les  grands 
de  la  terre  :  c'est  que  si  quelqu'un  d'entre 
eux  venait  à  se  convertir,  sa  conversion  le 
rendait  aussitôt  méprisable  aux  autres. 
«  Quelle  idée,  dit  Salvien,  ont  du  nom  chré- 
tien des  gens  chez  qui  la  religion  de  Jésus- 
Christ  est  en  opprobre  ?  Ils  cessent  d'estimer 
un  homme  dès  là  qu'il  fait  ses  efforts  pour 
vivre  avec  plus  de  régularité  ;  et  il  en  est  peu 
qui  ne  soient  assez  lâches  pour  ne  pas  conti- 
nuer dans  leurs  désordres,  de  peur  de  s'ex- 
poser à  de  frivoles  railleries.  Nous  n'avons 


donc  aucun  lieu,  conclut  une  seconde  fois 
Salvien,  de  nous  plaindre,  si,  devenant  tous 
les  jours  plus  méchants,  Dieu  nous  envoie 
chaque  jour  de  plus  grandes  afflictions  :  il 
y  est  comme  forcé  par  nos  péchés.  » 

Il  montre  qu'en  un  sens  les  chrétiens  sont 
plus  coupables  que  les  habitants  de  Sodome  : 
en  quoi  il  s'appuie  de  ce  que  dit  Jésus-Christ 
dans  l'Evangile,  que  Capharnaûm  sera  jugée 
plus  sévèrement  au  jour  du  jugement,  que 
Sodome,  à  cause  des  miracles  qu'il  avait  faits 
au  milieu  d'elle  sans  qu'elle  se  fût  convertie. 
Il  fait  un  semblable  raisonnement  à  l'égard 
des  peuples  barbares,  soutenant  que  la  sain- 
teté de  la  vocation  augmente  l'énormilé  de  la 
faute.  «Elle  décide,  dit-il,  du  péché  ;  et  plus  on 
a  reçu  de  grâces,  plus  on  pèche  grièvement, 
La  pureté  de  notre  religion  est  un  témoiu 
qui  nous  accuse.  Il  n'en  est  pas  de  même 
d'un  barbare  :  s'il  se  parjure,  s'il  est  perfide, 
cela  n'est  pas  surprenant,  lui  qui  ne  connaît . 
ni  la  sainteté  du  jurement,  ni  l'étendue  delà 
bonne  foi.  »  Salvien  raconte  que  de  son  temps 
l'abus  de  jurer  par  le  nom  de  Jésus-Christ 
était  poussé  à  un  tel  excès,  tant  parmi  les 
gens  de  qualité  que  parmi  le  peuple,  qu'on 
n'assurait,  qu'on  ne  promettait  plus  rien, 
que  l'on  ne  prît  ce  nom  respectable  en  vain. 
Il  ajoute  qu'il  en  était  venu  un  autre  désor- 
dre, savoir,  que  l'on  se  faisait  un  point  de  re- 
hgion  de  commettre  les  plus  grandes  injus- 
tices, parce  qu'on  s'était  engagé  par  serment 
à  les  commettre;  que,  s'étant  un  jour  em- 
ployé auprès  d'un  riche  pour  l'empêcher  de 
réduire  à  la  dernière  extrémité  un  homme 
pauvre,  le  riche  s'en  était  défendu,  disant 
qu'il  avait  juré  de  réduire  cet  homme-là.  «  Ce 
qui  rend  les  crimes  des  chrétiens  plus  énor- 
mes, c'est  que  les  devoirs  de  leur  vocation 
les  obligent  de  ne  rien  faire  qui  ne  glorifie 
Dieu.  Il  n'en  est  pas  de  même  des  Barbaries. 
Quoique  pécheurs,  on  ne  peut,  soit  en  les 
exhortant,  soit  en  les  reprenant,  leur  de- 
mander oîi  est  la  foi  dont  ils  font  profession, 
où  sont  les  commandements  de  chasteté  ou 
de  piété  qu'on  leur  a  fait  apprendre.  Mais  ils 
sont  en  droit,  lorsqu'ils  voient  les  chrétiens 
livrés  à  l'impiété  et  au  hbertinage,"  de  dire  : 
Ces  gens-là  nous  trompent  lorsqu'ils  disent 
qu'ils  apprennent  les  règles  de  la  vertu,  lors- 
qu'ils se  vantent  que  leur  loi  est  sainte.  S'il 
était  vrai  qu'elle  fût  sainte,  ils  seraient  saints 
eux-mêmes.  Ne  pourraient-ils  pas  ajouter  que, 
suivant  toute  apparence,  les  apôtres  et  les 
prophètes  étaient  des  docteurs  du  vice,  que 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


[V  SIÈCLE.] 

l'Evangile  en  contient  les  maximes,  enfin  que 
nos  actions  seraient  saintes,  si  Jésus-Christ 
avait  enseigné  la  sainteté  ?  C'est  la  conduite 
irrégulière  des  chrétiens  qui  a  porté  les  païens 
à  inventer  des  calomnies  contre  la  religion 
chrétienne.  Ils  sont  les  seuls  par  qui  le  nom 
du  Seigneur  a  été  blasphémé,  parce  que,  con- 
fessant Dieu  de  bouche,  ils  le  renonçaient 
par  leur  conduite.  » 

Salvien  finit  son  quatrième  livre  en  faisant 
voir  par  plusieurs  témoignages  de  l'Ecriture, 
combien  Dieu  a  en  horreur  ceux  qui  sont 
tièdes  dans  son  service,  et  combien  la  ferveur 
lui  est  agréable. 

d8.  S'il  est  vrai,  disaient  les  libertins,  que 
les  chrétiens,  en  violant  la  loi  de  Dieu  dont  ils 
sont  instruits,  sont  plus  coupables  que  les 
païens  à  qui  cette  loi  est  inconnue,  l'instruc. 
tion  est  donc  funeste,  et  Tignorance  avanta. 
geuse.  Salvien  répond  que  ce  n'est  pas  la 
vérité  qui  perd  les  hommes,  que  ce  sont 
leurs  vices;  que  ce  n'est  pas  la  loi  qui  nous 
domine,  que  ce  sont  nos  mœurs  irréguhères. 
«  Ayez,  ajoute-t-il,  de  bonnes  mœurs,  et  les 
préceptes  ne  vous  embarrasseront  plus;  ôtez 
les  vices,  et  tout  est  utile  dans  la  loi.  »  Ce 
qu'il  avait  dit  dans  le  livre  précédent,  des 
barbares,  il  le  dit  dans  le  cinquième,  des  hé- 
rétiques, qu'ils  sont  moins  criminels  que  les 
catholiques  en  commettant  les  mêmes  crimes. 
La  raison  qu'il  en  donne,  c'est  que,  quoi- 
qu'ils aient  les  mêmes  Ecritures  que  nous, 
ils  n'ont  pas  les  mêmes  interprétations,  n'en 
ayant  que  de  corrompues  qui  leur  sont  ve- 
nues ou  par  les  auteurs  de  leurs  sectes,  ou 
par  ceux  qui  en  ont  pris  la  défense.  Il  ajoute 
qu'ils  sont  privés  du  secours  et  de  la  vertu 
des  sacrements.  Les  catholiques,  au  contraire, 
en  jouissent,  et  ils  ont  l'Ecriture  sainte  dans 
toute  sa  pureté,  sans  retranchement  et  sans 
mélange  d'aucune  mauvaise  interprétation. 
D'oTJ  il  conclut  que  les  hérétiques  ne  sachant 
la  loi  de  Dieu  que  comme  elle  leur  a  été  en- 
seignée par  leurs  docteurs,  c'est  moins  la 
loi  de  Dieu  dont  ils  sont  instruits,  que  la 
doctrine  de  ces  faux  docteurs,  qu'ils  ont  ap- 
prise. «Cela  n'empêche  pas  qu'ils  soient  hé- 
rétiques; mais  ils  le  sont  sans  connais- 
sance de  cause.  Us  pèchent  par  la  faute 
de  ceux  qui  les  enseignent  mal;  au  lieu 
que  nous  péchons  par  notre  propre  malice, 
et  nous  sortons  de  dessein  formé  du  bon 
chemin.  De  là  vient  que  Dieu  les  traite  en 
cette  vie  avec  quelque  sorte  de  douceur, 
parce  que  l'ignorance  mérite  quelque  com- 


373 


passion,  et  qu'il  nous  châtie  avec  sévérité, 
parce  que  le  mépris  rend  indigne  de  pardon.» 
Salvien  avertit  que  quand  il  parle  des  héré- 
tiques, il  prétend  marquer  les  Goths  ou  les 
Vandales,  sans  faire  mention  des  Romains.  Il 
fait  voir  que  les  sujets  de  cet  empire  ont 
surpassé  les  Barbares  en  vice  ;  que  ceux-ci 
ont  plus  de  charité  les  uns  pour  les  autres, 
que  n'en  ont  les  Romains  envers  ceux  qui 
leur  sont  soumis.  Il  entre  dans  quelque  dé- 
tail des  vexations  que  les  receveurs  des  droits 
publics  et  des  impôts  exerçaient  impuné- 
ment sur  le  peuple.  11  se  plaint  de  la  lâcheté 
des  prêtres  qui,  par  des  considérations  hu- 
maines, n'osaient  prendre  la  défense  des 
pauvres,  des  veuves  et  des  orphelins  qu'on 
dépouillait  de  leurs  biens,  et  de  l'application 
des  riches  à  inventer  de  nouveaux  impôts 
pour  ruiner  le  peuple.  Il  convient  qu'on  ne 
peut  se  dis^jcnser  d'acquitter  les  charges  im- 
posées par  les  princes  ;  mais  il  dit  que  les  ri- 
ches étant  les  premiers  à  les  imposer,  ils  de- 
vraient être  aussi  les  premiers  à  les  payer. 
Il  se  plaint  encore  de  ce  qu'ils  vendaient  leur 
protection  aux  pauvres,  et  qu'ils  se  servaient 
de  ce  titre  pour  les  dépouiller  entièrement. 
Les  calamités  publiques  auraient  dû  ouvrir 
les  yeux  à  ceux  qui  les  souffraient  ou  qui  les 
voyaient  souffrir  aux  autres  ;  mais  presque 
personne  n'en  était  frappé  jusqu'à  se  conver- 
tir. Les  prêtres  mêmes  et  les  religieux  sui- 
vaient les  penchants  du  siècle,  cachant  sous 
un  habit  saint,  une  âme  mondaine,  et  ne  pen- 
sant pas  que  le  culte  qu'on  doit  à  Dieu  con- 
siste dans  les  mœurs,  et  non  pas  dans  la 
forme  de  l'habit.  Il  fait  sentir  le  ridicule  de 
ceux  qui,  par  un  faux  motif  de  pénitence,  se 
séparaient  de  leurs  femmes,  tandis  qu'ils  ne 
mettaient  aucune  borne  à  leur  avarice,  qui 
les  rendait  quelquefois  inhumains,  jusqu'à 
violer  les  droits  les  plus  sacrés  de  l'amitié  et 
de  la  pauvreté.  «  Nous  traitons,  ajoute-t-il, 
les  Goths  de  barbares,  mais  ne  le  sommes- 
nous  pas  plus  qu'eux?  Les  voit-on  nuire  à 
leurs  amis,  persécuter  ceux  qui  les  aiment? 
L'ami  y  périt-il  par  le  fer  de  son  ami?  Tandis 
que  les  Romains  qui  se  piquent  d'humanité 
et  de  politesse^  persécutent  ceux  qui  les  ai- 
ment, coupent,  pour  ainsi  parler,  la  main  qui 
leur  olïre  des  présents,  et  se  souillent  du 
sang  de  leurs  proches.  » 

19.  Dans  le  sixième  hvre,  Salvien  continue 
à  montrer  que  les  Romains  étaient  plus  dé- 
réglés dans  leurs  mœurs  que  les  Barbares.  Il 
insiste  particulièrement  sur  une  espèce  de 


Analyse  du 
ËixlRme  livre, 
pag,  121. 


374 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


fureur  que  les  Romains  avaient  pour  les  spec- 
tacles, dont  il  décrit  les  dangers  :  «  Les  autres 
vices  semblent  n'attaquer  qu'une  partie  de 
l'homme;  tantôt  c'est  le  cœur,  tantôt  ce  sont 
les  yeux  ou  les  oreilles.  Mais,  au  théâtre, 
l'homme  entier  est  exposé  au  péril  :  les  sen- 
timents y  attaquent  le  cœur,  les  expressions 
souillent  les  oreilles,  et  les  yeux  sont  en- 
chantés par  les  objets  et  les  décorations.  Quel 
homme,  pour  peu  qu'il  soit  chaste,  oserait 
peindre  au  vrai  ces  imitations  honteuses  ; 
ces  paroles,  ce  ton  lascif  dont  on  les  pro- 
nonce ;  ces  mouvements,  ces  gestes  où  tout 
est  si  contraire  à  l'honnêteté,  que  le  silence 
qu'on  est  obligé  de  garder  par  pudeur  sur 
ce  sujet,  doit  suffire  pour  en  donner  de  l'hor- 
reur? Au  théâtre,  tout  est  coupable,  le  spec- 
tateur et  l'auteur  :  l'un  par  son  action,  l'autre 
par  le  plaisir»de  la  voir.  On  est  même  cou- 
pable avant  d'avoir  assisté  aux  spectacles, 
par  l'empressement  avec  lequel  on  court  à 
une  représentation  qui  blesse  la  pudeur.  S'y 
trouver,  c'est  une  espèce  d'apostasie,  c'est 
démentir  la  profession  de  sa  foi  et  la  sainteté 
des  sacrements,  par  lesquels  on  a  été  puri- 
fié. Quelle  est  en  effet  la  première  promesse 
que  l'on  fait  dans  le  baptême  ?  On  y  proteste 
que  l'on  renonce  au  démon,  à  ses  pompes  et 
à  ses  œuvres.  Tel  est  l'ordre  de  la  foi  :  il  faut 
renoncer  au  démon  pour  être  en  état  de 
croire  à  Dieu,  et  par  une  conséquence  natu- 
relle, il  en  résulte  que  se  tourner  du  côté  du 
démon,  c'est  être  apostat  à  l'égard  de  Dieu. 
Or,  les  spectacles  sont  le  règne  du  démon  : 
la  foi  et  les  sacrements  qui  sont  comme  les 
bases  de  la  religion,  y  sont  détruits  :  donc 
s'y  trouver,  c'est  manquer  de  pai'ole  à  Jésus- 
Christ  et  faire  tomber  en  ruine  le  christia- 
nisme. Rien  de  semblable  chez  les  Barbares  : 
on  n'y  voit  ni  cirques,  ni  théâtres,  ni  rien  qui 
ressemble  à  ces  impuretés  qui  détruisent 
l'espérance  et  qui  sont  un  fatal  obstacle  au 
salut.  Quand  même  ces  spectacles  seraient  en 
usage  parmi  ces  nations,  leurs  crimes  seraient 
moindres,  puisqu'ils  n'y  ajouteraient  pas  la 
profanation  du  sacrement.  Nous  n'avons  pas 
la  même  excuse  à  alléguer  :  nous  récitons  le 
symbole,  et  nos  actions  démentent  nos  paro- 
les. Peu  de  zèle  parmi  nous  pour  l'égHse, 
beaucoup  d'empressement  pour  le  théâtre  ; 
peu  d'attention  pour  ce  qui  se  fait  à  l'autel , 
beaucoup  d'application  pour  ce  qui  est  re- 
présenté sur  la  scène.  Voilà  le  caractère  des 
chrétiens.  Arrive-t-il  qu'un  même  jour  on 
célèbre  à  l'église  une  fête  solennelle,  et  des 


jeux  publics  dans  le  cirque?  C'est  dans  le 
cirque  et  non  dans  l'église  que  se  trouve  la 
plus  grande  multitude.  Ce  n'est  pas  Févan-- 
gile  que  l'on  entend  avec  le  plus  de  plaisir, 
c'est  la  comédie.  La  parole  de  mort  est 
mieux  reçue  que  la  parole  de  vie.  Le  comé- 
dien est  plus  écouté  que  Jésus-Christ.  » 

Salvien  avoue  que  ce  désordre  ne  régnait 
pas  dans  toutes  les  villes  de  l'empire  ;  qu'on 
n'allait  point  au  théâtre,  ni  à  Mayence,  ni  à 
Marseille,  ni  à  Cologne,  ni  à  Trêves,  ni  dans 
beaucoup  d'autres  villes  des  Gaules  et  d'Es- 
pagne. Mais  il  fait  remarquer  que  les  specta- 
cles n'y  avaient  cessé  que  depuis  qu'elles 
avaient  été  ou  ruinées  ou  prises  par  les  Bar- 
bares. «  Remettez,  ajoute-t-il,  les  Romains 
dans  leur  ancienne  prospérité,  et  on  verra 
renaître  la  même  corruption.  »  Il  montre  que 
les  spectacles  produisent  en  même  temps 
deux  grands  maux  :  l'un,  en  ce  qu'ils  sont  un 
obstacle  au  salut  des  chrétiens  par  les  repré- 
sentations impures  ;  l'autre  en  ce  que,  par  des 
superstitions  païennes,  on  y  viole  le  respect 
qui  est  dû  à  la  majesté  de  Dieu:  car  on  y  rend 
des  honneurs  à  Minerve,  à  Vénus,  à  Neptune, 
à  Mars,  à  Mercure.  Il  dit  qu'il  fallait  bien  que 
le  penchant  à  l'impureté  et  à  la  licence  fût  le 
fond  du  tempérament  des  Romains,  puisqu'il 
ne  paraissait  pas  qu'ils  fussent  plus  chastes 
dans  la  mauvaise  fortune  qu'ils  ne  l'avaient 
été  dans  la  prospérité.  «  Les  calamités  n'a- 
vaient point  fait  cesser  parmi  eux  les  désor- 
dres que  la  paix  et  l'abondance  avaient  rendus 
communs.  On  ne  vit  pas  les  Italiens  plus 
pieux,  plus  modérés,  après  que  l'Italie  eut  été 
ravagée  par  les  Barbares.  Rome  assiégée  et 
subjuguée  ne  vit  pas  ses  habitants  plus  sages 
dans  leurs  mœurs  qu'ils  n'étaient  aupara- 
vant. Les  mêmes  vices  qui  régnaient  dans 
les  Gaules  avant  l'inondation  des  Barbares, 
ne  cessèrent  pas  de  dominer  les  Gaulois.  On 
vit  les  mêmes  désordres  dans  l'Espagne, 
dans  la  Sardaigne  et  la  Sicile.  Déjà  l'on  en- 
tendait le  bruit  des  armées  ennemies  autour 
des  murs  de  Carthage,  et  les  chrétiens  ne 
s'abstenaient  pas  pour  cela  d'aller  au  cirque 
et  au  théâtre.  Tandis  que  ceux  qui  étaient 
au  dehors  périssaient  sous  le  glaive  des  Bar- 
bares, ceux  qui  étaient  au  dedans  se  livraient 
à  la  volupté.  » 

Salvien  fait  une  peinture  des  dérèglements 
qu'il  avait  vus  lui-même  à  Trêves,  ville  la  plus 
llorissante  des  Gaules,  mais  qui  avait  été  prise 
et  ruinée  quatre  fois.  On  ne  voyait  dans  cette 
ville  aucune  différence  de  mœurs  entre  les 


[V^  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


373 


vieillards  et  les  jeunes  geus  :  le  même  luxe, 
le  même  penchant  pour  l'ivrognerie,  les  ren- 
daient semblables  les  uns  aux  autres.  Il  dit 
la  même  chose  d'une  ville  voisine,  qui  cédait 
peu  en  magnificence  à  Trêves  ;  c'était  appa- 
remment Cologne.  Dans  ces  deux  villes, 
l'empressement  pour  les  jeux  du  cirque  était 
si  grand,  que  les  habitants  de  Trêves,  quoi- 
que accablés  par  les  malheurs  de  la  guerre, 
s'adressèrent  aux  empereurs  pour  obtenir  la 
permission  d'ouvrir  le  théâtre  et  le  cirque, 
dont  les  Barbares  avaient  interrompu  les 
jeux. 
Amiyso  du       20.  Salvicn  fait  dans  le  septième  livre  un 
!,  pag.isa.  parallèle  des  mœurs  des  Romains,  non  avec 
celles  des  Barbares,  comme  dans  les  livres 
précédents,  mais  avec  celles  des  deux  pro- 
vinces des  Gaules  les  plus  fertiles,  savoir  la 
Guyenne  et  le  Languedoc.  On  ne  trouvait 
nulle  part  ailleurs  la  volupté  portée  à  de  si 
grands  excès,  nulle  part  une  vie  si  dissolue. 
C'est  ainsi  qu'ils  payaient  les  bienfaits  dont 
Dieu  les  comblait  par  l'abondance  annuelle 
des  fruits  de  la  terre.  11  rapporte  à  cette  dis- 
solution les  pertes  des  batailles  contre  les  Van- 
dales. «Notre  défaite,  dit-il,  nous  a  humiliés, 
et  leur  victoire  les  a  comblés  d'honneur.  Li- 
torius,  qui  s'assurait  de  les  vaincre,  est  de- 
venu leur  captif  :  il  a  porté  les  chaînes  qu'il 
préparait  aux  autres.  Nous  faisons  gloire  de 
porter  le  nom  de  catholique,  nous  traitons 
les  Goths  et  les  Vandales  d'hérétiques,  et  ils 
le  sont  en  effet  :  mais  ne  le  sommes-nous 
pas  aussi  du  coté  des  mœurs.  Ils  s'agrandis- 
sent par  nos  pertes  :  la  prospérité  est  leur 
partage,  tandis  que,  par  un  juste  jugement 
de  Dieu,  nous  sommes  'dans  l'adversité.  Ne 
l'attribuons  qu'à  nos  péchés  et  non  pas  à 
Dieu.  Nos  crimes  exigeaient  cela  de  lui.  »  Il 
dit  de  l'Afrique  ce  qu'il  avait  dit  du  Langue- 
doc; puis  il  fait  en  ces  termes  le  portrait  de 
divers  peuples  :  «Les  Goths  sont  fourbes,  mais 
ils  sont  chastes;  les  Allemands  sont  impudi- 
ques, mais  ils  ont  la  perfidie  en  horreur;  les 
Francs  sont  menteurs,  mais  ils  sont  exacts 
par  rapport  au  devoir  de  l'hospitalité  ;  les 
Saxons  sont  cruels,  mais  ils  ne  sont  pas  vo- 
luptueux. Il  en  est  ainsi  de  tous  les  autres 
peuples  :  en  eux  les  vices  sont  balancés  par 
des  vertus.  Les  seuls  Africains  sont  vicieux 
sans  aucun  mélange  de  vertu.  » 

11  entre  dans  le  détail  de  la  corruption  des 
mœurs  qui  régnait  à  Carthage  ;  mais  il  re- 
marque en  même  temps  que  tous  les  arts 
mécaniques  et  libéraux  florissaient  dans  cette 


ville  ;  qu'il  y  avait  des  écoles  de  philosophie 
et  des  académies  oîi  l'on  enseignait  toutes 
les  langues  et  toutes  les  sciences  ;  qu'il  s'y 
trouvait  des  troupes  bien  disciplinées  et  de 
bons  généraux  pour  les  commander  ;  que  le 
proconsul  qui  y  exerçait  la  justice,  avait  une 
autorité  semblable  à  celle  des  consuls  ;  que 
l'on  y  remarquait  un  nombre  infini  de  char- 
ges et  de  dignités  distinguées  par  leurs  noms 
et  leurs  prérogatives  ;  que  chaque  quartier, 
chaque  rue  y  avait  ses  juges  et  ses  officiers, 
en  sorte  que  rien  n'y  manquait  pour  la  bonne 
police.  Les  mœurs  seules  étaient  déréglées  : 
on  n'y  voyait  que  débauches  et  qu'irapudi- 
cités. 

Salvien  fait  l'honneur  aux  Vandales  d'avoir 
banni  ces  vices  de  l'Afrique,  et  de  s'y  être 
pris  avec  de  si  prudentes  précautions,  que 
leur  sévérité  avait  plus  l'air  d'un  remède 
que  d'un  châtiment.  Ils  commencèrent  par 
changer  le  concubinage  en  une  alliance  légi- 
time, obligeant  toutes  les  filles  impudiques  à 
se  marier.  A  cela  ils  ajoutèrent  des  lois  ri- 
goureuses, qui  condamnaient  l'impudicité  de 
mort,  afin  qu'un  châtiment  si  sévère  retînt 
l'un  et  l'autre,  sexe  dans  les  bornes  du  ma- 
riage. Il  s'élève  en  passant  contre  le  philo- 
sophe Socrate,  qu'il  fait  avec  justice  passer 
pour  un  frénétique  ou  un  homme  possédé  du 
démon,  pour  avoir  dit  qu'il  était  mieux  que 
chaque  homme  n'eût  point  une  femme  en 
particulier,  mais  qu'elles  fussent  toutes  en 
commun,  et  de  permettre  à  toutes  les  fem- 
mes un  commerce  libre  avec  tous  les  hom- 
mes. «  La  gloire  de  ce  philosophe  consiste, 
dit-il,  à  avoir  voulu  faire  de  l'univers  entier 
un  lieu  de  prostitution,  dont  il  donna  lui- 
même  l'exemple,  en  cédant  sa  femme  à  un 
autre.» 

21.  A  la  corruption  des  mœurs,  les  Afri- 
cains ajoutaient  l'idolâtrie,  n'y  ayant  presque 
aucun  chrétien  dans  cette  province,  qui  n'a- 
dorât la  déesse  Céleste  après  avoir  adoré 
Jésus-Christ.  Ils  tombaient  encore  dans  un 
autre  excès,  qui  était  de  maltraiter  les  saints 
moines,  ne  pouvant  souffrir  des  hommes 
dont  la  vie,  les  mœurs,  les  inclinations  étaient 
si  différentes  de  leur  conduite.  Ils  se  mo- 
quaient d'eux,  ils  en  parlaient  désobligeam- 
ment,  ils  les  persécutaient  et  leur  faisaient 
souffrir  toute  sorte  de  mauvais  traitements, 
dès  qu'on  voyait  paraître  dans  Carthage  un 
moine  desséché  par  les  austérités,  vêtu  d'un 
habit  grossier  et  pénitent,  et  marquant  par 
sa  tête  rasée  qu'il  avait  renoncé  à  toutes  les 


Analysi 
hiiilièiiie 


376 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


superfluités;  il  était  l'objet  des  railleries  d'un 
peuple  également  impie  et  insolent.  S'il  ar- 
rivait que  quelqu'un  de  ces  saints  anachorè- 
tes, pressé  par  le  mouvement  d'une  louable 
charité,  sortît  des  solitudes  d'Egypte,  de  Jé- 
rusalem, ou  de  quelque  autre  retraite,  pour 
venir  prêcher  la  foi  dans  cette  ville  idolâtre, 
il  ne  pouvait  sans  danger  paraître  dans  les 
rues,  ni  dans  les  places  publiques.  Si  on  ne 
les  mettait  pas  à  mort,  c'est  que  la  loi  des 
douze  tables,  qui  était  en  vigueur  à  Carthage, 
défendait  de  faire  mourir  un  homme  qui  n^a 
pas  été  condamné  par  les  juges.  «  Doit-on 
s'étonner  après  cela,  conclut  Salvien,  que  les 
cbrétiens  d'Afrique  gémissent  sous  le  fer  des 
Barbares,  eux  qui  ont  traité  de  saints  per- 
sonnages avec  une  cruauté  dont  les  Barbares 
ne  seraient  pas  capables?  Le  Seigneur  est 
juste  et  ses  jugements  sont  équitables.  » 
i-eiire  anx       22.  Gcnuade,  dans  le  catalogue  des  écrits 

serviteurs  de      .,,,,.  .  i  j       i    n 

Dieu,  p.  137.  de  balvien  ',  marque  un  volume  de  lettres. 
Il  n'en  reste  aujourd'hui  que  neuf  :  la  pre- 
mière est  adressée  à  une  communauté  de 
serviteurs  de  Dieu  qu'il  ne  nomme  pas,  mais 
qu'on  croit  être  celle  de  Lérius.  Il  l'écrivit 
pour  leur  recommander  un  jeune  homme 
de  naissance  et  d'un  rang  distingué  dans  sa 
ville,  qui  avait  été  piMs  à  Cologne  par  les 
Barbares,  lorsqu'ils  s'étaient  rendus  maîtres 
de  cette  ville-  Ce  jeune  homme  était  parent 
de  Salvien,  et  il  avait  encore  sa  mère,  autant 
recommandable  par  sa  modestie  et  sa  sa- 
gesse, que  par  le  zèle  de  sa  foi.  Réduite  par 
la  misère  des  temps  à  gagner  sa  vie  par  le 
travail  de  ses  mains  sous  les  femmes  des 
Barbares  qui  l'employaient,  elle  envoya  son 
fils  à  Salvien,  comptant  qu'il  pourrait,  ou  par 
lui  ou  par  ses  amis,  lui  procurer  non-seule- 
ment de  quoi  subsister,  mais  aussi  les  instruc- 
tions nécessaires  pour  son  salut.  Salvien  le 
recommande  à  quelques-uns  de  ses  amis 
pour  les  besoins  du  corps  et  pour  les  secours 
temporels  ;  mais,  pour  les  biens  de  l'âme,  il 
l'envoya  à  ces  serviteurs  de  Dieu,  en  les 
priant  de  le  former  au  bien  et  de  faire  naître 
en  lui  le  goût  de  la  vertu. 
Leitie  à      23.  La  seconde  lettre  est  un  complimenta 

pa°'2M*"'  saint  Eucher  sur  son  élévation  à  l'épiscopat. 
Ce  saint  évéque  l'avait  fait  saluer  par  un  de 
ses  domestiques,  nommé  Ursicien,  sans  lui 
écrire,  comme  il  avait  coutume.  Salvien  s'en 
plaint,  et  craignant  qu'il  n'eût  changé  à  son 
égard,  il  l'avertit  de  prendre  garde  de  ne  se 

1  Gennad.,  de  Viris  illust.,  cap.  Lsvli. 


pas  laisser  aller  à  l'orgueil  par  sa  nouvelle 
dignité,  et  le  conjure  de  soutenir  par  sa  con- 
duite l'ancienne  estime  qu'il  avait  pour  lui. 
Je  ne  sais  si  les  services  que  Salvien  avait 
rendus  à  saint  Eucher  lui  faisaient  prendre 
à  son  égard  cet  air  d'autorité,  ou  s'il  en 
usait  ainsi  par  des  motifs  d'amitié,  ou  parce 
qu'il  était  beaucoup  plus  âgé  que  saint  Eu- 
cher. 

24.  Il  lui  écrivit  une  autre  lettre  pour  lui 
dire  son  sentiment  sur  certains  écrits  qu'il 
lui  avait  envoyés.  «  Je  les  ai  lus,  lui  dit-il  : 
ils  sont  courts,  mais  ils  contiennent  un  grand 
fonds  de  doctrine.  On  peut  les  lire  en  peu  de 
temps;  mais  rien  n'y  manque  pour  la  solidité 
des  instructions  ;  en  un  mot,  ils  sont  dignes 
de  votre  esprit  et  de  votre  piété.  Je  ne  suis 
pas  surpris  que  le  désir  de  contribuer  à  l'é- 
ducation de  vos  enfants  vous  ait  porté  à 
composer  pour  eux  un  ouvrage  si  utile  et  si 
beau.  Jusqu'ici  vous  avez  travaillé  à  les  ren- 
dre de  dignes  temples  de  Dieu  ;  l'ouvrage 
que  vous  venez  de  faire  pour  leur  instruction 
est  propre  à  finir  l'édifice  spirituel  que  vous 
avez  commencé  en  eux.  Je  prie  Dieu,  par  sa 
miséricorde,  que  leur  bonne  éducation  et 
leur  science  soient  utiles  à  l'Eglise  et  vous 
comblent  de  consolation.  »  Les  écrits  dont 
parle  Salvien,  sont  ceux  que  saint  Eucher 
avait  faits  pour  l'instruction  de  ses  deux  fils, 
Salone  et  Véran. 

23.  Nous  n'avons  qu'une  partie  de  la  lettre 
à  Févêque  Agrice,  qu'on  croit  être  l'évêque 
d'Antibes,  qui  assista,  en  l'an  S06,  au  concile 
d'Agde.  Salvien  s'excuse  auprès  de  lui  d'une 
faute  contre  la  civilité  dont  il  se  reconnais- 
sait coupable.  «  Je  n'oserais,  lui  dit-il,  nier 
ce  qui  est  évident,  je  ne  puis  justifier  ce  qui 
est  condamnable.  C'est  augmenter  sa  faute, 
de  vouloir  passer  pour  innocent  après  qu'on 
l'a  commise,  n 

26.  La  lettre  à  Hypace,  beau-père  de  Sal- 
vien, est  pour  l'engager  à  prendre  en  bonne 
part  le  dessein  qu'il  avait  conçu  de  passer  le 
reste  de  ses  jours  dans  la  retraite  et  d'y 
vivre  en  continence  avec  sa  femme  Palladie, 
fille  d'Hypace.  Nous  avons  donné  plus  haut 
ce  que  cette  lettre  contient  de  plus  remar- 
quable. 

27.  La  vierge  Catture  ayant  échappé  à  une 
maladie  qui  l'avait  réduite  aux  portes  de  la 
mort,  Salvien  lui  écrivit  pour  l'en  congratu- 
ler. Il  mêle  dans  sa  lettre  quelques  instruc- 
tions morales  sur  l'avantage  des  maladies 
du  corps,  et  le  profit  qu'en  doivent  retirer 


Lettre  à 
pace.  p. 


Lettre  à) 
tare,  p.  S 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XX.  —  SALVIEN  DE  MARSEILLE. 


377 


les  gens  de  bien.  «  On  y  éprouve,  dit-il,  que 
la  force  de  l'esprit  s'augmente  par  la  fai- 
blesse du  corps,  et  que  tout  ce  que  la  chair 
perd  de  santé,  se  tourne  en  vigueur  pour 
l'âme.  Par  une  espèce  de  paradoxe,  on  peut 
dire  que  l'homme  ne  se  porte  jamais  mieux 
que  quand  il  se  porte  mal.  Dans  cette  heu- 
reuse situation,  la  chair  et  l'esprit,  c'est-à- 
dire  la  grâce  et  la  nature  corrompue,  ne  se 
contrarient  plus.  Alors  un  feu  criminel  ne  se 
fait  plus  sentir  dans  la  chair,  une  ardeur  se- 
crète n'excite  plus  des  désirs  dangereux,  et 
les  sens,  rappelés  de  leur  égarement,  ne  cou- 
rent plus  d'objet  en  objet  ;  l'âme,  rendue  à 
elle-même,  triomphe  du  corps  comme  d'un 
ennemi  dompté.  C'est  pour  cela,  ajoute-t-il, 
que  j'appelle  maladie  le  temps  où  vous  aviez 
de  la  santé,  et  que  je  nomme  santé  le  temps 
où  vous  avez  commencé  à  être  malade.  » 

28.  Il  paraît  par  la  lettre  à  Liménius,  qu'il 
n'était  pas  encore  chrétien,  puisque  Salvien 
lui  témoigne  ne  pas  douter  qu'en  considérant 
la  pureté  de  l'amitié  chrétienne,  il  ne  soit 
porté  à  aimer  Jésus-Christ  et  à  souhaiter  d'en 
être  aimé.  Ils  étaient  toutefois  amis  depuis 
longtemps  :  mais  c'était  Salvien  qui  avait 
commencé  cette  liaison  d'amitié  ;  elle  s'était 
augmentée  par  le  généreux  retour  dont  Li- 
ménius l'avait  payé. 

29.  Il  semble  aussi  que  ce  soit  Salvien  qui 
ait  commencé  à  cultiver  l'amitié  d'Aper  et  de 
Vérus,  qu'il  reconnaît  être  l'un  et  l'uutre  d'un 
rang  au-dessus  du  sien.  C'est  même  de  cette 
supériorité  qu'il  tire  le  motif  de  sa  lettre.  «  Je 
crois,  leur  dit-il,  que  lorsqu'en  matière  de 
devoir  de  la  vie,  il  s'agit  d'inférieurs  tels  que 
je  suis  à  votre  égard,  à  supérieurs  tels  que 
vous  êtes  au  mien,  les  inférieurs  font  mieux 
de  prévenir  leurs  supérieurs,  que  de  se  laisser 
prévenir.  Le  commerce  de  lettres  et  de  ré- 
ponses aux  lettres  est  établi  pour  que  de 
part  et  d'autre  on  se  rende  ce  qu'on  se  doit 
dans  l'absence  :  d'où  je  conclus  que  le  res- 
pect et  la  déférence  paraissent  plus  dans 
celui  qui  prévient,  que  dans  celui  qui  se 
laisse  prévenir.  En  prévenant,  on  ne  cherche 


pas  tant  à  se  faire  honneur;  en  différant,  on 
semble  avoir  l'intention  de  se  faire  valoir.»  Il 
ajoute  que  c'est  encore  le  propre  de  l'humi- 
lité de  prévenir  les  autres  et  de  les  surpas- 
ser en  déférence.  Le  reste  de  la  lettre  est 
du  même  goût,  c'est-à-dire  que  Salvien 
affecte  d'y  marquer  sa  vénération  pour  Aper 
et  Vérus. 

30.  La  lettre  à  Salone  est  la  même  qui  sert     Lsureàsa- 
de  préface  aux  quatre  livres  de  Salvien  con-  °°°'  ""■ 
tre  l'Avarice,  dans  lesquels  il  s'était  caché 

sous  le  nom  de  Timothée.  Nous  en  avons 
donné  le  précis  en  son  lieu. 

31.  Salvien  avait,  au  rapport  de  Gennade,      Lmes  do 

.,.,,.  Salvien      qui 

son  contemporam,  laisse  plusieurs  autres  som  porduj. 
écrits  qui  ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous  ' , 
savoir  :  trois  livres  du  Bien  de  la  virginité, 
adressés  à  un  prêtre  nommé  Marcel;  un  livre 
pour  expliquer  la  dernière  partie  de  l'Ecclé- 
siastique, adressé  à  Claudien,  évêque  de 
Vienne;  un  livre  de  lettres;  un  livre  en  vers, 
où  il  expliquait,  à  l'imitation  des  pères  grecs, 
surtout  de  saint  Basile,  le  commencement  de 
la  Genèse  jusqu'à  l'endroit  où  il  est  parlé  de 
la  création  de  l'homme  ;  un  grand  nombre 
d'homélies  pour  des  évêques  qui  ne  se  trou- 
vaient pas  apparemment  en  état  de  composer 
eux-mêmes;  et  plusieurs  discours  ou  instruc- 
tions sur  les  mystères  en  forme  de  catéchè- 
ses, que  Salvien  avait  pu  faire  lui-même  aux 
catéchumènes  ou  aux  fidèles  en  sa  qualité  de 
prêtre.  11  paraît  aussi  ^  qu'il  avait  composé 
un  éloge  funèbre  de  saint  Honorât,  où  il  le 
comparait  au  soleil,  disant  que  ce  saint  évê- 
que était,  à  l'égard  de  la  congrégation  de  Lé- 
rins,  ce  que  le  soleil  est  à  l'égard  du  ciel  par 
rapport  au  beau  ou  au  mauvais  temps.  Quel- 
ques théologiens  du  dernier  siècle  ^  ont  cité 
sous  le  nom  de  Salvien,  un  sermon  sur  le 
Saint-Esprit,  qui  se  trouve  quelquefois  im- 
primé parmi  les  œuvres  de  saint  Cyprien;  mais 
on  convient  qu'il  est  d'Arnaud  de  Bonneval. 
32.  Salvien  écrivait  avec  élégance,  avec 
netteté  et  avec  politesse  :  son  latin  a  toute  la  |==^^'j['s  ""^ 
pureté  qu'on  pouvait  désirer  dans  un  siècle 
aussi  éloigné  de  celui  d'Auguste.  Il  donne  à 


1  Salvianus  Massiliensis  Ecclesiœ  presbyter,  hu- 
mana  et  divina  liiieratura  instructus,  et  ut  absque 
invidia  loquar,  episcoporum  magister,  scripsit  scholas- 
tico  et  aperio  sermone  multa  :  ex  quitus  ista  legi,  de 
Yirginitalis  bono,  ad  Marcellum  preshyterum  lihros 
très;  adversum  Avaritiam  libros  quatuor;  de  PrEesenti 
Judido  libros  quinque,  et  pro  eorum  mérita  satis- 
factionis  ad  Salonium  episcopum  librum  unum;  et 
expositionis  extremœ  partis  libri  Ecelesiastici  ad  Clau- 


dium  episcopum  Viennensem  librum  unum;  librum 
epistolarum  unum;  et  in  morem  Grœcorum  a  principio 
Genesis,  usque  ad  condiiionem  hominis,  composuit 
versu  liexametro  librum  unum;  homilias  episcopis 
factas  multas,  sacramenlorum  vero  quantas  nec  re- 
cordor.  Vivit  usque  hodie  in  senectuie  bona.  Gennad., 
de  Viris  illust.,  cap.  T.xvn. 

2  Hilar.,  de  S.  Honorato,  pag.  202. 

s  Estius,  in  prim.  sent.,  disting.  U. 


378 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Edi  lions 
(|  u  ' o a  en  a 
faUcs. 


ses  pensées  un  tour  ingénieux,  surtout  dans 
ses  lettres,  et  sait  si  bien  varier  son  discours, 
qu'on  le  lit  avec  agrément.  Mais  ce  qui  rend 
cet  auteur  intéressant,  c'est  le  zèle  qu'il  fait 
paraître  pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  le 
salut  des  hommes.  11  n'y  a  rien  qu'il  ne  mette 
en  œuvre  pour  leur  rendre  la  vertu  aimable, 
pour  les  détourner  du  vice  et  les  faire  ren- 
trer dans  les  voies  du  salut.  Il  les  presse  par 
des  autorités  tirées  de  l'Ecriture  et  quelque- 
fois des  auteurs  profanes,  par  la  vue  de  leur 
propre  intérêt  et  par  les  motifs  de  reconnais- 
sance dont  les  créatures  ne  peuvent  se  dis- 
penser envers  leur  créateur.  Les  raisonne- 
ments qu'il  oppose  aux  vains  prétextes  des 
impies  sont  solides;  ils  presseraient  davan- 
tage, s'il  leur  donnait  moins  d'étendue  et 
plus  de  précision. 

33.  Ses  quatre  livres  à  l'Eglise  ou  contre 
l'Avarice,  furent  imprimés  à  Bâle,  en  1528, 
avec  la  lettre  à  Salone,  qui  sert  de  préface 
dans  l'Antidote  de  Jean  Sichard,  et  dans 
VHéréthéologie.  On  les  réimprima  à  Trêves, 
en  1609,  chez  Henri  Bock,  avec  les  notes  de 
Jean  Macherentini,  sous  le  titre  de  Livre 
épistolaire  à  l'Eglise  catholique  contre  l'ava- 
rice. En  1530,  Jean  Alexandre  Brassican  re- 
cueillit toutes  les  œuvres  qui  nous  restent  de 
Salvien,  et  les  fit  imprimer  à  Bâle,  chez  Fro- 
ben.  On  en  fit  une  édition  à  Rome,  chez  Ma- 
nuce,  en  1564,  in-fol.,  comme  la  précédente, 
avec  les  homélies  de  saint  Maxime  de  Turin, 
les  écrits  de  saint  Pacien,  l'histoire  sacrée  de 
Sulpice  Sévère,  et  quelques  autres  écrits. 
L'édition  de  Paris,  en  1515,  fut  faite  sur  celle 
de  Bâle,  par  Alexandre  Brassican,  de  même 
que  celle  de  1594.  Il  y  en  eut  une  autre  en  la 
même  ville,  en  1570  :  Pierre  Pithou  ayant 
revu  les  ouvrages  de  Salvien  sur  divers  ma- 
nuscrits, Nicolas  Lefèvre  en  donna  une  nou- 
velle édition  à  Paris,  chez  Nivelle,  en  1580, 
qui  fut  réimprimée  en  1608,  avec  de  courtes 
notes  tirées  des  scholies  de  Brassican.  L'édi- 
tion d'Altorff,  en  1611,  est  de  Conrad  Rit- 
tershusius.  11  y  en  eut  une  autre  la  même 
année  à  Francfort,  chez  Nicolas  Rothius.  Ce 
n'est  qu'une  réimpression  de  la  précédente. 
Celles  de  Nuremberg,  en  1623,  et  de  Rouen, 
en  1627,  renferment  des  commentaires  de 
divers  auteurs  sur  Salvien.  On  en  fit  deux  à 
Paris,  l'une  en  1645,  et  l'autre  en  1648,  sur 
celle  de  Pierre  Pithou^  faite  en  la  même  ville, 
l'an  1580  ;  mais  ces  deux  réimpressions  sont 
très-fautives.  En  1663,  Baluze  revit  les  écrits 
de  Salvien  sur  trois  anciens  manuscrits,  et 


il  les  fit  imprimer  avec  des  notes  de  sa  façon 
et  le  Mémoire  de  Vincent  de  Lérins,  chez 
François  Muguet,  in-8°.  Nous  avons  encore 
deux  autres  éditions  de  Salvien  auxquelles 
Baluze  a  eu  aussi  part,  l'une  en  1669,  l'autre 
en  1684  :  toutes  les  deux  à  Paris,  chez  le 
même  imprimeur.  C'est  sur  l'édition  de 
1669  qu'on  a  mis  les  œuvres  de  Salvien 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères,  à  Lyon,  en 
1677,  et  il  paraît  qu'on  s'en  est  servi  dans 
l'édition  de  Brème,  en  1688,  in-4''.  [L'édition 
de  1684  a  paru  de  nouveau  dans  Galland, 
tome  X,  et  de  là  elle  a  passé  dans  la  Patro- 
logie  latine,  tome  LUI,  avec  les  prolégomènes 
de  Galland  et  une  notice  littéraire  de  Schœ- 
neraann.  Une  édition  reproduisant  Baluze, 
avait  paru  à  Venise  en  1728,  in-8°t  Démé- 
trius  Barbulius  a  publié  une  édition  remar- 
quable avec  une  concordance,  Pesaro  1729, 
in-folio.] 

Les  livres  de  la  Providence  furent  traduits 
en  italien,  et  imprimés  eh  cette  langue,  à 
Milan,  en  1579.  Pierre  du  Ryer  les  fit  impri- 
mer en  français,  à  Paris,  en  1634  :  ils  avaient 
déjà  été  imprimés  en  cette  langue,  à  Lyon, 
en  1575,  in-S".  En  1655,  Pierre  Gorse  donna 
une  nouvelle  traduction  avec  des  notes,  à 
Paris,  chez  Gaspard  Méturas,  in-4''.  L'abbé 
Drouet  de  Maupertuy  donna  en  1701  une 
traduction  du  traité  de  la  Providence,  à  Paris, 
chez  Louis  Guérin,  et  en  1704,  une  traduc- 
tion du  traité  du  même  sur  l'Aumône,  à 
Bourges.  Dès  1700,  le  père  Bonnet  de  l'Ora- 
toire en  avait  donné  une  de  toutes  les  œuvres 
de  Salvien  et  du  Mémoire  de  Vincent  de  Lé- 
rins, à  Paris,  chez  Guillaume  Valleyre,  deux 
volumes  in-12.  En  1734,  un  jésuite  donna 
encore  une  traduction  des  mêmes  ouvrages,  à 
Paris,  chez  de  Lespine,  in-12.  [Elle  est  du  père 
de  Mareuil.  J.-F.  Grégoire  et  F.-Z.  Collora- 
bet  ont  donné  une  traduction  nouvelle  avec 
le  texte  en  regard,  Lyon,  Sauvignet,  1833-34, 
2  volumes  in-8''.] 

On  peut  mettre  au  rang  des  éditions  de 
Salvien,  celle  qui  se  fit  des  livres  de  la  Pro- 
vidence, à  Lyon,  en  1647,  quoique  sous  un 
titre  différent  de  celui  qu'on  leur  donne  dans 
les  éditions  communes.  Voici  ce  titre  :  Cen- 
soria  de  prœsentibus  Europœ  calamitatibus  eo- 
rumque  causis  prœloquia,  ab  Osiandro  Stuano. 
Quelques-uns  lui  ont  attribué  un  livre  sur 
les  Passages  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment qui  semblent  être  opposés  l'un  à  l'autre, 
imprimé  à  Bâle,  en  1530;  mais  on  le  croit  de 
Julien  de  Tolède. 


Iv"  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXI.  -  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


379 


CHAPITRE  XXI. 

Saint  Sidoine  Apollinaire,  évêque  de  Clermont  en  Auvergne. 


[Vers  l'an  489.] 


Niissance 
ilo   saint   Si- 


ARTICLE  I". 

HISTOIUE    DE     SA    VIE. 

1.  Saint  Sidoine,  à  qui  l'on  donne  les  noms 
de  Caïus,  SoUius  Apollinaire  ^  était  sorti 
d'une  famille  illustre  et  des  premiers  séna- 
teurs des  Gaules  ^.  11  avait  eu  parmi  ses  an- 
cêtres 5  des  préfets  de  Rome  et  du  prétoire, 
des  maîtres  des  offices  et  des  généraux  d'ar- 
mée. On  met  sa  naissance  vers  l'an  430,  et 
on  ne  peut  guère  la  mettre  plus  tôt,  puis- 
qu'au  commencement  de  449,  il  ne  faisait 
que  sortir  de  l'enfance  et  entrer  dans  la  jeu- 
nesse. C'est  ce  qui  paraît  par  une  de  ses  let- 
tres à  Nammace  *.  Dans  un  de  ses  poèmes  ^ 
il  dit  qu'il  vint  au  monde  le  cinquième  de 
novembre.  Ce  fut  dans  la  ville  de  Lyon  ^  ; 
d'où  vient  qu'il  appelle  saint  Patient,  évêque 
de  Lyon  ',  le  chef  de  sa  ville  par  le  sacer- 
doce, et  qu'il  se  met  au  nombre  des  citoyens 
de  Lyon  ^  qui  célébraient  annuellement  la 
fête  de  saint  Just.  Il  s'appliqua  de  bonne 
heure  à  l'élude  des  lettres  humaines,  et  eut 
pour  maîtres  dans  la  poésie  les  poètes  Hoé- 
nus  et  Victor  ^,  qui  fut  depuis  questeur  sous 
Anthémius.Il  étudia  la  philosophie  sous  Eu- 
sèbe  '",  dont  il  relève  la  science  et  la  sagesse. 
Il  semble  aussi  avoir  appris  la  musique^ 
l'astrologie  et  l'arithmétique,  qu'il  appelle 
les  membres  de  la  philosophie  ".  A  toutes  ces 
études  il  joignit  celle  de  la  langue  grecque, 
de  même  que  de  la  latine  '^,  et  il  est  aisé  de 
voir  par  ses  écrits  qu'il  eut  des  maîtres  dans 
l'art  de  parler  et  d'écrire  avec  éloquence.  11 
marque  '^  qu'il  écoutait  avec  plaisir  les  per- 


sonnes qui  excellaient  dans  ce  genre  et  on 
voit  que  dans  le  désir  de  se  rendre  habile,  il 
allait  quelquefois  à  Vienne  consulter  Mam- 
mert  Claudien  '*  sur  les  questions  les  plus 
diiHciles.  Mais,  au  milieu  de  son  application 
aux  sciences,  il  ne  laissait  pas  de  se  divertir 
de  temps  en  temps  à  la  chasse  et  à  d'autres 
exercices  capables  de  délasser  l'esprit  :  il  dit 
avoir  été  présent  à  la  cérémonie  qui  se  fit  en 
449  '^,  à  l'ouverture  du  consulat  d'Astère, 
qu'il  était  même  tout  auprès  du  consul,  mais 
debout  à  cause  de  son  âge,  n'ayant  qu'envi- 
ron dix-huit  ou  vingt  ans. 

2.  Après  s'être  sutEsamment  instruit  dans 
les  sciences  humaines,  il  pensa  au  mariage 
et  épousa  Papianille,  fille  d'Avitus  '",  qui  re- 
çut le  titre  d'auguste  en  455.  Il  en  eut  quatre 
enfants,  Apollinaire,  Sévérienne,  Pioscia  et 
Alcime.  Se  trouvant  gendre  d'un  empereur, 
il  eut  le  moyen  de  contenter  l'ambition  qu'il 
avait  toujours  eue  de  s'élever  aussi  haut  que 
ses  ancêtres  ",  et  même  de  les  surpasser. 
Lors  donc  qu'Avitus,  son  beau-père,  eut  été 
proclamé  auguste  à  Toulouse,  et  depuis  à 
Arles  '8,  il  le  suivit  à  Rome,  où  il  prononça 
son  panégyrique  le  premier  jour  de  l'année 
456.  Il  fut  écouté  avec  de  grands  applaudis- 
sements :  mais  tout  l'avantage  qu'il  en  tira, 
fat  qu'on  lui  dressa  une  statue  d'airain.  Le 
règne  d'Avitus  n'ayant  été  ni  long  ni  heu- 
reux, Sidoine  fut  obligé  de  recourir  à  la  bonté 
de  Majorien,  son  successeur  dans  l'empire.  11 
en  fut  bien  reçu-,  et  ce  prince  étant  venu  h 
Lyon,  sur  la  fin  de  l'an  458,  Sidoine  y  pro- 
nonça  son  panégyrique   en  vers.  Majorien 


So 
liane, 
fBnl 
cbari 


SCS  eii- 
s,    ses 


>  Sidon.,  Carm.  IX. 

2  Greg.  Turon.,  lib.  II  Hist.  Franc,  cap.  xxi. 

3  Sidon.,  lib.  VIII,  Epist.  3. 
*  Sidon.,  lib.  VIII,  Epist.  6. 
°  Idem,  Carm.  XX. 

6  Idem,  lib.  I,  Epist.  58  et  8. 

7  Idem,  lib.  IV,  Epist.  25. 

8  Idem,  ibid.,  Epist.  17. 
8  Idem,  Carm.  IX  et  I. 
i»Idem,  lib.  IV,  Epist.  1. 


"  Sidon.,  Carm.  XIV. 

"  Idem,  lib.  VIII,  Epist.  3. 

13  Sidon.,  lib.  VUI,  Epist.  6. 

"  Lib.  IV,  Epist.  11. 

1=  Lib.  VIII,  Epist.  9. 

<«  Idem,  Carm.  XXIII. 

"  Lupus,  Epist.  ad  Sido7L,  tom.  V  Spicileg.,  pag. 
579. 

'S  Bûcher.,  Hist.  Belgic,  pag.  S23,  et  Idac,  in 
Chr07iic. 


380 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'avait  élevé  à  la  dignité  de  comte  dès  l'an 
461 .  Anthémius  lui  donna  celle  de  chef  du 
sénat  de  Rome  ',  et  de  préfet  de  la  ville,  en 
467,  après  quoi  il  le  fit  patrice  ^,  en  sorte 
qu'il  ne  manquait  plus  que  le  consulat  à  Si- 
doine pour  arriver  aux  plus  hautes  dignités. 
Tous  pliaient  sous  son  autorité  dans  Rome  ^ 
et  en  recevaient  les  ordres  pour  l'adminis- 
tration civile. 
_  11  est  hit       3.  Après  la  mort  d'Eparchius,  évêque  de 
ws°S°4°i    Clermont  en  Auvergne,  Sidoine  fut  élu  mal- 
"""-•  gré  lui  pour  remplir  ce  siège,  étant  encore 

laïque.  Non-seulement  il  gémit  de  se  voir 
chargé  du  poids  d'une  dignité  si  sublime  *, 
il  se  plaignit  encore  publiquement  de  ce 
qu'on  l'avait  élevé  à  l'épiscopat  *>,  et  obligé 
d'enseigner  aux  auti'cs  les  maximes  qu'il  ne 
pratiquait  pas  lui-même.  Il  renonça  dès-lors 
à  la  poésie,  persuadé  ^  qu'un  ecclésiastique 
ne  doit  travailler  que  pour  la  vérité,  et  qu'il 
-  ne  doit  rien  lire  ni  écrire  que  de  sérieux.  Il 
régla  aussi  ses  mœurs,  jeûnant  de  deux 
jours  l'un  '  et  n'ayant  qu'une  table  très-fi'u- 
gale.  Il  s'appliquait  à  la  prière  avec  tant  de 
ferveur  ^,  qu'il  y  répandait  des  larmes.  Il 
méditait  exactement  les  mystères  de  l'Ecri- 
ture ',  visitait  avec  soin  son  diocèse  '",  et 
prenait  souvent  de  chez  lui  de  la  vaisselle 
d'argent  ",  dont  il  distribuait  le  prix  aux 
pauvres.  Car  sa  femme  vivait  encore  lors- 
qu'il fut  choisi  évêque,  mais  éloignée  de  lui. 
Divers  évêques  s'empressèrent  de  lui  témoi- 
gner leur  joie  sur  sa  promotion.  Saint  Loup, 
évêque  de  Troyes,  qui  l'avait  beaucoup  aimé, 
lors  même  qu'il  le  voyait  encore  courir  parmi 
les  déserts  arides  du  siècle,  sentit  son  amour 
pour  lui  se  redoubler,  quand  il  le  vit  entrer 
dans  les  voies  qui  mènent  au  ciel  et  goûter 
les  douceurs  que  l'onction  divine  y  répand. 
C'est  ce  qu'il  témoigne  dans  la  lettre  qu'il  lui 
écrivit  aussitôt  qu'il  eut  appris  son  élection. 
«  Je  rends  grâces  à  Jésus-Chrisl,  lui  dit-il  '^, 
qui  vous  a  appelé  au  sacerdoce  pour  être 
une  lumière  en  Israël,  le  soutien  et  la  conso- 
lation de  l'Eglise  dans  les  tribulations  qui 
l'agitent  de  toute  part.  Quoique  près  de  finir 
ma  course,  je  ne  croirai  point  mourir,  puis- 
qu'on mourant  je  vous  laisserai  à  l'Eglise  au 


»  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  16. 

2  Lib.  V,  Epist.  6. 

3  Tom.  V  Spicileg.,  pag.  579. 

*  Sidon.,  lib.  V,  Epist.  3,  et  lib.  VI,  Epist.  7. 

5  Idem,  lib.  V,  Epist.  3,  9  et  14. 

6  Lib.  IV,  Epist.  22,  et  lib.  VIII,  Epist.  4. 
'  Ub.  VII,  Epist.  14.  —  8  Ibid. 


lieu  de  moi.  »  Il  témoigne  un  grand  désir  de 
l'embrasser,  et  ajoute  :  «  Ce  que  je  ne  puis 
faire  de  corps,  je  le  fais  de  cœur  ;  en  pré- 
sence de  Jésus-Christ  je  vous  honore  et  je 
vous  embrasse  comme  un  prince,  non  plus 
de  l'empire,  mais  de  l'Eglise,  comme  mon 
fils  par  l'âge,  mon  frère  par  la  dignité,  et 
mon  père  par  le  mérite.  »  Après  quoi  il  lui 
donne  cet  avis  important  :  «  Présentement, 
l'ordre  des  choses  est  changé  à  votre  égard. 
Ce  n'est  plus  par  l'éclat  du  faste  extérieur  que 
vous  devez  soutenir  votre  rang,  comme  vous 
faisiez  dans  le  siècle,  c'est  par  le  rabaisse- 
ment le  plus  sincère  de  l'esprit  et  par  l'hu- 
milité du  cœur  la  plus  profonde.  Vous  êtes 
au-dessus  des  autres,  mais  vous  ne  devez 
vous  regarder  au-dessus  de  qui  que  ce  soit. 
Considérez-vous,  au  contraire,  comme  au- 
dessous  des  moindres  de  ceux  qui  vous  sont 
soumis  ;  soyez  prêt  à  baiser  les  pieds  de 
ceux  que  vous  n'auriez  pas  auparavant  es- 
timés dignes  d'être  sous  vos  pieds.  Rien  ne 
vous  peut  relever  davantage  que  l'humilité. 
C'est  là  à  quoi  vous  avez  à  travailler,  à  vous 
rendre  le  serviteur  de  tous  et  à  vous  abais- 
ser au-dessous  de  tous,  autant  que  vous  vous 
êtes  vu  élevé  au-dessus  d'eux.  »  Il  l'exhorte 
à  s'appliquer  aux  fonctions  laborieuses  de 
son  ministère,  principalement  à  l'instruction 
des  peuples,  afin  qu'il  ne  parût  pas  avoir 
moins  de  zèle  et  de  capacité  pour  les  choses 
du  ciel,  qu'il  en  avait  eu  pour  celles  de  la 
terre.  On  voit  par  la  réponse  de  saint  Si- 
doine '^,  avec  quel  respect  il  reçut  ses  avis. 
Il  entretint  depuis  un  commerce  de  lettres 
avec  saint  Loup. 

4.  L'évêque  de  Bourges  étant  mort,  saint      ,i  „[ 
Sidoine  fut  prié  d'y  venir  faire  l'élection  d'un   BÔargS""  ' 
nouvel  évêque.  Le  peuple  de  cette  ville  était  ""' 
partagé  par  différentes  inclinations,  et  il  y 
en  avait  plusieurs  dans  le  clergé  qui  bri- 
guaient  ouvertement  l'épiscopat.   Saint   Si- 
doine voulant  connaître  plus  particulièrement 
ceux  que  l'on  proposait  '*,  trouva  que  les 
plus  anciens  n'étaient  capables  ni  d'être  évê- 
ques, ni  de  souflrirque  l'on  choisit  quelqu'un 
de  ceux  qui  étaient  plus  jeunes  qu'eux.  Saint 
Sidoine  croyant  devoir  ménager  les  esprits, 


9  Lib.  IV,  Epist.  2. 

10  Lib.  IX,  Epist.  16. 

"  Gi-eg.  Turon.,  lib.  Il  Hist.  Franc,  cap.  sxn. 

12  Tom.  V  Spicileg.,  pag.  579. 

13  Sidon.,  lib.  VI,  Epist.  1. 
1»  Lib.  VII,  Epist.  5  et  9. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


[V«  SIÈCLE.] 

convint  que  beaucoup  d'entre  eux  avaient 
quelque  qualité  épiscopale,  mais  que  ne  les 
ayant  pas  toutes,  il  fallait  jeter  les  yeux  sur 
quelque  autre.  11  aurait  souhaité  '  que  Ton 
en  prît  un  parmi  ceux  qui  avaient  été  élevés 
dans  la  solilude  et  la  vie  religieuse  ;  mais 
cela  n'était  point  du  goût  du  clergé  ni  du 
peuple.  Il  doutait  lui-même  s'ils  auraient  eu 
assez  d'autorité  pour  vaincre  la  dureté  des 
peuples  et  la  licence  des  clercs.  Le  seul  parti 
qui  restait  donc,  était  de  choisir  un  évêque 
parmi  les  laïques,  quoique,  selon  l'ordre  des 
canons,  ils  dussent  être  exclus  de  l'épiscopat. 
Mais  on  n'y  avait  pas  toujours  eu  égard  dans 
les  besoins  extraordinaires  de  l'Eglise.  De 
trois  qu'il  semble  que  Ton  proposa,  il  y  en 
avait  deux  qui  s'étaient  engagés  deux  fois 
dans  le  mariage.  Le  troisième  était  d'une  fa- 
mille considérable,  illustre  et  dans  les  di- 
gnités du  monde  et  dans  celles  de  l'Eglise. 
Son  nom  était  Simplice.  Saint  Sidoine,  qui 
avait  connu  son  mérite  par  sa  réputation,  s'en 
informa  encore  en  cette  occasion. Tous  les  té- 
moignages lui  furent  avantageux  :  les  ariens 
mêmes,  toujours  prêts  à  calomnier  les  ca- 
tholiques, ne  lui  reprochèrent  rien,  et  ses 
compétiteurs  à  l'épiscopat  demeurèrent  dans 
le  silence  lorsqu'on  le  proposa.  Saint  Sidoine 
jugeant  de  là  que  Simplice  était  d'une  vertu 
éprouvée,  n'en  voulut  point  d'autre  pour 
évêque  de  Bourges.  Mais  comme  il  était  seul 
d'évêque,  et  qu'il  fallait  que  l'ordination  de 
Simplice  fût  autorisée  par  les  métropolitains 
des  autres  provinces,  il  écrivit  à  saint  Eu- 
phrone  d'Autun,  à  Agrèce  de  Sens,  et  à  quel- 
ques autres  pour  les  inviter  à  l'élection  d'un 
évêque  de  Bourges.  Lorsqu'on  voulut  y  pro- 
céder, les  brigues  qui  avaient  paru  assou- 
pies, se  renouvelèrent  avec  tant  de  force, 
qu'il  eût  été  impossible  de  rien  terminer,  si 
le  peuple,  gagné  par  les  raisons  des  évêques 
présents,  n'eût  consenti  à  s'en  rapporter  au 
jugement  de  saint  Sidoine  pour  l'élection 
d'un  évêque.  L'acte  par  lequel  le  peuple  se 
départait  de  son  droit,  fut  mis  par  écrit  :  il 
portait  de  plus  qu'il  s'obligeait  par  serment, 
de  s'en  tenir  au  choix  que  ferait  saint  Si- 
doine. Le  saint  évêque,  après  en  avoir  déli- 
béré avec  les  autres  évêques,  fit  un  discours 
devant  le  peuple,  qui  l'écouta  avec  une 
grande  attention.  Il  roula  particulièrement 


381 


sur  la  difficulté  de  trouver  pour  exercer 
les  fonctions  de  l'épiscopat,  des  personnes 
dont  le  choix  pût  plaire  généralement.  Il 
parla  aussi  avec  beaucoup  de  force  contre 
les  défauts  de  quelques  ecclésiastiques  :  et 
après  avoir  déclaré  qu'il  ne  trouvait  pei'- 
sonne  plus  digne  de  l'épiscopat  que  Simplice, 
dont  il  fit  un  grand  éloge,  il  finit  son  discours 
par  ces  paroles  :  «  Au  nom  du  Père,  du  Fils 
et  du  Saint-Esprit,  je  déclare  que  c'est  Sim- 
plice qui  doit  être  établi  le  métropolitain  de 
notre  province  et  le  souverain  prélat  de 
votre  ville.  »  Simplice,  ordonné  évêque,  ré- 
pondit à  l'estime  qu'il  s'était  attirée  avant  son 
épiscopat  par  sa  probité,  par  son  savoir  et 
par  la  beauté  de  son  esprit. 

5.  Les  efforts  que  les  Visigoths  firent  vers 
l'an  474,  pour  se  rendre  maîtres  de  l'Auver- 
gne après  l'avoir  désolée,  engagèrent  saint 
Sidoine  de  recourir  à  Dieu  pour  délivrer  son 
Eglise  de  la  puissance  de  ces  Barbares.  Il 
établit  à  cet  effet  dans  son  diocèse  les  Roga- 
tions, que  saint  Mammert  avait  instituées  de- 
puis quelque  temps  dans  le  sien.  Les  Visi- 
gotlis  ne  laissèrent  pas  de  se  rendre  maîtres 
de  Clermont  avant  la  fin  du  mois  d'août  de 
l'an  475,  et  les  ravages  qu'ils  firent  dans 
l'Auvergne,  obligèrent  plusieurs  personnes 
à  en  sortir.  Le  saint  évêque  sachant  qu'on 
voulait  leur  céder  l'Auvergne  ^,  fit  tout  ce 
qui  dépendit  de  lui  pour  faire  insérer  dans 
le  traité  de  cession  un  article  par  lequel  il 
serait  permis  aux  catholiques  soumis  aux 
Visigoths,  d'ordonner  des  évêques.  Euric, 
leur  chef,  mécontent  apparemment  du  zèle 
de  saint  Sidoine  ^,  autant  que  de  son  affec- 
tion pour  les  Romains  et  de  son  union  avec 
les  personnes  les  plus  considérables  des 
Gaules,  l'envoya  prisonnier  au  château  de 
Livianne,  à  quatre  ou  cinq  lieues  de  Carcas- 
sonne,  sur  le  chemin  de  Narbonne.  11  y  de- 
meura longtemps  enfermé  *,  et  il  y  eut  beau- 
coup à  souffrir,  quoiqu'on  lui  permit  de  re- 
cevoir les  visites  de  ses  amis.  Il  en  fut  tiré 
par  le  moyen  de  Léon,  ministre  d'Euric, 
homme  d'esprit  et  de  savoir,  qui  faisait  pro- 
fession d'estimer  et  d'aimer  saint  Sidoine. 
Léon  lui  avait  demandé  pendant  sa  détention 
à  Livianne  ^,  une  copie  de  kVie  du  philoso- 
phe Apollonius  de  Thyane,  par  Philostrate,  et 
l'avait  prié  de  la  revoir  lui-même;  mais  saint 


Il  établUIes 
Ho(^ation  s 
dans  son 
hglise.  Il  est 
fait  rrison- 
nipr  vers  l'an 
474. 


1  Lib.  VII,  Epist.  9. 

2  Sidon  ,  lib.  VII,  Epist.  6. 

'  Euclier.,  Hist.  Belgic,  pag.  559. 


'  Sidon.,  lib.  VUI,  Epist.  3. 
E  Lib.  VIII,   Ep'ist.  3;  Sirmond.,   notis   in   illam 
Epist.,  pag.  1054. 


382 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sidoine  n'ayant  pu  lui  rendre  alors  ce  ser- 
vice, s'en  acquitta  quelque  temps  après  son 
retour  à  Clermont.  Quelques-uns  ont  cru  que 
ce  ministre  avait  demandé  une  traduction  de 
la  Vie  d'Apollonius  :  mais  on  sait  que  les  plus 
grands  hommes  ne  plaignaient  point  alors 
leur  temps  ni  leurs  peines  à  faire  des  copies 
ou  à  les  revoir,  alin  de  les  rendre  exactes. 
Saint  Sidoine  envoya  celle  que  Léon  lui  avait 
demandée,  avec  une  lettre  où  il  relève  un 
peu  trop  la  fausse  vertn  d'Apollonius.  L'Au- 
vergne était,  ce  semble,  encore  sous  la  do- 
mination des  Visigotlis,  lorsque  saint  Sidoine 
alla  en  Rouergue  ' ,  faire  la  dédicace  de  l'é- 
glise qu'Elaphe  y  avait  fait  bâtir.  Le  zèle  que 
ce  seigneur  faisait  paraître  dans  un  temps 
où  Euric  permettait  à  peine  d'entretenir  les 
anciennes  églises,  fit  souhaiter  à  saint  Si- 
doine qu'Elaphe  fût  un  jour  évêque  de  cette 
nouvelle  église  :  et  il  y  a  apparence  que  son 
désir  fut  exaucé,  puisque  nous  avons  une 
lettre  2  de  l'évêque  Ruricius,  où  il  traite  Ela- 
phe  de  frère. 
iirevoiisre  6.  Constauce.  prêtre  de  l'EgHse  de  Lyon, 
s'excuse  a;!;-  son  ami  particuher,  avait  souvent  prié  saint 
loire.  Sidoine  de  revoir  ses  lettres  et  d'en  faire  un 

corps  pour  les  donner  au  public.  Le  saint 
évêque  ne  se  rendit  qu'avec  beaucoup  de 
peine;  mais  enfin  il  en  fit  sept  livres,  et  dédia 
tout  l'ouvrage  à  Constance.  11  n'était  pas  en- 
core rendu  public  lorsque  Léon,  qui  était  in- 
formé de  son  travail,  le  fit  prier,  aussitôt  qu'il 
serait  achevé,  de  continuer  l'histoire  de  la 
guerre  d'Attila  et  du  siège  qu'il  avait  mis 
devant  Orléans.  Saint  Sidoine  l'avait  com- 
mencée à  la  prière  de  saint  Prosper,  évêque 
de  cette  ville.  Mais  trouvant  l'entreprise  au- 
dessus  de  ses  forces,  il  avait  prié  saint  Pros- 
per de  le  décharger  d'une  dette  dont  il  ne 
croyait  pas  pouvoir  jamais  s'acquitter.  Il  ré- 
pondit donc  à  Léon  ^  que  l'état  d'un  évêque 
étant  de  ne  penser  qu'à  se  tenir  dans  l'obs- 
curité et  à  ne  chercher  point  d'autre  gloire 
que  celle  du  ciel,  il  ne  pouvait  sans  danger 
se  charger  d'un  ouvrage  de  cette  nature,  sur- 
tout dans  un  temps  où  l'on  parlait  beaucoup 
contre  les  ecclésiastiques;  en  sorte  qu'on  les 
traitait  d'insensés  et  de  stupides,  lorsqu'ils 
publiaient  quelque  écrit  d'un  mérite  mé- 
diocre :  ou  de  présomptueux,  si  c'était  quel- 


que chose  de  plus  travaillé  et  de  plus  poli. 
Il  ajoutait  qu'il  lui  serait  honteux  de  mentir 
et  de  flatter,  et  dangereux  de  reprendre  le 
vice  avec  la  liberté  nécessaire  :  il  ne  lui  dis- 
simulait pas  même  qu'il  avait  peine  de  se 
voir  sous  la  domination  des  Goths,  à  qui  il 
semble  attribuer  la  cause  d'une  langueur  qui 
le  rendait  paresseux  à  écrire. 

7.  Dans  les  dernières  années  de  son  épis-     ii  est  perse- n 

■*■  culo  par  deux  1 

copat,  deux  de  ses  prêtres  se  soulevèrent  ■lesospiares.^ 
contre  lui*  et  lui  ôtèrent  l'administration  des 
biens  de  son  Eghse,  ne  lui  en  laissant  que 
très-peu  pour  vivre  :  l'un  d'eux  l'avait  même 
menacé  de  le  chasser  de  l'église.  Comme  il 
se  levait  dans  le  dessein  d'exécuter  ses  me- 
naces. Dieu  en  empêcha  l'effet;  car  ce  mal- 
heureux étant  entré  dans  un  lieu  secret,  il  y 
mourut  de  la  même  manière  qu'Arius.  L'autre 
mourut  d'une  mort  à  peu  près  semblable.  On 
rapporte  à  la  même  persécution,  que  saint 
Sidoine  ayant  été  prié  de  venir  faire  l'office 
dans  le  monastère  de  Saint-Cirgue,  le  jour 
de  la  fête,  on  lui  ôta  par  malice  le  livre  dont 
il  se  servait  ordinairement  dans  la  célébra- 
tion des  mystères.  Gela  ne  l'empêcha  pas  de 
faire  tout  ce  qu'il  fallut  pour  la  solennité,  et 
avec  tant  d'esprit,  qu'il  fut  admiré  de  tout  le 
monde,  apparemment  parce  qu'il  composa 
sur-le-champ  les  prières  elles  cantiques  qu'il 
voulait  offrir  à  Dieu.  C'est  tout  ce  que  nous 
savons  des  dernières  années  de  sa  vie,  qu'il 
prolongea,  au  plus,  jusqu'en  489,  puisqu'il 
mourut  sous  l'empire  de  Zenon  ''.  Son  épi- 
taphe,  que  nous  avons  encore  ^,  met  sa  mort 
au  vingt-et-unième  d'août^  sans  en  marquer 
l'année.  Les  ouvrages  qui  nous  restent  de 
lui,  sont  ses  poésies  et  ses  lettres. 


ARTICLE  n. 


DES  ECRITS  DE  SAINT    SIDOINE   APOLLINAIRE. 


De  ses  Lettres. 

1 .  Le  redieil  des  lettres  de  saint  Sidoine  Lettres  a 
nous  a  été  donné  dans  le  même  état  qu'il  ™"'S'<io'ne. 
l'avait  mis  lui-même  '.  Elles  sont  placées  in- 
différemment, sans  ordre  de  temps  ni  de  ma-  c 
tières  :  le  saint  y  traite  toute  sorte  de  sujets  I 
et  toute  sorte  d'affaires,  mais  d'une  manière  t 


'  Sidon.,  lib.  IV,  Episi.  15. 

2  Ruric,  lib,  II,  Epist.  7. 

s  Sidon.,  lib.  IV,  Epist.  22. 

*  Greg.  Turon.,  lib.  Il,  Hist.  Franc,  cap.  xxm. 


s  Gennad.,  de  Vir.  illustr.,  cap.  xcii. 
8  Sidon.,  Yitu,  tom.  I  oper.  Sirm. 
'  Sidon.,  lib.   I,  pag.   838,  tom.    I    opcr.   Sirm., 
edit.  Paris.,  1696. 


[v«  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


383 


Livre  I.  qui  n'est  point  suivie.  On  trouve,  à  la  tête 
du  premier  livre,  celle  qu'il  écrivit  à  Cons- 
tance, prêtre  de  Lyon,  qui  l'avait  exhorté 
d'en  faire  un  corps  et  de  les  donner  au  pu- 
blic. Saint  Sidoine  lui  en  envoya  quelques- 
unes,  afin  qu'il  les  corrigeât  et  qu'il  les  polit 
lui-même,  lui  promettant  que  si  elles  étaient 
bien  reçues  du  public,  il  lui  en  enverrait 
bientôt  plusieurs  autres.  On  peut  inférer  de 
là  qu'il  ne  publia  d'abord  que  son  premier 
livre,  qui  contient  onze  lettres.  La  seconde 
est  à  Agricola.  Il  avait  prié  saint  Sidoine,  son 
beau-frère,  de  lui  faire  le  portrait  de  Théo- 
doric,  second  roi  des  Visigolhs  ',  qui  com- 
mença à  régner  après  la  mort  de  son  frère, 
en  433.  Saint  Sidoine  voyait  ce  prince  assez 
familièrement  et  jouait  souvent  avec  lui. 
Comme  il  savait  que  Théodoric  n'était  ja- 
mais plus  facile  à  accorder  quelque  grâce, 
que  lorsqu'il  gagnait  au  jeu,  il  se  laissait 
perdre  quand  il  en  avait  quelqu'une  à  lui  de- 
mander. Par  la  peinture  qu'en  fait  saint  Si- 
doine, il  pai-aît  qu'il  avait  de  grandes  quali- 
tés de  corps  et  d'esprit  ^,  surtout  beaucoup 
de  bonté,  mais  qu'il  n'avait  que  les  dehors 
delà  religion.  On  met  la  lettre  à  Philimacius 
en  455,  lorsque  Avitus  eut  été  fait  général 
des  armées  romaines.  Sidoine,  qui  voyait  sa 
famille  relevée  par  cet  emploi,  avoue  ingé- 
nument dans  cette  lettre  que  son  ambition 
le  portait  à  égaler  ses  ancêtres  par  les  di- 
gnités du  siècle.  Il  y  conseille  aussi  à  Phili- 
macius, qui  était  son  ami,  d'accepter  une 
charge  d'assesseur  du  préfet  des  Gaules, 
qu'on  lui  offrait  ^.  Il  parle  d'un  Gaudence, 
qui,  quoique  d'une  naissance  médiocre,  était 
parvenu  à  la  dignité  de  vicaire  du  préfet;  il 
remarque  à  cette  occasion  que  quelques  no- 
bles superbes  et  paresseux,  faisant  les  phi- 
losophes à  contre-temps,  affectaient,  au  mi- 
lieu de  leurs  débauches,  de  mépriser  les 
dignités  auxquelles  ils  n'osaient  aspirer, 
parce  qu'ils  n'avaient  pas  le  courage  de  tra- 
vailler pour  les  mériter  et  se  rendre  capables 
de  les  exercer  *.  On  voit,  par  sa  lettre  à  Hé- 
ron, qu'étant  tombé  malade  d'une  fièvre 
dans  son  voyage  de  Rome,  il  alla,  avant  que 
d'entrer  dans  la  ville,  se  prosterner  dans  l'é- 
glise des  apôtres,  c'est-à-dire  de  Saint-Pierre, 


qui  était  alors  hors  Rome,  et  qu'il  se  sentit 
aussitôt  parfaitement  guéri  ^,  par  une  faveur 
singulière  du  ciel.  Ce  fut  dans  le  voyage  de 
Rome  qu'il  écrivit  à  Eutrope,  pour  l'inviter 
d'y  venir  travailler  à  obtenir  quelque  diguilé 
proportionnée  à  sa  naissance  ^.  Il  lui  pro- 
mettait de  le  servir  dans  tout  ce  qui  dépen- 
drait de  lui.  Sidoine  était  encore  à  Rome  en 
469,  lorsqu'Arvande,  préfet  des  Gaules,  y 
fut  amené  prisonnier,  accusé  de  péculat  et 
de  lèse-majesté.  Sidoine,  qui  était  son  ami^ 
regarda  comme  une  lâcheté  ^,  une  barbarie 
et  une  perfidie  de  l'abandonner  dans  sa  mau- 
vaise fortune.  Il  sollicita  donc  vivement  au- 
près de  l'empereur  Anthémius,  pour  obtenir 
qu'on  lui  accordât  du  moins  la  vie  et  qu'on 
se  contentât  de  lui  ôter  les  biens  et  de  l'en- 
voyer en  exil.  Arvande,  pendant  ce  temps- 
là,  fut  condamné  au  dernier  supplice  et  en- 
fermé dans  l'île  du  Tibre,  pour  y  passer  les 
trente  jours  accordés  à  ceux  que  le  sénat 
avait  condamnés.  Sidoine  obtint  ce  qu'il 
souhaitait  avant  l'expiration  des  trente  jours  : 
Arvande  fut  seulement  banni  par  Anthémius. 
Toute  cette  histoire  est  rapportée  dans  la  let- 
tre de  Sidoine  à  Vincent,  à  qui  il  témoigne 
qu'il  s'affligeait  du  malheur  d'Arvande,  quoi- 
que l'affection  qu'il  lui  avait  témoignée  en 
d'autres  occasions,  lui  eût  fait  quelque  tort  à 
lui-même.  Pendant  son  séjour  à  Rome,  il 
reçut  une  lettre  de  Candidien,  qui  le  congra- 
tulait de  ce  qu'il  avait  quitté  les  brouillards 
de  Lyon  pour  aller  vers  le  soleil,  en  Italie  *. 
Sidoine  le  raille  à  son  tour  sur  Césène,  qui 
était  le  lieu  de  sa  naissance,  disant  qu'elle 
avait  plus  l'air  d'un  four  que  d'une  ville,  et 
sur  les  confins  et  les  marais  de  Ravenne,  où 
Candidien  faisait  alors  sa  demeure.  Il  nous  ap- 
prend dans  sa  lettre  à  Héron  comment,  après 
la  solennité  du  mariage  du  patrice  Ricimer 
avec  la  fille  d'Anthémius,  il  parvint  à  s'insi- 
nuer dans  l'esprit  de  ce  prince,  et  obtint  de 
lui,  par  la  protection  de  Basile,  qui  avait  été 
consul  en  463,  la  charge  de  chef  du  sénat  de 
Rome  et  de  préfet  de  la  ville  *.  Dès  le  com- 
mencement de  sa  préfecture,  c'est-à-dire  en 
468,  on  craignit  à  Rome  une  famine  '".  Pour 
la  prévenir,  Sidoine  ayant  eu  avis  que  cinq 
vaisseaux  chargés  de  blé  et  de  miel,  venant 


>  Lib.  I,  Epist.  2,  pag.  840. 
2  Epist.  3,  pag.  845.  —  3  Epist.  4,  pag.  846. 
'  Epist.  5,  pag.  847. 

^  Ubi  priusquam  vel  pomeria  contingerem,    trium- 
phalihus  apostolorum  liminibus  affusus  omnem  proii- 


nus  sensi  membris  maie  fortibus  explosum  esse  tan- 
guorem.  Epist.  5  ad  Héron.,  pag.  851. 

6  Epist.  6,  pag.  853.  —  '  Epist.  7,  pag.  85S. 

3  Epist.  8,  pag.  801.  —  9  Epist.  9,  pag.  862. 

»»  Epist.  10,  pag.  867. 


384 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  Brinde,  étaient  arrivés  à  Ostie,  il  envoya 
l'intendant  des  vivres  pour  les  faire  au  plus 
tôt  amener  à  Rome  et  les  exposer  au  peuple. 
La  lettre  à  Montius  regarde  une  satire  en 
vers  que  l'on  attribua  à  Sidoine,  en  461,  lors- 
qu'il était  à  Arles  '.  Elle  déchirait  nommé- 
ment plusieurs  personnes,  entre  au  tresPéone, 
qui  avait  été  préfet  des  Gaules,  et  c'était 
Péone  qui  accusait  Sidoine  de  l'avoir  faite. 
L'empereur  les  invita  l'un  et  l'autre  à  man- 
ger avec  les  principaux  de  la  cour.  Il  fut 
question,  pendant  le  repas,  de  la  satire.  Si- 
doine l'ayant  désavouée,  Péone,  qui  n'avait 
point  de  preuves,  demeura  confus.  Sidoine 
demanda  à  Majorien,  en  deux  vers  faits  sur- 
le-cliamp  ^,  la  permission  de  faire  une  satire 
contre  celui  qui  l'accusait  sans  preuve  d'en 
avoir  fait  une.  Ce  prince  la  lui  accorda.  Mais, 
au  sortir  du  palais,  Péone  ayant  demandé 
pardon  à  Sidoine,  leur  démêlé  se  termina 
par  la  médiation  des  seigneurs  de  la  cour. 
Cependant  le  bruit  continuant  toujours  que 
Sidoine  était  auteur  de  la  satire,  Montius,  qui 
était  de  ses  amis,  le  pria  de  la  lui  envoyer. 
Sidoine  trouvant  mauvais  qu'il  le  crût  ca- 
pable d'une  chose  de  cette  nature,  lui  ra- 
conte, pour  le  détromper,  ce  qui  s'était  passé 
entre  Péone  et  lui,  soit  en  présence  de  l'em- 
pereur Majorien,  soit  devant  les  grands  de  la 
cour. 
i,i„oi[.  2.  Dans  la  lettre  à  Ecditius,  son  beau- 
frère,  Sidoine  fait  une  relation  des  violences 
que  Séronate  exerçait  dans  l'Auvergne,  vers 
l'an  471  ^.  Elles  étaient  si  grandes,  que  les 
personnes  de  qualité  pensaient,  si  l'on  n'y 
apportait  remède,  à  abandonner  ou  leur  pays 
ou  leurs  cheveux,  en  se  faisant  clercs.  C'est 
pourquoi  il  le  prie  de  revenir  en  diligence  dans 
cette  province,  pour  donner  aux  autres  le  se- 
cours ou  le  conseil  dont  ils  avaient  besoin  *. 
Ce  Séronate  était  préposé  aux  impôts  pu- 
blics. La  lettre  à  Domitius,  professeur  en 
rhétorique  dans  la  ville  de  Clermont,  est  une 
invitation  de  venir  passer  quelque  temps  à 
Avitac,  où  Sidoine  avait  une  maison  de  cam- 
pagne. Il  eu  fait  la  description  en  douze  vers^, 
et  marque  qu'il  y  avait  un  endroit  oiî  il  jouait 
ordinairement  à  la  paume  et  aux  dés  avec 
son  beau-frère  Ecditius,  quand  il  le  venait 
voir.  Celle  qu'il  écrivit  à  Félix,  est  un  com- 

»  Epist.  11,  pag.  867. 

2  Scribere  me  sulyram  qui  culpat,  maxime  princeps, 
Hanc  rogo  décernas,  aut  protêt,  aut  timeat. 

Sidon.,  lib.  I,  Epist.  2. 
s  Epist.  \,  pag.  875.  —  4  Epist.  2,  pag.  878. 


pliment  de  congratulation  sur  la  dignité  de 
patrice  ^,  à  laquelle  il  avait  été  élevé  depuis 
peu.  Dans  la  lettre  à  Sj'agrius,  il  rend  un  té- 
moignage avantageux  à  un  homme  de  con- 
dition, qui  demandait  en  mariage  la  fille 
d'Optantius,  mort  depuis  peu  ',  dont  Syagrius 
était  tuteur.  Il  écrivit  à  Pétrone  qui  avait  la 
réputation  d'être  très-habile  dans  les  lettres 
et  dans  la  jurisprudence,  pour  le  prier  d'exa- 
miner les  affaires  de  deux  de  ses  amis  ^,  et 
de  leur  conseiller  ce  qui  lui  paraîtrait  de 
mieux  pour  eux.  La  lettre  à  Pégase  est  un 
éloge  fort  court  d'un  de  leurs  amis  com- 
muns ^.  Celle  à  Explitius  est  pour  l'engager 
à  être  l'arbitre  d'un  différend  '".  Une  dame  de 
condition,  nommée  Phylimacie,  étant  morte, 
Sidoine  en  donna  avis  à  Désiré,  afin  qu'il 
vint  consoler  le  père  et  le  mari  de  cette  dame. 
Il  le  pria  aussi  "  de  dire  son  sentiment  sur 
l'épitaphe  qu'il  en  avait  faite,  ne  voulant  pas 
la  rendre  publique  qu'elle  n'eût  son  appro- 
bation. Cette  épitapbe  est  jointe  à  la  lettre 
de  Sidoine  à  Désiré.  Il  fait,  dans  sa  lettre  à 
Donide,  le  récit  des  marques  d'amitié  qu'il 
avait  reçues  de  deux  sénateurs,  Ferréol  et 
Apollinaire  '^,  dans  les  maisons  de  campagne 
qu'ils  avaient  sur  les  bords  de  la  rivière  du 
Gardon.  Il  y  passa  sept  jours  entiers,  s'occu- 
pant  tantôt  au  jeu,  tantôt  à  la  lecture,  tan- 
tôt à  converser  avec  ses  amis.  Il  marque 
qu'on  servait  le  dîner  après  onze  heures, 
qu'on  le  faisait  ample,  mais  de  peu  de  plats  à 
la  mode  des  sénateurs.  Il  regarde  les  livres 
de  littérature  comme  devant  être  entre  les 
mains  des  hommes,  et  ceux  de  piété  entre  les 
mains  des  femmes.  Ainsi  il  donne  à  celles-ci 
les  écrits  de  saint  Augustin  et  de  Prudence , 
et  à  ceux-là  les  livres  de  Varron  et  d'Ho- 
race. Il  parle  de  la  traduction  d'Origène,  faite 
par  Rufin,  comme  très -exacte.  Un  jeune 
homme  qui  s'appliquait  beaucoup  à  l'élude'^, 
l'ayant  prié  de  lui  communiquer  ce  qu'il  avait 
fait  de  vers  depuis  son  départ,  Sidoine  lui 
envoya  ceux  qu'il  avait  composés  pour  met- 
tre au  dehors  d'une  église  que  saint  Patient, 
évêque  de  Lyon,  avait  fait  bâtir.  Ce  jeune 
homme  se  nommait  Hesper  ;  on  croit  que  c'est 
le  même  à  qui  est  adressée  la  lettre  vingt- 
deuxième  du  quatrième  livre.  On  y  voit  qu'il 
avait  prié  Sidoine  d'écrire  l'histoire   de  la 

5  Carm.  XVIIL  pag.  1271. 
«  Epist.  3,  pag.  887.  —  t  Epist.  4,  pag.  887. 
8  Epist.  5,  pag.  888.  —  ^  Epist.  6,  pag.  889. 
»»  Epist.  1,  pag.  889.  —  "  Epist.  8,  pag.  890. 
12  Epist.  9,  pag.  892.  —  »»  Epist.  10,  pag.  896. 


siÈCLE.l    CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE ,  ÉVÊQUE. 


385 


guerre  d'Attila,  de  la  part  de  Léon,  ministre 
d'Euric.  Piustique  de  Bordeaux  avait  envoyé 
ses  gens  à  Sidoine  ',  pour  lui  recommander 
une  atiaire.  Sidoine  marque  dans  sa  réponse, 
qu'il  a  fait  ce  que  Rustique  avait  souhaité  de 
lui.  Ce  Rustique  ou  un  autre  de  même  nom, 
avait  demandé  à  saint  Euclier,  ses  deux  livres 
sur  l'Ecriture ,  pour  en  tirer  une  copie.  Le 
saint  les  lui  envoya.  Rustique  en  l'en  remer- 
ciant par  une  lettre  que  le  P.  Sirmond  nous  a 
donnée  ^,  fait  un  très-bel  éloge  de  ces  deux' 
livres.  Agricola,  beau-frère  de  Sidoine,  lui 
avait  envoyé  un  bateau  pour  l'inviter  à 
venir  pécher  avec  lui.  Sidoine  s'en  excusa 
sur  la  maladie  de  sa  fille  Sévérienne  3,  qu'il 
était  obligé  de  transporter  à  la  campagne, 
pour  lui  faire  respirer  l'air  plus  frais,  et  pour 
l'éloigner  des  médecins,  qui  sont,  dit-il,  très- 
prompts  à  proposer  des  remèdes,  mais  non 
à  s'accorder  ensemble;  qui  sont  assez  assi- 
dus auprès  des  malades,  et  peu  habiles  à  les 
soulager,  et  qui  en  tuent  beaucoup  par  l'excès 
de  leurs  bons  offices.  Serran  lui  avait  écrit 
une  lettre  fort  longue,  sur  la  félicité  préten- 
due de  Maxime,  qui  avait  régné  deux  mois 
après  Valentinien  III  *,  dont  il  avait  usurpé 
le  siège;  Sidoine  lui  fait  voir,  que  ce  qu'il 
estimait  félicité  dans  Maxime,  était  le  comble 
de  la  misère  ^.  Sa  lettre  à  Maurusius  est  un 
compliment  d'amitié. 

3.  En  473  ou  474,  un  de  ses  parents,  nom- 
mé Avitus  ^,  qui  était  de  même  âge  que  lui, 
et  avec  qui  il  avait  étudié,  fit  donation  d'une 
terre  à  l'Eglise  de  Clermont.  Sidoine,  qui  en 
était  alors  évêque,  lui  écrivit  pour  l'en  remer- 
cier. 11  lui  dit  que  c'est  pour  le  récompenser 
de  cette  aumône  que  Dieu  lui  a  envoyé  une 
riche  succession,  et  le  prie  de  travailler  à  faire 
quelque  accord  enlre  l'Empire  et  les  Visi- 
goths,  afin  de  mettre  l'Auvergne  à  couvert 
des  efforts  que  ces  barbares  faisaient  pour 
s'en  rendre  maîtres,  après  l'avoir  désolée. 
Ce-  n'était  pas  seulement  la  crainte  de  tom- 
ber sous  la  puissance  des  Visigoths  qui  affli- 
geait saint  Sidoine  ;  il  n'en  avait  pas  moins  de 
voir  les  esprits  elles  cœurs  de  son  peuple  di- 
visés. Constantin  ou  Constance,  prêtre  de  l'E- 
glise de  Lyon,  son  intime  ami  ^,  voulant 
essayer  de  le  tirer  de  cette  perplexité,  vint  à 


Clermont  durant  l'hiver  de  l'an  473,  y  récon- 
cilia les  esprits  etleurpersuada  de  se  réunir 
pour  leur  commune  défense,  et  de  travailler 
incessamment  à  réparer  les  murailles  de  leur 
ville,  presque  ruinées  par  le  siège  qu'elle 
avait  soutenu.  Lorsque  Constance  s'en  fut 
retourné  à  Lyon,  saint  Sidoine  lui  écrivit  une 
lettre  de  remerciement  au  nom  de  toute  la 
ville  de  Clermont.  Pour  lui  marquer  d'autant 
mieux  sa  reconnaissance,  il  fait  une  descrip- 
tion des  dangers  et  des  difficultés  qui  se  ren- 
contrent dans  les  chemins  qui  conduisent  de 
Lyon  en  Auvergne.  C'était  Egditius,  fils  de 
l'empereur  Avitus,  qui  avait  défendu  la  ville 
de  Clermont,  et  qui  avait  chassé  les  Goîhs  de 
l'Auvergne  ^.  Peu  après  il  était  allé  à  la  cour 
des  rois  de  Bourgogne,  dont  il  était  fort  aimé. 
Saint  Sidoine,  qui  craignait  toujours  que  les 
Goths  ne  tentassent  de  nouveau  de  prendre 
Clermont,  écrivit  à  Egditius  pour  le  prier  de 
revenir  en  Auvergne  où  il  était  fort  désiré. 
La  raison  qu'il  lui  donne  de  quitter  la  cour 
des  rois  de  Bourgogne  ^,  est  qu'il  n'est  jamais 
bon  de  se  familiariser  avec  les  princes.  L'ha- 
bitude que  l'on  contracte  avec  eux  tient  de 
la  nature  dés  flammes  qui  éclairent  quand  on 
en  est  un  peu  éloigné  ,  et  qui  brûlent  ceux 
qui  s'en  approchent  de  trop  près.  Il  témoigne, 
dans  sa  lettre  au  patrice  Félix ,  la  part  qu'il 
prenait  à  l'affliction  de  son  peuple  '".  Il  re- 
connaît que,  pour  lui,  il  recevrait  la  punition 
de  ses  péchés  ;  «  mais  je  ne  crois  pas,  ajoute- 
t-il ,  que  tout  le  monde  doive  être  puni  avec 
moi,  et  je  ne  laisse  pas  de  me  réjouir  de  voir 
les  autres  dans  la  joie  et  dans  la  prospérité.» 
On  croit  que  ce  fut  après  les  ravages  des 
Barbares,  qui  lui  causaient  tant  de  douleur", 
qu'il  écrivit  à  Hypace  pour  le  prier  de  trou- 
ver bon  que  Donide  achetât  la  moitié  de  la 
terre  d'Ebreville  ,  qui  avait,  quelque  temps 
auparavant ,  appartenu  à  sa  famille ,  et  dont 
il  avait  déjà  l'autre  moitié.  Eutrope,  que  Si- 
doine, étant  à  Rome,  avait  pressé  de  travail- 
ler à  obtenir  quelque  dignité,  parvint  à  celle 
de  préfet  des  Gaules.  Il  faisait  profession  de 
suivre  la  philosophie  de  Platon  et  de  Plotin, 
et  l'amour  que  l'étude  lui  donnait  pour  la  re- 
traite l'avait  longtemps  dégoûté  des  charges. 
Sidoine ,  informé  qu'il  avait  obtenu  celle  de 


'  Epist.  11,  pag.  899.  —  "-  Ihid.,  pag.  900. 
3  Epist.  12,  pag.  901.  —  <>  Epist.  13,  pag.  903. 
5  Epist.  14,  pag.  907.  —  «  Epist.  1,  pag.  907. 
'  Epist..  %  pag.  910.  —  8  Epist.  3,  pag.  912. 
s   [gitur  si   quid  tiostratium  p/'ecatibus  acquiescis 
actutum  in  pairiam  receplui  cancre  feslina  et  assidui- 

X. 


tatem  tuam  periculosœ  regum  familiaritaii  celer 
exime;  quorum  consuetudinem  speciatissimus  quisque 
flammarum  naturœ  liene  comparât,  quœ  sicut  paulu- 
luin  a  se  remotœ  illuminant,  ita  satis  sibi  admotœ 
comburunt.  Lib.  III,  Epist.  3,  pag.  914. 
10  Epist.  4,  pag.  914.  —  "  Epist.  b,  pag.  91b. 

23 


386 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


préfet  *,  lui  en  témoigna  sa  joie  par  écrit,  en 
l'assurant  que  toute  la  province  se  promet- 
tait beaucoup  de  son  administration  ^,  parce 
que  l'on  disait  communément  que  l'aljon- 
dance  dépend  plus  des  bons  magistrats  que 
des  bonnes  années.  Le  bruit  s'étant  répandu 
que  le  questeur  Licinien ,  qui  avait  apporté 
à  Egditius  la  dignité  de  patrice  en  474,  était 
encore  chargé  de  ménager  un  traité  de  paix 
avec  les  Visigoths ,  saint  Sidoine  écrivit  au 
patrice  Félix  pour  lui  en  demander  la  vérité  ^. 
Ce  qui  le  rendait  curieux  de  la  savoir,  c'est 
que  l'on  espérait  un  heureux  succès  de  cette 
négociation,  à  cause  des  bonnes  qualités  de 
celui  que  l'empereur  Népos  en  avait  chargé. 
La  lettre  à  Eucher  est  un  éloge  de  sa  noblesse 
et  de  sa  valeur.  Saint  Sidoine  se  plaint  de  ce 
que  ceux  qui  gouvernaient  alors  l'empire  * 
l'avaient  mal  récompensé  de  ses  services.  Il 
avait  écrit  plusieurs  fois  à  Riothamus,  roi  des 
Bretons,  pour  se  plaindre  des  désordres  de 
ses  troupes.  Quoiqu'elles  combattissent  pour 
les  Romains  contre  les  Visigoths  ,  elles  fai- 
saient souvent  autant  de  mal  à  leurs  alliés 
qu'aux  ennemis.  11  ne  nous  reste  qu'une  de 
ces  lettres  ^,  où  il  presse  Riothamus  de  faire 
justice  à  un  homme  de  la  campagne,  qui  se 
plaignait  que  les  Bretons  lui  avaient  enlevé 
ses  esclaves.  Dans  la  lettre  à  Tétradius  ^,  il 
lui  recommande  le  soin  d'une  affaire  qu'avait 
un  jeune  homme  de  condition,  nommé  Théo- 
dore. On  croit  que  Simplice,  à  qui  est  adres- 
sée la  lettre  suivante,  est  le  même  qui  fut 
depuis  évêque  de  Bourges.  Saint  Sidoine, 
qui  connaissait  son  mérite,  lui  écrivit  pour 
lier  amitié  avec  lui,  et,  voyant  qu'il  n'en  re- 
cevait point  de  réponse,  il  lui  écrivit  une  se- 
conde fois  dans  le  même  dessein  ''.  Comme  il 
allait  un  jour  à  Clermont,  il  aperçut  des  fos- 
soyeurs qui  fouillaient  dans  le  tombeau  d'A- 
pollinaire son  aïeul.  11  courut  à  eux,  et,  dans 
le  premier  mouvement  de  colère,  il  les  frap- 
pa ^;  mais,  faisant  réflexion  que  la  punition 
de  ces  fossoyeurs  appartenait  à  l'évêque ,  il 
lui  écrivit  pour  lui  demander  pardon  de  les 
avoir  maltraités.  La  nuit  suivante  ,  il  fit  une 
épitaphe  pour  mettre  sur  ce  tombeau,  et  l'en- 
voya à  Sécundus,  son  neveu ,  afin  qu'il  la  fit 


graver  sur  du  marbre.  Il  laissa  aussi  à  Gau- 
dence,  qui  pouvait  être  le  curé  du  lieu,  l'ar- 
gent nécessaire  pour  les  frais.  L'évêque,  au- 
quel Sidoine  écrivit,  le  loue  de  n'avoir  pas 
souffert  la  profanation  du  tombeau  de  son 
grand-père.  Sa  lettre  à  Apollinaire  son  fils  est 
une  instruction  dans  laquelle  il  l'exhorte  à  sui- 
vre les  bons  exemples,  et  lui  donne  de  Fhor- 
reur  des  personnes  déréglées.  11  y  fait  la  des- 
cription d'un  homme  de  Lyon ,  dont  l'exté- 
rieur, quoique  très-difforme,  était  encore  au- 
dessus  de  la  laideur  de  ses  mœurs  ^.  Il  con- 
jure son  fils  d'éviter  la  compagnie  des  gens 
de  ce  caractère,  et  en  général  de  tous  ceux 
qui  étaient  sujets  à  des  paroles  déshonnêtes, 
étant  impossible  qu'ils  ne  fussent  pas  aussi 
déréglés  dans  leurs  mœurs  '"que  dans  leurs 
expressions.  Ses  instructions  eurent  le  suc- 
cès qu'il  en  attendait.  ApoUinaire  aima  la 
chasteté,  et  se  fit  un  devoir  de  fuir  la  compa- 
gnie de  ceux  qui  ne  l'aimaient  pas.  Son  père, 
pour  l'encourager,  crut  devoir  lui  en  témoi- 
gner sa  joie  et  comlDien  il  était  satisfait  de  sa 
sagesse  et  de  sa  pudeur.  Lorsqu'il  eut  publié 
la  plupart  de  ses  ouvrages,  tant  en  vers  qu'en 
prose,  beaucoup  de  personnes  les  lurent  avec 
plaisir,  d'autres  en  jugèrent  moins  favora- 
blement. C'est  ce  qui  paraît  par  la  lettre  qu'il 
écrivit  à  un  de  ses  amis  nommé  Placide,  qui 
demeurait  à  Grenoble  ". 

4.  La  lettre  qu'il  adressa  à  Probus,  mari  de 
sa  cousine  germaine  '^,  n'est  qu'une  lettre  de 
civilité  et  d'amitié.  Il  en  reçut  une  de  Mam- 
mert  Claudien,  prêtre  de  l'Eglise  de  Vienne, 
par  laquelle  il  lui  adressait  ses  trois  livres 
de  la  Nature  de  l'âme,  contre  un  écrit  ano- 
nyme où  l'on  prétendait  montrer  qu'excepté 
Dieu,  il  n'y  a  aucun  être  qui  ne  soit  un  corps. 
Il  appelle  Sidoine  son  très-clier  frère  :  c'est 
une  marque  que  celui-ci  n'était  point  encore 
évêque.  Mais  il  était  dès  lors  en  grande  ré- 
putation de  savoir  et  d'équité.  D'où  vient  que 
Mammert  le  qualifie  un  homme  très-docte, 
le  premier  des  Gaules  pour  l'éloquence  aussi 
bien  que  pour  l'érudition.  Il  ajoute  qu'il  croi- 
rait avoir  éclairci  la  vérité  '',  s'il  pouvait  ob- 
tenir l'approbation  de  ce  savant  arbitre,  si 
capable  de  prononcer  selon  la  justice.  «  Ce 


*  Episf.  6,  pag.  916. 

2  Cerle  creber  promncialium  sermo  est  annum  bo- 
num  de  magnis,  non  tam  fructibus  quam  potestatibus 
œstimandmn.  Lib.  III,  Epist.  6,  pag.  917. 

3£/)isi.  7,  pag.  917.  —  •>  Epist.  8,  pag.  918. 

'"  Epist.  9,  pag.  919.  —  "  Epist.,  ibid. 

7  Epist.  11,  pag.  920.  —  s  Epist.  12,  pag.  920. 


8  Epist.  13,  pag.  93. 

">  Nam  quibus  citra  honeslafis  nitorem  jactitabun- 
dis  loquacis  fœce  petulantiœ  lingua  polluitur  infre- 
nis,  his  conscientia  quoque  sordidatissima  est.  Lib.jIII, 
Epist.  13.  pag.  926. 

Il  Epist.  14,  pag.  926.  —  '^  Epist.  1,  ibid. 

13  Mammert.,  lib.  II,  cap.  vu. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  EVEQUE. 


[V«   SIÈCLE 

serait,  dit-il  ',  encore  à  moi  une  cliose  super- 
flue ou  plutôt  une  vanité,  si  je  prétendais 
instruire  par  cet  ouvrage  un  homme  qui  n'i- 
gnore rien  de  tout  cela,  et  offrir  dans  ma  pau- 
vreté une  dragme  à  celui  qui  a  mille  talens  de 
science  et  de  lumière.  Mais  je  vous  l'envoie 
pour  l'examiner  et  le  corriger,  pour  le  sou- 
mettre au  jugement  de  celui  qui ,  étant  plus 
sage  que  moi,  jugera  mieux  que  moi  s'il  est 
à  propos  de  l'exposer  au  public  :  car  vous 
savez  que  je  ne  trouve  ici  personne  avec  qui 
j'en  puisse  conférer,  et  qui  soit  capable  de 
m'éclairer,  ou  de  lever  mes  doutes.  »  Saint 
Sidoine  n'ayant  point  répondu  à  la  lettre  de 
Claudien  -,  celui-ci  s'en  plaignit  par  une  se- 
conde, où,  après  s'être  fait  gloire  d'aimer  et 
d'être  aimé  de  Sidoine,  il  le  menace,  s'il 
continue  à  ne  lui  point  écrire,  de  s'en  ven- 
ger en  lui  écrivant  encore.  Le  saint  lui  ré- 
pondit enfin  3,  s'excusant  de  ne  l'avoir  pas 
fait  plus  fôt  sur  ce  qu'il  craignait  de  s'expo- 
ser à  la  censure  d'un  aussi  grand  maître  de 
l'éloquence  qu'était  Claudien.  Il  fait  l'éloge 
de  l'ouvrage  qu'il  lui  avait  adressé,  et  d'une 
hymne  qu'il  avait  composée  sur  le  mystère 
de  la  Passion  de  Jésus-Christ. 

Saint  Sidoine  avait  écrit  à  Simplice  et  à 
Apollinaire  qui  étaient  l'un  et  l'autre  ses 
amis,  et,  ce  semble,  deux  frères  *.  Constant, 
lecteur  de  l'Eglise  de  Clermont ,  porteur  de 
cette  lettre,  perdit  en  chemin  la  réponse,  ce 
qui  mécontenta  si  fort  saint  Sidoine,  qu'il  fut 
plusieurs  jours  sans  vouloir  voir  ce  lecteur. 
Il  manda  à  Simplice  et  à  Apollinaire  ce  qui 
était  arrivé  ^ ,  afin  qu'ils  lui  fissent  une  nou- 
velle réponse.  Depuis,  il  leur  écrivit  par  l'é- 
vêque  Faustin,  qu'il  chargea  d'examiner  avec 
eux  s'il  convenait  d'exécuter  le  dessein  qu'ils 
avaient  de  venir  au  tombeau  d'un  martyr 
dont  apparemment  les  reliques  reposaient  en 
Auvergne.  Après  en  avoir  délibéré  '',  ils  cru- 
rent qu'il  était  de  la  prudence  de  remettre  ce 
voyage  à  un  autre  temps ,  où  il  serait  moins 
dangereux  à  cause  de  la  guerre  dont  on  était 
menacé.  Il  y  a  une  lettre  en  particulier  à  Sim- 
plice ',  pour  lui  recommander  une  personne 
de  la  campagne.  Elle  fut  écrite  dans  le  temps 
que  les  Bourguignons  étaient  en  garnison  à 
Clermont,  c'est-à-dire  avant  l'an  473.  Un 
nommé  Evodius  avait  prié  saint  Sidoine  de 
lui  faire  une  épigramme  qu'il  pût  présenter, 


387 


après  l'avoir  fait  graver  sur  une  gondole  d'ar- 
gent, à  Ragnahilda,  reine  des  Goths  et  femme 
d'Euric.  Saint  Sidoine  le  satisfit^,  mais  en  le 
priant  de  ne  point  nommer  l'auteur  de  cette 
épigramme.  Il  lui  dit  agréablement  qu'en 
quelque  place  publique  qu'on  la  récite,  elle 
sera  moins  louée  que  la  gondole  d'argent. 

La  lettre  à  Industrius  ^  est  une  description 
de  la  vie  exemplaire  d'un  laïque  de  la  pre- 
mière qualité,  nommé  Vectius.  11  était  veuf, 
et  n'avait  pour  tout  enfant  qu'une  petite  fille 
dont  il  prenait  grand  soin.  Au  dehors ,  il  vi- 
vait dans  la  splendeur  de  son  rang,  mais  avec 
beaucoup  de  gravité,  menant  sous  l'habit 
d'un  grand  seigneur  la  vie  d'un  moine.  Il  était 
extrêmement  sobre  dans  le  manger,  ce  qui 
ne  l'empêchait  pas  de  recevoir  à  sa  table  les 
étrangers  avec  joie  et  politesse.  Il  gardait  une 
exacte  chasteté ,  et  la  faisait  observer  à  tous 
ceux  de  sa  maison.  Quoiqu'il  ne  mangeât 
pas  de  viande,  il  allait  quelquefois  à  la  chasse 
pour  exercer  son  corps.  Il  lisait  assidûment 
l'Ecriture  sainte ,  et  se  la  faisait  lire  durant 
les  repas.  Il  récitait  souvent  les  Psaumes  et 
les  chantait  encore  plus  fréquemment.  Sa 
maison  était  composée  de  gens  tous  de  bon- 
nes mœurs.  Il  n'usait  point  de  menace  envers 
eux,  ne  châtiait  point  leurs  fautes  avec  sévé- 
rité, et  ne  les  gâtait  point  aussi  par  un  excès 
d'indulgence  ;  les  conduisant  non  avec  em- 
pire, mais  par  raison  ;  moins  comme  un  maî- 
tre que  comme  un  économe  fidèle.  Il  ne  mé- 
prisait pas  même  les  avis  que  ses  domestiques 
lui  donnaient.  Saint  Sidoine  ,  qui  avait  exa- 
miné à  loisir  la  vie  de  ce  seigneur,  souhaitait 
qu'elle  fût  connue  de  tout  le  monde ,  parce 
qu'elle  méritait  d'être  imitée  même  par  les 
ecclésiastiques. 

Il  avait  souvent  demandé  à  Félix  des  nou- 
velles de  la  négociation  de  Licinien  pour  la 
paix .  Il  apprit  d'ailleurs  qu'un  des  articles  était 
d'abandonner  l'Auvergne  aux  Visigoths  '", 
ce  qui  le  toucha  vivement.  Mais  il  se  soumit 
à  l'humiliation  où  Dieu  le  réduisait,  et  s'hu- 
milia encore  en  trouvant  bon  que  ses  anciens 
amis  semblassent  le  négliger.  Il  eût  souhaité 
se  trouver  à  la  mort  de  Maramert  Claudien, 
arrivée  avant  la  fin  de  l'an  477,  pour  lui  ren- 
dre les  derniers  devoirs.  Ne  l'ayant  pu ,  il  y 
suppléa  en  composant  son  épitaphe,  qu'il  en- 
voya depuis  à  Petrée,  neveu  de  Claudien  ", 


*  Mammert.,  lib.  III,  cap.  xvi. 

2  Epist.  2,  pag.  929.  —  ^  Epist.  3,  pag.  930. 

'  Epist.  4,  pag.  934.  —  ^  Epist.  12,  pag.  949. 


6  Episf.  6,  pag.  93a.  —  '  Epist.  7,  pag.  937. 

8  Epist.  8,  ibid.  —  »  Epist.  9,  pag.  739. 

"  Epist.  10,  pag.  941.  —  "  Epist.  11,  pag.  944. 


388 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pour  lui  donner  des  marques  qu'il  aimait 
après  la  mort  ceux  qu'il  avait  aimés  pendant 
leur  vie.  Vectius,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  demeurait  dans  le  voisinage  de  Chan- 
telle  en  Bourbonnais,  où  il  y  avait  un  homme 
de  qualité  nommé  Germanique.  Il  était  âgé 
de  plus  de  soixante  ans,  mais  d'une  santé  si 
forte  qu'il  vivait  et  s'habillait  à  cet  âge  comme 
un  jeune  homme,  pensant  peu,  ce  semble,  à 
son  salut  et  à  la  mort.  Saint  Sidoine,  qui  à  sa 
prière  était  allé  visiter  l'église  de  ce  heu,  fut 
d'autant  plus  touché  de  sa  conduite,  qu'il  était 
fils  et  père  d'un  évêque,  obhgé  par  consé- 
quent à  vivre  d'une  manière  plus  sainte  que 
le  reste  des  hommes.  Il  en  écrivit  à  Vectius  ', 
le  conjurant,  par  la  pureté  de  sa  conscience, 
de  porter  Germanique  à  penser  à  lui  et  à  se 
hâter  d'effacer  ses  fautes  secrètes  en  embras- 
sant la  profession  religieuse. 

La  lettre  à  Polème,  préfet  des  Gaules,  est 
pour  le  prier  de  ne  pas  oublier  ses  anciens 
amis  ^,  et  de  voir  qu'il  considérait  dans  Si- 
doine, en  lui  écrivant,  ou  un  patrice,  s'il  es- 
timait les  grandeurs  du  monde  présent,  ou 
un  évêque ,  s'il  portait  ses  vues  au-delà  des 
temps.  Il  promet,  dans  celle  qu'il  écrivit  à 
Claphius  3,  d'aller  euRouergue  faire  la  dédi- 
cace de  l'église  qu'il  y  avait  fait  bâtir,  et  té- 
moigne un  grand  désir  de  l'en  voir  un  jour 
évêque ,  quand  Dieu  aurait  apaisé  la  persé- 
cution que  l'on  souffrait  sous  les  Visigoths. 
Ayant  prié  un  jour  Ruricius  *  de  retirer  de 
Léonce  un  de  ses  propres  écrits  pour  le  lui 
renvoyer,  Ruricius  le  lut  et  le  trouva  si  beau 
qu'il  en  fitfaire  unecopie.  Ensuiteillerenvojra 
à  saint  Sidoine  ,  en  s'excusant  du  vol  qu'il 
avait  fait.  Le  saint  agréa,  non-seulement  sa 
lettre  et  ses  excuses,  mais  le  vol  dont  il  s'ac- 
cusait. Le  comte  Arbogaste  lui  ayant  demandé 
l'explication  de  quelques  ditficultés  de  l'Ecri- 
ture sainte  ^,  il  s'en  excusa  et  le  renvoya  aux 
illustres  pères  des  Gaules,  nommément  à  saint 
Loup  de  Troyes  et  à  Auspice  de  Tout,  l'as- 
surant que  quelques  questions  qu'il  pût  pro- 
poser à  ces  deux  évoques,  il  n'épuiserait 
pas  une  source  de  doctrine  aussi  féconde  que 
la  leur.  Luconce  souhaitait  d'avoir  de  saint 
Sidoine  quelque  pièce  de  poésie.  Pour  le  sa- 
tisfaii'e  '',  il  lui  envoya  une  épigramme  qu'il 
avait  faite,  à  la  prière  de  saint  Perpétue, 
évêque  de  Tours,  pour  mettre  à  la  nouvelle 


église  que  ce  saint  avait  fait  bâtir  sur  le  tom- 
beau de  saint  Martin.  Ainsi  l'on  doit  mettre 
la  lettre  à  Luconce  après  l'an  461 ,  saint 
Perpétue  n'ayant  été  fait  évêque  de  Tours 
qu'après  cette  année-là.  Sidoine  s'excuse  en 
ces  termes  à  Florentin  ^,  qui  s'était  plaint 
de  ce  qu'il  ne  recevait  point  de  ses  lettres  , 
et  de  ce  qu'il  tardait  trop  à  le  venir  voir  : 
«  Je  viens  et  je  vous  écris.  » 

La  lettre  à  Domnitius  est  une  description 
de  l'entrée  que  Sigismer  fit,  en  allant  épou- 
ser la  fille  du  roi  des  Visigoths,  dans  Lyon  ou 
dans  quelque  autre  ville  où  saint  Sidoine  se 
trouvait  alors  ^  Celle  qu'il  écrivit  à  Aper  '  est 
pour  le  prier,  au  nom  de  toute  l'Auvergne, 
où  il  avait  été  élevé  ,  d'y  venir  quelquefois. 
Nous  avons  remarqué  ailleurs  qu'il  se  défen- 
dit de  continuer  l'histoire  de  la  guerre  d'At- 
tila "*,  dontLéon,  ministre  d'Euric,  l'avait  fait 
charger,  par  un  nommé  Hesper  qui  retour- 
nait de  Toulouse  à  Clermont.  Dans  la  lettre 
à  Procule  ",  il  fait  tous  ses  efforts  pour  obte- 
nir le  pardon  de  son  fils ,  qui  avait  quitté  la 
maison  paternelle   pour    s'enfuir.   Dans  un 
voyage  qu'il  faisait  à  Toulouse,  un  nommé 
Turpion,  malade  à  la  mort,  et  pressé  de  ren- 
dre une  somme  qu'il  avait  empruntée  '^,  avec 
l'usure  et  les  intérêts  qui  se  montaient  au 
double,  le  pria  de  lui  obtenir  un  délai  de  son 
créancier  nommé   Maxime.    Saint   Sidoine, 
dont  il  était  ami,  l'alla  trouver  aune  maison 
de  campagne  qu'il  avait  auprès  de  Toulouse. 
«  Quand  j'arrivai,  dit-il,  Maxime  vint  lui- 
même  au-devant  de  moi,  mais  fort  changé.  Je 
lui  avais  vu  ordinairement  le  corps  droit,  la 
démarche  aisée ,  la  voix  libre  et  le  visage 
ouvert  :  alors  la  posture,  le  pas,  la  parole,  la 
couleur,  la  modestie,  tout  sentait  la  religion. 
11  avait  les  cheveux  courts,  la  barbe  longue, 
suivant  l'usage  des  clercs  des  Eglises  des 
Gaules  et  de  tout  l'Occident,  des  selles  à  trois 
pieds ,  des  rideaux  de  grosse  étoffe  à  ses 
portes  ;  point  de  plumes  à  son  lit ,  point  de 
pourpre  sur   sa  table.  Il  faisait  une  chère 
honnête,  mais  frugale,  avec  plus  de  légumes 
que  de  viandes;  et  ce  qu'il  y  avait  de  meil- 
leur était  pour  ses  hôtes  et  non  pour  lui- 
même.  En  nous  levant  de  table,  je  deman- 
dai tout  bas  aux  assistants,  lequel  des  trois 
genres  de  vie  il  avait  embrassé  :  s'il  était 
moine  ,  clerc  ou  pénitent.  On  me  dit  qu'il 


1  Epist.  13,  pag.  948. 
3  Epist.  15,  pag.  950. 
°  Epist.  17,  pag.  952. 


2  Epist.  14,  pag.  949. 

'•  Epist.  16,  pag.  951. 

■  »  Epist.  18,  pag.  953. 


'  Epist.  19,  pag.  956.  —  8  Epist.  20,  pag.  957. 
s  Epist.  21,  pag.  958.  —  'o  Epist.  22,  pag.  960. 
"  Epist.  23,  pag.  961.  —  '2  Epist.  24,  pag.  962. 


[v  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


389 


était  depuis  peu  chargé  du  sacerdoce,  où  l'af- 
fection de  ses  citoyens  l'avait  engagé  malgré 
lui.  1)  Saint  Sidoine  lui  proposa  de  donner  du 
temps  àTurpion.  Maxime  lui  accorda  un  dé- 
lai d'un  an  ,  en  déclarant  qu'il  lui  remettait 
encore  tous  les  intérêts,  et  en  promettant,  si 
Turpion  venait  à  mourir,  de  ne  rien  demander 
à  ses  enfants,  que  ce  qui  conviendrait  au  de- 
voir de  sa  profession.  ((  Dieu  me  garde  ',  dit-il, 
étant  clerc,  d'exiger  d'un  malade  ce  que  j'au- 
rais eu  peine  d'exiger  de  lui  en  santé,  lorsque 
je  servais  dans  les  armées.  »  Saint  Sidoine 
relève  Leaucoup  cette  action  de  Maxime; 
mais  en  témoignant  toutefois ,  qu'en  laissant 
à  Turpion  les  intérêts  de  la  somme  qu'il  lui 
avait  prêtée,  il  n'avait  rien  fait  qu'en  hon- 
neur et  en  conscience  ;  parce  que  si  les  lois 
i-omaines  permettaient  l'usure,  elle  était  dé- 
fendue par  les  lois  de  Dieu  et  de  l'Eglise. 

Il  est  parlé  dans  la  lettre  à  Domnulus  -, 
d'un  concile  provincial  pour  l'élection  d'un 
évêque  de  Châlons-sur-Saône.  Saint  Patient 
de  Lyon  y  présida  en  qualité  de  métropoli- 
tain. Les  suffrages  du  peuple  se  trouvant 
partagés ,  saint  Patient  et  saint  Euphrone 
nommèrent  pour  évêque  de  cette  ville  un 
saint  homme  nommé  Jean,  qui,  après  avoir 
été  fait  lecteur  dès  son  enfance,  avait  en- 
suite été  élevé  à  la  dignité  d'archidiacre,  et 
enfin  à  celle  de  prêtre.  Saint  Sidoine  manda 
cette  élection  à  Domnulus,  homme  de  piété 
qui  se  retirait  souvent  dans  les  monastères 
du  Mont-Jura,  ou  de  Saint-Claude. 

5.  La  lettre  à  Nymphidius  ^,  est  un  éloge 
de  Mammert  Claudien  et  de  son  ouvrage  sur 
la  Nature  de  l'âme.  Il  marque  dans  celle  qu'il 
écrivit  à  Apollinaire  son  ami  *,  que  le  trem- 
blement et  la  confusion  où  il  était  entré 
lorsqu'il  s'était  vu  engagé  dans  l'épiscopat, 
dont  il  se  croyait  indigne,  l'avait  fait  tomber 
dans  une  maladie  qui  l'avait  conduit  jus- 
qu'aux portes  de  la  mort;  mais  qu'en  étant 
revenu,  il  était  résolu  de  profiter  de  la  vie 
que  Dieu  lui  avait  rendue  pour  se  corriger 
de  ses  fautes  passées,  de  crainte  de  trouver 
dans  la  santé  de  son  corps  la  mort  de  son 
âme.  On  voit  par  la  lettre  à  Syagrius,  fils  du 
général  Gille,  que  les  Bourguignons  avaient 


un  langage  différent  du  latin  s.  Saint  Sidoine 
prie  Syagrius  de  ne  pas  tant  aimer  ce  lan- 
gage, de  peur  qu'il  n'oubliât  le  latin.  Les  let- 
tres à  Apollinaire  et  à  Thaumastus  ^,  regar- 
dent l'accusation  que  l'on  formait  contre  le 
premier,  de  vouloir  soumettre  la  ville  de 
Vaison  à  l'empereur.  Saint  Sidoine  décou- 
vrit la  source  de  cette  accusation  '  qui  ne  fit 
aucune  impression  sur  Chilpéric,  roi  des 
Bourguignons,  parce  qu'elle  n'était  pas  fon- 
dée. Saint  Sidoine  n'était  plus  apparemment 
sous  la  domination  de  ce  prince  ^,  lorsqu'il 
témoigna  approuver  les  vers  satiriques  que 
Sécundin  avait  faits  sur  les  dissensions  qui 
régnaient  parmi  les  princes  des  Bourgui- 
gnons. Dans  sa  lettre  à  Sapaudus  ',  il  le  con- 
gratule de  ce  que  son  amour  pour  les  scien- 
ces lui  avait  mérité  l'aâ'ection  d'un  homme 
de  qualité  nommé  Pragmace,  qui  avait  lui- 
même  raison  d'aimer  les  sciences  dans  les 
autres,  puisque  c'était  surtout  par  son  éru- 
dition et  par  son  éloquence,  qu'il  était  entré 
dans  une  famille  patricienne,  et  parvenu  aux 
grandes  charges.  Il  plaint  au  contraire  Cal- 
minius  son  ami  '",  d'avoir  été  tellement  en- 
gagé avec  les  Visigoths,  qu'il  avait  été  con- 
traint de  porter  les  armes  contre  sa  propre 
patrie  qui  était  l'Auvergne.  La  lettre  à  Aper*', 
est  pour  l'inviter  à  la  solennité  des  Roga- 
tions, que  saint  Sidoine  avait  établies  à  Cler- 
mont.  L'évêque  Ruricius  avait  envoyé  copier 
chez  saint  Sidoine  les  sept  premiers  livres  de 
l'Ecriture.  Le  saint  se  donna  la  peine  de  re- 
voir la  copie,  de  même  que  celle  du  volume 
des  Prophètes,  qu'il  déchargea  de  plusieurs 
additions  superflues.  Lorsque  le  copiste  eut 
achevé,  saint  Sidoine  le  l'envoya  avec  une 
lettre  où  il  fait  l'éloge  de  son  industrie  *^,  de 
la  vitesse  avec  laquelle  il  écrivait,  et  de  la 
netteté  de  son  écriture.  Il  écrivit  vers  la  fin 
de  l'an  474  '3,  à  Papianilla  sa  femme,  pour 
lui  donner  des  nouvelles  de  sa  fille  Roscia 
qu'il  avait  vue  en  passant  à  Lyon,  et  pour 
lui  apprendre  que  l'empereur  Népos  envoyait 
à  Egidius,  son  frère,  les  provisions  de  la  di- 
gnité de  patrice.  Il  parle,  dans  la  lettre  qu'il 
écrivit  étant  encore  jeune,  àEriphius  '*,  de  la 
fête  que  l'on  faisait  annuellement  en  l'hon- 


1  Absit  a  me,  inqvM  Maximus,  ut  hœc  reposcam 
clerkus  ah  œgro,  quœ  vix  petissem  miles,  a  sospite... 
Egi  ad  hœc  grattas  Deo  maximas,  hospiti  magnas, 
qui  sic  amaret  tam  suatn  famam,  quam  suant  cons- 
cientiam.  Sidon.,  lib.  IV,  Eplst.  24,  pag.  965. 

"^  Sidon.,  Epist.  25,  pag.  966. 

3  Epist.  2,  pag.  970.  —  4  Epist.  3,  pag.  971. 


s  Epist.  5,  pag.  972.  —  <^  Epist.  6,  pag.  974. 

7  Epist.  7,  pag.  975.  —  8  Epist.  8,  pag.  978. 

s>  Epist.  10,  pag.  982.  —  i»  Epist.  12,  pag.  984. 

"  Epist.  14,  pag.  986.  —  i'-  Epist.  15,  pag.  987. 

»'  Epist.  16,  pag.  988.  —  1*  Epist.  17,  pag.  990.  [Ou 
voit  aussi  dans  cette  lettre  que  tous  les  ans  on  célé- 
brait solennellement  la  fête  de  tous  les  saints.] 


390 


HISTOITIE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


neur  de  saint  Jusle  à  Lyon  ,  dans  une  fort 
grande  église  où  était  son  tombeau  :  elle 
était  précédée  des  vigiles  de  la  nuit.  Le  con- 
cours du  peuple  y  était  très-nombreux;  l'é- 
vêque  s'y  trouvait,  le  clergé  et  les  moines  y 
chantaient  les  psaumes  et  le  reste  de  l'office 
alternativement;  la  messe  se  disait  à  l'beure 
de  tierce  ;  l'église  était  illuminée  par  un  grand 
nombre  de  cierges  ou  de  lampes.  Sidoine  pro- 
mit '  le  pardon  à  un  esclave  qui  avait  enlevé 
la  fille  de  sa  nourrice,  si  Pudent,  de  qui  cet 
esclave  dépendait,  lui  accordait  la  liberté 
afin  qu'il  épousât  celle  qu'il  avait  enlevée. 
Livre VI.  6.  Lcs  livres  précédents  contiennent, 
comme  on  Fa  vu,  les  lettres  de  saint  Sidoine 
à  toute  sorte  de  personnes  ^.  Celles  qu'on 
trouve  dans  les  deux  livres  suivants,  ne  sont 
qu'à  des  évoques.  Il  en  avait  reçu  une  sur 
son  élection,  de  saintLoup  évèque  de  Troyes, 
également  remplie  de  marques  d'amitié , 
d'estime  et  d'avis  importants  pour  le  gou- 
vernement de  l'Eglise  qu'on  lui  avait  con- 
fiée. Saint  Sidoine  l'en  remercia  par  une 
lettre  où  il  paraît  pénétré  des  sentiments  de 
rbumilité  la  plus  sincère.  Après  y  avoir  fait 
l'éloge  des  vertus  de  saint  Loup  et  de  ses 
travaux  pour  l'Eglise,  il  lui  dit  qu'il  se  tien- 
dra trop  heureux^  si  ses  prières  lui  peuvent 
obtenir  de  Dieu,  nou  la  récompense  d'une 
vie  pure,  mais  le  pardon  de  ses  péchés.  Saint 
Loup  avait  déjà  passé  quarante -cinq  ans 
dans  l'épiscopat,  lorsque  saint  Sidoine  lui 
écrivit  cette  lettre.  Les  deux  lettres  suivan- 
tes, l'une  à  Pragmase,  qu'on  croit  avoir  été 
évèque  de  Bourges;  l'autre  à  Léonce  d'Ai'les, 
ne  sont  que  des  lettres  de  recommandation. 
Celle  qui  est  à  saint  Loup,  traite  d'une  af- 
faire particulière  qui  arriva  à  Clermont.  Une 
femme,  ayant  été  enlevée  par  des  bandits,  fut 
vendue  publiquement  dans  cette  ville  à  un 
marchand,  par  un  nommé  Prudent  qui  sou- 
tenait qu'elle  lui  appartenait  légitimement; 
quelque  temps  après,  les  parents  de  cette 
femme  ayant  appris  qu'on  l'avait  vue  à  Cler- 
mont, vinrent  pour  la  chercher.  Ils  trouvè- 
rent qu'elle  était  morte,  et  voulurent  en  faire 
un  procès  à  Prudent  comme  receleur  et  as- 
socié des  bandits  qui  l'avaient  enlevée. 
Comme  on  les  assura  que  Prudent  était  alors 
à  Troyes,  ils  y  allèrent  avec  une  lettre  que 
saint  Sidoine  leur  donna  pour  saint  Loup  ^. 


Saint  Sidoine  le  priait  d'accommoder  cette  af- 
faire, de  peur  qu'elle  ne  finit  par  le  sang 
comme  elle  avait  commencé  :  car  le  bruit 
était,  que  lorsque  ces  scélérats  avaient  enlevé 
cette  femme,  ils  avaient  tué  quelques-uns 
de  ceux  qui  l'accompagnaient.  La  lettre  à 
Eutrope,  qui  paraît  avoir  été  évèque  d'O- 
range, est  une  lettre  d'amitié.  Comme  cet 
évèque  avait  un  don  et  une  onction  particu- 
lière pour  animer  les  autres  à  la  piété  et  à 
la  componction  par  ses  vives  exhortations, 
saint  Sidoine  le  prie  de  répandre  cette  grâce 
jusque  sur  son  âme  *,  qui  languissait  dans  la 
faim  et  dans  l'ignorance.  On  met  cette  lettre 
après  que  les  Visigoths  se  furent  retirés  de 
l'Auvergne,  vers  la  fin  de  l'an  473  ou  474. 
Son  humilité  ne  parait  pas  moins  dans  sa 
lettre  à  Fontéius  ^,  fait  depuis  peu  évèque 
de  Vaison.  Il  lui  demande  le  secours  de  ses 
prières  dans  la  charge  qu'on  lui  avait  impo- 
sée, afin  que  si  Dieu,  par  sa  bonté,  daignait 
corriger  ses  mœurs  corrompues,  il  pût  s'en 
croire  redevable  à  sa  charité.  La  lettre  qu'il 
écrivit  à  l'évéque  Eleuthère  ^,  est  pour  lui  re- 
commander un  juif.  La  raison  qu'il  donne 
de  cette  marque  d'affection  pour  une  per- 
sonne de  cette  nation,  est  que  tant  qu'ils  vi- 
vent, les  Juifs  peuvent  devenir  nos  frères;  et 
à  cause  encore  qu'on  peut  quelquefois  agir 
pour  la  justice,  en  agissant  même  pour  les 
méchants.  Il  fait  dans  sa  lettre  à  Patient  ', 
l'éloge  des  vertus  de  ce  grand  évèque,  rele- 
vant les  peines  et  les  fatigues  qu'il  souffrait 
pour  retenir  son  peuple  pressé  par  la  faim, 
et  l'empêcher  d'aller  demeurer  ailleurs.  Il 
employait  pour  cela,  ses  veilles,  ses  prières, 
et  de  grandes  sommes  d'argent.  Non  content 
de  secourir  les  nécessités  qu'il  connaissait, 
sa  vigilance  s'étendait  dans  les  autres  pro- 
vinces et  jusqu'aux  extrémités  des  Gaules, 
pour  y  consoler  les  affligés  et  subvenir  aux 
besoins  des  pauvres.  Les  misérables  et  les 
languissants  ne  perdaient  rien  de  ce  qu'ils 
ne  pouvaient  venir  le  trouver  pour  lui  de- 
mander l'aumône  :  sa  main  prévenait  celui 
qui  ne  pouvait  se  servir  de  ses  pieds  pour 
venir  à  lui,  et  comme  il  n'était  pas  moins 
touché  de  la  pudeur  des  absents  qui  rougis- 
saient de  leur  pauvreté,  que  des  plaintes  de 
ceux  qui  pouvaient  le  rendre  témoin  de  leur 
indigence,  il  essuyait  souvent  les  larmes  de 


1  Mpist.  18,  pag.  993. 

2  Lib.  VI,  Epist.  l,  pag 

3  Epist.  k,  pag.  1001.  - 


995. 

*  Epist.  6,  pag.  1002. 


ii  Epist.  7,  pag.  1003. 
I!  Epist.  11,  pag.  1008. 
7  Epist.  12,  pag.  1009. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


[V°  SIÈCLE.] 

plusieurs  personnes  dont  il  n'avait  jamais  vu 
les  yeux.  «  Heureux,  lui  dit  sainl  Sidoine, 
de  ne  vivre  que  pour  rendre  les  autres  heu- 
reux, et  de  faire  sur  la  terre  une  œuvre 
digue  du  ciel,  en  ayant  pitié  de  l'indigent  et 
de  la  misère  des  membres  de  Jésus-Christ.  » 
Il  remarque  que  de  Lyon,  saint  Patient  en- 
voya par  le  Rhône  et  par  la  Saône,  quantité 
de  blé.qu'il  faisait  distribuer  gratuitement, 
et  dont  il  avait  fait  de  grands  magasins  sur 
le  bord  de  ces  rivières  ;  qu'il  assista  ainsi  les 
villes  d'Arles,  de  Riez,  d'Avignon,  de  Rheims, 
d'Alby,  de  Valence  et  de  phisieursautres  vil- 
les. Jusqu'à  l'Auvergne;  que  son  abstinence 
et  ses  jeûnes  le  faisaient  admirer  de  Chilpé- 
ric,  roi  de  Bourgogne,  et  de  la  reine  dont 
Lyon  était  alors  le  séjour;  qu'il  embellissait 
tellement  son  église,  que  les  spectateurs 
doutaient  avec  raison  en  quoi  il  réussissait 
plus  heureusement,  ou  à  construire  de  nou- 
veaux ouvrages,  ou  à  réparer  les  anciens; 
qu'en  divers  endroits  il  avait  bâti  de  nouvel- 
les églises,  et  en  d'autres,  ajouté  aux  an- 
ciennes de  nouveaux  ornements;  que  la  foi 
et  la  religion  croissaient  de  jour  en  jour  par 
son  ministère  ;  qu'il  n'y  avait  que  le  nombre 
des  hérétiques  qui  diminuât,  c'est-à-dire  des 
photiniens  et  des  ariens,  dont  les  dogmes 
étaient  suivis  par  la  plupart  des  Bourgui- 
gnons; qu'il  avait  su  gagner  leurs  esprits  fa- 
rouches et  sauvages  par  ses  prédications 
saintes,  et  les  convaincre  par  la  force  de  ses 
raisonnements.  Entre  les  églises  que  saint 
Patient  avait  fait  bâtir,  il  y  en  avait  une  à 
Lyon,  située  entre  la  Saône  et  le  grand 
chemin,  tournée  à  l'Orient  équinoxial  ',  or- 
née de  lambris  dorés,  d'incrustations  de  mar- 
bre et  de  mosaïques.  Au  devant  il  y  avait 
une  cour  environnée  de  trois  galeries  soute- 
nues de  colonnes  d'Aquitaine,  c'est-à-dire 
de  marbres  des  Pyrénées,  et  plus  loin  encore 
d'autres  galeries  et  d'autres  colonnes.  Ce  fut 
pour  cette  église  que  saint  Sidoine  fît  une 
inscription  en  vers  que  nous  avons  encore. 
Il  y  a  apparence  que  c'est  de  cette  église 
dont  le  saint  parle  dans  une  de  ses  lettres  ^. 
La  solennité  dura  toute  la  semaine;  les  évê- 
ques  s'y  trouvèrent  suivant  la  coutume  ; 
Fauste  de  Riez  y  prêcha,  et  saint  Sidoine  fut 
de  ses  auditeurs. 

7.  Reconnaissant  que  les  calamités  que 
soufifrait  l'Auvergne  ^,  étaient  une  punition 


391 


des  péchés  du  peuple,  il  eut  recours  à  la 
miséricorde  de  Dieu  en  établissant  dans  son 
diocèse  les  Rogations,  que  Mammert  avait 
depuis  peu  commencées  à  Vienne.  Il  écrivit 
sur  ce  sujet  à  ce  saint  évêque  au  commen- 
cement de  474  ou  de  473,  le  priant  au  nom 
des  peuples  de  l'Auvergne,  de  les  assister 
de  ses  prières  de  même  que  par  l'exemple 
qu'il  leur  avait  donné  de  prier.  Il  lui  de- 
manda en  même  temps  des  reliques  de  saint 
Ferréol,  martyr  de  Vienne,  dont  saint  Mam- 
mert avait  trouvé  le  corps  avec  le  chef  de 
saint  Julien  de  Brioude,  et  qu'il  avait  trans- 
portés dans  une  nouvelle  église  qu'il  avait 
fait  bâtir  sous  le  nom  de  Saint-Ferréol.  Saint 
Sidoine  fait  mention  dans  cette  lettre  de  l'in- 
vention des  reliques  de  saint  Gervais  et  de 
saint  Protais  par  saint  Ambroise.  Dans  celle 
qu'il  écrivit  à  Agrécius  évêque  de  Sens  *,  jl 
lui  marque  que  les  évoques  de  la  province 
ne  pouvant  se  trouver  à  l'élection  d'un  évê- 
que de  Bourges,  il  était  bien  aise  qu'elle  fût 
autorisée  par  les  métropolitains  des  autres 
provinces,  et  que  pour  cet  effet,  il  le  priait 
de  s'y  trouver,  ajoutant  que  s'il  s'en  donnait 
la  peine,  il  montrerait  que  sa  province  pou- 
vait a^oir  des  bornes,  mais  que  sa  charité 
n'en  avait  point,  comme  la  rehgion  ne  se  di- 
vise pas  non  plus  par  provinces.  Nous  avons 
vu  plus  haut,  que  Licinien  avait  été  chargé 
de  la  part  de  l'empereur  Népos,  sur  la  fin  de 
l'an  474  ou  473,  de  ménager  un  traité  avec 
les  Visigoths. 

Saint  Sidoine  qui  savait  que  l'évêque  Ba- 
sile ■'  avait  quelque  part  dans  cette  négo- 
ciation ,  lui  écrivit  pour  lui  recommander 
les  intérêts  de  la  foi,  et  pour  presser  qu'il  y 
eût  un  article  dans  le  traité,  qui  donnât  aux 
catholiques  soumis  aux  Visigoths,  le  pouvoir 
d'ordonner  des  évêques;  ce  qu'Euric  ne  leur 
permettait  pas  :  car  ce  prince  était  non-seu- 
lement séparé  de  l'Eglise  catholique  comme 
arien,  mais  il  était  encore  si  aigri  contre  elle, 
qu'il  ne  pouvait  pas  même  en  entendre  par- 
ler :  eu  sorte  qu'on  ne  savait  pas  s'il  était  plus 
le  chef  de  sa  nation  que  de  sa  secte.  La  plu- 
part des  églises  étaient  alors  sans  pasteurs, 
l'épiscopat  y  ayant  fini  avec  la  vie  des  évê- 
ques. Cela  se  voyait  en  particulier  dans  les 
églises  de  Bordeaux  ,  de  Périgueux  ,  de  Ro- 
dez, de  Limoges,  de  Mende,  d'Eausse,  de 
Bazas,  de  Cominges  et  d'Auch.  Le  défaut 


1  Sidon.,  lib.  I,  Epist.  10,  pag. 

2  Lib.  IX,  Epist.  3,  pag.  1092. 


'  Epist.  1,  pag.  1014.  —  '  Epist.  5,  pag 
5  Epist.  6,  pag.  i  022. 


1020. 


392 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


d'évêque  entraînait  après  lui  la  ruine  de  la 
religion,  puisque  c'est  aux  évêques  adonner 
les  ministres  inférieurs  aux  églises,  et  à  ra- 
mener à  la  foi  ceux  qui  s'en  sont  écartés. 
Aussi  le  christianisme  était  presque  éteint 
dans  ces  diocèses,  n'y  ayant  personne  pour 
veiller  ni  sur  les  villes,  ni  sur  les  paroisses 
de  la  campagne.  Les  bâtiments  même  des 
églises  tombaient  en  ruine  dans  les  bourgs 
et  les  villages,  ou  demeuraient,  les  uns  fer- 
més par  les  seuls  buissons  qui  y  croissaient, 
les  autres  ouverts  aux  ti'oupeaux  qui  y  ve- 
naient paître  l'herbe  jusqu'au  pied  du  saint 
autel.  On  ne  fréquentait  presque  plus  les 
églises  des  villes,  et  les  fidèles  ne  trouvaient 
plus  de  consolation  ni  de  secours,  n'ayant 
point  d'ecclésiastiques  pour  leur  en  procu- 
rer. C'était  une  grande  tentation  pour  les 
faibles  de  voir  un  aussi  méchant  prince 
qu'Eui-ic  comblé  de  tant  de  prospérités  ; 
mais  saint  Sidoine ,  considérant  qu'il  n'est 
pas  permis  à  des  hommes  de  se  rendrejuges 
de  la  conduite  de  Dieu,  ni  de  murmurer  con- 
tre les  ordres  de  la  Providence,  disait  :  «  Si 
l'on  y  pense  bien,  l'on  verra  qu'il  est  dans 
l'ordre  que,  cuisant  dans  la  fournaise  de  la 
Babylone  de  ce  monde,  nous  pleurions, 
comme  Jérémie ,  la  Jérusalem  spirituelle,  et 
que  l'Assyrien  fasse  tout  trembler  par  le 
faste  de  sa  puissance  souveraine,  et  ose  fou- 
ler aux  pieds  le  Saint  des  Saints.  Pour  moi, 
ajoute-t-il,  quandje  considère  les  vicissitudes 
des  biens  présents  et  à  venir,  j'en  souffre 
avec  plus  de  patience  les  calamités  publi- 
ques, tant  parce  que  je  reconnais  que,  quel- 
ques maux  qui  me  puissent  arriver,  ils  seront 
toujours  au-dessous  des  châtiments  que  je 
mérite,  et  parce  que  je  sais  qu'il  n'y  a  point 
de  meilleurs  remèdes  pour  guérir  et  puj'ifier 
l'homme  intérieur ,  que  lorsque  l'homme 
extérieur  est  battu  dans  l'aire  de  cette  vie 
par  diverses  sortes  de  souffrances.  » 

Saint  Perpétue,  évéque  de  Tours,  de- 
manda à  saint  Sidoine  le  discours  qu'il  avait 
fait  dans  l'église  de  Bourges  en  présence  du 
peuple,  lorsqu'on  lui  eut  donné  le  pouvoir 
de  nommer  un  évêque  pour  remplir  le  siège 
de  cette  ville  qui  était  vacant.  Saint  Sidoine 
joignit  à  ce  discours  une  lettre  à  saint  Per- 
pétue ',  où  il  relève  la  sagesse  qu'il  avait 
acquise  par  son  application  continuelle  à  la 
lecture,  tant  des  livres  sacrés  que  des  écrits 
des  Pères  qui  en  sont  les  interprèles.  Le  dis- 


cours de  saint  Sidoine  avait  tellement  plu, 
que  le  peuple  lui  donna  des  applaudisse- 
ments, sur  quoi  il  leur  adresse  ces  paroles  : 
«  Faites  par  vos  intercessions,  que  nous 
soyons  en  effet  tels  que  votre  foi  et  votre 
charité  nous  croient  être,  et  travaillez  à  nous 
élever  au  ciel  plutôt  par  vos  prières  que  par 
vos  acclamations.  »  Quoique  le  choix  qu'on 
avait  fait  de  lui  pour  nommer  un  nouvel 
évêque,  lui  fût  honorable,  il  s'en  plaignait 
comme  d'un  pesant  fardeau  qu'on  lui  impo- 
sait, surtout  en  présence  d'Agrécius,  arche- 
vêque de  Sens,  plus  ancien  que  lui.  Il  fît  voir 
aussi  que  ce  choix  l'exposait  nécessairement 
à  la  censure  de  plusieurs  personnes  qui  ne 
manqueraient  pas  de  trouver  des  défauts 
dans  les  vertus  même  de  celui  qu'il  nomme- 
rait, quel  qu'il  fût.  Sur  cela  il  parcourut  les 
différents  états  de,  l'Eglise,  pour  montrer 
qu'il  n'était  point  aisé  d'y  trouver  des  per- 
sonnes dont  le  choix  pût  être  agréé  généra- 
lement. «Si  je  nomme,  ajoute-t-il,  quelqu'un 
d'entre  les  moines,  fùt-il  d'un  aussi  grand 
mérite  que  les  Paul ,  les  Antoine  ,  les  Hila- 
rion  ,  les  Macaire  ,  l'on  dira  qu'il  est  bon 
pour  remplir  les  devoirs  d'un  abbé  et  non 
ceux  d'un  évêque.  Si  je  nomme  un  clerc, 
ceux  qui  sont  plus  jeunes  que  lui  seront  pi- 
qués de  jalousie^  et  les  anciens  en  murmu- 
reront, la  plupart  étant  persuadés  que  l'anti- 
quité seule  donne  le  mérite.  Si  je  nomme 
quelqu'un  de  la  milice  séculière,  on  objec- 
tera aussi  que  je  ne  le  fais  que  parce  que 
j'ai  été  tiré  moi-même  de  cet  état;  que  je 
n'estime  que  ceux  qui  sont  recommandables 
dans  le  siècle,  par  leur  naissance  et  par  leur 
dignité,  et  que  je  méprise  les  pauvres  de  Jé- 
sus-Christ. Si  je  choisis  un  homme  docte,  on 
s'écriera  que  son  savoir  l'a  rempli  d'orgueil. 
Si  c'est  un  homme  instruit,  il  deviendra  un 
objet  de  mépris.  Si  c'est  un  homme  sévère, 
on  l'aura  en  horreur  comme  un  cruel.  S'il 
est  d'une  humeur  indulgente,  on  blâmera  sa 
facilité.  »  Enfin  le  saint  évêque  après  avoir 
juré  par  le  Saint-Esprit,  qui,  par  la  bouche 
de  saint  Pieri-e  a  condamné  la  simonie  dans 
son  auteur,  qu'il  n'aurait  aucun  égard  ni  à 
l'argent  ni  à  la  faveur,  il  déclare  qu'il  ne 
trouvait  personne  plus  digne  de  l'épiscopat 
que  Simplice.  Il  était  en  âge  d'occuper  cette 
place  ;  son  esprit,  son  savoir  et  sa  vertu  l'en 


rendaient  digne. 


La  lettre  à  Ferréol  ne  devait  pas  trouver  - 


1  Epist.  9,  pag.  1031 . 


Epist.  12,  pag.  1038. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  EVÈQUE. 


[V  SIÈCLE.] 

place  dans  le  septième  livre  qui  ne  devait 
contenir  qae  celles  qui  étaient  adressées  à 
des  évêques.  Mais  saint  Sidoine  crut  devoir 
l'ajouter  à  celles-ci,  persuadé  qu'il  ferait  plus 
d'honneur  à  Ferréol,  en  le  mettant  après  les 
évêques,  qu'en  le  plaçant  à  la  tête  des  séna- 
teurs. Il  le  loue  principalement  de  la  sa- 
gesse avec  laquelle  il  avait    administré   la 
préfecture  dans  les  Gaules.   La  lettre  sui- 
vante '  est  un  éloge  d'Himérius,  disciple  de 
saint  Loup,  évêque  de  Troyes,  qu'il  appelle 
le  prince  des  évêques  des  Gaules.  Il  fait  voir 
dans  celle  qu'il  écrivit  à  Philagrius  ^,  que 
c'est  proprement  par  l'esprit  et  parla  raison 
que  l'on  connaît  les  hommes,  et  non  par  les 
yeux  du  corps.  Il  marque  dans  sa  lettre  à 
l'abbé  Cariobaudus  ^,  qu'il  lui  envoyait  une 
coulle  pour  se  garantir  du  froid  durant  la 
nuit;  que  son  corps,  desséché  par  les  jeûnes, 
avait  besoin  de  cette  couverture,  soit  pen- 
dant la  prière,  soit  pendant  le  sommeil.  Vo- 
lusien  avait  prié  saint  Sidoine  d'honorer  la 
mémoire  de  saint  Abraham,  abbé  de  Cler- 
mont,  par  quelques  vers,  pour  lui  servir 
d'épitaphe.  Saint  Sidoine  le  fit,  autant  pour 
contenter  Volusien,   que   pour   satisfaire   à 
l'affection  qu'il  avait  toujours  eue  pour  l'abbé 
Abraham;  mais  il  ne  se  chargea  point  de 
représenter  ses  mœurs,  ses  actions  et  ses 
vertus.  Il  marque  dans  la  lettre  qu'il  écrivit 
sur  ce  sujet  *,  que  le  comte  Victorius  s'était 
chargé  de  la  dépense  de  ses  funérailles  :  par 
là  même  il  prie  Volusien  d'établir  quelque 
règle  dans  le  monastère  de  saint  Abraham, 
d'avoir  soin  de  la  faire  observer,  et  de  punir 
ceux  qui  n'obéiraient  pas  à  Auxence  établi 
abbé  de  ce  monastère  depuis  la  mort  de  saint 
Abraham.  II  lui  donne  le  choix  des  statuts 
des  pères  de  Lérins  ^,  ou  de  ceux  de  Grigni, 
établi  comme  l'on  croit,  dans  le  diocèse  de 
Vienne  de  l'autre  côté  du  Rhône.  La  der- 
nière lettre  de  ce  septième  livre  ^,  est  adres- 
sée à  Constance  prêtre  de  Lyon ,  auquel  il 
avait  adressé  le  recueil  de  ses  lettres,  parce 
qu'il  les  avait  mises  en  un  corps  à  sa  prière. 
Il  lui  dit  dans  celle-ci  que  chaque  letti'e  ne 
traitant  ordinairement  qu'un  seul  sujet,  si 
elles  ne  sont  pas  assez  bien  écrites  pour 
plaire  aux  beaux  esprits,  elles  auront  du 


393 


moins  l'avantage  de  n'ennuyer  qui  que  ce 
soit. 

8.  Il  en  publia  un  huitième  livre  aux  ins-  i 
tances  de  Pétrone,  alors  l'un  des  plus  grands 
ornements  des  Gaules  pour  l'érudition  et 
pour  l'éloquence  '^.  Dans  sa  lettre  à  Jean, 
qui  professait,  ce  semble,  la  grammaire  et 
la  philosophie  dans  quelque  ville  de  France  ^, 
il  le  loue  des  efiforts  qu'il  se  donnait  pour  le 
rétablissement  des  belles-lettres,  qui  allaient 
eu  décadence.  On  voit  par  celle  qu'il  écrivit 
à  Consentius,  qu'il  avait  renoncé  à  la  poésie, 
depuis  son  épiscopat,  aimant  mieux  alors 
passer  pour  réservé  et  pour  froid,  que  pour 
enjoué.  «  Le  temps  est  venu,  dit-i),  de  ne 
lire  ni  d'écrire  rien  que  de  séiieux,  de  pen- 
ser moins  à  faire  parler  de  nous  dans  la  suite 
des  siècles,  qu'à  nous  procurer  le  bonheur 
de  vivre  éternellement,  de  songer  tout  de 
bon  qu'on  examinera  après  notre  mort,  non 
comment  nous  aurons  écrit,  mais  comment 
nous  aurons  vécu.  »  Il  s'explique  de  môme 
dans  une  lettre  à  Orésius  ^.  11  envoya  à  Na- 
mase,  célèbre  dans  les  Gaules  pour  son  es- 
prit et  pour  son  éloquence,  les  ouvrages  de 
Varron  et  la  Chronique  d'Eusèbe  qu'il  lui 
avait  demandés'".  On  voit  par  un  petit  poème 
qu'il  envoya  à  Lampridius  un  de  ses  intimes 
amis,  quelle  était  la  magnificence  d'Euric, 
roi  des  Visigoths.  Il  y  dépeint  tous  les  peu- 
ples aux  pieds  de  ce  prince  ",  pour  lui  de- 
mander, ou  sa  miséricorde,  ou  son  amitié, 
ou  son  secours. 

Ruricius  lui  avait  écrit  une  lettre  pleine 
de  louanges.  Saint  Sidoine  lui  répondit  dans 
les  termes  les  plus  humbles,  le  priant  de  ne 
point  exercer  son  éloquence  sur  un  sujet 
aussi  stérile.  «  Songez,  lui  dit-il,  à  guérir 
mes  langueurs  par  vos  prières ,  et  n'employez 
point  les  charmes  si  dangereux  d'une  élo- 
quence qui  n'est  que  trop  douce,  à  accabler 
la  faiblesse  de  mon  âme  encore  toute  ma- 
lade, sous  le  poids  d'une  fausse  gloire.  Puis- 
que votre  vie  est  encore  plus  sainte  que  votre 
éloquence  n'est  beUe  '^,  vous  m'obligerez  bien 
plus  de  demander  à  Dieu  pour  moi  la  vertu, 
que  de  me  louer  comme  si  je  l'avais  déjà.  » 
11  venait  d'apprendre  la  mort  de  Lampridius, 
qui  avait  été  misérablement  étranglé  dans  sa 


1  Epist.  13,  pag.  J041.  —  ^  Epist.  14,  pag.  1042. 

3  Epist.  16,  pag.  1046.  —  *  Epist.  17,  pag.  1046. 

5  Fluctuantem  regnlam  fratrum  destifutorum,  se- 
cuyidum  statuta  Lirinensium  patrum  vel  Grinincen- 
sium  festinus  informa.  Sidon.,  lib.  VII,  Epist.  17, 
pag.  1049. 


6  Epist.  18,  pag.  1049. 
'  Epist.  1,  ibid.  —  8  Epist.  2,  ibid. 
9  Lib.  IX,  Epist.  12,  pag.  1108. 
>o  Epist.  6,  pag.  1065. 

11  Epist.  9,  pag.  1067. 

12  Epist.  10,  pag.  1070. 


394 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


maison  par  ses  gens,  lorsqu'il  reçut  une 
lettre  d'un  nommé  Lupus  *,  qui  lui  deman- 
dait quelques-uns  de  ses  vers. 

Saint  Sidoine  lui  envoya  un  poème  qu'il 
avait  autrefois  adressé  à  Lampridius,  et  prit 
occasion  de  ce  qu'il  venait  d'appi'endre  de 
sa  mort,  de  lui  faire  une  longue  description 
des  bonnes  et  des  mauvaises  qualités  de  ce 
célèbre  poète,  soit  pour  l'esprit,  soit  pour 
les  mœurs. 

Sa  lettre  à  Nonnécbius  ^,  est  pour  lui  re- 
commander im  nommé  Promotus,  qui  avait 
abandonné  depuis  peu  l'obstination  des  Juifs, 
pour  embrasser  la  foi  de  l'Eglise,  aimant 
mieux  devenir  habitant  de  la  Jérusalem  cé- 
leste, que  de  se  flatter  de  retourner  un  jour 
dans  la  Jérusalem  terrestre.  L'évéque  Prin- 
cipe avait  écrit  à  saint  Sidoine  pour  lui  re- 
commander un  de  ses  ecclésiastiques  qui 
avait  quelque  affaire  en  Auvergne.  Mégé- 
thius,  c'est  ainsi  qu'il  se  nommait,  ne  man- 
qua pas  de  parler  à  saint  Sidoine  des  vertus 
de  son  évêque.  Un  autre  évêque,  nommé 
Entiole,  lui  en  rendit  aussi  témoignage,  de 
même  que  de  la  sainteté  de  saint  Rémi,  son 
frère.  Lors  donc  que  Mégéthius  s'en  re- 
tourna, saint  Sidoine  le  chargea  d'une  lettre 
pour  l'évêque  Principe  3,  où  après  lui  avoir 
donné  toutes  les  marques  possibles  de  son 
estime  et  de  son  affection,  il  le  priait  de  lui 
écrire,  et  plus  encore  de  prier  pour  lui,  es- 
timanl  moins  l'honneur  que  lui  et  son  frère 
pouvaient  lui  faire  en  lui  écrivant  beaucoup 
de  lettres,  que  le  salut  qu'ils  pouvaient  lui 
obtenir  de  Dieu,  quand  même  ils  ne  prie- 
raient pour  lui  que  rarement.  11  lui  écrivit 
une  seconde  lettre  *,  où  il  le  priait  d'obtenir 
de  Dieu  d'être  délivré  des  misères  de  celte 
vie  par  une  sainte  mort. 

Saint  Prosper,  évêque  d'Orléans,  l'avait 
prié  d'écrire  la  guerre  d'Attila,  le  siège  qu'il 
mit  devant  cette  ville  ^,  et  de  faire  en  même 
temps  reloge  de  saint  Agnan,  dont  les  mé- 
rites égalaient  ceux  de  saint  Loup  de  Troyes, 
et  de  saint  Germain  d'Auxerre.  Sidoine  après 
avoir  commencé  cet  ouvrage,  trouva  qu'il 
était  au-dessus  de  ses  forces.  C'est  pourquoi 
il  l'abandonna,  sans  vouloir  montrer  à  per- 
sonne le  peu  qu'il  en  avait  fait.  Il  pria  donc 
saint  Prosper  de  le  décharger  d'une  dette 
dont  il  ne  croyait  pas  pouvoir  jamais  s'ac- 


quitter, lui  promettant  de  faire  bientôt  quel- 
que autre  éloge  de  saint  Agnan;  apparem- 
ment quelque  poème.  Nous  n'en  avons  point 
de  lui  en  l'honneur  de  ce  saint  évêque.  La 
dernière  lettre  du  huitième  livre  ^,  est  adressée 
au  prêtre  Constance,  pour  le  charger  de  ren- 
dre public  ce  livre^  que  Pétrone  avait  pris  la 
peine  de  corriger. 

9.  Il  en  publia  un  neuvième  k  la  prière  de  umix. 
Firmin  d'Arles,  illustre  par  sa  naissance  et 
par  sa  piété  '.  Saint  Euphrone  d'Aulun l'ayant 
prié  de  composer  quelque  ouvrage  sur  une 
matière  ecclésiastique,  il  s'en  excusa,  disant 
qu'il  n'avait  ni  la  capacité  de  l'exécuter,  ni 
la  témérité  de  l'entreprendre  *.  «  Je  ne  le 
pourrais  faire,  ajoute-t-il,  sans  me  rendre 
coupable  d'arrogance,  et  sans  blesser  la  bien- 
séance, moi  qui  suis  aussi  vieux  pécheur  que 
nouveau  clerc,  et  dont  la  conscience  est  aussi 
chargée  que  la  science  est  petite.  Quelque 
part  que  cet  écrit  fût  porté,  on  s'y  raillerait 
d'un  auteur  tel  que  je  suis.  Ne  faites  point 
violence  à  ma  pudeur,  et  laissez-moi  me  con- 
soler du  moins  dans  les  ténèbres  qui  me  ca- 
chent. »  Il  paraît  que  saint  Euphi'one  lui 
avait  désigné  la  matière  sur  laquelle  il  sou- 
haitait qu'il  travaillât,  et  que  c'était  sur  l'E- 
criture sainte.  Sa  lettre  fut  apportée  à  saint 
Sidoine  par  un  évêque  nommé  Albison,  et 
par  Proculus  diacre  ^.  Fauste  de  Riez  sou- 
haitait de  lier  avec  lui  un  commerce  de  let- 
tres :  saint  Sidoine  s'en  défendit  longtemps 
sur  ce  qu'il  n'osait  comparer  son  style  avec 
l'élégance  et  la  force  de  celui  de  Fauste; 
étant  peu  en  état  de  songer  à  polir  et  à  étu- 
dier les  lettres,  à  cause  que  son  esprit  était 
occupé  par  ses  pertes  et  ses  afflictions  domes- 
tiques. Mais  la  véritable  raison  qui  l'empê- 
chait d'entretenir  ce  commerce,  c'est  que  la 
paix  faite  entre  les  états  des  Romains  et  des 
Visigoths,  était  sur  le  point  de  se  rompre. 
On  gardait  déjà  les  chemins  comme  entre 
des  ennemis;  en  sorte  que  ceux  qui  demeu- 
raient dans  des  villes  un  peu  éloignées,  ne 
pouvaient  s'écrire  sans  mettre  en  danger  les 
porteurs  de  leurs  lettres.  Il  prie  Fauste  de 
l'aider  par  ses  prières,  à  obtenir  de  Dieu  la 
grâce  de  purifier  les  taches  de  sa  conscience, 
et  de  n'être  qu'à  lui  seul.  [1  parle  de  quelques 
discours  que  Fauste  avait  prononcés  pendant 
la  solennité  de  la  dédicace  d'une  église  de 


>  Episf.  11,  pag.  1072. 

2  Epist.  13,  pag.  1083.  —  ^  Epist.  14,  pag 

'  Lit).  IX,  Epist.  8,  pag.  1098. 


1084. 


Epist.  15,  pag.  1086.  —  6  Epist.  16,  pag.  1087. 
Epist.  l,  pag.  1090.  —  s  Epist.  2,  pag.  1091. 
Epist.  3,  pag.  1002. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


[V"  SIÈCLE.] 

Lyon ,  apparemment  de  celle  que  saint 
Patient  fit  bâtir  ',  et  qui  fut  achevée  vers 
l'an  470. 

Dans  une  autre  lettre,  il  nous  apprend  que 
Fauste  avait  envoyé  aux  Bretons,  ses  com- 
patriotes, c'est-à-dire,  à  ceux  que  les  guerres 
avaient  contraints  de  passer  dans  les  Gaules, 
et  de  s'établir  vers  Nantes,  un  évêque  nommé 
Riocat.  Il  dit  de  cet  évêque,  qu'il  est  deux 
fois  étranger  dans  le  monde,  tant  parce  qu'il 
y  avait  renoncé  en  entrant  dans  la  profession 
ecclésiastique ,  que  parce  qu'il  avait  été 
obligé  par  les  guerres  des  Anglais  et  des 
Saxons,  d'abandonner  son  pays  et  son  peu. 
pie.  Riocat  passa  par  Clermont  et  y  fit  quel- 
que séjour,  pendant  lequel  il  montra  à  saint 
Sidoine  divers  ouvrages  de  Fauste ,  qui  ap- 
paremment ne  lui  étaient  pas  inconnus,  puis- 
qu'il n'en  dit  rien  de  particulier.  Mais  un 
moment  après  que  cet  évêque  breton  fut 
parti,  on  avertit  saint  Sidoine  qu'il  portait 
un  ouvrage  de  Fauste,  qui  n'avait  point  en- 
core paru.  Il  courut  après  lui,  l'arrêta,  défit 
ses  paquets,  où  il  trouva  ce  qu'il  cherchait, 
et  ne  laissa  point  aller  Riocat  qu'il  n'eût  lu 
cet  ouvrage ,  et  n'en  eût  fait  copier  divers 
endroits.  Il  écrivit  sur  cela  une  grande  lettre 
à  Fauste,  où  il  lui  reproche  agréablement 
ce  lui  avoir  fait  un  secret  de  cet  écrit.  C'était 
un  dialogue  divisé  en  deux  livres,  qui  traitait 
quatre  sujets  différents.  Gennade  n'en  dit 
rien,  et  nous  n'avons  aucun  écrit  de  ce  genre 
parmi  ceux  de  Fauste  de  Riez. 

L'évêque  Ambroise  avait  beaucoup  gémi 
sur  la  conduite  d'un  jeune  homme  de  qualité^ 
parce  qu'il  avait  vécu  longtemps  dans  le  désor- 
dre; mais  qui  pour  mettre  fin  à  ses  débauches 
prit  le  parti  du  mariage.  Saint  Sidoine  en 
donna  aussitôt  avis  à  cet  évêque,  à  qui  il  dit, 
qu'il  aurait  été  glorieux  à  ce  jeune  homme 
de  renoncer  entièrement  aux  voluptés  sans 
se  marier.  «  Mais,  ajoute-t-il,  il  y  en  a  peu 
qui  en  passant  de  l'égarement  à  une  vie  ré- 
glée, commencent  par  ce  qu'il  y  a  de  plus 
grand,  et  qui  après  s'être  tout  à  fait  aban- 
donnés à  eux-mêmes, rompent  tout  d'un  coup 
absolument  avec  leurs  plaisirs.  »  Il  rend  té- 
moignage que  quoique  ceux  dont  il  parlait 
ne  fussent  mariés  que  depuis  peu,  ils  vivaient 
déjà  néanmoins  avec  tant  de  modestie,  qu'on 

1  Epist.  9,  pag.  1099. 

2  Epist.  6,  pag.  1096.  —  s  Epist.  7,  pag.  1097. 

*  Epist.  17,  pag.  1105.  —  s  Epist.  13,  pag.  1109. 

^  Epist.  14,  pag.  1114. 

'  Epist.  15,  pag.  1117.  —  8  Epist.  16,  pag.  1119. 


395 


voyait  en  eux  quelle  différence  il  y  a  entre 
l'amour  honnête  et  réglé  d'un  mari  pour 
une  femme,  et  les  charmes  trompeurs  qu'on 
trouve  dans  une  passion  déréglée.  Il  prie 
Ambroise  de  leur  obtenir  de  Dieu  un  eufant 
ou  deux,  afin  qu'ensuite  ils  embrassent  la 
continence,  et  que  celui  qui  avait  péché  par 
des  plaisirs  iUicites,  s'abstienne  même  de  ceux 
qui  sont  permis.  Il  témoigne  dans  sa  lettre 
à  saint  Rémi  ',  l'estime  qu'il  faisait  de  quel- 
ques-uns de  ses  discours,  qu'un  homme 
d' .Auvergne  lui  avait  apportés  de  Rheims.  Il 
avait  envoyé  à  saint  Loup  de  Troyes  les  sept 
premiers  livres  de  ses  lettres,  pour  les  voir, 
et  les  donner  ensuite  à  une  autre  personne. 
Le  saint  évêque  lui  écrivit  agréablement  qli'il 
se  tenait  offensé  de  ce  qu'il  faisait  pré- 
sent de  ses  ouvrages  à  d'autres  plutôt  qu'à 
lai,  et  qu'il  fallait  qu'il  se  justifiât  de  cette 
faute  par  une  longue  lettre.  Saint  Sidoine  le 
satisfit  *.  11  y  remarque  que  quoique  les  cor- 
rections de  saint  Loup  fussent  toujours  ac- 
compagnées de  charité  ^,  on  ne  laissait  pas 
d'en  redouter  la  sévérité.  11  répondit  à  To- 
nance,  qui  l'avait  prié  de  lui  faire  quelques 
vers  pour  réciter  à  table,  qu'il  ferait  beau- 
coup mieux  de  s'y  entretenir  de  discours  de 
piété ,  ou  que  si  cela  était  trop  sérieux  pour 
son  âge,  d'y  proposer  et  d'y  résoudi'e  quel- 
ques questions  curieuses  et  agréables  sur  la 
philosophie  et  sur  la  nature.  Il  ne  laissa  pas 
de  lui  faire  quelques  vers,  et  de  lui  envoyer 
un  poème  qu'il  avait  fait  vingt  ans  aupara- 
vant, et  qui  n'avait  pas  encore  paru.  11  ex- 
phque  dans  sa  lettre  à  Bourguignon  ^,  quel- 
ques questions  sur  la  grammaire  que  ce 
jeune  homme  lui  avait  proposées.  Saint  Si- 
doine allait  finir  son  neuvième  livre,  lorsque 
Gélase  ',  à  qui  il  n'avait  encore  rien  adressé 
de  public,  lui  demanda  des  vers,  comme 
il  en  avait  envoyé  à  Tonance.  Quelque  ré- 
pugnance qu'il  eût  alors  pour  ce  genre  d'é- 
crire, il  ne  put  se  refuser  aux  instances  de 
son  ami.  Il  fit  encore  un  petit  poème  pour 
Firmin  *,  qui  lui  avait  demandé  son  dernier 
livre;  mais  en  déclarant  qu'il  ne  voulait  plus 
rien  donner  au  public,  surtout  en  vers,  à 
moins  que  ce  ne  fût  pour  chanter  les  louan- 
ges des  martyrs,  comme  de  saint  Saturnin  ^ 
et  de  quelques  autres  dont  il  avait  éprouvé 

^  Post  Saturniniim,  volo  plectra  content; 
Quos  patronorum  reliquos  probavi 
Anxie  duras  mihi  per  labores 
Auxiliatos. 

Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  16,  pag.  1123. 


396 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  pouvoir  et  l'assistance  dans  ses  adversités. 
§11. 
Des  Poésies  de  saint  Sidoine. 
pancgyriquo       1 .  Le  rccuel ]  des  poésies  de  saint  Sidoine  ' , 

cl'AQlbéniiiis,  i     •     i 

pn?.  1120.  fut  rendu  public  avant  celui  de  ses  lettres; 
mais  comme  il  ne  garda  aucun  ordre  chro- 
nologique dans  la  distribution  de  celles-ci, 
il  n'en  garda  point  non  plus  dans  la  distribu- 
tion de  ses  poésies.  11  aurait  dû  mettre  en 
premier  lieu  le  poème  qu'il  fit  en  l'honneur 
de  l'empereur  Avitiis,  puis  le  panégyrique 
de  Majorien,  et  en  troisième  lieu  celui  d'An- 
thémius  qui  succéda  à  Majorien,  après  la 
mort  de  Sévère.  Au  contraire,  le  panégyri- 
que d'Anthémius  est  placé  le  premier.  Ce 
prince  qui  fut  fait  empereur  en  467,  manda 
à  saint  Sidoine  qui  était  alors  à  Lyon,  de  le 
venir  trouver  à  Rome.  Il  y  vint  par  les  voitures 
publiques  qu'Anthémius  lui  fournit,  et  arriva 
en  cette  ville  Jorsqu'elle  était  toute  entière 
dans  des  réjouissances  publiques,  à  cause 
du  mariage  de  la  fille  de  l'empereur,  avec 
le  patrice  Ricimer.  Sidoine  allant  un  jour, 
sur  la  fin  de  la  même  année,  voir  Basile  qu'il 
avait  choisi  pour  son  patron  à  la  cour,  celui- 
ci  hii  proposa  de  faire  le  panégyrique  d'An- 
thémius, qui  devait  commencer  son  consulat 
le  premier  jour  de  janvier  4:68,  lui  faisant 
espérer  qu'il  en  tirerait  plus  d'avantages  qu'il 
ne  pensait.  Sidoine  s'y  engagea,  fit  en  vers 
le  panégyrique  d'Anthémius,  et  le  prononça 

*  en  la  solennité  de  son  consulat,  en  présence 

du  sénat  de  Rome.  C'était  pour  la  seconde 
fois  qu'Anthémius  était  consul,  l'ayant  été 
avant  que  d'être  élevé  à  l'empire,  lorsqu'il 
n'était  que  particulier  à  Constantinople.  C'est 
pour  cela  que  Sidoine  commence  son  pané- 
gyrique eu  le  congratulant  sur  son  second 
consulat. 
panégïri.ti"e       2.  Lc  SBCoud  pauégyriquo   est  celui  de 

pag.  1150.  1  empereur  Majorien.  Sidoine  qui  avait  sou- 
tenu quelques  temps  contre  lui,  le  parti  d'A- 
vitus,  son  beau-père  -,  fut  olDligé  de  céder 
et  de  recourir  aux  grâces  de  son  successeur. 
Il  vint  à  cet  effet  à  Lyon  où  Majorien  le  reçut 
bien  et  lui  accorda  sa  grâce.  C'était  sur  la  fin 
de  l'an  458.  Sidoine,  soit  par  reconnaissance, 
•  soit  pour  mériter  les  faveurs  de  ce  prince, 


prononça  son  panégyrique  en  vers,  lorsqu'il 
était  encore  consul  :  car  les  empereurs  ne 
regardaient  point  celte  dignité  comme  au- 
dessous  d'eux.  Sidoine  représenta  à  Majo- 
rien les  maux  que  la  ville  de  Lyon  avait  souf- 
ferts pendant  les  troubles  de  la  dernière 
guerre,  et  en  prit  occasion  de  suppher  ce 
prince  de  prendre  soin  de  cette  ville,  et  de 
lui  accorder  quelques  soulagements,  pour 
lui  aider  à  se  rétablir.  Il  lui  demanda  encore 
la  même  grâce  dans  un  autre  petit  poème 
qu'il  lui  adressa  en  même  temps  ^,  le  priant 
aussi  de  le  décharger  lui-même  du  tribut 
qu'il  était  obligé  de  payer  pour  trois  per- 
sonnes. 

3.  Quoique  les  fastes  marquent  pour  les  /l^-fff'^'' 
consuls  de  l'an  456  *,  Varane  et  Jean,  on  ne  ""'• 
peut  douter  que  l'empereur  Avitus  n'y  ait 

pris  le  consulat,  puisque  Sidoine  le  dit  en 
termes  exprès  dans  le  panégyrique  qu'il  en 
fit  ^,  et  qu'il  prononça  le  premier  jour  de 
cette  année,  en  présence  du  sénat  et  du  peu- 
ple. Il  fut  écouté  avec  de  grands  applaudis- 
sements :  mais  les  heureux  succès  qu'il  y 
promit  à  ce  prince,  particulièrement  la  con- 
quête d'Afrique,  n'eurent  point  leur  accom- 
plissement. Le  règne  d'Avitus  ne  fut  ni  long 
ni  heureux,  ayant  à  peine  régné  quatorze 
mois.  On  croit  que  le  panégyrique  qu'en  fit 
Sidoine,  lui  mérita  une  statue  d'airain  à 
Rome,  dans  la  galerie  de  Trajan,  et  que  c'est 
tout  le  fruit  qu'il  retira  de  ses  vers.  En  ren- 
dant son  poème  public  ^,  il  l'adressa  avec 
une  épigramme  à  Prisque  Valérien,  comme  il 
avait  adressé  à  Pierre,  secrétaire  de  Majo- 
rien, celui  qu'il  avait  fait  à  la  louange  de  ce 
prince  ^. 

4.  Le  poème  à  Féhx  ^,  est  comme  la  pré-     p^imehn- 
face  des  suivants.  Il  avait  prié  saint  Sidoine   ""■ 

de  recueillir  en  un  corps  toutes  les  différen- 
tes pièces  de  poésie  qu'il  avait  faites  suivant 
que  les  occasions  s'en  étaient  présentées. 
Quoique  Sidoine  sût  combien  il  est  dilii- 
cile  d'éviter  la  censure  publique,  il  ne  voulut 
pas  se  refuser  aux  instances  d'un  ami.  En 
effet,  ce  recueil  ne  fut  pas  bien  reçu  de  quel- 
ques personnes,  plus  critiques  que  les  au- 
tres. Mais  il  ne  laissa  pas  d'acquérir  de  l'hon- 
neur et  de  la  réputation  à  son  auteur  dans 
le  public,  comme  saint  Sidoine  l'avoue  lui- 


1  Lib.  I,  Epist.  1,  pag.  839. 

2  Carm.  II,  III,  IV  et  V. 
=  Sidon.,  carm.  XIII. 

*  Carm.  VI  et  VII. 


i>  Modo  principe  sicrget  consitle.  Pag.  H94;  videSir- 
mund.,  Not. 

6  Carm.  VIII,  pag.  1223.  —  '  Carm.  III,  pag.  1158. 
8  Carm.  IX,  pag.  1225. 


CHAPITRE  XXI.  —  SAINT  SIDOINE  APOLLINAIRE,  ÉVÊQUE. 


[V=   SIÈCLE.] 

même  dans  mie  de  ses  lettres  '.  Félix  à  qui 
il  l'adressa,  était  patrice  et  fils  de  Magnus, 
consul  en  460.  Saint  Sidoine  fait  son  éloge 
dans  le  poëîiie  qui  sert  d'épitre  dédicatoire. 
Il  est  composé  de  trois  cent  cinquante  vers, 
ou  Ton  trouve  un  abrégé  méthodique  de  la 
fable,  avec  les  noms  de  presque  tous  les  plus 
célèbres  poètes  qui  avaient  écrit  jusqu'alors. 

5.  Le  poème  à  Ruricius  et  Ibérie  ^,  estl'é- 
pitlialame  que  saint  Sidoine  composa  avant 
son  épiscopat  pour  honorer  leur  mariage.  On 
ci'oit  que  ce  Ruricius  est  le  même  qui  fut 
depuis  évêque  de  Limoges.  A  l'égard  d'ibérie 
elle  était  fille  d'Hommace,  homme  de  qua- 
lité. Elle  renonça  depuis  au  monde  avec  son 
mari,  pour  vivre  dans  la  retraite  et  dans  la 
continence.  Un  nommé  CatuMn,  ami  de  saint 
Sidoine  ^,  lui  avait  aussi  demandé  un  épi- 
ihalame,  il  s'en  excusa,  disant  qu'il  n'y  avait 
pas  moyen  de  travailler  au  miheu  des  Bour- 
guignons. Il  fait  d'eux  une  description  pleine 
de  railleries  ;  mais  il  ne  la  pousse  pas  comme 
il  aurait  pu  faire,  de  peur,  dit-il,  qu'on  ap- 
pelât ce  poème  une  satire. 

6.  Il  fit  en  vers  l'épithalame  de  Polémius 
et  d'Arancole  *,  tous  deux  de  la  première 
noblesse  des  Gaules.  Comme  Polémius  avait 
beaucoup  de  goût  pour  la  philosophie  et 
l'astronomie,  saint  Sidoine  l'entretient  de  ces 
sortes  de  matières  beaucoup  plus  que  de 
celles  qui  regardent  le  mariage. 

7.  Saint  Sidoine  n'avait  pas  encore  rendu 
public  le  livre  de  ses  poésies,  lorsqu'il  fit  un 
voyage  à  Riez  ^.  Fauste  qui  en  était  évêque, 
l'y  reçut  avec  beaucoup  de  politesse,  et  par 
une  faveur  toute  extraordinaire,  le  mena  voir 
sa  mère  qui  était  une  personne  d'une  grande 
vertu.  Saint  Sidoine  de  retour  chez  lui, 
adressa  quelques  temps  après  un  poème  à 
Fauste,  où  il  relève  son  mérite,  et  le  remer- 
cie tant  du  bon  accueil  qu'il  lui  avait  fait, 
que  du  soin  qu'il  avait  pris  de  l'éducation  de 
son  frère,  dans  un  âge  où  il  avait  besoin 
d'être  sous  la  discipline  d'un  si  bon  maître. 
Il  parle,  dans  ce  poème,  d'une  manière  ho- 
norable du  monastère  de  Lérins,  et  des 
gi'ands  hommes  qui  y  avaient  demeuré,  en- 
tre autres  de  saint  Honorât,  de  Maxime,  de 
saint  Eucher  et  de  saint  Hilaire  qui  fut  de- 


397 


puis  évêque  d'Arles.  Gomme  Fauste  faisait 
une  profession  particulière  de  piété,  saint 
Sidoine  ne  mêle  rien  des  fables  du  paganisme 
dans  ce  poème. 

8.  Le  poème  à  Hommace,  beau-père  de 
Ruricius  ^,  est  une  invitation  pour  venir  cé- 
lébrer, le  20  juillet  (apparemment  de  l'an  471  ) 
la  fête  qu'il  faisait  pour  la  naissance  de  deux 
de  ses  fils  arrivée  ce  jour-là. 

9.  Il  fait  dans  les  poèmes  suivants  ',  la 
description  d'une  maison  de  campagne  qu'il 
avait  à  Avitac,  des  bains  et  des  réservoirs 
qui  y  étaient.  Celui  qui  est  adressé  à  Egdi- 
tius,  son  beau-frère  ^,  est  pour  l'inviter,  lui 
et  sa  femme,  à  venir  célébrer  le  jour  de  sa 
naissance,  qui  tombait  au  cinquième  de  no- 
vembre. Dans  un  voyage  qu'il  fit  à  Bordeaux 
étant  jeune,  il  logea  chez  un  sénateur  qui  se 
se  nommait  Pontius  Léontius.  11  y  fut  reçu 
magnifiquement.  Ce  sénateur  avait  un  fils 
nommé  Paulin.  Pendant  le  séjour  que  saint 
Sidoine  fit  en  cette  ville,  Pontius  le  mena, 
ce  semble,  voir  la  maison  qu'il  avait  à  Bourg 
sur  la  Garonne.  C'est  de  cette  maison  dont 
saint  Sidoine  fait  la  description  dans  le  poème 
adressé  à  Pontius  '.  Il  composa  ce  poème 
étant  à  Narbonne,  depuis  que  cette  ville  élait 
tombée  entre  les  mains  de  Théodoric,  roi 
des  Visigoths,  c'est-à-dire,  depuis  l'an  462. 
Il  logeait  chez  un  homme  de  lettres  nommé 
Consentius,  avec  lequel  il  allait  quelquefois 
rendre  visite  aux  amis  qu'il  avait  en  ville. 
Saint  Sidoine  voulut  depuis  reconnaître  par 
quelques  vers,  les  politesses  de  son  hôte  : 
mais  Consentius  le  prévint  et  lui  adressa  de 
Provence  plusieurs  pièces  de  poésie.  Saint 
Sidoine  y  répondit  par  un  poème  de  plus  de 
cinq  cents  vers  '",  où  il  fait  l'éloge  de  Con- 
sentius, de  son  père  qui  était  aussi  très-ha- 
bile dans  les  lettres,  et  de  la  vifie  de  Nar- 
bonne, d'où  ils  étaient  originaires  l'un  et 
l'autre.  Il  joint  à  cet  éloge  celui  de  plusieurs 
de  leurs  amis  recommandables  par  leur  sa- 
voir, qui  élaient  aussi  de  Narbonne,  savoir 
de  Léon,  de  Magnus,  de  Marcellin,  de  My- 
ron,  de  Lympidius,  de  Marin,  de  Linius. 

10.  Il  s'adresse  dans  son  dernier  poème  ", 
au  Recueil  qu'il  avait  fait  de  ses  poésies.  11 
lui  marque  la  route  qu'il  doit  prendre  pour 


Poème 
Hommace. 


Autres  poè- 


Pocraeàson 
recueil  de 
l'Oésies. 


'  Lib.  l,  Epist.  1,  pag.  839. 

2  Carm.  X,  XI,  pag.  1237. 

3  Catulin  lui  en  demande  un.  Carm.  XII,   pag. 
Û245. 

'  Carm.  XIV  et  XV,  pag.  1230. 
s  Id.,  Gavm.  XVI,  pag.  1262. 


«  Carm.  XVII,  pag.  1270. 

7  Carm.  XVIII,  XIX,, XXI,  pag.  1271,  1274. 

8  Carm.  XX,  pag.  1271. 

3  Carm.  XXII,  pag.  1274. 
10  Carm.  XXIII,  pag.  1283. 
"  Garni.  XXIV,  pag.  1302. 


398 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ecrils  de 
sniiit  Sidoine 
que  nous  n'a- 
vons plus. 


Jugement 
des  écrits  de 
saiol  Sidoine, 


se  rendre  chez  ses  principaux  amis,  nom- 
mément chez  ceux  qui  se  mêhiient  de  litté- 
rature. Son  premier  gîte  devait  être  dans  la 
maison  de  Domitius,  professeur  de  rhétori- 
que dans  la  ville  de  Clermont;  le  second  à 
Brioude,  en  Auvergne.  Il  en  devait  faire  huit 
autres  en  divers  autres  endroits,  dont  un 
était  chez  Papianille,  femme  de  saint  Sidoine. 
^i .  Nous  n'avons  plus  la  satire  qu'il  avait 
faite  '  contre  une  personne  qui  ne  pouvait 
supporter  les  jours  heureux.  Il  ne  dit  point 
ce  qu'il  entendait  par  là.  C'est  dans  la  lettre 
qu'il  éci'ivit  étant  encore  jeune  à  Eryphius  qu'il 
fait  mention  de  cette  satire  :  peut-être  ne  la 
rendit-il  pas  publique.  Il  marque  dans  celle 
adressée  à  Mégétius,  que  cet  évêque  qu'on 
croit  l'avoir  été  de  Belley,  lui  avait  demandé 
des  Contestations  ou  préfaces  de  la  messe  ^.  Ce 
sont  apparemment  les  Messes  qui  lui  sont 
attribuées  par  saint  Grégoire  de  Tours  ^,  et 
dont  celui-ci  forma  un  livre  auquel  il  ajouta 
une  préface.  Comme  saint  Sidoine  ne  voulut 
montrer  à  personne  *  le  peu  qu'il  avait  fait 
sur  l'histoire  d'Attila,  il  n'est  pas  surprenant 
qu'il  n'en  soit  rien  venu  jusqu'à  nous.  11 
écrivait  beaucoup  de  choses  ^,  mais  il  en  pu- 
bliait peu. 

ARTICLE  n. 

JUGEMENT  DES  ÉCRITS  DE   SAINT   SIDOINE  : 
ÉDITIONS  qu'on  en  A   FAITES. 

1.  Les  ouvrages  de  saint  Sidoine,  soit  en 
vers  soit  en  prose,  nous  font  voir  quelle  était 
sa  capacité  dans  les  sciences  humaines  ^.  Ils 
le  firent  regarder  de  son  temps  comme  un 
homme  très-docte,  et  le  premier  des  Gaules 
pour  l'éloquence  aussi  bien  que  pour  l'éru- 
dition '.  On  ne  craignit  pas  même  de  l'appe- 
ler le  réparateur  de  l'éloquence  des  anciens. 
Mais  il  y  avait,  sans  doute,  de  l'excès  dans 
cet  éloge.  Il  convient  lui-même  ^,  que  la  vé- 
ritable éloquence  était  tout-à-fait  dégéné- 
rée; et  que  les  plus  éloquents  de  son  siècle 
ne  l'étaient  guère  en  comparaison  de  ceux 


de  l'antiquité.  Aussi  le  mélange  de  tant  de 
nations  barbares  dans  l'empire,  avait-il  cor- 
rompu la  pureté  de  la  langue  latine  '.  Ce  qui 
pouvait  lui  faire  donner  la  qualité  de  répa- 
rateur des  lettres,  c'est  qu'il  favorisait,  au- 
tant qu'il  était  en  lui,  les  jeunes  gens  qui 
s'appliquaient  à  l'étude,  qu'il  s'y  appliquait 
lui-même  extrêmement'",  et  qu'il  affectait  de 
ne  se  servir  d'aucune  expression  qui  ne  fût 
autorisée  par  de  bons  auteurs.  On  en  trouve 
néanmoins  quelques-unes  '*  dans  ses  lettres 
qui  se  sentent  de  la  basse  latinité  alors  en 
usage  dans  les  Gaules  parmi  le  vulgaire.  On 
le  compare  aussi  aux  plus  illustres  poètes  '-, 
et  on  aurait  pu  le  comparer  aux  plus  célè- 
bres orateurs  pour  le  génie,  pour  la  noblesse 
et  l'élévation  des  pensées,  pour  la  solidité 
du  raisonnement,  mais  non  pas  pour  le  goût 
ni  pour  la  beauté  de  l'éloquence.  Son  style 
est  chargé  d'antithèses,  de  métaphores  trop 
hardies,  et  de  quantité  de  jeux  de  mots. 
Souvent  pour  vouloir  donner  un  tour  trop 
étudié  à  ses  pensées,  il  se  rend  obscur  et  dif- 
ficile à  comprendre.  Ses  vers  ont  du  feu  et 
des  grâces  '^  ;  ils  en  auraient  davantage,  s'il 
y  traitait  des  m.atières  plus  intéressantes.  La 
plupart  de  ses  lettres  sont  écrites  avec  beau- 
coup d'esprit  et  de  politesse.  Il  en  changea 
un  peu  l'air  quand  il  fut  évêque,  croyant 
qu'il  était  de  son  ministère  de  les  écrire  d'un 
style  moins  étudié  et  plus  familier.  On  y  voit 
presque  partout  que  son  caractère  était  la 
douceur  et  l'affabilité;  qu'il  était  bienfaisant;, 
aimant  tendrement  ses  parents,  et  sincère- 
ment ses  amis,  quand  une  fois  il  avait  éprouvé 
leur  fidéhté;  que  quoiqu'il  aimât  à  dire  avec 
liberté  ce  qu'il  pensait,  il  savait  se  taire  à 
propos.  Son  poème  à  Fauste  de  Riez,  qu'il 
fit  étant  encore  laïque,  est  une  preuve  qu'il 
n'avait  point  négligé  en  cet  état  l'étude  de 
l'Ecriture  sainte.  Mais  il  s'y  appliqua  beau- 
coup plus  depuis  son  élévation  àl'épiscopat  : 
en  sorte  qu'il  devint  aussi  instruit  dans  les 
sciences  divines,  qu'il  l'avait  été  jusqu'alors 
dans  les  sciences  profanes. 


1  Lib.  V,  Epist.  i,  7,  pag   992. 

2  Lib.  VII,  Epist.  3,  pag.  1019. 

3  Greg.  Tur.,  lib.  II  HisL  Franc,  cap.  xsn. 
•>  Sidon.,  lib.  VllI,  Epist.  15,  pag.  1087. 

^  Habet  consuetudo  nostra  pro  riiu  ut  et  si  paiica 
edit,  mulia  conscribat.  Lib.  VII.  Epist.  3,  pag.  1019. 

^  Sidonius,  Avernorum  cpiscopus...  homo  tam  divi- 
nis  quam  humanis  ad  iniegrum  imbuius,  acerque  in- 
génia, scripsit  ad  diversos  diverso  métro,  vel  prosa 
compositum  insigne  volumen,  in  quo  quid  in  liiieris 
passif,  ostendit.  Genuad.,  de  Vir.  iHust.,  cap.  xcii. 


'  Extant  Mammerti  Claudiani  de  Statu  animée  libri 
très  ad  Sidonium  scripti,  in  quibiis  illum  inter  cœtera 
laudmn  elogia,  potissimum  diserlorum  erudilissimum 
virorum,  ac  veteris  eloquentiœ  reparatorem  appellat. 
Sirm.,  ex  Maminert.  Prcefat  in  oper.  Sidonii. 

8  Sidon.,  lib.  VIII,  Epist.  6. 

5  Epist.  10. 

1»  Lib.  VIII,  Epist.  16. 

"  Sirm.,  in  Epist.  10,  lib.  IV. 

12  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  13. 

'3  Geunad.,  ubi  supra. 


CHAPITRE  XXII.  —  CONSTANCE,  PRÊTRE  DE  LYON,  ETC. 


[V  SIÈCLE.] 

Les  poésies  de  saint  Sidoine  furent  impri- 
mées séparément  dans  le  Chœur  des  poètes, 
à  Lyon,  en  1616,  et  dans  le  corps  des  an- 
ciens poètes  latins,  mis  souvent  sous  presse. 
Longtemps  auparavant,  on  avait  imprimé 
tous  ses  ouvrages  en  un  volume  in-folio , 
sans  préface  de  l'éditeur  et  sans  notes  :  on 
n'y  avait  pas  même  marqué  l'année  de  l'im- 
pression, ni  le  lieu,  ni  le  nom  de  l'éditeur; 
mais  les  caractères  et  le  papier  font  voir 
l'antiquité  de  cette  édition.  Jean-Baptiste 
Pins  en  donna  une  en  1498,  à  Milan,  in-folio, 
avec  des  commentaires.  Elle  fut  réimprimée 
à  Bâle,  en  1542,  in-4°,  chez  Henri  Pétri.  Le 
même  imprimeur  remit  sous  presse  les  œu- 
vres de  saint  Sidoine  en  1597,  in-S".  Nous  en 
avons  une  édition  publiée  à  Lyon,  chez  Jean 
de  Tournes,  in-8°,  en  1552.  Elie  Vinet  qui 
en  prit  soin,  marque  que  dans  le  manuscrit 
dont  il  se  servit,  il  y  avait  d'autres  poésies  à 
la  suite  de  celles  de  saint  Sidoine,  que  le  co- 
piste semblait  avoir  cru  être  de  ce  père,  mais 
qui  n'en  étaient  pas  en  effet.  L'édition  de 
Wouver  fut  faite  à  Lyon,  en  1598,  chez  Jean 
Pilehotte,  mais  débitée  à  Paris,  chez  Am- 
broise  Drouart.  Elle  est  enrichie  de  notes  de 
l'éditeur  et  de  celles  de  Pierre  Colvius.  Elles 
se  trouvent  dans  l'édition  de  Fi'ancfort,  en 
1617,  par  Elmenhorstius.  Jean  Savaron  ayant 


399 


revu  les  œuvres  de  saint  Sidoine  sur  quel- 
ques manuscrits,  les  fit  réimprimer  à  Paris, 
chez  Adrien  Périer,  en  1598,  in-S".  Cette  édi- 
tion est  sans  notes;  mais  il  en  mit  dans  celle 
qu'il  publia  en  la  même  ville,  en  Î599  et  en 
1609,  in-4'',  et  qui  fut  très-estimée  des  sa- 
vants. Cela  n'empêcha  pas  le  père  Sirmond 
de  penser  à  une  nouvelle  édition  de  saint 
Sidoine  :  elle  parut  avec  de  nouvelles  notes, 
à  Paris,  en  1614  et  1652;  puis  dans  la  collec- 
tion des  ouvrages  de  ce  père,  en  la  même 
ville,  en  1696.  On  a  aussi  donné  place  aux 
écrits  de  saint  Sidoine,  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères  de  Lyon,  en  1677.  La  lettre  de  saint 
Sidoine  sur  le  roi  Théodoric,  a  paru  avec 
d'autres  pièces,  en  1589,  in-folio,  à  Paris, 
chez  Nivelle.  [L'édition  donnée  par  Sirmond, 
a  paru  de  nouveau  dans  Galland,  tome  X, 
pag.  461-626,  avec  des  prolégomènes,  dans 
la  Patrologie  latine ,  tome  LVIII.  Grégoire  et 
Collombet  ont  publié,  en  1836,  une  nouvelle 
édition  des  écrits  de  saint  Sidoine,  en  latin 
et  en  français,  avec  des  notes,  Lyon,  3  vol. 
in-8°.  Les  œuvres  du  saint  évêque  avaient 
été  aussi  traduites  par  Ed.  L.  Billardon  de 
Sauvigny,  Paris,  1787,  en  2  vol.  grand  in-80. 
Plusieurs  extraits  des  poésies  sont  donnés 
dans  les  Poètes  chrétiens,  par  FéHx  Clément, 
Paris,  1857.] 


CHAPITRE   XXII. 


Constance,  prêtre  de  Lyon,  et  saint  Auspice,  évêque  de  Toul. 


1.  Constance  à  la  prière  de  qui  saint  Si- 
doine avait  revu  ses  lettres  '  pour  faire  un 
corps  de  celles  qui  mériteraient  d'être  don- 
nées au  public,  était  son  ami  particulier,  et 
prêtre  de  l'Eglise  de  Lyon.  Sa  naissance  était 
illustre;  il  aimait  extrêmement  les  belles- 
lettres  et  ceux  qui  faisaient  profession  de  les 
cultiver.  Il  joignit  à  beaucoup  d'esprit  une 
éloquence  si  persuasive  ^,  que  quand  il  par- 
lait publiquement  sur  une  affaire,  son  senti- 
timent  l'emportait  toujours  sur  celui  des  au- 
tres, soit  qu'il  pensât  comme  eux^  soit  qu'il 
fût  d'un  avis  différent,  d'un  jugement  fin  et 


délicat,  mais  grave  et  solide  ^.  Les  ouvrages 
pleins  de  force  lui  plaisaient  beaucoup  plus 
qu'une  élégance  molle  et  efféminée.  Il  ex- 
cellait aussi  dans  la  poésie.  On  voyait  de  lui 
quelques  vers  hexamètres  sur  la  muraille  à 
côté  de  l'autel  de  l'église  *  que  saint  Patient 
avait  fait  bâtir  à  Lyon.  Quoique  très-appliqué 
à  la  lecture  des  livres  saints  ^,  il  en  lisait 
quelquefois  d'autres  par  raison  de  délasse- 
ment. Il  était  déjà  vieux  et  infirme  lorsqu'il 
revint  à  Clermont,  vers  l'an  473,  pour  tâcher 
d'y  réconcilier  les  esprits,  et  leur  persuader 
de  se  réunir  pour  leur  commune   défense 


'  Sidon.,  lib.  I,  Epist.  1. 
2  Lib.  IX,  Epist.  IG. 


3  Lib.  VU,  Epist.  18,  et  lib.  Vllt,  Epist.  IG. 
•>  Lib.  Il,  Epist.  10.  —  5  Lib.  VII,  Epist.  18. 


400 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


contre  les  Goths.  Son  voyage  eut  tout  le 
succès  qu'on  en  attendait  :  quand  il  fut  de 
retour  à  Lyon,  saint  Sidoine  lui  écrivit  une 
lettre  de  remerciement  au  nom  de  toute  la 
ville,  où  il  élisait  '  :  a  Le  peuple  de  Clermont 
vous  salue  en  vous  remerciant  de  ce  que 
vous  êtes  venu  remplir  leur  ville,  non  du 
nombre  de  ceux  qui  vous  accompagnaient, 
mais  de  la  grandeur  de  votre  mérite.  Quelle 
joie  pour  ce  peuple  affligé,  lorsque  vous  en- 
trâtes dans  cette  ville  à  demi  ruinée,  envi- 
ronné de  tout  ce  qu'elle  avait  de  monde! 
Mais  avec  quelle  sagesse  saviez-vous  leur 
proportionner  à  tous  vos  discours ,  vous 
rendre  caressant  aux  enfants,  gai  à  la  jeu- 
nesse, grave  aux  vieillards.  Nous  nous  sou- 
venons encore  des  larmes  que  vous  répan- 
dîtes comme  un  vrai  père,  lorsque  vous  vîtes 
autour  de  la  ville  les  maisons  ruinées  ou 
brûlées,  et  les  campagnes  couvertes  d'os 
qu'on  n'avait  pas  encore  pu  ensevelir.  Avec 
quelle  force  nous  animâtes-vous  ensuite  à 
réparer  nos  ruines!  Mais  nous  n'oublierons 
jamais,  qu'ayant  trouvé  la  ville  déserte, 
moins  par  l'épée  de  l'ennemi,  que  par  les 
partialités  et  les  haines  qui  la  divisaient,  vous 
y  rétablîtes  la  paix,  et  y  fîtes  revenir  ceux  qui 
l'avaient  abandonnée.  Nous  nous  regardons 
donc  comme  entièrement  à  vous,  et  vous 
comme  tout  à  nous  ;  et  nous  savons  que  nous 
ne  nous  trompons  pas.  Nous  admirons  encore 
tous  les  jours,  qu'une  personne  de  votre  âge 
et  de  votre  qualité,  faible  et  infirme,  nous 
soit  venue  visiter  de  si  loin,  par  le  pur  mou- 
vement de  sa  charité,  en  surmontant  même 
toutes  les  difficultés  d'un  hiver  très -rude. 
Après  cela  il  ne  nous  reste  qu'à  prier  Dieu 
qu'il  prolonge  votre  vie  autant  que  nous  le 
souhaitons,  qu'il  vous  fasse  aimer  et  être 
aimé  de  tous  les  bons.  Si  vous  avez  quitté 
notre  ville,  nos  cœurs  vous  suivent  partout.» 
lîrriu  do  2.  Saint  Patient,  évêque  de  Lyon,  souhai- 
consianco.  ^^■^-^^^  q^g  j'qjj  écrivit  la  Vie  de  saint  Germain 
d'Auxerre,  s'adressa  pour  cela  au  prêtre 
Constance,  et  il  fallut  lui  en  réitérer  plu- 
sieurs fois  la  prière,  parce  qu'il  refusait  de 
s'engager  à  un  travail,  dont  son  humilité  le 
faisait  croire  incapable.  Il  l'entreprit  donc. 
Mais  après  avoir  écrit  cette  Vie,  il  la  tint 
quelque  temps  seci'ète,  jusqu'à  ce  que  Cen- 
surius,  évêque  d'Auxerre,  qui  en  avait  ouï 


1  Lib.  III,  Epist.  2. 

2  Surius,  ad  diem  31  julii. 

3  Isid.,  de  Script,  eccles. 


parler,  l'obligea  de  la  lui  envoyer  pour  la 
rendre  publique.  Nous  l'avons  encore  au- 
jourd'hui avec  deux  lettres  de  Constance  ^, 
dont  l'une  est  adressée  à  saint  Patient,  et 
l'autre  à  l'évêque  Censurius.  Constance  n'y 
prend  point  d'autre  quahté  dans  l'inscription 
que  celle  de  pécheur.  Elles  sont  l'une  et  l'au- 
tre des  preuves  d'une  profonde  humilité. 
Saint  Isidore  de  Séville  ^,  en  parlant  de  la  Vie 
de  saint  Germain,  qualifie  Constance  évêque. 
Mais  on  croit  qu'il  y  a  faute  :  quoiqu'il  ne 
soit  pas  impossible  qu'après  avoir  été  prêtre 
de  Lyon,  il  n'ait  exercé  les  fonctions  d'é- 
vêque  dans  quelques  églises  que  nous  ne 
connaissons  pas. 

3.  Saint  Auspice  ,  que  l'on  compte  pour  le  saim  aus- 
cmquieme  eveque  de  Tout  et  successeur  im-  ootoui. 
médiat  de  Celsin  *,  se  rendit  célèbre  parmi 
les  évêques  des  Gaules,  par  son  éloquence, 
et  par  son  profond  savoir;  par  sa  foi,  par  ses 
œuvres,  et  par  toute  sorte  de  mérites.  Saint 
Sidoine  Apollinaire  qui  était ,  dans  le  même 
temps,  évêque  de  Clermont  en  Auvergne, 
ayant  été  prié  par  le  comte  Arbogaste  de  lui 
donner  quelque  explication  des  livres  sacrés, 
lui  écrivit  qu'il  ne  devait  pas  chercher  d'au- 
tres lumières  que  celles  qu'il  avait  autour  de 
lui ,  non-seulement  dans  Jamblique  évêque 
de  Trêves,  homme  parfait  et  qui  possédait 
toutes  les  vertus  et  dans  son  cœur  et  dans 
l'estime  des  hommes;  mais  encore  dans  saint 
Auspice  évêque  de  Toul.  Le  comte  Arbo- 
gaste était  gouverneur  de  Trêves.  Il  avait  la 
réputation  d'un  homme  juste,  chaste,  sobre, 
illustre  en  toute  sorte  de  bonnes  qualités.  Il 
était  éloquent,  et  conservait  la  pureté  de  la 
langue  latine;  et  semblable  aux  capitaines 
l'omains,  il  savait  manier  également  la  plume 
et  l'épée.  Il  était  bon  et  civil,  et  gouvernait 
avec  beaucoup  de  sagesse  la  ville  de  Trêves. 
Il  aimait  aussi  la  lecture  des  livres  saints  :  en 
sorte  qu'on  pouvait  dire  qu'étant  laïque,  il 
avait  le  mérite  et  les  qualités  d'un  évêque. 
Mais  on  craignait  qu'il  n'eût  un  peu  trop  d'at- 
tachement pour  les  richesses,  en  un  temps  où 
ceux  qui  étaient  les  plus  avides  à  en  amas- 
ser, ne  pouvaient  à  cause  des  guerres,  ni  les 
garder  pour  eux,  ni  les  laisser  à  leurs  enfants. 
Saint  Auspice,  qui  l'avait  vu  depuis  peu  à 
Toul  ^,  lui  écrivit  quelque  temps  après  son 
retour  à  Trêves,  pour  l'exhorter  à  s'examiner 


*  Sid.,  lib.  IV,  Epist.  17. 

'■^  Ausp.,  Epist.  ad  Arbogast.,  pag.  218.  Ih'st.  Tull. 


V»  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


401 


rigoureusement  lui-même  et  à  arracher  jus- 
qu'aux moindres  racines  d'un  vice  si  dange- 
reux, s'il  s'en  reconnaissait  coupable.  Le  re- 
mède qu'il  lui  prescrit  pour  cela  *,  est  de 
s'abstenir  tellement  du  bien  d'autrui ,  qu'il 
donnât  même  le  sien  pour  la  nourriture  et 
l'entretien  des  saints  et  des  pauvres.  C'est 
par  là  qu'il  veut  que  le  comte  Arbogaste  se 
prépare  à  la  dignité  de  l'épiscopat,  qu'il  dit 
lui  être  destinée.  11  semble  même  ajouter 


qu'elle  lui  avait  été  promise  publiquement 
par  une  voix  venue  du  ciel.  Cettre  lettre  de 
saint  Auspice,  qui  est  une  espèce  de  poème, 
est  le  seul  monument  qui  nous  reste  de  sa 
science  et  de  son  zèle.  On  l'a  imprimée  dans 
les  Annales  des  Trêves,  dans  les  recueils  de 
Duchesne,  et  depuis  dans  VHistoire  ecclésias- 
tique et  politique  de  Toul,  qui  parut  en  cette 
ville  en  1707.  [On  la  trouve  au  tome  LXP  de 
la  Patrologie  latine,  col.  1005.] 


CHAPITRE  XXni. 

Saint  Simplice  [en  483]  et  saint  Félix  [en  492],   papes;  Acace  de 
Gonstantinople  [en  489],  et  quelques  autres  évêques  d'Orient. 


1.  Après  la  mort  du  pape  saint  Hilaire,  ar- 
rivée en  467.  on  élut  pour  lui  succéder  Sim- 
plice de  Tibur  ou  Tivoli,  fils  de  Castin,  qui 
tint  le  Saint-Siège  pendant  quinze  ans,  un. 
mois  et  sept  jours.  Tout  ce  qu'on  sait  de  lui, 
à  l'exception  de  ses  lettres  ^,  c'est  qu'il  dédia 
l'église  de  Saint-Etienne  au  mont  Célius , 
celle  de  Saint-André  au  mont  Esquilin  ,  une 
autre  de  Saint-Etienne  près  Saint-Laurent,  et 
une  de  Sainte-Bibienne;  qu'il  établit  des  prê- 
tres semainiers  qui  fussent  toujours  à  portée 
de  certaines  églises  pour  administrer  le  bap- 
tême et  la  pénitence»en  cas  de  nécessité,  sa- 
voir :  à  Saint-Paul,  pour  le  premier  quartier 
de  Rome  ;  à  Saint-Laurent,  pour  le  troisième  ; 
à  Saint-Pierre,  pour  le  sixième  et  le  septième. 
Il  y  a  apparence  que  les  Goths  occupaient 
alors  les  autres  quartiers.  Le  Pontifical  ajoute 
que  ce  saint  pape  fit  trois  ordinations  au  mois 
de  décembre  et  de  février,  où  il  ordonna  cin- 
quante-buit  prêtres,  onze  diacres  et  trente- 
six  évêques  en  divers  lieux. 

2.  Il  nous  reste  de  lui  plusieurs  lettres  ^, 
dont  la  première  est  adressée  à  Zenon,  évé- 
que  de  Séville.  Il  le  loue  de  ce  que,  par  la 
ferveur  du  Saint-Esprit,  il  gouvernait  son 
Eglise  avec  tant  de  zèle,  qu'il  la  préservait 
du  naufrage  au  milieu  des  tempêtes  que  les 


guerres  et  l'hérésie  arienne  excitaient  alors 
dans  tout  l'Occident.  C'est  pourquoi  il  l'éta- 
blit par  cette  lettre  son  vicaire  en  Espagne, 
pour  veiller  à  la  conservation  des  décrets 
apostoliques  et  des  règles  des  saints  Pères. 
Cette  lettre  est  sans  date. 

3.  La  lettre  qu'il  écrivit  à  Jean,  évêque 
de  Ravenne  *,  est  datée  du  30  de  mai  482. 
Celui-ci  avait  ordonné  Grégoire,  évêque  de 
Modène,  malgré  son  opposition,  et  avec  vio- 
lence, l'ayant  fait  traîner  par  force  devant 
lui.  Ce  n'était  pas  ce  qui  rendait  criminel  le 
fait  de  Jean,  car  l'histoire  nous  fournit  divers 
exemples  de  semblables  ordinations  qui  n'ont 
point  été  désapprouvées  ;  mais  il  paraît  que 
l'intérêt  avait  été  le  motif  de  Jean,  et  qu'il 
n'avait  ordonné  Grégoire  que  pour  le  dépos- 
séder d'une  terre  que  le  clergé  de  Ravenne 
tenait  de  lui.  Saint  Simplice  lui  écrivit  donc 
d'une  manière  très-forte,  en  le  menaçant  que 
s'il  ordonnait  à  l'avenir  quelqu'un  de  cette 
manière,  il  le  priverait  du  droit  d'ordonner 
non-seulement  dans  sa  province  en  qualité  de 
métropolitain,  mais  même  dans  son  Eglise. 
Le  pape  l'eût  même  privé  dès-lors  de  ce 
droit,  sans  une  raison  qu'il  aimait  mieux, 
dit-il,  lui  faire  dire  de  bouche,  par  l'évêque 
Projectus.  Il  ordonne  toutefois  que  Grégoire 


LeltreàJean 
(le  HoTenae. 


'  Tu  quœso,  fin  unice,  sic  ab  alienis  obstiné,  ut  tua 
sanctis  tribuns,  illudque  super  omnia  memor  in  corde 
rétine,  quod  te  jam  sacerdotio  prœfirjurutam  teneo. 
Hanc  quœso  serva  gratiam  et  illis  cresce  meritis,  ut 
prœlocuta  populis  vox  ccclo  sacra  veniat.  Ausp.,  Epist. 
ad  Arbog. 

2  Lib.  Pontifie,  tom.  IV  Concil.,  pag.  1065. 
X. 


3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1068.  [II  y  en  a  dis-neuf, 
parmi  lesquelles  il  s'en  trouve  une  d'Acace;  elles 
sont  au  tome  LXIII  de  la  Patrologie  latine,  col.  31 
et  suiv. ,  avec  notes  et  observations  d'après  Mansi , 
Collect.  des  Conciles.] 

'»  Epist.  2,  pag.  10G8. 


26 


402 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


gouvernera  l'Eglise  de  Modène,  à  la  charge 
de  n'avoir  rien  à  démêler  avec  Jean  ,  et  que 
s'il  avait  quelque  affaire  en  demandant  ou 
en  défendant,  il  s'adresserait  au  Saint-Siège  : 
«et  pour  le  soulager,  ajoute  le  pape,  dans  la 
nécessité  où  vous  l'avez  réduit,  il  aura  près 
de  Bologne  une  terre  de  trente  sols  d'or  de 
revenu,  libre  pendant  sa  vie  ;  »  la  propriété 
de  cette  terre  était  conservée  à  l'Eglise  de 
Ravenne,  dont  elle  dépendait  apparemment. 
LeiireàFio-       4,.  La  lettre  adressée  auxévêques  Florent, 

rent,    Severe  .  ^ 

et  Equice.  EquicB  ct  Scvèrc  ',  est  du  19  novembre 
de  l'an  .475.  Ils  avaient  écrit  au  pape  que 
Gaudence,  évêque  d'Aufînium  dansl'Abruzze 
ultérieure,  avait  fait  des  ordinations  illicites, 
aliéné  des  serfs  qui  appartenaient  à  son 
Eglise,  et  s'était  approprié  pendant  trois 
ans  les  trois  quarts  des  revenus  de  l'Eglise, 
qui  devaient  être  distribués  pour  l'entretien 
et  les  réparations  des  églises,  pour  les  étran- 
gers et  les  pauvres,  et  pour  les  ecclésiasti- 
ques. Tous  les  faits  dont  on  accusait  Gau- 
dence étaient  constatés  par  des  procès-ver- 
baux qu'on  en  avait  dressés.  Saint  Simplice 
ordonne  donc  par  sa  lettre  que  Gaudence 
serait  privé  à  l'avenir  du  pouvoir  d'ordonner, 
et  que  l'évêque  Sévère  exercerait  cette  fonc- 
tion dans  l'Eglise  d'Âufinium,  s'il  en  était 
besoin  ;  que  ceux  que  Gaudence  avait  or- 
donnés contre  les  règles  seraient  privés  du 
ministère  ecclésiastique;  qu'il  serait  contraint 
par  Sévère  de  restituer  les  biens  de  l'Eglise 
qu'il  s'était  appropriés  sans  raison,  et  les  es- 
claves qu'il  avait  vendus  ;  que  dans  la  suite 
il  aurait  seulement  le  maniement  de  la  qua- 
trième partie  des  revenus  de  l'Eglise  ^  et 
des  oblations  des  fidèles  ;  que  deux  autres 
portions  seraient  employées  aux  réparations 
des  églises  et  à  l'entretien  des  étrangers  et 
des  pauvres,  et  administrées  par  le  prêtre 
Onagre,  qui  serait  lui-même  puni  de  dépo- 
sition ,  s'il  en  abusait  ;  que  la  quatrième 
partie  se  distribuerait  aux  clercs  selon  leurs 
mérites. 
Lciireàrom-  5.  L'empcrBur  Zenon  ayant  abandonné 
non.  lâchement  l'empire  à  Basilisque,  en  473  ^,  ce 

prince  n'eut  pas  plutôt  commencé  à  régner, 
qu'il  se  déclara  l'ennemi  de  la  foi  orthodoxe 
et  de  l'Eglise.  Il  rappela  Timothée  Elure, 


banni  dix-huit  ou  seize  ans  auparavant  pour 
avoir  fait  tuer  saint  Protère,  évêque  d'Ale- 
xandrie ,  et  s'être  emparé  de  son  siège. 
Pierre-le-Foulon,  le  compagnon  des  crimes 
de  Timothée  et  de  sa  condamnation,  fut  aussi 
renvoyé  à  Antioche.  Gomme  ils  étaient  l'un 
et  l'autre  ennemis  déclarés  du  concile  de 
Chalcédoine,  ilç  persuadèrent  à  l'empereur 
Basilisque  de  condamner  ce  concile  et  la 
lettre  de  saint  Léon  à  Flavien,  par  une  lettre 
circulaire  adressée  à  tous  les  évêques.  Timo- 
thée et  Pierre  y  souscrivirent  les  premiers 
et  furent  suivis  d'un  si  grand  nombre  d'évé- 
ques,  qu'Acace  de  Constantiuople  fut  le  seul 
des  patriarches  qui  ne  se  laissa  point  entraî- 
ner à  la  prévarication.  Pour  en  marquer  de 
l'horreur  et  exciter  les  peuples  autant  par 
ses  actions  que  par  ses  paroles  à  la  défense 
de  la  foi,  il  s'habilla  de  noir  et,  contre  l'usage 
des  Grecs,  couvrit  de  draps  de  même  cou- 
leur le  trône  épiscopal  et  l'autel.  Quelques 
prêtres  et  quelques  abbés  et  moines  de  Cons- 
tantinopïe,  qui  avaient  du  zèle  pour  la  foi 
catholique,  envoyèrent  par  un  laïque  nommé 
Epiphane,  au  pape  Simplice,  une  relation  de 
ce  qui  se  passait  à  l'occasion  de  Timothée 
Elure,  le  priant  d'envoyer  quelqu'un  de  sa 
part  pour  défendre  l'Eglise.  Ce  pape  ne  fut 
pas  moins  touché  du  renouvellement  des 
troubles  de  l'Eglise,  que  surpris  de  ce  qu'A- 
cace ne  lui  en  avait  rien  écrit.  Mais,  pour  ap- 
porter un  prompt  remède  aux  maux  de  l'E- 
glise, il  écrivit  non  à  Zenon,  comme  portent 
les  imprimés,  mais  à  Basilisque  même,  ainsi 
qu'on  lit  dans  un  manuscrit  cité  par  le  Père 
Labbe,  et  que  le  demande  la  suite  de  l'his- 
toire. Dans  sa  lettre,  qui  est  du  10  janvier  de 
l'an  476  *,  il  représente  à  ce  prince  les  cri- 
mes énormes  dont  Timothée  s'était  souillé 
et  le  danger  qu'il  y  avait  pour  les  âmes  sou- 
mises à  un  pasteur  de  ce  caractère,  qui  n'a- 
vait pas  craint  de  répandre  le  sang  de  saint 
Protère,  évêque  d'Alexandrie,  pour  s'emparer 
ensuite  de  son  siège.  Il  l'exhorte  à  s'armer 
du  zèle  de  Dieu  pour  reconnaître  les  bienfaits 
qu'il  en  ^vait  reçus  ;  à  ne  point  souffrir  que 
l'on  donnât  atteinte  au  concile  de  Chalcédoine 
et  à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien,  ni  à  ce 
qui  avait  été  fait  par  le  commun  consente- 


1  Epist.  3,  pag.  1069. 

2  De  redditibus  Ecctesiœ  vel  ohlaiione  fidelium,  quid 
ducat  nescienti,  nihil  licere  permittat,  sed  so/a  ex  lus 
quarta  portio  remittatur.  Duœ  ecclesiasticis  fabricis 
et  erogntioni  peregrinorum  et  paupei-um  profuturœ  ab 
Onagro  presbytero  sub  periciilo  sut  ordinis  minislren- 


tur  :  ultima  inter  se  clericis  pro  singulorum  merilis 
dividatur.  Simplic,  Epist.  3  ad  Floren.,  tom.  IV 
Concit.,  pag.  1069. 

3  Epist.  4,  pag.  1070. 

'•Tom.  IV  Concil.,  pag.  1070. 


CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLIGE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


[\^  SIÈCLE.] 

ment  des  évêques  touchant  Elure,  et  à  ren- 
voyer ce  parricide  dans  le  désert  où  on  l'a- 
vait confiné  avec  tant  de  justice.  Il  le  prie  de 
jeter  les  yeux  sur  les  lettres  de  saint  Léon 
tant  au  concile  de  Chalcëdoine  qu'aux  empe- 
reurs Marcien  et  Léon  ;  de  suivre  les  exem- 
ples de  ces  deux  princes  sous  lesquels  il  avait 
été  élevé,  et  de  rétablir  dans  le  siège  d'Ale- 
xandrie l'évêque  catholique. 

6.  Saint  Simplice  écrivit  sur  le  même  sujet 
à  Acace  ',  le  neuvième  du  même  mois,  pour 
l'exhorter  à  travailler  avec  zèle  à  la  défense 
de  l'Eglise.  11  le  chargea,  comme  son  légat,  de 
s'unir  aux  prêtres  et  aux  moines  opposés  au 
parti  d'Elure,  de  faire  voir  à  l'empereur  Ba- 
silisque  les  lettres  que  saint  Léon  avait  écri- 
tes au  concile  de  Chalcëdoine  et  aux  empe- 
reurs Marcien  et  Léon;  enfin  d'empêcher  la 
tenue  d'un  nouveau  concile  que  les  euty- 
chiens  demandaient,  n'y  en  ayant  aucune  né- 
cessité; ((  car  on  n'en  a  jamais  tenu,  dit-il  ^, 
que  quand  il  s'est  élevé  dans  l'Eglise  quel- 
ques nouvelles  erreurs  on  quelque  doute 
dans  les  dogmes,  afin  qu'il  fût  éclairci  par  la 
commune  délibération  des  évêques,  comme 
on  y  avait  été  obligé  lorsqu'on  vit  paraître 
les  hérésies  d'Arius,  de  Nestorius,  et  en  der- 
nier lieu  celle  de  Dioscore  et  d'Eutychès.» 

7.  Quelque  temps  après,  saint  Simplice, 
averti  qu'Oreste,  qui  régnait  en  Italie  sous  le 
nom  d'Augustule,  son  fils,  envoyait  en  am- 
bassade à  Basilisque  le  patrice  Latinus  et 
une  autre  personne  de  condition  nommée 
Maduse,  écrivit  par  eux  une  seconde  lettre 
à  Acace  ^,  où  il  le  priait  de  faire  instance  de 
sa  part  auprès  de  l'empereur,  pour  empêcher 
que  l'audace  des  hérétiques  n'entreprit  rien 
contre  le  concile  de  Chalcédoine,  et  de  faire 
entendre  à  ce  prince  que  la  conservation  de 
son  autorité  et  de  son  royaume  dépendait  du 
soin  qu'il  prendrait  de  consei'ver  dans  sa  pu- 
reté la  foi  établie  dans  ce  concile. 

8.  Le  n  janvier  de  la  même  année  4-76  *, 
le  pape  écrivit  aussi  aux  prêtres  et  aux  abbés 
de  Constantinoplc,  pour  les  remercier  de  l'a- 
voir informé  de  l'état  de  l'Eglise.  Il  leur  té- 
moigne sa  douleur  devoir  renaître  des  trou- 
bles qui  avaient  déjà  été  dissipés  par  l'auto- 
rité du  Siège  apostolique  et  par  le  jugement 


403 


des  deux  conciles  généraux  d'Ephcse  et  de 
Chalcédoine,  qui  avaient  condamné  les  hé- 
résies de  Nestorius  et  d'Eutychès.  Il  ajoute 
que  les  princes  chrétiens  avaient  encore  con- 
tribué à  éteindre  ces  incendies  en  punissant 
de  l'exil  ceux  qui  en  étaient  les  auteurs.  Il 
regarde  comme  inutile  de  réfuter  leur  im- 
piété, depuis  qu'elle  l'a  été  dans  la  lettre  de 
saint  Léon  à  Flavien,  répandue  par  toute  la 
terre.  11  s'excuse  d'envoyer  des  légats  comme 
ils  lui  en  avaient  demandé,  parce  qu'il  n'était 
pas  question  d'éclaircir  aucune  difficulté  nou- 
velle, mais  de  demeurer  fermes  dans  les  vé- 
rités établies  et  de  résister  avec  courage  ;\ 
ceux  qui  en  étaient  ennemis.  Il  les  loue  de 
leur  résistance  aux  entreprises  de  Timothée 
Elure,  et  de  ce  que,  par  leurs  moyens,  il  n'a- 
vait pu  se  faire  recevoir  dans  aucune  des 
Eglises  de  Constantinople  :  et  afin  qu'ils  sus- 
sent ce  qu'il  avait  écrit  à  l'empereur  Basilis- 
que, pour  l'engager  à  chasser  Timothée,  il 
leur  envoya  une  copie  de  la  lettre  qu'il  avait 
adressée  à  ce  prince,  qu'il  continue  de  qua- 
lifier très-chrétien,  soit  qu'il  ignorât  ce  qu'il 
avait  fait  en  faveur  des  ennemis  de  l'Eglise, 
soit  qu'il  supposât  qu'il  suivait  la  foi  de  Mar- 
cien et  de  Léon,  ses  prédécesseurs. 

9.  Des  deux  partis  qui  régnaient  alors  à 
Constantinople,  chacun  voulut  avoir  pour  soi 
saint  Daniel  ^,  qui  depuis  plusieurs  années 
vivait  sur  une  colonne,  près  de  cette  ville. 
Acace,  de  concert  avec  tous  les  catholiques, 
résolu  de  l'appeler  à  leur  secours,  lui  manda 
ce  que  faisait  Basilisque.  Ce  prince  en 
ayant  été  averti,  lui  envoya  de  son  côté 
des  plaintes  contre  Acace,  l'accusant  de  sou- 
lever la  ville  et  les  soldats  mêmes  contre  lui. 
Daniel  se  joignit  au  parti  d'Acace,  et  répoa- 
dit  à  l'empereur  que  Dieu  détruirait  son  rè- 
gne. A  quoi  il  ajouta  des  reproches  si  vio- 
lents, que  l'envoyé  n'osant  s'en  charger'',  le 
saint,  à  sa  prière,  les  écrivit  dans  une  lettre 
cachetée,  où  il  traitait  Basilisque  de  nouveau 
Dioctétien.  Les  catholiques  ne  croyant  pas 
que  cela  fût  suffisant  pour  arrêter  Basilisque, 
et  qu'il  était  nécessaire  que  Daniel  vînt  lui- 
même  au  secours  de  l'Eglise,  Acace  lui  en- 
voya par  deux  fois  des  évêques  pour  l'en 
prier.  Le  saint,  après  avoir  fait  beaucoup  de 


Lettre  à  Zé- 
DOn. 


'  Horlor  ut  modis  omnibus  faciendœ  synodi  perver- 
sorum  conatibus  resisiatur  ;  quœ  non  alias  semper  in- 
dicta est,  nisi  cum  aliquid  in  pravis  sensibus  novum 
aut  in  assertione  dogmatum  emersit  ambiguum  :  ut 
in  commune  tractantibus,  si  quœ  esset  ohscurilas, 
sacerdotalis    deliberationis    illuminaret    aucloritas. 


Epist.  5  ad  Acac,  pag.  1073.—  ^  Episi.  5,  pag.  1073. 

3  Epist.  6,  pag.  1074. 

'■  Epist.  7,  pag.  1077.  —  5  Epist.  S,  pag.  1078. 

"  Vita  S.  Daniel.,  apud  Surium/ad  diera  11  decomb., 
cap.  su,  xui  et  xun. 


404 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


difficulté  de  descendre  de  sa  colonne,  en  des- 
cendit enfin^  et  fut  reçu  àConstantinople  avec 
une  joie  incroyal^le  ,  par  les  évêques  et  par 
le  patriarche.  Il  se  trouva  dans  les  assemblées 
du  peuple,  dont  il  anima  tellement  le  zèle 
par  ses  exhortations,  qu'il  s'émut  jusqu'à 
menacer  de  brûler  la  ville  '.  Basilisque  ef- 
frayé, sortit  de  Gonstantinople  en  défendant 
à  tous  les  sénateurs  de  parler  à  Acace.  Da- 
niel sachant  que  ce  prince  était  allé  au  palais 
de  l'Hebdomon,  l'y  suivit,  accompagné  des 
moines  et  d'une  partie  du  peuple  :  mais  les 
gardes  l'empêchèrent  d'entrer  et  de  parlera 
Basilisque.  Le  saint  secoua  la  poussière  de 
ses  pieds  et  retourna  à  Gonstantinople,  fai- 
sant en  chemin  divers  miracles.  L'empereur 
l'envoya  prier  de  revenir  ;  mais  voyant  qu'il 
le  refusait  avec  indignation,  il  vint  lui-même 
le  trouver,  se  jeta  à  ses  pieds  et  lui  demanda 
pardon.  Daniel,  peu  touché  d'une  humilité 
feinte,  qu'il  regardait  comme  un  artifice  dont 
Basilisque  couvrait  sa  cruauté,  lui  dit  :  «Vous 
vei-rez  bientôt  le  pouvoir  de  Dieu  qui  abat  les 
puissants.  »  Après  quoi  il  retourna  sur  sa  co- 
lonne. Daniel  avait  vu,  étant  jeune,  saint  Si- 
méon  Stylite  sur  la  sienne  ,  et  dès-lors  il 
s'était  proposé  d'imiter  la  vertu  d'un  si  grand 
liomme^.  Après  avoir  donc  pratiqué  dans  les 
monastères,  pendant  plusieurs  années,  les 
exercices  de  la  vie  religieuse,  il  se  retira  vers 
Tan  460  ou  461,  dans  les  montagnes  voisines 
de  Gonstantinople,  où  il  commença  à  vivre 
sur  une  colonne  qu'on  lui  avait  donnée. 
Avant  d'y  monter,  il  adressa  à  Dieu  cette 
prière  : 

«  Je  vous  rends  gloire,  Jésus-Christ  mon 
Dieu,  de  tous  les  biens  dont  vous  m'avez 
comblés  et  de  la  grâce  que  vous  m'avez 
faite  d'embrasser  ce  genre  de  vie.  Mais  vous 
savez  qu'en  montant  sur  cette  colonne,  je  ne 
m'appuie  que  sur  vous  seul  et  que  je  n'at- 
tends que  de  vous  l'heureux  succès  de  mon 
entreprise.  Agréez  donc  mon  dessein  :  forti- 
fiez-moi pour  fournir  cette  pénible  carrière  : 
donnez-moi  la  grâce  de  la  terminer  sainte- 
ment, n  Exposé  continuellement  aux  injures 
de  l'air  et  toujours  debout,  ses  pieds  et  ses 
jambes  devinrent  tout  enflés  et  pleins  d'ul- 
cères :  ce  qui  fut  cause  que  quand  il  vint  à 
Gonstantinople  pour  défendre  la  foi,  il  fallut 
le  porter.  Un  de  ses  disciples  qui  l'avait  exa- 
miné durant  sept  jours  pour  savoir  s'il  man- 
geait et  s'il  buvait,  ne  lui  ayant  rien  vu  pren- 


dre, le  pria  de  lui  dire  ce  qu'il  en  était.  Daniel 
l'assura  qu'il  prenait  de  la  nourriture  autant 
qu'il  en  était  besoin  pour  la  conservation  de 
son  corps.  On  remarque  qu'il  était  extrême- 
ment réservé  à  juger  des  autres  et  à  se  mêler 
des  difficultés  touchant  la  doctrine  de  l'Eglise. 
Sur  les  plaintes  que  quelques-uns  lui  firent 
contre  des  évêques,  il  répondit  :  «  Si  vous 
vous  plaignez  que  ces  personnes  n'ensei- 
gnent pas  une  véritable  doctrine,  cherchez 
ce  que  les  Apôtres  et  les  Pères  ont  enseigné, 
et  contentez-vous  de  cela.  Que  si  vous  trou- 
vez à  redire  à  leur  conduite,  laissons-la  au 
jugement  de  Dieu  et  de  ceux  à  qui  il  a  com- 
muniqué le  soin  des  affaires  de  l'Eglise.  » 
Etant  proche  de  sa  mort  qu'il  avait  prédite 
auparavant,  il  fit  écrire  une  petite  exhorta- 
tion pour  ses  disciples,  en  ces  termes  :  «Mes 
enfants  et  mes  frères,  car  vous  êtes  l'un  et 
l'autre  :  mes  enfants,  parce  que  je  suis  votre 
père  spirituel;  et  mes  frères,  parce  que  Dieu 
est  notre  Père  commun  à  tous.  Je  m'en  vais 
à  ce  Père  commun.  Je  vous  aime  trop  pour 
vous  laisser  orphelins  et  dans  la  douleur 
d'avoir  perdu  votre  père.  Je  laisse  le  soin  de 
ce  qui  vous  regarde  à  ce  Père  céleste,  qui 
m'a  créé  comme  vous  tous.  Lui  qui  a  fait 
toute  chose  avec  sagesse,  qui  est  descendu 
sur  la  terre,  qui  est  mort  et  ressuscité  pour 
nous,  lui-même  demeurera  avec  vous.  Comme 
infiniment  sage,  il  vous  préservera  du  mé- 
chant. Comme  maître  absolu  de  toutes  cho- 
ses, il  vous  conservera  selon  sa  volonté. 
Gomme  père,  il  vous  redressera  avec  bonté, 
si  vous  venez  à  vous  égarer,  et  il  vous  ten- 
dra les  bras  de  sa  miséricorde  pour  vous  ra- 
mener à  lui.  Par  une  suite  de  la  bonté  avec 
laquelle  il  s'est  livré  à  la  mort  pour  nous,  il 
conservera  la  paix  et  l'union  entre  vous,  et 
fera  que  vous  ne  soyez  tous  qu'un  devant 
son  Père.  Embrassez  l'humilité,  pratiquez 
l'obéissance,  exercez  l'hospitalité,  gardez  les 
jeûnes,  observez  les  veilles,  aimez  la  pau- 
vreté, et  surtout  conservez  la  charité,  qui  est 
le  premier  et  le  plus  grand  commandement  : 
tenez-vous  fermement  attachés  à  tout  ce  qui 
regarde  la  piété,  é^'itez  la  zizanie  des  héréti- 
ques. Ne  vous  séparez  jamais  de  l'Eglise 
votre  mère  :  si  vous  faites  toutes  ces  choses, 
votre  vertu  sera  parfaite.  » 

On  met  sa  mort  vers  l'an  474,  au  onzième 
de  décembre.  Cependant  Timothée  Elure 
étant  parti  de  Gonstantinople  pour  s'en  re- 


1  Theod.  Lect.,  pag.  556. 


2  Surius,  ad  diem  11  decenib. 


[v>  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


403 


tourner  à  Alexandrie  ',  s'arrêta  à  Ephèse.  Il  y 
rétablit  Paul  sur  le  siège  épiscopal  de  cette 
ville,  quoique  déposé  légitimement,  et  rendit 
à  cette  Eglise  le  droit  de  patriarche,  que  le 
concile  de  Clialcédoine  lui  avait  ôté.  Il  tint 
aussi  un  concile  des  évêques  d'Asie,  qui 
étaient  de  son  parti.  Le  résultat  en  fut  qu'on 
présenterait  une  requête  à  Basilisque,  où  il 
serait  exhorté  de  ne  point  révoquer  sa  lettre 
circulaire.  D'Ephèse,  Timothée  vint  à  Ale- 
xandrie. Mais  il  n'y  demeura  pas  longtemps, 
les  affaires  de  l'empire  et  de  l'Eglise  ayant 
changé  de  face  en  477,  environ  vingt  mois 
après  la  retraite  de  Zenon.  Dès  que  Basilisque 
eut  appris  que  ce  prince  quittait  l'Isaurie  et 
marchait  vers  Constantinople,  il  vint  à  l'église 
avec  Zénonide,  sa  femme,  y  fît  publiquement 
des  excuses  à  Acace,  au  clergé  et  aux  moi- 
nes, déclara  nul  ce  qu'il  avait  fait  par  sur- 
prise sous  le  nom  de  lettre  circulaire,  donna 
un  édit  tout  opposé,  que  l'on  appela  depuis 
anlicirculaire,  ordonna  que  l'ancienne  foi  de 
l'Eglise  dans  laquelle  il  avait  été  baptisé, 
subsisterait  seule,  prononça  anathème  àNes- 
torius,  à  Eutychès  et  à  tous  les  autres  héré- 
tiques, défendit  de  faire,  au  sujet  de  la  foi,  ni 
concile,  ni  aucun  nouvel  examen,  et  rendit 
au  patriarche  Acace  le  privilège  attribué  à 
son  siège  par  le  concile  de  Chalcédoine,  qu'il 
avait  déclaré  nul  par  sa  lettre  circulaire.  Ze- 
non, de  retour  à  Constantinople,  Basilisque 
vint  dans  l'église,  mit  sa  couronne  sur  l'au- 
tel et  se  réfugia  dans  le  baptistère  avec  sa 
femme  et  son  fils  Marc  2.  Zenon  leur  promit 
de  ne  leur  point  faire  couper  la  tête,  mais  il 
les  envoya  dans  un  château  de  Cappadoce, 
où  ils  moururent  de  faim.  Aussitôt  que  l'on 
sut  que  Zenon  était  maître  de  Constantinople, 
plusieui's  évêques  y  vinrent  l'en  complimenter 
et  l'assurer  de  la  pureté  de  leur  foi.  Ce  prince 
publia  aussi  une  loi  pour  casser  tout  ce  qui 
avait  été  fait  contre  la  religion  et  les  préro- 
gatives de  l'Eglise  de  Constantinople  depuis 
son  départ.  Il  écrivit  même  au  pape,  en  lui 
témoignant  être  persuadé  qu'il  avait  fort 
souhaité  et  demandé  à  Dieu  son  retour  ^.  Il 
faisait  dans  la  même  lettre  l'éloge  de  la  fer- 
meté avec  laquelle  Acace  s'était  opposé  à 
Basilisque,  ajoutant  qu'il  pensait  lui-même  à 
abolir  entièrement  l'erreur  d'Eutychès,  à  ex- 
terminer ceux  qui  la  suivaient,  à  faire  ob- 
server partout  les  décrets  du  concile  de  Chal- 


Lnllrc  d'A- 
cace  au  papo 


cédoine,  et  à  rétablir  Solopliaciole  sur  le 
siège  d'Alexandrie.  Le  pape  répondit  à  cette 
lettre,  le  8  octobre  477,  avec  de  grands  té- 
moignages de  joie  sur  l'heureux  rétablisse- 
ment de  Zenon.  Il  l'avertit  en  même  temps 
de  reconnaître  la  grâce  que  Dieu  venait  de 
lui  faire  en  protégeant  son  Eglise,  surtout  en 
maintenant  l'autorité  du  concile  de  Chalcé- 
doine, en  délivrant  l'Eglise  d'Alexandrie  de 
l'usurpateur  Timothée,  en  y  rétablissant  le 
pasteur  légitime  et  en  ôtant  ceux  qu'Elure 
avait  ordonnés,  pour  rétablir  ceux  qu'il  avait 
déposés,  ou  en  substituer  d'aptres  dont  la 
foi  fût  orthodoxe. 

10.  Il  semble  que  le  pape  avait  déjà  écrit 
la  lettre  précédente  *,  lorsqu'il  en  reçut  une  ''j'.j.j''  s'im- 
d' Acace,  archevêque  de  Constantinople,  dans  Héronsedo 
laquelle  il  lui  taisait  un  long  détail  des  maux 
que  les  hérétiques  avaient  faits  en  cette  ville 
et  dans  tout  le  reste  de  l'Orient.  Acace  en- 
voya cette  lettre  par  le  diacre  Epiphane.  Il 
demandait  en  même  temps  à  saint  Simplice 
quels  secours  on  pourrait  apporter  aux  Egli- 
ses que  Timothée  Elure  avait  opprimées  à  la 
faveur  de  la  tyrannie  de  Basilisque.  Il  lui 
conseillait  encore  d'écrire  sur  ce  sujet  à  Ze- 
non. Nous  n'avons  plus  cette  lettre  d'Acace. 
Le  pape  en  avait  écrit  une  à  l'empereur  Ze- 
non, touchant  Elure,  l'auteur  de  tous  les 
maux.  Mais  il  paraît  qu'il  lui  en  écrivit  une 
seconde  à  la  prière  d'Acace,  pour  demander 
à  ce  prince  qu'Elure  et  ses  sectateurs,  de 
même  que  Paul  d'Ephèse  et  Pierre-le-Foulon, 
fussent  bannis  à  perpétuité,  avec  tous  ceux 
qu'ils  avaient  ordonnés  évoques.  Le  pape  ré- 
pondit à  Acace  que  c'était  de  l'empereur, 
après  Dieu,  qu'il  fallait  attendre  le  secours  de 
l'Eglise,  et  qu'il  y  avait  lieu  d'en  espérer 
d'une  âme  très-chrétienne,  puisqu'il  s'agis- 
sait de  la  cause  de  la  religion.  11  ajoute  que 
ce  prince  devait  publier  une  ordonnance  pour 
exiler  ceux  que  Timothée  Elure  avait  ordonnes 
évêques,  et  rétablir  dans  leurs  sièges  les  évê- 
ques catholiques.  «  Joignez  donc,  dit-il,  à 
nos  lettres  vos  instances  et  celles  de  tant 
d'évêques  qui  sont  venus  à  Constantinople, 
afin  que  Timothée  et  ses  sectateurs  soient 
bannis  sans  retour.  »  La  même  loi  devait 
comprendre  Paul  d'Ephèse,  Pierre  d'Antio- 
che  et  tous  ceux  qu'ils  avaient  ordonnés 
évêques,  de  même  qu'Antoine,  qui  avait  été 
le  guide  de  ceux  que  le  tyran  avait  envoyés 


'  Evag.,  lib.  III  Hist.,  cap.  iv. 
2  Theod.  Lect.,  pag.  557. 


s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1079. 
'*  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1039. 


406 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


contre  l'Eglise.  Quant  à  Jean  autrefois  prêtre 
de  Constantinople,  et  depuis  ordonné  évêque 
d'Apamée  parles  hérétiques,  le  pape  dit  qu'il 
doit  être  anathémalisé  et  retranché  de  la  so- 
ciété des  chrétiens  sans  espérance  de  retour, 
parce  qu'après  avoir  chassé  d'Antioche  l'u- 
surpateur Pierre,  il  avait  usurpé  lui-même 
cette  Eglise.  Il  ajoute  en  parlant  des  évêques 
qui  se  trouvaient  alors  à  Constantinople,  qu'il 
ne  convenait  pas  qu'ils  y  séjournassent  long- 
temps, soit  parce  que  leurs  Eglises  avaient 
besoin  d'eux  dans  l'agitation  où  était  alors 
tout  rOrient,  soit  afin  que  l'on  ne  pensât  pas 
que  l'on  voulût  tenir  un  nouveau  concile,  qui 
donnât  atteinte  au  concile  de  Chalcédoine. 
«  Car  on  tient,  dit-il,  par  tout  le  monde  pour  in- 
violable ,  ce  qui  a  été  ordonné  par  tous  les  évê- 
ques. »  Cette  lettre  est  sans  date  :  mais  on 
croit  qu'elle  fut  écrite  sur  la  fin  de  l'an  477. 
L'empereur  Zenon  fit  ce  que  le  pape  souhai- 
tait. Pierre  fut  déposé  dans  un  concile  tenu 
à  Antioche  par  ordre  de  ce  prince,  et  on  y 
rendit  une  pareille  sentence  contre  Paul 
d'Ephèse.  Zenon  voulait  aussi  faire  sortir 
d'Alexandrie  Timothée  Elure  ;  mais  on  lui 
représenta  qu'étant  extrêmement  vieux,  il  ne 
pouvait  aller  loin.  En  eflfet,  il  mourut  peu  de 
temps  après,  s'étant  empoisonné  lui-même, 
dans  la  crainte  d'être  chassé.  A  sa  place,  les 
évêques  hérétiques  de  la  province  élurent 
Pierre,  surnommé  Mongus  ou  Monge,  c'est- 
à-dire  bègue,  qui  fut  ordonné  de  nuit  par  un 
seul  évêque.  L'empereur  en  ayant  eu  avis, 
fit  chasser  Pierre  et  rétablir  dans  le  siège 
d'Alexandrie  Timothée  Solophaciole. 

il.  Acace,'qui  savait  les  inquiétudes  du 
simpiicc.  lié-  pape  sur  l'état  de  l'Eghse  d'Alexandrie  ',  lui 
simpiice.  manda  la  mort  de  Timothée  Elure,  la  fuite 
de  Pierre  Mongus,  qu'il  dépeint  comme  un 
hérétique,  comme  un  usurpateur  et  comme 
un  enfant  de  ténèbres  ;  et  le  rétablissement 
de  Timothée  Solophaciole,  dont  il  loue  la 
douceur,  la  patience  et  le  zèle  pour  l'obser- 
vation des  canons  et  des  règles  des  Pères.  11 
n'oublia  pas  d'informer  aussi  saint  Simpiice 
des  soins  que  l'empereur  et  lui  se  donnaient 


Lellre  d'A 
cace   à   S'iint 


pour  maintenir  la  discipline  de  l'Eglise.  Ti- 
mothée Elure  laissa  quelques  écrits  en  faveur 
de  ceux  de  son  parti  ^,  contre  le  pape  saint 
Léon  et  contre  le  concile  de  Chalcédoine  ^. 
Photius,  qui  les  avait  lus  *,  dit  qu'on  y  re- 
marquait quelque  exactitude  et  quelque  jus- 
tesse d'esprit  '.  Il  en  avait  manqué,  ce  sem- 
ble, en  y  employant  l'autorité  d'un  nommé 
Erechte  '',  homme  sans  réputation.  Aussi  un 
de  ses  prêtres,  nommé  Cyr,  lui  écrivit  qu'il 
fallait  corriger  cet  endroit,  puisque  personne 
n'avait  mis  au  rang  des  Pères  cet  Erechte. 
La  raison  que  Timothée  avait  eue  de  le  citer 
contre  le  concile  de  Chalcédoine,  est  que  cet 
écrivain  se  servait  de  l'expression  d'une  seule 
nafm^e  incarnée  du  Verbe  '.  Nous  avons  deux 
passages  du  même  auteur,  qui  font  voir  qu'il 
était  infecté  de  l'erreur  d'Eutychès.  Dans 
l'un  il  dit  ^  que  Jésus-Christ  ne  nous  est  pas 
consubstantiel  selon  son  humanité.  Dans 
l'autre  ^,  il  rejette  par  deux  fois  la  doctrine 
des  deux  natures.  Ce  dernier  est  tiré  d'une 
homélie  sur  l'Epiphanie  ,  qu'Erechte  prêcha 
dans  l'église  de  Constantinople  sous  l'épis- 
copat  de  saint  Procle.  Le  titre  de  ce  passage 
qimlifie  Erechte,  évêque  d'Antioche  en  Pisi- 
die.  Timothée  avait  adressé  à  l'empereur 
Léon  un  écrit  que  nous  n'avons  plus.  Gen- 
nade,  qui  l'avait  traduit  en  latin  '",  loue  la 
manière  dont  il  était  composé ,  mais  non  pas 
la  doctrine.  Il  traite  même  Elure  d'hérésiar- 
que. Ou  dit  "  qu'ayant  trouvé  quelques  ou- 
vrages de  saint  Cyrille  qui  n'avaient  pas  en- 
core été  rendus  publics,  il  en  falsifia  plusieurs 
endroits,  et  les  publia  ensuite.  Le  pape,  dans 
sa  réponse  '^,  qui  est  du  Ici  mars  478,  témoi- 
gna sa  joie,  et  de  ce  que  Dieu,  aux  prières 
ferventes  et  réitérées  des  évêques,  avait  dé- 
livré l'Eglise  d'Alexandrie,  et  de  ce  que  So- 
lophaciole y  était  retourné  ;  mais  il  cbai-gea 
Acace  de  l'avertir  de  ne  plus  réciter  à  l'autel 
le  nom  de  Dioscore  ^^.  Solophaciole  se  corri- 
gea de  cette  faute,  et  il  en  demanda  pardon 
au  pape  par  les  députés  qu'il  lui  envoya  avec 
des  lettres  solennelles  pour  lui  donner  part 
de  son  rétablissement,  suivant  l'ancien  usage 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1080. 

"  Evag.,  lib.  III,  cap.  xxi. 

3  Phot.,  Cod.  225,  pag.  760.  —  <>  Ibid. 

^  Le  cardinal  Mai  a  publié,  tom.  V  Script.  Veter., 
pag.  541,  un  discours  de  Timothée  Elure,  d'après  un 
manuscrit  arabe.  Ce  discours  prêché  au  jour  de  la 
dédicace  du  monastère  de  Saiut-Pacôme,  fut  traduit 
du  grec  en  arabe  ;  il  est  donné  en  latin  par  Mai.  Le 
savant  éditeur  se  trompe  eu  nommant  Elure,  Timo- 
thée III  du  nom.  C'est  II  qu'il  fallait  dire.  On  retrouve 


ce  discours  au  tome  LXXXVI  de  la  Patrologie  grec- 
que, col.  269-276.  [L'éditeur.) 

^  Leont.,  de  Sectis,  seot.  8. 

'  Phot.,  Cod.  219,  pag.  814.  —  8  Ibid. 

9  Tom.  lY  Biblioth.  Pair.,  part,  n,  pag.  1063.  Edit. 
Paris.,  an.  1634. 

10  Gennad.j  cap.  lxxu. 

"  Theoph.,  in  Clironic,  pag.  95. 
12  Sidon.,  Epist.  9,  pag.  1029. 
»  Epist.  11,  pag.  1030  et  1031. 


CHAPITRE  XXIIT.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


[V  SIÈCLE.] 

des  Eglises.  Il  fît  rendre  à  saint  Simplice,  par 
les  mêmes  députés,  la  copie  de  l'abjuration 
de  ceux  qui  avaient  été  séduits  par  Timothée 
Elure  et  Pierre  Mongus,  et  le  pria  de  deman- 
der à  l'empereur  l'éloignement  de  ce  dernier 
qui  demeurait  caché  à  Alexandrie,  et  de  re- 
mercier en  même  temps  ce  prince  de  l'avoir 
rétabli  dans  sa  d  ignité .  Solophaciale  j  oignit  les 
requêtes  que  divei'ses  personnes  lui  avaient 
adressées  pour  être  reçues  dans  la  commu- 
nion de  l'Eglise,  témoignant  lui-même  être 
fort  porté  à  leur  accorder  leur  demande  '. 

■12.  Le  pape  fit  ce  que  Solopliaciole  sou- 
haitait 2  :  il  écrivit  par  Pierre,  intendant  de 
la  princesse  Placidie,  qui  s'en  retournait  de 
Rome  en  Orient,  à  Zenon  et  à  Acace  pour  les 
remercier  de  ce  qu'ils  avaient  déjà  fait  pour 
l'Eglise  d'Alexandrie,  et  pour  les  exhorter  à 
la  délivrer  entièrement  de  la  persécution  des 
hérétiques,  en  bannissant  Pierre  Mongus 
bien  loin  de  là.  Ces  deux  lettres  sont  sans 
date.  La  suivante,  qui  est  encore  àZénon,  est 
du  23  octobre  478.  Le  pape  y  prie  ce  prince 
d'accorder  sa  protection  à  Solophaciole  qu'il 
avait  rétabli  dans  son  siège,  et  d'éloigner  de 
cette  ville  Pierre  Mongus.  Sa  lettre  à  Acace, 
qui  est  du  17  du  même  mois,  tend  au  même 
but,  savoir,  d'obtenir  de  l'empereur  une  loi 
générale  pour  le  bannissement  de  tous  les 
hérétiques,  nommément  de  Mongus  et  des 
autres  usurpateurs  de  l'épiscopat  :  en  sorte 
qu'ils  fussent  bannis  hors  des  bornes  mêmes 
de  l'empire. 

13.  Quelque  temps  après  saint  Simplice 
reçut  des  lettres  de  l'empereur  Zenon  et  du 
patriarche  Acace  ^,  par  lesquelles  il  apprit 
qu'Etienne,  fait  évêque  d'Antioche  en  la  place 
de  Jean  d'Apamée,  avait  été  tué  dans  l'église 
à  coups  de  canne  par  les  eutychiens,  après 
environ  un  an  d'épiscopat.  Il  y  eut  à  celte 
occasion  une  grande  sédition  à  Antioche. 
Les  auteurs  eu  furent  punis  ;  mais  les  habitants 
craignant  qu'elle  ne  se  renouvelât  à  l'élection 
d'un  évêque,  supplièrent  l'empereur  qu'on 
leur  en  ordonnât  un  à  Constantinople  :  ce  qui 
leur  fut  accordé.  Le  choix  tomba  sur  un  au- 
tre Etienne,    aussi   recommandable   par  sa 


407 


vertu  que  son  prédécesseur.  Mais  son  ordi- 
nation n'en  était  pas  moins  défectueuse,  parce 
qu'elle  aurait  dû  se  faire  à  Antioche  par  les 
évêques  provinciaux  de  la  première  Syrie , 
et  non  à  Constantinople.  Zenon  et  Acace 
écrivirent  donc  au  pape  pour  lui  marquer 
les  raisons  qu'ils  avaient  eues  de  passer  pour 
cette  fois  seulement  au-dessus  de  la  coutume, 
et  pour  le  prier  de  confirmer  l'ordination 
d'Etienne  comme  faite  par  nécessité  et  dans 
la  seule  vue  du  bien  de  la  paix.  Le  pape  ré- 
pondit à  l'empereur  en  ces  termes  :  «  Si  l'on 
avait  suivi  ce  que  j'avais  écrit  à  mon  confrère 
Acace,  au  sujet  de  Pierre  Mongus  et  des 
autres  hérétiques,  on  n'aurait  pas  eu  de  tels 
crimes  à  punir.  Car  j'avais  mandé  que  l'on 
vous  suppliât  de  chasser  hors  des  bornes  de 
votre  empire,  lui  et  tous  ceux  qui  avaient 
usurpé  les  Eglises,  à  l'occasion  delà  domina- 
tion du  tyran  Basilisque.  C'est  pourquoi,  s'il 
s'en  trouve  quelques  restes,  faites-les  chasser 
dans  les  pays  étrangers  ;  et  parce  que  vous 
avez  cru  ne  pouvoir  apaiser  les  séditions 
d'Antioche  qu'en  ordonnant  un  évêque  à 
Constantinople,  contre  l'ordonnance  du  con- 
cile de  Nicée,  à  la  charge  de  réserver  à  l'a- 
venir au  concile  l'ordination  de  l'évêque 
d'Antioche,  l'apôtre  saint  Pierre  conserve 
votre  promesse  et  votre  serment,  afin  que  ce 
que  mon  frère  Acace  a  fait  par  votre  ordre, 
ne  soit  pas  dans  la  suite  tiré  en  coutume. 
Nous  ne  pouvons  donc  pas  désapprouver  ce 
que  vous  avez  fait  pour  le  bien  de  la  paix.  » 
Cette  lettre  est  du  22  juin  479.  Celle  à  Acace 
est  sans  date.  Le  pape  lui  témoigne  ne  pou- 
voir désapprouver  qu'il  eût  ordonné  l'évê- 
que d'Antioche,  puisque  cela  était  nécessaire 
pour  le  bien  de  la  paix  :  mais  il  lui  recom- 
mande que  cet  exemple  soit  sans  consé- 
quence. 

14.  Etienne  mourut  en  482,  après  avoir 
gouverné  l'Eglise  d'Antioche  pendant  deux 
ans  et  quelques  mois  *.  On  élut,  pour  lui 
succéder,  Calandion,  qui  se  rencontrait  alors 
à  Constantinople.  11  fut  ordonné,  non  en 
cette  ville,  par  Acace,  mais  à  Antioche,  par 
le  concile  d'Orient.  Il  fut  quelque  temps  sans 


Lellre 

Acace, 


'  Le  Cardinal  Ma'i  a  publié  dans  le  tome  III  du 
Spicilége  romain,  pag.  708,  d'après  un  manuscrit  sy- 
riaque, le  commencement  et  la  fin  d'une  homélie  de 
Timothée  11),  sur  ces  paroles  de  l'Evangile  :  Jésus 
auiem  fatigaius  ex  itinere.  Le  milieu  de  cette  ho- 
mélie est  emprunté  à  une  citation  de  Cosmas,  liv.  X, 
pag.  332.  Galland,  tom.  XI  Bihlioth.  Vet.  Pat.,  pag. 
5G5-566j  a  donné  cinq  fragments  assez  courts  d'au- 


tres homélies.  Toutes  ces  pièces  sont  Ireproduites  au 
tome  LXXXVI  de  la  Patrologie grecque,  col.  205-276. 
Les  éditeurs  les  attribuent  à  Timothée  Elure  III,  il 
fallait  dire  IL  Quelques-uns  de  ces  fragments  parais- 
sent être  de  Timothée  III ,  autre  hérétique  de  la 
même  secte.  (L'éditeur.) 

2  Episi.  10  et  H,  pag.  1029  et  1030.  —  3  Epist.  14 
et  15,  pag.  1033  et  1034.  —  «■  Epist.  i6,  pag.  1035. 


408 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


donner  avis  de  son  élection  au  pape,  en  étant 
empêché  par  des  raisons  que  nous  ne  savons 
pas,  mais  enfin  il  la  lui  manda  en  lui  faisant 
des  excuses  de  ce  délai.  Le  concile  d'Orient 
la  lui  manda  aussi  par  une  lettre  synodale. 
Anastase,  évêque  d'Orient,  qui  en  fut  por- 
teur, passa  à  Constantinople,  où  Acace  lui 
donna  des  lettres  pour  saint  Simplice,  qui 
regardaient    apparemment    l'ordination    de 
Calandion.  Le  pape,  qui  la  savait  déjà  et  de 
quelle  manière  elle  s'était  faite,  répondit  à 
Acace  qu'il  recevait  les  excuses    de  Calan- 
dion, qu'il  le  reconnaissait  pour  son  collègue 
dans  l'épiscopat,  et  qu'il  l'admettait  dans  le 
sein  et  la  communion  du  Saint-Siège.  Il  ne 
se  plaint  point  qu'il  y  eût  aucun  défaut  dans 
son  ordination,  comme  il  serait  arrivé  si  elle 
eût  été  faite  à  Constantinople  par  Acace , 
comme  l'ont  dit  quelques  historiens.  Ce  qui 
fait  voir  qu'ils  se  sont  trompés  et  qu'ils  ont 
confondu  l'ordination  de  Calandion  avec  celle 
d'Etienne.  Quelle  apparence,  en  effet,  que 
Zenon  et  Acace,  qui,  peu  de  temps  aupara- 
vant, s'étaient  engagés  par   serment  à  ne 
plus  se  mêler  de  l'ordination  des  évêques 
d'Antioche,  eussent  contrevenu  à  ce  serment 
sans  que  le  Saint-Siège  en  eût  fait  aucune 
plainte?  Nous  n'avons    plus  les   lettres   du 
pape  en  réponse  à  celles  de  Calandion  et  du 
concile  d'Orient  qui  l'avait  ordonné.  Celle  à 
Acace  est  datée  du  15  juillet  482.  Pierre-le- 
Foulon  avait  ajouté  ces  mots  au  Trisagion  '  : 
«  Qui  avez  souffert  pour  nous,  n  comme  s'il 
eût  voulu  faire  entendre  que  toutes  les  trois 
Personnes  divines  avaient  souflfert  la  mort. 
Calandion,  qui  ne  put  apparemment  abolir 
cette  addition,  en  détruisit  le  sens  en  y  ajou- 
tant ces  autres  paroles  :  «  Christ,  notre  Roi,  » 
qui  montraient  en  effet  que   la  mort  de  la 
croix  ne  pouvait  se  rapporter  qu'à  Jésus- 
Christ  seul. 
Anires  Ici-       l^'  Timothéc  Solophaciolo,    évêque  d'A- 
trraàAcate.    lexaudric  ^,  se  voyant  à  l'extrémité,  écrivit 
à  l'empereur  et  lui  députa,  tant  en  son  nom 
qu'au  nom  de  tout  son  clergé,  Jean  Talaïa, 
prêtre   économe,  pour  le  prier  d'ordonner 
qu'on  lui  donnât,  après  sa  mort,  un  succes- 
seur catholique  et  qui  fût  aussi  ordonné  par 
les  catholiques.  L'empereur  accorda  au  pa- 
triarche et  au  clergé  d'Alexandrie  ce  qu'ils 
demandaient.   Il  commit  même  une  légion 
pour  veiller  à  ce  que  les  eutychiens  n'entre- 
prissent rien  ni  du  vivant  de  Solophaciole,  ni 


après  sa  mort.  Dans  la  réponse  que  ce  prince 
fit  au  patriarche,  il  donnait  de  grandes  louan- 
ges à  Jean  Talaïa,  en  sorte  que  presque  tout 
le  peuple  d'Alexandrie  le  regardait  comme 
désigné  pour  remplir  le  siège  patriarchal 
après  Timothée,  qui  mourut  peu  de  temps 
après,  au  plus  tard  en  482.  lj,es  évêques,  les 
clercs  et  les  moines  de  la  communion  catho- 
lique élurent  aussitôt  pour  lui  succéder, 
Jean  Talaïa,  qui,  de  son  côté  écrivit,  suivant 
la  coutume,  aux  évêques  des  premiers  sié^ 
ges,  afin  d'en  obtenir  des  lettres  de  commu- 
nion. Il  en  adressa  au  pape  saint  Simplice  et 
à  Calandion,  patriarche  d'Antioche.  Il  n'ou- 
bha  pas  d'en  adresser  une  aussi  à  Acace  de 
Constantinople;  mais,  au  lieu  de  la  lui  faire 
passer  directement,  il  l'envoya  par  un  cour- 
rier public,  à  llluce,  maître  des  offices,  sur 
l'amitié  duquel  il  comptait  beaucoup.  Un  ma- 
gistrien  fut  chargé  de  cette  lettre  ainsi  que 
de  celle  que  Jean  écrivit  aussi  à  l'empereur  ; 
mais  n'ayant  point  trouvé  IlIuce  à  Constanti- 
nople, il  alla  le  chei'cher  à  Antioche,  oii  il 
était  en  effet.  Acace  ,  ayant  appris  que  Jean 
était  évêque,  trouva  fort  mauvais  de  ce  qu'il 
ne  lui  avait  pas  envoyé  ses  lettres  synoda- 
les. Il  se  joignit  à  Gennade  d'Hermopole, 
qui  prétendait  avoir  des  sujets  de  méconten- 
tement contre  Jean,  et  de  concert,  ils  l'accu- 
sèrent auprès  de  l'empereur  comme  coupa- 
ble de  parjure  et  d'autres  fautes  qui  le  ren- 
daient indigne  de  l'épiscopat.  Acace  repré- 
senta à  Zenon  que  Pierre  Mongus  étant 
agréable  au  peuple  d'Alexandrie,  on  pour- 
rait, en  le  maintenant  dans  ce  siège,  réunir 
les  deux  partis  qui  divisaient  depuis  long- 
temps cette  Eghse,  c'est-à-dire  les  catholi- 
ques et  les  eutychiens.  Mongus,  qui  savait 
ce  qui  se  passait,  envoya  en  même  temps 
des  députés  par  lesquels  il  s'oflrait  de  faire 
cette  réunion.  Acace  les  reçut  et  les  pré- 
senta à  l'empereur,  qui,  en  conséquence, 
écrivit  au  pape  une  lettre  où  il  déclarait 
qu'il  reconnaissait  Jean  de  Talaïa  comme 
indigne  de  l'épiscopat,  et  que,  pour  procu- 
rer la  réunion  des  Eglises  d'Egypte,  il  lui 
paraissait  plus  à  propos  de  rétablir  Mongus 
dans  le  siège  d'Alexandrie.  Saint  Simphce, 
qui  avait  reçu  les  lettres  de  Jean  et  de  son 
concile,  était  près  de  confirmer  son  ordina- 
tion, lorsque  la  lettre  de  l'empereur  arriva. 
Sur  ce  que  Jean  y  était  accusé  de  parjure, 
il  ne  se  hâta  point  de  lui  envoyer  des  lettres 


1  Theod.  Lect.,  pag.  566. 


2  Epist.  17,  18,  pag.  1036  et  suiv. 


[V»  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXIH.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


409 


de  communion;  mais  il  ne  voulut  pas  non 
plus  consentir  au  rétablissement  de  Pierre 
sur  le  siège  d'Alexandrie.  «  Il  a  été,  disait  le 
pape,  complice  et  même  chef  des  hérétiques, 
et  j'ai  demandé  plusieurs  fois  qu'il  fût  chassé 
d'Alexandrie.  La  promesse  qu'il  fait  à  pré- 
sent de  professer  la  vraie  foi,  peut  bien  le 
faire  rentrer  dans  la  communion  de  l'Eglise, 
mais  non  pas  l'élever  à  la  dignité  du  sacer- 
doce, de  crainte  que,  sous  prétexte  d'une 
abjuration  feinte,  il  n'ait  la  liberté  d'ensei- 
gner l'erreur.  »  Telle  fut  la  réponse  du  pape 
saint  Simplice  à  la  lettre  de  l'empereur  Ze- 
non. Il  écrivit  dans  le  même  sens  à  Acace, 
le  13  juillet  482,  témoignant  être  extrême- 
ment surpris  et  affligé  de  ce  qu'il  ne  lui  avait 
point  écrit  sur  une  affaire  d'aussi  grande 
importance.  «  Vous  y  étiez,  lui  dit-il.  engagé 
et  par  l'amitié  qui  nous  unit,  et  par  le  soin 
que  votre  charge  vous  obhge  de  prendre  de 
ce  qui  regarde  la  foi  et  la  vérité.  » 

Comme  il  ne  soupçonnait  encore  Acace  de 
rien,  il  le  pria  de  travailler  sans  cesse  à 
maintenir  l'empereur  dans  la  défense  de  la 
vérité  et  à  lui  mander  ce  qu'il  apprendrait 
touchant  cette  affaire.  Bien  que  Acace  eût 
diverses  occasions  de  récrire  au  pape,  il  ne 
s'en  mit  point  en  peine  :  ce  qui  obligea  saint 
Simplice  de  lui  écrire  encore  le  6  novembre, 
pour  lui  marquer  que  les  efforts  que  l'on 
faisait  contre  l'Eglise  d'Alexandrie  ne  lui 
laissaient  pi'endre  aucun  repos,  pensant  con- 
tinuellement au  compte  qu'il  en  devait  ren- 
dre à  Jésus-Christ.  Il  eût  volontiers  écrit  une 
seconde  lettre  à  l'empereur  Zenon,  mais  il 
en  fut  empêché  par  une  longue  maladie.  Ce 
prince,  irrité  de  la  lettre  du  pape,  qui  lui 


avait  été  rendue  par  Uranius,  écrivit  à  Par-  ■ 
gamius,  duc  d'Egypte  ',  et  au  gouverneur 
Apollonius,  de  chasser  Jean  d'Alexandrie  et 
de  mettre  Pierre  en  possession  du  siège  pa- 
triarchal  de  cette  ville.  Alors  Acace,  avec  le 
secours  des  partisans  de  Mongus  ^,  persuada 
à  Zenon  de  rédiger  le  formulaire  célèbre  , 
nommé  en  grec  Hénoticon,  comme  devant 
servir  à  réunir  tous  ceux  qui  étaient  hors  de 
l'Eglise. 

16.11  est  adressé,  au  nom  de  l'empereur  Ze- 
non, aux  évêques,  aux  clercs,  aux  moines  et 
aux  peuples  de  l'Egypte  et  de  la  Libye,  qui 
étaient  séparés  de  l'Eglise.  Ce  prince,  après 
y  avoir  protesté  de  son  zèle  pour  la  foi  et 
des  soins  qu'il  s'était  donnés  pour  la  réunion 
de  tous  les  chrétiens  en  une  même  commu- 
nion, dit  3  que  les  abbés  et  d'autres  person- 
nes vénérables  lui  avaient  présenté  des  re- 
quêtes pour  le  supplier  de  faire  de  nouveaux 
efforts  pour  la  réunion  des  Eglises  et  faire 
cesser  leurs  divisions,  qui  étaient  parvenues 
à  un  tel  point ,  que  plusieurs  personnes 
avaient  été  privées  du  baptême  ou  de  la 
sainte  communion,  et  qu'il  s'était  commis  un 
grand  nombre  de  meurtres.  Zenon  déclare 
donc,  au  nom  de  toutes  les  Eglises,  qu'il  n'y 
avait  point  d'autre  symbole,  reçu  ou  à  rece- 
voir, que  celui  des  trois  cent-dix-huit  Pèi-es 
de  Nicée,  confirmé  par  les  cent  cinquante 
Pères  de  Constantinople,  et  suivi  par  ceux 
d'Ephèse,  qui  ont  condamné  Nestorius  et  Eu- 
tychès  ;  que  si  quelqu'un  recevait  une  autre 
définition  de  foi  que  celle-là,  il  le  regardait 
comme  séparé  et  ennemi  de  l'Eglise.  «  Nous 
recevons  aussi,  ajoutait-il,  les  douze  chapi- 
tres de  Cyrille  d'heureuse  mémoire;  nous 


L'HÙQOliquc 
de  ZénoD. 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1032,  1096. 

2  Libérât.,  cap.  svii;  Evag.,  lib.  III,  cap.  XIV. 

'  Allatœ  sunt  ad  nos  supplicationes  piorum  archi- 
mundrUarum  et  eremitarum,  aliorum  venerabilium 
virorum,  cum  lacrymis  supplicantium  e(  petentium  ut 
unitas  sanctlssimis  Ecclesiis  restituatur.  Contigit  enini 
ex  eo  ut  innumerœ  generationes,  quas  tôt  aimoruni 
iempus  ex  hac  vita  sustalit,  aliœ  lavacro  generationis 
privatœ  diseesserint,  aliœ  communionem  non  consecutœ 
ad  inevitabilem  mortalium  emigrationem  ahreptœ  sint, 
afr/ue  mille  cœdes  temere  commissœ  et  multitiidine 
sanguinis  non  terra  modo,  sed  ipse  aer  sit  infectus. 
Quapropfer  significare  vobis  satagimus,  quod  et  nos  et 
omnes  ubique  Ecclesiœ  aliud  symbolum  aut  niathe- 
ma  vel  definitionem  fidei,  vel  fidem,prœiersanctorum 
trecentorum  ociodecim  l'uirum  symbolum,  a  sanctis 
centum  quinquaginta  Patribus  confirmalum,  née  ha- 
buimus,  nec  habemus,  nec  habituri  sumus. 

Quod  et  sancti  Patres  Ephesi  congregali,  secuti 
sunt,  qui  et  impium  Nestorium  et  qui  postea  cum  illo 
senserunt,   deposuerunt  :  quem   Nestorium   una   cum 


Eutyche,  contraria  Jam  dictis  sentientes  nos  quoque 
anathemate  damnamus,  recipientes  etiam  duodecim 
capita  a  beatœ  memoriœ  Cyrillo,  A  lexandrinœ  sanclœ 
catholicœ  Ecclesiœ  archiepiscopo,  promulgata.  Confi- 
temur  auiem  unigenitum  Filium  Dei  et  Deum  secun- 
dum  veritatem  hominem  factum,  Donnnum  nostrum 
Jesum  Christum,  consubstantialem  Patri  secundum 
diviniiatem,  et  eumdem  consubstantialem  nobis  secun- 
dum humanitatem,  descendisse  et  incarnatum  esse  ex 
Spiriiu  Sancto  et  Maria  Virgine  Deipara,  esseque 
illum  non  duos,  sed  unum.Etenim  unius  esse  dicimus 
et  miracula  et  passiones  quas  voluntarie  sustinuit  in 
carne.  Prorsus  enim  non  recipimus  eos  qui  naturas 
Christi  vel  dividunt  vel  confundunt,  aut  phantasiam 
introducunt.  Quisquis  autem  aliud  vel  senserit  vel 
sentit  sive  jam  sive  quandocumque  vel  in  Chalcedo- 
nensi  vel  quacumque  alla  synodo,  illum  anathemate 
damnamus,  prœcipue  supradictos  Nestorium  et  Euly- 
chen,  illorumque  sectatores.  Itaque  Ecclesiœ  Malri 
vestrœ  spiritali  coadunamini,  eadem  nobiscum  in  illa 
divina  communione  fruentes.  Evag.,  lib.  III,  cap.  siv. 


410 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


confessons  que  Nolre-Seigueur  Jésus-Christ 
Dieu,  Fils  unique  de  Dieu,  consubstantiel  au 
Père  selon  sa  divinité,  et  consubstantiel  à 
nous  selon  son  humanité  :  le  même  qui  est 
descendu  et  s'est  incarné  du  Saint-Esprit  et 
de  la  vierge  Marie  mère  de  Dieu,  est  un  seul 
Fils,  et  non  deux.  Nous  disons  que  c'est  le 
Fils  de  Dieu  qui  a  fait  des  miracles  et  qui  a 
souffert  volontairement  en  sa  chair,  et  nous 
ne  recevons  point  ceux  qui  divisent  ou  con- 
fondent les  natures,  ou  admettent  une  sim- 
ple apparence  d'incarnation.  Mais  nous  ana- 
thématisons  quicoiTque  croit  ou  a  cru  autre 
chose  en  quelque  temps  et  en  quelque  lieu 
que  ce  soit,  fût-ce  à  Chalcédoine  ou  enquel- 
qu'autre  concile.  » 

C'était  là  visiblement  rejeter  le  concile  de 
Chalcédoine  et  lui  attribuer  même  des  er- 
reurs. h'Hénotique ,  au  lieu  de  réunir  les 
Eglises,  forma  un  schisme  entre  les  ortho- 
doxes et  augmenta  les  divisions  même,  des 
hérétiques.  On  l'envoya  à  Alexandrie  avec 
des  lettres  de  l'empereur  pour  le  gouverneur 
et  le  duc  Pergamius.  Le  duc  étant  allé  à 
Alexandrie,  trouva  que  Jean  Talaïa  avait  pris 
la  fuite;  mais  Pierre  Mongus,  à  qui  il  montra 
les  ordres  de  l'empereur,  promit  aussitôt  d'y 
satisfaire.  Non-seulement  il  sigï)a.V  Hénotiqve 
de  Zenon,  il  le  fit  encore  recevoir  publique- 
ment par  ceux  du  parti  de  saint  Protère  avec 
lesquels  il  communiqua  '.  A  ces  conditions, 
il  fut  intronisé  sur  le  siège  patriarchal  d'A- 
lexandrie. II  s'était  encore  engagé  d'adresser 
des  lettres  synodiques  et  de  communion  à 
Âcace  de  Constantinople,  au  pape  saint  Sim- 
plice  et  aux  autres  évêques  des  premiers 
sièges.  Après  donc  qu'il  fut  établi  en  la  place 
de  Jean  Talaïa,  il  écrivit  h  Acace  et  au  pape 
Simplice.  Celui-là  lui  fit  une  réponse  con- 
forme à  sa  lettre,  s'unissant  ainsi  de  commu- 
nion avec  un  homme  qui  avait  toujours  fait 
profession  ouverte  d'hérésie;  mais  le  pape 
ne  lui  en  fit  aucune.  On  voit  par  Evagre  ^ 
que  Martyrius,  évêque  de  Jérusalem,  adressa 
une  synodique  à  Pierre  Mongus.  S'il  n'y  a 
pas  faute  dans  cet  historien,  il  faut  dire  que 
c'était  une  réponse  à  celle  que  Mongus  lui 
avait  écrite.  L'Eglise  de  Jérusalem  était  alors, 
comme  beaucoup  d'autres,  déchirée  par  le 
schisme  des  eutychiens  et  de  Géronce.  Mar- 

1  Evag.,  lib.  III,  cap.  x,  sni  ;  Libérât,  cap.  xiv. 

2  Et  .Vartyrius  quoque  Bierosolymorum  episcopus 
synodulibus  litteris  usas  est  ad  Pelriim.  Evag.,  lib.  III 
cap.  XVI. 

3  BoUand.,  ad  diem  20  jan.  ^ 


tyrius  envoya,  vers  l'an  480  ou  481  ',  à  Ze- 
non et  à  Acace,  un  diacre  nommé  Fidus, 
avec  des  lettres  pour  leur  demander  leurs 
secours  pour  éteindre  le  feu  de  cette  faction. 
Fidus  fut  arrêté  en  chemin  i:)ar  une  tempête 
durant  laquelle  saint  Euthyraius  lui  dit  de  re- 
tourner, et  que  l'union  serait  bientôt  réta- 
blie dans  l'Eglise  de  Jérusalem.  La  chose 
arriva  :  les  schismatiques  se  soumirent  à 
Martyrius,  qui  les  reçut  avec  joie  dans  sa 
communion.  Jean  Talaïa  passa  d'Alexandrie 
à  Antioche,  où,  suivant  les  conseils  de  Ca- 
landion  *,  il  appela  au  pape  de  ce  qui  s'était 
fait  à  Alexandrie.  Calandion  lui  donna  des 
lettres  synodiques,  par  lesquelles  il  recom- 
mandait son  affaire  à  saint  Simplice,  et  il  en 
écrivit  même  à  l'empereur  et  au  patriarche 
de  Constantinople  ^,  contre  Pierre  Mongus, 
qu'il  traitait  d'adultère  pour  s'être  emparé 
d'une  Eglise  qui  ne  lui  appartenait  pas.  Jean 
Talaïa  arrivé  à  Rome  vers  le  commencement 
de  l'an  483,  y  fut  reçu  par  le  Saint-Siège 
avec  beaucoup  d'honneur.  Saint  Simplice 
écouta  ses  plaintes  et  écrivit  pour  lui  à 
Acace  ^,  on  ne  sait  en  quels  termes,  parce 
que  cette  lettren'estpas  venue  jusqu'à  nous. 
Acace  J'épondit  au  pape  qu'il  ne  connaissait 
point  Jean  pour  évêque  d'Alexandrie;  qu'il 
avait  reçu  Pierre  à  sa  communion,  sur  ce 
qu'il  avait  signé  VHénotique  de  Zenon,  et  que, 
quoiqu'il  eût  agi  en  cette  rencontre  sans 
le  consentement  de  Rome,  il  l'avait  fait  par 
ordre  de  l'empereur  et  pour  la  réunion  des 
Eglises.  Le  pape,  peu  satisfait  de  ces  sortes 
de  raisons  ^,  récrivit  à  Acace  qu'ayant  l'un 
et  l'autre  condamné  Mongus  comme  héréti- 
que, il  n'avait  pas  dû  seul  lever  cette  con- 
damnation; que  d'ailleurs  il  ne  sulfisait  pas 
à  Mongus,  pour  être  admis  à  la  communion 
de  l'Eglise,  d'avoir  reçu  VHénotique  de  Ze- 
non, s'il  ne  recevait  encore  la  définition  de 
foi  du  concile  de  Chalcédoine  et  la  lettre  de 
saint  Léon  à  Flavien.  Pendant  qu'Acace  dé- 
libérait sur  la  réponse  qu'il  ferait,  ou  sur  le 
prétexte  qu'il  prendrait  pour  n'en  point  faire 
du  tout,  le  pape  saint  Simplice  mourut  et  fut 
enterré  à  Saint-Pierre,  le  2  mars  483.  On 
dit  ^  que  lorsque  Jean  Talaïa  lui  lisait,  avec 
les  autres  pièces  qui  concernaient  les  affaires 
d'Orient,  la  lettre  qu'Acace  écrivit  en  477 

'•  Libérât.,  cap.  xvm.  —  ^  Evag.,  lib.  III,  cap.  xvi. 
"  Libcrat.,  cap.  xvm.  —  '  Idem,  ibid. 
8    Geslu   de  nomine  Acadi,  tom.  IV   Concil.,  pag. 
1082. 


t    Fé- 
,  papû 


[Y=  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXIII. 

contre  Pierre-Ie-Foulon  et  Jean  Codonat,  il 
fit  remarquer  qu'Acace  avait  depuis  fait  ce 
même  Jean  Codonat  évêque  de  Tyr.  Le  pape 
ne  savait  pas  ces  variations  d'Acace. 

17.  JeanTalaïa,  qui  n'avait  pas  eu  le  loisir 
de  présenter  à  suint  Simplice  sa  requête 
contre  Acace,  la  présenta  à  Félix  III,  son 
successeur  ',  dans  une  assemblée  publique^. 
Il  s'y  plaignait  non-seulement  de  ce  qu'A- 
cace  communiquait  avec  Mongus  ^,  mais  de 
ce  qu'il  faisait  encore  plusieurs  autres  choses 
contre  les  canons.  Pendant  l'intervalle  qu'il 
y  eut  entre  la  mort  de  saint  Simplice  et  l'é- 
lection de  Félix,  que  les  uns  disent  avoir  été 
de  six  jours,  et  d'autres  de  vingt-six,  il  se 
tint  une  assemblée  du  clergé  et  des  magistrats 
dans  l'église  de  Saint-Pierre,  où  le  patrice 
Basile  ,  préfet  du  prétoire  et  tenant  la  place 
du  roi  Odoacre,  dit  que  le  bienheureux  pape 
Simplice  lui  avait  recommandé  de  ne  point 
permettre,  quand  Dieu  l'aurait  retiré  de  ce 
monde,  qu'on  fit  l'élection  de  son  successeur 
sans  le  consulter,  qu'il  s'étonnait  que  l'on 
eût  entrepris  d'y  procéder  sans  lui,  les  ma- 
gistrats ayant  intérêt  d'empêcher  qu'il  n'ar- 
rivât de  la  division  dans  l'élection  des  évê- 
ques,  de  peur  que  le  trouble  ne  passât  de 
l'Eglise  dans  l'Etat.  11  proposa  ensuite  d'or- 
donner que  ni  le  pape  qu'on  allait  élire,  ni 
aucun  de  ses  successeurs,  ne  pourraient  rien 
aliéner,  soit  des  fonds,  soit  des  meubles  de 
l'Eglise,  à  quelque  titre  ou  sous  quelque  pré- 
texte que  ce  fût;  qu'autrement  l'ahénation 
serait  nulle,  sans  que  l'acquéreur  pût  se  pré- 
valoir de  la  prescription;  qu'on  pourrait  ven- 
dre toutefois  les  meubles  peu  utiles  à  l'Eglise, 
après  une  juste  estimation,  et  en  employer 
le  prix  en  bonnes  œuvres.  Après  ce  préam- 
bule, on  élut  pour  pape,  Félix,  natif  de 
Rome ,  fils  d'un  prêtre  de  même  nom  et 
prêtre  lui-même  du  titre  des  saints  Nérée  et 
Achillée.  L'usage  ordinaire  est  de  l'appeler 
Félix  III ,  mais  c'est  en  mettant  au  rang  des 
papes,  celui  que  les  ariens  substituèrent  au 
pape  Libère.  Ses  premiers  soins  furent  de 
travailler  à  rétablir  la  foi  et  la  paix  dans  l'O- 
rient, surtout  dans  l'Eglise  d'Alexandrie.  Ne 


SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FELIX,  ETC.  411 

voyant  pas  qu'il  fût  possible  de  rétablir  si 
vite  Jean  Talaïa  sur  le  siège  épiscopal  de 
cette  ville,  il  lui  donna  l'Eglise  de  Noie  en 
Campanie,  qu'il  gouverna  pendant  plusieurs 
années,  et  où  il  mourut  en  paix.  Les  lettres 
écrites  depuis  quelques  années  à  Acace  et  à 
l'empereur  contre  Pierre  Mongus,  avaient 
été  inutiles,  et  la  plupart  sans  réponse.  Fé- 
lix, obligé  de  chercher  des  voies  plus  fortes, 
en  délibéra  dans  un  concile  qu'il  tint  dans 
l'église  de  Saint-Pierre,  et  avec  l'Eglise  ro- 
maine. Le  résultat  fut  que  l'on  enverrait  des 
légats  à  l'empereur,  tant  pour  lui  porter  des 
lettres  de  l'ordination  de  Féhx,  que  pour 
travailler  auprès  de  lui  à  la  conservation  de 
la  foi  et  de  la  discipline  de  l'Eglise.  Le  pape 
choisit  à  cet  effet  les  évêques  Vital  et  Mi- 
sône,  avec  Félix,  défenseur  de  l'Eghsc  ro- 
maine. Ils  étaient  chargés  de  rendre  à  l'em- 
pereur les  lettres  que  le  pape  lui  écrivait  sur 
sa  promotion,  mais  surtout  de  lui  demander'* 
que  Pierre  Mongus  fût  chassé  d'Alexandrie 
comme  hérétique,  et  que  l'on  maintint  l'au- 
torité du  concile  de  Chalcédoine;  de  dénon- 
cer à  Acace  qu'il  eût  à  répondre  à  la  requête 
que  Jean  Talaïa  avait  présentée  au  pape 
contre  lui,  et  à  prononcer  auathème  contre 
Pierre  Mongus.  Féhx  dél'endit  à  ses  légats  de 
communiquer  avec  Acace,  s'il  refusait  de 
satisfaire  à  toutes  ces  demandes. 

18.  Dans  sa  lettre  à  l'empereur,  après  lui 
avoir  donné  avis  de  sa  promotion^,  Félix  se 
plaint  avec  douceur  de  ce  que  ce  prince  n'a- 
vait point  repondu  à  la  lettre  du  pape  Sim- 
plice, touchant  les  moyens  de  procurer  la 
paix  à  l'Eglise  d'Alexandrie,  et  de  ce  qu'il 
semblait  vouloir  se  séparer  de  la  confession 
de  saint  Pierre,  et  conséquemment  de  la  foi 
de  l'Eglise  universelle.  Il  lui  représente 
que,  en  déchirant  l'unité  de  la  foi  qui  l'avait 
rétabh  sur  le  trône,  il  se  mettait  en  danger 
d'en  descendre  une  seconde  fois;  que  n'y 
ayant  plus  que  lui  qui  portât  le  nom  d'em- 
pereur, il  devait  chercher  à  se  rendre  Dieu 
propice,  plutôt  que  d'attirer  son  indignation. 
«  Je  crains,  lui  dit-il,  et  je  tremble  de  peur 
que  ce  changement  de  conduite    ne  fasse 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1096,  109S. 

2  Les  écrits  de  Félix  III,  qui  nous  restent,  se  trou- 
vent dans  le  tome  LYIII  de  la  Puirologie  latine, 
col.  797  et  suiv.,  d'après  Mansi,  tome  VII.  On  y  trouve 
1°  une  notice  par  Cave  et  par  Anastase  ;  2°  les  lettres 
au  nombre  de  quinze  ;  mais  la  troisième,  la  quatrième 
et  la  cinquième  ne  sont  pas  de  ce  pape,  et  deux  autres 
de  luij   tirées  de  llalîéi  ;   3°  les  décrets  extraits  de 


Gratien  ;  4°  un  abrégé  des  Gestes  d'Acace  ou  des  Eu- 
iychiens,  par  Sirmond,  et  quelques  autres  monuments 
concernant  cette  question.  {L'éditeur.) 

'  Evag.,  lib.  III,  cap.  xvm. 

'*  Evag.,  ubi  sup.,  et  Gesta  de  noniine  Acacii,  tom. 
IV  Concil.,  pag.  1082. 

'^  Epist.  2,  tom.  IV  Concil.,  pag.  1033. 


412 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


changer  l'événement  des  choses.  Regardez 
vos  prédécesseurs,  Marcien  et  Léon,  d'au- 
g'usle  mémoire  ;  suivez  la  foi  de  ceux  dont 
vous  êtes  le  successeur  légitime.  Suivez  celle 
que  vous  avez  professée  vous-même  :  faites 
chercher  dans  les  archives  de  votre  palais 
ce  que  vous  avez  écrit  à  mon  prédécesseur, 
quand  vous  êtes  remonté  sur  le  trône.  Vous 
n'y  parlez  que  de  conserver  le  concile  de 
Clialcédoine  et  de  rappeler  Timothée  le  Ca- 
tholique. Que  l'on  cherche  ce  que  vous  lui 
avez  écrit  à  lui-même,  pour  le  féliciter  de 
son  retour  à  Alexandrie,  comme  en  étant  le 
véritable  évêque  :  d'où  il  suit  que  Pierre 
Mongus,  qui  en  avait  été  chassé,  était  un 
faux  évêque  et  un  partisan  de  l'erreur.  Enfin 
vous  avez  menacé  par  vos  lettres  tous  les 
évêques  et  tout  le  clergé  d'Egypte,  que  si 
dans  deux  mois  ils  ne  revenaient  à  la  com- 
munion de  Timothée  Solophaciole,  ils  se- 
raient déposés  et  chassés  de  toute  l'Egypte. 
Vous  avez  voulu  que  ceux  qui  avaient  été 
ordonnés  par  Pierre  ou  par  l'hérétique  Ti- 
mothée déjà  mort,  fussent  reçus  à  la  com- 
munion de  Timothée  le  Catholique,  s'ils  re- 
venaient dans  le  temps  marqué.  Mais  vous 
n'avez  point  voulu  que  la  cause  de  Pierre 
pût  être  examinée  de  nouveau,  ni  qu'il  pré- 
tendît jamais  gouverner  des  catholiques.  Au 
contraire,  vous  avez  déclaré,  que  si  Timo- 
thée Solophaciole  venait  à  mourir,  vous  ne 
souffririez  point  qu'on  lui  donnât  de  succes- 
seur qui  ne  fût  pris  entre  les  clercs  catholi- 
ques et  consacré  par  des  catholiques.  Com- 
ment donc  soutfrez-vous  que  le  troupeau  de 
Jésus-Christ  soit  encore  ravagé  par  ce  loup 
que  vous  en  avez  chassé  vous-même?»  Le 
pape  établit  ensuite  l'autorité  du  concile  de 
Chalcédoine,  montrant  que  la  doctrine  en 
est  entièrement  conforme  à  celle  des  divines 
Ecritures,  des  conciles  et  des  Pères,  et  que 
tous  les  évêques  du  monde  ayant  enseigné 
de  même,  il  n'est  plus  permis  d'examiner  les 
erreurs  que  ce  concile  a  condamnées  ',  parce 
que  ce  qui  a  été  universehement  décidé  par 
les  anciens,  n'est  point  sujet  à  révision.  Re- 
venant ensuite  à  Mongus  :  «  N'est-ce  point 
lui,  dit-il,  qui,  depuis  trente  ans,  ayant 
abandonné  l'Eglise  catholique ,  est  le  secta- 
teur et  le  docteur  de  ses  ennemis  et  toujours 
prêt  à  répandre  le  sang?  n  D'où  il  conclut 
que  de  lui  abandonner  l'Eglise  d'Alexandrie, 


sous  prétexte  de  réunir  les  esprits,  ce  ne  se- 
rait pas  rétablir  la  paix,  mais  céder  la  vic- 
toire aux  hérétiques  et  causer  la  perte  d'une 
infinité  d'âmes.  Il  remet  à  Zenon  devant  les 
yeux  la  victoire  qu'il  avait  remportée  sur  Ba- 
silisque,  el  l'exhorte  à  déHvrer  l'Eglise  de 
ceux  qui  enseignent  l'hérésie,  comme  Dieu 
avait  délivré  l'Etat  du  tyran  hérétique,  et  à 
ramener  le  siège  de  saint  Marc  à  la  commu- 
nion de  saint  Pierre.  11  ne  dit  rien  dans  cette 
lettre  de  l'Hénotique  de  Zenon,  apparemment 
de  crainte  d'irriter  ce  prince;  il  n'y  demande 
pas  non  plus  le  rétablissement  de  Jean  Ta- 
laïa,  ce  qui  aurait  pu  blesser  l'empereur,  qui 
s'était  ouvertement  déclaré  contre  cet  évê- 
que, et  qu'il  n'aurait  peut-être  pas  voulu 
souffrir  alors  à  Alexandrie,  à  cause  de  son 
union  avec  le  général  lUus. 

19.  Le  pape  reprit  encore  Acace  du  si-  i.etue  à 
lence  obstiné  qu'il  avait  gardé  à  l'égard  de  ranÏÏiioilte 
son  prédécesseur  ^,  sur  une  affaire  d'aussi  tanUMfio°°°" 
grande  conséquence  qu'était  celle  de  l'Eglise 
d'Alexandrie,  et  de  l'orgueil  qu'il  semblait 
avoir  marqué  dans  cette  occasion.  «  Si  vous 
n'aviez  pas  daigné,  lui  dit-il,  rendre  vos  res- 
pects aux  triomphes  du  bienheureux  apô- 
tres le  seul  souvenir  de  vos  obligations  de- 
vait vous  faire  élever  généreusement  pour 
maintenir  la  pureté  de  la  foi  catholique,  pour 
défendre  les  décrets  de  nos  pères,  pour  sou- 
tenir les  décisions  du  concile  de  Chalcédoine, 
qui  approuve  entièrement  les  décisions  de 
celui  de  Nicée,  et  vous  montrer  un  digne 
successeur  des  évêques  catholiques  de  cette 
ville,  par  votre  zèle  contre  les  ennemis  qui 
l'attaquaient  :  car  vous  n'avez  pas  d'autre 
moyen  de  vous  faire  reconnaître  entre  les 
membres  du  corps  de  Jésus-Christ,  qu'en 
cessant  absolument  de  fomenter  les  maux 
C[ui  se  sont  répandus  dans  toute  la  terre.  Il  est 
donc  de  votre  devoir  d'aller  souvent  trouver 
l'empereur  et  de  lui  représenter  que,  n'ayant 
vaincu  son  ennemi  qu'en  prenant  la  défense 
de  la  vérité,  c'est  par  le  mêaie  moyen  qu'il 
doit  se  procurer  le  salut  et  conserver  son 
empire;  de  le  faire  souvenir  de  ce  qu'il  a  fait 
et  écrit  contre  Pierre  en  faveur  de  Timothée 
le  Catholique,  chassant  celui-là  de  l'Eglise 
d'Alexandrie,  pour  la  rendre  à  celui-ci,  et 
menaçant  les  clercs  et  les  laïques  d'Egypte 
d'être  dépouillés  de  leurs  charges  et  de  leurs 
dignités,  si  dans  deux  mois  ils  ne  revenaient    . 


1  Quod  semd  a  veteribus  universaliler  decisum  est 
non  reiractetm\  Pag.  1056. 


2  Epist.  l,  pag.  1049. 


[v SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLIGE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


à  la  communion  de  Timothée.  »  Il  ajoute 
qu'Acace  était  d'autant  plus  en  état  de  faire 
toutes  ces  remontrances  à  l'empereur,  qu'il 
avait  lui-même  eu  grande  part  à  tout  ce  que 
ce  prince  avait  fait  pour  abattre  les  ennemis 
du  Saint-Siège  et  du  concile  de  Chalcédoine, 
comme  il  s'en  était  fait  gloire  dans  ses  lettres 
au  pape  saint  Simplice  ;  qu'il  devait  faire  tous 
ses  efforts  pour  empêcher  Zenon  de  relever 
l'hérésie  qu'il  avait  abattue,  de  peur  de  se 
rendre  suspect  de  la  favoriser  lui-même. 
«  Car  on  approuve,  dit-il  ',  l'erreur  lorsqu'on, 
ne  s'y  oppose  pas;  et  on  est  censé  opprimer 
la  vérité  quand  on  n'en  prend  pas  la  défense.» 
Il  presse  Acace  de  se  servir  de  son  crédit 
auprès  de  Zenon,  pour  empêcher  que  le 
troupeau  du  Seigneur  ne  soit  déchiré  et  que 
l'Eglise  ne  soit  remise  en  péril,  par  l'audace 
de  ceux  qui  s'élevaient  contre  le  concile  de 
Chalcédoine. 

Il  n'est  rien  dit  dans  ces  deux  lettres  de 
la  requête  de  Jean  Talaïa  contre  Acace  :  mais 
le  pape  Félix  l'envoya  séparément,  avec  un 
acte  adressé  à  Acace  2,  où  il  lui  dit  de  se  dé- 
fendre promptement  sur  les  accusations  for- 
mées contre  lui ,  devant  le  siège  de  saint 
Pierre,  dans  l'assemblée  des  évêques,  afin 
que  l'on  pût  juger  de  son  innocence.  A  cet 
acte  Félix  en  joignit  un  autre,  qu'il  qualifie 
sa  plainte.  En  effet,  il  s'y  plaint  à  Zenon,  à 
qui  cet  acte  est  adressé  ^,  de  ce  que,  lors- 
qu'on croyait  l'Eglise  victorieuse  de  ses  en- 
nemis, particulièrement  de  Mongus,  on  l'a- 
vait vu  tout  d'un  coup  assis  sur  le  trône  de 
l'Eglise  d'Alexandrie.  «  Si  cela  est  ainsi,  dit- 
il,  la  crainte  de  Dieu  m'oblige  de  dire  avec 
liberté  à  un  prince  chrétien,  qu'il  faut  expier 
par  des  remèdes  salutaires  ce  que  l'on  a  fait 
au  mépris  de  Jésus-Christ.  »  11  fait  retomber 
la  faute  sur  Acace,  qu'il  dit  ne  pouvoir  se 
dispenser,  suivant  les  lois  ecclésiastiques  et 
civiles,  de  se  purger  des  choses  dont  il  était 
accusé  dans  la  requête  de  Jean  Talaïa. 

Félix  envoya  une  copie  de  cette  requête  à 
l'empereur.  Les  légats  furent  chargés  de 
toutes  ces  pièces  et  de  diverses  lettres  pour 
des  catholiques  de  Constantinople  *.  Ils 
étaient  encore  en  chemin  pour  se  rendre  en 


413 

cette  ville,  lorsque  le  pape  reçut  une  lettre 
de  Cyrille,  abbé  des  Acemètes  ^,  en  plainte 
de  ce  qu'on  agissait  avec  tant  de  lenteur 
contre  Acace,  tandis  qu'on  blessait  la  foi  par 
tant  d'excès.  Sur  cette  lettre,  Félix  écrivit  à 
ses  légats  de  ne  rien  faire  qu'ils  n'eussent 
conféré  avec  Cyrille  et  su  de  lui  comment 
ils  devaient  se  conduire  :  mais  on  ne  leur  en 
donna  pas  le  loisir.  Aussitôt  qu'ils  furent  ar- 
rivés à  Abyde  et  au  détroit  des  Dardanelles, 
on  les  arrêta  par  ordre  de  Zenon  et  d'Acace, 
et  on  les  mit  en  prison  après  leur  avoir  ôté 
les  papiers  et  les  lettres  qu'ils  portaient.  Pen- 
dant leur  détention,  Zenon  les  menaça  de 
mort,  s'ils  ne  consentaient  à  communiquer 
avec  Acace  et  avec  Pierre  Mongus.  Aux  me- 
naces il  ajoutait  les  caresses,  les  présents  et 
même  les  parjures  ^,  promettant  que  lui  et 
Acace  remettraient  le  jugement  de  toute  l'af- 
faire au  pape.  Les  légats  cédèrent  '',  et  con- 
tre l'ordre  de  celui  qui  les  avait  envoyés,  ils 
promirent  de  communiquer  avec  Acace.  Alors 
ils  sortirent  de  prison,  parurent  en  public 
avec  Acace,  célébrèrent  avec  lui  les  saints 
mystères  et  avec  les  envoyés  de  Pierre  Mon- 
gus, qu'ils  reconnurent  pour  évêque  d'Ale- 
xandrie, et  dont  le  nom  fut  nommé  tout  haut 
à  la  récitation  desdyptiques^,  au  lieu  qu'au- 
paravant on  ne  le  nommait  que  tout  bas.  Les 
hérétiques  en  tirèrent  avantage.  Ils  dirent  ' 
que  Rome  avait  reçu  Pierre  Mongus,  et  jetè- 
rent ainsi  le  trouble  parmi  les  fidèles.  Les 
légats  ne  se  mirent  point  en  peine  de  les  dé- 
tromper, et  quoiqu'on  leur  demandât  des 
éclaircissements  sur  plusieurs  choses,  ils 
n'en  voulurent  point  donner.  Ils  ne  firent 
non  plus  aucune  tentative  pour  se  faire  ren- 
dre les  lettres  qu'on  leur  avait  prises;  mais 
pour  mettre  le  comble  à  leur  confusion,  ils 
se  chargèrent  de  celles  qu'Acace  '"  et  l'em- 
pereur écrivirent  au  pape.  Acace  donnait 
dans  la  sienne  de  grandes  louanges  à  Mongus, 
soutenant  qu'il  n'avait  jamais  été  condamné, 
et  avouant  qu'il  communiquait  avec  lui  et 
avec  ceux  qui  le  reconnaissaient  pour  évê- 
que. Il  s'y  répandait  en  injures  contre  Jean 
Talaïa,  n'osant  toutefois  entreprendre  de  ré- 
pondre à  ses  accusations  devant  le  Saint- 


1  Error  enim  cui  non  resistilur,  opprohatur,  et  ve- 
rHas  quœ  minime  defensatur,  opprimitur.  Félix, 
ICpist.  1  ad  Acac,  pag.  1051. 

2  Tom.  IV  Conci/.,  pag.  1096. 

3  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1096. 
'■  Libérât.,  cap.  xvm. 

^  Evag.,  lib.  III,  cap.  xix. 


6  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1201. 
'  Tom.  IV  ConciL,   pag.  1082  et  1072  ;  et  Libérât., 
cip.  xvm. 

8  Evag.,  lib.  III,  cap.  xx  et  xxi. 

9  Tom.  IV  ConciL,   pag.  108'.  ;  et  Evag.,  lib.  III, 
cap.  XXI. 

*»  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1125,  1072  et  1083. 


Mi. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Siège  :  et  pour  mieux  cacher  les  fautes  qu'il 
avait  commises,  il  en  chargeait  l'empereur. 
Ce  prince,  au  contraire,  témoigna  dans  ses 
lettres  '  qu'il  n'avait  rien  fait  que  par  le  con- 
seil d'Acace.  Il  y  parlait  encore  du  prétendu 
parjure  de  Talaïa ,  assurant  le  pape  ^  qu'on 
n'avait  reçu  Mongus  à  la  communion  qu'a- 
près avoir  signé  dans  Y Hénotique  l'accepta- 
tion du  concile  de  Chalcédoine. 
i.a  concile       gQ.  Le  troisièmc  légat,  nommé  Félix,  dé- 

ae  Rome  cou-  °       ' 

d.imno  les  lé-   fenscur  de  l'Eglise  romaine,  n'arriva  à  Cons- 

gala,  *-■  ' 

tantinople  qu'après  que  Vital  et  Misène 
avaient  été  mis  hors  de  prison,  étant  de- 
meuré malade  en  chemin.  On  lui  ôta  aussi 
les  papiers  dont  il  était  chargé  ^,  on  le  retint 
dans  une  prison  très-rude;  et  comme  il  ne 
voulut  point  imiter  la  lâcheté  de  ses  collè- 
gues, Acace  refusa  même  de  le  voir.  Les 
deux  autres,  à  leur  arrivée  à  Rome,  trouvè- 
rent le  pape  bien  informé  de  leur  conduite. 
Ils  avaient  été  précédés  par  Siméon  et  par 
d'autres  moines  acemètes  *,  que  Cyrille,  leur 
abbé,  et  d'autres  abbés  de  Constantinople, 
avaient  envoyés  pour  instruire  le  pape  de 
tout  ce  qui  s'était  passé.  Il  reçut  vers  le  même 
temps  une  lettre  des  évéques  et  des  clercs 
catholiques  d'Egypte,  où,  en  l'assurant  de  la 
pureté  de  la  foi  et  de  la  canonicité  de  l'ordi- 
nation de  Jean  Talaïa,  ils  lui  disaient  beau- 
coup de  choses  contre  Pierre  Mongus  et  con- 
tre ceux  qui  communiquaient  avec  lui,  nom- 
mément contre  Acace.  Cette  lettre,  avec  celle 
des  moines  acemètes,  furent  lues  dans  un 
concile  que  le  pape  Félix  tint  dans  l'église 
de  Saint-Pierre,  sur  la  fin  de  juillet  484.  Les 
légats  voulurent  se  justifier  ^,  prétendant 
avoir  exécuté  les  ordres  dont  on  les  avait 
chargés  ;  mais  on  leur  fit  voir  par  la  lettre 
même  d'Acace  qu'ils  avaient  apportée,  qu'ils 
étaient  coupables  d'avoir  communiqué  avec 
cet  évêque,  n'ayant  pu  ignorer  qu'il  ne  fût 
dans  les  mêmes  sentiments  que  Mongus.  Si- 
méon et  les  autres  acemètes  leur  soutinrent 
aussi  qu'ils  avaient  communiqué  avec  les  hé- 
rétiques et  prononcé  à  haute  voix  le  nom 


de  Pierre  Mongus  dans  les  sacrés  diptyques; 
qu'ils  n'avaient  voulu  répondre  à  aucune  des 
questions  qui  leur  avaient  été  proposées  par 
des  catholiques,  ni  rendre  les  lettres  dont  ils 
étaient  chargés  pour  eux.  On  leur  confronta 
encore  le  prêtre  Silvaiu,  qui  les  avait  accom- 
pagnés à  Constantinople,  et  qui  confirma  ce 
que  les  acemètes  avaient  déposé  contre  eux. 
Les  légats  se  trouvèrent  donc  réduits  à  s'ex- 
cuser sur  la  violence  qu'ils  avaient  soufferte 
de  la  part  d'Acace;  mais  cet  excuse  qui  con- 
damnait cet  évêque,  ne  les  justifiant  pas,  le 
pape  se  vit  contraint  de  condamner  ses  pro- 
pres légats.  Ils  furent  déposés  de  l'épisco- 
pat  et  privés  de  la  communion  des  mystères, 
jusqu'à  ce  que  l'Eglise  d'Alexandrie  eût  reçu 
un  évêque  catholique.  Ainsi  ils  seraient  de- 
meurés excommuniés  pendant  environ  qua- 
rante ans.  Vital  mourut  même  sans  avoir  été 
relevé  de  cette  excommunication  •>,  ayant 
été  emporté  par  une  mort  subite.  Mais  Mi- 
sène, touché  de  frayeur  par  cet  accident,  de- 
manda et  obtint  la  communion  de  l'Eglise 
dans  un  concile  que  le  pape  Gélase  assembla 
en  495.  Le  concile  du  pape,  après  avoir  rendu 
la  sentence  contre  les  légats,  prononça  un 
nouvel  anathème  contre  Pierre  Mongus  et 
contre  Acace  ',  de  crainte  que  cet  évêque 
s'étant  souillé  par  la  communion  des  héréti- 
ques ^,  le  Saint-Siège  ne  fût  souillé  par  sa 
communion.  Ce  fut  là  l'origine  du  schisme 
qui  divisa  pendant  trente-cinq  ans  l'Orient 
d'avec  l'Occident.  Quelques  critiques  en  ont 
pris  occasion  de  censurer  la  conduite  des 
papes  qui  ont  gouverné  le  Saint-Siège  pen- 
dant ces  temps  de  trouble.  Ils  ont  dit  que 
quand  Acace  de  Constantinople  aurait  été 
plus  coupable  qu'il  n'était,  le  bien  de  la  paix 
demandait  que  l'on  n'agît  pas  avec  tant  de 
rigueur  contre  la  mémoire  d'un  évêque  dont 
les  sentiments  étaient  orthodoxes,  et  dont 
tout  le  crime  était  d'avoir  encouru  la  dis- 
grâce de  l'évêque  de  Rome  et  d'avoir  donné 
trop  légèrement  dans  les  volontés  de  l'em- 
pereur Zenon,  en  appuyant  de  tout  son  cré- 


»  Tom.  IV  Conc,  pag.  1208  et  1083. 

2  Evag.,  lit.  m,  cap.  sx. 

3  Libérât.,  cap.  xvm. 

'  Evag.,  lib.  III,  cap.  xx. 

s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1125  ;  Libérât.,  cap.  xvm;  et 
Evag.,  lib.  III,  cap.  xsi. 

6  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1270  et  1274. 

'  Les  érudits  ne  conviennent  pas  entre  eux  si  Acace 
fut  condamné  une  seule  fois  ou  deux  fois  par  le  Pon- 
tife romain.  Les  paroles  de  Félix,  Epist.  15  de  Iterata 
(Acacii)  excommunicatione,   ont  soulevé   ce  doute  ; 


mais  comme  aucun  des  anciens  n'a  parlé  d'une  double 
condamnation,  comme  les  paroles  du  pape  admet- 
tent facilement  une  autre  explication,  et  comme 
d'ailleurs  Félix  ou  Gélase  dit  clairement  qu'Acace 
n'a  été  condamné  qu'une  fois,  il  semble  qu'on  doit 
admettre  une  seule  condamnation,  celle  qui  eut  lieu 
le  28  juillet  de  l'an  484,  et  qui  a  pu  être  renouvelée 
et  confirmée,  selon  l'usage  de  l'Eglise  des  premiers 
temps.  [L'éditeur.) 
s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1210  et  1202. 


[v=  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX ,  ETC. 


415 


dit  son  Hénotique  ou  formule  de  foi,  et  en  y 
souscrivant  lui-même  des  premiers.  Mais  ce 
n'était  là  qu'une  partie  des  fautes  d'Acace; 
et  quand  on  les  envisagera  toutes,  l'on  con- 
viendra avec  M.  Nicole,  dans  le  chapitre 
dixième  de  son  second  livre  de  l'Unité  de  l'E- 
glise, que  l'excommunication  fulminée  par  le 
pape  Félix  Ht,  contre  cet  évêque,  était  de  soi 
très-juste  dans  le  fond.  Acace  avait  lui-même 
écrit  au  pape  Simplice  contre  Pierre  Mon- 
gus  et  l'avait  dépeint  comme  un  hérétique, 
comme  un  usurpateui',  comme  un  enfant  des 
ténèbres,  comme  un  adultère  qui  avait  voulu 
usurper  le  siège  d'Alexandrie  du  vivant  du 
légitime  pasteur,  Timothée  Solophaciole.  Ce 
fut  même  sur  cette  instruction  qu'Acace  avait 
envoyée  au  pape  Simplice,  que  ce  pape  con- 
damna Pierre  Mongus,  dont  les  crimes  étaient 
d'ailleurs  très-évidents,  puisqu'il  avait  été 
l'exécuteur  des  violences  de  Dioscore  contre 
saint  Flavien  de  Constantinople,  et  de  Timo- 
thée Elure  contre  saint  Protère  d'Alexandrie, 
et  qu'il  était  ennemi  déclaré  du  concile  de 
Ciialcédoine.  Cependant  Acace,  au  préjudice 
d'une  excommunication  si  juridique,  procu- 
rée par  lui-môme,  pour  chasser  d'Alexandrie 
Jean  Talaïa,  archevêque  de  cette  ville,  qui 
n'avait  pas  eu  assez  d'égards  pour  lui,  ne 
laissa  pas  d'y  faire  rétablir  Pierre  Mongus  et 
de  communiquer  avec  lui,  sans  la  participa- 
tion du  pape,  ce  qu'il  ne  pouvait  faire  selon 
les  canons,  puisqu'une  excommunication  lé- 
gitime du  premier  siège,  qui  est  celui  de 
Rome,  ne  pouvait  être  levée  par  un  évoque 
inférieur  comme  Acàce.Il  est  vrai  qu'il  exigea 
une  promesse  de  Mongus  de  ne  point  con- 
damner le  concile  de  Chalcédoine  ;  mais  ou- 
tre qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  l'en  croire  à  sa 
parole,  à  laquelle  il  manqua  plusieurs  fois, 
anathématisant  ce  concile  toutes  les  fois  qu'il 
le  jugeait  utile  à  ses  intérêts,  il  est  certain 
qu'un  hérétique  aussi  déclaré  que  Mongus 
et  signalé  par  de  si  grands  excès,  ne  pouvait 
être  reçu  qu'à  la  communion  laïque  selon 
l'ordre  des  canons.  Ainsi  c'était  une  entre- 
prise très-irrègulière  à  Acace  de  communi- 
quer avec  lui,  comme  avec  l'archevêque  lé- 
gitime d'Alexandrie.  Il  y  avait  encore  plu- 
sieurs autres  violements  des  canons  très- 
certains  dans  le  procédé  d'Acace  :  surtout 
les  violences  dont  il  usa  envers  deux  évêques 
nonces  du  pape,  étaient  entièrement  inexcu- 


sables, puisqu'il  les  fit  emprisonner  et  trai- 
ter indignement. 

21.  Le  pape  Félix  en  écrivit  à  Acace  même      lmit 
pour  lui  marquer  les  motifs  de  sa  condam- 
nation '.  «  Vous  avez,  lui  dit-il,  au  mépris 

des  canons  de  Nicée,  usurpé  les  droits  des 
autres  provinces,  reçu  à  votre  communion 
des  hérétiques  usurpateurs  que  vous  aviez 
vous-même  condamnés,  donné  le  gouverne- 
ment de  l'Eglise  de  Tyr  à  Jean,  que  les  ca- 
tholiques d'Apamée  avaient  refusé,  et  qui 
avait  été  cliassé  d'Antioche;  élevé  à  la  prê- 
trise Hymérius,  déposé  du  diaconat  et  ex- 
communié. »  Ensuite  il  lui  reproche  la  pro- 
tection qu'il  donnait  à  Pierre  Mongns  eu  le 
maintenant  dans  le  siège  d'Alexandrie;  les 
violences  qu'il  avait  exercées  contre  ses  lé- 
gats, au  mépris  du  droit  des  gens;  le  refus 
qu'il  faisait  de  comparaître  devant  le  Saint- 
Siège  pour  répondre  aux  accusations  portées 
dans  la  requête  de  Jean  Talaïa.  Après  quoi 
il  conclut  ainsi  sa  "lettre  :  «  Ayez  donc  part 
avec  ceux  dont  vous  embrassez  si  volontiers 
les  intérêts,  et  sachez  que  par  la  présente 
sentence,  vous  êtes  privé  de  l'honneur  du 
sacerdoce  et  de  la  communion  catholique, 
étant  condamné  par  le  jugement  du  Saint- 
Esprit  et  l'autorité  apostohque,  sans  pouvoir 
être  jamais  absous  de  cet  anathèine.  »  Cette 
lettre,  qui  est  du  28  juillet  484,  fut  souscrite 
par  soixante-sept  évêques,  non  compris  le 
pape.  Il  y  ajouta  -  un  acte  pour  être  affiché, 
où  il  dit  que  la  sentence  du  Saint-Siège  a 
privé  Acace  du  sacerdoce,  pour  avoir  mé- 
prisé les  deux  monilions  qu'on  lui  avait  fai- 
tes et  pour  avoir  emprisonné  le  pape  en  la 
personne  de  ses  légats;  qu'en  conséquence, 
il  est  défendu  sous  peine  d'anathème  à  tous 
évêques,  ecclésiastiques,  moines  ou  laïques, 
de  communiquer  avec  Acace  après  la  dénon- 
ciation de  cette  sentence. 

22.  Tutus,  défenseur  de  l'Eglise  romaine,       ,  ,, 

'  ^  '  Letlr 

fut  chargé  d'aller  à  Constantinople  faire  à  Z""°"- 
Acace  cette  dénonciation  ^.  Le  pape  lui  donna 
aussi  deux  lettres,  l'une  pour  l'empereur, 
l'autre  pour  le  clergé  et  le  peuple.  Celle-là 
qui  est  datée  du  1"  d'août  de  la  même  an- 
née 484  ,  est  une  réponse  à  celle  que  l'em- 
pereur avait  envoyée  au  pape  par  ses  deux 
légats.  Le  pape  s'y  plaint  de  la  violence  com- 
mise envers  eux,  disant  qu'elle  lui  faisait 
craindre  autant  pour  la  couronne  que  pour 


1  Epist.  6,  pag.  1073. 

^  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1083. 


8  Epist.  9,  pag.  1083. 


416 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  salut  de  l'empereur  ;  qu'au  reste  cette  vio- 
lence n'ayant  pas  été  une  excuse  sufEsante 
pour  eux,  on  les  avait  déposés.  11  déclare  à 
ce  prince   que  le  Saint-Siège  ne  communi- 
quera jamais  avec  Piei're  Mongus,  ne  fût-ce 
que  parce  qu'il  avait  été  ordonné  par  des 
liérétiques.  «  Je  vous  laisse  donc,  ajoute-t- 
il,  en  parlant  à  Zenon,  à  décider  laquelle 
des  deux  communions  il  faut  choisir,  ou  celle 
de  l'apôtre  saint  Pierre  ou  celle  de  Pierre 
Mongus.  »  Pour  faire  connaître  à  l'empereur 
comment  Mongus  avait  usurpé  l'épiscopat, 
il  le  renvoie  aux  lettres  qu'Acace  avait  écrites 
contre  lui  à  saint  Simplice,  et  dont  il  joignit 
les  copies  à  sa  lettre.  Il  déclare  ensuite  à 
Zenon  la  sentence  portée  contre  Acace,  en 
témoignant  qu'on  espérait  qu'il  n'empêclie- 
rait  pas  l'exécution  des  lois  sacrées  de  l'E- 
glise ',  puisque  lui-même  voulait  bien  se 
soumettre  aux  lois  civiles  de  son  Etat.  Il  le 
prie  de  se  souvenir  que  les  princes  doivent 
apprendre  des  évéques  quelle  est  la  volonté 
de  Dieu,  et  non  les  forcer  à  suivre  leur  vo- 
lonté propre,  ajoutant  que  pour  lui  il  ne 
souffrirait  pas  que  personne  s'opposât  à  l'au- 
torité et  à  la  liberté  de  l'Eglise,  se  souvenant 
que  Dieu  sera  un  jour  le  juge  des  évêques  et 
des  empereurs, 
i.ciiro  un       23.  Félix  voulaut  aussi  lever  le  scandale 
rcÏMe'  d"  que  ses  légats  avaient  donné  parleur  préva- 
&nsia„iiDû-  j,jgjj^iQjj  2  ay  clergé  et  au  peuple  de  Gons- 
tantinople,  leur  écrivit  que  non-seulement  il 
désavouait  ce  qu'ils  avaient  fait,  mais  qu'il 
les  avait  punis  de  leur  faute,  en  les  dépo- 
sant 2  et  en  les  privant  de  la  communion  des 
divins  mystères.  Il  leur  déclara  dans  la  même 
lettre  la  condamnation  d'Acace,  dont  il  leur 
envoyait  la  copie  *  afin  qu'ils  se  séparassent 
de  sa  communion,  s'ils  ne  voulaient  encourir 
eux-mêmes  la  sentence  d'excommunication  : 
et  parce  qu'Acace  pour  plaire  aux  hérétiques 
avait  déposé  le  prêtre  Salomon,  le  pape  veut 
qu'on  le  conserve  en  son  rang  de  prêtre,  et 


tous  ceux  qu'Acace  pouvait  avoir  traités  de 
même.  Le  défenseur  Tutus,  chargé  de  signi- 
fier la  sentence  de  déposition  à  Acace,  n'en 
put  trouver  d'autres  moyens  que  de  la  faire 
attacher  par  les  moines  acemètes,  au  man- 
teau de  cet  évêque,  le  dimanche,  lorsqu'il 
était  à  l'autel  ^  on  qu'il  y  entrait  pour  célé- 
brer les  divins  mystères.  Ceux  qui  environ- 
naient Acace,  irrités  de  la  hardiesse  de  ces 
moines,  en  tuèrent  quelques-uns,  en  blessè- 
rent d'autres  et  en  mirent  plusieurs  en  pri- 
son. Tutus,  qui  s'était  retiré  après  s'être  ac- 
quitté de  sa  commission,  se  laissa  ensuite 
gagner  ^  par  une  somme  d'argent  qu'un 
nommé  Maronas  lui  offrit  pour  l'engager  à 
communiquer  avec  Acace.  Basile  ayant  dé- 
couvei't  une  lettre  où  ce  fait  était  constaté, 
alla  lui-même  la  porter  au  pape,  avec  une 
autre  lettre  que  Rufin  et  Talassius,  prêtres 
et  abbés  de  Constantinople,  écrivaient  an 
pape  pour  l'avertir  de  ce  qui  s'était  passé. 
Tutus,  de  retour  à  Rome,  fut  convaincu  en 
plein  concile,  par  ses  lettres  et  par  son  pro- 
pre aveu,  d'avoir  communiqué  avec  Acace. 
Ainsi  il  fut  déposé  de  la  charge  de  défenseur 
et  excommunié,  comme  ayant  trahi  la  foi  de 
l'Eglise  et  la  fidélité  qu'il  devait  au  siège 
apostolique  '. 

24.  Félix  en  donna  avis  aux  abbés  Rufin  et 
Talassius,  et  aux  autres  moines  de  Constan- 
tinople et  de  Bilhynie  ^,  en  les  avertissant  do 
séparer  de  leur  communion  ceux  d'entre  eux 
qui  aui'aient  communiqué  volontairement 
avec  les  hérétiques ,  ou  qui  y  auraient  été 
engagés  par  argent.  Mais  il  veut  qu'ils  agis- 
sent avec  plus  de  douceur  envers  ceux  de 
leurs  frères  qui  n'auraient  cédé  qu'à  la  vio- 
lence des  tourments.  Il  dit  qu'on  peut  les 
laisser  dans  leui-s  cellules  effacer  leur  faute 
par  la  pénitence,  jusqu'à  ce  que  l'Eglise  ca- 
tholique se  trouve  délivrée  de  ses  ennemis. 

25.  Acace,  voyant  que  le  pape  se  séparait 
de  lui,  se  sépara  aussi  du  pape  et  ôta  son 


LellrcàHu- 
fln  c  L  0  II  \ 
moines  il» 
CouElanlino- 
ple. 


Lettre  fans- 
secient  altri- 
Ijuée  à  Piûire 
le  Foulon. 


1  Puio  auiem  quod  pielas  tua  quœ  etiam  suis  ma- 
vult  vinci  lerjibus,  quam  reniti,  cœlestibus  debeat  pa- 
rère decretis  :  quœ  iia  humanarum  sibi  rerum  fasli- 
gium  noveril  esse  commissum,  ut  tamen  ea  quœ  divina 
sunt  per  dispensatores  divinitus  atlributos  percipienda 
non  ambigat.  Félix,  Epist.  9  ad  Zenon.,  tom.  IV 
ConciL,  pag.  1084. 

2  Epist.  10,  pag.  1084. 

3  Quos  et  ordinibus  suis  et  veneranda  divini  mys- 
terii  perceptiune  privavimus.  Epist.  10,  pag.  1085. 

*  lu  Breviculo  historien  eutychianœ,  apud  Mansi, 
tom.  VII,  col.  1065,  et  Galland,  tom.  X,  pag.  669;  Patro- 
logie  latine,  lom.  LVIII,  coUect.  928  et  seq.  {L'éditeur.) 


s  Libérât.,  cap.  xvm;  Niceph.,  lib.  XVI,  cap.  xvn. 

<=  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1085. 

'  Maffei  a  retrouvé  tians  la  bibliothèque  du  Chapitre 
de  Vérone  une  longue  et  éloquente  lettre  écrite 
entre  l'an  487  et  489,  aux  Orientaux.  Le  pape  Félix 
y  réfute  tout  ce  qu'on  alléguait  eu  faveur  d'Acace,  et 
prouve  qu'ayant  été  justement  et  régulièrement  con- 
damné, il  ne  peut  être  rétabli  qu'en  suivant  les  ca- 
nons. L'éditeur,  dans  uue  savante  préface,  prouve 
l'authenticité  de  cette  lettre,  en  détermine  l'époque 
et  en  fait  l'analyse.  (L'éditeur.) 

8  Epist.  11,  pag.  1085. 


[V' SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


417 


nom  des  dyptiqnes  '.  Comme  il  comptait  pour 
rien  la  sentence  de  Rome,  il  continua  jusqu'à 
la  mort  à  ofTinr  le  saint  sacrifice.  Le  corps  de 
l'Eglise  de  Constantinople  ^  lui  demeura  uni, 
mais  les  abbés  Rufin,  Hilaire  et  Talassius  ^  ai- 
mèrent mieux  se  séparer  de  cette  Eglise  que 
de  celle  de  Rome.  Calandion ,  évêque  d'An- 
tioche ,  qui  s'était  toujours  déclaré  contre 
Pierre  Mongus,  fut  déposé  et  chassé  de  son 
église  par  Zenon,  sous  prétexte  d'avoir  favo- 
risé le  parti  d'illus,  qui  s'était  révolté  avec 
Léonce  contre  l'empereur,  mais  en  effet  parce 
qu'il  persévérait  dans  la  communion  du  pape 
Félix  et  de  Jean  Talaïa.  Le  lieu  de  l'exil  de 
Calandion  fut  l'Oasis,  et  Pierre-le-Foulon  fut 
rétabli  sur  le  siège  d'Antioche,  avec  l'agré- 
ment d'Acace  et  d'un  grand  nombre  des  évo- 
ques d'Orient.  Divers  autres  évêques  catho- 
liques *  furent  déposés  sans  examen  et  sans 
aucune  forme  canonique,  et  envoyés  en  di- 
vers exils.  Acace  était  l'âme  des  persécutions 
qu'on  leur  faisait  souffrir;  mais  Zenon,  qui 
l'appuyait  de  son  autorité,  n'était  pas  moins 
coupable  que  lui.  Cet  évêque  ayant  voulu 
obliger  ceux  du  côté  de  l'Orient  ^  de  commu- 
niquer avec  Pierre  Mongus,  ils  s'adressèrent 
à  Félix,  se  plaignant  qu'Acace  était  l'auteur 
de  tous  les  maux  de  l'Eglise.  Leur  plainte 
occasionna  un  concile  en  Italie,  où  les  évê- 
ques renouvelèrent  les  anathèmes  déjà  pro- 
noncés par  le  Saint-Siège  ^  contre  Acace  et 
contre  Pierre  Mongus  et  Pierre-le-Foulon. 
Nous  avons  plusieurs  lettres  qu'on' dit  avoir 
été  écrites  à  Pierre-le-Foulon  par  le  pape 
Félix  et  par  divers  évêques  d'Orient  et  d'Oc- 
cident. Mais  on  convient  aujourd'hui  qu'elles 
sont  toutes  supposées  '.  En  effet,  Pierre-le- 
Foulon  ne  fut  jamais  évêque  d'Antioche  sous 
le  pontificat  de  Félix,  si  ce  n'est  après  la  dé- 
position d'Acace;  or,  le  pape  ne  reconnais- 
sait alors  ni  Acace  pour  évêque,  ni  Pierre-le- 
Foulon  :  ils  n'étaient  ni  l'un  ni  l'autre  dans 
la  communion  du  Saint-Siège.  Cependant  les 
lettres  que  nous  avons  sous  le  nom  de  Félix 


à  Pierre-le-Foulon,  supposent  clairement  que 
ce  dernier  était  reconnu  pour  évêque  par 
Félix ,  et  qu'il  lui  était ,  de  même  qu'Acace, 
uni  de  communion.  Pierre-le-Foulon  mourut 
en  488,  n'ayant  vécu  que  trois  ans  depuis 
qu'il  avait  une  seconde  fois  usurpé  le  siège 
d'Antioche.  Il  eut  pour  successeur  un  héré- 
tique comme  lui,  nommé  Pallade,  prêtre  de 
l'église  de  Sainte -Thècle  à  Séleucie.  Acace 
mourut  l'année  suivante  489.  Sa  mort  fut 
semblable  à  celle  de  Pierre-le-Foulon,  ayant 
fini  leurs  jours  l'un  et  l'autre  dans  l'anathème 
dans  lequel  ils  avaient  vécu.  Acace  avait  gou- 
verné l'Eglise  de  Constantinople  pendant  dix- 
sept  ans  et  neuf  mois.  On  mit  à  sa  place  Fra- 
vita,  prêtre  de  Sainte-Thècle,  au  faubourg  de 
Sicques.  Il  sembla  d'abord  zélé  pour  la  véri- 
table foi,  n'ayant  pas  voulu  entrer  dans  le 
siège  de  Constantinople  ^  sans  la  participa- 
tion du  pape,  à  qui  il  envoya  une  lettre  sy- 
nodale. Cette  lettre  fut  portée  à  Rome ,  avec 
une  autre  de  la  part  de  l'empereur  Zenon, 
par  des  moines  catholiques  de  Constantino- 
ple, qui  étaient  toujours  demeurés  séparés  de 
la  communion  d'Acace  et  de  Mongus.  Fravita 
mandait  par  la  sienne  des  nouvelles  de  sa 
promotion  au  pape  ^,  afin  que  le  consente- 
ment qu'il  y  donnerait  affermit  entièrement 
son  épiscopat.  Zenon  témoignait  par  sa  let- 
tre beaucoup  d'estime  et  d'afi'ection  pour 
Fravita,  protestant  qu'il  n'avait  travaillé  aie 
mettre  sur  le  siège  de  Constantinople  que 
parce  qu'il  l'en  croyait  digne,  et  dans  la  vue 
de  raffermir  l'union  des  Eglises  et  l'unité  de 
la  foi.  Il  y  témoignait  aussi  beaucoup  de  res- 
pect pour  le  pape  et  un  grand  zèle  pour  la 
religion,  qui  est,  dit-il,  le  fondement  des  em- 
pires et  qu'on  doit  préférer  à  toute  chose  '". 
26.  Félix  lut  ces  deux  lettres  avec  joie  *'  et 
fit  lire  celle  de  l'empereur  en  présence  de 
ceux  qui  l'avaient  apportée  et  de  tout  le 
clergé  de  Rome,  qui  y  applaudit  par  de  fré- 
quentes acclamations.  Il  y  avait  tout  lieu  de 
croire  que  Fravita,  en  chargeant  de  sa  lettre 


Lettre 
Zéuon. 


,  1  Gelas.,  Epist.  ad  Dardun.j.pag.  1205  et  1206. 

2  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1092. 

8  Ibid.,  pag.  1086.  —  '  Ibid.,  pag.  1205  et  1206. 

i»  Theoph.,  in  Chronic,  pag.  103. 

«  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1127  et  1211. 

■ï  Valesius,  notis  in  Evag.,  pag.  177;  et  Petav.,  Dis- 
sert, de  Trisagio,  cap.  vil^  pag.  54  et  61. 

8  Evag.,  lib.  III,  cap.  xxiii. 

9  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1089. 

'"  Mafféi  a  trouvé  dans  la  bibliothèque  du  Chapitre  de 
Vérone,  une  lettre  de  Félix  adressée  à  Succonius  ou 

X. 


Sacconius,  évêque  d'Uzale,  qui,  ayant  fui  la  persécution 
des  ariens  d'Afrique,  s'était  retiré  à  Constantinople 
et  avait  communiqué  imprudemment  avec  Acace,  en 
prévarication  du  concile  de  Chalcédoine.  La  fuite  des 
vingt-huit  évêques  eut  lieu  en  484,  et  la  lettre  en 
question  parait  écrite  peu  de  temps  après.  Elle  porte 
en  titre  le  nom  de  Gélase,  mais  elle  ne  semble  point 
être  de  lui,  car  Félix  vécut  jusqu'en  482.  Le  souverain 
Pontife  rappelle  Succonius  à  de  meilleurs  sentiments 
et  le  conjure  de  se  corriger.  {L'éditeur.) 
"  Epist.  12,  pag.  1086. 

27 


418 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  ecclésiastiques  et  des  moines  unis  de 
communion  avec  Je  Saint-Siège,  voulait  aussi 
prendre  ce  parti,  et  le  pape  était  près  d'ac- 
corder sa  communion  aux  députés  de  Fra- 
vita,  lorsqu'il  leur  demanda  si  eux  et  celui 
qui  les  avait  envoyés  pi'omettaient  de  rejeter 
les  noms  d'Acace  et  de  Mongus  des  sacrés 
dyptiques.  Sur  ce  qu'ils  lui  répondirent  qu'ils 
n'avaient  point  reçu  d'ordres  à  cet  égard,  il 
ditîéra  de  les  admettre  à  sa  communion,  fai- 
sant voir  par  des  écrits  qui  montraient  clai- 
rement que  Timothée  Elure  et  Pierre  Mongus 
étant   infectés  des   erreurs  d'Eutycliès,  ne 
pouvaient  être  jamais  reçus  dans  l'Eglise 
cormme  évéques.  Cependant,  comme  il  dési- 
rait ex  trêmementl'union  et  la  paix  des  Eglises, 
il  se  hâta  de  récrire  àl'empereur  et  àFravila, 
afin  d'en  recevoir  des  réponses  favorables  à 
ses  desseins.  Ces  deux  lettres  sont  sans  date. 
Il  loue  Zenon  d'avoir  procui-é  la  promotion 
d'un  homme  tel  qu'il  avait  dépeint  Fravita, 
et  l'assure  du  désir  sincère  dans  lequel  il 
était  d'être  uni  de  communion  avec  l'Eglise 
de  Constantinople.  Il  ajoute  qu'en  différant 
d'admettre  à  sa  communion  les  députés  de 
Fravita  jusqu'à  ce  qu'il  fût  assuré  qu'on  re- 
jetterait à  Constantinople  les  noms  de  Mon- 
gus et  d'Acace,  il  n'avait  point  voulu  faire 
voir  son  autorité ,  mais  donner  des  marques 
de  sa  sollicitude  pour  le  salut  et  la  prospé- 
rité de  l'empereur;  qu'il  avait  confiance  que" 
comme  ce  prince  ne  se  refusait  point  aux  de- 
mandes mêmes  des  nations  barbares ,  lors- 
qu'il s'agissait  de  la  tranquillité  de  l'empire, 
il  écouterait  beaucoup  plus  volontiers  celles 
du  Siège  apostolique,  qui  tendaient  au  repos 
de  l'Eglise,  rien  n'étant  plus  convenable  que 
de  voir  l'ancienne  et  la  nouvelle  Rome  unies 
dans  la  même  foi  qui,  selon  le  témoignage  de 
saint  Paul,  estprêchée  partout  le  monde,  en 
sorte  que  ces  deux  villes  n'aient  qu'une  même 
refigion  comme  elles  n'ont  qu'un  même  nom. 
«  Croyez-vous,  vénérable  empereur,  dit  en- 
core le  pape,  que  je  ne  répande  point  des 
larmes  en  vous  écrivant  ceci,  etqtiejene  me 
prosterne  pas,  en  la  manière  que  je  puis ,  aux 
pieds  de  votre  piété  ?  Je  n'ai  point  de  peine 
à  me   rabaisser  devant  les   puissances  de 
l'empire,  surtout  pour  une  telle  cause,  après 
que  l'apôtre  a  dit  qu'il  s'était  fait  le  rebut  et 
l'opprobre  de  tous  les  hommes,  n  11  conjure 
donc  ce  prince  de  faire  ôter  des  dyptiques 
les  noms  d'Acace  et  de  Mongus. 

'  Epist.  13,  pag.  1089. 


27.  Sa  lettre  à  Fravita  roule  sur  le  même      Lour 
sujet  '.  Félix  l'assure  que  ce  n'était  qu'avec  '^'■'"■'"'■ 
peine  qu'il  avait  différé  d'admettre  à  sa  com- 
munion ses  députés,  et  le  prie  de  croire  qu'en 

cela  il  n'avait  point  agi  par  opiniâtreté^  mais 
par  le  zèle  qu'il  était  obligé  d'avoir  pour  la 
foi  et  pour  la  défense  des  dogmes  que  les 
pères  nous  ont  transmis.  «  En  demandant  de 
vous  que  vous  ne  récitiez  plus  à  l'avenir  les 
noms  d'Acace  et  de  Pierre  Mongus,  je  ne 
vous  impose  point,  dit-il,  cette  loi  par  un  es- 
prit d'empii-e  et  de  domination ,  mais  pour 
satisfaire  à  mon  devoir  et  pour  décharger  ma 
conscience.  Considérez,- vous  tous  qui  êtes 
élevés  à  la  dignité  de  l'épiscopat,  que  nous 
sommes  obligés  de  vivre  et  de  mourir,  s'il 
est  nécessaire,  pour  la  foi.  Considérez  aussi 
que  la  durée  de  cette  vie  est  toujours  incer- 
taine, et  que  nous  ne  pouvons  assez  craindre 
d'être  enlevés  subitement  et  présentés  au 
jugement  redoutable  de  Dieu.  »  Il  témoigne 
le  désir  qu'il  avait  eu  d'absoudre  Acace  ,  s'il 
l'eût  demandé,  et  dit  que  si  l'on  convient  de 
lui  accorder  ce  qui  regardait  Acace  et  Mon- 
gus, il  sera  aisé  d'accommoder  pour  le  bien 
de  la  paix  ce  qui  concernait  ceux  qu' Acace 
avait  baptisés  et  ordonnés.  C'est  qu'ils  crai- 
gnaient qu'en  souscrivant  à  la  condamnation 
d'Acace,  on  ne  les  obligeât  de  regarder  nuls 
les  sacrements  qu'il  avait  administrés  depuis 
que  Rome  l'avait  condamné.  Le  pape  ajoute 
qu'il  s'était  déjà  expliqué  là-dessus.  Nous 
n'avons  point  cette  lettre. 

28.  Il  en  écrivit  une  à  Thalassius  et  autres  ^  ,. 
abbés  de  Constantinople  ^,  pour  leur  défen-  Thaïassia 
dre,  tant  à  eux  qu'à  leurs  moines,  de  com- 
muniquer avec  l'évéque  de  cette  ville,  jus- 
qu'à ce  qu'ils  en  eussent  ordre  du  Siège 
apostolique.  Le  pape  ne  nomme  pas  celui 
qui  était  alors  évêque  de  Constantinople, 
mais  il  y  a  apparence  que  c'était  Fravita. 
Cette  lettre,  qui  est  du  1"  mai  490,  est  une 
réponse  à  celle  que  ces  abbés  lui  avaient 
écrite  par  les  députés  d'Acace.  On  ne  voit 
point  qu'ils  en  aient  porté  à  Rome  de  la  part 
de  Vétranion.  Mais  Félix,  qui  le  connaissait 
pour  un  homme  de  piété  et  de  zèle,  capable 
de  bien  défendre  la  vérité  quand  il  la  con- 
naissait, lui  écrivit  pour  l'instruire  de  l'affaire 
d'Acace  et  de  Mongus.  Après  l'avoir  fait  en 
peu  de  mots,  il  le  prie,  en  des  termes  très- 
polis,  d'abandonner  un  parti  qu'il  ne  pouvait 
plus  douter  être  mauvais,  et  de  faire  tous  ses 


2  Epist.  14,  p.  1091,  et  Epist.  15  ad  Veran.,  pag, 


1092. 


[v^  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXIII.  —  SAINT  SIMPLICE  ET  SAINT  FÉLIX,  ETC. 


419 


efforts  pour  en  retirer  les  autres,  surtout  de 
porter  l'empereur,  qu'il  appelle  le  principal 
fils  de  la  religion,  à  permettre  qu'on  ôtât 
des  dypliques  de  l'Eglise  de  Constanlinople 
les  noms  d'Acace  et  de  Mongus,  qui  avaient 
occasionné  toute  la  tempête  qui  s'était  éle- 
vée. Il  le  conjure  d'employer  à  cet  effet  les 
prières  les  plus  pressantes  et  de  les  accom- 
pagner même  de  larmes  pour  les  rendre  plus 
efficaces.  On  a  joint  à  cette  lettre  '  un  frag- 
ment de  celle  que  le  pape  écrivit  à  André  de 
Thessalonique.  Cet  évêque  avait  demandé  la 
communion  du  Saint-Siège,  mais  à  d'autres 
conditions  que  le  pape  prescrivait.  «  Nous  vou- 
drions, lui  répondit  le  pape,  que  le  désir  que 
vous  témoignez  de  rentrer  dans  la  commu- 
nion de  l'Eglise  fût  aussi  entier  que  l'intérêt 
de  la  vérité  orthodoxe  le  demande.  »  Il  y  a 
lieu  de  croire  que  cela  regardait  la  commu- 
nion d'Acace,  et  qu'André  fît  sur  ce  pointée 
que  le  pape  souhaitait,  puisqu'en  492  une 
lettre  de  Félix  ayant  été  lue  à  Thessalonique  ^ 
et  dans  d'autres  églises  de  Tlllyrie,  tout  le 
monde  dit  analhème  à  Acace  et  à  ceux  qui 
s'étaient  engagés  dans  sa  communion. 

29.  Cependant  quelques  personnes  zélées 
pour  la  foi  apportèrent  à  Rome  une  copie  de 
la  lettre  que  Fravita  avait  écrite  à  Mongus, 
pour  lui  protester  quMl  entrait  dans  sa  com- 
munion, et  même  qu'il  rejetait  celle  de  Félix. 
Le  pape,  qui  en  avait  reçu  une  toute  con- 
traire, voyant  la  mauvaise  foi  de  Fravita, 
renvoya  ses  députés  sans  vouloir  les  enten- 
dre davantage.  Il  ne  laissa  pas  de  répondre 
à  la  lettre  de  cet  évêque  ^;  mais  avant  que 
cette  réponse  fût  arrivée  à  Constantinople, 
Fravita  mourut  subitement  après  un  épisco- 
pat  de  trois  mois  et  dix-sept  jours.  La  réponse 
de  Mongus  arriva  aussi  trop  tard.  Euplié- 
miuS;,  prêtre  catholique,  homme  de  savoir  et 
de  vertu,  succéda  à  Fravita  dans  le  siège  de 
Constantinople.  Ce  fut  à  lui  que  l'on  rendit 
les  lettres  adressées  à  son  prédécesseur.  Mais 
voyant  que  Mongus  anathématisait  dans  la 
sienne  *  le  concile  de  Chalcédoine,  il  en  eut 
horreur,  se  sépara  de  sa  communion  et  effaça 
de  ses  propres  mains  son  nom  des  dyptiques. 
Cette  rupture  aurait  eu  de  très -fâcheuses 
suites,  étant  tous  deux  sur  le  point  d'assem- 
bler des  conciles  Tun  contre  l'autre,  si  Mon- 
gus eût  vécu  plus  longtemps;  mais  il  mourut 


la  même  année  490.  Euphémius  ne  se  con- 
tenta pas  d'effacer  son  nom  des  dyptiques, 
il  y  mit  celui  du  pape  Félix,  à  qui  il  adressa 
des  lettres  synodales  suivant  la  coutume.  Le 
pape  les  reçut,  mais  il  refusa  sa  communion 
à  Euphémius,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  effacé  des 
dyptiques  les  noms  d'Acace  et  de  Fravita. 

30.  L'empereur  Zenon  étant  mort  en  491,      i.eiiraaux 

11-  I  -1         \  ,  évêuues  (l'A- 

après  dix-sept  ans  de  règne,  eut  pour  suc-  wque.  pag. 
cesseur  Anastase ,  qui  avait  auparavant  la 
qualité  de  Silentiaire.  Il  avait  un  frère  infecté 
de  l'hérésie  arienne,  nommé  Cléarque;  il  tint 
lui-môme  pendant  quelque  temps  des  assem- 
blées à  part.  Euphémius  s'opposa  à  son  élec- 
tion, disant  qu'étant  hérétique  il  ne  méritait 
pas.de  commander  à  des  chrétiens.  Mais 
l'impératrice  Arienne  (ou  Ariadne),  veuve  de 
Zenon,  ayant  épousé  Anastase,  engagea  Eu- 
phémius à  le  couronner,  sous  la  promesse 
qu'il  fit  de  donner  sa  confession  de  foi  par 
écrit  et  de  recevoir  le  concile  de  Chalcédoine. 
A  cette  condition,  Anastase  fut  couronné  em- 
pereur le  11  avril  491.  Le  pape  Félix  lui  écri- 
vit aussitôt  ^  pour  lui  témoigner  sa  joie  de  le 
voir  élevé  à  l'empire.  Il  ne  communiqua  pas 
toutefois  avec  lui,  mais  il  ne  prononça  pas 
non  plus  de  condamnation  contre  lui,  suspen- 
dant ainsi  son  jugement  jusqu'à  ce  qu'il  fût 
pleinement  informé  de  la  foi  de  ce  nouvel 
empereur. 

31.  Nous  n'avons  plus  la  lettre  que  Félix     LciiroàPé 
écrivit  à  Zenon  ^  pour  le  prier  d'agir  auprès   ''=i"«  ^énon. 
des  Vandales  dont  il  était  allié ,  afin  de  les 
engager  à  traiter  avec  plus  d'humanité  les 
catholiques  d'Afrique.  Mais  il  nous  reste  celle 

qu'il  fit  hre  dans  un  concile  de  Rome,  le  13 
mars  487.  Elle  est  adressée  aux  évêques  de 
toutes  les  provinces  '.  Après  y  avoir  marqué 
de  quelle  manière  le  démon  avait  sévi  en 
Afrique  contre  les  chrétiens,  et  dit  que  plu- 
sieurs même  d'entre  les  prêtres  et  les  évêques 
étaient  tombés  dans  cette  persécution,  jus- 
qu'à se  laisser  rebaptiser,  il  leur  prescrit  dif- 
férents remèdes  que  nous  rapporterons  dans 
l'article  des  Conciles. 

32.  La  lettre  à  Zenon,  évêque  de  Sévihe , 

le  même  que  samt  Simplice  avait  établi  son  "»"•  ?,^'"'î°° 

„  0  1.  ''°  Sovillc. 

vicaire  en  Espagne  **,  est  pour  lui  recomman- 
der un  homme  de  qualité  nommé  Térentien. 
Il  y  en  a  une  du  pape  Félix  à  saint  Césaire 
d'Arles,  où  il  exhorte  cet  évêque  à  n'ordonner 


'  Epist.  15,  p.  1094.  —  2  Tom.  IV  Concil.,  p.  1163. 
'  Uberat.,  cap.  xvm.  — '  Evag.,  lib.  III,  cap.  sxni. 
"i  Tom.  IV  Conoil.,  pag.  11 G8. 


'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1150  et  1075. 
8  Ibid.,  Epist.  8,  pag.  1078. 


420 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


des  évêques  qu'après  de  longues  épreuves, 
afin  qu'ils  fussent  fermes  dans  leur  devoir. 
Baronius  rapporte  celte  lettre  à  l'an  488.  Mais 
on  prétend  qu'elle  est  de  Félix  IV  et  qu'elle 
ne  fut  point  écrite  en  cette  année.  On  voit 
en  effet  que  saint  Césaire  remplissait  le  siège 
d'Arles  en  554.  Il  ne  pouvait  donc  l'être  en 
484.  Ce  qui  embarrasse,  c'est  que  Gennade, 
dans  son  livre  des  Ecrivains  ecclésiastiques, 
parle  de  cette  lettre  ',  et  il  est  certain  qu'il 
composa  ce  livre  avant  le  pontificat  de  Fé- 
lix IV,  puisqu'il  le  soumit  à  la  censure  de 


Gélase  ^,  qui  occupa  le  Saint-Siège  avant 
Félix  IV.  On  peut  répondre  que  cet  endroit 
a  été  ajouté  dans  le  livre  de  Gennade  ',  comme 
on  y  avait  ajouté  les  articles  qui  regardent 
Avit,  Pomère  et  Honorât  de  Marseille. 

33.  Le  pape  Félix  mourut  le  25  février  de 
l'an  492,  après  avoir  tenu  le  Saint-Siège  huit 
ans,  onze  mois  et  environ  quinze  jours.  Il  est 
compté  entre  les  saints.  On  dit  qu'il  bâtit  une 
église  de  Saint-Agapet,  près  de  celle  de  Saint- 
Laurent  ,  et  qu'il  fut  enterré  dans  l'église  do 
Saint-Paul. 


CHAPITRE  XXIV. 
Fauste,  abbé  de  Lérins,  et  depuis  évêque  de  Riez  en  Provence. 


[Après  493.] 


ba  nniEsan- 
ce,  soséturJes. 
sa  lettre  à 
A  nnstasc  : 
elle  est  per- 
due. 


1.  Fauste,  né  en  Bretagne  sur  la  fin  du 
iv°  siècle,  étudia  de  bonne  heui'e  l'éloquence  * 
et  s'y  rendit  si  habile  ,  qu'au  jugement  de 
saint  Sidoine  il  possédait  toutes  les  règles  de 
cet  art.  Il  s'appliqua  aussi  à  l'étude  de  la 
philosophie,  dont  il  approfondit  tellement  les 
principes,  qu'il  savait  renverser  les  stoïciens'', 
les  cyniques,  le  péripatéticiens  et  les  héré- 
siarques par  leurs  propres  armes.  11  sortit  de 
son  pays  pour  passer  en  France,  où  il  se  re- 
tira dans  l'abbaye  de  Lérins,  alors  très- 
célèbre  dans  l'Eglise  par  les  vertus  de  saint 
Honorât,  de  saint  Maxime  et  de  plusieurs 
autres  grands  hommes.  Il  continua  ,  dans  sa 
retraite,  les  études  qu'il  avait  cultivées  dans 
le  monde;  mais  il  s'appMqua  beaucoup  plus 
à  acquérir  l'intelligence  des  divines  Ecritures  " 
et  à  se  rendre  habile  dans  les  sciences  ecclé- 
siastiques. Ses  mœurs  étaient  pures,  prati- 
quant avec  soin  tous  les  exercices  de  la  vie 
monastique.  On  remarque  qu'étant  fort  âgé, 
lorsqu'il  venait  à  Lérins  ^  comme  pour  s'y 
reposer  des  travaux  de  l'épiscopat,  il  y  ser- 
vait les  religieux,  et  que  ne  doi'mant  et  ne 
mangeant  presque  pas ,  il  ne  s'occupait  que 
de  la  prière  et  du  chant  des  psaumes. 


2.  L'évêché  de  Fréjus  étant  venu  à  vaquer     ii  est 
vers  lan  432,  on  jeta   les  yeux  sur  samt   misenis 
Maxime,  abbé  de  Lérins,  pour  remplir  ce 

siège  ;  mais  ce  saint  homme,  craignant  le  far-  < 

deau  de  l'épiscopat ,  se  sauva.  Fauste  l'ac- 
compagna dans  sa  retraite  ^,  où  ils  demeu- 
rèrent trois  jours  et  trois  nuits  exposés  à  l'air 
et  à  la  pluie.  Saint  Maxime  échappa  à  ceux 
qui  le  cherchaient,  mais  peu  de  temps  après 
il  fut  contraint  d'accepter  le  gouvernement 
de  l'Eglise  de  Riez.  Fauste ,  établi  abbé  de 
Lérins  en  sa  place,  vers  l'an  433,  s'acquit 
beaucoup  de  réputation  ^  par  les  discours 
qu'il  faisait  de  vive  voix  à  ses  religieux.  Saint 
Caprais  vivait  encore.  Saint  Hilaire  d'Arles 
le  sachant  à  l'extrémité,  vint  lui  rendre  les 
derniers  devoirs.  Soit  qu'il  y  fût  venu  avec 
Théodore  de  Fréjus  et  saint  Maxime  de  Riez, 
soit  qu'il  eût  trouvé  ces  deux  évêques  à  Lé- 
rins ,  il  obligea  Fauste  de  s'asseoir  entre  lui 
et  ces  saints  évêques  *",  comme  s'il  eût  voulu 
faire  connaître  par  là  qu'il  serait  aussi  un 
jour  élevé  à  l'épiscopat. 

3.  Vers  l'an  454^  Fauste  eut  un  différend      ! 
avec  Théodore  de  Fréjus,  d'où  l'abbaye  de  vùqMd3 
Lérins  dépendait  alors.  Pour  le   terminer,  '"'  °° 


1  Gennad.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  lxsxvi. 

2  Ibid.,  cap.  scxix  et  ex. 

3  Labbe  et  Bin.,  Episf.,  pag.  1078. 

'  SidoD.,  lib.  IX,  Episf.  9.  —  5  Ibid. 


s  Gennad.,  de  Script.  Eccles.,  cap.  lxxxiii. 
'  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  9  et  3,  et  Carm.  16. 
s  Emiss.j  Hom.  34.  —  s  Gennad.,  cap.  Lsxsv. 
*"  Surius,  ad  diem  5  maii,  p.  79. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


[V  SIÈCLE.] 

Ravenne,évêque  d'Arles,  convoquaun  concile 
où  *  il  assista  avec  Rustique  de  Narbomie  et 
les  évêques  de  la  province.  L'abbé  et  les 
moines  de  Lérins  y  furent  admis  comme  par- 
ties intéressées.  On  y  résolut  que  Théodore 
seraitprié  de  recevoir  la  satisfactionde  Fauste, 
d'oublier  le  passé,  de  lui  rendre  son  amitié 
et  de  le  renvoyer  à  son  monastère  ;  que  cet 
évêque  continuerait  à  donner  à  l'abbaye  de 
Lérins  du  secours  dans  ses  besoins,  et  qu'il 
ne  s'attribuerait  sur  cette  maison  d'autres 
droits  que  ceux  que  Léonce,  son  prédéces- 
seur, s'était  attribués,  et  qui  se  réduisaient  à 
ordonner  les  clercs  et  les  ministres  de  l'au- 
tel, ou  par  lui-même  ou  par  d'autres  ;  de  don- 
ner le  saint  chrême  et  de  confirmer  les  néo- 
phytes s'il  y  en  avait.  On  ajoute  que  les  clercs 
étrangei-s  ne  seraient  point  reçus  dans  le  mo- 
nastère sans  son  ordre;  qu'au  surplus,  tous 
les  laïques  seraient  sous  la  conduite  de  l'abbé 
qu'ils  auraient  choisi,  sans  que  Théodore  pût 
s'y  attribuer  aucun  droit  ni  en  ordonner  au- 
cim  pour  clerc,  si  l'abbé  ne  l'en  priait. Le  corps 
de  la  communauté  était  donc  alors  composé 
de  laïques  qui  se  choisissaient  un  supérieur, 
sans  que  l'évéque  diocésain  eût  part  à  cette 
élection. 

4.  Après  la  mort  de  saint  Maxime,  arrivée 
le  27  novembre  de  l'an  453,  Fauste  fut  choisi 
pour  lui  succéder  dans  l'épiscopat  de  Riez  ^ 
comme  il  lui  avait  succédé  dans  le  gouver- 
nement de  l'abbaye  de  Lérins.  Cette  nouvelle 
dignité  ne  changea  rien  dans  sa  conduite,  et 
il  observa  à  Riez  la  rigueur  de  la  discipline 
qu'il  avait  observée  à  Lérins.  Quelquefois  il 
se  retirait  dans  les  solitudes  3,  et  quelquefois 
il  retournait  à  celle  qu'il  avait  quittée,  et  tou- 
jours pour  y  pratiquer  les  exercices  de  la 
pénitence.  Mais  il  n'en  veillait  pas  moins  sur 
les  peuples  de  son  diocèse,  les  instruisant 
assiduement  des  mystères  de  la  loi  de  Dieu 
et  de  leurs  devoirs,  par  des  discours  qu'il  leur 
faisait  de  dessus  les  degrés  du  saint  autel  •*, 
et  qu'ils  écoutaient  étant  debout. 

5.  En  462,  il  fut  député,  avec  Auxanius, 
évêque  d'Aix  en  Provence,  pour  aller  à  Rome 
au  sujet  d'Hermès,  qui,  après  avoir  été  or- 
donné évêque  de  Rézierspar  saint  Rustique, 
s'était  fait  pourvoir  de  l'évêché  de  Narbonne. 
Ils  assistèrent  l'un  et  l'autre  au  concile  que 


421 


le  pape  y  tint  dans  le  mois  de  novembre  de 
l'an  462,  avec  plusieurs  évêques  qui  y  étaient 
venus  pour  l'anniversaire  de  son  ordination. 
L'affaire  d'Hermès  ayant  été  examinée,  il  fut 
arrêté  qu'il  demeurerait  évêque  de  Narbonne, 
mais  à  condition  qu'il  n'aurait  point  le  pou- 
voir d'ordonner  des  évêques;  que  ce  droit 
serait  transféré  àConstanlius,  évêque  d'Uzès, 
comme  le  plus  ancien  de  la  province;  que 
néanmoins,  après  la  mort  d'Hermès,  le  droit 
des  ordinations  serait  rendu  à  l'évéque  de 
Narbonne.  C'est  ce  que  l'on  voit  par  la  lettre 
du  pape ,  datée  du  3  décembre  de  la  même 
année  et  adressée  aux  évêques  de  la  Vien- 
noise et  des  deux  Narbonnaises  ^  :  Fauste  fut 
le  porteur  de  cette  lettre. 

6.  En  470^,  Fauste  se  trouva  à  la  dédicace 
de  l'église  que  saint  Patient  de  Lyon  avait 
fait  bâtir.  Pendant  les  sept  jours  que  dura 
cette  solennité,  Fauste  fit  quelques  discours 
à  la  prière  des  évêques  présents.  Saint  Si- 
doine, qui  n'était  encore  que  laïque ,  fut  un 
de  ses  auditeurs  et  de  ses  admii^ateurs.  Il  lui 
adressa  vers  le  même  temps  un  poème  ' 
pour  le  remercier  du  soin  qu'il  avait  pris  de 
l'éducation  de  son  frère  et  de  la  manière  dont 
Fauste  l'avait  reçu  lui-même  chez  lui,  à  Riez. 
Quelques  années  après,  il  fut  chargé  d'écrire 
sur  la  matière  de  la  prédestination  et  de  la 
grâce,  contre  les  erreurs  d'un  prêtre  nommé. 
Lucide,  accusé  d'enseigner  que  l'homme  pou- 
vait être  sauvé  parla  seule  force  de  la  grâce, 
sans  qu'il  fût  obligé  d'y  coopérer,  et  de  dé- 
truire absolument  le  libre  arbitre.  Fauste 
essaya  d'abord  de  le  ramener  à  la  vérité  * 
dans  plusieurs  entretiens  qu'il  eut  avec  lui; 
mais  voyant  qu'il  ne  gagnait  rien  sur  l'esprit 
de  Lucide ,  il  lui  adressa  un  écrit  où  il  mar- 
quait en  peu  de  mots  ce  qu'il  pensait  qu'on 
devait  croire  ou  rejeter  sur  la  grâce  pour  être 
orthodoxe.  Cet  écrit  n'eut  pas  plus  d'effet  que 
les  entretiens  de  Fauste.  Il  fallut  en  venir  à. 
un  concile  que  Léonce  assembla  à  Arles  vers 
l'an  480,  au  plus  tard  ^.  Fauste  fut  chargé  de 
recueillir  ce  que  l'on  dirait  dans  cette  assem- 
blée sur  la  matière  de  la  prédestination  et  de 
la  grâce.  Lucide  y  reconnut  ses  erreurs,  les 
condamna  et  protesta  qu'à  l'avenir  il  s'en 
tiendrait  à  ce  qui  avait  été  décidé  par  les  évê- 
ques sur  ce  sujet. 


Il  assiste  à 
la  dé<Hrace  de 
régliso  da 
LyOQ. 


»  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1023. 
2  Sidon.,  Carm.  16.  —  3  Idem,  ibid. 
*  Seu  te  conspicuis  gradibus  venerabilis  arœ  concio- 
lalurum  plebs  sedula  circumsintit,  exposita  legis  bibat 


auribus  ut  medicinam.  Sid.,   Carm.   16,   pag.   1267. 
s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1041. 
6  Sidon.,  lib.  IX,  Eplst.  3.  —  '  Idem,  Carm.  16. 
8  Tom.  IV  Cû«cî7.,  pag.  1042  et  1043.  — 3  Pag.  1044. 


422 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  ÂUTEUHS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Fansie  osi  7.  Fciuste  eut  aussi  quelque  part  au  traité 
i'^q" °8r.°sa  de  paix  qui  fut  conclu,  en  475,  entre  l'empe- 
493'.  "^"'^  reur  Népos  et  Euric ,  roi  des  Visigolhs.  Ce- 
lui-ci s'empai'a,  vers  l'an  481,  de  ce  qui  res- 
tait à  l'empire  dans  la  Pi'ovence,  et  la  ville 
de  Riez  étant  aussi  tombée  entre  ses  mains, 
il  en  bannit  l'évoque.  On  ne  sait  pas  bien 
quelle  raison  il  en  eut ,  mais  on  croit  qu'il  y 
fut  porté  par  un  petit  écrit  que  Fauste  avait 
fait  contre  les  ariens  et  les  macédoniens  *, 
pour  montrer  que  toute  la  Trinité  est  de  même 
nature.  Fauste  trouva  dans  son  exil  des  per- 
sonnes de  qualité  qui  l'assistèrent  dans  ses 
besoins,  quoique  fort  éloignées  du  lieu  où  il 
était.  11  nomme  en  particulier  Félix  et  Ru- 
rice,  avec  qui  il  entretint  un  commerce  de 
lettres.  Son  exil  ne  fut  que  d'environ  trois 
ans,  étant  retourné  à  Riez  ^  vers  l'an  484, 
lorsque  Dieu  eut  ôté  la  vie  à  Euric  et  brisé 
le  sceptre  de  fer  avec  lequel  ce  prince  arien 
dominait  sur  ses  sujets.  Gennade  ne  dit  pas 
sous  quel  empereur  Fauste  mourut,  mais  il 
semble  le  supposer  encore  vivant  vers  l'an- 
née 493,  lorsqu'il  composait  son  traité  des 
Ecrivains  ecclésiastiques. 
Leiire  de  8.  Le  premier  écrit  de  Faustc^,  suivaut  l'or- 
dre  des  temps,  est  sa  lettre  à  Gratus,  diacre 
de  l'Eglise  catholique ,  qui  vivait  dans  la  re- 
traite, où  il  pratiquait  de  grandes  austérités, 
appliqué  sans  cesse  k  la  lecture.  Ce  genre  de 
vie,  en  lui  affaiblissant  l'esprit,  lui  enfla  le 
cœur,  jusqu'au  point  qu'il  s'imagina  avoir  eu 
des  révélations.  Il  était  dans  celte  illusion 
lorsqu'il  composa  un  petit  traité  dans  lequel 
il  prétendait  montrer  qu'il  n'y  avait  en  Jésus- 
Christ  Dieu  et  homme  qu'une  seule  nature, 
qui  était  la  divine;  d'où  il  suivait  qu'on  ne 
devait  point  dire  que  Dieu  fût  père  de  l'homme 
ni  la  femme  mère  de  Dieu.  C'était  là  propre- 
ment l'eutychianisme  ;  et  quoique  Gratus  sût, 
par  la  lecture  des  ouvrages  de  saint  Augus- 
tin, que  ce  père  était  dans  des  principes  en- 
tièrement opposés,  il  aima  mieux  le  condam- 
ner que  de  le  suivre;  mais  soit  qu'il  voulût 
avoir  l'approbation  de  Fauste,  alors  abbé  de 
Lérins  et  dans  une  grande  réputation ,  soit 
qu'il  s'aperçût  lui-même  de  la  nouveauté  de 
sa  doctrine,  il  envoya  son  écrit  à  cet  abbé, 
le  priant  de  lui  en  dire  son  sentiment.  Ce  qui 
donne  lieu  de  croire  que  la  solitude  où  il  vi- 
vait était  dans  la  Provence  et  peu  éloignée 
de  Lérins.  Fauste  eut  d'autant  plus  de  peine 


Fauste  à  Gra- 


à  s'engager  de  répondre  à  Gratus,  que  son 
écrit  lui  paraissait  peu  digne  d'attention,  tant 
il  était  mal  rédigé.  Il  craignait  d'ailleurs  de 
traiter  une  matière  si  élevée  et  si  difficile.  11 
répondit  toutefois,  pour  ne  pas  négliger  une 
personne  qui  l'avait  consulté;  mais  il  retint 
l'écrit,  jugeant  qu'en  le  publiant  il  ne  pou- 
vait que  déshonorer  Gratus ,  à  cause  des  er- 
reurs qu'il  renfermait.  S'il  tint  aussi  sa  ré- 
ponse secrète,  ce  ne  fut  que  pour  quelque 
temps,  puisqu'elle  était  déjà  rendue  publique 
lorsque  Gennade  finissait  son  Catalogue  des 
hommes  illustres,  c'est-à-dire  vers  l'an  493. 
Fauste  reproche  d'abord  à  Gratus  la  liberté 
qu'il  s'était  donnée  de  condamner  la  doctrine 
de  saint  Augustin,  parce  qu'encore,  dit-il, 
que  ce  père  fût  suspect  chez  de  très-savants 
hommes  sur  certaines  matières,  personne  ne 
le  trouvait  répréhensible  dans  ce  qu'il  avait 
écrit  sur  les  deux  natures.  Ceux  que  Fauste 
appelle  de  très-savants  hommes  étaient  les 
semi-pélagiens,  qui  n'approuvaient  point  le 
sentiment  de  saint  Augustin  sur  la  grâce.  Il 
fait  voir  ensuite  que  Gratus,  en  ne  voulant 
pas  que  l'on  dît  que  la  femme  fût  mère  de 
Dieu ,  tombait  évidemment  dans  l'hérésie  de 
Nestorius,  qui  ne  donnait  à  la  sainte  Vierge 
que  la  qualité  de  mère  de  l'homme  ou  de 
Christ,  hérésie  condamnée  dans  toutes  les 
iles  et  dans  toutes  les  Eglises.  11  le  reprend 
de  ce  qu'il  avait  dit  dans  son  écrit  qu'il  n'y  a 
qu'une  nature  de  Dieu  et  de  l'homme,  disant 
qu'il  est  bien  vrai  qu'en  Dieu  il  n'y  a  qu'une 
nature  en  trois  personnes,  mais  qu'en  Jésus- 
Christ  il  y  a  deux  natures  en  une  seule  per- 
sonne ,  et  que  quiconque  dit  que  Dieu  notre 
rédempteur  est  d'une  seule  nature ,  nie  ou 
que  l'humanité  soit  unie  à  la  divinité,  ou  que 
la  divinité  le  soit  à  l'humanité ,  l'ouvrage  de 
notre  rédemption  ne  s'élant  point  accompli 
par  une  de  ces  deux  natures,  mais  par  toutes 
les  deux.  Ne  reconnaître  dans  le  Rédempteur 
que  la  seule  nature  divine ,  c'est  avouer  que 
la  divinité  a  souffert  dans  sa  propre  substance, 
qu'elle  est  morte,  qu'elle  a  été  ensevelie  :  ce 
que  Dieu  a  souffert  toutefois,  mais  dans  la 
nature  humaine  et  non  dans  la  sienne  pro- 
pre. Fauste  prouve  la  réalité  des  deux  na- 
tures par  une  hymne  de  saint  Ambroise  sur 
la  fête  de  Noël  et  par  quelques  passages  de 
l'Evangile,  montrant  que  les  ariens  n'ont  erré 
sur  la  divinité  de  Jésus-Christ  que  parce  qu'ils 


'  Geunad.,  cap.  Lxssv.  — s  Faust,,  Ep.  ad  Ruricium. 


'  Tom.  Vm_Biblioi/i.  Pair  ,  pag.  553. 


[V"  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XXIV. 

n'ont  ni  distingué  ni  reconnu  ces  deux  na- 
tures. «  Pour  nous,  ajoute-t-il,  nous  croyons 
qu'il  y  a  en  Jésus-Glirist  deux  natures  unies  en 
.  une  personne,  et  que  de  même  que  le  corps  et 
l'âme  font  l'homme ,  de  même  aussi  la  divi- 
nité et  l'humanité  font  un  Christ.  »  11  allègue 
l'endroit  d'Isaïe  où  il  est  dit  qu'un  enfant 
nous  est  né  et  qu'un  fils  nous  a  été  donné,  pour 
montrer  que  le  même,  qui  était  Fils  de  Dieu 
de  toute  éternité ,  est  né  d'une  vierge  dans 
les  derniers  temps  ,  et  qu'il  est  conséquem- 
ment  Dieu  et  homme.  Puis,   s'adressant  à 
Gratus,  il  lui  conseille  de  rentrer  dans  la  voie 
royale  et  commune  qu'il  avait  quittée  en  se 
fiant  à  ses  propres  lumières,  et  à  cet  effet 
de  changer  en  une  occupation  laborieuse  ca- 
pable de  réprimer  sa  vanité,  son  application 
à  l'étude,  qui  ne  faisait  que  la  nourrir;  de 
quitter  la  solitude  et  de  tempérer  la  rigueur 
de  ses  abstinences,  qui  rendaient  son  esprit 
faible  et  malade  ;  de  ne  se  fier  Jamais  à  ses 
pensées ,  de  songer  plus  à  lire  ce  qu'il  pour- 
rait imiter  qu'à  écrire  ce  que  d'autres  pour- 
raient lire  ;  de  se  retirer  dans  quelque  monas- 
tère pour  y  vivre  sous  la  discipline  de  quel- 
que abbé  sage  et  expérimenté,  et  de  se  sou- 
mettre à  toutes  ses  volontés.  Fauste  ne  dit 
rien  dans  cette  lettre  de  l'hérésie  d'Euty- 
chès,  quoiqu'il  en  eût  occasion  ;  ce  qui  fait 
croire  qu'elle  fut  écrite  avant  la  naissance  ou 
la  condamnation  de  cette  hérésie,  c'est-à-dire 
avant  l'an  449. 

9.  Quelque  temps  après  ' ,  Fauste  fut  con- 
sulté par  un  évêque  qu'il  ne  nomme  point, 
sur  trois  articles  :  le  premier,  comment  on 
devait  répondre  aux  ariens  lorsqu'ils  disaient 
que  le  Fils  étant  né  du  Père,  il  fallait  qu'il 
fût  plus  jeune  ;  le  second,  en  quel  sens  il  était 
vrai  qu'en  Jésus-Christ  la  substance  divine 
n'avait  rien  souffert  par  un  sentiment  de  dou- 
leur, mais  seulement  par  un  sentiment  de 
compassion;  le  troisième,  quelles  sont  les 
créatures  corporelles  et  quelles  sont  les  in- 
corporelles. Fauste  ne  mit  pas  son  nom  à  la 
tête  de  sa  réponse,  mais  elle  ne  laissa  pas  de 
se  répandre  dans  le  public.  Mammert  Clau- 
dien  l'ayant  trouvée  entre  les  mains  de  gens 
qui  en  faisaient  cas ,  la  lut  et  la  réfuta  dans 
un  ouvrage  divisé  en  trois  livres,  que  nous 
avons  encore  et  dont  nous  avons  parlé  dans 
ce  volume.  Il  s'arrête  .peu  aux  réponses  de 
Fauste  surles  deux  premières  questions,  mais 
il  s'étend  beaucoup  sur  ce  qu'il  répond  à  la 


FAUSTE,  EVEQUE  DE  RIEZ.  423 

troisième.  Ce  que  Fauste  dit  en  effet  sur  la 
première  question  est  peu  considérable,  et 
on  peut  dire  qu'au  lieu  d'éclaircir  la  difSculté, 
il  l'a  rendue  plus  obscure.  Il  dit  qu'il  faut 
distinguer  entre  les  noms  des  choses  et  la 
nature  des  choses;  qa' engendré  et  non  en- 
gendré sont  des   noms    de    la    divinité   et 
non  la  divinité  même;   qu'ils  servent  à  nous 
faire  connaître  que  le  Père  ne  tire  pas  son 
origine  du  Fils,  et  que  le  Fils  la  tire  du  Père; 
en  un  mot,  qu'ils  désignent  les  personnes  et 
non  pas  les  natures.  Pour  montrer  que  le 
nom  d'engendré  ne  marque  pas  dans  le  Fils 
une   postériorité  de  temps  ,  il  donne  pour 
exemple  le  nom  même  de  Fils,  qui,  quoique 
dérivé  de  celui  de  Père,  est  néanmoins,  de 
même  temps,  puisque  le  Fils  n'est  pas  sans 
le  Père;  de  même  aussi  que  le  juste  n'est 
pas  sans  la  justice,  le  Père  n'a  pu  jamais 
être  sans  le  Fils.  11  ajoute  que  le  Fils  se  di- 
sant lui-même  ,  dans  Isaïe  ,  le  premier  et  le 
dernier,  l'alpha  et  l'oméga,  il  n'a  point  de  plus 
ancien  que  lui.  Ce  que  Fauste  dit  sur  la  se- 
conde question,  tend  à  montrer  que  la  divi- 
nité est  sujette  aux  passions,  et  qu'il  est  vrai 
de  dire  ,  en  un  sens  ,  que  la  colère  et  le  re- 
pentir, de  même  que  les  sentiments  de  com- 
passion et  de  reconnaissance,  ont  lieu  dans 
Dieu.  Il  s'explique  en  disant  que  la  colère  de 
Dieu  est  sa  justice;  que  par  sa  fureur  il  faut 
entendre  la  rigueur  de  sa  sévérité,  et  par 
son  repentir  le  changement  de  ses  volontés. 
Ce  n'est  pas  ainsi   qu'Augustin  parlait   de 
Dieu  ^.  «  Vous  aimez,  lui  dit-il,  sans  passion; 
vous  êtes  jaloux,  mais  sans  trouble;  vous 
vous  repentez,  mais  votre  repentir  est  sans 
douleur  et  sans  tristesse  ;  vous  entrez  en  co- 
lère, mais  vous  n'en  êtes  pas  plus  ému;  vous 
changez  vos  opérations,  mais  jamais  vos  des- 
seins. »  Fauste  dit,  sur  la  troisième  question, 
que,  suivant  la  doctrine  de  l'Ecriture  et  des 
pères.  Dieu  est  seul  incorporel  et  que  toutes 
les  créatures  sont  corporelles,  sans  en  excep- 
ter les  anges  et  l'âme  de  l'homme.  La  raison 
qu'il  ajoute  à  ces  autorités  est  que  toutes  les 
créatures  sont  renfermées  dans  un  certain 
lieu,  et  qu'il  n'appartient  qu'à  Dieu,  à  cause 
de  son  immensité,  de  n'être  enfermé  ni  borné 
par  aucun  être  créé.  Cela  n'empêche  pas  que 
cet  auteur  ne  convienne  qu'il  y  a  des  créa- 
tures spirituelles,  mais  en  la  manière  que 
l'air  est  spirituel,  c'est-à-dire  im  corps  léger 
par  opposition  aux  corps  plus  épais  et  plus 


Isai.  XLin, 
10. 


Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.  Paris.,  p.  548. 


2  Voyez  tom.  IX. 


HISTOniE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pesants.  On  peut  voir,  dans  l'article  de  Clau- 

dien  Mammert,  la  réfutation  de  ce  que  Fauste 

dit  sur  cette  matière. 
LeiireàBc-       10.  Il  était  évêque  lorsqu'il  fut  consulté  par 
p°g.  MO."  '"'   Benoît  Paulin  sur  diverses  difficultés,  dont  la 
première  regardait  la  pénitence  à  l'article  de 
la  mort.  Paulin  demandait  si,  dans  le  cas  où 
l'on  peut  bien  se  confesser,  mais  où  l'on  n'a 
pas  le  loisir  de  satisfaire  pour  ses  péchés^  la 
pénitence  d'une  personne  qui  a  vécu  long- 
temps dans  le  péché  et  qui  en  gémit  dans  ses 
derniers  moments,  peut  être  regardée  comme 
bonne.  Il  demandait,  en  second  lieu,  si  la 
seule  croyance  du  mystère  de  la  Trinité  suffi- 
sait pour  le  salut;  troisièmement,  si  les  âmes 
séparées  de  leurs  corps  perdaient  le  senti- 
ment et  l'intelligence  ;  quatrièmement,  de 
quels  maux  sont  délivrés  ou  punis  après  la 
Psaim.  CXI,  mort  ceux  dont  il  est  écrit  :  Le  désir  des  pé- 
'"•  cheurs  périra;  cinquièmement,  ce  que  l'on 

doit  penser  de  la  nature  de  l'âme  :  si  elle  est 
corporelle  ou  incorporelle  ;  sixièmement , 
pourquoi  le  péclié  qui  se  commet  dans  le 
corps  devient  commun  à  l'âme,  et  si  le  corps, 
comme  l'âme,  aura  part  au  cbâtiment  et  à  la 
récompense  ;  septièmement,  comment  l'âme, 
qui  est  immortelle  ,  sera  punie  pour  des  pé- 
chés qui  ne  durent  qu'un  temps;  huitième- 
ment, si  l'âme  et  l'esprit  sont  une  même 
chose.  Paulin  demandait  encore  s'il  était  vrai 
que  ceux  qui  avaient  perdu  la  grâce  du  bap- 
tême fussent  damnés  pour  des  péchés  com- 

.  mis  depuis  :  car  il  était  persuadé  que,  quelque 
péché  que  l'on  eût  fait  depuis  le  baptême, 
pourvu  qu'on  n'eût  pas  violé  les  principaux 
articles  de  la  foi,  on  passerait  seulement  par 
quelques  peines  temporelles,  et  qu'ensuite 
on  serait  sauvé. 

Fauste  répondit  à  la  première  question, 
qu'on  ne  se  moquait  pas  de  Dieu,  et  que  celui- 
là  se  trompe  lui-même,  qui,  après  avoir  passé 
sa  vie  dans  le  péché,  pense  à  le  quitter  lors- 
qu'il est  déjà  à  demi-mort,  et  qui  ayant  refusé 
de  recourir  au  médecin  dans  le  temps  qu'il 
le  pouvait,  commence  à  vouloir  le  consulter 
lorsqu'il  ne  le  peut  plus.  Il  soutient,  sur  l'au- 

■  torité  d'un  passage  de  l'Ecriture  qu'il  allè- 
gue, que  comme  le  pécheur  doit  demander 
de  bouche  la  pénitence,  il  doit  aussi  l'accom- 
plir par  ses  œuvres  :  en  sorte  qu'il  ait  autant 
d'ardeur  pour  guérir  les  plaies  de  son  âme, 
qu'il  en  eut  pour  les  former.  Cette  doctrine 
de  Fauste,  qui  condamnait  la  pratique  géné- 
rale de  l'Eglise,  qui  a  toujours  accordé  la 
pénitence  à  ceux  qui  l'ont  demandée  à  la 


mort,  fut  censurée  depuis  par  saint  Avite, 
évêque  de  Vienne,  comme  on  le    dira   ci- 
après.  Il  censura  aussi  la  réponse  de  Fauste 
à  la  seconde  question,  parce  qu'il  y  disait, 
sans  aucune  exception,  que  la  foi  sans  les 
œuvres  ne  suffisait  pas  pour  le  salut,  y  ayant 
des  cas  où  ces  œuvres  sont  impossibles, 
comme  il  arrive  à  celui  qui  se  convertit  à 
l'article  de  la  mort.  Fauste  dit  sur  la  troi- 
sième, que  les  âmes  séparées  des  corps  con- 
servent le  sentiment  et  l'intelligence  :  ce  qu'il 
prouve  par  l'affection  que  le  mauvais  riche 
témoigna  pour  ses  cinq  frères,  lorsqu'il  était 
au  milieu  des  flammes,  et  par  le  soin  qu'il 
prit  de  leur  salut,  en  demandant  à  Abraham 
d'envoyer  quelqu'un  d'entre  les  morts  pour 
les  engager  à  faire  pénitence.  Sur  la  qua- 
trième il  enseigne  que  l'ambition  et  la  cu- 
pidité des  biens  de  la  terre  étant  détruites 
par  la  mort,  les  sens  ne  seront  pas  pour  cela 
détruits,  mais  qu'ils  en  deviendront  d'autant 
plus  vifs,  qu'ils  seront  dégagés  de  tout  autre 
objet  que  de  celui  de  rendre  compte  à  Dieu,  et 
de  la  pensée  de  l'éternité.  En  répondant  à 
la  cinquième,  il  soutient,  comme  il  a  déjà 
fait  dans  une  autre  lettre,  qu'il  n'y  a  que 
Dieu  seul  qui  soit  incorporel.  Il  y  fonde  l'im- 
mortalité de  l'âme,  sur  ce  qu'elle  est  faite  à 
l'image  de  Dieu.  Pour  répondre  à  la  sixième 
question,  il  en  appelle  à  l'expérience,  qui 
nous  fait  connaître  à  nous-mêmes  que  notre 
âme  est  dans  nous  comme  la  maîtresse  qui 
commande  et  qui  exerce  son  empire  sur  la 
cbair,   qui  lui   obéit  comme   une  servante. 
L'âme  forme  le  dessein,  la  chair  l'exécute  : 
si  la  volonté  ne  commandait  point,  la  chair 
n'obéirait  pas.  Il  infère  de  là  qu'ayant  l'une 
et  l'autre  part  à  l'action,  elles  en  sont  punies 
ou  récompensées  dans  l'autre  vie.  Fauste 
parle  en  cet  endroit  du  pécbé  originel,  qu'il 
dit  être  commun  à  la  nature  humaine.  Il  ré- 
pond à  la  septième  que,  quoique  le  péché 
prenne  fin  par  la  mort,  la  peine  due  au  pé- 
ché sera  éternelle;  mais  il  n'en  donne  au- 
cune raison,  comptant  apparemment  celte 
vérité  suffisamment  établie  dans  l'Evangile. 
Il  convient,  sur  la  huitième,  que  l'homme 
n'est  composé  que  de  deux  substances,  de 
l'âme  et  du  corps;  qu'en  regardant  néan- 
moins l'homme  sous  différents  aspects,  on 
peut  distinguer  en  lui  l'âme  de  l'esprit,  en 
sorte  que  le  même  homme  peut  être  consi- 
déré tantôt  comme  charnel,  tantôt  comme 
spirituel.  Ceux-là  sont  charnels,  dont  Dieu 
dit  dans  l'Ecriture  :  Mon  esprit  ne  demeurera  oen.  mj 


[y    SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


pas  dans  ces  hommes-là,  parce  qu'ils  sont  chair  ; 
c'est-à-dire,  qui  s'adonnent  aux  plaisirs  de 
la  cbair.  Mais  l'iiomme  commence  à  devenir 
spirituel,  dès-lors  qu'il  n'a  que  des  désirs 
honnêtes  et  qu'il  ne  porte  sa  vue  que  vers 

.  des  objets  spirituels;  qu'il  craint  Dieu,  qu'il 
garde  la  chasteté.  C'est  de  ces  sortes  de  per- 
sonnes dont  l'apôtre  dit  :  Vous  êtes  le  temple 
de  Dieu,  et  son  esprit  habite  en  vous.  Quant 
au  doate  de  Benoît  Paulin  sur  la  damnation 
de  ceux  qui  avaient  commis  des  péchés  con- 
sidérables après  leur  baptême,  sans  les  avoir 
eûacés  par  la  pénitence,  Fauste  fait  voir 
qu'il  est  mal  fondé,  et  que  celui  qui,  après 
avoir  été  purifié  dans  les  eaux  salutaires  du 
baptême,  vit  dans  l'impureté  ou  dans  d'au- 
tres crimes,  sera  livré  aux  flammes  destinées 
à  punir  éternellement  les  crimes  capitaux. 
On  met  la  lettre  à  Benoît  Paulin  vers  l'an 
470. 

11.  Environ  quatre  ans  après,  c'est-à-dire 
vers  l'an  474  ou  473,  Fauste  ayant  appris 
par  le  bruit  public  qu'un  prêtre,  nommé  Lu- 
cide, enseignait  que  l'homme  pouvait  être 
sauvé  par  la  seule  force  de  la  grâce,  sans 
qu'il  fût  obhgé  d'y  coopérer,  essaya  de  le 
ramener  à  la  saine  doctrine  dans  plusieurs 
entretiens  qu'il  eut  exprès  avec  lui  sur  cette 
luatière.  Ces  entretiens  furent  sans  succès, 
et  il  était  difficile  qu'ils  en  eussent,  parce 
que  Fauste  et  Lucide  pensaient  contraire- 
ment sur  la  manière  d'agir  de  la  grâce. 
Fauste  prit  un  autre  parti,  qui  fut  de  tâcher 
de  vaincre  Lucide  par  écrit.  Il  lui  adressa 
donc  une  lettre  où  il  lui  proposait  six  articles 
à  anathématiser.  Il  commence  sa  lettre  par 
en  marquer  le  motif,  disant  qu'il  l'avait  écrite 
par  un  motif  de  charité,  afin  de  tâcher  de 
guérir  son  frère  par  une  voie  plus  douce  que 
celle  que  les  évêques  étaient  prêts  de  pren- 
dre, en  l'excommuniant.  Il  avertit  ensuite 


425 

Lucide  du  soin  que  l'on  doit  avoir  de  ne 
tomber  dans  aucun  excès,  lorsqu'on  parle  de 
la  grâce  et  de  l'obéissance  de  l'homme;  en 
sorte  que  l'on  ne  sépare  jamais  la  grâce  et 
le  travail  de  l'homme,  et  que  l'on  déteste 
Pelage  et  tous  ceux  qui  enseignent  que  la 
prédestination  se  fait  à  l'exclusion  du  travail 
de  l'homme.  Après  ce  préambule  il  met  les 
six  articles  auxquels  Lucide  devait  dire  ana- 
thème.  Le  premier  est  contre  Pelage  ',  qui 
croyait  que  l'homme  naît  sans  péché;  qu'il 
peut  se  sauver  par  son  seul  travail,  et 
être  délivré  sans  la  grâce  de  Dieu.  Le  second 
est  contre  ceux  qui  disaient  qu'un  fidèle  qui, 
après  avoir  été  baptisé  et  avoir  professé  publi- 
quement la  foi  et  qui  continue  à  la  professer, 
tombe  dans  le  péché,  est  damné  à  cause  du 
péché  originel.  Le  troisième  est  contre  celui 
qui  enseigne  que  l'homme  est  précipité  dans 
la  mort  par  la  prescience  de  Dieu.  Le  qua- 
trième contre  quiconque  dira  que  celui  qui 
périt  n'a  pas  le  pouvoir  de  se  sauver  :  ce  qui 
s'entend  d'un  baptisé  ou  d'un  païen,  en  tel  âge 
qu'il  a  pu  croire  et  n'a  pas  voulu.  Le  cin- 
quième est  contre  celui  qui  aura  dit,  qu'un  vase 
d'ignominie  ne  peut  devenir  un  vase  d'hon- 
neur. Le  sixième,  contre  celui  qui  enseigne 
que  Jésus-Christ  n'est  pas  mort  pour  tous 
et  qu'il  ne  veut  pas  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés.  Fauste  ajoute  que  quand  Lu- 
cide voudra  le  venir  trouver,  ou  qu'il  sera 
cité  devant  les  évêques,  il  lui  produira  des 
témoignages  pour  prouver  les  vérités  catho- 
liques et  pour  détruire  les  erreurs,  l'assu- 
rant, en  attendant,  que  celui  qui  périt  par  sa 
faute,  a  pu  être  sauvé  par  la  grâce  ^,  s'il  y 
eût  obéi  par  son  travail  qui  doit  suivre  la 
grâce,  et  que  celui  qui  est  sauvé  par  la 
grâce,  a  pu  tomber  par  sa  négligence  ou  par 
sa  faute;  qu'ainsi,  en  suivant  un  juste  milieu, 
il  faut  joindre  le  travail  d'un  service  volon- 


1  Brevifer  ergo  dkam,  quantum  cum  absente  loqui 
possum,  quid  sentire  cum  cattwlica  Ecclesia  deheas,  id 
est  :  ut  cum  gratta  Domini  operationem  baptizati  fa- 
muli  semper  adjungas ,  et  eum  qui  prœdestinationem, 
excluso  labore  tiominis,  asserit,  cum  Pelagii  dogmaie 
detesisris.  Anathema  ergo  illi,  qui  inter  reliquas  Pe- 
lagii impietaies  hominem  sine  peccato  nasci,  et  per 
solum  laborem  passe  saloari,  damnanda  prœsumplionc 
contenderit  ;  et  qui  eum  sine  gratia  Dei  liberari  passe 
crediderit.  Item  anatliema  illi,  qui  hominem  cum  fideli 
confessiotio  solcmniter  baplizatum,  et  asserentem  ca- 
tfiolicam  fidem,  et  postmodum  per  diversa  hujicsmodi 
oblectamenta  prolapsum,  in  Adam  et  originale  pecca- 
tum  periisse  asseruerit.  Item  anathema  illi,  qui  fier 
Dei  prœscientiam  in  mortem  deprimi  hominem  dixerif . 


Item  anathema  illi,  qui  dixerit  illum,  qui  periit,,non 
accepisse,  ut  salvus  esse  possei,  id  est,  de  baplizato, 
vel  de  illius  œtatis  pagano,  qui  credere  poiuit  et  no- 
luit.  Item  anathema  illi,  qui  dixerit,  quod  vas  contu- 
meliœ  non  possit  assurgere,  ut  si  vas  in  honorem.  Item 
anathema  illi,  qui  dixerit  quod  Chrisius  non  pro  om- 
nibus mortuus  sit,  nec  omnes  homines  salvos  esse  fecit. 
Faust.,  Epist.  ad  Lucid.,  tom.  VIII  Biblioth.  Patr.,  pag. 
524,  et  tom.  I  Lection.  Canis.,  pag.  352. 

2  Confidenter  asserimus  et  eum  qui  periit  per  cul- 
pnm,  salvum  esse  potuisse  per  gratiam,  si  gratia  ipsius. 
famulatui  laboris  oliedientiam  non  negasiet  :  et  eum 
qui  per  grutiam  ad  bonœ  consuinmaiionis  metas  ser- 
vilio  obsequente  pervenit,  cadere  per  desidiam  et  pe- 
rire  potuisse  per  culpam.  Ibid. 


426 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


taire  à  la  grâce,  sans  laquelle  nous  ne  som- 
mes rien  ,  et  exclure  l'orgueil  et  la  présomp- 
tion qu'on  pourrait  se  donner  à  cause  du 
travail,  sachant  qu'il  est  de  notre  devoir  de 
travailler.  Il  presse  Lucide  de  lui  déclarer 
nettement  s'il  recevait  ou  rejetait  cette  doc- 
trine, protestant  de  prendre  son  silence  pour 
une  continuation  de  son  opiniâtreté  dans 
l'erreur  :  ce  qui  l'obligea  à  le  dénoncer  et  à 
le  faire  connaître  tel  qu'il  est,  dans  l'assem- 
blée des  évêques.  o  Je  retiens,  ajoute-t-il, 
une  copie  de  cette  lettre,  pour  leur  en  faire 
la  lecture,  s'il  est  nécessaire;  mais  si  vous 
jugez  à  propos  de  la  recevoir  et  d'embrasser 
la  doctrine  qu'elle  contient,  renvoyez-la  moi 
souscrite  de  votre  propre  main  :  si  vous  ne 
voulez  point  y  acquiescer,  mandez -le  moi 
aussi  :  que  votre  réponse  soit  sans  déguise- 
ment et  sans  ambiguïté.  »  La  lettre  de  Fauste, 
dans  les  collections  des  Conciles,  est  signée 
de  lui,  de  dix  autres  évêques  et  du  prêtre 
Lucide.  Mais  on  ne  peut  douter  qu'il  ne  l'ait 
écrite  seul,  et  que  les  différentes  souscrip- 
tions qu'on  y  trouve  n'y  aient  été  ajoutées 
après  coup.  Si  les  dix  évêques  eussent  sous- 
crit d'abord  à  cette  lettre, elle  leur  eût  été  com- 
mune avec  Fauste,  de  même  que  la  réponse 
de  Lucide.  Alors  quel  besoin  avait  Fauste 
de  dénoncer  Lucide  à  ces  évêques,  au  cas 
qu'il  eût  refusé  de  répondre,  ou  qu'il  eût 
persisté  dans  ses  erreurs?  Aussi  dans  les  ma- 
nuscrits sur  lesquels  cette  lettre  a  été  donnée 
par  Canisius,  et  depuis  par  Basnage  ' ,  elle 
est  sans  aucunes  souscriptions,  seulement 
elle  porte  le  nom  de  Fauste.  Gennade  ne  dit 
rien  de  cette  lettre,  ni  de  celle  de  Lucide  : 
il  ne  dit  rien  non  plus  des  conciles  d'Arles 
et  de  Lyon,  qui  ne  sontconnus  que  par  les  let- 
tres de  Fauste;  mais  ce  n'est  pas  une  raison 
pour  rejeter  toutes  ces  pièces.  Quel  est  l'his- 
torien à  qui  il  ne  soit  rien  échappé  des  choses 


qui  se  sont  passées  de  son  temps?  Fauste  a 
parlé  de  ces  deux  conciles  dans  sa  lettre  à 
Léonce,  évêque  d'Arles  ^,  et  de  la  difficulté 
qui  les  avait  fait  tenir.  A  qui  persuadera- 
t-on  qu'un  évêque  en  réputation  de  piété  et 
d'un  âge  avancé,  ait  tenté  d'en  imposer  à  un 
de  ses  confrères  sur  la  tenue  de  deux  con- 
ciles, à  l'un  desquels  il  avait  présidé  en  qua- 
lité de  métropolitain,  et  à  qui  l'autre  ne  pou- 
vait être  inconnu?  Personne  ne  doute  qu'il 
ne  se  soit  tenu  un  concile  à  Toulouse  en 
l'an  507  ^.  Cependant  il  n'est  connu  que  par 
une  lettre  de  saint  Césaire.  Mais  on  ne  peut 
dissimuler  que  l'évêque  Fauste  dit  en  termes 
exprès,  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  à  Lucide  *, 
que  c'est  blesser  le  respect  qu'on  doit  à  Dieu, 
de  dire  qu'il  ne  veut  pas  donner  le  pouvoir 
de  se  sauver  à  tous  ceux  à  qui  il  donne  l'u- 
sage du  libre  arbitre.  Car  on  ne  peut  douter 
que  Fauste  ne  parle  de  l'homme  en  l'état  qu'il 
est  maintenant,  c'est-à-dire  né  dans  le  péché 
originel  :  Canisius  a  taxé  cette  lettre  d'er- 
ronée ^.  Elle  n'eut  pas  plus  de  force  sur  l'es- 
prit de  Lucide  que  ses  entretiens.  C'est  pour- 
quoi Fauste  le  déféra  à  un  concile  de  trente 
évêques  qui  s'assembla  à  Arles,  ayant  à  sa 
tête  Léonce,  évêque  de  cette  ville.  Les  autres 
évêques  les  plus  connus,  sont  :  Euphrone 
d'Autun,  Mammert  de  Vienne,  Patient  de 
Lyon,  Fauste  de  Riez,  Gratus  de  Marseille, 
Crocus  de  Nîmes,  Basile  d'Aix  et  Jean  de 
Chalon-sur-Saône.  Lucide  s'y  rendit,  rétracta 
sa  doctrine,  embrassa  celle  de  Fauste.  Non 
content  de  prononcer  les  anathèmes  portés 
dans  sa  lettre,  il  en  ajouta  contre  d'autres 
propositions  que  Fauste  ne  lui  avait  pas  mar- 
quées d'abord.  11  adressa  sa  rétractation  à 
Léonce,  évêque  d'Arles,  et  auxautresévêques 
du  concile,  déclarant  que,  suivant  ce  qui  avait 
été  arrêté,  il  condamnait  :  1°  celui  qui  dit  ^ 
qu'il  ne  faut  pas  joindre  le  travail  de  l'obéis- 


1  Caiiis.,  Lectinn.,  tom.  1,  pag.  352. 

'^'In  quo  quidem  opusculo  post  Arelaiensis  concilii 
subscriptionem,  novis  crroribus  depreheiisis,  aliqua 
subjici  synodus  Lugdunensis  exegit.  Faust.,  Epist.  ad 
Leont.,  tom.  VIII  BMioth.  Patr.,  pag.  S24. 

3  Ibid.,  pag.  366. 

'  Gravem  namque  in  auctorem  retorquemus  invi- 
diam,  si  dicamus  quod  ei  possibilitatem  capessendœ 
salutis  noluerii  dare  qui  jjeriit,  ei  duntaxat  qui  ca- 
pere  jam  possit  arbitra  libcriatem.  Faust..  Epist.  ibid., 
pag.  524. 

i»  Hœc  verba  sunt  quibus  Faustus  subscripsit  epis- 
tolœ  illi  suœ  erroneœ,  quam  etiam  misit  variis  episcopis 
ut  subscriberent.  Canis.,  ibid.,  pag.  524. 

6  Proinde  juxia  prœdicandi  reconiia  statuta  concilii 
damno  vobiscum  sensum  illuin  qui  dicit,  laborem  hu- 


manœ  obedientiœ  divinœ  gratiœ  non  esse  jungendum. 
Qui  dicit  post  primi  hominis  lapsum  ex  ioto  arbitrium 
voluntatis  extinctum.  Qui  dicit  quod  Christus  Dominus 
salvator  noster  mortem  non  pro  omnium  sainte  sitsce- 
perit.  Qui  dicit  quod  prœscientia  Dei  hominem  vio- 
lenter compellat  ad  mortem,  vel  quod  Dei  pereant 
voluntate  qui  pjereunt.  Qui  dicit  quod  post  acceptum 
légitime  baptismum,  in  Adam  moriatur  quicumque  de- 
liquerit.  Qui  dicit  alios  députâtes  ad  mortem,  alios 
ad  vitam  prœdestinatos.  Qui  dicit  ab  Adam  usque  ad 
Chrislum  nullas  ex  gentibus  per  primam  Dei  graliam, 
id  est  per  legem  naturœ  in  adventum  Christi  fuisse 
salvatas,  eo  quod  liberum  arbitrium  ex  omnibus  in 
primo  parente  perdiderint.  Qui  dicit  pairiarchas  ac 
prophetas  vel  summos  quosque  sanclorum  etiam  anté 
redemptionis  tempora  in  paradisi  habitaiione  deguisse. 


[v^  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


427 


sance  humaine  à  la  grâce  de  Dieu  ;  2°  celui 
qui  enseigne  que  depuis  la  chute  du  premier 
homme ,  le  libre  arbitre  est  entièrement 
éteint;  3°  celui  qui  assure  que  Jésus-Christ, 
notre  Sauveur,  n'est  pas  mort  pour  tous  les 
hommes;  4°  celui  qui  ose  avancer  que  la 
prescience  de  Dieu  pousse  violemment  les 
hommes  à  la  mort,  et  que  ceux  qui  périssent, 
périssent  par  la  volonté  de  Dieu;  5°  celui 
qui  dit  que  ceux  qui  pèchent  après  avoir  été 
légitimement  baptisés,  meurent  en  Adam; 
6°  celui  qui  veut  que  les  uns  soient  destinés 
à  la  mort,  les  autres  prédestinés  à  la  vie; 
7°  celui  qui  prétend  que  depuis  Adam  jus- 
qu'à Jésus-Christ,  nul  d'entre  les  Gentils  es- 
pérant en  la  venue  de  Jésus-Christ,  n'a  été 
sauvé  par  la  première  grâce  de  Dieu,  c'est- 
ù-dire  par  la  loi  de  nature,  parce  que  tous 
ont  perdu  le  libre  arbitre  en  Adam;  8°  celui 
qui  croit  que  les  patriarches  et  les  prophètes, 
ou  quelques-uns  des  plus  grands  saints,  ont 
habité  dans  le  paradis,  même  avant  le  temps 
de  la  rédemption  par  Jésus  -  Christ.  Dans 
quelques  exemplaires  il  y  a  encore  un  ana- 
thème  contre  ceux  qui  soutiennent  qu'il  n'y 
a  ni  feux  ni  enfers  pour  punir  les  coupables 
en  l'autre  vie. 

Lucide,  après  avoir  détesté  toutes  ces  pro- 
positions comme  impies  et  sacrilèges,  en 
ajouta  de  contraires  dans  lesquelles  il  dé- 
clare :  1°  qu'il  confesse  tellement  la  grâce 
de  Dieu,  qu'il  joint  toujours  à  cette  grâce 
l'effort  et  le  travail  de  l'homme  ;  2°  qu'il  re- 
connaît que  la  liberté  de  la  volonté  humaine 
n'est  point  éteinte  ni  détruite,  mais  seule- 
ment affaiblie  et  diminuée  ;  en  sorte  que  celui 
qui  est  sauvé  a  été  en  danger  de  périr,  et 
que  celui  qui  périt  a  pu  être  sauvé;  3°  que 
Jésus-Christ  Dieu  et  notre  Sauveur  a  offert, 
en  ce  qui  regarde  les  richesses  de  sa  bonté, 
le  prix  de  sa  mort  pour  tous  les  hommes  ; 
4°  qu'il  ne  veut  pas  que  personne  périsse, 


puisqu'il  est  le  Sauveur  de  tous,  surtout  des 
fidèles,  et  qu'il  est  riche  envers  tous  ceux  qui 
l'invoquent;  5°  que  Jésus- Christ  est  venu 
pour  le  salut  des  impies  et  de  ceux  qui  ont 
été  damnés  sans  qu'il  le  voulût;  6°  que,  par 
rapport  à  l'ordre  des  siècles  sous  la  loi  de 
nature  que  Dieu  a  gravée  dans  le  cœur  de 
tous  les  hommes,  il  y  en  a  eu  de  sauvés  par 
la  foi  et  l'espérance  qu'ils  ont  eue  dans  l'a-' 
vènement  de  Jésus-Christ;  7°  qu'aucun  n'a 
pu  être  délivré  du  péché  originel  que  par  le 
mérite  de  son  sang  précieux.  Il  ajoute  dans 
une  huitième  proposition  qu'il  croit  le  feu 
de  l'enfer  et  les  flammes  éternelles  préparées 
à  ceux  qui  ont  persévéré  dans  des  péchés 
capitaux.  Il  finit  sa  rétractation  en  ces  ter- 
mes :  «  Pères  saints  et  apostoliques,  priez 
pour  moi.  Lucide,  prêtre,  j'ai  signé  cette  let- 
tre de  ma  propre  main.  Je  confesse  la  doc- 
trine qui  y  est  établie,  et  je  condamne  celle 
qui  y  est  condamnée.  »  Fauste  eut  sans 
doute  beaucoup  de  part  à  la  rétractation  de 
Lucide  :  mais  il  ne  nous  a  point  appris  com- 
ment elle  avait  été  reçue. 

12.  Nous  savons  seulement  que  Léonce 
d'Arles  le  chargea  de  recueillir  ce  qui  s'était 
fait  dans  le  concile  sur  la  matière  de  la  pré- 
destination ',  et  de  le  rédiger  par  écrit,  afin 
que  l'on  eût  de  quoi  réfuter  l'erreur  de  ceux 
qui  tombaient  dans  des  excès  sur  ce  sujet. 
Fauste  le  fit  dans  deux  livres  intitulés  :  De 
la  Grâce  et  du  libre  arbitre,  qu'il  adressa  à 
Léonce.  Mais,  on  verra  par  l'analyse  de  ces 
deux  livres,  qu'il  tomba  lui-même  dans  l'ex- 
cès opposé,  et  qu'en  voulant  réfuter  le  sen- 
timent de  saint  Augustin  sur  la  grâce ,  il 
donna  dans  l'erreur  des  semi-pélagiens.  Il  y 
avait  déjà  longtemps  qu'il  s'était  déclaré 
contre  ce  saint  docteur,  et  dès  l'an  449,  il 
avait  dit  à  Gratus  que  les  plus  doctes  te- 
naient pour  suspecte  la  doctrine  de  ce  père 
sur  la  grâce.  Il  saisit  cette  occasion  pour  la 


Lcllio  tlo 
'aufile  sur  la 
race  et  le 
bre  arbitre. 


Qui  dicit  ignés  et  inferna  non  esse.  Hœc  onmia  quasi 
impia  et  sacrilegiis  repleta  condemno.  Ita  autem  as- 
sero  gratiam  Dei,  ut  ad  nisuni  hominis  et  conalum 
gratiœ  semper  adjungam  :  et  libertaiem  voluniaiis 
humanœ  non  extinctam,  sed  atlenualam  et  infirmatam 
esse  pronuntiem,  et  periclitari  eum  qui  salmis  es/,  et 
eum  qui  periit,  potuisse  salvari.  Christum  eiiam  Deum 
ae  saluatorem  nostrum  quantum  pertinet  ad  divitias 
bonitatis  suœ  pretium  mortis  pro  omnibus  obtulisse, 
et  quia  nullum  perire  velit,  qui  est  salvator  omnium, 
maxime  fidelium,  dioes  in  omnibus  qui  iiivocant  illum. 
Libens  fateor  Christum  eiiam  pro  perditis  advenisse, 
Quia  eodam  nolente  perierunt.  Assero  etiam  pro  ra- 
tione  et  ordine  sœculorum,  alios  lege  naturœ  quam 


Deus  in  omnium  cordibus  scripsit,  in  spe  adventus 
Christi  fuisse  salvatos.  Nulles  iamen  ex  initio  mundi 
ab  originali  nexu,  nisi  intercessione  sacri  sanguinis 
absolutos.  Profiteor  etiam  œternos  ignés,  et  infernales 
flammas  factis  capitalibus  prœparalas,  quia  perseve- 
verantes  in  finem  humanas  culpas  meriio  sequitur  di-- 
vina  sententia,  quam  juste  incurrunt  qui  hœc  non  ioto 
corde  crediderunt.  Orate  pro  me,  domini  sancti  et 
apostolici  paires.  Lucidus  presbyter,  hanc  episiolam 
manu  propria  subscripsi  :  et  quœ  in  ea  adstruuntur , 
assero,  et  quœ  sun(  damnata,  damno.  Lucid.,  Epist. 
ad  Leont.,  tom.  VIII  Biblioth.  Patrum,  pag.  325. 
1  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.,  pag.  525. 


428 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse  du 
premier  livre, 
pas.  l-'b. 


combattre,  sons  le  prétexle  d'attaquer  celle 
des  prédestinatiens,  nom  que  les  semi-péla- 
giens  donnaient  aux  disciples  de  saint  Au- 
gustin pour  les  rendre  odieux  dans  le  public. 
13.  Fauste,  dès  le  commencement  du  pre- 
mierlivre,  se  déclare  contrôles  blasphèmes  de 
Pelage,  qu'il  dit  avoir  été  depuis  longtemps 
réfutés  par  les  savants,  anatbématisés  par 
l'Eglise  et  comme  foulés  par  son  autorité.  Il 
relève,  entre  les  autres  abominations  de  son 
hérésie,  l'article  par  lequel  il  enseignait  que 
le  travail  de  l'homme  peut  suffire  sans  la 
Cap.  I.  grâce.  C'était  une  suite  de  ses  principes,  que 
le  libre  arbitre  est  encore  dans  toute  sa  force 
et  qu'il  n'a  été  ni  blessé  ni  affaibli  par  le  pé- 
ché. D'autres,  au  contraire,  soutenaient  que 
le  libre  arbitre  n'a  plus  aucune  force  depuis 
le  péché  :  ce  qui  faisait  deux  sentiments  ou 
plutôt  deux  erreurs  opposées,  les  uns  soute- 
nant avec  Pelage  que  le  travail  de  l'homme 
suffît,  et  d'autres,  que  la  grâce  seule  opère 
dans  l'homme.  Fauste  condamne  également 
ces  deux  erreurs,  qui,  pour  être  contraires, 
n'en  sont  pas  moins  impies.  Il  dit  que  le  li- 
bre arbitre,  même  avant  le  péché,  ne  se  suf- 
fisait pas  à  lui-même  sans  le  secours  de  la 
grâce,  et  à  plus  forte  raison  depuis  le  péché. 
Il  cite  à  cette  occasion  ces  paroles  de  Jésus- 
Joan.xv.  Christ  :  -Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire, 
comme  propres  à  rabattre  l'orgueil  des  péla- 
giens.  Pelage  ajoutait  qu'Adam  avait  été 
créé  mortel,  et  que,  soit  qu'il  péchât  ou  qu'il 
ne  péchât  point,  il  serait  mort.  Fauste  lui  op- 
pose l'endroit  de  l'épitre  aux  Romains  où 
Rom.  T,  12.  saint  Paul  dit  que  le  péché  est  entré  dans  le 
monde  par  un  seul  homme,  et  la  mort  par  le 
péché.  Il  lui  oppose  aussi  la  menace  que  Dieu 
lit  à  l'homme,  de  le  punir  de  mort  aussitôt 
qu'il  aurait  mangé  du  fruit  défendu.  Sur  quoi 
il  fait  ce  raisonnement  :  Si  Dieu  n'avait  rien 
accordé  à  l'homme  avant  son  péché,  que  lui 
a-t-il  ôté  pour  le  punir  de  ce  péché?  Il  fait 
remarquer  que  Pelage  ne  disait  l'homme  su- 
jet à  la  mort  par  la  nécessité  de  sa  nature, 
que  parce  que,  niant  le  péché  originel,  il  ne 
voulait  pas  reconnaître  que  la  nécessité  de 
mourir  en  fût  une  suite,  attribuant  cette  né- 
cessité à  la  condition  de  l'homme,  et  non  à 
sa  prévarication.  Or,  en  niant  le  péché  ori- 
ginel, c'était  ôter  tous  les  motifs  de  l'Incar- 
nation et  anéantir  la  grâce  du  Rédempteur. 
Car  eu  supposant,  comme  le  supposait  né- 


cessairement Pelage,  que  la  justice  abondait 
sur  la  terre,  il  n'était  pas  besoin  que  le  cé- 
leste médecin  y  descendit,  puisque  dans  ce 
cas  il  n'y  avait  aucun  infirme.  Pelage  objec- 
tait :  Si  le  péché  originel  est  eflfacé  par  le  cap.  n. 
baptême,  celui  qui  naît  de  deux  parents  bap- 
tisés, ne  contracte  point  ce  péché,  puisque 
les  parents  ne  peuvent  transmettre  à  leurs 
enfants  ce  qu'ils  n'ont  pas.  Fauste  répond 
premièrement  qu'il  est  ridicule  à  Pelage  de 
prétendre  que  les  parents  transmettent  les 
dons  de  Dieu  à  leurs  enfants,  tandis  qu'il 
ne  veut  pas  accorder  qu'ils  leur  communi- 
quent ce  qui  est  de  la  nature  même.  Il  ré- 
pond en  second  que  les  parents  engendrent 
selon  la  chair,  et  non  selon  l'esprit  ou  selon 
le  don  qu'ils  ont  reçu  de  Dieu,  don  qui  est 
étranger  à  la  substance  humaine.  Il  donne 
pour  certain  que  le  péché  originel  se  trans- 
met par  l'ardeur  du  plaisir  qui  accompagne 
l'acte  conjugal  :  ce  qu'il  prouve,  parce  que 
celui-là  seul  a  été  exempt  du  péché  originel, 
qui  a  été  conçu  du  Saint-Esprit,  et  non  par 
les  voies  ordinaires;  et  encore,  parce  qu'A- 
dam et  Eve,  formés  sans  le  commerce  de 
deux  personnes,  ont  été  dans  leur  origine 
exempts  de  péché.  A  cette  objection  :  de  ren- 
dre le  mariage  la  cause  de  la  transfusion 
du  péché  originel,  c'est  rendre  le  mariage 
odieux  et  le  condamner  ;  il  répond  :  le  ma- 
riage étant  institué  de  Dieu,  n'a  rien  en 
lui-même  que  de  louable,  mais  ce  que 
l'homme  y  a  ajouté  par  sa  prévarication,  est 
digne  de  reproche.  La  génération  n'aurait 
rien  eu  que  de  chaste,  si  la  transgression 
n'eût  pas  intervenu.  Il  en  est  du  mariage  m. 
comme  d'un  habit  d'une  grande  blancheur, 
sur  lequel  on  jette  de  l'encre  :  on  ne  laisse 
pas  de  se  servir  de  l'habit,  mais  il  n'a  plus 
sa  beauté  ni  son  éclat.  Après  avoir  combattu 
Pelage,  Fauste  attaque  ceux  qui  disent  que 
l'homme  est  sauvé  par  la  grâce  seule,  sans 
y  coopérer  par  son  travail.  Il  leur  demande 
s'il  est  donc  maintenant  permis  à  l'homme 
de  ne  rien  faire,  à  qui  Dieu  avait  même  or- 
donné le  travail  dans  le  paradis  terrestre. 
Venant  ensuite  à  ceux  qui  disaient  que  l'un 
est  prédestiné  à  la  mort  et  l'autre  à  la  vie, 
il  les  combat  en  soutenant  que  ce  sentiment 
rendait  le  secours  de  la  prière  inutile  à  l'un 
et  à  l'autre.  «  Qu'aura,  dit-il  ',  à  espérer  ce- 
lui que  la  grâce  a  adopte?  et  au  contraire, 


1  Quid  enim  ultra  speret,  quem  jam  gratta  suum 
^ecit  ?  In  quo  e  contrario  non  desperet,  qunm  prœfi- 


niiio  violenta  damnavit.  In  hoc  culpa,  in  illo  yratia 
locum  non  habet.  Periclitabitur  in  uiroque  justitia. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FÂUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


[V  SIÈCLE.] 

comment  celui  qu'une  prédestination  fatale 
a  condamné,  ne  se  désespérerait-il  pas? 
Dans  l'un  il  n'y  a  pas  de  faute;  la  grâce  n'a 
pas  lieu  dans  l'autre.  Ainsi  la  justice  de  Dieu 
est  en  danger  dans  tous  les  deux.  Celui-ci 
sera  réprouvé  sans  avoir  commis  aucun 
crime  qui  le  méritât ,  et  celui-là  sera  sauvé 
sans  l'avoir  mérité  par  sa  foi  :  c'est-à-dire, 
que  l'on  donne  le  salut  à  celui  qui  ne  le  cher- 
che pas,  et  que  l'on  en  prive  celui  qui  tra- 
vaille pour  l'obtenir.  Mais  dites-vous,  c'est 
pour  cela  qu'il  doit  prier,  parce  qu'il  ne  sait 
pas  de  quel  côté  on  l'a  mis,  ou  des  élus  ou 
des  réprouvés? Qui  ne  pensera,  ajoute  Fauste, 
que  ce  ne  soil  là  répondre  avec  prudence  et 
avec  sagesse?  Mais,  continue-t-il,  que  ser- 
vira à  l'homme  de  prier,  puisqu'il  est  ab- 
solument fixé  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces 
deux  états?  Car,  quoiqu'il  ignore  auquel  des 
deux  côtés  il  est  destiné ,  il  n'ignore  pas 
cependant  que  ces  deux  côtés  sont  fixes  et 
immuables.  Que  notre  adversaire  (c'est  de 
saint  Augustin  qu'il  parle)  avoue  donc  qu'il 
est  inutile  de  prier,  ou  qu'il  reconnaisse 
qu'il  n'y  a  aucune  loi  ou  décret  de  Dieu  qui 
ait  arrêté  notre  perte.  En  enseignant  que 
l'un  est  réprouvé  dans  son  origine,  et  que 
l'autre  est  élu  dans  la  prédestination,  voyez 
où  cette  fausse  persuasion  le  précipite  :  car 
que  dit-il  autre  chose,  sinon  que  ni  l'un  ni 
l'autre  n'a  besoin  de  recourir  à  la  prière.  En 
effet,  la  prière  ne  saurait  être  nécessaire  à 
ceux  qui  sont  prédestinés  à  la  vie,  et  elle  ne 
peut  être  utile  à  ceux  qui  sont  destinés  à  la 
mort.  A  l'égard  des  prédestinés,  la  prière 
sera  superflue,  et  à  l'égard  du  réprouvé,  elle 
le  sera  aussi,  puisqu'elle  ne  pourra  le  déli- 
vrer de  son  malheur.  S'il  croit  donc  (saint 
Augustin)  que  nous  devons  recourir  à  la 
prière,  qu'il  comprenne  aussi  et  qu'il  ne 


429 


Marc.  \vi; 
L  II  c,  X  I  1  ; 
Mattll.  xi  II. 


doute  pas  que  les  décrets  qui  concernent  le 
sort  des  hommes  ne  sont  point  immuables.» 
Fauste  rapporte  plusieurs  passages  de  l'E- 
criture qui  établissent  la  nécessité  de  la 
prière,  ajoutant  que  si  elle  n'était  pas  né- 
cessaire, celui-là  même  que  nous  devons 
prier,  n'en  aurait  pas  donné  une  formule; 
enfin  que  s'il  était  vrai,  comme  l'a  dit  un  des 
saints  (c'est  toujours  de  saint  Augustin  qu'il 
parle),  que  l'un  fût  destiné  à  la  perdition  et 
l'autre  à  la  gloire,  nous  ne  naîtrions  pas 
pour  être  jugés,  mais  nous  le  serions  dès  no- 
tre naissance.  Il  prouve  que  nos  bonnes  œu- 
vres ne  sont  pas  tellement  l'ouvrage  de  la 
grâce,  qu'elles  ne  soient  aussi  le  nôtre,  et  que 
si  le  libre  arbitre  a  été  affaibli  par  le  péché,  cap.v.vi, 
comme  un  homme  est  affaibli  par  une  longue  S!' 
maladie,  il  n'a  point  été  détruit,  en  sorte  qu'a- 
vec le  secours  de  la  grâce,  il  peut  passer  du 
mal  au  bien,  de  l'iniquité  à  la  justice,  del'im- 
pudicité  à  la  chasteté.  Il  explique  ce  que  dit 
saint  Paul  en  parlant  de  l'élection  de  Dieu  : 
Cela  ne  dépend  ni  de  celui  qui  veut  ni  de  celui  Rom.  ix,  ic. 
qui  court,  mais  de  Dieu  qui  fait  miséricorde, 
des  œuvres  de  la  loi,  ajoutant  qu'en  cet  en- 
droit l'apôtre  a  pour  but  de  réprimer  l'or- 
gueil des  Juifs,  qui  se  flattaient  d'être  justi- 
fiés par  l'observation  seule  de  la  loi  de  Moïse. 
Pour  montrer  ensuite  que  la  prédestination 
des  élus  ne  se  fait  pas  gratuitement,  il  s'ar- 
rête à  ces  paroles  de  l'Evangile  :  Le  Fils  de 
l'homme  viendra  dans  la  gloire  de  son  Père ,  et 
alors  il  récompensera  un  chacun  selon  ses  œu- 
vres. «  Remarquez,  dit-il,  que  quand  il  dit 
ses  œuvres  ',  cela  veut  dire  que  l'auteur  de  la 
grâce  a  rais  le  salut  de  l'homme  non  dans 
la  prédestination  du  créateur,  mais  dans  les 
œuvres  de  la  créature,  et  que  comme  il  a 
formé  dans  chaque  homme  une  main  droite 
avec  le  pouvoir  de  l'étendre  où  il  lui  plairait. 


Remunerab'itur  sine  fidei  merito  assumplus  ;  damna- 
bitur  sine  proprio  crimine  dcrelictus.  Salus  illi  inge- 
renda  est  non  quœrenti,  huic  auferenda  laboranti.  Sed 
dicis  :  Ideo  orare  débet,  quia  ex  qua  parte  sit  nescit. 
Quis  non  putet  rationabilHer  ae  sapienter  fuisse  res- 
ponsum?  Sed  quid  orare  honiini proderit  in  una  harum 
duarum  conditione  omnimodis  constituio?  Nom  etsi  ad 
quam  partem  defixam  esse  et  immutabilem  non  igno- 
rât... Alierutrum  ergo  faciat,  aut  fructum  orationis 
negef,  aut  legem  statutœ  perditionis  excludat...  Qui 
imum  in  origine  perditum,  alterum  in  prœdestinatione 
afflrmat  eleclum,  vide  quo  improba  persuasione  de- 
clinet.  Quid  cnim  aliud  dicit,  nisi  quod  adjutorio 
orationis  neuter  indigeat.  Nam  jam  prœordinaiis  ad 
vitam  necessaria  non  erit,  deputatis  ad  mortem  pro- 
desse  non  poterit.  In  isto  supervacua,  in  illo  infirma 
judicabitur...  Quod  si  curam  impendendam  cestimat 


rationi,  indubitanter  intelligat  ea  quœ  imminent,  passe 
mutari...  Si  ergo  unus  ad  vitam,  aller  ad  perditionem 
[ut  asserunt)  depulatus  est  (sicut  quidam  sanctorum 
dixii)  non  dijudicandi  nascimur,  sed  judicati.  Faust., 
lib.  I  de  Gratia,  cap,  IV,  pag.  527  et  528,  tom  VIII 
Bihlioth.  Pair. 

1  Adverte  quia  dum  dicit  opéra  sua,  salutem  ho- 
minis  non  in  prœdestinatione  factoris,  sed  operatione 
famulantis  largilor  gratiœ  coUocavit  :  et  sicut  dexte- 
ram  in  omni  homine  ipse  formavit,  sed  et  in  potestate 
hominis  posuit,  ut  eam  quo  vellet  extenderet ,  et  ad 
diversa  conferret,  pari  modo  sensum  rationis  et  arbi- 
frium  voluntatis  in  unamquamque  animam  inspiravit, 
ut  si  malum  depravatus  appeteret,  in  arbiirii  libertate 
pei'missum  sibi  sciret.  Si  autem  bonum  cuperet,  ad 
mercedem  illius  officiosa  devotio  pertineret.  Ibid., 
cap.  X. 


430 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


même  à  des  objets  différents;  de  même  il  a 
mis  dans  chaque  âme  le  sens  de  la  raison  et 
l'arbitre  de  la  volonté,  en  lui  laissant  le  pou- 
voir d'en  user  soit  pour  le  bien  soit  pour  le 
mal  :  qu'ainsi  l'on  ne  peut  pas  dire  *  qu'il 
ait  donné  à  l'un  de  vouloir  le  bien  et  la  jus- 
lice,  et  qu'il  l'ait  refusé  à  l'autre,  ayant  ac- 
cordé à  tous  les  hommes  la  volonté  de  se 
tourner  où  bon  leur  semblerait,  comme  il  a 
donné  à  tous  des  mains,  des  yeux,  des  pieds 
pour  en  user  selon  leur  bon  plaisir.  »  Il  com- 
pare la  justice  ou  le  salut  à  une  fontaine 
placée  au  milieu  du  monde*,  où  il  est  permis 
à  chacun  de  venir  puiser,  comme  étant  un 
bien  non  personnel,  mais  général  et  public. 
Celui  qui  ne  vient  point  y  puiser,  se  rend 
coupable  envers  celui  qui  a  fait  sourdre  cette 
fontaine  pour  l'usage  de  tous.  Il  ajoute  que 
s'il  y  a  ^,  comme  le  prétendent  ses  adversai- 
res, un  décret  spécial  de  Dieu  touchant  le 
salut  de  l'homme,  il  ne  conçoit  pas  comment 
Dieu  pouri'a  les  juger  tous  au  jour  du  juge- 
ment. Il  en  donne  pour  raison  l'impossibilité 
où  seraient  les  pécheurs  de  se  convertir  et 
de  faire  pénitence,  si  le  sort  des  élus  et  des 
réprouvés  était  arrêté  par  la  prédestination, 
comme  le  prétend  le  destructeur  du  libre  ar- 
bitre. C'est  à  saint  Augustin  qu'il  en  veut. 

Il  continue  :  «  Lors  donc  que  le  destruc- 
teur du  libre  arbitre  assure  que  toutes  .les 
choses  sont  fixées  et  arrêtées  par  la  prédes- 
tination, il  anéantit  le  souverain  remède  de 
la  pénitence  *  :  et  comment  ose-t-il  prêcher 
la  grâce,  lui  qui  nie  la  miséricorde?  Comment 
l'Ecriture  m'ordonne-t-elle  de  m'éloigner  du 
mal  et  de  faire  le  bien,  s'il  n'est  pas  en  mon 
pouvoir  d'éviter  le  mal?  et  comment  celui 
qui  a  pubhé  la  loi,  m'exhorte-t-il  à  me  chan- 
ger moi-même,  si  le  Crénteur  m'a  lui-même 
imposé  une  loi  qu'il  m'est  impossible  d'ob- 
server? Que  personne  donc  ne  veille,  ne 
jeûne  et  ne  repousse  les  attaques  de  la  vo- 
lupté par  la  componction  et  l'abstinence;  ce 
sont  les  conséquences  que  Fausle  tire  du 
système  de  la  prédestination.  Que  personne 
n'emploie   la    mortification    pour   livrer  la 


gueiTe  aux  vices  extérieurs^  ni  l'affliction 
salutaire  pour  remédier  aux  maux  intérieurs. 
Que  personne  ne  s'oppose  à  la  cupidité,  ne 
cherche  le  travail  et  les  macérations  du  corps,  . 
des  remèdes  aux  crimes,  et  ne  se  munisse 
dos  forces  de  la  croix  pour  repousser  l'en- 
nemi armé  des  charmes  de  la  volupté  char- 
nelle ;  mais  qu'au  contraire,  on  s'expose  à  dé- 
couvert aux  traits  enflammés  de  l'ennemi. 
Que  personne  ne  rachète  par  les  aumônes 
les  dettes  qui  l'assujettissent  à  la  mort  éter- 
nelle ;  que  personne  ne  s'applique  à  guérir 
ses  maladies  spirituelles  par  les  œuvres  de 
miséricorde  et  de  justice,  mais  qu'il  aban- 
donne tout  pour  le  jour  du  jugement.  Voilà, 
dit  Fauste,  où  conduit  le  système  de  celui 
qui  passait  auparavant  pour  le  défenseur  de 
la  grâce,  mais  qui,  présentement,  en  ôtant 
aux  hommes  le  moyen  de  se  sauver,  se 
trouve  être  l'ennemi  de  la  grâce  par  laquelle 
on  parvient  au  salut,  et  il  est  visible  qu'il  est 
entré  dans  les  conseils  du  diable,  pour  pro- 
curer avec  lui  la  perle  de  la  plupart  des 
hommes.  » 

Pour  montrer  que  le  décret  de  la  prédes- 
tination n'a  point  lieu,  il  dit  que,  suivant 
l'Ecriture,  il  y  en  a  qui,  de  vases  d'infamie  up.  i 
sont  devenus  des  vases  d'honneur,  et  qui 
sont  ressuscites  à  la  grâce  après  y  avoir  été 
morts  pendant  plusieurs  années.  Sur  quoi  il 
cite  l'exemple  de  l'enfant  prodigue,  dont  le 
père  dit  qu'il  était  ressuscité  après  avoir  été 
mort.  Voici  comme  il  explique  cet  endroit  de 
saint  Paul  :  Je  ferai  miséricorde  à  qui  il  me  110111. 
plaira.  «  Je  ferai  miséricorde  à  celui  que  je 
connaîtrai  être  juste  ^,  dont  j'aurai  éprouvé 
la  foi  et  l'obéissance  à  mes  préceptes  et  à 
ma  volonté.  »  11  s'objecte  :  Si  le  décret  de  la  c»p.  3 
prédestination  n'a  point  lieu,  pourquoi  de 
plusieurs  enfants,  les  uns  sont-ils  baptisés, 
pendant  que  les  autres  meurent  sans  bap- 
tême? A  cela  il  ne  répond  que  par  des  inju- 
res contre  ses  adversaires  et  en  disant  qu'il 
ne  nous  appartient  pas  de  vouloir  approfon- 
dir les  secrets  de  Dieu.  Il  donne  pour  un 
principe  certain,  que  tous  ceux  qui  ont  cher- 


1  iVon  ergo  œquum  jusiumque  uni  velle  concessit,  et 
alteri  denegavit  :  sed  sicut  omni  homini  manum,  ocii- 
Imn  gressumque  donavU,  ita  similiter  omni  homini 
voluntatem,  ut  eam  in  quamlibet  partem  versaret,  in- 
duisit. Ibid. 

2  Quasi  fons  quidam  in  médium  mundi  hujus  ex- 
positus  et  in  commune  concessus  (justitia),  ad  hau- 
riendum  universis  patet,  ut  largitori  mérita  reus  sit 
qui  haurire  neglexerit.  Ibid. 

3  Nam  si  circa  hominis  salutem  specialis  est  dispensa- 


tio, nescio  quomodo generalis poterit esse discussio.  Ibid. 

'  Dion  iiberi  interemptor  arbitrii  in  alterutram 
partem  omnia  ex  prœdestinatione  statuta  et  definita 
esse  pronuntiat,  etiam  suprema  remédia  pœnitentiœ 
évacuai.  Ibid.,  cap.  H. 

s  Et  ita  hœc  elocutio  intelligenda  est  :  Miserebor 
oui  voluero,  id  est,  quem  justum  esse  cognovero,  cujus 
promptam  fidem  videra,  quem  prœcepiis  mets  obedire 
perspexero,  quem  meam  facere  probavero  voluntatem. 
Ibid.,  cap.  m. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


[V«  SIÈCLE.] 

elle  Dieu,  l'ont  trouvé  ',  et  que  ceux  qui  ont 
paru  ne  l'avoir  pas  trouvé,  ne  l'avaient  pas 
cherché.  Personne,  dit  Jésus-Christ,  ne  vient 
à  moi,  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  l'attire. 
Fauste  convient  qu'on  ne  peut  nier  que  la 
miséricorde  de  Dieu  ne  nous  attire  ;  mais  il 
dit  ^  que  celui-là  est  impie,  qui  refuse  de 
confesser  que  celte  miséricorde  soit  donnée 
à  tous.  11  veut  que  celte  façon  de  parler  dans 
le  Sauveur,  ne  soit  que  pour  rabattre  l'or- 
gueil de  celui  qui  attribue  son  salut  à  ses 
propres  forces  et  qui  présume  avec  impiété 
de  son  travail;  qu'au  surplus,  la  grâce  agit 
sur  un  homme,  non  comme  on  meut  une 
pieri'e  d'un  lieu  à  un  autre,  mais  comme  on 
prête  la  main  à  un  malade  ^  qui  la  demande 
pour  lui  aider  à  se  lever.  «  La  volonté,  dit-il, 
crie  au  secours,  parce  que  l'infirmité  ne  peut, 
par  elle-même,  se  relever.  C'est  ainsi  que  le 
Seigneur  invite  celui  qui  veut  venir  à  lui, 
qu'il  attire  celui  qui  le  désire,  qu'il  lève  ce- 
lui qui  fait  ses  eflforts  pour  se  lever  lui- 
même.  Mais  qu'est-ce  encore  que  d'attirer 
Dieu,  sinon  de  prêcher  la  vérité  aux  hom- 
mes ,  de  les  exciter  par  les  consolations 
des  divines  Ecritures,  de  les  effrayer  par  des 
menaces,  de  leur  proposer  des  choses  dési- 
rables, de  les  menacer  de  supplices  et  du 
jugement  dernier,  et  de  leur  promettre  des 
récompenses?  Quoique  Dieu  ait  connu  *  que 
tous  n'obéiraient  pas  à  sa  voix,  à  ses  invita- 
tions, il  a  toutefois  donné  à  tous  le  pouvoir 
d'obéir  et  de  vouloir.  Comme  donc  ^  c'est  un 
eflfet  de  la  grâce  que  l'homme  soit  attiré, 
c'est  un  eûet  de  son  obéissance  de  ce  qu'il 
suit  la  voix  de  celui  qui  l'appelle,  i) 

13.  Sur  la  fin  du  premier  livre,  et  au  com- 
mencement du  second,  Fauste  traite  de  l'en- 
durcissement du  pécheur,  qu'il  rejette,  non 


431 


sur  Dieu,  comme  faisaient  ses  adversaires, 
mais  sur  le  pécheur  même,  disant  que  de 
l'assiduité  au  péché  naît  le  désespoir,  et  du 
désespoir  l'endurcissement.  Il  ne  laisse  pas 
de  dire  que  la  clémence  dont  Dieu  use  en- 
vers les  pécheurs,  en  les  attendant  à  péni- 
tence, leur  est  une  occasion  d'endurcisse- 
ment. Il  le  dit  expressément  de  Pharaon, 
qui  s'endurcissait  à  mesure  que  Dieu  relâ- 
chait la  rigueur  des  peines  dont  il  châtiait 
ses  crimes.  En  Dieu  la  prescience  n'impose 
à  l'homme  aucune  nécessité  de  faire  le  bien 
ou  le  mal.  Mais  autre  chose  est  la  prescience, 
et  autre  la  prédestination  :  la  prescience 
prévoit  les  actions,  la  prédestination  prépare 
les  récompenses.  L'une  appartient  à  la  puis- 
sance de  Dieu,  l'autre  à  sa  justice.  Mais  ni 
la  prescience,  ni  la  prédestination  n'ont  au- 
cune intluence  dans  l'action  prévue.  Dieu 
prévoit  l'homicide  :  dira-t-on  ou  qu'il  inspire 
la  volonté  de  tuer,  ou  qu'il  meut  le  bras  de 
celui  qui  tue?  Fauste  ne  veut  pas  même  que 
la  mort  qui  procura  aux  innocents  une  vie 
bienheureuse,  ait  été  une  suite  de  leur  pré- 
destination ^  :  «  Ce  n'est  pas  Dieu,  dit-il,  qui 
disposa  de  leur  mort;  elle  fut  ordonnée  par 
la  puissance  de  l'ennemi;  mais  comme  il 
sait  user  en  bien  des  maux  mêmes,  il  fit 
tourner  à  la  gloire  des  enfants  mis  à  mort 
le  crime  de  leur  persécuteur.  »  Fauste  re- 
jette avec  mépris  la  doctrine  de  ceux  qui 
enseignent  que  Dieu  est  miséricordieux  en- 
vers ceux  qu'il  délivre,  et  juste  à  l'égard  de 
ceux  qu'il  laisse  dans  la  masse  de  perdition. 
«  S'il  est  vrai,  dit-il,  comme  on  le  prétend 
avec  une  impiété  pleine  de  blasphème,  que 
Dieu,  sans  avoir  égard  à  la  justice,  dispose 
par  sa  toute-puissance  du  fort  dé  l'homme, 
il  pourra  peut-être  arriver  que  celui  qui  a 


'  Deum  quolibet  (empare  gui  quœsivit,  invertit,  et 
qui  invenisse  non  visus  est,  non  quœsivit.  Ibid.,  cap. 

XVI. 

^  Sed  ille  vere  impius  est,  qui  eam  misericordiam 
non  omnibus  ingeri,  non  omnibus  iesiaiur  impe.ndi... 
Hic  sermo  divinus  :  Nemo  venit  ad  me,  nisi  Pater 
attraxerit  eum,  specialiter  increpat  hominem  de  pro- 
priis  sibi  viribus  arrogantem,  et  de  labori:  suo  impie 
prœsumentem.  Lbid.,  cap.  xvii. 

^  Numquid  velui  insensibilis  materies  de  loco  ad 
tocum  movendus  est  et  trafiendus  ?  Sed  vocanti  Do- 
mino famulus  manum  fidei  qua  attrahatur  extendit... 
et  ita  se  duo  ista  se  conjunguni,  quomodo  si  œger  ali- 
quis  assurgere  conetur,  et  facuttas  animum  non  se- 
quatur,  et  propterea  sibi  porrigi  dexteram  deprecetur? 
Clamât  voluntas,  quia  sola  per  se  elevari  nescit  infir- 
mitas.  Ita  Dominus  invitât  volentetn,  attrahit  deside- 
rantem,  erigit  adnitentem.  Quid  est  autem  attrahere. 


nisi  prœdicare,  nisi  Scripturarum  consolationibus  ex- 
citare,  increpationibus  deterrere,  desideranda  propo- 
nere,  intentare  metuenda,  judicium  comminari,  prœ- 
mium  polliceri?  Ibid.,  cap.  xvil. 

'  Licet  enim  non  omîtes  obediendam  exhibiiuros  esse 
prœnosceret,  omnilms  tamen  et  velte  et  posse  donave- 
rat.  Ibid. 

^  Sicut  gratiœ  est  quod  attrahitur,  ita  obedientiœ 
probatur  esse  quod  sequitur.  Ibid. 

^  Sed  dicis  :  «  In  Bethléem  omnis  innocentium  po- 
pulus  tam  beatam  mortem  ex  sola  Dei  prœdestinatioite 
consequitur.  »  Non  ita  est. ..Non  eospvœdestinatio  morfi 
addixit,  sed  causœ  occasio  consecravit.  Hanc  itaque 
parvulorum  interfeclionem,  non  dispositio  Dei,  sed 
impietas  ordinavit  inimici.  Deus  autem  qui  etiam 
malis  hominum  bene  iititur,  perempti  gloriam  de 
scelere  perimentis  operatur.  Lib.  II,  cap.  m. 


432 


HJSTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


frappé  n'entrera  pas,  et  que  celui  qui  n'aura 
pas  cherclié  sera  attiré  au  salut,  et  par  là  la 
miséricorde  de  Dieu  ne  paraîtra  pas  à  l'égard 
de  ceux  qui  seront  sauvés,  parce  qu'ils  le  se- 
ront sans  l'avoir  mérité;  et  à  l'égard  des 
damnés,  Dieu  ne  pourra  passer  pour  juste, 
parce  qu'ils  auront  été  privés  de  sa  miséri- 
corde sans  l'avoir  mérité  par  aucun  crime 
qui  leur  soit  propre.  Si  l'un  et  l'autre  sont 
coupables  par  la  nature,  la  justice  disparaît 
à  l'égard  de  celui  qui  est  élu  en  étant  indi- 
gne et  n'ayant  rien  fait  pour  le  mériter;  il 
en  est  de  même  de  la  miséricorde  :  elle  ne 
subsiste  plus  par  rapport  à  celui  qui  est  con- 
damné à  périr  sans  que  l'on  ait  eu  égard  à 
son  péché.  Par  quelle  miséricorde  sauve- 
t-on  l'oisif  et  le  paresseux?  Par  quelle  jus- 
tice condamne-t-on  l'innocence?  Concluons 
que  ce  système  aboutit  à  deux  choses  :  à 
ôter  d'une  part,  par  une  ignorance  grossière, 
la  liberté  de  l'homme,  et  de  l'autre  à  porter 
l'impiété  jusqu'à  refuser  à  Dieu  la  jastice. 
Si  vous  prétendez,  ajoute  Fauste,  que  la  mi- 
séricorde éclate  à  l'égard  du  prédestiné,  et 
la  justice  à  l'égard  du  réprouvé,  je  soutiens 
que  ces  deux  vertus  s'évanouissent  dans  l'un 
et  dans  l'autre.  Car  il  n'y  a  point  de  justice 
à  choisir  pour  le  ciel  celui  qui  n'a  pas  donné 
de  preuves  de  son  mérite ,  et  il  n'y  a  ni  bonté 
ni  miséricorde  à  damner  celui  qui  ne  Ta  pas 
méi'ité.»  Fauste  veut  donc  qu'en  Dieu  Ua, mi- 
séricorde soit  toujours  jointe  avec  la  justice, 
tant  à  l'égard  des  bons  que  des  méchants, 
parce  qu'il  leur  a  donné  indifféremment  la 
lumière  de  la  raison,  qu'il  les  a  créés  égale- 
ment à  son  image^  et  qu'il  les  a  générale- 
ment appelés  à  la  grâce  de  la  rédemption. 

On  lit  dans  saint  Jean  que  les  Juifs  ne 
pouvaient  croire,  parce  que,  selon  qu'il  est 
jom.  XII,  <!'''  dans  Isaïe,  Dieu  a  aveuglé  leurs  yeux  et 
'"•  *"■  endurci  leur  cœur.  Fauste  prétend  que  l'aveu- 

glement et  l'endurcissement  des  Juifs  n'a- 
vaient d'autre  cause  que  leurs  crimes,  et  que 
s'il  est  dit  que  Dieu  ne  voulut  point  les  gué- 
rir, c'est  comme  s'il  était  dit  qu'ils  n'en  gué- 
riraient pas,  parce  que  Dieu  ne  refuse  point 


la  santé  à  ceux  qui  la  souhaitent.  Il  explique  ■ 
des  Juifs  et  des  Gentils  ce  qui  est  dit  de  Ja- 
cob et  d'Esati  dans  l'épître  aux  Romains  : 
Avant  qu'ils  fussent  nés  et  avant  quils  eussent  ^^m.  u,  n. 
fait  aucun  bien  ni  aucun  mal,  afin  que  le  décret 
de  Dieu  demeurât  fei'me  selon  son  élection,  non 
à  cause  de  leurs  œuvres,  mais  à  cause  du  choix 
de  Dieu,  il  fut  dit  à  Rébecca  :  L'ainé  sera  assu- 
jetti au  plus  jeune,  selon  qu'il  est  écrit  :  J'ai 
aimé  Jacob  et  j'ai  haï  Esaû;  et  quoiqu'il  con- 
vienne de  l'obscurité  du  passage,  il  s'en  tire 
aisément  en  disant  que  Dieu  n'a  décidé  du 
sort  de  ces  peuples  ^  qu'après  avoir  prévu 
leurs  actions.  Il  ajoute  que  ces  paroles,  non 
à  cause  des  ceuvres,  mais  à  cause  du  choix  de 
Dieu,  ne  signifient  pas  que  ces  peuples 
n'aient  fait  aucune  bonne  œuvre ,  mais  seu- 
lement qu'ils  n'ont  point  été  sauvés  par  les 
œuvres  de  la  loi  ^.  Ensuite  Fauste  réfute  l'o- 
pinion de  ceux  qui,  par  la  ressemblance  à 
laquelle  le  premier  homme  a  été  fait,  enten- 
dait celle  de  Jésus-Christ  qui  devait  naître 
d'une  Vierge.  Il  montre  que  cette  ressem- 
blance consiste  à  être  fait  à  l'image  de  Dieu, 
ainsi  qu'il  est  dit  dans  l'Ecriture,  c'est-à-dire 
dans  la  justice,  dans  la  raison,  dans  la  sa- 
gesse et  dans  l'immortalité  :  de  là  il  prend 
occasion  de  traiter  de  la  loi  de  nature,  qu'il 
appelle  la  première  grâce  de  Dieu,  et  de 
montrer  par  divers  exemples  que  les  saints 
patriarches  Abel,  Enoch  et  les  autres,  sont, 
en  l'observant,  entrés  dans  le  vestibule  du 
salut,  en  attendant  qu'ils  fussent  introduits 
par  Jésus -Christ  jusque  dans  l'intérieur 
même  de  la  félicité.  Mais  en  voulant  faire 
voir,  par  l'exemple  de  Job  et  de  quelques  au- 
tres, que  la  loi  de  nature  n'était  pas  éteinte 
chez  les  infidèles,  non  plus  que  dans  le  peu- 
ple de  Dieu,  il  avance  *  que  la  foi  était 
jointe  à  cette  loi,  et  que  l'on  reproche  avec 
justice  aux  infidèles  leur  incrédulité,  parce 
qu'il  était  en  leur  pouvoir  de  croire,  dès 
qu'ils  avaient  le  libre  arbitre,  qui  est  la  rai- 
son de  récompenser  celui  qui  croit  et  de 
punir  celui  qui  ne  croit  pas.  Ainsi,  selon 
Fauste,  la  foi  naît  du  libre  arbitre  :  il  lui  at- 


1  Nos  geminum .  hoc  in  Dei  operibus  bonum  insepara- 
bili  consertum  fatemur  amplexu,  sicut  legimus  :  Mi- 
sericordiam  et  judicium  cantabo  tibi.  Domine...  et 
sicut  pluit  super  justos  et  injustos,  ita  utrosque  indif- 
ferenter  lumiiie  rationis  implevil,  honore  imaginis  suœ 
induit  ad  gratiam  redemptionis  generaliter  evocuvit. 
Ibid.,  cap.  IV. 

^  Quid  mirmn  signorum  actus  prœvidit,  eorum  exi- 
ttis  prœsignavit?  Ibid.,  cap.  VI. 


2  Non  ex  operibus,  sed  ex  vocante  dictum  est.  Non 
illos  dicit  propriis  operibus  vacuos,  sed  negat  ex  ope- 
ribus legis  fuisse  saluo.tos.  Ibid. 

*  Unde  hic  extra  legem  positi  accusantur  increduh- 
iatis  :  nisi  quia  legem  naturœ  oui  fides  juncta  est, 
servare  nolueruni  ?  Unde  objicitur  incredulitas,  nisi 
quia  in  promptu  fuit  credendi  facultas  ?  Liberi  itaque 
arbitra  ratio  facit,  ut  remutieretur  credens  et  damne- 
tur  incredulus.  Ibid.,  cap.  viii. 


[V  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


433 


tribue  deux  fonctions  différentes,  l'une  pour 
le  salut,  et  l'autre  pour  la  damnation  de 
l'homme,  et  dit  qu'il  les  exerce  toutes  les 
deux,  non-seulement  dans  ceux  qui  sont  ré- 
générés par  le  baptême,  mais  aussi  dans 
ceux  qui  ne  le  sont  pas,  parce  que  le  libre 
arbitre  est  un  don  de  la  nature,  et  la  régé- 
nération un  don  de  la  grâce  '  ;  c'est  pour- 
quoi il  soutient  que  les  infidèles  ont  connu 
Dieu  par  les  seules  forces  de  la  raison,  sur 
quoi  il  cite  la  réponse  du  roi  Nabuchodono- 
sor  à  Daniel  :  Véritablement  votive  Dieu  est 
_  le  Dieu  des  dieux,  et  le  Seigneur  des  rois. 
Lsicroài'o-       14.  Fauste  avait  adressé  son  ouvrage  à 

;qûe    Léon-  " 

B,  pag.  525.  Léonco  d'Arlos  par  une  lettre  en  forme  de 
préface  ou  d'épître  dédicatoire.  On  l'en  a 
séparée  dans  la  Bibliothèque  des  Peines,  de 
l'édition  de  Lyon,  et  on  lui  a  donné  le  titre 
de  Profession  de  foi,  je  ne  sais  sur  quel  fon- 
dement :  car  ce  n'est  qu'une  récapitulation 
de  ses  deux  livres  de  la  Grâce  et  du  libre 
arbitre  ;  encore  n'en  relève-t-il  que  les  prin- 
cipes généraux.  Il  est  visible  que  Fauste  ne 
l'écrivit  qu'après  avoir  mis  la  dernière  main 
à  cet  écrit  et  l'avoir  augmenté  de  la  réfuta- 
tion de  quelques  nouvelles  erreurs  ^,  qui 
avaient  paru  dans  l'intervalle  qui  s'écoula 
entre  la  tenue  du  concile  d'Arles  et  de  celui 
de  Lyon.  C'est  ce  qu'il  témoigne  lui-même 
en  termes  exprès. 
db  quelle       13.  Sou  ouvrago  n'eut  pas  l'approbation 

niera      ]es  .  ^      .  ^  ^  *■ 

iiiivrcsde  quii  attendait,  et  si  Ion  excepte  Gennade 

,  isLe  furent  '      ■"- 

«sdupu-  de  Marseille,  qui  pensait  comme  lui  sur  la 
grâce  et  le  libre  arbitre,  il  trouva  presque 
pai'tout  des  adversaires.  Le  pape  Gélase  mit 
ses  écrits  au  rang  des  apocryphes  ^.  Quoique 


1  Scire  debemus  quia  libertas  arbitrii  dupUci  mi- 
nisterio  prœdita  est,  mine  ad  salutem,  nunc  ad  perdi- 
tionem  sut  prompta  est.  Sed  opponis  quod  voluntatis 
libertas  solis  liberandis  competat,  et  in  redemplionis 
beneficio  constituas.  Non  ita  est  :  liheratio  ad  danum 
gratiœ  pertinet  :  libertas  vero  arbitrii  non  est  res 
accedentis  munificentiœ,sed  naturœ.  Illa  renascentibus 
ministratur,  ista  nascentibus.  Ibid.,  cap.  is. 

2  In  quo  quidem  opusculo  posi  Arelatensis  concilii 
subscriptionem,  novis  erroribus  deprehensis  adjici  ali- 
qua  synodus  Lugdunensis  exegit.  Pag.  524. 

3  Opuscula  Cassiani  presbyieri  Galliarum  apocry- 
pha  ;  opuscula  Fausti  Regiensis  apocrypha.  Tom.  IV 
Concil.,  pag.  1265. 

*  Hi  vero  quos  vos  de  Fausti  cujusdam  Galli  an- 
tistitis  dictis  consuluisse  liiteris  indicastis,  id  sibi 
responsum  habea?it,  neque  illum,  neque  quemquam, 
quos  in  uuctoritate  Patrum  non  recipit  examen  catho- 
licœ  fidei  aut  ecclesiaslicœ  disciplinœ,  ambiguitatem 
passe  gignere,  aut  religioni  prœjudicium  comparare. 
De  arbitrio  tamen  libero  et  gratia  Dei,  quod  Romana, 


Hormisdas  ne  voulût  point  d'abord  se  décla- 
rer contre  Fauste,  il  l'exclut  néanmoins  *  du 
nombre  des  pères  qu'il  faut  prendre*  pour 
juges  dans  les  difficultés  qui  s'élèvent  sur  la 
doctrine.  «  Nous  ne  le  recevons  point,  dit-il, 
au  nombre  des  Pères,  et  aucun  de  ceux  que 
l'Eglise  catholique  ne  reçoit  point  entre  les 
pères ,  ne  peut  causer  aucune  ambiguïté 
dans  la  doctrine,  ni  porter  de  préjudice  à  la 
religion.  Quant  à  ce  que  l'Eglise  romaine, 
c'est-à-dire  l'Eglise  catholique,  suit  touchant 
le  libre  arbitre  et  la  grâce  de  Dieu,  quoiqu'on 
le  trouve  dans  les  écrits  de  saint  Augustin, 
il  y  en  a  des  articles  exprès  dans  les  archi- 
ves de  l'Eglise,  n  Les  évéques  d'Afrique,  re- 
légués en  Sardaigne,  ayant  été  priés  par  Jean 
Maxence  d'examiner  ^  les  livres  de  Fauste 
trouvèrent  que  l'auteur  y  attaquait  artificieu- 
sement  la  grâce  et  qu'il  y  favorisait  les  péla- 
giens  d'une  manière  couverte,  affectant  d'être 
catholique.  Saint  Fulgence,  l'un  de  ces  évé- 
ques, réfuta  par  sept  autres  livres  les  deux 
de  Fauste,  pour  empêcher  que  le  poison  se- 
cret qu'ils  contenaient,  ne  se  répandît.  Saint 
Isidore  de  Séville,  qui  parle  de  cet  ouvrage 
de  saint  Fulgence,  dit  qu'il  y  détruisait,  la 
subtihté  profonde  et  artificieuse  de  Fauste  ", 
dont  le  but  était  d'appuyer  l'hérésie  péla- 
gienne.  En  un  mot,  son  ouvrage  fut  attaqué 
dans  tout  le  monde  chrétien.  Saint  Avite, 
évêque  de  Vienne  et  saint  Césaire  d'Ar- 
les, tous  deux  illustres  dans  les  Gaules  par 
leur  savoir  et  par  leur  vertu,  le  réfutèrent 
pubfiquement.  Le  pape  Félix,  à  l'imitation 
de  ses  prédécesseurs,  le  rejeta  :  il  eut  le 
même  sort  en  Orient,  où  il  fut  condamné  de 


hoc  est,  catliolica,  seqiiatur  et  asseveret  Ecclesia,  lieet 
in  variis  libris  beati  Augustini,  et  maxime  ad  Hila- 
rium  et  Prosperum  possit  cognosci,  tamen  in  scrinis 
ecclesiasticis  expressa  capitula  conti7ientur.  HormisdaSj 
Epist.  70  ad  Possessorem,  pag.  1532. 

^  Cœierum  unus  ex  riobis  illis  omnibus  quœ  memo- 
ratos  fratres  adoersus  gratiam  et  prœdestinationem 
intimastis  vel  sentire  vel  dicere,  tribus  libris  vestro 
nomini  dedicatis  sufficienii  disputatione  respondit  : 
quique  adversus  duos  libi'os  Fausti  Galli  septem  libros 
edidit.  Quos  cum  recensueritis ,  agnoscetis  protinus, 
quemadmodum  memorati  Fausti  commenta  veritati 
contraria,  catholicœ  fidei  penitus  inimica  discussio 
prodidit.  Epist.  synodica  Afrioanorum  ad  Scyttias, 
tom.  oper.  Fulgent.,  pag.  286. 

8  Scripsit  multa  Fulgentius,  ex  quibus  legimus  de 
Gratia  Dei  et  libero  arbitrio  libros  responsionum 
septem,  in  quibus  Fausto  Galliœ  Regiensis  urbis  epis- 
copo  pelagianœ  pravitati  consentienii  respondens,  ob- 
nititur  ejus  profundam  destruere  calliditatem.  Isid., 
de  Script.  Ecoles.,  cap.  xiv. 

28 


434 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Livre  surle 
Saint-Kspril. 


tous  les  orthodoxes  et  réfuté  par  un  prêtre 
de  l'Eglise  d'Antioche  *;  en  sorte  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  d'excuser  Fauste,  ni  de  justifier  sa 
doctrine,  puisqu'il  veut^  que  la  force,  la  lu- 
mière et  la  santé  du  libre  ai'bitre  viennent 
de  la  nature  et  non  de  Jésus -Christ,  au  lieu 
que  saint  Augustin  et  tous  les  catholiques 
avec  lui  enseignent  que  la  force,  la  lumière  et 
la  santé  du  libre  arbitre  viennent  de  Jésus- 
Christ  et  par  Jésus-Christ.  Cependant  Fauste 
est  mort  dans  la  paix  et  la  communion  de 
l'Eglise,  et  il  est  honoré  comme  saint  en 
quelques  endroits.  Il  sei'ait  à  souhaiter  que 
ses  apologistes  eussent  bien  prouvé,  comme 
ils  l'ont  avancé,  que  ses  écrits  ont  été  altérés 
et  corrompus. 

16.  On  a  cru  longtemps  que  le  livre  du 
Saint-Esprit,  cité  par  Gennade  dans  le  cata- 
logue des  ouvrages  de  Fauste,  était  perdu  ^. 
Mais  il  semble  qu'on  ne  peut  douter  que  ce 
ne  soit  celui  que  l'on  a  imprimé  plusieurs 
fois  sous  le  nom  de  Paschase,  diacre  de  l'E- 
glise romaine,  comme  on  le  verra  dans  l'ar- 
ticle de  Paschase.  Gennade  attribue  encore 
à  Fauste  un  petit  traité  dans  lequel  il  prou- 
vait, contre  les  ariens  et  les  macédoniens, 
que  la  Trinité  est  consubslantielle  *.  Il  ajoute 
qu'il  en  avait  écrit  un  autre  contre  ceux  qui 
disent  qu'il  y  a  quelque  chose  d'incorporel 
dans  les  créatures.  Cela  peut  avoir  donné 
occasion  à  quelques  savants  de  dire  que  ces 
deux  traités  ne  sont  autre  chose  que  la  sei- 
zième lettre  de  Fauste,  dont  la  première  par- 
tie combat  les  ennemis  de  la  Trinité,  et  l'au- 
tre est  employée  à  montrer  qu'il  n'y  a  rien 
d'incorporel  dans  les  créatures,  et  que  cette 
qualité  appartient  à  Dieu  seul.  Mais  il  est  vi- 
sible que  Gennade  dislingue  ces  deux  trai- 
tés ^,  et  on  doit  l'en  croire,  puisqu'il  dit  qu'il 
les  avait  lus  :  d'ailleurs,  il  s'agit  moins  dans 
cette  lettre  d'établir  le  mystère  de  la  Trinité 


contre  les  ariens  et  les  macédoniens,  que  de 
répondre  aux  difïïcultés  que  les  premiers 
faisaient  contre  la  divinité  de  Jésus-Christ. 
Il  vaut  donc  mieux  dire  que  le  petit  traité 
de  Fauste  sur  la  Trinité,  est  perdu,  et  qu'ou- 
tre la  lettre  seizième  où  il  établit  la  foi  de  la 
Trinité,  et  son  sentiment  sur  la  corporéité  de 
tous  les  êtres  créés,  il  en  avait  composé  un 
autre  sur  la  même  matière  que  nous  n'avons 
plus.  Quelques-uns  prétendent  retrouver  le 
traité  de  Fauste  sur  la  Trinité  dans  la  trente- 
troisième  homélie  de  celles  qui  portent  le 
nom  d'Eusèbe  d'Emèse,  ou  dans  un  autre 
écrit  imprimé  sous  le  nom  de  Fauste , 
à  Paris,  en  l'année  1S86,  et  intitulés  :  Bé- 
ponses  à  quelques  objections  sur  la  foi.  Le 
style  et  les  raisonnements  favorisent  assez 
cette  opinion.  Le  sermon  deux  cent  trente- 
quatrième,  qui  est  le  second  sur  la  foi  catho- 
lique parmi  ceux  que  l'on  a  faussement  attri- 
bués à  saint  Augustin,  n'est  qu'un  extrait 
de  ce  traité  qui,  dans  l'édition  de  l'Antidote 
contre  toutes  les  hérésies,  à  Bâle,  en  1S28,  a 
pour  titre  :  Be  la  raison  de  la  foi. 

17.  Parmi  les  lettres  de  Fauste,  Gennade  l^,,^^, 
en  marque  une  adressée  àFélix,patrice,pré-  ''"°^"'' 
fet  du  prétoire  *,  fils  du  consul  Magnus,  et 
qui  avait  embrassé  l'état  religieux.  Il  parle 
de  cette  lettre  comme  d'une  puissante  exhor- 
tation à  la  crainte  de  Dieu,  propre  pour  les 
personnes  qui  embrassent  la  pénitence  avec 
une  volonté  pleine  et  sincère.  On  l'a  impri- 
mée avec  les  autres  écrits  de  Fauste  dans  la 
Bibliothèque  des  Peines.  Félix  était  alors  au- 
près de  Léonce,  évêque  d'Arles,  pour  y  re- 
cevoir ses  instructions  et  s'édifier  par  l'exem- 
ple de  ses  vertus.  Quoiqu'il  semblât  donc 
n'avoir  pas  besoin  d'autres  avis  pour  la  ma- 
nière dont  il  devait  vivre,  Fauste  ne  laissa 
pas  de  lui  en  donner,  parce  que  Félix  l'en 
avait  prié.  Les  trois  remèdes  qu'il  lui  pres- 


1  Non  est  quidem  ut  pro  Fausto  aliqua  possit  in 
ejus  defensionem  vel  excusationem  apologia  elaborari, 
quem  constat  in  diverso  orbe  catholico  impugnatum. 
Etenim  in  Occidente  Cœsarius  et  Avitus,  doctissimi 
atque  sanctissimi  in  Gallia  episcopi,  adversariis  eum 
scriptis  exagilaverunt ;  sed  qui  prœsiant  his  omnibus, 
Félix  atque  Gelasius  romani  poniifices  eadem  Fausti 
scripta  rejecerunt,  ut  plane  universum  occidentem  or- 
bem  i?i  eosdem  Fausti  libros  insurrexisse,  eosdemque 
oppugnasse  certum  sit.  In  Oriente  vero  non  unus  dun- 
taxat  quem  refert  Ado,  Joannes  preibyter  Antiochenus 
eos  Fausti  libros  refellit,  sed  orthodoxi  fere  omnes. 
Baron.,  tom.  VI  Annal.,  ad  ann.  490. 

2  Faustus  apud  regium  Gulliœ  episcopus  pelagianum 
dogma  destruere  conatus,  in  errorem  labitur  :  unde 
qui  ejus  sensus  in  hac  parte  catholicos  prœdicant,  si- 


cuti  Gennadius  de  illustribus  viris  scribens,  omnino 
errant.  Ita  enim  liherum  arbitrium  tam  Augustinus 
quam  cœieri  catholici  in  Ecclesia  Dei  docent,  ut  illu- 
minatio,  virtus  et  salus  illi  a  Christo  et  per  Christum 
et  eum  Christo  sit  :  Faustus  vero  iste  ita  liberum 
christiatium  arbitrium  docere  conatur,  ut  illuminatio 
ejus,  virtus  et  salus  non  a  Christo,  sed  a  natura  sit. 
Ado  Vienn.,  ia  Chron.,  ad  ann.  492. 

3  Gennad.,  de  Viris.  illust.,  cap.  LXSXV.  —  *  Ibid. 

^  Legi  ejus  et  adversus  arianos  et  macedo7iianos 
parvum  libellum,  in  quo  esseniialem  prœdicat  Trini- 
tatem  :  et  alium  adoersus  eos  qui  dieunl  esse  in  crea- 
iuris  aliquid  incorporeum.  Gennad.,  de  Viris  illustr., 
cap.  LXSXV. 

«  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.,  pag.  552  et  seq. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


[V°  SIKCLE.J 

crit  pour  se  garantir  du  péché,  sont  l'aveu 
de  ceux  qu'on  a  déjà  commis,  la  crainte  du 
jugement  dernier  et  la  terreur  du  feu  éter- 
nel. 11  lui  représente  le  temps  de  la  nuit 
comme  le  plus  propre  à  l'oraison  et  à  la  mé- 
ditation; mais  il  veut  qu'après  ce  temps  de 
silence,  il  s'applique  à  la  lecture  jusqu'à 
l'heure  de  tierce,  et  qu'il  fasse  ses  exercices 
spirituels  avec  tant  de  modération,  qu'il 
souhaite  toujours  de  les  continuer,  sans  en 
être  jamais  rebuté.  Il  témoigne  souhaiter 
que  Dieu  lui  associât  deux  amis  fidèles  avec 
lesquels  il  puisse  faire  les  exei'cices  du  jour 
et  de  la  nuit,  ou  du  moins  qu'il  reçût  deux 
fois  la  semaine  la  visite  de  quelque  personne 
qui  pût  lui  donner  des  consolations  spiri- 
tuelles. A  l'égard  des  jeûnes,  il  lui  en  pres- 
crit en  hiver  de  deux  jours  l'un;  mais  il  lui 
fait  entendre  qu'en  se  retranchant  du  boire 
et  du  manger,  il  doit  aussi  réprimer  les  pas- 
sions de  la  chair  et  la  mortifier  en  ne  lui 
donnant  que  le  nécessaire.  Il  lui  conseille  de 
ne  pas  changer  tout  à  coup  la  manière  ordi- 
naire de  se  vêtir,  mais  de  le  faire  par  degrés, 
de  crainte  que  son  cœur  ne  s'élevât  d'un 
changement  si  subit,  et  que  l'orgueil  ne  prit 
naissance  dans  une  trop  grande  humiliation. 
Il  dit  qu'il  pourra  toutefois  surmonter  aisé- 
ment les  tentations  de  vaine  gloire,  en  je- 
tant les  yeux  sur  sa  vie  passée.  Il  lui  fait  en 
peu  de  mots  le  portrait  du  saint  homme  Job, 
pour  l'engager  à  l'imiter  dans  la  fuite  de 
toute  sorte  de  péchés,  dans  sa  simplicité, 
dans  sa  constance,  qu'aucun  événement  de 
la  vie  ne  pût  ébranler. 

Nous  avons  cinq  lettres  de  Fauste  à  Ru- 
rice,  évêque  de  Limoges  * ,  mais  avant  qu'il 
fût  élevé  à  cette  dignité.  Elles  contiennent 
divers  avis  que  Rurice  lui  avait  demandés 
sur  la  conduite  qu'il  devait  garder  soit  dans 
l'usage  des  biens  temporels,  soit  dans  les 
exercices  de  piété.  Nous  avons  donné  l'ana- 
lyse de  ces  lettres  dans  l'article  de  Rurice. 
iVous  remarquerons  seulement  ici  que  dans 
la  première,  Fauste  tire  de  ces  paroles  de 
l'épitre  aux  Hébreux  :  Le  Fils  est  la  splendeur 
de  la  gloire  de  Dieu,  un  argument  pour  l'é- 
ternité du  Verbe  :  Comme  Dieu,  dit-il,  n'a 
jamais  été  sans  splendeur,  de  même  le  Père 
n'a  jamais  été  sans  la  majesté  du  Fils,  et  que 


435 


comme  les  noms  du  Père  et  du  Fils  sont  co- 
éternels;  car  si  le  Fils  n'était  point  né,  le 
Père  ne  pourrait  pas  être  appelé  Père  :  de 
même  l'éternité  du  Père  est  une  preuve  de 
l'éternité  du  Fils.  Le  Fils  est  du  Père,  mais 
il  n'est  point  postérieur  au  Père  :  comme  on 
ne  peut  pas  dire  que  la  face  de  l'homme  soit 
postérieure  à  sa  tête,  parce  qu'elle  nait  de 
la  tête  même.  La  même  comparaison  se 
trouve  dans  le  chapitre  v^  du  livre  I"  sur  le 
Saint-Esprit  :  ce  qui  prouve  encore  qu'on 
doit  attribuer  ce  traité  à  Fauste  plutôt  qu'à 
Paschase. 

18.  Il  y  a  plusieurs  autres  écrits  de  cet 
évêque  que  l'on  a  attribués  à  d'autres  qu'à 
lui  -,  et  l'on  ne  peut  douter  qu'il  ne  soit  au- 
teur de  la  plupart  des  sermons  ou  homélies 
qui  portent  ordinairement  le  nom  d'Eusèbe 
d'Emèse.  Il  faut  mettre  de  ce  nombre  les 
deux  homélies  sur  la  Nativité  de  notre  Sei- 
gneur, la  quatrième  sur  l'Epiphanie  ou  les  Sept 
frères  Macchabées  ;  la  sixième,  la  huitième,  la 
neuvième,  la  dixième  et  la  onzième  sur  la 
Pâque,  sur  le  Bon  lari-on^  ;  la  seconde  sur  l'As- 
cension, sur  la  Trinité'^,  sur  saint  Maxime,  son 
prédécesseur  dans  l'évêché  de  Riez  et  l'ab- 
baye de  Lérins  ;  les  dix  homélies  aux  Moines, 
si  l'on  en  excepte  la  cinquième  ,  la  sixième , 
la  neuvième  et  la  dixième,  qui  se  trouvent 
parmi  celles  de  saiat  Césaire  d'Arles  et  qui 
paraissent  de  son  style;  l'homélie  sur  la  Fête 
des  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul'^.  Toutes 
ces  homélies  sont  de  même  style  que  les  deux 
sur  le  Symbole  •',  que  l'on  juge  être  de  Fauste 
de  Riez ,  par  le  rapport  sensible  qu'elles  ont 
avec  la  préface  des  deux  livres  du  Saint-Esprit, 
qui  peuvent  passer  pour  être  constamment 
de  cet  évêque.  On  lui  attribue  encore  l'ho- 
mélie sur  la  veuve  qui  offrit  deux  oboles  '. 
Mais  il  paraît  que  celui  qui  en  est  auteur  n'é^ 
tait  qu'un  simple  prêtre,  et  qu'il  parlait  par 
l'ordre  de  son  évêque  ^  ;  si  ce  n'est  que  Fauste 
l'ait  prêchée  en  présence  de  son  métropoli- 
tain et  à  sa  prière.  On  en  a  donné  une  autre, 
depuis  quelques  années,  sur  la  Passion^,  où.  il 
est  dit  que  la  passion  avait  été  figurée  dans 
Abel,Isaac,  Jonas  et  le  tombeau  d'Elisée.  Le 
style  est  plus  clair  que  celui  de  Fauste,  mais 
la  doctrine  sur  la  grâce  en  est  la  même.  Cette 
homélie  porte  le  nom  de  Faustin  dans  le  ma- 


Sermons  de 
Fauste. 


'  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.,  pag.  554,  et  tom.  1  Uct. 
Canis.,  pag.  355. 
2  Tom.  VI  Biblioth.  Pair.,  pag.  625. 
"-  Pag.  625.  —  *  Pag.  637,  644,  646  et  656. 


s  Pag.  652.  —  s  Pag.  628.  —  ■»  Pag.  675. 
8  Quod  a  summo  aniistite  imperari  mihi  video,  posse 
me  credo.  Pag.  675. 
^  Tom.  V  Anecd.  Marten.,  pag.  57  et  60. 


436 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


nuscrit  d'où  on  l'a  tirée.  Nous  en  avons  une 
autre  sous  le  nom  de  Faustin,  dans  le  Spici- 
lége  ',  qui  tend  à  justifier  les  jeûnes  de  suré- 
rogation,  c'est-à-dire  des  cinq  jours  que  l'on 
ajoutait  au  carême.  Enée,  évêque  de  Paris^, 
en  rapporte  un  fragment  dans  son  traité  con- 
tre les  Grecs.  Il  y  en  a  une  troisième  sous  le 
nom  de  l'évêque  Faustin  ^,  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères.  C'est  une  exhortation  à  user 
des  biens  de  ce  monde  et  de  la  vie  même, 
pour  parvenir  à  une  meilleure.  Le  nom  de 
Faustin  se  lit  encore  à  la  tête  d'une  homélie 
contre  la  Fête  des  Calendes  de  janvier.  L'au- 
teur y  fait  une  description  fort  pathétique  des 
indécences  qui  se  commettaient  en  ce  jour, 
et  exhorte  ses  auditeurs  à  en  témoigner  leur 
aversion  par  leur  exactitude  à  observer  le 
jeûne  que  ses  prédécesseurs  avaient  fixé  à  ce 
jour-là  même,  pour  l'opposer  aux  dissolu- 
tions dont  la  fête  des  Calendes  était  accom- 
pagnée. Cette  homélie  se  trouve  dans  le  re- 
cueil de  Bollandus,  au  premier  jour  de  jan- 
vier *. 
AuirBs  ho-  19.  Voici  encore  d'autres  homélies  que  l'on 
biîéés\  Faua"  attribue  à  Fauste  :  celle  sur  saint  Honorât, 
imprimée  parmi  les  discours  qui  portent  le 
nom  de  saint  Eucher;  une  sur  le  Jour  de  la 
Passion,  qui  est  le  cent  cinquante -troisième 
sermon  de  l'appendice  du  tome  V^  de  saint 
Augustin;  une  sur  la  Nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste,  qui  est  le  premier  sur  cette  fête  dans 
le  même  appendice.  Nous  en  avons  quatre 
autres  dans  le  recueil  des  règles  fait  par  saint 
Benoit  d'Aniane.  Le  troisième  est  le  même 
que  le  huitième  des  dix  sermons  aux  Moines, 
imprimés  dans  la  Bibliothèque  des  Pères,  parmi 
celles  que  l'on  donne  ordinairement  à  Eusèbe 
d'Emèse.  Le  père  Sirmond  ^  marque  un  ser- 
mon de  Fauste  sur  la  Révélation  du  corps  de 
saint  Etienne;  mais  il  n'en  a  fait  imprimer  que 
le  commencement.  On  voit,  par  les  lettres  de 
Sidoine  Apollinaire,  que  Fanste  avait  assisté 
à  un  sermon  prêché  à  la  dédicace  de  l'église  " 
que  saint  Patient,  évêque  de  Lyon,  fit  bâtir 
vers  l'an  470.  Nous  avons  trois  sermons  sur 
ce  sujet  '  parmi  ceux  d'Eusèbe-le-Gaulois  ; 
peut-être  celui  de  Fauste  en  est-il  un.  Mais 
aurait-il  oublié  d'y  marquer  qu'il  prêchait 


devant  plusieurs  évoques  et  par  leur  ordre? 
20.  Nous  ne  devons  pas  nous  flatter  d'avoir 
tous  les  sermons  ni  tous  les  écrits  de  Fauste, 
ni  même  de  pouvoir  décider  sûrement  si  tous 
ceux  qu'on  lui  attribue  sont  de  lui  ou  non, 
n'y  en  ayant  que  très-peu  qui  portent  son  nom, 
soit  dans  les  manuscrits,  soit  dans  les  impri- 
més. Gennade  ^,  qui  écrivait  en  même  temps 
que  Fausle,  convient  qu'il  n'avait  pas  vu  tous 
sesouvrages.  Aussi  ne donne-t-il le  catalogue 
que  d'une  partie ,  c'est-à-dire  de  ceux  qu'il 
avait  lus  lui-même.  Nous  n'avons  pins  celui 
dont  saint  Sidoine  parle  avec  éloge  ^.  Il  était 
écrit  en  forme  de  dialogue  et  divisé  en  qua- 
tre livres,  suivant  les  différentes  matières  qui 
y  étaient  traitées.  Fauste  l'avait  envoyé  avec 
quelques  autres  de  ses  écrits  aux  Bretons,  ses 
compatriotes.  Fauste  avait  aussi  dressé  des 
mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  l'évêque 
Maxime,  son  prédécesseur.  Mais  le  patrice 
Dyname  les  ayant  demandés  pour  lui  aider 
à  faire  lui-même  la  vie  de  ce  saint  évêque, 
on  les  trouva  ou  rongés  des  vers  ou  gâtés  de 
pourriture  *".  Ce  fait  prouve,  ce  semble,  que 
l'on  prenait  peu  de  soin  des  écrits  de  Fauste, 
et  peut-être  aussi  que  l'on  n'en  faisait  pas 
grand  cas.  On  ne  sait  ce  que  c'est  que  le  livre 
contre  les  Anthropomorpjhites ,  que  lYithème  lui 
attribue.  Il  parait  que  cet  écrivain  ne  l'avait 
pas  vu  lui-môme  '  ' ,  puisqu  'il  n'en  rapporte  pas 
le  commencement,  comme  il  fait  ordinaire- 
ment à  l'égard  des  ouvrages  qu'il  avait  lus. 
Canisius  a  fait  imprimer,  dans  ses  Anciennes 
Leçons  *^,  une  exhortation  qui,  dans  le  manus- 
crit d'où  il  l'a  tirée,  porte  le  nom  de  saint 
Fausle.  Il  croit  qu'il  faut  lire  Fausle,  quoi- 
qu'il n'ose  pas  assurer  que  ce  soit  celui  de 
Riez.  La  matière  de  cette  exhortation  est 
l'obligation  où  nous  sommes  de  nous  prépa- 
rer à  rendre  compte  de  nos  actions  lorsque 
nous  comparaîtrons  devant  le  tribunal  de 
Jésus-Christ.  L'auteur  veut  que  nous  nous 
préparions  à  ce  compte  par  l'examen  jour- 
nalier de  nos  actions,  en  nous  punissant  nous- 
mêmes  de  nos  fautes  et  en  examinant  non- 
seulement  en  combien  de  manières  nous  avons 
péché,  mais  encore  si  nous  avons  travaillé  à 
nous  avancer  dans  la  perfection.  Le  style  de 


1  Tom.  VII,  pag.  118.  —  2  Ibid.,  pag.  86  et  87. 

3  Tom.  VIII,  pag.  G78. 

*  Tom.  I  jan.,  pag.  2  et  3. 

''  Sirm.,  August.,  serra.  25,  uot.,  pag.lOC. 

6  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  3. 

''  Tom.  VIII  Bibliolli.  Pair.,  pag.  557  et  seq. 

8  Geimad.j  de  Viris.  illustr.,  cap.  T.xxxv. 


9  Legimus  opus  operosissimmn,  multiplex,  acre,  su- 
blime, digeslum  iitulis  exempliscjue  congestum,  bipar- 
titum  sub  dialogi  schemate,  sub  causarum  schemate 
quadriparlitum.  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  9. 

"  Tom.  II  Chron.  Lirin.,  pag.  120. 

"  TriLliem.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  cxx. 

'2  Ganis.,  Lection.,  tom.  I,  pag.  350. 


[v=   SIÈCLE. 


CHAPITRE  XXIV.  —  FAUSTE,  ÉVÊQUE  DE  RIEZ. 


437 


cette  petite  pièce  est  plus  simple  et  plus  po- 
pulaire que  ne  l'est  celui  de  Fauste;  elle  ap- 
proclie  beaucoup  de  celui  de  saint  Césaire 
d'Arles  ;  aussi  est-elle  comptée  pour  la  trente- 
huitième  de  ce  père  dans  l'appendice  du  tome 
V<^  de  saint  Augustin. 

21.  Saint  Sidoine  Apollinaire,  parlant  des 
écrits  de  Fauste,  dit  qu'ils  étaient  importants 
par  la  diversité  des  sujets  ',  par  la  force  et 
l'élévation  avec  laquelle  il  les  traitait  et  par 
l'ordre  avec  lequel  il  les  avait  rangés  sous 
diflerents  titres ,  et  les  exemples  qu'il  y  ap- 
portait; qu'il  traitait  gravement  les  choses 
sérieuses  et  importantes  ^;  C[u'il  examinait 
soigneusement  celles  qui  sont  obscures  et 
difficiles  ;  qu'il  appuyait  solidement  ceUes  qui 
sont  contestées,  et  qu'il  disputait  savamment 
sur  celles  qui  dépendent  toutes  du  raisonne- 
ment; que  tantôt  son  discours  paraissait  mâle 
et  vigoureux,  tantôt  plus  doux  et  plus  fleuri; 
mais  partout  édifiant ,  partout  élégant ,  par- 
tout très-éloquent  et  en  même  temps  très- 
solide;  en  sorte  qu'il  ne  trouvait  rien  de  si 
poli  dans  les  écrits  de  tous  ceux  qui  ont  eu 
plus  d'espi'it  et  d'éloquence.  Mais  cet  éloge 
regarde  particulièrement  un  ouvrage  de 
Fauste  que  nous  n'avons  plus ,  et  qui  était, 
comme  nous  venons  de  le  remarquer,  fait  en 
forme  de  dialogue  et  divisé  en  quatre  livres. 
On  ne  trouve  ni  autant  d'élégance,  ni  autant 
de  solidité ,  ni  autant  de  politesse  dans  ceux 
qui  nous  restent,  soit  que  Fauste  les  ait  moins 
travaillés,  soit  que  la  matière  qu'il  y  traite 
ait  été  moins  proportionnée  à  sa  capacité.  Sa 
lettre  à  Patrice  est  ce  qu'il  y  a  de  mieux.  Il 
est  obscur  dans  ce  qu'il  a  écrit  sur  la  nature 
de  l'âme  et  de  la  grâce. 

22.  Ses  deux  livres  su?'  la  Grâce  et  le  libre 
arbitre iaveni  imprimés  à  Râle,  en  155o,  parmi 
les  Orthodoxographes,  et  en  1S69,  d'où  ils  ont 
passé  dans  les  Bibliothèques  des  Pères,  avec  ses 
autres  ouvrages,  et  dans  le  recueil  des  anciens 
théologiens  de  France .  L'ouvrage  sur  le  Saint- 

i  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  9. 

^  Scripseras  gravio.  mature,  profunda  sollicite,  dii- 
bia  constanfer,  argumentosa  disputalorie,  quœdam 
severe,  quœpium  blande,  cuncta  moraliier,  lecte,  pa- 


Esprit  fut  mis  sous  presse  avec  le  nom  de  Pas- 
chase,  diacre  de  l'Eglise  romaine,  à  Râle,  en 
1539;  à  Helmstad,  eu  1613,  et  depuis  à  Paris, 
à  Lj'on  et  ailleurs  avec  la  Bibliothèque  des  Pères. 
On  trouveaussi  dans  ce  recueil  les  lettresetau- 
tres  écrits  de  Fauste,  donnés  parCanisius,  et 
depuis  par  Rasnage^  dans  la  nouvelle  édition 
des  Lectiones  antiquœ  de  Canisius,  à  Anvers, 
en  1723.  [Le  tome  LVIII  de  la  Patrologie  latine 
col.  773  et  suiv.  contient  le  traité  de  la  Grâce  de 
Dieu  et  du  libre  arbitre,  les  lettres  de  Fauste 
au  nombre  de  dix-neuf,  ses  discours  au  nom- 
bre de  huit.  Le  tout  précédé  de  notices  tirées 
de  Reilarmin  et  de  Canisius,  de  notes  critiques 
de  Rasnage  sur  la  doctrine  de  Fauste.  Les  dis- 
cours qu'on  attribue  à  cet  évêque  se  trouvent 
au  tome XXX delà i'a^j'ofog'î'e/a^Mîe. L'ouvrage 
sur  le  Saint-Esprit  est  reproduit  au  tomeLXII, 
parmi  les  œuvres  de  Paschase.  Le  tome  V  du 
Spicileg.  romanum  d'Angelo  Mai  contient  trois 
nouveaux  discours  de  Fauste.  Le  premier  est 
sur  la  Pentecôte,  le  deuxième  sur  la  sainte 
Trinité,  le  troisième  sur  le  Saint-Esprit.] 
On  trouve  dans  le  tome  IX^  de  la  nouvelle 
collection  de  dom  Martène,  six  homélies 
sous  le  nom  de  Fauste ,  dont  quatre  avaient 
déjà  été  imprimées,  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères ,  parmi  celles  de  saint  Césaire  d'Arles, 
et  dans  l'appendice  du  Code  des  règles.  Il  n'est 
pas  sûr  qu'aucune  des  six  soit  de  Fauste.  Sa 
lettre  à  Lucide,  prêtre,  a  été  imprimée,  avec 
une  traduction  française  à  côté  du  texte,  dans 
la  seconde  partie  de  l'Histoire  de  Boëce ,  par 
feu  l'abbé  Gervaise  ,  mort  évêque  d'Horen  , 
in-12,  à  Paris,  en  1713.  Le  traducteur  et  édi- 
teur y  a  joint  des  éclaircissements  sur  la  doc- 
trine de  Fauste  touchant  la  grâce,  peu  con- 
formes à  ce  que  nous  avons  représenté  jus- 
qu'ici des  sentiments  de  cet  évêque  sur  ces 
matières.  L'homélie  sur  saint -Maxime  a  paru 
en  latin  et  eu  français,  en  1644,  in-4''.  La  tra- 
duction est  de  Louis  Doni  d'Attichi,  évêque 
de  Riez. 

tenter,  eloquentissime.  Itaque  per  tanta  te  gênera  nar- 
randi  toto  latissimœ  dictutionis  campo  secutus,  nihil 
in  facuridia  cœterorum,  nihil  in  ingeniis  facile  pers- 
pexi  juxta  potitum.  Sidon.,  lib.  IX,  Epist.  9. 


438 


HISTOIRE  GENÉUALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XXV. 


Saint  Perpétue,  archevêque  de  Tours. 


[En  491.; 


Saint  Per- 
Iiéluo  est  fait 
û  vùq  u  e  (le 
Tours  eii461. 
Ses  rr'ncipa- 
les  actioQs. 


1 .  Ce  saint  fut  le  huitième  évêque  de  Tours 
depuis  saint  Gratien.  Il  succéda  à  Eustochius, 
prélat  illustre  par  sa  naissance  et  par  sa  vertu. 
Il  avait  tenu  un  concile  à  Angers  pour  l'ordi- 
nation d'un  évêque  en  4S3.  Saint  Perpétue, 
que  l'on  choisit  pour  lui  succéder,  était  son 
parent.  II  avait  une  sœur  nommée  Phidia- 
Julia  Perpétua,  et  d'aulres  parents,  du  nom- 
bre desquels  était  Volusicn,  qui  fut  son  suc- 
cesseur dans  l'épiscopat  de  Tours.  Mais  il 
regardait  les  pauvres  comme  devant  être  les 
héritiers  de  tous  ses  biens.  Aussi  n'attendit-il 
pas  à  les  eu  faire  jouir  après  sa  mort.  On  ne 
peut  douter  qu'il  n'ait  été  fait  évêque  de 
Tours  dès  l'an  461,  puisqu'au  mois  de  no- 
vembre de  celte  année  '  il  y  tint  un  concile 
où  il  présida.  Nous  parlerons  dans  la  suite 
des  règlements  qui  y  furent  faits  pour  le  ré- 
tablissement ou  le  maintien  de  la  discipline 
de  l'Eglise.  Il  présida  aussi ,  selon  toutes  les 
apparences ,  au  concile  que  l'on  assembla  à 
Vannes,  en  465^,  à  l'occasion  de  l'ordination 
d'un  nouvel  évêque.  On  fît  encore  dans  ce 
concile  divers  statuts  pour  remédier  aux  abus 
que  les  incursions  des  Barbares  dans  les 
Gaules  y  avaient  fait  naître.  Le  zèle  de  saint 
Perpétue  ne  se  bornait  pas  aux  règlements 
des  mœurs  ni  au  soin  des  pauvres.  Il  bâtit 
plusieurs  églises  ^  qu'il  enrichit  de  ses  biens  ; 
il  en  régla  l'office  et  établit  un  ordre  pour  la 
célébration  des  veilles  des  grandes  fêtes  dans 
les  églises  de  la  ville  de  Tours.  Il  régla  aussi 
les  jours  de  jeûne,  ordonnant  qu'on  jeûne- 
rait le  mercredi  et  le  vendredi,  depuis  la  Pen- 
tecôte jusqu'au  milieu  de  février.  Mais  il  dis- 
pensa de  ces  jeûnes  depuis  la  fête  de  saint 
Jean  jusqu'à  la  fin  du  mois  d'août,  et  depuis 
Noël  jusqu'à  la  fête  de  saint  Hilaire.  Outre  le 
mercredi  et  le  vendredi ,  il  ordonna  un  troi- 


sième jour  de  jeûne  depuis  la  Saint-Martin 
jusqu'à  Noël  :  ce  qui  faisait  une  espèce  d'A- 
vent.  Il  donna  des  marques  de  sa  vigueur 
épiscopale  en  dégradant  deux  curés  dont  la 
conduite  était  irrégulière  *.  Mais  en  recom- 
mandant ;,  par  son  testament ,  à  son  succes- 
seur de  ne  les  jamais  rétablir,  il  leur  assigna 
une  pension  sur  ses  biens  pour  toute  leur  vie. 
Il  fit  ce  testament^  quinze  on  seize  ans  avant 
sa  mort,  qui  arriva  le  30  décembre  de  l'an  491 , 
après  trente  ans  entiers  d'épiscopat.  11  fut 
entei'ré  auprès  du  tombeau  de  saint  Martin , 
ainsi  qu'il  l'avait  souhaité.  On  voit  par  son 
épilaphe  qu'il  avait  été  l'imitateur  des  ver- 
tus de  ce  grand  évêque ,  comme  son  succes- 
seur dans  le  siège  épiscopal  de  Tours. 

2.  Sachant  que  Paulin  de  Périgueux  tra- 
vaillait à  mettre  en  vers  la  Vie  de  saint  Mar- 
tin, écrite  par  saint  Sulpice  Sévère,  il  lui  en- 
voya un  mémoire  ^  de  plusieurs  miracles  dont 
il  avait  été  témoin  oculaire,  afin  qu'il  les 
ajoutât  aux  autres.  Un  de  ces  miracles  s'était 
fait  entre  les  mains  mêmes  de  saint  Perpétue. 
Ayant  offert  de  l'huile  au  tombeau  de  saint 
Martin ,  afin  qu  'elle  pût  servir  à  la  guérison 
de  diverses  maladies,  corpmeil  arrivait  ordi- 
nairement, et  ayant  jeté  dans  cette  huile 
quelques  raclures  du  marbre  qui  couvrait  son 
sépulcre  '',  l'huile  se  multiplia  aussitôt  avec 
tant  d'abondance,  qu'elle  se  répandit  sur  les 
habits  du  saint,  qui  toutefois  n'en  furent  pas 
tachés.  Il  avait  signé  de  sa  main  ce  inémoire  ^ 
dont  Dieu  se  servit  pour  opérer  des  miracles. 
Car,  en  le  mettant  sur  l'estomac  de  deux  per- 
sonnes malades  ^,  elles  furent  guéries  toutes 
deux  sur-le-champ.  Ce  fut  à  la  prière  de  saint 
Perpétue  que  le  même  PauHn  fit  des  vers 
pour  mettre  à  l'éghse  de  Saint-Martin,  qu'il 
voulait  dédier.  Nous  les  avons  encore  "*. 


1  Tom.  IV'ConciL,  pag.  1050. 

2  Ibid.,  pag.  1050. 

3  Greg.  Turon.j  lib.  II,  cap.  iv;  lib.  X,  cap.  xxsi. 
'  Spicileg.,  tom.  V^  pag.  107. 


*  Spicileg.,  tom.  V,  pag.  105. 
«  Paulin.,  Vit.  S.  Martin.,  Ub.  VI,  pag.  878. 
'  Ibid.,  pag.  880.  —  8  Ibid.,  pag.  882. 
3  Ibid.,  pag.  882  et  883.  —  i"  Ibid. 


CHAPITRE  XXV.  —  SAINT  PERPÉTUE ,  ARCHEVEQUE. 


[y  SIÈCLE.] 

3.  Nous  avons  aussi  le  testament  de  saint 
Perpétue.  Il  fut  d'abord  imprimé  dans  le  Spi- 
cilège  de  dom  Luc  d'Achery  ' ,  en  1661 ,  puis 
dans  le  recueil  des  Bollandistes,  et  ensuite 
dans  le  supplément  des  Conciles  de  Lalande 
et  dans  l'appendice  des  œuvres  de  saint  Gré- 
goire de  Tours,  de  l'édition  de  dom  Ruinart. 
[On  le  trouve  aussi  dans  le  tome  LVIII  de  la 
Patrologie  latine,  col.  731  et  suiv.  11  est  pré- 
cédé d'une  notice  par  Cave  et  suivi  de  l'épita- 
plie  du  saint.]  Perpétue  dressa  lui-même  ce 


439 


testament  etle  signa  le  1"  mai,  après  le  con- 
sulat du  jeune  Léon,  c'est-à-dire  l'an  475.  11 
en  fit  un  double,  qu'il  signa  également,  et  en 
laissa  un  exemplaire  entre  les  mains  de  Del- 
mace,  qu'il  appelle  son  fils  ;  il  confia  l'autre  à 
la  vierge  Dadolène,  avec  ordre  à  Delmace  de 
donner  le  sien  au  comte  Agillon ,  pour  l'ou- 
vrir après  sa  mort  et  le  lire  en  présence  des 
prêtres,  des  diacres  et  des  clercs  de  son 
Eglise.  Il  le  commence  par  l'invocation  du 
saint  nom  de  Jésus  ^,  et  donne  pour  raison 


1  Tom.  V  Spicileçf.,  pag.  105. 

2  hi  nomine  Jesu  Chrisii,amen.  Ego  Perpetuics  pec- 
cator  Turonicœ  Ecc/esiœ  sace7-dos,  abire  nolui  sine 
testamento  ne  fraudentur  pauperes  Us  quœ  superna 
cjralia  mihi  non  merito  liberalitcr  et  amanter  contu- 
lit  ;  et  ne,  quod  ahsit,  ad  alios  quam  ad  Ecclesiam 
transeant  sacerdotis  l/nna.  Presbyteris,  diaconibus  et 
clericis  Ecclesiœ  meœ  pacem  Domini  Jesu  Chrisli,  do, 
lefjo.  Amen.  Confirma  hoc,  Domme,  quod  operatus 
es  in  nobis,  nesciant  schismata,  stabiles  in  fide  perma- 
neant  ;  quicumque  regulam  Evangelii  fuerit  sccutus, 
sit  benedictus  omni  benedictione  spiriiuali  in  supernis 
per  Christum  Jesum,  amen.  Fax  Ecc/esiœ,  pax  po- 
pulo, in  urbe,  in  agro  a  Deo  et  Pâtre  Domini  Jesu 
Chrisd,  amen.  Vobis  itaque  presbyteris,  diaconibus  et 
clericis  Ecclesiœ  meœ  cum  consilio  Agilonis  comilis 
sepeliendum  cadaver  mortis  hujus  ubicumque  elcge- 
riiis,  permiito.  Scio  quod  Redemptor  meus  non  mori- 
iur,  et  in  carne  videbo  Liberalorem  meum,  amen.  Ta- 
men  si  indigno  mihi  feceritis  misericordiam,  quam 
supplex  postula,  optarem  ad  domini  Martini  pedes  in 
diem  qiiiescere  judicii,  videbitis,  judicabitis,  eligetis; 
volo,  slutuo,  ratum  jubeo  quod  vobis  dominis  et  fra- 
tribus  mets  placuerit.  In  primis  itaque  ego  Perpetuus, 
volo  liberos  esse  Uherasque  homines  et  feminas  quot- 
qiiot  habeo  in  villa  Saponaria,  quos  emi  de  mea  pe- 
cunia,  ut  et  pueros,  quos  in  die  discessus  mei  non  ma- 
numisero  in  Ecclesia;  ita  tamen  ut  libère  servianl, 
quamdiu  vixerint,  Ecclesiœ  meœ,  sed  absque  servitute 
ad  hœredes  transmissibili  et  glebatica.  Do  eiiam  Ec- 
clesiœ meœ  agrum,  quem  Aligarius  mihi  vendidit  in 
dicta  villa  Saponaria,  cum  stagno.  Item  molendina 
supra  Carum  pjrope  dictam  villam  ;  nec  non  pecuaria 
et  prata  ipsi  Ecclesiœ  meœ  do,  lego.  Villam  de  Ber- 
tiniaco  cum  sylva  et  omni  reditu,  ea  conditione,  qua 
mihi  a  Daniele  diacono  vendita  est,  Ecclesiœ  meœ  pa- 
riier  do,  lego.  lia  tamen  ut  de  eorum  proventibus 
oleum  paretur  pro  domnî  Martini  sepulcro  indeficien- 
ter  illustrando  :  quod  si  fuerit  negleclum,  et  volunias 
mea,  quod  non  spero,  cassa,  dicta  villa  de  Beriiniaco 
cum  adjunctis,hœredibus  meis  mox  nominandis  cedat, 
volo,  statua,  jubeo.  Quidquid  et  qua  in  loco,  et  a  qua- 
cumque  persona  fuerit  mihi  debiium,  qua  die  absces- 
sero,  debitoribus  ipsis  do,  lego  :  exigere  quod  dimitio 
nullus  prœsumat,  volo,  statua.  Tibi  fratri  et  consacer- 
dati  dilectissimo  Euphronio  thecam  ex  argento  de  re- 
liquiis  sanctorum  do,  lego.  Illam  inielligo  quam  dé- 
ferre solebam;  nam  deauratam  aliam  quœ  est  in  cap- 
sario  meo,  cum  duabus  calicibus  aureis,  et  cruce  si- 
militer  aurea,  quam  Mabuinus  fecit,  Ecclesiœ  meœ 
do,  lego.  Simul  et  omnes  libros  meos,  prœter  Evange- 
liorum  librum,  quem  scripsit  liilarius  quondam  Picia- 
viensis  sacerdos,  quem  tibi  Euphronio  fratri  et  consa- 


cerdoti  dilectissimo  cum  prcefata  theca,  do,  lego,  vola, 
statua  :  memor  esta  mei,  amen.  Ecclesiœ  sancti  Dio- 
nysii  de  Rambasciaca,  calicem  argenieum  et  crucem 
similiter  argenteam,  in  cujus  manubrio  est  reliquia  de 
eodem  suncto  Dionysio,  do,  lego.  Ecclesiœ  de  Proillio 
similiter  calicem  argenteum  et  urceas  argentées  do, 
lego.  Similiter  et  Amalario  ibidem  presbytero  capsulam 
unam  communem  de  se.rico,  item  peristerium  et  co- 
lumbam  argenteam  ad  rcpositarium,  nisi  maluerit 
Ecclesia  mea  illam  qua  utilur  eidem  Amalario  trans- 
mittere,  meam  retinere  :  tibi  Ecclesiœ  meœ  eligendum 
permitto,  vola,  statua.  Sarori  meœ  Fidiœ  Juliœ  Per- 
petuœ  crucem  parvam  auream  ex  emblasmate,  in  qua 
sunt  de  reliquiis  Domini,  do,  lego.  Quam  tamen  ab- 
nixe  rogatam  velim,  ut  si  forte,  jubente  Domino,  eam 
cantingat  migrare  ante  Dadolenam  virginem,  Ecclesiœ 
meœ  ei  passidendam  relinquat.  Te  etiam  rogo,  soror 
Dadalena,  ut  mariens  eam  Ecclesiœ  quœ  libuerit  ad- 
dicas,  ne  veniat  ad  indignas.  Quod  si  transeat  Dado- 
lena  ante  i-e,  sit  tibi  iiberum,  carissima  soror  Fidia 
Julia  Perpétua,  prœdictam  crucem  cui  volueris  Eccle- 
siœ relinquere,  volo,  statua.  Memor  esta  mei,  dilec- 
tissima,  amen.  Tibi  Agiloni,  camiti  ab  egregia  tua  in 
Ecclesiam  meam,  et  pauperes  filios  meos  mérita,  et  ut 
pergas  eorum  defensianem  robuste  suscipere  sicut  cœ- 
pisti,  equum  meum  parabilem,  et  mulum  quem  elege- 
ris,  do,  lego.  Memor  esta  mei,  fili  dilectisiime,  amen. 
Ecclesiœ  sancti  Pétri  pcristramata,  quœ  ei  ad  uten- 
dum  in  natali  ejusdem  sœpe  concessi,  omnino  et  abso- 
lute  do,  lego.  Tibi  fratri  et  consacerdoti  charissirno, 
de  qua  Daminus  providebit  regendœ  past  discessum 
meum  Ecclesiœ  nunc  meœ,  tune  tuœ,  aut  jiatius  nec 
meœ  nec  tuœ,  sed  Christi,  do  quicquid  ad  usmn  epis- 
copalem  de  rébus  meis  volueris  eligere  in  caméra  et 
sacrario  vicino.  Quod  nolueris,  hœredum  meorum  no- 
minandorum  esta.  Presbyierum  de  Malleia,  eumque  de 
Orbana  ad  gradus  unde  merito  dejecti  sunt,  nunquam 
restitue.  Spartulam  tamen  habeant  quamdiu  vixerint 
super  parte  redituum  meorum  de  Preslaio,  quod  su- 
pererit,  cum  parte  illa  quamutendam,  fruendam  illis 
concessi,  postquam  abierint,  et  tibi  utendum,  fruendum 
relinquo  :  post  discessum  tuum  Ecclesiœ  meœ  do,  lego.  A  t 
tu,  frater  et  consacerdos  charissime,  presbyteros,  dia- 
conos,  clericas,  virgines,  meos,  tuas,  ama,  exempta  juva, 
benevolentia  prœveni  ;  fac  ut  sciant  se  tibi  filios,  non 
servos;  te  illis  patrem,  non  dominatorem,  rogo,  volo, 
statua.  At  vos  viscera  mea,  fratres  dilectissimi,  corona 
mea,  gaudium  meum,  domini  mei,  filii  mei,  pauperes 
Christi,  egeni,  mendici,  œgri,  viduœ,  orphani,  vos, 
inquam,  hœredes  meos,  scribo,  dico,  statua.  His  quœ 
supra  detractis,  quicquid  in  bonis  habeo,  sive  in  agris, 
pascuis,  pratis,  nemaribus,  vincis,  mansis,  hortis, 
aquis,  molendinis,  sive  in  aura,  argento  et  vestibus, 


440 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


de  ce  testament,  la  crainte  que  les  pauvres 
ne  fussent  pas  ses  héritiers,  s'il  ne  les  ins- 
tituait lui-même ,  et  que  les  biens  d'un 
évêque  ne  passassent  à  d'autres  qu'à  l'E- 
glise. Il  donne  la  paix  de  Jésus -Christ  à 
son  clergé,  en  priant  le  Seigneur  de  conti- 
nuer d'y  verser  ses  grâces,  d'en  éloigner  les 
schismes,  de  Fafiermir  dans  la  foi  et  dans  la 
pratique  de  l'Evangile.  Il  donne  encore  la 
paix  à  son  Eglise  et  à  tout  son  peuple  ,  tant 
de  la  ville  que  de  la  campagne;  et  quoiqu'il 
laisse  la  liberté  à  ses  prêtres  et  à  ses  autres 
ecclésiastiques  d'enterrer  son  corps  où  bon 
leur  semblerait,  néanmoins,  de] 'avis  du  comte 
Agillon,  il  leur  témoigne,  après  avoir  déclaré 
sa  foi  sur  la  résurrection  de  la  chair,  qu'il 
souhaiterait  être  enterré  aux  pieds  de  saint 
Martin;  passant  ensuite  à  ses  legs  pieux,  il 
déclare  qu'il  affranchit  tous  les  esclaves, 
hommes  et  femmes,  qu'il  avait  achetés  de  son 
argent  à  Savonniers,  comme  aussi  les  en- 
fants qu'ils  pourraient  avoir  lors  de  son  dé- 
cès ,  mais  aux  conditions  que  les  uns  et  les 
autres  serviraient  librement  l'Eglise  pendant 
le  reste  de  leur  vie ,  sans  aucune  charge  en- 
vers ses  héritiers.  Il  donne  à  son  Eglise  un 
champ  qu'il  avait  acheté  dans  ladite  terre 
de  Savonniers,  avec  un  étang  d'un  nommé 
Aligarius;  en  outre,  un  moulin  sur  le  Cher, 
avec  des  prés  et  les  troupeaux  qu'il  avait  dans 
le  voisinage. 

Il  donne  de  plus  à  son  Eglise  la  maison  de 
campagne  qu'il  avait  à  Bertigny,  avec  les 
bois  et  tous  les  revenus  en  dépendant  qu'il 
avait  achetés  du  diacre  Daniel.  Mais  il  charge 
ce  legs  de  l'entretien  d'une  lampe  qui  devait 
être  allumée  continuellement  devant  le  tom- 
beau de  saint  Martin.  Pour  le  reste  de  ses 
biens,  qui  consistait  en  choses  dues,  il  le  re- 
met à  ses  débiteurs  dès  le  jour  de  sa  mort, 
ne  voulant  pas  qu'il  leur  en  fût  rien  réclamé. 
11  lègue  à  l'évêque  Euphrone  une  boite  d'ar- 
gent qui  renfermait  des  reliques  des  saints, 
et  qu'il  avait  coutume  de  porter  sur  lui ,  et 
lui  donne  aussi  un  livre  des  Evangiles  écrit 
de  la  main  de  saint  Hilaire  de  Poitiers.  Quant 

cœterisque  rébus,  de  quibus  me  disposuisse  non  cons- 
tabit,  hœredes  esse  vos  jubeo.  Et  ut  omnia  per  discre- 
tionem  administreniur,  volo  ut  dislrahantur  quam 
primum  abiero  et  fieri  poierit,  et  in  peeuniam  redi- 
gantur,  cujus  /res  partes  fiant.  Hominibus  egenis  duœ 
distribuantur,  ut  placuerit  Agrario  presbytero,  et  co- 
miti  Agiloni.  Tertia  viduis  et  pauperibus  feminis,  uti 
placuerit  virgini  Dadolenœ  distribuatur,  volo,  rogo, 
statua.  Testamentum  hoc  manu  propria  scriplum  re- 
legi  et  subscripsi,  ego  Perpetuus,  Kalend.  Maias  post 


à  une  autre  boite  d'argent  doré  ,  il  la  lègue 
à  son  Eglise  avec  deux  calices,  une  croix  d'or 
et  tous  ses  livres.  Il  laisse  aussi  à  une  église 
de  Saint-Denis  un  calice  d'argent  et  une  croix 
de  même  métal,  dans  le  manche  de  laquelle 
était  enfermée  une  rehque  du  même  saint. 
Il  donne  à  celle  de  Préuilly  un  calice  avec  des 
burettes  d'argent,  et  à  Amalaire,  curé  du  lieu , 
une  chasuble  de  soie  et  une  colombe  d'argent 
semblable  à  celle  qui  était  dans  l'église  de 
Tours ,  pour  y  conserver  apparemment  la 
sainte  eucharistie,  comme  on  fait  encore  au- 
jourd'hui, dans  la  suspension,  en  quelques 
églises.  Il  ne  donne  à  sa  sœur  Julia  Perpétua 
qu'une  petite  croix  d'or  émaillée,  où  il  y  avait 
des  reliques  du  Seigneur.  Il  ne  dit  pas  en  quoi 
ces  reliques  consistaient,  mais  il  lui  recom- 
mande de  ne  laisser  cette  croix  en  mourant  qu'à 
quelque  église,  de  peur  qu'elle  ne  tombât 
en  des  mains  indignes.  Il  suppose  que  Julia 
mourrait  après  la  vierge  Dadolène.  Mais,  au 
cas  que  Dadolène  lui  survécût,  il  veut  que 
cette  croix  lui  soit  donnée,  pour,  après  sa 
mort,  être  léguée  à  quelque  église.  A  l'égard 
du  comte  Agillon,  dont  il  relève  l'amour  pour 
les  pauvres  et  pour  l'Eglise ,  il  lui  lègue  son 
cheval  de  monture  et  un  mulet  à  choisir,  le 
priant  de  continuer  à  prendre  la  défense  des 
pauvres  et  de  se  souvenir  de  lui.  Il  lègue  à 
l'église  de  Saint-Pierre  des  tapisseries  qu'il 
lui  avait  prêtées  souvent  pour  le  jour  de  la 
fête  du  saint.  Il  lègue  à  son  successeur  tout 
ce  qui  lui  agréerait  des  ornements  pontifi- 
caux de  sa  chambre  et  de  sa  chapelle.  11  le 
conjure  de  ne  point  rétablir  les  curés  de 
Maillé  et  d'Orbonne  qu'il  avait  dégradés,  en 
déclarant  qu'il  leur  avait  laissé  une  pension 
viagère  sur  ses  biens.  «  Aimez,  ajoute-t-il  en 
s'adressant  à  son  successeur,  les  prêtres,  les 
diacres,  les  clercs  et  les  vierges  de  votre 
église  et  de  la  mienne.  Soutenez-les  par  votre 
exemple ,  prévenez-les  de  vos  bontés ,  faites 
qu'ils  sachent  qu'ils  sont  vos  enfants  et  non 
vos  esclaves,  qu'ils  vous  ont  pour  père,  non 
pour  dominateur  et  pour  maître.  »  Il  ordonne 
ensuite  que  les  pauvres  seraient  ses  héritiers 

consulaium  Leonis  Minoris.  At  illud  tu,  Delmati  fili, 
apud  te  depositum  serva  ;  et  cum  alio  simili  mea  pa- 
riter  manu  scriptum  et  subscriptum,  quod  apud  Dado- 
lenam  déposai,  Agiloni  comiti  coram  fralribus  mets 
presbyteris,  diaconibus  et  clericis  aperiendum  et  le- 
gendum  trades,  in  nomine  Domini,  volo,  rogo,  statuo, 
fixum  ratumque  sit.  Denedic,  Domine  :  veni,  Christe 
Jesa.  Ego  Perpetuus  in  nomine  tuo,  amen.  Toiu.  V 
Spicileg.,  pag.  105. 


CHAPITRE  XXVI.  —  PAULIN  DE  PERIGUEUX,  ETC. 


Ecrits    de 
saint    Pcrpé- 


|V=  SIÈCLE.] 

de  tout  ce  qu'il  avait  en  meubles  et  en  im- 
meubles, à  la  réserve  des  legs  spécifiés  dans 
son  testament ,  et  qu'à  cet  effet  tous  ses  biens 
seraient  vendus  aussitôt  après  sa  mort,  et  que 
du  prix  en  provenant,  l'on  en  distribuerait  un 
tiers  aux  veuves  et  aux  pauvres  femmes,  sui- 
vant la  disposition  de  la  vierge  Dadolène ,  et 
les  deux  autres  tiers  aux  hommes  qui  seraient 
dans  la  nécessité  :  ce  qu'il  réservait  au  juge- 
ment du  prêtre  Agrarius  et  du  comte  Agillon. 
Saint  Grégoire  de  Tours,  qui  parle  de  ce  tes- 
tament ',  dit  que  saint  Perpétue  laissa  ce 
qu'il  possédait  à  l'Eglise  de  Tours  et  à  toutes 
les  autres  où  il  avait  du  bien;  ce  qui  ne  pa- 
raît pas  exact  ni  conforme  à  la  teneur  de 
ce  testament.  Le  même  historien  dit  que  ce 
saint  évêque  bâtit  plusieurs  églises,  entre 
autres  celle  de  Saint-Pierre,  dans  laquelle  il 
fit  transporter  la  voûte  de  l'ancienne  église 
de  Saint-Martin,  ne  l'ayant  pas  voulu  laisser 
périr,  parce  qu'elle  était  bien  faite.  Cela  ne 
veut  dire  autre  chose  sinon  qu'il  fit  faire  une 
nouvelle  voûte  des  mêmes  pierres  qui  avaient 
servi  à  celle  de  Saint-Martin.  Celle-ci  avait 
été  bâtie  par  saint  Brice,  aussi  évêque  de 
Toui's.  Mais  comme  elle  était  trop  petite,  saint 
Perpétue  en  fit  construire  une  plus  grande, 
où  il  fit  transporter  le  corps  de  saint  Martin, 
auquel  elle  fut  dédiée  le  4  juillet  de  fan  473. 
Quelque  temps  auparavant,  il  avait  demandé 
à  saint  Sidoine  des  vers  pour  les  y  mettre.  Il 
bâtit  encore  l'église  de  Saint-Laurent,  à  Mont- 
louis,  à  trois  lieues  environ  de  Tours,  et  eut 
part  à  beaucoup  d'autres  que  l'on  bâtit  de 
son  temps  dans  son  diocèse. 
4.  On  compte  au  nombre  de  ses  écrits  les 


441 


règlements  qu'il  fit  tant  pour  la  célébration 
du  service  divin  que  pour  l'ordre  des  jeûnes 
et  des  stations  ou  des  veilles.  Il  met  par  exem- 
ple la  célébration  de  l'oflîce,  le  jour  de  Noël 
et  de  f  Epiphanie,  dans  l'église  cathédrale  de 
Tours ,  et  celui  de  la  Nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste  dans  la  basilique  de  Saint-Martin.  Il 
marque  la  fête  de  la  Chaire  de  saint  Pierre 
sous  le  nom  de  jour  natal  de  fépiscopat  de 
saint  Pieri'e,  fête  si  célèbre  dès-lors  dans  les 
Gaules,  qu'en  comptant  les  dimanches  jus- 
qu'au Carême,  on  disaitle premier,  le  second, 
le  troisième  après  la  Chaire  de  saint  Pierre. 
11  distingue  le  jour  de  la  Résurrection,  qui  se 
célébrait,  suivant  les  anciens  calendriers,  le 
27  mars,  d'avec  le  jour  de  Pâques  ^,  dont  la 
célébration  se  réglait  suivant  le  cours  de  la 
lune.  Paulin  de  Périgueux  remarque,  dans 
le  livre  VI  de  la  Vie  de  saint  Martin^,  que,  le 
jour  de  Pâques,  f  évêque  et  tout  le  peuple  de 
Tours  avaient  coutume  de  passer  la  rivière 
en  bateau,  pour  aller  à  la  cellule  du  saint,  à 
Marmoutier.  Saint  Perpétue  ne  dit  rien  de 
cette  station.  Celle  qu'il  met  pour  le  jour  de 
Pâques  se  faisait  k  l'église  cathédrale,  et  celle 
de  la  Résurrection  à  la  basilique  de  Saint- 
Martin.  Ce  concours  du  peuple  à  Marmoulier 
n'était  donc  qu'une  simple  dévotion  sans  au- 
cun office  solennel.  Saint  Perpétue  avait  écrit 
à  saint  Sidoine  pour  le  prier  de  lui  envoyer 
son  discours  sur  l'élection  de  saint  Simplice, 
évêque  de  Bourges.  Nous  ne  savons  de  cette 
lettre  que  ce  que  saint  Sidoine  en  dit  dans  sa 
réponse  *.  Nous  n'avons  plus  celle  qu'il  écri- 
vit au  même  évêque  ^  pour  avoir  quelques 
vers  en  l'honneur  de  saint  Martin, 


CHAPITRE  XXVI. 

Paulin  de  Périgueux,  poète  chrétien  [vers  490];  Benoît  Paulin, 
et  quelques  autres  écrivains. 


1.  Paulin,  surnommé  de  Périgueux,  lieu 
de  sa  naissance,  pour  le  distinguer  de  plu- 
sieurs écrivains  de  même  nom  qui  ont  vécu 
dans  le  V^  siècle,  était  lié  d'amitié  avec  saint 
Perpétue,  archevêque  de  Tours.  Saint  Sidoine 


parle  d'un  Paulin,  rhéteur  à  Périgueux,  et 
il  y  a  toute  apparence  que  celui  dont  nous 
parlons  était  son  fils.  Car  Paulin  le  rhéteur 
était  mort  dep^iis  assez  longtemps  lorsque 
saint  Sidoine  écrivait  à  Lupus,  vers  fan  379  ••, 


1  Greg.  Turon.,  lib.  X  Hist.  Franc,  pag.  530,  531 
et  532. 

^  Sexto  calendas  aprilis  Resurrectione  Domini  nosiri 
Jesu  Christi  ad  basilicam  domni  Martini,  Pasclia  in  Ec- 


clesia.  Greg.  Turon.,  lib.  X  Hisior.  Francor.,  pag.  531. 

3  Lib.   VI    Vit.  S.   Martin.  —  '  Sidon.,   lib.   Vil, 
Epist.  9.  —  s  Ibid.,  lib.  IV,  Epist.  10. 

G  Sidon.,  lib.  VIII,  Epist.  11,  pag.  1073. 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


au  lieu  que  Paulin ,  qui  se  mêlait  de  poésie, 
vivait  encore  alors.  Saint  Perpétue  lui  avait 
demandé,  de  même  qu'à  saint  Sidoine,  vers 
l'an  470,  des  vers  pour  mettre  dans  l'église 
de  Saint-Martin  qu'il  faisait  rebâtir.  Sachant 
depuis  que  Paulin  travaillait  à  mettre  envers, 
en  trois  livres,  la  Vie  de  saint  Martin,  écrite 
par  saint  Sulpice  Sévère ,  et  en  deux  autres 
livres  ce  que  le  même  Sulpice  avait  rapporté 
de  ce  saint  évêque  dans  ses  Dialogues,  il  lui 
communiqua  un  mémoire  de  plusieurs  autres 
miracles  de  saint  Martin,  dont  il  avait  été  lui- 
même  témoin  oculaire,  afin  qu'il  les  ajoutât 
aux  autres.  Paulin  de  Périgueux  en  fit  un 
sixième  livre.  Entre  les  miracles  qu'il  y  rap- 
porte, il  y  en  a  qui  regardent  le  général  Gilles, 
qui  fut  mis  à  la  place  de  Childéric  par  les 
Français.  Ainsi  ce  sixième  livre,  où  il  parle 
de  ce  général  comme  vivant,  doit  avoir  été 
fait  avant  l'an  464,  où  il  mourut,  selon  Idace. 
Il  les  envoya  à  saint  Perpétue,  qui  approuva 
l'ouvrage  et  lui  demanda  ensuite  d'autres  vers 
qu'il  avait  faits  sur  la  guérison  de  son  petit- 
fils.  Paulin  le  satisfit  encore  en  lui  envoyant 
ce  petit  poème,  où  l'on  voit  que  ce  jeune 
homme ,  qui  était  sur  le  point  de  se  marier, 
étant  tombé  malade  avec  la  fille  qu'il  voulait 
épouser,  ils  demandèrent  tous  deux  le  mé- 
moire des  miracles  de  saint  Martin,  signé  de 
la  main  de  saint  Perpétue,  et  furent  guéris 
aussitôt  qu'on  eut  mis  ce  mémoire  sur  leur 
estomac.  C'est  tout  ce  que  l'on  sait  de  Pau- 
lin de  Périgueux. 
Poèmes  do  2.  Nous  avous  encore  aujourd'hui  ses  poé- 
sies 1.  La  plus  considérable  est  celle  qui  ren- 
ferme la  vie  et  les  miracles  de  saint  Martin 
de  Toui's  :  elle  est  en  vers  hexamètres  et  di- 
visée en  six  livres.  Ils  sont,  pour  le  style, 
beaucoup  au-dessous  de  l'élégance  de  la 
prose  de  Sulpice.  Aussi  Paulin  avoue- t-il 
ingénuement  qu'il  ne  se  croyait  pas  capable 
de  donner  quelque  chose  qui  méritât  l'estime 
des  savants  ^.  Il  craignait  même  que  les  pa- 
roles de  saint  Sulpice  ne  perdissent  be.au- 
coup  de  leur  beauté  et  de  leur  énergie  en 
passant  par  sa  plume  ^,  et  que  la  langueur 
de  sa  poésie  ne  ternît  en  quelque  façon  l'é- 
clat des  miracles  de  saint  Martin.  Mais  le 


désir  de  contribuer  à  l'édification  des  fidè- 
les *,  dont  plusieurs  ont  plus  de  goût  pour 
ce  qui  est  écrit  en  vers  que  pour  la  prose,  et 
la  dévotion  qu'il  avait  lui-même  pour  saint 
Martin  ^,  lui  firent  surmonter  les  obstacles 
qu'il  trouvait  dans  son  peu  de  talent.  Nous 
avons  aussi  le  petit  poème  qu'il  composa 
pour  conserver  la  mémoire  de  la  guérison 
miraculeuse  de  son  petit-fils  et  de  la  fille 
qu'il  devait  épouser ''.  Ce  poème  est  précédé 
d'une  lettre  adressée  à  saint  Perpétue,  dans 
laquelle  Paulin  lui  rend  i-aison  des  vers  qu'il 
lui  avait  demandés  pour  orner  les  murailles 
qui  environnaient  le  tombeau  de  saint  Mar- 
tin. Il  lui  envoya  ces  vers  par  le  diacre  Do- 
minissime,  avec  le  poème  sur  la  guérison  de 
son  petit-fils  ^.  Il  nous  reste  une  partie  de 
ces  vers,  où  Ton  voit  que  Paulin  rappelait 
à  ceux  qui  allaient  prier  sur  le  tombeau  de 
saint  Martin,  le  don  continuel  et  extraordi- 
naire des  miracles  dont  Dieu  avait  favorisé 
ce  saint  évêque;  tous  ceux  qui  venaient  prier 
sur  son  tombeau,  soit  aveugles,  soit  boiteux, 
soit  malades  ou  afïïigés  de  tout  autre  ma- 
nière, s'en  retournaient  soulagés.  Ces  vers 
sont  intitulés  :  De  ceux  qui  prient. 

3.  François  Juret  fit  imprimer  les  poèmes  jidiii„„5j,s 
de  Paulin  à  Paris,  en  1583,  sur  un  manus-  ;;"=  ^°  ^"'- 
crit  de  M.  Pithou,  avec  de  longues  notes; 
mais  il  les  donna  sons  le  nom  de  PauHn  de 
Noie  :  ils  passèrent  depuis  dans  les  recueils 
des  Poètes  chrétiens,  et  dans  les  diverses  5?- 
bliothèques  des  Pères.  Daumius  les  fit  imprimer 
séparément  à  Leipsick,  avec  des  notes  de  sa 
façon;  celles  de  Juret  et  de  Gronovius,  VEu- 
charisticon  de  Paulin  le  Pénitent,  et  quelques 
poèmes  attribués  à  TertuUieu.  Cette  édition, 
qui  avait  été  commencée  dès  l'au  1680,  ne 
fut  achevée  qu'en  1686,  ayant  été  interrom- 
pue pendant  six  ans,  à  cause  de  la  peste  dont 
la  ville  de  Leipsick  fut  attaquée.  [Les  écrits 
de  Paulin  sont  reproduits  dans  la  Patrologie 
latine,  tome  LXl,  col.  1007  et  suiv.  Quelques 
extraits  du  poème  de  la  Vie  de  saint  Martin  se 
lisent  en  latin  dans  les  Selecta  carmina,  par 
Clément,  et  en  français  dans  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Les  Poètes  chrétiens,  par  le  même  ; 
Gaume,  1857,  1  vol.  in-8"'.] 


'  Tom.  VI  Bihlioth.  Pair.,  pag.  298. 
^  Nos  gitoque  dignum  nihil  possumus  edere  doclis  : 
Turbida  non  longe  purgemus  pocula  libris. 

Lib.  IV,  pag.  308. 
3  Jam  longa  nimis  langueniis  pagina  libri 
Enervât  clari  tititlos  et  gesia  patroni. 

Lib.  VI,  pag.  316. 


'•  Hœc  paucis  ausus  propere  percurrere  verbis, 
Signavi  indoctus  populo  relegemla  fideli. 

Lib.  VI,  pag.  322. 
s  Lib.  V,  pag.  313. 
6  Tom.  VI  Biblioth.  Pair.,  pag.  322. 
T  Ibid.,  pag.  328. 


CHAPITRE  XXVI.  —  PAULIN  DE  PÉRIGUEUX,  ETC. 


[V=   SIÈCLE.] 

4.  Il  y  avait  un  autre  Paulin  dans  les  Gau- 
les^ à  peu  près  dans  le  même  temps  que  celui 
de  Périgueux.  On  le  nomme  ordinairement 
Benoit  Paulin.  Il  était  de  Bordeaux  et  en 
commerce  de  lettres  avec  Fauste,  évêque  de 
Riez.  Dans  le  dessein  de  s'instruire  sur  plu- 
sieurs points  de  la  religion,  il  s'adressa  à  un 
saint  homme  nommé  Marin,'  qui  lui  décou- 
vrit les  erreurs  dans  lesquelles  il  était  sans 
le  savoir.  Paulin,  pour  s'éclaircir  davantage, 
dressa  un  mémoire  contenant  plusieurs  ques- 
tions sur  la  foi,  et  l'envoya  à  Fauste,  en  le 
priant  d'y  répondre.  Il  est  inutile  de  répéter 
ici  ce  que  nous  avons  dit  de  ces  questions 
dans  l'article  de  Fauste,  et  des  réponses  qu'il 
y  fit.  Paulin  accompagna  son  mémoire  d'une 
lettre  à  Fauste,  que  l'on  a  imprimée  dans  la 
Bibliothèque  des  Pères,  à  Paris,  en  1644  '. 

5.  Gennade  parle  d'un  autre  Paulin  2,  qui 
avait  composé  quelques  traités  ou  homélies 
sur  le  commencement  du  Carême.  Il  en  avait  lu 
un  pour  le  jour  de  Pâques;  un  autre  de  l'Obéis- 
sance; un  sur  la  Pénitence,  et  un  quatrième 
aux  Néophites.  Il  ne  nous  reste  rien  de  cet 
auteur  ^. 

6.  Le  même  Gennade  nous  apprend  *  que 
Victorin,  rhéteur  à  Marseille,  avait  un  com- 
mentaire sur  la  Genèse,  qui  commençait  à  la 
création  et  finissait  à  la  mort  d'Abraham,  il 
était  divisé  en  trois  hvres  adressés  à  Euthé- 
rius,  son  fils.  Nous  en  avons  un  sous  le  nom 
de  Victorin  ^,  divisé  aussi  en  trois  livres,  et  on 
ne  doute  pas  que  ce  ne  soit  celui  dont  parle 
Gennade.  C'est  un  poème  en  vers  héroïques 
latins,  oîi  Victorin  donne  de  suite  l'histoire 
de  la  création  et  des  principaux  événements 
rapportés  dans  la  Genèse.  Quoique  ses  vers 
soient  durs,  on  les  ht  avec  plaisir,  par  le  tour 
naturel  qu'il  donne  à  ses  pensées  et  par  la 
netteté  avec  laquelle  il  traite  son  sujet.  Ce 
poème  est  précédé  d'une  préface  dans  la- 
quelle il  s'adresse  au  Dieu^tout-puissanl,  dont 
il  loue  la  bonté  envers  ses  créatures,  princi- 
palement envers  l'homme.  Il  la  commence  ^ 
par  la  confession  de  la  sainte  Trinité,  recon- 

'  Tom.  m  Biblioth.  Patr.,  pag.  37  et  38. 

2  Gennad.,  de  Viri.s  illast.,  cap.  LXVin. 

3  Voyez  le  volume  VIII  de  celte  édition,  pag.  432. 
(L'édileur.) 

*  Idem,  ibid.,  cap.  ls. 

^  D.  Ceillier  a  déjà  fait  un  article  sur  Victorin  ou 
Victor,  au  chapitre  xsix  du  volume  VIII,  pag.    420 
et  suiv.  [L'éditeur.] 
^  In  tribus  esse  Deum,  sed  très  sic  credimus  unum, 
Vnica  personas  ut  très  subslantia  reddat. 

Pag.  308. 


443 


naissant  que,  quoiqu'il  n'y  ait  en  Dieu  qu'une 
seule  substance,  il  y  a  néanmoins  trois  per- 
sonnes. Il  ajoute  à  la  fin  ^  que  ces  trois  per- 
sonnes, qui  sont  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit,  ont  une  même  majesté  incompréhen- 
sible à  l'esprit  de  l'homme.  Victorin,  dans 
quelques  manuscrits  et  dans  l'édition  de  Fa- 
bricius,  est  appelé  Claudius  Marius  Victor. 
Quelques-uns  lui  donnent  quatre  livres,  d'au- 
tres seulement  trois.  Peut-être  que  par  le  qua- 
trième ils  entendent  sa  lettre  à  l'abbé  Salo- 
mon.  Gennade  ne  dit  rien  de  cette  lettre  : 
elle  est  en  vers  héroïques,  de  même  que  les 
trois  livres  sur  la  Genèse.  Georges  Fabricius  ^ 
qui  l'attribue  sans  hésiter  à  Victorin,  l'a  fait 
imprimer  à  la  suite  de  ses  .commentaires, 
dans  son  recueil  des  Poètes  chrétiens,  à  Bâle, 
chez  Oporin,  en  1564.  On  voit  par  cettG  let- 
tre que  Victorin  écrivait  sur  la  fin  du  règne 
de  Théodose  le  Jeune  et  de  Valentinien, 
après  l'irruption  des  Barbares  en  Italie.  Il 
nomme,  entre  ces  Barbares,  les  Vandales,  les 
Sarmates,les  Alains,  et  se  plaint  de  ce  qu'a- 
près les  maux  qu'ils  avaient  faits  dans  l'em- 
pire d'Occident,  les  peuples,  au  lieu  d'en 
prendre  sujet  de  corriger  leurs  mœurs,  en 
étaient  devenus  plus  vicieux;  qu'ils  négli- 
geaient la  lecture  des  livres  saints  pour  s'oc- 
cuper de  Virgile,  d'Ovide,  de  Térence,  d'Ho- 
race. Il  remarque  que  l'on  eut  soin  de  réta- 
blir les  édifices  qui  avaient  été  brûlés  dans 
ces  incursions;  mais  qu'on  ne  songea  point 
à  avoir  des  mœurs  plus  réglées  qu'aupara- 
vant, et  que  ce  fut  ce  qui  attira  la  colère  de 
Dieu.  Sa  lettre  est  intitulée  :  Des  mauvaises 
mœurs  de  son  siècle.  11  ne  laisse  pas  de  conve- 
nir ^  qu'il  y  avait  encore  dans  l'Eglise,  et  en 
particulier  dans  les  monastères,  des  gens  de 
piété  qui  ne  participaient  pas  aux  désordres 
communs.  Victorin  mourut  ^^  sous  l'empire 
de  Théodose  le  Jeune  et  de  Valentinien. 

Les  poésies  de  Victorin  ont  été  imprimées 
pour  la  première  fois,  avec  celles  de  saint 
Avit  de  Vienne,  à  Lyon,  chez  Portonaire, 
en  1536,  par  les  soins  de  Jean  de  Gaigny  ;  en- 

'  Per  Dominum  Chrisium,  qui  tecum  natus  eadem 
Majesiate  viget,  pariter  qiia  Spiritus  alnius 
liicomprehensa  animis  sœclorum  in  sœcula  vivit. 

Pag.  311. 

8  Fabric,  Poet.  Clirist.,  pag.  349. 

9  Attamen  in  vestro  populo  non  rara  bonorum 
Turba  viget,  multosque  pia  Ecclesia  nuiril. 
Sunt  plane  insontes  multi. 

Vict.,  Epist.  ad  Salom.,  pag.  351. 
1"  Gennad.,  de  Viris  illust.,  cap.  LS.. 


444  HISTOIRE  GENERALE  DES 

suite  àParis,  en  1545,  chez  Drouart;  puis  chez 
Guillaume  Morel,  en  la  même  ville,  en  1560, 
avec  le  poème  su?'  la  Genèse,  attribué  à  saint 
Hilaire  de  Poitiers,  et  quelques  autres  poésies 
chrétiennes.  On  n'y  trouve  pas  la  lettre  de 
Victorin  à  l'abbé  Salomon,  non  plus  que  dans 
le  recueil  intitulé  :  Le  chœur  des  poètes,  où  l'on 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

a  inséré  ses  trois  livres  sur  la  Genèse.  Mais 
elle  se  trouve  avec  les  autres  poésies  de  cet 
auteur,  dans  le  recueil  des  Poètes  chrétiens 
de  Georges  Fabricius,  à  Bâle,  en  1564,  d'où 
elles  sont  passées  dans  les  diverses  Biblio- 
thèques des  Pèî'es  [et  dans  la  Patrologie  latine, 
tome  LXI,  col.  935  et  suiv.] 


CHAPITRE  XXVII. 


Saint  Patrice ,   apôtre   d'Irlande. 


Sa  naisfian- 
ce.  Il  e?t  em- 
mené caplif. 


1  .'On  met  la  naissance  de  saint  Patrice  en 
tre  les  années  395  et  415,  dans  un  village  de 
la  Bretagne  nommé  Bonaven  '.  Ce  pays  était 
alors  soumis  aux  Romainsijd'où  vient  que  Pa- 
trice se  dit  lui-même  Breton  et  Romain.  Son 
père,  nommé  Calpurnius,  était  diacre  et  fils 
d'un  prêtre  qui  s'appelait  Potitus.  On  ne  sait 
point  le  nom  de  sa  mère.  Quoique  né  de  pa- 
rents chrétiens,  et  chrétien  lui-même,  il  dit 
qu'à  l'âge  de  seize  ans  il  ignorait  encore  le 
vrai  Dieu,  c'est-à-dire,  apparemment,  qu'il  ne 
le  servait  point  comme  il  aurait  dû.  Il  fut  alors 
emmené  captif  en  Hibernie  avec  plusieurs 
milliers  d'autres.  Il  rejette  cette  infortune 
sur  ce  qu'ils  n'avaient  pas  écouté  les  minis- 
tres du  Seigneur;  qu'ils  n'avaient  point  ob- 
servé ses  préceptes,  et  sur  leur  désobéis- 
sance aux  remontrances  qui  leur  avaient  été 
faites  dans  leurs  dérèglements.  Les  Barbares 
enlevèrent  aussi  à  son  père  divers  esclaves, 
dont  ils  tuèrent  une  partie.  Pour  lui,  il  fut 
réduit  à  garder  des  bêtes  dans  les  montagnes 
et  dans  les  bois,  où  il  eut  beaucoup  à  soutïrir 
de  la  faim,  de  la  nudité  et  des  injures  de 
l'air.  Dans  ces  humiliations  et  ces  peines,  il 
eut  recours  à  la  prière;  et  ayant  cherché 
Dieu  sincèrement,  il  en  reçut  du  secours  con- 
tre beaucoup  de  dangers.  Après  avoir  passé 
six  ans  sous  un  même  maître  ^,  il  chercha  les 
moyens  de  s'en  retourner  en  son  pays;  et- 
ayant  trouvé  un  vaisseau  qui  partait,  il  s'em- 
barqua. Au  bout  de  trois  joui-s  il  aborda  en 
Ecosse,  où  il  fut  pendant  vingt-sept  jours  à 
errer  dans  les  déserts  avec  ceux  du  vaisseau, 
ne  trouvant  ni  à  boire  ni  à  manger.  Ils  étaient 

<  BoUand.,  ad  diem  17  inartii,  pag.  b33  et  535. 

2  Ibid.,  pag.  535. 


tous  païens;  lorsqu'ils  se  virent  sans  vivres, 
ils  demandèrent  à  Patrice,  qui  leur  avait  ap- 
paremment parlé  de  la  toute-puissance  de 
Dieu,  pourquoi  il  ne  le  priait  pas  dans  ce  be- 
soin. Il  leur  répondit  que  s'ils  voulaient  le 
prier  avec  lui,  ils  en  recevraient  de  la  nour- 
riture :  le  jour  même  ils  rencontrèrent  un 
grand  troupeau  de  porcs  qui  leur  fournit  de 
quoi  vivre  jusqu'au  soir  du  vingt-septième 
jour.  Etant  entrés  le  lendemain  dans  un  pays 
habité,  un  d'eux  présenta  à  Patrice  quelque 
chose  à  manger  ;  mais  ayant  appris  par  un 
autre  de  la  troupe  que  ce  qu'on  lui  présen- 
tait avait  été  offert  aux  idoles,  il  n'en  voulut 
point  manger  ^. 

2.  De  retour  chez  son  père  et  sa  mère,  il  h  est  fait 
entra  dans  le  clergé,  fut  fait  diacre  et  ensuite  pSe'^e'i  i™ 
eveque.  Ce  ne  tut  pas  sans  de  grandes  op-  biu  la  w  : 

,       ,  ,  A  1  -11  son     désintc- 

positions  de  la  part  même  de  ses  meilleurs  icïsemem. 
amis  et  du  curé  du  lieu  où  il  demeurait.  Ou- 
tre les  périls  où  ils  voyaient  qu'il  serait  ex- 
posé parmi  des  ennemis  des  Romains  et  des 
Bretons,  ils  prétendaient  que  Patrice  n'avait 
pas  les  qualités  nécessaires  pour  annoncer 
l'Evangile  dans  un  pays  où  il  était  entière- 
ment inconnu.  Mais  il  demeura  ferme  à  vou- 
loir passer  en  Irlande  et  à  y  finir  ses  jours, 
suivant  l'ordre  qu'il  croyait  en  avoir  reçu  de 
Jésus-Christ.  Il  pouvait  avoir  alors  quarante- 
cinq  ans.  Abandonnant  donc  toute  sa  fa- 
mille *,  il  alla  en  Irlande  se  consacrer  tout 
entier  pour  le  salut  d'un  peuple  qui  ne  con- 
naissait point  Dieu  et  ne  savait  qu'adorer 
des  idoles.  Dieu  bénit  ses  travaux,  et  il  eut 
la  consolation  de  faire  renaître  par  le  bap- 

'   Umis   illorum  dixit  :  «  Hoc  immolatum  est.  » 
Exinde  nihil  gustavt.  Ibid.  —  '  Ibid.,  pag.  536. 


[v=  SIÈCLE.]      CHAPITRE  XXVII.  —  SAINT 

tême  *,  et  de  confirmer  en  Jésus-Christ  un 
nombre  infini  de  personnes.  Il  ordonna  des 
clercs  pour  l'instruction  de  ces  nouveaux 
convertis  2.  Plusieurs  d'entre  eux  embrassè- 
rent la  continence.  11  consacra  des  vierges, 
et  institua  de  saints  moines,  parmi  lesquels 
il  se  trouva  beaucoup  d'enfants  des  princi- 
paux du  pays,  comme  il  se  trouvait  entre  les 
vierges  des  filles  de  rois.  Il  avait  pour 
maxime  ^  de  ne  rien  prendre  de  ceux  ou 
qu'il  baptisait  ou  qu'il  ordonnait  clercs  :  sou- 
vent même  il  rendait  les  petits  présents  qu'on 
lui  faisait  et  que  l'on  mettait  quelquefois  sur 
l'autel,  aimant  mieux  contrister  ceux  qui 
faisaient  ces  présents,  que  de  donner  aux 
ennemis  de  la  foi  aucune  occasion  de  la  dé- 
crier. Dans  les  visites  des  provinces,  il  faisait 
de  grandes  aumônes  aux  pauvres,  étendant 
quelquefois  sa  générosité  jusqu'aux  rois,  ju- 
geant que  cela  était  nécessaire  pour  le  pro- 
grès de  l'Evangile. 

3.  Dans  le  temps  qu'il  était  tout  occupé  à 
le  faire  fructifier,  un  des  princes  du  pays  de 
Galles,  chrétien  de  profession,  mais  non  d'es- 
prit ni  de  mœurs,  nommé  Corotic  '',  fit  une 
descente  en  Irlande  vers  la  fête  de  Pâques, 
et  pilla  le  canton  où  le  saint  venait  de  donner 
le  saint  chrême  à  un  grand  nombre  de  néo- 
phites.  Corotic,  sans  avoir  égard  à  la  sainteté 
des  sacrements  qu'ils  venaient  de  recevoir, 
car  ils  portaient  encore  l'habit  blanc  de  leur 
baptême,  en  massacra  plusieurs  et  vendit  les 
autres  aux  Pietés  et  aux  Ecossais  infidèles. 
Dès  le  lendemain  du  massacre,  saint  Patrice 
envoya  une  lettre  à  Corotic,  par  un  saint  prêtre 
qu'il  avait  élevé  dès  l'enfance,  et  par  quelques 
autres  ecclésiastiques,  pour  le  prier  de  rendre 
les  chrétiens  qu'il  avait  enlevés,  et  du  moins 
une  partie  de  ce  qu'il  avait  pillé.  Corotic 
n'ayant  eu  aucun  égard  à  ses  remontrances, 
le  saint  écrivit  de  sa  main  une  seconde  lettre, 
non  à  ce  tyran,  mais  aux  chrétiens  qui  lui 
étaient  soumis.  Cette  lettre,  qui  était  publique 
et  circulaire,  est  venue  jusqu'à  nous.  Il  s'y 


PATRICE,  APOTRE  D'IRLANDE.  445 

qualifie  dès  le  commencement  un  pécheur  et 
un  ignorant;  mais  il  se  déclare  en  même 
temps  évêque  d'Hibernie,  disant  avec  assu- 
rance qu'il  avait  reçu  de  Dieu  cette  qualité. 
11  raconte  la  manière  donc  Corotic  avait  mal- 
traité les  chrétiens,  la  prière  qu'il  lui  avait 
faite  de  les  rendre,  le  refus  injurieux  et  mo- 
queur de  ce  tyran  :  après  quoi  il  déclare  à 
toute  l'Eglise  que  lui  et  les  autres  parricides 
et  fraticides  qui  ont  pris  part  à  son  crime, 
sont  séparés  de  sa  communion  '^  et  de  Jé- 
sus-Christ dont  il  tient  la  place.  Il  défend  de 
manger  avec  eux  et  de  recevoir  même  leurs 
aumônes  ^,  jusqu'à  ce  qu'ils  satisfassent  à 
Dieu  par  les  larmes  d'une  vraie  pénitence 
et  qu'ils  aient  rendu  la  liberté  aux  serviteurs 
et  aux  servantes  de  Jésus-Christ.  Il  proteste 
que  quiconque  communiquera  avec  eux  ''  et 
les  flattera  dans  leurs  péchés,  sera  jugé  et 
condamné  de  Dieu.  II  invite  tous  ceux  qui 
auront  connaissance  de  sa  lettre,  à  la  ré- 
pandre partout  ^,  et  prie  qu'on  la  lise  dans 
les  assemblées  publiques,  surtout  en  pré- 
sence de  Corotic,  et  qu'on  la  fasse  voir  à  ses 
soldats,  afin  que,  touchés  de  douleur  de  leurs 
crimes,  ils  s'efforcent  d'en  obtenir  le  pardon. 
Il  se  réjouit  dans  la  même  lettre  '  de  ce  que 
ceux  qui  avaient  été  tués  en  cette  occasion, 
régneraient  avec  les  prophètes,  les  apôtres 
et  les  martyrs.  Elle  est  sans  date;  mais  il  est 
visible  que  saint  Patrice  ne  l'écrivit  qu'après 
un  très-long  séjour  en  Irlande,  puisqu'il  dit 
qu'il  avait  envoyé  par  un  prêtre  qu'il  y 
avait  élevé  dès  l'enfance  '",  la  lettre  qu'il 
avait  écrite  qi;elques  temps  auparavant  à  Co- 
rotic. Ce  prêtre  était  aussi  chargé  de  rede- 
mander les  captifs  :  ce  qui  suppose  que  c'é- 
tait un  homme  d'expérience  et  d'un  âge  mûr. 
En  mettant  donc  l'épiscopat  de  ce  Saint  entre 
445  et  460,  on  pourra  rapporter  ces  deux 
lettres  à  l'an  490  :  on  ne  peut  du  moins  les 
mettre  beaucoup  plus  tard;  car  en  se  plai- 
gnant que  Corotic ,  quoique  chrétien ,  eût 
vendu  des  chrétiens  à  des  infidèles,  il  dit  que 


1  Bolland.,  ibid.,  pag.  538. 

2  Ibid.,  pag.  536.  —  3  Ibid.,  pag.  537. 
4  Ibid.,  pag.  538. 

^  Quapropter  resciat  omnis  homo  timens  Deum, 
quod  a  me  alieni  sunl  et  a  Christo  Deo  meo  pro  quo 
lerjatione  fungor.  Patrie,  Epist.  ad  Christian.,  pag. 
539,  tom.  II  martii  Bollaud. 

^  Adulari  tatibus  non  licel,  nec  cibum,  nec  potum 
sumere  cum  ipsis,  nec  eleemosynas  ipsorum  recipere, 
donec  effusis  lacrtjmis  pœniteutiam  agentes  satisfaciant 
Deo,  et  libèrent  servos  Dei  et  anr.illas  Christi  bapti- 
zutus.  Ibid. 


'  Qui  tecum  sentit  aut  qui  comtnunicat  verbis  alienis 
et  adulationi,  Deus  judicabit.  Ibid. 

8  Nequaquam  subtrahantur  a  nemine  ;  sed  magis 
potius  legantur  coram  cunctis  plebibus  et  pressente  ipso 
Corotico,  quod  si  Deus  inspiret  illos  ut  quandocumque 
de  eo  resipiscant,  ita  ut  vel  sera  pœniteant  quod  tam 
impie  gesserunt.  Ibid.,  pag.  54. 

^  Vos  ergo  regnabitis  cum  apostolis  et  prophe.tis  et 
marlyribus,  et  œterna  régna  capietis.  Ibid.,  pag.  53S. 

*"  Supradictis  misi  epistolam  cum  presbytero  quem 
ego  in  infantia  docui.  Pag.  539. 


HISTOIBE  GÉTVERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Confession 
tie  saint  Pa- 
trice. 


les  Romains  et  les  chrétiens  des  Gaules  n'en 
usaient  pas  de  même  ';  qu'au  contraire,  ils 
envoyaient  de  grandes  sommes  d'argent 
avec  des  prêtres  aux  Francs  et  aux  autres 
nations  étrangères,  pour  racheter  les  chré- 
tiens captifs.  Saint  Patrice  écrivait  donc  avant 
la  conversion,  des  Francs,  ou  du  moins  avant 
qu'elle  fût  connue  en  Irlande.  Or  leur  con- 
version qui  commença  par  celle  de  Clovis, 
n'arriva  que  vers  l'an  496.  Il  parle  dans  la 
lettre  contre  Corotic  de  quelque  chose  qu'il 
avait  traduit  en  latin.  Ne  serait-ce  pas  qu'a- 
près lui  avoir  écrit  eu  hibernois,  il  aurait 
publié  en  latin,  dans  une  lettre  circulaire, 
les  sujets  de  plaintes  qu'il  avait  de  sa  con- 
duite? Il  finit  cette  lettre  par  ces  mots  :  «  La 
paix  au  Père,  an  Fils  et  au  Saint-Esprit.  » 

4.  Se  croyant  proche  de  sa  mort,  saint 
Patrice  écrivit  sa  confession  ^ ,  autant  pour 
rendre  gloire  à  Dieu  des  grâces  qu'il  en  avait 
reçues,  que  pour  assurer  les  peuples  sou- 
mis à  sa  conduite  que  c'était  Dieu  même  qui 
l'avait  chargé  de  leur  annoncer  l'Evangile.  Il 
raconte  ses  fautes  avec  une  grande  simplicité, 
et  loue  partout  la  grandeur  de  la  miséricorde 
de  Dieu  sur  lui.  11  y  entre  aussi  dans  les  dé- 
tails de  ses  disgrâces,  des  persécutions  qu'il 
eut  à  souffrir,  de  ses  travaux  pour  la  conver- 
sion des  peuples  de  l'Irlande  et  des  progrès 
que  l'Evangile  fit  dans  cette  île  par  son  mi- 
nistère. Il  avait  été  longtemps  dans  la  pensée 
de  composer  cet  écrit  :  mais  il  en  avait  tou- 
jours différé  l'exécution  ^,  dans  la  crainte 
qu'il  ne  fût  pas  bien  reçu  du  public,  parce 
qu'il  n'avait  pas  appris  à  écrire  avec  poli- 
tesse; qu'il  n'était  pas  instruit,  comme  beau- 
coup d'autres,  des  divines  Ecritures,  et  que 
ce  qu'il  avait  su  de  latin  s'était  corrompu  par 
le  mélange  du  langage  des  Irlandais.  Mais  si 
le  style  de  cet  ouvrage  est  barbare  et  d'un 
fort  mauvais  latin,  le  Saint  y  fait  paraître 


partout  beaucoup  de  bon  sens,  d'esprit  et  de 
piété,  soutenant  son  caractère  sans  hauteur, 
mais  avec  toute  la  fermeté  que  l'on  peut 
désirer  dans  un  évêque.  L'application  qu'il 
y  fait  d'un  très-grand  nombre  de  passages 
de  l'Ecriture,  fait  voir  qu'il  la  possédait.  Il 
suit  ordinairement  l'ancienne  version  itali- 
que, n'ayant  pas  eu  apparemment  connais- 
sance de  celle  de  saint  Jérôme.  Bien  que 
nous  ayons  diverses  Vies  de  saint  Patrice  *, 
écrites  par  des  auteurs  du  moyen  âge,  il  nous 
a  paru  plus  assuré  de  tirer  de  sa  confession 
même  ce  que  nous  en  avons  dit,  cet  écrit 
étant  digne  de  lui,  et  ayant  toutes  les  mar- 
ques possibles  d'authenticité.  Il  n'y  est  rien 
dit  de  ses  voyages  prétendus  à  Rome  ni  de 
son  ordination  par  le  pape  saint  Célestiu.  Il 
paraît,  au  contraire,  qu'il  fut  ordonné  dans 
la  Grande-Bretagne,  soit  par  saint  Pallade, 
soit  par  quelque  autre  évêque,  puisqu'il  dit 
que  ceux  de  son  pays  même  s'opposèrent  à 
son  ordination,  sur  une  faute  qu'il  avait  faite 
il  y  avait  trente  ans,  à  l'âge  de  quinze  ans 
au  plus  ^.  Cet  endroit  prouve  également  qu'il 
fut  fait  évêque  à  la  quarante-cinquième  an- 
née de  son  âge.  Le  Saint  explique  claire- 
ment dans  sa  confession  sa  foi  sur  la  Tri- 
nité ^.  <(  Il  n'y  a  point  d'autre  Dieu,  il  n'y 
en  a  point  eu  et  il  n'y  en  aura  point  d'au- 
tre que  le  Seigneur  Père  non  engendré,  sans 
principe,  de  qui  est  tout  principe,  et  par  qui 
toutes  choses  ont  été  faites,  les  invisibles 
comme  les  visibles  ;  qui  a  engendré  un  Fils 
qui  lui  est  consubstantiel ,  qui  s'est  fait 
homme,  et  qui,  ayant  vaincu  la  mort,  a  été 
reçu  dans  le  ciel  par  son  Père;  à  qui  le  Père 
a  donné  toute  puissance  au-dessus  de  tous 
les  noms,  dans  le  ciel,  sur  la  terre  et  dans 
les  enfers ,  afin  que  toute  langue  confesse 
que  le  Seigneur  Jésus -Christ  est  dans  la 
gloire  de  Dieu  son  Père.  Nous  croyons  et 


'  Consueiudo  romanorum  gallorumque  christianorum 
est  :  mitiunt  presbyieros  sanctos  et  idoneos  ad  Fran- 
cos  et  exteras  génies  cum  tôt  mlllibus  solidorum  ad 
redimendos  captivas  bapiizatos  :  tu  omnes  interficis  et 
vendis.  Ibid. 

2  Tom.  H  martli,  apud  BoUand.,  pag.  533. 

3  Olini  cogitavi  scribere,  sed  usque  nunc  hœsitavi  : 
timui  enim  ne  inciderem  in  linguam  hominum  :  quia 
non  legi  sicut  cœteri,  qui  opiime  sacris  Litteris  sunt 
imbuti;  nam  sermo  et  lingua  nostra  translata  est  in 
linguam  alienam.  Patr.,  iu  Conf.,  cap.  I,  pag.  534. 

'  Vide  tom.  H  martii,  apud  Bolland.j  ad  diem  17 
marlii.  —  ^  Patr.,  in  Confess.,  cap.  iii^  pag.  535. 

s  Non  est  alius  Deus,  née  unquam  fuit,  nec  ante,  nec 
erit  post  hune,  prœter  Dominum   Patrem  ingenitum. 


sine  prineipio,  a  quo  est  omne  principium  :  per  ipsum 
quippe  facla  sunt  omnia  visibilia  et  invisibilia  ;  qui 
Filium  sibi  consubsiantialem  genuit  hominem  faelum. 
et  vida  morte  in  cœlis  ad  Patrem  reeeptum.  Et  dédit 
ille  omnem  potestatem  super  omne  noynen  cœlestium, 
terrestrium  et  infernorum,  ut  omnis  lingua  confiteatur, 
quia  Dominus  Jésus  Chrisius  in  gloria  est  Dei  Patris  : 
quem  eredimus,  et  expectamus  adventum  ipsius,  mox 
futurum  judicem  vivorum  atque  mortuorum,  qui  red- 
det  unicuique  seeundum  facla  sua,  et  infudit  in  nobis 
abunde  Spiritus  Sancti  donum  et  pignus  immortali- 
tatis  ;  qui  facit  credentes  ac  obedienies  ut  sint  fiiii 
Dei  Patris,  quem  confitemur  et  unum  Deum  adoramus 
in  Trinitate  saerosancti  nominis.  Patrie.  Confess., 
pag.  534. 


[v-=  SIÈCLE.]      CHAPITRE  XXVII.  —  SAINT 

nous  attendons  son  avènement  dans  peu  où 
il  sera  juge  des  vivants  el  des  morts,  et  ren- 
dra à  chacun  selon  ses  œuvres.  C'est  lui  qui 
a  répandu  dans  nous  avec  abondance  les 
dons  du  Saint-Esprit,  qui  nous  a  donné  le 
gage  de  l'immortalité,  qui  fait  que  nous 
croyons  et  que  nous  obéissons,  afin  que  nous 
soyons  les  enfants  de  Dieu  le  Père,  que  nous 
confessons  et  que  nous  adorons  un  seul  Dieu 
dans  la  Trinité  du  très-saint  nom.  Saint  Pa- 
trice parle  dans  cette  confession  de  plusieurs 
visions  dans  lesquelles  Dieu  lui  faisait  con- 
naître ce  qu'il  avait  à  faire.  Ce  qui  ne  doit 
point  surprendre  dans  une  entreprise  toute 
apostolique,  où  le  Saint  avait  à  vaincre  de 
grandes  oppositions  de  la  part  des  hommes, 
amis  et  ennemis.  Dieu  a  conduit  ainsi  les 
prophètes  et  les  apôtres  :  et  nous  avons  vu 
que  saint  Cyprien  avait  été  conduit  par  la 
même  voie.  Saint  Patrice  eut  plusieurs  de 
ces  visions  par  lesquelles  ',  quelque  temps 
après  son  retour  chez  son  père  et  sa  mère, 
qui  l'avaient  reçu  avec  beaucoup  de  joie, 
Dieu  lui  fit  connaître  qu'il  le  destinait  à  la 
conversion  de  l'Irlande  et  qu'il  fallait  consa- 
crer sa  vie  pour  cela,  mais  qu'il  le  soutien- 
drait de  son  esprit. 

5.  On  attribue  à  saint  Patrice  deux  conciles, 
dont  le  premier  est  intitulé  de  son  nom  ^, 
avec  celui  de  deux  autres  évêques,  Auxilius 
et  Jéserninus,  qui  avaient,  à  ce  qa'on  dit,  été 
ordonnés  pour  prêcher  la  foi  dans  l'Irlande. 
Le  second  ne  porte  pas  le  nom  de  saint  Pa- 
trice, et  on  ne  voit  pas,  par  ce  qui  nous  en 
reste,  si  c'est  en  Irlande  qu'il  s'est  tenu.  Nous 
rapporterons  ailleurs  les  décrets  de  ces  deux 
conciles. 

6.  Il  y  a  des  manuscrits  où  le  livre  intitulé  : 
des  Trois  habitations  ^,  est  attribué  à  saint  Pa- 
trice :  mais  il  est  trop  bien  écrit  pour  être  de 
lui  *.  11  faut  dire  la  même  chose  du  traité  qui 
a  pour  titre  :  des  Douze  abus  du  siècle.  Ces 
deux  écrits  ont  été  imprimés  dans  l'appen- 
dice du  sixième  tome  de  la  nouvelle  édition 
de  saint  Augustin.  Il  ne  faut  que  lire  la  charte 
ou  la  légation  de  saint  Patrice,  pour  juger 


PATRICE,  APOTRE  D'IRLANDE.  447 

qu'elle  n'est  point  de  lui,  tant  il  y  a  d'absur- 
dités. Le  commencement  seul  en  prouve  la 
supposition.  Il  est  conçu  en  ces  termes  '^  : 
«  Moi,  Patrice,  humble  serviteur  de  Dieu, 
l'an  423  de  son  incarnation.  »  On  n'a  daté 
ainsi  que  plusieurs  siècles  après  celui  de 
saint  Patrice.  Varée,  dans  son  Recueil  des 
opuscules,  que  l'on  dit  être  de  ce  saint,  en 
met  plusieurs  autres  dont  on  n'a  point  de 
preuves  certaines  qu'ils  soient  de  lui.  De  ce 
nombre  est  le  poème  hibernois  ^,  appelé  le 
Testament  de  saint  Patrice.  Il  y  aurait  plus 
d'apparence  de  lui  attribuer  quelques-unes 
des  sentences  qui  sont  citées  sous  son  nom 
dans  un  recueil  d'ordonnances  ecclésiasti- 
ques ',  fait  en  Irlande  par  un  nommé  Arbe- 
doc,  vers  le  viii"  siècle,  si  dans  le  même  re- 
cueil '  on  ne  trouvait  sous  son  nom  quelques 
endroits  du  livre  des  Douze  abus  du  siècle, 
dont  il  ne  peut  passer  pour  auteur.  A  l'égard 
de  l'écrit  qui  traite  du  purgatoire,  de  saint 
Patrice,  c'est  une  pièce  sans  autorité,  qui  n'a 
été  connue  qu'après  le  milieu  du  douzième 
siècle.  On  en  avait  inséré  quelque  chose  dans 
le  bréviaire  romain  ',  imprimé  en  1522;  mais 
il  y  eut  ordre  de  l'ôter  dans  l'impression  que 
l'on  en  fit  en  1524.  [Tous  les  écrits  authenti- 
ques ou  supposés  de  saint  Patrice,  ont  été  re- 
cueillis parGalland  au  tome  Xde  la  Biblioth. 
Veter.  Script. ;\'é(iitenr  j  a  joint  des  prolégo- 
mènes. Cette  édition  est  reproduite  dans  le 
t.  LUI  de  la  Patrologie  latine,  col.  789  et  suiv. 
moins  le  livre  des  Douze  abus  du  siècle,  inséré 
dans  le  tome  XV,  col.  869.  Les  prolégomènes 
de  Galland  sont  suivis  d'une  notice  littéraire, 
par  Schœnemann.  Le  traité  du  Purgatoire  ne 
se  trouve  point  dans  ces  deux  éditions. 
Toutes  deux  sont  complétées  par  une  hymne 
alphabétique  à  la  louange  de  saint  Patrice 
encore  vivant,  attribué  à  son  neveu,  Pévêque 
Secimdinus.  Dom  Pitra,  dans  le  prospectus 
qui  annonçait  le  Spicilegium  Solesmense,  in- 
dique un  poème  ou  lettre  en  vers  adoni- 
ques  comme  étant  de  saint  Patrice.  Ce  poème 
n'a  pas  encore  paru.] 


'  PaXT.,  Conf.,  pag.  534. 

2  Toin.  III  Co?tcil.,  pag.  1477. 

s  Cav.,  Hist.  litter.,  pag.  236. 

*  D.  Pitra  a  retrouvé  le  prologue  du  livre  desTrois 
hiibitaiions.  Il  porte  ce  titre  ;  Commencement  ou  pro- 
logue du  livre  de  saint  Patrice,  éoèque.  Le  manuscrit 


est  de  la  bibliothèque  de  Troyes  et  il  a  appartenu 
autrefois  à  Claude  Bouhier,  de  Dijon.  [L'éditeur.) 

^  lîoUand.,  tom.  II  martii,  pag.  531. 

^  Cav.,  ubi  sup.,  et  Bolland.,  pag.  S33. 

'  Tom.  IX  Spicileg.,  pag.  13.  —  s  Ibid.,  pag.  15. 

9  Bollaud.,  ad  diem  17  martii,  pag.  588  et  590. 


448 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XXYIIl. 

Saint  Victor,    évêque    de   Vite    [481],    et   saint   Eugène, 
évêque   de    Carthage    [485]. 


Victor  écrit 
la  persécution 
des  V'tndales, 
en487ou488. 


1 .  L'Bistoire  de  la  persécution  des  Vandales 
en  Afrique  a  pour  auteur  un  évêque  d'une 
grande  réputation,  nommé  Victor.  On  l'a  fait 
longtemps  évoque  d'Utique,  ville  de  la  Pro- 
consulaire, et  cette  opinion  était  la  domi- 
nante parmi  les  savants.  Mais  depuis  l'im- 
pression de  la  Notice  d'Afrique,  qui  en  ren- 
ferme toutes  les  provinces  et  toutes  les  villes 
épiscopales,  on  a  remarqué  que  ce  Victor 
florissait  en  Afrique,  dans  le  temps  de  la 
persécution  des  Vandales,  et  qu'alors  Flo- 
rentien,  l'un  des  cinq  confesseurs  que  le  roi 
Hunéric  relégua  dans  la  Corse,  était  évêque 
d'Utique.  On  pourrait  objecter  que  Florentien 
étant  mort  dans  le  lieu  de  son  exil,  Victor 
aurait  été  mis  en  sa  place  sur  le  siège  d'Uti- 
que; mais  c'est  une  conjecture  qui  n'est  fon- 
dée sur  l'autorité  d'aucun  manuscrit.  Il  est 
d'ailleurs  certain  que  l'on  ne  remplaça  aucun 
des  évêques  '  qui  moururent  durant  les  trou- 
bles de  l'Afrique.  Aussi  Victor  nous  assure  ^ 
que  lorsqu'il  écrivait,  il  ne  restait  plus  que 
trois  évêques  dans  la  Proconsulaire,  Vincent, 
Paulin  et  Quintien.  Il  n'y  en  avait  point  à 
Utique.  L'erreur  vient,  vraisemblablement, 
des  copistes,  ou  peut-être  de  quelques  cor- 
recteurs qui,  connaissant  beaucoup  plus  la 
ville  d'Utique,  qui,  en  effet,  était  très-consi- 
dérable, que  celle  de  Vite,  ont  placé  l'épis- 
copat  de  Victor  dans  la  première.  Au  reste', 
dans  un  grand  nombre  de  manuscrits  de 
YHistoire  de  la  persécution  des  Vandales,  de 
même  que  dans  les  imprimés,  Victor  qui  en 
est  auteur,  est  qualifié  évêque  de  Vite.  Tout 
ce  que  nous  savons  de  lui,  c'est  qu'il  avait 
vu  de  ses  yeux  ou  appris  par  des  témoins 
oculaires  tous  les  faits  qu'il  raconte.  Il  con- 
naissait sainte  Maxime  *  et  avait  su  ses  com- 
bats par  son  geôlier.  Il  rapporte,  d'après 
Fauste  de  Buron,  témoin  oculaire,  un  miracle 
fait  par  l'intercession  de  saint  Martinien.  Il 


*  Victor.,  lib.  I,  pag 
2  Ibid.,  pag.  12, 


10. 


3  Ruinart.,  pi'cef.  in  Hist.  Vandal. 

••  Victor,  lib.  I  Vit.,  pag.  13,  14,  13  et  17. 


avait  eu  l'honneur  de  saluer  le  saint  évêque 
Valérien,  et  avait  été  présent,  en  481  ^,  à  l'é- 
lection de  saint  Eugène  de  Carthage.  Il  dit 
même  qu'il  l'eût  empêchée,  avec  quelques 
autres  ecclésiastiques,  si  le  peuple  ne  l'eût 
demandé  pour  évêque.  Il  avait  accompagné 
saint  Félix,  évêque  d'Abder  ^,  et  un  grand 
nombre  de  confesseurs  relégués  parmi  les 
Maures,  pour  les  assister  et  les  consoler.  Il 
donna  même  de  l'argent  à  leurs  gardes,  pour 
les  voir  une  nuit  dans  le  lieu  où  ils  étaient 
renfermés'^.  Obligé  de  les  abandonner,  il  re- 
vint à  Carthage,  et  il  y  était  le  19  mai  483, 
lorsqu'il  y  fit  la  lecture  de  l'édit  ^  par  lequel 
Hunéric  ordonnait  une  conférence  le  premier 
février  484,  entre  les  catholiques  et  les  ariens. 
Enfin  il  fut  témoin  '  d'une  partie  des  cruautés 
que  ces  hérétiques  exercèrent  en  cette  ville. 
De  la  manière  qu'il  a  écrit  l'histoire  de  ces 
persécutions,  on  voit  bien  qu'il  n'était  pas 
alors  dans  l'étendue  de  la  domination  des 
Vandales.  Il  écrit  avec  liberté  et  sans  crain- 
dre les  ressentiments  de  ceux  dont  il  rapporte 
les  excès.  Son  histoire  est  adressée  à  un  dis- 
ciple de  saint  Diadoque,  évêque  de  Photice 
dans  l'ancienne  Epire,  illustre  par  sa  piété 
et  par  son  savoir.  Quelques-uns  ont  cru  que 
ce  disciple  était  Acace,  évêque  de  Constanti- 
nople  :  mais  ce  sentiment  n'est  pas  même 
vraisemblable,  puisque  cette  Histoire  fut 
écrite  après  Tan  487,  dans  le  temps  qu'Acace 
était  séparé  de  la  communion  de  Rome. 
Victor  lui  eût-il  adressé  un  écrit  où  il  parle 
si  avantageusement  des  privilèges  et  de  l'au- 
torité des  souverains  pontifes?  D'ailleurs,  le 
disciple  de  Diadoque  était  médecin  de  pro- 
fession et  occupé  à  écrire  l'histoire.  Tout  cela 
ne  convient  point  à  Acace.  Il  vaut  donc  mieux 
avouer  que  l'on  ne  connaît  point  celui  à  qui 
Victor  a  dédié  son  ouvrage.  Il  n'a  pas  jugé  à 
propos  de  le  nommer  :  tout  ce  qu'il  en  dit, 

s  Victor.,  lib.  II,  pag.  22. 

6  Ibid.,  pag.  36. 

'  Ibid.,  pag.  32.  —  s  Ibid.,  pag.  36. 

3  Ibid.,  lib.  V,  pag.  84  et  suiv. 


[v'STÈCLE.]    CHAPITRE  XXVIII.  —  SAINT  VICTOR,  ÉVEQUE  DE  VITE,  ETC. 


449 


c'est  qu'il  avait  été  nourri  dès  son  enfance 
dans  les  saintes  Lettres  *  ;  qu'il  faisait  profes- 
sion de  la  médecine;  que  ce  fut  lui  qui  l'en- 
gagea à  mettre  par  écrit  ce  qui  était  arrivé 
eu  Afrique  par  la  cruauté  des  ariens  ;  qu'il 
avait  travaillé  lui-même  sur  l'histoire,  et  qui, 
après  avoir  composé  celle  qu'il  souhaitait 
il  la  lui  envoya  pour  lui  servir  de  mémoire. 
On  n'en  peut  suspecter  la  fidélité,  Victor 
l'ayant  écrite  sur  les  témoignages  de  ses 
yeux,  ou  d'auteurs  contemporains.  Elle  est 
divisée  en  cinq  livres  dans  les  deux  éditions 
que  nous  en  avons,  l'une  du  père  Chiflet, 
imprimée  à  Dijon  en  1664  ;  l'autre  de  dom 
Thierry  Ruinart,  qui  parut  à  Paris  en  1694. 
2.  Victor  commence  le  premier  livre  par 
marquer  l'année  en  laquelle  il  l'écrivait.  «  Il 
y  a,  dit-il,  soixante  ans  que  les  Vandales,  ce 
peuple  cruel  et  barbare,  sont  entrés  en  Afri- 
que. 11  écrivait  donc  en  487  on  488,  puisque 
ce  fut  en  428  que  Giszéric  ou  Genséric  em- 
mena en  Afrique  les  Vandales  et  les  Alains, 
ses  sujets.  Ils  y  entrèrent  au  milieu  de  la 
paix  et  dans  le  temps  que  les  Romains,  oc- 
cupés ailleurs,  ne  se  méfiaient  de  rien.  Cette 
province,  qui  était  dans  l'abondance  de  toutes 
sortes  de  biens,  se  trouva  bientôt  ravagée. 
Les  Vandales  en  pillèrent  toutes  les  richesses, 
mirent  tout  à  feu  et  à  sang,  et  s'appliquèrent 
surtout  à  détruire  les  cimetières,  les  églises 
et  les  monastères.  Ils  firent  souffrir  plusieurs 
tourments  aux  évéques  et  aux  prêtres,  pour 
les  obliger  à  donner  ce  qu'ils  avaient  d'or  et 
d'argent,  soit  à  eux,  soit  à  l'Eglise;  et  lors- 
que la  force  des  supplices  obhgeait  ces  mi- 
nistres des  autels  de  livrer  ce  qu'ils  avaient 
en  main,  les  Vandales  leur  faisaient  souffrir 
de  nouveaux  et  plus  cruels  tourments,  croyant 
qu'ils  n'avaient  donné  qu'une  partie  de  leurs 
richesses.  Les  filles  et  les  femmes,  les  enfants 
et  les  vieillards,  la  noblesse  même,  ne  furent 
point  à  couvert  de  leurs  cruautés.  Ils  rasè- 
rent jusqu'aux  édifices  publics  de  la  ville  de 
Cartilage,  et  n'épargnèrent  pas  le  fameux 
temple  de  la  déesse  Céleste  :  s'ils  ne  détrui- 
sirent point  la  basilique  où  reposaient  les 
corps  de  sainte  Perpétue  et  de  sainte  Féli- 
cité, de  sainte  Célerine  et  des  martyrs  Scilli- 
tains,  ils  en  mirent  en  possession  ceux  de 
leur  secte,  c'est-à-dire  les  ariens.  Ils  firent 
périr  par  le  feu  plusieurs  grands  évoques. 


entre  autres  Papinien  et  Mansuète.  La  ville 
de  Carthage  avait  alors  un  sénat  célèbre. 
Genséric  réduisit  en  servitude  une  partie  de 
ceux  dont  il  était  composé.  Il  ordonna  par  un 
édit  public  que  chacun  lui  apportât  ce  qu'il 
avait  d'or,  d'argent,  de  pierreries  et  de  meu- 
bles précieux.  Par  le  moyen  des  tourments 
qu'il  mit  en  œuvre  pour  se  faire  obéir,  il  se 
rendit  bientôt  inaitre  de  toutes  les  richesses 
que  chacun  avait  reçues  de  ses  ancêtres. 
Après  avoir  pris  Carthage,  il  partagea  les 
provinces  d'Afrique,  se  réservant  la  Byza- 
cène  avec  quelques  autres,  et  distribuant  à 
son  armée  la  Zeugitane  et  la  Proconsulaire. 
Ensuite  il  fit  chasser  de  leurs  Eglises  les  évé- 
ques, après  les  avoir  dépouillés  de  tout.  Quod- 
Vult-Deus,  évêque  de  Carthage,  et  un  grand 
nombre  de  clercs  furent  embarqués  sur  des 
vaisseaux  rompus;  mais  Dieu,  par  un  effet 
de  sa  bonté,  les  fit  arriver  heureusement  à 
Naples.  Genséric  donna  à  ceux  de  sa  religion 
la  grande  église  de  Carthage,  nommée  Resti- 
tue, où  les  évéques  de  cette  ville  faisaient 
leur  demeure  ;  il  ôta  aux  catholiques  toutes 
celles  qui  étaient  dans  l'enceinte  des  murail- 
les ,  avec  leurs  richesses ,  et  leur  ordonna 
d'enterrer  leurs  morts  en  silence,  sans  chan- 
ter des  hymnes  à  l'ordinaire  :  ce  qui  leur 
causa  une  douleur  insupportable  ?. 

3.  Dans  ces  extrémités,  quelques  évéques      Dépniaimn 

'     -L  J-  ■»■  des      c.llioli- 

considérables  et  des  laïques  illustres,  qui  res-  q?«  '«■  g»"- 
talent  encore  dans  ces  provinces,  vinrent 
trouver  Genséric  pour  en  obtenir  quelques 
grâces.  Us  le  supplièrent  de  souÛ'rir  au  moins 
qu'après  avoir  perdu  leurs  églises  et  tous 
leurs  biens,  ils  demeurassent  dans  le  pays 
sous  la  domination  des  Vandales  pour  con- 
soler le  peuple  de  Dieu.  «  J'ai  résolu,  leur 
répondit  ce  prince  barbare,  d'exterminer 
votre  nom  et  votre  nation  ;  et  vous  avez  la 
hardiesse  de  me  faire  une  pareille  demande.» 
11  voulut  les  faire  jeter  à  l'heure  même  dans 
la  mer  Malzalite,  sur  le  rivage  de  laquelle  il 
se  promenait;  mais  ses  gens  l'en  empêchè- 
rent par  beaucoup  de  prières.  Les  députés 
se  retirèrent  comblés  de  douleur  :  et  n'ayant 
plus  d'églises,  ils  célébrèrent  les  divins  mys- 
tères où  ils  purent  et  comme  ils  purent ,  sa- 
chant que  Genséric  faisait  des  édits  terribles 
pour  ôter  aux  catholiques  qui  se  trouvaient 
parmi  les  Vandales  des  endi'oits  pour  prier 


'  Vict.,  in  prolog.  Hist.  Yancial. 
^  Quis  vero  sustineat  atque  possit  sine  lacrymis  re- 
cofdari,  dum  prceciperet  nnsiroritm  corpora  defimcto- 

X. 


7mm,  sine  solemnitate  lujmnorum,  cum  silentio  ad  se- 
pulturaii)  perduci  ?  Vict.,  lib.  I,  pus.  S. 


29 


450 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES» 


Exnd. 
verset  12. 


Mort    du 

Rfimte  Sébas- 
Licn,  png,  8. 


et  offrir  le  sacrifice.  Il  ne  persécutait  pas 
néanmoins  ouvertement  l'Eglise  dans  les  pro- 
vinces qu'il  avait  rendues  tributaires  de  sa 
couronne  :  mais,  sous  différents  prétextes,  il 
en  bannissait  tantôt  un  évêque,  et  tantôt  un 
autre.  S'il  arrivait  que  quelqu'un  des  catho- 
liques nommât  dans  une  prédication,  comme 
cela  se  fait  d'ordinaire,  Pharaon,  Nabucho- 
donosor,  Holopherne,  ou  quelques  tyrans 
semblables,  on  l'accusait  aussitôt  d'avoir 
voulu  parler  du  roi,  et  on  l'envoyait  en  exil. 
Il  y  eut  un  grand  nombre  d'évêques  bannis 
sous  ce  prétexte  :  ce  qu'il  y  avait  de  plus  fâ- 
cheux, c'est  que  lorsqu'un  de  ces  évêques 
était  mort  dans  son  exil,  il  n'était  plus  per- 
mis d'en  ordonner  un  autre  pour  le  rempla- 
cer. Mais  au  milieu  de  tant  de  persécutions, 
le  peuple  fidèle  de  l'Afrique  s'affermissait  de 
plus  en  plus  dans  la  foi.  En  quoi  l'on  voyait 
l'accomplissement  de  cette  parole  de  l'Ecri- 
ture touchant  les  Israélites  :  Plus  on  les  affli- 
geait, plus  ils  augmentaient  en  force  et  en 
nombre. 

II.  Le  comte  Sébastien,  gendre  du  comte 
Boniface,  se  voyant  maltraité  par  les  Ro- 
mains, quitta  l'Espagne  pour  se  réfugier  en 
Airique.  C'était  un  homme  habile  pour  le 
conseil  et  pour  l'exécution,  vaillant  dans  la 
guerre,  laborieux  et  vigilant.  Genséric,  qui 
ne  pouvait  se  passer  de  ses  conseils,  ne  lais- 
sait pas  de  le  craindre  :  en  sorte  que,  son- 
geant à  le  faire  mourir,  il  en  cherchait  un 
prétexte  dans  la  rehgion.  Il  lui  dit  donc  un 
jour  en  présence  de  ses  évêques  et  de  toute 
sa  cour  :  «  Je  sais  que  vous  avez  juré  de  vous 
attacher  fidèlement  à  moi,  et  vos  travaux  font 
voir  la  sincérité  de  votre  serment;  mais  afin 
que  votre  amitié  soit  perpétuelle,  je  veux  que 
vous  embrassiez  ma  religion.  »  Sébastien 
trouvant  sur-le-champ  une  réponse  tout-à- 
fait  ingénieuse  et  capable  de  le  frapper,  de- 
manda que  l'on  apportât  un  pain  blanc,  puis 
le  prenant  entre  ses  mains,  il  dit  :  «  Pour 
rendre  ce  pain  digne  de  la  table  du  roi,  on  a 
premièrement  séparé  le  son  de  la  farine,  et 
la  pâte  a  passé  par  l'eau  et  par  le  feu.  Ainsi, 
dans  l'EgUse  catholique,  j'ai  passé  par  la 
meule  et  par  le  crible,  j'ai  été  arrosé  de  l'eau 
du  baptême  et  perfectionné  par  le  feu  du 
Saint-Esprit;  qu'on  rompe  ce  pain,  qu'on  le 
trempe  dans  l'eau,  qu'on  le  repétrisse  et 
qu'on  le  remette  au  four,  s'il  en  devient 
meilleur,  je  ferai  ce  que  vous  voulez.  »  Son 
intention,  par  cette  parabole,  était  de  mon- 
trer l'inutilité   d'un  second  baptême.  Gen- 


séric le  comprit  bien,  et  ni  lui  ni  ses  gens 
ne  surent  qu'y  répondre.  C'est  pourquoi  il 
chercha  un  autre  prétexte  pour  faire  mourir 
ce  grand  capitaine,  dont  Idace  met  la  mort 
en  MO. 

5.  Après  une  longue  vacance,  Genséric 
permit,  à  la  prière  de  Valentinien,  qu'on  élût 
un  évêque  pour  l'EgHse  de  Carthage.  Le 
choix  tomba  sur  un  saint  prêtre  nommé  Deo- 
Gratias.  C'était  en  454.  Quelque  temps  après, 
Genséric,  qui  avait  pillé  Rome  et  fait  quantité 
de  captifs  dans  la  Sicile,  la  Sardaigne,  la 
Corse,  la  Toscane  et  dans  plusieurs  autres 
endroits,  revint  en  Afrique  avec  tous  ses 
captifs.  Les  Vandaleset  les  Maures,  après  se 
les  être  partagés,  séparèrent  suivant  leur 
coutume  les  maris  d'avec  leurs  femmes,  et 
les  enfants  d'avec  leurs  pères.  Le  saint  évê- 
que de  Carthage,  pour  empêcher  ce  désor- 
dre, vendit  tous  les  vases  d'or  et  d'argent  qui 
servaient  au  ministère  des  autels ,  et  en  em- 
ploya le  prix  à  racheter  ces  captifs  :  et  parce 
qu'il  n'y  avait  point  de  maisons  assez  grandes 
dans  la  ville  pour  contenir  toute  cette  multi- 
tude, il  les  logea  dans  deux  grandes  églises, 
qu'il  fit  garnir  de  lits  et  de  paille,  prenant  un 
grand  soin  de  leur  fournir  à  chacun  selon 
leur  besoin.  Il  visitait  lui-même  à  chaque 
moment  les  malades  et  leur  faisait  donner 
en  sa  présence  la  nourriture  que  le  médecin 
leur  prescrivait.  Sa  charité  causa  de  l'envie 
aux  ariens,  qui  pensèrent  même  à  le  tuer  : 
mais  Dieu  le  délivra  de  leurs  mains  en  l'ap- 
pelant à  lui  après  un  épiscopat  d'environ 
trois  ans.  Il  y  eut  en  ce  temps-là  plusieurs 
confesseurs  et  plusieurs  martyrs.  Victor  nous 
a  conservé  l'histoire  de  quatre  frères,  qui 
étaient  esclaves  d'un  Vandale,  avec  une  fille 
nommée  Maxime,  qui  était  d'une  rare  beauté. 
Le  Vandale,  pour  s'attacher  cette  fille  à  qui  il 
avait  donné  le  gouvernement  de  sa  maison, 
voulut  la  marier  avec  l'un  des  quatre  frères, 
nommé  Martinien,  armurier  de  profession, 
dont  il  était  aussi  fort  satisfait.  Martinien 
consentit  au  mariage,  n'ayant  d'autres  pen- 
sées que  celles  qui  sont  ordinaires  aux  jeunes 
gens  du  monde.  Mais  Maxime  qui  s'était  con- 
sacrée à  Dieu,  ne  voulait  pas  d'autre  époux. 
Quand  donc  on  les  eut  mis  ensemble,  elle 
déclara  son  vœu  à  Martinien  et  lui  persuada 
de  garder  lui-même  la  continence.  Il  en  fit 
voir  l'excellence  à  ses  frères,  et,  de  concert 
avec  Maxime,  ils  sortirent  de  nuit  et  allèrent 
à  Tabraque,  où  les  quatre  frères  entrèrent 
dans  un  monastère  dont  l'abbé  se  nommait 


Drîo-Grati 
est  nom  ir 
évêque  t 
Curlhage. 


I 


[v^  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXVIII.  —  SAINT  VICTOR,  ÉVÊQUE  DE  VITE,  ETC.  431 


André.  Maxime  se  retira  dans  une  commu- 
nauté de  vierges  qui  était  proche  de  là.  Le 
Vandale  les  ayant  fait  ramener  chez  lui,  les  mit 
aux  fers  et  leur  fit  endurer  divers  tourments, 
voulant  obliger  Martinien  et  Maxime,  non- 
seulement  ti  vivre  ensemble  comme  mari  et 
femme,  mais  encore  à  violer  la  pureté  de 
leur  foi  en  se  faisant  rebaptiser.  La  chose 
étant  venue  à  la  connaissance  du  roi  Gen- 
séric,  ce  prince  ordonna  au  maître  de  conti- 
nuer à  les  tourmenter  jusqu'à  ce  qu'ils  eus- 
sent donné  des  marques  de  soumission.  Il 
les  fit  donc  battre  avec  de  gros  bâtons  taillés 
en  forme  de  scies,  qui  leur  brisaient  les  os 
par  leur  pesanteur  et  les  mettaient  tout  en 
sang.  Mais,  après  ces  horribles  tourments,  ils 
se  trouvaient  guéi'is  le  lendemain,  sans  qu'il 
parût  sur  leurs  corps  la  moindre  marque  de 
leurs  blessures.  Ce  miracle  arriva  plusieurs 
fois.  On  les  mit  ensuite  dans  une  rude  prison, 
avec  des  entraves  aux  pieds  :  mais  elles  se 
rompirent  comme  un  morceau  de  bois  pourri, 
en  présence  d'un  grand  nombre  de  serviteurs 
de  Dieu  qui  venaient  les  visiter.  Le  Vandale 
ne  cédant  point  à  des  miracles  si  visibles,  la 
vengeance  divine  s'étendit  sur  sa  maison.  Il 
mourut^  lui,  ses  enfants,  ses  esclaves  et  tous 
les  animaux  de  prix  qu'il  avait  en  sa  maison. 
Sa  veuve,  se  trouvant  réduite  à  rien,  donna 
les  quatre  frères  à  Sersaon,  parent  du  roi  : 
ce  prince  accorda  la  liberté  à  Maxime,  qui 
devint  supérieure  '  d'une  grande  commu- 
nauté de  filles.  Elle  vivait  encore  trente  ans 
après,  c'est-à-dire  en  487,  lorsque  Victor,  de 
qui  elle  était  connue,  écrivait  VHistoire  de  la 
persécution  des  Vandales  ;  mais  Sersaon  relégua 
les  quatre  frères  dans  les  Etats  d'un  prince 
païen  soumis  aux  Vandales.  Tous  les  habi- 
tants du  pays  n'avaient  jamais  entendu  par- 
ler du  nom  de  Jésas-Christ.  Les  quatre  con- 
fesseurs commencèrent  par  leur  donner  la 
connaissance  du  vrai  Dieu  ;  puis,  par  leur  ma- 
nière de  vivre,  autant  que  par  leurs  discours, 
ils  en  convertirent  un  grand  nombre  à  la  foi 
de  Jésus-Christ.  Pour  les  baptiser,  ils  eurent 
recours  à  un  évêque  ^,  qui  leur  envoya  des 
prêtres  et  des  ministres,  qui  firent  bâtir  une 
église  et  baj5tisèrent  une  grande  multitude 
de  Barbares.  Genséric,  averti  de  ce  qui  se 


passait,  donna  ordre  que  les  quatre  frères 
fussent  attachés  par  les  pieds  derrière  des 
chariots,  le  visage  tourné  les  uns  vers  les  au- 
tres, et  qu'on  fit  courir  ces  chariots  par  des 
lieux  remplis  de  bois  et  d'épines,  afin  que 
leurs  corps  fussent  déchirés  en  pièces.  Pen- 
dant l'exécution  de  cet  arrêt,  les  martyrs  se 
regardant  l'un  et  l'autre,  se  disaient  mutuel- 
lement le  dernier  adieu  par  ces  paroles  : 
(i  Mou  frère,  priez  pour  moi  :  Dieu  a  accom- 
pli notre  désir;  c'est  par  ce  chemin  que  l'on 
monte  au  ciel.  »  Dieu  honora  leur  martyre 
par  beaucoup  de  miracles  qui  se  firent  à 
leurs  tombeaux. 

6.  Genséric,  toujours  plus  irrité  contre  smie-ioia 
l'Eglise,  envoya  dans  la  province  Zcugitane  SfSs'é'dc, 
un  nommé  Proculus,  pour  obliger  tous  les  ^'^' 
évoques  à  livrer  les  livres  sacrés  et  les  vases 
destinés  au  ministère  des  autels.  Sur  le  re- 
fus qu'ils  en  firent,  les  Vandales  les  prirent 
de  force,  et  pillèrent  tout  jusqu'aux  nappes 
de  l'autel,  dont  ils  se  firent  des  chemises  et 
des  caleçons.  Valérien,  l'un  des  évêques  qui 
refusèrent  de  livrer  les  choses  saintes,  fut 
chassé  hors  de  sa  ville  épiscopale ,  avec  dé- 
fense à  qui  que  ce  fût  de  le  loger  :  ce  qui  le 
réduisit  à  demeurer  longtemps  étendu  sur  le 
grand  chemin,  à  l'âge  de  plus  de  quatre- 
vingts  ans.  A  Régia,  pendant  que  les  catho- 
liques célébraient  la  fête  de  Pâques,  les 
ariens  entrèrent  l'épée  à  la  main  dans  l'é- 
glise; d'autres  montèrent  sur  le  toit,  d'où  ils 
tirèrent  des  flèches  par  les  fenêtres  de  l'é- 
glise :  un  lecteur,  qui  était  aloi's  au  jubé,  fut 
frappé  à  la  gorge  d'une  de  ces  flèches  :  le 
livre  lui  échappa  des  mains ,  et  lui-même 
tomba  mort;  beaucoup  d'autres  furent  tués 
à  coups  de  flèches  et  de  javelots  au  pied  de 
l'autel.  Ceux  qui  échappèrent  furent  tour- 
mentés par  ordre  du  roi,  et  ensuite  mis  à 
mort.  A  Tinuzude,  les  ariens  entrant  avec 
fureur  dans  l'église  pendant  que  l'on  donnait 
la  communion  au  peuple  ^,  répandirent  sur 
le  pavé  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ, 
et  le  foulèrent  aux  pieds.  Les  évêques  ariens, 
qui  avaient  sans  doute  beaucoup  de  part  à 
toutes  les  cruautés  de  Genséric,  lui  persua- 
dèrent d'ordonner  par  un  édit  que  les  ariens 
seuls  seraient  admis  aux  charges  de  sa  mai- 


'  Muximam  Christi  fanmhim  confusus  etvictus  pro- 
priœ  voluntali  dimisit  :  rjiiœ  nunc  superest  virgo,  ma- 
ter mullarum  virginum  Dei,  nobis  etiam  nequaquam 
ignoia.  Vict.,  lib.  1,  pag.  15. 

-  Hogatus  episcnpiis,  ut  presbyterum  ac  ministros 
credcnti  populo  destinarel,  explet  cum  gaudio  quod 


petebatur  pontifex  :  Dei  construilur  Ecclesia,  bapti- 
zatur  simul  muUitudo  Barbarorum.  Ibid. 

3  Tinuzudœ  tempore  qiio  sacramenta  Dei  populo 
porrigebantur,  infroeimtes  cum  furore  (uriaiii)  corpus 
Christi  et  sanguinem  pavimenio  sparserunt,  et  illud 
pollutis  pedibus  calcaverunt.  Ihid.,  pag.  17. 


452 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


son  et  de  celles  de  ses  enfants.  Armogaste , 
qui  était  au  service  de  Théodoric,  fils  du  roi, 
fut  non-seulement  privé  de  sa  charge,  mais 
encore  tourmenté  en  différentes  manières, 
pour  l'obliger  à  abandonner  la  foi  catholi- 
que. On  lui  serra  plusieurs  fois  les  jambes  et 
le  front  avec  des  cordes  de  boyaux;  mais  dès 
qu'il  avait  levé  les  yeux  au  ciel  et  fait  le  signe 
de  la  croix,  les  cordes  se  rompaient;  on  en 
employa  de  plus  fortes  et  de  chanvre,  qui  se 
rompirent  comme  les  premières.  On  le  pendit 
par  un  pied  la  tête  en  bas  ;  mais  en  cet  état  ou 
le  voyait  aussi  tranquille  que  s'il  eût  été  sur 
un  lit  de  plume.  Le  prince  Théodoric  voulait 
lui  faire  couper  la  tête;  mais  Jocundus,  prê- 
tre arien,  lui  conseilla  de  le  faire  mourir  au- 
trement, disant  :  c  Si  vous  lui  faites  couper 
la  tête ,  les  Romains  l'honoreront  comme 
martyr.  »  Il  fut  donc  envoyé  dans  la  Byza- 
cène,  travailler  à  creuser  la  terre,  et  ensuite 
en  un  lieu  proche  de  Carthage,  où,  pour  lui 
faire  plus  de  honte,  on  le  condamna  à  gar- 
der les  vaches.  Saint  Archinime  et  saint  Sa- 
ture soutfrirent  le  martyre  dans  la  même 
persécution.  Ce  dernier  était  intendant  de  la 
maison  d'Hunéric.  Un  diacre  arien  l'ayant 
dénoncé,  on  le  menaça  de  lui  ôter  sa  mai- 
son, ses  biens,  ses  esclaves,  sa  femme  et  ses 
enfants,  s'il  ne  renonçait  à  la  foi  catholique  ; 
mais  rien  ne  put  le  fléchir.  On  le  dépouilla 
donc  de  tout  et  on  lui  défendit  môme  de  pa- 
raître jamais  en  public.  Après  la  persécution 
que  Genséric  fit  aux  officiers  de  sa  maison, 
il  fit  fermer  l'église  de  Carthage,  dont  il  ban- 
nit les  prêtres  et  les  ministres  en  divers  lieux, 
car  il  n'y  avait  point  d'évêque. 
Denxiêmo       7.  Gcuséric  étant  mort  après  trente-sept 

livredelaPer-  .    ,        •  •        i  .  -rr  ,    ■  r!\ 

sécution  tira    ans  et  trois  mois  de  règne,  Huneric,  son  fus 

Vandales,         ^,„  . 

sousHunéric,  amc,  tut  rccounu  roi  des  Vandales.  Il  té- 
moigna d'abord  de  la  douceur  envers  tout 
le  monde,  principalement  envers  les  catho- 
liques :  en  sorte  qu'ils  recommencèrent  à 
tenir  leurs  assemblées,  même  dans  les  lieux 
où  cela  leur  avait  été  défendu  par  Genséric. 
Il  aifecta  encore  des  dehors  de  piété  en  fai- 
sant rechercher  exactement  les  manichéens, 
dont  il  en  fit  brûler  plusieurs  et  en  envoya 
d'autres  par  mer  hors  de  l'Afrique.  Ce  qui 
l'anima  le  plus  contre  eux,  c'est  qu'il  décou- 
vrit qu'ils  faisaient  presque  tous  profession 
de  l'arianisme  comme  lui,  et  que  plusieurs 
d'entre  eux  étaient  prêtres  ou  diacres.  Il  eut 
honte  de  voir  qu'il  leur  était  uni  par  les  hens 
d'une  même  doctrine.  11  se  trouva  qu'un  de 
ces  manichéens,  moine  de  profession,  avait 


png.  21. 


en  écrit  sur  sa  cuisse  :  «  Manès,  disciple  de 
Jésus -Christ.  »  Cependant  l'Eglise  de  Car- 
thage était  depuis  vingt-quatre  ans  sans  évo- 
que. Hunéric,  à  la  prière  de  l'empereur  Ze- 
non, dont  il  avait  épousé  la  sœur,  permit  aux 
catholiques  d'en  ordonner  un  pour  cette 
Eglise.  Il  envoya,  pour  assister  à  cette  élec- 
tion, Alexandre,  ambassadeur  de  Zenon,  et 
avec  lui  un  de  ses  notaires,  nommé  Vitarit, 
qui  était  chargé  d'un  édit  qu'il  devait  lire 
publiquement.  Cet  édit  portait  qu'Hunéric 
trouvait  bon  que  les  catholiques  eussent  li- 
berté d'ordonner  tel  évoque  qu'il  leur  plai- 
rait, à  condition  que  ceux  de  l'hérésie  arienne 
auraient  à  Constantinople  et  dans  tout  l'O- 
rient la  liberté  d'enseigner  le  peuple  en  telle 
langue  qu'ils  voudraient,  et  de  faire  tous  les 
exercices  de  leur  religion  comme  les  catho- 
hques  avaient  à  Carthage  et  dans  leurs  autres 
églises  d'Afrique  la  liberté  de  célébrer  les 
messes,  de  prêcher  et  d'exercer  leur  religion. 
Hunéric  ajoutait  :  «Si  cela  n'est  pas  observé, 
l'évêque  qui  sera  ordonné  ici  et  les  autres 
évéques  d'Afrique,  avec  leur  clergé,  seront 
envoyés  chez  les  Maures.  »  Cet  édit  fut  lu 
dans  l'église  de  Carthage,  le  18  juin  481.  Le 
peuple,  qui  ne  voyait  point  l'artifice  avec  le- 
quel on  préparait  la  persécution,  voulait  ab- 
solument un  évêque;  mais  Victor  de  Vite  et 
les  autres  évêques  qui  étaient  présents, 
voyant  le  piège  qu'on  leur  tendait^  dirent  au 
commissaire  du  roi  que  l'Eglise  de  Carthage 
ne  souhaitait  point  d'évêque  à  des  conditions 
si  dangereuses,  et  que  Jésus-Christ  la  gou- 
vernerait comme  il  avait  fait  jusqu'alors.  Le 
commissaire  ne  voulut  avoir  aucun  égard  à 
cette  pi'otestation,  et  tout  le  peuple  deman- 
dant avec  de  grands  cris  qu'on  procédât  à 
l'élection  d'un  évêque,  le  choix  tomba  sur 
Eugène,  qui  était  un  homme  de  grande  vertu 
et  selon  le  cœur  de  Dieu.  Mais  en  même 
temps  qu'il  se  gagna  le  cœur  des  catholiques 
par  son  humilité  et  par  sa  charité,  sa  répu- 
tation lui  attira  l'envie  des  évêques  ariens. 
Ils  représentèrent  à  Hunéric  qu'il  était  dan- 
gereux de  permettre  à  Eugène  de  continuer 
de  prêcher;  ils  voulaient  même  qu'il  empê- 
chât que  ni  homme  ni  femme  ne  parût  dans 
l'église  en  habit  de  barbare.  Mais  Eugène 
répondit  que  la  maison  de  Dieu  était  ouverte 
à  tout  le  monde ,  sans  que  personne  en 
pût  chasser  ceux  qui  voulaient  entrer.  Le 
roi  ayant  appris  cette  réponse ,  fit  mettre 
à  la  porte  de  l'église  des  bourreaux,  qui,  en 
voyant  un  homme  ou  une  femme  y  entrer 


[v^ SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXVlll.  —  SAINT 

avec  l'habit  de  Vandale,  les  tiraient  avec  vio- 
lence par  la  tête  avec  des  bâtons  dentelés 
dont  ils  leur  entortillaient  les  cheveux  et 
leur  arrachaient  ainsi  avec  les  cheveux  la 
peau  de  la  tête.  Quelques-uns  en  perdirent 
les  yeux  et  d'autres  la  vie,  mais  aucun  n'en 
quitta  la  vraie  religion.  Hunéric,  pour  les  y 
contraindre,  défendit  de  donner  ni  gages,  ni 
vivres,  ni  quoi  que  ce  fût  aux  catholiques 
qui  étaient  à  sa  cour.  En  même  temps  il  or- 
donna de  les  accabler  par  des  ouvrages  pé- 
nibles. Un  d'entre  eux,  qui  avait  depuis  plu- 
sieurs années  une  main  sèche,  représenta 
l'impossibilité  de  faire  l'ouvrage  qu'on  exi- 
geait de  lui  ;  mais  on  l'en  pressa  encore  da- 
vantage. Lors  donc  qu'il  fut  arrivé  avec  les 
autres  catholiques  pour  couper  les  blés  dans 
les  plaines  d'Utique ,  ceux  qui  l'accompa- 
gnaient se  mirent  en  prièi-e  pour  lui,  et  Dieu, 
par  sa  bonté,  le  guérit  à  l'instant.  Ce  n'était 
là  que  le  prélude  delà  persécution  générale. 
Elle  avait  été  annoncée  à  plusieurs  saints 
catholiques  dans  des  visions,  dont  Victor  ne 
rapporte  qu'une  partie.  Hunéric,  après  avoir 
fait  mourir  ses  parents  les  plus  proches,  pour 
assurer  le  royaume  à  ses  enfants,  fit  d'abord 
défense  expresse  à  tous  ceux  qui  ne  seraient 
pas  ariens ,  de  servir  dans  son  palais  ou 
d'exercer  des  fonctions  publiques.  Ensuite  il 
fit  ordonner  que  les  biens  des  évêques  catho- 
liques seraient  appliqués  au  fisc  après  leur 
mort,  et  qu'on  ne  pourrait  leur  donner  de 
successeur  qu'après  avoir  payé  au  même  fisc 
la  somme  de  cinq  cents  sols  d'or.  Cette  loi 
n'eut  pas  heu,  parce  que  ses  officiers  lui  re- 
montrèrent qu'en  la  faisant  observer,  les 
évêques  ariens  seraient  traités  encore  plus 
rigoureusement  dans  la  Thrace  et  dans  le 
reste  de  l'Orient.  Quelque  temps  après,  ayant 
assemblé  les  vierges  sacrées,  il  les  fit  visiter 
contre  toutes  les  lois  de  la  pudeur,  par  des 
Vandales  et  des  matrones  de  sa  nation,  sans 
que  leurs  mères  ni  aucunes  dames  catholi- 
ques fussent  présentes;  puis  on  leur  fit  souf- 
frir de  cruels  supplices ,  pour  leur  faire 
avouer  que  les  évêques  et  les  clercs  catholi- 
ques abusaient  d'elles.  Il  y  en  eut  un  grand 
nombre  qui  moururent  dans  les  tourments  ; 
mais  aucune  ne  donna  le  moindre  prétexte 


VICTOR,  ÉVEQUE  DE  VITE,  ETC.  453 

de  calomnier  les  ministres  de  Jésus-Christ. 
Ainsi  Hunéric  fut  trompé  dans  son  attente, 
qui  était  de  trouver  parla  un  moyen  de  dés- 
honorer l'Eglise,  et  un  motif  pour  colorer 
la  persécution  générale  qu'il  avait  dessein 
de  lui  faire.  Il  bannit  dans  les  déserts  des 
évêques,  des  prêtres,  des  diacres  et  d'autres 
catholiques,  au  nombre  de  quatre  mille  neuf 
cent  soixante  et  seize ,  dont  quelques  -  uns 
étaient  accablés  de  maladie,  et  d'autres  si 
avancés  en  âge,  qu'ils  en  étaient  devenus 
aveugles.  Victor  de  Vite  et  plusieurs  autres 
qui  n'étaient  pas  du  nombre  des  exilés,  les 
accompagnèrent  pour  leur  rendre  tous  les 
services  qui  dépendraient  d'eux.  Les  peuples 
accouraient  de  tous  côtés,  portant  des  cierges 
en  leurs  mains,  et  jetant  leurs  enfants  aux 
pieds  de  ces  saints  confesseurs,  ils  leur 
criaient  '  :  «  A  qui  nous  laissez-vous  en  cou- 
rant au  martyre?  Qui  baptisera  ces  enfants? 
Qui  nous  donnera  la  pénitence  et  la  récon- 
ciliation? Qui  nous  enterrera  après  la  mort? 
Qui  offrira  le  divin  sacrifice  avec  les  cérémo- 
nies ordinaires?  Que  ne  nous  est-il  permis 
d'aller  avec  vous  ?  » — «  Pendant  que  ces  servi- 
teurs de  Dieu  étaient  en  marche,  nous  vî- 
mes, dit  Victor,  une  femme  fort  âgée  qui, 
d'une  main,  portait  un  sac,  et  tenait  de  l'au- 
tre un  enfant  auquel,  pour  l'encourager  à 
marcher,  elle  disait  :  «  Cours,  mon  fils,  vois- 
tu  tous  ces  saints,  comme  ils  se  pressent 
d'aller  recevoir  la  couronne.  »  Sur  ce  que 
nous  la  reprimes  de  ce  qu'elle  voulait  aller 
avec  tant  d'hommes,  car  il  parait  qu'il  n'y 
avait  aucune  femme  dans  ce  grand  nombre 
d'exilés,  elle  répondit  :  «  Donnez-nous  votre 
bénédiction,  et  priez  pour  moi  et  pour  cet 
enfant  qui  est  mon  petit-fils  ;  toute  péche- 
resse que  je  suis,  j'ai  eu  pour  père  le  défunt 
évêque  de  Zurite;  j'emmène  cet  enfant,  de 
crainte  que  le  démon  ne  le  trouvant  seul, 
ne  le  fasse  sortir  du  chemin  de  la  vérité  pour 
le  précipiter  dans  une  mort  éternelle.  »  Nous 
admirâmes,  ajoute  Victor,  la  foi  et  la  cons- 
tance de  cette  généreuse  femme,  et  les  yeux 
baignés  de  larmes,  nous  ne  pûmes  dire  au- 
tre chose,  sinon  :  la  volonté  de  Dieu  soit 
faite.  Tous  les  confesseurs  ne  purent  pas  ar- 
river au  lieu  de  leur  bannissement.  Il  en 


1  Concurrentes  turbœ  fidelium  cereos  manibus  ges- 
tanies,  suosque  infantulos  vestigiis  martyrum  proji- 
cientes,  ista  voce  clamabant  :  «  Quitus  nos  miseros  re- 
linquiiis  dum  pergitis  ad  coronus?  Qui  hos  baptizaturi 
sunt  parvulos  fontibus  aquœ  perennis  ?  Qui  nobis  pœ- 
nitentiœ  munus  coUaiuri  sunt  et  reconciliationis  in- 


dulgeniia  obstrictos  peeoatorum  vincidis  soluluri?  Qui 
nos  Sùlemnibus  orationibus  sepuHuri  sunt  morientes  ? 
Aut  a  quibus  divinis  sacrificiis  riius  exliihendus  est 
consueius  ?  Vobiscum  et  nos  libeat  pergere,  si  liceret. 
Vicl.,  lib.  II,  pag.  33. 


45-4 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


EJil  d'Un- 
néric ,  pour 
une  conféren- 
ce, pag.  :iîj. 


mourut  un  grand  nombre  de  fatigues  et  de 
mauvais  traitements  qu'on  leur  faisait  en 
chemin.  Ceux  qui  eurent  assez  de  force  pour 
arriver  au  désert,  y  furent  nourris  avec  de 
l'orge,  comme  des  chevaux,  et  on  le  leur 
donnait  sans  l'avoir  fait  moudre.  Ce  lieu 
était  rempli  de  serpents  et  d'autres  bêtes  ve- 
nimeuses; mais,  par  l'assistance  de  Jésus- 
Christ,  elles  ne  firent  mourir  aucun  des  con- 
fesseurs. 

8.  Hunéric,  après  avoir  arraché  à  l'Eglise 
une  partie  de  ses  membres,  pensa  à  extermi- 
ner de  l'Afrique  jusqu'au  nom  des  catholi- 
ques. A  cet  effet,  le  Jour  de  l'Ascension , 
19  mai  de  l'an  483,  il  envoya  à  Eugène,  évê- 
que  de  Garthage,  un  édit  pour  le  faire  lire 
dans  l'église.  11  était  adressé  à  tous  les  évo- 
ques catholiques,  sous  le  nom  à'Homoousiens, 
et  portait  en  substance  que  puisque,  contre 
ses  défenses,  ils  s'étaient  asssemblés  dans 
les  terres  dépendantes  des  Vandales,  qu'ils 
y  avaient  célébré  des  messes  au  scandale  de 
ces  provinces,  ils  eussent  à  se  rendre  à  Gar- 
thage pour  le  1"  février  de  l'année  suivante, 
pour  disputer  de  la  foi  avec  les  évêques  de 
sa  communion ,  et  prouver  leur  foi  par  l'au- 
torité des  Ecritures.  L'évêque  Eugène  ré- 
pondit à  Vitarit ,  porteur  de  cet  édit,  que, 
puisque  cette  cause  regardait  généralement 
toutes  les  Eglises  de  la  communion  catholi- 
que, il  était  juste  qu'on  leur  donnât  avis  de 
cette  conférence.  En  attendant,  il  résolut,  de 
l'avis  de  son  clergé,  de  présenter  un  mémoire 
au  l'oi  pour  tâcher  d'amollir  ce  cœur  bar- 
bare. Eugène  protestait  dans  ce  mémoire 
que  s'il  avait  dit  au  commissaire  Vitarit  que, 
s'agissant  de  la  cause  commune,  il  était  rai- 
sonnable d'appeler  les  évêques  d'outre-mer, 
ce  n'était  point  pour  éviter  la  conférence  ; 
qu'il  avait  témoigné  au  contraire  qu'il  l'ac- 
ceptait. La  réponse  du  roi  à  ce  mémoire,  fut  : 
«  Soumettez  toute  la  terre  à  mon  empire ,  et 
je  ferai  tout  ce  que  vous  me  demandez.  » 
Eugène  représenta  que  le  roi  lui  demandait 
une  chose  impossible,  au  lieu  d'une  très-fa- 
cile qu'il  lui  avait  proposée.  «  J'ai  dit,  ajouta- 
t-il,  que  si  le  roi  désire  de  connaître  notre 
foi,  il  peut  envoyer  à  ses  amis,  c'est-à-dire 
aux  princes  catholiques  :  j'écrirai  aussi  à 
mes  confrères,  afin  qu'ils  viennent  pour  vous 
montrer  que  nous  n'avons  qu'une  même  foi, 


\UTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

et  principalement  à  l'Eglise  romaine  qui  est 
le  chef  de  toutes  les  Eglises  '.  »  Hunéric,  au 
lieu  d'avoir  égard  aux  remontrances  d'Eu- 
gène, chercha  divers  prétextes  pour  mal- 
traiter ceux  d'entre  les  évêques  catholiques 
qu'il  savait  être  les  plus  habiles.  Il  défendit 
en  même  temps  qu'aucun  catholique  ne 
mangeât  avec  ceux  de  sa  secte.  Pendant  que 
le  feu  de  la  persécution  s'allumait  ainsi. 
Dieu  fit  un  miracle  par  le  ministère  d'Eu- 
gène. 11  y  avait  à  Garthage  un  aveugle  ap- 
pelé Félix,  connu  de  tout  le  monde.  La  nuit 
de  la  fête  de  l'Epiphanie,  il  entendit  en  songe 
qu'on  lui  disait  :  «  Lève-toi,  va  trouver  l'é- 
vêque Eugène,  mon  serviteur;  dis-lui  que  je 
t'ai  envoyé  vers  lui,  et  lorsqu'il  bénira  les 
fonts  baptismaux,  il  touchera  tes  yeux|,  et  tu 
recouvreras  la  vue.  »  C'était  l'usage  en  Afri- 
que, comme  dans  quelques  autres  Eglises, 
de  donner  le  baptême  solennel  le  jour  de 
TEpiphanie,  de  même  qu'à  Pâques  et  à  la 
Pentecôte.  Félix,  s'imaginant  que  ce  n'était 
qu'un  songe  ordinaire,  ne  voulut  pas  se  le- 
ver. S'étant  rendormi,  il  entendit  la  même 
chose  une  seconde  fois,  et  enfin  une  troi- 
sième,  avec  de  grands  reproches  de  son  in- 
créduhté.  Il  éveilla  le  domestique  qui  avait 
coutume  de  lui  donner  la  main,  et  s'en  alla 
en  grande  diligence  à  l'église  de  Fauste- 
Après  y  avoir  fait  sa  prière  avec  beaucoup 
de  larmes,  il  pria  un  sous-diacre,  nommé 
Pérégrin,  d'avertir  l'évêque  qu'il  avait  un 
secret  à  lui  dire.  L'évêque  dit  qu'on  le  fit  ve- 
nir. Félix  lui  raconta  ce  qui  s'était  passé,  en 
protestant  qu'il  ne  le  quitterait  pas  qu'il  ne 
lui  eût  rendu  la  vue.  «  Retirez-vous,  mon 
frère,  lui  dit  Eugène,  je  suis  un  pécheur  et 
le  plus  grand  de  tous  les  pécheurs,  puisque 
Dieu  m'a  laissé  vivrejusqu'à  ces  malheureux 
temps.  »  L'aveugle,  au  lieu  de  se  retirer, 
embrassait  les  genoux  du  saint  évêque,  en 
répétant  toujours  ces  mêmes  paroles  :  «Ren- 
dez-moi la  vue  ainsi  que  Dieu  vous  l'ordonne.» 
Eugène,  voyant  sa  foi,  et  pressé  par  l'heure 
de  l'office,  s'en  alla  aux  sacrés  fonts,  accom- 
pagné de  ses  ecclésiastiques.  Il  se  mit  à  ge- 
noux, et  avec  de  grands  soupirs  il  fit  la  bé- 
nédiction de  l'eau;  puis,  se  levant,  il  dit  à 
l'aveugle  :  «  Je  vous  ai  déjà  dit,  mon  frère 
Féfix,  que  je  suis  un  pécheur;  mais  je  prie 
Dieu,  qui  a  bien  voulu  vous  visiter,  de  vous 


1  Scribam  ego  et  fratribus  mais,  ut  vmiant  coepis- 
copi  met,  qui  vobis  nobiscmn  fidem  communem  nos- 
tram  valeant  demonstrare,  et  prceeipue  Ecclesia  ro- 


mana  quœ  caput  est  omnium  Ecclesiarum.  Vict.,  lib.  II  j 
pag.  8. 


CHAPITRE  XXVIII.  —  SAINT  VICTOR,  ÉVÊQUE  DE  VITE,  ETC. 


[V  SIÈCLE.] 

traitei"  selon  votre  foi  et  de  vous  rendre  l'u- 
sage de  vos  yeux.  »  En  même  temps  il  lit  sur 
ses  yeux  le  signe  de  la  croix^  et  aussitôt  il 
recouvra  la  vue.  Eugène  le  retint  auprès  de 
lui  jusqu'à  ce  que  tous  ceux  qui  devaient 
être  baptisés  l'eussent  été,  de  peur  qu'en  le 
laissant  sortir  seul,  le  peuple  ne  l'écrasât  en 
s'empressant  pour  le  voir.  On  fit  ensuite  con- 
naître le  miracle  à  toute  l'Eglise  :  et  lorsque 
l'évêque  alla,  selon  la  coutume,  des  fonts 
baptismaux  à  l'autel,  Félix  l'accompagna  et 
fît  son  offrande,  qu'Eugène  mit  sur  l'autel. 
La  nouvelle  en  étant  venue  au  roi ,  il  inter- 
rogea Félix  pour  savoir  de  lui  la  vérité  du 
miracle.  Félix  raconta  tout  de  point  en  point; 
mais  les  .évêques  ariens,  couverts  par  là 
d'une  extrême  confusion  et  ne  pouvant  obs- 
curcir la  réalité  du  miracle,  dirent  qu'Eu- 
gène l'avait  fait  par  maléfice. 

9.  A  l'approche  du  Jour  destiné  pour  la 
conférence,  les  évêques  vinrent  non-seule- 
ment de  toute  l'Afrique,  mais  encore  de  plu- 
sieurs lies  soumises  aux  Vandales.  Plusieurs 
jours  se  passèrent  depuis  le  1"  février, 
sans  que  l'on  parlât  de  rien  :  et  durant  ce 
temps-là  Hunéric  séparait  les  plus  habiles 
des  évêques  catholiques  pour  les  faire  mou- 
lir  sur  diverses  calomnies.  Il  plut  aux  ariens 
de  commencer  la  conférence  vers  le  5  du 
mois,  et  ils  en  indiquèrent  le  lieu.  Les  catho- 
liques, tant  pour  éviter  la  confusion,  que 
pour  ôter  aux  ariens  le  prétexte  de  dire  qu'ils 
les  avaient  accablés  par  la  multitude,  nom- 
mèrent seulement  dix  d'entre  eux  pour  pal- 
ier au  nom  des  autres.  Cyrila,  patriarche  des 
ariens,  s'assit  dans  l'assemblée  sur  un  trône 
élevé  et  magnifique,  au  lieu  que  les  catholi- 
ques étaient  debout.  Ils  se  plaignirent  de  ce 
faste,  comme  peu  convenable  à  l'égalité  qui 
devait  être  outre  des  personnes  qui  venaient 
pour  conférer  ensemble.  Ensuite  ils  deman- 
dèrent qu'il  y  eût  des  commissaires  pour 
examiner  la  vérité  de  ce  qui  se  dirait  de  part 
et  d'autre.  Un  notaire  du  roi  dit  que  le  pa- 
triarche Cyrila  en  ferait  les  fonctions.  Les 
catholiques  demandèrent  par  quelle  autorité 
Cyrila  prenait  le  titre  de  patriarche?  Alors 
les  ariens  commencèrent  à  faire  grand  bruit 
et  à  traiter  injurieusement  les  catholiques  : 
et  parce  qu'ils  avaient  demandé  qu'au  cas 
qu'il  n'y  eût  point  de  commissaires,  il  fût  du 
moins  permis  aux  plus  sages  du  peuple  d'as- 
sister à  l'assemblée,  il  y  eut  ordre  de  donner 
cent  coups  de  bâtons  à  tous  les  laïques  ca- 
tholiques qui  étaient  présents.  Sur  cela  l'é- 


453 


vêqi'.e  Eugène  s'écria  :  «  Que  Dieu  voie  de 
quelle  manière  on  nous  opprime  et  qu'il  soit 
le  juge  des  violences  qu'on  nous  fait  souf- 
frir. »  Les  évêques  catholiques  dirent  à  Cy- 
rila de  proposer  ce  qu'il  voudrait  :  il  répon- 
dit qu'il  ne  savait  pas  le  latin  ;  les  catholi- 
ques lui  soutinrent  qu'il  avait  toujours  parlé 
latin  ;  qu'ainsi  il  ne  devait  pas,  sous  un  faux 
prétexte,  demeurer  dans  le  silence,  vu  sur- 
tout que  c'était  lui  qui  était  cause  de  l'in- 
cendie. Cyrila  voyant  bien  que  les  évêques 
catholiques  étaient  mieux  préparés  à  la  dis- 
pute qu'il  ne  se  l'était  imaginé,  usa  de  di- 
verses chicanes  pour  éviter  la  conférence. 
Les  catholiques,  qui  l'avaient  prévu,  firent 
lire  publiquement  une  i^rofession  de  foi  qu'ils 
avaient  composée  avant  de  se  présenter  à  la 
conférence.  Il  est  dit  à  la  fin  qu'ils  l'envoyè- 
rent encore  aux  ariens,  le  24  avril  484,  par 
Janvier  de  Zattare  et  Vidlatie  de  Cases- 
Moyennes,  évêques  de  Numidie,  Boniface 
de  Foratiane  et  Boniface  de  Graliane,  évêques 
de  la  province  de  Byzacène.  Quelques-uns 
l'ont  attribuée  à  Victor  de  Vite,  parce  qu'il 
en  a  fait  le  troisième  livre  de  son  Histoire  ; 
d'autres  à  saint  Eugène  de  Carthage,  sur  ce 
que  Gennade  dit  de  lui  '  qu'étant  obligé  par 
Hunéric  de  rendre  raison  de  la  foi  catholique, 
et  principalement  du  terme  de  consubsian- 
tiel,  il  fît  un  livre  où  il  prouvait  l'un  et  l'autre 
par  des  témoignages  de  l'Ecriture  et  des  pè- 
res ;  et  que  son  écrit  ayant  été  approuvé  de 
tous  les  saints  évêques  et  confesseurs  de  l'A- 
frique, de  la  Mauritanie,  de  la  Sardaigne  et 
de  la  Corse,  qui  étaient  demeurés  constants 
dans  la  foi,  il  fut  présenté  au  roi  par  quel- 
ques-uns des  confesseurs.  La  profession  de 
foi  dont  nous  parlons,  ne  renferme  que  des 
témoignages  de  l'Ecriture  :  il  n'y  en  a  aucun 
des  pères  de  l'Eglise,  à  moins  que  sous  ce 
nom  l'on  n'entende  que  cette  profession  de 
foi  est  appuyée  sur  l'autorité  des  traditions 
apostoliques.  On  ne  peut  guère  néanmoins 
douter  que  ce  ne  soit  celle  de  l'évêque  de 
Carthage.  Victor  n'était  point  en  cette  ville 
lors  de  la  conférence ,  et  il  parait  que  cette 
profession  de  foi  fut  faite  quelques  jours  au- 
paravant. Puisque  Gennade  en  attribue  une 
à  saint  Eugène,  pourquoi  ne  pas  lui  donner 
celle-ci?  Pourquoi  en  aurait-il  fait  une  deu- 
xième ?  Il  ne  manque  rien  dans  celle  que 
Victor  rapporte  :  elle  est  ample,  bien  détail- 
lée et  bien  prouvée.  Il  est  constant  d'ailleurs 

1  Gennad.,  ds  Script,  eçcles.,  cap.  xcvii. 


456 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


par  l'intitulation ,  qu'elle  fut  présentée  au 
roi.  Si  l'on  n'y  trouve  pas  de  passages  des 
pères,  c'est  qu'il  était  inutile  d'en  alléguer  à 
des  évêques  ariens,  qui  demandaient  qu'on 
leur  prouvât,  parl'autorité  seule  de  l'Ecriture, 
que  l'on  devait  se  servir  du  terme  de  con- 
substantiel,  pour  marquer  l'unité  de  subs- 
tance dans  le  Père  et  le  Fils.  11  est  fort  pos- 
sible que  les  évêques  ai'iens  ayant  objecté 
depuis  que  mille  évêques,  tant  à  Rimini  qu'à 
Séleucie  ',  ayant  rejeté  le  terme  deconsubstan- 
tiel,  saint  Eugène  aitréponduàcette  objection 
par  les  témoignages  des  pères  qui  ont  admis 
ce  terme,  et  que  cette  seconde  partie  de  sa 
profession  de  foi  se  soit  perdue  depuis  le 
siècle  de  Gennade. 
Troisième  10.  Quoï  qu'll  BU  soit,  la  profession  de  foi 
"prorlHion  présentée  à  Hunéric,  est  au  nom  des  évêques 
foos'ca'M-  catholiques  en  général.  Ils  y  reconnaissent 
Ec"i?' "''''■  "  que  ce  prince  l'avait  exigée  d'eux;  qu'en  la 
faisant,  ils  se  sont  moins  fondés  sur  leurs 
propres  forces  que  sur  le  secours  de  Dieu,  et 
que  ce  qu'ils  ont  à  montrer,  c'est  que  le  Fils 
est  de  la  même  substance  que  le  Père,  ce 
que  les  Grecs  expriment  parle  terme  de  con- 
substantiel.  Ils  commencent  donc  par  déclarer 
qu'ils  confessent  en  Dieu  une  unité  de  subs- 
tance ^  dans  le  Père,  le  fils  et  le  Saint-Esprit, 
mais  en  telle  manière  que  chacune  de  ces 
trois  personnes  conserve  les  propriétés  qui 
lui  sont  personnelles  ;  c'est-à-dire  qu'elles 
ont  chacune  leur  propre  existence  qui  les 
distingue  mutuellement  ;  car  le  Père  n'est 
pas  le  même  que  le  Fils,  ni  le  Fils  que  le 
Saint-Esprit.  Le  Père  n'est  pas  engendré,  le 
Fils  est  engendré  du  Père,  et  le  Saint-Esprit 
procède  du  Père  et  du  Fils.  Toutes  ces  trois 
personnes  sont  d'une  même  substance,  parce 
qu'il  n'y  a  qu'une  divinité  du  Père  non  en- 
gendré, du  Fils  engendré,  et  du  Saint-Esprit 
qui  procède  ;  mais  il  y  a  trois  propriétés  des 
personnes,  c'est-à-dire  trois  existences,  ou 
trois  personnes  subsistantes.  On  voit  ici  que 
ces  évêques  reconnaissent  que  le  Saint-Esprit 
procède  du  Père  et  du  Fils;  mais  ils  ne  di- 
sent pas  la  même  chose  dans  la  récapitula- 


tion qu'ils  font  à  la  fin,  et  il  y  a  des  manus- 
crits où  le  terme  de  Fils  ne  se  lit  pas,  quoiqu'il 
se  trouve  en  beaucoup  d'autres. 

Ils  ajoutent  :  «  Que  le  Fils  soit  engendré  et 
qu'il  soit  d'une  même  substance  que  le  Père, 
c'est  ce  que  l'Ecriture  nous  enseigne  en  beau- 
coup d'endroits.  Elle  enseigne  aussi  que  le 
Fils  est  égal  à,  son  Père,  et  qu'il  est  une 
même  chose  avec  lui,  non-seulement  en  vo- 
lonté, mais  en  substance.  Mais  comme  nous 
confessons  qu'il  y  a  deux  natures  dans  le 
Fils,  c'est-à-dire  qu'il  est  vrai  Dieu  et  vrai 
homme,  qu'il  a  un  corps  et  une  âme,  les 
choses  admirables  que  l'Ecriture  dit  de  lui, 
doivent  se  rapporter  à  sa  divinité ,  et  ce 
qu'elle  en  dit  d'humiliant,  doit  s'entendre  de 
son  humanité.  Lorsque  Jésus-Christ  dit  lui- 
même  :  Mon  Père  et  moi  sommes  une  même 
chose,  il  parle  en  Dieu  ;  lorsqu'il  dit  :  Mon 
Dieu,  pourquoi  m"avez~vous  abandonné?  il  parle 
eu  homme.  Le  Père  a  engendré  son  Fils  de 
ce  qu'il  est  lui-même,  et  il  l'a  engendré  de 
toute  éternité,  d'une  manière  ineffable,  non 
en  le  produisant  au  dehors,  ni  en  le  formant 
de  rien  ou  de  quelques  matières  préesisten- 
tes.  C'est  de  Dieu  qu'il  est  né.  Or  celui  qui 
est  né  de  Dieu,  ne  peut  être  autre  chose  que 
ce  qu'est  le  Père  :  il  est  donc  d'une  même 
substance,  parce  que  la  vérité  de  sa  nais- 
sance n'admet  point  de  diversité  dans  sa  na- 
ture. Si  le  Fils  était  d'une  autre  substance 
que  le  Père,  ou  il  ne  serait  pas  vraiment 
Fils,  ou  il  aurait  dégénéi'é  en  naissant  :  ce 
qui  ne  se  peut  dire.  Quelqu'un  objectera 
peut-être  qu'il  est  écrit  dans  Isaïe  :  Qui 
pourra  raconter  sa  génération?  Mais  il  faut  re- 
marquer que  le  prophète  parle  en  cet  endroit 
de  la  manière  dont  le  Fils  de  Dieu  est  en- 
gendré :  et  nous  convenons  que  l'homme  ne 
peut  la  pénétrer.  Mais  si  la  généi-ation  du 
Fils  est  ineffable,  elle  n'en  est  pas  moins 
vraie,  et  il  ne  nous  est  pas  permis  de  l'igno- 
rer, après  que  le  Fils  nous  a  si  souvent  as- 
surés dans  l'Ecriture  qu'il  est  né  du  Père. 
Mais,  dira-t-on,  le  Fils  étant  engendré,  et  le 
Père  ne  l'étant  point,  il  n'est  pas  possible 


Joaû.  VI,  i 


Joao.  X,  51 
Psal.  XX, 


Isai.  LUI, 


Juan. 
18;  I,  U. 


1  Eis  videtur  esse  propositum  ut  consubstantiale,  sicut 
moniti  erant,  ex  divinis  Sc7'ipturis  proprie  approba- 
rent  ;  aut  cerle  quod  a  mille  pontificibits  de  toto  orbe 
in  Ariminensi  conçilio  vel  apud  Seleuciam  ampiitatum 
est,  prœdamnm-ent.  Vict.,  lib.  IV,  pag.  65. 

2  Patrem  ergo  et  Filiurn  et  Spiritum  Soncfum  ita 
in  unitate  deitatis  profitemur,  ut  et  Patrem  in  sua 
proprietate  personœ  subsistere,  et  Filium  nihilomimis 
in  propria  extare  persona,  atque  Spiritum  Sancium 
personœ  suce  proprielatem  retinere  fideli  confessione 


fateamur.  Non  eumdem  asserentes  Patrem  quem  Fi- 
lium, neque  Filium  confitentes  qui  Pater  sit  aut  Spi- 
riius  Sanctus  ;  neque  ita  Spiritum  Sancium  accipi- 
mus,  ut  aut  Pater  sit,  aut  Filius,  sed  ingenitum  Pa- 
trem, et  de  Pâtre  genitum  Filium,  et  de  Pâtre  et 
Filio  proeedentem  Spiritum  Sanctum,  unius  credimus 
esse  substantiœ  :  quia  ingeniti  Patris  et  geniti  Filii 
et  procedentis  Spiritus  Suncti,  una  est  deitas,  tre<i 
vero  personarum  proprietates.  Victor ,  lib.  III , 
pag.  43. 


CHAPITRE  XXVIII. 


SAINT 


Act.  V,  4 


[X"  SIÈCLE.] 

qu'ils  soient  d'une  même  substance  ?  II  faut 
dire,  au  contraire,  que  celui  qui  engendre 
est  de  même  nature  que  celui  qui  est  engen- 
dré. Nous  faisons  profession  de  croire  que  le 
Fils  est  Dieu  de  Dieu,  lumière  de  lumière, 
parce  qu'effectivement  Dieu  est  lumière.  Cela 
prouve  nettement  que  le  Père  et  le  Fils  sont 
d'une  même  substance,  puisque  la  lumière 
et  la  clarté  sont  d'une  même  substance  :  et 
de  même  que  la  splendeur  est  inséparable 
de  la  lumière,  et  qu'elle  n'en  peut  être  sé- 
parée, de  même  aussi  le  Fils  qui  est  la  splen- 
deur de  la  gloire  du  Père ,  lui  est  coéternel 
et  ne  peut  en  être  séparé.  Le  Père  a  engen- 
dré son  Fils  sans  division  et  sans  diminution 
de  sa  substance.  Il  l'a  engendré  non  dans  le 
temps,  mais  dans  l'éternité,  sans  qu'il  y  eût 
aucun  intervalle  dans  la  génération  da  Fils, 
comme  il  n'y  en  a  point  entre  la  production 
du  feu  et  de  la  clarté.  A  l'égard  du  Saint- 
Esprit,  nous  croyons  qu'il  est  consubstantiel 
au  Père  et  au  Fils,  égal  et  coéternel.  Car 
quoique  la  vénérable  Trinité  soit  distinguée 
par  personnes  et  par  noms,  ce  n'est  qu'une 
même  nature;  d'où  vient  que  nous  ne  souf- 
frons pas  qu'on  dise  plusieurs  Dieux  :  sous  le 
seul  nom  de  Dieu,  nous  comprenons  les  trois 
personnes.  Ce  nom  marque  l'unité  de  subs- 
tance et  non  de  personnes  ,  comme  il  paraît 
dans  ces  paroles  :  Faisons  l'homme  à  notre 
image  et  à  notre  t^essemblance,  et  ]}av  beaucoup 
d'autres  de  l'Ecriture.  La  création  est  l'ou- 
vrage commun  des  trois  personnes  de  la  Tri- 
nité. Le  Saint-Esprit  y  a  eu  part  comme  le 
Père  et  le  Fils.  Il  est  dit  dans  l'Ecriture  qu'il 
connaît  les  secrètes  pensées,  et  le  nom  de 
Dieu  lui  est  donné  dans  les  Actes  des  apô- 
tres et  ailleurs  :  s'il  est  appelé  notre  avocat 
ou  notre  consolateur,  il  faut  se  souvenir  que 
l'Ecriture  donne  le  même  titre  au  Fils  et  au 
Père.  N'est-il  pas  dit  dans  saint  Jean  :  Si 
quelqu'un  pèche,  nous  avons  pour  avocat  auprès 
du  Père,  Jésus- Christ  qui  est  juste;  et  dans 
saint  Paul  :  Béni  soit  Dieu,  Père  de  notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  le  Dieu  de  toute  consolation. 
La  forme  du  baptême  est  encore  une  preuve 
que  la  gloire  et  la  puissance  des  trois  per- 
sonnes de  la  Trinité  est  la  même,  comme 
elles  n'ont  qu'une  opération.  » 

Après  avoir  établi  par  un  très-grand  nom- 


VICTOR,  ÉVÊQUE  DE  VITE,  ETC.  457 

bre  de  passages,  la  divinité  des  trois  person- 
nes, les  évêques  l'établissent  encore  par  di- 
vers raisonnements  tirés  des  passages  de 
l'Ecriture  qu'ils  avaient  allégués.  Ils  insistent 
particulièrement  sur  la  divinité  du  Saint-Es- 
prit, et  disent  :  «  S'il  procède  du  Père ,  s'il 
nous  délivre  de  nos  péchés,  s'il  est  le  Sei- 
gneur, s'il  donne  la  vie  et  la  sanctification, 
s'il  connaît  tout,  s'il  est  partout;  si  c'est  lui 
qui  constitue  les  prophètes,  qui  envoie  les 
apôtres,  qui  donne  des  évoques  aux  Eglises; 
si  le  péché  contre  lui  n'est  remis  ni  en  ce 
monde  ni  en  l'autre,  on  ne  peut  douter  qu'il 
ne  soit  Dieu  :  or  l'Ecriture  dit  de  lui  toutes 
ces  choses  :  n'y  aurait-il  donc  pas  de  l'in- 
gratitude à  ne  pas  lui  rendre  la  même  gloire 
qu'au  Père  et  au  Fils  ?  Car  si  je  ne  lui  dois 
pas  le  même  honneur,  on  ne  doit  pas  le 
nommer  avec  le  Père  et  le  Fils  dans  le  bap- 
tême. Je  dois  prier  celui  en  qui  on  m'ordonne 
de  croire  '.  Ainsi  je  dois  adorer  le  Saint-Es- 
prit par  une  et  même  vénération  que  le  Père 
et  le  Fils.  Telle  est,  disent  les  évêques  °  à  la 
fin  de  cette  profession  de  foi,  la  doctrine  dont 
nous  faisons  profession,  elle  est  appuyée  sur 
l'autorité  des  évangélistes  et  des  apôlres,  et 
fondée  sur  la  société  de  toutes  les  Eglises  du 
monde,  dans  laquelle,  par  la  grâce  de  Dieu 
tout-puissant,  nous  espérons  persévérer  jus- 
qu'à la  fin  de  cette  vie.  » 

11.  A  la  lecture  de  cette  profession  de  foi, 
les  ariens  entrèrent  en  fureur  de  ce  que  leurs 
adversaires  y  prenaient  le  nom  de  catholi- 
ques. Pour  s'en  venger,  ils  rapportèrent  au 
roi  qu'ils  avaient  troublé  la  conférence  par 
leur  grand  bruit,  afin  d'éviter  d'entrer  avec 
eux  en  dispute.  Hunéric,  qui  ne  cherchait  que 
l'occasion  de  publier  son  édit  de  la  persécu- 
tion générale,  profita  de  celle-ci.  Il  envoya 
secrètement  par  toutes  les  provinces  cet  édit, 
qui  était  daté  du  6  des  calendes  de  mars, 
c'est-à-dire  du  24  ou  25  février.  Car,  en  484, 
l'année  était  bissextile.  En  vertu  de  cet  édit, 
toutes  les  éghses  d'Afrique  furent  fermées 
dans  un  même  jour,  et  tous  leurs  biens ,  de 
même  que  ceux  des  évêques  catholiques,  fu- 
rent donnés  aux  ariens.  Ce  prince  supposant 
encore  que  les  évêques  catholiques  avaient 
refusé  la  conférence  ,  ordonna  contre  eux 
toutes  les  peines  portées  par  les  lois  des  em- 


Quatrième 
livre,  pag.  63. 


1  In  quem  credere  jubeor,  ci  etiani  debeo  suppli- 
care.  Adorabo  ergo  Patrem,  adorabo  et  Filium,  ado- 
rabo  et  Spiritum  Sanctum,  una  eademque  venera- 
tione.  Vict.,  lib.  III,  pag.  60. 

2  Hœe  est  fides   nostra,   evangeliçis  et  apostolicis 


traditionibus  atque  auctorite  firmata,  et  omnium  quœ 
in  mundo  sunt  catholicarum  ecclesiaruni  socieiate  fun- 
data,  in  qua  nos  per  rjridiam  Dei  omnipotentis  per- 
manere  usrjue  ad  /inem  vitœ  hujus  confidimus  et  spe- 
ramus.  Ibid.,  pag.  62. 


438 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pereurs  contre  les  hérétiques,  voulant  qu'ils 
fussent  chassés  des  villes,  qu'ils  ne  pussent 
faire  aucune  fonction  ,  non  pas  même  celle  de 
baptiser,  et  qu'au  cas  qu'ils  auraient  ordonné 
quelqu'un,  ils  paieraient  dix  livres  d'or,  de 
même  que  celui  qu'ils  auraient  ordonné  ;  que 
les  laïques  de  leur  communion  ne  pourraient 
ni  donner  ni  recevoir  quoi  que  ce  soit,  soit 
entre  vifs,  soit  par  testament;  qu'ils  seraient 
dépouillés  de  leurs  charges,  condamnés  à 
diverses  amendes,  dépouillés  de  tous  leurs 
biens,  fouettés  et  bannis  eu.  cas  qu'ils  persis- 
tassent dans  leur  religion  ;  enfin  que  les  livres 
qui  soutenaient  la  foi  de  la  consubstantialité 
seraient  jetés  au  feu.  Hunéric  excepta  de  la 
rigueur  de  cet  édit  ceux  qui  abandonneraient 
leur  croyance  avant  le  1"  Juin  de  la  même 
année  484,  qui  était  la  huitième  de  son  règne. 
Après  avoir  envoyé  son  édit  dans  toutes 
les  provinces  à  l'iusu  des  évêques  qui  étaient 
à  Carlhage,  il  les  fit  chasser  tous  hors  de  la 
ville,  sans  leur  laisser  ni  valet,  ni  cheval,  ni 
habit  que  celui  qu'ils  avaient  sur  eux,  avec 
défense  générale  à  toutes  personnes  de  les 
loger  ni  de  leur  donner  à  manger,  sous  peine 
aux  contrevenants  d'être  brûlés  avec  toute 
leur  famille.  Quoique  réduits  à  aller  mendier 
leur  vie  et  à  demeurer  exposés  aux  injures 
de  l'air  autour  des  murs  de  la  ville,  ils  réso- 
lurent de  ne  point  s'en  éloigner,  de  crainte 
qu'on  ne  dit  qu'ils  avaient  évité  le  combat. 
Il  arriva  dans  ces  circonstances  que  le  roi 
sortit  pour  aller  voir  des  réservoirs  :  tous  les 
évêques  allèrent  au-devant  de  lui,  en  disant  : 
«  Qu'avons-nous  fait  pour  être  traités  ainsi  ? 
Si  l'on  nous  a  assemblés  pour  une  confé- 
rence, pourquoi  nous  dépouiller,  nous  mal- 
traiter, nous  priver  de  nos  Eglises  et  de  nos 
maisons,  nous  faire  mourir  de  faim  et  de 
froid,  nous  chasser  de  la  ville  et  nous  ré- 
duire à  coucher  sur  le  fumier?  »  Hunéric  les 
regardant  d'un  œil  de  fureur,  et  sans  écouter 
leurs  remontrances,  commanda  à  ses  gardes 
à  cheval  de  courir  sur  eux.  Plusieurs  furent 
blessés,  principalement  les  vieillards  et  les 
faibles.  Ensuite  on  leur  ordonna  de  se  rendre 
dans  le  temple  de  la  Mémoire,  où  on  leur 
présenta  un  papier  roulé,  en  leur  disant  :  «  Le 
roi,  quoique  mécontent  de  votre  désobéis- 
sance, veut  néanmoins,  pour  vous  témoigner 
quelque  bonté,  vous  renvoyer  dans  vos  Egfi- 
ses  et  dans  vos  maisons,  si  vous  jurez  de  faire 
ce  qui  est  contenu  dans  cet  écrit.  »  Les  évo- 
ques répondirent  qu'ils  étaient  chrétiens  et 
évêques,  et  qu'ils  tenaient  l'unique  et  véri- 


table foi  apostolique.  Ceux  qui  leur  parlaient 
de  la  part  du  roi  les  ayant  pressés  de  faire 
ce  serment,  Horlulan  et  Florentien  dirent  au 
nom  de  tous  et  avec  tous  :  «  Sommes-nous 
des  bêtes  pour  jurer  ce  qui  est  dans  un 
écrit,  sans  savoir  ce  qu'il  contient?  »  — 
«  Jurez,  leur  dirent  les  officiers,  qu'après  la 
mort  du  roi,  vous  souhaitez  que  son  fils  Hil- 
déric  lui  succède  à  la  couronne,  et  qu'aucun 
de  vous  n'enverra  des  lettres  dans  les  pays 
d'outre-mer.  Si  vous  le  jurez,  le  roi  vous 
rendra  vos  Eglises.  »  Il  y  en  eut  plusieurs 
qui  crurent,  par  simplicité,  qu'ils  pouvaient 
faire  ce  serment,  de  crainte  de  donner  sujet 
aux  fidèles  de  leur  reprocher  qu'il  n'avait 
tenu  qu'à  eux  pour  qu'on  ne  leur  restituât 
leurs  Eglises.  Les  autres,  plus  prudents,  re- 
fusèrent de  prêter  ce  serment,  disant  qu'il 
était  défendu  dans  l'Evangile,  où  Jésus-Christ 
dit  :  Vous  ne  jurerez  point  du  tout.  Alors  les 
officiers  du  roi  firent  séparer  d'avec  les  au- 
tres ceux  qui  avaient  témoigné  n'avoir  point 
de  répugnance  pour  faire  ce  serment,  et  les 
notaires  écrivirent  ce  que  chacun  d'eux  di- 
sait, de  quefie  ville  il  était,  et  quel  était  son 
nom.  Cela  fait,  ils  furent  envoyés  les  uns  et 
les  autres  dans  des  prisons  séparées.  On  re- 
connut aussitôt  quel  avait  été  le  dessein 
d'Hunéric  en  proposant  aux  évêques  de  ju- 
rer. Car  on  vint  dire  à  ceux  qui  avaient  bien 
voulu  le  faire,  que  puisque,  contre  le  précepte 
de  l'Evangile,  ils  avaient  consenti  de  jurer, 
le  roi  ordonnait  qu'ils  ne  verraient  jamais  ni 
leurs  villes  ni  leurs  Eglises,  et  qu'ils  seraient 
relégués  dans  des  fermes,  où  on  leur  donne- 
rait des  terres  à  cultiver,  à  condition  toute- 
fois qu'ils  ne  chanteraient  ni  ne  prieraient 
point  avec  d'autres,  qu'ils  n'auraient  aucun 
livre,  et  qu'ils  n'administreraient  ni  les  ordres, 
ni  le  baptême,  ni  la  pénitence.  On  dit  à  ceux 
qui  avaient  refusé  le  serment  :  «Vous  n'avez 
pas  voulu  jurer,  parce  que  vous  ne  désirez 
pas  que  le  fils  de  notre  roi  règne  après  lui. 
C'est  pourquoi  vous  serez  relégués  dans  l'île 
de  Corse,  où  vous  travaillerez  à  couper  des 
bois  pour  la  construction  des  vaisseaux.  » 
Ce  même  Hildéric  qui  servit  de  prétexte  à  la 
persécution,  étant  parvenu  à  la  couronne 
quarante  ans  après,  rendit  la  liberté  aux 
confesseurs, 

12.  Avant  le  départ  des  évêques  pour  le 
lieu  de  leur  exil,  Hunéric  envoya  des  boui- 
reaux  par  toute  l'Afrique,  afin  qu'il  n'y  eût 
aucune  maison  ni  aucun  lieu  qui  ne  retentît 
de  cris  de  plaintes  :  car  on  avait  donné  ordre 


CinqDÎè 

livre,  p 


[V»  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXVIII. 

aux  bourreaux  de  n'épargner  personne ,  ni 
âge,  ni  sexe,  mais  ceux-là  seulement  qui  obéi- 
raient à  la  volonté  du  l'oi.  On  faisait  mourir  les 
uns  à  coups  de  bâtons,  on  pendait  les  autres 
ou  on  les  brûlait.  On  dépouillait  les  femmes, 
surtout  les  nobles,  pour  les  tourmenter  en 
public.  Une  d'entre  elles,  nommée  Denyse, 
se  voyant  entre  les  mains  des  bourreaux  qui 
commençaient  à  la  dépouiller,  leur  dit,  dans 
la  confiance  qu'elle  avait  en  Dieu  :  «  Tour- 
mentez-moi comme  il  vous  plaira  ;  épargnez- 
moi  seulement  la  honte  de  la  nudité.»  Mais  au 
lieu  de  se  laisser  toucher  à  ces  paroles,  ils  l'ex- 
posèrent dans  le  lieu  de  la  place  le  plus  élevé, 
pour  la  donner  en  spectacle  à  tout  le  monde. 
Tandis  qu'ils  la  fouettaient  et  que  les  ruis- 
seaux de  sang  coulaient  de  son  coi'ps,  elle 
leur  disait  :  «  Ministres  du  démon,  ce  que 
vous  faites  pour  me  déshonorer,  sera  ma 
gloire  et  ma  couronne.  »  Comme  elle  était 
Irès-instruite  dans  les  Ecritures,  elle  exhor- 
tait les  autres  au  martyre,  et  par  son  exem- 
ple, elle  procura  le  salut  presque  à  toute  sa 
patrie.  Elle  avait  un  fils  nommé  Majoric, 
jeune  et  d'un  tempérament  délicat.  Voyant 
qu'il  tremblait  par  la  vue  des  peines  qu'il  al- 
lait endurer,  elle  jeta  sur  lui  des  regards  sé- 
vères, et  employa  pour  l'animer  à  souffrir 
toute  l'autorité  maternelle.  Pendant  qu'on  le 
frappait  de  verges,  elle  lui  disait  :  «  Sou- 
viens-toi ',  mon  fils,  que  nous  avons  été  bap- 
tisés au  nom  de  la  Trinité  dans  l'Eglise  ca- 
tholique notre  Mère.»  Le  jeune  homme,  for- 
tifié par  les  discours  de  sa  mère,  soufl'rit  le 
martyre  avec  beaucoup  de  constance.  En 
l'embrassant  après  sa  moii,  elle  rendit  grâ- 
ces à  Dieu,  et  ne  voulut  point  l'enterrer  ail- 
leurs que  dans  son  logis,  afin  que  toutes  les 
fois  qu'elle  ofi:rirait  sur  son  tombeau  ses 
prières  à  la  sainte  Trinité,  elle  eût  lieu  de  se 
promettre  d'être  un  jour  réunie  à  lui  pour 
jamais.  Sa  sœur  Dative  et  le  médecin  Emé- 
lius,  son  parent,  souffrirent  le  martyre  par 
ses  exhortations,  ainsi  qu'un  grand  nombre 
d'autres.  Il  y  en  eut  à  Cluse  une  multitude 


SAINT  VICTOR,  ÉVÉQUE  DE  VITE,  ETC. 


459 


innombrable  qui  répandirent  leur  sang  pour 
la  foi,  entre  autres  une  femme  nommée  Vic- 
toire, que  son  mari,  qui  s'était  laissé  perver- 
tir, ne  put  jamais  ébranler.  Victorien,  pro- 
consul de  Cartilage,  sollicité  par  le  roi  de  re- 
noncer au  parti  des  catholiques,  répondit  : 
«  Si  je  me  rends  ^,  c'est  en  vain  que  je  suis 
baptisé  dans  l'Eglise  catholique.  »  On  lui  fit 
souffrir  de  grands  tourments,  pendant  les- 
quels il  consomma  son  martyre.  A  Tambaïe, 
les  bourreaux,  après  avoir  appliqué  beau- 
coup de  lames  ardentes  à  deux  frères  et  les 
avoir  déchirés  avec  les  ongles  de  fer,  rebutés 
par  leur  patience,  et  surtout  ^  parce  qu'on 
ne  voyait  en  eux  ni  meurtrissures  ni  autre 
vestige  de  tourments,  les  chassèrent,  en  di- 
sant :  «  Tout  le  monde  les  imite,  et  personne 
ne  se  convertit  à  notre  religion.  »  A  Typase, 
dans  la  Mauritanie  Césarienne,  les  ariens 
ayant  ordonné  un  évêque  de  leur  secte,  les 
habitants  sortirent  de  la  ville  et  passèrent  en 
Espagne,  excepté  un  petit  nombre  qui  ne 
trouvèrent  pas  le  moyen  de  passer  la  mer. 
L'évéque  arien  usa  tantôt  de  caresses  et  tan- 
tôt de  menaces  pour  les  pervertir,  mais  inuti- 
lement. Ils  s'assemblèrent  dans  une  maison 
particulière,  où  ils  célébrèrent  les  mystères. 
Le  roi  informé  et  irrité  de  leur  conduite,  leur 
fit  couper  à  tous  la  langue  et  la  main  droite  : 
cela  ne  les  empêcha  pas  de  parler  aussi  bien 
qu'auparavant.  Victor  de  Vite  *,  témoin  du 
miracle,  dit  à  ceux  qui  en  douteraient,  qu'ils 
pouvaient  s'en  assurer  eux-mêmes  en  allant 
à  Constantinople,  où  ils  trouveraient  un 
sous-diacre  nommé  Réparât,  du  nombre  de 
ceux  à  qui  on  avait  coupé  la  langue  jusqu'à 
la  racine,  qui  parlait  nettement  sans  aucune 
peine,  et  qui,  par  cette  raison,  était  singuliè- 
rement honoré  de  l'empereur  Zenon  et  de 
l'impératrice.  Enée  de  Gaze,  philosophe  pla- 
tonicien, qui  était  alors  à  Constantinople,  dit 
dans  un  dialogue  écrit  avant  l'an  533,  qu'il 
avait  vu  lui-même  les  personnes  qui  avaient 
eu  la  langue  coupée,  qu'il  les  avait  ouï  parler 
distinctement,  et  que  ne  pouvant  s'en  rap- 


1  Mémento,  fili  mi,  quia  in  nomine  Trinitatis  in 
maire  Ecclesia  bapiizaii  sumus...  In  suadomo  maluit 
sepelire,  ut  quoties  super  sepulcrum  ejus  preces  effun- 
dit,  alienam  se  a  fitio  nunquam  esse  confidat.  Vict., 
lib.  V,  pag.  73. 

2  Si  consensero,  frustra  sum  in  Ecclesia  catholica 
baptizatus.  Ibid.,  pag.  73. 

^  Istos  imitatur  universus  populus,  ut  nullus  ad 
nostram  religionem  penitus  convertatur,  et  prœcipue 
quia  nulli  livores,  nulta  pœnarum  vestigia  in  eis  pe- 
nitus videbaniur.  Vict.,  lib.  V,  pag.  75. 


'  QuŒ  cum  régi  innotuisset ,  prœcepit  ut  in  medio 
forn ,  congregata  illuc  omni  provincia ,  linguas  eis  et 
manus  dexteras  radicitus  abscidisset.  Quod  cum  fae- 
tum  fuisset,  Spiritu  Sancto  prastante,  ita  locuti  sunt 
et  loquuniur,  qumnodo  ante  loquebantur.  Sed  si  quis 
incredulus  esse  voluerit ,  pergat  nunc  Consta/itinopo- 
lim,  et  ibi  reperiet  unum  de  illis  subdiaconum  Repa- 
raium,  sermones  politos  sine  ulla  offensione  loquenteni. 
Ob  quam  causam ,  venerabilis  nimium  in  palatio  Ze- 
nonis  imperatoris  habeiur,  et  prœcipue  regina  mira 
eum  reverentia  veneratur,  Viet.,  lib.  V,  pag.  76. 


460 


lIISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


porter  à  ses  oreilles,  il  leur  avait  fait  ouvrir  la 
bouche,  et  avait  vu  leur  langue  arrachée  jus- 
qu'à la  racine;  il  était  étonné,  non  de  ce  qu'ils 
parlaient  encore,  mais  de  ce  qu'ils  n'étaient 
pas  morts  de  ce  supplice.  Procope,  qui  écri- 
vait quelque  temps  après,  dit  qu'il  en  avait 
vu  se  promener  à  Constantinople,  parlant  li- 
brement sans  se  sentir  de  ce  supplice  ;  mais 
que  deux  d'entre  eux,  ayant  eu  moins  de 
courage  pour  résister  aux  attraits  de  la  vo- 
lupté qu'à  la  rigueur  des  tourments ,  perdi- 
rent l'usage  de  la  parole  qu'ils  avaient  re- 
couvrée. Un  grand  nombre  de  Vandales  s'é- 
tant  convertis,  Hunéric  les  traita  avec  autant 
de  rigueur  qu'il  avait  traité  les  Romains.  Il 
employa  pour  les  tourmenter,  tant  de  divers 
instruments  que,  selon  Victor,  il  aurait  été 
difficile  d'en  faire  même  le  dénombrement. 
Mais  les  effets  de  sa  cruauté  demeurèrent 
longtemps  à  Carthage,  où  l'on  voyait  les  uns 
sans  mains,  les  autres  sans  yeux  ou  sans  nez, 
ou  sans  oreilles,  d'autres  la  tète  enfoncée 
dans  les  épaules,  pour  avoir  été  suspendus 
en  l'air  par  les  mains  au  haut  des  maisons,  où 
ils  servaient  de  jouet  aux  Barbares.  Victor 
relève  le  courage  de  Dagila,  femme  d'un  maî- 
tre-d'hôtel du  roi ,  qui  avait  déjà  confessé  plu- 
sieurs fois  Jésus-Christ  dans  la  persécution 
de  Genséric.  Après  lui  avoir  donné  tant  de 
coups  de  fouets  et  de  bâtons,  qu'il  ne  lui 
restait  plus  de  force,  on  la  relégua  dans  un 
désert  stérile,  où  elle  ne  pouvait  recevoir 
aucune  consolation  de  personne.  Elle  y  alla 
avec  joie,  laissant  sa  maison,  son  mari  et  ses 
enfants.  On  lui  offrit  depuis  de  la  transférer 
dans  une  autre  solitude  moins  affreuse  et 
plus  à  portée  des  consolations  humaines: 
mais  elle  demanda  de  rester  où  elle  était. 

ci.rcs  en-       13.  La  Hborté  et  la  constance  que  saint  Eu- 
p°4'V8°  ""'   gène  fit  paraître  dans  la  défense  de  la  foi,  lui 

Lettre  do  méritèrent l'exil.  Mais voyant qu'onlopressait 
de  partir  sans  lui  donner  le  loisir  d'exhorter 
son  peuple  à  la  persévérance,  il  écrivit  aux 
fidèles  de  Carthage  une  lettre  où,  avec  une 
effusion  de  larmes  ',  il  les  conjure,  par  la 
majesté  de  Dieu,  l'avènement  de  Jésus-Christ 


saint  Eugène. 


et  le  terrible  jour  du  jugement,  de  demeurer 
fermes  dans  la  foi  catholique,  en  confessant 
que  le  Fils  est  égal  au  Père,  et  que  le  Saint- 
Esprit  a  la  même  divinité  que  le  Père  et  le 
Fils.  Il  les  exhorte  de  conserver  aussi  la  grâce 
d'un  seul  baptême  et  l'onction  du  chrême,  en 
sorte  que  personne  d'entre  eux  ne  souffrît 
d'être  rebaptisé.  Il  proteste  qu'au  cas  qu'ils 
demeurent  fermes  dans  la  foi,  l'éloignement 
ni  la  mort  ne  pourront  l'empêcher  de  leur  être 
uni  ;  mais  qu'il  sera  innocent  du  sang  de  ceux 
qui  périront,  et  que  sa  lettre  sera  lue  contre 
eux  devant  le  tribunal  de  Jésus -Christ.  «  Si 
je  reviens  à  Carthage,  ajoute-t-il,  je  vous  ver- 
rai en  cette  vie  ;  si  je  n'y  retourne  pas,  je  vous 
verrai  en  l'autre.  Priez  pour  nous  et  jeûnez, 
parce  que  le  jeune  et  l'aumône  ont  toujours 
fléchi  la  miséricorde  de  Dieu.  Mais  souvenez- 
vous  surtout  qu'il  est  écrit  que  nous  ne  de- 
vons pas  craindre  ceux  qui  ne  peuvent  tuer 
que  le  corps.  »  Cette  lettre,  que  saint  Gré- 
goire de  Tours  nous  a  conservée  ^,  est  la  seule 
qui  nous  reste  de  saint  Eugène.  Outre  la  pro- 
fession de  foi ,  il  avait  encore  écrit  quelques 
conférences  ^  qu'il  avait  eues  avec  les  évêques 
ariens,  et  des  requêtes  en  forme  d'apologie, 
pour  obtenir  du  roi  Hunéric  la  paix  de  l'Eglise. 
Mais  ces  écrits  ne  sont  point  venus  jusqu'à 
nous  *.  Saint  Eugène  était  déjà  en  exil  lors- 
qu'on bannit  aussi  toutle  clergé  de  Carthage, 
au  nombre  de  plus  de  cinq  cents  personnes, 
après  leur  avoir  fait  souffrir  la  faim  et  toutes 
sortes  d'autres  tourments.  Un  apostat  nommé 
Elpidifore,  qui  avait  reçu  le  baptême  de  la 
main  des  catholiques  dans  l'église  de  Fauste, 
fut  préposé  pour  les  faire  tourmenter.  Lors- 
qu'on vint  au  diacre  Muritta,  et  que  l'on  com- 
mençait à  le  dépouiller,  il  tira  tout  d'un  coup 
les  linges  dont  il  avait  couvert  Elpidifore  au 
sortir  des  fonts,  et  les  ayant  déployés  aux 
yeux  de  tout  le  monde,  il  dit  à  cet  apostat 
qui  était  assis  comme  son  juge  :  «  Voilà  les 
linges  qui  t'accuseront  devant  Dieu,  quand  il 
viendra  juger  les  hommes.  Je  les  ai  gardés 
pour  servir  de  témoignage  de  l'apostasie  qui 
te  précipitera  dans  l'abîme  de  soufre.  Ces 


1  Non  sine  lacrymis  peto,  hortor,  moneo  et  obtestor 
per  Dei  majeslalem  et  pcr  tremendum  judicii  diem , 
atque  adventus  Christi  terribilem  claritatein,  ut  fixius 
teneatis  catholicam  fidem,  asserenies  Filium  Patri 
esse  œqualem ,  et  Spiritum  Sanctum  eamdem  hahere 
cum  Pâtre  et  Filio  deitatem.  Seruate  itaque  unici 
iaptismatis  graiiam ,  custodientes  chrismatis  unctio- 
nem.  Nemo  post  aquam  revertaiur  ad  aqitam ,  renahts 
ex  aqua.  Eugen.,  Epist.,  apud  Greg.  Turon.,  lib.  I, 


Hisl.  Francor.,  pag.  46.  Cette  lettre  se  trouve  aussi 
dans  Y  Histoire  de  la  persécution  des  Vandales,  par 
Dom  Ruinart,  pag.  515. 

'^  Greg.  Turon.,  lib.  Il  Hist.  Francor.,  pag.  46. 

3  Gennad.,  de  Script.  Eccles.,  cap.  scvii. 

'•  La  profession  de  foi  des  évéquea  catlioliques 
d'Afrique,  présentée  à  Hunéric,  et  la  lettre  d'Eugène 
à  ses  concitoyens  se  trouvent  au  tome  LYIII  de  la  Pa- 
trologie  latine, &yec  une  notice  par  Cave.  [L'éditeur.) 


[v<=  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXVIII.  —  SAINT  VICTOR,  ÉVÊQTJE  DE  VITE,  ETC. 


linges ,  qui  t'ont  environné  '  lorsque  tu  es 
sorti  pur  des  eaux  du  baptême,  redoubleront 
ton  supplice  quand  tu  seras  enseveli  dans  les 
flarumes  éternelles ,  parce  que  tu  t'es  revêtu 
de  malédiction  en  perdant  le  sacrement  du 
vrai  baptême  et  de  la  foi.»  Un  autre  apostat 
nommé  Theucarius ,  qui  avait  été  lecteur  et 
chargé  d'enseigner  le  chant  aux  enfants  2, 
conseilla  d'en  rappeler  douze  qu'il  savait  avoir 
meilleure  voix  et  mieux  savoir  le  chant.  Ces 
enfants,  voyant  qu'on  voulait  les  séparer  des 
autres  confesseurs,  s'attachèrent  avec  sou- 
pirs à  leurs  genoux,  ne  voulant  point  les 
quitter;  mais  les  ariens,  mettant  l'épée  à  la 
main,  les  en  séparèrent  et  les  ramenèrent  à 
Carthage.  On  employa  d'abord  les  caresses 
pour  les  gagner,  ensuite  les  menaces,  puis 
les  tourments .  Ils  demeurèrent  inébranlables . 
La  ville  de  Carthage  les  respecta  depuis  comme 
douze  apôtres.  Ils  vivaient  encore  lorsque 
Victor  écrivait ,  demeurant  ensemble  ,  man- 
geant à  une  même  table  et  chantant  ensem- 
ble les  louanges  de  Dieu. 

14.  Ce  n'était  pas  seulement  les  ariens  laï- 
ques qui  se  prêtaient  à  la  fureur  d'Hunéric  : 
les  évêques  et  les  clercs  de  cette  secte  per- 
sécutaient plus  cruellement  les  cathohques, 
surtout  ceux  du  clergé.  Ce  fut  un  évêque 
appelé  Antoine  qui  fît  mettre  saint  Eugène 
en  prison;  il  chercha  même  plusieurs  moyens 
de  le  faire  mourir.  Ce  fut  lui  encore  qui,  voyant 
qu'il  ne  pouvait  obliger  un  saint  évêque 
nommé  Habet-Deum  à  se  faire  arien,  lui  fit 
lier  les  pieds  et  les  mains  avec  de  grosses 
cordes  et  fermer  la  bouche  pour  l'empêcher 
de  crier  ;  puis  il  répandit  de  l'eau  sur  lui, 
prétendant  par  là  qu'il  l'avait  rebaptisé;  en- 
suite, l'ayant  fait  délier,  il  lui  dit  comme  en 
triomphant  :  «  Vous  voilà  maintenant  chré- 
tien comme  nous,  mon  frère;  vous  ne  sau- 
riez donc  à  l'avenir  ne  pas  vous  soumettre  à 
la  volonté  du  roi.  »  Le  saint  évêque  répon- 
dit :  «  Pour  êti-e  coupable  d'une  semblaljle 
impiété  ^,  il  faut  que  la  volonté  y  consente. 
Mais  j'ai  toujours  conservé  la  même  foi;  et 
tandis  que  vous  me  teniez  lié  et  la  bouche 
fermée,  je  faisais  dans  mon  cœur  une  protes- 


461 

talion  que  les  anges  écrivaient  pour  la  pré- 
senter à  Dieu.  ))  Non  content  de  cette  protes- 
tation ,  il  alla  à  Carthage  présenter  une  re- 
quête à  Hunéric,  où  il  se  plaignait  avec  force 
de  la  manière  basse  et  indigne  dont  on  trai- 
tait des  évêques  exilés,  à  qui  l'on  ne  permet- 
tait pas  de  vivre  du  moins  en  repos,  après 
les  avoir  privés  de  leurs  biens,  de  leur  Eglise, 
de  leur  patrie  et  de  leur  maison.  Victor,  qui 
rapporte  le  précis  de  cette  requête ,  dit  que 
le  roi  répondit  à  Habet-Deum  :  «  Allez  trou- 
ver nos  évêques  et  suivez  ce  qu'ils  vous  di- 
ront ,  parce  qu'ils  ont  tout  pouvoir  en  cette 
matière.  »  Ces  évêques,  secondés  des  Van- 
dales, rebaptisaient  tous  ceux  qu'ils  pou- 
vaient faire  arrêter  sur  les  grands  chemins. 
Ils  allaient  souvent  eux-mêmes,  avec  des 
troupes  de  gens  armés,  dans  les  villes  et  les 
bourgades,  enfonçaient  les  portes,  entraient 
dans  les  maisons,  portant  de  l'eau  qu'ils  ré- 
pandaient sur  ceux  qu'ils  trouvaient  endor- 
mis dans  leurs  lits,  après  quoi  ils  criaient  qu'ils 
les  avaient  faits  chrétiens.  Les  plus  éclairés 
s'en  mettaient  peu  en  peine;  mais  les  plus 
simples ,  se  croyant  souillés  par  une  espèce 
de  rebaptisation,  se  couvraient  aussitôt  la 
tête  de  cendre  et  le  corps  de  cilice,  ou  se  frot- 
taient de  boue  et  déchiraient  les  linges  dont 
on  les  avait  couverts.  Cyrila,  le  prétendu  pa- 
triarche des  ariens,  fit  enlever  à  Carthage  un 
enfant  de  condition,  âgé  de  sept  ans;  puis, 
lui  ayant  fermé  la  bouche,  il  le  plongea  dans 
les  fonts.  Cet  enfant,  se  voyant  enlevé,  criait  : 
(c  Je  suis  chrétien  !  »  et  sa  mère,  les  cheveux 
épars ,  le  suivait  par  toute  la  ville.  Il  usa  de 
la  même  violence  envers  les  enfants  d'un 
médecin  nommé  Libérât,  déjà  condamné  au 
bannissement  avec  toute  sa  famille.  Les  ariens 
s'étant  avisés  de  séparer  ces  enfants,  Libérât 
en  témoigna  beaucoup  de  douleur;  mais  sa 
femme  arrêta  ses  larmes  en  lui  représentant 
qu'ils  étaient  à  Jésus-Christ.  Quelque  temps 
après,  on  sépara  Libérât  de  sa  femme,  et  on 
fit  entendre  à  celle-ci  que  son  mari  avait  obéi 
aux  ordres  du  roi.  Elle  demanda  à  le  voir, 
et  l'ayant  trouvé  devant  le  tribunal,  enchaîné, 
elle  lui  fit  de  violents  reproches  de  son  apos- 


1  HcEC  sunt  linieamina  quœ  te  accusabunt,  cum  ma- 
jeslas  venerit  judicanlis.  Custodiuniur  diligentia  mm 
ad  testimonium  tuœ  perdilionis.  Hœc  te  immuculatum 
cinxerunt  de  fonte  surgentem  :  hœc  te  acrius  perse- 
(juentur,  flammantem  gehennam  cmn  cœperis  possidere; 
quia  indiiisti  maledictioiiem,  scindens  atijiie  amittens 
veri  baptismatis  et  fidei  sacramentum.  Vict.,  lib.  V., 
pag.  78. 


2  De  multitudine  pergentium  confessonim,  siigge- 
rente  quodam  ex  lectore  Theuchario  perdito,  quos  ille 
nouerat  vocales  strenuos  atque  aptos  modulis  canii- 
lencB  designatione  sua  debere  dicit  duodecim  infan- 
tulos  separari  j  quos  ipse  cum  catholicus  esset ,  tune 
discipulos  habuit.  Ibid.,  pag.  80. 

^  Illa  est  mortis  damnatio  ubi  voluntatis  ienetur 
assensio.  Ibid.,  pag.  83. 


462 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tasie.  Son  mari,  voyant  qu'on  l'avait  trom- 
pée, lui  répondit  :  «  Que  vous  a-t-on  dit  de 
moi?  Je  suis  toujours  catholique  parla  grâce 
de  Dieu,  et  je  ne  perdrai  jamais  la  foi.  »  Il  y 
eut,  dans  le  même  temps,  une  grande  séche- 
resse par  toute  l'Afrique,  qui  causa  la  famine 
et  ensuite  la  peste.  Ces  deux  fléaux  furent  re- 
gardés comme  une  punition  divine  de  la  per- 
sécution que  l'on  faisait  aux  catholiques.  On 
jugea  de  même  de  la  mort  d'Hunéric,  arri- 
vée par  une  maladie  de  corruption ,  qui  fut 
telle,  que  son  corps  tomba  par  partie,  étant 
tout  mangé  des  vers.  11  avait  régné  sept  ans, 
dix  mois  et  dix-huit  jours  ;  les  uns  mettent  sa 
mort  au  6  décembre  484,  d'autres  le  13  du 
même  mois.  Il  eut  pour  successeur,  non  pas 
son  fils  Hildéric,  quelque  eiiort  qu'il  eût  fait 
pour  lui  transmettre  la  couronne,  mais  Gon- 
tamond ,  son  neveu,  fils  de  Genton,  que  le 
privilège  de  l'âge  appela  à  la  royauté.  Victor, 
avant  de  finir  son  Histoire,  fait  une  prière  très- 
touchante  aux  saints  patriarches  *  de  la  race 
desquels  était  née  l'Eglise  qui  souffrait  alors 
sur  la  terre,  aux  saints  prophètes  qui  avaient 
annoncé  longtemps  auparavant  les  persécu- 
tions qu'elle  endurait,  aux  saints  apôtres  qui 
avaient  parcouru  toute  la  terre  pour  l'établir, 
à  saint  Pierre  constitué  du  Seigneur  pour 
veiller  sur  elle,  à  saint  Paul  qui  avait  prêché 
l'Evangile  depuis  Jérusalem  jusqu'en  lUyrie, 
à  saint  André  qui  avait  combattu  pour  la  foi 
avec  tant  de  force  et  de  courage.  Il  les  presse 
de  présenter  à  Dieu  les  misères  et  les  gémis- 
sements de  l'Afrique,  et  d'intercéder  si  puis- 
samment pour  elle  avec  tous  les  saints,  qu'ils 
obtiennent  enfin  sa  délivrance.  «  Nous  savons, 
leur  dit-il,  qu'il  est  indigne  de  vous  de  prier 
pour  nous,  parce  que  les  maux  que  nous  souf- 
frons ne  sont  point,  comme  aux  saints,  des 
épreuves,  mais  des  peines  dues  à  nos  péchés; 
mais  priez  du  moins  poui'  de  mauvais  enfants, 


puisque  Jésus-Christ  a  prié  aussi  pour  les 
Juifs,  ses  ennemis.  Que  les  maux  que  l'on 
nous  a  fait  souffrir  jusqu'ici,  et  que  nous  mé- 
ritions, suffisent  pour  la  punition  de  nos  cri- 
mes ;  que  le  pardon  que  nous  demandons  nous 
soit  accordé,  et  que  le  Seigneur  veuille  bien 
dire  à  l'ange  exterminateur  :  C'est  assez,  ar- 
rêtez votre  bi'as.  Personne  n'ignore  que  nous 
n'ayons  été  punis  de  la  sorte  que  pour  nous 
êti'e  éloignés  de  l'observation  des  comman- 
dements de  Dieu  et  de  sa  loi.  Mais,  proster- 
nés la  face  contre  terre,  nous  vous  prions  de 
ne  point  mépriser  de  misérables  pécheurs  qui 
ont  recours  à  vous,  par  celui  qui  de  l'état  de 
pauvres  pécheurs  vous  a  élevés  à  la  gloire 
de  l'apostolat.  » 

15.  On  a  mis,  à  la  suite  des  cinq  livres  de  Actes  <i 
VHistoire  générale  de  la  persécution  des  Van-  Sint  I'mt 
dales,  les  Actes  du  martyre  que  souffrit  à  Car-  paenonl.p» 
thage  l'abbé  Libérât ,  avec  six  de  ses  reli- 
gieux :  Boniface,  diacre;  Servus  et  Rustique, 
sous-diacres;  Rogat,  Septime  et  Maxime.  Dans 
quelques  manuscrits,  ces  actes  font  partie  du 
quatrième  ou  cinquième  livre  de  Victor  de 
Vite,  en  sorte  qu'il  n'y  a  point  de  doute  que 
ceux  qui  ont  écrit  ces  manuscrits  n'aient  cru 
Victor  auteur  de  ces  actes.  Ce  qui  porte  en- 
core à  le  croire  ,  c'est  qu'il  fait  une  mention 
expresse  -  de  ces  sept  martyrs  dans  son 
livre  V"*  de  VHistoire  générale  de  la  persécution, 
se  réservant,  apparemment,  de  rapporter 
ailleurs  les  actes  de  leur  martyre,  qui,  étant 
assez  longs,  demandaient  d'être  rapportés 
séparément.  Adon  etNotkaire,  qui  écrivaient 
l'un  et  l'autre  dans  le  ix''  siècle,  attribuent 
ces  actes  au  même  auteur  ^  qui  a  écrit  l'His- 
toire de  la  persécution  des  Vandales.  On  ne  peut 
donc  faire  difficulté  de  les  donner  à  Victor, 
ou  du  moins  à  quelque  autre  écrivain  du 
même  temps,  qui  était  parfaitement  instruit 
des  faits  qu'il  raconte.  Il  est  dit,  dans  l'ins- 


1  Deprccamini,  sanctissimi  patriarchœ,  de  quorum 
stii-pe  generis  nata  est,  guœ  nunc  luborat  in  terris- 
Orale ,  sancti  prophetœ  ,  cognoscentes  affliciam  quam 
antea  vaticinante  prœconio  cecinistis.  Estote ,  aposioli 
suffragaiores  ej'us,  guam  ut  aggregareiis ,  univarsum 
orbem,  asoendente  in  vobis  Domino,  ut  equi  velocissimi 
cursitastis.  Prœcipue  tu,  béate  Petre,  quare  siles  pro 
ovibus  et  agnis,a  communi  ma  g  no  Domino  magna  tibi 
cautela  et  sollicitudine  commendalis ?  Tu,  sancte  Paule, 
gentium  magister,  qui  ab  Hierusalem  usque  ad  llly- 
ricum  prœdicasti  Evangelium  Dei  :  cognosce  quid 
Yandali  faciunt  ariani ,  et  filii  tui  gemunt  lugendo 
captivi.  Tu  Pelri  germane ,  et  non  in  passione  dispar, 
gloriose  Andréa ,  qui  interpretaris  virilis ,  quoniam 
virililer  certasti,  considéra  gemitum  Africani  populi, 
et  non  displiceat  tibi,  sed  interueni  pro  nobis  ad  Deum. 


Universique ,  ing  émis  cite ,  sancti  simul  pro  nobis  apo- 
stoli;  sed  scimus  quia  indignum  est  vobis  pro  nobis 
orare  :  quia  ista  quœ  evenerunt  nobis,  non  ad  proba- 
tionem  quomodo  sanctis,  sed  malis  meritis  supplicia 
debebantur.  Sed  et  pro  malis  orale  jam  filiis,  quia  et 
Christus  oravit  eliam  pro  inimicis  Judœis.  Sufficiant 
custigationi  quœ  juste  illata  sunt  nobis,  et  jam  jamque 
deiinquentibus  venia  postutetur ,  dicaiurque  angelo 
percutienti  :  «  Sufficit ,  jam  cohibe  manum  tuam.  » 
Quis  ignorât  hœc  nobis  probrorum  nostrorum  scelera 
procurasse ,  aberrantibus  a  mandatis  Dei,  et  in  lege 
ejus  nolentibus  ambulare?  Sed  prostrati  rogamus ,  ut 
7ton  spernatis  vestros  miseras  peccatores,  per  cum  qui 
vos  ad  apostolicum  cul/nen  provexit  humiles  piscatores. 

2  Victor,  lib.  V.,  pag.  81. 

3  Ruinart.,  pag.  96. 


I 


[v"  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXVIH.  —  SAINT 

cription  de  ces  actes,  que  Libérât  et  ses  com- 
pagnons souffrirent  sous  le  règne  d'Hunéric  , 
le  2  juillet;  et  dans  le  corps  des  actes  on  met 
leur  martyre  pendant  la  septième  année  du 
règne  de  ce  prince  ,  c'est-à-dire  en  483.  Li- 
bérât était  abbé  d'un  monastère  situé  dans 
le  diocèse  de  Capse,  ville  de  la  Byzacène,  dont 
Tévéque  était  alors  saint  Vindémial.  Libérât 
fnt  amené  à  Carthage  avec  six  de  ses  moines. 
Ou  tâcha  d'abord  de  les  gagner  par  des  pro- 
messes tlatteuses ,  en  leur  proposant  une 
brillante  fortune  et  même  la  faveur  du  roi. 
Ils repoussèrentces tentations  en  criant  d'une 
seule  voix  :  «  Une  foi,  un  Seigneur,  un  bap- 
tême. Avec  le  secours  de  Dieu,  on  ne  pourra  ' 
jamais  nous  faire  consentir  à  réitérer  en  nous 
le  baptême ,  que  l'Evangile  défend  de  rece- 
voir plus  d'une  fois,  parce  que  celui  qui  a  été 
lavé  une  fois  est  entièrement  pur  et  n'a  pas  be- 
soin d'être  lavé  une  seconde  fois.  Faites  ce 
que  vous  voudrez  de  nos  corps,  et  gardez  pour 
vous  les  biens  que  vous  nous  promettez  et  avec 
lesquels  vous  périrez  bientôt.  Il  vaut  mieux 
soulïrir  quelque  supplice  temporel,  que  d'en 
souffrir  d'éternels  et  de  perdre  des  biens 
qui  dureront  toujours.  »  Les  ariens ,  voyant 
leur  fermeté  dans  la  foi  de  la  Trinité  et  d'un 
seul  baptême,  les  mirent,  chargés  de  chaînes, 
dans  un  cachot;  mais  les  fidèles  ayant  gagné 
les  gardes  par  des  présents,  les  visitaient 
jour  et  nuit  pour  apprendre  d'eux  à  souffrir 
avec  joie  pour  la  vérité.  Hunéric  l'ayant  ap- 
pris, fit  augmenter  le  poids  de  leurs  chaînes 
et  ordonna  qu'on  leur  fît  souffrir  des  tour- 
ments inouïs  jusqu'alors.  Ensuite  il  com- 
manda de  les  mettre  tous  liés  dans  un  vais- 
seau rempli  de  menu  bois  sec,  auquel  on  mil 
le  feu  lorsque  le  vaisseau  fut  en  pleine  mer. 
Le  feu  s'éteignit  aussitôt,  et  quelque  efiort 
que  l'on  fit  pour  le  rallumer,  on  ne  put  y 
réussir.  Maxime  ,  l'un  des  sept  confesseurs, 
était  extrêmement  jeune;  les  ariens,  pour  le 
détacher  des  autres,  lui  disaient  :  «Pourquoi 
cours-tu  à  la  mort?  Laisse-là  tes  compa- 
gnons; ne  vois-tu  pas  que  ce  sont  des  insen- 
sés? 1)  Mais  il  leur  répondait  avec  sagesse 
que  personne  ne  le  séparerait  de  son  père 


VICTOR,  ÉVÊQUE  DE  VITE,  ETC.  463 

Libérât  et  de  ses  frères  qui  l'avaient  élevé 
dans  le  monastère.  «  J'ai  vécu  avec  eux , 
ajoutait-il,  dans  la  crainte  de  Dieu;  je  veux 
aussi  mourir  avec  eux,  parce  que  j'espère 
participer  à  la  même  gloire.  Le  Seigneur  qui 
a  fortifié  les  sept  frères  Machabées,  ne  souf- 
frira pas  qu'aucun  de  nous  sept  manque  à  son 
devoir.  »  Le  roi ,  confus  et  irrité  de  ce  que 
ces  confesseurs  n'avaient  pu  être  consumés 
par  les  flammes,  leur  fît  casser  la  tête  à  coups 
de  rames,  comme  à  des  chiens.  Leurs  corps 
furent  ensuite  jetés  dans  la  mer,  qui,  au  lieu 
de  les  retenir,  comme  il  arrive  ordinaire- 
ment, les  repoussa  aussitôt  au  bord.  Cet  évé- 
nement parut  miraculeux ,  même  à  Huné- 
ric ^,  qui  en  fut  touché  ,  mais  qui  ne  se  con- 
vertit pas.  Les  fidèles  qui  étaient  présents  les 
ensevelirent  honorablement ,  ayant  à  leur 
tête  le  clergé  de  Carthage,  entre  autres  l'ar- 
chidiacre Salutaris  et  le  diacre  Muritta,  qui 
avaient  l'un  et  l'autre  confessé  trois  fois  Jé- 
sus-Christ. Les  corps  des  saints  furent  enter- 
rés, avec  les  hymnes  ordinaires  ^,  dans  le  mo- 
nastère de  Bigua,  qui  tenait  à  la  basilique  de 
Célérine. 

16.  A  la  suite  des  actes  du  martyre  de  saint 
Libéral ,  on  lit ,  dans  deux  manuscrits ,  une 
homélie  en  l'honneur  de  saint  Cyprien  ,  qui 
esl  ou  de  Victor  ou  d'un  auteur  de  même  âge, 
puisqu'elle  fut  prononcée  dans  le  temps  que 
l'église  qui  portait  le  nom  de  ce  saint  évêque 
de  Carthage,  était  en  la  puissance  de  Gensé- 
lic  et  de  ses  successeurs.  On  voit,  parle  com- 
mencement de  cette  homélie  ,  que  c'était  un 
tribut  annuel  que  l'auteur  rendait  à  saint  Cy- 
prien, le  jour  de  sa  fête.  Il  y  cite  quelques 
paroles  tirées  du  livre  des  Laps,  c'est-à-dire 
de  ceux  qui  étaient  tombés  dans  la  per- 
sécution. Il  fait  espérer  à  ses  auditeurs  qu'ils 
seront  bientôt  délivrés  de  celle  qu'ils  souf- 
fraient de  la  part  des  Vandales,  en  les  assu- 
rant que  le  bienheureux  martyr  intercédera 
pour  cela  auprès  de  Dieu.  Il  leur  promet  en- 
core la  protection  de  saint  Corneille,  disant 
qu'ayant  souffert  le  même  jour,  il  s'unira  à 
lui  dans  ses  demandes,  comme  il  lui  a  été 
uni  dans  le  martyre. 


Ilomélio  en 
rhoQiieur  rie 
sainiCTprîen 
pag.  11)9. 


1  Unus  Dominus,  una  fides,  unum  baptisma.  Non 
poierit  in  nobis  adjuvante  Domino  iterari ,  quod  in 
sancto  Evangelio  semel  prœceptum  est  duri  :  quia  gui 
semel  lotus  est,  non  habet  necessitatem  iterum  lavari, 
quia  mundus  est  toius.  Libérât.,  Pass.,  pag.  103. 

2  Sed  cum  in  mari  venerabilia  corpora  jactarentur, 
illico,  quod  contra  naturam  est  œquoris,  eadem  hora 
illœsa   corpora  pelagus  littori   reddere  inaturavit  : 


nec  ausum  fuit,  ut  moris  est ,  triduana  dilatione  in 
profundo  retiner'e.  Ad  quod  miraculi  genus  et  ipse 
tyrannus ,  licet  impœnitens ,  ut  feriur,  cxpavit.  Ibid., 
pag.  106. 

3  Huniatœ  sunl  igitur  reliquiœ  cum  hymnis  solem- 
nibus  in  monasterio  Biguœ,  contiguo  basilicœ  quce 
dicitur  Ceterinœ.  Ibid. 


464 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Chronique, 
pag.  12. 


Nolico  (l'A- 
frique, p&g. 
123. 


17.  Suit  encore,  dans  deux  manuscrits,  une 
petite  Chronique  anonyme,  que  l'on  n'a  mise 
parmi  les  pièces  appartenant  à  l'Histoire  de 
la  persécution  des  Vandales,  que  parce  qu'il  y 
en  est  dit  quelque  chose.  L'auteur  la  conduit 
jusqu'à  la  fin  du  vi<=  siècle,  où  il  vivait,  et  la 
commence  à  saint  Eugène  de  Cartilage,  dont 
il  parle  comme  vivant  encore  ,  quoiqu'il  fût 
mort  plus  de  quatre-vingts  ans  auparavant. 
Mais  il  est  à  remarquer  que  cette  Chronique 
n'est  qu'une  compilation  mal  rédigée  où  l'au- 
teur, sans  observer  aucun  ordre  de  chrono- 
logie, a  rapporté  les  faits  mot  à  mot  comme 
il  les  a  trouvés  racontés  ailleurs.  Son  article 
de  saint  Eugène  est  tiré  de  Gennade,  qui, 
étant  contemporain  de  ce  saint  évêque,  pou- 
vait en  parler  comme  vivant  lorsqu'il  écrivait 
son  livre  des  Hommes  illustres.  Il  est  parlé, 
dans  cette  Chronique ,  du  rappel  des  évêques 
par  Hildéric,  roi  des  Vandales,  et  de  la  des- 
truction de  ces  Barbares  par  le  patrice  Béli- 
saire,  sous  l'empire  de  Justinien,  et  de  l'in- 
vention des  reliques  de  saint  Etienne,  de  celle 
du  corps  de  saint  Antoine  et  de  sa  transla- 
tion à  Alexandrie,  où  il  fut  inhumé  dans  l'é- 
glise de  Saint-Jean-Baptiste;  de  la  mort  de 
saint  Benoit,  et  des  éloges  qu'en  a  faits  saint 
Grégoire-le-Grand  dans  ses  Dialogues. 

18.  Pour  ce  qui  est  de  la  Notice  d'Afrique, 
elle  se  trouve  jointe,  dans  un  manuscrit,  à  la 
profession  de  foi  qui  fait  le  livre  IIP  de  l'His- 
toire de  "Victor  de  Vite.  Elle  est  encore  citée 
sous  son  nom  par  Ortélius.  Mais  cela  ne  pa- 
rait pas  assez  considérable  pour  la  lui  attri- 
buer. Il  ne  parle  jamais  de  cette  Notice.  S'il 
l'eût  reconnue  pour  son  ouvrage ,  il  l'aurait 
marqué  en  quelque  endroit.  On  ne  peut  guère 
douter,  toutefois,  qu'il  n'en  ait  eu  connais- 
sance; mais  apparemment  il  en  a  usé  comme 
de  beaucoup  d'autres  pièces  qu'il  n'a  pas  rap- 
portées, ne  les  croyant  pas  essentieUes  à  son 
dessein. On  en  trouve  quelques-unes  dans  saint 
Grégoire  de  Tours.  Quel  que  soit  l'auteur  de 
cetteTVo^z'ce;,  elle  n'a  été  composée  qu'après  que 
les  évêques  d'Afrique  eurent  été  envoyés  en 
exil.  Elle  ne  compte,  dans  le  dénombrement, 
que  quatre  cent  soixante-ti'ois  évêques,  tan- 
dis qu'à  la  fin  elle  en  met  quatre  cent  soixante- 
six.  Ainsi  il  faut  que  l'auteur  en  ait  oublié 
trois  dans  le  détail ,  ou  que  ce  détail  ne  soit 


pas  venu  entier  jusqu'à  nous.  Elle  met  Victor 
de  Vite  dans  le  dénombrement  des  évêques 
d'Afrique,  quoiqu'il  n'ait  pas  assisté  à  la  con- 
férence indiquée  à  Carthage.  Elle  comprend 
tous  les  évêques  bannis  ou  fugitifs  sous  le 
titre  général  de  ceux  qui  étaient  demeurés,  par 
opposition  aux  quatre-vingt-huit  qui  avaient 
péri.  Ce  qui  fait  voir  que ,  par  ces  évêques 
morts,  il  faut  entendre,  non  ceux  qui  avaient 
péri  dans  les  tourments,  mais  ceux  qui,  par 
lâcheté,  avaientcédé  àlaperséculion.  Comme 
Victor  était  vraisemblablement  du  nombre 
des  vingt-huit  évêques  qu'il  dit  avoir  évité  la 
persécution  par  la  fuite,  c'est  apparemment 
pour  cela  que  son  nom  se  trouve  dans  la  No- 
tice. On  ne  sait  point  ce  qu'il  devint  depuis 
sa  fuite. 

19.  A  l'égard  de  saint  Eugène  de  Carthage, 
il  fut  rappelé  à  son  Eglise  en  487,  par 
Gonlamond,  en  la  troisième  année  de  son 
règne  '.  La  dixième,  ce  prince,  à  la  prière 
de  saint  Eugène,  ouvrit  les  églises  des  ca- 
thohques,  et  rappela  d'exil  tous  les  prêtres 
du  Seigneur.  Ainsi  les  églises  furent  ouvertes 
dix  ans  et  demi  depuis  qu'elles  avaient  été 
fermées  en  vertu  de  l'édit  d'Hunéric.  Gonta- 
mond  étant  mort  en  496,  son  frère  Thrasa- 
mond  lui  succéda.  Quoiqu'il  fit  profession  de 
chercher  la  vérité  des  dogmes  dans  l'Ecri- 
ture, Dieu  ne  permit  point  qu'il  la  trouvât. 
Il  s'appliqua,  pendant  son  règne,  à  pervertir 
les  catholiques,  non  par  la  rigueur  des  sup- 
plices, mais  en  donnant  à  ceux  qui  embras- 
saient l'arianisme,  de  l'argent,  des  honneurs, 
des  emplois,  et  en  leur  accordant  l'impunité 
de  leurs  crimes.  Mais  outre  l'artifice  et  les  sé- 
ductions, il  fit  employer  aussi  par  ses  minis- 
tres, la  rigueur  des  persécutions  ^.  Ils  arrê- 
tèrent saint  Eugène  à  Carthage,  et  le  con- 
damnèrent à  perdre  la  vie  avec  saint  Vindé- 
miane  etLongin.  Saint  Vindémiane,  qui  était 
évêque  de  Capse  en  Afrique,  mourut  par 
l'épée  :  mais  le  tyi-an  enviant  la  couronne 
du  martyre  à  saint  Eugène,  lui  fit  demander, 
dans  le  moment  qu'il  allait  être  décapité,  s'il 
était  donc  résolu  de  mourir  pour  la  foi  ca- 
tholique. Le  saint  évêque  répondit  qu'il  l'é- 
tait, et  que  c'était  vivre  pour  l'éternité,  que 
de  mourir  pour  la  justice.  Alors  Thrasamond 
fit  arrêter  l'épée,  et  relégua  ce  saint  à  Albi, 


*  Gunlamondus  tertio  anno  regni  sui  cœmeierium 
sancii  martyris  Ârjilei  apud  Cart/iaginem  caiholkis 
dari  prœcepU ,  Eugenio  Cartliagenensi  episcopo ,  jam 
de  exilio  revocato.  Decimo  aulem  anno  regni  sui  ec- 


clesias  catluiUcorum  aperuit,  et  omnes  Dei  sacerdotes, 
petente   Carthaginensi  episcopo,  de  exilio  rewcavit. 
Tyr.,  in  Chron.,  tom.  I  Canis. 
'  Greg.  Turon.,  de  Glor.  Confess.,  cap.  xni. 


[v=  SIÈCLE.]    CHAPITRE  XXVIU.  —  SAINT  VICTOR,  ÉVÊQUE  DE  VITE,  ETC. 


4.63 


dans  le  Languedoc,  province  qui  obéissait 
encore  à  Alaric,  roi  des  Gotlis,  arien  de 
même  que  Tlirasamond.  Saint  Eugène  mou- 
rut dans  son  exil,  en  503,  dans  un  lieu  ap- 
pelé Viance,  auprès  de  la  ville  d'Albi.  Saint 
Grégoire  de  Tours  rapporte  à  ce  second  exil 
la  lettre  que  saint  Eugène  écrivit  en  chemin 
à  son  peuple,  pour  l'exhorter  à  demeurer 
ferme  dans  la  foi  de  la  Trinité  et  à  avoir 
horreur  d'un  second  baptême.  Nous  en  avons 
parlé  à  l'occasion  du  premier  exil  de  saint 
Eugène,  auquel  d'autres  la  rapportent. 

20.  Béatus  Rhénanus  est  le  premier  qui 
ait  fait  mettre  sous  la  presse  VHistoire  de  la 
persécution  des  Vandales,  à  Bâle,  en  1333. 
Cette  Histoire  y  est  attribuée  à  Victor  de  Vite, 
ce  qui  fait  voir  que  les  manuscrits  dont  Béa- 
tus se  servit,  portaient  Vite  et  non  pas  Utique. 
Mais  Reinbardus  Lorichius,  au  lieu  de  Vite, 
mit  Utique,  dans  l'édition  qu'il  en  fit  à  Colo- 
gne, en  1337.  Celle  de  Béatus  vit  une  se- 
conde fois  le  jour,  à  Paris,  en  1341,  chez 
Gahot  Dupré.  La  même  année,  Barthélémy 
Westhemer  réimprima  à  Bâle  l'édition  de 
Lorichius  :  elle  parut  dans  la  même  ville, 
chez  Henri  Pétri,  en  1533,  dans  le  recueil 
des  Orthodoxographes.  En  1369 ,  François 
Baudouin,  célèbre  jurisconsulte,  fit  imprimer 
de  nouveau  à  Paris  les  œuvres  de  Victor  de 
Vite,  qui  furent  insérées  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères,  imprimée  dans  la  même  ville  en 
1576  et  1389.  On  les  trouve  aussi  dans  la  Bi- 
bliothèque des  Pères  de  Cologne  et  de  Lyon. 
Mais  dans  toutes  ces  éditions,  Victor  est  ap- 
pelé évêque  d'Utique^  excepté  dans  cefie  de 
Béatus  Rhénanus,  dont  la  première  est  de 
Froben,  où  on  lui  donne  le  nom  d'évêque 
de  Vite.  Cette  dernière  leçon  a  été  adoptée 
par  Pierre  Chiiïlet,  dans  l'édition  qu'il  fit  des 
œuvres  de  ce  père,  à  Dijon,  en  1664,  avec 
les  écrits  de  Vigile  de  Tapse.  C'est  aussi  le 
nom  d'évêque  de  Vite  que  Victor  porte  dans 
l'édition  de  ses  œuvres,  par  dom  Thierry 
Ruinart,  à  Paris,  chez  Muguet,  en  i  694,  in-8°. 


Cette  édition  est  divisée  en  deux  parties, 
dont  la  première  comprend  les  cinq  livres  de 
VHistoii^e  de  la  persécution  des  Vandales  ;  les 
actes  du  martyre  de  l'abbé  Libérât  et  de  six 
de  ses  moines  ;  une  homélie  prononcée  le 
jour  de  la  fête  de  saint  Cyprien,  pendant  la- 
dite persécution;  une  petite  Chronique  où  il 
est  parlé  de  quelques-uns  de  ceux  qui  con- 
fessèrent la  foi;  la  Notice  des  provinces  et 
des  villes  d'Afrique,  avec  les  noms  des  évê- 
ques  catholiques  qui  se  rendirent  à  Carthage, 
par  ordre  du  roi  Hunéric,  pour  donner  des 
raisons  de  leur  foi  touchant  la  consubstantia- 
lité;  et  des  notes  très-recherchées  sur  tou- 
tes ces  pièces.  La  seconde  partie  est  un  com- 
mentaire historique  sur  la  persécution  des 
Vandales,  dont  on  marque  le  commence- 
ment, les  progrès  et  la  fin.  On  y  voit  l'irrup- 
tion de  ces  Barbares  dans  les  Gaules,  en 
Espagne,  en  Afrique,  en  Italie  et  dans  la  plu- 
part des  provinces  de  l'empire  romain.  Ce 
commentaire  parle  aussi  de  la  persécution 
que  fit  après  la  mort  d'Hunéric,  Gontamond, 
son  successeur,  et  de  celle  de  Thrasamond. 
Il  finit  à  la  paix  rendue  à  l'Afrique  par  la 
victoire  remportée  sur  Gélimer,  dernier  roi 
des  Vandales,  par  le  patrice  Bélisaire,  en 
334.  [Le  tome  LVIH  de  la  Patrologie,  col.  127 
et  suiv.^  reproduit  l'édition  de  D.  Ruinart, 
imprimée  à  Venise ,  en  1732 ,  avec  une  dé- 
dicace au  cardinal  Othobon ,  par  l'éditeur 
Bartenelli;  des  éclaircissements  de  Chiflet 
sur  Victor  de  Vite,  une  préface  de  Sirmond 
sur  la  persécution  des  Vandales;  une  disser- 
tation de  D.  Liron  sur  la  vie  et  les  écrits 
de  Victor,  en  français  ;  une  autre  Vie,  par 
Baillet.]  Les  exemples  de  piété  et  de  zèle 
dont  les  écrits  de  Victor  sont  remplis,  en  ont 
procuré  des  éditions  en  diverses  langues. 
Nous  en  avons  deux  en  français,  dont  la  pre- 
mière, qui  est  de  Belleforest,  fut  imprimée  à 
Pai'is  en  1563.  L'autre  parut  en  la  même 
ville  en  1664.  Efie  est  d'Arnaud  d'Andilly.  Il 
y  en  a  une  en  anglais,  qui  est  de  1603. 


X. 


30 


466 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIAS'nQUES. 


CHAPITRE   XXIX. 

Ântonin,  évêque  de  Girthe;  Géréal  de  Gastèle,  Victor  de  Cartenne, 
Asclépius,  Voconius,  Siagrius,  Paul,  Pasteur,  Servus  Dei  [écrivains 
latins  de  la  dernière  moitié  du  V'  siècle],  Théodule  [écrivain  grec  de 
la  même  époque.] 


Lettred'An- 
lonin  à  Arca- 
de. I  nter 
oper.  Victor. 
vitens.;edil. 
Ruiil.;Paris. 
1694,  p.  433. 


i.  Genséric,  qui  dès  l'an  438,  avciit  com- 
mencé à  persécuter  les  évéques,  essaya  quel- 
ques temps  après  d'engager  quatre  Espa- 
gnols catholiques  qu'il  avait  dans  sa  cour,  à 
embrasser  l'arianisme,  se  flattant  que  par  ce 
changement  ils  lui  seraient  encore  plus  atta- 
chés qu'ils  ne  l'avaient  été  auparavant.  Leurs 
noms  étaient  :  Arcade,  Probe,  Paschase  et 
Eutique.  Les  deux  derniers  étaient  frères,  et 
Arcade  engagé  dans  le  mariage.  Leur  cons- 
tance dans  la  foi  irrita  tellement  ce  prince 
barbare,  qu'il  les  proscrivit  et  les  bannit.  Il 
semble  même  qu'à  ces  mauvais  traitements, 
Genséric  ait  ajouté  divers  supplices  pour  les 
contraindre  de  renoncer  à  la  foi  catholique, 
et  qu'il  ait  prononcé  contre  eux  une  sentence 
de  mort.  Honorât  Antonin,  évêque  de  Cons- 
tantine  ou  de  Cirthe,  craignant  qu'ils  ne  suc- 
combassent dans  le  combat,  écrivit  à  Arcade, 
le  chef  de  ces  confesseurs,  une  lettre  pleine 
de  charité  et  de  vigueur,  pour  le  fortifier 
dans  cette  carrière  où  il  devait  servir  d'exem- 
ple aux  autres.  «  Courage,  lui  dit-il,  âme  fi- 
dèle et  confesseur  de  l'unité;  réjouissez-vous, 
puisque  vous  avez  mérité  de  souffrir  pour  le 
nom  de  Jésus-Christ,  à  l'exemple  des  apôtres. 
Déjà  le  serpent  est  sous  vos  pieds  :  il  a  pu 
vous  attaquer,  mais  n'ayant  pu  vous  terrasser, 
il  est  tombé  lui-même  en  votre  puissance. 
Ecrasez  sa  tête  ,  de  peur  qu'il  ne  s'élève 
contre  vous  dans  le  combat  et  qu'il  ne  vous 
ôte  la  couronne  du  martyre.  »  Il  représente 
à  Arcade  que  non-seulement  les  anges  se 
réjouissaient  de  son  combat,  mais  que  Jésus- 
Christ  même  en  avait  de  la  joie  et  qu'il  en 
était  spectateur;  que  les  martyrs  l'atten- 
daient dans  le  ciel  et  lui  préparaient  la  cou- 
ronne ;  que  son  combat  ne  durerait  qu'un 
moment,  mais  que  sa  victoire  serait  récom- 

1  Septcm  filios  Machabœa  mater  pro  Christo  misit 
ad  mortem.  Anton.,  Epist.  ad  Arcad. 

2  Trihulatio,  expoUatio ,  exilium  remissionem  titii 
contulit  peccatonim,  mors  autem  aperit  tibi  régna  cœ- 
lurum.  Qualis  eris,  cum  te  cum  sancto  Stephano  vide- 


pensée  de  l'immortahté;  qu'il  avait  com- 
mencé à  vaincre,  et  qu'il  ne  s'agissait  plus 
que  d'achever  ce  qu'il  avait  commencé.  «On 
sait,  lui  dit-il,  pourquoi  vous  êtes  banni  :  Dieu 
sait  tout,  et  vous  ne  devez  point  craindre  la 
nuée  dont  le  diable  tâche  de  couvrir  vos  souf- 
frances, ni  douter  qu'en  mourant  vous  ne 
deveniez  un  vrai  martyr.  »  11  l'anime  à  la 
constance  dans  la  foi  et  dans  les  tourments 
par  les  exemples  de  Job  et  de  la  mère  des 
Machabées.  Le  premier  ne  fit  aucune  atten- 
tion ni  aux  remontrances  de  sa  femme,  ni  à 
celles  de  ses  amis,  qui  voulaient  le  détourner 
de  la  fidélité  qu'il  devait  à  Dieu.  La  mère 
des  Machabées,  au  Ueu  de  détourner  ses  en- 
fants de  mourir  pour  *  Jésus-Christ,  les  y  en- 
courageait :  elle  mourut  elle-même  avec  joie, 
après  avoir  été  témoin  du  triomphe  de  ses  en- 
fants. Antonin  fait  souvenir  Arcade  que  c'est 
Dieu  qui  l'a  créé  dans  le  sein  de  sa  mère  et 
qui  veut  aussi  le  recevoir  à  la  mort  pour  le 
rendre  parfaitement  heureux,  s'il  persévère 
dans  la  foi  :  et  afin  qu'il  ne  fût  retenu  par  la 
considération  d'aucune  des  choses  humaines, 
il  lui  dit  qu'elles  périront  toutes,  excepté  son 
âme,  qui  vivra  éternellement  pour  être  heu- 
reuse ou  malheureuse  ;  mais  qu'U  ne  pouvait 
point  douter  de  son  bonheur  en  persévérant, 
puisque,  par  l'effusion  de  son  sang,  tous  ses 
péchés  lui  seraient  remis.  «  Alors  quelle  joie 
pour  vous,  ajoute-t-il,  lorsqu'une  mort  si  ho- 
norable vous  ayant  ouvert  le  royaume  des 
cieux,  vous  vous  trouverez  avec  saint  Etienne, 
et  que  vous  aurez  pour  amis  ^  saint  Pierre 
et  saint  Paul,  que  vous  aviez  coutume  d'in- 
voquer comme  vos  patrons.  Dès  ce  moment 
votre  âme  verra  Jésus-Christ,  et  votre  corps 
sera  dans  un  lieu  de  rafraîchissement,  afin 
que  votre  chair   voie  après  la  résurrection 

ris  ?  Qualis  eris  cum  Petrum  et  Paulum,  quos  rogare 
solebas  ut  patronos ,  hahebis  amicos?  Christum  mox 
tau  anima  videbii  ;  et  corpus  tuiim  erit  in  refrigerio 
resurreclionis,  ut  et  ipsa  caro  videat,  quod  tua  anima, 
cum  exicrit,  mox  videbit.  Anton.,  Epist.  ad  Arcad. 


[v«  SIÈCLE.]      CHAPITRE  XXIX.  —  ANTONIN,  ÉVÊQUE  DE  GIRTHE,  ETC. 


467 


ce  que  votre  âme  aura  vu  aussitôt  après  sa 
séparation  d'avec  son  corps.  Priez,  pleurez, 
demandez  du  secours,  et  vous  recevrez  aus- 
sitôt de  la  consolation  dans  votre  âme.  Crai- 
gnez les  peines  éternelles  où  l'on  brûle  tou- 
jours, où  l'on  est  dans  de  continuelles  ténè- 
bres et  où  le  corps  et  l'âme  sont  tourmentés. 
Attachez-vous  à  Jésus-Christ.  Le  moment  est 
arrivé  qui  va  décider  de  votre  vie  ou  de  votre 
mort  éternelle.  Que  vous  servira-t-il^  pour 
conserver  la  vie  de  voire  corps,  de  consentir 
à  ce  que  le  démon  vous  demande? Ne  savez- 
vous  pas  que  la  vie  de  votre  corps  est  au 
pouvoir  de  Dieu ,  qui  peut  vous  l'enlever 
dans  le  moment  que  vous  aurez  abandonné 
la  loi?  »  Il  le  fait  souvenir  d'un  miracle  cé- 
lèbre en  Afrique.  Un  jeune  homme  nommé 
Théodore  ayant  confessé  la  foi  sous  Julien 
l'Apostat ,  fut  tourmenté  sur  le  chevalet. 
Pendant  que  les  bourreaux  le  déchiraient, 
il  vit  un  ange  d'un  visage  brillant,  qui,  avec 
un  linge  mouillé,  lui  rafraîchissait  le  visage 
et  l'essuyait  ensuite.  Cet  ange  le  consolait 
de  manière  que  Théodore  ne  sentait  pas  les 
tourments  qu'on  lui  faisait  souffrir,  et  l'ange 
ne  le  quitta  pas  jusqu'à  ce  qu'il  eût  con- 
sommé son  martyre.  «Les  tourments,  ajoute 
l'évèque  Antonin,  sont  bien  moins  sensibles 
quand  on  les  endure  pour  Jésus -Christ  , 
parce  que  la  force  de  l'âme  est  supérieure 
aux  douleurs  temporelles,  et  la  cruauté  des 
supplices  s'adoucit  par  l'invocation  de  Dieu.  » 
Il  assure  encore  une  fois  Arcade  que  sa 
mort  lui  sera  non-seulement  utile,  mais  en- 
core aux  autres  ,  et  que  s'il  remporte  la  vic- 
toire^ elle  servira  au  salut  de  plusieurs.  Et 
parce  que  les  ariens  prétendaient  montrer, 
par  l'incarnation,  que  le  Fils  et  le  Père  ne 
peuvent  être  un  même  Dieu,  il  lui  explique 
en  peu  de  mots  la  doctrine  catholique  de  la 
Trinité  et  de  l'Incarnation ,  montrant  que  le 
Père ,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  sont  qu'un 
seul  Dieu  \  et  que  le  Fils  s'est  incarné  sans 
que  le  Père  et  le  Saint-Esprit  aient  été  faits 
chair,  ni  que  le  Fils,  en  s'incarnant,  ait  été 


séparé  du  Père  et  du  Saint-Esprit.  Il  se  sert, 
pour  le  montrer,  de  l'exemple  d'un  instru- 
ment de  musique  appelé  harpe.  Pour  que 
cet  instrument  rende  un  son  mélodieux,  trois 
choses  doivent  y  concourir,  l'art  musical,  la 
main  et  la  corde.  L'art  dicte  ce  qu'il  faut  tou- 
cher; la  main  touche,  la  corde  rend  le  son. 
Trois  opèrent,  mais  la  corde  seule  rend  le 
son  qui  se  fait  entendre  :  ce  n'est  ni  l'art  ni 
la  main  qui  rendent  ce  son,  mais  elles  le 
produisent  conjointement  avec  la  corde.  Ce 
n'est  pas  non  plus  le  Père  ni  le  Saint-Esprit 
qui  se  sont  faits  chair,  mais  ils  ont  opéré 
avec  le  Fils  le  mystère  de  l'Incarnation  :  et 
comme  la  corde  est  seule  susceptible  du  son, 
Jésus-Christ  seul  a  pris  la  chair.  L'opération 
du  mystère  est  l'ouvrage  des  trois  personnes  ; 
mais  comme  il  appartient  à  la  corde  seule 
de  rendre  le  son ,  l'incarnation  appartient  à 
Jésus-Christ  seul.  Antonin  dit  h  Arcade  qu'il 
lui  écrivait  dans  une  si  grande  affliction,  qu'à 
peine  pouvait-il  trouver  des  paroles  pour 
s'exprimer.  11  lui  représente  les  souffrances 
de  Jésus-Christ  sur  la  croix ,  disant  que  le 
Sauveur  les  avait  endurées  pour  le  racheter 
de  ses  péchés  ;  et  parce  qu'il  paraissait  crain- 
dre qu'il  ne  pût  en  obtenir  la  rémission,  il 
l'assure  qu'il  l'obtiendrait  par  le  martyre; 
qu'ainsi  il  n'avait  rien  à  craindre  pour  ceux 
dont  il  se  sentait  coupable  -.  Il  l'assure  en- 
core que  toute  l'Eglise  priait  pour  lui  afin 
qu'il  remportât  la  victoire,  et  qu'elle  se  faisait 
une  joie  dans  l'espérance  de  l'honoi'er  comme 
son  martyr,  de  même  qu'elle  honorait  saint 
Etienne.  Les  exhortations  d'Antonin  eurent 
leur  effet  :  Arcade  et  ses  trois  compagnons 
souffrirent  avec  constance  les  supplices  les 
plus  affreux,  et  remportèrent  par  une  mort 
glorieuse  la  couronne  du  martyre  ,  l'an  437, 
selon  la  Chronique  de  saint  Prosper.  Dans  les 
éditions  que  nous  avons  de  Gennade  ^,  cette 
lettre  est  attribuée  à  Honorât  de  Constantine  : 
mais  un  manuscrit  du  même  écrivain,  ancien 
d'environ  onze  cents  ans,  donne  à  l'auteur 
de  la  lettre  à  Arcade  les  deux  noms  d'Hono- 


'  Deus  unus  est,  Pater  et  Filius  et  Spiritus  Sanctus, 
et  tamen  ad  solum  Chrisium  periinet  caro.  Aliud  sin- 
gulariter  agunt,  et  tamen  ab  invicem  non  recedunt. 
Sic  et  Filins  suscepit  soins  carnem ,  et  tamen  non 
deseruit  Patrem,  née  se  divisit  a  Pâtre...  Ad  hanc 
cijiharam  respice  :  ut  musicum  melos  sonis  dulcihus 
reddat,  tria  pariter  adesse  videnlur,  ars ,  manus  et 
cliorda.  Ars  dictât,  manus  tanyit,  resonat  chorda;  tria 
operantur,  sed  sola  chorda  resonat  quod  auditur  :  nec 
ars,  nec  mnnus  sonum  reddmit,  sed  eum  cum  clioi'da 


pariter  operantur  :  sic  nec  Pater ,  nec  Spiritus  Sanc- 
tus  suscipiunt  carnem  ,  sed  tamen  cum  Filio  pariter 
operantur.  Sonum  sola  chorda  exhibet,  carnem  solus 
Christus  suscepit.  Operutio  in  tribus  constat  :  sed  quo- 
modo  periinet  ad  solam  chordam  sont  redditio ,  sic 
pertinet  ad  solum  Christum  carnis  humanœ  susceptio. 
Anton.,  Epist.  ad  Arcad. 

2 Esio securissimus de  eorona;  non  timeas penitus prœ- 
terita  quœcumque  committere  poluisti  peccata.  Ibid. 

3  Gennad.,  de  Script.  Eccles. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rat  el  d'Antonin,  ce  qui  lève  la  difficulté,  cet 
évêque   ayant   apparemment    eu   ces   deux 
noms.  Sa  lettre  se  trouve  dans  les  Annales  de 
Baronius,  sur  l'an  437,  dans  les  Bibliothèques 
des  Peines;  dans  les  Commentaires  historiques 
de  dom  Ruinart ,  sur  la  persécution  des  Van- 
dales [et  dans  le  tome  L  de  la  Patrologie  latine, 
col.  568-570,  avec  une  notice  historique  et 
littéraire  de  Schœneman.] 
céréai.évs-       2.  Gennade,  après  avoir  parlé  d'Honorat- 
lèleJon'énû   Autouin,  fait  un  article  séparé  de  Céréal, 
contra  Maxi-  ^^^.j^  jjj  ^^^j^,  ^j^  Africain,  sans  marquer  le 

siège  dont  il  était  évêque.  Mais  Céréal  se 
nomme  lui-même  évêque  de  Castèle,  à  la 
tête  de  l'écrit  que  nous  avons  de  lui  '.  On 
croit  que  c'est  le  même  qui  est  nommé  évê- 
que de  Castèle-sur-Rive,  dans  la  Mauritanie 
Césarienne,  dans  les  actes  de  la  conférence 
tenue  à  Carthage  ,  en  l'an  484.  Pendant  son 
épiscopat ,  il  y  eut  quelques  villes  embrasées 
dans  le  voisinage  de  son  diocèse,  et  il  rap- 
porte lui-même  cet  accident  comme  un  efifet 
de  la  vengeance  de  Dieu  irrité  contre  les 
hommes.  Etant  venu  quelques  temps  après 
à  Carthage,  Genséric,  roi  des  Vandales,  qui 
y  était  alors,  lui  envoya  demander  si  ce  que 
l'on  disait  de  ces  incendies  était  véritable. 
Comme  il  racontait  au  roi  ce  qu'il  en  savait, 
un  évêque  arien  entra  et  lui  dit  :  «  Voilà  ce 
que  font  vos  péchés  et  comme  ils  obligent 
Dieu  devons  abandonner. — N'est-ce  pas  vous- 
même,  lui  répondit  Céréal,  que  Dieu  aban- 
donne, vous  qui,  sous  le  nom  de  chrétien, 
donnez  la  mort  aux  âmes  et  ne  suivez  point 
la  vraie  foi.  »  Maximin  lui  porta  le  défi  de 
produire  deux  ou  trois  passages  des  saintes 
Ecritures  sur  divers  articles  de  la  foi  catholi- 
que. Il  lui  en  marqua  dix-neuf  ou  vingt,  qui 
regardent  toutes  les  difficultés  que  les  ariens 
avaient  coutume  de  proposer  contre  le  mys- 
tère de  la  sainte  Trinité,  pour  montrer  ou 
que  le  Fils  n'est  ni  Dieu  ni  égal  à  son  Père, 
et  que  le  Saint-Esprit  n'est  pas  Dieu.  Céréal 
s'engagea  de  lui  en  fournir  non  deux  ou  trois, 
mais  un  grand  nombre  sur  chaque  article. 
Nous  avons  l'écrit  de  Céréal  dans  la  Bibliothè- 
que des  Pères  [et  dans  le  tome  LVIII,  col. 
755  et  suiv.]  \  On  y  voit  d'abord  la  Hste  des 
propositions  de  Maximin;  elles  sont  au  nom- 
bre de  dix-neuf.  Mais  il  faut  que  la  dix-hui- 
tième ait  été  oubliée,  puisque  l'écrit  de  Cé- 
réal contient  vingt  articles  ou  chapitres.  Ce 


n'est  qu'un  tissu  de  passages  dont  Céréal  tire 
de  temps  en  temps  quelques  conséquences 
en  faveur  de  la  doctrine  catholique  contre 
les  ariens.  Il  ne  presse  point  son  adversaire 
par  de  longs  raisonnements,  voulant  appa- 
remment s'en  tenir  à  ce  que  l'évêque  arien 
lui  avait  demandé.  Les  passages  qu'il  allègue 
sont  tirés  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment. Céréal  témoigne,  dans  le  dernier  cha- 
pitre, qu'il  lui  aurait  été  facile  d'en  produire 
un  plus  grand  nombre,  et  porte  à  son  tour 
le  défi  de  répondre  aux  preuves  qu'il  avait 
alléguées.  Maximin  se  voyant  dans  l'impos- 
sibihté  de  le  faire,  différait  de  jour  en  jour 
la  réponse  qu'on  exigeait  de  lui.  Céréal  s'en 
plaignit  à  une  personne  avec  qui  ils  étaient 
liés  l'un  et  l'autre.  Cet  ami  commun  en  parla 
à  Maximin,  qui  ne  lui  fit  sur  cela  aucune  ré- 
ponse ;  de  sorte  qu'il  dit  à  Céréal  :  «  Retour- 
nez-vous en  à  votre  Eglise  :  Maximin  ne  veut 
point  vous  répondre,  ce  qui  fait  voir  qu'il  ne 
le  peut  pas.  Dieu  sera  le  juge  de  votre  diffé- 
rend. 1)  Saint  Augustin  réfuta  vers  l'an  428 
ou  429,  un  Maximin,  arien  :  mais  en  suppo- 
sant que  celui  dont  nous  parlons  était  à  la 
conférence  de  Carthage  en  484,  il  n'est  guère 
possible  qu'il  ait  déjà  été  évêque  en  l'an  428  : 
au  contraire,  il  paraît  qu'il  ne  fut  évêque 
que  peu  avant  la  conférence,  puisqu'il  y  est 
compté  pour  le  cent  dix-neuvième  évêque 
de  sa  province. 

3.  II  y  eut  plusieurs  autres  écrivains  qui 
se  rendirent  célèbres  en  Afrique,  dans  le 
temps  de  la  persécution  des  Vandales,  par 
leur  zèle  à  défendre  la  foi  contre  les  ariens. 
Mais  leurs  ouvrages  sont  perdus  pour  la  plu- 
part, et  nous  n'en  saurions  pas  même  les  ti- 
tres, si  Gennade  n'avait  pris  soin  de  les  mar- 
quer. Cet  auteur  attribue  ^  à  Victor,  évêque 
de  Cartonne,  dans  la  Mauritanie  Césarienne, 
un  grand  ouvrage  contre  les  ariens,  qu'il  fit, 
dit-il,  présenter  par  les  siens  au  roi  Gensé- 
ric, ainsi  qu'il  était  marqué  dans  le  prologue 
de  ce  livre.  Nous  ne  l'avons  plus,  et  c'est 
mal  à  propos  qu'on  l'a  confondu  avec  le  pro- 
fession de  foi  rapportée  par  Victor  de  Vite 
dans  son  troisième  livre  de  l'Histoire  de  la 
persécution  des  Vandales.  Cette  profession  de 
foi  fut  présentée,  non  pas  à  Genséric,  comme 
il  est  dit  du  livre  de  Victor  de  Cartonne, 
mais  à  Hunéric,  dans  le  temps  de  la  confé- 
rence de  Carthage,  en  484.  Gennade  ajoute 


'  Geunad.,  de  Viris  illust.,  cap.  xcvi. 
2  Tome  VlllBiblioth.  Patr.,  pag.  671. 


3  Gennad.,  de  Vms  illust.,  cap.  lxxvii. 


[V»  SIÈCLE.]      CHAPITRE  XXIX.  —  ANTONIN 

que  Victor  de  Cartenne  avait  fait  un  livre  de 
la  Pénitence,  où  il  établissait ,  par  l'autorité 
des  divines  Ecritures,  de  quelle  manière  de- 
vaient se  comporter  ceux  qui  étaient  en  pé- 
nitence publique.  On  a  cru  longtemps  que 
ce  traité  était  le  même  que  nous  avons  sous 
ce  titre  parmi  les  ouvrages  attribués  à  saint 
Ambroise  ;  mais  on  a  découvert  depuis  qu'il 
était  de  Victor  de  Tunone,  dont  il  porte  le 
nom  dans  un  manuscrit  de  Reims.  Ce  Victor 
écrivait  après  Gennade.    Il  dit  encore  que 
Victor  de  Cartenne  avait  écrit  à  un  nommé 
Basile   un  livre  de  consolation  sur  la  mort 
de  son  fils,  et  que  cet  écrit  contenait  d'excel- 
lentes instructions.  Nous  avons  un  écrit  en 
forme  de  discours,  parmi  ceux  qu'on  a  faus- 
sement attribués  à  saint  Basile ,  et  qui  porte 
le  titre  de  la  Consolation.  Mais  il  n'y  est  point 
question  de  consoler  un  père  sur  la   mort 
de  son  fils.  Ce  discours  est  adressé  à  tous  les 
malheureux,  particulièrement  à  ceux  qui , 
affligés  de  la  lèpre ,  se  laissaient  aller  à  une 
espèce  de  désespoir,  dans  la  croyance  que 
Dieu  les  avait  abandonnés.  Ce  discours  n'est 
donc  pas  le  même  que  celui  de  Victor  de 
Cartenne  '.  Quant  au  recueil  d'homélies  de 
Victor  de  Cartenne,  que  Gennade  dit  avoir 
vu  et  qui  était  entre  les  mains  des  serviteurs 
de  Dieu,  zélés  pour  leur  salut,  il  ne  nous  en 
reste  rien.  On  ne  sait  point  au  juste  en  quelle 
année  Victor  mourut,  mais  on  le  met  entre 
Rustique,  qui  gouvernait  l'Eglise  de  Cartenne 
en  418,  et  Lucida,  qui  en  était  évêque  en 
l'an  484. 
isciiipius.       4_  Asclépius,  évéque  en  Afrique  ^,  d'un 
petit  bourg  dans  le  territoire  de  Bagaïe  en 
Numidie,  avait  écrit  contre  les  ariens,  et  il 
écrivait  contre  les  donatistes  dans  le  temps 
que  Gennade  composait  son  Catalogue  des 
hommes  illustres.  Gennade  dit  d'Asclépius  qu'il 
était  fort  estimé  pour  son  talent  de  faire  des 
instructions  sur  le  champ.  Ses  écrits  ne  sont 
pas  venus  jusqu'à  nous. 
voMniui.       g.  11  ne  nous  reste  rien  non  plus  de  l'excel- 
lent ouvrage  que  Voconius,  évéque  du  Châ- 
telet  dans  la  Mauritanie,  avait  fait  sur  les  Sa- 
crements, ni  de  son  traité  contre  les  Juifs,  contre 
les  Ariens  et  les  autres  Hérétiques  3.  Il  y  a  dans 
l'appendice  du  tome  VIII°  des  œuvres  de 
saint  Augustin   un  long  discours  fait    aux 
néophytes  le  jour  de  Pâques,    dans   lequel 
l'auteur  déclame  contre  les  Juifs,  les  païens 


ÉVÊQUE  DE  CIRTHE,  ETC. 


469 


et  les  ariens.  Il  dit  à  ceux-ci  qu'ils  se  croient 
bien  fondés  dans  leur  cause,  parce  qu'ils  dis- 
putent sans  que  personne  leur  réponde,  sans 
qu'il  y  ait  de  juges  constitués  pour  examiner 
ce  qu'ils  disent,  et  dans  un  temps  où  tout 
favorise  leurs  erreurs.  Ce  qui  semble  avoir 
rapport  à  ce  qui  se  passait  à  la  conférence 
de  484.  On  trouve  dans  le  même  appendice 
un  traité  intitulé  :  Des  cinq  Hérésies,  parce 
qu'on  y  combat  cinq  ennemis  de  FEglise, 
les  païens,  les  juifs,  les  manichéens,  les  sa- 
belliens  et  les  ariens.  Ce  traité  fut  fait  dans 
le  temps  que  l'Afrique  gémissait  sous  la  per- 
sécution des  Vandales.  Mais  on  n'a  aucune 
preuve  que  ce  soit  le  même  que  Gennade 
attribue  à  Voconius.  La  différence  du  style 
ne  permet  pas  non  plus  qu'on  le  donne  à 
saint  Augustin  sous  le  nom  duquel  il  est  cité 
quelquefois  par  les  anciens. 

6.  Siagrius  avait  écrit  un  traité  intitulé  :  siragriuB. 
De  la  Foi,  dans  lequel  il  réfutait  cei'tains  hé- 
rétiques qui ,  craignant  qu'on  ne  divisât  la 
nature  de  Dieu,  ne  voulaient  pas  qu'on  ap- 
pelât Père  la  première  personne  de  la  Tri- 
nité, ni  la  seconde.  Fils,  étant  impossible 

que  le  Père  et  le  Fils  n'eussent  chacun  une 
nature  distincte,  d'où  il  suivait,  selon  eux, 
qu'en  donnant  aussi  à  la  troisième  personne 
le  nom  de  Saint-Esprit,  il  y  avait  trois  natu- 
res en  Dieu  distinctes  l'une  de  l'autre.  Ils 
se  fondaient  sur  ce  raisonnement  :  quicon- 
que est  une  personne  distincte  du  Père  ,  est 
aussi  une  nature  distincte  de  celle  du  Père. 
Nous  n'avons  plus  cet  écrit  de  Siagrius.  Gen- 
nade, qui  en  fait  mention  *,  dit  que  l'on 
voyait  encore,  sous  le  nom  du  même  auteur, 
sept  autres  livres  qui  avaient  pour  titre  :  De  la 
Foi  et  des  règles  de  la  Foi;  mais  il  ajoute  que 
n'étant  pas  de  même  style ,  il  ne  croyait  pas 
qu'ils  fussent  tous  de  Siagrius. 

7.  Un  évéque,  nommé  Pasteur,  dont  nous  pasienr. 
ne  connaissons  pas  le  siège,  composa  un  pe- 
tit écrit  en  forme  de  symbole  ^,  où  il  rappor- 
tait par  sentence  presque  tous  les  articles 

de  la  foi  de  l'Eglise.  Ilyanatbématisait  aussi 
diverses  erreurs,  sans  en  nommer  les  auteurs, 
excepté  les  priscillianistes  à  qui  il  dit  ana- 
thème,  et  nommément  à  Priscillien. 

8.  Il  ne  nous  reste  rien  non  plus  des  deux  pa„i. 
livres  du  prêtre  Paul,  dont  l'un  était  intiulé  : 

De  la  Garde  de  la  virginité  et  du  mépris  du 
monde,  et  l'autre  :  L'Institution  de  la  vie  chré- 


'  Tome  VI,  page  329.— ^  Gennad.j  de  Viris  illust., 
cap.  Lxxiu.  —  8  Vide  tom.  IX,  pag.  369. 


*  Gennad.,  de  Vir.  illust.,  cap.  lxv. 
"  Ibid.,  cap.  Lssvi. 


470 


I3IST0IHE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tienne,  ou  Be  la  Correction  des  mœurs.  Ils 
étaient  adressés  à  une  vierge  de'  qualité, 
nommée  Constantia.  Gennade  jugeait  par  le 
style  de  cet  ouvrage  *  que  l'auteur  était  né 
en  Pannonie.  Sa  manière  d'écrire  n'avait 
rien  d'élevé,  mais  il,  assaisonnait  son  dis- 
cours d'un  sel  tout  divin.  Il  faisait  mention 
dans  son  ouvrage  de  l'hérétique  Jovinien, 
si  ennemi  de  la  continence  et  de  la  tempé- 
rance, et  si  amateur  des  plaisirs  et  des  vo- 
luptés, qu'il  expira  dans  le  temps  qu'il  s'y 
livrait  entièrement. 
SMïQsDei.  9.  Saint  Augustin,  dans  la  lettre  quatre- 
vingt-douzième  à  Italique,  dame  romaine , 
réfute  ceux  qui  disaient  qu'on  pouvait  voir 
Dieu  des  yeux  du  corps,  et  qui  soutenaient 
que  tous  les  saints ,  après  la  résurrection,  et 
même  les  réprouvés,  le  verraient  en  cette 
manière.  Son  principe  est,  que  l'œil  ne  peut 
voir  que  ce  qui  occupe  quelque  espace,  ce 
qui  ne  peut  se  dire  de  Dieu.  Sur  ce  principe, 
il  soutient  que  Jésus-Christ  n'a  pas  vu  des 
yeux  du  corps  la  Divinité.  Quelques-uns  vou- 
lant apporter  quelque  tempérament  à  cetle 
opinion,  que  ce  Père  traite  de  folie  ,  avancè- 
rent que  Jésus-Christ  n'avait  point  vu  son 
Père  en  cette  vie  des  yeux  de  la  chair,  mais 
seulement  après  sa  résurrection  et  son  as- 
cension, quand  il  fut  transféré  en  la  gloire 
de  son  Père,  et  que  le  privilège  de  le  voir 
des  yeux  corporels,  avait  été  une  récom- 
pense de  son  martyre.  Un  évêque,  nommé 
Servus  Dei  2,  écrivit  contre  eux  et  prétendit 
faire  voir  autant  par  des  témoignages  de  l'E- 
criture sainte,  que  par  des  preuves  tirées  de 
la  raison,  que  Jésus-Christ  avait  toujours  vu 
par  les  yeux  de  la  chair  le  Père  et  le  Saint- 
Esprit,  depuis  le  moment  qu'il  eut  été  conçu 
du  Saint-Esprit  et  enfanté  d'une  Vierge  , 
voulant  que  cette  grâce  lui  eût  été  accordée 
à  cause  de  l'union  intime  qu'il  y  a  entre  la 
nature  divine  et  la  nature  humaine.  A  pren- 
dre à  la  lettre  l'opinion  de  cet  évêque,  elle 
est  insoutenable,  à  moins  que  par  les  yeux 
de  la  chair,  il  n'entende,  avec  les  théologiens 

1  Ibid.,  cap.  Lxsv. 

2  Gennad.,  de  Yiris  illusf.,  cap.  lxxxvh. 


scholastiques,  l'entendement  humain  de  Jé- 
sus-Christ. 

10.  De  plusieurs  ouvrages  que  Théodule,  Théodaiel 
prêtre  de  Célésyrie^  avait  composés ,  Gennade 
n'en  avait  vu  qu'un  seul,  où  Théodule  faisait 
voir  l'accord  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament, contre  les  anciens  hérétiques  qui, 
à  cause  de  la  différence  des  préceptes  et  des 
cérémonies  de  l'un  et  de  l'autre,  soutenaient 
que  le  Dieu  de  l'Ancien  n'était  pas  le  même 
que  celui  du  Nouveau.  Théodule  faisait  voir 
que  c'était  par  un  effet  de  la  Providence  que 
Dieu  avait  donné  aux  Juifs,  par  le  ministère 
de  Moyse ,  une  loi  chargée  de  cérémonies 
et  de  lois  judiciaires;  qu'il  nous  en  avait 
donné  ime  autre,  par  la  présence  de  Jésus- 
Christ^  dans  les  mystères  et  les  promesses 
futures  ;  qu'il  ne  fallait  pas  s'imaginer  qu'elles 
fussent  pour  cela  différentes;  que  c'était  le 
même  esprit  qui  les  avait  dictées  et  le  même 
auteur  qui  les  avait  établies;  enfin,  que  la 
loi  ancienne,  qui  cause  la  mort  quand  on 
l'observe  à  la  lettre,  donne  la  vie  quand  on 
en  prend  l'esprit.  Nous  avons  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères  ^  un  commentaire  sous  son 
nom,  sur  l'E pitre  de  saint  Paul  aux  Romains. 
Gennade  n'en  dit  rien,  et  ce  qui  fait  voir  qu'il 
n'est  pas^de  Théodule,  c'est  qu'on  y  cite  un 
grand  nombre  de  passages  tirés  des  écrits 
d'Œcuménius,  qui  n'a  vécu  que  plusieurs 
siècles  après,  et  que  Photius,  qui  écrivait 
dans  le  ix=  siècle,  y  est  cité.  Ce  commentaire 
est  une  espèce  de  chaîne,  composée  de  di- 
vers fragments  des  ouvrages  de  saint  Denis 
d'Alexandrie,  de  saint  Chrysostôme,  de  saint 
Cyrille,  de  Gennade,  de  saint  Méthode,  de 
saint  Basile,  de  Sévérieo,  de  saint  Isidore, 
de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  de  Théodo- 
ret ,  d'CEcuménius  et  de  Photius.  Il  y  avait 
trois  ans  queThéodule  était  mort,  lorsque  Gen- 
nade parlait  de  lui  dans  son  traité  des  Hommes 
illustres.  11  est  dit  qu'il  mourut  sous  l'empire 
de  Zenon  risaurien.  Ce  prince  ayant  régné  de- 
puis l'an  474  jusqu'en  491,  il  suit  de  là  que 
Gennade  a  écrit  ce  traité  avant  la  fin  de  494. 


•  Tom.  VIII  Biblioih.  Patr.,  pag.  547. 


[v=  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXX.  —  MUSÉE,  PRÊTRE  DE  MARSEILLE,  ETC. 


471 


CHAPITRE   XXX. 


Musée,  prêtre  de  Marseille;  Vincent,  prêtre  des  Gaules  [ 
Cyrus  d'Alexandrie,  Jean  d'Antioche  [écrivains  grecs]; 
Vigile,  diacre  [écrivains  latins.]  * 

[Dernière  moitié  du  v"  siècle.] 


écrivains  latins]; 
Philippe,  prêtre; 


1.  Musée,  prêtre  de  l'Eglise  de  Marseille, 
dont  Geunade  loue  la  politesse  du  style  '  et 
l'habileté  dans  l'intelligence  des  divines 
Ecritures,  était  accoutumé  à  y  trouver  des 
sens  nouveaux  et  des  applications  très-lieu- 
reuses,  par  un  exercice  continuel.  11  avait,  à 
la  prière  de  saint  Vénérius,  évêque  de  Mi- 
lan, lire  des  leçons  de  l'Ecriture,  propres 
pour  tous  les  jours  de  fêtes  de  l'année,  avec 
des  répons  et  des  chapitres  extraits  des 
Psaumes,  qui  avaient  un  rapport  aux  temps 
et  aux  leçons.  Cet  ouvrage  était  reconnu  gé- 
néralement nécessaire  par  tous  les  lecteurs, 
parce  que,  lorsqu'ils  s'en  servaient  dans  l'E- 
glise, ils  trouvaient  tout  d'un  coup  et  sans 
aucune  peine  tout  ce  qu'ils  devaient  lire  en 
certains  jours.  Il  n'était  pas  moins  utile  pour 
l'instruction  des  peuples,  et  il  contribuait 
beaucoup,  par  le  choix  et  l'arrangement  des 
matières,  à  rendre  la  cérémonie  de  la  fête 
plus  auguste.  Musée  composa  aussi  et  adressa 
à  Eustathe,  successeur  de  saint  Vénérius, 
un  excellent  et  assez  long  traité  des  Sacre- 
ments, divisé,  pour  la  commodité  des  lec- 
teurs, en  plusieurs  parties,  suivant  la  diffé- 
rence des  offices,  des  temps,  des  leçons  et 
des  psaumes  que  l'on  chantait  dans  l'église. 
Mais  il  était  disposé  de  manière  qu'il  tendait 
partout  à  prier  Dieu  et  à  le  remercier  de  ses 
bienfaits.  Cet  ouvrage  seul  faisait  connaître 
que  Musée  était  un  homme  d'un  grand  sens, 
et  que  son  discours  n'avait  pas  moins  d'a- 
grément que  d'éloquence.  C'est  ce  que  dit 
Gennade,  qui  ajoute  que  Musée  avait  aussi 
prêché  quelques  homélies,  dont  les  person- 
nes de  piété  aimaient  la  lecture.  Musée  mou- 
rut sous  les  empereurs  Léon  et  Majorien, 
c'est-à-dire  en  461,  au  plus  tard.  Nous  n'a- 
vons rien  de  ses  ouvrages. 

2.  Ceux  de  Vincent,  prêtre  des  Gaules,  ne 
sont  pas  non  plus  venusjusqu'à  notre  temps. 
Il  avait  composé  un  commentaire  sur  les 

'  Gennad.,  de  Viris  illusi.,  cap.  Lxxix. 
2  Ibid.,  cap.  Lxxx. 


Psaumes ;mdii5  il  n'était  point  encore  achevé 
lorsque  Gennade  vit  Vincent  à  Cannate  ^.  Cet 
écrivain  lui  lut  quelque  chose  de  son  ou- 
vrage en  présence  d'un  serviteur  de  Dieu, 
qu'il  ne  nomme  pas,  et  Vincent  lui  promit 
que  si  Dieu  lui  donnait  des  forces  et  la  santé, 
il  expliquerait  de  même  tout  le  Psautier.  11 
était  fort  versé  dans  l'Ecriture,  et  s'était  ac- 
quis, à  force  de  lire  et  d'écrire,  un  style  as- 
sez poli. 

3.  Cyrus  était  d'Alexandrie  et  médecin  de 
profession  ^.  Après  avoir  mené  quelque 
temps  la  vie  de  philosophe^,  il  se  fit  moine. 
Comme  il  savait  parfaitement  bien  écrire,  il 
composa  un  traité  contre  Nestorius,  qu'il  ré- 
futa avec  beaucoup  de  force  et  d'éloquence, 
mais  avec  trop  de  cLaleur.  Il  employait  contre 
lui  plutôt  des  syllogismes  que  des  passages 
de  l'Ecriture,  et  penchait  aussi  du  côté  du 
sentiment  de  ïimothée  l'eutychien,  croyant 
que  l'on  n'était  pas  obligé  de  suivre  la  défi- 
nition du  Concile  de  Chalcédoine,  qui  oblige 
de  croire  qu'il  y  a  deux  natures  eu  Jésus- 
Christ  après  rincarnation. 

4.  Jean,  qui,  de  grammairien,  devint  prê- 
tre d'une  paroisse  d'Antioche,  écrivit  contre 
ceux  qui  refusaient  de  confesser  deux  natu- 
res en  Jésus-Christ,  faisant  voir  par  l'auto- 
rité des  Ecritures  qu'il  y  a  en  lui  une  per- 
sonne de  Dieu  et  de  l'homme,  mais  deux 
natures,  celle  de  la  chair  et  celle  du  Verbe. 
Il  combattit  aussi  quelques  façons  de  parler, 
qui  étaient  échappées  à  saint  Cyrille  d'A- 
lexandrie, en  disputant  contre  Nestorius,  et 
qui  pouvaient  fortifier  la  doctrine  de  Timo- 
thée  Elure  et  de  ses  disciples,  c'est-à-dire 
des  eutychiens.  Gennade  rejette  ce  que  dit 
cet  auteur  sur  ce  sujet  *,  prétendant  appa- 
remment qu'on  ne  trouvait  rien  dans  les 
écrits  de  saint  Cyrille,  qui  pût  favoriser  l'hé- 
résie eutychienne.  Jean  vivait  encore  loi's- 
que  Gennade  écrivait  son  traité  des  Hommes 

3  Gennad.,  de  Viris  illusi.,  cap.  Lxsxi. 
'>  Gennad.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  m. 


472 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Phîl  ippe, 
prùtre. 


Vigile,  diacre. 


illustres ,  et  s'appliquait  à  la  prédication , 
ayant  le  talent  de  prêcher  sur  le  champ  et 
sans  préparation. 

5.  Philippe,  prêtre  et  disciple  de  saint  Jé- 
rôme ',  avait  composé  un  commentaire  fort 
simple  sur  le  Livre  de  Job  ^.  Il  écrivit  aussi 
quelques  lettres  familièpes,  où  il  exhortait  à 
souffrir  avec  patience  les  douleurs  et  la  pau- 
vreté. Il  ne  nous  reste  rien  de  cet  auteur, 
qui  mourut  sous  le  règne  de  Marcien  [en 
l'an  453.] 

6.  Geunade  attribue  à  Vigile ,  diacre  ^ , 


une  règle  pour  des  moines,  qu'on  lisait,  dit- 
il,  dans  leurs  assemblées,  et  qui  contenait 
en  peu  de  mots  et  avec  beaucoup  de  netteté, 
toute  la  discipline  de  la  profession  monasti- 
que. Cela  peut  convenir  à  une  règle  que  Luc 
Holstérius  a  insérée  dans  son  recueil,  à  la 
page  89  de  la  première  partie;  [elle  a  été 
réimprimée  dans  le  Codex  Regularum,  donné 
à  Augsbourg  en  1759,  six  volumes  in-folio, 
tom.  I,  pag.  60-64.  On  la  trouve  aussi  dans 
le  tome  L  de  la  Patrologie  latine,  avec  des 
prolégomènes.] 


CHAPITRE   XXXI. 

Vigile,   évêque    de  Tapse   en  Afrique. 

[Après  l'an  518.] 


Qui  élail 
Vigile. 


1.  On  a  été  assez  longtemps  sans  savoir  de 
quelle  ville  Vigile  était  évêque.  Théodule 
d'Orléans  et  Enée, -évêque  de  Paris,  qui 
écrivaient  l'im  et  l'alitre  dans  le  ix^  siècle, 
en  citant  un  endroit  de  son  premier  livre 
contre  l'Hérésie  d'Eutychès,  ne  le  citent  que 
sous  le  nom  de  Vigile,  évêque  africain*; 
mais  le  père  ChifSet  dit  avoir  vu  dans  l'ab- 
baye de  Saint-Claude  un  très-ancien  manus- 
crit de  l'ouvrage  de  Théodulphe,  où  Vigile 
était  appelé  évêque  de  Tapse  ^.  Il  semble 
que  depuis  cette  découverte,  Ton  n'ait  plus 
clouté  que  l'auteur  des  cinq  livres  contre  Eu- 
tychès  ne  soit  le  même  Vigile  qui,  dans  la 
Notice  des  évêques  qui  assistèrent  à  la  con- 
férence de  l'an  484,  est  nommé  le  dernier 
enlre  les  évêques  de  la  Byzacène  ^,  et  qua- 
lifié évêque  de  Tapse.  Il  fut  sans  doute  banni 
comme  les  autres  par  Hunéric,  ou  contraint 
de  s'enfuir  pour  éviter  la  persécution.  Théo- 
dulphe et  Enée  de  Paris  ^  disent  que  ce  fut 
à  Constantinople  qu'il  écrivit  ses  livres  contre 
l' Hérésie  d' Eutychès .  Il  insinue  lui-même  qu'il 
était  alors  en  Orient,  en  disant  qu'il  avait 
tâché  d'écrire  ce  traité  d'un  style  simple,  afin 


qu'on  pût  le  traduire  plus  facilement  en 
grec  *.  C'était  une  chose  nécessaire  ou  du 
moins  très-utile  dans  ces  provinces ,  où  l'hé- 
résie d'Eutychès  avait  encore  bon  nombre 
de  partisans.  Il  se  plaint  dans  le  premier 
livre  ^  de  ce  que  les  princes  n'employaient 
point  la  sévérité  des  lois  pour  les  obliger  à 
quitter  l'erreur  :  ce  qui  fait  voir  qu'il  n'écri- 
vait pas  sous  le  règne  d'Anastase,  qui,  favo- 
risant les  eutychiens,  n'aurait  pas  souffert 
qu'on  se  plaignit  ainsi  de  son  gouvernement. 
Ainsi  il  faut  dire  que  Vigile  écrivait  contre 
ces  hérétiques  ou  sous  l'empire  de  Zenon, 
qui  semblait  les  condamner,  ou  sous  Justin, 
successeur  d'Anastase,  c'est-à-dire  après 
l'an  S18. 

2.  La  raison  qu'il  eut  d'écrire  contre  l'hé- 
résie d'Eutychès,  fat  l'impudence  avec  la- 
quelle ses  sectateurs  la  répandaient,  sans 
être  arrêtés  par  les  décrets  des  conciles  et 
par  l'autorité  despères.  «  Ils  nous  accusent ,  dit 
Vigile,  d'admettre  deux  Christs,  lorsque  nous 
disons  qu'il  y  a  deux  natures  en  Jésus-Christ, 
ce  qui  serait  tomber  dans  l'erreur  de  Nesto- 
rius.  Mais  leur  accusation  est  sans  fondement. 


1  Gennad.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  LSil. 

2  Des  e^t^aits  de  ce  commentaire  se  trouvent  parmi 
les  œuvres  de  saint  Jérôme,  au  tome  XXIII  de  la  Pa- 
trologie laiine ,  col.  1011,  avec  un  avertissement  de 
Vallarsi.  Le  tome  LUI  de  la  Patrologie  renferme  une 
notice  sur  Philippe,  tirée  de  Gave.  {L'éditeur.) 


3  Gennad.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  LI. 

'  ChifQ.,  not.  in  Vigil.,  pag.  26. 

s  Ibid.,  pag.  30.  —  «  Notit.  Afric,  pag.  133. 

'  Notis  in  Vigil.,  pag.  29. 

8  Vigil.,  lib.  I   cont.  Eutych.,  pag.  13. 

9  Idem,  lib.  I,  pag.  1. 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  ÉVÊQUE  DE  TAPSE.  473 


[V«  SIÈCLE.] 

«  Nous  confessons  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  ',  et 
que  le  même  qui  est  Fils  de  Dieu,  est  aussi 
Fils  de  l'homme  :  nous  n'admettons  pas  deux 
Fils.  Nous  croyons  que  le  Verbe  s'est  fait  chair 
dans  le  sein  de  la  Vierge,  sans  que  la  nature 
du  Verbe  ait  été  changée  en  chair.  Nous  di- 
sons de  même  que  la  nature  de  la  chair  est 
tellement  passée  en  la  personne  du  Verbe, 
par  son  union  avec  celui  qiii  s'en  est  revêtu, 
qu'elle  n'a  pas  été  consumée  dans  le  Verbe. 
Les  deux  natures  demeurent  celle  du  Verbe 
et  celle  de  la  chair,  et  de  toutes  les  deux  qui 
subsistent  encore  aujourd'hui,  est  un  seul 
Christ  et  une  seule  personne.  »  Après  avoir 
établi  la  foi  catholique  en  des  termes  si  clairs, 
Vigile  combat  l'hérésie  d'Eutychès  par  divers 
raisonnements.  «  S'il  n'y  a  en  Jésus-Christ 
aujourd'hui  qu'une  seule  nature,  il  faut  que 
l'une  des  deux  qu'il  a  eue  au  commencement 
ait  été  détruite.  Quelle  est  cette  nature  ?  Si 
c'est  l'humaine^  il  ne  reste  donc  plus  que  la 
nature  du  Verbe.  Il  est  donc  faux  de  dire, 
que  Jésus-Christ  viendra  à  la  fin  des  siècles, 
dans  la  même  nature  qu'on  l'a  vu  monter  au 
ciel  :  car  il  fut  revêtu  d'un  corps  et  vu  par 
des  yeux  corporels.  Ne  dit-il  pas  à  ses  disci- 
ples :  Si  vous  m'aimiez,  vous  vous  réjouiriez  de 
ce  que  je  vous  ai  dit  que  je  m'en  vais  à  mon  Père; 
et  encore  :  Il  vous  est  utile  que  je  m'en  aille  : 
car  si  je  ne  m'en  vais  point,  le  Consolateur  ne 
viendra  point  à  vous?  On  ne  peut  douter  que 
le  Verbe  de  Dieu,  sa  Vertu  et  sa  Sagesse  n'ait 
toujours  été  dans  le  Père,  même  lorsqu'il  a 
conversé  parmi  nous  dans  la  chair.  De  quel 
endroit,  dit-il  donc  qu'il  ira,  et  oîi  ira-t-il? 
Comment  nous  assure-t-il  qu'il  ira  à  son 
Père,  de  qui  il  n'a  jamais  été  séparé?  C'était 
aller  à  son  Père  et  s'éloigner  de  nous,  que 
d'enlever  de  ce  monde  la  nature  humaine  à 
laquelle  il  s'était  uni.  C'est  de  la  même  na- 
ture humaine  qu'il  est  dit  qu'elle  avait  été 
enlevée  de  ce  monde,  et  qu'elle  nous  sera 
rendue  à  la  fin  des  siècles,  selon  que  nous 
lisons  dans  le  livre  des  Actes  :  Ce  Jésus  qui, 
en  vous  quittant,  s'est  élevé  dans  le  ciel,  viendra 
de  la  même  sorte  que  vous  l'y  avez  vu  monter. 
Nous  lisons  que  le  Fils  de  Dieu  a  été  ense- 
veli, nous  le  croyons  tous,  nous  le  prêchons, 
et  aucun  chrétien  n'ose  en  douter.  Qu'a-t-on 


enseveli  de  Jésus-Christ?  Est-ce  le  Verbe? 
Est-ce  l'âme  ?  Est-ce  le  corps  ou  le  tout  en- 
semble? Il  est  absurde  de  dire  que  l'on  a  en- 
veloppé de  linceuls  le  Verbe  ou  l'âme.  Reste 
donc  à  dire  que  c'est  le  corps  séparé  de 
l'âme,  qui  a  été  enseveli  et  porté  au  tombeau 
par  les  mains  de  ceux  qui  l'avaient  enseveli. 
Cela  fait  voir  que  les  deux  natures  en  Jésus- 
Christ  ont  toujours  conservé  leur  propriété, 
et  que  c'est  de  la  chair  seule  que  doivent 
s'entendre  tous  les  devoirs  de  la  sépulture, 
quoiqu'on  puisse  dire  en  un  sens  qu'ils  ont 
aussi  rapport  au  Verbe,  parce  qu'ils  convien- 
nent à  une  chair  qui  était  celle  du  Verbe.  Nous 
lisons  dans  l'Evangile  que  Jésus-Chi-ist  crois- 
sait en  âge,  et  qu'il  est  parvenu  jusqu'à  l'âge 
parfait  de  la  jeunesse.  Cet  accroissement 
s'entend-il  du  Verbe  ou  de  la  chair?  Si  vous 
répondez  qu'il  s'entend  de  l'un  et  de  l'autre, 
vous  admettez  un  changement  dans  la  nature 
du  Verbe.  Cela  ne  peut  donc  s'exphquer  que 
de  la  chair,  comme  c'est  à  la  chair  qu'il  faut 
rapporter  ce  qui  est  dit  dans  les  Evangiles  de 
la  Circoncision,  des  souffrances  et  de  la  mort 
du  Sauveur.  Le  Seigneur  avait  prédit  dans 
Osée  qu'il  serait  la  mort  de  la  mort  même, 
c'est-à-dire  qu'il  détruirait  la  mort  qui  était  en- 
trée dans  le  monde  par  le  péché;  ne  pouvant 
souffrir  dans  sa  propre  nature  qui  est  impas- 
sible, il  a  pris  la  nature  humaine,  dans  la- 
quelle il  a  vaincu  la  mort  dans  ses  propres 
retranchements.  Si  les  eutychiens  craignent 
de  reconnaître  les  propriétés  des  deux  na- 
tures, de  peur  qu'ils  ne  paraissent  admettre 
deux  Christs,  n'accuseront-ils  pas  les  catho- 
liques d'adorer  trois  Dieux,  parce  qu'ils  re- 
connaissent dans  chaque  personne  de  la  Tri- 
nité, des  propriétés  qui  distinguent  l'xme  de 
l'autre,  et  qui  appartiennent  tellement  à 
chacune  en  particulier,  que  celles  qui  sont 
du  Père  ne  peuvent  s'attribuer  au  Fils,  ni 
celles  du  Fils  au  Saint-Esprit.  Il  en  est  de 
même  de  l'incarnation,  qui  appartient  au 
Fils  de  manière  qu'on  ne  peut  la  rapporter 
au  Père  ni  au  Saint-Esprit.  C'est  le  Fils  pro- 
prement qui  est  né  de  la  Vierge,  et  non  pas 
le  Père  ;  c'est  du  Fils  seul  qu'il  est  dit  :  Ce- 
lui-ci est  mon  Fils  bien-aimé.  C'est  le  propre 
du  Père  d'engendrer  2,  du  Fils  d'être  né,  du 


Os6e  XIII,  14. 


Mallli.iii.n 


'  Nos  unum  Deum,  eumdemquc  Filium  Dei  et  ho- 
minis  Filium ,  non  duos  profitemiir  :  et  ita  Ver/mm 
incarnatum  fuisse,  ut  tamen  Verbi  natura  non  muta- 
retur  in  carnem.  Itemque  carnis  naturam  ita  per  sus- 
cipientis  commixtioncm  in  Verbi  transisse  personam, 
ut  non  tamen  fuerit  in  Verbo  consumpta.  Manet  enim 


utraque,  id  est  Verbi  carnisque  natiirn,  et  ex  his 
duabus  hodieque  manentibus  unus  est  Christus,  unaque 
persona.  Vigil.,  lib.  cont.  Eutycli.,  pag.  4. 

■''  Propriimi  Patris  est  ijenuisse,  et  proprium  Filii 
natum  fuisse,  proprium  vero  est  Spiritus  Sancti  pro- 
cedere.  Nec   omnino  reciprocat   in  aliam   personam. 


474 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ITim.  H,  0, 

ICof,  Jiv,  21. 

Rim.  I,  3. 

Rom  IX  C. 


Saint-Esprit  de  procéder.  Ce  qui  est  propre 
à  une  personne,  ne  l'est  pas  à  l'autre;  il  n'y 
a  point  de  réciprocité  dans  les  propriétés.  Si 
ces  trois  personnes  aj'ant  chacune  une  pro- 
priété qui  la  distingue  de  l'autre,  mais  qui 
ne  l'en  sépare  pas,  ne  sont  qu'un  seul  Dieu, 
comment  le  Fils  ne  serait-il  pas  un  seul 
Christ,  les  propriétés  des  deux  natures  de- 
meurant entières?  «Vigile  en  donne  un  exem- 
ple dans  l'homme  en  qui  les  cinq  sens,  la  vue, 
l'ouïe,  le  toucher,  le  goût  et  l'odorat,  quoi- 
que distingués  et  n'ayant  rien  de  commun 
ensemble,  ne  font  néanmoins  qu'un  homme. 
A  ces  raisonnements  il  ajoute  l'autorité 
de  l'apôtre  saint  Paul  qui,  en  plusieurs  en- 
droits de  ses  épîtres,  distingue  en  Jésus- 
Christ  les  deux  natures,  et  dit  toutefois  de 
lui  qu'il  est  un  seul  Christ ,  Dieu  et  homme 
tout  ensemble.  Saint  Paul,  dit-il,  va  plus  loin, 
et  sans  craindre  la  censure  des  eutychéens  ou 
des  autres  ennemis  de  l'Incarnation,  après 
avoir  dit  que  le  Sauveur  est  Dieu  et  homme, 
pour  marquer  qu'il  est  un  en  deux  natures, 
il  dit  nettement  qu'il  n'y  a  en  lui  qu'une  seule 

n  Cor. II,  10.  personne  :  Si  j'use  moi-même  d'indulgence, 
j'en  use  à  cause  de  vous  aie  nom  et  en  la  per- 
sonne de  Jésus-Christ.  11  accuse  de  témérité 
les  hérétiques  de  son  temps,  qui,  entendant 
les  catholiques  dire,  lorsqu'ils  parlaient  de 
Jésus-Christ,  qu'il  est  Dieu  et  homme,  infé- 
raient de  la  conjonction  et,  qu'ils  admettaient 
en  lui  deux  personnes.  Cette  façon  de  parler, 
leur  dit  Vigile,  est  la  même  que  s'ils  disaient  : 
Celui  qui  est  Dieu,  s'est  aussi  fait  homme, 
non  en  perdant  ce  qu'il  était,  mais  en  pre- 
nant notre  nature.  Il  attribue  aux  eutychiens, 
mais  comme  n'en  étant  pas  bien  assuré, 
d'enseigner  que  jusqu'à  la  résurrection  Jé- 
sus-Christ avait  eu  deux  natures,  mais  que 
depuis  il  n'en  avait  plus  qu'une.  Il  réfute  ces 
hérétiques  par  les  endroits  de  l'Evangile  où  il 
est  dit  qu'après  la  résurrection,  le  Sauveur, 

L„„j,v,,i9,  pour  montrer  la  vérité  de  son  corps,  buvait  et 
mangeait  avec  ses  disciples,  et  le  leur  don- 
nait à. toucher.  Il  ne  servirait  de  rien  de  ré- 
.  pondre  qu'il  ne  commença  à  n'avoir  plus 
qu'une  nature,  c'est-à-dire  la  divine,  qu'a- 
près qu'il  fut  monté  dans  le  ciel ,  puisque 
Mar-.  Tiii,  l'Ecriture  répète    souvent    que  le  Fils  de 

rjonn.ii,  1.   l'homme  viendra  au  dernier  jour  dans  la 


gloire  de  son  Père.  Elle  dit  encore  qu'il 
nous  sert  d'avocat  auprès  de  son  Père,  et 
qu'il  intercède  pour  nos  péchés.  N'est-ce  pas 
comme  homme  qu'il  remplit  ces  fonctions ,  et 
non  pas  comme  Dieu  ?  Vigile  remarque  que 
l'hérésie  eutychienne  a  pris  sa  source  dans 
celle  d'Apollinaire  et  ceUe  d'Arius.  Il  exhorte 
ceux  qui  en  étaiejit  infectés,  de  l'abandonner 
et  de  faire  pénitence  de  leur  égai^ement.  Il 
s'engage  en  quelque  sorte  de  prouver  la 
doctrine  catholique  par  des  témoignages 
tirés  des  éci^ts  de  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  de  saint  Basile,  de  Théophile,  de . 
saint  Jean  Chrysostôme,  de  saint  Cyrille  et 
d'autres  écrivains  illustres  de  l'Eglise,  qui  ont 
tous  suivi  la  doctrine  des  deux  natures. 

3.  Il  suppose,  dans  le  second  livre,  qu'il  deuSe' ?° 
avait  allégué  ces  témoignages,  mais  nous  "'-p'^-'!!. 
n'en  trouvons  ni  dans  le  premier  ni  dans  le  se-  i 

cond  livre. Voici  l'analyse  de  ce  second  livre  :  ■ 

«  Les  hérétiques  ne  sont  tombés  dans  l'er-  » 

reur  que  pour  avoir  mal  pris  le  sens  des  di- 
vines Ecritures  et  pour  les  avoir  interprétées 
selon  leur  caprice.  Aussi  ont-ils  donné  dans 
des  hérésies  opposées  et  se  sont-ils  condam- 
nés mutuellement.  Les  sabelhens,  qui  n'ad- 
mettaient qu'une  seule  personne  dans  la  Tri-  ■.• 
nité,  ont  condamné  les  ariens  qui  en  recon- 
naissaient trois,  et  les  ariens,  à  leur  tour,  ont 
condamné  les  sabelliens.  Leur  combat  a  été 
une  victoire  pour  l'Eglise.  II  en  a  été  de 
même  des  manichéens  et  des  photiniens  : 
ceux-là  voyant  les  prodiges  que  Jésus-Christ 
avait  faits,  n'ont  pas  voulu  le  reconnaître 
pour  homme;  ceux-ci  le  voyant  sujet  aux 
infirmités  humaines,  ont  refusé  de  l'adorer 
comme  Dieu.  C'est  une  chose  merveilleuse  ', 
que  la  vérité  ait  été  confirmée  par  ceux 
mêmes  qui  l'ont  attaquée,  et  qu'ils  aient  dit 
vrai  et  menti  en  même  temps.  Sabellius  est 
louable  de  n'avoir  admis  qu'une  nature  en 
Dieu  ;  il  est  blâmable  de  n'avoir  admis  qu'une 
personne  dans  celte  nature.  Arius  a  dit  vrai 
en  enseignant  qu'il  y  a  en  Dieu  trois  per- 
sonnes distinctes  l'une  de  l'autre.  Il  a  avancé 
faux  en  soutenant  qu'elles  n'ont  ni  une  même 
nature  ni  une  même  puissance.  Jésus-Christ 
décide  la  diiiiculté,  en  disant  :  Mon  Père  et  ^^^^ 
moi  sommes  une  même  chose.  Par  ces  paroles, 
mon  Père  et  moi,  il  distingue  ce  que  Sabellius 


quod  est  unicuique  personœ  specialiler  pi'oprium.  Si 
ergo  hœ  très  personœ  singulœ  propriafutes  suas  quitus 
significantius  distinguantur,  non  quibus  separeniur, 
unus  est  Deus  ;  quomodo  Fitius  salva  utriusqué  naturœ 


proprietate,  non   unus  est    Christus?  Ibid.,   pag.   9. 
1  Grande  miraculum   ut  impugnatione  sut  veritas 
cotifirmetur  et  verum  uterque  dicat  dam  uterque  men- 
titur.  Lib.  Il  cont.  Eutyc.,  pag.  15. 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  ÉVÊQUE  DE  TAPSE. 


[V«  SIÈCLE.] 

avait  confondu;  et  par  ces  autres,  sommes 
une  même  chose,  il  unit  ce  qu'Arius  a  séparé. 
Les  termes  une  même  chose,  marquent  l'unité 
de  nature  :  le  mot  sommes,  la  distinction  des 
personnes.  Ce  qui  est  confirmé  par  la  forme 
du  biiptème  :  Baptisez  les  nations,  au  nom  du 
Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  l'unité  de 
nom  dans  les  trois  personnes  marquant  l'u- 
nité de  leur  nature.  Manichée  dit  vrai  en  as- 
surant que  Jésus-Christ  est  Dieu  ;  il  se  trompe 
en  niant  que  Jésus-Christ  soit  homme.  Photin 
en  disant  que  Jésus-Christ  est  homme,  ne  dit 
rien  que  de  vrai,  quoique  ce  soit  à  lui  une 
impiété  de  nier  la  divinité  du  Sauveur.  Il  y  a 
aussi  du  vrai  et  du  faux  dans  la  doctrine  de 
Nestorius  et  d'Eutychès,  quoiqu'ils  raison- 
nent l'un  et  l'autre  sur  de  faux  principes, 
comme  lorsque  Nestorius  prétend  qu'il  y  a 
deux  personnes  en  Jésus-Christ,  parce  qu'il 
y  a  deux  natures,  et  qu'Eutychès  infère  l'u- 
nité de  nature  de  l'unité  de  personne.  Vigile 
établit  la  doctrine  catholique  des  deux  natu- 
res, sur  les  deux  naissances  diiïérentes  que 
l'Ecriture  reconnaît  en  Jésus-Christ,  l'une 
par  laquelle  il  est  né  du  Père  sans  temps, 
c'est-à-dire  de  toute  éternité,  et  l'autre  selon 
laquelle  il  est  né  de  sa  mère  sans  le  secours 
d'aucun  homme.  L'apôtre  donne  à  ces  deux 
naissances  le  nom  de  forme,  en  disant  :  Soyez 
dans  le  même  sentiment  ou  a  été  Jésus-Christ 
qui,  ayant  la  foi'me  et  la  nature  de  Dieu,  s'est 
anéanti  lui-même  en  prenant  la  forme  et  la  nature 
de  serviteur.  Ces  deux  formes  sont  aussi  mar- 
quées dans  le  prophète  Isaïe  et  dans  le 
psaume  xliv^.»  11  montre  ensuite,  par  un  en- 
droit de  la  seconde  Epitre  aux  Corinthiens, 
qu'il  avait  déjà  allégué  dans  le  premier  hvre, 
qu'il  n'y  a  qu'une  personne  en  Jésus-Christ. 
Par  le  moyen  de  l'union  des  deux  natures  en 
une  personne,  il  explique  divers  endroits  de 
l'Ecriture  qui,  sans  cela,  seraient  inintelligi- 
bles. «Par  exemple,  il  est  dit  dans  saint  Jean 
(jue  personne  n'est  monté  au  ciel,  que  celui  qui 
est  descendu  du  ciel,  savoir  le  Fils  de  l'homme 


473 


qui  est  dans  le  ciel.  Ce  n'est  pas  le  Fils  de 
l'homme  qui  est  descendu  du  ciel,  c'est  le 
Verbe  de  Dieu  ;  mais  parce  que  ce  Verbe  est 
uni  à  la  chair  '  d'une  manière  si  ineffable, 
que  le  Verbe  est  appelé  chair,  et  la  chair 
Dieu  ;  et  que  ce  qui  est  propre  au  Verbe  est 
commun  à  la  chair,  comme  ce  qui  est  propre 
à  la  chair  est  commun  au  Verbe,  parce  que 
le  Verbe  et  la  chair  ne  font  qu'un  Christ  et 
une  seule  personne  ;  c'est  à  raison  de  celle 
communion  de  propriétés  de  chaque  nature, 
qui  est  produite  par  leur  union  en  une  seule 
personne  dans  Jésus-Christ,  qu'il  est  dit  que 
le  Verbe  avec  la  chair^  c'est-à-dire  le  Fils  de 
l'homme,  est  descendu  du  ciel^,  quoique  le 
Verbe  seul  en  soit  descendu  sans  la  chair,  et 
qu'il  est  dit  que  Dieu  a  été  enseveli  pendant 
trois  jours  dans  le  tombeau,  quoique  la  chair 
seule  ait  été  ensevelie.  Lors  doue  que  nous 
disons  que  Dieu  a  souffert  et  qu'il  est  mort''', 
que  cette  expression  ne  fasse  pas  peur  à  Nes- 
torius :  nous  ne  paiions  ainsi  qu'à  raison  de 
l'union  des  deux  natures  en  une  personne; 
et  lorsque  nous  disons  que  Dieu  n'a  pas  souf- 
fert et  qu'il  n'est  pas  mort,  étant  entièrement 
impassible,  qu'Eutychès  ne  s'épouvante  pas 
de  cette  façon  de  parler  :  nous  ne  l'employons 
que  relativement  à  la  propriété  de  la  nature 
divine,  qui  est  d'être  impassible. «Vigile  allè- 
gue sur  cela  plusieurs  passages  de  l'Ecriture 
par  lesquels  on  voit  d'un  côté  que  le  Verbe 
est  immortel,  et  de  l'autre,  que  les  souffran- 
ces appartiennent  à  la  chair  ^  selon  la  nature, 
et  au  Verbe  selon  la  personne,  parce  que  la 
personne  du  Verbe  et  de  la  chair  est  une  et 
la  même  ;  en  sorte  que  l'on  peut  dire  que 
Dieu  a  souffert,  et  que  Dieu  n'a  point  souf- 
fert; il  a  souffert  à  raison  de  l'union  de  sa 
personne  avec  la  nature  humaine  ;  il  est  im- 
passible selon  la  propriété  de  sa  nature  di- 
vine. Il  est  certain  que  Jésus-Christ  fut  cru- 
cifié le  vendredi,  que  le  même  jour  son  âme 
descendit  aux  enfers,  qu'il  fut  mis  dans  le 
tombeau,  qu'il  dit  au  larron  :  Vous  serez  au- 


1  Quia  Ve.rhum  cum  came  iia  est  inexplicahili  modo 
unitum,  ut  ipsumVerbum  caro  dicaiur,' et  caro  dicatur 
Deus  ,  et  quidcjuid  est  proprium  Verbi  sit  commune 
cum  carne  ;  et  quidquid  est  proprium  carnis  commune 
cum  Verbo  sit;  quoniam  Verbum  et  caro  unus  est 
Christus  et  una  persona  :  idcirco  propter  liane  com- 
munionem  quam  salva  naturarum  proprietate,  personœ 
unio  prœstat,  et  Verbum  cum  carne,  id  est,  Filius  ho- 
minis  legitur  descendisse  de  cœlo,  cum  solum  Verbum 
sine  carne  descendent  ;  et  Deus  legitur  sepultus  et  in 
monumento  tribus  jacuisse  diebus ,  cum  sola  caro  se- 
pulta  est.  Lib.  11,  pag.  19. 


2  Cum  ergo  dicimus  Deum  passum  et  mortuum,  non 
expavescal  Nestorius,  quia  secundum  unionem  persoiiœ 
dicimus.  Rursus  cum  dicimus,  Deum  nec  passum,  nec 
mortuum,  quia  est  omnino  impassibilis,  non  formidet 
Eutyches,  quia  secundum  naturœ proprietatem  dicimus. 
Ibid. 

3  Passio  ergo  proprie  ad  carnem  pertinet  secundum 
'naturam,  ad  Verbum  autem  secundum  personam,  quia 
et  Verbi  et  carnis  una  est  eadem  persona;  ac  per  hoc 
Deus  et  passus  est  et  non  est  passus  :  passus  secundum 
unionem  personœ,  impassibilis  secundum  proprietatem 
naturœ.  Ibid.,  pag.  20. 


476 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


jourd'hui  avec  moi  dans  le  paradis.  Le  corps  de 
Jésus-Christ  ne  fut  pas  ce  jour-]à  dans  le  ciel, 
ni  dans  les  enfers  ;  il  demeura  trois  jours 
mort  dans  le  tombeau;  pendant  ces  trois  jours 
son  âme  fut  dans  les  enfers  et  non  pas  dans 
le  tombeau.  Nous  disons  toutefois  avec  vé- 
rité que  le  Sauveur  fut  dans  le  tombeau, 
quoiqu'il  n'y  ait  été  que  dans  sa  chair;  qu'il 
a  été  dans  les  enfers,  mais  en  son  âme  seule; 
c'est  le  même  Christ  qui,  quoique  partout, 
est  distribué  en  divers  endroits  :  dans  le  tom- 
beau selon  son  corps,  dans  les  eufers  selon 
son  âme.  Nous  disons  de  même  de  Dieu  qu'il 
a  été  dans  le  tombeau,  mais  dans  sa  chair 
seule,  et  qu'il  est  descendu  aux  enfers,  mais 
dans  son  âme  seule.  Comme  on  dit  d'un 
homme  qu'il  entend  la  voix,  quoiqu'il  ne 
•  l'entende  que  par  ses  oreilles;  qu'il  voit  la 
lumière,  quoiqu'il  ne  la  voie  que  des  yeux  ; 
on  dit  de  même  de  Dieu,  qu'il  a  souffert, 
mais  dans  la  chair  seule  ;  et  qu'il  est  impas- 
sible, mais  selon  sa  divinité  seule  ;  en  un 
mot.  Dieu  a  soutfert  '  à  raison  de  l'union  de 
sa  personne  avec  la  nature  humaine  ;  il  est 
impassible  .selon  sa  nature  divine.  La  divinité 
a  souffert  les  injures  de  la  passion,  mais  la 
chair  seule  y  a  été  sensible.  »  Vigile  rejette 
sur  une  crainte  mal  fondée,  la  diversité  de 
langage  de  quelques  catholiques,  qui  néan- 
moins pensaient  de  même.  La  plupart  crai- 
gnaient de  dire  deux  natures,  pour  ne  point 
paraître  donner  dans  l'erreur  de  Nestorius, 
qui  admettait  deux  personnes  :  c'est  pour- 
quoi, lorsqu'ils  voulaient  expliquer  leur  doc- 
trine sur  ce  point,  ils  se  servaient  de  circon- 
locutions, n'osant  employer  le  terme  de 
deux  natures  ;  d'autres,  qui  ne  laissaient  pas 
de  croire  qu'il  n'y  a  en  Jésus-Christ  qu'une 
seule  personne,  et  qu'il  est  vraiment  Dieu  et 
homme,  ne  voulaient  pas  dire  que  le  Seigneur 
a  souffert  et  qu'il  est  mort,  de  peur  de  passer 
pour  infectés  des  erreurs  d'Apollinaire  et 
d'fiulychès.  «Pourquoi,  leur  dit-il,  craignez- 
vous  de  dire  deux  natures,  puisque  l'apôtre 
a  dit  deux  formes  :  une  par  laquelle  Jésus- 
Christ  est  Dieu,  l'autre  selon  laquelle.il  est 
homme  ?  Saint  Athanase  a  dit  deux  natures, 
et  tous  les  pères  grecs  et  latins  ont  employé 
de  semblables  expressions,  entre  autres  saint 
Hilaire,  saint  Eusèbe  (apparemment  deVer- 
ceil),  saint  Ambroise,  saint  Augustin  et  saint 

'  Quod  brevi  sermone  concludam.  Passus  est  Deus 
in  unione  personœ ,  noti  est  passas  in  proprietate ,  si 
quidem  passionis  injurias  divinitas  pertulit,  sed  pas- 
sionem  sola  ejus  caro  persensit.  Vigil.,  lib.  cont.  Eu- 


Jérôme.  Pourquoi  craignez-vous  encore  de 
dire  que  Dieu  a  souffert,  puisque  les  écrits 
apostohques  tiennent  partout  ce  langage  ? 
Confessez  de  bouche  ce  que  vous  croyez  de 
cœur  ^,  afm  que  la  divine  humanité,  l'hu- 
maine divinité  vous  soit  propice.  » 

4.  Les  eutyclîéens  disaient  non-seulement 
qu'il  n'y  avait  qu'une  seule  nature  du  Verbe 
et  de  la  chair,  mais  encore  que  le  Verbe 
avait  apporté  cette  chair  du  ciel  et  ne  l'avait 
pas  prise  dans  le  sacré  corps  de  la  vierge  Ma- 
rie. C'était  renouveler  l'hérésie  deValentin  et 
de  Marcion,  qui  assuraient  que  le  Verbe  fait 
chair  n'avait  rien  pris  de  notre  nature  dans 
le  sein  de  la  Vierge,  et  qu'il  était  passé  dans 
elle  comme  l'eau  passe  dans  un  conduit.  Vi- 
gile réfute  cette  erreur,  premièrement,  par 
l'autorité  du  symbole  de  Nicée,  que  les  eu- 
tychéens  admettaient;  et  ensuite  par  ces  pa- 
roles de  l'ange  à  Marie  :  Le  Saint-Esprit  sur- 
viendra en  vous,  et  la  vertu  du  Très-Haut  vous 
couvrira  de  son  ombre  :  c'est  pourquoi  le  fruit 
saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé  le  Fils  de 
Bieu.u  L'ange  ne  dit  pas  :  Ce  qui  naîtra  par 
vous,  comme  s'il  eût  voulu  marquer  un  sim- 
ple passage  du  Verbe  par  la  Vierge;  mais  ce 
qui  naîtra  de  vous,  pour  mieux  marquer  la 
vérité  et  la  réalité  du  corps  que  le  Verbe  de- 
vait prendre  dans  le  sein  de  Marie.  Quelle 
raison  y  avait-il  en  effet  au  Verbe  de  passer 
par  le  sein  de  la  Vierge,  s'il  n'en  devait  rien 
prendre?  Ou  comment  serait-il  vrai  que  Jé- 
sus-Christ est  né  de  la  race  de  David,  ainsi 
que  dit  saint  Paul,  s'il  n'avait  pris  un  corps 
dans  le  sein  d'une  personne  qui  fût  elle- 
même  descendue  de  David?  Le  Fils  de  Dieu 
ne  dit-il  pas  lui-même  dans  Isaïe  qu'il  a  été 
formé  dans  le  sein  de  sa  mère  ?  Cela  ne  peut 
s'entendre  du  Verbe;  on  doit  donc  l'expli- 
quer du  corps  qu'il  s'est  formé  dans  le  sein 
virginal.  »  Vigile  rapporte  ensuite  un  grand 
nombre  de  prophéties  et  de  figures  de  l'An- 
cien Testament,  qui  toutes  annonçaient  le 
Messie  et  marquaient  qu'il  devait  se  faire 
homme  en  s'incarnant  dans  le  sein  d'une 
Vierge. 

5 .  Vigile  entreprend  dans  le  quatrième  livre, 
de  montrer  que  la  lettre  de  saint  Léon  à  Fla- 
vien  et  les  décrets  du  concile  de  Cbalcédoiae 
n'ont  rien  qui  ne  soit  conforme  à  la  doctrine 
cathoMque  et  apostolique.  Il  commence  par 

iyC;  pag.  21.  —  ^  Futemini  igitur  et  ore  quod  corde 
ieneiis,  ut  divina  humani/as  et  Iiumana  divinitas  pro- 
pitietur  vobis.  Ibid.,  pag.  23. 


troisième    l{^ 
vre,  pag.  23t. 


Rom.  i. 
Gai.  ly,  *. 
Isai,  XLlXf' 


Analyse 
quatrième 
vre. 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  ÉVEQUE  DE  TAPSE. 


[V«  SIÈCLE.] 

la  défense  de  l'épître  de  saint  Léon,  conti'e 
laquelle  on  objectait    qu'au    lieu    de  dire 
comme  il  faisait  au  commencement  de   sa 
profession  de  foi  :  ;iTous  les  fidèles  font  pro- 
fession de  croire  ea  Dieu  le  Père  tout-puis- 
sant, et  en  Jésus-Christ  son  Fils  unique  notre 
Seigneur,  »  le  pape  aurait  dû  dire,  confor- 
mément au  décret  du  concile  de  Nicée  :  «  En 
un  Dieu  Père  et  en  un  Jésus-Christ  son  Fils.» 
Vigile  répond  que  le  symbole  rapporté  dans 
la  lettre  de  saint  Léon ,  était  absolument  le 
même  qui  était  en  usage  dans  l'Eglise  de 
Rome,   dès  avant  le  concile  de  Nicée  et  dès 
le  temps  des  apôtres,  et  que  l'on  continuait 
à  l'enseigner    aux   fidèles    dans  la  même 
forme;  que  les  termes  ne  portaient  aucun 
préjudice  lorsque  le  sens  était  catholique ,  et 
que  la  façon  dont  la  foi  est  exprimée  dans 
ce  symbole,  a  beaucoup  plus  de  rapport  à 
.  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Vous  croyez  en 
Dieu,  aboyez  aussi  en  moi.  Il  ne  dit  pas  :  «  Vous 
croyez  en  un  Dieu  Père,  croyez  aussi  en  un 
moi-même;  »  car  qui  ne  sait  pas  qu'il  y  a 
un  Dieu  Père  et  un  Jésus-Cbrist  son  Fils? 
Vigile  s'étonne  que  ceux  qui  faisaient  ce  re- 
proche à  saint  Léon,  n'avaient  pas  censuré 
encore  d'autres  expressions  qui  se  trouvent 
dans  sa  profession  de  foi,  entre  autres  celles- 
ci  :  «  Qui  est  né  du  Saint-Esprit  et  de  Marie 
vierge;  »  puisque  ces  termes  ne  se  lisent 
point  dans  le  symbole  de  Nicée.  Il  fait  voir 
ensuite  que  le  calomniateur  attribuait  à  saint 
Léon  plusieurs  façons  de  parler  dont  il  n'y 
avait  aucun  vestige  dans  sa  lettre  ;  et  qu'il  en 
avait  détourné  d'autres  en  un  sens  absolu- 
ment faux  et  contraire  à  la  pensée  de  ce  saint 
pape.  Il  avait  dit  :  «  Celui  qui  est  vrai  Dieu, 
est  aussi  vrai  homme,  et  il  ne  peut  y  avoir 
de  mensonge  dans  cette  union  où  l'humilité 
de  l'homme  et  la  grandeur  de   la  divinité 
gardent  les  opérations  qui  leur  sont  propres.» 
Le  calomniateur  faisait  entendre  que  saint 
Léon  marquait  par  là  deux  personnes  sépa- 
rées,  au  lieu  qu'il  voulait  dire  seulement 
que  les  deux  natures  demeuraient  en  Jésus- 
Christ  après  l'union.  «  Comment^  ajoute  Vi- 
gile, ce  calomniateur  n'a-t-il  pas  encore  ac- 
cusé saint  Paul,  pour  avoir  distingué  deux 
choses  dans  l'homme  qui  ont  chacune  leurs 
opérations  propres  et  même  contraires,  c'est- 
à-dire  la  chair  et  l'esprit?   La  chai?',  dit  cet 
apôtre,  a  des  désirs  contraires  à  ceux  de  l'es- 
prit, et  l'esprit  en  a  de  contraires  à  ceux  de  la 
chair,  et  ils  sont  opposés  l'un  à  l'autre.  De 
même  donc  que  l'homme  est  un,  quoiqu'il  y 


477 


ait  deux  choses  en  lui  qui  ont  chacune  leurs 
opérations  pi'opres;   de  même  aussi  Jésus- 
Christ  est  un,  quoiqu'il  y  ait  en  lui  une  nature 
sujette  aux  infirmités,  et  une  autre  qui  brille 
par  ses  vertus,    c'est-à-dire  la  chair  et  le 
Verbe.  L'apôtre  a  distingué  ces  deux  natures 
en  Jésus-Christ,  lorsqu'il  a  dit  de  lui  :  Encore 
qu'il  ait  été  crucifié  selon  la  faiblesse  de  la  chair, 
il  vit  néanmoins  maintenant  par  la  vertu  de 
Dieu.  »  Vigile  montre  que  son  adversaire 
avouant  que  Jésus-Christ  était  inconvertible- 
ment  Homme  parfait  et  Dieu  tout  ensemble, 
il  reconnaissait  conséquemment  les  deux  na- 
tures, et  qu'en  vain  il  s'était  étendu  beau- 
coup à  prouver  qu'il  n'y  a  qu'un  Christ,  puis- 
qu'aucun  des  catholiques  ne  le  contestait; 
mais  que  c'était  à  lui  une  impiété,  de  con- 
clure de  l'unité  de  personne  à  l'unité  de  na- 
ture, sous  prétexte  que  les  deux  natures  sont 
désignées  dans  le  Sauveur  par  un  seul  nom, 
qui  est  celui  de  Christ.  Vigile  fait  voir  que 
le  nom  de  Christ  est  le  nom  propre  de  la 
chair  et  non  pas  du  Verbe ,  et  que  Dieu  est 
le  nom  propre  du  Verbe  et  non  pas  de  la 
chair;  que  toutefois  le  Verbe  à  cause  de  sa 
chair,  est  Homme-Jésus-Christ,  comme  la 
chair,  à  cause  du  Verbe  est  Dieu-Verbe.  Le 
nom  de  Christ  signifie  Oint  :  et  comme  l'onc- 
tion ne  peut  s'appliquer  qu'à  l'humanité,  ij 
est  évident  que  le  terme  de  Christ  lui  appar- 
tient. Mais  depuis  l'union  des  deux  natures, 
il  n'y  a  qu'un  nom  de  la  divinité  et  de  l'hu- 
manité, qui  est  celui  de  Jésus-Christ,  dont 
l'apôtre  se  sert  en  parlant  des  deux  natures, 
dans  l'épître  aux  Pilippiens.  C'est  pourquoi 
nous  croyons  et  nous  prêchons  avec  le  même 
apôtre  :  Un  Dieu  crucifié  et  mort  dans  la  na- 
ture humaine,  qui  à  cause  de  son  union  avec 
le  Verbe,  possède  le  nom  de  Dieu.  Vigile,  fait 
un  reproche  à  son  adversaire   d'avoir  cor- 
rompu le  texte  de  l'Ecriture,  qui,  en  parlant 
de  la  passion  de  Jésus-Christ,  dit  :  Et  il  a  été 
mis  entre  les  méchants;  ce  qu'il  avait  rendu 
par  ces  paroles  :  «  Et  il  a  été  mis  entre  les 
morts.  »  Il  lui  fait  voir  qu'il  ne   savait  pas 
même  se  soutenir  dans  ses  erreurs  :  car  ne 
voulant  pas  dire  que  Dieu  fût  mort,  il  avouait 
toutefois  qu'il  avait  été  sujet  aux  infirmités 
de  la  nature  humaine;  ce  qui  prouvait  évi- 
demment qu'il  s'en  était  revêtu.  Il  passe  à 
une  autre  accusation  contre  la  lettre  de  saint 
Léon,    où  nous  lisons  que  «  c'est  le  même  ■ 
qui   est  vrai   Fils   de  Dieu  et  vrai  Fils  de 
l'homme  :  »  il  suffisait    de  dire ,    objectait 
l'adversaire  :  n  II  n'y  a  qu'un  et  même  Fils 


Philipp.  II,  G- 


I  Cor.  I,  23. 


Isai.  LUI,  12. 


478 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qui  ait  été  inconvertiblement  fait  homme.  » 
Vigile  soutient  que  c'est  absolument  la  même 
chose  de  dire  que  le  même  qui  est  Fils  de 
Dien^  a  été  fait  homme,  et  de  dire  qu'il  est 
Fils  de  l'homme.  Mais  parce  que  ces  derniè- 
res expressions  pouvaient  déplaire  à  son  ad- 
,    versaire,  il  lui  dit  de  les  effacer  aussi  du  livre 

Joan,  IS,  3d. 

Lac.  xTiii  8.  des  Evangiles,  oîi  on  les  lit  plus  d'une  fois, 
il  montre  qu'il  n'avait  pas  mieux  réussi  en 
censurant  ces  autres  paroles  de  la  lettre  de 
saint  Léon  :  «  Chacune  des  deux  natures 
opère  avec  la  participation  de  l'antre,  ce  qui 
lui  est  propre.  »  —  «  Vous  ne  montrerez  ja- 
mais, lui  dit-il,  que  saint  Léon  ait  écrit  qu'un 
certain  homme  a  opéré  :  il  se  sert  toujours 
da  lerme  de  nature ,  en  reconnaissant  deux 
en  Jésus -Christ  et  non  pas  deux  person- 
nes. ))  Pourquoi  donc,  ajoutait  le  calomnia- 
teur, ce  pape  a-t-il  dit  :  «  La  naissance  de 
la  chair  montre  la  nature  humaine  :  l'enfan- 
teiuent  d'une  vierge  montre  la  puissance  di- 
vine. C'est  un  enfant  dans  le  berceau ,  et 
les  anges  le  louent  comme  le  Très-Haut.  Hé- 
rode  veut  le  tuer,  mais  les  mages  viennent 
l'adorer.  »  N'est-ce  pas  là  reconnaître  deux 
Christs?  —  «  Cela  serait  vrai,  répond  Vigile, 
si  saint  Léon  avait  dit  :  autre  est  celui  qui 
est  dans  le  berceau;  autre  celui  qui  est  loué 
par  les  anges.  Mais  ce  père  dit  que  c'est  le 
même  qu'Hérode  veut  tuer,  et  que  les  anges 
viennent  adorer.  Toutes  ces  façons  de  parler 
de  saint  Léon,  sont  pour  montrer  qu'il  y 
avait  en  Jésus-Christ  deux  natures  unies  à 
une  seule  personne.  C'est  cette  unité  de  per- 
sonne qui  lui  fait  dire  que  le  même  qui 
est  vrai  Dieu,  est  aussi  vrai  Homme;  et  que 
quoique  autre  soit  le  sujet  de  la  souffrance 
commune  à  l'un  et  à  l'autre,  et  autre  le  sujet 
de  la  gloire  commune,  néanmoins  ce  qui  est 
propre  à  la  chair,  appartient  au  Verbe,  et  ce 
qui  est  propre  au  Verbe,  appartient  à  la 
chair,  parce  que  Jésus-Christ  est  un  dans  les 
deux  natures  dont  il  est  composé.  »  Vigile 
montre  par  un  exemple  que  saint  Léon  a  pu 
dire  de  Jésus-Chi-ist  qu'il  est  mort  et  qu'il 
est  la  vie,  quoique  ces  deux  choses  soient 
entièrement  opposées.  «N'est-il  ])as  dit  dans 
l'Evangile  :  Ne  craignez  pas  ceux  qui  tuent  le 
corps  et  qui  ne  peuvent  tuer  l'âme.  Il  y  a  donc 
dans  chacun  de  nous  une  nature  mortelle  et 
une  nature  immortelle  différentes  l'une  de 
l'autre.  La  chair  meurt  en  nous,  mais  l'âme 
ne  meurt  pas.  Gomme  donc  ce  n'est  qu'un 
seul  homme  qui  meurt  dans  une  de  ses  par- 
ties et  qui  ne  meurt  pas  dans  l'autre,  de 


même  il  n'y  a  qu'un  Christ,  qui  est  mort 
dans  sa  chair  et  qui  n'est  pas  mort  selon  la 
divinité.  Vigile  rapporte  un  assez  long  pas- 
sage du  livre  que  son  adversaire  avait  com- 
posé contre  le  concile  de  Chalcédoine,  et  fait 
voir  que,  s'il  s'en  tenait  à  cet  écrit,  on  ne 
pourrait  douter  qu'il  ne  fût  dans  des  senti- 
ments catholiques,  puisqu'il  y  reconnaissait 
en  Jésus  -  Christ  deux  natures  subsistantes 
avec  toutes  leurs  propriétés,  sans  que  l'une 
ou  l'autre  de  ces  natures  ait  souffert  de 
changement  dans  leur  union  en  une  seule 
personne  ;  mais  que  ce  qu'il  bâtissait  d'une 
main,  il  le  détruisait  de  l'autre;  qu'ainsi  on 
devait  conclure  que  lui  et  ceux  de  sa  secte 
ne  cherchaient  qu'à  obscurcir  la  vérité  par 
leurs  mensonges,  en  parlant  d'une  manière 
et  en  pensant  d'une  autre;  en  reconnaissant 
dans  leurs  écrits  deux  natures  en  Jésus- 
Christ,  et  en  croyant  au  contraire  qu'il  n'y 
en  a  qu'une.  11  fait  voir  même  qu'ils  n'étaient 
pas  plus  constants  dans  leurs  écrits,  et  qu'a- 
près y  avoir  établi  la  vérité  en  un  endroit, 
ils  la  combattaient  en  d'autres,  et  qu'ils  tom- 
baient dans  l'hérésie  arienne,  en  niant  la 
génération  éternelle  du  Verbe  et  en  mettant 
le  Fils  de  Dieu  au  rang  des  créatures.  «  Ils 
soutenaient  que  les  pères  de  Nicée  n'avaient 
point  distingué  dans  Jésus-Christ  l'humanité, 
selon  laquelle  il  est  moindre  que  son  Père, 
ni  la  divinité,  selon  laqueUe  il  lui  est  égal  ; 
et  qu'ils  s'étaient  contentés  de  dire  qu'il 
était  de  la  même  substance  que  son  Père; 
d'où  les  eutychéens  inféraient  qu'il  n'y  avait 
en  lui  qu'une  seule  nature.  C'était  corrompre 
visiblement  le  sens  du  symbole  de  Nicée. 
Les  pères  qui  le  composèrent,  y  établirent 
premièrement  la  divinité  du  Fils  et  sa  géné- 
ration éternelle;  à  quoi  ils  ajoutèrent  qu'il 
était  descendu  du  ciel  et  s'était  incarné.  Us 
mirent  nettement  une  distinction  entre  la 
substance  du  Fils  de  Dieu  et  son  incarnation. 
Ils  dirent  de  sa  substance,  qu'elle  est  coéter- 
nelle  au  Père,  et  de  son  incarnation,  qu'elle 
s'est  faite  dans  le  temps,  distinguant  par  là 
deux  natures  en  Jésus-Christ,  une  selon  la- 
quelle il  est  né  du  Père  avant  tous  les  siècles , 
l'autre  selon  laquelle  il  est  né  de  la  Vierge -à 
la  fin  des  siècles.  Selon  la  première,  il  est 
coéternel  à  son  Père;  selon  la  seconde,  il  lui 
est  postérieur.  Par  quelle  autorité ,  dit  Vi- 
gile à  son  adversaire,  osez-vous  assurer  que 
l'on  ne  peut  ^trouver  dans  Jésus-Christ  le 
grand  et  le  moindre?  N'a-t-il  pas  dit  lui- 
même  en  un  endroit  :  Mon  Père  est  plus  grand  joau.xiv.s 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  EVÊQUE  DE  TÂPSE. 


[V  SIÈCLE.] 

que  moi;  et  dans  un  autre  :  3Ion  Père  et  moi 
sommes  une  même  chose?))  Les  eutychéens  di- 
saient que  le  Verbe  s'était  rendu  visible  aux 
bommes  dans  sa  propre  nature,  et  non  par 
la  chair  qu'il  avait  prise  dans  le  sein  de  Ma- 
rie :  en  quoi  ils  s'autorisaient  de  ces  paroles 
de  saint  Jean  :  Nous  annonçons  la  parole  de 
vie,  qui  était  dès  le  commencement^  que  nous 
avons  ouïe,  que  nous  avons  vue  de  nos  yeux  et 
que  nous  avons  touchée  de  nos  mains,  u  Si  cela 
est,  leur  demande  Vigile,  comment  sommes- 
nous  obligés  de  croire  que  les  apôtres  eurent 
seuls  le  privilège  de  le  voir  et  de  le  toucher 
après  sa  résurrection,  puisque  les  soldats  qui 
le  crucifièrent  le  touchèrent  et  le  virent  aussi  ? 
Ils  virent  même  le  Père  envoyant  le  Fils, 
selon  ce  que  dit  le  Fils  :  Qui  me  voit,  voit 
aussi  mon  Père.  L'impiété  de  cette  inter- 
prétation doit  faire  donner  un  autre  sens 
aux  paroles  de  saint  Jean  ;  il  y  est  ques- 
tion non  d'une  vue  et  d'un  attouchement 
corporel,  mais  de  la  foi  :  ce  qui  parait 
clairement  par  la  suite  du  discours  :  Nous 
savons  que  lorsque  Jésus -Christ  se  montrera 
dans  sa  gloire,  nous  soyons  semblables  à  lui, 
parce  que  novs  le  verrons  tel  qu'il  est.  Cet  apô- 
tre avait  touché  Jésus-Chi-ist,  il  l'avait  vu. 
Comment  donc  souhaite- t-il  de  le  voir  et 
comment  met-il  sa  félicité  dans  cette  vision. 
Il  ne  dit  pas,  nous  Tavons  vu,  mais,  nous  le 
verrons  tel  qu'il  est.  Il  ne  dit  pas,  il  s'est  déjà 
montré  dans  sa  gloire,  mais,  il  se  montrera. 
Pourquoi  ces  façons  de  parler,  sinon  que  le 
Fils  ne  s'est  point  encore  montré  tel  qu'il  est, 
mais  tel  qu'il  a  été  fait,  c'est-à-dire  comme 
homme;  au  lieu  que  dans  le  siècle  futur,  on 
le  verra  tel  qu'il  est,  même  selon  sa  divinité  ? 
C'est  donc  par  la  foi  et  non  par  les  yeux  du 
corps  que  saint  Jean  dit  qu'il  avait  vu  la  pa- 
role de  vie,  c'est-à-dire  le  Verbe,  qui  était  dès 
le  commencement.  » 

6.  Vigile  ne  doute  pas  que  l'on  ne  doive 
regarder  comme  hérétiques  ceux  qui  reje- 
taient et  méprisaient  les  décrets  du  saint 
concile  de  Chalcédoine,  et  qui  poussaient 
leur  témérité  jusqu'à  accuser  les  évoques 
dont  il  était  composé,  d'avoir  abandonné  la 
foi  catholique.  Les  eutychiens  qui  étaient  de 
ce  nombre,  formaient  contre  ce  concile  trois 
chefs  d'accusation:  le  premier,  d'avoir  reçu 


479 


dans  cette  assemblée  des  évêques  que  l'on 
en  avait  chassés  auparavant;  le  second,  d'a- 
voir ajouté  au  symbole  de  Nicée,  et  le  troi- 
sième ,  d'avoir  fait  un  décret  louchant  les 
deux  natures.  Vigile  emploie  son  cinquième 
livre  à  répondre  à  ces  accusations.  Il  dit  sur 
la  première  qu'il  est  du  chrétien,  et  même 
digne  des  apôtres,  de  recevoir  pour  le  bien 
de  la  paix  et  de  la  concorde,  ceux  que  l'on 
avait  contraint  de  sortir,  peut-être  à  cause  de 
leur  opiniâtreté  dans  quelque  sentiment. 
Saint  Paul,  qui  avait  refusé  de  prendre  avec 
lui  Jean-Marc,  quoique  saint  Barnabe  l'en 
priât,  ne  le  prit-il  pas  depuis,  considérant 
qu'il  pouvait  beaucoup  lui  servir  pour  le  mi- 
nistère de  l'Evangile?  Sur  le  second  chef 
d'accusation.  Vigile  dit  aux  eutychiens  qu'ils 
ne  savent  point  la  règle  et  la  coutume  des 
conciles  catholiques  ',  qui  est  de  faire  des 
décrets  à  mesure  que  la  nécessité  des  nou- 
veaux hérétiques  les  y  oblige,  mais  sans 
toucher  à  ce  que  des  conciles  plus  anciens 
auraient  déjà  fait  contre  les  hérétiques  de 
leur  temps.  Si,  après  les  décrets  du  concile 
de  Nicée,  il  n'est  plus  permis  de  rien  recevoir, 
par  quelle  autorité  osons-nous  assurer  que 
le  Saint-Esprit  est  de  la  même  substance  que 
le  Père,  puisqu'il  n'en  est  rien  dit  dans  ce 
concile?  Saint  Athanase,  saint  Eusèbe  de 
Verceil  et  plusieurs  autres,  assemblés  à 
Alexandrie  au  retour  de  leur  exil,  n'y  com- 
posèrent-ils pas  une  règle  de  foi  où  ils  éta- 
blissaient la  divinité  du  Saint-Esprit  contre  • 
l'hérésie  de  Macédonius?  Vigile  allègue  en- 
core ce  qui  se  fit  dans  le  concile  d'Ancyre 
contre  la  formule  de  Sirmium  ;  dans  celui  de 
Sardique  et  dans  celui  de  Sirmium  contre 
Photin;  mais  il  n'est  pas  exact  dans  ce  qu'il 
rapporte  de  ces  deux  derniers  conciles.  A 
l'égard  de  la  question  touchant  les  deux  na- 
tures, on  ne  pouvait  pas  accuser  de  nou- 
veauté les  pères  de  Chalcédoine,  pour  l'avoir 
agitée,  mains  encore  pour  en  avoir  pris  la 
matière  d'un  de  leurs  décrets.  La  doctrine 
de  l'Eglise  sur  ce  point  se  trouve  bien  éta- 
blie, non-seulement  dans  les  saints  pères  qui 
ont  précédé  ce  concile ,  comme  saint  Atha- 
nase, saint  Hilaire,  saint  Chrysostôme,  saint 
Ambroise,  saint  Basile  et  saint  Augustin, 
mais  encore  dans  les  divines  Ecritures.  Pour 


Act.  X7,  37. 


IITim.  17, 


1  Deinde  alia  nova  quam  quœ  concilio  Nicœno  sta- 
tula  fuerant  Chalcedonensem  synodum  decrevisse  cri- 
minantur  ;  nescienies  regulam  et  consuetudinem  con- 
ciliorum  caiholicorum, sic  poslerioribus conciliis,  proul 


nécessitas  emergentium  hœreticorum  exegerii,  sandre 
décréta  :  ut  lamen  invicta  maneant  quœ  dudum  anti- 
quiorihus  conciliis  contra  veteres  hœreticos  fuerint 
promulgata.  Vigil.,  lib.  V,  pag.  57. 


480 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


renverser  la  foi  de  l'Eglise  sur  ce  sujet,  les 
eutychiens  objectaient  qu'il  n'y  avait  point 
de  nature  qui  n'eût  une  personne  propre,  ni 
de  personne  qui  n'eût  une  nature  propre.  Ils 
mettaient  cette  alternative  pour  embarras- 
ser les  catholiques  qui,  admettant  en  Jésus- 
Christ  deux  natures,  se  trouvaient  engagés 
par  ce  faux  raisonnement  à  admettre  aussi 
deux  personnes  en  Jésus-Christ.  Vigile  leur 
demande  des  exemples  de  ce  qu'ils  allé- 
guaient, et  parce  qu'ils  n'en  pouvaient  don- 
ner, il  les  presse  de  répondre  à  cette  ques- 
tion des  ariens  :  si  chaque  nature  a  sa  pro- 
^  pre  personne,  et  chaque  personne  sa  propre 
nature,  comment  n'y  a-t-il  pas  dans  la  Tri- 
nité trois  natures  comme  il  y  a  trois  person- 
nes? S'il  y  a  trois  personnes  et  une  seule  na- 
ture, ce  que  disent  les  eutychiens  est  donc 
faux,  que  chaque  personne  doit  avoir  sa  pro- 
pre nature.  Il  n'y  a  dans  l'homme  même 
qu'une  seule  et  même  personne,  quoique  la 
nature  de  son  âme  soit  autre  que  la  nature 
de  son  corps.  L'exemple  de  l'homme  fournit 
encore  à  Vigile  une  réponse  à  ceux  qui  ne 
voulaient  point  reconnaître  en  Jésus-Christ 
la  propriété  des  natures.  «  Autre  est,  dit-il, 
d'avoir  un  commencement  et  de  n'en  point 
avoir,  de  pouvoir  mourir  et  d'être  immortel. 
Ces  deux  choses  néanmoins  sont  propres  à 
Jésus-Christ,  mais  à  différents  égards  :  il  est 
mortel  à  cause  de  la  nature  de  la  chair  :  il 
est  immortel  à  cause  de  la  nature  du  Verbe. 
L'homme,  à  cause  de  son  corps,  peut  con- 
server les  vestiges  des  coups  de  fouets,  mais 
il  ne  peut  les  garder  dans  son  âme.  Ces  deux 
choses  lui  sont  propres,  mais  sous  différents 
aspects,  à  cause  de  la  ditïérence  des  natures 
dont  il  est  composé.  »  Vigile  fait  voir  par  un 
grand  nombre  de  passages  de  l'Ecriture,  ti- 
rés de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament , 
l'exrstence  des  deux  natures  en  Jésus-Christ; 
mais  il  montre  en  même  temps  que  les  pro- 
priétés d'une  nature  ne  peuvent  point  se  dire 
des  propriétés  de  l'autre,  quoiqu'elles  se  di- 
sent toutes  de  Jésus-Christ,  à  raison  de  l'unité 
depei'sonne;  qu'ainsi  Tonne  peut  point  rap- 
porter aux  propriétés  de  la  nature  du  Verbe, 
les  propriétés  de  la  chair, ni  aux  propriétés 
de  la  chair,  celles  de  la  nature  du  Verbe. 
Les  eutychiens  disaient  qu'il  n'y  avait  au- 
cun inconvénient  que  le  Fils  de  Dieu  souffrît 
dans  sa  nature  divine  pour  nous  racheter. 
Vigile  leur  demande  pourquoi  donc  il  a  voulu 
naître  d'une  Vierge?  «  C'est  en  cela,  dit-il, 
que  sa  charité  a  paru  d'autant  plus  grande, 


que  sa  mort  étant  nécessaire  pour  nous  ra- 
cheter, et  ne  pouvant  la  souffrir  dans  sa  pro- 
pre nature,  il  a  pris  la  nôtre  pour  accomplir 
l'ouvrage  de  notre  salut.  »  Il  accorde  pour 
un  moment  à  ces  hérétiques ,  que  le  Fils  de 
Dieu  ait  pu  souffrir  dans  sa  nature;  mais  il 
soutient  qu'ils  ne  pourront  inférer  de  là  l'u- 
nité de  nature  en  Jésus-Christ.  En  effet,  il 
est  dit  de  lui  que  parce  qu'il  s'était  rabaissé 
jusqu'à  la  mort  de  la  croix,  Dieu  l'a  élevé  à 
une  souveraine  grandeur  et  lui  a  donné  un  nom 
qui  est  au-dessus  de  tous  les  noms.  Ces  expres- 
sions doivent-elles  s'entendre  delà  nature  du 
Verbe  ?  Y  a-t-il  eu  un  temps  où  il  n'ait  pas 
eu  un  nom  au-dessus  de  tous  les  noms?  A-t-il 
pu  mériter  par  ses  œuvres  une  grandeur 
qu'il  n'aurait  pas  eue  auparavant?  Ces  paro- 
les de  l'apôtre  ne  peuvent  s'expliquer  que  de 
Jésus-Christ  comme  homme.  Vigile  passe 
ensuite  à  ce  que  son  adversaire  objectait 
contre  le  concile  de  Chalcédoine.  Les  évo- 
ques, après  avoir  rapporté  tout  au  long  le 
symbole  de  Nicée  et  celui  de  Constantinople, 
ajoutaient  :  «  Ce  symbole  suffisait  pour  la 
connaissance  parfaite  de  la  religion  :  car  il 
enseigne  tout  ce  que  l'on  doit  croire  tou- 
chant le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  et 
l'incarnation  de  Notre-Seigueur.  »  Cet  ad- 
versaire, voyant  que  les  pères  de  ce  concile, 
après  avoir  pai-lé  des  trois  personnes  de  la 
Trinité,  ajoutaient  un  article  touchant  l'in- 
carnation de  Notre -Seigneur,  les  accusait 
d'avoir  ajouté  comme  un  quatrième  à  la  Tri- 
nité. Il  aurait  voulu  qu'ils  se  fussent  expri- 
més ainsi  :  «  Ce  symbole  enseigne  pleine- 
ment ce  que  l'on  doit  croire  du  Père,  du  Fils 
et  du  Saint-Esprit,  de  son  incarnation.  »  — 
«  S'ils  eussent  parlé  de  la  sorte,  répond  Vigile, 
ils  eussent  laissé  les  fidèles  incertains  sur 
laquelle  des  trois  personnes  devait  tomber 
l'incarnation,  ou  du  moins  l'on  aurait  pu 
croire  qu'elle  regardait  le  Saint-Esprit,  qui 
est  nommé  immédiatement  avant  le  terme 
d'incarnation.  Ce  fut  donc  pour  éviter  cette 
équivoque  que  les  évêques  de  Chalcédoine, 
après  avoir  parlé  des  personnes  de  la  Tri- 
nité, marquèrent  par  un  article  séparé  que 
c'était  le  Fils  qui  s'était  incarné.  On  voit  une 
semblable  précaution  dans  le  commencement 
de  l'épître  aux  Romains.  Saint  Paul,  crai- 
gnant que  ce  qu'il  y  disait  de  la  résurrection, 
ne  s'entendît  du  Saint-Esprit,  répète  le  nom 
de  Jésus-Christ,  afin  d'ôter  toute  équivoque.» 
Aux  passages  de  l'Ecritm'e  qui  étabhssent 
les  deux  natures  en  Jésus-Christ,  Vigile  en 


Rom.  I,  1. 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  ÉVÊQUE  DE  TAPSE. 


,  p.  »4 


[V=  SIÈCLE.] 

ajoute  un  grand  nombre  tirés  des  anciens 
pères  de  l'Eglise,  nommément  de  saint  Cy- 
rille d'Alexandrie,  de  saint  Léon,  de  saint 
Hiiaire,  de  saint  Chrysostôme,  de  saint  Au- 
gustin et  de  saint  Basile.  Il  finit  cet  ouvrage 
en  rendant  gloire  à  Dieu  de  ce  qu'il  pouvait 
y  avoir  de  bon,  et  en  demandant  pardon  à 
ses  lecteurs,  des  fautes  qu'il  pouvait  y  avoir 
faites.  Il  témoigne  qu'il  ne  l'avait  entrepris  ' 
qu'à  la  prière  de  ses  saints  frères,  et  dans  la 
confiance  au  secours  de  Notre-Seigneur  Jé- 
sus-Christ. 

7.  On  trouve  parmi  les  œuvres  faussement 
attribuées  à  saint  Athanase,  une  Dispute  sous 
son  noTa  contre  Arius .  Mais  dès  1535,  George 
Cassandre  l'a  restituée  à  Vigile  de  Tapse 
dans  l'édition  qu'il  en  fit  à  Cologne;  en  quoi 
il  a  été  suivi  par  le  père  CbiflQet,  appuyés 
l'un  et  l'autre  sur  le  témoignage  même  de 
Vigile  -,  qui,  dans  son  cinquième  livre  conf?'e 
Eutychès,  reconnaît  qu'il  avait  composé  des 
livres  contre  Sabellius,  Photin  et  Arius,  sous 
le  nom  de  saint  Athanase,  et  qu'il  les  avait 
écrits  en  forme  de  conférence  et  de  dispute, 
où  Athanase  et  Arius  défendaient  chacun  la 
cause  de  leur  patrie  en  présence  d'un  juge 
nommé  Probe.  Nous  avons  deux  exemplaires 
ou  deux  éditions  de  cet  ouvrage,  très-diffé- 
rentes l'une  de  l'autre.  Dans  la  première, 
Athanase  parle  seul  avec  Arius.  Dans  la  se- 
conde, Sabelhus  y  fait  aussi  son  personnage, 
et  défend  les*  erreurs  de  sa-  secte.  La  pre- 
mière est  précédée  d'un  prologue,  où  l'on 
voit  un  précis  de  ce  qui  s'est  passé  dans  l'E- 
glise au  sujet  de  l'hérésie  arienue,  sous  l'em- 
pire de  Constantin  et  de  son  fils  Constance. 
On  y  trouve  aussi  une  lettre  qu'on  suppose 
avoir  été  écrite  par  Constantin  à  Probe  pour 
juger  du  difierend  entre  Athanase  et  Arius. 
A  la  tête  de  la  seconde  sont  deux  préfaces, 
dont  l'une  est  une  lettre  à  Materne  qualifié 
pape,  où  l'auteur  suppose  que  la  conférence 


481 


a  été  véritablement  tenue  entre  Arius  et 
Athanase.  Il  reconnaît  au  contraire  dans  la 
seconde  qu'il  a  feint  cette  conférence  pour 
exprimer  ses  pensées  avec  plus  de  netteté 
et  d'agrément.  Outre  que  cette  seconde  édi- 
tion est  beaucoup  plus  ample  que  la  pre-" 
mière,  et  que  Sabellius  et  Photin  y  parais- 
sent pour  la  défense  de  leur  doctrine,  on  y 
a  joint  la  sentence  prononcée  par  Probe, 
parties  ouïes  :  elle  forme  un  troisième  livre  ; 
les  deux  autres  font  la  première  et  seconde 
séance  de  la  conférence.  Le  père  ChifElet 
conjecture  que  ces  deux  éditions  sont  de  Vi- 
gile, et  qu'il  composa  la  première  lorsqu'il 
était  encore  en  Afrique,  sous  la  domination 
des  Vandales,  «  ce  qui  l'empêcha,  dit-il,  de 
s'en  avouer  auteur  ;  »  et  qu'il  fit  la  seconde 
en  Orient,  où  étant  en  plus  grande  liberté,  il 
retoucha  non-seulement  la  première  et  l'aug- 
menta de  beaucoup  ,  mais  avoua  encore , 
qu'il  avait  faussement  pris  dans  sa  première 
le  nom  d' Athanase,  et  qu'il  avait  encore  écrit 
d'autres  livres  contre  Maribade  ou  Varibade 
et  contre  Pallade,tous  deux  partisans  de  l'a- 
rianisme.  Mais  ce  ne  sont  que  des  conjectu- 
res, et  il  faut  convenir  qu'on  ne  sait  pas  bien 
d'où  vient  la  grande  différence  qu'il  y  a  en- 
tre ces  deux  éditions.  Le  plus  fort  de  la  dis- 
pute entre  Athanase  et  Arius,  dans  l'une  et 
dans  l'autre  de  ces  éditions,  roule  sur  la  nou- 
veauté des  termes  employés  dans  les  profes- 
sions de  foi,  particuhèrement  sur  le  terme 
de  consubstantiel,  inséré  dans  le  symbole  de 
Nicée.  Arius  en  fait  son  grand  argument, 
soutenant  que  ce  terme  ne  se  trouvant  pas 
dans  les  divines  Ecritures,  il  ne  devait  pas 
être  employé  dans  une  formule  de  foi.  Atha- 
nase soutient,  au  contraire,  que  la  doctrine 
que  ce  mot  renferme,  étant  aussi  ancienne 
que  les  apôtres,  il  ne  devait  pas  paraître 
nouveau.  Il  ajoute  qu'il  avait  toujours  été 
d'usage  dans  TEglise  ^  de  changer  les  noms 


•  Quœ  quoniam  simplicioribus  quibusque  nonnullum 
videntur  dubietatis  scrupulum  excitare  ;  idcirco  ea 
hortatu  sanctorum  fratrum,  in  adjutorio  Domini  Dei 
nostri ,  consideranda  et  refutanda  suscepi.  Vig.  , 
lib.  IV,  pag.  34. 

2  Et  quanquam  de  conciliorum  diversis  sanotionibus 
et  nominum  religiose  addiiis  novitatibus ,  plenissime 
in  eis  libris  qiios  adversus  Sahellium ,  P/iotinum  et 
Arianum  sub  nomine  Athanasii,  tanquam  si  prœsenies 
cum  prœsentibus  agerent  ;  ubi  etium  cognitoris  per- 
sona  videtur  inducla  ,  conscripsimus  ;  a  nobis  fuerit 
expressum.  Vigil.,  lib.  V  cont.  Eulyc,  pag.  58. 

3  Ecclesiœ  semper  morù  est  disciplinœ ,  si  quando 
hœreticorum  nova  docirina  exsurgil,contra  insolentes 
quœstionum  novilates  rehus  immutabil iter  permanen- 


tibus  nominum  vocabula  immuiare  et  significantius 
rertim  naturas  exprimere...  In  ipso  prœdicationis 
christianœ  religionis  initia ,  omnes  qui  credebant  Do- 
mino nostro  Jesu  Cliristo,  non  chrisiiani  sed  discipuli 
tantwnmodo  nominabantur  :  et  quia  multi  novorum 
dogmatum  auctores  exstiterunt  doctrines  obviantes 
aposlolicœ,  omnesque  seciatores  suos  discipulos  nomi- 
nabuni  ;  tune  apostoli  coywenientes  Antiochiam  omnes 
discipulos  novo  nomine,  id  est  christianos  appellaruni, 
discenwntes  eos  a  communi  falsorum  discipulorum 
vocabulo.  Hanc  ergo  ab  apostolis  traditam  in  novis 
ulendo  nominibus  formam  Ecclesia  retinens  contra 
diverses  hœreticos,  ut  sana  fidei  ratio  postulabat,  di- 
versas  edidit  nominum  novilates.  Vigil.,  lib.  II  Dial. 
cont.  Arian.,  pag.  94,  96. 

31 


482 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


et  les  termes  pour  mieux  exprimer  la  nature 
des  choses,  lorsque  la  naissance  de  quelque 
hérésie  le  demandait,  sans  toucher  néan- 
moins aux  choses  signifiées  par  ces  termes. 
»  Dans  les  commencements  de  l'établissement 
de  l'Evangile,  dit-il,  tous  ceux  qui  ci'oyaient 
en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ne  se  nom- 
maient pas  chrétiens,  on  leur  donnait  le  nom 
de  disciples  ;  et  ce  nom  était  commun  tant 
aux  disciples  des  apôtres,  qu'à  ceux  qui  s'é- 
taient attachés  à  certains  novateurs,  comme 
à  Dosithée  et  à  Théodas.  Mais  lorsque  les 
apôtres  s'assemblèrent  à  Antioche,  ils  con- 
vinrent entre  eux,  qu'ils  appelleraient  à  l'a- 
venir leurs  disciples  du  nom  de  chrétiens, 
pour  les  distinguer  de  ceux  qui  s'attachaient 
à  de  faux  apôtres.  L'Eglise  a  imité  la  con- 
duite des  apôtres  dans  les  siècles  suivants, 
mettant  en  usage,  pour  marquer  mieux  sa 
croyance,  des  termes  qui  n'y  avaient  point 
encore  été.  Elle  a  donné  au  Père  le  nouveau 
nom  à'innascible  et  de  non  engendré,  pour 
s'opposer  à  l'hérésie  de  Sabellius,  qui  avait 
avancé  que  le  Père  était  né  de  la  Vierge  : 
ces  termes  néanmoins  ne  se  lisent  pas  dans 
l'Ecrilure.  Les  ariens  eux-mêmes  dans  leurs 
professions  de  foi,  disaient  que  le  Père  est 
impassible,  que  le  Fils  est  Dieu  de  Dieu,  lu- 
mière de  lumière,  termes  inconnus  aux  pro- 
phètes et  aux  apôtres,  et  dont  aucun  n'est 
employé  dans  le  symbole  qu'ils  nous  ont 
donné.  Les  sabelliens  et  les  photiniens  qui 
trouvaient  leur  hérésie  détruite  dans  ces  for- 
mules ariennes,  ne  pouvaient-ils  pas  dire  à 
leurs  auteurs,  comme  ils  disaient  eux-mê- 
mes aux  catholiques?  Pourquoi  vous  servez- 
vous  de  termes  dont  les  divines  Ecritures  ne 
se  servent  pas?  Eunomius  qui  soutenait  le 
Fils  dissemblable  au  Père,  pouvait  encore 
demander  aux  ariens^  par  quelle  autorité  ils 
avaient  dit  dans  des  professions  de  i'oi  faites 
en  plusieurs  de  leurs  conciles,  que  le  Fils  est 
semblable  au  Père ,  vu  que  ni  le  Père  ni  le 
Fils  n'ont  point  usé  de  ce  terme.  »  La  consé- 
quence que  Vigile  tire  de  ce  raisonnement, 
est  que  les  ariens  ne  pouvaient  disconvenir 
que  l'Eglise  ne  puisse  mettre  en  usage  de 
nouveaux  termes  propres ,  non-seulement 
pour  exprimer  clairement  sa  doctrine,  mais 
encore  pour  éluder  tous  les  subterfuges  des 
hérétiques,  lorsque  la  nécessité  ou  l'utilité 
de  la  foi  l'exige;  qu'ainsi  elle  a  été  en  pou- 
voir d'insérer  dans  le  symbole  le  mot  de  cou- 
substantiel,  pour  marquer  que  le  Fils  est  de 
la  même  substance  que  le  Père. 


8.  Après  la  Conférence  d'Athanase  avec 
Arius,  Sabellius  et  Photin,  on  trouve  dans 
l'édition  du  père  ChifHet,  douze  livres  sur  la 
Trinité,  qu'il  croit  être  de  Vigile  de  Tapse. 
Les  huit  premiers  ont  souvent  été  imprimés 
sous  le  nom  de  saint  Athanase;  mais  le  style 
fait  voir  qu'ils  ont  été  écrits  originairement 
en  latin  ;  on  y  voit  d'ailleurs  un  grand  nom- 
bre de  façons  de  parler,  que  ce  Père  n'em- 
ploie jamais;  ils  ne  lui  sont  attribués  par  au- 
cun ancien  écrivain,  et  on  ne  connaît  point 
de  manuscrits'  grecs  des  œuvres  de  ce  Père, 
où  il  en  soit  même  fait  mention.  Le  neu- 
vième livre  n'a  aucune  haison  avec  les  pré- 
cédents, c'est  une  profession  de  foi  qui  com- 
mence par  ces  paroles  :  «  Je  crois  en  Dieu 
le  Père  tout-puissant.  »  Le  dixième  est  une 
exposition  de  la  foi  catholique.  Le  onzième 
renferme  la  profession  de  foi  des  ariens  et 
celle  de  saint  Athanase.  Le  douzième  traite 
de  la  Trinité;,  et  du  Saint-Espi'it.  Les  raisons 
du  père  Chifflet  pour  donner  ces  douze  livres 
à  Vigile  de  Tapse  ,  sont  :  Premièrement , 
Que  dans  les  manuscrits  ils  sont  joints  à  la 
Conférence  ou  à  la  Dispute  contre  Arius,  Sa- 
bellius et  Photin,  qu'on  ne  doute  point  être 
de  Vigile.  Deuxièmement ,  que  Vigile,  dans 
la  préface  de  ses  hvres  contre  Varimade,  dit 
qu'étant  à  Naples,  dans  la  Campanie,  un 
homme  de  piété  lui  avait  donné  quelques 
propositions  de  ce  Varimade,  et  qu'il  y  avait 
répondu  par  un  autre  ouvrage  sur  l'Unité  de 
la  Trinité,  divisé  en  plusieurs  livres.  La  pre- 
mière de  ces  raisons  n'est  pas  convaincante. 
On  sait  que  les  copistes  ont  coutume  de 
joindre  dans  un  même  recueil  différentes 
pièces;  qu'ils  s'attachent  néanmoins  à  mettre 
ensemble  celles  qui  portent  le  même  nom  : 
ce  qui  est  arrivé  en  cette  occasion  :  car  la 
Dispute  contre  Arius,  Sabellius  et  Photin,  avait 
en  titre  le  nom  de  saint  Athanase,  de  même 
que  les  huit  livres  de  la  Trinité.  La  seconde 
serait  sans  réplique,  s'il  était  constant  que 
les  trois  livres  contre  Varimade,  fussent  de 
Vigile  de  Tapse.  Ce  qui  paraît  le  prouver, 
c'est  que  Vigile,  dans  sa  Dispute  contre  Arius, 
Sabellius  et  Photin,  dit  qu'il  avait  fait  un  écrit 
contre  Maribade,  diacre  arien,  et  il  en  cite  un 
long  passage  où  il  s'en  trouve  quatre  des 
Epîtres  de  saint  Paul  '.  Le  père  Chifflet 
prétend  que  Maribade  et  Varimade  ne  sont 
qu'un  même  nom  changé  ou  par  l'erreur  des 
copistes,  ou  à  dessein  par  Vigile  :  cela  peut 

»  VigiL,  lib.  ir,  pag.  183. 


Douze  1 
vres     sur 
Tnn'.té,  Jitt 
buéijs    à    \ 
gile.pag.  «J 


fl 


[y  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XXXI.  —  VIGILE,  ÉVÈQUE  DE  ÏAPSE. 


483 


être,  mais  on  ne  trouve  point  dans  les  livres 
contre  Varimade  le  passage  que  Vigile  ci  le 
de  son  écrit  contre  Maribade.  Ce  sont  donc 
deux  ouvrages  tout  différents,  et  dès  lors  le 
témoignage  allégué  de  la  préface  des  trois 
livres  contre  Varimade,  pour  donner  à  Vigile 
les  douze  livres  sur  la  Trinité,  n'a  plus  au- 
cune force.  Le  père  Chifflet  s'est  efforcé  de 
trouver  le  passage  rapporté  dans  la  Dispute 
contre  Arius  ',  dans  les  livres  de  la  Trinité, 
et  dans  d'autres;  mais  il  n'y  a  pas  réussi,  et 
d'ailleurs  il  n'était  pas  question  de  cela.  11 
fallait  le  trouver  dans  les  livres  contre  Vari- 
made :  ce  qu'il  n'a  pu  faire.  Il  aurait  dû  s'é- 
pargner ce  travail  inutile,  en  disant  que  le 
passage  cité  des  livres  contre  Varimade  en  a 
été  retranché.  C'est  la  solution  la  plus  aisée, 
elle  ne  paraîtra  pas  sans  fondement,  quand 
on  se  souviendra  que  l'on  a  aussi  retranché 
du  premier  livre  de  Vigile  contre  les  Euty- 
chéens,  plusieurs  passages  des  pères  grecs, 
qu'il  promet  à  la  fin  de  ce  hvre,  et  qu'il  sup- 
pose à  la  fin  du  second,  avoir  donnés.  Dans 
cette  supposition,  il  faut  le  reconnaître  au- 
teur des  livres  szM- fa  Trinité,  particulièrement 
des  huit  premiers  qui  font  un  ouvrage  suivi. 
Il  faudra  encore  lui  attribuer  le  livre  de  l'U- 
nité de  la  Trinité  contre  les  ariens,  et  qui  est 
en  forme  de  dialogue  entre  Félicien  arien, 
et  saint  Augustin  ^.  Car  il  se  l'attribue  lui- 
même  dans  la  préface  des  livres  contre  Vari- 
made, et  on  le  trouve  sous  le  nom  de  Vigile 
de  Tapse,  dans  un  manuscrit  de  Dijon  de 
près  de  huit  cents  ans  ^. 

9.  Il  est  vrai  que  les  livres  contre  Varimade 
portent  le  nom  d'Idacius  Clarus.  On  connaît 
deux  écrivains  du  nom  d'idace  :  le  premier, 
qui  florissait  sous  les  règnes  du  Grand  Théo- 
dose et  de  Valenlinien,  est  surnommé  Clarus 
dans  Isidore  de  Séville,  qui  lui  attribue  un 
traité  en  forme  d'apologie  contre  les  priscil- 
lianistes  *.  Mais  il  ne  peut  être  auteur  des 
trois  livres  contre  Varimade,  qui  n'ont  été 
écrits  que  dans  le  temps  que  les  ariens  met- 
taient leur  confiance  ^,  non  en  la  puissance 
de  Dieu,  mais  en  la  force  orgueilleuse  des 
rois  infidèles,  c'est-à-dire  d'Hunéric,  qui  ne 
régna  que  plus  de  soixante  ans  après  le 
Grand  Théodose.  L'autre  Idace  fut  fait  évê- 
que  de  Chiaves  dans  la  GaHce,  vers  l'an  427. 
Nous  avons  de  lui  une  Chronique  qu'il  con- 
duit jusqu'à  la  troisième  année  d'Anthémius, 


qui  est  la  quatre  cent  soixante-neuvième  de 
Jésus-Christ.  On  ne  sait  point  qu'il  ait  vécu 
plus  longtemps,  et  les  anciens  qui  parlent 
de  lui,  ne  lui  donnent  point  d'autres  ouvra- 
ges que  sa  Chronique.  D'ailleurs  il  n'est  sur- 
nommé nulle  part  Clarus.  Cela' n'est  dit  que 
de  l'ancien  Idace,  qui  écrivait  sous  ïhéo- 
dose-le-Grand.  Il  ne  servirait  de  rien  d'ob- 
jecter, que  Vigile  n'avait  ni  l'un  ni  l'autre 
de  ces  noms  :  c'est  une  chose  convenue, 
qu'il  avait  coutume  de  cacher  son  nom  et  de 
prendre  ceux  des  personnes  qui  avaient  vécu 
avec  réputation  de  savoir  dans  l'Eglise.  Vi- 
gile n'avait  d'abord  composé  qu'un  écrit 
contre  Varimade,  s'étant  engagé  à  ce  travail 
parles  instances  que  lui  en  avait  faites  quel- 
que personne  de  piété.  Il  en  fit  depuis  un 
second,  où,  en  faveur  des  simples  fidèles,  il 
répond  aux  chicanes  des  ariens,  qui  se  plai- 
gnaient qu'on  les  attaquait  par  des  paroles 
et  des  raisonnements  humains,  et  qui  de- 
mandaient qu'on  les  combattît  plutôt  par  des 
passages  de  l'Ecriture.  C'est  pour  cela  que 
tout  l'ouvrage  contre  Farwnarfe,  n'est  presque 
qu'un  recueil  de  passages  de  l'Ecriture,  ré- 
duits sous  certains  titres.  Ils  sont  en  forme 
de  demandes  et  de  réponses  ;  mais  c'est  tou- 
jours l'auteur  qui  propose  les  difficultés  et 
qui  y  répond  :  il  n'emprunte  le  personnage 
de  personne.  Dans  le  premier  livre,  il  pro- 
pose et  résout  les  objections  de  Varimade 
contre  la  Trinité,  et  surtout  contre  la  divinité 
du  Verbe.  Il  fait  la  même  chose  dans  le  se- 
cond, par  rapport  à  ce  que  le  même  Vari- 
made objectait  contre  la  divinité  du  Saint- 
Esprit.  Le  troisième  hvre  est  employé  à 
prouver  par  l'autorité  des  Ecritures ,  tous 
les  articles  de  la  foi  catholique  sur  la  Tri- 
nité, 

10.  Vigile,  après  avoir  fait  dire,  dans  la  se-  r.iïrecontro 
conde  édition  de  sa  Conférence  d'Athanase  ^ ,  ^^aè'qaà  J*- 
qu'il  ne  répondait  qu'en  un  mot  à  Arius,  [rfbaéî'àvi- 
parce  que  le  bienheureux  Ambroise  avait  '"'°'  '"'''•  "'' 
parlé  plus  amplement  de  toutes  ces  choses 
dans  ses  écrits  sur  la  foi ,  c'est-à-dire  dans 
les  cinq  livres  qu'il  écrivit  sur  cette  matière, 
à  la  prière  de  l'empereur  Gratien,  ajoute  que 
Pallade,  évêque  de  la  perfidie  arienne,  avait 
fait  un  écrit  pour  réfuter  ce  saint  évêque 
«  qui,  comme  je  le  crois,  dit  Vigile,  était 
déjà  mort.  Pallade,  continue  cet  auteur,  avait 
prévenu  tout  ce  qu'Arius  pourrait  objecter 


fit  seq. 
Pliilip.  II,  8. 


»  Chiffl.,  in  not.,  pag.  66,  67.-2  Vigil.,  pag.  331. 
3  ïom.  II,  pag.  668.  —  '  Isid.,  de  Sci-ipt.  ecdes., 


cap.  II.  —  5  Vigil., 
"  Vigil.,  pag.  187. 


prœf.   in    Varim.,   pag.   358.  — 


484 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


contre  la  foi.  Et  comme  j'ai  déjà  répondu  à 
Pallade  par  un  livre ,  il  vaut  mieux  me  con- 
tenter d'y  avoir  expliqué,  avec  le  secours  de 
la  grâce,  ce  que  j'omettrai  ici,  afin  qu'Arius 
se  voie  aussi  vaincu  dans  Pallade.»  On  voit, 
par  ces  paroles ,  que  Vigile  avait  fait  un  ou- 
vrage pour  réfuter  celui  de  Pallade  contre 
saint  Ambroise.  Nous  n'avons  plus  cet  écrit 
de  Vigile;  mais  le  père  Chifllet  prétend,  sans 
en  donner  de  bonnes  raisons,  que  les  actes 
du  concile  d'Aquilée,  que  nous  avons  parmi 
]es  Lettres  de  saint  Ambroise  et  dans  les  Col- 
lection des  conciles,  depuis  celles  de  Merlin 
en  1S35  et  celles  de  Grabbe  en  1538,  font  une 
partie  de  l'ouvrage  de  Vigile,  et  que  l'autre 
partie  est  un  traité  attribué  à  saint  Ambroise 
sous  le  titre  :  De  la  Çonsubstantialité  et  de  la 
divinité  du  Verbe.  C'est  sur  ce  principe  qu'il 
a  mis  cet  ouvrage  dans  le  recueil  de  ceux 
qu'il  croit  être  de  Vigile.  Mais  on  ne  doute 
plus  que  la  première  partie  ne  renferme  les 
vrais  actes  du  concile  d'Aquilée  en  381  S  et 
que  la  seconde  ne  soit  le  livre  de  la  Foi  de 
saint  Grégoire  d'Elvire,  dont  on  a  fait  quel- 
quefois la  quarante-neuvième  oraison  de  saint 
Grégoire  de  Nazianze.  Il  est  du  moins  certain 
que  ce  traité  ne  peut  être  de  Vigile  ^,  puisqu'il 
a  été  cité  par  saint  Augustin  3.  Il  y  a  moins 
de  difficulté  à  donner  à  Vigile  les  solutions  de 
quelques  objections  des  ariens,  que  le  père 
Chifllet  a  trouvées  jointes  à  la  première  édi- 
tion de  sa  Conférence  contre  les  ariens ,  dans 
quatre  manuscrits;  elles  sont  assez  de  son 
style.  On  les  trouve  encore  dans  une  autre 
conférence,  où  l'on  introduit  saint  Augustin 
avec  Pascentius,  arien.  Elle  est  imprimée 
dans  l'Appendice  du  'tome  II  des  œuvres  de 
ce  père  ,  et  rejetée  comme  supposée ,  parce 
qu'on  n'y  trouve  ni  la  solidité  des  raisonne- 
ments de  ce  père,  ni  les  emportements  de 
Pascentius;  que  d'ailleurs  celui-ci  ne  voulut 
jamais  permettre  que  l'on  écrivît  ce  qui  se 
dirait  dans  leur  conférence;  enfin  que  Pos- 
sidius  ne  parle  que  d'une  conférence  avec 
Pascentius,  au  lieu  que  l'auteur  de  l'écrit, 
dont  nous  parlons,  suppose  qu'il  y  en  avait 
déjà  eu  une  précédente.  Cassiodore  attribue 
à  Vigile,  évoque  d'Afrique*,  un  discours  fort 
ample  et  très-exact  sur  les  mille  ans  dont  il 
est  parlé  dans  l'Apocalypse.  C'est  tout  ce  que 
nous  savons  de  cet  écrit.  On  attribue  aussi 


•  Tom.  V,  pag.  658.  —  '^  Tom.  VI,  pag.  59. 
s  Aug.,  Epist.  148,  tom.  Il,  pag.  500. 
'  Cassiod.,  Institut,  divin.,  cap.  TX. 


communément  à  Vigile  de  Tapse  le  symbole 
qui  porte  le  nom  de  saint  Athanase. 

11.  Les  raisons  que  l'on  en  donne  sont  :      Losymbuio 
Premièrement,  que  ce  symbole  a  été  fait  ex-  nase    varai'i 

,  .  ,  ,        .  cire    de     Vi- 

pressement  contre  les  ariens ,  les  nestoriens  gi'e. 
et  les  eutychéens.  Or,  Vigile  a  non-seulement 
écrit  contre  tous  ces  hérétiques,  mais  il  s'est 
encore  servi  d'expressions  qui  sont  employées 
àpeuprèsdanslesmêmestermes  dans  ce  sym- 
bole. Pour  montrer,-  dans  son  livre  cinquième 
contre  les  eutychéens  ^,  que  quoiqu'il  y  ait 
en  Jésus-Christ  deux  natures,  elles  ne  font 
néanmoins  qu  'un  seul  Christ,  il  allègue  l'exem- 
ple de  l'homme  qui  est  un ,  quoiqu'il  soit 
composé  d'âme  et  de  corps ,  qui  sont  deux 
natures  ditférentes.  Le  même  exemple  est 
allégué  dans  ce  symbole.  Deuxièmement,  ce 
symbole  est  postérieur  au  concile  de  Chalcé- 
doine,  et  on  trouve  des  manuscrits,  qu'on  dit 
être  du  vi''  siècle,  où  on  le  lit  tout  entier  ou 
en  partie  ^.  Vigile  a  écrit  sur  la  fin  du  v°  siècle 
et  au  commencement  duvi"='.  Si  ce  symbole 
eût  été  connu  avant  l'an  438,  saint  Léon,  qui 
dans  la  lettre  qu'il  écrivit  cette  année-là  à 
l'empereur  Léon,  emploie  toutes  sortes  de 
témoignages  pour  la  confirmation  de  la  doc- 
trine cathohque  ,  aurait-il  négligé  d'en  tirer 
de  ce  symbole  ?  En  670 ,  le  concile  d'Autun 
ordonna  à,,lous  les  ecclésiastiques  ^  de  l'ap- 
prendre par  cœur,  sous  peine  d'être  con- 
damnés par  leurs  évêques.  Il  parait,  par  le 
quatrième  concile  de  Tolède  en  633 ,  qu'il 
était  connu  en  Espagne,  puisqu'il  se  sert 
d'expressions  toutes  semblables  à  celles  qu'on 
lit  dans  ce  symbole.  Troisièmement,  il  a  été 
écrit  originairement  en  latin  :  on  ne  le  trouve 
en  grec  dans  aucun  manuscrit,  quoiqu'il  porte 
souvent  le  nom  de  saint  Athanase.  Quatriè- 
mement, c'était  la  coutume  de  Vigile  de  pu- 
blier ses  ouvrages  sous  des  noms  empruntés, 
soit  pour  leur  donner  plus  de  cours,  soit  pour 
quelque  autre  raison.  11  prenait  volontiers  ce- 
lui de  saint  Athanase,  comme  on  le  voit  dans 
son  Dialogue  contre  les  aj-iens,  et  c'est  le  nom  de 
ce  père  qui  parait  ordinairement  à  la  tête  de 
ce  symbole  dans  les  manuscrits  et  dans  les 
anciens  auteurs  qui  l'ont  cité. 

12.  Le  style  de  Vigile  est  grave ,  simple,       jugsnui 
clair  et  naturel,  sa  doctrine  est  pure  :  il  l'é-  Biiliiaps 

-,.  -  .  ...  liditions 

tabht  par  des  raisonnements  solides  et  par  sesécms. 
des  autorités  sans  réplique  tirées  de  l'Ecri- 


^^  Vigil.,  Iih.V,  cont.  Eutyck.,  pag.  61. 

6  Anthelm.,  Dissert.,  pag.  21,  24,  26. 

'  Tom.  V,  pag.  292.  —  s  Tom.  VI,  Conc,  pag.  536. 


[w  SIÈCLE.]       CHAPITRE  XXXII.  —  EUPHÉMIUS  DE  CONSTANTINOPLE. 


ture  avec  choix,  et  des  écrits  des  anciens  pères 
de  l'Eglise.  Il  répond  avec  force  aux  héré- 
tiques et  résout  leurs  objections  avec  beau- 
coup de  facilité,  ce  qui  fait  voir  qu^il  avait 
une  connaissance  exacte  et  des  dogmes  de 
l'Eglise,  et  des  vaines  subtilités  des  nova- 
teurs; mais  il  n'était  pas  si  au  fait  de  l'his- 
toire ecclésiastique.  De  quelque  mérite  d'ail- 
leurs que  soient  ses  ouvrages,  il  en  a  dimi- 
nué le  prix  en  empruntant  les  noms  des  plus 
illustres  pères,  et  on  le  blâmera  toujours  d'a- 
voir occasionné  de  la  confusion  dans  les  écrits 
de  ceux  qui  ont  fleuri  avant  lui.  Tous  les  écrits 


de  Vigile ,  de  même  que  ceux  qui  sont  sous 
son  nom  ou  qui  lui  sont  attribués ,  ont  été 
recueillis  en  un  seul  volume  in-^",  à  Dijon, 
en  1664,  avec  les  œuvres  de  Victor  de  Vite. 
Le  père  ChifQet  a  enrichi  cette  édition  d'un 
grand  nombre  de  notes  et  d'une  espèce  de 
dissertation  où  il  entreprend  de  montrer  que 
les  ouvrages  qu'il  a  donnés  sous  le  nom  de 
Vigile  sont  de  lui.  [Cette  édition  a  passé  de 
là  dans  les  Bibliothèques  des  Pères  et  dans  la 
Patrologie  latine,  tome  LXII.  Elle  est  précé- 
dée d'une  notice  par  Cave.] 


CHAPITRE  XXXn. 

Euphémius  [505]  et  Macédonius  [515],  patriarches  de  Constantinople. 


1.  Fravita,  qui  avait  succédé,  sur  la  fin  de 
l'an  489,  à  Acace  dans  le  siège  patriarcal  de 
Constantinople  ,  étant  mort  l'année  suivante 
dans  le  courant  du  mois  de  mars,  après  qua- 
tre mois  seulement  d'épiscopat,  on  élut  à  sa 
place  Euphémius,  prêtre  catholique  de  cette 
ville  *  et  administrateur  d'un  hôpital.  11  était 
savanteltrès-vertueux.  Fravita,  aussitôtaprès 
sonélectionavaitécritau  pape  FélixetàPierre 
Mongus,  qui  occupait  alors  le  siège  d'Alexan- 
drie ,  pour  leur  demander  à  l'un  et  à  l'autre 
leur  communion.  Félix  le  lui  promit,  à  condi- 
tion qu'il  ôterait  des  diptyques  le  nom  de  Mon- 
gus ;  mais  Mongus  le  lui  accorda  volontiers  et 
sans  condition.  La  lettre  de  Mongus  n'arriva 
à  Constantinople  qu'après  la  mort  de  Fravita. 
Euphémius  la  reçut,  et  voyant  que  Pierre  y 
anathématisait  le  concile  de  Chalcédoine,  il 
en  fut  si  irrité  qu'il  se  sépara  de  sa  commu- 
nion et  effaça  de  ses  propres  mains  son  nom 
des  diptyques.  Il  songeait  même  à  assembler 
un  concile  pour  le  déposer,  lorsque  Mongus 
mourut  vers  le  29  ou  31  octobre  de  cette  an- 
née 490.  A  la  place  du  nom  de  Pierre  Mon- 
gus, il  mit  dans  les  sacrés  diptyques  celui  du 
pape  Félix,  à  qui  il  envoya  des  lettres  syno- 
dales suivant  la  coutume.  Le  pape  les  reçut, 
mais  il  ne  voulut, point  accorder  sa  commu- 
nion à  Euphémius,  parce  qu'il  n'avait  pas 
effacé  des  diptyques  les  noms  d'Acace  et  de 


Fravita.  Euphémius  assista  saint  Daniel  Sty- 
lite  à  la  mort  ^,  et  mit  son  corps  dans  le 
tombeau. 

2.  L'empereur  Zénonmourut  au  mois  d'avril 
de  l'an  491,  et  eut  pour  successeur  Anastase 
surnommé  Dicorus,  qui  avait  auparavant  la 
dignité  de  silentiaire.  Quoiqu'il  fût  très-assidu 
à  la  prière  et  au  jeûne,  et  très-libéral  envers 
les  pauvres,  on  ne  laissait  pas  cependant  de 
le  regarder  comme  hérétique  '.  Du  moins, 
les  manichéens  et  les  ariens  témoignèrent 
beaucoup  de  joie  de  son  élection;  mais  Eu- 
phémius s'y  opposa,  disant  que  c'était  un  hé- 
rétique indigne  de  gouverner  des  chrétiens. 
L'impératrice  Ariane,  qui  le  souhaitait  parce 
qu'elle  avait  envie  d'épouser  Anastase,  et  le 
sénat  firent  tant  d'instance  près  du  patriarche, 
qu'il  promit  de  couronner  Anastase,  pourvu 
qu'il  donnât  par  écrit  sa  profession  de  foi  et 
une  promesse  de  sa  main  qu'après  qu'il  se- 
rait élevé  à  l'empire  il  conserverait  la  foi  ca- 
thohque  sans  y  donner  aucune  atteinte;  qu'il 
n'innoverait  rien  dans  l'Eglise  et  qu'il  sui- 
vrait comme  la  règle  de  la  foi  les  dogmes  du 
concile  de  Chalcédoine.  Anastase  donna  cette 
promesse,  dont  il  jura  l'exécution  par  les  plus 
grands  serments.  Euphémius  la  remit  entre 
les  mains  du  prêtre  Macédonius  *,  pour  être 
mise  dans  les  archives  de  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople. 


à  l'é I  e 
d'An3£ 


oppose 
c  li  on 
tasG, 


'  Evag.,  lib.  III,  cap.  xxiii. 
2  Sur.,  ad  diem  11  decem. 


3  Theod.  Lect.,  lib.  II,  cap.  Dccxx. 
*  Evag.,  lib.  m,  cap.  xxxii. 


486 


HISTOIRE  GENERALE  DES 


Il  écrit  m  3.  Sur  la  fin  de  la  même  année  491,  ou,  se- 
papo  ease.  j^^  (J'autres,  le  23  février  de  l'an  492,  le  pape 
Félix  mourut,  après  avoir  tenu  le  Saint-Siège 
environ  neuf  ans.  Gélase  Africain,  fils  de  Va- 
lère,  fut  élu  pour  lui  succéder  après  cinq 
jours  de  vacance.  Gélase  donna  aussitôt  avis 
de  son  ordination  à  l'empereur  Anastase  '  ; 
mais  il  n'écrivit  point  à  Eupliémius,  parce 
qu'il  le  regardait  comme  n'étant  point  dans 
la  communion  du  Saint-Siège.  Euphémius,  au 
contraire ,  lui  avait  écrit  pour  lui  témoigner 
sa  joie  de  sa  promotion  et  son  désir  pour  la 
paix  et  la  réunion  des  Eglises;  mais  voyant 
que  Gélase  ne  lui  faisait  aucune  réponse,  il 
lui  écrivit  une  seconde  lettre  par  le  diacre 
Syncétius.  Nous  n'avons  ni  l'une  ni  l'autre; 
mais  on  voit,  par  la  réponse  de  Gélase,  qu'Eu- 
pliémius  félicilait  l'Eglise  de  Rome  sur  le 
choix  d'un  pontife  qui  n'avait  besoin  des  lu- 
mières de  personne ,  et  qui  voyait  par  les 
siennes  propres  tout  ce  qui  était  nécessaire 
à  la  réunion  des  Eglises.  Il  ajoutait  que  pour 
lui  il  n'était  pas  le  maître  de  faire  à  cet  égard 
ce  qu'il  souhaitait;  que  le  peuple  de  Gons- 
tantinople  ne  pouvait  se  résoudre  à  abandon- 
ner la  communion  d'Acace;  et  que  si  l'on 
persistait  à  vouloir  faire  ôter  son  nom  des 
diptyques,  il  serait  bon  que  le  pape  en  écri- 
vît au  peuple  de  cette  ville ,  et  qu'il  envoyât 
quelqu'un  de  sa  part  pour  le  disposer  à  souf- 
frir que  l'on  en  vint  là;  qu'Acace  n'avait 
jamais  rien  avancé  contre  la  foi ,  et  que  s'il 
s'était  uni  de  communion  avec  Mongus ,  c'é- 
tait après  que  cet  évêque  avait  rendu  compte 
de  sa  foi.  Euphémius  faisait  aussi  une  décla- 
ration de  la  sienne ,  dans  laquelle  il  rejetait 
Eutychès  et  protestait  qu'il  recevait  les  dé- 
crets du  concile  de  Ghalcédoine.  Il  paraît 
qu'Euphémius  parlait,  dans  la  même  lettre, 
de  ceux  qui  avaient  été  baptisés  et  ordonnés 
par  Acace,  depuis  la  sentence  rendue  à  Rome 
contre  lui,  et  qu'il  représentait  au  pape  l'em- 
barras où  l'on  serait  à  l'égard  de  ces  per- 
sonnes, s'il  fallait  condamner  la  mémoire  et 
le  nom  d'Acace. 
Réponsedu       4.  La  répouso  du  pape  est  sans  date.  Il  con- 

pape  GelasB,        ,  ^      .  ^     ^  ,     ,       _ 

Vient  que  suivant  1  ancienne  règle  de  1  Eglise 
il  aurait  dû  lui  donner  avis  de  son  élection 
au  pontificat  ^;  mais  il  dit  que  cette  règle  ne 
subsistait  qu'entre  les  évêques  qui  étaient 
unis  de  communion,  et  non  entre  ceux  qui, 
comme  Euphémius,  avaient  préféré  une  so- 
ciété étrangère  à  celle  de  saint  Pierre.  Il 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

convient  encore  que  dans  des  troubles  sem- 
blables à  ceux,  dont  l'Eglise  d'Orient  était 
agitée,  il  fallait  user  de  condescendance  et 
se  rabaisser  à  l'exemple  du  Sauveur,  qui  est 
descendu  du  ciel  pour  nous  sauver;  mais  il 
soutient  qu'en  se  penchant  pour  relever  ceux 
qui  sont  tombés,  on  ne  doit  pas  se  précipiter 
avec  eux  dans  la  fosse.  Pour  marque  de  sa 
condescendance,  il  déclare  qu'il  accorde  vo- 
lontiers à  ceux  qui  avaient  été  baptisés  ou 
ordonnés  par  Acace,  le  remède  prescrit  par 
la  tradition.  «  Voulez-vous,  ajoute-t-il,  que 
je  descende  plus  bas,  que  je  consente  que 
l'on  récite  dans  la  célébration  des  mystères, 
les  noms  des  hérétiques,  de  ceux  que  l'on  a 
condamnés,  et  de  leurs  successeurs?  Ce  ne 
serait  pas  là  se  rabaisser  pour  prêter  du  se- 
cours; mais  se  précipiter  évidemment  dans 
l'abîme.  N'avez-vous  pas  souvent  écrit  à 
Rome,  que  vous  rejetiez  Eutychès  avec  les 
autres  hérétiques?  Rejetez  donc  aussi  ceux 
qui  ont  communiqué  avec  les  successeurs 
d'Eutychès.  Acace,  dites -vous,  n'a  rien 
avancé  contre  la  foi;  mais  n'est-ce  pas  en- 
core pis  de  connaître  la  vérité  et  de  commu- 
niquer avec  ses  ennemis?  Vous  demandez 
encore  en  quel  temps  Acace  a  été  condamné? 
mais  il  ne  fallait  pas  une  condamnation  par- 
ticulière contre  lui.  Quoique  catholique,  il 
méritait  d'être  séparé  de  notre  communion, 
dès  le  moment  qu'il  a  communiqué  à  une 
hérésie;  et,  étant  mort  dans  cette  disposition, 
nous  ne  pouvons  souffrir  que  son  nom  soit 
lu  parmi  ceux  des  évêques  catholiques.  Nous 
ne  sommes  pas  peu  surpris,  de  ce  que,  fai- 
sant profession  de  recevoir  le  concile  de 
Ghalcédoine,  vous  ne  teniez  pas  pour  con- 
damnés en  général  et  en  particulier,  ceux 
qui  ont  communiqué  avec  les  sectateurs  de 
ceux  qu'il  a  condamnés.  Ce  concile  n'a-t-il 
pas  condamné  Eutychès  et  Dioscore?  et  tou- 
tefois Acace  a  communiqué  avec  les  héréti- 
ques eutychéens  (ce  qu'il  entend  de  Timo- 
thée  Elure,  et  de  Pierre  Mongus).  Direz-vous 
que  Pierre  avec  qui  Acace  a  communiqué, 
ait  été  justifié?  Donnez-en  des  preuves,  mon- 
trez comment  il  s'est  purgé  de  l'hérésie  eu- 
tychéenne,  et  comment  il  s'est  défendu  d'a- 
voir communiqué  avec  Eutychès.  Il  a  été 
évidemment  convaincu  sur  ces  deux  chefs. 
Ainsi  ne  vous  flattez  point  de  la  déclaration 
que  vous  faites  de  tenir  la  foi  catholique,  et 
d'avoir  ôté  le  nom  d'Eutychès  des  diptyques. 


'  Tom.  IV  Conc,  pag.  1168,  Epist.  ad  Faustum. 


2  Tom.  IV  Conc,  pag.  1157. 


[VI'  SIÈCLE.]      CHAPITRE  XXXII.  —  EUPHEMIUS  DE  CONSTANTINOPLE. 


487 


Ce  n'est  pas  assez  de  le  dire,  vous  devez  en- 
core le  montrer  par  des  effets,  en  renonçant 
à  la  communion  des  hérétiques,  et  de  ceux 
qui  ont  communiqué  avec  leurs  successeurs.» 
Le  pape  témoigne  qu'il  avait  été  affligé  en 
trouvant  dans  les  lettres  d'Eupliémius  des 
choses  contraires  à  ses  propres  intérêts  et  à 
la  véritable  paix,  et  sur  ce  qu'Enphémius  y 
semblait  dire,  qu'il  y  avait  des  gens  qui  le 
contraignaient  de  faire  ce  qu'il  faisait  à  l'é- 
gard  d'Acace  et  de  Mongus,  il  lui  répond  : 
<(  Un  évêque  ne  doit  jamais  parler  ainsi , 
quand  il  est  question  de  publier  la  vérité, 
pour  laquelle ,  comme  ministre  de  Jésus- 
Christ,  il  doit  donner  sa  vie.  »  Il  se  défend 
d'envoyer  quelqu'un  à  Constantinople ,  pour 
apaiser  le  peuple  et  le  dissuader  de  la  com- 
munion d'Acace,  disant  que  c'est  au  pasteur 
à  conduire  le  troupeau  plutôt  que  d'en  sui- 
vre les  égarements,  et  qu'il  y  avait  tout  lieu 
de  croire,  qu'étant  suspect  à  ces  peuples,  il 
n'écouterait  point  ceux  qu'il  enverrait,  vu 
qu'il  n'écoutait  pas  même  son  propre  pas- 
teur. «  Nous  viendrons,  ajoute-t-il,  mon  frère 
Euphémius,  nous  viendrons  à  ce  redoutable 
tribunal  de  Jésus-Christ,  où  les  chicanes,  les 
délais  et  les  subterfuges,  ne  seront  point  d'u- 
sage. On  y  verra  manifestement  si  c'est  moi 
qui  suis  aigre  et  dur,  comme  vous  m'en 
accusez,  ou  vous,  qui  refusez  le  remède 
salutaire,  et  qui  témoignez  de  l'éloignement 
pour  les  médecins  qui  veulent  vous  procu- 
rer le  remède,  et  qui  voulez  même  obliger 
les  médecins  à  être  malades  avec  vous,  plu- 
tôt que  de  recevoir  la  santé  par  leur  minis- 
tère. 1) 
Euphémius       5.  Euphémius,  voulant  prévenir  les  mali- 

[ifirme     les  *■ 

•  creis  de   cieux  desseins  d'Anastase  contre  les  défen- 

lalcuduine. 

seurs  du  concile  de  Chalcédoine,  assembla 
les  évoques  qui  se  trouvaient  à  Constantino- 
ple, et  confirma  avec  eux  les  décrets  de  ce 
concile.  Théophane  et  Victor  de  Tunes  ',  rap- 
portent cette  assemblée  à  l'an  492.  Le  Syno- 
dique  ^  qui  la  met  au  commencement  de  l'é- 
piscopat  d'Euphémius,  dit  que  les  évêques 
en  envoyèrent  les  actes  à  Rome  ;  que  le  pape 
Féhx  et  les  évêques  d'Occident  reçurent  Eu- 
phémius comme  un  homme  orthodoxe;  mais 
qu'ils  ne  voulurent  pas  le  reconnaître  pour 
évêque,  parce  qu'il  n'avait   pas  voulu  ôter 


des  sacrés  diptyques,  le  nom  d'Acace  que 
Félix  avait  frappé  d'anathème. 

6.  Cependant  Théodoric ,   étant   devenu     Enpbémius 

y  .1  .,,  forme    lies 

maître  de  lltalie,  après  trois  batadles  ga-  plaintes  con- 

^  ^  Irii      ILglise 

gnées  contre  Odoacre,  envoya  en  493,  Fauste  j°^Jii'!Lac''e'' 
et  Irénée  à  Anastase,  pour  lui  demander  la 
paix.  Durant  leur  séjour  à  Constantinople, 
ils  apprirent  diverses  plaintes  des  Grecs  con- 
tre l'Eglise  romaine^  dont  ils  firent  rapport 
au  pape  Gélase.  Il  y  en  avait  de  la  part  de 
l'empereur  et  de  la  part  d'Euphémius.  Cet 
évêque  disait,  qu'Acace  n'avait  pu  être  con- 
damné par  un  seul,  regardant  le  jugement 
du  pape  seul,  comme  insuffisant,  et  soute- 
nant qu'il  fallait  un  concile  général  pour  con- 
damner un  patriarche  de  Constantinople.  Le 
pape,  dans  l'instruction  qu'il  envoya  à  Fauste 
et  à  Irénée  ^,  répondit  sur  cet  article,  qu'A- 
cace avait  été  condamné  en  vertu  du  concile 
de  Chalcédoine,  comme  on  avait  toujours 
usé  à  l'égard  de  toutes  les  hérésies;  que  Fé- 
lix, son  prédécesseur,  n'avait  fait  qu'exécu- 
ter un  ancien  décret  sans  rien  prononcer  de 
nouveau  ;  que  non-seulement  un  pape,  mais 
tout  évêque,  pouvait  le  faire,  parce  qu'Acace 
n'avait  pas  inventé  une  nouvelle  erreur,  pour 
avoir  besoin  d'un  nouveau  jugement. 

7.  Il  paraît  par  le  commencement  du  Mé-  Ençhémius 
moire  ou  de  V Instruction  de  Gélase  *,  qu'il 
accusait  Euphémius  d'empêcher  la  paix  d'A- 
nastase avec  Théodoric,  non  par  un  motif  de 
religion,  mais  afin  de  trouver  dans  la  guerre 
le  moyen  de  fortifier  son  parti,  au  détriment 
de  la  foi  catholique.  L'accusation  formée  par 
Anastase  contre  le  patriarche,  eut  des  suites 
plus  fâcheuses.  Ce  prince ,  fatigué  de  la 
guerre  qu'il  avait  depuis  cinq  ans  avec  les 
Isaures,  cherchait  un  moyen  honnête  de  la 
finir.  Il  s'en  ouvrit  à  Euphémius  ^,  en  le  priant 
d'assembler  les  évêques  qui  étaient  à  Cons- 
tantinople, afin  qu'ils  fissent  des  prières  pour 
la  paix,  et  qu'il  eût  ainsi  un  prétexte  de  la 
faire.  Euphémius  communiqua  le  secret  de 
son  prince  au  patrice  Jean,  beau-père  d'A- 
thénodore,  l'un  des  chefs  des  Isaures.  Jean 
rapporta  aussitôt  à  Anastase  ce  que  le  pa- 
triarche lui  avait  dit,  et  ce  prince  en.  fut  tel- 
lement offensé,  qu'il  ne  cessa  depuis  de  per- 
sécuter Euphémius.  Il  l'accusa  de  soutenir 
les  Isaures  contre  lui,  et  d'entretenir  avec 


est  déposé  et 
envoyé  en 
exil  en  495. 


1  Vict.  Tun.,  in  Chron.,  pag.  3. 

2  Tom.  IV  Conc,  pag.  1154. 

3  Tom.  IV  Conc,  pag.  1168,  1169. 

'  Non  jam  propier  religionis  causas  siudent  dispo- 
sitionibus  publiais  obviare ,  sed  potius  per  occasionem 


legalionis  regiœ,  catholkam  fidem  moliuntur  evertere, 
et  iali  commenta  nitiintur  sperala  prcestare.  Tom.  IV 
Conc,  pag.  1168. 
s  Theod.  Lect.,  lib.  11^  pag.  720. 


/i88 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


eux  un  commerce  de  lettres.  Ayant  quelque 
temps  après  remporté  sur  eux  quelque  avan- 
tage, il  en  prit  occasion  de  railler  le  patriar- 
che, en  lui  faisant  dire  par  Eusèbe,  maître 
des  Offices  :  vos  prières  vous  ont  été  imputés 
à  péché.  Il  poussa  plus  loin  sa  vengeance. 
Soit  par  son  ordre,  soit  dans  le  dessein  de 
lui  plaire,  un  assassin  gagné  pour  tué  Eu- 
phémius,  l'ayant  rencontré  devant  la  porte 
de  la  sacristie^  tira  l'épée  pour  le  frapper  ; 
mais  un  défenseur  de  l'Eglise,  nommé  Paul, 
voulant  parer  le  coup,  le  reçut  lui-même  et 
en  pensa  mourir.  Un  autre  ecclésiastique 
prenant  en  même  temps  le  verrou  d'une 
porte,  en  frappa  si  violemment  le  meurtrier, 
qu'il  le  tua.  Anastase  voulant  user  d'autres 
voies  pour  se  défaire  d'Euphémius,  fît  as- 
sembler les  évéques  qui  étaient  à  Constanti- 
nople,  et  forma  devant  eux  diverses  plaintes 
contre  ce  patriarche.  Ceux-ci ,  sans  avoir 
aucun  égard  aux  règles  de  l'Eglise,  le  décla- 
rèrent privé  du  sacerdoce  et  de  la  commu- 
nion. L'empereur  fit  ordonner  à  sa  place 
Macédonius,  prêtre  et  trésorier  de  l'Eglise 
de  Constantiuople,  neveu  du  patriarche  Gen- 
nade,  le  même  à  qui  Euphémius  avait  confié 
la  promesse  par  laquelle  Anastase  s'était  en- 
gagé à  maintenir  la  foi  de  l'Eglise  et  l'au- 
torité du  concile  de  Chalcédoine.  Le  peuple 
ayant  appris  la  déposition  de  son  patriarche, 
courut  à  l'hippodrome  en  implorant  le  se- 
cours de  Dieu,  et  forma  une  espèce  de  sédi- 
tion en  faveur  d'Euphémius;  mais  il  fallut 
céder  à  l'autorité  de  l'empereur.  Euphémius, 
craignant  pour  sa  vie,  se  retira  dans  le  bap- 
tistère ,  d'où  il  ne  voulut  point  sortir,  que 
Macédonius  ne  lui  donnât  parole  au  nom  de 
l'empereur,  qu'on  n'userait  d'aucune  vio- 
lence envers  lui.  lorsqu'on  le  mènerait  en 
exil  auquel  il  savait  que  le  prince  l'avait 
condamné.  Macédonius,  ayant  la  parole  d'A- 
nastase,  vint  trouver  Euphémius  dans  le 
baptistère;  mais  avant  d'y  entrer,  il  fit  ôter 
son  palUum  par  un  diacre,  n'osant  encore  le 
porter  en  présence  d'Euphémius.  Après  lui 
avoir  parlé,  il  lui  donna  de  l'argent  pour  sa 
dépense  et  celle  de  ceux  qui  devaient  l'ac- 
compagner. Euphémius  fut  conduit  à  Eu- 
caïtes,  après  avoir  gouverné  l'EgHse  de  Cons- 
tantiuople environ  six  ans,  la  cinquième  an- 


née du  règne  d' Anastase,  c'est-à-dire  en  4-95. 
Il  mourut  en  S15,  à  Ancj're,  oii  on  croit  que 
la  crainte  des  Huns  l'avait  obligé  de  se  reti- 
rer. On  l'a  toujours  regardé  en  Orient,  comme 
le  défenseur  de  la  foi  catholique  et  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  et  comme  un  homme 
saint  et  très-orthodoxe.  Nous  verrons  en  par- 
lant du  cinquième  concile  général,  combien 
d'instances  firent  les  Grecs  ',  pour  le  faire 
l'émettre  solennellement  dans  les  diptyques 
avec  Macédonius  son  successeur. 

8.  Il  avait  été  élevé  dans  la  piété  et  la  vie 
ascétique  par  Gennade  son  oncle.  L'inno- 
cence de  sa  vie  et  la  pureté  de  sa  foi,  le 
firent  aimer  de  l'impératrice  Ariane,  et  des 
plus  grands  de  la  cour,  qui  engagèrent  ap- 
paremment l'empereur  à  le  mettre  sur  le 
siège  patiiarchal  de  Constantiuople,  pour 
rendre  moins  odieuse  la  déposition  d'Euphé- 
mius. Mais  on  ne  conçoit  pas  bien  comment 
un  homme  de  cette  réputation  put  accepter 
une  dignité  dont  on  venait  de  dépouiller  si 
injustement  son  patriarche.  Il  assembla  aus- 
sitôt après  un  concile  ^,  où  il  confirma  par 
écrit  le  concile  de  Chalcédoine,  et  fit  toujours 
profession  ouverte  de  la  foi  orthodoxe.  Aussi 
Elle,  patriarche  de  Jérusalem,  qui  n'avait 
pas  voulu  approuver  la  déposition  d'Euphé- 
mius, s'unit  de  communion  avec  Macédonius 
en  507.  L'empereur  Anastase  employa  toutes 
sortes  de  moyens  pour  l'obliger  à  se  déclarer 
contre  le  concile  de  Chalcédoine  ;  ses  efforts 
furent  inutiles.  Macédonius  ne  se  laissa  ga- 
gner ni  par  flatteries,  ni  par  menaces.  On 
aposta  un  nommé  Eucole  ^,  pour  lui  ôter  la 
vie  ;  le  patriarclie  évita  le  coup,  et  com- 
manda depuis  qu'on  donnât  par  mois  une 
certaine  quantité  de  vivres  à  l'assassin.  Le 
peuple  de  Constantiuople  n'avait  pas  moins 
de  zèle  que  son  évêque,  pour  le  concile  de 
Chalcédoine.  Son  zèle  à  cet  égard  allait  quel- 
quefois jusqu'à  la  sédition.  Pour  en  prévenir 
les  suites,  Anastase  ordonna  que  le  préfet  de 
la  ville  suivrait  dans  les  processions,  et  qu'il 
se  trouverait  dans  les  assemblées  de  l'Eglise. 
En  510,  Anastase  voulut  obliger  de  nouveau 
Macédonius  à  condamner  le  concile  de  Chal- 
cédoine. Macédonius  lui  répondit  *,  qu'il  ne 
pouvait  rien  faire  sur  cette  matière  qu'avec 
un  concile  œcuménique  auquel  le  pape  pré- 


Quî    éu 
cédoDÎiis 


»  Tom.  V  Conc,  pag.  182. 

2Tom.  IVConc,  pag.  1413,  et  Vict.  Tim.,  in  Chron., 
pag.  5. 
3  Theod.  Lcct.,  pag.  72. 


*  Imperaior  Macedoniuni  ursit  ut  synodum  congre- 
gant  et  quartam  condenmaret.  lUe  vero  sine  univer- 
sali  synodo  cui  magnœ  Roinœ  episcopus  prœsideret 
nihil  se  facturum  dixit.  Idem,  ibid. 


Ivp  SIÈCLE.]     CHAPITRE  XXXII.  —  MACÉDONIUS  DE  CONSTANTINOPLE. 


sidât.  Anaslase  piqué  de  cette  réponse,  et 
irrité  de  ce  que  Macédonius  ne  voulait  point 
lui  rendre  la  promesse  qu'il  avait  faite  à  son 
couronnement,  de  maintenir  la  foi  et  i'auto- 
rilé  du  concile  de  Chalcédoine,  chercha  les 
moyens  de  le  chasser  de  son  siège.  11  lui  en- 
voyait tantôt  les  moines  et  les  ecclésiastiques 
eutychéens,  tantôt  les  magistrats,  pour  lui 
dire  publiquement  des  injures  et  lui  faire  des 
outrages.  11  occasionna  par  là  une  sédition 
parmi  le  peuple,  qui  l'obligea  de  fermer  les 
portes  de  son  palais,  et  d'en  faire  approcher 
les  vaisseaux  pour  se  sauver  si  la  sédition 
augmentait.  11  envoya  cependant  prier  Ma- 
cédonius de  venir  lui  parler,  quoiqu'il  eût 
juré  quelque  temps  auparavant  qu'il  ne  vou- 
lait plus  le  voir.  Macédonius  y  alla  et  lui  re- 
procha les  persécutions  qu'il  faisait  souffrir  à 
l'Eglise.  Anastase  feignit  de  vouloir  changer  à 
cet  égard;  mais  en  même  temps  il  tenta  pour 
une  troisième  fois  de  vaincre  Macédonius  : 
Xénaïa,  évêque  eutychéen,fut  un  des  minis- 
tres dont  il  se  servit.  Il  demanda  à  Macédo- 
nius une  déclaration  de  sa  foi  par  écrit  :  Ma- 
cédonius fit  un  mémoire  adressé  à  l'empe- 
reur ',  où  il  déclarait  qu'il  ne  connaissait  pas 
d'autre  foi  que  celle  des  pères  de  Nicée  et 
de  Constantinople.  et  qu'il  anathématisait  Nes- 
torius  et  Eutychès ,  et  ceux  qui  admettaient 
deux  Fils  ou  deux  Christs,  ou  qui  divisaient 
les  deux  natures.  Son  silence  sur  les  con- 
ciles d'Ephèse  et  de  Chalcédoine,  ofl'ensa 
tellement  les  moines  de  Constantinople,  qu'ils 
se  séparèrent  de  sa  communion  ^.  Macédo- 
nius pour  les  désabuser,  alla  au  monastère 
de  Saint-Dalmace  ^,  fit  devant  les  moines  un 
discours  où  il  rendit  compte  de  sa  conduite, 
protesta  qu'il  recevait  le  concile  de  Chalcé- 
doine, et  qu'il  tenait  pour  hérétiques  tous 
ceux  qui  ne  le  recevaient  pas  ;  et,  après  cette 
déclaration,  il  célébra  avec  eux  les  saints 
mystères. 

Xénaïa  voyant  ses  premières  tentatives 
inutiles,  suscita  deux  infcimes  qui,  dans  une 
requête  au  préfet  Marin  et  à  Celer,  maître 
des  Offices  *,  accusèrent  Macédonius  d'un 
crime  énorme,  s'en  avouant  eux-mêmes  les 
complices.  Sur  cette  accusation,  Anastase 
ordonna  à  Celer  d'entrer  dans  la  maison 
épiscopale,  et  d'en  enlever  l'évêque.  Macé- 


donius protesta  tout  haut  de  son  innocence, 
et  il  lui  fut  aisé  de  la  prouver,  par  sa  qualité 
d'eunuque  qui  le  rendait  incapable  du  crime 
dont  on  l'avait  chargé.  On  l'accusa  ensuite 
denestorianisme,  et  d'avoir  falsifié  un  endroit 
des  épîtres  de  saint  Paul,  pour  appuyer  l'er- 
reur de  cette  secte  ^.  Enfin  l'empereur  lui 
ordonna  de  lui  envoyer  par  le  maître  des 
offices,  la  copie  authentique  des  actes  du 
concile  de  Chalcédoine,  signée  de  la  main 
des  évêques.  Macédonius  la  refusa,  mais 
l'ayant  cachetée,  il  la  mit  sous  l'autel  de  la 
grande  église.  Sur  ce  refus,  Anastase  le  fit 
enlever  de  nuit  ^  et  mener  à  Chalcédoine, 
pour  être  conduit  de  là  à  Eucaïtes  dans  le 
Pont,  avec  Euphémius  son  prédécesseur'. 
Dès  le  lendemain,  ce  prince,  pour  empêcher 
les  suites  que  pouvait  causer  dans  le  peuple 
la  douleur  de  l'expulsion  de  son  patriarche, 
fit  prendre  possession  de  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople ^  à  Timothée  prêtre  et  trésorier  de 
la  même  Eglise,  homme  sans  honn'eur  et 
sans  rehgion.  Ensuile  pour  donner  quelque 
apparence  de  formalité  à  cette  expulsion,  il 
fit  assembler  un  concile  ',  où  les  accusateurs 
de  Macédonius  étant  ses  juges  et  ses  témoins, 
le  condamnèrent,  quoique  absent,  à  être  dé- 
posé de  l'épiscopal.  Il  n'était  encore  qu'à 
Claudiople  dans  le  Pont,  lorsque  quelques 
évêques  et  un  prêtre  de  Cyzic  '",  vinrent  lui 
signifier  sa  déposition.  Aussitôt  qu'il  les 
aperçut,  il  leur  demanda  s'ils  recevaient  le 
concile  de  Chalcédoine.  Comme  ils  ne  vou- 
lurent pas  s'expliquer  là-dessus,  il  ajouta  : 
«  Si  des  sabbatiens  ou  des  macédoniens  pré- 
tendent me  déposer,  faut-il  pour  cela  que  je 
me  tienne  pour  déposé  ?  »  Les  évêques  con- 
fus, s'en  retournèrent  sans  lui  avoir  rien  fait 
signifier.  Pour  lui,  il  continua  son  chemin 
vers  Eucaïtes,  lieu  de  son  exil.  En  SIS,  le 
pape  Hormisdas  tiavailla  au  rétablissement 
de  Macédonius  ",  qu'il  regardait  comme  dé- 
posé injustement;  il  avait  même  été  stipulé 
dans  le  traité  de  paix  que  Vitalien  fit  avec 
Anastase  '^,  que  ce  patriarche  et  tous  les  évê- 
ques déposés  seraient  rétablis  sur  leurs  sièges . 
Mais  ce  prince  n'eut  égard  à  rien  de  ce  qu'il 
avait  promis.  Ainsi  Macédonius  mourut  dans 
son  exil,  non  à  Eucaïtes,  mais  à  Gangres,  où 
la  crainte  des  Huns  qui  ravagèrent  toute  la 


'  Evag.,  lib.  III,  cap.  xssi.  —  2  idem,  ibid. 
^Theoph.,  in  Chron.,  pag.  106;  édit.  Ven.,  an 
1729. 
*  Evag.,  lib.  III,  cap.  xxxii,  et  Theopli.,  ubi  sup. 
s  Libérât.,  cap.  xxxix.—  ^  Theoph.,  ubi  sup. 


7  Tlieod.  Lect.,  lib.  Il,  pag.  722. 
^  Theopb.,  ubi  sup. 
<"  Idem,  ubi  sup.,  pag.  107. 
"  Tom.  IV  Conc,  pag.  1428. 
^^  Vict.  Tun.,  in  Chron.,  pag.  7. 


i  Ibid. 


490 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cappadoce,  la  Galatie  et  le  Pont,  l'avait 
obligé  de  se  retirer.  On  dit  que  sa  mort  ', 
qui  arriva  vers  l'an  517,  fut  suivie  d'un  grand 
nombre  de  miracles,  par  lesqueli  Dieu  ren- 
dit témoignage  à  la  pureté  de  sa  vie  et  de  sa 
foi. 

9.  II  y  eut  sous  son  pontificat  à  Constanti- 
nople,  d'illustres  défenseurs  du  concile  de 
Clialcédoine,  savoir  Pompée,  neveu  d'Anas- 
tase  ^  ;  Anastasie,  femme  de  Pompée;  et  Ju- 
lienne, fille  de  l'empereur  Olybrius,  petite- 
fille  de  Valentinien  III,  et  femme  d'Aéro- 
binde,  général  de  l'Orient^  qui  se  signala 
dans  la  guerre  contre  les  Perses.  Quelques 
mauvais  traitements  que  leur  fit  Anastase,  il 
ne  put  jamais  diminuer  en  eux  l'amour  qu'ils 
avaient  pour  l'Eglise  et  pour  la  foi  orthodoxe. 


Ils  eurent  soin  de  fournir  à  Macédonius  dans 
son  exil  toutes  les  choses  dont  il  avait  be- 
soin. Nous  avons  encore  les  trois  lettres  ^ 
qu'ils  écrivirent  séparément  au  pape  Hor- 
misdas  sur  son  élection.  Anastasie  y  parle 
de  ses  enfants  qu'elle  recommande  à  ses 
prières.  Julienne  prend  dans  la  sienne  le 
surnom  d'Anicie,  parce  qu'elle  descendait  de 
l'ancienne  maison  des  Aniciens.  Elle  conjure 
le  pape  de  ne  point  laisser  retourner  les  lé- 
gats qu'il  avait  envoyés  à  Constantinople, 
qu'auparavant  ils  n'aient  dissipé  les  restes 
de  l'erreur  et  rétabli  entièrement  l'unité. 
Pompée  donne  à  Hormisdas  dans  l'inscription 
de  sa  lettre,  le  titre  d'archevêque  de  l'EgUse 
universelle  *, 


CHAPITRE    XXXIII. 

Enée  de  Gaze,  philosophe  chrétien  et  professeur  des  sciences 

et  des  belles-lettres. 

[Sut  la  5n  du  v=  siècle.] 


1.  Enée  de  Gaze  parlant  dans  son  Dialogue^ 
de  ceux  à  qui  Hunéric  avait  fait  couper  la 
langue  jusqu'à  la  racine  et  qui  toutefois  par- 
laient librement,  sans  se  sentir  de  ce  sup- 
lice,  dit  qu'il  n'y  avait  que  peu  de  jours  ^ 
qu'on  leur  avait  fait  souffrir  ce  tourment.  Il 
écrivait  donc  sous  l'empire  de  Zenon,  vers 
l'an  485,  ou  au  plus  tard  en  491  :  car  Victor 
de  Vite  remarque  ^,  que  ces  confesseurs 
étaient  très-honorés  dans  la  cour  du  prince  ; 
et  il  est  hors  d'apparence  qu'on  les  y  eut 
même  soufferts  sous  Anastase  son  succes- 
seur et  partisan  des  hérétiques.  Enée  dans 
le  titre  de  ce  Dialogue,  prend  la  qualité  de 
sophiste,  c'est-à-dire  de  professeur  des 
sciences  et  des  belles-lettres.  II  avait  d'abord 
suivi  la  philosophie  de  Platon,  mais  il  l'avait 
abandonné  pour  embrasser  la  foi  de  Jésus- 
Christ.  Il  semble  n'avoir  fait  cet  écrit  que 
pour  rendre  raison  de  son  changement  ou 
pour  en  engager  d'autres  à  changer  aussi. 

'  Theoph.,  pag.  110.—  ^  Ibid.,  pag.  108. 

s  Baron.,  ad  an.  519. 

'  Domino  meo  beatissiino  et  aposlolico  patri  Bor- 
misdœ  archiepiscopo  universalù  Ecclesiœ,  Pompeius. 
Apud  Bai'on.,  ad  an.  519. 


2.  Théophi'aste  y  prend  la  défense  de  la 
philosophie  platonicienne;  Axithée,  celle  de 
la  religion  chrétienne.  Leur  dispute  roule 
sur  deux  points  importants,  l'un  sur  la  na- 
ture de  l'âme,  l'autre  sur  la  résurrection  des 
corps.  Aristolaiis  rapporte  d'abord  les  diffé- 
rentes opinions  des  philosophes  sur  la  nature 
de  l'âme.  Axithée  fait  voir  que  dès  lors  qu'ils 
ne  s'accordent  pas  entre  eux  ni  avec  eux- 
mêmes,  leur  doctrine  ne  vient  pas  de  Dieu, 
et  qu'ils  ne  peuvent  même  passer  pour  sages, 
n'étant  pas  du  fait  d'un  homme  sage  de  pen- 
ser contrairement  sur  une  même  matière.  Il 
descend  sur  cela  dans  un  fort  grand  détail, 
en  faisant  voir  les  défauts  des  opinions  des 
philosophes,  à  mesure  que  Théoplu'aste  les 
proposait  :  après  quoi  venant  au  fond  de  la 
question,  il  prouve  que  Dieu  est  immortel,  et 
que  quoiqu'il  soit  créateur  de  toutes  choses, 
il  est  toujours  le  même  ;  comme  un  archi- 
tecte ne  perd  rien  de  sa  substance  ni  de  son 

■>  Quod  autem  heri  et  quidem  paulo  ante  faclum 
est,  id  opiner  ipse  quoque  vidisti.  Tom.  VIII  Bibliot. 
Pat.,  pag.  664. 

e  Victor.  Vit.,  lib.  V,  u.  6. 


[V  SIÈCLE.] 

savoir  pour  avoir  bâti  plusieurs  beaux  édi- 
fices. «  Les  âmes  sont  de  lui,  dit-il,  de  même 
que  les  corps,  il  les  crée  à  mesure  qu'il  crée  les 
corps.  Qu'aurait  fait  une  âme  sans  le  corps 
pour  lequel  elle  aurait  été  créée?  Quoique 
créée  dans  le  temps,  semblable  à  son  Créa- 
teur en  ce  qu'elle  est  raisonnable,  elle  est 
immortelle  ;  ce  qui  est  semblable  à  l'immor- 
tel devant  être  immortel,  autrement  il  ne  lui 
serait  pas  semblable.  Dira-t-on  qu'elle  a  eu  un 
commencement?  Cela  est  vrai.  Mais  le  père 
des  dieux  ne  dit-il  pas  dans  Platon,  aux 
dieux  engendrés  de  lui  :  Vous  n'êtes  pas  en- 
tièrement immortels,  puisque  je  vous  ai 
créés  :  cependant  vous  ne  mourrez  point, 
parce  que  telle  est  ma  volonté  ?  Il  en  est  de 
même  de  l'âme  ;  elle  a  tellement  été  faite 
dès  le  commencement,  qu'elle  est  une  subs- 
tance raisonnable,  toujours  en  action,  mai- 
tresse  de  soi-même,  libre,  qui  a  sa  vie  d'elle- 
même,  et  qui  peut  la  donner  au  corps.  Le 
nombre  des  âmes  est  connu  de  Dieu  seul, 
quoique  ce  nombre  soit  limité.  Mais  quelque 
grand  qu'il  soit,  comme  elles  sont  incorpo- 
relles, elles  ne  se  trouvent  point  serrées  à  la 
manière  des  corps  dans  un  lieu  trop  étroit 
pour  les  contenir  ;  et  parce  qu'elles  ne  sont 
point  composées  de  parties  elles  ne  sont  pas 
sujettes  à  la  dissolution  que  les  corps  éprou- 
vent et  que  le  monde  même  éprouvera.  » 

Théophraste  ayant  soubaité  de  savoir  ce 
que  c'est  que  le  créateur  des  âmes  et  de 
toutes  les  autres  substances  ;  Axithée  ré- 
pond qu'il  est  le  souverain  bien,  qu'il  n'a 
pas  commencé  à  opérer  seulement  lorsqu'il 
a  créé  le  monde,  mais  qu'il  a  toujours  été  le 
Père  du  Verbe,  l'ayant  engendré  de  toute 
éternité,  et  qu'avec  son  Fils  qui  est  de  même 
substance  que  lui,  il  a  produit  le  Saint-Es- 
prit ;  ce  qui  fait  une  Trinité  de  personnes  en 
en  Dieu  *,  d'une  égalité  si  parfaite,  qu'elle 
n'admet  ni  le  moindre  ni  le  plus  grand. 

3.  «  Les  ombres  et  les  spectres  que  l'on 
voit  autour  des  tombeaux  prouvent,  dit  en- 
core Théopbraste,  que  les  âmes  ont  des  corps 
aériens.  Si  elles  n'en  avaient  pas  comment 
pourraient-elles  souffrir  ?  »  Axitbée  répond  : 

1  Atque  Pater  una  cum  Filio  qui  naiurœ  ejusdem 
est,  Spiriium  Sanctum  etiain  produxit...  atque  ejus- 
modi  est  unitas  et  divina  Triniias  ;  nec  maj'us  nec 
minus  quidquam  in  se  recipiens.  Tom.  VIII  Bibliot. 
Pat.,  pag.  660. 

2  Ego  novi  mulla  bonorum  virorum  corpora  quœ 
eliam  phalanges  dœmonum  tantopere  terrèrent  ;  quan- 
topere  ipsi  vexabant  hominem  ab  se  capium  atque  ob. 
sessum  :  itemque   morbos  innumeros ,  quibus  curandi 


CHAPITRE  XXXIIL  —  ÈNÉE  DE  GAZE. 


491 


Ces  spectres  sont  des  démons  ;  en  vain 
les  enchanteurs  promettent  de  faire  pa- 
raître des  hommes  morts  depuis  longtemps  ; 
ils  ne  font  paraître  que  des  démons  sous 
une  figure  humaine,  pour  tromper  ceux  qui 
ont  confiance  en  leurs  enchantements;  si 
c'était  des  âmes  revêtues  d'un  corps,  ces 
spectres  ne  disparaîtraient  pas  au  lever  du 
soleil  ;  l'âme  doit  souEfrir  avec  le  corps 
qu'elle  a  animé  en  cette  vie,  et  à  cet  effet 
ce  corps  ressuscitera  avec  toutes  ses  parties, 
soit  qu'elles  aient  été  réduites  en  poussière, 
soit  qu'elles  aient  été  dévorées  par  les  ani- 
maux ;  Dieu  qui  les  a  créés  étant  assez  puis- 
sant pour  les  réunir  avec  leurs  âmes.  Il  donne 
pour  preuve  de  la  résurrection,  les  miracles 
qui  s'opèrent  aux  tombeaux  des  martyrs,  et 
dit  ^  qu'il  avait  souvent  vu  leurs  corps  guérir 
facilement  des  maladies  que  toute  la  méde- 
cine n'avait  pu  guérir  et  faire  trembler  des 
troupes  de  démons^  comme  les  démons  font 
trembler  ceux  qu'ils  se  sont  assujettis,  et 
qu'ils  obsèdent.  Théophraste  objecte  que  si 
les  corps  pour  conserver  leur  union  naturelle 
avec  leurs  âmes,  deviennent  éternels  par  la 
résurrection,  cela  doit  se  dire  des  corps  des 
animaux  comme  de  ceux  des  hommes,  puis- 
qu'ils ont  également  des  âmes.  Axithée  ré- 
pond que  les  âmes  des  bêtes  étant  sans  rai- 
son et  mourant  avec  les  corps,  il  est  inutile 
que  ces  corps  ressuscitent,  les  âmes  qui  les 
ont  animés  ne  subsistant  plus;  que  notre 
âme,  au  contraire,  est  immortelle  ^,  et  que 
par  son  union  avec  le  corps,  elle  y  répand, 
pour  ainsi  dire,  une  semence  d'immortalité. 
Il  ajoute  en  continuant  ses  preuves  de  la  ré- 
surrection, que  les  païens  rapportaient  dans 
leurs  histoires,  un  grand  nombre  de  morts 
ressuscites;  que  de  son  temps  on  voyait  tant 
en  Syrie  qu'ailleurs,  des  hommes  qui  depuis 
leur  jeunesse  ont  vécu  jusqu'à  une  extrême 
vieillesse  dans  une  austérité  et  une  absti- 
nence continuelles,  uniquement  occupés  des 
choses  célestes  et  des  louanges  de  Dieu,  sou- 
mettant par  ces  sortes  d'exercices,  leur  corps 
à  leur  esprit;  que  pour  marquer  leur  union 
avec  Dieu  *,  ils  l'ont  souvent  prié  de  rendre 

ars  niedica  non  suffecerat ,  ipsa  facile  curarenf,  per- 
purgarent,  omninoque  auferrent.  Ibid.,  pag.  6fi3. 

3  Nostra  vero  anima  quœ  est  immortalis  ipsa ,  ubi 
in  unam  cum  corpore  societatemcoierit,  immortalitatis 
semen  ei  quasi  quodammodo  infudii.  Pag.  663. 

*  Ei  quo  suam  cum  Deo  cognationem  reipsa  compro- 
barenl  pura  mente  Deum  precati ,  ut  mortui  remini- 
seerent,  efflcere.  Pag.  664. 


492 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


la  vie  à  des  morts  qu'ils  ont  en  effet  ressus- 
cites. «  Pouvaient  -  ils  ,  conlinue  Axithée  , 
donner  une  preuve  plus  convaincante  de 
leur  doctrine?  Elle  ne  consiste  point  en  pa- 
roles, mais  en  actions.  Ceux  qui  reçoivent 
leurs  instructions  ',  ne  sauraient  douter  de 
la  vérité  de  leurs  dogmes,  en  les  voyant  au- 
torisés par  de  tels  miracles.  Ce  ne  sont  point 
des  fables,  mais  des  choses  arrivées  de  nos 
jours.  Moi-même,  j'ai  va  un  saint  et  extrê- 
mement bon  vieillard,  très-chéri  de  Dieu, 
qu'un  paysan  simple  d'esprit  allait  voir  sou- 
vent, en  lui  menant  son  fils  unique  afin  d'en 
recevoir  quelque  instruction.  11  avait  coutume 
de  lui  porter  les  prémices  de  ses  fruits  dans 
sa  cellule,  qu'il  regardait  comme  un  temple 
oii  il  venait  les  offrir  à  Dieu.  Il  arriva  quelque 
temps  après,  que  cet  enfant  mourut.  Le  père 
au  lien  de  l'enterrer,  le  mit  dans  un  panier, 
qu'il  couvrit  de  feuilles,  et  le  porta  au  saint 
vieillard.  Ayant  mis  bas  son  panier,  il  salua 
l'homme  de  Dieu  et  après  en  avoir  reçu  quel- 
ques avis  salutaires,  il  se  retira,  laissant  là 
son  fils,  comme  si  c'eût  été  un  panier  de 
raisin.  Lorsque  le  soleil  fut  couché,  le  saint 
fit  sa  prière  selon  sa  coutume,  ensuite  il 
voulut  prendre  des  fruits  qu'il  croyait  être 
dans  le  panier.  Mais  après  avoir  ôté  les 
feuilles,  il  fut  fort  surpris  de  trouver  non 
des  raisins,  mais  un  mort.  Sa  surprise  se 
changea  en  admiration,  voyant  la  grandeur 
de  la  foi  de  ce  pauvre  paysan  ;  pour  ne  pas 
tromper  son  espérance,  il  eut  recours  à  Dieu, 
se  coucha  sur  cet  enfant  ^,  et  ne  se  releva 
point  que  l'enfant  ne  fût  ressuscité.  Alors  il 
le  renvoya  à  son  père.  Mais  pour  éviter  l'im- 
portunité  des  hommes  que  l'éclat  de  ce  mi- 
racle aurait  fait  accourir  à  sa  cellule,  il  la 
quitta  et  se  retira  ailleurs.  »  Axithée  joint  à 
ce  miracle,  celui  d'un  aveugle  guéri.  Il  se 
nommait  Malus,  et  vivait  sous  la  discipline 
d'un  saint  homme,  qui  étant  près  de  mourir, 
lui  promit  que  sept  jours  après  sa  mort,  il 
recouvrerait  la  vue.  Le  vieillard  mourut,  et 
sept  jours  après  Malus,  qui  auparavant  avait 
besoin  d'un  homme  pour  le  conduire  par  la 

'  Qui  miraculi  spedator  est,  is  etiam  docirinœ  mi- 
nime dubius  aut  perplexus  auditor  abii.  Tom.  VIII 
Bihlioth.  Pair.,  pag.  6G3. 

2  Ergo  cum  animo  in  Deum  inienfo  super  puerum 
incubuisset  prius  non  surrexit  quam  puerum  ressusci- 
tasset.  Atque  sic  suscilatum  ad  pairem  misil;  ipse  vero 
in  exilium  ivit,  ne  admiratione  ejus  perciii  homines, 
nimis  molesti  deinceps  fuissent.  Ibid. 

s  Ego  ipse  hos  viras  vidi  et  loquentes  audivi,  et  vo- 
cem  adeo  articulatam  esse  posse  miratus  sum,  instru- 


main,  recouvra  si  parfaitement  la  vue,  qu'il 
lisait  publiquement  les  Ecritures,  ayant  été 
mis  au  rang  des  lecteurs.  Axithée  parle  en- 
suite de  ceux  à  qui  le  roi  Hunéric  avait  fait 
couper  la  langue  et  la  main  droite  en  haine 
de  la  foi  catholique  qu'ils  professaient,  et 
qui,  malgré  cette  opération,  articulaient 
aussi  bien  qu'ils  faisaient  auparavant.  «  Je 
les  ai  vus  moi-même,  dit-il  ^,  et  je  les  ai  ouïs 
parler,  et  j'ai  admiré  comment  leur  voix 
pouvait  être  si  bien  articulée.  Je  cherchais 
l'instrument  de  la  parole,  et  ne  croyant  pas 
à  mes  oreilles,  j'ai  voulu  en  juger  par  mes 
yeux,  et  leur  ayant  fait  ouvrir  la  bouche, 
j'ai  vu  la  langue  arrachée  jusqu'à  la  racine, 
et  me  suis  étonné,  non  de  ce  qu'ils  parlaient, 
mais  de  ce  qu'ils  vivaient  encore.  »  Con. 
vaincu  de  la  résurrection  des  morts,  par 
les  exemples  qu'Axithée  en  avait  rapportés, 
et  de  l'immortalité  de  l'âme,  par  les  raisons 
qu'il  en  avait  données,  Théophraste  fit  d'au- 
tant moins  de  difficultés  d'embrasser  cette 
doctrine,  qu'elle  était  celle  de  tous  ceux  en 
faveur  de  qui  avaient  été  opérés  tous  ces  mi- 
racles. Il  abandonna  donc  l'académie  de 
Platon  pour  suivre  Dieu,  selon  ce  que  Platon 
avait  dit  qu'il  ne  voulait  pas  qu'on  le  crût, 
que  jusqu'à  ce  qu'on  eût  trouvé  quelqu'un 
plus  sage  que  lui.  Or  personne  n'est  plus 
sage  que  Dieu  *.  Axithée  rendit  grâces  à 
Dieu  de  ce  changement,  par  une  prière  qu'il 
adressa  à  la  divine  Trinité  et  à  sa  sainte  unité. 

4.  On  trouve  le  Dialogue  d'Enée  de  Gaze,  en  |  ^m 
grec  et  en  latin  dans  le  douzième  tome  de  la  '*"  """'"^ 
Bibliothèque  des  Pères,  à  Paris,  en  1644,  et 
en  latin  seulement  dans  le  huitième  tome  de 
celle  de  Lyon,  en  1677.  Ambroise  le  Camal- 
dule  est  le  premier  qui  l'ait  traduit  en  latin. 
C'est  sur  sa  traduction  qu'il  fut  imprimé  à 
Bâle,  en  1516,  in-4'',  et  à  Gênes,  en  1645, 
in-4''.  Il  y  en  a  une  autre  de  Jean  Volfius, 
qui  n'est  point  estimée,  imprimée  à  Bâle 
avec  d'autres  ouvrages,  en  15S8,  in-S",  et  en 
1561,  in-folio.  Gaspard  Barthius  a  traduit  le 
même  ouvrage,  et  sa  traduction  a  paru  avec 
le  texte  et  des  notes,  à  Leipsik,  en  1655, 

mentum  vocis  inquirebam  :  et  auribus  non  credens , 
ocu/is  judicandi  munus  remisi,  atque  ore  aperto  lin- 
guam  totam  radieitus  evulsam  vidi ,  ac  stupefactus 
mirabar  non  sane  quo  pocto  vocem  conformarent ,  sed 
quomodo  conservaii  essent.  Pag.  665. 

'*  Valeat  Academia,  potiusque  ad  ipsum  (Deum)  ea- 
mus  ■  quando  etiam  ipse  Plato  eo  usque  sibi  credendtim 
dicit  ,  dum  quis  ipso  sapientior  adveniat.  At  Veo  sa- 
pieniior  est  nemo.  Pag.  665. 


[v-^  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GELASE,  PAPE 

in-i"  '.  [Gcilland  a  reproduit  le  texte  du  Dia 


493 


logue  avec  la  version  de  Wolfius  conigée. 
Veter.  Pair.  Bibliot.,  tom.  X,  pag.  629-607; 


une  notice  précède.  Le  tout  est  reproduit 
dans  le  tome  LXXXV  de  la  Patrologie  grec- 
que, col.  865-1004.] 


CHAPITRE  XXXIV. 

Saint    Gélase ,   pape   [496]. 


\ .  Le  pape  Félix  étant  mort  le  25  février 
492,  après  avoir  tenu  le  Saint-Siège  environ 
neuf  ans,  on  élut  à  sa  place  après  cinq  jours 
de  vacance,  Gélase  africain  de  naissance,  fils 
de  Valère  qui  gouverna  l'Eglise  romaine, 
quatre  ans  huit  mois  et  dix-huit  jours.  On 
croit  qu'aussitôt  après  son  élection  ^,  il  écrivit 
à  l'empereur  Anastase,  qui  ne  lui  fit  pas  de 
réponse.  Au  contraire,  Euphémius  patriarche 
de  Constantinople,  à  qui  Gélase  n'avait  point 
écrit  comme  n'étant  pas  dans  la  communion 
de  l'Eglise  romaine,  lui  écrivit  deux  lettres 
pour  l'engager  à  procurer  la  paix  et  la  réu- 
nion des  Eglises.  Nous  avons  donné  plus 
haut  le  précis  des  lettres  d'Euphémius,  et  de 
la  réponse  de  Gélase  ^. 

2.  Celle  qui  suit  dans  le  recueil  de  ses  let- 
tres est  adressée  à  Laurent  évéque  de  Li- 
gnide,  en  Illyrie  *.  Laurent  avait  mandé  à 
Gélase  par  une  grande  lettre,  qu'on  avait  lu 
dans  l'Eghse  de  Thessalonique  et  dans  les 
autres  de  la  province,  la  lettre  du  pape  Félix 
louchant  les  excès  d'Acace  ;  qu'ensuite  tous 
lui  avaient  dit  anathème  et  s'étaient  séparés 
de  sa  communion.  11  avait  prié  en  même 
temps  le  pape,  d'envoyer  aux  évêques  d'il- 
lyrie  une  profession  de  foi  qui  pût  servir 
d'antidote  contre  l'hérésie.  Gélase  fit  dans  sa 
réponse  une  déclaration  abrégée  de  sa  foi, 
reconnaissant  que  c'était  la  coutume  que 
l'évêque  nouvellement  établi  dans  l'Eglise 
romaine,  envoyât  aux  autres  Eglises  le  for- 
mulaire de  sa  foi.  11  s'y  étend  particulière- 


ment sur  le  mystère  de  l'Incarnation,  con- 
fessant que  le  Fils  de  Dieu,  né  sans  commen- 
cement du  Père  selon  sa  divinité,  a  été  fait 
chair  dans  le  sein  de  la  très-sainte  Vierge 
Marie  ;  qu'il  est  homme  parfait  composé 
d'une  âme  raisonnable  et  d'un  corps  ;  qu'il 
est  consubstantiel  à  son  Père  selon  sa  divi- 
nité, et  à  nous  selon  son  humanité.  «  Car, 
ajoule-t-il,  l'union  des  deux  natures  s'est 
faite  d'une  manière  ineffable,  en  sorte  que 
nous  ne  reconnaissons  qu'un  seul  Christ, 
le  même  qui  est  Fils  de  Dieu  et  Fils  de 
l'homme.  »  11  prouve  l'existence  des  deux  na- 
tures, par  l'autorité  de  l'Ecriture,  montrant 
que  le  Verbe  n'a  pas  été  changé  en  chair,  ni 
la  chair  en  Dieu,  même  depuis  la  résurrec- 
tion. «  Nous  avions,  ajoute-t-il,  résolu  de 
vous  envoyer  quelques-uns  des  nôtres,  si 
l'élat  de  nos  afiaires  nous  l'eût  permis  :  mais 
nous  espérons  le  faire  dans  quelque  temps, 
lorsqu'on  nous  aura  mandé  par  une  députa- 
tion  solennelle,  comme  nous  nous  y  atten- 
dons, que  l'on  se  sera  rangé  à  son  devoir 
dans  ces  quartiers-là.  Nous  avons  aussi  con- 
fiance en  la  miséricorde  de  Dieu,  que  le 
très-pieux  et  ti'ès-religieux  empereur  secon- 
dera nos  travaux  par  son  consentement  et 
son  autorité  ;  que  la  foi  qui  l'anime,  le  por- 
tera à  donner  ordre  qu'on  ne  mette  plus  le 
trouble  dans  ces  pays,  par  des  questions  vai- 
nes et  inutiles,  et  que  l'on  s'en  tienne  à  la 
doctrine  des  pères  orthodoxes.  »  11  paraît 
que  cette  lettre  était  circulaire  pour  tous 


'  Outre  le  Dialogue,  on  a  encore  d'Enée  de  Gaze 
vingt-cinq  leLtres  grecques  ;  elles  sont  insérées  dans 
le  recueil  des  lettres  d'auteurs  grecs  publié,  par  Aide 
Manuce,  Rome  1499,  in-4"'.  On  les  retrouve  avec 
une  version  latine  dans  l'édition  qui  porte  le  nom 
de  Cujas,  Genève,  1606,  in-fol.  (L'éditeur.) 

2  Tom.  IV  Conc,  pag.  1160. 

2  Le  tome  LIX  de  la  Patrologie  latine ,  reproduit 
les  œuvres  de  Gélase,  d'après  Mansi.  On  y  trouve  : 
1"  sa  Vie  par  Anastase  ;  2°  ses  lettres  au  nombre  de 
quiûze  :  3°  des  fragments  de  dix  autres  :  'i°  le  livre 


sur  le  Lien  de  l'anathème  :  5°  l'écrit  contre  le  sé- 
nateur Andromaque  et  quelques  autres  Romains 
qui  voulaient  continuer  à  célébrer  les  Lupercales  : 
6°  deux  décrets  et  une  constitution.  Viennent  ensuite 
trois  appendices.  Le  1"  contient  six  lettres  dou- 
teuses ;  le  2"  renferme  cinquante-huit  décrets  qui 
lui  sont  attribués  ;  le  3'  contient  le  premier  concile 
romain  où  se  trouvent  relatés  les  livres  canoniques 
et  les  apocryphes  avec  les  notes  de  Mansi  et  de 
Pagi,  et  le  deuxième  concile  romain.  [L'éditeur.) 
4  Tom.  IV  Conc,  pag.  1163. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


L"llres  ; 
('■  V  è  q  u  e  s 
I>ardan;e, 
493. 


494 

les  évêques  de  la  Macédoine  dont  Lignide 
faisait  partie. 

3.  Le  pape  Gélase  oîcrivit  deux  lettres  aux 
évêques  de  Dardanie  ',  la  première  par  un 
évêque  nommé  Ursicin;  la  seconde,  par  uu 
appelé  Tryplion  :  celle-ci  est  perdue.  U  parait 
que  Gélase  les  y  priait  d'exclure  de  leur 
communion,  tous  ceux  qui  avaient  mis  ou  qui 
mettaient  encore  les  noms  d'Acace  et  de 
Pierre  dans  les  diptyques.  Les  évêques  de 
Dardanie  récrivirent  au  pape  par  le  même 
Tryphon.  Ils  lui  donnent  dans  l'inscription 
de  leur  lettre,  la  qualité  de  Père  des  Pères, 
et  déclarent  qu'ils  veulent  en  tout  obéir  à 
ses  ordres,  observer  selon  qu'ils  l'ont  appris 
de  leurs  Pères,  toutes  les  ordonnances  du 
Siège  apostolique,  et  garder  la  foi  orthodoxe 
qu'il  enseigne.  Ils  ajoutent  qu'avant  d'avoir 
reçu  sa  lettre,  ils  avaient  renoncé  à  la  com- 
munion d'Eulychès,  de  Pierre,  d'Acace  et 
de  tous  leurs  sectateurs;  qu'à  plus  forte  rai- 
son ils  s'en  abstiendraient  depuis  qu'ils 
avaient  reçu  sur  cela  les  avertissements  du 
Saint-Siège,  auquel  ils  voulaient  demeurer 
inviolablement  attachés  ^  selon  les  préceptes 
divins  et  les  statuts  des  pères;  faisant  pro- 
fession de  se  séparer  de  communion  de  tous 
ceux  qui  se  seront  séparés  du  Saint-Siège 
apostolique.  Ils  prient  Gélase  de  leur  en- 
voyer quelques-uns  des  siens,  en  présence 
de  qui  ils  puissent  régler  ce  qui  concerne  la 
foi  catholique  et  les  autres  choses  que  le 
pape  jugerait  à  propos  qu'ils  observassent. 
Ils  chargèrent  verbalement  Tryphon,  de  pro- 
poser au  pape  quelques  diiBcultès.  Leur  let- 
tre est  souscrite  de  six  évêques,  dont  Jean 
de  Scupi,  métropolitain,  marque  seul  le  lieu 
de  son  évêché.  Dans  la  lettre  que  Gélase 
leur  écrivit  par  l'évêque  Ursicin,  il  donne 
avis  aux  évêques  de  Dardanie,  de  son  éléva- 
tion sur  le  Saint-Siège,  s'excusant  de  ne  l'a- 
voir pas  fait  plus  tôt,  à  cause  des  troubles  cau- 
sés par  les  guerres.  Ce  qu'il  ajoute  :  que  l'héré- 
sie d'Eutychès  avait  commencé  depuis  envi- 
ron quarante-cinq  ans,  fait  voir  qu'il  écrivait 
cette  lettre  en  493,  à  compter  depuis  la  con- 
damnation de  cet  hérésiarque  au  concile  de 
Constantinople,  en  448.  Il  explique  aux  évê- 
ques de  Dardanie  en  quoi  consistait  l'hérésie 
eutychéenne,  et  la  réfute  en  peu  de  mots, 
les  renvoyant  aux  écrits  de  saint  Léon  sur 


ce  sujet.  11  se  plaint  de  ceux  qui  sans  avoir 
égard  aux  décrets  du  concile  de  Chalcédoine, 
communiquaient  avec  les  sectateurs  de  l'hé- 
résie, quoiqu'ils  n'osassent  pas  eux-mêmes 
la  professer  ouvertement.  Il  les  prie  d'exclure 
de  leur  communion  tous  ceux  qui  mettaient 
le  nom  d'Acace  dans  les  diptyques,  et  les 
avertit,  qu'au  cas  que  quelqu'un  vînt  les  sol- 
liciter d'entrer  dans  la  communion  de  ceux 
qui  demeuraient  attachés  à  cet  évêque,  d'en 
donner  aussitôt  avis  au  Saint-Siège,  afin  que 
les  évêques  pussent  s'unir  contre  les  enne- 
mis du  Seigneur.  Il  les  charge  de  faire  part 
de  sa  lettre  aux  évêques  des  provinces  voi- 
sines. 

4.  Quoique  Laurent  de  Lignide,  eût  assuré 
le  pape  Gélase,  que  dans  l'Eglise  de  Thessa- 
lonique  comme  dans  les  autres  de  l'Illyrie, 
on  avait  dit  anathème  à  Acace  ^,  il  se  trouva 
toutefois  que  l'évêque  de  cette  ville  nommé 
André,  ne  voulut  jamais  condamner  nette- 
ment Acace,  ni  aucun  de  ceux  qui  lui  étaient 
unis  de  communion.  Il  semble  que  le  pape 
lui  fit  sur  cela  diverses  instances,  et  qu'il  re- 
fusa constamment  de  changer  de  conduite  : 
aussi  ne  lui  accorda-t-il  point  sa  communion. 
Il  écrivit  même  à  tous  les  évêques  de  Dar- 
danie, d'agir  avec  beaucoup  de  précaution 
avec  l'évêque  de  Thessalonique.  Sa  lettre 
qui  était  circulaire,  est  datée  du  3°  d'août 
de  l'an  494.  Les  diacres  Cyprien  et  Macaire 
en  furent  porteurs.  Le  pape  y  fait  l'éloge  de 
la  constance  avec  laquelle  ces  évêques  de- 
meuraient dans  la  foi  et  dans  la  communion 
ancienne,  sans  se  laisser  entraîner  aux  mau- 
vais exemples  de  leurs  voisins,  c'est-à-dire, 
de  ceux  de  la  Thrace.  Il  les  exhorte  à  ne 
donner  aucune  entrée  dans  leur  cœur  à  l'hé- 
résie eutychéenne  ;  et  pour  en  marquer  leur 
éloignement,  de  ne  recevoir  à  leur  commu- 
nion ni  ceux  qui  récitaient  à  l'autel  le  nom 
d'Acace,  ni  ceux  avec  qui  ceux-ci  étaient  liés 
de  communion  :  et  parce  qu'on  aurait  pu 
leur  rapporter  qu' Acace  avait  demandé  et 
obtenu  le  pardon  de  sa  faute,  il  les  assure 
du  contraire;  et  en  même  temps  que  la  fer- 
meté que  l'Eglise  romaine  témoignait  contre 
lui,  n'était  point  pour  se  venger  du  mépris 
que  cet  évêque  avait  fait  d'elle.  La  raison 
qu'il  donne  de  ne  point  réciter  à  l'autel  les 
noms  des  hérétiques  ni  de  leurs  fauteurs,  est 


Au 
1res  a 
qaes  i 


>  Tom.  IV  Conc,  pag.  1165, 1166. 
2  Patrum  in  omnibus  custodientes  prœcepta ,  et  in- 
violabilia  sacrosanclorum  canonum  instiiuta  seclanies 


apostolicœ  et  singulari  illi  sedi  vestrœ  commune  fide 
et  devotione  parère  contendimus.  Pag.  1165. 
3  Tom.  IV  Cane,  pag.  1196. 


[V   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


495 


;  Dar- 


que  cela  ne  peut  se  faire  sans  donner  lieu 
de  croire  qu'on  embrasse  aussi  leur  mauvaise 
doctrine.  Il  dit  encore,  que  l'on  ne  doit  point 
accorder  à  Acace  après  sa  mort,  l'absolution 
qu'il  n'a  ni  demandée  ni  méritée  étant  en 
vie ,  parce  que  selon  la  parole  de  Jésus- 
Christ,  c'est  sur  la  terre  que  les  prêtres  du 
Seigneur  doivent  remettre  les  péchés,  afin 
qu'ils  soient  remis  dans  le  ciel  ;  que  d'ailleurs 
il  n'est  plus  permis  de  juger  celui  qui  a  com- 
paru au  jugement  de  Dieu.  Il  témoigne  être 
prêt  à  recevoir  à  bras  ouverts,  ceux  mêmes 
qui  ont  traité  le  Saint-Siège  avec  mépris, 
s'ils  reviennent  sincèrement  à  la  communion 
catholique,  voulant  leur  donner  des  preuves 
qu'il  n'agit  dans  l'affaire  d' Acace  par  aucun 
ressentiment.  11  marque  sur  la  fin  de  sa  let- 
tre, qn'il  avait  écrit  aux  évêquesdeDalmatie. 
Nous  n'avons  plus  cette  lettre. 

3.  Il  nous  en  reste  une  troisième  aux  évo- 
ques de  Dardanie,  où  il  répond  aux  difficultés 
qu'ils  lui  avaient  proposées  par  Tryphon ,  tou- 
chant Acace.  Elle  est  du  1"  février  493.  Ces 
évêques  paraissaient  touchés  de  celte  objec- 
tion des  partisans  d'Acace  :  il  n'a  pas  été  lé- 
gitimement condamné,  disait-on,  puisqu'il  ne 
l'a  point  été  dans  un  concile  tenu  exprès,  vu 
surtout  qu'il  était  l'évêque  de  la  ville  impé- 
riale. Gélase  répond ,  que  suivant  l'usage 
établi  par  les  apôtres  ',  l'orsqu'une  hérésie 
a  été  condamnée  dans  un  concile,  ce  qui  a 
été  décidé  à  cet  égard  doit  demeurer  inva- 
riable, sans  qu'il  soit  permis  de  le  remettre 
en  question,  parce  qu'autrement  il  n'y  aurait 
rien  de  solide  dans  les  jugements  de  l'Eglise. 
Car  quelque  évidente  que  soit  une  vérité, 
l'erreur  ne  manque  jamais  d'objections,  étant 
soutenue  par  l'opiniâtreté  k  défaut  de  la  rai- 
son. Sur  ce  principe  les  pères  dans  chaque 
concile  ont  jugé  suffisant  de  condamner  l'hé- 
résie avec  son  auteur,  et  de  déclarer  que 
quiconque  à  l'avenir  communiquerait  à  la 


même  erreur,  serait  compris  dans  la  pre- 
mière condamnation.  C'est  de  cette  manière 
qu'on  a  condamné  Sabellius,  Arius,  Euno- 
raius,  Macédonius  et  Nestorius.  Or,  aucun 
vrai  chrétien  ne  peut  ignorer  que  c'est  prin- 
cipalement au  premier  siège  ^  à  exécuter  les 
décrets  des  conciles,  approuvés  par  le  con- 
sentement de  l'Eglise  universelle  ;  puisque 
ce  siège  confirme  les  conciles  par  son  auto- 
rité et  en  maintient  l'observation  en  vertu  de 
sa  primauté.  Le  Saint-Siège  quoique  assuré 
qu'Acace  s'était  écarté  de  la  communion  ca- 
tholique, s'est  refusé  longtemps  aux  preuves 
certaines  qu'il  en  avait,  et  n'a  point  cessé  de 
l'avertir  par  lettres  pendant  près  de  trois  ans. 
On  lui  a  même  envoyé  une  députation  d'é- 
vêques,  avec  des  lettres  pour  l'exhorter  ou  à 
ne  pas  se  séparer  de  l'unité,  et  à  venir  ou 
envoyer  pour  se  défendre  contre  les  accusa- 
tions graves  de  Jean  d' Alexandrie,  qui  était 
l'évêque  du  second  siège.  Le  pape  ajoute  : 
«  Encore  qu'on  ne  dût  point  tenir  de  nouveau 
concile  ^,  il  n'y  avait  point  d'évêque  qui  dût 
éviter  le  jugement  du  premier  siège,  à  qui 
s'était  adressé  l'évêque  du  second  siège,  qui 
n'avait  point  d'autre  juge,  surtout  n'ayant 
été  mis  hors  de  son  siège  par  aucun  concile. 
Acace  au  lieu  de  satisfaire,  a  corrompu  les 
légats  du  siège  apostolique ,  pour  s'efïorcer 
d'attirer  ce  siège  dans  la  communion  des 
hérétiques;  et  par  ses  lettres  a  déclaré  qu'il 
communiquait  à  Pierre  d'Alexandrie ,  le 
louant  et  faisant  des  reproches  contre  Jean , 
sans  oser  venir  ni  envoyer  pour  soutenir  ce 
qu'il  avançait.  Il  a  donc  été  condamné  en 
vertu  du  concile  de  Chalcédoine  :  et  le  Saint- 
Siège  l'a  retranché  de  sa  communion  pour 
ne  pas  tomber  dans  celle  de  Pierre  d'Alexan- 
drie, avec  lequel  Acace  communiquait.  » 
Gélase  dit,  que  c'est  ainsi  que  Timothée 
Elure  et  Pierre  d'Alexandrie,  qui  passaient 
pour  évêques  du  second  siège,  ont  été  con- 


1  Percurrere  vos  oportet  ab  ipsis  beatis  apostolis , 
quoniavi  Patres  noslri  calholici  doctique  poniifices  in 
unaquaque  hœresi  quolibet  lempore  suscilata,  quidquid 
pro  veritate ,  pro  communione  calholica  atque  aposto- 
licn,  secundum  Scripturarum  tramitem  prœdicalio- 
nemque  majorum  fada  semel  congregatione  sanxeruni; 
inconvulsum  volueruat  deinceps  fii'mumque  constare, 
nec  i?i  eadem  causa  denuo  quœ  prœfixa  fuerant  reirac- 
tari  qualibet  recenti  prœsumptione  permiserunt  ;  sa- 
pientissime  prœvidentes  quoniam  si  décréta  satubriter 
cuiquam  liceai  ilerare,  nullum  contra  singulos  quos- 
que  prorsus  errores  stabile  persisteret  Ecdesiœ  consti- 
tutum ,  ac  seniper  iisdem  furoribus  recidivis  omnis 
intégra  definitio  lurbareiur,  Toui.  IV,  Conc.  pag.  1199. 


2  Quibus  convenienier  ex  paterna  traditione  perpen- 
sis  confidimus  quod  nullus  jain  veraciter  christianus 
ignoret  uniuscujusque  synodi  constitutum ,  quod  vni- 
versalis  Ecclesiœ  probavit  assensus,  non  aliquam  magis 
exequi  sedem  quam  primam  ,  quœ  et  unamquamque 
synodum  sua  aucioritate  confirmât  et  continuata  mo- 
deratione  custodit,  jiro  suo  scilicet  principatu.  IbiJ., 
pag.  1200. 

2  Licet  enim  synodus  iteranda  non  esset,  tamen  cun- 
grueret  ut  cujustibet  civitatis  episcopus  primœ  sedis 
judicium  non  vitaret,  ad  quod  convenerat  secundœ  se- 
dis antistes,  qui  nisi  a  prima  sede  non  posset  audiri , 
prœcipue  qui  nulla  synodo  a  Grœeis  fuisset  exciasus. 
Ibid.,  pag.  1202. 


496 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


damnés  sans  nouveaux  conciles,  par  la  seule 
autorité  du  Saint-Siège,  à  la  poursuite  même 
d'Acace,  et  que  c'est  aux  schisniatiques  à 
montrer,  que  Pierre  a  été  justifié  depuis. 
«  Toute  TEglise  sait,  continue  le  pape  ',  que 
le  siège  de  saint  Pierre  a  droit  d'absoudre 
des  jugements  de  tous  les  évêques,  et  de 
juger  toute  l'Eglise,  sans  que  personne  puisse 
juger  son  jugement,  puisque  les  canons  veu- 
lent que  l'on  puisse  y  appeler  de  toutes  les 
parties  du  monde,  et  qu'il  n'est  pas  permis 
d'appeler  de  lui.  Acace  n'a  donc  eu  aucun 
pouvoir  d'absoudre  Pierre  d'Alexandrie  sans 
la  participation  du  Saint-Siège,  qui  l'avait 
condamné.  Qu'on  dise  par  quel  concile  il  l'a 
fait,  lui  qui  n'était  qu'un  simple  évêque,  dé- 
pendant de  la  métropole  d'Héraclée?  Sou- 
vent même  sans  concile  précédent,  le  Saint- 
Siège  a  absous  ceux  qu'un  concile  avait  con- 
damnés injustement,  et  condamné  ceux  qui 
le  méritaient.  »  Le  pape  appoi'te  les  exemples 
de  saint  Athanase,  de  saint  Clir3'S0Stôme  et 
de  saint  Flavien,  absouts  par  le  Saint-Siège 
des  jugements  prononcés  contre  eux  dans 
divers  conciles  d'Orient;  et  dit  qu'au  con- 
traire, le  même  siège  apostolique  avait  con- 
damné de  sa  propre  autorité,  Dioscore,  reçu 
dans  le  même  concile  qui  avait  condamné 
saint  Flavien.  En  parlant  du  faux  concile 
d'Ephèse  et  de  celui  de  Chalcédoine,  il  donne 
la  différence  des  bons  et  des  mauvais  con- 
ciles; avançant  pour  maxime  générale^,  que 
comme  un  concile  que  le  premier  siège  a 
réprouvé  ne  peut  avoir  de  force,  celui  que 
ce  siège  approuve  est  reçu  de  toute  l'Eglise; 
qu'ainsi  un  concile  illégitime  est  celui  qui 
fait  quelque  chose  de  contraire  à  l'Ecriture  ^, 
à  la  doctrine  des  pères  et  aux  canons,  et  qui 
pourceteffetestrejetéde  toute  l'Eglise, prin- 
cipalement du  Saint-Siège .  «  Le  1  égitime,  dit-il, 
est  celui  qui  juge  selon  l'Ecriture,  selon  la 
tradition  des  pères,  conformément  aux  lois 
ecclésiastiques,  et  qui  est  reçu  de  toute  l'E- 
glise et  approuvé  du  Saint-Siège.  Un  concile 
qui  a  toutes  ces  conditions  ne  peut  être  ré- 


voqué en  aucune  manière.  Tel  est  celui  de 
Chalcédoine,  dans  lequel  Eutychès  et  ses 
adhérents  ont  été  condamnés.  On  ne  peut 
dire  la  même  chose  du  faux  concile  d'Ephèse, 
où  tout  s'est  passé  contre  les  règles  de  la 
foi  et  de  la  communion  chrétienne  et  catho- 
lique. Il  suit  de  là,  qu'il  n'est  plus  besoin 
d'autres  conciles  pour  condamner  les  euty- 
chéens  et  tous  ceux  qui  communiquent  avec 
eux;  qu'il  n'est  question  que  d'exécuter  les 
décrets  de  Chalcédoine;  et  c'est  ce  que  le 
Saint-Siège  a  fait  à  l'égard  d'Acace.  Par  quel 
concile  cet  évêque  lui-même  a-t-il  déposé 
Jean  de  Talaïa,  évêque  du  second  siège, 
c'est-à-dire,  d'Alexandrie,  à  qui  on  ne  re- 
prochait rien  contre  la  foi  catholique,  pour 
mettre  à  sa  place  Pierre,  hérétique  mani- 
feste, qu'il  avait  lui-même  condamné?  Par 
quel  concile  Acace  a-l-il  fait  chasser  Calan- 
dion,  évêque  du  troisième  siège,  c'est-à-dire, 
d'Antioche;  et  dans  tout  l'Orient,  tant  d'évê- 
ques  catholiques  et  sans  reproches,  pour 
leur  substituer  des  gens  chargés  de  crimes? 
Veut-on  l'excuser  en  disant  qu'il  y  avait  été 
forcé  par  l'autorité  de  l'empereur?  mais  n'a- 
vait-il pas  résisté  en  d'autres  occasions  au 
tyran  Basilisque  et  même  à  l'empereur  Ze- 
non, pour  ne  pas  communiquer  avec  Pierre 
d'Antioche?  Ne  pouvait-il  pas  aussi  lui  ré- 
sister dans  le  reste?  Mais  Zenon,  au  contraire, 
déclare  dans  ses  lettres,  qu'il  a  tout  fait  avec 
le  conseil  d'Acace;  et  cet  évêque  l'avoue  lui- 
même.  S'il  ne  pouvait  s'opposer  seul  à  l'em- 
pereur, que  n'écrivait-il  au  Saint-Siège,  pour 
agir  de  concert  et  l'amener  ce  prince  à  la 
raison?  ))  Le  pape  Gélase  dit  encore ,  qu'Acace 
ne  pouvait  se  prévaloir  de  ce  qu'il  avait  été 
évêque  de  la  ville  impériale;  que  cette  pré- 
rogative ne  lui  donnait  pas  plus  d'autorité 
que  n'en  avaient  les  évêques  de  Ravenne,  de 
Milan,  de  Sirmium,  de  Trêves  et  des  autres 
villes  où  les  empereurs  avaient  fait  de  longs 
séjours;  que  l'Eghse  de  Conslantinople  n'é- 
tait pas  même  à  comparer  avec  celles  d'A- 
lexandrie et  d'Antioche,  puisque  non-seule- 


I 


*  Non  reticemus  autem  quod  cuncla  per  mundum 
novit  Ecclesia ,  quoniam  quorumlibet  senientiis  ligata 
pontificiim,  sedes  beati  Pétri  apostoli  jus  habet  resol- 
vendi ,  utpofe  quod  de  omni  Ecclesia  fas  habeat  judi- 
candi,  neque  cuiquain  liceat  de  ejus  judicare  judicio, 
siquidem  ad  illam  de  qualibet  mundi  parte  canones 
appellari  voluerint,  ab  illu  auiem  nemo  sit  appellare 
permissus.  Ibid.,  pag.  1203. 

^  Quoniam  sicut  id  quod  jjrima  sedes  non  probaverat 
constare  non  poiuit,  sic  quod  illa  censuit  fudicandum 
Ecclesia  Iota  suscepit.  Ibid.,  pag.  1203. 


s  Vbi  etiam  consequenier  ostenditur,  quia  maie  gesta 
synodus,  id  est  contra  Scripturas  sanctas,  contra  doc- 
trinam  Patrum ,  contra  ecclesiasticas  régulas  quant 
tota  Ecclesia  merito  non  recepit  et  prœcipue  sedes 
apostolica  non  probavit,  per  bene  gestam  synodum,  id 
est,  secundum  Scripturas,  secundum  traditionem  Pa- 
trum ,  secundum  ecclesiasticas  régulas  pro  fide  catho- 
lica  et  communione  prolatam ,  quani  cuncta  recepit 
Ecclesia,  quam  maxime  sedes  apo':iolica  comprobavit, 
debuerit  et  potuerit  immutari,  bene  vero  gestam  sy- 
nodum nova  synodo  nullaienus  immutandam.  Ibid. 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


fV  SIÈCLE.] 

ment  elle  n'était  pas  un  siège  patriarchal, 
mais  qu'elle  n'avait  pas  même  la  dignité  de 
métropole;  qu'autre  était  la  puissance  de 
l'empire  séculier,  et  autre  la  distribution  des 
dignités  ecclésiastiques;  que  comme  une  pe- 
tite ville  ne  diminue  point  la  grandeur  du 
prince  qui  s'y  trouve  ;  ainsi  la  présence  de 
l'empereur  ne  change  point  l'ordre  de  la  re- 
ligion; et  que  cette  ville  devrait  plutôt  pro- 
fiter d'un  semblable  avantage,  pour  conser- 
ver la  liberté  de  la  religion,  en  demeurant 
tranquillement  dans  ses  bornes.  Gélase  rap- 
porte que  l'empereur  Marcien,  après  s'être 
donné  de  grands,  mais  inutiles  mouvements, 
pour  l'élévation  de  l'évêque  de  Constantino- 
ple,  avait  reconnu  que  saint  Léon  s'y  était 
opposé  avec  raison,  et  l'avait  loué  pour  avoir 
en  cette  occasion  pris  la  défense  des  canons; 
qu'Anatolius ,  alors  évêque  de  cette  ville , 
avait  dit  que  cette  entreprise  venait  plutôt 
du  clergé  et  du  peuple  de  Constantinople, 
que  de  lui,  et  que  saint  Léon  en  confirmant 
le  concile  de  Chalcédoine,  avait  déclaré  nul 
tout  ce  qui  était  contre  les  canons  de  Nicée, 
et  dépassait  le  pouvoir  qu'il  avait  donné  à  ses 
légats;  enfin  que  sous  le  pontificat  de  Sim- 
plice,  Probus,  évêque  de  Canuse,  légat  du 
Saint-Siège,  avait  soutenu  en  présence  de 
l'empereur  Léon,  que  la  prétention  des  évo- 
ques de  Constantinople  était  sans  fondement. 
Le  pape  fait  voir  ensuite,  que  quand  la  dé- 
position de  Jean  et  de  Calandion  aurait  été 
faite  par  ordre  de  l'empereur,  c'était  à  Acace 
à  s'y  opposer;  et  que  s'il  était  vrai  que  Ca- 
landion eût  rayé  le  nom  de  ce  prince,  et  que 
Jean  lui  eût  menti,  il  ne  fallait  pas  les  chasser 
de  leurs  sièges,  avant  qu'ils  fussent  convain- 
cus et  condamnés  dans  un  concile.  Pour  lever 
toute  difficulté  sur  la  condamnation  d'A- 
cace,  Gélase  ajoute,  que  la  sentence  pro- 
noncée contre  lui,  a  été  rendue  dans  un  con- 
cile d'Italie,  quoiqu'elle  ne  porte  que  le  nom 
du  pape,  parce  qu'entre  autres  raisons,  elle 
devait  être  envoyée  secrètement,  à  cause  des 
gardes  qu'on  avait  mis  partout  :  car  si  elle 
eût  été  au  nom  du  concile,  il  était  dans  l'or- 
dre de  l'envoyer  par  des  évoques,  qui  eussent 
beaucoup  risqué  en  chemin. 

Le  pape  Gélase  parle  après  cela  d'un  autre 
concile  tenu  à  Rome,  où  la  sentence  contre 
Acace  fut  confirmée.  Il  dit  que  ce  concile  se 
tint  après  que  la  plupart  des  évoques  d'O- 
rient eurent  été  chassés  de  leurs  sièges,  ou 


497 


mis  hors  de  liberté  de  pouvoir  s'assembler. 
Il  veut,  sans  doute,  parler  d'un  concile  tenu 
à  Rome  en  483,  où  les  évêques  au  nombre 
de  quarante-deux,  renouvelèrent  par  leurs 
signatures  les  anathèmes  déjà  prononcés  par 
le  Saint-Siège,  contre  Acace,  contre  Pierre 
Mongus  et  contre  Pierre-le-Foulon.  Gélase 
dit  que  ces  évêques  ne  s'étaient  pas  assem- 
blés contrôle  concile  de  Chalcédoine,  ni  pour 
opposer  à  son  autorité  celle  d'un  nouveau 
concile;  mais  plutôt  qu'ils  s'étaient  joints  au 
Siège  apostolique,  pour  mettre  en  exécution 
les  décrets  de  ce  concile  :  en  sorte  qu'il  pa- 
raissait assez  que  l'Eglise  catholique  avec 
le  Siège  apostolique,  ne  pouvant  pas  faire 
en  tout  lieu  ce  qu'ils  désiraient,  n'avaient 
rien  omis  pour  faire,  où  ils  le  pouvaient  et 
avec  ceux  qu'ils  pouvaient,  tout  ce  qui  était 
capable  de  rétablir  la  communion  et  une  paix 
sincère  et  durable  entre  les  enfants  de  l'E- 
glise. 

6.  Théodoric  devenu  maître  de  l'Italie  au  i„5i,ueiion 
commencement  de  l'an  493,  par  la  prise  de  îJS."""" 
Ravenne,  prit  le  titre  de  roi,  envoya  aussitôt 
une  ambassade  à  Ajiastase,  composée  de 
Fauste,  maître  des  offices,  et  d'Irènée,  qui 
portait  de  même  que  Fauste  le  titre  d'Hlustre. 
Le  pape  Gélase  ne  leur  donna  point  de  let- 
tre pour  l'empereur,  ce  qui  surprit  ce  prince, 
qui  ne  se  souvenait  pas  apparemment  qu'il 
avait  défendu  à  ceux  qu'il  avait  envoyés  à 
Rome  de  voir  le  pape  et  de  lui  parler  :  mais 
il  paraît  qu'il  leur  mit  en  main  diverses  ins- 
tructions touchant  le  schisme  auquel  la  con- 
damnation d' Acace  avait  servi  de  prétexte. 
Il  nous  reste  deux  grands  fragments  qui  fai- 
saient apparemment  partie  de  ces  instruc- 
tions. A  la  tète  du  premier,  on  lit  cette  ins- 
cription :  Traité  de  Gélase,  où  après  avoir 
montré  par  les  lettres  du  pape  Simplice  et 
de  Félix  son  successeur  ',  qu'ils  ont  connu 
ou  même  jugé  l'impiété  de  Timothée  Elure 
et  de  Pierre  Mongus,  il  prescrit  aux  envoyés 
la  manière  dont  ils  doivent  répondre  aux 
plaintes  des  Grecs.  L'autre  faisait,  ce  semble, 
partie  d'une  lettre  à  tous  les  évoques  d'O- 
rient ^.  On  y  fait  voir  qu'il  n'était  pas  besoin 
d'assembler  un  nouveau  concile  pour  la  con- 
damnation d'Acace,  lui-même  ayant  déposé 
beaucoup  d'évêques  orthodoxes  et  innocents 
sans  concile,  et  qu'il  n'avait  pu,  sans  l'auto- 
rité du  Siège  apostolique,  absoudre  Pierre 
Mongus.  Fauste  et  Irénée  s'employèrent  en 


>  Tom,  IV  Conc,  pag.  1212. 
X. 


2ïom.  IV  Concil.,  pag.  1277. 


3^ 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vaift  pour  faire  ôter  le  nom  d'Acace  des  dip- 
tyques. Anastase  se  plaignait  de  ce  que  le 
pape  condamnait  la  mémoire  de  cet  évêque. 
Euphémius,  son  successeur,  soutenait  que 
Félix,  en  le  condamnant  seul,  avait  agi  con- 
tre les  canons  ;  d'autres  prétendaient  qu'A- 
cace  avait  demandé  pardon,  et  que  Rome  le 
lui  avait  refusé  ;  d'où  ils  prenaient  occasion 
de  traiter  les  Romains  de  superbes,  et  d'ac- 
cuser Gélase  de  ne  vouloij'  point  la  paix  ; 
enfin  ils  menaçaient  de  se  séparer  de  la  com- 
munion du  pape,  s'il  persistait  à  vouloir  que 
l'on  ôtât  le  nom  d'Acace  des  diptyques.  Gé- 
lase informé  de  toutes  les  plaintes  des  Grecs, 
par  une  lettre  que  Fauste  lui  en  écrivit,  lui 
envoya  une  Instruction  ou  mémoire,  pour 
leur  répondre.  Il  y  dit  qu'il  avait  bien  com- 
pris que  les  Grecs  demeureraient  dans  leur 
obstination,  et  qu'ils  ne  chercheraient  qu'à 
renverser  la  foi  catholique  h  l'occasion  de 
l'ambassade  du  roi;  et  qu'il  ne  sait  ce  que  veut 
dire  l'empereur  quand  il  se  plaint  qu'il  l'a  con- 
damné puisque  Félix  son  successeur,  non- 
seulement  avait  toujours  respecté  le  nom  de 
ce  prince,  mais  qu'il  lui  avait  encore  écrit  sur 
son  avènement  à  l'empire.  «  Je  lui  ai  fait  aussi, 
dit-il,  mes  compliments  par  lettre,  sans  en 
avoir  jamais  reçu  de  lui.  Les  Grecs,  ajoule- 
t-il,  demandent  qu'on  leur  pardonne.  Qu'on 
lise  ce  qui  s'est  passé  depuis  l'établissement 
de  la  religion  chrétienne  ;  y  verra-t-on  un 
exemple  que  des  évêques,  que  des  apôtres, 
que  le  Sauveur  même  aient  pardonné  à  d'au- 
tres qu'à  ceux  qui  se  corrigeaient  de  leurs 
fautes?  Nous  lisons  que  Jésus-Christ  a  ressus- 
cité des  morts,  mais  nous  ne  lisons  pas  qu'il 
ait  absous  des  gens  morts  dans  l'erreur.  II  a 
dit  à  saint  Pierre,  que  ce  qu'il  délierait  sur  la 
terre  serait  délié  dans  le  ciel;  mais  il  n'a  pas 
compris  les  morts  dans  le  pouvoir  qu'il  lui  a 
donné  à  cet  égard.  Quant  à  la  menace  qu'ils 
nous  font  de  se  séparer  de  l'Eglise  romaine, 
il  y  a  longtemps  qu'ils  l'ont  mise  en  exécu- 
tion. »  Euphémius  se  plaignait  avec  les  au- 
tres Grecs,  qu'Acace  eût  été  condamné  parle 
pape  seul.  Ils  disaient  qu'il  fallait  un  concile 
général  pour  condamner  un  patriarche.  Gé- 


lase répond  qu'Acace  avait  été  condamné  en 
vertu  du  concile  de  Chalcédoine  ;  que  non- 
seulement  le  pape,  mais  tout  évêque,  pou- 
vait l'endre  une  semblable  sentence;  qu'A- 
cace n'ayant  pas  inventé  une  nouvelle  er- 
reur, il  n'était  point  besoin  d'un  nouveau 
jugement;  qu'au  surplus,  il  est  prescrit  par 
les  canons  *,  que  les  appellations  de  toutes 
les  Eglises  seront  portées  au  Saint-Siège, 
et  que  l'on  ne  pourra  en  appeler  nulle  part , 
en  sorte  qu'il  jugera  de  toute  l'Eglise  sans 
être  jugé  de  personne,  et  que  ses  jugements 
demeureront  sans  atteinte  ;  que  Timothée 
Elure,  Pierre-le-Foulon  et  plusieurs  autres 
qui  se  prétendaient  évêques,  avaient  été  con- 
damnés par  l'autorité  seule  du  Saint-Siège, 
de  l'aveu  d'Acace,  qui  avait  même  été  l'exé- 
cuteur de  ce  jugement.  Le  pape  demande 
aux  Grecs,  en  vertu  de  quel  concile  Acace 
avait  chassé  Jean  de  Talaïa  et  Calandion  de 
leurs  Eglises,  sans  les  avoir  convaincus  ni 
avant,  ni  après  leur  déposition.  Et  parce 
qu'ils  soutenaient  qu'Acace  avait  demandé 
pardon  de  sa  faute,  il  leur  cite  le  témoignage 
d'une  personne  de  la  première  condition 
nommée  Andromaque,  qui  protestait  avec 
serment,  avoir  beaucoup  travaillé  pour  faire 
rentrer  Acace  dans  la  communion  du  Saint- 
Siège,  sans  avoir  pu  vaincre  son  obstination. 
Mais  en  supposant  qu'il  fallût  un  nouveau 
concile  pour  juger  l'affaire  d'Acace,  Gélase 
demande  si  les  Grecs  prétendaient  exercer 
chez  eux  le  jugement  qu'ils  proposaient,  en 
sorte  qu'ils  fussent  les  parties,  les  témoins  et 
les  juges?  «Gela  n'est  pas  permis,  leur  dit-il, 
même  dans  les  affaires  civiles,  à  plus  forte 
raison  dans  le  cas  où  il  s'agit  de  l'observation 
de  la  loi  de  Dieu.  S'il  s'agit  de  la  religion,  la 
souveraine  autorité  déjuger  n'est  due,  selon 
les  canons,  qu'au  siège  apostolique.  S'il  s'a- 
git de  la  puissance  séculière  *,  elle  doit  être 
jugée  par  les  évêques,  et  principalement  par 
le  vicaire  de  saint  Pierre.  Personne,  quelque 
puissant  qu'il  soit  dans  le  siècle,  pourvu  qu'il 
soit  chrétien,  ne  s'attribue  le  pouvoir  de  ju- 
ger des  choses  divines,  s'il  ne  persécute  la 
religion.  » 


'  Ipsi  sunt  canones  qui  appellationes  totius  Ecclesiœ 
ad  hiijus  sedis  examen  voluere  deferri;  ab  ipsa  vero 
numquam  prorsus  appe.Uari  debere,  sanxerunt,  ac 
per  hoc  illam  de  tota  Ecclesia  judicat,  ipsam  ad  nul- 
lius  commeare  judicium,  nec  de  ejus  unquam  proe- 
ceperunt  judicio  judicari  ;  sententiamque  illius  consti- 
tuerunt  non  opertere  dissolvi ,  cujus  poilus  décréta 
seqiienda  mandarunt.  Gelas.,  Epist.  i,  pag.  1169. 


'  Si  quantum  ad  religionem  pertinet,  nonnisi  apos- 
tolicœ  sedijuxfa  canones  debetur  summajudicii  totius: 
si  quantum  ad  sœculi  potestatem ,  il/a  a  ponfificibus 
et  prœcipue  a  beatl  Peirl  vicarlo  débet  cognosci  :  nec 
slbi  ftoc  quisquam  potentlsslmus  sœculi  vlndlcare 
prœsumlt  nlsi  religionem  persequens  dlvlna  judicare. 
Pag.  1170. 


i 


[V''  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


499 


[.étires  à  7.  Les  ïnquiétudes,  que  causait  au  pape 
^n"°li  Gélase  le  schisme  des  Grecs  *,  ne  l'empê- 
chaient pas  de  veiller  sur  les  autres  Eglises. 
Informé  que  l'on  semait  de  nouveau  l'hérésie 
de  Pelage,  en  Dalmatie,  il  écrivit  à  un  évê- 
que  de  la  province,  nommé  Honorius,  de  pré- 
cautionner ses  confrères  contre  ceux  qui 
osaient  faire  revivre  une  erreur  condamnée 
depuis  longtemps  par  le  Saint-Siège  sous  les 
pontificats  d'Innocent,  de  Zosime,  de  Boni- 
face,  de  Célestin,  de  Sixte  et  de  Léon  d'heu- 
reuse mémoire;  par  les  lois  de  l'Eglise  catho- 
lique, et  par  les  édits  des  princes  de  l'empire 
romain  ^.  L'évéque  Honorius  répondit  au 
pape  par  une  lettre  que  nous  n'avons  plus, 
et  qu'il  envoya  par  des  députés,  qu'il  s'éton- 
nait du  soin  qu'il  prenait  des  églises  de  Dal- 
matie ,  ajoutant  qu'il  avait  au  surplus  tou- 
jours eu  des  sentiments  orthodoxes  sur  cet 
article.  Mais  Gélase  lui  fit  entendre  par  une 
seconde  lettre,  qu'il  ne  devait  pas  être  surpris 
de  sa  vigilance  pastorale,  puisque  de  tout 
temps  le  Saint-Siège  avait  pris  soin  de  toutes 
les  églises  du  monde  ^.  Il  chargea  les  députés 
d'Honorius  des  réponses  à  quelques  articles 
qu'ils  lui  avaient  apparemment  proposés,  ou 
de  la  part  de  cet  évoque  ou  d'eux-mêmes. 
Nous  n'en  avons  aucune. 
Btiresanx       8.  L^hérésie  pélaaienne  s'était  aussi  ré- 

iMes  de  la  x  o 

jhed'An-  pandue   dans  la  Marche-d'Ancône,    où  un 
Il  Vieillard  nommé  Sénèque,  qui  en  était  in- 

fecté, enseignait  hautement  qu'il  n'y  avait 
pas  de  péché  originel,  que  les  enfants  morts 
sans  baptême  ne  pouvaient  être  condamnés, 
et  que  l'homme  par  le  bon  usage  de  son  libre 
arbitre,  pouvait  demeurer  heureux.  Passant 
de  là  à  la  pratique,  il  permettait  aux  clercs 
et  aux  moines  d'habiter  avec  les  filles  consa- 
crées à  Dieu,  comme  n'ayant  rien  à  craindre 
s'ils  ne  voulaient  pas.  Il  parlait  même  en  pré- 
sence des  évêques  avec  beaucoup  de  mépris 
de  saint  Jérôme  et  de  saint  Augustin,  les  lu- 
mières des  maîtres  ecclésiastiques  *.  Il  avait 
outre  cela  excommunié  un  prêtre  qui  s'op- 
posait à  ses  erreurs.  Ce  malheureux  vieillard 
fut  amené  devant  le  pape  Gélase,  qui  ne 
trouva  en  lui  que  de  l'entêtement  et  de  l'i- 
gnorance; un  esprit  bas,  grossier  et  si  épais, 
qu'il  ne  pût  jamais  rendre  aucune  raison  de 
la  doctrine  empoisonnée  dont  il  était  imbu. 

1  Tom.  IV  Conc,  pag.  1172.  —  2  ibid.,  pag.  1173. 

^  Miramur  dilectionem  tuam  fuisse  miratam  curam 
Sedis  apostoticœ ,  quœ  more  majorum  cunctis  per 
mundum  debetur  Ecclesiis,  pi'o  vestrœ  regionis  quoque 
Sede  fuisse  soliicitam.  Gelas.  Epist.  6,  pag.  1173 


Le  pape  ayant  essayé  inutilement  de  le  con- 
vaincre et  de  le  ramener,  laissa  à  Dieu,  à  qui 
tout  est  possible,  d'amollir  le  cœur  de  cet 
endurci  ;  mais  il  écrivit  une  lettre  assez  lon- 
gue aux  évêques  de  la  Marche-d'Ancône,  où 
il  réfutait  les  erreurs  de  ce  vieillard,  et  re- 
prenait ces  évêques  de  ne  s'y  être  point  op- 
posés. Cette  lettre  qui  est  datée  du  i"  no- 
vembre 498,  leur  fut  portée  par  le  diacre 
Romulus.  Gélase  remarque  que  ces  erreurs 
étaient  les  mêmes  que  l'Eglise  et  les  empe- 
reurs chrétiens  avaient  condamnées  dans 
Pelage,  dans  Célestius  et  dans  Julien  ;  qu'il 
y  avait  entre  eux  et  Sénèque  cette  différence 
qu'ils  étaient  éloquents,  et  que,  malgré  leur 
habileté  à  défendre  leurs  dogmes,  on  n'avait 
pas  laissé  de  les  convaincre;  au  lieu  que  Sé- 
nèque par  sa  stupidité  ne  pouvait,  ni  se  dé- 
fendre ni  être  convaincu.  Il  entreprend  après 
cela  la  réfutation  des  trois  erreurs  que  ce 
vieillard  enseignait  avec  les  pélagiens.  Ils 
disaient  que  les  enfants  étaient  créés  de  Dieu 
dans  le  sein  de  leurs  mères,  qu'ainsi  c'était 
rendre  Dieu  injuste,  de  dire  que  les  enfants 
étaient  coupables  de  péché  avant  d'être 
nés,  et  qu'ils  en  eussent  pu  commettre  par 
leur  propre  volonté.  Le  pape  Gélase  répond 
que,  nos  premiers  pères  ayant  péché,  la  na- 
ture humaine  a  péché  en  eux  ;  qu'en  consé- 
quence tout  ce  qui  est  d'eux  est,  à  la  vérité 
l'ouvrage  de  Dieu  selon  l'institution  de  la  na- 
ture, mais  qu'il  participe  en  même  temps  à 
la  contagion,  qui  a  été  la  suite  du  péché  de 
nos  premiers  pères.  «Si  après  avoir  été  créés 
innocents,  dit-il,  ils  ont  pu  souiller  l'œuvre  de 
Dieu,  par  le  désir  d'une  présomption  déréglée, 
y  a-t-il  heu  de  s'étonner  qu'étant  corrompus 
par  le  péché,  ils  aient  engendré  des  enfants 
corrompus? Leshommes  quoique  créés  libres, 
ne  sont-ils  pas  réduits  la  plupart  à  la  servi- 
tude parles  lois  humaines?  De  même  donc 
que  les  enfants  d'un  esclave  naissent  escla- 
ves, de  même  l'homme  naît  pécheur  en  tirant 
son  origine  d'un  pécheur.  »  Gélase  rapporte 
divers  passages  de  l'Ecriture,  qui  prouvent 
qu'aucun  n'est  exempt  de  péché,  pas  même 
l'enfant  qui  n'est  né  que  depuis  un  jour;  et 
que  personne  ne  peut  avoir  la  vie  éternelle, 
s'il  n'est  baptisé  et  ne  mange  la  chair  du  Fils 
de  l'homme.  «  Etre  privé  de  la  vie  éternelle, 

*  Adhuc  niajus  scelus  accrescit  ut  sub  coiispectu  et 
prœsentia  sacerdrAum  beaiœ  memoriœ  Hieronymum 
atque  Auyustinum  ecclesiasticorum.  lumina  magisiro- 
rum  lacerare  contenderet.  Pag.  1180. 


500 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


continua-t-il ,  c'est  sans  doute  devoir  être 
dans  la  mortéteruelle.  Pourquoi  un  enfant  ' 
serait-il  compris  dans  une  si  terrible  condam- 
nation, s'il  n'avait  pas  péché?  Il  paraîtrait  de 
l'injustice  en  Dieu  (ce  qu'on  ne  saurait  pen- 
ser sans  horreur)  s'il  n'y  avait  rien  à  punir 
dans  celui  qui  souffre.  D'où  il  suit  qu'un  en- 
fant ne  pouvant  être  coupable  des  péchés  de 
sa  volonté  propre,  il  a  été  souillé  par  une 
naissance  vicieuse,  qui  l'empêche  de  parve- 
nir à  la  vie  éternelle,  s'il  n'est  purifié  par  la 
participation  du  sacrement  des  chrétiens. 
C'est  pour  cela  qu'on  souffle  sur  les  enfants 
et  qu'on  les  catéchise.  Si  leur  première  gé- 
nération n'était  point  viciée,  serait-il  besoin 
d'une  seconde  ?  »  Le  vieillard  Sénèque  disait  2, 
que  les  petits  enfants  ne  pouvaient  être  dam- 
nés pour  le  seul  péché  originel  ;  le  pape  qua- 
lifie cette  proposition  de  très-impie  et  de  très- 
profane,  comme  étant  opposée  à  la  pratique 
de  l'Eglise  qui  reçoit  au  baptême  les  enfants 
nouvellement  nés  pour  effacer  en  eux  la  ta- 
che du  péché,  et  pour  leur  procurer  la  vie 
éternelle.  Ainsi,  dit-il,  c'est  en  vain  que  les 
pélagiens  ^  répondent  que  les  enfants  qui 
n'ont  pas  reçu  cette  nouvelle  naissance,  sont 
exclus  du  royaume  des  cieux,  mais  qu'ils  ne 
sont  pas  punis  de  la  mort  éternelle,  puis- 
que sans  baptême  ils  ne  peuvent  ni  manger 
ni  boire  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ; 
que  sans  ce  corps  et  ce  sang  ils  ne  peuvent 
avoir  la  vie  en  eux-mêmes  ;  et  que  sans  la 
vie  ils  ne  peuvent  que  tomber  dans  la  mort. 
Qu'ils  disent  donc,  continue  le  pape,  si  l'on 
ne  doit  pas  regarder  comme  étant  damnés 
ceux  qui  sont  dans  la  mort  éternelle?  Qu'ils 
ôtent  celte  espèce  de    troisième  demeure 
qu'ils  ont  inventée  pour  tromper  les  enfants, 
et  comme  nous  hsons  qu'il  n'y  a  que  la  droite 
et  la  gauche,  qu'ils  ne  fassent  pas  en  sorte 


que  les  enfants  non  baptisés  demeurent  à  la 
gauche,  mais  plutôt  qu'ils  permettent  qu'a- 
près avoir  reçu  le  baptême ,  ils  soient 
transférés,  parla  sainte  i-égénération,  à  la 
place  salutaire  de  la  droite.»  Gélase  fait  voir 
que  l'homme  ayant  corrompu,  souillé  et 
perdu  son  fibre  arbitre  par  le  péché  *,  il 
ne  peut,  par  les  seules  forces  de  ce  libre 
arbitre,  être  heureux,  éviter  le  mal  et  faire 
le  bien  ;  qu'en  abusant  de  sa  liberté  ^,  il 
est  tombé  dans  une  perpétuelle  servitude, 
selon  ce  qui  est  écrit  :  Celui  qui  commet  le 
péché  en  devient  esclave;  que  Jésus-Christ  seul 
est  venu  chercher  et  sauver  ce  qui  était  péri, 
afin  de  relever  et  de  réparer  par  sa  grâce  la 
liberté  qu'un  orgueil  téméraire  avait  renver- 
sée et  abattue;  et  que,  par  une  nouvelle  ré- 
volution, le  libre  arbitre  de  la  volonté  hu- 
maine qui  s'était  attiré  une  captivité  éter- 
nelle en  suivant  le  diable,  recouvrât  la  ré- 
compense et  le  salut,  en  s'attachant  à  celui 
qui  répare  la  liberté.  Saint  Paul  ne  dit-il  pas 
en  effet,  que  c'est  Dieu  qui  opère  en  nous  le  phii.  h, 
vouloir  et  le  faire  '',  pour  produire  une  bonne 
volonté  ?  Car  il  parait  que  c'est  en  ce  sens  que 
ce  pape  entend  ces  dernières  paroles,  et  qu'il 
croit  qu'elles  n'ont  été  ajoutées  par  l'apôtre, 
qu'afin  qu'on  ne  crût  pas  que  Dieu  opère 
aussi  le  vouloir  et  le  faire,  quand  l'homme 
conçoit  une  mauvaise  volonté.  Quant  à  ce 
qu'enseignaient  les  pélagiens,  que  la  grâce 
nous  est  donnée  selon  nos  mérites,  GéJase 
rejette  cette  doctrine  comme  déjà  condamnée 
et  comme  contraire  à  saint  Paul,  qui  dit, 
que  si  c'est  par  les  ceuvres,  et  non  par  la  grâce,  Rom.n, 
que  nous  sommes  sauvés,  la  grâce  n'est  plus 
grâce.  «  Qui  est  le  chrétien,  dit-il,  qui  ose 
dire,  qu'il  a  quelque  chose  de  bien  sans  la 
grâce  '?  L'apôtre  des  Gentils  ne  dit-il  pas  que 
c'est  par  la  grâce  qu'il  est  ce  qu'il  est  ?  Dans 


1  Cur  igitur  infans  hac  sorte  concluditur,  si  nullmn 
habet  omnino  peccahtm  ?  Magisque  videbitur,  rjuod 
absit,  injustus  Deus,  si  illi  infligatur  pœna  ubi  nulla 
sit  culpa.  Gelas.,  Epist.  1,  pag.  1177. 

2  De  parvulis  autem  quod  asserit  sine  sacro  baptis- 
male pro  solo  originali  peccato  non  passe  damnari, 
salis  impia, salis  profana  propositio  est.  Gelas.,  Epist. 
1,  pag.  1178. 

s  Nihil  est  ergo  quod  dicam  :  Quod  non  renati  in- 
fantes tantummodo  in  regnmn  cœlorum  ire  non  va- 
leant  :  non  autem  perpétua  damnalione  puniantur, 
dum  sine  baptistno  corpus  et  sanguinem  Christi  nec 
edere  valeant  nec  potare  :  sine  autem  hoc  vitam  in 
semetipsis  habere  non  passent  ;  sine  vita  vero  non  iiisi 
niortui  futuri  sint.  Dicantur  igitur  morte  perpétua 
constituli,  si  non  œslimentur  esse  damnati.  Tollant 
ergo  de  medio  nescio  quem  ipsi   terlium  quem   deci- 


piendis  parvulis  faciunt  locum,  et  quia  non  nisi  dex- 
tram  partem  legimus  et  siiiistram ,  non  illos  faciant 
in  sinislra  regione  sine  baptismale  remanere,  sed 
baptizatos  sinant  ad  dexteram  salutarem  sacra  rege- 
neratione  transferri.  Ibid. 

*  Homo  liberum  arbitrium  corrupit ,  fœdavit,  per- 
didit.  Pag.  1179. 

^  Quo  libero  arbitrio  maie  usus  in  perpetuam  recidit 
servitutem ,  sicut  scriplum  est  :  Qui  facit  peocatum , 
servus  est  pecoati.  Ibid. 

s  Nonne  ipse  vas  electionis  dicit  :  Deus  est  qui 
operatur  in  nobis,  et  velle  et  perficere,  pro  bona 
voluntate,  ne  etiam  in  mala  voluntate ,  et  velle  et 
perficere  Deus  putaretur  operari?  Ibid. 

'  Quis  autem  audeat  chrislianus  dicere  aliquid  ha- 
bere boni  sine  gratta  t  Ibid. 


[v'  siècle/ 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


SOI 


la  crainte  que  son  cœur  ne  s'élevât  à  cause 
de  ses  grands  travaux,  il  dit  que  ce  n'est  pas 
lui  qui  a  travaillé,  mais  la  grâce  de  Dieu  avec 
Mv.io.  lui.  Il  ne  dit  pas  '  :  C'est  moi  et  la  grâce  de 
Dieu  avec  moi  ;  mais  il  marque  que  la  grâce 
de  Dieu  l'a  précédé  dans  l'action  ;  et  pour 
montrer  que  l'on  ne  peut  rien  avoir  sans  la 
grâce,  il  ajoute  que  la  foi  même  est  un  don 
de  la  grâce  de  Dieu.  »  Sur  la  fin  de  sa  lettre, 
le  pape  Gélase  défend  de  donner  retraite  à 
Sénèque,  de  lui  accorder  l'entrée  de  l'église 
et  la  communion  catholique,  de  même  qu'à 
tous  ceuxqui  seront  convaincus  de  participera 
ses  erreurs,  s'ils  ne  se  corrigent  et  ne  se  sé- 
parent de  lui,  voulant  qu'on  les  prive  du  mi- 
nistère ecclésiastique,  pour  intimider  les  au- 
tres par  cette  punition,  et  qu'à  l'avenir  les 
évêques  de  la  Marche-d'Ancône,  veillent  soi- 
gneusement à  ce  que  les  personnes  des  deux 
sexes  qui  sont  consacrées  à  Dieu,  demeurent 
dans  des  maisons  séparées, 
iiire  à  9.  Fauste  et  Irénée  ambassadeurs  du  roi 
ÎS'en  Théodoric,  étant  revenus  de  Constantinople 
■■■  ""■  à  Rome,  rapportèrent  à  Gélase,  que  l'empe- 
reur Anastase  se  plaignait  de  ce  qu'il  ne  lui 
avait  point  écrit  par  eux.  Le  pape  pour  satis- 
faire ce  prince  sur  cela,  lui  écrivit  une  grande 
lettre  qu'il  commença  en  ces  termes  :  «  Ce 
n'est  point,  je  vous  l'avoue,  de  mon  choix 
que  je  ne  vous  ai  point  écrit  par  Fauste  et 
Irénée  ;  mais  parce  que  ceux  que  vous  avez 
envoyés  à  Rome,  ont  dit  par  toute  la  ville, 
que  vos  ordres  ne  leur  permettaient  pas 
même  de  me  voir,  j'ai  cru  devoir  m'abstenir 
de  vous  écrire,  pour  ne  pas  me  rendre  im- 
portun. »  Il  fait  ensuite  remarquer  à  Anas- 
tase qu'il  y  a  deux  puissances  ^,  par  les- 
quelles ce  monde  est  principalement  gou- 
verné, l'autorité  sacrée  des  évêques  et  la 
puissance  royale.  La  charge  des  évêques  est 
d'autant  plus  grande,  qu'ils  doivent  rendre 
compte  des  rois  mêmes  au  jugement  de  Dieu. 


«  Car  vous  savez,  lui  dit  Gélase,  qu'encore 
que  votre  dignité  vous  élève  au-dessus  du 
genre  humain,  vous  baissez  la  tête  devant 
les  prélats,  vous  recevez  d'eux  les  sacre- 
ments, et  vous  leur  êtes  soumis  dans  l'ordre 
de  la  religion  ;  vous  suivez  leurs  jugements, 
et  ils  ne  se  i-endent  pas  à  votre  volonté.  Que 
si  les  évêques  obéissent  à  vos  lois,  quant  à 
l'ordre  de  la  police  et  des  choses  temporel- 
les, sachant  que  vous  avez  reçu  d'en  haut  la 
puissance,  avec  quelle  affection  devez-vous 
être  soumis  à  ceux  qui  sont  établis  pour  dis- 
tribuer les  sacrements?  Comme  il  y  a  pour 
eux  beaucoup  de  danger  lorsqu'ils  néghgent 
de  parler  pour  la  défense  du  culte  de  Dieu, 
il  n'y  en  a  pas  moins  pour  ceux  qui  obligés 
de  leur  obéir,  les  méprisent  ;  et  si  les  fidèles 
doivent  être  soumis  généralement  à  tous  les 
évêques  qui  traitent  dignement  les  choses 
divines,  combien  plus  doit-on  se  conformer 
au  jugement  de  l'évêque  de  ce  siège,  que 
Dieu  a  étabh  au-dessus  de  tous  les  évêques, 
et  en  qui  l'Eglise  a  toujours  reconnu  ce  de- 
gré de  prééminence  qui  ne  lui  peut  être  ôtée 
par  qui  que  ce  soit,  étant  fondée  sur  la  pa- 
role même  de  Jésus-Christ.  »  Le  pape  presse 
Anastase,  par  la  piété  qu'il  avait  témoignée 
étant  simple  particulier,  et  par  le  désir  qu'il 
lui  connaissait  pour  les  biens  éternels,  de 
prendre  la  défense  de  la  foi  de  l'Eglise  avec 
autant  de  zèle  qu'il  défendait  les  droits  de 
son  royaume  ;  et  de  suivre  en  cela  le  siège 
apostolique  qui  s'occupait  surtout  de  conser- 
ver pur  et  exempt  de  toute  corruption  le  dé- 
pôt de  la  foi.  Il  dit  que  c'est  l'unique  moyen 
d'avoir  une  véritable  paix,  qui  ne  peut  l'être 
si  elle  n'est  fondée  sur  la  vraie  foi  et  sur  la 
charité.  11  ajoute  que  si  l'on  veut  défendre 
l'eutychianisme,  on  doit  le  faire  ouvertement 
et  en  toutes  les  manières  qu'on  le  pourra  ; 
mais  que  si  on  le  condamne  comme  il  mérite 
de  l'être,  et  qu'il  l'a  été  en  effet  dans  le  con- 


*  Non  dixit  :  Ego  et  gratia  Dei  mecum,  sed  :  Prœ- 
posuit  gratiam  prœcedentem  se.  Ibid.,  pag.  1180. 

2  Duo  quippe  sunt,  imperator  Auguste,  quibus  prin- 
cipaliter  mundus  hic  regitur  :  auctorilas  sacra  ponti- 
ficum  et  regalis  potestas.  In  quibus  tanto  gravius  est 
pondus  sacei'dotum  quanto  etiani  pro  ipsis  regibus 
Domino  in  diuino  reddituri  sunt  examine  raiionem. 
Nosti  enim  ,  fili  clementissime  ,  quod  licet  prœsideas 
humano  generi  dignitate ,  rerum  tamen  prœsulibus 
divinarum  devotus  colla  subtnitlis ,  atque  ab  eis  cau- 
sas tuœ  saluiis  expetis,  inque  sumendis  cœlestibus  sa- 
cramentis ,  eisque,  ut  competit ,  disponendis  subdi  te 
debere  cognoscis  religionis  ordine  potius  quam  prœ- 
esse.  Nosti  itaque  inter  hœc ,  ex  illorum  te  pendere 
judicio,  non  illos  ad  tuam  redigi  velle  voluntatem. 


Si  enim  quantum  ad  ordinem  pertinet  publicœ  disci- 
plinée, cognoscentes  imperium  tibi  superna  dispositione 
collatum,  legibus  tuis  ipsi  quoqiie  parent  religionis 
antistiies ,  quo  rogo  te  decet  affectu  eis  obedire  qui 
pro  erogandis  venerabilibus  sunt  attributi  mysteriis  ? 
Proinde  sicut  non  levé  discrimen  incumbit  pontificibus 
siluisse  pro  divinitatis  culiu  :  ita  his,  quod  absit,  non 
médiocre  periculum  est,  qui  cum  parère  debeant,  des- 
piciunt  :  et  si  cunctis  generaliter  sacerdotihus  recte 
divina  tractantibus  fidelium  convenit  corda  submitti, 
quanto  potius  sedis  illiiis  prœsuli  consensus  est  adhi- 
bendus  quem  cunctis  sacerdotibus  et  Divinitas  summa 
voluit  prœmittere  et  subsequens  Ecclesiœ  generalis  ju- 
giter  pieias  celehramt.  Gelas.,  Epist.  8,  pag.  1182. 


S02 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cile  de  Clialcédoine,  il  faut  rejeter  aussi  ceux 
ou  qui  sont  infectés  de  celte  hérésie,  ou  qui 
communiquent  avec  eux,  et  dès-lors  efïacer 
le  nom  d'Acace  des  diptyques,  afin  de  faire 
cesser  la  division  des  Eglises  et  de  rétablir  la 
paix  sincère  et  l'unité  de  la  foi.  Comme  il  sa- 
vait qu'on  objectait  la  résistance  du  peuple 
de  Constantinople,  il  répond  qu'il  y  avait 
lieu  d'espérer  que  ce  peuple  qui,  après  avoir 
été  attaché  à  Nestorius  et  à  Macédonius , 
les  avait  rejetés,  en  userait  de  même  à  l'é- 
gard d'Acace;  que  ceux  de  cette  ville  qui 
avaient  reçu  le  baptême  de  la  main  de  ces 
deux  évoques,  n'en  avaient  souffert  aucun 
reproche  de  la  part  des  catholiques  ;  qu'A- 
nastase  lui-même  avait  bien  su  réprimer  ce 
peuple,  quand  il  avait  voulu  remuer  à  l'oc- 
casion des  jeux  publics  ;  et  que  si  l'on  crai- 
gnait d'irriter  le  peuple  d'une  seule  ville  au 
préjudice  de  la  cause  de  Dieu,  on  devait 
beaucoup  plus  appréhender  de  blesser  la  foi 
de  tous  les  peuples  du  monde,  «qui  seraient, 
dit  le  pape,  scandalisés  de  notre  prévarica- 
tion (si  nous  consentions  à  laisser  le  nom 
d'Acace  dans  les  diptyques).  » 
Laiire  aux  10.  Sous  le  poutificat  de  Gélase,  l'Italie  se 
Inran"''  ""et  trouva  tellement  désolée  par  la  guerre  et  par 
erw^pâg.  la  famine,  qu'en  plusieurs  endroits  l'on  man- 
quait de  clercs  pour  le  service  des  églises  et 
l'administration  des  sacrements.  Dans  cette 
extrémité ,  on  fut  souvent  obhgé  de  passer 
sur  les  formantes  ordinaires  et  de  dispenser 
dé  la  rigueur  des  anciens  canons.  Mais  dans 
la  crainte  que  cette  condescendance  ne  tour- 
nât en  abus ,  le  pape ,  que  Jean ,  évêque  de 
Ravenne ,  avait  souvent  informé  de  tous  ces 
troubles,  fit  divers  règlements  qu'il  adressa 
aux  évoques  delaLucanie  et  des  Brutiens,  et 
à  ceux  de  Sicile ,  chez  qui  le  mal  était  appa- 
remment plus  grand  que  dans  les  autres  par- 


ties de  l'Italie.  Il  ordonne ,  premièrement  •  : 
que  les  anciens  canons  demeurant  en  vigueur 
dans  les  lieux  où  il  n'y  avait  aucune  néces- 
sité d'en  dispenser,  il  sera  permis  de  faire 
prêtre  dans  un  an  celui  qui  sera  tiré  de  la 
vie  monastique,  pourvu  qu'il  n'y  ait  aucun 
empêchement  canonique,  qu'il  ne  soit  pas 
coupable  de  grands  crimes ,  qu'il  n'ait  point 
été  marié  deux  fois  ni  épousé  de  veuve,  qu'il 
n'ait  point  de  défaut  corporel ,  qu'il  ne  soit 
point  de  condition  servile  ni  obligé  à  quelque 
charge  pubhque  ou  particulière ,  et  qu'il  ne 
soit  pas  dans  l'ignorance  des  letti-es,  car  ce- 
lui qui  ne  sait  pas  lire  pourrait  à  peine  être 
portier.  A  ces  conditions,  le  moine  qu'on 
voudra  ordonner  sera  d'abord  lecteur,  no- 
taire ou  défenseur;  trois  mois  après  acolyte; 
six  mois  après  sous-diacre  s'il  a  l'âge;  le  neu- 
vième mois  diacre,  s'il  s'en  rend  digne  par 
sa  conduite;  et  prêtre  au  bout  de  l'an.  Deu- 
xièmement :  mais  si  c'est  un  laïque  ^  que  l'on 
veut  mettre  dans  le  clergé ,  on  doit  l'exami- 
ner à  proportion  de  la  différence  qu'il  y  a 
entre  la  vie  mondaine  et  la  vie  régulière,  de 
peur  que ,  sous  le  prétexte  du  besoin  de  mi- 
nistres, on  ne  remplisse  le  clergé  de  per- 
sonnes vicieuses.  Celui  donc  qui  sera  ordonné 
étant  simple  laïque  ,  sera  éprouvé  six  mois 
davantage,  et  ne  pourra  être  prêtre  qu'après 
dix-huit  mois.  Troisièmement  :  défense  aux 
évêques  de  consacrer  de  nouvelles  églises 
sans  en  avoir  les  pouvoirs  nécessaires^,  et  de 
rien  entreprendre  sur  les  clercs  d'un  autre 
diocèse.  Quatrièmement  :  il  leur  est  aussi  dé- 
fendu *  de  rien  exiger  pour  le  baptême  ou 
pour  la  confirmation  ,  ni  de  rien  demander 
aux  nouveaux  baptisés,  parce  qu'on  doit  don- 
ner gratuitement  ce  qu'on  a  reçu  gratuite- 
ment. Cinquièmement  :  les  prêtres  ^  ne  doi- 
vent point  s'élever  au-dessus  de  leur  rang. 


1  Priscis  pro  sut  revereniia  manentibus  constitutis , 
quœ  ubi  nulla  vel  rerum  vel  temporum  perurget  an- 
yustia,  regulariter  convenu  custodire,  eatenus  Ecc le- 
nts quœ  vel  cunctis  sunt  privatœ  ministris ,  vel  suffi- 
cientibus  usque  adeo  dispoliatœ  serviiiis ,  ut  plebibus 
ad  se  pertinentibus  divina  munera  supplere  non  va- 
leant,  tam  instiiuendi  quam  promovendi  clericalis 
obsequii  sic  spatia  dispensanda  concedimus  ;  ut  si  guis 
etiam  de  religioso  proposito  et  disciplinis  monaste- 
rialibus  erudiius,  ad.  cléricale  munus  accédât,  impri- 
mis  ejus  vita  prœieritis  acta  iemporibus  inquiratur. 
Si  in  his  omnibus  quœ  sunt  prœdicta  fuleitur,  conti- 
nua lecior  vel  notarius ,  aut  cerie  defensor  effectus  ; 
post  très  menses  exsistat  acolythus  ;  maxime  si  huic 
œtas  etiam  suffragatur,  sexto  mense  subdiaconi  no- 
men  accipiat;  ac  si  modeslœ  cotiversationis  honestœque 
voluntatis  exsistit,   nono  mense   diaconus;  compkto- 


que  anno  sit  presbyter.  Gelas.,  Epist.  9,  pag.  1188. 

2  Si  vere  de  laicis  est  quispiam  aggregandus  officiis, 
tanto  solliciiius  in  singulis  decet  examinari  personam, 
quantum  inter  mundanam  religiosamque  vitam  constat 
esse  discriminis  :  quia  utique  convenientia  sunt  Ec- 
clesiœ  ministeria  reparanda,  non  inconvenientibus  me- 
ritis  ingerenda...  quorum  permotionibus  super  anni 
metas  sex  menses  subrogamus.  Ibid. 

s  Basilicas  noviter  institutas,  non  pelitis  ex  more 
prœceptionibus,  dedicare  non  audeant;  nec  ambiant 
episcopi  sibimet  vindicare  clericos  potestatis  alienœ. 
Ibid.,  pag.  1189. 

'  Baptizandis  consignandisque  fidelibus  sacerdotes 
pretia  nulla  prœfigant,  nec  illationibus  quibuslibet 
imposais  exagitare  cupiant  renascenies  :  quoniam 
quod  gratis  accepimus,  gi-aiis  dare  mandamur.  Ibid. 

i»  Nec  minus  etiam  presbyleros  ultra  modum  suum 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GELASE,  PAPE 


[V=  SIÈCLE.] 

ni  entreprendre  de  faire  le  chrême ,  de  con- 
firmer, de  faire  aucune  bénédiction  ni  fonc- 
tion en  présence  de  l'évêque,  ni  de  s'asseoir 
ou  de  célébrer  en  sa  présence  sans  sa  per- 
mission. Ils  doivent  encore  se  souvenir  qu'ils 
n'ont  pas  le  pouvoir  d'ordonner  un  sous- 
diacre  ou  un  acolyte  sans  le  souverain  pon- 
tife, ni  de  faire  d'eux-mêmes  aucune  autre 
fonction  du  ministère  épiscopal ,  sous  peine 
d'être  privés  de  leur  dignité  et  de  la  sainte 
communion.  Sixièmement  :  les  diacres  se 
tiendront  aussi  dans  les  bornes  de  leur  mi- 
nistère ,  sans  faire  aucune  des  fonctions  qui 
n'appartiennent  qu'aux  prêtres,  ni  même 
baptiser  sans  le  prêtre  et  sansl'évêque,  hors 
le  cas  de  nécessité,  où  on  le  permet  même 
souvent  aux  chrétiens  laïques  '.  Il  est  encore 
défendu  aux  diacres  de  se  mettre  au  rang 
des  prêtres  lorsqu'on  célèbre  les  divins  mys- 
tères, ou  dans  les  assemblées  ecclésiastiques, 
et  de  distribuer  le  corps  de  Jésus-Christ  en 
présence  de  l'évêque  ou  des  prêtres.  Sep- 
tièmement :  défense  de  ne  baptiser  en  d'au- 
tres jours  qu'à  Pâques  et  à  la  Pentecôte,  sinon 
dans  le  cas  de  nécessité,  où  l'on  doit  avoir 
soin  que  le  malade  ne  meurre  point  sans  ce 
remède  salutaire  -.  Huitièmement  :  les  ordi- 
nations ne  se  doivent  faire  qu'aux  jours  solen- 
nels 3,  c'est-à-dire  aux  jeûnes  des  quatrième, 
septième  et  dixième  mois,  et  au  commence- 
ment du  carême,  c'est-à-dire  aux  quatre- 
temps,  à  la  mi-carême,  le  samedi  sur  le  soir, 


503 


car  il  n'est  pas  permis,  pour  quelque  utilité 
que  ce  soit,  d'ordonner  un  prêtre  ou  un  diacre 
dans  un  autre  temps.  En  donnant  ce  sens  au 
texte  de  Gélase,  il  faut  dire  que  nous  ne  l'a- 
vons pas  dans  sa  pureté  :  il  porte  à  la  lettre 
que,  pour  quelque  utilité  que  ce  soit,  l'on  ne 
doit  point  préférer  un  prêtre  ni  un  diacre  à 
ceux  qui  ont  été  ordonnés  avant  eux.  Neuviè- 
mement :  à  l'égard  des  vierges  *,  on  ne  doit 
leur  donner  le  voile  qu'à  l'Epiphanie,  à  Pâ- 
ques et  aux  fêtes  des  apôtres,  si  ce  n'est  qu'é- 
tant dangereusement  malades,  elles  deman- 
dent de  ne  pas  mourir  sans  cette  consolation. 
Dixièmement  :  mais  on  ne  doit  donner  aux 
veuves  ni  voile  ni  bénédiction  :  il  faut  seule- 
ment les  exhorter  à  demeurer  fermes  dans 
leurs  bonnes  résolutions.  Onzièmement  : 
comme  il  est  défendu  d'ordonner  des  hommes 
de  condition  servile,  il  l'est  aussi  de  les  re- 
cevoir dans  les  monastères ,  si  ce  n'est  du 
consentement  de  leurs  maîtres  qui  les  aient 
afi'ranchis  ou  cédés  par  écrit.  Treizièmement  : 
il  l'est  pareillement  aux  clercs  ^  de  faire  au- 
cun trafic  ni  de  chercher  des  gains  sordides, 
et  cela  sous  peine  d'être  privés  des  fonctions 
de  leur  ministère ,  en  quelque  degré  qu'ils 
soient  constitués.  Quatorzièmement  :  le  pape 
renouvelle  ensuite  les  anciens  canons  tou- 
chant les  quahtés  de  ceux  que  l'on  peut  ad- 
mettre dans  le  clergé.  Il  veut  qu'ils  soient 
lettrés  *,  qu'ils  n'aient  aucun  défaut  de  corps, 
qu'ils  ne  se  soient  pas  mutilés  eux-mêmes  ', 


tendere  prohibemus  :  nec  episcopali  fastigio  débita 
sibimet  audacter  assumere  :  non  conficiendi  chrisma- 
tis,  non  comignationis  pontificalis  adhibendœ  sibimet 
arripere  facultatem  ;  non  prœsente  quolibet  antistite, 
nisi  forte  jubeaniur,  vel  orationis,  vel  aclionis  sacrœ 
supplendœ  sibi  prœsumanf  esse  liceniiam  ,■  neque  sub 
ejus  aspectu,  nisi  jubeaniur  aut  sedere  prœsumant  aut 
veneranda  tractare  mysteria.  Nec  sibi  meminerint 
ulla  ratione  consedi ,  sine  summo  pontifice,  subdiaco- 
num  aut  ocobjtfium  jus  habere  faciendi  :  nec  prorsus 
addubilent,  si  quidquam  ad  episcopale  ministerium 
specialiler  pertinens  suo  motu  puiaverint  exequendum, 
continua  se  presbyierii  dignitaie  et  sacra  communions 
privari.  Ibid. 

•  Diaconos  quoque  propriam  servare  mensuram ,  nec 
ultra  tenorem  paternis  canonihus  deputatum  quidpiam 
tentare  permittimus...  absque  episcopo  vel  presbytero 
hapiizare  non  audeant,  nisi  prœdiciis  fortasse  officiis 
longius  consiitutis  nécessitas  exirema  compellat.  Quod 
et  laicis  christianis  facere  plerumque  conceditur.  Non 
in  presbyterio  residere  cum  divina  celebrantur,  vel 
ecclesiasticus  kabelur  quicumque  tractaius.  Sacri  cor- 
poris  prœrogaiionem,  sub  conspectu  pontificis  seu  pres- 
byierii, nisi  his  abseniibus  Jus  non  àabeant  exercendi. 
Ibid.,  pag.  1190. 

'■'  Baptizandi  sibi  quisquam  passim  quocumque  tem- 
pore  nullam  credat  inesse  fiduciam  prœter  Paschale 


feslum  et  Pentecostes  venerabile  sacramentum,  excepta 
duntaxat  gravissimi  languoris  incursu  :  in  que  ve- 
rendum  est  7ie,  morbi  cresceniepericulO;'remedio  salu- 
tari  foriassis  œgrotans  exitio  prœventus  abscedat. 
Ibid.,  pag.  1191. 

'  Ordinationes  etiam  presbyterorum  et  diaconorum 
nisi  ceriis  temporibus  et  diebus  exercere  non  debent , 
id  est,  quarli  mensis  jejmiio,  sepiimi  et  decimi ,  sed 
etiam  quadragesintalis  initii ,  ac  mediana  Quadrage- 
simœ  die,  sabbati  jejunio  circa  vesperam  noverint  ce- 
tebrandas.  Nec  cujuslibet  utilitatis  causa  seu  presby- 
terum ,  seu  diaconum  his  preferre ,  qui  anie  ipsos 
fuerint  ordinati.  Ibid. 

*  Devotis  quoque  Deo  virginibus  nisi  aut  in  Epipha- 
niurum  die  aut  in  Albis  paschalibus,  aut  in  apostolo- 
rum  Nataliiiis  sacrum  minime  velamen  imponant , 
nisi  forsiian  gravi  languore  correptis,  ne  sine  hoc 
munere  de  sœculo  exeant,  implorantibus  non  negetur. 
Ibid. 

^  Ad  nos  missa  relaiio  nuntiavit  plurimos  clericorum 
negotiationibus  inhonestis  et  lucris  iurpibiis  immi- 
nere...  proinde  hujusmodi  aut  ab  indignis  posttiac 
quœstihus  noverint  abstinendum  et  ab  omni  cujuslibet 
negotiationis  ingénia  vel  cupiditaie  cessandum,  aut  in 
quocumque  gradu  sint  positi,  mox  a  clericalibus  offi- 
ciis abstinere  cogantur.  Ibid.,  pag.  1192. 

6  Gelas.,  Epist.  9,  cap.  svi.  —  '  Gap.  xvil. 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'ils  n'aient  été  atteints  d'aucun  crime  ', 
qu'ils  aient  l'esprit  sain  et  n'aient  point  été 
possédés  du  démon ,  qu'ils  ne  se  soient  pas 
mariés  deux  fois  2.  II  défend  aussi  de  pi'o- 
movoir  les  clercs  déserteurs  qui  passent 
d'une  Eglise  à  l'autre  ^.  Quinzièmement  :  il 
ordonne  de  mettre  en  pénitence  publique  * 
ceux  qui  auront  épousé  des  vierges  consa- 
crées à  Dieu,  en  leur  accordant  toutefois  le 
viatique  à  la  mort,  s'ils  ont  témoigné  du  re- 
pentir de  leur  faute  ^.  Il  traite  moins  sévère- 
ment les  veuves  qui  se  marient  *  après  avoir 
fait  profession  de  garder  le  célibat;  il  ne  les 
condamne  pas  à  la  pénitence  publique,  mais 
il  veut  qu'on  se  contente  de  leur  remontrer 
la  faute  qu'elles  ont  faite.  Seizièmement  :  il 
déclare  que  l'on  doit  chasser  du  clergé  ^  ceux 
qui  auront  été  convaincus  d'y  être  entrés 
pour  de  l'argent,  la  simonie  n'étant  pas  moins 
condamnée  dans  celui  qui  donne  que  dans 
celui  qui  reçoit.  Quelques  femmes  s'étaient 
ingérées  de  servir  l'autel  *  et  d'y  faire  des 
fonctions  qui  n'appartiennent  qu'aux  hom- 
mes :  le  pape  défend  cet  abus.  Il  se  plaint 
aussi  ^  de  ce  qu'en  quelques  endroits  on  avait 
consacré  des  églises  sans  la  permission  du 
Saint-Siège,  et  de  ce  qu'on  leur  avait  donné 
des  noms  de  morts  qui  n'étaient  pas  même 
du  nombre  des  fidèles.  Dix-septièmement  : 
ensuite  il  passe  à  la  dispensation  des  reve- 
nus et  des  oblations  de  l'Eglise,  voulant  que 
suivant  l'ancienne  règle  '"on  en  fasse  quatre 
parts,  dont  la  première  soit  attribuée  à  l'é- 
vêque,  la  seconde  aux  clercs,  la  troisième 
aux  pauvres,  la  quatrième  aux  fabriques, 
c'est-à-dire  aux  bâtiments.  11  ajoute  que  cette 
distribution  doit  s'observer  si  fidèlement  que 


l'évêque  ne  s'attribue  rien  de  la  part  du  clergé 
ni  le  clergé  rien  de  la  part  de  l'évêque,  et 
que  celle  qui  est  destinée  pour  les  bâtiments 
y  soit  employée  de  manière  qu'il  soit  cons- 
taté de  son  emploi,  n'étant  pas  permis  à  l'é- 
vêque de  négliger  les  édifices  sacrés  pour 
tourner  à  son  profit  les  revenus  destinés  à 
les  réparer;  qu'à  l'égard  de  la  part  des  pau- 
vres, l'évêque  doit  aussi  faire  connaître  qu'elle 
leur  est  distribuée  exactement,  quoiqu'il 
doive  encore  en  rendre  compte  à  Dieu.  Gé- 
lase  finit  sa  lettre  en  chargeant  les  clercs  de 
l'avertir  des  abus  qu'ils  verront  commettre, 
soit  par  l'évêque,  soit  par  les  prêtres  ou  par 
les  autres  ecclésiastiques.  Elle  est  datée  du 
11  mars  494. 

11.  Le  15  mai  de  la  même  année  494,  le 
pape  Gélase  écrivit  aux  évêques  de  Sicile 
pour  leur  marquer  la  distribution  qu'ils  de- 
vaient faire  des  revenus  de  l'Eglise.  11  charge 
leur  part  du  soulagement  des  étrangers  et 
des  captifs,  et  veut  que,  conformément  aux 
lois  des  empereurs,  les  Egiises  jouissent  des 
biens  dont  elles  sont  en  possession  depuis 
trente  ans  ". 

12.  La  lettre  à  ^onius,  évêque  d'Arles,  est 
du  23  août  494.  Le  pape  Gélase  lui  écrivit 
pour  lui  donner  avis  de  son  élévation  au  pon- 
tificat, et  des  assurances  où  il  était  de  vivre 
en  union  et  en  communion  avec  les  évêques 
des  Gaules.  Le  prêtre  Euphrone  et  le  moine 
Restitut,  qui  étaient  allés  en  Italie  pour  pro- 
curer quelque  subsistance  à  leur  monastère, 
furent  porteurs  de  cette  lettre. 

13.  Le  cardinal  Déus  dédit  nous  a  conservé, 
dans  sa  Collection  de  canons ,  des  fragments 
de  dix  autres  lettres  du  pape  Gélase.  Dans  la 


l-ellro 

évêques  il 
cile,  en  ( 
pag.  1136 


Lellr. 
494,  p.  1 


*  Cap.  xvm.  —  2  Cap.  six. 

3  Gap.  XXII.  —  *  Gap.  sxiii. 

^  Virginibus  autem  sacris  temere  se  quosdam  sociare 
cognovimus  et  post  dicatum  Deo  propositum  incesta 
fœdera  sacrilegaque  miscere.  Quos  protinus  œquum  est 
a  sacra  communione  detrudi,  et  nisi  per  publicam 
prohatamque  pœnitentiam  omnino  non  recipi;  sed  ia- 
men  viaticum  de  sœculo  transeuntibus,  si  tamen  pœni- 
iuerini,  non  negetur.  Ibid.^  cap.  xXj  pag.  1193. 

6  Gap.  XXI. 

■7  Quos  vero  consiiterit  indignas  meritis  sacram  esse 
mercatos  pretio  dignitatem ,  convictos  oporfet  arceri  : 
quia  dantem  pariter  et  accipientem  damnatio  Simonis 
involuit.  Gap.  xxiv. 

8  Gap.  XXVI.  —  9  Gap.  xsv. 

lo  Quatuor  autem  tam  de  reditu,  quam  de  oblaiione 
fidelium  proui  cujuslibet  Ecclesiœ  facultas  admitiit, 
sicut  duduni  ratiotiabiliter  decreium  est,  convenit  fieri 
portiones.  Quorum  sit  una  pontificis,  altéra  clerico- 
rum,  pauperum  tertia,  quarta  fabricis  applicanda  :  de 


quibus  sicut  sacerdotis  inlererit  integram  ministris 
Ecclesiœ  memoratam  dependere  quantitatem  :  sic  clerus 
ultra  delegatam  sibi  summam  nihil  insolenter  noverit 
expetendum  :  ea  vero  quœ  ecclesiasticis  œdificiis  at- 
tributa  sunt,  huic  operi  veraciter  prœrogata,  locorum 
doceat  instauratio  manifesta  sa'nelorum  :  quia  nefas 
est  si  sacris  œdibus  desiitutis,  in  lucrum  suum  prœsul 
his  deputata  convertat.  Ipsam  nihilominus  adscriptam 
pauperibus  portionem ,  quamvis  divinis  rationibus  se 
dispensasse  monstraturus  esse  videatur,  tamen  oportet 
etiam  prœsenti  testificatione  prœdicari  et  bonœ  famœ 
prœconiis  non  taceri.  Ibid.,  cap.  xxvil,  pag.  1195. 

11  Illud  etiam  annecti  placuit  ut  si  facultates  Eccle- 
siœ nec  non  et  diocœses  quœ  ab  aliquibus  possidentur 
episcopis,  jure  sibi  vindicent  quod  tricennalis  lex  con- 
clusit,  quia  et  filiorum  noslrorum  principum  ita  ema- 
navit  auctoriias,  ut  ultra  iriginta  annos  nulli  liceat 
pro  eo  appellare  quod  tegum  tempus  exclusit.  Gelas., 
Epist.  iO,  pag.  1196. 


[V  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


305 


première ,  qui  était  adressée  à  l'évêque  Cé- 
lestin,  le  pape  lui  donne  commission  d'établir 
un  prêtre  dans  une  nouvelle  église  bâtie  sous 
le  nom  de  saint  Eleutlière ,  martyr,  et  d'éle- 
ver à  cet  effet  à  la  prêtrise  le  diacre  Julien, 
pourvu  qu'il  n'en  eût  aucun  empêchement 
canonique.  L'évêque  Gélestin  est  appelé  visi- 
teur dans  cette  lettre  ',  parce  qu'il  ne  l'était 
que  par  commission ,  pour  le  distinguer  de 
l'évêque  propre  ou  diocésain,  qui  y  est  appelé 
évêque-cardinal.  Le  pape  commande,  dans 
la  seconde  lettre ,  à  l'évêque  Sabin  d'or- 
donner diacre  Quartus,  défenseur,  pour  une 
autre  église  qui  le  demandait.  La  troisième, 
aux  évoques  Quinigésius  et  Constantin,  re- 
garde l'aËfaii'e  des  clercs  de  l'Eglise  de  Noie, 
désobéissants  à  leur  évêque.  Ces  clercs,  nom- 
més Félix  et  Pierre,  s'étaient  pourvus  devant 
le  roi  Théodoric.  Sérénus ,  évêque  de  Noie, 
fit  voir  à  ce  prince  qu'ils  lui  avaient  exposé 
faux  :  ce  qui  l'engagea  à  renvoyer  l'afFaire 
au  pape.  La  quatrième,  à  l'évêque  Victor,  est 
pour  le  charger  de  rétablir  le  service  divin 
dans  l'église  de  Sainte  -  Agathe ,  tombée  en 
ruine  par  la  perte  des  fonds,  mais  qui  depuis 
avait  été  rétablie  par  les  libérahtés  de  plu- 
sieurs personnes.  Le  pape  charge,  dans  la 
cinquième,  les  évêques  Respectus  et  Léoni- 
nus,  de  s'informer  du  mauvais  ménage  d'un 
évêque  accusé  de  s'être  approprié  les  biens 
de  son  Eglise  et  même  ceux  que  son  prédé- 
cesseur avait  légués  pour  la  subsistance  des 
clercs.  La  sixième  est  une  commission  aux 
évêques  Juste  et  Etienne,  de  s'informer  d'un 
meurtre  commis  en  la  personne  d'un  esclave 
de  l'Eglise,  et  d'une  insulte  faite  à  l'évêque 
Proficuus.  Le  pape  veut  que,  les  faits  étant 
bien  et  dûment  constatés,  l'évêque  lésé  se 
pourvoie  devant  le  juge  de  la  province  pour 
faire  punir  le  coupable.  Il  donne  ordre,  dans 
la  septième,  aux  évêques  Majoric,  Sévère  et 
Jean ,  de  priver  de  la  communion  certaines 
personnes  qui  avaient  usurpé  des  biens  de 
l'Eglise  et  du  patrimoine  des  pauvres,  et 
d'employer  même  contre  eux  l'autorité  des 
lois  civiles,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  réparé  le 
tort.  11  veut  aussi  qu'on  prive  de  ses  fonctions 
le  prêtre  Gélestin  qui,  depuis  la  sentence  de 
l'évêque  et  contre  la  défense  du  Siège  apos- 
tolique ,  leur  avait  administré  la  sainte  com- 
munion. Par  la  huitième,  il  ordonne  à  l'évê- 
que Jean  de  restituer  à  une  certaine  église 


un  calice  que  son  prédécesseur  lui  avait  en- 
levé. La  neuvième  est  contre  les  évêques  qui 
entreprenaient  sur  les  droits  de  leurs  con- 
frères; le  pape  y  renouvelle  les  anciens  dé- 
crets qui  portent  que  le  métropolitain  ordon- 
nera tous  les  évêques  de  sa  province,  et  que 
les  évêques  de  la  province  ordonneront  le 
méti'opolitain.  Cette  lettre  est  adressée  à  l'é- 
vêque Natalis.  La  dixième,  qui  est  au  clergé 
et  au  peuple  de  Brindes,  contient  les  mêmes 
règlements  que  celle  que  le  pape  écrivit  aux 
évêques  de  Lucanie,  touchant  les  qualités  de 
ceux  que  l'on  doit  ordonner,  les  temps  de 
l'ordination,  celui  du  baptême,  et  la  distii- 
bution  des  revenus  et  oblations  de  l'Eglise 
en  quatre  parts.  Il  y  répète  que  les  ordina- 
tions doivent  se  faire  le  samedi  des  quatre- 
temps,  sur  le  soir. 

li.  Dom  Luc  d'Achery  et  le  père  Labbe  Lettre  à 
après  lui  nous  ont  donné  une  lettre  du  pape  ""qVJ''"dè 
Gélase  à  Rustique ,  évêque  de  Lyon ,  datée  pZg°il49fet 
du  22  février  494.  C'était  pour  le  prier  d'as-  'cu"';pa''B.l'8!: 
sister  saint  Epiphane  de  Pavie,  envoyé  dans 
les  Gaules  par  le  roi  Théodoric ,  pour  soula- 
ger et  racheter  les  captifs  que  les  Bourgui- 
gnons avaient  faits  dans  la  Ligurie.  Gélase 
prie  Rustique  de  faire  voir  qu'il  l'aimait  par 
la  manière  dont  il  recevrait  saint  Epiphane, 
qui,  ce  semble,  fut  chargé  de  cette  lettre.  Il 
mande  encore  à  Rustique  que  ce  saint  évêque 
lui  apprendrait  les  persécutions  qu'il  souffrait 
par  rapport  à  l'affaire  d'Acace  de  Constanti- 
nople ,  et  témoigne  souhaiter  de  savoir  ce 
que  lui  et  les  autres  évêques  des  Gaules  pen- 
saient sur  cela.  Nous  n'avons  aucune  connais- 
sance de  la  réponse  que  Rustique  fit  à  Gélase. 
Mais  il  parait ,  par  la  lettre  que  ce  pape  lui 
écrivit,  qu'il  en  avait  reçu  une  de  lui  pleine 
de  charité  et  de  consolation.  Ennode  ^  de 
Pavie  parle  de  celle  que  saint  Epiphane,  son 
prédécesseur,  écrivit  au  roi  Théodoric ,  tant 
pour  lui  rendre  compte  de  sa  légation,  que 
pour  le  prier  de  faire  rendre  les  biens  à  ceux 
à  qui  il  avait  procuré  la  liberté. 

15.  Le  traitéc?erj4wa;/iè»zen'a  ni  commen-      „.    , 

Traite   de 

cément  m  fin.  Il  y  a  peu  d'ordre  dans  le  reste  :   l'Anathème , 

■^        ^  pag.  1227. 

de  fréquentes  et  inutiles  répétitions,  et  moins 
de  noblesse  et  de  force  dans  le  style  qu'il 
n'en  paraît  dans  les  écrits  de  Gélase.  Quoi- 
que le  but  principal  de  ce  traité  soit  de  mon- 
trer qu'encore  qu'il  fût  dit,  dans  la  sentence 
du  pape  Félix  contre  Acace,  qu'il  ne  «  serait 


'  Sciturus  eum  visitaioris  te  nomine,  non  cardinalis 
créasse  pontifias.  Gelas.,  Epist.  ad  Cœlest,,  pag.  1224. 


2  Eanod.,  Viia  Epiphan. 


506 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


jamais  absous  de  l'anathème ,  »  cela  ne  de- 
A'ait  avoir  lieu  qu'au  cas  qu'il  ne  se  corrigeât 
pas;  on  y  trouve  plusieurs  choses  qui  n'ont 
aucun  rapport  à  ce  sujet  et  qui  regardent  ou 
le  concile  de  Chalcédoine  ou  quelque  autre 
matière  ;  ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  c'est 
un  composé  de  diverses  pièces  sans  liaison 
et  sans  suite,  tirées  des  réponses  aux  objec- 
tions des  Grecs,  et  auxquelles  le  compilateur 
aura  ajouté  du  sien.  Il  se  fait  d'abord  cette 
objection  :  Si  l'on  reçoit  le  concile  de  Chal- 
cédoine ,  on  doit  le  recevoir  en  tout ,  et  dès- 
lors  admettre  le  privilège  du  second  rang 
qu'il  a  accordé  à  l'évêque  de  Gonstantinople 
par  son  vingt -huitième  canon,  A  quoi  il  ré- 
pond que  toute  l'Eglise  reçoit  sans  difficulté 
ce  que  ce  concile  a  décidé  conformément  à 
l'Ecriture ,  à  la  tradition  et  aux  canons  pour 
la  foi  catholique ,  le  Saint-Siège  n'ayant  or- 
donné la  tenue  de  ce  concile  que  pour  ce  su- 
jet, et  ne  l'ayant  confirmé  qu'à  cet  égard; 
mais  ce  qui  a  été  avancé  sans  l'autorité  et 
l'ordre  du  Saint-Siège,  il  ne  l'a  jamais  ap- 
prouvé, quelque  instance  que  lui  en  fit  l'em- 
pereur Marcien.  11  appuie  sa  réponse  par  une 
comparaison  tirée  des  livres  saints.  Nous  res- 
pectons les  vérités  qu'ils  contiennent,  mais 
nous  n'approuvons  pas  les  mauvaises  actions 
que  les  historiens  sacrés  rapportent.  Venant 
ensuite  à  l'explication  de  celte  clause  de  la 
sentence  de  Félix  contre  Acace,  «  qu'il  ne 
devait  jamais  être  absous ,  »  il  dit  que  cette 
clause  n'ajoute  rien  à  la  condamnation,  et 
qu'elle  ne  devait  avoir  lieu  que  tant  qu' Acace 
demeurerait  obstiné.  Il  traite ,  à  cette  occa- 
sion ,  du  péché  contre  le  Saint-Esprit ,  et  dit 
que  l'Ecriture  ne  le  déclarant  irrémissible  que 
dans  les  incorrigibles,  il  en  était  de  même  de 
la  sentence  contre  Acace,  le  pape  n'ayant  pas 
dit  qu'il  ne  serait  jamais  absous  quoiqu'il  se 
corrigeât.  Il  ajoute  qu'Acace  ayant  devant 
les  yeux  l'exemple  des  évoques  du  concilia- 


bule d'Ephèse,  à  qui  l'on  avait  pardonné  lors- 
qu'ils avaient  demandé  pardon  de  leur  faute, 
il  avait  lieu  d'espérer  comme  eux  le  pardon 
de  la  sienne.  Voici  comme  il  s'explique  sur 
la  distinction  des  deux  puissances,  l'ecclésias- 
tique et  la  séculière  :  «  Je  veux  croire  qu'a- 
vant la  venue  de  Jésus-Christ  ',  quelques-uns 
aient  été  en  figure  rois  et  prêtres  en  même 
temps ,  comme  l'Ecriture  le  dit  de  Melchisé- 
dech,  ce  que  le  démon  a  imité  dans  les  siens, 
parmi  lesquels  les  empereurs  païens  pre- 
naient aussi  le  nom  de  souverains  pontifes. 
Mais  depuis  la  venue  de  celui  qui  est  vérita- 
blement Roi  et  Pontife  tout  ensemble,  l'em-  j 
pereur  n'a  plus  pris  le  nom  de  pontife,  et  le  * 
pontife  ne  s'est  plus  attribué  la  dignité  royale. 
Car,  bien  que  tous  les  membres  de  Jésus- 
Christ  soient  nommés  une  race  royale  et  sa- 
cerdotale, néanmoins  Dieu,  connaissant  la 
faiblesse  humaine  et  voulant  sauver  les  siens 
par  l'humilité,  a  séparé  les  fonctions  de  l'une  . 
et  de  l'autre  puissance,  en  sorte  que  les  em- 
pereurs chrétiens  eussent  besoin  des  pontifes 
pour  la  vie  éternelle,  et  que  les  pontifes  sui- 
vissent les  ordonnances  des  empereurs  pour 
le  cours  des  affaires  temporelles,  afin  que 
celui  qui  sert  Dieu  ne  s'embarrassât  point  du 
soin  des  choses  temporelles,  et  que  celui  qui 
est  engagé  dans  les  affaires  séculières  ne  fût 
pas  chargé  du  gouvernement  des  choses  di- 
vines. De  cette  manière,  l'un  et  l'autre  ordre 
est  contenu  dans  la  modération,  et  chaque 
profession  est  appliquée  aux  actions  qui  lui 
conviennent.  Cette  distinction  des  deux  puis- 
sances établie ,  il  paraît  clairement  qu'un 
évêque  ne  peut  être  ni  lié  ni  délié  par  une 
puissance  séculière  ;  qu'ainsi  Pierre  Mongus 
n'a  point  été  légitimement  absous,  ne  l'ayant 
pu  être  par  l'autorité  de  l'empereur  Zenon.» 

iQ.  Quelque  temps  après  que  le  pape  Gé-  Traiucon- 
lase  eut  aboli  dans  Rome  les  lupercales ,  un  qnV  p-'S- 
sénateur  nommé  Andromaque  et  quelques 


1  Fuerint  hœc  ante  adventum  Chrisii,  ut  quidam  fi- 
guraliter  pariter  reges  existèrent  et  pariter  sacerdotes. 
Quod  sanctus  Melchisedech  fuisse  saa'a  prodit  histo- 
ria.  Quod  in  suis  quoque  diabolus  imitatus  est,  utpote 
qui  semper  quce  divino  cultui  convenirent,  sibimet  ty- 
rannico  spiritu  vendicare  coniendit,  ut  pagani  impera- 
tores  iidem  et  maximi  pontifices  dicerenfur.  Sed  cum 
ad  verum  ventum  est,  eumdem  regem  atque  poniificem, 
ultra  sibi  nec  imperator  pontificis  nomen  imposuit,  nec 
pontifex  regale  fasligium  vendicavit.  Quamvis  enim 
membra  ipsius,  id  est,  veri  régis  atque  pontifiais  se- 
cundum  participationem  naturœ,  magnifiée  utrumque 
in  sacra  generositate  sumpsisse  dieantur,  ut  simul  re- 
gale genus  et  sacerdotale  subsistant  :  attamen  Christus 
memor  fragilitaiis  humanœ,  quod  suorum  saluti  con- 


grueret  dispensatione  magnifica  tempero.ns ,  sic  actio- 
nibus  propriis  dignitatibusque  distinctis  officia  potes- 
tatis  utriusque  discrevit ,  suos  volens  medicinali 
humilitate  salvari,  non  humana  superbia  rursus  inter- 
cedere ,  ut  et  christiani  imperatores  pro  œterna  vita 
pontificibus  indigerent,  et  pontifices  pro  temporalium 
cursu  rerum  imperialibus  dispositionibus  uterentur 
quatenus  spiritalis  actio  a  carnalibus  distaret  incur- 
sibus  :  ac  vicissim  non  ille  rébus  divinis  prœsidere 
videretur,  qui  esset  negotiis  sœcularibus  implicatus, 
ut  et  mudestia  utriusque  ordinis  curaretur,  ne  extol- 
leretur  uiroque  suffulsus  et  competens  qualitatibus 
actionum  specialiter  professio  aptaratur.  Gelas.,  de 
Anat.,  pag.  1252. 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GELASE,  PAPE. 


[V«  SIÈCLE.] 

autres  personnes  voulurent  les  rétablir,  sous 
le  faux  prétexte  que  les  maladies  dont  cette 
ville  était  attaquée  venaient  de  la  suppression 
de  cette  fête.  Le  pape  leur  fit  voir,  dans  un 
discours,  qu'ils  étaient  indignes  du  nom  de 
chrétien  qu'ils  portaient;  qu'en  voulant  allier 
avec  la  profession  du  christianisme  le  culte 
superstitieux  des  faux  dieux,  ils  commettaient 
un  adultère  spirituel,  et  que  pour  ce  crime, 
que  les  évèques  avaient  droit  de  punir  comme 
ils  l'ont  de  punir  l'adultère  corporel ,  ils  mé- 
ritaient, pour  les  blasphèmes  qu'ils  avaient 
dits  en  public,  d'être  séparés  du  corps  de 
l'Eglise,  ne  leur  étant  pas  permis  de  partici- 
per en  même  temps  à  la  table  du  Seigneur 
et  à  la  table  des  démons.  Il  leur  fit  voir  en- 
core qu'ils  ne  savaient  pas  même  ce  que  c'é- 
taient que  les  lupercales,  puisque,  selon  Tite- 
Live,  elles  avaient  été  établies  non  pour  dé- 
tourner les  maladies  ,  mais  pour  rendre  les 
femmes  fécondes;  qu'aussi  les  maladies  n'a- 
vaient pas  été  moins  communes  dans  les  temps 
qu'on  célébrait  les  lupercales,  qu'en  d'autres 
où  on  ne  les  célébrait  pas,  et  que  les  fléaux 
publics  dont  Rome  était  affligée,  devaient 
s'attribuer  aux  dérèglements  des  mœurs  de 
ses  habitants.  Ne  célébrait-on  pas  les  luper- 
cales quand  les  Gaulois  prirent  Rome?  Dans 
le  temps  des  guerres  civiles?  lorsque  Alaric, 
Anthémius  et  Ricimer  saccagèrent  cette  ville  ? 
Andromaque  répondit  que  les  papes  précé- 
dents n'avaient  point  aboli  les  lupercales. 
Gélase  en  convient ,  mais  il  dit  que  n'étant 
pas  possible  de  guérir  en  même  temps  toutes 
les  parties  malades  d'un  corps,  chacun  de  ses 
prédécesseurs  avait  travaillé  à  en  guérir  quel- 
qu'une; qu'ils  ont  peut-être  tenté  d'abolir  les 
lupercales  sans  en  être  venus  à  bout ,  parce 
que  les  princes  ne  les  ont  point  écoutés,  et 
que  c'est  ce  qui  a  fait  périr  l'empire  ;  qu'au 
surplus,  chacun  devant  rendre  compte  à  Dieu 
de  son  administration,  il  ne  se  croit  point 
permis  d'accuser  de  négligence  ses  prédé- 
cesseurs. «  Pour  ce  qui  me  regarde,  ajoute- 
t-il,  je  défends  à  aucun  homme  baptisé,  à  au- 
cun chrétien,  de  célébrer  cette  fête;  que  les 
païens  seuls  pratiquent  ces  sortes  de  supers- 
titions. Je  dois  déclarer  aux  chrétiens  qu'elles 
leur  sont  pernicieuses  et  funestes.  J'acquit- 
terai ma  conscience.  C'est  à  ceux  qui  n'obéi- 
ront pas  à  mes  avis  à  penser  à  eux.  » 
17.  Dans  son  traité  contre  les  Pélagiens,  le 


507 


pape  Gélase  entreprend  de  réfuter  cette  pro-  giens,  pag. 
position  :  «  Que  quelqu'un  peut  passer  sa 
vie  sans  commettre  aucun  péché.  Si  l'on  dit 
qu'il  le  peut  sans  le  secours  de  la  grâce, 
c'est  une  erreur.  Si  c'est  avec  ce  secours,  la 
proposition  est  soutenable,  parce  que  tout 
est  possible  avec  la  grâce  de  Dieu.  Mais  y  a- 
t-il  quelqu'un  qui  ait  effectivement  vécu  sans 
péché?  »  Le  pape  répond  que  comme  ce  fait 
n'est  point  clairement  constaté,  il  ne  veut  ni 
l'assurer  ni  le  révoquer  en  doute.  Ainsi  il 
prend  le  parti  de  montrer  en  général,  par 
un  grand  nombre  de  passages  de  l'Ecriture, 
que  tous  les  hommes  ont  péché,  à  l'excep- 
tion du  seul  Agneau  sans  tache  par  qui  les 
péchés  ont  été  remis  aux  autres,  soit  dans 
les  temps  qui  ont  précédé  la  loi  de  Moïse, 
soit  sous  cette  loi,  soit  sous  la  loi  de  l'Evan- 
gile. Avant  la  loi,  tous  expiaient  leurs  péchés 
par  des  oblations  mystiques  :  sous  la  loi,  les 
prêtres  offraient  des  sacrifices,  non -seule- 
ment pour  l'expiation  des  péchés  du  peuple, 
mais  aussi  pour  les  leurs  propres.  Les  apô- 
tres, dans  leurs  écrits,  répètent  continuelle- 
ment que  personne  n'est  exempt  de  péché. 
L'oraison  dominicale  le  suppose,  puisque 
nous  y  demandons  et  le  pardon  de  nos  fau- 
tes, et  le  secours  pour  n'y  plus  retomber. 
Gélase  met  le  péché  des  anges  dans  la  com- 
plaisance qu'ils  ont  eue  dans  la  beauté  de 
leur  être,  en  sorte  qu'ils  se  sont  préférés  à 
Dieu  et  ont  négligé  de  lui  rendre  l'honneur 
qui  lui  était  dû.  Pour  montrer  la  force  de  la 
grâce ,  ce  pape  dit  *  que  sans  elle  l'homme 
n'aurait  pu  persévérer  dans  l'innocence  qu'il 
avait  reçue  dans  sa  création  ,  et  qu'avec  elle 
l'homme  tombé  pouvait  recouvrer  l'inno- 
cence qu'il  a  perdue  par  le  péché.  Il  donne 
pour  raison  de  l'incarnation,  la  réparation 
du  genre  humain,  ajoutant  que  Jésus-Christ 
a  non-seulement  vaincu  le  démon  qui  avait 
séduit  l'homme,  mais  qu'il  a  encore  accordé 
à  l'homme  de  vaincre  par  sa  grâce  et  par  la 
vertu  de  la  foi  celui  par  qui  il  a  été  vaincu. 
Ensuite  il  explique  en  quel  sens  saint  Paul 
a  dit  que  les  enfants  des  fidèles  sont  saints, 
et  que  la  femme  fidèle  sanctifie  l'homme  infi- 
dèle. Les  enfants  des  fidèles  sont  saints  en 
comparaison  de  ceux  qui  naissent  de  pa- 
rents infidèles.  Les  parents  fidèles  procurent 
le  baptême  à  leurs  enfants;  ils  les  exhortent 
à  la  piétéj;  ils  prient  pour  eux,  ce  sont  tout 


'  Qumilumcumque  grutia  ista  prœvaleat  inagis  inde 
cognoscitur,  dum  et  incoiumis  absque  eadem  slare  ne- 


quiverit  et  vateat  ad  eamdem  incolumitatem  redire 
■post  lapsum.  Gelas.,  conir.  Pelag.,  pag.  1246. 


308 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Ephes.iv,13. 


autant  de  moyens  de  sanctification  pour 
leurs  enfants,  et  c'est  là  la  vraie  raison  poar- 
quoi  il  est  dit  que  leurs  enfants  sont  saints. 
Il  en  est  de  même  d'un  mari  infidèle  qui 
épouse  une  femme  fidèle.  Celle-ci  peut  l'en- 
gager par  les  mêmes  moyens  à  la  sanctifica- 
tion :  et  pour  preuve  que  l'alliance  d'un  in- 
fidèle avec  une  femme  fidèle,  ne  sanctifie 
icor.Tii.is.  pas  seul,  saint  Paul  ajoute  :  Que  si  le  mari 
infidèle  se  sépare  d'avec  sa  femme  qui  est  fidèle, 
quelle  le  laisse  aller.  Il  explique  encore  ce  que 
c'est  que  de  panenir,  selon  ce  même  apôtre, 
à  l'état  d'un  homme  par  fait .  Il  l'entend  de  l'u- 
nion de  toute  l'Eglise  avec  Jésus-Christ,  qui 
en  est  le  chef,  la  vertu  et  la  perfection.  Car 
cette  Eglise ,  qui  est  l'épouse  et  la  chair  de 
Jésus-Christ,  est  composée  de  deux  sexes, 
qui  sont  un  en  lui.  Gélase  dit  dans  ce  traité 
que,  quelque  désir  qu'eût  saint  Paul  d'aller 
prêcher  en  Espagne,  la  pi'ovidence  ne  le  lui 
permit  pas  *. 

18.  Le  traité  le  plus  considérable  du  pape 
Gélase  est  celui  qu'on  lui  a  disputé  avec  plus 
d'opiniâtreté.  Il  est  intitulé  :  Des  Deux  na- 
tures en  Jésus-Christ,  contre  Eutychès  et  Nes- 
torius.  Quelques-uns  l'ont  attribué  à  Gélase 
de  Césarée  ^,  dont  il  est  fait  mention  dans  le 
Catalogue  des  écrivains  ecclésiastiques  de  saint 
Jérôme;  d'auti'es  à  Gélase  de  Cysique  ^.  Mais 
ce  traité  étant  cité  par  des  auteurs  contem- 
porains ou  presque  contemporains,  sous  le 
nom  du  pape  Gélase,  on  ne  peut,  ce  semble, 
douter  qu'il  n'en  soit  auteur,  d'autant  que, 
dans  les  meilleurs  manuscrits,  il  se  trouve 
de  suite  avec  les  lettres  de  Gélase.  Gennade 
de  Marseille,  qui  écrivait  en  même  temps 
que  ce  pape,  dit  de  lui  *,  dans  l'article  où  il 
fait  le  dénombrement  de  ses  ouvrages,  qu'il 
en  a  composé  un  pour  montrer  contre  Eu- 
tychès et  Nestorius  l'existence  des  deux  na- 
tures en  Jésus-Christ.  Saint  Fulgence,  qui 
fut  fait  évêque  de  Ruspe  peu  d'années  après 
la  mort  de  Gélase,  lui  attribue  un  traité  où 
il  avait  fait  voir  qu'il  y  a  deux  natures  en 


Traits  des 
Deux  natures 
en  Jésus- 
Chrisl.  Ce  li- 
vre est  du 
pape  Gélase. 


Jésus-Christ  unies  sans  confusion  et  insépa- 
rables ^;  et  il  en  rapporte  quatre  passages  qui 
se  trouvent  en  mêmes  termes  dans  le  livre 
que  nous  avons  aujourd'hui  sous  le  nom  de 
ce  pape.  Le  même  ouvrage  lui  est  attribué 
par  le  pape  Jean  II  ^,  et  nous  y  lisons  encore 
le  passage  qu'il  en  cite.  Il  est  vrai  qu'en  le 
citant  sous  le  nom  de  Gélase,  il  ne  marque 
point  si  ce  Gélase  était  un  de  ses  prédéces- 
seurs, ou  quelque  autre  écrivain  du  même 
nom.  Mais  c'est  là  même  une  preuve  que, 
par  le  Gélase  dont  il  parle,  il  entendait  celui 
qui  avait  occupé  le  même  siège  que  lui.  Il  en 
use  de  même  à  l'égard  de  saint  Léon,  qu'il 
ne  nomme  ni  pape  ni  son  prédécesseur.  S'il 
eût  cru  que  le  traité  des  Deux  natures  fût  de 
Gélase  de  Cysique,  auteur  grec  et  presque 
inconnu,  ne  l'eût-il  pas  fait  connaître  par  le 
nom  de  son  évêché?  Mais  cette  précaution 
n'était  point  nécessaire  à  l'égard  du  pape 
Gélase,  connu  dans  toute  l'Eglise  et  par  sa 
dignité  et  par  ses  écrits.  D'ailleurs,  à  qui  per- 
suadera-t-on  qu'un  ouvrage  de  Gélase  de  Cy- 
sique ait  trouvé  tant  de  crédit  dans  le  monde, 
qu'on  l'ait  aussitôt  traduit  de  grec  en  latin, 
et  qu'on  l'ait  fait  passer  avec  une  rapidité 
incroyable  en  Afrique,  en  Italie  et  dans  les 
Gaules?  On  objecte  que  Gennade,  en  parlant 
de  cet  ouvrage,  l'appelle  un  grand  et  excellent 
volume;  au  lieu  que  celui  que  nous  avons  sous 
le  nom  du  pape  Gélase,  ne  fait  qu'un  très- 
petit  volume  ';  qu'Eusèbe  de  Césarée,  dont 
les  écrits  sont  rejetés  comme  apocryphes 
dans  le  décret  de  Gélase,  est  cité  avec 
les  autres  pères  dans  le  traité  des  Deux  na- 
tures; que  l'auteur  n'y  rapporte  que  les  té- 
moignages des  pères  grecs,  si  ce  n'est  de 
saint  Ambroise  et  de  Damase,  et  qu'il  se 
trompe  en  faisant  le  martyr  saint  Hippolyte, 
évêque  en  Arabie,  au  lieu  qu'il  l'était  de 
Porto.  Mais  n'est-il  pas  visible  que  Gennade 
appelle  grand  le  volume  de  Gélase,  par  rap- 
port au  mérite  de  l'ouvrage,  plutôt  que  par 
rapport  à  sa  longueur?  Facundus  qui  le  cite. 


1  Beatus  Pauliis  pro  devoiione  prœdicatioitis  in- 
Junctœ  ad  Hispanias  se  profiietur  iturum,  quod  tamen 
certa  dispensatioiie  deitatis ,  quod  fieret  non  provenii. 
IbW.,  pag.  1523. 

2  Bellarm.,  de  Rom.  Poniif.,  lib.  IV,  cap.  x. 

3  Baron.,  ad  an.  496,  num.  8;  Natal.  Alexand.,  el 
alii. 

*  Gelasius,  urbis  liomœ  episcopus,  scripsit  advenus 
Eutychem  et  Nestorium  grande  et  py'œclarum  vohwien, 
et  tractatns  diversarum  Seripturarum  et  sacramento- 
rum.  Gennad.,  de  Viris  illustr.,  cap.  sciv. 

s  Hos  etiam  beatœ  memoriœ  papa  Gelasius...  duas 


naturas  in  Christo  inconfusas  atque  inseparabiles  esse 
confirmât.  Fulgent.,  Epist.  14  ad  Ferrand.,  pag.  243 
et  244. 

8  Gelasius  exllibro  adoersus  Nestorium  et  Eutychem. 
Propterea  quod  es  te  nascetur  sanctum  ,  vocabitur 
Filius  Dei.  Ex  te  nascetur,  ait,  ut  proprietaiem  de  ma- 
ire sumendam  nostrœ  conditionis  exprimeret.  His 
igitur  evidenter  ostensum  est,  illustres  et  magnifici 
filii,  quid  speraverit  imperator,  quid  romana  sequa- 
tur  et  colat  Ecclesia.  Joau.,  Epist.  2,  pag.  3  ad 
Senut. 

'  Genuad.,  ubi  sup. 


[y=  siècle.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


S09 


en  fait  le  même  éloge  que  Gennade  '.  Le  dé- 
cret de  Gélase  ne  censure  que  l'Histoire  ec- 
clésiastique d'Eusèbe,  et  non  son  commen- 
taire sur  le  Psaume  xvii%  ni  son  septième 
livre  de  la  Préparation  évangélique,  qui  sont 
cités  dans  le  livre  des  Deux  natures.  Si  le  pape 
y  allègue  un  plus  grand  nombre  d'auteurs 
grecs  que  de  latins,  c'est  qu'il  avait  à  com- 
battre des  erreurs  qui  infectaient  les  Egli- 
ses d'Orient,  et  il  n'est  point  surprenant  qu'il 
ait  ignoré  le  siège  épiscopal  de  saint  Hippo- 
lyte,  qu'Eusèbe  et  saint  Jérôme  ignoraient 
également  ^.  Eusèbe,  sur  le  témoignage  du- 
quel l'auteur  de  l'écrit  des  Deux  natures  pa- 
raît avoir  avancé  que  saint  Hippolyte  était 
évéque  d'une  métropole  d'Arabie,  ne  le  dit 
pas.  11  se  contente  de  le  dire  évêque  d'une 
certaine  Eglise  sans  la  nommer  :  mais  comme 
il  avait  parlé  anpai-avant  de  Tite,  évêque  de 
Bostre  en  Arabie,  cela  a  pu  occasionner  l'er- 
reur de  ceux  qui  ont  mis  dans  la  même  pro- 
vince l'évêché  de  saint  Hippolyte ,  dont  il 
fait  mention  au  même  endroit, 
aiysedu  19.  Gélase,  après  avoir  dit  que  le  mystère 
natu-  [ig  l'Incarnation  ne  s'est  point  accompli  en 
différents  temps,  mais  qu'il  a  commencé  par 
l'union  parfaite  des  deux  natures  ^,  et  que 
cette  union  s'est  faite  dans  le  même  instant, 
montre,  par  les  paroles  de  l'ange  à  la  sainte 
Vierge,  l'existence  de  ces  deux  natures  en 
Jésus-Christ.  C'est  de  vous-même^  lui  dit  l'ange, 
que  naîtra  ce  Fils  :  ce  qui  marque  la  propriété 
de  notre  nature  que  ce  Fils  devait  prendre 
dans  le  sein  de  sa  mère  :  il  ajoute  que  le  fruit 
qui  naîtra  d'elle  sera  saint,  pour  marquer 
qu'il  devait  être  conçu  sans  la  contagion 
d'aucune  concupiscence  charnelle  ;  entîn , 
qu'il  sera  appelé  le  Fils  de  Dieu,  pour  faire 
connaître  le  mystère  de  l'union  qui  devait 
se  faire  de  la  nature  divine  avec  la  nature  hu- 
maine, par  la  conception  de  ce  fruit  dans  le 
sein  de  Marie,  selon  qu'il  est  écrit  :  Le  Verbe 
a  été  fait  chair ,  et  il  a  habité  parmi  nous.  Ce 
principe  établi,  voici  comme  il  raisonne.  Quoi- 
que notre  Seigneur  Jésus-Christ  soit  un;  que 
Dieu  soit  homme,  et  l'homme  Dieu;  que  le 
Dieu-Homme  s'approprie  tout  ce  qui  est  de 
l'humanité;  et  que  l'Homme-Dieu  ait  tout  ce 
qui  est  de  Dieu;  néanmoins,  pour  que  cette 
union  mystérieuse  subsiste  en  son  entier,  il 
faut  que  l'homme  demeure  Dieu  comme  il 


l'est  par  cette  union,  et  que  Dieu  conserve 
aussi  tout  ce  qui  est  de  l'homme.  Car,  s'il  se 
faisait  quelque  séparation  en  Jésus-Christ  de- 
là divinité  ou  de  l'humanité,  dès-lors  le  mys- 
tère ne  subsisterait  plus.  Il  montre,  par  l'au- 
torité de  l'Evangile,  qu'il  subsistait  après  la 
résurrection  de  Jésus-Christ,  lorsqu'il  est 
monté  au  ciel,  et  que  selon  les  écrits  des 
prophètes  et  des  apôtres,  cette  union  doit 
subsister  éternellement.  Il  fait  voir  que  l'er- 
reur des  eutychéensne  combat  pas  moins  ce 
mystère  que  celle  des  nestoriens,  et  que 
quoiqu'elles  semblent  opposées,  elles  revien- 
nent au  même  point,  qui  est  d'anéantir  l'in- 
carnation, en  assurant,  comme  faisaient  les 
eutycbéens,  que  les  deux  natures  qui  étaient 
distinctes  avant  l'union,  ont  été  confondues 
par  l'union.  Gélase  cite  un  grand  nombre  de 
passages  du  Nouveau  Testament,  qui  mar- 
quent clairement  la  distinction  des  deux  na- 
tures en  Jésus-Christ.  Comme  Dieu-Homme, 
il  est  mort,  il  a  été  enseveli  ;  comme  Homme- 
Dieu,  il  est  ressuscité,  il  est  entré  les  portes 
fermées,  il  est  monté  au  ciel.  Il  convient  que  j„j„  ,,„  ,3. 
par  une  façon  de  parler  qui  tient  de  la  figure 
où  l'on  prend  une  partie  pour  le  tout,  l'Ecri-  R„m.  ,^^5. 
ture,  en  parlant  de  Jésus-Christ ,  le  nomme 
tantôt  homme,  et  tantôt  Dieu,  sans  exprimer 
dans  le  même  endroit  les  deux  natures.  Mais 
il  soutient  que  ces  sortes  de  propositions  ne 
sont  point  exclusives;  que  celles  qui  ne  par- 
lent point  de  la  divinité  n'excluent  point  l'hu- 
manité, et  que  celles  qui  ne  parlent  que  de 
l'humanité  n'excluent  point  la  divinité,  parce 
qu'elles  ne  doivent  pas  se  prendre  à  la  ri- 
gueur. Il  dit  aux  eutycbéens  qu'en  disant 
une  nature  incarnée,  ils  étaient  nécessités  de 
reconnaître  deux  natures  :  celle  de  la  divi- 
nité qui  s'unit  à  la  chair,  et  celle  de  la  chair 
à  laquelle  la  divinité  est  unie.  Ils  objectaient 
qu'en  admettant  deux  natures,  il  fallait  ad- 
mettre deux  Christs.  Gélase  répond  que, 
quoiqu'il  y  ait  deux  natures  dans  l'homme, 
l'âme  et  le  corps,  il  n'y  a  toutefois  qu'une 
personne,  et  que  ces  deux  natures  ne  sont 
qu'un  seul  homme;  qu'à  plus  forte  raison , 
l'unité  de  personne  se  trouve  dans  une  union 
aussi  ineffable  et  aussi  indivisible  que  l'est 
celle  de  la  divinité  et  de  l'humanité  en  Jésus- 
Christ.  Mais  l'apôtre  ne  dit-il  pas  que  les 
Juifs  ont  crucifié  le  Seigneur  de  gloire  et  de  ireir.  it,  1. 


1  Seripsit  beatus  Gelasius,  romanus  episcopus,  ad- 
versus  acephalos  magnum  opus.  Faound.,  lib.  contr. 
Nocianum.,  pag.  564. 


2  Tom.  Il,  pag.  317. 

3  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair. 


pag.  700. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


510       _ 

majesté?  Gela  est  vrai;  et  il  l'est  aussi,  que 
celui  qui  est  appelé  le  Seigneur  de  majesté, 
est  encore  appelé  Fils  de  l'homme.  Comme 
Seigneur  de  majesté,  il  est  impassible; 
comme  Fils  de  l'homme ,  il  a  souffert.  Saint 
Pierre  explique  toute  celte  difficulté  en  di- 
sant que  Jésus-Christ  est  mort  pour  nous  en 
sa  chair.  Gélase  proteste  que  c'est  là  la  foi 
qu'il  a  apprise  de  tous  les  pères  et  de  tous 
les  maîtres  de  l'Eglise  cathohque  ;  et  pour  en 
donner  des  preuves,  il  rapporte  les  propres 
paroles  d'un  grand  nombre  d'entre  eux,  sa- 
voir :  de  saint  Ignace ,  martyr  ;  d'Eustathe 
d'Antioche;  de  saint  Hippolyte,  martyr;  de 
saint  Athanase,  d'Eusèbe  de  Césarée,  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze,  de  saint  Basile, 
de  saint  Grégoire  de  Nysse,  de  saint  Amphi- 
loque;  d'Ântiochus,  évêque  de  Ptolémaïde; 
de  Sévérien  de  Cabales,  de  sainl  Ambroise, 
de  saint  Chrysostôme  et  du  pape  Damase. 
Explication       20.  Daus  06  traité  le  pape  Gélase,  à  l'imi- 

d'un    passage  .  .     .     z-n  ,  a  ,      t       m^     f      i 

sur  l'Eachi-  tation  de  samt  Chrysostôme  et  de  Theodo- 
ret  ',  se  sert  de  l'exemple  de  l'Eucharistie 
pour  expMquer  de  quelle  sorte  la  nature  hu- 
maine demeure  dans  Jésus-Christ  sans  être 
absorbée  par  la  nature  divine.  «  Les  sacre- 
ments du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ 
que  nous  recevons,  dit-il  ^,  sont  une  chose 
divine,  et  ils  nous  rendent  participants  de  la 
nature  divine  ;  néanmoins  la  substance  et  la 
nature  du  pain  et  du  vin  ne  cessent  point 
d'être.  Or,  on  célèbre  dans  l'action  des  mys- 
tères, l'image  et  la  ressemblance  du  corps 
et  du  sang  de  Jésus-Christ,  et  cela  nous  fait 
voir  avec  assez  d'évidence  que  ce  que  tous 
nous  croyons,  célébrons  et  prenons  dans  l'i- 
mage de  Jésus-Christ,  nous  le  devons  croire 
en  Jésus-Christ  même,  et  que  comme  par 
l'opération  du  Saint-Esprit,  ces  choses  pas- 
sent en  cette  substance  divine,  quoique  leur 
nature  conserve  ses  propriétés,  elles  nous 
marquent  aussi  que  ce  mystère  principal, 
c'est-à-dire  l'incarnation,  dont  elles  nous 
rendent  présentes  l'efficacité  et  la  vertu,  con- 
siste en  ce  que  les  deux  natures  demeurent 
proprement,  et  iln'y  a  qu'un  Christ,  qui  est  un, 

»  Tom.  VIII  Bibtioih.  Pair.,  pag.  703. 

'  Certe  sacramenta  quœ  sumimus  corporis  et  san- 
guinis  Christi,  divina  res  est.  Propter  quod  et  per 
eadem  dimnœ  efficimm-  consortes  naturœ,  et  tamen 
esse  non  desinit  subslantia  vel  natura  panis  et  vini  : 
et  certe  imago  et  simiiitudo  corporis  et  sanguinis 
Christi  in  actions  mysteriorum  celebrantur.  Satis  ergo 
nobis  evidenier  ostetiditur,  hoc  nobis  in  ipso  Christo 
Dor)iinosentiendum,  quod  in  ejus  imagine  profitemur. 
Celebramus  et  sumimus,  ul  sicui  in  hanc,  scilicet,  in 


parce  qu'il  est  entier  et  véi'itable.  »  Ce  pas- 
sage ,  qui  paraît  d'abord  embarrassant  pour 
la  transsubstantiation,  ne  l'est  plus  si  l'on  fait 
attention  que  Gélase  combat  les  eutychéens, 
qui,  enseignant  qu'il  n'y  avait  qu'une  nature 
en  Jésus-Christ,  en  concluaient  que  la  nature 
humaine  avait  perdu  toutes  ses  propriétés, 
en  sorte  qu'elle  n'était  plus  ni  visible,  ni  pal- 
pable, ni  circonscrite;  qu'elle  ne  conservait 
plus  son  espèce  et  qu'elle  avait  été  changée 
en  la  nature  divine.  Ainsi  ce  que  Gélase  tâ- 
che particulièrement  d'établir,  est  que  Jésus- 
Christ  n'a  rien  perdu  de  tout  cela,  qu'il  était 
palpable  après  sa  résurrection  comme  au- 
paravant, et  qu'il  avait  toutes  les  autres  qua- 
lités du  corps  humain.  Dans  ce  dessein,  il 
allègue  l'exemple  de  l'Eucharistie,  dans  la- 
quelle les  symboles  ne  laissent  pas  d'être 
palpables,  visibles  et  figurés  comme  aupa- 
ravant, et  retiennent  toutes  les  autres  qua- 
lités du  pain  et  du  vin,  pour  en  conclure  que 
le  corps  de  Jésus-Christ  retenait  aussi  ces 
mêmes  qualités.  C'est  cette  même  pensée 
qu'il  exprime,  quand  il  dit  que  la  nature  du 
pain  et  du  vin  ne  cesse  pas  et  demeure,  puis- 
que cet  amas  de  qualités  qui  demeure  dans 
l'Eucharistie,  s'appelle  nature  dans  le  lan- 
gage des  anciens,  comme  on  l'a  fait  voir  dans 
l'article  de  Théodoret;  en  un  mot,  l'argu- 
ment de  Gélase  se  réduit  à  ce  raisonnement  : 
Les  symboles  dans  l'Eucharistie,  ne  devien- 
nent point  invisibles,  impalpables,  sans  figure, 
sans  circonscription  :  donc  le  corps  de  Jésus- 
Christ  n'est  point  devenu  invisible,  sans  fi- 
gure, sans  circonscription  et  sans  les  autres 
qualités  du  corps  humain.  Ainsi  il  ne  faut 
pas  conclure  de  ce  qu'il  reconnaît  que  la  na- 
ture commune  du  pain  et  du  vin,  c'est-à- 
dire  les  qualités  de  ces  substances  demeu- 
rent, que  la  nature  individuelle  du  pain  et 
du  vin  n'est  point  changée,  puisqu'il  assure 
formellement  le  contraire  en  disant,  que  le 
pain  et  le  vin  passent  en  cette  divine  substance, 
c'est-à-dire  au  corps  de  Jésus-Christ. 

21.  Le  pape  Gélase  avait  composé  des      Ecrits  a- 
hymnes  à  l'imitation  de  saint  Ambroise  ^,  sont  "perto 

Son  éloge. 

divinam  transeant  Sancto  Spiritu  perficiente  substan- 
tiani,  permanente  tamen  in  suœ  proprietate  naturœ, 
sic  illud  ipsum  mysterium  principale,  cujus  nobis  effi- 
cientiam  virtutemque  veraciler  reprœseniant  :  ex 
quibus  proprie  constat  permanentibus  unum  Christum, 
quia  iniegrum  verumquc  permanere  demonstrant. 
Gelas.,  advers.  Eutycli.  et  Nestor.,  tom.  VIII  Biblioth. 
Pair.,  pag.  703. 

5  Fecit  hymnos  in  similitudinem  Ambrosii  episcopi. 
Gennad.,  de  Yiris  illustr.,  cap.  xciv.  Scripsit  et  trac- 


|V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


Sil 


des  préfaces  et  des  oraisons  pour  le  saint  sa- 
crifice et  pour  Tadministration  des  sacre- 
ments. Il  ne  nous  reste  de  lui  que  les  lettres 
et  les  traités  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 
Sa  manière  d'écrire  est  noble  et  polie,  mais 
quelquefois  obscure  et  embarrassée.  Il  était 
savant,  zélé  pour  le  maintien  de  l'ordre  et  de 
la  discipline ,  d'une  fermeté  inébranlable 
dans  toutes  les  occasions  où  il  s'agissait  de 
l'intérêt  de  la  foi  ;  mais  flexible  aux  besoins 
des  Eglises,  suivant  que  la  nécessité  des 
temps  et  des  lieux  le  demandait.  Pur  dans 
ses  mœurs,  libéral  envers  les  pauvres,  so- 
bre, mortifié  dans  sa  chair,  il  fut  à  toute 
l'Eglise  un  exemple  de  vertu.  Il  s'occupait 
ou  à  prier,  ou  à  lire,  ou  à  écrire  pour  la  dé- 
fense de  la  foi  et  la  réformation  des  abus.  Il 
aimait  les  serviteurs  de  Dieu  et  se  plaisait  à 
s'entretenir  avec  eux  des  choses  spirituelles. 
Facundus,  qui  écrivait  quelques  années  après 
la  mort  de  Gélase  ',  en  parle  comme  d'un 
homme  célèbre  partout,  autant  par  la  sain- 
teté de  sa  vie,  que  par  son  savoir.  D'autres 
ont  loué  sa  patience  et  sa  prudence  ^  dans 
les  temps  difficiles  où  se  rencontra  son  pon- 
tificat, qui  finit ,  selon  l'opinion  commune, 
le  21  novembre  de  l'an  496.  C'est  en  ce  jour 
que  l'Eglise  honore  sa  mémoire,  et  que  sa 
fête  est  mise  dans  le  Martyt'ologe  romain. 

22.  On  attribue  au  même  pape  Gélase,  le 
Sacramentaire  de  l'Eglise  romaine,  divisé  en 
trois  livres  et  imprimé  à  Rome  par  les  soins 
de  Joseph-Marie  Thomasi,  en  1680  ^  Nous 
avons  remarqué  plus  haut  que,  suivant  Fau- 
teur des  Vins  des  Papes,  Gélase  avait  composé 
des  oraisons  *  et  des  préfaces  d'un  style  aisé. 
Valfride  Strabon  dit  aussi  de  lui  ^  qu'il  mit 
en  ordre  non-seulement  celles  qu'il  avait 
composées  lui-même,  mais  encore  celles  qui 
avaient  été  faites  par  ses  prédécesseurs. 
Jean,  diacre,  dans  la  Vie  de  saint  Grégoire- 


le-Grand  ^,  mai-que  clairement  que  le  recueil 
de  Gélase  était  distribué  en  plusieurs  livres, 
que  saint  Grégoire  réduisit  en  un  seul.  Il  ne 
pouvait  désigner  plus  visiblement  l'ancien 
Sacramentaire  romain,  donné  par  Thomasi, 
qui  est  en  effet  divisé  en  trois  livres,  dont  le 
premier  est  intitulé  :  Du  Cours  de  l'année;  le 
second  :  Des  Fêtes  des  saints,  et  le  troisième  : 
Des  Dimanches  de  l'année;  surtout  depuis  la 
Pentecôte.  Il  faut  ajouter  que,  selon  une  an- 
cienne chronique  imprimée  dans  le  Spici- 
lége  de  D.  Luc  d'Achery,  Alcuin  se  servit  ', 
pour  la  liturgie  qu'il  dressa  à  l'usage  des 
Eglises  de  France ,  des  Sacramenfaires  com- 
posés par  saint  Gélase  et  par  saint  Grégoire. 
Il  est  vrai  qu'il  y  a  dans  le  Sacramentaire  de 
Gélase  des  choses  qui  ne  peuvent  être  de 
lui.  Saint  Grégoire  y  est  nommé  dans  le  ca- 
non, et  on  y  ht  ces  mots  :  «  Disposez  de  nos 
jours  dans  votre  paix,  »  que  ce  pape  a  ajou- 
tés au  canon.  Il  y  a  même  un  chapitre  en- 
tier tiré  de  son  registre,  parmi  les  prières  de 
l'ordination.  Mais  on  doit  remarquer  que 
dans  ces  sortes  de  livres,  qui  sont  d'un  usage 
ordinaire,  il  s'est  fait  de  fréquentes  additions, 
suivant  les  différentes  occasions,  et  qu'elles 
ne  doivent  point  être  un  motif  pour  regar- 
der ces  livres  comme  supposés.  Il  n'y  a  per- 
sonne aujourd'hui  qui  ne  reconnaisse  saint 
Grégoire-le-Grand  pour  auteur  du  Sacramen- 
taire qui  porte  son  nom  :  néanmoins  on  y 
trouve  une  messe  pour  le  jour  de  la  Dédi- 
cace de  Sainte-Marie-aux-Marlyrs ,  fête  qui 
n'a  été  instituée  que  longtemps  après  saint 
Grégoire,  par  le  pape  Boniface  IV.  Mais  ce 
qui  prouve  encore  l'antiquité  du  Sacramen- 
taire que  nous  disons  être  de  Gélase,  c'est 
qu'il  n'y  a  point  d'office  pour  le  jour  de  la 
Commémoration  de  saint  Paul  au  30  juin,  et 
qu'au  29  du  même  mois  il  y  a  deux  messes, 
l'une  pour  la  fête  de  saint  Pierre,  et  l'autre 


tatus  diversarum  Scripturarum  et\sacramentorum  eli- 
mato  sermone.  Ibid.  Fecit  etiam  et  sacramentorum 
prœfationes  et  orationes  cauto  sermone.  Lib.  Pontif., 
in  Gelas. 

1  Beatus  Gelasius  in  sanctiiate  vitœ  atque  scientia 
per  universum  mundum  celebrioris  famœ  gloria  prœ- 
dicatus.  Facund.,  cont.  Mocian.,  pag.  566. 

^  Hujus  sœculi  matos  dies  ita  Domino  mitiganie 
atque  gubernanie  transegit,  ut  universas  tentationes 
mira  prudentia  et  longanimitate  sufferret,delicias  Je- 
juniis  sperneret,  superbiam  humililate  calcaret,  tam 
misericordia  animi  alacritate  ctaresceret ,  ut  omnes 
fere  pauperes  saiiari  inops  ipse  mereretur.  Dionys. 
Exig.j  Epist.  nuncupat.  ad  Julian. 

3  II  se  trouve  aussi  dans  la  Liturgie  romaine  de 


Muratori  ;  Venise  1748,  tome  I,  pag.  48S-792,  et  dans 
les  Œuvres  de  saint  Léon,  par  les  frères  Ballerini, 
tome  LV  de  la  Patrotogie  latine.  [L'éditeur.) 

^  Pontifie,  ubi  sup. 

s  Gelasius  papa  tam  a  se  quam  ab  aliis  compositas 
preces  dicitur  ordinasse.  Valf. ,  de  Rébus  Ecoles. , 
cap.  SXTI. 

s  Sed  et  Gelasianum  codicem  de  Missarum  solem- 
niis  multa  subtrahens,  pauca  convertens,  nonnulla  ad- 
jiciens,  pro  exponendis  evangelicis  ledionibus  in  unius 
libri  volumine  coarctavit.  Joan.,  in  Vit.  Greg.,iib.  Il, 
cap.  xvni. 

'  Missalis  Gregorianus  et  Gelasianus  modernis  tem- 
poribus  ab  Albino  ordinatus.  Tom.  IV  Spicileg.,  in 
indice  librorum,  auni  831. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


512 

pour  la  fête  de  saint  Paul  en  un  même  jour. 
Le  poète  '  Prudence,  qui  écrivait  sur  la  fin  du 
iv=  siècle,  marque  ces  deux  messes  et  ces  deux 
fêtes  pour  le  même  jour;  l'une  de  ces  messes 
se  disait  dans  l'église  de  Saint-Pierre  au  Vati- 
can, et  l'autre  dans  celle  de  Saint-Paul,  hors 
de  Rome.  Le  Microloge  dit  que  ce  fut  saint 
Grégoire  qui  établit  une  fête  pour  la  Commé- 
moration de  saint  Paul,  au  30  juin,  différente 
de  celle  que  l'on  faisait  le  29  du  même  mois 
en  l'honneur  de  saint  Pierre.  Ce  Sacramen- 
taire  est  aussi  cité  sous  le  nom  de  Gélase  ^ 
dans  un  ancien  manuscrit  de  Toulouse,  cité 
par  le  père  Morin.  Mais  il  ne  faut  pas  s'ima- 
giner, que  ce  Sacramentaire  soit  entièrement 
du  pape  Gélase  :  il  y  avait  longtemps  avant 
lui  un  ordre  pour  la  messe,  des  prières  et  des 
formules  pour  les  sacrements.  Cela  se  voit 
par  les  lettres  de  saint  Innocent  1",  de  saint 
Célestin  et  de  saint  Léon  :  en  sorte  que  Gé- 
lase n'a  fait  que  recueiUir  et  mettre  en  ordre 
toutes  ces  choses,  en  y  ajoutant  quelques 
oraisons  et  quelques  préfaces  de  sa  façon. 
Le  père  Thomasi,  théatin,  et  depuis  cardinal, 
nous  a  donné  ce  commentaire  sur  un  ma- 
nuscrit de  plus  de  neuf  cents  ans,  que  Chris- 
tine, reine  de  Suède,  avait  apporté  à  Rome. 
[Muratori  en  a  donné  une  autre  édition  dans 
sa  Liturgia  romana  velus,  avec  des  notes;  ou 
la  trouve  dans  le  tome  LXXIV  de  la  Patro- 
logie  latine,  col.  1049  et  seq.] 
Premier  11-  23.  Le  promior  livre  contient,  comme  nous 
menuire?":  l'avous  déjà  dit,  l'office  du  temps.  II  com- 
wed.i.nom,,  j^gj^pg  ^  Ya,  veille  de  Noël,  pour  laquelle  il 

n'y  a  qu'une  messe.  Il  en  met  trois  pour  le 
jour  de  la  fête,  avec  plusieurs  oraisons  pour 
l'office  de  vêpres  ou  de  matines.  Suivent  des 
messes  pour  les  fêtes  de  saint  Etienne ,  de 
saint  Jean  l'Evangéhste  et  des  saints  Inno- 
cents, et  pour  le  jour  de  l'Octave  du  Sei- 
gneur, au  premier  jour  de  janvier.  A  cette 
messe  sont  jointes  trois  oraisons,  dans  les- 
quelles on  demande  à  Dieu  de  détourner  les 
peuples  des  superstitions  païennes  que  l'on 
pratiquait  en  ce  jour-là.  11  y  a  une  messe 
pour  l'Epiphanie  et  une  pour  la  vigile,  une 

•  Aspice  per  bifidas  plebs  romiila  plaieas  : 
Lux  in  duobus  fervet  una  jesiis. 
Nos  ad  uirumque  to.men  cjressu  promeremus  incitato  : 
Et  lus  et  mis  perfruamur  hymnis. 
Ibimus  ulterius  qua  feri  via  pontis  Badriani, 
Lœvam  deinde  fluminis  petemus. 
Transtyberina  prius  soiuit  sacra  pervigil  sacerdos 
Mox  hic  recurrit  duplicatque  vota. 

2  Moriu.,  in  Pœnit.,  pag.  55. 

3  Suscipis  eum  quarta  feria  mane  in  capite  Qicadra- 


pour  le  dimanche  de  la  Septuagésime  et 
une  pour  celui  de  la  Sexagésime.  Après 
cette  dernière  on  lit  plusieurs  oraisons  que 
l'évêque  récitait  ce  jour-là  sur  les  pénitents, 
pour  marquer  qu'on  les  préparait  dès-lors  à 
l'imposition  de  la  pénitence  publique,  sui- 
vant cette  rubrique  qui  ^  se  trouve  immédia- 
tement après  :  «  Vous  recevez  le  pénitent  au 
matin  du  mercredi  à  l'entrée  du  carême, 
vous  le  couvrez  d'un  cilice,  vous  priez  pour 
lui  et  vous  l'enfermez  jusqu'au  jeudi  saint  :  » 
auquel  jour  le  pénitent  doit  être  reçu  dans 
le  sein  de  l'Eghse  après  que  l'évêque  aura 
prononcé  sur  lui  la  prière  de  la  réconcilia- 
tion, le  pénitent  ayant  pendant  toute  cette 
prière  le  corps  prosterné  contre  terre.  Le 
dimanche  de  la  Quinquagésime  a  encore  une 
messe  particulière,  et  il  y  en  a  pour  tous  les 
jours  de  carême  excepté  pour  les  jeudis.  Au 
samedi  de  la  première  semaine  sont  mar- 
quées les  prières  des  Quatre-Temps  pour  le 
premier  mois  :  on  nommait  alors  ainsi  le 
mois  de  mars.  En  ces  jours  on  disait  douze 
leçons;  l'office  se  faisait  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre,  et  on  y  célébrait  la  messe.  On  y  faisait 
aussi  les  ordinations  des  prêtres,  des  diacres 
et  des  sous-diacres.  L'évêque  commençait 
par  nommer  ceux  qu'il  avait  choisis  pour  ces 
divers  degrés  du  ministère  ecclésiastique; 
après  quoi  il  demandait  aux  assistants  s'ils 
n'avaient  point  de  reproches  à  faire  contre 
quelques-uns  d'entre  eux.  Les  prières  de  l'or- 
dination du  prêtre  et  celles  du  diacre  sont 
presque  les  mêmes  que  l'on  dit  encore  au- 
jourd'liui  ;  mais  on  ne  voit  point  qu'on  leur 
donnât  les  habits  sacrés,  ni  le  livre  des  évan- 
giles ou  le  calice.  C'est  en  cet  endroit  qu'on  a 
trouvé  un  chapitre  tiré  du  registre  de  saint 
Grégoire-le-Grand.  Le  troisième  dimanche 
de  carême  on  commençait  à  parler  de  l'exa- 
men des  catéchumènes  choisis  pour  être  bap- 
tisés à  Pâques.  On  priait  dans  le  canon  *  et 
pour  eux  et  pour  leurs  parrains  et  marraines. 
L'évêque  ayant  interrompu  pour  un  peu 
de  temps  la  lecture  du  canon,  on  récitait  les 
noms  des  hommes  et  des  femmes  qui  de- 

geiimœ,  et  cooperis  eum  cilicio,  oras  pro  no  et  inclau- 
dis  usqiie  ad  cœnam  Domini.  Qui  eodemdie  in  greinio 
prœsentatur  Ecclesiœ,  et  prostrato  eo  omni  corpore  in 
terra,  dat  orationem  pontifex  super  eum  ad  reconci- 
liandumin quinia  feria fiœnœ Domini.  Lib.  I  Sacrum., 
pag.  23. 

'  Infra  canonem  uhi  dicit  :  «  Mémento,  Domine, 
etc.,  »  et  tacet,  et  recitantur  nomina  virorum  et  mu- 
lierum ,  qui  ipsos  infantes  suscepturi  sunt.  Ibid. , 
pag.  38. 


[V"  SIÈCLE. J 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


513 


valent  servir  de  parrains  et  de  marraines. 
Après  quoi  l'évêque  continuait  le  canon,  et 
l'interrompant  de  nouveau  *,  on  récitait  les 
noms  de  ceux  qui  étaient  admis  au  baptême. 
Le  -second  scrutia  ou  examen  se  faisait  le 
quatrième  dimanche  de  carême,  et  le  cin- 
quième on  le  réitérait.  11  n'est  rien  dit  en  ce 
jour  de  la  passion.  Le  lendemain  lundi  tous 
les  catéchumènes  étant  venus  à  l'église  avant 
midi,  un  acolyte  écrivait  leurs  noms^;  en- 
suite il  les  appelait  l'un  après  l'autre,  selon 
l'ordre  qu'il  avait  gardé  en  écrivant,  et  on 
les  rangeait,  les  garçons  à  droite  et  les  filles 
à  gauche;  puis  on  faisait  sur  eux  les  prières 
et  les  exorcismes.  Avant  que  de  mettre  le 
sel  dans  la  bouche  du  catéchumène,  on  le 
bénissait.  C'étaient  les  acolytes  qui  faisaient 
les  exorcismes  sur  les  élus,  et  ils  en  faisaient 
de  ditférents  pour  les  garçons  et  pour  les 
filles.  Après  cela  on  leur  expliquait  les  évan- 
giles, ce  qu'on  appelait  leur  ouvrir  les  oreil- 
les. Quatre  diacres  sortaient  de  la  sacristie^, 
portant  chacun  un  des  quatre  évangiles,  pré- 
cédés de  deux  chandeliers  avec  des  encen- 
soirs. Ils  posaient  ces  livres  sur  les  quatre 
coins  de  l'autel,  et  avant  que  les  diacres 
commençassent  à  hre,  un  prêtre  instruisait 
les  catéchumènes,  leur  apprenant  ce  que  si- 
gnlBe  le  mot  à' Evangile;  quels  sont  les  évan- 
gélistes;  pourquoi  il  y  en  a  quatre,  et  pour- 
quoi on  leur  a  appliqué  la  figure  des  quatre 
animaux  mystérieux  dont  il  est  parlé  dans 
le  prophète  Ezécliiel.  Cette  explication  finie, 
Fun  des  quatre  diacres  faisant  faire  silence, 
lisait  le  commencement  de  l'évangile  selon 
saint  Matthieu  jusqu'à  ces  paroles  :  C'est  lui 
qui  sauvera  son  peuple  et  qui  le  déliv7'era  de  ses 
péchés.  Un  prêtre  exphquait  ce  qu'on  avait 
lu  ;  ensuite  un  autre  diacre  lisait  le  commen- 
cement de  l'évangile  selon  saint  Marc,  jus- 
qu'à ces  paroles  :  Je  vous  baptise  dans  l'eau, 
mais  il  vous  baptisera  dans  le  Saint-Esprit.  Le 
prêtre  expliquait  en  peu  de  mots  cette  partie 


s  II  i  t  R   du 
pag.  i>4. 


de  l'évangile.  Après  quoi  un  troisième  dia- 
cre lisait  le  commencement  de  l'évangile  se- 
lon saint  Luc  jusqu'à  ce  verset  :  //  vient  pré- 
parer au  Seigneur  un  peuple  par  fait .  Le  prêtre 
en  donnait  l'explication  ;  puis  le  quatrième 
diacre  lisait  le  commencement  de  l'évangile 
selon  saint  Jean  jusqu'à  cet  endroit,  plein  de 
grâce  et  de  vérité,  que  le  prêtre  expliquait 
encore. 

24.  Un  autre  jour  de  la  semaine,  le  prêtre 
expliquait  aux  catéchumènes  le  symbole, 
dont  il  leur  donnait  d'abord  une  connais- 
sance générale.  Ensuite  un  acolyte  prenait 
sur  son  bras  gauche  un  des  garçons  admis 
au  baptême  *,  lui  mettant  la  main  droite  sur 
la  tête.  Le  prêlre  demandait  à  cet  acolyte  : 
«  En  quelle  langue  confesse  - 1  -  il  Jésus - 
Christ?  »  L'acolyte  répondait  :  «  En  grec.  »  . 
Car  il  y  avait  toujours  grand  nombre  de 
Grecs  à  Rome.  Le  prêtre,  reprenant  la  parole, 
disait  à  l'acolyte  :  «  Annoncez  leur  foi  en 
la  manière  qu'ils  la  conçoivent.  »  Alors  Ta- 
colyte  prononçait  le  symbole  de  Nicée  en 
grec  et  en  chantant.  Il  est  à  remarquer  que 
dans  le  symbole  tel  que  Gélase  le  rapporte, 
il  est  dit  seulement  que  le  Saint-Esprit  pro- 
cède du  Père  :  ce  qui  est  encore  une  preuve 
de  l'antiquité  de  ce  Sacramentaire.  Pendant 
que  l'acolyte  chantait  ce  symbole,  il  tenait 
toujours  sa  main  sur  la  tête  de  l'enfant.  Le 
prêtre  demandait  une  seconde  fois  :  «  En 
quelle  langue  confesse-t-il  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ?  »  L'acolyte  répondait  :  «  En  la- 
tin :  »  et  par  ordre  du  prêtre,  il  récitait  le 
symbole  en  latin  et  en  chantant,  mettant  sa 
main  sur  la  tête  de  l'enfant.  Le  prêtre  expli- 
quait l'oraison  dominicale  avec  la  même 
brièveté  qu'il  avait  expliqué  le  symbole. 

25.  Le  dimanche  des  Rameaux  est  aussi     „  ..    . 

bDite  H  D 

nommé  de  la  Passion.  Le  jeudi-saint,  on  ne  p"mierii»re 
chantait  pas  =,  et  l'évêque  ne  saluait  point  le 
peuple,  c'est-à-dire  qu'il  ne  disait  pas  :  Le 
.  Seigneur  soit  avec  vous.  La  première  des  céré- 


'  Item  infra  actionem  :  «  Hanc  igitur  oblationem,» 
etc.,  reciiantur  nomina  electorum.  Sacram.,  lib.  I, 
pag.  38. 

^  Ut  autem  veneiint  ad  ecclesiam ,  scribuntur  7io- 
vivia  infantum  ab  acolytho  :  et  vocantiir  in  ecclesia 
per  nomina,  siciit  scripti  sunt  :  et  siutuuntur  masculi 
in  dexteram  partein,  feminœ  in  sinistram,  et  dat  ora- 
tiunem  presbyter  super  eos.  Ibid.,  pag.  48. 

2  Primitus  procedunt  de  sacrario  quatuor  diaconi 
cuia  quatuor  evangeliis,  prœoedentibus  duubus  cande- 
labris  cum  thuribulis,  et  ponuntur  super  quatuor  an- 
Çjulos  altaris.  Ibid.,  pag.  51. 

*  Post  hcec  accipiens  aco/yllms  unum  ex  ipsis  infan- 
X. 


abus  masculum,  tenens  eum  in  sinistro  brachio,  ponens 
maniim super  caput  ejus.  Et  interrogat  eum  presbyter: 
aQua  lingua  confitentur  Dominum  nostrum  Jesum  Chri- 
sfum.  »  Respondet  :  «  Grœce.  »  Iterum  dicit  presbyter  : 
«  Annuntia  fidem  ipsorum  qualiter  credunt.  »  Et  dicit 
acolythus,  Symbolum  grœce  decantando ,  tenens  ma- 
num  super  caput  infantis...  Et  dicit  :  «  Qua  lingua 
confitentur  Dominum  nostrum.  »  Respondet  :  «  Latine.  » 
«  Annuntia  fidem  ipsorum  qualiter  credunt.  »  Ponens 
manum  acolythus  dicit  Symbolum  latine,  decanta'ido. 
Ibid.,  pag.  54. 

^  Eodem  die  non  psallitur,  nec  salutat,   id  est,  non 
dicit  ;  Domiuus  vobiscum.  Itiid.,  pag.  62. 

33 


514 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEUllS  ECCLÉSIASTIQUES. 


monies  que  l'on  faisait  en  ce  jour,  était  la 
réconciliation  des  pénitents;  la  seconde,  la 
consécration  des  saintes  huiles.  Le  pénitent 
sortait  de  l'endroit  où  on  l'avait  enfermé  pour 
faire  pénitence  ',  et  se  présentait  à  l'église 
prosterné  en  terre.  Alors  le  diacre  s'adres- 
sait à  révêque,  lui  représentait  que  le  temps 
et  le  jour  de  propitiation  étaient  arrivés,  et 
que  ce  pénitent  avait  pratiqué  tous  les  exer- 
cices de  pénitence  qui  lui  avaient  été  pres- 
crits pour  obtenir  la  rémission  de  ses  fautes 
et  la  grâce  de  la  réconciliation.  L'évèque  ou 
un  prêtre  nommé  de  sa  part,  avertissait  le 
pénitent  ^  de  ne  plus  retomber  dans  les  pé- 
chés qu'il  venait  d'effacer  par  la  pénitence. 
On  prononçait  sur  lui  les  prières  de  la  ré- 
conciliation, et  on  en  disait  encore  d'autres 
après  l'avoir  réconcilié.  Le  peuple  faisait  eu- 
suite  l'offrande,  et  l'on  célébrait  la  messe  ^ 
Il  y  en  a  trois  pour  ce  jour  :  une  pour  la  ré- 
conciliation des  pénitents,  une  autre  pour  la 
consécration  du  saint  chrême,  et  une  troi- 
sième pour  l'office  du  soir  ou  de  la  férié.  La 
bénédiction  des  saintes  huiles  était  précédée 
de  la  messe,  et  cette  bénédiction  se  faisait  à 
peu  près  en  la  même  manière  qu'aujourd'hui, 
excepté  qu'on  n'y  saluait  point  le  peuple  et 
qu'on  n'y  faisait  point  de  génuflexions.  A  la 
fin  de  cette  bénédiction,  qui  était  suivie  de  la 
communion,  on  réservait  une  partie  du  sa- 
crifice *,  c'est-à-dire  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ,  pour  la  communion  du  lende- 
main. Ce  jour-là,  qui  était  le  vendredi,  ap- 
pelé de  la  Passion  du  Seigneur  =>,  tout  le 
monde  venait  à  l'église  à  l'heure  de  none, 
et  l'on  mettait  la  sainte  croix  sur  l'autel.  L'é- 
vèque sortait  de  la  sacristie  avec  les  minis- 
tres sacrés,  en  silence,  sans  rien  chanter,  et 

1  Ordo  ageniibus  publicam  pœnitenfiam.  Egreditur 
pœnitens  de  loco  ubi  pœnitentiam  gessit  :  et  in  gremio 
prœsentaiur  ecc/esiœ^  prostrato  omni  corpore  ia  terra: 
et  postulat  in  his  verbis  diacoiius  :  «  Adest,  o  venera- 
bilis  Pontifex,  tempus  acceptum,  dies  propitiationis ,  » 
etc.  Sacrament.,  pag.  63. 

2  Post  hoc  admonetur  ab  episcopo,  sive  alio  sacer- 
dote,  ut  quod  pœnitendo  diluit,  iterando  non  revocet, 
Ibid.,  pag.  64. 

s  Post  hœc  offert  plebs,  et  cotificiuntur  sacramenta. 
Pag.  67. 

''Réservant  de  ipso  sacrificio  in  crastinum ,  iinde 
communicent.  Pag.  72. 

s  Hora,  nona  procédant  omnes  ad  ecclesiam  :  et  po- 
nitur  sancta  crux  super  altare.  Et  egreditur  sacerdos 
de  sacrario  cum  sacris  ordinihus  cum  silentio,  nihil 
canenies,  et  veniunt  ante  altare,  postulans  sacerdos 
pro  se  orare,  et  dicit  :  Oreinus.  Et  abnuntiat  dia- 
conus  :  Flectamus  genua,  et  post  pauluhim  :  Levate. 
Pag.  73. 


s'approchait  de  l'autel.  L'évèque  récitait  une 
prière;  il  demandait  que  l'on  priât  pour  lui. 
Le  diacre  l'annonçait  en  disant  :  Fléchissons 
les  genoux;  à  quoi  l'évèque  répondait  peu  de 
temps  après  :  Levez-vous.  L'office  de  ce  jour 
était  le  même  qu'aujourd'hui,  avec  cette  dif- 
férence que,  dans  la  même  monition  et  la 
même  oraison,  on  joignait  le  pape  et  l'évè- 
que, et  qu'on  fléchissait  les  genoux  avant 
l'oraison  pour  les  Juifs,  de  même  qu'avant 
les  autres.  Tous  les  assistants,  après  avoir 
adoré  la  croix  ^,  communiaient  de  l'eucha- 
ristie qui  avait  été  réservée  la  veiUe.  Le  sa- 
medi-saint, le  matin,  les  catéchumènes  ad- 
mis au  baptême,  venaient  rendre  le  symbole 
qu'on  leur  avait  appris  ''.  L'évèque  ou  le  prê- 
tre faisait  ensuite  sur  eux  le  dernier  exor- 
cisme, en  mettant  sa  main  sur  leur  tète.  Puis 
il  leur  touchait  de  sa  salive  le  nez  et  les 
oreilles  en  disant  :  Ephpheta,  c'est-à-dire  ou- 
vrez-vous en  odeur  de  suavité.  Après  cela  il 
leur  faisait  sur  la  poitrine  el;  entre  les  deux 
épaules  l'onction  de  l'huile  des  catéchumè- 
nes, et  les  appelant  chacun  par  leur  nom,  il 
leur  faisait  faire  les  renonciations,  et  disait 
sur  eux  le  symbole,  mettant  sa  main  sur  leur 
tête.  Après  les  avoir  fait  prier  les  genoux  en 
terre ,  l'archidiacre  les  renvoyait  jusqu'à 
l'heure  du  baptême.  Au  milieu  de  la  hui- 
tième heure  *,  c'est-à-dire  à  une  heure  et  de- 
mie, les  ministres  de  l'autel  allaient  à  l'égMse, 
et  de  là  dans  la  sacristie,  où  ils  s'habillaient 
selon  la  coutume.  Cependant  le  clergé  com- 
mençait une  litanie  ;  l'évèque  sortait  de  la 
sacristie  et  venait  avec  ses  ministres  devant 
l'autel,  où  ils  restaient  debout,  la  tête  bais- 
sée, jusqu'à  ces  paroles  de  la  litanie  :  Agneau 
de  Dieu,  qui  ûtez  les  péchés  du  monde.  Alors 

6  His  omnibus  expletis  adorant  omnes  sanctam  cru- 
cem,  et  commmiicant.  Pag.  76. 

'  Sabbatnrum  die  mane  reddunt  infantes  symbolum. 
Prias  calechizas  eos,  imposita  super  capita  eorum  manu, 
inde  iangis  ei  nares  et  aures  de  sputo,  et  dicis  ei  ad 
aurem  :  Epbpliela,  etc.  Postea  tangis  ei  peclus  et  inter 
scapulas,  de  oleo  exorcizato,  et  vocato  nomine  singulis 
dicis  :  Abrenuntia  Satanae,  etc.  Inde  vero  dicis  Symbo- 
lum imposita  manu  supercapita  ipsorum.  Ibid.,  pag.  77. 

8  Primitus  octava  hora  diei  mediante,  procedunt  ad 
ecclesiam;  et  ingrediuntur  in  sacrarium  ;  et  induunt 
-  se  vestimentis  sicut  mus  est.  Et  incipit  clerus  litaninm  : 
et  procéda  sacerdos  de  sacrario  cum  ordinibus  sacris. 
Veniunt  ante  altare  slantes  inclinaio  capite  usque  dum 
dicent  :  Aguus  Dei ,  etc.  Deinde  surgens  sacerdos  ab 
oralione,  vadit  rétro  altare,  sedens  in  sede  sua.  Deinde 
veaiens  archidiaconus  ante  altare,  accipiens  de  lumine, 
quod  sexia  feria  absconsum  fuit,  faciens  crucem  super 
cereum,  et  illuminans  eum  ;  et  completur  ab  ipso  be- 
nediclio  cerei.  Lib,  1  Sacram.,  pag.  77. 


[V"'  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLÂSE,  PAPR. 


S15 


l'évêque  se  retirait  derrière  l'autel,  où,  étant 
assis  sur  son  siège,  l'archidiacre  qui  était 
resté  devant  l'autel,  prenait  de  la  lumière 
que  l'on  avait  cachée  la  veille;  puis,  faisant 
une  croix  sur  le  cierge  pascal  et  l'allumant, 
il  en  faisait  la  bénédiction.  Cette  cérémonie 
finie,  l'évêque,  se  levant  de  sa  place,  disait 
les  oraisons  de  la  veille  de  Pâques ,  ainsi 
qu'elles  sont  marquées  dans  le  Sacramen- 
taire.  Ces  oraisons  étaient  précédées  de  la 
lecture  des  prophéties;  ensuite  on  allait  aux 
fonts  en  disant  une  litanie,  pour  en  faire  la 
bénédiction  et  baptiser  les  élus.  L'évêque  les 
baptisait  l'un  après  l'autre  ',  chacun  en  son 
rang,  après  les  avoir  interrogés  sur  leur 
croyance.  Il  les  plongeait  trois  fois  dans  l'eau, 
et  à  mesure  qu'ils  sortaient  des  fonts,  le  prê- 
tre leur  faisait  l'onction  du  chrême  sur  la 
tête;  puis  l'évêque  leur  donnait  la  confirma- 
tion :  ce  qu'U  faisait  en  leur  imposant  d'abord 
les  mains  et  en  demandant  pour  eux  les 
sept  dons  du  Saint-Esprit,  puis  en  leur  fai- 
sant l'onction  au  front.  Tous  les  ministres 
retournaient  au  sanctuaire  ^,  et  après  un  pe- 
tit intervalle ,  on  commençait  la  troisième  li- 
tanie, qui  se  répétait  trois  fois,  selon  le  nom- 
bre des  personnes  de  la  Trinité,  et  on  com- 
mençait la  messe  aussitôt  que  l'on  voyait 
paraître  une  étoile  au  ciel.  Pendant  cette 
litanie,  l'évêque  montait  sur  son  siège,  et  la 
litanie  achevée,  il  disait  l'hymne  angélique  : 
Gloire  à  Dieu  dans  le  plus  haut  des  deux.  Le 
canon  de  cette  messe,  ou  la  préface,  com- 
mence par  ces  paroles  :  Il  est  juste,  équitable 
et  salutaire,  etc.  Le  Sacramentaire  met  une 
messe  pour  le  jour  de  Pâques,  pour  tous  les 
jours  de  l'Octave  et  pour  le  dimanche  qu'ils 
appellent  Octave  de  Pâques.  Il  en  met  ensuite 
une  autre  intitulée  ;  De  la  Pâque  annotine, 
ainsi  nommée  à  cause  de  l'anniversaire  du 
baptême,  soit  que  chacun  le  célébrât  au 
même  jour  qu'il  avait  reçu  le  baptême,  soit 
qu'on  le  célébrât  pour  tous  ensemble  le  sa- 
medi de  l'Oclave  de  Pâques.  Suivent  des 
oraisons  et  des  prières  que  l'on  devait  dire 


premier  livre. 


dans  les  paroisses,  et  des  messes  pour  les 
six  dimanches  depuis  Pâques  jusqu'à  l'As- 
cension du  Seigneur  :  pendant  la  messe  de 
ce  jour-là,  et  un  peu  avant  la  fin  du  canon  ^ 
on  bénissait  les  nouveaux  fruits.  La  bénédic- 
tion ne  parle  que  de  fèves  *.  A  la  suite  de  la 
messe  pour  le  jour  de  l'Ascension,  on  en 
trouve  une  autie,  et  une  troisième  pour  le 
dimanche  suivant. 

26.  Les  cérémonies  du  baptême  solennel  snite  du 
pour  la  Pentecôte  étaient  les  mêmes  que 
pour  celui  de  Pâques.  C'est  pourquoi  le  Sa- 
cramentaire y  renvoie.  Mais,  à  l'occasion  du 
baptême  que  l'on  conférait  solennellement  à 
la  Pentecôte,  il  prescrit  la  manière  de  bapti- 
ser un  catéchumène  malade,  un  énergumène 
et  un  païen.  On  commençait  par  instruire 
celui-ci  de  la  religion  chrétienne,  ensiiite  on 
le  faisait  catéchumène,  puis  on  soufflait  sur 
son  visage,  on  faisait  le  signe  de  la  croix  sur 
son  front,  on  lui  imposait  les  mains,  on  lui 
mettait  du  sel  dans  la  bouche,  on  l'oignait 
d'huile  sur  la  poitrine  et  sur  les  épaules,  et 
après  lui  avoir  fait  faire  les  renonciations  et 
les  demandes  ordinaires,  on  le  baptisait,  le 
plongeant  trois  fois  dans  l'eau.  Alors  le  prê- 
tre lui  faisait  l'onction  sur  la  tête,  et  l'évê- 
que le  confirmait.  On  en  usait  de  même  à 
l'égard  d'un  malade  :  après  l'avoir  baptisé, 
on  lui  donnait  la  communion,  et  l'évêque  le 
confirmait  en  lui  imposant  les  mains  et  en 
lui  faisant  l'onction  du  saint  chrême  sur  le 
front.  Lorsque  le  sacrifice  de  la  messe  sui- 
vait la  collation  du  baptême  ^,  le  nouveau 
baptisé  y  communiait.  En  d'autres  occasions 
on  lui  donnait  les  sacrements  du  corps  et  du 
sang  de  Jésus-Christ,  en  disant  :  Que  le  corps 
de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  soit  pour  vous 
un  gage  de  la  vie  éternelle.  Il  n'y  a  que  quatre 
prophéties  ou  leçons  pour  le  sam.edi  de  la 
Pentecôte  ;  elles  sont  suivies  chacune  d'une 
oraison.  Le  Sacramentaire  met  deux  messes 
pour  cette  veille  et  une  pour  le  jour  de  la 
fête  avec  les  oraisons  qui  se  disaient  le  soir 
pendant  l'octave.  On  trouve  après  cela  la  dé- 


1  Bénédicte  fonte  baptizas  unumquemque  in  ordine 
suo,  sub  /lis  inlerrogationibus  :  Gredis  in  Deum,  etc. 
Deinde  per  singulas  vices  mergis  eum  tertio  in  aqiia  : 
postea  cum  ascenderit  de  fonte  infans  signatur  a  pres- 
bytero  in  cerebro  de  chrismate.  Deinde  ab  episcopo 
daliir  eis  Spiritus  sepiiformis ,  ad  consignandum  im- 
ponit  eis  manum  :  postea  signât  eos  chrismate.  Lib.  I 
Sacram.,  pag.  84,  85. 

^  Postea  ipse  sacerdos  revertitur  cum  omnibus  ordi- 
nibus  in  sacrarium  :  et  post  paululum  incipiunt  ter- 
liam  litaniam  :  et  ingrediuntur  ad  missas  in  vigilia. 


ut  Stella  in  cœlo  apparuerit.  Et  sic  tempèrent,  ut  in 
trinitatis  numéro  ipsœ  litaniœ  fiant.  Ibid.,  pag.  82. 

3  Inde  vero  modicum  ante  expletum  canonem  bene- 
dices  novas  fruges.  Ibid.,  pag.  100. 

*  Benedic,  Domine,  et  has  fruges  novas  fabœ.  Ihid. 

^  Postea  SI  fuerit  oblata,  agendœ  sunt  missœ,  et 
communicat  .-  sin  aulem  dabis  ei  tantum  sccramenta 
corporis  et  sanguinis  Christi,  dicens  :  Corpus  Docnini 
nostri  Jesu  Christi,  sit  tibi  in  vitam  œternam.  Ibid.. 
pag.  107. 


316 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


nonciation  du  jeûne  des  Quatre-Temps  pour 
le  quatrième,  le  septième  et  le  dixième  mois, 
avec  l'indication  des  jours  de  la  semaine  où 
l'on  devait  jeûner,  c'est-à-dire  le  mercredi, 
le  vendredi  et  le  samedi.  Suivent  les  prières 
pour  la  réconciliation  des  ariens  et  autres 
hérétiques,  qui  reviennent  à  l'Eglise  catho- 
lique, et  de  ceux  qui  ont  été  rebaptisés  par 
les  hérétiques  à  quelqu'âge  que  ce  soit;  puis 
la  dédicace  d'une  église  nouvelle,  la  consé- 
ci'ation  d'un  autel,  la  bénédiction  des  vête- 
ments à  l'usage  des  ministres  sacrés,  d'un 
calice  et  d'une  patène,  et  des  fonts  baptis- 
maux. 11  y  a  des  prières  et  des  oraisons  par- 
ticulières pour  la  dédicace  où  il  y  avait  au- 
paravant une  synagogue  des  Juifs.  La  rubri- 
que qui  se  lit  à  Ja  tète  des  oraisons  pour  les 
ordinations  sacrées  et  celles  des  ministres 
inférieurs  ',  porte  en  général  ce  que  l'on 
doit  observer  pour  chaque  degré  du  minis- 
tère. Si  celui  que  l'on  veut  y  élever  a  donné 
son  nom  dès  l'enfance  pour  être  au  nom°bre 
des  ministres  de  l'Eghse,  il  fera  les  fonctions 
de  lecteur  jusqu'à  l'âge  de  vingt  ans.  S'il 
était  déjà  avancé  en  âge,  mais  cependant 
baptisé,  lorsqu'il  s'est  présenté  pour  le  saint 
ministère,  il  sera  pendant  cinq  ans  parmi  les 
lecteurs  ou  les  exorcistes,  ensuite  acolyte  ou 


sous-diacre  pendant  quatre,  et  parviendra 
ainsi  au  diaconat,  s'il  en  est  digne.  Après  y 
avoir  servi  louablement  pendant  cinq  ans,  et 
avoir  donné  dans  les  fonctions  de  cet  ordre 
des  preuves  de  sa  sagesse  et  de  sa  foi,  il 
pourra  être  fait  prêtre  et  ensuite  évêque.  On 
n'admettra  à  aucun  de  ces  degrés  ni  biga- 
mes ni  pénitents.  Les  défenseurs  de  l'Eglise 
qui  sont  laïques,  seront  soumis  aux  mêmes 
règles,  s'ils  entrent  dans  le  clergé.  A  l'ordi- 
nation d'un  évêque,  deux  évêques  lui  tien- 
dront sur  la  tête  le  livre  des  Evaugiles  ;  un 
d'eux  prononcera  la  bénédiction  :  tous  les 
autres  évêques  présents  lui  toucheront  la 
tête  de  leurs  mains.  Tous  les  prêtres  pré- 
sents en  useront  de  même  à  l'ordination  que 
l'évêque  fera  du  prêtre;  mais,  à  l'ordination 
du  diacre,  l'évêque  seul  lui  met  la  main  sur 
la  tête,  parce  qu'il  est  consaci'é  pour  le  mi- 
nistère, et  non  pour  le  sacerdoce.  A  l'égard 
du  sous-diacre,  parce  qu'il  ne  reçoit  pas 
l'imposition  des  mains,  il  reçoit  de  la  main 
de  l'évêque  la  patène  et  le  calice  vide,  et  de 
la  main  de  l'archidiacre  la  burette  avec  l'eau 
et  l'essuie-mains.  L'acolyte  reçoit  de  l'archi- 
diacre le  chandelier  avec  le  cierge,  et  une 
burette  vide  pour  mettre  le  vin  pour  la  con- 
sécration de  l'eucharistie.  L'exorciste  reçoit 


1  Hœc  auiem  in  singulis  gradibus  obsermnda  sunt 
iempora.  Si  ab  infantia  ecclesiasticis  minislris  nomen 
dederit,  inter  ledores  usque  in  vigesimum  œtatis  an- 
num  coniinuaia  observaiione  perduref.  Si  majori 
Œtate  jam  accesserit ,  ita  tamen  ut  post  baptismum  se 
divinœ  militiœ  desiderat  mancipari,  sive  inter  ledores, 
sive  inter  exorcistas  quinquennio  teneatur  :  et  exinde 
acolythus  vel  subdiaconns  quatuor  annis  stet  :  et  sic 
ad  benedictionem  diaconatus,  si  mereiur,  accédât.  In 
quo  ordine  quinque  unnis ,  si  inculpate  se  gesserit , 
hœrere  débet  :  ex  su/jfragantibus  mentis  stipendiis 
per  tôt  gradus,  datis  propriœ  fidei  documentis ,  pres- 
byierii  sacerdotium  polerit  promereri.  De  quo  loco 
si  illum  exactior  ad  bonos  mores  vita  perduxerit, 
summum  pontificatum  sperare  debebit.  Hac  tamen  lege 
servata,  ut  neque  bigamus ,  neque  pœnitens  ad  hos 
gradus  possit  udmitti.  Sane  ut  etiam  defensores  Ec- 
clesiœ,  qui  ex  laicis  fiunt,  supradicta  observaiione  te- 
neontur,  si  meruerint  esse  in  ordirie  clericatus.  Epi- 
scopui  cum  ordinatur,  duo  episcopi  ponant  et  teneant 
Evangeliorum  codicem  super  caput  ejus  :  et  uno  super 
eum  fundente  benedictionem,  reliqui  omnes  episcopi, 
qui  adsunt,  manibus  suis  caput  ejus  tangimt.  Presbyler 
cum  ordihatur,  episcopum  eum  benedicentem  etiam 
omnes  presbyteri,  qui  prœsenles  sunt.  Diaconus  cum 
ordinatur,  solus  episcopus,  qui  eum  benedicit,  manum 
super  caput  illius  portât  :  reliqui  vero  sacerdotes  juxta 
manum  episcopi  caput  illius  imponant  :  quia  non  ad 
sacerdotium,  sed  ad  minisierium  consecratur.  Subdia- 
conus  cum  ordinatur,  quia  manuum  impositionem  non 
uccipit,   patenam  de  manu  episcopi  accipiat  vucuam 


et  calicem  vacuum  :  de  manu  vero  archidiaconi  acci- 
piat urceolum  cum  aqua,  et  aquimunile,  ac  manuter- 
gio.  Acolythus  cum  ordinatur,   ab   episcopo  quidem 
doceatur  qualiter  se  in  officia  suo  agere  debeat  :  sed 
ab  archidiacono  accipiat   ceroferarium  cum  cereo;  ut 
sciât  se  ad  accendenda  luminaria  ecclesiœ  mancipari  : 
accipiat  et  urceolum  vacuum  ad  suggerendum  vinum 
in  eucharistia  corporis  Christi.  Exorcista  cum  ordi- 
natur,   accipiat   de  manu  episcopi   libellum   in   quo 
scripti  sunt  exorcismi,  dicente  sibi  episcopo  :  «  Accipe 
et  commenda  :  et  habeto  potestatem  imponendi  manum 
super  energumenum  sive  baptizatum ,  sive  catechume- 
num.  »  Lector  cum   ordinatur,  faciat  de    illo  verbum 
episcopus  ad  plebem,  indicans  ejus  fidem  atque  inge- 
nium.  Post  hœc,  speclanie  plèbe,  tradat  ei  codicem  de 
quo   lecturus  est,   dicens  ad  eum  :  «  Accipe  et  esta 
verbi  Dei  relator,   habiturus ,   si  fideliter  et  utiliter 
impleveris  officium,  partem  cum  his,  qui  verbum  Dei 
ministraverunt.  »  Ostiarius  cum  ordinatur,  postquam 
ab  archidiacono   instructus  fuerit  qualiter  in  domo 
Dei  debeat   conversari,   a  suggestione  archidiaconi, 
tradat  ei  episcopus  claves  ecclesiœ  de  altari  dicens 
ei  :  «  Sic  âge  quasi  reddiiurns  Deo  rationem  pro  his 
rébus  quœque  istis  clavihus  7-ecluduntur.»  Psalmista, 
id   est  cantor,  potest  absque  scientia   episcopi,  sola 
jussione  presbyteri,    officium  suscipere  cantandi,  di- 
cente sibi   presbytère  :    «  Vide  ut   quod  ore  cantas, 
corde  credas  :  et  quod  corde  credis,  operibus  probes.» 
Sanctiinonialis  virgo  cum  ad  consecraiiottem  sui  epi- 
scopi offertur,  in  talibus  vestibus  applicetur,  qualibus 
semper  usura  est  professioni  et  sanctimoniœ  aptis. 


[V=  SIÈCLE. 


CHAPITRE  XXXIV.  —  SAINT  GÉLASE,  PAPE. 


517 


des  mains  de  l'arcliidiacre  le  livre  des  exor- 
cismes;  le  lecteur,  le  livre  dans  lequel  il  doit 
lire  devant  le  peuple;  le  portier,  les  clefs  de 
l'église.  L'office  de  chanlre  se  pouvait  don- 
ner indépendamment  de  l'évêque.  Le  prêtre 
en  donnait  la  commission  à  qui  il  voulait,  en 
recommandant  au  chantre  de  croire  de  cœur 
ce  qu'il  chantait  de  bouche.  Lorsqu'une  fille 
se  présentait  à  son  évéque  pour  être  consa- 
crée en  qualité  de  religieuse,  elle  s'habillait 
d'une  manière  convenable  à  son  état,  et 
comme  elle  devait  l'être  le  reste  de  sa  vie. 
Le  Sacramentaire  met  des  messes  propres 
pour  la  consécration  de  l'évêque,  du  prêtre 
et  du  diacre,  et  pour  l'anniversaire  de  leur 
ordination.  Il  marque  que  la  consécration 
des  vierges  doit  se  faire  à  l'Epiphanie ,  le 
lundi  de  Pâques,  ou  aux  fêtes  des  apôtres, 
ijsoda  27 _  Lg  second  livre  du  Sacramentaire  de 
"'-■  Gélase  regarde  le  culte  des  saints  et  de  leurs 
reliques,  et  les  jours  auxquels  on  devait  cé- 
lébrer leurs  fêtes.  Il  rapporte  premièrement 
la  formule  de  dénoncer  le  jour  et  le  lieu  '  au- 
quel on  devait  célébrer  la  fête  d'un  martyr, 
ou  auquel  on  devait  transférer  ses  reliques  ^ 
pour  y  être  exposées  à  la  vénération  des  fi- 
dèles. Gélase  ne  marque  que  des  fêtes  des 
martyrs  et  des  apôtres,  pour  lesquels  il  y  a 
toujours  des  messes.  Il  en  met  toutefois  une 
fiour  le  jour  de  l'Invention  de  la  sainte 
croix,  et  une  seconde  pour  le  jour  de  son 
Exaltation.  Celle  que  l'on  disait  le  jour 
de  saint  Pierre,  le  29  de  juin,  n'est  que 
pour  ce  seul  apôtre  :  on  en  disait  une  autre 
le  même  jour,  commune  à  saint  Pierre  et  à 
saint  Paul.  Il  y  en  a  une  troisième,  mais  en- 
core le  même  jour,  pour  saint  Paul.  On 
trouve  une  messe  pour  la  vigile  de  la  fête  de 
tous  les  apôtres  en  général,  une  pour  le  jour 
de  cette  fête,  et  une  troisième  pour  le  jour 
de  l'Octave  des  Apôtres.  Il  y  en  a  une  pour  la 
veille  de  saint  Jean-Baptiste,  et  une  pour  le 
jour  de  sa  fête;  une  pour  le  jour  de  l'As- 
somption de  la  sainte  Vierge,  au  13  août; 
trois  pour  les  quatre-temps  de  septembre  ; 
une  pour  la  fête  de  l'archange  saint  Michel; 
des  messes  pour  plusieurs  Saints  en  général, 
cinq  pour  le  temps  de  l'Avent,  et  trois  pour 
les  quatre-temps  du  dixième  mois,  c'est-à- 
dire  de  décembre. 


28.  Le  troisième  livre  met  d'abord  seize  Ansijs.dn 
messes  pour  les  dimanches,  sans  les  désigner.  lr°e','paE!ijà" 
Nous  les  disons  les  dimanches  qui  suivent  la 
Pentecôte.  Ensuite  il  rapporte  le  canon,  qu'il 
commence  par  ses  paroles  :  Ayez  vos  cœurs 
élevés.  Ce  canon  est  le  même  que  le  nôtre 
d'aujourd'hui^  excepté  que,  dans  quelques 
exemplaires  postérieurs  au  temps  de  Gélase, 
on  lit  les  noms  de  saint  Eleulhère,  de  saint 
Denys,  de  saint  Rustique,  de  saint  Hilaire, 
de  saint  Martin,  de  saint  Augustin,  de  saint 
Grégoire,  de  saint  Jérôme  et  de  saint  Benoît. 
Le  canon  fini,  on  annonçait  au  peuple  les 
jours  du  jeûne  pour  les  quatre-temps,  les 
scrutins  ou  examens  des  catéchumènes^  les 
prières  pour  les  infirmes  et  les  fêtes  des 
saints.  Après  quoi  le  célébrant  communiait 
avec  les  ministres  sacrés.  Suivent  plusieurs 
bénédictions  sur  le  peuple  après  la  commu- 
nion; six  messes  pour  les  jours  ordinaires; 
plusieurs  messes  votives,  pour  les  voyageurs, 
pour  obtenir  la  charité  et  l'augmentation  des 
autres  vertus  théologales,  pour  les  affligés, 
pour  la  stérélité,  pour  la  mortalité  des  hom- 
mes et  des  animaux,  et  pour  divers  autres 
sujets.  Il  y  en  a  une  pour  ceux  qui  font  un 
agape  ou  repas  de  charité;  une  pour  dire 
dans  un  monastère,  apparemment  lorsque 
l'évêque  en  faisait  la  visite;  une  pour  les  no- 
ces avec  la  bénédiction  nuptiale;  une  pour 
le  jour  delà  naissance;  une  pour  les  malades, 
avec  les  prières  pour  les  morts  devant  et 
après  la  sépulture;  plusieurs  messes  pour 
eux;  une,  entre  autres,  pour  un  mort  nouvel- 
lement baptisé;  une  pour  ceux  qui  ont  désiré 
la  pénitence  et  qui  n'ont  pu  la  recevoir;  en- 
fin des  prières  sur  ceux  qui  entrent  dans  une 
nouvelle  maison,  et  pour  bénir  l'eau  dont  on 
doit  l'asperger. 

29.  Sous  le  pontificat  de  Gélase  et  par  son  Transiaiion 
autorité,  le  corps  de  sanil  Severm,  apo-  "i"'  séro- 
tre  de  Norique,  fut  transféré  au  château  de 
Lucullone,  près  de  Napies,  et  l'on  y  bâtit 
un  monastère.  Le  prêtre  Eugipius  ^,  dis- 
ciple de  saint  Sévérin,  rapporte,  comme  té- 
moin oculaire  ,  plusieurs  miracles  qui  se 
firent  à  cette  translation  et  dans  une  autre 
que  l'on  fut  obligé  de  faire  quelque  temps 
après. 


*  Noverit  vesira  devoiio,  sanctissimi  fratres ,  quod 
beati  mariyris  N.  anniversarius  dies  inirat.  Lib.  Il, 
pag.  142. 

2  Hoc  prœslitit  Dcus  mariyribus...  ut  fidelium  votis 
eorum  prœclaris  reliquiis  conlocatis  iniegritas  sancti 


corporis  esse  credatur.  Et  ideo  commonemus  dilectio- 
nem  vestram,  quoniam  illa  feria  illn  loco  reliquiœ 
sunt  sancti  N.  mariyris  conlocandœ.  Ibid. 

3  Vita  Severini,  apud  Bollandum,  ad  diem  octavum 
januarii;  elEugip. ,Epist.  ad  Pasc.,lomA  BoIl.,p.484. 


518 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XXXV. 

Anastase,   pape,    [498]. 


Aoastaseesl 
fait  pape  en 
496. 


Il  députe  à 
Const^ntino- 

ple    pour    la 
réunion       de 

l'Eglise. 


Il    écrit    à 
rem  pe  rou  r 


1 .  Après  la  mort  de  Gélase  on  choisit  pour 
lui  succéder  Anastase,  second  du  nom,  Ro- 
main de  naissance  et  fils  d'un  nommé 
Pierre  '.  On  ne  sait  si  c'est  le  même  Anas- 
tase qui  fut  chargé  de  lire  les  requêtes  de 
Misène  au  concile  de  Rome,  en  493,  et  la 
lettre  du  pape  Félix  dans  le  concile  de  l'an 
485.  Son  élection  se  fit  le  28  novembre  496, 
après  sept  jours  d'interrègne.  Il  ne  tint  le 
Saint-Siège  qu'un  an  onze  mois  et  vingt- 
quatre  jours,  depuis  le  consulat  de  Paul  jus- 
qu'à celui  de  Pauhn  et  de  Jean  le  Scythe  ^. 

2.  Ses  premiers  soins,  depuis  son  élévation 
au  pontificat,  furent  de  rétablir  la  paix  de 
l'Eglise.  Il  envoya  à  cet  effet  des  légats  à 
Constantionople,  avec  une  lettre  pour  l'em- 
pereur Anastase,  où,  en  témoignant  un  désir 
très -ardent  pour  la  réunion,  il  priait  ce 
prince  avec  beaucoup  d'instance  d'y  travail- 
ler lui-même.  Les  légats  qu'il  choisit,  furent 
les  évêqaes  Crescone  et  Germain,  dont  les 
sièges  ne  sont  point  marqués. 

3.  Toute  la  difficulté  de  procurer  cette 
réunion  ^,  consistait  à  obtenir  que  le  nom 
d'Acace,  évèque  de  Constanlinople,  fût  ôté 
des  sacrés  diptyques.  Le  pape  prie  donc 
l'empereur  en  des  termes  très-humbles,  de 
le  faire  ôter  et  de  ne  pas  permettre  qu'on 
déchirât  plus  longtemps  la  robe  de  Jésus- 
Christ  pour  une  chose  de  si  petite  importance, 
puisqu'elle  ne  regardait  qu'un  seul  homme 
et  qui  était  mort  depuis  quelque  temps.  Il 
représente  à  Anastase  que  le  pape  Félix,  qui 
avait  prononcé  la  sentence  contre  Acace,  et 
qu'Acace  lui-même  étaient  devant  Dieu  à  qui 
rien  n'est  caché,  qu'il  fallait  réserver  à  Dieu 
le  jugement  de  l'un  et  de  l'autre,  et  en  at- 
tendant supprimer  le  nom  d'Acace ,  pour 
éviter  le  scandale.  Il  ajoute  que,  pour  ne 
point  l'ennuyer  par  un  trop  long  détail  de  la 


conduite  qu'Acace  avait  tenue,  il  avait  chargé 
ses  légats  de  l'en  instruire  pleinement,  s'of- 
trant  de  le  faire  lui-même,  si  ce  prince  le 
souhaitait,  afin  de  le  convaincre  que  le  Saint- 
Siège  n'avait  point  agi  contre  Acace  par 
quelque  mouvement  d'orgueil,  mais  sur  des 
crimes  certains,  autant  que  l'homme  peut 
les  connaître.  Il  prie  l'empereur  que  quand 
il  sera  bien  informé  de  ce  qui  regarde  l'E- 
glise d'Alexandrie,  d'employer  son  pouvoir, 
sa  sagesse  et  ses  exhortations  pour  le  ra- 
mener à  la  foi  véritable  et  catholique,  disant 
qu'il  était  digne  de  lui  de  faire  servir  l'auto- 
rité par  laquelle  il  était  comme  le  vicaire  de 
Dieu  sur  terre,  à  empêcher  qu'un  orgueil 
opiniâtre  ne  résistât  aux  préceptes  de  l'E- 
vangile et  des  apôtres  :  et  pour  faire  obser- 
ver, par  une  humble  soumission,  des  choses 
si  salutaires  et  si  avantageuses,  il  s'offre,  au 
cas  qu'il  le  souhaitât,  de  l'instruire  de  toutes 
les  choses  que  l'on  doit  croire  dans  la  reli- 
gion catholique,  selon  les  décrets  des  pères 
et  la  doctrine  de  tous  les  saints  qui  ont  fleuri 
dans  l'Eglise.  Ensuite  il  rassure  les  Grecs  sur 
la  crainte  qu'ils  témoignaient  avoir  pour 
ceux  qui  avaient  reçu  d'Acace  le  baptême  ou 
l'ordination  depuis  la  sentence  de  déposition 
prononcée  contre  lui.  Il  déclare  qu'il  tient 
pour  valables  les  baptêmes  et  les  ordinations 
conférés  par  cet  évèque,  et  prouve,  par  l'au- 
torité de  l'Ecriture,  qu'il  a  pu  leur  adminis- 
trer ces  sacrements  sans  leur  porter  aucun 
préjudice,  parce  que  c'est  Jésus-Christ  même 
qui  les  leur  a  donnés;  qu'Acace,  en  les  con- 
férant, n'avait  nui  qu'à  lui-même,  et  non  pas 
à  ceux  qu'il  avait  ou  baptisés  ou  ordonnés. 
Pour  montrer  que  l'indignité  du  ministre  ne 
nuit  point  à  la  vertu  des  sacrements,  et  qu'ils 
ont  tout  leur  effet  *  quand  ils  sont  donnés 
hors  de  l'église,  soit  par  un  adultère,  soit 


1  Pontifie,  tom.  IV  Concil.,  pag.  1276. 

2  Les  deux  lettres  d'Anastase  qui  nous  restent  se 
trouvent  dans  Mansi,  tom.  VIII,  col.  18S-93.  (L'édi- 
teur.) 

3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1278. 

'•  Nam  et  baplismum  quod  procul  sit  ab  ecclesia, 


sive  ab  adultéra,  vel  a  ftire  fuerit  datum ,  ad  perci- 
pientem  munus  pervertit  illibatum  :  quia  vox  illu  quœ 
per  columbum  sonuit ,  omnem  macutam  humanœ  pol- 
lutionis  excliidit,  qua  declaratur  ac  dicitur  :  «  Hie 
est  qui  baptizat  in  Spiritu  Sancto.  »  Nam  si  visibilis 
solis  istius  radii  cum  per  loca  fœdissima  iranseunt , 


[V  SIÈCLE.] 

par  un  voleur,  il  allègue  premièrement  ce 
qui  est  dit  de  Jésus-Christ  dans  saint  Jean  : 
join.  1, 33.  Celui  sw  qui  vous  verrez  descendre  et  demeurer  le 
Saint-Esprit,  est  celui  qui  baptise  par  le  Saint- 
Esprit  ;  ensuite  il  fait  cette  comparaison  :  Si 
les  rayons  de  ce  .soleil  visible  pénètrent  dans 
les  lieux  les  plus  sales  sans  en  contracter 
aucune  tache,  à  plus  forte  raison,  •celui  qui 
a  fait  ce  soleil  visible,  peut-il  opérer  sans  en 
être  empêché  par  l'indignité  du  ministre. 
11  dit  encore  que  tous  les  bienfaits  que  Judas 
a  conférés,  étant  encore  parmi  les  apôtres, 
et  à  raison  de  sa  dignité  n'ont  souffert  au- 
cune diminution  par  ses  mauvaises  qualités 
de  voleur  et  de  sacrilège. 
RBqoêtes       4   Le  bruit  s'étant  répandu  par  toute  l'E- 

s    AlfcXiin-  ^  ^ 

raira^e''"'"'  o^'^e  d'Orient  que  les  légats  du  pape  étaient 
venus  à  Constantinople  pour  y  traiter  de  la 
paix  ',  deux  apocrisiaires  de  l'Eglise  d'A- 
lexandrie, Dioscore,  prêtre,  et  Quérémon, 
lecteur,  leur  donnèrent  une  requête  par  la- 
quelle ils  demandaient,  au  nom  de  leur  Eglise 
d'être  reçus  à  la  communion  du  pape.  Cette 
requête  est  adressée  non-seulement  à  Cres- 
cone  et  à  Germain,  légats,  mais  aussi  à  Fes- 
tus,  député  par  le  roi  ïhéodoric  à  l'empe- 
reur Anastase,  pour  quelques  affaires  civiles. 
Les  Alexandrins  exposent  dans  leur  requête 
que  l'Eglise  de  Rome  et  celle  d'Alexandrie 
ayant  eu  un  même  fondateur,  c'est-à-dire 
saint  Pierre,  que  saint  Marc  avait  imité  en 
tout,  elles  ont  toujours  eu  une  même  foi  et 
une  même  doctrine;  et  qu'il  y  a  eu  entre 
elles  tant  d'union,  que  lorsqu'il  s'est  agi  de 
tenir  en  Orient  des  conciles  pour  décider 
quelques  difficultés,  l'évêque  de  Rome  a 
choisi  celui  d'Alexandrie  pour  agir  en  son 
nom  dans  ces  assemblées  et  y  tenir  sa  place; 
que  la  division  de  ces  deux  Eglises  a  élé  oc- 
casionnée par  une  mauvaise  traduction  de 
la  lettre  de  saint  Léon  au  concile  de  Chalcé- 
doine,  qui  rendait  cette  lettre  pleine  d'erreurs 
nestoriennes.  Ils  accusent  Théodoret  et  les 
autres  évêques  du  parti  de  Nestorius,  d'être 
les  auteurs  de  cette  mauvaise  traduction, 
qui  avait  donné  lieu  à  l'Eglise  d'Alexandrie, 
de  croire  que  l'Eglise  de  Rome  était  dans  des 
sentiments  erronés,  et  de  se  séparer  de  sa 
communion.  Ils  disent  que  d'un  autre  côté, 
l'évêque  de  Rome,  persuadé  que  les  Alexan- 


CHAPITRE  XXXV.  —  AiNASTASE,  PAPE, 


519 


drins  combattaient  la  doctrine  des  apôtres, 
les  avaient  en  conséquence  séparés  aussi  de 
sa  communion.  «  Voulant,  ajoutent-ils,  don- 
ner des  preuves  au  Saint-Siège  que  nous  te- 
nons la  même  foi  que  le  prince  des  apôtres, 
son  disciple  saint  Marc  et  les  pères  de  Nicée 
ont  tenue,  notre  Eglise  a  envoyé  des  députés 
à  Rome.  Mais  un  homme  chassé  de  notre 
ville  pour  sa  mauvaise  doctrine  et  d'autres 
raisons  (c'était  apparemment  Jean  Talaïa), 
s'étant  rencontré  alors  à  Rome,  empêcha 
qu'on  n'écoutât  les  députés,  qui  furent  obli- 
gés de  s'en  revenir  sans  avoir  pu  même  être 
admis  à  l'audience  du  pape.  »  Ils  disent  en- 
suite que  le  diacre  Photin,  qui  avait  été  en- 
voyé par  l'évêque  de  ïhessalonique  vers  le 
pape  Anastase,  étant  venu  de  Rome  à  Cons- 
tantinople, les  assura  que  le  pape  n'approu- 
vait point  les  changements  ni  les  additions 
faites  à  la  lettre  de  saint  Léon.  Ils  témoi- 
gnent souhaiter  de  conférer  avec  Crescone 
et  Germain,  sur  ce  sujet.  Les  députés  y  con- 
sentirent et  les  satisfirent  à  l'égard  de  la 
lettre  de  saint  Léon.  C'est  pourquoi  Dios- 
core et  Quérémon  leur  présentèrent  une  con- 
fession de  foi,  afin  que  si  elle  se  trouvait  con- 
forme à  celle  de  l'Eglise  de  Rome,  celle 
d'Alexandrie  pût  s'y  réunir.  Dans  cette  con- 
fession de  foi,  ils  déclarèrent  qu'ils  recevaient 
le  symbole  de  Nicée,  approuvé  parles  cent 
cinquante  pères  de  Constantinople  et  par  le 
concile  d'Ephèse,  sous  saint  Célestin,  comme 
la  seule  vraie  règle  de  la  foi  :  mais  ils  re- 
marquent en  même  temps  que  ce  concile 
d'Ephèse  avait  défendu  d'établir  une  autre 
foi  :  remarque  qu'ils  ne  faisaient,  ce  semble, 
que  pour  rejeter  le  concile  de  Chalcédoine, 
dont  en  effet  ils  ne  disent  pas  un  mot.  Ils  dé- 
clarent encore  qu'ils  admettaient  aussi  les 
douze  anathèmes  de  saint  Cyrille.  Après  cette 
profession  de  foi  générale,  ils  en  font  une 
particulière,  confessant  que  Jésus-Christ  est 
consubstanliel  à  son  Père  selon  la  divinité, 
et  consubstantiel  à  nous  selon  l'humanité; 
qu'il  est  descendu  et  a  élé  fait  homme  du 
Saint-Esprit  et  de  Marie  Vierge,  mère  de 
Dieu  ;  qu'il  n'y  a  qu'un  seid  fils  et  non  pas 
deux,  les  miracles  et  les  souffrances  étant  d'un 
seul  et  même  Fils  unique  de  Dieu.  Ils  con- 
damnent ceux  qui  introduisent  en  lui  de  la 


nuUa  contactus  inquinatione  maculantur,  multo- 
magis  illius ,  r/ui  istum  visihilem  fecit ,  virlus  nulla 
ministri  indignitaie  conslriugiiur.  Nam  et  Judas  cum 
fuerit  sacrilegus  aique  fur,  quidquid  egit  inter  apo- 


stolos  pro  dignitate  commissa,  bénéficia  per  indignum 
data,   nulla  ex  hoc    deirimenta  senserunt,   Anast.j 
Epist.  1,  tom.  TV  Concil.,  pag.  1280. 
1  Ibid.,  pag.  1-283. 


520 


HISTOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettre  an 
roi  Clovis. 


division  ou  de  la  confusion,  ou  qui  disent 
qu'il  ne  s'est  incarné  qu'en  apparence,  parce 
que  dans  l'incarnation  il  ne  s'est  pas  fait  une 
augmentation  du  Fils,  et  que  la  trinité  des 
personnes  est  demeurée,  quoiqu'une  de  ces 
personnes  se  soit  incarnée.  Ils  disent  ana- 
thème  à  Nestorius  et  à  Eutychès,  de  même 
qu'à  tous  ceux  qui  ont  pensé  comme  eux,  en 
quelque  lieu  et  en  quelque  temps  que  ce 
soit  ;  mais  ils  soutiennent  que  la  doctrine 
de  Dioscore,  de  Timothée  et  de  Pierre  a  été 
conforme  à  celle  qu'ils  viennent  d'exposer, 
et  s'offrent  de  le  justifier.  Ils  conjurent  les 
légats,  h  leur  retour  à  Rome,  de  présenter 
cette  confession  de  foi  au  pape,  afin  qu'il 
l'approuve  et  qu'il  les  reçoive  à  sa  com- 
munion. Les  légats,  sans  approuver  cette 
profession  de  foi,  la  reçurent  et  promirent 
de  la  porter  au  pape,  qui  serait,  disaient-ils, 
toujours  prêt  à  écouter  ceux  que  les  Alexan- 
drins lui  députeraient,  et  de  leur  éclaircir 
leurs  doutes.  Ils  ajoutèrent  qu'on  ne  les  avait 
point  chargés  d'entrer  dans  la  difficulté  qu'ils 
faisaient  au  sujet  de  Dioscore,  d'Elure  et  de 
Mongus  ;  mais  que,  pour  avoir  la  paix,  il  fal- 
lait que  l'Eglise  d'Alexandrie  ôtât  leurs  noms 
des  diptyques.  Tel  est  le  contenu  de  la  re- 
quête des  deux  apocrisiaires  d'Alexandrie 
aux  légats  du  pape  :  Dioscore  et  Quérémon 
en  retinrent  une  copie  pour  la  présenter,  di- 
rent-ils, au  dernier  jugement,  en  cas  que  le 
Saint-Siège  négligeât  de  contribuer  à  la  paix. 
Festus  fut  aussi  chargé,  de  la  part  de  l'em- 
pereur Anastase,  de  négocier  la  réunion  de 
l'Eglise  de  Constantinople.  On  dit  même  qu'il 
promit  en  secret  à  ce  prince  d'engager  le 
pape  à  souscrire  l'Jïénotiquede  Zenon;  mais, 
étant  de  retour  à  Rome,  il  trouva  le  pape 
mort. 

5.  Dès  le  commencement  de  son  pontifi- 
cat, il  écrivit  par  le  prêtre  Cumérius  au  roi 


Clovis,  pour  lui  témoigner  sa  joie  de  ce  qu'il 
venait  d'embrasser  la  foi  chrétienne  '.  On 
voit  par  celte  lettre  combien  Anastase  avait 
d'amour  pour  l'Eglise.  «  Consolez  votre  mère, 
ô  glorieux  et  illustre  fils  de  l'Eglise,  dit-il  à 
ce  prince,  servez-lui  d'une  colonne  de  fer. 
Car  la  charité  de  plusieurs  se  refroidit,  et 
notre  nacelle  est  agitée  de  violentes  tempêtes 
et  battue  par  les  furieuses  vagues  que  les 
artifices-  trompeurs  des  méchants  poussent 
contre  elle.  Mais  nous  espérons,  contre  toute 
espérance,  et  nous  louons  le  Seigneur  qui 
vous  a  délivré  de  la  puissance  des  ténèbres 
et  qui,  pour  l'utilité  de  l'Eglise,  a  élevé  en 
votre  personne  un  si  grand  prince  qui  puisse 
la  défendre  et  prendre  le  casque  du  salut, 
pour  s'opposer  aux  efforts  de  ces  hommes 
dangereux.  Continuez  vos  glorieux  desseins, 
et  que  le  Seigneur  tout-puissant  vous  ac- 
corde et  à  votre  royaume,  sa  protection  cé- 
leste ;  qu'il  ordonne  à  ses  anges  de  vous  gar- 
der dans  toutes  vos  voies  et  vos  entreprises, 
et  qu'il  vous  accorde  la  victoire  sur  tous  ses 
ennemis.  » 

6.  Ce  fut  encore  dans  les  commencements 
de  son  pontificat  que  ce  pape  écrivit  à  Ursi- 
cin  2,  le  môme  que  Gélase,  son  prédécesseur, 
avait  envoyé  aux  évêques  de  Dardanie  pour 
leur  expliquer  la  doctrine  du  Saint-Siège, 
touchant  les  hérésies  qui  mettaient  alors  le 
trouble  dans  les  Eglises  d'Orient.  Il  ne  nous 
reste  que  quelques  fragments  de  cette  lettre 
que  M.  Baluze  a  tirés  de  deux  anciens  ma- 
nuscrits, l'un  de  l'Eglise  de  Beauvais,  et  l'au- 
tre de  l'abbaye  de  Corbie  ^.  Anastase  y. ex- 
plique le  mystère  de  l'Incarnation,  montrant 
que  Jésus-Christ  est  un  dans  les  deux  natures, 
sans  aucun  mélange  de  la  nature  divine  avec 
la  nature  humaine.  C'est  pourquoi  il  confesse 
que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  fils  unique 
de  Dieu  *,  né  du  Père  avant  tous  les  siècles, 


'  Anast.,  Epist.  1,  tom.  IV  ConciL,  pag.  1282. 

2  Tom.  ConciL,  Baluz.,  pag.  1467. 

3  Ces  trois  fragments  se  lisent  mot  pour  mot  dans 
l'épitre  seconde  de  saint  Gélase  à  Laurent  ;  ils  ne 
sont  donc  point  d' Anastase.  (L'édiieur.) 

*  Cunfitemur  errjo  Dominum  nostrum.  Jesum  Chris- 
tum  Filium  Dei  unigenitum  anie  omnia  quidem  sœcula, 
sine  principio,  ex  Paire  natum  secundum  deitalem, 
novissimis  autem  diebus  de  sancia  Virgine  Maria 
eumdem  incarnatum,  et  perfecium  hominem  ex  anima 
rationali  et  corporis  susceptione,  consubstantialem 
Patri  secundum  divinitatem,  et  consubstantialem  nobis 
secundum  humanitatem.  Duarum  enim  naturarum 
perfectarum  unifas  fada  est  ineffabiliter.  Propter 
quod  unum  Christum  eumdem  Filium  Dei  et  kominis ; 
unigenitum  a  Pâtre ,  primogenitum  ex  mortuis  confi- 


temur,  scientes  quod  quidem  coœtemo  sua  Patri  se- 
cundum divinitatem,  secundum  qunm  opifex  est  om- 
nium, et  dignalus  est  post  consensionem  sanctœ  Vir- 
ginis,  cum  dixit  ad  Angelum  :  Ecce  ancilla,  etc.  In- 
effabiliter sibi  ex  ipsa  œdificavit  templum,  et  ut  sibi 
univit  quod  non  coœiernum  de  sua  substantia  e  cœlo 
detulit  corpus,  sed  ex  masia  nosfrœ  substantiœ,  hoc 
est  ex  Virgine  hoc  accipiens  et  sibi  uniens,  non  Deus 
Verbum  in  carne  versus  est,  neque  ut  phantasma  ap- 
parens,  sed  incommutabililer  suam  conservavit  essen- 
iiam,  primitias  nostrœ  naturœ  suscipiens  sibi  univit... 
Nunquam  autem  per  resurrectionem  unilionis  nostrœ 
discessit  a  proprio  lenipto,  nec  discedere  potest  propter 
ineffahilem  suam  benignilatem.  Anast.,  tom.  Concil. 
Balus.,  pag.  1467. 


[VP  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXVl. 


clément 
jtt  des 
;ges    de 


et  sans  commencement  selon  la  divinité,  s'est 
incarné  dans  les  derniers  temps  dans  le  sein 
de  la  vierge  Marie;  qn'il  est  homme  parfait, 
ayant  pris  un  corps  et  une  âme  raisonnable  ; 
qu'il  est  consubstantiel  au  Père  selon  la  di- 
vinité, et  consubstantiel  à  nous  selon  l'hu- 
manité, parce  qu'il  s'est  fait  en  lui,  d'une 
manière  ineffable,  l'union  des  deux  natures; 
qu'il  n'y  a  qu'un  Christ,  qui  est  en  même 
temps  Fils  de  Dieu  et  Fils  de  l'homme;  Fils 
unique  du  Père  et  le  premier  né  d'entre  les 
morts  ;  coéternel  à  son  Père  suivant  la  divi- 
nité selon  laquelle  il  est  le  créateur  de  toutes 
choses,  et  né  dans  le  temps  selon  la  chair 
qu'il  n'a  pas  apporté  du  ciel,  mais  qu'il  a 
prise  de  la  masse  de  notre  substance,  c'est- 
à-dire  de  la  sainte  Vierge  :  ce  qui  s'est  fait 
de  manière  que  le  Verbe  n'a  point  été  changé 
en  chair  et  n'a  point  paru  comme  un  fan- 
tôme ;  mais,  conservant  immuablement  et 
inconvertiblement  sa  propre  substance,  il 
s'est  uni  à  notre  nature  et  ne  s'en  est  jamais 
séparé,  pas  même  lorsqu'il  est  ressuscité 
d'entre  les  morts;  il  ne  peut  même  jamais 
s'en  séparer,  à  cause  de  sa  bonté  ineffable 
envers  nous. 

7.  Saint  Avit ,  évèque  de  Vienne,  ayant 
obtenu  du  pape  Anastase  un  règlement  en- 
tre lui  et  l'évêque  d'Arles,  qui  étendait  sa 
juridiction  sur  les  évêques  voisins,  Eonius, 
évèque  d'Arles,  en  porta  ses  plaintes  au  pape 
Symmaque,  disant  que  ce  règlement  avait 
été  obtenu  subrepticement  contre  les  ca- 
nons. Le  pape  ne  voulant  décider  cette  af- 
faire qu'avec  connaissance  de  cause,  écrivit 


SYMIMAQUE,  PAPE.  321 

le  30  octobre  499,  aux  deux  évêques  d'Arles 
et  de  Vienne,  d'envoyer  h  Rome,  à  jour 
nommé,  des  personnes  pour  défendre  leurs 
prétentions  respectives.  Eonius  y  envoya  le 
prêtre  Crescence;  mais  on  ne  voit  pas  que 
saint  Avit  ait  envoyé  quelqu'un  de  sa  part. 
Le  pape  Symmaque,  apprenant  par  le  rap- 
port de  Crescence  qu'.\nastase  avait  mis  de 
la  confusion  dans  la  province  d'Arles,  en 
changeant  l'ordre  ancien,  désapprouva  cette 
conduite,  disant  que  le  sacerdoce  étant  indivi- 
sible, les  successeurs  ne  pouvaient  donner 
atteinte  aux  ordonnances  de  leurs  prédéces- 
seurs; qu'autrement  cette  variation  ôterait 
tout  le  respect  dû  au  Sainl-Siége.  Le  pape 
ordonna  donc  à  Eonius  de  s'en  tenir  à  la  vé- 
nérable antiquité,  sans  avoir  égard  au  règle- 
ment fait  par  Anastase.  Sa  lettre  est  du  29 
septembre  de  l'an  SOO.  Saint  Avit,  qui  n'avait 
eu  personne  à  Rome  pour  soutenir  ses  pré- 
tentions, se  plaignit  de  ce  qu'on  l'avait  con- 
damné sans  l'entendre.  «  Si  vous  pouvez,  lui 
répondit  Symmaque,  le  30  octobre  501,  mon- 
trer qu'Anastase,  mon  prédécesseur,  a  eu 
raison  de  faire  ce  qu'il  a  fait,  nous  serons 
ravi  qu'il  n'ait  point  contrevenu  aux  canons. 
Car  il  est  quelquefois  nécessaire  de  relâcher 
de  la  rigueur  de  la  loi  ',  pour  un  bien  que  la 
loi  même  aurait  ordonné  si  elle  l'avait  prévu.» 
Le  Pontifical  marque  que  le  pape  Anastase, 
dans  une  ordination  au  mois  de  décembre, 
ordonna  douze  prêtres ,  et  pour  différents 
endroits  seize  évêques;  et  orna  de  quatre- 
vingts  livres  d'argent  la  confession  de  saint 
Laurent. 


CHAPITRE  XXXVL 

Symmaque,    pape   2,    [514]. 


Symmaque       ] .  Lo  patrïarche  Festus,  qui  était  venu  àl 
en  (98.  ùE-  Coustautinople  avec   Crescone   et  Germain, 

reoi,   riDti- 

p»po-  députes  du  pape  à  l'empereur  Anastase,  et 

qui  avait  été  lui-même  envoyé  vers  ce  prince 
par  le  roi  Théodoric,  demeura  en  cette  ville 
jusque  vers  la  fin  de  l'an  -498.  11  obtint  que 


'on  y  célébrerait  à  l'avenir  avec  plus  de  so- 
lennité qu'auparavant,  la  fête  de  saint  Pierre 
et  de  saint  Paul.  Avant  son  départ  de  Cons- 
tantiuople,  Festus  convint  secrètement  avec 
l'empereur  3,  d'engager  le  pape  Anastase  de 
souscrire  à  V Hénotique  de  Zenon.  Mais,  à  son 


'  Nam  gitamvis  a  Patribus  statuta  diligevti  obser- 
vatione  et  ohservanli  diligenlia  sint  custodienda,  nihil- 
ominus  propter  aliquod  bonum  de  rigore  legis  aliquid 
relaxatur,  quod  et  ipsa  lex  cavisset,  si  prœvidisset. 
Symiiiac.^  Epist.  12  ad  Avit.,  tom.  IV  Concil.,  p.  1321. 


2  Les  écrits  de  ce  pape  qui  nous  restent  se  trouvent 
au  tome  LXII  de  la  Patrologie  latine,  col.  39-80,  avec 
une  notice  extraite  du  Pontifical,  et  une  autre  par 
un  scljismatique  contemporain  de  Symmaque.  (L'ëdit.) 

'  Tlieopli.,  in  Chron.,  pag.  98. 


S22 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Il  estacrtiEé 
devant  Théo- 
doric. 


retour  à  Rome,  il  trouva  que  le  pape  était 
mort  le  16  de  novembre  498.  On  élut  pour 
lui  succéder,  le  diacre  Symmaque,  fils  de 
ForLunat  et  natif  de  Sardaigne.  Mais  Festus 
pour  effectuer  ce  qu'il  avait  piomis  à  l'em- 
pereur Anastase,  gagna  par  argent  *  plu- 
sieurs personnes,  et  fit  élire  en  même  temps 
l'archiprêtre  Laurent  ;  ce  qui  occasionna  un 
schisme  dans  l'Eglise.  Syjnmaque  et  Laurent 
furent  ordonnés  en  un  même  jour,  l'uu  dans 
la  basilique  de  Constantin,  l'autre  dans  la 
basilique  de  Sainte-Marie.  Symmaque  avait 
pour  lui  le  plus  grand  noml^re.  Le  diacre 
Paschase,  homme  de  vertu  et  de  savoir,  tenait 
le  parti  de  Laurent,  auquel  il  demeura  atta- 
ché jusqu'à  la  mort.  Pour  terminer  ce  schisme, 
il  fut  convenu  que  Symmaque  et  Laurent 
iraient  à  Ravenne  ^,  et  qu'ils  se  rapporte- 
raient de  la  canonicité  de  leur  élection  au 
jugement  du  roiThéodoric,  quoique  ce  prince 
fût  arien.  Théodoric  décida  avec  justice  que 
celui-là  demeurerait  en  possession  du  Saint- 
Siège,  qui  avait  été  ordonné  le  premier,  ou 
qui  avait  pour  lui  le  plus  grand  nombre.  Il 
se  trouva  que  c'était  Symmaque,  c'est  pour- 
quoi il  fut  reconnu  pour  pape  légitime.  Au 
commencement  de  son  pontificat,  il  assembla 
à  Rome  un  concile  de  soixante  et  douze  évê- 
ques,  dans  la  vue  de  chercher  les  moyens  les 
plus  puissants  de  retrancher  les  brigues  des 
évêques  et  les  tumultes  populaires  qui  s'ex- 
citaient ordinairement  à  leurs  élections,  et 
dont  il  avait  vu  un  exemple  dans  la  sienne. 
Laurent  assista  à  ce  concile  et  en  signa  les 
actes  en  qualité  d'archiprêtre  du  titre  de 
saint  Praxède.  Symmaque,  par  un  motif  de 
commisération  ^,  le  fit  depuis  évêque  de  No- 
céra.  Quatre  années  après,  quelques-uns  du 
clergé  de  Rome,  par  un  mouvement  d'envie, 
et  quelques  sénateurs,  principalement  Festus 
et  Probin,  accusèrent  Symmaque  de  crimes 
horribles,  subornèrent  de  faux  témoins,  qu'ils 
envoyèrent  à  Ravenne  au  roi  Théodoric.  En 
même  temps,  ils  rappelèrent  secrètement 
Laurent,  et  renouvelèrent  le  schisme.  Car 
une  partie  du  clergé  communiquait  avec 
Symmaque,  une  partie  avec  Laurent. 
2.    Festus  et  Probin  prièrent  Théodoric 


•  Theopli.,  in  Chron.,  pag.  98. 

2  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1286. 

s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1286.  —  *  Enuod.,  Apolog., 
pag.  1635.  —  ^  Ibid.j  tom.  IV  ConciL,  pag.  1287. 

6  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1287.— 'Ibid.,  pag.  13G2. 

8  Siciit  suhdilos  nos  esse  terrenis  poteslatibus  jubet 
arhiier  cœli;  ita   non  facile   duiur  iniclligi  qua  vel 


d'envoyer  à  Rome  un  évêque  visiteur,  comme 
il  était  de  coutume  d'en  envoyer  aux  Eglises 
vacantes.  Le  roi  y  envoya  Pierre,  évêque 
d'Altino,  avec  ordre  *  exprès  d'aller  d'abord 
à  la  basilique  de  Saint-Pierre,  d'y  saluer  le 
pape  Symmaque  et  de  lui  demander  les  es- 
claves que  l'on  voulait  produire  pour  témoins 
contre  lui,  afin  qu'ils  fussent  interrogés  par 
les  évêques,  mais  sans  les  mettre  à  la  ques- 
tion. L'évêque  d'Altino  n'ayant  aucun  égard 
à  cet  ordre,  ne  voulut  ni  saluer  Sj'mmaque, 
ni  aller  à  la  basilique  de  Saint-Pierre,  et  il 
se  joignit  aux  schismatiques.  Les  catholiques 
ne  purent  voir  qu'avec  indignation,  qu'on 
eût  envoyé  à  Rome  un  évêque  visiteur,  sou- 
tenant que  cela  était  défendu  par  les  canons 
et  contre  l'usage  ^. 

'6.  Sur  cette  difficulté,  le  pape  Symmaque 
convoqua  un  concile  de  cent  quinze  évêques. 
C'est  ce  que  dit  le  Pontifical  ^;  mais  il  paraît 
que  ce  concile  fut  seulement  assemblé  de 
son  consentement  et  parce  qu'il  l'avait  désiré 
lui-même.  Par  la  sentence  qui  intervint,  il 
fut  déchargé  des  accusations  intentées  contre 
lui,  et  on  exhorta  tous  Ls  fidèles  à  recevoir 
de  lui  la  sainte  communion,  sous  peine  d'en 
rendre  compte  au  jugement  de  Dieu.  Ce  ju- 
gement du  concile  ayant  été  communiqué 
aux  évêques  des  Gaules,  ils  en  furent  alarmés 
et  chargèrent  saint  Avit,  évêque  de  Vienne', 
d'en  écrire  à  Rome  au  nom  de  tous.  Il  se 
plaint  dans  sa  lettre  qui  est  adressée  à  Fauste 
et  Symmaque,  les  premiers  du  sénat,  que  le 
pape  étant  accusé  devant  le  roi  Théodoric, 
les  évêques  se  soient  mêlés  de  le  juger,  au 
lieu  de  le  défendre,  ce  II  est  vrai,  dit-il,  que 
Dieu  nous  ordonne  d'être  soumis  aux  puis- 
sances de  la  terre  ;  mais  il  n'est  pas  aisé  de 
comprendre  '  comment  le  supérieur  peut 
être  jugé  par  ses  inférieurs.  Si  l'apôtre  dé- 
fend à  haute  voix  de  recevoir  une  accusation 
contre  un  prêtre,  sera-t-il  permis  d'en  former 
contre  celui  qui  est  le  chef  de  toute  l'Eglise?» 
Saint  Avit  loue  néanmoins  le  concile  d'avoir 
réservé  au  jugement  de  Dieu  celte  cause, 
dont  il  s'était  chargé  avec  quelque  apparence 
de  témérité,  et  d'avoir  fait  entendre  dans  les 
actes  du  concile  que  ni  les  évêques  dont  il 

ratione,  vel  lege,  ab  inferioribus  emineniior  jucliceiur. 
Nam  cum  celebri  prœcepto  Apostolus  clamet,  acciisa- 
tionem  vel  in  presbyteritm  recipi  non  debere,  quid  in 
principatum  generaiis  Ecdesiœ  criminat ionibits  licere 
censendum  est  ?  Avit,  Episi.  ad  Faust.,  tom.  IV  Conc, 
pag.  13U3. 


[VI"  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXVI.  —  SYMMAQUE,  PAPE. 


323 


était  composé,  ni  le  roi  Théodoric  n'avaient 
pas  trouvé  de  preuves  des  crimes  qu'on  ob- 
jectait au  pape  Symmaque.  Ensuite  il  con- 
jure le  sénat  de  conserver  l'honneur  de  l'E- 
glise, de  ne  pas  souffrir  que  tout  l'épiscopat 
fût  attaqué  en  la  personne  du  pape,  et  de  ne 
pas  donner  au  troupeau  l'exemple  pernicieux 
de  s'élever  contre  leur  pasteur. 
Leiircs  de  4.  Saint  Avit  avait  obtenu  du  pape  Anas- 
s^aîît  Aviî!  *  '^^^  ""  règlement  qui  étendait  sa  juridiction 
sur  les  évéques  voisins,  nommément  sur  celui 
d'Arles  '.  Eonius,  qui  en  était  évêque,  s'en 
plaignit  au  pape  Symmaque,  soutenant  que 
ce  qu'Anastase  avait  fait  en  faveur  de  l'E- 
glise de  Vienne  contre  les  droits  de  celle 
d'Arles,  avait  été  obtenu  subrepticement 
contre  les  canons.  Symmaque  ne  voulant 
décider  qu'avec  connaissance  de  cause,  écri- 
vit aux  évêques  d'Arles  et  de  Vienne,  de  luj 
envoyer  à  jour  nommé,  chacun  de  leur  clergé, 
une  personne  instruite  des  droits  do  leurs 
Eglises,  afin  qu'il  ne  parût  pas  qu'il  eût  voulu 
terminer  leur  contestation  en  l'absence  et  au 
préjudice  de  l'une  des  parties.  Le  pape  n'é- 
crivit point  à  saint  Avit,  mais  seulement  à 
Eonius,  en  le  chargeant  toutefois  d'envoyer 
un  exprès  à  l'évêque  de  Vienne,  et  de  lui 
écrire  afin  qu'il  envoyât  de  son  côté  une  per- 
sonne à  Rome  pour  soutenir  ses  prétentions. 
La  lettre  du  pape  est  du  30  octobre  499.  Eo- 
nius envoya  à  Rome  le  prêtre  Crescence, 
avec  une  lettre  où  il  expliquait  la  difficulté 
survenue  entre  lui  et  l'évêque  de  Vienne,  à 
l'occasion  de  quelques  ordinations  que  celui- 
ci  avait  faites  au  préjudice  des  droits  de  l'E- 
glise d'Arles.  Le  pape  voyant  que  ces  ordi- 
nations étaient  contre  les  règles  établies  de- 
puis longtemps,  et  qu'Anastase,  par  le  règle- 
ment fait  entre  l'évêque  de  Vienne  et  l'évê- 
que d'Arles,  avait  mis  de  la  confusion  dans 
^  la  province,  le  déclara  nul,  et  ordonna  à  Eo- 

■  .  nius   de  s'en  tenir  au  règlement  que  saint 

P  Léon  avait  fait  autrefois  entre  ces  deux  Egli- 

ses. Sa  lettre  est  du  29  de  septembre  de  l'an 
300.  Saint  Avit  se  plaignit  d'avoir  été  con- 
damné sans  être  entendu,  parce  qu'appa- 
remment il  n'avait  envoyé  personne  à  Rome 
pour  défendre  sa  cause.  Mais  le  pape  Sym- 
maque lui  écrivit  qu'il  n'avait  aucune  raison 


de  se  plaindre,  et  qu'il  pouvait  encore  pro- 
poser ses  défenses,  et  que,  quoique  le  pape 
Anastase  de  sainte  mémoire,  eût  mis  de  la 
confusion  dans  la  province,  en  changeant 
l'ordre  ancien,  il  serait  bien  aise  d'apprendre 
qu'il  avait  eu  raison  de  faire  ce  qu'il  avait 
fait,  et  que,  par  son  règlement,  il  n'avait 
point  blessé  les  canons.  «  Car,  ajoute  Sym- 
maque, encore  que  l'on  doive  observer  exac- 
tement les  décrets  des  pères,  il  faut  quelque- 
fois relâcher  de  la  rigueur  de  la  loi  pour  un 
bien  que  la  loi  même  aurait  ordonné,  si  elle 
l'avait  prévu.  »  11  exhorte  donc  saint  Avit  de 
lui  envoyer  les  raisons  qui  avaient  pu  enga- 
ger le  pape  Anastase  à  faire  ce  qu'il  avait 
fait  en  faveur  de  l'Eglise  de  Vienne.  Cette 
lettre  est  du  30  octobre  501.  Elle  a  été  don- 
née dans  le  cinquième  tome  du  Spicilége  de 
dom  Luc  d'Achery. 

5.  Le  patrice  Libère  avait  écrit  à  Symma-      Relira  au 
que,  pour  lui  donner  avis  de  l'élection  d'un   Ej'™°    '-'" 
évêque  d'Aquilée.  Ce  pape,  dans  sa  réponse^, 
approuve  cette  élection  en  faisant  l'éloge  de 

l'élu  et  de  ceux  qui  l'avaient  choisi.  Cette 
lettre  est  datée  du  13  octobre  499.  Elle  est  la 
première  du  cinquième  livre  de  celles  d'En- 
nodius,  parce  qu'on  a  cru  qu'il  l'avait  écrite 
au  nom  du  pape  Symmaque. 

6.  La  lettre  k  Laurent,  évêque  de  Milan  ^,       Lettre   à 
est  une  pièce  de  rhétorique  faite  par  Enno-     """'' 
nodius,  et  adressée  non  à  Laurent,  comme 

porte  l'inscription  dans  le  recueil  des  Conci- 
les, mais  à  Maxime,  évêque  de  Pavie,  dont 
Ennodius  fut  le  successeur  immédiat. 

7.  La  lettre  à  Césaii-e  d'Arles*  est  une  ré-  i,^,^  j 
ponse  au  mémoire  que  ce  saint  évêque  avait  {^'j'""''"''*'- 
présenté  au  pape  Symmaque.  Césaire  com- 
mence son  mémoire  en  disant  ^  que  comme 
l'épiscopat  avait  pris  son  origine  dans  la  per- 
sonne de  saint  Pierre,  c'était  à  ses  succes- 
seurs à  faire  voir  clairement  par  des  décrets 
convenables,  ce  qui  se  devait  observer  dans 
chaque  Eglise.  Ensuite  il  remontre  au  pape 

que  dans  les  Gaules,  quelques  personnes  alié- 
naient, sous  divers  prétextes,  les  biens  de 
l'Eglise  :  d'où  il  arrivait  que  l'on  diminuait 
tous  les  jours  les  fonds  destinés  à  secourir 
les  pauvres.  Césaire  demande  donc  que  ces 
aliénations  soient  défendues  par  l'autorité 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1291,  1292  et  1311. 

2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1292  ;  Ennod.,  lib.  V,  Epist. 
1,  pag.  1471. 

3  Tom.  IV  Concil. ,  pag.  1293,  et  Ennod. ,  Dict.  3, 
pag.  1736. 

*  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1295. 


s  Sicut  a  persona  beati  Pétri  apostoli  episcopatus 
sumit  iyiitium,  ita  necesse  est  ut  disciplinis  competen- 
tibus  sanclitas  vestra  singulis  Ecclesiis,  quid  observare 
debeant  evidenter  ostendam.  César.,  ad  Symmac, 
tom.  IV  Concil.,  pag.1294. 


524 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


du  Siège  apostolique,  à  l'exception  de  ce  que 
l'on  jugera  à  propos  de  donner  aux  monas- 
tères par  un  motit  de  piété.  Il  demande,  en 
second  lieu,  qu'il  ne  soit  pas  permis  d'or- 
donner les  juges  et  les  gouverneurs  des  pro- 
vinces, pour  quelque  degré  que  ce  soit,  que 
leur  vie  n'ait  été  éprouvée  longtemps  aupa- 
ravant ;  en  troisième  lieu,  que  l'on  défende 
d'épouser,  soit  de  gré,  soit  de  force,  les  veu- 
ves qui  ont  porté  longtemps  l'habit  religieux 
et  les  vierges  qui  ont  vécu  pendant  plusieurs 
années  dans  les  monastères.  Césaire  supplie 
encore  d'empêcher  qu'on  ne  fasse  des  bri- 
gues pour  parvenir  à  l'épiscopat,  et  qu'on  ne 
donne  de  l'argent  pour  gagner  des  suffrages. 
Il  demande  sur  tons  ces  chefs  la  vigueur  de 
l'autorité  du  Saint-Siège,  afin  que  la  disci- 
pline, l'amie  des  bonnes  œuvres,  soit  obser- 
vée, autant  dans  la  province  des  Gaules  que 
dans  l'Eglise  romaine.  Le  pape  Symmaque 
répondit  à  Césaire  par  une  lettre  décrétale 
datée  du  6  novembre  S13.  Elle  contient  six 
articles.  Le  pape  reconnaît  d'abord  que  les 
règles  ecclésiastiques  établies  par  les  anciens 
pères,  avaient  pourvu  à  presque  toutes  les 
demandes  de  Césaire;  mais,  croj'ant  qu'il 
était  bon  de  les  renouveler,  il  ordonne  pre- 
mièrement '  que  l'on  ne  pourra  aliéner  au- 
cun des  fonds  de  l'Eglise,  sous  quelque  titre 
ou  quelque  motif  que  ce  soit,  si  ce  n'est  qu'on 
les  donne  aux  clercs  à  raison  de  leurs  servi- 
ces, aux  moines  par  un  motif  de  religion,  ou 
aux  étrangers  pour  leurs  besoins,  mais  à  con- 
dition d'en  jouir  seulement  pendant  leur  vie. 
Voilà  l'origine  des  bénéfices  ecclésiastiques. 
Auparavant  les  clercs  avaient  coutume  de 
recevoir  de  l'Eglise,  par  les  mains  de  l'évê- 
que,  chaque  mois,  ce  qui  leur  était  dû  pour 
leur  service  :  mais  dans  la  suite  on  accorda 
à  quelques-uns  d'entre  eux  l'usufruit  de  cer- 
tains biens  de  l'Eglise,  durant  leur  vie  seule- 
ment; ce  qui  fut  appelé  bénéfice,  ])a.rce  qu'on 
n'accordait  ces  grâces  qu'à  ceux  qu'on  croyait 
les  avoir  bien  méritées.  Symmaque  menace 
de  la  rigueur  des  canons,  ceux  qui  veulent 
s'élever  au  sacerdoce,  non  par  la  grâce  de 
Dieu,  mais  en  promettant  les  biens  de  l'E- 
glise ;  et  pour  empêcher  que  les  laïques  ne 
parviennent  trop  facilement  au  sacerdoce,  il 
veut  qu'ils  observent  les  interstices  et  qu'ils 


passent  par  les  degrés  réglés  parles  canons, 
n'étant  pas  aisé  de  ne  point  faire  de  faute 
dans  un  ministère  auquel  on  parvient  contre 
les  règles  et  sans  aucune  expérience.  Il  or- 
donne ensuite  de  suspendre  de  la  communion 
ceux  qui  ravissent  des  veuves  ou  des  vierges 
consacrées  à  Dieu,  et  qui  les  épousent,  soit 
qu'elles  le  veuillent  ou  ne  le  veuillent  point. 
Il  défend  aussi  aux  veuves  qui  ont  vécu  long- 
temps dans  la  vie  religieuse,  de  même  qu'aux 
vierges  qui  ont  passé  un  temps  considérable 
dans  les  monastères,  de  se  marier.  11  ajoute 
que  si  les  brigues  pour  parvenir  à  l'épiscopat 
sont  défendues  dans  les  laïques,  à  plus  forte 
raison  le  sont-elles  dans  les  personnes  reli- 
gieuses et  destinées  au  culte  de  Dieu.  Ainsi 
il  défend  également  les  brigues  et  les  pro- 
messes pour  être  élevé  à  l'épiscopat,  voulant 
que  le  décret  d'élection  se  fasse  en  présence 
du  visiteur,  afin  que  par  son  témoignage  on 
puisse  constater  l'unanimité  des  suffrages  du 
clergé  et  du  peuple. 

8.  Saint  Hilaire,  obligé  par  quelques  mau- 
vais traitements  de  la  part  du  roi  Théodoric, 
de  passer  en  Italie,  vint  jusqu'à  Rome.  Il 
présenta  sa  requête  au  pape  Symmaque  pour 
la  conservation  des  privilèges  de  l'Eglise 
d'Arles,  apparemment  parce  que  saint  Avit 
les  contestait  toujours  et  qu'il  continuait  à 
vouloir  s'en  tenir  au  règlement  que  le  pape 
Anastase  avait  fait  entre  lui  et  l'évêque  d'Ar- 
les, qui  était  alors  Eonius.  Le  pape,  qui  avait 
déjà  annulé  ce  règlement,  mais  qui,  sur  les 
plaintes  de  saint  Avit,  s'était  offert  d'exami- 
ner une  seconde  fois  les  droits  respectifs  des 
Eglises  d'Arles  et  de  Vienne,  ordonna  de 
nouveau  que  l'on  s'en  tiendrait  au  règlement 
fait  par  saint  Léon,  suivant  lequel  le  droit  de 
l'Eglise  de  Vienne  ne  s'étendait  que  sur  les 
Eglises  de  Valence,  Tarantaise,  Genève  et 
Grenoble,  les  autres  EgHses  dont  il  était 
question  devant  dépendre  de  l'évèque  d'Ar- 
les. Cela  paraît  par  la  lettre  de  Symmaque  à 
tous  les  évêques  des  Gaules,  en  date  du  13 
de  novembre  313,  où  il  les  exhorte  à  se  con- 
tenter de  leurs  droits,  sans  chercher  à  les 
étendre  par  le  secours  de  la  puissance  sécu- 
lière. L'abbé  Gille  et  Messien,  prêtres  et  se- 
crétaires de  saint  Césaire,  demandèrent  en- 
core  au   pape   Symmaque   la   confirmation 


Lettres  aux 
évèqueà  des 
G.TiiIes,  paf. 
11109  ;  et  à 
saint  Césaire, 
pag.  1J10. 


1  Possessiones  igitur  quas  unusquisque  Ecclesiœ  pro- 
prio  dédit  aut  reliquit  arbiirio,  alienari  quibuslibet 
Utulis  atque  contractibus ,  vel  sub  quocmnqua  o.rgu- 
mento  non  palimur  :  nisi  forsUan  aut  clericis  honorum 


mentis,  aut  monasteriis  religionis  intuitu,  aut  certe 
peregrinis  nécessitas  largiri  suaserit  :  sic  iamen  ut 
hœc  ipsa  non  perpetuo  sed  temporaliter  donec  vixerinf 
perfruantur.  Symmac,  ad  Cœsar. 


[VP   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXVI.  —  SYMMAQUE,  PAPE. 


.^9.T 


d'un  atilre  privilège  de  l'Eglise  d'Arles,  selon 
lequel  l'évêque  d'Aix  était  tenu  de  venir  aux 
mandements  de  l'évoque  d'Arles,  soit  pour 
les  conciles,  soit  pour  les  autres  affaires  ec- 
clésiastiques. Le  pape,  dans  une  lettre  adres- 
sée à  saint  Césaire,  le  H  juin  514,  confirma 
les  privilèges  de  l'Eglise  d'Arles,  et  ordonna 
que  ce  saint  évêque  veillerait  sur  toutes  les 
affaires  qui  surviendraient  en  matière  de  re- 
ligion, tant  dans  les  Gaules  que  dans  les  Es- 
pagnes,  en  conservant  toutefois  les  droits 
établis  dans  chaque  Eglise  par  l'autorité  des 
pères.  11  ordonna  encore  qu'il  serait  au  pou- 
voir de  saint  Césaire  d'assembler  les  èvè- 
ques  de  ces  provinces,  même  celui  d'Aix, 
quand  il  en  serait  besoin,  et  qu'ils  ne  pour- 
raient venir  à  Rome  sans  la  permission  de 
celui  d'Arles. 

9.  Quoique  l'empereur  Anastase  n'eût  pas 
écrit  à  Symmaque  sur  sa  promotion  au  pon- 
tificat, suivant  la  coutume  ',  ce  pape  ne  laissa 
pas  de  lui  écrire,  mais  il  lui  témoigna  en 
même  temps  qu'il  ne  pouvait  avoir  de  com- 
munion avec  lui,  parce  qu'il  recevait  celle 
d'Acace.  Il  semble  même  que  le  pape  Sym- 
maque engagea  le  sénat  de  Rome  à  faire  à 
ce  prince  quelques  remontrances  pour  le 
détourner  de  la  communion  d'Acace  et  le 
prier  de  ne  point  prendre  la  protection  des 
hérétiques.  L'empereur,  piqué  contre  Sym- 
maque, s'emporta  contre  lui  jusqu'à  lui  dire 
des  injures  et  à  le  traiter  de  manichéen.  Il 
lui  reprocha  encore  d'avoir  été  fait  pape 
contre  l'ordre  des  canons.  Symmaque  ne 
croyant  pas  devoir  souffrir  ces  injures,  ré- 
pondit au  libelle  d'Anastase  par  un  écrit 
adressé  à  ce  prince  même,  et  que  l'on  inti- 
tule Apologétique.  Comme  il  prévoirait  que  cet 
écrit  serait  plus  long  que  le  libelle  de  l'em- 
pereur, il  remarque  que  saint  Ambroise  n'a- 
vait pas  cru  devoir  mesurer  la  longueur  de 
sa  réponse  à  l'empereur  Gratien,  sur  celle  de 
la  lettre  qu'il  en  avait  reçue,  puisqu'il  avait 
employé  huit  livres  entiers  pour  répondre  à 


une  simple  lettre.  11  remontre  ensuite  à  Anas- 
tase qu'il  ne  doit  pas  trouver  mauvais  qu'il 
réponde  à  ses  injures  :  que  s'il  se  considère 
en  qualité  d'empereur  romain,  il  doit  écouter 
avec  bonté  les  ambassades  même  des  nations 
barbares  ;  et  qtie  s'il  se  regarde  comme  un 
prince  chrétien,  il  est  de  son  devoir  d'écouter 
avec  patience  la  voix  de  l'évêque  du  Siège 
apostolique  ;  que  pour  lui  il  ne  lui  est  point 
permis  de  dissimuler  les  calomnies  dont  on 
le  chargeait,  quoiqu'il  dût  les  souffrir  et  ren- 
dre des  bénédictions  pour  des  malédictions  ; 
qu'il  devait  même,  pour  l'intérêt  de  l'empe- 
reur, en  faire  voir  la  fausseté,  afin  de  faire 
cesser  le  scandale  que  son  libelle  avait  causé. 
«  Vous  m'accusez,  lui  dit-il,  d'être  mani- 
chéen ;  mais  suis-je  donc  eutychien  ou  pro- 
tecteur des  eutychiens,  dont  la  fureur  favo- 
rise principalement  l'erreur  des  manichéens? 
Rome  m'est  témoin,  et  ses  archives  font  foi, 
que  je  ne  me  suis  écarté  en  aucune  sorte  de 
la  foi  catholique,  que  j'ai  reçue  du  Saint- 
Siège,  en  sortant  du  paganisme.  Que  l'accu- 
sateur se  produise  et  qu'il  me  convainque  : 
autrement  ce  que  vous  objectez  n'est  que 
des  reproches,  et  non  des  crimes  constatés. 
Croyez-vous  que  parce  que  vous  êtes  empe- 
reur, il  vous  est  permis  de  mépriser  le  juge- 
ment de  Dieu  et  de  vous  élever  contre  la 
puissance  de  saint  Pierre  ?  Comparons  la  di- 
gnité d'un  empereur  ^  avec  celle  d'un  évo- 
que :  il  y  a  autant  de  différence  entre  elles, 
qu'il  y  en  a  entre  celui  qui  a  l'administration 
des  choses  de  la  terre,  et  celui  qui  est  chargé 
d'administrer  celles  du  ciel.  Vous,  prince, 
recevez  le  baptême  de  l'évêque  et  les  autres 
sacrements;  vous  lui  demandez  des  prières, 
vous  attendez  sa  bénédiction  et  vous  le  priez 
de  vous  accorder  la  pénitence  :  tandis  que 
vous  n'avez  soin  que  des  affaires  humaines, 
il  vous  dispense  les  biens  du  ciel.  Ainsi  la 
place  d'un  évêque  est  du  moins  égale  à  la 
votre,  si  toutefois  elle  n'est  pas  supérieure. 
Voyez  donc  à  quoi  vous  vous  engagez  lors- 


1  Caiholici  principes  semper  apostolicos  prœsu/es 
instilutos  suis  litleris  prœvenerunt.  Symmac,  Apolog., 
tom.  IV  ConciL,  pag.  1299. 

2  Conferamus  hnnorem  imperatoris  cum  honore  pon- 
iificis  :  inter  quos  tantum  dislat,  gtianium  ille  rerum 
humanarum  curam  gerit,isle  divinarum.  Tu,  impera- 
tor,  a  pontifice  baptismum  accipis,  sacramenla  sumis, 
orationem  posais,  benediclionem  speras,  pœnilentinm 
rogas,  Postremo  lu  humuna  administras,  ille  tibi  di- 
vina  dispensât.  Itaque  ut  non  dicam  superior.  cerie 
œqualis  Iwnor  est.  Videris  quid  te  deceat.  Tamen  cum 
in  accusaiionem  proruperis,  pari  mecum  sorte  consistis  ; 


in  qua  cariturus  honore  summo  si  fuero  (e  accusante 
coiivictus ,  amis  surus  pari  ratione,  sinon  conviceris, 
dignitatem...  fartasse  dicturus  es,  scripium  esse,  omni 
poiestaii  nos  subditos  esse  debere.  Nos  quidem  potes- 
tates  humanas  suo  loco  suscipimus,  donec  contra  Deum 
suas  erigunt  voluntaies.  Cœterum  si  omnis  potestus 
a  Deo  est,  magis  ergo  quœ  rébus  est  prœstituta  divinis. 
Defer  Deo  in  nobis,  et  nos  deferemus  Deo  in  te.  Cœte- 
rum si  tu  Deo  non  déferas,  non  potes  ejus  uti  privi- 
légia, cujus  jura  coniemnis.  Symmac,  Epist.  Apolog., 
lom.  IV  ConciL,  pag.  1298. 


S26 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  vous  m'accusez  ;  votre  sort  est  le  même 
que  le  mien  ;  car  de  même  qu'en  prouvant 
les  chefs  d'accusation  que  vous  avez  formés 
contre  moi,  vous  me  ferez  perdre  indubita- 
blement ma  dignité,  vous  vous  mettez  au 
hasard  de  perdre  la  vôtre,  si  vous  ne  pouvez 
m'en  convaincre.  »  Il  fait  souvenir  Anastase 
qu'étant  homme,  il  ne  pourra  éviter  de  ren- 
dre compte  à  Dieu  de  la  manière  dont  il  aura 
usé  de  la  puissance  qui  lui  a  été  donnée  d'en 
haut.  «  Si  vous  dites,  ajoute-t-il,  que  suivant 
l'apôtre,  nous  devons  être  soumis  à  toute 
puissance,  nous  ne  le  nions  pas;  nous  por- 
tons au  contraire  du  respect  aux  puissances 
humaines,  mais  ce  n'est  que  quand  elles  ne 
nous  ordonnent  rien  contre  Dieu.  Au  reste, 
si  toute  puissance  vient  de  Dieu,  c'est  prin- 
cipalement celles  qui  sont  préposées  pour  la 
dispensation  des  choses  divines.  Respectez 
Dieu  en  nous,  et  nous  le  respecterons  en 
vous.  Mais  si  vous  n'avez  point  de  respect 
pour  Dieu,  vous  ne  pouvez  user  du  privilège 
de  celui  dont  vous  méprisez  les  droits.  Vous 
dites  que  j'ai  conspiré  avec  le  sénat  pour 
vous  excommunier  :  je  ne  le  nie  point  ;  mais 
je  n'ai  fait  en  cela  que  suivre  ce  que  mes 
prédécesseurs  ont  eu  raison  de  faire.  Vous 
dites  que  le  sénat  vous  maltraite.  Si  nous 
vous  maltraitons  en  vous  exhortant  de  vous 
séparer  de  la  communion  des  hérétiques, 
nous  traitez-vous  bien  en  voulant  nous  obli- 
ger de  nous  joindre  à  des  hérétiques  ?  Que 
m'importe,  dites-vous,  ce  qu'a  fait  Acace? 
Abandonnez -le  donc,  pour  montrer  que 
vous  n'y  prenez  point  d'intérêt.  Si  vous  ne 
vous  en  séparez  pas,  nous  devons  croire  que 
ce  qui  le  regarde  vous  intéresse.  Ce  n'est  pas 
vous,  ô  prince,  que  nous  excommunions, 
c'est  Acace  ;  séparez-vous  de  lui  :  vous  vous 
retirez  aussitôt  de  son  excommunication.  Si 
vous  vous  joignez  à  lui,  ce  n'est  pas  nous  qui 
vous  excommunions,  c'est  vous-même.  Il  ar- 
rivera de  là  que  soit  que  vous  vous  sépariez 
d'Acace,  soit  que  vous  ne  vous  en  sépariez 
pas,  vous  n'aurez  point  été  excommunié  de 
nous. 

Symmaque  se  plaint  ensuite  de  la  persé- 
cution qu'Anastase  faisait  souffrir  aux  catho- 
liques en  leur  défendant  à  eux  seuls  le  libre 
exercice  de  leur  religion,  tandis  qu'il  le  per- 
mettait à  toutes  sortes  d'hérétiques,  par  où 


Symmaque  entendait  les  catholiques  de  Cons- 
tantinople  qui  communiquaient  avec  Rome. 
Il  remarque  que  les  princes  catholiques,  soit 
à  leur  avènement  à  l'empire,  soit  à  l'élection 
d'un  nouvel  évéque  du  Siège  apostolique  ', 
avaient  coutume  de  lui  faire  part  de  leur  élec- 
tion ou  de  les  congratuler  sur  la  sienne,  pour 
montrer  qu'ils  lui  étaient  unis  de  communion, 
et  que  ceux  qui  manquaient  de  suivre  cet 
usage,  faisaient  dès -lors  profession  d'être 
séparés  de  sa  communion.  Symmaque  dit 
qu'il  pourrait  le  prouver  par  les  écrits  mêmes 
d'Anastase,  s'il  ne  se  croyait  obligé  d'éviter 
tout  commerce  avec  lui,  comme  avec  un  en- 
nemi de  la  vérité.  Car  ce  prince  passait  pour 
être  favorable  à  toutes"  les  hérésies,  surtout 
à  celle  des  manichéens,  que  l'erreur  d'Eu- 
tychès  favorisait  beaucoup.  On  croit  néan- 
moins qu'Anastase  n'était  pas  proprement 
eutychien,  mais  de  la  secte  des  acéphales, 
nommés  aussi  hésitants,  parce  qu'ils  n'étaient 
d'aucun  parti. 

10.  Vers  l'an  512,  les  évêques  d'Orient      Lettre  aw 

1      .  T  /      1  T      1  1  .  Orieutaux,  p. 

souhaitant  d  être  rétablis  dans  la  communion  m\. 
du  pape,  lui  écrivirent  au  nom  de  l'Eglise 
d'Orient,  pour  lui  remontrer  qu'ils  ne  de- 
vaient pas  être  punis  pour  la  faute  d'Acace, 
puisqu'ils  ne  prenaient  point  de  part  à  sa  dé- 
sobéissance, et  qu'ils  recevaient  la  lettre  de 
saint  Léon  et  le  concile  de  Clialcédoine.  Ils 
ajoutaient  que  la  pureté  de  leur  foi  était  telle, 
que  les  eutychiens  en  prenaient  occasion  de 
les  persécuter  et  de  les  anathématiser.  «  Ne 
perdez  donc  pas,  disent-ils  à  Symmaque,  le 
juste  avec  l'impie;  ne  portez  pas  un  même 
jugement  de  l'orthodoxe,  et  de  l'hérétique; 
de  celui  qui  anathématise  le  saint  concile,  et 
de  celui  qui  demande  chaque  jour  de  mou- 
rir pour  la  même  foi  que  vous  prêchez,  n  Ces 
évêques  représentent  au  pape,  que  s'il  y  en 
avait  quelques-uns  d'entr'eux  qui  communi- 
quassent avec  leurs  adversaires,  ce  n'était  pas 
une  raison  de  les  retrancher  de  la  commu- 
nion de  l'Eglise  romaine,  puisque  ceux  qui 
en  agissaient  ainsi,  ne  le  faisaient  point  par 
attachement  à  la  vie,  mais  dans  la  crainte 
qu'étant  envoyés  en  exil,  ils  ne  laissassent 
leurs  troupeaux  en  proie  aux  hérétiques. 
«Tous  donc,  continuent-ils,  soit  ceux  qui  sem- 
blent communiquer  avec  eux,  soit  ceux  qui 
s'abstiennent  de  leur  communion,  attendent 


1  Omnes  catholici  principes  sivecum  imperii  giiber- 
nacula  susceperunt ,  sive  cum  aposiolicœ  Sedi  novos 
agnoverunt  prœsutes  institutos,  ad  eam  sua  protimis 


scripta  miser-unt,  ut  se  docerent  ejus  esse  consartes, 
Ibid.,  pag.  1300. 


[VI"  SIÈCLE.] 

après  Dieu,  votre  secours.  Hâtez-vous  donc 
d'aider  l'Orient,  d'où  le  Sauveur  vous  a  en- 
voyé les  deux  grandes  lumières  Pierre  et 
Paul,  pour  éclairer  tout  le  monde.  Rendez  à 
ces  provinces  la  l'étribution  que  vous  en  avez 
reçue  ;  éclairez-les  de  la  lumière  de  la  vraie 
foi,  comme  vous  en  avez  autrefois  été  éclairé 
vous-même.  »  Ils  représentent  à  Symmaque 
que  le  mal  de  l'Orient  est  si  grand,  qu'ils  ne 
pouvaient  eux-mêmes  aller  chercher  le  re- 
mède auprès  de  leur  médecin  spirituel,  et 
qu'il  fallait  qu'il  vînt  lui-même  à  eux,  sur 
quoi  ils  allèguent  l'exemple  de  saint  Léon, 
qui  ne  trouva  pas  indigne  de  lui  d'aller  au- 
devant  d'Attila,  prince  barbare,  pour  empê- 
cher que  non-seulement  les  chrétiens,  mais 
même  les  Juifs,  et  vraisemblablement  les 
païens,  ne  fassent  réduits  en  captivité.  D'où 
ils  infèrent  qu'à  plus  forte  raison  le  pape  de- 
vait se  bâter  pour  délivrer  l'Orient,  non  d'une 
captivité  corporelle  qui  se  fait  par  la  force 
des  armes,  mais  d'une  captivité  qui  rendait 
les  âmes  esclaves  de  l'erreur.  Ils  le  conju- 
rent de  dissiper  les  doutes  de  quelques-uns 
d'entre  eux,  qui  ne  croyaient  pas  qu'il  y  eût 
une  doctrine  mitoyenne  entre  celle  de  Nes- 
torius  et  d'Eutychès,  et  qu'il  fallait  nécessai- 
rement suivre  l'une  ou  l'autre.  Mais  pour 
montrer  qu'ils  n'étaient  pas  du  nombre  de 
ceux  qui  doutaient  sur  la  foi,  ils  finissent 
leur  lettre  par  l'exposition  de  leur  doctrine 
sur  l'incarnation,  où  ils  condamnent  claire- 
ment les  hérésies  de  Nestorius  et  d'Euty- 
chès ',  reconnaissant  en  Jésus-Christ  deux 
natures,  l'une  visible,  palpable  et  passible; 
l'autre  invisible,  impassible  et  incompréhen- 
sible, c'est-à-dire  la  divine  et  l'humaine  unies 
en  une  seule  personne,  du  grand  Dieu  et 
notre  Sauveur  Jésus -Christ,  qui,  selon  la 
chair,  est  né  de  la  substance  de  sa  Mère,  et 
descend  de  la  race  de  David,  d'Abraham  et 
d'Adam,  et  qui,  selon  la  divinité,  est  né  du 
sein  et  de  la  substance  du  Père  avant  l'au- 
rore. C'est  ce  qu'ils  enseignent  après  les  an- 
ciens pères  de  l'Eglise,  qui,  voulant  détruire 
par  avance  Terreur  de  ceux  qui  ont  enseigné 


CIIÂPITRE  XXXVJ.  —  SYMMAQUE ,  PAPE. 


527 


avec  Nestorius  deux  personnes,  deux  Fils  ou 
deux  Christs,  ont  établi  une  doctrine  con- 
traire, en  disant  qu'il  y  a  en  Jésus -Christ 
deux  natures  et  deux  substances  unies  insé- 
parablement en  une  seule  personne.  La  let- 
tre que  nous  avons  du  pape  Symmaque  aux 
Orientaux,  semble  être  la  réponse  à  celle-ci, 
quoicpi'elle  n'en  fasse  point  de  mention.  Il  y 
rapporte  en  peu  de  mots  les  ravages  que  les 
hérésies  de  Nestorius,  d'Eutychès  et  de  leurs 
sectateurs  avaient  causés  dans  les  Eglises 
d'Orient,  et  il  n'oublie  pas  les  mouvements 
qu'Acace  se  donna  sous  l'empire  de  Basili- 
que, pour  la  défense  des  ennemis  de  l'Eglise. 
Ensuite  il  console  les  Orientaux  et  les  exhorte 
à  s'en  tenir  constamment  à  ce  qui  avait  été 
décidé  une  fois  contre  Eutychès,  et  à  souffrir, 
s'il  est  besoin,  l'exil  et  toutes  sortes  de  mau- 
vais traitements  pour  la  défense  de  la  foi.  il 
leur  déclare  que  tous  ceux  qui  se  seront  sé- 
parés de  la  communion  des  eutychéens,  ne 
doivent  douter  en  aucune  manière  qu'ils  ne 
soient  rentrés  dans  celle  du  Saint-Siège; 
mais  aussi  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  d'y 
rentrer,  que  de  condamner  ceux  qu'il  a  con- 
damnés, c'est-à-dire  Eutychès,  Dioscore , 
Timothée,  Pierre  et  Acace.  Cette  lettre  est 
du  8  octobre  de  l'an  512. 

dl.  Nous  apprenons  de  Paul,  diacre,  que 
le  pape  Symmaque  fournissait  chaque  jour 
les  aliments  nécessaires  aux  évêques  d'Afri- 
que ^,  que  ïrasamond,  roi  des  Vandales, 
avait  exilés  dans  l'île  de  Sardaigne.  11  crut 
devoir  encore  les  consoler  par  lettres,  et  se 
servir  à  cet  effet  de  la  plume  d'Ennodius.  Il 
leur  envoya  en  même  temps  des  reliques  de 
saint  Nazaire  et  de  saint  Romain,  qu'ils  lui 
avaient  demandées  dans  leur  lettre  au  dia- 
cre Hormisdas.  Celle  de  Symmaque  à  ces 
évêques  est  la  quatorzième  du  second  livre 
des  lettres  d'Ennodius. 

12.  La  lettre  à  Théodore,  évêque  de  Lau- 
rée,  est  sans  date  et  d'un  style  tout  diffé- 
rent de  celle  de  Symmaque.  Elle  ne  se  trouve 
pas  même  parmi  ses  autres  lettres  dans  les 
manuscrits,  et  on  ne  l'a  donnée  que  sur  un 


Lettre  aux 
évêques  d'A- 
frique,    pag. 


Lellre  à 
Tbéodure  de 
Lnorée,  pag. 
1311. 


1  Ipsi  enim  (sancti  Patres)  docuerunt  nos  divinis 
Scripiui-is  alteram  esse  visibiiem,  et  pulpabilem ,  et 
passibilem  carnis  nuturam ,  et  alteram  invisibilern , 
impassibilem  et  incomprehensibilem  nutinam  in  una 
persona,  et  substaniia  mnçjni  Dei  et  Sa/vatoris  nostri 
Jesu  Christi  :  alteram  de  Uatris  substantia  et  naiura 
venientem  de  femine  David,  Abrahœ,  Adœ  secundum 
carnem  natam,  alteram  vero  ex  utero  ante  luciferum 
genitam  de  substaniia  et  naiura  fatris  ;  sed  ne  rursus 


propier  immaculati  partus  duas  nuiuras  et  subsianiias 
occasinnem  apprehendentes,  qui  secundum  Nestorium 
sapiunt,  duas  personas ,  aut  duos  Filios ,  aut  duos 
Christos  maie  introducant,  docuerunt  sancti  illi  et 
beati  Patres  unam  scire  personam  et  substnniiarum 
inseparabilem  unitatem.  Orient.,  Epist.  ad  Symmac., 
pag.  1308. 
2  Ennoil.,  lib.  II,  Epist.  14,  pag.  1412. 


§28 


HISTOIRE  GÉNÉn  ALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Mort  de 
SymuKtqui;  , 
en  514, 


monument  de  peu  d'autorité.  Elle  porte  que 
Symmaque  accorda  à  Théodore  l'usage  du 
palliiim,  auquel  il  donne  une  explication 
morale,  prétendant  que  la  forme  de  la  crois 
marquée  sur  le  pallium,  doit  apprendre  à 
ceux  qui  le  portent,  à  compatir  avec  leurs 
frères  et  à  être  crucifiés  d'affection  à  toutes 
les  vanités  et  aux  plaisirs  du  siècle. 

13.  Le  pape  Symmaque  tint  plusieurs  con- 
ciles à  Rome,  dont  nous  parlerons  dans  la 
suite.  Il  fit  sortir  de  cette  ville  tous  les  ma- 
nichéens qu'il  y  trouva,  et  brûler  leurs  livres 
et  leurs  simulacres  devant  la  porte  de  la  ba- 
silique Constantine.  Fait  qui  prouve  seul  le 
peu  de  solidité  qu'il  y  avait  dans  le  repro- 
che que  lui  faisait  l'empereur  Anastase  d'être 
manichéen.  Ses  libéralités  continuelles  en- 
vers les  évêques  d'Afrique  relégués  en  Sar- 
daigne,  et  l'argent  qu'il  dépensa  pour  rache- 
ter un  grand  nombre  de  captifs  de  la  Ligu- 
rie,  ne  l'empêchèrent  pas  de  bâtir  ou  de  ré- 
parer plusieurs  églises,  et  de  les  orner  ma- 
gnifiquement. On  fait  monter  jusqu'à  qua- 
torze cent  soixante-dix-neuf  livres  romaines, 
le  poids  de  l'argent  qu'il  employa  à  ces  di- 


vers ornements.  Il  fit  construire  l'église  de 
saint  André,  apôtre,  où  il  mit  un  ciboire 
d'argent,  c'est-à-dire  une  espèce  de  taberna- 
cle soutenu  de  plusieurs  colonnes  aussi  d'ar- 
gent, qui  couvrait  l'autel.  Il  donna  à  l'ora- 
toire de  la  sainte  Croix,  une  croix  d'or  pesant 
dix  livres,  et  ornée  de  pierres  précieuses, 
dans  laquelle  il  enferma  du  bois  de  la  ci'oix 
du  Seigneur.  Il  fit  mettre  sur  le  ciboire  qu'il 
donna  à  l'église  de  Saint-Paul,  les  figures  du 
Sauveur  et  des  douze  apôtres,  en  argent. 
Le  Pontifical  dit  que  ce  fut  lui  qui  institua 
que  l'on  chanterait  chaque  dimanche  et  aux 
jours  de  fêtes  des  martyrs,  l'hymne  Gloria  in 
excekis;  qu'il  fit  quatre  ordinations  à  Rome 
au  mois  de  décembre  et  de  février,  oîi  il  or- 
donna quatre-vingt-douze  prêtres,  seize  dia- 
cres, et  cent  dix-sept  évêques  pour  divers 
endroits.  Ce  pape  mourut  le  19  juillet  de 
l'an  514,  et  fut  enterré  dans  la  basilique  de 
Saint-Pierre.  Il  avait  tenu  le  Saint-Siège 
quinze  ans  et  environ  huit  mois.  Ses  lettres 
ont  quelque  chose  de  dur  dans  le  style,  mais 
elles  ont  de  la  force  et  de  la  dignité. 


CHAPITRE  XXXVII. 


Paschase,  diacre  de  l'Eglise  romaine. 


paschase. 
Sc-3  verlus. 


1.  Paschase,  diacre  de  l'Eglise  romaine 
sous  le  pontificat  d'Anastase  et  de  Symma- 
que, se  rendit  recommandable  par  sa  vertu 
et  par  son  savoir.  Saint  Grégoire  relève  sur- 
tout *  le  soin  qu'il  prenait  des  pauvres,  et 
le  mépris  qu'il  avait  de  lui-même.  Mais  il  re- 
marque qu'ayant  pris  le  parti  de  l'archiprê- 
tre  Laurent  contre  le  pape  Symmaque,  il 
persévéra  dans  le  schisme  jusqu'à  la  mort. 
Ce  qu'il  faut  entendre  des  derniers  jours  de 
sa  vie,  pour  concilier  ce  que  dit  le  même 
saint  Grégoire,  que  Paschase ,  pour  expier 


la  faute  qu'il  avait  commise  en  s'attachant 
au  parti  de  l'anti-pape  Laurent,  fut  envoyé 
en  purgatoire,  d'où  il  fut  tiré  par  les  prières 
de  saint  Germain,  évêque  de  Gapoue. 

2.  Nous  avons  sous  son  nom  un  traité  du 
Saint-Esprit  ^,  divisé  en  deux  livres,  que 
l'on  croit  communément  être  les  mêmes  dont 
saint  Grégoire-le-Grand  parle ,  et  qu'il  dit 
être  d'une  doctrine  très-pure  ^  et  d'un  style 
clair  et  net.  Us  sont  néanmoins  attribués  à 
Fauste  de  Riez  dans  un  manuscrit  que  Tri- 
thème  avait  vu  *,  et  il  y  a  de  très-fortes  rai- 


1  Greg.,  lib.  IV  Dialog.,  cap.  xr,.  Vide  Baron  ad 
ann.  498. 

2  II  est  dans  le  tome  LXII  de  la  Patrologie  latine, 
col.  9-40,  avec  une  notice  sur  l'auteur  extraite  de 
Cave.  (L'éditeur.) 

Paschasius,  apostoHcœ  Sedis  diaconus,  cujus  apud 
nos  rectissimi  et  luculenti  de  Sancto  Spiritu  libri  ex- 
tant,  mirce  sanciitalis  vir  fuit,  eleemosynarum  maxime 


operibus  vacans ,  culior  paiiperum  et  contemptor  sut. 
Gregor.,  lib.  IV  Dial.,  cap.  XL. 

''  De  opusculis  Fausti  feruniur...  volmnen  de  Gratia 
Dei,  de  Spiritus  Sancto  liber  unus,  qui  incipii  :  «  Fides 
caûiolica,  etc.  »  Les  deux  livres  »ûus  le  nom  de 
Pasi'.hase,  commencent  par  ce3  mêmes  paroles.  Trit. 
De  Script.  Ecctes.,  cap.  cxc. 


CHAPITRE  XXXVJI.  —  PASCHASE,  DIACRE. 


IVI"  SIECLE.] 

sons  pour  l'en  croire  auteur.  1°  Gennade, 
dans  le  catalogue  de  ses  ouvrages  ',  niet  un 
traité  du  Saint-Esprit,  où  Fauste,  en  expli- 
quant le  symbole ,  s'étendait  particulière- 
ment à  montrer  que  le  Saint-Esprit  est  Dieu, 
coéternel  au  Père  et  au  Fils,  et  de  la  même 
substance.  Or  c'est  la  méthode  que  suit  l'au- 
teur des  deux  livres  sur  le  Saint-Esprit,  im- 
primés sous  le  nom  de  Paschase.  Il  est  vrai 
que  Gennade  ne  parle  que  d'un  seul  livre  de 
Fauste  sur  cette  matière;  mais  depuis  il  a 
pu  être  divisé  en  deux.  Trithème  et  Gesner 
n'avaient  qu'un  livre  dans  leurs  exemplaires. 
Une  autre  preuve  que  les  livres  attribués  à 
Paschase,  sont  de  Fauste  de  Riez,  c'est  que 
dans  le  cinquième  chapitre  du  premier  livre, 
l'auteur  répond  à  l'objection  contre  l'éter- 
nité du  Verbe,  de  la  manière  que  Fauste  y 
répond  dans  sa  seizième  lettre.  Dans  l'un  et 
dans  l'autre  de  ces  écrits,  pour  montrer  que 
le  Fils  est  coéternel  au  Père,  on  se  sert  de 
l'exemple  du  bras  ^,  qui,  quoique  sorti  du 
corps ,  est  eu  même  temps  que  le  corps. 
Dans  le  premier  chapitre  du  second  livre  ^, 
de  même  que  dans  cette  seizième  lettre,  que 
l'on  ne  conteste  pas  à  Fauste,  on  soutient 
qu'il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  soit  incorporel, 
et  que  l'âme  humaine  et  les  anges  mêmes 
ont  des  corps.  Il  faut  ajouter  que  les  deux 
livres  du  Saint-Esprit  dont  nous  parlons,  ont 
beaucoup  de  rapport  avec  les  iiomélies  sur 
le  Symbole,  sur  la  Nativité,  sur  la  Pâque,  sur 
l'Ascension  et  sur  la  Trinité,  qui  sont  parmi 
celles  que  l'on  attribue  à  Eusèbe  le  Gaulois, 
et  que  l'on  croit  être  de  Fauste  de  Riez. 
Quelle  apparence  y  a-t-il  d'ailleurs  que  saint 
Grégoire-ie-Grand  eût  appelé  exacts  et  d'une 
foi  très-pure  ces  deux  livres  où  l'on  établit, 
comme  nous  venons  de  le  dire,  la  corporéité 
de  l'âme  et  des  anges?  Le  traité  que  ce  père 
attribue  à  Paschase,  doit  donc  être  regardé 
comme  perdu.  Nous  ne  laisserons  pas  d'en 


529 


donner  l'analyse  sous  le  nom  de  ce  diacre, 
puisqu'il  le  porte  dans  la  Bibliothèque  des 
Pères. 

3.  Paschase,  dans  une  préface  qu'il  a  mise 
à  la  tête  de  son  ouvrage  *,  dit  que  les  apô- 
tres, après  avoir  exposé  fort  au  long  la  foi 
catholique  dans  leurs  écrits,  nous  l'ont  don- 
née en  abrégé  dans  le  symbole  qu'ils  nous 
ont  laissé.  C'est  par  l'autorité  de  ce  symbole 
qu'il  commence  à  prouver  la  divinité  du 
Saint-Esprit,  parce  qu'il  y  est  dit  que  l'on 
croit  en  lui  comme  on  croit  au  Père  et  au 
Fils.  Il  s'objecte  qu'il  y  est  dit  de  même  que 
l'on  croit  en  la  sainte  Eglise  catholique.  A  quoi 
il  répond  que  la  préposition  en,  ou  doit  être 
supprimée  ,  ou  être  prise  dans  un  autre  sens , 
en  sorte  qu'elle  ne  signifie  autre  chose,  soit 
pour  l'Eglise,  soit  pour  les  autres  articles 
suivants  du  symbole,  sinon  que  nous  croyons 
l'existence  de  la  sainte  Eglise  catholique,  la 
communion  des  saints,  la  rémission  des  pé- 
chés, la  résurrection  de  la  chair,  et  la  vie 
éternelle.  Il  croit  même  que  la  préposition 
en  ne  se  trouvait  point  dans  l'original  du 
symbole,  et  qu'elle  y  a  été  ajoutée  par  l'im- 
prudence de  quelques-uns  ^,  qui,  la  voyant 
aux  articles  de  la  foi  en  Dieu  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit,  l'ont  mise  aussi  devant 
l'article  où  il  est  parlé  de  l'Eglise  catholique  ^. 
Et  en  effet,  cette  préposition  ne  se  lit  point 
dans  les  formules  du  symbole  à  l'usage  de 
l'Eglise  romaine,  de  celle  d'Aquilée  et  des 
Eglises  d'Orient.  Paschase  fait  voir  ensuite , 
par  l'autorité  des  divines  Ecritures ,  que  le 
Saint-Esprit  est  Dieu  comme  le  Père  et  le 
Fils,  et  que,  quoique  nous  distinguions  en 
Dieu  trois  noms  et  trois  personnes ,  il  n'y  a 
pas  néanmoins  trois  puissances  ni  trois  subs- 
tances. Mais  pourquoi,  direz-vous,  employer 
les  termes  d'unité  et  de  trinité  en  parlant 
de  Dieu ,  puisque  ces  termes  ne  se  trouvent 
point  dans    les  livres    canoniques?    Il  ré- 


Analyse  àa 
premier  livre. 


^  Fauslus  ex  traditione  symboli  occasione  accepta 
composuit  librum  do  Spiritu  Sancto.  Gennad.,  de  Viris 
illusir.,  cap.  Lxxsv. 

2  Sed  dicis  :  «  Si  ex  illo  est,  Filius  junior  est  Pâtre? 
Ecce  brachium  ex  corpore  nascitur,  nec  iamen  bra- 
chium  corpore  suo  constat  esse  posterius.  n  Lib.  I  de 
Spirit.  Sancto,  cap.  v.  Dicis  forsitan  :  «  Quia  ex  illo  est, 
posierior  illo  est.  »  Age  ad  hœc  iniellectum  nostrum 
uliquibus  comparationibus  nutriamus.  Ecce  brachium 
procéda  ex  corpore,  et  iamen  brachii  œtatem  corpus 
non  prœcedit.  Faust.,  Epist.  16,  tom.  VIII  Biblioth. 
Pair.,  pag.  5^8. 

s  Itaque  substantia  animas  utpote  corporalis  maleria, 
alii  raiionali  creaturœ  penitus  nescit  infundi.  Lib.  II 
de  Spirit.  Sanct.,  cap.  i.  Solus  Deus  simplex,  sublilis, 
X. 


piirus  in  facturam  vel  angelicam  vel  humanam  virtute 
incorporées  divinitatis  illabiiur...  anima  vero  animœ 
aut  angélus  angelo  conjungi  potesf,  infundi  non  po- 
iest.  Ibid.  Licet  pronuntiemus  nonnullas  spirituales 
esse  nafuras,  ut  sunt  angeli,  ipsa  quoque  anima  nostra, 
vel  cerle  aer  isie  sublilis;  Iamen  incorporées  nullate- 
nus  œsiimandœ  sunt.  Habent  enim  secundmn  se  corpus 
quo  subsistu?it,  licet  multo  lenuius  quam  nostra  sunt 
corpora.  Epist.  16,  pag.  549. 

*  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.,  pag.  807. 

^  Nam  nullorum  imperitia  in  prœpositionem  hanc 
velut  de  proxima  vicinaque  senieniia  in  consoquentem 
traxit  ac  rapuit,  et  ex  super fluo  imprudenler  apposuit. 
Pascb.,  lib.  I,  cap.  i. 

^  Vide  tom.  I,  pag.  295. 

34 


530 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pond  que  l'on  ne  doit  point  chicanei'  sur  les 
mots,  quand  ils  ont  une  dérivation  toute 
naturelle,  et  qu'il  y  en  a  une  entre  le  terme 
à'un  et  celui  d'unité,  et  entre  le  mot  trois  et 
celui  de  trinité;  qu'au  surplus,  ces  termes  ont 
été  inventés  dès  le  temps  de  la  primitive 
Eglise  ',  qu'elle  a  eu  droit  de  les  employer, 
et  qu'ils  ont  prescrit  par  le  laps  de  plusieurs 
siècles.  Il  pi'ouve  la  trinité  des  personnes 
en  Dieu  par  les  premières  paroles  du  livre 
de  la  Genèse,  par  celles  qui  marquent  le  des- 
sein de  la  formation  de  l'homme  ,  et  par 
quelques  autres  de  l'Ancien  Testament.  Puis, 
venant  à  la  personne  du  Fils  et  à  celle  du 
Saint-Esprit,  il  montre  que  le  Fils  étant  ap- 
pelé la  face  du  Père,  doit  lui  être  coéternel, 
et  que  le  Saint-Esprit  étant  l'esprit  du  Père 
et  son  doigt,  selon  les  expressions  de  l'Ecri- 
ture, il  s'ensuit  qu'il  est  de  la  substance  du 
Père;  mais  qu'il  est  en  même  temps  une 
personne  distincte  du  Père ,  puisque  le  Fils 
isaï.xLTin.  dit  dans  Isnïe  :  Maintenant  le  Seigneur  m'a 
envoyé,  et  son  Esprit  aussi.  Paschase  s'objecte 
que,  puisque  le  Saint-Esprit  est  appelé  le 
doigt  de  Dieu,  il  est  donc  inférieur  à  Dieu  ; 
il  répond  que  cette  façon  de  parler  marque 
dans  les  Personnes  divines  l'unité  de  sub- 
stance et  leur  concorde  dans  les  ouvrages 
extérieurs,  et  non  pas  une  différence  de  di- 
gnité et  d'honneur,  et  que  l'Ecriture  se  sert 
souvent  du  terme  de  doigt  pour  marquer  la 
puissance  de  Dieu,  comme  lorsqu'elle  dit  : 
Je  vois  les  cieux  qui  sont  l'ouvrage  devos  mains. 
Il  trouve  dans  l'ordre  que  Jésus-Christ  donna 
à  ses  apôtres,  de  baptiser  toutes  les  nations 
au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
l'unité  d'ouvrage  et  de  nom  dans  les  trois 
Personnes.  Mais  pourquoi ,  demandera  quel- 
qu'un, le  Saint-Esprit  n'est-il  ni  engendré  ni 
non  engendré,  s'il  est  véritablement  Dieu? 
Paschase  répond  que  l'Ecriture  ne  dit  pas 
que  le  Saint-Esprit  soit  engendré,  de  peur 
qu'on  ne  le  croie  Fils  ;  elle  ne  dit  pas  non 
plus  qu'il  soit  non  engendré ,  parce  qu'on 
pourrait  croire  qu'il  est  Père  ;  mais  elle  dit 
qu'il  procède  du  Père,  ce  qui  ne  laisse  au- 
cun heu  de  douter  qu'il  n'ait  sa  propre  per- 
sonne. C'est  lui  qui  est  le  collateur  des  dons 
et  des  grâces,  et  qui  les  perfectionne  dans 
ceux  à  qui  il  les  a  donnés  :  car  quoique  les 

1  Quœ  vocabula  unitatis  ac  trinitatis  a  tempore  pri- 
mitivœ  Ecclesiœ  aniiquitas  invenil,  auctorilas  protulit, 
œtas  longa  firmavit.  Pascb,,  lib.  I,  cap.  iv. 

5  Mitti  a  Pâtre  et  Filio  dicitur  Spiriius  Sanctus,  et 
deipsoruni  substaniia  procedere...  quid  est  auiem  quod 


œuvres  soient  communes  aux  trois  Person- 
nes, l'Ecriture  a  néanmoins  coutume  d'attri- 
buer à  chacune  des  effets  et  des  opérations 
particulières.  Paschase  dit  nettement  ^  que 
le  Saint-Esprit  est  envoyé  du  Père  et  du  Fils, 
et  qu'il  procède  de  la  substance  de  l'un  et 
de  l'autre,  il  tire  même  la  différence  qu'il  y 
a  entre  naître  et  procéder,  dans  les  person- 
nes divines,  de  ce  que  celui  qui  naît,  tire  son 
origine  d'un  seul,  et  de  ce  que  celui  qui  pro- 
cède, la  tire  des  deux.  Rajoute  que,  le  Saint- 
Esprit  procédant  du  Père  ,  jouit ,  par  consé- 
quent, des  trois  privilèges  de  la  divinité,  c'est- 
à-dire  qu'il  est  une  personne  subsistante,  qu'il 
est  éternel  et  entièrement  de  la  substance  du 
Père. 
4.  Dans  le  second  livre,  Paschase  continue 

A-  .^, 

ses  preuves  de  la  divinité  du  Saint-Esprit.  «  Il  ^™^'™= 
est  dit,  dans  le  livre  des  Actes,  que  les  apô-  aci.  n,  * 
très  furent  tous  remplis  du  Saint-Esprit  et 
qu'ils  prêchaient  avec  confiance  la  parole  de 
Dieu.  Or,  aucune  des  créatures  raisonnables 
ne  peut  en  remphr  une  autre  :  cela  n'appar- 
tient qu'à  Dieu,  qui  seul  peut  pénétrer  la 
créature  qu'il  a  formée  et  entrer  jusque  dans 
la  partie  la  plus  secrète  de  son  cœur  :  le 
Saint-Esprit  est  donc  Dieu.  Une  âme  peut 
être  jointe  à  une  autre  âme,  un  ange  à  un 
ange,  mais  ni  l'une  ni  l'autre  ne  peuvent  se 
remphr  mutuellement.  Les  démons  peuvent 
aussi  entrer  dans  le  corps  d'un  homme,  et 
jamais  dans  l'intérieur  de  son  âme.  Mais  si 
le  Saint-Esprit  habite  dans  le  corps  et  dans 
l'âme  de  ceux  qui  sont  rachetés  du  sang  de 
Jésus-Christ,  ne  pourra-t-on  pas  dire  qu'il 
s'est  lui-même  incarné  dans  le  sein  de  la 
Vierge  ?  Non;  car  le  Saint-Esprit  a  rempli  le 
corps  de  Marie  avant  la  formation  du  corps 
de  Jésus-Christ,  et  au  même  temps  que  ce 
corps  a  commencé  à  être  formé,  le  Fils  de  la 
Vierge  a  été  conçu  par  l'opération  du  Saint- 
Esprit;  en  sorte  que  l'incarnation  appartient 
spécialement  à  la  personne  du  Fils.  C'est  le 
Saint-Esprit  qui  descend  dans  le  sein  de  la 
Vierge,  qui  la  sanctifie  :  mais  c'est  le  Fils 
qui  nait  d'elle.  Quoique  dans  la  Trinité  il  n'y 
ait  point  de  diversité  de  substance,  les  opé- 
rations n'en  sont  pas  les  mêmes  :  et  comme 
nous  ne  pouvons  pas  dire  que  le  Père  soit 
descendu  en  forme  de  colombe,  ni  que  ce 

ex  Deo  Pâtre  nasci  Filins  dicitur,  et  Spiriius  Sanctus 
procedere  significatur?  Si  requiras  quid  inter  nascen- 
iem  et  procedentem  distet,  euideiiter  hoc  interest,  quia 
iste  ex  uno  nascitur,  ille  ex  utroque  progreditur. 
Pasch.,  lib.  I,  i;ap.  xil. 


VI=  SIECLE.! 


CHAPITRE  XXXVII.  —  PASCHASE,  DIACRE. 


5.31 


soit  le  Fils  qui  ait  dit  au  Père  :  Celui-ci  est 
mon  Fils  :  de  même  nous  ne  pouvons  point 
assurer  que  le  Saint-Esprit  est  né  de  la 
Vierge,  ni  qu'il  a  souffert  sur  la  croix.  Cela 
doit  nécessairement  se  dire  de  la  personne 
du  Fils.  t(  Macédonius  disait  que  le  Saint-Es- 
prit était  une  créature,  mais  plus  excelfente 
que  les  autres  :  il  s'autorisait  d'un  endroit 
de  la  prophétie  d'Amos,  où  il  est  que  le  ton- 
nerre et  l'esprit  sont  des  créatures  de  Dieu. 
Paschase  répond  que,  sous  le  nom  d'esprit, 
on  ne  doit  point  entendre  la  personne  de 
TEsprit  sanctiûant,  à  moins  que  l'Ecriture 
n'ajoute  que  cet  esprit  est  de  Dieu,  ou  que 
c'est  le  Saint-Esprit,  ou  qu'il  souffle  partout 
où  il  lui  plaît,  ou  quelque  chose  de  semialable 
qui  marque  la  dignité  de  son  nom  propre  et 
de  l'opération  qui  lui  convient  ;  que  dans  le 
prophète  Amos,  le  terme  d'esprit  est  mis 
pour  l'air  ou  pour  le  vent  :  ce  qui  parait  par 
la  traduction  faite  sur  l'hébreu,  qui,  au  lieu 
d'esprit,  met  vent.  Il  montre  contre  le  même 
hérésiarque,  par  la  forme  du  baptême,  que 
le  Saint-Esprit  est  une  personne  subsistante 
de  même  que  le  Père  et  le  Fils,  et  que  comme 
il  est  une  personne,  il  possède  avec  le  Père 
et  le  Fils  une  même  divinité  et  le  même  pri- 
vilège de  la  majesté.  A  cette  occasion,  il  rap- 
porte plusieurs  passages  de  l'Ecriture  qui 
montrent  qu'en  Jésus-Christ  il  y  a  deux  na- 
tures unies  en  une  seule  personne  :  et  parce 
qu'il  est  dit  dans  l'Evangile  que  si  un  homme 
ne  renaît  de  l'eau  et  de  l'esprit,  il  ne  peut  entrer 
dans  le  royaume  de  Dieu  ;  et  que  Macédonius 
en  concluait  que  le  Saint-Esprit  est  une  créa- 
ture de  même  que  l'eau  à  qui  il  est  joint  en 
cet  endroit,  Paschase  fait  voir  que  l'opération 
du  Saint-Esprit  dans  le  baptême,  étant  dilfé- 
rente  de  l'etfet  que  produit  l'eau,  on  ne  peut 
inférer  de  cet  endroit  qu'ils  soient  l'un  et 
l'autre  de  même  nature  ni  de  même  condi- 
tion. On  plonge  l'homme  dans  l'eau  jusqu'à 
trois  fois,  par  imitation  des  trois  jours  de  la 
sépulture  du  Sauveur  ;  mais  la  vie  et  l'espé- 
rance du  salut  éternel  sont  conférées  par  le 
Saint-Esprit  à  cet  homme  que  l'on  plonge 
dans  l'eau.  Ensuite  il  fait  voir  que  le  nom  de 
Saint-Esprit  est  tellement  propre  à  la  troi- 
sième personne  de  la  Trinité,  qu'on  ne  le 
donne  point  aux  deux  autres,  de  même  qu'on 
ne  donne  point  celui  de  Père  au  Fils.  «  Lors 


donc,njoutc-t-il,  que  vous  dites  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint- Esprit',  vous  exprimezles  personnes 
de  chacun.  Si  vous  ajoutez  qu'ils  ne  font 
qu'un  seul  Dieu,  vous  marquez  que  la  subs- 
tance et  la  nature,  de  même  que  la  gloire  de  ' 
la  Trinité,  est  une.»  Après  avoir  ensuite  rap- 
porté un  grand  nombre  de  témoignages  de 
l'Ecriture  où  nous  voyons  que  le  Saint-Esprit 
a  parlé  par  les  prophètes,  et  qu'il  les  a  rem- 
phs  de  son  esprit,  il  en  rapporte  d'autres  qui 
disent  en  termes  exprès  que  c'est  Dieu  qui 
a  parlé  par  leur  bouche  :  ce  qui  forme  une 
preuve  sans  réphque  de  la  divinité  du  Saint- 
Esprit.  Il  en  tire  une  semblable  de  ces  pa- 
roles de  saint  Pierre  à  Ananie  :  Comment  Aci.T,3ei4. 
Satan  vous  a-t-il  tenté  de  mentir  au  Saint-Es- 
prit,  parce  que  cet  apôtre  ajouta  aussitôt  : 
C'est  à  Dieu  que  vous  avez  menti  et  non  pas  aux 
hommes?  Enfin  il  prouve  par  le  même  livre 
des  Actes,  et  par  les  épitres  de  saint  Paul, 
que  la  distribution  des  grâces  du  Saint-Esprit 
étant  attribuée  à  Dieu  par  le  même  apôtre, 
il  suit  nécessairement  qu'il  a  reconnu  la  di- 
vinité du  Saint-Esprit.  Les  deux  livres  de 
Paschase  furent  imprimés  à  Cologne  en 
\  330,  d'où  ils  ont  passé  dans  les  Bibliothèques 
des  Pères. 

3.  On  ne  peut,  ce  semble,  douter  que  le  Leurode 
même  Pascliase  ne  soit  auteur  d'une  lettre  à  EÛlippiVs!  ' 
Eugippius,  abbé  du  monastère  de  Saint-Sé- 
vérin  2,  sur  la  fin  du  cinquième  siècle  ou  au 
commencement  du  sixième.  Le  nom,  le  temps, 
le  lieu  et  le  degré  du  ministère  lui  convien- 
nent. Voici  quelle  fut  l'occasion  de  cette  let- 
tre. Le  corps  de  saint  Sévérin,  apôtre  de  No- 
rique,  ayant  été  transféré  par  l'autorité  du 
pape  Gélase,  au  château  de  Lucullan,  près  de 
Naples,  à  la  prière  d'une  dame  de  cette  ville 
nommée  Barbarie,  on  y  bâtit  un  monastère 
dont  Eugippius  fut  abbé  après  Marcien.  Il 
arriva,  vers  l'an  509,  que  l'on  rendit  publique 
une  lettre  d'un  laïque  de  condition,  dans  la- 
quelle celui-ci  faisait  la  vie  d'un  moineitalien 
nommé  Basihque.  L'abbé  Eugippius  ayant  lu 
cette  lettre,  témoigna  de  la  douleur  de  ce 
que  celui  qui  l'avait  écrite,  ne  s'occupait  pas 
à  écrire  aussi  la  Vie  de  saint  Sévérin,  qui  avait 
été  si  édifiante  et  si  admirable.  Sa  plainte 
étant  parvenue  jusqu'à  l'auteur  de  la  Vie  de 
Basilique,  qui  n'est  point  nommé  dans  V His- 
toire,  il  fit  savoir  à  cet  abbé  qu'il  était  entiè- 


*  Cum  ergo  dixeris,  Filius  et  Spiritus  Sanctus,  sin- 
gulorum  personas  pariter  explicasti  :  cum  dixeris, 
uims  Deus,  communem  Trinitatis  subslantiam,   com- 


munem  gloriam  demonstrasii.  Pasch.,  lib.  II,  cap.  vi, 
2  Baron.,  ad  an.  496,  et  loin.   I  Bolland. ,  ad  diem 
8  januar. 


S32 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rement  disposé  à  le  satisfaire,  s'il  voulait  lui 
fournir  des  mémoires  pour  la  Vie  de  saint 
Sévérin.  Eugippius  y  travailla  aussitôt;  mais 
ayant  quelque  regret  d'employer  un  laïque 
à  une  matière  si  belle,  il  changea  de  senti- 
ment. Deux  ans  après,  c'est-à-dire  en  311,  le 
diacre  Pascliase  l'ayant  prié  de  lui  commu- 
niquer les  mémoires  qu'il  avait  faits,  il  le 
pria,  en  les  lui  envoyant,  d'en  composer  lui- 
même  une  histoire.  Paschase  ayant  vu  ces 
mémoires  que  nous  avons  encore  aujourd'hui, 
trouva  qu'il  n'y  avait  rien  à  ajouter  ni  pour 
le  style  qui  est  simple  et  facile,  ni  pour  autre 
chose.  Il  écrivit  donc  à  Eugippius  de  publier 
cette  Histoire  telle  qu'il  l'avait  faite ,  disant 
qu'ayant  été  disciple  de  saint  Sévérin,  il 
était  bien  plus  en  état  qu'un  autre  de  rap- 
porter ce  qu'il  avait  vu  des  vertus  de  son 
maitre.  Pour  rengager  à  ne  point  refuser  ce 


service  au  public,  il  lai  fait  remarquer  dans 
sa  lettre  l'utilité  qu'il  y  a  de  connaître  les 
actions  des  saints,  et  quelle  ferveur  elles 
sont  capables  de  répandre  dans  les  cœurs 
des  fidèles.  11  lui  propose  l'exemple  de  saint 
Paul  qui,  dans  son  épître  aux  Hébreux,  a  fait 
dans  une  grande  précision  le  catalogue  des 
justes  de  l'Ancien  Testament  ;  il  ajoute  que 
la  mort  généreuse  de  Mathathias  avait  fait 
une  telle  impression  sur  ses  enfants,  qu'ils 
donnèrent  volontiers  leur  vie  pour  la  défense 
de  leur  loi.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer,  conti- 
nue-t-il,  que  la  vertu  s'avilisse  parla  multitude 
de  ceux  qui  l'ont  pratiquée  ;  au  contraire,  elle 
en  prend  de  nouveaux  accroissements.  Cette 
lettre  se  trouve  dans  les  Annales  de  Baronius, 
dans  le  premier  tome  de  janvier  de  Bollan- 
dus  [et  dans  le  tome  LXH  de  la  Patrologie 
latine,  col.  39-40.] 


CHAPITRE  XXXVIlî. 

Gélase    de    Cyzique,    [450]. 


Qui    était 


Gélasf 
ziqne. 


iCï- 


Jugement 
da  son  Hia- 
toiro  du  con- 
cile da  Nicée. 


1.  Gélase,  surnommé  de  Cyzique,  à  cause 
du  lieu  de  sa  naissance  ',  dit  qu'il  eut  pour 
père  un  homme  d'assez  grande  vertu  pour 
avoir  mérité  d'être  fait  prêtre  de  l'Eglise  de 
cette  ville.  Il  paraît  qu'il  était  déjà  instruit 
lorsqu'il  fit  un  voyage  dans  la  Bithynie.  C'é- 
tait sous  l'empire  de  Basiiisque,  vers  l'année 
476.  La  protection  que  ce  prince  donnait  aux 
eutychiens  les  rendait  hardis,  et  ils  en  pre- 
naient occasion  de  maltraiter  les  catholiques. 
Gélase  s'étant  trouvé  dans  une  dispute  avec 
eux,  pour  le  surprendre,  ils  se  vantèrent  de 
suivre  la  foi  des  pères  de  Nicée  ;  mais  il  leur 
soutenait  qu'ils  étaient  dans  l'erreur  à  cet 
égard,  et  qu'ils  avançaient  diverses  choses 
sans  savoir  qu'elles  fussent  vraies.  Il  leur  en 
produisit  de  son  côté  tirées  des  actes  de  ce 
concile,  qu'ils  étaient  obligés  d'analhémaliser 
suivant  les  principes  de  leur  secte.  Cela  lui 
ayant  apparemment  réussi  dans  cette  dispute 
avec  les  eutychiens ,  il  résolut  de  chercher 
tout  ce  qu'il  pourrait  trouver  de  ce  concile, 
et  il  n'épargna  pour  cela  ni  peine  ni  travail. 

2.  C'est  ce  qu'il  dit  lui-même-,  et  dès-lors 
il  rend  son  témoignage  suspect.  11  avait  dit 


quelques  lignes  plus  haut  qu'il  avait  trouvé 
chez  son  père  un  livre  très-ancien,  qui  avait 
appartenu  autrefois  à  Dalmace,  archevêque 
de  Cyzique,  qui  soutenait  généralement  tout 
ce  qui  s'était  dit  ou  fait  dans  le  concile  de 
Nicée  ;  et,  à  l'entendre,  ce  livre  était  d'une 
grosseur  immense,  en  sorte  qu'il  le  compare 
à  une  mer.  S'il  avait  ce  livre  en  main,  qu'é- 
tait-il besoin  de  faire  de  plus  grandes  re- 
cherches sur  les  actes  du  concile  de  Nicée  ? 
Car  il  prétend  que  ce  livre  renfermait  tout  ce 
qui  s'était  passé  dans  ce  concile,  mais  appa- 
remment qu'il  ne  l'avait  pas  porté  avec  lui 
en  allant  en  Bithynie.  Il  eut  donc  recours  à 
ceux  qui  avaient  parlé  du  concile  de  Nicée, 
particulièrement  à  Eusèbe,  évêque  de  Césa- 
rée,  et  à  Rufin,  qu'il  dit  imprudemment  avoir 
été  prêtre  de  Rome  et  avoir  assisté  à  ce  con- 
cile. 11  se  servit  encore  de  quelques  cahiers 
fort  anciens  d'un  prêtre  nommé  Jean,  qu'on 
ne  connaît  point  d'ailleurs,  et  qui,  comme 
le  dit  Gélase,  avait  beaucoup  écrit.  iVlais  tou- 
tes ces  recherches  ne  lui  donnèrent  point  le 
moyen  de  composer  une  histoire  suivie  du 
concile  de  Nicée,  comme  le  livre  qu'il  avait 


*  Tom.  II  Concil.,  [lag.  110. 


2  Tom.  II  Concil.,  pag.  lil. 


CHAPITRE  XXXVIII.  —  GELASE  DE  CYZIQUE. 


[V  SIÈCLE.] 

lu  à  Cyziqiie.  Il  ne  laissa  pas  d'en  former  un 
corps  d'ouvrage,  mais  avec  si  peu  de  choix, 
qu'il  a  mêlé  le  vrai  avec  le  faux,  sans  avoir 
eu  soin  de  le  distinguer.  Il  dit,  par  exemple, 
dès  le  commencement  de  son  recueil,  que 
les  ariens  du  temps  de  ce  concile  blasphé- 
maient non-seulement  contre  le  Fils  de  Dieu, 
mais  encore  contre  le  Saint-Esprit  :  et  dans 
la  suite  il  l'apporte  plusieurs  disputes  qu'il  y 
eut  dans  ce  concile,  entre  certains  philoso- 
phes et  quelques  évêques  catholiques,  sur  la 
divinité  du  Saint-Esprit.  Or  il  est  constant, 
par  saint  Epiphane  *,  que  Thérésie  de  ceux 
qui  combattaient  la  divinité  du  Saint-Esprit 
ne  s'éleva  qu'après  le  concile  de  Nicée.  Saint 
Basile  dit  de  même  que  l'on  n'y  parla  qu'en 
passant  du  Saint-Esprit,  sans  examiner  la 
question  qui  regarde  sa  divinité,  parce  que 
personne  ne  la  contestait  alors.  Quoiqu'il 
parle  avec  admiration  d'Eusèbe  de  Césarée, 
il  n'a  pas  cru,  néanmoins,  devoir  le  suivi'e 
dans  ce  qu'il  rapporte  de  ce  concile,  et  il  fait 
faire  à  Constantin  une  harangue  toute  diffé- 
rente de  celle  qui  est  dans  Eusèbe,  et  beau- 
coup plus  longue.  11  semble  encore  qu'il  était 
bien  aise  que  l'on  crût  qu'il  avait  ajouté  à 
cette  harangue,  lorsqu'après  l'avoir  rappor- 
tée, il  ajoute  :  <(  Ce  prince  très-sage  dit  ces 
paroles  et  d'autres  semblables  ^.  n  Mais  s'il 
nous  a  donné  plusieurs  monuments  et  le  dé- 
tail d'un  grand  nombre  de  faits  que  les  an- 
ciens qui  ont  écrit  sur  ce  concile  ont  ignorés, 
il  en  a  supprimé  beaucoup  d'autres  dont  ils 
ont  parlé.  Saint  Athanase  et  Théodoret  nous 
apprennent  que  l'on  fit  la  lecture  des  écrits 
d'Arius  et  de  la  lettre  d'Eusèbe  de  Nicomédie, 
Le  pape  Jules  assure  que  l'on  examina  les 
actes  du  concile  d'Alexandrie  au  sujet  d'A- 
rius. Il  n'y  a  rien  de  tout  cela  dans  l'ouvrage 
de  Gélase  de  Cyzique  :  ce  qui  prouve  son 
peu  d'exactitude.  Il  faut  ajouter  qu'il  a  sou- 
vent transcrit  Socrate  et  Sozomène,  sans  dire 
qu'il  se  fût  servi  de  leurs  Histoires,  comme  il 
avoue  qu'il  s'est  servi  de  celle  d'Eusèbe  de 
Césarée  et  de  Rufin. 

3.  Pliotius,  qui  avait  lu  l'ouvrage  de  Gélase^, 
dit  que  le  style  en  est  bas  et  simple,  et  qu'il 
s'y  applique  à  relever  les  moindres  circons- 
tances du  concile  de  Nicée  .Gélase  ne  serait  que 


533 


Jouable  en  cela,  s'il  l'avait  fait  avec  vérité  et 
avec  plus  d'ordre  et  de  suite.  Mais  outre  qu'il 
a  employé  quantité  de  monuments  supposés 
ou  très-douteux,  il  ne  leur  a  donné  aucune 
suite,  en  sorte  que  son  Histoire  n'a  ni  l'utile 
ni  l'agréable,  parce  qu'elle  pèche  et  dans  le 
style  et  dans  les  faits  qu'elle  raconte  comme 
vrais,  quoiqu'ils  ne  le  soient  pas  pour  la  plu- 
part. Elle  est  divisée  en  trois  livres,  dont  le 
premier  commence  à  la  guerre  de  Constantin 
contre  Maxence,  et  finit  à  la  victoire  que  le 
même  Constantin  remporta  sur  Licinius.  Il 
donne  dans  le  second,  ce  qui  regarde  la  nais- 
sance et  les  progrès  de  l'hérésie  arienne,  avec 
ce  qui  se  passa  à  son  occasion  dans  le  con- 
cile de  Nicée.  C'est  dans  ce  livre  qu'il  rap- 
porte les  disputes  des  philosophes  du  parti 
d'Arius  avec  les  évêques  catholiques,  sur  la 
divinité  du  Saint-Esprit  :  dispute  qtie  l'on  doit 
regarder  comme  fabuleuse,  puisque  la  ma- 
tière n'en  fut  jamais  agitée  dans  ce  concile. 
Le  troisième  ne  contient  que  quelques  lettres 
détachées  de  l'empereur  Constantin.  Photius 
avait  eu  en  mains ''un  exemplaire  de  cet  ou- 
vrage, qui  portait  le  nom  de  Gélase  de  Cé- 
sarée en  Palestine;  mais  si  l'inscription  était 
différente  dans  les  deux  exemplaires  de  Pho- 
tius, l'ouvrage  ne  l'était  pas,  puisqu'il  com- 
mençait par  les  mêmes  mots.  Il  y  a  apparence 
que  celui  qui  était  intitulé  du  nom  de  Gélase, 
évêque  de  Césarée,  était  défectueux.  Que  se- 
rait venu  faire  un  évêque  de  cette  ville  dans 
la  Bithynie,  sous  le  règne  de  Basilisque  ou  de 
Zenon  ?  Timothée  était  évêque  de  Césarée 
vers  l'an  484,  et  non  pas  Gélase.  Il  faut  donc 
laisser  cet  écrit  à  Gélase  de  Cyzique.  Il  pro- 
met à  la  fin  de  sa  préface  ^  l'histoire  du 
règne  de  Constance,  père  du  grand  Constan- 
tin. On  ne  sait  point  s'il  a  exécuté  son  projet. 
Son  Histoii^e  du  concile  de  Nicée  fut  impri- 
mée à  Pai'is  en  îaî)9  et  1604,  par  les  soins  de 
Balforéus;  mais  cette  édition  ne  comprend 
que  les  deux  premiers  livres.  Ils  ont  tous  les 
trois  été  imprimés  depuis  dans  divers  re- 
cueils des  Conciles,  [et  en  particulier  dans 
Mansi,  Ampl.  Coll.  Conc.  gen.,  tom.  Il,  p.  753, 
d'où  elle  a  passé  dans  la  Patrologie  grecque, 
tome  LXXXV,  avec  une  notice  tirée  de  Fa- 
bricius,  col.  M79-1360.1 


1  Epiph.,   Hœres.  74;  Basil.,   Epist.   78;    tom.    II 
Concil.,  pag.  104  et  seq. 

2  Gelas.,  tom.  11  Concil.,  pag.  166. 


3  Phot.,  Cod.  88,  pag.  208.  - 
^  Tom.  I  Concil.,  pag.  114. 


Idom,  ibid. 


53  î- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XXXiX. 


Saint   Denis   l'Aréopagite. 


[  ARTICLE  I". 

HISTOIRE   DE    SAINT   DENIS   L'ARÉOPAGITE. 

Hi-.ioireiie  I.  Saint  Paul  élant  venu,  dans  l'année  SI 
de  Jésus  -  Christ ,  prêcher  la  foi  dans  la  ville 
d'Athènes, fut  conduit  devant  l'Aréopage  pour 
rendre  compte  de  sa  doctrine.  C'était  à  ce 
tribunal  qu'une  ancienne  loi  déférait  les  ma- 
tières qui  appartenaient  à  la  religion,  et  Pla- 
ton lui-même  en  avait  tellement  redouté  l'exa- 
men ,  qu'il  avait  dissimulé  devant  ce  redou- 
table tribunal  ses  sentiments  sur  l'unité  de 
Dieu  et  sur  plusieurs  autres  vérités  impor- 
tantes dont  il  était  cependant  profondément 
convaincu ,  surtout  depuis  ses  voyages  en 
Egypte  '.  Mais  saint  Paul  ne  craignit  pas  d'ex- 
pliquer, en  présence  des  juges  de  l'Aréopage, 
les  maximes  incompréhensibles  et  rigou- 
reuses du  christianisme,  et- le  fruit  de  son 
éloquent  discours  fut  la  conversion  du  saint 
dont  nous  parlons  ici,  et  qui  était  un  des  prin- 
cipaux membres  de  cette  illustre  cour.  Saint 
Denis  de  Corinthe  ^  nous  apprend  que  saint 
Denis  l'Aréopagite  devint  ensuite  évêque 
d'.^thènes,  et  l'auteur  des  Constitutions  apos- 
toliques 5  dit  qu'il  fut  placé  sur  le  siège  de 
cette  ville  par  saint  Paul  lui-même.  C'est  un 
fait  également  attesté  par  Aristide,  dans 
Usuard  et  par  les  anciens  auteurs  des  Marty- 
rologes. Les  Ménologes  des  Grecs  assurent 
qu'il  fut  brûlé  vif  à  Athènes,  et  le  titre  de 
martyr  lui  est  donné  par  saint  Sophrone  de 
Jérusalem  et  par  Aristide.  La  cathédrale  de 
Soissons  se  glorifie  de  posséder  son  chef,  ap- 
porté, en  1205,  de  Conslantinople  en  France. 
Le  pape  Innocent  III  envoya  à  l'abbaye  de 
Saint-Denis  son  corps,  qui  avait  été  transféré 
de  la  Grèce  à  Rome.  Ces  reliques,  placées  en 
1778  dans  une  châsse  d'argent,  furent  détruites 
pendant  la  grande  révolution  de  France.  Voilà 
ce  que  nous  afiirme  une  première  tradition 
sur  saint  Denis  l'Aréopagite.  Il  en  est  une 
autre  qui  le  confond  avec  saint  Denis  l'apôtre 
des  Gaules  et  premier  évêque  de  Paris.  Les 

1  Just.  Martyr.,  Cohort.  ad  Grœc. 

2  Apud  Euseb. ,   Bist.   eccl.,  lib.  III,  cap.  IV,   et 
lib.  IV,  cap.  xxni. 

3  Const.  Apost.,  lib.  VU,  cap.  SLvi. 

*■  Sandus  igitur  Dionysius,  qui,  ut  ferunt,  a  succcs- 
soribus  aposlolorum  (alias,   tradente  beato  Clonente, 


partisans  de  ces  deux  opinions  s'accordent  à 
mettre  la  mission  de  saint  Denis  dans  les 
Gaules  vers  la  fin  du  i"  siècle.  Leurs  argu- 
ments sont  ainsi  développés  par  un  auteur 
distingué. 

2.  <i  La  vraie  et  antique  tradition  de  l'E-  j*Ji^°"' 
glise  de  Paris  et  des  autres  Eglises  des  Gaules,    i;!»'"  ^^^^ 
di t  M.  Arbellot ,  dans  sa  Dissertation  sur  saint  f/;/ 1"  g 
Martial,  c'est  que  saint  Denis  a  reçu  sa  mis- 
sion du  pape  saint  Clément,  vers  la  fin  du 
I"  siècle.  En  effet  : 

1°  Les  anciens  actes  de  Saint-Denis,  —  qui 
ont  été  écrits,  suivant  l'opinion  des  savants, 
antérieurement  au  règne  de  Dagobert  (621), 
et  que  de  Marca  avait  trouvés,  sous  le  nom 
de  Fortunat,  dans  un  vieux  manuscrit  ren- 
fermant des  Vies  de  saints  écrites  par  cet 
évêque  de  Poitiers  ,  —  les  anciens  actes  de 
Saint -Denis  disent  que  saint  Denis  ,  fonda- 
teur de  l'Eglise  de  Paris,  avait  été  envoyé  par 
les  successeurs  des  apôtres,  et ,  d'après  une  va- 
riante des  manuscrits,  par  saint  Clément,  suc- 
cesseur de  l'apôtre  saint  Pierre  *. 

2°  Le  même  Fortunat,  dans  une  hymne  en 
l'honneur  de  saint  Denis  :  Forfem  fidelem  mi- 
litem,  rend  témoignage  à  la  mission  que  ce 
saint  évêque  a  reçue  du  pape  saint  Clément. 
«  Il  fut  envoyé,  dit -il,  de  la  ville  de  Rome  par 
le  pape  Clément,  afin  que  la  semence  du 
verbe  divin  portât  des  fruits  dans  les  Gaules  : 

Clémente  Roma  prœsule 
Ab  urbe  missus  adfuit, 
Verbi  superni  ssminis 
Vt  fructus  esset  Galliœ  ^.  » 

Le  docteur  Launoy  a  cherché  à  nier  l'au- 
thenticité de  cette  hymne  qui  portait  un  coup 
terrible  à  son  système.  Il  suûit  de  dire,  pour 
en  montrer  l'authenticité,  que  l'abbé  Hilduin, 
au  commencement  du  ix=  siècle,  citait  sans  dif- 
culté  cette  hymne  sous  le  nom  de  Fortunat  ^ 

3»  Thierry  IV,  roi  des  Francs,  surnommé 
de  Chelles,  dans  un  diplôme  en  faveur  du  mo- 
nastère de  Saint -Denis,  s'exprime  eu  ces 

Pétri  apostoli  successore)  verbi  divini  mnina  geniibus 
erognnda  siisceperat...  Parisios,  Domino  ducenie,  per- 
venii,  etc..  (Pairolog.,  tom.  LXXXVIIl,  col.  580). 

6  Pairolog.,  tom.  LXXXVUI,  col.  98. 

6  Scholastissimus  Fortunatus...  hymnum  rhijlhmicœ 
compositionis    pulcherrimum    de    isio    gloriosissimo 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


[V=  SIÈCLE.] 

termes  :  «  Le  bienheureux  Denis  et  ses  com- 
pagnons ,  Rustique  et  Eleuthère ,  arrivèrent 
les  premiers  dans  cette  province  des  Gaules, 
envoyés  par  le  bienheureux  Clément,  succes- 
seur de  l'apôtre  saint  Pierre  '.  »  Ce  diplôme, 
publié  par  Mabillon,  est  daté  de  l'an  723. 

4°  Dans  le  synode  de  Paris,  tenu  l'an  823, 
pour  le  culte  des  saintes  images,  les  évêques 
des  Gaules,  écrivant  au  pape  Eugène,  disaient 
que  sain  t  Denis  avait  reçu  sa  mission  de  saint 
Clément  ^. 

S°  Hilduin ,  abbé  de  Saint-Denis,  qui  écri- 
vit, en  l'an  823,  sur  la  demande  de  l'empereur 
Louis-le-Débonnaire,  la  Vie  du  premier  évê- 
que  de  Paris,  soutint  non-seulement  qu'il  avait 
été  envoyé  par  saint  Clément ,  mais  encore 
qu'il  était  le  même  que  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite;  il  s'attache  à  réfuter  Grégoire  de  Tours 
à  l'aide  des  vieux  documents  que  nous  avons 
mentionnés  ^.  On  a  prétendu  à  tort  qu'Hil- 
duin  avait  inventé  l'aréopagitisme  de  saint 
Denis  de  Paris.  Dans  le  siècle  précédent, 
saint  Eugène  de  Tolède  *  et  Taraise  ,  arche- 
vêque de  Constantinople  ^ ,  avaient  con- 
fondu le  premier  évêque  de  Paris  et  le 
premier  évêque  d'Athènes.  Cette  confusion , 
quelque  erronée  qu'on  la  suppose,  ne  dé- 
truit nullement  l'antiquité  de  la  tradition  qui 
place  la  mission  de  saint  Denis  de  Paris  sous 
le  pape  saint  Clément. 

6°  Odon  de  Beauvais  (ix«  siècle  ,  860)  fait 
envoyer  saint  Denis  à  Paris  sous  saint  Clé- 
ment ^. 

7°  D'anciens  actes  de  Saint-Denis,  conser- 
vés à  Angoulême  et  cités  en  1031,  au  second 
concile  de  Limoges,  attribuaient  au  pape  saint 
Clément  la  mission  du  premier  évêque  de 
Paris  ^.  « 

Après  des  témoignages  si  anciens,  si  for- 


535 


mels  et  si  respectables,  il  ne  faut  pas  s'éton- 
ner que  des  savants  et  des  critiques  de  pre- 
mier ordre,  tels  que  de  Marca,  François  Pagi 
et  dom  Mabillon,  aient  adopté  la  tradition 
ancienne  et  constante  qui  fixe  la  mission  de 
saint  Denis  au  pontificat  de  saint  Clément. 
«  Je  pense,  dit  de  Marca,  que  c'est  une  faute 
de  s'éloigner  de  cette  opinion,  qui  s'appuie 
sur  le  témoignage  de  Fortunat  et  qui  a  été 
adoptée  par  les  évêques  des  Gaules  dans  leur 
lettre  au  pape  Eugène  ,  rapportée  par  Baro- 
nius  ^.  n  —  «  Le  P.  Pagi ,  dit  M.  Flaillon ,  a 
montré  ,  avec  sa  sagacité  ordinaire ,  dans  sa 
Critique  des  Annales  de  Baro7iius,  que  saint 
Grégoire  de  Tours  s'est  mépris  sur  ce  point. 
Il  y  prouve  que  saint  Denis  fut  envoyé  dans 
les  Gaules  par  le  pape  saint  Clément  ;  et  après 
lapubhcation  de  la  Critique,  des  savants  d'un 
mérite  reconnu  ont  souscrit  à  des  conclusions 
si  nettes  et  si  judicieuses  ^.  »  Le  savant  bé- 
nédictin dom  Mabillon  est  du  même  senti- 
ment. Pour  nous,  nous  ne  pensons  pas  qu'une 
critique  judicieuse  puisse  arriver  à  une  autre 
conclusion. 

3.  Les  actes  de  saint  Fuscien  et  de  saint  obieciion 
Victoric,  publiés  par  Bosquet,  dans  son  His-  sio/ne^wiL 
toire de  l'Eglise  gallicane^",  donnent  pour  com- 
pagnons à  saint  Denis,  non-seulement  ces  deux 
apôtres  de  Thérouanne ,  mais  encore  saint 
Quentin  d'Amiens,  saint  Piaton  de  Tournay, 
saint  Crépin  et  saint  Crépinien  de  Soissons, 
saint  Rufin  et  saint  Valère  ,  que  leurs  actes 
respectifs  disent  n'être  venus  dans  les  Gaules 
que  sous  l'empire  de  Dioclétien ,  et  n'avoir 
souffert  le  martyre  que  sous  le  règne  de  ce 
prince,  vers  la  fin  du  iii^  siècle  (288).  » 

Cette  association  du  nom  de  saint  Denis  à 
celui  des  nombreux  martyrs  du  règne  de  Dio- 
clétien, est  regardée  comme  une  addition  apo- 


martyre  composuit,  in  'juo  commémorât  eum  a  saneto 
Clémente  destinatum,  etc.  Hilduin,  Viia  sancti  Dio- 
nysii,  prolegom.  Putrolog.,  tom.  GVI. 

1  Beaius  Dionysius,  cum  sociis  suis  Rustico  et  Eleu- 
therio,  qui  primi  post  apostolos  sub  ordinalione  heaii 
démentis  Pétri  apostoli  successoris,  in  hanc  Gal- 
liarum  provinciam  advenerunt ,  etc.  Mabillon ,  De 
re  diplom.,  pag.  488  Patrolog.  ,  tom.  LXXXVIII, 
col.  1137. 

2  Quod  atiinet  ad  missionem  Dionysii  per  Clemen- 
tem...  eam  agnoverunt  gallicanœ  Ecclesiœ  prœsules... 
Cujus  rei  luculentum  liabemus  teslimonium  Galliœ 
episcoporum  in  frequenii  conventu  apud  Parisios  de 
cultu  sacrarum  imaginum,  anno  825.  Mabillon,  Vetera 
Analecta,  pag.  223. 

'  Vita    sancti   Dionysii,    prolegomeu.    Pairolog., 
tom.  CVi. 
">  Patrolog.,  tom.  LXXXVII,  col.  402. 


5  Vita  sancti  Dionysii,  prolegom.  Patrolog.,  tom. 
CVI.  —  Honoré  de  Sainte-Marie,  Réflexions  sur  les 
règles  et  l'usage  de  la  critique,  lom.  I,  2"  part.,  pag. 
225,  226. 

6  Tom.  CXXIV  Patrolog.,  col.  1116. 

■^  Ibi  enim  legitur  quod  Clemens...  Dionysio  verbi 
divini  semina  gentibus  tradidit  eroganda ,  quem  in 
Galliam  misit.  Pairolog.,  tom.  CXLII,  col.  1366. 

s  Quam  senientiam  secuti  sunt  episcopi  Galliarum 
in  epistola  ad  Eugenium  pupam,  scripla  anno  824,  quœ 
kabeiur  apud  Baronium.  A  quibus  Fortunato  teste 
adeo  locupleti  fuistis  discedere  piaculum  esse  puto. 
Epist.  adHenr.  Vales.,  apud  Acta  Sanctorum.  Tom.  V 
junii,  pag.  54. 

^  Monuments  inédits,  tom.  U,  col.  335. 

1»  Hist.  Eccl.  Gall.,  part.  2.  —  Longueval,  Hist.  de 
l'Eglise  gallicane,  lib.  I,  an  288. 


S36 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cl' y^phe  no  ii-seulement  par  les  traditionalistes , 
qui  rapportent  à  saint  Clément  la  mission  du 
premier  évêque  de  Paiis,  mais  encore  par 
les  grégoriens  qui,  sur  la  foi  de  leur  maître, 
assignent  cette  mission  à  la  première  année 
de  l'empire  de  Dèce  (250).  En  effet,  d'après 
les  actes  de  saint  Fuscien  et  de  saint  Victo- 
rie,  saint  Denis  ne  serait  venu  dans  les  Gaules 
que  plus  de  trente  ans  après  Dèce,  sous  Dio- 
clélien  (286).  Les  partisans  de  Grégoire  de 
Tours  ne  peuvent  se  faire  une  arme  contre 
nous  de  cette  objection  ,  que  l'on  peut  tour- 
ner contre  eux-mêmes.  —  Dès  le  jx"  siècle, 
Paschase  Ratbert  avait  signalé  cette  addition 
ou  tradition  apocryphe ,  et  voici  comment  il 
s'exprime  en  parlant  des  martyrs  désignés 
plus  haut  :  «  On  dit  qu'ils  sont  venus  dans  la 
Gaule  avec  saint  Denis,  qui  avait  été  envoyé 
par  saint  Clément;  mais  la  série  des  temps 
répugne  à  cette  tradition  ,  car  saint  Denis  a 
été  couronné  du  martyre  sous  Domitien,  et 
les  autres  n'ont  reçu  la  palme  de  l'immorta- 
lité que  sous  les  empereurs  Dioctétien  et 
Maximien  '.  Aussi  il  est  à  remarquer  qu'au 
témoignage  de  Hugues  Ménard,  les  actes 
manuscrits  de  saint  Fuscien  et  de  saint  Vic- 
toric,  des  bibliothèques  de  Saint-Germain  et 
de  Corbie  ,  actes  transcrits  au  x^  siècle  ,  ne 
mêlaient  pas  le  nom  de  saint  Denis  à  celui 
des  autres  martyrs  déjà  mentionnés  ^. 

Comment  expliquer  cette  addition  apo- 
cryphe? Cela  nous  paraît  facile.  Comme,  d'une 
part,  la  légende  de  saint  Lucien  fait  venir  ce 
premier  évêque  de  Beauvais  en  même  temps 
que  saint  Denis  dans  les  Gaules;  comme, 
d'autre  part,  les  actes  de  saint  Quentin  font 
venir  ce  saint  martyr  d'Amiens  en  même 
temps  que  saint  Lucien  de  Beauvais  :  quelque 
copiste  ou  écrivain  postérieui',  peu  versé  dans 
la  chronologie  ,  aura  conclu  maladroitement 
que  saint  Denis  avait  été  compagnon  de  saint 


Quentin  et  des  autres  missionnaires  de  Rome 
venus  dans  les  Gaules  sous  l'empire  de  Dio- 
clétien. 

Cette  fausse  tradition  a  été  reproduite  inno- 
cemment, au  ix=  siècle,  par  Usuard  ^,  et  au 
XI"  siècle,  par  Fulbert  de  Chartres  *,  qui,  en 
parlant  de  saint  Platon,  le  présentent  comme 
un  compagnon  de  saint  Denis  de  Paris,  et  qui 
n'ont  pas  remarqué,  comme  Paschase  Rat- 
bert ,  que  c'était  là  un  anachronisme. 

Evidemment  cette  addition  apocryphe  faite 
à  une  ou  deux  légendes  ne  peut  prévaloir, 
pas  plus  que  le  passage,  réfuté  par  nous,  de 
Grégoire  de  Tours,  contre  la  tradition  cons- 
tante et  immémoriale  non-seulement  de  l'E- 
glise de  Paris,  mais  d'un  grand  nombre  d'au- 
tres Eglises ,  tradition  dont  nous  pouvons 
fournir  des  preuves  depuis  le  commencement 
du  vi«  siècle,  avant  Grégoire  de  Tours,  et  de 
son  temps,  et  après  lui.  Nous  avons  déjà  cité  ^ 
en  faveur  de  la  mission  de  saint  Denis  sous 
saint  Clément,  les  anciens  actes  de  Saint- 
Denis,  du  vp  siècle  ^,  que  de  Marca  attribue 
à  Fortunat  de  Poitiers,  et  l'hymne  de  Fortu- 
nat  où  se  trouve  ce  vers  :  Clémente  Roma 
prœsule,  et  le  diplôme  de  Thierry  IV,  roi  des 
Francs,  daté  de  723,  et  la  lettre  des  évêques 
des  Gaules  au  pape  Eugène'',  en  824,  el  Hil- 
dius,  abbé  de  Saint-Denis  (833) ,  et  Odon  de 
Beauvais  (860) ,  et  d'anciens  actes  de  Saint- 
Denis  ,  cités  au  concile  de  Limoges  et  anté- 
rieurs au  ix'=  siècle.  Faut-il ,  vu  l'importance 
de  la  question  ,  citer  d'antres  documents  et 
donner  à  notre  travail  sur  ce  point  des  déve- 
loppements nouveaux  ? 

Les  érudits  n'ignorent  pas  que  les  légendes 
de  nos  saints  des  premiers  siècles  sont  les 
monuments  littéraires  et  his'toriques  les  plus 
anciens  de  Ja  Gaule  chrétienne,  et  que  c'est 
dans  ces  légendes ,  composées  pour  la  plu- 
part au  N"  ou  au  vi"  siècle,  qu'il  faut  chercher 


1  Fama  est  !ios  cum  heaio  Dionysio,  gui  a  beaio  Cle- 
menle,  romance  sedis  poniifice,  missus  fuerat,  Galliœ 
fines  pénétrasse  :  sed  temporum  séries  répugnât  : 
sanctus  enim  Dionysius,  siib  Domitiano  Ccesare,  anno 
ejus  imperio  secundo,  marlyrio  coronuius  est  :  isti 
vero  Diochtiano  et  Maximiano  Augustis  immortalitatis 
gloriam  perceperunt.  De  Passione  sancti  Rufîui  et  Va- 
lerii;  Patrolog.,  tora.  GXX,  col.  1494. 

5  Apud  Bonavent.,  tom.  I,  pag.  412. 

3  Civitate  Tornaco,  passio  sancti  Piatoni  presbyteri^ 
qui  cum  heo.to  Dionysio  episcopo  ej usque  sociis  ab  urbe 
Roma  Gulliam  prœdicationis  causa  expetiit.  Marty- 
rolog.  1   octob.;   Patrolog.,  tom.   GXXIV,  pag.  525. 

*  Tornacum  versus  Piatus  se  direxit  inclytus, 
Cum  Pnrisios  iret  beatus  Dionysius... 
At  Cœsar  Mnximianus, 


Ut  Piati  hausii  famam  virulentis  auribus, 
Comprehendi  jussit  eum  ad  necandum  protimis. 
(Hymnus    de  sancto  Piato;   Patrolog,   tom.  CXLI, 
col.  341,  342). 

5  Pag.  141  et  suiv. 

6  Apud  D.   Féllbien,   Bist.   de   l'abbaye  royale  de 
Saint-Denis,  pièces  justificatives,  2"  part.,  pag.  164. 

'  Voici  le  texte  de  cette  lettre,  rapporté  par  Baro- 
nius  :  «  Dum  modo  linea  veritatis  quœ  ab  antiquis 
patribus  nostris  usque  ad  nos  inflexihiliter  ducta  est, 
beato  Dionysio  scilicet,  qui  a  beato  Clémente,  qui  beati 
Pétri  apostoli  primus  successor  exstitit ,  in  Gallias 
eum  duodenario numéro  primus  prœdicator direcius ,  » 
etc.  Apud  Baron.,  tom.  IX  Natal.  Alexand.,  iu 
saeculo,  Dissert.  IG,  tom.  111,  pag.  167. 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


[V  SIÈCLE.] 

les  vraies  et  antiques  traditions  sur  l'origine 
de  nos  Eglises  de  France.  Or  : 

1°  La  légende  de  sainte  Geneviève,  qui  fut 
écrite,  au  dire  de  l'auteur  lui-même,  dix-huit 
ans  après  la  mort  de  cette  sainte  ',  c'est-à- 
dire  l'an  530  2,  près  d'un  demi-siècle  avant 
Grégoire  de  Tours,  cette  légende,  composée 
par  un  auteur  anonyme  dont  les  savants  bé- 
nédictins ont  dit,  dans  V Histoire  littéraire  de 
la  France,  que  «c'était  un  écrivain  grave, 
judicieux,  plein  de  piété  et  qui  ne  manquait 
pas  d'érudition  pour  le  siècle  où  il  vivait  ^  » 
la  légende  de  sainte  Geneviève  rapporte  cette 
tradition,  que  saini;  Denis  avait  été  consacré 
et  envoyé  dans  les  Gaules  par  saint  Clément, 
disciple  de  saint  Pierre  ^. 

2°  La  légende  de  saint  Saintin  de  Mcaux, 
bien  antérieure  à  Hincmar  de  Reims,  qui  en 
fait  mention  dans  une  lettre  à  Cliarles-le- 
Chauve,  cette  légende,  que  Hugues  Ménard, 
au  témoignage  du  P.  Bonaventure,  a  prouvé 
être  plus  ancienne  que  Grégoire  de  Tours, 
attribue  aussi  à  saint  Clément  la  mission  de 
saint  Denis  ^. 

3°La  légende  de  saintJulienduMans,  écrite 
avant  840 ,  au  viP  ou  au  vi=  siècle ,  fait  aussi 
remonter  à  saint  Clément  la  mission  du  pre- 
mier évéque  de  Paris  ^. 

k"  Au  ix''  siècle,  Raban-Maur,  dans  son 
Martyrologe,  fait  envoyer  par  saint  Clément 
saint  Denis  et  ses  deux  compagnons,  Rustique 
et  Eleuthère  '. 


537 


Au  \v  siècle ,  cette  tradition  est  adoptée, 
soutenue,  défendue  par  les  hommes  les  plus 
savants  et  les  plus  considérables  de  l'époque  ; 
elle  est  crue  non-seulement  à  Paris  et  dans 
les  Gaules ,  mais  encore  à  Rome  et  à  Cons- 
tantinople.  Nous  avons  déjà  cité ,  pour  ce  siè- 
cle, Hilduin,  abbé  de  Saint-Denis;  Paschase 
Ratbert  et  la  lettre  des  évéques  du  concile 
de  Paris,  adressée  au  pape  Eugène.  Combien 
d'autres  autoi'ités  nous  pouvons  encore  citer  ! 
A  la  vérité,  on  croyait,  à  cette  époque,  non- 
seulement  que  saint  Denis  avait  été  envoyé 
par  saint  Clément,  mais  encore  qu'il  était  le 
même  que  saint  Denis  l'Aréopagite.  Celle 
confusion,  si  c'en  est  une,  est  bien  conceva- 
ble, quand  on  songe  à  l'identité  du  nom  des 
deux  saints  et  à  la  proximité  des  temps  où  ils 
avaient  vécu,  cette  confusion  était  bien  par- 
donnable à  l'Eglise  de  Paris,  quand  on  songe 
que,  —  avant  Hilduin,  —  Méthode,  patriar- 
che de  Constantinople ,  dans  la  légende  de 
saint  Denis  qu'il  a  composée  et  qu'il  porta, 
en  l'an  818,  à  Rome,  où  elle  fut  plus  tard 
traduite  par  le  bibliothécaire  A  nastase ,  avait 
enseigné  l'unité  des  deux  Denis  ^;  quand  on 
songe  que,  dans  le  siècle  précédent,  saint 
Eugène  de  Tolède  ^  et  Taraise ,  patriarche  de 
Constantinople  '",  avaient  fait  la  même  con- 
fusion. Siméon  Métaphraste  et  Michel  Syn- 
celle  de  Jérusalem  "  confirmaient  cette  tradi- 
tion de  l'Eglise  orientale.  Aussi  Anastase,  bi- 
bliothécaire de  l'Eglise  romaine  *2,  et  Hincmar, 


'  Vost  ter  senos  namque  ab  obUu  ejiis  annos,  quo 
ad  describendam  ejus  viiam  animum  appiili...  Vila 
sanctœ  Genovefae,  cap.  x,  n.  51 ,  apud  Acla  Sanctorum , 
tom.  Ijanuar.,  pag.  143;  cf.  Surius,  3  januar.,  edit. 
1618,  pag.  58. 

2  (Cette  Vie)  fut  écrite  dis-huit  ans  après  sa  mort, 
et  par  conséquent  vers  l'an  530.  Hist.  liltér.  de  la 
France,  tom.  III,  pag.  151  ;  cf.  Longueval,  Hist.  de 
l'Eglise  gallic.,  ans  273  et  508.  —  3  Dom  Rivet,  Hist. 
litfe'r.  de  la  France,  tom.  III,  pag.  151. 

*  Hic  vero  episcopus  [sanctus  Dionysius)  in  sexto  a 
Parisiis  mitliario  martyrio  vitam  finivii,  qui  a  Clémente 
episcopo,  sancti  Pétri  discipulo ,  est  in  sacerdotium 
benedictus,  et  ab  eodem  etiam  dicitiir  in  has  partes 
destinutus.  Vitasanctae  Genovefa;,  cap.  iv,  n.  4,  apud 
Acta  Sanctorum,  tom.  I  januar.,  pag.  144;  cf.  Surius, 
3  januar.,  pag.  56. 

5  Apud  Bonavent.,  tom.  I,  pag.  384. 

6  Voir  le  texte  cité  plus  haut,  article  saint  Julien 
du  Mans,  pag.  166.  [Ce  texte  est  tiré  des  offices  pro- 
pres de  l'Eglise  du  Mans.] 

''InParisio,passioDi07iysiiepiscopietmurlyris,Eleu- 
iheri  preshyteriet  Rusiici  diaconi  quos  referunt  a  Clé- 
mente papa  in  Galliam  ad  pjrœdicandum  verbum  Dei 
rniisos  et  ibidem  martyrisatos .  Patrolog.,  t.  CX,  col. 
1172-1173. 

8  Beatus  quoque  hic  Dionysius,  crucis  aratro  mare 


diffindens,  Aihenis  Romam  a  cœlesti'divinaque  voliin- 
iate  per  vium  deducius  venit...  Ipse  ciim.  sancto  Lu- 
ciano,  et  sancto  Rustico,  et  sancto  Eleutherio,  ad  urbem 
Parisios  pro/'ectus  est.  Apud  Natal.  Alexand.,  Hist. 
Eccl.,  in  sœc.  i.  Dissert.  16,  tom.  III,  pag.  166;  cf. 
Acta  Sanctorum,  tom.  I  januar.,  pag,  461. 
^  Areopago  Athenœ 

Régis  sumpsit  diadema 

Cœlestis,  gemmum  fulgidam, 

Dionysium  sophistam,  etc. 

Clémente  Roma  prœsule 

Jubente,  venit  Galliam,  etc. 

[Patrolog.,  tom.  LXXXVII,  col.  402). 
10  Apud  Hilduinum,  prolegom.  Vilœ  sancti  Dionysii, 
Patrolog.,  tom.  GVI,  col.  19.  Cf.  Honoré  de  Sainte- 
Marie,  Réflexions  sur  les  règles  et  l'usage  de  la  cri- 
tique, tom.  I,  2«  part.,  pag.  225,  226.  —  "  Apud  Natal. 
Alexand.,  lUst.  Eccl.,  in  seec.  i,  Dissert.  16,  tom.  I, 
pag.  16G.  [Siméon  Métaphraste  est  plus  récent.] 

'^  Passionem  sancti  hieromarlyris  Dionysii  quondam 
Areopagitœ,  postque  Aihenarum  antistiiis,  quam  Romœ 
legi,  cum  puer  esscm,  qiiamque  a  Consiantinopolitanis 
legaiis  audieram...  diu  quœsitam,  iandemque  in  ma- 
ximo  coenobiorum  Romœ  sitorum  repertam...  latino 
eloquio  irudidi...  Cesset  ergo  jam  quorumdam  opinio 
perhibentium  non  esse  Areopagitam  Dionysium,  eum 
qui  prope    Parisios    corpore    ac    virtutibus   rcdolel. 


S38 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


archevêque  de  Reims',  dans  leurs  lettres  à 
Charles-le-Chauve,  adoptaient-ils  avec  em- 
pressement la  tradition  de  l'Eglise  grecque 
sur  ce  point.  Jean  Scot-Erigène,  dans  sa  pré- 
face des  œuvres  de  saint  Denis  l'Aréopagite^, 
et  dans  ses  vers  ';  Francon,  archevêque  de 
Rouen  *;  Enée,  évêque  de  Paris  ^;  Wandal- 
bert,  moine  de  Prium,  dans  son  Martyrologe 
envers^;  saint  Notker-le-Règue ,  dans  une 
séquence  en  l'honneur  de  saint  Dr;ii3  ';  eu 
un  mot,  tous  les  hommes  considérables  du 
ix«  siècle,  enseignent  que  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite,  premier  évêque  d'Athènes,  étant  allé 
à  Rome  sous  le  pontificat  de  saint  Clément, 
fut  envoyé  par  lui  dans  les  Gaules;  et  les 
hommes  les  plus  célèbres  du  moyen  âge,  saint 
Thomas  par  exemple*,  n'ont  pas  répudié  celte 
tradition  de  leurs  devanciers. 

On  voit  que  cette  tradition  de  l'aréopagi- 
lisme  de  saint  Denis  de  Paris  est  appuyée  par 
d'anciens  témoignages  et  par  des  autorités 
nombreuses  et  imposantes.  La  Vie  de  saint 
Denis,  écrite  par  Méthode  de  Constantinople, 
où  cette  tradition  se  trouve  enseignée ,  dut 
être  acceptée  avec  d'autant  plus  d'empresse- 
ment,  qu'ehe  donnait  à  l'Eglise  de  Paris  la  plus 


noble  et  la  plus  illustre  origine.  Nous  devons 
reconnaître,  toutefois,  que  les  critiques  mo- 
dernes ont  porté  à  cette  tradition  des  coups 
vigoureux,  dont  elle  ne  s'est  pas  encore  rele- 
vée. Le  savant  jésuite  Sirmond  '  et  le  viru- 
lent docteur  Launoy  *"  ont  tiré  les  objections 
les  plus  fortes  et  les  plus  écrasantes  :  1°  de 
l'invraisemblance  chronologique  ";  2»  de  la 
double  fête  de  saint  Denis  d'Athènes  et  de 
saint  Denis  de  Paris,  qu'on  trouve  ,  dans  les 
anciens  Martyrologes,  le  3  et  le  9  octobre  '^. 
Sans  oublier  leur  argument  favori,  l'argu- 
ment négatif,  ils  ont  fait  valoir  quelques  an- 
ciens documents  qui  font  martyriser  à  A  thènes 
saint  Denis  l'Aréopagite  ,  et  qui  placent  son 
martyre  sous  l'empire  de  Domitien*^;  ils  n'ont 
pas  négligé  certaines  traditions  de  l'Eglise 
grecque ,  qui  s'est  crue  dépositaire  des  reli- 
ques de  saint  Denis  l'Aréopagite  ,  comme  le 
montre  une  lettre  du  pape  Innocent  III,  qui 
fit  présent  du  chef  de  ce  saint ,  porté  de  la 
Grèce  dans  le  monastère  de  Saint-Denis ,  en 
France  **.  Hugues  Ménard  '^  et  Noël  Alexan- 
dre '®  ont  répondu,  il  est  vrai,  à  toutes  ces 
objections;  mais  leurs  réponses,  sur  quelques 
points,  sont  très-peu  satisfaisantes. 


Epist.  ad  Garol.  Calv.  ïva^&vsX.Palrolog.,  iova.  GXXIX, 
col.  737. 

1  Si  quœ  simt  illorum  reliquiœ  qui  negahant... 
Dionysium  et  Âreopayitam  et  a  heato  Paido  apostolo 
baptizatum,  ac  Atheniensium  ordinuium  episcopum,  et 
in  Gullias  a  sancto  Clémente  direcliim,  ex  his  quœ 
grœca  testificatio ,  et  Romœ  sedis  assertio,  et  gallicana 
intima  contestatio  ratum  et  in  hae  recognoscant,  quod 
inde  ante  nos  dictum  est.  Hincmar.,  Epist.  23  ad 
Carol.  imperat., —  De  auctoritate  Vitœ  saneti  Dionysii 
ab  Anaslasio  translatée  ;  Patrolog.  ,  tom.  CXXVI , 
col.  154). 

2  Vita  ejiis  a  fidelibus  viri's  tradita  tesiatur,  tem- 
poribus  papcB  démentis ,  successoris  videlicet  Pétri 
apostoli,  Romam  venisse,  et  ab  eo  prœdieandi  Evan- 
gelii  gratia  in  partes  Galliarum  directum  fuisse,  et 
Parisii  mariyrii  gloria  coronatum  fuisse  cum  heatis- 
simis  suis  consortibus,  Rustico  scilicet  atque  Eleutherio. 
Tom.  CXXlt  Patrolog.,  col.  1032. 

s  Prœsul  ah  Athenis  Dionysi,  Syttimache  Pauli, 
Inclyte  mariyrio,  cui  servit  Gallia  tota  ; 
Prospice  cœlestis  vitœ  de  sedibus  aliis 
Vota  tui  TïKïou  Caroti  tua  MÏ-^-nva.  sancta 
Ornantis,  etc. 
(Vers  publiés  par  Mai,  Patrolog.,  tom.  GXXII, 
col.  1234. 
''  Apud  Dudon.,  de  Moribus  et  actibus  Normann.; 
Natal.   Alexand.,  in  ssec.  I ,   Dissert.  16,  tom.   III, 
pag.  167. 

^  JEneas,  Parisiensis  nrbii  episcopus,  quo  primvs 
prœsedit  sa?iclus  Dionysius,  a  Paulo  apostolo  Athe- 
niensium consecratur  episcopus ,  sed  a  sancto  Clémente 
totius  Galliœ  constitutus  apostolus...  Pfcefat.  libri 
adv.  Grœc;  Patrolog.,  tom.  GXXIj  col.  683. 


^  Dionysius,  œthereo  qui  splendet  honore, 
Gallia  doctorem,  Paulo  instituente,  beaium 
Quem  meruit,  gemino  comptum  junctumque  ministro- 
{Martyrolog.  metric.,  9  octob.  ;  tom.  GXXI, 
col.  614). 
'  Hic  Athenis  quondam  philosophus, 
Areopagita  dictus... 
Visitât  gentes  procul  habitantes 
Et  ferocia  régna  Galliœ. 

(In  Natale  saneti  Dionysii,   etc.  Patrolog., 
tom.  CXXXI,  col.  1025,  1026). 
8  Sermo  de  sancto  Dionysio  apud  Natal.  Alexand., 
in  saec.  I,  Dissert.  16,  tom.  III,  pag.  168. 

s  Dissertatio    de    duobus   Dionysiis,     1641,   opéra 
Sirmondi,  edit.  1690,  tom.  IV,  pag.  358. 
'"  De  duobus  Dionysiis,  etc. 

1'  Saint  Denis  l'Aréopagite  aurait  eu  plus  de  quatre- 
vingts  ans  quand  il  aurait  été  envoyé  par  saint  Glé- 
meut  dans  les  Gaules  (Sirmond,  chap.  vn).  Gela  est 
possible  à  la  rigueur,  mais  cela  n'est  pas  vraisem- 
blable. Puis,  saint  Denis  l'Aréopagite  n'a  jamais  été 
énuméré  parmi  les  évêques  qui  ont  changé  de  siège 
épiscopal. 

'2  Le  petit  Martyrologe  romain,  qui  date,  suivant 
Sollier,  de  l'an  740,  distingue  parfaitement  les  deux 
Denis  :  celui  d'Athènes,  martyrisé  le  3  octobre  et 
mentionné  par  Aristide,  et  celui  de  Paris,  martyrisé 
avec  ses  deux  compagnons,  Rustique  et  Eleuthére,  le 
9  octobre.  Adon  et  Usuard  font  la  même  distinction 
en  termes  encore  plus  étendus  et  plus  exprès.  Pa- 
trolog., tom.  GXXIII  et  GXXIV. 

13  Sirmond,  Dissertation,  chap.  vi.  —  "•  Sirmond^ 
ibid.  —  1=  Dialriba  de  unico  Dionysio,  1643. 
^^Hist. Ecoles.,  in  &?Èa.\, Dissert.  16,  tom.  III,p.  166. 


[V«   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


539 


Nous  ferons  remarquer  queTaréopagitisme 
de  saint  Denis  et  sa  mission  sous  saint  Clé- 
ment sont  deux  traditions  toutes  différentes. 
Dejouis  le  yi«  siècle  jusqu'au  ix«,  on  disait  dans 
les  Gaules  que  saint  Denis  avait  été  envoyé 
par  saint  Clément,  quoiqu'on  ne  prétendit  pas 
encore  qu'il  fût  le  même  que  saint  Denis  l'A- 
réopagite.  Cette  seconde  tradition,  que  la 
critique  moderne  a  si  fortement  ébranlée ,  a 
nui,  dans  l'opinion  ,  à  la  première  tradition, 
qui  est  bien  plus  ancienne  et  qui  en  est  tout- 
à-fait  indépendante.  Pour  nous,  nous  aban- 
donnons facilement  l'aréopagitisme  du  pre- 
mier évêque  de  Paris;  mais  nous  maintenons 
résolument  sa  mission  sous  saint  Clément 
comme  une  tradition  constante,  immémoriale 
et  vraiment  historique,  et  nous  sommes  per- 
suadé que  ceux  qui  prendront  la  peine  de 
peser  la  valeur  de  nos  témoignages  se  ran- 
geront volontiers  de  notre  avis  ' .] 

ARTICLE  II. 

DES   ÉCRITS   ATTAIBUÉS   A    SAINT   DENIS 
L'ARÉOPAGITE. 

1.  La  question  sur  l'auteur  des  livres  qui 
portent  le  nom  de  saint  Denis  l'Aréopagite, 
peut  être  mise  au  nombre  de  celles  qui  trou- 
veront toujours  des  partisans  pour  et  contre 
parmi  les  critiques.  Comme  les  preuves  que 
l'on  allègue  pour  les  lui  attribuer,  ne  sont 
point  démonstratives,  celles  que  l'on  oppose 
pour  montrer  qu'ils  ne  sont  point  de  lui,  ne 
paraissent  pas  non  plus  sans  réplique.  Pour 
ne  rien  laisser  désirer  aux  lecteurs,  nous 
donnerons  ici  les  preuves  des  deux  senti- 
ments opposés. 

2.  Ceux  qui  soutiennent  que  ces  écrits  sont 
véritablement  de  saint  Denis  l'Aréopagite  ^, 
se  fondent  :  1°  sur  le  témoignage  de  saint 
Denis  d'Alexandrie,  qui ,  suivant  le  rapport 
d'Anastase,  surnommé  le  Sinaïte,  patriarche 

1  M.  Arbellot  a  publié  depuis  des  documents  iné- 
dits sur  l'apostolat  de  saint  Martial  et  sur  l'antiquité 
des  Eglises  de  France.  La  mission  de  saint  Denis  au 
1"  siècle  y  est  solidement  coniirmée.     (L'éditeur.) 

2  Voyez  la  dissertation  à  la  fin  du  volume.     [L'édit.) 

3  Cum  Ecclesia  doceat  unam  esse  migelorum  sub- 
stantiam ,  divinus  et  apostolicus  Dionysius  nommât 
supernas  virlutes,  multas  substantias.  At  magnus  Dio- 
nysius Alexandrinus ,  ex  rheiorum  numéro  episcopus 
factus ,  in  scholiis  quœ  scripsit  in  sibi  cognominem 
Dionysium  hœchaliei  ;  «  Externa  philosophia  ingenitam 
appellare  solet  omnem  naturam  inaspeciabilem  :  simi- 
liier  et  hypostases  substantias,  »  Ex  cujus  more  sanclus 
Dionysius  his  locis  est  locutus,  improprie  nimirum  lias 
voces  usurpuns.  Anast.,  i?i  Ode.,  cap.  xxii. 


d'Antioche  en  561;  de  saint  Maxime,  martyr, 
qui  écrivait  vers  l'an  640;  de  Nicétas  Chonia- 
tes,  qui  vivait  vers  Tan  1200,  et  de  Jean  Cy- 
parissiote,  à  peu  près  du  même  temps,  avait 
fait  des  scholies  sur  les  livres  de  saint  Denis 
l'Aréopagite.  Voici  comment  s'en   explique 
Anastase  ^  :  «  Le  divin  et  apostolique  Denis 
(l'Aréopagite)    attribue  aux  anges  plusieurs 
sortes  de  substances.  Mais  le  grand  saint  De- 
nis d'Alexandrie,  qui  de  rhéteur  fut  fait  évê- 
que de  cette  ville,  dit  dans  les  scholies  qu'il 
a  faites  sur  saint  Denis  du  même  nom  que 
lui,  que  la  philosophie  profane  a  coutume 
de  dire  que  toutes  les  natures  invisibles  ne 
sont  point  engendrées,  et  d'appeler  du  nom 
de  substance  les  hypostases.  »  C'est  cet  usage 
que  saint  Denis  a  suivi,  prenant  dans  un  sens 
impropre  ces  mots,  no7i  engendré  et  substance, 
dans  quelques  endroits  où  il  s'en  sert.  Saint 
Maxime  et  Nicétas  *  s'expliquent  à  peu  près 
de  même.  Mais  Jean  Cyparissiote  remarque^ 
que  saint  Denis  d'Alexandrie  interprétait  en 
cette  manière  ce  que  l'Aréopagite  dit  dans 
son  épitre  à  Tite,  que  les  écrivains  sacrés 
traitaient  des  choses  divines   tantôt  mysti- 
quement et  tantôt  philosophiquement  :  la 
manière  philosophique,  manifeste,  persuade 
et  oblige  à  croire  la  vérité,  c'est-à-dire  qu'elle 
met  comme  un  sceau  à  la  vérité  des  choses 
qui  sont  dites,  et  qu'elle  attache  cette  vérité 
comme  avec  un  lien,  et  fait  que  ceux  qui  l'é- 
coutenl  croient;  la  manière  mystique  nous 
élève  à  Dieu  d'une  façon  que  l'homme  ne 
peut  enseigner,  faisant  que,  par  le  moyen 
des  créatures,  nous  soyons  élevés  aux  choses 
divines,  de  telle  sorte  que  nous  les  expéri- 
mentions et  ressentions  en  nous-mêmes.  Cy- 
parissiote ne  dit  pas   de   quel  ouvrage   de 
saint  Denis  d'Alexandrie,  il  a  tiré  ce  frag- 
ment :  mais  on  croit  que  c'est  de  ses  scholies. 
2°  L'auteur  des  Questions  à  Antiochus  ^,  attri- 
buées quelquefois  à  saint  Athanase,  cite  aussi 

*  Maxim.,  in  scholiis  ad  cap.  v  Cœlestis  hierarchiœ  ■ 
Nicet.,  in  Thesaur.  orthod.,  lib.  II,  cap.  xv. 

^  Dionysius  in  episiola  ad  Tiium,  sic  ait  :  «  Cœle- 
runi  hoc  advertendum  est,  duplieem  esse  traditionem 
theologorum,  unam  arcanam  et  mysticam,  alteram 
vero  philosophicam  et  demonsiraniem...  »  Hoc  dictum 
sanctus  Maximus  et  Dionysius  annoiarunt...  Dionysius 
Alexandrinus  :  K  Theoiogia ,  inquit ,  philosophica  et 
demonslrans  fidem  facit ,  et  astringit  veritatem ,  id 
est,  eoriim  quœ  dicunlur  veritatem  tanquam  sigillo 
quodam  obsignat  et  tanquam  vinculo  colligat  et  efpcit 
ut  qui  audiunt  credani.  Altéra  vero  pars  theoloyiœ 
quœ  symbolica  est,  per  ea  quœ  fiunt  adjungit  ad  Deum 
quodam  ipsius  rei  hubitu  et  informations.  »  Cyparis., 
Décade  1,  cap.  i.  —  ^  Qusest.  8  ad  Antioch. 


MO 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


saint  Denis  l'Aréopagite,  pour  montrer  qu'il 
y  a  neuf  ordres  d'anges,  savoir  :  les  anges, 
les  archanges,  les  principautés,  les  puissan- 
ces, les  vertus,  les  dominations,  les  séra- 
phins à  six  ailes,  les  chérubins  et  les  trônes. 
3°  Nous  n'avons  pins  les  livres  de  saint  Cy- 
rille d'Alexandrie,  où  il  citait  saint  Denis  l'A- 
réopagite. Mais  Libérât,  diacre  de  l'Eglise  de 
Cartilage,  qui  écrivait  vers  l'an  533,  dit  que 
les  témoignages  que  saint  Cyrille  en  rappor- 
tait, étaient  '  cités  très-fidèlemeut.  Juvénal, 
patriarche  de  Jérusalem,  dans  un  discours 
fait  à  l'empereur  Marcien  et  à  l'impératrice 
Pulchérie  ^,  allégua,  pour  autoriser  ce  qu'il 
disait  du  corps  de  la  sainte  Vierge,  ce  qu'on 
en  lit  dans  le  livre  des  Noms  divins,  de  saint 
Denis  l'Aréopagite.  Jean,  évêque  de  Scyto- 
ple,  qui  ne  doutait  point  que  les  livres  qui 
portent  le  nom  de  saint  Denis  l'Aréopagite, 
ne  fussent  de  ce  saint  évêque,  les  a  commen- 
tés par  des  scholies,  qu'Anastase  le  Biblio- 
thécaire ^  envoya  au  roi  Charles-le-Chauve, 
avec  celle  de  saint  Maxime  sur  les  mêmes  li- 
vres. Ils  sont  cités  dans  le  commentaire 
d'André,  évêque  de  Césarée  *,  sur  l'Apoca- 
lypse, i»  Dans  la  conférence  que  l'empereur 
Justinien  fit  tenir  à  Constanlinople,  en  533, 
dans  le  dessein  de  réunir  à  l'Eglise  catholi- 
que les  sévériens,  qui  s'en  étaient  séparés  à 
cause  du  concile  de  Chalcédoine,  ceux-ci 
soutinrent  que  ce  concile  avait  erré,  en  pu- 
bliant qu'il  y  avait  deux  natures  en  Jésus- 
Christ  après  l'union  du  Verbe  avec  la  nature 
humaine  :  ce  qui  était,  disait-il,  contre  saint 
Cyrille,  saint  Athanase,  saint  Jules,  saint 
Grégoire  le  Thaumaturge  et  contre  saint  De- 
nis l'Aréopagite,  qui  tous  déclarent  qu'il  n'y 
a  qu'une  seule  nature  de  Dieu  le  Verbe  après 
l'union.  Hypatius,  qui  parlait  pour  les  catho- 
liques et  qui  était  archevêque  d'Ephèse,  con- 
testa l'autorité  des  livres  qu'on  citait  sous  le 


nom  de  saint  Cyrille,  mais  surtout  ceux  qu'on 
disait  être  de  saint  Denis  l'Aréopagite.  «  D'où 
pouvez-vous  montrer  ^,  demanda  Hypatius 
aux  sévériens,  que  ces  livres  sont  véritables? 
S'ils  étaient  de  saint  Denis,  ils  n'auraient  pu 
être  inconnus  à  saint  Cj^ille,  et  saint  Atha- 
nase les  eût  produits  surtout  dans  le  concile 
de  Nicée,  pour  défendre  la  Trinité  consubs- 
tantielle  contre  les  blasphèmes  d'Arius,  qui 
y  mettait  une  diversité  de  substance.  Que  si 
pas  un  ancien  n'a  fait  mention  de  ces  témoi- 
gnages, comment  pouvez-vons  maintenant 
montrer  qu'ils  sont  de  saint  Denis  l'Aréopa- 
gite? »  On  ne  voit  point  dans  les  actes  de  la 
conférence  ce  que  les  sévériens  répondirent 
à  l'argument  d'Hypatius  :  mais  les  défen- 
seurs des  livres  de  saint  Denis  soutiennent 
que  les  catholiques  ne  contestèrent  pas  l'au- 
torité des  livres  de  saint  Denis,  mais  seule- 
ment des  passages  qui  avaient  été  cités  par 
les  sévériens.  Ils  donnent  pour  preuve  que 
l'on  recevait  les  livres  de  saint  Denis  dans 
cette  conférence,  le  témoignage  unanime  des 
écrivains  contemporains,  qui  les  ont  reconnus 
pour  les  ouvrages  de  cr  disciple  des  apôtres. 
C'est  sur  leur  autorité  que  saint  Epbrem,  pa- 
triarche d'Antioche  ^,  a  déclaré  qu'il  n'y  a 
qu'une  personne  et  qu'une  hypostase  du 
Verbe,  d'autant  que,  suivant  saint  Denis  l'A- 
réopagite, Jésus  est  simple.  Jovius  voulant 
expliquer  comment  Dieu  est  un  et  parfait  "^ , 
emprunte  les  termes  propres  de  saint  Denis. 
Ses  livres  sont  cités  par  Libérât  ^,  par  Anas- 
tase  le  Sinaïte  et  par  Léonce  de  Byzance,  qui 
tous  écrivaient  dans  le  même  siècle  où  s'est 
tenue  la  conférence  de  Constantinople.  De- 
puis ce  temps-là,  les  livres  de  saint  Denis  l'A- 
réopagite ont  été  cités  sous  son  nom  dans 
les  conciles,  par  les  papes  et  par  plusieurs 
historiens.  Le  pape  Adrien  I"  ^  reconnaît 
qu'ils  avaient  déjà  été  cités  avec  éloge,  comme 


1  In  quibus  sancii  Cyrilti  libris  confinentur  incor- 
rupta  testimonia  Dionysii  Areopagiiœ.  Libéral. ,  in 
Breviario,  cap.  x. 

2  Etsi  quœ  in  sunclœ  Dei  Genitricis  morte  conlige- 
runt,  sacrœ  Scriplurce  monimentis  minime  prodita 
mnt  ,  tamen  ex  prisca  iradilione  hoc  accepimus.  Ad- 
erant  cum  sanctis  aposlotis  Timotlieus  et  Dionysius 
Areopagiia,  quemadmodura  et  ipse  Dionysius  in  hœc 
vei'ba  testatur  ;  <i  Nos  quoque,  ut  nosii ,  ac  pterique 
e  fratribus ,  ac  corpus  illud  quod  vitam  inc/ioaverat 
ac  Deum  susceperat,  intuendum  conveniinus.»  Euthym., 
Hist.,  lib.  m,  cap.  IV. 

^  Paratheses  sive  scholia  in  Dionysiiim  quœ  Con- 
stanlinopoli  videram,  in  matins  venerc  ■■  vestrœque 
gloriûsœ  supientiœ  poiissimum  fore  mittenda  non  im- 


merito  j'udicovi...  Joannis  Schytopolitani  episcopi  esse 
asseruntur.  Anastaa.,  ad  Carol.  regem. 

'•  Andréa  Cœsar.,  in  Apocalyps.,  cap.  XLV. 

^  llla  testimonia  quœ  vos  Dionysii  Areopogitœ  H- 
citis  ;  iitule  poteslis  ostendere  vera  esse  sicut  suspica- 
mini?  Si  enim  ejus  erant,  non  poluissent  latere  bealum 
Cyrillum.  Quidaulemde  beato  Cyrillodico?  Quandoet 
beatus  Athanasius,  si  pro  certo  scisset  ejus  fuisse,  ante 
omnia  in  Nicœno  concilio  de  consubstantiali  Trinitate 
nullus  ex  antiquis  recordaius  est  ea ,  unde  potestis 
nunc  ostendere ,  quia  illius  sunt,  nescio.  Acta  colla- 
tionis,  1533.  —  «  Apud  Phot.,  Cod.  228.  —  '  Cod.  221 . 

8  Libérât.,  in  Breviar.,  cap.  s;  Anastas.,  in  Odeg., 
cap.  XXIV  ;  Leont.,  de  Sect.,  act.  3. 

3  Sancfus  Dionysius  Areopagita,  qui  et  episcopus 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'AREOPAGITE. 


[V^  SIÈCLE.] 

d'un  père  et  d'un  ancien  docteur,  par  saint 
Grégoire-Ie-Grand.  Ce  fut  surtout  de  ces  li- 
vres que  l'on  tira  des  témoignages  dans  le 
concile  de  Latran,  en  649,  pour  confondre 
Cj-rus  et  les  autres  monothélites,  qui  en 
avaient  falsifié  un  endroit.  Saint  Denis  avait 
dit  que  l'opération  de  Jésus -Christ  vivant 
sur  la  terre,  était  nouvelle  et  Théandrique  ou 
Dei- virile,  c'est-à-dire  tout  ensemble  divine 
et  humaine.  Cyrus  lui  faisait  dire,  au  con- 
traire, que  l'opération  de  Jésus-Christ  était 
une.  Sergius,  patriarche  de  Constantinople, 
non-seulement  confirmait  ce  changement  : 
il  ôtait  encore  du  texte  de  saint  Denis  le 
mot  de  Dei-virile.  Le  pape  saint  Martin,  qui 
présidait  à  ce  concile  ',  fit  apporter  de  la 
bibliothèque  du  Vatican,  les  livres  de  saint 
Denis,  et  il  se  trouva  qu'il  se  servait  en  par- 
lant de  l'opération  de  Jésus-Christ,  des  ter- 
mes de  Dei-virile  et  de  Théandrique.  Sopliro- 
nius,  évêque  de  Jérusalem  en  633,  cite  saint 
Denis  l'Aréopagite,  pour  autoriser  les  termes 
de  Dei-virile  et  de  Théandrique,  et  on  trouve 
la  même  chose  dans  la  lettre  du  pape  Aga- 
thon  aux  empereurs  Héraclius  et  Tibère.  Ces 
livres  sont  encore  cités  par  saint  Jean  Da- 
mascène,  dans  son  second  discours  sur  l'As- 
somption de  la  sainte  Vierge,  et  par  quantité 
d'autres  auteurs  tant  grecs  que  latins.  Sur 
quoi  ceux  qui  soutiennent  qu'ils  sont  vérita- 
blement de  saint  Denis  l'Aréopagite,  font  ce 
raisonnement,  qu'ils  appuient  sur  les  règles 
établies  par  TertuUien  et  par  Vincent  de  Lé- 
rins.  TertuUien  dit  -  :  «Ce  qui  est  le  premier 
selon  l'ordre  des  temps,  est  ce  qui  est  vrai  ; 
et  ce  qui,  selon  le  même  ordre,  est  posté- 
rieur, est  ce  qui  est  faux.  »  Vincent  de  Lérins 
ajoute  à  cette  règle  3,  qu'il  faut  que  le  senti- 
ment des  anciens  soit  de  tous,  ou  presque 
de  tous  les  anciens  évoques  et  docteurs  qui 
ont  parlé  de  la  chose  dont  il  s'agit.  «  Or,  par 
ces  deux  règles,  il  est  constant,  disent-ils, 
que  les  livres  de  saint  Denis  sont  de  l'Aréo- 
pagite ,  parce  qu'il  est  indubitable  que  le 
sentiment  qui  tient  que  ces  livres  sont  de 
l'Aréopagite,  est  le  premier  selon  l'ordre  des 
temps,  puisqu'on  le  trouve  dans  le  in'=  siècle 
et  dans  les  suivants  :  au  lieu  que  l'opinion 
contraire  n'a  commencé  que  dans  les  xiv"^  et 
XV*  siècles.  11  est  encore  indubitable,  ajou- 


541 


tent-ils,  que  le  sentiment  qui  veut  que  ces 
livres  soient  de  l'Aréopagite,  est  le  sentiment 
de  tous,  ou  presque  de  tous  ceux  qui  ont  eu 
occasion  d'en  parler.  C'est  ce  qui  paraît  par 
les  témoignages  rapportés  ci-dessus.  »  5°  La 
doctrine  renfermée  dans  les  livres  attribués 
à  saint  Denis,  est  orthodoxe  et  conforme  en 
tout  à  celle  des  apôtres.  D'ailleurs  l'auteur  y 
est  appelé  Denis  ;  il  assure  qu'il  avait  été  té- 
moin de  l'éclipsé  du  soleil  qui  se  fit  dans  le 
temps  de  la  passion  de  Jésus-Christ;  qu'il 
s'est  converti  par  la  prédication  de  saint 
Paul,  autorisée  de  miracles,  et  par  l'éclipsé 
du  soleil  dont  il  avait  lui-même  été  témoin; 
qu'après  saint  Paul,  il  avait  eu  pour  maître 
clans  la  religion  chrétienne,  saint  Jérotée; 
qu'il  fut  élevé  à  l'épiscopat  et  consacré  évê- 
que d'Athènes  par  saint  Paul;  enfin,  qu'il  se 
trouva  avec  saint  Pierre  et  saint  Jean  aux  fu- 
nérailles de  la  sainte  Vierge.  Toutes  ces  cir- 
constances font  voir  clairement,  dit-on,  que 
saint  Denis  l'Aréopagite  est  l'auteur  des  livres 
qui  portent  son  nom.  6°  On  fait  encore  valoir 
la  censure  que  la  Sorbonne  fit,  en  1327,  de 
la  proposition  qui  contestait  ces  livres  à  saint 
Denis  l'Aréopagite. 

3.  Ceux  qui  sont  d'un  sentiment  contraire 
répondent  que  Denis,  rhétoricien  d'Alexan- 
drie, n'est  pas  le  célèbre  évêque  de  ce  nom 
qui  vivait  au  milieu  du  m*  siècle,  mais  un 
autre  Denis,  qui  a  écrit  dans  le  vi'^;  et  qu'A- 
nastase  Sinaïte  et  saint  Maxime,  martyr,  qui 
ont  parlé  des  scholies  sur  les  livres  de  saint 
Denis  l'Aréopagite,  les  ont  mal  à  propos  at- 
tribués à  l'évêque  d'Alexandrie,  au  lieu  d'en 
reconnaître  pour  auteur  Denis  le  rhétoi'icien. 
Par  cette  réponse,  ils  prétendent  faire  tom- 
ber toutes  les  preuves  que  l'on  allègue  en 
faveur  de  saint  Denis  l'Aréopagite,  le  meil- 
leur garant  de  cette  opinion  étant  saint  Denis 
d'Alexandrie,  tant  par  son  antiquité,  que 
par  sa  réputation  de  sainteté  et  de  savoir. 
La  suite  de  cette  réponse  est  que  ceux  qui, 
depuis  le  vr  siècle,  ont  attribué  ces  livres  à 
saint  Denis  l'Aréopagite,  l'ont  fait  sur  l'auto- 
rité d'An  a  stase  Sinaïte  et  de  saint  Maxime, 
dont  le  premier  n'ayant  vécu  que  dans  le  vi° 
siècle,  et  l'autre  dans  le  viP,  ont  vécu  dans 
des  temps  trop  éloignés,  pour  constater  des 
faits  arrivés  dans  le  i"  siècle.  Comme  ils 


Réponsft3 
Hux  preoves. 


Atheniensis,  valde  laudatus  est  a  divo  Gregorio  papa, 
confirmante  eum  antiquum  patrern  et  doctorem  esse. 
Atlriau.,  ad  Curol.  Magn. 

'  Acta  Concil.  Lateran.,  secret.  5. 

'2  Id  est  verum  quodcumque  primitm  :  id  est  adul- 


terum  quodcumque  posterius.  TertuU.,  lib.  cont.  Prax., 
cap.  n.  —  ^  In  eis  quœ  ditbia  sunt...  omnium  vel 
ccrte  pêne  omnium  sacerdotum  pariier  et  magistrorum 
définit iones  sententiasque  sectemur. 'Vincent. ,  in  Corn- 
mon.,  cap.  ni. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Preuvegque 
CCS  écrits  ne 
sont  pns  de 
saint  Bénis 
l'Aréop-igile. 


842 

contestent  le  témoignage  allégué  sons  le  règne  cleTrajan.  Saint  Maxime,  pour  résoudre 
nom  de  saint  Denis  d'Alexandrie,  ils  contes- 
tent aussi  ceux  que  l'on  rapporte  comme  ti- 
rés des  écrits  de  saint  Cyrille  d'Alexandrie 
et  de  saint  Grégoire  de  Nazianze.  La  censure 
de  la  Sorbonne  ne  leur  parait  pas  d'un  plus 
grand  poids,  parce  que  le  jugement  d'une 
faculté  de  théologie  sur  des  faits  non  révélés, 
peut  se  rectifier  dans  la  suite  des  temps  par 
une  plus  exacte  discussion  de  la  question 
proposée. 

■4.  Ils  soutiennent  donc  qu'il  n'y  a  aucune 
preuve  solide  que  les  ouvrages  publiés  sous 
le  nom  de  saint  Denis  l'Aréopagite,  soient 
véritablement  de  lui,  et  en  donnent  plusieurs 
pour  montrer  qu'ils  n'en  sont  pas.  1°  Aristi- 
des  ',  qui  présenta  à  Athènes  une  apologie 
pour  les  chrétiens  ,  à  l'empereur  Adrien , 
qui  se  trouvait  alors  en  cette  ville,  fait  l'éloge 
de  saint  Denis  comme  en  ayant  été  évêque, 
et  de  la  constance  qu'il  avait  fait  paraître 
dans  les  tourments  qu'il  souffrit  pour  Jésus- 
Christ  :  mais  il  ne  dit  pas  un  mot  de  ses 
écrits.  Il  n'en  est  rien  dit  non  plus  dans  la 
lettre  de  saint  Denis  de  Corinthe  aux  Athé- 
niens :  et  quoiqu'il  l'eût  écrite  principalement 
pour  ranimer  leur  foi  et  pour  corriger  leurs 
mœui's  \  il  ne  les  renvoie  point  aux  écries 
de  leur  premier  évêque,  encore  qu'il  fasse 
mention  de  lui,  de  sa  conversion  à  la  foi  par 
saint  Paul,  et  qu'il  marque  que  ce  fut  le  pre- 
mier à  qui  cet  apôtre  donna  le  soin  de  leur 
Eghse.  Eusèbe  et  saint  Jérôme  n'en  ont  point 
parlé,  quoique  l'un  et  l'autre  aient  relevé 
une  intinité  de  choses  moins  importantes. 
2°  Saint  Denis,  au  chapitre  iv  du  livre  des 
Noms  divins,  cite  nommément  saint  Ignace, 
et  rapporte  un  passage  de  l'épître  qu'il  écri- 
vit aux  Romains,  lorsqu'on  le  conduisait  au 
martyre.  Or,  saint  Denis  ayant  souffert  sous 
l'empire  de  Domitien,  n'a  pu  citer  une  lettre 
qui  ne  fut  écrite  que  la  huitième  année  du 


cette  difficulté ,  répond  que  le  passage  de 
saint  Ignace  peut  avoir  été  mis  par  quelqu'un 
à  la  marge  du  livre  de  saint  Denis,  d'où  les 
copistes  l'auront  fait  passer  dans  le  corps  de 
l'ouvrage.  Mais  ce  père  aurait  dû  citer  quel- 
ques exemplaires  du  livre  des  Noms  divins, 
où  le  passage  de  saint  Ignace  ne  se  trouvât 
point  dans  le  corps  de  l'ouvrage.  3°  Il  est 
parlé  dans  le  livre  de  la  Hiérarchie,  de  quan. 
tité  de  cérémonies  inusitées  dans  le  siècle 
de  saint  Denis.  Selon  ce  hvre,  l'évêque,  après 
avoir  fiui  sa  prière  à  l'autel  ^,  commençait 
par  l'encenser,  et  faisait  le  tour  de  toute  l'é- 
glise :  puis,  revenant  à  l'autel,  il  commençait 
le  chant  sacré  des  psaumes,  que  tous  les  ec- 
clésiastiques chantaient  avec  lui.  Ensuite  les 
ministres  faisaient  la  lecture  des  Livres  saints. 
Après  qu'elle  était  faite,  on  faisait  sortir  hors 
de  l'église  les  catéchumènes,  et  après  eux  les 
énergumènes  et  ceux  qui  étaient  en  péni- 
tence. Pour  les  autres,  qui  étaient  dignes  de 
la  vue  et  de  la  communie u  des  choses  divi- 
nes, ils  demeuraient  dans  l'église.  Il  parle 
des  églises  comme  de  bâtiments*  magnifi- 
ques, qui  avaient  chacune  un  sanctuaire  dis- 
tingué du  corps  de  l'église,  dans  lequel  les 
prêtres  seuls  avec  les  ministres,  avaient  droit 
d'entrer;  des  moines,  des  prières  et  des  cé- 
rémonies usitées  dans  leur  consécration^, 
et  de  divers  autres  usages  inconnus  dans  le 
1"'  siècle  et  qui  ne  furent  introduits  qu'après 
que  la  paix  fut  rendue  à  l'Eghse.  Jusqu'alors 
les  fidèles  s'assemblaient  dans  des  maisons 
particulières  pour  y  faire  la  prière  et  enten- 
dre la  parole  de  Dieu  :  mais  on  ne  laissait 
])as  de  donner  à  ces  lieux  d'assemblée  le  nom 
d'église.  4°  L'auteur  des  livres  qui  portent  le 
nom  de  saint  Denis,  marque  assez  claire- 
ment qu'il  n'a  écrit  que  longtemps  après  les 
apôtres,  lorsqu'il  dit  que  ceux  qui,  avant  lui, 
avaient  parlé  des  choses  saintes^,  trouvaient 


1  Euseb.,  lib.  IV  Hist.,  cap.  ni. 

»  Ibid.,  cap.  xsiii. 

3  Pantifex  peracto  precum  sacro  ad  Dei  altare  cum 
ab  eu  incendendi  odores  inilium  fecit ,  sacrum  obit 
Cocum.  Reversus  autem  ad  divinam  aram  sacros  psal- 
mos  canere  incipif,  canuntquc  cum  eo  omnes  ecclesia- 
siici  ordines,  Deinceps  a  ministris  sancforum  librorum 
lectio  ordine  recitatur,  et  recitata  extra  ambitum  col- 
locaniur  caiechumeiii,  et  una  cum  lis  energumeni, 
atque  il  quos  superioris  vitœ  pœnitet.  Manent  auiem 
ii  qui  divinarum  rerum  et  aspectu  digni  sunt  et  com- 
munione.  Dionys.,  de  Ecclesiast.  Hierarch.,  eap.  m. 

*  Neque  simpliciter  Sancta  Sanctorum  ab  omnibus 
segregaia  sunt  :  verum  ad  hœc  proxime  accedit  ordo 


pontificum,  deinceps  4istinctio  sacerdotum,  qtias  dein- 
ceps ministrorum  gradus  sequitur  :  ordinatis  autem 
monachis  adytorum  postes  sunt  assignatœ,  juxta  quas 
etiam  initiantur  et  adstant,  non  ad  custodiam  earum- 
dem ,  sed  ut  agiioscant  tam  se  quam  ordinem  suum 
magis  populo  prœ  sacerdotibus  propinquare.  Dionys., 
Epist.  8,  pag.  782. 

^  ilysterium  monasticœ  consecrationis.  Sacerdos 
quidem  stat  ante  altare,  monasticam  sancte  recitans 
invocationem.  Dionys.  De  Eocles.  Hierarch.,  cap.  yi, 
pag.  331. 

6  Visum  est  quibusdam  ex  nostris,  qui  de  divinis  no- 
minibus  disseruerunt ,  amoris  quam  charitatis  nomcn 
esse  diuinius.  Dionys.,  de  Divin,  nomin.,  cap.  iv,  p.  476. 


[V   SIECLE. 


CHAriTRE  XXXIX.  -^  SAINT  DENIS  L'AREOP AGITE. 


S43 


que  le  nom  d'amour  est  plus  divin  que  celui 
de  charité.  C'est  aux  défenseurs  de  ces  livres 
à  montrer  que  les  apôtres  ou  ceux  de  leurs 
disciples  qui  ont  écrit  avant  saint  Denis,  se 
sont  expliqués  de  cette  manière  sur  la  diffé- 
rence des  noms  d'amour  eî  de  chanté.  Sans 
quoi  il  est  naturel  de  conclure  qu'en  cet  en- 
droit saint  Denis  veut  parler  de  quelques  au- 
teurs ecclésiastiques  qui  avaient,  avant  lui, 
écrit  sur  ce  sujet.  5°  Comment  se  persuader 
que  dans  le  i"  siècle,  les  cérémonies  de  la 
sépulture  se  fissent  avec  tout  l'éclat  et  avec 
la  distinction  que  l'on  marque  dans  le  vii^ 
chapitre  du  livre  de  la  Hiérarchie  '  ?  6°  Cet 
auteur  cite  souvent  l'évangiie  de  saint  Jean  : 
cela  se  voit  surtout  dans  le  ii"  chapitre  du  li- 
vre des  Noms  divins,  et  dans  le  iv  et  le  vii" 
de  la  Hiérarchie.  Il  est  toutefois  certain  que 
cet  évangile  n'a  été  écrit  qu'après  la  mort 
de  Domitien,  sous  le  règne  duquel  on  s'ac- 
corde à  mettre  le  martyre  de  saint  Denis, 
pour  le  plus  tard.  1°  Les  livres  sous  le  nom 
de  ce  martyr  lui  ont  été  contestés  aussitôt 
qu'ils  ont  paru.  Les  catholiques  qui  contes- 
tèrent l'authenticité  des  témoignages  que  les 
sévériens  en  produisirent  dans  la  conférence 
de  332,  à  Constantinople,  ne  dirent  jamais 
un  mot  qui  pût  donner  lieu  de  croire  qu'ils  re- 
cevaient le  reste  de  l'ouvrage.  Saint  Maxime, 
qui  en  prit  la  défense  dans  le  siècle  suivant^ 
convient  qu'il  y  en  avait  qui  soutenaient  que 
les  écrits  que  l'on  publiait  sous  le  nom  de 
l'Aréopagite,  n'étaient  point  de  lui,  mais 
d'un  auteur  plus  récent.  Dans  le  ix^  siècle, 
le  prêtre  Théodore  entreprit  de  montrer  qu'ils 
étaient  véritablement  de  ce  saint  martyr. 
Mais  il  paraît  par  Photius  ^ ,  que  ses  efforts 
furent  inutiles,  et  qu'il  ne  répondit  point  ef- 
ficacement aux  quatre  arguments  qu'il  s'était 
proposé  de  résoudre.  Le  premier  était  :  Si 
ces  livres  sont  de  saint  Denis,  pourquoi  au- 
cun des  pères  qui  ont  vécu  après  lui,  n'en 
ont-ils  rien  cité?  Le  second  :  Comment  Eu- 
sèbe  de  Césarée,  qui  a  fait  l'énumération  des 
écwts  des  pères,  ne  dit-il  rien  de  saint  Denis? 
Le  troisième  :  11  est  parlé  dans  ces  livres  de 
certains  usages  comme  venant  de  la  tradi- 
tion, et  qui,  en  effet,  n'ont  pu  s'établir  dans 
l'Eglise  que  par  le  laps  des  temps.  Comment 
saint  Denis,  contemporain  des  apôtres,  au- 
rait-il parlé  de  ces  usages?  Le  quatrième  : 
Pourquoi  y  cite-t-on  l'épîtrede  saint  Ignace, 


qui  ne  fut  écrite  que  sous  Trajan  :  au  lieu 
que  saint  Denis  était  mort  auparavant? 

S.  Les  réponses  que  l'on  fait  à  ces  argu- 
ments, se  réduisent  à  dire  que,  n'étant  la  plu-  se» 
part  qiie  négatives,  elles  n'ont  aucune  force  P' 
contre  les  témoignages  positifs  que  l'on  pro- 
duit en  faveur  de  l'opinion  qui  fait  saint  Denis 
auteur  des  livres  qui  sont  sous  nom  ;  que 
saint  Denis  de  Corinthe,  Eusèbe  de  Césarée, 
saint  Jérôme  et  les  autres  anciens  n'ont  pas 
tout  dit  ;  qu'Eusèbe,  en  particulier,  n'a  rien 
dit  du  martyre  de  saint  Laurent,  ni  de  celui 
de  saint  Sébastien,  qui  ont  fait  tant  d'éclat 
dans  l'Eglise  ;  qu'il  se  pouvait  faire  que  les 
livres  de  saint  Denis  fussent  cachés  dans 
quelques  armoires,  lorsque  cet  historien  tra- 
vaillait à  l'Histoire  de  l'Eglise  ;  que  saint  Jé- 
rôme n'a  pas  connu  Athénagore,  ni  Théo- 
gnoste,  ni  saint  Jacques  de  Nisibe  ;  qu'au 
surplus,  nous  n'avons  pas  tous  les  écrits  de 
saint  Denis  de  Corinthe;  que  c'est  en  vain 
C[ue  l'on  insiste  sur  le  terme  de  tradition  qui 
est  employé  dans  les  livres  de  saint  Denis  ; 
que  ce  terme  ne  marque  pas  toujours  une 
longue  distance  de  temps,  comme  on  le  voit 
par  la  seconde  épitre  de  saint  Paul  aux  Thes- 
saloniciens,  où  il  les  exhorte  à  garder  les 
traditions  qu'ils  avaient  reçues  de  lui,  soit  de 
vive  voix,  soit  par  écrit;  que  les  moines  dont 
il  est  parlé  dans  saint  Denis,  existaient  véri- 
tablement dès  le  siècle  des  apôtres,  et  que 
c'était  les  thérapeutes,  dont  il  est  parlé  dans 
Phiion;  qu'il  n'y  a  pas  de  raison  de  contester 
les  rites  qui  se  faisaient  à  leur  initiation ,  les 
anciens  n'ayant  point  nié  que  ces  rites  fus- 
sent en  usage  dès  le  temps  des  apôtres  ;  que 
les  moines  thérapeutes  formant  un  état  par- 
ticulier distingué  des  évéques,  des  prêtres  et 
des  diacres  aussi  bien  que  du  commun  des 
fidèles,  il  était  raisonnable  qu'il  y  eût  une 
initiation  propre  et  spéciale,  qui,  les  soumet- 
tant aux  évéques,  aux  prêtres  et  aux  diacres, 
les  élevât  au-dessus  du  commun  des  fidèles. 

Voilà  ce  qui  nous  a  paru  de  plus  convain- 
quant dans  ce  que  l'on  allègue  pour  et  contre 
l'auteur  des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'A- 
réopagite. Les  derniers  qui  ont  entrepris  de 
montrer  qu'il  en  est  l'auteur,  sont  dom 
Claude  David,  bénédictin  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur,  dans  une  dissertation  impri- 
mée à  Paris  en  1702,  et  dom  Bernard,  reli- 
gieux de  Sept-Fonds,  sous  le  nom  du  père 


Réponses 
défen- 

's  de  siiiut 
nis  l'Aréo- 
ile. 


1  Pag.  351  et  355. 

2  Maxim.,  proleg.  in  Oper.  Dionys. 


8  Phot,,  Cod.  1,  pag.  3. 


su 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Adrien  de  Sept-Fonds.  L'écrit  de  dom  Ber- 
nard ne  parut  qu'en  1708. 
Ce  qu'on       6.  Leur  travail  n'a  pas  eu  beaucoup  de 

peut     penser  t  ,,  ,.  .  .       ,       , 

des  écrits  Je   succes,  et  le  sentunent  presque  gênerai  parmi 

saint  Denis.       ,  '  .  ^  , 

les  savants,  est  toujours  que  les  ouvrages 
publiés  sous  le  nom  de  saint  Denis  l'Aréopa- 
gite,  lui  sont  supposés.  On  ne  nie  point 
qu'il  n'y  ait  eu  dès  les  premiers  siècles  de 
l'Eglise  des  personnes  qui  faisaient  profes- 
sion d'une  vie  plus  pénilente  et  plus  retirée 
que  les  autres  ;  mais  il  ne  paraît,  par  aucun 
ancien  monument,  que  les  moines  fissent  dès 
lors  un  ordre  particulier,  qui  les  mît  au-des- 
sus des  laïques,  ni  qu'il  y  eût  des  cérémonies 
et  des  prières  instituées  pour  leur  initia- 
tion. Ce  n'est  que  sur  la  fin  du  iv  siècle, 
et  depuis  que  saint  Antoine  et  saint  Pacôme 
commencèrent  à  former  des  monastères,  que 
l'on  trouve  quelques  règlements  toucliant  la 
réception  et  l'initiation  des  moines.  Ce  ne 
fut  non  plus  que  dans  le  iv=  siècle  que  le 
terme  d'kypostase  devint  commun  dans  le 
langage  ordinaire  de  l'Eglise,  en  le  prenant 
pour  celui  de  personne,  et  toutefois  ce  terme 
est  employé  dans  les  ouvrages  de  saint  Denis 
comme  étant  d'un  usage  ordinaire.  Il  est  vrai 
qu'Eusèbe  et  saint  Jérôme  n'ont  point  fait 
mention  de  tous  les  écrivains  ecclésiastiques  ; 
mais  aussi  y  en  a-t-il  peu  de  considérables 
qui  leur  aient  échappé.  Ceux  d'Athénagore 
et  de  Théognoste  avaient  peu  d'étendue.  Il 
n'en  était  pas  de  même  des  écrits  de  saint 
Denis  l'Aréopagite.  Ce  ne  sont  que  de  très- 
longs  écrits  et  très-intéressants,  soit  par  l'im- 
portance des  matières  qui  y  sont  traitées, 
soit  par  le  nom  de  leur  auteur,  qui  était, 
comme  on  le  suppose,  évéque  d'une  ville 
très-considérable  par  tout  le  monde,  d'un 
martyr,  d'un  disciple  des  apôtres,  et  connu 
dans  l'Ecriture.  A  qui  persuadera-t-on  que 
ces  écrits  aient  pu  être  inconnus  pendant 
quatre  ou  cinq  cents  ans,  et  qu'Eusèbe  et 
saint  Jérôme  ,  qui  se  sont  appliqués  particu- 
lièrement à  nous  faire  connaître  les  écrivains 
ecclésiastiques,  n'aient  pu  rien  découvrir  des 
écrits  de  saint  Denis  ?  Il  y  en  a  peu  qui 
aient  fait  plus  de  bruit  dans  l'Eglise,  depuis 
qu'ils  ont  été  produits  dans  la  conférence  de 
S32,  entre  les  catholiques  et  les  sévériens  : 
auraient-ils  été  moins  célèbres  dans  les  siè- 
cles précédents,  s'ils  avaient  existé,  y  ayant 
eu  tant  d'occasions  d'en  alléguer  les  témoi- 
gnages dans  les  disputes  qui  se  sont  élevées, 
soit  contre  les  ariens,  soit  contre  d'autres 
hérétiques  ?  car  cet  auteur  s'explique  avec 


tant  de  précision  sur  l'incarnation,  qu'il  y  a 
tout  lieu  de  croire  qu'il  avait  vu  les  troubles 
excités  dans  l'Eglise  par  les  hérésies  de 
Nestorius  et  d'Eutychès.  Ce  qu'on  lit  dans 
ses  ouvrages  touchant  l'ordre  observé  à  l'é- 
gard des  catéchumènes  et  des  pénitents  ;  les 
encensements  et  plusieurs  autres  cérémo- 
nies, soit  dans  l'administration  des  sacre- 
ments, soit  dans  les  sépultures  des  morts,  n'a 
pu  être  réglé  de  la  manière  qu'il  le  rapporte, 
dans  un  temps  oii  les  apôtres  dispersés  s'oc- 
cupaient uniquement  de  la  prédication  de 
l'Evangile.  Il  a  fallu  du  [temps  pour  régler 
toutes  ces  choses,  et  de  la  tranquilhté  : 
ce  qui  ne  se  trouvait  guère  dans  les  trois 
premiers  siècles,  à  cause  des  persécutions 
presque  continuelles.  Nous  n'insistons  point 
sur  le  style  des  écrits  dont  nous  par- 
lons. Quoiqu'il  soit  peu  naturel,  il  a  pu  être 
propre  à  quelqu'un  d'un  génie  et  d'un  goût 
particulier,  et  qui  s'était  fait  une  loi  de  ne 
pas  parler  comme  les  autres.  Aussi  il  se  sou- 
tient partout.  Son  style  est  élevé,  mais  trop 
enflé. 

7.  Le  premier  ouvrage  est  intitulé  de  la  Annijsedi 
Hiérarchie  céleste,  et  adressé  au  prêtre  Timo-  nc"'i'!'''Li;i 
thée.  Saint  Denis  remarque  d'abord  que,  chie^'céi'Sîf 
quoique  l'Ecriture  sainte  emploie  pour  notre  a.Tdit.'pm 
instruction  diverses  figures  et  divers  sens,  ""^  ,'  ' 
comme  le  littéral,  l'allégorique,  le  moral  et 
l'analogique,  c'est  toujours  la  simple  vérité 
qu'elle  nous  enseigne,  afin  que,  par  ses  lu- 
mières, nous  nous  unissions  à  Dieu  par  la  foi 
et  par  l'amour.  Il  dit  ensuite  que  toutes  grâ- 
ces excellentes  et  tout  don  parfait  venant 
d'en  haut,  et  descendant  du  père  des  lu- 
mières, c'est  de  lui  que  nous  obtenons  la 
connaissance  des  choses  divines  par  Jésus- 
Christ,  qui  est  la  lumière  du  Père;  mais  que 
l'état  de  cette  vie  fait  que  nous  avons  besoin 
des  choses  sensibles  pour  nous  élever  à  la 
connaissance  des  invisibles,  l'éclat  de  la  lu- 
mière sensible  nous  faisant  conjecturer  quel 
doit  être  celui  de  la  lumière  diviue,  le  plaisir 
que  nous  trouvons  dans  les  sciences  hunmi- 
nes,  celui  que  doit  nous  procurer  la  connais- 
sance des  choses  divines,  et  l'ordre  que  nous 
remarquons  dans  les  divers  états  de  ce 
monde,  pouvant  nous  faire  concevoir  l'or- 
dre et  l'harmonie  que  les  esprits  célestes 
gardent  entre  eux  dans  le  ciel.  Après  ce 
préambule,  il  donne  un  précis  de  tout  l'ou- 
vrage, disant  qu'il  s'y  propose  de  montrer 
quel  est  le  but  de  la  hiérarchie  céleste,  quels 
sont  les  avantages  des  esprits  qui  la  compo- 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


[y°  siècle.] 

sent  ;  ce  qui  en  est  dit  dans  les  divines  Ecri- 
tures, et  ce  que  signifient  pai'ticulièrement 
les  figures  dont  elle  se  sert  pour  désigner  ces 
esprits  célestes.  Il  distingue  deux  sortes  de 
figures,  les  unes  plus  belles  et  plus  excel- 
lentes, comme  le  soleil,  la  lune  elles  étoiles; 
les  autres  moins  relevées,  comme  sont  les 
lions  et  les  autres  animaux.  Il  dit  que,  quoi- 
que ces  dernières  n'aient  aucune  proportion 
avec  les  esprits  célestes,  elles  sont  néan- 
moinsplus  propres  pour  nous  instruire,  parce 
qu'étant  avertis  intérieurement  que  des  anges 
ne  pouvant  être  des  choses  de  cette  nature, 
elles  nous  obligent,  par  la  bassesse  de  leur 
être,  à  élever  notre  esprit  à  la  signification 
mystérieuse  des  figures  sous  lesquelles  ces 
esprits  sont  représentés.  Il  passe  de  là  à 
la  définition  de  la  hiérarchie  céleste,  qu'il 
appelle  une  principauté  sacrée,  et  qu'il  divise 
en  trois,  l'ordre,  la  science  et  l'action.  L'ordre 
marque  le  degré  de  puissance  dont  jouit 
chacun  des  esprits  célestes  ;  la  science,  la 
lumière  qui  les  dirige,  et  l'action,  le  minis- 
tère dont  ils  sont  chargés.  Dieu  est  la  tin  de 
cette  hiérarchie,  dont  la  perfection  consiste 
à  se  rendre  semblables  à  Dieu,  non-seule- 
ment dans  la  vertu,  mais  dans  l'usage  de  la 
puissance  qu'il  accorde  aux  esprits  dont  cette 
hiérarchie  est  composée.  C'est  de  Dieu  que 
toutes  les  créatures  reçoivent  leur  perfection: 
celles  qui  en  ont  le  moins  sont  le  plus  éloi- 
gnées de  Dieu;  d'où  vient  que  les  esprits  cé- 
lestes participent  davantage  à  ces  perfections, 
parce  qu'ils  sont  plus  proches  de  cet  être  su- 
prême. Ils  sont  appelés  anges,  c'est-à-dire 
messagers,  parce  qu'ils  nous  annoncent  les 
choses  qu'ils  ont  apprises  de  Dieu,  et  qu'ils 
nous  communiquent  les  lumières  qu'ils  en 
ont  reçues.  Cela  paraît  parce  que  la  loi 
fut  donnée  à  Moïse  par  un  ange  ;  et  que  ce 
fut  encore  par  un  ange  que  Dieu  fit  connaître 
sa  volonté  à  Zacharie,  père  de  saint  Jean- 
Baptiste,  à  la  sainte  Vierge  Marie,  à  saint 
Joseph,  son  époux,  et  à  Jésus-Christ  même, 
quoiqu'il  fût  le  créateur  des  anges.  Quand 
l'Ecriture  dit  que  Dieu  s'est  fait  voir  à  quel- 
que saint  patriarche,  il  ne  faut  pas  croire 
qu'il  se  soit  fait  voir  immédiatement  à  eux, 
mais  qu'il  s'est  servi  du  ministère  des  anges 
dans  les  visions  qu'il  a  accordées  aux  hom- 
mes pour  les  élever  à  la  connaissance  de  la 
divinité.  Quoique  le  nom  d'ange  appartienne 
proprement  au  dernier  ordre  des  esprits  cé- 


S4S 


lestes,  on  ne  laisse  pas  de  leur  donner  ce 
nom  à  tous,  parce  qu'ils  sont  tous  messa- 
gers, en  ce  que  les  esprits  du  premier  ordre 
de  la  hiérarchie  découvrent  et  communi- 
quent à  ceux  du  second  ordre  les  lumières 
qu'ils  reçoivent  immédiatement  de  Dieu  ; 
ceux  du  second  ordre,  aux  esprits  du  troi- 
sième ;  et  ceux-ci,  aux  hommes.  Dieu  seul 
connaît  exactement  les  perfections  de  tous 
les  ordres  des  anges.  Ils  sont  distribués  en 
trois  ordres  ou  hiérarchies.  La  première  est 
composée  des  séraphins,  des  chérubins  et 
des  thrônes  ;  la  seconde,  des  dominations, 
des  vertus  et  des  puissances  ;  la  troisième, 
des  principautés,  des  archanges  et  des  anges. 
Par  le  nom  de  séraphins,  on  entend  ceux  qui 
sont  le  plus  embrasés  de  l'amour  divin,  le  nom 
de  séraphins  signifie  en  hébreu,  irtt/er.  Celui 
de  chérubins  marque  l'abondance  de  lumière 
et  de  connaissance  qu'ils  ont  reçue  de  Dieu  : 
d'où  vient  que  dans  le  premier  chapitre  d'E- 
zcchiel,  ils  sont  représentés  comme  ayant 
des  yeux  de  tous  côtés^  pour  marquer  com- 
bien ils  sont  clairvoyants.  On  donne  le  nom 
de  thrônes  aux  autres,  parce  qu'ils  sont 
comme  des  sièges  éminents  sur  lesquels  Dieu 
se  repose  en  quelque  manière.  La  dignité  de 
ce  premier  ordre  et  de  celte  hiérarchie  se 
prouve  par  la  sublimité  de  la  place  qu'ils  oc- 
cupent auprès  de  Dieu,  par  l'excellente  pu- 
reté de  leur  essence,  et  parce  qu'ils  reçoi- 
vent immédiatement  de  Dieu  leurs  lumières 
et  leurs  connaissances.  Une  de  leurs  fonc- 
tions est  de  chanter  sans  cesse  :  Saint,  Saint, 
Saint,  est  le  Seigneur  Dieu  des  armées,  toute  la 
terre  est  remplie  de  sa  gloire.  Ce  que  l'auteur 
dit  avoir  expliqué  dans  son  livre  des  Hymnes 
sacrées,  que  nous  n'avons  plus.  Les  critiques 
qui  attribuent  ces  livres  à  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite,  disent  que  saint  Grégoire  de  Nazianze 
a  cité  cet  endroit  dans  sa  trente-huitième 
oraison  *.  Mais  Elie  de  Crète  soutient  que 
saint  Grégoire  l'a  cité  de  saint  Athanase,  où 
il  se  trouve  :  car  saint  Grégoire  ne  nomme 
point  l'auteur.  «Les  noms  de  dominations,  de 
vertus,  de  puissances  qui  font  la  seconde 
hiérarchie,  marquent  des  esprits  qui  ont  un 
pouvoir  supérieur,  une  éminente  vertu  et 
auxquels  les  puissances  ennemies  sont  sou- 
mises, afin  qu'elles  ne  puissent  pas  nuire 
aux  hommes,  autant  qu'elles  le  désireraient. 
Les  noms  de  principautés,  d'archanges  et 
d'anges,  qui  composent  la  dernière  hiérar- 


Cap.  VI. 


*  Voyez  tom.  V, 
X. 


pag.  235,  et  Elie  de  Crète,  sur  la 


trenle-huitième  Oraison  de  suint  Grégoire. 

33 


546 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DER  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


chie,  sont  donnés  aux  esprits  célestes.  Les 
principautés  sont  ainsi  appelées,  car  elles 
président  aux  archanges  et  aux  anges,  et 
qu'elles  leur  prescrivent  la  manière  de  rem- 
plir leur  ministère.  C'est  à  elles  qu'appartient 
le  gouvernement  général  d'un  royaume  ou 
d'une  nation.  On  donne  le  nom  d'archanges 
aux  esprits  chargés  d'annoncer  les  choses  de 
grande  importance.  Ce  sont  eux  aussi  dont 
.  Dieu  se  sert  pour  instruire  les  prophètes.  Les 
anges  sont  députés  à  la  garde  des  hommes, 
qu'ils  empêchent  de  tomher  et  qu'ils  relè- 
vent après  leurs  chutes.  Si  l'on  demande 
pourquoi,  les  anges  ayant  soin  du  salut  des 
hommes,  la  nation  des  Juifs  a  été  la  seule, 
jusqu'àla  venue  de  Jésus-Christ,  qui  ait  adoré 
le  vrai  Dieu  ;  on  répond  que  les  anges  n'a- 
mènent à  la  connaissance  de  la  vérité  que 
ceux  qui  se  rendent  à  leurs  inspirations;  que 
Dieu  et  les  anges  ne  refusent  à  personne  leur 
secours,  et  que,  comme  le  soleil^  ils  répan- 
dent leurs  rayons  sur  tous  ;  qu'ainsi  ce  sont 
les  hommes  mêmes  qui,  par  leur  malice  et 
par  un  mauvais  usage  de  leur  liberté,  sont  la 
cause  de  leur  perte;  qu'au  reste,  il  parait  par 
l'Ecriture  que  les  anges  ont  pris  soin  d'autres 
nations  que  de  celle  des  Juifs  :  ce  qui  se  voit 
particulièrement  par  Melchisédech,  qui  a 
passé  des  ténèbres  de  la  gentilité  à  la  lumière 
de  la  vérité  ;  et  par  Pharaon  et  Nabuchodo- 
nosor,  qui  ont  été  favorisés  de  visions  par  le 
ministère  des  anges,  et  qui  en  ont  reçu  l'ex- 
plication par  Joseph  et  par  Daniel,  instruits 
Cap.  X.  eux-mêmes  par  les  anges.  Il  suit  de  tout  cela 
que  la  première  hiérarchie  approchant  plus 
près  de  Dieu,  est  la  plus  pure,  la  plus  éclai- 
rée et  la  plus  parfaite,  mais  aussi  qu'elle  est 
la  plus  élevée  au-dessus  de  notre  esprit,  et 
conséquemment  la  moins  connue  de  nous  ; 
qu'après  elle,  c'est  la  seconde  qui,  étant  plus 
élevée  que  la  troisième,  est  encore  plus  que 
celle-ci  au-dessus  de  nos  connaissances  ;  et 
que  nous  connaissons  plus  la  troisième,  parce 
qu'elle  est  moins  élevée  que  les  deux  autres; 
enfin  que  chaque  hiérarchie  communique  ses 
lumières  à  celles  qui  lui  sont  inférieures,  et 
ji.  la  troisième  aux  hommes.  On  donne  quel- 
quefois le  nom  de  vertus  aux  esprits  célestes 
de  quelque  hiérarchie  qu'ils  soient.  En  cela 
il  n'y  a  point  d'inconvénient,  parce  que  tous 
ces  esprits  ont  chacun  leur  essence,  leur  vertu 
,„.  et  leur  action.  Mais  les  esprits  des  hiérarchies 
ou  ordres  supérieurs,  ont  les  perfections  en- 
tières des  ordres  inférieurs  :  au  lieu  que 
ceux-ci  n'ont  qu'une  partie  des  perfections 


des  hiérarchies  supérieures.  L'Ecriture  donne 
quelquefois  aux  évêques  le  nom  d'anges, 
comme  on  le  voit  dans  Malachie  et  dans  l'A-  Mabci.,  n, 
pocalypse.  C'est  parce  qu'il  est  du  devoir  Apocai.  m. 
d'un  évêque  d'annoncer  à  ses  inférieurs  les 
volontés  du  Seigneur,  et  encore  parce  que 
comme  les  anges  servent  Dieu,  qu'ils  chan- 
tent continuellement  ses  louanges,  l'évêque  cap.  xm. 
doit  aussi  s'occuper  du  culte  de  Dieu  et  de 
ses  louanges.  On  demande  pourquoi  il  est  dit 
.  dans  Isaïe  qu'un  séraphin  fut  envoyé  à  ce 
prophète  pour  purifier  sa  bouché,  et  non  pas 
un  ange  î  On  répond  que  c'était  un  ange, 
mais  que  l'Ecriture  lui  donne  le  nom  de  sé- 
raphin, qui  vient  du  mot  brûler,  parce  que 
cet  ange  brûla  les  lèvres  et  la  bouche  d'Isaie 
pour  les  lui  purifier.  D'autres  prétendent  que 
cet  esprit  n'est  appelé  séraphin  dans  l'Ecri- 
ture, que  parce  qu'il  avait  reçu  d'un  séra- 
phin la  vertu  de  purifier  le  prophète.  »  L'au- 
teur laisse  à  Timothée  le  choix  de  ces  deux 
explications,  en  le  priant,  s'il  en  savait  quel- 
que autre,  de  la  lui  communiquer.  11  ensei-  ^„, 
gne  que  lorsque  l'Ecriture  dit,  enpai'lantdes 
anges,  dans  le  livre  de  Daniel,  qu'ils  sont  au 
nombre  de  dix  mille  fois  dix  milliers,  c'est- 
à-dire  cent  miUions,  elle  ne  se  sert  de  cette 
façon  de  parler  que  pour  nous  faire  enten_ 
dre  que  le  nombre  des  anges,  quoique  limité, 
est  toutefois  si  graud  que  nous  ne  pouvons 
le  nombrer;  qu'il  est  connu  de  Dieu  seul  ou 
de  ceux  à  qui  Dieu  le  veut  révéler,  et  qu'il 
surpasse  le  nombre  de  toutes  les  choses  cor- 
porelles. 11  finit  son  livre  de  la  Hiérarchie  ce-  xv. 
leste,  par  l'explication  des  différentes  figures 
sous  lesquelles  ces  esprits  bienheureux  sont 
représentés  dans  les  livres  saints,  comme 
sous  la  figure  de  feu,  de  forme  humaine,  de 
lion,  de  bœuf,  d'aigle,  de  chevaux,  etc.  Mais 
toutes  ces  explications  paraissent  arbitraires, 
en  sorte  qu'on  peut  les  recevoir  ou  les  rejeter 
sans  conséquence. 

8.  Le  livre  de  la  Hiérarchie  ecclésiastique      Anaii 
est  encore  dédié  au  prêtre  Timothée,  à  la  u''niérart 
prière  duquel  il  parait  qu'il  fut  écrit.  Comme  t^«%ll.\ 
il  n'y  a  rien  dans  cette  hiérarchie  qui  ne  tende 
à  nous  rendre  parfaits,  à  nous  unir  à  Dieu 
et  qui  ne  soit  divin,  saint  Denis  lui  recom- 
mande de  tenir  secret  ce  qu'il  dira  sur  ce 
sujet,  et  de  n'en  rien  communiquer  qu'aux 
chrétiens.  Il  assure  que  les  mystères  de  cette 
hiérarchie  ne  sont  conférés  sous  des  symbo- 
les sensibles,  que  parce  que  cela  était  con- 
venable à  notre  condition,  qui  est  d'être  com- 
posée de  corps  et  d'âme.  Le  baptême  est  le 


|"V«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIX. 


SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGÎTE. 


547 


Cap  1. 


premier  sacrement  sur  lequel  il  s'explique, 
comme  étant  le  commencement  de  l'obser- 
vation des  divins  préceptes,  et  le  sacrement 
par  lequel  nous  recevons  l'être  spirituel  et 
sommes  faits  enfants  de  Dieu.  Voici  comment 
les  cérémonies  s'en  faisaient,  lorsqu'on  l'ad- 
ministrait solennellement  dans  l'Eglise. 

9.  (c  Quelqu'un  touché  de  la  prédication  de 
l'Evangile,  cherchait  un  parrain  qu'il  priait 
de  le  conduire  à  Tévêque,  de  l'instruire  et 
de  prendre  soin  de  lui.  Le  parrain,  qui  devait 
être  lui-même  baptisé  et  instruit  de  la  reli- 
gion, représentait  à  ce  nouveau  candidat  la 
grandeur  de  l'état  qu'il  voulait  embrasser,  et 
combien  il  était  au-dessus  de  la  fragilité  hu- 
maine. Il  le  recevait  toutefois  avec  bonté,  et 
pour  satisfaire  à  ses  désirs,  il  le  conduisait  à 
l'évêque.  Celui-ci  les  recevait  tous  les  deux 
avec  joie,  et  après  avoir  rendu  grâces  à  Dieu 
et  l'avoir  adoré,  il  assemblait  tout  le  clergé 
dans  l'Eglise,  autant  pour  coopérer  ensemble 
au  salut  de  cet  homme  et  s'en  réjouir,  que 
pour  rendre  grâces  à  la  divine  bonté.  L'évê- 
que commençait  par  chanter  avec  ses  clercs 
une  hymne  ou  un  cantique  de  la  sainte  Ecri- 
ture, lequel  étant  fini,  il  baisait  l'autel,  et  s'a- 
dressant  à  celui  qui  demandait  le  baptême, 
il  lui  disait  :  «  Que  demandez- vous?  »  Après 
avoir  répondu  à  cette  demande  en  abjurant 
son  infidélité  et  en  témoignant  son  désir 
d'être  fait  participant  des  divins  mystères, 
l'évêque  l'avertissait  de  la  sainteté  et  de  l'in- 
nocence qui  conviennent  à  un  chrétien,  et 
lui  demandait  s'il  était  résolu  de  vivre  de  la 
sorte.  Le  candidat  ayant  répondu  qu'il  y  était 
résolu,  l'évêque  lui  mettait  la  main  sur  la 
tête,  et  faisant  sur  lui  le  signe  de  la  croix,  il 
disait  à  ses  prêtres  d'écrire  le  nom  de  cet 
liomme  et  de  son  parrain.  Gela  fait,  l'évêque 
faisait  une  prière  avec  toute  l'assemblée, 
après  laquelle  il  déliait  les  habits  du  candi- 
dat et  le  faisait  déshabiller  par  les  diacres. 
Ensuite  on  le  tournait  du  côté  de  l'occident, 
et  les  mains  tournées  du  même  côté,  on  lui 
ordonnait  de  souffler  trois  fois  contre  Satan, 
en  prononçant  à  chaque  fois  les  termes  pres- 
crits pour  ce  renoncement  qu'on  lui  suggé- 
rait. Puis  on  le  retournait  du  côté  de  l'orient, 
et  lui  faisant  lever  les  yeux  et  les  mains  vers 
le  ciel,  on  lui  commandait  de  se  soumettre  à 
Jésus -Christ  et  à  toutes  les  Ecritures  don- 
nées de  Dieu.  Ces  cérémonies  achevées,  l'é- 
vêque lui  ordonnait  de  faire  par  trois  fois  la 
profession  de  foi  :  après  quoi  il  le  bénissait, 
lui  imposait  les  mains  et  l'admettait  au  bap- 


tême. Pendant  que  les  diacres  le  déshabil- 
laient, les  prêtres  apportaient  l'huile  sainte 
avec  laquelle  l'évêque  commençait  l'onction 
par  trois  signes  de  croix  :  puis  il  laissait  aux 
prêtres  à  oindre  le  catéchumène  par  tout  le 
corps.  Pendant  ce  temps-là  l'évêque  allait  à 
la  mère  de  l'adoption,  c'est-à-dire  aux  fonts 
baptismaux,  dont  il  bénissait  l'eau  par  de 
saintes  invocations  et  en  y  versant  du  saint 
chrême  par  trois  fois  et  toujours  en  forme  de 
croix,  prononçant  à  chaque  infusion  une 
hymne,  apparemment  un  verset  de  quelques 
cantiques  des  prophètes,  Faisant  ensuite 
amener  le  catéchumène,  et  un  prêtre  ayant 
proclamé  son  nom  et  celui  de  son  parrain, 
les  prêtres  le  conduisaient  dans  l'eau  vers  la 
main  de  l'évêque,  qui  était  en  un  lieu  un  peu 
élevé.  Alors  les  prêtres  qui  étaient  auprès  de 
lui,  prononçaient  à  haute  voix  le  nom  de  celui 
qu'on  devait  baptiser,  et  l'évêque  le  plon- 
geait trois  fois  dans  l'eau,  et  l'en  retirait 
autant  de  fois,  en  prononçant  sur  lui  le  nom 
des  trois  personnes  de  la  sainte  Trinité.  Après 
cela  les  prêtres  tiraient  hors  de  l'eau  le  bap- 
tisé, le  mettaient  entre  les  mains  de  son  par- 
rain, qu'ils  aidaient  à  lui  mettre  la  robe  qui 
convient  aux  baptisés,  c'est-à-dire  la  robe 
blanche.  Ils  l'amenaient  une  seconde  fois  à 
l'évêque,  qui  le  signait  du  saint  chrême  et  le 
déclarait  capable  de  recevoir  l'eucharistie.  » 
Saint  Denis,  après  avoir  rapporté  les  cérémo- 
nies du  baptême,  en  donne  l'explication,  à  la 
fin  de  laquelle  il  remarque  que  l'on  donnait 
l'eucharistie  au  nouveau  baptisé  aussitôt 
après  son  baptême. 

10.  «  L'Eucharistie  s'appelait  le  sacrement 
des  sacrements,  parce  qu'elle  contient  Jésus- 
Christ,  l'instituteur  et  le  sanctificateur  de 
tous  les  sacrements,  et  de  qui  les  autres  sa- 
crements ont  la  vertu  de  sanctifier.  Une  au- 
tre raison  de  son  excellence  est  que  les  évo- 
ques, qui  sont  les  princes  de  la  hiérarchie,  ne 
font  presque  aucune  fonction  de  leur  minis- 
tère sans  le  sacrement  de  l'Eucharistie.  On 
lui  donne  quelquefois  le  nom  de  communion 
et  de  synaxe,  parce  qu'une  de  ses  vertus  est 
d'unir  les  fidèles,  et  qu'elle  est  une  occasion 
de  les  assembler.  L'évêque,  voulant  faire  la 
consécration,  commence  par  faire  une  prière 
à  l'autel,  puis  il  encense  l'autel  même,  et 
tournant  tout  autour  du  chœur,  il  l'encense 
pareillement.  Après  quoi,  retournant  àl'autel, 
il  entonne  des  psaumes  que  les  clercs  chan- 
tent avec  lui.  Cette  mélodie  finie,  les  minis- 
tres font  la  lecture  de  quelque  livre  des  sain- 


Cérémonies 
de  la  messe. 

Cap.  m,  p. 
243. 


548 


HISTOIRE  GENERALE  DES 


tes  Ecritures,  laquelle  étant  achevée,  on  fait 
sortir  de  l'église  les  catéchumènes,  les  éner- 
gumènes  et  les  pénitents,  en  sorle  qu'il  ne 
reste  à  l'église  que  ceux  qui  sont  dignes  de 
la  vue  et  de  la  communion  des  divins  mys- 
tères. Entre  les  ministres  de  l'Eglise,  les  uns 
se  tiennent  aux  portes  après  les  avoir  fer- 
mées, et  les  autres  font  les  fonctions  propres 
à  leur  ordre.  Ceux  qui  tiennent  le  premier 
rang  parmi  ces  ministres,  c'est-à-dire  les  dia- 
cres, mettent  avec  les  prêtres  sur  le  divin 
autel,  le  pain  sacré  et  le  calice  de  bénédic- 
tion :  mais  ils  ne  font  cela  qu'après  que  toute 
l'assemblée  a  récité  une  hymne  en  commun 
(par  où  quelques-uns  entendent  le  symbole 
de  la  foi).  L'évéque  fait  après  cela  la  sainte 
prière,  et  donne  la  paix  à  tous.  Pendant  que 
tous  se  la  donnent  mutuellement  en  s'em- 
brassant,  on  lit  d'une  voix  intelligible  les  sa- 
crés  volumes   ou  tablettes,  c'est-à-dire   les 
diptyques.  Puis  l'évéque  et  les  prêtres  s'é- 
tant  lavés  les  mains,  l'évéque  se  place  au 
milieu  de  l'autel,  où  les  diacres  et  les  prêtres 
l'environnent.   Après  avoir  récité   l'hymne, 
l'évéque  consacre  les  très-divins  mystères, 
qu'il  fait  voir  ensuite  sous  les  symboles  dont 
ils  sont  voilés.  11  y  participe  lui-même  et  in- 
vite les  autres  à  les  venir  recevoir  :  après 
quoi  il  rend  des  actions  de  grâces  à  Dieu.»  Le 
silence  que  l'on  gardait  encore  sur  la  ma- 
nière de   consacrer  l'eucharistie,  fait  que 
l'auteur  n'en  parle  qu'avec  beaucoup  de  pré- 
cision et  en  termes  qui  n'étaient  intelligibles 
qu'à  ceux  qui  étaient  instruits  de  ce  mystère. 
Il  donne  diverses  exphcations  de  toutes  les 
choses  qui  se  faisaient  dans  ce  que  nous  ap- 
pelons la  messe,  et  il  le  fait  dans  le  même 
goût  que  celles  qu'il  a  données  sur  les  céré- 
monies du  baptême.  Il  y  remarque  que  l'on 
ne  lisait  les  diptyques  qu'après  que  l'évéque 
avait  donné  la  paix  au  peuple,  et  que  ces 
diptyques  ou  tables  contenaient  un  éloge  de 
ceux  qui  avaient  vécu  saintement.  11  dit  sur 
la  communion  que  l'on  divisait  en  plusieurs 
morceaux  le  pain  consacré  pour  en  commu- 
nier ceux  qui  s'en  approchaient,  et  qu'ils 
prenaient  tous  dans  un  même  calice  la  com- 
munion du  sang, 
consécra-       ^^-  "  ^^^  catéchumènes,  les  énergumènes 
chrtm".  ""'"  ^^  'ss  pénitents  avaient  défense  de  se  trouver 
dans  f  église  lorsque  j'on  consacrait  le  saint 
chrême.  Mais  ils  n'en  sortaient  qu'après  que 
l'évéque  en  avait  fait  le  tour  en  l'encensant, 
et  que  l'on  avait  tini  le  chant  des  psaumes 
et  la  lecture  des  Livres  saints. L'évéque  pje- 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

nait  le  chrême  et  le  meltiiit  sur  l'autel,  qui 
était  couvert  de  douze  saintes  ailes  qui  l'en- 
touraient. Pendant  ce  temps-là  tous  les  assis- 
tants chantaient  le  sacré  cantique  que  nous 
avons  des  prophètes  inspirés  de  Dieu.  L'évé- 
que disait  une  prière  destinée  à  la  consécra- 
tion du  saint  chrême,  dont  il  usait  ensuite 
presque  dans  toutes  les  consécrations  des 
choses  saintes,  surtout  dans  la  consécra- 
tion des  ministres  de  la  hiérarchie.  L'usage 
était  de  l'appliquer  ou  de  le  répandre  en 
formant  le  signe  de  la  croix.  Le  saint  chrême 
avait  encore  lieu  dans  la  consécration  des 
autels.  )) 

12.  ((  Comme  il  y  a  trois  degrés  dans  la  hié-  cérémo 
rarchie  ecclésiastique,  l'épiscopat,  le  près-  lioa.  " 
bytérat  et  le  diaconat,  il  y  a  aussi  trois  fonc-  j^'^'p-^-i 
tiens  distinguées  les  unes  des  autres  :  lapre-. 
mière  est  l'expiation  de  ceux  qui  sont  initiés, 
c'est-à-dire  régénérés  dans  les  eaux  du  bap- 
tême; l'illumination  des  baptisés  et  leur 
perfection.  L'expiation  se  fait  par  le  minis- 
tère des  diacres,  lorsqu'ils  catéchisent  ceux 
que  l'on  destine  au  baptême;  l'illumination, 
par  le  ministère  des  prêtres  qui  les  baptisent, 
et  la  perfection,  par  le  ministère  de  l'évéque 
qui  les  confirme  et  leur  administre  l'eucha- 
ristie. La  consécration  de  l'évéque  se  fait  en 
cette  manière.  Celui  qui  se  présente  pour 
éire  sacré,  fléchit  les  deux  genoux  devant 
l'autel,  ayant  sur  sa  tête  le  hvre  des  saints 
évangiles.  L'évéque  qui  le  sacre  lui  met 
aussi  sa  main  droite  sur  la  tête  et  le  consacre 
en  disant  sur  lui  de  saintes  oraisons.  A  l'é- 
gard du  prêtre  qui  doit  être  ordonné,  il  flé- 
chit les  deux  genoux  devant  l'autel,  et  l'évé- 
que, ayant  mis  la  main  droite  sur  sa  tête, 
prononce  sur  lui  les  prières  de  l'ordination. 
Le  diacre  ne  fléchit  qu'un  genou  devant  l'au- 
tel; mais  l'évéque  l'ordonne  en  mettant  sa 
main  droite  sur  sa  tête  et  en  disant  sur  lui 
les  oraisons  propres  à  la  consécration  des 
diacres.  Dans  chacune  de  ces  ordinations, 
l'évéque  forme  le  signe  de  la  croix  sur  celui 
qui  est  ordonné;  il  déclare  qu'il  en  est  digne 
et  l'embrasse,  ce  que  font  aussi  tous  les  ec- 
clésiastiques qui  sont  présents  à  l'ordination.» 
L'auteur  explique  toutes  ces  cérémonies,  et 
il  en  use  toujours  de  même  dans  toutes  celles 
dont  il  parle. 

13.  Il  distingue  trois  ordres  parmi  ceux 
qui  sont  initiés  ou  qui  doivent  l'être.  «Le  pre-  s?!»  bïjé] 
mier  comprend  ceux  qui  ont  besoin  d'expia-  moioe. 
tion;  tels  sont  les  catéchumènes,  les  pé-  32?!'''"'' 
cheurs,  les  énergumènes  et  les  pénitents,  à 


[v=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


549 


qui  il  n'est  pas  permis  d'être  présents  à  la 
célébration  des  mystères,  jusqu'à  ce  qu'ils 
aient  été  expiés  ou  purifiés  par  les  diacres, 
à  qui  il  appartient  de  chasser  les  esprits  im- 
mondes et  de  disposer  les  fidèles  à  recevoir 
dignement  les  sacrements.  Cet  ordre  est  le 
plus  bas  de  tous.  Le  second  comprend  les 
laïques  qui  sont  baptisés  et  qui  vivent  dans 
la  piété.  Il  leur  est  permis  d'assister  et  de 
participer  aux  saints  mystères.  Le  troisième, 
qui  est  le  plus  excellent  des  ordres  inférieurs, 
est  celui  des  moines,  ainsi  appelés  à  cause 
de  leur  vie  retirée  et  innocente.  «Ils  sont  aussi 
nommés  Thérapeutes  par  les  anciens,  parce 
qu'ils  sont  des  serviteurs  déclarés  de  Dieu. 
qui  ne  préfèrent  rien  à  son  service.  «  Celui 
qui  veut  s'engager  dans  cet  ordre,  y  est  ad- 
mis, non  par  l'évêque,  mais  par  un  prêtre, 
parce  qu'il  ne  doit  pas  être  consacré  comme 
les  ordres  supérieurs,  mais  seulement  béni. 
Le  prêtre,  étant  debout  devant  l'autel,  ré- 
cite la  prière  propre  à  cette  bénédiction, 
pendant  laquelle  celui  que  l'on  bénit,  se  tient 
debout  derrière  le  prêtre.  On  ne  lui  met  pas 
sur  la  tête  le  livre  des  saintes  Ecritures  :  le 
prêtre  se  contente  de  dire  sui-  lui  les  orai- 
sons propres  à  celte  bénédiction.  Après  qu'il 
les  a  achevées,  il  lui  demande  s'il  renonce  à 
toutes  les  façons  de  vie  des  gens  du  siècle, 
et  même  aux  pensées  qui  peuvent  s'en  pré- 
senter à  son  esprit.  Ensuite  il  lui  explique 
en  quoi  consiste  la  perfection  de  l'état  qu'il 
embrasse ,  et  l'avertit  de  l'obligation  qu'il 
contracte  de  s'élever  au-dessus  de  la  vie  mé- 
diocre. L'initié  ayant  témoigné  qu'il  y  est 
résolu,  le  prêtre  fait  sur  lui  un  signe  de  croix, 
lui  coupe  les  cheveux  en  invoquant  les  trois 
personnes  divines,  lui  ôte  son  habit  et  lui  en 
donne  un  autre.  Après  quoi  il  l'embrasse  et 
lui  donne  la  sainte  communion.  Tous  ceux 
qui  sont  présents  l'embrassent  aussi.  «On  ne 
trouve  rien  de  semblable  pour  la  consécra- 
tion des  Thérapeutes  dont  parle  Philon. 
Ainsi  c'est  inutilement  que  les  aréopagites  se 
servent  de  son  témoignage ,  pour  montrer 
que  saint  Denis  a  pu  parler  des  moines  et  de 
leur  initiation  à  l'état  monastique. 
Cérémonies  ^4.  «  La  différence  qu'il  v  a  entre  la  mort 
°"-  des  justes  el  celle  des  pécheurs,  c'est  que 

iag.347.^"'  ceux-ci  la  craignent  comme  devant  être  sui- 
vie des  supplices  qu'ils  ont  mérités  par  leurs 
péchés,  et  que  ceux-là  la  désirent  comme  la 
fin  de  leurs  travaux  et  le  commencement  de 
leur  bonheur.  Quand  elle  est  arrivée,  les  pa- 
rents du  défunt  l'en  félicitent,  parce  qu'il  est 


parvenu  à  la  couronne  et  à  la  récompense 
due  à  ses  victoires,  et  ils  en  chantent  des 
cantiques  d'actions  de  grâces  à  Dieu,  souhai- 
tant eux-mêmes  un  pareil  sort  :  ensuite,  pre- 
nant le  corps,  ils  le  portent  à  l'évêque,  qui 
assemble  son  clergé  pour  les  funérailles.  Si 
le  défunt  avait  été  dans  les  ordres  sacrés, 
l'évêque  met  son  corps  devant  l'autel;  mais 
s'il  était  moine  ou  du  nombre  des  fidèles,  il 
le  met  dans  le  vestibule  du  presbytère,  puis 
il  fait  une  prière  à  Dieu  en  actions  de  grâces. 
Après  cela  les  diacres  lisent  à  haute  voix  les 
endroits  des  divines  Ecritures  où  sont  rap- 
portées les  promesses  certaines  de  notre  ré- 
surrection. Ils  chantent  ensuite  les  psaumes 
qui  sont  sur  le  même  sujet.  Alors  l'archidia- 
cre renvoie  les  catéchumènes,  parce  qu'il  ne 
leur  est  pas  permis  d'assister  à  aucune  par- 
tie de  nos  mystères  :  puis  il  nomme  les  saints 
qui  sont  déjà  morts,  et  nomme  après  eux  le 
défunt,  comme  pour  le  leur  associer,  et  il 
exhorte  les  assistants  à  demander  pour  lui 
une  fin  heureuse  en  Jésus-Christ.  Après  quoi 
l'évêque  s'approche  du  corps,  fait  sur  le  dé- 
funt une  prière  et  le  salue,  ce  que  tous  les 
assistants  font  aussi  après  lui.  Ensuite  l'évê- 
que verse  sur  le  corps  de  l'huile  sainte,  et 
après  avoir  fait  une  prière,  pour  toute  l'as- 
semblée, il  met  le  corps  dans  un  lieu  décent, 
avec  les  corps  saints  des  autres  qui  ont  été 
de  même  ordre.  La  raison  de  répandre  de 
l'huile  sur  le  mort,  est  qu'en  ayant  été  oint 
dans  le  baptême  pour  le  préparer  au  combat, 
on  l'en  oint  après  sa  mort,  pour  marquer 
qu'il  a  fini  ses  combats.  «Saint  Denis  ne  rap- 
porte aucune  des  paroles  dont  on  se  servait 
dans  les  consécrations,  disant  qu'il  n'était 
pas  permis  de  les  mettre  par  écrit,  de  peur 
qu'elles  ne  devinssent  publiques.  Les  païens 
trouvaient  mauvais  que  les  chrétiens  don- 
nassent le  sacrement  de  baptême,  et  même 
la  sainte  eucharistie  aux  enfants,  incapables 
d'entendre  les  choses  divines.  Ils  tournaient 
en  dérision  l'usage  de  leur  faire  renoncer 
par  d'autres  à  Satan,  et  la  profession  de  foi 
que  doivent  faire  ceux  que  Ton  baptise. 
Saint  Denis  répond  qu'on  ne  faisait  rien  à 
cet  égard  dans  l'église,  que  suivant  la  tradi- 
tion primitive,  c'est-à-dire  celle  qui  avait 
pris  naissance  dès  le  temps  des  apôtres,  et 
que  dès  lors  on  était  persuadé  que  les  en- 
fants élevés  dans  la  loi  sacrée,  parviennent 
à  une  sainte  habitude,  sans  tomber  dans  l'er- 
reur et  sans  courir  le  risque  d'une  vie  im- 
pure; que  dans  cette  pensée  ces  divins  mai- 


S50 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse  dn 
livre  (les 
Noms  divins, 
pag.  3i5. 

Cap.  I . 


très  avaient  jugé  qu'il  était  à  propos  de  re- 
cevoir au  sacrement  de  baptême  les  enfants 
en  cette  sainte  manière.  Le  père  et  la  mère 
doivent  mettre  leurs  enfants  entre  les  mains 
d'un  des  fidèles  qui,  étant  bien  instruit  des 
choses  divines,  les  puisse  apprendre  à  l'en- 
fant du  soin  duquel  il  doit  être  chargé  à  l'a- 
venir comme  son  père  spirituel.  Lors  donc 
que  cet  homme  présente  l'enfant  pour  le 
baptiser,  l'évêque,  après  avoir  su  de  lui  qu'il 
s'engage  d'instruire  cet  enfant  et  de  le  for- 
mer à  la  piété,  il  exige  de  lui  les  renonce- 
ments et  la  profession  de  foi  ordinaire.  Le 
parrain  ne  dit  pas  ;  «  Je  fais  pour  l'enfant  les 
renoncements  ou  les  saintes  professions;  » 
mais  il  assure  que  l'enfant  même  les  fait,  ce 
qui  est  comme  s'il  disait  :  a  Je  promets  que 
lorsque  l'enfant  sera  en  âge  d'entendre  les 
choses  saintes,  j'aurai  soin,  par  mes  instruc- 
tions, de  le  faire  renoncer  à  tout  ce  qui  est 
contraire  à  la  sainteté  de  son  état,  et  de  lui 
faire  accomplir  les  promesses  divines  que  je 
fais  maintenant  en  son  nom.  n  A  l'égard  de 
la  sainte  eucharistie  que  Tévêque  donne  à 
l'enfant,  c'est  pour  le  nourrir  de  cette  nour- 
riture divine,  aiin  qu'à  l'avenir  il  ne  mène 
point  d'autre  vie  que  celle  qui  s'occupe  de 
la  contemplation  des  choses  divines,  et  qu'il 
y  fasse  du  progrès  sous  la  discipline  de  son 
parrain. 

15.  Dans  le  traité  des  Noms  divins,  qui  est 
encore  adressé  au  prêtre  Timothée,  saint 
Denis  déclare  qu'il  n'avancera  rien  sur  cette 
matière  que  ce  qu'il  en  aura  trouvé  dans  les 
divines  Ecritures.  II  enseigne  que  les  noms 
absolus  qui  sont  donnés  à  Dieu,  à  raison  de 
sou  essence,  tels  que  sont  ceux  de  bon,  de 
Seigneur,  de  vivant,  de  sage,  et  autres  sem- 
blables, appartiennent  également  aux  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité;  que  ceux  qui 
ne  conviennent  qu'à  l'une  des  trois  Person- 
nes, comme  sont  les  noms  de  Père,  de  Fils 
et  de  Saint-Esprit,  ne  doivent  pas  se  dire  de 
toutes  les  personnes,  mais  seulement  de  cel- 
les à  qui  ils  sont  propres.  Qu'il  en  est  de 
même  de  la  substance  humaine  de  Jésus- 
Christ  et  de  tous  les  mystères  qui  ont  un 
rapport  essentiel  à  ces  substances;  qu'on  ne 
peut  les  attribuer  ni  au  Père  ni  au  Saint-Es- 
prit, mais  au  Fils  seul  à  qui  l'incarnation  est 
propre.  Jérothée,  qu'on  suppose  avoir  été  le 
précepteur  de  saint  Denis,  avait  déjà  tra- 
vaillé sur  la  même  matière,  et  son  disciple 
promet  de  ne  point  répéter  ce  qu'il  en  avait 
dit.  Il  explique  de  suite  tous  les  noms  que 


l'Ecriture  donne  à  Dieu,  et  commence  par 
celui  de  bon  et  de  bonté.  D'où  il  prend  occa- 
sion de  traiter  de  la  nature  et  de  l'origine 
du  mal,  montrant  que  le  mal,  non-seulement 
n'est  pas  dans  Dieu,  mais  qu'il  n'en  vient 
pas,  et  que  les  démons  mêmes  ne  sont  pas 
mauvais  de  leur  nature.  Il  réfute  les  discours 
de  ceux  qui  se  plaignaient  de  ce  que  Dieu, 
qui  prévoit  tout  et  qui  peut  tout,  permettait 
le  mal,  et  de  ce  qu'il  ne  nous  contraignait 
pas  à  pratiquer  la  vertu.  «  El  n'est  pas,  dit-il, 
de  la  divine  Providence  de  violer  les  lois  de 
la  nature  :  Dieu  gouverne  toutes  choses  de 
la  manière  qu'il  convient  à  chacune  d'être 
gouvernée.  Le  nom  à-'être  lui  est  donné , 
parce  qu'il  existe  véritablement,  et  que  tous 
les  autres  tiennent  de  lui  leur  existence.  Il 
est  appelé  vie  comme  étant  la  source  de 
toutes  les  vies,  de  celle  des  anges,  de  leur 
incorruptibilité ,  de  l'immortalité  des  hom- 
mes, de  la  vie  des  animaux  et  des  plantes. 
On  le  nomme  sagesse,  parce  qu'il  est  la  sa- 
gesse même,  la  source  de  toute  sagesse  et 
an-dessus  de  toutes  intelligences.  Le  nom  de 
Verbe  ou  Parole  lui  est  donné,  parce  que 
c'est  lui  qui  donne  la  parole,  l'esprit  et  la 
sagesse,  et  encore  parce  qu'il  renferme  en 
lui-même  les  causes  de  toutes  choses  avant 
qu'elles  existent,  et  qu'il  pénètre  partout. 
Dieu  est  aussi  appelé  jouissance,  parce  qu'il 
contient  d'une  manière  suréminente  toutes 
puissances,  qu'il  en  est  la  cause,  et  qu'il  pro- 
duit tout  avec  une  puissance  infaillible  et 
infinie.  Il  est  dit  juste,  comme  donnant  à 
chaque  chose  ce  qui  lui  convient  :  ce  qu'il 
fait  avec  tant  d'équité,  que  rien  ne  manque 
à  aucun  être  de  ce  qui  lui  est  dû.  »  Saint 
Denis  explique  de  la  même  manière  les  au- 
tres noms  que  l'Ecriture  donne  à  Dieu , 
comme  celui  de  grand,  de  parfait,  d'ancien 
des  jours.  Ce  dernier  nom  est  donné  à  Dieu, 
parce  qu'encore  qu'il  soit  avant  l'âge  et  le 
temps,  il  est  l'âge  et  le  temps  de  toutes  cho- 
ses. Il  est  appelé  un,  parce  qu'il  est  lui  seul 
toutes  choses,  et  que  c'est  de  lui  que  chaque 
chose  est  une.  Le  terme  de  trinité  marque 
ce  qu'il  y  a  de  fécond  en  Dieu.  L'auteur  finit 
cet  ouvrage  en  s'excusaut  de  n'avoir  pas 
expliqué  les  noms  de  Dieu  selon  leur  dignité, 
ni  avec  la  même  suffisance  que  d'autres  l'a- 
vaient fait  avant  lui,  et  dit  que  s'il  y  a  quel- 
que chose  de  bon  dans  ce  qu'il  en  a  dit,  on 
doit  l'attribuer  à  Dieu,  de  qui  tout  bien  pro- 
cède. 11  promet  de  traiter  de  la  théologie 
mystique. 


[V=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XXXIX.  —  SAINT  DENIS  L'ARÉOP AGITE. 


551 


Cap.  I. 


■16.  Après  avoir  invoqué  dans  ce  livre  le 
secours  de  la  sainte  Trinité  et  l'avoir  sup- 
plié de  l'élever  à  l'émineut  degré  où  Dieu 
découvre  aux  âmes  pures  ses  divins  secrets, 
il  avertit  Timothée  que  ce  n'est  que  par  le 
dégagement  des  choses  sensibles  et  de  soi- 
même,  que  l'on  s'élève  à  la  contemplation 
de  la  divine  obscurité,  c'est-à-dire  de  l'in- 
compréhensibilité  de  Dieu.  Il  le  prie  de  ne 
point  répandre  cette  théologie  mystique  en 
présence  de  ceux  qui  ne  peuvent  se  persua- 
der qu'il  y  ait  quelque  chose  au-dessus  des 
êtres  naturels  et  sensibles,  ou  qui  ne  croient 
point  que  Dieu  soit  plus  excellent  que  les  fi- 
gures sous  lesquelles  ils  le  représentent;  au 
lieu  qu'ils  devraient  reconnaître  qu'il  est  le 
principe  de  toutes  choses,  avant  et  au-dessus 
d'elles.  11  prétend  que  c'est  ce  qu'a  voulu 
dire  le  divin  Barthélémy,  en  ces  termes  : 
«  La  Théologie  est  copieuse  et  petite  :  l'E- 
vangile est  grand,  ample  et  néanmoins  rac- 
courci. »  Les  aréopagites  concluent  de  là 
que  l'apôtre  saint  Barthélémy  avait  composé 
quelque  ouvrage  sur  la  théologie  mystique. 
Saint  Denis  donne  pour  principe  que  comme 
ceux  qui  ont  une  statue,  retranchent  de  la 
matière  tout  ce  qui  peut  empêcher  de  voir 
la  figure,  nous  devons,  en  nous  appliquant 
à  connaître  Dieu,  commencer  par  retrancher 
toutes  les  idées  des  choses  basses,  et  lui  at- 
tribuer ensuite  les  plus  excellentes.  Il  rap- 
porte ce  qu'il  avait  dit  dans  un  autre  ouvrage 
intitulé  :  Hypolijpose  théologique,  de  l'Unité  et 
de  la  Trinité  de  Dieu;  la  manière  dont  il  avait 
expliqué  ses  perfections  dans  le  livre  des 
Noms  divins,  et  ce  qu'il  avait  dit  dans  celui 
de  la  Théologie  symbolique,  pour  expliquer  les 
difïéientes  figui-es  sous  lesquelles  Dieu  nous 
est  représenté  dans  l'Ecriture.  De  ces  trois 
ouvrages,  le  premier  et  le  dernier  sont  per- 
dus. Il  enseigne  que  quand  ou  loue  Dieu  en 
des  termes  positifs,  comme  lorsqu'on  dit 
qu'il  est. vie,  bonté,  esprit,  air,  etc.,  il  faut 
commencer  par  les  choses  les  plus  excellen- 
tes, parce  qu'elles  conviennent  plus  à  Dieu  ; 
et  que  quand  on  le  looie  en  termes  négatifs, 
on  doit  commencer  par  les  choses  les  plus 
basses,  parce  qu'elles  lui  conviennent  moins  ; 
ainsi  l'on  dit  :  Dieu  ne  s'enivre  point,  il  ne  se 
fâche  point,  il  n'est  point  compréhensible.  Il 
rapporte  divers  exemples  de  ces  perfections 
négatives,  et  fait  voir  que  Dieu  n'est  rien  de 
sensible,  ni  aucune  des  choses  créées  qui 
sont  spirituelles  et  intelligibles,  mais  qu'il 


est  au-dessus  de  tout  ce  que  nous  connais- 
sons en  ce  genre. 

17.  Nous  avons  douze  lettres  sous  le  nom  Leiire.  ho 
de  saint  Denis  l'Aréopagite,  dont  les  quatre  "a'g.Sei.'""' 
premières  sont  adressées  au  moine  Caïus. 
Il  montre  dans  la  première  que  toute  la  con- 
naissance que  nous  avons  de  Dieu,  nous  l'a- 
vons par  les  créatures  qui  font  son  ouvrage , 
et  que  l'on  ne  peut  mieux  comprendre  Dieu 
qu'en  comprenant  qu'il  est  incompréhensi- 
ble. Il  dit  dans  la  seconde  que  l'on  peut  dire 
que  Dieu  est  tellement  au-dessus  de  toutes 
choses,  qu'il  est  au-dessus  même  du  principe 
de  la  divinité,  si,  par  le  terme  de  principe, 
on  entend  le  don  divin  qui  divinise  en  quel- 
que sorte  les  anges  et  les  saints  à  qui  il  est 
donné.  Dans  la  troisième,  il  explique  ce  que 
signifie  le  mot  subitement,  dont  le  prophète 
Malachie  se  sert  en  parlant  de 'l'incarnation,  Mauc  m.  i. 
et  dit  qu'il  marque,  en  général,  la  manière 
dont  une  chose  arrive,  lorsqu'étant  inconnue, 
elle  parait  subitement  :  mais,  à  l'égard  de 
l'incarnation,  ce  terme  pourrait  bien  signifier 
que  Dieu,  en  se  faisant  chair,  a  paru  comme 
un  d'entre  nous,  et  que,  nonobstant  cette  ap- 
parition, il  est  toujours  caché  par  rapport  à 
nous,  le  mystère  de  son  incarnation  étant 
ineffable.  [1  fait  voir  dans  la  quatrième  qu'en- 
core que  Dieu  ait  pris  notre  nature,  il  est 
toutefois  au-dessus  de  la  nature  humaine,  et 
quoiqu'il  soit  au-dessus  de  l'homme,  il  fait 
néanmoins  ce  qui  est  propre  à  l'homme.  Cela 
paraît  par  la  manière  surnaturelle  dont  il  est 
né  d'une  vierge  et  dont  il  a  marché  sur  les 
eaux.  Par  une  suite  d'union  des  deux  natures 
en  une  seule  personne,  il  n'a  point,  comme 
Dieu,  opéré  les  choses  divines;  ni,  comme 
homme,  les  choses  humaines  :  mais  étant 
Dieu-Homme,  l'opération  qu'il  faisait  en  vi- 
vant avec  nous,  était  une  nouvelle  opération 
qui  était  théandrique,  c'est-à-dire  divine  et 
humaine.  Dans  la  cinquième,  qui  est  au  dia- 
cre Dorothée,  il  explique  ce  que  c'est  que  la 
divine  obscurité  qui  rend  Dieu  invisible  :  et 
prétend  qu'il  faut  entendre  par  là  la  lumière 
inaccessible  où  Dieu,  selon  saint  Paul,  fait  i  Tim.  vr, 
sa  demeure.  La  sixième  est  au  prêtre  Sosi- 
pater.  Il  lui  dit  que  la  victoire  ne  consiste  pas 
à  invectiver  contre  l'opinion  de  nos  adver- 
saires, mais  à  soutenir  la  vérité  par  des  ar- 
guments si  solides,  qu'on  ne  puisse  les  ré- 
futer. Il  fournit  dans  la  septième,  à  l'évêque 
Polycarpe,  divers  arguments  pour  combattre 
Apollophanès  et  l'amener  à  la  connaissance 


55â 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSlASTIQUESo 


de  la  vraie  religion.  Tl  tire  ces  arguments  du 
prodige  qui  arriva  lorsque  Josué  fit  arrêter 
le  soleil  et  la  lune  un  jour  entier,  ainsi  qu'il 
est  rapporté  dans  le  chapitre  x«  de  Josué  ; 
et  d'un  autre,  lorsqu'à  l'invocation  du  pro- 
Lib.  IV  Reg.  pliète  Isaïe,  Dieu  fit  durer  un  jour  autant  que 
trois  autres,  comme  il  est  rapporté  dans  le 
Cap.  XX.  quatrième  livre  des  Rois.  Mais  parce  qu'A- 
pollophanès^  qui  était  païen,  aurait  pu  rejeter 
ce  que  l'Ecriture  dit  de  ces  prodiges,  saint 
Denis  rapporte  l'éclipsé  qui  arriva  à  la  pas- 
sion de  notre  Sauveur.  «  Alors,  dit-il,  Apol- 
lophanès  et  moi,  nous  étions  ensemble  à  Hé- 
liopolis :  nous  vîmes  la  lune  se  mettre  au 
devant  du  soleil;  ce  que  nous  n'eussions 
jamais  cru  possible,  car  ce  n'était  point  le 
temps  de  la  conjonction.  Ensuite,  sur  la  neu- 
vième heure  du  jour,  nous  la  vîmes  d'une 
manière  surnaturelle,  retourner  à  sa  place  à 
l'opposite  du  soleil.  Qu'ApoUophanès  se  sou- 
vienne d'une  autre  chose  que  nous  remar- 
quâmes dans  cette  éclipse,  qui  est  que  la 
lune  commença  à  se  mettre  au  devant  du 
soleil  par  le  côté  oriental  du  soleil,  et  conti- 
nua de  passer  devant  lui  jusqu'à  ce  qu'elle 
fût  arrivée  au  côté  occidental  :  après  quoi 
elle  revint  au  côté  oriental,  retournant  sur 
ses  pas  pour  reprendre  la  place  qu'elle  avait 
auparavant.  Tous  ces  choses  sont  surnatu- 
relles, et  il  n'y  a  que  Jésus-Christ,  l'auteur  de 
toutes  choses,  à  qui  elles  soient  possibles.  » 
Il  veut  que  Polycarpe  presse  encore  Apollo- 
phanès,  sur  ce  qu'il  avait  dit  en  admirant  ce 
prodige  :  «  Mû  de  je  ne  sais  quel  esprit,  et 
devinant  ce  qui  se  passait,  il  prononça  ces 
mots  qui  tiennent  de  l'oracle  :  Ce  sont  là  des 
vicissitudes  de  choses  divines.  »  La  huitième 
est  écrite  au  moine  Démophile.  C'est  une 
correction  que  lui  fait  saint  Denis  sur  la  ma- 
nière dure  dont  il  avait  traité  un  prêtre  et 
un  pénitent.  Démophile  ayant  trouvé  dans  le 
sanctuaire  un  laïque  qui  se  confessait  à  un 
prêtre,  les  en  chassa  tous  les  deux  après 
avoir  frappé  le  pénitent  sur  la  joue  et  mal- 
traité de  paroles  le  prêtre.  Saint  Denis,  après 
lui  avoir  représenté  la  douceur  de  Moïse  et 
des  autres  anciens  patriarches  et  celle  de  Jé- 
sus-Christ même,  lui  dit  qu'il  ne  lui  avait  pas 
été  permis,  n'étant  que  moine,  de  corriger 
un  prêtre,  quelque  impiété  qu'il  parût  com- 
mettre contre  les  choses  divines,  les  règles 
de  l'Eglise  voulant  qu'il  y  eût  de  la  subordi- 


nation dans  tous  les  ordres,  en  sorte  que  le 
moine  convaincu  de  faute  en  pût  être  repris 
par  un  diacre,  le  diacre  par  un  prêtre,  et  le 
prêtre  par  l'évêque.  Il  lui  fait  voir  qu'il  n'a- 
vait pu,  sans  une  grande  inhumanité,  chasser 
ce  pénitent  qui  confessait  ses  péchés,  et  lui 
cite  sur  ce  sujet  une  vision  qu'avait  eue  un 
saint  homme  nommé  Carpus,  dans  laquelle 
Jésus- Christ,  en  lui  reprochant  sa  dureté 
envers  les  pécheurs,  l'avait  pris  par  la  main 
en  lui  disant,  qu'il  était  prêt  à  souffrir  une 
seconde  fois  la  mort  pour  leur  salut.  Il  re- 
marque dans  la  neuvième,  à  l'évêque  Tite, 
que  lorsque  la  sainte  Ecriture  nous  dépeint 
Dieu  avec  des  figures  terrestres  et  grossières, 
ce  n'est  que  pour  cacher  aux  hommes  pro- 
fanes les  choses  saintes  dont  ils  ne  sont  point 
capables,  et  afin  qu'elles  ne  soient  enten- 
dues que  des  personnes  spirituelles  qui  sa- 
vent s'élever  au-dessus  des  sens.  11  explique 
d'une  manière  mystique  toutes  ces  figures, 
et  renvoie  à  son  livre  de  la  Théologie  symboli- 
que, l'explication  que  Tite  lui  avait  demandée 
de  la  maison  de  la  sagesse,  de  sa  coupe,  de 
sa  viande  et  de  son  breuvage.  Dans  la 
dixième,  qui  fut  écrite  à  saint  Jean  lors  de 
son  exil  dans  l'île  de  Pathmos,  il  assure  cet 
apôtre  de  la  liberté  et  de  son  retour  en  Asie, 
pour  y  servir  de  modèle  de  perfection  tant  à 
ceux  qui  vivaient  encore,  qu'aux  autres  qui 
devaient  venir  dans  les  siècles  suivants.  A 
ces  dix  lettres  on  en  joint  une  dans  h.  Biblio- 
thèques des  Père  de  Lyon,  que  l'on  dit  avoir 
été  traduite  autrefois  par  Hilduin,  abbé  de 
Saint-Denis.  Mais  elle  ne  se  trouve  dans  au- 
cun recueil  des  livres  qui  portent  le  nom  de 
saint  Denis  l'Aréopagite.  Il  paraît  aussi  que 
saint  Maxime  et  PacRymère  ne  la  connais- 
saient pas,  puisqu'ils  ne  l'ont  point  expliquée  : 
elle  est  d'ailleurs  d'un  style  tout  différent 
des  dix  lettres  dont  nous  venons  de  parler. 
La  conversion  du  philosophe  Apollophanès 
en  fait  le  sujet.  L'auteur  le  félicite  d'avoir 
embrassé  la  foi  de  Jésus-Christ  et  lui  témoi- 
gne être  d'autant  plus  sensible  à  son  chan- 
gement, qu'il  avait  été  plus  longtemps  dans 
l'erreur. 

18.  Outre  les  livres  qui  nous  restent  sous       ^^^^^^ 
le  nom  de  saint  Denis ,  il  y  en  avait  d'autres  p"''"=- 
qui  ne  sont  pas  venus  jusqu'à  nous  et  qui 
sont  cités  dans  ceux  que  nous  avons,  savoir  : 
une  Théologie  symbolique  ' ,  un  traité  de  l'Ame-, 


'  Lib.  de  Cœlest.  hierarch.,  cap.  sv. 


Lib.  de  Divin,  nominibus,  cap.  IV. 


[VI'   SIECLE.] 

des  Hypotiposes  ou  Informations  * ,  des  Hymnes 
divins  -,  un  traité  du  Juste  jugement  de  Dieu  ^, 
un  traité  des  Choses  qu'on  connaît  par  l'esprit 
etpar  les  sens*,  unliyre  de  la  Hiérarchie  légale^ 
et  les  Actes  de  saint  Eutrope  ^,  avec  une  lettre 
au  pape  Clément.  Quelques-uns  mettent  en- 
tre les  livres  perdus  un  traité  des  Propriétés 
et  des  Ordres  des  anges  ;  mais  il  parait  que  l'on 
doit  entendre  par  là  ce  qui  en  est  dit  dans  le 
livre  de  la  Hiérarchie  céleste. 

19.  La  plus  ancienne  édition  grecque  des 
ouvrages  attribués  à  saint  Denis,  est  celle  qui 
fut  faite  à  Florence  en  1516,  chez  Junte,  avec 
un  glossaire  pour  l'explication  des  termes  dif- 
ficiles ;  elle  fut  suivie  de  celles  de  Bâle  en  1 539, 
de  Cologne  en  1546,  de  Paris,  en  1565,  de  Ve- 
nise en  1558,  de  Paris  en  1562,  chez  Morelle; 
les  éditions  latines  sont  de  Paris  en  1515,  chez 
Henri  Etienne,  de  la  version  d'Ambroise  Ca- 
maldule ,  et  avec  les  notes  de  Lefèvre  d'E- 
taples,  et  le  commentaire  de  Clichtou;  de 
Strasbourg,  en  1546,  de  la  version  de  Clause- 
rue;  de  la  même  ville,  en  1498  et  1502,  de 
Paris  en  1505,  d'Alcala  en  1504 ,  de  la  tra- 
duction de  Ficin.  Jean  Scot-Erigène  avait  tra- 
duit, plusieurs  siècles  auparavant,  les  ou- 
vrages de  saint  Denis  ;  sa  version,  avec  celles 
de  Pierre  Sarrasin,  d'Ambroise,  Camaldule,  et 
de  Ficin,  furent  imprimées  à  Cologne  en  1546. 
Périonius  en  fit  une  autre  qui  fut  mise  sous 
presse  à  Strasbourg  en  1557,  et  à  Lyon  en 
1585.  Le  père  Lanssélius,  jésuite,  en  fit  une 
édition  grecque  et  latine,  qui  vit  le  jour  à 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  AVIT,  ÉVEQUE. 


^53 


Paris  en  1615;  nous  en  avons  une  autre  du 
père  Cordier,  aussi  jésuite,  à  Anvers  en  \  633, 
et  à  Paris  en  1644,  chez  Chaudière.  [Cette 
édition  a  été  réimprimée  à  Venise  en  1755- 
56,  deux  tomes  in-fol.,  par  Bern.  de  Rubéis, 
qui  ajouta  une  dissertation  préliminaire.  Les 
tomes  m  et  IV  de  la  Patrologie  grecque  re- 
produisent cette  édition.] 

Le  livre  de  la  Théologie  mystique  et  celui 
des  Noms  divins  furent  imprimés  à  Venise 
en  1538,  traduits  et  expliqués  par  Marsile 
Ficin,  et  réimprimés  avec  ses  ouvrages,  ci 
Bâle  en  1576.  On  imprima  en  la  même  ville 
le  livre  de  la  Hiérarchie  ecclésiastique,  traduit 
enlatinenl539.  L'Epitreà Polycarpesetvouve 
parmi  celles  des  saints  Pères,  de  l'édition  de 
Charapérius,  en  1516,  et  avec  celles  de  saint 
Ignace,  à  Anvers  en  1 540,  et  à  Venise  en  1 546; 
les  œuvres  de  saint  Denis  ont  été  placées  dans 
les  Bibliothèques  des  Pères  ;  dans  celle  de  Co- 
logne, on  a  suivi  l'édition  de  Lanssélius,  et 
celle  du  père  Cordier  dans  la  Bibliothèque  des 
Pèi-es  de  Lyon.  Le  père  Pierre-Joseph  Cor- 
tasse,  jésuite,  mort  à  Lyon  en  1740,  a  traduit 
en  français  le  traité  des  Noms  divins,  avec  des 
notes  critiques  ,  philosophiques  ,  historiques 
et  dogmatiques,  in-4°,  à  Lyon  en  1739.  Dans 
sa  préface,  il  s'efforce  de  prouver  que  cet 
ouvrage  est  de  saint  Denis  l'Aréopagite.  [Les 
œuvres  de  saint  Denis  ont  été  traduites  du 
.  grec  en  français  par  M.  l'abbé  Darboy,  Paris 
1845;  elles  sont  précédées  d'une  introduction 
où  l'on  discute  l'authenticité  de  ces  livres.] 


CHAPITRE  XL. 

Saint  Avit,    évêque    de   Vienne 


[En  518  ou  523. 


1.  Avitus ,  qui  se  nomme  aussi  Alcimus  et 
Ecditius  dans  une  de  ses  lettres  ^,  était  d'une 
famille  patricienne  d'Auvergne  et  fils  du  sé- 
nateur Hésychius.  Il  prend  lui-même  la  qua- 
lité de  sénateur  dans  la  lettre  qu'il  écrivit  aux 


premiers  du  sénat  de  Rome  ',  à  l'occasion  du 
jugement  que  l'on  rendit  en  cette  ville  en  fa- 
veur du  pape  Symmaque.  Sa  mère,  nommée 
Audence,  eut  de  son  mariage  avec  Hésychius 
quatre  enfants  :  deux  garçons  et  deux  filles. 


'  Lib.  de  Divin,  nonmiibus,  cap.  I  et  ii. 

2  Lib.  de  Cœlest.  hierarch.,  cap.  vn. 

"  De  Divin,  nominibus,  cap.  iv. 

'  Lib.  de  Ecclei.  hierarch.,  cap.  I  et  Jl. 

*  Ibid.,  cap.  m.  —  s  Tom.  II  oper.  Dionyg.,  p.  378. 


'  Sur  saint  Avit,  voyez  Défense  de  l'Eglise  contre 
les  erreurs  historiques,  par  l'abbé  Gorini,  tome  I. 
[L'éditeur.) 

8  Apud  Ennod.,  in  Vit.  Epiph.,  pag.  1686. 

s  Avit.,  Epist.  31. 


su 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


evequo    en 
400. 


Avit  était  le  puîné,  et  Apollinaire  l'ainé.  Avit 
fut  régénéré  en  Jésus-Clirist  dans  le  saint 
baptême  par  saint  Mamniert,  alors  évéque  de 
Vienne  *.  Ce  saint  étant  mort,  Hésychius,  qui 
avait  embrassé  le  parti  de  la  continence  avec 
sa  femme ,  fut  choisi  pour  remplir  le  siège 
épiscopal  de  Vienne.  Il  y  avait  alors  en  cette 
ville  un  rhéteur  célèbre  nommé  Sapande.  Ce 
fat  sous  lui,  sans  doute,  qu'Avit  se  forma 
dans  les  belles-lettres.  Il  joignit  à  l"Iude  de 
l'éloquence  et  de  la  poésie  une  piété  solide, 
dont  il  avait  reçu  les  premiers  éléments  dans 
la  maison  paternelle. 

2.  Après  la  mort  d'Hésychius,  son  père,  ar- 
rivée en  490,  on  le  choisit  pour  son  succes- 
seur. Il  porta  avec  lui  sur  le  siège  épiscopal 
de  Vienne  toutes  les  vertus  que  saint  Paul 
demande  dans  un  évêque,  et  surtout  une  foi 
vive,  un  zèle  ardent  pour  les  intérêts  de  la 
l'eligion  et  une  charité  qui  le  rendit  toujours 
attentif  au  salut  de  ses  peuples.  Saint  Epi- 
phane ,  évêque  de  Pavie  ^,  étant  venu  à  la 
cour  des  rois  de  Bourgogne,  en  494,  pour 
racheter  les  captifs  que  les  Bourguignons 
avaient  faits  dans  la  Ligurie,  employa  à  leur 
rançon  tout  l'argent  que  le  roi  Théodoric  lui 
avait  fourni  ;  mais  la  somme  ne  suffisant  point, 
saint  Avit  suppléa  au  reste  avec  une  dame 
nommée  Syagria,  qui  passait  alors  pour  le 
trésor  de  l'Eglise  dans  le  pays.  La  réputa- 
tion de  piété  et  de  savoir  que  saint  Avit  s'ac- 
quit dans  le  gouvernement  de  son  Eglise 
lui  mérita  l'estime  de  Gondebaud  ,  roi  des 
Bourguignons,  quoique  arien,  et  la  confiance 
de  Clovis,  roi  des  Français,  avant  même  que 
ce  prince  eîit  embrassé  la  religion  chrétienne. 
Gondebaud  voulant  retirer,  ou  du  moins  ga- 
rantir l'empereur  Anastase  de  l'erreur  d'Eu- 
tychès,  choisit  saint  Avit  pour  tirer  de  l'Ecri- 
ture les  preuves  les  plus  convaincantes  et  les 
plus  propres  pour  détruire  cette  erreur,  dans 
le  dessein  de  les  envoyer  en  Orient.  Il  con- 


sentit même  à  une  conférence^, qui  se  tint  à 
Lyon,  en  499,  entre  les  évêques  catholiques 
et  les  ariens.  Ce  fut  saint  Avit  qui  porta  la 
parole ,  et  il  le  fit  avec  tant  de  suffisance,  qu'il 
réduisit  ses  adversaires  à  ne  pouvoir  répon- 
dre que  par  des  clameurs  et  par  des  injures. 
Il  contribua  beaucoup,  par  ses  soins  et  ses 
exhortations,  à  la  conversion  du  roi  Sigis- 
mond,  et  ce  fut  lui  qui  engagea  ce  prince  à 
rétabhr  le  monastère  d'Agaune  ou  de  Saint- 
Maurice-en-Valais.  Le  détail  de  ses  lettres 
nous  apprendra  quelle  part  il  eut  aux  affaires 
de  toute  TEgiise,  et  particulièrement  à  ceUe 
des  Gaules.  Il  mourut  à  l'âge  de  soixante- 
treize  ans,  le  3  février,  jour  auquel  l'Eglise 
célèbre  sa  mémoire.  L^historien  de  sa  vie  * 
dit  qu'il  mourut  sous  l'empire  d'Anastase,  en 
318.  D'autres  reculent  sa  mort  jusqu'après 
cefie  de  Sigismond,  arrivée  en  322;  mais  ils 
n'en  donnent  point  de  preuves.  Sa  dernière 
lettre,  dans  l'ordre  qu'on  nous  les  a  données, 
est  de  317.  Ennode  de  Pavie  le  qualifie  très- 
excellent  entre  les  évêques  des  Gaules  ^.  Il 
dit  de  lui  que  l'érudition  semblait  l'avoir 
choisi  pour  en  faire  le  liou  éclatant  de  sa  de- 
meure. 

3.  Nous  avons  de  lui  un  grand  nombre  de 
lettres  ^,  des  homélies  et  des  poèmes.  Sa  pre- 
mière lettre  est  adressée  au  roi  Gondebaud'. 
Ce  prince  lui  avait  proposé  deux  questions  : 
l'une,  sur  le  sens  de  ces  paroles  :  Si  un  homme 
dit  à  son  père  ou  à  sa  mère  :  Tout  don  que  je 
fais  à  Dieu  vous  est  inutile,  il  satisfait  à  la 
loi,  et  vous  ne  permettez  pas  qu'il  fasse  rien  da- 
vantage pour  son  père  ou  pour  sa  mère  ;  l'autre, 
sur  la  divinité  du  Saint-Espi'it.  Saint  Avit  ré- 
pond que  le  terme  corban,  que  nous  rendons 
en  notre  langue  par  don,  signifie,  dans  la 
langue  hébraïque,  le  présent  que  l'on  offrait 
à  Dieu  par  dévotion ,  et  que  la  suite  du  pas- 
sage marque  que  les  scribes  et  les  pharisiens 
que  Jésus-Christ  fait  parler  en  cet  endroit. 


Marc. 
Il  el  12. 


'  Avit.,  de  Rogat.,   pag.  136. 

2  Ennod.,  in  Vit.  Epiph.,  pag.  1685,  1986. 

s  ïom.  IV  ConciL,  pag.  1318. 

'■>  Bolland.,  ad  diem  5  febr.,  pag.  668. 

^  Dédit  eliam  prcesiantissimus  inier  Gnllos  Avifus, 
Viennensis  episcopus,  in  quo  se  perifia  velut  in  diver- 
sorio  lucidœ  domus  inclusit.  Ennod.,  in  Vit.  Epiph., 
pag.  1686. 

6  L'édition  de  Sirmond  renferme  quatre-vingt-huit 
épîtres  de  saint  Avit.  Baluze  en  a  édité  quatre  autres 
dana  ses  Miscellanea ,  Lucques  1761,  tome  II,  page 
940.  La  première  de  ces  quatre  est  à  Gondebaud,  qui 
avait  demandé  au  saint  évêque  l'explication  des  pa- 
roles rapportées  dans  l'Evangile  :  Ecce  nos  reliquimus 
omnia,  et  secuii  sumus  te  (Mat.  SIX,  27),  et  ces  autres  : 


Omnis  qui  religueritdomum,aut  fratres,  etc.  Ibid.  29. 
La  seconde  est  adressée  à  un  homme  illustre,  nommé 
Arigius  ;  saint  Avit  s'excuse  de  n'avoir  pu  assister  à 
la  solennité  des  apôtres  à  Vienne.  La  troisième  est 
adressée  à  Févêque  Etienne.  La  quatrième  est  à  l'é- 
vèque  Grégoire  et  toutes  deux  sont  très-courtes; 
elles  sont  ti  l'occasion  des  fêtes.  Une  autre  lettre  se 
trouve  à  la  tête  des  poèmes  sur  l'Histoire  de  Mme 
et  une  autre  à  la  tête  du  poème  à  sa  sœur.  Il  y  a 
enfin  la  lettre  du  pape  Symmaque,  ce  qui  porte  les 
lettres  à  quatre-vingt-quinze.  Mais  il  y  en  a  sept 
écrites  sous  un  autre  nom.  Il  ne  reste  donc  que 
quatre-vingt-sept  lettres  du  saint  è-^è^aa.  {L'éditeur.) 
i  Tom.  II  oper.  Sirmond.,  pag.  1  edit.  1696. 


[Vl=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  AVIT,  ÉVÊQUE. 


enseignaient,  par  une  vue  d'intérêt,  que  lors- 
qu'on otîrait  à  Dieu  quelque  chose,  il  n'était 
pas  besoin  de  s'inquiéter  si  ce  que  l'on  offrait 
était  nécessaire  à  la  subsistance  de  son  père 
ou  de  sa  mère;  en  quoi  ils  allaient  contre  le 
précepte  de  Dieu ,  qui  veut  que  nous  hono- 
rions nos  pères  et  mères ,  non-seulement  de 
paroles,  mais  d'effet.  Saint  Avit,  faisant  allu- 
sion au  ternie  de  l'Evangile  en  cet  endroit,  y 
trouve  l'origine  de  la  formule  :  Ite  missa  est, 
dont  il  dit  que  l'on  se  servait,  soit  dans  les 
palais  des  princes,  soit  dans  les  salles  de  pré- 
toire, soit  dans  les  églises  pour  congédier  le 
peuple  lorsque  l'assemblée  était  finie.  Il  dit 
encore  que  le  terme  radia,  dont  Gondebaud 
lui  avait  apparemment  demandé  la  significa- 
tion, veut  dire  en  hébreu,  comme  en  latin  et 
en  grec ,  vide ,  et  que  Dieu  défend  d'appeler 
nos  frères  de  ce  nom,  parce  que  c'est  un  op- 
probre d'appeler  vide  celui  qui  n'est  pas  vide 
du  salut.  Sur  la  seconde  question,  il  répond 
que  les  évêques  ariens  l'avaient  trompé  en 
lui  faisant  entendre  que  Dieu  avait  soufflé 
Tesprit  dans  l'âme  de  l'homme;  au  lieu  qu'il 
est  écrit  que  Dieu  répandit  sur  le  visage  de 
l'homme ,  qu'il  avait  formé  du  limon  de  la 
terre,  un  souffle  de  vie,  et  que  par  là  l'homme 
reçut  l'âme  et  la  vie.  L'incorporel  peut  ré- 
pandre le  souffle  de  vie,  mais  souffler  ne  se  dit 
que  de  ce  qui  est  incorporel.  Le  saint  fait  donc 
voir  que  l'esprit  de  vie  que  Dieu  inspira  au 
premierhommen'étaitpasla substance  même 
du  Saint-Esprit,  mais  l'âme  qui  devait  animer 
le  corps  de  l'homme,  et  que  l'Ecriture  appelle 
le  souffle  de  vie.  Autrement  il  faudrait  dire 
que  c'est  l'Esprit  saint  qui  pèche  dans  nous, 
et  que  nous  demandons  pour  lui  la  rémission 
de  ses  péchés,  lorsque  nous  prions  pour  les 
esprits  des  morts  ',  ce  qui  ne  peut  se  dire 
sans  blasphème.  Il  dit  que  jusqu'ici  personne 
n'a  distingué  le  Saint-Esprit  de  l'Esprit  con- 
solateur, et  qu'il  y  a  cette  différence  entre  l'es- 
prit de  l'homme ,  c'est-à-dire  le  souffle  qui 
l'anime  et  l'Esprit  divin,  que  l'un  commence 
par  la  création,  et  que  l'autre  s'accorde  par 
bonté.  Il  presse  le  roi  de  ne  plus  permettre 
aux  évêques  ariens  de  prêcher  en  sa  présence, 
puisqu'ils  refusaient  de  s'instruire  eux-mêmes 
de  la  vérité;  de  se  séparer  d'eux,  puisqu'ils 
ne  voulaient  point  professer  la  même  doc- 

'  Si  prœventus  carnalUer  peccat  spiriius  humanus, 
Spiriius  Sanctus  in  eo  peccare  dicendus  est  :  vel  cerie 
Spirilui  Sanclo  remissionem  dari  poscimus ,  cuni  pro 
defunciorum  spiritibus  supplicamus.  Avil.,  Epist.  1 
ad  Gundobald. 


S55 

trine  que  lui  et  professer  ouvertement  la  foi 

catholique. 

4.  Ce  prince  aimait  en  effet  la  vérité,  mais 
il  n'avait  pas  le  courage  d'abandonner  ouver- 
tement l'arianisme,  quoiqu'il  se  déclarât  con- 
tre les  autres  hérésies.  Il  était  lié  d'amitié 
avec  l'empereur  Anastase ,  et ,  voulant  faire 
voir  qu'il  lui  était  dévoué  non-seulement  par 
rapport  aux  affaires  civiles,  mais  aussi  à  l'é- 
gard de  celles  de  son  salut,  il  conçut  le  des- 
sein de  lui  envoyer  un  écrit  où  l'hérésie  d'Eu- 
tychès  fût  combattue  par  les  preuves  les  plus 
fortes  de  l'Ecriture.  Ce  n'est  pas  qu'il  crût 
Anastase  engagé  dans  l'erreur;  mais  il  crai- 
gnait qu'il  ne  s'en  laissât  prévenir  et  n'y  en- 
gageât ensuite  ses  sujets.  11  chargea  saint 
Avit  de  composer  cet  écrit  :  ce  que  le  saint 
accepta  avec  joie.  Nous  n'avons  de  lui,  sur 
l'incarnation  ,  que  deux  lettres  au  roi  Gon- 
debaud. Saint  Grégoire  de  Tours,  qui  les  avait 
lues,  dit  que,  comme  elles  servirent  à  acca- 
bler l'hérésie,  elles  ont  servi  depuis  à  édifier 
l'Eglise  ^.  Ce  qui  fait  croire  qu'il  ne  connais- 
sait point  d'autre  écrit  de  saint  Avit  sur  cette 
matière.  Ce  saint  raconte  en  peu  de  mots  la 
naissance,  les  progrès  et  la  condamnation 
de  l'hérésie  eutychéenne,  disant  qu'Eutychès 
ne  l'avait  inventée  qu'afîn  de  se  faire  un  nom 
par  ses  nouveautés  et  de  parvenir  par  là  à 
l'épiscopat,  et  qu'il  avait  établi  son  erreur 
moins  par  des  écrits  publics^  que  dans  des 
conversations  secrètes.  Selon  lui ,  Eutychès 
niait  que  le  Fils  de  Dieu  se  fût  fait  chair  dans 
le  sein  d'une  femme,  soutenant  qu'il  avait 
apporté  un  corps  du  ciel.  En  conséquence,  il 
refusait  à  Marie  le  titre  de  Mère  de  Dieu.  Mais 
saint  Avit  se  trompe  en  disant  que  cet  héré- 
siarque la  reconnaissait  pour  mère  du  Christ, 
et ,  par  une  suite  de  cette  erreur,  quoiqu'il 
combatte  en  plusieurs  endroits  celle  d'Euty- 
chès,  il  attaque  surtout  l'hérésie  deNestorius, 
montrant,  par  l'autorité  de  l'Ecriture,  qu'il  y 
a  en  Jésus-Christ  deux  natures  unies  en  une 
seule  personne,  et  que.  Jésus-Christ  était  Fils 
de  Dieu  et  fils  de  l'homme,  engendré  du  Père 
sans  mère,  et  conçu  dans  le  sein  de  sa  Mère 
sans  la  participation  d'aucun  homme,  enfin 
qu'il  est  Dieu  par  nature  et  non  par  grâce. 

5.  Dans  la  troisième  lettre,  qui  est  une 
suite  de  la  précédente  ,  saint  Avit  fait  aussi 

*  Rogante  Gundobuldo  rege  contra  eos  euiychianos 
scripsit.  Extant  exiyide  ipsius  apud  nos  epistolœ, 
quœ  sicut  tune  hœresim  oppresserunt,  ita  nunc  Eccle- 
siam  Dei  œdificant.  Gregor.  Turou.,  lib.  II  Histor, 
Francor. 


DeaTÎème 
lettre  à  Gon- 
debaud ,  p-  G. 


debaud  ,  p3g. 
16. 


S36 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


quelques  fautes  contre  l'histoire  d'Orient, 
dont  il  paraît  n'avoir  pas  été  bien  informé. 
Car  il  dit  que  l'évéque  de  Constantinople,  pour 
avoir  retranché  du  Trisagion  ces  paroles  : 
Vous  qui  avez  été  crucifié  pour  nous ,  ayez  ■pitié 
de  nous,  excita  dans  la  ville  une  sédition  qui 
l'en  fit  chasser  lui-même;  il  ajoute  que  c'é- 
tait un  ancien  usage  de  chanter  le  Trisagion 
avec  cette  addition.  Cependant  il  est  certain 
qu'elle  venait  de  Pierre-le-Foulon,  qiù  n'était 
mort  que  depuis  peu  de  temps,  et  que  l'évé- 
que de  Constantinople  faisait  chanter  le  Ttn- 
sagiun  avec  l'addition  :  Crucifié  pour  nous. 
Mais  le  peuple  ,  indigné  de  cette  addition, 
croyant  qu'elle  affaiblissait  la  foi  de  la  Tri- 
nité, excita,  dans  la  ville  de  Constantinople, 
le  tumulte  dont  parle  saint  Avit.  Comme  il 
arriva  en  311,  le  6  novembre,  jour  auquel  on 
faisait  une  procession  à  cause  de  la  cendre  ' 
qui,  tombant  du  ciel,  avait  autrefois  couvert 
tout  le  pays ,  il  faut  mettre  la  lettre  de  saint 
Avit  en  512.  Il  y  combat  premièrement  l'hé- 
résie de  Nestorius,  montrant  que  Jésus-Christ 
a  été  Dieu  et  homme  parfait;  et  ensuite  Eu- 
tychès,  faisant  voir  que  Jésus-Christ  nous  est 
consubstantiel ,  ayant  eu  un  corps  de  même 
nature  que  le  nôtre,  et  non  pas  un  corps  fan- 
tastique. Il  allègue  pour  cela  le  passage  d'I- 
isïi.  LUI.  saïe,  où  il  est  dit  que  le  Christ  a  porté  vérita- 
blement nos  langueurs  et  nos  douleurs,  et  que 
nous  avons  été  guéris  par  ses  meurtrissures  ; 
joan.  I.  celui  de  saint  Jean,  oii  nous  lisons  que  Jésus- 
Christ  pleura  la  mort  de  Lazare  avant  que  de 
le  ressusciter,  pour  montrer  qu'il  était  en 
même  temps  Dieu  et  homme  ;  celui  du  même 
évangéliste,  qui  rapporte  que  Jésus-Christ, 
voulant  convaincre  saint  Thomas  de  sa  résur- 

joan.  IX,  27.  rection,  dit  à  cet  apôtre  :  Portez  ici  votre  doigt 
et  considérez  mes  mains;  approchez  aussi  votre 
main  et  la  mettez  dans  mon  côté  ;  et  ne  soyez  pas 
incrédule,  mais  fidèle.  Cet  apôtre  cherche  avec 
son  doigt  les  vestiges  de  la  passion;  il  les 
trouve  et  s'écrie  :  Mon  Seigneur  et  mon  Dieu. 
Le  Sauveur  ne  dit-il  pas  encore  à  ses  disci- 
ples, pour  confirmer  sa  résurrection  :  Tou- 

i.Qc.  xxiv,3o.  chez-moi,  et  considérez  qu'un  esprit  n'a  ni  chair 
ni  os  comme  vous  voyez  que  j'en  ai?  Peut-on  rien 
de  plus  positif  pour  montrer  que  le  corps  du 


Qnali 
lettre  à 


Sauveur  n'était  point  un  corps  fantastique? 
Saint  Avit  propose  la  même  vérité  par  ce  qui 
est  dit  au  même  endroit ,  que  Jésus-Christ  ^, 
après  avoir  dit  aux  apôtres  qu'il  fallait  que 
tout  ce  qui  a  été  écrit  de  lui  dans  la  loi  de 
Moïse,  dans  les  Prophètesetdans  les  Psaumes 
fût  accompli,  les  mena  dehors  jusqu'à  Bétha- 
nie ,  et ,  levant  les  mains  ,  il  les  bénit ,  et  en 
les  bénissant  se  sépara  d'eux  et  fut  enlevé 
au  ciel. 

6.  Un  écrivain,  que  l'on  nomme  ordinaire- 
ment Benoît  Paulin,  avait  demandé  à  Fauste  detond 
de  Riez  si  la  pénitence  qu'un  homme  chargé  ^^' 
de  péchés  fait  à  l'article  de  la  mort  était  bonne. 
Fauste  répondit  qu'elle  était  inutile.  Le  roi 
Gondebaud  ayant  vu  la  réponse  de  cet  évo- 
que, en  fut  surpris,  et  pour  savoir  la  vérité, 
consulta  saint  Avit.  Il  paraît  que  le  roi  n'a- 
vait pas  marqué,  dans  sa  lettre,  quel  était  ce 
Fauste.  Saint  Avit  en  dislingue  deux  :  Fauste, 
évêque  manichéen,  et  Fauste  de  Riez.  Il  ne 
s'explique  pas  nettement  sur  lequel  des  deux 
il  faisait  tomber  la  réponse  à  Paulin ,  dont  il 
loue  les  écrits  comme  orthodoxes;  maison 
ne  doute  point  que  ce  Fauste  n'ait  été  celui 
de  Riez.  Il  semble  même  qu'on  peut  le  tirer 
de  la  lettre  de  saint  Avit,  où  il  est  visible  qu'il 
combat  un  ennemi  de  la  grâce.  Quoi  qu'il 
en  soit,  le  saint  répondit  à  Gondebaud  qu'il 
y  avait  de  la  dureté  ',  et  que  c'était  même 
contre  la  vérité  de  dire  que  la  pénitence  mo- 
mentanée, c'est-à-dire  celle  que  l'on  fait  à 
l'article  de  la  mort ,  est  inutile  et  ne  profite 
de  rien  à  celui  qui  la  fait;  que  l'humilité  de 
celui  qui ,  dans  ce  moment,  confesse  à  Dieu 
ses  péchés,  ne  doit  point  être  sans  fruit  ni 
manquer  de  fléchir  la  miséricorde  de  Dieu, 
et  que  l'on  doit  croire  que  tous  les  hommes 
devant  être  jugés  selon  l'état  dans  lequel  ils 
se  trouvent  à  l'heure  de  la  mort,  la  seule  vo- 
lonté de  se  corriger  doit  être  agréable  à  Dieu, 
pourvu  qu'elle  soit  vraie  et  sincère.  Il  donne 
pour  exemples  de  pénitences  momentanées 
qui  ont  fléchi  la  colère  du  Seigneur,  celle  des 
Ninivites  qui,  au  bout  de  trois  jours,  arrê- 
tèrent le  glaive  vengeur  près  de  les  détruire. 
D'où  il  conclut  qu'il  y  a  de  l'impiété  à  refuser 
la  pénitence  à  ceux  qui  la  demandent  avec 


1  Marcel.,  in  Chron.,^A  ann.  512,  etEvag.,  lib.  III, 
cap.  ult. 

2  Ibid.,  pag.  50,  51. 

3  Pœnitentiam  quam  proprie  momentaneam  nomi- 
nasiis,  id  est,  in  œgriludine,  quasi  sub  momenio  mor- 
tis  acceptam,  nihil  aut  nulli  prodesse,  adversa  veritaii 
et  admodum  cruda  definiiio  est.  Apud  divinam  guippe 


misericordiam  vel  ipsa  humilitas  confitentis  dici  non 
débet  fructu  carere.  Quia  cum  legimus,  quod  qualitate 
vilœ  anierioris  abolUa...  in  ea  guis  via  judiceiur,  qua 
ohlilus  sui  tempore  fuerit  deprehensus,  incunctant.er 
credenda  est  vel  ipsa  correctionis  volunias  placere,  si 
vei-a  sii.  Avit,,  Epist.  4. 


VF  SIECLE. 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  AVIT,  ÉYÊQOE. 


SS7 


LeaucGup  d'instance  et  de  larmes.  Mais  il 
veut  aussi  que  l'on  punisse  sévèrement  ceux 
qui,  après  l'avoir  reçue,  retombent  dansleurs 
péchés,  faisant  ainsi  un  abus  du  remède  qu'on 
leur  a  accordé.  Il  dit  qu'on  doit  les  retran- 
cher de  la  communion;  mais  il  excepte  de 
cette  peine  ceux  qui  ne  sont  pas  coupables 
de  fautes  capitales,  et  ne  croit  pas  qu'on 
puisse  les  obliger  à  la  continence  conjugale. 
Le  roi  lui  avait  aussi  demandé  s'il  était  vrai 
que  la  foi  seule  fût  inutile  à  l'homme.  Saint 
Avit  répond  que  cette  proposition  demandait 
une  explication  ;  que  dans  les  enfants  la  foi 
seule  suiSsait  lorsqu'ils  mouraient  inconti- 
nent après  le  baptême ,  quand  bien  même 
cet  enfant  aurait  vécu  longtemps  parmi  des 
Rom. 1, 10.  parents  hérétiques;  qu'à l'égai'd  des  adultes, 
la  foi  était  inutile  sans  les  bonnes  œuvres  ', 
car  encore  que  les  œuvres  puissent  être  sans 
la  foi ,  elles  ne  servent  de  rien  sans  la  foi, 
parce  que  si  l'on  croit  de  cœur  pour  être  jus- 
tifié ,  on  doit  confesser  de  bouche  pour  être 
sauvé.  11  prouve,  par  l'exemple  du  pharisien 
de  l'Evangile  ,  l'inutilité  des  œuvres  sans  la 
foi,  et  par  celui  du  bon  larron,  l'utilité  de  la 
foi  avec  les  œuvres;  car  non-seulement  il 
crut  en  Jésus-Christ,  mais  il  confessa  encore 
de  bouche  sa  divinité,  et  eflaça,  par  ce  mar- 
tyre, toutes  les  fautes  de  sa  vie  passée.  Il  y 
a  une  cinquième  lettre  au  roi  Gondebaud, 
par  laquelle  saint  Avit  le  console  de  la  mort 
de  sa  fille,  qui,  après  avoir  été  fiancée  à  un 
prince  et  à  la  veille  de  monter  sur  le  trône, 
mourut  sans  avoir  consommé  son  mariage. 
11  ne  dit  point  qui  était  ce  prince. 
■sijièma  7.  Victorius,  évêque  de  Grenoble,  avait  de- 

fs'\li^ai  mandé  à  saint  Avit  si  les  catholiques  pou- 
le-u.°  °'  valent  faire  les  exercices  de  la  religion  dans 
des  églises  ou  des  oratoires  des  hérétiques, 
en  les  purifiant  par  une  nouvelle  consécra- 
tion. Saint  Avit  répond  que  non;  qu'il  est 
bien  vrai  que,  par  l'imposition  des  mains  de 
l'évêque  ^,  la  tache  de  l'hérésie  est  ôtée,  à 
celui  qui  revient  à  l'Eglise  et  qui  en  professe 
la  foi,  et  que  la  plénitude  de  la  foi  lui  est 
rendue;  mais  qu'on  ne  voit  pas  comment 

'  Sic  fit  ut  cum  opéra  sine  fide  possint  esse,  fides 
sine  operibus  esse  non  possit.  Quia  si  coi-de  credatur 
ad  justitiani ,  et  ore  fiai  confessio  ad  salutem.  Avit., 
ibid. 

2  Per  impositionem  manus  sacerdotalis  fit  pravitatis 
amissio,  fidei  re.dditus  plénitude.  Res  autem  insensi- 
bilis ,  quœ  primum  innovata  polluitur,  ignorare 
me  fateor  qua  deinceps  sanctificalione  purgetur. 
Ibid.  6. 

2  Benedictio  quœ  rébus  sensu  carentibus  ac  poUutis 


une  chose  insensible  telle  qu'est  un  édifice, 
qui  après  avoir  été  consacré  et  devenu  souillé 
par  l'usage  qu'en  ont  fait  les  hérétiques, 
puisse  être  purifié  par  une  nouvelle  consé- 
cration; et  que  si  l'on  convient  une  fois,  que 
l'on  peut  consacrer  un  autel  souillé  par  les 
hérétiques,  il  faudra  convenir  aussi  que  le 
pain  qu'ils  ont  mis  sur  cet  autel,  peut  être 
employé  sur  les  nôtres.  Il  prétend  que  la  bé- 
nédiction des  choses  insensibles  ^  ne  peut 
ôter  l'impureté  qu'elles  ont  contractée,  et 
qu'il  n'appartient  qu'à  ceux  qui  ne  craignent 
pas  de  rebaptiser  *,  de  réitérer  la  consécra- 
tion d'une  église.  Il  décide  de  même  tou- 
chant les  calices,  les  patènes  et  les  autres 
vases  sacrés,  qui  ont  été  à  l'usage  des  héré- 
tiques. En  quoi  il  s'autorise  de  ce  qu'on  lit 
dans  le  chapitre  vi=  du  Deutéronome,  qu'on 
ne  fit  aucun  usage  des  encensoirs  de  Coré, 
de  Dathan  et  d'Abiron,  et  qu'après  que  le  feu 
en  eut  purifié  le  métal  et  les  eut  changés  en 
lames,  qui  ne  servirent  même  que  pour 
mémoire  de  la  vengeance  de  Dieu  sur  ces 
séditieux. 

8.  Dans  la  lettre  à  Jean  de  Cappadoce,  ar-     Septièmo 

^'^  .  letlre  a  Jean 

chevêque  de  Constantinople,   samt  Avit  le   Je  cappado- 

^  ^  ..ce,  pag.  16. 

congratule  de  sa  réunion  et  de  celle  des  Egli- 
ses d'Orient  avec  l'Eglise  romaine.  Ce  que 
ce  patriarche  avait  fait  en  déclarant  qu'il  re- 
cevait les  quatre  conciles,  du  nombre  des- 
quels était  celui  de  Chalcédoine,  en  ôtant  le 
nom  d'Acace  des  diptyques  et  en  condam- 
nant tous  ceux  qui  faisaient  difficulté  de  re- 
cevoir ce  coQcile.  Cette  réunion  se  fit  dans 
le  mois  de  mars  de  l'an  519.  Ainsi  la  lettre 
de  saint  Avit  à  Jean  de  Cappadoce,  ne  peut 
être  mise  que  sur  la  fin  de  la  même  année. 

9.  Eustorge,  évêque  de  Milan,  avait  prié     Huiuèir.e 
saint  Avit  de  lui  aider  à  racheter  le  reste  des  torg°e  de  mÎ- 
captifs  que  Gondebaud,  dans  la  guerre  de    '"''''°^' 
Ligurie,    avait   emmenés    d'Italie    dans  les 
Gaules.  Saint  Avit  le  remercia  de  ce  qu'il 

avait  bien  voulu  l'employer  à  un  ministère 
de  charité,  où  il  avait  eu  la  plus  grande  part, 
en  lui  envoyant  l'argent  nécessaire  à  cet 
eflet. 

impenditur,  nec  purgat  maculam,  nec  explicat  rugam. 
Ibid. 

*  Nec  mirum  est,  si  dedicaiiones  geminare  audeant, 
quia  baptismata  coti fréquentant.  Ibid. 

Le  concile  d'Epaon,  où  saint  Avit  présida,  décide 
dans  son  trente-cinquième  canon,  qu'it  ne  fallait  se 
servir  ni  des  églises  des  hérétiques,  ni  de  leurs  vases 
sacrés.  Toutefois,  le  concile  d'Orléans  tenu  quelques 
années  auparavant  avait  décidé  que  l'on  consacrerait 
les  églises  des  Gotbs. 


S58 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


iO.  Un  évoque  étranger,  nommé  Maxi- 
mien,  attaqué  d'un  mal  dans  les  yeux,  fit  un 
voyage  à  Arles,  espérant  y  trouver  un  mé- 
decin assez  habile  pour  le  guérir.  Comme 
son  chemin  élait  de  passer  par  Vienne,  il  pria 
saint  Avil  de  lui  donner  une  lettre  de  recom- 
mandation pour  saint  Césaire,  évêque  d'Ar- 
les, et  de  lui  exphquer  dans  sa  lettre  le  sujet 
de  son  voyage.  Saint  A  vit  fit  ce  que  cet  évê- 
que lui  demandait  ;  mais  en  parlant  de  lui  à 
saint  Césaire,  il  remarque  que  l'on  ne  doit 
point  regarder  comme  étranger  '  un  évêque, 
en  quelque  lieu  qu'il  soit,  pourvu  que  l'E- 
glise catholique  s'y  trouve  aussi.  Il  marque 
deux  motifs  que  cet  évêque  avait  de  cher- 
cher à  guérir  ses  yeux  :  l'un,  pour  faire  plai- 
sir à  ses  amis,  qui  l'en  avaient  beaucoup 
pressé;  l'autre,  de  peur  qu'en  négligeant  sa 
santé,  il  ne  se  rendit  coupable  de  l'impuis- 
sance où  il  se  trouverait  de  faire  ses  fonctions 
épiscopales. 

11.  Saint  Avit  donna  une  autre  lettre  de 
recommandation  à  un  prêtre  de  son  diocèse, 
qui  allait  en  Italie  pour  racheter  la  fille  d'un 
de  ses  parents  et  le  fils  d'un  homme  de  con- 
dition. Cette  lettre  est  adressée  à  Magnus, 
successeur  d'Eustorge  dans  le  siège  de 
Milan. 

12.  Apollinaire,  évêque  de  Valence,  frère 
aîné  de  saint  Avit,  lui  écrivit  qu'il  avait  eu  en 
dormant  un  songe  :  la  nuit  de  l'anniversaire 
de  la  mort  de  sa  sœur,  il  sentit  entre  ses 
mains  quelque  chose  qui  l'embarrassait  et  qui 
ensuite,  s'étant  posé  auprès  de  lui,  lui  sembla 
être  une  colombe  de  couleur  rouge  et  ex- 
traordinaire qui  le  tirait  ^.  A  son  réveil  il  se 
souvint  qu'il  n'avait  point  fait  l'anniversaire 
de  sa  sœur  et  prit  ce  songe  pour  un  avertisse- 
ment qu'elle  lui  donnait  de  lui  rendre  ce  de- 
voir. Il  avertit  de  tout  cela  saint  Avit,  qui  lui 
fit  réponse  que  l'on  avait  fait  l'anniversaire 
de  leur  sœur  à  Vienne,  qu'au  surplus  la  faute 
qu'il  avait  faite  était  très-pardonnable,  puis- 
qu'il s'en  accusait.  «Vous  avez,  je  l'avoue, 
lui  dit-il,  contrevenu  à  la  coutume  ^  :  mais, 
par  une  augmentation  de  piété,  souvenez- 
vous  à  l'avenir  du  jour  anniversaii'e  de  notre 

1  Peregrinus  sacerdos  dici  non  potesi,  uhi  caiholica 
reperiri  Ecclesia  potesi.  Epist.  9. 

2  In  ipsa  nocte,  in  visione  nescio  quid  manibus  meis 
hœserat,  quod  consedens  juxtn  me  fulgentissima,  sed 
inusitato  colore  rubea  cnlumba  veilebat.  Cumque  ex- 
pergefactus...  ipsum  ambiguum  mœstus  mecwn  atque 
anxius  volvo,  repente  quasi  stimulo  percussus,  illico 
sum  reliquati  fœnoris  recordalus.  Apollin.,  Epist.  11, 
ad  Avit. 


sœur.  »  Il  ajoute  qu'il  regarde  ce  songe 
comme  un  avertissement  que  Jésus-Christ  lui 
avait  donné  *,  de  faire  ce  qui  ne  lui  était 
point  permis  d'oublier. 

13.  Il  parait  par  la  lettre  à  Contuméliosus, 
évêque  de  Riez ,  que  saint  Avit  lui  avait  en- 
voyé un  de  ses  ouvrages  pour  en  savoir  le 
jugement  et  y  corriger  ce  qu'il  jugerait  à 
propos.  Cet  évêque  était  savant,  mais  ses 
mœurs  étaient  fort  suspectes.  Le  pape  Jean, 
informé  qu'il  avait  été  convaincu  de  plusieurs 
crimes  dans  un  concile  des  Gaules,  ordonna 
qu'il  serait  interdit  de  toutes  ses  fonctions 
et  enfermé  dans  ua  monastère  pour  y  faire 
pénitence.  Contuméliosus  appela  de  cette 
sentence  au  pape  Agapite,  successeur  de 
Jean. 

14.  Un  nommé  Vincomalus,  du  diocèse  de 
Grenoble,  avait  épousé  la  sœur  de  sa  défunte 
femme,  et  vivait  avec  elle  depuis  plusieurs 
années.  Victorius  consulta  saint  Avit,  son 
métropolitain,  sur  ce  qu'il  avait  à  faire  en 
cette  occasion;  quelle  pénitence  on  leur  de- 
vait imposer  et  s'il  fallait  les  séparer.  Saint 
Avit  lui  répondit  qu'il  ne  devait  point  souf- 
frir ce  désordre,  mais  leur  enjoindre  de  se 
séparer,  frapper  d'anathème  cet  homme,  et 
les  excommunier  l'un  et  l'autre,  jusqu'à  ce 
qu'ils  obéissent  et  qu'ils  fassent  pénitence 
pubhque  de  leur  faute.  Saint  Avit  reconnaît 
que  Victorius  avait  le  pouvoir,  en  sa  qualité 
d'évêque,  de  tempérer  la  rigueur  de  cette 
sentence,  et  de  traiter  plus  doucement  les 
coupables,  s'ils  témoignaient  un  sincère  re- 
pentir de  leur  faute.  Vincomalus  vint  lui- 
même  trouver  saint  Avit  et  tâcha  d'excuser 
son  crime  par  la  longueur  du  temps  qu'il 
avait  demeuré  avec  cette  femme.  Le  saint 
lui  fit  connaître  que  cette  circonstance  aug- 
mentait sa  faute  au  lieu  de  la  diminuer,  et 
lui  fit  promettre  de  se  séparer  au  plus  tôt  de 
celte  femme,  de  faire,  à  son  retour  à  Greno- 
ble, la  même  promesse  à  son  évêque,  et  de 
lui  demander  d'êti'e  délié  de  l'excommunica- 
tion dont  il  l'avait  lié.  Saint  Avit  écrivit  une 
seconde  lettre  àVictorius  ^,  où,  après  lui  avoir 
marqué  tout  ce  qui  s'était  passé  entre  lui  et 

3  Excessisti,  fateor,consuetudinem,  sed  pietatis  aug- 
menta sempev  diei  hujus  meminisse  dignamini.  Avit., 
Epist.  12. 

*  Nam  vos  excitante  Christo  non  licuit  oblivisci. 
Ibid. 

^  Suasi  respondens,  ut  vobis  ista  promittere,  et  facti 
pœnitens  eo  se  soloi  quo  ligatus  fuerat  postularet. 
Tamen  quia  Jussistis  ut  quidquid  sensui  meo  videatur 
aperiam,  sufflciat  censurœ  vestrœ  separatio  persona- 


Treizîèm 
le'tre  à  Con 
tuiLcIiosus , 
pag.  «S. 


QuiDzièO' 
et  seizièH' 
lellres  à  Vi 
torius  deGri 
noble, pag.j 
et  49. 


[VK   SIÈCLE. 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  A  VIT,  ÉVÊQUE. 


559 


Vincomaliis,  il  lui  conseillait  de  modérer  la 
sentence  portée  contre  ce  malheureux,  de 
se  contenter  de  rompre  sou  mariage  par  un 
innocent  divorce,  et  de  ne  le  pas  punir  selon 
toute  la  rigueur  des  canons,  qui  voulaient 
en  pareil  cas,  que  l'on  séparât  les  conjoints 
et  qu'on  les  mît  en  pénitence  publique. 
Il  avertit  néanmoins  Victorias  de  ne  point 
tout  à  fait  se  fier  à  la  parole  de  Vincomalus, 
que  sa  vie  précédente  rendait  peu  digne  de 
foi,  et  de  ne  lui  pardonner  que  sous  la  cau- 
tion de  ceux  qui  intercéderaient  pour  lui.  Il 
ajoute  qu'il  doit  conseiller  à  cet  homme  de 
faire  pénitence,  mais  ne  la  lui  pas  imposer 
malgré  lui. 

15.  Le  prêtre  Viventiolius,  étant  venu  du 
déseit  du  mont  Jura,  à  Lyon,  rendit  visite 
à  Apollinaire,  nouvellement  fait  évoque. 
L'ayant  trouvé  malade,  il  en  écrivit  à  saint 
Avit,  son  frère,  qui  lui  rendit  grâces  de  son 
attention.  Dans  la  même  lettre  saint  Avit  l'ex- 
horte de  prendre  soin  du  monastère  du  mont 
Jura,  que  nous  appelons  aujourd'hui  Saint- 
Claude,  et  qui  portait  alors  le  nom  de  saint 
Eugende,  son  fondateur.  Il  souhaite  à  Viven- 
tiolius, une  place  plus  élevée  que  celle  de  su- 
périeur de  ce  monastère  :  et  il  fut  en  effet 
quelque  temps  après  ordonné  évêque  de 
Lyon.  Il  manque  quelque  chose  à  la  fm  de 
cette  lettre  et  au  commencement  de  la  sui- 
vante. On  croit  qu'elle  fut  adressée  au  pape 
Symmaque,  à  qui  saint  Avit  '  dit  que,  quoi- 
qu'il ait  à  Rome  des  reliques  de  la  sainte 
Croix,  il  doit  néanmoins  en  demander  à  l'é- 
vèque  de  Jérusalem,  qui  conservait  ce  pré- 
cieux dépôt  dans  sa  pureté.  Il  paraît  que 
saiut  Avit  en  demanda  aussi  à  cet  évêque, 
et  qu'il  entremit  le  pape  Symmaque  pour  en 
obtenir.  Nous  n'avons  plus  la  lettre  que  saint 
Avit  écrivit  sur  ce  sujet  à  l'évêque  qui  gou- 
vernait alors  l'Eglise  de  Jérusalem.  On  croit 
que  c'était  Jean,  et  non  pas  Hélie,  son  prédé- 
cesseur, qui  ne  fut  jamais  dans  la  communion 
de  l'Eglise  de  Rome  :  mais  il  en  reste  une  dans 
laquelle  il  remercie  ce  patriarche  du  mor- 
ceau de  la  vraie  Croix  qu'il  lui  avait  envoyé. 


11  ne  trouve  point  d'expression  pour  marquer 
combien  il  estimait  ce  présent,  dont  il  consi- 
dérait le  prix  non  par  la  quantité  de  la  ma- 
tière, mais  parce  qu'il  avait  servi  à  notre 
rédemption  et  à  notre  salut.  Les  termes  par 
lesquels  il  commence  sa  lettre,  sont  remar- 
quables :  «  Votre  apostolat,  lui  dit-il,  exei'ce 
la  primauté  que  Dieu  lui  a  accordée,  et 
vous  vous  appliquez  à  montrer  non-seule- 
ment par  les  prérogatives  de  votre  siège, 
mais  encore  par  vos  mérites,  que  vous  tenez 
le  premier  lieu  dans  FEglise  universelle.» 

16.  Le  l'oi  Gondebaud,  curieux  de  savoir 
le  sens  de  ces  paroles  d'isaïe  :  La  loi  sortira 
de  Sion  et  le  Verbe  du  Seigneur  de  Jérusalem, 
etc.  Et  de  celles-ci  du  troisième  livre  des 
Rois  :  Chacun  se  reposera  sans  crainte  sous  sa 
vigne  et  sous  son  figuier,  etc.  en  écrivit  à  saint 
Avit,  qui  lui  fit  réponse  que  le  passage  d'i- 
saïe regardait  l'avènement  du  Verbe  incarné, 
et  que  celui  du  livre  des  Rois  avait  rapport 
à  ce  qui  s'était  passé  sous  le  règne  des  prin- 
ces des  Juifs,  qui  se  trouvaient  tantôt  dans 
la  paix  et  tantôt  dans  les  tribulations,  sui- 
vant qu'ils  étaient,  ou  prévaricateurs  ou  re- 
pentants de  leur  faute. 

17.  On  voit  par  la  lettre  à  Sigismond  que 
ce  prince  avait  souhaité  de  savoir  de  saint 
Avit  comment  s'était  terminée  la  conférence 
qu'il  avait  eue  avec  les  ariens  en  présence 
du  roi  Gondebaud.  Le  saint  évêque  promet 
de  lui  en  faire  au  long  le  récit,  lorsqu'il  ira 
à  la  cour  :  en  attendant,  il  marque  à  ce  prince 
comment  cette  conférence  s'était  terminée. 

18.  On  croit  qu'Apollinaire,  à  qui  les  vingt- 
deuxième  et  quarante-cinquième  lettres  sont 
adressées,  était  fils  de  saint  Sidoine.  Saint 
Avit  témoigne  qu'on  lui  avait  fait  quelques 
aflaires  auprès  d'Alaric,  roi  des  Visigoths,  et 
qu'il  en  sortit  heureusement. 

19.  Il  y  avait,  dans  le  diocèse  de  Lyon,  un 
homme  engagé  dans  le  parti  des  donatistes. 
Saint  Avit  écrivit  à  Etienne,  évêque  de  cette 
ville,  de  travailler  à  le  convertir,  de  crainte 
qu'il  ne  répandit  son  erreur  dans  les  Gaules. 
Il  marque  qu'il  devait  le  recevoir  par  l'im- 


D 

x-neuviè- 

me 

ct    viiiK- 

lième    lftlrL-3 

àijo 

iidebauil, 

pas 

5t. 

Isai 

II,  û. 

m 

21 

Iteg.  m, 

Vingtunîè- 
me  ietlreà  Si- 
gisinoad,pa^. 
S6. 


Viji|;t- 
deuxierne  et 
quaranle-cin- 
guiènieli'lires 
à  Apt'llinaire, 
pag.  tiSet  89. 


Viiigl-flna- 
trîôme  lettre 
à  Etienne , 
pag.  59. 


fum.  Scindatur  infelix  conjugium  innocentiore  di- 
vortio.  Nec  sane  promissio  ejus  fideh's  putetur,  cujus 
vita  exsiiiit  infidelis.  Ipsis  fîdejiissoribus  emendatio 
secuiura  credatar,  quitus  intercèdent ibus  prior  cu/pa 
laxabitur.  De  cœtero  autem,  guod  ad  pœniieniiam  ex- 
pectai,  moneatur  intérim  agere,  accipere  non  cogaiur. 
Epist.  16. 

'  Etiamsi  pignus  reliquiarum  sacrœ  crucis  putamus 
esse  vobiscum ,  a  sancto  iamen  Mliœ  urbis  aniistite 


hanc  specialiter  munificeniiam  credimus  expctendam. 
Qui  rêvera  sacrumenti  isiius  veram  et  inviolabi/em 
puriiatem  loci  administrât ione  conservuns,  sic  deside- 
rabili  potens  est  impertire  nos  donc,  ut  ab  omni  cunc- 
tationis  absolvat  ambiguo.  Quapropter  de  re  plurimum 
pagina  famulante  deposco,  ut  ad  prœfatœ  Ecclesiœ 
sacerdotem  litteras  apostolatus  vester  tribuat  portiton, 
Epist.  18. 


S60 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Vinet-cîn- 
qDième  leurs 
à  l'év  èq  u  e 
Apollinaire  , 
pag.  61. 


Vingt-sixiè- 
me lettre  à  un 
évèque,  pag. 
62. 


Vingt-sep- 
tième lettre  à 
Symmaque, 
pag.  36. 


position  des  mains,  après  qu'il  serait  sincè- 
rement converti,  puisqu'il  avait  reçu  l'onction 
du  saint  chrême  avec  le  baptême, 

20.  Il  répondit  à  son  frère  Apollinaire, 
évêque  de  Valence,  qui  l'avait  invité  à  la  dé- 
dicace d'une  nouvelle  église,  qu'il  s'y  ren- 
drait, et  qu'apparemment  il  s'y  trouverait 
aussi  un  grand  nombre  d'étrangers.  Mais  il  le 
prie  de  peu  s'embarrasser  de  la  bonne  chère  : 
et  faisant  allusion  au  repas  que  Jésus-Glirist 
donna  au  peuple  qui  l'avait  suivi  dans  le  dé- 
sert, il  dit  que  cinq  pains  et  deux  poissons 
doivent  suffire,  et  que  plus  il  aura  de  pauvres 
à  cette  cérémonie,  plus  il  aura  de  corbeilles 
remplies  de  pains. 

21.  Dans  la  lettre  suivante,  il  reprend  un 
évèque,  qu'il  ne  nomme  point,  de  la  facilité 
avec  laquelle  il  avait  révélé  nos  mystères 
aux  imparfaits,  c'est-à-dire  aux  hérétiques. 
Et  sur  ce  que  cet  évêque  l'avait  consulté  s'il 
était  permis  d'élever  aux  premières  dignités 
de  l'Eglise  un  évèque  hérétique,  mais  qui 
avait  abandonné  l'hérésie,  saint  Avit  ré- 
pond qu'on  le  peut  élever  à  quelque  grade 
que  ce  soit  du  sacerdoce  ',  pourvu  qu'il  n'y 
ait  rien  dans  sa  vie  ou  dans  ses  mœurs  qui  y 
mette  obstacle.  Car  pourquoi  celui-là  ne  gou- 
vernerait-il pas  le  troupeau  de  Jésus-Christ, 
qui  a  reconnu  sagement  que  les  ouailles  qu'il 
avait  conduites  jusque-là,  n'étaient  pas  des 
ouailles  de  Jésus-Christ?  Pourquoi  ne  serait- 
il  pas  élevé  parmi  nous  au  sacerdoce,  après 
avoir  quitté,  pour  l'amour  de  la  vérité,  celui 
qu'il  avait?  Qu'il  devienne  de  laïque  un  vé- 
ritable évêque,  lui  qui  de  faux  évêque  qu'il 
était,  a  bien  voulu  devenir  laïque.  Qu'il  gou- 
verne son  peuple  dans  notre  Eglise,  lui,  qui 
dans  la  sienne,  a  quitté  et  méprisé  un  peuple 
étranger. 

22.  La  lettre  de  Sigismond  au  pape  Sym- 
maque,fut  écrite  par  saint  Avit.  Ce  prince.y 
prend  la  qualité  de  roi  :  ce  qui  fait  voir  qu'il 
prenait  ce  titre  du  vivant  même  de  son  père 
Gondebaud,  qui  ne  mourut  que  deux  ans 
après  Symmaque.  Sigismond  envoya  sa  let- 
tre par  le  diacre  Julien,  qu'il  chargea  de  de- 

*  Definio  ad  quemlibet  sacerdotii  gradum  hominem 
passe  consurgere ,  si  non  est  aut  in  ratione  conjugitr 
aiit  in  quacumque  régula  moribusque  quod  prohibeat 
clericaium.  Cur  enim  non  pascal  Christi  gregem,  qui 
sapienter  adoertit  oves  nos  esse  quas  paverat  ?  Quare 
non  fiai  in  sacerdotio  nosiro  erectus ,  qui  amore  hu- 
iniliiatis  a  suo  voluit  esse  deciduus  ?  SU  verax  sacer- 
dos  ex  laico,  qui  fieri  laicus  ex  fallace  sacerdote  con- 
tenlus  est.  Teneat  in  ecclesia  nostra  plebemsuam,  qui 
in  sua  coniempsit  alienam,  Epist.  2G. 


mander  au  pape  de  nouvelles  reliques  ",  en 
le  remerciant  de  celles  qu'il  lui  avait  déjà 
envoyées.  Il  donne  à  Symmaque  le  nom  d'é- 
vêque  de  l'Eglise  universelle. 

23.  Le  diacre  Florus,  dans  son  commen- 
taire sur  les  épitres  de  saint  Paul,  cite  sous 
le  titre  de  T7-aité  de  la  divinité,  la  lettre  que 
saint  Avit  écrivit  au  roi  Gondebaud,  pour 
répondre  à  la  question  que  ce  prince  lui 
avait  faite  sur  la  divinité  de  Jésus-Christ.  Il 
souhaitait  surtout  qu'on  lui  donnât  de  bonnes 
preuves  qu'il  était  Dieu  avant  que  de  se  faire 
homme.  Car  il  y  avait  certains  hérétiques 
qui  soutenaient  qu'il  n'e.xistait  point  avant 
qu'il  eût  été  conçu  de  Marie.  La  question  de 
Gondebaud  suppose  qu'il  y  avait  alors  des 
photiniens  ou  des  paulianistes  dans  les  Gau- 
les; et  l'on  voit  par  le  chapitre  seizième  du 
second  concile  d'4rles,  et  par  la  douzième 
lettre  du  livre  IV"  de  saint  Sidoine,  qu'il  y 
en  avait  effectivement.  Saint  Avit  fait  donc 
voir  dans  cette  lettre,  par  un  grand  nombre 
de  passages  de  l'Ecriture,  tant  de  l'Ancien 
que  du  Nouveau  Testament,  la  divinité  et 
l'éternité  du  Verbe  avant  qu'il  se  fit  chair 
dans  le  sein  de  la  Vierge.  Il  est  parlé  dans 
cette  lettre  d'un  concile  auquel  saint  Avit 
avait  assisté  quelque  temps  auparavant  avec 
un  saint  évêque  nommé  Chartenius.  On  ne' 
sait  pas  ce  qui  se  passa  dans  ce  concile  : 
mais  comme  il  est  dit  qu'il  s'était  tenu  à 
Lyon,  on  peut  conjecturer  qu'il  faut  enten- 
dre par  ce  concile  la  conférence  qui  se  tint 
en  cette  ville,  en  499,  entre  les  évêques  ca- 
tholiques et  les  ariens,  le  roi  Gondebaud 
présent.  On  croit  aussi  que  Chartenius,  dont 
le  siège  n'est  pas  marqué  dans  la  lettre  de 
saint  Avit,  était  évêque  de  Marseille.  Il  y  eut 
en  eifet  un  évêque  de  Marseille  à  cette  con- 
férence, dont  le  nom  se  terminait  comme 
celui  de  Chartenius  ^. 

24.  Il  paraît,  par  les  deux  lettres  à  Sigis- 
mond^que  ce  prince, ayant  partagé  le  royaume 
avec  son  père,  faisait  sa  résidence  dans  la 
ville  de  Genève.  Ce  fut  là  que  saint  Avit  les 
lui  adressa  à  l'occasion  de  la  fête  de  saint 

-  Dum  sacra  reliquiarum  pignora,  quibus  per  me 
Gulliam  veslram  spiritali  remuneratione  ditastis,  ne- 
gare  pelentibus  non  prœsumo...  Sed  destinato  ad  vos 
diaeono  portitore,  vira  venerabili  Juliano,  ad  univer- 
salis  Ecclesiœ  prœsulem  concurrimus...  et  ut  spera- 
vimus,  ambienda  nobts  venerabilium  reliquiarum  con- 
ferte  prœsidia.  Epist.  27. 

3  Venerunt  iiaque  de  Vienna  Avitus,  de  Arelate 
JEonius,  de  Valentia...  de  Massilia...  ius.  Tom.  V 
Spieil.,  pag.  110. 


Vinel  hi 
tième  lettre 
Gondebaud 
pag.  6ô. 


Vingt-ni 
vième  et  IF' 
tième  letl 
à  bigisnioi 
pag.  68. 


[vP  siècle].  chapitre  XL. 

Pierre,  patron  de  cette  ville.  Il  le  prévient 
contre  les  hérétiques  qui  y  allaient  en  grand 
nombre.  C'était,  comme  l'on  croit,  les  ariens 
et  les  photiniens. 

25.  Les  évoques  des  Gaules,  alarmés  du 
jugement  que  le  concile  de  Rome  avait  rendu 
dans  l'affaire  du  pape  Symmaque,  en  501, 
chargèrent,  les  uns  de  vive  voix,  les  autres 
par  écrit,  saint  Avit  d'en  témoigner  leur  dou- 
leur au  nom  de  tous.  11  adressa  sa  lettre  à 
Fauste  et  à  Symmaque,  les  deux  principaux 
sénateuis  de  Rome.  Après  leur  avoir  marqué 
que  le  malheur  des  temps  et  la  division  des 
royaumes  ne  permettaient  plus  aux  évêques 
des  Gaules  d'aller  hbrement  en  cette  ville, 
ni  même  de  s'assembler  tous,  il  se  plaint  que 
le  pape  étant  accusé  devant  le  roi  Tliéodo- 
ric,  les  évêques  se  soient  chargés  de  le  juger 
au  heu  de  le  défendre,  vu  qu'il  n'y  a  ni  loi 
ni  raison  qui  autorisent  les  inférieurs  à  juger 
leur  supérieur,  et  que  l'apôtre  ne  permet- 
tant pas  de  recevoir  une  accusation  contre 
un  prêtre,  on  devait  à  plus  forte  raison  n'en 
point  recevoir  contre  le  chef  do  l'Eglise  uni- 
verselle. 11  ajoute  '  que  si  l'on  révoque  une 
fois  en  doute  la  validité  de  l'ordination  du 
pape,  ce  n'est  plus  l'évêque  qui  semble  être 
en  péril,  mais  l'épiscopat.  11  représente  à  ces 
deux  sénateurs  et  au  sénat  en  leur  personne, 
que  dans  un  temps  où  l'Eghse  était  attaquée 
par  les  tempêtes  des  hérésies,  ils  devaient 
prendre  la  défense  de  celui  qui  tenait  le  gou- 
vernail du  vaisseau  ;  que  c'est  à  celui  qui  a 
la  garde  du  troupeau  de  Jésus-Christ,  à  lui 
rendre  compte  de  son  administration,  et  non 
pas  au  troupeau  à  juger  leur  pasteur.  Saint 
Avit  parle  avec  le  même  respect  pour  le 
pape,  dans  sa  lettre  au  patrice  Sénarius,  mi- 
nistre du  roi  ïhéodoric  *,  disant  que  les  lois 
des  conciles  enjoignent  aux  évêques,  lors- 
qu'il s'élève  quelque  doute  dans  les  choses 
qui  concernent  l'état  de  l'Eglise,  d'avoir  re- 
cours au  très-grand  évêque  de  l'Eglise  ro- 
maine, comme  des  membres  à  leur  tête,  et 
que  pour  cette  raison  il  écrivait  lui-même  du 
consentement  des  évêques  de  la  province  de 


SAINT  AVIT,  ÉVÊQUE.  561 

Vienne,  au  pape  Hormisdas,  pour  savoir  le 
succès  de  sa  légation  en  Orient.  Il  prie  Sé- 
narius de  lui  en  faire  savoir  aussi  le  détail, 
persuadé  qu'il  s'intéressait,  comme  il  le  de- 
vait, au  bien  de  l'Eglise,  auquel  non-seule- 
ment les  évoques  ^,  mais  généralement  tous 
les  fidèles,  doivent  prendre  part.  Il  demande 
la  même  chose  à  Pierre,  évêque  de  Ravenne, 
au  cas  que  ceux  qu'il  avait  envoyés  à  Rome 
repassassent  chez  lui.  Pierre  avait  assisté  et 
souscrit  au  concile  de  Rome,  nommé  la 
Palme,  où  l'affaire  de  Symmaque  fut  ter- 
minée. 

26.  Saint  Avit  ayant  retrouvé  un  de  ses 
écrits  qu'on  lui  avait  volé,  pria  l'évêque  Eu- 
frasius  de  l'offrir  à  Apolhnaire,  fils  de  saint  Si- 
doine. Il  arriva  qu'un  esclave  s'appropria  un 
dépôt  qu'on  lui  avait  confié .  Cet  esclave  assura 
qu'il  l'avait  fait  à  la  persuasion  de  saint  Avit. 
Le  saint,  qui  se  sentait  innocent,  fit  transférer 
cet  homme  de  l'Eglise  de  Vienne  à  celle  de 
Lyon,  où  son  procès  devait  être  fait.  Il  écri- 
vit en  même  temps  au  roi  Gondebaud,  pour 
lui  rendre  raison  de  cette  translation  et  pour 
se  justifier  de  la  faute  que  cet  esclave  lui 
imputait.  11  témoigne  à  ce  prince,  dans  la 
même  lettre,  qu'il  est  prêt  de  faire  tout  ce 
qu'il  jugera  à  propos.  «  Tout  ce  que  possède 
ma  petite  église,  et  même  le  bien  de  toutes 
nos  éghses  est  à  vous  ■*;  c'est  vous  qui  nous 
l'avez  donné  ou  qui  nous  l'avez  conservé.  Je 
réparerai ,  suivant  mes  forces,  ce  que  Dieu 
vous  aura  inspiré  d'exiger  de  moi.  » 

27.  La  lettre  à  Clovis  est  pour  le  féliciter 
de  son  baptême,  dont  saint  Avit  décrit  la  so- 
lennité et  les  avantages.  Il  le  congratule  sur- 
tout de  l'avoir  reçu  le  jour  de  la  Nativité  du 
Seigneur  ^,  et  non  pas  la  veille  de  Pâques, 
comme  le  dit  Hincmar.  11  témoigne  souhaiter 
que  Dieu  se  servit  de  ce  roi  pour  amener  à 
la  connaissance  de  la  vraie  religion  les  na- 
tions les  plus  éloignées,  qui  étaient  encore 
dans  leur  ignorance  natureUe  :  il  l'exhorte 
à  leur  envoyer  des  ambassadeurs  pour  cet 
efl'et,  disant  qu'il  doit,  par  un  motif  de  re- 
connaissance ,  travailler  à  l'œuvre  de  Dieu 


Trent-'-hui- 
tièiiie  lellru  à 
Lurrasius  ,  et 
trenle-neuviè- 
m  e  au  roi 
GoQdebaud  , 
pag.  19. 


QaarantB- 
unième  letlie 
à  Clovis,  roi 
de  FraLce  ; 
quarante  - 
deuxième, 
quaraii le  troi- 
sième et  qui- 
rautc-quatnè- 
me,  pag.  33, 
36  et  37. 


1  Si  papa  urbis  vocatur  in  dul/ium,  episcopatus  jam 
videbilur,  non  episcopus  vacillare.  Epist.  31. 

2  Scitis  synodalium  legutn  esse  ut  in  rébus  quœ  ad 
Ecclesice  statum  pertinent,  si  quid  dubitationis  fuerit 
exovtum,  ad  romance  Ecclesiœ  maximum  sacerdotem 
quasi  ad  caput  nostrum  membra  sequentia  recurra- 
mus.  Epist.  36.  Vide  Episl.  93  ud  Horin. 

'  Non  ad  solos  sacerdotes  Ecclesice  pertinet  status  : 

cunctis  fideiibus  solticitudo   ista  communis  est.  Ibid. 

*  Quidquid  habet  ecclesiola  mea,  imtno  omnes  ec- 


clesiœ noslrœ  vestrum  est,  de  substantia  quam  vel 
servastis  hactenus  vel  donastis.  Quod  inspirante  Deo 
prœceperitis,  in  quantum  vires  habuero,  parère  cona- 
bor.  A¥it.,  Epist.  39. 

5  Cujus  splendorem  congrue  Redemptoris  nostri  na- 
tiuitas  inciwavit  :  ut  sequenter  eo  die  ad  salutem  rege- 
nerari  ex  unda  vos  pareat,  quo  natum  redemptioni 
suœ  cœli  Dominum  mundus  accepit.  Igilur  qui  celeber 
est  Natalis  Domini,  sic  et  vestri.  Epist.  41. 


36 


562 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEUHS  ECCLESIASTIQUES. 


Quarant^- 
Fcplième  let- 
tre à  Héra- 
clins,  et  (|u.i- 
rar:[o-lLuitiù- 
rae  (l'H  é ra- 
dius, pag.  92 
et  9^. 


(JoarartC- 
nenv.ème  let- 
tre à  Ansé- 
TnuQiius,  pa^. 

as. 


Autres  let- 
tres do  saiut 
Avit. 


dont  il  avait  reçu  tant  de  bienfaits.  Il  piule 
à  Clovis  d'un  homme  de  guerre  qui  élail 
captif  ou  en  otage  chez  le  roi  Gondebaud. 
Son  père,  souhaitant  de  le  revoir,  employa  le 
crédit  de  l'empereur  Anastase  :  ce  prince 
interposa  la  médiation  de  Clovis,  et  Sigis- 
mond  s'en  étant  aussi  mêlé,  Gondebaud  ren- 
voya ce  jeune  homme  à  son  père.  Toute 
cette  négociation  est  détaillée  dans  les  letti-es 
à  Clovis,  au  sénateur  Vitallien,  à  Célérus, 
aussi  sénateur,  et  au  roi  Sigismond. 

28.  Le  saint  évéque  relève,  dans  sa  lettre 
à  Héraclius,  la  fermeté  avec  laquelle  cet  ora- 
teur avait  pris  la  défense  de  la  foi  cathohque 
en  présence  du  roi  Gondebaud.  Il  le  loue  de 
ce  qu'en  donnant  à  ce  prince,  dans  une  autre 
occasion,  de  grandes  louanges,  il  avait  su 
rendre  à  César  ce  qui  est  à  César,  et  à  Dieu 
ce  qui  est  à  Dieu.  11  demande  à  Dieu,  pour 
Héraclius,  l'honneur  de  l'épiscopat,  dont  il 
faisait  déjà  les  fonctions  par  la  prédication 
de  la  vérité.  Ce  fut,  ce  semble,  un  présage  qui 
eut  bientôt  son  etfet  :  car  on  trouve  un  Hé- 
raclius dans  les  conciles  de  Carpentras,  le 
second  de  Vaisou,  et  le  quatrième  d'Orléans, 
avec  le  titre  d'évèque  Tricastin.  Héraclius 
répondit  à  saint  Avit  par  une  lettre  de  poli- 
tesse, dans  laquelle  il  lui  fait  honneur  de  ce 
qu'il  avait  pu  dire  de  bon  pour  la  cause  de 
la  vi-aie  religion.  Il  semble  reconnaître  par 
là  qu'il  avait  été  sous  sa  discipline. 

29.  Un  homme  avait  abusé  d'une  fille  : 
quoique  le  crime  fût  connu  de  tout  le  monde, 
il  ne  laissa  pas  de  le  nier  devant  saint  Avil, 
qui  se  trouvait  alors  à  Lyon;  mais,  revenu  à 
lui-même,  il  employa  un  homme  de  qualité 
pour  en  obtenir  le  pardon.  Ansémundus, 
c'est  ainsi  que  cet  homme  de  qualité  se  nom- 
mait, en  écrivit  à  saint  Avit,  qui  lui  fit  ré- 
ponse qu'il  ne  pouvait  recevoir  le  coupable 
avant  qu'il  eût  fait  pénitence;  qu'en  vain  il 
le  citerait  à  Rome  et  l'accuserait  lui-même 
d'avoir  eu  des  enfants;  que  toutes  ses  me- 
naces ne  lui  feraient  rien  relâcher  de  son  de- 
voir, et  qu'au  cas  que  le  coupable  ne  se 
corrigeât  point  par  une  pénitence  volontaire, 
il  le  ferait  mettre  en  prison,  pour  lui  ôter 
du  moins  le  moyen  de  continuer  son  dé- 
sordre. 

30.  La  plupart  des  autres  lettres  de  saint 
Avit  n'ont  rien  de  bien  remarquable.  Ce  sont 
ou  des  invitations  à  des  solennités,  ou  des 
compliments  au  sujet  des  principales  fêtes 
de  l'année,  principalement  de  la  Naissance 
et  de  la  Résurrection  du  Sauveur.  Car  il  était 


d'usage  alors,  que  les  évéques  s'écrivissent 
mutuellement  en  ces  sortes  de  jours,  pour 
se  donner  des  marques  d'amitié  et  marquer 
comment  ils  avaient  célébré  ces  fêtes.  Il  y  a 
plusieurs  lettres  de  ce  genre  parmi  celles  de 
Tliéodoret.  Saint  Avit  en  écrivit  une  à  un 
rhéteur  nommé  Viventiolus,  qui  l'avait  cri- 
tiqué de  ce  que,  dans  un  discours  prontoncé 
à  Lyon  pendant  la  cérémonie  de  la  dédicace 
d'une  église,  il  avait  fait  une  faute  de  quan- 
tité, en  faisant  longue  une  syllabe  qui  était 
brève  '.  Viventiolus  s'autorisait  d'un  vers  de 
Virgile,  où  ce  poète  fait  cette  syllabe  brève. 
Saint  Avit  répond  que  Virgile  en  a  usé  ainsi 
par  une  licence  poétique,  comme  il  lui  est 
assez  ordinaire  :  et  qu'ailleurs  il  fait  cette 
syllabe  longue,  comme  elle  l'est  en  effet. 
Nous  n'avons  plus  le  discours  que  saint  Avit 
prononça  en  cette  occasion.  Il  avertit  l'évê- 
que  Constantius  de  ne  point  priver  de  la 
communion,  dans  le  temps  pascal,  ceux  qui 
ne  seiont  coupables  que  de  fautes  légères. 
Il  parle,  dans  sa  lettre  à  Maxime,  des  monas- 
tères de  Grigny,  bâtis  auprès  de  Vienne,  et 
dans  lesquels  il  avait  fait  la  visite  comme 
étant  sous  sa  discipline.  La  lettre  à  l'empe- 
reur Anastase  fut  écrite  par  saint  Avit  au 
nom  du  roi  Sigismond,  lorsqu'il  envoya  des 
légats  en  Oi-ient.  Sa  lettre  à  son  frère  Apol- 
linaire, est  pour  le  prier  de  lui  procurer  un 
sceau  attaché  à  un  anneau  de  fer.  Il  lui  mar- 
que tous  les  ornements  dont  il  voulait  que 
ce  sceau  fût  revêtu,  et  la  matière  dont  on  le 
devait  composer.  Il  lui  dit  de  faire  graver 
dessus  un  monogramme,  qui  marquât  toutes 
les  lettres  de  son  nom.  On  voit  de  semblables 
monogrammes  dans  les  anciens  dipltjmes 
des  rois  et  dans  les  monnaies  de  Charles-le- 
Chauve.  La  lettre  adressée  à  Quinlien,  mais 
dont  l'inscription  parait  fausse,  parce  que 
cet  évêque,  qui  était  de  Clermont  en  Auver- 
gne, ne  dépendait  pas  de  celui  de  Vienne, 
est  une  invitation  au  concile  qui  devait  se 
tenir  à  Epône,  le  huitième  des  ides  de  sep- 
tembre. Saint  Avit  marque  dans  cette  lettre 
que  le  pape  s'était  plaint  à  lui  de  ce  qu'on 
négligeait  la  tenue  des  conciles.  Il  prie  les 
évéques  qui,  pour  raison  d'infirmités,  ne 
pourraient  y  venir,  d'y  envoyer  deux  prêtres 
de  vertu  et  de  savoir,  en  leur  place.  Les 
deux  lettres  à  l'empereur  Anastase  au  nom 
du  roi  Sigismond,  sont  de  la  main  de  saint 
Avit.  Dans  l'une  des  deux,  Sigismond  se 

1  Potitur, 


Cinqua;. 
unièu:e  â 
veutiulLâ  , 


Soîjta 
unième  1 
à   COQ£ta' 


Soi 
neuvièmt; 
tre   à   A 
tase. 


Soixa 
dix-huit 
lettre  à  / 
liuaire. 


Qualr 
vinçtièm 
tre  à  C 
tieu. 


Uuatt| 
Tingts-ln 
me  et  gel 
viogt  -  il 
trièiue  IeI 
à  AuQStal 


[■Vl=  SIÈCLE.] 

plaint  du  roi  d'Italie,  qui  avait  refusé  le  pas- 
sage aux  légats  qu'il  envoyait  à  Anastase. 
Le  saiiit  ayant  appris  que  le  pape  Hormisdas 
avait  envoyé  Ennodius  en  Orient,  écrivit  à 
ce  pape,  par  le  prêtre  Alexis  et  le  diacre  Vé- 
nantius,  au  nom  de  toute  la  province  de 
"Vienne,  pour  savoir  si  les  Grecs  étaient  ré- 
concilies avec  l'Eglise  romaine,  comme  ils 
s'en  vantaient.  Hormisdas  répondit  que  la 
légation  qu'il  avait  envoyée  n'avait  encore 
produit  aucun  eflTet,  parce  que  les  Grecs  ne 
désiraient  la  paix  qu'en  paroles.  Il  parle  dans 
celte  lettre  comme  il  avait  déjà  fait  dans  une 
précédente,  de  la  conversion  des  provinces 
de  Dardanie  et  d'Illyrie.  La  lettre  de  saint 
Avit  à  Hormisdas  ne  se  trouve  point  dans 
les  recueils  manuscrits  de  ses  lettres,  parce 
qu'on  l'a  toujours  jointe  avec  celle  du  pape 
Hormisdas. 

31.  Saint  Avit  fit,  à  la  prière  de  ses  amis, 
un  recueil  de  ses  homélies,  ainsi  qu'il  le  té- 
moigne lui-même  '  dans  une  de  ses  lettres  à 
son  frère  Apollinaire.  Il  ne  nous  reste  que 
deux  de  ces  homélies,  l'une  su?'  le  premier, 
l'autre  sur  le  troisième  jour  des  Rogations. 
11  marque  dans  la  première  que  l'institution 
des  Rogations  s'était  répandue  non-seule- 
ment dans  toutes  les  Gaules,  mais  presque 
par  toute  la  terre,  qui  se  purifiait  par  cette 
satisfaction  annuelle  des  désordres  qui  l'i- 
nondaient ^;  que  celle  fête  laborieuse  et  pé- 
nible, comme  il  l'appelle,  fut  rétablie  par 
saint  Mammert,  l'un  de  ses  prédécesseurs; 
mais  qu'il  fallut  une  extrême  nécessité  pour 
forcer  les  cœurs  inflexibles  des  Viennois, 
pour  se  soumettre  à  une  telle  humiliation, 
et  que  l'Eglise  de  Vienne,  en  embrassant  la 
pénitence  des  Rogations,  ne  songea  qu'à 
trouver  un  remède  nécessaire  à  ses  maux. 
Saint  Avitdonneledétaildecesmaux  :  «Grand 
nombre  d'incendies,  de  fréquents  tremble- 
ments de  terre,  des  bruits  extraordinaires 
que  l'on  entendait  la  nuit,  on  voyait  les  ani- 
maux sauvages  entrer  dans  la  ville;  soit  que 
ce  fussent  de  véritables  bêtes,  ou  seulement 
des  fantômes  et  des  spectres,  c'était  toujours 
un  prodige  qui  jetait  la  terreur  dans  les  es- 
prits. Les  impies,  dissimulant  ce  qu'ils  en 
pensaient,  attribuaient  ces  événements  au 
hasard  ;  les  plus  sages  les  regardaient  comme 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  AVIT,  ÉVÊQUE. 


S63 


des  signes  de  la  colère  de  Dieu,  qui  présa- 
geaient la  ruine  totale  de  leur  ville.  Ce  qui 
acheva  de  les  en  convaincre,  fut  l'embrase- 
ment qui  arriva  à  l'entrée  de  la  nuit  de  la 
Résurrection  du  Sauveur.  Alors  le  feu  prit  à 
l'Hôtel-de-Ville,  qui  était  situé  dans  le  lieu 
le  plus  élevé  de  Vienne.  La  nouvelle  s'en 
étant  répandue  parmi  le  peuple  déjà  assem- 
blé dans  l'église,  tous  en  sortirent  pour  em- 
pêcher leurs  maisons  et  leurs  biens  d'être  en- 
veloppés dans  cet  incendie.  Saint  Mammert 
seul,  sans  frayeur,  demeura  devant  les  saints 
autels,  où,  animant  sa  foi  par  l'abondance  de 
ses  larmes,  il  éteignit  le  feu  par  ses  prières. 
Dans  cette  même  nuit  il  forma  le  dessein 
d'instituer  les  Rogations  et  prescrivit  ensuite 
les  psaumes  et  les  prières  qui  devaient  les 
accompagner.  Il  destina  à  cette  pénitence 
les  trois  jours  qui  précèdent  la  fête  de  l'As- 
cension, indiquant  diH'érentes  églises  pour 
les  processions  ou  stations  de  ces  jours.  Quel- 
ques Eglises  firent  d'abord  les  Rogations  en 
des  temps  difl'érents  :  mais  enfin  elles  s'ac- 
cordèrent à  les  faire  aux  trois  jours  de  devant 
l'Ascension  ,  quoique  ce  ne  fût  pas  une  chose 
fort  importante  de  les  faire  partout  en  même 
temps.  »  Saint  Avit,  qui  fait  cette  remarque, 
en  fait  une  autre,  dans  cette  homélie,  sur 
l'avantage  des  prières  et  des  bonnes  œuvres 
qui  se  font  en  commun.  «  Outre  que  l'union 
du  peuple  dans  les  exercices  de  pénitence, 
est  un  grand  motif  pour  y  engager  ceux  mê- 
mes qui  n'auraient  pas  voulu  se  joindre  à 
tous  les  autres  pour  pleurer  avec  eux  leurs 
péchés,  l'humilité  de  l'un  anime  celle  de 
l'autre,  et  personne  ne  rougit  de  se  recon- 
naître coupable,  lorsque  tout  le  monde  con- 
fesse qu'il  l'est  :  dans  un  combat  où  tous 
s'unissent  contre  un  ennemi  commun,  le  plus 
lâche  est  encouragé  par  la  valeur  de  ses 
compagnons.  Les  forts  couvrent  les  faibles, 
qui ,  par  leur  union  avec  eux,  ont  la  gloire 
d'être  comptés  dans  l'armée  des  vaillants  et 
d'en  faire  une  partie.  Il  arrive  de  là  que 
quand  on  a  remporté  la  victoire,  tous  y  ont 
part,  et  quoique  peu  aient  combattu,  tous 
néanmoins  participent  au  triomphe.  Quelque 
faible  que  soit  donc  une  personne  dans  la 
vertu,  qu'elle  ait  soin  de  s'unir  aux  autres; 
ses  prières  obtiendront  ce  qu'elles  n'eussent 


'  Nuper  paucis  homiliarum  mearum  in  unum  corpus  tummodo ,  scd  pêne  per  orhem  toium  Rogatinnalis  ob- 

rediictis,  horlatii  amicorum  dismmen  editionis  intravi.  servaniiœ  flumen   irriguum,  el  infeciam  vitiii  terram 

Epist.  ad  ApolL,  pag.   1686.  uberi  fluxu  annuœ  satitfactionis  expurgat.  Avit.,   Ho- 

'  Currit  quidem  irumile  vitali  non  per  Gultias  tan-  mil.  2  de  Rogat. 


364 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pas  obtenu  par  elles-mêmes.  »  Saint  Avit  ap- 
puie cette  létlexion  de  l'exemple  des  Ninivi- 
tes ,  où  les   enfants,  joints  aux  vieillards , 
apaisèrent   par   leurs  jeûnes,  la  colère  du 
Seigneur.  Il  explique   ensuite   l'endroit   du 
chapitre  viii'  de  saint  Matthieu,  où  il  est  dit 
que  le  Seigueur  ayant  commandé  aux  vents 
et  à  la   mer,  la  tempête  qui  avait  jeté  la 
frayeur  dans  les  disciples,  s'apaisa  tout  à 
coup.  Il  se  sert  avec  avantage  de  ce  qui  ar- 
riva alors  pour  engager  son  peuple  à  recou- 
rir à  Jésus-Glirist  et  à  lui  demander  avec 
instaçce  de  ne  point  les  abandonner  dans  le 
cours  de  leur  navigation,  et  de  commander 
àl  a  fureur  du  siècle  présent  de  s'apaiser. 
Homélie 3ur       32.  La  SBCOude  homélie  qui  nous  reste  de 
joar'X's'™-  saint  Avit  est  pour  le  troisième  jour  des  Ro- 
gat.oos.         gâtions.  Elle  nous  a  été  donnée  en  1717,  par 
dom  Martène,  sur  un  manuscrit  de  la  Grande- 
Chartreuse.  Saint  Avit  y  remarque,  comme 
dans  la  première,  que  les  Rogations  avaient 
été  instituées  dans  le  siècle  même  où  il  vivait. 
Il  remarque  encore  qu'au  troisième  jour  des 
Rogations  on  lisait,  dans  divers  offices,  la 
prophétie  d'Amos,  dont  il  explique  le  troi- 
sième chapitre  en  montrant  que  ce  qui  y  est 
dit  regarde  non  pas  les  juifs,  comme  ils  s'en 
flattaient,  mais  les  chrétiens,  qui  sont  le  vé- 
ritable peuple  de  Dieu.  Dans  un  ancien  lec- 
tionnuire   à  l'usage   de   l'Eglise   gallicane , 
donné  par  dom  Mabillon  ',  sui'  un  manuscrit 
de  l'abbaye  de  Luxeuil ,  il  est  marqué  qu'on 
lisait,  pour  le  troisième  jour  des  Rogations, 
non  la  prophétie  d'Amos  ,  mais  ,  à  tierce  ,  la 
première  épitre  de  saint  Pierre;  à  sexte,  la 
première  de  saint  Jean,  et  à  none,  le  livre  de 
Judith;  ce  qui  fait  voir  que  les  offices  divins 
ne  se  célébraient  pas  d'une  manière  uniforme 
dans  toutes  les  églises  de  France,  et  qu'on 
n'y  suivait  pas  le  même  ordre  dans  la  lecture 
des  Livres  saints  :  chaque  évêque  réglait  ces 
choses  selon  qu'il  le  trouvait  à  propos.  L'ar- 
chevêque Herbert  nous  apprend  que  dans  la 
Normandie  ^,  lorsqu'aux  jours  des  Rogations 
on  allait  en  procession  à  quelque  endroit  éloi- 
gné, l'usage  était  qu'après  que  le  clergé  avait 
chanté   quelques    hymnes   ou  répons ,   les 
femmes  en  chantaient  d'autres. 

33.  Pour  ce  qui  est  des  autres  homélies 

df!  hoiuéiiM  dont  samt  Avit  avait  fait  un  recueil  ^,  et  que 

saint  Grégoire  de  Tours  avait  vu ,  il  ne  nous 

en  reste  que  les  titres  ou  quelques  fragments 


dont  les  plus  considérables  nous  ont  été  con- 
servés par  Florus,  diacre  de  l'Eglise  de  Lyon, 
dans  son  commentaire  «wr  lesEpîtres  de  saint 
Paul.  Un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
M.  de  Thou,  marque  les  huit  suivantes  avec 
le  commencement  de  chacune ,  savoir  :  une 
homélie  prononcée  à  la  dédicace  de  la  grande 
église,  une  dans  la  basilique  de  Sainte-Marie, 
une  à  la  rénovation  du  baptistère  de  l'église 
de  Vienne,  une  à  la  dédicace  de  la  basilique 
de  Genève,  une  dans  une  autre  dédicace  qui 
n'est  pas  nommée ,  une  dans  la  basilique  de 
Saint-Pierre,  bâtie  par  l'évêque  de  Taren- 
laise;  une  dans  la  basilique  des  Martyrs  d'A- 
gaune,  lorsqu'on  rétablit  le  monastère  de  ce 
lieu ,  et  une  à  l'occasion  de  la  conversion  de 
Sigisric  ou  Sigismond ,  le  lendemain  que  sa 
sœur  eut  fait  abjuration  de  l'hérésie  arienne. 
Nous  avons  des  fragments  de  sept  de  ces  ho- 
mélies ,  mais  il  est  difficile  de  dire  à  quelles 
homéUes  ces  fragments  appartiennent.  Le 
père  Sirmond  y  a  joint  divers  endroits  de  la 
conférence  que  saint  Avit  eut  avec  Gon- 
debaud  et  dans  laquelle  il  pressa  inutilement 
ce  prince  de  confesser  pubhquement  la  foi 
catholique,  dont  il  avait  reconnu  la  vérité  après 
avoir  vu  les  évéques  de  son  parti,  c'est-à-dire 
de  l'hérésie  arienne  ,  réduits  au  silence  par 
ceux  de  la  communion  catholique.  Ces  en- 
droits sont  rapportés,  d'après  saint  Grégoire 
de  Tours,  dans  son  livre  11^  de  V Histoire  des 
Français.  Agobard,  évêque  de  Lyon^  nous  a 
aussi  conservé  quelques  endroits  de  cette 
conférence.  Nous  trouvons  un  beaucoup  plus 
grand  nombre  de  fragments  des  homélies  et 
des  traités  de  saint  Avit  dans  le  commentaire 
que  le  diacre  Florus  a  fait  sur  les  épitres  de 
saint  Paul,  où  il  donne  moins  ses  pensées  que 
celles  des  anciens  pères  de  l'Eglise  qui  ont 
expliqué  quelques  endroits  des  épîlres  de  cet 
apôtre.  Il  cite  nommément  saint  Cyprien , 
saint  Hilaire ,  saint  Ambroise  ,  saint  Pacien , 
saint  Jérôme ,  saint  Ephi-em  ,  diacre  ;  saint 
Léon,  saint  Fulgence  et  saint  Avit.  Parles 
endroits  qu'il  rapporte  de  ce  dernier,  il  y  en 
a  qui  sont  tirés  d'une  homélie  sur  la  Pâque, 
et  d'une  autre  sur  le  sixième  jour  d'après 
Pâques  ;  de  trois  homélies  sur  les  ti'ois  jours 
des  Rogations,  différentes  de  celles  que  nous 
avons  en  entier;  d'une  homélie  sur  la  Passion 
du  Seigneur,  d'une  sur  l'Ascension ,  d'une 
qui  était  intitulée  :  De  l'Institution  de  l'Eu- 


'  Tom.  V  Thcsuiir.  Anecd.,  pag.  47. 
'  Herb.,  lib.  1  Miruciil.,  cap.  xxi,  ibiJ. 


'  Tom.  II  Oper.  Sirmond.,  pag.  139,  142  et  seq. 


[VI«  SIÈCLE. 

charistie ,  d'une  sur  la  Pentecôte,  d'une  sur 
le  Symbole,  d'une  sur  la  Dédicace  de  Saint- 
Michel- Archange,  d'une  sur  le  roi  Ezéchias, 
d'une  sur  l'Enlèvement  d'Elie ,  d'une  sur  Jo- 
uas ,  et  d'une  sur  l'Ordination  d'un  évêque. 
Florus  rapporte  aussi  divers  fragments  des 
livres  de  saint  Avit  contre  le  Fantôme,  c'est- 
à-dire  contre  ceux  qui  soutenaient  que  Jésus- 
Christ  n'avait  eu  qu'un  corps  fantastique  et 
en  apparence;  de  ses  livres  contre  les  Ariens, 
et  des  lettres  que  le  mênae  évêque  avait  écrites 
contre  ces  hérétiques,  d'un  livre  sur  la  Nais- 
sance de  Jésus -Christ  et  d'un  autre  swr  sa 
Divinité.  Adon  de  Vienne  parle  d'un  dialo- 
gue de  saint  Avit,  contre  l'Arianisme ,  comme 
d'un  ouvrage  excellent  et  où  on  remarquait 
autant  d'esprit  et  d'érudition  que  d'exacti- 
tude '.  Ce  dialogue  était  adressé  au  roi  Gon- 
debaud.  Adon  altiibue  au  même  saint  deux 
traités  contre  les  Hérésies  de  Nestorius  et  d'Eu- 
tychès;  mais  il  y  a  apparence  qu'il  en- 
tend par  ces  traités  les  deux  lettres  que  saint 
Avit  écrivit  au  roi  Gondebaud  et  dans  les- 
quelles il  réfute,  à  la  prière  de  ce  prince,  les 
hérésies  de  Nestorius  et  d'Eutychès.  Ces  let- 
tres sont  la  seconde  et  la  troisième  ,  suivant 
l'ordre  de  l'impression.  Nous  apprenons  en- 
core d'Adon  que  saint  Avit  écrivit  contre 
Fauste  de  Riez  ,  pour  réfuter  ses  erreurs  sur 
la  grâce.  C'est  apparemment  le  même  écrit 
que  Florus  cite  sous  le  nom  de  lettres  *.  On 
ne  sait  ce  que  c'est  que  l'ouvrage  que  Nol- 
ker-le-Bègue  cite  sous  le  nom  de  saint  Avit  ^. 
Il  l'intitule  :  De  l'Instruction  des  hommes.  Il  y 
en  a  qui  comptent  parmi  les  écrits  perdus  de 
saint  Avit  un  livre  de  la  Pénitence  momen- 
tanée ,  c'est-à-dire  qui  se  fait  à  l'article  de  la 
mort;  mais  il  parait  qu'il  faut  entendre  par 
là  la  quatrième  lettre  de  saint  Avit  au  roi 
Gondebaud,  où  il  traite  en  effet  de  cette  sorte 
de  pénitence  ,  et  où  il  en  fait  voir  l'utilité 
contre  Fauste  de  Riez.  On  attribue  encoi'e  à 
saint  Avit  *  un  livre  sur  la  Divinité  du  Saint- 


CHAPITRE  XL.  _  SAINT  AVIT,  ÉVÊQUE. 


365 


Esprit;  mais  les  trois  fragments  qu'on  nous 
a  donnés  ,  avec  quatre  de  ses  lettres  ,  pour- 
raient bien  être  tirés  de  ses  livres  contre  les 
Ariens,  où  ,  à  l'imitation  des  écrivains  plus 
anciens  que  lui,  il  pouvait  avoir  établi  la  di- 
vinité du  Saint  -  Esprit  en  établissant  la  con- 
substantialité  du  Verbe. 

34.  On  voit,  par  ce  qui  nous  reste  de  ces 
ouvrages  perdus  ^,  que  saint  Avit  avait  eu 
souvent  occasion  de  défendre  la  foi  contre 
les  hérétiques  de  son  temps.  Il  fait  voir,  con- 
tre les  ariens,  qu'Abraham,  Moïse  et  les  pro- 
phètes n'avaient  été  sauvés  que  par  Jésus- 
Christ,  et  que  c'est  ce  qui  leur  faisait  tant 
souhaiter  son  avènement  ;  qu'on  ne  peut  dou- 
ter qu'ils  n'aient  cru  en  lui,  puisqu'ils  en  ont 
si  souvent  parlé  et  en  des  termes  si  clairs  et 
si  précis;  que,  comme  personne  ne  périt  que 
par  le  vieil  Adam,  personne  n'est  sauvé  que 
par  le  nouveau,  qui  est  Jésus-Christ;  qu'il  est 
Fils  de  Dieu  par  nature,  et  nous  par  adoption 
et  par  grâce;  que  si  le  Seigneur  de  gloire  a 
été  attaché  à  la  croix  ^,  la  divinité  n'en  a  rien 
souffert,  mais  l'humanité  seule  :  car  il  y  a  en 
Jésus-Christ  ^  deux  substances  unies  en  une 
seule  personne ,  d'où  vient  qu'il  est  Dieu  et 
homme.  Ce  ne  sont  pas  deux  dieux  ,  mais  un 
seul  et  le  même  qui,  étant  de  deux  natures, 
est  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes.  11 
dit  qu'il  ne  sait  pas  ce  que  l'on  doit  penser 
de  la  fête  de  la  Pentecôte  ^  ou  de  la  descente 
du  Saint-Esprit,  si  l'on  ne  croit  pas  qu'il  soit 
Dieu.  «  Quel  honneur,  en  effet,  lui  rendent  en 
ee  jour  les  hérétiques  qui  le  mettent  au  rang 
des  créatures?  L'Eglise  ne  nous  ordonné-t- 
elle pas,  dans  le  Symbole  ',  de  croire  en  lui 
comme  en  une  personne  de  la  Trinité?  Puis- 
que, selon  l'apôtre,  il  pénètre  tout,  même  les 
profondeurs  de  Dieu,  c'est-à-dire  ce  qu'il  y  a 
en  Dieu  de  plus  profond  etde  plus  caché;  la 
profondeur  de  ses  connaissance',  est  une 
preuve  de  son  égalité  avec  le  Père  et  le  Fils  "*, 
de  qui  nous  disons  qu'il  procède  '.  Abraham 


le  qu'il  J 
0  an  remai- 
qii:ihle  flinç 
ces  fragments 
et  iluns  cot 
lettres. 


*  Ado,  in  Chron.,  pag.  798,  et  BoUand.,  ad  diem 
5  febr.,  pag.  667. 

2  Sirmond.,  pag.  176. 

s  Notk.,  in  Script.,  cap.  vu. 

'  Baluz.,  Miscellan.  tom.  I,  pag.  361,  362,  et  tom. 
H  Oper.  Sirmund.,  pag.  264. 

^  Tom.  II  Oper.  Sirmund.,  pag.  150  et  seq. 

6  Pag. 155. 

'  In  Christo  Deus  et  homo,  non  aller,  sed  ipae  :  non 
duo  ex  diversis ,  sed  unus  ex  utroque  mediator.  Ge- 
mina  quidem  substantia,  sed  una  persona.  Ex  libris 
contra  Ariunos,  pag.  173. 

•  Nisi  Deus  çrediiur  Spiritus  Sanctus ,  ignora  quid 


de  prœsenti  festivitate  dicatur,  aut  quid  in  ejus  nd- 
ventu  honoris  hœreticus  excolat,  quem  quantum  ad  se 
est  etiam  nomine  servitutis  inclinât.  Ex  serm.  de 
Penlec.,  pag.  167. 

9  Quid  mine  de  Spiritu  Sancto  dicemus,  quem  cre- 
dere  conséquente  symboli  parie  in  Trinitate  prœcipi- 
mus?  Ex  serm.  de  Symb.,  pag,  156. 

1"  Ulrum  œqualis  sit  Palri  vel  Filio  Spiritus  Sanc 
tus,  ex  ipsa  scicntiœ  suœ  profunditate  perpendiie.  Lib 
cont.  Arian.,  pag.  156;  in  I  Cor.  2,  10  et  11. 

»  Nos  vero  Spiritum  Sanctum  dicitnus  a  Filio  et 
Pâtre  procedere.  Lib.  de  Spir.  Sanct.  divinil.,  pag, 
170. 


566 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Gen.  XVIII,  1. 


étant  assis  à  la  porte  de  son  tabernacle,  trois 
personnes  lui  apparurent,  et,  courant  au-de- 
vant, il  les  adora  et  dit  :  Seigneur,  si  j'ai 
trouvé  grâce  devant  vos  yeux,  ne  passez  point 
devant  la  maison  de  votre  serviteur  sans  y  entrer. 
Aucun  des  trois  n'était  ni  mieux  habillé  ni 
d'une  figure  plus  relevée  '.  Mais  ce  patriar- 
clie ,  connaissant  le  mystère  de  l'indivisilile 
Trinité,  prie  ces  trois  personnes  en  un  seul 
nom,  Seigneur,  parce  qu'il  y  a  trois  personnes 
dans  l'unité  de  nature,  et  une  seule  substance 
dans  la  Trinité.  »  Saint  Avit  trouve  dans  le  sang 
et  l'eau  qui  sortirent  du  côté  de  Jésus-Christ 
les  deux  sources  du  salut,  le  baptême  et  le 
martyre,  et  dit  que  ,  dans  l'Eglise  ^,  les  uns. 
après  avoir  été  régénérés  dans  cette  eau, 
finissent  par  une  sainte  mort  ;  les  autres  trou- 
vent leur  salut  dans  le  sang  qu'ils  répandent 
avec  constance  pour  la  vérité  ;  les  uns  sont 
sauvés,  parce  qu'ils  meurent  pour  Jésus- 
Chrisi;  les  autres,  parce  qu'ils  ont  vécu  pour 
Jésus-Christ  en  suivant  ses  préceptes.  Le  Sau- 
veur a  poussé  sa  bonté  pour  nous  jusqu'au 
point  de  nous  laisser  tout  entière  la  subs- 
tance qu'il  a  prise  pour  nous  ^  Les  hommes 
laissent  leurs  biens  à  leurs  héritiers  :  Jésus- 
Christ  s'est  donné  lui-même  à  nous ,  c'est-à- 
dire  la  chair  et  le  sang  de  son  corps.  C'est  ce 
que  dit  saint  Avit  dans  un  desfragments  de  son 
discours  sur  V Institution  de  V eucharistie,  où 
il  explique  de  quelle  manière  s'est  faite  cette 
institution.  Les  quatre  lettres  que  Baluze  nous 
a  données  en  1678,  dans  le  tome  I"  de  ses 
Miscellanées ,  avec  les  fragments  qu'il  a  cru 
être  tirés  d'un  livre  sur  la  Divinité  du  Saint- 
Esprit,  avaient  déjà  été  imprimées  à  Châlons- 
sur-Saône  en  1661,  par  le  père  Ferrand,  jé- 
suite. On  les  a  placées  à  la  fin  des  œuvres  de 
saint  Avit ,  dans  la  dernière  édition  des  ou- 
vrages du  père  Sirmond,  en  1696.  La  pre- 
mière de  ces  lettres  est  adressée  au  roi  Con- 
debaud.  Ce  prince  avait  demandé  à  saint  Avit 
ce  que  c'était  que  le  centuple  que  Dieu  pro- 
met dans  l'autre  vie.  Le  saint  évêque  répond  : 
u  Ce  centuple  ne  doit  point  s'entendre  à  la 
lettre,  mais  dans  un  sens  spirituel;  l'on 
ne  doit  pas  non  plus  s'imaginer  que  Dieu 


doive  avoii'  égard  à  la  quantité  de  l'aumône, 
mais  plutôt  à  la  disposition  dans  laquelle  on 
la  fait;  cela  paraît  évident  par  l'éloge  que 
Jésus-Christ  a  fait  de  la  veuve  ,  qui ,  encore 
qu'elle  n'eût  donné  que  deux  oboles,  méri- 
tait plus  queceux  qui  avaient  offertde  grandes 
sommes  ;  le  nombre  centenaire  se  met  dans 
l'Ecriture  pour  marquer  quelque  chose  de 
parfait;  et  enfin,  quoique  l'aumône  doive 
être  bien  récompensée,  ceux-là  recevront  une 
récompense  beaucoup  plus  grande,  qui  ont 
tout  quitté  pour  Jésus-Christ,  que  ceux  qui 
n'ont  donné  qu'une  partie  de  leurs  biens  au 
nom  de  Jésus-Christ,  parce  qu'il  est  incom- 
parablement plus  grand  de  tout  quitter  que 
de  donner  beaucoup.  Ainsi  donc ,  le  cen- 
tuple promis  dans  l'Evangile  doit  s'entendre 
du  seul  martyre,  que  rien  n'égale  parmi  les 
autres  œuvres.  »  Saint  Avit  le  prouve  par  l'en- 
droit de  l'Evangile  où  il  est  dit  que  pour  re- 
cevoir ce  centuple,  l'homme  doit  abandonner 
non-seulement  sa  femme,  ses  enfants  ou  ses 
frères  pour  Jésus-Christ,  lorsqu'il  s'agit  delà 
confession  de  son  nom,  mais  encore  sa  pro- 
pre vie.  Hors  ce  cas ,  c'est-à-dire  quand 
il  y  a  du  danger  que  nos  péchés  ne  nous  sé- 
parent de  l'amour  de  Jésus-Christ^,  la  religion 
et  la  raison  veulent  que  nous  en  conservions 
pour  nos  parents  ;  c'est  ce  que  prouve  ce  qui 
est  dit  dans  l'Evangile  de  l'homme  et  de  la 
femme  :  Ce  que  Dieu  a  joint ,  l'homme  ne  doit 
point  le  séparer.  L'apôtre  dit  encore  que  celui 
qui  n'a  pas  soin  des  siens,  et  particulièrement 
de  ceux  de  sa  maison,  renonce  à  la  foi  et  est 
pire  qu'un  infidèle.  Saint  Avit  dit  que,  sans 
soufl'rir  le  martyre,  il  peut  arriver  que  l'on  en 
reçoive  le  mérite  et  la  récompense  :  ce  qui 
arrive  lorsque  quelqu'un,  se  trouvant  engagé 
dans  une  religion  mauvaise,  quitte  ses  pa- 
rents et  ses  proches  pour  embrasser  la  vérité 
dans  la  vue  de  son  salut.  Les  trois  autres 
lettres,  dont  l'une  est  adressée  à  un  homme 
de  condition  nommé  Arigius ,  la  seconde  à 
l'évêque  Etienne ,  et  la  troisième  à  l'évêque 
Grégoire  ,  regardent  la  célébration  de  quel- 
ques fêtes  solennelles. 
35.  U  y  en  a  une  autre  à  la  tête  des  poèmes 


1  Cerie  non  in  aliquo  horum  trium  aiit  cultior  ha- 
biius,  aid  eminentior  forma  prœstabat,  et  tamen  Abra- 
ham sacramenium  indivisœ  Triniiatis  inlellii/ens,  uno 
nomine  très  precatur,  quia  irina  in  unitate  persona, 
et  uiia  est  in  Trinilate  substantia.  Lib.  cont.  Ârian., 
pag.  193. 

2  Omnis  Ecctesia  duo  sunt  gênera  hominvm  :  umim 
est  quod  fideli  morte ,  aliud   quod  sublimi  passione 


salvaiur  :  unum   quod  pro  C/iristo  occubuit,  aliud 
quod  Christo  vixit.  Serm.  de  Passion.,  pag.  166. 

3  Itaque  videmus  quod  niliil  nobis  de  subslantiœ 
■plenitudine  minuit ,  qui  quod  pro  nobis  assumpsit  lo- 
ium  nobis  reliquit.  Alii  liœredibus  suis  sua  tribuunf, 
ille  semetipsum,  id  est,  carnem  vel  sanguinem  corporis 
sut.  Avit.,  serm.  de  Natal.  Cali.,  pag.  180. 


[vi« 


SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XL.  —  SAINT  A  VIT,  ÉVÊQUE. 


567 


de  saint  Avit,  auxquels  elle  sert  de  préface. 
Elle  est  adressée  à  son  frère  Apollinaire , 
évéque  de  Valence,  qui  l'avait  prié  de  re- 
cueillir ses  poésies  en  un  corps  d'ouvrage. 
Saint  Avit  marque  qu'il  avait  déjà  fait  la 
même  chose,  à  la  prière  de  ses  amis,  à  l'égard 
de  ses  homélies.  Il  reconnaît  que  ses  épi- 
grarames  étaient  en  assez  grand  nombre  pour 
composer  un  volume  d'une  juste  grosseur, 
mais  que  ne  lui  étant  pas  possible  de  les  re- 
couvrer, il  se  trouvait  obligé  de  ne  publier 
que  le  poème  qu'il  avait  fait  sur  l'Histoire  de 
Moïse.  Il  prie,  au  surplus,  ceux  qui  le  liront 
d'avoir  plus  d'égard  à  son  dessein  qu'à  sa 
poésie  même,  dans  laquelle  il  craignait  de 
n'avoir  pas  observé  toutes  les  règles  de  l'art; 
le  jugement  favorable  qu'en  avait  porté  Apol- 
linaire, fils  de  saint  Sidoine,  ne  le  rassurait 
point,  quoiqu'il  ne  pût  douter  de  l'habileté 
et  de  la  pénétration  du  censeur  à  qui  il  avait 
soumis  cet  ouvrage  '.  11  est  divisé  en  cinq 
livres,  dont  le  premier,  qui  contient  trois  cent 
vingt -cinq  vers,  traile  de  la  création  du  monde 
jusqu'à  l'endroit  de  la  Genèse  où  il  est  dit 
que  Dieu  mit  nos  premiers  pères  dans  le  pa- 
radis terrestre.  Le  second  en  comprend  qua- 
tre cent  vingt-trois.  Il  traite  de  la  chute  de 
l'homme,  et,  à  l'occasion  du  péché  dans  le- 
quel la  première  femme  engagea  son  mari, 
saint  Avit  raconte  les  désordres  qui  occasion- 
nèrent la  ruine  de  Sodome.  L'arrêt  que  Dieu 
prononça  contre  Adam  et  Eve,  et  contre  le 
serpent,  fait  la  matière  du  troisième  livre,  qui 
est  composé  de  quatre  cent  vingt-cinq  vers. 
Pour  prouver  que  Dieu  ne  laisse  point  impu- 
nie la  transgression  de  ses  lois,  le  saint  fait 
une  paraphrase  de  la  parabole  du  mauvais 
riche  et  du  Lazare,  rapportée  par  saint  Luc  : 
puis  il  continue  de  rapporter  les  suites  fâ- 
cheuses du  péché  de  nos  premiers  pères,  qu'il 
dit  être  au-dessus  de  toute  expression.  Il  s'a- 
dresse à  Jésus-Christ,  seul  capable  de  répa- 
rer notre  perte  et  de  guérir  nos  langueurs. 
Dans  le  quatrième,  qui  contient  six  cent  cin- 
quante-huit vers,  il  fait  une  description  du 
déluge,  de  ce  qui  le  précéda  et  de  ses  suites. 
Le  sujet  du  cinquième  est  le  passage  de  la 
mer  Rouge.  Ce  livre  contient  sept  cent  dix- 
neuf  vers. 

36.  Le  poème  de  saint  Avit,  adressé  à  Fus- 
cine,  sa  sœur,  est  compté  pour  un  sixième 
livre.  Apollinaire,  son  frère,  le  pria  de  le 
rendre  public,  et  quelques  amis  se  joignirent 

'  Avit.,  Epist.  45  ad  Âpollin.,  pag.  80. 


à  lui  pour  obtenir  cette  grâce.  Saint  Avit  ne 
l'accorda  qu'avec  peine  et  à  condition  qu'il  ne 
serait  connu  que  dans  sa  famille  ou  de  ceux 
qui  leur  étaient  unis  parles  liens  d'une  même 
religion.  Il  déclare  en  même  temps  qu'il  re- 
nonçait pour  toujours  à  la  poésie,  à  moins 
que  la  nécessité  de  quelque  épigramme  ne 
l'y  engageât.  Il  regardait  cette  occupation 
au-dessous  de  son  âge  et  de  la  dignité  épis- 
copale ,  l'un  et  l'autre  demandant  un  genre 
d'écrire  plus  sérieux  et  qui  fût  plus  à  la  por- 
tée de  ceux  qu'il  devait  instruire.  Saint  Avit 
n'avait  d'abord  donné  à  ce  poème  que  le  titre 
d'épigramme;  mais,  sur  la  remontrance  de 
son  frère,  il  lui  donna  celui  de  livre,  qui,  en 
effet,  lui  convient  mieux  pour  son  étendue, 
qui  est  de  six  cent  soixante-six  vers  hexa- 
mètres ou  héroïques ,  comme  sont  aussi  les 
vers  des  poèmes  précédents.  Celui-ci  est  in- 
titulé :  De  la  louange  de  la  chasteté,  pour  la 
consolation  de  Fuscine,  sa  sœur,  vierge  con- 
sacrée à  Dieu.  11  commence  l'histoire  de  sa 
vie  dès  son  baptême,  marquant  avec  quelle 
simplicité  et  quelle  candeur  elle  vécut  jusqu'à 
l'âge  de  douze  ans ,  où  elle  consacra  à  Dieu 
sa  virginité;  pure  dans  ses  mœurs,  modeste 
dans  ses  habits ,  elle  méprisa  tous  les  orne- 
ments du  siècle.  La  suite  de  sa  vie  n'eut  rien 
de  différent  de  son  commencement,  sinon 
qu'elle  augmenta  en  vertu,  ne  cherchant  qu'à 
plaire  à  Jésus-Christ  qu'elle  avait  choisi  pour 
son  époux.  Il  cite  en  passant  quelque  cbose 
du  poète  Prudence,  sur  la  virginité.  Parmi  les 
Livres  sacrés  qu'il  cite  pour  faire  l'éloge  de 
cette  vertu,  on  voit  celui  de  Job,  de  Judith , 
de  Tobie ,  d'Esdras  et  le  chapitre  de  Daniel 
où  l'histoire  de  Suzanne  est  rapportée.  Il 
compte  quatorze  épilres  de  saint  Paul,  cite 
celles  de  saint  Pierre,  de  saint  Jean,  de  saint 
Jude  et  l'Apocalypse  de  saint  Jean.  Il  parle 
de  sainte  Eugénie  comme  étant  célèbre  dans 
tout  le  monde  par  ses  vertus.  Mais  lorsqu'il 
ajoute  que  ,  travestie  en  homme  ,  elle  avait 
gouverné  longtemps  un  monastère  d'hommes, 
il  paraît  avoir  ajouté  foi  aux  actes  de  cette 
sainte  ,  qui ,  en  ce  fait  comme  en  beaucoup 
d'autres,  ne  peuvent  s'accorder  avec  l'histoire 
de  l'Eglise.  On  met  le  martyre  de  sainte  En- 
génie  sous  Valérien,  c'est-à-dire  vers  l'an  238 
ou  260.  Or,  en  ce  temps-là,  il  n'y  avait  point 
de  monastères.  Ils  n'eurent  lieu  qu'après  Dio- 
clétien,  c'est-à-dire  après  l'an  303,  que  ce 
prince  céda  l'empire  à  Galère.  Outre  les  six 
livres  de  poésie  dont  nous  venons  de  parler, 
on  ne  peut  douter  que  saint  Avit  n'en  ait 


568 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Jngeme 
des  écrits  < 
saiol  Avit. 


composé  d'autres,  comme  on  le  voit  par  sa 
lettre  à  son  frère  Apollinaire,  qui  sert  de  pré- 
face au  poème  sur  l'Histoire  de  Moïse.  Mais  il 
parait  que  saint  Grégoire  de  Tours  et  saint 
Isidore  de  Séville  n'ont  connu  que  ces  six 
livres.  On  trouve,  sous  le  nom  de  saint  Avit, 
dans  divers  manuscrits  ,  des  épigrammes  ou 
plutôt  des  poèmes  entiers  sur  l'Exode,  sur  le 
Lévitique,  sur  les  Nombres,  sur  le  Deutéronome , 
sur  Josué,  mais  si  imparfaits  et  si  remplis  de 
fautes,  qu'il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  ce 
saint  évêque  aima  mieux  les  supprimer  que 
de  les  rendre  publics,  n'ayant  pas  eu  le  loi- 
sir de  les  retoucher  et  de  leur  donner  la  der- 
nière main.  Le  premier  de  ces  poèmes  con- 
tient treize  cent  vingt-sept  vers,  le  second 
trois  cent  huit ,  le  troisième  six  cent  quatre- 
vingt-neuf ,  le  quatrième  deux  cent  quatre- 
vingt-sept,  le  cinquième  quatre  cent  quarante- 
deux,  et  le  sixième  six  cent  quatre-vingt- 
quinze  '. 

37.  Les  écrits  de  saint  Avit  seront  toujours 
des  preuves  de  son  esprit,  de  son  savoir  et 
de  son  éloquence.  Ses  vers  ont  plus  de  dou- 
ceur et  de  beauté  que  sa  prose.  Mais  dans 
l'un  et  dans  l'autre  genre  d'écrire,  il  ne  man- 
que ni  d'agréments,  ni  de  politesse  :  et  par- 
tout on  aperçoit  qu'il  pensait  noblement.  Ses 
poèmes  plurent  aux  meilleurs  critiques  de  son 
siècle^,  et  dans  le  dernier  les  connaisseurs  en 
ont  loué  l'élégance  ^.  Les  explications  qu'il  a 
données  de  quelques  endroits  de  l'Ecriture, 
ont  été  trouvées  bonnes  *,  et  ses  lettres  aussi 
admirables,  que  propres  à  confondre  les  hé- 
rétiques qu'il  a  combattus  ^.  Cela  nous  doit 
faire  regretter  ses  traités  contre  les  Ariens, 
dont  nous  n'avons  que  quelques  fragments, 


n'y  ayant  aucun  lieu  de  douter  qu'il  n'y  ait 
fait  paraître  autant  de  force  d'esprit  et  de 
solidité  de  raisonnement,  qu'il  en  montra 
dans  la  conférence  de  Lyon,  où  il  réduisit 
les  ennemis  de  la  foi  catholique  an  silence  ; 
où  il  parla  avec  tant  de  grâces  et  d'éloquence, 
qu'on  le  prit  pour  un  autre  Tullius  ^.  Le  roi 
Gondebaud,  prince  d'esprit  et  de  savoir,  ne 
put  se  refuser  à  l'évidence  des  preuves  que 
le  saint  évêque  donna  de  la  vérité  de  la  foi 
catholique  en  cette  occasion  :  et  si  elles  ne 
firent  pas  d'assez  profondes  impressions  sur 
son  cœur  pour  la  lui  faire  professer  publi- 
quement, elles  servirent  à  en  convertir  sin- 
cèrement beaucoup  d'autres.  Il  faut  toutefois 
convenir  qu'il  y  a  de  la  dureté  dans  ses  ex- 
pressions, de  l'obscurité  dans  son  style; 
mais  c'est  un  défaut  commun  à  beaucoup 
d'écrivains  du  même  siècle,  ou  pour  mieux 
dire,  c'est  un  défaut  du  siècle  même  où  l'é- 
loquence n'avait  plus  ses  beautés  naturelles 
et  où  le  goût  était  beaucoup  au-dessous  de 
celui  que  l'on  avait  dans  les  siècles  plus  heu- 
reux, et  qui  n'avait  pas  encore  été  gâté  par 
le  commerce  avec  les  Barbares.  Si  nous 
avions  tous  les  ouvrages  de  saint  Avit,  peut- 
être  trouverions -nous  quelque  chose  de 
mieux  que  dans  ceux  qui  nous  restent  :  car, 
dans  une  de  ses  lettres  ',  il  reconnaît  qu'il 
était  plus  en  état  de  mieux  dire  étant  jeune, 
que  dans  ses  dernières  années.  11  savait  le 
grec,  et  avait,  ce  semble,  quelque  connais- 
sance de  l'hébreu. 

38.  Les  premiers  ouvrages  de  saint  Avit  oa^^t^i^^Z 
que  l'on  a  mis  sous  presse,  sont  ses  poésies,   =''°''^'"'- 
divisées  en  six  livres.   Il  en  parut  d'abord 
une  édition  à  Strasbourg,  chez  Mulingius, 


1  Dom  Pitra  a  retrouvé  ces  poèmes,  au  moins  en 
partie,  dans  un  meilleur  manuscrit,  sous  le  nom  de 
Juvencus,  et  il  les  a  publiés  dans  le  tome  I  du  Spid- 
legium  Solesmence,  pag.  173-207.  [L'éditeur.) 

"  Ante  aliquot  meiises  datas  ad  amkum  quemdam 
communem  magnificentiœ  vestrœ  litteras,  vidi,  quitus 
scribebatis  placuisse  vobis  libellas  quos  de  spiritalis 
historiée  gestis  etiam  lege  poematis  lusi.  Avit.,  Epist. 
45  ad  Apoil. 

5  Bailiet,  Poètes  latins,  pag.  532. 

4  Temporibus  Gondobadi  régis  Burgundionum  fuit 
in  urbe  Vienna  episcopus ,  Avitus  nomine ,  fide  catho- 
licus,  eloquentia  facundissimus ,  ingénia  acerrimus, 
sacrarum  titterarum  expositar  suavissimus,  litterarum 
etiam  sœcularium  doctissimus  et  in  metris  facillimus 
sicut  et  ejus  opéra  testnntiir.  Agobardus  Lugdun.,  ad- 
ve7-siis  legem  Gondabadi.  Quad  sacra  explicuit  série 
genealogus  olim  Alcimus  egregio  digessit  carminé 
prœsul.  Fortunat.  Pictav.,  lib.  I  de  Vita  sancti  Mar- 
tini. 


^  Magnœ  facundiœ  erat  beatiis  Avitus,  episcopus 
Viennensis...extant  exinde  apiid  nos  epistolœ  admira- 
biles  :  quœ  sicut  tune  hœresim  oppresserunt,  ita  nunc 
Ecclesiam  Dei  œdificant.  Greg  ,  lib.  II  Hist.  Franc, 
pag.  34. 

^  Sed  pastquam  damnus  Avitus  proposuit  fîdem 
nostram  cum  iestimoniis  sacrœ  Scripturœ,  ut  erat  al- 
ler Tullius,  et  Dominus  inspirabat  gratiam  omnibus 
quœ  dicebat  ;  ianta  consiernatio  cecidit  super  arianos, 
ut  nihil  omnino  respondere  posset  Bonifacius  ad  ra- 
tianes  damni  Avili.  Collât,  contr.  Arian.,  tom.  Il 
Oper.  Sirmund.,  pag.  274. 

'  Audivi  quad  in  homilia  quam  nuper  ad  populum 
Lugdunensem  in  dedicaiione  basil'icœ  videor  cancia- 
natus,  barbarismum  me  inciirrisse  dicatis  :  palam  sci- 
licet  castigantes  quad  publica  oratiane  peccaverim. 
Fateor  istud  potuisse  contingere  :  prœserlim  mihi , 
cui  si  qua  in  annis  viridioribus  fuerunt  studia  litte- 
rarum, omnia  fert  œtas.  Avit.,  Epist.  51  ad  Viventiol. 
rhetor. 


[VI'    SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLI.  —  SAINT  ENNODE,  ÉVÊQUE. 


en  1507;  une  antre  à  Pnris,  en  1508,  et  une 
troisième  à  Cologne,  en  1509  :  l'année  sui- 
vante Josse  Bade  en  donna  une  quatrième, 
à  la  tête  de  laquelle  il  mit  une  épigramme 
de  Rhingmannus  Philésius  ;  ce  qui  donne  lieu 
de  croire  que  ce  fut  lui  qui  prit  soin  de  cette 
édition.  Celle  de  Lyon,  en  1536,  chez  Vin- 
cent Portonaire,  est  de  Jean  de  Gaigny,  qui 
ajouta  aux  précédentes  l'homélie  de  saint 
Avit  sur  les  Rogations,  les  poèmes  de  Marins 
Victor  et  quelques  autres  opuscules.  Cette 
édition  fut  fort  blâmée  des  savants,  parce 
que  l'éditeur,  non  content  de  changer,  selon 
son  caprice,  divers  endroits  des  pçèmes  de 
saint  Avit,  y  ajouta  près  de  cinq  cents  vers 
de  sa  façon.  On  ne  laissa  pas  de  la  publier  à 
Paris,  en  1545.  Menrad  Molther  revit  de 
nouveau  les  mêmes  écrits  de  saint  Avit,  et 
les  fit  imprimer  à  Bâle,  en  1545,  avec  un 
commentaire  qu'il  avait  fait  lui-même.  Ils 
furent  insérés  depuis  dans  toutes  les  Biblio- 
thèques des  Pères,  en  commençant  par  celle 
de  1575.  Mais  dans  celle  do  Paris  on  oublia 
l'homélie  sur  les  Rogations.  En  1643,  le  père 
Sirmond  fit  imprimer  les  lettres  de  saint 
Avit,  avec  son  homélie  sur  les  Rogations,  ses 
deux  poèmes  et  quantité  de  fragments  tirés 
des  ouvrages  de  ce  père  qui  ne  sont  pas 
venus  jusqu'à  nous,  et  enrichit  le  tout  de 
notes  très-recherchées.  C'est  sur  cette  édi- 
tion que  l'on  a  mis  les  ouvrages  de  saint  Avit 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères  de  Lyon,  en 
1677.  L'éditeur  aurait  dû  y  ajouter  les  quatre 
lettres  du  même  père ,  données  par  Ferrand 
dès  l'an  1661.  On  les  trouve  dans  le  second 


569 

tome  des  œuvres  du  père  Sirmond,  à  Paris, 
en  1696,  non  sur  l'édition  de  Ferrand,  mais  sur 
celle  de  Baluze,  en  1678,  comme  plus  cor- 
recte. Elles  sont  suivies  de  la  conférence  de 
Lyon  entre  les  évêques  catholiques  et  les 
ariens,  qui  avait  déjà  été  imprimée  dans  le 
cinquième  tome  du  Spicilége  de  dom  d'A- 
chery,  et  dans  le  quatrième  tome  des  Con- 
ciles du  père  Labbe.  [L'édition  de  1696  a  été 
réimprimée  à  Venise,  en  1728,  et  dans  Gal- 
land,  tome  X,  où  l'on  trouve  aussi  le  sermon 
pour  le  troisième  Jour  des  Rogations ,  donné 
par  dom  Martène.  Le  tome  LIX'=  de  la  Patrolo- 
gie  latine,  col.  191  et  suiv.,  reproduit  cette 
dernière  édition.]  11  y  a  encore  une  édition 
des  œuvres  de  saint  Avit,  à  Leipsick,  eu 
1604,  par  les  soins  de  Joachim  Zhéner.  Li- 
poman  a  donné  place  dans  le  second  tome 
de  son  recueil  au  poème  de  la  Virginité, 
adressé  à  Fuscine.  Mais  il  l'a  intitulé  :  Vie  de 
la  bienheuj-euse  Fuscine,  et  l'a  divisé  en  vingt- 
quatre  chapitres.  Il  se  trouve  aussi  avec  le 
poème  sur  l'Histoire  de  Moïse,  dans  le  Recueil 
des  Poètes  chrétiens,  que  Georges  Fabricius  fit 
imprimer  à  Bâle  en  1562;  et  dans  divers 
autres  recueils  des  poètes  latins,  où  l'on  a 
quelquefois  confondu  saint  Avit,  évêque  de 
Vienne,  avec  le  poète  Alphius  Avilus.  [Les 
Poètes  chrétiens  ,  de  Félix  Clément ,  Paris  , 
1857,  contiennent  quelques  extraits  des  poé- 
sies de  saint  Avit,  traduits  en  français. 
M.  l'abbé  Parizet,  docteur  de  l'Université  de 
Louvain,  a  fait  paraître,  en  1859,  à  Louvain, 
une  dissertation  intéressante  sous  ce  titre  : 
Saint  Avit,  évêque  de  Vienne;  sa  vie  et  ses  ecînts.] 


CHAPITRE  XLI. 

Saint  Ennode,  évêque  de  Pavie,  et  confesseur. 

[En  521.] 


1.  Magnus  Félix  Ennodius  '  se  dit  en  plu- 
sieurs endroits  de  ses  écrits,  originaire  des 
Gaules  et  né  de  parents  gaulois  ^.  Il  semble 
même  dire  que  la  ville  d'Arles,  qu'il  appelle 
une  demeure  charmante  ^,  était  le  lieu  de 
sa  naissance.  Ce  ne  fut  pas  néanmoins  dans 
cette  ville  qu'il  reçut  sa  première  éducation. 


mais  à  Milan  où  il  avait  une  tante,  qui  vou- 
lut bien  se  charger  de  lui  *,  à  cause  du  dé- 
rangement que  la  domination  des  Visigoths 
avait  causé  dans  les  affaires  de  son  neveu. 
On  met  sa  naissance  vers  l'an  473  ;  et  quoi- 
qu'il dise  quelquefois  dans  ses  écrits,  qu'il 
était  né  d'une  famille  médiocre,  il  ne  laisse 


'  Sirmund.,  not.  Episi.  25,  lib.  IV,  et  in  Vit.  Ennod. 
*  Ennod.,  lib.  Vl,  Epist.  24,  et  lib.  IX,  Epist.  29. 


s  Ennod.,  lib.  VII,  Epist.  8. 
<•  Ibid.,  in  Eucharisi.,  pag.  1706. 


570 


HISTOIRE  GÉNKR/VLE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pas  de  compter  parmi  ses  ancêtres,  ses  pro- 
ches ou  ses  alliés,  Faiisîe,  Boëce,  Aviénus, 
qui  avaient  élé  consuls  ;  Césaire  d'Arles  et 
Aurélien,  évoques;  Sénarius,  Florien,  Oly- 
brius,  Eugénète,  et  plusieu^-s  autres  qui 
avaient  occupé  les  premières  charges  de 
l'empire.  Son  père  se  nommait  Camille  '.  Il 
parle  d'une  veuve  de  même  nom,  comme 
d'une  de  ses  proches  ^. 
Ses  éludes,  2.  A  l'âge  de  seize  ans  ^  et  lo:?.  .le  l'ar- 
lusi  fait  dia-  Yivée  du  roi  Théodoric  en  Italie,  il  perdit  sa 
tante,  qui  jusque-là  avait  fourni  seule  à  tous 
ses  besoins.  Réduit  par  cette  mort  à  man- 
quer même  du  nécessaire,  il  trouva  de  la 
ressource  dans  le  mariage  *  qu'il  contracta 
avec  une  personne  également  noble  et  riche, 
dont  il  eut  un  enfant.  Avant  son  mariage,  il 
s'était  beaucoup  appliqué  à  l'étude  de  l'élo- 
quence et  de  la  poésie  ^.  Ses  écrits  prouvent 
qu'il  réussit  dans  l'une  et  dans  l'autre.  Mais, 
depuis  son  mariage,  l'opulence  fut  pour  lui 
une  occasion  de  dissipation  et  de  plaisir.  Il 
mena  pendant  quelque  temps  une  vie  peu 
chrétienne  *;  mais  Dieu,  par  sa  miséiicorde, 
lui  ayant  fait  entendre  la  même  voix  qu'il 
avait  fait  entendre  autrefois  à  Adam  aussitôt 
après  son  péché,  la  confusion  se  saisit  de 
lui,  et  ouvrant  les  yeux  sur  ses  égarements 
passés  et  sur  l'abime  où  ils  allaient  le  préci- 
piter, il  pleura  amèrement  sur  les  faux  plai- 
sirs auxquels  il  s'était  livré  jusqu'alors,  et 
changea  de  vie.  Dieu,  pour  se  l'attacher  plus 
fortement,  permit  qu'on  le  fit  entrer  dans  le 
clergé,  et  qu'on  l'ordonnât  diacre,  lorsqu'il 
s'y  attendait  le  moins,  et  même  contre  son 
gré.  Il  convient  que  sa  conduite  ne  répondit 
point  tout  il  fait  à  l'honneur  du  ministère  . 
qu'on  lui  avait  confié.  Mais  ayant  demandé 
à  Dieu  avec  instance,  par  l'intercession  de 
saint  Victor  en  qui  il  avait  une  confiance 
particulière,  la  grâce  de  vivre  conformément 
à  son  état,  il  l'obtint.  Il  poussa  plus  loin  ses 
demandes,  et  employa  encore  le  crédit  de 
ce  saint  auprès  de  Dieu,  pour  obtenir  que  sa 
femme  choisît  avec  lui  l'état  d'une  continence 
perpétuelle.  Elle  fit  sur  cela  ce  que  son  mari 
souhaitait,  et  il  lui  rend  la  justice  qu'elle  le 
surpassait  en  vertu.  On  ne  voit  rien  dans 
les  écrits  d'Ennode  touchant  le  fils  qu'il  avait 
eu  de  son  mariage. 

'  Ennod.,  lib.  IV,  Epist.  25.  —  s  Lib.IX,  Epist.<i9. 
3  Ibid.,  in  Eucharist.,  pag.  1705,  170G.  —  '  Ibid. 
s  Ibid.,  pag.  1702.  —  «  Ibid.,  pag.  1706, 1707  et  1708. 
'  Brtuî  posi  Epiphanius  ad  diaconii  evectus  infulas, 
vicesimum  annum  œtaiis  ascendit.   Ennod. ,  in  Vit. 


3.  Ennode  demeurait  alors  à  Pavie,  ou  du     n  s'appii 
moins  dans  le  territoire  qui  en  dépendait,    ies'sdiivcsl 
puisque  ce  fut  dans  cette  Eglise  et  par  saint   'q"". 
Epiphane  qui  en  était  évêque,  qu'il  fut  or- 
donné diacre.  Il  était  encore  fort  jeune;  mais 

son  âge  ne  devait  pas  paraître  un  obstacle  h 
son  ordination  à  saint  Epiphane  ^,  qui  avait 
lui-même  été  ordonné  diacre  à  l'âge  de  vingt 
ans.  Ennode,  depuis  son  ordination,  ne  se 
sent-int  que  du  mépris  pour  les  lettres  hu- 
maines, se  donna  tout  entier  à  l'étude  de  la 
science  ecclésiastique  ^.  Il  eut  pour  maître 
non-seulement  saint  Epiphane,  son  évêque  ', 
mais  encore  Servilion  '",  homme  de  grande 
vertu  et  d'érudition  dans  les  matières  ecclé- 
siastiques. Il  y  avait  aussi  dans  le  clergé  de 
Pavie  "  d'autres  personnes  d'un  mérite  dis- 
dingué  et  d'un  savoir  peu  commun,  entre 
autres  l'archidiacre  Silvestre  et  le  prêtre 
Bonose,  Gaulois  de  naissance,  dont  la  doc- 
trine et  le  bon  exemple  furent  sans  doute 
très-utiles  à  Ennode.  On  a  tout  lieu  de  croire 
qu'il  accompagna  saint  Epiphane  '*  dans  le 
voyage  qu'il  fit  dans  les  Gaules,  pour  soula- 
ger et  racheter  les  captifs  que  les  Bourgui- 
gnons avaient  faits  dans  la  Ligurie  :  car  il 
parle,  comme  témoin  oculaire '3,  de  plusieurs 
faits  qui  se  passèrent  dans  cette  occasion. 

4.  Quelque  temps  après  la  mort  de  saint  n  est  u< 
Epiphane,  arrivée  en  l'an  497,  Ennode  allaà  ïrc''."ii%s 
Rome,  où  il  se  fit  estimer  par  la  beauté  de  orient."  i 
son  esprit,  par  son  éloquence,  par  sa  vertu 

et  son  savoir.  Ce  fut  en  celte  ville  qu'il  com- 
posa l'apologie  du  pape  Symmaque  et  du 
concile  qui  l'avait  absous.  II  fut  aussi  choisi 
pour  faire  le  panégyrique  de  Théodoric,  roi 
des  Ostrogoths,  qui  entra  en  Italie  après  la 
défaite  d'Odoacre.  On  ne  sait  point  en  quel 
lieu  il  le  prononça,  si  ce  fut  à  Milan  ou  à  Ra- 
venne,  ou  en  quelque  autre  ville  d'Italie  : 
mais  il  paraît  que  ce  ne  fut  point  à  Rome, 
dont  il  parle  comme  en  étant  absent.  Cette 
pièce  d'éloquence  lui  mérita  l'estime  et  la 
considération  du  prince.  Le  successeur  de 
saint  Eiiiphane  dans  le  siège  de  Pavie,  fut 
saint  Maxime  ,  qui  l'occupa  jusque  vers  l'an 
510.  Alors  Ennode  fut  choisi  pour  le  remplir  : 
il  le  gouverna  jusqu'en  521,  auquel  il  mou- 
rut, n'étant  âgé  que  de  quarante-huit  ans. 
Le  soin  de  son  Eglise  ne  l'empêcha  pas  de 


Epiph.,  pag.  1653.  —  s  Idem,  lib.  IX,  Epist.  1 .  —  s  Ibid  , 
pag.  1692. 
ioidom,  lib.  V,  Epist.  14.  —  "  Ibid.,  pag.  1655. 

12  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1260. 

13  Ennod.,  in  Vit.  Epiphan.,  pag.  1679  et  seq. 


[VI=  SifTXE.] 

se  prêter  au  besoin  de  celles  d'Orient.  Comme 
elles  étaient  troublées  par  les  eutychéens 
et  divisées  avec  celles  d'Occident ,  le  pape  Hor- 
misdas  '  le  députa  deux  fois  vers  l'empereur 
Anastase  pour  rétablir  la  paix  et  la  commu- 
nion entre  les  Orientaux  et  l'Eglise  romaine. 
Mais  ces  deux  légations,  dont  la  première  se 
fit  en  515,  et  la  seconde  en  517,  furent  sans 
effet.  L'empereur,  après  avoir  essayé  en  vain 
de  tromper  Ennode  et  de  le  corrompre  par 
argent,  le  renvoya  sur  un  vaisseau  tout  fra- 
cassé, avec  défense  d'aborder  à  aucun  port 
de  la  Grèce  et  d'entrer  dans  aucune  ville. 
Il  arriva  toutefois  lieureusement  à  Pavie, 
dont  il  gouverna  l'Eglise  encore  quelques 
années.  Les  mauvais  traitements  qu'il  souf- 
frit ^  pour  la  cause  de  la  foi  et  de  la  religion 
de  la  part  des  Grecs,  lui  ont  fait  donner  le 
titre  de  confesseur,  par  les  papes  Nicolas  P' 
et  Jean  VIIL  L'Eglise  l'honore  en  cette  qua- 
lité, le  17  juillet.  Dans  l'épitapbe  qu'on  lit  sur 
son  tombeau  ^  d'ans  la  chapelle  de  Saint-Mi- 
chel, à  Pavie,  on  relève  son  éloquence  et  sa 
doctrine,  sa  libéralité  et  sa  sagesse,  son  zèle 
pour  la  conversion  des  peuples,  son  atten- 
tion à  élever  des  temples  à  Dieu,  à  les  déco- 
rer avec  magnificence,  et  son  travail  dans  la 
composition  des  hymnes  qu'on  devait  y 
chanter  en  l'honneur  du  Tout-Puissant. 
Ectiisd'Én-       5.   Nous  avons,   sous  le  nom  d'Ennode, 

ide.  Ses  Ut-  '  ' 

es, p.  1366.  deux  cent  qualre-vmgt-dix-sept  lettres,  y 
compris  celle  d'Euprépice,  sa  sœur.  On  les  a 
distribuées  en  neuf  livres,  suivant  l'usage 
des  anciens  :  mais  l'on  n'a  pas  gardé  exac- 
tement l'ordre  chronologique  dans  cette  dis- 
tribution. La  plupart  sont  des  lettres  d'ami- 
tié ou  de  civilité.  11  y  en  a  beaucoup  d'autres 
qui  regardent  des  faits  peu  intéressants  pour 
l'histoire  de  l'Eglise.  Nous  nous  arrêterons 
à  celles  qui  contiennent  quelque  chose  de 
remarquable  pour  la  doctrine  ou  pour  la 
discipline  ecclésiastique.  Il  parle  dans  sa  let- 
tre à  Fauste  *,  des  suites  fâcheuses  qu'occa- 
sionna le  schisme  entre  Laurent  et  Symma- 


CHAPITRE  XLI.  —  SAINT  ENNODE,  KVÈQUE. 


571 


que,  tous  deux  élus  pour  remplir  le  Saint- 
Siège.  Dans  une  autre  lettre  écrite  au  même^, 
il  reconnaît  que  la  foi  nous  oblige  d'adorer 
une  seule  nature  en  Dieu,  sous  la  distinction 
de  trois  personnes  égales  en  dignité.  Nous 
avons  parlé  ailleurs  de  la  lettre  à  Julien  Po- 
mère  °,  à  qui  Ennode  demanda  quelques- 
uns  de  ses  écrits  ,  et  de  celle  qu'il  écrivit  au 
nom  du  pape  Symmaque  ',  aux  évoques 
d'Afrique,  que  le  roi  Trasamond  relégua  en 
Sardaigne  au  nombre  de  deux  cent  vingt.  II 
leur  dit  :  «  Ne  craignez  point  de  ce  qu'on 
vous  a  dépouillés  des  ornements  épiscopaux  : 
vous  avez  avec  vous  celui  qui  est  le  prêtre 
et  la  victime  :  il  n'a  pas  coutume  de  mettre 
son  plaisir  dans  les  honneurs,  mais  dans  les 
cœurs.  La  récompense  attachée  à  la  confes- 
sion du  martyre,  est  plus  grande  que  la  di- 
gnité épiscopale.  Souvent  la  faveur  y  élève 
des  personnes  d'un  mérite  fort  médiocre; 
mais  il  n'y  a  que  la  grâce  d'en  haut  qui 
donne  la  qualité  de  confesseur,  n  II  parle 
dans  celle  qu'il  écrivit  à  Constance  ^  d'un 
homme  qui  avait  avancé  que  nous  n'avions 
de  liberté  que  pour  faire  le  mal.  Il  appelle 
cette  proposition  une  proposition  schismati- 
que  et  qui,  aux  termes  de  l'Apocalypse,  porte 
sur  son  front  le  caractère  de  blasphème. Quelle 
liberté  serait-ce  en  effet,  de  ne  vouloir  que 
ce  qui  mérite  le  châtiment?  Comment  peut- 
on  dire  que  l'on  a  le  choix,  où  il  n'y  a  qu'un 
seul  parti  à  prendre?  Si  le  sentiment  de  cet 
homme  était  véritable,  les  jugements  de  Dieu 
n'auraient  point  lieu?  Comment  nous  obli- 
gerait-il à  faire  le  bien,  s'il  nous  en  avait  ôté 
le  désir?  Que  veut  dire  saint  Paul  dans  le  té- 
moignage qu'il  rend  à  la  liberté  :  J'ai  la  vo- 
lonté de  faire  le  bien,  mais  je  ne  trouve  point  le 
moyen  de  le  faire?  N'est-ce  pas  dire  :  Je  peux 
choisir  le  bon  chemin  ;  mais  si,  lorsque  j'y 
entre,  la  grâce  ne  m'aide,  je  me  lasserai 
bientôt?  Personne  ne  doute  que  l'auteur  de 
la  grâce  n'ouvre  aux  hommes  le  chemin  de 
la  justice  par  son  secours  :  cette  doctrine  est 


Rora.  Tli,  18, 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1426,  1448. 

2  Sicui  magnus  Cliristi  confessor  Ennodius,  Ticinensis 
episcopus ,  qui  ab  Hormisda  npostolicœ  memoriœ  Con- 
stantinopolim  missus,  innumeras  miserias  a  Grœcorum 
vesonia  pro  fide  Christi  et  statu  Ecclesiœ  non  semel 
pertulit.  Nicol.  1,  Epist.  8  ad  Michael.  August.  Absit 
a  piis  mentibus  quid  de  roma?ii  culminis  pontifice  si- 
nistrum  sentire,  cum  beoto  Eimodio  confessore,  Tici- 
nensis urbis  antislite ,  scribente  doceanmr,  quia  Deus 
omnipotens  aut  claros  ad  ianta  fastigiu  erigit,  aut 
certe  quos  erigit  illustrât.  Joan.  VllI,  Epist.  ad  Ber- 
char.  Abbat. 


'  Pollens  eloquio,  doctrinœ  nobilis  arte, 
Restituit  Christo  innumeros  populos. 
Largus  vel  sapiens,  dispensatorque  benignus, 

Divitias  credens  quas  dédit  esse  suas. 
Tenipla  Deo  faciens,  hymnis  decoravit  et  aura. 
Tom.  II  Oper.  Sirmimd.,  pag.  1364. 
*  Lib.  I,  Epjist.  3. 

5  Vere   grattas  Trinitati,  quam    veneramur  et  coli- 
mus,  Deo  nostro,  quœ  sub  personarum  distinctione  et 
œqualilate    mirabili,    nnam    nos  pie  jussit  sentire  et 
adorare  substanliam.  Ennod.,  lib.  I,  Epist.  20. 
«  Lib.  Il,  Epist.  6.  -  ">  Epist.  14.  —  s  Epist.  19. 


572 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


avouée  de  tout  le  monde.  La  grâce  conduit 
et  précède  dans  les  bonnes  actions  :  c'est 
elle  qui  nous  invite  au  salut,  ou  plutôt  Jésus- 
Christ  par  elle,  lorsqu'il  nous  dit  :  Venez,  mes 
enfants,  écoutez-moi.  Mais  si  notre  volonté,  qui 
est  libre,  refuse  de  se  rendre  à  ses  avertis- 
sements :  si  notre  travail  ne  suit  ses  pré- 
ceptes, nous  nous  précipitons  de  nous-mê- 
mes dans  le  danger  et  dans  l'enfer,  sans  y 
être  contraints  par  aucune  néces'ilé  :  en 
sorte  qu'il  est  vrai  de  dire  que  la  pratique 
des  préceptes  mérite  récompense,  et  que  le 
mépris  que  l'on  en  fait,  est  digne  de  sup- 
plice. Nous  devons  à  la  grâce  notre  vocation; 
c'est  elle  qui  nous  conduit  par  des  voies  se- 
crètes, et  à  moins  que  nous  ne  lui  résistions, 
elle  répand  dans  nos  cœurs  une  saveur  salu- 
taire :  mais  c'est  de  notre  choix  que  nous 
suivons  le  bien  qui  nous  est  montré.  La  voix 
même  du  crime  ne  nous  domine  pas;  elle 
est  à  notre  égard  comme  une  servante  :  d"où 
vient  qu'il  est  écrit  au  sujet  des  péchés  : 
Gènes  iv,  7.    Votrc  convoUïse  vous  sera  soumise. 

La  lettre  à  Arménius  *,  est  pour  le  consoler 
sur  la  mort  de  son  fils,  en  lui  représentant 
qu'il  était  passé  aune  meilleure  vie,  ayant  fait 
pénitence  en  celle-ci.  C'est  la  coutume  d'En- 
node  de  donner  à  l'évêque  de  Rome  le  nom 
de  pape  ;  il  croyait  qu'il  lui  était  si  particulier, 
qu'il  adresse  à  Symmaque  une  de  ses  let- 
tres ^  sous  le  nom  seul  de  pape.  Les  écri- 
vains plus  anciens  n'en  usent  pas  de  même  : 
ils  donnent  le  nom  de  pape  indifféremment 
aux  évêques  des  autres  sièges  comme  à  celui 
de  Rome.  On  remarque  qu'il  écrivit  la  plu- 
part de  ses  lettres  sous  le  pontificat  de  Sym- 
maque, et  quelques-unes  dans  le  temps  que 
le  schisme  de  Laurent  troublait  l'Eglise  ro- 
maine. Il  s'intéresse,  dans  la  lettre  à  Cons- 
tance, pour  Vigile ,  sous-diacre  de  cet  évê- 
que,  à  qui  il  demande  de  le  promouvoir  au 
diaconat,  dans  l'espérance  que  Vigile  s'étant 
bien  acquitté  des  fonctions  de  son  ministère, 
il  pourra  demander  à  Constance  de  l'élever 
à  un  plus  haut  degré  '.  L'abbé  Léontius,  à 
qui  Ennode  écrivit,  est  le  même,  comme  l'on 


croit,  qui  l'exhorta  à  écrire  la  Vie  du  bien- 
heureux Antoine,  moine  de  Lérins.  Ennode 
raconte  qu'étant  parti  de  Rome  pour  retour- 
ner dans  le  lieu  ordinaire  de  sa  demeure, 
apparemment  Pavie,  il  eut  une  vision  au 
commencement  du  jour  *,  dans  laquelle  Sy- 
négie,  femme  de  Fauste,  morte  depuis  quel- 
que temps,  lui   apparut  et  lui  reprocha  de 
n'avoir  point  honoré  son  tombeau  de  quel- 
ques-uns de  ses  vers.  Il  composa  donc  son 
épitaphe,  qu'il  envoya  à  Rome   au    prêtre 
Adéodat,  pour  la  faire  graver  sur  le  tombeau 
de  Synégia.  Cette  épitaphe  est  différente  de 
celle  qu'il  composa  pourSynégie,  à  la  prière 
de  sa  sœur  Euprépie  ^.  Sachant  que  Cons- 
tance était  allé  à  Ronae,  il  lui  recommanda 
d'ofl'rir  à  Dieu  pour  lui  des  prières  au  tom- 
beau des  apôtres  ^,  afin  que ,  par  leur  inter- 
cession ' ,  il  obtînt  de  passer  le  reste  de  sa 
vie  dans  la  pureté  et  dans  l'observation  des 
divins  commandements.  Il  parle  dans  sa  let- 
tre à  Laconius,  du  mariage  d'une   de   ses 
nièces  avec  un  de  ses  parents.  Il  semble  qu'il 
y  eut  d'abord  quelque  difficulté,  mais  que, 
de  l'avis  de  ceux  que  l'on  consulta,  ce  ma- 
riage ne  se  trouvait  point  dans  les  degrés 
défendus.  Il  dit  néanmoins  que  pour  plus 
de  sûreté ,  il  allait  envoyer  à  Rome  pour  sa- 
voir du  pape  Sj'mmaque  ce  qu'il  en  pensait. 
Dans  une  lettre  au  prêtre   Adéodat  s,   il 
cite  sous  le  nom  du  docteur  des  Gentils,  ces 
paroles  de  l'épître  de  saint  Jacques  :  Priez  jjc.vi,  ic. 
les  uns  pour  les  autres.  Il  marque  dans  celle 
qu'il  écrivit  à  Fauste  -,  son  désir  de  voir  finir 
le  schisme  de  Laurent,  afin  qu'il  pût  faire  un 
voyage  à  Rome.  Il  y  avait  à  Arles  une  veuve 
de  ses  parents  nommée  Archotamia,  qui  vi- 
vait dans  une  si  grande  piété  '",  qu'elle  pou- 
vait servir  de  modèle  à  un  de  ses  fils  qui 
était  prêtre  et  qui,  dans  le  dessein  de  se  per- 
fectionner dans  la  vertu,  s'était  retiré  dans 
le  désert  de  Lérins.  Ennode  écrivit  à  cette 
parente  pour  lui  témoigner  combien  il  sou- 
haitait d'avoir  une  occasion  d'aller  dans  les 
Gaules  ",  afin  de  lui  baiser,  avec  son  fils,  les 
mains  et  les  yeux.  Le  diacre  Elpidius,  à  qui 


«  Lib.  If,  Epist.  1.  —  2  Lib.  IV,  Episl.  1  et  29. 

s  Epist.  21. 

*  Indico  ergo  non  mentiens,  nocte  tertia  a  profec- 
tione  mea,  ingratam  mihi  domnam  meam  Synegiam 
apparuisse  in  ipso  lucis  exordio,  et  multum  ah  ea  me 
cuipalum,  quare  nullis  versihus  sepulcrum  esset  hono- 
ratum...  versus  quos  direxi,  per  diem  judicii  te  con- 
jura ut  in  pariete  supra  ad  pedes  scribi  mox  farjas. 
Ennod.,  Epist.  ad  Adéodat.,  lib.  VU,  Epist.  28. 


s  Lib.  V,  Epist.  7. 

8  Rogo  ut  pro  me  apud  apostolos  Dei  preces  effundns, 
ut  eoruni  beneficiis  morialis  angustiœ  superetur  ob- 
scœniias,  et  de  puro  mandatorum  cœlestium  iramite 
mens  serena  gratutetur.  Eunod.,  ad  Coiist.,  lib.  V, 
Epist.  23. 

■J  Epist.  24.  —  «  Lib.  VI,  Epist.  36. 

9  Epist.  34.  —  "  Lib.  VI,  Epist.  24. 
«'  Lib.  VU,  Epist.  14. 


[VI«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLI.  —  SAINT  ENNODE,  ÉVÊQUE. 


573 


Ennode  écrmt,  était  en  même  temps  méde- 
cin '  :  on  croit  que  c'est  le  même  Elpidius 
qui  était  médecin  du  roi  Théodoric  :  ce  qui 
prouve  qu'en  ces  temps-là  les  clercs  exer- 
çaient la  médecine.  Cela  paraît  encore  par 
l'épitaplie  du  diacre  Denis  ^,  qui  faisait  pro- 
fession de  médecine  dans  la  ville  de  Rome, 
après  qu'elle  fut  prise  par  les  Golhs.  Ennode 
s'étant  trouvé  malade  ^,  s'adressa  à  un  mé- 
decin qui,  ayant  examiné  sa  maladie ,  dit 
qu'il  n'avait  point  le  remède  qu'il  fallait  y 
apporter.  Cette  réponse  fit  naître  à  Ennode 
une  grande  espérance  de  guérison  :  car, 
voyant  que  les  hommes  ne  pouvaient  lui  en 
procurer,  il  s'adressa,  les  larmes  aux  yeux, 
au  Médecin  céleste,  pour  en  recevoir  du  se- 
cours. Puis,  ayant  envoyé  chercher  de  l'huile 
que  l'on  devait,  suivant  la  coutume,  brûler 
devant  le  tombeau  de  saint  Victor,  martyr 
de  Milan,  il  s'en  oignit  tout  le  corps  pour 
dissiper  la  fièvre  qui  le  tourmentait.  Il  prend 
Dieu  à  témoin  que  la  guérison  qu'il  avait  de- 
mandée par  l'intercession  de  ce  saint  martyr, 
lui  fut  accordée  sur  le  champ.  Arator  était 
encore  jeune,  lorsqu'Ennode  lui  écrivit,  et 
appliqué  à  l'élude  des  belles-lettres,  surtout 
de  la  poésie  *.  Ennode  essaya  de  le  détour- 
ner de  l'amour  des  sciences  profanes;  on 
croit  que  c'est  le  même  Arator  qui,  ayant 
tourné  sa  muse  vers  des  objets  plus  nobles, 
mil  en  vers  les  Actes  des  apôtres,  qu'il  dédia 
au  pape  Vigile.  La  lettre  qu'Ennode  écrivit 
à  Apodémia  ^,  était  pour  la  remercier  de  lui 
avoir  envoyé  une  cuculle  ou  capuce  conve- 
nable à  son  état.  Il  la  prie  en  même  temps 
de  lui  envoyer  quelques  autres  vêtements 
dont  les  noms  ne  sont  pas  bien  connus,  mais 
que  l'on  dit  être  une  espèce  de  chaussure. 
Lorsqu'il  écrivit  sa  dernière  lettre  au  pape 
Symmaque  ^,  l'Eglise  romaine  n'était  plus 
agitée  par  les  troubles  du  schisme  de  Lau- 
rent. Ennode  parle  avantageusement  dans 
cette  lettre  du  roi  Théodoric,  à  qui  il  souhaite 
que  Dieu  donne  un  successeur  de  sa  propre 

'  Amico  et  medico  indico  me  gravi  corpoi'is  inœqua- 
litate  laborare.  Ennod.,  ad  Elpid.  diacon.,  lib.  VII[, 
EiJisl.  8. 

'  Hic  levita  jacet  Dionysius ,  artislhonestœ  functus 
et  officia,  quod  medecina  dédit.  Sirinund.,  tom.  II, 
pag.  1547. 

3  Venit  ad  me  medicus,  et  dixit  se  quod  faceret  non 
habere.  Hinc  mihi  major  spes,  quando  homo  cessaverit. 
Continua  me  cum  lacrymis  ad  cœlestis  Medici  auxilia 
converti  ;  et  domni  Victoris  oteo  iotum  corpus ,  quod 
jam  sepulcro  parebaiur,  contra  fehres  armavi.  Sic 
Deus  meus  mox  affuit  magni  militis  imperator,  el 


race.  11  marque  à  Aviénus  que  n'ayant  pu 
assister  à  ses  noces  ',  il  avait  adressé  à  Dieu 
ses  prières  pour  lui  et  pour  sa  nouvelle 
épouse,  afin  que  leur  mariage  fût  heureux 
el  que  Dieu  le  comblât  de  ses  bénédictions, 
comme  il  avait  fait  pour  ceux  d'Abraham  etde 
Sara,  d'Isaac  et  de  Rebecca,  de  Jacob  et  de 
Rachel.  La  lettre  àCésaire,  évêque  d'Arles^, 
est  en  même  temps  un  éloge  de  ce  saint, 
qu'il  appelle  le  plus  noble  des  évêques  de  son 
siècle,  autant  par  la  sainteté  de  sa  vie,  que 
par  sa  doctrine  et  son  éloquence;  et  un  com- 
pliment de  congratulation  sur  la  manière 
dont  son  innocence  avait  été  reconnue  par 
le  roi  Théodoric.  Conduit  à  Ravenne  sous 
bonne  garde,  comme  s'il  eût  été  coupable  de 
crimes,  il  parut  devant  ce  prince  avec  la  sû- 
reté que  donne  l'innocence ,  el  le  visage 
semblable  à  celui  d'un  ange.  Théodoric  le 
reçut  non-seulement  avec  beaucoup  d'hu- 
manité, mais  il  lui  offrit  encore  des  présents 
el  le  renvoya  en  liberté. 

6.  Le  roi  Théodoric  s'étant  rendu  maître      „    .    . 

ronegyn- 

de  l'Italie  après  plusieurs  victoires  remportées  ^.^^^j^Jij  "' 
sur  Odoacre,  le  pape  Symmaque  l'envoya 
congratuler  par  le  diacre  Ennode  :  ce  fut  en 
cette  occasion  qu'Ennode  prononça  lepanégy- 
rique  de  ce  prince.  On  ne  sait  ni  en  quel  lieu 
ni  en  quelle  année  il  le  prononça.  Il  parait 
seulement  que  ce  ne  fut  pas  à  Rome,  et  qu'il 
le  déclama  avant  le  consulat  de  Céthégus, 
c'est-à-dire  avant  l'an  504.  Il  dit  assez  claire- 
ment ^  qu'il  l'avait  entrepris  au  nom  el 
comme  député  de  l'Eglise  romaine.  Car,  en- 
core que  ce  prince  fût  arien,  il  ne  laissait  pas 
de  favoriser  l'Eglise  catholique  et  de  la  pro- 
téger. Ennode  commence  l'éloge  de  Théo- 
doric dès  son  enfance,  et  relève  de  suite  tou- 
tes les  actions  par  lesquelles  il  s'était  rendu 
recommandable  jusqu'après  la  défaite  d'O- 
doacre,  qui  arriva  en  493.  Il  dit  nettement  '" 
que  Théodoric  demeura  victorieux,  parce  que 
Dieu  combattit  pour  lui. 

7.  Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  que  nous 


apologie 
deSyiïimaqne 


quod  per  testem  ejus  idoneum  popasci  incunctanfer 
obtinui.  Eonod.,  ad  Faust.,  lib.  VIII,  Epist.  24. 

'•  Lih.   IX,  Epist.  1.  —  s  Epist.  17.  —  «  Epist.  30. 

'  Epist.  31.  —  8  Epist.  33. 

9  Vide  divitias  sœculi  tui.  Tune  vix  fora  kabuere 
perfectas  :  7iunc  Ecclesia  dirigit  laudatorem,  Ennod., 
in  Panegyric. ,ps.g.  1611. 

'»  Interea  dum  anceps  esset  foriuna  certaminis...sU' 
peravit  nostri  memoria  principis...  cœli  arbiter  Deus. 
Munera  collata  multiplica.  Pag.  1609.  Agnosce  ctc 
mentiam  Damini  tui.  Saporem  te  voluit  haurire  trium- 
pkorum,  quam  dubia  elegit  nescirecertaminum.  P.  1604, 


Sli 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et»ic!^es»ini  avons  dit  dans  l'arlicle  de  Symmaque,  de 
i74,,pbaoe, p.  l'^puif^g^f,  qu'Ennodius  composa  pour  justi- 
fier la  conduite  que  le  synode  de  Rome  avait 
tenue  à  l'égard  de  ce  pape.  Le  premier  écrit 
qui  suit  cette  Apologie  dans  l'édition  dont 
nous  nous  servons,  est  la  Vie  de  saint  Epi- 
pliane,  évéque  de  Pavie.  Ennode  fait  profes- 
sion de  rapporter  les  vertus  et  les  actions  de 
ce  saint  avec  autant  de  sincérité  que  d'exac- 
titude. Personne  n'était  plus  en  état  de  le  faire 
que  lui,  puisque  non-seulement  il  avait  été 
admis  dans  les  degrés  de  la  cléricature  par 
saint  Epiphane,  mais  qu'il  avait  encore  ap- 
pris de  sa  bouche  une  partie  des  choses  qu'il 
raconte,  et  que  la  plupart  des  autres  s'étaient 
passées  tout  récemment,  à  la  vue  de  tout  le 
monde.  Saint  Epiphane  n'avait  que  huit  ans 
lorsque  saint  Crispin,  alors  évêque  de  Pavie, 
le  mit  au  nombre  des  lecteurs  de  son  Eglise. 
Il  lui  fit  apprendre  à  écrire  en  notes,  et  se 
servit  de  lui  pour  ce  ministère  en  diverses 
occasions.  A  l'âge  de  dix-huit  ans  il  l'éleva 
au  sous-diaconat,  et  deux  ans  après  au  dia- 
conat, faisant  moins  attention  à  la  faiblesse 
de  son  âge  qu'à  la  force  de  sa  vertu.  Il  le 
chargea  du  soin  des  biens  de  l'Eglise  et  des 
richesses  des  pauvres,  étant  bien  aise  d'é- 
prouver ce  jeune  homme,  qu'il  destinait  pour 
son  successeur,  et  de  s'assurer,  avant  qu'il 
fût  élevé  à  l'épiscopat,  de  la  manière  dont  il 
s'y  conduirait  un  jour.  Sentant  sa  fin  appro- 
cher, il  fit  un  voyage  à  Milan  pour  disposer 
apparemment  son  métropolitain  à  consentir 
à  l'élection  de  son  élève,  dont  il  rendit  un  té- 
moignage avantageux  en  présence  de  beau- 
coup de  personnes.  De  retour  à  Pavie,  il  y 
mourut  quelques  jours  après,  et  le  clergé  et 
le  peuple  se  conformant  au  désir  de  leur 
évêque,  choisirent  d'une  voix  unanime  saint 
Epiphane  pour  lui  succéder.  Quelque  résis- 
tance qu'il  apportât  à  son  élection,  il  fallut  se 
rendre,  et  on  le  conduisit  à  Milan  pour  y  être 
consacré.  A  son  retour,  il  assembla  son 
clergé  pour  prier  les  prêtres  et  les  diacres 
de  lui  aider  à  porter  la  charge  qu'on  lui  avait 
imposée  :  ce  qu'il  fit  par  un  discours  qui  lui 
gagna  les  cœurs  et  lui  mérita  les  louanges 
de  tous  ceux  qui  l'entendirent.  Aussitôt  après 
il  dicta  les  règles  de  vie  qu'il  voulait  garder 
pendant  son  épiscopat.  On  voit  par  ce  qu'En- 
node  nous  en  a  appris,  qu'il  ne  mangeait  que 
des  herbes  et  des  légumes  avec  un  peu  de 
vin.  Il  se  proposa  d'abord  de  ne  point  diner; 
mais  la  nécessité  de  donner  quelquefois  à 
manger  aux  survenants,  l'obligea  de  changer 


de  régime.  II  prit  donc  le  parti  de  diner,  mais 
de  ne  souper  jamais.  Il  se  trouvait  toujours 
le  premier  à  l'office  de  la  nuit,  où  il  assistait 
debout  pendant  tout  le  temps.  11  fut  chargé 
de  ménager  vers  l'an  469,  la  réconciliation 
de  l'empereur  Anthémius  avec  le  général 
Ricimer,  son  gendre,  et  il  y  réussit.  On  le 
chargea  aussi,  sur  la  fin  de  l'an  474,  de  mé- 
nager un  accord  entre  Glicer,  qui  tenait  l'em- 
pire, et  Euric,  roi  des  Visigoths.  Ce  prince 
accorda  la  paix  qu'on  lui  demandait,  avouant 
que  le  discours  du  saint  l'avait  désarmé. 
Euric  le  fit  prier  à  manger  le  lendemain. 
Saint  Epiphane,  qui  savait  que  la  table  de  ce 
prince  était  toujours  souillée  par  la  présence 
des  évêques  ariens  qui  y  mangeaient,  s'en 
excusa,  disant  qu'il  n'avait  point  coutume  de 
manger  hors  de  chez  lui,  et  que  d'ailleurs  il 
était  sur  son  départ.  Oreste  s'étant  réfugié 
dans  Pavie,  en  476,  pour  éviter  de  tomber 
entre  les  mains  d'Odoacre ,  les  soldats  de 
celui-ci  forcèrent. la  ville,  y  brûlèrent  deux 
églises  et  firent  quantité  de  prisonniers  : 
mais  saint  Epiphane  obtint  la  liberté  de 
sainte  Ilonorate,  sa  sœur,  et  de  beaucoup 
d'autres  femmes.  L'année  suivante  il  rétablit 
les  deux  églises  brûlées,  et  voulant  travailler 
aussi  au  rétablissement  de  la  ville,  il  obtint 
d'Odoacre  une  exemption  d'impôts  pour  cinq 
ans.  Théodoric,  étant  devenu  maître  de  Pavie 
et  de  toute  l'Ilahe  par  la  défaite  d'Odoacre, 
envoya  saint  Epiphane  dans  les  Gaules,  pour 
racheter  les  captifs  que  les  Rourguignons 
avaient  faits  dans  la  Ligurie.  Le  roi  Gonde- 
baud  qui,  par  l'estime  qu'il  en  avait  conçue, 
le  comparait  à  saint  Laurent,  l'écouta  avec 
plaisir,  et  donna  des  ordres  pour  la  liberté 
de  tous  les  Italiens  que  la  crainte  des  guer- 
res, la  famine  ou  d'autres  causes  semblables 
avaient  obligés  de  se  rendre  comme  captifs  , 
voulant  que  pour  ceux  qui  avaient  été  pris 
comme  ennemis  dans  la  guerre,  on  donnât 
quelque  peu  de  chose  aux  soldats.  Le  saint 
revint  en  triomphe,  accompagné  de  cette 
foule  de  captifs;  mais  il  ne  voulut  point  aller 
à  Ravenne  trouver  Théodoric ,  de  crainte 
qu'il  ne  parût  lui  demander  quelque  récom- 
pense. 11  se  contenta  de  lui  écrire  pour  lui 
rendre  compte  de  sa  légation  et  pour  le 
prier  de  faire  rendre  les  biens  à  ceux  à  qui 
il  avait  fait  rendre  la  liberté  :  ce  que  ce  prince 
accorda.  En  496,  il  fit  un  voyage  à  Ravenne, 
pour  demander  à  Théodoric  la  décharge  des 
tributs  de  l'année  suivante.  Le  motif  dont  il 
se  servit  fut  que  les  richesses  des  particuliers 


CHAPITRE  XLl.  —  SAINT  ENNODE,  ÉVÉQCE. 


EnchartsU- 
d'Enno- 


[vl"  SIÈCLE.] 

sont  celles  des  bons  princes,  à  qui  rien  n'est 
plus  avantageux  que  de  soulager  les  peuples 
dans  leurs  besoins  et  les  mettre  ainsi  en  éUit 
de  continuer  à  payer  les  iinpûls  qui  leur  sont 
dus.  Il  obtint  les  deux  tiers  de  sa  demande. 
Les  mauvais  temps  qu'il  eut  à  essuyer  pen- 
dant son  voyage,  lui  causèrent  un  rhume 
fâcheux,  dont  il  mourut  à  Pavie,  quelques 
jours  après  qu'il  y  fut  retourné.  C'était  dans 
la  cinquante-huitième  année  de  son  âge, 
en  493,  le  21  janvier  auquel  on  marque  sa 
fête. 

8.  Ennode  écrivit  aussi  la  Vie  du  bienheu- 
reux Antoine,  prêtre  et  solitaire,  mort  à  Lé- 
rins.  Il  marque  que  le  vénérable  abbé  Léon- 
tius  l'avait  chargé  de  cet  ouvrage  :  mais  il 
ne  dit  point  de  quel  monastère  Léontius  était 
abbé.  On  conjecture  que  c'était  de  Lérins,  où 
il  est  fort  posssible  qu'Eunode  ait  passé  en 
allant  dans  les  Gaules  avec  saint  Epiphane, 
son  évêque.  Ce  qui  embarrasse,  c'est  qu'on 
ne  trouve  point  le  nom  de  Léontius  dans  les 
catalogues  des  abbés  de  Lérins  ;  mais  aussi 
l'eu  convient  que  ces  catalogues  ne  sont  pas 
exacts,  et  que  l'on  connaît  des  abbés  de  Lé- 
rins qui  n'y  sont  point  nommés,  entre  autres 
l'abbé  Marin,  dont  il  est  paiié  dans  la  Vie  de 
sailli  Euyende.  Antoine  était  né  dans  une 
ville  de  Pannonie  ou  de  Hongrie,  nommée 
Valérie,  aux  environs  du  Danube.  11  eut  d'a- 
bord pour  maitre  saint  Sévérin,  abbé  dans  la 
Norique,  ensuite  saint  Constance,  son  oncle 
paternel,  évêque  de  l'Eglise  de  l'Orch.  Après 
avoir  passé  quelque  temps  sous  sa  discipline, 
il  fit  un  voyage  en  Italie,  et  fixa  sa  demeure 
dans  la  Valteline,  contrée  qui  est  arrosée  du 
fleuve  d'Âde,  avant  qu'il  se  jette  dans  le  Pô. 
Il  eut  pour  compagnon  de  ses  exercices  de 
piété,  un  prêtre  nommé  iMarius.  Après  un  sé- 
jour de  quelque  temps  en  cet  endroit,  il  alla 
s'établir  vers  le  lac  de  Corne,  dans  le  Mila- 
nais, à  quelque  distance  du  tombeau  de  saint 
Félix ,  martyr.  La  réputation  que  ses  austé- 
rités et  ses  autres  vertus  lui  attirèrent,  l'o- 
bligea de  changer  encore  de  demeure.  Il 
passa  donc  dans  llle  de  Lérins,  où,  après 
avoir  vécu  pendant  deux  ans  parmi  un  grand 
nombre  de  saints  religieux,  il  mourut  sainte- 
ment. Ennode  remarque  que  saint  Constance, 
son  oncle,  l'avait  mis  au  nombre  des  notaires 
ecclésiastiques.  On  lui  donne  aussi  la  qualité 
de  prêtre.  Sa  fête  est  marquée  dans  le  Mar- 
tyrologe romain  au  28  décembre. 

9.  Ennode,  après  avoir  été  guéri  miracu- 
leusement par  l'intercession  de  saint  Victor, 


875 


évêque  de  Milan,  voulut  en  rendre  grâces 
à  Dieu  par  un  monument  public.  11  com- 
posa à  cet  etïet  un  petit  écrit  que  l'on  a  in- 
titulé :  Eucharisticum,  c'ist-à-dire  actions 
de  grâces.  Il  est  sans  inscription  dans  la  plu- 
part des  manuscrits.  Dans  un,  il  a  pour  titre 
Histoire  de  sa  vie.  C'est  eu  etTet  un  abrégé  de 
la  vie  d'Ennode,  et  c'est  de  là  qu'on  apprend 
l'année  de  sa  naissance.  Il  y  dit  qu'il  avait 
seize  ans  presque  accomplis,  lorsque  Théo- 
doric  entra  en  Italie.  Ce  fut  en  489;  ainsi  il 
faut  mettre  la  naissance  d'Ennode  en  473.  11 
raconte  dans  le  même  ouvrage  de  quelle  ma- 
nière il  se  convertit,  sa  promotion  au  diaco- 
nat et  comment  il  embrassa  une  continence 
pei'pétuelle  avec  sa  femme. 

10.  L'instruction  adressée  à  Ambroise  et  à 
Béatus,  mérite  d'être  lue  des  jeunes  gens 
que  l'on  veut  former  à  la  vertu  et  dans  les 
sciences.  Ils  appartenaient  l'un  et  l'autre  à 
des  personnes  de  ses  amis.  Aussi  voit-on 
dans  cette  instruction  combien  il  s'intéressait 
à  leur  progrès.  Elle  est  partie  en  prose  et 
partie  en  vers,  à  la  tête  desquels  Ennode 
met  le  nom  de  la  vertu  dont  il  fait  l'éloge.  Il 
se  borne  à  celui  de  la  pudeur,  de  la  chasteté 
et  de  la  foi.  Après  quoi  il  fait  aussi  l'éloge  de 
la  grammaire  et  de  la  rhétorique,  comme 
étant  nécessaires  pour  parvenir  aux  autres 
sciences,  c'est-à-dire  à  la  poésie,  à  la  con- 
naissance du  droit,  à  la  dialectique  et  à  l'a- 
rithmétique. Ensuite  il  donne  le  catalogue  de 
ceux  qui,  dans  son  siècle,  s'étaient  rendus 
recommandables  par  ces  sortes  de  sciences. 
Ennode  envoya  un  exemplaire  de  cette  ins- 
truction au  patrice  Symmaque,  afin  qu'il  la 
corrigeât. 

1 1 .  L'écrit  suivant  fut  fait  en  suite  du  décret 
de  Rome  qui,  voulant  prévenir  des  accusa- 
tions semblables  à  celles  que  l'on  avait  for- 
mées contre  le  pape  Symmaque,  enjoignit 
aux  évêques,  aux  prêtres  et  aux  diacres,  d'a- 
voir auprès  d'eux  une  personne  de  probité 
connue,  pour  être  témoin  de  leurs  actions. 
L'évêque  dont  Ennode  était  diacre,  le  char- 
gea de  dresser  un  semblable  décret  pour  les 
prêtres  et  les  diacres  de  son  diocèse,  avec 
défense  de  garder  dans  leurs  maisons  d'au  très 
personnes  du  sexe,  que  celles  qui  sont  per- 
mises par  les  saints  canons,  c'est-à-dire  la 
mère,  la  tante  et  la  sœur.  Ennode  ne  dit  pas 
si  ce  décret  avait  été  fait  seulement  par  le 
pape  ,  ou  bien  par  un  concile.  On  appelait 
syncelles  ces  compagnons  inséparables.  Ils 
étaient  en  usage  avant  le  pontificat  de  Syra- 


Exhortation 
à  Ainbro'se  et 
à|:éatus,p3g. 
t707. 


Ort'onnance 
toDcbatit  tes 
clercs,  pag, 
1716. 


S76 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AtlTEtfRS  ECCLÉSIASTIQUES. 


maque  ;  mais  on  n'avait  pas  encore  fait  de 
règlement  sur  ce  sujet. 
Acie  d\!-       12.  L'empereur  Constantin,  dans  sa  lettre 

sJni'ent,  pas.  à  Protogène,  évoque  de  Sardique,  avait  per- 
mis aux  maîtres  d'affranchir  leurs  esclaves, 
pourvu  qu'ils  le  fissent  en  présence  du  peu- 
ple et  des  évêques,  et  que  l'on  en  dressât  un 
acte  auquel  ils  signassent  comme  témoins. 
Ennode  nous  a  conservé  un  de  ces  actes  d'af- 
franchissement, qu'il  parait  avoir  composé 
lui-même  au  nom  d'Agapite.  L'affranchi  se 
nommait  Gérontius. 
Bénédiction       13.  SuivcHt  dcux  bénédictions  différentes 

P«°scaî.'"^  du  cierge  pascal,  qui  font  voir  que  l'usage  de 
bénir  solennellement  ce  cierge,  est  plus  an- 
cien que  le  siècle  d'Ennode.  Âlcuin  et  le  dia- 
cre Amalaire  en  font  auteur  le  pape  Zosime, 
qui  occupait  le  Saint-Siège  en  417.  Mais  ils 
n'en  donnent  point  de  preuves  solides.  Dans 
la  bénédiction  de  ce  cierge  ',  on  demandait 
à  Dieu  qu'il  pût  servir,  contre  l'impétuosité 
des  vents  et  des  tempêtes,  de  garde  et  de 
défense  contre  les  ennemis.  Les  deux  auteurs 
que  nous  venons  de  citer,  disent  que  c'était 
la  coutume  de  distribuer  le  dimanche  d'après 
Pâques,  en  suite  de  la  communion,  des  mor- 
ceaux du  cierge  que  l'on  avait  béni  le  samedi 
saint,  afin  que  les  fidèles  en  parfumassent 
leurs  maisons,  leurs  champs  et  leurs  vignes, 
contre  les  prestiges  des  démons ,  contre  les 
éclairs  et  le  tonnerre.  A  Rome,  au  lieu  de 
cierge  pascal,  l'archidiacre  bénissait  de  la 
cire  arrosée  d'huile,  d'où  l'on  formait  des 
morceaux  en  forme  d'agneaux,  que  l'on  dis- 
tribuait également  au  peuple  le  dimanche 
d'après  Pâques.  De  là  est  venu  l'usage  qui 
s'est  introduit  dans  les  siècles  suivants,  de 
former  des  images  de  cire  avec  la  figure  d'un 
agneau,  que  les  papes  eux-mêmes  fjénissent 
solennellement. 
DiciioDsou       14.  On  a  mis  ensuite  les  dictions  ou  dis- 

MiSr'^Lno'  cours  d'Ennode ,  dont  les  six  premiers  sont 
"'""'^  ■  sur  des  sujets  de  piété  :  le  premier,  sur  le 
jour  de  l'inauguration  de  Laurent,  évêque 
de  Milan  ;  le  second,  sur  la  dédicace  d'une 
église  des  apôtres,  qui  avait  auparavant  servi 
de  temple  aux  idoles  dans  la  ville  de  No- 


vare  ;  le  troisième,  sur  les  louanges  de  Ma- 
xime, successeur  de  saint  Epiphane  dans  le 
siège  de  Pavie  ;  le  quatrième,  sur  la  dédicace 
de  l'église  de  Saint-Jean-Baptiste;  le  cin-' 
quième,  sur  la  prise  de  possession  d'un  évê- 
que; et  le  sixième,  contre  les  hérétiques 
d'Orient  et  pour  la  défense  de  la  foi  catholi- 
que. Quoique  tous  ces  discours  soient  de  la 
composition  d'Ennode,  il  ne  les  prononça 
pas  lui-même.  Il  fit  le  second  pour  Honorât, 
évêque  de  Novare;  il  le  déclama  comme  son 
propre  ouvrage  ;  et  le  quatrième,  pour  Ma- 
xime de  Pavie,  qui  le  prononça  dans  la  dé- 
dicace de  l'Eglise.  Nous  avons  vu  que  Sal- 
vien  composait  aussi  des  discours  pour  des 
évêques  qui  n'en  avaient  pas  le  talent  ou  le 
loisir.  Les  autres  dictions  sont  sur  des  sujets 
profanes.  Dom  Martène  nous  en  a  donné  un 
second  ^,  pour  le  jour  annuel  de  l'ordination 
de  Laurent,  évêque  de  Milan,  avec  une  pe- 
tite lettre  à  Vénantius.  Le  discours  pour  un 
évêque  nouvellement  ordonné,  est  suivi  d'une 
préface  et  d'une  prière  que  cet  évêque  de- 
vait réciter  avant  d'offrir  les  saints  mystères. 

15.  Les  poésies  d'Ennode  sont  divisées  en  „  ,  . 
deux  parties,  dont  la  première  contient  les  ^lEnnoos, 
pièces  les  phis  longues,  et  l'autre  les  épi- 
grammes.  Il  traite  dans  les  unes  et  dans  les 
autres  des  sujets  tout  diff'érents.  II  y  en  a  où 
il  fait  des  desciùptions  de  voyage,  d'autres 
qui  sont  des  épitalames.  Les  plus  remarqua- 
bles sont  celles  qu'il  composa  à  la  louange 
de  saint  Epiphane,  la  trentième  année  de 
son  épiscopat,  et  en  l'honneur  de  la  sainte 
Vierge,  de  saint  Cyprien,  de  saint  Etienne, 
de  saint  Denis  de  Milan,  de  saint  Ambroise, 
de  sainte  Euphémie,  de  saint  Nazaire,  de 
saint  Martin,  sur  les  mystères  de  la  Pen- 
tecôte et  de  l'Ascension.  Les  vers  de  cette 
première  partie  sont  de  différentes  mesures. 
Ceux  de  la  seconde  sont  presque  tous  élégia- 
ques,  et  le  plus  grand  nombre  sur  des  sujets 
profanes.  Il  y  en  a  aussi  sur  des  matières  de 
piété  et  de  religion,  comme  sur  le  serpent 
d'airain,  sur  la  construction  de  diverses  égli- 
ses et  d'un  baptistère  où  l'on  avait  peint  les 
images  des  martyrs  ^  dont  les  reliques  repo- 


1  In  hujus  cerei  luminis  corpore  te,  Domine,  postu- 
lamus  ut  supernœ  benedictionis  munus  accommodes.  Et 
si  quis  hinc  sumpserit,  adversus  flabra  ventorum  , 
adversus  spirilus  proceltarum  tua  jussa  faciens ,  sit 
illi  singulare  profugium  ,  sit  murus  ah  hosle  fideli- 
bus.  Ennod.,  Benedic.  cerei,  pag.  1724.  Sumpiam  ex 
hoc  contra  procellas,  vel  omnes  incursus  fac  dimicare 
particuluM.  Idem,  Bened.,  2a. 


î  Tom.  V  Anecd.,  pag.  61  et  62.  [Galland  ]'a  vais 
dans  la  Bibliolh.  vet.  Patr.] 
3  Rapta  sepulturis  animavit  corpora  pictor, 
Funera  viva  videns  mors  eat  in  tumulos  : 
Illorum  tamen  iste  locus  complectitur  artus, 
Quos  paries  facie,  mons  tenet  attu  fide. 

Eimod.,  Epigrum.  20,  pag.  1850. 


CHAPITRE  XLI.  —  SAINT  ENNODE,  EVÊQUE. 


[VI'  SIÈCLE.] 

saient  en  ce  lieu,  sur  la  pénitence  et  le  par- 
don du  fils  d'Arménias  qui  avait  construit  ce 
baptistère  ;  sur  les  vertus  de  saint  Ambroise, 
de  saint  Simplicien  et  de  Vénérius,  tous  les 
trois  évêques  de  Milan;  sur  les  saints  évêques 
Martinien,  Glycérius,  Lazare,  Eusèbe,  Gé- 
ronce.  Bénigne,  Sénateur  et  Théodore.  On  a 
joint  aux  épigrammes  d'Ennode  une  lettre 
en  vers  élégiaques  du  sous-diacre  Arator, 
adressée  à  Parthéuius,  patrice  et  maître  des 
offices.  Cet  Arator  est  le  même  à  qui  Ennode 
écrivit  la  lettre  qui  est  la  première  du  neu- 
vième livre,  pour  le  détourner  de  l'étude  des 
sciences  profanes.  Parthénius  l'avait  aussi 
engagé  à  ne  plus  employer  sa  muse  à  des 
sujets  de  cette  nature,  mais  plutôt  à  des  ma- 
tières de  piété.  Arator  suivit  ce  conseil  :  il 
conçut  d'abord  le  dessein  de  mettre  en  vers 
la  Genèse  et  les  Psaumes  de  David,  mais  il 
se  fixa  aux  Actes  des  apôtres,  et  envoya  ce 
qu'il  fit  sur  ce  sujet  à  Parthénius,  pour  le 
rendre  public  dans  les  Gaules.  Arator  était 
alors  sous-diacre  de  l'Eglise  romaine.  Il  dit 
assez  clairement  qu'en  entrant  dans  le  clergé, 
onlui  avait  rasé  les  cheveux  du  haut  de  la  tête'. 
16.  Nous  ne  connaissons  point  d'autres 
ouvrages  d'Ennode  que  ceux  que  nous  avons. 
11  ne  lui  manquait  qu'un  siècle  plus  heu- 
reux pour  être  meilleur  poète  et  meilleur 
orateur.  11  avait  du  génie,  du  feu  et  de  l'ima- 
gination. Quoique  d'un  caractère  d'esprit  fort 
doux,  il  savait  traiter  ses  adversaires  avec 
hauteur,  quand  le  bien  de  sa  cause  le  de- 
mandait. Son  style  est  sententieux,  ce  qui  le 
rend  obscur  et  difficile  :  ses  écrits  peuvent 
fournir  des  lumières  à  l'histoire  des  Gaules 
et  de  l'Italie,  mais  on  n'en  peut  guère  tirer 
pour  l'éclaircissement  des  difficultés  de  théo- 
logie. La  question  de  la  liberté  et  de  la  grâce 
est  la  seule  sur  laquelle  il  s'explique  avec 
quelque  étendue.  Il  soutient  que  nous  avons 
le  libre  arbitre  pour  le  bien  et  pour  le  mal; 
que  l'homme  ne  serait  pas  digne  de  supplice 
ni  de  récompense^,  s'il  était  ou  nécessité  au 
mal,  ou  contraint  de  faire  le  bien;  mais  qu'é- 
tant hbre  pour  l'un  et  pour  l'autre,  l'obéis- 


S77 


sance  qu'il  rend  à  la  voix  de  Dieu  qui  l'ap- 
pelle, lui  mérite  une  récompense  ;  au  lieu 
que  le  mépris  qu'il  fait  de  cette  voix,  le  rend 
digne  de  supplice.  Il  enseigne  sur  la  grâce 
que  c'est  à  elle  que  nous  devons  notre  voca- 
tion ',  et  que  nous  lui  devons  la  saveur  de 
vie  qu'elle  répand  dans  nous  par  des  voies 
secrètes,  si  nous  ne  lui  résistons  point  :  «  car 
U  est  de  notre  choix  de  suivre  le  bien  qu'elle 
nous  montre.  C'est  pour  cela  *  qu'encore  que 
notre  vocation  soit  l'elfet  de  la  grâce,  et 
qu'elle  produise  aussi  le  consentement  que 
nous  donnons  à  la  voix  qui  nous  appelle, 
Dieu  ne  laisse  pas  de  nous  récompenser  de 
tout  cela,  comme  s'il  venait  de  nous,  quoique 
ce  soit  lui  qui  nous  inspire  de  vouloir  le  bien 
et  de  l'accomplir.  Qu'il  veuille  donc  bien, 
ajoute  Ennode  ^,  faire  en  nous  ce  qu'il  nous 
commande  :  et  afin  que  nous  soyons  en  état 
d'accomplir  ses  commandements,  qu'il  opère 
dans  nous  ce  qu'il  nous  commande.  » 

17.  Les  écrits  d'Ennode  se  trouvent  parmi 
les  orthodoxographes  imprimés  à  Bâle,  en 
1369.  Ils  furent  imprimés  depuis  deux  fois 
en  même  forme  et  par  deux  jésuites  :  l'une 
à  Tournai,  par  André  Schottus ,  en  1610, 
in-S",  et  l'autre  à  Paris,  par  les  soins  du  père 
Sirmond,  in-S",  en  1611.  C'est  sur  cette  der- 
nière édition  qu'on  leur  a  donné  place  dans 
la  Bibliothèque  des  Pères  de  Paris ,  de  Colo- 
gne et  de  Lyon  [mais  sans  les  notes],  et  dans 
le  recueil  des  opuscules  du  père  Sirmond,  à 
Paris,  en  1696;  [dans  Galland,  avec  les  notes. 
Le  tome  LXIII  de  la  Patrologie  latine ,  col.  9 
et  suivantes,  reproduit  l'édition  de  Galland.] 
Les  poésies  d'Ennode  tiennent  leur  rang  dans 
le  Chœur  des  poètes  latins  et  dans  celui  des  poè- 
tes chrétiens,  par  Georges  Fabricius.  Mais  on 
n'y  a  pris  que  celles  qui  ont  paru  les  meil- 
leures. Le  Panégyrique  de  Théodoric  fut  im- 
primé dans  le  recueil  des  panégyriques  des 
anciens,  et  à  la  suite  des  ouvrages  de  Cassio- 
dore,  à  Paris,  en  1583,  in-4°,  en  1589  et 
1600,  in-folio.  Il  y  en  a  eu  une  autre  édition  à 
Lyon,  en  1593.  Les  Bollandistes  ont  donné 
la   Vie  de  saint  Epiphane  ,   composée   par 


Editions 
des  é'^rits 
d'Ennode. 


1  Namgue  ego  romance  caulis  permixtus  amœnis 

Ecclesiœ  tonso  verttce  faclus  ovis. 

Avit.,  Ejiist.  ad  Parten.  Ibid.,  pag.  1914. 

2  Itaque  auc  prœmium  devotio,  aut  pœnam  contem- 
ptus  operalur  :  atioquin  non  erit  jusla  retributio  quae 
aut  per  supplicia  refertur  necessitate  peccantibus,  aut 
bonam  mercedem  offert  operi  ad  quod  trahuntur  in- 
viti.  Ennod.,  lib.  II,  Epist.  19. 

3  Ergo  debemus  gratiœ  quod  vocamur  :  debemus 
gratiœ  quod  occullis  itineribus  nisi  resistamus,  sapor 

X. 


nobis  vitalis  infunditur  :  nostrœ  lamen  eleciionis  est, 
quod  bénéficia  demonstrata  sequamur.  Ibid.,  pag. 
1418. 

*  Quia  cum  sit  illius  quod  vocamur,  illius  quod  ve- 
ritati  acquiescimus,  a  nobis  tamen  tanquam  sint  orta 
muneramur ,  et  velle  recla  et  perficere  ipse  suggerit. 
Ennod.,  in  Eucharist.,  pag.  1705. 

5  Sed  hœc  fuciat  in  nobis  ille  quiprœcepit,  et  ut 
pares  ejus  existimamus  imperiis ,  ipse  nobiscum  quod 
injungit  operetur.  Ibid.,  pag.  1707. 

37 


578 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

elle  tient  place  parmi  les  Conciles  du  père 
Labbe.  [L'hymne  du  soir  et  l'hymne  pour  la 
sainte  vierge  Euphémie  sont  en  français  dans 
les  Poètes  chrétiens,  par  Félix  Clément;  Paris 
1837.1 


Ennode,  au  21  janvier;  nous  l'avons  en  fran- 
çais de  la  traduction  de  d'Andilly,  dans  le 
premier  volume  des  Vies  des  saints  illustres. 
Celle  du  bienheureux  Antoine  se  lit  dans  la 
Chronologie  des  abbés  et  des  saints  de  Lérins 


Pour  ce  qui  est  de  V Apologie  de  Symmaque, 


CHAPITRE  XLII. 


De  quelques  Écrivains  ecclésiastiques  syriens,  des  V  et  VI^s  siècles. 


Isaac    1b 
Grand. 


Ses  écril  . 


1.  Isaac,  surnommé  le  Grand  et  quelque- 
fois l'Ancien,  prêtre  de  l'Eglise  d'Anlioche  ', 
se  rendit  célèbre  sous  le  règne  de  ïhéodose 
le  Jeune  et  de  Marcien.  Il  avait  eu  pour  maî- 
tre Zénobius,  disciple  de  saint  Ephrem,  et 
non  saint  Ephrem  lui-même,  mort  vers 
l'an  379.  L'auteur  de  la  Chronique  d'Fdesse 
donne  à  Isaac  la  qualité  d'archimandite  ou 
d'abbé  ^,  sans  marquer  de  quel  monastère. 
Il  paraît  par  d'autres  monuments  syriens, 
qu'il  était  situé  à  Gabula,  dans  l'extrémité 
de  la  Comagène,  contrée  de  Syrie  près  l'Eu- 
phrate,  ou  plutôt  à  Gabula  danslaPhénicie. 
On  ne  peut  pas  mettre  la  mort  d'isaac  avant 
l'an  460,  puisqu'il  a  fait  un  poème  sur  la 
ruine  d'Antioche,  arrivée  en  439.  On  l'a  quel- 
quefois confondu  ^  avec  un  autre  Isaac,  sur- 
nommé Ninivite,  de  qui  nous  avons  des  dis- 
cours sur  le  Mépris  du  monde,  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères.  Mais  celui-ci  était  évêque  ; 
au  lieu  qu'Isaac-le-Grand  n'eut  d'autre  qua- 
lité dans  l'Eglise  que  celle  de  prêtre. 

2.  Isaac  composa  plusieurs  ouvrages  en 
syriaque,  dont  les  principaux  étaient,  selon 
Gennade  *,  contre  les  nestoriens  et  les  euty- 
chéens,  et  un  poème  où  il  déplorait  la  ruine 
d'Antioche,  comme  saint  Ephrem  avait  pleuré 
celle  de  Nicomédie.  Il  ne  reste  que  quelques 
fragments  de  ses  ouvrages  polémiques,  les 
Syriens,  qui  sont  presque  tous  ou  nestoriens 


ou  eutychéens,  ne  s'étant  point  inquiétés  de 
les  conserver.  Mais  on  a  dans  un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  du  Vatican  ^  soixante  de 
ses  sermons,  et  quarante-quatre  dans  un  au- 
tre, sur  diûërentes  matières,  dont  plusieurs, 
qui  sont  adressés  aux  moines,  traitent  de  la 
perfection  à  laquelle  ils  doivent  tendre.  II 
parle  dans  le  septième  du  culte  des  reliques 
et  de  l'observation  des  fêtes ,  remarquant 
qu'outre  le  dimanche,  plusieurs  chrétiens 
chômaient  encore  le  vendredi  en  l'honneur 
de  la  Passion  ^.  Le  huitième  fut  fait  à  l'occa- 
sion d'une  comète  qui  parut  en  forme  de 
lance  ou  de  pique.  Isaac  dit  qu'elle  était  un 
signe  du  tremblement  de  terre  qui  arriva 
quelque  temps  après  ^.  Il  combat  dans  le 
neuvième  les  erreurs  de  son  temps  sur  le 
mystère  de  l'Incarnation,  et  il  le  fait  de 
manière  à  sembler  quelquefois  donner  dans 
des  erreurs  opposées.  Ses  expressions  sont 
toutefois  d'autant  plus  susceptibles  d'un  bon 
sens,  qu'il  s'explique  nettement  ailleurs  sur 
les  deux  natures  ^  et  sur  l'unité  de  personne 
en  Jésus -Christ.  Il  établit  dans  le  même  dis- 
cours ^  la  présence  réelle  de  Jésus-Christ 
dans  l'eucharistie,  confessant  que  le  corps 
qui  paraît  mort  sur  l'autel  et  dont  on  donne 
à  manger  aux  fidèles,  est  le  corps  de  Dieu, 
et  que  ce  qui  est  dans  le  calice,  est  le  sang 
de  notre  Rédempteur.  Il  enseigne  dans  le 


*  Tom.  I  Bibliiith.  Orient.,  Assem.,  pag.  207  et  seq. 
2  Pag.  209.  —  3  Pag.  207,  208. 

*  Gennad.,  de  Viris  illusi.,  cap.  Lxvi. 

6  Pag.  214.  —  6  Pag.  217.  —  ^  Pag.  219. 

8  Si  ad  naluras  accédas  geminas  esse  reperies, 
unam  sciticet  supernam  ex  alto,  et  alleram  infernam 
de  terra  ;  et  terrestris  quidem  nota  est  ut  terrestris , 
superua  vero  occulta  tanquam  superna.  Âmbœ  tamen 
una  sunt  persona  cum  occulta  patenti  unila  sit. 
Pag.  221. 


8  Ostendit  mi/d  corpus  interfectum,  ex  quo  in  tabiis 
mets  ponens  placide  dixit  :  «  Vide  quid  comedis.»  Por- 
rexit  mihi  calumum  Spi7-itus,  et  ut  fwc  subscriberem 
exegii.  Accepi,  scripsi  et  confessus  sum  hoc  esse  Dei 
coi'pus.  Item  calicem  sumens ,  bibi  in  ejus  convivio,et 
ex  calice  odor  corporis  ittius  quod  comederam  me 
perculit,  et  quod  de  corpore  dixeram,  ipsum  nimirum 
esse  corpus  Dei,  illud  eiiam  de  calice  dixi,  nempe 
hune  esse  Redemptoris  nostri  sanguinem.  Pag.  220. 


CHAPITRE  XLII.  —  DE  QUELQUES  ÉCRIVAINS  SYRIENS.  379 


[V  ET  Vl^  SIÈCLES.] 

dixième  que  l'on  doit  baptiser  les  enfants 
dès  leur  naissance',  afin  que  l'ennemi,  voyant 
le  signe  sacré  imprimé  sur  leurs  corps ,  trem- 
ble de  crainte;  que,  tandis  que  l'enfant  n'est 
pas  baptisé,  il  ne  doit  point  sucer  de  lait  de 
sa  mère  qui  est  baptisée,  ne  lui  étant  pas 
permis  d'avaler  d'un  lait  qui  est  formé  ou 
accru  de  l'eucharistie;  qu'ainsi  il  faut  les 
baptiser  en  sortant  du  sein  de  leur  mère.  Il 
montre  dans  le  vingt-troisième  ^  que  Jésus- 
Christ,  en  tant  que  Dieu,  n'est  point  sujet 
aux  soutfrances ,  mais  seulement  en  tant 
qu'homme;  dans  le  vingt-unième,  que  le  dé- 
mon n'a  de  pouvoir  sur  l'homme  qu'autant 
que  Dieu  le  lui  permet,  et  que  l'homme  est 
libre  de  consentir  ou  non  à  ses  suggestions  ^. 
11  parait  par  le  trente-sixième,  qui  est  inti- 
tulé :  Des  Itogations,  qu'il  y  avait  des  jours 
institués  pour  des  prières  publiques,  où  l'on 
s'efforçait  de  tléchir  la  colère  de  Dieu.  Le 
calendrier  des  Maronites  en  met  un  dans  l'E- 
glise d'Antioche  au  24  janvier.  Les  quarante- 
cinq  et  quarante-sixième ,  sont  sur  le  Jeûne 
du  carême.  11  y  exhorte  les  vieillards  à  imi- 
ter le  jeûne  de  Moïse;  les  moines,  celui d'E- 
lie;  les  jeunes  gens,  celui  des  trois  jeunes 
hommes  et  de  Daniel;  les  vierges,  celui  de 
Marie,  mère  de  Dieu;  les  personnes  mariées, 
celui  d'Esther*.«  Si  vous  n'avez  pas,  dit-il,  les 
forces  suffisantes  pour  vous  passer  de  vin  ^, 
abstenez- vous  de  l'iniquité  et  de  la  rapine  : 
alors  le  souverain  Juge  ne  vous  condamnera 
paspour  avoir  budu  vin.»  Dans  le  cinquante- 
troisième,  intitulé  :  JJe  la  Foi,  il  établit  la  con- 
substantialité  des  trois  Personnes,  qu'il  tâche 
de  rendre  croyable  par  des  exemples  tirés 
des  créatures,  savoir  :  du  soleil^,  de  l'âme  et 
et  d'un  caillou  d'où  l'on  fait  sortir  du  feu.  Le 
cinquante-septième  est  une  prière  faite  à  l'oc- 
casion de  la  persécution  que  Varannes ,  roi 
des  Perses,  fit  souti'rir  aux  chrétiens  en  l'an 
421 ,  après  son  expédition  contre  les  Romains. 
11  fait  voir  dans  le  cinquante-neuvième,  con- 
tre les  cathares  ou  novatiens,  que  l'homme 
tombé  peut  recouvrer  son  innocence,  non- 


seulement  par  le  baptême,  mais  aussi  parla 
pénitence.  Dans  le  soixante-douzième,  il  dé- 
plore les  calamités  de  son  temps,  les  incur- 
sions des  Huns  et  des  Arabes  ',  la  famine, 
la  peste  et  le  tremblement  de  terre  arrivé  à 
Antioche.  11  avertit  les  prêtres,  dans  le 
soixante  -  cinquième  ,  d'user  rarement  de 
l'excommunication  envers  les  pécheurs,  mais 
de  leur  imposer  souvent  des  pénitences  cor- 
porelles. 11  y  a  six  sermons  de  la  Passion, 
dans  l'un  desquels  il  dit  que  les  sacrements 
de  l'Eglise  sont  sortis  du  côté  de  Jésus-Christ, 
quand  il  fut  percé  d'une  lance.  Le  soixante- 
treizième  est  attribué  à  saint  Ephrem,  dans 
l'office  férial  des  Maronites;  mais,  dans  le 
manuscrit  du  Vatican,  il  porte  le  nom  d'isaac. 
C'est  une  prière  en  vers  de  cinq  syllabes  :  ce 
qui  fait  juger  à  Assémani  qu'elle  est  plutôt 
du  syrien  Balœus,  dont  tous  les  ouvrages 
sont  en  vers  de  ce  genre.  11  remarque  que 
le  quatre-vingt-quatorzième,  qui  traite  de  la 
Trinité  et  de  l'Incarnation  ,  est  sans  nom 
d'auteur,  mais  que  le  style  fait  voir  qu'il  est 
d'isaac,  et  que  le  poème  qui  est  intitulé  :  Des 
Prêtres  et  des  Diacres  qui  sont  morts,  autre- 
ment, De  la  Crainte  de  Dieu  et  de  la  mort,  est 
attribué  dans  un  manuscrit  à  saint  Ephrem  : 
de  même  que  le  cent-unième  discours,  qui 
traite  aussi  des  morts.  11  remarque  encore 
que  les  Maronites  ont  dans  leur  office  pour 
le  jour  du  jeudi  saint,  deux  hymnes  sous  le 
nom  d'isaac,  et  que  Jean  Maro,  dans  son 
traité  contre  les  Euty chiens  et  les  nestoriens, 
cite  de  lui  deux  discours  qui  ne  se  trouvent 
point  dans  les  manuscrits  du  Vatican;  que 
dans  le  premier  %  qui  a  pour  titre  :  Bu  Char 
d'Ezechiel,  Isaac  établissait  clairement  la 
doctrine  de  deux  natures  et  d'une  personne 
en  Jésus-Christ,  et  qu'il  faisait  la  même 
chose  dans  le  second  ^,  qui  traitait  de  l'In- 
carnation. [Balthazar-Marie  Rémondini,  mort 
à  Zante,  en  1777,  a  laissé  manuscrite,  une 
traduction  latine  des  homéhes  de  saint 
Isaac] 

3.  Cosme  '",  prêtre  de  Phanir,  bourg  dans 


Cosrae, prê- 
tre syrien. 


'  Â  prima  œtate  (/régis  nostri  agni  signentur,  ut 
impressum.  corporihus  eirum  signum  videat  fur,  et 
contremiscat.  Puer  signacuii  expers  ne  sugat  lac  a 
maire  baptizaia  :  non  enim  fus  est  coatiium  eucha- 
ristia  lac  eurii  sorbiliare.  In  sinu  baptismaiis  pariter 
fitios  vestrùs,  a  ventre  ad  baptismum  ferantur  filii 
regni.  Pag.  221. 

2  Pag.  223.  —  3  Pag.  224. 

'  Non  suppeiuni  tibi  vires  ut  a  vino  jejunes?  Jejuna 
ab  iniquitate  et  a  rupina ,  et  summusjudex,  haud  te 
condemnabit,  quod  vinum  biberis.  Pag.  226. 


6  Pag.  228.  —  8  Pag.  229.  —  1  Pag.  230. 

8  Ctirisius  is  fuit  qui  in  curru  mystice  apparuii  : 
divinitas  ejus  et  humanitas  in  simititudinihus  vide- 
batur.  Duo  aspectus,  una  persona  ;  duœ  naturœ,  unus 
Salvaior.  Pag.  234. 

s  Cum  unicus  esset,  duo  factus  est  in  una  persona... 
qui  in  una  natura  descendit,  duabus  unitas  naturis 
ascendit...  qui  spiritualiter  descendit,  in  corpore  ac 
spiritu  ascendit.  Ibid. 

10  Assem.,  tom.  1  Bibliotli.  Orient.,  pag.  235. 


580 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  Gélésyde,  écrivit  la  Vie  de  saint  Siméon 
Stylite,  à  la  prière  d'Apollonius  et  de  Bara- 
chor  ;  il  écrivit  même  une  lettre  à  ce  saint  au 
nom  du  clergé  et  du  peuple  de  Phanir,  où  il 
faisait  les  fonctions  de  prêtre.  Nous  avons 
ces  deux  écrits  dans  un  manuscrit  du  Vatican, 
daté  de  l'an  474,  et  que  l'on  doit  par  consé- 
quent regarder  comme  l'original ,  ou  du 
moins  comme  une  copie  tirée  sur  l'original, 
n'étant  que  d'environ  quinze  ans  après  la 
mort  de  saint  Siméon  Stylite.  Dans  l'inscrip- 
tion de  la  lettre,  Gosme,  suivant  l'usage  des 
Syriens  et  des  Arabes,  donne  à  ce  saint  un 
grand  nombre  d'épitbètes,  le  comparant  aux 
prophètes  et  aux  apôtres,  et  l'appelant  le 
rempart  du  pays.  Il  se  recommande  et  toute 
FEglise  de  Phanir  à  ses  prières,  et  l'assure 
qu'ils  observaient  fidèlement  tous  les  pré- 
ceptes qu'ils  avaient  reçus  de  sa  part  :  par 
l'énumération  qu'il  en  fait,  on  voit  que  saint 
Siméon  leur  avait  ordonné  de  sanctifier  les 
jours  du  vendredi  et  du  dimanche  '  ;  de  n'a- 
voir pas  deux  mesures,  mais  une  seule  qui 
fût  bonne  et  selon  l'équité;  de  se  contenir 
dans  leurs  bornes,  sans  empiéter  sur  celles 
d'autrui  ;  de  ne  point  refuser  le  salaire  au 
mercenaire;  de  réduire  à  moitié  le  prix  or- 
dinaire du  prêt  à  intérêt,  ou  plutôt  de  l'ôter 
entièrement,  comme  on  lit  dans  sa  Vie  ;  de 
rendre  la  promesse  à  celui  qui  en  paie  le 
contenu;  de  rendre  également  la  justice  aux 
petits  comme  aux  grands;  de  ne  donner  rien 
à  personne  contre  la  justice,  et  de  ne  se  pas 
laisser  prévenir  par  des  présents  ;  de  ne  pas 
s'accuser  Tun  l'autre;  de  ne  communiquer 
ni  avec  les  voleurs  ni  avec  les  maléflciers  ; 
de  punir  les  transgresseurs  de  la  loi;  d'aller 
souvent  à  l'Eglise  prier  pour  le  salut  des 
âmes.  «  Si  quelqu'un,  ajoutait  Gosme,  viole 
aucun  de  ces  préceptes  et  ose  prendre  le 


bien  d'autrui,  ou  opprimer  quelqu'un,  ou 
suborner  un  juge,  ou  prendre  quelque  chose 
à  l'orphelin,  à  la  veuve,  au  pauvre,  ou  d'u- 
ser de  violence  envers  une  femme  pour  l'en- 
lever, qu'il  soit  anathème.  Gar  nous  voulons 
observer  exactement  tout  ce  que  vous  nous 
avez  commandé.  Nous  le  jurons  par  Dieu, 
par  son  Christ,  par  son  Saint-Esprit  et  par 
la  victoire  de  nos  seigneurs  les  empereurs  ; 
nous  disons  anathème  de  votre  part  à  qui- 
conque fera  le  contraire  ;  nous  le  punirons, 
nous  nous  séparerons  de  lui;  son  otfrande 
ne  sera  point  reçue  à  l'église,  et  nous  ne 
prendrons  pas  soin  de  lui  après  sa  mort.  A 
l'égard  de  celui  qui  dit  :  Je  ne  prêterai  pas 
sans  intérêt,  parce  qu'il  est  peu  considéra- 
ble, il  entendra  ce  que  vous  avez  prononcé, 
et  il  doit  tenir  pour  certain,  qu'il  lui  est  plus 
avantageux  de  tirer  légitimement  la  moitié 
de  l'intérêt  que  d'exiger  le  tout  injustement. 
Priez  pour  nous,  mon  Seigneur,  juste,  pur 
et  fidèle,  afin  que  nous  exécutions  constam- 
ment ce  que  vous  nous  avez  commandé.  » 
Gosme  se  recommande  jusqu'à  trois  fois,  dans 
cette  lettre,  aux  prières  de  saint  Siméon. 

4.  ïhéodoret  ^,  comme  on  l'a  dit  ailleurs,      _ 
écrivit  la  Vie  de  ce  saint.  Elle  futaussi  écrite  %^;fi'' 
par  un  de  ses  disciples,  nommé  Antoine  ^.   "''■ 
Gosme  en  composa  une  troisième  pour  les 
peuples  de  la  Gélésyrie.  On  ne  peut  douter 
qu'elle  ne    soit  digue  de  foi,  puisqu'il  té- 
moigne avoir  été  témoin  de  ce  qu'il  raconte, 
ou  du  moins  de  la  plus  grande  partie.  Cette 
Vie  se  trouve  entière  dans  les  manuscrits  du 
-  Vatican.  Assémani,  qui  n'en  a  donné  que 
quelques  fragments*,  remarque  qu'elle  ren- 
ferme quelques  particularités  qui  ont  échappé 
à  Théodoret  et  à  Antoine.  Ces  deux  histo- 
riens ne  disent  rien  de  Semsus ,  frère  aine 
de  saint  Siméon.  Gosme  seul  en  parle  et  dit 


*  Tenuitas  nostra  iuœ  magniludini  significat  de 
prœceplo  quod  a  te  abjectioni  nostrœ  impositum  est , 
cui  omnes  subscribimus  :  et  primum  quidem  feriam 
sextam  et  dominicam  diem  sancte  et  pure  observari 
oporlere  ;  nefas  esse  duas  mensuras  facere,  sed  unam 
reclam  et  œquam  :  neminem  limites  suos  transgredi 
debere  :  operariis  mercedem  non  esse  denegandam  : 
medietatem  fœnoris  leteris  ac  nooi  taxandam  :  c/iiro- 
grapha  solventibus  restituenda  :  et  rectam  pusillis  at- 
que  majoribus  ferendam  sententiam  :  nec  ulli  prœter 
jus  deferendum,  aut  munus  contra  aliquem  admitten^ 
dum  :  nec  alterutrum  accusare  oportere,  aut  furiOus 
et  maleficis  communicure  ;  sed  prœuaricatores  et  legis 
t'-ansgressores  corripere,  et  Ecclesiam  pro  salute  ani- 
marum  nostrarum  nos  frequentare  debere.  Si  quis 
uutem  hujusmodi  mandata  violare  prœsumpserit,  aut 
rapere  ,   aut  opprimere ,  aut  judicem  subornare  ,  aut 


orphano,  viduœ  vel  pauperi ,  quidquam  au  ferre,  aut 
mulierem  vi  abducere,  anathema  sit.  Sed  omnia  caute 
custodienda  esse  quœ  prœcepisti  :  ea  itaque  libenter 
suscepimus  et  in  veritute  exequimur.  Atque  ita  per 
Deum  furamus  et  per  Christum  efus,  perque  vivum  et 
Sanctum  Spirituni ,  et  per  victoriam  dominorum  nos- 
trarum imperalorum.  Si  quis  autem  hœc  violare  prœ- 
sumpserit, anathema  sit,  ex  verbo  tua,  Domine,  et 
segregabimus  a  nobis,  nec  ejus  oblatio  suscipietur  in 
Ecclesia,  nec  mortuos  ipsius  prosequemur.  Qui  vero 
dicit  :  Non  mutuum  dabo  cum  fœnus  sit  exiguum,  is 
audiet  quœ  dilectio  tua  protulit  ;  et  pro  certo  habeat 
satius  ipsi  esse  medietatem  licite  tollere ,  quam  ioturti 
illicite  iiubere.  Pag.  237.  —  2  'fheod.,  in  Phiiot.  —  s  Bol- 
land.,  ad  diem  hjanuar.  —  *  11  l'a  publié  depuis  en  en. 
i\Nàmi%\exec,\in\à.es,  Actes  des  martyrs  d'Orienieid' Oc- 
cident. Voyez  notre  tome  III,  p.  353  et  suiv.  [L'éditeur). 


[v  ET  vi=  SIÈCLES.]      CHAPITRE  XLII.  —  DE 

que,  s'étant  fait  tonsurer  par  Mara,  évêque 
de  Cabales,  il  embrassa  la  vie  monastique  à 
Télède,  dans  le  monastère  de  Sainte-Eusé- 
bone,  et  qu'il  y  mourut,  saint  Siméon  lui 
ayant  prédit  sa  mort  trois  mois  avant  qu'elle 
arrivât.  Cosme  dit  encore  qu'Hésycliius,  père 
de  saint  Siméon,  et  Mathanaam,  sa  mère, 
moururent  avant  qu'il  se  fit  moine  ;  qu'ayant 
laissé  de  grands  biens  à  leurs  enfants,  saint 
Siméon  abandonna  tous  les  fonds  de  terre  à 
son  frère  Semsus,  et  vendit  les  meubles  dont 
il  donna  le  prix  aux  pauvres  et  aux  monas- 
tères, particulièrement  à  celui  de  Sainte-Eu- 
sébone,  où  il  avait  un  cousin  germain  et  où 
il  embrassa  lui-même  la  profession  monas- 
tique. Assémani  rapporte  aussi  quelques 
circonstances  miraculeuses  de  la  vie  de  saint 
Siméon  dont  les  antres  historiens  n'ont  point 
parlé.  Les  centuriateurs  de  Magdebourg  ont 
censuré  ces  paroles  du  saint  rapportées  par 
Antoine  :  Ne  mentez  jamais  et  ne  jurez  point 
par  le  nom  de  Dieu;  mais  s'il  vous  est  nécessaire 
de  jurer,  jiirez  par  moi,  soit  sérieusement,  soit 
faussement  '.  On  ne  lit  rien  de  semblable  dans 
sa  Vie  telle  que  Cosme  l'a  écrite. 

5.  11  nous  a  conservé  la  lettre  que  ce  saint 
écrivit  à  Théodose-le-Jeune,  pour  le  détour- 
ner de  rendre  aux  Juifs  les  synagogues  qu'on 
leur  avait  ôtées  depuis  longtemps  ^.  Cette  let- 
tre est  conçue  en  ces  termes  :  «  Parce  que 
votre  cœur  s'est  élevé,  que  vous  avez  oublié 
le  Seigneur  votre  Dieu^  qui  vous  a  donné  la 
couronne  et  le  trône  de  l'empire,  et  que  vous 
êtes  devenu  l'ami  et  le  protecteur  des  Juifs, 
voilà  que  la  justice  de  Dieu  va  sévir  contre 
vous  et  contre  tous  ceux  qui  pensent  comme 
vous  dans  l'affaire  des  synagogues  :  alors 
vous  lèverez  les  mains  au  ciel,  et  dans  la 
presse  où  vous  vous  trouverez,  vous  direz  : 
Cette  tribulation  m'est  arrivée,  parce  que 
j'ai  menti  au  Seigneur  mon  Dieu,  d  Le  même 
saint  écrivit  deux  lettres  pour  la  défense  du 
concile  de  Chaleédoine  :  l'une  à  l'empereur 
Léon;  l'autre  à  Basile,  évêque d'Antiocbe.  Il 
en  est  fait  mention  dans  Evagre  '.  Nicépliore 
en  cite  une  troisième  à  l'impératrice  Eudo- 
xie  *,  sur  le  même  sujet,  et  il  en  rapporte 
quelques  fragments.  On  trouve  dans  le  sep- 
tième tome  de  la  Bibliothèque  des  Pères,  un 


QUELQUES  ÉCRIVAINS  SYRIENS.         381 

discours  sous  le  nom  de  saint  Siméon  Stylite 
qui  a  pour  titre  :  De  la  S'-paration  de  l'âme  d'a- 
vec le  corps.  Il  est  aussi  attribué  à  saint  Ma- 
caire  d'Egypte,  et  dans  quelques  manuscrits 
à  saint  Ephrem.  Mais  il  parait  d'un  auteur 
grec,  et  on  le  croit  de  Théophile  d'Alexan- 
drie, parce  qu'on  y  trouve  quelque  chose  de 
semblable  à  ce  qu'il  dit  en  mourant.  Ce  dis- 
cours fait  la  vingt-deuxième  homélie  parmi 
les  cinquante  que  nous  avons  sous  le  nom 
de  Macaire.  A  l'égard  de  la  profession  de  foi 
que  Léon  Allatius  attribue  à  saint  Siméon 
Stylite,  sur  le  témoignage  d'Euloge  d'Ale- 
xandrie ,  cité  dans  Photius ,  ce  n'est  autre 
chose  que  sa  lettre  à  Basile  d'Antiocbe,  où  il 
proteste,  comme  il  avait  déjà  fait  à  l'em- 
pereur Léon,  qu'il  persistait  dans  la  foi 
qui  avait  été  révélée  par  le  Saint-Esprit  ^, 
et  qui  était  celle  des  Pères  du  concile  de 
Chaleédoine.  Au  reste ,  il  ne  faut  pas  confon- 
dre saint  Siméon  Stylite  avec  un  saint  du 
même  nom  qui  passa  une  partie  de  sa  vie 
sur  une  montagne  nommée  i^dmirable.  Ce- 
lui-ci vivait  sous  l'empereur  Maurice  :  Alla- 
tius parle  de  ses  ouvrages,  dont  on  trouve 
une  grande  partie  écrits  en  arabe  dans  la  bi- 
bliothèque du  Vatican. 

6.  L'empereur  Léon  écrivit  non-seulement 
aux  évêques  de  tout  l'empire  romain,  pour 
savoir  d'eux  ce  qu'ils  pensaient  du  concile  de 
Chaleédoine  et  de  l'ordination  de  Timothée 
Elure,mais  aussi  aux  plus  illustres  solitaires. 
Evagre  met  de  ce  nombre  Siméon,  Baradate 
et  Jacques,  syriens,  dont  nous  avons  les  Vies 
dans  Théodoret.  Nous  avons  parmi  les  ré- 
ponses à  la  lettre  circulaire  de  l'empereur, 
celle  de  Baradate,  datée  de  la  seconde  année 
du  règne  de  Léon  «,  c'est-à-dire  de  l'an  458. 
Elle  est  pleine  d'éloge  du  zèle  que  ce  prince 
témoignait  pour  la  cause  de  l'Eglise.  Bara- 
date y  désapprouve  la  conduite  de  ceux  qui, 
ne  voulant  reconnaître  d'autre  concile  que 
celui  de  Nicée ,  rejetaient  les  décrets  de 
Chaleédoine.  Il  fait  voir  que  la  foi  établie 
dans  ce  concile,  est  fondée  sur  les  divines 
Ecritures  :  en  faisant  allusion  au  charbon 
ardent  que  l'ange  ne  put  prendre  sur  l'autel 
qu'avec  des  pinces  de  fer,  il  dit  que  dans  la 
loi  nouvelle  il  est  accordé  aux  prêtres  du 


Saint  Bara- 
(Jale  et  saint 
Jncqaes.  pag. 


1  Pag.  245. 

2  Tom.  I  Bihlioth.  Orient.,  pag.  254. 
s  Evag.,  lib.  II,  cap.  x. 

*  Niceph.,  lib.  XV,  cap.  xix. 

s  Animi  mei  sententiam  imperiali  majestati  signifi- 


cavi  de  fide  sexcentorum  triginia  sanctorum  Palrum, 
qui  Chalcedone  congregaii  sunt,  persistons  et  fundatus 
in  ea  fide  quœ  a  Suncto  Spiritu  revelata  est.  Siméon., 
Epist.  ad  Basil.,  apud  Evag.,  lib.  II,  cap.  x. 
6  Tom.  IV  Concil.,  pag.  976. 


582 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTETJRS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Seigneur  '  de  tenir  entre  leurs  mains  le  corps 
sacré  du  Fils  de  Dieu,  figuré  par  ce  charbon, 
sans  en  être  brûlé,  quand  ils  font  part  aux 
hommes  d'une  nourriture  éternelle.  Cette 
lettre  est  au  nom  de  Baradate  seul.  La  date 
porte  qu'elle  fut  écrite  la  seconde  année  de 
Léon,  indiction  dixième.  Il  faut  lire,  indiction 
onzième.  Nous  n'avons  pas  la  réponse  de  Jac- 
ques ,  mais  on  ne  peut  douter  qu'il  n'en  ait 
fait  une.  Saint  Euloge  le  suppose  clairement, 
puisqu'après  avoir  rapporté  ce  que  saint  Si- 
méon  et  Baradate  firent  en  cette  occasion,  il 
ajoute  ^  qu'ils  furent  suivis  de  ceux  qui  me- 
naient la  même  vie  qu'eux.  Il  y  a  même  lieu 
de  croire  que  Jacques  se  rendit  célèbre  par 
d'autres  écrits.  Car  Théodoret  dit  de  lui  ^ 
qu'il  surpassa  par  ses  travaux  saint  Maron 
qu'il  avait  eu  pour  maître  dans  les  sciences 
divines. 
qu'^ÏAmfdt,"  7.  Nous  avons  aussi  la  réponse  de  Maras, 
p»f-256.  évêque  d'Amida,  à  la  lettre  circulaire  de 
l'empereur  Léon.  Neuf  évéques  souscrivirent 
après  Maras,  tous  de  la  même  province; 
c'était  l'Amidène  ou  la  Mésopotamie.  Ces 
évêques  reconnaissent  dans  cette  lettre  * 
que  Timothée  Elure  est  indigne  de  l'épisco- 
pat,  et  que  le  concile  de  Cbalcédoine  n'a  rien 
décidé  que  conformément  aux  divines  Ecri- 
tures et  à  la  tradition  des  pères. 
Nonnns,       g.  Nonuus,  évéque  d'Edesse,  fit  une  ré- 

éveqae    o  E-  '  ^  ' 

desse.  ponse  à  peu  près  semblable,  qui  fut  signée 

de  quatre  autres  évêques  de  la  province 
d'Osroène  ^.  Il  avait  été  mis  sur  le  siège  épis- 
copal  d'Edesse  par  le  conciliabule.  d'Ephèse, 
en  449,  après  la  déposition  d'ibas,  et  tiré  à 
cet  effet  du  monastère  de  Tabenne,  où  il  vi- 
vait avec  beaucoup  d'édification.  Mais  Ibas 
ayant  été  rétabli  dans  le  concile  de  Cbalcé- 
doine, Nonnus  eut,  ce  semble,  le  gouverne- 
ment de  l'Eglise  d'Héliopolis,  ville  du  Liban, 
où  il  convertit  un  grand  nombre  de  païens. 
Ibas  étant  mort  en  457,  Nonnus  retourna  à 
Edesse.  La  Chronique  de  cette  ville  marque 
qu'il  fit  bâtir  des  églises  en  l'honneur  de 
saint  Jean-Baptiste,  de  saint  Côme  et  de 
saint  Damien  ;  un  hôpital  pour  les  pauvres 
invalides,  plusieurs  monastères,  des  tours  et 
des  ponts,   et  qu'il  aplanit  les  chemins  pu- 


blics. Sa  lettre  à  l'empereur  Léon  est  datée 
de  l'an  457. 

9.  Jacques,  diacre  de  la  même  Eglise  d'E-  ^i^Vrê'^ 
desse  sous  Nonnus,  écrivit  la  Vie  de  sainte  "''"'• 
Pélagie  d'Antioche.  Elle  est  rapportée  par 
Surius  au  huitième  jour  d'octobre.  Dans  une 
note  qui  est  à  la  tête  du  prologue  de  cette 
Vie,  Jacques  est  appelé  diacre  d'Héliopolis. 
C'est  une  faute  qui  vient  apparemment  de  ce 
que  l'auteur  de  cette  Vie  appelle  plus  d'une 
fois  Nonnus  son  évêque,  et  qu'il  y  est  dit  que 
Nonnus  avait  ou  gouverné  cette  Eglise,  ou 
qu'il  y  avait  baptisé  un  grand  nombre  d'infi- 
dèles. On  trouve  un  diacre  nommé  Jacques, 
dans  la  requête  que  le  clergé  d'Edesse  pré- 
senta à  Photius  et  à  Eustathe  en  faveur 
d'ibas,  en  449,  et  on  ne  doute  pas  que  ce  ne 
soit  le  même  qui  a  écrit  la  Vie  de  sainte  Pé- 
lagie d'Antioche. 

10. 11  n'est  fait  mention  deMochimus  dans  ^,f°f';^.\ 
aucun  écrivain  syrien  ni  grec  :  mais  Gennade  2?g''''  ^' 
nous  apprend  ^  qu'il  était  de  Mésopotamie, 
qu'il  fut  prêtre  d'Antioche,  et  qu'il  composa 
un  excellent  traité  contre  Eutychès.  11  ajoute 
qu'on  lui  attribuait  encore  d'autres  ouvrages 
qu'il  n'avait  pas  lus. 

dl.  C'est  de  lui  seul  aussi  que  nous  savons  ^  v^mi- 

^  aessc,  p.  2; 

que  Pierre,  prêtre  de  l'Eglise  d'Edesse,  cé- 
lèbre déclamateur  ',  écrivit  des  traités  sur 
différents  sujets,  et  qu'il  composa  des  psau- 
mes en  vers,  à  l'imitation  de  saint  Ephrem, 
.  diacre,  c'est-à-dire  des  hymnes  dont  les  vers 
étaient  de  sept  syllabes. 

12.  On  dit,  c'est  encore  Gennade  ^  qui  p.l.rV 
parle  ici ,  que  Samuel,  prêtre  de  la  même  =""=«■?■=*■ 
Eglise  d'Edesse,  a  écrit  plusieurs  ouvrages 
en  syriaque,  contre  les  ennemis  de  l'Eglise, 
surtout  contre  les  nestoriens  et  les  éuty- 
chéens,  et  contre  les  timothéens,  c'est-à-dire 
contre  ceux  du  parti  de  Timothée  Elure  ; 
qu'il  dépeint  ces  trois  sortes  d'hérétiques 
comme  une  bête  à  trois  têtes,  et  qu'il  les  ré- 
fute par  la  doctrine  de  l'Eglise  et  par  l'auto- 
rité de  la  sainte  Ecriture,  montrant,  contre 
les  nestoriens,  que  le  Verbe  est  un  Dieu- 
Homme  et  non  pas  un  pur  homme,  né  d'une 
vierge;  contre  les  eutychéens,  que  Dieu  a 
pris  une  vraie  chair  dans  le  sein  de  la  Vierge, 


1  Et  tune  datum  est  sanctis  sacerdoiibus  Dei  tenere 
corpus  sanctum  Filii  Dei,  et  non  comburuntur  commu- 
nicantes hominibus  cihum  œternum.  Barad.,  Epist.  61 
ad  Léon.,  tom.  IV  Concil.,  pag.  977. 

2  Eulog.,  apud  Phot.,  Cod.  230 ,  pag.  879. 

3  Cum  simul  cum  inclyto  illo  Marone  esset  versatus 
et  ejus  divinœ  fuisset  doctrinœ  particeps,  obscuravit 


prceceptorem  majoribus  laboribus.TheoàoT.,  in  Philot., 
cap.  XXVII. 

'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  918. 

8  Tom.  IV  Concil. 

8  Germad.,  de  Viris  illustr.,  cap.  LXXI. 

'  Idem,  cap.  lxxiv.  —  '  Gennad.,  cap.  Lxxxii. 


[v=  ET  vi»  SIÈCLES.]      CHAPITRE  XLII.  —  DE  QUELQUES  ÉCRIVAINS  SYRIENS.  583 


qu'il  ne  l'a  point  eue  du  ciel,  et  que  sa  chair 
n'a  point  été  formée  d'un  air  épaissi;  et 
contre  les  timolhéens,  que  le  Verbe  s'est  tel- 
lement fait  chair,  que,  demeurant  dans  sa 
substance,  aussi  bien  que  l'humanité  dans 
sa  nature,  il  s'est  fait  une  seule  personne  par 
l'union  et  non  point  par  le  mélange  des  deux 
natures.  Gennade  ajoute  qu'on  disait  que 
Samuel  était  encore  à  Constantinople,  et  que 
c'était  au  commencement  de  l'empire  d'An- 
thémius  qu'il  avait  appris  de  ses  nouvelles  et 
ouï  parler  de  ses  ouvrages.  Or  Anthémius 
commença  à  régner  en  467.  Samuel  écrivait 
donc  dès  lors,  et  la  réputation  que  ses  ou- 
vrages lui  avaient  acquise,  avait  déjà  passé 
dans  les  Gaules.  Le  premier  d'entre  les  ac- 
cusateurs d'Ibas  d'Edesse,  était  un  Samuel, 
prêtre  de  cette  Eglise.  Le  temps,  le  lieu,  la 
dignité,  le  savoir,  font  juger  que  c'était  le 
même  Samuel  dont  nous  parlons,  qui,  après 
la  mort  d'Ibas,  avec  qui  il  s'était  réconcilié, 
serait  passé  à  Constantinople,  où  il  aurait 
combattu  les  erreurs  des  hérétiques  de  son 
temps. 

13.  Josué,  surnommé  Stylite,  se  rendit  cé- 
lèbre sur  la  fin  du  v«  siècle.  Il  était  syrien 
d'origine  et  né  à  Edesse.  Le  désir  de  son  sa- 
lut le  porta  à  s'engager  dans  l'état  monasti- 
que. 11  choisit  pour  cela  un  monastère  près 
de  la  ville  d'Amida,  nommé  Zuénin,  dans  la 
Mésopotamie.  Après  y  avoij'  passé  quelque 
temps,  il  résolut,  à  l'imitation  de  saint  Si- 
méon,  de  vivre  le  reste  de  ses  jours  sur  une 
colonne,  d'où  lui  est  venu  le  nom  de  Stylite. 
Il  écrivit  l'histoire  de  son  temps  en  vingt- 
deux  feuilles  ou  cahiers.  Le  dernier  s'étant 
égaré,  le  moine  Elisée,  qui  vivait  dans  le 
même  monastère  de  Zuénin,  y  suppléa.  Elle 
a  pour  titre  :  Histoire  des  calamités  arrivées  à 
Edesse,  à  Amida  et  dam  toute  la  Mésopotamie. 
Josué  la  commence  à  l'an  de  Jésus-Christ 
495,  et  la  conduit  jusqu'en  507.  Ainsi  elle 
renferme  ce  qui  s'est  passé  sous  le  règne  de 
l'empereur  Anastase,  et  de  Cavadès,  roi  de 
Perse,  et  les  fâcheux  événements  qui  occa- 
sionnèrent la  guerre  qu'il  y  eut  alors  en  Mé- 
sopotamie entre  les  Romains  et  les  Perses. 

14.  II  parait,  par  le  commencement  de  la 
préface,  que  Josué  entreprit  ce  travail  à  la 
prière  de  l'abbé  Sergius,  à  qui  il  le  dédia  : 
«  J'ai  reçu,  lui  dit-il,  les  lettres  de  votre  sain- 
teté, par  lesquelles  vous  m'ordonnez  de  met- 
tre par  écrit  en  quel  temps  les  sauterelles  ont 
couvert  la  terre,  quand  le  soleil  s'est  obs- 
curci et  en  quel  temps  sont  arrivés  les  trem- 


blements de  terre,  la  famine  et  la  peste,  et 
sous  quel  règne  la  guerre  a  été  allumée  entre 
les  Romains  et  les  Perses.  »  Josué  rejette 
modestement  dans  cette  préface  les  louanges 
que  le  prêtre  et  abbé  Sergius  lui  avait  don- 
nées dans  sa  lettre  ;  il  fait  au  contraire  un 
grand  éloge  de  cet  abbé.  Il  dit  ensuite  que 
les  péchés  des  hommes  sont  la  seule  cause 
des  calamités  qu'il  va  décrire,  et  qu'encore 
que  toute  la  Mésopotamie  ait  été  ravagée 
par  tous  ces  fléaux,  ils  ont  néanmoins  épar- 
gné la  ville  d'Edesse,  suivant  cette  promesse 
de  Jésus-Christ  au  roi  Abgare  '  :  Votre  ville 
sera  bénie,  de  façon  que  jamais  l'ennemi  n'aura 
d'empire  sur  elle.  Ces  paroles  ne  se  lisent  pas 
dans  la  lettre  de  Jésus-Christ  à  Abgare,  rap- 
portée par  Eusèbe  de  Césarée  :  et  ce  qui 
prouve  la  fausseté  de  cette  prétendue  pro- 
messe, c'est  que  cette  ville  et  ses  habitants 
furent  réduits  sous  la  domination  des  Perses 
sous  Chosroës-le-Jeune,  en  605.  Josué  rap- 
porte plusieurs  causes  de  la  guerre  entre  les 
Romains  et  les  Perses.  La  principale  est  que 
les  Romains,  qui  avaient  rétabli  et  fortifié  Ni- 
sibe,  en  298,  sous  l'empire  de  Dioctétien  et 
de  Maximien,  la  cédèrent  pour  cent  vingt 
ans  aux  Perses  après  la  mort  de  Julien  l'A- 
postat, à  condition  que  ce  terme  expiré,  elle 
leur  serait  rendue.  Les  cent  vingt  ans  se 
trouvant  écoulés  en  483,  la  dixième  année 
de  l'empire  de  Zenon,  les  Romains  deman- 
dèrent qu'on  leur  rendît  Nisibe  :  ce  que  les 
Perses  refusèrent.  On  ne  lit  rien  dans  les  au- 
tres historiens  de  cette  cession  de  Nisibe  aux 
Perses  pour  cent  vingt  ans.  Josué  composa 
son  Histoire,  partie  sur  les  mémoires  de  ceux 
qui  avaient  été  envoyés  en  ambassade  chez 
les  rois  des  Romains  et  des  Perses,  partie 
sur  le  rapport  de  ceux  qui  avaient  eu  part 
aux  affaires,  et  partie  sur  ce  qui  s'était  passé 
de  son  temps  dans  le  pays  même  où  il  de- 
meurait. 

15.  Les  événements  sont  placés  suivant 
l'ordre  chronologique.  En  496,  le  17  mai,  le 
soir  du  vendredi  au  samedi,  les  habitants 
d'Edesse  ayant  allumé  des  flambeaux  de  cire 
sur  les  deux  rives  du  fleuve,  donnèrent  des 
spectacles  nouveaux  et  inusités  jusqu'alors 
sur  l'Orcheste,  appelé  Trimarion.  Dans  le 
même  temps  qu'ils  les  représentaient,  le  la- 
barum  de  la  croix  que  le  bienheureux  Cons- 
tantin avait  établi,  sortit  du  lieu  où  il  était 
et  s'en  éloigna  tout-à-coup  d'une  coudée 

•  Voyez  tom.  I,  pag.  268  et  suiv. 


rRm.tii|u:>bles 
dans  celle 
clirorique,  p. 
267. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


584 

comme  pour  marquer  son  horreur  des  excès 
honteux  qui  se  commettaient  dans  ces  spec- 
tacles. Mais,  après  avoir  demeuré  ainsi  pen- 
dant toute  la  journée  du  samedi,  il  retourna 
de  lui-même  dans  l'endroit  où  il  était  aupa- 
ravant. Ce  prodige  n'effraya  point  les  Edes- 
séniens  :  ils  en  devinrent,  au  contraire,  plus 
débauchés.  Dieu  les  punit   d'une   maladie 
contagieuse,  où  plusieurs  perdirent  la  vue. 
Cyrus  était  alors  évêque  de  cette  ville.  Il  in- 
diqua une  collecte  dans  l'église,  dans  la  vue 
de  faire  des  vases  d'argent  dont  on  userait 
dans  les  solennités  des  martyrs.  Chaque  fi- 
dèle y  contribua  selon  son  pouvoir.  C'était 
en  497.  Sur  la  fin  de  la  même  année,  Ale- 
xandre, préfet  de  la  ville,  y  établit  une  nou- 
velle forme  de  justice.  11  se  trouvait  chaque 
vendredi  dans  l'église  de  Saint-Jean-Baptiste, 
où  il  terminait  toutes  les  affaires  qu'on  por- 
tait par  devant  lui  :  il  en  termina  même  plu- 
sieurs que  l'on  avait  en  vain  essayé  de  finir 
depuis  cinquante  ans.  Il  fit  aussi  construire 
des  greniers  publics,  et  ordonna  à  tous  les 
ouvriers  d'attacher  chaque  dimanche  au-de- 
hors  de  leur  boutique  l'image  de  la  croix,  et 
d'allumer  autour  cinq  lampes.  En  498,  on  cé- 
lébra dans  la  même  ville  des  spectacles  avec 
encore  plus  de  pompe  et  de  dissolution  que 
les  précédents.  Cependant  personne  n'invec- 
tivait contre  ces  désordres  :  Xénaïas,  évêque 
de  Mabuge,  qui  se  trouvait  alors  à  Edesse, 
fut  obligé  d'en  reprendre  publiquement  le 
peuple  dans  un  discours.  La  même  année, 
deux  églises  de  cette  ville  et  le  bain  d'été 
s'éboulèrent  :  personne    ne    fut  enveloppé 
sous  leurs  ruines,  sauf  deux  individus  qui, 
disputant  à  qui  sortirait  le  premier,  furent 
écrasés  par  la  chute  de  ces  édifices.  Cyrus, 
leur  évêque,  étant  mort,  Pierre  lui  succéda. 
Cet  évêque  '  ajouta  aux  autres  fêtes  de  l'an- 
née, celle  des  Hosanna,  c'est-à-dire  du  di- 
manche des  Rameaux.  Il  établit  aussi  la  bé- 
nédiction de  l'eau  dans  la  nuit  de  l'Epipha- 
nie, et  consacra  le  saint  chrême  le  jour  du 
jeudi-saint  en  présence  de  tout  le  peuple.  En 
499,  dans  le  mois  de  mai,  la  terre  fut  cou- 
verte de  sauterelles  qui  étaient  venues  du 
midi  :  mais  elles  ne  firent  pas  beaucoup  de 
mal  dans  la  Mésopotamie.  Au  mois  d'août  de 

<  Decessif  Cyrus  episcopus  pro  quo  Pet  rus  Edesse- 
nam  ienuit  Ecclesiam.  Hic  prœter  consuetas  anni  fes- 
tivUaies  solemnitatem  quoque  Hosannarum  indixit.  Ri- 
tum  etiam  insiiluil  benedictionis  aquœ  in  nocle  Epipha- 
niœ.  Chrisma  denique  universo  populo  spectante  feria 
quintamysteriorum  in  Ccena  Domini  consecravit.  P.  269. 


la  même  année,  on  publia  un  édit  dans  tou- 
tes les  villes  de  l'empire  romain,  qui  défen- 
dait les  chasses  et  les  combats  des  bêtes  avec 
les  hommes.  Le  mois  suivant,  qui  était  celui 
de  septembre,  plusieurs  villes  furent  ruinées 
par  des  tremblements  de  terre.  La  fontaine 
du  bain  des  Ibériens  sécha  le  même  jour,  et 
l'Euphrate  se  trouva  réduit  à  sec,  ses  eaux 
s'étant  écoulées  par  des  ouvertures  que  les 
tremblements  avaient  produites  dans  son  lit. 
Deux  personnes  qui  étaient  sorties  de  Nico- 
ple  la  veille  du  tremblement  de  terre,  y 
étant  rentrées  le  lendemain,  en  trouvèrent 
les  maisons  renversées  et  la  ville  retentis- 
sante des  cris  de  ceux  qui  étaient  envelop- 
pés sous  ses  ruines.  Quelques-ims  des  lieux 
voisins  accoururent  et  leur  aidèrent  à  retirer 
l'évêque  de  Nicople  du  milieu  des  pierres  qui 
le  couvraient.  Il  se  trouva  par  hasard  im 
voyageur  ^  qui  portait  avec  lui  quelque  peu 
de  pain  et  de  vin.  Il  les  donna  à  l'évêque,  qui 
offrit  aussitôt  le  sacrifice,  et  donna  ensuite 
l'eucharistie  à  tous  ceux  qui  étaient  pré- 
sents, comme  un  sacrement  de  ■\ne.  L'histo- 
rien remarque  que  cela  se  passa  le  matin  qui 
suivit  la  ruine  de  Nicople.  Il  ajoute  que  le 
même  jour  une  église  des  martyrs  fut  ren- 
versée, et  qu'elle  enveloppa  sous  ses  ruines 
un  grand  nombre  de  personnes  qui  étaient 
venues  assister  aux  prières  de  la  nuit. 

15.  En  500,  un  jour  de  samedi,  qui  était  le 
23  octobre,  le  soleil  s'obscurcit  depuis  son 
lever  jusqu'à  la  huitième  heure,  et  dans  les 
endroits  qui  étaient  éclairés  de  ses  rayons,  la 
terre  paraissait  couverte  de  soufre.  Le  même 
jour  une  grande  partie  des  murailles  de  la 
ville  d'Edesse  fut  renversée.  L'évêque  Pierre 
ordonna  des  prières  dans  toutes  les  églises 
de  la  ville  ;  tout  le  monde  y  accourut,  les 
clercs  à  la  tête  portant  une  croix  et  chantant 
des  psaumes  :  ils  étaient  habillés  de  noir  à 
cet  effet.  Les  moines  et  les  religieuses  de 
tout  le  pays  redoublèrent  leurs  prières  en 
cette  occasion.  Josué  raconte  que  dans  le 
mois  de  novembre  suivant,  on  vit  plusieurs 
signes  dans  le  ciel,  de  différentes  figures,  et 
qu'il  en  parut  encore  un  dans  le  mois  de  dé- 
cembre qui  ressemblait  à  un  javelot.  Ces  si- 
gnes furent  regardés  comme  les  avant-cou- 

^  Post  hœc  forte  adfuit  bonus  quidam  viaior,  qui 
modica  panis  frusta  et  parum  vini  ei  episcopo  dédit. 
Ai  ille  oblaiionem  obtulit,  oravit,  et  circumstanti- 
bus  eucharistiam  in  sacramentum  vitœ  purrexit. 
Josuej  pag.  270. 


[ye  ET  vi"  SIÈCLES.]      CHAPITRE  XLII.  —  DE  QUELQUES  ÉCRIVAINS  SYRIENS.         385 


reurs  des  fléaux  qui  devaient  suivre.  Au  mois 
de  mars  de  l'année  suivante  501,  une  nuée  de 
sauterelles  couvrit  l'Arabie  et  plusieurs  au- 
tres provinces  jusqu'aux  confins  de  l'Assyrie 
et  de  la  mer  occidentale,  mangeant  partout 
ce  qu'elles  trouvaient.  La  famine  fut  si  vio- 
lente au  mois  d'avril,  que  quatre  mesures  de 
blé  et  six  d'orge  se  vendaient  un  denier  ;  le 
demi-boisseau  de  pois,  cinq  cents  écus;  celui 
de  fèves,  quatre  cents,  et  celui  de  lentilles, 
trois  cent  soixante.  Dans  celte  calamité,  il  y 
en  eut  qui,  pressés  de  faim  *,  entrèrent  de 
force  dans  les  éelises  et  mandèrent  la  sninte 
eucharistie  comme  si  c'eût  été  un  pain  com- 
mun. D'autres,  ouvrant  les  tombeaux,  man- 
gèrent les  chairs  qui  étaient  restées  après 
les  cadavres.  La  peste  suivit  la  famine  dans  le 
mois  de  novembre.  Elle  attaqua  d'abord  les 
étrangers  qui  étaient  dans  Edesse,  puis  les 
habitants  de  la  ville.  Le  préfet  Démosthènes 
ayant  obtenu  de  l'empereur  Anastase  une 
grande  quantité  d'or  pour  le  soulagement  des 
pauvres,  les  assembla  et  fit  donner  par  jour 
une  livre  de  pain  à  tous  ceux  à  qui  il  mit  une 
marque  de  plomb  pendue  au  col.  Il  survint 
dans  le  cours  du  mois  de  décembre  un  froid 
insupportable,  qui  fit  périr  le  petit  peuple. 
Les  économes  de  l'église  firent  bûtir  des  lo- 
gements tout  autour  pour  y  retirer  les  pau- 
vres, et  parce  que  ces  logements  ne  suffi- 
saient pas,  on  leur  ouvrit  les  basiliques  qui 
étaient  auprès  du  bain  d'hiver,  où  on  leur 
dressa  des  lits  avec  de  la  paille  et  des  nattes 
étendues  par  terre.  Il  mourait  par  jour,  dans 
Edesse,  cent  personnes,  quelquefois  cent 
vingt,  et  souvent  cent  trente.  Les  économes 
de  l'église  prenaient  eux-mêmes  soin  de  la 
sépulture  des  morts,  qui  se  faisait  solen- 
nellement suivant  la  coutume  ^.  Les  hom- 
mes et  les  femmes,  en  grand  nombre,  précé- 
daient le  convoi  funèbre,  qui  était  suivi  du 
préfet,  des  principaux  de  la  ville  et  de  l'é- 
véque. 

17.  En  502,  au  mois  de  mai,  les  spectacles 
furent  défendus  par  un  édit  de  l'empereur 
Anastase,  et  aussitôt  les  vivres,  contre  toute 
espérance  ,  diminuèrent  de  prix.  Le  22  du 
mois  d'août,  qui  était  un  vendredi,  on  vit  dès 
le  matin,  vers  le  septentrion,  un  globe  de  feu 
qui  disparut  sur  la  fin  de  la  nuit.  Le  même 


jour,  les  villes  de  Ptolémaïde ,  de  Tyr  et  de 
Sidon  souffrirent  de  grandes  secousses  par 
des  tremblements  de  terre.  A  Béryte ,  la  sy- 
nagogue des  juifs  en  fut  renversée.  Les  habi- 
tants de  Nicomédie  furent  infestés  par  de 
mauvais  esprits;  mais  ils  en  furent  délivrés 
après  s'être  imposé  des  jeûnes  et  avoir  fait 
des  prièrespubliques.Cavadès,  roi  des  Perses, 
fit  une  irruption  dans  les  terres  septentrio- 
nales des  Romains,  et  mit  le  feu  à  Théodo- 
siopolis,  ville  d'Arménie,  après  s'en  être  em- 
paré par  la  trahison  de  Constantin  qui  en 
était  préfet.  Ils  assiégèrent  Amida  en  533. 
Anastase  l'ayant  appris,  fit  offrir  une  somme 
d'or  au  roi  de  Perse  ,  pour  l'engager  à  sortir 
des  terres  des  Romains;  mais  ce  prince  fit 
mettre  en  prison  Rufin  ,  porteur  de  ceUe 
somme,  continua  le  siège  d'Amida  et  fit  de 
grands  ravages  avec  les  Arabes  dans  quel- 
ques autres  provinces  de  la  dépendance  d'A- 
naslase.  Les  Syriens  qui  habitaient  la  partie 
orientale  de  l'Euphrate,  épouvantés,  songè- 
rent à  se  retirer  à  la  partie  occidentale  du 
même  fleuve,  lorsque  saiutJacques  de  Saruge 
leur  écrivit  pour  les  détourner  de  la  fuite.  Ce 
saint  donna  ,  en  plusieurs  rencontres  ,  des 
marques  de  son  zèle  pendant  les  calamités 
dont  la  Mésopotamie  fut  affligée.  Il  composa 
diverses  homélies  sur  l'Ecriture  sainte,  des 
cantiques,  des  hymnes  et  des  vers  sur  les 
nuées  de  sauterelles  qui  avaient  couvert  la 
terre.  Après  que  le  roi  des  Perses  se  fut  em- 
paré d'Amida  ,  il  mit  en  liberté  Rufin  ,  pour 
aller  annoncer  à  Anastase  les  calamités  dont 
il  avait  été  témoin.  Il  répéta  aussi  à  ce  prince 
l'argent  qu'il  lui  avait  promis.  Mais  Anastase, 
au  lieu  de  le  lui  envoyer,  mit  sur  pied  trois 
armées  pour  allercombattre  contre  les  Perses. 
Celle  que  commandait  Aréobinde  eut  d'abord 
de  grands  avantages  et  poursuivit  les  Perses 
jusqu'à  Nisibe  ,  mais  ce  général  fut  ensuite 
repoussé  et  contraint  de  se  retirer  sur  le  ter- 
ritoire d'Edesse.  Cavadès  le  suivit  dans  le 
dessein  de  faire  le  siège  de  cette  ville;  mais 
il  attaqua  auparavant  celle  deTéla.  Les  juifs 
avaient  formé  la  résolution  de  la  livrer  aux 
Perses,  ce  qui  ayant  été  découvei't  par  les 
habitants  de  Téla,  ils  punirent  les  coupables 
et  se  fortifièrent  du  mieux  qu'il  leur  fut  pos- 
sible. L'évêque  du  lieu,  nommé  Barhadadès, 


'  Famés  auiem  adeo  crevit,  ut  quidam  in  ecclesias 
irruperitit,  et  sanctam  eucharistiam  ceu  panem  coin- 
munem  absumpserint  ;  alii  cadavera  effoderint  et  in 
cibum  verterint.  Pag.  271. 

»  Funus  autem  eorum  solemni  cum  pompa  ex  Eccle- 


siœ  more  eurabant.  Nonnus ,  Xenodochi  et  œconomi 
ecclesiœ ,  nimirum  prœeiinte  frequenti  virorum  ac 
mutierum  turba,  ipso  urbis  prœfecto  una  cum  optima- 
tibus,  ac  Petrolepiscopo  prosequentibus .  Pag.  272. 


586 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


fut  des  premiers  à  témoigner  son  zèle  pour 
la  défense  de  cette  ville  ;  il  faisait  exactement 
le  tour  des  murailles,  exhortait  les  gardes  à 
faire  leur  devoir  ',  jetait  sur  eux  de  l'eau  bé- 
nite dans  le  baptême  et  administrait  l'eucha- 
ristie sur  les  lieux  mêmes  oil  ils  étaient  en 
faction,  à  tous  ceux  qui  la  lui  demandaient, 
afin  qu'aucun  ne  quittât  son  poste  sous  pré- 
texte de  recourir  à  ce  sacrement.  Il  sortit  en- 
suite de  la  ville  et  persuada  au  roi  des  Perses 
de  lever  le  siège.  Ce  prince  fit  marcher  son  ar- 
mée vers  Edesse;  mais,  après  en  avoir  fait  le 
siège  quelque  temps ,  il  le  leva  ,  craignant 
une  mort  semblable  à  celle  dont  avait  été 
frappé  le  roi  des  Arabes,  pour  avoir  méprisé 
l'avis  qu'un  de  ses  généraux  lui  avait  donné 
de  ne  pas  attaquer  Edesse,  parce  que  Jésus- 
Christ  avait  promis  à  Abgare  d'en  prendre  la 
défense.  Quelques  jours  après  ,  Cavadès  fît 
une  seconde  fois  le  siège  d'Edesse;  les  habi- 
tants en  ouvrirent  les  portes,  et  aucun  des 
Perses  n'osa  y  entrer.  Aréobinde  envoya  dire 
à  Cavadès  qu'il  ne  devait  plus  douter  que 
cette  ville  ne  fût  imprenable,  par  la  bénédic- 
tion que  Jésus-Christ  lui  avait  donnée  :  ce 
prince  consentit  à  lever  encore  le  siège  sous 
de  certaines  conditions,  dont  une  était  qu'on 
lui  donnerait  une  certainequantité  d'hommes. 
Le  roi  de  Perse  l'ayant  répétée  avant  le  jour 
qu'on  était  convenu  de  la  délivrer,  les  habi- 
tants d'Edesse  lui  firent  savoir  qu'ils  étaient 
prêts  à  se  défendre.  Cavadès  assiégea  donc 
pour  une  troisième  fois  cette  ville,  mais  inu- 
tilement. Il  fut  repoussé  avec  perte,  sans 
qu'aucun  des  Edessiens  pérît  dans  cette  oc- 
casion. 
sniie  Heia  18.  Lo  25  décembrc  de  l'an  504,  l'empe- 
jos'u°é.''"°  °  reur  Anastase  donna  un  édit  par  lequel  il  dé- 
livrait des  tributs  tous  les  habitants  de  la  Mé- 
sopotamie. Le  19  mars  de  la  même  année, 
un  jour  de  vendredi,  dans  le  bourg  de  Zeug- 
ma,  une  cane  ^  fit  un  œuf  sur  lequel  étaient 
imprimées  deux  croix,  et  où  on  lisait  ces  pa- 
roles en  grec  et  en  latin  :  Les  croix  triomphent. 


leshabitantsdeZeugmal'envoyèrentàEdesse 
avec  une  lettre  pour  Aréobinde,  qui  reçut  cet 
œuf.  Le  roi  des  Perses  ayant  éprouvé ,  pen- 
dant son  séjour  à  Amida ,  l'utilité  des  bains, 
ordonna,  après  son  retour  dans  ses  états,  que 
l'on  en  construirait  dans  toutes  les  villes  de 
la  Perse.  En  505,  la  ville  d'Amida  souffrit  une 
grande  famine;  l'empereur  Anastase  et  Fla- 
vien  d'Antioche  envoyèrent  de  grandes  som- 
mes d'or  pour  la  nourriture  des  pauvres. 
Urbicius  fit  aussi  beaucoup  de  largesses  aux 
Eglises  et  aux  pauvres  de  Jérusalem ,  de 
même  qu'à  ceux  d'Edesse.  La  même  année, 
un  grand  nombre  de  bêtes  féroces,  accoutu- 
mées à  se  nourrir  des  cadavres  des  soldats 
tués  dans  la  guerre  précédente ,  attaquaient 
les  passants  sur  les  grands  chemins,  et  se 
répandaient  non-seulement  dans  les  villages, 
mais  encore  dans  les  villes,  en  sorte  que  l'on 
fut  contraint  d'entreprendre  une  nouvelle 
guerre  contre  les  animaux  et  de  les  obliger 
de  se  retirer  à  force  d'armes.  En  506,  Celer, 
préfet  de  la  milice  et  général  des  troupes 
d'Anastase,  vint  à  Edesse  pour  y  confirmer 
l'alliance  avec  les  Perses.  Cela  ne  se  fit  que 
l'année  suivante  507,  l'ambassadeur  du  roi 
de  Perse  ayant  différé  pendant  cinq  mois  de 
se  rendre  à  Edesse  au  temps  marqué.  Pen- 
dant ce  délai,  Celer  fit,  en  507,  un  voyage  à 
Daram ,  ville  située  sur  les  confins  de  l'em- 
pire romain  et  fortifiée  depuis  peu  par  Anas- 
tase. Celer  fut  reçu,  à  son  retour  à  Edesse, 
avec  pompe  par  les  grands  de  la  ville ,  les 
clercs  et  les  moines.  Josué  finit  sa  Chronique 
en  remarquant,  comme  ont  fait  aussi  quelques 
autres  historiens  ,  que  l'empereur  Anastase 
prit,  sur  la  fin  de  sa  vie,  le  parti  des  ennemis 
du  concile  de  Chalcédoine.  Josué  taxe  cette 
démarche  de  folie,  ce  qui  fait  voir  qu'il  était 
un  des  défenseurs  de  ce  concile.  11  en  donne 
encore  une  preuve  dans  l'éloge  qu'il  fait  de 
Flavien,  patriarche  d'Antioche,  qui  était  aussi 
très-attaché  à  la  foi  orthodoxe. 


'  Barsadades  urliis  episcopus  strenue  intérim  muros 
circum  ire,  custodes  adhortari,  aqua  in  baptismo  l/e- 
nedicta  eos  aspergere,  et  ibidem  eucharisiiam  peten- 
tibus  administrare ,  ne  guis  ejusdem  sumendœ  prœ- 
textu  stationem  desereret.  Josue,  pag.  277. 

*  19  martii  feria  sexia  in  Zeugmatensium  vico  pe- 


perit  an'is  ovum  geminis  crucibus  hinc  inde  signatum 
cum  littei'is  grœcis  ac  latinis  in  hcec  verba  :  Trium- 
phant  oruces.  Ovum  ipsum  accepit  Areohendus  Edes- 
sam  missum  cum  epistola  Zeugmatensium.  Ibid., 
pag.  278. 


[v  SIÈCLE.]        CHAPITRE  XLIII.  —  EUTROPE,  DRAGONCE  ,  THÉODORE. 


587 


CHAPITRE  XLIII. 

Eutrope,  Draconce,  [écrivains  latins];  Théodore,  prêtre  d'Antioche, 

[écrivain  grec] 

[■?"  siècle.] 


i .  Le  prêtre  Eutrope  écrivit  deux  lettres  à 
deux  sœurs,  servantes  de  Jésus-Christ  \  qui 
avaient  été  déshéritées  par  leurs  parents  à 
cause  de  l'amour  qu'elles  avaient  pour  la  re- 
ligion et  de  leur  attachement  à  la  pudicité. 
Ces  deux  lettres  étaient  écrites  avec  beaucoup 
de  netteté  et  d'élégance.  Eutrope  y  employait 
pour  les  consoler  non-seulement  des  raisons, 
mais  encore  des  témoignages  de  l'Ecriture. 
Nous  n'avons  plus  ces  lettres.  Il  ne  faut  pas 
confondre  cet  Eutrope  avec  l'écrivain  de 
même  nom  qui  a  fait  l'abrégé  de  l'histoire 
romaine ,  en  la  commençant  à  la  fondation 
de  Rome  et  en  la  conduisant  jusqu'au  règne 
de  Valens,  à  qui  cet  abrégé  est  dédié. 

2.  Draconce,  prêtre  espagnol,  écrivait  sous 
l'empire  du  jeune  Théodose.  Nous  avons  de 
lui  un  poème  en  vers  hexamètres,  sur  les  six 
jours  de  la  création ,  et  une  élégie  à  l'empe- 
reur. Ce  poème  n'a  rien  de  remarquable  2. 
Draconce  le  finit  par  une  prière  très-humble 
à  Dieu.  Georges  Fabricius  l'a  inséré  dans  son 
Recueil  des  poètes  chrétiens ,  imprimé  à  Bâle 
en  1567.  On  le  trouve  aussi  dans  la  Biblio- 
thèque des  Pères  et  à  la  fin  des  œuvres  d'Eu- 
gène de  Tolède ,  données  par  le  père  Sir- 
mond,  en  1619,  avec  l'élégie  à  l'empereur. 
[Arévalo  a  donné  ces  écrits  avec  une  épltre 
dédicatoire  et  des  prolégomènes,  Rome,  sous 
Pie  VI.  Le  tout  est  reproduit  au  tome  LX  de 
la  Patrologie  latine,  col.  593-932.] 

3.  Théodore,  prêtre  de  l'Eghse  d'Antioche, 

'  Gennad.,  de  Viris  illusir.,  cap.  XLIX. 

2  Arévalo  n'est  pas  de  cet  avis  ;  il  prouve  au  reste 
que  le  but  de  Draconce  dans  son  poème  n'est  pas 
l'œuvre  de  la  création^  mais  la  louange  de  la  majesté 


qui ,  selon  Gennade  ',  joignait  à  une  science 
exacte  le  don  de  parler  avec  politesse  et  en 
bons  termes ,  avait  écrit  quinze  livres  contre 
les  Apollinaristes  et  les  Eunomiens ,  touchant 
l'incarnation  du  Seigneur.  Il  y  prouvait,  par 
des  raisons  très-claires  et  par  des  témoignages 
tirés  de  l'Ecriture ,  que  comme  Jésus-Christ 
avait  la  plénitude  de  la  divinité,  il  avait  aussi 
la  plénitude  de  l'humanité,  en  sorte  qu'il  était 
Dieu  parfait  et  homme  parfait.  11  y  enseignait 
encore  que  l'homme  est  composé  de  deux 
substances,  c'est-à-dire  de  l'âme  et  du  corps  ; 
que  le  sens  et  l'esprit  ne  sont  point  une  subs- 
tance différente  de  l'âme,  mais  des  fonctions 
de  sa  nature ,  par  lesquelles  elle  est  raison- 
nable et  rend  le  corps  sensible.  Dans  le  qua- 
torzième livre  ,  il  traitait  de  la  nature  de  la 
très-sainte  Trinité,  qu'il  disait  être  seule  in- 
créée et  incorporelle,  et  de  la  nature  des  êtres 
créés  ,  appuyant  tout  ce  qu'il  en  disait  de 
l'autorité  des  divines  Ecritures.  Le  quinzième 
livre  était  employé  à  confirmer  la  doctrine 
des  livres  précédents  par  les  traditions  des 
Pères,  c'est-à-dive  par  des  passages  tirés  de 
leurs  écrits.  Il  ne  nous  reste  rien  des  ouvrages 
de  Théodore.  Quelques-uns  l'ont  confondu 
avec  un  écrivain  de  même  nom  qui  vivait  dans 
le  monastère  de  Raitha,  dans  la  Palestine,  et 
dont  nous  avons  un  petit  traité  sur  l'Incar- 
nation *.  Mais  ce  dernier  n'ayant  vécu  que 
dans  le  vii=  siècle,  n'a  pu  être  connu  de  Gen- 
nade de  Marseille. 

divine  par  les  choses  créées.  [Védiieur.)  —  s  Gennad., 
de  Viris  illustr.,  cap.  xii. 

4  Tom.  VIII  Biblioth.  Pair.,  pag.  334. 


588 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


CHAPITRE  XLIV. 


Julien  Pomère,  prêtre  et  abbé,  [écrivain  latin.] 


[En  498.] 


Jalien  Po- 
mère :  ce 
qu'on  en  fiait. 


Ecrils 
Pomète. 


1.  Pomère,  à  qui  l'on  donne  aussi  le  nom 
de  Julien  ' ,  était  africain  et  né  en  Mauritanie. 
Il  passa  de  son  pays  dans  les  Gaules,  où  il 
fut  ordonné  prêtre  ^.  Mais  il  ne  quitta  pas 
pour  cela  les  exercices  de  la  vie  monastique 
dont  il  faisait  profession.  Saint  Rurice ,  évê- 
que  de  Limoges,  lui  donne  dans  ses  lettres  la 
qualité  d'abbé  ^,  mais  sans  dire  de  quel  mo- 
nastère. Sa  piété  et  son  savoir  le  firent  con- 
sidérer de  cet  évéque  et  de  plusieurs  autres 
grands  hommes.  Car  il  était  également  ins- 
truit dans  les  sciences  divines  et  humaines, 
ainsi  que  le  dit  saint  Ennode  de  Pavie  *  dans 
l'éloge  qu'il  fait  de  ses  vertus.  Il  semble  que 
saint  Rurice  ait  voulu  l'attirer  à  Limoges, 
avec  la  permission  d'^one,  évêque  d'Arles, 
où  Pomère  demeurait.  Voici  comme  il  s'en 
explique  dans  une  lettre  à  .iEone  :  «  Ne  croyez 
pas  que  Pomère  ,  en  venant  auprès  de  moi , 
se  sépare  de  vous;  vous  devez  vous  assurer 
qu'il  trouvera  en  moi  un  autre  vous-même, 
comme  je  compte  moi-même  que  vous  ne  le 
laisserez  pas  venir  sans  l'accompagner  de 
cœur  et  d'esprit.  Ce  sera  d'ailleurs  pour  vous 
un  vrai  sujet  de  mérite,  si  son  savoir  peut 
m'aider  à  m'instruire  dans  la  crainte  du  Sei- 
gneur. » 

2.  Gennade  et  saint  Isidore  disent  que  Ju- 
lien Pomère  avait  composé,  à  la  manière  des 
dialecticiens,  un  traité  en  forme  de  dialogue 
entre  l'évêque  Julien  et  le  prêtre  Vérus  ,  in- 
titulé :  De  la  Nature  de  l'âme  et  de  ses  qualités, 
divisé  en  huit  livres;  que  dans  le  premier, 
Julien  Pomère  expliquait  ce  que  c'est  que 
l'âme,  et  en  quel  sens  il  est  dit  qu'elle  a  été 
faite  à  l'image  de  Dieu;  qu'il  examinait  dans 
le  second  si  elle  est  corporelle  ou  incorpo- 
relle; que  dans  le  troisième,  il  demandait 
comment  l'âme  du  premier  homme  a  été 
faite;  qu'il  agitait  dans  le  quatrième  cette 
question  :  si  l'âme,  qui  doit  être  mise  dans  le 


corps,  est  créée  de  nouveau  et  sans  péché,  ou 
si  elle  est  produite  par  l'âme  des  parents,  et 
si,  venant  ainsi  par  propagation  de  l'âme  du 
premier  homme  ,  elle  en  tire  le  péché  origi- 
nel; que  le  cinquième  livre  contenait  une  ré- 
capitulation du  quatrième  ,  avec  des  ques- 
tions et  des  distinctions,  savoir  :  ce  qu'elle 
est,  sa  faculté  ou  son  pouvoir,  et  si  ce  pou- 
voir dépend  uniquement  de  la  volonté;  qu'il 
expliquait  dans  le  sixième  d'où  vient  le  com- 
bat de  la  chair  et  de  l'esprit,  dont  i!  est  parlé 
dans  saint  Paul  ;  que  le  septième  était  sur  la 
différence  de  la  vie  et  de  la  mort,  de  la  résur- 
rection de  la  chair  et  de  celle  de  l'âme;  que 
dans  le  huitième,  il  donnait  l'explication  des 
choses  qui  doivent  arriver  à  la  fin  du  monde, 
et  qu'il  y  éclaircissait  des  questions  que  l'on 
propose  sur  la  résurrection  ou  sur  la  fin  der- 
nière des  bons  et  des  méchants.  Isidore  de 
Séville  remarque  que  Julien,  dans  le  second 
deses livres,  enseignait,  aprèsTertullien,  que 
l'âme  est  corporelle,  et  qu'il  tâchait  d'établir 
cette  opinion  par  divers  sophismes.  Nous 
n'avons  plus  ce  traité  de  Julien  ni  celui  qu'il 
avait  fait  sur  le  mépris  des  choses  du  monde, 
et  adressé  à  un  nommé  Principius.  Il  en  avait 
fait  un  autre,  qui  n'est  pas  non  plus  venu 
jusqu'à  nous,  qui  avait  pour  titre  :  Des  Vertus 
et  des  vices,  et  un  quatrième  intitulé  :  De  l'Ins- 
titution des  vierges. 

3.  Comme  il  écrivait  encore  dans  le  temps 
que  Gennade  parlait  de  lui  dans  son  traité 
des  Hommes  illustres ,  il  n'est  pas  surprenant 
que  cet  auteur  n'ait  pas  mis  dans  son  cata- 
logue les  trois  livres  de  la  Vie  contemplative, 
qui  paraissent  être  les  derniers  écrits  de  Ju- 
lien Pomère.  Ils  ont  été  attribués  à  saint  Pros- 
per  pendant  plusieurs  siècles.  Chrodogang, 
évéque  de  Metz,  qui  écrivait  dans  le  viii«  siè- 
cle, les  cite  sous  son  nom,  de  même  que  Jo- 
uas, évêque  d'Orléans,  le  concile  d'Aix-Ia- 


1  Isidor.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  xii. 
»  Gennad.,  de  Viris  illusir.,  cap.    cvur 


3  Ruric,  lib.  Il,  Epist.  8. 
»  Ennod.,  lib.  II,  Epist.  6. 


CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE,  PRÊTRE  ET  ABRÉ. 


[V«  SIÈCLE.] 

Chapelle,  tenu  en  818,  sons  le  règne  de  Louis- 
le-Pieux,  et  un  grand  nombre  d'écriviuiis  des 
siècles  postérieurs.  Mais  on  convient  unani- 
mement aujourd'liui  qu'ils  sont  de  Julien  Po- 
mère.  Outre  la  ditïérence  du  style  des  écrits 
de  saint  Prosper  d'avec  celui  des  livres  de  la 
Vie  contemplative ,  on  ne  voit  pas  bien  com- 
ment saint  Prosper,  dont  on  met  la  mort  ou 
en  4o7  ou  en  463,  aurait  fait,  dans  le  second 
livre  de  cet  ouvrage,  l'éloge  de  saint  Hilaire 
d'Arles  comme  d'un  homme  mort  depuis 
longtemps,  puisque  ce  saint  évêque  ne  mou- 
rut qu'en  449;  d'ailleurs,  saint  Isidore  de  Sé- 
ville,  en  faisant  le  catalogue  des  ouvrages  de 
Julien  Pomère  ,  met  en  termes  exprès  trois 
livres  de  la  Vie  contemplative  et  active,  avec  un 
traité  des  Vertus  et  des  vices,  distribution  qui 
renferme  tout  ce  qui  est  dit  dans  les  trois 
livres  dont  nous  parlons.  Ou  les  trouve  sous 
le  nom  de  Julien  Pomère  dans  plusieurs  an- 
ciens manuscrits,  nommément  dans  celui  de 
Montchal,  archevêque  de  Toulouse;  dans  un 
autre  manuscrit  d'Angers  ,  qui  contient  une 
collection  d'anciens  canons ,  et  dans  un  de 
l'abbaye  de  la  Trappe.  On  eu  cite  un  qua- 
trième de  la  bibliothèque  du  Chapitre  de  Beau- 
vais,  où  ces  livres  portent  le  nom  de  Julien 
Pomère  comme  de  leur  véritable  auteur.  Ils 
sont  adressés  à  un  évêque  nommé  Julien,  qui 
peut  être  le  même  qui  souscrivit,  eu  517,  au 
concile  d'Epaone  ,  en  qualité  d'évêque  de  Car- 
pentras.  Cet  évêque  avait  souvent  pressé  Po- 
mère de  travailler  sur  cette  matière,  et  il 
paraît  que  ce  fut  aussi  par  son  ordre  qu'il 
composa  le  traité  de  la  Nature  de  rame,  où  il 
introduit  l'évêque  Julien  disputant  sur  ce  su- 
jet avec  le  prêtre  Vérus.  Quoi  qu'il  en  soit, 
Julien  Pomère  fut  longtemps  sans  vouloir 
écrire  sur  une  matière  qui  lui  paraissait  au- 
dessus  de  ses  forces.  Mais  enfin  l'obéissance 
l'emporta  sur  sa  répugnance  ,  craignant  que 
le  silence  qu'il  voulait  garder  par  un  senti- 
ment d'humilité,  ne  fût  imputé  à  orgueil.  11 
trouva  aussi  qu'en  s'exerçant  sur  des  ma- 
tières difficiles,  il  serait  obligé  de  recourir  au 
Père  des  lumières  pour  obtenir  l'intelligence 
des  vérités  qu'il  n'entendrait  pa  s  de  lui-même, 
et  que  ,  l'ayant  obtenue  ,  il  ne  pourrait  s'en 
glorifier  que  dans  le  Seigneur  de  qui  il  l'au- 
rait reçue.  C'est  de  cette  manière  qu'il  s'ex- 
plique dans  le  prologue  qu'il  a  mis  à  la  tête 
de  ses  trois  livres  de  la  Vie  contemplative. 
Il  y  rapporte  aussi  les  dix  questions  que 


589 


l'évêque  Julien  lui  avait  ordonné  d'éclaircir, 
et  qui  se  réduisent  à  celles-ci  :  «  Celui  à  qui  le 
soin  de  l'Eglise  est  commis  peut-il  s'appliquer 
à  la  vie  contemplative?  Doit-on  supporter  avec 
tranquillité  ceux  qui  foulent  aux  pieds  les 
préceptes  divins,  ou  doit-on  user  envers  eux 
de  la  sévérité  de  la  discipline  ecclésiastique 
à  proportion  de  la  grandeur  de  leurs  péchés? 
Est-il  expédient  de  mettre  en  réserve  les  biens 
de  l'Eglise  pour  en  nourrir  les  pauvres  ou 
réunir  les  frères,  et  ne  vaut-il  pas  mieux  mé- 
priser ces  biens  par  amour  de  la  perfection? 
En  quoi  doit-on  faire  consister  la  perfection 
de  l'abstinence  :  n'est -elle  nécessaire  qu'au 
corps  et  ne  doit-on  point  la  regarder  aussi 
comme  nécessaire  à  l'âme  ?  Combien  les  ver- 
tus feintes  sont-elles  éloignées  des  véritables? 
Quelles  sont  les  causes  précédentes  des  vices 
et  par  quels  moyens  s'augmentent-ils;  quels 
remèdesfaut-il  apporter  pour,  avec  le  secours 
du  Seigneur,  les  diminuer  ou  les  guérir?  En 
combien  de  manières  ou  par  combien  de  de- 
grés peut-on  parvenir  à  la  perfection  de  cha- 
que vertu?  Les  philosophes  ont-ils  dit  vrai, 
quand  ils  ont  enseigné  qu'il  y  avait  quatre 
vertus  principales  qui  étaient  comme  les 
sources  de  toutes  les  autres  vertus,  et  qu'il  y 
avait  aussi  quatre  vices  qui  étaient  l'oi'igine 
de  tous  les  vices  ?  » 

4.  Julien  Pomère  définit  la  vie  contempla- 

,  ,  .  n  ni  Analyse  da 

tive,  celle  ou  la  créature  mtellectuelle  ',  pu-  premier  livra 

*  ie  la  Vie  coQ- 

rifiee  de  tous  péchés  et  guérie  parfaitement  'empiatiTs. 
de  toutes  ses  faiblesses,  doit  voir  son  Créa-  '^'^''' 
teur.  «  Cette  vie  ne  peut  être  la  présente,  qui 
est  remplie  de  misères  et  d'erreurs,  et  où  il 
ne  nous  est  pas  possible  de  voir  Dieu  comme 
il  est.  La  vie  contemplative  doit  donc  s'en- 
tendre de  la  vie  future,  où  les  saints  verront 
Dieu  éternellement  en  récompense  des  vertus 
qu'ils  ont  pratiquées  en  celle-ci,  qui  est  un 
lieu  de  combat  continuel,  et  où  la  tentation 
ne  finit  qu'avec  nous.  Quoiqu'il  soit  difficile 
d'expliquer  en  quoi  consiste  cette  vie  future, 
on  peut  dire  que  les  saints  y  seront  éternel- 
lement heureux,  dans  une  sécurité  accom- 
pagnée de  plaisirs,  où  l'amour  sera  parfait, 
d'où  la  crainte  sera  bannie,  dont  les  bien- 
heureux ne  pourront  être  privés,  et  où  les 
malheureux,  c'est-à-dire  les  pécheurs,  ne 
seront  point  admis.  Car  il  se  fera  par  le  juste  ^  _ 
jugement  de  Dieu,  un  discernement  des  bons 
et  des  mauvais,  qui  sera  suivi  d'une  sépa- 
ration locale  des  uns  et  des  autres.  Les  justes 


'  Tom.  oper.  Prosper.,  part.  %  pag.  î  edit.  Paris.,      1711. 


590 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cap. IV. 


comme  les  méchants  recevront  l'immortalité 
dans  leurs  corps,  afin  que  ceux-ci  subissent 
éternellement  les  supplices,  sans  en  être  con- 
sumés :  et  ceux-là,  afin  que  leurs  corps  par- 
ticipent à  la  gloire  éternelle,  dont  Dieu  les 
fera  jouir.  Le  jugement  qui  interviendra 
entre  les  justes  et  les  pécheurs  a  déjà  été 
rendu  entre  les  saint  anges  et  les  esprits  im- 
mondes. Créés  les  uns  et  les  autres  *  sans 
péché  et  pour  servir  leur  créateur,  quelques- 
uns  d'entre  eux  sont  déchus  volontairement 
de  l'état  de  félicité  où  ils  avaient  été  formés  : 
s'étant  révoltés  par  un  sentiment  d'orgueil 
contre  leur  Créateur,  ils  ont  été  chassés  de 
la  région  supérieure  du  ciel  par  un  jugement 
irrévocable,  ayant  perdu  et  la  volonté  et  le 
pouvoir  de  rentrer  dans  leur  premier  état. 
Les  bons  anges,  au  contraire,  demeurant  fi- 
dèles à  Dieu,  ont  persévéré  dans  leur  di- 
gnité, d'où  il  est  arrivé,  par  un  divin  et  juste 
jugement,  que  la  volonté  qu'ils  ont  eue  de 
demeurer  inviolablement  attachés  à  Dieu , 
est  devenue  une  hçureuse  nécessité  d'y  de- 
meurer attachés  :  en  sorte  que,  parce  qu'ils 
n'ont  jamais  péché,  ils  ne  peuvent  plus  pé- 
cher. La  vie  contemplative  dont  ils  jouissent, 
c'est-à-dire  le  bonheur  qu'ils  ont  de  voir  in- 
satiablement  l'auteur  de  leur  béatitude,  est  le 
même  dont  jouiront  ceux  qui  le  mériteront 
par  la  pratique  des  bonnes  œuvres.  Ils  ver- 
ront dans  l'autre  vie  ce  qui  en  celle-ci  a  fait 
l'objet  de  leur  foi.  Un  des  privilèges  de  cette 
heureuse  demeure,  c'est  que  les  saints  y 
connaîtront  mutuellement  leurs  pensées,  de 
même  qu'en  cette  vie  les  visages  des  autres 
nous  sont  connus,  et  qu'ils  connaissent  le 
nom  les  uns  des  autres.  La  charité  y  sera 
sans  dissimulation,  et  la  vie  sans  aucune 
crainte  de  la  mort.  Un  autre  avantage  est, 
qu'encore  que  les  mérites  des  saints  soient 
différents,  tous  néanmoins  seront  parfaite- 
ment heureux,  et  chacun  coulent  de  la  ré- 
compense qui  lui  sera  accordée.  »  Juhen  Po- 
mère  fait  voir  que,  dès  cette  vie,  ceux  qui 
en  méprisent  les  plaisirs  et  les  avantages, 
peuvent  s'occuper  agréablement  des  biens 
qu'ils  espèrent  dans  la  vie  future;  mais  qu'en 


II  Cor.  V,  ■; 


quelque  degré  que  puisse  parvenir  la  vie 
contemplative  dont  nous  pouvons  jouir  ici- 
bas,  elle  n'est  point  comparable  à  celle  dont 
nous  jouirons  dans  le  ciel,  parce  que,  selon 
l'apôtre,  nous  marchons  en  cette  vie  par  la 
foi,  et  nous  ne  jouissons  pas  encore  de  Dieu  cap.  ti, 
par  la  vue  claire  et  intuitive.  «  D'où  il  suit  que 
les  saints  ne  peuvent  ici-bas  voir  Dieu  part 
faitcment,  et  qu'ils  ne  le  verront  ainsi  que 
lorsqu'ils  seront  parvenus  à  la  béatitude  de 
la  vie  future.  Si  la  fragilité  humaine  était  y,,, 
capable  de  voir  parfaitement  la  substance  de 
Dieu,  le  saint  évangéliste  n'aurait  pas  dit  : 
Personne  n'a  jamais  vu  Dieu  :  mais  ce  qu'il 
refuse  alors  dans  le  temps,  il  le  lui  promet 
dans  l'éternité,  en  disant  :  Bienheureux  ceux 
qui  ont  le  cœur  pur,  parce  quils  ver7^ont  Dieu.)) 
Julien  fait  consister  la  vie  contemplative  v,,,. 
dont  l'homme  est  capable  en  cette  vie,  dans 
la  méditation  des  divines  Ecritures  et  des 
mystères  qu'elles  renferment  et  dans  la  pra- 
tique des  vertus.  Il  veut  que  celui  qui  a  des- 
sein de  s'occuper  de  ce  genre  de  vie,  s'a- 
dresse souvent  à  son  créateur,  pour  en  re- 
cevoir des  lumières;  qu'il  soit  enflammé  du 
désir  de  le  posséder,  et  que  rien  ne  le  dé- 
tourne de  l'amour  qu'il  lui  doit;  que  Dieu 
soit  l'objet  de  toutes  ses  espérances,  et  qu'ap. 
profondissant  les  mystères  cachés  dans  les 
livres  divins,  il  s'assure,  par  l'accomphsse- 
ment  des  choses  qui  sont  prédites,  que  celles 
qui  ne  sont  point  encore  accomphes  le  se- 
ront un  jour.  Il  dit  qu'il  y  a  autant  de  diffé-  ^^ 
rence  entre  la  perfection  de  cette  vie  et  celle 
de  l'autre,  qu'il  y  en  a  entre  des  hommes 
parfaits  qui  ne  veulent  point  pécher,  et  ceux 
qui  ne  peuvent  plus  pécher.  Quelques  degrés 
de  sainteté  que  l'on  ait  en  cette  vie,  on  est 
toujours  en  danger  de  tomber,  et  cette  in- 
quiétude est  un  obstacle  à  la  parfaite  béati- 
tude. Mais,  dans  l'autre  vie,  la  félicité  n'aura 
aucune  imperfection  :  les  bienheureux  se- 
ront attachés  à  Dieu,  de  manière  qu'il  ne 
manquera  rien  à  leur  bonheur.  11  enseigne 
que  les  justes,  dont  il  est  dit  dans  l'Ancien 
Testament,  qu'ils  ont  vu  Dieu,  ne  l'ont  vu  que 
sous  quelque  forme  d'un  être  créé,  par  la- 


1  Nam  cum  essent  utrique  angeli  sine  peccaio  creaii 
et  ad  serviendum  Deo  suo  féliciter  instiiuti ,  eorum 
quidam  voluntafe  propria  depravaii  noluerunt  perma- 
nere  quod  facti  sunt  ;  et  cum  se  contra  creatorem 
suum  typho  superbiœ  lethalis  hostililer  extulissent) 
de  superna  cœli  regione  projecii  sunt.  Quos  divina 
sententia  eo  supplicia  condemnauit,  ut  quia  noluerunt 
perseverare  cum  passent,  ne  vetint  reparari  nec  pas- 


sint...  e  contrario  valuntaiis  sanclorum  angelorum 
fuit  quod  malis  spante  cadentibus  ipsi  in  sua  digni- 
tate  manserunt,  et  divina  justoque  judicia  actum  est, 
ut  quœ  fuit  cum  Deo  suo  manendi  voluntai,  fieret 
permanendi  valuntaria  felixque  nécessitas.  Et  ideo 
quia  nec  peccaverunt  iinquam,  nec  peccare  j'um  possunt. 
Julian.,  lib.  l,  cap.  m. 


[v- SIÈCLE.]       CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE,  PRÊTRE  ET  ABBÉ. 


S91 


Cap.  XI.  quelle  Dieu  s'est  montré  à  eux  ;  que  les  corps 
des  bienheureux  ne  laisseront  pas  de  garder 
la  ditlerence  de  sexe  après  la  résurrection , 
mais  qu'ils  seront  exempts  de  toutes  les  fai- 

ïii.  blesses  de  la  nature ,  parce  que  dans  le  ciel, 
la  charité  de  tous  sera  parfaite,  et  que  la  cu- 
pidité n'y  aura  point  de  lieu.  Après  avoir 
marqué  ce  qu'il  entend  par  la  vie  contem- 
plative, Julien  dit  que  la  vie  active  consiste  à 
soumettre  le  corps  à  l'empire  de  la  raison, 
à  dompter  ses  passions,  à  résister  aux  atta- 
ques du  démon,  à  vaincre  toutes  ses  cupi- 
dités par  la  pratique  des  vertus.  Ce  qui  mon- 
tre que  la  vie  active  est  accompagnée  de 
travaux  et  de  sollicitude,  au  lieu  que  la  con- 
templative jouit  d'une  joie  éternelle.  Dans  la 
vie  active,  on  acquiert  un  royaume,  la  con- 
templative en  procure  la  possession. 
jj,j  S.  En  prenant  la  vie  contemplative  dans 
le  second  sens,  Julien  Pomère  dit  que  les 
princes  de  l'Eglise  (c'est  ainsi  qu'il  appelle 
les  évoques),  peuvent  et  même  doivent  mener 
cette  sorte  de  vie ,  qui  n'est  autre  chose 
que  de  s'appliquer  à  approfondir  ce  qu'il 
y  a  de  mystérieux  dans  les  divines  Ecri- 
tures, et  à  s'éloiguer  de  toutes  les  occupa- 
tions mondaines  pour  ne  s'appliquer  qu'à  la 
pratique  de  la  vertu  et  à  y  engager  les  au- 
tres en  leur  prêchant  infatigablement  la  pa- 

j^_  rôle  de  Dieu .  11  prend  de  là  occasion  d'invec- 
tiver contre  les  évêques  qui  néglig'eant  le  soin 
des  peuples  qui  leur  sont  confiés,  négligent 
encore  leur  propre  salut,  s'occupent  plus  des 
biens  présents  que  des  futurs,  et  ne  pensent 
qu'à  augmenter  leurs  biens  et  leurs  dignités, 
mettant  leur  unique  bonheur  dans  la  jouis- 
sance des  biens  de  ce  monde,  et  cherchant 
leur  gloire  plutôt  que  celle  de  Jésus-Christ. 

^^,  Il  fait  voir  à  quel  danger  s'exposent  ceux  qui 
pensent  à  abandonner  le  gouvernement  de 
leur  Eglise,  dans  le  désespoir  de  ne  pouvoir 
la  secourir  au  milieu  des  troubles;  ou  qui 
n'apportent  pas  tous  les  soins  nécessaires 
pour  la  sauver  des  tempêtes  dont  elle  est  ac- 
cueillie; que  bien  moins  un  évêque  peut  la 
quitter  pour  vivre  plus  en  repos  et  en  plus 
grande  liberté.  Il  dit  aux  évêques  qui  pen- 
sent à  abandonner  leur  troupeau  dans  la 
crainte  de  ne  pouvoir  le  conduire  avec  suc- 
cès, et  qui  d'un  autre  côté  croient  ne  pou- 
voir l'abandonner  sans  péché,  qu'ils  doivent 


s'appliquer  à  en  devenir  l'exemple  par  leurs 
mœurs,  et  prier  assiduementpour  ceux  dont 
le  soin  leur  est  confié,  l'exemple  et  la  prière 
pouvant  suppléer  de  leur  part  aux  défauts 
d'instructions,  et  les  fidèles  catholiques  se 
laissant  ordinairement  plutôt  persuader  par 
les  bons  exemples  que  par  des  discours  élo- 
quents. Mais,  à  l'égard  de  ceux  qui  ont  le  ta-  cap.ivm 
lent  de  la  parole,  il  leur  dit  qu'ils  ne  rempli- 
raient pas  leur  ministère,  s'ils  se  contentaient 
de  pratiquer  la  vertu  sans  exhorter  les  autres 
à  la  pratiquer,  puisque,  selon  l'Apôtre ,  un 
évêque  doit  non-seulement  être  le  modèle  et 
la  forme  de  son  peuple,  mais  qu'il  doit  en- 
core lui  prêcher  la  vérité  et  lui  apprendre  ce 
que  la  foi  nous  enseigne  sur  les  mystères  de 
la  Trinité,  de  l'Incarnation,  et  sur  tous  les 
autres  qui  en  dépendent,  comme  sont  la  pas- 
sion de  Jésus-Christ,  sa  résurrection  et  son 
ascension  au  ciel.  Julien,  après  avoir  dit  à  xu. 
cette  occasion  que  le  Père  n'est  point  en- 
gendré, que  le  Fils  est  engendré  du  Père, 
dit  nettement  '  que  le  Saint-Esprit  procède 
du  Père  et  du  Fils.  Ensuite  il  montre  qu'il 
ne  suffit  pas  d'avoir  la  foi,  si  on  ne  l'anime 
par  les  bonnes  œuvres,  et  que,  quelque  édi- 
fiante que  soit  la  vie  d'un  évêque,  il  ne  sera 
point  utile  à  son  peuple,  s'il  ne  reprend  sé- 
vèrement les  pécheurs  et  s'il  ne  les  corrige,  ,„, 
sans  avoir  égard  à  leur  puissance  et  à  leurs 
richesses.  Il  représente  avec  des  couleurs 
très-vives  la  conduite  des  mauvais  prêtres  de 
son  temps.  «  Attachés  aux  choses  présentes, 
uniquement  occupés  de  ce  qui  pouvait  en 
cette  vie  leur  être  ou  plus  commode  ou  plus 
honorable,  ils  se  hâtaient  de  s'élever  au-des- 
sus des  autres,  non  pour  être  meilleurs  ou 
plus  sages,  mais  plus  riches;  non  pour  être 
plus  saints,  mais  plus  honorés.  Ils  ne  s'occu- 
paient pas  tant  du  troupeau  du  Seigneur, 
dont  la  défense  et  la  nourriture  leur  étaient 
confiées,  que  de  leurs  plaisirs  et  de  la  domi- 
nation qu'ils  exerçaient  sur  le  troupeau , 
aussi  bien  que  des  autres  agréments  qu'ils 
songeaient  à  se  procurer.  Us  voulaient  qu'on 
les  appelât  pasteurs  ;  mais  ils  ne  se  souciaient 
pas  de  l'être  en  effet,  désirant  très-fort  l'hon- 
neur attaché  à  ce  titre,  mais  évitant  le  tra- 
vail qui  en  devrait  être  également  insépara- 
ble. Nullement  en  peine  d'éloigner  du  trou- 
peau les  bêtes  immondes  qui  le  ravagaient, 


'  Fidèles  qui  nobis  divinitus  instituendi  commissi 
sunt,  instruere  debemus  de  Pâtre,  quomodo  solus  acci- 
piatur,  ingenitus;  de  Filio,  quomodo  ex  ipso  sii  geni- 


tus  ;  de  Spiriiu  SanctO)  quomodo  ex  Pâtre  et  Filto 
procedens.  Julian.,  lib.  1,  cap.  xvui. 


Ezech.xLiv 
et  5uir. 


Cap.  XXII. 


S92  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 

ils  perdaient  eux-mêmes  ce  qu'elles  avaient 
épargné.  Au  lieu  de  i-eprendre  les  désordres 
des  riches  et  des  personnes  puissantes,  ils 
les  traitaient  avec  honneur,  de  crainte  qu'of- 
fensés par  leur  réprimande,  ils  ne  fussent 
privés  des  grâces  que  ces  personnes  leur  ac- 
cordaient et  des  services  qu'elles  leur  ren- 
daient. 1)  Il  applique  à  ces  pasteurs  ce  que  le 
prophète  Ezéchiel  dit  des  mauvais  pasteurs 
d'Israël,  qui  songeaient  plutôt  à  se  nourrir 
eux-mêmes  qu'à  procurer  à  leur  troupeau 
de  bons  pâturages.  «  Ils  tirent,  dit-il,  le  lait 
et  la  laine  des  brebis  de  Jésus-Christ,  c'est- 
à-dire,  les  oblations  quotidiennes  et  les 
dîmes  des  fidèles  dont  ils  s'enrichissent  '  : 
mais  ils  se  déchargent  du  soin  de  nourrir  et 
d'entretenir  un  troupeau  dont,  par  un  ren- 
versement de  l'ordre,  ils  veulent  être  noun-is 
eux-mêmes.  Enfin  ils  n'ont  de  l'autorité  et 
de  la  puissance  que  pour  exercer  sur  ceux 
qui  leur  sont  soumis,  une  domination  de  ty- 
ranSj  au  lieu  de  s'en  servir  à  défendre  les 
affligés  de  la  cruauté  des  hommes  puissants, 
qui  dévorent  les  faibles  comme  des  bêtes 
carnassières.  «  Juhen  rapporte  le  passage 
d'Ezéchiel,  oii  ce  prophète,  en  faisant  enten- 
dre qu'il  n'est  pas  permis  aux  prêtres  de  se 
taire,  soit  que  les  auditeurs  profitent  de  leurs 
discours,  soit  qu'ils  n'en  profitent  pas,  dé- 
clare que  ceux  qui  périssent  pour  n'avoir 
pas  écouté  les  avertissements  de  ceux  qui  les 
gouvernent,  périssent  par  leur  faute,  sans 
qu'on  puisse  la  jeter  en  aucune  façon  sur 
leurs  pasteurs. 

6.  Julien  veut  que  la  vie  d'un  prédicateur  de 
Jésus-Christ  réponde  à  sa  doctrine;  qu'il  prê- 
che par  ses  mœurs  de  même  que  par  ses 
paroles,  qu'il  n'atïecte  point  de  paraître  élo- 
quent ni  de  donner  du  tour  à  ses  expres- 
sions, mais  qu'il  cherche  plutôt  à  toucher  et 
à  convertir  les  peuples,  qu'à  leur  plaire  et  à 
s'attirer  leurs  applaudissements;  qu'il  pleure 
lui-même  avant  de  faire  pleurer  ses  audi- 
teurs^ et  qu'il  fasse  passer  dans  leur  cœur  la 
componction  dont  le  sien  doit  être  pénétré. 
Un  discours  saint,  grave  et  facile,  quoique 
moins  latin  et  moins  étudié,  fera  plus  d'etiet 
dans  la  bouche  d'un  évéque,  qu'un  discours 
bien  orné,  et  sera  reçu  avec  plaisir  de  tous  les 
auditeurs.  Voici  la  différence  qu'il  met  entre 
un  déclamateur  et  un  prédicateur  :   «  Le 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

premier  emploie  toutes  les  forces  de  son  élo- 
quence pour  se  faire  un  nom  dans  le  monde  : 
le  second  cherche  la  gloire  de  Jésus-Christ 
en  expliquant  sa  doctrine  dans  un  langage 
commun  et  ordinaire.  Le  déclamateur  relève 
de  petites  choses  par  des  termes  rares  et 
pompeux  :  le  prédicateur  ne  se  sert  que  de 
termes  saints  pour  annoncer  de  grandes  vé- 
rités, relevant  son  discours  par  la  noblesse 
des  pensées.  Le  déclamateur  cherche  à  ca- 
cher la  bassesse  de  ses  sentiments  sous  de 
beaux  discours  :  le  prédicateur  adoucit  la 
grossièreté  de  ses  expressions  par  la  magni- 
ficence de  ses  pensées.  Celui-là  met  toute  sa 
gloire  dans  les  applaudissements  du  peuple; 
celui-ci  dans  la  vertu  de  Dieu.  Le  déclama- 
teur plaît,  mais  il  ne  fait  aucun  fruit  sur  l'es- 
prit de  ceux  qui  l'écoutent  :  celui-ci,  par  un 
discours  ordinaire,  excite  à  la  vertu,  parce 
qu'il  ne  corrompt  pas  ses  raisons  par  une 
affectation  d'éloquence.  Juhen  finit  son  pre- 
mier livre  par  le  portrait  d'un  évéque  tel  que 
la  doctrine  apostolique  le  demande.  C'est 
celui  qui  convertit  les  pécheurs  à  Dieu  par 
l'exemple  de  sa  bonne  vie  et  par  ses  prédi- 
cations; qui  fait  tout  avec  humilité,  et  rien 
avec  empire;  qui  traite  tous  les  membres  de 
son  troupeau  avec  une  charité  égale;  qui 
guérit  les  plaies  de  ceux  qui  sont  malades 
avec  des  remèdes  doux  et  salutaires,  souf- 
frant avec  patience  ceux  qu'il  croit  incura- 
bles; qui,  dans  ses  prédications,  ne  cherche 
point  sa  propre  gloire,  mais  celle  de  Jésus- 
Christ;  qui,  dans  ses  discours  et  dans  ses  ac- 
tions, ne  songe  point  à  acquérir  la  faveur 
des  hommes,  mais  qui  restitue  à  Dieu  tout 
l'honneur  qu'on  lui  rend,  parce  qu'il  vit  et 
prêche  en  évéque;  qui  fuit  les  honneurs  et 
les  louanges;  qui  console  les  affligés,  nourrit 
les  pauvres,  revêt  les  nus,  rachète  les  captifs, 
loge  les  étrangers,  redresse  ceux  qui  s'éga- 
rent, promet  le  salut  à  ceux  qui  tombent 
dans  le  désespoir,  augmente  l'amour  de  ceux 
qui  marchent  déjà  dans  le  bon  chemin, 
presse  ceux  qui  s'arrêtent,  et  qui  s'acquitte 
de  toutes  les  autres  fonctions  de  son  minis- 
tère. C'est  là,  dit  Julien,  un  vrai  successeur 
des  apôtres,  qui,  doué  lui-même  des  vertus 
apostoliques,  gouverne  d'une  manière  admi- 
rable les  Eghses  qu'ils  ont  fondées;  c'est  là 
un  oracle  du  Saint-Esprit  et  un  homme  pro- 


'  Lac  et  lanas  ovium  Christi  oblationibus  quotidia- 
nis  ac  decimis  fidelium  gaudentes  accipimus,  et  curant 
pascendorum  gregum  ac  reficiendorum,  a  quibus  per- 


verse ordine  volumus  pasci,  deponimus.  Julian.,  lib.  I, 
cap.  XXI. 


CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE ,  PRÊTRE  ET  ABBÉ. 


nalyse  du 
xièmo  li- 
pag.  22. 

Cap.  I. 


fV  SIÈCLE.] 

pre  à  apaiser  la  colère  de  Dieu  contre  son 
peuple,  à  défendre  la  foi  de  l'Eglise  de  vive 
voix  et  par  écrit,  et  prêt  de  la  sceller  de  son 
sang. 

7.  Dans  le  second  livre,  Julien  Pomère 
traite  de  la  vie  active,  donnant  des  règles, 
tant  pour  les  supérieurs  que  pour  ceux  qui 
sont  soumis  à  leur  conduite.  11  enseigne  que 
les  péchés  venant  de  diverses  causes,  on 
doit  les  guérir  par  différents  remèdes  ;  que 
l'on  doit  traiter  autrement  ceux  qui  trouvent 
un  plaisir  dans  l'habitude  du  péché  ;  autre- 
ment ceux  à  qui  l'appas  d'un  gain  temporel 
est  une  occasion  de  péché;  autrement  ceux 
qui  tombent  par  faiblesse,  et  autrement  ceux 
qui;  faute  de  connaître  ce  qu'il  faut  faire, 
pèchent  ou  en  ne  faisant  pas  le  bien  qu'ils 
doivent,  ou  font  le  mal  qu'ils  ne  connaissent 
pas.  C'est  principalement  aux  évêques  qui, 
par  leur  ministère,  sont  chargés  du  gouver- 
nement des  âmes,  à  savoir  comment  appli- 
quer ces  remèdes  différents.  Ils  doivent  con- 
firmer dans  le  bien  les  personnes  vertueuses 
en  les  honorant;  reprendre  et  corriger  cel- 
les qui  sont  vicieuses,  et  les  supporter  au 
cas  qu'elles  ne  veuillent  pas  se  corriger,  sa- 
chant qu'ils  seront  récompensés  et  de  la  sé- 
vérité de  leur  correction,  et  de  leur  patience 
envers  les  incorrigibles.  Il  donne  deux  rai- 
sons pour  lesquelles  les  évêques  doivent 
quelquefois  souffrir  les  méchants:  l'une,  que 


S93 

les  réprimandes  et  les  châtiments  ne  feraient 
que  les  endurcir;  l'autre,  que  leurs  péchés 
sont  parfois  cachés.  «  Il  y  a  en  effet,  dit-il,  des 
personnes  qui,  privées  de  la  communion  de 
l'Eghse  à  cause  de  leur  incorrigibilité,  se 
laissent  accabler  par  le  poids  de  la  tristesse, 
et  qui  évitent  la  présence  des  saints  qui 
pourraient  les  réconcilier  à  Dieu.  Souvent 
même  dans  le  cliagrin  que  leur  cause  la  ri-  cap.  vu. 
gueur  dont  on  a  usé  envers  eux,  ils  s'aban- 
donnent à  toute  sorte  de  péchés  et  commet- 
tent en  public  tous  les  excès  qu'ils  ne  com- 
mettaient auparavant  qu'en  secret.  A  l'égard 
de  ceux  '  qui  viennent  d'eux-mêmes  décou- 
vrir leurs  péchés  aux  prêtres,  ainsi  que  les 
malades  montrent  leurs  plaies  aux  médecins, 
on  doit  faire  en  sorte  qu'avec  le  secours  de 
Dieu,  ils  soient  bientôt  guéris,  de  peur  qu'en 
ne  leur  donnant  point  les  remèdes  néces- 
saires, ils  ne  tombent  dans  un  état  pire  que 
celui  où  ils  étaient  auparavant;  mais  quant 
à  ceux  dont  les  crimes  viennent  à  la  connais- 
sance du  public,  sans  qu'ils  les  veuillent  con- 
fesser, si  on  ne  peut  les  guérir  par  le  doux 
remède  de  la  patience,  il  faut  y  apphquer  le 
feu  d'une  pieuse  réprimande;  si  elle  ne  sert 
de  rien  et  qu'ils  persévèrent  dans  leurs  dé- 
sordres, après  les  avoir  supportés  longtemps 
et  les  avoir  repris  par  des  avertissements  sa- 
lutaires, on  doit  les  retrancher  de  l'Eglise 
par  le  glaive  de  l'excommunication,  comme 


'  Cvm  vero  nobis  fratres  quilibet  nostri  peccata 
sua,  lanquam  medicis,  vulnem  quitus  iirgeniur,  ape- 
riunt  ;  operam  dure  debemus  ut  quantocius  ad  sani- 
iatem,  Deo  auclore,  perveniant ,  ne  in  pejus  dissimu- 
lata  curaiione  proficiant.  Ea  autem  crimina  quorum- 
libet  si  ipsis  criminosis  confiteri  noluntibus  undecumque 
claruerint ,  quœcumque  non  fuerint  patientiœ  leni 
medicamento  sanafa,  velut  igni  quodam  piœ  increpa- 
tionis  urenda  sunt,  et  curanda.  Quod  si  nec  sic  quidevi 
œquanimiier  suslinentis ,  ac  pie  increpantis  medela 
profecerii  in  eis,  qui  diu  poriati,  et  salubriter  objur- 
gati,  corrigi  noluerunt;  lanquam  putres  corporis  par- 
tes debent  ferro  excommunicationis  o.bscidi  :  ne  sicut 
caro  morbis  emorlua,  si  abscisa  non  fuerit,  salutem, 
reliquœ  carnis  puiredinis  suœ  contagione  corrumpit  ; 
lia  isti  qui  emendari  despiciunt,  et  in  suo  morbo  per- 
stsiunt,  si  moribus  depravatis  in  sanctorum  socieiate 
permamerint,  eos  exemplo  suœ  perditionis  inficiant. 
Porro  illi,  quorum  peccata  humanam  notitiam  latent, 
nec  ab  ipsis  confessa,  nec  ab  aliis  publicata  ;  si  ea 
confiteri,  aut  emendare  noluerint,  Deum  quem  habent 
testem  ipsum  hubiiuri  sunt  et  ullorem.  Et  quid  eis 
prodest  humanum  vitare  judicium ,  cum ,  si  in  malo 
suo  permanserint,  ituri  sint  in  œternum  ,  Deo  retri- 
buente,  suppliciuni  ?  Quod  si  ipsi  sibi  judices  fiant,  et 
veluti  suœ  iniquitatis  ultores  hic  in  se  voluntariam 
pœnam  severissimœ  animadversionis  exerceant  :  tem- 
poralibus  pœnis  mutabunt  œlerna  supplicia ,  et  lacnj- 


mis  ex  vera  cordis  compunctione  fluentibus  restinguenl 
œterni  ignis  incendia.  At  hi  qui  in  aliquo  gradu  ec- 
clesiaslico  constitua  aliquod  occulte  crimen  admit- 
tunt,  ipsi  se  vana  persuasione  decipiunt,  si  eis  videtur 
propterea  communicare,  et  offlcium  suum  implere  de- 
bere,  quod  homines  occultatione  sui  criminis  fallunt. 
Exceptis  enim  peccatis,  qiiœ  tam  parva  sunt,  ut  caveri 
non  possint,  pro  quibus  expiandis  quotidie  Deo  cta- 
mamus  et  dicinms  :  Dimitte  nobis  débita  nostra,  sicut 
et  nos  dimittimus  debitoribus  nostris,  illa  crimina 
caveantur,  quœ  publicata  suos  auclore?  humano  faciunt 
damnuri  judicio.  Qui  autem  ea  commiserint,el  ideo  pro- 
dere  metuunl,  ne  sentenliam  fusfœ  excotnmunicalionis 
accipiant,  sine  causa  communicant  ;  immo  vero  dupli- 
citer  contra  se  iram  divinœ  indignalionis  exagérant; 
quod  et  hominibus  innocenliam  fingunt, et  contempla  Dei 
judicio,  abstinere  se  ab  altari  propter  liominei  eru- 
bescunt.  Quapropter  Deum  sibi  facilius  placabunl  illi, 
qui  non  humano  convicti  judicio,  sed  ultro  crimen 
agnoscunt  :  qui  aut  propriis  illud  confessionibus  pro- 
dunt ,  aul  nescientibus  aliis  quales  occulli  sunl,  ipsi 
in  se  voluntariœ  excommunicationis  sentenliam  feninl; 
et  ab  altari  cui  ministrabant ,  non  animo,  sed  officio 
separati,  vitam  suam  tanquam  mortuam  plangunt, 
certi  quod  reconciiialo  sibi  efficacis  pœnilentiœ  fruc- 
tibus  Deo,  non  solum  amissa  recipiant,  sed  eliam  cives 
supernœ  civitatis  cffecti,  ad  gaudia  sempiterna  perve- 
niant, 

38 


594 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES 


des  membres  pourris,  de  crainte  qu'ils  ne 
corrompent  les  autres  par  leurs  mauvais 
exemples,  si  on  les  laissait  vivre  dans  la  so- 
ciété des  saints  :  car  il  en  est  de  ces  pécheurs 
endurcis  comme  d'une  chair  morte  en  quel- 
que partie  du  corps;  si  on  ne  l'en  retranche, 
elle  corrompt  par  son  infection  toutes  les  au- 
tres parties  de  ce  corps.  Pour  ce  qui  est  de 
ceux  dont  les  péchés  sont  cacliés  aux  yeux 
des  hommes,  ou  parce  qu'ils  ne  les  ont  pas 
confessés  eux-mêmes,  ou  parce  qu'ils  n'ont 
point  été  publiés  par  d'autres,  ils  éprouve- 
ront pour  juges  et  pour  vengeurs  de  leurs 
crimes.  Dieu  qui  en  a  élé  le  témoin,  s'ils  re- 
fusent de  les  confesser  et  de  s'en  corriger. 
Que  leur  serl-il  donc  d'éviter  le  jugement  des 
hommes,  puisqu'ils  seront  condamnés  ù  un 
supphce  éternel,  par  un  effet  de  la  justice  de 
Dieu ,  s'ils  demeurent  dans  leur  mauvais 
état  :  au  conlraire,  s'ils  se  jugent  eux-mêmes 
et  vengent  sur  eux  leurs  péchés  par  une  pu- 
nition très-sévère,  alors  ils  changeront  en 
des  peines  temporelles  les  supplices  éter- 
nels qu'ils  méritaient,  et  éteindront  par  des 
larmes  qu'une  sincère  douleur  de  leurs  fautes 
fera  couler,  les  embrasements  du  feu  qui  ne 
s'éteindra  jamais.  Mais  pour  ceux  qui,  étant 
constitués  dans  quelque  degré  du  ministère 
ecclésiastique,  commettent  en  secret  quel- 
que crime,  ils  se  trompent,  s'ils  s'imaginent 
qu'ils  peuvent  communier  et  exercer  leurs 
fonctions,  parce  que  leur  péché  n'est  point 
connu  des  hommes.  Car,  excepté  les  péchés 
légers  qu'on  ne  peut  éviter,  et  pour  l'expia- 
tion desquels  nous  crions  tous  les  jours  à 
Dieu  en  lui  disant  :  Remettez-nous  nos  dettes, 
comme  nous  les  remettons  à  nos  débiteurs,  on 
doit  être  exempt  des  crimes  qui,  étant  deve- 
nus publics,  font  condamner  dans  les  tribu- 
naux ceux  qui  les  ont  commis.  S'ils  refusent 
de  les  confesser  dans  la  crainte  d'être  juste- 
ment excommuniés,  ils  font  une  grande  faute 
en  communiant,  parce  qu'ils  feignent  devant 
les  hommes  d'être  innocents,  et  que  par  un 
mépris  du  jugement  de  Dieu,  ils  rougissent 
par  des  considérations  humaines ,  de  s'éloi- 
gner de  l'autel.  Ceux-là,  au  contraire,  apai- 
seront plus  facilement  la  colère  de  Dieu,  qui, 
n'étant  point  convaincus  par  le  témoignage 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

des  hommes,  reconnaissent  leurs  péchés  et 
les  confessent  eux-mêmes  ;  ou  du  moins  qui, 
sans  les  faire  connaître  à  personne,  se  pri- 
vent volontairement  de  la  communion  et  s'é- 
loignent de  l'aulel  non  de  cœur,  mais  d'of- 
fice, en  n'y  faisant  plus  de  fonction,  et  pleu- 
rant leur  vie  passée  comme  une  vie  de  mort, 
assurés  que  s'étant  réconciliés  avec  Dieu  par 
les  fruits  d'une  pénitence  efficace,  ils  recou- 
vreront les  pertes  passées,  qu'ils  deviendront 
même  les  citoyens  de  la  cité  céleste,  et 
qu'ils  y  jouiront  de  la  béatitude  éternelle.  » 

Venant  après  cela  au  détachement  que  les  cap.  n. 
évêques  doivent  avoir  pour  les  biens  tem- 
porels, Julien  enseigne  que  ceux  qui  s'enga- 
gent dans  le  ministère  ecclésiastique,  doivent 
renoncer  à  leurs  propres  biens,  les  vendre 
pour  en  distribuer  le  prix  aux  pauvres,  et  se 
contenter  des  revenus  de  l'Eglise;  qu'il  ne 
leur  est  pas  permis  néanmoins  de  se  les  ap- 
proprier, parce  qu'ils  n'en  sont  que  les  ad- 
ministrateurs, et  qu'ils  doivent  en  rendre 
compte  à  Dieu.  11  cite  sur  cela  l'exemple  de 
saint  Paulin,  évêque  de  Noie,  et  de  saint  Hi- 
lan-e,  évoque  d'Arles,  et  infère  tant  de  leur 
exemple  que  des  principes  qu'il  avait  avan- 
cés, que  l'on  doit  être  persuadé  avec  ces 
grands  évêques,  que  les  biens  de  l'Eglise  ne 
sont  autre  chose  '  que  les  vœux  desiidèles, 
la  rançon  des  péchés  et  le  patrimoine  des 
pauvres,  et  que  c'est  dans  ce  principe  que 
saint  Paulin  et  saint  Hilaire  ,  ainsi  qu'un 
grand  nombre  d'autres  saints  évêques,  ne 
disposaient  point  en  maîtres  des  biens  de 
l'Eglise,  mais  ils  les  distribuaient  aux  pau- 
vres comme  des  dispensateurs  fidèles.  Julien 
enseigne  encore  que  les  ministres  de  l'Eglise 
n'en  possèdent  les  biens  qu'à  titre  de  pau- 
vreté, que  s'ils  sont  riches  d'ailleurs  et  qu'ils 
vivent  des  revenus  de  l'Eglise  pour  ménager 
leur  patrimoine,  ils  prennent  le  bien  des 
pauvres;  que  ceux  qui  servent  l'Eglise^  et 
qui  s'imaginent  qu'on  doit  les  en  récompen- 
ser par  une  portion  de  ses  revenus,  qu'ils 
reçoivent  en  etïet,  quoiqu'ils  n'en  aient  pas 
besoin,  se  trompent  et  pensent  d'une  ma- 
nière trop  charnelle,  en  attendant  des  ré- 
compenses temporelles  d'un  service  qui  en 
mérite  d'éternelles.  Car  il  n'en  est  pas  de  la 


1  ScUnks  nihil  aliud  esse  res  Ecclcsiœ ,  nisi  vota 
fidetium  pretia  peccaiorum  et  putrimonia  pauperuni, 
non  eas  oindicaverunt  in  usus  suos,  ui  proprius,  sed 
ut  commendatas  pauperibiis  diviserunt.  Jul,  cap.  ix. 

2  Qui  Ecclesiœ  serviunt  et  labori  suo,  veiut  débita 
reddi  oporlere  credenfes,   ea  (/uilms  opus  non  habeitt, 


aut  acdpiunt  libenter  aut  exiyunt  :  nimis  carnaliter 
sapiunt,  si  putant  qmd  Ecclesiœ  fideliter  servientes 
stipendia  terrena,  ac  non  potixis  prœmia  celerna  per^ 
cipiant.  Sœcularis  quippe  militia  quia  cœtestia  non 
habet,  terrena  stremte  miliianlibtis  prœstat.  Julian., 
lib.  II,  cap.  X. 


CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE,  PRÊTRE  ET  ABBÉ. 


[V  SIÈCLE.] 

milice  spirituelle  comme  de  la  séculière  : 
celle-ci  accorde  des  récompenses  temporel- 
les à  ceux  qui  combattent  avec  générosité, 
parce  qu'elle  n'en  a  point  de  célestes  à  leur 
donner.  «  J'avoue ,  dit  Julien  '  ,  que  ces 
maximes  sont  dures;  mais  elles  ne  le  sont 
qu'à  ceux  qui  ne  veulent  pas  les  mettre  en 
pratique.  Qu'on  les  y  mette;  dès  lors  elles 
deviendront  faciles.  Quelle  difficulté  y  a-t-il 
qu'un  liomme  qui  n'a  pas  besoin,  ne  reçoive 
rien  de  l'Eglise,  ou  qu'il  se  défasse  de  son 
propre  bien  quand  l'Eglise  lui  fournit  de 
quoi  vivre?  Si  cet  homme  ne  veut  pas  quitter 
ce  qu'il  a,  parce  qu'il  veut  avoir  de  quoi 
vivre,  pourquoi  reçoit- il  des  revenus  dout  il 
doit  rendre  compte?  Pourquoi  multiplier  ses 
péchés  par  ceux  d'autrui?  n  Julien  ne  doute 
pas  que  ceux-là  ne  soient  en  droit  de  vivre 
aux  dépens  de  l'Eglise  qui,  en  entrant  dans 
le  ministère,  ont  abandonné  tous  leurs  biens 
à  leurs  parents,  ou  les  ont  distribués  aux 
pauvres,  ou  donnés  à  l'Eglise  par  amour  de 
la  pauvreté  :  de  même  que  ceux  que  leur 
condition  ou  leur  naissance  rend  pauvres, 
parce  qu'alors  c'est  la  nécessité  de  vivre  et 
non  le  désir  d'avoir,  qui  les  engage  à  rece- 
voir quelque  chose  des  biens  de  l'Eglise.  On 
dira  peut-être  que  le  Seigneur  a  ordonné  à 
ceux  qui  annoncent  l' Evangile,  de  vivre  de  l'E- 
vangile? Cela  est  vrai.  Mais  qu'est-ce  que  vi- 
vre de  l'Evangile,  sinon  tirer  de  son  travail 
les  choses  nécessaires  à  la  vie?  Saint  Paul, 
qui  avait  droit  comme  les  autres  de  vivre  de 
l'Evangile,  ne  travaillait-il  pas  de  ses  mains 
pour  avoir  de  quoi  se  sustenter,  aimant 
mieux  se  réserver  la  récompense  dans  l'au- 
tre vie,  que  de  la  recevoir  en  celle-ci.  S'il  en 
a  agi  ainsi,  plutôt  que  de  souifrir  que  quel- 
qu'un, en  lui  donnant,  lui  fit  perdre  la  gloire 
qui  lui  revenait  de  la  prédication  de  l'Evan- 
Éi  gile;  que  dira-t-on  des  ministres  de  l'Eglise, 
'  qui  non-seulement  ne  veulent  point  quitter 
leurs  propres  biens  auxquels  ils  tiennent  par 
cupidité  et  non  par  nécessité,  mais  qui  en 
exigent  encore  de  l'Eglise,  non  pour  avoir 


395 


de  quoi  vivre,  mais  pour  augmenter  leurs 
revenus  par  des  voies  illicites?  n  Julien  fait 
voir  à  quel  excès  la  cupidité  pousse  un  ec-  cap  xr. 
clésiastique,  quand  une  fois  elle  s'est  empa- 
rée de  son  cœur  :  possédé  entièrement  du 
désir  des  richesses  temporelles,  il  ne  pense 
à  autre  chose,  jusqu'à  mépriser  ou  du  moins 
ne  tenir  presque  aucun  compte  de  ce  qui  re- 
garde le  service  de  Dieu.  11  lui  oppose  celui 
qui,  renonçant  de  tout  son  cœur  à  toutes  les 
possessions  de  la  terre,  se  trouve  dégagé 
d'une  infinité  de  soins  et  de  procès,  et  vit 
dans  l'espérance  d'avoir  Dieu  même  pour 
partage,  l'ayant  pour  débiteur,  puisque  c'est 
pour  l'amour  de  lui  qu'il  a  distribué  ses  biens 
aux  pauvres.  «Un  ecclésiastique  dégagé  ainsi  „,. 
du  soin  des  biens  de  la  terre,  se  trouve  dans 
l'ordre  où  Dieu  veut  que  soient  ceux  qui  le 
servent.  En  eti'et  le  Seigneur  n'ordonna  dans 
l'ancienue  loi  les  décimes  et  les  prémices  des 
fruits  et  certaines  autres  oblations  pour  l'en- 
tretien des  prêtres,  qu'afin  que  tandis  que  le 
peuple  leur  fournissait  les  choses  nécessaires 
à  la  vie,  ils  servissent  aux  autels  avec  un 
esprit  libre  de  tout  autre  soin.  Maintenant 
les  prêtres  occupés  à  gouverner  les  revenus 
de  l'Eglise,  sont  censés  servir  Dieu  quand  ils 
remplissent  cette  fonction,  non  dans  un  es- 
prit de  cupidité,  mais  dans  l'intention  de  les 
dispenser  iidèlement.  C'est  pour  cela  que  les 
possessions  qu'ils  reçoivent  '^,  lorsqu'elles 
leur  sont  oli'ertes  de  la  part  du  peuple,  ne 
doivent  plus  être  legardées  comme  faisant 
partie  des  choses  du  monde,  mais  comme 
appartenant  à  Dieu.  Car  si  dans  la  loi  de 
Moyse,  on  appelait  saints  les  ornements,  les 
vases  et  généralement  tout  ce  qui  servait 
dans  le  tabernacle  pour  les  fonctions  saintes, 
et  si  on  ne  pouvait  employer  pour  les  be- 
soins ordinaires  de  la  vie,  ce  qui  avait  été 
une  fois  consacré  pour  le  ministère  divin  : 
comment  peut-on  ne  pas  regarder  comme 
saints  les  biens  qui  ne  sont  donnés  à  l'Eglise 
qu'afin  que  les  prêtres  en  usent  saintement 
dans  la  nécessité,  comme  de  choses  consa- 


'  Du)-a  sunt  quœ  dico,  nec  ego  difflleor.  Dura  sunt, 
sed  observare  nolenlibus.  Cœterum  si  fiant  isia,  quœ 
difficilia  non  fucienlibus  sunt ,  statini  facilia  facien- 
tibus  fiunt...  Nom  quœro  quid  sit  eorum  quœ  dixi 
difficile?  Ut  liomo  id  quod  opus  non  habet,  ah  Ecclesia 
non  accijjiat,  an  ut  quod  habet  sine  causa  contemnat? 
Si  propter  hoc  non  vutt  sua  relinquere,  ut  habeat  unde 
vivat  ;  ut  quid  accipit  unde  rationem  reddat?  Ut  quid 
de peccatis  alienis  sua  multiplicat?  Ibid. 

"  Quapropler    possessiones   quas  oblatns   a  populo 


swscipiunt  sacerdotes,  non  sunt  inter  res  mundi  depu- 
tari  credendœ,  sed  Dei  :  quoniam  si  vestes,  ac  vasa 
cœtera  quœ  in  socris  usui  nnnistrantibus  erani,  sancta 
vocabantur,  nec  in  usus  humanos  revocari  jum  poie- 
rant ,  divinis  semel  ministeriis  consecrala  ;  quomodo 
non  ea  quœ  conferuniur  Ecclesiœ,  sacra  sunt  ;  quibus 
non  ut  sœculi  rébus  luxuriose,  sed  sancle,  ut  Deo 
consecraiis,  utuntur  ad  necessaria  sacerdotes  ?  Jnlian., 
lib.  II,  cap.  XVI. 


395 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


crées  à  Dieu,  loin  de  les  dissiper  pour  la  va- 
nité ou  pour  le  plaisir,  comme  font  les  gens 
du  monde?  » 

8.  Julien  traite  ensuite  de  l'abstinence  et 
de  la  tempérance  nécessaires  aux  ministres 
des  autels.  11  fait  consister  celte  abstinence, 
non-seulement  dans  la  privation  volontaire 
des  mets  délicats,  mais  encore  dans  la  fuite 
du  péché,  cette  dernière  sorte  d'abstinence 
étant  surtout  nécessaire  à  ceux  dont  le  cœur 
doit  être  embrasé  du  feu  de  la  charité.  11 
met  dans  cette  abstinence  le  renoncement  à 
sa  propre  volonté,  disant  qu'en  la  conser- 
vant, il  leur  sei'virait  peu  de  renoncer  à  tou- 
tes leurs  richesses.  Pour  montrer  l'avantage 
de  l'abstinence,  il  entre  dans  le  détail  des 
maux  dont  le  péclié  du  premier  homme  fut 
suivi.  «Tandis  qu'il  s'abstint  du  fruit  défendu, 
rien  de  plus  heureux  que  lui.  Dieu  lui  appa- 
raissait, tout  le  monde  lui  était  soumis,  per- 
sonne ne  l'otfensait,  son  esprit  était  libre,  il 
ne  craignait  point  la  mort,  son  corps  était 
sain,  et  il  avait  aisément  de  quoi  le  nourrir. 
A  peine  a-t-il  mangé  du  fruit  qu'on  lui  avait 
défendu,  qu'il  perd  tous  ces  avantages.  Il  est 
chassé  du  paradis,  et  tous  ses  descendants 
se  trouvent  renfermés  dans  la  sentence  qui 
le  condamne  à  l'exil  de  cette  vie  pénible.  Il 
devient  sujet  à  toute  sorte  de  passions,  et 
son  corps  contracte  par  son  péché  une  qua- 
lité mortelle.  Mais  si  notre  premier  père  ' 
nous  a  communiqué  tous  ses  maux  par  son 
propre  péché,  Jésus-Christ  nous  en  a  déli- 
vrés par  sa  grâce.  Adam  nous  a  transmis  son 
péché  et  la  peine  :  Jésus-Christ  l'a  eflacé  et 
nous  a  en  même  temps  déchargés  de  la  peine 
que  ce  péché  méritait.  En  un  mot,  Adam 
nous  a  fermé  la  porte  du  paradis  terrestre, 
Jésus-Christ  nous  a  ouvert  celle  du  ciel.  Ju- 
lien dit  encore  que  de  même  qu'étant  tous 
renfermés  dans  Adam  '^,  nous  sommes  tous 
tombés  de  sa  chute;  de  même,  étant  mainte- 
nant en  Jésus-Christ  qui  a  bien  voulu  mourir 
pour  nous,  nous  devons  mourir  avec  lui  à 
nos  péchés,  et  ressusciter  avec  lui  d'une  ré- 
surrection spirituelle.  Ceux-là,  ajoute   cet 
auteur,  ressuscitent  avec  Jésus -Christ  qui 
meurent  au  péché  comme  Jésus-Christ  y  est 
mort.  Mais  qu'est-ce  que  mourir  au  péché, 


si  ce  n'est  renoncer  à  toutes  œuvres  mauvai- 
ses et  dignes  de  condamnation,  et  ne  rien 
désirer  ni  rechercher  selon  les  impressions 
de  la  chair?  en  sorte  que  de  même  que  celui 
qui  est  mort  selon  la  chair,  ne  dit  plus  de 
mal  du  prochain,  ne  méprise  plus  personne, 
n'attente  plus  à  la  pureté  de  qui  que  ce  soit, 
n'exerce  plus  de  violence,  ne  calomnie  plus 
et  n'opprime  plus  le  prochain,  ne  porte  plus 
envie  à  ceux  qui  sont  heureux,  et  n'insulte 
plus  aux  misérables,  ne  s'abandonne  plus 
aux  plaisirs  de  la  chair  ou  de  la  table,  ne 
sème  plus  de  haine,  ne  flatte  plus  indigne- 
ment les  riches  et  les  puissants  du  ciel,  n'est 
plus  livré  à  une  vaine  curiosité  qui  l'agitait 
sans  cesse,  ne  prend  plus  de  part  aux  défé- 
rences et  aux  honneurs  que  lui  rendent  ses 
amis,  ni  aux  insultes  que  lui  peuvent  faire 
des  hommes  orgueilleux  et  superbes,  n'est 
plus  ni  arrogant,  ni  injuste,  ni  cruel,  ni  in- 
constant, ni  obstiné  dans  ses  résolutions,  ni 
emporté,  ni  homme  de  bonne  chère,  ni  vain, 
ni  perfide;  mais  qu'au  contraire,  il  ne  prend 
plus  de  part  à  tous  les  plaisirs  du  siècle,  aux 
impuretés,  aux  inimitiés,  aux  rapines,  aux 
mensonges,  aux  parjures;  en  un  mot,  qu'il 
est  éloigné  de  se  souiller  de  toutes  ces  sortes 
de  vices,  que  ceux  qui  vivent  selon  chair 
commettent  contre  Dieu,  mais  auxquels  ceux 
qui  sont  morts  au  péché  ne  s'abandonnent 
jamais.  De_  même,  dit  Julien,  que  l'homme 
mort  selon  la  chair,  ne  peut  plus  ni  commet- 
tre ni  souflrir  aucune  de  ces  choses;  ainsi 
ceux  qui  ne  vivent  plus  que  pour  Dieu,  ont 
crucifié  leur  chair  avec  tous  ses  vices  et  tou- 
tes ses  concupiscences,  ne  se  souillent  plus 
de  tous  ces  vices  et  n'en  commettent  au- 
cun. » 

9.  Pomère  donne  ensuite  des  règles  pour 
l'usage  des  aliments  à  ceux  qui  veulent  vivre 
dans  la  tempérance,  voulant  qu'ils  n'en  pren- 
nent, soit  pour  le  boire,  soit  pour  le  manger, 
qu'autant  qu'il  est  nécessaire  pour  vivre.  Il 
ne  défend  point  le  vin,  mais  l'excès  du  vin, 
et  dit  que  ceux-là  ne  font  rien  contre  la  tem- 
pérance, qui  ne  boivent  de  vin  qu'à  raison 
de  l'infirmité  de  leur  corps,  et  pour  en  réta- 
blir la  santé.  Il  conseille  hors  ce  cas  de  s'abs- 
tenir de  vin,  disant  qu'il  y  a  du  danger  que 


'  Adam  nos  obnoxiavit  malis  omnibus  propriam 
culpam,  a  quibus  nos  liberavit  advenlus  Christi  pcr 
gratium,  llle  in  nos  culpam  siiam  transmisil  et  pce- 
nam  :  hic  culpam  noslram  simul  abolevit  et  pœnani  : 
et  ut  totum  dicam ,  Adam  nobis  eripuit  paradisum, 
Cliristus  donavit  cœlum.    Julian.,    lib.    ll,cap.  xx. 


'  Sicut  quando  in  Adam  fuimus  omnes,  ipso  cadenle 
cecidimus  ;  ita  quia  in  Christo  Jam  esse  cœpimus, 
qui  pro  nobis  omnibus  dignatus  est  mori;  et  nos  pec- 
catis  nostris  illi  commortui,  cum  illo  spiritualiter  re- 
surgamus.  Ibid. 


[v  SIÈCLE.]       CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE ,  PRÊTRE  ET  ARRÉ. 


597 


cette  liqueur,  qui  est  propre  pour  rétablir  la 
santé  ou  du  moins  soutenir  celui  qui  n'en 
jouit  pas,  ne  mette  le  feu  dans  le  corps  de 
celui  qui  se  porte  bien.  Il  trouve  que  ceux 
qui  s'abstiennent  de  manger  de  la  viande 
des  animaux  à  quatre  pieds  et  ne  font  point 
difficulté  de  se  nourrir  de  ce  qu'il  y  a  de  plus 
délicat  dans  les  volailles  ou  dans  les  poissons, 
ne  retranchent  point  les  plaisirs  du  corps, 
qu'ils  ne  font  que  les  changer.  Il  raisonne  de 
la  même  manière  à  l'égard  de  ceux  qui  s'in- 
terdisent l'usage  du  vin  et  se  remplissent 
d'autres  liqueurs  exquises  et  délicieuses.  Au 
reste,  il  ne  veut  pas  que  l'on  se  fasse  une  loi 
si  rigoureuse  de  l'abstinence  et  du  jeûne,  que 
l'on  ne  puisse  se  dispenser  de  l'un  et  de 
l'autre  par  un  motif  de  charité.  «Si  je  donne, 
dit-il,  à  manger  aux  étrangers,  et  que  pour 
eux' j'interrompe  mon  jeune,  alors  je  ne  viole 
pas  la  loi  du  jeûne  que  je  me  suis  imposée; 
mais  je  remplis  le  devoir  de  la  charité.  Donc 
si  je  m'aperçois  que  les  frères  spirituels  qui 
viennent  me  voir  s'attristent  de  ce  que  je  ne 
romps  pas  le  jeûne  avec  eux,  alors  mon  abs- 
tinence n'est  point  une  vertu ,  mais  un  vice  , 
parce  que  l'abstinence  et  la  continuation  des 
jeûnes  ne  servent  qu'à  enfler  d'orgueil  celui 
qui  les  pratique,  s'il  ne  sait  pas  les  inter- 
rompre lorsque  la  charité  fraternelle  le  de- 
mande. » 

10.  Le  troisième  livre  traite  des  vices  et 
des  vertus.  Julien  le  commence  par  l'examen 
de  la  distinction  qu'il  y  a  entre  les  vertus  ap- 
parentes et  les  véritables.  Il  pose  pour  prin- 
cipe qu'elles  sont  autant  différentes  entre 
elles,  que  le  mensonge  l'est  de  la  vérité. 
«  L'âme,  continue  Julien,  peut  être  coupable 


en  deux  manières  ^,  ou  en  ne  faisant  point 
le  bien  qui  serve  à  sa  nourriture  spirituelle, 
ou  en  affectant  l'apparence  du  bien  pour  se 
cacher  sous  cette  apparence  de  bien  et  vivre 
mal.  C'est  ainsi  que  l'orgueilleux  veut  passer 
pour  constant,  le  prodigue  pour  libéral,  l'a- 
vare pour  soigneux,  le  téméraire  pour  géné- 
reux, et  ainsi  des  autres.  L'impudence  même 
se  donne  le  nom  de  confiance,  et  la  curiosité 
cache  sa  passion  sous  le  désir  de  savoir. 
Quoique  ces  choses  puissent  être  discernées 
par  la  seule  force  de  l'esprit  humain,  on  ne 
peut  néanmoins,  sans  le  don  et  le  secours  de 
Dieu,  avoir  ou  désirer  les  véritables  vertus, 
ni  même  éviter  les  vertus  apparentes,  puis- 
que ce  sont  de  véritables  vices  qui  se  ca- 
chent sous  le  masque  de  la  vertu.  Je  suis 
donc  persuadé,  continue  Julien,  qu'il  n'a 
servi  de  rien  aux  infidèles  d'avoir  pratiqué 
dans  leurs  corps  quelques  vertus,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  regardé  Dieu  comme  l'au- 
teur de  ces  vertus,  et  qu'ils  ne  les  ont  pas 
rapportées  à  celui  qui  est  la  fin  de  toutes 
choses.  Mais  que  dis-je,  elles  ne  leur  ont 
servi  de  rien?  Il  y  a  plus,  elles  leur  ont  été 
nuisibles,  l'apôtre  nous  enseignant  que  tout 
ce  qui  ne  vient  point  de  la  foi  est  péché. 
Saint  Paul  ne  dit  pas  que  tout  ce  qui  ne  vient 
point  de  la  foi  n'est  rien,  mais  en  disant  que 
tout  ce  qui  ne  vient  pas  de  la  foi  est  péché, 
il  nous  a  déclaré  que  tous  les  biens  ou  vien- 
nent de  la  foi,  et  alors  ce  sont  des  vertus  qui 
justifient  ;  ou  s'ils  ne  viennent  pas  de  la  foi, 
alors  loin  d'être  regardés  comme  des  biens, 
on  doit  les  regarder  comme  des  vices  qui,  au 
lieu  d'être  de  quelque  secours  à  ceux  qui  les 
font,  servent  de  fondement  à  leur  condam- 


1  Sî  enim  quoslibet  advenientes,  jejunio  intermisso, 
reficio,  non  solvo  jejunium,  sed  impleo  caritatis  offi- 
cium.  Cceterum  si  propfer  abstinentiam  spirituales 
fndres  quos  novi  mea  remissione  deleciari,  contristo; 
abstinentia  mea  non  est  virtus  dicenda,  sed  vitium. 
Julian.,  lib.  Il,  cap.  xxiv. 

2  liaque  dupliciter  rea  est  anima ,  si  et  bonum  non 
facial  unde  spiriiualiter  vivat,  et  appelât  similitudi- 
nem  boni,  sub  qua  maie  vivat  et  lateat.  Superbus  viilt 
se  credi  conslanlem,  prodigus  liberalem,  avarus  dili- 
geniem,  temerarius  fortem  :  impudentia  fiduciœ  no- 
men  sibi  ndscribit,  et  curiositatis  malum  sub  siudii 
spiritualis  colore  delitescit.  Hœc  etsi  possunt  ingénia 
humano  discerni ,  tamen  sine  dono  Dei  quantum  miki 
videtur,  nec  virtutes  possunt  appeti  vel  haberi  ;  nec 
earum  simililudines,  quœ  sunt  vitia, virtutes  imitantia 
declinari ,  in  tantum  ut  infidelibus  nihil  profuisse 
credamus ,  etiamsi  sunt  aliquas  per  corpus  operati 
virtutes,  quod  eas  nec  a  Deo  suo  se  accepisse  credide- 
runt,  nec  ad  eum  qui  est  finis  bonorum  omnium  re- 
ferre voluerunt.   Et  quid  dico,  nihil  eis  profuerunt  ? 


Immo  efiam  nocuerunt,  dicente  Aposiolo  :  Omne  quod 
non  est  ex  fide,  peccatum  est.  Non  dixit  :  Omne 
quod  non  est  ex  fide,  nihil  est  :  sed  dicendo  :  Omne 
quod  non  est  ex  fide,  peccatum  est,  declaravit  quod 
omnia  bona  aut  ex  fide  gesta  virtutes  sunt,  quœ  pro- 
fecto  justificant ;  aut  si  fuerint  sine  fide,  non  sunt 
aliqua  bona  credenda,  sed  vitia,  quœ  non  j'uvant  suos 
operarios,  sed  condemnant,  inflalosque  prœcipitant, 
atque  a  finibus  œternœ  saluiis  éliminant,  sed  quid  ego 
hœc  de  infidelibus,  unde  nullus  ambiyere  videtur,  ex- 
aggero?  cum  sanctus  Apostolus  etiam  fidèles  quosdam, 
qui  credentes  in  Deum,  non  secundum  Deum,  sed  se- 
cundum  hominem  vivunl,  carnales  nominal,  dicens  : 
Non  vobis  potui  loqui  quasi  spiritualibus,  sed  quasi 
carnalibus  :  nondum  enim  poteratis,  sed  nec  adbuc 
quidem  potestis  ;  adbue  enim  estis  carnales.  Et  tan- 
quam  qucereremus  quid  cai'nales  velit  inielligi,  seculus 
adjunxit  :  Cum  enim  sit  inter  vos  zclus  et  contenlio, 
nonne  carnales  estis,  et  secundum  hominem  ambu- 
lalisî  Julian.,  lib.  III,  cap.  i. 


HlSTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AtJTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nation,  les  précipitent  dans  l'abîme  en  les 
enflant  d'orgueil,  et  les  éloignent  du  salut. 
Mais  pourquoi  m'arrêter  à  prouver  cela  des 
infidèles,  personne  ne  doutant  de  la  vérité 
de  ce  que  j'avance,  n  Julien  en  disant  que 
l'orgueil  qui  anime  les  actions  des  infidèles 
sert  de  fondement  à  leur  condamnation  , 
marque  assez  clairement  qu'il  ne  croyail 
point  que  leurs  actions  fussent  mauvaises 
d'elles-mêmes,  mais  seulement  parce  qu'ils 
les  faisaient  par  un  mauvais  motif,  et  qu'ils 
ne  les  rapportaient  pas  à  Dieu  qui  doit  être 
la  fin  de  toutes  nos  œuvres.  Il  s'explique  en- 
core plus  nettement  dans  la  suite,  lorsqu'il 
rapporte  les  reproches  que  saint  Paul  fait  aux 
Corinthiens  dans  sa  première  épîfre.  Je  n'ai 
il  Cor.  m.  pu^  leur  dit  cet  apôtre,  vous  parler  comme  à 
des  hommes  spirituels,  mais  comme  à  des  per- 
sonnes qui  sont  encore  charnelles,  parce  que  vous 
nen  étiez  pas  alors  capables,  et  à  présent  même 
vous  ne  l'êtes  pas  encore,  parce  que  vous  êtes  en- 
core charnels.  Car  puisqu'il  y  a  parmi  vous  des 
jalousies  et  des  disputes,  n'est-il  pas  visible  que 
vous  êtes  charnels,  et  que  votre  conduite  est  en- 
core bien  humaine?  n  Les  reproches  de  cet  apô- 
tre sont  fondés  sur  ce  que,  parmi  les  Corin- 
thiens, il  y  en  avait  qui  disaient  :  Je  suis  à 
Paul  ;  et  d'autres  :  Je  suis  à  Apollon.  C'est 
ce  qu'il  appelle  en  eux  vivre  charnellement, 
parce  qu'au  lieu  de  s'attacher  à  Dieu  en  qui 
ils  avaient  cru,  ils  s'attachaient  à  ses  minis- 
tres :  ce  qui  causait  entre  eux  des  disputes 
et  des  jalousies,  non  que  l'amour  qu'ils 
avaient  pour  Paul  ou  pour  Apollon  fût  mau- 
vais en  lui-même  :  mais  il  était  mal  réglé, 
parce  qu'ils  se  cherchaient  eux-mêmes  et 
non  pas  Dieu  dans  l'attachement  qu'ilsavaient 
pour  ces  apôtres.  Celui-là  vit  spirituellement 
selon  Dieu,  qui  lui  attribue  ce  qu'il  fait  de 
bien,  parce  que  pour  le  faire  il  est  aidé  de 
Dieu.  Celui,  au  contraire  qui  attribue  à  ses 
propres  forces  le  bien  qu'il  fait,  comme  s'il 
le  pouvait  faire  sans  le  secours  de  Dieu,  vit 
Ctp. ...  charnellement  selon  l'homme.»  Julien  montre 
ensuite  que  l'orgueil  est  la  cause  de  tous  les 
maux;  qu'il  a  fait  que  certains  anges  sont 
devenus  des  démons,  et  que  l'homme,  tom- 
bant de  l'état  d'innocence  dans  la  corruption, 
,„,  a  enveloppé  dans  sa  chute  tous  ses  descen- 
dants ;  mais  que  comme  l'orgueil  a  changé 


les  anges  en   démons,  l'humilité  rend  les 
hommes  semblables  aux  anges;  que  la  cupi- 
dité est  tellement  mêlée  avec  l'orgueil,  qu'il 
n'y  a  aucun  péché  qui  ne  vienne  de  l'un  et 
de  l'autre.  D'où  vient  que  l'Ecriture  dit  en    (^'p-  "^ 
un  endroit  que  l'orgueil  estle  commencement    E«ies.  \. 
de  tout  péché,  et  en  un  autre,  que  la  eu-   iiim. 
pidité  est  la  racine  de  tous  les  maux.  Il  entre 
dans  le  détail  des  péchés  que  l'on  commet 
par  les  sens  lorsque  l'ûme  y  consent,  et  fai- 
sant remarquer  les  dangers  que  court  la  pu- 
reté, soit  dans  les  conversations,  soit  dans 
les  lectures  qui  peuvent  en  occasionner  la   cap.  v 
perte,  il  dit  que  les  anciens  ont  défendu  aux 
jeunes  gens  *  la  lecture  du  livre  de  la  Ge- 
nèse, d'une  partie  de  la  prophétie  d'Ezéchiel, 
du  Cantique  des  Cantiques,  et  de  quelques 
autres  endroits  de  l'Ecriture  oîi  il  est  parlé 
de  génération  et  des  actions  de  femmes.  11   t... 
enseigne  que  ceux  qui,  par  état,  sont  con- 
traints de  garder  la  chasteté,  parviennent 
enfin  à  l'amour  de  cette  vertu,  lorsqu'ils  se 
font  une  habitude  de  la  mettre  en  pratique. 
Il  rapporte  les  indices  par  lesquels  l'orgueil    '''"■ 
se  fait  connaître  dans  ceux  qui  en  sont  pos- 
sédés, et  dans  ceux-là  mêmes  qui  affectent  de 
la  cacher.  Il  fait  la  même  chose  à  l'égard  des 
envieux  et  de  ceux  dont  le  cœur  est  rempli 
de  vanité.  11  montre  que  la  crainte  des  peines   .xeix 
dues  au  péché  est  un  moyen  pour  arrêter 
les  péclieurs,  et  qu'il  leur  est  utile  de  faire 
souvent  réflexion,  pour  s'empêcher  de  tom-   xi. 
ber  dans  le  crime,  aux  supplices  qui  en  sont 
la  suite  inévitable.  Il  veut  encore  qu'ils  pen-   x... 
sent   sérieusement  au  jugement  futur,  où 
non-seulement  ils  ne  pourront  tromper  le 
souverain  Juge,  en   lui   cachant  les  maux 
qu'ils  auront  faits  en  cette  vie,  mais  où  ils 
n'auront  aucun  moyen  de  se  défendre  ni  d'é- 
viter les  peines  auxquelles  ils  seront  con- 
damnés. Après  cela  il  traite  de  la  charité  et 
des  quatre  vertus  principales  :  la  prudence, 
la  tempérance,  la  force  et  la  justice. 

Julien  finit  son  ouvrage  en  priant  ses  lec-  xxuv. 
teurs  de  lui  attribuer  tout  ce  qu'ils  y  auront 
trouvé  de  défectueux,  et  à  Dieu  ce  qu'il  pou- 
rait  y  avoir  établi  de  vrai  conformément  à  la 
foi  catholique.  11  témoigne  s'être  peu  embar- 
rassé d'orner  son  discours  et  de  le  relever 
par  la  noblesse  de  ses  expressions,  content 


'  Nnuerit  pi-opter  hoc  forte  ah  antiquis  fuisse  decre- 
tum,  ne  qui  adolescentium  legcrenl  Geneseos  librum, 
ac  paitem  pariter  Ezecldelis  prophetœ,  vcl  Canticum 
Canticorum,  et  caetera  lalia,  in  quitus  generationes  et 


actus  et  nomina  quarumdam  scripla  sunt  mulierum. 
Quas  licet  secundum  historiam  fuiise  credamus,  ea- 
rum  tamen  nominil/us  virtides  figuratas  accipimus. 
Ibid.,  cap.  VI. 


CHAPITRE  XLIV.  —  JULIEN  POMÈRE,  PRÊTRE  ET  ABBÉ. 


[V=  SIÈCLE.] 

d'exprimer  ses  pensées  avec  netteté  et  pré- 
cision, sans  chercher  à  flatter  l'oreille  par 
des  tours  étudiés.  La  raison  qu'il  en  donne 
est  que  les  choses  n'ont  point  été  établies 
pour  les  termes,  mais  les  termes  pour  ex- 
pliquer les  choses.  Son  style,  toutefois,  ne 
manque  point  de  vivacité,  ses  pensées  sont 
justes,  et  ses  maximes  solides. 

Nous  avons  une  édition  de  ses  trois  livres 
de  la  Vie  contemplative,  sous  le  nom  de  saint 
Prosper,  en  1487,  sans  nom  d'imprimeur,  ni 
du  lieu  où  elle  fut  publiée.  Il  y  en  a  une  au- 
tre de  Cologne,  en  1536,  chez  Jean  Gymnicus, 
avec  quelques  opuscules  d'Grisiesis  et  de 
Pierre  Damien.  On  en  fit  une  troisième  en 
la  même  ville  en  1635,  sous  le  titre  :  De  la 
Vie  contemplative  des  prêtres.  Jean  Bouillon 
ayant  traduit  cet  ouvrage  en  français,  le  fit 
imprimer  en  cette  langue  à  Paris,  chez  Sé- 
bastien Nivelle,  en  1576,  avec  le  traité  de  la 
Vie  éternelle,  par  François  Sonnius,  premier 
évéque  d'Anvers.  La  dernière  édition  est  de 
1711,  à  Paris,  chez  Desprez.  Elle  fait  partie 
de  l'appendice  des  écrits  de  saint  Prosper, 
imprimés  en  la  même  ville  la  même  année. 
L'éditeur  en  a  rendu  le  prologue  complet  par 
le  fragment  qu'en  a  recouvré  dom  Luc  d'A- 
chery,  et  qu'il  a  fait  imprimer  dans  le  trei- 
zième tome  de  son  Spicilége,  avec  la  remar- 
que que  ce  fragment  manquait  dans  les  édi- 
tions de  saint  Prosper,  à  Louvain,  en  1S65, 
et  à  Lyon,  en  1539,  où  les  livres  de  la  Vie 
contemplative  sont  imprimés  sous  le  nom  de 
ce  père.  [On  trouve  encore  ces  livres  dans 
l'édition  de  saint  Prosper,  Venise,  1744,  in- 
folio, et  1782,  in-4'',  dans  le  tome  LIX  de  la 
Patrologie  latine.,  avec  une  notice  par  Cave.] 
scriis  11.  Saint  Rurice,  évêque  de  Limoges  ', 
MB?  ^  écrivit  deux  lettres  à  Julien  Pomère,  pour 
lui  donner  des  marques  de  son  amitié  et  de 


399 


son  estime.  Saint  Ennode  évêque  de  Pavie*, 
lui  écrivit  aussi,  mais  dans  le  temps  qu'il 
n'était  que  diacre  de  celte  Eglise,  pour  l'en- 
gager à  faire  passer  quelques-uns  de  ses 
écrits  des  Gaules  en  Italie.  Il  donne  dans 
cette  lettre  de  grands  éloges  au  génie,  au 
savoir  et  à  la  vertu  de  Poinère,  en  le  priant 
de  lui  faire  part  de  quelques-uns  de  ses  écrits 
qui  fussent  sur  des  matières  convenables  à 
un  ecclésiastique.  Il  le  prie  de  lui  envoyer 
entre  autres  des  éclaircissements  sur  les  pa- 
rents de  Melchisédech  ^,  sur  la  structure  de 
l'arche,  le  sacrement  de  la  circoncision,  et 
sur  quelques  autres  mystères  de  l'Ecriture. 
Saint  Ennode  l'appelle  dans  cette  lettre, 
nourrisson  du  Rhône,  parce  que,  suivant  l'o- 
pinion la  plus  commune  *,  Julien  avait  fixé 
sa  demeure  à  Arles,  qui  est  arrosée  par  ce 
fleuve,  et  qu'il  y  enseignait  les  belles-lettres 
avec  réputation.  Nous  ne  savons  pas  s'il  ré- 
pondit aux  lettres  de  saint  Rurice  et  de  saint 
Ennode,  Gennade  ne  disant  rien  de  ces  let- 
tres, et  aucune  n'étant  venue  jusqu'à  nous. 
Mais  Julien  pouvait  ne  les  avoir  reçues  que 
depuis  que  Gennade  eut  fini  son  livre  des 
Hommes  illustt^es^ ,  où  il  dit  que  Pomère  écri- 
vait encore  alors,  menant  une  vie  conforme 
à  l'état  qu'il  avait  embrassé,  et  à  la  dignité 
de  prêtre  dont  il  était  honoré.  Hariulfe,  moine 
de  Saint-Riquier,  marque  parmi  les  livres  de 
son  monastère,  l'exposition  et  les  pronostics 
de  Julien  Pomère  ^.  Ils  étaient  divisés  en 
trois  livres,  et  ainsi  différents  de  ceux  que 
Julien,  évêque  de  Tolède,  écrivit  sons  un 
semblable  titre.  On  ne  sait  ce  que  c'est  que 
les  sermons  que  Gresner  dit  avoir  été  impri- 
més à  Cologne,  sous  le  nom  de  Pomère  ^, 
mais  qui  auparavant  étaient  attribués  à  Pon- 
sérius. 


<  Ruric,  lib.  I,  Epist.  17,  et  lib.  II,  Epist.  9. 

2  Ennod.,  lib.  II,  Epist.  6. 

'  Nunc  va/e,  mi  domine,  et  circa  me  ecclesiasticœ 
mugis  disciplinœ  exerce  fauiorem.  Scribe  vel  nvinda 
Melchisédech  parentes  guos  habuerit,  explanatianem 
arcœ,  circumcisionis  secretum,  ei  quœ  propheticis 
mysteriis  includunlur.  Ennod.,  lib.  II,  Epist.  6. 

'  Erat  autem  il  lis  odmodum  familiaris  Pomerius 
quidam,  professione  rhetor,  Afer  génère;   quem  ipsis 


singulariter  carum,  grammaiicœ  artis  docirina  red- 
debat.  Cypriaa.,  in  Vit.  Cœsar.  Arelat.,  lib.  J,  num.  7. 

5  Dicitur  et  adhiic  scribere,  quœ  ad  meam  noiitiam 
non  venerunt.  Vivit  usque  hodie  conversatione  Dca 
digna,  apta  professione  et  gradu.  Gennad.,  de  Viris 
illustr.,  cap.  XCVIII. 

6  Tom.  IV  Spicil.,  pag.  486. 

'  Grener.,  Biblioth.,  pag.  568. 


600 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE   XLV. 

Saint   Honorât,    évêque   de    Marseille,    et   Gennade,    prêtre 
de    la   même    Église. 

[Fin  du  V"  siècle.! 


Saint  Ho- 
norât évêque 
de  Mirscillo: 
ses  écrits. 


1.   Dans   quelques   éditions   du  livre   des 
Hommes  illustres,  écrit  par  Gennade  ',  saint 
Honorât,  évêque  de  Marseille,  est  placé  im- 
médiatement après  Julien  Pomère  :  mais  en 
d'autres  il  ne  se  trouve  point  du  tout ,  et  on 
remarque  que  le  style  de  cet  article  est  en- 
tièrement différent  des  autres.  II  y  est  dit  que 
ce  saint  évêque  était  éloquent  et  qu'il  avait 
beaucoup  de  facilité  à  faire  un  discours  sans 
s'y  être  préparé,  parce  qu'ayant  été  élevé 
dans  la  crainte  du  Seigneur  et  employé  dans 
les  affaires  ecclésiastiques,  aussitôt  qu'il  ou- 
vrait la  bouche,  il  en  sortait,  comme  d'une 
armoire  ou  d'un  magasin,  des  instructions 
toutes  divines.  Ses  discours  étaient  ordinai- 
rement en  forme  d'homélie,  dans  lesquels  il 
s'appliquait  à  expliquer  les  mystères  de  la 
religion  et  à  réfuter  les  opinions  contraires 
des  hérétiques.  On  trouvait  tant  de  plaisir  à 
l'entendre,  que  les  peuples  et  les  ecclésiasti- 
ques du  voisinage  venaient  à  Marseille  pour 
assister  à  ses  sermons,  et  lorsque  ses  affaires 
l'obligeaient  de   sortir    de  son  diocèse,  les 
évêques  étrangers  le  priaient  avec  instance 
de  prêcher  dans  leurs  églises.  Le  pape  Gé- 
lase,  dans  une  lettre  qu'il  lui  écrivit,  recon- 
nut la  sincérité  de  sa  foi  et  lui  donna  des 
marques  particulières  de  son  estime.  Ainsi 
l'on  doit  dire  que  saint  Honorât  vécut  jusque 
sous  le  pontificat  de  ce  saint  pape,  dont  on 
met  le  commencement  en  492,  et  la  fin  en 
496.  Nous  avons  montré  ailleurs  que  ce  fut 
saint  Honorât  qui  composa  la  Vie  de  saint 
Hilaire  d'Arles,  à  qui  il  était  redevable  de 
son  éducation.  C'est  le  seul  monument  de  sa 
piété  et  de  son  savoir  qui  soit  venu  jusqu'à 
nous.  Il  avait  composé  plusieurs  autres  Vies 
des  saints  pères  pour  l'édification  des  fidèles  : 
nous   ne   les   avons   plus.   Vivant    dans   un 
temps  de  calamité,  il  célébrait  souvent  des 
litanies  avec  son  peuple  pour  implorer  la  mi- 
séricorde de  Dieu. 


2.  Gennade  prêtre  de  la  même  EgHse,  pa- 
raît avoir  été  un  homme  d'un  grand  travail 
et  de  beaucoup  d'érudition.  Outre  la  langue 
latine,  il  possédait  assez  bien  la  langue  grec- 
que pour  traduire  plusieurs  écrits  des  au- 
teurs grecs.  Il  écrivit  lui-même  un  grand 
nombre  d'ouvrages  dont  il  nous  a  laissé  le 
catalogue,  savoir  :  huit  livres  contre  toutes  les 
Hérésies,  six  livres  contre  Nestorius,  trois  li- 
vres contre  Pelage,  un  traité  des  Mille  ans  et 
de  l'Apocalypse  de  saint  Jean,  un  traité  de  sa 
doctrine,  adressé  au  pape  Gélase,  et  le  hvre 
des  Ecrivains  ecclésiastiques. 

3.  De  tous  ces  ouvrages,  il  ne  nous  en 
reste  que  deux,  dont  le  plus  célèbre  est  celui 
qu'il  composa  vers  l'an  494,  pour  donner  la 
suite  des  hommes  illustres  ou  écrivains  ecclé- 
siastiques, depuis  saint  Jérôme  jusqu'à  son 
temps.  II  le  commence  dans  les  éditions  or- 
dinaires par  saint  Jacques  évêque  deNisibe, 
mort    sous    l'empereur   Constance,   fils    du 
grand  Constantin  ;  il  met   ensuite   le  pape 
Jules,  qui  gouvernait  l'Eglise  romaine  avant 
l'an  332.  Mais,  dans  un  exemplaire  que  Not- 
ker  ^,  écrivain  du  ix'  siècle,  avait  vu,  Gen- 
nade commençait  par  l'article  de  saint  Am- 
broise,  évêque  de  Milan,  dont  saint  Jérôme 
n'avait  pas  jugé  à  propos  de  parler  dans  son 
Catalogue  des  écrivains  ecclésiastiques.  Mais  cet 
article  ne  se  trouve  dans  aucun  des  impri- 
més, et  on  ne  cite  aucun  manuscrit  où  il  soit. 
Cela  peut  nous  faire  croire  que  le  livre  de 
Gennade  n'est  pas  venu  entier  jusqu'à  nous, 
et  que  l'on  s'est  donné  la  liberté  d'en  retran- 
cher,  comme   il   est   certain   que   l'on  y  a 
ajouté  ;  car  nous  trouvons  aujourd'hui  saint 
Césaire,  évêque  d'Arles,  qui  n'écrivait  que 
plusieurs  années  après  le  mort  de  Gennade. 
L'édition  que  l'on  fit  de  son  livre  des  Hommes 
illustres,  à  Bâle,  en  1497,  parmi  les  ouvrages 
de  saint  Jérôme,  ne  contient   que   quatre- 
vingt-dix  chapitres,  finissant  à  Jean  d'Antio- 


prêtre 
Marseille. 


Livre 
écriT.iins 
déàiastiga 


1  Gennad.j  de  Viris  illustr.,  cap.  xcix.  —  ^Motker,       de  Interpret.  Script.,  cap.  viij  torn.  I  Anecd.  Pezii, 


[V  siKCLE.J        CHAPITRE  XLV.  —  GENNADE ,  PRÊTRE  DE  MARSEILLE. 


che,  au  lieu  qu'il  en  contient  cent  dans  les 
éditions  postérieures.  Il  y  a  des  exemplaires, 
comme  celui  de  Gorbie,  où  saint  Jérôme  est 
placé  dans  ce  catalogue,  et  d'autres  où  il 
n'en  est  rien  dit  du  tout.  Ce  traité  est  écrit 
d'un  style  simple,  et  renferme  plusieurs 
traits  historiques  touchant  les  écrivains  dont 
il  y  est  parlé  et  que  l'on  chercherait  en  vain 
dans  les  autres  écrivains  du  même  siècle. 
Gennade  y  donne  aussi  le  détail  d'un  très- 
grand  nombre  d'ouvrages  dont  il  ne  nous 
reste  que  les  titres,  et  que  nous  ne  connaî- 
trions pas  même,  s'il  ne  se  fût  donné  la  peine 
de  nous  les  conserver.  Cassiodore  parle  de 
ce  traité  '  comme  l'ayant  joint  avec  celui  que 
saint  Jérôme  a  composé  sur  le  même  sujet. 
Ils  sont  joints  aussi  dans  le  manuscrit  de 
Corbie,  qui,  selon  la  remarque  de  dom  Ma- 
billou,  passe  neuf  cents  ans.  C'est  de  ce  ma- 
nuscrit qu'il  a  tiré  l'article  premier-  où  Gen- 
nade parle  de  saint  Jérôme,  et  qu'il  a  inséré 
dans  ses  Analectes.  Il  est  peu  d'éditions  de 
saint  Jérôme  où  ce  traité  ne  se  trouve. 
Erasme,  qui  l'avait  omis  dans  l'édition  qu'il 
donna  à  Bâie  en  1516,  l'inséra  dans^l'éditicn 
de  Paris,  en  1546.  Torin  fit  imprimer  le  livre 
de  Gennade  avec  le  Catalogue  de  saint  Jé- 
rôme, à  Bâle,  en  1529,  avec  les  Vies  des  Pro- 
phètes, par  saint  Epiphane,  et  quelques  au- 
tres opuscules  de  Sophrone  et  de  saint  Gré- 
goire de  Nazianze.  Ils  furent  réimprimés  l'un 
et  l'autre  avec  les  traités  des  Ecrivains  ecclé- 
siastiques de  saint  Isidore  de  Séville,  d'Hono- 
rius  d'Autun,  de  Sigebert  de  Gemblours  et 
de  Henri  de  Gand,  à  Cologne,  en  1583.  Jean 
de  Fucbte  en  donna  une  nouvelle  édition  à 
Helmstadt,  en  1612.  II  en  parut  une  autre  à 
Anvers,  en  1639,  par  Aubert  le  Mire,  qui  joi- 
gnit au  traité  de  Gennade  imprimé  séparé- 
ment dans  l'édition  précédente,  ceux  de  saint 
Jérôme,  de  saint  Isidore,  de  saint  Hilde- 
phonse  de  Tolède,  d'Honorius  d'Autun,  de 
Sigebert  et  de  Henri  de  Gand  avec  des  notes 
de  sa  façon  sur  tous  les  écrivains  dont  il  est 
fait  mention  dans  tous  ces  traités.  L'édition 
de  Salomon  Ernest  Cyprien,  en  1703,  à  Gê- 
nes, ne  renferme  que  le  traité  de  Gennade 
el  celui  de  saint  Jérôme;  mais  ou  Ire  les  notes 
d' Aubert  le  Mire,  il  y  en  a  ajouté  plusieurs 
de  lui-même,  qui  sont  courtes.  Dom  Jean 
Martianai  l'ayant  revu  sur  le  manuscrit  de 


601 

Corbie,  le  fit  imprimer  en  1706,  à  la  tête  du 
cinquième  volume  des  œuvres  de  saint  Jé- 
rôme, avec  les  différentes  leçons  qui  se  trou- 
vaient dans  cet  ancien  manuscrit.  C'est  cette 
édition  que  Fabricius  a  suivie  dans  le  recueil 
qu'il  a  fait  des  divers  catalogues  ou  traités 
des  Hommes  illustres,  imprimé  à  Hamboui-g 
en  1718,  in-folio.  [Le  tome  LXVIII  de  la  Pa- 
troloyie  latine ,  col.  979  et  suiv.,  reproduit  le 
traité  des  Dogmes  ecclésiastiques, di'a.]}ves\'éà\- 
tion  de  Hambourg,  1614,  in-4<',  avec  les  notes 
de  G.  Elmenhorst,  et  le  traité  des  Ecrivains 
ecclésiastiques,  d'après  l'édition  de  Fabricius. 
Le  tout  est  précédé  d'une  notice  par  Caye.] 

4.  L'autre  traité  qui  nous  reste  de  Gennade 
de  Marseille,  est  celui  qui  est  intitulé  :  Des 
Dogmes  ecclésiastiques^;  il  est  attribué  à  saint 
Augustin  dans  un  grand  nombre  de  manus- 
crits, et  il  est  quelquefois  cité  sous  son  nom 
par  le  Maître  des  Sentences.  Trithème  le 
donne  à  Alcuin.  Ratramne,  moine  de  Corbie, 
croyant  que  l'auteur  était  grec,  le  cite  sous 
le  nom  de  Gennade,  évêque  de  Constanlino- 
ple.  Mais  la  plupart  des  anciens  disent  qu'il 
est  de  Gennade  de  Marseille,  et  il  y  a  plu- 
sieurs anciens  manuscrits  qui  le  lui  attri- 
buent *.  Adrien  I",  dans  sa  lettj'e  à  Charle- 
magne,  voulant  prouver  le  culte  des  images 
et  des  reliques  des  saints  par  le  témoignage 
des  anciens  Pères,  cite  sous  le  nom  de  Gen- 
nade de  Marseille  ce  qui  en  est  dit  dans  le  traité 
dont  nous  parlons.  Toutes  ces  autorités  ont 
réuni  les  suffrages  en  faveur  de  Gennade, 
en  sorte  que  l'on  ne  doute  presque  plus  au- 
jourd'hui que  le  traité  des  Dogmes  ecclésiasti- 
ques ne  soit  de  lui,  et  qu'il  ne  l'ait  voulu 
marquer  lui-même  par  le  traité  de  sa  Doc- 
trine, qu'il  dit  avoir  adressé  au  pape  saint 
Gélase,  en  forme  de  lettre.  C'est  eu  elFet  un 
abrégé  des  principaux  dogmes  de  la  religion. 
On  l'a  réduit  dans  les  dernières  éditions  à 
cinquante-cinq  articles  :  mais  il  en  contenait 
auparavant  un  plus  grand  nombre,  parce 
qu'on  y  en  avait  inséré  plusieurs  tirés  de  la 
lettre  de  saint  Célestin  aux  évêques  des 
Gaules,  et  des  conciles  de  Milève,  de  Car- 
thage  et  du  second  d'Orange. 

5.  Ce  traité  est  en  forme  de  confession  de 
foi.  Gennade  y  réfute  nommément  tous  ceux 
qui  ont  erré  ^  soit  sur  les  mystères  de  la 
Trinité  et  de  l'Incarnation,  soit  sur  les  autres 


Trailé  rfes 
nogmpsenulû- 
siaEtiques. 


Analyse  de 


'  Cassiod.,  InstU.,  cap.  xvn. 

"^  Mabill.,  Analect.,  pag.  97,  edit.  1723. 

3  Voyez  l'appendice  du  tome  VIII  de  saiut  Augustin, 


pag.  75.  —  4 Mabill.,  Analecl.,  pag.  492.  —  STom.  VIII 
oper.  sancti  August.,  in  append.,  pag.  75. 


602 


HISTOffiE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dogmes  de  la  religion  sur  lesquels  il  marque 
sa  créance.  Il  reconnaît  '  qu'il  n'y  a  qu'un 
seul  Dieu  Père,  Fils  et  Saint-Esprit;  que  le 
Père  est  appelé  ainsi,  parce  qu'il  a  un  Fils  ; 
le  Fils,  parce  qu'il  a  un  Père  ;  et  le  Saint-Es- 
prit, parce  qu'il  est  du  Père  et  du  Fils.  C'est 
le  Fils  qui  s'est  incarné,  afin  que  celui  qui 
était  Fils  de  Dieu,  devint  aussi  fils  de  l'homme . 
Il  n'y  a  pas  néanmoins  deux  Fils;  c'est  le 
même  Fils  qui  est  Dieu  et  Homme  en  deux 
substances  unies  sans  confusion  et  sans  mé- 
lange. Le  Fils  de  Dieu  est  né  de  l'homme  et 
non  par  l'homme,  c'est-à-dire  par  les  voies 
ordinaires  :  il  a  pris  chair  dans  le  sein  d'une 
vierge,  et  ne  l'a  point  apportée  du  ciel  :  en 
sorte  que  comme  il  est  vrai  Dieu,  parce  qu'il 
est  né  de  Dieu,  il  est  aussi- vrai  homme, 
parce  qu'il  est  né  de  l'homme.  En  prenant 
la  chair  avec  tous  ses  sens,  par  lesquels  il 
pût  souffrir  véritablement,  il  a  pris  aussi  une 
âme  raisonnable.  Comme  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit  sont  consubstantiels  au  Père  selon  la 
divinité,  de  même  le  Fils  nous  est  consubs- 
tantiel  selon  son  humanité.  Gennade,  après 
s'être  expliqué  sur  ces  mystères,  dit  qu'on 
ne  doit  reconnaître  qu'une  seule  résurrection 
de  tous  les  morts,  et  qu'elle  se  fera  en  même 
temps  dans  la  même  chair  qui  aura  souffert 
la  mort;  que  cette  chair  sera  véritable,  quoi- 
que incorruptible,  et  que  la  résurrection  de- 
vant être  générale  tant  pour  les  justes  que 
pour  les  injustes,  la  chair  dans  les  uns  pourra 
être  récompensée  de  la  gloire  éternelle  pour 
leurs  mérites,  comme  elle  pourra  souffrir  les 
supplices  dans  les  autres  pour  leurs  péchés. 
Il  croit  néanmoins  que  l'on  peut  dire  de  ceux 
qui  seront  en  vie  à  l'avènement  du  Seigneur, 
qu'ils  ne  mourront  point,  mais  qu'ils  seront 
seulement  changés  de  mortels  en  immortels, 
ce  qui  leur  tiendra  lieu  de  résurrection,  sans 
avoir  subi  la  loi  de  la  mort.  Mais  il  soutient 
qu'ils  seront  jugés  alors  comme  tous  les  au- 
tres hommes,  soit  justes,  soit  pécheurs.  11 
rejette  l'opinion  qui  veut  que  les  démons  et 
les  impies,  après  avoir  été  purifiés  par  les 


supplices,  seront  rétablis,  ceux-là  dans  leurs 
dignités,  et  ceux-ci  dans  la  société  des  justes, 
comme  s'il  était  de  la  piété  de  Dieu  de  ne 
point  permeltre  qu'aucune  des  créatures  rai- 
sonnables périt  pour  toujours.  Il  ajoute  que 
l'on  doit  en  croire  au  juge  de  toutes  les 
créatures,  qui  a  prononcé  que  les  impies 
iront  aux  supplices  éternels,  et  que  les  justes 
seront  récompensés  d'une  félicité  qui  n'aura 
point  de  fin.  D'après  Gennade ,  Dieu  avait 
déjà  créé  le  ciel  et  la  terre,  lorsqu'il  donna 
l'être  aux  auges  et  à  toutes  les  autres  vertus 
célestes;  .il  n'y  a  que  Dieu  qui  soit  incor- 
porel et  invisible  de  sa  nature  ,  et  toutes 
les  créatures,  même  les  anges  et  lesvertus 
célestes,  sont  corporelles,  puisqu'elles  sont 
dans  un  lieu,  comme  l'âme  humaine  est  ren- 
fermée dans  la  chair  ;  toutefois  les  na- 
tures intellectuelles  sont  immortelles,  parce 
qu'elles  n'ont  point  de  chair  qui  les  rende 
sujeltes  à  la  mort  ;  les  âmes  des  hom- 
mes n'ont  point  été  créées  dès  le  commen- 
cement avec  les  autres  natures  intellectuel- 
les ;  elles  ne  sont  pas  non  plus  produites 
par  propugation  ;  mais  Lieu  les  crée  et  les 
met  en  même  temps  dans  le  corps,  lorsque 
ce  corps  est  formé,  afin  que  l'homme  com- 
posé d'âme  et  de  corps  dans  le  sein  de  sa 
mère,  il  en  sorte  vivant  et  homme  parfait. 
L'homme  seul  a  une  âme  qui  subsiste  sé- 
parément du  corps,  lorsqu'elle  en  est  désu- 
nie :  au  contraire ,  l'âme  des  bêtes  meurt 
avec  leur  corps;  l'homme  n'est  composé 
que  de  deux  substances,  l'âme  et  le  corps, 
et  il  n'y  en  a  point  une  troisième  en  lui, 
l'Apôtre  entendant  par  l'esprit  qu'il  joint  à 
l'âme  et  au  corps,  la  grâce  du  Saint-Esprit 
dont  nous  avons  besoin  pour  vivre  sainte- 
ment. L'homme  ayant  été  créé  libre,  il 
a  perdu  par  son  péché  ^  la  vigueur  de  son 
libre  arbitre;  mais  il  n'a  pas  perdu  pour 
cela  le  pouvoir  de  choisir  le  bien  et  de  fuir 
le  mal,  ni  de  chercher  son  salut,  puisque 
Dieu  l'avertit,  l'excite  et  l'invite  à  faire  et  à 
choisir  ce  qui  est  nécessaire  pour  l'acquérir. 


i 


1  Credimus  unum  esse  Deum,  Palrem  et  Filium  et 
Spiritum  Sanctum  :  Patt-em  eo  quod  Filium  habeat  ; 
Filium  eo  quod  Patrem  habeat;  Spiritum  Sanctum,  eo 
quod  sit  ex  Pâtre  et  Filio.  Pag.  75. 

2  Libertati  arbitrii  sut  commissus  est  homo  statim 
in  prima  conditione...  Postquam  vero  cecidit ,  natures 
bonum  perd i dit ,  pariler  et  vigorem  arbitrii  :  non  ta- 
men  electionem...  Manet  itaque  ad  quœrendam  salutem 
arbitrii  libertas,  id  est,  rationalis  voluntas ,  sed  ad- 
monente  prius  Deo  et  invitante  ad  salutem ,  vel  ut 
eligat,  vel   sequatur,  vel  agat  occasione  salutis,  hoc 


est  inspiratione  Dei.  Ut  autem  consequatur  quod  eli- 
git ,  vel  quod  sequitur,  vel  quod  occasione  agit ,  Dei 
esse  libère  confilemur.  Initium  ergo  salutis  nostrœ 
Deo  miserante  habemus  :  ut  adquiescamus  salutiferœ 
inspirationi ,  nostrœ  potestatis  est;  ut  adipiscamur 
quod  udquiescendo  admonitioni  cupimus ,  divini  est 
muneris  ;  ut  non  labamur  ab  indempio  salutis  munere, 
sollicitudinis  nostrœ  est  et  cœlestis  pariter  adjutorii  ; 
ut  labamur ,  potestatis  nostrœ  est  et  ignaviœ.  Gennad., 
de  Dogm.  Eccles..  art.  21. 


[v=  SIÈCLE.]        CHAPITRE  XLV.  —  GENNADE,  PRÊTRE  DE  MARSEILLE. 


le.pag  78. 


Le  commencement  de  notre  salut  nous 
vient  de  la  miséricorde  de  Dieu,  mais  il 
est  en  notre  pouvoir  d'acquiescer  à  ses  salu- 
taires inspirations;  acquérir  ce  que  nous 
souhaitons  en  nous  rendant  à  ses  avertisse- 
ments, c'est  un  don  de  Dieu;  ne  pas  dé- 
choir de  l'état  de  salut  que  nous  avons  une 
fois  obtenu,  c'est  l'etïet  de  notre  travail 
et  du  secours  de  Dieu,  comme  nous  devons 
attribuer  noire  chute  à  noire  négligence  et 
à  notre  mauvaise  volonté. 

6.  «  Il  n'y  a,  continue  Gennade,  qu'un 
seul  baptême  ',  mais  dans  l'Eglise  où  la  foi 
est  une  et  où  l'on  baptise  au  nom  du  Père, 
du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  C'est  pourquoi  si 
quelqu'un  de  ceux  qui  ont  été  baptisés  parmi 
les  hérétiques,  qui  baptisent  dans  la  confes- 
sion de  la  .sainte  Trinité,  viennent  à  nous,  on 
les  reçoit  comme  baptisés,  de  peur  d'anuu- 
1er  Finvocation  de  la  sainte  Trinité  :  mais, 
avant  de  les  recevoir,  on  les  instruit  de  la 
manière  dont  l'Eglise  croit  ce  mystère  :  et 
s'ils  témoignent  le  croire  de  même,  alors 
comme  purgés  par  l'intégrité  de  la  foi,  on  se 
contente  de  les  confirmer  par  l'imposition 
des  mains.  Mais  si  ce  sont  des  enfants  on  des 
idiots  incapables  d'être  instruits  sur  cette 
matière,  il  faut  que  ceux  qui  les  présentent, 
comme  on  fait  ordinairement  au  baptême, 
répondent  pour  eux  :  après  quoi  on  leur  im- 
pose les  mains  ,  on  les  oint  du  chrême  et 
on  les  admet  aux  mystères  de  l'Eucharistie. 
Quant  à  ceux  qui  n'ont  point  été  baptisés 
chez  les  hérétiques  par  l'invocation  de  la 
sainte  Trinité,  on  doit  les  baptiser  et  non  pas 
les  rebaptiser,  parce  que  l'on  ne  doit  pas 


603 

croire  qu'ils  aient  été  baptisés,  ne  l'ayant 
pas  été  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  suivant  la  règle  établie  par  Notre- 
Seigneur.  Je  ne  loue  ni  ne  blâme  ^  l'usage 
de  recevoir  tous  les  jours  l'Eucharistie.  J'ex- 
horte et  je  conseille  de  communier  tous  les 
dimanches,  pourvu  que  l'on  ne  soit  point 
dans  l'affection  du  péché.  Car  je  suis  per- 
suadé que  celui  qui  a  encore  la  volonté  de 
pécher,  se  rend  plutôt  coupable  en  recevant 
l'Eucharistie,  qu'il  n'en  est  purifié.  Mais  à 
l'égard  de  celui  qui  a  commis  un  péché  et 
qui  n'est  plus  dans  la  volonté  d'en  commet- 
tre à  l'avenir,  si,  dans  le  dessein  de  commu- 
nier, il  satisfait  pour  ses  péchés  par  ses  lar- 
mes et  ses  prières,  je  dis  qu'il  peut  s'appro- 
cher de  l'Eucharistie  sans  crainte ,  en  se 
confiant  à  la  miséricorde  du  Seigneur,  qui  a 
coutume  de  pardonner  les  péchés  ci  quicon- 
que s'en  accuse  humblement.  Ce  que  j'en- 
tends de  celui  qui  ne  se  sent  coupable  d'au- 
cun péché  capital  et  mortel  :  car  pour  celui 
qui,  depuis  son  baptême,  a  commis  des  pé- 
chés mortels,  je  l'exhorte  d'en  faire  aupara- 
vant une  pénitence  publique  et  de  n'ap- 
procher de  la  communion  qu'après  qu'il  aura 
été  réconcilié  par  la  sentence  du  prêtre,  s'il 
ne  veut  pas  recevoir  dans  l'Eucharistie  sa 
condamnation  et  son  jugement.  Nous  ne 
nions  pas  toutefois  que  les  péchés  mortels  ne 
puissent  être  remis  par  une  satisfaction  se- 
ci  ète  :  mais  il  faut  auparavant  que  le  cou- 
pable change  d'habit  séculier,  qu'il  corrige 
sa  vie  passée,  qu'il  confesse  et  pleure  conti- 
nuellement ses  péchés,  et  qu'il  fasse  des  ac- 
tions toutes  contraires  à  celles  dont  il  se  re- 


'  Boptisma  unum  est,  sed  in  Ecclesia,  ubi  una  fides 
es>,  ubi  in  nomim  Patris,  et  Filii,  et  Spiritus  Sancii 
datitr.  Et  ideo  si  qui  apud  illos  hœrelicos  bupiizali 
sunt,  qui  in  sanctœ  Trinitatis  confessione  /japtizaut,  et 
veniunt  ad  nos,  recipiantur  quidem  baptizati,  ne 
sanctœ  Trinitatis  invocatio  vel  confessio  annulletur  : 
sed  docenntur  unie  et  instruantur  quo  sensu  sanctœ 
Trinitatis  mysterium  in  Ecclesia  teneatur,  et  si  con- 
senliuitt  credere  vel  adquiescunt  confiteri,  purgaii 
jam  fidei  integrilate  confirmentur  manus  impositione. 
Si  vero  parvuli  sunt  et  hebetes,  qui  doctiinam  non  ca- 
ptant,  respondeant  pro  illis  qui  eos  offerunt  juxta 
morem  baptizandi  :  et  sic  manus  impositione  et  chris- 
male  communiti,  Eucharistiœ  mysteriis  adrtiittantur. 
Illos  autem  qui  non  in  sanctœ  Trinitatis  invocatione 
apud  hœreticos  baptizati  sunt  et  veniunt  ad  nos,  bap- 
tizari  debere  pronuntiamus ,  non  rebaptizari.  Neque 
enim  credenduni  est  Deo  fuisse  baptizatos,  qui  non  in 
nomine  Patris,  et  Filii  et  Spiritus  Saticti  jvxta  regu- 
lum  a  Domino  positam  tincti  sunt.  Ibid.^  art.  22. 

2  Quotidie  Eucharistiœ  communionem  percipere  nec 
laudo,  nec  vitupéra.  Omnibus  (amen  dominicis  diebus 


communicandum  suadeo  et  horfor,  si  lumen  mens  in 
affe.ctu  peccandi  non  sit.  Nam  habenleni  adhuc  volun- 
tatem  peccandi,  gravnri  tnagis  dico  Eucharistiœ  per- 
ceptione  quam  purificari.  Et  ideo  quamvis  quis  peccato 
mordeatur,  peccandi  non  habeat  de  cœtero  voluntalem, 
et  communicaturus  satisfaciat  lucrymis  et  orationibus, 
et  confidens  de  Domini  miseralione,  qui  peccata  piœ 
confessioni  donare  consuevitj accédât  ad  Eucharistiam 
intrepidus  et  securus.  Sed  hoc  de  illo  dico  quem  copi- 
talia  et  mortalia  peccata  non  gravant  :  nam  quem 
mortalia  crimina  post  baptismum  commissu  prémuni, 
hortor  prius  publica  pœnitentia  satis/'acere,  et  ita  sa- 
ce.rdotis  judicio  reconciliatum  cornmunioni  sociari,  si 
vult  non  ad  judicium  et  condemnationem  sai  Eucha- 
ristiam percipere.  Sed  et  sécréta  satisfactione  solvi 
mortalia  crimina  non  negamus ;  sed  mutato  prius  sœ- 
culari  habitu,  et  confessio  religionis  studio  per  vitœ 
correctionem  et  jugi,  immo  perpétua  luctu,  miserante 
Deo,  ita  dmitaxal  vl  contraria  pro  ils  quœ  pœnitet 
agat,  et  Eucharistiam  omnibus  dominicis  diebus  sup- 
plex  et  submissus  usque  ad  mortem  percipiat.  Ibid., 
art.  23. 


604 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pent  :  alors  il  pourra  s'approcher  de  l'Eu- 
charistie en  suppliant  et  avec  humilité,  tous 
les  dimanches  jusqu'à  la  mort.  La  vraie  pé- 
nitence est  de  ne  plus  commettre  les  péchés 
dont  on  doit  se  repentir  et  de  pleurer  ceux 
que  l'on  a  commis.  La  satisfaction  consiste 
à  retrancher  les  causes  des  péchés  et  à  ne 
pas  donner  lieu  aux  tentations.»  Cette  défini- 
tion n'est  pas  exacte;  mais  il  s'était  expliqué 
plus  haut  sur  la  manière  de  satisfaire  pour 
ses  péchés. 

7.  Il  rejette  l'opinion  des  millénaires,  soit 
dans  le  sens  de  Papias,  soit  dans  celui  de 
Cérinthe.  Il  croit  que  personne  ne  parvient  au 
salut  qu'il  n'y  soit  invité  de  Dieu  ',  et  que  ce- 
lui-là même  qui  y  est  invité  de  Dieu,  n'opère 
point  son  salut  sans  le  secours  de  Dieu  ;  que 
personne  ne  mérite  ce  secours  qu'en  le  de- 
mandant ;  que  Dieu  ne  veut  point  que  per- 
sonne périsse,  mais  qu'il  le  permet  pour  ne 
point  blesser  la  liberté  de  l'homme,  afin  que 
le  pouvoir  du  choix  qui  lui  a  été  une  fois  ac- 
cordé, ne  dégénère  point  en  une  nécessité 
servile.  Il  ajoute  que  le  mal  n'a  point  été 
créé  de  Dieu,  mais  inventé  par  le  diable,  qui 
lui-même  a  été  créé  bon  et  qui,  étant  devenu 
mauvais  par  son  propre  libre  arbitre,  a,  par 
un  mouvement  d'envie,  persuadé  aux  autres 
de  l'être;  qu'il  paraît  par  là  qu'il  n'y  a  rien 
d'immuable  par  nature,  que  Dieu  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit,  qui  est  tellement  bon 
de  sa  nature,  qu'il  ne  peut  être  autre  chose  ; 
que  les  saints  anges  ont  persévéré  volontai- 
rement dans  l'état  de  félicité  et  dans  la  fidé- 
lité qu'ils  devaient  à  Dieu,  tandis  que  les 
mauvais  anges  se  sont  éloignés  de  l'un  et  de 
l'autre  par  leur  libre  arbitre;  que  l'usage  du 
mariage  est  bon,  quand  il  a  pour  but  la  gé- 
nération des  enfants  ou  d'éviter  la  fornica- 
tion; que,  quoique  la  continence  soit  meil- 
leure, elle  ne  suffit  pas  néanmoins  pour  la 
béatitude,  si  on  ne  la  garde  que  par  l'amour 
seul  de  la  pureté,  et  non  pas  dans  la  vue  de 


servir  Dieu  avec  plus  d'affection  et  de  li- 
berté; que  la  virginité  est  un  bien  au-dessus 
du  mariage  et  de  la  simple  continence,  parce 
qu'elle  surmonte  la  nature  et  qu'elle  rem- 
porte la  victoire  dans  le  combat;  que  tout  ce 
que  Dieu  nous  a  donné  à  manger  est  bon, 
quand  on  le  prend  avec  action  de  grâces; 
que  ce  n'est  pas  néanmoins  un  mal  de  s'abs- 
tenir de  quelques  aliments,  pourvu  qu'on  ne 
les  regarde  pas  comme  mauvais,  mais  seu- 
ment  comme  non  nécessaires;  et  que  c'est 
le  propre  des  chrétiens  d'en  user  avec  mo- 
dération selon  le  temps  et  la  nécessité.  Il 
condamne  les  hérétiques  qui  disaient  que  le 
mariage  était  mauvais,  ou  qui  l'égalaient  à 
la  virginité  consacrée  à  Dieu.  Il  dit  qu'il  est 
de  la  foi  que  la  bienheureuse  Marie,  mère 
de  Dieu  a  conçu  et  engendré  étant  vierge  ^, 
qu'elle  est  demeurée  vierge  après  son  enfan- 
tement. 11  ne  croit  pas  qu'au  jour  du  juge- 
ment les  éléments  doivent  être  détruits  parle 
feu,  mais  seulement  changés  en  mieux.  Il  ex- 
clut de  la  cléricature,  celui  qui,  depuis  son 
baptême,  a  eu  deux  femmes,  ou  qui  a  épousé 
une  concubine,  ou  une  veuve,  ou  une  femme 
répudiée,  ou  une  personne  publique.  Il  en  ex- 
clut aussi  ceux  qui  se  sont  mutilés  eux-mêmes 
en  quelque  partie  du  corps  que  ce  soit,  les 
usuriers,  ceux  qui  ont  joué  sur  le  théâtre  ou 
qui  ont  fait  pénitence  publique  pour  des  pé- 
chés mortels,  ceux  qui  ont  été  quelquefois 
transportés  de  fureur  jusqu'à  être  insensés, 
ou  qui  ont  été  possédés  du  démon,  ou  qui, 
par  ambition,  ont  otïert  de  l'argent  pour  être 
admis  à  la  cléricature.  «  Nous  croyons  en- 
core, dit  Gennade,  que  l'on  doit  honorer  sin- 
cèrement les  corps  des  saints  ^,  et  surtout  les 
reliques  des  martyrs  ,  comme  les  membres 
de  Jésus-Christ,  et  qu'il  est  de  la  piété  d'aller 
prier  dans  les  basiliques  qui  portent  leurs 
noms,  comme  dans  des  lieux  destinés  au 
culte  divin;  que  le  chemin  du  salut  n'est  que 
pour  les  baptisés  *;  que  les  catéchumènes, 


1  Nullum  credimus  ad  salutem  nisi  Deo  invitante 
ventre.  Nullum  invitatum  salutem  suam  nisi  Deo 
auxiliante  operari.  Nullum  nisi  orante  auxilium  pro- 
mereri.  Nullum  Dei  vohintate  perire,  sed  permissu, 
pro  electione  arhiirii ,  ne  ingenuHas  potestatis  semel 
hominihus  aitributa  ad  so-vilem  cogatur  necessitalem. 
Art.  26. 

2  Integra  fide  credendum  est  beatam  Mariam  Dei 
Chrisli  matrem  et  virginem  concepisse,  et  virginem 
genuisse,  et  post  parfum  virginem  permansisse.  Art.  36. 

3  Sanctorum  corpora,  et  prœcipue  heatorum  marty- 
rum  religuias  ac  si  Christi  membra  sincerissime  ho- 
noranda,  et  basilicas  eorum  nominibus  appellaias  ve- 


lut  loca  divino  cultui  mancipata,  affectu  piissimo  et 
devotione-  fidelissima  adeundas  credimus.  Art.  40. 

'•  Baptizatis  tanium  iter  esse  salutis  credimus.  Nul- 
lum catechumenum ,  quamvis  in  bonis  operibus  de- 
funclum,  vitam  œternam  habere  credamus,  excepta 
rnartyrio,  ubi  Iota  baptismi  sacramenta  complenlur. 
Baplizandus  confitetur  fidem  suam  coram  sacerdote, 
et  i7iterrogatus  respondet  ;  hoc  et  martyr  coram  per- 
secuiore  facit,  qui  et  confitetur  fidem  suam  et  inler- 
rogatus  respondet.  Ille  post  confessionem  vel  aquu 
aspergiiur  vel  intingitur  :  et  hic  vel  adspergitur  san- 
guine vel  intingitur  igné.  Ille  manus  impositione 
pontificis  accipit  Spiritum  Sanctum  ."  hic  loeutorium 


[V  SIÈCLE.]        CHAPITRE  XLV.  —  GENNADE,  PRÊTRE  DE  MARSEILLE. 


605 


quoique  morts  dans  la  pratique  des  bonnes 
œuvres,  sont  exclus  de  le  vie  éternelle,  ex- 
cepté ceux  qui  finissent  leur  vie  par  le  mar- 
tyre, dans  lequel  s'accomplissent  tous  les 
mystères  du  baptême.  Celui  qu'on  doit  bapti- 
ser fait  profession  de  sa  foi  devant  l'évèque,  et 
répond  lorsqu'on  l'interroge  :  le  martyr  con- 
fesse sa  foi  devant  le  persécuteur,  et  répond 
aux  demandes  qu'il  lui  fait.  Celui-là,  après  sa 
confession  de  foi,  est  plongé  dans  l'eau  ou  il 
en  est  aspergé  :  celui-ci  est  ou  aspergé  de 
son  sang  ou  jeté  dans  le  feu.  Le  baptisé  reçoit 
le  Saint-Esprit  par  l'imposition  des  mains  : 
le  martyr  devient  l'instrument  du  Saint-Es- 
prit, puisque  ce  n'est  pas  lui  qui  parle^  mais 
l'esprit  du  Père  qui  parle  en  lui.  Le  baptisé 
participe  à  l'eucharistie  en  mémoire  de  la 
mort  du  Seigneur  :  le  martyr  meurt  avec 
Jésus-Christ  même.  L'un  fait  profession  de 
renoncer  à  tous  les  actes  du  monde  :  l'autre 
renonce  même'  à  la  vie  ;  tous  les  péchés  sont 
remis  à  celui-là  par  le  baptême  :  ils  sont 
éteints  dans  celui-ci  par  le  martyre.  » 

8.  «  On  ne  doit  point  offrir  de  l'eau  pure 
dans  l'eucharistie  ',  mais  du  vin  mêlé  avec 
de  l'eau,  parce  que  le  vin  est  entré  dans  l'é- 
conomie du  mystère  de  notre  Rédemption, 
selon  que  dit  Jésus-Christ  :  Je  ne  boirai  plus 
de  ce  fruit  de  vigne,  et  que  c'était  l'ordinaire 
de  le  donner  mêlé  d'eau  après  le  repas. 
L'eau  qui  sortit  avec  le  sang  de  son  côté  lors- 
qu'on le  perça  d'une  lance,  fait  encore  voir 
que  le  vin  a  été  tiré  avec  l'eau  de  sa  chair, 
qui  est  représentée  jiar  la  vigne.  Gennade 
enseigne  que  la  chair  de  l'homme  est  bonne, 
ayant  pour  auteur  un  Dieu  bon,  mais  qu'elle 
devient  mauvaise  ou  conserve  sa  bonté  selon 
que  notre  âme  en  use  par  son  libre  arbitre; 
qu'à  la  résurrection,  la  dilïérence  des  sexes 
ne  sera  point  ôtée,  parce  qu'autrement  ce  ne 
serait  pas  une  véritable  résurrection;  que 
les  âmes  des  justes,  avant  la  passion  du  Sau- 
veur, étaient  détenues  dans  les  enfers  en 
vertu  de  la  dette  contractée  par  la  prévari- 
cation d'Adam,  et  qu'elles  ont  été  transpor- 
tées au  ciel  avec  Jésus-Christ,  après  son  as- 
cension, où  elles  attendent  la  résurrection 


de  leurs  corps  pour  jouir  ensemble  de  la 
béatitude  éternelle,  de  même  que  les  âmes 
des  pécheurs  sont  détenues  dans  l'enfer,  at- 
tendant avec  crainte  la  résurrection  de  leurs 
corps  avec  qui  elles  seront  livrées  à  des  sup- 
plices éternels;  que  les  péchés  sont  remis 
,  par  la  pénitence,  quand  même  on  ne  la  fe- 
rait qu'au  dernier  soupir  de  la  vie,  le  décret 
de  Dieu  par  lequel  il  a  résolu  de  sauver  tous 
les  hommes  étant  immuable;  que  le  diable 
ne  connaît  point  toutes  les  secrètes  pensées 
de  l'homme,  qu'il  les  conjecture  seulement 
parles  mouvements  du  corps;  que  nos  mau- 
vaises pensées  ne  viennent  pas  non  plus  tou- 
jours du  diable,  mais  quelquefois  de  notre 
libre  arbitre;  mais  que  les  bonnes  ont  tou- 
jours Dieu  pour  auteur^;  que  le  diable,  lors- 
qu'il opère  en  nous,  n'entre  pas  dans  notre 
âme,  mais  qu'il  s'y  unit  et  s'y  joint;  que  les 
signes  et  les  prodiges  que  les  pécheurs  font 
quelquefois  au  nom  de  Jésus-Christ,  ne  les 
rendent  pas  meilleurs  :  qu'ils  en  deviennent, 
au  contraire,  plus  méchants  lorsqu'ils  en  ti- 
rent vanité;  qu'il  n'y  a  aucun  saint  ni  juste 
exempt  de  péché,  mais  qu'ils  ne  cessent  pas 
pour  cela  d'être  saints  et  justes  par  le  désir 
qu'ils  ont  de  la  sainteté;  que  nous  n'acqué- 
rons point  par  les  forces  de  la  nature,  mais 
par  le  secours  de  Dieu;  qu'ainsi  tous  les 
saints  peuvent  dire  véi'itablement  qu'ils  sont 
pécheurs,  parce  qu'ils  ont  toujours  de  quoi 
pleurer,  ne  fut-ce  que  l'inconstance  de  leur 
nature  portée  au  péché,  quand  même  leur 
conscience  ne  leur  reprocherait  rien  ;  qu'on  ne 
peut  pas  célébrer  la  fête  de  Pâques  avant  que 
l'équinoxe  du  printemps  soit  passé,  et  que 
le  quatorzième  de  la  lune  née  dans  le  même 
mois  ne  soit  expiré. 

9.  Tel  est  le  traité  des  Dogmes  ecclésiastiques, 
par  Gennade.  L'auteur  aurait  dû  y  apporter 
plus  d'ordre  et  plus  d'exactitude,  surtout, 
s'il  est  vrai,  comme  on  le  croit  communé- 
ment, que  ce  soit  la  confession  de  foi  qu'il 
adressa  au  pape  saint  Gélase.  Les  matières 
y  sont  mal  distribuées,  et  Gennade  y  donne 
pour  dogme  de  l'Eglise,  ou  de  simples  opi- 
nions, ou  des   sentiments  que  l'Eghse  ne 


Jugement 
des  écrits  de 
Genoade. 


efficitur  Spiritus  Sancti,  dum  non  est  ipse  qui  loquitur, 
sed  Spii'itus  Putris  qui  loquitur  in  ilio.  llle  commu- 
nicat  eucharistiœ  in  commemoraiione  morlis  Domini  : 
hic  ipsi  Christo  commoriiur,  llle  confitetur  se  mundi 
actibus  renuntiuturum  :  hic  ipsi  vitœ  renuntiat.  Uli 
peccula  oinnia  dimittunlur  :  in  isto  extinguuntur. 
Art.  41. 

'  In  eucharislia  non   débet  pura  aqua  offerri^  sed 


vinum  cum  aqua  mixtum ,  quia  et  vinum  fuit  in  re- 
demptionis  nostrœ  mysterio,  cum  dixit  :  Non  bibam 
amodo  de  hoc  genimine  vitis  ;  et  aqua  mixtum  quod 
post  cœnam  dabatur  :  sed  et  de  latere  ejus  quod  lan' 
cea  perfossum  est  aqua  cum  sanguine  egressa,  vinum 
de  vera  ejus  carnis  vite  cum  aqua  expressum  ostendit. 
Art.  42. 
2  Bonœ  cogitutiones  semper  a  Deo  sunl.  Arl.  4^. 


606 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


reçoit  point,  c'est  ce  qu'on  voit  en  particuliei* 
dans  ce  qu'il  dit  touchant  les  anges,  les  au- 
tres vertus  célestes  et  l'âme  de  l'homme, 
qu'il  dit  avec  assurance  être  corporels,  sen- 
timent qu'il  parait  avoir  pris  de  Fauste  de 
Riez,  dont  il  loue  beaucoup  les  ouvrages  ', 
nommément  celui  quecetévéque  a  composé  « 
contre  ceux  qui  disent  qu'il  a  quelque  chose 
d'incorporel  parmi  les  créatures,  et  où  il 
soutient  que  nous  ne  devons  rien  croire  d'in- 
corporel que  Dieu  seul.  Gennade  fait  aussi 
l'éloge  de  l'ouvrage  de  Fauste,  intitulé  :  De 
la  Grâce  de  Dieu.  Aussi  suit-il  les  opinions  de 
cet  auteur  sur  la  grâce  et  sur  le  libre  arbi- 
tre. Il  parle,  au  contraire,  d'une  manière 
désavantageuse  de  saint  Augustin  2,  en  lui 
l'rov  1, 19.  appliquant  ces  paroles  de  Salomon  :  Vous 
n  éviterez  point  le  péché  en  parlant  beaucoup. 
Mais  il  peut  y  avoir  faute  en  cet  endroit;  car 
on  ne  trouve  rien  de  semblable  dans  le  ma- 
nuscrit de  Corbie.  Gennade  y  dit  au  con- 
traire que  saint  Augustin  s'était  rendu  illus- 
tre dans  tout  l'univers  ^,  que  sa  foi  était 
saine,  sa  vie  pure,  et  qu'il  avait  tant  écrit 
qu'il  était  difficile  d'avoir  tous  ses  ouvrages. 
Il  n'est  pas  si  aisé  de  justifier  Gennade  sur 
ce  qu'il  dit  du  livre  de  Pelage,  intitulé  :  Eu- 
logies,  c'est-à-dire  :  Recueil  des  sentences  choi- 
sies de  l'Ecriture.  11  semble  dire  que  ce  livre 
est  nécessaire  aux  personnes  studieuses  ^, 
de  même  que  ceux  que  Pelage  avait  com- 
posé sur  la  Trinité,  et  qu'il  avait  écrits  avant 
de  tomber  dans  l'erreur.  Néanmoins  ce  livre 
avait  déjà  été  condamné  par  saint  Jérôme, 
dans  son  premier  traité  contre  les  Pélagiens. 
Mais  soit  que  ce  qui  nous  parait  défectueux 
dans  les  écrits  de  Gennade  soit  susceptible  de 
bon  sens,  soit  que  l'on  ait  cru  dans  la  suite  qu'il 
n'avait  proposé  ses  sentiments  que  comme 
de  simples  opinions,  il  a  été  regardé  comme 
un  homme  respectable  et  mis  au  nombre 
des  plus  saints  personnages  ^,  par  le  pape 


Adrien  1",  dans  sa  lettre  à  l'empereur  Char- 
lemagne. 

10.  ^  Honorius  d'Autun  et  Trithème  '  mar-  Aoiresétriu 
quent  dans  le  catalogue  des  ouvrages  de  Jugcmeni  d, 
Gennade  onze  livres  contre  Eutyches.  Il  ne  E'iiiiti"s- 
nous  en  reste  rien;  mais  à  la  suite  du  livre 
des  Hérésies,  composé  par  saint  Augustin,  on 
trouve  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  Saint-Victor,  sous  le  nom  de  Gennade, 
une  description  assez  courte  de  l'hérésie  des 
prédestinatiens ,  des  nesloriens ,  des  euty- 
chéens  et  des  timothéens.  Le  nom  de  Gen- 
nade ne  se  lit  point  dans  les  autres  manus- 
crits °,  et  il  n'y  est  rien  dit  non  plus  des  ] 
prédestinatiens,  mais  seulement  des  timo- 
théens, des  nestoriens  et  des  eutychéens. 
Hincmar  cite  cet  écrit  sous  le  nom  de  Gen-  j 
nade  ^.  Cet  auteur  avait  traduit  le  livre  d'E- 
vagre  du  Pont  sur  les  Huit  vices  capitaux ,  et 
il  témoigue  qu'en  le  traduisant  en  latin  '",  il 
avait  gardé  la  même  simplicité  qu'il  avait 
trouvée  dans  l'original  grec.  Il  traduisit  du 
même  Evagre  le  traité  intitulé  :  Des  cent  et 
des  cinquante  sentences,  de  même  que  les  pe- 
tites sentences,  qu'il  dit  être  très-obscures. 
Le  premier  de  ces  ouvrages  avait  déjà  été 
traduit  en  latin,  mais  peu  fidèlement  :  ce  qui 
obUgea  Gennade  d'en  donner  une  autre  tra- 
duction. Ses  frères  le  prièrent  de  traduire 
encore  *'  l'ouvrage  de  Timothée  Elure , 
adressé  à  l'empereur  Léon,  contre  le  concile 
de  Chalcédoine.  Gennade ,  en  mettant  cet 
écrit  en  latin,  eut  soin  d'en  faire  remarquer 
les  erreurs.  Son  style  est  simple,  net  et  con- 
cis. Nous  ne  connaissons  que  deux  éditions 
particulières  de  son  traité  des  Dogmes  ecclé- 
siastiques ;  l'une  et  l'autre  à  Hambourg,  sa- 
voir en  1594  et  1614.  On  trouve  dans  celle-ci 
les  lettres  qui  portent  le  nom  de  saint  Mar- 
tial, évêque  de  Limoges,  et  une  homélie  d'un 
ancien  théologien.  Géverhart  Helmenhors- 
tius  a  pris  soin  de  ces  édilious. 


1  Gennad.,  de  Viris  illustr.,  cap.  LSXXV, 

=  Idem,  ibid.,  cap.  xsxvm. 

3  Augustinus  universo  orbe  clarus,  fide  integer,  vita 
purus ,  scripsit  quanta  nec  inveniri  possunl.  Mabill., 
Analect.,  pag.  198. 

'  Gennad.,  de  Viris  illusir.,  cap.  XLii. 

"  In  sacris  prœdictis  conciliis  prœdecessm'umZjneO' 
rum  pontificum,  hœc  oblata  stint  testimonia,  id  est, 
sancti  Gennadii  Massiliensis,  qualiter  veneranda  sint 
corpora  vel  reliquiœ  sanctorum.  Mabill.,  Analect., 
cap.  SL,  pag.  492. 


''  Dom  Pitra,  dans  le  prospectus  du  Spiciîeyium 
solemnense ,  annonce  un  livre  sur  le  iliilenarium 
ou  Commentaire  sur  l'Apocalypse  mentionné  par  Gen- 
nade lui-même  dans  l'énumération  de  ses  œuvres  en 
son  Catalogue  des  Ecrivains  eixlésiasiiques  ;  cet  écrit 
n'a  point  encore  paru.  [L'éditeur.) 

'  Honor.,  de  Script.  Eccles.,  lib.  II,  cap.  xcvii,  et 
Trithem.,  cap.  clxxxvui. 

8  Vide  tom.  VIII  de  sancto  August.,  pag.  27. 

s  Ibid. 

"  Gennad.,  ibid.,  cap.  xi.  —  "  Ibid.,  cap.  Lxxn. 


[Vl'  SIÈCLE,] 


CHAPITllE  XLVI.  —  SAINT  RURICE,  ÉVÉQUE. 


607 


CHAPITRE  XLVI. 

Saint   Rurice,    évêque    de   Limoges. 

[Après  l'an  506.] 


1.  Saint  Rurice,  que  l'on  nommait  ordinai- 
rement l'Ancien,  pour  le  distinguer  de  son 
petit-fils  qui  portait  le  même  nom  et  qui  fut 
comme  lui  évêque  de  Limoges  ',  était  d'une 
famille  illustre  des  Gaules  -,  alliée  à  celle  des 
Anices  de  Rome.  Il  s'allia  avec  une  famille 
patricienne,  en  épousant  Ibérie,  fille  d'Om- 
mace.  L'épithalame  dont  saint  Sidoine  ho- 
nora son  mariage,  fait  voir  qu'il  n'était  pas 
encore  détaché  lui-même  entièrement  des 
plaisirs  du  monde  ^.  Ainsi  il  faut  mettre  le 
mariage  de  Rurice  avant  Fan  471,  qui  fut  le 
premier  de  l'épiscopat  de  saint  Sidoine.  Ru- 
rice eut  d'Ibérie  un  fils,  qui  fut  père  d'un 
autre  Rurice,  évêque  de  Limoges,  après  son 
aïeul.  Après  avoir  vécu  quelques  années  en- 
semble ,  Rurice  et  Ibérie  embrassèrent  la 
continence  d'un  commun  consentement  *,  et 
vécurent  l'un  et  l'autre  dans  la  pratique  de 
toutes  les  bonnes  œuvres,  uniquement  occu- 
pés de  leur  salut.  Rurice  fit  son  étude  des 
Livres  saints  et  des  écrits  des  Pères,  et  pour 
ne  point  marcher  sans  guide  dans  cette  nou- 
velle voie,  il  se  mit  sous  la  discipline  de  Té- 
vêque  Sidoine  ^  et  de  Fauste  de  Riez  '',  dont 
il  connaissait  le  savoir ,  par  la  lecture  de 
quelques-uns  de  ses  ouvrages.  11  entretint 
aussi  un  commerce  de  lettres  avec  saint  Loup 
de  Troyes  et  Léonce  d'Arles.  Saint  Sidoine 
l'ayant  prié  un  jour  '  de  retirer  de  ce  dei-- 
nier  un  de  ses  ouvrages  pour  le  lui  renvoyer, 
Rurice  le  trouva  si  beau,  qu'il  en  fit  tirer 
une  copie,  dont  il  s'accusa  comme  d'un  vol. 
Mais  saint  Sidoine  le  trouva  bon  ^,  et  dans 
une  autre  occasion,  il  permit  à  Rurice  de 
faire   copier  dans  sa  bibliothèqua  les  sept 

*  Forlun.,  lib.  IV,  cap.  iv. 

2  Sidon.,  Carm.  10,  11,  pag.  1238. 
s  Faust.,   Epist.  &  et  1  ad  Ruric,   tom.   I  Lect. , 
Canis,,  edit.  Antuerp.,  an.  1725,  pag.  356,  358. 

*  Ruric,  Episl.  8,  9,  16;  ibid.,  pag   37G  et  seq. 
'  Idem,  Epist.  1,  2.  —  «Ruric,  Epùt.  8. 

'  Sidon.,  lib.  IV,  Epist.  16. 
'  Lib.  VII,  Epist.  15. 

^  Nobis  aucloritatem  damere  non  débet  urbis  humi- 
iitas,  Siquidem  multo  melius  mulioque  eminentius  est 


premiers  livres  de  l'Ecriture  et  le  volume 
des  prophètes. 

2.  Fauste ,  évêque  de  Riez ,  ayant  été 
banni  par  Euric,  roi  des  Visigoths,  fut  par- 
ticulièrement assisté  dans  ses  besoins  par 
Félix,  fils  du  consul  Magnus,  et  par  Rurice. 
Son  exil  dura  environ  quatre  ans,  c'est-à-dire 
depuis  l'an  480,  jusqu'en  484,  auquel  Alaric, 
qui  avait  succédé  à  son  père,  le  rappela.  De 
retour  à  Riez,  il  écrivit  à  Rurice  pour  le  re- 
mercier, et  en  même  temps  pour  lui  témoi- 
gner sa  joie  de  son  élévation  à  l'épiscopat. 
L'Eglise  de  Limoges  étant  vacante  dès  l'an 
474,  Rurice  fut  choisi  dix  ans  après  pour 
la  remplir.  Quoiqu'elle  n'eût  rien  alors  de 
relevant,  R,urice  ne  s'en  croyait  pas  moins 
d'autorité,  puisque,  comme  il  le  dit  '^,  ce  n'est 
point  la  ville  qui  donne  du  rehef  à  l'évêque, 
c'est  l'évêque  qui  en  donne  à  la  ville.  Sa 
mauvaise  tante  ne  lui  permit  point  de  rem- 
plir par  lui-même  toutes  les  fonctions  de  son 
ministère.  Elle  était  très-chancelante  en  été, 
un  peu  moins  en  hiver.  Ce  lui  fut  une  raison 
de  ne  point  aller  au  concile  d'Agde,  auquel 
saint  Césaire  d'Arles  présida  en  506.  Nous  n'a- 
vons aucun  monument  qui  puisse  nous  aider  à 
fixer  le  temps  de  sa  mort.  Fortunat,  évêque 
de  Poitiers,  qui  a  fait  son  épitaphe  conjoin- 
tement avec  celui  de  Rurice,  son  petit-fils,  dit 
de  l'un  et  l'autre  '•>,  que  leur  réputation  s'est 
étendue  par  toute  la  terre;  que  l'un  bâtit  à 
Limoges  une  église  en  l'honneur  de  saint 
Augustin;  l'autre,  sous  le  nom  de  Saint- 
Pierre. 

3.  Nous  n'avons  d'autres  écrits  de  Rurice, 
que  des  lettres  "  que  l'on  a  distribuées  en 

civitatem  de  sacerdote,    quarn  sacerdutem  de  civiiaie 
noscere.  Ruric,  lib.  II,  Epist.  32. 

1"  Hic  sacra  pontificum  iuto  radiantia  mundo, 
Membra,  sepulchra  iegunt... 
Tempore  quisque  suo  fundans  pia  templa  patroni) 
Iste  Augustini,  condidit  ille  Pétri. 

Fortun.,  lib.  IV,  cap.  iV. 
11  On  les  trouve  dans  le  tome  LVllI  de  la  Palrologie 
latine,  col.  125  et  suiv.,  d'après  Canisius.  Il  y  a  une 
préface  de  Basnage,  {L'éditeur.) 


Rar-ce  est 
U\\,  évêque  du 
I.iiDogeâ     ea 


608 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


deux  livres  '.  Il  y  en  a  dix-huit  dans  le  pre- 
mier, et  soixante  dans  le  second.  Elles  ont 
toute  la  politesse  que  le  siècle  où  elles  ont 
été  écrites,  permettait.  Comme  il  en  sentait 
le  défaut,  pour  le  corriger,  Rubrice  avait  lu 
les  meilleurs  auteurs  des  siècles  précédents, 
surtout  les  lettres  de  Sulpice  Sévère.  Les 
siennes  ont  peu  de  chose  pour  l'éclaircisse- 
ment des  dogmes  de  la  religion,  ou  pour 
l'histoire  du  temps.  Ce  sont,  pour  la  plupart, 
ou  des  exhortations  à  la  vertu  et  à  la  fuite 
des  vanités  du  siècle,  ou  des  lettres  de  poli- 
tesse et  d'amitié  2.  Dans  la  première,  qui  est 
à  Fauste  de  Riez,  il  lui  dit  qu'il  le  voyait  de- 
puis longtemps  des  yeux  de  l'esprit,  mais 
qn'i[  souhaitait  de  le  voir  des  yeux  du  corps 
et  d'aller  se  désaltérer  dans  la  source  même 
d'où  étaient  sortis  les  écrits  qu'il  avait  vus 
de  lui  et  qui  avaient  animé  et  échauffé  sa 
froideur  ^.  Il  le  prie,  avec  beaucoup  d'humi- 
lité, de  lui  écrire  souvent,  non  des  lettres 
de  douceur,  mais  des  exhortations  vives  et 
fortes,  capables  d'ouvrir  ses  ulcères  et  de 
lui  en  faire  sentir  la  puanteur,  pour  l'enga- 
ger à  les  guérir.  Dans  la  seconde,  il  confesse 
ses  péchés,  ne  trouvant  point  de  meilleur 
moyen  d'en  obtenir  pardon,  que  de  les  ac- 
cuser. Il  montre,  par  l'exemple  de  l'enfant 
prodigue,  que  la  conversion  du  cœur,  quand 
elle  est  sincère,  efface  tous  les  péchés  passés. 
Il  paraît,  par  la  troisième  *,  qu'il  avait  donné 
une  de  ses  tilles  en  mariage  à  Hespérius, 
poète  célèbre  de  son  temps,  que  saint  Si- 
doine appelle  ^  la  perle  des  lettres  et  des 
amis.  Il  fait  dans  la  sixième  ^  l'éloge  des  ou- 
vrages de  saint  Hilaire  de  Poitiers,  dont  le 
prêtre  Népotien  lui  avait  envoyé  deux  volu- 
mes. 11  en  renvoya  un  et  retint  l'autre,  avec 
la  permission  de  Népotien,  afin  de  pouvoir 
en  copier  les  plus  beaux  endroits  ,  ne  se 
trouvant  pas  assez  de  mémoire  pour  les  re- 
tenir après  les  avoir  lus.  L'évêque  Bassule 
prêtait  aussi  des  livres  à  Rurice  ',  et  les  ac- 
compagnait ordinairement  de  quelques  re- 
montrances sur  les  devoirs  de  la  religion. 
La  dixième  lettre,  adressée  à  saint  Loup  de 
Troyes  ^,  regarde  le  commerce  de  lettres 
qu'ils  souhaitaient  entretenir.  La  quinzième 
est  un  compliment  de  condoléance  "  sur  la 
mort  de  Léonce,  évêque  d'Arles,  et  de  con- 


gratulation à  Conius,  qu'on  avait  choisi  pour 
lui  succéder. 

4.  La  quatrième  du  second  livre  àNamace 
et  à  Céraunia,  sa  femme'",  est  aussi  pour  les 
consoler  de  la  mort  de  leur  fille.  Les  motifs 
qu'il  emploie  sont  les  mêmes  que  ceux  dont 
l'Apôtre  se  sert  dans  sa  première  épître  aux 
Thcssaloniciens.  Il  y  ajoute  cette  réflexion 
sur  la  résurrection  et  la  récompense  de  l'au- 
tre vie  :  ((  Comme  les  choses  qui  sont  futures 
par  rapport  à  nous,  sont  déjà  arrivées  à  l'é- 
gard de  Dieu,  la  foi  du  fidèle  catholique  doit 
lui  faire  regarder  comme  présentes  les  ré- 
compenses célestes,  qu'il  espère  posséder 
en  son  temps,  après  les  avoir  méritées  par 
ses  œuvres.  »  Il  explique  dans  la  dixième  " 
comment  les  fidèles  sont  les  cohéritiers  de 
Jésus-Christ  et  les  enfants  de  Dieu  par  adop- 
tion; au  lieu  que  Jésus-Christ  est  seul  Fils 
de  Dieu  par  nature.  Il  marque  dans  la  dou- 
zième '-  que  le  cinquantième  psaume  de 
David,  était  consacré  â  la  pénitence  et  au 
pardon,  parce  qu'en  même  temps  que  le  pé- 
cheur y  pleure  ses  péchés,  il  y  témoigne  en 
espérer  le  pardon  de  la  bonté  de  Dieu.  La 
treizième  '^  est  adressée  à  deux  prêtres  du 
diocèse  de  Limoges,  avec  qui  Rurice  avait 
eu  un  procès.  Il  fit  la  démarche  de  leur 
écrire  le  premier,  pour  leur  faciliter  le  moyen 
de  se  réunir  avec  leur  évêque.  On  voit,  par 
la  quatorzième,  qu'il  faisait  travailler  à  di- 
verses peintures.  Céraunia,  femme  de  Na- 
mace,  lui  demanda  son  peintre.  Quelque  be- 
soin que  Rurice  en  eût  alors,  il  l'envoya  avec 
une  lettre  pour  Céi'aunia  '*,  dans  laquelle  il 
l'exhorte  à  orner  son  âme  d'autant  de  vertus 
que  le  peintre  employait  de  couleurs  à  pein- 
dre les  murailles.  Dans  la  seizième  '^,  il  prie 
Turencius  de  lui  envoyer  l'ouvrage  de  saint 
Augustin,  intitulé  :  De  la  Cité  de  Dieu.  La 
lettre  dix-septième  et  la  dix-huitième,  sont 
à  Sédatus,  évêque  de  Nimes  "',  qui  s'était 
plaint  de  n'en  recevoir  aucune  de  Rurice.  Il 
s'en  excuse  sur  son  peu  de  facilité  à  expri- 
mer les  sentiments  de  son  cœur  :  toutefois, 
pour  donner  à  cet  évêque  des  preuves  de  sa 
soumission ,  il  lui  écrivit  deux  lettres  en 
même  temps,  l'une  en  prose  et  l'autre  en 
vers.  Nous  avons  trois  lettres  de  Sédatus  à 
Rurice,  qui  ne  sont  que  des  billets  d'amitié. 


■  •  Tom.  1  Ledion.  Ganis.,  lib.  I,  pag.  373. 
2  Lib.  1,  Epist.  1.  —  3  Epist.  2.  —  *  Epist.  3. 
6  Sidon.,  lib.  IV,  Epist.  22. 
«  Epist.  6.  —  '  Episl.  7.  --  8  Epist.  10. 
8  Epist.  15.  — io  Epist.  4. 


1'  Nos  filii  per  adoptione/n  ;   ille  solus  Filius  par 
naturam.  Ruric,  lib.  II,  Epist.  10. 

<2  Epist.  12.  —  "  Epist.  13.  —  '*  Epist.  14. 
'ii  Epiât.  16.  —  16  Epist.  17,  18. 


« 


CHAPITRE  XLVI.  —  SAINT  RURICE,  ÉVEQUE. 


[VP  SIÈCLE.] 

On  voit,  par  la  trente-quatrième  lettre,  que 
Rurice  avait  envoyé  un  cheval  à  Sédatus  : 
par  la  description  qu'il  en  t'ait,  c'était  un 
cheval  sans  défaut  dans  la  taille  et  dans  l'al- 
lure. Sédatus  l'ayant  monté  ',  trouva  que 
l'éloge  qu'on  lui  en  avait  fait  était  beaucoup 
au-dessus  de  la  valeur  du  cheval;  qu'il  était 
beau  et  bon  dans  la  lettre  de  Rurice,  et  très- 
mauvais  en  campagne.  Rurice  fait  une  sem- 
blable peinture  du  cheval  qu'il  avait  envoyé 
à  Celse,  qui  peut-être  -  ne  se  trouva  pas 
meilleur  qae  celui  de  Sédatus.  11  intercède 
dans  la  dix-neuvième  ^  pour  des  coupables 
qui  s'étaient  réfugiés  dans  son  église  afin 
d'éviter  les  poursuites  du  juge.  Il  conjure 
Rustique  de  leur  pardonner,  autant  pour  lui 
éviter  la  confusion  de  les  voir  condamner, 
que  pour  se  mériter  à  lui-mième,  par  ce  par- 
don, une  récompense  de  la  part  de  Dieu. 
Dans  la  vingt-troisième  *  il  ordonne  à  un 
nommé  Constantlus ,  homme  débauché  et 
qui  ne  venait  point  à  jeun  à  l'église  les  jours 
de  fêtes,  de  s'y  trouver  à  jeun  le  mercredi 
suivant.  Ce  Gonstantius  ne  peut  donc  être  le 
prélre  de  Lyon,  célèbre  par  sou  savoir  et  sa 
vertu,  qui  écrivit  la  Vie  de  saint  Germain 
d'Auxerre.  11  était  si  lié  d'amitié  avec  Hurice, 
qu'ils  se  faisaient  mutuellement  de  temps  à 
autres  de  petits  présents,  comme  on  le  voit 
par  la  lettre  quarante-deuxième  ^,  où  Rurice 
lui  donne  le  titre  de  Vénérable.  11  dit  dans 
la  vingt-cinquième  ''  à  Apollinaire,  fils  de 
saint  Sidoine,  qu'il  l'attendait  pour  lire  avec 
lui  les  ouvrages  de  son  père,  atin  qu'il  les  lui 
expliquât  :  car  ils  étaient  quelquefois  obscurs 
et  ditliciles  à  entendre.  11  s'excuse  dans  la 
trente-deuxième  à  saint  Césaire  d'Arles  ',  de 
ce  que  sa  santé  ne  lui  avait  pas  permis  d'as- 
sister au  concile  d'Agde,  assemblé  de  tous 
les  évêques  qui  étaient  sous  la  domination 
des  Goths.  11  fait  la  même  chose  daus  sa  lettre 
à  Sédatus.  Dans  la  cinquante-septième,  il 
loue  la  fermeté  de  l'évêque  Aprunculus  ^, 
qui,  pour  corriger  un  pécheur,  l'avait  re- 
tranché de  la  communion.  11  dit  que  ces  sor- 
tes de  châtiments  sont  utiles,  parce  que  plu- 
sieurs de  ceux  qui  dans  l'Eghse  ne  se  corri- 


G09 


genl  point  par  les  remontrances,  se  corrigent 
par  l'exemple  ^,  c'est-à-dire  par  la  crainte 
des  peines  dont  ils  voient  qu'on  punit  ceux 
qui,  comme  eux,  sont  incorrigibles. 

S.  Rurice  étant  encore  dans  les  embarras 
du  mariage  et  du  monde,  et  vivant  toutefois 
avec  sa  femme  dans  les  jeûnes  ,  daus  les 
prières    et   dans   les    aumônes  '",  consulta 
Fauste  de  Riez,  sur  celui  de  ces  trois  partis  qui 
était  le  meilleur,  ou  de  se  défaire  absolument 
de  son  bien  ",  ou  d'en  confier  le  soin  à  un 
autre,  ou  de  s'en  réserver  l'administration. 
Fauste  lui    répondit  que   le    meilleur  était 
d'imiter  Jésus-Christ  pauvre,  par  une  entière 
pauvreté,  pourvu  qu'on  pîit  ensuite  entrer 
dans  quelque  monastère  considérable,  ou  se 
retirer    dans  l'Ile  de  Lérins,  pour  y  vivre 
dans  la  congrégation  angélique  qui  y  était 
établie  :  «  car,  ajoute-t-il,  c'est  une  entre- 
prise bien  généreuse,  mais  bien  difficile,  de 
mener  une  vie  d'ermite  au  milieu  du  siècle.» 
Il  regarde  comme  un  grand  soulagement  à  un 
père  de  se  pouvoir  décharger  de  la  conduite 
de  son  bien  sur  un  fils,  pourvu  qu'il  eût  des 
enfants  qui  fussent  capables  d'une  chose  si 
difficile  ;  ou  sur  un  intendant  qui  en  fit  au 
maître  une  pension  réglée.  Mais  il  est  d'avis 
de  donner  plutôt  â  l'Eglise  et  aux  pauvres 
la  propriété  de  son  bien,  en  s'en  réservant 
l'usufruit,  que  l'on   distribuerait   soi-même 
selon  les  règles  de  l'Eglise,  en  n'en  prenant 
que  très-peu  pour  soi.    Dans   une  seconde 
lettre  à  Rurice  ''^,  Fauste  dit  qu'il  y  a  deux 
sortes  d'abstinence,  dont  l'une    consiste  à 
s'abstenir  des  plaisirs  du  corps,  l'autre  à  ré- 
primer les  désirs  et  les  mouvements  déré- 
glés. 11  y  explique  le  premier  chapitre  du 
premier  livre  des  Rois  dans  un  sens  moral, 
mais  qui  paiait  forcé.  11  ne  réussit  pas  mieux 
lorsqu'il  dit  que,  de  même  qu'Abraham  vain- 
quit cinq  rois  par  la  vertu  de  la  croix  figurée 
par  les  trois  cent  dix-huit  domestiques  qu'il 
avait  avec  lui,  parce  qu'en  efi'et,  les  deux 
premières  leitres  grecques  qui  marquent  ce 
nombre ,  sont  les  deux  premières  du  nom 
de  Jésus,  et  que  la  troisième  représente  la 
figure  de  la  croix,  de  même  aussi  nous  de- 


T^eltres 
écriles  à  Hu- 
rice, 


'  Sedat.,  Epist.,  tom.  I  Leclion.  Canis.,  pag.  367. 

2  Lib.  I,  liput.  14. 

2  Qui  me  apud  vos  omnia  passe  confidunl,  ad  eccle- 
siolam  nosiram  pro  sua  securitale  confugiunt...  Qua- 
propter  pro  Baxone  qui  ad  ecctesiœ  viscera  confugit, 
mtercessor  accedo  ;  sperans  ut  primum  pro  Dei  timoré, 
deiude  pro  nostra  intercessione  ipsi  parcere  digneris  : 
cujus  absoluiione  et   in  noijis  tollere  confusionem   et 

X. 


vobis  polestis  comparare  mercedem.  Ruric. ,   lib.  II, 
Epist.  19  ad  Rustic. 

'  Epist.  23.-5  }j:pist.  42.  —  6  Epist.  25. 

'  Epist.  32.  —  8  Epist.  57. 

8  Multi  in  Ecclesia  qui  curari  nequeunt  verbo,  sa- 
nantur  exempta.  Ibid.,  Epist.  17  ad  Apruncul. 

1°  Tom.  I  Lection.  Canis.,  pag.  255. 

"  Faust.,  Epist.  5  ad  Ruric.  —  '^  Epist.  6. 

39 


610 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 


vous,  par  le  signe  de  la  croix  et  le  sacré  nom 
de  Jésus,  combattre  les  passions  de  nos  cinq 
sens.  Fauste  fait  dans  la  troisième  '  l'éloge 
de  la  vie  retirée  de  Rurice  et  de  sa  femme, 
et  les  remercie  de  l'accueil  qu'ils  avaient  fait 
à  quelques-uns  de  ses  diacres.  11  dit  quelque 
chose  des  yeux  intérieurs  dont  les  amis  se 
voient  mutuellement,  quoique  éloignés  de 
corps.  11  recommande  à  Rurice  dans  la  qua- 
trième un  pauvre  homme  qui  s'était  retiré 
avec  peine  de  Lyon  ^,  où  il  était  captif  et  où  sa 
femme  et  ses  enfants  étaient  encore  détenus. 
Un  prêtre  ,  nommé  Florent,  avait  aussi  une 
sœur  réduite  à  la  captivité.  Fauste  lui  donna 
une  lettre  pour  Rui-ice,  dans  laquelle  il  le 
prie  d'aider  ce  prêtre  de  ses  libéralités,  afin 
qu'il  put  délivrer  sa  sœur.  C'est  la  cinquième 
lettre  ^.  Celle  de  Greecus,  évêque  de  Mar- 
seille, à  Rurice  *,  est  un  éloge  de  sa  piété,  de 
ses  aumônes  et  de  sa  compassion  pour  les 
misérables.  L'évêqueVicturinus,  dont  on  ne 
sait  pas  le  siège,  lui  connaissant  tant  de  qua- 
lités bienfaisantes,  lui  écrivit  pour  l'engager 
à  secourir  un  homme  qui ,  après  avoir  eu 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

beaucoup  de  peine  de  délivrer  sa  femme  de 
captivité,  venait  de  la  perdre  et  travaillait 
encore  pour  procurer  la  liberté  à  sa  fille  '. 
Il  parait,  par  la  lettre  de  Turentius,  que  Ru- 
rice lui  en  avait  écrit  une  où  il  l'instruisait 
sur  divers  sujets,  et  qu'il  l'avait  chargé  en 
même  temps  des  ouvrages  de  saint  Augustin. 
Turentius  le  remercia  de  ses  instructions  et 
lui  envoya  un  recueil  des  opuscules  de  ce 
Père  ",  écrits  sur  du  papier  et  non  sur  du 
parchemin.  11  prie  Rurice  de  le  lui  renvoyer 
après  l'avoir  lu  ou  transcrit,  afin  qu'il  le  lût 
lui-même.  Nous  avons  parlé  plus  haut  des 
lettres  de  Sédatus,  évêque  de  Nîmes,  à  Ru- 
rice. Celle  d'Enfraise  ^  n'est  qu'un  compli- 
ment d'amitié.  Saint  Cés:iire  d'Arles  lui  en 
écrivit  une  pour  lui  marquer  que,  sachant 
qu'il  n'avait  pu  venir  au  concile  d'Agde  *, 
quelque  désir  qu'il  en  eût  eu,  il  avait  fait 
agréer  ses  raisons  à  l'assemblée,  et  pour  lui 
faire  savoir  aussi  que  l'évêque  Eudomius 
espérait,  avec  l'aide  de  Jésus-Christ,  assem- 
bler l'année  suivante  un  concile  à  Toulouse 
et  y  inviter  les  évoques  d'Espagne  ^. 


CHAPiTRE  XLVII. 

Saint  Eugende,  abbé  de  Condatiscone  ou  Condat;  Auteur  anonyme 
de  la  Vie  de  saint  Venance. 

[Vers  l'aa  510.] 


Origine  dn 
moDaslôre  de 
CODdat. 


1.  Saint  Romain  et  saint  Lupicin,  frères, 
nés  l'un  et  l'auti-e  dans  la  province  des  Sé- 
quanais,  s'y  rendirent  célèbres  par  leur  piété. 
Le  premier,  à  l'âge  de  trente-cinq  ans,  em- 
brassa la  vie  solitaire  '"  et  choisit  à  cet  eil'et 
les  forêts  du  mont  Jura,  qui  sépare  la  Fran- 
che-Comté de  la  Suisse.  Il  s'établit  dans  une 
vallée  nommée  Condatiscone  ou  Condates. 
autant  incommode  pour  le  chaud  que  pour 
le  froid,  située  entre  des  montagnes  pleines 
de  rochers,  extrêmement  serrée  et  stérile. 
Après  y  avoir  passé  beaucoup  de  temps  sans 
autre  couvert  que  des  branches  d'un  sapin  et 
sans  autre  nouurriture  que  de  l'eau  de  quel- 
ques fruits  sauvages  et  de  ce  que  la  terre 


qu'il  cultivait  de  ses  mains  lui  produisait, 
Lupicin,  son  frère,  vint  l'y  trouver.  11  fut  suivi 
de  deux  jeunes  ecclésiastiques,  puis  de  beau- 
coup d'autres  dont  il  se  forma  un  monastère 
du  nom  de  Condatiscone,  aujourd'hui  Saint- 
Claude.  Saint  Romain  qui,  avant  sa  retraite, 
avait  vécu  quelque  temps  dans  le  monastère 
de  Fabbé  Sabin,  ou  dans  celui  de  l'Ue-Barbe, 
près  de  Lyon,  y  avait  lemarqué  entre  autres 
choses  que  les  moines  y  vivaient  du  travail 
de  leurs  mains.  Il  en  avait  aussi  emporté  un 
livre  des  Vies  des  Pères  et  des  Institutions  de 
Cassien.  Avec  tous  ces  secours^  il  établit  di- 
vers règlements,  tant  pour  son  propre  mo- 
nastère que  pour  ceux  que  le  grand  nombre 


1  Faust.,  Epist.  7.  —  ^  Episl.  8. 

3  Epist.  9.  —  '  Epist.  10.  —  ^  Epist.  li. 

«  Epist.  12.  —  1  Epist.  13,  14  et  19.  —  8  Epist.  1G. 


0  Faust.,  Episl.  18. 

10  Bollaud.,  ad  diem  28  februar. 


[Vl=   SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVII.  —  SAINT  EUGENDE,  ABBE. 


Gll 


de  ses  disciples  l'obligea  de  former  dans  dif- 
férents endroits  de  la  Séquanaise.  L'usage 
était  de  s'y  abstenir  '  de  la  chair  de  tous  les 
animaux,  même  des  oiseaux  :  mais  on  y  man- 
geait du  lait,  des  œufs  et  du  poisson.  Ces 
moines  sortaient  quelquefois  tous  pour  les 
travaux  de  la  campagne.  Un  d'eux  prenait 
soin  du  m.oulin,  mais  il  n'était  pas  dispensé 
pour  cela  d'assister  à  toutes  les  heures  de 
l'ofSce,  même  de  la  nuit.  Us  mangeaient  en- 
semble, mais  ils  avaient  chacun  leur  cellule 
comme  les  anachorètes  ^.  Saint  Romain  étant 
mort  vers  l'an  460,  son  frère  Lupicin  lai  suc- 
céda dans  le  gouvernement  du  monastère  de 
Condaliscoue.  Le  troisième  abbé  fut  Néman- 
sius,  et  le  quatrième  saint  Eugende. 

2.  Son  père,  que  son  mérite  avait  fait  éle- 
ver à  la  dignité  du  sacerdoce,  le  mit,  à  l'âge 
de  sept  ans,  sous  la  discipline  de  saint  Ro- 
main et  de  saint  Lupicin.  Ils  le  formèrent 
non-seulement  dans  la  piété,  mais  encore 
dans  les  lettres  humaines,  lui  permettant  la 
lecture  des  auteurs  grecs  et  latins  ^,  dans  les 
temps  qui  n'étaient  point  remplis  par  quel- 
ques devoirs  de  piété.  Jamais  il  n'eut  deux 
tuniques  à  la  fois.  Il  ne  quittait  celle  qu'il 
portait  que  quand  elle  était  absolument  usée. 
En  été,  il  avait  un  scapulaire  de  gros  camelot, 
dont  Leunius,  abbé  de  Vienne,  lui  avait  fait 
présent.  Il  avait  des  sandales  pour  chaussure 
et  couchait  sur  la  paille.  Lorsque  les  moines 
mangeaient  deux  fois  le  jour,  il  se  contentait 
d'un  repas,  qu'il  prenait  tantôt  à  midi,  tantôt 
le  soir,  n'usant  d'autres  aliments  que  de  ceux 
que  l'on  servait  à  la  communauté.  Il  préve- 
nait les  autres  aux  offices  de  la  nuit,  et  pas- 
sait beaucoup  de  temps  à  prier  dans  l'ora- 
toire. 

3.  Némansius,  successeur  de  saint  Romain 
et  de  saint  Lupicin,  ne  se  sentant  point  assez 
de  force  pour  remplir  toutes  les  fonctions 
d'abbé  *,  se  déchargea  d'une  partie  de  ses 
obligations  sur  saint  Eugende,  en  le  choisis- 
sant pour  son  coadjuteur.  Il  voulut  en  même 
temps  l'élever  au  sacerdoce,  mais  saint  Eu- 
gende s'en  défendit  constamment  à  l'exemple 
de  saint  Lupicin.  Il  ne  lui  fut  pas  aussi  facile 
de  refuser  la  charge  d'abbé.  On  le  contrai- 
gnit de  l'accepter  après  la  mort  de  Néman- 


sius.  Sa  conduite  servit  de  modèle  h  ses  dis- 
ciples, et  jamais  il  ne  leur  prescrivit  rien 
qu'il  ne  fît  le  premier  ^.  Pour  les  avoir  tou- 
jours sous  ses  yeux,  il  fit  abattre  les  cellules 
où  ils  demeuraient  séparément,  et  leur  pra- 
tiqua un  dortoir  où  ils  couchaient  tous.  Il 
avait  son  lit  dans  le  même  lieu  :  la  nuit  on  y 
allumait  une  lampe,  de  même  que  dans  l'o- 
ratoire. Ses  moines  ne  possédaient  rien  en 
propre.  S'il  arrivait  qu'on  leur  donnât  quel- 
que chose,  ils  le  portaient  aussitôt  à  l'abbé 
ou  à  l'économe  du  monastère,  qui  en  dispo- 
sait pour  le  bien  de  la  communauté.  Les  ou- 
tils mêmes  dont  ils  se  servaient  à  ditierents 
usages  étaient  en  commun  :  ce  qu'ils  avaient 
en  leur  disposition ,  était  de  prier  ou  de  lire 
hors  les  temps  des  exercices  pubhcs.  Saint 
Eugende  établit  dans  son  monastère  la  cou- 
tume de  lire  pendant  le  repas  ^.  A  l'égard 
des  autres  règlements  qu'il  lit  pour  ses  moi- 
nes, il  s'accommoda  à  la  nature  et  à  la  fai- 
blesse des  Gaulois,  les  traitant  avec  plus  de 
douceur,  surtout  les  commençants,  que  l'on 
ne  faisait  dans  le;  monastères  où  l'on  suivait 
les  règles  de  saint  Basile,  de  saint  Pacôme, 
de  Cassien  et  de  Lérins. 

4.  Saint  Eugende  mourut  vers  l'an  510, 
âgé  de  soixante  ans  et  six  mois,  après  s'être 
fait  oindre  la  poitrine,  selon  la  coutume'',  la 
veille  de  sa  mort,  par  l'un  de  ses  religieux,  à 
qui  il  avait  donné  le  soin  doindre  les  infir- 
mes. Il  y  eut  quelques  troubles  dans  son  mo- 
nastère au  sujet  de  son  successeur.  Saint 
Avit  de  Vienne  n'ayant  trouvé  personne  plus 
propre  à  les  apaiser  que  le  prêtre  Viventio- 
lus,  le  pria  d'y  donner  ses  soins.  11  n'en  fut 
pas  toutefois  élu  abbé  ;  mais,  après  y  avoir 
enseigné  les  lettres  pendant  quelques  années, 
il  en  fut  retiré  pour  gouverner  l'Eglise  de 
Lyon  8.  Ce  fut  plus  tard,  en  313,  puisqu'en 
celte  année  il  assista  à  la  dédicace  de  l'église 
d'Agaune  ". 

5.  Les  vertus  et  les  miracles  de  saint  Eu-       ^  .    ^ 

Ecrits  de 

gende  lui  avaient  acquis  une  si  grande  repu-  s^jm  Eugou- 
tation,  que  les  personnes  les  plus  puissantes 
du  siècle,  et  les  évoques  mêmes  s'empres- 
saient de  le  voir,  de  lui  parler  et  de  recevoir 
de  ses  lettres,  les  regardant  comme  des  sour- 
ces de  bénédiction  ^^  et  des  moyens  de  se 


II  mean  à 
l'âge  de  6[)  ans 
six  mois,  vers 
l'au  SIO. 


1  BoUand.,  ad  diem  21  mart.,  pag.  263,  et  ad  diem 
8  februar.,  pag.  747. 

2  BoUand.,  ad  diem  1  januar.,  pag.  52. 
2  Ibid.j  pag.  50.  —  *  Ibid.,  pag.,  51. 

6  Ibid  ,  pag.  52.  —  «  Ibid.j  pag.  54. 

'  Vocuto  uno  od  se  de  fralritms,  cui  cum  liberiaie 


peculiari  olim  eiiani  perungendi  infirmas  opus  injun- 
xerat,  secretissitne  quoque  sibi  pectusmhmi  peliit  ut 
moris  est,  perungi.  BoIIand.,  pag.  54. 

8  Avit.,  Epist.  17,  tom.  Il  oper.  Sirmund.,  pag.  53. 

9  MabilL,  Annal.  Benedict.,  lib.  ï,  pag.  27, 

10  BoUaud.,  pag.  51. 


612 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


rendre  Dieu  propice.  Il  n'en  est  toutefois 
venu  aucune  jusqu'à  nous,  si  ce  n'est  un 
billet  qu'il  écrivit  pour  délivrer  une  jeune 
fille  possédée  du  démon.  Les  livres  des  exor- 
cismes  qu'on  lui  avait  mis  sur  la  tête  ne  pro- 
duisirent aucun  etfet.  Mais  le  billet  que  les 
parents  de  la  fille  obtinrent  du  saint,  la  gué- 
rit parfaitement,  avant  même  qu'on  le  lui  eût 
fait  toucher.  11  était  conçu  en  ces  termes,  à 
l'imitation  de  celui  que  saint  Grégoire  Thau- 
maturge avait  écrit  autrefois  an  démon  ', 
mais  dans  un  sens  différent  :  «  Eugende, 
serviteur  de  Jésus-Christ,  au  nom  de  notre 
Seigneur  Jésus-Christ,  du  Père  et  du  Saint- 
Esprit,  je  te  commande,  esprit  de  gourman- 
dise, de  colère,  de  fornication  et  d'amour, 
par  cette  lettre,  de  sortir  de  la  personne 
qui  la  porte  avec  foi.  Je  t'en  conjure  par  le 
vrai  Fils  du  Dieu  vivant,  sors -en  prompte- 
ment  et  n'y  rentre  plus,  n  Saint  Eugende  ^ 
avait  aussi  recueilli  et  mis  en  ordre  les  rè- 
glements que  saint  Romain  avait  établis  dans 
le  monastère  de  Condatiscone.  Us  étaient 
autrefois  insérés  tout  entiers  dans  la  Vie  de 
saint  Eugende.  Nous  n'y  avons  plus  qu'une 
espèce  de  préface  que  l'auteur  de  cette  Vie 
avait  mise  à  la  tête  de  ces  règlements.  Il  re- 
marque ^  que  ce  saint  avait  rédigé  par  écrit 
dans  un  autre  ouvrage,  à  la  prière  du  prêtre 


Marin,  abbé  de  Lérins,  les  statuts  du  monas- 
tère d'Agaune  ou  de  Saint-Maurice  :  ce  qui 
fait  voir  qu'encore  que  le  monastère  d'A- 
gaune fût  une  fille  de  celui  de  Condatiscone, 
on  n'y  observait  pas  néanmoins  les  mêmes 
règlements. 

6.  Nous  avons  dans  la  chronologie  des 
grands  hommes  de  l'abbaye  de  Lérins  *  et 
dans  le  recueil  des  Bollandistes,  l'éloge  de 
saint  Venance,  frère  de  saint  Honorât,  pre- 
mier abbé  de  ce  monastère.  L'auteur,  qui  ne 
se  nomme  point,  mais  qui  paraît  avoir  été 
moine  de  Lérins,  dit  qu'il  avait  tiré  de  divers 
monuments  ce  qu'il  rapporte  de  saint  Ve- 
nance :  ce  qui  doit  s'entendre  surtout  de  la 
Vie  de  saint  Honorât  par  saint  Hilaire  d'Ar- 
les, dont  le  deuxième  chapitre  contient  les 
voyages  de  saint  Honorât  et  de  saint  Venance 
avec  Ja  mort  de  ce  dernier.  L'anonyme  com- 
posa cet  éloge  pour  êtte  lu  annuellement  au 
jour  de  la  fête  de  saint  Venance.  Il  le  com- 
mence par  une  réflexion  sur  la  faibles.se  de 
la  nature  humaine,  et  sur  la  force  et  la  né- 
cessité de  la  grâce,  disant  que  l'homme 
tombe  par  lui-même  dans  le  vice,  mais  qu'il 
ne  s'élève  point  aux  mérites  salutaires  des 
vertus,  s'il  n'est  soutenu  de  la  main  toute- 
puissante  de  Dieu  ^. 


CHAPITRE  XLVIII. 

Hormisdas ,   pape,    [en   523]. 


HormijdaB  !•  SymmaquB  étant  passé  de  cette  vie  à  la 
élu  ipape  en  gloire  étemelle,  après  un  pontificat  de  quinze 
ans  et  près  de  huit  mois,  on  élut  sept  jours 
après  sa  mort,  c'est-à-dire  le  26  juillet  514, 
le  diacre  Hormisdas  pour  lui  succéder.  11  était 
fils  de  Juste,  né  à  Frusinone,  en  Campanie, 
et  tint  Je  Saint-Siège  pendant  neuf  ans.  Son 
élection  ayant  été  notifiée  dans  toutes  les 
provinces  s,  le  roi  Clovis  fut  le  premier  à  lui 
en  témoigner  sa  joie,  et,  de  l'avis  de  saint 
Remy,  il  envoya  au  pape  une  couronne  d'or 


enrichie  de  pierres  précieuses,  comme  un 
présent  qu'il  faisait  à  saint  Pierre. 

2.  Saint  Remy  écrivit  aussi  à  Hormisdas,  sur 
son  élection  au  pontificat  '.  Le  pape,  après 
l'en  avoir  remercié  dans  sa  réponse,  et  l'a- 
voir congratulé  sur  la  conversion  du  roi  et 
de  la  nation  française,  le  constitue  son  vi- 
caire dans  tous  les  Etats  de  ce  prince,  en  le 
chargeant  de  veiller  à  l'exécution  des  canons, 
de  convoquer  des  conciles  de  tous  les  évê- 
ques  du  royaume,  lorsque  les  affaires  de  la 


LeIU 
saint  Kef 


i 


»  Gregor.  Nyssen.,  in  Vita  Thaumat.,  pag.  549; 
Gregor.,  Satanœ  inira. 

^  Bolland.,  ad  diem  28  februar.,  pag.  74fi. 

aibid. 

*  Baral.,  loin.  I,  pag.  187;  Bolland.,  ad  diem  30 
maii,  pag.  593. 


5  Nuiura  humana  per  semelipsam  labitur  ad  vilia, 
sed  ad  salutaria  virtutum  mérita  nuHatenus  assurgit 
nisi  potenlis  manus  Dei  fueril  uuxilio  suhlevala. 
Pag.  593. 

0  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1418. 

'  Ibid.,  pag.  1412. 


[VI'  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVIII.  —  HORMISDAS,  PAPE. 


613 


l.eltre    à 

mpereur 
lastase. 


religion  le  demanderont  ;  de  terminer  les 
différends  qui  pourraient  s'élever  entre  les 
évêques,  et  de  lui  rendre  compte  de  ce  qu'il 
aurait  fait  pour  le  maintien  de  la  foi  et  de  la 
vérité,  soit  de  lui-même,  soit  par  autorité 
apostolique.  Cette  lettre  est  sans  date,  mais 
on  ne  peut  douter  qu'elle  n'ait  suivi  de  près 
l'élection  d'Hormisdas  '. 

3.  En  l'an  515,  l'empereur  Anastase  eut 
recours  à  lui  ^  pour  apaiser  les  troubles  qui 
s'étaient  élevés  du  côté  de  la  Scythie,  c'est- 
à-dire  la  révolte  de  Vitalien,  général  de  la 
cavalerie,  que  les  catholiques  de  Scythie  et 
de  Mésie  avaient  excitée  contre  ce  prince, 
dont  ils  ne  pouvaient  plus  souffrir  les  persé- 
cutions. Cette  lettre,  qui  est  du  12  janvier,  fut 
rendue  à  Hormisdas  le  27  mars,  par  Patrice. 
L'empereur  lui  dit  que  la  dureté  des  papes 
précédents  l'avait  empêché  de  leur  écrire, 
mais  que  la  réputation  de  sa  bonlé^l'enga- 
geait  à  recourir  au  siège  de  saint  Pierre.  Il 
prie  donc  Hormisdas  de  se  rendre  médiateur 
entre  lui  et  Vitalien,  marquant  qu'il  pré- 
voyait que  les  mouvements  de  Scythie  ne 
pourraient  s'apaiser  qu'en  assemblant  un 
concile,  parce  qu'en  effet  Vitalien  avait  pris 
la  religion  pour  prétexte  de  sa  révolte,  et 
déclaré  qu'il  avait  pris  les  armes  pour  pro- 
téger les  catholiques  et  faire  rétablir  Macé- 
donius  sur  le  siège  de  Constantinople.  Par 
une  seconde  lettre  datée  du  lA  mai  515  ^, 
Anastase  marquait  au  pape  que  ce  concile  se 
tiendrait  à  Héraclée  en  Europe,  c'est-à-dire 
en  Thrace,  et  il  le  priait  de  s'y  rendre  le  1" 
juillet  de  la  même  année.  Le  pape,  en  répon- 
dant à  la  première  de  ses  lettres,  rend  grâ- 
ces à  Dieu  *  de  ce  qu'il  avait  inspiré  à  l'em- 
pereur de  rompre  le  silence.  11  justifie  ses 
prédécesseurs,  dont  il  dit  que  l'intention  a 
toujours  été  de  procurer  la  paix  et  l'unité, 
ajoutant  qu'il  se  ri'jouit  lui-même  de  les  voir 
bientôt  rétablies,  et  promettant  à  ce  prince 
de  lui  répondre  plus  au  long,  quand  il  aurait 
appris  le  sujet  de  la  convocation  du  concile. 
La  lettre  du  pape  est  du  4  avril  515.  Par  une 
autre,  qui  est  du  8  juillet  ^,  il  promet  à  Anas- 
tase de  lui  envoyer  dans  peu  des  évêques 
chargés  de  ses  ordres.  Sou  dessein  n'était 
pas  qu'ils  assistassent  au  concile  indiqué  par 

'  Pagi,  Crit.,  ad  an.  514,  révoque  en  doute  cette 
épître.  Fesseier,  Instit.  Pair.,  tom.  II,  pag.  964,  fait 
de  même.  La  quatre-vingt-unième  lettre  est  la  même 
que  cette  première.  [L'éditeur.) 

2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1420. 

'  Ibid.,  pag.  1425.  —     Ibid.,  pag.  1422. 


l'empereur,  mais  qu'ils  examinassent  à  quelle 
intention  ce  prince  avait  demandé  qu'il  se 
tînt  ;  s'il  était  dans  la  résolution  sincère  de 
professer  la  vraie  foi,  de  recevoir  la  lettre  de 
saint  Léon  et  d'anathématiser  les  hérétiques. 
Toutes  ces  précautions  étaient  nécessaires 
pour  empêcher  qu'Anasfase  ne  trompât  le 
Saint-Siège,  en  recourant  à  son  secours  non 
pour  la  défense  de  la  foi,  mais  pour  s'affer- 
mir dans  ses  Etats  et  pour  en  éloigner  Vita- 
lien. Car  ce  général  avait  déjà  conquis  toute 
la  Thrace  *,  la  Scythie  et  la  Mésie.  Il  était 
même  venu  jusqu'aux  portes  de  Constanti- 
nople. Cependant,  sur  la  promesse  que  lui  fit 
Anastase  de  rappeler  les  évêques  exilés,  de 
rétablir  Macédonius  sur  le  siège  de  Constan- 
tinople ',  et  Flavien  sur  celui  d'Antioche,  il 
envoya  aussi  des  députés  au  pape  touchant 
le  concile  que  l'on  était  convenu  d'assembler 
pour  examiner  les  excès  dont  les  catholiques 
se  plaignaient. 

4.  Le  pape,  quoique  invité  à  cette  assem-  instruciion 
blée  8,  ne  voulut  point  y  aller,  ni  y  envoyer  st  lég^T"'' 
de  légats.  Mais,  par  délibération  d'un  concile, 
et  de  l'avis  du  roi  Thèodoric,  il  députa 
en  Orient  Ennode  de  Pavie,  un  autre  évêque, 
nommé  Fortunat  ;  Venance  ,  prêtre  ;  Vital , 
diacre,  et  Hilarus,  notaire,  qu'il  chargea  d'un 
mémoire  instructif,  qui  commence  ainsi  : 
«  Lorsque  vous  arriverez  en  Grèce,  si  les 
évêques  viennent  au-devant  de  vous,  rece- 
vez-les avec  le  respect  convenable,  s'ils  vous 
préparent  un  logement,  ne  le  refusez  pas,  de 
peur  qu'il  ne  paraisse  aux  laïques  que  vous 
ne  voulez  point  de  réunion  ;  s'ils  vous  invi- 
tent à  manger,  excusez-vous-en  honnête- 
ment, en  disant  :  «  Priez  Dieu  que  nous  com- 
muniquions auparavant  à  la  table  mystique, 
et  alors  celle-ci  nous  sera  plus  agréable.  » 
Ne  recevez  pas  les  autres  choses  qu'ils  pour- 
ront vous  offrir,  si  ce  n'est  les  voitures  en 
cas  de  besoin.  Dites  que  vous  ne  manquez 
de  rien,  et  que  vous  espérez  qu'ils  vous  don- 
neront même  leurs  coeurs.  Lorsque  vous  se- 
l'ez  à  Constantinople,  prenez  le  logement  que 
l'empereur  aura  ordonné,  et  avant  de  le  voir 
ne  recevez  personne  que  ceux  qui  seront  zé- 
lés pour  l'union ,  mais  avec  précaution  et 
pour  vous  instruire  de  ce  qui  se  passe.  Etant 

5  Ibid.,  pag.  1425. 

^  Marcell.,  in  Chron.,  ad  ann.  514. 

7  Tom.  IV  Concil.,  pag.  122G. 

8  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1426,  et  lib.  Pont.,   pag. 
1416;  Ibid. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


61i 

présentés  à  l'empereur,  rendez-lui  nos  let- 
tres, en  disant  :   «  Votre  Père  vous  salue, 
priant  Dieu  tous  les  jours  pour  la  prospérité 
de  votre  règne,  par  les  intercessions  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul,  afin  que,  coname  il 
vous  a  donné  le  désir  de  le  consulter  pour 
l'unité  de  l'Eglise,  il  vous  en  donne  la  vo- 
lonté parfaite.  »  Ne  lui  parlez  de  rien  avant 
qu'il  ait  reçu  nos  lettres  ;  et  après  qu'elles 
auront  été  reçues  et  lues,  ajoutez  :  «Le  pape 
a  aussi  écrit  à  votre  serviteur  Vitalien,  qui 
lui  a  envoyé  des  gens  de  sa  part,  avec  votre 
permission,  à  ce  qu'il  a  écrit;»  mais  le  pape 
a  ordonné  que  les  lettres  que  nous  lui  por- 
tons ne  lui  soient  rendues  que  par  votre' or- 
dre. Si  l'empereur  demande  les  lettres  que 
nous  envoyons  à  Vitalien,  il  faut  répondre  : 
«  Le  pape  ne  nous  l'a  pas  ordonné;  mais  afin 
que  vous  connaissiez  la  simplicité  de  ces  let- 
tres et  qu'elles  ne  tendent  qu'à  vous  porter 
à  la  réunion  de  l'Eglise,  envoyez  quelqu'un 
avec  nous  en  présence  de  qui  on  les  lise.  » 
S'il  dit  :  «Vous  pouvez  encore  avoir  d'autres 
ordres.  »  Vous  répondrez  :  «  Dieu  nous  en 
garde,  ce  n'est  pas  notre  coutume.  Nous  ve- 
nons pour  la  cause  de  Dieu,  et  nous  ofifense- 
rions  Dieu  ;  le  pape  agit  simplement  et  ne 
demande  autre  chose,  sinon  que  l'on  n'altère 
pas  les  constitutions  des  Pères,  et  que  l'on 
chasse  de  l'Eglise  les  hérétiques  :  notre  com- 
mission ne  contient  rien  de  plus.  » 
l'in^iSon!       ^-  "  ^'  l'empereur  dit  :  «  C'est  pour  cela 
p,g.  U27.      que  j'ai  invité  le  pape  au  concile,  afin  que, 
s'il  y  a  quelque  difficulté,  elle  soit  terminée  ;  » 
il  faut  répondre  :  «  Nous  en  rendons  grâces 
à  Dieu  :  mais  le  moyen  de  rétablir  l'union 
entre  les  Eglises,  c'est  que  vous  observiez  ce 
que  vos  prédécesseurs  Marcien  et  Léon  ont 
observé.  »  S'il  demande  ce  que  c'est ,  vous 
direz  :  «  Que  l'on  ne  donne  point  d'atteinte 
au  concile  de  Chalcédoine  et  à  la  lettre  du 
pape  saint  Léon.  »  S'il  dit  :  «  Nous  recevons 
le  concile  de  Chalcédoine  et  les  lettres  du 
pape  Léon.  »  Vous  lui  rendrez  grâces  et  lui 
baiserez  la  poitrine,  en  disant  :  «  Nous  voyons 
maintenant  que  Dieu  vous  favorise.  C'est  la 
foi  catholique,  sans  laquelle  on  ne  peut  être 
orthodoxe.  »  S'il  dit  :  «  Les  évêques  sont  ca- 
tholiques et  ne  s'écartent  point  des  maximes 
des  Pères.  »   Vous  répondrez  :    «  Pourquoi 
donc  y  a-t-il  tant  de  division  entre  les  Eglises 
de  ces  quartiers  ?  »  S'il  dit  :  «  Les  évêques 
étaient  en  repos,  c'est  le  prédécesseur  du 
pape  qui  les  a  troublés  par  ses  lettres. «Vous 
direz  :  «  Nous  avons  en  main  les  lettres  de 


Symmaque  ;  si  elles  ne  contiennent  autre 
chose  que  ce  dont  vous  convenez,  le  concile 
de  Chalcédoine,  la  lettre  de  saint  Léon,  et  des 
exhortations  pour  les  observer,  que  pent-on 
y  trouver  à  reprendre  ?  »  Ajoutez  à  ces  dis- 
cours des  prières  et  des  larmes,  en  disant  : 
«  Seigneur,  regardez   Dieu,  mettez  devant 
vos  yeux  son  jugement.  Les  Pères  qui  ont 
fait  ces  décisions,  ont  suivi  la  foi  de  saint 
Pierre,  par  laquelle  l'Eglise  a  été  bâtie.  »  Si 
l'empereur  dit  :  «  Communiquez  donc  avec 
moi,  puisque  je  reçois  le  concile  de  Chalcé- 
doine et  les  lettres  du  pape  Léon  ;  »  vous  ré- 
pondrez :  «  Nous  nous  en  réjouissons,  et 
nous  vous  prions  de  réunir  l'Eglise  ;  que  tous 
les  évêques  sachent  votre  intention  et  que 
vous  observez  le  concile  et  les  lettres  du  pape 
Léon.  1)  S'il  demande  en  quel  ordre  cela  se 
doit  faire,  vous  répondrez  avec  humilité  : 
«  Le  pape  a  écrit  aux  évêques  en  général  : 
joignez-y  vos  lettres,  déclarant  que  vous  sou- 
tenez ce  qu'enseigne  le  Siège  apostolique  : 
alors  on  connaîtra  ceux  qui  sont  orthodoxes, 
et  ceux  qui  ne  le  sont  pas.  Les  choses  étant 
ainsi  réglées,  le  pape  sera  prêt  de  venir  en 
personne  s'il  est  besoin,  et  ne  refusera  rien 
pour  la  réunion  de  l'Eglise.  »  Si  l'empereur 
dit  :  «  Cela  va  bien,  cependant  recevez  l'é- 
vêque  de  cette  ville.  »  Vous  lui  direz  hum- 
blement :  «  Seigneur,  il  s'agit  de  deux  per- 
sonnes, c'est-à-dire  de  Macédonius  et  de  Ti- 
mothée,  c'est  une  affaire  particulière  :  il  faut 
auparavant  régler  le  général  des  évêques  et 
rétablir  une  commmunion  universelle  ;  en- 
suite   on   pourra  mieux  examiner  l'affaire 
de  ceux-ci  ou  des  autres  qui  sont  hors  de 
leurs  Eglises.  »   Si  l'empereur  dit  :  «  Vous 
parlez  de  Macédonius,  j'entends  votre  finesse  ; 
c'est  un  hérétique,  il  ne  peut  être  rappelé  en 
aucune  manière  ;  «  vous  répondrez  :  «  Nous 
ne  marquons  personne  en  particulier,  nous 
parlons  pour  l'intérêt  de  votre  conscience  et 
de  votre  réputation,  afin  que  si  Macédonius 
est  hérétique,  on  le  connaisse  et  qu'on  ne 
dise  pas  qu'il  est  opprimé  injustement.  »  Si 
l'empereur  dit  :  «  L'évêque  de  cette  ville  re- 
çoit le  concile  de  Chalcédoine  et  les  lettres 
du  pape  Léon;  n  vous  répondrez  :  «Sa cause 
en  sera  plus  favorable  :  mais  puisque  vous 
avez  permis  à  Vitahen  d'examiner  ses  affai- 
res devant  le  pape,  laissez-les  en  leur  en- 
tier. »  Si  l'empereur  dit  :  «  Ma  ville  sera-t- 
elle  sans  évêque  ?  »  Il  faut  répondre  :  «  H  y 
a  plusieurs  remèdes  pour  faire  que  vous  ne 
soyez  pas  sans  communion,  en  conservant  la 


[VI=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVIII.  —  HORMISDAS  ,  PAPE. 


6Io 


forme  des  jugements.  On  peut  tenir  en  sus- 
pens ia  cause  des  autres  évêques,  et  cepen- 
dant, par  provision,  laisser  en  la  place  d'évê- 
que  de  Constantinople,  celui  qui  s'accordera 
à  votre  confession  de  foi  et  aux  décrets  du 
Saint-Siège.» 

6.  Si  l'on  vous  donne  des  requêtes  contre 
d'autres  évêques,  principalement  contre  ceux 
qui  anathématisent  le  concile  de  Chalcédoine 
et  rejettent  les  lettres  de  saint  Léon,  recevez 
les  requêtes,  mais  réservez  la  cause  au  juge- 
ment du  Saint-Siège.  Si  l'empereur  vous  pro- 
met tout,  pourvu  que  nous  venions  en  per- 
sonne, il  faut  absolument  envcîyer  aupara- 
vant sa  lettre  par  les  provinces,  et  qu'un  des 
vôtres  accompagne  ceux  qu'il  enverra,  afin 
que  tout  le  monde  connaisse  qu'il  reçoit  le 
concile  de  Chalcédoine  et  les  lettres  de  saint 
Léon  ;  alors  vous  nous  manderez  de  venir. 
De  plus  ',  c'est  la  coutume  que  tous  les  évê- 
ques sont  présentés  à  l'empereur  par  l'évèque 
de  Constantinople.  S'ils  veulent  s'en  préva- 
loir pour  vous  obliger  à  voir  ïimothée,  et  que 
vous  le  puissiez  prévoir,  vous  direz  :  «  Les 
ordres  que  le  pape  nous  a  donnés  portent  que 
nous  voyions  votre  clémence,  sans  aucun 
évoque  ,  et  vous  tiendrez  fei'mes  jusqu'à  ce 
qu'il  renonce  à  cette  coutume.  »  S'il  ne  veut 
pas,  ou  si  par  adresse  on  vous  fait  voir  Timo- 
thée  devant  l'empereur,  vous  direz  :  «  Que 
voire  piété  nous  fasse  mettre  en  particulier 
pour  exposer  notre  charge.  »S'il  ordonne  de 
le  dire  devant  lui,  vous  répondrez  :  «Nous  ne 
prétendons  pas  l'offenser,  mais  nous  avons 
des  ordres  qui  le  regardent  lui-même,  et  nous 
ne  pouvons  parler  en  sa  présence.  »  Enfin, 
ne  proposez  rien  devant  lui,  en  quelque  ma- 
nière que  ce  soit;  mais,  après  qu'il  sera  sorti, 
vousferez  voir  la  tenue  de  votre  délégation.  » 
7.  Telle  est  l'instruction  du  pape  Hormisdas 
à  ses  légats ,  la  plus  ancienne  pièce  de  ce 
genre  qui  nous  reste  -,  où  la  prudence  et  la 
charité  reluisent  également.  Au  reste  ,  il  ne 
faut  pas  s'étonner  que  le  pape  prévoie  si  bien 
les  réponses  et  les  objections  de  l'empereur  : 
il  pouvait  en  être  bien  instruit  par  Patrice, 
envoyé  d'Anastase  ,  et  par  ceux  de  Vitalien. 
Cette  instruction  est  suivie  de  quelques  articles 
qui  devaient  entrer  dans  la  déclaration  que 
l'empereur  et  les  évêques  de  valent  faire  dans 


l'église  en  présence  du  peuple,  pour  marque 
de  leur  réunion.  Elle  porte ,  en  substance, 
qu'ils  reçoivent  le  concile  de  Chalcédoine  et 
les  lettres  de  saint  Léon  contre  Neslorius, 
Eutychès,  Dioscore  et  leurs  sectateurs,  Timo- 
thée  Elure,  Pierre  et  ceux  qui  sont  en  la 
même  cause,  et  qu'ils  anathématisent  Acace, 
autrefois  évêque  de  Constantinople,  et  Pierre 
d'Antioche,  avec  leurs  compagnons.  Ils  de- 
vaient écrire  cette  déclaration  de  leurs  mains, 
en  présence  de  personnes  choisies,  suivant 
le  formulaire  tiré  des  archives  de  l'Eglise  ro- 
maine, dont  le  notaire  Hilarus  avait  le  pro- 
tocole. Le  pape  veut  qu'avant  toutes  choses 
l'on  rappelle  les  évêques  chassés  de  leurs 
Eglises,  lorsqu'ils  étaient  en  communion  avec 
le  Saint-Siège  ;  qu'on  fasse  venir  à  Rome  ceux 
qui  ont  été  relégués  pour  quelque  cause  ec- 
clésiastique, afin  qu'ils  y  soient  examinés,  et 
que  s'il  arrive  que  quelqu'un  donne  des  re- 
quêtes contre  les  évêques  qui  ont  persécuté 
les  catholiques,  le  jugement  en  soit  aussi  ré- 
servé au  Siège  apostolique. 

8.  Outre  l'instruction  que  le  pape  avait 
donnée  à  ses  légats,  il  les  avait  chargés  d'une 
lettre  pour  l'empereur,  dans  laquelle  il  lui 
témoigne  que,  quoiqu'il  fût  sans  exemple  que 
l'évèque  de  Rome  se  fût  trouvé  à  un  concile 
hors  de  sa  ville,  il  irait  néanmoins  à  celui  que 
ce  prince  avait  indiqué ,  pourvu  qu'avant  de 
le  tenir,  on  approuvât  le  concile  de  Chalcé- 
doine et  la  lettre  de  saint  Léon  ;  qu'on  ana- 
thématisât  Nestorius  ,  Eutychès  et  leurs  sec- 
tateurs, et  que  l'on  ôtât  des  diptyques  les 
noms  de  Dioscore ,  de  Timothée  Elure ,  de 
Pierre  et  d'Acace.  Il  combat  en  peu  de  mots 
les  hérésies  de  Nestorius  et  d'Eutychès,  mon- 
trant, contre  le  premier,  par  les  paroles  de 
l'ange  à  Marie  ^,  que  ce  qui  est  né  d'elle  est 
vraiment  Fils  de  Dieu;  et,  contre  le  second, 
que  les  deux  natures  *  subsistent  en  Jésus- 
Christ,  dans  lequel  elles  sont  unies  en  une 
seule  personne,  en  sorte  que  Dieu  et  l'homme 
ne  sont  qu'un  seul  Fils  de  Dieu,  Jésus- 
Christ  notre  Seigneur.  Cette  lettre  est  du 
li  août  315. 

9.  Celle  que  l'empereur  écrivit  au  pape  en 
renvoyant  ses  légats,  est  de  l'an  516.  Il  fait 
d'eux  un  grand  éloge  ,  disant  qu'ils  avaient 
rempli  parfaitement  leur  ministère;  et  pour 


l'cmi  ereiir  , 
pag.  UJO. 


Lettre  à 
l'empereur  , 
pag.  1436. 


'  Est  consuetudo  per  episcopum  Constantinopolita- 
num  omnes  imperotori  episcopos  prœsentari.  Pag.  1429. 

"  Fleury,  liv.  XXXI,  Hist.  ecclés.,  pag.  192. 

'  Oblitus  Nestorius  angelicœ  annuntiationis  per 
quant  mundo  innotuit,  quia  quod  ex  Maria  nasceretur 


vocandum    esset    Sanctum    Filius    Dei.    Pag.    1431. 
*  In  una  eademque  persona  persistit  utraque  natura, 
utDeits  atque  homo  unus  Dei  Filius  Jésus  Chrisius  ap- 
pareat.  Ibid. 


616 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


convaincre  Hormisdas  de  la  pureté  de  sa  foi, 
il  prouve  ,  par  divers  passages  de  l'Ecriture, 
que  Marie  est  mère  de  Dieu,  et  que  son  Fils 
est  consubstantiel  à  Dieu  le  Père  et  au  Saint- 
Esprit,  et  né  de  la  race  de  David  selon  la 
cliair.  Il  déclare  qa'il  reçoit  le  concile  de  Chal- 
cédoine  et  qu'il  condamne  Nestorius  et  Eu- 
tycliès.  A  l'égard  de  l'anatlième  prononcé 
contre  Acace,  il  dit  qu'on  le  doit  supprimer, 
si  l'on  veut  rétablir  la  paix  et  l'union  entre 
les  Eglises  d'Orient  et  d'Occident,  ajoutant 
qu'il  lui  paraissait  dur  de  chasser  de  l'Eglise 
les  vivants  à  cause  des  morts  ;  qu'on  ne  pour- 
rait pas  même  le  faire  sans  effusion  de  sang; 
que  tout  se  fera  mieux  par  le  concile,  et  qu'il 
enverra  des  ambassadeurs  au  pape  pour  lui 
faire  connaître  la  droiture  de  ses  intentions. 
Mais  son  vrai  but  n'était  que  de  gagner  du 
temps  et  de  se  mettre  en  état  de  ne  plus 
craindre  Vitalien,  en  se  réconciliant  les  peu- 
ples par  la  profession  ouverte  de  la  foi  ortho- 
doxe. Il  ne  sut  pas  néanmoins  se  soutenir, 
car  au  lieu  d'envoj'er  des  évéques,  comme  il 
l'avait  promis  à  Ennode  de  Pavie,  l'un  des 
légats  *,  il  n'envoya  que  des  laïques,  savoir  : 
Théopompe,  comte  des  domestiques,  et  Sévé- 
rien,  comte  du  Consistoire,  tous  deux  défen- 
seurs de  l'hérésie  eutychienne.  Il  les  chargea 
de  deux  lettres  :  l'une  pour  le  pape ,  l'autre 
pour  le  sénat  de  Rome.  Dans  la  première, 
qui  est  du  16  juillet  516,  il  témoigne  un  désir 
sincère  de  procurer  la  paix  de  l'Eglise.  Il  prie, 
dans  la  seconde,  datée  du  29  du  même  mois, 
le  sénat  de  la  ville  de  Rome  de  disposer  l'es- 
prit du  roi  Théodoric  et  du  pape  à  la  réunion. 
Hormisdas  se  plaignit  doucement  du  délai  que 
l'empereur  avait  apporté  à  l'envoi  de  ses  dé- 
putés ^ ,  et  lui  témoigna  que  loin  d'avoir  be- 
soin d'être  exhorté  par  le  sénat  de  travailler 
à  la  paix  de  l'Eglise  ,  il  se  jetait  lui-même  à 
ses  pieds  pourles  intérêts  de  l'Eglise  univer- 
selle, le  conjurant,  au  nom  de  Jésus-Christ, 
de  ne  point  permettre  que  ses  membres  fus- 
sent dévorés  par  les  mauvais  chiens.  Il  ne  lui 
parla  point  d'Acace,  mais  le  sénat  répondit 
qu'il  ne  pouvait  y  avoir  de  paix  ^  tant  que 
l'on  respecterait  le  nom  de  cet  évêque. 
r.eiire  à        dû.  Dorothéc,  évêque  de  Thessalonique, 

Doroltno    de      ,       .    . .  •  ,     tt  .1  , 

issaioni-     écrivit  auss  la  Hormisdas  pour  1  exhorter  à 

'■'■   "''■   travailler  à  la  paix  de  l'Eglise.  Il  lui  témoigne 

un  grand  respect  pour  le  Saint-Siège  et  son 

désir  de  voir  rendre  partout  à  ce  Siège  l'hon- 


Tbessaloi 
que, 


neur  qui  lui  est  dû,  et  les  hérésies  de  Nesto- 
rius et  d'Eutychès  condamnées  avec  leurs 
auteurs  et  leurs  sectateurs.  Sa  lettre  fut  por- 
tée à  Rome  par  Patrice.  Elle  est  du  28  avril 
315.  Le  pape,  dans  sa  réponse ,  qui  est  sans 
date,  loue  le  zèle  de  Dorothée  et  l'exhorte  à 
contribuer  de  son  côté  à  la  réunion  des 
Eglises. 

H.  Plusieurs  évêques  catholiques  d'Uly- 
rie  s'étaient  trouvés  à  Constantinople  dans 
le  temps  qu'Ennode  de  Pavie  et  les  autres 
légats  du  Saint-Siège  y  étaient,  l'empereur 
y  retint  les  quatre  principaux  d'entre  eux. 
Alcyson  ,    évêque  de  Nicopolis  ,  fut  de   ce 
nombre.  Son  zèle  pour  la  foi  catholique  nous 
est  connu  par  la  lettre  *  que  les  moines  ca- 
tholiques de  Palestine  lui  écrivirent  touchant 
les  troubles  de  l'Eglise  d'Orient.  Il  mourut  à 
Constantinople  et  eut  pour  successeur  Jean, 
qui  fut  o'rdonné  évêque  de  Nicopolis  par  les 
évêques  de  la  province.  Nous  avons  encore 
la  lettre  qu'ils  écrivirent  au  pape  pour  lui 
donner  avis  de  l'élection  de  Jean.  Ils  y  font 
son  éloge,  témoignant  de  leur  côté  une  en- 
tière soumission  pour  les  volontés  du  Saint- 
Siège.  Leur  lettre,  qui  est  souscrite  par  huit 
évêques,  fut  portée  par  le  diacre Rufin.  Jean 
en  écrivit  une  en  particulier  où ,  après  avoir 
reconnu  que  le  Siège  apostolique  est  chargé 
du  soin  de  toutes  les  Eglises,  il  déclare  qu'il 
reçoit  les  quatre  conciles  généraux  de  Nicée, 
de  Constantinople,  d'Ephèse  et  de  Chalcé- 
doine  ;   qu'il  tient  la  foi  du  Saint-Siège,   à 
l'exemple  d'Alcyson,  son  prédécesseur;  qu'il 
anathèmatise    Dioscore  ,    Timothée    Elure , 
Pierre  Mongus  ,  Acace,  Pierre-le-Foulon,  et 
qu'il  admet  les  lettres  de  saint  Léon.  Il  prie 
Hormisdas  de  l'instruire  plus  amplement  de 
ce  qu'il  doit  observer  et  de  ce  dont  il  doit 
s'abstenir.  Le  pape  répondit  à  Jean  de  Nico- 
polis et  à  son  concile  par  deux  lettres  diffé- 
rentes, l'une  du  15  et  l'autre  du  19  novembre 
517,  qu'il  fallait  que  ceux  qui  voulaient  reve- 
nir à  l'unité  de  l'Eglise  condamnassent  nom- 
mément Nestorius,  Eutychès  et  Acace,  et  gé- 
néralement tous  ceux  que  l'Eglise  romaine 
condamne.  A  ces  deux  lettres  il  en  joignit 
une  troisième  adressée  à  Jean,  avec  un  mé- 
moire qu'il  lui  envoya  et  à  son  concile ,  par 
PoUion,  sous-diacre,  afin  qu'ils  y  souscrivis- 
sent ^,  comme  avaient  fait  tous  ceux  qui,  dans 
ces  cantons,  s'étaient  réunis  à  l'Eglise  ro- 


1  Ilonnisd.,  Epist.  88 
oper.  Sirmund.  —  ^  Pag 


ad  Avil.,   pag.  13  ,  toni.  II    *  Evag.,  lib.  III,  cap.  X.XX1. 

,  1435.  —  3  Pag.  1437.        s  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1443,  1444. 


\  1VI<^  SIÈCLE.] 

1  maine.  Le  pape  donna  cette  instruction  à  Pol- 

lion  :  «  Quand  vous  serez  arrivé  k  Nicopolis 
et  que  l'évêque  aura  reçu  nos  lettres ,  faites 
qu'il  assemble  les  évèques  de  sa  province  et 
leur  fasse  souscrire  le  libelle  joint  à  ces  let- 
tres. S'il  dit  qu'il  est  difficile  de  les  assem- 
bler, qu'il  envoie  avec  vous  des  personnes  t'i 
chaque  évêque,  afin  qu'ils  souscrivent  en  vo- 
tre présence.  Vous  devez  faire  lire  publique- 
ment nos  lettres ,  ou  ,  si  les  évêques  n'osent 
le  faire ,  qu'ils  les  lisent  du  moins  à  leur 
clergé.  Laissez-leur-en  le  choix,  et  rapportez- 
nous  leurs  souscriptions,  et  de  Jean,  leur  mé- 
tropolitain, sans  vous  arrêtef  ensuite  sur  les 
lieux,  à  cause  des  artifices  des  ennemis.»  Le 
mémoire  ou  libelle  que  Pollion  fut  chargé  de 
faire  souscrire  aux  évêques,  porte  en  subs- 
tance :  que  la  foi  ayant  toujours  été  conser- 
vée pure  dans  le  Siège  apostolique,  ceux  qui 
souhaitent  ne  point  s'éloigner  de  cette  foi  et 
de  suivre  en  tout  les  décrets  des  Pères,  doi- 
vent anathémaliser  tous  les  hérétiques,  prin- 
cipalement Nestorius,  Eutj^chès,  Dioscore,  et 
recevoir  le  concile  de  Chalcédoine,  où  ces  hé- 
rétiques ont  été  condamnés;  ils  doivent  en 
outre  analhématiser  Timothée  EIure,le  meur- 
trier de  saint  Protère  ;  Pierre  Mongus,  son 
disciple,  et  Acace  qui  est  demeuré  dans  leur 
communion,  et  Pierre  d'Antioche  ;  promettre 
de  ne  plus  réciter  dans  les  mystères  les  noms 
de  ceux  qui  sont  séparés  de  la  communion  de 
FEglise  catholique,  c'est-à-dire  ceux  qui  ne 
sont  point  d'accord  avec  le  Siège  apostolique, 
et  souscrire  de  leur  main  propre  cette  pro- 
fession. 

,m"'Lh  *^'  ^''^  ^'^^  ^^^'   '^  P^l-*^  ^^^'^^  ^*^^''*'  ^  ^'''"'^ 

'™,,r  B~  ^^''^  évêque  de  Vienne,  pour  lui  apprendre 
'•«•  '  °  la  conversion  des  provinces  de  Dardanie , 
d'illyrie  et  de  Thrace,  et  pour  le  précaution- 
ner contre  les  artifices  des  schismatiques,  qui 
étaient  en  grand  nombre  ,  non-  seulement  à 
Constantinople ,  mais  aussi  à  Antioche  et  à 
Alexandrie.  Ce  saint  évêque  était  encore  in- 
formé que  le  pape  avait  envoyé  Ennode  de 
Pavie  en  Orient,  et  croyait  que  cette  pre- 
mière légation  ayant  été  sans  succès,  il  yen 
avait  eu  une  seconde  ,  parce  qu'en  effet  on 
se  disposait  à  Rome  d'envoyer  une  seconde 
fois  des  légats  à  Constantinople.  Dans  le  désir 
de  savoir  s'ils  avaient  réussi  à  rétablir  la  paix 
des  Eghses,  saint  Avit  députa  au  pape  le 
prêtre  Alexis  et  le  diacre  Vénance  ,  au  nom 
de  toute  la  province  de  Vienne ,  parce  que 
les  Grecs  se  vantaient  d'être  réconciliés  avec 
l'Eglise  romaine.  Hormisdas  ayant  reçu  cette 


CHAPITRE  XLVm.  —  HORMISDAS ,  PAPE. 


617 


lettre  le  30  janvier  517,  fit  réponse  qu'il  n'a- 
vait encore  envoyé  qu'une  légation,  et  que 
si  elle  eût  été  heureuse,  il  n'eût  pas  manqué 
de  lui  en  faire  part;  qu'au  reste,  les  Grecs  ne 
désiraient  la  paix  qu'en  paroles  ;  qu'ils  pro- 
posaient des  choses  justes,  et  ne  les  exécu- 
taient pas;  qu'ils  détruisaient  par  leursactions 
ce  qu'ils  se  vantaient  de  vouloir;  qu'ils  né- 
gligeaient d'accomplir  ce  qu'ils  avaient  pro- 
mis, et  suivaient  ce  qu'ils  avaient  condamné. 
«  Voilà,  dit  le  pape,  la  cause  de  mon  silence 
à  vôtre  égard;  qii'aurais-je  pu  vous  mander, 
voyant  qu'ils  persévèrent  dans  leur  obstina- 
tion? »  Il  donne  pour  preuve  de  leur  peu  de 
disposition  à  la  paix,  de  ce  qu'au  lieu  d'en- 
voyer des  évêques  en  dcputation  à  Rome, 
comme  ils  l'avaient  promis  à  Ennode  ,  ils 
n'avaient  envoyé  que  des  laïques,  comme 
pour  une  affaire  de  peu  d'importance.  «C'est 
pourquoi,  ajoute  le  pape,  je  vous  avertis,  et 
par  vous,  tous  les  évêques  des  Gaules,  de 
demeurer  fermes  dans  la  foi  et  vous  garder 
des  artifices  des  séducteurs;  mais,  afin  que 
vous  sachiez  la  disposition  de  ces  quartiers- 
là^  plusieurs  des  Thraces,  quoique  persécu- 
tés, demeurèrent  dans  notre  communion.  La 
Dardanie  et  l'Illyrie,  voisine  de  la  Pannonie, 
nous  ont  demandé  qu'on  leur  ordonnât  des 
évêques,  et  nous  l'avons  fait  où  il  a  été  né- 
cessaire. L'évêque  de  Nicopolis,  métropoli- 
tain d'Epire ,  s'est  joint  à  notre  communion 
avec  son  concile.  Ce  que  nous  vous  mandons 
afin  que,  comme  il  nous  convient  de  plaindre 
le  sort  de  ceux  qui  périssent,  nous  nous  ré- 
jouissions du  salut  de  ceux  qui  retournent  à 
l'unité.  Nous  vous  sommes  obligés  d'envoyer 
une  seconde  légation  pour  ôter  toute  excuse 
aiix  schismatiques.  Joignez  vos  prières  aux 
nôtres  afin  que,  par  la  miséricorde  de  Dieu, 
nous  nous  unissions  avec  eux,  s'ils  se  corri- 
gent, ou  que  nous  méritions  d'être  préservés 
du  poison  de  leurs  erreurs.  Nous  vous  en- 
voyons les  pièces  qui  vous  instruiront  de  la 
manière  dont  ceux  de  Nicopolis  et  de  Darda- 
nie se  sont  réunis.»  Cette  lettre  est  du  15  fé- 
vrier 317. 

13.  Quelque  temps  après,  le  pape  fit  partir       ^  ^^^^^ 
la  faconde  légation  dont  il  chargea  encore   lompcreur 
Ennode  de  Pavie  avec  Péréerin  de  Misène.    i.'.i«,Màpin- 

^  suurs  .lUtree. 

Il  leur  donna  six  lettres  avec  le  formulaire  de 
réunion,  et  dix-neuf  copies  de  la  protestation 
qu'ils  devaient  répandre  par  les  villes,  au 
cas  qu'on  ne  reçût  pas  leurs  lettres.  Dans  la 
première,  qui  est  adressée  à  l'empereur  Anas- 
tase  ,  il  exhorte  ce  prince  à  exécuter  sa  pro- 


618 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES, 


messe ,  lui  faisant  entendre  que  les  démarches 
qu'il  avait  faites  jusque-là  pour  l'utilité  de 
l'Eglise  ne  lui  serviraient  de  rien,  s'il  ne  finis- 
sait l'œuvre  qu'il  avait  commencée.  Il  le  loue 
de  s'être  déclaré  contre  Nestorius  et  Euty- 
chès,  de  même  que  contre  ceux  qui  suivaient 
leurs  erreurs;  mais  il  dit  que  ce  n'est  point 
assez  et  qu'il  doit  encore  condamner  Acace , 
infecté  non-seulement  de  la  mauvaise  doc- 
trine de  Pierre  Mongus,  de  Dioscoro  i.'t  d'Eu- 
tychès,  par  la  communion  qu'il  entretient 
avec  eux,  mais  comme  étant  la  cause  que  le 
ferment  de  l'erreur  a  vieilli  dans  les  Eglises 
d'Orient ,  et  que  celle  d'Alexandrie  demeure 
dans  le  schisme,  où  elle  avait  d'abord  été 
seule ,  mais  qui  depuis  s'est  répandu  dans 
le  reste  de  l'Orient.  Il  presse  Anastase  de 
prendre  vivement  la  défense  de  la  foi,  de  faire 
cesser  les  pleurs  que  l'Eglise  répand  sur  la 
division  de  ses  membres  et  de  lever  l'éten- 
dard du  salut ,  comme  un  autre  Ezéchias , 
pour  éloigner  l'erreur  du  peuple  d'Israël.  Il 
lui  représente  les  inquiétudes  des  évêques  des 
Gaules  au  sujet  de  la  première  légation,  et 
le  désir  qu'ils  avaient  qu'elle  eiit  eu  le  succès 
qu'on  disait,  le  priant  de  faire  en  sorte  qu'En- 
node ,  qui  lui  avait  déjà  donné  un  commen- 
cement de  bonne  espérance  ,  lui  rapporte 
que,  avec  l'aide  de  Uieu ,  l'ouvrage  de  la  réu- 
nion a  été  consommé.  Cette  lettre  est  du 
3  avril  317  '.  La  seconde  est  à  Timothée, 
évêque  de  Constantinople.  Quoique  le  pape 
"le  regardât  comme  intrus  et  excommunié,  il 
ne  laisse  pas  de  lui  donner  le  titre  d'évêque. 
Il  l'exhorte  à  effacer  ses  fautes  passées  en 
revenant  à  l'unité  et  en  travaillant  à  y  rame- 
nerlespeuples.  Supposant,  dansla  troisième-, 
qui  est  aux  évêques  schismatiques  d'Orient, 
que  plusieurs  d'entre  eux  étaient  dans  la  vraie 
foi ,  il  leur  représente  la  nécessité  de  se  dé- 
clarer et  de  la  professer  courageusement, 
Dieu  leur  commandant,  comme  autrefois  aux 
pasteurs  d'Israël,  d'élever  leur  voix  sans  au- 
cune crainte  pour  faire  entendre  aux  peuples 
la  doctrine  de  la  vérité  ,  leur  disant ,  avec 
l'Apôtre,  que  par  ce  moyen  ils  se  sauveront 
eux-mêmes  et  ceux  qui  sont  commis  à  leurs 
soins.  La  quatrième ,  adressée  aux  évêques 
orthodoxes,  est  pour  les  consoler  de  leurs 
souffrances.  Le  pape  loue  leur  constance  dans 
la  foi,  en  leur  faisant  part  de  sa  seconde  lé- 
gation dont  le  but,  dit-il,  était  de  ramener  à 
la  vérité  ceux  qui  s'en  écartaient,  ou  du  moins 


de  faire  voir  au  monde  que  le  Saint-Siège 
n'avait  rien  négligé  pour  les  y  ramener,  et 
qu'ils  étaient  eux-mêmes  la  cause  de  leur 
perte.  Hormisdas  écrivit  en  particulier  à  un 
évêque  d'Afrique,  nommé  Possessor  ^,  qui, 
ayant  été  banni  pour  la  foi  par  les  ariens, 
s'était  retiré  à  Constantinople,  d'où  il  avait 
envoyé  à  Rome  sa  profession  de  foi  par  les 
premiers  légats.  Comme  il  avait  continué 
depuis  à  défendre  la  vérité  ,  au  grand  avan- 
tage des  catholiques,  le  pape  loue  son  zèle 
et  sa  fermeté,  l'exhortant  de  persévérer  dans 
de  si  bonnes  dispositions ,  et  même  de  les 
augmenter,  parce  que  la  bonne  œuvre,  sur- 
tout en  ce  qui  regarde  la  doctrine  de  la  foi, 
semble  diminuer,  si  on  ne  l'augmente  tou- 
jours. La  sixième  est  au  peuple  et  aux  moines 
de  Constantinople  *.  Le  pape  les  console  dans 
leurs  souffrances  et  les  exhorte  tant  à  la  per- 
sévérance dans  la  vraie  foi ,  qu'à  s'abstenir 
de  tout  commerce  avec  les  hérétiques.  Ces 
cinq  dernières  lettres  sont  de  même  date  que 
la  première,  c'est-à-dire  du  3  avril  S17. 

14.  Aussitôt  après  le  départ  des  légats,  LetircàRn 
un  diacre  de  Nicopolis,  qui  les  avait  rencon-  )'^e..i«ïai,p , 
très  en  chemin,  arriva  à  Rome,  portant  une 
lettre  de  Jean,  évêque  de  Nicopolis,  et  de  son 
concile,  par  laquelle  ils  se  plaignaient  que 
Dorothée,  évêque  de  Thessalonique,  soule- 
vait contre  Jean  les  juges  ordinaires  et  les 
officiers  de  l'empereur,  et  l'accablait  de  con- 
fusion et  de  frais,  pour  se  venger  de  ce  qu'il 
ne  lui  avait  pas  donné  avis  de  son  ordination, 
suivant  l'usage  ancien.  Comme  Dorothée 
était  schismatique,  les  évêques  du  concile, 
qui  étaient  catholiques,  ne  voulaient  pas  le 
reconnaître  ;  mais  ils  demandèrent  au  pape 
la  permission  de  lui  écrire  en  cette  occasion, 
pour  se  délivrer  de  ses  mauvais  traitements. 
Le  pape,  après  avoir  examiné  l'affaire,  en- 
voya à  ses  légats  Ennode  etPérégiin,  quatre 
lettres,  avec  cette  instruction  :  «  Quand  vous 
serez  arrivés  à  Thessalonique,  rendez  nos 
lettres  à  l'évêque,  observant,  dans  la  ma- 
nière de  le  saluer,  ce  que  nous  vous  avons 
prescrit  touchant  ceux  qui  ne  communiquent 
point  avec  le  Saint-Siège,  c'est-à-dire  avec 
l'Eglise  catholique.  Après  lui  avoir  rendu 
nos  lettres,  vous  le  presserez  fortement  de 
faire  cesser  ses  persécutions  contre  l'Eglise 
de  Nicopolis,  lui  représentant  que  l'évêque 
étant  revenu  à  la  communion  de  l'Eglise,  n'a 
pu  communiquer  avec  ceux  qui  n'y  sont  pas, 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1450.  —  ^ibid.,  pag.  UU.  ^  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1454.  —  *  Ibid. 


[vP  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XLVIIl.  - 

et  que  si  Dorotliée  veut  y  entrer,  loin  de  ré- 
voquer ses  privilèges,  nous  en  poursuivrons 
avec  lui  la  conservation.  Si,  avec  l'aide  de 
Dieu,  vous  pouvez  terminer  l'affaire  à  Thes- 
salonique,  donnez-en  avis  à  l'évêque  de  Ni- 
copolis  par  lettre.  Si  Dorothée  demeure 
obstiné,  vous  poursuivrez  cette  affaire  au- 
près de  l'empereur,  suivant  les  lettres  que 
nous  lui  en  écrirons,  et  vous  lui  direz  :  «Al- 
cyson ,  évéque  de  Nicopolis  ,  a  satisfait  à 
l'Eglise  catholique,  qui,  en  conséquence,  l'a 
reçu  à  sa  communion  ;  Jean,  son  successeur, 
a  suivi  son  exemple.  Présentement,  l'évêque 
de  Thessalonique  le  persécute  :  si  vous  n'ar- 
rêtez cette  vexation,  il  semblera  que  Jean 
la  souffre  pour  être  rentré  dans  la  commu- 
nion du  Saint-Siège,  et  ceux  qui  s'attendent 
que  vous  procurerez  l'union,  commenceront 
à  en  dou'er.  »  Le  pape  ordonne  ensuite  à  ses 
légats  de  publier  en  divers  lieux  ses  lettres 
cl  Dorothée,  surtout  à  Thessalonique,  dans 
l'espérance  d'arrêter  ses  persécutions  et  de 
le  corriger  lui-même.  Des  quatre  lettres  que 
le  pape  envoya  à  ses  légats,  la  première  est 
à  l'empereur  Anastase  ',  qu'il  prie  de  ne 
plus  persécuter  Jean  delNicopolis,  afin  qu'en 
accordant  sa  protection  à  ceux  qui  se  sont 
convertis,  il  encourage  les  autres  à  se  réu- 
nir. Dans  la  seconde  -,  qui  est  à  Jean  de  Ni- 
copolis et  aux  évèques  de  son  concile,  il  les 
reprend  de  la  permission  qu'ils  lui  avaient 
demandée  d'écrire  à  l'évêque  de  Thessaloni- 
que, disant  qu'il  ne  pouvait  leur  accorder 
une  chose  qu'il  ne  pourrait  s'empêcher  de 
blâmer,  s'ils  l'eussent  fait  à  son  insu ,  puis- 
qu'on se  soumettant  à  ce  schismaiique,  c'é- 
tait rentrer  dans  le  schisme  qu'ils  venaient 
de  quitter,  et  y  engager  même  le  pape  qui 
communiquait  avec  eux.  Il  leur  cite  sur  cela 
un  endroit  de  la  seconde  épitre  de  saint 
Pierre,  où  nous  lisons  qu'il  vaudrait  mieux 
n'avoir  point  connu  le  chemin  de  la  justice,  que 
de  retourner  en  arrière  après  y  avoir  marché. 
Le  pape  écrivit  en  particulier  à  Jean  de  Ni- 
copolis, pour  l'exhorter  à  souffrir  avec  pa- 
tience et  à  confirmer  dans  la  foi  orthodoxe 
les  évêques  de  sa  province  qui  avaient  quitté 
le  schisme.  11  marque  qu'il  avait  reçu  une 
de  ses  lettres  par  le  sous-diacre  Pollion  ^. 
La  quatrième  est  à  Dorothée  de  Thessaloni- 
que *.  Après  lui  avoir  fait  part  des  plaintes 
des  évêques  de  l'ancien  Epire,  il  avoue  qu'il 


-  HORMISDAS,  PAPE.  019 

aurait  sujet  de  se  plaindre  de  Jean  de  Nico- 
polis, s'ils  avaient  été  l'un  et  l'autre  unis 
par  la  charité;  mais  que  ne  l'étant  pas,  Jean 
n'avait  point  négligé  l'ancienne  coutume, 
qui  donnait  à  l'évêque  de  Thessalonique  la 
juridiction  sur  toute  FIllyrie  occidentale , 
comme  vicaire  du  Saint-Siège  ,  mais  qu'il 
avait  évité  le  schisme.  «  De  quel  front,  lui 
dit  ensuite  le  pape,  prétendez-vous  conser- 
ver les  privilèges  que  vous  ont  accordés  ceux 
dont  vous  n'observez  point  les  ordres?  Com- 
ment osez-vous  exiger  une  soumission  que 
vous  ne  rendez  pas  vous-même  à  la  foi?  Ob- 
servez ce  qui  est  dû  à  Dieu,  et  vous  obtien- 
drez facilement  des  hommes  ce  que  vous  en 
exigez.  Prenez  soin  de  votre  salut,  et  cessez 
de  persécuter  ceux  qui  reviennent  àl'Eglise, 
de  peur  que  vous  ne  soyez  compris  dans  le 
nombre  de  ceux  qui  sont  nommément  con- 
damnés par  sentence  apostolique.  »  Il  y  a 
trois  de  ces  lettres  qui  sont  datées  du  12 
avril  517,  et  une  du  3  mars  de  la  même  an- 
née. 

15.  L'empereur  Anastase  ayant  refusé  le 
formulaire  que  les  légats  lui  présentèrent, 
rendit  la  seconde  légation  aussi  inutile  que 
la  première.  11  essaya  même  de  les  corrom- 
pre par  argent  ;  mais  n'y  ayant  point  réussi, 
il  les  renvoya,  avec  défense  à  ceux  qui  les 
conduisaient,  de  les  laisser  entrer  en  aucune 
vifie.  En  partant,  ils  confièrent  leurs  dix-neuf 
protestations  à  des  moines  qui  les  exposè- 
rent dans  toutes  les  villes.  Les  évêques  du 
parti  d'Ânastase  lui  ayant  envoyé  celles 
qu'ils  avaient  reçues,  ce  prince  en  prit  occa- 
sion d'écrire  au  pape  une  lettre  fort  courte, 
où,  après  avoir  relevé  la  douceur,  l'humilité 
et  les  bienfaits  de  Jésus-Christ  envers  les 
hommes,  il  conclut  en  disant  qu'il  pouvait 
souffrir  les  injures,  et  les  mépris,  mais  non 
pas  les  commandements.  Sa  lettre  est  du  11 
juillet  317. 

16.  Vers  le  même  temps,  les  archimandri- 
tes et  les  moines  de  la  seconde  Syrie  ^ , 
adressèrent  une  requête  au  pape  Hormisdas 
par  laquelle  ils  se  plaignaient  des  persécu- 
tions que  Sévère  ,  patriarche  d'Antioche  , 
chef  des  eutychéens,  leur  faisait  souffjir  à 
cause  de  leur  attachement  à  la  foi  catholi- 
que. Ils  en  avaient  déjà  porté  leurs  plaintes 
à  l'empereur  Anastase,  qui  n'y  avait  eu  au- 
cun égard,  ce  qui  les  avait  obligés  de  cou- 


Letlre  do 
l'empertur.Ta 
paiie,  p.  1460 
ot  1416. 


Lettre  aux 
archimanfiri  - 
tes  de  Syrie, 
pi.g.  UÙ  et 
!'.C5. 


1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1457.—  «  Ibid.,  pag.  1458. 
3  Ibid.,  pag.  1457.  —  *  Ubid.,  pag.  1459. 


^  Tom.  V  Concil-,  pag.  143, 


620 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rir  au  pape,  comme  au  père  commun.  Ils 
disent,  dans  leur  requête,  qu'allant  un  jour 
au  monastère  de  saint  Siméon  Stylite  pour 
la  cause  de  l'Eglise,  les  eiitycliéens,  qui  s'é- 
taient mis  en  embuscade  sur  le  chemin,  fon- 
dirent sur  eux,  en  tuèrent  trois  cents,  et  en 
blessèrent  plusieurs;   qu'ils  tuèrent  même 
près  des  autels  ceux  qui  s'y  étaient  réfugiés, 
et  qu'ayant  envoyé    de  nuit  des  séditieux 
dans  les  monastères,  ils  les  brûlèiml  après 
en  avoir  enlevé  le  peu  qu'il  y  avait.  Jean  et 
Sergius,  chargés  de  la  requête,  avaient  avec 
eux  des  mémoires  pour  constater  et  détailler 
tous  ces  faits.  Les  archimandrites  prient  donc 
le  pape  de  compatir  non-seulement  aux  bles- 
sures du  corps  de  l'Eglise,  en  sa  qualité  de 
chef,  mais  aussi  de  venger  le  mépris,  de  la 
foi,  des  canons  et  du  concile  de  Chalcédoine, 
que  les  eutychéens  anathématisaient  chaque 
jour,  et  pour  faire  voir  à  Hormisdas  qu'ils 
disaient  anathème  à  tous  ceux  que  le  Siège 
apostolique  avait  chassés  ou  excommimiés, 
ils  concluent  en  anathématisant  nommément 
Nestorius,  Eutychès,  Dioscore,  Pierre  Mon- 
gus,  Pierre-le-Foulon ,  Acace  qui  avait  com- 
muniqué avec  eux,  et   généralement  tous 
ceux  qui  prenaient  la  défense  de  quelques- 
uns  de  ces  hérétiques.  La  requête  est  sous- 
crite de  plus  de  deux  cents,  tant  abbés  que 
prêtres  et  diacres.  Le  pape  leur  répondit  par 
une  lettre  du  10  février  518.  Nousl'avons  en 
grec  et  en  latin  dans  la  cinquième  action  du 
concile  de  Constantinople ,   sous    Memnas. 
Elle  est  adressée  tant  aux  archimandrites  de 
la  seconde  Syrie,  qu'aux  catholiques  de  tout 
l'Orient.  Le  pape ,  pour  les  consoler  dans 
leur  afQiction  ,  leur  représente  qu'il  est -d'u- 
sage aux  serviteurs  de  Dieu,  de  sauver  leurs 
âmes  par  la  mort  de  leurs  corps;  que  tandis 
qu'ils  perdent  les  choses  périssables,  ils  en 
gagnent  d'éternelles;  que  si  les  persécutions 
ouvrent  la  porte  aux  épreuves,  les  épreuves 
donnent  lieu  au  mérite,  et  que  l'espérance 
de  la  récompense  doit  relever  le  courage  de 
ceux  qui  combattent.  Il  leur  met  devant  les 
yeux  les  éloges  que  les  Machabées  ont  mé- 
rités par  leur  constance  à  souffrir  pour  la 
défense  de  la  loi  de  Dieu,  et  les  presse  de 
conserver  leur  foi  si  pure,  qu'elle  ne  soit 
souillée  par  aucun  mélange  de  société  avec 
les  hérétiques;  de  s'en  tenir  aux  décrets  du 


1  Hoc  ita  fiet,  si  non  sacerdotii  gradus ,  saltu  quo- 
dam  passiin  laids  transferantur.  Pag.  1467. 

2  Sed  nec  de  pœnitentibus  quisguam  ad  hujusmodi 


concile  de  Chalcédoine,  et  aux  lettres  de 
saint  Léon;  de  n'avoir  pas  moins  de  zèle 
pour  la  défense  de  la  vérité,  que  les  héréti- 
ques en  faisaient  paraître  pour  défendre 
leurs  erreurs;  de  condamner  non-seulement 
les  inventeurs  des  hérésies,  mais  aussi  ceux 
qui  les  ont  embrassées,  et  enfin  de  rejeter 
toute  doctrine  contraire  à  celle  des  Pères , 
quelque  explication  que  l'on  donne  à  ces 
nouveautés  pour  les  faire  valoir. 

17.  Les  deux  lettres  à  Jean  de  Tarragone  j^^l^i^Ta 
et  à  tous  les  évêques  d'Espagne  sont  datées,   r4^rjd"È 
dans  quelques  exemplaires,  de  l'an  541,  et  K ".Vi  »& 
dans  'd'autres  de  l'an  521.  La  fausseté  de  la  dfswilë'! 
première  date   paraît  en  ce  qu'Hormisdas  "°^' 
n'occupa  le  Saint-Siège  que  neuf  ans,  et  il 
faudrait  qu'il  l'eût  occupé  plus  de  vingt,  s'il 
eût  écrit  en  l'an  541.  La  seconde  pourrait  en 
quelque  sorte  se  soutenir,  puisqu'elle  est  du 
consulat  d'Agapit,  qui  était  en  effet  consul 
extraordinaire  en  521 .  Mais  Julien  et  Valère 
»yant  été  consuls  ordinaires  en  cette  année, 
il  y  a  apparence  que  le  pape  data  ses  lettres 
de  leur  consulat,  plutôt  que  de  celui  d'Aga- 
pit.  Il  faut  donc  les  renvoyer  à  l'an  517,  où 
Agapit  était  consul  ordinaire.  Jean,  évêqùe 
de  Tarragone,  étant  venu  en  Italie  dans  le 
dessein  de  demander  quelques  règlements 
pur  les  Eglises  d'Espagne,  écrivit  à  cet  effet 
aupapepar  le  diacre  Cassien.  Hormisdas  au- 
rait fort  souhaité  de  parler  à  Jean  et  de  le 
voir;  mais  ne  l'ayant  pu,  il  lui  envoya  des 
règlements   généraux  qui   prescrivaient  ce 
qu'il  fallait  observer  conformément  aux  ca- 
nons, et  quelle  précaution  il  fallait  prendre 
contre  les  ecclésiastiques  qui   venaient  des 
Eglises  grecques.  Le  pape  déclara  en  même 
temps  Jean  son  vicaire  en  Espagne,  pour  y 
faire  exécuter  les  canons  et  faire  son  rapport 
au  Saint-Siège  des  affaires  ecclésiastiques  de 
ce    royaume ,  sans    toutefois    déroger   aux 
droits   des   métropolitains.  Ces   règlements 
sont    contenus    dans   une    lettre    circulaire 
adressée  aux   évêques  d'Espagne.  Le  pre- 
mier porte  que  l'on  n'ordonnera  point  évê- 
ques des  laïques,  sans  les  avoir  fait  passer 
par  les  degrés  du  ministère  ecclésiastique  ' 
et  sans  avoir  éprouvé  leurs  mœurs  pendant 
un  long  temps  ,  celui-là  devant  être  d'une 
conduite  plus  réglée  que  le  peuple,  qui  doit 
prier  pour  le  peuple.  11  défend  aussi  ^d'élever 


gradum  adspiret.    Qua  conscientia  absolvai,  reum  qui 
se  peccuta  sua  populo  scit  leste  confessum  ?  Ibid. 


[VP  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVIII.  — 


■M  au  sacerdoce  ceux  qui  sont  en  pénitence, 

^  étant  juste  qu'ils  se  contentent  du  pardon 

qu'on  leur  accorde   :  car  avec  quelle  con- 
science pourraient-ils  se  charger  d'absoudre 
les  coupables,  qui  ne  peuvent  ignorer  qu'ils 
ont  confessé  eux-mêmes  leurs  péchés  devant 
le  peuple.  Respecteront-ils,  comme  évêque, 
celui  qu'ils  ont  vu  peu  de  temps  auparavant 
prosterné  comme  pénitent?  Il  est  dit  dans  le 
second  que  Ton  n'achètera  ni  ne  vendra  les 
ordinations,  soit  è  prix  d'argent,  soit  autre- 
ment ',  comme  en  rendant  ou  en  exigeant 
des  services  équivalents  à  l'argent.  Le  troi- 
sième veut  que  l'on  tienne   chaque  année 
deux  conciles  provinciaux,  ou  du  moins  un, 
si  les  circonstances  des  temps  ne  permettent 
pas  d'en  tenir  deux  ^.  Le  motif  de  ces  assem- 
blées est  que  les  évéques  traitent  librement 
entre   eux   des  aûaires  de  leurs  Eglises,  et 
qu'au  cas  que  tout  y  fût  bien  réglé,  ils  en 
louent  Dieu  ensemble.  Le  pape  Hormisdas 
établit  aussi  son  vicaire,  pour  la  Bétique  et 
la  Lusitanie,  Salluste,  évêque  de  Séville  , 
avec  le  pouvoir  de  convoquer  les  évéques  de 
ces  provinces,  quand  il  serait  nécessaire;  de 
juger  leurs  dilierends,  et  de  veiller  à  l'ob- 
servation des  canons,  à  la  charge  de  lui  ren- 
dre compte  de  tout  ce  qui  se  serait  passé  de 
sa  part,  tant  à  l'égard  du  maintien  de  la  foi 
el  des  décrets  des  anciens,  que  des  affaires 
particulières. 
Leiires  à       18.  AnastasB  étant  mort  subitemcnt  la  uuit 
Z&''l"l  du  10  de  juillet  de  l'an  S18 ,  âgé  de  quatre- 
\  jei'n'dB   vingt-huit  ans,  après  en  avoir  régné  sept , 
!,  p.'h°2'  Justin,  qui  de  simple  soldat  était  devenu  ca- 
pitaine des  gardes  du  palais,  fut  reconnu 
empereur  le  même  jour,  à  l'âge  de  soixante- 
huit  ans.  Quoiqu'il  fût  sans  lettres,  jusqu'à 
ne  savoir  pas  même  lire,  il  était  bon  catho- 
lique, et  ce  fut  sous  son  règne  que  la  paix 
fut  rendue  à  l'Eglise.  Il  écrivit  au  pape  Hor- 
misdas, le  1"  août  de  cette  année  518,  pour 
lui  donner  avis  de  son  élection;  et  par  une 
autre  lettre  du  7  de  septembre ,  il  le  pria  de 
concourir  aux  désirs  de  Jean  de  Gonstanti- 
nople  et  des  autres  évéques   d'Orient,  qui 
souhaitaient  ardemment  de  se  réunir  avec 
l'Occident  et  d'envoyer  des  évéques  capa- 


HORMISDAS,  PAPE.  621 

blés  de  procurer  cette  réunion.  Le  patriarche 
Jean  écrivit  lui-même  au  pape,  pour  lui  mar- 
quer combien  il  la  souhaitait  ;  el  afin  que 
l'on  n'eût  aucun  soupçon  sur  la  pureté  de  sa 
foi ,  il  déclara  dans  sa  lettre  qu'il  professait 
la  doctrine  des  saints  apôlres,  telle  que  les 
saints  Pères  nous  l'ont  transmise  par  tradi- 
tion, rendant  honneur  à  la  très-sainte  et  con- 
substantielle  Trinité,  conformément  aux  dé- 
cisions des  conciles  de  Nicée,  de  Constanti- 
nople,  d'Ephèse  et  de  Chalcédoine;  qu'il 
récitait  les  noms  de  saint  Léon  et  d'Hor- 
niisdas,  dans  le  temps  de  la  consécration,  et 
qu'il  avait  ordonné  qu'ils  fussent  insérés  dans 
les  diptyques.  Le  comte  Justinien  voulut 
aussi  avoir  part  à  l'affaire  de  la  réunion.  Il 
manda  au  pape  qu'avec  le  secours  de  Dieu  , 
les  disputes  sur  la  foi  étaient  presque  entiè- 
rement finies;  qu'il  n'y  avait  plus  de  difS- 
culté  sur  le  nom  d'Acace,  et  que  l'empereur 
souhaitait  ardemment  que  le  pape  lui-même 
vînt  pour  cet  effet  à  Constantinople,  le  plus 
tôt  qu'il  le  pourrait,  ou  qu'il  envoyât  des  évé- 
ques capables  de  travailler  efficacement  à  la 
réunion,  le  consentement  que  tout  l'Orient 
avait  donné  ne  pouvant  souffrir  de  délai. 

Ces  lettres  ayant  été  apportées  à  Rome  le 
20  décembre  de  l'an  318  ^,  par  Gradus,  comte 
du  consistoire,  Hormisdas  alla  à  Ravenne 
trouver  le  roi  Théodoric,  et  par  son  conseil, 
il  envoya  une  troisième  légation  à  Constanti- 
nople, composée  de  cinq  personnes  :  Ger- 
main, évêque  de  Capoue ;  Jean, évêque  d'une 
autre  Eglise  qui  n'est  pas  nommée;  Blandus, 
prêtre,  Félix  et  Dioscore,  diacres.  Le  pape 
les  chargea  de  plusieurs  lettres,  tant  pour 
l'empereur  que  pour  diverses  autres  person- 
nes. Il  en  avait  auparavant  écrit  une  à  ce 
prince  *,  dans  laquelle  il  lui  marquait  qu'il 
n'y  avait  point  de  doute  que  Dieu  ne  l'eût 
élevé  à  l'empire,  afin  que  sous  son  règne  les 
troubles  de  l'Eglise  d'Orient  fussent  dissipés; 
qu'en  lui  donnant  avis  de  son  élection,  il 
avait,  à  l'imitation  de  ses  prédécesseurs  ^, 
donné  les  prémices  de  son  empire  à  saint 
Pierre,  et  qu'il  espérait  qu'ayant  été  choisi 
de  Dieu,  il  emploierait  le  pouvoir  qu'il  en 
avait  reçu,  à  soulager  l'Eglise  dans  ses  pei- 


*  Nec  electio  prœsulis  empta  datur  pretiis,  el  nec 
obnequentis  sit  quœsiia  operibus.  Ibid.,  pag.  1468. 

■-  De  conveniendo  bis  in  anno ,  notum  est  canones 
sanctos  constituisse  :  sed  si  aut  temporum  nécessitâtes 
aut  émergentes  causée  hoc  non  patiuntur  impleri,  se- 
mel  saltem  sine  ulla  excusatione  prœcipimus  conve- 
nire.  Ibid, 


3  Lib.  Poniif.,  tom.  IV  Concil.,  pag.  1417. 

*  Ibid.,  pag.  1470  et  1471. 

'  Débitas  beato  Petro  apostolo  imperii  vestri  prinii- 
lias  reddidistis,  quas  hac  ratione  devoti  suscipimus , 
quia  ecclesiarum  proxime  per  nos  futuram  credimui 
sine  dubitatione  concordiam.  Pag.  1470. 


622 


HlSTOlIlE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


nés,  et  à  rendre  inutiles  les  efforts  de  ceux 
qui  s'opposaient  au  rétablissement  de  la 
paix.  Dans  sa  seconde  lettre,  il  loue  le  zèle 
que  Justin  témoignait  pour  la  réunion,  ei.  i:s 
vœux  que  les  évèques  d'Orient  faisaient  pour 
le  même  sujet,  disant  qu'ils  en  trouveraient 
les  conditions  dans  le  libelle  ou  formulaire 
dont  il  avait  chargé  ses  légats.  L'une  était 
qu'on  ôteraitle  nom  d'Acace  de  la  liste  des 
évèques  catholiques,  il  s'expliqua  pins  au 
long  sur  cet  article,  daus  sa  lettre  à  Jean  de 
Constantinople,  à  qui  il  dit  qu'en  recevant, 
comme  il  faisait,  le  concile  de  Chalcédoine, 
et  en  continuant  de  réciter  le  nom  d'Acace 
dans  les  diptyques,  c'était  soutenir  deux 
choses  incompatibles ,  puisque  l'on  ne  pou- 
vait condamner  Eutychès  et  Dioscore,  et  dé- 
clarer Acace  innocent;  ni  fuir  la  communion 
de  Timothée  Elure  et  de  Pierre-le-Foulon, 
et  la  conserver  avec  Acace,  qui  embrassa  la 
leur.  Il  lui  ordonne  donc,  avant  de  le  recevoir 
à  la  communion  du  Saint-Siège,  de  souscrire 
au  formulaire  envoyé  en  Orient,  et  d'en  en- 
voyer une  copie  à  Rome,  signée  de  sa  main. 
Le  pape  insiste  sur  cet  article,  dans  la  plu- 
part des  lettres  dont  il  chargea  ses  légats.  11 
dit  '  que  l'obstination  de  l'Orient  à  mettre 
le  nom  d'Acace  parmi  celui  des  évèques  ca- 
tholiques, est  l'obstacle  à  l'unité  de  l'Eglise; 
qu'il  fallait  se  défier  ^  de  ceux  qui,  recevant 
le  concile  de  Chalcédoine,  refusaient  de  con- 
damner Acace,  ne  faisant  point  de  difficulté 
d'être  en  union  avec  un  homme  qu'ils  sa- 
vaient être  condamné  par  sentence  du  Siège 
apostolique,  il  témoigne  à  l'impératrice  Eu- 
phémie  ^  que  la  piété  dont  elle  avait  fait 
profession  dans  sa  vie  privée  *,  lui  était  un 
gage  des  mouvements  qu'elle  se  donnerait 
depuis  qu'elle  était  parvenue  au  trône,  pour 
procurer  la  paix  ci  l'Eghse,  lui  faisant  envi- 
sager qu'une  si  sainte  œuvre  ne  lui  sera  pas 
moins  glorieuse  qu'à  sainte  Hélène  d'avoir, 
pur  ses  soins,  recouvré  le  bois  sacré  de  la 
croix  ^;  qui  est  en  vénération  dans  tout  l'u- 
nivers. La  lettre  à  Jean  de  Constantinople  ^, 
est  pour  l'exhorter  à  condamner  tous  ceux 
que  le  Saint-Siège  condamnait,  c'est-à-dire 
Acace  et  ses  adhérents.  Il  lui  représente  que 
professant,  comme  il  faisait,  la  foi  orthodoxe, 


il  devait  s'appliquer  à  rendre  la  paix  aux 
Eglises  ',  qui  était  le  motif  qui  l'avait  engagé 
à  envoyer  une  troisième  légation  en  Orient. 
Il  dit  la  même  chose  dans  sa  lettre  à  l'archi- 
diacre et  au  clergé  de  Constantinople  *.  Dans 
celle  qu'il  écrivit  au  comte  Justinien  ',  il  le 
remercie  des  présents  qu'il  avait  envoyés  à 
l'Eglise  de  Saint-Pierre,  le  priant  de  conti- 
nuer à  travailler  à  la  réunion.  11  écrivit  en- 
core à  Celer  et  à  Patrice,  deux  des  principaux 
de  la  cour,  pour  les  prier  d'aider  ses  légats 
à  réussir  dans  leurs  fonctions.  Comme  ils 
devaient  passer  à  Thessalonique ,  le  pape 
écrivit  au  préfet  du  prétoire,  qui  y  résidait, 
pour  l'engager  à  concourir  à  l'ouvrage  de  la 
paix.  Il  recommanda  aussi  ses  légats  à  deux 
dames  illustres  "^,  Anastasie  et  Palraatia.  Le 
titre  de  sa  lettre  porte  qu'elles  étaient  de- 
meurées fermes  et  inébranlables  dans  la  foi 
catholique,  durant  la  persécution  de  l'empe- 
reur Anastase.  Hormisdas  donna  à  ses  légats 
une  instruction  qui  portait  en  substance  " 
qu'ils  recevraient  à  leur  communion  les  évo- 
ques d'Orient  qui  souscriraient  au  formu- 
laire, mais  qu'ils  ne  mangeraient  et  ne  re- 
cevraient point  de  vivres  de  ceux  qui  ne 
voudraient  point  y  souscrire,  leur  permettant 
toutefois  de  loger  chez  eux  en  voyage,  et 
d'user  de  leurs  voitures,  s'il  en  était  besoin, 
afin  de  leur  marquer  qu'on  n'avait  point  de 
mépris  pour  eux;  qu'étant  arrivés  à  Cons- 
tantinople, ils  logeraient  dans  la  maison  que 
l'empereur  aurait  ordonné,  et  qu'ils  ne  ver- 
raient personne  avant  de  le  voir  lui-même, 
excepté  ceux  qui  leur  viendraient  de  sa  pai't, 
ou  qu'ils  sauraient  être  dans  la  communion 
du  Saint-Siège;  qu'étant  présentés  à  l'em- 
pereur, ils  lui  donneraient  les  lettres  qui  lui 
étaient  adressées;  et  qu'au  cas  que  ce  prince 
les  invitât  à  voir  l'évèque  de  Constantinople, 
ils  n'y  consentiraient  point  qu'auparavant 
cet  évéque  n'eût  souscrit  au  formulaire  dont 
ils  étaient  chargés.  C'était  celui  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  dont  les  premiers 
mots  sont  :  «  Le  commencement  du  salut  est 
de  garder  la  règle  de  la  foi  '^.  »  Nestorius, 
Eutychès  et  tous  leurs  sectateurs,  et  Acace 
nommément,  y  sont  anathématisés.  Les  lé- 
gats avaient  ordre  de  montrer  ce  formulaire 


«  Pag.  U76.  —  2  Pag.  1477.  —  3  Pag.  1479. 

*  Pag.  1480. 

^  Magna  sexu  veslro  parafa  est  laiidis  occasio,  si 
Vobis  instantibus  Ecclesiœ  suce  Christus,  quœ  divisa 
fuerint  membra  conjungat.  Nec  efus  mnjor  est  gloria, 
quœ  huiiianœ  salutis  lignum  scrutata  est,  et  sola  cru- 


cem  quam  omnis  veneraiur  mundus  invenit,  Hormisd., 
Epist.  33  ad  Euph.,  pag.  148. 

6  Pag.  1481.  —  '  Pag.  1492.  —  s  Pag.  1482. 

3  Pag.  1483.  —  10  Pag.  1484.  -  "  Pag.  1476. 

"  Pag.  1444. 


[vi=  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XLVIII.  - 

à  l'empereur,  s'il  le  demandait,  et  de  faire 
lire  devant  le  peuple,  ou  du  moins  dans  la 
sacristie,  en  présence  des  clercs  et  des  ar- 
chimandrites, l'acte  d'acceptation,  soit  de 
l'évéque  de  Constantinople,  soit  de  quelque 
autre  évoque,  qui,  dans  le  dessein  de  se 
réunir,  aurait  souscrit  à  ce  formulaire,  dont 
il  leur  était  défendu  de  rien  retrancher.  Mais 
ils  avaient  pouvoir  de  consentir  que  les  noms 
des  successeurs  d'Acace,  dout  quelques-uns 
avaient  été  exilés  pour  la  défense  du  concile 
de  Chalcédoine,  restassent  dans  les  dipty- 
ques, pourvu  que  l'on  consentît  à  l'anathème 
d'Acace,  et  que  l'oneûaçât  des  diptyques  les 
noms  de  ses  prédécesseurs,  sans  toutefois 
leur  dire  anathème.  Après  tous  ces  prélimi- 
naires arrêtés,  les  légats  étaient  chargés  de 
prier  l'empereur  d'envoyer  ses  lettres  aux 
métropolitains,  avec  celle  de  l'évéque  de 
Constantinople,  pour  leur  faire  savoir  que 
cet  évêque  ayant  fait  la  profession  de  foi  en- 
voyée par  le  Saint-Siège,  avait  été  reçu  à  sa 
communion  ,  et  les  exhorter  à  en  faire  au- 
tant ;  le  pape  ajouta  que  si  l'empereur  trouvait 
quelque  difficulté  dans  cet  arrangement,  l'é- 
véque de  Constantinople  enverrait  des  ordres 
à  ses  comprovinciaux  et  aux  autres  métropo- 
litains, pour  leur  déclarer  ce  qu'il  aurait  fait, 
en  présence  de  personnes  envoyées  par  les 
'"  légats. 

Voyage  des  19.  Ou  a  iuséré  parmi  les  lettres  d'Hor- 
•rwéekcôn'.  mlsdas  la  relation  du  voyage  de  ceux  qu'il 
"?Î8°°sug-  avait  députés  à  Constantinople.  Au  sortir 
d'Italie,  ils  arrivèrent  d'abord  à  Aulone,  au- 
jourd'hui la  Valone,  qui  est  le  premier  port 
de  Macédoine;  l'évéque  de  ce  lieu  leur  pro- 
mit de  faire  avec  son  métropolitain,  le  hbelle 
qu'ils  demandaient.  Ils  arrivèrent  de  là  à 
Scampis  :  l'évéque,  nommé  Toïus,  alla  au- 
devant  d'eux  avec  son  clergé  et  son  peuple, 
presque  tous,  tant  hommes  que  femmes, 
portant  des  cierges,  et  les  soldats  des  croix. 
Oii  s'assembla  ensuite  dans  l'église  de  Saint- 
Pierre.  L'évéque  souscrivit  le  formulaire  en- 
voyé par  le  pape,  en  présence  du  clergé  de 
Scampis,  des  plus  nobles  de  la  ville  et  des 
légats,  qui  le  firent  lire  publiquement  par 
Pierre,  notaire  de  l'Eglise  romaine.  Le  peu- 
ple passa  ce  jour-là  en  actions  de  grâces  à 
Dieu  et  dans  la  joie.  L'évéque  Germain,  l'un 
des  légats,  célébra  la  messe  :  on  lut  dans  les 
diptyques  le  nom  d'Hormisdas;  mais  aucun 


HORMISDAS,  PAPE.  623 

nom  suspect  n'y  fut  récité,  et  on  promit  de 
n'y  plus  faii'e  mention  que  de  ceux  qui  se- 
raient unis  de  communion  avec  le  Saint- 
Siège.  A  l'heure  du  souper,  les  légats  reçu- 
rent la  visite  de  deux  comtes,  Etienne  et 
Léonce,  que  l'empereur  envoyait  au-devant 
d'eux.  Ils  avaient  ordre  de  passer  jusqu'en 
Italie,  ce  prince  ne  sachant  pas  que  les  lé- 
gats fussent  en  chemin.  De  Scampis  ils  pas- 
sèrent à  Lychnide,  où  ils  furent  reçus  avec 
les  mêmes  démonstrations  de  joie  '.  L'évé- 
que Théodoret  fit  tout  ce  que  le  pape  deman- 
dait de  lui.  Il  souscrivit  au  formulaire  qui  fut 
lu  dans  l'église.  Les  légats  donnèrent  avis 
de  ces  heureux  commencements,  par  une 
lettre  datée  du  7  mars  S19.  André,  évêque 
de  Prévahtan,  manda  au  pape  la  même 
chose  2,  en  ajoutant  que  l'anathème  que  les 
évêques  de  la  nouvelle  Epire,  assemblés  en 
concile,  avaient  dit  aux  ennemis  de  la  foi, 
n'avait  été  que  simulé;  mais  que  ceux  de 
Constantinople  avaient  sincèrement  anathé- 
matisé  Acace,  et  célébré  en  paix  la  fête  de 
Pâques.  Jean  de  Constantinople  lui  écrivit  ^, 
pour  l'assurer  de  la  pureté  de  sa  foi,  recon- 
naissant qu'il  n'en  avait  point  d'autre  que 
celle  qui  avait  été  confirmée  dans  les  quatre 
conciles  de  Nicée,  de  Constantinople,  d'E- 
phèse  et  de  Chalcédoine,  que  les  Pères  nous 
ont  transmise,  et  que  l'Eglise  romaine  a  tou- 
jours gardée  inviolablement  ;  qu'en  consé- 
quence il  anathématisait  Nestorius,Eutychès, 
Dioscore,  Timothée  Elure,  Pierre  Mongus 
et  Acace,  et  tous  ceux  qui  leur  étaient  unis 
de  communion  ou  qui  soutenaient  leurs  er- 
reurs ;  qu'il  recevait  les  lettres  de  saint  Léon 
et  tous  les  décrets  du  siège  apostolique  ;  pro- 
mettant de  ne  plus  réciter  à  l'avenir  dans  les 
diptyques  les  noms  de  ceux  qui  seraient  sé- 
parés de  la  communion  de  l'Eghse  catholi- 
que ,  c'est-à-dire  de  coux  qui  ne  s'accorde- 
raient pas  en  tout  avec  le  Siège  apostolique. 
Cette  lettre  était  la  réponse  à  celle  que  Jean 
avait  reçue  du  pape  par  ses  légats.  Us  certi- 
fièrent eux-mêmes  à  Hormisdas,  tous  les  faits 
énoncés  dans  la  lettre  de  Jean,  sa  souscrip- 
tion au  formulaire  *  et  l'anathème  prononcé 
par  lui  à  Acace  et  à  tous  les  partisans  des 
hérétiques  et  de  leurs  erreurs,  faisant  en 
même  temps  le  détail  de  tout  ce  qui  s'était 
passé  à  leur  arrivée  à  Constantinople.  Lors- 
qu'ils étaient  encore  à  dix  milles  de  la  ville, 


1  Pag.  1485,  Suggest.  3. 

8  Ibid.,  pag.  1486.  —  3  Pag.  1480. 


i  Pag.  1487,  Suggest.  German.,  et  Suggest  Dioscor., 
pag,  1488. 


&u 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


plasieiiis  personnes  de  la  première  distinc- 
tion vinrent  an-devant  d'eux,  entre  autres 
Vitalien,  maître  de  la  milice;  Pompée,  Jus- 
tinien,  et  un  grand  nombre  de  sénateurs, 
qui  témoignaient  tous  beaucoup  d'ardeur 
pour  la  p;iix  de  l'Eglise.  A  leur  entrée  dans 
Constantinople,  les  peuples  portant  des  cier- 
ges ,  firent  retentir  l'air  de  cris  de  joie  et 
d'acclamations  au  pape.  C'était  un  lundi,  25 
mars  519.  Le  lendemain  les  légats  eurent 
audience  de  l'empereur  Justin,  en  présence 
de  tout  le  sénat  et  de  quatre  évoques  dé- 
putés par  le  patriarche  de  Constantinople. 
L'empereur  reçut  avec  beaucoup  de  respect 
les  lettres  du  pape;  ensuite  il  dit  au.x  légats 
de  voir  l'évêque  de  la  ville.  Ils  répondirent 
qu'ils  n'avaient  point  d'ordre  de  disputer, 
mais  qu'ils  avaient  en  main  un  formulaire 
reçu  par  tous  les  évêques  qui  s'étaient  ré- 
concliés  avec  le  Saint-Siège;  qu'ils  priaient 
l'empereur  d'en  ordonner  la  lecture,  et  que 
si  l'on  y  trouvait  quelque  difficulté,  ils  y  ré- 
pondraient. Le  formulaire  fut  lu  en  présence 
de  ce  prince  et  du  sénat  :  ensuite  les  légats 
ayant  demandé  que  les  quatre  évêques  qui 
étaient  là  de  la  part  de  Jean  de  Constantino- 
ple, déclarassent  si  le  contenu  du  formulaire 
ne  se  trouvait  pas  dans  les  actes  ecclésias- 
tiques, les  quatre  évêques  dirent  que  tout  y 
était.  Sur  quoi  l'empereur  leur  dit  :  n  Si  cela 
est  vrai,  que  ne  le  faites-vous?  »  Quelques 
sénateurs  ajoutèrent  :  «  Nous  sommes  des 
laïques  :  vous  dites  que  cela  est  vrai,  exécu- 
tez-le, et  nous  vous  imiterons.  »  Le  28  de 
mars,  qui  était  le  jeudi-saint,  Jean  de  Cons- 
tantinople reçut  le  formulaire  des  légats,  le 
souscrivit;  et  y  ayant  mis  une  préface  en 
forme  de  lettre,  l'adressa  au  pape  Hormis- 
das  '.  Les  légats  en  envoyèrent  deux  exem- 
plaires à  Rome,  un  grec  et  un  latin.  Tous 
les  évêques  qui  se  rencontrèrent  à  Constan- 
tinople, suivirent  l'exemple  du  patriarche. 
Les  abbés  ou  archimandrites  en  firent  de 
même.  On  effaça  des  diptyques  le  nom  d'A- 
cace  et  ceux  de  Fravita,  d'Euphémius,  de 
Macédonius  et  de  Timothée,  de  même  que 
les  noms  des  empereurs  Zenon  et  Anastase. 
Après  quoi  on  alla  du  palais  à  l'église,  où  le 
peuple  communia  en  si  grand  nombre,  que 
les  ecclésiastiques  de  Constantinople  di- 
saient, en  rendant  grâces  à  Dieu,  qu'ils  ne 
se  souvenaient  pas  qu'une  si  gi'ande  multi- 


tude de  peuple  eût  communié.  Les  légats  fi- 
rent leur  rapport  au  pape  par  le  diacre  Pul- 
lion,  en  lui  marquant  qu'il  n'y  avait  plus  que 
l'Eglise  d'Antioche  à  réunir  :  car  ils  ne  dou- 
taient pas  que  celle  de  Thessalonique  n'ac- 
ceptât les  conditions  de  la  paix.  Dorothée, 
évêque  de  cette  ville,  après  beaucoup  de  ré- 
sistance, s'était  rendu  à  leurs  raisons,  et  il 
avait  promis  de  souscrire  au  formulaire  avec 
les  évêques  de  sa  dépendance,  en  présence 
d'un  des  légats,  lorsqu'il  se  serait  assemblé 
avec  eux,  en  concile,  après  les  fêtes  de  Pâ- 
ques. 

20.  Le  schisme  de  Constantinople  ainsi 
terminé  au  bout  de  trente-cinq  ans,  l'empe- 
reur Justin  écrivit  au  pape  que  Jean  de  Cons- 
tantinople avait  embrassé  la  foi  catholique, 
anathématisé  les  hérétiques  et  avait  consenti 
que  les  noms  d'Acace  et  des  autres  schisma- 
tiques  ^  fussent  effacés  des  diptyques.  Jean 
donna  lui-même  avis  de  la  réunion  à  Hoi'- 
misdas  ^,  attribuant  à  ses  prières  et  à  celles 
des  saints  apôtres  de  ce  que  l'empire  avait 
pour  chef  un  prince  aussi  religieux  que  Jus- 
lin.  Le  comte  Justinien  et  le  sénateur  Pom- 
pée *  congratulèrent  le  pape  sur  la  paix  de 
l'Orient.  Julienne,  fille  de  l'empereur  Oly- 
brius,  extrêmement  zélée  pour  la  foi  catho- 
lique, lui  écrivit  pour  le  prier  de  ne  point 
permettre  que  ses  légats,  dont  la  présence 
avait  mis  fin  aux  troubles  de  l'Eglise,  s'en 
retournassent  en  Occident,  avant  que  la  paix 
fût  bien  affermie.  Anastasie  ,  qui  n'avait  pas 
moins  d'amour  pour  l'Eghse  ^  et  qui  savait 
combien  l'empereur  Justin  avait  travaillé  à 
lui  procurer  la  tranquillité,  pria  le  pape  par 
lettre  de  s'intéresser  auprès  de  Dieu,  pour 
obtenir  à  ce  prince  non-seulement  un  règne 
heureux,  mais  aussi  la  béatitude  dans  la  "vie 
future.  Elle  lui  recommanda  aussi  ses  pro- 
pres enfants.  La  lettre  de  Théodoret,  évêque 
de  Lychnide  à  Hormisdas  ^  est  encore  un 
compliment  de  congratulation  sur  la  réunion 
des  Eglises.  Le  diacre  PuUion,  chargé  de 
toutes  ces  lettres,  arriva  à  Rome  le  19  juin 
519.  Le  pape,  avant  de  les  recevoir,  en  avait 
écrit  trois  à  ses  légats  ',  pour  savoir  et  des 
nouvelles  de  leur  santé,  et  du  train  que  les 
aifiiires  dont  ils  étaient  chargés,  prenaient 
en  Orient.  L'ayant  appris,  il  en  témoigna  sa 
joie  à  tous  ceux  qui  lui  avaient  écrit  sur  la 
réunion,  à  l'empereur  Justin,  à  Jean  de  Cons- 


1  Ëpist.  Joan.,  pag.  1486. 

B  Ibid.,  pag.  14S1.  —  3  Ibid.,  pag.  14 


*  Efiisl.  Joau.,  pag.  1493.  -^  s  ibid.j  pag.  1494i 
6  Ibid.  —  '  Ibid.,  pag.  1493. 


[VI'  SIÈCLE.] 

tantinople,  au  comte  Jiistinien,  à  Pompée,  à 
Julienne  et  à  Anaslasie.  Les  six  lettres  sout 
du  9  juillet  31 9.  Il  exhorte  l'empereur  à  faire 
pour  l'Eglise  d'Antioche  et  d'Alexandrie  ce 
qu'il  avait  fait  pour  celle  de  Constantinople  *, 
afin  que  ses  légats  ne  retournent  à  Rome 
qu'avec  des  nouvelles  de  la  pacification  gé- 
nérale de  toutes  les  Eglises.  Il  presse  aussi 
Jean  de  Constantinople  de  s'employer  pour 
la  réunion  des  Eglises  d'Antioche  et  d'A- 
lexandrie ^,  et  lui  donne  de  grands  éloges 
pour  être  lui-même  revenu  à  l'unité.  Il  en 
donne  aussi  au  comte  Justinien,  qui  avait 
travaillé  avec  zèle  auprès  de  l'empereur  pour 
la  paix.  Les  lettres  à  Pompée,  à  Julienne  et 
à  Anastasie,  sont  sur  le  même  sujet.  Celle  à 
Gratus  est  pour  lui  demander  des  nouvelles 
de  sa  santé  ^.  Le  pape  écrivit  encore  aux 
évêques  d'Espagne  *,  pour  leur  apprendre 
ce  qui  venait  de  se  passer  à  Constantinople; 
sous  quelles  conditions  les  évêques  de  Thrace, 
d'illyrie,  de  Scylhie,  de  Syrie  et  de  l'an- 
cienne Epire,  avaient  été  admis  à  la  commu- 
nion du  Saint-Siège.  Il  leur  envoya  les  actes 
de  tout  cela,  avec  la  copie  du  formulaire  de 
la  réunion,  auquel  Jean  de  Constantinople 
et  les  autres  évêques  avaient  souscrit,  afin 
qu'ils  sussent  comment  ils  devaient  se  com- 
porter envers  les  Orientaux  qui  demande- 
raient de  communiquer  avec  eux. 

21.  Le  pape,  dans  les  instructions  données 
à  ses  légats  ',  ne  leur  avait  rien  prescrit  tou- 
chant la  manière  dont  on  devait  recevoir 
ceux  qui  avaient  condamné  par  écrit  le  con- 
cile de  Chalcédoine  :  il  chargea  donc  Dios- 
core,  l'un  des  légats,  d'examiner  s'il  suffirait 
de  les  obliger  à  souscrire  au  formulaire  gé- 
néral ^,  ou  d'exiger  d'eux  quelque  chose  de 
plus.  II  lui  recommanda  aussi  trois  évêques 
chassés  de  leurs  sièges,  pour  s'être  réunis 
les  premiers.  Elle,  évéque  de  Césarée,  Tho- 
mas etNicostrate,  disant  qu'il  écrirait  à  l'em- 
pereur pour  leur  rétablissement.  Il  leur  mar- 
qua à  eux-mêmes  la  part  qu'il  prenait  à 
leurs  afflictions  ^,  et  à  Jean  de  Constantino- 
ple, son  chagrin  de  ce  qu'on  ne  les  avait  pas 
reçus  en  cette  ville  suivant  leurs  mérites.  11 
représenta  à  l'empereur  *  que  l'injure  faite 
à  ces  trois  évêques  rejaillissait  sur  le  Saint- 
Siège,  et  qu'on  ne  pouvait  se  dispenser  de 
les  rétablir  dans  leurs   évèchés  '  sans  un 


CHAPITRE  XLVIll.  —  HORMISDAS,  PAPE. 


625 


mépris  formel  des  saints  canons.  Le  pape 
écrivit  la  même  chose  à  l'impératrice  Euphé- 
mie  '",  au  comte  Justinien  et  à  Germain,  du 
rang  des  illustres  :  et  afin  que  ces  trois  évê- 
ques sussent  les  mouvements  qu'il  se  donnait 
pour  leur  rétablissement,  il  leur  adressa  une 
lettre  en  commun,  où  il  leur  marquait  ce 
qu'il  avait  fait  jusque-là  pour  eux. 

22.  Ayant  appris  par  d'autres  que  ses  lé-      uiiresda 
gats,  ce  que  les  eutychiens  avaient  tait  a  g»!?. 
Thessalonique  ",  il  écrivit  à  Germain,  à  Jean 
et  à  Dioscore,  de  l'en  informer  eux-mêmes, 
et  de  faire  en  sorte  que  Dorothée,  évoque, 
et  le  prêtre  Aristide,  qu'on  faisait  auteurs  de 
la  sédition,  vinssent  à  Rome  rendre  compte 
de  leur  foi  et  de  leur  conduite,  et  apprendre 
du  Saint-Siège  la  résolution  de  leurs  doutes. 
Cette  lettre  est  du  13  octobre  319.  Les  légats 
répondirent  au  pape  que  Dorothée  ,  évêque 
de  Thessalonique  '-,  avait,  selon  sa  promesse, 
assemblé  son  concile;  qu'on  y  avait  fait  des 
libelles  de  réunion,  et  qu'on  les  avait  sous- 
crits en  présence  du  comte  Licinius,  envoyé 
à  Thessalonique  pour  une  autre  afi'aire;  que 
Licinius  avait  mis  lui-même  son  sceau  aux 
libelles,  et  qu'étant  de  retour  à  Constantino- 
ple, il  leur  avait  raconté  ce  qui  s'était  passé. 
Il  ajoutèrent  :  «  Un  apocrisiaire  de  Dorothée 
nous  dit  d'envoyer  quelqu'un  pour  recevoir 
les  liljelles.  Après  en  avoir  délibéré,  nous 
destinâmes,  pour  ce  voyage,  l'évêque  Jean 
(l'un  d'entre  nous),  avec  un  prêtre  nommé 
Epiphane;  et  à  notre  prière,  l'empereur  a 
renvoyé  avec  eux  le  comte  Licinius.  A  leur 
arrivée  à  Thessalonique,  le  comte  en  avertit 
Dorothée,   qui    envoya    un   prêtre   nommé 
Aristide  aux  deux  évêques,  les  seuls  opposés 
à  la  réunion.  Ils  voulurent  d'abord  disputer 
avec  nos  envoyés,  en  disant  qu'il  y  avait  des 
articles  à  corriger  :  les  nôtres  répondirent  : 
«  Cela  n'est  pas  en  notre  pouvoir  :  si  vous 
voulez  faire  la  réunion,  Dieu  en  soit  loué  : 
sinon  nous  vous  avons  salués,  nous  passe- 
rons outre.  »  Ils  se  séparèrent,  et  revinrent 
le  lendemain  tenir  le  même  langage.  Avant 
que  nos  envoyés  eussent  répondu,  ou  que 
l'on  fût  entré  en  dispute,  le  peuple  en  furie 
se  jeta  sur  l'évêque  Jean,  notre  collègue.  On 
tua  deux  de  ses  domestiques,  on  le  blessa 
lui-même  à  la  tête  en  deux  endroits  et  aux 
reins;  et  ils  auraient  été  tous  tués,  s'ils  ne 


1  Epist.  Joan.,  pag.  1496.  —  ^  Ibid.,  pag.  1497. 
s  Ibid.,  pag.  1500.  —  *  Ibid.,  pag.  1501. 
^  Ibid.,  pag.  1502.  —  ^  Ibid.,  pag.  1503. 


7  Epist.  Joan.,  pag.  1504.  —  8  Ibid.,  pag.  1505. 
9  Ibid.,  pag.  1506.  —  "  Ibid.,  pag.  1507. 
"  Ibid.,  pag.  1508.  —  "  Ibid.,  pag.  1509. 

40 


626 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


se  fussent  sauvés  dans  le  baptistère  de  l'é- 
glise de  Saint-Marc,  et  s'ils  n'avaient  été  se- 
courus par  la  puissance  publique  qui  survint. 
Le  peuple  tua  néanmoins  et  mit  en  pièces 
un  catholique  nommé  Jean,  qui  nous  avait 
reçus  dans  sa  maison  à  notre  arrivée ,  et  qui 
avait  toujours  été  séparé  de  la  communion 
de  Dorothée,  son  évèque,  à  cause  du  concile 
de  Chalcédoine.  »  Les  légats  attribuent  tous 
ces  crimes  à  Dorothée,  parce  qu'il  avait  ex- 
cité le  peuple  en  faisant  entendre  que  l'E- 
glise allait  être  persécutée;  puis  ils  ajoutent  : 
«  Deux  jours  avant  l'arrivée  des  nôtres  à  Thes- 
salonique,  il  baptisa  plus  de  deux  mille  per- 
sonnes ' ,  et  il  fit  distribuer  au  peuple  l'Eu- 
charistie à  pleines  corbeilles,  en  si  grande 
quantité  qu'ils  avaient  de  quoi  communier 
longtemps  :  ce  qui  fait  voir  qu'il  était  encore 
d'usage  que  les  laïques  emportassent  l'eu- 
charistie dans  leurs  maisons,  pour  se  com- 
munier eux-mêmes  dans  le  cas  de  nécessité. 
Dorothée,  après  avoir  fait  maltraiter  les  nô- 
tres, déchira  le  libelle  de  réunion  qu'il  avait 
fait  avec  les  évêques,  en  disant  devant  le 
peuple  :  «  Je  n'en  ferai  rien  tant  que  je  vi- 
vrai^ et  ne  consentirai  point  qu'on  le  fasse.» 
Le  bruit  de  ses  violences  étant  parvenu  jus- 
qu'à Constantinople ,  tous  les  catholiques  en 
furent  extrêmement  affligés;  l'empereur  pro- 
mit d'en  faire  justice  et  de  citer  Dorotliée  à 
son  tribunal.  Cette  lettre  ayant  été  reçue  à 
Rome,  le  28  novembre,  le  pape  en  écrivit 
une  à  ses  légats  le  3  décembre  suivant,  dans 
laquelle,  après  avoir  témoigné  sa  douleur  de 
la  mort  de  Jean,  il  dit  avoir  appris  que  l'em- 
pereur avait  fait  venir  Dorothée  à  Constanti- 
nople. Il  leur  recommande  de  s'employer 
auprès  de  ce  prince,  non-seulement  pour 
empêcher  Dorothée  de  retourner  à  Thes- 
salonique,  mais  encore  pour  le  faire  déposer 
de  l'épiscopat  et  empêcher  que  l'on  ne  mit 
à  sa  place  le  prêtre  Aristide,  le  complice  et 
l'auteur  de  tout  le  mal.  Il  leur  recommande 
aussi  de  travailler  au  rétablissement  des  évê- 
ques Thomas  et  Nicostrate. 
Lciirejdu  23.  Il  cnvoya  à  Jean,  évêque  de  Militane, 
deMiirnioe"  le  libelle  que  Jean  de  Constantinople  avait 
d'Esp'sne""  signé,  ensemble  les  lettres  de  l'empereur 
Justin  sur  la  réunion,  le  chargeant  d'en  faire 
part  aux  évêques  de  son  voisinage,  afin 
qu'ils  rendissent  grâces  à  Dieu  d'un  si  grand 


bien.  Cette  lettre  est  sans  date  ^,  de  même 
que  celle  qu'il  écrivit  aux  évêques  d'Espagne 
dans  la  Bétique,  pour  leur  donner  avis  de 
la  paix  d'Orient. 

24.  Dès  le  mois  de  décembre  de  l'an  519,  i.c 
le  pape  Hormisdas  avait  appris  par  les  lettres  %°' 
du  comte  Justinien  qu'il  s'était  élevé  à  Cons- 
tantinople quelques  disputes  sur  la  Trinité  ^. 
Ses  légats  lui  exposèrent  la  chose  avec  plus 
d'étendue,  en  remarquant  que  cette  dispute 
avait  apporté  quelque  délai  à  la  réunion  des 
Eglises  et  à  l'arrangement  de  celle  d'Antio- 
che,  dont  un  nommé  Paul,  prêtre  de  Cons- 
tantinople, venait  d'être  ordonné  évêque. 
L'empereur  avait  d'abord  jeté  les  yeux  sur 
le  légat  Dioscore  ;  mais  comme  il  était  Ale- 
xandrin, le  pape  crut  qu'il  serait  plus  utile 
de  l'élire  évêque  d'Alexandrie.  La  raison  de 
choisir  Paul,  fut  qu'étant  à  Antioche,  il  avait 
résisté  pendant  deux  ans  à  Sévère.  Son  or- 
dination se  fit,  non  à  Constantinople,  ainsi 
que  le  désirait  l'empereur,  mais  à  Antioche, 
suivant  l'ancienne  coutume,  qui  voulait  que 
l'évêque  fût  ordonné  sur  les  lieux.  Cette  pro- 
position :  «  Un  de  la  Trinité  a  été  crucifié,  » 
faisait  le  fond  de  la  dispute.  Ceux  qui  la  sou- 
tenaient étaient  des  moines  de  la  Scythie, 
protégés  par  le  comte  Vitalien,  maître  de  la 
milice  :  l'un  d'eux,  nommé  Léonce,  se  disait 
son  parent.  Comme  ces  moines  étaient  partis 
pour  Rome  dans  l'espérance  de  faire  entrer  le 
pape  dans  leur  sentiment,  les  légats  lui  re- 
présentèrent qu'une  proposition  de  cette  na- 
ture, qui  n'était  appuyée  ni  des  décrets  des 
conciles,  ni  de  l'autorité  des  pères,  et  qui  fa- 
vorisait l'hérésie  d'Eutychès,  ne  pouvait  que 
causer  de  grands  troubles  et  beaucoup  de 
scandales  dans  l'Eglise.  Us  le  priaient  donc 
de  ne  leur  donner  d'autre  réponse,  sinon  que 
le  concile  de  Chalcédoine  avait  suffisamment 
éclairci  tout  ce  qui  regardait  la  foi  sur  la 
Trinité  et  l'Incarnation.  Ces  moines,  comme 
on  le  voit  par  une  seconde  lettre  des  légats*, 
accusaient  plusieurs  évêques  de  leur  pro- 
vince, d'errer  dans  la  foi  ;  entre  autres.  Pa- 
terne, évêque  de  Tomi  :  mais  l'empereur, 
dans  une  assemblée  publique  où  se  trouvè- 
rent les  légats,  réconcilia  Paterne  avec  Vita- 
lien, et  obligea  ses  accusateurs  de  lui  de- 
mander pardon  comme  à  leur  évêque.  Ce 
prince  voulut,  dans  la  même  assemblée,  ra- 


1  Ante  biduum  qtiam  pervenirent  nostri  Thessalo- 
nicam  super  duo  millia  Oaptizavit,  sacramen(a  tania 
erogavil  in  populo  quœ  possint  ipsis  ad  tempara  suffi.- 


cere,  significans  plebi  quia  fides  recta  mutatur.  P.  ISIO. 
2  Pag.  1511,  1512.  —  3  Pag.  1511,  1512  et  seq. 
'  Pag.  1514. 


[yl«  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVIII.  —  HORMISDAS,  PAPE. 


627 


mener  les  moines  à  la  paix  ;  mais  ils  se  sau- 
vèrent de  Conslanlinople  et  parfirent  pour 
Rome.  Les  légats  insistent  dans  cette  lettre 
comme  dans  la  précédente,  qui  sont  l'une  et 
l'autre  du  29  juin  519,  sur  la  nécessité  de  re- 
jeter une  proposition  qui  ne  se  trouve  ni 
dans  les  conciles,  ni  dans  les  lettres  de  saint 
Léon,  ni  dans  l'usage  de  l'Eglise,  et  qui  avait 
autrefois  été  proposée  par  les  eutychiens  au 
concile  de  Chalcédoine.  Us  font  entendre  au 
pape  que  les  moines  de  Scythie  ne  la  propo- 
saient de  nouveau  que  par  artifice  et  dans  le 
dessein  de  renverser,  par  une  nouvelle  dis- 
pute, ce  qui  avait  été  fait  jusque-là  pour  la 
réunion  des  Eglises  ;  à  quoi  ils  ajoutent  que 
ces  moines  avaient  de  plus  traversé  l'élection 
d'un  évéque  d'Antioche  à  la  place  de  Sévère. 
Far  une  troisième  lettre,  datée  du  même  jour, 
les  légats  marquèrent  au  pape  que  le  comte 
Justinieu  souhaitait  des  reliques  des  apôtres 
et  de  saint  Laurent,  pour  mettre  dans  une 
église  des  apôtres  qu'il  avait  fait  bâtir.  «  11  a 
fait,  ajoutent-ils,  cette  demande  suivant  la 
coutume  des  Grecs,  qui  ne  faisaient  point  de 
dilliculté  '  de  transférer  et  de  partager  les 
reliques,  ce  qui  ne  se  faisait  pus  à  Rome  : 
mais  nous  lui  avons  expliqué  la  coutume  du 
Saint-Siège,  et  il  a  entendu  nos  raisons.  C'est 
pourquoi  ordonnez,  si  vous  jugez  à  propos 
de  satisfaire  sa  dévotion,  qu'on  lui  envoie 
des  sanctuaires  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  même  de  la  seconde  cataracte  ^,  c'est- 
à-dire  des  linges  qui  eussent  touché  au  plus 
près  du  corps  des  saints.  »  11  demande  aussi 
des  chaînes  des  apôtres  et  du  gril  de  saint 
Laurent.  <i  C'est  pour  avoir  ces  reliques  de  la 
source  ,  qu'il  a  envoyé  à  Rome  Euloge  ,  ma- 
gistrien.  »  Pour  engager  le  pape  à  accorder 
cette  grâce  au  comte  Justinien,  ils  font  l'é- 
loge de  sa  piété  et  de  son  zèle  pour  la  foi  ca- 
tholique. Ils  disent  encore  qu'il  avait  eu  des- 
seiu  de  faire  travailler  à  des  châsses  d'ai-gent 
et  de  les  envoyer  à  Rome  pour  y  mettre  ces 


rehques,  mais  qu'y  ayant  depuis  fait  rélle- 
xion,  il  avait  mieux  aimé  les  recevoir  en  pré- 
sent du  Saint-Siège  apostolique.  Ils  témoi- 
gnent au  pape  qu'il  conviendrait  d'envoyer 
autant  de  châsses  qu'il  y  aura  de  reliques 
particulières.  Le  comte  Justinien  écrivit  lui- 
même  à  Hormisdas ,  pour  lui  demander  des 
reliques  des  apôtres  ;  de  son  côté  ^,  il  envoya 
deux  manteaux  de  soie  pour  l'autel  dédié  sous 
leur  nom.  Il  parle  des  moines  de  Scythie  qui 
étaient  allés  à  Rome,  comme  de  gens  qui  ne 
cherchaient  qu'à  brouiller.  Il  en  compte  qua- 
tre :  Achille,  Léonce,  Jean  et  Maxence.  II  le 
prie,  dans  une  seconde  lettre  *,  de  renvoyer 
au  plus  tôt  Jean  et  Léonce,  et  dans  une  troi- 
sième, il  lui  demande  ce  que  l'on  doit  penser 
sur  la  proposition  que   ces   moines   soute- 
naient ^  :  «  Un  de  la  Trinité  a  été  crucifié,  a 
Il  lui  réitère  sa  prière  de  les  renvoyer  en 
Orient  avec  des  lettres  de  sa  part,  dont  il  le 
prie  de  donner  des  copies  signées  à  Euloge, 
afin  d'éviter  toute  surprise.  Le  pape  envoya 
des  sanctuaires  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul  au  comte  Justinien  ''  :  mais  il  ne  voulut 
point  laisser  partir  les  moines  de  Scythie 
avant  le  retour  des  légats ,  disant  que  ces 
moines  l'avaient  assuré  par  serment  qu'il  y 
avait  du  danger  pourtour  vie  de  retourner  à 
Constantinople.  C'est  ce  qu'il  écrivit  par  deux 
fois  au  comte  Justinien,  en  lui  témoignant 
qu€  sans  cela  il  aurait  renvoyé  ces  moines 
sur-le-champ.  Comme  ils  accusaient  le  diacre 
Victor  d'erreur  dans  la  foi,  Hormisdas  de- 
mande dans  la  seconde  lettre  au  comte  que 
l'empereur  envoie  Victor  à  Rome,  et  tous 
ceux  qui  faisaient  des  questions  dangereuses. 
Il  écrivit  toutefois  à  ses  légats  '  qu'il  avait 
trouvé  bon  de  déléguer  cette  cause  à  l'évè- 
que  de  Constantinople,  afin  qu'il  entendît  les 
parties.  Dioscore,  l'un  des  légats,  répondit  au 
pape  que  la  protestation  de  ces  moines  était 
vaine  ;  qu'il  ne  savait  qui  étaient  ceux  qu'ils 
nommaient  hérétiques,  sinon  ceux  qui  rece- 


1  Pag.  1515. 

2  Filias  vesler  Justinianus  res  convenientes  fidei 
suœ  faciens,  busilioam  sanctorum  aposlolorum  in  qua 
desiderat  et  bcati  Laurentii  reliqmas  esse,  constUuit, 
sperat  per  parvitalem  nostram  ut  prœdictorum  sanc- 
torum reiiquias  celeriter  concedulis.  Habuit  quidem 
petitio  pradicli  viii  secundum  mûrem  Grœcorum ,  et 
nos  contra  consuetudmem  Sedis  apostolicœ  exposui- 
mus.  Accepit  rationem...  unde  si  et  beatitudini  veslrœ 
videretur,  sunctuaria  beatorum  apostolorum  Pétri  et 
Puuli  secundum  morem  ei  largiri  prœcipiie  ;  et  si 
fieri  polest  ad  secundam  cataractam  ipsa  sanctuaria 
depnnere,  vestrum  est  deliberare.  Petit  et  de  catenis 


sanctorum  apostolorum,  si  possibile  est,  et  de  craticula 
beati  Laurentii  marlyris...  hic  voluerunt  capsellas  ar- 
genteas  faccre  et  dirigere  ;  sed  postea  cogitaverunt  : 
ut  et  hoc  quoque  a  vestra  Sede  pro  benedictione  susci- 
piat.  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1515. 

3  Duo  pallia  serica  ad  ornamentum  altaris  aposto- 
lorum sanctorum  direximus.  Ibid.,  jjag.  1516. 

*  Pag.  1517.—  »  Ibid. 

6  Beatissimorum  apostolorum  Pétri  et  Pauli  sanc- 
tuaria sicut  religiosissime  quœsitis  affectu,  per  harum 
portitorem  sub  omni  veneratione  transmisimus.  Ibid., 
pag.  1518. 

'  Pag.  1519, 


628 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vaient  le  concile    de    Chalcédoine,   et  qui 
étaient  de  vrais  catlioliqnes.  Il  prend  de  là 
occasion  de  raconter  au  pape  ce  qui  s'était 
passé  à    Constantinople    entre   les   moines 
de  Scythie  et  le  diacre  Victor.  Cela  se  réduit 
à  dire  que  l'évêque  de  Constantinople  ayant 
dit  dans  une  assemblée  oîi  l'on  voulait  accor- 
der les  parties,  que  quiconque  reçoit  les  dé- 
crets du  concile  de  Chalcédoine  peut  être  re- 
connu pour  catholique  ,  Victor  déclara  qu'il 
les  recevait  et  aussi  les  lettres  de  saint  Léon 
et  les  synodiques  de  saint  Cyrille  ;  qu'il  sous- 
crirait cette  déclaration  et  la  confirmerait 
par  serment,  sans  rien  enseigner  ni  recevoir 
de  contraire.  Les  moines  scythes  voulurent 
que  l'on  ajoutât  :  «  Un  de  la  Trinité  a  été 
crucifié,  »  ce  qui  déplut  à  l'assemblée.  Il  y 
en  eut  une  seconde  où  VitaUen  et  l'évêque 
de  Constantinople  firent  venir  Victor.  Le  lé- 
gat avoue  qu'il  ignore  ce  qui  s'y  passa,  mais 
qu'il  sait  que  les  moines  scytlies  traitent  de 
nestoriens  tous  ceux  qui  reçoivent  le  concile 
de  Chalcédoine,  et  qu'ils  disent  que  ce  con- 
cile ne  suffit  pas  contre  Nestorius,  si  on  ne 
le  reçoit  avec  leur  explication.  Il  fait  une  dé- 
claration de  sa  foi  sur  la  Trinité  et  l'Incarna- 
tion,  où  il  donne  à  la  sainte  Vierge  le  titre 
de  Èlère  de  Dieu,  reconnaissant  que  la  divi- 
nité et  l'humanité  ont  été  unies  en  une  seule 
personne  dans  le  sein  de  la  Vierge  dès  le 
moment  où  l'ange  la  salua  pleine  de  grâce.  Il 
parle  de  Maxence  et  d'Achille,  qui  étaient 
allés  à  Rome,  comme  de  gens  peu  connus 
et  qui  ne  savaient  eux-mêmes  qui  ils  étaient. 
L'empei-eur  Justin  fit  quelque  temps  après  ' 
savoir  au  pape  qu'on  lui  avait  adressé  plu- 
sieurs requêtes  sur  les  matières  agitées  alors; 
qu'il  les  avait  montrées  au  légat  Dioscore, 
qui  n'en  avait  pas  été  content ,  et  qu'il  était 
dans  le  dessein  de  les  envoyer  à  Rome  pour 
apprendre  du  Saint-Siège  ce  qu'il  fallait  faire 
pour  terminer  les  disputes.  Cette  lettre  est  du 
19  janvier  520  ^.  Le  même  jour  Jean  de  Cons- 
tantinople écrivit  au  pape  que  la  fête  de  Pâ- 
ques de  cette  année  320,  sur  laquelle  il  était 
en  doute,   se  ferait  le  13  des  calendes  de 
mai,  c'est-à-dire  le  19  avril.  Les  légats  lui 
écrivirent  la  même  chose,  remarquant  que 
le  calcul  des  Orientaux  s'accordait  pour  cette 
solennité  avec  celui  de  Rome  ^.  Ils  marquè- 


rent aussi  au  pape  que  Dorothée,  évéque  de 
Thessalonique,  avait  été  mené  à  Héraclée 
par  ordre  de  l'empereur,  en  attendant  que  son 
affaire  fût  jugée  ;  et  qu'ayant  demandé  qu'il 
fût  conduit  à  Rome  avec  le  prêtre  Aristide, 
pour  y  être  instruit  de  la  doctrine  catholique, 
ce  prince  leur  avait  répondu  qu'il  n'était  pas 
raisonnable  de  les  y  envoyer,  parce  que  leurs 
accusateurs  n'y  étant  pas,  il  leur  serait  plus 
aisé  de  se  retirer  d'affaire  ;  que  comme  on 
en  était  là,  Dorothée  avait  été  tout  à  coup 
renvoyé  d'Héraclée,  sans  qu'on  sût  comment. 
L'évêque  Jean  et  le  prêtre  Epiphane,  qui 
étaient  restés  à  Thessalonique  depuis  que 
Dorothée  en  était  sorti,  envoyèrent  aux  lé- 
gats, à  Constantinople  *,  un  mémoire  où  ils 
disaient  qu'il  y  avait  à  craindre  que  Doro- 
thée et  les  autres  évêques  sortis  de  Thessa- 
lonique ne  vinssent  à  bout,  à  force  d'argent, 
de  se  faire  rétablir  dans  leurs  sièges  ;  «  car 
ils  en  ont,  disent-ils,  emporté  une  si  grande 
quantité,  qu'ils  peuvent  aveugler  non  pas  les 
hommes,  mais  les  anges.  Afin  donc  de  dissi- 
per leurs  mauvais  desseins,  faites  en  sorte 
que,  s'il  est  nécessaire  d'en  venir  à  une  au- 
dience, nous  y  soyons  tous  présents,  étant 
en  état  de  les  convaincre  d'hérésie  devant  le 
sénat.  ))  Ils  parlent  dans  le  même  mémoire  du 
baptême  conféré  par  Dorothée  après  la  fête 
de  Pâques  ^,  comme  d'une  action  irrégu- 
lière, et  ils  lui  reprochent  encore  d'avoir  fait 
distribuer  au  peuple  l'eucharistie  à  pleines 
corbeilles. 

23.  Jean,  évêque  de  Constantinople,  étant  l» 
mort  après  avoir  rempli  ce  siège  près  de  <i'bii 
trois  ans,  le  prêtre  Epiphane,  son  syncelle,  sni»- 
fut  choisi  le  23  février  320,  pour  lui  succé- 
der. Le  légat  Dioscore  en  informa  le  pape 
par  une  lettre  datée  du  7  avril,  dans  laquelle 
il  fait  l'éloge  de  Jean,  et  donne  de  bonnes 
espérances  au  sujet  du  gouvernement  d'Epi- 
phane,  qui  témoignait  vouloir  se  conformer 
en  tout  aux  règles  des  pères,  et  cimenter  la 
paix  et  l'unité  ^.  Les  évêques  qui  avaient  as- 
sisté à  son  ordination,  firent  aussi  l'éloge  de 
l'un  et  de  l'autre  dans  la  lettre  synodique 
qu'ils  écrivirent  au  pape  ;  ils  y  rendent  grâ- 
ces à  Dieu  du  rétablissement  de  la  paix  dont 
ils  se  reconnaissent  redevables  à  Dieu,  à  l'in- 
tercession de  la  sainte  Vierge,  aux  soins 


1  Pag.  1520.  —  2  Pag.  1521. 

3  Pag.  1522.—  *  Pag.  1522. 

s  Tune  valut  ad  ailerurn  Pascha  tantos  baptizave- 
runt,  ut  CMisuetam  feslivitaiem  sujierareut...  .si  liœre- 
tici  non  sunt  quomodo  tanta  sacvamenta  conftcenint, 


ut  canistra  plena  omnibus  erogarent  ne  imminente,  si' 
eut  dicebant ,  perseeutione  communicare  non  passent. 
Ibid.,  pag.  1523. 
6  Pag.  1524. 


[w  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XLVIII.  — 

d'Hormisdas,  et  à  la  piété  de  Tempereur  et  de 
rimpératrice.  Théophile,  métropolitain  d'Hé- 
raclée,  souscrivit  le  premier  à  cette  lettre, 
qui  est  sans  date.  Le  pape  ayant  appris  l'or- 
dination d'Epiphane  ',  se  plaignit  à  lui  de  ce 
qu'il  négligeait  de  lui  en  écrire  et  de  lui  en- 
voyer des  députés  selon  la  coutume.  Il  lui 
témoigna  en  même  temps  qu'il  n'exigeait  de 
lui  cette  députation,  qu'afin  de  lui  donner  à 
son  tour  des  marques  de  son  affection  et  de 
sa  joie  de  le  voir  élevé  sur  le  trône  épisco- 
pal  de  Constantinople,  et  de  le  remercier  du 
zèle  qu'il  faisait  paraître  pour  le  maintien  de 
l'unité,  et  pour  y  ramener  ceux  qui  ne  l'a- 
vaient pas  encore  embrassée,  ainsi  qu'il  l'a- 
vait appris  par  ses  légats.  Epiphane  écrivit 
au  pape  pour  lui  faire  part  de  son  élection  ^, 
disant  qu'elle  avait  été  faite  par  le  choix  de 
l'empereur  et  de  l'impératrice,  du  consen- 
tement des  évêques,  des  moines  et  du  peu- 
ple. Il  pi'ie  Hormisdas  de  regarder  sa  lettre 
comme  un  témoignage  du  désir  qu'il  avait 
d'être  uni  au  Saint-Siège  et  de  suivre  la  foi 
et  la  doctrine  que  ce  Siège  avait  reçue  des 
saints  disciples  et  apôtres,  nommément  de 
saint  Pierre,  dans  laquelle  il  avait  lui-même 
été  élevé  dès  son  enfance,  et  qu'il  avait  en- 
suite enseignée  à  ceux  qui  se  présentaient 
pour  recevoir  le  baptême,  dans  le  temps 
qu'il  était  chargé  de  leur  instruction.  Des- 
cendant dans  le  détail,  il  déclare  qu'il  adore 
et  qu'il  prêche  la  foi  contenue  dans  le  sym- 
bole de  Nicée  et  dans  les  décrets  des  conci- 
les de  Constanlinople,  d'Ephèse  et  de  Chal- 
cédoine  ;  qu'il  embrasse  la  communion  de 
tous  ceux  qui  reçoivent  ces  conciles  ;  qu'il 
rejette  comme  indignes  de  l'assemblée  des 
orthodoxes,  ceux  qui  tiennent  une  doctrine 
contraire  ;  qu'il  reçoit  les  lettres  que  saint 
Léon  a  écrites  pour  la  défense  de  la  foi ,  et 
qu'il  ne  permet  point  de  réciter  dans  la  célé- 
bration des  mystères  les  noms  de  ceux  que 
le  Saint-Siège  a  condamnés  et  défendu  de 
nommer  dans  les  diptyques.  Il  prend  à  té- 
moin de  toutes  ces  choses,  les  légats  Ger- 
main, Jean,  Dioscore  et  Blandus.  Sa  lettre 
fut  reçue  à  Rome  le  17  septembre  520.  Il  en 
écrivit  une  seconde  ^,  qui  y  fut  reçue  le  30 
novembre  de  la  même  année.  11  l'accompa- 


HORMISDAS,  PAPE.  629 

gna  d'un  calice  d'or  entouré  de  pierres  pré- 
cieuses, avec  une  patène  de  même  métal  '', 
d'un  autre  calice  d'argent  et  de  deux  voiles 
de  soie,  dont  il  lit  présent  à  l'Eglise  de  Rome. 
Il  assure  le  pape  du  zèle  de  l'empereur  et  de 
l'impératrice  pour  la  conservation  de  la  réu- 
nion, de  la  paix  de  l'Eglise  de  Constantinople, 
et  de  l'usage  où  l'on  persévérait  de  ne  point 
réciter  dans  les  diptyques  les  noms  de  ceux 
que  le  Siège  apostolique  regardait  comme  pro- 
fanes. Il  ajoute  que  le  nombre  des  prêtres  et 
des  peuples  qui  se  réunissaient,  allait  en  aug- 
mentant ;  qu'il  y  avait  néanmoins  plusieurs 
Eglises  attachées  à  conserver  dans  leurs  dip- 
tyques les  noms  de  leurs  anciens  évêques  ; 
qu'il  l'exhortait  à  n'en  point  exiger  la  sup- 
pression avec  trop  do  rigueur,  et  qu'il  se  re- 
mettait à  ce  que  lui  en  diraient  ses  trois  dé- 
putés, Jean,  évêque  de  Claudiopolis  en  Isau- 
rie  ;  le  prêtre  Héraclien,  son  syncelle,  et  le 
diacre  Constantin. 

Outre  les  deux  lettres  d'Epiphane,  ces  dé- 
putés portèrent  à  Rome  celle  des  évêques 
qui  l'avaient  ordonné  patriarche  de  Constan- 
tinople^. Il  paraît  qu'ils  portèrent  aussi  celle 
du  comte  Justinien,  dans  laquelle  il  mandait 
au  pape  que ,  par  la  suppression  du  nom 
d'Acace,  la  paix  et  l'unité  avaient  été  réta- 
blies dans  l'Eglise  de  Constantinople  et  dans 
beaucoup  d'autres;  mais  qu'une  grande  par- 
tie des  Orientaux  ne  pouvait  se  résoudre  à 
condamner  les  noms  de  leurs  évêques  morts 
depuis  Acace,  et  qu'ils  étaient  prêts,  pour 
les  maintenir,  à  souffrir  toutes  sortes  d'ex- 
trémités. Il  priait  donc  le  pape  d'avoir  égard 
au  temps  et  de  finir  cette  dispute,  en  con- 
damnant les  auteurs  de  l'erreur,  sans  parler 
des  autres,  de  peur  qu'en  voulant  gagner  les 
âmes  ,  on  ne  perdît  les  corps  et  les  âmes 
de  plusieurs.  Il  lui  citait  l'exemple  de  ses 
prédécesseurs,  qui  avaient  dit  qu'ils  se  con- 
tenteraient de  la  condamnation  d'Acace,  de 
Pierre  Mongus,  de  Timothée  Elure,  de  Dios- 
core et  de  Pierre-le-Foulon.  Le  comte  Justi- 
nien avait  pris  d'abord  parti  contre  les  moines 
de  Scythie,  apparemment  par  opposition  à 
Vitalien  qui  les  protégeait  et  qu'il  regardait 
comme  son  compétiteur.  Dans  cette  lettre  il 
semble  favorable  à  leur  proposition  :  «  Un 


1  Decuerat  te  legatos  ad  aposiolicam  Sedem  inter 
ipsa  fui  pontifîcatus  initia  destinasse,  ut  et  quem  tibi 
debeamus  affectum  bene  cognosceres  et  veluslœ  consue- 
tudinis  fùrmnm  rite  compleres.  Pag.  1533. 

'  Pag.  1534.  —  3  Pag.  1537. 

*  Sanctce  et  apostolicœ  vestrœ  Ecclesiœ,  calicem  au- 


reum  gemmis  circumdatum,  patenam  auream  et  aliuni 
calicem   argenteum,   vêla   serica   duo,    deslinavimus, 
quœ  siimpere  vestram  beatudinem  supplicamus.  Pag. 
1539. 
5  Pag.  1536,  1541  et  1527. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


630 

de  la  Trinité  a  été  crucifié,  »  jusqu'à  l'ap- 
puyer de  l'autorité  de  saint  Augustin.  Il  s'en 
remet  toutefois  à  la  décision  du  pape,  qui 
reçut  vers  le  même  temps  une  lettre  de  l'em- 
pereur Justin,  où  ce  prince  lui  faisait  des  re- 
montrances sur  l'attachement  que  certaines 
Eglises  dans  le  Pont,  dans  l'Asie,' et  surtout 
en  Orient,  avaient  aux  noms  de  leurs  évê- 
ques.  «Le  clergé  et  le  peuple  de  ces  Eglises, 
dit  l'empereur,  ne  peut  être  fléchi  ni  par  rai- 
sons, ni  par  menaces,  pour  abolir  les  noms 
des  évêques  qui  ont  été  en  réputation  chez 
eux,  et  ils  aiment  mieux  mourir  que  de  les 
condamner  morts.  Nous  croyons  qu'il  faut 
les  traiter  avec  douceur,  d'autant  plus  que 
notre  prédécesseur  Anastase  a  déclaré  qu'il 
suffisait  à  ceux  qui  désiraient  la  paix,  de  sup- 
primer le  nom  d'Acace  '.  » 

Justin  joignit  à  sa  lettre  une  requête  qui 
lui  avait  été  présentée  par  les  clercs,  les 
abbés  et  les  principaux  laïques  de  Jérusa- 
lem, d'Antioche  et  de  la  seconde  Syrie,  pour 
le  prier  de  procurer  l'union  entière  des  Egli- 
ses. Ils  y  protestaient  qu'ils  ne  s'étaient  ja- 
mais écartés  de  la  doctrine  qui  leur  avait 
été  transmise  par  les  apôtres  et  dans  les  dé- 
crets des  quatre  conciles;  qu'ils  avaient  éga- 
lement en  horreur  Eutychès  et  Nestorius,  ainsi 
que  leurs  sectateurs;  qu'ils  croyaient  sur  la 
Trinité  et  sur  l'Incarnation,  ce  qui  en  était 
dit  dans  le  symbole  des  pères  et  dans  le  con- 
cile de  Chalcédoine,  reconnaissant  que  la 
sainte  Vierge  est  véritablement  Mère  de 
Dieu,  et  qu'il  y  a  en  Jésus-Christ  deux  natu- 
res parfaites  unies  en  une  seule  personne, 
sans  mélange  et  sans  confusion;  en  sorte 
que  depuis  l'union,  chaque  nature  conserve 
toutes  ses  propriétés.  Mais  ils  avancent  qu'un 
de  la  sainte  Trinité  s'est  incarné  ^  :  et  ce  fut 
apparemment  à  cause  de  cette  proposition, 
que  leur  requête  déplut  au  légat  Dioscore,  à 
qui  l'empereur  la  montra  avant  de  l'envoyer 
à  Rome.  Les  députés  de  ce  prince  et  de  l'é- 
vêque  Epiphane  ne  sortirent  de  cette  ville 
que  vers  la  fin  du  mois  de  mars  de  l'an  521. 
Ils  rapportèrent  deux  lettres  du  pape  pour 
Epiphane  :  dans  l'une,  qui  est  datée  du  25 
mars,  Hormisdas  le  congratule  sur  la  canoni- 
cité  de  son  élection  ^,  et  lui  marque  qu'il 
avait  reçu  ses  présents.  L'autre,  qui  est  du  26 
du  même  mois,  est  une  réponse  à  ce  que  cet 


évêque  lui  avait  écrit  de  l'attachement  de 
certaines  Eglises  aux  noms  de  leurs  évêques. 
Nous  l'avons  en  grec  et  en  latin  dans  les  ac- 
tes du  concile  de  Constantinople,  sous  Men- 
nas  *.  Le  pape,  comptant  sur  la  prudence  et 
l'expérience  d'Epiphane,  le  charge  de  toute 
cette  atfaire,  en  lui  prescrivant  les  moyens 
de  la  finir.  «  Vous  nous  déclarei'ez,  lui  dit-ii, 
par  vos  lettres,  ceux  qui  vous  seront  unis  de 
communion,  et  par  vous  au  Saint-Siège,  y 
insérant  la  teneur  des  libelles  qu'ils  auront 
donnés.  De  cette  manière  Sévère,  ses  com- 
plices et  leurs  semblables  pourront  être  ab- 
sous de  leurs  erreurs,  et  nous  ne  souffrirons 
point  la  perte  de  ceux  qui  pourront  être  sau- 
vés. Mais  en  procurant  des  remèdes  aux  ma- 
lades qui  souhaitent  d'être  guéris,  usez  d'au- 
torité envers  les  autres;  et  usez  tellement 
d'humanité  à  l'égard  de  ceux  qui  se  soumet- 
tent, que  vous  rejetiez  ceux  qui  demeurent 
dans  l'hérésie  ou  qui  feignent  d'être  catho- 
liques, et  ne  sont  d'accord  avec  nous  que  de 
paroles,  n'étant  pas  expédient  de  relâcher  la 
rigueur  des  censures  ecclésiastiques  envers 
ces  sortes  de  gens-là.  Pour  ce  qui  est  de  ceux 
de  Jérusalem  dont  la  profession  de  foi  nous 
a  été  envoyée,  ils  doivent  s'en  tenir  à  ce  que 
les  pères  ont  défini,  parlicnlièrement  au 
concile  de  Chalcédoine,  qui  n'a  l'ien  omis 
d'utile.  1)  Le  pape  fait  voir  par  les  décrets  de 
ce  concile  contre  Nestorius  et  Eutychès , 
qu'on  n'y  a  fait  qu'établir  dans  un  plus  grand 
jour  les  dogmes  que  l'on  croyait  duns  les 
siècles  précédents;  puis  il  ajoute,  parlant 
toujours  de  ceux  de  Jérusalem  :  «  S'ils  dési- 
rent d'être  unis  de  communion  avec  le  Saint- 
Siège,  qu'ils  nous  envoient  la  profession  de 
foi  qu'ils  ont  présentée  à  nos  légats  à  Cons- 
tantinople, ou  qu'ils  vous  la  donnent  pour 
nous  la  faire  tenir.  »  Le  même  jour,  26  de 
mars,  il  écrivit  à  l'empereur  ^  qu'il  appelle 
l'Ezéchias  de  son  siècle,  qu'il  fallait  se  don- 
ner de  garde  de  la  subtihté  de  ceux  qui  ne 
font  les  difficiles  que  pour  donner  atteinte  à 
ce  qui  est  rétabli  ;  qu'au  reste,  il  avait  marqué 
à  Epiphane  de  recevoir  ceux  qu'il  jugerait 
dignes  d'être  reçus,  suivant  la  formule  qu'il 
lui  avait  envoyée.  Dans  une  autre  lettre  de 
même  date  ^  le  pape  explique  à  ce  prince 
les  mystères  de  la  Trinité  et  de  l'Incarnation, 
pour  répondre  aux  requêtes  qui  lui  avaient 


>  Pag.  1542. 

2  Unus  ex  sancta  unius  esscnlia  Triniiatis  incarna- 
tus.  Pag.  1543. 


3  Pag.  1545.  —  *  Ton).  V  ConciL,  pag.  151. 
5  Pas.  1550.  —  6  Pag.  1552. 


[VI'  SIÈCLE.] 

été  envoyées.  Il  fait  voir  que  ceux  qui  avan- 
çaient cette  proposition  :  «  Un  de  la  Trinité 
s'est  incarné,  »  attaquaient  la  Trinité  en  ne 
voulant  point  reconnaître  ce  qui  est  propre 
au  Fils  :  et  parce  que  ces  deux  mystères 
étaient  bien  établis  dans  les  décrets  du  con- 
cile de  Clialcédoine  et  dans  les  lettres  de 
saint  Léon  qui  se  trouvaient  entre  les  mains 
de  tout  le  monde,  il  s'étend  peu  sur  cette 
matière,  se  contentant  de  marquer  ce  que 
l'on  en  doit  croire.  «  Nous  adorons,  dit-il  *, 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  :  Trinité  in- 
divisible à  raison  de  sa  substance,  qui  est 
incompréhensible  et  ineffable  :  car,  encore 
que  le  nombre  y  ait  lieu  à  cause  des  person- 
nes, l'unité  ne  souffre  point  de  division  ni 
de  séparation  de  l'essence.  Conservons  donc 
à  la  nature  divine  ce  qui  lui  est  propre,  mais 
gardons  aussi  à  chaque  personne  ce  qui  lui 
est  particulier.  Quelque  grand  et  quelque 
profond  que  soit  ce  mystère,  il  est  néanmoins 
connu  qu'il  est  propre  au  Père  d'engendrer 
son  Fils,  au  Fils  de  Dieu  de  naifre  du  Père 
et  d'être  égal  au  Père,  et  au  Saint-Esprit  de 
procéder  du  Père  et  du  Fils,  sous  une  même 
substance  de  la  divinité.  C'est  encore  le  pro- 
pre du  Fils  d'avoir  été  fait  chair  dans  les 
derniers  temps  et  d'avoir  habité  parmi  nous, 
les  deux  natures  aj'ant  été  unies  sans  au- 
cune confusion  dans  le  sein  de  la  sainte 
Vierge  Marie,  Mère  de  Dieu;  en  sorte  que  le 
Fils  de  Dieu,  qui  était  avant  tous  les  temps, 
fut  fait  Fils  de  l'Homme.  »  Le  pape  fait  voir 
ensuite  les  propriétés  de  chaque  nature  en 
Jésus-Christ.  Comme  homme,  il  a  souffert, 
il  est  mort,  il  a  été  enseveli;  comme  Dieu, 
il  est  ressuscité  et  ressuscite  les  morts.  11 
prouve  la  divinité  de  Jésus-Christ  par  la  con- 
fession qu'en  fit  saint  Pierre  et  saint  Tho- 
mas, après  avoir  vérifié  par  lui-même  sa  ré- 
surrection, dont  il  avait  douté  auparavant.  Il 
remarque  que  Dieu  permit  ce  doute  dans  un 
de  ses  disciples,  afin  que  la  preuve  qu'il  eut 
ensuite  de  la  vérité,  fût  une  instruction  pour 
la  postérité.  La  réponse  qu'Hormisda  ^  fit 


CHAPITRE  XLVIII.  —  HORMISDAS ,  PAPE. 


631 


aux  évêques  qui  avaient  ordonné  Epiphane, 
est  un  compliment  de  congratulation  sur  leur 
bon  choix. 

26.  Elle,  patriarche  de  Jérusalem,  avait  ^^Js'^p'Tô'e. 
été  chassé  de  son  siège  par  l'empereur  |ts'iégats'',''p^ 
Anastase,  pour  avoir  refusé  la  communion  ^''' 
de  Sévère,  faux  patriarche  d'Antioche,  et 
l'on  avait  mis  en  sa  place  Jean,  fils  de  Mar- 
cien,  qui  avait  promis  d'embrasser  la  com- 
munion de  Sévère.  Le  pape  s'était  souvent 
intéressé  pour  le  rétablissement  d'Elie  et  des 
deux  autres  évêques,  Thomas  et  Nicostrate. 
Le  comte  Justinien  lui  écrivit,  le  7  juin  de 
l'an  520,  que  la  circonstance  des  temps  ne 
permettait  point  que  l'on  pressât  le  retour 
d'Elie  à  Jérusalem,  et  qu'il  fallait  attendre  la 
mort  de  celui  qu'on  lui  avait  substitué;  qu'à 
l'égard  de  Thomas  et  de  Nicostrate,  ils  se- 
raient rétablis  après  que  les  autres  Eglises 
seraient  réunies.  Les  quatre  lettres  suivan- 
tes de  Justin,  d'Euphémie,  de  Celer  et  de 
Julienne,  font  honneur  au  pape  et  à  ses  lé- 
gats, des  soins  qu'ils  se  sont  donnés  pour  le 
rétablissement  de  la  paix  et  la  réunion  des 
Eglises.  Les  deux  du  pape  à  ses  légats,  sont 
pour  savoir  des  nouvelles  de  leur  sanié  et 
les  presser  de  lui  marquer  la  cause  de  leur 
silence,  et  ce  qui  se  passait  en  Orient  tou- 
chant la  foi  et  la  réunion. 

27.  L'écrit  de  Fauste  de  Riez  sur  la  grâce,       J-»»™  » 

"  '     Pûssisaor,  p. 

ayant  ete  porté  à  Constantinople,  y  excita  de  '»="■ 
grandes  disputes.  Maxence  et  les  moines  de 
Scythie  qui  étaient  de  retour,  le  combatti- 
rent fortement;  mais  il  trouva  aussi  des  dé- 
fenseurs dans  cette  ville.  Possessor,  évêque 
d'Afrique,  qui  était  alors  à  Constantinople, 
fut  consulté  là-dessus  :  il  se  contenta  de  ré. 
poudre  que  les  écrits  des  évêques  ne  de- 
vaient pas  avoir  force  de  loi  comme  les  écri- 
tures canoniques  ou  les  décrets  des  conciles; 
mais  qu'on  devait  les  estimer  ce  qu'ils  va- 
laient, sans  préjudice  de  la  foi.  Sa  réponse 
n'ayant  satisfait  personne,  il  consulta  lui- 
même  le  pape  Hormisdas ,  disant  ^  que  quand 
il  s'agissait  de  la  santé  des  membres,  il  fal- 


'  Adoremus  Patrem  et  FHium  et  Spiritum  Sanclum, 
indivisam  distincte  incomprehensibilem  et  inenarrabi- 
lem  subsiantiam  Triniiatis ;  uhi  etsi  admittit  numerum 
ratio  personarum,  unitas  tamen  non  admittit  essentiœ 
sepaiationem  ;  ita  tamen  ut  servemus  divinœ  propria 
naturœ,  servemus  propria  unicuique  perscnœ...  Ma- 
gnum est  sanclœ  et  incomprehensibile  mysterium  Tri- 
nitatis,  Deus  Paler,  Deus  Filius,  Deus  Spiritus  Sanctus, 
tamen  notum  est,  quia  proprium  est  Patris  et  generare 
Filium;  proprium  Filii  Dei ,  ut  ex  Pâtre  Patrinasce- 
reiur  cequaiis  ;  proprium  Spiritus  Sancti  ut  de  Paire 


et  Filio  procederet  sub  una  substantia  deitatis.  Pro- 
prium quoque  Filii,  ut  j'uxta  id  quod  scriptum  est,  in 
novissimis  temporibus  Verbum  caro  fieret  et  habitarel 
in  nobis.  [ta  inira  viscera  sanctœ  Mariœ  Virginis  ge- 
nitricis  Dei  unitis  sine  aliqua  confusione  naturis ,  ut- 
qui  ante  tempora  erat  Filius  Dei,  fieret  Filius  hominis. 
Pag.  1553. 

2  Pag.  1544. 

'  Decet  et  expedit  ad  capitis  reeurrere  medicamen- 
lum,  quoties  agitur  de  sanitate  membrorum.  Posaess., 
Epist.  ad  Hormisd.,  tom.  IV  Concil,,  pag.  1529. 


632 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


lait  recourir  au  chef.  Il  le  pria  donc,  par  une 
lettre  qu'il  lui  envoya  par  le  diacre  Justin ,  de 
déclarer  par  l'autorité  du  Siège  apostolique, 
ce  qu'il  pensait  des  écrits  de  cet  auteur.  Il 
ajouta  que  Vitalien,  maître  de  la  milice,  et 
le   comte  Justinien   désiraient    aussi  d'être 
instruits  par  sa  réponse  :  car  les  premiers 
de  la  cour  avaient  pris  part  aux  disputes  sur 
la  grâce.  La  lettre  de  Possessor  fut  rendue  à 
Rome  le  18  juillet  520.  Le  pape  y  répondit 
le  13  août  suivant.  Avant  que  de  s'expliquer 
sur  le  livre  de  Fauste  de  Riez,  il  parle  des 
moines   de  Scythie  qui  étaient    demeurés 
plus  d'un  an  à  Rome.  Il  les  traite  de  faux 
rnoines,  qui,  sous  prétexte  de  religion,  ne 
cherchaient  qu'à  satisfaire  leur  haine  parti- 
culière; de  gens  accoutumés  aux  disputes, 
trop  amateurs  des  nouveautés  et  trop  atta- 
chés à  leurs   opinions;  qui  ne  comptaient 
point  pour  catholiques  ceux  qui  suivaient  la 
tradition  des  pères;  accoutumés  à  calomnier, 
à  médire  et  à  exciter  des  séditions.  «  Nous 
n'avons  pu,  dit-il,  les  retenir,  ni  par  les  aver- 
tissements, ni  par  la  douceur,  ni'par  l'auto- 
rité. Ils  se  sont  présentés  jusque  dans  l'as- 
semblée du  peuple,  criant  auprès  des  statues 
des  empereurs;  et  si  le  peuple  fidèle  ne  leur 
eût  résisté,  ils  y  auraient  excité  de  la  divi- 
sion. Mais,  avec  l'aide  de  Dieu,  il  les  a  chas- 
sés. ))  Il  leur  applique  ce  que  saint  Paul  dit 
dans  la  seconde  épîlre  à  Timothée,  de  ces 
hommes  amoureux  d'eux-mêmes  qui  n'ont 
que  les  dehors  de  la  piété  sans  la  pratiquer 
véritablement;  et  il  ajoute  :  «Nous  vous  écri- 
vons ceci  par  occasion,  de  peur  que,  de  re- 
tour à  Gonstantinople,  ils  ne  trompent  ceux 
qui  ne  savent  pas  comment  ils  se  sont  con- 
duits à  Rome.  Quant  à  ceux  qui  vous  ont 
consulté  sur  les  écrits  d'im  certain  Fauste, 
évêque  gaulois,   nous  leur  répondons  que 
nous  ne  le  recevons  point,  et  qu'aucun  de  ceux 
que  l'Eglise  catholique  ne  reçoit  point  entre 
les  pères,  ne  peut  causer  de  l'ambiguité  dans 
la  discipline,  ni  porter  préjudice  à  la  reli- 
gion. Les  pères  ont  déterminé  ce  que  les  fi- 
dèles doivent  croire.  Tout  ce  qui  s'accorde 


avec  la  vraie  foi  doit  être  reçu;  et  on  doit  re- 
jeter tout  ce  qui  y  est  contraire,  soit  que  cela 
se  trouve  dans  des  discours  à  l'édification  du 
peuple,  soit  dans  tout  autre  écrit.  »  Le  pape 
ne  blâme  point  ceux  qui  hsent  des  livres  où 
il  y  a  quelque  chose  à  reprendre,  mais  ceux 
qui  en  suivent  les  erreurs  ' ,  n'étant  point 
défendu  de  connaître  ce  que  l'on  doit  éviter, 
autrement  le  Docteur  des  nations  n'aurait 
pas  dit  aux  fidèles  :  Eprouvez  tout,  et  approu- 
vez ce  qui  est  bon.  «  Pour  ce  qui  est  de  la  doc- 
trine de  l'Eglise  romaine  touchant  le  libre 
arbitre  ^  et  la  grâce  de  Dieu,  quoiqu'on  la 
puisse  voir  en  divers  écrits  de  saint  Augustin, 
et  surtout  dans  ceux  qu'il  a  adressés  à  Hi- 
laire  et  à  Prosper,  il  y  a  néanmoins  des  ar- 
ticles exprès  dans  les  archives  de  l'Eglise, 
que  je  vous  enverrai ,  si  vous  ne  les  avez  pas 
et  si  vous  les  croyez  nécessaires.  Mais,  en 
examinant  avec  soin  la  doctrine  de  saint  Paul 
sur  ces  articles,  il  est  aisé  de  savoir  à  quoi 
l'on  doit  s'en  tenir.  »  Le  pape  ne  dit  rien 
d'un  commentaire  sur  les  Epîtres  de  saint 
Paul,  que  Possessor  lui  avait  envoyé;  peut- 
être  ne  l'avait-il  pas  reçu,  car  il  paraît  que 
cet  évêque  l'avait  déjà  envoyé  à  Rome  lors- 
qu'il écrivit  la  lettre  dont  nous  venons  de 
parler. 

28.  Dorothée,  obligé  par  l'empereur  d'en- 
voyer à  Rome  des  députés  au  nom  de  l'Eglise 
de  Thessalonique,  pour  faire  satisfaction  au 
pape,  lui  écrivit  une  lettre  très-flatteuse,  où, 
sans  répondre  aux  accusations  formées  con- 
tre lui,  il  soutient  qu'il  a  exposé  sa  vie  pour 
l'évêque  Jean,  et  que  ce  fait  a  été  constaté 
par  des  informations  faites  en  son  absence. 
L'évêque  Jean  était  un  des  légats  du  Saint- 
Siège.  Etant  allé  à  Thessalonique  pour  tra- 
vailler à  la  réunion,  le  peuple  se  jeta  sur  lui 
et  le  blessa.  Dorothée  était  accusé  d'avoir 
excité  le  peuple  à  cette  occasion,  et  c'est  sur 
quoi  il  devait  se  justifier.  Le  pape,  dans  sa 
réponse  datée  du  29  octobre  520,  lui  dit  qu'il 
n'était  pas  le  seul  qui  eût  ouï  parler  de  l'at- 
tentat qu'il  avait  commis  sur  son  légat;  que 
le  crime  était  connu  partout;  que  toutes  les 


Lellre 
r  o  t  liée 

nique.p 
el  lôlU. 


1  JVec  vitio  daripotest  nosse  gtiod  fugias,  atque  ideo 
non  legenies  incongma  in  culpam  veniunt,  sed  segmentes. 
Quod  se  non  Ua  essef,  nunqvam  Bocior  ille  gentium  ac- 
quievisset  nuntiare  fidelibus:Omm&'pTobate,  quod  bo- 
num  est  tenete.  Hormisd.,  Epist.  70  ad  Possessor., 
pag.  1532.  [On  suppose  ici  qu'il  n'y  a  pas  de  défense 
faite  par  l'Eglise  de  lire  les  livres  suspects,  ou  qu'il  n'y 
a  point  de  péril  à  les  lire ,  quand  ils  ne  sont  pas  dé- 
fendus ;  car,  en  cas  de  défense,  il  n'est  point  permis  de 


les  lire  sans  autorisation ,  et  on  ne  peut  jamais  les  lire 
quand  il  y  a  péril.]  —  ^  De  arbitrio  lamen  libero  et  gra- 
tia  Dei,  quidromana,  hocest  cathnlica.sequaturet  as- 
severet  Ecclesin,  licet  in  variis  lihrisbcati  Augusiini,  el 
maxime  ad  Hilarium  et  Prosperum  possit  cognosci,  ta- 
men  in  scriniis  ecclesiasiicis  expressa  capitula  conti- 
nentur,  quœ  si  iibi  désuni,  el  necessaria  creditis,  des- 
tinabimus;  quanqiiam  qui  diligenter  apostoli dicta  con- 
sidérai, guid  sequi  debeai  evidenter  cognoscet.  Ibid. 


[VI'  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  XLVUI.  — 


Eglises  catholiques  en  gémissaienl;  qu'il  fal- 
lait donc  qu'il  s'en  justifiât,  et  qu'il  n'en 
avait  pas  d'autre  moyen  qu'en  revenant , 
comme  les  autres,  à  l'unité  de  l'Eglise.  Il  ren- 
voya l'examen  de  cette  affaire  à  l'évêque  de 
Constantinople  ',  en  le  chargeant  de  la  ter- 
miner, si  ceux  de  Thessalonique  exécutaient 
ce  crue  l'on  demanderait  d'eux. 

LeUres  a  t^i  t  r     r  i,i.i 

omisiias.p.       29,  Paul,  ordonne  eveque  d  Antioche,  en 
T^ui"'!  '''■  pl^ce  de  Sévère,  que  l'empereur  avait 
jM''d'e'''=es  chassé  de  son  siège,  se  rendit  par  sa  con- 
"ir<i^HwI  duite  odieux  au  clergé  et  au  peuple.  Sachant 
'"""■^        donc  qu'on  pressait  ce  prince  de  permettre 
que  l'on  informât  contre  lui,  et  craignant  les 
preuves  juridiques,  il  donna  sa  requête,  par 
laquelle  il  demandait  qu'il  lui  fût  libre  de 
renoncer  aux  fonctions  de  l'épiscopat  et  de 
se  retirer  en  un  lieu  où  il  pût  vivre  en  repos. 
L'empereur  et  Epiphane,  évéque  de  Cons- 
tantinople, en  écrivirent  au  pape  Hormisdas, 
pour  avoir  son  avis  là-dessus.  Ils  ne  marquent 
point  en  quoi   consistaient  les   accusations 
formées  contre  Paul  :  et  Epiphane  parle  de 
cet  évéque  comme  d'un  homme  de  probité, 
k  insinuant  que  ses  accusations  agissaient  par 

~  un  esprit  de  parti,  sans  qu'il  leur   en  eût 

donné  occasion  par  une  conduite  peu  régu- 
K  lière.  Les  lettres  de  l'empereur  et  de  l'évê- 

K  que  de  Constantinople  sont  du  \  "  mai  321 . 

Wf  Nous  n'avons  point  les  réponses  du  pape  sur 

cette  atlaire.  Paul  mourut  quelque  temps 
après,  n'ayant  tenu  le  siège  d'Antioche  qu'en- 
viron deux  ans. 

Le  pontificat  d'Hormisdas  fut  de  près  de 
neuf  ans;  il  mourut  le  6  août  S23.  On  lui 
attribue  quatre  décrets  dont  il  n'est  rien  dit 
dans  les  lettres  que  nous  avons  de  lui.  Le 
premier  porte  ^  que  l'on  n'ordonnera  pas 
prêtre,  celui  qui  aura  été  renfermé  dans 
un  monastère  pour  y  faire  pénitence.  Le  se- 
cond défend  aux  fidèles  les  mariages  clan- 
destins, et  veut  qu'ils  se  marient  publique- 


HORMISDAS,  PAPE.  633 

ment  en  recevant  la  bénédiction  du  prêtre. 
11  est  dit  dans  le  troisième  qu'un  père  ne 
peut  engager  dans  le  mariage  son  fils  mal- 
gré lui,  lorsqu'il  est  adulte;  mais  qu'il  le 
peut,  lorsqu'il  n'est  pas  adulte  ;  en  sorte  que 
ce  fils  est  obligé,  étant  parvenu  à  un  âge 
mûr,  de  tenir  les  engagements  que  son  père 
a  contractés  pour  lui.  Il  est  défendu  dans  le 
quatrième,  à  un  prêtre,  sous  peine  de  dégra- 
dation, d'ériger  un  autel  sans  la  permission 
de  l'évêque,  dans  une  église  consacrée;  on 
menace  d'anathème  le  laïque  qui  contrevien- 
dra à  celte  ordonnance.  Il  y  a  des  manuscrits 
qui  donnent  à  Hormisdas  le  décret  touchant 
les  livres  sacrés  et  ceux  qui  sont  apocryphes; 
mais  l'opinion  commune  et  la  plus  autorisée 
parmi  les  anciens,  l'attribue  au  pape  Gélase, 
sous  le  nom  duquel  il  est  imprimé  dans  le 
tome  IV"  des  Conciles.  C'est  aussi  sous  son 
nom  qu'il  est  cité  par  le  pape  Nicolas  I"  ^ 
dans  sa  lettre  quarante-deuxième  à  tous  les 
évêques  des  Gaules. 

Leslettres  d'Hormisdas  ma  rquentbeaucoup 
de  prudence,  de  politique  et  de  fermeté.  Mais 
on  y  voit  aussi  qu'il  savait  plier  quand  la 
cause  de  l'Eglise  le  demandait  :  et  si  elles  se 
ressentent  de  la  barbarie  de  son  siècle  par 
rapport  au  style  et  au  langage,  les  pensées 
n'en  sont  pas  moins  nobles  ni  moins  solides. 
[Les  lettres  et  les  décrets  d'Hormisdas  se  trou- 
vent dans  les  collections  des  conciles  et  dans 
laPatrologie  latine,  tome LXIII,  d'après  Mansi, 
qui  les  donne  au  tome  VIII  de  son  édition 
des  Conciles.  On  y  lit  aussi  une  notice  par 
Anastase  ;  des  lettres  au  nombre  de  quatre- 
vingt-une,  parmi  lesquelles  se  trouvent  un 
grand  nombie  de  lettres  des  empereurs 
Anastase  et  Justin,  et  la  relation  de  plusieurs 
conciles  tenus  contre  les  eutychéens.  Vien- 
nent ensuite  les  décrets  d'après  Gratien  ;  ils 
sont  suivis  d'un  appendice  contenant  trois 
lettres  apocryphes.] 


1  Tom.  V  Concil.,  pag.  1555.  _ 


î  Pag.  1556.  —  s  Pag.  12C0,  1261. 


634 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CHAPITRE  XLIX. 

Jean  Maxence  et  Trifolius.  [Le  premier  a  écrit  originairement  en  latin; 
ses  écrits  existent  en  grec.  Le  second  a  écrit  en  latin.] 

[Vers  520.] 


Jenn 
MaxencGccrit 
contre  1.1  let- 
tre du  pipe 
Hormisflas,  à 
Pussessor, 


i.  Le  pripe  Hormisdas  voyant  l'opiniâtreté 
des  moines  de  Scytliie  *  à.  soutenir  leurs  er- 
reurs, les  avait  obligés  à  quitter  Rome,  après 
un  séjour  de  plus  d'un  an.  Dans  sa  lettre  à 
Possessor,  il  les  avai  t  dépeints  comme  de  vrais 
hypocrites  qui  n'avaient  que  le  nom  et  l'ha- 
bit de  moines,  comme  des  gens  amateurs  de 
nouveautés ,  toujours  prêts  à  calomnier  et  à 
exciter  des  séditions.  Jean  Maxence  ,  l'un 
d'entre  eux ,  composa  divers  écrits  pour  se 
justifier  et  pour  défendre  ceux  de  son  parti. 
On  les  Iroave  dans  les  Bibliothèques  des  Pères. 
Le  plus  remarquable  est  celui  qui  est  inti- 
tulé :  Réponse  à  la  lettre d' Hormisdas .  Maxence, 
pour  ne  pas  paraître  écrire  contre  le  pape 
même ,  soutient  que  la  lettre  qui  porte  son 
nom  2,  et  qui  est  adressée  à  Possessor,  est 
l'ouvrage  de  quelque  ennemi  des  moines  de 
Scythie ,  n'y  ayant  aucune  apparence  d'at- 
tribuer au  pasteur  de  l'Eglise  une  lettre  dont 
la  vérité  et  la  saine  doctrine  sont  bannies  et 
qui  renferme  des  contrariétés  évidentes.  Il  va 
plus  loin  et  dit  hardiment  que  l'auteur  de 
cette  lettre  est  hérétique;  que  le  légat  Dios- 
core  et  l'évêque  Possessor,  à  qui  elle  est 
adressée,  le  sont  aussi,  parce  qu'ils  neveulent 
pas  admettre  cette  proposition  :  «  Un  de  la 
Trinité  a  souffert,  »  qui  est  reçue  si  unani- 
mement dans  toute  l'Eglise  catholique  ,  que 
si  le  pape  défendait  de  l'avancer,  étant  pré- 
sent à  Constantinople .  loin  de  le  respecter 
comme  un  évêque  catholique ,  cette  ville  l'au- 
rait en  exécration  comme  un  hérétique,  parce 
que  quiconque  ne  confesse  pas  «  qu'un  delà 
Trinité  a  souffert,  »  est  infecté  de  l'erreur  de 
Nestorius.  «  Mais  à  Dieu  ne  plaise,  ajoute-t-il, 
que  l'on  accuse  l'évêque  de  Rome  d'être  con- 
traire à  la  vérité.  Il  a  su  que  les  moines  de 
Scythie  enseignaient  cette  doctrine  et  de  vive 
voix  et  par  écrit ,  et  toutefois  il  les  a  tenus 
dans  sa  communion  pendant  quatorze  mois 
qu'ils  ont  demeuré  à  Rome  par  ses  ordres.  Il 


a  fait  plus  :  sachant  que  son  légat  Dioscore 
soutenait  l'erreur,  il  a  fait  prier  l'empereur, 
par  le  maître  de  la  milice,  de  le  faire  jeter 
dans  la  mer,  s'il  refusait  de  confesser  que 
Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu,  qui  a  souffert  pour 
nous  dans  la  chair,  est  un  de  la  sainte  Tri- 
nité. »  Maxence  prétend  qu'il  y  avait  de  l'ar- 
tifice de  la  part  de  ceux  qui  voulaient  qu'on 
ajoutât  à  celte  proposition  le  nom  de  personne 
et  qu'on  dit  :  «  Une  personne  de  la  'Trinité  a 
souffert.  »  —  «  Qui  est,  dit-il,  assez  insensé 
pour  dire  que  Paul  est  une  personne  des 
apôtres,  au  lieu  de  dire  qu'il  est  un  des 
apôtres?»  Il  se  récrie  coutre  ce  que  l'auteur 
de  la  lettre  à  Possessor  dit  des  moines  de 
Scythie ,  qu'ils  étaient  amateurs  des  nou- 
veautés et  qu'ils  se  plaisaient  à  exciter  des 
séditions,  et  dit  que  si  le  pape  ne  leur  voulut 
point  donner  de  réponse,  c'est  qu'il  avait  été 
prévenu  contre  eux  par  son  légat  Dioscore, 
et  que,  le  voyant  prêt  à  revenir,  il  avait  cru 
devoir  lui  épargner  la  confusion  d'être  publi- 
quement convaincu  d'hérésie  par  ces  moines; 
que  ce  fut  là  la  raison  pourquoi  il  envoya  les 
défenseurs  de  l'Eglise  pour  les  chasser  de 
Rome  avec  violence ,  ce  qui  les  obligea  de 
protester  devant  le  peuple  en  des  lieux  pu- 
blics, afin  qu'on  ne  les  accusât  point  de  s'être 
retirés  secrètement.  Il  regarde  comme  su- 
perflu ce  que  la  lettre  ajoutait  touchant  l'ou- 
vrage de  Fauste  de  Riez,  dont  il  dit  que  Pos- 
sessor était  le  principal  défenseur.  Il  se  plaint 
de  ce  que  l'on  permettait  à  Rome  la  lecture 
de  cet  écrit,  et,  pour  montrer  que  Fauste 
pensait  sur  la  grâce  contrairement  à  saint 
Augustin ,  il  oppose  divers  passages  du  livre 
de  Fauste  à  d'autres  de  ce  saint  docteur.  C'est 
ce  qu'il  y  a  de  plus  solide  dans  la  lettre  de 
Maxence;  car,  pour  les  raisons  qu'il  allègue 
de  la  supposition  de  celle  d'Hormisdas  à  Pos- 
sessor, elles  n'ont  aucune  force.  Cette  lettre 
se  trouve  dans  les  manuscrits  avec  les  autres 


1  Hormisd.,  Epist.  70,  pag.  1530. 


î  Tom.  IX  Bibliotk.  Patr.,  Lugd.  1677,  pag.  539. 


[vp  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XLIX.  —  JEAN  MAXENCE  ET  TRIFOLIUS. 


633 


lettres  de  ce  pape  ;  elle  est  de  son  style,  et 
ce  qu'elle  contient  a  une  liaison  toute  natu- 
relle avec  les  clioses  qui  se  passèrent  sous 
son  pontificat. 
Reqiiéis  Je  2.  Un  second  écrit  de  Jean  Maxence  est  la 
ans  lésais  du  reouete  raisonnee  que  lui  et  les  moines  de 

pape,  p.  5ii4.  -*■ 

Scytliie  présentèrent  aux  légats  du  pape  à 
Constantinople.  Elle  tend  à  les  décharger  du 
reproche  qu'on  leur  faisait  d'ajouter  quelque 
chose  au  symbole  de  la  foi,  parce  qu'en  effet 
ils  autorisaient  la  définition  du  concile  de 
Chalcédoine  par  divers  passages  des  pères. 
Us  conviennent  qu'il  n'est  point  permis  d'a- 
jouter à  la  foi  catholique,  qui,  étant  parfaite 
en  tout,  ne  peut  recevoir  d'accroissement. 
Mais  ils  prétendent  qu'il  n'est  point  défendu 
de  l'expliquer  et  de  l'éclaircir  par  des  termes 
dont  les  saints  pères  se  sont  servis.  Ils  en  don- 
nent pour  exemple  saint  Cyrille  d'Alexandrie 
et  saint  Léon  :  le  premier  a  employé  l'au- 
torité des  pères  pour  montrer  l'équilé  de  la 
sentence  du  concile  d'Ephèse  contre  Nesto- 
rius,  et  le  second  a  été  obligé,  depuis  le 
concile  de  Chalcédoine,  d'en  défendre  les 
décrets  en  montrant ,  par  une  longue  suite 
de  passages  des  anciens  écrivains  ecclésias- 
tiques, que  la  foi  établie  à  Chalcédoine  était  la 
même  que  l'on  avait  toujours  professée  dans 
l'Eglise.  Ils  ajoutent  que  ce  n'est  pas  mettre 
de  nouveau  en  question  ce  qui  a  été  décidé  en 
ce  concile ,  quand  on  ne  dit  rien  contre  ses 
décisions  et  qu'on  ne  fait  que  les  appuyer, 
et  qu'étant  eux-mêmes  dans  ce  cas,  on  doit 
les  regarder  comme  les  défenseurs  et  non  pas 
comme  les  ennemis  du  concile  ;  qu'en  vain  on 
leur  objecte  qu'on  ne  doit  point  dire  ce  que 
le  concile  n'a  pas  dit,  puisqu'il  est  quelque- 
fois nécessaire,  pour  plus  grand  éclaircisse- 
ment, d'employer  certains  termes  inusités 
dans  les  divines  Ecritures  et  dans  les  con- 
ciles ,  tels  que  ceux  de  Trinité  et  de  non  en- 
gendré. Cette  requête  est  suivie  de  leur  pro- 
fession de  foi  sur  les  mystères  de  l'incarnation 
et  de  la  grâce  ;  ils  soumettent  ce  qu'ils  diront 
sur  ces  matières  à  la  censure  des  légats. 
I  Prorcss'on  3.  Hs déclareut quc,  sulvau t CH  tout  la  fol dcs 
IfaxMc'èi'do"  saints  pères  ,  ils  confessent  un  et  môme  Fils 
Vîi'Lie.Vç!  de  Dieu  ,  notre  Seigneur  Jésus -Christ ,  Diea 
parfait  et  homme  parfait ,  vrai  Dieu  et  vrai 
homme,  composé  d'une  âme  raisonnable  et 
■  d'un  corps;  consubstantiel  au  Père  selon  la 


divinité,  consubstantiel  à  nous  selon  l'huma- 
nité, et  en  tout  semblable  à  nous,  excepté 
le  péché;  qu'il  est  né  du  Père  avant  tous  les 
siècles,  selon  la  divinité,  et  né  pour  nous, 
dans  les  derniers  temps ,  de  la  sainte  Vierge 
Marie,  mère  de  Dieu  selon  l'humanité;  qu'il 
y  a  en  Jésus -Christ  un  et  même  Fils  unique 
de  Dieu  ,  deux  natures  unies  sans  confusion, 
indivisiblement  et  inséparablement  en  une 
seule  personne  et  une  seule  subsistance,  cha- 
que nature  conservant  ses  propriétés.  Us  ap- 
puient cette  doctrine  de  deux  passages  :  l'un 
de  saint  Athanase  ,  l'autre  de  saint  Cyrille, 
après  quoi  ils  disent  anathème  à  l'hérésie  de 
Nestorius  et  à  tous  ceux  qui  ne  reconnaissent 
pas  en  Jésus-Christ  une  union  substantielle 
qui  consiste  en  ce  que  les  deux  natures,  la 
divine  et  l'humaine  ,  sont  unies  dans  lui  en 
une  seule  personne.  Us  ne  rejettent  point  la 
proposition  qui  dit  :  «  Une  nature  du  Verbe 
incarné ,  »   disant  qu'elle   ne  signifie  autre 
chose  sinon  une  substance  ou  personne  dans 
deux  natures  unies.  Us  condamnent  en  pas- 
sant Théodore  de  Mopsueste,  qu'ils  mettent 
au  nombre  des  sectateurs  de  Nestorius.  En- 
suite ils  tâchent  de  faire  voir  que  l'on  doit 
dire  «  qu'un  de  la  Trinité  a  souffert  ;  »  sur 
quoi  ils   rapportent   quelques   passages   de 
saint  Augustin  qui  ne  le  prouvent  point  ;  mais 
ils  en  allèguent  un  de  !a  lettre  de  saint  Pro- 
cle   de  Constantinople  aux  Arméniens,  qui 
paraît  assez  formel  '.  Us  confessent  que  la 
sainte  Vierge  Marie  est  véritablement  et  pro- 
prement mère  de  Dieu,  parce  que  celui  qui 
est  né  d'elle  est  Dieu  par  nature,  et  que  c'est 
par  lui  que  toutes  choses  ont  été  faites,  et  ils 
adoptent  ce  que  le  pape  saint  Léon  a  dit  du 
mystère  de  l'incarnation  dans  sa  lettre  àFra- 
vita  ;  puis,  passant  à  l'article  de  la  grâce,  ils 
font  profession  de  croire  qu'Adam  a  été  créé 
homme  parfait;  qu'il  n'était  ni  mortel  ni  im- 
mortel, mais  capable  de  devenir  l'un  ou  l'au- 
tre; qu'il  avait  dans  la  faculté  de  son  libre 
arbitre  de  vouloir  et  de  pouvoir  tout,  c'est-à- 
dire  le  bien  ou  le  mal ,  mais  qu'étant  tombé 
volontairement  dansle  péché,  quoique  tnmipé 
par  la  ruse  du  serpent ,  il  avait  perdu  la  vie 
de  l'âme  de  même  que  celle  du  corps,  et  que 
son  péché,  avec  sa  peine,  était  passé  dans 
tout  le  genre  humain;  que  c'est  pour  effacer 
ce  péché,  et  en  général  tous  les  péchés,  que 


'  Quœro  :  unûs  ex  Triniiate  est  qui  cruxifixus  est, 
an  alius  alir/uis  extra  Trinilatem?  et  si  guidem  unus, 
solutum  est  jurgium.  Si  autem  alius  aliquis  prœter 


Trinilatem  quartus  est,  sine  dubio  Dominus  gloriœ,  et 
ab  illa  glorificatione  qua  Seraphim  glorificant,existit 
eviraneus.  Pag.  535. 


636 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Capitules 
oa  analliqtna- 
tismes  des 
moines  tl  c 
Scylbie,  png. 
Ë39. 


l'on  baptise  les  enfants,  et  non  pas  seulement 
pour  les  rendre  enfants  adoptifs  de  Dieu  et 
dignes  du  royaume  des  cieux ,  comme  l'en- 
seignent les  disciples  de  Pelage  et  de  Céles- 
tius,  ou  de  Théodore  de  Mopsueste,  qui  disent 
que  le  péché  naturel  et  originel  sont  une 
même  chose;  que  nul,  depuis  Adam  jusqu'à 
nous ,  n'a  été  sauvé  par  les  forces  seules  de 
la  nature,  mais  seulement  parle  don  du  Saint- 
Esprit  et  par  la  foi  en  Jésus-Christ,  n'y  ayant 
point  d'autre  nom  sous  le  ciel  par  qui  nous 
puissions  être  sauvés;  que,  depuis  le  péché 
d'Adam ,  le  libre  arbitre  n'a  de  lui-même 
d'autre  pouvoir  que  celui  de  choisir  entre  les 
biens  et  les  désirs  charnels,  et  qu'il  ne  peut 
ni  désirer  ni  rien  faire  pour  les  biens  éternels, 
ni  même  y  penser,  que  par  l'opération  du 
Saint-Esprit;  qu'en  conséquence  ils  disent 
anathème  à  ceux  qui  enseignent  que  le  pé- 
ché est  naturel  ou  qu'il  est  une  substance,  et 
qu'ils  ont  en  horreur  ceux  qui,  contre  la  pa- 
role de  l'apôtre,  osent  dire  que  c'est  à  nous  à 
vouloir  et  à  Dieu  à  parfaire,  le  même  docteur 
assurant  que  le  vouloir  et  le  parfaire  sont  un 
don  de  Dieu. 

4.  Quoiqu'il  n'y  eût  rien  dans  cette  expo- 
sition de  foi  qui  ne  fût  catholique  ou  du  moins 
qu'on  ne  pût  expliquer  en  un  sens  catholique, 
les  légats ,  qui  ne  voulaient  point  se  charger 
d'autres  afifaires  que  de  celles  de  leur  léga- 
tion, ne  répondirent  point  favorablement.  Ils 
consentirent  néanmoins  à  se  trouver  à  une 
assemblée  qui  se  tint  chez  Jean,  patriarche 
de  Constantinople,  où  se  trouvèrent  aussi  les 
moines  de  Scythie;  mais,  quelque  instance 
que  ceux-cileur  fissent  de  permettre  que  l'on 
ajoutât  à  la  décision  de  Chalcédoine  :  «  Un 
de  la  Trinité  a  souffert,  »  ils  ne  le  voulurent 
point,  disant  qu'ils  ne  pouvaient  ajouter  ce 
qui  n'était  point  défini  dans  les  quatre  con- 
dles  et  dans  les  lettres  de  saint  Léon.  Ces 
moines,  n'ayant  pas  trouvé  à  Rome  le  pape 
Hormisdas  plus  porté  à  confirmer  leur  pro- 
position, sortirent  secrètement  de  cette  ville, 
après  y  avoir  alfiché  un  placard  qui  conte- 
nait douze  anathématismes  contre  les  nesto- 
riens.  Ils  y  renferment  en  substance  la  doc- 
trine contenue  dans  la  profession  de  foi  qu'ils 
avaient  présentée  aux  légats  avant  de  partir 
pour  Rome;  seulement,  dans  le  douzième 
anathématisme  ,  après  avoir  condamné  en 
tout  sens  la  doctrine  de  Pelage,  de  Céleslius 
et  de  leurs  sectateurs,  ils  ajoutent  qu'ils  re- 
çoivent tout  ce  qui  a  été  fait  contre  eux  en 
divers  conciles ,  et  tous  les  écrits  des  papes 


Innocent,  Boniface,  Zosime,  Célestin,  Léon, 
comme  aussi  ceux  d'Attique  de  Constanti- 
nople, de  saint  Augustin  etdes  autres  évêques 
d'Afrique,  contre  l'hérésie  pélagienne. 

5 .  Jean  Maxence  composa  une  seconde  pro- 
fession de  foi,  où  il  ne  s'explique  que  sur  la 
Trinité  et  l'Incarnation,  et  toujours  dans  le 
dessein  d'établir  sa  proposition  :  «  Un  de  la 
Trinité  a  souffert. «Il  joignit  à  cette  profession 
de  foi  une  explication  fort  courte  de  la  ma- 
nière dont  les  deux  natures  sont  unies  dans 
la  personne  de  Jésus-Christ,  disant  que  le 
Fils  de  Dieu  ne  s'est  pas  uni  à  un  corps  déjà 
formé  dans  le  sein  de  la  Vierge,  mais  qu'il  se 
l'est  formé  lui-même  de  la  propre  substance 
de  Marie  ;  en  sorte  que  son  union  avec  la 
chair  est  naturelle,  lui  ayant  été  uni  dès  le 
moment  même  qu'il  l'a  formé. 

6.  Ce  fut  après  avoir  publié  ces  deux  pro- 
fessions de  foi,  que  Jean  Maxence  écrivit 
contre  le-  acéphales,  qui  enseignaient  qu'il 
n'y  avait  qu'une  nature  en  Jésus-Christ  après 
l'union.  Leur  grand  argument  était  :  «  La 
nature  n'est  point  sans  la  personne.  Il  n'y  a 
qu'une  personne  en  Ji.'eus-Christ  après  l'u- 
nion. Il  n'y  a  donc  qu'une  seule  nature  après 
l'union.  »  Maxence  leur  demande  si  l'union 
s'est  faite  delà  nature  humaineavec  la  divine, 
ou  non?  Si  elle  ne  s'est  pas  faite,  à  quoi  bon 
parler  d'union  ?  Si  elle  s'est  faite,  les  deux 
natures  subsistent  donc  depuis  leur  union  : 
que  si  l'on  dit  qu'après  l'union,  la  divinité 
seule  demeure  en  Jésus-Christ,  ilfaut  donc  dire 
aussi  que  la  divinité  n'est  plus  une  nature 
simple,  mais  composée  et  passible.  Car  tout 
ce  qui  subsiste  par  l'union  de  plusieurs,  est 
composé  et  non  pas  simple.  D'ailleurs,  s'il 
n'y  a  point  de  nature  sans  personne,  à  plus 
forte  raison  n'y  a-t-il  point  de  personne  sans 
nature  :  et  dès  lors  il  faut  admettre  trois  na- 
tures en  Dieu,  puisqu'il  y  a  trois  personnes. 
Il  faudra  encore  que  les  acéphales  avouent 
qu'avant  l'union  il  y  avait  deux  personnes  en 
Jésus-Christ,  puisqu'il  y  avait  deux  natures,  et 
que,  selon  eux,  la  nature  ne  peut  être  sans 
la  personne  :  ce  qui  revient  à  l'hérésie  de 
Nestorius,  qu'ils  ne  laissent  pas  de  condam- 
ner. Enfin  ils  doivent  dire  de  ces  deux  cho- 
ses l'une,  ou  qu'après  l'union  du  Verbe  et 
de  la  chair,  il  y  a  en  Jésus-Christ  deux  na- 
tures, ou  qu'elles  n'y  sont  pas.  S'ils  nient 
que  la  nature  du  Verbe  soit  en  Jésus- Christ, 
ils  tombent  dans  le  judaïsme,  qui  le  regarde 
comme  un  pur  homme  ;  s'ils  disent,  au  con- 
traire, qu'il  n'y  a  en  lui  que  la  divinité,  ils 


[VI'  SIÈCLE.]  CHAPITRE  XLIX.  —  JEAN  MAXENCE  ET  TRIFOLIUS. 


637 


Letire  des 
moines  d  ii 
Seytbie  nox 
évoques  reié- 
goés  eo  Sar- 
ani^ae. 


Nous  avons  encore  un  autre  ouvrage  de 


donnent  dans  le  manichéisme,  qui  nie  la  vé- 
rité de  la  chair  dans  Jésus -Christ.  S'ils 
avouent  que  le  Verbe  et  la  chair  sont  en  Jé- 
sus-Christ, ils  reconnaissent  donc  en  lui  deux 
natures  différentes,  puisque  les  uoms  de 
verbe  et  de  chair  ne  signifient  pas  une  même 
chose.  Comme  les  acéphales  pouvaient  ob- 
jecter que  de  même  que  la  nature  humaine, 
quoique  composée  d'une  âme  et  d'un  corps, 
n'est  qu'une  nature,  de  même  la  nature  de 
Jésus-Christ  est  une,  quoique  composée  de 
la  divinité  et  de  l'humanité.  Maxence  répond 
que  si,  par  la  nature  de  Jésus-Christ,  ils  en- 
tendent la  nature  du  Verbe  incarné,  ils  sont 
par  là  nécessités  d'admettre  deux  natures  en 
Jésus-Christ,  même  après  l'union,  l'une  du 
Verbe  qui  s'est  incarné,  l'autre  de  la  chair  à 
laquelle  elle  s'est  unie. 

7 

Jean  Maxence,  écrit  en  forme  de  dialogue  et 
divisé  en  deux  livres,  adressés  l'un  et  l'autre 
à  Théophile.  Dans  le  premier,  il  combat  les 
nestoriens,  dont  l'hérésie,  quoique  souvent 
condamnée  par  l'Eglise,  commençait  à  se 
répandre  de  nouveau,  soutenue  de  certains 
raisonnements  subtils,  dont  la  fausseté  ne  se 
laissait  apercevoir  qu'aux  plus  instruits.  Les 
nestoriens  consentaient  que  l'on  donnât  à  la 
sainte  Vierge  le  titre  de  Mère  de  Dieu,  parce 
que,  disaient-ils,  elle  a  engendré  un  homme 
uni  à  Dieu.  Maxence  soutient  que  ce  n'est 
pas  en  ce  sens  qu'elle  est  Mère  de  Dieu,  mais 
parce  que  Dieu  le  Verbe  fait  homme  est  né 
d'elle  et  de  sa  propre  substance.  Ce  principe 
posé,  il  répond  aisément  à  toutes  les  objec- 
tions de  ces  hérétiques.  Dans  le  second  dia- 
logue, il  combat  ceux  qui  ne  voulaient  point 
qu'on  pût  dire  :  «  Un  de  la  Trinité  a  souf- 
fert. 1)  11  presse  vivement  sur  la  nécessité  de 
recevoir  cette  proposition,  si  l'on  veut  par- 
venir à  détruire  entièrement  les  hérésies  de 
Nestorius  et  d'Eutychès. 

8. 11  faut  encore  attribuer  à  Jean  Maxence 
la  lettre  aux  évêques  relégués  en  Sardaigne'. 
Elle  porte  en  tête  le  nom  de  Pierre,  diacre, 
et  de  ses  confrères  envoyés  d'Orient  à  Rome 
pour  les  questions  de  la  foi,  et  est  souscrite 
de  quatre  :  Pierre,  diacre;  Jean  et  Léonce, 
moines,  et  Jean,  lecteur.  Voyant  que  le  pape 
n'était  nullement  disposé  à  confirmer  leur 
proposition  :  «  Un  de  la  Trinité  a  souffert,  » 
ils  essayèrent  de  la  faire  approuver  par  les 
évêques  exilés  en  Sardaigne  ;  par  Trasamond 


roi  des  Vandales.  Cette  lettre,  qu'on  met  vers 
l'an  521,  est  divisée  en  deux  parties.  Dans  la 
première,  les  moines  de  Scythie  exposent 
leur  foi  sur  l'Incarnation,  et  dans  la  seconde 
leur  sentiment  sur  la  grâce.  Ils  demandent 
sur  l'un  ei  sur  l'autre  de  ces  articles,  l'avis 
de  ces  évêques,  afin  de  confirmer  par  leur 
approbation  les  catholiques  d'Orient,  et  de 
fermer  la  bouche  à  ceux  qui  les  accusaient 
d'erreur  dans  la  doctrine.  Sur  l'Incarnation 
ils  enseignent,  conformément  à  la  tradition 
des  pères,  qu'il  y  a  en  Jésus-Christ  deux  na- 
tures unies  en  une  seule  personne  ou  subsis- 
tance, sans  confusion  et  sans  mélange,  reje- 
tant l'opinion  de  ceux  qui,  faisant  profession 
de  croire  une  nature  du  Verbe  incarné,  re- 
fusent de  se  soumettre  aux  décisions  du  con- 
cile de  Clialcédoine  ;  ou  qui,  admettant  deux 
natures,  ne  veulent  pas  confesser  une  nature 
du  Verbe  incarné,  dans  la  croyance  que 
cela  est  conlraire  à  la  doctrine  des  deux  na. 
tures.  Ils  ajoutent  que  la  sainte  Vierge  est 
Mère  de  Dieu,  parce  qu'elle  a  véritablement 
et  réellement  enfanté  le  Verbe  de  Dieu  fait 
chair,  et  uni  essentiellement  et  naturelle- 
ment à  la  chair  ;  que  cette  union  est  essen- 
tielle et  naturelle,  et  que  la  personne  de  Jé- 
sus-Christ est  composée  des  deux  natures,  de 
la  divinité  et  de  l'humanité,  sans  qu'il  soit 
arrivé  aucun  changement  à  ces  natures  ; 
qu'ainsi  la  Trinité  est  demeurée  Trinité , 
parce  qu'encore  que  ce  soit  une  personne  de 
la  Trinité  qui  s'est  incarnée,  la  chair  n'est 
pas  pour  cela  devenue  partie  de  la  Trinité, 
mais  seulement  la  chair  d'une  personne  de 
la  Trinité.  D'où  vient  qu'on  peut  dire  :  «  Un 
de  la  Trinité  a  souffert  »  et  a  été  crucifié  en 
sa  chair,  et  non  pas  en  sa  divinité  ;  que  c'est 
Dieu  qui  s'est  fait  homme,  et  non  pas  l'homme 
qui  s'est  fait  Dieu.  Ils  confirment  cette  doc- 
trine par  plusieurs  passages  des  Ecritures  et 
des  pères,  en  déclarant  qu'ils  reçoivent  les 
quatre  conciles  généraux  et  les  lettres  de  saint 
Léon,  et  en  outre  qu'ils  anathématisent  tous 
ceux  qui  enseignent  des  dogmes  contraires 
à  la  foi  de  l'EgHse,  nommément  les  écrits  de 
Théodore  de  Mopsueste  et  de  Nestorius,  son 
disciple;  Eutychès,  Dioscore,  avec  leurs  sec- 
tateurs, et  généralement  ceux  que  le  Siège 
apostolique  a  condamnés  avec  équité  et  dans 
les  règles.  Ils  suivent  sur  la  grâce  les  princi- 
pes de  saint  Augustin,  en  reconnaissant  que 
le  premier  homme    a   été  créé  bon  sans 


'  Tom.  oper.  Fulgent.,  Epist.  16,  pag.  277;  [tome      LXV  de  \s,  Patrologie  latine,  col.  442.] 


638 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCEESIASTIQUES. 


aucune  révolte  de  la  chair,  et  avec  une  si 
grande  liberté,  qu'il  avait  en  son  propre 
pouvoir  de  faire  le  bien  et  le  mal  lorsqu'il 
voulait  :  en  sorte  que  la  mort  et  l'immor- 
talité étaient  en  quelque  sorte  entre  ses 
mains;  que  par  sa  chute  dans  le  péché,  il 
a  été  condamné  à  mort  par  un  juste  juge- 
ment de  Dieu;  qu'il  a  été  changé  en  mal  se- 
lon le  corps  et  l'âme;  qu'il  a  perdu  sa  propre 
liberté,  et  qu'il  est  devenu  esclave  du  péché; 
que  depuis  ce  temps  il  n'est  aucun  homme 
qui  ne  naisse  lié  par  le  lien  de  ce  péché,  ex- 
cepté Jésus-Christ  dont  la  naissance  n'a  rien 
de  com.mun  avec  celle  des  autres  hommes. 
Car  que  pouvait  naître  d'un  esclave,  sinon 
un  esclave,  Adam  n'ayant  engendré  que  de- 
puis qu'il  fût  devenu  esclave  du  péché.  Nul 
n'est  délivré  de  cette  mort  que  par  la  grâce 
du  Rédempteur;  sans  elle  nous  ne  pouvons 
penser  ni  désirer  aucun  bien  spirituel,  dont 
le  premier  et  le  fondement  de  tous  les  au- 
tres est  de  croire  en  Jésus-Christ  crucifié. 
La  grâce  nous  fait  faire  le  bien  non  par  une 
nécessité  de  violence,  mais  par  une  douce 
inspiration  du  Saint-Esprit.  C'est  donc  en 
vain  que  quelques-uns  disent  :  «  C'est  à  moi 
de  croire  et  à  la  grâce  de  Dieu  de  m'aider,  » 
puisque  de  croire  et  de  donner  son  consen- 
tement à  la  vérité,  est  un  don  de  Dieu,  ainsi 
phiiipp.i.sD.  "î^e  l'apôtre  le  dit  aux  Philippiens.  Qu'on 
n'objecte  point  contre  cette  doctrine  ce  que 
iTim.n.i.  dit  l6  même  apôtre  :  Que  Dieu  veut  sauver 
tous  les  Aowjnes;  qu'ainsi  il  ne  tient  qu'à  nous 
d'être  sauvés.  Si  cela  était  de  cette  sorte,  il 
ne  serait  pas  besoin  de  recourir  aux  juge- 
ments impénétrables  de  Dieu  pour  expliquer 
pourquoi  l'un  est  appelé  et  tiré  de  la  masse 
de  perdition,  et  l'autre  ne  l'est  pas.  Si  Dieu 
voulait  efl'ectivement  sauver  tous  les  hom- 
mes, il  aurait  dû  faire  dans  Tyr  et  dans  Sidon 
les  miracles  qu'il  faisait  dans  Corozaïn  et  dans 
Bellisaïda,  puisqu'il  savait  qu'en  les  faisant 
dans  ces  deux  premières  villes,  les  habitants 
se  seraient  convertis.  Les  jugements  de  Dieu 
étant  donc  impénétrables  à  cet  égard,  il  faut 
les  adorer,  sans  vouloir  approfondir  pourquoi 
Dieu  sauve  les  uns  et  laisse  les  autres  dans 
la  masse  de  perdition,  et  s'écrier  avec  l'apô- 
Rom  1 33  ^^®  •  0  profondew  des  richesses  de  la  sagesse  et 
de  la  science  de  Dieu/Nous  devons  dire  avec  le 
même  apôtre  que  les  commencements  des 


bonnes  pensées,  le  consentement  que  nous  y 
donnons  et  la  volonté  de  faire  le  bien  nous 
viennent  de  Dieu,  qui  par  l'infusion  et  l'opé- 
ration intérieure  du  Saint-Esprit,  corrige  nos 
mauvaises  volontés  et  rompt  les  liens  qui  les 
tenaient  attachées  aux  choses  de  la  terre  ; 
ainsi  qu'il  est  écrit  :  C'est  le  Seigneur  qui  pré- 
pare la  volonté.  Ils  appuient  cette  doctrine  sur 
une  oraison  composée  des  paroles  de  saint 
Basile,  que  l'on  récitait  à  l'autel  dans  presque 
toutes  les  Eglises  d'Orient,  et  sur  des  passa- 
ges tirés  des  lettres  de  saint  Innocent,  de 
saint  Célestin  et  des  conciles  d'Afrique  ;  après 
quoi  ils  disent  analhème  à  Pelage,  à  Céles- 
tius ,  à  Julien  d'Eclane  et  aux  écrits  de 
Fauste  de  Riez,  comme  contenant  sur  la 
prédestination  et  sur  la  grâce  une  doctiine 
contraire  à  celle  de  tous  ces  pères  et  même 
de  l'apôtre.  Il  est  visible  que  cette  lettre  a  été 
écrite  originairement  en  latin;  et  il  en  est  de 
même  de  tous  les  ouvrages  que  nous  avons 
de  'Jean  Maxence  ;  ce  qui  prouve  qu'il  était 
né  en  Occident,  ou  du  moins  qu'il  y  avait  été 
élevé  avec  beaucoup  de  soin,  car  son  style 
est  assez  pur.  Il  avait  l'esprit  vif  et  ardent  : 
quoiqu'il  se  donnât  le  nom  d'abbé,  il  ne  put 
jamais  persuader  à  ses  adversaires  qu'il  le 
fût  en  effet  :  et  on  ne  voit  pas  qu'il  se  soit 
mis  en  état  de  les  détromper,  en  leur  nom- 
mant quelque  monastère  dont  il  eût  le  gou- 
vernement. Les  évêques  d'Afrique  relégués 
en  Sardaigne,  confirmèrent,  dans  leur  ré- 
ponse, ce  que  les  moines  de  Scythie  avaient 
écrit  touchant  l'Incarnation  et  la  grâce  ;  mais 
au  lieu  d'adopter  leur  proposition  :  «  Un  de 
la  Trinité  a  souffert,  »  ils  substituèrent  celle- 
ci  :  «  Une  personne  de  la  Trinité  a  été  cru- 
cifiée ' .  »  [Les  écrits  de  Maxence  sont  au  tome 
LXXXVI  de  la  Patrologie  grecque,  col.  74-168, 
avec  plusieurs  notices  sur  cet  auteur.] 

9.  Pendant  que  ces  moines  étaient  à  Rome  TriWms: 
et  qu'ils  s'eû'orçaient  d'y  faire  confirmer  leur  f^ç'^e"'™: 
proposition  2,  un  sénateur,  nommé  Fauste,  ='«'''=?"''''• 
consulta  le  prêtre  Trifolius  sur  ce  que  l'on 
devait  penser  de  leur  doctrine  ^.  Trifolius, 
qui  n'est  point  connu  d'aiUeurs,  répondit  que 
la  doctrine  renfermée  dans  cette  proposition  : 
«  Un  de  la  Trinité  a  été  crucifié,»  descendait 
originairement  de  l'hérésie  d'Arius,  et  qu'elle 
convenait  à  toutes  les  hérésies,  conseillant  à 
Fauste  de  ne  recevoir  aucune  expression  qui 


1  Fulgent.,  Epist,  17,  pâg.  266, 

e  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1590. 

B  Celte  lettre  se  trouve  au  tome  LXIÎI  de  la  Pa- 


tfologie  latine,  avec  une  notice  par  Cave  et  lea  ob- 
servations de  Pagi.  [L'éditeur.) 


[VI"  SIÈCLE.] 

n'eût  été  employée  dans  les  définitions  de 
foi  des  quatre  conciles  généraux,  ou  dans  les 
écrits  des  saints  pères  approuvés  par  ces 
quatre  conciles,  comme  la  lettre  de  saint 
Athanase  à  Epictète,  les  lettres  de  saint  Cy- 
rille, de  Jean  d'Anlioche  et  celles  de  saint 
Léon,  pour  faire  voir  en  qaoi  l'on  ne  doit 
point  dire  avec  les  moines  de  Scythie  :  «  Un 
de  la  Trinité  a  souffert.  »  Il  en  donne  pour 
raison  que  Dieu  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit  n'étant  pas  trois,  mais  un  seul  Dieu  en 
trois  personnes,  lorsqu'on  dit  :  «  Un  de  la  Tri- 
nité,» il  semble  qu'on  dise  un  des  trois  dieux. 
11  convient  que  Carose  et  Dorothée  avancè- 
rent dans  le  concile  de  Chalcédoine  une  pro- 
position semblable  à  celle  des  moines  de 
Scythie;  mais  il  soutient  qu'elle  fut  rejetée 


CHAPITRE  L.  —  SAINT  JACQUES,  KVÊQUR. 


639 


comme  renfermant  l'hérésie  d'Eulychès.  A 
l'égard  de  la  lettre  de  saint  Procle  de  Cons- 
tantinople,  où  cette  proposition  se  lisait,  il 
dit  que  les  hérétiques  ayant  corrompu  celles 
de  faint  Atiianase,  de  saint  Cyrille  et  de  saint 
Léon,  il  n'est  point  surprenant  qu'ils  aient 
aussi  corrompu  celle  de  cet  évêque.  A  quoi 
il  ajoute  que  c'est  l'usage  des  hérétiques, 
d'altérer  les  écrits  des  pères,  pour  s'appuyer 
de  leur  autorité.  Ce  qu'il  prouve  par  des  té- 
moignages de  saint  Cyrille  et  de  saint  Léon. 
Entin  il  dit  que  le  Siège  apostolique  n'a  ja- 
mais permis  d'ajouter  une  seule  syllabe  à  la 
définition  de  foi  de  Chalcédoine,  ni  d'en  rien 
retrancher.  Parlant  du  Saint-Esprit,  il  en- 
seigne qu'il  procède  du  Père  et  du  Fils,  et 
non  de  la  Trinité  '. 


CHAPITRE  L. 

Saint   Jacques,    évêque    de    Batna    en   Mésopotamie,  [en   521];  [Jean, 
évêque  de  Téla  en  Mésopotamie,  au  commencement  du  VI^  siècle.] 


1.  La  réputationquesaint  Jacques  s'acquit 
par  sa  doctrine  et  par  sa  piété,  lui  a  mérité 
chez  les  Syriens,  tant  orthodoxes  qu'héréti- 
ques, les  honneurs  que  l'on  rend  aux  saints. 
Les  maronites  en  font  la  fête  le  5  avril  et  les 
jacobites  le  29  octobre.  Ils  en  font  aussi  une 
mention  particulière  dans  la  célébration  des 
mystères,  le  qualifiant,  avec  saint  Ephrem, 
de  bouche  éloquente  et  de  colonne  de  leur 
sainte  Eglise  -  :  car  on  ne  peut  entendre  ces 
paroles  de  saint  Jacques  de  Nisibe,  précep- 
teur de  saint  Ephrem,  puisqu'il  n'a  rien  écrit 
ou  que  très-peu  de  choses,  et  que  dans  cet 
endroit  de  la  liturgie,  il  est  question  de  ceux 
qui  ont  illustré  l'Eglise  de  Syrie  par  leurs 
écrits.  Saint  Jacques  naquit  dans  un  village 
nommé  Curtani,  sur  les  bords  de  l'Euphrate  ^, 
de  parents  chrétiens,  mais  qui,  après  une 
longue  stérilité,  Tobtinrent  de  Dieu  par  un 
vœu  qu'ils  lui  firent.  Sa  mère  l'ayant  mené, 
à  l'âge  de  trois  ans,  pour  assister  à  la  célé- 
bration des  divins  mystères^  en  un  jour  de 
dimanche,  lorsque  l'oblation  fut  achevée  et 


'  Spiriius  Suncius  non  de  Trinitate  procedit,  sed  de 
Paire  et  Filio.  Trifolius,  Episl.  ad  Faust.,  tom.  IV 
Concil,,  pag,  1591. 


que  l'Esprit  saint  se  fut  répandu  sur  les 
sacrements,  il  s'échappa  des  mains  de  sa 
laère,  et  fendant  la  foule  du  peuple,  il  courut 
à  la  table  de  vie  pour  y  participer.  Il  n'avait 
que  vingt-deux  ans  quand  les  évoques  de  la 
province,  voulant  éprouver  si  ce  qu'on  leur 
avait  dit  de  son  savoir  était  vrai,  l'obligèrent 
de  faire  un  discours  sur  le  char  d'Ezéchiel. 
Jacques  obéit  :  et  après  qu'il  eut  prononcé 
de  vive  voix  son  discours,  les  mêmes  évêques 
lui  ordonnèrent  de  le  laisser  par  écrit  à  l'E- 
glise. Il  en  composa  plusieurs  autres,  qu'il  ré- 
cita de  même  dans  les  assemblées.  On  l'éleva 
au  sacerdoce,  et  ce  fut  pendant  qu'il  en  faisait 
les  fonctions,  qu'il  écrivit  plusieurs  lettres 
d'exhortation  aux  Euphratésiens  ;  il  en  est 
parlé  dans  la  Chronique  Ae  Josué,  surnommé 
le  Stylite.  A  l'âge  de  soixante-sept  ans  et 
demi,  il  fut  choisi  évêque  de  Batna,  ville  qui 
faisait  partie  de  la  Mésopotamie.  Son  épis- 
copat  ne  fut  que  de  deux  ans  et  demi,  étant 
mort  le  29  novembre  S2I.  Sa  vie  fut  en  tout 
de  soixante  et  dix  ans  *,  étant  né  en  452.  On 

2  Assem.,  tom.  I  Biblioth.,  cap.  xxvn,  pag.  283, 
8  Ibid.,  pag.  286,  —  »  Ibid.,  pag.  289. 


640 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


met  sa  prêtrise  en  303,  et  son  épiscopat  en 
319. 

iiiiomours       2.  Après  les  témoigna2;es  avantageux  qxie 

professe  u  foi     .  .  ,  t  '>"  -i  ■ 

catholique.  iBS  Hnciens  ont  rendus  a  sa  doctrine,  on  ne 
peut  douter  qu'elle  n'ait  été  orthodoxe.  Jean 
Maron,  dans  son  traité  contre  les  Nestoriens  et 
les  Monophysites  ,c'  e?,i-k-àire\esea[jch\e.ns,c\ie 
un  endroit  de  ses  écrits  où  il  reconnaît  nette- 
ment qu'il  y  a  deux  natures  unies  en  Jésus- 
Christ  dans  une  seule  personne;  ce  qui  sufBt 
pour  constater  la  catholicité  de  saint  Jacques, 
puisque  de  son  temps  il  n'y  avait  pas  d'au- 
tres disputes  entre  les  catholiques  et  les  hé- 
rétiques, que  sur  l'incarnation  du  Verbe  di- 
vin. Il  ne  s'explique  pas  moins  clairement 
dans  un  de  ses  discours,  qui  esi  sur  le  Lazare, 
mort  depuis  quatre  jours.  Là,  faisant  parler 
Marie-Magdeleine  avec  Jésus-Christ,  il  lui 
fait  dire,  entré  autres  choses  :  «Je  crois,  Sei- 
gneur ',  que  vous  êtes  de  deux  natures,  l'une 
d'en  haut,  l'autre  qui  tire  son  origine  de 
l'homme.  La  nature  spirituelle  vous  vient  du 
Père  ;  la  corporelle,  de  la  fille  de  David  ; 
celle-là  du  Père,  celle-ci  de  Marie,  sans  au- 
cune division.  »  Et  dans  un  sermon  intitulé  : 
De  l'Eglise  et  de  ceux  qui  approfondissent  les 
choses  divines,  il  fait  parler  l'Eglise  en  cette 
sorte  sur  l'incarnation  du  Verbe  :  «  J'ensei- 
gne qu'il  y  a  deux  notions  dans  Emmanuel  -, 
c'est-à-dire  qu'il  est  vrai  Dieu  et  vrai  homme, 
ainsi  que  le  marque  le  mot  Emmanuel,  qui 
est  comme  si  l'on  disait  Nomme- Dieu,  non 
que  les  deux  natures  soient  mêlées,  mais 
parce  qu'il  est  parfait  dans  toutes  les  deux.» 
On  pourrait  encore  apporter  d'autres  passa- 
ges de  ses  discours  où  il  s'explique  avec  la 
même  précision  :  mais  il  suffit  d'ajouter  que 
les  écrivains  syriens  catholiques  qui  ont  écrit 
dans  le  même  siècle  que  lui  ^,  l'ont  qualiiié 
vénérable,  entre  autres,  Josué  Stylite  et  Isaac 
de  Ninive.  Timothée,  prêtre  de  Constantino- 
pie,  le  même  qui  fut  mis  en  la  place  de  Ma- 
cédonius,  patriarche  de  cette  Eglise,  dans 
son  livre  de  la  Réception  des  hérétiques,  adressé 
au  prêtre  Jean,  nomme  aussi  Jacques  de 
Batna,  orthodoxe  *,  le  distinguant  nommé- 

<  Credo,  Domine,  duas  libi  inesse  naturas,  alteram 
supernam,  ex  humnna  stirpe  alteram  :  et  spiritalis 
quidem  naiurs.  esc  Paire  tibi  est  ;  corporalis  vero  ex 
filia  David,  llla  a  Paire,  hœc  ex  Maria,  ahsque  divi- 
sione.  Jacob. ,  serm.  de  Lazar. ,  tom.  I  Biblioth. 
Orient.,  pag.  291. 

'  Duas  notiones  in  Emmanuele  prœdico  :  eum  nempe 
et  Deum  verum  esse,  et  hominem  verum.  Nam  per 
amam  [nobiscum]  significatur  natura  quœ  ex  nobis  est  : 
per  et  {Deus)  vero,  divinités  absque  divisione.  Idem 


ment  d'un  autre  évêque  du  même  nom,  qui 
avait  embrassé  le  parti  des  eutychiens. 

3.  C'est  donc  à  tort  que  dans  ces  derniers  objecu, 
temps,  quelques-uns  ont  accuse  derreurno-  iboiicité 
Ire  saint,  et  qu'ils  ont  voulu  le  faire  passer 
pour  un  des  chefs  de  l'hérésie  eutychéenne. 
Les  raisons  qu'ils  en  donnent,  sont  que  saint 
Jacques  est  compté  parmi  les  docteurs  de 
l'Eglise  jacobite  ou  eutychéenne  ^,  dans  la 
confession  de  foi  que  l'on  fait  faire  à  ceux 
qui  doivent  être  ordonnés;  que  l'on  trouve 
plusieurs  passages  de  ses  écrits  dans  le  traité 
intitulé  :  De  la  Foi  des  Pères,  et  que  les  écri- 
vains de  l'histoire  nestorienne  mettent  Jac- 
ques de  Batna  de  pair  avec  Acace,  ajoutant 
qu'il  avait  étudié  les  lettres  saintes  dans  l'é- 
cole d'Edesse,  qui,  après  avoir  suivi  d'abord 
l'hérésie  de  Nestorius ,  prit  la  défense  de 
celle  d'Eutychès.  Mais  il  est  aisé  de  détruire 
toutes  ces  raisons.  On  ne  disconvient  pas 
que  le  nom  de  saint  Jacques  de  Batna  ne  se 
trouve  dans  la  confession  de  foi  des  jacobites. 
Est-ce  une  suite  qu'il  ait  défendu  leurs  er- 
reurs? Non.  On  y  nomme  aussi  saint  Atha- 
nase,  saint  Cyrille  et  saint  Ephrem,  que  per- 
sonne ne  dira  avoir  favorisé  l'hérésie  euty- 
chéenne. On  y  nomme  encore  dans  quelques 
manuscrits,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint 
Basile,  Théophile  d'Alexandrie,  saint  Epi- 
phane  et  saint  Chrysostôme,  dont  on  produi- 
sit les  témoignages  contre  cette  hérésie  dans 
le  concile  de  Chalcédoine.  Il  faut  dire  la 
même  chose  du  traité  de  la  Foi  des  Pères,  où 
les  jacobites  citent  bien  plus  souvent  saint 
Cyrille,  saint  Athanase,  saint  Grégoire  de 
Nazianze  et  les  autres  pères  catholiques,  que 
saint  Jacques  de  Batna.  A  l'égard  de  ceux 
qui  ont  écrit  l'histoire  des  nestoriens,  comme 
ils  n'ont  vécu  qu'après  le  x=  siècle,  leur  té- 
moignage ne  peut  être  d'un  grand  poids  en 
ce  qui  regarde  saint  Jacques  de  Batna,  qui 
vivait  dans  le  iV  et  le  v«.  11  parait  d'ailleurs 
qu'ils  étaient  peu  au  fait  des  affaires  de  Sy- 
rie, dans  ce  qu'ils  disent  de  l'école  d'Edesse. 
Ils  supposent  visiblement  qu'il  n'y  avait  en 
cette  ville  qu'une  seule  école  où  les  Mésopo- 

est  Emmanuel  si  quis  dicat ,  Homo  Deus  :  non  qucd 
commislus  sit,  sed  in  utroque  perfeclus.  Idem,  serm. 
de  Eceles.  Ibid. 

3  Ibid.,  pas.  291. 

'>  Eutychianistœ ,  eorumque  sodalis  Dioscorus ,  ac 
deinde  Severus,  et  Jacobus,  non  ille  Batnarum  crtho- 
doxus,  sed  alius  hœrelicus,  cœterique  acephali.  Ibid., 
pag.  292,  et  tom.  III  Monum.  Ecoles.  Grœcœ  Cotel., 
pag.  396. 

1  Reuaud.,  tom.  II  Liturg.  Orient.,  pag.  367. 


[VP  SIÈCLE.]  CHAPITRE  L.  —  SAINT 

tamiens  s'assemblaient  indistinctement  avec 
les  Assyriens  et  avec  les  Perses,  ce  qui  est 
détruit  par  le  témoignage  de  Théodore  Lec- 
teur, qui  mai-que  clairement  plusieurs  écoles 
dans  la  ville  d'Edesse  et  une  particulière 
pour  les  Perses  ',  où  en  eflfetceux  qui  prési- 
daient, enseignaient  les  erreurs  de  Nestorius 
et  de  Théodore.  Le  même  historien  ajoute 
que  l'empereur  Zenon,  informé  de  la  mau- 
vaise doctrine  que  l'on  enseignait  dans  cette 
école,  la  détruisit.  On  objecte  encore  que 
saint  Jacques  de  Batna,  en  parlant  du  con- 
cile de  Chaicédoine  dans  un  de  ses  discours, 
dit  qu'il  fut  assemblé  par  les  mauvais  anges, 
et  qu'ils  en  furent  les  conseillers;  que  dans 
une  lettre  à  Samuel,  abbé  du  monastère  de 
Saint-îsaac  à  Gabula  ^,  il  nie  que  les  deux 
natures  et  leurs  propriétés  soient  demeurées 
en  Jésus  -  Christ  après  l'union  hypostatique, 
ce  qui  est  l'hérésie  des  jacobites,  c'est-à-dire 
des  eutychéens,  et  qu'il  enseigne  la  même 
doctrine  dans  un  autre  discours  intitulé  :  De 
la  Vierge  Mère  de  Dieu.  Avant  de  répondre  à 
cette  objection,  il  est  bon  d'avertir  que  pres- 
que aussitôt  que  le  concile  de  Chaicédoine 
eut  condamné  l'hérésie  d'Eulychès,  ceux  qui 
en  étaient  sectateurs,  commencèrent  à  cor- 
rompre les  écrits  des  saints  pères,  et  qu'ils 
en  attribuèrent  plusieurs  à  saint  Athanase, 
à  saint  Grégoire  Thaumaturge  et  au  pape 
Jules  ,  qui  étaient  véritablement  d'Apolli- 
naire, et  cela  dans  la  vue  d'engager,  par  ces 
autorités  respectables,  le  peuple  dans  l'er- 
reur. C'est  ce  que  témoignent  les  moines  de 
Palestine,  dans  le  troisième  livre  de  V Histoire 
d'Evagre  ^.  A  l'égard  du  premier  sermon 
objecté  sous  le  nom  de  saint  Jacques  de 
Batna,  nous  répondons  qu'il  lui  est  fausse- 
ment attribué;  que,  dans  le  manuscrit  sur 
lequel  on  le  cite,  il  porte  simplement  le  nom 
de  Jacques,  sans  dire  qui  il  était;  qu'ainsi  il 
peut  être  d'un  tout  autre  Jacques  que  de 
l'évêque  dont  nous  parlons;  que  le  style  en 
est  si  bas  et  si  peu  châtié,  qu'on  ne  peut  le 
regarder  que  comme  indigne  d'un  si  habile 
homme,  et  qu'il  paraît,  parle  commencement 


JACQUES?,  ÉVÊQUE.  U\ 

de  ce  discours,  que  l'auteur  vivait  sous  l'es- 
clavage des  mahométans,  ce  qui  ne  peut  se 
dire  de  saint  Jacques  de  Batna,  mort  avant 
que  Mahomet  eût  rien  entrepris.  On  pourrait 
répondre  à  l'objection  tirée  de  la  lettre  à  Sa- 
muel, qu'elle  a  été  corrompue  par  les  jaco- 
bites; mais,  sans  avoirrecours  à  cette  solution, 
on  peut  dire  que  cet  évêque  ne  nie  point 
qu'il  y  ait  deux  natures  en  Jésus -Christ,  , 
mais  seulement  qu'elles  subsistent  en  deux 
personnes  distinguées  réellement  l'une  de 
l'autre.  C'est  ce  qu'il  marque  lorsqu'il  con- 
damne Nestorius  *  pour  avoir  soutenu  qu'il 
y  avait  en  Jésus-Christ,  même  depuis  l'u- 
nion, deux  natures  distinctes  et  séparées,  et 
que  chaque  nature  avait  sa  pei'sonne  qui 
subsistait  séparément  par  elle-même.  S'il 
s'exprime  moins  nettement  dans  cette  lettre 
sur  l'existence  des  deux  natures  même  après 
l'union  ,  il  le  fait  ailleurs  en  des  termes  plus 
expressifs.  Nous  les  avons  rapportés  plus 
haut,  et  ils  sufiisent  pour  montrer  la  fausseté 
de  ce  que  ditDenys,  patriarche  des  jacobites, 
dans  sa  Chronique,  que  Jacques  de  Sarug, 
comme  il  l'appeUe,  se  sépara  de  la  commu- 
nion de  Paul  d'Antioche,  parce  que  celui-ci 
confessait  deux  natures  en  Jésus-Christ. 

4.  Saint  Jacques  composa  un  grand  nom-  sas  écrits, 
bre  d'écrits ,  partie  en  prose  et  partie  en 
vers  ^.  Us  sont  en  manuscrits  dans  la  biblio- 
thèque du  Vatican,  et  il  n'y  en  a  encore  au- 
cun qui  ait  été  mis  sous  presse,  si  l'on  en 
excepte  sa  Liturgie,  qui  a  été  donnée  en  la- 
tin par  M.  Renaudot,  dans  le  second  tome 
des  Liturgies  orientales.  11  est  aussi  auteur 
des  rits  du  baptême  usités  dans  l'Eglise  des 
Syriens.  Outre  la  lettre  à  l'abbé  Samuel,  dans 
laquelle  il  combat  la  plupart  des  hérésies 
qui  se  sont  élevées  sur  les  mystères  de  la 
Trinité  et  de  l'Incarnation,  et  où  il  fait  voir 
contre  les  eutychéens,  qu'il  y  a  deux  natu- 
res en  Jésus-Christ  unies  en  une  seule  per- 
sonne, il  y  en  a  une  autre  à  Etienne  Barsu- 
daih  d'Edesse,  où  il  montre,  par  l'autorité  de 
l'Ecriture,  l'éternité  du  paradis  et  des  sup- 
plices que  les  méchants  souffriront  dans  l'en- 


1  In  urbe  Edessa  erat  schota  christiana  fersicœ 
geniis,  ut  aiunt ,  ex  quo  factura  est,  ut  Persœ  nesto- 
rianam  hœvesim  sequerentur,  cum  quidam  qui  Nesto- 
rii  ac  T/ieodori  dogmata  amplectebanlur,  ei  sclwlœ 
prœfuissent ,  et  doctrinam  quœ  ipsis  placebat  Persis 
tradidissent...  Zeno  imperator  selwtam,  quœ  Persarum 
vocabatur,in  urbe  Edessa  siiam,  sustulitalque  avertit, 
utpote  quœ  Nestoriiel  Theodori  doctrinam  auditoribus 
insinuaret.  Theod.  Lect.,  lib.  II  Hist.] 

X. 


2  Tom.  I  Biblioth.  Asseman.,  pag.  294. 

3  Evag.,  lib.  III,  cap.  xxxi. 

4  Ausus  est  Nestorius  statuere  duas  naturas  expresse 
et  distincte  in  Cfiristo  etiam  post  unionem  numerandas 
esse,  et  unicuique  naturœ  suam  inesse  personam,  quœ 
distincte  per  se  subsistât.  Tom.  1  Bihliolli.  Orient., 
pag.  297. 

s  Tom.  I  Biblioth.  Orient.,  pag.  299  et  seq. 


41 


642 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Jo^n.  V,  16. 


Poésies  do 
saint    J  a  c- 


f er  ;  une  troisième  à  Jacques,  abbé  d'un  mo- 
nastère d'Edesse,  appelé  de  l'Ame,  dans  la- 
quelle il  donne  l'explication  de  deux  passa- 
ges de  la  première  épître  de  saint  Jean,  et 
de  ce  que  dit  saint  Paul  dans  Fépilre  aux 
Hébreux  :  Si  nous  péchons  volontairement  après 
avoir  repu  la  connaissance  de  la  vérité,  il  n'y  a 
plus  à  l'avenir  d'hostie  pour  les  péchés;  une 
quatrième  qui  contient  l'éloge  de  l'humilité 
et  de  l'amour  divin,  et  qui  enseigne  à  éviter 
les  pièges  que  le  monde  tend  à  la  vertu  ;  et 
une  sixième  où  saint  Jacques  déplore  le  mal- 
heureux état  de  notre  nature  qui  est  entraî- 
née aux  vices,  quoiqu'elle  aime  la  vertu.  On 
trouve  dans  les  mêmes  manuscrits  plusieurs 
homélies,  savoir  :  sur  la  Naissance  du  Sau- 
veur, la  Fête  de  l'Epiphanie,  le  Jeûne  du  Ca- 
rême, le  Dimanche  des  Hameaux,  le  Vendredi 
de  la  Passion,  et  sur  le  Dimanche  de  la  Résur- 
rection. Toutes  ces  homélies  sont  en  prose. 
5.  Mais  les  mêmes  manuscrits  contiennent 
deux  cent  trenle-un  discours  en  vers  de  dif- 
férentes mesures  et  sur  différents  sujets  '. 
Le  premier  est  celui  qu'il  composa  étant 
jeune,  sur  le  Char  d'Ezéchiel,  par  ordre  des 
évêques.  Il  y  en  a  plusieurs  sur  l'Eglise  et 
sur  la  sainte  Vierge,  qu'il  qualifie  toujours 
Mère  de  Dieu.  Ce  qu'il  dit  de  l'Incarnation, 
dans  le  vingt-deuxième,  est  une  preuve  sans 
réplique  qu'il  pensait  sainement  sur  ce  mys- 
tère. «  Ne  comptez  pas,  dit-il,  deux  fils  ^, 
l'un  Dieu  et  l'autre  homme.  Il  n'y  a  qu'un 
Christ,  qui  est  Fils  de  l'homme  et  Dieu;  à  lui 
et  dans  lui  est  la  divinité  et  l'humanité  ;  les 
premiei's  et  les  derniers  lui  appartiennent, 
mais  il  n'est  pas  divisé  en  plusieurs  parties 
ou  en  nombre  :  car  il  est  Fils  unique  et  un 
en  tout,  si  vous  le  connaissez  bien.  Le  Père 
n'en  a  pas  engendré  une  partie,  et  Marie 
l'autre  :  il  est  tout  engendré  du  Père  et  tout 
de  la  fille  de  l'homme.  »  Dans  le  vingt-troi- 
sième, il  combat  un  anonyme,  qui  avouait 
bien  que  Marie  avait  été  vierge  avant  son 
enfantement,  mais  qui  soutenait  qu'elle  avait 
depuis  perdu  sa  virginité.  Le  vingt-septième 


est  un  éloge  de  l'empereur  Constantin  et  des 
pères  du  concile  de  Nicée,  avec  une  explica- 
tion de  leur  symbole.  Le  centième  est  sur 
l'apôtre  Thadée  et  sur  Abgar,  roid'Edesse.  Saint 
Jacques  y  parle  de  la  lettre  et  de  la  députa- 
tion  de  ce  prince  à  Jésus-Christ,  et  de  la  ré- 
ponse qu'il  en  reçut.  Dans  le  cent  soixante- 
dix-huitième,  qui  traite  de  l'eucharistie  ou  de 
la  manière  de  s'approcher  des  sacrements ,  il 
enseigne  que  nous  voyons,  sous  le  pain  et  le 
vin  posés  sur  l'autel  ^,  celui-là  même  qui 
donne  l'être  à  ces  corps  de  feu  qui  sont  pla- 
cés dans  la  subhme  région,  et  que  celui  qui 
s'approche  de  ce  sacrement  avec  un  cœur 
rempli  d'envie  et  de  fraude  contre  son  pro- 
chain, imite  Judas,  à  qui  le  Seigneur  ne  donna 
point  son  corps  *.  Il  le  rompit  toutefois,  et 
distribuant  son  corps  et  son  sang  sur  la  ta- 
ble, il  le  donna  aux  onze  disciples,  afin  qu'ils 
en  mangeassent  saintement.  Mais  parce  que 
Judas,  méditant  de  la  fraude  dans  son  cœury 
n'était  pas  digne  de  le  recevoir  avec  les  dis- 
ciples, le  Sauveur  l'empêcha  d'y  participer. 
Les  commentateurs  syriens  ^  citent  souvent 
ce  passage  de  saint  Jacques;  mais  ils  pré- 
tendent qu'il  n'a  voulu  dire  autre  chose  par 
ces  paroles  ,  sinon  que  Judas  n'avait  pas 
reçu  l'effet  de  l'eucharistie,  qui  consiste  dans 
la  rémission  des  péchés.  Il  décrit,  dans  le 
cent  quatre-vingt-huitième  ^ ,  l'histoire  de 
l'invention  de  la  croix  par  sainte  Hélène,  à 
peu  près  en  la  manière  qu'elle  est  rapportée 
dans  les  Actes  fabuleux  que  nous  en  avons 
et  qui  sont  nommés  après  les  Actes  de  saint 
Sylvestre  dans  le  concile  de  Rome  sous  Gé- 
lase.  Il  suit  aussi  les  faux  Actes  de  saint  Syl- 
vestre dans  ce  qu'il  raconte  de  la  lèpre  de 
l'empereur  Constantin  ',  et  de  ce  que  ce 
prince  aurait  fait  pour  s'en  guérir,  s'il  n'en 
eût  été  détourné  par  ce  saint  pape.  Il  mar- 
que dans  le  cent  quatre-vingt-douzième,  qui 
est  en  l'honneur  de  saint  Abibus,  diacre, 
martyrisé  à  Edesse,  que  les  païens  lui  re- 
prochant qu'il  adorait  un  homme,  il  répon- 
dit :  «  Ce  n'est  point  un  homme  que  j'adore, 


1  Tom.  I  Biblioth.  Orient.,  pag.  303. 

*  Noli  duos  numerare,  alterum  Deum  et  hominem 
alterum  :  unus  est  enim  Christus ,  Filius  hominis 
idemque  Deus.  Ipsi  et  in  ipso  inest  divinitas  atque 
humanitas,  ejusque  sunt  tum  prima  tum  novissima, 
nec  in  partes  aut  numéros  dividitur  :  unigenitus  enim 
est,  totusque  unus,  si  ipsum  bene  noveris.  Non  partem 
ejus  genuit  Pater,  et  partem  Maria  :  sed  totus  a  Pâtre, 
totusque  a  filia  hominis  genilus  est.  Jacob.,  Serm.  22 
de  Sanct.  Virg.,  pag.  311. 

3  Qui  igneos  in  sublimi  regione  sua  inflammat,  eum 


sub  pane  et  vino  super  mensam  intueris.  Idem.,  Serm, 
178,  pag.  326. 

^  Qui  invidia  et  fraude  in  proximum  suum  plenus 
est,  Judam  imitatur,  cui  corpus  suum  Dominus  nequa. 
quum  tradidit.  Fregit  enim  ille,  corpusque  et  sangui- 
nem  suum  super  mensam  dis tribuens,  porrexit  iindecim 
discipulis  ut  ex  eo  sancte  manducarent  :  et  quia  Judas 
fraudem  animo  meditubatur,  a  sancto  eum  prohibuit 
quod  sumere  illud  eum  discipulis  haudquaquam  di. 
gnus  erat.  Ibid.,  pag.  326.  —  '^  Ibid.,  pag.  327. 

6  Ibid.,  pag,  327.  —  '  Ibid.,  Serm,  189. 


[VI*'  SIÈCLE.] 

mais  Dieu  qui  a  pris  un  corps  et  qui  s'est  fait 
homme.  Je  l'adore  parce  qu'il  est  Dieu  avec 
son  Père.  »  11  y  a  plusieurs  autres  discours 
manuscrits  sous  le  nom  de  saint  Jacques  de 
Batna,  dans  la  bibliothèque  du  Vatican.  Mais 
ou  ils  ne  sont  point  entiers,  ou  ils  sont  d'un 
style  différent  du  sien.  Etienne  d'Eden  dans 
son  Apologie  pour  les  Maronites ,  cite  un 
passage  d'un  sermon  intitulé  :  De  l'utilité 
que  les  morts  retirent  en  l'autre  vie  des  sacri- 
fices que  les  vivants  font  offrir  pour  eux  en 
cette  vie. 

6.  Georges,  qui  avait  été  le  disciple  de 
saint  Jacques  de  Batna,  fit  son  éloge  après 
sa  mort  '.  On  ne  l'a  pas  encore  rendu  public, 
et  l'on  ne  sait  point  que  ce  Georges  ait  com- 
posé d'autres  écrits.  [Autant  qu'on  en  peut 
juger  par  les  fragments  imprimés,  saint  Jac- 
ques est  quelquefois  plus  élevé  que  saint 
Ephrem;  mais,  comme  tous  les  poètes  syria- 
ques ,  il  tombe  subitement  à  plat  ou  s'étend 
d'une  manière  fatigante.  Dans  les  Accords  de 
la  lyre  du  Liban,  publiés  par  Zingerlé,  Ins- 
pruck,  1840,  chez  Ranch  ,  et  dans  les  Cou- 
ronnes des  jardins  du  Liban,  Villingen,  1846, 
on  trouve  un  grand  nombre  des  plus  beaux 
poèmes  et  des  plus  belles  prières  de  ce  saint 
poète  syriaque.  L'apologie  du  grand  stylite 
Siméon  est  au  II''  volume  des  Acta  martyr. 
Orient.  d'Etienne  Evode  Assémani.  Le  mètre 
de  prédilection  de  ce  poète  était  le  mètre  de 
quatre  syllabes  trois  fois  répété  ^. 

7.  M.  Lamy,  professeur  à  l'université  de 
Louvain,  a  publié  en  syriaque  et  en  latin  les 
Résolutions  canoniques  de  Jean  ,  évêque  de 
ïéla  en  Mésopotamie,  dans  l'ouvrage  inti- 
tulé :  Disscrtatio  de  Syrorum  fide  et  disciplina 


CHAPITRE  LI.  —  SIMÉON,  ÉVÊQUE. 


643 


in  re  eucharistica,  Lovanii  apud  Valinthout, 
année  1859.  Jean  vivait  au  commencement 
du  vi°  siècle  ;  il  appartenait  à  la  secte  des 
eutychéens  ou  monophysites.  Son  écrit  était 
entièrement  inédit  ;  le  docteur  de  Louvain 
l'a  copié  dans  un  des  plus  précieux  manus- 
crits syriaques  de  l'ancien  fonds  Saint-Ger- 
main, à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris. 
Le  même  manuscrit  contient  d'autres  Réso- 
lutions canoniques  de  Jacques  d'Edesse. 
M.  Lamy  les  a  publiées  pareillement  dans  le 
même  ouvrage  ;  nous  en  parlerons  plus  tard 
au  viii"  siècle.  Une  traduction  latine  littérale 
et  pourtant  d'une  élégante  clarté,  est  jointe 
au  texte.  Des  notes  sur  les  mots  d'un  usage 
rare  ou  d'une  signification  incertaine,  sont 
consignées  çà  et  là  par  le  savant  éditeur,  au 
bas  des  pages  ;  il  renvoie  à  la  fin  dû  volume 
des  notices  plus  étendues,  où  il  développe 
non-seulement  les  croyances  et  les  pratiques 
de  l'Eglise  de  Syrie  par  rapport  à  l'eucharis- 
tie, mais  encore  les  points  de  doctrine,  de 
liturgie  et  de  discipline  dont  il  est  question 
incidemment  dans  les  deux  traités.  Des  ré- 
ponses faites  par  l'auteur  à  un  prêtre  qui  est 
censé  son  interlocuteur,  font  la  matière  de 
ces  deux  traités.  Jean  de  Téla  répond  à  qua- 
rante-huit questions  qui  lui  sont  posées  par 
un  prêtre  du  nom  de  Sergius.  Ces  Résolutions 
embrassent  la  croyance  à  la  présence  réelle 
et  les  pratiques  admises  de  temps  immémo- 
rial en  Syrie,  relativement  à  la  matière,  à  la 
confection,  à  la  distribution  de  l'eucharistie, 
aux  dispositions  requises  dans  les  personnes 
qui  reçoivent  ce  sacrement  ;  elles  renferment 
en  outre  des  détails  précis  sur  les  vases  sa- 
crés, les  autels  et  le  plan  des  églises.] 


CHAPITRE  LI. 

Siméon,   évêque   de   Beth-Arsam. 

[En  525.] 


1.  Siméon,  surnommé  Sophiste  Persan, 
fut  fait  évêque  de  l'Eglise  de  Beth-Arsam,  ou, 
selon  d'autres,  de  la  ville  d'Arsam  dans  la 
Perse  ^,  vers  l'an  310.  Pendant  qu'il  gouver- 
nait cette  Eglise,  il  convertit  trois  des  prin- 
cipaux de  la  secte  des  mages,  et  les  baptisa 
après  les  avoir  instruits  de  la  religion  chré- 
tienne. Ceux  de  cette  secte  en  ayant  été  in- 
formés, les  déférèrent  au  roi,  qui  ordonna 


qu'ils  seraient  mis  à  mort,  s'ils  n'abjuraient 
la  foi  de  Jésus -Christ.  Soutenus  par  les 
exhortations  de  l'évêque  Siméon,  ils  résistè- 
l'ent  courageusement  aux  menaces.  Le  roi 
les  voyant  fermes  dans  la  confession  de  leur 
foi,  leur  fit  trancher  la  tête  le  dixième  jour 
depuis  leur  baptême. 

2.  Ce  ne  fut  pas  seulement  de  vive  voix 
que  Siméon  fit  voir  son  zèle  pour  l'Eglise 


5es  écrils. 


'  Jacob,  Serm.  189,  p.  340.  —  ^  Zingerlé,  Did.  ency-      clopédique.  (Véditevr.)  —  ^  ÀBsem.,  tom.  I,  pag.  341, 


644 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


catholique,  il  en  défendit  la  doctrine  par  ses 
écrits  contre  les  nestoriens,  qui  s'efforçaient 
d'infecter  la  Perse  de  leurs  erreurs.  11  est 
vrai  qu'il  donna  lui-même  quelque  lieu  de 
le  suspecter  dans  la  foi,  en  recevant  VHénoti- 
que  de  Zenon  ;  mais  il  ne  fut  pas  le  seul  des 
évêques  catholiques  qui ,  par  je  ne  sais  quel 
motif  de  crainte,  firent  ce  que  l'empereur 
demandait  d'eux  à  cet  égard.  Flavien,  pa- 
triarche d'Antioche,  et  Elie,  évêque  de  Jé- 
rusalem, que  l'on  n'accuse  point  d'hérésie, 
souscrivirent  aussi  VHénotique.  Il  faut  ajouter 
que,  dans  les  deux  lettres  qui  nous  restent 
de  Siméon,  il  ne  dit  Jamais  rien  contre  le 
concile  de  Chalcédoine;  qu'au  contraire,  il  y 
approuve  la  foi  des  évêques  catholiques  ' 
qui,  au  nombre  de  plus  de  cinq  cents,  écri- 
virent à  l'empereur  Léon ,  pour  l'assurer 
qu'ils  recevaient  le  concile  de  Chalcédoine. 
Nous  avons  dans  le  second  tome  des  Litur- 
gies orientales  ^,  celle  que  Siméon  composa 
pour  les  Eglises  de  Perse.  On  l'a  quelquefois 
attribuée  à  Philoxène,  mais  par  une  erreur 
visible.  Celle  de  Philoxène  se  trouve  dans  le 
même  recueil  et  commence  différemment 
de  celle  de  Siméon. 
Sa  lettre  3"  ^'^  lettre  sur  Barsauma,  évêque  de  Ni- 
s°°'"'nem-  sibe,  et  contre  l'hérésie  nestorienne  ^,  n'a 
Tienne.  point  d'iuscription  dans  le  manuscrit  d'où  ou 

l'a  tirée,  et  on  n'y  lit  point  le  nom  de  la  per- 
sonne à  qui  il  l'adressa.  On  conjecture  que 
ce  fut  à  Siméon,  abbé  de  Gabula,  à  qui  il 
écrivit  une  autre  lettre  dont  nous  parlerons 
ci-après,  et  dans  laquelle  on  voit  que  Siméon 
avait  coutume  de  donner  avis  à  cet  abbé  de 
tout  ce  qui  se  passait  à  l'égard  de  la  reli- 
gion chrétienne,  tant  dans  la  Perse  que  dans 
les  environs.  Il  marque  dans  cette  lettre  les 
commencements  et  les  progrès  de  l'hérésie 
nestorienne,  montrant  qu'ils  l'ont  puisée 
dans  les  erreurs  des  Juifs,  des  ébionites,  de 
Paul  de  Samosate  et  de  plusieurs  autres  hé- 
rétiques qui  ont  vécu  dans  les  premiers  siè- 
cles ;  que  Nestorius  en  avait  été  particuhè- 
rement  infecté  par  Théodore  de  Mopsueste, 
qui  l'avait  lui-même  reçue  de  Diodore  de 
Tarse.  Il  accuse  de  la  même  erreur  Théodo- 
ret,  Ibas,  Maris,  et  un  nommé  Elita,  prêtre 
d'Edesse,  qui  enseignait  dans  l'école  des 
Perses  étabhe  en  cette  ville.  Pour  donner 


autorité  à  cette  doctrine,  les  Perses  assem- 
blèrent plusieurs  synodes,  tant  dans  leur 
province  que  dans  quelques  villes  d'Assyrie, 
nommément  à  Séleucie,  à  Ctésiphon,  où  ils 
la  confirmèrent  par  de  nouvelles  formules, 
dont  la  foi  était  tout  opposée  à  celle  qui 
nous  est  venue  des  apôtres,  à  celle  des  con- 
ciles de  Nicée  sous  le  grand  Constantin,  de 
Constantinople  sous  Théodose-l'Ancien,  et 
d'Ephèse  sous  Théodose-le-Jeune;  à  celle 
des  quatre  cent  quatre-vingt-quinze  évêques 
qui  écrivirent  à  l'empereur  Léon ,  et  à  celle 
d'un  grand  nombre  d'autres  évêques  catholi- 
ques assemblés  à  Séleucie  et  à  Ctésiphon, 
la  onzième  année  du  règne  d'Isdegerde  avec 
Marutlias.  Siméon  ajoute  que  tous  ces  évo- 
ques, chacun  dans  leur  temps,  dirent  ana- 
thème  à  tous  ceux  qui  faisaient  profession  du 
nestorianisme;  que  la  foi  orthodoxe  fut  main- 
tenue dans  toute  la  Perse  jusqu'à  la  vingt- 
septième  année  du  roi  Phérozès  ;  mais  que 
les  évêques  de  ce  royaume  ayant  abandonne 
la  vérité,  lui  et  beaucoup  d'autres  s'étaient 
séparés  de  leur  communion,  en  leur  disant 
anathème,  de  même  qu'à  Eutychès  et  à  tous 
les  autres  qui  pensaient  comme  eux  sur  le 
mystère  de  l'Incarnation,  et  qui  ne  recon- 
naissaient pas  que  Marie  fût  véritablement 
Mère  de  Dieu  *. 

4.  La  seconde  lettre  de  Siméon,  qui  est  Lei 
adressée  à  l'abbé  de  Gabula,  renferme  l'his- 
toire de  plusieurs  martyrs  des  Homérites  inéor 
dans  les  Indes.  Ces  peuples  avaient  depuis 
longtemps  embrassé  la  foi  cathoUque  '",  et  le 
roi  d'Ethiopie  leur  avait  donné  un  chef  qui 
professait  la  même  religion  qu'eux  ;  mais 
celui-ci  étant  mort,  Dunaan,  homme  impie  et 
cruel,  qui  professait  le  judaïsme,  s'empara 
du  gouvernement.  Siméon  marque,  au  com- 
mencement de  cette  lettre,  qu'il  en  avait 
écrit  une  autre  à  l'abbé  de  Gabula,  dans  la- 
quelle il  lui  faisait  part  de  ce  qui  se  passait 
dans  la  Perse  et  dans  l'Arabie.  Nous  ne  l'a- 
vons plus.  Il  rapporte  dans  celle-ci  la  ma- 
nière dont  Dunaan  persécuta  les  Homérites 
pour  les  contraindre  à  embrasser  le  judaïsme, 
particulièrement  ce  qu'il  fit  souû'rir  à  Aré- 
thas,  prince  de  la  ville  de  Nagran,  pour  l'o- 
bliger à  renoncer  à  la  foi  catholique.  Aréthas 
était  un  vieillard  vénérable,  âgé  d'environ 


'  Sose  a  vera  sanctorum  Patrum  fide  segregarunt, 
guarn  ipsi  a  .lanciis  apnstolis  trudilam  acceperunt... 
quam  secuti  sunt  confirmaruntque  'juadringeati  nona- 
yinta  et  quinque  epi.icopi  Alexandriœ  magiiœ,  Antio- 
chiœ  in  Syria,  Cuppadociœ  el  Ga/aliœ.  Ibid.,  pay.  355. 


2  Renaud,,  tom.  II  Liturg.,  pag.  301. 

3  Assem.,  tom.,  pag.  346. 

'  Quisquis  non  confiielur  Mariam   Dei  geniirkein 
esse,  anathema  sit.  Ibid.,  pag.  356, 
5  Ibid.,  pag.  364. 


[vi«  siècle]  . 


CHAPITRE  LU.  —  BOECE,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


645 


quatre-vingt-quinze  ans.  Il  parla  avec  force 
au  tyran,  lui  protestant  qu'il  ne  changerait 
jamais  la  foi  qu'il  avait  donnée  à  Jésus-Clirist. 
Il  exhorta  les  chrétiens  qui  l'accompagnaient 
ordinairement  ',  à  persévérer  aussi  dans  la 
foi  :  et  tous  ayant  répondu  qu'ils  ne  l'aban- 
donneraient point,  et  qu'ils  étaient  prêts  à 
mourir  avec  lui  pour  Jésus-Christ,  ils  allè- 
rent en  effet  avec  une  ardeur  incroyable  su- 
bir la  sentence  de  mort  que  Dunaan  pro. 
nonça  contre  eux.  Ils  se  donnèrent  mutuel- 
lement le  baiser  de  paix;  puis  Aréthas  ayant 
fait  sur  tous  le  signe  de  la  croix,  il  présenta 
sa  tête  au  bourreau,  qui  la  lui  trancha.  Les 
autres  chrétiens  souffrirent  le  même  sup- 
plice. Il  y  avait  parmi  eux  un  enfant  de  cinq 
ans,  que  sa  mère  menait  avec  elle  par  la 
main.  Le  roi  fit  son  possible  pour  le  détour- 
ner de  la  suivre,  mais  inutilement  ^.  On  fit 


mourir  la  mère,  et  l'enfant  voyant  qu'on  l'a- 
vait jetée  dans  un  bûcher  pour  être  consu- 
mée par  les  flammes,  y  sauta  de  lui-même 
et  reçut  avec  les  autres  la  couronne  du  mar- 
tyre; d'autres  disent  qu'il  fut  élevé  à  la  cour 
et  envoyé  depuis  à  l'empereur  Justinien.  Sur 
la  fin  de  sa  lettre,  Siméon  prie  l'abbé  de  Ga- 
bula  de  donner  avis  du  martyre  d'Aréthas, 
aux  abbés  des  autres  monastères  et  aux  évo- 
ques, particulièrement  à  celui  d'Alexandrie, 
afin  qu'ils  écrivissent  au  roi  d'Ethiopie  pour 
l'engager  à  donner  du  secours  aux  Homéri- 
tes,  et  de  s'employer  aussi  auprès  des  pon- 
tifes des  Juifs  qui  demeuraient  à  Tibériade, 
afin  qu'ils  écrivissent  eux-mêmes  à  ce  roi  juif, 
pour  faire  cesser  la  persécution  qu'il  faisait 
aux  Homérites.  C'est  tout  ce  que  nous  sa- 
vons de  l'évèque  Siméon,  dont  on  met  la  moil 
en  523. 


CBâ PITRE  LIL 

Boëce,   sénateur   romain. 

[En  623.] 


ARTICLE  I". 


HISTOIRE   DE    SA    VIE. 


1.  Boèce,  connu  dans  l'antiquité  sous  les 
noms  d'Anitus,  Manlius,  Torquatus,  Sévéri- 
nus,  Boétius,  naquit  à  Rome  l'an  470.  L'em- 
pire d'Occident  se  trouvait  alors  désolé  par 
les  ravages  que  les  Barbares  avaientfaits  dans 
ses  plus  belles  provinces,  qu'ils  s'étaient  par- 
tagées après  avoir  i-enversé  les  plus  anciens 
monuments  de  la  puissance  romaine.  Ils  s'é- 
taient rendus  maîtres  de  Rome  et  de  toute 
l'Italie  ;  et  comme  ils  faisaient  profession  de 
l'arianisme,  cette  hérésie,  qui  y  était  presque 
éteinte,  y  reprit  de  nouvelles  forces.  Ce  fut 
dans  ce  temps  malheureux  que  Dieu  fit  naî- 
tre Boëce  pour  être  un  jour  le  défenseur  de 
la  vérité. 

2.  Flavius  Boëce,  son  père,  ayant  reconnu 
en  lui,  dès  ses  premières  années,  d'iieureuses 
dispositions  pour  les  sciences  et  pour  la  vertu, 
n'omit  rien  de  ce  qui  pouvait  les  faire  croître. 
Mais  Rome,  dans  l'état  où  elle  était  réduite, 
n'était  plus  un  lieu  propre  à  former  un  jeune 
homme.  Il  l'envoya  donc  à  Athènes,  après 

»  Ibid.,  pag.  375,  376. 

^  Asscm.,  tom.,  pag.  378  ;  in  notis,  pag.  380. 


avoir  pris  là-dessus  le  conseil  du  pape  Sim- 
plice.  Boëce  n'avait  alors  que  dix  ans.  Il  ne 
trouva  point  à  Athènes  ce  que  l'on  avait  es- 
péré, les  écoles  de  cette  ville  n'étant  plus, 
comme  autrefois,  celles  de  la  sagesse,  ni  le 
séjour  des  beaux  arts.  Après  les  avoir  fré- 
quentées pendant  un  an  ou  deux,  il  s'en  dé- 
goûta; mais,  par  respect  pour  son  père,  il  y 
continua  ses  études,  et  passant  d'une  science 
à  une  autre  ^,  il  rassembla  en  lui  par  ses  pro- 
pres tiavaux  ce  que  l'on  avait  le  plus  admiré 
dans  tous  les  maîtres  de  la  Grèce.  Il  lutteurs 
ouvrages,  et  traduisit  même  en  sa  langue  ce 
qu'ils  avaient  écrit  de  mieux,  savoir  :  la  Mu- 
sique de  Pyllieigore,!' Astronomie  de  Ptolémée, 
l'Arithmétique  de  Nicomaque,  la  Géométrie 
d'Euclides,  la  Théologie  de  Platon,  la  Logique 
d'Aristote  et  les  Mécaniques  d'Archimède. 
Cassiodore,  qui  avait  lu  ces  traductions*,  les 
trouvait  si  parfaites,  qu'il  n'a  pas  craint  de 
les  préférer  aux  originaux. 

3.  La  mort  de  Flavius  Boëce,  son  père,  ar- 
rivée en  490,  trois  ans  après  son  dernier  con- 
sulat, l'obligea  de  revenir  à  Rome.  Il  y  fut 
quelque  temps  après  déclaré  patrice.  Mais  il 

»  Gaâsiod.,  lib.  I,  Epist.  4b  et  Hist.  de  Boëce,  h  Paris, 
en  1715.  —  *  Gassiod.,  ibid. 


II   est  fait 
palrice,  et  se 


646 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Il  entre  dniis 
les  bonnes 
grâces  da  rui 
l'héodûric. 


fallut  faire  violence  à  sa  modestie  pour  le 
contraindre  d'accepter  cette  dignité  dans  un 
âge  si  peu  avancé  ;  car  il  n'avait  pas  encore 
trente  ans.  11  n'y  eut  que  la  vue  du  bien  pu- 
blic qui  la  lui  fit  accepter  '.  Ce  fut  aussi  par 
considération  pour  sa  famille,  qu'il  s'engagea 
dans  le  mariage.  Il  épousa  la  fille  de  Festus, 
nommée  Elpis,  autant  recommandable  par  sa 
piété  et  les  agréments  de  son  esprit,  que  par 
la  beauté  de  son  corps.  Elle  ne  lui  donna 
point  d'enfants,  étant  morte  à  Pavie  quelque 
temps  après  son  mariage.  C'est  à  Elpis  que 
l'on  attribue  les  hymnes  ^  que  l'Eglise  chante 
encore  le  jour  de  la  fête  de  saint  Pierre  et 
saint  Paul.  Boëce  prit  en  secondes  noces 
Rusticienne,  fille  de  Symmaque,  sénateur  ro- 
main. Dieu  bénit  ce  mariage  par  une  nom- 
breuse postérité. 

4.  Le  roi  Théodoric  s'étant  présenté  pour 
entrer  dans  Rome,  sur  la  fin  de  l'an  500,  le 
sénat  alla  fort  loin  à  sa  rencontre ,  et  Boëce, 
comme  le  plus  éloquent  des  sénateurs,  porta 
la  parole  ;  ce  qu'il  fit  avec  tant  de  dignité, 
qu'il  plut  également  au  roi,  aux  Goths  et  aux 
Romains.  C'était  un  ancien  usage  que  les 
conquérants  et  les  empereurs,  lorsqu'on  leur 
décernait  les  honneurs  du  triomphe,  faisaient 
au  peuple  et  à  toute  l'armée  un  magnifique 
festin  :  soit  que  Théodoric  ne  fût  pas  au  fait 
de  la  coutume  des  Romains  à  cet  égard,  soit 
pour  quelque  autre  raison,  il  n'avait  donné 
aucun  ordre  de  régaler  le  peuple  ni  ses  sol- 
dats. Boëce  s'en  étant  aperçu,  fit  à  l'instant 
dresser  des  tables  partout,  qui  furent  servies 
avec  autant  de  somptuosité  que  d'abondance. 
Mais,  pour  en  laisser  toute  la  gloire  au  sénat, 
il  engagea  les  consuls  ordinaires  à  s'en  faire 
les  honneurs,  se  contentant  de  les  suivre 
partout  où  il  croyait  sa  présence  nécessaire. 
Le  roi  connaissant  qu'on  était  redevable  à 
Boëce  de  tout  ce  qui  s'était  passé  en  cette 
occasion,  conçut  de  lui  une  haute  estime,  lu; 
donna  place  dans  son  conseil,  et  le  fit  maître 
du  palais  et  des  offices,  les  deux  charges  de 
la  cour  qui  donnaient  le  plus  de  crédit  et  d'au- 
torité dans  l'Etat  et  le  plus  d'accès  auprès  du 
prince.  La  sagesse  de  Boëce,  sa  pénétration 
dans  les  affaires,  sa  droiture  et  son  désinté- 
ressement le  firent  goûter  de  plus  en  plus 
par  Théodoric  ;  et  ce  prince,  à  mesure  qu'il 
l'employait  dans  le  ministère,  s'applaudissait 
de  son  clioix.  Boëce,  de  son  côté,  se  livrait 
tellement  aux  aû'aires  publiques,  qu'il  ne  né- 


gligeait pas  l'étude  des  sciences  divines  et 
humaines.  Il  se  dérobait  à  cet  efifet  tous  les 
moments  qu'il  aurait  pu  donner  à  ses  plai- 
sirs. Jamais  on  ne  le  vit  au  cirque,  ni  au 
théâtre,  ni  au  bain,  ni  à  aucune  de  ces  assem- 
blées de  plaisir  qui  étaient  si  fort  en  usage 
dans  Rome  ;  souvent  même  il  prenait  sur  son 
repos.  Par  ce  moyen,  il  se  trouva  en  état  de 
composer  un  grand  nombre  d'ouvrages,  dont 
la  plupart  sont  venus  jusqu'à  nous. 

5.  Quelques  évêques  d'Orient  s'étant  plaint 
au  pape  Symmaque  des  progrès  que  l'hérésie 
eutychienne  continuait  à  faire  dans  leurs  dio- 
cèses, et  des  mouvements  que  les  partisans 
de  l'erreur  se  donnaient  pour  éluder  les  déci- 
sions du  concile  de  Chalcédoine,  ce  pape  as- 
sembla les  évêques  qui  se  trouvaient  alors  à 
Rome,  les  principaux  de  son  clergé  et  les 
personnes  les  plus  instruites  du  sénat  et  du 
peuple,  pour  leur  faire  part  de  la  lettre  des 
évêques  d'Orient  et  savoir  ce  qu'ils  en  pen- 
saient. La  lettre  fut  lue  en  pleine  assemblée; 
mais  Boëce.  qui  y  avait  été  invité,  ne  croyant 
pas  devoir  s'expliquer  avant  d'avoir  exa- 
miné avec  soin  la  question,  remit  à  son  pre- 
mier loisir  de  réfuter  les  erreurs  d'Euty- 
chès  et  de  Nestorius.  Nous  avons  encore  le 
traité  qu'il  fit  en  cette  occasion,  pour  mon- 
trer qu'il  y  a  deux  natures  unies  en  une  per- 
sonne en  Jésus-Christ.  11  est  adressé  à  Jean, 
archidiacre  de  Rome,  qui  avait  aussi  assisté 
à  la  conférence. 

6.  Pendant  que  Boëce  était  occupé  à  défen- 
dre la  vérité  de  la  religion,  les  officiers  et  les 
soldats  de  la  garde  de  Théodoric  vinrent  se 
plaindre  à  ce  prince  que  la  monnaie  dont 
on  les  payait  était  altérée  et  d'un  moindre 
poids  qu'elle  ne  devait  être.  Le  roi,  qui  était 
alors  à  Ravenne  ^,  écrivit  à  Boëce  pour  le 
charger  de  réformer  toutes  les  monnaies  qui 
avaient  cours  dans  l'empire,  de  donner  à 
chacune  le  poids  et  la  valeur  qu'elles  avaient 
eus  autrefois,  et  de  régler  les  poids  et  les 
mesures,  de  manière  que  la  livre  fût  toujours 
de  douze  onces.  Boëce  s'acquitta  de  la  com- 
mission ;  l'ordre  fut  rétaWi  dans  le  commerce, 
et  le  murmure  des  troupes  cessa. 

7.  Clovis,  roi  des  Goths,  informé  de  la  ma- 
gnificence de  la  cour  de  Théodoric  et  de  sa 
table,  le  pria  de  lui  envoyer  un  musicien  qui 
sût  parfaitement  chanter  et  toucher  les  ins- 
truments. Boëce,  à  qui  Théodoric  en  écrivit, 
trouva  un  musicien  tel  que  Clovis  le  souhai- 


'  Boet.j  lib.  il  de  Consolât.  —  ^  Idem,  ibid. 


s  Gassiod.,  Ub.  I,  Epist.  10. 


[VV  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  LU.  —  BOECE ,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


647 


tait,  et  l'envoya  avec  les  deux  ambassadeurs 
de  ce  prince.  Il  fut  encore  chargé  d'envoyer 
k  Gondebaud,  roi  des  Bourguignons,  des  ca- 
drans solaires  et  des  hydrauliques.  Il  fît  faire 
des  cadrans  solaires  pour  tous  les  différents 
aspects  du  soleil,  et  des  hydrauliques  qui 
marquaient  exactement  le  cours  du  soleil,  de 
la  lune  et  de  tous  les  astres  ;  il  y  travailla 
lui-même  avec  les  plus  habiles  maîtres  qu'il 
avait  fait  venir  de  tous  côtés.  Ces  hydrauli- 
cfues,  quoique  sans  roues,  sans  poids  et  sans 
ressort,  marquaient  le  cours  des  astres,  par 
la  vertu  d'une  certaine  quantité  d'eau  enfer- 
mée dans  un  vase  d'étain  en  forme  de  boule, 
qui  tournait  sans  cesse  entraînée  par  sa  pro- 
pre pesanteur.  Les  Bourguignons  ne  pouvant 
comprendre  comment  ces  machines  mar- 
quaient si  exactement  toutes  les  heures  du 
jour  et  de  la  nuit  sans  être  déplacées  ou  sans 
qu'on  avançât  le  style,  firent  longtemps  la 
garde  pour  s'assurer  que  personne  n'y  tou- 
chait. Ils  reconnurent  enfin  la  vérité  du  fait; 
mais,  ne  pouvant  en  comprendre  la  raison, 
ils  s'imaginèrent  que  quelques  divinités  ani- 
maient intérieurement  ces  machines  et  leur 
donnaient  le  mouvement.  Le  plus  grand 
avantage  que  Boëce  retira  de  ces  curiosités, 
fut  que  les  Bourguignons,  attirés  en  Italie  par 
le  désir  d'en  voir  d'autres,  il  se  servit  de  cette 
occasion  pour  insinuer  dans  leurs  cœurs  les 
vérités  et  les  maximes  de  l'Evangile.  Ses  re- 
lations dans  le  royaume  de  Bourgogne  lui 
donnèrent  aussi  lieu  de  lier  amitié  avec  les 
évèques  catholiques  qui  y  étaient,  particu- 
lièrement avec  saint  Avit,  évêque  de  Vienne, 
son  proche  parent, 
zèle  8.  Il  y  avait  deux  choses  à  Rome  qui  dés- 
honoraient  extrêmement  cette  grande  ville, 
depuis  que  les  nations  barbares  s'étaient  em- 
parées du  gouvernement;  l'une  venait  des  ma- 
nichéens qui  s'y  étaient  établis  en  grand 
nombre  et  qui  séduisaient  tous  les  jours  plu- 
sieurs fidèles  par  leurs  adresses;  l'autre,  des 
magiciens  qui  avaient  déjà  engagé  dans 
leurs  superstitions  plusieurs  personnes  de 
qualité  el  même  des  sénateurs.  Boëce,  après 
avoir  gémi  longtemps  dans  le  secret  de  son 
cœur,  crut  devoir  faire  là-dessus  des  remon- 
trances au  pape  Symmaque.  Après  lui  avoir 
fait  connaître  la  grandeur  du  mal,  il  lui  parla 
du  remède  ',  disant  qu'il  en  fallait  bien  d'au- 
tres que  ceux  dont  on  s'était  servi  jusqu'alors. 


«  Une  maladie  désespérée,  ajouta-t-il,  ne  peut 
se  guérir  que  par  des  remèdes  extrêmes.  Si 
nous  avions  affaire  à  des  gens  raisonnables, 
on  pourrait  espérer  de  les  réduire  par  la  rai- 
son. Vos  exhortations  paternelles,  vos  re- 
montrances charitables,  le  zèle  de  vos  prédi- 
cateurs, les  disputes  de  vos  théologiens, 
pourraient  lever  le  bandeau  que  cette  secte 
abominable  porte  sur  les  yeux,  et  lui  faire 
apercevoir  la  vérité.  Mais  que  peut  la  raison 
contre  des  gens  qui  n'en  ont  plus  et  qui  ne 
débitent  que  des  extravagances?  Si  leur  im- 
piété n'était  pas  montée  à  son  comble  et  ne 
les  eût  pas  rendus  indignes  de  la  miséricorde 
de  Dieu,  nous  nous  flatterions  encore  que  l'ar- 
deur de  vos  prières  et  les  gémissements  de 
tant  de  bonnes  âmes  qui  s'intéressent  à  leur 
conversion,  feraient  violence  au  ciel  en  leur 
faveur,  et  fléchiraient  peut-être  la  divine  jus- 
tice irritée  contre  leurs  désordres.  Mais  le 
mélange  monstrueux  qu'ils  font  du  christia- 
nisme avec  l'idolâtrie,  de  Jésus-Christ  avec 
Bélial,  du  souverain  Etre  avec  le  démon,  à 
qui  ils  donnent  plus  de  pouvoir  qu'à  Dieu 
même,  ne  nous  permet  plus  d'espérer  leur 
changement.  Tout  ce  que  l'indulgence  et  la 
charité  ont  pu  inspirer  jusqu'à  présent  pour 
les  faire  rentrer  en  eux-mêmes  a  été  inutile  : 
le  mal,  au  lieu  de  diminuer,  croît  de  jour  en 
jour  :  l'erreur  se  sentant  appuyée  de  l'au- 
torité humaine,  triomphe  insolemment;  les 
ménagements  sont  donc  maintenant  hors  de 
saison  ;  il  faut  le  fer  et  le  feu  pour  extirper 
un  si  grand  mal.  »  Le  pape  en  convint,  mais 
craignant  qu'un  moyen  prompt  et  décisif  ne 
donnât  lieu  à  quelques  séditions  dans  la  ville, 
Boëce  lui  dit  qu'il  fallait  chasser  tous  les  ma- 
nichéens  de  Rome,  y  brûler  leurs  idoles  et 
leurs  écrits,  afin  qu'il  ne  restât  rien  de  leur 
impiété.  Soit  que  Boëce  eût  communiqué  sa 
pensée  au  roi  Théodoric,  qu'il  savait  avoir 
en  horreur  les  manichéens,  et  qu'il  eût  reçu 
de  ce  prince  un  ordre  secret  de  les  chasser  ; 
soit  qu'il  se  fondât  sur  les  anciennes  lois  des 
empereurs  chrétiens,  renouvelées  par  Théo- 
doric, qui  défendaient  à  tous  les  sujets  de 
l'empire  d'exercer  aucun  art  magique,  il  fit 
en  sorte  que  l'on  chassât  de  la  ville  les  ma- 
nichéens et  les  magiciens,  dans  le  temps 
qu'ils  s'y  attendaient  le  moins.  On  se  saisit 
de  leurs  livres  et  de  leurs  simulacres  ^,  que 
l'on  jeta  dans  un  bûcher  dressé  devant  la 


'  Anonym.  Valesii  et  Hist.  de  Boëce,  à  Paris,  en 
1715. 


'  Baron.,  ad  ann.  503. 


648 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Il    rit    Tait 
consul  en  l'an 

eio. 


porte  delà  basilique  de  Saint-Jean-de-Latran. 
Il  fallut  plus  de  précautions  pour  punir  ceux 
d'entre  les  magiciens  qui  occupaient  dans 
Rome  quelque  place  d'honneur.  Roëce  en 
parla  au  roi  Tliéodoric  ',  qui,  surpris  d'en- 
tendre que  des  membres  du  sénat  se  fus- 
sent souillés  par  ces  abominations ,  se  fit 
informer  exactement  du  fait  par  Argolicus 
préfet  de  Rome.  Rasile  et  Prétextât  furent 
accusés  et  saisis.  C'était  au  sénat  à  les  juger; 
mais,  pour  éviter  qu'ils  ne  fussent  pas  jugés 
aussi  sévèrement  qu'ils  le. devaient,  le  roi 
choisit  dans  le  sénat  six  personnes  d'une 
probité  reconnue  pour  faire  leur  procès  et  les 
juger  en  dernier  ressort  selon  la  rigueur  des 
lois.  Les  coupables,  connaissant  à  la  qualité 
des  juges  qu'il  n'y  avait  point  de  grâce  à 
espérer,  cherchèrent  leur  salut  dans  la  fuite. 
Théodoric  donna  ordre  de  les  chercher  par- 
tout, mais  inutilement  ^.  Prétextât  se  cacha 
si  bien ,  qu'on  ne  put  le  trouver.  Longtemps 
après  Basile  fut  découvert  et  puni.  Le  zèle 
que  les  Romains  firent  paraître  contre  les 
magiciens  en  cette  occasion ,  les  effraya  de 
façon  qu'on  n'en  vit  plus  dans  Rome. 

9.  Roëce,  croyant  avoir  trouvé  la  source  de 
ces  désordres  dans  l'ignorance  où  la  plupart 
des  Romains  étaient  ensevelis,  forma  le  des- 
sein de  donner  au  pubhc  une  philosophie 
complète,  afin  d'ouvrir  l'esprit  aux  jeunes 
gens  et  de  les  former  par  la  connaissance  des 
effets  de  la  nature,  qui  élèvent  l'homme  jus- 
qu'à celle  de  son  Créateur.  Pendant  qu'il  tra- 
vaillait à  cet  ouvrage  3,  il  fut  nommé  consul 
par  une  délibération  commune  du  roi  et  du 
sénat,  en  SIO.  La  joie  qu'on  eut  de  son  élé- 
vation, fut  générale  dans  Rome  et  dans  les 
provinces  les  plus  éloignées.  Les  évoques 
comme  les  autres  y  prirent  part.  Ennode  de 
Pavie  l'en  félicita  en  ces  termes  *  :  «  Je  me 
réjouis  de  Thonneur  qui  vous  a  été  déféré, 
et  j'en  rends  grâces  à  Dieu,  non  parce  qu'il 
vous  élève  au-dessus  des  autres,  mais  parce 
que  vous  en  êtes  véritablement  digne.  Ce 
n'est  pas  ici  un  consulat  donné  à  une  illustre 
naissance,  sans  autre  mérite;  quiconque  l'ob- 
tient par  cet  endroit  est  indigne  de  succéder 
au  grand  Scipion  :  il  est  la  récompense  de  la 
vertu  de  ses  aïeux,  et  non  pas  de  la  sienne. 
Le  vôtre  était  bien  dû  à  la  noblesse  de  votre 
extraction,  mais  il  l'était  encore  davantage  à 
votre  vertu  et  à  tant  de  rares  et  éminentes 


qualités  qui  brillent  en  vous.  On  ne  voit  pas 
de  sang  répandu,  pas  de  provinces  subju- 
guées, pas  de  peuples  asservis  ni  attachés  à 
votre  char,  comme  on  en  voyait  autrefois  à 
l'entrée  de  ceux  qu'on  élevait  à  celte  haute 
dignité  ;  triste  prélude  d'une  charge  qui  doit 
être  tout  entière  pour  la  conservation  des 
peuples,  et  non  pas  pour  leur  destruction.  A 
présent  que  Rome  jouit  d'une  paix  profonde 
et  qu'elle  est  devenue  elle-même  le  prix  et  la 
récompense  du  courage  de  nos  vainqueurs, 
on  demande  des  vertus  d'une  autre  nature 
dans  les  consuls.  Ces  vertus  guerrières  ne 
sont  plus  de  saison.  On  n'en  veut  que  de  pa- 
cifiques. Ce  n'est  pas  que  votre' consulat  soit 
destitué  de  cet  avantage  :  on  y  trouve  des  com- 
bats et  des  batailles  gagnées  en  très-grand 
nombre,  puisque  toute  votre  vie,  jusqu'à  pré- 
sent, n'a  été  qu'un  combat  continuel  et  tissu 
de  victoires  remportées  sur  l'erreur,  sur  le 
vice  et  sur  l'ignorance,  monstres  infiniment 
plus  dangereux  et  plus  à  craindre  que  tous 
les  Barbares  qui  menaçaient  alors  l'empire.» 
Cette  lettre  d'Ennode,  qui  est  de  SIO,  aide  à 
fixer  l'époque  du  consulat  de  Roëce,  que 
quelques-uns  ont  placé  mal  à  propos  en  487, 
temps  auquel  Ennode  n'était  point  encore 
évêque  de  Pavie.  Boëce  répondit  parfaite- 
ment aux  espérances  de  ceux  qui  l'avaient 
élevé  ;  il  fit  paraître  en  toute  occasion  uue 
intégrité  inviolable,  uue  capacité  profonde 
dans  les  affaires  et  une  sagesse  à  l'épreuve 
de  la  surprise  et  de  la  corruption.  R  s'éleva 
avec  fermeté  contre  deux  seigneurs  de  la 
cour  de  Théodoric ,  Conigaste  et  Triguilie, 
tous  deux  Goths  de  nation,  qui  avaient  acquis 
des  biens  immenses  en  dévorant  la  substance 
du  peuple  et  en  se  nourrissant  du  sang  des 
malheureux.  Théodoric  ouvrit  les  yeux  sur 
la  conduite  de  ces  deux  ministres  :  mais  ne 
voulant  pas  perdre  des  personnes  à  qui  il 
avait  donné  sa  confiance,  il  laissa  leurs  cri- 
mes impunis.  Ce  qui  distingua  Boëce  dans  le 
consulat,  c'est  qu'il  l'exerça  seul  :  ce  qui  était 
en  môme  temps  une  marque  d'honneur,  une 
preuve  de  sa  capacité  el  un  témoignage  non 
équivoque  de  l'estime  que  le  prince  et  le  sé- 
nat faisaient  de  lui. 

10.  Théodoric  étant  passé  de  Rome  à  Ra- 
venne,  Boëce  eut  ordre  de  l'y  suivre.  U  y 
était  à  peine  ariivé,  qu'on  y  amena  saint  Cé- 
saire,  évêque  d'Arles,  accusé  auprès  du  roi 


»  Cassiod.,  lU).  IV,  Episl.  22. 
2  Ibid.,  Epist.  23. 


3  Boet.,  Prœfat.  in  Hb.  U  Prœdkal.  Aristot. 
«  Ennod.,  lib.  VllI,  EpistA. 


[VI<^  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  LU.  —  BOECE,  SÈNA.TRUR  ROMAIN. 


619 


d'un  crime  de  félonie.  Boëce  prit  sa  défense, 
et  le  saint  fut  renvoyé  avec  honneur.  II  eut 
beaucoup  de  part  aux  démarches  que  le  roi 
fit  faire  au  pape  Hormisdas  pour  la  réunion 
des  Orientaux  avec  l'Eglise  d'Occident  :  et 
croyant  qu'il  était  nécessaire,  dans  ces  temps 
de  schisme  et  de  troubles,  d'édifier  les  fidè- 
les par  une  profession  publique  de  sa  foi,  il 
le  fit  par  un  petit  traité  que  nous  avons  en- 
core. Le  pape  Hormisdas  l'invita  aux  confé- 
rences qui  se  tinrent  à  Rome,  dans  l'affaire 
des  moines  de  Scythie.  On  y  admira  son  éru- 
dition et  son  éloquence;  et  les  assistants  ne 
purent  disconvenir  qu'il  ne  possédât  mieux 
les  matières  de  théologie,  que  la  plupart  de 
ceux  qui  en  font  une  étude  particulière. 
oniJioffro       \{.  Boëcc  avait  deux  fils  de  Rusticienne, 

]0      SCCODcId  ' 

1=  |«  ™"='j;  fille  de  Symmaque  ;  le  premier,  nommé  Quin- 
Mfih  ïn  ^^^  ALurélius  Anicius  Symmachus;  le  second, 
2-  '  Anicius  ManliusSeverinus  Boetius.  Théodoric 
lui  offrit  une  seconde  fois  le  consulat,  en  l'an 
522.  Mais  Boëce  pria  ce  prince  et  le  sénat  de 
le  déférer  à  ses  deux  enfants,  ce  qui  lui  fut 
accordé.  On  n'avait  point  vu  jusque-là,  dans 
aucune  famille  patricienne,  deux  frères  dans 
un  âge  si  peu  avancé,  désignés  consuls  dans 
une  même  année.  C'était  un  privilège  réservé 
à  celle  des  empereurs.  Cette  année-là  même, 
Boëce  prononça  un  panégyrique  à  la  louange 
de  Théodoric,  en  présence  des  deux  nou- 
veaux consuls.  Son  discours  fini  ',  on  le  con- 
duisit au  milieu  d'eux  dans  le  cirque,  où, 
suivant  l'usage,  il  donna  des  jeux  et  des  spec- 
tacles au  peuple,  et  lui  fit  des  largesses  qui 
égalaient  la  magnificence  d'un  souverain.  La 
joie  de  l'élévation  de  ses  enfants  fut  bientôt 
troublée  par  les  nouvelles  que  l'on  reçut  à 
Rome,  des  violentes  persécutions  que  l'impie 
Dounoas,  dit  le  fléau  des  chrétiens,  leur  fai- 
sait souffrir,  avec  le  secours  d'une  troupe 
it  d'Arabes  et  de  Juifs  qu'il  commandait.  Boëce, 

~  prosterné  au  pied  des  autels,  demandait  à 

Dieu,  ou  de  mettre  fin  à  ces  maux,  ou  de  le 
retirer  de  ce  monde,  pour  ne  point  voir  son 
Eglise  en  proie  aux  ennemis  de  son  saint 
nom.  :(  Ce  ne  sont  pas  là.  Seigneur,  lui  di- 
sait-il ^,  les  promesses  que  vous  nous  avez 
faites,  ni  ce  que  vos  prophètes  ont  prédit  des 
Juifs  perfides,  qulls  seraient  dispersés  par 
toute  la  terre,  traités  comme  des  esclaves, 
sans  roi,  sans  état,  sans  prêtres,  sans  autels, 

'  Boet.,  lib.  II  de  Consolai,  philosoph. 
'  Baron.,  ad  ann.  522.  —  ^  liist.  de  Boèce,pa.g.i9S. 
*  Ecce  Boetius  adest  in  cœlo  magnus  et  omni 
Pe7-spcclus  mundo,  mirus  habendus  homo. 


en  punition  de  l'horrible  déicide  qu'ils  ont 
commis.  Les  voici  maîtres  d'un  royaume 
d'une  vaste  étendue  ;  ils  ont  un  roi  de  leur 
nation,  assis  sur  le  trône,  armé  de  pouvoir 
et  menaçant  de  détruire  bientôt  l'empire  de 
votre  Fils  Jésus-Christ.  »  L'année  522  n'était 
pas  encore  finie,  qu'Elesbaon,  roi  d'Auxume 
en  Ethiopie,  soutenu  des  forces  d'Egypte  et 
d'Orient,  attaqua  le  tyran,  le  vainquit,  le  fil 
prisonnier  et  lui  ôta  la  vie. 

12.  En  523,  Boëce  eut  la  joie  de  voir  mon-  Mmi  ja 
ter  sur  le  Saint-Siège,  Jean,  diacre  de  l'E-  ^îî!"  "" 
glise  de  Rome,  avec  qui  il  avait  lié  depuis 
longtemps  une  amitié  très-étroite.  Les  mou- 
vements qu'ils  se  donnèrent  l'un  et  l'autre 
auprès  de  l'empereur  Justin  pour  la  défense 
de  la  foi  catholique,  irritèrent  Théodoric.  Ce 
prince  obligea  le  pape  d'aller  à  Constantino- 
ple  pour  faire  révoquer  l'édit  par  lequel 
l'empereur  voulait  obliger  les  ariens  à  se 
convertir  et  à  faire  consacrer  leurs  égfises  à 
l'usage  des  catholiques.  Peu  de  temps  après 
jl  fit  arrêter  Boëce  et  Symmaque,  son  beau- 
père,  et  les  fit  mettre  en  prison,  comme  ac- 
cusés de  crimes  d'Etat.  Les  accusateurs  de 
Boëce  étaient  Conigaste  et  Triguille,  deux 
officiers  de  la  cour  dont  il  avait  réprimé  l'a- 
varice, en  510,  lorsqu'il  était  consul.  Le  roi, 
sans  approfondir  les  chefs  d'accusation,  fit 
mourir  Symmaque  à  Pavie,  en  524,  et  Boëce 
l'année  suivante  525,  dans  un  château  situé 
au  territoire  de  Calvance,  au  milieu  d'un  dé- 
sert également  éloigné  de  Rome  et  de  Pavie. 
Avant  de  le  faire  mourir,  on  le  mit  à  la  tor- 
ture, par  le  moyen  d'une  roue  qui  se  tour- 
nait avec  une  manivelle  ^.  On  y  attacha  une 
corde  dont  on  ceignit  sa  tête,  en  sorte  qu'à 
mesure  que  la  roue  tournait  la  corde  le  ser- 
rait davantage.  Ce  supplice  lui  fit  sortir  les 
yeux  de  la  tête,  mais  il  ne  put  tirer  aucune 
plainte  de  sa  bouche.  Ensuite  on  l'étendit 
sur  une  poutre,  où  deux  bourreaux  le  frap- 
pèrent longtemps  avec  des  bâtons  sur  toutes 
les  parties  du  corps,  depuis  le  col  jusqu'à  la 
plante  des  pieds.  Mais  il  parait  qu'il  n'expira 
point  dans  ce  toui-ment,  et  qu'il  finit  sa  vie 
par  la  hache  ou  par  l'épée.  C'est  au  moins 
ce  qui  est  marqué  dans  diverses  épitapbes 
que  l'on  a  faites  de  lui.  Celle  que  l'on  grava 
sur  son  tombeau,  contient  en  peu  de  mots 
l'éloge  de  son  savoir  et  de  sa  vertu  *.  Elle 

Qui  Theodorir.o  régi  delatus  inique, 

Ticini  senium  duxit  in  exilio; 
In  qua  se  mœstum  solans  dédit  urbe  liùellum, 

l'ost  ictus  gladio  exiit  e  medio. 


650 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Traité  des 
Deux  naiuros 
en  Jésus* 
Christ. 


parle  de  l'accusation  formée  contre  lui  au- 
près du  roi  Théodoric,  de  son  exil  à  Pavie, 
des  livres  qu'il  composa  pour  se  consoler 
dans  ses  afflictions,  et  du  genre  de  sa  mort. 
L'auteur  de  cette  épitaplie  ne  doutait  pas  que 
Boëce  n'eût  déjà  reçu  dans  le  ciel  la  récom- 
pense due  à  sa  piété,  à  son  zèle  pour  la  foi, 
à  ses  souffrances  pour  la  justice.  Boëce  mou- 
rut dans  sa  cinquante-cinquième  année,  le 
23  octobre  525.  Les  catholiques  em  ni  itèrent 
son  corps,  qu'ils  inhumèrent  auprès  de  celui 
d'Elpis,  sa  première  femme.  Il  fut  transporté 
environ  deux  cents  ans  après  dans  l'église 
de  Saint- Augustin,  de  la  même  ville,  par 
Luitprand,  roi  des  Lombards,  qui  lui  fit 
dresser  un  mausolée  que  Ton  voit  encore  à 
présent.  Il  est  placé  au  pied  des  degrés  du 
grand  autel,  et  posé  sur  quatre  colonnes, 
avec  une  inscription  de  la  façon  de  Balthasar 
Taconus  *,  où  il  rend  témoignage  à  l'érudi- 
tion, à  la  probité  et  à  la  grande  réputation 
de  Boëce.  L'empereur  Othon  III  lui  fit  élever 
un  autre  mausolée  de  marbre,  sur  lequel  il 
mit  son  éloge  en  vers  héroïques  ^,  composés 
par  Gerbert,  qui  fut  depuis  pape,  sous  le 
nom  de  Sylvestre  II.  Boëce  y  est  appelé  le 
père  et  la  lumière  de  la  patrie,  et  représenté 
comme  allant  de  pair  avec  les  plus  beaux 
génies  de  la  Grèce,  comme  capable  de  con- 
tenir les  empires  dans  leurs  bornes  et  de 
maintenir  la  liberté  romaine. 

ARTICLE  II. 

DES  ÉCRITS  DE  BOECE. 
§1". 

Du  traité  des  Deux  natures  et  d'une  personne 
en  Jésus-Christ. 

1.  Tous  les  ouvrages  de  Boëce  ne  sont  pas 
d'une  grande  importance  pour  l'Eglise.  Il  y 
en  a  qui  sont  purement  philosophiques; 
d'autres  qui  traitent  des  matières  les  plus 
essentielles  de  la  religion.  Ceux-ci  sont  en 
plus  petit  nombre  :  mais  parce  qu'ils  appar- 
tiennent plus  particulièrement  à  notre  sujet, 

1  Mœnia  et  latia  lingua  clarissinms  et  qui 

Consul  eram,  hic  perii,  missus  in  exilium, 
Et  rjuid  mors  rapuit,  probiias  me  venit  ad  auras, 
Et  nunc  fama  viget  maxima,  vivit  opus. 

2  Romn  potens  dum  jura  suo  déclarât  in  orbe. 
Tu  pater  et  patriœ  lumen,  Séverine  Boethi, 
Consulis  officio  rerum  disponis  habenas, 
Infundis  lumen  studiis,  et  cedere  nescis 
Grœcorum  ingeniis  :  sed  mens  divina  coercet 
Imperium  mundi.  Gladio  bacchante  Gothorum, 


nous  en  traiterons  avec  plus  d'étendue,  et 
nous  nous  contenterons  de  donner  des  autres 
une  légère  idée.  Le  premier  traité  théologi- 
que de  Boëce,  selon  l'ordre  des  temps,  est 
celui  qui  a  pour  titre  :  Des  Deux  natures  et 
d'une  personne  en  Jésus-Christ,  contre  les  er-  ' 
reurs  d'Eutychès  et  de  Nestor ius.  Il  le  com- 
posa vers  l'an  513,  à  l'occasion  d'une  lettre 
que  les  Orientaux  avaient  écrite  en  cette  an- 
née au  pape  Symmaque,  oîi  ils  le  conju- 
raient d'une  manière  très-touchante  ^  de  les 
rétablir  dans  sa  communion,  sans  être  punis 
pour  la  désobéissance  et  la  prévarication 
d'Acace,  puisqu'ils  n'y  prenaient  point  de 
part,  et  qu'ils  recevaient  la  lettre  de  saint 
Léon  et  le  concile  de  Chalcédoine,  et  qu'ils 
condamnaient  Nestorius.  Ils  se  plaignaient 
encore  dans  cette  letti'e  que  les  eutychéens 
les  attaquaient  tous  les  jours  et  leur  disaient 
anathème,  parce  qu'ils  soutenaient  les  deux 
natures,  ajoutant  qu'il  leur  était  d'autant 
plus  ditBcile  de  se  défendre  de  ces  anathè- 
mes,  que  beaucoup  de  personnes  ne  pou- 
vaient distinguer  la  vérité  d'avec  les  deux 
erreurs  opposées  de  NesLurius  et  d'Eutychès, 
s'imaginaient  que  dès  lors  qu'on  n'était  pas 
eutychien  on  était  nestorien.  Ils  demandaient 
donc  au  pape  de  leur  marquer  en  des  termes 
les  plus  précis,  de  quelle  manière  ils  devaient 
s'expliquer  sur  les  deux  natures,  et  répondre 
aux  eutychiens,  qui,  pour  couvrir  leurs  er- 
reurs et  éluder  les  décisions  du  concile  de 
Chalcédoine,  avouaient  que  Jésus-Christ  est 
de  deux  natures,  mais  niaient  qu'il  subsistât 
en  deux  natures.  Symmaque  assembla  les 
évêques  qui  se  trouvaient  alors  à  Rome,  avec 
les  principaux  du  clergé  et  du  sénat.  Boëce 
fut  du  nombre  *,  avec  Jean,  archidiacre  de 
Rome,  qui  fut  depuis  pape.  La  lettre  des 
évêques  d'Orient  fut  lue  dans  le  concile  ^,  et 
la  proposition  des  eutychiens  débattue  avec 
beaucoup  de  bruit  :  Boëce,  ne  croyant  pas 
devoir  se  commettre  dans  ce  tumulte,  prit  le 
parti  de  se  taire,  résolu  d'examiner  cette 
proposition  à  loisir.  II  communiqua  son  des- 
sein à  l'archidiacre  Jean,  le  priant  de  venir 

Libnrtas  romana  périt  :  tu  consul  et  exsul. 
Insignes  iitulos  prœclara  morte  relinquis. 
Nunc  decus  imperii  summas  gui  prœgravat  auras 
Tertius  Otto  sua  dignum  te  judicat  aula. 
JEtei'mimque  tui  statuit  monumenta  laboris. 
Et  bene  promeritum  meritis  exornat  honestis. 
Hist.  de  Boëce,  pag.  304,  305  et  306. 

8  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1304  et  seq. 

'  Boet.,  de  Duabus  naturis,  tom.  II,  pag.  1203. 

«  Ibid. 


fvi'  SIÈCLE.]  CHAPITRE  LU.  —  BOECE 

le  voir  le  lendemain,  pour  l'examiner  en- 
semble. Jean  n'en  ayant  pas  eu  le  temps, 
Boëce  travailla  seul  sur  cette  matière,  et, 
ayant  mis  par  écrit  ce  qu'il  en  pensait,  il 
l'envoya  à  l'archidiacre,  pour  en  retrancher, 
y  ajouter  ou  changer  ce  qu'il  jugerait  à 
propos. 

2.  Avant  d'entrer  en  matière,  Boëce  fait 
diverses  remarques  sur  les  termes  de  personne 
et  de  natures  ',  pour  en  fixer  le  sens  et  la 
signification,  prétendant  que  la  division  des 
esprits  sur  l'Incarnation,  n'est  venue  que  da 
défaut  de  connaissance  de  ces  deux  termes, 
ou  parce  qu'on  n'en  avait  pas  fixé  la  valeur 
dans  tous  les  pays  où  il  s'est  élevé  des  con- 
testations sur  ce  mystère.  Il  fait  voir  qu'il  y 
a  de  la  différence  entre  la  signification  du 
terme  de  nature,  d'essence  ou  substance,  et 
celle  de  personne;  et  que  la  source  de  l'erreur 
de  Nestorius  vient  de  ce  que,  ne  pouvant 
croire  qu'il  y  eût  des  natures  sans  personne, 
il  a  confondu  la  nature  avec  la  personne,  et 
enseigné  conséquemment  qu'y  ayant  deux 
natures  en  Jésus-Christ,  il  y  avait  aussi  deux 
personnes  ,  la  nature  divine  et  la  nature  hu- 
maine étant  dans  lui  avec  toutes  leurs  pro- 
priétés. La  nature,  selon  Boëce  ^,  est  une 
propriété  spécifique  de  chaque  substance  : 
la  personne  est  une  subsistance  individuelle 
de  la  nature  raisonnable.  Les  Grecs  et  les 
Latins  ne  s'accordaient  pas  dans  les  termes , 
mais  ils  pensaient  de  même  quant  au  fond. 
Il  veut  qu'on  laisse  les  Eglises  dans  l'usage 
des  termes  qu'elles  employaient  ^,  puis- 
qu'elles convenaient  dans  la  doctrine  :  et  il 
ne  s'étend  sur  la  signification  des  termes  de 
nature  et  de  personne,  que  pour  en  faire  voir 
la  ditférence,  qu'il  dit  être  exprimée  claire- 
ment par  les  définitions  qu'il  en  donne. 

3.  Après  quoi  il  prouve  qu'il  n'y  a  qu'une 
personne  en  Jésus-Christ,  parce  que  s'il  y  en 
avait  deux  comme  il  y  a  deux  natures,  il  n'y 
aurait  point  d'union  véritable;  Jésus-Christ 
ne  serait  pas  un  :  il  en  faudrait  admettre 
deux  :  ou  si  l'on  n'en  admettait  qu'un,  il  n'y 
aurait  pas  plus  de  raison  de  donner  cette 
qualité  à  une  des  deux  personnes  qu'à  l'au- 
tre. Car  ou  c'est  la  nature  divine  que  Nesto- 
rius appelle  Jésus-Christ,  ou  c'est  seulement 
la  nature  humaine,  ou  toutes  les  deux  en- 
semble. Ce  nom  ne  peut  convenir  à  toutes 


,  SÉNATEUR  ROMAIN.  631 

les  deux  ensemble,  parce  que  deux  natures 
aussi  dissemblables  que  sont  la  divine  et 
l'humaine,  deux  natures  qui  ne  conviennent 
en  quoi  que  ce  soit,  et  qui,  selon  lui,  ne  sont 
pas  jointes  par  une  union  personnelle  et  hy- 
postatique,  ne  peuvent  pas  avoir  un  même 
nom  ni  une  même  définition  :  s'il  dit  que  la 
nature  divine  est  ce  que  l'on  appelle  Jésus- 
Christ,  dès  lors  Jésus-Christ  est  seulement 
Dieu  et  non  pas  homme.  Si,  au  contraire,  il 
soutient  que  le  nom  de  Jésus-Christ  appar- 
tient seulement  à  la  nature  humaine,  il  faut 
donc  qu'il  convienne  aussi  que  Jésus-Christ 
est  seulement  homme  et  non  pas  Dieu.  Nes- 
torius répondra  peut-être  que  Jésus-Christ, 
c'est-à-dire  la  personne  de  l'homme,  a  été 
appelée  Christ,  parce  que  la  divinité  a  opéré 
par  elle  un  grand  nombre  de  miracles.  Si 
cela  est  ainsi,  pourquoi  ne  pas  donner  aussi 
ce  nom  aux  éléments  dont  Dieu  se  sert  tous 
les  jours  pour  opérer  des  merveilles?  S'il  dit 
que  cela  ne  se  peut,  parce  que  les  éléments 
ne  sont  pas  des  créatures  raisonnables,  il 
faudra  néanmoins  qu'il  convienne  qu'on 
ne  peut  refuser  la  qualité  de  Christ  à  plu- 
sieurs saints  personnages,  par  qui  Dieu  a 
opéré  de  très-grands  prodiges.  Ajoutons  que 
si  chaque  nature  dans  Jésus-Christ  conserve 
sa  personne,  il  y  aura  moins  d'union  entre 
la  nature  divine  et  la  nature  humaine,  qu'il 
n'y  en  a  enti-e  un  homme  et  une  bête,  qui 
conviennent  au  moins  ensemble  dans  le  de- 
gré d'animafité.  La  conséquence  que  Boëce 
tire  des  faux  principes  de  Nestorius,  est  que 
le  genre  humain  n'a  donc  point  encore  été 
racheté;  que  la  naissance  de  Jésus- Christ, 
qui  n'a  rien  eu  que  de  commun,  ne  nous  a 
point  procuré  le  salut,  et  que  les  prophètes 
nous  ont  fait  illusion ,  en  nous  promettant 
que  le  monde  serait  sauvé  par  la  naissance 
du  Christ. 

4.  Boëce  fait  voir  ensuite  qu'Eutychès  s'est 
égaré  par  un  principe  semblable  à  celui  qui 
a  jeté  Nestorius  dans  l'erreur,  et  qu'ils  n'ont 
erré  l'un  et  l'autre,  que  parce  qu'ils  se  sont 
imaginé  faussement  qu'il  ne  pouvait  y  avoir 
de  nature  existante  sans  qu'elle  subsistât 
dans  une  personne.  «  Il  y  a,  disait  Nestorius, 
deux  natures  en  Jésus-Christ,  la  divine  et 
l'humaine  :  donc  il  y  a  aussi  une  personne 
divine  et  une  personne  humaine.  »  Eutychès, 


Lc6  deux 
naUirfis  res- 
tent il  p  r  è  s 
l'union. 


1  Boet.,  tom.  II,  pag.  1203. 

2  Natura  est  cujuslibet  substantice  specificaia  pro- 
prietas.  Persona   vero  rationabilis  nalurce  individua 


subsistantia.  Boet ,  de  Duabus  naiuris,  tom.  II,  p.  1208. 
3  Sed  quo  vero  nomine  unumquodque  oporieat  ap- 
pellari,  ccctesiasticce  sit  locutionis  arbitrium.  Ibid. 


632 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


par  un  semblable  raisonnement,  disait  :  «  Il 
n'y  a  qu'une  personne  en  Jésus-Christ  :  il  n'y 
a  donc  aussi  qu'une  nature.  On  lui  répondait 
qu'il  n'était  pas  possible  que  la  nature  divine 
fût  la  nature  humaine,  ni  que  la  nature  hu- 
maine fût  la  nature  divine  :  et  il  en  était 
convaincu  par  l'évidence  même  de  la  chose, 
étant  évident  qu'autre  est  la  nature  de  Dieu, 
et  autre  la  nature  de  l'homme;  c'est  pour- 
quoi il  répondait  qu'avant  l'union  liyposta- 
tique  ou  personnelle,  la  nature  humaine  de 
Jésus-Christ  était  ditïerente  de  la  nature  di- 
vine ;  qu'il  y  avait  en  lui  deux  natures  avant 
l'union  :  mais  que,  depuis  cette  union,  les 
deux  natures  n'en  faisaient  plus  qu'une.  C'est 
sur  cela  que  Boëce  lui  demande  en  quel 
temps  s'est  faite  cette  union  ou  plutôt  cette 
confusion  de  natures  :  si  c'est  dans  l'instant 
de  la  conception  de  Jésus-Christ,  ou  au  mo- 
ment de  sa  résurrection.  Si  c'est,  continuait 
Boëce,  dans  l'instant  de  sa  conception,  il  suit 
de  là  que  celui  qui,  dans  la  suite,  a  porté  le 
nom  de  Jésus-Christ,  était  homme  avant  que 
d'être  conçu  dans  le  sein  de  Marie,  et  que  la 
nature  humaine  qui  allait  se  joindre  à  la  di- 
vine, existait  déjà,  puisque,  selon  Eutychès, 
avant  l'union,  c'étaient  deux  natures  dis- 
tinctes :  il  suit  aussi  que  Marie  n'est  point  la 
Mère  de  Jésus- Christ,  et  conséquemment, 
que  toutes  les  promesses  faites  à  Abraham 
et  à  David,  que  le  Christ  naîtrait  de  leur 
race,  ont  été  vaines;  que  Jésus-Christ  même 
s'est  rendu  coupable  de  mensonge  en  s'ap- 
pelant  le  Fils  de  l'homme,  puisque,'pour  être 
Fils  de  l'homme,  il  aurait  fallu  qu'il  tirât  sa 
chair  de  l'homme.  Si  c'est  après  sa  résurrec- 
tion que  les  deux  natures  ont  été  confon- 
dues, l'homme  n'a  donc  point  été  racheté,  le 
péché  d'Adam  subsiste  encore,  la  passion  de 
Jésus-Christ  est  inutile,  puisqu'il  n'a  pu  sa- 
tisfaire à  la  justice  de  Dieu,  ni  donner  un 
mérite  infini  à  ses  souffrances,  qu'étant  Fils 
de  Dieu  et  Fils  de  l'homme.  Boëce  ajoute 
que  le  mélange  des  deux  natures  n'a  pu  se 
faire  qu'en  trois  manières,  ou  par  la  trans- 
formation de  la  nature  divine  en  la  nature 
humaine,  ou  par  le  changement  de  la  nature 
humaine  en  la  divine,  ou  en  faisant  des  deux 
natures  une  troisième,  qui  ne  fût  propre- 
ment ni  l'une  ni  l'autre.  Le  premier  de  ces 
changements  n'estpoint  possible, puisqu'il  ne 


l'est  pas  que  la  nature  divine,  qui  est  essen- 
tiellement immuable  et  impassible,  devienne 
passible  et  sujette  au  changement.  Le  second 
n'est  pas  même  proposable ,  puisqu'on  ne 
peut  concevoir  qu'une  nature  corporelle  de- 
vienne une  nature  purement  spirituelle , 
qu'un  corps  devienne  esprit,  ou  qu'un  esprit 
devienne  corps.  Les  substances  même  spiri- 
tuelles ne  peuvent  se  changer  l'une  en  l'au- 
tre, et  il  en  est  de  même  des  corporelles,  lors- 
qu'elles n'ont  point  un  sujet  ou  une  matière 
qui  leur  soit  commune.  Par  cette  raison,  le 
cuivre  ne  peut  être  changé  en  pierre,  ni  une 
pierre  devenir  une  plante. 

5.  Les  eutychiens  disaient  que  Jésus-Christ  i.^^f™"™, 
était  de  deux  natures,  mais  qu'il  ne  subsistait  {H,^^"^  ' 
pas  en  deux  natures.  Le  but  de  ces  hérétiques 
était  de  marquer  sous  ces  expressions,  que 
de  la  nature  divine  et  de  la  nature  humaine,  il 
s'en  étaitforméune  troisième.  Boëce  soutient 
que  ce  changement  n'est  pas  plus  possible 
que  les  deux  qu'il  vient  de  montrer  ne  pou- 
vaient se  faire.  En  effet,  ces  deux  propositions, 
que  Jésus  est  de  deux  natures,  mais  qu'il  ne 
subsiste  pas  en  deux  natures,  renferment 
une  contradiction ,  ne  se  pouvant  qu'une 
chose  soit  composée  de  deux  natures,  lors- 
que ces  deux  natures  ne  subsistent  plus.  Il 
établit  ensuite  la  foi  de  l'Eglise  catholique, 
qui  enseigne  que  Jésus-Christ  est  non-seu- 
lement composé  de  deux  natures  ',  mais 
qu'il  subsiste  en  deux  natures.  Il  dit  qu'une 
chose  peut  être  de  deux  natures,  ou  lorsque 
ces  deux  natures  sont  mêlées  ensemble, 
comme  l'eau  avec  le  miel,  et  c'est  ainsi  qu'Eu- 
tychès  disait  que  Jésus-Christ  était  composé 
de  deux  natures;  ou  lorsque  les  deux  na- 
tures dont  une  chose  est  composée,  demeu- 
rent tellement,  qu'elles  ne  sont  point  mêlées 
l'une  dans  l'autre,  comme  il  arrive  dans  une 
couronne  composée  d'or  et  de  perles,  où  l'or 
n'est  point  changé  en  perles,  ni  les  perles  en 
or;  l'un  et  l'autre  conservant  la  nature  qui 
lui  est  propre,  il  résulte  de  leur  union  un 
tout  qui  fait  la  couronne.  L'or  et  les  perles 
peuvent  subsister  séparément,  n'étant  plus 
unis  :  mais  en  tant  qu'elles  font  une  cou- 
ronne, elles  n'ont  qu'une  existence  qui  est 
celle  du  tout  et  de  la  couronne.  C'est  de  cette 
sorte  que  l'Eglise  enseigne  que  les  deux  na- 
tures ^  demeurent  entières   et  parfaites  en 


1  Restai  ut  quemadmodum  catholicae  fids  dicat,  et  in 
uirisque  naturis  Christum,  et  ex  utri<:qiie  consistere 
doceamus.  Boet.,  de  Duabus  naturis,  pag.  1215. 


'  Cum  igitur  utrasque  manere  naturas  in  Christo 
fides  catliolicu  conftleatw;  perfectasque  easdem  per- 
sistere ,   nec  alteram  in  alteram   iransmutari  :  jure 


[W  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  LU.  —  BOECE,  SENATEUR  ROMAIN. 


653 


Jésus-Clirist,  qu'il  subsiste  dans  deux  natures, 
et  qu'il  en  est  composé  ;  qu'il  subsiste  dans 
deux  natures,  parce  qu'elles  demeurent  ef- 
fectivement; et  qu'il  est  composé  de  ces  deux 
natures,  parce  que  de  l'union  de  ces  deux 
natures  subsistantes,  résulte  la  personne  de 
Jésus-Christ.  Il  restait  à  Boëce  d'expliquer  la 
communication  des  propriétés  de  ces  deux 
natures,  et  à  montrer  de  quelle  manière  Dieu 
s'est  fait  homme  et  l'homme  est  devenu 
Diea;  comment  le  même  Jésus -Christ,  qui 
est  Homme,  est  Dieu,  Fils  de  Dieu  et  en 
même  temps  Fils  de  l'Homme.  C'est  ce  qu'il 
fait  en  rapportant  le  tout  à  la  personnalité, 
qui,  faisant  subsister  ces  deux  natures,  leur 
rend  communes  toutes  leurs  propriétés,  par 
une  appropriation  que  nous  appelons  en 
théologie  communication  d'idiomes.  Encore 
donc  que  l'humanité  seule  ait  souffert,  nous 
ne  laissons  pas  de  dire  que  Dieu  a  souffert, 
non  que  la  divinité  soit  changée  en  l'huma- 
nité, mais  parce  que  la  divinité  s'est  unie  à 
l'humanité.  De  même  celui  qui  est  homme 
est  appelé  Fils  de  Dieu,  à  cause  de  l'union 
naturelle  de  son  humanité  avec  la  divinité. 
iMais  soit  que  l'on  distingue  les  propriétés  de 
chaque  nature,  soit  qu'on  les  confonde,  en 
disant  de  la  nature  divine  ce  qui  appartient 
à  la  nature  humaine,  ou  de  la  nature  hu- 
maine ce  qui  appartient  à  la  divine,  c'est 
néanmoins  l'humaine  qui  est  homme  parfait 
et  Dieu  parfait,  à  raison  de  l'union  de  ces 
deux  natures  en  une  seule  personne. 

6.  Il  y  en  avait,  qui,  pour  montrer  que  la 
chair  de  Jésus-Christ  n'a  point  été  formée 
dans  le  sein  de  Marie,  employaient  ce  rai- 
sonnement des  valentiuieus  contre  la  vérité 
de  la  chair  de  Jésus-Christ:  «  Notre  cliair  ne 
peut  être  considérée  qu'en  deux  manières  : 
ou  dans  l'état  de  l'innocence  d'Adam,  ou 
dans  celui  où  le  péché  d'Adam  l'a  réduite. 
Jésus-Christ  n'a  point  pris  celle  d'Adam  in- 
nocent; s'il  l'avait  prise,  comme  ce  n'est  pas 
la  nôtre  ,  il  ne  nous  aurait  pas  rachetés , 
parce  qu'il  n'a  racheté  que  ce  qui  en  avait 
besoin.  Adam,  dans  Fétat  d'innocence,  ne  fut 
souillé  d'aucun  péché;  mais  il  avait  le  pou- 
voir de  pécher.  Au  contraire,  Jésus-Christ  n'a 
jamais  péché  et  n'en  a  pas  même  eu  le  pou- 
voir; il  n'a  donc  pas  pris  la  cliair  d'Adam 
considérée  avant  sa  chute.  Une  autre  preuve, 
c'est  que  Jésus-Christ  a  été   assujetti  à  la 


mort ,  au  lieu  qu'Adam  n'a  subi  celte  loi 
qu'en  punition  de  son  péché.  On  ne  peut  pas 
dire  non  plus  que  Jésus-Christ  ait  pris  la 
chair  d'Adam  criminel  et  coupable  :  cette 
chair  est  non-seulement  infectée  d'une  cor- 
ruption générale  répandue  sur  tous  les  des- 
cendants du  premier  homme,  elle  a  encore 
une  pente  naturelle  au  péché,  qui  est  une 
peine  du  péché  d'Adam.  Or  il  n'y  a  jamais 
eu  dans  Jésus-Christ  de  pente  au  péché  :  ce 
n'est  donc  pas  la  chair  ci-iminelle  d'Adam 
qu'il  a  prise,  et  puisqu'il  n'a  pris  ni  celle 
d'Adam  innocent,  ni  celle  d'Adam  coupable, 
c'est  une  suite  nécessaire  qu'il  n'a  pas  pris 
la  nôtre.  »  Pour  répondre  à  cette  objection, 
Boëce  considère  la  nature  humaine  sous  trois 
différents  aspects  :  avant  le  péché  d'Adam, 
dans  la  supposition  qu'Adam  n'eût  point  pé- 
ché, et  après  son  péché.  Le  premier  état  est 
réel.  L'homme  alors  n'était  souillé  d'aucun 
péché,  il  ne  mourait  pas  non  plus;  mais  il 
pouvait  pécher  et  mourir.  Le  second  état  est 
hypothétique.  Si  Adam  fût  demeuré  soumis 
aux  ordres  de  Dieu,  non-seulement  il  n'au- 
rait pas  péché,  mais  il  n'aurait  pu  pécher, 
parce  qu'il  aurait  été  confirmé  dans  la  grâce. 
Dans  le  troisième  état ,  qui  est  le  nôtre , 
l'homme  peut  pécher  et  mourir,  et  il  pèche 
et  meurt  effectivement.  Ces  deux  derniers 
états  sont  comme  les  deux  extrémités  de  la 
nature  humaine.  L'un  aurait  été  la  récom- 
pense de  la  soumission  d'Adam  aux  ordres 
de  son  créateur;  l'autre  est  la  peine  de  sa 
révolte;  il  est  suivi  de  la  pente  au  mal,  de 
l'impuissance  de  se  relever  de  sa  chute  par 
ses  propres  forces,  et  de  la  mort.  Le  premier 
état  tient  un  milieu  :  on  n'y  voit  ni  mort  ni 
péché,  mais  seulement  le  pouvoir  de  pécher 
et  de  mourir.  Jésus  -  Christ ,  pour  sauver 
l'homme,  a  pris  de  ces  trois  états  ce  qui 
pouvait  convenir  à  son  humanité  par  rap- 
port à  l'opération  de  notre  salut.  Il  a  pris  du 
troisième  état,  l'assujettissement  à  la  mort; 
du  premier ,  l'impeccabilité  à  laquelle  se- 
rait parvenu  l'homme,  s'il  eût  été  fidèle  ù 
Dieu,  et  du  second,  les  fonctions  propres  à 
l'homme,  comme  de  boire,  manger  et  dor- 
mir. D'où  Boëce  conclut  que  ce  n'est  pas 
seulement  la  chair  d'Adam  pécheur  que  Jé- 
sus-Christ a  prise;  mais  celle  d'Adam  inno- 
cent, ce  qu'il  a  été  en  effet,  et  Adam  impec- 
cable, ce  qu'il  aurait  dû  être,  s'il  eût  de- 


dicit  et  in  utrisque  naturis  Christum ,   et  ex  utrisque 
consistere,  lit  utrisque  quidem,  quia  rnunent  utrœque  ; 


ex  utrisque  vero,  quia  utrarumque  adunaiione  manen- 
tium  una  persona  sit  Christi,  Ibid. 


654 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


meure  dans  l'obéissance  qu'il  devait  à  Dieu. 
Tel  est  l'ouvrage  de  Boëce,  intitulé  :  Des 
Deux  natures.  Le  style  en  est  extrêmement 
concis,  ce  qui  le  rend  très-obscur.  Gilbert  de 
la  Porrée,  évéque  de  Poitiers,  a  essayé  de 
l'expliquer  par  un  très-long  commentaire;- 
mais  ses  recherches  n'ont  servi  qu'à  rendre 
le  texte  de  Boëce  encore  plus  obscur.  Ce 
commentaire  se  trouve  à  la  suite  du  traité 
des  Deux  natures,  dans  l'édition  de  Bâle  en 
l'an  1570.  Boëce  donne  à  la  fin  de  ce  traité 
des  marques  de  sa  modestie  et  de  son  humi- 
lité, en  reconnaissant  d'un  côté,  que  d'autres 
peuvent  avoir  traité  la  matière  mieux  que 
lui,  et  en  témoignant  être  disposé  de  préfé- 
rer le  sentiment  des  autres  au  sien,  s'il  se 
trouvait  qu'il  se  fût  égaré;  et  en  confessant 
de  l'antre,  que  tout  ce  qu'il  pouvait  y  avoir 
de  bon  et  de  bien  dit  dans  cet  écrit,  ne  ve- 
nait pas  de  lui,  mais  de  Dieu  qui  est  la  plé- 
nitude de  tout  bien  ,  et  la  source  d'où  il  dé- 
coule sur  nous. 

§n. 

Du  livre  de  l'Unité  de  Dieu,  et  du  livre  inti- 
tulé :  Si  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit 
peuvent  être  affirmés  substantiellement  de  la 
divinité,  et  du  traité  qui  a  pour  titre  :  Si 
tout  ce  qui  est,  est  bon. 

Livre  do       1.  Les  difScultés  qui  s'élevaient  de  iouren 

l'Unité  de  -,■,•■,  , 

Tiieu.  jour  sur  la  religion  ',  et  surtout  à  1  égard  de 

certains  termes  que  l'on  inventait  pour  rap- 
procher notre  foi  des  idées  ordinaires  et  de 
la  portée  commune  des  hommes,  engagèrent 
Boëce  à  composer  deux  autres  traités,  dont 
l'un  a  pour  but  de  montrer  comment  la  tri- 
nité  est  un  seul  Dieu,  et  non  pas  trois  dieux, 
et  l'autre,  que  l'on  ne  pouvait  dire  que  la  di- 
vinité était  substantiellement  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit.  Il  adressa  le  premier  à 
Symmaque,  voulant  qu'il  en  fût  le  juge  et  le 
censeur  :  protestant  qu'il  l'avait  entrepris  , 
non  pour  donner  plus  de  poids  ni  d'autorité 
à  la  foi,  qui  n'en  peut  recevoir  par  aucune 
raison  humaine,  mais  pour  appuyer  par  la 
raison  ce  que  la  foi  enseigne,  et  montrer  que 
si  elle  s'élève  au-dessus  de  la  raison,  elle  ne 
la  détruit  pas  et  ne  propose  rien  qui  lui  soit 
contraire.  Ce  traité  est  conçu  en  des  termes 
très-abstraits,  qui  marquent  combien  Boëce 
était  versé  dans  les  subtilités  de  la  philoso- 
phie péripatéticienne.  Il  déclare  assez  nette- 

*  Tom.  n,  pag.  1120. 


ment,  dans  son  prologue,  qu'il  avait  choisi 
cette  manière  d'écrire  tout  exprès  pour  ne 
se  rendre  intelligible  qu'à  un  certain  nombre 
de  personnes  à  qui  les  termes  nouveaux 
qu'il  emploie  étaient  connus,  et  que  c'est 
dans  le  même  dessein  qu'il  a  affecté  un  style 
très-concis.  Dès  le  commencement  de  cet 
ouvrage,  il  remarque  que  plusieurs  sectes 
ont  usurpé  le  nom  de  Chrétien,  mais  qu'il 
n'appartient  proprement  qu'à  l'Eglise,  qui  est 
nommée  Catholique,  tant  parce  qu'elle  est 
répandue  partout  jusqu'aux  extrémités  de 
l'univers,  que  parce  que  ses  dogmes  et  ses 
lois  s'étendent  généralement  à  tous  les  hom- 
mes qui  font  profession  de  sa  foi.  Il  enseigne 
que  celte  foi  consiste  à  reconnaître  et  à  ado- 
rer un  Dieu  Père,  un  Dieu  Fils  et  un  Dieu 
Saint-Esprit;  mais  de  manière  que  ces  trois 
personnes  ne  font  qu'un  seul  Dieu  et  non  pas 
trois  dieux.  11  prouve  l'unité  de  Dieu  par  la 
raison  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  diversité  dans 
la  nature  divine,  à  cause  qu'on  n'y  trouve 
ni  genre,  ni  espèce,  ni  accident,  qui  sont  les 
seules  sources  de  la  diversité.  Il  fait  voir  que 
les  ariens,  en  attribuant  au  Père  des  perfec- 
tions qu'ils  disaient  ne  pas  convenir  au  Fils, 
étaient  nécessités  de  dire  que  le  Fils  est  au- 
tre chose  que  le  Père,  et  conséquemment 
qu'il  y  avait  de  la  diversité  dans  la  nature 
divine;  mais  que  les  catholiques  ne  tom- 
baient point  dans  cette  erreur,  n'admettant 
aucune  qualilé,  aucune  perfection  dans  le 
Père,  qui  ne  fût  dans  le  Fils  et  dans  le  Saint- 
Esprit.  11  ajoute  que,  ne  pouvant  y  avoir  de 
diflerence  ni  générique,  ni  spécifique,  ni  nu- 
mérale dans  les  trois  Personnes  divines,  elles 
conservaient  entr'elles  une  parfaite  unité  de 
substance,  et  une  entière  égalité  dans  les 
perfections.  Si  l'on  répète  trois  fois  le  nom 
de  Dieu  lorsque  l'on  nomme  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit,  ces  trois  unités  ne  font  pas 
une  pluralité  de  nombres,  ce  n'est  qu'une 
répétition  de  l'unité. 

2.  Boëce  reconnaît  que  la  trinilé  de  per-  j,,|s„„ 
sonnes  en  un  seul  Dieu  est  un  mystère  in-  p°ého'ns"S 
compréhensible.  La  raison  qu'il  en  donne,  jlTrïS'' 
c'est  quô  la  nature  divine  étant  une  forme 
très-simple  qui  ne  peut  fournir  aucune  image 
à  notre  imagination,  notre  entendement  dont 
toutes  les  connaissances,  dans  l'état  de  la  vie 
présente,  dépendent  de  l'imagination  et  des 
sens,  demeure  dans  l'inaction  quand  il  s'agit 
d'approfondir  ce  mystère  qui  est  au-dessus 
de  sa  portée.  Venant  au  fond  du  mystère, 
il  fait  voir  que  l'idée  la  plus  parfaite  de  Dieu, 


CHAPITRE  LU.  —  BÔEGE,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


[VI'  SliCLE.] 

est  celle  qu'il  nous  a  donnée  lui-même,  lors- 
qu'il a  dit  :  Je  suis  celui  qui  est  :  termes  qui 
nous  font  comprendre  que  Dieu  est  une  forme 
très-simple,  sans  aucune  partie,  et  consé- 
quemment  qu'il  est  indivisible,  parce  qu'il 
n'y  a  que  la  forme  qui  donne  l'être.  Par 
exemple  une  statue,  soit  de  bronze,  soit  de 
pierre,  n'est  point  une  statue  par  la  matière 
dont  elle  est  composée,  mais  par  la  forme  et 
la  figure  empreinte  sur  cette  matière.  De 
plus,  si  c'est  la  forme  et  non  pas  la  matière 
qui  donne  l'être,  c'est  une  conséquence  né- 
cessaire que  Dieu  n'ait  point  de  matière  et 
qu'il  soit  tout  esprit,  puisqu'il  est  tout  être. 
On  ne  peut  pas  dire  la  même  chose  des  créa- 
tures, parce  qu'il  n'y  en  a  aucune  qui  soit 
ce  qu'elle  est,  puisqu'elle  n'est  telle  que  par 
les  parties  dont  elle  est  composée,  et  non 
par  elle-même,  et  que  les  parties  qui  la  com- 
posent étant  unies  ensemble ,  déterminent 
son  être.  Ainsi  le  corps  et  l'âme  constituent 
l'homme,  et  l'homme  n'est  ni  son  corps  ni 
son  âme  :  son  essence  consiste  dans  l'union 
de  ces  deux  parties.  De  la  simplicité  de  la 
forme  de  Dieu  découlent  tous  les  attributs  et 
toutes  les  prérogatives  de  la  divinité;  son 
indépendance,  puisqu'elle  subsiste  par  elle- 
même  ;  sa  toute-puissance ,  puisqu'elle  ne 
tire  son  pouvoir  d'aucun  être  qui  soit  diffé- 
rent d'elle-même,  et  son  unité  indivisible, 
puisqu'elle  n'est  composée  d'aucunes  parties 
qui  puissent  être  les  membres  de  la  divinité 
et  donner  lieu  à  la  pluralité.  Dans  les  créa- 
tures, soit  corporelles,  soit  spirituelles,  les 
accidents  sont  reçus  dans  le  sujet,  les  acci- 
dents corporels  dans  la  matière,  les  acci- 
dents spirituels  dans  l'être  spirituel.  Mais 
dans  Dieu  il  n'y  a  aucun  accident,  et  dès 
lors  il  est  immuable,  par  conséquent  éter- 
nel. 

3.  Mais  s'il  est  un  et  indivisible,  et  qu'il  ne 
puisse  y  avoir  en  lui  ni  nombre  ni  pluralité, 
pourquoi  répétons-nous  trois  fois  le  nom  de 
Dieu  en  disant  :  «  Le  Père  est  Dieu,  le  Fils 


655 


est  Dieu,  le  Saint-Esprit  est  Dieu  ?  »  L'unité 
répétée  plusieurs  fois  ne  fait -elle  pas  un 
nombre,  et,  par  une  suite  nécessaire,  plura- 
lité? Boëce,  pour  répondre  à  cette  objection, 
distingue  deux  sortes  d'unité  ',  l'une  numé- 
rale, et  l'autre  numérante,  comme  s'il  disait 
que  pour  faire  nombre,  il  ne  suffit  pas  de 
mullipher  l'unité  qui  compte,  qu'il  faut  en- 
core multiplier  l'unité  de  la  chose  qui  est 
comptée.  En  ce  sens  l'unité  numérale  répé- 
tée plusieurs  fois,  fait  nombre,  et  l'unité- nu- 
mérante, quoique  répétée,  ne  fait  pas  nom- 
bre. Il  s'explique  par  cet  exemple  :  «  Quand 
je  dirais  trois  fois  :  Soleil,  soleil,  soleil,»  cela 
ne  ferait  pas  trois  soleils,  ce  ne  serait  qu'une 
répétition  de  la  même  chose.  De  même,  lors- 
que je  dis  :  «  Le  Père  est  Dieu,  le  Fils  est 
Dieu,  le  Saint-Esprit  est  Dieu,  »  cela  ne  fait 
pas  trois  dieux  ;  c'est  une  répétition  de  la 
même  divinité  attribuée  au  Père,  au  Fils  et 
au  Saint-Esprit.  Néanmoins  les  termes  de 
Père,  de  Fils  et  de  Saint-Esprit,  ne  peuvent 
être  regardés  comme  synonymes,  ainsi  que 
le  sont  les  termes  d'épée,  de  glaive  et  de 
coutelas  :  la  raison  en  est  que  l'épée,  le 
glaive  et  le  coutelas  sont  non-seulement  une 
même  chose,  mais  que  l'un  est  encore  l'au- 
tre; au  lieu  que  dans  Dieu,  quoique  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  soient  une 
même  chose,  l'un  n'est  cependant  pas  l'au- 
tre, parce  que  dans  les  termes  relatifs,  quoi- 
que l'un  ne  puisse  être  sans  l'autre,  il  est 
impossible  que  l'un  soit  l'autre.  Il  n'y  a  point 
de  Père  sans  Fils,  mais  il  ne  se  peut  que  le 
Père  soit  Fils,  ou  que  le  Fils  soit  Père.  » 
Boëce  montre  que  les  attributs  de  Dieu , 
comme  sa  justice,  sa  puissance,  sa  bonté, 
n'étant  autre  que  Dieu  même,  conviennent 
également  aux  trois  personnes,  et  qu'ils  en 
sont  inséparables  :  au  lieu  que  ce  ne  sont 
que  des  accidents  dans  les  créatures  , 
l'homme  pouvant  être  homme  sans  être 
grand  ou  juste.  Il  ajoute  qu'on  ne  peut  dire  ^ 
qu'il  est  arrivé  quelque  chose  à  Dieu  qui  l'a 


1  Numerus  duplex  est  :  unus  quidem  quo  numera- 
mus;  alter  vero  qui  in  rébus  numeralibus  constat... 
in  numéro  quo  numeramus ,  repefitio  uniiatum  facit 
pluralitatem  ;  in  rerum  vero  numéro,  non  facit  plura- 
litatem  uniiatum  repetitio.  Boet.,  lib.  I,  pag.  1123. 

2  Neque  accessisse  dici  potest  aliquid  Deo  ut  Pater 
fieret.  Non  enim  cœpit  esse  unquam  Pater,  eo  quod 
substantiulis  quidem  ei  est  productio  Fitii ,  relaiiva 
vero  prœdicaiio  Patris.  At  si  meminimus  omnium  in 
prioribus  de  Deo  senlentiarum ,  ita  cogitemus  proces- 
sisse  quidem  ex  Deo  Pâtre  Filium  Demn,  et  ex  uiris- 
que  Spiritum  Sancium  ;  hos,  quoniam   incorporâtes 


sunt,  minime  tocis  dislare.  Quoniam  vero  Pater  Deus, 
et  Filius  Deus ,  et  Spiritus  Sanctus  Deus ,  Deus  vero 
quoniam  nullas  differentias  habet ,  quibus  différât  a 
Deo,  a  nullo  eorum  differt.  Differentiœ  vero  ubi  sunt; 
abest  pluralitas,  et  ubi  abest  pluralitas,  adest  unitas. 
Nihil  aliud  gigni  potuil  ex  Deo  nisi  Deus  :  et  in  rébus 
numerabilibus  repetitio  unitatum,  non  facit  modis 
omnibus  pluralitatem.  Trium  igitur  idonee  constiluta 
est  unitas  :  sed  quoniam  nulla  relatio  ad  seipsum  re- 
ferri  potest,  idcirco,  quod  ea  secundum  seipsum  est 
prœdicaiio,  quœ  relations  caret.  Facta  quidem  est 
Trinitatis  numerositas,  in  eo  quod  est  prœdicaiio  relw 


6:iQ 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rendu  Père,  parce  qu'il  n'a  jamais  commencé 
d'être  Père,  la  production  de  son  Fils  éma- 
nant de  sa  substance,  et  la  qualité  de  Père 
étant  purement  relative.  Donc  le  Fils  est 
Dieu,  étant  émané  de  la  substance  du  Père, 
et  le  Saint-Esprit  est  Dieu,  étant  aussi  émané 
du  Père  et  du  Fils.  Le  Père  est  Dieu,  le  Fils 
est  Dieu,  le  Saint-Esprit  est  Dieu ,  parce  qu'en 
Dieu  il  ne  se  trouve  aucune  différence  par 
laquelle  Dieu  puisse  différer  de  Dieu  ,  et 
c'est  pour  cela  que  toutes  les  trois  personnes 
ne  sont  qu'un  même  Dieu.  Car  il  n'y  a  point 
de  diversité  où  il  n'y  a  point  de  pluralité, 
et  où  il  n'y  a  point  de  pluralité,  se  trouve 
une  parfaite  unité  :  rien  n'a  pu  être  engen- 
dré de  Dieu,  que  Dieu.  Comme  dans  les  cho- 
ses qui  se  comptent,  la  répétition  des  unités 
ne  fait  point  leur  pluralité;  l'unité  des  trois 
personnes  demeure  toujours  incontestable- 
ment établie ,  et  parce  qu'aucune  relation 
n'est  relation  à  elle-même,  et  doit  nécessai- 
rement se  rapporter  à  une  autre;  c'est  ce  qui 
donne  lieu  à  la  pluralité  des  personnes.  La 
trinité  se  compte  donc ,  et  elle  est  de  plu- 
sieurs par  rapport  à  la  relation;  mais  l'uniié 
demeure  toujours  la  même  quant  à  la  subs- 
tance, parce  qu'il  ne  se  trouve  aucune  diffé- 
rence dans  la  substance  ni  dans  l'opération. 
La  substance  divine  contient  donc  l'unité,  et 
la  relation  des  personnes  fait  la  trinité.  C'est 
pourquoi  nous  nommons  séparément  les 
trois  Personnes  divines  :  car  celui  qui  est  le 
Père  n'est  pas  le  Fils,  et  ni  l'un  ni  l'autre  ne 
sont  pas  le  Saint-Esprit.  Cependant  le  même 
Dieu  est  Père,  Fils  et  Saint-Esprit;  le  même 
est  juste,  grand,  tout-puissant,  et  sa  justice 
et  sa  toute-puissance  sont  son  être  :  il  se 
trouve  toujours  le  même  en  tout  ce  qui  peut 
être  énoncé  de  Dieu  substantiellement.  Or  il 
est  bon  de  savoir  que,  comme  pour  établir 
une  parfaite  relation,  il  n'est  pas  nécessaire 
que  les  deux  termes  de  la  relation  soient 
différents  l'un  de  l'autre,  tels  que  le  sont  par 
exemple,  le  maître  et  le  serviteur,  le  Père 
et  le  Fils  dans  la  nature  humaine,  parce  que 
la  relation  se  trouve  même  dans  deux  cho- 


tionis  :  servula  vero  imitas  in  eo  quod  est  indiffèrent ia, 
vel  substaniiœ ,  vel  operationis ,  omnino  ejus ,  quœ  se- 
cundum  se  diciiur  prœdicaiionis .  Ita  igitur  substantia 
continet  unilatem  :  relatio  vero  multiplicat  trinita- 
tem  :  atque  ideo  sola  sigillatim  proferuntur  atque  se- 
paratim ,  quœ  relationis  sunt.  Nam  idem  Pater  qui 
Filivs  non  est  :  nec  idem  uterque,  qui  Spiritus  Sanctiis. 
Idem  tamen  Deus  est  Paier,  et  Filius  et  Spiritus 
Saucius.  Idem  justus,  idem  bomis,  idem  magnus.  Idem 


ses  égales,  qui  sont  égales  à  une  troisième, 
par  le  rapport  que  leur  égalité  leur  donne, 
selon  cet  axiome  :  «  Tout  égal  est  égal  à  un 
égal,  »  il  n'est  pas  non  plus  nécessaire  que  les 
termes  des  relations  divines,  pour  fonder  i:nc 
parfaite  relation,  soient  différents  substan- 
tiellement l'un  de  l'autre,  et  la  relation  qui 
se  trouve  entr'elles,  est  celle  d'un  égal  à  un 
égal.  Gilbert  de  la  Porrée  a  aussi  commenté 
ce  traité,  et  c'est  dans  ce  commentaire  qu'il 
a  avancé  plusieurs  propositions  que  l'on  a 
taxées  d'erreurs  :  celle,  entr'autres,  où  il  a 
donné  à  Dieu  une  forme  qui  n'est  pas  Dieu 
même,  mais  par  laquelle  il  est  Dieu,  et  que 
ce  théologien  appelle  déifé.  Il  est  à  remar- 
quer que  Boëce,  pour  exprimer  la  généra- 
tion du  Fils  et  la  spiration  du  Saint-Esprit, 
se  sert  également  du  terme  àe.  procession. 

4.  Dans  le  traité  suivant,  qui  est  adressé  à  Tniié,s 
Jean ,  diacre  de  l'Eglise  romaine ,  Boëce  Irii  \1 
examine  si  l'on  peut  dire,  comme  le  disaient  reTam? 
quelques-uns,  que  le  Père,  le  Fils  elle  Saint-  ucMemVni 
Esprit  peuvent  être  affirmés  substantielle-  '  """°" 
ment  de  la  divinité  '.  Ce  traité  est  en  forme 
de  lettre  :  Boëce,  après  s'y  être  expliqué  sur 
cette  proposition  de  la  manière  qu'il  croyait 
la  plus  conforme  aux  principes  de  la  foi,  prie 
Jean  de  lui  marquer  ce  qu'il  en  pensait,  de 
lui  apprendre  ce  qu'il  devait  croire  pour 
être  bon  catholique,  et  de  soutenir  le  dogme 
par  des  raisonnements  humains,  afin  que  la 
foi  et  la  raison  se  prêtant  mutuellement  du 
secours,  la  vérité  s'affermit  davantage.  Ce 
petit  traité  roule  sur  ce  principe,  que  les 
attributs  absolus  se  peuvent  affirmer  de 
Dieu  substantiellement,  et  conséquemment 
de  toutes  les  Personnes  divines,  parce  que, 
possédant  toutes  les  trois  toute  la  divinité 
en  substance  et  toutes  les  perfections  de 
cette  nature,  il  faut  que  tout  ce  qui  se  dit 
substantiellement  de  la  nature  divine ,  se 
puisse  affirmer  de  chaque  personne  en  par- 
ticulier. Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  des  attri- 
buts relatifs.  On  ne  peut  pas  dire  du  Fils 
qu'il  est  le  Père,  ni  du  Saiut-Esprit  qu'il  est 
le  Père  ou  le  Fils,  ni  conséquemment  que 


omnia  quœ  secundum  se  poterunt  prœdicari  :  sane 
sciendum  est  non  semper  talem  esse  relativam  prœ- 
dicationem ,  ut  semper  ad  differens  prœdicelur  : 
est  servus  ad  dominum,  differunt  enim.  Nam  sequale 
omni  œquali  œquale  est  :  et  similis  relatio  est  in 
Trinitate  Patris  ad  Filium,  et  utrimque  ad  Spiritum 
Sanctum  :  ut  ejus  quod  est  idem  ad  id  quod  est  idem. 
Boet.,  lib.  I,  pag.  1127. 
1  Tom.  II,  pag.  1171. 


CHAPITRE  Lit.  —  BOECE,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


[Vl"   SIÈCLE.] 

la  divinité  soit  le  Père,  le  Fils  ou  le  Saint- 
Esprit,  quoiqu'elle  soit  renfermée  dans  ces 
trois  personnes.  Au  contraire,  on  dit  bien 
de  chacune  des  trois  personnes  qu'elle  est 
la  sagesse,  la  vérité,  la  bonté  et  la  justice, 
parce  que  ces  termes  marquant  des  attributs 
absolus,  c'est-à-dire  sans  dépendance,  sans 
relation  et  sans  rapport  à  aucune  autre,  ils 
peuvent  être  affirmés  substantiellement  de 
la  divinité,  comme  convenant  tous  à  chaque 
personne  divine,  au  Père  comme  au  Fils,  et 
au  Fils  comme  au  Saint-Esprit.  Ce  principe 
posé,  Boëce  s'explique  en  ces  termes  sur  la 
proposition  qui  fait  la  matière  de  son.  traité  : 
«  La  Trinité  consiste  dans  la  plurahté  des 
personnes  ',  et  l'unité  dans  la  simplicité  de 
la  substance.  Que  si  les  personnes  sont  divi- 
sées, et  la  substance  indivisible,  il  est  néces- 
saire que  le  terme  qui  tire  son  origine  des 
personnes,  ne  se  rapporte  point  à  la  subs- 
tance :  or  la  divei'sité  ou  distinction  des  per- 
sonnes constitue  la  Trinité  :  donc  la  Trinité 
ne  peut  s'afBrmer  de  la  substance  ou  de  la 
nature  divine.  D'où  vient  que  ni  le  Père,  ni 
le  .Fils,  ni  le  Saint-Esprit,  ni  la  Trinité  ne 
peuvent  s'affirmer  substantiellement  de  Dieu, 
parce  que,  comme  on  l'a  dit,  ce  sont  là  des 
termes  relatifs.  Mais  ceux  de  Dieu,  de  vérité, 
de  justice,  de  bonté,  de  toute-puissance,  de 
substance,  d'immutabilité,  de  vertu,  de  sa- 
gesse et  autres  semblables,  peuvent  se  dire 
substantiellement  de  la  divinité,  parce  que 
ce  sont  des  termes  absolus  qui  marquent  des 
perfections  communes  à  chaque  personne 
divine. 

5.  Ce  fut  encore  au  diacre  Jean  que  Boëce 
adressa  le  traité  où  il  examine  si  tout  ce  qui 
existe  est  bon.  Jean  l'avait  prié  d'écrire  sur 
cette  matière  ^,  s'étant  trouvé  embarrassé 
dans  une  question  où  un  philosophe  mani- 
chéen lui  avait  demandé  comment  il  était 
possible  que  tout  être  fût  bon,  et  que  la  bonté, 
qui  n'est  point  un  être  substantiel,  pût  con- 
venir à  toutes  les  substances  en  vertu  de  leur 
être.  Boëce,  pour  résoudre  cette  question, 
pose  divers  principes,  dont  l'un  est  qu'il  faut 
mettre  une  différence  entre  la  substance  et 


657 


l'accident;  et  l'autre,  que  l'essence  des  cho- 
ses est  d'elle-même  si  simple,  qu'elle  ne 
souffre  point  de  composition.  Ensu?te  il  fait 
voir  que  les  créatures  n'étant  bonnes  que 
par  participation  de  la  bonté  même  de  l'être 
qui  les  a  créées,  tous  les  êtres  sont  à  cet 
égard  essentiellement  bons  ;  que,  toutefois, 
leur  bonté  est  bien  différente  de  celle  de 
Dieu,  non-seulement  parce  que  celle  de  Dieu 
est  immense  et  sans  bornes,  qualités  qui  ne 
conviennent  point  à  la  bonté  des  créatures, 
mais  encore  parce  que  l'on  ne  peut  concevoir 
que  la  nature  de  Dieu  ne  soit  point  la  bonté 
même  :  au  lieu  que  la  nature  des  êtres  créés 
n'est  bonne  que  par  participation  de  la  bonté 
incréée.  On  pourrait  objecter  qu'il  est  donc 
aussi  nécessaire  que  tous  les  êtres  créés 
soient  justes,  parce  que  celui-là  est  juste  qui 
a  voulu  qu'ils  existassent.  Mais  il  y  a  cette 
différence,  que  la  bonté  de  l'être  appartient 
à  son  essence,  et  que  la  justice  est  l'effet  de 
son  action;  tous  les  êtres  sont  donc  bons  es- 
sentiellement, ou  par  rapport  à  leur  nature 
et  à  leur  essence  :  mais  tous  ne  sont  pas  jus- 
tes, parce  que  tous  ne  travaillent  pas  à  ac- 
quérir la  justice. 

§m. 

De  la  Profession  de  foi  de  Boëce. 

1.  René  Vallin  a  fait  imprimer  à  Leyde  en 
1656,  une  Profession  de  foi  ',  qui,  dans  trois 
anciens  manuscrits,  l'un  de  Saint-Mam^-des- 
Fossés,  l'autre  de  la  bibliothèque  du  roi,  et 
le  troisième  de  l'abbaye  de  Saint-Victor, 
porte  le  nom  de  Boëce.  Le  style  fait  aussi 
connaître  qu'elle  est  de  lui  ;  et  l'on  ne  peut 
douter  que  ce  ne  soit  cette  Pi^ofession  de  foi 
que  Trithème  marque  parmi  les  œuvres  de 
ce  philosophe  chrétien  *,  sousle  titre  de  livre 
de  la  Foi.  Boëce  le  composa  dans  un  temps 
où  l'Eglise,  déchirée  par  les  schismes  et  les 
hérésies,  semblait  demander  de  lui  qu'il  fit 
connaître  publiquement  qu'il  ne  professait 
d'autre  foi  que  celle  qu'il  avait  reçue  dans  le 
sein  de  l'Eghse  catholique,  où  il  avait  été 
instruit  et  baptisé. 


IJoëcB  est 
auteur  de  la 
Profestioa  da 
foi  qui  porte 
sou  nom. 


*  Sed  trinitas  quidem  in  personarum  pluralitate 
consistit,  unilas  vero  in  subslanliœ  simplicitate.  Quod 
si  personœ  divisœ  sunt ,  substantia  vero  indivisa  sU , 
necesse  esl  vocabulum,  quod  ex  personis  originem  ca- 
pit,  id  ad  substanliam  non  pertinere  :  at  trinilatem 
personarum  diuersilas  facit.  Trinitas  igilur  non  per- 
tinet  ad  subitantium.  Quo  fit,  ut  neque  Pater,  neque 
Fitius,  neque  Spiritus  Sanclus,  nec  Trinitas,  de  Deo 
X. 


substantialiter  prœdicentur.  Sed,  ut  dictum  est,  ad 
aliquid.  Deus  vero,  veritas,  justitia,  bonilas,  omnipo- 
tentia,  substantia,  immutaOilitas,  virtus,  sopientia,  et 
quidquid  hujusmodi  excogitari  potest,  substantialiter 
de  divinitate  dicitur.  Boet.,  lib.  II,  pag.  1172. 

2  Tom.  II,  pag.  1181. 

3  Vallin.,  in  uotis,  pag.  98. 

*  Trithem.,  de  Script.  Eccles.,  pag.  223. 

42 


658 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


AnaiTse  de  2.  Cette  foi,  comme  il  le  remarque  d'a- 
b'o«  ■fe'iT.  bord,  est  établie  sur  l'autorité  des  deux  Tes- 
^?."l6b^!^p.'  taments,  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  :  mais 
elle  ne  s'est  répandue  dans  toute  la  terre 
que  depuis  l'avènement  de  Jésus-Christ.  D'où 
vient  qu'on  lui  donne  les  titres  de  foi  ou  de 
religion  chrétienne  et  catholique.  Elle  con- 
siste à  croire  que  la  substance  ou  la  nature 
divine  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
est  de  toute  éternité  et  avant  tous  les  temps; 
que  le  Père  est  Dieu  ',  que  le  Fils  est  Dieu, 
que  le  Saint-Esprit  est  Dieu,  que  ce  ne  sont 
pas  néanmoins  trois  dieux,  mais  un  seul;  que 
le  Père  a  un  Fils  engendré  de  sa  propre 
substance  et  qui  lui  est  coéternel,  mais  qui 
n'est  pas  le  même  que  le  Père  ;  que  le  Père 
n'a  jamais  été  Fils  ;  ni  le  Fils,  Père  ;  que  le 
Saint-Esprit  n'est  ni  Père,  ni  Fils,  n'étant  ni 
engendrant,  ni  engendré;  mais  qu'il  procède 
du  Père  et  du  Fils,  sans  que  nous  puissions 
expliquer  clairement  la  manière  de  celte 
procession,  non  plus  que  la  manière  dont  le 
Fils  est  engendré  de  la  substance  du  Père. 
Cette  foi  est  appuyée  sur  les  divines  Ecritu- 
res, dont  les  hérétiques  ne  comprenant  pas 
bien  le  sens,  sont  tombés  en  diverses  erreurs. 
Boëce  rapporte  celles  des  sabelliens,  des 
ariens  et  des  manichéens,  et  il  ajoute  que 
«Dieu,  sans  souffrir  aucun  changement  dans 
sa  nature,  a  volontairement  créé  le  monde, 
non  de  sa  substance,  de  peur  qu'on  ne  le 
crût  divin,  ni  d'une  matière  préexistante, 
afin  qu'on  ne  crût  pas  qu'il  y  eût  quelque 
chose  avant  le  monde  qui  existât  contre  la 
volonté  de  Dieu,  mais  de  rien,  par  sa  seule 
parole  ;  c'est  de  cette  sorte  qu'il  a  créé  les 
anges,  divisés  en  divers  ordres  pour  habiter 
le  ciel,  et  les  hommes  pour  habiter  la  terre  ; 
une  partie  de  ces  anges,  pour  avoir  voulu 
s'élever  au-dessus  des  prérogatives  de  leur 
nature,  a  été  précipitée  de  la  place  qu'elle 
occupait  dans  le  ciel,  et  pour  remplir  leur 
nombre,  qui  se  trouvait  diminué  par  leur 


chute,  Dieu  a  créé  l'homme  doué  de  la  raison 
et  du  libre  arbitre,  pour  l'associer  à  la  com- 
pagnie des  anges,  au  cas  qu'il  vécût  sans 
péché  dans  le  paradis  de  délices  où  il  le  mit 
aussitôt  après  l'avoir  formé  du  limon  de  la 
terre.  Le  démon,  cet  auteur  de  l'envie, 
ne  pouvant  souffrir  que  l'homme  montât  où 
il  n'avait  pu  demeurer  lui-même,  l'engagea, 
en  le  tentant,  lui  et  sa  femme  que  Dieu  lui 
avait  donnée  pour  compagne,  dans  les  sup- 
plices de  sa  désobéissance  ;  et  ils  déchurent 
l'un  et  l'autre  de  leur  état,  en  aspii-ant  par 
orgueil  à  la  divinité  que  le  tentateur  leur 
avait  fait  espérer.  C'est  par  la  révélation  de 
Dieu,  dit  Boëce  ^,  que  Moïse  a  appris  toutes 
ces  choses,  de  même  que  ce  qui  regarde  la 
condition  et  l'origine  du  genre  humain, 
comme  le  témoignent  les  livres  qu'il  a  écrits. 

3.  L'homme,  chassé  du  paradis  pour  avoir  p^„  ^ 
transgressé  le  précepte  de  son  Créateur,  fut 
réduit  à  cultiver  la  terre  :  banni  du  lieu  où 
il  avait  été  mis  avant  son  péché,  il  transporta 
ses  descendants  dans  des  pays  inconnus, 
après  leur  avoir  transmis  par  la  génération  la 
peine  dont  il  avait  été  châtié  lui-même  pour 
son  péché.  Cette  prévarication  a  causé  la 
corruption  des  âmes  et  des  corps,  et  enfin  la 
mort.  Adam  en  eut  l'expérience  dans  le 
meurtre  d'Abel,  son  fils.  Dieu  ayant  permis 
qu'il  survécût  à  ce  fils  afin  qu'il  vît  par  lui- 
même,  de  quelle  peine  sa  désobéissance  mé- 
ritait d'être  punie,  et  qu'il  fût  aussi  plus  tour- 
menté par  l'attente  d'un  semblable  sort.  Pe- 
lage, qui  n'admettait  point  le  mal  de  la  pré- 
varication ^,  que  le  premier  homme  avait 
transmis  naturellement  à  sa  postérité,  est 
tombé  dans  une  hérésie  qui  l'a  fait  exclure  de 
la  société  de  l'Eglise  catholique.»  Boëce  décrit 
en  peu  de  mots  les  suitesfâcheuses  du  péché 
d'Adam  :  les  dissensions,  les  guerres,  les  dé- 
règlements des  hommes,  que  Dieu  punit  par 
un  déluge,  dont  le  juste  Noé  fut  seul  délivré 
avec  ses  enfants.  Les  hommes  ayant  depuis 


'  Hœc  autem  religio  nosira,  quœ  vocafur  chrisiiana 
atquecatholica,  his  fundameniis  niiiiur  asserens  :  Ex 
œierno,  id  est ,  unie  mundi  conslUutionem  ,  divinam 
Patris,  ae  Fitii  et  Spiritus  Sancti  exstitisse  suhslan- 
tiam  :  ut  Deum  dicat  Patron,  Deum  Filium,  Deum 
Spiritum  Sanctum,  non  larnen  très  Deos,  sed  unum. 
Patrem  itaque  habere  Filium  ex  substantia  sua  geni- 
ium,  et  sibi  coœiernum,  quem  Filium  ealenus  confi- 
tetur  fides,  ut  non  sit  idem  qui  Pater,  neque  Patrem 
aliquando  fuisse  Filium...  Sanctum  vero  Spiritum 
neque  Patrem  esse,  nequc  Filium  ;  atque  ideo  nulla 
nalura,  neque  genilum,  neque  generantem,  sed  a  Paire 
quoque  procedentem  et  Filio.  Quis  sit  tanlum  proces- 


sionis  isiiiis  modussita  non  possumus  evidenter  dicere, 
quemadmodum  generutionem  Filiiex  paierna  substan- 
tia non  potest  humanus  animus  œslimare.  Boet.,  Cou- 
fess.  fidei,  pag.  17-2. 

2  Hœc  autem  révélante  Deo  Moysi  famulo  suo  com- 
perfa  sunt,  cui  etiam  humani  generis  conditionem 
atque  originem  voluit  innotescere ,  iicut  ab  eo  libri 
prolati  testantur.  Ibid.,  pag.  175. 

'  Hoc  autem  prœvaricationis  malum  quod  in  posteras 
naluraliter  primus  homo  transmisit,  quidam  Pelagius 
non  udmitlens ,  proprii  nominis  hœresim  dedicovit; 
quam  calholica  fides  a  consoriio  suo  mox  repulisse 
probatur.  Ibid.,  pag.  176. 


CHAPITRE  LU.  —  I30ECE,  SENATEUR  ROMAIN. 


[VI"  SIÈCLE.] 

recommencé  à  se  multiplier,  les  vices  s'aug- 
mentèrent avec  eux.  Dieu,  qui  ne  voulait  plus 
les  punir  par  un  nouveau  déluge,  aima  mieux 
choisir  quelqu'un  d'entre  eux,  pour  en  faire 
naître  son  propre  Fils  selon  la  chair.  Il  choisit 
la  race  d'Abraham. 

178.  4.  Boëce  en  fait  succinctement  la  généa- 
logie, raconte  le  séjour  desdescendants  de  ce 
patriarche  en  Egypte,  leur  sortie  miraculeuse 
de  ce  pays,  le  passage  de  la  mer  Rouge,  la 
promulgation  de  la  loi  donnée  à  Moïse  sur  le 
mont  Sinaï,  les  victoires  des  Israélites  sur  les 
nations  infidèles,  leur  établissement  dans  la 
terre  promise,  les  diverses  formes  de  leur 
gouvernement,  dont  la  dernière  fut  par  des 
rois,  qui  tous  furent  tirés  de  la  tribu  de  Juda, 
jusqu'à Hérode qui  était  étranger.  «Ce  fut  sous 
son  règne  que  vécut  la  bienheureuse  Vierge 
Marie  :  issue  de  la  race  de  David,  qui  était  la 
famille  royale,  ce  fut  d'elle  que  le  Créateur 
du  monde  voulut  naître.  Jusque-là  Dieu  avait 
envoyé  à  son  peuple  des  prophètes  et  d'au- 
tres saints  personnages  pour  les  conduire 
dansles  voies  du  salut;  mais  ce  peuple  indo- 
cile mit  à  mort  la  plupart  de  ceux  qui  s'etfor- 
çaient  de  le  retirer  de  ses  dérèglements.  » 

,;5,  5.  «Dieu  donc,  dansles  derniers  temps', en- 
voya son  Fils  unique,  qu'il  fit  naître  d'une 
Vierge,  afin  que  le  salut  du  genre  humain, 
qui  était  péri  par  la  désobéissance  du  premier 
homme,  fût  rétabli  par  un  Homme-Dieu  ;  et 
parce  qu'une  femme  avait  causé  la  mort  au 
premier  homme  en  lui  persuadant  la  déso- 
béissance aux  ordres  du  Créateur,  une  autre 
femme  apportât  aux  hommes  la  source  de  la 
vie.  On  ne  doit  pas  regarder  comme  vile  la 
naissance  du  Fils  de  Dieu,  parce  qu'il  est  né 
d'une  Vierge.  Sa  conception  et  sa  naissance 
sont  au-dessus  de  l'ordinaire  de  la  nature. 
C'est  par  l'opéj'ation  du  Saint-Esprit  que 
cette  Vierge  a  conçu  le  Fils  de  Dieu  :  elle  l'a 


639 


enfanté  vierge,  et  elle  est  demeurée  vierge 
après  son  enfantement.  Le  Fils  qu'elle  a  en- 
gendré ^,  est  en  même  temps  Fils  de  Dieu  et 
Fils  de  l'homme  ;  en  sorte  qu'on  voyait 
rayonner  en  lui  la  splendeur  de  la  nature 
divine,  et  qu'on  y  voyait  aussi  les  faiblesses 
de  la  nature  humaine.  Quelque  vraie  que 
fût  cette  doctrine,  il  s'est  trouvé  des  hommes 
qui  l'ont  combattue,  entre  autres  Neslorius  et 
Eutychès.  C'est  selon  la  chair  que  Jésus- 
Christ  a  cru  :  il  a  été  baptisé,  voulant  prati- 
quer le  premier  ce  qu'il  enseignait,  et  se  sou- 
mettre à  une  loi  dont  il  devait  lui-même  donner 
la  forme  aux  autres.  Après  son  baptême,  il  se 
choisit  douze  disciples,  dont  un  le  livra  aux 
Juifs,  qui  lui  firent  souffrir  le  supplice  de  la 
croix.  Il  demeura  trois  jours  et  trois  nuits 
dans  le  tombeau,  puis  il  ressuscita  d'entre 
les  morts,  et  monta  au  ciel,  laissant  k  ses 
disciples  la  forme  du  baptême  qu'ils  de- 
vaient administrer,  les  instructions  néces- 
saires et  le  pouvoir  de  faire  des  miracles, 
pour  leur  faciliter  le  progrès  de  l'Evangile, 
qu'il  les  chargea  d'annoncer  à  toute  la  terre. 
Avec  le  baptême,  il  institua  d'autres  sacre- 
ments 3,  comme  des  remèdes  certains  aux 
plaies  que  le  péché  avait  faites  à  la  nature 
humaine,  particulièrement  à  celles  que  lui 
avait  causées  le  péché  du  premier  homme. 
Blessée  de  la  sorte,  elle  ne  devait  s'attendre 
qu'à  des  supplices  éternels,  n'étant  pas  ca- 
pable de  se  procurer  le  salut.  Ainsi  les  bien- 
faits de  Jésus-Christ  l'ont  mise  en  état  de  re- 
connaître que,  par  sa  nature,  elle  n'était  digne 
que  de  la  peine,  et  que  ce  n'est  que  par  la 
grâce  du  Sauveur  qu'elle  en  est  délivrée  : 
grâce  qui  ne  peut  être  attribuée  à  aucun  mé- 
rite qui  soit  dans  l'homme,  puisque,  si  elle 
était  due  à  ses  mérites,  elle  ne  serait  plus 
appelée  grâce.  » 
6.  «La  doctrine  céleste  de  l'Evangile  s'étant  p^j.  ui. 


1  Atque  jam  in  uliionis  iemporibus  non  propheias, 
neque  altos  sibi  placiios,  sed  ipsum  unigenitum  sumn 
Deus  per  virginem  nasoi  constitua,  ut  humaiia  salus 
quœ  per  primi  hominis  inobelientiam  deperierat,  per 
hominem  Deum  rursus  repararetur.  Et  quia  exstiteral 
mulier,  quœ  causam  mortis  primo  vira  suaserat,esset 
hœc  secunda  mulier,  quœ  vitce  causam  humants  visce- 
ribus  adporiaret  :  nec  vile  videatur  quod  Dei  Fiiius 
ex  Virgine  natus  est,  quoniam  prœter  naiurœ  modum 
conceptus  et  editm  est.  Virgo  itaque  de  Spiritu  Sancto 
incarnatum  Dei  Filium  concepit ,  virgo  peperit,  post 
ejus  editionem  virgo  permansit.  Ibid.,  pag.  179. 

^  Atque  hominis  factus  est  idemque  Dei  Fitius  ;  ita 
ut  in  eo  divinœ  naturœ  radiaret  splendor,  et  humunœ 
fragilitatis  appareret  assumptio.  Sed  huic  tam  sanœ 
utque  veracissimœ  fidei  exsliterant  muUi  qui  diversa 


garrirent  :  et  prœter  alios,   Ncstorius  et  Eutychès  re- 
pertores  hœreseos  cxstiierunt .  Ibid.,  pag.  180. 

3  Dat  ergo  formam  discipulis  suis  baptizandi,  do- 
cendi  salutaria ,  efficienliam  guoque  miraculorum , 
atque  in  universum  mundum  ad  vitam  prœcipit  in- 
troire...  et  quoniam  humanum  genus  naiurœ  mérita 
quam  ex  primo  prœvaricatore  contraxerat,  œternœ 
pœnœ  jaculis  fuerat  vulneratum ,  nec  saluti  suœ  erat 
idoiieum,  quod  eam  in  parente  perdiderat,  medicinalia 
quœdam  tribuit  sacramenta  :  ut  agnnsceret  aliud  sibi 
deberi  per  nuturœ  meritum,  aliud  p/er  gratiœ  donum. 
Ut  natura  nihil  aliud  nisi  pœnœ  submitteret,  grutia 
vero  quœ  nullis  meriiis  attributa  est,  quia  nec  gratia 
diceretur,  si  meriiis  iribuercfur,  totum  quod  est  salutis 
suœ  afferret.  Ibid.,  pag.  181, 


660 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


répandue  dans  tout  l'univers,  il  s'est  fait  une 
union  des  peuples  qui  l'ont  embrassée  :  on  a 
établi  des  Eglises,  et  il  s'est  formé  un  corps 
qui  a  rempli  toute  la  terre.  Le  chef  de  ce 
corps  est  Jésus-Clirist,  qui  est  monté  au  ciel 
pour  y  être  suivi  de  ses  membres,  mais  de 
ceux-là  seulement  qui,  avec  son  secours,  au- 
ront bien  vécu  sur  la  terre.  Car  c'est  là  le 
principal  point  de  notre  religion  *,  de  croire 
que  non-seulement  nos  âmes  ne  périssent 
point,  mais  que   nos  corps  mêmes,  que  la 
mort  paraissait  avoir  dissous,  ressusciteront 
dans  leur  ancien  état, pour  jouir  de  la  gloire.» 
pjg.  181,182.       7.  Boëce  dit  qu'on  peut  établir  en  trois 
manières  la  catholicité  "-  ou  l'universalité  de 
l'Eglise  répandue  par  tout  le  monde.  Il  sem- 
ble qu'il  veuille  parler  de  sa  doctrine,  car  il 
ajoute  que  ce  qu'elle  enseigne  est  fondé,  ou 
sur  l'autorité  des  Ecritures,  ou  sur  une  tra- 
dition universelle,  ou  sur  les  traditions  parti- 
culières et  propres  à  chaque  Eglise  :  mais  il 
met  celte  différence,  que  tout  le  corps  de 
l'Eglise  est  astreint  à  suivre  ce  qui  est  ensei- 
gné dans  les  Ecritures,  et  par  une  tradition 
universelle  ;  au  lieu  que  les  Eglises  particu- 
lières peuvent  avoir  des  usages  propres  à  la 
situation  des  lieux,  ou  de  la  volonté  de  ceux 
qui  les  gouvernent.  11  parle  du  compte  que 
chaque  homme  rendra  à  Dieu  après  la  mort, 
de  la  résurrection  générale,  de  la  résuri'ec- 
tion  particulière  des  justes  pour  la  vie  bien- 
heureuse et  éternelle,  de  la  destruction  gé- 
nérale qui  se  fera  de  tout  ce  qui  est  corrup- 
tible ;  de  la  récompense  due  aux  mérites  des 
hommes,  et  finit  en  disant^  que  la  béatitude 
consistera  dans  la  vision  de  Dieu,  que  les 
saints  connaîtront  autant  qu'une  créature  en 
est  capable;  que,  réparant  la  perte  des  anges, 
ils  rempliront  la  cité  céleste,  dont  le  Fils  de 
la  Vierge  est  le  roi,  où  la  joie  sera  éternelle, 
et  où  les  louanges  continuelles  du  Créateur 
feront  tout  le  plaisir,  la  nourriture  et  l'occu- 
pation des  bienheureux. 

'  Et  hoc  est  principale  religionis  noslrœ,  ut  creda- 
mus  non  soliim  animas  non  perire,  sed  ipsa  quoque 
corpora,  quœ  mortis  udventus  resolverai.  in  stutum 
pristinum  futwa  beatiludine  reparari.  Ibid. 

2  Hœc  ergo  Ecclesia  catholica  per  orbem  diffusa 
tribus  modis  probatur  existera.  Quidquid  in  ea  tenetur, 
aul  auctoriius  ed  Scriplururum,  aut  tradilio  univer- 
salis,  aul  cerie  propria  et  particularis  instruclio.  Sed 
aucloritate  Iota  constringitur,  uniuersali  iraditione 
majorum  nihilominus  tota,  privalis  vero  constitutio- 
nibus  et  propriis  informationibus  unaquœque  vel  pro 
locorum  varietate ,  vel  proui  cuique  bene  visum  est , 
ubsistit  et  reyiiur.  Ibid.,  pag.  182. 


8.  Voilà  ce  que  contient  en  substance  la 
Confession  ou  plutôt  l'Exposition  de  foi  de 
Boëce,  qui  est  appelée  par  Vallin  un  livre 
d'or,  parce  qu'en  effet  elle  est  une  des  plus 
suivies,  des  plus  exactes  et  des  plus  complè- 
tes que  nous  ayons  dans  l'antiquité.  11  est 
surprenant  que  depuis  l'an  1656,  auquel  cet 
éditeur  l'a  rendue  publique,  on  ne  l'ait  point 
réimprimée  dans  tant  de  recueils,  où  l'on  a 
inséré  un  grand  nombre  de  pièces  qui  avaient 
déjà  vu  le  jour,  et  dont  le  mérite  est  beau- 
coup au-dessous  de  celle-ci. 

§iv. 

Des  cinq  livres  de  la  Consolation  de  la 
philosophie, 

\ .  Avant  Henri  Lorit  *,  connu  sous  le  nom  }^ 
de  Glareanus,  on  ne  s'était  point  avisé  de  lioi"' 
contester  à  Boëce  les  cinq  livres  de  la  Conso- 
lation de  la  fjhilosophie.  Tout  le  monde  les  lui 
attribuait  sans  diflBculté  ^;  on  y  reconnaissait 
son  style  etson  génie.  Mais  Glareanus,  comp- 
tant pour  rien  toutes  ces  raisons,  les  a  reje- 
tées, par  cela  seul  qu'on  ne  lit  pas  une  seule 
fois  dans  ces  livres  le  nom  de  Jésus-Christ, 
que  Boëce  aurait  sans  doute  invoqué  dans  la 
malheureuse  situation  où  il  se  trouvait,  dans 
l'attente  continuelle  de  l'exécution  de  l'arrêt 
de  mort  prononcé  contre  lui  par  Théodoric. 
Mais  il  est  à  remarquer  que  ce  fut  aussi  dans 
la  prison  que  Boëce  composa  son  traité  de  la 
Trinité  ^,  et  qu'on  n'y  remarque  pas  une 
seule  fois  le  nom  de  Jésus-Christ.  Ainsi  l'ar- 
gument de  Glareanus  tombe  de  lui-même. 
Aussi  a-t-on  continué  depuis  à  regarder  le? 
livres  de  la  Consolation  comme  étant  indubita^ 
blement  de  Boëce.  Si  l'on  n'y  lit  pas  le  nom 
de  Jésus-Christ,  on  y  trouve  les  sentiments 
d'un  parfait  chrétien. 

2.  Us  sont  en  forme  de  dialogue,  que  Boëce 
feint  d'avoir  avec  la  Sagesse  incréée,  qu'il 
cache  sous  le  nom  de  Philosophie.  Cet  ou- 


*  Sola  ergo  nunc  est  fidelium  expectatio,  qua  cre- 
dimus  omnia  eorruptibilia  transitura ,  recepturos  pro 
meritis  singulos,  solumque  esse  prœmium  beatitudinis^ 
contemplatio7iem  conditoris;  tantatji  duntaxat,  qunnia 
a  creatura  ad  Crealorem  fieri  potest.  Ut  ex  eis,  repa- 
ralo  angelico  numéro,  superna  illa  civiias  implealur, 
ubi  rex  est  Virginis  Filius;  eritque  gaudium  sempi- 
ternum,delectatio,  cibus,opus,  laus  perpétua  Creatoris, 
Ibid.,  pag.  182. 

'  Glaroan.,  Prœfat.  ad  o;:er.  Boel. 

»  Honor.August.  lib.  IUrfeScr//j;.  Eccles.  ,càp.  xxii; 
Sigebert.  Geinbl.,  de  Script.   Ecoles.,   cap.   xxxvn, 

^  Sigebert.,  ibid. 


Ce 
eoDti 


[VP  SIÈCLE. 


CHAPITRE  LU.  —  BOECE,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


661 


vrage  est  partie  en  prose  et  partie  en  vers  de 
différentes  mesures  '.  II  est  divisé  en  cinq  li- 
vres. Boëce  commence  le  premier  par  des 
vers  élégiaques,  où,  après  avoir  exprimé  les 
motifs  de  sa  douleur,  il  dit  qu'il  n'y  a  rien  en 
ce  monde  sur  quoi  l'on  doive  faire  moins  de 
fond  que  sur  le  brillant  de  la  forlune  et  sur 
les  applaudissements  des  hommes,  ajoutant 
que  celui-là  n'était  pas  solidement  établi,  qui 
n'a  pu  éviter  de  tomber.  Il  raconte  ensuite, 
mais  en  prose,  comment,  s'entretenant  de  ces 
tristes  pensées,  appuyé  sur  son  lit,  la  Sagesse 
lui  apparut  sous  la  figure  d'une  vierge,  d'une 
beauté  admirable,  qui  portait  sur  le  bas  de  sa 
robe  trois  caractèresgrecs,dontrun  exprimait 
la  philosophie  pratique,  et  l'autre  la  spécula- 
tive; comment,  s'étant  approchée  de  lui,  elle 
avait  essuyé  ses  larmes  et  dissipé  Jes  ténè- 
bres dont  son  esprit  était  alors  offusqué.  11 
rapporte  au  long  les  discours  que  la  Sagesse 
lui  tint,  et  de  quelle  manière  il  lui  avait  lui- 
même  exposé  les  occasions  de  sa  disgrâce, 
disant  que  tout  sou  crime  était  d'avoir  voulu 
conserver  la  vie  et  l'honneur  du  sénat. 

3.  Le  livre  11=  renferme  les  motifs  que 
la  Sagesse  emploie  pour  le  consoler,  en  lui 
faisant  voir  d'un  côté  qu'il  ne  lui  était  rien 
arrivé  qui  n'eût  coutume  d'arriver  à  tous  les 
hommes,  puisque  la  nature  de  la  fortune  est 
d'être  changeante  ;  et ,  de  l'autre ,  que  s'il 
avait  sujet  de  se  plaindre  d'elle,  elle  pour- 
rait à  son  tour  lui  reprocher  avec  justice  son 
ingratitude,  puisqu'elle  l'avait  jusque-là  com- 
blé debiens  et  d'honneurs.  Elle  en  tirait  cette 
conséquence ,  que  les  douceurs  de  la  félicité 
humaine  étant  toujours  mêlées  d'amertume 
et  sans  aucune  stabilité ,  l'homme  devait  sa- 
voir que  son  bonheur  ne  pouvait  consister 
dans  ce  qui  est  caduc  et  périssable ,  et  qu'il 
n'y  avait  que  le  souverain  bien  qui  pût  faire 
sa  véritable  félicité. 

4 .  La  Sagesse  continue,  dans  le  livre  IIP,  à 
montrer  en  quoi  consiste  la  véritable  béati- 
tude, qu'elle  définit  un  état  parfait  et  perma- 
nent où  tous  les  biens  se  trouvent  réunis. 
Puis,  parcourant  les  différentes  opinions  des 
anciens  philosophes  touchant  la  vraie  félicité, 
elle  fait  voir  le  néant  de  toutes  les  créatures 
dans  lesquelles  ils  l'ont  fait  consister,  mon- 
trant que  la  souveraineté  même  n'est  pas 
exempte  de  vide,  puisqu'elle  seule  ne  se  suf- 

<  Tom.  II,  lib.  I,  pag.  902. 

2  Nullane  animarum  supplicia  post  defunctum  morte 
corpus  relinquis?  Sapientia  :  ut  magna  quidem  quo- 
rum alla  pœnali   acerbitate ,    alia   vero  purgatoria 


fit  pas,  et  que  pour  la  soutenir,  la  défendre  et 
la  conserver,  les  rois,  sur  leurs  trônes,  ont 
plus  besoin  des  secours  étrangers  que  dans 
toute  autre  condition  où  l'homme  se  trouve. 

4.  Elle  prouve,  dans  le  hvre  IV«,  que  les  rj^e  iv 
gens  de  bien,  même  dans  ce  monde,  sont  P's'oes. 
toujours  en  honneur  et  en  crédit ,  et  que  les 
méchants  y  sont  toujours  faibles,  impuissants 
et  méprisés;  que  le  crime  n'est  jamais  sans 
punition  ni  la  vertu  sans  récompense.  Elle 
convient  que  les  méchants  ne  laissent  pas  de 
faire  ce  qu'ils  veulent  lorsqu'ils  sont  en  au- 
torité, mais  elle  soutient  qu'avec  cela  ils  sont 
impuissants,  parce  qu'ils  ne  font  pas  ce  qu'ils 
désirent.  Ils  désirent  malgré  eux  d'être  heu- 
reux ,  et  ils  ne  peuvent  le  devenir  par  leurs 
actions.  Elle  donne  pour  exemple  ces  maîtres 
du  monde  dont  les  cœurs  sont  déchirés  par 
mille  différentes  passions  ,  tandis  qu'ils  sont 
assis  sur  des  trônes  tout  éclatants  d'or  et  de 
pourpre,  et  qu'ils  sont  environnés  de  gens 
armés  prêts  à  leur  obéir.  Il  n'en  est  pas  ainsi 
des  hommes  vertueux  :  les  méchants  ont  beau 
attaquer  leur  vertu;  une  malice  étrangère  ne 
ternira  jamais  la  gloire  qui  leur  est  propre 
et  ne  leur  enlèvera  pas  la  possession  du  sou- 
verain bien  qui  sera  la  récompense  de  leurs 
grandes  actions.  Boëce  demande  si  Dieu, 
ayant  puni  dans  ce  monde  les  crimes  des 
méchants  ^,  ou  ayant  différé  de  les  punir,  ils 
n'avaient  plus  rien  à  craindre  après  leur 
mort,  et  en  général,  si  les  âmes  des  défunts 
étaient  exemptes  de  toutes  sortes  de  sup- 
plices. Il  en  reste  de  très-grands,  répondit  la 
Sagnsse  :  les  uns  sont  exercés  avec  sé- 
vérité ,  d'autres  par  une  clémence  purgative 
qui,  en  faisant  expier  le  péché,  purifie  en 
même  temps  le  pécheur.  Sans  s'étendre  sur 
la  nature  ni  la  durée  de  ces  peines ,  la  Sa- 
gesse fit  voir  à  Boëce  que  celui  qui  fait  Fin- 
juslice  est  plus  malheureux  que  celui  qui  la 
souffre,  parce  qu'il  n'y  a  que  le  péché  qui 
rende  véritablement  l'homme  malheureux. 
Elle  en  infère  que  l'homme  sage  ne  hait  per- 
sonne :  ni  les  bons,  puisqu'il  n'y  a  qu'un  fou 
qui  puisse  leshaïr  ;  ni  les  méchants,  parce  qu'il 
sait  que  la  malice  est  à  l'âme  ce  que  la  ma- 
ladie est  au  corps.  «  Voulez- vous  donc,  ajoutâ- 
t-elle, rendre  avec  justice  ce  que  vous  lui 
devez  selon  son  mérite  ?  Aimez  par  justice 
les  gens  de  bien  ^,  et  ayez  compassion  des 

clementia  exerceri  puio.   Boet.,  lib.  IV  de  Confess., 
pag.  1079. 

2  Dilige  jure  bonos,  et  miserescœ  malts,  Ibid.,  pag. 
1081. 


662 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


L'vrc 
pag.  1096. 


méchants.  »  —  «  Mais  pourquoi ,  demande 
encore  Boëce  ,  voit-  on  les  gens  de  bien  ex- 
posés aux  supplices  que  les  lois  n'ont  ordon- 
nés que  contre  les  criminels,  et  les  méchants 
emporter  le  prix  qui  n'est  destiné  qu'à  la 
vertu?  »  La  Sagesse  répond  qu'encore  que  la 
raison  d'une  disposition  si  extraordinaire  soit 
inconnue  aux  hommes,  ils  ne  doivent  pas 
douter  qu'elle  ne  soit  juste,  puisque  c'est  Dieu 
lui-même  qui  l'ordonne.  Elle  prend  occasion 
de  la  demande  de  Boëce,  d'expliquer  ce  que 
c'est  que  la  providence  et  ce  que  c'est  que  le 
destin  :  la  providence  est  cette  divine  raison 
qui  réside  dans  le  premier  principe  de  toutes 
choses  et  qui  ordonne  tout;  le  destin  est  la 
disposition  inhérente  aux  causes  secondes, 
par  laquelle  la  providence  a  hé  chaque  chose, 
chaque  événement  par  l'enchamement  etpar 
l'ordre  qu'elle  y  a  mis. La  providence  embrasse 
toutes  choses  en  général;  le  destin  regarde 
les  choses  particulières.  Quoique  ces  deux 
choses  soient  difTérentes ,  l'une  dépend  de 
l'autre,  et  l'ordre  du  destin  coule  nécessaire- 
ment de  la  providence  de  Dieu.  D'où  vient 
que  tontes  les  choses  qui  sont  soumises  au 
destin  le  sont  aussi  à  la  providence  à  qui  le 
destin  est  soumis.  La  Sagesse  fait  voir  que  la 
providence  donne  à  chacun  ce  qu'elle  sait 
lui  convenir.  Si  Dieu,  par  exemple,  permet- 
tait qu'un  homme  réglé  dans  ses  mœurs, 
njais  qui  n'a  pas  assez  de  force  d'esprit  pour 
supporter  l'adversité,  fût  affligé,  peut-être 
s'écarterait -il  de  la  vertu.  Dieu  l'épargne 
parce  qu'il  prévoit  qu'il  deviendrait  mauvais 
par  l'adversité.  11  en  fait  passer  d'autres  qui 
ont  besoin  d'être  affermis  dans  la  vertu  par 
de  rudes  épreuves,  permettant  qu'ils  soient 
exercés  par  de  continuelles  tj-ibulations.  Les 
uns  se  laissent  abattre  trop  aisément  par  la 
crainte  ,  les  autres  présument  de  leurs  pro- 
pres forces;  la  providence  règle  à  leur  égard 
les  biens  et  les  maux  selon  leurs  besoins. 

6.  Le  livre  V''  traite  du  hasard,  de  la  liberté 
et  de  la  manière  de  l'accorder  avec  la  pres- 
cience de  Dieu.  Le  hasard,  selon  la  définition 
des  philosophes,  est  un  événement  auquel  on 
ne  s'attendait  pas ,  et  qui  arrive  par  le  con- 
cours des  causes  secondes.  Un  homrrite  va  la- 
bourer dans  son  champ,  il  y  trouve  un  tré- 
sor; voilà  le  hasard.  Mais  cet  événement  a 
ses  causes  :  si  quelqu'un  n'avait  pas  caché 
de  l'argent  dans  ce  champ-là,  et  si  un  homme 


n'y  était  pas  allé  labourer,  le  trésor  ne  s'y 
serait  pas  trouvé.  Boëce  ne  disconvenait  pas 
de  l'enchaînement  admirable  qui  se  remarque 
dans  le  concours  des  causes  secondes  ,  mais 
croyant  que  la  volonté  des  hommes  y  était 
infailliblement  assujettie  de  même  que  toutes 
les  autres  créatures ,  il  en  concluait  qu'elle 
n'avait  plus  de  liberté.  «  Il  n'y  a,  lui  répond 
la  Sagesse,  aucune  créature  raisonnable  sans 
liberté,  parce  qu'elle  n'est  raisonnable  qu'au- 
tant qu'elle  peut  se  servir  de  sa  raison  natu- 
relle. Elle  fait  consister  la  liberté  à  vouloir 
Gune  vouloir  pas,  àvouloircette  chose  ouune 
autre,  ajoutant  que  cette  liberté  est  propor- 
tionnée aux  différentes  natures  i-aisonnables, 
en  sorte  que  dans  les  anges  et  les  saints  il  se 
trouve  une  facilité  prompte  et  une  puissance 
absolue  pour  faire  tout  ce  qu'ils  souhaitent , 
et  que  dans  ce  monde  ceux-là  jouissent  d'une 
plus  grande  liberté  qui  sont  les  plus  détachés 
des  choses  sensibles  et  terrestres  ,  les  affec- 
tions déréglées  des  passions  jetant  le  trouble 
et  causant  de  l'ignorance  dans  l'esprit  de 
ceux  qui  s'attachent  aux  choses  matérielles 
et  sensibles.  Dieu  ,  qui  de  toute  éternité  voit 
toutes  ces  choses  ' ,  en  dispose  et  les  règle 
selon  4fu'il  les  a  prédestinées  par  rapport  à 
leursmérites.»—<(  Comment  sepeut-il,  objecte 
Boëce,  que  Dieu,  connaissant  toute  chose  de 
toute  éternité,  l'homme  demeure  toujours 
libre?  Il  paraît  en  cela  de  la  contradiction. 
Si  Dieu  voit  tout  de  toute  éternité  et  s'il  est 
infaillible  dans  sa  connaissance,  il  est  néces- 
saire que  ce  qu'il  a  connu  devoir  être  un 
jour  arrive;  dès-lors,  non-seulement  les  ac- 
tions des  hommes,  mais  encore  leurs  des- 
seins, leurs  volontés  étant  connus  de  Dieu,  il 
ne  peut  leur  rester  la  liberté  d'agir  autrement 
que  Dieu  l'a  prévu  ,  ou  il  ne  serait  point  in- 
faillible dans  sa  prescience,  ce  qui  ne  peut  se 
dire.  »  —  «  Nous  ne  prétendons  point,  ré- 
pond la  Sagesse ,  que  les  choses  que  Dieu  a 
prévues  devoir  arriver  puissent  ne  pas  arri- 
ver ;  nous  convenons ,  au  contraire ,  qu'elles 
arriveront  infailliblement,  mais  nous  disons 
que  la  prescience  de  Dieu  ne  leur  impose  au- 
cune nécessité.  Ne  voyons-nous  pas  plusieurs 
choses  qui  se  passent  sous  nos  yeux  sans  que 
notre  connaissance  les  rende  nécessaires? 
Si  donc  la  connaissance  des  choses  présentes 
ne  leur  impose  aucune  nécessité  pour  être, 
pourquoi  la  prescience  des  choses  futures  en 


'  Quœ  tamen  ille  ab  œtarno  cuucla  praspiciens,  pro- 
videniiœ  cernit  inluitus,  et  suis  quœque  meritis  prœ- 


desiinata  disponit.  Boet.,  lib.  V,  pag.  1100. 


|vi«  SIÈCLE.]  CHAPITRE  LU.  —  BOECE ,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


663 


Dieu  en  imposerait -elle  aucune  à  celles  qui 
doivent  être?  »  Pour  mettre  cette  vérité  dans 
tout  son  jour,  elle  fait  ce  raisonnement  :  Dieu 
est  éternel';  or  l'éternité  est  la  possession 
entière,  simultanée  et  parfaite  d'une  vie  sans 
fin  et  sans  terme.  Dans  cette  éternité  ,  il  n'y 
a  rien  de  passé,  rien  de  futur,  mais  tout  est 
toujours  présent  toutà  la  fois.  Ainsi,  commela 
connaissance  que  Fon  a  des  choses  présentes 
ne  leur  impose  aucune  nécessité,  de  même 
la  divine  providence,  en  regardant  les  choses 
futures  qui  lui  sont  présentes,  ne  leur  impose 
aucune  nécessité,  et  la  manière  dont  elle  les 
connaît  dans  son  éternité,  n'intlue  pas  davan- 
tage sur  les  créatures  que  notre  manière  de 
les  connaître  dans  le  temps.  Vous  répondrez 
peut-être  que  Dieu  ne  peut  prévoir  les  choses 
futures,  puisqu'il  les  connaît  toutes  comme 
présentes  ?  A  cela  je  vous  répondrai  que  nous 
ne  laissons  pas  d'appeler  prescience  cette 
connaissance  de  Dieu,  parce  que  les  choses 
qui  lui  sont  continuellement  présentes  sont 
futures  à  notre  égard.  Toutes  les  choses  que 
Dieu  a  prévues  arrivent  donc  infailliblement  ; 
mais  les  unes  arrivent  parce  qu'elles  partent 
de  la  liberté  de  l'homme,  sans  rien  perdre  de 
leur  propre  nature ,  puisqu'avant  que  d'arri- 
ver elles  auraient  pu  ne  pas  arriver,  et  les 
autres  arrivent  par  une  nécessité  absolue  et 
inévitable,  parce  qu'elles  ne  dépendent  point 
de  la  liberté  de  l'homme.  Telle  est  la  néces- 
sité de  mourir  imposée  à  tous  les  hommes, 
tel  est  encore  le  cours  des  astres  qui  dépen- 
dent uniquement  de  la  volonté  du  Créateur. 
S'il  dépend  de  moi ,  direz-vous ,  de  changer 
le  décret  de  Dieu,  je  pourrais  donc  rendre 
vaine  sa  prescience  ?  Non,  répond  la  Sagesse  ; 
vous  pouvez  bien  changer  de  dessein  et  de 
résolution,  mais  d'autant  que  la  divine  pro- 
vidence sait  et  a  connu  que  vous  en  avez  le 
pouvoir,  et  si  vous  le  ferez  ou  ne  le  ferez  pas; 
elle  ne  peut  ignorer  le  parti  que  vous  pren- 
drez. Ainsi  vous  ne  pourrez  jamais  rendre 
vaine  sa  prescience,  comme  vous  ne  pouvez 
éviter  le  regard  d'un  œil  vif  et  clairvoyant  fixé 
sur  vous,  quoique  vous  vous  portiez  à  diffé- 
rentes actions  par  votre  propre  liberté.  La 
science  divine  n'est  point  changée  par  le 
changement  de  vos  dispositions,  parce  que 
l'œil  de  Dieu  voit  tout,  le  futur  comme  le  pré- 
sent, et  d'un  clin  d'œil;  demeurant  toujours 
le  même,  il  connaît  tous  vos  changements,  et 


cette  manière  de  connaître  ne  vient  point  de 
l'événement  des  choses  futures,  mais  de  la 
simplicité  de  la  connaissance  et  de  la  nature 
de  Dieu,  ce  qui  fait  qu'on  ne  peut  pas  dire 
que  les  choses  futures  soient  la  cause  de  sa 
prescience,  puisqu'elle  ne  tient  rien  du  futur. 

§V. 

Des  Dialogues  sur  la  philosophie  de  Porphyre 
et  des  autres  ouvrages  de  Boëce. 

1.  De  tous  les  autres  écrits  de  Boëce  qui 
sont  venus  jusqu'à  nous,  il  n'y  en  a  aucun 
qui  ait  rapport  à  la  religion  ^.  Il  y  traite  ou 
de  la  philosophie,  ou  des  beaux-arts.  Victorin, 
célèbre  pour  avoir  enseigné  longtemps  la 
rhétorique  à  Rome  avec  applaudissement, 
avait  traduit  en  latin  l'introduction  de  Por- 
phyre à  la  philosophie  d'Aristote.  Boëce  ayant 
remarqué  que  cette  traduction  n'était  point 
littérale  et  qu'on  s'y  était  peu  attaché  aux 
termes  de  Porphyre ,  en  donna  une  plus  fi- 
dèle ,  après  avoir  parcouru  ,  avec  un  de  ses 
amis  nommé  Fabius,  tous  les  endroits  défec- 
tueux de  celle  de  Victorin ,  dans  deux  con- 
versations qu'il  a  rapportées  lui-même  sous 
le  nom  de  Dialogues.  11  ajoute  à  cette  traduc- 
tion un  commentaire  divisé  en  cinq  livres, 
que  nous  avons  encore. 

2.  Nous  avons  aussi  les  quatre  livres  de  l'In- 
terprétation d'Aristote  ^,  dans  lesquels  il 
éclaircit  les  termes  des  Catégories  de  ce  phi- 
losophe ,  qui  signifient  quelque  chose  par 
eux-mêmes ,  comme  est  celui  d'homme.  Il  y 
ajoute  deux  sortes  de  commentaires  :  l'un, 
qu'il  appelle  de  la  première  édition ,  et  qui 
est  très -succinct ,  se  contentant  presque  d'y 
rendre  mot  à  mot  le  sens  littéral  du  texte 
d'Aristote,  parce  qu'il  n'avait  en  vue  que 
d'instruire  les  commençants;  l'autre,  de  la 
seconde  édition,  qui  est  beaucoup  plus  long, 
parce  qu'il  y  explique  les  difficultés  d'une 
manière  qui  convient  à  ceux  qui  sont  plus 
avancés.  Les  deux  ouvrages  suivants  *  ne  sont 
qu'une  traduction  latine  des  quatre  livres  des 
Analytiques  d'Aristote,  divisés  chacun  en  deux 
livres,  dont  les  deux  premiers  sont  intitulés  : 
Prieurs ,  et  les  deux  derniers  :  Postérieurs. 
Boëce  ne  fit  point  de  commentaire  sur  les 
Analytiques,  mais  il  traita  à  fond  du  syllo- 
gisme, de  la  définition  et  de  la  division,  dans 
un  ouvrage  qu'il  fit  exprès  et  qui  est  divisé 


Kcrits  de 
Roëce  sur 
Por[JÎiyre. 


Sur  Ariatoie. 


•  JEternitas  est  interminabilis  vitœ  toia  simul  et 
perfecta  possessio.  Boet.,  lib.  V,  pag.  1H3. 


î  Tom.  I,  pag.  1  et  seq. 
''Pag.  468. 


—  '  Pag.  112  et  seq. 


664 


HISTOIRE  GÉNÉllALE  DES  AUTEUllS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ëur  Cicéron, 


Traité  de 
l'Un  Et  de 
rUnilê. 


La     Disci- 
pline des  élu- 


des Matliéin  a' 
tiques. 


eu  sept  livres.  Il  est  précédé  d'une  introduc- 
tion aux  syllogismes  *,  où  il  donne  les  pre- 
miers éléments  de  l'art  de  raisonner.  Cette 
introduction  est  comptée  pour  le  septième 
livre.  Boëce  traduisit  aussi  les  -huit  livres 
d'Aristote,  intitulés  :  Topiques  ^,  parce  qu'ils 
traitent  des  arguments  tirés  des  circonstances 
du  fait ,  et  ses  deux  livres  des  Sophismes  ou 
des  Arguments  captieux.  Il  ne  commenta  pas 
ces  livres. 

3.  Mais  il  commenta  ceux  que  Cicéron  avait 
faits  sur  la  même  matière  ^  et  qui  portaient 
aussi  le  titre  de  Topiques.  Il  fit  de  plus  un 
ouvrage  distribué  en  quatre  livres,  pour  mon- 
trer la  différence  qu'il  y  a  entre  les  Topiques 
d'Aristole  et  ceux  de  Cicéron*.  Son  but  était 
de  faire  voir  quelles  sont  les  sources  d'où  un 
philosophe  doit  tirer  ses  arguments  probables 
et  celles  où  un  orateur  peut  puiser  les  siens. 

4.  Il  montre,  dans  le  petit  traité  de  l'Un  et 
de  l'Unité'^,  que  chaque  chose  est  une  partie 
de  l'unité  ,  comme  le  blanc  est  blanc  par  la 
blancheur. 

5.  Le  traité  qui  suit  immédiatement  a  pour 
titre  :  De  la  Discipline  des  Etudiants  ^.  C'est 
une  pièce  mal  écrite,  indigne  de  Boëce.  Ce 
que  l'auteur  y  dit  de  l'Université  de  Paris 
fait  voir  qu'il  écrivait  longtemps  après  ce  phi- 
losophe. Quelques-uns  ont  attribué  cet  écrit 
à  Denis  le  Chartreux  ;  mais  comme  il  ne  pou- 
vait pas  lui  faire  beaucoup  d'honneur,  d'au- 
tres ont  prétendu  qu'il  était  d'un  professeur 
en  droit  de  l'Univei'sité  de  Douai,  nommé 
Boëce  Epo,  qui  vivait  dans  le  xvi'  siècle.  On 
confirme  ce  sentiment  en  ce  que  ce  traité  ne 
se  trouve  point  dans  le  recueil  des  œuvres 
du  sénateur  Boëce ,  avant  l'édition  que  Ton 
en  fit  à  Bâle  en  1346. 

6.  Boëce  avait  traité  les  quatre  parties  des 
mathématiques ,  savoir  :  l'arithmétique  ',  la 
musique,  la  géométrie  et  l'astronomie.  Cette 
dernière  partie  n'est  pas  venue  jusqu'à  nous. 
Mais  nous  avons  de  lui  deux  livres  de  l'Arith- 
métique, cinq  de  la  Musique  et  deux  de  la 
Géométrie.  Il  remarque  au  commencement 
du  hvre  1"  de  la  Musique,  qu'elle  a  fait  les 
délices  de  toutes  les  nations,  même  les  plus 


Pag.  737. 
1174.  —  6  Pag.  1276. 


»  Pag.  558.  —  2  Pag.  662. 
*  Pag.  857.  —  6Tom.  Il,  pag. 
'  Pag.  1371. 

8  Trilliem.,  de  Script.  Ecoles.,  cap.  cci. 

9  Baron.,  ad  ann.  510. 

1"  Quascumque  disciplinai  vel  artes  fœcunda  Grœcia 
per  singulos  viros  edidit ,  te  uno  aiiciore,  paihico  ser- 
monc  Roma  suscepit.  Quos  tanla  verborum  tuculentia 
riddidisti  claros,  tanta  linguœ  proprieiate  conspicuos. 


barbares ,  et  rapporte  divers  exemples  de 
son  efficacité  pour  calmer  les  passions  les 
plus  violentes,  reconnaissant  en  même  temps 
qu'elle  peut  aussi  les  allumer,  et  que  c'est 
ce  qui  a  porté  plusieurs  républiques  à  bannir 
les  symphonies  molles  et  efféminées. 

7.  L'abbé  Trithème  ^  fait  mention  d'un  re- 
cueil de  lettres  que  Boëce  avait  écrites  à  di- 
verses personnes.  Nous  ne  l'avons  plus.  Il 
parait  que  Baronius  ^  avait  vu  de  lui  un  livre 
des  commentaires  sur  l'Enoncialion.  On  ne 
l'a  pas  encore  rendu  pubhc.Murmelhus, après 
avoir  fait  le  dénombrement  des  écrits  de 
Boëce  qui  sont  venus  jusqu'à  nous,  ajoute 
que  cet  auteur  en  avait  composé  plusieurs 
autres  tant  en  vers  qu'en  prose,  qui  sont  per- 
dus, ou  du  moins  que  l'on  n'a  pas  recou- 
vrés jusqu'à  présent. 

8.  Ceux  que  nous  avons  sont  si  châtiés  et 
si  élégants,  que  l'on  en  trouve  peu  dans  les 
siècles  précédents  qui  leur  soient  préférables, 
soit  pour  la  pureté  du  style,  soit  pour  la  no- 
blesse des  pensées,  soit  pour  la  douceur  des 
expressions.  On  y  voit  que  Boëce  s'était 
rendu  également  habile  dans  les  sciences  sa- 
crées et  profanes;  qu'il  était  bon  orateur, 
excellent  poète,  profond  théologien,  et  d'un 
esprit  si  déhé  et  si  pénétrant,  qu'il  concevait 
avec  une  facilité  surprenante,  les  matières 
les  plus  abstraites  et  les  plus  difficiles  en  tout 
genre.  La  netteté  et  l'exactitude  de  ses  tra- 
ductions, a  fait  dire  à  Cassiodore  '"  qu'il  y 
avait  lieu  de  douter  si  les  auteurs  grecs  qu'il 
a  rendus  en  latin,  ne  les  préféreraient  pas  à 
leurs  propres  ouvrages,  s'ils  vivaient  encore 
et  s'ils  possédaient  la  langue  latine  aussi 
parfaitement  que  la  grecque.  S'il  y  a  moins 
de  clarté  dans  les  traités  de  théologie  qu'il  a 
faits  lui-même,  cela  vient  non-seulement  de 
la  sublimité  de  la  matière,  mais  aussi  de  ce 
qu'il  s''est  servi  de  certains  termes  usités  dans 
l'école  d'Aristote,  qui  ne  sont  entendus  que 
de  ceux  qui  y  ont  étudié.  Il  ne  dissimule  pas 
même  qu'il  avait  employé  ce  genre  d'écrire, 
en  parlant  de  nos  mystères,  afin  que  ce  qu'il 
en  disait  ne  fût  pas  connu  de  tout  le  monde  ", 
mais  seulement  de  Symmaque  pour  qui  il 

ut  poiuissent  et  illi  opus  tnum  prœferre,  si  utrumgue 
didicissent.  Cassiud.,  Epist.  ib,  lib.  I. 

"  Idoirco  slylum  brevitate  contrako,  et  ex  intimis 
sumpta  philosophiœ  disciplinis  novorum  verborum  si- 
gnificdiionibus,  vélo  :  ut  hœc  mihi  tantum  vobisque,  si 
quando  ad  ea  converlitis  oculos,  collocantur.  Caleras 
vero  ita  submovemus,  ut  qui  capere  vitellectu  nequi- 
verint,  ad  ea  etiam  legenda  videantur  indigni.  Boet., 
Prolog,  ad  Symmach.,  tom.  Il,  pag.  1120. 


[Vl=  SIÈCLE.] 


CHAPITRE  LU.  —  BOEGE,  SÉNATEUR  ROMAIN. 


écrivait,  et  qui  était,  comme  lui,  fort  au  fait 
de  ces  sortes  d'expressions. 

9.  On  imprima  séparément  les  cinq  livres 
de  lo  Consolation,  à  Lyon,  en  1487,  i490  et 
1302,  avec  les  notes  de  Badins^  et  en  1S14, 
avec  les  commentaires  de  saint  Thomas  d'A- 
quin,  ou  plutôt  d'un  Anglais  nommé  Tho- 
mas; à  Louvain,  en  1484, 1487, 1495  et  1499, 
avec  les  mêmes  commentaires;  à  Bâle,  en 
1S36,  avec  les  commentaires  de  Jean  Mur- 
mellius;  .'i  Nuremberg,  en  1473  ,  1476  et  en 
1495  ;  à  Cologne,  en  1481  ;  à  Anvers,  en  1607, 
avec  ceux  de  Bennartius;  à  Leyde,  en  1633, 
avec  les  notes  de  Bertius.  René  Vallin  les  fit 
mettre  de  nouveau  sous  presse  en  la  même 
ville,  en  1636  et  1668,  avec  la  confession  ou 
exposition  de  foi  de  Boëce,  qui  n'avait  pas 
encore  été  imprimée,  et  avec  ses  opuscules 
théologiques.  Il  y  en  a  aussi  deux  éditions 
faites  à  Amsterdam,  l'une  en  1644,  l'autre 
en  1668,  avec  la  préface  de  Bertius,  qui  se 
trouve  aussi  dans  l'édition  de  Leyde,  en  1671 , 
avec  les  notes  de  Vallin,  de  Bennartius  et  de 
Citzman.  Cette  édition  renferme  les  œuvres 
théologiques  de  Boëce  :  elles  furent  impri- 
mées séparément  à  Louvain,  en  1633,  in-8°, 
avant  toutes  ces  éditions  particulières,  il  y 
en  avait  eu  une  générale,  à  Venise,  en  1491  ; 
on  en  fit  une  autre  à  Bâle,  en  1546,  et  une 
troisième  en  1370,  2  vol.  in-folio.  C'est  dans 
celle-ci  que  l'on  trouve  des  commentaires 
de  Gilbert  de  la  Porrée  sur  les  traités  théo- 
logiques de  Boëce.  L'édition  de  Brème,  en 
1672,  ne  comprend  que  les  livres  de  la  Con- 
solation. Lambert  Roulland  en  donna  une 
édition  à  Paris,  en  1680,  in-4°,  avec  les  notes 
de  Pierre  Callieu,  à  l'usage  du  Dauphin.  11 
s'en  est  fait  beaucoup  d'autres  dont  on  peut 
voir  le  catalogue  au  tome  III  de  la  Bibliothè- 
que latine,  de  Fabricius.  [En  184.3-  Obbarius 
a  publié  à  îéna  les  livres  de  la  Consolation. 
Les  tomes  LXIII  et  LXIV  de  la  Patrologie  la- 
tine comprennent  les  oeuvres  de  Boëce , 
d'après  l'édition  de  Glaréanus ,  de  1577  ;  le 


663 

livre  de  la  Consolation  est  reproduit  d'après 
l'édition  donnée  par  Helfieclit,  en  1799.  Le 
tome  LXIV^  renferme  en  outre  les  commen- 
taires de  Gilbert  de  la  Porrée  sur  les  traités 
théologiques,  et  un  appendice  où  l'on  donne 
l'histoire  de  Boëce ,  en  français ,  par  l'abbé 
Gervaise,  avec  l'analyse  de  ses  ouvrages,  les 
notes  et  les  dissertations.  Parmi  les  ouvrages 
philosophiques  contenus  dans  ce  même  vo- 
lume, se  trouvent  deux  ouvrages  nouveaux 
et  un  commentaire  édités  par  Ang.  Mai,  dans 
les  Classici  auctores,  tom.  III,  pag.  315-345, 
savoir  un  traité  intitulé  :  Speculatio  de  rheto- 
ricœ  cognitione  ;  un  autre  intitulé  :  Locornm 
rhetoricorum  distinctio;  le  commentaire  est 
sur  le  livre  de  la  Consolation.]  Nous  ajoute- 
rons seulement  que  les  livres  de  la  Consola- 
tion, ont  été  traduits  en  plusieurs  langues  : 
en  français,  par  Jean  de  Meun,  dit  Clopinel, 
dont  la  traduction  a  paru  à  Lyon,  en  1483, 
avec  l'Enéide  de  Virgile,  in-folio,  et  séparé- 
ment, in-8";  une  autre  à  Paris,  en  1494,  in- 
folio, chez  Antoine  Véraid;  une  par  Nicolas 
Régnier,  chanoine  régulier  de  Sainte-Gene- 
viève, en  prose  et  en  vers,  à  Paris,  en  1676, 
in-12;  nouvelle  traduction  eu  prose  et  en 
vers  du  même  livre,  avec  des  remarques, 
par  M.  de  Francheville,  conseiller  du  roi  de 
Prusse,  à  La  Haye,  en  1744, 2  volumes  in-S". 
[Une  autre  a  été  donnée  par  Colesse,  Paris, 
1770.]  Il  y  en  a  eu  une  édition  italienne,  à 
Florence,  en  1331;  une  flamande,  à  Gand, 
en  1483;  à  Dordrecht,  en  1634;  à  Amster- 
dam, en  1703;  une  espagnole,  à  ValladoHd, 
en  1598  et  1604;  une  allemande,  à  Nurem- 
berg, en  1660;  à  Sultzbac,  en  1667,  et  à  Lu- 
nebourg,  en  1697.  L'abbé  Gervaise,  prévôt 
de  Saint-Martin  de  Tours,  mort  évêque  d'Ho- 
ren,  a  donné  en  1715,  à  Paris,  la  Vie  de 
Boëce,  avec  l'analyse  de  ses  ouvrages,  des 
notes  et  des  dissertations,  qui  sont  d'une 
grande  utilité  pour  l'intelligence  du  texte  de 
cet  auteur. 


666 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


CHAPITRE  LUI. 

Des  Conciles  des  V^  et  VI^  siècles. 


ARTICLE  I". 

DES   CONCILES  d'ÉPHÈSE    [4:34  61444],    DE   CONS- 
TANTINOPLE     [M4],     D'ANTIOCHE     [443],     DE 

ROME  [443  OU  444],  d'hiéraple  [444],  d'as- 
TORGA  [443  ou  446],  des  gaules,  d'angle- 
terre,  D'ANTIOCHE  [448],  DE  CONSTANTINOPLE 

[4i8],  DE  TOLÈDE  [447],  DE  GALiciE  [vers 
l'an  447.] 

çonciied'E-  1.  Dans  la  requête  '  de  Bassien  à  l'empe- 
^bT  *3/,"'«  reur  Marcien,  il  est  fait  mention  d'un  concile 
dè'ionJ'unii-  tenu  à  Ephèse,  dont  Bassien  nous  apprend 
Dopieeu  4.4.  ].Qggj,gjQjj  g[  ^g  résultat.  Consacré  dès  sa  jeu- 
nesse au  service  des  pauvres,  il  leur  avait 
bâti  à  Ephèse  un  hôpital  de  soixante-dix  lits, 
où  il  recevait  les  malades  et  les  blessés.  Il 
s'acquit  par  ces  œuvres  de  charité  une  si 
grande  amitié  de  la  part  du  peuple,  que 
Memnon  en  conçut  de  la  jalousie.  Cet  évêque, 
pour  se  défaire  de  lui,  résolut  de  le  faire 
évêque  d'Evazes,  en  la  place  d'Eutrope,  qui 
avait  assisté  au  concile  d'Ephèse.  Mais  quoi- 
qu'il tînt  Bassien  à  l'autel  depuis  neuf  heu- 
l'es  jusqu'à  midi,  il  ne  put  le  faire  consentir 
à  son  ordination,  ni  l'obliger  à  aller  à  Evazes 
prendre  soin  de  l'Eglise  pour  laquelle  il  l'a- 
vait ordonné.  Memnon  étant  mort,  Basile, 
son  successeur,  assembla  le  concile  de  sa 
province  pour  délibérer  sur  cette  affaire;  et 
sachant  comment  s'était  faite  l'ordination  de 
Bassien,  il  le  déchargea  de  l'Eglise  d'Evazes, 
y  mit  un  autre  évêque  et  laissa  à  Bassien  les 
honneurs  de  l'épiscopat.  Après  la  mort  de 
Basile,  le  clergé  d'Ephèse  écrivit  à  Olympius 
de  Théodosiople,  en  Asie,  pour  le  prier  de 
venir  leur  donner  un  évêque.  Olympius  vint. 
Mais  dans  le  temps  qu'il  attendait  d'autres 
évêques  pour  procéder  avec  lui  à  cette  ordi- 
nation, on  le  porta  de  force  à  l'église,  où  on 
le  fit  asseoir  avec  Bassien  dans  le  siège  épis- 
copal.  Celui-ci  raconte  la  chose  différemment 
dans  sa  requête.  11  prétend  que  le  peuple,  le 
clergé  d'Ephèse  et  les  évêques  lui  firent  vio- 
lence, et  qu'ils  l'intronisèrent  malgré  lui.  On 
ne  l'en  crut  point  sur  sa  parole  dans  le  con- 


cile de  Chalcédoine,  et  les  faits  qu'Olympius 
y  avança  furent  admis  comme  constants. 
Saint  Procle  de  Constantinople  ,  qui  préten- 
dait avoir  droit  d'ordonner  les  évêques  d'E- 
phèse, refusa  d'abord  de  confirmer  l'introni- 
sation de  Bassien.  Mais  celui-ci  ayant  gagné 
l'empereur  Théodose,  ce  prince  le  rendit 
ami  de  saint  Procle,  qui  le  reçut  à  sa  com- 
munion et  mit  son  nom  dans  les  diptyques. 
Avant  d'en  venir  là,  il  assembla  les  évêques 
qui  étaient  à  Constantinople,  et  de  leur  con- 
sentement, il  écrivit  en  faveur  de  Bassien, 
tant  au  peuple  et  au  clergé  d'Ephèse,  qu'aux 
évêques  de  l'Asie.  C'est  ce  qui  fait  que  ces 
lettres  sont  appelées  synodiques,  comme 
étant  au  nom  de  ce  concile. 

2.  On  met  en  443,  au  plus  lard,  le  concile 
d'Antioche,  où  Domnug,  évêque  de  cette 
ville,  jugea  *,  avec  vingt-huit  autres  évêques, 
la  cause  d'Athanase  de  Perrha,  dans  l'Eu- 
phratésienne.  11  l'avait  renvoyée  auparavant 
à  Panolbius,  évêque  de  Hiéraple,  son  métro- 
politaifi.  Mais  Athanase  n'avait  point  osé  la 
soutenir  devant  lui,  quoiqu'il  le  reconnût 
pour  son  ami,  parce  qu'en  effet  il  se  sentait 
coupable,  et  qu'il  n'avait  pas  heu  de  deman- 
der de  rentrer  dans  son  évêché,  à  celui  de- 
vant qui  il  y  avait  renoncé  par  un  acte  dont 
il  savait  que  l'on  conservait  l'original.  Il  avait 
donc  pris  le  parti  de  se  retirer  chez  lui,  dans 
le  territoire  de  Samosate.  Domnus,  qui  n'a- 
vait reçu  cette  affaire  qu'à  la  prière  de  saint 
Procle  et  de  saint  Cyrille,  à  qui  Athanase 
avait  fait  entendre  qu'il  avait  été  chassé  de 
son  Eglise  par  ses  propres  clercs,  lui  écrivit 
de  se  rendre  au  concile  d'Antioche.  Atha- 
nase, quoique  cité  par  trois  fois,  ne  voulut 
pas  comparaître.  Sur  cela  les  évêques  ayant 
lu  les  plaintes  formées  contre  lui  et  les  pièces, 
qui  prouvaient  sa  contumace,  le  déclarèrent 
déchu  du  sacerdoce,  et  enjoignirent  à  Jean, 
successeur  de  Panolbius  dans  le  siège  épis- 
copal  de  Hiéraple,  d'ordonner  au  plus  tôt, 
un  évêque  de  Perrha.  Domnus  eut  peine  de 
consentir  à  cette  sentence  ;  mais  il  fut  obligé 


'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  687. 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.  728,  729,  736. 


[v«  ET  vv  SIÈCLES.]        CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  D'ÉPHÈSE ,  ETC. 


667 


de  joindre  son  sentiment  à  celui  du  plus 
grand  nombre.  Les  actes  de  ce  concile  sont 
insérés  dans  celui  de  Chalcédoiue,  du  moins 
en  partie;  car  il  y  manque  plusieurs  pièces. 
On  n'en  a  pas  même  la  date. 
da       3.  Sur  la  fin  de  l'an  443  ou  au  commence- 

e  rs 

»»  ment  de  l'an  4M,  saint  Léon  jugeant  '  qu'il 
était  de  l'utilité  publique  de  l'Eglise  qu'on 
eût  horreur  des  abominations  qu'il  avait  dé- 
couvertes parmi  les  manichéens  qui  étaient 
à  Rome,  y  assembla  beaucoup  d'évéques  et 
de  prêtres,  avec  ceux  qui  tenaient  les  pre- 
mières dignités  de  l'empire,  et  une  grande 
partie  du  sénat  et  même  du  peuple;  il  fit 
amener  en  leur  présence  les  élus  de  cette 
secte,  c'est-à-dire  ceux  qui  participaient  aux 
mystères  des  manichéens.  Après  avoir  con- 
fessé plusieurs  impiétés  de  leurs  dogmes  et 
diverses  superstitions  de  leurs  fêtes,  il  dé- 
couvrirent des  crimes  que  la  pudeur  ordonne 
de  taire.  Leur  évêque  confessa  lui-même 
toutes  ces  abominations,  dont  il  donna,  ce 
semble,  un  aveu  par  écrit;  après  quoi  on  brû- 
la tous  les  livres  que  l'on  avait  trouvés  chez 
eux;  et  il  y  en  avait  une  très-grande  quan- 
tité. Pour  laisser  à  la  postérité  la  mémoire 
de  tout  ce  qui  s'était  passé  dans  cette  assem- 
blée, saint  Léon  en  fit  dresser  des  actes  et 
des  procès- verbaux,  qu'il  eut  soin  d'envoyer 
de  tous  côtés. 
iio  4.  Jean  de  Hiéraple  n'ayant  pas  eu  le 
°""  temps  de  pourvoir  l'Eghse  de  Perrba  d'un 
évêque,  en  la  place  d'Athanase,  déposé  par 
le  concile  d'Antioche,  Etienne,  son  succes- 
seur ^,  ayant  assemblé  les  évêques  de  sa 
province,  alla  avec  eux  prendre  Sabinien, 
dans  le  monastère  dont  il  était  abbé,  et  l'or- 
donna évêque  de  celte  Eglise  vacante.  Sabi- 
nien la  gouverna  jusqu'en  449,  qu'il  fut  dé- 
posé par  Dioscore,  dans  le  taux  concile 
d'Ephèse,  sans  avoir  été  ni  entendu  ni  même 
appelé.  Il  avait  été  élevé  dès  l'enfance  dans 
le  monastère  d'où  on  le  tira,  et  n'avait  fait 
aucune  démarche  pour  parvenir  à  l'épis- 
copat. 
iio  5.  Les  actes  que  saint  Léon  avait  faitdres- 
6.  ser  contre  les  manichéens  étant  passes  jus- 
qu'en Espagne,  les  évêques  travaillèrent,  à 
son  exemple,  à  découvrir  ceux  de  cette  secte 
qui  y  demeuraient  cachés.  On  en  trouva  ' 


plusieurs  dans  la  ville  d'Astorga,  qui  furent 
poursuivis  devant  Idace  etTuiibius.  Ces  deux 
évêques  les  ayant  examinés  et  convaincus, 
en  envoyèrent  les  procès-verbaux  à  Antonin, 
évêque  de  Mérida.  Il  avait  déjà  fait  arrêter 
Pascentius,  l'un  des  manichéens  qui  s'étaient 
sauvés  de  Rome.  Antonin  le  fit  chasser  de 
la  Lusitanie,  vers  l'an  447.  On  ne  peut  guère 
douter  qu'il  n'ait  aussi  chassé  et  banni  les 
autres  manichéens  qui  avaient  comparu  de- 
vant Idace  et  Turibius.  Idace  appelle  Gestes 
épiscopaux  contre  les  manichéens,  ce  que  l'on 
fit  contre  eux  à  Astorga.  D'où  l'on  a  conjec- 
turé qu'il  s'était  tenu  alors  un  concile  en 
cette  vîlle. 

6.  On  en  met  un  dans  les  Gaules  sous  l'é-     condicse 

.1  •      ,      r,  -1)1  !.«■     •         franco  et  e 

piscopat  de  saint  Germain  d  Auxerre.  Mais  Angiat  m. 
ce  que  l'on  dit  sur  le  temps  et  le  lieu  où  il  fut 
assemblé,  n'est  fondé  que  sur  de  faibles  con- 
jectures. L'erreur  des  pélagiens  ayant  in- 
fecté l'Angleterre,  les  catholiques  de  cette 
grande  île  députèrent  aux  évêques  des  Gau- 
les pour  leur  représenter  le  besoin  pressant 
de  secourir  la  foi  orthodoxe.  Il  se  tint  sur 
cela  un  concile,  où  saint  Germain,  évêque 
d'Auxerre,  et  saint  Loup,  évêque  deTroyes, 
furent  priés  d'aller  prendre  la  défense  de  la 
doctrine  *  de  l'Eglise  sur  la  grâce  de  Jésus- 
Christ.  Le  pape  saint  Céleslin  appuya  cette 
mission  de  son  autorité.  Les  deux  évêques 
de  France  arrivèrent  en  Angleterre,  y  as- 
semblèrent un  concile  nombreux  à  Saint-Al- 
bans,  ville  célèbre  par  le  martyre  du  saint 
dont  elle  porte  le  nom,  et  y  condamnèrent  ^ 
d'un  consentement  unanime  Pelage  et  Agri- 
cola,  l'un  de  ses  disciples,  qui  avait  infecté 
des  erreurs  de  son  maître  la  foi  des  Anglais. 

7.  Nous  ne  répéterons  point  ici  ce  que       concu 
nous  avons  dit  du  concile  d'Antioche,  dans  f  Aniiochsc: 
l'article  d'ibas  d'Edesse.  Il  se  tint  après  Pâ-  -i'^  i:"nsi»';'i 
ques  *  de  l'an  448.  Deux  des  accusateurs 
d'ibas,  savoir  Samuel  et  Cyrus,  j  furent  dé- 
posés. Cet  évêque,  au  contraire,  y  fut  absous 

par  la  sentence  du  concile.  Samuel  et  Cyrus 
voyant  qu'Ibas  s'en  retournait  victorieux  à 
Edesse,  portèrent  leurs  plaintes  à  l'empe- 
reur, non-seulement  contre  Ibas,  mais  en- 
core contre  Daniel  de  Carrhes  et  contre 
Jean  de  Théodosiople.  Jls  les  portèrent  aussi 
à  saint  Flavien  de  Conslantinople  et  à  son 


1  Léo,  Epist.  8,  Serm.  33,  15,  et  Epist.  15. 

2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  719^  722. 
'  Idac,  in  Chroiiic,  pag.  26. 

^  Surius ,   ad  diem  29  julii ,   et  ad  diem  31  julii  ; 
Prosper.,  ia  Chrome. ,  ad  ann.  429. 


5  Beda,lib.  I  Hisl.,  cap.  ivn;  Mattliseus  Urast. 
Monast.,  ad  ann.  446  ;  Spelman.,  Concil.  Brit.,  tom.  I, 
pag.  47. 

8  Tom.  IV  Concil.,  pag.  625,  642  et  seq. 


668 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEfJRS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Concilfl 
To  I  èd  e 
447. 


-  synode.  Ce  dernier,  à  qui  l'empereur  Thco- 
dose  avait  renvoyé  la  requête  de  Samuel  et 
de  Cyrus,  ne  faisant  pas  attention  au  canon 
du  second  concile  général,  qui  défend  aux 
évêques  d'un  département  de  se  rendre 
juges  des  affaires  nées  dans  un  autre,  leva 
la  sentence  de  déposition  que  le  concile 
d'Antioche  avait  prononcée  contre  ces  deux 
prêtres,  ce  qui  causa  un  grand  scandale. 
Domnus  d'Antioche  ,  qui  avait  présidé  au 
concile  qui  avait  déposé  Samuel  et  Cyrus, 
écrivit  à  saint  Flavien  les  raisons  qu'on  avait 
eues  de  les  déposer,  et  de  séparer  de  la 
communion  les  autres  accusateurs  d'Ibas. 
Saint  Flavien ,  ne  voulant  plus  se  mêler 
d'une  affaire  qui  n'était  pas  de  son  ressort, 
laissa  agir  l'empereur,  qui  nomma  des  com- 
missaires pour  examiner  les  accusations  for- 
mées contre  Ibas,  Daniel  et  Jean.  Les  com- 
missaires, qui  étaient  évêques  et  au  nombre 
de  trois,  Photius,  Eustathe  et  Uranius,  exa- 
minèrent l'affaire  à  Béryte,  et  n'ayant  rien 
trouvé  qui  pût  justifier  qu'Ibasfùt  coupable, 
ils  le  renvoyèrent  absous,  après  avoir  exigé 
de  lui  sa  confession  de  foi  par  écrit.  Les  par- 
ties étant  venues  de  Béryte  à  Tyr,  se  pro- 
mirent mutuellement,  à  la  prière  d'Eustathe 
et  de  Photius,  d'oublier  le  passé;  l'on  en 
dressa  un  acte  daté  du  23  février  449,  et 
signé  d'Eustathe,  de  Photius  et  des  quatre 
prêtres  accusateurs  d'Ibas;  après  quoi  Ibas 
et  les  quatre  prêtres  participèrent  aux  dons 
sacrés  dans  la  maison  de  l'évêque  de  Tyr. 
Quant  à  Daniel  et  Jean  accusés  avec  Ibas, 
on  ne  sait  point  ce  qui  en  arriva. 
jj  8.  Les  priscillianistes  continuant  à  infecter 
""  l'Espagne,  principalement  la  Galice,  Dieu 
leur  opposa  Turibius,  évêque  d'Astorga  dans 
la  même  province.  Il  les  combattit  dans  un 
écrit  qu'il  envoya  depuis  aux  évêques  Idace 
et  Céponius,  avec  une  lettre,  où  il  leur  ren- 
dait compte  de  son  travail,  en  les  priant  de 
défendre  dans  leurs  diocèses  la  lecture  des 
livres  des  priscillianistes.  Il  communiqua 
aussi  son  ouvrage  au  pape  saint  Léon  et  lui 


envoya  seize  chapitres  qui  contenaient  plu- 
sieurs chefs  d'erreurs  déjà  condamnées  dans 
ces  hérétiques.  Nous  en  avons  parlé  sur  saint 
Léon,  dont  le  sentiment  '  fut  qu'il  fallait  te- 
nir un  concile  de  tous  les  évêques  d'Espagne, 
ou  du  moins  uu  provincial  des  évêques  de 
la  Galice,  si  l'on  ne  pouvait  en  tenir  un  gé- 
néral. 11  commit  les  évêques  Idace  et  Cépo- 
nius avec  Turibius  pour  en  presser  la  con- 
vocation, afin  que  l'on  remédiât  au  plus  tôt 
à  des  maux  dont  les  suites  pouvaient  être  si 
fâcheuses.  Les  Suèves  occupaient  alors  la 
Galice  avec  une  partie  de  la  Lusitanie;  le 
reste  appartenait  partie  aux  Goths,  partie 
aux  Romains.  Cette  diversité  de  maîtres  dans 
l'Espagne  ayant  empêché  la  tenue  d'un  con- 
cile général,  il  s'en  tint  un  de  diverses  pro- 
vinces à  Tolède,  en  447,  où  l'on  examina 
d'abord  ce  qui  avait  été  fait  contre  les  pris- 
cillianistes dans  celui  de  400,  sous  le  consu- 
lat de  Stilicon.  Il  paraît  qu'on  fit  même  un 
extrait  des  actes  de  ce  concile.  Du  moins  ne 
peut-on  pas  l'attribuer  au  concile  de  l'an 
400,  puisque  Symposius  et  Dictinius  qui  ont 
survécu  à  ce  concile,  sont  appelés  de  sainte 
mémoire  ^  dans  cet  extrait.  Quoi  qu'il  en  soit, 
on  ne  peut  contester  au  concile  de  Tolède 
de  l'an  447  la  confession  de  foi,  qui  se  trouve 
parmi  les  actes  de  celui  de  l'an  400  :  car  le 
titre  de  cette  confession  porte  expressément 
qu'elle  fut  faite  par  les  évêques  de  la  Tarra- 
gonaise,  de  la  Carthaginoise,  de  la  Lusitanie 
et  de  la  Bétique,  et  envoyée  ^  par  ordre  du 
pape  saint  Léon  à  Balcone,  évêque  de  Bra- 
gue,  ce  qui  est  confirmé  par  le  témoignage 
qu'en  rendit  Lucrèce  *,  évêque  de  la  même 
ville,  dans  un  concile  qui  y  fut  tenu  en  563. 
Cet  évêque  ajoute  qu'on  envoya  aussi  à  Bal- 
cone, les  dix-huit  anathèmes  joints  à  celte 
profession  de  foi  ;  on  l'a  quelquefois  attribuée 
à  saint  Augustin,  sous  le  nom  duquel  elle 
est  citée  par  le  Maître  des  Sentences  ^.  Mais 
elle  ne  le  porte  dans  aucun  manuscrit,  et  on 
ne  la  trouve  dans  aucune  collection  des  œu- 
vres de  ce  Père;  il  y  a  même  diverses  expres- 


'  Léo,  Epi'st.  15;  Idac,  ad  ann.  446. 

'  Professiones  sanctce  memoriœ  episcoporum  domini 
Symphosii  et  domini  Dictinii.  Tom.  Il  CoJicil.,  pag. 
1229. 

3  [ncipit  régula  fidei  catholicœ  contra  omnes  hœ- 
reses,  et  quam  maxime  contra  priscillianos ,  quam 
episcopi  Tarraconenses ,  Carthaginenses ,  Lusitani  et 
Bœtici  feeerunt,  et  cum  prœcepto  papœ  urbis  Romœ 
Leonis  ad  Baleonium  episcopum  Galliciœ  transmise- 
runt.  Tom.  II  ConciL,  pag.  1227. 

*  Credo    autem    vestrœ    beatitudinis  fraternitaiem 


nasse,  quia  ex  tempore,  quo  in  his  regionibus  nefun- 
dissima  priscillianœ  sectœ  venena  serpebant,  beatissi- 
mus  papa  urbis  Romœ  Léo  ad  synodum  Galliciœ 
scripta  sua  divenit.  Cujus  etiam  prœcepto  Tarraco- 
nenses et  Carthaginenses  episcopi ,  Lusitani  quoque  et 
Bœtici ,  facto  inter  se  concilia,  regulam  fidei  contra 
priscillianam  hœresim  cum  aliquibus  capitulis  con- 
scribentes  ad  Baleonium  tune  hujus  Bracarerisis  Eccle- 
siœ prœsidem  divenerunt.  Lucret.j  ïnConcil.  Bracar.l, 
aun.  563. 
»  Masist.  Sentent.  3,  distinct.  21. 


[V' ET  vi=  SIÈCLES.]     CHAPITRE  un.  —  CONCILES  DE  CONSÏANTINOPLE. 


669 


G  de 
vers 


sions  dans  cette  formule,  dont  on  ne  trouve 
point  d'exemples  dans  ses  écrits.  Telle  est 
celle  de  Pai'aclet,  pour  marquer  le  Saint-Es- 
prit; d'où  vient  que  dans  la  nouvelle  édition 
de  ses  œuvres,  on  l'a  mise  parmi  les  sermons 
qui  lui  sont  supposés.  Il  est  dit  '  dans  cette 
profession  de  foi  que  le  Saint-Esprit  procède 
du  Père  et  du  Fils;  mais  dans  le  code  ancien 
de  l'Eglise  romaine,  où  elle  est  rapportée, 
on  lit  seulement  qu'il  procède  du  Père.  On 
y  établit  clairement  la  réalité  des  deux  na- 
tures et  leur  union  en  une  même  personne 
dans  Jésus-Cbrist,  et  que  l'âme  de  l'homme 
n'est  ni  une  substance  divine,  ni  égale  à 
celle  de  Dieu;  mais  qu'elle  est  une  nature 
créée  par  la  volonté  de  Dieu.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  remarquable  dans  les  dix-huit  anathè- 
mes ,  est  que  nous  devons  croire  que  le 
monde  est  créé  de  Dieu;  que  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit  sont  trois  personnes  diffé- 
rentes; que  le  Fils,  se  faisant  homme,  a  pris 
un  corps  et  une  âme  humaine;  que  l'ancienne 
et  la  nouvelle  loi  sont  d'un  même  Dieu;  qu'il 
n'y  a  pas  d'autres  Ecritures  canoniques  que 
celles  qui  sont  reçues  par  l'Eghse;  que  l'as- 
trologie judiciaire  est  une  science  vaine  ;  que 
les  mariages  qui  se  font  conformément  à  la 
loi  de  Dieu,  sont  permis  et  légitimes,  et  que 
quoique  l'on  puisse  s'abstenir,  par  mortifica- 
tion, de  manger  de  la  viande  des  oiseaux  ou 
des  animaux  grossiers,  on  ne  doit  pas  l'avoir 
eu  exécration. 

9.  Lucrèce  ^  parle  aussi  d'un  concile  des 
évêqaes  de  Galice,  à  qui  saint  Léon  envoya 
ses  écrits,  c'est-à-dire  apparemment  sa  lettre 
à  Turibius  ;  mais  il  parait,  par  Idace,  qu'elle 
ne  fut  point  approuvée  généralement,  et  que 
l'hérésie  de  Priscillien  subsista  encore  quel- 
que temps  dans  cette  province. 

ARTICLE  II. 

DES   CONCILES   DE    CONSTANTINOPLE,    [448,    449]. 

1.  Un  différend  survenu  entre  Florent, 
évêque  de  Sardes,  métropolitain  de  Lydie, 
et  deux  évéques  de  la  même  province,  donna 
occasion  à  saint  Flavien,  à  qui  ils  avaient  cha- 
cun envoyé  leurs  raisons,  d'assembler  un 
concile  pour  les  examiner.  Il  n'y  appela,  se- 
lon toutes  les  apparences,  que  les  évoques 
qui  étaient  à  Gonstantinople  pour  diverses 


affaires;  encore  n'y  assistèrent-ils  pas  tous 
d'abord,  les  uns  pour  raison  de  maladie,  les 
autres  parce  qu'ils  n'avaient  pas  été  invités 
de  s'y  rendre.  Los  plus  connus  soni  Saturnin 
de  Marcianople,  Basile  deSéleucie,  Séleucus 
d'Amasée,  et  Julien  de  Cos. 

2.  Le  concile  s'assembla  le  lundi  8  novem-  Promiire 
bre,  dans  la  salle  du  conseil  de  l'Eglise  ca-  iv  cÙhcm.'. 
thédrale  de  Gonstantinople.  Après  qu'on  eut  ^^i'- 

lu  les  pièces  de  Florent  et  des  deux  évéques, 
ses  suffragants,  et  terminé  leur  différend , 
Eusèbe  de  Dorylée,  l'un  des  évéques  du  con- 
cile, se  leva,  présenta  une  requête  contre 
Eutychès,  et  pressa  tant,  qu'elle  fut  lue,  et 
ensuite  insérée  aux  Actes  par  ordre  de  saint 
Flavien,  qui  présidait  à  celte  assemblée.  La 
requête  portait  qu'Eutychès  ne  cessait  de 
proférer  des  blasphèmes  contre  Jésus-Christ; 
qu'il  parlait  des  clercs  avec  mépris,  et  accu- 
sait Eusèbe  lui-même  d'être  hérétique;  c'est 
pourquoi  il  priait  le  concile  de  faire  venir 
Eutychès  pour  répondre  aux  chefs  d'accusa- 
tions qu'il  formait  contre  lui,  protestant  de 
son  côté,  de  suivre  tous  les  sentiments  du 
concile  d'Ephèse,  de  saint  Cyrille,  de  saint 
Athanase,  d'Atticus,  de  saint  Procle  et  des 
trois  Grégoire,  de  Néocésarée,  de  Nazianze 
et  de  Nysse.  Flavien  pria  par  deux  fois  Eu- 
sèbe de  voir  et  d'entretenir  Eutychès,  pour 
s'assurer  s'il  était  dans  les  sentiments  qu'il 
lui  imputait,  eu  lui  représentant  le  danger 
où  le  jetait  une  accusation  de  cette  impor- 
tance, qui  pouvait  exciter  de  nouveaux  trou- 
bles dans  l'Eglise.  Eusèbe  répondit  qu'étant 
auparavant  l'ami  d'Eutychès,  il  l'avait  sou- 
vent averti  de  se  corriger  des  erreurs  dans 
lesquelles  il  était  tombé  depuis,  et  que,  ne 
lui  étant  pas  possible  d'entendre  davantage 
ses  blasphèmes ,  il  persistait  à  demander 
qu'on  le  fît  venir.  Le  concile  ordonna  donc 
qu'Eutychès  serait  appelé  par  Jean,  prêtre 
et  défenseur  de  l'Eglise  de  Gonstantinople, 
et  par  André,  diacre,  qui  lui  feraient  lecture 
de  la  requête  présentée  contre  lui,  et  l'aver- 
tiraient de  venir  se  justifier  à  la  pi'ochaine 
session. 

3.  Elle  se  tint  le  vendredi  12  novembre,       neu^ièma 
six  jours  après  la  première,  et  il  s'y  trouva   |v"'°(':onc°ir 
dix-huit  évéques,  y  compris  Eusèbe.  On  la   i'"°-  '"• 
commença,  sur  la  demande  d'Eusèbe,paf  la 
lecture  de  la  'seconde  lettre  de  saint  Cyrille 


1  Credimus...  Spiriium  quoque  pnracletum  esse,  qui 
nec  Pater  ipse  sit ,  nec  Filius ,  sed  a  Paire  Filiuque 
procedens.  Tom.  II  Concil.,  pag.  1227. 


'  Lucret.,  in  Concil.  Bracar.,  ubi  supra,  et  Iflac, 
ad  ann.  446. 


670 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSÎ ASTIQUES. 


à  NesLorins,  approuvée  par  le  concile  d'E- 
plièse,  et  par  celle  que  le  même  pape  écrivit 
en  i'dS,  à  Jean  d'Antioclie,  sur  la  réunion; 
après  quoi  Eusèbe  déclara  qu'elles  conte- 
naient l'une  et  l'autre  sa  créance  sur  le 
mystère  de  l'Incarnation;  que  c'était  aussi 
la  foi  de  toutes  les  Eglises,  et  que  c'était  par 
ces  deux  lettres  qu'il  prétendait  convaincre 
Pag.  175.  ses  adversaires.  Flavien  témoigna  qu'il  rece- 
vait ces  lettres  comme  des  paroles  du  Saint- 
Esprit,  et  comme  une  explication  fidèle  de 
la  foi  deNicée;  mais  voulant  expliquer  lui- 
même  sa  doctrine,  il  dit  que  Jésus-Christ  est 
Dieu  parfait  et  homme  parfait ,  composé 
d'une  âme  raisonnable  et  d'un  corps,  con- 
substantiel  à  son  Père  selon  la  divinité,  et  k 
sa  mère  selon  l'humanité,  et  que  des  deux 
natures  unies  en  une  hypostase  et  une  per- 
sonne, il  résulte  après  l'incarnation  un  seul 

18S.  Jésus  ■■Christ  :  «  Que  si  quelqu'un,  ajoula-t- 
il,  est  dans  une  doctrine  contraire,  nous  le 
séparons  de  l'assemblée  des  rainisires  de 
l'autel  et  du  corps  de  l'Eglise.  »  Tous  les 
évêques,  excepté  Eusèbe,  opinèrent  ensuite 
et  confirmèrent  ce  qu'avait  dit  Flavien  et  la 
foi  expliquée  dans  les  lettres  de  saint  Cyrille. 

in.  Ensuite  Eusèbe  demanda  que  l'on  avertit  les 
évêques  qui,  pour  causé  de  maladie,  ou  pour 
n'avoir  pas  su  la  convocation ,  ne  s'étaient 
pas  trouvés  à  cette  session.  Flavien  l'ordonna 
ainsi. 
Troisième  ^-  Jeaw,  prêtre,  et  André,  diacre,  chargés, 
sKsioi.,  pas.  ^^g  j^  première  session  tenue  le  8  nowmbre, 
d'aller  citer  Eutychès,  s'étaient  acquittés  de 
leur  commission,  en  lui  parlant  à  lui-même 
dans  son  monastère.  Ils  lui  avaient  lu  la  re- 
quête ou  libelle  d'Eusèbe,  et  lui  en  avaient 
donné  copie  ;  ils  lui  avaient  aussi  déclaré  l'ac- 
cusateur, et  dénoncé  la  citation  par-devant 
le  concile,  pour  se  défendre  ;  mais  Eutychès 
l'avait  refusé,  disant  que,  dès  le  commence- 
ment, il  s'était  fait  une  loi  de  ne  point  sortir 
de  son  monastère  et  d'y  demeurer  comme 
dans  une  espèce  de  sépulcre;  que  l'on  ne  de- 
vait point  avoir  d'égard  aux  accusations  d'Eu- 
sèbe, qui  était  son  ennemi  depuis  longtemps; 
qu'il  était  prêt  de  souscrire  aux  expositions  de 
foi  des  Pères  de  Nicée  et  d'Ephèse  ;  mais  que 
si  ces  Pères  s'étaient  trompés  en  quelqu'ex- 
pression ,  il  ne  prétendait  point  ni  la  repren- 
dre, ni  la  recevoir;  qu'il  n'étudiait  que  les 
Ecritures  comme  plus  sûres  que  l'exposition 
des  Pères;  qu'après  l'incarnation,  il  adorait 
une  seule  nature  de  Dieu  incarné.  Eutychès 
s'autorisait  beaucoup  d'un  livre  ou  d'un  mé- 


moire qu'il  leur  lisait.  On  ne  sait  point  ce 
que  c'était.  Puis  il  ajoutait  :  «  On  m'a  calom- 
nié, en  me  faisant  dire  que  le  Verbe  a  ap- 
porté sa  chair  du  ciel.  J'en  suis  innocent. 
Mais  que  Notre-Seigneur  soit  fait  de  deux  paj.  io4. 
natures  unies  selon  l'hypostase,  je  ne  l'ai 
point  appris  dans  les  expositions  des  Pères, 
et  je  ne  le  reçois  point,  quand  même  on  me 
lirait  quelque  chose  de  semblable,  parce  que 
les  saintes  Ecritures  valent  mieux  que  la 
doctrine  des  Pèi'es  :  cependant  je  confesse 
que  celui  qui  est  né  de  la  Vierge  Marie,  est 
Dieu  parfait  et  homme  paifait,  mais  non  pas 
qu'il  ait  une  chair  consubstantielle  à  la  nô- 
tre. »  Le  prêtre  Jean  et  le  diacre  André,  qui 
étaient  présents  à  cette  Iroisièiue  session, 
déclarèrent  qu'ils  avaient  ouï  tout  cela  de 
la  bouche  d'Eutychès,  en  quoi  ils  furent  ap- 
puyés de  l'attestation  d'un  nommé  Athanase, 
diacre  de  Basile  de  Séleucie,  qui  avait  aussi 
été  témoin  de  la  conversation  qu'ils  avaient 
eue  avec  cet  hérésiarque.  Jean  écrivit  même  2S8. 
un  mémoire  de  ce  qui  s'y  passa.  Nous  l'a- 
vons encore  ;  mais  ayant  oublié  d'y  mettre 
qu'Eutychès  lui  avait  dit  que  la  chair  de  Jé- 
sus-Christ n'est  pas  consubstantielle  à  la  nô- 
tre, il  protesta  depuis  qu'il  était  prêt  d'affir- 
mer qu'il  lui  avait  dit  en  particulier,  sans 
être  entendu  des  autres,  que  Jésus-Christ  a  253,263. 
une  chair  consubstantielle  à  sa  mère,  mais 
non  à  nous..  A  quoi  il  ajoute  qu'ayant  de- 
mandé à  Eutychès  s'il  croyait  Jésus-Christ 
consubstantiel  à  son  Père  selon  sa  divinité, 
et  à  nous  selon  son  humanité,  Eutychès  lui 
demanda  à  lui-même  ce  que  portait  le  sym- 
bole. Jean  lui  répondit  qu'il  est  consubstan- 
tiel au  Père.  «  C'est  à  quoi  je  me  tiens,  lui 
répliqua  Eutychès,  et  vous  ferez  bien  de 
n'aller  pas  aussi  plus  loin.  » 

Jean,  André  et  Athanase  ayant  certifié  tous  ijj. 
ces  faits  dans  la  troisième  session  qui  se  tint 
le  lundi  13  novembre,  les  évêques  comprirent 
qu'Eutychès  était  non- seulement  dans  l'er- 
reur, mais  qu'il  y  persistait.  Eusèbe  demanda 
qu'il  fût  cité  une  seconde  fois.  Flavien  nomma 
pour  cela  les  prêtresMamas  et  Théophile,  aux- 
quels on  donna  une  lettre  de  citation  où  il  était 
marqué  que  c'était  la  seconde.  La  lettre  fut 
lue  dans  le  concile  et  enregistrée  aux  Actes. 
En  attendant  le  retour  des  deux  prêtres,  le  ,93. 
concile  fit  lire  les  expositions  de  foi  faites  par 
les  saints  Pères.  On  parla  aussi  d'un  tome 
qu'Eutychès  avait  envoyé  dans  les  monas- 
tères pour  soulever  les  moines  en  sa  faveur, 
et  on  vérifia  qu'il  l'avait  envoyé  au  menas- 


CHAPITRE  Lin.  —  CONCILES  DE  CONSTÂNTINOPLE. 


fye  ET  VI°  SIÈCLES.] 

tère  de  l'abLé  Manuel  pour  y  être  signé.  Fla- 
vien  ,  à  la  prière  d'Eusèbe  ,  envoj'a  clans  les 
autres  monastères  de  Conslantiiiople  et  dans 
ceux  de  Chalcédoine,  pour  savoir  siEulycliès 
y  avait  fait  passer  ce  tome  et  s'il  avait  de- 
mandé qu'on  y  souscrivît.  Tandis  que  Flavien 
donnait  ses  ordres  pour  cette  perquisition , 
les  prêtres  Mamas  et  Théophile  revinrent. 
Flavien  leur  ayant  ordonné  de  faire  leur  rap- 
poft,  Mamas  dit  :  «  Etant  arrivés  au  monas- 
tère d'Eutycliès,  nous  avons  trouvé  des  moines 
devant  la  porte,  auxquels  nous  avons  dit  d'a- 
vertir Eutychès,  parce  que  nous  avions  à  lui 
parler  de  la  part  de  l'archevêque  et  de  tout 
le  concile.  Ils  nous  ont  répondu  qu'il  était 
malade  et  qu'on  ne  pouvait  le  voir.  Nous  leur 
avons  dit  que  nous  étions  envoyés  à  lai- 
même  avec  une  citation  par  écrit  que  nous 
avions  en  main.  S'il  ne  veut  pas  nous  rece- 
voir, dites-le  nous.  Entendant  parler  d'une 
citation  par  écrit,  ils  nous  ont  fait  entrer,  et 
nous  l'avons  donnée  à  Eutychès.  11  l'a  fait 
lire  devant  nous,  puis  il  a  dit  :  Je  me  suis 
fait  une  loi  de  ne  point  sortir  du  monastère, 
si  la  mort  ne  m'y  contraint.  L'archevêque  et 
le  concile,  voyant  que  je  suis  vieux  et  cassé, 
peuvent  faire  ce  qu'il  leur  plaira.  Je  les  prie 
seulement  que  personne  ne  se  donne  la  peine 
de  venir  pour  une  troisième  citation;  je  la 
tiens  pour  faite.  Il  nous  a  pressés  de  nous 
charger  d'un  papier,  mais  nous  l'avons  refusé 
en  disant  ;  Si  vous  avez  quelque  chose  à  dire  , 
venez  le  dire  vous-même.  Nous  n'avons  pas 
même  voulu  en  entendre  la  lecture.  11  l'a 
souscrit ,  et ,  comme  nous  sortions  ,  il  a  dit 
qu'il  l'enverrait  au  concile.  » 

Le  prêtre  Théophile  ayant  confirmé  le  rap- 
port de  Mamas,  le  concile,  sur  les  remon- 
trances d'Eusèbe,  que  le  prétexte  d'Eutychès 
était  tout-à-fait  déraisonnable,  ordonna  qu'il 
serait  cité  pour  la  troisième  fois  par  Memnon, 
prêtre  et  trésorier  ;  par  Epiphane  et  Germain, 
diacres.  Le  billet  de  citation  dont  on  les  char- 
gea, portait  que  si  Eutychès  ne  se  rendait  au 
concile  dans  quatre  jours,  c'est-à-dire  le  mer- 
credi 17  novembre ,  il  serait  traité  selon  la 
rigueur  des  canons. 
I  5.  Eutychès ,  sans  attendre  qu'on  lui  fit  la 
dernière  citation ,  pria  l'abbé  Abraham ,  qui 
était  prêtre,  d'aller  déclarer  de  sa  part  au 
concile  qu'il  acceptait  tout  ce  qui  avait  été 
décidé  par  les  Pères  des  conciles  de  Nicée  et 
d'Ephèse,  et  tout  ce  que  saint  Cyrille  avait 
écrit.  Abraham  se  présenta  au  concile  le  16 
novembre,  jour  auquel  se  tenait  la  quatrième 


671 


session.  Ayant  eu  la  permission  d'entrer,  il 
dit  qu'Eutychès,  étant  malade,  l'avait  envoyé 
pour  faire  ses  excuses.  «  llm'a  chargé,  ajoute-  Pa^.  aoc 
t-il,  de  quelqu'autre  chose,  si  vous  m'inter- 
rogez. »  —  ((  Comment  se  peut-il  faire,  lui 
répondit  Flavien,  qu'un  homme  étant  accusé, 
un  autre  parle  pour  lui?  Nous  ne  le  pressons 
pas.  S'il  vient  ici,  il  trouvera  des  pères  et  des 
frères.  Il  ne  nous  est  pas  inconnu.  Nous  con- 
servons encore  de  l'amitié  pour  lui.  S'il  est 
venu  autrefois  soutenir  la  vérité  contre  Nes- 
torius ,  combien  plutôt  doit-il  la  venir  défen- 
dre pour  lui-même  ?  Nous  sommes  hommes. 
Plusieurs  grands  personnages  se  sont  trom- 
pés. Il  n'y  a  point  de  honte  à  se  repentir,  mais 
à  demeurer  dans  son  péché.  Qu'il  vienne  ici 
et  qu'il  confesse  sa  faute,  nous  lui  pardonne- 
rons le  passé,  et  qu'il  nous  assure,  pour  l'a- 
venir, de  se  conformer  aux  expositions  des 
Pères  et  de  ne  plus  dogmatiser.  »  Flavien 
ajouta,  après  qu'on,  se  fut  levé  :  «  Vous  con- 
naissez le  zèle  de  l'accusateur;  le  feu  même 
lui  paraît  froid.  Dieu  sait  combien  je  l'ai  prié 
de  se  modérer.  Je  ne  l'ai  pas  persuadé.  Que 
puis-je  faire  ?  Veux-je  votre  perte  ?  Dieu  m'en 
garde  !  » 

6.  Les  députés  pour  la  troisième  citation 
qui  en  avaient  porté  l'acle  à  Eutychès  pen- 
dant qu'Abraham  venait  de  sa  part  au  con- 
cile, firentleur  rapportle  lendemain,  qui  était 
le  17  novembre.  Il  contenait  qu'Eutychès  avait 
envoyé  Abraham  pour  consentir,  en  son  nom, 
à  tout  ce  qui  avait  été  déclaré  par  les  Pères 
de  Nicée,  d'Ephèse  et  par  saint  Cyrille,  et 
qu'il  viendrait  lui-même  le  lundi  suivant,  22 
novembre,  se  justifier  en  personne.  Eusèbe 
de  Dorylée,  qui  craignait  de  passer  pour  ca- 
lomniateur si  le  concile  se  contentait  d'une 
semblable  déclaration  ,  dit  qu'il  n'avait  pas 
accusé  Eutychès  de  l'avenir,  mais  du  passé; 
que  si  l'on  se  contentait  de  dire  aux  voleurs  qui 
sont  en  prison  :  ne  volez  plus,  ils  le  promet-  p^„  ^^g_ 
traient  tous;  qu'il  ne  prétendait  donc  pas 
avoir  perdu  sa  cause  si  Eutychès,  pour  céder 
au  temps ,  ou  par  quelqu'autre  motif ,  rece- 
vait une  profession  de  foi  catholique.  «  Per- 
sonne, lui  répondit  Flavien,  ne  vous  permet 
devons  désister  de  votre  accusation,  nia 
Eutychès  de  ne  pas  se  défendre  du  passé. 
Quand  Eutychès  aurait  promis  mille  fois  de 
souscrire  aux  expositions  des  Pères,  cela  ne 
vous  fait  point  de  préjudice ,  parce  qu'il  faut, 
comme  nous  l'avons  dit  souvent,  qu'il  soit 
d'abord  convaincu  du  passé,  et  qu'à  l'avenir 
il  satisfasse.  «  Eusèbe  ,  continuant  donc  son 


Cinquième 
lejsion,  pag, 
206,  2U7. 


672 


HISTOIRE  GENERALE  DES 


Si  % 
session , 
214. 


Pig. 210,211.  instance,  fit  voir,  par  le  témoignage  du  prê- 
tre Pierre  et  de  Patrice,  diacre,  envoyés  pour 
s'informer  du  tome  d'Eutychès,  que  ce  tome 
avait  été  porté ,  de  sa  part ,  dans  les  monas- 
tères de  l'abbé  Martin  et  dans  celui  de  Fauste, 
pour  y  être  souscrit;  qu'Eutycliès  étant  donc 
convaincu,  d'un  côté,  de  troubler  l'Eglise,  et 
de  l'autre,  d'enseigner  des  hérésies,  on  de- 
vait le  traiter  suivant  la  sévérité  des  canons, 
sans  aucun  égard  au  délai  qu'il  avait  de- 
mandé. Flavien  en  convint;  néanmoins  il 
voulut,  pour  plus  grande  sûreté,  qu'on  atten- 
dît jusqu'au  lundi  22  novembre,  afin  de  con- 
vaincre le  coupable  en  sa  présence. 

7.  Dans  la  sixième  session,  que  l'on  tint  le 
20  du  même  mois  ,  on  accorda  à  Eusèbe 
que  l'on  appellerait  diverses  personnes  qu'il 
croyait  nécessaires  pour  poursuivre  son  ac- 
cusation, savoir  :  Narsès,  prêtre  et  syncelle 
d'Eutychès;  Maxime,  ai'cbimandrite ,  son 
ami;  Constantius,  diacre,  son  apocrysiaire, 
et  Eleusiiiius,  autre  diacre  de  sou  monastère. 
Ce  fut  encore  à  la  réquisition  d'Eusèbe  que 
Tiiéophile,  qui  avait  été  envoyé  avec  Marnas 
pour  faire  la  première  citation  à  Eulychès, 
fut  obligé  de  rapporter  certaines  choses  qu'il 
avait  tues  dans  son  premier  rapport,  parce 
qu'il  les  regardait  comme  étrangères  à  sa 
commission.  Interrogé  là-dessus,  il  dit  :  «  En- 
tychès  nous  demanda,  au  prêtre  Marnas  et  à 
moi,  en  présence  du  prêtre  Narsès,  de  l'abbé 
Maxime  et  de  quelques  autres  moines,  en 
quelle  Ecriture  on  trouvai!  deux  natures,  et 
ensuite,  qui  des  Pères  a  dit  que  le  Verbe  ait 
deux  natures.  Nous  lui  répondîmes  :  Mon- 
trez-nous aussi  en  quelle  Ecriture  on  trouve 
le  consubstantielt  E,u tychès  répondit  :  Il  n'est 
pas  dans  l'Ecriture,  mais  dans  l'exposition 
des  Pères.  Marnas  répondit  :  Il  en  de  même 
des  deux  natures.  J'ajoutai ,  dit  Théophile  : 
Le  Verbe  est -il  Dieu  parfait  ou  non  ?  Euty- 
chès  dit  :  Il  est  parfait.  J'ajoutai  ;  Etant  in- 
carné ,  est-il  homme  parfait  ou  non?  11  dit  : 
Il  est  parfait.  Je  repris  :  Donc  ,  si  ces  deux 
parfaits  ,  le  Dieu  parfait  et  l'homme  parfait , 
composent  un  seul  Fils ,  qui  nous  empêche 
de  dire  qu'il  est  de  deux  natures  î  Eulychès 
dit  :  Dieu  me  garde  de  dire  que  Jésus-Christ 
est  de  deux  natures  ou  de  raisonner  de  la  na- 
ture de  mon  Dieu.  Qu'ils  fassent  contre  moi 
ce  qu'ils  voudront.  Je  veux  mourir  dans  la 
foi  que  j'ai  reçue.  »  Flavien  demanda  à  Théo- 
phile pourquoi  il  n'avait  rien  dit  de  cela  la 
première  fois.  «C'est,  répondit  Théophile, 
que  n'ayant  été  envoyés  que  pour  citer  Eu- 


P.ig.21B,  218 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUKS. 

tychès,  nous  avons  cru  inutile  de  parler  d'au- 
tre chose.  »  Mamas,  qui  était  absent  lorsque 
Théophile  racontait  ces  choses,  vint;  on  lui 
lut  la  déposition  de  Théophile  ,  après  quoi  il 
dit  :  «  Lorsque  nous  fûmes  envoyés  à  Euly- 
chès, nous  ne  voulions  parler  de  lùen;  mais 
il  entra  en  dispute  ,  parlant  de  son  dogme. 
Nous  le  reprenions  doucement.  Il  disait  que 
le  Verbe  incarné  est  venu  relever  la  nature 
qui  était  tombée.  Je  repris  aussitôt  :  Quelle 
nature?  Il  répéta  :  La  nature  humaine.  Je  lui 
dis  :  Par  quelle  nature  a-t-elle  été  relevée  ? 
Il  dit  :  Je  n'ai  point  appris  dans  l'Ecriture 
qu'il  y  ait  deux  natures.  Je  repris  :  Nous  n'a- 
vons point  non  plus  appris  dans  l'Ecriture 
le  consubstantiel,  mais  des  pères,  qui  l'ont 
bien  entendu  et  fidèlement  expliqué.  Il  dit  : 
Je  ne  raisonne  point  sur  la  nature  de  la  divi- 
nité et  je  ne  dis  point  deux  natures.  Dieu  m'en 
garde  !  Me  voici.  Si  je  suis  déposé,  le  monas- 
tère sera  mon  tombeau.  » 

8.  Le  lundi  22  novembre,  les  évêques  s'é-       s 

11/  1  T  •  n  3PSSÎ0D,     I 

tant  assembles  au  nombre  de  vmgt-  neuf  ou  248. 
de  trente-deux,  et  même  plus,  selon  Théo- 
phane  ',  Eulychès,  que  l'on  avait  envoyé 
chercher  en  plusieurs  endroits  inutilement, 
arriva,  escorté  d'une  troupe  de  soldats,  de 
moines  et  d'officiers  du  prétoire.  Suivit  de  pag.  su. 
près  le  silentiaire  Magnus,  qui  demanda  à 
entrer  comme  envoyé  de  l'empereur.  Flavien 
le  lui  permit  et  à  Eutychès.  Magnus  lut  un 
ordre  de  ce  prince,  qui  portait  que  le  patrice 
Florent  entrerait  aussi,  pour  la  conservation 
de  la  paix  et  de  la  foi.  Quand  il  fut  enti'é, 
Flavien  fit  lire  les  actes  des  sessions  précé- 
dentes, afin  que  l'on  vit  ce  qu'il  y  avait  à 
faire  dans  celle-ci.  Comme  on  lisait  la  lettre 
de  saint  Cyrille  aux  Orientaux,  qui  avait  déjà 
été  lue  dans  la  seconde  session,  Eusèbe  de 
Dorylée  en  interrompit  la  lecture  à  l'endroit 
où  ce  Père  marque  la  distinction  des  deux 
natures,  et  dit,  en  parlant  d'Eutychès  :  «  Ce- 
lui-ci n'en  convient  pas;  il  enseigne  le  con- 
traire. »  Florent,  au  lieu  de  laisser  achever 
la  lecture  des  actes ,  comme  Eusèbe  le  de- 
mandait, voulut  qu'on  interrogeât  Eutychès 
sur  cet  article.  Flavien  lui  dit  donc  :  c  Vous 
avez  ouï  votre  accusateur.  Dites  si  vous  con-  333 
fessez  l'union  des  deux  natures?  n  Eutychès 
répondit  :  «  Oui,  de  deux  natures.  »  Eusèbe 
dit  :  «  Confessez -vous  deux  natures  après 
l'incarnation,  et  que  Jésus-Christ  nous  est 
consubstantiel  selon  la  chair,  ou  non?  Euty- 

'  Tlieopli.,  in  Chron..  pag.  86. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  CONSTANïlNOPLE. 


[V^  ET  VI"  SIÈCLES.] 

chès,  ciu  lieu  de  répondre  à  Eusèbe,  adressa 
la  parole  à  Flavien  et  dit  :  «  Je  ne  suis  pas 
venu  pour  disputer,  mais  pour  déclarer  à 
votre  Sainteté  ce  que  je  pense.  11  est  écrit 
dans  ce  papier;  faites-le  lire.  »  Flavien  lui 
dit  de  le  lire  lui-même,  ce  qu'il  refusa.  Api'ès 
quelques  contestations  sur  ce  sujet,  Eutychès 
expliqua  sa  foi  en  ces  termes  :  «  J'adore  le 
Père  avec  le  Fils ,  et  le  Fils  avec  le  Père  ,  et 
le  Saint-Esprit  avec  le  Père  et  le  Fils.  Je  con- 
fesse son  avènement  dans  la  chair,  prise  de 
la  chair  de  la  sainte  Vierge,  et  qu'il  s'est  fait 
homme  parfait  pour  notre  salut.  Je  le  con- 
fesse ainsi  en  présence  du  Père ,  du  Fils ,  du 
Saint-Esprit  et  de  votre  Sainteté.  »  Flavien, 
voulant  quelque  chose  de  plus  précis,  lui  de- 
manda s'il  croyait  que  Jésus -Christ  tut  con- 
substantiel  à  sa  mère  et  à  nous ,  selon  son 
humanité,  et  qu'il  fut  de  deux  natures.  Basile 
de  Séleucie  le  pressa  sur  la  même  matière  ; 
le  patrice  Florent  en  fit  autant.  Eutychès  ré- 
pondit que  jusque-là  il  n'avait  point  dit  que 
Jésus-Christ  fût  consubstanliel  ans  hommes 
selon  la  chair,  mais  qu'il  était  prêt  de  le  dire, 
puisqu'on  le  jugeait  à  propos.  Flavien  reprit  : 
«  C'est  donc  par  nécessité  et  non  pas  selon 
votre  pensée  que  vous  confessez  la  foi  ?  »  Eu- 
tychès dit  :  «  C'est  ma  disposition  présente. 
Jusqu'à  cette  heure  je  craignais  de  le  dire; 
connaissant  que  le  Seigneur  est  notre  Dieu, 
je  ne  me  permettais  pas  de  raisonner  sur 
sa  nature  ;  mais  puisque  votre  Sainteté  me 
le  permet  et  me  l'enseigne ,  je  le  dis.  n 
—  «  Nous  n'innovons  rien,  lui  dit  Flavien; 
nous  suivons  seulement  la  foi  de  nos  pères.» 
Le  patrice  Florent  demanda  à  Eutychès  s'il 
confessait  que  Jésus -Christ,  notre  Sauveur, 
est  de  deux  natures  après  l'incarnation.  Il  ré- 
pondit :  «  Je  confesse  qu'il  a  été  de  deux 
nalures  avant  l'union  ,  mais  après  l'union  je 
ne  confesse  qu'une  nature.  »  Pressé  ensuite 
par  le  concile  d'anathématiser  clairement 
toute  doctrine  contraire  à  celle  des  lettres  de 
saint  Cyrille,  il  le  refusa,  disant  :  «  Si  je  pro- 
nonce cet  anathème,  malheur  à  moi;  car 
j'anathématise  mes  pères.  »  Sur  cela,  les 
évéques  se  levèrent  et  s'écrièrent  en  disant  : 
«  Qu'il  soit  anathème  !  »  On  l'interrogea  en- 
core une  fois  sur  les  deux  natures;  à  quoi  il 
répondit:  »  J'ai  lu,  dans  saint  Cyrille  et  saint 
Athanase,  que  Jésus- Christ  est  de  deux  na- 
tures avant  l'union  ;  mais,  après  l'union  ,  ils 
ne  disent  plus  deux  natures,  mais  une.  »  — 
«  En  ne  disant  pas  deux  natures  après  l'u- 
nion, vous  admettez,  lui  dit  Basile  de  Séleu- 
X. 


673 


cie,  un  mélange  et  une  confusion.»  Le  patrice 
Florent  ajouta  :  «  Qui  ne  dit  pas  de  deux  na- 
tures ,  et  deux  natures ,  ne  croit  pas  bien.  » 
Eutychès  neréponditrien.  Le  concile  seleva  en 
s'écriant  que  la  foi  ne  pouvant  être  forcée, 
c'était  en  vain  qu'on  exhortait  cet  obstiné. 

9.  Flavien  prononça  donc  contre  lui  la  sen- 
tence en  ces  termes  :  «  Eutychès,  jadis  prê- 
tre et  archimandrite ,  esc  pleinement  con- 
vaincu ,  et  par  ses  actions  passées  et  par  ses 
déclarations  présentes  ,  d'être  dans  l'erreur 
de  Valentin  et  d'Apolhnaire,  et  de  suivre  opi- 
niâtrement leurs  blasphèmes,  d'autant  plus 
qu'il  n'a  pas  même  eu  égard  à  nos  avis  et  à 
nos  instructions  pour  recevoir  la  saine  doc- 
trine. C'est  pourquoi,  pleurant  et  gémissant 
sur  sa  perte  totale,  nous  déclarons,  de  la  part 
de  Jésus-Christ,  qu'il  a  blasphémé,  qu'il  est 
privé  de  tout  rang  sacerdotal,  de  notre  com- 
munion et  du  gouvernement  de  son  monas- 
tère, faisant  savoir  à  tous  ceux  qui  lui  parle- 
ront ou  le  fréquenteront  ci-après,  qu'ils  seront 
eux-mêmes  soumis  à  l'excommunication.  » 

Après  la  lecture  de  cette  sentence,  qui  fut 
souscrite  par  trente-deux  évêques,  le  concile 
se  sépara.  Eutychès  dit  tout  bas  au  patrice 
Florent  qu'il  appelait  aux  conciles  de  Rome, 
d'Egypte  et  de  Jérusalem ,  de  tout  ce  qu'on 
venait  de  faire  contre  lui.  Florent,  croyant 
qu'il  devait  en  avertir  Flavien ,  le  joignit  tan- 
dis qu'il  montait  à  son  appartement,  et  lui 
dit  qu'Eutychès  avait  appelé  de  la  sentence. 
Celan'empêchapasFlaviendelamettre  à  exé- 
cution. Il  envoya  le  prêtre  ïhéodose  et  quel- 
ques autres  ecclésiastiques  ordonner  aux 
moines  d'Eutychès  de  se  séparer  de  leur 
abbé,  menaçant  de  séparer  de  la  communion 
des  sain  ts  mystères  ceux  quin'obéiraient  point 
à  cet  ordre.  Us  demeurèrent  unis  à  Eutychès. 
Flavien,  en  conséquence,  les  priva  des  sacre- 
ments pendant  près  de  neuf  mois  ,  en  sorte 
qu'on  n'ottrit  point  le  sacrifice  sur  l'autel  de 
leur  monastère,  ni  à  Noël ,  ni  à  l'Epiphanie, 
ni  à  Pâques.  Quelques-uns  d'entre  eux  mou- 
rurent, pendant  cet  intervalle,  dans  les  Hens 
de  l'excommunication.  Flavien  fit  aussi  pu- 
blier la  sentence  contre  Eutychès  dans  les 
éghses  de  Constantinople,  et  la  fit  signer  dans 
les  monastères.  Trente-deux  abbés  y  sous- 
crivirent; on  a  mis  leurs  souscriptions  à  la 
suite  de  celles  des  évêques  dans  les  actes  du 
conciledeConstantinople.Eutychès  se  voyant 
condamné,  s'en  plaignit  au  pape  saint  Léon, 
disant  qu'on  n'avait  voulu  ni  recevoir  la  re- 
quête qui  contenait  sa  profession  de  foi ,  ni 

43 


Senlenca 
contre  i-uty- 
chè?,  p.  22H. 


Pag.  277. 


S3S,  S32. 


674 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lupus,  pag. 
333. 


Liber.!  t., 
cap.  XI,  tom. 
IV  toncll., 
pg.  1«. 


Libarst., 
eap.  xt. 


Antre  con- 
cile de  Cons- 
taiitinoplc,  on 
«43. 


Tom.  iV 
Concil.,  pae. 
144. 


Tom.    IV 
CuDcil.,pag. 


la  lire,  quoiqu'il  y  suivît  en  tout  la  foi  de 
Nicée  confirmée  à  Ephèse.  Il  fit  aussi  des 
protestations  publiques  contre  le  refus  qu'on 
avait  fait  de  recevoir  son  appel,  et,  prenant 
prétexte  de  cet  appel ,  il  demanda  à  l'empe- 
reur Théodose  la  convocation  d'un  concile 
général  où  il  pût  être  jugé  par  des  personnes 
de  vertu  et  éloignées  de  toute  injustice.  Il 
écrivit  en  même  temps  aux  principaux  évé- 
ques,  pour  les  prévenir  contre  les  évoques 
du  concile  de  Constantinople,  nommément 
contre  Flavien.  Dans  sa  lettre  à  Dioscore ,  il 
témoignait  combien  il  serait  ravi  de  l'avoir 
pour  juge,  et  le  priait  de  se  joindre  à  lui  pour 
obtenir  de  Théodose  la  tenue  d'un  concile 
universel.  L'eunuque  Chrysaphe,  ennemi  de 
Flavien  ,  se  mit  du  côté  d'Eutychès  ,  et  l'on 
croit  que  ce  fut  lui  qui  obtint  de  ce  prince  la 
convocation  du  concile  d'Ephèse.  La  lettre 
de  convocation  à  Dioscore,  évoque  d'Alexan- 
drie, est  du  30  mars  449. 

10.  Aussitôt  qu'elle  eut  été  envoyée  tant  à 
Dioscore,  qu'aux  autres  évéques  des  six  dio- 
cèses soumis  à  l'empire  d'Orient,  savoir  : 
l'Egypte,  l'Orient,  l'Asie,  le  Pont,  la  ïhrace 
et  i'Ilfyrie;  Eutychès,  dans  le  dessein  de  faci- 
liter son  rétablissement,  soutint  que,  depuis 
la  sentence  prononcée  contre  lui,  on  avait 
falsifié  les  actes  du  concile  de  Constantinople, 
en  y  changeant  plusieurs  choses ,  tant  de  lui 
que  des  antres,  et  en  ôtant  ce  qui  servait  de 
preuve  à  la  pureté  de  sa  foi.  C'était  '  Flavien 
qu'il  accusait  de  cette  falsification.  Jl  présenta 
donc  une  requête  à  l'empereur  Théodose,  où 
il  demandait  que  les  évéques  et  les  témoins 
qui  avaient  eu  part  à  sa  condamnation,  de 
même  que  les  notaires  qui  en  avaient  rédigé 
les  actes  par  écrit,  fussent  appelés  devant 
Thalassius,  évêque  de  Césarée,  pour  recon- 
naître la  vérité.  Sa  requête^  fut  décrétée  sui- 
vant ses  désirs,  et  le  mercredi  13  avril  449, 
les  évéques,  au  nombre  de  trente,  dont  il  y 
en  avait  quinze  du  concile  précédent,  s'as- 
semblèrent dans  le  baptistère  de  l'église  de 
Constantinople.  Thalassius  présidait  à  cette 
assemblée  ;  le  patrice  Florent  réglait  tout,  et 
Macédonius,  tribun  et  notaire,  instruisait  la 
procédure.  Eutychès  n'y  vint  pas  en  per- 
sonne, étant  déposé  et  excommunié  ;  mais  il 
y  envoya  Eleusinius  et  Constance,  tous  deux 
diacres  et  moines  de  son  monastère.  Eusèbe 
de  Dorylée  dit  que  si  l'on  permettait  à  Euty- 
chès de  se  défendre  par  procureur,  il  se  reti- 
rerait et  l'accuserait  de  même.  Méliphton- 
'  Evagr.,  lib.  I,  cap.  IX. 


gue,  évêque  de  Juliopolis,  s'opposa  aussi  à 
l'entrée  des  députés  d'Eutychès;  mais  le  pa- 
trice Florent  ayant  fait  déclarer  parle  tribun 
Macédonius,  que  la  volonté  de  l'empereur 
était, qu'ils  entrassent,  cela  leur  fut  accordé. 
Macédonius  voulut  obliger  les  évéques  de 
jurer  qu'ils  diraient  la  vérité  sur  les  actes  en 
question,  disant  qu'il  y  avait  ordre  de  ce  p»! 
prince  d'exiger  d'eux  ce  serment;  sur  quoi 
Basile  de  Séleucie  dit  :  «  Jusqu'ici  nous  ne 
savons  point  que  le  serment  ait  été  ordonné 
aux  évéques;  »  et  on  n'insista  pas  à  l'exiger. 
Flavien  représenta  les  notaires  qui  avaient  2« 
rédigé  les  actes  du  concile.  Ils  en  produisi- 
rent les  originaux,  et  Constance,  l'un  des  en- 
voyés d'Eutychès,  en  apporta  une  copie.  11 
ne  se  trouva  aucune  ditierence  pour  les  deux 
premières  sessions;  mais  on  chicana  beau-  ai? 
coup  sur  la  manière  dont  les  députés  du 
concile  avaient  rapporté  les  réponses  d'Eu- 
tychès, et  sur  l'anathème  prononcé  contre 
lui  par  les  évéques.  Constance  prétendit  que,  ses. 
lorsqu'on  lisait  la  sentence  de  déposition, 
Eutychès  en  avait  appelé  aux  conciles  des 
évéques  de  Rome,  d'Alexandrie  et  de  Jéru-  241. 
salem,  et  qu'il  avait  même  donné  un  acte 
par  écrit  de  cet  appel,  qu'on  n'avait  pas  voulu 
recevoir  ;  mais  Flavien,  le  patrice  Florent, 
Basile  de  Séleucie  et  tous  les  autres  évéques 
déclarèrent  qu'il  n'avait  pas  ouï  un  seul  mot 
de  cet  appel,  pendant  les  séances  du  concile. 
Le  patrice  convint  qu'Eulychès  lui  avait  dit 
tout  bas  à  l'oreille,  mais  après  le  concile  fini, 
qu'il  aj)pelait  de  la  sentence.  Il  conclut  l'as-  255. 
semblée  en  déclarant  qu'il  porterait  à  l'em- 
pereur les  actes  de  ce  qui  s'y  était  passé.  On 
n'y  avait  pas  examiné  s'il  était  vrai,  comme 
le  disait  Eutychès,  que  sa  sentence  avait  été 
dressée  dès  avant  qu'il  comparût  ;  c'est  pour-  2;8, 
quoi  il  donna  sa  requête  àThéodose,  deman- 
dant que  le  silentiaire  Magnus  fût  entendu 
sur  ce  fait  :  cela  lui  fut  accordé,  et  ce  prince 
commit  pour  l'entendre  Ariobende,  maître 
des  offices.  Magnus  comparut  le  27  avril  de 
la  même  année  449,  et  déclara  qu'on  lui 
avait  montré  la  sentence  de  condamnation 
d'Eutychès  tout  écrite  avant  le  concile.  Le 
notaire  Macédonius  déclara  aussi  que  le  prê- 
tre Astérius  l'avait  averti  que  les  autres  no- 
taires avaient  falsifié  les  actes.  Cette  dernière 
procédure  fut  faite  connue  la  première,  aux 
instances  de  Constance,  l'un  des  agents  d'Eu- 
tychès. Flavien  3,  obligé  par  ordre  de  l'empe- 
reur de  donner  sa  confession  de  foi,  déclara 
'  Libérât.,  cap.  si.  —  ^  Libérât.,  cap.  si. 


[v^ETvi'STÈCLES.J     CHAPITRE  LUI.  —  DU  FAUX  CONCILE  D'ÉPHÈSE,  ETC. 

qu'il  suivait  la  doctrine  des  conciles  de  Nicée, 
de  ConsLautinople  et  d'Ephèse;  qu'il  recon- 
naissait en  Jésus-Christ  deux  natures  après 
l'incarnation,  en  une  hypostase  ou  personne; 
qu'il  ne  refusait  pas  même  de  dire  une  na- 
ture du  Verbe  divin,  pourvu  que  l'on  ajoutât 
incarnée  et  humanisée.  Enfin  il  analliématisa 
tous  ceux  qui  divisaient  Jésus-Christ  en  deux, 
nommément  Neslorius. 


67S 


ARTICLE  m. 

DU   FAUX    CONCILE   D'ÉPHÈSE    [449], 
CONCILE   DE   HOME    [449]. 


ET   DU 


1.  La  profession  de  foi  de  Flavien  ne  dis- 
sipa point  les  fâcheux  préjugés  que  les  euty- 
chiens  avaient  inspirés  à  l'empereur  contre 
lui.  Ce  prince  continua  à  l'accuser  d'avoir 
excité  les  contestations  qui  troublaient  l'E- 
glise, d'être  le  premier  auteur  des  maux  et 
de  n'avoir  jamais  voulu  céder  aux  fréquentes 
instances  qu'il  lui  avait  faites  pour  le  récon- 
cilier avec  Eutychès,  et  finir  par  là  les  divi- 
sions et  les  troubles.  C'est  dans  ces  termes 
qu'il  parlait  de  son  archevêque  dans  sa  lettre 
au  faux  concile  d'Ephèse  ;  Théodose  le  con- 
voqua à  la  prière  de  Dioscore,  qui  s'était  fait 
appuyer  dans  sa  demande  par  les  sofiicita- 
tions  d'Eudoxie  et  de  l'eunuque  Chrysaphe. 
La  lettre  de  convocation,  qui  est  du  30  mars 
449,  porte  que  l'exarque  ou  patriarche  pren- 
dra avec  lui  dix  métropolitains  de  sa  dépen- 
dance, et  dix  autres  évéques  pour  se  trouver  à 
Ephèse  le  1"'  août  prochain  ;  qu'à  l'égard  de 
Théodoret,  il  ne  lui  sera  pas  permis  d'y  venir 
jusqu'à  ce  que  le  concUe  assemblé  le  juge  à 
propos.  L'empereur  ordonna  aussi  à  l'abbé 
Ëarsumas  de  se  rendre  à  Ephèse  au  nom  de 
tous  les  abbés  ou  archimandrites  de  l'Orient, 
pour  y  prendre  séance  avec  les  évèques.  On 
n'avait  point  encore  vu  d'abbé  prendre  le 
rang  de  juge  dans  un  concile  général  :  mais 
Barsumas  étant  ami  d'Eutyches  et  de  Dios- 
core,  ils  lui  avaient  procuré  cet  honneur  pour 
exclure  du  concile  les  autres  abbés  dont  ils 
n'avaient  rien  à  espérer.  Saint  Léon  fut  aussi 
invité  au  concile  par  l'empereur,  qui,  selon 
la  remarque  de  ce  saint  pape,  respectait  trop 
les  ordres  de  Dieu  '  pour  entreprendre  une 
chose  de  cette  importance,  sans  y  taire  inter- 
venir l'autorité  du  Siège  aposlohque;  mais  la 
lettre  de  convocation  n'étant  arrivée  à  Rome 

'  Religioj,issirna  clementissimi  principis  fides  sciens 
ad  suam  glorium  maxime  periinerc ,  si  inlra  catholi- 
cam  Ecclesiam  nullius  erroris  germen  exurgeret,  hanc 


que  le  13  mai,  à  peine  saint  Léon  eut-il  assez 
de  temps  pour  envoyer  des  légats  au  concile. 
Il  choisit  pour  cette  fonction  Jules,  évêque  de 
PouzoUes,  dans  la  Campanie  ;  René,  prêtre 
du  titre  de  saint  Clément,  qui  mourut  en 
chemin,  et  Hilaire  diacre,  avec  Dulcitius  no- 
taire, qui  portaient  tous  en  eux-mêmes  un 
esprit  de  justice  ^  pour  faire  condamner  l'er- 
reur, de  douceur  pour  faire  accorder  le  par- 
don au  coupable ,  s'il  s'en  rendait  digne.  Théo, 
dose  voulut  que  les  évêques  qui  avaient  con- 
damné Eutychès,  assistassent  au  concile 
mais  non  en  qualité  de  juges,  parce  qu'il  s'a- 
gissait d'examiner  leur  sentence.  Afin  d'em- 
pêcher qu'il  n'arrivât  du  tumulte,  il  envoya 
à  Ephèse  Elpide,  comte  du  consistoire,  c'est- 
à-dire  conseiller  d'Etat,  et  Euloge,  tribun  et 
notaire,  avec  pouvoir  de  prendre  les  archers 
du  proconsul  d'Asie  et  d'y  ajouter  des  mili- 
ces de  l'empire,  afin  que  ces  deux  commis- 
saires fussent  en  état  d'exécuter  les  ordres 
qu'il  leur  donnerait.  Ce  prince  écrivit  au  con- 
cile pour  marquer  que  son  intention  était 
que  l'on  n'y  traitât  d'aucune  accusafion  per- 
sonnelle, jusqu'à  ce  qu'on  eût  décidé  ce  qui 
appartenait  à  la  foi ,  et  que  l'on  chassât  des 
Eglises  tous  ceux  qui  tenaient  ouftivorisaient 
l'erreur  de  Nestorius.  Il  écrivit  encore  à  Dios- 
core,  évêque  d'Alexandrie,  à  qui  il  disait  que, 
pour  suivre  l'ordre  des  canons,  il  lui  donnait 
l'uUendance  et  la  prinaauté  dans  toutes  les 
affaires  qui  devaient  se  traiter  dans  le  con- 
cile, ne  doutant  pas  que  les  saints  archevê- 
ques Juvéual  de  Jérusalem,  Thalassius  de 
Cesarée  et  tous  les  zélés  cathohques  ne  fus- 
sent d'accord  avec  lui.  Sa  lettre  à  Juvénal 
était  dans  les  mêmes  termes;  d'où  vient  que 
Dioscore  prétendit  dans  la  suite  que  Juvéual 
et  Thalassius  avaient  été  étabhs  avec  lui  les 
chefs  du  concile,  et  qu'ils  devaient  répondre 
comme  lui,  de  tout  ce  qui  s'y  était  passé. 

2.  Il  se  tint  le  premier  jour  d'août,  dans  le 
même  lieu  où  s'était  tenu  le  premier  concile 
d'Ephèse,  c'est-à-dire  dans  l'Eglise  que  l'on 
nommait  Marie.  Il  y  eut  environ  cent  trente 
ou  cent  Irente-cinq  évêques  des  provinces 
d'Egypte,  d'Orient,  d'Asie,  du  Pont  et  de  la 
Thrace.  Le  commencement  des  actes  n'en 
met  que  cent  vingt-six  ;  mais,  dans  la  der- 
nière signature,  il  s'y  en  trouve  treize  de 
plus.  Suivantl'ordre  de  l'empereur  Théodose, 
Dioscore  d'Alexandrie  tint  la  première  place; 

revereniiam  divinis  ddulit  insiiluiis ,  ut  ad  sancta 
disposiiionis  effeclum  auctoriiatem  opostolicœ  Sedis 
adliiberet.  Leo^  fc>'-?<.  29.  ~  2  Idem.,  Epist.  26. 


Pag-  107, 


Ouverture 
du  cou  ci  I  s 

d'EplièsB. 


676 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


elle  lui  était  due  d'ailleurs  par  la  dignité  de 
son  siège,  l'évèque  de  Rome  étant  absent  '.  Il 
paraît  par  Libérât  -  que  les  légats  du  pape 
voulurent  lui  disputer  la  présidence  du  con- 
cile ;  mais  ou  le  fait  n'est  pas  vrai,  ou  les  lé- 
gats ne  réussirent  point  dans  leurs  préten- 
tions, puisque  Jules  de  PouzoUes,  le  premier 
des  légats  de  saint  Léon,  n'est  nommé  qu'a- 
près Dioscore;  on  lit  ensuite  les  noms  de  Ju- 
Tom.  IV  vénal  de  Jérusalem,  de  Domnus  d'Antioche 
115.  et  de  fiavien.  Apres  ces  cmq  patriarches  dont 

celui  de  Constantinople  ne  tient  que  la  cin- 
quième place,  comme  étant  le  plus  nouveau, 
sont  nommés  les  exarques  et  les  métropoli- 
tains, ou  leurs  vicaires,  savoir  :  Etienne  d'E- 
plièse,  Thalassius  de  Césarée  en  Cappadoce, 
Eusèbe  d'Ancyre  en  Galalie,  Jean  de  Sébaste 
en  Arménie,  Cyrus  d'Aphrodisiade  en  Carie, 
Erasistrate  de  Corinthe  ,  Quintillus  d'Héra- 
clée  à  la  place  d'Anastase  de  Thessalonique, 
Pag. in.  Mélèce  de  Larysse  en  Syrie,  qui  tenait  aussi 
la  place  de  Domnus  d'Apamée,  et  les  autres 
qui  sont  marqués  chacun  en  leur  rang  dans 
les  actes.  Suivent  les  prêtres  députés   des 
évoques  absents,  et  à  leur  tête,  l'abbé  Bar- 
sumas,  puis  le  diacre  Hilaire,  légat  da  pape, 
avec  le  notaire  Dulcitius.  Quoiqu'Eusèbe  de 
Dorylée  fût  venu  à  Ephèse,  il  ne  fut  point 
lis.   nommé  entre  les  évêques  du  concile,  on  ne 
voulut  pas  même  lui  permettre  d'y  assister, 
sous  prétexte  que  l'empereur  l'avait  défendu. 
La  plupart  des  évêques  avaient  des  notaires 
128, 129.  pour  écrire  ce  qui  se  disait.  Dioscore  chassa 
non  -  seulement  ceux  d'Etienne  d'Ephèse  , 
mais  tous  les  autres,  à  la  réserve  des  siens, 
de  ceux  de  Juvënal  et  d'Erasistrate,  dont  il 
113.   était  apparemment  assuré.  Jean,  prêtre  et 
primicier  des  notaires   d'Alexandrie,  fit  les 
fonctions  de  promoteur.  II  proposa  en  peu 
122.  de  mots  les  raisons  que  les  empereurs  avaient 
eues  d'assembler  le  concile;  après  quoi  il  lut 
la  lettre  de  convocation.  Les  légats  du  pape 
dirent  que  saint  Léon  en  avait  reçu  une  en 
même  forme,  et  qu'il  n'aurait  pas  manqué 
de  se  trouver  au  concile ,  s'il  y  en  avait  quel- 
que exemple;  «  mais  vous  savez,  dit  le  diacre 
Hilaire,  que  le  pape  n'a  assisté  ni  au  concile 
de  Nicée,  ni  a  celui  d'Ephèse,  ni  à  aucun 
autre  semblable;  c'est  pourquoi  il  nous  a  en- 
voyés ici  pour  le  représenter,  et  nous  a  char- 

1  Libérât  de  Garthage  dit  formellement  que  les  lé- 
gats du  pape  Léon  ne  voulurent  point  siéger  avec 
les  autres  au  concile  d'Eplièse,  parce  que  la  préséance 
n'avait  pas  été  donnée  au  Saint-Siège.  Il  parait,  en 
outre,  par  les  actes  du  concile  de  Glialcédoine,  que 


gés  de  lettres  pour  vous,  que  nous  vous 
prions  de  faire  lire.  »  Les  légats  parlèrent  en 
latin,  et  Florent,  évoque  de  Lydes,  leur  ser- 
vait d'interprète.  Le  prêtre  Jean,  au  lieu  de 
faire  lire  la  lettre  de  saint  Léon  au  concile, 
proposa  de  lire  celle  de  l'empereur  à  Dios- 
core; on  la  lut  par  ordre  de  Javénal  de  Je-  p^j. 
rusalem  ;  elle  portait  que  Barsumas  assiste- 
rait au  concile.  Juvénal  dit  qu'il  en  avait  reçu 
une  pareille,  et  opina  que  la  volonté  de  l'em- 
pereur serait  exécutée.  Le  comte  Elpide  lut  ,2, 
ensuite  la  commission  de  l'empereur  pour  lui 
et  pour  le  tribun  Euloge,  puis  la  lettre  de  ce 
prince  au  concile,  dans  laquelle  il  accusait 
Flavien  d'avoir  excité  des  disputes  sur  la  foi 
contre  Eutychès.  Alors  Thalassius  de  Césarée 
proposa  de  commencer  par  la  question  de  la 
foi,  selon  l'intention  de  l'empereur.  Dioscore 
fut  d'un  sentiment  contraire.  11  dit  que  la  foi 
établie  par  les  pères  n'étant  pas  une  chose 
que  l'on  dût  mettre  en  question,  le  concile 
n'était  assemblé  que  pour  examiner  si  les 
nouvelles  opinions  étaient  conformes  aux  dé- 
cisions anciennes.  «  Voudriez-vous,  ajoute- 
t-il,  changer  la  foi  des  pères  ?  »  Le  concile 
dit  :  «Si  quelqu'un  la  change,  qu'il  soit  ana- 
thème.  Si  quelqu'un  y  ajoute,  qu'il  soit  ana-  oi. 
thème.  Gardons  la  foi  de  nos  pères,  n  Le  but 
de  Dioscore  était  de  faire  examiner  l'aHaire 
d'Eutychès  avant  que  l'on  traitât  de  la  foi. 
Le  comte  Elpide,  donnant  dans  ses  vues,  de- 
manda qu'on  fit  entrer  Eutychès.  Juvénal 
de  Jérusalem  et  tout  le  concile  y  con- 
sentit. 

3.  Eutychès  prit  les  évêques  à  témoin  de  n* 
la  foi  pour  laquelle  il  avait  combattu  avec 
eux  dans  le  premier  concile  d'Ephèse  ;  puis 
il  leur  présenta  un  libelle  de  sa  foi,  deman- 
dant qu'on  le  fit  lire.  11  y  disait  qu'il  se  tenait  Pat- 1 
heureux  de  voir  le  jour  auquel  la  vraie  foi 
recouvrait  sa  liberté,  ce  qui  lui  faisait  naitre 
l'espérance  de  quelques  soulagements  dans 
les  persécutions  qu'on  lui  faisait  soutfrir  pour 
n'avoir  point  d'autre  créance  que  celle  de 
Nicée.  Il  en  rapportait  ensuite  le  symbole 
avec  une  protestation  de  vivre  et  mourir  sui- 
vant cette  foi,  sans  en  ôter  ni  ajouter  quoi 
que  ce  fût,  conformément  à  ce  qui  avait  été 
ordonné  dans  le  précédent  concile  d'Ephèse, 
et  d'anathématiser  Manès,  Valeutin,  Apolli-  m. 

les  légats,  n'aj'ant  pas  été  admis  au  premier  raug, 
qui  leur  appartenait  de  droit,  y  assistèrent ,  l'un  comme 
simple  évêque  et  l'autre  comme  diacre.  (L'éditeur.) 
2  Libérât.,  cap.  xn. 


CHAPITRE  Lin.  —  DU  FAUX  CONCILE  D'ÉPHÈSE,  ETC. 


[VET  VI' SIÈCLES.] 

naire,  Nestorius  et  tous  les  autres  hérétiques 
jusqu'à  Simon  le  Magicien,  nommément  ceux 
qui  disaient  que  la  chair  de  Jésus-Christ  est 
descendue  du  ciel.  Diogène  de  Cyzique  et  Ba- 
sile de  Séleucie  lui  demandèrent  comment 
donc  il  croyait  que  Jésus-Christ  s'était  in- 
carné et  d'où  venait  sa  chair?  Eutychès  ne 
jugeant  pas  à  propos  de  leur  répondre,  on 
continua  la  lecture  de  sa  requête,  où  il  rap- 
portait à  sa  façon  le  jugement  rendu  contre 
lui  à  Constantinople.  «  Vivant,  dit-il,  suivant 
cette  foi,  j'ai  été  accusé  par  Eusèbe  de  Do- 
rylée,  qui  a  donné  contre  moi  des  libelles  où 
il  me  nommait  hérétique,  sans  spécifier  au- 
cune hérésie,  afin  qu'étant  surpris  et  troublé 
dans  l'examen  de  ma  cause,  il  m'échappât 
de  dire  quelque  nouveauté.  L'évéque  Flavien 
m'ordonna  de  comparaître,  lui  qui  était  pres- 
que toujours  avec  mon  accusateur,  croyant, 
parce  que  j'avais  accoutumé  de  ne  pas  sortir 
du  monastère,  que  je  ne  me  présenterais 
point,  et  qu'il  me  déposerait  comme  défail- 
lant. En  effet,  lorsque  je  venais  du  monastère 
à  Constantinople,  le  silentiaire  Magnus,  que 
l'empereur  m'avait  donné  pour  ma  sûreté, 
me  dit  que  ma  présence  était  à  l'avenir  inu- 
tile, et  que  j'étais  déjà  condamné  avant  d'être 
ouï.  Sa  déposition  le  fait  voir.  Quand  je  me 
présentai  à  l'assemblée,  on  refusa  de  recevoir 
et  de  faire  lire  ma  profession  de  foi,  et  quand 
j'eus  déclaré  de  vive  voix  que  ma  créance 
était  conforme  à  la  décision  de  Nicée  confir- 
mée à  Ephèse,  on  voulut  m'y  faire  ajouter 
quelque  parole.  Craignant  de  contrevenir  à 
l'ordonnance  du  premier  concile  d'Ephcse  et 
de  celui  de  Nicée,  je  demandai  que  votre 
saint  concile  en  fût  informé,  étant  prêt  de  me 
soumettre  à  ce  que  vousapprouveriez.  Comme 
je  parlais  ainsi,  on  fit  lire  la  sentence  de  dé- 
position que  Flavien  avait  dressée  contre  moi 
longtemps  auparavant,  comme  il  avait  voulu, 
et  l'on  changea  plusieurs  choses  aux  actes, 
comme  il  a  été  -vérifié  depuis  à  ma  requête 
par  ordre  de  l'empereur.  Car  l'évéque  Fla- 
vien n'a  eu  aucun  égard  à  mon  appel  inter- 
jeté vers  vous,  ni  aucun  respect  pour  mes 
cheveux  blancs  et  les  combats  que  j'ai  sou- 
tenus contre  les  hérétiques;  mais  il  m'a  con- 
damné d'autorité  absolue.  Il  m'a  livré  pour 
être  mis  en  pièces  comme  hérétique,  par  la 
multitude  amassée  exprès  dans  la  cathédrale 
et  dans  la  place,  si  la  Providence  ne  m'avait 
conservé.  Il  a  fait  lire  en  diverses  Eglises  la 
sentence  prononcée  contre  moi,  et  a  fait 
couscrire  les  monastères  ;  ce  qui  ne  s'est  ja- 


677 


mais  fait,  comme  vous  savez,  même  contre 
les  hérétiques.  Il  l'a  envoyée  en  Orient  et  l'a 
fait  souscrire  en  plusieurs  endroits  par  les 
évêques  et  les  moines,  qui  n'avaient  pas  été 
juges,  quoiqu'il  eût  dû  commencer  par  l'en- 
voyer aux  évêques  à  qui  j'avais  appelé.  C'est 
ce  qui  m'a  obligé  d'avoir  recours  à  vous  et  à 
l'empereur,  afin  que  vous  soyez  juges  de  la 
sentence  rendue  contre  moi.  »  Flavien,  qui 
jusque-là  était  demeuré  dans  le  silence,  de- 
manda qu'on  fit  entrer  Eusèbe  de  Dorylée, 
accusateur  d'Eutychès.  Le  comte  Elpide  s'y 
opposa,  disant  que  l'accusateur  avait  rempli  p^g.  i4c. 
sa  fonction  et  gagné  tout  ce  qu'il  pouvait 
prétendre,  en  faisant  condamner  Eutychès  ; 
c'était  maintenant  au  juge  à  répondre  de  son 
jugement,  comme  cela  se  pratiquait  dans  les 
tribunaux  séculiers.  Il  proposa  donc  de  con- 
tinuer la  lecture  des  actes  de  la  cause  d'Eu- 
tychès, à  quoi  Dioscore  et  les  autres  évêques 
consentirent.  Les  légats  du  pape  voulaient 
qu'on  lût  auparavant  les  lettres  de  saint  Léon 
qu'il  n'avait  écrites,  disaient-ils,  qu'après  s'ê- 
tre fait  lire  des  actes  dont  on  demandait  la  lec- 
ture. Mais  Eutychès  dit  :  «  Les  envoyés  du 
très-saint  archevêque  de  Rome,  Léon,  me 
sont  devenus  suspects ,  car  ils  logent  chez 
l'évéque  Flavien  ;  ils  ont  dîné  chez  lui,  et  il 
leur  a  rendu  toutes  sortes  de  services.  Je 
vous  prie  donc  que  ce  qu'ils  pourraient  faire 
contre  moi  ne  me  porte  aucun  préjudice,  n 
Dioscore  dit  qu'il  était  dans  l'ordre  de  lire 
d'abord  les  actes  du  concile  de  Constantino- 
ple, qu'ensuite  on  lirait  les  lettres  du  très- 
pieux  évêque  de  Rome  ;  ce  qu'il  disait  pour 
éluder  la  lecture  de  ces  lettres,  qui,  en  effet, 
ne  furent  point  lues  dans  ce  concile.  On  lut 
donc  les  actes  de  celui  de  Constantinople. 
Quand  on  eut  lu  les  deux  lettres  de  saint  Cy- 
rille où  il  insiste  sur  la  distinction  des  deux 
natures,  Eustathe  de  Béryte,pour  empêcher 
qu'on  n'en  tirât  avantage  pour  saint  Flavien, 
dit  que  saint  Cyrille,  en  d'autres  lettres,  „, 
comme  dans  celle  qui  est  à  Successus,  évê- 
que de  Diocésarée ,  enseigne  qu'il  n'y  a 
qu'une  nature  du  Verbe  incarné.  On  ne 
trouva  rien  à  redire  à  ce  que  Flavien  avait  dit 
pour  l'exposition  de  sa  foi;  mais  lorsqu'on 
vint  à  l'endroit  de  la  dernière  session,  où  Eu- 
sèbe de  Dorylée  exigeait  d'Eutychès  qu'il 
confessât  deux  natures,  et  que  Jésus-Christ  j^s. 
nous  est  consubstantiel  selon  la  chair,  le 
concile  s'écria  :  «  Otez,  brûlez  Eusèbe  ;  qu'il 
soit  brûlé  vif;  qu'il  soit  mis  en  deux;  comme 
il  a  divisé,  qu'on  le  divise.  »     ioscore  ne  se 


678 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


contentant  pas  de  ces  cris,  demanda  qu'on  dît 
anathème  à  quiconque  dit  deux  natures  après 
l'incarnation,  et  que  ceux  qui  ne  pourraient 
pas  faire  entendre  leur  voix,  levassent  les 
mains  pour  montrer  qu'ils  consentaient  à 
l'anathème  des  deux  natures  ;  et  aussitôt 
chacun,  levant  la  main,  dit  anathème  à  qui 
admet  deux  natures  ;  qu'on  chasse  ,  qu'on 
massacre,  qu'on  déchire  ceux  qui  veulent 
deux  natures.  On  lut  ensuite  la  déclaration 
qu'Eutychès  avait  faite  de  sa  foi  en  présence 
de  saint  Flavien.  Elle  était  conçue  de  ma- 
nière qu'elle  n'exprimait  ni  la  vérité,  ni  l'hé- 
résie. Néanmoins  Dioscore  et  tous  les  autres 
après  lui  déclarèrent  que  c'était  là  leur 
créance  et  qu'ils  rejetaient  la  foi  de  l'impie 
Eusèbe.  Ils  ajoutèrent  qu'ils  ne  croyaient 
qu'une  nature  avec  Eutychès.  Après  qu'on 
eut  lu  les  actes  du  concile  de  Constantinople, 
on  lut  aussi  ceux  de  l'assemblée  du  8  avril 
de  l'an  M4,  où  l'on  fit  la  révision  de  ces  actes  ; 
et  l'information  faite  le  27  du  même  mois 
par  devant  Ariobinde,  maître  des  offices. 
est  '^déciâfé  •*•  Dioscore  ayant  trouvé  le  moyen  d'abat- 
ub°"'  "  "'  tre  par  ces  cris  tumultueux  le  courage  des 
évêques  qui,  dans  la  crainte  d'être  condam- 
nés comme  Nestorius,  favorisèrent  l'hérésie 
d'Eutyehès,  ne  songea  plus  qu'au  rétablisse- 
Pag.  256.  ment  de  cet  hérésiarque.  Il  demanda  aux 
évêques  de  quelle  façon  il  le  fallait  traiter. 
Ju vénal  de  Jérusalem,  prenant  le  premier  la 
parole,  dit  qu'Eutychès  ayant  toujours  dé- 
claré qu'il  suivait  l'exposition  de  foi  de  Ni- 
cée,  et  ce  qui  avait  été  fait  au  premier  con- 
cile d'Ephèse,  il  le  trouvait  orthodoxe,  digne 
de  gouverner  son  monastère  et  de  tenir  le 
rang  de  prêtre  dans  l'Eghse.  Le  concile  dit  : 
2".  «  Ce  jugement  est  juste,  n  Domnus  d'Antio- 
che  reconnut  que  sur  la  lettre  qui  lui  avait 
été  écrite  par  le  concile  de  Constantinople, 
au  sujet  d'Eutyehès,  il  avait  souscrit  à  sa 
condamnation;  mais  qu'ayant  déclaré  dans 
sa  requête  qu'il  suivait  la  foi  de  Nicée  et 
d'Ephèse,  il  consentait  à  son  rétablissement, 
tant  dans  sa  dignité  de  prêtre,  que  dans  la 
conduite  de  son  monastère.  Etienne  d'E- 
phèse, Thalassius  de  Césarée  et  tous  les  au- 
tres évêques  du  concile,  à  l'exception  des 
légats  du  pape,  opinèrent  comme  avaient 
276.  fait  Juvénal  et  Domnus.  L'abbé  Barsumas 
voulant  comme  un  fils  suivre  la  foi  de  ses 
pères  les  évêques,  témoigna  sa  joie  de  ce 
qu'ils  reconnaissaient  tous  la  pureté  de  la  foi 
d'Eutyehès;  et  ce  consentement  unanime  fut 
confirmé  par  le  suffrage  de  Dioscore,  qui 


Co 

lifiii 


conclut,  comme  les  autres,  à  ce  qu'Eutychès 
fût  conservé  dans  les  degrés  d'honneur  dont 
il  jouissait  avant  la  sentence  prononcée  con- 
tre lui,  par  Flavien.  Après  quoi  Jean,  primi- 
cier  des  notaires,  lut  une  requête  présentée 
par  les  moines  d'Eutyehès,  où  ils  exposaient 
au  concile  qu'ils  étaient  persécutés  injuste- 
ment par  leur  propre  évéque,  à  cause  de 
l'amour  qu'ils  avaient  pour  la  vérité,  et  pri- 
vés depuis  neuf  mois  de  la  participation  des 
divins  mystères,  en  observant  toutefois  le 
reste  de  la  vie  monastique;  ils  suppliaient 
qu'on  leur  rendit  l'usage  des  sacrements,  et 
concluaient  en  demandant  que  Flavien  reçût 
la  peine  que  méritaient  ses  injustices.  Cette 
requête,  signée  de  plus  de  trente  moines, 
fut  lue  dans  le  concile,  sans  que  Dioscore 
demandât  à  Flavien  raison  de  sa  conduite  à 
l'égard  de  ces  moines;  et  sur  l'aveu  qu'ils  fi- 
rent de  suivre  la  même  foi  que  les  conciles 
de  Nicée  et  d'Ephèse,  Juvénal  et  les  autres 
évêques  les  rétablirent  dans  la  communion 
de  l'Eglise  et  dans  les  fonctions  de  leurs  or- 
dres ;  car  il  y  avait  parmi  eux  un  prêtre,  dix 
diacres  et  trois  sous-diacres. 

5.  Eutychès  et  ses  moines  absous,  Dios- 
core proposa  de  faire  lire  ce  qui  avait  été 
fait  sur  la  foi  dans  le  premier  concile  d'E- 
phèse. Domnus  d'Anlioche  parut  n'en  être 
pas  d'avis;  mais  les  autres  évêques  ayant  Pa; 
approuvé  la  proposition,  on  lut  la  sixième 
session  de  ce  concile,  où  se  trouvent  le  sym- 
bole de  Nicée,  le  passage  des  pères  sur  l'in- 
carnation, la  requête  deCharisius,  la  confes- 
sion de  foi  attribuée  à  Théodore  de  Mopsueste 
et  les  extraits  des  livres  de  Nestorius.  La 
lecture  de  toutes  ces  pièces  étant  achevée; 
comme  on  lisait  le  décret  du  premier  concile  252. 
d'Ephèse,  qui  défend  sous  peine  de  déposi- 
tion et  d'anathème  de  composer  ou  d'em- 
ployer aucune  autre  formule  de  foi  que  celle 
de  Nicée,  Onésiphore  d'Icône  dit  aux  évê- 
ques qui  étaient  assis  près  de  lui  :  «  On  ne 
nous  lit  ceci  que  pour  déposer  Flavien.  » 
Epipliane  de  Perge  qui  l'entendit,  répondit  : 
«  La  chose  pourrait  bien  arriver  à  l'égard 
d'Eusèbe  de  Dorylée  ;  mais  personne  ne  sera 
assez  fou  pour  aller  jusqu'à  Flavien.  »  Ce 
qu'avait  prévu  Onésiphore  arriva  dans  le 
moment.  Dioscore  ayant  repris  en  peu  de  300. 
paroles  la  défense  que  le  concile  d'Ephèse 
avait  faite  de  se  servir  d'autre  symbole  que 
de  celui  de  Nicée,  fit  entendre  que  le  sens 
de  ce  décret  était  qu'on  ne  devait  rien  dire, 
ni  penser,  ni  rien  discuter  que  dans  les  ter- 


[  v ET  vr  SIÈCLES.]    CHAPITRE  LUI.  —  DU  FAUX  CONCILE  D'ÉPHÈSE,  ETC. 


679 


mes  mêmes  de  ce  symbole  ;  sur  quoi  il  pria 
tous  les  évêques  de  donner  chacun  leur  avis 
par  écrit.  Thalassius  de  Césarée  dit  qu'il  dé- 
testait tous  ceux  qui  pensaient  contrairement 
à  ce  décret;  en  quoi  il  fut  suivi  de  tous  les 
autres  évêques.  Jules,  légat  du  pape,  déclara 
que  c'était  le  sentiment  du  Siège  apostoli- 
que, et  le  diacre  Hilaire  ajouta  que  ce  décret 
était  conforme  aux  lettres  de  saint  Léon  au 
concile,  et  demanda  qu'on  en  fit  la  lecture. 
Dioscore,  sans  avoir  égard  à  sa  demande, 
conclut  que,  puisque  Flavien  et  Eusèbe  de 
Dorylée  avaient  contrevenu  à  la  défense  de 
rien  dire  et  de  rien  rechercher  sur  la  foi  hors 
des  termes  du  symbole  de  Nicée,  et  qu'en 
violant  cette  défense  ils  avaient  tout  ren- 
versé, causé  du  scandale  dans  toutes  les  Egli- 
ses, ils  s'étaient  eux-mêmes  soumis  aux  pei- 
nes ordonnées  par  les  pères  du  premier 
concile.  «  C'est  pourquoi,  ajoute-t-il,  en  con- 
firmant leurs  décisions,  nous  avons  jugé  que 
les  susdits  Flavien  et  Eusèbe  seront  privés 
de  toute  dignité  sacerdotale  et  épiscopale.  « 
Il  demanda  l'avis  des  évêques,  mais  en  les 
avertissant  que  l'empereur  serait  informé  de 
tout.  Flavien  dit  :  (^  Je  vous  récuse,»  ou,  se- 
lon le  texte  latin  :  «  J'appelle  de  vous.  »  Hi- 
laire, diacre,  l'un  des  légats,  dit  :  «  On  s'y 
oppose.  I)  Quelques  évêques  se  levèrent  et 
s'allèrent  jeter  aux  genoux  de  Dioscore,  pour 
l'empêcher  de  déposer  Flavien.  Basile  de 
Séleucie  lui  représenta  que  c'était  condam- 
ner le  sentiment  de  toute  la  terre.  Rien  ne 
put  le  fléchir;  et  voyant  que  le  nombre  des 
opposants  à  la  condamnation  de  Flavien  se 
multipliait,  il  appela  à  son  secours  les  com- 
tes Elpide  et  Euloge.  Aussitôt  ils  firent  en- 
ti-er  dans  le  lieu  de  l'assemblée  le  proconsul 
avec  des  chaînes,  et  un  grand  nombre  de 
personnes  armées  de  bâtons  et  d'épées.  On 
ne  parlait  que  de  déposer  ou  d'exiler  ceux 
qui  refuseraient  d'obéir  à  Dioscore.  Il  se  leva 
lui-même  sur  son  trône,  et  faisant  signe  de 
la  main,  il  dit  :  «  Si  quelqu'un  ne  veut  pas  si- 
gner, c'est  à  moi  qu'il  a  atiaire,  prenez-y 
garde.  »  La  vue  des  soldats,  les  menaces  des 
moines  qui  environnaient  Barsumas,  et  des 
parabolants  de  Dioscore,  la  crainte  de  la  dé- 
position ou  de  l'exil  intimidèrent  tellement 
les  évêques  qu'on  avait  retenus  jusqu'au  soir 
enfermés  dans  l'église,  sans  leur  donner  de 
repos,  qu'ils  souscrivirent  à  la  déposition  de 
Flavien  et  d'Eusèlie,  sur  un  papier  blanc. 


Juvénal  de  Jérusalem  souscrivit  le  premier, 
ensuite  Domnus  d'Antioche,  puis  Thalassius 
de  Césarée,  Eusèbe  d'Ancyi'e,  Etienne  d'E- 
phèse  et  tous  les  autres.  Barsumas  prononça 
aussi  comme  juge,  immédiatement  après  les 
évêques,  et  avant  Longin,  Anthémius,  Aris- 
ton  et  Olympius,  prêtres,  qui  signèrent  pour 
Dorothée^  évêque  de  Néocésarée  ;  pour  Pa- 
trice, évêque  de  Thyanas;  pour  Eunomius, 
évêque  de  Nicomédie,  et  pour  Caloger,  évê- 
que de  Claudiopolis  dans  le  Pont.  Presque 
toutes  les  souscriptions  sont  conçues  en  ces 
termes  :  «J'ai  jugé  et  souscrit.»  Il  n'y  eut  que 
les  légats  du  pape  qui  refusèrent  de  céder  à 
la  violence  et  à  l'injustice.  Dioscore  fit  tout 
son  possible  pour  engager  le  diacre  Hilaire 
à  se  trouver  à  une  seconde  séance,  dans  le 
dessein  ou  de  l'engager  à  souscrire  comme 
les  autres  à  la  condamnation  de  Flavien,  ou 
de  le  retenir  par  force  au  cas  qu'il  ne  voulût 
point  se  rendre.  Mais  Hilaire  voyant  qu'il 
avait  tout  à  craindre,  s'échappa  d'Ephèse  et 
s'en  retourna  à  Rome,  par  des  chemins  dé- 
tournés. Ou  ne  marque  pas  ce  que  devint 
Jules,  évêque  de  Pouzolles.  Pour  ce  qui  est 
de  René,  le  troisième  légat,  il  était  mort  en 
venant  au  concile.  Outre  Flavien  et  Eusèbe 
de  Dorylée,  il  y  eut  encore  d'autres  '  évê- 
ques déposés  dans  ce  concile,  dont  les  actes 
qui  nous  restent  ne  font  point  mention,  sa- 
voir :  Théodoret,  Ibas  d'Edesse,  Sabinien  de 
Perrha  et  Domnus  d'Autioche,  pour  avoir  ré- 
tracté leurs  souscriptions  forcées  à  la  déposi- 
tion de  Flavien.  Evagre  ajoute  Daniel  de  Car- 
rhes,  Irénée  de  Tyr,  et  Aquiiin  de  Biblos  en 
Phénicie.  La  déposition  de  Domnus  ne  se  fit 
point  dans  la  même  séance  que  celle  de  Fla- 
vien ,  mais  trois  jours  après.  Il  avait  écrit  à 
Dioscore  ^  quelques  lettres  où  il  blâmait  les 
anathématismes  de  saint  Cyrille.  Celui-ci  en 
prit  occasion  de  l'accuser  de  nestorianisme, 
et  le  fit  condamner,  quoiqu'absent  et  malade. 
Tous  les  évêques  déposés  dans  ce  concile  fu- 
rent rétabUs  dans  celui  de  Chalcédoine,  à 
l'exception  de  Domnus,  soit  qu'il  n'ait  pas 
demandé  son  rétablissement,  soit  pour  le 
punir  de  la  lâcheté  qu'il  avait  fait  paraître 
en  souscrivant  à  la  condamnation  de  Flavien, 
Il  fut  mené  en  exil  avec  les  autres  que  l'on 
avait  déposés.  Maxime,  qui  fut  mis  en  sa 
place,  pria  le  concile  de  Chalcédoine  de  lui 
assigner  une  pension  sur  les  revenus  de  l'E- 
glise d'Antioche,  ce  que  le  concile  laissa  à 


'  Evagr.,  lib.  I,  cap.  x. 


»  Tom.  IV  Concil.  Binii,  pag.  1080. 


680 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Horr 
qnel'Eg 
Êunriece 
cils. 


Tom 
Concil., 
381. 


Pag.  866, 


Ccncili 
Rome  en 


la  discrétion  de  Maxime.  A  l'égard  de  saint 
Flavien,  il  mourut  quelques  jours  après  le 
concile,  à  Hypepe,  en  Lydie,  des  coups  de 
pieds  et  des  autres  mauvais  traitements  qu'il 
avait  reçus  soit  de  Dioscore  lui-même,  soit 
de  Barsumas  et  de  ses  moines.  Sa  mémoire 
est  en  vénération  dans  l'Eglise. 
6.  Nous  n'avons  de  ce  concile  que  ce  qui 

cou'  s'y  passa  le  premier  Jour,    c'est-à-dire  le 
lundi  8  août.  Ce  fut  sans  doute  Dioscore  qui 
en  lit  dresser  les  actes,  du  moins  fut-il  ac- 
IV   cusé  dans  la  suite  d'y  avoir  mis  des  choses 

'"^'  qui  n'avaient  point  été  dites  dans  ce  concile. 
On  peut  encore  lui  attribuer  la  loi  de  Théo- 
dose, où  ce  prince  en  loue  les  décrets,  en 
particulier  ce  que  l'on  avait  fait  contre  Fla- 
vien, Eusèbe  de  Dorylée,  Domnus  et  Théo- 

807.  doret;  mais  Marcien  cassa  cette  loi  par  une 
autre,  datée  du  6  juillet  452.  On  n'appela 
même  dans  la  suite  cette  assemblée  qu'un 
brigandage  '  et  un  détestable  conciliabule, 
parce  que  Dioscore  et  ceux  de  son  parti  s'y 
comportèrent  plus  en  brigands  qu'en  évo- 
ques; qu'ils  osèrent  attenter  aux  fondements 
de  la  foi,  en  condamnant  des  expressions  ca- 
tholiques et  nécessaires  alors  contre  l'héré- 
sie d'Eutychès;  et  qu'ils  condamnèrent  de 
saints  évêques  sans  les  avoir  ouïs,  contre 
l'usage  de  tous  les  tribunaux,  même  civils, 
dans  des  affaires  de  moindre  importance. 

,  jj       7.  Saint  Léon,  informé  par  son  diacre  du 

"'•  malheureux  succès  du  faux  concile  d'E- 
phèse,  en  fut  pénétré  ^  de  douleur.  Mais  éle- 
vant son  esprit  vers  le  Seigneur,  et  espérant 
tout  de  la  vérité  qu'il  suivait,  il  attendit  avec 
confiance  qu'elle  répandît  ses  rayons  de  tous 
côtés  et  qu'elle  dissipât  les  ténèbres  de  la 
perfidie  et  de  l'erreur.  11  assembla  néan- 
moins un  concile  nombreux  des  évêques 
d'Occident,  avec  qui  il  écrivit  plusieurs  let- 
tres 3,  datées  du  i3  et  du  15  octobre.  Les 
unes  *  sont  en  son  nom  seul,  les  autres  ^ 
au  nom  du  concile  de  Rome.  Dans  celle  qui 
est  à  Flavien,  dont  il  ignorait  la  mort,  il  lui 
promettait  de  s'employer  de  toutes  ses  foi-- 
ces,  soit  à  son  soulagement,  soit  au  rétablis- 
sement de  la  cause  commune.  Celle  qu'il 
écrivit  à  l'empereur  Théodose  ^  est  une 
plainte  amère  de  la  violence  de  Dioscore  et 
de  l'irrégulcirité  du  concile  d'Ephèse.  «  Nous 
avons  appris,  dit-il  à  ce  prince,  que  tous 


'  Léo,  Fpist.  HO,  65,  41.  —  '  Léo,  Epist.  44. 
5  Léo,  Epist.  40,  45,  47.  —  »  Léo,  Epist.  42,  44. 
»  Léo,  Epist.  40,  41,  45,  47. 


ceux  qui  étaient  venus  au  concile,  n'ont  pas 
assisté  au  jugement.  On  a  rejeté  les  uns  et 
introduit  les  autres,  qui  ont  livré  leurs  mains 
captives  pour  faire  ,  au  gré  de  Dioscore ,  ces 
souscriptions  impies,  sachant  qu'ils  per- 
draient leur  dignité  s'ils  n'obéissaient.  Nos 
légats  y  ont  résisté  constamment,  parce  que, 
en  effet,  tout  le  mystère  de  la  foi  est  dé- 
truit, si  l'on  n'efface  pas  ce  crime,  qui  sur- 
passe tous  les  sacrilèges.  Nous  vous  conju- 
rons donc,  mes  confrères  et  moi,  devant  l'in- 
séparable Trinité  et  devant  les  saints  anges, 
d'ordonner  que  toutes  choses  demeurent  au 
même  état  où  elles  étaient  avant  tous  ces  ju- 
gements, jusqu'à  ce  que  l'on  assemble  de 
tout  le  monde  un  plus  grand  nombre  d'évê- 
ques.  1)  Il  donne  pour  motifs  de  la  tenue  d'un 
concile  général,  la  réclamation  de  ses  légats 
contre  ce  qui  s'était  passé  à  Kphèse,  l'appel- 
lation interjetée  par  Flavien,  et  la  nécessité 
de  lever  tous  les  doutes  sur  la  foi  et  toutes 
les  divisions  qui  blessaient  la  charité.  Dans 
une  autre  lettre  à  sainte  Pulchérie  ',  il  se 
plaint  que  sa  lettre  à  Flavien  n'avait  point 
été  lue  à  Ephèse,  et  déclare  que  tous  les 
évêques  d'Occident  demeurent  unis  de  com- 
munion avec  Flavien.  Il  dit  dans  celle  qui 
est  au  magistrat  et  au  peuple  de  Constanti- 
nople,  que  quiconque  osera  usurper  le  siège 
de  Flavien  de  son  vivant,  ne  pourra  espérer 
d'être  dans  la  communion  de  l'Eglise  ro- 
maine, ni  d'être  mis  au  rang  des  évêques. 

ARTICLE  IV. 

DES  CONCILES  DE  CONSTANTINOPLE  [450] ,  DE  MILAN 
ET   DES   GAULES    [451]. 

1.  L'empereur  Théodose,  en  répondant  à  poi 
la  lettre  synodale  de  saint  Léon,  le  priait  '^'ân 
d'approuver  l'ordination  d'Anatohus,  évêque 
de  Constantinople ,  à  la  place  de  Flavien. 
Anatolius  lui  écrivit  lui-même  pour  deman- 
der la  communion  du  Saint-Siège  ;  mais  saint 
Léon,  à  qui  l'ordination  de  cet  évêque  élait 
suspecte,  à  cause  que  ceux  qui  l'avaient  faite 
étaient  du  parti  de  Dioscore,  ne  voulut  ni  lui 
accorder  ni  lui  refuser  sa  communion,  jus- 
qu'à ce  qu'il  fût  mieux  informé  de  sa  foi.  Il 
envoya  des  légats  à  Théodose,  avec  une  let- 
tre ^  à  ce  prince,  où  il  lui  disait  qu'il  confir- 
merait  l'ordination   d'Anatolius,  s'il  faisait 


s  Léo,  Epist.  40. 
«  Léo,  Epist.  52. 


'  Léo,  Epist.  41. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


[VET  VP  SIÈCLES.] 

une  profession  publique  devant  le  clergé  et 
devant  le  peuple  de  Conslantinople,  de  la 
doctrine  contenue  dans  sa  lettre  à  Flavien, 
dans  la  seconde  de  saint  Cyrille  à  Nestorius 
et  dans  les  passages  des  pères  insérés  aux 
actes  du  concile  d'Epbèse,  et  s'il  en  donnait 
une  déclaration  signée  de  sa  main,  qui  pût 
être  publiée  dans  toutes  les  Eglises.  Les  lé- 
gats, qui  n'étaient  partis  de  Rome  que  sur  la 
fin  de  juillet  de  l'an  450,  n'arrivèrent  à  Cons- 
lantinople qu'après  la  mort  de  Théodose, 
qu'on  met  au  28  du  même  mois.  Marcien, 
son  successeur,  reçut  favorablement  les  lé- 
gats; c'étaient  les  évêques  Abundius  et  As- 
térius,  elles  prêtres  Basile  et  Sénateur.  Aus- 
sitôt après  leur  arrivée,  Anatolius  assembla  ' 
un  concile  des  évêques  qui  se  trouvaient  en 
cette  ville,  avec  les  abbés,  les  prêtres  et  les 
diacres.  Abundius  présenta  la  lettre  de  saint 
Léon  à  Flavien ,  avec  les  passages  des  pères 
grecs  et  latins  qui  en  appuyaient  la  doctrine  ; 
on  la  lut  publiquement,  et  elle  fut  trouvée 
conforme  aux  sentiments  des  pères,  dont  on 
lut  aussi  les  témoignages;  après  quoi  Anato- 
lius y  souscrivit,  disant  anatbème  à  Nestorius 
et  à  Eutychès,  à  leurs  dogmes  et  à  leurs  sec- 
tateurs. Tous  les  évêques  présents,  les  prê- 
tres, les  abbés,  les  diacres  y  souscrivirent  de 
même,  excepté  les  abbés  Carose,  Dorothée, 
Maxime  et  quelques  autres  eutychiens  que 
l'on  ne  put  fléchir.  On  dressa  un  acte  de  ces 
signatures  en  présence  des  légats,  qui  l'en- 
voyèrent au  pape  ^  avec  la  relation  de  tout 
ce  qu'ils  avaient  fait.  Les  évêques  du  concile 
de  Conslantinople  envoyèrent  ',  de  leur  côté, 
la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien  pour  la  si- 
gner, et  Anatolius  *  mit  le  nom  de  son  pré- 
décesseur dans  les  diptyques. 

2.  Après  qu'Abundius,  évêque  de  Côme, 
et  Sénateur,  prêtre  de  Milan,  l'un  et  l'autre 
légats  du  pape,  lui  eurent  rendu  compte  du 
succès  de  leur  légation,  il  les  chargea,  lors- 
qu'ils s'en  retournèrent  dans  leurs  Eglises, 
d'une  lettre  pour  Eusèbe,  évêque  de  Milan, 
par  laquelle  il  le  priait  d'assembler  les  évo- 
ques dépendants  de  sa  métropole,  et  de  faire 
lire  en  leur  présence  sa  lettre  à  Flavien,  afin 
qu'ils  y  donnassent  leur  approbation  et  qu'ils 
anathémalisassent  les  hérésies  qui  atta- 
quaient le  mystère  de  l'incarnation.  Eusèbe 
fit  ce  que  saint  Léon  souhaitait.  On  ne  mar- 


681 


Tora.Ioper. 
-32. 


que  pas  en  quel  lieu  les  évêques  s'assemblè- 
rent; mais  il  y  a  apparence  que  ce  fut  à 
Milan  ;  ils  s'y  trouvèrent  au  nombre  de  vingt, 
en  y  comprenant  Asinion,  évêque  de  Coire, 
pour  qui  Abundius  porta  la  parole,  et  Eu- 
thasius,  évêque  d'Aoste,  qui  envoya  un  de 
ses  prêtres  pour  tenir  sa  place.  On  commença 
la  séance  par  la  lecture  de  la  lettre  de  saint 
Léon  à  Eusèbe,  et  après  qu'Abundius  et  Sé- 
nateur eurent  fait  le  rapport  de  ce  qu'ils 
avaient  fait  et  vu  dans  l'Orient,  on  lut  la  let- 
tre de  ce  pape  à  Flavien,  qui  fut  unanime- 
ment approuvée,  comme  conforme  à  la  doc- 
trine de  l'Evangile  et  des  pères.  Les  évêques 
anathématisèrent  ensuite  tous  ceux  qui  sui- 
vaient une  doctrine  impie  sur  l'Incarnation. 
La  lettre  synodale  qu'ils  écrivirent  à  saint 
Léon  ^  se  trouve  parmi  celles  de  ce  père; 
elle  ne  porte  en  tête  que  le  nom  d'Eusèbe; 
mais  tous  les  évêques  y  souscrivirent  pour 
témoigner  qu'ils  en  approuvaient  le  contenu. 
Cyriaque,  évêque  de  Lodi,fut  choisi  pour  en 
être  le  porteur. 

3.  Ingénuus  d'Embrun  porta  celle  que  les 
évêques  des  Gaules  adressèrent  à  saint  Léon, 
pour  marquer  l'approbation  qu'ils  donnaient 
à  sa  lettre  à  Flavien;  elle  est  signée  de  qua- 
rante-quatre évêques,  dont  Ravenne  d'Arles  J,=°°' '^.^^^^ 
est  le  premier;  ce  qui  donne  lieu  de  croire 
qu'ils  s'assemblèrent  dans  cette  ville.  Il  y  eut 
encore  une  assemblée  des  évêques  de  la  pro- 
vince de  Vienne,  pour  l'élection  de  Ravenne 
à  la  place  de  saint  Hilaire.  Nous  avons  parlé 
dans  l'article  des  lettres  de  saint  Léon,  de 
celle  qu'ils  lui  écrivirent  pour  lui  donner 
avis  de  cette  élection. 

ARTICLE  V. 

DU   CONCJLE   DE    CHALCÉDOINE    [431]. 

l.  Saint  Léon,  regardant  la  tenue  d'un  con- 

't  '      '       t  I  -,  .  .  n  ftoncile   de 

cile  gênerai  comme  la  suite  nécessaire  do  chai:édoine 

1»  ,    .  .        ,  •      ,     ni        ■  en  43  .  II  est 

1  appel  mterjete  par  samt  Flavien  et  comme   i'-J'iné   par 

1  ,     .,     ,    I  ,     ,  .  ,    ,  .  .        .  Mnrci'Ml.    qui 

le  véritable  remède  aux  troubles  qui  agitaient  "".  écrit  à 
l'Eglise,  l'avait  fait  demander  à  l'empereur 
Théodose  par  Valentinien  III  et  par  les  impé- 
ratrices Placidie  etEudoxie.Les  évêques  dé- 
posés dans  le  conciliabule  d'Ephèse  le  deman- 
dèrent avec  instance  à  Marcien,  successeur 
de  Théodose,  et  ils  employèrent  pour  l'obte- 
nir les  personnes  les  plus  puissantes  de  la 


Concilo  des 
î  n  11  1  e s    en 


Tom .  I  oper. 


post. 

10. 


P..g.  270, 


'  BoUand.,  ad  dlem  2  april.,  pag.  92,   et  tom. 
Concil.,  pag.  531,  et  Léo,  Epist.  68. 
'  Léo,  Epist.  60,  61. 


IV  3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  546. 

'  Mem.  3  jul.,  pag.  26. 
*  Léo,  post.  Epist.  77,  pag.  Î91. 


682 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cour.  Soit  que  Marcien  eût  égard  à  leurs  re- 
montrances, soit  qu'il  jugeât  lui-mênae  qu'un 
concile  général  était  le  seul  moyen  de  faire 
cesser  les  maux  de  l'Eglise,  il  forma  le  des- 
sein d'en  assembler  un  presqu'aussitôt  qu'il 
fut  parvenu  à  l'empire.  11  en  écrivit  '  à  saint 
Léon,  en  lui  faisant  part  de  son  élection,  et 
l'impératrice  Pulcliérie,  sa  femme,  pria  aussi 
ce  saint  pape  de  contribuer  de  son  côté  à  la 
convocation  de  ce  concile.  Par  uno  Féconde 
lettre^  du  22 novembre  de  l'an  4S0,  Marcien 
invita  saint  Léon  à  venir  lui-même  en  Orient 
pour  y  tenir  le  concile.  «  Que  si  ce  n'est  pas, 
ajoutait-il,  votre  commodité,  faites-le  nous  sa- 
voir par  vos  lettres,  afin  que  nous  envoyions 
les  nôtres  dans  tout  l'Orient,  la  Thrace  et 
rillyrie,  pour  convoquer  tous  les  évêques  en 
un  lieu  certain,  tel  qu'il  nous  plaira,  et  régler 
ce  qui  regarde  la  paix  de  l'Eglise  et  la  foi  ca- 
tholique ,  comme  vous  l'avez  défini  suivant 
les  canons.  »  Saint  Léon  répondit  à  l'empe- 
reur, par  une  lettre  ^  du  7  juin  451 ,  qu'il  avait 
lui-même  demandé  ce  concile ,  mais  que  l'é- 
tat présent  des  affaires  ne  permettait  point 
d'assembler  les  évêques  de  toutes  les  pro- 
vinces, parce  que  celles  d'où  l'on  devait  prin- 
cipalement les  appeler  ,  c'est-à-dire  celles 
d'Occident,  étaient  tellement  troublées  par 
les  guerres,  qu'ils  ne  pouvaient  quitter  leurs 
leurs  Eglises;  il  priait  donc  ce  prince  de  re- 
mettre le  concile  à  un  temps  plus  propre, 
quand,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  la  sûreté 
publique  serait  rétablie.  Dans  une  autre  let- 
tre *  du  19  juillet,  il  témoignait  souhaiter 
que  ce  concile  se  tint  en  Ilalie,  afin  que  tous 
les  évêques  d'Occident  pussent  s'y  trouver. 
Mais  l'empereur,  persistant  dans  la  résolu- 
tion de  convoquer  au  plus  tôt  un  concile  qu'il 
regardait  comme  également  nécessaire  au 
bien  de  l'Eglise  et  de  l'Etat ,  et  de  le  convo- 
quer même  en  Orient,  adressa  à  Ânatolius  et 
à  tous  les  métropolitains  une  lettre  ^  du  17 
mai  451,  où,  après  leur  avoir  témoigné  sa 
douleur  de  voir  l'Eglise  agitée  de  divers  trou- 
bles, il. leur  déclarait  que  son  intention  était 
qu'ils  se  rendissent  à  Nicée  en  Bithynie , 
avec  autant  d'évêques  de  leur  dépendance 
qu'ils  jugeraient  à  propos,  pour  le  1"  sep- 
tembre, afin  d'y  terminer  tous  ces  troubles. 
Ce  prince  promettait,  dans  la  même  lettre. 


de  se  trouver  en  personne  au  concile ,  si  les 
affaires  de  l'empire  le  lui  permettaient.  Saint 
Léon,  qui  ne  voyait  rien  que  de  louable  dans 
le  dessein  de  Marcien ,  crut  qu'il  devait  le 
seconder.  C'est  pourquoi,  outre  Lucentius, 
évêque  d'Ascoli,  et  Basile,  prêtre,  qu'il  avait 
envoyés  depuis  peu  pour  travailler  avec  Ana- 
tolius à  la  réunion  et  à  la  paix,  il  choisit  en- 
core deux  autres  légats ,  Paschasin  ,  évêque 
de  Lilybée  ,  et  Boniface  ,  prêtre  de  l'Eglise 
romaine.  Il  chargea  ce  dernier^  d'un  mémoire 
instructif,  qui  réglait  la  manière  dont  ses  lé- 
gats se  devaient  conduire  dans  le  concile,  et 
envoya  '  à  Paschasin  la  lettre  à  Flavien,  avec 
quelques  passages  choisis  des  pères  sur  le 
mystère  de  l'incarnation ,  dont  ses  premiers 
légats  à  Constantinople  avaient  déjà  fait 
usage.  Les  lettres  de  la  légation  sont  datées 
du  26  juin  451.  Il  y  en  a  deux  à  l'empereur 
Marcien ,  une  à  Anatolius  et  une  quatrième 
au  concile.  Il  recommanda  à  ses  légats  de  se 
comporter  avec  tant  de  sagesse  et  de  pru- 
dence, que  la  paix  fût  rétablie  ^  dans  les 
Eglises  d'Orient,  toutes  les  disputes  sur  la  foi 
assoupies,  et  les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Eu- 
tychès  entièrement  détruites;  d'admettre  à 
la  réconciliation  '  tous  ceux  qui  la  demande- 
raient sincèrement;  de  condamner  et  de  dé- 
poser '"  ceux  qui  s'obstineraient  dans  l'hé- 
résie; de  s'opposer  à  l'ambition  de  ceux  qui, 
s'appuyant  sur  les  privilèges  de  leurs  villes, 
voudraient  s'attribuer  de  nouveaux  droits; 
de  demander  *'  le  rétablissement  des  évêques 
chassés  de  leurs  sièges  pour  la  foi  catho- 
lique, et  de  ne  point  souft'rir  que  Dioscore 
parût  '^  dans  le  concile  comme  juge,  mais 
seulement  comme  accusé.  Saint  Léon  voulut 
aussi  que  ses  légats  présidassent  au  concile 
en  son  nom,  particulièrement  Paschasin. 
11  écrivit  '^  sur  ce  sujet  à  l'empereur,  le  26 
juin ,  une  lettre  différente  de  celles  dont  il 
chargea  ,  le  même  jour ,  le  prêtre  Boniface, 
apparemment  par  quelqu'un  qui  devait  arri- 
ver avant  lui  à  Constantinople.  Comme  Julien 
de  Cos  était  depuis  longtemps  en  Orient,  qu'il 
avait  assisté  au  concile  d'Ephèse  et  qu'il  était 
très-instruit  de  l'affaire  qu'on  devait  traiter 
dans  celui  de  Chalcédoine,  saint  Léon  le  joi- 
gnit à  ses  autres  légats ,  afin  de  les  aider  de 
ses  conseils.  Julien  n'eut  pas,  néanmoins,  le 


'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  62  et  66. 

5  Ibid.,  pag.  63.  —  3  Léo,  Epist.  62. 

*  Léo,  Epist.  74.  —  *  Tom.  IV  Concil.,  pag.  66. 

«  Tom.  IV  Concil.,  pag.  810.  —  '  Léo,  Episi.  68. 


8  Léo,  Epist.  69.  —  '  Léo,  Epist.  74. 
">  Léo,  Epist.  75.  —  "  Léo,  Epist.  72. 
12  Tom.  IV  Concil.,  pag.  93,  96. 
"  Léo,  Epist.  69. 


[v=  ET  vp SIÈCLES.]      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


683 


même  rang  que  les  légats;  on  se  contenta  ' 
de  le  placer  entre  les  premiers  mélropoli- 
tains ,  et  il  n'est  nommé  qu'après  le  prêtre 
Boniface. 
ttsévcqiies       2.  Pendant  que  les  évêques  s'assemblaient 
l 'cht'icédïi-  ^  Nicée,  suivant  l'ordre  de  l'empereur,  l'Il- 
"'■  lyrie  se  trouva  ^  agitée  de  divers  troubles  qui 

obligèrent  ce  prince  à  se  donner  les  soins  né- 
cessaires pour  les  faire  cesser,  en  sorte  que, 
ne  pouvant  se  rendre  à  Nicée  au  temps  mar- 
qué pour  le  concile,  c'est-à-dire  au  1"  sep- 
tembre, il  écrivit  3  aux  évêques  qui  y  étaient 
déjà  invités  pour  les  prier  de  l'attendre.  Ce 
délai  leur  causa  de  l'ennui ,  et  il  y  en  eut 
plusieurs  qui  tombèrent  malades;  ils  écri- 
virent *  à  Marcien ,  qui  leur  répondit  que  les 
légats  du  pape  jugeaient  sa  présence  si  né- 
cessaire au  concile,  qu'ils  ne  voulaient  point 
s'y  trouver  en  son  absence;  que  d'ailleurs  la 
situation  des  affaires  de  l'Etat  ne  lui  permet- 
tait point  de  s'éloigner  du  lieu  où  il  était; 
mais  comme  il  souhaitait,  autant  que  les  évê- 
ques, que  le  concile  se  tint  au  plus  tôt,  il  les 
pria  de  passer  à  Chalcédoine,  disant  qu'il  lui 
serait  plus  facile  d'y  venir  de  Conslantinople, 
qui  n'en  est  séparé  que  par  le  Bosphore, 
large,  en  cet^endroit,  d'un  mille,  et  qu'eux- 
mêmes  seraient  beaucoup  mieux  à  Chalcé- 
doine qu'à  Nicée,  ville  trop  petite  pour  un  si 
grand  nombre  d'évêques.  Ils  eurent  peine  à 
se  rendre  aux  raisons  de  l'empereur;  c'est 
pourquoi  ils  lui  députèrent  ^  Atticus ,  archi- 
diacre de  Constantinople,  pour  lui  représen- 
ter que  Chalcédoine  étant  si  proche  de  Cons- 
tantinople ,  ils  craignaient  que  ce  ne  fût  aux 
eutychéens  ou  à  d'autres  une  occasion  d'ex- 
citer du  trouble.  Marcien,  par  une  troisième^ 
lettre,  datée  d'Héraclée  le  22  septembre,  leur 
manda  de  ne  rien  craindre  et  de  venir  sans 
délai  à  Chalcédoine ,  afin  qu'après  avoir  ter- 
miné les  affaires  de  l'Eglise,  ils  pussent  s'en 
retourner  dans  leurs  villes  épiscopales,  et 
qu'il  pût  aussi  aller  lui-même  où  les  besoins 
de  l'empire  l'appelleraient.  Ce  prince ,  pour 
prévenir  tous  les  troubles  ,  avait  donné  une 
loi,  datée  ''  du  13  de  juillet,  portant  défense 
d'exciter  aucun  trouble  dans  les  églises  par 
des  acclamations  ou  par  un  concours  affecté, 
et  de  faire  aucune  assemblée  ou  conventi- 
cule  à  Constantinople,  sous  peine  du  dernier 


supplice  contre  les  séditieux.  L'impératrice 
Pulcbérie  ^  avait  aussi  ordonné  an  gouver- 
neur de  Bitbynie  de  chasser  de  Nicée  et  des 
environs  les  moines,  les  laïques  et  même  les 
ecclésiastiques  que  rien  n'obligeait  d'être  au 
concile. 
3.  Les  évêques  vinrent  donc  de  Nicée  à  ,  ouvcriuro 

^  du  concile  de 

Chalcédoine  sur  la  fin  de  septembre,  et  ils  '■taicé,ioine. 

i  '  Première  ses- 

s'y  trouvèrent  '  en  plus  grand  nombre  que  -'""'• 
dans  ancun  concile  précédent.  Selon  la  lettre 
du  concile  à  saint  Léon,  ils  étaient  cinq  cent 
vingt.  Lucentius dit'", dans  le  concile  même, 
qu'il  y  en  avait  six  cents,  et  saint  Léon  met 
ce  nombre  "  dans  sa  lettre  aux  évêques  des 
Gaules.  Tous  les  évêques  du  concile  étaient 
de  l'empire  d'Orient ,  excepté  les  légats  du 
Saint-Siège  et  deux  évêques  d'Afrique  :  Au- 
rèle  d'Adrumet  et  Resticien  ou  Rufin,  dont 
le  siège  épiscopal  n'est  pas  marqué.  Ces  deux 
évêques  souscrivirent  les  derniers  dans  la 
première  session  ;  elle  se  tint  dans  l'église  de 
Sainte-Euphémie,  martyre,  située  hors  de  la 
ville  de  Chalcédoine ,  à  cent  cinquante  pas 
du  Bosphore,  le  8  octobre  4f51  '-.  U  y  avait 
dix-neuf  des  premiers  officiers  de  l'empire, 
savoir  :  Anafolius,  maître  de  la  milice;  Pal- 
lade ,  préfet  du  Prétoire  ;  Tatien  ,  préfet  de 
Constantinople;  Dincomale ,  maître  des  offices; 
Sporatius,  comte  des  gardes;  Genethélius, 
intendant  du  domaine  du  prince,  et  plusieurs 
autres  qui,  après  avoir  rempli  les  premières 
dignités  de  l'empire,  composaient  alors  le 
sénat.  Il  n'est  pas  dit  que  l'empereur  se  soit 
iiouvé  au  commencement  de  cette  première 
session,  mais  on  ne  peut  douter  qu'il  n'ait 
été  présent  aux  délibérations  qui  la  précé- 
dèrent, puisqu'il  est  '^  marqué  que  Théodoret 
lui  présenta  une  requête  sur  les  injustices  et 
les  violences  qu'il  avait  souffertes,  et  que  ce 
prince  ordonna  qu'il  assisterait  au  concile.  11 
paraît  même  qu'il  était  présent  lorsqu'on  lut 
la  remontrance  d'Eusfatbe  de  Béryte.  Nous 
verrons ,  dans  la  suite  ,  qu'il  assista  à  la 
sixième  session.  Les  évêques  nommés  dans 
les  actes  de  la  première  sont  au  nombre  de 
cent  soixante,  dont  les  premiers  sont  les  lé- 
gats du  pape ,  Pascbasin ,  Lucentius  et  le 
prêtre  Boniface;  ensuite  Anatolius  de  Cons- 
tantinople ,  Dioscore  d'Alexandrie  ,  Maxime 
d'Antioche  et  Juvénal  de  Jérusalem.  Eusèbe 


1  Tom.  IV  ConciL,  pag.  621. 

2  Tom.  IV  ConciL,  pag.  73. 

s  Ibid.,  pag.  69,  70.  —  *  Ibid.,  pag.  73. 
5  Tom.  IV  ConciL,  pag,  76.  —  «  Ibid.,  pag 
'  Lit).  V,  cap.  de  his  qui  ad  Eccles.  conf. 


75. 


8  Tom.  IV  ConciL,  pag.  69. 

^  Facund.,  lib.  Il,  cap.  vl. 

1»  Tom.  IV  ConciL,  pag.  516.  —  "  Léo,  Epist.  77. 

"  Tom.  IV  ConciL,  pag.  78  et  seq. 

1^  Tom.  IV  ConciL,  pag.  102. 


684 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  Dorylée  y  est  nommé  parmi  les  évêques,  ' 
sans  qu'on  voie  qu'il  ait  été  rétabli  dans  le 
concile  ;  il  y  paraît  même  comme  accusateur 
de  Dioscore.  Pent-élre  avait-il  obtenu  son 
rétablissement  dans  les  conférences  prélimi- 
naires entre  les  évéques  et  l'empereur.  Il  fut 
réglé  qu'avant  les  séances  les  diacres  '  Dom- 
nin  et  Cyriaque  iraient  avertir  les  évéques  de 
se  trouver  au  concile.  Les  officiers  de  l'em- 
pereur se  placèrent  au  milieu  de  ré'.;lise,  de- 
vant la  balustrade  de  l'autel ,  ayant  à  leur 
gauche  les  légats  du  pape,  puis  Anatolius  de 
Constantinople,  Maxime  d'Antioche,  Thalas- 
sius  de  Césarée,  Etienne  d'Ephèse  et  les  au- 
tres évéques  des  diocèses  de  l'Orient,  du 
Pont,  de  l'Asie  et  de  la  Tlirace  ,  à  la  réserve 
de  ceux  de  la  Palestine;  à  la  droite  étaient 
assis  Dioscore  d'Alexandrie,  Juvénal  de  Jé- 
rusalem, Quintillus  d'Héraclée  en  Macédoine, 
qui  tenait  la  place  d'Anastase  de  Thessalo- 
nique,  et  les  autres  évéques  de  l'Egypte,  de 
la  Palestine  et  de  l'Illyrie.  On  eut  égard,  dans 
cette  disposition,  à  la  différence  des  senti- 
ments; le  parti  de  Dioscore  ,  comme  suspect 
d'erreur,  eut  le  côté  qui  était  le  moins  hono- 
rable. Le  saint  Evangile  ^  fut  placé  au  milieu 
de  l'assemblée  ;  mais  il  semble  qu'on  ne  l'y 
mettaitpastoujours,  puisque  dans  une  séance 
il  fut  apporté,  à  la  demande  des  magistrats. 
Outre  les  évéques,  il  y  avait  plusieurs  autres 
ecclésiastiques,  parmi  lesquels  l'archidiacre 
Aétius  parut  avec  éclat;  il  y  avait  aussi  des 
notaires, 
nioscoreest  4.  Tous  les  évêqucs  s'étant  assis,  Pascha- 
""■10°^  IV  ^'°  '  l^gat  du  pape  ,  se  leva  ,  et ,  s'avançant 
coi.cii.,'pag.  vers  le  milieu ,  dit  aux  magistrats  que  lui  et 
les  autres  légats  avaient  ordre  du  bienheu- 
reux évêque  de  Rome,  chef  de  toutes  les 
Eglises,  de  ne  point  rester  dans  le  concile,  si 
l'on  n'en  faisait  sortir  Dioscore.  Paschasin 
parla  en  latin,  et  son  discours  fut  expliqué 
par  Béronicien,  secrétaire  du  consistoire.  Les 
magistrats  demandèrent  s'il  y  avait  quelque 
plainte  particulière  contre  Dioscore.  «Il  doit, 
répondirent  les  légats  ,  rendre  raison  du  ju- 
gement qu'il  a  prononcé  à  Ephèse,  où  il  a 
usurpé  la  qualité  de  juge  et  osé  tenir  un  con- 
cile 3  sans  l'autorité  du  Saint-Siège  ,  ce  qui 
ne  s'est  jamais  fait  et  n'est  pas  permis.»  Pas- 
chasin ajouta  :  «  Nous  ne  pouvons  contreve- 
nir aux  ordres  du  pape  ni  aux  canons  de 
l'Eglise.  »   Les  magistrats ,  après  quelques 


contestations ,  ordonnèrent  à  Dioscore  de 
s'asseoir  au  milieu  en  qualité  d'accusé.  Alors 
Eusèbe  de  Dorylée  s'avançant,  demanda  qu'on 
lût  la  requête  qu'il  avait  présentée  à  l'empe- 
reur contre  Dioscore.  Ce  prince  l'avait  ren- 
voyée au  concile.  Les  magistrats  en  ordon- 
nèrent la  lecture  et  firent  asseoir  Eusèbe  au 
milieu  de  l'assemblée,  avec  Dioscore.  Cette 
requête  chargeait  Dioscore  d'avoir  violé  la 
foi  pour  établir  l'hérésie  d'Eutychès,  et  d'a- 
voir condamné  Eusèbe  injustement.  Celui-ci 
demanda,  pour  le  prouver,  qu'on  lût  les  actes 
du  faux  concile  d'Ephèse ,  ce  que  Dioscore 
demanda  aussi.  Mais  quand  les  magistrats  en 
eurent  ordonné  la  lecture,  Dioscore  s'y  op- 
posa ,  demandant  qu'on  traitât  d'abord  la 
question  de  la  foi.  Les  magistrats,  sans  avoir 
égard  à  sa  demande,  tirent  lire  les  actes.  On 
en  commença  la  lecture  parla  lettre  de  l'em- 
pereur Théodose  pour  la  convocation  du  con- 
cile. Comme  il  y  était  fait  défense  à  Théo- 
doret  de  s'y  trouver,  les  magistrats  le  firent 
entrer,  suivant  l'ordre  de  l'empereur  Mar- 
cien.  Aussitôt  qu'il  parut  dans  l'assemblée, 
les  Egyptiens  et  tous  ceux  qui  étaient  du  côté 
de  Dioscore  crièrent  que  c'était  violer  les  ca- 
nons, renverser  la  foi,  chasser  saint  Cyrille  ; 
qu'il  fallait  mettre  Théodoret  dehors.  Les 
évéques  de  l'autre  côté  criaient  au  contraire 
qu'il  fallait  chasser  Dioscore  avec  tous  ses 
homicides  et  ses  manichéens,  comme  étant 
tous  ennemis  de  la  foi  et  de  Flavien.  Les  ma- 
gistrats ,  ne  voulant  point  forcer  la  répu- 
gnance du  parti  de  Dioscore,  demandèrent 
que  Théodoret  demeurât  en  qualité  d'accu- 
sateur, disant  que  sa  présence  ne  porterait 
aucun  préjudice  aux  droits  des  parties.  Théo- 
doret prit  donc  place  au  milieu  des  évéques 
avec  Eusèbe  de  Dorylée.  Il  se  fit  des  clameurs 
des  deux  côtés  :  les  Orientaux  s'écriant  que 
Théodoret  était  digne  de  s'asseoir  parmi  eux, 
qu'il  était  orthodoxe;  les  Egyptiens  ne  vou- 
lant pas  le  reconnaître  pour  évêque,  en  criant 
qu'il  fallait  le  chasser  comme  l'ennemi  de 
Dieu.  Les  magistrats  ayant  fait  sentir  aux 
évéques  l'indécence  de  ces  sortes  de  cris  po- 
pulaires, firent  continuer  la  lecture  des  actes 
du  faux  concile  d'Ephèse.  Dioscore  fit  remar-  pa-.  m. 
quer,  sur  la  lettre  de  convocation,  que  le  ju- 
gement prononcé  dans  ce  concile  lui  était 
commu-n  avec  Juvénal  de  Jérusalem  et  Tha- 
lassius  de  Césarée,  à  qui  l'empereur  avait 


'  Tom.  IV  Concil.,  pag.  381.  —  »  Ibid.,  pag.  94. 
'  Synodum  ausus  est  facere  sine  auctoritate  Sedis 


apostolicœ,   quod  nunquam    licuit,    nunquam  faclum 
est.  Pag.  95. 


[VET VI» SIÈCLES.]      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALGÉDOlNE. 


68S 


écrit  comme  à  lui.  Les  Orientaux  .  peu  eu  . 
peine  de  le  réfuter  sur  cela,  ne  se  plaignirent 
que  des  ■violences  qu'ils  avaient  souffertes. 
«  On  nous  a,  disaient-ils,  forcés;  on  nous  a 
frappés;  nous  avons  souscrit  sur  un  papier 
blanc.  Ou  nous  a  menacés  d'exil  ;  des  soldats 
nous  ont  pressés  avec  des  bâtons  et  des 
épées  :  les  soldats  ont  déposé  Flavien.  » 
Etienne  d'Ephèse  se  plaignit  que  tout  s'était 
passé  par  force  et  par  violence  à  Ephèse,  et 
qu'on  ne  l'avait  pas  laissé  sortir  de  l'église 
qu'il  n'eût  souscrit  à  la  sentence  rendue  par 
Dioscore,  Juvénul  et  Thalassius,  et  par  les 
autres  évoques  à  qui  les  lettres  de  l'empe- 
Pag.  114,  reur  étaient  adressées.  Théodore  de  Claudio- 
polis  ajouta  que  ces  mêmes  évêques  avaient 
concerté  entre  eux  pour  l'engager,  lui  et  les 
autres  qui  n'étaient  point  de  leur  parti ,  à  si- 
gner sans  connaissance  de  cause.  Tous  les 
Orientaux  ayant  dit  la  même  chose  qu'Etienne 
et  Théodore,  Dioscore  leur  dit,  comme  eu  se 
raillant,  qu'ils  ne  devaient  pas  souscrire  sans 
être  bien  informés  de  ce  qu'avait  fait  le  con- 
113.  cile.  Les  Oiientaux  se  plaignirent  ensuite 
qu'on  avait  chassé  du  concile  Jules  de  Pou- 

122.  zolles,  légat  du  pape;  qu'on  n'y  avait  donné 
à  Flavien  que  la  cinquième  place;  qu'on  n'y 
avait  pas  lu  la  lettre  de  saint  Léon  au  con- 
cile, et  que  Dioscore  l'avait  retenue  sans  la 
faire  lire  ,  quoiqu'il  eût  juré  sept  fois  devant 
tout  le  monde  qu'il  en  ferait  faire  la  lecture. 

123.  Les  magistrats,  après  avoir  examiné  pour- 
quoi on  n'avait  point  lu  les  lettres  de  saint 
Léon,  trouvèrent  que  Dioscore  ne  l'avait  pas 
voulu,  quoiqu'il  l'eût  promis  plusieurs  fois 

ne,  avec  serment.  Eusèbe  de  Dorylée  se  plaignit 
en  particulier  de  ce  qu'étant  accusateur 
d'Eutychès,  ou  lui  avait  refusé  l'entrée  dans  le 
concile,  quoique  Flavien  l'eût  demandé.  Dios- 
core, interrogé  sur  ce  fait  par  les  magistrats, 
s'excusa  sur  le  comte  Elpide,  qui  avait  empê- 
ché, par  ordre  de  l'empereur,  de  laisser  en- 
trer Eusèbe.  Cette  excuse  leur  parut  insuffi- 
sante, parce  qu'il  s'agissait  de  la  foi.  Dios- 
core reprocha  aux  magistrats  qu'ils  avaient 
violé  eux-mêmes  les  canons  en  faisant  entrer 
Théodoret.  Ils  répondirent  :  «  L'évêque  Eu- 
sèbe et  l'évêque  Théodoret  sont  assis  au  rang 
136, 138.  des  accusés.  »  Il  y  eut  des  contestations  sur 
la  manière  dont  la  profession  de  foi  qu'Euty- 
chès  présenta  à  Ephèse  était  con{^,ue  et  sur 
ce  qu'il  avait  dit,  dans  sa  requête,  que  le 
concile  œcuménique  d'Ephèse  défendait  de 
rien  ajouter  au  symbole  de  Nicée.  Nous  en 
avons  parlé  ailleurs- 


5.  Après  la  lecture  faite  des  actes  du  faux      saim  ru- 
concile  d'Ephèse,  on  lut  ceux  du  concile  de    J'^""""'"'"- 
Constantinople.  Quand  on  eut  lu  la  seconde 
lettre  de  saint  Cyrille  à  Nestorius,  et  celle 
qu'il  avait  écrite  aux  Orientaux,  tous  les  évê-   pag.  m. 
ques  en  général  s'écrièrent  :  «  Anathème  à 
qui  ne  croit  pas  ainsi  !  »  Théodoret  dit  en 
particulier  :  «  Anathème  à  qui  reconnaît  deux 
Fils  :  nous  n'en  adorons  qu'un,   Notre-Sei- 
gneur  Jésus -Christ  le   Fils   unique.   »   Les 
Orientaux    ajoutèrent    :    «    Flavien    croyait 
ainsi.  C'est  ce  qu'il  a  défendu;  c'est  pour  cela 
qu'il  a  été  déposé.  »  Les  Egyptiens  se  trou- 
vant d'accord  sur  la  foi  contenue  dans  ces 
lettres  avec  les  Orientaux,  les  magistrats  di- 
rent aux  premiers  :  «  Comment  donc  avez 
vous  reçu  Eulychès,  qui  dis.iit  le  contraire, 
et  déposé  Flavien  et  Eusèbe  qui  soutenaient   t74. 
cette  vérité?  »  Dioscore  dit  :  «  Les  actes  le 
feront  voir,  n  On  lut  la  remontrance  d'Eus- 
tathe ,  évêque  de  Béryte,  où  il  disait  qu'on 
ne  doit  point  croire  deux  natures  en  Jésus- 
Christ,  mais  une  seule  nature  incarnée.  Tout 
le  concile  s'écria  qu'Eutychès  et  Dioscore  te- 
naient ce  langage.  Les  magistrats  deman- 
dèrent si  cette  doctrine  était  conforme  aux 
lettres  de  saint  Cyrille  qu'on  avait  lues.  Eus- 
tathe  prévint  la  réponse  du  concile,  en  lisant 
dans  un  livre  de    saint  Cyrille  les  paroles 
dont  il  s'était  servi  ;  puis  il  ajouta  :  «  Ana-   ,,, 
thème  à  qui  dit  une  nature,  pour  nier  que 
la  chair  de  Jésus-Christ  nous  soit  consubs- 
tantielle  ;  et  anathème  à  qui  dit  deux  natures, 
pour  diviser  le  Fils  de  Dieu.  »  Il  prétendit 
que  Flavien  avait  parlé  comme  lui.  «  Pour- 
quoi donc,  lui  dirent  les  magistrats,  avez- 
vous  déposé  Flavien?  »  Eustathe  répondit  : 
«  J'ai  failh.  »  Ou  fît  la  lecture  de  la  déclara- 
tion que  Flavien  avait  faite  de  la  foi  dans 
le  concile  de  Constantinople.  Les  magistrats 
demandèrent  aux  évêques  ce  qu'ils  en  pen- 
saient,  si  Flavien  paraissait  catholique  ou 
non?  Le  légat  Paschasin  dit  :  «  Il  a  exposé 
la  foi  purement  et  entièrement,  et  cette  ex- 
position est  d'accord  avec  la  lettre  de  l'évê. 
que    de    Rome.    »    Anatolius ,     Lucentius , 
Maxime  d'Antioche,  Thalassius  de  Césarée, 
Eustathe  de  Béryte  et  Eusèbe  d'Ancyre  dé- 
clarèrent tous  la  doctrine  de  Flavien  ortho- 
doxe et  parfaitement  conforme  aux  règles 
de  la  foi  et  aux  lettres  de  saint  Cyrille.  Les 
Orientaux  en  dirent  autant,  et  Juvénal  de 
Jérusalem  ayant  opiné  de  même,  passa  du 
côté  droit  où  élait  Dioscore,  au  côté  gauche 
où  étaient  les  légats  du  pape  et  les  Orien- 


686 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pjj  119.  taux,  qui  le  reçurent  avec  joie.  Pierre,  évê- 
que  de  Corinthe,  avec  les  évêques  de  l'A- 
chaïe,  de  la  Macédoine,  de  l'ancienne  Epire, 
et  un  grand  nombre  d'autres  passèrent  aussi 
du  côté  des  Orientaux;  de  sorte  que  Dioscore 
se  trouvant  seul  de  son  parti,  se  plaignit 
qu'on  le  chassait  avec  les  pères;  il  voulait 

182.  dire  saint  Athanase,  saint  Grégoire  et  saint 
Cyrille,  qui  ont,  dit-il,  enseigné  qu'il  ne  faut 
pas  dire  après  l'union  deux  natures,  mais 
une  nature  incarnée  du  Verbe.  La  suite  des 
actes  du  faux  concile  d'Ephèse  fit  voir  clai- 
rement de  quelle  violence  Dioscore  s'était 
servi  pour  établir  le  dogme  d'Eutychès  et 

321.  pour  déposer  saint  Flavien.  Les  magistrats 
croyant  donc  avoir  suffisamment  vérifié  l'in- 
nocence de  ce  saintmartyr  et  celle  d'Eusèbe, 
remirent  au  lendemain  à  examiner  ce  qui 
regai-dait  la  foi,  en  priant  les  évêques  de 
mettre  chacun  leur  croyance  par  écrit,  et 
leur  déclarant  que  l'empereur  était  résolu 
de  ne  se  séparer  jamais  de  celle  qui  est  con- 
tenue dans  les  symboles  de  Nicée,  de  Cons- 
tanlinople  et  dans  les  écrits  des  saints  Pères 
de  l'Eglise,  Grégoire,  Basile,  Atlianase,  Hi- 

323  laire,  Ambroise,  Cyrille.  Ils  ajoutèrent  que 
puisque,  par  la  lecture  des  actes  et  l'aveu  de 
quelques-uns  des  chefs  du  concile,  il  parais- 
sait que  Flavien  de  sainte  mémoire  et  le  très- 
pieux  évêque  Eusèbe  avaient  été  injuste- 
ment condamnés,  il  était  juste  que  sous  le 
bon  plaisir  de  Dieu  et  de  l'empereur,  l'évê- 
que  d'Alexandrie,  Juvénal  de  Jérusalem, 
Thalassius  de  Césarée,  Eusèbe  d'Ancyre, 
Eustathe  de  Réryte  et  Basile  de  Séleucie, 
qui  présidaient  à  ce  concile,  subissent  la 
même  peine  et  fussent  privés  de  la  dignité 
épiscopale ,  selon  les  canons ,  à  la  charge 
néanmoins  que  tout  ce  qui  s'était  passé  se- 
rait rapporté  à  l'empereur.  Les  Orientaux 
s'écrièrent  :  «  Ce  jugement  est  juste  :  Jésus- 
Christ  a  déposé  Dioscore,  il  a  déposé  l'homi- 
cide. 1)  Mais  il  ne  dit  rien  des  autres.  Les  II- 
lyriens  demandèrent  qu'ayant  tous  failli,  il 
fallait  que  le  pardon  fût  général.  Tous  les 
évêques  souhaitèrent  de  longues  années  au 
sénat  et  mêlèrent  à  leurs  acclamations  la 
Irisagion.  Ensuite  l'archidiacre  Aétius  ayant 
déclaré  que  la  séance  était  finie,  chacun  se 
retira,  parce  qu'il  était  tard. 
DemièTe  6.  La  SBCOude  session  se  tint  le  mercredi 
'"°°'  10  octobre,  dans  l'église  de  Saint-Euphémie. 
On  ne  voit  point  que  Dioscore,  Juvénal-,  Tha- 
lassius, Eusèbe  d'Ancyre  et  Basile  de  Séleu- 
cie  y  aient  assisté.  Les  magistrats,  après 


avoir  répété  en  peu  de  mots  ce  qui  s'était  pag.  32s. 
passé  dans  la  première,  au  sujet  de  la  justi- 
fication de  saint  Flavien  et  d'Eusèbe  de  Do- 
rylée,  proposèrent  aux  évêques  d'établir  la 
vérité  de  la  foi.  Les  évêques  répondirent 
qu'elle  l'était  suffisamment  par  les  exposi- 
tions de  foi  des  pères  de  Nicée,  qu'il  fallait 
s'en  tenir  à  ce  qu'eux  et  les  autres  pères  en 
avaient  dit;  que  s'il  y  avait  quelque  chose  à 
éclaircir  au  sujet  de  l'hérésie  d'Eutychès, 
l'archevêque  de  Rome  l'avait  fait  dans  sa  337. 
lettre  à  Flavien,  à  laquelle  ils  avaient  tous 
souscrit,  et  qu'il  ne  leur  était  pas  permis  de 
faire  de  nouvelles  expositions  de  foi.  Gécro-  3io. 
plus,  évêque  de  Sébastopolis,  fut  celui  qui 
s'opposa  le  plus  à  une  nouvelle  formule  de 
foi;  mais  il  demanda  qu'on  lût  le  symbole 
de  Nicée,  et  les  écrits  des  saints  pères  Atha- 
nase, Cyrille,  Célestin,  Hilaire,  Basile,  Gré- 
goire et  la  lettre  de  saint  Léon.  Eunomius, 
évêque  de  Nicomédie,  lut  le  symbole  de  Ni- 
cée, l'archidiacre  Aétius,  celui  de  Cons- 
tantinople  et  les  deux  lettres  de  saint  Cy- 
rille, l'une  à  Nestorius,  l'autre  aux  Orien- 
taux; et  le  secrétaire  Béronicien  lut  la  lettre 
de  saint  Léon  à  Flavien,  traduite  en  grec, 
avec  les  passages  des  pères  qui  y  étaient 
joints.  Les  évêques,  après  la  lecture  de  cha- 
cune de  ces  pièces,  témoignèrent  à  haute 
voix  qu'ils  croyaient  ainsi.  Il  n'y  eut  que 
ceux  de  Palestine  et  d'Illyrie  qui  trouvèrent  ^cs 
quelque  difficulté  sur  trois  endroits  de  la  let- 
tre de  saint  Léon  :  mais  Aétius  et  Théodoret 
ayant  justifié  tous  ces  endroits  par  des  pas- 
sages tout  semblables  de  saint  Cyrille,  ils  en 
parurent  satisfaits,  de  sorte  que  tous  les  ,^^ 
évêques  s'écrièrent  :  «  C'est  la  foi  des  pères 
et  des  apôtres;  nous  croyons  ainsi.  Ana- 
thème  à  qui  ne  le  croit  pas.  Pierre  a  parlé 
ainsi  par  Léon;  les  apôtres  ont  ainsi  ensei- 
gné. La  doctrine  de  Léon  est  sainte  et  vraie; 
Cyrille  a  ainsi  enseigné.  »  Aétius  de  Nicopo- 
lis  qui  trouvait  apparemment  de  la  difficulté 
dans  la  troisième  lettre  de  saint  Cyrille,  qui 
contient  douze  anathématismes,  demanda  du 
temps  pour  l'examiner.  Tous  les  évêques 
ayant  appuyé  sa  demande,  les  magistrats 
ditlerèrent  de  cinq  jours  la  session  suivante; 
en  même  temps  ils  ordonnèrent  qu'Anatolius 
choisirait  entre  les  évêques  qui  avaient  sous- 
crit, ceux  qu'il  croirait  les  plus  propres  pour 
instruire  ceux  à  qui  il  restait  quelque  doute, 
et  qu'il  s'assemblerait  avec  eux.  Les  évêques 
d'Illyrie  et  de  Palestine  demandèrent  avec 
instance  qu'on  pardonnât  aux  chefs  du  faux 


fVETvi'siÈcus.l      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALGÉDOINE. 


687 


concile  cTEphèse,  et  qu'on  leur  permit  de 
venir  au  concile.  Les  magistrats  ne  répondi- 
rent autre  chose,  sinon  que  ce  qui  avait  été 
réglé  pour  les  cinq  jours  de  délai  et  les  con- 
férences chez  Anatolius  serait  exécuté. 
Troisième       7.  La  troisième  session  fut  tenue  le  samedi 

î,Mon.  Ilios- 

re  rei  cité   ^3  octoûre,  trois  lours  avant  le  terme  mar- 

coiicile  et  **  , 

ndaiiiiié.      que  parles  magistrats;  aussi  n'y assisterent- 

Iils  point,  et  on  ne  la  tint  que  pour  juger  l'af- 
faire de  Dioscore,  ce  qui  n'était  pas  de  leur 
ressort,  n'étant  point  convenable  que  des 
*paE. 372.  laïques  jugeassent  des  crimes  canoniques. 
Aétius,  qui  y  faisait  les  fondions  de  promo- 

^teur,  remontra  qu'Eusèbe  de  Dorylée  avait 
présenté  une  requête  au  concile  contre  Dios- 
core. Eusèbe  y  parlait  aussi  pour  l'intérêt 
de  la  foi  catholique,  pour  la  défense  de  Fla- 
vien  et  pour  la  sienne  propre,  r^aschasin  de 
Lilybée,  président  du  concile  à  la  place  de 
saint  Léon,  ordonna  de  la  lire.  Elle  tendait 
à  faire  casser  tout  ce  qui  avait  été  fait  contre 
^  lui  et  contre  Flavien,  dans  le  faux  concile 

d'Ephèse;  à  faire  confirmer  la  véritable  doc- 
trine; à  faire  anathématiser  l'hérésie  d'Eu- 
tychés,  et  à  faire  souffrir  à  Dioscore  la  juste 
punition  des  crimes  dont  il  avait  été  con- 
vaincu par  la  lecture  des  actes  de  ce  conci- 
liabule. Après  qu'on  eut  lu  sa  requête,  Eu- 
sèbe demanda  que  Dioscore  fût  appelé  pour 
lui  répondre  en  sa  présence.  Paschasin  l'or- 
3gj  donna  ainsi.  Epiphane  et  Elpide,  prêtres, 
chargés  de  le  chercher  dans  les  environs  de 
l'Eglise,  déclarèrent  qu'ils  ne  l'avaient  pas 
trouvé.  On  députa  trois  évêques  pour  aller  à 
son  logis,  Constantin  de  Bostres,  Acace  d'A- 
riaralhie  et  Aclicus  de  Zèle,  avec  Himérius, 
lecteur  et  notaire,  lis  avaient  un  ordre  par 
écrit.  Dioscore  s'excusa  de  venir  au  concile, 
I  sur  ce  qu'il  était  gardé  par  les  magistrats. 

Eleusinius  qui  était,  ce  semble,  commandant 
de  ces  gardes,  dit  à  Dioscore  qu'il  pouvait 
aller  au  concile.  IVIais  il  s'en  défendit,  disant 

3SB.  •  ' 

que  les  officiers  de  l'empereur  n  étant  pomt 
à  cette  séance,  il  ne  pouvait  y  assister,  s'ils 
n'y  venaient  eux-mêmes  ;  à  quoi  il  ajouta 
qu'il  demandait  que  la  requête  présentée 
contre  lui  par  Eusèbe,  fût  examinée  devant 
les  magistrats  et  le  sénat.  Le  notaire  Himé- 
rius dressa  un  acte  de  ce  qui  se  passa  dans 
cette  première  citation,  dont  il  fit  lecture 
dans  le  concile,  au  retour  des  députés.  Am- 
philoque,  évêque  de  Side  en  Pamphylie,  au- 
rait souhaité  qu'on  différât  d'un  jour  ou  deux 
la  seconde  citation.  Un  autre  évêque  s'y  op- 
posa, disant  qu'on  ne  devait  pas  demeurer  à 


Chalcédoine  trois  mois  poifi'  un  seul  homme 
qui  avait  troublé  toute  la  terre.  Ainsi  l'on 
envoya  pour  faire  la  seconde  citation,  Per- 
gamius,  métropolitain  d'Antioche  de  Pisidie, 
Cécropius  de  Sébastopolis  et  liufin  de  Samo- 
sate,  avec  Hypatius,  lecteur  et  notaire.  Dios-  pjï  389. 
core  répondit  qu'il  avait  déjà  fait  déclarer  au 
concile,  qu'il  était  retenu  dans  sa  maison  par 
maladie,  qu'au  surplus  il  demandait  que  les 
magistrats  fussent  présents  à  l'audience.  Il 
demanda  aux  députés  si  Juvénal  et  les  au- 
tres évêques  que  l'on  avait  exclus  avec  lui 
étaient  au  concile.  Pergamius  lui  dit  qu'il 
n'était  point  chargé  de  la  part  du  concile  de 
lui  répondre  sur  cette  question,  mais  que  la 
requête  d'Eusèbe  étant  contre  lui  seul,  il  ne 
pouvait,  sans  trahir  sa  cause  et  contrevenir 
aux  canons,  manquer  de  comparaître.  Le 
notaire  Hypatius  ayant  lu  dans  le  concile  le 
procès-verbal  qu'il  avait  fait  de  cette  seconde 
citation,  Eusèbe  de  Dorylée  déclara  qu'il  ne 
se  plaignait  que  de  Dioscore,  et  non  des  au- 
tres qui  ne  lui  avaient  fait  aucun  tort,  et 
conclut  à  ce  qu'il  fût  cité  pour  une  troisième 
fois. 

On  en  était  là  lorsque  plusieurs  clercs  et  393. 
laïques  d'Alexandrie  donnèrent  des  requêtes 
au  concile  contre  Dioscore.  Dans  l'une  Théo- 
dore, diacre  de  celte  Eglise,  se  plaignait 
qu'après  l'avoir  servi  louablement  pendant 
quinze  ans,  Dioscore  l'avait  chassé  du  clergé, 
sans  qu'il  eût  contre  lui  ni  accusation  ni  396. 
plainte,  et  uniquement  pour  l'amour  qu'il 
portait  à  saint  Cyrille,  et  fait  retomber  en- 
suite sa  haine  sur  ses  parents  et  ses  amis, 
jusqu'à  vouloir  attenter  à  leur  vie,  comme 
étant  ennemis  de  la  doctrine.  Il  disait  encore  39,, 
dans  sa  requête  que  Dioscore  avait  commis 
des  homicides,  coupé  des  arbres,  brûlé  et 
abattu  des  maisons,  et  mené  habituellement 
une  vie  infâme.  Il  s'offrait  de  vérifier  tous  ces 
faits  par  cinq  témoins,  priant  qu'on  les  mît 
en  sûreté.  Ischirion,  diacre  de  la  même  jf„ 
Eglise,  accusait  Dioscore  de  n'avoir  pas  per- 
mis aux  évêques  de  recevoir  le  blé  que  les 
empereurs  fournissaient  aux  Eglises  de 
Libye,  tant  pour  le  sacrifice  non  sanglant, 
que  pour  les  étrangers  et  les  pauvres,  et  de 
l'avoir  acheté  pour  le  revendre  bien  cher  en 
temps  de  disette,  en  sorte  que  depuis  on  n'a- 
vait plus  offert  le  terrible  sacrifice,  ni  sou- 
lagé les  pauvres  du  pays,  ni  les  étrangers; 
de  s'être  lait  donner  et  d'avoir  distribué  à 
des  danseuses  et  à  d'autres  gens  de  théâtre, 
une  grande  quantité  d'or  qu'une  dame  de 


688 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Pag.  40S 


4t2,  M3,4l6, 


piété  avait  laissée  par  sou  testament,  pour 
être  distribuée  aux  pauvres  et  aux  hôpitaux; 
d'admettre  continuellement  dans  son  évêehé 
et  dans  son  bain  des  i'emmes  déslionnêtes, 
nommément  Punsopliie,  surnommée  la  Mon- 
tagnarde; de  l'avoir,  lui  Iscbirion,  réduit  à 
la  mendicité,  en  lui  faisant  brûler  ses  mai- 
sons et  ravager  ses  héritages;  de  l'avoir  en- 
suite enfermé  dans  un  hôpital  d'estropiés, 
où,  par  les  ordres  de  Dioscore,  on  avait  at- 
tenté à  sa  vie.  Il  citait  pour  témoins  de  la 
plupart   de   ces  faits,  des   domestiques   de 
Dioscore  même.  La  troisième  requête  était 
d'Athanase,  prêtre  d'Alexandrie,  neveu  de 
saint  Cyrille.  Il  y  disait  :  «  Dioscore,  dès  le 
commencement  de  son  épiscopat,  nous  me- 
naça de  mort,  mon  frère  et  moi^  et  nous  fit 
quitter  Alexandrie  pour  venir  à  Constantino- 
ple,  où  nous  espérions  trouver  de  la  protec- 
tion; mais  il  écrivit  à  Chrysaphe  et  àNomus, 
qui  gouvernaient  alors  toutes  les  affaires  de 
l'empire,  de  nous  faire  périr.  Ou  nous  mit 
en  prison  et  on  nous  maltraita  jusqu'à  ce  que 
nous  eussions  donné  tous  nos  meubles;  il 
nous  fallut  même  emprunter  de  grosses  som- 
mes à  usure.  Mon  frère  est  mort  dans  ces 
mauvais  traitements,  laissant  une  femme  et 
des  enfants  chargés  de  ses  dettes;  et  afin 
qu'il  ne  nous  restât  aucun  lieu  de  retraite, 
Dioscore   a  fait  convertir   nos   maisons   en 
églises;  il  m'a  de  plus  déposé  de  la  prêtrise 
sans  aucun  sujet,  sans  me  permettre  de  de- 
meurer dans  aucune  église  ou  dans  quelque 
monastère,  en  sorte   que  je  suis  réduit  à 
mendier  mon  pain.  »  Sophronius,  laïque,  en 
présenta  une  quatrième  où  il  accusait  Dios- 
core de  blasphèmes  contre  la  Trinité,  d'a- 
dultères et  d'entreprises  contre  le  service  de 
l'empereur. 

Ces  quatre  requêtes  ayant  été  lues  et  insé- 
rées aux  actes,  le  concile  fit  citer  Dioscore 
pour  la  troisième  fois,  non  pas  pour  répon- 
dre à  Eusèbe  seul,  mais  aux  quatre  accusa- 
teurs qui  venaient  de  se  déclarer  contre  lui. 
Les  députés  pour  cette  dernière  citation,  fu- 
rent Francien,  évêque  de  Philippopohs,  Lu- 
cien de  Dize,  et  Jean  de  Germanicie,  avec 
Pallade,  diacre  et  notaire.  Par  le  billet  dont 
ils  étaient  chargés,  le  concile  déclarait  à 
Dioscore  qu'il  ne  recevait  point  ses  excuses; 
que  s'il  eût  demandé  à  l'empereur  que  Ju- 
vénal  et  les  autres  évêques  de  son  parti  fus- 
sent présents,  ce  prince  le  lui  aurait  refusé, 
puisqu'illaissait  au  concile  une  liberté  entière 
de  décider  celte  affaire;  qu'ainsi  il  ne  pou- 


vait refuser  de  venir  se  défendre  sans  s'expo- 
ser, après  cette  dernière  citation,  à  être  jugé 
par  contumace.  Toute  la  réponse  que  les  dé- 
putés pui-ent  tirer  de  lui,  fut  qu'il  n'avait 
rien  à  ajouter  à  celles  qu'il  avait  déjà  laites. 
Sur  le  rapport  que  l'on  en  fit  au  concile,  Pas- 
chasin  demanda  plusieurs  fois  aux  évêques 
ce  qu'il  y  avait  à  faire.  Tous  ayant  répondu 
que  Dioscore  témoignant  un  si  grand  mépris 
pour  les  canons,  il  méritait  d'en  éprouver  la 
rigueur,  les  trois  légats  Paschasin,  Lucentius 
et  Boniface,  prononcèrent  la  sentence  en  ces 
termes  :  «  Les  excès  commis  contre  les  ca-  , 
nous  par  Dioscore,  ci-devant  évêque  d'A- 
lexandrie, sont  manifestes,  tant  par  la  séance 
précédente  que  par  celle-ci.  Il  a  reçu  à  sa 
communion   Eutychès,   condamné   par   son 
évêque.  11  persiste  à  soutenir  ce  qu'il  a  fait  à  ^ 
Ephese,  dont  il  devrait  demander  pardon 
comme  les  autres.  Il  n'a  pas  permis  de  lire 
la  letlre  du  pape  Léon  à  Fiavien;  il  a  môme 
excommunié  le  pape.  On  a  présenté  contre 
lui  plusieurs  plaintes  au  concile;  lia  été  cité 
jusqu'à  trois  fois  et  n'a  pas  voulu  obéir;  c'est 
pourquoi  le  très-saint  archevêque  de  Rome 
Léon,  par  nous  et  par  le  présent  concile, 
avec  i'apôlre  saint  Pierre  qui  est  la  pierre  et 
la  base  de  TËghse  catholique  et  de  la  foi  or- 
thodoxe, l'a  dépouillé  de  la  dignité  épisco- 
pale  et  de  tout  ministère  sacerdotal.  »  Ana- 
tolius  de  Gonstantinople,  Maxime  d'Antioche, 
Etienne  d'Ephèse  et  les  autres  évêques  con- 
sentirent au  jugement  rendu  par  les  légats 
et  y  souscrivirent,  les  trois  légats  les  pre- 
miers, puis  -Anatolius  et  les  autres  au  nom- 
bre de  trois  cents.  11  y  eut  un  évêque  de 
Perse  qui  souscrivit  en  persien.  Le  concile 
fit  ensuite  un  acte  adressé  à  Dioscore  pour 
lui  signifier  sa  sentence.  Il  portait  qu'on  l'a- 
vait déposé  pour  ses  crimes  et  pour  sa  déso- 
béissance formelle  aux  trois  citations  que  le 
concile  lui  avait  fait  faire.  On  la  signifia  aussi 
le  dimanche  14  octobre,  à  Charmosine,  prê- 
tre et  économe;  à  Euthalius,  archidiacre,  et 
aux  autres  clercs  d'Alexandrie,  qui  se  trou- 
vaient à  Chalcédoine,  en  leur  recommandant 
de  conserver  avec  sqin  les  biens  de  l'Egfise, 
pour  en  rendre  compte  à  celui  qui  en  serait 
choisi  évêque  par  l'ordre  de  Dieu  et  avec  le 
consentement  de  l'empereur.  Afin  que  le  ju- 
gement du  concile  ne  fut  ignoré  de  personne, 
on  le  pubfia  par  une  affiche  adressée  à  tout 
le  peuple  de  Constantinople  et  de  Chalcé- 
doine, où  il  était  dit  qu'il  ne  restait  à  Dios- 
core aucune  espérance  d'être  rétabli,  comme 


Pjg.  411. 
420,  421. 


[v^EïVi=  SIÈCLES.]      Ci-IAPIÏRE  LUI.  —  CONCILE  DE  GHALCÉDOINE. 


689 


il  en  faisait  courir  le  bruit;  il  fut  relégué  à 
Gangi'es  en  Paplilagonie ,  oii  il  mourut  en 
454.  Le  concile  écrivit  à  l'empereur  Marcien 
les  raisons  qu'on  avait  eues  de  déposer  Dios- 
core,  en  priant  ce  prince  d'agréer  cette  dé- 
position et  en  le  remerciant  du  soin  qu'il 
prenait  des  intérêts  de  l'Eglise.  Il  écrivit 
aussi  à  l'impératrice  Pulchérie,  sur  le  même 
sujet.  Nous  avons  encore  ces  deux  lettres, 
mais  seulement  en  latin;  tous  les  évêques 
souscrivirent  à  la  première. 

8.   Les  magistrats  assistèrent  à  la   qua- 
trième session,  tenue  le  17  octobre  :  on  la 
commença  par  la  lecture  de  la  conclusion  de 
la  seconde  session,  où  ils  avaient  donné  aux 
évêques  un  délai  de  cinq  jours  pour  l'examen 
de  la  question  de  la  foi  ;  ensuite  ils  prièrent 
les  Içgals  de  dire  ce  que  l'on  avait  résolu  sur 
cette  matière  dans  le  concile.  Paschasin  dit 
que  le  concile  suivait  le  symbole  de  Nicée  et 
celui  de  Constantinople,  avec  l'exposition  de 
foi  donnée  à  lîpbèse  par  saint  Cyrille,  et  les 
écrits  de  saint  Léon  contre  l'hérésie  de  Nes- 
torius  et  d'Eutychès,  c'est-à-dire  sa  lettre  à 
Fiavien,  sans  vouloir  en   retrancher,  ni   y 
ajouter  quoique   ce  fut.  La  déclaration  de 
Paschasin  ayant  été  expliquée  en  grec,  les 
évêques  dirent  à  haute  voix   qu'Us  étaient 
dans  les  mêmes  sentiments;  en  sorte  que  les 
magistrats  voyant  qu'ils  persistaient  à  ne  pas 
vouloir  de  nouvelles  expositions  de  foi,  se 
contentèrent  de  leur  demander  s'ils  recon- 
naissaient que  la  lettre  de  saint  Léon  à  Fia- 
vien fût  conforme  aux  symboles  de  Nicée  et 
de  Constantinople.  Anatolius,   et  après  lui 
tous  les  évêques  du  concile  déclarèrent  qu'ils 
recevaient  cette  lettre  comme  conforme  aux 
décrets  de  ces  deux  conciles  et  à  la  foi  des 
pères.  Cent  cinquante  évêques  lirentleur  dé- 
claration par  écrit,  les  autres  la  firent  de  vive 
voix.    Cette   unanimité   de   sentiments  leur 
donna  lieu  de  croire  qu  ils  pouvaient  obtenir 
le  rétablissement  de  Juvéual  de  Jérusalem, 
de  ïhalassius  de  Césarée,  d'Ëusèbe   d'An- 
cyre,  de  Basile  de  Séleucie  et  d'Eustathe  de 
fiéryte,  qui  avaient  été  les  chefs  du  concile 
d'Ephèse  avec  Lioscore,  et  jugés  dignes  de 
déposition  dans  la  première  session  de  celui 
de  Chalcédoiue.  Les  magistrats  leur  répon- 
dirent qu'ils  en  avaient  fait  leur  rapport  à 
l'empereur,  et  qu'ils  attendaient  sa  réponse. 
«  Au  reste,  ajoutèrent -ils,  vous  rendrez 
compte  à  Dieu  d'avoir  déposé  Dioscore  à 
l'insu  de  l'empereur  et  de  nous,  de  ces  cinq 
évêques  dont  vous  demandez  le  rétablisse- 
X. 


ment,  et  de  tout  ce  qui  s'est  passé  dans  le 
concile.  »  Les  évêques  s'écrièrent  que  Dios- 
core avait  été  justement  déposé.  L'empereur   pjg.  sio. 
leur  fit  savoir  qu'il  laissait  à  leur  jugement 
ce  qui  regardait  ces  cinq  évêques,  sur  quoi 
ils  prièrent  les  magistrats  de  leur  accorder 
l'entrée  dans  le  concile;  ils  l'accordèrent,  et 
alors  on  les  fit  asseoir  au  rang  des  évêques 
et  on  les  déclara  orthodoxes.  Us  firent  aussi 
entrer  treize  évêques  qui  avaient  présenté 
uue  requête  à  l'empereur,  dans  laquelle  ils 
disaient  au  nom  de  tous  les  évêques  d'Egypte, 
qu'ils  suivaient  la  foi  cathohque  et  qu'ils  con- 
damnaient tous  les  hérétiques,  particulière- 
ment ceux  qui  enseignent  que  la  chair  de 
notre  Seigneur  est  venue  du  ciel,  et  non  de 
la  sainte  Vierge.  Les  évêques  du  concile  à  ►,,,. 
qui  Marcien  avait  renvoyé  cette  requête,  re- 
marquèrent qu'on  n'y  condamnait  point  Eu- 
tychès,  ni  l'erreur  d'une  seule  nature,  ce  qui 
leur  lit  dire  que  ceux  qui  l'avaient  présentée 
étaient  des  imposteurs.  On  voulut  les  obliger 
de  condamner  Eutychès  et  son  erreur,  et  de 
souscrire  à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Fiavien, 
mais  ils  répondirent  qu'ils  ne  le  pouvaient 
jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  un  patriarche,  sans 
lequel  il  ne  leur  était  pas  permis  de  faire 
quoi  que  ce  fût.  Ils  prirent  Analolius  à  témoin 
que  tel  était  l'ordre  de  leur  province,  et  que 
s'ils  faisaient  le  contraire,  les  autres  évêques 
les  chasseraient  de  leur  pays.  Us  alléguèrent  g,.,,, 
encore  l'autorité  du  concile  de  Nicée,  qu'ils 
n'entendaient  pas.  Mais  on  n'eut  aucun  égard 
à  leurs  raisons,  et  on  leur  fit  sentir  le  ridicule 
qu'il  y  avait  que  des  évêques,  dont  plusieurs 
étaient  avancés  en  âge,  ne  sussent  pas  encore 
la    croyance   catholique,  et   attendissent  le 
sentiment  d'un  autre.  On  les  pressa  donc  de 
nouveau  de  dire  anathème  à  Eutychès  et  à 
ses  sectateurs,  et  de  signer  la  lettre  de  saint 
Léon.  Ils  consentirent  à  prononcer  cet  ana- 
thème, mais  fis  ne  purent  se  résoudre  à  sous- 
crire à  la  lettre  de  saint  Léon,  ni  à  la  dépo- 
sition de  Dioscore.  Les  magistrats  obtinrent  ^^^ 
qu'on  les  laisserait  en  l'état  où  ils  étaient  à 
Constantinople,  d'où  toutefois  ils  ne  sorti- 
raient pas  jusqu'à  ce  qu'on  eût  ordonné  un 
évèque  d'Alexandrie.  En  etfet,  ils  ne  retour- 
nèrent en  Egypte  qu'après  que  saint  Proté- 
rius  eut  été  ordonné  '  à  la  place  de  Dioscore, 
par  les  quatre  évêques,  dont  celui-ci  avait  été 
abandonné  dès  le  commencement  du  concile. 
Ainsi  fi  y  a  toute  apparence  que  ces  treize 


1  Libérât.,  cap.  xiv,  pag.  97. 


44 


690 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Requête  (les 
abbés     scbis- 


évêques  ne  firent  plus  de  difficulté  de  sous- 
crire à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien  et  à 
la  déposition  de  Dioscore  ;  il  paraît  même, 
par  une  letîre  de  saint  Léon  *  à  Prolérius, 
que  ce  dernier  faisait  lire  publiquement  dans 
les  églises  la  lettre  à  Flavien  ^. 

9.  On  fit  ensuite  entrer  dans  le  concile  des 
moines  d'Egypte,  dont  quelques-uns  étaient 
abbés,  d'autres  de  simples  gardiens  d'églises 
de  martyrs,  et  d'autres  que  Ton  ne  connais- 
sait pas;  ils  étaient  dix-huit  en  tout.  Parmi 
eux  étaient  Barsumas  le  Syrien  et  l'évéque 
Calépodius.  On  leur  fit  reconnaître  la  requête 
qu'ils  avaient  d'abord  présentée  à  l'empe- 
reur, puis  on  en  fit  la  lecture  ;  on  lut  aussi 
une  autre  requête  qu'ils  adressaient  au  con- 
Paj.Bsi.  cile.   Dans  la  première,   ils  demandaient  à 
l'empereur  sa  protection  contre  la  persécu- 
tion des  clercs,  qui  voulaient  exiger  d'eux  des 
souscriptions  forcées  et  les  chasser  de  leurs 
monastères  et  des  autres  églises  où  ils  de- 
523    mouraient.  Dans  la  seconde,  ils  priaient  que 
Dioscore  et  les  évêques  venus  avec  lui  d'E- 
gypte fussent  présents  au  concile.  A  ces  pa- 
roles, les  évêques  s'écrièrent  :  «  Anathème 
à  Dioscore  ;  »  et  demandèrent  qu'on  chassât 
52J    ces  moines.  Comme  leur  requête  tendait  piin- 
cipalement  au  rétablissement  de  Dioscore, 
qu'ils  appelaient  le  conservateur  de  la  foi  de 
Nicée,  et  qu'ils  protestaient  renoncer  à  la 
communion  du  concile,  si  on  leur  refusait 
leur  demande,  l'archidiacre  Aétiuslut  le  cin- 
quième canon  d'Antioche,  qui  ordonne  que 
le  prêtre  ou  le  diacre  qui  se  sépare  de  la 
communion  de  son  évêque  pour  tenir  à  part 
des  assemblées,  doit  être  déposé  et  ensuite 
chassé  comme  séditieux  par  la  puissance  sé- 
culière, s'il  persiste  dans  son  schisme.  Les 
évêques  dirent  :  «  Le  canon  est  juste.  »  Les 
magistrats  demandèrent  à  ces  moines  s'ils 
se  soumettaient  aux  décisions  du  concile  2  Ils 
répondirent  qu'ils  connaissaient  la  foi  de  Ni- 
cée, dans  laquelle  ils  avaient  été  baptisés. 
5:3.   Aétius  les  pressa,  de  la  part  du  concile,  de 
condamner  Eutychès;  ils  le  refusèrent,  di- 
Maiih.  Tii.  sant  que  l'Evangile  leur  défendait  de  juger. 
L'un  d'eux,  nommé  Dorothée,  voulut  môme 
soutenir  qu'Eutychès  était  catholique,  et  qu'il 
suffisait  de  dire  que  celui  qui  a  souÛert  est 
Pag.  M2.  de  la  Trinité.  Les  évêques  voulurent  les  obli- 


ger de  souscrire  à  la  lettre  de  saint  Léon  à 
Flavien;  ils  répondirent  qu'ils  n'en  feraient 
rien.  Les  magistrats  prièrent  qu'on  leur  don- 
nât un  délai  de  deux  ou  trois  jours.  Dorothée 
et  Carose  répondirent  qu'ils  n'en  avaient  pas 
besoin,  et  que  le  concile  pouvait  dès  lors  or- 
donner ce  qu'il  voudrait  ;  que  pour  eux, 
ils  ne  changeraient  pas  de  sentiment.  Mais 
leur  affaire  fut  renvoyée  à  la  session  suivante; 
elle  n'est  pas  marquée  dans  les  anciens  exem- 
plaires, et  on  ne  la  regarde  aujourd'hui  que 
comme  une  suite  de  la  précédente,  quoiqu'elle 
se  soit  tenue  trois  jours  après,  c'est-à-dire  le 
20  octobre.  On  y  accorda  à  Dorothée  et  aux 
autres  un  mois  de  délai  pour  se  déterminer 
à  obéir  au  concile,  avec  menace  d'être  privés, 
eux  et  leurs  moines,  de  toutes  les  fonctions 
et  de  toutes  les  dignités  ecclésiastiques,  de  la 
conduite  de  leurs  monastères  et  de  la  com- 
munion de  l'Eglise,  si  dans  ce  temps  ils  ne 
se  soumettaient  au  concile.  On  ajouta  qu'en 
cas  d'opiniâtreté  de  leur  part,  le  concile  de- 
manderait le  secours  de  l'autorité  séculière, 
pour  exécuter  ce  qui  aurait  été  statué  contre 
eux,  et  que  cela  regarderait  aussi  ceux  qui, 
pour  ne  pas  obéir,  auraient  pris  la  fuite.  Le 
même  jour,  le  concile  jugea  le  différend  qui 
était  entre  Photius  de  Tyr  et  Eustalhe  de  Bé- 
ryte.  Photius  qui  prétendait  être  seul  métro- 
pohtain  de  la  première  Phénicie,  se  plaignait 
qu'Eustathe,  par  le  crédit  qu'il  avait  sous  le 
pontificat  de  Dioscore,  avait  obtenu  de  Théo- 
dose II  une  loi  pour  ériger  Béryte  en  métro- 
pole, et  qu'en  conséquence,  il  s'attribuait  la 
juridiction  et  les  ordinations  sur  les  Eglises 
de  Bibles,  de  Botrys,  de  Tripoli,  d'Orthosiade, 
d'Arcas  et  d'Antarade,  qui  appartenaient  au- 
paravant à  la  métropole  de  Tyr.  L'empereur 
Théodose,  dans  sa  loi,  n'avait  point  parlé  de 
ce  démembrement  ;  il  avait  été  fait  par  les 
évêques  du  concile  de  Constantinople  en  449. 
Eustathe,  voulant  éloigner  le  jugement  de 
cette  affaire ,  représenta  qu'il  fallait,  avant 
toutes  choses,  signer  la  définition  de  foi  dont 
nous  parlerons  dans  la  suite.  11  ajouta  néan- 
moins qu'il  était  prêt  à  répondre.  Après  que 
l'on  eut  lu  la  requête  de  Photius,  Eustathe 
lui  demanda  comment  il  voulait  que  leur  dif- 
férend fut  jugé,  selon  les  canons,  ou  selon 
les  lois  impériales  ?  «  Selon  les  canons,  »  dit 


P«6. 


1  Léo,  Epist.  103. 

*  Eustatlie  de  Béryte  prit  plus  tard  la  défense  de 
la  lettre  de  saint  Léon  contre  TimotUée  Elure.  Ou 
trouve  un  fragment  de  l'Apologie  qu'il  composa  à 
cet  effet  dius  Possevin,  Apparatus  sncri,  tom.  1;  dans 


Canisius,  Lcctiones  aniiq.,  tom.  II,  pag.  257,  et  dans 
la  Patrologie  grecque-latme ,  tom.  LXXXV,  col. 
1803-1804,  avec  une  notice  sur  Eustathe,  par  Lequien. 
[L'éditeur.) 


[v« ET  TP SIÈCLES.]      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


m 


Photius.  Les  mngistrats  déclarèrent  que  l'em- 
pereur Marcien  voulait  qu'ils  servissent  de 
règle  dans  les  affaires  des  évoques,  sans 
avoir  aucun  égard  aux  rescrits  de  la  cour. 
Euslatlie  ne  pouvait  alléguer  en  sa  faveur 
que  le  décret  du  concile  de  Constantinople 
de  449  ;  voyant  qu'il  n'avait  pas  assez  d'au- 
torité, il  avoua  que  les  plaintes  de  Photius 
étaient  fondées.  Seulement  il  pria  les  évéques 
de  ne  pas  croire  qu^il  eût  sollicité  le  démem- 
brement qu'on  avait  fait  de  sa  métropole  de 
Tyr.  On  lut  le  quatrième  canon  de  Nicée,  qui 
donne  au  métropolitain  les  ordinations  avec 
les  évéques  de  la  province  :  sur  quoi  les  ma- 
gistrats demandèrent  s'il  pouvait  y  avoir  deux 
métropolitains  dans  une  même  province.  Le 
concile  ayant  répondu  négativement,  ils  dé- 
clarèrent que,  suivant  les  canons  de  Nicée  et 
le  jugement  du  concile,  Photius  aurait  tout  le 
pouvoir  d'ordonner  dans  toutes  les  villes  de 
la  province  de  la  première  Phénicie,  et  que 
l'évêqueEustathe  n'aurait  rien  en  vertu  delà 
loi  de  Théodose,  au-dessus  des  autres  évéques 
de  la  province.  Ce  jugement  fut  approuvé 
unanimement.  Quant  aux  évéques  ordonnés 
par  Photius  et  déposés  par  Eustathe,  il  fut 
décidé  qu'ils  seraient  rétablis  dans  leur  di- 
gnité et  même  dans  leurs  sièges,  comme 
ayant  élé  ordonnés  légitimement  par  le  mé- 
tropolitain. On  ne  parla  point  des  évéques  or- 
donnés par  Eustathe.  Cécropius  de  Sébasto- 
polis  demanda  qu'on  fit  un  règlement  pour 
faire  observer  partout  les  canons,  sans  avoir 
égard  aux  lois  impériales  ;  et  il  fut  ainsi  or- 
donné, de  l'avis  du  concile.  Evagre  et  Libérât 
ne  disent  rien  de  ces  deux  affaires,  ni  des 
sessions  particulières  où  elles  furent  réglées, 
parce  qu'elles  ne  sont  pas  décrites  dans  plu- 
sieurs exemplaires  du  concile  ;  mais  il  est 
parlé  de  celle  de  Photius  dans  la  dixième 
session. 

10.  Celle  que  l'on  compte  pour  la  cin- 
quième est  du  22  octobre.  On  y  lut,  à  la  re- 
quête des  magistrats,  une  définition  de  foi 
dressée  par  les  principaux  évéques  du  con- 
cile. Elle  avait  déjà  été  lue  le  21,  qui  élait 
un  dimanche,  devant  les  évéques  qui  l'a- 
vaient approuvée.  Mais,  dans  le  concile,  elle 
souffrit  des  difficultés,  surtout  de  la  part  des 
légats,  parce  qu'elle  disait  seulement  que  Jé- 
,  sus-Christ  est  de  deux  natures,  et  non  en  deux 
natures,  comme  saint  Léon  l'avait  dit  dans  sa 
lettre  à  Flavien.  Ils  demandèrent  que  l'on 
s'arrêtât  uniquement  à  la  lettre  de  ce  saint 
pape,  ou  qu'on  leur  fit  donner  un  rescrit  pour 


s'en  retourner  et  pour  célébrer  un  concile  en 
Occident.  Il  était  connu  que  Dioscore  n'avait   P'fS"- 
condamné  Flavien    que  parce  que  ce  saint 
évêque  disait  qu'il  y  a  deux  natures  en  Jé- 
sus-Christ. Ainsi  c'aurait  été  autoriser  la  con- 
damnation de  saint  Flavien,  de  ne  se  pas 
servir  de  ce  terme,  d'autant  que  Dioscore  le 
rejetait,  et  qu'il  admettait  au  contraire  celui 
de  deux  natures.  Il  s'éleva  là-dessus  de  grands 
débats  entre  les  évéques.  Pour  les  terminer, 
les  magistrats  proposèrent  d'assembler  six 
évéques  d'Orient,  trois  d'Asie,  trois  du  Pont, 
trois  d'Illyrie  et  trois  de  Thrace,  l'archevêque 
Anatolius  et  les  Romains,  dans  l'oratoire  de 
l'église,  pour  convenir  d'une  définition  de  foi 
qui  plût  à  tout  le  monde.  L'empereur  ordonna  seo. 
que  la  proposition  serait  exécutée,  ou  que 
le  concile  se  tiendrait  en  Occident.  Après 
quelque  résistance,  les  évéques  convinrent 
que  la  chose  se  traiterait  par  commissaires. 
On  les  choisit  au  nombre  de  vingt-deux  ; 
mais  on  n'en  prit  pas  des  évéques  d'Egypte, 
peut-être   parce  qu'on  craignait  qu'ils  fus- 
sent trop  favorables  à  Dioscore.  Les  vingt- 
deux  commissaires  étant  entrés  avec  les  ma- 
gistrats dans  la  chapelle  de  sainte  Euphémie, 
examinèrent  le  décret  de  la  foi  qui  avait  d'a- 
bord été  proposé,  et  le  mirent  en  la  forme 
que  nous  l'avons  aujourd'hui.  C'est  le  seul 
qui  fut  inséré  aux  actes,  après  qu'Aétius  en 
eut  fait  la  lecture  en  présence  du  concile. 
C'est  plutôt  un  discours  qu'un  symbole.  Celui 
de  Nicée  et  celui  de  Constantinople  y  sont  su,m. 
rapportés  tout  au  long;  puis  on  ajoute  :  «Ce 
symbole  suffisait  pour  la  connaissance  par- 
faite de  la  religion  ;  mais  les  ennemis  de  la 
vérité  ont  inventé  de  nouvelles  expressions, 
les  uns  voulant  anéantir  le  mystère  de  l'In- 
carnation, et  refusant  à  la  Vierge  le  titre  de 
Mère  de  Dieu  ;  les  autres  introduisant  une 
confusion  et  un  mélange,  et  forgeant  une 
opinion  insensée  et  monstrueuse,  qu'il  n'y  a 
qu'une  nature  de  la  chair  et  de  la  divinité, 
et  que  la  nature  divine  du  Fils  est  passible  : 
c'est  pourquoi  le  saint  concile  œcuménique 
voulant  obvier  à  toutes  leurs  entreprises  et 
montrer  que  la  doctrine  de  l'Eglise  est  tou- 
jours inébranlable,  a  défini,  premièrement 
que  la  foi  des  trois  cent  dix-huit  pères  de- 
meurera inviolable.  De  plus,  il  confirme  la 
doctrine  que  les  cent  cinquante  pères  assem- 
blés à  Constantinople  ont  enseignée  touchant 
la  substance  du  Saint-Esprit,  à  cause  de  ceux 
qui  l'attaquaient ,  non  qu'ils   crussent  que 
quelque  chose  manquât  à  l'exposition  précé- 


692 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  ADTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dente  ;  et  à  cause  de  ceux  qui  veulent  dé- 
truire le  mystère  de  rincarnation,  le  concile 
reçoit  les  lettres  synodales  du  bienheureux 
Cyrille,  tant  à  Nestorius  qu'aux  Orientaux, 
comme  propres  à  réfuter  l'erreur  de  Nesto- 
rius et  à  expliquer  les  sens  du  symbole.  Le 
concile  y  joint  avec  raison  la  lettre  du  très- 
saint  archevêque  Léon  à  Flavien,  contre  l'er- 
reur d'Eutycbès,  comme  conforme  à  la  con- 
fession de  saint  Pierre  et  également  propre 
à  détruire  les  erreurs  et  à  affermir  la  vérité, 
pjg.  568,  Suivant  '  donc  les  saints  pères,  noas  décla- 
rons tout  d'une  voix  que  l'on  doit  confesser 
un  seul  et  même  Jésus-Christ  Notre  Seisrneur 
le  même  parfait  dans  la  divinité,  et  par- 
fait dans  l'humanité;  vraiment  Dieu  et  vrai- 
ment homme;  le  même  composé  d'une  âme 
raisonnable  et  d'un  corps  ;  consubstantiel 
au  Père  selon  la  divinité,  et  consubstantiel 
à  nous  selon  l'iiumanité  ;  en  tout  sembla- 
ble à  nous,  hormis  le  péché;  engendré  du 
Père  avant  les  siècles  selon  la  divinité  ;  dans 
les  derniers  temps,  né  de  la  Vierge  Marie 
mère  de  Dieu  selon  l'humanité,  pour  nous  et 
pour  notre  salut  ;  un  seul  et  même  Jésus- 
Christ  Fils  unique,  Seigneur  en  deux  natu- 
res, sans  confusion,  sans  changement,  sans 
division,  sans  séparation  ;  sans  que  l'union 
ôte  la  ditlerence  des  natures  ;  au  contraire, 
la  propriété  de  chacune  est  conservée  et 
concourt  en  une  seule  personne  et  une  seule 
hypostase  ;  en  sorte  qu'il  n'est  pas  divisé  ou 
séparé  en  deux  personnes ,  mais  que  c'est  un 
seul  et  même  Fils  unique,  Dieu  Verbe  notre 
Seigneur  Jésus-Christ.  Le  concile  défend  à 
qui  que  ce  soit  d'enseigner  ou  de  penser  au- 
trement, sous  peine,  aux  évêques  et  aux 
clercs,  de  déposition;  aux  moines  et  aux  laï- 
ques, d'anathème.  11  défend  encore  de  com- 
poser ni  de  suivre  aucune  autre  foi  ni  aucun 
autre  symbole  que  celui  de  Nicée.  »  Ce  dé- 
cret fut  lu,  et  ensuite  approuvé  de  tous  les 


évêques.  Le  texte  grec,  au  heu  de  dire  que 
Jésus-Christ  est  en  deux  natures,  lit  de  deux 
natures.  IMais  on  ne  peut  douter  que  ce  ne 
soit  une  faute,  sans  que  l'on  puisse  dire  de 
quelle  manière  elle  s'est  ghssée  dans  le  texte. 
Evagre  ^,  qui  le  rapporte  entier,  lit  en  deux 
natures.  On  convint  ^  dans  la  dispute,  entre 
les  catholiques  et  les  sévériens,  en  533,  que 
le  concile  avait  mis  en  deux  natures.  On  lit 
de  même  dans  Euthymius  et  *  dans  Léon  ^ 
de  Byzance.  Ce  dernier  assure  même  que  le 
concile  de  Chalcédoine  ne  parla  point  du 
terme  de  deux  natw^es,  parce  qu'il  ne  voulait 
ni  le  rejeter  ni  s'en  contenter;  aussi  les  an- 
ciennes versions  latines  lisent  sans  variation, 
en  deux  natures. 

a.  Le  25  octobre  les  évêques  étant  assem- 
blés, l'empereur  Marcien  vint  au  concile  ac- 
compagné des  magistrats  qui  avaient  cou- 
tume de  s'y  trouver,  et  de  plusieurs  autres 
officiers.  Il  harangua  les  évêques  en  latin, 
qui  était  la  langue  de  l'empire,  puis  en  grec, 
pour  leur  témoigner  que  son  intention  en  Jcs 
convoquant,  avait  été  de  conserver  la  pureté 
de  la  foi  altérée  depuis  quelque  temps  par 
l'avarice  et  l'ambition  de  quelques  personnes. 
Il  ajouta  que  l'on  ne  devait  tenir  d'autre  doc- 
trine sur  Je  mystère  de  l'Incarnation,  que 
celle  que  les  pères  de  Nicée  ont  enseignée 
dans  leur  symbole,  et  saint  Léon  dans  sa 
lettre  à  Flavien;  que  s'il  avait  voulu  k  l'exem- 
ple de  Constantin,  assister  au  concile,  ce  n'é- 
tait que  pour  confirmer  la  foi,  et  non  pour 
exercer  sa  puissance.  Son  discours  fini,  on 
fit  les  acclamations  ordinaires;  après  quoi  on 
lut  par  ordre  de  ce  prince  la  définition  de  foi 
faite  le  jour  précédent.  Elle  fut  souscrite 
par  trois  cent  cinquante  évêques,  les  légats 
en  tête.  Diogène  de  Cyzique  et  quatorze  au- 
tres métropohtains  souscrivirent  pour  ceux 
de  leurs  sutfragants  qui  étaient  absents.  Mar- 
cien demanda  si  la  confession  de  foi  qu'on 


1  Sequenfes  igitur  sanctos  Patres,  unum  ewmdemque 
confileri  Filium  et  Dominum  nostrum  Jesum  Christum 
cunsonunter  omnes  doceinus ,  eumdem  perfectum  m 
deitale,  et  eumdem  perfectum  in  humaniiale,  Deum 
verum  et  hominem  verum,  eumdem  ex  anima  rationali 
et  corpore,  consubstnntialem  Pairi  secindum  deitatem, 
consubstantialem  nobis  eumdem  secundum  humanita- 
tem ,  per  omnia  n'^bis  similem  absque  peccato  :  ante 
sœcula  quidem.  genitum  de  Pâtre  sacundum  deitatem, 
in  7iovissimis  autem  diebus  eumdem  propter  nos  et 
propter  nostram  salutem  ex  Maria  Virgine  Dei  géni- 
trice sccundum  humanilatem,  unum  cumdemque  Chri- 
stum Filium  Dominum  unigeaitum  in  duabus  naturis 
inconfuse,  immutabiliter,  indivise,  inseparubiliter 
agnosoendum  ;  nusquam  sublata  naturaram  diffèrentia 


propter  unitionem,  magisque  salva  utriusque  proprie- 
tate  natures,  et  in  unam  personam  alque  subsislenfiam 
concurrente  ;  non  in  duas  personas  pariitum  aut  divi- 
sum,  sed  nnum  eumdemque  Filium  et  unigerdtum 
Deum  Verbum  Dominum  Jesum  Christum.  Definivit 
sancta  et  universalis  synodus  alteram.  fidem  nulli 
licere  proferre ,  aut  conscribere  aut  componere ,  aut 
sentire,  aut  alios  docere.  .  Hos  si  episcopi  fuerint  aut 
clerici,  aliénas  esse  episcopos  ab  episcopatu  ;  et  clericos 
a  clero  :  si  vero  monachi  fuerint  autjaici  anathema- 
iisai-i  eos.  Pag.  568. 

2  Evagr.,  lib.  II,  cap.  iv. 

s  Tom.  V  Concil.,  pag.  1766,  1770. 

*  Ânalecta  Grœca,  pag.  56,  57. 

B  Tom.  II  Biblioth.  Patr.,  pag.  5H,  S29. 


[V»  ET  vi<^  SIÈCLES.]      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


693 


venait  de  signer  avait  été  faite  d'un  consen- 
tement unanime.  Tous  les  évéques  répondi- 
rent qu'ils  l'avaient  signée,  parce  qu'ils  y  re- 
connaissaient la  foi  des  apôtres  ;  ce  qu'ils 
accompagnèrent  de  grands  éloges  pour  l'em- 
pereur et  pour  l'impératrice  Pulchérie.  Mar- 
ig.  608.  cien  dit  ensuite  :  «  Pour  ôter  à  l'avenir  tout 
prétexte  de  division,  quiconque  fera  du  tu- 

■  mnlte  en  public,  en  parlant  de  la  foi ,  sera 
K       banni  de  Constantinople ,  au  cas  qu'il  soit 

■  simple  particulier  ;  mais,  s'il  est  offlcier,  il 
sera  cassé,  et  déposé,  s'il  est  clerc.  »  Tout  le 

coj.   concile  fut  de  cet  avis.  L'empereur  déclara 
qu'il  avait  quelques  articles  à  proposer,  et 

I  qu'il  souhaitait  être  réglés  plutôt  par  l'auto- 
rité de  l'Eglise  que  par  la  sienne;  le  premier, 
que  personne  ne  bâtirait  un  monastère  sans 
le  consentement  de  l'évêque  de  la  ville  et 
du  propriétaire  de  la  terre  ;  que  les  moines 
tant  des  ailles  que  de  la  campagne  seraient 
soumis  à  l'évêque,  qu'ils  vivraient  en  repos, 
ne  s'appliquant  qu'au  jeûne  et  à  la  prière, 
sans  s'embarrasser  d'affaires  ecclésiastiques 
ou  séculières,  s'ils  n'en  étaient  chargés  par 
l'évêque  pour  quelque  nécessité,  et  qu'ils  ne 
pourraient  recevoir  dans  leurs  monastères 
des  esclaves  sans  la  volonté  de  leurs  maîtres. 
Le  second,  qu'il  serait  défendu  aux  clercs  do 
prendre  à  ferme  des  terres,  ou  de  se  charger 
de  quelque  intendance  et  recette,  si  ce  n'est 
des  biens  de  l'Eglise,  et  par  commission  de 
l'évêque,  sous  peine  aux  contrevenants  d'être 
dépouillés  de  leur  dignité,  en  cas  d'opiniâ- 
treté. Le  troisième,  que  les  clercs  qui  ser- 
vent une  Eglise  ne  pourront  être  envoyés  à 
l'Eglise  d'une  antre  ville,  mais  qu'ils  se  con- 
tenteront de  celle  à  laquelle  ils  ont  été  pre- 
mièrement destinés,  hormis  ceux  qui,  étant 
chassés  de  leur  pays,  ont  passé  dans  une 
autre  Eglise  par  nécessité.  Il  devait  y  avoir 
peine  d'excommunication,  tant  pour  le  clerc 
qui  passait  d'une  Eglise  à  une  autre,  que 
pour  celui  qui  l'y  recevait.  Ces  trois  articles 
ayant  été  lus  par  le  secrétaire  Béronicien, 
l'empereur  les  donna  à  Anatolius,  et  on  en 
fit  ensuite  le  trois,  le  quatre,  le  cinq  et  le 
vingtième  canon,  en  y  changeant  quelque 
chose.  Ce  prince  ordonna,  avec  l'approbation 
du  concile,  que  la  ville  de  Chalcédoine,  en 
considération,  tant  de  sainte  Euphémie,  que 
parce  que  le  concile  y  avait  été  assemblé, 
aurait  à  l'avenir  les  privilèges  de  métropole, 


mais  pour  le  nom  seulement,  sauf  la  dignité 
de  la  métropole  de  Nicomédie.  Les  évêques 
le  supplièrent  de  leur  permettre  de  retourner 
à  leurs  Eglises;  mais  Marcien  les  supplia  de 
patienter  encore  trois  ou  quatre  jours  pour 
terminer,  en  présence  des  magistrats,  les  af- 
faires dont  ou  leur  demandait  la  décision. 
C'est  ainsi  que  finit  la  sixième  session,  que 
quelques-uns  ont  regardé  comme  la  dernière 
du  concile,  parce  qu'on  y  acheva  de  régler 
ce  qui  regardait  la  foi  et  les  affaires  géné- 
rales de  l'Eglise.  On  remarque  '  que  beau- 
coup d'Eglises  n'avaient  dans  leurs  copies 
que  six  sessions  avec  les  canons,  que  ^  le 
pape  Pelage  considérait  comme  faisant  par- 
tie de  la  sixième  session.  Evagre^qui  s'étend 
beaucoup  sur  les  six  premières,  passe  légè- 
rement sur  les  suivantes:  ce  qui  n'empêche 
pas  qu'on  ne  doive  regarder  les  choses  qui 
y  furent  traitées,  comme  appartenant  au 
concile. 

12.  La  septième,  la  huitième  et  la  neu-      sepiièmo, 
vième  session   sont  datées  du  26  octobre,    Se°„'vème%'t 
parce  qu'elles  furent  tenues  toutes  les  trois   sÎmT" 
dans  ce  jour.  Dans  la  septième,  le  concile 
confirma  l'accord  fait  entre  Maxime  d'Antio- 
che  et  Juvénal  de  Jérusalem,  par  lequel  la       t-..o.  iv 
Pbénicie  et  l'Arabie  demeurèrent  sous  la  ju-   m"''''  '"'^' 
ridiction  de  l'Eglise  d'Antioche,  et  les  trois 
Palestine  sous  la  juridiction  de  l'Eglise  de 
Jérusalem.  On  traita  dans  la  huitième  l'af- 
faire de  Théodoret.  Il  avait  déjà  été  rétabli 
dans  son  siège  par  le  pape  saint  Léon.  Il 
anathématisa,  en  présence  du  concile,  Nesto- 
rins  et  quiconque  ne  disait  pas  que  la  Vierge 
est  Mère  de  Dieu,  et  quiconque  divisait  en 
deux  le  Fils  unique.  Il  souscrivit  à  la  défini- 
tion de  foi  qui  y  fut  dressée  ;  il  y  avait  dès 
auparavant  souscrit  à  la  lettre  de  saint  Léon 
à  Flavien.  Les  magistrats  ne  trouvant  donc 
aucune   difiiculté   sur    son  rétablissement , 
demandèrent  qu'il  rentrât  dans  son  siège, 
comme  saint  Léon  l'avait  jugé  ;  ce  que  tous 
les  évêques  accordèrent.  Ibas  demanda  dans   p^g. 621,621. 
la  neuvième  session  que  l'on  cessât  tout  ce 
qui  avait  été  fait  à  Ephèse  en  son  absence, 
et  qu'on  le  rendît  à  son  Eglise.  On  lut  d'à-  62s. 
bord  la  sentence  arbitrale  de  Photius  de  Tyr 
et  d'Eustathe  de  Béryte,  rendue  à  Tyr  le  23 
février  448,  par  laquelle  il  paraissait  qu'Ibas 
avait  déclaré  sa  foi  et  pardonné  à  ses  accu- 
sateurs ;  et  comme  il  y  avait  beaucoup  d'au- 


1  Lupus,  Concii.,  tom.  l,  pag.  647. 

2  Pelag.  Epist.   11    ad  Episcopos   Istriœ , 


tom.  V 


Concii.,  pag.  629,  630.  —  3  Evagr..  lib.  II,  cap.  Xvill. 


694 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


1res  pièces  à  lire,  on  remit  l'all'uire  à  la  ses- 
pag.  CJ5.   sion  suivante,  qui  se  tint  le  leiidemain  27  oc- 
tobre. On  y  lut  les  actes  du  synode  tenu  à 
Béryte  le  i  "  septembre  448,  où  Ibas  avait  été 

633.  renvoyé  absous.  Les  magistrats  proposèrent 
ensuite  la  lecture  de  ce  qui  avait  été  fait  con- 
tre lui  dans  le  faux  concile  d'Ephèse.  Mais  les 

673.  légats  s'y  opposèrent,  disant  que  l'évêque  de 
Rome  avait  rejeté  et  déclaré  nul  tout  ce  qui 
avait  été  fait  dans  ce  concile,  excepté  l'ordi- 
nation de  Maxime  d'Antioche,  que  ce  pape 
avait  reçu  à  sa  communion,  et  qu'il  fallait 
demander  une  loi  à  l'empereur  qui  défendît 
même  de  donner  le  nom  de  concile  à  cette 
assemblée.  Sans  faire  donc  lecture  des  actes 
d'Ephèse,  Paschasin  et  les  autres  légats  opi- 
nèrent que,  suivant  les  pièces  qui  avaient  été 
lues,  Ibas  devait  être  reconnu  pour  ortho- 
doxe et  recouvrer  Fhonneur  de  l'épiscopat, 
et  son  Eglise  dont  il  avait  été  injustement 
chassé  ;  qu'à  l'égard  de  Nonnus,  ordonné 
évoque  d'Edesse  à  la  place  d'ibas,  c'était  à 
l'évêque  d'Antioche  de  statuer  ce  qu'il  juge- 
rait plus  à  propos.  L'avis  d'Ibas  fut  que  Non- 
nus  conserverait  les  honneurs  de  l'épiscopat 
jusqu'à  ce  qu'on  eût  examiné  son  ordination 
dans  une  assemblée  des  évêques  de  la  pro- 
vince. Ce  qui  fut  approuvé  du  concile  et  des 

cgi.  magistrats.  On  demanda  seulement  qu'Ibas 
anathématisât  NestoriusetEulychès;  ce  qu'il 
fit  à  l'instant.  Dans  la  même  session  Maxime, 
qui  avait  été  élu  évêque  d'Antioche  en  la 
la  place  de  Domnus,  déposé  dans  le  faux  con- 
cile d'Ephèse,  demanda  que  l'on  accordât  à 
son  prédécesseur  une  pension  sur  les  revenus 
de  l'Eglise  d'Antioche  ;  les  magistrats  et  les 
évêques  du  concile  y  consentirent,  mais  en 
laissant  à  la  discrétion  de  Maxime  la  quan- 
tité de  la  pension. 
ODïiômeei       13.  Lcs  onzièms   et  douzième  sessions, 

douzième  £êp-  .  ,  t  r»-. .  .        ■  i ,  i 

sioM,  quoique  tenues  en  diuerents  jours,  1  une  le 

29  octobre,  l'autre  le  30  du  même  mois,  ne 

traitèrent  que  d'une  seule  afi'aire,  qui  était 

celle  de  Bassien  et  d'Etienne  d'Ephèse.  Bas- 

Tom.  IV  sien,  ordonné  par  force  évêque  d'Evazes, 

taT''" '"^'  ville  de  la  province  d'Asie,  ne  voulut  pas  al- 
ler à  l'Eghse  pour  laquelle  on  l'avait  ordonné; 
mais  celle  d'Ephèse  étant  devenue  vacante 
par  la  mort  de  Basile  en  444,  Bassien  en  prit 
le  gouvernement,  contraint,  disait-il,  de  l'ac- 
cepter, par  les  évêques,  le  clergé  et  le  peu- 
ple. Il  fut  maintenu  dans  ce  siège  par  l'em- 
pereur Théodose  II  et  par  saint  Procle,  qui 
n'avait  pas  d'abord  approuvé  son  intronisa- 
tion. Après  quatre  ans  d'épiscopat,  c'est-à- 


dire  en  l'an  448,  comme  il  offrait  le  sacrifice 
avec  tout  son  peuple  et  son  clergé,  ceux  qui 
avaient  accoutumé  de  recevoir  de  sa  main 
les  saints  mystères,  se  saisirent  de  lui,  lui  p>e-6 
arrachèrent  son  habit  sacerdotal,  et  le  traî- 
nèrent en  prison,  où  ils  le  retinrent  pendant 
trois  mois.  Durant  ce  temps-là,  les  mêmes 
évêques  qui  avaient  ordonné  Bassien,  or- 
donnèrent à  sa  place  Etienne,  prêtre  d'E- 
phèse, qui  en  fut  évêque  jusqu'en  451,  que 
Bassien  demanda  à  être  rétabli  dans  son 
siège.  A  cet  effet,  il  présenta  sa  requête  dans  ms. 
la  session  du  29  octobre.  Il  l'avait  présentée 
auparavant  à  l'empereur  Marcien,  et  ce 
prince  l'avait  renvoyée  au  concile.  Elle  y  fut 
lue.  Comme  Bassien  se  plaignait  qu'Etienne, 
alors  évêque  d'Ephèse,  lui  retenait  son  siège 
et  son  bien,  les  magistrats  ordonnèrent  à 
Etienne  de  répondre.  Etienne  dit  que  Bas- 
sien  n'avait  point  été  ordonné  évêque  d'E- 
phèse, mais  que  celte  Eghse  étant  vacante, 
il  y  était  entré  de  force  et  s'y  était  assis  à  la 
faveur  d'une  troupe  de  gladiateurs  et  d'au- 
tres gens  armés;  qu'après  qu'on  l'en  avait 
chassé  suivant  les  canons,  quarante  évoques 
d'Asie  l'avaient  ordonné  à  la  place  de  Bas- 
sien,  par  le  suffrage  des  nobles,  du  peuple, 
du  clergé  et  de  la  ville,  dont  il  était  bien 
connu,  puisqu'il  y  avait  quarante  ans  qu'il 
était  dans  le  clergé  d'Ephèse.  Bassien,  de 
son  côté,  fit  au  concile  le  détail  de  ses  bon- 
nes œuvres  depuis  sa  jeunesse,  disant  qu'il 
avait  fait  bâtir  un  hôpital,  où  il  avait  mis 
soixante-dix  lits  ;  qu'il  y  recevait  tous  les  ma- 
lades et  les  étrangers  ;  que  l'évêque  Memnon , 
jaloux  de  sa  vertu,  l'avait  ordonné  malgré 
lui  évêque  d'Evazes,  pour  l'obliger  par  là  à 
sortir  d'Ephèse;  que  Basile,  successeur  de 
Memnon,  étant  mort,  on  lui  fit  violence  pour  68d. 
le  mettre  lui-même  sur  le  siège  d'Ephèse  ; 
que  son  intronisation  fut  confirmée  par  l'em- 
pereur Théodose  ,  et  par  saint  Procle  de 
Constantinople  ;  qu'il  était  demeuré  paisible 
dans  cette  Eglise  pendant  quatre  ans ,  en 
sorte  qu'il  avait  ordonné  dix  évêques  et  plu- 
sieurs clercs.  Il  déclara  ensuite  de  quelle 
manière  on  l'avait  maltraité,  en  lui  ôtant  ses 
habits  sacerdotaux,  en  l'enfermant  en  prison 
et  en  lui  prenant  tout  son  bien  :  il  rejeta 
toutes  ces  violences  en  partie  sur  Etienne. 
Après  quelques  autres  contestations  de  part 
et  d'autre,  les  magistrats  voyant  qu'aucun 
des  deux  n'avait  été  ordonné  par  le  concile 
de  la  province,  qu'au  contraire  ils  avaient 
été  l'un  et  l'autre  faits  évêques  par  violence, 


[v«ETVP  SIÈCLES.]      CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


693 


opinèrent  qu'il  fallait  les  déposer  tous  deu.v, 
et  élire  un  autre  évêque  d'Epbèse.  Ce  juge- 
ment parut  juste.  Mais,  sur  la  remontrance 
des  évêques  d'Asie,  on  suspendit  pour  quel- 
que temps  cette  nouvelle  élection,  dans  la 
crainte  que  si  l'on  envoyait  à  Eplièse  un  évê- 
que élu  à  Chalcédoine,"Cela  n'occasionnât 
quelque  sédition.  Cette  affaire  fut  encore  dis- 
cutée dans  la  douzième  session,  qui  se  tint  le 
lendemain.  On  convint  qu'Etienne  et  Bassien 
seraient  déposés,  et  qu'on  élirait  un  autre 
évêque  à  leur  place;  mais  qu'ils  garderaient 
l'un  et  l'autre  la  dignité  d'évêque,  avec  une 
pension  de  deux  cents  pièces  d'or  par  an  sur 
les  revenus  de  l'Eglise  d'Eplièse.  On  accorda 
encore  à  Bassien  la  permission  de  poursui- 
vre, suivant  les  formes  des  lois,'  Etienne  ou 
tout  autre  qu'il  voudrait,  pour  se  faire  ren- 
dre ce  qu'on  lui  avait  enlevé  de  son  bien. 

14.  La  treizième  session  fut  tenue  le  même 
jour  que  la  précédente,  30  octobre.  Euno- 
mius  de  Nicomédle  y  présenta  une  requête 
en  plainte  de  ce  qu'Anastase  de  Nicée,  entre- 
prenant sur  les  droits  de  métropolitain,  avait 
excommunié  des  clercs  de  l'Eglise  de  Basili- 
nople,  qui  était  de  la  dépendance  de  Nico- 
médie.  Anastase  soutenait  au  contraire  que 
Basilinople  ayant  été  autrefois  tirée  de  l'E- 
glise de  Nicée  par  Julien,  qui  en  fit  une  ville 
à  qui  il  donna  le  nom  de  sa  mère  Basiline, 
elle  devait  dépendre  de  Nicée,  et  la  recon- 
naître comme  sa  métropole.  Les  parties  allé- 
guèrent diverses  raisons  pour  appuyer  leurs 
prétentions.  Mais  îes  magistrats  voulant  aller 
au  fond  de  l'affaire,  demandèrent  ce  que 
portaient  les  canons.  On  lut  le  quatrième  de 
Nicée  où  il  est  dit  que  les  ordinations  de 
chaque  province  se  doivent  faire  par  l'auto- 
rité du  métropolitain.  Anastase  répondit  que 
l'empereur  Valens  avait,  par  une  loi,  attri- 
bué à  Nicée  le  droit  de  métropole.  Eunomius 
cita  une  loi  de  Valentinien,  postérieure  à  la 
précédente,  qui  portait  que  le  titre  de  mé- 
tropole donné  par  honneur  à  Nicée,  ne  pré- 
judicierait  en  rien  aux  privilèges  de  Nicomé- 
die.  Sur  quoi  les  magistrats,  de  l'avis  de  tout 
le  concile,  déclarèrent  que  le  canon  de  Ni- 
cée ne  voulant  qu'un  métropolitain  dans 
chaque  province,  l'évêque  de  Nicomédie,  qui 
était  de  toute  antiquité  métropolitain  dans  la 
Bithynie,  serait  reconnu  en  cette  qualité,  par 
l'évêque  de  Basilinople,  et  même  par  celui 
de  Nicée,  qui  conserverait  toutefois  le  titre  de 
métropolitain,  par  honneur  seulement.  Aé- 
tius,  archidiacre  de  Constantinople ,  préten- 


dit que  l'évêque  de  cette  ville  était  en  pos- 
session d'ordonner  celui  de  Basilinople,  et 
demanda  que  ce  droit  lui  fût  conservé.  Le 
concile  répondit  qu'il  fallait  s'en  tenir  aux  pis-"7. 
canons.  A  quoi  les  magistrats  ajoutèrent  que 
l'évêque  de  Nicomédie  devait  être  métropo- 
litain de  toute  la  province,  et  qu'à  l'égard 
des  privilèges  de  l'Eglise  de  Constantinople, 
on  les  examinerait  en  un  autre  temps. 

13.  Dans  la  quatorzième  session,  qui  se  Uo'torzième 
tint  le  31  octobre,  on  lut  deux  requêtes  de 
Sabinien,  évêque  de  Perrha  en  Syrie,  l'une 
adressée  à  l'empereur,  l'autre  aux  archevê- 
ques Léon,  Anatolius  et  Maxime,  portant  p^b- '20,121. 
qu'ayant  été  ordonné  évêque  de  Perrha  par 
les  évêques  de  la  province,  à  la  place  d'A- 
thanase  chassé  de  son  siège,  parce  qu'accusé 
de  crimes  atroces,  il  n'avait  pas  voulu  com- 
paraître, néanmoins  le  concile  d'Ephèse  sous 
Dioscore  avait  renvoyé  Athanase  à  Perrha, 
et  l'en  avait  chassé  lui-même ,  contre  le  gré 
des  habitants  de  celte  ville.  Athanase  se  dé- 
fendit en  disant  que  sa  cause  avait  été  jugée 
par  saint  Cyrille  et  saint  Procle;  mais  qu'a- 
près la  mort  de  saint  Cyrille,  Domnus  d'An- 
tioche  l'ayant  fait  citer  en  jugement,  il  lui 
avait  répondu  que  si  l'on  voulait  s'en  tenir 
aux  lettres  de  saint  Cyrille  et  de  saint  Procle, 
il  était  prêt  ii  comparaître  et  à  répondre  à 
la  citation.  Il  demanda  qu'on  lût  ces  lettres. 
Elles  portaient  qu'Athanase  s'était  plaint  à 
un  concile  de  Constantinople  de  quelques- 
uns  de  ses  ecclésiastiques  qui  avaient  voulu 
mettre  les  économes  de  l'Eglise  à  leur  choix, 
et  ôter  son  nom  des  diptyques.  Sur  quoi  saint 
Cyrille  et  saint  Procle  avaient  prié  Domnus 
d'Antioche  de  nommer  des  commissaires 
pour  juger  Athanase  sur  les  lieux,  s'il  ne 
pouvait  y  aller  lui-même,  à  cause  que  cette 
ville  était  trop  éloignée  d'Antioche.  Suivant 
les  canons,  c'était  au  métropolitain  d'Atha- 
nase  à  le  juger  ;  mais  il  l'avait  récusé  comme 
suspect.  Domnus  nomma  pour  commissaire, 
Panolbius,  évêque  d'Hiéraple,  ami  d' Atha- 
nase. Néanmoins  celui-ci  ne  voulut  pas  com- 
paraître. Il  offrit  même  de  se  défaire  de  son 
évêché.  Jean,  successeur  de  Panolbius,  cita 
aussi  Athanase,  et  enfin  Domnus  le  cita  à  son 
concile.  Athanase  fit  défaut  partout.  Aucon-  728,720,735. 
traire ,  les  clercs  de  Perrha  ayant  comparu 
pour  l'accuser,  les  évêques  du  concile  d'An- 
tioche le  condamnèrent  comme  ayant  exposé 
faux  à  saint  Cyrille  et  à  saint  Procle.  Sabi- 
nien demanda  qu'on  lût  les  actes  de  ce  con- 
cile. Après  qu'on  en  eut  fait  la  lecture,  les 


696 


HISTOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


733. 


'^--  magistrats  demandèrent  si  quelques-uns  de 
.  ceux  qui  avaient  déposé  Athanase  avec  Dom- 
nus  étaient  présents  au  concile.  Théodore 
de  Damas  et  six  autres  évéques  s'étant  avan- 
cés, dirent  que  les  clercs  de  Perrha  avaient 
formé  des  plaintes  contre  Athanase  ;  qu'étant 
appelés  jusqu'à  trois  fois,  et  ne  s'étant  pas 
présenté,  on  avait  prononcé  contre  lui  la 
sentence  de  déposition.  Les  mao^istrats  de- 
mandèrent à  Athanase  pourquoi  il  n'avait 
pas  comparu  au  concile  d'Antioche;  il  ré- 
pondit :  «  Parce  que  l'évêque  d'Antioche  qui 
y  présidait,  était  mon  ennemi.  »  Les  magis- 
trats jugèrent  qu'Athanase  ayant  été  déposé 
pour  sa  contumace,  Sabinien  devait  demeu- 
rer possesseur  de  l'Eglise  de  Perrha,  puis- 
qu'il avait  été  ordonné  par  le  concile  de  la 
province.  Ils  déclarèrent  qu'Athanase  avait 
été  mal  rétabli  par  Dioscore,  dans  le  faux 
concile  d'Ephèse,  et  Sabinien  mal  déposé; 
que  toutefois  Maxime  d'Antioche,  avec  son 
concile,  prendrait  connaissance  de  l'affaire, 
en  sorte  qu'elle  fût  terminée  dans  huit  mois; 
que  si  Athanase  se  trouvait  convaincu,  ne 
fût-ce  que  d'un  seul  crime  digne  de  déposi- 
tion, il  serait  non-seulement  déchu  de  l'épis- 
copat,  mais  encore  soumis  aux  peines  des 
lois,  et  que  si  dans  cet  espace  de  temps  il 
n'était  ni  poursuivi  ni  convaincu,  on  le  re- 
mettrait dans  son  siège,  dont  Sabinien  serait 
coadjnteur  avec  une  pension  proportionnée 
aux  revenus  de  l'Eglise  de  Perrha.  Le  con- 
cile approuva  ce  jugement. 

16.  Le  même  jour,  31  octobre,  après  que 
l'on  eût  réglé  toutes  les  affaires  particulières 
png.  706.  portées  au  concile,  l'archidiacre  Aétius  re- 
présenta qu'il  y  en  avait  aussi  à  régler  pour 
l'Eglise  de  Constantinople.  Il  avait  proposé 
la  même  chose  la  veille,  et  les  magistrats  en 
avaient  renvoyé  l'examen  à  un  autre  temps. 
Il  pria  donc  les  légats  et  les  magistrats  d'être 
présents  aux  délibérations  qu'il  demandait 
que  l'on  fit  sur  cela.  Les  légats  le  refusèrent, 


-Quinziènie 
session. 


disant  qu'ils  n'avaient  point  d'ordre  du  pape  ; 
les  mngistrats  s'en  excusèrent  aussi  d'en 
connaître,  et  dirent  que  le  concile  pouvait 
examiner  la  chose  sans  qu'ils  fussent  pré- 
sents. Les  légats  s'étant  retirés  avec  les  ma- 
gistrats, les  évoques  d'Orient,  qui  compo- 
saient le  reste  du  concile,  firent  un  canon 
en  faveur  de  l'Eglise  de  Constantinople;  il 
portait  que  l'évêque  de  cette  ville,  appelée  la 
nouvelle  Rome,  aurait  une  préférence  d'hon- 
neur sur  tous  les  autres  évêques,  après  celui 
de  l'ancienne  Rome  '  Ce  canon  est  compté 
pour  le  vingt-huitième  parmi  ceux  du  con- 
cile de  Chalcédoine,  que  nous  allons  rappor- 
ter de  suite. 

17.  Le  premier  ^  confirme  en  général  tous 
les  canons  qui  avaient  été  faits  jusque-là  par 
les  saints  pères  en  divers  conciles;  ce  que 
l'on  entend  vraisemblablement  du  Code  de 
l'Eglise  grecque,  donné  par  Justel,  qui  con- 
tient cent  soixante-dix  canons  tirés  des  con- 
ciles de  Nicée,  d'Ancyre,  de  Néocésarée,  de 
Gangres  ,  d'Antioche  ,  de  Laodicée  et  de 
Constantinople  :  car  il  y  avait  dès  lors  un  re- 
cueil de  canons,  comme  on  le  voit  par  divers 
endroits  des  actes  du  concile  de  Chalcédoine. 
Il  est  attribué,  dans  un  ancien  manuscrit,  à 
Etienne  d'Ephèse;  mais  peut-être  n'y  ajouta- 
t-il  que  les  canons  des  conciles  d'Ephèse  et 
de  Chalcédoine.  Le  second  porte  ^  que  si  un 
évéque  a  mis  en  commerce  la  grâce,  qui 
n'est  point  vénale,  et  ordonné  pour  de  l'ar- 
gent un  évêque,  un  chorévêque,  un  prêtre, 
un  diacre,  ou  quelqu'autre  clerc,  ou  s'il  a 
étabh  pour  de  l'argent  un  économe,  un  dé- 
fenseur, un  concierge,  ou  quelqu'autre  de 
ceux  qui  sont  dans  le  canon ,  l'ordinateur 
sera  en  danger  de  perdre  son  rang,  et  celui 
qui  sera  ordonné  ou  pourvu  ne  profitera  pas 
de  la  place  qu'il  aura  voulu  acheter  :  l'entre- 
metteur même  de  cet  infernal  trafic,  s'il  est 
clerc,  sera  déposé;  s'il  est  laïque  ou  moine, 
il  sera  anathématisé.  Parle  troisième  canon, 


1  Un  auteur  fçrec  anonyme,  dans  un  fragment  cité 
par  Ang.  Mai,  Spicileg.  rom.,  tome  VIII,  pag.  24-26, 
en  grec  et  en  latin,  reconnaît  que  ce  canon  ne  fut 
jamais  reçu,  le  pape  saint  Léon  l'ayant  rejeté  aussitôt 
qu'il  fut  porté.  Le  même  synodique  fournit  un  autre 
témoignage  sur  la  primauté  générale  et  perpétuelle 
du  Pontife  romain.  Ibid.,  pag.  20,  29.  (L'éditeur.) 

2  Qui  a  sanctis  Patrilms  in  unaquaque  synodo  hue 
usque  expositi  sunt ,  observari  canones  œquum  cen- 
suimus. 

^  Si  quis  episcopus,  propter  pecunias  ordinafionem 
fecerit ,  et  non  venalem  yratiam  in  venditionem  de- 
duxerit ,   et  propter  pecunias  ordinaoerit  episcopum, 


vel  chorepiscopum,  vel  presbyterum,  vel  diaeonum,  vel 
aliquem  eorum  qui  in  clero  annumerantur,vel  propter 
pecunias  promoverit  œconomum,  vel  defensorcm,  vel 
paratnonarium,  vel  omnino  aliquem  ex  canone,  turpis 
quœsfus  gratta  :  qui  hoc  tentasse  convictus  fuerit ,  de 
proprio  gradu  in  periculum  veniat,  et  qui  est  ordi- 
natus,  ex  ordinatione  vel  promotione  quœ  instar  mer- 
catoruin  vcnundatur,  nihil  juuetur,  sed  sit  a  dignilate 
vel  curatione  alienus  quam  pecuniis  adeptus  est.  Si 
guis  autem  sequester  et  intercessor  adeo  iurpibus  et 
nefariis  lucris  apparuit  ;  hic  quoque,  si  sit  quidem 
clericus,  proprio  gradu  excidat  ;  si  sit  autem  laicus 
vel  monachus,  anathematizetur. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


[V' ET  VI»  SIECLES- 

il  est  défendu  '  aux  évêques,  aux  clercs  et 
aux  moines  de  prendre  à  ferme  des  terres, 
ou  de  se  charger  des  affaires  temporelles,  si 
ce  n'est  que  les  lois  les  appellent  à  une  tu- 
telle dont  ils  ne  puissent  s-'excuser  ;  ou  que 
révêque  les  charge  du  soin  des  affaires  de 
l'Eglise,  ou  de  personnes  misérables,  comme 
les  veuves  et  les  orphelins.  Les  tutelles 
étaient  défendues  aux  ecclésiastiques  dès  le 
temps  de  saint  Cyprien.  Dans  la  suite  des 
temps  les  clercs  et  même  les  moines  en  ont 
été  déchargés  par  les  empereurs.  Le  qua- 
trième veut  que  l'on  honore  ceux  ^  d'entre 
les  moines  qui  vivaient  d'une  manière  con- 
forme à  leur  profession;  mais  parce  qu'il  y 
en  avait  qui  troublaient  l'Eglise  et  l'Etat,  ce 
canon  ordonne  que  personne  ne  bâtisse  un 
monastère  sans  le  consentement  de  l'évêque 
de  la  ville  et  du  propriétaire  de  la  terre,  et 
que  les  moines  tant  des  villes  que  de  la  cam- 
pagne soient  soumis  à  l'évêque  et  vivent  en 
repos,  ne  s'appliquant  qu'au  jeûne  et  à  la 
prière,  sans  s'embarrasser  d'affaires  séculiè- 
res, s'ils  n'en  sont  chargés  par  l'évêque  pour 
quelque  nécessité.  Il  leur  défend  en  même 
temps  de  recevoir  des  esclaves  dans  leurs 


(i97 


monastères  sans  la  volonté  des  maîtres.  I!  est 
dit  dans  le  cinquième  ^  que  les  anciens  en-  cao.  s. 
nous  seront  observés  à  l'égard  des  évêques 
et  des  clercs  qui  passent  de  ville  en  ville.  Le 
sixième  *  défend  d'ordonner  aucun  ecclésias-  e, 
tique,  soit  prêtre,  soit  diacre,  sans  l'attaclier 
à  une  Eglise  de  la  ville  ou  de  la  campagne, 
ou  à  un  monastère;  et  déclare  nulles  les  or- 
dinations absolues,  en  défendant  à  ceux  qui 
les  ont  reçues,  d'en  faire  aucune  fonction,  à 
la  honte  de  ceux  qui  les  auront  ordonnés. 

18.  Le  septième  canon  défend  ^,  sous  peine  7. 
d'anathème ,  à  ceux  qui  sont  entrés  une  fois 
dans  le  clergé  ou  dans  l'état  monastique,  de 
quitter  l'un  et  l'autre  de  ces  états,  qu'ils  ont 
embrassé  à  cause  de  Dieu  ,  pour  s'engager 
dans  la  milice  ou  dans  une  dignité  séculière. 
Il  est  ordonné  par  le  huitième  ^  que  tous  les   j 
clercs  des  hôpitaux  et  des  monastères,  de 
même  que  tous  ceux  qui  demeurent  en  ces 
lieux,  seront  sous  la  puissance  de  l'évêque  de 
chaque  ville  ,  suivant  la  tradition  des  pères, 
sous  peine  de  correction  canonique  pour  les 
clercs  et  d'excommunication  pour  les  moines 
et  les  laïques.  Le  neuvième  ordonne  '  que  si   , 
un  clerc  a  une  affaire  contre  un  autre  cleic . 


•  Pervertit  ad  sanctam  synodttm ,  quod  eoriim  qui  in 
clerum  cooptali  suni ,  quidam  propter  turpe  hicnim 
aliénas  possessiones  conducunf,  et  secularia  negotia 
exercent,  divinum  ministerium  négligentes,  sœcularium 
vero  domos  subeuntes,  et  eorum  facultatum  iractatio- 
nem  ac  curationem  propter  avaritiam  suscipientes. 
Defîniit  ergo  sancta  synodus ,  neminem  de  inceps ,  nec 
episcopum,  nec  elericum ,  nec  monachum ,  vel  posses- 
siones conducere,  vel  sœcularibus  possessionum  admi- 
nistrationitms  seipsum  ingercre.  Nisi  utique  ex  lege  ad 
inexcusabilem  impuberum  tutelam  vocetur,  vel  civi- 
tatis  episcopus  eum  rerum  ecclesiasticaritm  curam 
gerere  permittat,  vel  orphanorum,  vel  viduarum  quibus 
provideri  non  potest,  et  personarum  quœ  ecclesiastico 
auxilio  maxime  indigent,  propter  timorem  Domini. 
Si  quis  autem  quœ  staluta  sunt,  deinceps  transgredi 
aggressus  fuerit,  is  pœnis  ecclesiasticis  subjiciatur. 

2  Qui  vere  et  sincère  monasticam  vitam  aggrediun- 
tur,  digni  convenienti  honore  habeantnr.  Quoniam 
autem  nonnulli  monachico  prœtextu  utentes,  et  Ecclé- 
sias, et  negotia  civilia  perturbant ,  et  iemere ,  citra 
ullam  discriminis  rationem,  in  urbibus  circumcur- 
santes,  quin  etiam  monasieria  sibi  constituere studente^, 
visum  est ,  nullum  vsquam  cedificare  nec  construere 
passe  monasterium,  vel  oratoriam  domum  prœter  sen- 
tentiam  ipsius  civitatis  episcopi  :  monachos  autem, 
qui  sunt  in  unaquaque  regione,  et  civitate,  episcopo 
subjectos  esse ,  et  quietem  amplecti,  et  soli  jejvnio  et 
orationi  vacare,  in  quibus  ordinati  sunt  locis  fortiler 
persévérantes ,  nec  ecclesiasticis,  nec  sœcularibus  nego- 
tiis  se  ingerere,  vel  communicare,  propria  relinquentes 
monasteria  ,  nisi  quandoque  a  civitatis  episcopo  eis 
permissum  fuerit  :  nullum  autem  in  monasteriis  ser- 
vum  recipi,  ad  hoc  ut  sit  monachus,  prœter  volunta- 


tem  sui  Domini.  Eum  autem  qui  hune  nostram  defini- 
tionem  transgreditur,  definimus  esse  excommunicatum  '• 
ne  nomen  Dei  blasphemetur  :  civitatis  autem  episco- 
pum oportel  eam  quam  par  est  monasteriorum  curam 
gerere. 

3  De  episcopis,  vel  clericis,  qui  a  civitate  in  civita- 
tem  transeunt ,  placuil  eos  qui  editi  sunt  a  sanctis 
Patribus  canones,  vires  obtinere. 

4  Nullum  absolute  ordinuri,  nec  presbytertim,  nec 
diaconum,  nec  omnino  aliquem  eorum  qui  sunt  in  or- 
dine  ecclesiastico,  nisi  specialiter  in  ecclesia  civitatis, 
vel  pagi,  vel  mariyrio,  vel  monasterio  is  qui  ordi- 
netur,  designetur.  Eos  autem  qui  absolute  ordinantur, 
decrevit  sancta  synodus  irritam  ac  invalidam  habere 
ejusmodi  manuum  impositionem,  et  nusquam  exercere 
ac  operari  passe,  ad  ejus  qui  ordinavit  injuriam. 

s  Eas  qui  in  clero  semel  ordinati  sunt ,  et  iiidem 
monachos  slatuimus  nec  ad  militarem  expeditionem ^ 
nec  ad  iœeularem  dignitatem  passe  ventre.  Qui  autem 
hoc  audent ,  et  non  pœnitentia  ducti  ad  id  rever- 
tuntur,  quod  propter  Deum  prius  elegerant ,  anathe- 
matizari. 

6  Clerici  ptochotraphiorum,  monasteriorum  et  tem- 
plorum  martyrum,  sub  potestate  episcoparum  qui  sunt 
in  unaquaque  civitate,  ex  sanctorum  Patrum  tradi- 
tiane,  perrnaneant,  et  non  per  arrogantiam  se  a  pro- 
prio  episcopo,  imperium  ejus  delrcctantes,  subducant. 
Qui  hanc  autem  constitutionem  evertere  ausi  fuerint, 
si  S'Ut  quidem  clerici,  canonum  pœnis  subjiciantur  ; 
si  autem  monachi,  vel  laici,  sinl  excommunicati. 

'  Si  quis  clericus  habet  eum  clerico  [item  aut  ne- 
gotium,proprium  episcopum  ne  relinquat,  et  ad  sœcu- 
luria  judicia  ne  excurrat;  sed  causam  prius  apud 
proprium  episcopum  agat  :  vel  de  episcopi  sententia. 


698 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


il  ne  doit  point  quitter  son  évêque  pour  s'adres- 
ser aux  tribunaux  séculiers,  mais  qu'il  pour- 
suivra sa  cause  premièrement  devant  son 
évêque,  ou,  par  son  ordre,  devant  celui  dont 
les  parties  seront  convenues,  le  tout  sous  les 
peines  canoniques.  Le  canon  ajoute  que  les 
difTérends  que  les  clercs  auront  avec  leurs 
évéques  seront  jugés  par  le  concile  de  la  pro- 
vince; mais  que  si  un  évêque  ou  un  clerc  a 
une  affaire  avec  le  métropolitain  ,  elle  sera 
jugée  par  l'exarque  du  département  ou  par 
l'évêquedeConslantinople  avec  son  concile, 
can.  10.  Selon  le  dixième  ',  un  clerc  ne  peut  en  même 
temps  être  compté  dans  le  clergé  de  deux 
villes,  savoir  :  de  celle  où  il  a  été  ordonné 
d'abord,  et  de  celle  où  il  a  passé,  comme  plus 
grande,  par  ambition.  Ceux  qui  l'auront  fait 
seront  rendus  à  la  première  Eglise.  Que  si 
quelqu'un  est  déjà  transféré  à  une  autre 
Eglise,  il  n'aura  plus  aucune  part  aux  affaires 
de  la  première,  ou  des  oratoires,  ou  des  hô- 
pitaux qui  en  dépendent ,  le  tout  sous  peine 
de  déposition  pour  ceux  qui  à  l'avenir  re- 
„_  tomberont  dans  cette  faute.  Le  onzième  ca- 
non^ veut  que  l'on  ne  donne  que  des  letlres 
de  paix  et  de  communion  aux  pauvres  qui 
voyagent,  si  l'on  sait  qu'ils  sont  effectivement 
catholiques ,  afin  de  leur  procurer,  par  ces 
lettres,  les  secours  dont  ils  ont  besoin;  il  ré- 
serve les  lettres  de  recommandation  pour  les 
personnes  d'une  condition  plus  relevée,  parce 


qu'on  les  accompagnait  ordinairement  de 
quelques  éloges  de  la  piété  et  de  la  vertu  de 
ceux  qui  en  étaient  les  porteurs. 

Le  douzième  canon  fut  fait  à  l'occasion  des  can.  \i. 
différends  entre  les  évêques  de  Tyr  et  de  Bé- 
ryte,  de  Nicomédie  et  de  Nicée.  Il  porte  ^  que 
les  évêques  ne  pourront,  sous  peine  de  dépo- 
sition, s'adresser  aux  puissances  ni  obtenir 
des  lettres  du  prince  pour  diviser  une  pro- 
vince en  deux  et  y  faire  deux  métropolitains, 
et  que,  quant  aux  villes  qui  ont  déjà  été  ho- 
norées du  nom  de  métropoles,  elles  n'en  joui- 
ront que  de  l'honneur,  sans  préjudice  des 
droits  de  la  véritable  métropole.  Le  treizième  13. 
défend  *  aux  clercs  étrangers  et  inconnus 
d'exercer  aucune  fonction  dans  une  autre 
ville,  sans  lettres  de  recommandation  de  leur 
évêque.  Dans  quelques  provinces,  il  était 
permis  ^  aux  lecteurs  et  aux  chantres  de  se 
marier.  C'est  pourquoi  le  canon  quatorzième  u. 
leur  défend  seulement  de  prendre  des  femmes 
qui  ne  soient  point  catholiques  ou  de  faire 
baptiser  leurs  enfants  chez  les  hérétiques.  Il 
ne  veut  pas  non  plus  qu'ils  les  marient  à  des 
hérétiques,  à  des  juifs  ou  à  des  païens,  s'ils 
ne  promettent  de  se  convertir;  et,  à  l'égard 
de  ceux  qui  avaient  reçu  le  baptême  chez  les 
hérétiques,  il  ordonne  à  leurs  pères  de  les 
faire  entrer  dans  la  communion  de  l'Eglise. 
Le  quinzième  défend  d'ordonner  ^,  par  l'im-  15. 
position  des  mains ,  une  diaconesse ,  qu'elle 


apud  eos  quos  utraque  pars  elegeril,  judichim  agiletur. 
Si  quis  autem  prœfer  hœc  fecerit,  canonkis  pœnis 
subjiciatur.  Si  clericus  autem  cum  proprio  vel  etiam 
alio  episcopo,  negotium  aut  litem  habeat,  a  provinciœ 
synodo  judiceiur.  Si  aulem  cum  ipsius  provinciœ  me- 
iropolitano  episcopus  vel  clericus  controversiam  habeat, 
diœcesis  exarchum  adeat  vel  imperialis  urbis  Con- 
stantinopolis  thronum,  et  apud  eum  litiget. 

1  Non  licere  clerico  in  duarum  civitatum  ecclesiis 
eodem  tempore  in  catalogum  referri  ;  et  in  ea  in  gua 
a  principio  ordinatus  est,  et  in  ea,  in  quant,  tatiquam 
ad  majorem,  confugit,  propier  inanis  gloriœ  cupidi- 
taiem  :  eos  autem  qui  hoc  faciunt,  propriœ  Ecclesiœ 
restiiui,  in  qua  ab  initio  ordinati  sunt,  ut  illic  solum 
ministrent  ;  sed  si  jam  quispiam  ex  alla  in  aliam 
Ecclesiam  iranslatus  est,  nihil  prioris  Ecclesiœ  vel 
eorum  quœ  sub  ea  sunt  marli/riorum,  vel  ptochoiro- 
phiorum,  vel  xenodochiorum  rébus  communicare.  Eos 
autem  qui  ausi  fuerint  post  magnœ  hujus  et  univer- 
salis  synodi  definitionem,  aliquid  eorum  quœ  sunt 
prohibita ,  facere ,  statuit  sancta  synodus  eos  proprio 
gradu  excidere. 

2  Omnes  puuperes,  et  qui  auxilio  indigent,  cum  exa- 
minatione ,  cum  epislotis  seu  pacificis  ecclesiasticis 
solis  viam  ingredi  statuimus,  et  non  cum  commenda- 
titiis  :  quonium  liiteras  commendatitias  iis  solis  per- 
sonis  quœ  sunt  suspectœ,  prœberi  oportet. 

s  Pervenit  ad  nos,  quod  quidam,  cum  prœter  ritus 


ecclesiasticos  ad  potentatus  accessissent ,  per  pragma- 
iicas  unam  provinciam  in  duas  diviserunt,  ut  ex  eo 
duo  eisent  metropolitani  in  eadem  provincia.  Statuit 
ergo  sacra  synodus,  ne  episcopus  deinceps  taie  quid 
audeat  :  quoniam  is  qui  hoc  aggrediiur,  a  suo  gradu 
excidit.  Quœcumque  autem  civitates  per  litteras  impe- 
ratorias  metropolis  nomine  honoratœ  sunt,  solo  honore 
fruantur,et  qui  ej us  Ecclesiam  administrai  episcopus, 
servalo  scilicet  verœ  metropoli  suo  jure. 

'  Externos  clericos  et  ignotos  in  alla  civitate  sine 
proprii  episcopi  commendatitiis  litleris  nusquam  ullo 
modo  ministrare. 

s  Quoniam  in  nonnuïlis  provinciis  concessum  est 
lectoribus  et  cantoribus  uxores  ducere,  decrevit  sancta 
synodus  nulli  eorum  licere  diversœ  a  recta  opinionis 
uxoreni  ducere  :  eos  autem  qui  ex  ejusniodi  matrimo- 
nio  liljeros  susceperunt,  si  eos  quidem  baptizare  apud 
hœreticos  prœcenerint,  ad  catholicœ  Ecclesiœ  commu- 
nionem  adducere  :  si  autem  non  baptizaverint ,  non 
passe  eos  apud  hœreticos  baptizare.  Sed  neque  hœre- 
tico,  vel  pagano,  vel  judœo  matrimonio  conjungere, 
nisi  utique  persona,  quœ  orthodoxœ  conjungitur,  sed 
ad  orihodoxam  fidem  convertendam  spondeat.  Si  quis 
autem  hoc  sanctœ  synodi  decretum  transgressus  fuerii, 
canonicis  pœnis  subjiciatur. 

5  Diaconissam  non  esse  mulierem  ordinandam  ante 
annum  quudrugesimum,  et  eam  cum  accurata  exami- 
natione.  Si  autem  postquam  ordinatione  suscepta,  mi- 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALGEDOINE. 


[V  ET  VI"  SIÈCLES.] 

n'ait  l'âge  de  quarante  ans  et  qu'on  ne  l'ait 
beaucoup  éprouvée;  que  si,  après  l'imposi- 
tion  des  mains  et  après  avoir  passé  quelque 
temps  dans  le  service,  elle  vient  à  se  marier, 
au  mépris  de  la  grâce  de  Dieu,  elle  sera  ana- 
thématisée  avec  son  mari.  Le  seizième  '  dé- 
fend aussi  aux  vierges  consacrées  à  Dieu  et 
aux  moines  de  se  marier,  sous  peine  d'être 
privés  de  la  communion  pendant  autant  de 
temps  qu'il  plaira  à  l'évêque. 

19.  Dans  le  dix -septième  ^ ,  on  adjuge  les 
paroisses  de  la  campagne  aux  évêques  qui 
en  sont  en  possession  paisible  depuis  trente 
ans;  mais  on  ajoute  que  si  dans  les  trente 
ans  il  se  forme  quelque  difficulté,  elle  pourra 
être  poursuivie  au  concile  de  la  province; 
que  si  le  métropolitain  est  partie,  on  ira  à 
l'exarque  du  département  ou  à  l'évêque  de 
Constantinople  ;  et  que  si  quelque  nouvelle 
ville  est  établie  par  la  puissance  de  l'empe- 
reur ,  l'ordre  des  paroisses  ecclésiastiques 
suivra  la  forme  du  gouvernement  politique. 
Le  dix-huitième  ^  punit  de  déposition  et  d'ex- 
communication les  ecclésiastiques  et  les  moi- 
nes qui  font  des  conjurations  et  des  cabales 


699 


contre  leurs  évêques  ou  leurs  confrères,  ce 
crime  étant  défendu ,  même  par  les  lois  ci- 
viles. Il  est  ordonné  par  le  dix-neuvième  *  can.  19. 
que,  pour  obvier  au  préjudice  que  causait 
aux  affaires  de  l'Eglise  le  défaut  des  conciles, 
on  en  assemblerait  deux  chaque  année ,  sui- 
vant les  décrets  de  Nicée  ,  au  lieu  choisi  par 
le  métropolitain ,  et  que  les  évêques  qui  man- 
queront de  s'y  trouver,  sans  empêchement 
légitime,  en  seront  repris  par  leurs  confrères. 
Il  est  dit  dans  le  vingtième  ^  que  si  un  évê-  20. 
que  reçoit  un  clerc  d'un  autre  évêque,  lui  et 
le  clerc  seront  séparés  de  la  communion  jus- 
qu'à ce  que  le  clerc  soit  retourné  à  son  évê- 
que, si  ce  n'est  que  ce  clerc  soit  contraint  de 
changer  d'Eglise  à  cause  de  la  ruine  de  son 
pays.  On  défend,  dans  le  vingt-unième  ^,  d'ad-  21. 
mettre  inditféremment  les  clercs  ou  laïques 
à  accuser  des  évêques  ou  des  clercs  sans  avoir 
auparavant  examiné  leur  repu  talion .  Le  vingt-  22. 
deuxième'  défend,  sous  peine  de  déposition, 
aux  ecclésiastiques  de  piller  les  biens  de  leur 
évêque  après  sa  mort.  Cela  avait  déjà  été  dé- 
fendu par  les  anciens  canons.  Il  est  ordonné 
par  le  vingt-troisième  ^,  au  défenseur  de  l'E- 


nislerio  aliquo  tempore  permansit,  seipsam  matrimonio 
tradiderit ,  Dci  gralics  injuriant  faciens,  ea  unu  cum 
itlo  qui  ei  conjunctus  est,  analhematizeiur. 

'  Vircjinem,  quœ  se  Domino  Deo  dedicauit,  similiier 
et  monachos  non  licere  matrimonio  conjungi;  siii  au- 
tem  hoc  fecisse  inventi  fuerint,  sint  excommunicati , 
Ostendendœ  auiem  in  eos  humanitatis  auctoritatem 
habere  stutuimus  cpiscopum  ejus  loci. 

2  Quœ  sunt  unaquaque  provincia,  rurales  vicinasque 
parochius,  firmas  et  inconcussas  munere  apud  eos  qui 
nias  tenent  episcopos,  et  maxime  si  tricenorum  anno- 
rum  tempore  eas  sine  vi  detinentes  administraverint. 
Sin  autem  inlra  tricenos  annos  fuit  aliqua  vel  fuerit 
de  lis  controversia ,  licere  iis  qui  infuriam  sibi  fieri 
dicunt,  de  iis  litem  movere  apud  synodum  provinciœ. 
Si  quis  autem  injuria  afficiaiur  a  proprio  metropoli- 
tano,  apud  exarchum  diœcesis,  vel  Constantinopolita- 
nam  sedem  litiyet  ;  sicut  prius  dictum  est.  Sin  auiem 
etiam  civitas  aliqua  ab  imperatoria  auctoritate  inno- 
vata  est ,  vel  deinceps  innovata  fuerit ,  civiles  et  pu- 
blicas  formas  ecclesiaslicarum  quoque  parochiarum 
ordo  consequatur. 

3  Conjurationis  vel  sodalitaiis  crimen  ah  extemis 
etiam  legibus  est  omnino  prohibitum  :  multo  magis 
hoc  autem  in  Dei  Ecclesia  fieri  prohibere  oportet.  Si 
qui  ergo  clerici  vel  monachi  inventi  fuerint,  vel  se 
jactantes ,  vel  sodalitates  comparantes,  vel  aliquid 
struentes  ac  molienles  adversus  episcopos  ac  clericos, 
proprio  gradu  omnino  excident. 

*  Pervenit  ad  aures  nostras,  quod  in  provinciis,  ca- 
nonibus  constitues  episcopum  synodi  non  fiant,  et  ex  eo 
multa  ecclesiastica  neyliguntur  quœ  correctione  indi- 
gent :  statuit  ergo  sancta  synodus  seciindum  sanctorum 
Patrum  canones ,  ut  bis  in  anno  eumdem  in  locum 
conveniant  uniuscujusque  provinciœ  episcopi,   ut  me- 


tropolitanus  melius  esse  perspexerit,  et  singula  emer- 
gentia  corrigant  :  episcopi  autem,  qui  non  conveniunt, 
si  in  eadem  metropoli  verseniur,  atque  adeo  sani  sint 
et  ah  omni  inexcusahili  et  necessario  negotio  liberi, 
fraterna  reprehendantur. 

<>  Clericos  in  ecclesiis  ministerio  fungentes,  quem- 
admodum  jam  statuimus,  non  licere  in  alius  civitatis 
ecclesia  ordinari  :  sed  illa  esse  contentas ,  in  qua  ab 
initio  ut  ministrarent,  digni  liabili  sunt  '.  prœter  illos 
qui  amissa  s^ua  patria,  in  aliam  ecclesiam  necessario 
transierunt.  Si  qui  auiem  episcopi  post  hoc  decretum, 
clericum  qui  ad  alium  episcopum  pertinet,  suscepe- 
rint,  placuit  esse  excommunicaios,  eumque  qui  suscep- 
tus  est,  ei  eum  qui  suscepit,  donec  clericus  qui  mi- 
gravit,  in  suam  Ecclesiam  redeat. 

6  Clericos,  vel  laicos ,  episcopos  aul  clericos  accu- 
santes, non  indiscriminatim ,  nec  dira  inquisitiotiem , 
admittere  ad  accusationem ,  nisi  eorum  existimatio 
prius  examinata  fuerit. 

'  Non  licere  clericis,  post  mortem  proprii  episcopi, 
res  quœ  ad  ipsum  pertinent,  rapere,  quemadmodum  e^ 
iis  qui  adsumunt,  prohibitum  est  :  eos  autem  qui  fa- 
ciunt,  de  proprio  gradu  in  periculum  venire. 

8  Pervenit  ad  aures  sanctœ  synodi  quod  clerici  qui- 
dam et  monachi ,  quibus  nihil  a  proprio  episcopo 
mandatum  est ,  et  sunt  etiam  nonnunquam  ab  ipso 
communione  segregati,  ad  imperatoriam  Constantino- 
polis  urbem  se  conferunt;  et  in  ea  diu  morantur, 
turbas  excitantes,  et  statum  ecclesiaslicum  pertur- 
bantes, aliquorum  domos  subvertunt.  Statuit  ergo 
sancta  synodus,  ut  ii  prius  a  sanctissimœ  Constanti- 
nopolitunœ  Ecclesiœ  defensore  admoneantur,  ut  im- 
peratoria urbe  excédant  :  si  autem  in  iisdem  negotiis 
impudenter  persévèrent,  ut  per  proprium  defensorem 
ejiciantur,  et  in  propria  loca  revertaniur. 


700 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


glise  de  Constantinoplede  chasser  de  la  ville 
les  clercs  et  les  moines  étrangers  qui  y  ve- 
naient sans  y  être  envoyés  par  leur  évêque 
et  y  troublaient  souvent  le  repos  de  l'Eglise 
et  des  maisons  particulières.  Le  vingt-qua- 
csD.  24.  trième  '  porte  que  les  monastères ,  une  fois 
consacrés  par  l'autorité  de  l'évéque,  et  les 
biens  qui  leur  appartiennent,  ne  changeront 
point  d'état,  en  sorte  qu'il  ne  soit  plus  permis 
d'en  faire  des  habitations  séculières  ,  ni  d'u- 
surper les  biens  qui  leur  appartiennent.  Il  est 

25-  dit  dans  le  vingt- cinquième  ^  que  les  ordi- 
nations des  évêques  se  feront  dans  trois  mois, 
s'il  n'y  a  une  nécessité  absolue  qui  oblige  le 
métropolitain  à  différer,  et  que  le  revenu  de 
l'Eglise  vacante  sera  conservé  par  l'économe. 
Car  chaque  église  cathédrale  devait,  suivant 

56.  le  vingt-sixième  canon  ^,  avoir  un  économe 
pris  du  corps  de  son  clergé  ,  pour  administrer 
ses  biens  suivant  l'ordre  de  l'évéque,  afin 
que  l'on  vît  clair  en  cette  administration  et 
que  les  biens  de  l'Eglise  ne  fussent  pas  dis- 
sipés ni  le  sacerdoce  décrié.  Le  vingt-sep- 

s'.  tième  anathématise  ''  celui  qui  enlève  une 


femme,  même  sous  prétexte  de  mariage,  ses 
complices  et  ses  fauteurs;  si  c'est  un  clerc, 
il  doit  être  déposé. 

20.  Le  vingt-huitième  accorde  le  second  ^"° 
rang  à  l'Eglise  de  Constantinople,  en  ces 
termes  :  «  Les  pères  ^  ont  eu  raison  de  donner 
au  Siège  de  l'ancienne  Rome  ses  privilèges, 
parce  qu'elle  était  la  ville  régnante,  et,  parle 
même  motif,  les  cent  cinquante  évêques  du 
concile  de  Constantinople  ont  jugé  que  la 
nouvelle  Rome ,  qui  est  honorée  de  l'empire 
et  du  sénat ,  doit  avoir  les  mêmes  avantages 
dans  l'ordre  ecclésiastique  et  être  la  seconde 
après,  en  sorte  que  les  métropolitains  des 
trois  départements  du  Pont,  de  la  Thrace,  et 
les  évêques  en  dépendant  qui  sont  chez  les 
Barbares,  soient  ordonnés  par  l'évéque  de 
Constantinople,  après  qu'ils  auront  été  élus 
canoniquement  dans  leurs  Eglises.  Mais  cha- 
cun de  ces  métropolitains  ordonnera  les  évê- 
ques de  sa  province ,  assisté  de  ses  suffra- 
gants,  selon  les  canons.»  Le  vingt-neuvième  ^  2'- 
déclare  qu'un  évêque  ne  doit  Jamais  être  ré- 
duit au  rang  des  prêtres.  Le  trentième  '  ac-  ^<'- 


'  Quœ  semel  voluntate  episcopi  consecrata  sunt  ma- 
nasteria,  perpeluo  manere  monasteria,  et  res  quœ  ad 
ea  pertinent  servari,  eoque  non  amplius  jieri  sœcularia 
habilacula.  Eos  autem  gui  hoc  fieri  permittunt,  cano- 
num  poenis  subjici. 

2  Quoniam  nonnulli  metropolitani,  ut  sœpe  a  nolis 
auditum  est,  et  grèges  sihi  commissos  negligunt ,  et 
episcoporum  nrdinationcs  differunt ,  sanctœ  synodo 
placuit  ut  intra  très  menses  episcoporum  ordinaliones 
fiant,  nisi  inexorahilis  utique  nécessitas  effecerit ,  ut 
dilationis  tempus  prorogetur.  Si  autem  hoc  non  fece- 
rinf,  eos  ecclesiasticœ  pœnœ  subjici.  Viduœ  vero  Ec- 
clesiœ  reditum  apud  ecclesiœ  œconomum  salvum  cus- 
todiri. 

3  Quoniam  in  nonnullis  Ecelesiis,  ut  sœpe  a  nobis 
auditum  est ,  episcopi  absque  œconomo  tractant  res 
ecclesiasticas ,  placuit  omnem  Ecclesiam  episcopum 
hahentem  ex  proprio  clero  œconomum  habere ,  ut  nec 
sine  lestihus  sit  Ecclesiœ  administratio,  nec  ideo  res 
ejus  dissipenlur  et  prohrum  ac  dedecus  sacerdoiio 
inuratur.  Si  autem  hoc  non  fecerit,  eum  divinis  etium 
canonibus  subjici. 

''Eos  qui  nomine  conjugii  mulieres  rapiunt ,  vel 
opem  ferunt,  ac  consentiunt  iis  qui  rapiunt,  statuit 
synodus,  si  sint  quidem  clerici,  proprio  gradu  exci- 
dere  ;  sin  autem  laici,  anathematizari. 

5  Sanctorum  Patrum  'décréta  ubique  sequentes,  et 
canonem  qui  nuper  lectus  est,centum  et  guinquaginia 
Dei  amantissimorum  episcoporum  agnoscentes ,  eadem 
quoque  et  nos  decernimus  ac  statuimus  de  privilegiis 
sanctissimœ  Ecclesiœ  Consiantinopolis  novœ  Romœ. 
Etenim  antiquœ  Romœ  throno ,  quod  urbs  illa  impe- 
raret,  jure  Patres  privilégia  tribuerunt.  Et  eadem 
consideratione  moti  centum  guinquaginta  Dei  aman- 
tissimi  episcopi,  sanctissimo  novœ  Romœ  throno  œqua- 
lia  privilégia  tribuerunt,  recte  judicantes,  urbem  quœ 
et  imperio  et  senatu  honorata  sit,  et  œqualibus  cum 


antiquissima  regina  Roma  privilegiis  fruatur,  et  jam 
in  rébus  ecclesiasiicis  ,  non  secus  ac  illani  extolli  ac 
magnifieri ,  secundam  post  illam  exislentem ,  ut  et 
Ponticœ  et  Asianœ  et  Thracice  diœcesis  metropolitani 
soli,  prœterea  episcopi  prœdictarum  diœcesum  quœ 
sunt  inier  Barbaros,  a  prœdicto  throno  sanctissimœ 
Constantinopolitanœ  Ecclesiœ  ordinentur  ;  unoquogue 
scilicet  prœdictarum  diœcesum  metropolitano  cum 
provinciœ  episco'pis ,  provinciœ  episcopos  ordinante , 
quemadmodum  divinis  canonibus  est  traditum.  Ordi- 
nari  autem,  sicut  dictum  est,  prœdictarum  diœcesum 
metropolilanos  a  Constant inopolitano  archiepiscopo , 
convenientibus  de  more  factis  electionibus,  et  ad  ipsiim 
relaiis. 

s  Episcopum  in  presbyterum  gradum  deducere ,  est 
sacrilegium.  Si  qua  autem  justa  causa  illos  ab  epis- 
copali  actione  removet ,  nec  presbyteri  dcbent  locum 
obtinere.  Sin  autem  absque  ullo  crimine  dignitnie 
moti  sunt,  ad  episcopalem  dignitatem  redibunt.  Ana- 
ioliiis,  religiosissimus  Constantinopolitanus  archiepis- 
copus,  dixit  :  li  qui  dicunfur  ab  episcopali  dignitate 
ad  presbyteri  orditiem  descendisse,  si  justis  quidem  de 
causis  condemnantur,  jure  nec  presbyteri  honore  digni 
sunt.  Sin  autem  sine  aliqua  probabili  causa  ad  infe- 
riorem  gradum  depressi  sunt ,  jure,  si  quidem  nulli 
sunt  culpœ  affines,  episcopaius'  auctoritatem  et  sacer- 
dolium  récipient. 

'  Quoniam  religiosissimi  episcopi  Aigypti,  non  ut 
catholicœ  fidei  adversantes ,  sanctissif?n  archiepiscopi 
Leonis  epislolœ  subscribere  distulerunt,  sed  dicenles  in 
Aigyptiaca  diœcesi  hanc  esse  consueiudinem,ut  prœler 
voluntalem  et  mandatum  episcopi  nihil  taie  faciant, 
et  petunt  concedi  sibi  dilationem  usque  ad  ordinatio- 
nem  futuri  niagnœ  civitatis  Alexandrinorum  archi- 
episcopi ;  justuni  nobis  et  humanum  visum  est ,  ut 
ipsis  in  proprio  habitu  in  imperiali  urbe  manentibus 
remissio  concedatur,  donec  ordinatus  fuerit  Ahxan- 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


[V^ET  VI' SIÈCLES.] 

corde  un  délai  aux  évêques  d'Egypte  pour 
souscrire  à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien, 
jusqu'à  l'élection  d'un  évéque  d'Alexandrie 
à  la  place  de  Uioscore.  Ces  deux  derniers 
canons  ne  sont  point  dans  l'ancien  Code  de 
l'Eglise  romaine ,  ni  dans  la  collection  de 
Denis-le-Petit, 

21.  Libérât  '  dit  que  ces  canons  ne  furent 
faits  que  dans  la  session  du  31  octobre,  après 
qu'on  eut  fini  l'affaire  de  Sabinien,  évêque 
de  Perrha,  et  en  l'absence  des  légats  et  du 
pape.  Ils  sont  en  effet  joints  au  décret  des 
pères  sur  cette  affaire,  dans  les  collections 
des  conciles;  mais  Evagre^  paraît  dire  qu'on 
les  fit  après  la  sixième  session,  et  il  y  a  des 
manuscrits  ^  latins  qui  en  font  la  septième 
session.  Dans  la  treizième,  où  l'on  régla  le 
différend  entre  Eunomius  de  Nicomédie  et 
Anastase  de  Nicée,  au  sujet  de  Basilinople, 
on  ne  cita  point  le  douzième  canon  qui  déci- 
dait nettement  cette  difficulté;  ce  qui  fait  voir 
ou  que  ce  canon  n'était  pas  encore  fait,  ou 
qu'il  n'était  pas  autorisé  par  le  concile.  On 
cite  *  des  manuscrits  où  les  légats  souscrivi- 
rent aux  vingt-sept  premiers;  et  il  n'est 
guère  vraisemblable  qu'on  les  ait  faits  sans 
leurs  avis.  Saint  Léon  n'en  contesta  jamais 
l'autorité;  ils  sont  reçus  généralement  par 
toute  l'Eglise.  Il  n'y  a  que  le  vingt-huitième 
qui  ait  trouvé  de  l'opposition.  Non-seulement 
il  fut  fait  en  l'absence  des  légats,  ils  refusè- 
rent même  de  prendre  part  aux  délibérations 
qui  précédèrent.  Saint  Léon  fit  voir  dans  une 
de  ses  lettres  à  l'empereur  Marcien,  que  le 
motif  qu'on  avait  eu  de  faire  ce  canon,  était 
sans  fondement;  qu'une  chose  ^  purement 
ecclésiastique,  comme  l'épiscopat,  ne  se  de- 
vait point  régler  sur  la  dignité  des  villes; 
que  l'élévation  de  l'Eglise  romaine  ne  venait 
point  de  ce  qu'elle  était  la  ville  régnante, 
mais  de  la  pierre  sur  laquelle  Jésus-Christ 
l'avait  fondée;  que  la  ville  de  Gonstantino- 
ple  avait  ses  avantages,  mais  qu'ils  n'étaient 
que  temporels;  qu'elle  était  ville  royale, 
mais  qu'elle  ne  pouvait  devenir  Siège  apos- 
tolique; qu'on  ne  pouvait  donner  atteinte 


701 


Tum,  IV 
Concil.,  pag. 
800  et  813. 


Seizième 
session,  pag 
193. 


aux  privilèges  des  Eglises  établis  par  les  ca- 
nons de  Nicée;  que  l'agrandissement  de  l'E- 
glise de  Constantinople  était  un  effet  visible 
de  l'ambition,  et  qu'il  pouvait  causer  des  di- 
visions et  des  troubles  dans  l'Eglise.  Ce  ca- 
non passa  toutefois  dans  le  concile,  avec  le 
consentement  des  principaux  évêques  d'Asie, 
et  fut  signé  par  un  très-grand  nombre  d'é- 
vêques,  parmi  lesquels  on  n'en  trouve  point 
d'IUyrie. 

22.  Les  légats  informés  que  dans  la  quin- 
zième session  il  s'était  fait  quelque  chose 
contre  les  canons,  s'en  plaignirent  dans  la 
session  suivante,  qui  fut  tenue  le  1"  novem- 
bre, les  magistrats  présents.  «  Nous  vous 
prions,  leur  dit  Paschasin,  de  faire  lire  ce 
qu'on  a  fait  écrire,  afin  que  tous  nos  frères 
voient  s'il  est  juste  ou  non.  »  On  lut  le  ca-  Pjs. '» 
non  vingt-huitième  avec  les  signatures  des 
évêques.  Lucentius,  l'un  des  légats,  dit  qu'on 
avait  surpris  les  évêques  et  qu'on  les  avait  sos. 
contraints  de  signer  avant  qu'on  eût  écrit  les 
canons.  Sur  ce  reproche,  les  évêques  s'é- 
crièrent qu'on  n'avait  contraint  personne. 
Comme  les  légats  continuaient  de  s'opposer 
au  vingt-huitième  canon,  Aétius,  archidiacre 
de  Constantinople,  demanda  s'ils  en  avaient 
reçu  quelque  ordre  du  pape  Léon.  Le  prêtre 
Boniface  qui  l'avait  par  écrit,  le  lut  en  ces 
termes  :  «  Ne  souffrez  point  que  l'ordon-  812. 
nance  des  pères  soit  enfreinte  ou  diminuée 
par  aucune  entreprise  :  gardez  en  tout  la  di- 
gnité de  notre  personne  que  vous  représen- 
tez; et  si  quelques-uns,  se  confiant  en  la 
splendeur  de  leurs  villes,  veulent  s'attribuer 
quelque  chose,  repoussez-les  avec  fermeté.  » 
Paschasin  lut  ensuite  le  sixième  canon  du 
concile  de  Nicée,  qui  conserve  les  privilèges 
de  Rome,  d'Alexandrie  et  d'Antioche,  et  les 
droits  des  métropolitains.  Il  lut  ce  canon  avec 
les  paroles  célèbres  qui  en  font  le  commen- 
cement, mais  qui  ne  se  lisent  point  dans  le 
grec  :  «  L'Eglise  romaine  a  toujours  eu  la 
primauté.  »  Le  secrétaire  Constantin  fit  lec- 
ture du  même  canon,  comme  il  est  dit  dans 
les  originaux  grecs,  et  du  canon  du  concile 


drinus  archiepiscopus.  Unde  in  proprio  habitu  ma- 
nentes,  vel  fidejussores  dabunt,  si  hoc  ab  eis  fieri 
polest,  vel  eorum  jurijurando  fides  habebiiur. 

1  Libérât.,  cap.  xm,  pag.  93. 

2  Evagr.,  lib.  II,  cap.  xvni. 

■    3  Append.  Concil.  Balus.,  pag.  1346. 

*  Justel.,  Cod.  can.,  pag.  300,  tom.  I. 

s  Haheat,  sicui  opiamus,  Con^taniinopolilana  civitas 
gloriam  suam...  alia  tamen  ratio  est  rerum  sœcula- 
rium,alia  divinarum  :  nec  prœler  illam  petram,  quam 


Dominus  in  fundamenio  mire  posiiit,  sfabilis  crit  ulla 
constructio  ;  sed  propria  perdit,  qui  indebita  concu- 
piscit...  non  dedignetur  regiam  civiiaiem,  quam  apo^- 
tûlicam  non  poiest  facere  sedem  ;  nec  ullo  speret  tnodo, 
quod  per  aliorum  possit  offensiones  augeri.  Privilégia 
enim  Ecclesiarum ,sanctorum  Puirum  canonibus  insti- 
tula  et  venerahilis  Niceneœ  synodi  fixa  decretis,  nulla 
possunt  improbitate  convelli ,  nulla  novitate  violari. 
Léo,  Epist.  78  ad  Marcian.,  pag.  290. 


702 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  Constantinople,  toucliant  la  hiérarchie, 
où  il  est  dit  que  l'évêque  de  cette  ville  aura 
la  prérogative  d'honneur  après  l'évêque  de 
Rome.  Les  magistrats,  sans  demander  de  plus 
grands  éclaircissements,  conclurent,  après 
avoir  su  des  évêques  qu'ils  avaient  souscrit 
volontairement,  que  le  vingt-huitième  canon 
de  Chalcédoine  aurait  son  exécution,  avec 
Pi  .813.  cette  réserve,  que  quand  un  des  métropoli- 
tains des  départements  d'Asie,  de  Pont  et  de 
Thrace,  serait  élu,  et  qu'on  aurait  apporté  à 
Constantinople  le  décret  de  son  élection,  il 
serait  au  choix  de  l'évêque  de  Constantino- 
817,  pie  d'y  faire  venir  l'élu,  pour  l'ordonner;  ou 
de  donner  la  permission  pour  le  faire  ordon- 
ner dans  la  province.  Les  évêques  déclarè- 
rent que  tel  était  leur  sentiment,  et  deman- 
dèrent qu'on  leur  permît  de  s'en  retourner. 
Mais  les  légats  ne  pouvant  souffrir  que  le 
Siège  apostolique  fût  abaissé  en  leur  pré- 
sence, demandèrent  ou  que  l'on  révoquât 
tout  ce  qui  s'était  fait  la  veille  au  préjudice 
520.  des  canons,  ou  que  leur  opposition  fût  in- 
sérée dans  les  actes,  afin  que  le  pape  pût 
porter  son  jugement  sur  le  mépris  de  son 
siège  et  le  renversement  des  canons.  Leur 
remontrance  fut  sans  effet.  Les  magistrats 
finirent  la  session  en  disant  que  le  concile 
avait  approuvé  tout  ce  qu'ils  avaient  proposé. 
Différence  23.  Cette  scssion,  qui  est  la  dernière,  est 
î«rc™coi:  marquée  pour  la  seizième  dans  les  collec- 
'"'■  lions  des  conciles.  Libérât  '  la  compte  pour 

la  douzième;  d'autres,  pour  la  treizième. 
Evagre  ^  en  met  seize.  Mais  plusieurs  Egli- 
ses 3  n'avaient  dans  leurs  copies  que  six  ses- 
sions, avec  les  canons.  Cette  variété  vient  * 
de  ce  que,  dans  les  conciles  généraux,  les 
évêques  des  grands  sièges  avaient  chacun 
leurs  notaires,  par  lesquels  ils  faisaient  ré- 
diger ou  copier  les  actes,  suivant  le  besoin 
qu'ils  en  avaient.  Tous  étaient  soigneux 
d'emporter  avec  eux  et  de  publier  dans  leurs 
provinces  ce  qui  regardait  la  foi  de  l'Eglise, 
c'est-à-dire  les  définitions  de  la  foi  et  les  ca- 
nons. Mais  pour  les  actes  touchant  les  af- 
faires particulières,  ceux  qui  n'y  étaient  pas 
intéressés,  n'en  prenaient  pas  le  même  soin. 
Les  uns  les  négligeaient  tout  à  fait,  d'autres 
en  recueillaient  une  partie,  et  laissaient  l'au- 
tre; et  ceux  qui  les  recueillaient,  les  pla- 
çaient différemment,  suivant  l'ordre  des  da- 
tes ou  le  mérite  des  matières. 


24.  Les  évêques,  avant  de  se  séparer,  adres-     Discont. 
seront  un  discours  à  l'empereur  Marcien.  Le   vtmfmat. 
titre  l'attribue  à  tout  le  concile,  qui  y  est 
qualifié  saint  et  universel.  Mais  on  croit  qu'il 
fut  composé  par  ses  légats;  ce  qui  parait       lom.  r 
non-seulement  en  ce  que  le  style  du  texte  820 
latin  est  plus  élégant  et  plus  naturel  que  le 
grec,  mais  surtout  parce  que  ce  discours  est 
uniquement  pour  justifier  la  lettre  de  saint 
Léon  à  Flavien  :  ce  qui  regardait  particuliè- 
rement les  légats.  Ils  y  font  voir  que  saint 
Léon,  dont  ils  relèvent  le  zèle,  la  foi  et  le 
savoir,  n'avait  point  contrevenu,  en  écrivant 
cette  lettre,  au  décret  du  concile  d'Ephèse, 
qui  semble  défendre  d'écrire  sur  la  foi  et  de 
proposer  d'autre  règle   sur  celte   matière, 
que  le  symbole  de  Nicée,  puisque  cette  dé- 
fense n'a  été  faite  que  pour  ceux  qui  com- 
battent la  foi,  et  non  pour  ceux  qui  en  pren- 
nent la  défense;  qu'il  est  bien  vrai  que  nous 
devons  reconnaître  pour  unique  symbole  de 
notre  foi  celui  de  Nicée,  qu'on  n'en  doit  pas 
proposer  d'autre  à  ceux  que  l'on  admet  au 
baptême,  et  qu'il  contient  tout  ce  que  doi- 
vent croire  ceux  qui  reçoivent  avec  simpli- 
cité et  avec  soumission  tout  ce  que  l'Eglise 
leur  enseigne;  mais  qu'àl'égardde  ceux  qui, 
abandonnant  cette  simplicité,  ont  inventé  de 
nouvelles  erreurs  et  combattu  les  vérités  de 
la  foi  par  des  raisonnements  captieux,  c'a 
toujours  été  l'usage,  même  depuis  le  concile 
de  Nicée,  de  les  réfuter  par  des  écrits  plus 
étendus,  et  de  se  servir  même  contre  eux  de 
nouvelles  expressions  qui,  n'exprimant  que 
les  vérités  contenues  dans  le  sj'mbole  de  ce 
concile,  les   mettaient  néanmoins  dans  un 
plus  grand  jour,  et  ôtaient  toutes  les  équivo- 
ques dont  les    hérétiques   couvraient  leurs 
mauvais  sentiments.  C'était  assez  pour  dé- 
truire l'hérésie  arienne,  dans  l'esprit  des 
vrais  fidèles,  de  déclarer  que  le  Fils  est  con- 
substantiel  au  Père;  mais  parce  que  Photin 
et  Marcel  d'Ancyre  ont  avancé  que  les  trois 
personnes  de  la  Trinité  n'étaient  distinguées 
que  de  nom,  les  pères  qui  ont  combattu  les 
hérétiques  ont  été  obligés  d'établir  la  foi  de 
trois  subsistances,  ou  de  personnes  réelle- 
ment distinctes  l'une  de  l'autre.  On  s'était 
contenté  de  dire  dans  le  symbole  de  Nicée  : 
Je  crois  au  Saint-Esprit;  et  c'était  assez  pour 
marquer  aux  fidèles  qu'il  est  véritablement 
Dieu ,  puisqu'on  ne  peut  croire  au  Saint-Es- 


1  Libérât.,  pag.  93,  cap.  xiH. 
»  Evagr.,  lib.  II  Hist.,  cap.  xvni. 


3  Lup.,  ConciU,  tom.  I,  pag.  647. 
*  Fleury,  liv.  XXVHI  Hist.  ecclés,,  pag.  462. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  DE  CHALCÉDOINE. 


[ye  ET  VI»  siècles] 

prit  comme  au  Père  et  au  Fils,  qu'en  les 
supposant  d'une  même  nature.  Mais  la  né- 
cessité où  Ton  s'est  vu  dans  la  suite  de  com- 
battre ceux  qui  ont  nié  la  divinité  du  Saint- 
Esprit,  a  obligé  les  évêques  du  concile  de 
Constantiuople  d'ajouter  au  symbole,  que  le 
Saint-Esprit  procède  du  Père.  Le  symbole  de 
Nicée  avait  suffisamment  établi  la  foi  de  l'in- 
carnation en  disant  que  le  Fils  de  Dieu  est 
descendu  du  ciel  et  qu'il  s'est  fait  chair.  Mais 
les  hérétiques  qui  ont  attaqué  la  vérité  de 
ce  mystère,  soit  en  refusant  à  la  sainte 
Vierge  le  titre  de  Mère  de  Dieu,  soit  en  niant 
que  le  Fils  de  Dieu  ait  pris  une  âme  raison- 
nable, soit  en  confondant  les  deux  natures 
en  Jésus-Christ,  soit  en  distinguant  en  lui 
le  Fils  de  Dieu  d'avec  le  Fils  de  l'Homme, 
ont  engagé  les  docteurs  de  l'Eglise  à  montrer 
qu'il  est  Dieu  parfait  et  homme  parfait  ;  qu'en 
lui  les  deux  natures,  la  divine  et  l'humaine, 
sont  unies  en  une  seule  personne,  sans  con- 
fusion; et  qu'en  conséquence  on  peut  dire 
de  lui  qu'il  est  né  dans  le  temps,  qu'il  est  de 
toute  éternité;  qu'il  est  consubstantiel  au 
Père  selon  sa  divinité,  et  consubstantiel  à  sa 
Mère  selon  son  humanité,  et  qu'à  ces  deux 
égards  il  est  passible  et  impassible;  impassi- 
ble en  tant  que  Dieu,  passible  en  tant 
qu'homme.  La  fin  de  toute  cette  discussion 
est  de  montrer  que  ce  que  saint  Basile,  le  pape 
Damase  et  plusieurs  autres  ont  fait  autrefois 
contre  les  ariens,  les  macédoniens  et  les 
apollinaristes,  saint  Léon  a  été  contraint  de  le 
faire  contre  les  nouvelles  erreurs  d'Eutychès. 
Sur  la  lin  du  discours  le  concile  l'adresse  aux 
deux  empereurs  Marcien  et  Valentiuien , 
quoiqu'il  n'y  ait  que  le  premier  de  nommé 
dans  le  titre;  et  pour  prouver  que  l'on  ne 
pouvait  accuser  de  nouveauté  la  doctrine  que 
saint  Léon  établit  dans  sa  lettre  à  Flavien,  le 
concile  joint  à  son  discours  divers  passages 
tirés  des  écrits  de  saint  Basile,  de  saint  Am- 
broise,  de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  de 
saint  Athanase,  de  saint  Amphiloque,  d'An- 
tiochus  de  Ptolémaïde,  de  saint  Flavien 
d'Antioche,  de  saint  Chrysostôme,  d'Alticus, 
de  saint  Procle  et  de  saint  Cyrille ,  qui  ont 
tous  cru  que  Jésus-Christ  a  deux  natures,  et 
qu'étant  consubstantiel  au  Père  selon  sa  di- 
vinité, il  s'est  fait  consubstantiel  à  nous  se- 
lon son  humanité. 

25.  Les  évêques  du  concile,  en  envoyant 


703 


au  pape  les  actes  de  tout  ce  qui  s'était  passé, 
lui  écrivirent  une  lettre  synodale  par  laquelle 
ils  le  reconnaissent  pour  l'interprète  de  saint 
Pierre,  pour  leur  chef  et  leur  guide,  et  pour 
celui  à  qui  le  soin  de  la  vigne  du  Seigneur, 
qui  est  son  Eglise,  a  été  confié  par  lui-même. 
Ils  lui  donnent  avis  qu'ils  ont  retranché  de  l'E- 
glise Dioscore,  qui,  outre  la  protection  qu'il 
avait  donnée  à  Eutychès,  avait  osé  condam- 
ner et  déposer  saint  Flavien  et  Eusèbe  de  pag.  833. 
Dorylée,  contre  les  canons.  Ensuite  ils  prient 
saint  Léon  d'approuver  et  de  confirmer  la 
sentence  synodale  par  laquelle  ils  avaient 
maintenu  l'Eglise  de  Constantinople  dans 
l'ancien  usage  d'ordonner  les  métropolitains 
des  départements  d'Asie,  de  Pont  et  de 
Thrace,  moins  pour  l'avantage  du  siège  de 
Constantinople,  que  pour  le  repos  des  mé-  837. 
tropoles,  où  il  arrivait  souvent  du  tumulte 
parmi  le  clergé  et  le  peuple  après  la  mort  de 
l'évêque,  parce  qu'ils  étaient  sans  chef.  Ils 
conviennent  que  les  légats  s'étaient  opposés 
fortement  à  ce  décret;  «  mais  ils  ont  voulu 
sans  doute,  ajoutent  les  évêques,  vous  en 
laisser  l'honneur,  afin  que  l'on  vous  attribue 
la  conservation  de  la  paix,  comme  de  la  foi. 
En  honorant  notre  jugement  par  votre  suf- 
frage, vous  ferez  plaisir  aux  empereurs,  et 
le  siège  de  Constantinople  vous  en  témoi- 
gnera une  reconnaissance  éternelle  en  toute 
occasion,  par  son  union  et  par  son  zèle.  » 
Cette  lettre  était  souscrite  des  évêques  du 
concile,  qui  se  disent  au  nombre  de  cinq 
cent  vingt.  On  n'y  lit  point  ce  que  dit  saint 
Grégoire-le-Grand  ',  que  le  concile  offrit  au 
pape  le  litre  d'évêque  œcuménique  ou  uni- 
versel. Saint  Léon,  peu  sensible  à  nn  titre 
que  ses  successeurs  ^  ont  regardé  comme 
profane  et  téméraire,  approuva  tout  ce  qui 
s'était  fait  dans  le  concile  de  Chalcédoine 
pour  la  cause  de  la  foi;  mais  il  s'opposa  ^ 
avec  vigueur  au  vingt-huitième  canon,  qui 
regarde  les  prérogatives  de  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople, disant  que  ce  canon  était  con- 
traire à  ceux  de  Nicée.  Il  chargea  *  Julien 
de  Cos  de  faire  traduire  en  latin  les  actes  du 
concile  de  Chalcédoine  et  d'en  réunir  toutes 
les  sessions  en  un  seul  corps.  On  croit  que 
c'est  cette  traduction  que  nous  avons  au- 
jourd'hui. 

26.    L'empereur   Marcien    qui ,   dans   la 
sixième  session ,  avait  promis  d'empêcher  à 


Lois  pour 
l'ob.-ervalion 
desdécrotsda 
concile. 


»  Gregor.,  lib.  IV,  Epist.  36,  et  lib.  VII,  Epist.  30. 
!  Ibid.,  lib.  IV,  Epist.  32. 


5  Léo,  Epist.  87  et  92.  —  *  Léo,  Epist.  86. 


704 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'avenir  les  disputes  sur  la  religion,  qu'on 
savait  avoir  été  la  cause  de  l'origine  et  du 
co»dî'"'pilJ.    progrès  des  hérésies,  s'acquitta  de  sa  pro- 
™8-  messe  par  un  édit  donné  à  Constantinople, 

le  7  février  452,  et  adressé  au  peuple  de  cette 
ibiti  840.  ville.  Il  y  confirme  par  son  autorité  tous  les 
décrets  du  concile  de  Chalcédoine,  avec  or- 
dre à  tout  le  monde  de  les  observer,  et  dé- 
fense de  disputer  publiquement  sur  la  reli- 
gion, sous  peine  aux  clercs  de  déposition, 
aux  officiers  de  privation  de  leurs  charges, 
aux  autres  d'être  chassés  de  Constantinople 
et  punis  suivant  leur  mérite.  Il  est  visible  que 
cet  édit  ne  regardait  que  les  discours  qui  se 
faisaient  dans  les  places  piibliques  et  indiffé- 
remment devant  toutes  sortes  de  personnes, 
puisque  ce  prince  donne  pour  motif  de  la 
défense  qu'il  faisait  de  disputer  sur  la  reli- 
gion, que  c'était  profaner  nos  mystères  en 
les  découvrant  aux  juifs  et  aux  païens.  Il 
donne  pour  une  seconde  raison  de  cette  dé- 
fense, qu'il  fallait  être  un  impie  et  un  sacri- 
lège pour  aimer  mieux  chercher  la  vérité  par 
ses  propres  lumières,  que  de  suivre  le  senti- 
ment et  les  décisions  d'un  si  grand  nombre 
d'évéques,  et  pour  espérer  de  découvrir  ce 
que  tant  de  grands  hommes  n'eussent  pas 
découvert;  enfin  que  c'était  faire  injure  aux 
évéques  du  concile  d'examiner  de  nouveau 
ce  qu'ils  avaient  examiné.  L'édit  de  Marcien 
n'eut  pas  le  succès  qu'il  en  attendait.  On 

,ji  continua  dans  Constantinople  et  ailleurs,  de 
disputer  pubhquement  des  mystères,  en  pré- 
sence de  toutes  sortes  de  personnes,  sans  dis- 

J4I  tinction  de  rehgion.  Ce  qui  obligea  l'empe- 
reur de  renouveler  son  édit  par  un  second, 
da  13  mars  de  la  même  année,  adressé  aux 
préfets  d'Orient,  d'Illyrie  et  de  Constantino- 

8J8.  pic,  et  au  maître  des  offices.  Ce  prince  donna 
le  6  juillet  un  rescrit  adressé  aux  mêmes  of- 
ficiers, portant  révocation  de  la  loi  que  Théo- 
dose II  avait  faite  contre  Flavien,  Théodoret 
et  Eusèbe  de  Dorylée  en  faveur  d'Eulychès, 
et  en  confirmation  du  faux  concile  d'Ephèse. 
Le  28  du  même  mois  il  adressa  encore  aux 
mêmes  officiers  une  loi  très-sévère,  où,  après 
avoir  ordonné  l'observation  des  décrets  du 
concile  de  Chalcédoine,  il  défend  aux  secta- 
teurs d'Eutychès,  nommément  aux  moines, 
d'avoir  ni  prêtres,  ni  clercs;  de  s'assembler 
ou  de  bâtir  des  monastères;  de  recevoir 
quoi  que  ce  soit  par  testament;  d'exercer  au- 


8GD. 


cuiie  charge,  et  de  demeurer  à  Constantino- 
ple ou  dans  aucune  métropole.  Il  veut  de  p.is.  872. 
plus  que  les  livres  de  cette  secte  soient  brû- 
lés, que  ceux  qui  en  enseigneront  la  doc- 
trine soient  punis  du  dernier  supplice,  et 
leurs  disciples  d'une  amende  de  dix  livres 
d'or. 

ARTICLE  VI. 

DES   CONCILES   ATTRIBUÉS   A    SAINT    PATRICE. 

1.  On  nous  a  donné  sous  le  nom  de  saint  Premier 
Patrice  deux  conciles,  dont  le  premier  pa-  saînVkin 
raît  en  elïet  avoir  été  en  Irlande  et  dans  le 
temps  que  ce  saint  en  était  évêque  ';  car  on 
voit  qu'il  fut  assemblé  hors  de  l'empire  ro- 
main, dans  le  voisinage  des  Bretons,  en  un 
temps  et  dans  un  pays  où  le  paganisme  n'é- 
tait pas  entièrement  détruit.  Tout  cela  con- 
vient à  saint  Patrice,  qui  trouva  l'Irlande 
remplie  de  païens  lorsqu'il  y  alla  prêcher 
l'Evangile.  La  défense  qui  y  est  faite  de  re- 
cevoir les  aumônes  des  excommuniés  ^,  est 
encore  conforme  à  ce  que  saint  Patrice  fit  à 
l'égard  de  Corotic  et  de  ses  gens,  dont  il  dé- 
fendit de  recevoir  les  aumônes,  jusqu'à  ce 
qu'ils  eussent  satisfait  à  Dieu  par  une  sincère 
pénitence,  et  rendu  la  liberté  à  ceux  qui 
avaient  été  emmenés  captifs.  Il  faut  ajouter 
que  la  plupart  des  ciinons  de  ce  concile  ^ 
sont  cités  sous  le  nom  de  saint  Patrice,  par 
Arbedoc,  écrivain  du  viii°  siècle.  Il  est  vrai 
que  le  vingt-cinquième  canon  traite  de  cou- 
tume ancienne,  un  usage  qu'on  ne  voit  pas 
avoir  été  bien  établi  dans  les  autres  Egfi- 
ses,  même  au  v'=  siècle  :  c'était  de  réserver  à 
l'évêque,  ou  pour  ses  besoins  ou  pour  ceux 
des  pauvres,  ce  que  les  fidèles  offraient  pen- 
dant le  temps  qu'il  séjournait  dans  les  diffé- 
rentes Eglises  de  son  diocèse.  On  ne  voit 
pas  bien  non  plus  comment,  dans  une  Eghse 
naissante,  on  se  serait  relâché  jusqu'à  n'or- 
donner qu'un  an  de  pénitence  pour  un  ho- 
micide, pour  unfornicateur  et  pour  ceux  qui 
consultent  les  aruspices;  et  six  mois  pour  un 
voleur,  ainsi  qu'on  le  lit  dans  les  quatorzième 
et  quinzième  canons.  Cela  fait  naître  un  doute 
s"'ils  sont  tous  de  saint  Patrice,  ou  s'il  n'y  en 
pas  quelques-uns  des  conciles  postérieurs. 
Peut-être  aussi  donne-t-il  le  nom  d'ancien  à 
l'usage  qu'il  avait  d'abord  établi  en  Irlande  , 
et  qu'il  n'avait  pas  jugé  à  propos  d'observer 


»  Tom.  111  Concil.,  pag.  1478  et  1481. 
s  Bolland,,  ad  diern  17  martii,  pag.  539. 


s  Tom.  IX.  Spkileçj,,  pag.  13. 


CHAPITRE  LUI. 


[V^  ET  VI"^  SIECLES 

la  rigueur  des  anciens  canons  dans  ceux  qu'il 
fit  dans  ce  concile. 

2.  Ces  canons  sont  au  nombre  de  trente- 
quatre,  dont  la  plupart  règlent  la  conduite 
des  clercs.  Il  semble  par  le  quatrième  qu'on 
leur  permettait  de  quêter  pour  leurs  propres 
besoins  ';  mais  qu'ils  ne  devaient  demander 
qu'à  proportion  de  leur  indigence.  Aussi  le 
cinquième  ordonne  -  que  s'il  leur  reste  quel- 
que chose,  ils  le  mettront  sur  l'autel  de  l'évê- 
que,  qui  le  donnera  à  un  autre  pauvre.  Il 
est  ordonné  dans  le  sixième  ^  que  les  clercs 
qui  ne  seront  pas  vêtus  d'une  manière  mo- 
deste, et  qui  n'auront  pas  les  cheveux  courts 
comme  les  Romains,  seront  séparés  de  l'E- 
glise. La  même  peine  est  ordonnée  contre  les 
Jemmes  des  portiers  et  des  autres  clercs  in- 
férieurs, qui  paraîtront  sans  être  voilées.  Le 
septième  veut  que  tous  les  clercs  *,  à  la  ré- 
serve de  ceux  qui  seront  esclaves,  assistent 
à  l'office  du  soir  et  du  matin.  Il  est  dit  dans 
le  huitième  ^  que  si  un  clerc  s'est  rendu  cau- 
tion de  quelque  somme  que  ce  soit  pour  un 
, païen,  et  que  ce  païen,  ayant  de  quoi  payer, 
cache  son  bien  pour  ne  pas  acquitter  lui- 
même  sa  dette.  Je  clerc  donnera  la  somme 
dont  il  a  répondu  ;  et  que  si,  pour  s'en  dis- 
penser, il  s'engage  à  un  duel  avec  ce  païen, 
il  sera  exclu  de  l'Eglise.  Le  neuvième  ^dé- 
fend toute  fréquentation  suspecte  entre  les 
moines  et  les  vierges,  ne  voulant  pas  qu'ils 
séjournent  ensemble  dans  une  hôtellerie,  ni 
qu'ils  courent  la  campagne  dans  un  même 
chariot.  Le  dixième  est  contre  les  clercs  né- 
gligents à  s'acquitter  de  l'office  divin  ',  et 
contre  ceux  qui  nourrissaient  leurs  chevaux. 
Dans  le  onzième  ^,  on  punit  d'excommuni- 
cation celui  qui  reçoit  uu  clerc  excommunié. 
Le  douzième  '  défend  de  recevoir  l'aumône 
d'un  chrétien  excommunié.  La  même  chose 
est  ordonnée  dans  le  treizième  '",  à  l'égard 

'  Si  guis  permissionem  acceperit,  et  coUectum  sii 
pretium,non  p/us  exiijal  qiiam  quocl  nécessitas  poscit. 
Can.  4j  tom.  111  Cuncil.,  pag.  1478. 

''■  Si  quid  supra  manserit,  ponat  super  altare  ponti- 
ficis,  ut  detur  aiii  indigenti.  Can.  5. 

5  Quicumque  clericus  ub  ostiario  usque  ad  sacerdo- 
tem  sine  tunica  visus  fuerit ,  et  si  non  more  romano 
capilli  ejus  tunsi  sunl,  et  uxor  ejus^  si  7ion  velato  ca- 
pite  ambuluverit,  ab  Ecclesiu  separentur.  Can.  C. 

'  Quicumque  clericus  negliyentiœ  causa,  ad  col- 
lectas rnane  vel  vespere  non  occurrerit,  alienus  ha- 
beatur,  nisi  forte  jugo  servitutis  sit  detentus.  Can.  7. 

^  Clericus  si  pro  gentiti   homine  fideijussor  fuerit 

in  quacumque  quanlitute,  et  si  cuntigerit,  quod  mirum 

non  potest,  per  astutiam  aliquam  geniitis  ille  clerico 

futtat  rébus  suis  f  clericus  ille  solvat  debitum;  nam 

X. 


CONCILES  ATTRIBUÉS  A  SAINT  PATRICE.       703 


des   païens    qui   voudraient   offrir   quelque 
chose  à  l'église.  Le  quatorzième  "  ordonne 
un  an  de  pénitence  pour  les  crimes  d'homi- 
cide, de  foi'uication,  et  autant  pour  ceux  qui 
consultent  les  aruspices.  Le  quinzième*^  n'or- 
donne que  six  mois  de  pénitence  pour  un 
voleur,  dont  il  devait  Jeûner  vingt  jours  en 
ne  mangeant  que  du  pain.  Il  permet,  après  le 
temps  de  sa  pénitence  écoulé,  de  le  recevoir 
dans  l'Eglise,  mais  en  l'obligeant,  s'il  est 
possible,  de  rendre  le  vol.  Le  seizième  veut 
qu'on  anathématise  un  chrétien'^  qui  croit 
être  sorcier  ou  qui  affecte  de  l'être,  et  dé- 
fend de  le  recevoir  dans  l'Egljse,  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  fait  pénitence.  Le  dix-septième  ex- 
communie les  vierges  '*  qui  se  sont  mariées 
après  avoir  fait  à  Dieu  vœu  de  virginité  ; 
mais  il  leur  accorde  la  pénitence  à  condition 
qu'elles  se  sépareront  de  leur  adultère,  et 
qu'à  l'avenir  elles  ne  demeureront  plus  avec 
lui  dans  une  même  maison  ou  une  même 
métairie.  Le  dix-huitième  refuse  l'entrée  de 
l'église  '^,  même  la  nuit  de  Pâques,  à  un  ex- 
communié, jusqu'à  ce  qu'il  soit  admis  à  la 
pénitence.  Le  dix-neuf  et  le  vingt-deuxième*^ 
déclarent  excommuniée  une  femme  qui  quitte 
son  mari  pour  en  épouser  un  autre,  et  son 
père  même,  s'il  a  consenti  à  cet  adultère.  Le 
vingtième  "  prive  de  la  communion  le  chré- 
tien qui  refuse  de  payer  ce  qu'il  doit,  jusqu'à 
ce  qu'il  ait  satisfait.  11  est  dit  dans  le  vingt- 
unième '**  que  si  un  chrétien  ayant  un  procès 
contre  un  autre  chrétien,  il  l'appelle  devant 
les  juges  civils, au  lieu  de  remettre  l'examen  de 
sa  cause  à  l'Eglise,  il  sera  séparé  de  la  com- 
munion. Le  vingt-troisième  porte  '^  que  si  un 
prêtre  bâtit  une  église,  il  ne  pourra  y  otl'rir 
le  sacrifice  qu'après  avoir  appelé  l'évêque 
pour  la  consacrer. 

Le  vingt-quatrième  défend  à  un  étranger 
qui  vient  s'établir  dans  un  lieu,  de  baptiser, 

si  armis  compugnaverii  cum  illo,  merito  extra  Eccle- 
siam  computetur.  Can.  8, 

0  Cau.  9.  —  ■>  Can.  10. 

s  Quicumque  clericus  ab  aliquo  excommunicatus 
fuerit  :  et  alius  eum  susceperit,  coœquali  pœnitentia 
utantur.  Can.  11.  —  ^  Can.  12.  —  "  Can.  13. 

"  Can.  14.  —  12  Can.  15.  —  i'  Can.  16. 

1*  Virgo  quœ  voveril  Deo,etpostea  nupserit,excom- 
munionis  sit  donec  convertutur  :  si  conversa  fuerit,  et 
dimiserit  adulterium,  pœniletitiam  agat,  et  postea  non 
in  una  domo,  nec  in  ulla  villa  habitent.  Can.  17. 

15  Can.  18.  —  18  Can.  19  et  22.  —  "  Can.  20. 

18  Can.  21. 

13  Si  quis  presbyterorum  eccleiiam  œdificaverit,non 
offerat  antequam  adducat  suum  pontificem,  ut  eum 
consecretf  quia  sic  decet.  Can.  23, 

45 


706 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


d'offrir  ',  de  consacrer  et  même  de  bâtir  une 
église  avec  la  permission  du  prince  païen, 
sans  avoir  auparavant  reçu  celle  de  l'évêque. 
Le  vingt-cinquième  marque  ^  que  l'évêque 
allait  passer  quelque  temps  en  chaque  Eglise 
de  son  diocèse.  C'est  pourquoi  il  ordonne 
que  ce  que  les  fidèles  auront  donné  durant 
ce  lemps-là  appartiendra,  suivant  l'usage 
ancien,  à  l'évêque,  ou  pour  ses  propres  be- 
soins, ou  pour  ceux  des  pauvres,  suivant 
qu'il  le  jugera  à  propos.  Le  vingt-sixième 
ajoute  3  que  si  un  clerc  se  les  approprie, 
c'est-à-dire  apparemment  le  curé,  il  sera  sé- 
paré de  FEglise  comme  amateur  d'un  gain 
sordide.  Le  vingt -septième  défend  à  un 
clerc  *,  sous  peine  d'être  privé  de  la  corumu- 
nion ,  de  faire  aucune  fonction  dans  le  lieu 
où  il  vient  s'établir,  s'il  n'en  a  auparavant 
obtenu  la  permission  de  l'évêque.  Le  vingt- 
huitième  déclare  ^  que  les  clercs  qui  seront 
séparés  de  la  communion,  prieront  chez  eux 
en  particulier  et  non  avec  d'autres,  et  qu'ils 
ne  pourront  ni  offrir  ni  consacrer  jusqu'à  ce 
qu'ils  aient  satisfait  par  la  pénitence.  Le 
vingt-neuvième  ^  ordonne  un  jeûne  de  qua- 
rante jours  pour  tous  ceux  qui  demanderont 
le  baptême,  et  ne  veut  pas  qu'on  le  leur  ad- 
ministre avant  ce  temps.  Le  trentième  per- 
met à  un  évêque  '  d'offrir  le  sacrifice  le  jour 
du  dimanche,  lorsqu'en  ce  jour  il  se  trouvera 
hors  de  son  diocèse  :  mais  il  lui  défend  de 
faire  aucune  ordination  sans  la  permission 
du  diocésain.  Le  trente-unième  ^  veut  que 
l'on  regarde  comme  homicide  et  comme  ex- 
communié un  clerc  qui  en  emploie  un  autre 
pour  tuer  son  ennemi.  Il  est  ordonné  par  le 
trente-deuxième  ^  que  si  un  ecclésiastique 
veut  racheter  des  captifs,  il  le  fera  avec  son 
propre  argent,  et  ne  les  enlèvera  pas  pour 
les  faire  échapper  :  ce  qui  faisait  passer  les 
clercs  pour  des  voleurs  et  déshonorait  l'E- 
glise. Le  trente-troisième  *"  défend  à  ceux  qui 

»  Can.  24. 

'  Si  quœ  a  religiosis  hominibus  donata  fuerint, 
diebus  illis  quibus  pontifex  in  singu/is  habiiaverit 
ecclesils,  pontificalia  doua,  sicut  mos  antiquus  ordi- 
nare,  ad  episcopum  pertine'mnt,  sive  ad  usum  necessa- 
rium,  sive  egentibus  distribuendum  prout  ipse  episco- 
pus  moderavit.  Can.  25. 

3  Can.  26.  —  "-  Can.  27.  —  «  Can.  28. 

^  Si  quis  fratrum  exoijiore  gratiam  Dei  voluerit , 
non  ante  baptizetur  quant  ut  quadragentesimum  agat. 
Can.  29.  —  '  Can.  30.  —  «  Cau.  31.  —  s  Can.  32. 

">  Clericus  qui  de  Britannis  ad  nos  verdi  sine  epis- 
tola  ,  et  si  habitet  in  plelie ,  non  licitum  niinisirare. 
Can.  33. 

"  Diaconus  nobiscum  similiter,  qui  inconsulto  sua 


viendront  de  la  Grande-Bretagne  de  s'habi- 
tuer dans  le  pays,  d'exei'cer  leurs  fonctions 
sans  une  lettre  de  leur  évêque.  11  est  porté 
dans  le  trente-quatrième  "  que  si  un  diacre 
quitte  son  abbé  pour  s'en  aller  en  une  autre 
paroisse,  il  n'y  pourra  servir  à  l'autel  ;  mais 
que  son  curé  ou  son  abbé  (car  il  parait  que 
c'était  la  même  chose)  l'obligera  de  revenir 
à  son  Eghse.  On  ordonne  le  même  traitement 
pour  un  moine  sorti  de  son  monastère  sans 
la  permission  de  son  abbé.  Les  canons  de  ce 
concile  sont  adressés  aux  prêtres,  aux  dia- 
cres et  à  tout  le  clergé.  Ils  ne  portent  en  tête 
que  les  noms  de  saint  Patrice  et  de  deux  au- 
tres évêques,  l'un  nommé  Auxilius,  et  l'autre 
Jéserninus. 

3.  Le  second  concile  que  l'on  attribue  à 
saint  Patrice  '^,  ne  porte  en  tête  ni  son  nom, 
ni  celui  d'aucun  autre  évêque.  Il  y  a  même 
un  canon  dont  le  prescrit  est  conti'aire  à  la 
conduite  que  ce  saint  évoque  gardait  envers 
les  filles  qui  voulaient  consacrer  à  Dieu  leur 
virginité.  Il  les  recevait  malgré  leurs  pa- 
rents '3  :  au  lieu  que  le  canon  qui  est  le 
vingt-septième  '*,  demande  en  termes  exprès 
le  consentement  du  père  pour  recevoir  une 
vierge.  On  ne  peut  donc  rien  décider  sur  le 
lieu  ni  sur  le  temps  de  ce  concile.  Mais  on  ne 
peut  douter  qu'il  ne  soit  très-ancien,  puisque 
les  païens  étaient  encore  communs  dans  le 
pays,  comme  on  le  voit  par  le  second  canon. 

4.  H  y  en  a  trente  et  un  en  tout.  La  plu- 
part paraissent  être  des  réponses  sur  diverses 
difficultés  que  l'on  avait  proposées  aux  évê- 
ques assemblés  en  ce  concile.  Le  premier 
défend  toute  communication  avec  les  pé- 
cheurs '^,  c'est-à-dire  apparemment  avec  ceux 
qui  étaient  excommuniés  pour  des  crimes.  Le 
second  '^  dit  que  l'on  doit  se  contenter,  dans 
la  nécessité,  de  recevoir  des  païens  la  nour- 
riture et  le  vêtement,  comme  la  mèche  de  la 
lampe  ne  prend  de  l'huile  qu'autant  qu'il  en 

abbale  sine  litteris  in  aliam  parochiam  assentiai,  nec 
cibum  ministrare  decet,  et  a  suo  presbytero  quem 
contempsit  per  pœniientium  vindicetur,  et  monachus 
inconsulto  abbate  vagulus  decet  vindicari.  Can.  34. 

1^  Tom.  III  Concil.,  pag.  1481. 

'3  Avidissime  arripuit  illud,  quod  etiam  omnes  vir- 
gines  Dei  similiter  faciunt;  non  voluntate  patrum 
suorum;  immo  persecutiones  patiuntur  et  impropena 
falsa  a  parentibus  suis,  et  nihilominus  plus  augelur 
numerus.  Patrie,  in  Confession.,  cap.  iv,  pag.  536. 

1*  Quod  vult  pater  facial  virgo,  quia  capiit  mulierii 
vir.  Sed  requirenda  est  a  pâtre  loluntas  virginis,dum 
Deus  reliquit  liominem  in  manu  consitii  sui.  Can.  27, 
tom.  m  Concil.,  pag.  1493. 

15  Can.  1,  ibid.  —  '6  can.  2; 


[V^  ET  vie  SIÈCLES.]  CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  ATTRIBUÉS  A  SAINT  PATRICE.       707 


est  besoin  pour  l'entretenir.  Il  est  dit  dans  le 
troisième  '  que  l'abbé  doit  examiner  soi- 
gneusement à  qui  il  donne  le  pouvoir  de  lier 
et  de  délier.  Il  préfère  une  pénitence  moins 
longue^  mais  accompagnée  des  marques  d'un 
sincère  repentir,  à  une  plus  longue,  mais 
plus  tiède  et  plus  languissante.  Le  quatrième 
porte  que  l'on  ne  doit  point  donner  de  malé- 
diction à  un  excommunié,  mais  l'éloigner  de 
la  communion,  de  la  table,  de  la  messe  et  du 
baiser  de  paix,  et  l'éviter  après  une  correc- 
tion, si  c'est  un  hérétique.  Pour  montrer  que 
l'on  ne  doit  juger  de  personne  avant  le  jour 
du  jugement,  le  cinquième  propose  l'exemple 
de  Judas,  qui  fut  condamné  après  avoir  été 
admis  à  la  table  du  Sauveur,  et  celui  du  bon 
larron  reçu  dans  le  paradis  après  le  supplice 
de  la  croix.  Le  septième  ^  défend  de  rebap- 
tiser ceux  qui  ont  reçu  le  symbole,  de  qui 
que  ce  soit  qu'ils  l'aient  reçu,  de  même  que 
la  semence  n'est  point  souillée  par  l'impureté 
de  celui  qui  sème.  Mais  il  déclare  que  ce 
n'est  point  les  rebaptiser  que  de  leur  donner 
ce  sacrement  quand  ils  n'ont  point  reçu  ce 
symbole;  qu'à  l'égard  des  apostats,  il  faut  les 
recevoir  par  l'imposition  des  mains.  Ce  canon 
rappelle  les  anciennes  ordonnances  de  l'E- 
glise sur  ce  sujet.  Il  est  remarqué  dans  le 
liuitiôme  ^que  l'Eglise  n'est  pas  établie  pour 
défendre  les  coupables  :  mais  qu'il  est  bon 
de  persuader  aux  magistrats  de  se  contenler 
de  faire  mourir  par  l'épée  de  la  pénitence 
ceux  qui  se  rofugient.dans  le  sein  de  l'Eglise. 
Le  neuvième  *,  en  laissant  espérer  le  pardon 
aux  ministres  de  l'Eglise  qui  sont  tombés 
dans  quelque  péché  canonique,  leur  ôte  toute 
espérance  de  faire  à  l'avenir  les  fonctions  de 
leur  ministère  :  mais  il  consent  qu'ils  en  con- 
servent le  titre. 

Le  texte  des  autres  canons  est  si  corrompu 
par  la  négligence  des  copistes,  qu'on  a  peine 
à  en  prendre  le  sens.  Le  onzième  regarde 
comme  essentiel  à  la  pénitence  ^  de  cesser 


d'aimer  le  péché.  On  déclare  dans  le  dou- 
zième "  que  ceux  qui,  pendant  leur  vie,  ne  se 
sont  pas  rendus  dignes  de  participer  au  sacri- 
fice, n'y  pourront  trouver  de  secours  après 
leur  mort.  Le  quatorzième  dit  "^  que  les  no- 
valiens  s'abstenaient  pendant  toute  l'année, 
mais  que  les  chrétiens  ne  jeûnaient  qu'en 
certains  temps.  Selon  le  quinzième  ^  on  doit, 
à  l'exemple  du  Sauveur,  instruire  le  peuple 
auquel  on  est  envoyé  ;  mais  le  quitter,  si  on 
lui  devient  inutile,  étant  permis  en  ce  cas  de 
se  taire  et  de  se  cacher.  Au  contraire,  si  l'on 
peut  faire  du  fruit,  il  faut  se  montrer  et  ins- 
truire le  peuple,  quelque  danger  qu'il  y  ail. 
Le  canon  se  fonde  dans  ces  deux  maximes 
opposées  sur  l'exemple  de  Jésus-Christ,  qui 
ordonna  à  un  de  ses  disciples  de  le  suivre, 
et  à  un  autre  de  s'en  retourner  en  sa  maison. 
Le  seizième  ^déclare  nulles  les  ordinations  des 
évêques,  qui  ne  sont  point  faites  conformé- 
ment à  ce  que  l'Apôtre  prescrit  sur  ce  sujet. 
Il  est  ordonné  dans  le  dix-septième  '"que  les 
moines  vivront  dans  la  solitude  sans  richesses 
temporelles  sous  la  puissance  de  l'évêque  ou 
de  l'abbé,  et  qu'ils  éviteront  en  toutes  choses 
ce  qui  est  au  delà  du  nécessaire,  étant  appe- 
lés à  souffrir  le  froid,  la  nudité,  la  faim,  la 
soif,  les  veilles,  les  jeûnes.  Il  semble  fixer 
l'âge  de  la  profession  à  vhigt  ans,  afin  qu'on 
s'engage  à  une  vie  parfaite  en  un  âge  parfait. 
Le  dix-huitième  "  établit  la  différence  des  de- 
grés de  mérites  dans  les  clercs,  dans  les 
moines,  dans  les  vierges,  dans  les  veuves, 
dans  les  laïques  fidèles.  Le  dix-neuvième  '^ 
prescrit  huit  jours  pour  le  catéchuménat,  au 
bout  desquels  les  catéchumènes  doivent  re- 
cevoir le  baptême  aux  solennités  de  Pâques, 
de  la  Pentecôte  et  de  l'Epiphanie.  Le  vingt- 
deuxième  dit  '^  que  celui-là  ne  peut  être  re- 
gardé comme  fidèle,  qui  ne  communie  pas 
la  nuit  de  Pâques.  Le  vingt-troisième  '* parait 
défendre  le  serment  par  tout  autre  nom  que 
celui  de  Dieu.  Le  vingt-cinquième  '^  défend 


1  Can.  3  jusqu'au  7. 

2  Staluunt  ne  baptizati  sint  qui  symboli  traditionem 
a  quocumque  acceperunt ,  quia  non  inficit  semen  semi- 
nantis  iniquilas.  Sin  vero ,  non  est  rebapiizare ,  sed 
baptizare,  non  abluendos  auiem  lapsos  a  fide  creda- 
mus,  nisi  per  impositionem  manus  episcopi  accipi. 
Can.  7. 

8  Non  ad  reorum  defensionem  fada  est  Ecclesia, 
sed  judicibus  persuadendum  est,  ut  spiritali  morte  eos 
occiderent,  qui  ad  sinum  matris  Ecclesiœ  confugiunt. 
Can.  8,  ibid. 

'  Qui  cum  gradu  cecidit,  sine  gradu  surgaf,  contentas 
nomine  tantum  amiitat  ministerium.  Can,  9.  r 


'^  Can.  11.  ■ 

6  Qui  in  vita  sua  non  merebitur  sacrifidum  acci' 
père,  quomodo  post  moriem  illi  poterit  adjuvare? 
Can.  12. 

1  Can.  14    —  8  Can.  15.  —  »  Can.  16. 

1»  Can.  17.  —  11  Can.  18. 

12  Octam  die  catechumeni  sunt,  postea  solemniiatibus 
Domini  haplizanlw,  id  est,  Pascha  et  Pentecoste  et 
lipiphania.  Can.  19. 

13  Cau.  22.  —  1*  Can.  23. 

15  Frater  thorum  defuncti  fratris  non  ascendat.  Do- 
mino dicenle  :  Eruut  duo  in  carne  una.  Ergo  uxor 
at  '   is  tui  soror  tua  est.  Can.  25. 


708 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


d'épouser  la  femme  de  son  frère  ;  la  raison 
qu'il  en  donne,  c'est  que  celte  femme  n'a;yant 
été  qu'une  seule  chair  avec  son  mari,  elle  est 
la  sœur  du  frère  de  ce  mari.  Le  vingt-sixième  ' 
et  le  vingt-huitième^  semblent  permettre  un 
second  mariage  aux  personnes  séparées  pour 
cause  d'adultère,  et  regarder  le  premier  ma- 
riage dissous  par  ce  crime  comme  il  l'est  par 
la  mort. 

ARTICLE  VII. 

DES  CONCILES  d'aeles  [452],  d'angers  [453], 

D'AELES    [455],    DE    CONSTANTINOPLE    [4o9], 
DE   TOUflS   [461]   ET   DE   VANNES   [4B5]. 

Concile  1-  Après  les  actes  du  concile  de  Chalcé- 

raVtbi'.  ""  doine,  on  a  mis  dans  les  collections  ordinai- 
res ceux  du  second  concile  d'Arles,  qui,  se- 
lon l'opinion  la  plus  commune,  s'est  tenu 
vers  l'an  452,  sous  l'évêque  Ravenne.  Nous 
avons  de  ce  concile  cinquante-six  canons, 
qai  sont  presque  tous  tirés  du  premier  con- 
cile d'Arles,  en  413,  et  de  ceux  de  Nicée, 
d'Orange  et  de  Vaison.  Ce  dernier  concile  y 
est  cité  en  termes  exprès  ^  :  ce  qui  est  une 
preuve  que  le  second  concile  d'Arles  n'a  pu 
se  tenir,  au  plus  tôt,  qu'en  443,  celui  deTai- 
son  étant  de  442.  Parmi  ces  canons,  on 
peut  remarquer  le  dixième  *,  qui  ordonne 
sept  ans  de  pénitence  à  ceux  qui  étaient  tom- 
bés dans  la  persécution.  Ce  concile  prétend 
qu'il  en  avait  été  ordonné  ainsi  dans  celui 
de  Nicée,  qui  néanmoins  impose  douze  ans 
de  pénitence  à  ceux  qui  avaient  renoncé  vo- 
lontairement la  foi.  Mais  les  évêques  d'Arles 
citaient  les  canons  de  Nicée,  suivant  ce  que 
Rufm  en  avait  rapporté  dans^on  Histoire  5, 
oii  il  met  sept  ans  au  lieu  de  douze.  Il  ne 
doit  pas  paraître  surprenant  que  l'on  ait  été 
obligé,  en  452,  de  régler  la  pénitence  des 
apostats.  Tout  l'Occident  était  alors  rempli 
de  Barbares,  les  uns  ariens,  et  les  autres 


païens,  qui  tous  ravageaient  l'empire.  Il  y 
avait  même  en  ce  temps-là  chez  les  Gaulois, 
des  restes  d'idolâtrie,  comme  on  le  voit  par 
le  vingt-troisième  canon,  où  il  est  dit  "  que 
si,  dans  le  territoire  de  quelque  évêque,  les 
infidèles  allument  des  flambeaux,  ou  révè- 
rent des  arbres,  des  fontaines  ou  des  pierres, 
l'évêque  qui  néglige  d'abolir  cet  abus,  com- 
met un  sacrilège;  et  que  si  le  maître  ou  celui 
qui  le  fait  faire,  ne  se  corrige,  il  sera  soumis 
à  l'excommunication.  Le  vingt -deuxième  ' 
défend  de  ne  donrier  la  pénitence  aux  gens 
mariés  que  de  leur  consentement,  c'est-à-dire 
à  l'un  des  deux,  du  consentement  de  l'autre. 
La  raison  était  que  l'état  de  pénitent  enga- 
geait à  la  continence,  comme  on  le  voit  par 
le  vingt-unième  ^,  qui  l'ordonne,  soit  aux 
hommes  soit  aux  femmes,  dans  le  temps 
qu'ils  sont  en  pénitence.  C'est  pourquoi  il 
est  défendu  aux  veuves  mises  en  pénitence, 
de  se  marier  avant  que  de  l'avoir  accomplie  : 
si  elles  le  faisaient,  on  leur  interdisait  à 
elles  et  à  leurs  maris  l'entrée  de  l'église.  Il 
en  était  de  même  des  hommes  veufs  qui  se 
mariaient  pendant  le  cours  de  leur  pénitence. 
Cela  s'entendait  ^  de  la  pénitence  publique. 
Le  cinquante-quatrième  '"  prescrit  la  forme 
de  l'élection  des  évêques.  Il  veut  qu'en  pre- 
mier lieu  on  en  bannisse  toute  vue  d'intérêt 
et  d'ambition  :  ensuite  que  les  évêques  de  la 
province  proposent  trois  sujets  dignes  de  i'é- 
piscopat,  et  qu'il  soit  au  pouvoir  du  clergé 
et  du  peuple  de  choisir  l'un  des  trois. 

2.  Sous  le  consulat  d'Opihon,  c'est-à-dire  & 
en  453,  il  se  tint  un  concile  à  Angers,  le  4  «a" 
octobre,  où  assistèrent  sept  évêques.  Ils 
étaient  venus  en  cette  ville  pour  l'ordination 
de  Thalassius.  C'était  à  Eustochius  de  Tours 
de  présider  cette  assemblée;  mais  il  déféra 
cet  honneur  à  Léon  de  Bourges,  qu'il  avait 
invité  de  s'y  rendre.  Thalassius  est  nommé 


'  Non  licet  viro  dimittere  nisi  ob  causam  fornica- 
tionis,  et  si  dicat  ob  haiic  causam  :  imde  si  ducat  al- 
teram  velut  post  mortem  prioris  non  vêtant.  Gan.  2G. 

^  Eadem  ratione  observanda  sunt  prima  conjugia , 
aut  secundis  prima  non  sint  irrita,  nisi  fuerint  adul- 
terata.  Can.  28. 

s  Can.  47. 

'  De  /lis  qui  in  persecutione  prœvaricati  sunt,  si  vo- 
limiarie  fidem  nerjaverint,  hoc  de  eis  Nicœna  synodus 
statuit,  ut  quinque  annos  inler  catechumenos  exigant, 
et  duos  inter  communicantes.  Concil.  Arelat.,  eau.  10, 
tom.  IV  Concil.,  pag.  1012. 

^  Rufin.,  lib.  U  Hist.,  cap.  vi. 

6  Si  in  aiicujus  episcopi  terrilorio  infidèles  aut  fa- 
culas  accendunt ,  aut  arbores,  fontes,  vel  saxa  vene- 
rentur,  si  hoc  eruere  neglexerit ,  sacrilegii  reum  se 


esse  cognoscat.  Dominus  aut  ordinaior  rei  ipsius ,  si 
admonitus  emendare  noluerit,  communione  privetur. 
Can.  23,  pag.  1013. 

'  Pœniientiam  conjugatis  nonnisi  ex  consensu  dan- 
dam.  Can.  22,  ibid. 

8  Pœnitens  quœcumque  defuncto  viro  alii  nubere 
prœsumpserit,  cum  eodem  ab  ecclesiœ  liminibus  ar- 
ceatur.  Hoc  etiam  de  viro  in  pœnitentia  posito  placuit 
oliservari.  Can.  21,  ibid. 

^  Sirmiuid.,  not.  iu  bunc  locum,  pag.  1814. 

">  Placuit  in  ordinatione  episcopi  hune  ordinem 
custodiri,  ut  primo  loco  venalitate  vel  ambitione  sub- 
mota,  très  ab  episcopis  nominentur  de  quibus  clerici 
vel  cives  erga  unum  habeant  eligendi  potestuiem. 
Gan.  S4. 


[V» ET VI" SIÈCLES.]  CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  D'ARLES,  D'ANGERS,  ETC. 


709 


le  dernier,  apparemment  comme  étant  le 
plus  jeune.  Ces  évêques,  avant  que  de  se 
séparer,  firent  quelques  règlements  pour  le 
rétablissement  de  la  discipline  de  l'Eglise. 
Le  premier  défend  *  aux  clercs  de  plaider 
devant  les  juges  séculiers  sans  le  consente- 
ment de  leurs  évêques,  comme  aussi  de 
voyager  et  de  passer  d'un  lieu  à  un  autre 
sans  permission  et  sans  des  lettres  de  re- 
commandation de  leur  part.  Ce  canon  2, 
quant  à  sa  première  partie,  n'est  que  l'a- 
brégé d'une  lettre  que  les  évêques  Léon  de 
Bourges,  Victoire  du  Mans  et  Eustochius  de 
Tours  avaient  écrite  quelque  temps  aupara- 
vant à  Sarmation,  à  Cari;itton  et  à  Didier, 
évêques,  et  aux  prêtres  de  la  troisième 
Lyonnaise,  c'est-à-dire,  de  la  province  de 
Tours.  Quoique  cette  lettre  ne  fût  sous- 
crite que  de  trois  évêques,  elle  avait  néan- 
moins été  composée  de  l'avis  de  plusieurs 
autres.  Il  paraît  même,  par  un  manuscrit 
de  Reims ,  que  les  souscriptions  étaient 
plus  nombreuses,  et  que  c'était  le  résultat 
de  quelque  concile  des  Gaules  dont  nous  ne 
savons  pas  le  lieu.  On  lit,  à  la  fin  de  cette 
lettre,  que  les  ecclésiastiques  qui,  dans  leurs 
différends,  s'adrefseront  au  juge  laïque  sans 
le  consentement  de  leurs  évêques,  seront 
■privés  de  leurs  grades  et  de  leurs  olïïces,  et 
que,  lors  même  qu'ils  auront  quelque  diffi- 
culté avec  les  laïques,  ils  demanderont  d'a- 
bord d'être  jugés  par  leurs  évêques;  mais 
que  si  leur  partie  veut  aller  devant  le  juge 
séculier,  alors  l'évêque  permettra  aux  clercs 
de  comparaître  devant  ce  tribunal. 

Le  second  canon  du  concile   d'Angers  ^ 
avertit  les  diacres  de  déférer  aux  prêtres 


avec  toute  sorte  d'humilité.  Le  troisième  dé- 
fend *  les  violences  et  les  mutilations  de 
membres.  Par  le  quatrième  ^  il  est  défendu, 
sous  peine  d'interdit,  aux  ecclésiastiques,  de 
fréquenter  des  femmes  étrangères,  c'est-à- 
dire,  comme  il  l'explique,  toutes  celles  qui 
sont  au-dessous  des  tantes.  On  y  déclare  en- 
core excommuniés  ceux  qui  auront  aidé  à 
livrer  ou  à  prendre  des  villes;  en  sorte  qu'ils 
ne  pourront  ni  participer  aux  sacrements,  ni 
même  être  admis  à  manger  avec  les  autres 
fidèles  dans  les  repas  ordinaires.  Le  cin- 
quième *  soumet  à  la  même  peine  les  péni- 
tents qui  abandonnent  la  pénitence ,  et  les 
vierges  consacrées  à  Dieu,  qui  sont  volon- 
tairement tombées  dans  le  crime.  Il  est  dit 
dans  la  sixième  '  que  tous  ceux-là  seront 
privés  de  la  communion,  qui  épousent  des 
femmes  dont  le  mari  est  encore  vivant,  les 
séparations  les  plus  légitimes  ne  donnant 
point  la  liberté  de  contracter  de  nouveaux 
mariages.  Il  semble  que  le  septième  ^sépare 
de  l'Eglise  les  clercs  qui  quittent  leur  état 
pour  passer  à  la  milice  séculière,  ou  pour 
vivre  en  laïques.  Le  huitième  ^  regarde  les 
moines  vagabonds,  c'est-à-dire,  ceux  qui 
après  s'être  consacrés  à  Dieu  dans  un  mo- 
nastère, en  sortaient  pour  aller  courir  parmi 
les  provinces,  sans  y  être  obligés  par  au- 
cune affaire  ni  aucune  nécessité,  et  sans 
être  munis  de  lettres  qui  les  autorisent  à  ces 
voyages.  Au  cas  qu'ils  ne  se  corrigent  point 
après  avoir  été  avertis,  le  concile  veut  qu'ils 
soient  privés  de  la  communion.  Le  neuvième  '" 
défend  aux  évêques  d'ordonner  des  clercs 
d'un  autre  diocèse,  sans  le  consentement  de 
l'évêque  diocésain.  Le  dixième  '*  excommu- 


•  Primum  ut  contra  episcopale  judicium  dericis 
non  liceat  prosilire ,  neque  inconsultis  sacerdoiibus 
suis  sœcularia  judieia  expetere  :  sed  nec  de  loco  ad 
locum  sine  episcopi  permissione  transira ,  nec  sine 
commendaliis  sncerdotum  suorum  litieris  commeare. 
Can.  1,  pag.  1020.  — 2Tom.  inCo«c!7.,pag.l507, 1508. 

'  Ut  diaconi  presbyteris  noverint  omni  humilitaie 
deferendum.  Can.  2,  pag.  1021. 

'<  Vt  a  violentia  et  crimine  perputationis  abstineatur. 
Can.  3,  ibid. 

'  Familiaritatem  extranearum  fixminarum  noverint 
esse  vifandam.  Sed  si  qui  sunt  cœlibes,  nonnisi  a 
so^oribus  aut  amitis  suis,  aut  a  matribus  consolen- 
tur...  Si  guis  post  hoc  interdictum  a  prœdictis  fami- 
liaritatibus  se  revocare  noluerit ,  nequaquam  gradu 
altiore  donabitur  :  et  si  jam  ordinatus  fuerit,  non 
nnnisiret.  Tum  si  qui  tradendis  civitatibus  juerint 
interfuisse  detecti,  vel  capiendis,  non  solum  a  commu- 
nions habeuntur  alieni ,  sed  nec  conviviorum  quidem 
admittantur  esse  participes.  Can.  4,  ibid. 

'  Quod  etiam  de  his  accepta  pœniientia  resilierint 


débita  severitale  servabitur.  Quce  forma  etiam  circa 
eas  quœ  de  virginitate  sanctimoniali  crimine  proprio 
deciderunt;  statuto  rigore  permanent.  Can,  5. 

'  Hi  quoque  qui  alienis  uxoribus ,  supersiitibus  ip- 
sarum  maritis,  nomine  conjugii  abutuniur,  a  commu- 
nione  liabeantur  extranei.  Can.  6. 

8  Clerici  quoque,  qui  relicto  clerc  se  ad  sœcularem 
militinm,  et  ad  laicos  coniulerint,  non  injuste  ab  Ec- 
clesia  quam  reliquerunt,  amovcntur.  Can.  7. 

3  Monachi  quoque  qui  cœptam  obseruutionis  viam 
relinquunt,  et  absque  epistolis,  et  absque  certis  nego- 
tiis,  vel  necessitatibus  per  regiones  vagantur  aliénas, 
cognita  districtione,  si  se  non  emend averint ,  ab  abba- 
tibus  suis,  vel  a  sacerdotibus  ad  communionem  non 
recipiantur.  Can.  8. 

1"  Aliis  quoque  episcopis  aliorum  dericis  gradum 
augere  non  liceat.  Can.  9. 

'1  Quicumque  autem  vel  de  laicis  vel  de  clero  mi- 
nistri  fuerint  ordinati,  et  observare  noluerint  ;  si 
laicus,  communicare  non  liceat,  nisi  forte  reprobave- 
rint  criminosos.  Can.  10. 


710 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nie  tous  les  clercs  qui  refusent  de  s'acquitter 
des  fonctions  de  leur  ordre,  à  moins  qu'ils 
ne  prouvent  que  l'on  n'a  pas  été  en  droit  de 
les  ordonner.  Le  texte  de  ce  canon  est  fort 
embarrassé  :  le  père  Sirmond  croit  que  la 
dernière  partie  doit  s'entendre  en  ce  sens, 
que  l'on  ne  doit  excommunier  personne 
qu'après  l'avoir  bien  convaincu  du  crime  qui 
mérite  l'excommunication.  Il  est  ordonné 
dans  le  onzième  '  qu'entre  les  personnes 
mariées  que  l'on  admet  à  la  prêtrise  ou  au 
diaconat,  on  ne  prendra  que  ceux  qui  n'ont 
eu  qu'une  femme  et  qui  l'ont  épousée  vierge- 
Le  douzième  ^  accorde  la  pénitence  et  le 
pardon  à  tous  ceux  qui  ont  confessé  leurs 
fautes  et  qui  se  sont  convertis,  remettant 
néanmoins  ce  pardon  à  la  prudence  de  l'é- 
vêque,  qui  le  leur  accordera  après  qu'ils  au- 
ront fait  pénitence.  Le  concile  ajoute  que 
ceux  qui  négligeront  d'observer  ces  ordon- 
nances, en  seront  punis,  et  qu'il  sera  permis 
à  leurs  confrères  de  s'élever  contre  eux. 
dArfcT,' ?ers  3.  Nous  avous  déjà  remarqué  que  l'ab- 
baye de  Lérins  dépendait  de  l'évèché  de 
Fréjus.  Léonce,  pendant  tout  le  temps  qu'il 
fut  évêque  de  cette  ville  ^,  eut  toujours  au- 
torité sur  tous  les  ecclésiastiques  qui  demeu- 
raient à  Lérins  :  aucun  d'eux  ne  fut  ordonné 
que  par  lui  ou  par  ceux  qu'il  commit  à  cet 
effet.  S'il  en  venait  quelqu'un  dans  cette  ab- 
baye qui  fût  d'un  autre  diocèse,  il  ne  faisait 
les  fonctions  de  son  ordre  qu'avec  son  agré- 
ment. C'était  à  Fréjus  que  l'on  envoyait  de- 
mander le  saint  chrême ,  et  l'évêque  confir- 
mait les  néophytes  de  Lérins,  quand  il  y  en 
avait.  Mais,  à  l'égard  des  laïques  du  monas- 
tère, ils  dépendaient  uniquement  de  l'abbé; 
en  sorte  que  l'évêque  de  Fiôjus  n'en  ordon- 
nait point  qu'à  la  prière  de  l'abbé.  Léonce 
étant  mort,  Théodore  fut  choisi  pour  lui 
succéder.  Comme  il  voulut  pousser  plus  loin 
que  n'avait  fait  son  prédécesseur  ses  droits 
sur  l'abbaye  de  Lérins,  Fauste  qui  la  gou- 
vernait alors,  s'y  opposa  fortement  ;  ce  qui 
causa  un  grand  scandale.  Ravenne,  alors 
évêque  d'Arles,  voulant  y  remédier,  assem- 
bla un  concile  ovi  il  invita  saint  Rustique  de 
Narbonne,  dont  la  réputation  était  grande, 
et  onze  autres  évêques,  dont  la  plupart 
avaient  été  moines  à  Lérins.  Ils  se  trouvè- 


rent donc  treize  en  tout;  et  quoique  saint 
Rustique  fût  plus  ancien  métropolitain  que 
Ravenne,  il  ne  voulut  tenir  que  le  second 
rang.  L'assemblée  se  fit  le  30  décembre, 
dans  le  chœur  de  l'église  d'Arles.  C'était  en 
453  ou  en  461,  au  plus  tard.  Personne  n'y 
fut  admis,  excepté  les  parties  intéressées. 
Après  avoir  adressé  à  Dieu  leurs  prières,  les 
évêques  s'étant  assis,  examinèrent  soigneu- 
sement tout  ce  qui  s'était  passé.  Théodore 
se  plaignit  de  la  manière  dont  Fauste  le  trai- 
tait. Les  évêques  le  prièrent  d'agréer  la  sa- 
tisfaction et  les  excuses  de  cet  abbé,  de  lui 
rendre  son  amitié  et  de  le  renvoyer  à  son 
monastère,  sans  se  souvenir  jamais  des  su- 
jets de  plainte  qu'il  croyait  en  avoir  reçus  ; 
au  contraire,  de  continuer  à  donner  à  cette 
maison  les  consolations  et  les  secours  dont 
elle  avait  besoin.  Les  évêques  du  concile  dé- 
clarèrent, au  surplus,  que  Théodore  et  ses 
successeurs  dans  l'évèché  de  Fréjus  ne  s'at- 
tribueraient sur  l'abbaye  de  Lérins  d'autres 
droits  que  ceux  que  Léonce  y  avait  exercés. 
Telle  fut  la  décision  de  cette  affaire.  Les  évê- 
ques qui  en  furent  les  juges,  disent  avec 
confiance  qu'ils  n'ont  suivi  dans  leur  juge- 
ment que  les  liunières  du  Saint-Esprit.  Nous 
avons  encore  la  lettre  *  que  Ravenne  écrivit 
à  ses  collègues  pour  les  inviter  à  cette  as- 
semblée. Il  les  conjure  de  s'y  rendre  par  la 
charité  que  les  membres  d'un  même  corps  se 
doivent  les  uns  aux  autres.  Elle  est  suivie, 
dans  le  recueil  des  conciles,  de  la  lettre  sy- 
nodique  où  l'affaire  qu'ils  avaient  à  examiner 
est  rapportée  en  abrégé. 
4.  On  n'a  rien  de  bien  assuré  sur  l'année  '   con. 

Constai 

du  concile  que  Gennade,  patriarche  de  Cens-  r^a.vt 
tantinople,  tint  en  cette  ville,  avec  quatre- 
vingt-un  évêques  de  diverses  provinces, 
mais  qui  paraissent  s'être  rencontrés  à  la 
cour  sans  qu'on  les  eût  convoqués  exprès. 
Comme  la  plupart  étaient  d'Egypte  et  avaient 
signé  la  requête  présentée  à  l'empereur 
Léon,  en  457,  contre  Timothée  Elure,  qui 
les  avait  chassés  de  leur  pays,  il  est  vraisem- 
blable que  ce  concile  se  tint  vers  l'an  459, 
où  les  évêques  d'Egypte  se  trouvaient  à 
Constantinople.  II  ne  nous  reste  de  ce  concile^ 
que  la  lettre  circulaire  du  patriarche  Gen- 
nade, contre  la  simonie.  Tous  les  évêques  y 


•  Nonnisi  unius  uxoris  viri,  iidemque  virginibus 
copukUt,  diaconi  vel  presbyteri  ordinentur.  Caii.  11. 

2  Pœnitentiœ  sane  locus  omnibus  paleal,qu!  conversi 
errorem    suum   voluerint  confiteri.    Quibus  perspectu 


qualilate  pp.ccati,secmidum  episcopi  œstimationem  erit 
venia  largimda.  Can.  12,  pas.  102S. 

3  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1024.  —  *  Ibid.,  pag.  1023. 

«  Tom.  IV  OmciL,  pag.  1025. 


i'e  do 
nl'an 


[V»  ET  VI' SIÈCLES.]  CHAPITRE  LUI. 

souscrivirent;  après  quoi  il  l'envoya  au  pape 
afin  qu'il  l'approuvât,  et  à  tous  les  métropo- 
litains de  l'Orient,  afin  qu'ils  en  envoyassent 
des  copies  à  leurs  sufïragants,  et  que  tous 
les  fidèles  s'unissent  en  un  même  esprit  pour 
combattre  un  vice  si  dangereux  et  si  désho- 
norant pour  l'Eglise.  Le  concile  de  Chalcé- 
doine  '  avait  déjà  condamné  la  simonie  par 
un  canon  exprès  :  Gennade  et  son  concile 
renouvelèrent  cette  défense  ^,  ajoutant  l'a- 
nathème  à  la  déposition,  pour  empêcher  que 
personne  n'osât  corrompre  par  des  interpré- 
tations et  des  sophismes  la  pureté  et  la  sim- 
plicité de  l'Evangile  et  de  l'Eglise.  Ils  décla- 
rèrent donc  déposés  et  excommuniés  ^,  sans 
aucune  exception,  tous  clercs  ou  laïques  qui 
auraient  voulu  acheter  ou  vendre  le  minis- 
tère ecclésiastique,  disant  qu'il  fallait  que  la 
grâce  fût  toujours  grâce,  et  qu'elle  ne  s'a- 
chetât point  par  l'argent.  Balsamon  a  placé 
cette  lettre  dans  le  corps  des  lois  ecclésias. 
tiques. 

3.  11  y  eut  à  Tours  un  concile  le  18  novem- 
bre 461  *,  environ  deux  mois  après  que  saint 
Perpétue  en  avait  été  faitévêque.  L'occasion 
de  ce  concile  fut  la  solennité  de  saint  Martin, 
H  novembre.  Les  évêques  qui  s'y  trouvèrent 
étaient  au  nombre  de  huit,  dont  les  plus  con- 
nus sont  saint  Victoire  du  Mans  et  Léon  de 
Bourges.  On  ne  connaît  point  d'où  Vénérand 
était  évèque.  On  sait  seulement  qu'étant 
aveugle,  il  signa  aux  décrets  du  concile  par 
les  mains  de  Jucondin,  son  prêtre.  Ces  dé- 
crets sont  au  nombre  de  treize,  dont  le  pre- 


CONCILES  D'ARLES,  D'ANGERS,  ETC. 


711 


mier  est  une  exhortation  aux  prêtres  et  aux 
diacres,  de  vivre  dans  la  sainteté  et  la  pureté 
de  corps  et  d'esprit  que  demandent  leur  di- 
gnité et  les  fonctions  sacrées.  «  Si  la  conti- 
nence, disent  les  évêques,  est  commandée 
aux  laïques,  afin  qu'ils  puissent  vaquer  à 
l'oraison  et  se  faire  exaucer  de  Dieu,  com- 
bien l'est-elle  plus  aux  prêtres  et  aux  diacres, 
qui  doivent  en  tout  temps  être  prêts  ou  d'of- 
frir le  sacrifice  ^  ou  de  baptiser,  s'il  en  est 
besoin.  »  Les  anciens  canons  privaient  de  la 
communion  les  prêtres  et  les  diacres  mariés, 
qui  depuis  leur  ordination  continuaient  d'a- 
voir commerce  avec  leurs  femmes.  Le  se- 
cond de  Tours  *  modère  cette  rigueur,  en 
leur  laissant  la  communion,  mais  il  les  prive 
de  leurs  fonctions,  avec  défense  de  monter  à 
nn  degré  supérieur.  Il  les  exhorte,  et  en  gé- 
néral tous  les  ecclésiastiques,  d'éviter  les 
excès  du  vin,  qu'il  appelle  le  foyer  de  tous 
les  vices.  Le  troisième  canon  '  leur  défend 
la  fréquentation  des  femmes  étrangères, 
comme  des  sources  d'incontinence,  et  les 
prive  de  la  communion,  si,  après  avoir  été 
avertis  par  l'évêque,  ils  ne  se  corrigent  pas. 
Le  quatrième  '  réduit  au  rang  des  portiers 
les  clercs  inférieurs  à  qui  le  mariage  est  per- 
mis, s'ils  épousent  des  veuves.  On  excommu- 
nie dans  le  cinquième  ^  les  clercs  qui  aban- 
donnent leur  ministère  pour  embrasser  la 
milice  ou  pour  vivre  en  laïques.  Le  sixième  "* 
soumet  à  la  même  peine  ceux  qui  abandon- 
nent la  profession  religieuse,  ou  qui  épou- 
sent des  vierges  consacrées  à  Dieu,  jusqu'à 


1  Tom.  IV  Concii.,  pag.  755. 

"  Tom.  IV  Concii.,  pag.  1026  et  1030. 

3  Quicumgue  hujus  convictus  fuerit  episcopus  vel 
coepiscopus,  vel  viator,  vel  presbyter,  vel  diaconus, 
vel  quivis  alius  ex  canone  vel  ex  laicis,  communi  an- 
tislitum  décréta  condemnaius  est.  Oportet  enim  gru- 
tiam  semper  esse  gratiam ,  et  argentum  apud  eam 
nequaquam  intercedere.  SU  ergo  et  ab  omni  sacerdo- 
tali  dignitate  et  minisierio  alienus  et  anathematis 
loco  subjectus,  qui  et  se  per  pecunias  acquirere  exis- 
timat.  Tom.  IV  Concii.,  pag.  1028. 

"•  Tom.  IV  Concii.,  pag.  1050. 

5  Cum  ergo  laico  absiinentia  imperetur  ut  possit 
orationi  vacans  et  Deum  deprecans  exaudiri  :  quanto 
magis  sacerdotibus  vel  levitis,  qui  omni  momento  pa- 
rati  Deo  esse  debent  in  omni  munditia  et  puritate 
securi,  ne  aut  sacrificinm  offerre,  aut  baptizare,  si  id 
iemporis  nécessitas  poposcerit,  cogantur.  Gan.  1,  tom. 
IV  Concii.,  pag.  1050. 

*  Et  licet  a  patribus  nostris  fuerit  constitutum  ut 
quicumque  sacerdos  vel  levila  filiorum  procreationi 
operam  dare  faisset  convictus ,  a  communione  domi- 
nica  ubslinerelur  :  nos  tamen  huic  dislrictioni  mode- 
rationem  adhibentes  et  justam  constilutionem  molien- 


ies,  id  decrevimus,  ut  sacerdos  vel  /évita  conjugali 
concupiscentia  inhœrens,  vel  a  filiorum  procreatione 
non  desinens,  ad  altiorem  gradum  non  ascendat,  neque 
sacrificium  Deo  offerre,  vel  plebi  ministrare  prœsumat. 
Sufficiut  his  tantum  ut  a  communione  non  efficiantur 
alieni...  Si  quis  vero  in  omni  officia  clericali  Deo  mi- 
litans  ab  ebrietate  se  non  abstinuerit,  secundum  status 
sui  ordinem  competens  in  eum  vindicta  tribuatur. 
Can.  2,  pag.  1051. 

7  Si  quis  vero  clericiis  post  interdictum  episcopi 
sui  illicitis  familiaritatibus  extranearum  fœminarum 
voluerit  inhœrere,  a  communione  habeatur  alienus. 
Gan.  3, ibid. 

8  Ut  clericus  cui  nubendi  datur  licentia,  inter  nup- 
tam  non  excipiat  uxorem.  Quod  si  fecerit ,  uliimum 
in  officia  clericali  teneat  locum.  Gan.  4. 

3  Si  quis  vero  relicto  officii  sui  ordine  clericus  lai- 
cam  voluerit  ayere  vitam,  vel  se  militice  tradiderit, 
excommunicationis  pœna  feriatur.  Can.  5. 

">  Qui  vero  se  sacratis  virginibus  per  conjunctionem 
nefandam  miscuerint,  vel  propositum  professai  re.li 
gionis  dereliquerint ,  uirique  a  connyiunione  habean- 
iur  alieni,  donec  ad  auxilium  pœnitentice  revertantur. 
Can.  6. 


712 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ce  qu'ils  fossent  pénitence  et  se  retirent  du 
précipice  où  le  démon  les  a  jetés.  Il  est  dé- 
fendu, par  le  septième  ',  d'avoir  aucune  com- 
munication avec  les  homicides,  jusqu'à  ce 
qu'ils  aient  effacé  leur  crime  par  la  péni- 
tence. Le  huitième  ^  défend  de  manger  avec 
ceux  qui,  après  avoir  reçu  la  pénitence,  en 
abandonnaient  les  exercices  pour  se  livrer 
de  nouveau  aux  plaisirs  du  siècle,  particu- 
lièrement à  ceux  que  l'on  défendait  aux  pé- 
nitents. Les  pères  du  concile  donnent  pour 
raison  de  cette  peine,  la  honte  et  la  confu- 
sion qui  reviendra  aa  coupable  de  se  voir  sé- 
paré des  tables  communes  :  et  la  crainte  que 
ce  châtiment  imprimera  aux  autres.  Us  ajou- 
tent, que  si  on  ne  le  punit  pas  en  cette  sorte, 
on  pourra  le  priver  de  la  communion  de  l'E- 
glise. Le  neuvième  ^  regarde  la  juridiction 
des  évèques.  Il  prive  de  la  communion  de 
leurs  confrères,  les  évêques  qui  s'attribue- 
raient des  peuples  ou  des  ecclésiastiques 
d'un  autre  diocèse.  Le  dixième  et  le  onzième  * 
sont  sur  la  même  matière.  Ils  séparent  de  la 
communion  de  l'Eglise  les  clercs  qui  quit- 
taient leur  évéque  pour  se  donner  à  un  au- 
tre, et  veulent  ^  que ,  s'ils  sont  élevés  à  un 
degré  supérieur  par  cet  évêque  étranger, 
leur  ordination  soit  nulle,  à  moins  que  leur 
évéque  légitime  n'y  donne  son  consentement. 
Le  douzième  ''  leur  défend  encore  d'aller  en 
voyage  hors  de  leur  diocèse,  sans  avoir  des 
lettres  de  recommandation  de  leur  évêque. 
Le  treizième  ^  leur  permet  quelque  trafic, 
pourvu  qu'ils  l'exercent  sans  usure,  puis- 
qu'elle est  défendue  par  les  commandements 
de  Dieu,  et  qu'il  est  évident  que  ceux  qui  les 
violent,  ne  peuvent  parvenir  à  la  gloire  éter- 

^Hom  icidispenitusnon  communicandum  donecper  con- 
fessionempœniteniiœipsorumcriminadiluantur.Qia.Ti.1. 

2  Si  quis  post  acceptam  pœniteniiam  ad  sceculares 
illecebras,  derelicta  quam  professus  est  pœnitentia , 
fuerit  reversus,  a  communione  Ecclesiœ,  vel  a  convivio 
fiddium  exlrancus  hubeatur  ;  guo  /acilius  et  ipse 
compunctionem  per  liane  confusionem  accipiat,  et  alii 
ejus  terreantur  exemplo.  Can.  8. 

3  Placuit  observari  ut  si  quis  episeopus  in  jus  fra- 
trii  sui  suam  conatus  fuerit  inserere  potestatem ,  ut 
aut  diocœses  aliénas  ,  transgrediendo  terminas  a  pa- 
tribus  constilutos,  pervadat,  aut  clericos  ab  aliis  ordi- 
natos  promovere  prœsumat,  ali  universorum  fratrum 
et  consacerdotmn  suorum  communione  se  alienum  effi- 
ciendmn  non  dubitet.  Can.  9. 

'  Si  quis  vero  clericus  absque  episcopi  sui  permissu 
derelicta  Ecclesia  sua  ad  alium  se  transferre  voluerit 
locum,  alienus  a  communione  habealur.  Can.  10,   11. 

!>  Ordinationes  vero  illicitas  in  irritum  devocamus, 
nisi  salis factio7ie  quœ  ad  pacem  pertinent  componan- 
tur.  Can.  10. 


nelle.  En  finissant  ces  décrets,  les  évèques  . 
du  concile  '  disent  qu'ils  espèrent  de  la  mi- 
séricorde de  Dieu,  par  l'intercession  de  saint 
Martin,  qu'on  les  observera,  et  que  leurs 
confrères  absents  voudront  bien  les  agréer 
et  les  confirmer,  vu  qu'ils  ne  contiennent 
rien  qui  ne  soit  conforme  à  la  doctrine  des 
pères. Thalassius,  évêque  d'Angers,  à  qui  ils 
furent  envoyés,  y  souscrivit  et  permit  de  les 
observer. 

6.  Nous  mettrons  de  suite  le  concile  que  cote 
saint  Perpétue  assembla  à  Vannes  en  Breta-  ra'n"'  ' 
gne,  à  l'occasion  de  l'ordination  de  Paterne, 
évêque  de  cette  ville.  On  ne  sait  point  en 
quelle  année  ce  concile  se  tint;  mais  on  le 
met  ordinairement  vers  l'an  465.  Il  s'y  trouva 
quatre  autre  évêques,  savoir  :  Athénius  de 
Rennes,  Nunéchius  de  Nantes,  Albin  et  Li- 
béralis,  en  sorte  qu'ils  étaient  six  en  tout,  en 
y  comptant  saint  Perpétue  de  Tours,  et  le 
nouvel  évêque  de  Vannes.  Saint  Victoire  du 
Mans  et  Thalassius  d'Angers  n'y  assistèrent 
pas,  en  ayant  été  empêchés  par  quelques 
nécessités.  Mais  les  autres  évêques  leur  en- 
voyèrent des  copies  de  divers  règlements 
qu'ils  firent  ensemble  pour  réformer  certains 
abus  qui  s'étaient  glissés  dans  la  discipline, 
ou  pour  régler  des  choses  qui  ne  l'avaient  pas 
encore  été.  Leur  lettre  à  ces  deux  évêques 
absents,  se  lit  à  la  tête  de  seize  canons,  dont 
quelques-uns  sont  assez  semblables  à  ceux 
du  concile  de  Tours.  Le  premier  ^  sépare  de 
la  communion  ecclésiastique ,  les  homicides 
et  les  faux  témoins,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
effacé  leurs  crimes  par  la  satisfaction  de  la 
pénitence.  Le  second  '"  use  de  la  même 
peine  envers  ceux  quij  répudiant  leurs  fem- 

6  Et  ut  clerici  non  absque  sacerdotum  suorum 
commendatione  ad  alias  provincias,  sive  civitates  am- 
bulare  disponant.  Can.  12. 

'  Itlud  etiam  secundum  Scripturarum  auctoritalem 
vel  Patrum  constiiutionem  addendum  credidimus,  ut 
ne  quis  clericus  qui  negotiandi  sludium  habere  volue- 
rit, usuras  accipiat...  Manifestum  est  enim  beatitudinis 
non  passe  consequi  gloriam  qui  a  prœceptis  divinis 
deviaverit.  Can.  13. 

8  Et  ut  humilitatis  nostrœ  constitutio,  adjuvante 
Bomini  misericordia ,  valeat  custodiri,  sancti  ac  bea- 
tissimi  sacerdotis  domini  Martini ,  quœ  Deo  accepta 
est  obtinebit  intercessio.  Confidimus  enim  sacerdotum 
Domini  consensu  definitionem  nostram  firmandam , 
quœ  cum  Patrum  nostrorum  auctoritate  concordat. 
Ibid.,  pag.  1052. 

3  llaque  censuimus  homicidas  et  falsos  testes  a  com- 
munione ecclesiastica  submovendos,  nisi  pœniteniiœ 
satisfactione  crimina  admissa  diluerint.  Can.  1. 

">  Eos  quoque  qui,  relictis  uxoribus  suis,  sicut  in 
Evangelio   dicitur,  excepta   causa  fornicationis ,  sine 


[ye  ET  vi«  SIÈCLES.]  CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  D'ARLES 

mes  comme  adultères,  sans  avoir  prouvé 
qu'elles  le  fussent,  en  épousaient  d'autres. 
On  prive  par  le  troisième  ',  non-seulement 
de  la  communion  des  sacrements,  mais  en- 
core de  la  table  commune  des  fidèles ,  ceux 
qui,  après  s'être  soumis  à  la  pénitence,  en 
interrompent  les  exercices  pour  se  livrer  de 
nouveau  à  leurs  anciennes  habitudes  et  à 
une  vie  toute  séculière.  Le  quatrième  ^  sé- 
pare de  la  communion  et  met  au  rang  des 
adultères  celles  qui,  après  avoir  fait  profes- 
sion de  virginité  et  reçu  en  conséquence  la 
bénédiction  par  l'imposition  des  mains,  sont 
trouvés  coupables  d'adultères.  Il  ordonne  la 
même  peine  contre  ceux  avec  qui  elles  l'au- 
ront commis.  C'est  encore  ce  qu'ordonne  le 
cinquième  canon  ^  contre  les  clercs  qui  cou- 
rent les  provinces  sans  lettres  de  recomman- 
dation de  leur  évêque.  Le  sixième  *  étend 
cette  peine  aux  moines  qui  voyageront  sans 
de  pareilles  lettres,  et  ordonne  qu'on  les  pu- 
nisse corporellement,  si  les  paroles  ne  sufE- 
sent  pas  pour  les  corriger.  Le  septième  ''  leur 
défend  d'avoir  des  cellules  particulières,  si 
ce  n'est  dans  l'enceinte  du  monastère  et  avec 
la  permission  de  l'abbé.  Encore  le  concile 
restreint  cette  permission  à  ceux  qu'une 
longue  expérience  fait  juger  capables  d'une 
plus  grande  solitude,  ou  à  ceux  qui,  à  cause 


D'ANGERS,  ETC.  7J3 

de  leurs  infirmités,  ne  peuvent  pas  garder 
la  règle  ordinaire.  Le  huitième  ^  défend  à  un 
abbé  d'avoir  plusieurs  monastères,  ou  diver- 
ses demeures;  sinon  des  retraites  dans  les 
villes  pour  se  mettre  à  couvert  des  incur- 
sions de  l'ennemi.  Dans  le  neuvième  ^  il  est 
défendu  aux  clercs,  sous  peine  d'excommu- 
nication, de  s'adresser  aux  tribunaux  sécu- 
liers, sans  permission  de  leur  évêque.  Mais 
il  ajoute,  que  si  l'évêque  leur  est  suspect,  ou 
si  c'est  contre  lui-même  qu'ils  ont  affaire, 
ils  s'adresseront  aux  autres  évêques.  Le 
dixième  *  ordonne  que,  pour  le  maintien  de 
la  charité  fraternelle,  un  évêque  ne  pourra 
promouvoir  à  un  degré  supérieur  un  clerc 
ordonné  par  un  autre  évêque,  sans  la  per- 
mission de  celui-ci.  Le  onzième  ^  porte  que 
les  clercs  à  qui  le  mariage  est  interdit,  c'est- 
à-dire  les  prêtres,  les  diacres  et  les  sous- 
diacres,  ne  pourront  point  assister  au  festin 
des  noces,  ni  aux  assemblées  dans  lesquelles 
on  chante  des  chansons  déshonnêtes  et  où 
l'on  fait  des  danses,  afin  de  ne  pas  salir  leurs 
yeux  et  leurs  oreilles  destinés  aux  sacrés 
mystères.  Le  douzième  '"leur  défend  de  man- 
ger chez  les  Juifs,  et  de  les  inviter  à  manger 
chez  eux,  parce  qu'ils  ne  mangent  pas  de 
toutes  les  viandes  que  nous  croyons  permi- 
ses. Le  treizième  est  contre  l'ivrognerie.  Le 


adultéra  probatione  alias  duxerint,  slatuimus  a  coni- 
munione  similiter  arcendos  :  ne  per  indulgentiam 
nostram  prœiermissa  peccaia,  alios  ad  licentiam  er- 
roris  invitent.  Cau.  2. 

^  Pœnitenies  quoque,  qui  suscepiam  publics  pœni- 
ienfiam  intermisennt ,  et  ad  prioris  erroris  consuetu- 
dinem  revoluii ,  viiœ  se  sœculari  conversationique 
reddiderint,  non  solum  a  communione  dominicorum 
sacrameniorum,  sed  eiiam  a  conviviis  fidelium  sub- 
movendos.  Can.  3. 

'  Eas  etiam  quœ  virginitatem  professes,  et  benedic- 
tionem  fuerint  per  nlanus  impositionem  siib  contesla- 
tione  hujus  proposai  consecutœ,si  fuerint  inadulterio 
deprehensœ,  cum  adulieris  ipsarum  arcendas  a  com- 
munione censemus.  Can.  4. 

'  Clericis  sine  commendalitiis  epistolis  episcopi  sui 
licentia  non  paieat  evagandi ;  et  in  omni  loco ,  ad 
quem  sine  epistolis  episcopi  sui,  ut  dictum  est,  vene- 
rint,  a  communione  habeantur  alieni.  Can.  5. 

'  In  monachis  quoque  per  sententiœ  forma  servetur  : 
quo  si  verborum  increpatio  non  emendaverit,  etiam 
verberibus  statuimus  coerceri.  Can.  6. 

5  Servandum  quoque  de  monachis,  ne  eis  ad  soliia- 
rias  cellulas  liçeat  a  congregatione  discedere  ,  nisi 
forte  prohatis  post  emeritos  labores,  aut  propier  infir- 
mitatis  necessitatem  asperior  ab  abbatibus  régula  re- 
mittatur.  Quod  ita  demum  fiel,  ut  inira  eadem 
monasterii  septa  manenles,  tamen  sub  abbaiis  potestate 
separalas  habere  cellulas  permittaniur.  Can.  7. 

^  Abbatibus  quoque  singulis  diversas  cellas,  aut 
plura  monasteria  habere  non  liceai;  nisi  ianium  prop- 


ier incursum  hosiilitatis  intra  muros  receptacula 
collocare.  Can.  8. 

'  Clericis  nisi  ex  permissu  episcoporum  suorum,  sœ- 
cularia  judicia  adiré  non  liceaÇ  Sed  si  guis  fartasse 
episcopi  sui  judicium  cœperit  hubere  suspectum,  aut 
ipsi  de  proprietaie  aliqua  adversus  ipsum  episcopum 
fuerit  nata  contentio,  aliorum  episcoporum  audientiam, 
non  sœcularium  potesiatum,  debebit  ambire.  Aliter  a 
communione  habeaiur  alienus.  Can.  9. 

*  Episcopi  quoque  ab  aliis  episcopis  ordinatos  cle- 
ricos,  sine  permissu  eorum  a  quibus  fuerint  ordinati 
promovere  ad  superiorem  ordinem  non  prœsumant, 
ne  concordiam  fraternam  injuria  illata  contaminet. 
Can.  10. 

3  Presbyteri,  diaconi  atque  subdiaconi,  vel  deinceps 
quibus  ducendi  uxores  licentia  non  est ,  eiiam  aliena- 
rum  nuptiarum  évitent  convivia,  nec  iis  cœlibus  ud- 
misceantur,  ubi  amatoria  cantanlur,  et  turpia  aut 
obscœni  motus  corporum  choris  et  saltibus  efferuntur  : 
ne  auditus  et  obtutus  sacris  mysteriis  deputatus,  tur- 
pium  spectaculorum  atque  verborum  contagio  polluatur. 
Can.  11. 

i"  Omnes  deinceps  clerici  Judœorum  convivia  évitent, 
nec  eus  ad  convivium  quisqunm  excipiat,  quia  cum 
apud  christianos  ci/ns  communibus  non  utantur,  indi- 
gnum  est  atque  sacrilegum  eorum  cibos  a  christianis 
sumi  :  cum  ea  quœ  Aposiolo  permittente  nos  sumimus, 
ab  illis  judicentur  immunda,  ac  si  inferiores  incipiant 
esse  clerici  quam  Judœi,  si  nos  quœ  ab  illis  apponun- 
iur,  uiamur,  illi  a  nobis  ubluta  contemnanl.  Can.  12. 


714 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


clerc  qui  se  sera  enivré  ',  doit  être  séparé 
de  la  communion  pendant  trente  jours,  ou 
puni  corporellement.  Il  est  remarqué  dans 
ce  canon,  que  le  mal  que  fait  un  homme  ivre, 
sans  le  savoir,  ne  laisse  pas  de  le  rendre  cou- 
pable, parce  que  son  ignorance  est  l'efTet 
d'une  aliénation  d'esprit  volontaire.  Il  est  dit 
dans  le  quatorzième  ^,  qu'un  clerc  qui,  étant 
dans  la  ville  et  n'étant  pas  malade ,  aura 
manqué  d'assister  à  l'office  de  Laudi's,  c'est- 
à-dire  aux  prières  du  matin,  sera  privé  du- 
rant sept  jours  de  la  communion.  Le  quin- 
zième 2  veut  que  l'ordre  des  sacrées  cérémo- 
nies, et  l'usage  de  la  psalmodie  soit  le  même 
dans  toute  la  province.  Il  s'était  introduit, 
parmi  les  ecclésiastiques  qui  faisaient  pro- 
fession de  deviner  l'avenir,  un  usage  supers- 
titieux à  cet  égard.  Ils  prétendaient  connaî- 
tre ce  qui  devait  arriver  en  ouvrant  quelques 
livres  de  l'Ecriture,  et  ils  appelaient  cette 
sorte  de  divination,  les  sorts  des  Saints.  Le 
seizième  *  canon  défend  cet  abus ,  sous 
peine  d'excommunication  ,  le  regardant 
comme  particulièrement  opposé  à  la  piété  et 
à  la  foi. 

7.  Nous  avons  l'avis  qu'un  évèque,  appelé 
Véran,  proposa  touchant  la  continence  des 
prêtres.  Le  père  Sirmond^  avait  cru  d'abord 
que  c'était  dans  un  concile  tenu  à  Cavaillon; 
mais  il  a  depuis  changé  de  sentiment,  et  cru 
que  le  concile  ovi  Véran  proposa  de  faire 
quelques  règlements  touchant  la  continence 
des  prêtres,  s'était  tenu  à  Lyon  vers  l'an  460. 
On  trouve  un  Véran  dans  les  catalogues  des 

•  Ante  omnia  a  clerids  vitetur  ebrieias ,  quœ  om- 
nium viiiovum  fomes  ac  nutrix  est;  nec  guis  potest 
liherurn  corporis  sui  uc  nient is  habere  yudicium,  cum 
captus  vino  a  sensu  probetur  alienus,  et  proclivis  ad 
vilium  mente  labefacta  ducatur,  ac  plerumque  possit 
peccatum  aut  ciimen ,  datum  tiescit ,  incurrere.  Sed 
ignoraniia  talis  non  potest  non  subjacere  pœnœ,  quam 
ex  voîuntaria  amentia  manasse  constiterit.  Itaqve 
eum,  quem  ebrium  fuisse  constiterit,  ut  ordo  patitur, 
aut  trirjinta  dierum  spatio  a  communione  statuimus 
submovendum,  aut  corporali  subdendum  esse  suppli- 
cia. Can.  13. 

2  Clericus  quem  intra  muros  civitatis  suce  manere 
constiterit,  et  a  matutinis  hymnis  sine  probabili  ex- 
cusatione  œgritudinis  inventas  fuerit  defuisse,  septem 
diebus  a  communione  habeatur  extraneus  :  quia  mi- 
nistrum  sacrorum  eo  tempore ,  quo  non  potest  ab 
officia  sua  ulla  hanesta  nécessitas  occupare ,  fas  non 
est  a  salubri  demtione  cessare.  Can.  14. 

5  Rectum  quoque  daximus  ut  vel  intra  prouinciam 
nostrani  sacrorum  ordo  et  psallendi  una  sil  consue- 
tudo  :  et  sicut  mmm  cum  Trinitatis  confessione  fidem 
tenemus ,  unam  et  officiorum  régulant  teneamus  :  ne 
variata  observaiione  in  aliquo  devotio  naîtra  discre- 
pare  credatur.  Cau.  15. 


évêques  de  Lyon,  donnés  par  le  père  Chif- 
flet  °.  Mais  si  ce  Véran  était  le  fils  do  saint 
Eucher,  il  faudrait  dire  qu'il  avait  été  trans- 
féré à  Lyon  :  car  il  était  évêque  du  vivant 
même  de  son  père.  D'autres  mettent  un  Vé- 
ran entre  les  évêques  de  Lyon,  et  différent 
du  fils  de  saint  Eucher.  On  compte  encore 
un  évêque  de  ce  nom  parmi  ceux  de  Cavail- 
lon. Mais  on  n'a  rien  de  décisif  pour  attri- 
buer plutôt  à  l'un  qu'à  l'autre  le  fragment 
dont  nous  parlons.  Véran,  quel  qu'il  soit, 
appuie  son  sentiment  touchant  la  continence 
des  ministres  de  l'autel,  premièrement  sur 
la  pureté  que  la  loi  ancienne  exigeait  de 
ceux  qui  mangeaient  les  pains  de  proposi- 
tion; secondement,  sur  les  dispositions  que 
saint  Paul  demande  dans  ceux  qui  reçoivent 
le  corps  de  Jésus-Christ.  De  ces  principes  il 
conclut  '  que  personne  ne  doit  oser  consa- 
crer la  chair  de  l'Agneau  sans  tache,  immo- 
lée pour  le  salut  du  monde ,  après  s'être 
souillé  en  satisfaisant  aux  passions  charnel- 
les. Comme  on  aurait  pu  lui  objecter  la  dif- 
ficulté de  trouver  des  ministres  de  l'autel 
qui  voulussent  vivre  suivant  les  lois  de  la 
continence  qui  leur  est  imposée  par  les  ca- 
nons, il  répond  que,  dans  les  lieux  voisins  de 
la  ville  ^,  où  se  tenait  le  concile,  il  y  avait 
plusieurs  monastères  considérables  d'où  l'on 
pouvait  tirer  des  personnes  de  probité  pour 
les  employer  aux  fonctions  ecclésiastiques  ; 
en  un  mot,  qu'il  était  plus  honorable  et  plus 
avantageux  pour  l'Eglise,  d'avoir  un  petit 
nombre  de  bons  ministres,  que  d'en  avoir 

*  Ac  ne  id  fortasse  videatur  omissum,  quod  maxime 
fidem  catholicœ  religionis  infestât,  quod  aliquanti 
clerici  student  auguriis,  et  sub  nomine  fictœ  religionis, 
quas  Sanctorum  sortes  vocant ,  divinationis  scienùam 
profitentur,  uut  quarumcumque  Scripturarum  inspec- 
tione  futura  promittunt  :  hoc  quicumque  clericus  de- 
tectus  fuerit  vel  consulere,  vel  docere,  ab  Ecclesia 
habeatur  extraneus,  incolumem  coronam  vestram  Ec- 
clesiœ  suce  Deus  protegat  Domini  fratres.  Can.  16. 

s  Tom.  IV  Concil.,  m  append.,  pag.  1820. 

6  Chiffl.,  Paul.  Illustr.,  pag.  82. 

'  Quis  iinmaculatas  agni  carnes  ad  salutem  mundi 
prœstitas  post  passionum  inqninamenta,  vel  etiam 
audeat  consecrare  ?  Veran.,  tom.  111  Concil.  Harduin, 
pag.  458. 

8  Notum  vobis  est  circa  locabeatitudinis  veslrœ,  sub 
magnorum  Patrum  disciplina,  monachorum  congre- 
galiones  esse  non  parvas,  unde  ad  supplenda  clerico- 
rum  officia  in  promptu  est  viros  bonos  assumi.  Vtilior 
est  enim  in  Ecclesia  paucorum  bonorum  electa  pro- 
batio,  quam  erraticœ  multiiudinis  prœsentia  conglo- 
bata  :  ac  plus  œdificationis  afferunt  rara  virtutis 
exempta,  quam  popularis  licentiœ  abundans  et  incor- 
recta  prœsumptio.  Ibid. 


[ye ET vx' SIÈCLES.]        CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  ROME,  ETC 

beaucoup  dont  les  mœurs  ne  fussent  point 
édifiantes. 

ARTICLE  VIII. 

DES  CONCILES  DE  ROME  [442],  DES  GAULES  [463], 

d'espagne  [464],  DE  ROME  [46SJ,  d'angle- 
terre  [465],   DE   CHALONS  [470],   DE  BOURGES 

[475],d'antioche  [477],d'arles  [475ou477], 
DE  LYON  [vers  le  même  temps],  d'antioche, 
de  laodicée  [479],  de  rome  [484]. 

1       1.  Les  habitants  de  la  ville  de  Béziers 
n'ayant  point  voulu  recevoir  Hermès  *,  ar- 
chidiacre de  Narbonne,  que  saint  Rustique 
leur  avait  donné  pour  évêque,  il  ne  voulut 
ni  se  venger  de  cette  injure,  ni  les  contrain- 
dre à  le  recevoir  malgré  eux;  mais  le  siège 
de  Narbonne  étant  venu  à  vaquer  par  la  mort 
de  saint  Rustique,  il  trouva  moyen  de  s'en 
faire  recevoir  évêque.  Le  prince  Frédéric, 
frère  de  Théodoric,  roi  des  Goths,  qui  appa- 
remment n'aimait  pas  Hermès,  se  plaignit  h 
Rome  de  ce  qu'il  s'était  emparé  du  siège  de 
Narbonne   par  usurpation.  Le  bruit  public 
confirmait  la  plainte  de  ce  prince.  Toutefois 
le  pape  Hilaire,  qui  ne  voulait  rien  précipi- 
ter, écrivit  à  Léonce  d'Arles,  de  lui  envoyer 
au  plus  tôt  une  relation  du  fait  signé  de  lui 
et  des  évêques  les  plus  voisins.  A  peine  cette 
lettre  était-elle  sortie  de  Rome,  que  les  évê- 
ques, Fauste  de  Riez  et  Auxanius  d'Aix  en 
Provence,  y  arrivèrent,  députés  par  les  évê- 
ques des  Gaules  pour  l'éclaircissement  de 
cette  affaire.  Comme  il  y  avait  alors  plusieurs 
évêques  à  Rome,  venus  de  diverses  provin- 
ces pour  célébrer  avec  le  pape  l'anniversaire 
de  son  ordination  qui  tombait  le  19  novem- 
bre 462,  saint  Hilaire  tint  un  concile  où  l'af- 
faire de  l'Eglise  de  Narbonne  fut  examinée. 
On  ordonna  que,  pour  le  bien  de  la  paix, 
Hermès  en  demeurerait  évêque;  mais  qu'a- 
fin  que  cette  affaire  ne  tirât  pas  à  consé- 
quence, il  serait  privé  du  droit  de  métropo- 
litain pour  l'ordination  des   évêques ,  qui , 
pendant  son  vivant,  serait  dévolu  à  Constan- 
tius  d'Uzès,  ou  à  celui  des  évêques  qui  se 
trouverait  le  plus  ancien.  Saint  Hilaire  écri- 
vit le  résultat  du  concile  aux  évêques  des 
Gaules,  par  une  lettre  du  3  décembre  462, 
où  il  rend  un  témoignage  avantageux  à  Her- 
mès, quoiqu'il  blâme  la  manière  dont  il  avait 
été  fait  évêque  de   Narbonne.  Cette  lettre 
contient  plusieurs  ordonnances  pour  le  main- 
tien de  la  discipline,  et  l'on  ne  peut  guère 


.713 

douter  qu'elles  n'aient  été  faites  dans  le 
même  concile.  11  y  est  dit  qu'on  en  assem- 
blerait un  tous  les  ans  d'autant  de  provinces 
qu'on  le  pourrait,  et  que  les  décrets  en  se- 
raient inviolablement  observés;  qu'on  y  exa- 
minerait les  mœurs  et  les  ordiualions  des 
évêques  et  les  ecclésiastiques,  et  qu'au  cas  - 
qu'il  se  rencontrât  quelque  affaire  de  plus 
grande  importance  que  l'on  n'y  pourrait  ter- 
miner, on  en  consulterait  le  Saint-Siège.  Il 
y  est  encore  ordonné  que  les  ecclésiastiques 
ne  pourront  sortir  de  leur  diocèse  sans  lettre 
de  leur  évêque,  ni  les  évêques  aller  hors  de 
leur  province  sans  lettre  de  leur  métropoh- 
tain;  qu'il  ne  sera  point  permis  d'aliéner  les 
terres  de  l'Eglise  sans  l'approbation  du  con- 
cile provincial  ou  national,  si  ce  n'est  des 
terres  désertes  ou  onéreuses.  Cette  lettre  fut 
apportée  aux  évêques  des  Gaules,  par  Fauste 
et  .Auxanius. 

2.  Saint  Léon  avait  ordonné,  en  450,  que 
la  province  de  Vienne  serait  divisée,  en  sorte 
que  Valence  ,  Tarentaise  ,  Genève  et  Gi-eno- 
ble  demeureraient  seules  sous  la  métro- 
pole de  Vienne,  et  que  les  autres  Eglises  re- 
connaîtraient l'évèque  d'Arles  pour  leur  mé- 
tropolitain. Sans  avoir  égard  à.  ce  règlement, 
saint  Mamert,  archevêque  de  Vienne,  ordonna 
en  463  un  évêque  à  Die,  quoique  cette  ville 
fût,  suivantla  disposition  de  saint  Léon,  sou- 
mise à  Arles.  Gondiac,  roi  des  Bourguignons, 
à  qui  appartenait  alors  la  ville  de  Die,  de 
même  que  celle  de  Vienne,  se  plaignit  au 
pape  du  procédé  de  saint  Mamert  ^  préten- 
dant qu'il  s'était  rendu  maître  de  la  ville  par 
violence ,  et  qu'il  avait  donné  à  ceux  de  Die 
un  évêque  malgré  eux.  Saint  Hilaire  se  plai- 
gnit à  Léonce  d'Arles  de  ce  qu'il  ne  lui  avait 
rien  mandé  de  l'entreprise  de  l'archevêque 
de  Vienne  ,  et  le  chaigea  de  lui  faire  rendre 
compte  de  sa  conduite  dans  le  concile  qui  se 
devait  assembler  tous  les  ans,  et  de  l'ins- 
truire de  toute  cette  affaire  par  une  lettre 
commune.  La  lettre  du  pape  était  du  10  oc- 
tobre 463.  Léonce  lui  envoya  une  relation 
bien  circonstanciée  de  toute  l'affaire,  et  quel- 
que temps  après ,  vingt  évêques  des  Gaules 
lui  écrivirent  sur  le  même  sujet,  par  Antoine, 
leur  collègue  et  leur  député,  après  s'être  as- 
semblés en  concile ,  suivant  les  désirs  du 
pape.  Dans  la  réponse  qu'il  leur  fit  le  24  fé- 
vrier 464,  il  dit  que  l'évèque  de  Vienne  aurait 
dû  être  déposé  avec  celui  de  Die,  qu'il  avait 


Concile  des 
Gaules  à  Ar- 
les, co  463. 


1  Tom.  IV  Concil.j  pag.  1024. 


2  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1043.  —  s  ibid.;  pag.  1043 


•716 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ordonné  contre  les  règles;  mais  que,  pour 
conserver  la  paix  des  Eglises,  il  chargeait 
l'évêque  Véron,  l'un  d'entre  eux.  comme  dé- 
légué du  Saint-Siège,  d'aller  trouver  Mamert 
devienne  pour  l'admonester  de  ne  plus  rien 
entreprendre  de  semblable,  sous  peine  d'être 
privé  de  la  juridiction  sur  les  quatre  églises 
laissées  à  Vienne  par  saint  Léon,  et  qui  dès 
lors  seraient  soumises  à  la  juridiction  d'Arles. 
•  Il  veut,  au  surplus,  que  l'ordination  de  l'évê- 
que de  Die  soit  confirmée  par  Léonce  d'Arles, 
au  cas  qu'il  le  juge  à  propos. 
Concile  3.  Sylvain  ,  évêque  de  Calahorra  ,  à  l'ex- 

en  'mTi  de  trémité  de  la  Gastille  ,  y  ordonnait  divers 
éveques  à  1  msu  et  sans  1  agrément  d  Asca- 
gne  de  Tarragone,  son  métropolitain.  Dès 
l'an  437,  il  avait  ordonné  un  évêque  que  le 
peuple  ne  demandait  point ,  et  avait  pris  un 
curé  d'un  autre  diocèse  pour  le  faire  évêque 
malgré  lui.  Ascagne,  averti  de  ce  désordre 
par  l'évêque  de  Saragosse,  assembla  ,  pour 
y  remédier  ' ,  tous  les  évêques  de  sa  province, 
vers  l'an  464.  Soit  qu'ils  ne  se  crussent  pas 
en  état  de  contenir  Sylvain ,  qui ,  averti  déjà 
plusieurs  fois,  n'en  était  devenu  que  plus  in- 
solent; soit  qu'il  fût  soutenu  par  quelques 
personnes  puissantes,  ils  trouvèrent  à  propos 
de  prier  le  pape  de  leur  prescrire  ce  qu'ils 
devaient  ordonner  touchant  cet  évêque  dans 
leur  concile.  Ils  demandaient  encore,  dans 
leur  lettre  au  pape ,  qu'il  voulût  bien  confir- 
mer la  translation  de  l'évêque  Irénée  à  Bar- 
celonne,  disant  que  Nundinaire,  qui  en  était 
évêque ,  avait  déclaré  en  mourant  qu'il  sou- 
haitait avoir  pour  successeur  Irénée  ,  et  que 
les  évêques  de  la  province  ayant  égard  à  la 
volonté  du  défunt  et  au  désir  du  peuple  et  du 
clergé  de  Barcelonne,  avaient  consenti  à  la 
translation  d'Irénée.  Ces  deux  affaires  furent 
examinées  dans  un  concile  que  le  pape  tint 
à  Rome  ,  le  19  novembre  463  ,  dans  la  basi- 
lique de  Sainte-Marie,  à  l'occasion  de  l'anni- 
versaire de  son  ordination.  Il  s'y  trouva  qua- 
rante-huit évêques  ^ ,  dont  deux  étaient  des 


Gaules ,  Ingénuus  d'Embrun  et  Saturne  d'A- 
vignon ;  saint  Maxime  de  Turin  est  nommé  le 
premier  après  le  pape.  On  fît  dans  ce  concile 
quelques  règlements  que  saint  Hilaire  pro- 
nonça et  qui  furent  approuvés  par  les  accla- 
mations des  autres  évêques  ,  sans  qu'on  les 
eût  obligés  de  donner  auparavant  leurs  avis 
en  particulier.  Le  pape  dit  d'abord  ^  que  sa 
qualité  de  principal  évêque  l'obligeait  à  pren- 
dre plus  de  soin  qu'aucun  autre  de  la  disci-  . 
pline  de  l'Eglise;  que  sans  cela  il  se  rendrait 
d'autant  plus  coupable,  qu'il  était  plus  élevé 
en  dignité.  Il  avertit  ensuite  qu'on  ne  devait 
point  élever  aux  ordres  sacrés  *  tous  ceux 
qui  auraient  été  mariés  à  d'autres  qu'à  des 
vierges,  ou  qui  l'auraient  été  deux  fois.  Il 
ajouta  s  qu'on  devait  encore  exclure  de  ces 
ordres  ceux  qui  ne  savaient  pas  les  lettres  ou 
à  qui  l'on  avait  coupé  quelques  membres,  ou 
qui  avaient  fait  pénitence  publique.  Il  dit  en- 
core qu'un  évêque  "  doit  condamner  de  lui- 
même  ce  que  lui  ou  ses  prédécesseurs  ont 
fait  contre  les  règles  de  l'Eglise;  qu'autre- 
ment il  en  sera  châtié.  Le  dernier  règlement  ' 
défend  aux  évêques  do  désigner  en  mou- 
rant leurs  successeurs.  Cela  regardait  ce  qui 
était  arrivé  à  Barcelonne.  Afin  que  les  évêques 
fussent  témoins  de  ce  que  ceux  d'Espagne 
avaient  écrit  sur  ce  sujet,  le  pape  fil  lire  leurs 
lettres ,  dont  les  évêques  présents  interrom- 
pirent deux  fois  la  lecture  en  se  récriant  con- 
tre l'abus  de  donner  les  évêchés  comme  par 
testament.  Il  fît  lire  aussi  la  lettre  touchant 
les  entreprises  de  Sylvain,  et,  après  quelques 
acclamations,  ayant  demandé  les  avis,  saint 
Maxime  de  Turin  ,  et  les  autres  évêques  du 
concile  après  lui ,  protestèrent  qu'ils  ne  fe- 
raient jamais  rien  de  ce  qui  était  défendu  par 
les  canons.  Saint  Hilaiie  conclut  en  décla- 
rant que  les  actes  de  ce  qui  s'était  passé  se- 
raient écrits  et  publiés  par  des  notaires,  afin 
d'en  informer  toutes  les  Eglises. 

4.  On  met  au  nombre  des  conciles  l'assem-      r,or 
blée  que  firent  les  Bretons  dans  la  province   vet°° 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1033,  1035.  —  2  Pag.  106. 

3  Quia  nos  qui potissimi  sacerdotis  adniinistramus  of- 
ficia, talium  transgressionum  culparespiciet,  si  in  causis 
Dei  desides  fuerimus  inventi.  Siquidem  reatu  majore 
delinquii,  gui  potiori  honore  perfruitur  :  et  graviora 
facit  vitia  peccatorum,  sublimitas  dignitutum.  Can.  1, 
Tom.  IV,  Concil.  pag.  1060. 

*  Cavendum  imprimis  est  ne  ad  sacratos  gradus  quis- 
quam,  qui  uxorem  non  virginem  duxit,  aspiret.  Repel- 
lendus  est  etiam  quisque  qui  in  secundœ  uxoris  nupiias 
contra  apostolica prœcepta  convenit.  Can.  2^  ibid. 

'  Iiiscii  quoque  litterarum.  necnon  et  aliqua  membro- 


rum  damna  perpessi,  et  hi  qui  ex  pœnitentibus  sunt,  ad 
sacros  ordines  aspirare  non  audeant.  Can.  3,  ibid. 

6  Sed  et  quod  quis  commisit  illicite,  aut  a  decessori- 
bus  suis  invenit  admissum,  si  proprium  periculum  vult 
vitare,  damnabit.  Can.  4,  ibid. 

'  Plerique  sacerdotes  in  mortis  confînio  constitufi,  in 
lûcum  suum  feruntur  alios  designatis  nominibus  subro- 
gare  :  ut  scilicet  non  expectetur  légitima  eleciio,  sed  de- 
functi  gratificatio  propopuli  habeatur  assensu.  Siplacet 
etiam  hanc  licentiam  generaliter  de  Eccelsiis  auferamus, 
ne  homini  quisquam putet  deberi  quod  Dei  est.  Can.  5, 
ibid. 


[¥=  ET  VF  SIÈCLES.]        CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  ROME,  ETC. 


717 


de  Galles  en  Angleterre,  pour  l'élection  d'un 
roi  '.  Le  choix  tomba  sur  Ambroise  Aurélien, 
homme  sage  et  modeste  ^,  et  le  seul  Romain 
qui  restât  dans  l'île.  Il  succéda,  dans  la 
royauté,  à  Vertigerne  ^,  que  l'on  dépeint 
comme  un  homme  superbe  et  tyran.  Am- 
broise s'efforça  de  réparer  tous  les  maux  que 
l'Angleterre  avait  soufTerts  sous  le  règne  de 
son  prédécesseur;  il  rebûtit  les  églises  et  fit 
refleurir  la  religion.  Les  Bretons  ayant  repris 
sous  lui  un  peu  courage  et  demandé  à  Dieu 
de  les  aider,  ils  attaquèrent  les  Saxons  et 
remportèrent  sur  eux  la  victoire. 

5.  La  mort  de  Paul ,  évêque  de  Châlons  *, 
qui  arriva  vers  l'an  470,  occasionna  beaucoup 
de  désordre  dans  cette  Eglise.  Saint  Patient, 
archevêque  de  Lyon,  à  qui  il  appartenait  en 
qualité  de  métropolitain  ,  de  pourvoir  à  un 
successeur,  vint  en  cette  ville  avec  saint  Eu- 
phroné,  évêque  d'Autun,  et  les  autres  évo- 
ques de  la  province.  Ils  la  trouvèrent  parta- 
gée ^  en  diverses  factions  par  les  brigues  de 
trois  compétiteurs,  dont  aucun  n'avait  les 
qualités  nécessaires  à  un  évêque.  Saint  Pa- 
tient et  saint  Euphrone,  qui  ne  cherchaient 
que  le  bien  de  l'Eglise,  ne  s'embq^rassèrent, 
en  cette  occasion,  ni  de  la  haine  ni  des  bonnes 
grâces  des  hommes  ,  et ,  ne  cherchant  qu'à 
remplir  leur  devoir,  ils  jetèrent  les  yeux  sur 
un  saint  prêtre  nommé  Jean ,  qui  ne  pensait 
à  rien  moins  qu'à  l'épiscopat  et  qui  ne  le  dé- 
sirait en  aucune  façon.  Leur  dessein  ayant 
été  approuvé  des  autres  évêques  de  l'assem- 
blée, ils  lui  imposèrent  les  mains.  Jean  avait 
été  lecteur  dès  son  enfance  et  avait  passé  par 
tous  les  degrés  du  ministère  ecclésiastique 
avant  de  parvenir  à  celui  de  la  prêtrise,  qu'il 
honorait  par  la  sagesse  de  sa  conduite ,  par 
sa  charité  et  par  sa  douceur.  Son  ordination 
fit  beaucoup  de  bruit  parmi  le  peuple;  les 
factieux  en  demeurèrent  comme  interdits,  les 
méchants  en  rougirent,  mais  les  bons  en  mar- 
quèrent leur  joie  et  leur  approbation  par  des 
acclamations  réitérées.  La  conduite  de  Jean 
dans  l'épiscopat  confirma  le  jugement  que 
saint  Patient  et  les  autres  évêques  de  la  pro- 
vince en  avaient  fait.  Il  est  honoré  publique- 
ment dans  son  Eghse  le  30  avril. 

6.  Il  n'y  eut  pas  moins  de  factions  dans 
l'élection  qui  se  fit  à  Bourges,  vers  l'an  472. 

»  Tom.  IV  Concil,  pag.  1059. 

2  Gild.,  de  Excid.  Britan.,  cap.  xxv. 

3  Ibid.  cap.  xsui. 

*  Tom.  IV  Concil.,  append.  pag,  1820. 
'  Sidon.,  lib.  IV,  Eptst.  25. 


Plusieurs  demandaient  ouvertement  l'épis- 
copat, jusqu'à  offrir  de  l'argent  pour  y  par- 
venir; mais  nul  d'entre  eux  n'en  était  jugé 
digne  par  aucun  autre.  Saint  Sidoine,  ordonné 
depuis  peu  évêque  de  Glermontdans  la  même 
province, futa'ppelépar  un  décretdescitoyens 
et  suivant  l'ordre  des  canons  ",  de  venir  à 
Bourges  pour  l'élection  d'un  nouvel  évêque. 
Informé  des  brigues  du  grand  nombre  et  de 
l'impudence  des  prétendants ,  il  écrivit  à 
Agrécius  de  Sens,  métropolitain  de  la  pro- 
vince voisine,  pour  le  prier  de  venir  présider 
à  cette  élection  avec  les  évêques  ses  sufïra- 
gants.  Il  écrivit  encore  à  saint  Euphrone  d'Au- 
tun '.  Mais  la  présence  de  ces  évêques  n'ayant 
pas  eu  la  force  de  faire  tomber  les  brigues, 
le  peuple  de  Bourges  ne  consentit  à  se  dépar- 
tir du  droit  d'élire  que  pour  se  rapporter  de 
l'élection  à  saint  Sidoine  seul.  On  fit  donc  un 
décret  *  par  lequel  on  lui  donnait  en  parti- 
culier le  pouvoir  de  nommer  un  évêque,  avec 
promesse  de  s'en  tenir  à  son  choix.  Saint  Si- 
doine accepta  la  commission ,  et ,  après  en 
avoir  délibéré  avec  les  autres  évêques,  il  con- 
vint de  faire  le  lendemain  un  discours  au 
peuple ,  dans  lequel  il  déclarerait  celui  qu'il 
jugeait  digne  de  l'épiscopat.  11  nomma  Sim- 
phce,  homme  d'un  âge  mûr,  d'esprit  et  de 
savoir,  qui  joignait  à  beaucoup  d'humanité 
et  de  charité  pour  les  pauvres  une  grande 
fermeté  et  une  grande  modestie.  Simplice  fut 
donc  reçu  et  ordonné  évêque  de  Bourges,  et 
il  n'y  a  aucun  doute  qu'il  ne  se  soit  acquitté 
dignement  de  son  ministère,  puisque  l'Eglise 
de  ces  deux  villes  lui  donne  le  nom  de  saint. 

7.  Pierre-le-Foulon,  qui  s'était  emparé  du 
siège  d'Antioche  après  la  retraite  de  Marty- 
rius  5 ,  ayant  été  obligé  de  le  quitter  par  or- 
dre de  l'empereur  Léon  ,  en  471,  y  retourna 
quelque  temps  après  par  ordre  de  Basilisque, 
cette  Eglise  étant  devenue  vacante  par  la 
mort  de  Julien ,  évêque  catholique  de  cette 
ville.  Son  séjour  à  Antioche  ne  fut  pas  de 
longue  durée.  Zenon,  qui  avait  repris  les 
rênes  de  l'empire,  fit  déposer  Pierre-le-Foulon 
par  un  concile  d'Orient,  qui  mit  à  sa  place 
Etienne  et  confirma  le  concile  de  Chalcédoine. 

8.  Dans  les  Gaules,  un  prêtre  de  Provence, 
nommé  Lucide,  répandait  diverses  erreurs 
sur  la  prédestination  et  sur  la  grâce.  Fauste, 

6  Sidon.,  lib.  VII,  Epist.  S.  —  '  Ibid.,  EpisU  8. 

8  Ibid.,  Epist  9. 

9  Brenic.  Eutich.  hœres.,  tom.  IV  Concil.,  pag.  1082, 
Libérât.,  cap.  xvui,  et  tom.  IV  Concil.,  pag.  1151. 


Conci!e 
d'A  n  1 1  ocha 
vers  l'an  A'?. 


CoDciIca 
d'Arles,  Tera 
l'an  475  ou 
'(77  et  de  Lyon 
Ters  le  même 
temps. 


718 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


alors  évêque  de  Riez,  fit  tous  ses  efforts  pour 
le  ramener  à  la  vérité.  Outre  plusieurs  en- 
tretiens dans  lesquels  il  agit  avec  lui  avec 
beaucoup  de  bonté  et  de  douceur  pour  le  ga- 
gner plus  aisément,  il  lui  adressa  un  écrit  où 
il  lui  marquait  en  peu  de  mots  ce  que  Ton 
doit  croire  ou  rejeter  sur  ces  matières.  Fauste 
n'ayant  point  réussi ,  et  Lucide  continuant  à 
répandre  ses  erreurs,  cette  affaire  fut  portée 
à  un  concile  de  trente  évéques  assemblés  à 
Ai'les  par  l'évêque  Léonce  '.  On  le  met  ordi- 
nairement en  Tannée  475,  mais  rien  n'em- 
pêche qu'on  ne  le  diffère  de  quelques  années, 
puisque  Léonce  remplit  le  siège  d'Arles  de- 
puis l'an  461  jusque  vei-s  l'an  484.  Il  s'y  trouva 
trente  évéques,  entre  autres  saint  Euphrone 
d'Autun ,  saint  Patient  de  Lyon ,  Fauste  de 
Riez  et  saint  Mamert  de  Vienne.  Tout  ce  que 
nous  savons  de  ce  concile,  c'est  qu'on  y  parla 
beaucoup  de  la  prédestination  et  que  les  er- 
reurs que  Lucide  avait  avancées  sur  cette 
matière  y  furent  condamnées.  Lucide  se  ré- 
tracta par  un  écrit  qu'il  adressa  aux  pères 
du  concile.  Les  propositions  qu'il  condamne 
ne  sont  pas  tout  à  fait  les  mêmes  que  celles 
dont  Fauste  avait  exigé  de  lui  la  condamna- 
tion ,  mais  on  voit  bien  que  la  doctrine  qu'il 
promet  de  tenir  tend  à  croire  que  Jésus-Christ 
est  mort  pour  tous  les  hommes;  que  Dieu  ne 
prédestine  personne  à  la  damnation  ;  que  le 
libre  arbitre  n'a  point  péri  en  Adam  et  que 
la  grâce  de  Dieu  n'exclut  point  la  coopéra- 
tion de  l'homme.  Léonce  d'Arles  avait  donné 
à  Fauste  le  soin  de  recueillir  ce  qui  s'était  dit 
dans  le  concile  sur  les  matières  de  la  prédes- 
tination et  de  la  grâce.  Fauste  satisfit  à  ce 
que  l'on  demandait  de  lui;  mais  il  n'avait  pas 
encore  achevé  cet  ouvrage,  ou  du  moins  il 
ne  l'avait  pas  rendu  public ,  lorsqu'un  nou- 
veau concile  ^,  qui  se  tint  à  Lyon  au  sujet  de 
quelques  erreurs  qui  se  répandaient  appa- 
remment encore  sur  les  mêmes  matières, 
chargea  Fauste  d'ajouter  certaines  choses  à 
son  ouvrage.  C'est  tout  ce  qu'on  sait  de  ce 
concile  de  Lyon ,  qui  vraisemblablement  se 
tint  sous  saint  Patient,  qui  en  fut  évêque 
jusque  vers  l'an  480.  Ussérius  ^  rapporte  à 
ce  concile  ce  qu'on  lit  dans  un  manuscrit  *, 
que  saint  Patient  produisit  le  livre  des  Dogmes 
ecclésiastiques.  On  ne  sait  ce  que  c'était  que 
ce  hvre ,  mais  ce  ne  pouvait  être  celui  que 


Gennade,  prêtre  de  Marseille,  composa  sous 
ce  titre  après  l'an  492 ,  longtemps  après  la 
mort  de  saint  Patient. 

9.  ïhéophanes  dit  qu'Etienne  ayant  été 
ordonné  évêque  d'Antioche,  dans  un  concile 
tenu  en  cette  ville ,  il  envoya  à  Acace  sa  let- 
tre synodique ,  dans  laquelle  il  lui  donnait 
avis  de  son  ordination  et  de  la  condamnation^ 
de  Pierre-le-Foulon  et  de  Jean  d'Apamée. 
Acace  en  assembla  un  lui-même  à  Constan- 
tinople^,  où  il  les  condamna  tous  deux.  Après 
la  mort  d'Etienne,  évêque  d'Antioche,  on 
élut  pour  lui  succéder  un  second  Etienne.  Il 
semble  que  c'est  de  celui-ci  que  le  Synodique 
dit  ^  qu'il  éprouva,  aussitôt  après  son  oi'dina- 
tion,  la  fureur  des  hérétiques.  Les  partisans 
de  Pierre-le-Foulon  le  voulurent  faire  passer 
pour  nestorien;  ils  l'en  accusèrent  devant 
l'empereur  Zenon ,  de  qui  ils  obtinrent  la 
tenue  d'un  concile  d'Orient  à  Laodicée  en 
Syrie.  L'atiaire  y  fut  examinée;  mais  le  con- 
cile, voyant  que  les  accusateurs  d'Etienne 
étaient  tous  gens  reprochables ,  ne  voulut 
point  admettre  leur  témoignage;  il  le  déclara 
innocent  et  le  l'établit  dans  son  siège.  La  sen- 
tence du  concile  de  Laodicée  n'arrêta  pas  les 
accusateurs  d'Etienne.  Toujours  animés  con- 
tre lui,  ils  l'attaquèrent  dans  l'église  de  Saint- 
Barlaam  martyr  et  le  massacrèrent  aux  pieds 
des  autels ,  se  servant  à  cet  effet  de  roseaux 
■  pointus  comme  des  traits,  après  quoi  ils  traî- 
nèrent son  corps  et  le  jetèrent  dans  la  rivière 
d'Oronte.  Mais  Evagre  applique  ^  à  Etienne, 
qui  occupa  le  siège  d'Antioche  immédiate- 
ment après  Pierre-le-Foulon,  tout  ce  que  nous 
venons  de  dire  de  la  fureur  des  eutycliiens. 
Cet  historien  fait  Calandion  successeur  d'E- 
tienne. Quelque  temps  après  son  ordination, 
Calandion  en  donna  avis  au  pape,  en  lui  fai- 
sant excuse  de  ne  la  lui  avoir  pas  mandée 
plus  tôt,  et  sou  concile  la  fit  avec  lui.  C'était 
sans  doute  un  concile  d'Antioche.  Il  s'en  tint 
un  à  Alexandrie,  pour  l'élection  de  JeanTa- 
laïa,  vers  l'an  48i.  Taiaïa,  suivant  la  cou- 
tume, envoya  sa  lettre  synodique  au  pape 
Simplice  et  à  Calandion  d'Antioche;  mais 
celle  qu'il  avait  adressée  à  Acace  de  Cons- 
tantinople  ne  lui  ayant  pas  été  rendue,  cet 
évêque  se  piqua  et  irrita  l'empereur  Zenon 
contre  Taiaïa.  Il  conçut  même  le  dessein  de 
le  chasser  de  son  siège.  A  cet  etlet,  il  en 


J'Ai.t 
(le  [,i<, 
eo  470. 


»  Tom.  IV  Concil.,  pag.   1041  et  1044.  —  2  Ibid., 
pag.  1041.  —  '  Usser.,  Ecoles.  Britan.,  pag.  427. 
*  ïom.  II  Concil.  Harduin.,  pag.  810. 


s  Tom.  II  Concil.  Harduin.,  in  indice.,  ad  an.  478. 
6  Liber.,  cap.  xxvm.  —  '' Tom. IV ConaV.^  pag.  1132. 
i"  Evagr.,  lib.  III,  cap.  x. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  ROME  ET  DE  CARTHAGE. 


[V^  ET  VP  SIÈCLES.] 

écrivit  au  pape,  qui  s'y  opposa  inutilement. 
Talaïa  fut  chassé  d'Alexandrie  et  Pierre  Mon- 
gus  rétabli  en  sa  place.  Talaïa  appela  de  la 
sentence  au  pape,  alla  à  Rome  pour  solliciter 
son  rétablissement,  et  mourut  en  paix  à  Noie 
en  Campanie ,  dont  Simplice  lui  avait  donné 
l'Eglise  à  gouverner. 

10.  Les  évêques  Vital  et  Misène,  que  le  pape 
Félix  avait  envoyés  à  Constantinople  en  484, 
étant  de  retour  à  Rome,  il  se  tint  un  concile  ' 
où  on  les  obligea  de  rendre  compte  de  leur 
conduite.  C'était  sur  la  fin  de  juillet  de  la 
même  année.  Il  s'y  trouva  soixante-sept  évê- 
ques, en  présence  desquels  les  légats  furent 
convaincus,  tant  par  la  lettre  d'Acace,  qu'ils 
avaient  apportée  avec  eux,  que  par  les  témoi- 
gnages de  Siméon  et  des  autres  acémètes,  et 
par  celui  du  prêtre  Sylvain,  de  s'être  unis  de 
communion  avec  Acace  et  Pierre  Mongus  2. 
Après  que  le  concile  en  eut  dressé  des  actes, 
il  rendit  une  sentence  par  laquelle  Vital  et 
Misène  furent  privés  de  la  dignité  épiscopale 
et  même  de  la  participation  des  mystères. 
Ensuite  il  prononça  un  nouvel  anathème 
contre  Pierre  Mongus  ',  en  protestant  que 
jamais  l'Eglise  romaine  ne  l'avait  reconnu 
pour  évêque,  et  qu'elle  ne  le  recevrait  jamais, 
en  étant  indigne.  Acace,  qui  ne  pouvait  dou- 
ter que  Mongus  ne  fût  un  usurpateur  et  qu'il 
n'eût  même  été  ordonné  par  un  seul  évêque, 
contre  les  règles  de  l'Eglise,  n'avait  pas  laissé 
de  communiquer  avec  lui.  Il  n'avait  pas  voulu 
se  séparer  de  sa  communion  ,  quoique  Sim- 
plice et  Félix  l'en  eussent  averti.  Cité  de  se 
justifier  devant  le  pape,  il  l'avait  refusé.  Tous 
ces  faits  ayant  été  bien  constatés  *,  le  concile 
jugea  qu'il  ne  fallait  point  différer  de  le  con- 
damner, de  peur  que,  comme  il  s'était  souillé 
par  la  communion  des  hérétiques,  le  Saint- 
Siège  ne  fût  aussi  souiUé  en  demeurant  dans 
sa  communion.  La  sentence  ne  porte  que  le 
nom  de  Célius  Félix  ^,  évêque  de  la  sainte 
Eglise  catholique  de  Rome,  quoiqu'elle  eût 
été  signée  par  tous  les  évêques  du  concile, 
au  nombre  de  soixante-sept.  Car  il  était  d'u- 
sage, dans  les  conciles  d'Italie  ,  où  l'on  trai- 
tait de  la  foi,  que  les  décisions  ne  portassent 
que  le  nom  du  pape.  Nous  avons  une  lettre 
synodale  ^  d'un  concile  de  Rome ,  tenu  l'an- 
née suivante,  485,  adressée  aux  clercs  et  aux 


719 


moines  d'Orient,  auxquels  il  déclare  qu'il  a 
ratifié  de  nouveau  la  condamnation  d'Acace. 
Cette  lettre  est  souscrite  de  Candide,  de  Ti- 
voli et  de  quarante-deux  autres  évêques.  Il 
paraît  que  le  concile  '  en  écrivit  une  sem- 
blable à  l'empereur,  pour  se  plaindre  de  ce 
qu'Acace  ne  discontinuait  point  ses  violences 
et  sa  tyrannie,  de  ce  qu'il  ne  tenait  aucun 
compte  de  son  excommunication  et  de  ce  qu'il 
avait  chassé  Calandion  du  siège  d'Antioche. 
Elle  n'est  pas  venue  jusqu'à  nous,  non  plus 
que  celles  qu'ils  écrivirent,  ce  semble,  au 
clergé,  au  sénat  et  au  peuple  de  Constanti- 
nople. 

ARTICLE  IX. 

CONCILES  BE  ROME  [487],  ET  DE  CARTHAGE  [484]. 

1.  Les  Eglises  d'Afrique  qui  avaient  en 
vain  cherché  de  la  consolation  dans  l'Orient, 
en  trouvèrent  en  Occident.  Félix,  informé 
des  maux  qu'elles  souffraient,  écrivit  pour 
tâcher  d'y  remédier,  aux  légats  qu'il  avait 
envoyés  à  l'empereur  Zenon,  afin  d'engager 
ce  prince  à  faire  cesser  la  persécution  qu'Hu- 
néric  faisait  aux  catholiques  d'Afrique.  Nous 
n'avons  plus  cette  lettre  du  pape,  et  nous 
n'en  savons  que  ce  qu'en  rapporte  Evagre  ^ 
dans  le  troisième  livre  de  son  Histoire  ecclé- 
siastique. Mais  il  y  a  apparence  que  ce  fut 
en  conséquence  de  cette  lettre  que  l'empe- 
reur Zenon  envoya  Uranius  à  Hunéric,  en 
484.  Uranius  dit  en  effet,  selon  le  rapport 
de  Victor  de  Vite  '',  qu'il  était  venu  en  Afri- 
que pour  la  défense  des  Eglises  catholiques. 
La  légation  d'Uranius  ne  produisit  aucun  ef- 
fet. Hunéric,  pour  lui  montrer  qu'il  ne  crai- 
gnait personne,  disposa  plusieurs  bourreaux 
et  les  plus  cruels  dans  les  rues  et  dans  les 
places  par  où  cet  ambassadeur  devait  passer 
en  allant  au  palais  et  en  s'en  retournant. 
C'était  faire  une  étrange  injui'e  à  l'empire 
romain,  et  insulter  à  sa  faiblesse  :  mais  la 
révolte  d'IUus  contre  Zenon  était  un  motif  à 
Hunéric  de  ne  le  pas  craindre.  Gontamond, 
son  successeur,  ayant  rappelé  d'exil  saint 
Eugène,  évêque  de  Cartbage,  en  487,  rendit 
aux  catholiques  de  la  même  ville,  le  cime- 
tière de  Saint-Agilée.  Mais  il  ne  rappela  les 
évêques  et  ne  se  fit  ouvrir  les  égUses  qu'en 
494.  Les  évêques  d'Afrique  ne  pouvant  donc 


CoQcile   da 
Rome,  on  t'a» 

«87. 


1  Tom.  IV  ConcU.,  pag,  1124,  1125  et  seq. 
''■  Voyez  l'article  d'Acace  de  Goustantinople,  num. 
19,  20  et  21. 
8  Evagr.,  lib  111,  oap.  xxi. 


*  Evagr.,  1201,  1202  et  pag.  1083 1072. 
s  Tom.  IV  Cowi/.,  pag.  1073.  —  ^  Ibid.,  pag.  1124. 
'  Ibid.,  pag.  1126.  —  *  Evagr.,  lib.  111,  cap.  sx. 
9  Vict.,  lib.  V,  pag.  77. 


720 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


s'assembler  pour  remédier  aux  maux  que  la 
persécution  avait  causés  dans  leur  province, 
le  pape  Félix  fit  voir  encore  en  cette  ren- 
contre combien  il  avait  à  cœur  l'intérêt  des 
Eglises  d'Afrique.  Il  assembla  un  concile  à 
Rome,  dans  la  basilique  de  Constantin,  le  14 
mars,  sous  le  consulat  de  Roëce,  c'est-à-dire, 
en  487.  Il  s'y  trouva  quarante  évéques  d'Ita- 
lie, quatre  évêques  d'Afrique,  Victor,  Donat, 
Rustique  et  Pardale,  envoyés  peut-être  de 
la.  part  de  leurs  collègues,  comme  saint  Cy- 
prien  en  avait  envoyé  autrefois  consulter  le 
Saint-Siège,  sur  la  manière  dont  ils  devaient 
se  conduire  dans  la  réconciliation  de  ceux 
qui  étaient  tombés  dans  la  persécution.  11  y 
eut  dans  ce  concile  soixante-seize  prêtres  qui 
sont  tous  nommés  dans  les  actes  du  concile. 
Le  pape  y  marqua  d'abord  combien  il  était 
affligé  de  la  désolation  des  Eglises  d'Afrique, 
où  non-seulement  le  simple  peuple  et  les 
clercs  inférieurs,  mais  les  diacres,  les  prêtres 
et  les  évêques  s'étaient  laissés  rebaptiser.  Il 
y  a  apparence  qu'il  fit  lire  dans  cette  assem- 
blée des  mémoires  qu'on  lui  avait  communi- 
qués sur  toutes  ces  choses;  et  que  le  concile 
ayant  réglé  ce  qu'il  y  avait  à  faire  en  cette 
rencontre,  le  pape  en  forma  une  lettre  qu'il 
fit  lire  ensuite  par  le  diacre  Anastase.  Elle 
est  adressée  à  tous  les  évêques  des  diffé- 
rentes provinces  et  contient  le  résultat  du 
concile. 
Décrets  du  2.  Celle  que  nous  avons  n'est  datée  que 
d'un  an  après  la  tenue  du  concile,  savoir  le 
i  5  mars  488,  sous  le  consulat  de  Dynamius 
et  de  Siphidius  :  ce  qui  fait  croire  que  le 
pape  en  envoya  des  copies  originales  en  di- 
vers endroits,  selon  les  besoins,  et  qu'il  da- 
tait ces  copies  du  temps  qu'il  les  envoyait.  Il 
marque  aux  évêques  que  l'on  doit  appliquer 
à  ceux  qui  sont  tombés  dans  la  persécution, 
des  remèdes  propres  à  leurs  plaies  ',  de  peur 
que,  si  on  les  voulait  fermer  avant  le  temps. 


concile  de 
Rome. 


non-seulement  cela  ne  servît  de  rien  à  des 
personnes  attaquées  d'une  peste  mortelle, 
mais  encore  que  les  médecins  ne  se  rendis- 
sent aussi  coupables  que  les  malades,  pour 
avoir  traité  trop  superficiellement  un  mal  si 
pernicieux.  11  veut  d'abord  ^  que  l'on  distin- 
gue la  personne  et  la  condition  des  tombés 
qui  demandent  indulgence;  que  l'on  examine 
s'il  est  vraiment  pénitent,  dans  le  désir  de 
satisfaire  à  Dieu,  s'il  a  une  vraie  douleur  de 
s'êlre  laissé  rebaptiser;  et  s'il  a  commis  ce 
crime  par  contrainte  :  parce  que  la  condition 
de  celui  qui  a  été  forcé,  doit  être  dilïérente 
de  celui  qui  s'y  est  laissé  aller  volontaire- 
ment, et  que  l'on  doit  traiter  plus  sévère- 
ment celui  qui  s'est  laissé  engager  par  ar- 
gent. Ensuite  il  ordonne  de  punir  leur  faute 
par  les  moyens  ordinaires;  en  sorte  que, 
renonçant  à  toute  honte  et  à  toute  délica- 
tesse ^,  ils  embrassent  les  jeûnes,  les  gémis- 
sements et  les  autres  pratiques  salutaires, 
dans  le  temps  où  elles  leur  seront  imposées, 
et  pour  tout  le  temps  qu'on  leur  prescrira, 
la  grâce  n'étant  accordée  qu'aux  humbles  et 
non  pas  aux  superbes.  Descendant  ensuite 
dans  le  particulier  ^,  il  ordonne  que  les  évê- 
ques, les  prêtres  et  les  diacres  qui  auront 
consenti  à  êti"e  rebaptisés,  ou  qui  auront  été 
contraints  par  la  violence  des  tourments,  se- 
ront soumis  à  la  pénitence  jusqu'à  la  mort, 
sans  assister,  même  aux  prières,  non-seule- 
ment des  fidèles,  mais  encore  des  catéchu- 
mènes. Il  leur  accorde  néanmoins  à  tous  la 
communion  laïque  à  la  mort,  après  qu'une 
personne  habile  aura  examiné  avec  soin  leur 
disposition. 

Pour  les  ecclésiastiques,  les  moines,  les 
religieuses  et  les  séculiers  qui,  étant  tombés 
sans  y  avoir  été  contraints,  témoigneront  un 
véritable  désir  de  se  relever,  il  veut  que,  con- 
formément à  la  règle  établie  dans  le  concile 
de  Nicée  ^,  ils  passent  trois  ans  dans  le  rang 


'  Competens  adhibenda  est  talibus  medicina  vulneri- 
bus,  ne  immatura  curandi  facilitas  morlifera  captis  peste 
nihil  prosii,  sed  segnius  tracta  pernicies,  reatu  non  li- 
gitimœ  curationis  involvat  pariter  saucios  et  medentes, 
Félix.,  Epist.  1,  tom.  IV  Concil.,  pag.  107S. 

2  In  primis  itaque  venientis  ad  vos  et  remedium  pos- 
tulantis,  sollicite  discutienda  est  professio  et  persona 
decepti,  ut  modela  possit  congruens  exhiberi,  et  qui  sa- 
tisfaciurus  Deo,  per  pœniteniiam  se  rabaptizatum  légi- 
time dolueiit;  iitrum  ad  hoc  facinus  concurrent,  an 
impulsus  accesserit,  requiratur;  aliter  nccessitatis ,  ali- 
ter tractanda  est  ratio  voluntatis.  Deterior  est  autem 
causa  illius  qui  forte  pretio  soUicitatus  est  ut  periret. 
Ibid. 


'  Nec  pudeat,  aut  pigeât  indictis  jejuniorum,  gemi- 
tuumque  temporibus  obedire,  aut  aliis  observantiœ  salu- 
brioris  obtemperare  prœceptis  :  quia  humilibus  datur 
gratiu,  non  superbis.  Ibid. 

*  Ut  ergo  ab  Ecclesiœ  sUmmitatibus  inchoemus  eos  quos 
episcopos,  presbyteros,  vel  diaconos  fuisse  constiterit  et, 
seu  optantes  forsitan,  seu  coactos  lavacri  illius  unici sa- 
lutarisque  claruerit  fecisse  jacturam...  in  pœnitentia 
si  resipiscunt,  Jacere  conveniet  :  nec  orationi  non  modo 
fidelium,  sed  ne  catechumenorum  omnimodis  interesse, 
quibus  communio  laica  iantum  in  morte  reddenda  est. 
Quam  rem  diligentius  explorare  vel  facere  probatissi- 
mi  saccrdotis  cura  debebit.  Félix,  Epist.  7,  pag.  1076. 

^  De  clericis  autem  et  monachis  aut  puellis,  aut  sœcu- 


r 


[V=  ET  YI=  SIÈCLES.]  CHAPITRE  LUI. 

des  catéchumènes,  sept  ans  dans  celui  des 
prosterués  ou  pénitents,  et  deux  ans  assis- 
tants à  l'oraison  avec  les  fidèles  laïques,  sans 
néanmoins  otfrir  aucunes  oblations.  11  ajoute 
que  si  les  mêmes  personnes  sont  tombées 
par  la  violence  des  tourments,  on  les  admet- 
tra à  la  participation  du  sacrement  ,  par 
l'imposition  des  mains,  après  une  pénitence 
de  trois  ans.  A  l'égard  des  enfants  clercs  ou 
laïques  ',  le  pape  ordonne  qu'ils  seront  te- 
nus quelque  temps  sous  l'imposition  des 
mains,  et  qu'après  cela  on  leur  rendra  la 
communion,  de  crainte  qu'ils  ne  tombent 
dans  de  nouvelles  fautes  pendant  le  temps 
de  lem'  pénitence;  mais  que  ni  eux  ni  aucun 
de  ceux  -  qui  auront  été  baptisés  ou  rebap- 
tisés hors  de  l'Eglise  catholique,  ne  pourra 
jamais  être  aJmis  au  ministère  ecclésiasti- 
que, et  que  ceux  qu'on  y  aura  élevés  par 
surprise,  seront  déposés;  que  les  catéchu- 
mènes de  l'Eglise  qui  auront  j'eçu  le  baptême 
des  ariens,  seront  trois  ans  entre  les  audi- 
teurs 3,  puis  entre  les  catéchumènes,  parmi 
lesquels  ils  auront  permission  de  prier  jus- 
qu'à ce  qu'ils  reçoivent  avec  eux  la  grâce  de 
la  communion  catholique,  par  l'imposition 
des  mains.  C'était  un  usage  général  dans 
l'Eglise  *,  de  donner  l'Eucharistie  aux  péni- 
tents^ lorsqu'ils  la  demandaient  à  la  mort. 
C'est  pourquoi  Félix  ordonne  que  si  quel- 
qu'un de  ceux  qui  ont  été  mis  en  pénitence 
se  trouve  à  l'extrémité,  il  recevra  le  viatique, 
soit  du  même  évêque  qui  lui  aura  imposé 

laribus,  servari  prœcipimus  hune  ienorem  quein  Nicœna 
synodus  circaeos  qui  tapsisunt,  vel  fuerint,  servandum 
esse  cotistituit,  ut  scilicet,  qui  nulla  necessilate,  nullius 
rei  timoré  ut  periculo,  se  ut  rebapiiientur  hœreticis 
impie  dediderunt,  si  tamen  eos  ex  corde  pœnitet,  tribus 
annis  inter  audientes  sint  :  septem  autem  annis  subja- 
ceant  inter pcenitentes  manibus  sacerdotum  :  duobus  au- 
tem annis  oblationes  modis  omnibus  non  sinantur  offer- 
re,  sed  lantummodo  sœcularibus  in  oratione  socientur. 
ll)id. 

'  Pueris  autem  seu  clericis  sive  laicis,  aut  etiam  si- 
milibus  puellis,  quibus  ignoraniia  suffragaiur  œiatis, 
aliquandiu  sub  manus  impositione  detentis,  reddenda 
communio  est  :  nec  eorum  expedanda  pœnilentia,  quos 
excipit  a  coercilione  censura.  Ibid. 

^  Illo  per  omnia  cusiodire,  ne  ex  eis  unquam  qui  in 
qualibet  œtate  alibi  quam  in  Ecclesia  cathoiica  aut  bap- 
tizati,  aut  rebaptizaii  sunt  ad  ecclesiaslicam  militiam 
prorsus  non  permittantur  accedere.  De  suo  ordine  et 
communione  videbitur  ferre  judicium  quisquis  hoc  vio- 
laverit  institutum,  vel  qui  non  remooerit  eum  quem  ex 
eis  ad  ministerium cléricale  obrepsisse cognoverit.  Ibid., 
pag.  1077. 

»  Nec  catechumenos  nosiros  qui  sub  tidi  professione 
baptizaii  sunt  prœlermiltimus....  tribus  annis  inter  au- 
dientii  sint,  et  posiea  cum  catechumenis  per  manus  im- 


CONCILES  DE  ROME  ET  DE  CARTHAGE. 


721 


X, 


la  pénitence,  soit  de  tout  autre  ou  même  de 
tout  prêtre,  après  s'être  assuré  néanmoins 
que  cette  personne  avait  été  admise  à  la  pé- 
nitence. Le  pape  défend  au  surplus  aux  évê- 
ques  et  aux  prêtres  ^,  de  recevoir  dans  leurs 
villes  le  pénitent  d'un  autre  évêque,  sans 
son  attestation  par  écrit,  soit  que  ce  pénitent 
s'avoue  être  lié,  soit  qu'il  prétende  être  dé- 
lié. 11  ajoute  que  s'il  arrive  quelque  cas  im- 
prévu, on  en  demandera  la  solution  au  Saint- 
Siège.  On  ne  doit  pas  oublier  que  le  pape, 
après  avoir  ordonné  d'accorder  la  commu- 
nion à  ceux  qui,  avant  que  d'avoir  accompli 
le  temps  de  leur  pénitence ,  se  trouvent  à 
l'article  de  la  mort  «,  veut  que  s'ils  revien- 
nent eu  sauté,  ils  ne  communiquent  qu'à  la 
prière  seulement,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
achevé  le  temps  prescrit  pour  leur  pénitence, 
selon  qu'il  avait  déjà  été  ordonné  par  le  con- 
cile de  Nicée. 

3.  Il  ne  faut  pas  être  surpris  que  le  concile 
donne  généralement  aux  évèques  le  pouvoir 
d'absoudre  ceux  qui  étaient  tombés  dans  la 
persécution;  les  pénitents  n'en  auraient  point 
trouvé  en  Afrique  de  qui  ils  eussent  pu  re- 
cevoir l'absolution,  Hunéric  ayant  défendu 
aux  évèques  qui  y  étaient  restés  ',  de  récon- 
cilier personne.  Car  ils  n'étaient  pas  venus 
tous  à  la  conférence  de  Carthage,  en  ayant 
apparemment  été  empêchés  par  maladie. 
Tous  les  évèques  nommés  dans  la  ISotice 
d'Afrique,  ne  sont  que  quatre  cent  soixante- 
trois.  On  n'y  en  voit  point  d'Hippone  ni  d'A- 

positionem  communionis  catholicœ  graiiam  percepturi, 
Ibid. 

*  Quod  si  ut  pote  morlales,  [intra  metas  prœscripti 
temporis  cœperit  vitœ  finis  urgere,  subveniendum  est 
imploranti,  et  seu  ab  episcopo  qui  pœnitentiam  dederit, 
seu  ab  alio  qui  tamen  datam  esse  probauerii;  similiter 
a  presbytero  viaticum  abeunii  de  sœculo  non  negetur. 
Ibid.,  pag.  1076. 

s  Cavendum  ero  maxime  ne  quis  fratrum  coepiscopo- 
rumque  nostrorum,  aut  etiam  presbyterorum,  in  alterius 
cioitale,  vel  diœcesi  pœnitentem,  vel  sub  manu  positum 
sacerdotis,  aut  eum  qui  reconciliatum  se  esse  dixerit, 
sine  episcopi  vel  presbyteri  testimonio  et  litteris,  ad  cu- 
jus  pertinet  parochium,  presbyter  aut  episcopus  in  civi- 
tate  suscipiat.  Ibid.,  pag.  1077. 

6  Quod  est  nobis  provide  constitutum,  ne  hi  quibus  in 
terrent  labe  contagii  plus  minusve  restât  ad  vitam,  dam 
adhuc  pœnitentia  sunt,  pœnitenda  committant.  Quod  si 
anle  prœfmiium  pœnitentiœ  tempus  desperalus  a  medi- 
cis,  aut  evidentibus  morlis  pressus  indiciis,  recepta  quis- 
quam  communionis  gratta  convalescit  ;  servemusidquod 
Nicœni  canones  obseruaverunt,  ut  habeatur  inter  eos, 
qui  in  oratione  sala  communicant,  donec  impleatur  spa- 
tium  temporis  eidem  prœstiiuium.  Ibid. 

■î  Vict.Vit.,  lib.  IV,  pag.71,  et  tom.  IV  Co«ci/.,pag, 
1127. 

4G 


AssemLléâ 
lie  («artbage, 
eu  4V4, 


722 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


driimet,  ni  de  plusieurs  autres  Eglises  d'A- 
frique. La  conférence  avait  été  indiquée  par 
Hunéric,  pour  le  1"  février  de  l'an  484  ', 
avec  ordre  aux  évêques  catholiques  d'y  dis- 
puter de  la  foi  avec  les  évêques  ariens,  et  de 
prouver  par  les  Ecritures  leur  créance  tou- 
chant la  consubstantialité  des  personnes  di- 
vines. L'édit  qui  porte  cette  convocation,  est 
du  20  mai  483.  11  vint  à  Garthage  des  évê- 
ques, non-seulement  de  toute  l'Afrique,  mais 
encore  des  lies  qui  étaient  sous  la  domina- 
tion des  Vandales.  Hunéric  fit  séparer  ceux 
qu'il  savait  être  les  plus  habiles  d'entre  les 
évêques  catholiques,  et  les  persécuta  sous 
divers  prétextes.  Les  autres  s'étant  assem- 
blés au  lieu  marqué  pour  la  dispute,  choisi- 
rent dix  d'entre  eux  qui  devaient  répondre 
pour  tous,  afin  que  les  ariens  ne  les  accusas- 
sent point  d'avoir  voulu  les  accabler  par  leur 
grand  nombre.  Cyrila,  qui  prenait  la  qualité 
de  patriarche  des  ariens,  vint  à  l'assemblée 
accompagné  de  ses  évêques  et,  ce  semble, 
des  soldats  d'Hunéric.  Il  s'assit  en  un  lieu 
élevé  sur  un  trône  magnifique,  pendant  que 
les  évêques  cathohques  étaient  debout. 
Comme  il  semblait  par  là  vouloir  se  déclarer 
juge  et  ai-bitre  de  la  conférence,  les  catholi- 
ques, après  s'être  plaints  de  ce  faste  et  avoir 
dit  que  l'on  devi'ait  garder  l'égalité  dans  une 
dispute,  demandèrent  qu'il  y  eût  des  com- 
missaires pour  juger  de  ce  qui  se  dirait  de 
part  et  d'autre,  ou  du  moins  les  plus  sages 
du  peuple ,  pour  être  spectateurs.  Pendant 
que  Ton  disputait  là-dessus,  un  secrétaire 
d'Hunéric  prenant  la  parole,  dit  :  «  Le  pa- 
triarche Cyrila.  »  Les  cathohques  l'interrom- 
pirent en  demandant  qu'on  leur  montrât 
par  quelle  autorité  Cyrila  prenait  ce  titre. 
Alors  les  ariens  firent  grand  bruit,  et  leurs 
soldats  se  jetant  sur  les  catholiques  qui 
étaient  présents,  ils  les  maltraitèrent  à  coups 
de  bâton.  Sur  quoi  saiut  Eugène,  évêque  de 
Garthage,  s'écria  :  «  Que  Dieu  voie  de  quelle 
manière  on  nous  opprime,  et  qu'il  soit  le  juge 
des  violences  qu'on  nous  fait.  »  Le  tumulte 
apaisé,  les  évêques  catholiques  dirent  à  Cy- 
rila de  proposer  ce  qu'il  voudrait.  Il  répon- 
dit :  «  Je  ne  sais  pas  le  latin.  »  —  «  Nous 
savons,  dirent  les  catholiques,  que  vous  avez 
toujours  parlé  latin  :  ainsi  vous  ne  devez  pas 
demeurer  dans  le  silence,  vu  surtout  que 


»  Vict.  Vit.,  ibid.,  pag.  36. 

2  Vict.  Vit.,  lib.  111,  pag.  42. 

3  Vict.  Tuu.,  in  Chron.,  pag.  3.  —  *  Idem,  ibid. 


c'est  vous  qui  avez  excité  tout  cet  orage.  » 
On  dit  quelque  chose  du  terme  de  consubs- 
tantiel  :  mais  Cyrila,  voyant  les  évêques  ca- 
tholiques mieux  préparés  au  combat  qu'il 
n'avait  cru,  chercha  divers  prétextes  de  dis- 
soudre l'assemblée.  Les  catholiques  qui  l'a- 
vaient prévu,  avaient  dressé  une  profession 
de  foi  où  ils  s'expliquaient  avec  beaucoup 
de  netteté  et  d'étendue  sur  la  divinité  du 
Verbe  et  du  Saint-Esprit.  Us  la  présentèrent 
au  roi  et  aux  évêques  ariens,  en  disant  à 
ceux-ci  ^  :  «  Si  vous  voulez  savoir  quelle  est 
notre  foi,  elle  est  exprimée  dans  cet  écrit.  » 
Il  est  marqué,  à  la  fin  de  cette  profession, 
que  les  évêques  catholiques  l'envoyèrent 
encore  aux  ariens,  le  18  février.  Nous  en 
avons  donné  le  précis  dans  l'article  de  Victor 
de  Vite. 

ARTICLE  X. 

CONCILES   DE    CONSTANTINOPLE  [492,  496]. 

1.  Sous  le  consulat  d'Anastase  et  de  Rufus,  (.„, 
c'est-à-dire  en  492,  Euphémius,  patriarche  p"""''^ 
de  Constantinople,  voulant  prévenir  les  ma-  " 
licieux  artifices  de  l'empereur  Anastase,  en- 
tièrement dévoué  aux  ennemis  du  concile  de 
Ghalcédoine,  assembla  les  évêques  qui  étaient 
à  Constantinople  ^,  et  confirma  avec  eux  les 
décrets  de  ce  concile.  Anastase,  de  son  côté, 
en  assembla  un  en  496,  où  par  le  ministère 
des  évêques  qu'il  trouva  à  Constantinople  * 
il  fit  déposer  Euphémius  et  confirmer  l'/Zeno- 
tique  de  Zenon.  La  même  année,  Macédo- 
nius  confirma  dans  un  concile  les  décrets  du 
concile  de  Ghalcédoine  ;  mais  il  n'y  dit  rien 
de  VHénotique  de  Zenon,  par  crainte  d*Anas« 
tase.  C'est  ce  que  nous  lisons  dans  le  Syno- 
dique  ^.  On  lit  le  contraire  dans  Victor  de 
Tunes,  qui  dit  ^  que  Macédonius  condamna 
dans  un  concile  ceux  qui  recevaient  les  dé- 
crets de  Ghalcédoine,  et  ceux  qui  soutenaient 
les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Eutychès.  Mais 
il  est  visible  qu'il  y  a  faute  en  cet  endroit,  el 
qu'au  lieu  de  suspiciunt  il  faut  lire  despiciunt, 
puisque  Victor  de  Tunes  reconnaît  un  peu 
plus  bas  ',  que  l'empereur  Anastase  fit  dé- 
poser et  envoyer  en  exil  Macédonius  avec 
plusieurs  ecclésiastiques,  parce  qu'il  ne  vou- 
lait point  condamner  le  concile  de  Ghalcé- 
doine. 


5  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1414. 
«  Vict.  Tun.,  iu  Chron.,  pag.  5. 


Ibid..  Pag.  G. 


[VKTvPSiÈCLES.]  CHAPITRE  LUT.  —  CONCILES  DE  ROiME 

ARTICLE  XI. 


723 


loticile  âù 
leeu  404. 


DES  CONCILES  DE  ROME  [494,  495,  499,  302, 
503,  504]. 

1.  Dans  les  collections  des  conciles  ',  on 
en  trouve  un  tenu  à  Rome  sous  le  consulat 
d'Astérius  et  de  Présidius,  l'an  494,  et  com- 
posé de  soixante-dix  évêques.  Il  y  est  dit  que 
ce  fut  avec  eux  que  le  pape  Gélase  dressa  un 
catalogue  des  livres  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament  que  la  sainte  et  catholique 
Eglise  romaine  reçoit  avec  vénération.  Mais 
il  y  a  de  la  variété  à  cet  égard  dans  quelques 
anciens  exemplaires  qui  attribuent  ce  cata- 
logue, non  à  un  concile  de  Rome  auquel  Gé- 
lase avait  présidé,  mais  à  Gélase  seul  ^.  Ils  ne 
s'accordent  point  non' plus  sur  le  contenu  de 
ce  catalogue,  qui  est  plus  nombreux  dans 
quelques-uns  et  moins  dans  d'autres;  en 
sorte  que  l'on  ne  peut  douter  qu'on  n'y  ait 
ajouté.  Mais  ce  qui  le  prouve  encore  mieux, 
c'est  la  contrariété  qui  se  rencontre  dans  le 
jugement  qu'on  y  porte  de  certains  livres. 
En  un  endroit  ^,  on  reçoit  l'Histoire  d'Eusèbe^ 
à  cause  des  choses  importantes  qu'elle  ren- 
ferme :  en  un  autre,  on  la  déclare  apocryphe 
sans  exception  *.  On  y  cite  la  Chronique  du 
comte  MarceUin  ^,  qui  ne  fut  rendue  publi- 
que qu'après  la  mort  de  Gélase,  et  au  plus 
tôt  en  366.  Je  ne  sais  même  si  en  494,  où 
l'on  met  l'époque  de  ce  catalogue,  on  pouvait 
dire  du  Poènie pascal  de  Sédulius,  qu'il  était 
en  grande  estime  dans  le  monde  ^,  puisque 
ce  ne  fut  qu'en  cette  année  qu'Astérius  le 
découvrit  tout  brouiUé  parmi  les  papiers  de 
ce  poète  chrétien,  et  qu'il  en  ht  faire  des  copies 
bien  nettes. Gennade,  en  parlant  des  ouvrages 

»  Tom.IV  Concil.,  pag.  1260.— ^  Labbe,  not.,  ibid. 

'  Item  Chronica  Eusebii  Cœsariensis  et  ejusdem  Ec- 
clesiasticœ  HistoricE  libres. ..  Propier  noiitiam  siagula- 
rem  quœ  ad  instructionem  pertinent  usquequaque  non 
dicimus  7-enuendos.  Ibid.,  pag.  1263. 

*  Historia  Eusebii  apoorypba.  Ibid.,  pag.  1265. 

5  "Voyez  tom.  X,  pag.  632. 

s  liem  venerabilis  Sedulii  Paschale  opus  insigni  laude 
prœferi?nus.  Ibid.,  pag.  1264. 

'  Genuad.,  de  Viris  illust.,  cap.  xciv. 

8  Nihil  in  Ecctesia  légère  permistt  Ansehnus  prœter 
orthodoxorum  Patrum  scripturas;  apocrypha  omnia  si- 
eut  beatixsimus  papa  Léo  constituit,  in  Ecclesiœ  non  re- 
cepii  officia.  Bard.  Vit.  Anselm.,  pag.  3. 

"  Item  epistolam  beali  Leonis  papœ  ad  Flavianum. 
Tom.  IV  Concil.,  pag.  1263. 

^^  Gelasii  papœ  de  libris  recipiendis  et  non  recipiendis. 
Tom.  IV  Spicileg.,  pag.  484. 

^'  In  eodem  volumine  décréta  Gelasii  papœ  de  libris 
recipiendis  et  non  recipiendis.  Tom.  III  Spicileg.,  pag. 
240. 


de  Gélase^  ne  dit  rien  du  décret  touchant  les 
livres  apocryphes,  et  je  ne  crois  point  qu'il 
ait  voulu  le  comprendre  sous  le  terme  gé- 
néral de  divers  autres  traités  ',  qu'il  lui  attri- 
bue. Quelques-uns  l'ont  donné  à  saint  Léon 
sur  l'autorité  de  Bardus,  qui  a  écrit  la  Vie  de 
saint  Anselme  de  Lucques  :  mais  outre  que 
Bardus  ne  dit  autre  chose,  sinon  que  ce  saint 
rejeta  de  l'office  de  l'Eglise  ^  les  livres  apo- 
cryphes comme  saint  Léon  l'avait  ordonné, 
et  qu'il  ne  permit  pas  qu'on  lût  dans  l'Eglise 
d'autres  ouvrages  que  ceux  des  pères  ortho- 
doxes ,  quelle  apparence  d'attribuer  à  ce  pape 
un  écrit  où  il  est  parlé  de  lui  comme  mort  ^  ? 
Il  vaut  mieux  le  laisser  au  pape  Gélase  qui 
en  est  en  possession  depuis  tant  de  siècles  ; 
et  dire  qu'on  y  a  ajouté.  Il  est  cité  sous  son 
nom  dans  un  acte  de  l'abbaye  de  Saint-Ri- 
quier,  en  432  '",  par  Anségise,  abbé  de  Fon- 
tenehe",mort  en  833;  par  saint  Loup '^  abbé 
de  Ferrières,  et  par  Hincraar  '3,  qui  écrivaient 
tous  deux  dans  le  ix''  siècle.  Le  décret  de 
Gélase  contient  premièrement  le  catalogue 
des  livres  canoniques  de  l'Ancien  et  du  Nou- 
veau Testament,  semblable  à  celui  du  con- 
cile de  Trente  ;  si  ce  n'est  que  celui  de  Gé- 
lase ne  compte  qu'un  livre  des  Machabées, 
au  heu  que  nous  en  comptons  deux.  Mais  nos 
deux  dans  la  plupart  des  anciens  exemplaires 
n'en  font  qu'un.  Du  reste  il  met  au  rang  des 
divines  Ecritures,  les  livres  de  la  Sagesse,  de 
l'Ecclésiaste,  de  Job,  de  Tobie,  de  Judith, 
d'Esdras,  l'Apocalypse  de  saint  Jean,  et  les 
sept  Epîtres  canoniques.  C'est  sur  les  écrits 
des  prophètes,  des  Evangiles  et  des  apôtres, 
que  l'Eglise  catholique  a  été  fondée  '*.  Mais 
quoique  toutes  les  églises  catholiques  répan- 
ds Doc/ms  papa  Gelasius  cum  septuaginta  episcopis  qui 
scriptores  essent  recipiendi ,  Fausti  Regiensis  scripta 
exauctoravil  liis  verbis,  opuscula Fausti  apocrypha.hup. 
Ferrar.,  Episi  ad  Carol.  Reg. 

'2  Gelasius  Hilarium  sicut  et  sanctum  Augustinum  in 
catalogo  scriptorum  ecclesiasiicorum  afque  illuslrium 
computat.  Hincm.,  de  Prœdesiinat.,  cap.  III,  pag.  23. 
!♦  Post  proplieiicas ,  evangelicas  atque  apostolicas 
Scriptu)-as  quibus  Ecclesia  caiholica  per  gratiam  Dei 
fundata  est,  illudeliam  iniimandumputamusquodquam- 
vis  universœ  per  orbem  caiholicœ  Ecclesiœ  unus  thala- 
mus Chrisii  sit,  sancia  (amen  romona  caiholica  et  apos- 
folica  Ecclesia  nullis  synodicis  constituas  cœteris  Eccle- 
siis  prœlata  est,  sed  evangelica  voce  Domini  et  Saloato- 
ris  nostri  primatum  oblinuit  :  Tu  es  Pelrus  et  super 
banc  potram,  etc.  Oui  data  est  etiam  societas  beatissi- 
mi  Pauli  vasis  electionis,  qui  non  diveiso  sicut  hœretici 
garriunt,  sed  uno  tempore,  uno  eodemque  die,  gloriosa 
morte  cum  Petro  in  urbe  Roma  sub  Cϔare  Nerone  ago- 
nisans  coronatus  est  ;  et  pariier  supradictam  sanctam.. 
Ecclesiam  romanam  Christo  Domino  consecrarunt,  ta- 


724 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Préémitieuce 
de  rii^glisero- 
maine. 


Cor.cilesrc- 
çus  dans  l'Ë- 
plise  romai- 
ne. 


dues  dans  toute  la  terre,  ne  fassent  qu'une 
épouse  de  Jésus-Christ,  néanmoins  l'Eglise 
romaine  a  été  préférée  à  toutes  les  autres, 
non  par  aucun  décret  de  concile, mais  parla 
parole  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  quand 
il  a  dit  :  Tu  es  Pierre  et  sur  cette  pierre  je  bâ- 
tirai mon  Eglise.  A  saint  Pierre  a  été  associé 
le  bienheureux  Paul,  qui  a  souffert  comme 
lui  le  martyre  à  Rome  sous  Néron,  le  même 
jour,  et  non  pas  en  un  autre  temps  comme 
disent  les  hérétiques.  C'est  par  leur  mort 
glorieuse  qu'ils  ont  l'un  et  l'autre  consacré 
l'Eglise  romaine  à  Jésus-Christ,  et  qu'ils  lui 
ont  donné  par  leur  présence  et  par  le  triom- 
phe de  leur  martyre  la  prééminence  sur 
toutes  les  autres  Eglises. 

2.  Ainsi  le  premier  siège  de  l'apôtre  saint 
Pierre  est  l'Eglise  romaine,  «qui  n'a  ni  tache, 
ni  ride,  ni  rien  de  semblable.  »  Le  second 
siège  a  été  établi  à  Alexandrie,  au  nom  de 
saint  Pierre  par  Marc,  son  disciple  ;  envoyé 
en  Egypte  par  cet  apôtre,  il  y  a  prêché  l'E- 
vangile et  fini  sa  vie  par  un  glorieux  mar- 
tyre. Le  troisième  siège  établi  à  Antioche, 
porte  aussi  le  nom  de  saint  Pierre  ;  parce 
qu'il  y  a  demeuré  avant  que  de  venir  à 
Rome;  et  que  c'est  là  que  le  nom  de  chrétien 
a  commencé. 

3.  Quoique  personne  ne  puisse  poser  d'au- 
tre fondement  que  celui  qui  est  posé,  c'est- 
à-dire  Jésus-Christ,  toutefois  pour  notre  édi- 
fication, l'Eglise  romaine,  après  les  Ecritures 
de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament,  reçoit 
aussi  les  quatre  conciles  de  Nicée,  de  Cons- 
tantinople,  d'Ephèse  et  de  Chalcédoine,  et 
les  autres  conciles  autorisés  des  pères.  Dans 
celui  de  Nicèe,  trois  cent  dix-huit  évêques, 
par  l'entremise  du  grand  Constantin,  con- 
damnèrent l'hérétique  Arius.  Macédonius 
reçut  la  sentence  de  condamnation  qu'il  mé- 
ritait dans  celui  de  Constantinople,  sous 
Théodose  l'Ancien.  Le  concile  d'Ephèse  avec 
le  consentement  du  bienheureux  pape  Cè- 
lestin,  et  par  le  ministère  de  saint  Cyrille  et 
d'Arcade  députés  de  l'Italie,  condamna  Nes- 
torius.  Son  hérésie  avec  celle  d'Eutychès  fut 
encore  condamnée  dans  le  concile  de  Chal- 
cédoine parles  soins  de  l'empereur Marcien, 
et  d'Anatolius  évêque  de  Constantinople. 


4.  Après  cette  déclaration  le  concile  de 
Rome  marque  en  détail    les  ouvrages    des 
pères  dont  l'Eglise  romaine  admet  l'autorité. 
De  ce  nombre  sont  les  écrits  de  saint  Cy- 
prien,   de   saint   Grégoire   de   Nazianze,  de 
saint  Basile  de  Cappadoce,  de  saint  Anastase, 
de  saint  Cyrille,  de  saint  Chrysostome,  de 
Théophile  d'Alexandrie,  de  saint  Hilaire  de 
Poitiers,  de  saint  Ambroise,  de  saint  Augus- 
tin, de  saint  Jérôme,  de  saint  Prosper,  la 
letti-e  de  saint  Léon  à  Flavien  sans  en  retran- 
cher un  seul  mot  ;  les  ouvrages  de  tous  les 
autres  pères  qui  sont  morts  dans  la  commu- 
nion de  l'Eglise  romaine  ;  les  décrétales  des 
papes,  et  les  actes  des  martyrs.  Le  concile 
ajoute    qu'encore   que  l'on  ne  doute  point 
qu'il  n'y   en   ait   de   véritables,  l'ancienne 
coutume  de  l'Eglise  romaine  est  de  ne  les 
point  lire  par  précaution,  parce  que  les  noms 
de  ceux  qui  les  ont  écrits  sont  entièrement 
inconnus,  et  qu'ils  ont  été  altérés  par  des  in- 
fidèles ou  par  des  ignorants  :  comme  ceux 
de  saint  Cyzique,  de  sainte  Julitte,  de  saint 
Georges,  et   de   plusieurs   autres  composés 
par  des  hérétiques  :  que  pour  éviter  donc  la 
moindre  raillerie,  on  ne  les  lit  point  dans 
l'Eglise   romaine,  quoiqu'elle   honore   avec 
une  entière  dévotion  tous  les  martyrs  et  leurs 
combats  plus  connus  à  Dieu  qu'aux  hommes. 
Mais  le  concile  reçoit  avec  honneur  les  Vies 
,  des  pères,  savoir  :  de  saint  Paul,  de  saint 
Antoine,  de  saint  Hilarion,  et  les  autres  écri- 
tes par  saint  Jérôme.  Il  permet  la  lecture  des 
actes  de  saint  Sylvestre,  ceux  de  l'Invention 
de  la  Croix,  et  les  nouvelles  relations  de 
l'Invention  du  chef  de  saint  Jean-Baptiste; 
mais  avec  la  précaution  que  prescrit  saint 
Paul  aux  Thessaloniciens  :  Eprouvez  tout,  et 
approuvez  ce  qui  est  bon.  Il  permet  encore  de 
lii'O  les   ouvrages  de   Rufin  et  d'Origène , 
pourvu  qu'on  ne  s'écarte  point  du  jugement 
qu'en   a  porté   saint  Jérôme  ;   et  l'Histoire 
d'Eusèbe  de  Césarée  avec  sa  Chronique,  à 
cause  des  faits  importants  que  cette  Histoù'e 
contient  ;    mais    le    concile    condamne    les 
louanges  que  cet  historien  a  données  à  Ori- 
gène.   Il  approuve  sans  réserve   l'Histoire 
d'Orose,  et  les  poèmes  de  Sédulius  et  de  Ju- 
vencus. 


des  I 

ÇI15  ■ 


IThel 


lemque  omnibus  urbibus  in  universo  mundo  sua  prceseyi- 
tia  atque  venerando  triumpho  prœtulerunt.  Est  ergo pri- 
ma Pétri  sedes  romana  Ecclesia,  non  habens  maculam 
negue  rugam.  Secmida  autem  sedes  apud  Alexandriam 
beati  Pétri  nomine  a  Marco  ejus  et  discipulo  et  evange- 
lista  consecrata  est.  Ipseque  a  Petro  apostolo  in  .Hgyp- 


tum  directus  verbum  verilatis  prœdicavit,  et  gloriosum 
consummavit  martyrium.  Tertio  vero  sedes  apud  Aniio- 
chiam  ejusdem  Pétri  apostoU  nomine  habetur  honorcbilis, 
eo quod illic priusquam  Romam  venisset,  habiiavii.  Tom. 
JV  Concil.,  pag.  1261. 


[V  ET  TI^  SIÈCLES.] 

5.  Le  concile  déclare  ensuite  que  l'Eglise 
catholique  ne  reçoit  pas  les  livres  composés 
par  les  hérétiques  ou  par  les  schismatiques. 
Il  défend  en  particulier  de  lire  les  suivants  : 
le  concile  de  Rimini  assemblé  par  l'empereur 
Constance,  V Itinéraire  de  saint  Pierre  sous 
le  nom  de  saint  Clément  ;  les  actes  de  saint 
André,  de  saint  Thomas,  de  saint  Pierre,  de 
saint  Philippe  ;  les  Evangiles  de  saint  Thadée, 
de  saint  Mathias,  de  saint  Pierre,  de  saint 
Jacques,  de  saint  Barnabe,  de  saint  Thomas, 
de  saint  Barthélémy,  de  saint  André  ;  ceux 
que  Lucien  et  Hésychius  avaient  falsifiés  ;  le 
livre  de  l'Enfance  du  Sauveur  ;  le  livre  de  la 
Nativité  du  Sauveur,  de  Marie  et  de  la  Sage- 
Femme;  le  livre  du  Pasteur;  tous  les  livres 
de  Leucius  ;  le  livre  intitulé  :  du  Fondement, 
un  autre  appelé  le  Trésor  ;  le  livre  de  la  Gé- 
nération des  filles  d'Adam,  les  C entons  de  Jé- 
sus-Christ, composés  des  vers  de  Virgile,  les 
actes  de  sainte  Thècle  et  de  l'apôtre  saint 
Paul  ;  un  livre  appelé  Népos,  un  des  Proverbes 
composé  par  les  hérétiques  sous  le  nom  de 
Sixte  ;  les  Révélations  de  saint  Paul,  de  saint 
Thomas,  de  saint  Etienne;  le  Passage  ou  l'As- 
somption de  sainte  Marie;  la  Pénitence  d'Adam, 
le  Livre  d'Og  le  Géant,  qui  portait  qu'il  avait 
combattu  avec  un  serpent  après  le  déluge  ; 
le  Testament  de  Job,  la  Pénitence  d'Origène,  de 
saint  Cyprien,  de  Jannès  et  Mambi'ès;  les  Sorts 
des  Apôtres  ;  l'éloge  des  apôtres,  les  canons 
des  apôtres;  le  Philosophique,  sous  le  nom  de 
saint  Ambroise.  Aux  livres  apocryphes,  le 
concile  ajoute  ceux  qui  ont  été  composés  par 
quelques  hérétiques,  ou  même  par  des  ca- 
tholiques qui  se  sont  écartés  en  quelque 
point  des  sentiments  de  l'Eglise  catholique, 
savoir  :  TertuUien,  Eusèbe  de  Césarée,  Lac- 
tance,  Africain,  Posthumien,  Gallus,  Montan, 
Priscille,  Maximille,  Fauste  le  Manichéen, 
Commodien,  Clément  d'Alexandrie^,  Tatius, 
Cyprien,  Arnobe,  Tychonius^  Cassien,  Victo- 
rin,  Fauste  de  Riez,  Frumentius  l'Aveugle. 
La  lettre  d'Abgare  à  Jésus-Christ,  celle  de 
Jésus-Christ  à  Abgare  sont  mises  entre  les 
apocryphes,  de  même  que  les  actes  du  mar- 
tyre de  saint  Quiric,  de  sainte  Julitte,  de 
saint  Georges,  et  le  livre  qu'on  appelle  la 
Contradiction  de  Salomon.  Enfin  le  concile 
condamne  tous  les  caractères  ou  billets  pré- 
servatifs qui  portent  le  nom  des  auges,  et  en 
généra]  tous  les  écrits  des  hérétiques  et  des 
schismatiques  ou  de  leurs  adhérents  dont  il 

'  Voyez  tom.  H  Concil.,  pag.  314. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  ROME. 


723 


marque  les  noms,  depuis  Simon  le  Magicien 
jusqu'à  Acace  de  Conslantinople,  et  leur  dit 
à  tous  anathème.  Il  est  aisé  de  voir  par  la 
liste  des  ouvrages  déclarés  apocryphes  dans 
ce  concile,  qu'ils  ne  sont  pas  tous  condamnés 
également,  et  que  quelques-uns  ne  le  sont 
qu'à  certains  égards;  par  e\em^le,l' Histoire 
d'Eusèbe,  à  cause  des  louanges  qu'il  y  donne 
à  Origène,  les  écrits  de  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, à  cause  des  erreurs  dont  les  héré- 
tiques avaient  rempli  ses  livres  des  Hypoty- 
poses,  ceux  de  Cassien,  parce  que  dans  la  trei- 
zième conférence,  il  favorise  les  semi-péla- 
giens  ;  ceux  de  saint  Cyprien,  parce  qu'il  y 
prend  la  défense  de  la  rebaptisation  contre 
le  pape  saint  Etienne. 

6.  Le  pape  Gélase  tint  un  second  concile  à 
Rome,  le  13  mai  495,  où  se  trouvèrent  qua- 
rante-cinq évêques,  qui  sont  tous  nommés  à 
la  tête  des  actes  du  concile.  Il  s'y  trouva 
aussi  cinquante-huit  prêtres,  deux  magistrats 
séculiers.  Amandica  et  Diogénien,  avec  des 
diacres  dont  le  nombre  n'est  pas  marqué. 
Misène,  l'un  des  évêques  légats  qui  avaient 
trahi  la  cause  de  l'Eglise  à  Conslantinople  en 
483,  présenta  une  requête  au  concile  datée 
du  8  du  même  mois,  mais  adressée  nommé- 
ment au  pape  à  qui  il  demandait  grâce  en 
des  termes  très-soumis.  Elle  fut  lue  le  même 
jour  en  plein  concile.  Mais,  soit  qu'on  n'eût 
pas  le  loisir  de  l'examiner,  soit  qu'on  eût 
renvoyé  l'affaire  aune  seconde  délibération, 
le  pape,  dans  la  séance  du  13  mai,  fit  relire 
la  requête  de  Misène  par  le  diacre  Anastase. 
Il  lui  permit  ensuite  d'entrer  lui-même.  Mi- 
sène se  prosterna  et  demeurant  à  terre,  il 
présenta  une  seconde  requête  datée  du  13 
mai,  où  il  rejetait,  condamnait,  anathémati- 
sait  l'hérésie  et  la  personne  d'Eutychès  avec 
tous  ses  sectateurs,  nommément  Dioscore, 
Timolhée  Elure,  les  deux  Pierre  Foulon  et 
Mongus,  et  Acaçe,  avec  tous  leurs  complices 
et  ceux  qui  communiquaient  avec  eux.  Après 
qu'on  eut  fait  la  lecture  de  cette  seconde  re- 
quête, Gélase  demanda  l'avis  des  évêques, 
qui,  se  levant  avec  les  prêtres,  le  prièrent 
avec  de  grands  cris,  d'user  de  la  puissance 
que  Dieu  lui  avait  donnée,  et  d'accorder  l'in- 
dulgence qu'on  lui  demandait.  Les  évêques 
et  les  prêtres  s'étant  rassis,  le  pape  fit  un 
assez  long  discours,  où  après  avoir  montré 
que  les  Grecs  qui  voulaient  que  l'on  pardon- 
nât à  Acace,  même  après  sa  mort,  ne  pour- 
raient pas  trouver  mauvais  qu'on  eût  accordé 
le  pardon  à  Misène,  dit  que  le  Saint-Siège  en 


Concilo  do 
Rome  en  495, 
ing. 1269. 


726 


HISTOIRE  GÉNÉRA.LE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


CoQCilo   rio 
Rome  en  499> 


le  condamnant  avec  Vital,  ne  leur  avait  pas 
ôté  l'espérance  du  pardon,  que  Vital  qui 
avait  été  enlevé  par  une  mort  précipitée  sans 
avoir  pu  être  rétabli  dans  la  communion, 
quelque  efifort  qu'on  eût  fait  pour  le  secourir, 
avait  subi  le  jugement  de  Dieu  ;  mais  qu'on 
ne  devait  point  différer  de  recevoir  Misène 
tandis  qu'il  était  encore  en  vie;  et  que  son 
avis  était  qu'il  rentrât  dans  la  communion  de 
TEglise  et  dans  la  dignité  sacerdotale,  puis- 
qu'il avait  dit  anathème  contre  Eutycbès,  les 
deux  Pierre  et  Acace.  Les  évèques et  les  prê- 
tres se  levèrent  et  confirmèrent  par  leurs  ac- 
clamations ce  que  le  pape  avait  dit,  le  recon- 
naissant pour  vicaire  de  Jésus-Christ  ',  et  lui 
souhaitant  les  années  de  saint  Pierre.  Sixte, 
notaire  de  Rome,  dressa  par  ordre  de  Gélase 
les  actes  de  tout  ce  qui  s'était  fait  dans  ce 
concile.  On  les  trouve  dans  Baronius,  dans 
le  quatrième  tome  de  la  collection  du  père 
Labbe,  et  ailleurs.  Misène  assista  à  un  con- 
cile de  Rome  en  499  ^,  en  qualité  d'évêque 
de  Gumes,  sous  le  pontificat  de  Symmaque. 
7.  Ce  concile  se  tint  le  1='  mars  après  le 
consulat  de  Paulin  ^,  c'est-à-dire  en  499, 
dans  la  basilique  de  Saint-Pierre.  Le  pape 
Symmaque,  qui  l'avait  convoqué  pour  remé- 
dier aux  émotions  populaires,  comme  il  s'en 
était  faites  à  son  ordination,  y  présida.  Il  s'y 
trouva  soixante-douze  évèques,  soixante-sept 
prêtres,  et  cinq  diacres.  L'archidiacre  Ful- 
gence  ouvrit  la  séance,  en  priant  le  pape  de 
régler  avec  les  évèques  assemblés,  ce  qui 
regardait  la  sûreté  et  la  paix  de  l'Eglise  :  et 
après  quelques  exclamations  de  la  part  des 
assistants,  le  pape  exposa  en  peu  de  mots  les 
motifs  de  la  convocation  du  concile,  et  de- 
manda que  l'on  prescrivit  ce  qui  se  devait 
observer  dans  l'ordination  de  l'évêque  de 
Rome.  Tous  les  évèques  et  les  prêtres  ré- 
pondirent :  «  Nous  prions  qu'on  le  fasse, 
qu'on  retranche  les  scandales,  qu'on  éteigne 
les  brigues.  »  On  fit  donc  trois  canons  que  le 


pape  fit  lire  par  le  notaire  Emilien.  Il  est  dit 
dans  le  premier  que  si  quelque  prêtre  *,  dia- 
cre ou  clerc,  du  vivant  du  pape  et  sans  sa 
participation,  est  convaincu  d'avoir  donné  ou 
promis  son  suffrage  pour  la  papauté  à  quel- 
qu'un, il  sera  .déposé,  soit  qu'il  ait  promis 
son  suffrage  par  billet  ou  par  serment.  La 
même  peine  est  décernée  contre  ceux  qui 
auraient  délibéré  sur  le  même  sujet  en  quel- 
ques assemblées  particulières.  Outre  la  dé- 
position, on  les  menace  encore  d'excommu- 
nication. Le  second  porte  que,  si  le  pape 
meurt  subitement  ^  sans  avoir  pu  pourvoir  à 
l'élection  de  son  successeur,  celui-là  sera 
consacré  évêque  qui  aura  les  suffrages  de 
tout  le  clergé  ;  et  que,  s'il  y  arrive  du  partage 
dans  les  suffrages,  on  aura  égard  au  plus 
grand  nombre.  Le  troisième  ordonne  que, 
lorsque  quelqu'un  découvrira  les  brigues 
que  l'on  aura  faites  ^,  et  en  donnera  des 
preuves,  non-seulement  il  sera  absous,  s'il 
est. complice,  mais  encore  récompensé  con- 
venablement. Le  pape  souscrivit  à  ces  dé- 
crets, et  après  lui  tous  les  évèques,  les  prê- 
tres et  les  diacres  présents,  l'archiprêtre  Lau- 
rent à  la  tête  des  prêtres. 

8.  Laurent  avait  été  élu  pape  par  la  fac- 
tion du  patrice  Festus,  le  même  jour  que 
Symmaque  '  :  mais  les  deux  contondants 
s'étant  rendus  à  Ravenne  pour  subir  le  juge- 
ment que  le  roi  Théodoric  porterait  de  leur 
élection,  ce  prince  décida  en  faveur  de  Sym- 
maque, parce  qu'il  avait  été  ordonné  le  pre- 
mier, et  qu'il  avait  pour  lui  le  plus  grand 
nombre  des  suffrages.  Quelques  années  après 
ceux  du  parti  de  Laïu-ent  formèrent  contre 
le  pape  Symmaque  des  accusations  atroces, 
et  subornèrent  à  cet  effet  des  faux  témoins 
qu'ils  envoyèrent  au  roi  Théodoric,  en  même 
temps  ils  rappelèrent  secrètement  l'archi- 
prêtre Laurent.  On  assembla  un  concile  par 
l'autorité  du  roi,  mais  du  consentement  du 
pape  Symmaque,  pour  juger  des  accusations 


'  Vicarium  Christi  te  videmus,  cujus  sedem  et  annos. 
Tom.  IV  Concil.,  pag.  1273.  —  2  Ibid.,  pag.  1315. 

3  Ibid.,  pag.  1312. 

'  Constitua  sancta  synodus  ut  si  presbyter,  aut  dia- 
conus,  aut  clericus  papa  incolumi  et  eo  inconsulto,  aut 
subscriptionem  pro  romano  pontificoiu  commodare  aut 
pittacia  committcre,  aut  sacramentum  pi-œhere  tentave- 
rit,  aut  aliquod  certe  suffragium  poUiceri,  vel  de  hac 
causa  privaiis  conventiculis  factis  deliberare  atque  de- 
certiere,  loci  sut  dignitate  atque  communione  privetur. 
Tom.  IV  Concil.,  pag,  1313. 

^  Si,  quod  absit,  transitus  papœ  inopinatus  evenerit, 
ut  de  sui  electione  successoris  non  possit  atite  decernere. 


si  quidem  in  unum  totius  inclinaverit  ecclesiastici  ordi- 
nis  electio,  consecretur  electus  episcopus.  Si  autem  stu- 
dia  cœperint  esse  diversa  eorum,  de  quibus  certamen 
emerscrit,  vincat  sententia  plurimorum.  Ibid.  pag.  1314. 

'  Propter  occultas  autem  fraudes  et  conjurationum 
sécrétas  insidias  guas  huj'us  sententia  discretionis 
consequitur  ;  si  quis  ad  ecclesiasticam  pertulit  notitiam 
consilia  eorum  qui  contra  hanc  synodum  de  pontificali 
egerint  ambitu,  et  rationabili probatione  convicerit,par- 
ticeps  actionis  hujusmcdi  non  solum  purgatus  ab  omni 
culpa  sit,  sed  eliam  rémunérations,  quœ  non  indigna 
s'il,  sublevetur.  Ibid. 

'  Tom.  IV  Concil.,  pag,  1323. 


[VET  «"EIKCLIS.] 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  ROME. 


727 


formées  contre  lui.  Les  évèques  de  Ligurie, 
d'Emilie  et  de  Vénétie  passèrent  à  Ravenne, 
en  allant  au  concile.  Le  roi,  à  qui  ils  deman- 
dèrent le  sujet  de  cette  assemblée,  leur  ré- 
pondit que  c'était  pour  examiner  les  crimes 
dont  le  pape  Symmaque  était  accusé.  Les 
é'vêques  dirent  '  que  c'était  au  pape  lui- 
même  à  convoquer  le  concile  ;  que  le  Saint- 
Siège  avait  ce  droit,  autant  par  sa  primauté 
tirée  de  saint  Pierre,  que  par  l'autorité  de  con- 
ciles, et  que  l'on  ne  trouvait  aucun  exemple 
qu'il  eût  été  soumis  au  jugement  de  ses  in- 
férieurs. Théodoric  dit  que  la  convocation  du 
concile  s'était  faite  du  consentement  de  Sym- 
maque, et  fit  donner  à  ces  évèques  les  let- 
tres que  le  pape  avait  écrites  sur  ce  sujet. 
Les  évèques  d'Italie,  arrivés  à  Rome,  ne  cru- 
rent point  devoir  aller  saluer  le  pape  Sym- 
maque, dans  la  crainte  de  se  rendre  suspects  ; 
mais  ils  firent  toujours  mémoire  de  lui  au 
saint  sacrifice,  pour  montrer  qu'ils  lui  étaient 
unis  de  communion.  La  première  séance  du 
concile  se  tint  dans  la  basilique  de  Jules,  au 
mois  de  juillet  de  l'an  501.  Les  évèques  qui 
avaient  passé  par  Ravenne,  firent  le  récit  de 
ce  qu'ils  avaient  dit  au  roi.  Ensuite,  comme 
ils  voulaient  commencer  à  traiter  l'affaire 
principale,  le  pape  Symmaque  témoigna  sa 
reconnaissance  envers  le  roi  pour  la  convo- 
cation du  concile,  déclarant  qu'il  l'avait  dé- 
siré lui-même  ^.  Alors  les  évèques  n'eurent 
plus  aucune  peine  sur  ce  sujet.  Mais  le  pape 
témoigna  qu'il  espérait  qu'avant  toutes  cho- 
ses l'on  ferait  retirer  le  visiteur  envoyé  par 
le  roi  et  qui  avait  été  demandé,  contre  les 
règles  des  anciens  et  contre  la  religion,  par 
une  partie  du  clergé  et  par  quelques  laïques , 
et  qu'on  lui  restituerait  tout  ce  qu'il  avait 
perdu  par  les  intrigues  de  ses  ennemis  ; 
après  quoi  il  répondrait  aux  accusations 
qu'ils  avaient  formées  contre  lui,  si  on  le  ju- 
geait à  propos.  La  demande  parut  juste  à  la 

•  Cum  ex  diversis  provinciis  ad  urbem  Romam  con- 
venire  sacerdotes  regia  prœcepisset  aucloritas,  ut  de  his 
quœ  venerabili  papœ  Symmacho  ab  adversariis  ipsius 
dicehantur  impingi,  sanctum  concilium  judicaret  légiti- 
me, Liguriœ,  Emilice,  vel  Venetiarum  episcopis  consulen- 
di  regern  incuhuit  nécessitas,  qua  hos  voluisset  œtate 
fractos  congregari.  Respondit  prœfatus  rex  piissimus 
bonœ  conversationis  ajfectu,  plura  ad  se  papœ  Symma- 
chi  actibus  horrenda  fuisse  perlata,  et  in  synodo  opor- 
tere,  si  vera  esset  inimicorum  ejus  objedio,  judieatione 
constare.  Memorati  pontifices,  quibus  allegandi  immi- 
nebai  occasio  suggesserunt,  ipsum  qui  dicebatur  impeti- 
tus,  debuisse  synodum  convocare,  scientes  quia  ejus  Se- 
di  primum  Pétri  apostoli  meritum  vel  principatus , 
deinde  secuta  jussione  Domini  conciliarum  venerando- 


plus  grande  partie  des  évèques  :  néanmoins 
le  concile  n'osa  rien  ordonner  sans  avoir  au- 
paravant consulté  le  roi,  à  qui  l'on  envoya 
des  députés  à  cet  effet.  Leur  négligence  à 
s'acquitter  de  leur  commission,  fut  cause 
que  la  réponse  de  Théodoric  ne  fut  point  fa- 
vorable. 11  ordonna  que  Symmaque  répon- 
drait à  ses  accusateurs  avant  la  restitution 
de  son  patrimoine  et  des  églises  qu'on  lui 
avyil  ôtées  ;  sur  quoi  le  pape  ne  voulut  pas 
contester  davantage. 

9.  Le  concile  tint  sa  seconde  séance  le  1" 
septembre  dans  l'église  de  Sainte-Croix  dite 
de  Jérusalem,  autrement  la  basilique  du  pa- 
lais de  Sessorius.  Le  roi  avait  marqué  le  jour 
dans  sa  lettre  au  concile.  Quelques  évèques 
furent  d'avis  de  recevoir  le  libelle  des  accu- 
sateurs; mais  on  y  remarqua  deux  défauts  : 
l'un,  qu'ils  disaient  que  les  crimes  de  Sym- 
maque avaient  été  prouvés  devant  le  roi,  ce 
que  le  pape  soutint  être  faux.  En  effet,  ce 
prince  n'eût  pas  renvoyé  la  cause  aux  évè- 
ques comme  entière  ^,  si  l'accusé  eût  déjà 
été  convaincu  et  qu'il  ne  se  fût  plus  agi  que 
de  prononcer  sa  sentence.  L'autre  défaut 
était  que  les  accusateurs  prétendaient  con- 
vaincre Symmaque  par  ses  propres  esclaves, 
et  demandaient  qu'il  les  liviât  pour  cet  effet, 
ce  qui  était  contraire  aux  lois  civiles  et  aux 
canons  de  l'Eglise,  qui  défendaient  de  rece- 
voir en  jugement  ceux  à  qui  les  lois  civiles 
ne  permettaient  pas  de  former  d'accusations 
contre  personne.  Pendant  que  l'on  disputait 
sur  ce  qu'il  y  avait  à  faire,  le  pape  venait 
au  concile,  suivi  d'un  grand  peuple  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe,  qui  témoignait  son  affec- 
tion par  ses  larmes.  Mais  il  fut  attaqué  en 
chemin  par  une  troupe  de  ses  ennemis,  à 
coup  de  pierres  *,  dont  plusieurs  prêtres  qui 
l'accompagnaient  furent  blessés.  On  les  au- 
rait même  tués  sans  trois  officiers  du  roi, 
qui  arrêtèrent  ces  schismatiques  et  recon- 

rum  audoritas  ei  singularem  in  Ecclesiis  tradidit potes- 
tatem,  nec  ante  dictœ  Sedis  antistitem  minorum  subjo.- 
cuisse  judido ,  in  propositione  simili  fadle  forma  aliqua 
testaretur  ;  sed  poteniissimus  princeps,  ipsum  quoque 
papam  in  colligenda  synodo  voluniatem  suam  litteris 
demonstrasse  sighificavit  :  unde  a  mansuetudine  ejus 
paginœ  postulatœ  sunt,  quas  ab  eo  diredas  constabat, 
hasque  dari  sacerdotibus  sine  tarditate  constHuit.  Tom. 
IV  Condl.,  pag.  1323. 

2  Sijmmachus  basilicam  Julii,  in  qua  poniificum  erat 
congregatio,  ingressus  est  et  de  evocatione  synodali  cle- 
mentissimo  régi  gratias  retulit,  et  rem  desiderii  sui  eve- 
nisse  testatus  est.  Pag.  1323. 

3  Tom.  IV  Conc.il.,  pag.  1328. 

»  Ennod.,  Apolog.,  pag.  1630,  1631. 


;essioa. 


728 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


flnipirent  le  pape  à  Saint-Pierre,  d'où  il  était 
parti.  Ces  officiers  étaient  le  comte  Aligerne, 
Gudila  e1  Bédulfe,  maires  de  la  maison  du 
roi,  qui  avaient  apporté  an  concile  un  ordre 
de  finir  cette  affaire  *.  Les  évêques  envoyè- 
rent au  roi  une  relation  de  ce  qui  s'était 
passé,  où  ils  disaient  :  «  Nous  avons  envoyé 
au  pape,  jusqu'à  quatre  fois,  des  évêques 
pour  lui  demander  s'il  voulait  encore  se  pré- 
senter au  jugement  du  concile.  Il  a  répondu 
par  eux  que  le  désir  de  se  justifier  l'avait  fait 
relâclier  de  son  droit  et  de  sa  dignité  ;  mais 
qu'après  un  tel  danger,  où  il  avait  pensé  pé- 
rir, le  roi  ferait  ce  qu'il  lui  plairait,  que  pour 
lui  on  ne  pouvait  le  contraindre  par  les  ca- 
nons ^.  Ils   ajoutaient   qu'ils  ne   pouvaient 
prononcer  contre  un  absent,  ni  accuser  de 
contumace  celui  qui  avait  voulu  se  présen- 
ter. »  Le  roi  Théodoric  répondit.  Dieu  l'ins- 
pirant à  cet  effet  ^,  qu'il  était  au  pouvoir  du 
concile  d'agir  dans  une  affaire  de  si  grande 
importance,  comme  il  jugerait  à  propos  ;  que 
ce  n'était  point  à  lui  de  traiter  les  affaires 
ecclésiastiques,  et  qu'il  laissait  la  liberté  aux 
évêques  d'examiner  la  cause  de  Symmaque 
ou  de  ne  la  point  examiner,  pourvu  que,  par 
la  médiation  du  vénérable  concile,  la  paix  fût 
rétablie  dans  Rome.  La  relation  des  évêques 
au  roi,  est  sans  date.  La  réponse  du  roi  est 
du  premier  jour  d'octobre.  Les  évêques  du 
concile  l'ayant  reçue,  envoyèrent  des  dépu- 
tés au  sénat  pour  lui  déclarer  que  les  cau- 
ses de  Dieu  devaient  être  laissées  au  juge- 
ment de  Dieu,  à  qui  rien  n'est  caché,  princi- 
palement dans  le  cas  présent  où  il  s'agissait 
du  successeur  de  saint  Pierre;  que  presque 
.  tout  le  peuple  communiquait  avec  Symma- 
que, et  qu'il  était  besoin  de  remédier  promp- 
tement  au  mal  que  pouvait  causer  la  divi- 
sion. Ils  firent  plusieurs  fois  de  semblables 
remontrances  au  sénat,  l'exhortant  à  se  ren- 
dre, comme  il  convenait  à  des  enfants  de 
l'Eglise,  à  ce  qui  avait  été  fait  dans  le  concile 
selon  l'inspiration  de  Dieu. 
Troisième       10.  Daus  la  troisième  et  dernière  séance 
'"°°-         qui  fut  tenue  le  23  octobre,  le  concile,  après 
avoir  rapporté  tout  ce  qui  s'était  passé  tant 
à  Ravenne  entre  les  évêques  d'Italie  et  le  roi 
Théodoric,  qu'à  Rome  dans  les  basiliques  de 
Jules  et  de  Sainte-Croix,  prononça  la  sen- 

1  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1329. 

2  Syomiachus  respondit ,  Dominum  regem  habere 
i/uod  vellct  jus  faciendi,  sed  intérim  justitiœ  reniten- 
tern  staluiis  canonibus  non  passe  compelli.  Pag.  1324. 

3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1330. 


terce  en  ces  termes  :  «  Nous  déclarons  le 
pape  Symmaque  *,  évêque  du  siège  aposto- 
lique, quant  aux  hommes,  déchargé  des  ac- 
cusations formées  contre  lui,  laissant  le  tout 
au  jugement  de  Dieu.  Nous  ordonnons  qu'il 
administrera  les  divins  mystères  dans  toutes 
les  Eglises  qui  sont  du  ressort  de  son  siège. 
Nous  lui  rendons,  en  vertu  des  ordres  du 
prince  qui  nous  en  donne  le  pouvoir,  tout  ce 
qui  appartient  à  son  Eglise,  soit  au  dedans 
soit  au  dehors  de  Rome,  c'est-à-dire  le  tem- 
porel que  les  schismatiques  avaient  usurpé. 
Nous  exhortons  tous  les  fidèles  à  recevoir  de 
lui  la  sainte  communion,  sous  peine  d'en 
rendre  compte  au  jugement  de  Dieu.  Quant 
aux  clercs  du  même  pape,  qui  se  sont  sépa- 
rés de  lui  avant  un  certain  temps  contre  les 
règles,  et  ont  fait  shisme,  nous  ordonnons 
qu'en  lui  faisant  satisfaction,  ils  obtiendront 
le  pardon  et  seront  rétablis  dans  les  fonc- 
tions du  ministère  ecclésiastique.  Mais  qui- 
conque des  clercs,  après  ce  jugement,  osera 
célébrer  des  messes  en  quelqu'un  des  lieux 
consacrés  à  Dieu  de  l'Eglise  romaine,  sans 
le  consentement  du  pape  Symmaque,  tandis 
qu'il  vivra,  celui-là  sera  puni  canoniquement 
comme  schismatique.  »  Cette  sentence  fut 
souscrite  par  soixante-seize  évêques ,  dont 
les  deux  premiers  sont  Laurent  de  Milan  et 
Pierre  de  Ravenne.  Cette  dernière  session, 
que  l'on  compte  quelquefois  pour  la  qua- 
trième, en  mettant  pour  la  première  l'en- 
trevue des  évêques  d'Italie  à  Ravenne  avec 
le  roi  Théodoric,  est  appelée  le  synode  de 
Palme  ,  tenu  sous  le  pape  Symmaque  en 
l'an  503,  peut-être  à  cause  du  lieu  où  elle 
fut  tenue. 

11.  En  502,  sous  le  consulat  d'Aviénus  le  comiii 
Jeune,  le  6  de  novembre,  il  se  tint  un  autre  ''°'°" 
concile  à  Rome,  dans  la  basilique  de  Saint- 
Pierre,  où  le  pape  Symmaque  présida.  Il  s'y 
trouva  quatre-vingts  évêques,  trente -sept 
prêtres ,  et  quatre  diacres ,  dont  l'un  était 
Hormisdas,  qui  fut  depuis  pape.  On  y  exa- 
mina un  statut  fait  sous  le  pontifical  de  saint 
Simplice  par  Basile,  préfet  du  prétoire,  qui 
représentait  aussi  Odoacre,  roi  d'Italie.  Ce 
statut  portait  que  l'on  n'élirait  point  d'évê- 
que  de  Rome  sans  le  consentement  et  la 
participation  du  roi  d'Italie  ;  qu'il  serait  dé- 

*  Symmachus  papa  Sedis  aposiolicœ  prœsul  et  hu- 
jusmodi  pi'opositionibus  impetilus  ,  quantum  ad  ho- 
mines  respicit,  sit  immunis  et  liber...  toiam  causam 
Dei  judicio  reservantes.  Pag.  1325. 


[V«  ET  VP  SIÈCLES.] 


CHAPITRE  Lin.  —  CONCILES  DE  ROME. 


729 


fendu,  sous  peiiie  d'anafhème,  aux  évêques 
de  Rome,  de  rien  aliéner  des  biens  de  l'E- 
glise, et  qu'au  cas  qu'il  fût  fait  quelque  alié- 
nation, elle  serait  de  nulle  valeur;  que  les 
meubles  précieux  et  les  ornements  superflus 
des  églises  seraient  vendus^  et  que  le  prix  en 
serait  distribué  aux  pauvres.  Le  pape  Sym- 
maque,  après  avoir  remercié  les  évêques  du 
concile  de  ce  qu'ils  voulaient  tirer  avantage 
du  statut  dont  nous  venons  de  parler,  sous 
prétexte  de  la  conservation  des  biens  de  l'E- 
glise, il  fut  ordonné  qu'on  ferait  la  lecture 
du  statut  fait  sous  le  roi  Odoacre  en  483.  Le 
diacre  Hormisdas  le  lut  :  après  quoi  Laurent, 
évêqae  de  Milan,  qui  occupait  la  première 
place  après  le  pape,  dit  que  cet  écrit  n'avait 
pu  obliger  aucun  évêque  de  Rome,  parce 
qu'un  laïque  n'avait  pas  eu  le  pouvoir  d'or- 
donner quelque  chose  dans  l'Eglise,  où  il 
doit  plutôt  obéir  que  commander,  vu  princi- 
palement que  le  pape  n'avait  point  souscrit 
à  ce  statut,  ni  aucun  métropolitain.  Pierre, 
évêque  de  Ravenne,  ajouta  que  ce  décret, 
étant  contre  les  canons,  fait  par  un  laïque 
en  l'absence  de  l'évéque  du  siège  apostoli- 
que, il  ne  pouvait  avoir  aucune  vigueur.  Eu- 
lalius  de  Syracuse  dit  qu'il  n'était  pas  per- 
mis aux  personnes  laïques,  quoique  de  piété, 
de  disposer  en  aucune  manière  des  biens 
ecclésiastiques,  les  canons  ne  leur  donnant 
aucun  pouvoir  à  cet  égard,  et  que  si  les  évê- 
ques, dans  le  concile  même  de  la  province, 
ne  pouvaient  rien  sans  l'autorité  du  métro- 
politain, à  plus  forte  raison  les  évêques  qui 
avaient  consenti  au  statut  fait  par  le  patrice 
Basile,  ne  l'avaient-ils  pu  faire  au  préjudice 
du  pape ,  le  Saint-Siège  étant  vacant ,  lui 
qui,  par  une  prérogative  qui  lui  est  accordée 
par  les  mérites  de  saint  Pierre,  a  la  primauté 
dans  toutes  les  Eglises  du  monde,  et  qui  a 
coutume  de  donner  de  l'autorité  aux  statuts 
synodaux.  Tous  les  autres  évêques  ayant 


opiné  que  le  statut  de  Basile  ne  méritait  au- 
cun égard,  le  pape  Symmaque  voulant  pour- 
voir à  l'avenir  aux  abus  que  ce  statut  avait 
prétendu  réformer,  ordonna  '  qu'il  ne  serait 
permis  à  aucun  pape  d'aliéner  à  perpétuité, 
ni  échanger  aucun  héritage  de  la  campagne, 
de  quelque  étendue  qu'il  fût,  ni  de  le  donner 
en  usufruit,  si  ce  n'était  aux  clercs,  aux  cap- 
tifs et  aux  étrangers;  que  les  maisons  des 
villes  qui  ne  pourraient  être  entretenues 
qu'à  grands  frais,  pourraient  être  laissées  à 
bail  portant  rente;  que  les  prêtres  des  titres 
de  la  ville  de  Rome,  seraient  tenus  à  la  même 
loi,  de  même  que  tous  les  autres  clercs,  n'é- 
tant pas  permis  de  dire  que  celui  qui  ne  tient 
que  le  second  rang  dans  l'Eglise,  ne  sera 
pas  soumis  à  une  loi  à  laquelle  le  souverain 
Pontife  s'est  asti'cint  lui-même  par  la  charité 
de  Jésus-Christ.  La  peine  portée  contre  ceux 
qui  vendent  ou  aliènent  ou  donnent  les  biens 
de  l'Eglise^  est  la  déposition  ;  mais  on  frappe 
d'anathème  ceux  qui  reçoivent  la  chose  alié- 
née, de  même  que  ceux  qui  souscrivent  au 
contrat  d'aliénation  ou  de  donation.  Le  con- 
cile permet  à  tout  ecclésiastique  de  répéter 
les  choses  aliénées  avec  les  fruits;  mais  il 
déclare  que  cette  ordonnance  n'est  que 
pour  le  Saint-Siège,  laissant  à  chaque  évê- 
que dans  les  provinces,  de  suivre,  selon  sa 
conscience,  la  coutume  de  son  Eglise. 

12.  Après  le  consulat  d'Aviénus  -,  c'est-à- 
dire  en  503,  sous  le  règne  de  Théodoric,  le 
pape  Symmaque  tint  encore  un  concile  à 
Rome,  où  il  se  trouva  deux  cent  dix-huit 
évêques,  selon  qu'il  paraît  par  les  souscrip- 
tions. Mais  on  croit  qu'il  y  a  lieu  de  les  sus- 
pecter, et  que  la  plupart  y  ont  été  ajoutées, 
ou  qu'elles  appartiennent  à  quelques  autres 
conciles,  parce  qu'on  y  trouve  plusieurs  évê- 
ques qui,  cinquante-deux  ans  auparavant, 
avaient  assisté  au  concile  de  Chalcédoine,  et 
dont  il  n'est  plus  fait  mention  dans  l'histoire. 


rioncile  de 
Jîomu  en  503. 


'  His  ergo  perpnsis,  sancimus  ut  nulli  apostolicœ 
Sedis  prœsuli,  a  prœsenti  die  liceat  prœdium  rusticum 
quaniœcumque  fuerit  vel  magniludinis,  vel  exiguiiaiis, 
sub  perpétua  alienatione  vel  commulatione  ad  cujus- 
libei  jura  transferre  :  sed  nec  in  usufrucluario  jure 
aliquibus  dare  liceat,  prœter  clericos  et  captivas  al- 
gue peregrinos.  Sane  tantum  domus  in  quibuslihet 
urbibus  constilutœ,  quorum  statum  necesse  est  expensa 
non  modica  sustentari,  acceptis  sub  justa  existimatione 
reditibus,  commodentur.  Pari  etiam  Ecclesiarum  per 
omnes  romance  civitatis  titulos,  qui  sunt  presbyteri^ 
■  vel  quicumque  fuerint,  astringi  volumus  lege  custodes, 
quia  nefas  dictu  est,  obligatione  qua  se  per  charitatem 
Christi  connectit  summus  Pontifex,   ea  hominem  se- 


cundi  in  Ecclesia  ordinis  non  ieneri...  Donator,  alie- 
nator  ac  venditor  honoris  sui  amissione  mulctetur. 
Prœterea  qui  petierit,  aut  acceperit,  vel  qui  presbyte- 
rorum,  aut  diaconorum ,  seu  defensorum  danti  sub- 
scripserit,  analhemate  feriatur...  sed  liceat  quibus- 
cumque  ecclesiasticis  personis  vocem  contradiction! s 
afferre  et  ecclesiastica  auctoritate  fulciri.  Ha  ut  cum 
fructibus  possit  alienata  reposcere...  Hujus  autem 
constituiionis  legem  in  apostolica  tantum  volumus 
Sede  servari,  in  universis  Ecclesiis  per  provincias  se- 
cundum  animarum  considerationem,  qiiem  proposito 
religionis  convenire  redores  earum  viderint,more  ser- 
vato.  Tom.  IV  Concil.,  pag,  1337. 
2  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1364. 


730 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dix  ans  après  la  tenue  de  ce  concile.  Les 
évêques  étant  assis  devant  la  confession  de 
saint  Pierre,  le  pape  ordonna  que  l'on  pro- 
duisit l'écrit  composé  par  Ennode  contre  ceux 
qui  avaient  osé  attaquer  la  session  du  concile 
de  Rome  tenu  à  la  Palme,  et  qu'on  en  fit 
lecture  en  présence  de  l'assemblée.  Nous 
avons  encore  cette  apologie.  Ennode  la  com- 
posa pour  répondre  à  un  écrit  publié  par  les 
schismaliques  sous  ce  titre  :  Contre  le  Synode 
de  l'absolution  irrégulière. 
Apoiogiede  13.  Les  scbismatiques  alléguaient  un  grand 
par  Enuoiie.  nombre  de  raisons  pour  combattre  l'autorité 
du  concile  de  la  Palme  ',  où  le  pape  Sj'm- 
maqae  avait  été  déclaré  innocent.  Us  disaient 
en  premier  lieu,  que  le  roi  Tbéodoric  n'avait 
pas  fait  venir  à  ce  concile  tous  les  évêques, 
et  que  ceux  qui  y  étaient  venus,  n'avaient 
pas  tous  consenti  à  l'absolution  de  ce  pape; 
que  l'on  en  avait  exclu  ses  accusateurs , 
que  l'on  avait  refusé  de  les  entendre,  et  que 
ceux  qui  s'étaient  trouvés  à  ce  synode , 
étaient  convenus  qu'ils  étaient  vieux  et  im- 
béciles. Ennode  répond  qu'il  avait  été  inutile 
de  convoquer  tous  les  évêques  à  cette  as- 
semblée, et  qu'il  n'était  pas  vrai  que  ceux 
qui  ne  s'y  étaient  point  rendus,  fussent  en- 
nemis du  pape  Symmaque;  qu'il  était  ridi- 
cule de  faire  passer  pour  des  insensés,  ceux 
qui  avaient  dit  qu'ils  étaient  faibles  de  corps; 
que  la  ville  de  Rome  pouvait  rendre  témoi- 
gnage que  tous  les  évêques  du  concile  n'é- 
taient ni  vieux  tous,  ni  malades,  et  que  si 
l'on  avait  refusé  d'entendre  les  accusateurs 
de  Symmaque,  c'est  que  les  personnes  que 
l'on  avait  produites,  étaient  incapables,  sui- 
vant les  canons,  d'être  ouïes  en  témoignage 
contre  des  évêques.  Les  scbismatiques  ob- 
jectaient ensuite  que  les  évêques  du  concile 
n'avaient  pas  suivi  l'intention  du  roi,  et  qu'ils 
s'étaient  rendus  coupables  d'une  espèce  de 
sacrilège,  en  lui  contestant  le  droit  de  con- 
voquer les  conciles  pour  l'attribuer  au  pape 
Symmaque.  Ennode  répond  que  les  évêques 
n'avaient  en  cela  rien  fait  que  de  légitime; 
qu'ils  avaient  eu  raison  de  remontrer  au  roi 
que  c'était,  non  pas  à  lui,  mais  au  pape,  à 
convoquer  le  concile,  parce  qu'en  effet  il  en 


avait  le  droit,  et  que  Tbéodoric  l'avait  re- 
connu en  demandant  au  pape  son  consente- 
ment pour  la  convocation  du  concile.  Leur 
troisième  objection  était,  qu'en  disant  que 
le  pape  ne  pouvait  être  jugé,  on  semblait 
dire  que  saint  Pierre  et  ses  successeurs 
avaient  reçu  de  Dieu,  avec  les  prérogatives 
de  leur  siège,  la  licence  de  pécher.  Ennode 
nie  cette  conséquence,  et  dit,  en  parlant  de 
saint  Pierre  :  «  Il  a  transmis  à  ses  succes- 
seurs ^  un  avantage  ou  une  espèce  de  dot 
perpétuelle  de  mérites  avec  l'héritage  de 
l'innocence  :  ce  qui  lui  a  été  accordé  pour 
la  gloire  de  ses  actions,  s'étend  à  ceux  dont 
la  vie  ne  brille  pas  moins.  Car  qui  peut  dou- 
ter que  celui-là  ne  soit  saint,  qui  est  élevé  à 
une  si  haute  dignité?  S'il  manque  des  avan- 
tages acquis  par  son  mérite,  ceux  de  son 
prédécesseur  lui  suffisent.  Jésus-Christ  élève 
des  hommes  illustres  à  celte  place  si  émi- 
neute,  ou  rend  illustres  ceux  qu'il  y  élève; 
lui  sur  qui  l'Eglise  est  appuyée,  prévoit  ce 
qui  est  propre  à  lui  servir  de  fondement.  » 
S'il  n'était  pas  permis  d'entendre  l'accusé, 
et  si  le  pape  ne  pouvait  être  jugé  par  ses  in- 
férieurs, il  était  inutile,  disaient  les  scbisma- 
tiques, d'aller  consulter  le  roi  sur  cette  af- 
faire, et  d'assembler  un  concile;  les  évêques 
même  ne  devaient  citer  le  pape ,  ni  faire  ve- 
nir ses  accusateurs,  et  le  pape  devait  s'abs- 
tenir de  se  présenter  et  d'approuver  la  con- 
vocation de  cette  assemblée,  comme  il  avait 
fait.  Du  moins,  ajoutaient-ils,  après  s'être 
présenté  de  lui-même  pour  être  jugé,  devait- 
il  se  représenter  de  nouveau,  lorsqu'il  fut 
cité  jusqu'à  quatre  fois?  Pouvait-on  l'absou- 
dre sans  qu'il  eût  répondu  aux  accusations 
intentées  contre  lui  ?  Ennode  répond  que  le 
pape  s'y  était  présenté  par  humilité;  qu'il 
ne  s'était  absenté  de  l'assemblée  que  parce 
qu'il  en  avait  été  empêché  par  les  violences 
de  ses  ennemis,  qui,  dans  le  temps  qu'il  ve- 
nait au  concile  pour  s'y  justifier,  l'avaient 
attaqué  en  lui  jetant  une  grêle  de  pieri'es, 
dont  plusieurs  des  prêtres  qui  l'accompa- 
gnaient furent  blessés;  qu'au  reste,  il  était 
tellement  disposé  à  répondre  aux  accusations 
intentées  contre  lui,  que,  quoiqu'il  eût  de- 


1  Ennod.,  lom.  IV  Concil.,  pag.  1340. 

'  Non  nos  beatum  Petrum,  sicut  a  Domino  cuni  Se- 
dis  privilegiis,  vel  successores  ejus,  peccundi  judica- 
mus  licentium  susccpisse.  llle  per  meritorum  dolem 
cum  hœrediiate  innocentiœ  misit  ad  posteras  :  quod 
illi  concessum  est  pro  actuum  luce,  ad  illos  pertinet, 
quos  par  conversationis  splendor  illuminât.  Quis  enim 


sanctum  esse  dubitet,  quem  apex  tantœ  dignitaiis  at- 
tollit,  in  quo  si  desint  bona  acquisita  per  meriium, 
sufficlunt  quœ  a  loci  decessore  prœstantur?  Aut  enim 
claros  ad  hœc  fusiigia  erigit,  aut  qui  erigunlur  illu- 
strai. Prœnoscit  enim  quid  Ecclesiarum  fundamento 
sit  habile ,  super  quem  ipsa  moles  innititur.  Ennod., 
pag.  12'i3. 


[V=  ET  VI=  SIÈCLES.] 


CHAPITRE  Lin.  —  CONCILES  DE  ROME. 


731 


mandé  au  concile  que  le  visiteur  envoyé 
par  le  roi  se  retirât,  et  qu'on  lui  restituât 
tous  les  biens  dont  on  l'avait  dépouillé,  et 
qu'après  cela  il  répondrait  à  ses  accusateurs, 
sachant  néanmoins  que  la  volonté  du  roi 
était  qu'il  se  justifiât  avant  la  restitution  de 
ses  biens,  il  ne  s'y  opposa  point,  par  un  sen- 
timent d'humilité.  Si  le  pape  Symmaque 
n'eût  pas  été  coupable  des  crimes  dont  on 
l'accusait,  pourquoi,  disaient  les  schismali- 
ques,  les  évêques  Laurent  de  Milan  et  Pierre 
de  Ravenne,  étant  arrivés  à  Rome,  s'abstin- 
rent-ils de  le  voir?  Ennode  répond  qu'ils  n'en 
agirent  ainsi  que  pour  ne  pas  se  rendre  sus- 
pects; mais  qu'ils  firent  toujours  mention  de 
Symmaque  au  saint  sacrifice,  pour  montrer 
qu'ils  étaient  dans  sa  communion.  Ils  insis- 
taient que  le  concile  avait  avancé  une  fausse 
proposition,  en  soutenant  que  les  conciles 
devaient  être  assemblés  par  le  pape,  parce 
que,  si  cela  était,  les  conciles  provinciaux  qui 
se  tiennent  tous  les  ans,  n'auraient  aucune 
force,  la  convocation  s'en  faisant  sans  que 
le  pape  y  ait  part.  Ennode  ne  prétend  point 
que  les  conciles  provinciaux  devaient  être 
convoqués  par  l'autorité  ni  avec  la  participa- 
tion du  pape  ;  mais  il  soutient  que,  dans  les 
causes  majeures,  on  a  toujours  eu  recours 
au  Saint-Siège;  il  cite  sur  cela  le  troisième 
canon  du  concile  de  Sardique,  où  il  est  dit 
qu'un  évêque  déposé  dans  un  concile  pro- 
vincial ',  pourra  en  appeler  au  pape,  qui 
sera  en  droit  de  donner  des  juges,  s'il  trouve 
à  propos  de  renouveler  le  jugement.  Pour- 
quoi, objectaient  les  schismatiques,  le  pape 
Symmaque  a-t-il  refusé  de  recevoir  un  évê- 
que visiteur,  comme  il  en  donnait  lui-même 
aux  autres  Eglises?  N'a-t-il  pas  en  cela  con- 
trevenu aux  règles  ecclésiastiques?  Ennode 
nie  que  Symmaque  ait  rien  fait,  par  ce  refus, 
contre  les  lois  de  l'Eglise,  et  qu'étant  à  la 
liberté  d'un  législateur  de  s'astreindre  ou  non 
à  la  rigueur  de  ses  propres  lois,  ce  pape  a 
pu  donner  des  visiteurs  aux  autres  évêques 
sans  en  recevoir  lui-même.  Il  ajoute  que 
Dieu  a  voulu  -  peut-être  terminer  par  des 
hommes  les  causes  des  autres  hommes,  mais 
qu'il  a  réservé  à  son  jugement  Tévêque  de 
ce  siège ,  et  que   les  successeurs  de  saint 


Pierre  n'eussent  à  prouver  leur  innocence 
qu'au  ciel,  devant  celui  qui  peut  en  connaî- 
tre parfaitement.  «  Si  vous  dites,  continue-t- 
il,  que  toutes  les  âmes  sont  sujettes  égale- 
ment à  ce  jugement,  je  répondrai  qu'il  n'a 
été  dit  qu'à  un  seul  :  Tu  es  Pien^e,  et  sur  cette 
pierre  je  bâtirai  mon  Eglise.  »  Il  allègue  en- 
core, pour  marquer  la  dignité  des  évêques  de 
Rome  et  pour  montrer  que  tous  les  fidèles 
doivent  leur  être  soumis,  comme  étant  le 
chef  du  corps  de  l'Eglise,  ces  paroles  du  pro- 
phète Isaïe  :  Dans  le  jour  de  l'affliction,  à  qui 
aurez-vous  recours,  et  où  laisserez-vous  votre 
gloire?  Il  ne  s'arrête  point  aux  autres  objec- 
tions des  schismatiques;  mais  il  introduit 
saint  Pierre  pour  les  exhorter  de  cesser  leurs 
poursuites  contre  Symmaque  et  de  rentrer 
dans  la  concoi'de  et  la  paix,  les  assurant  que 
l'Eglise  est  toute  prête  à  leur  ouvrir  son 
sein.  II  rappelle  les  maux  que  l'Eglise  ro- 
maine soutint  du  schisme  qui  s'éleva  en  elle 
après  la  mort  du  pape  Zosime,  par  l'élection 
de  deux  contendants  au  pontificat,  savoir 
Eulalius  et  Boniface.  Il  fait  aussi  parler  saint 
Paul,  et  rapporte  plusieurs  endroits  de  l'épî- 
tre  aux  Romains,  qui  défend  de  juger  per- 
sonne, surtout  les  élus  de  Dieu.  Enfin  il  fait 
intercéder  la  ville  de  Rome,  la  maîtresse  du 
monde  et  leur  patrie,  en  faveur  de  Symma- 
que et  pour  la  paix  de  l'Eglise.  Il  remarque, 
en  passant,  que  de  son  temps  les  consuls, 
en  commençant  les  fonctions  de  leurs  em- 
plois, avaient  coutume  de  faire  de  grandes 
largesses  aux  pauvres,  et  qu'en  cela  leurs 
libéralités  étaient  plus  louables  que  celle  des 
anciens  consuls,  qui,  lorsqu'ils  paraissaient 
en  public,  faisaient  jeter  de  l'argent  au  peu- 
ple :  coutume  qui  fut  abolie  par  Martien. 

14.  Après  que  l'on  eut  achevé  la  lecture  de 
l'écrit  d'Ennode  dans  le  concile  de  Rome,  les 
évêques  l'approuvèrent  d'une  voix  unanime 
et  dirent  qu'il  devait  être  reçu  de  tout  le 
monde  et  transmis  à  la  postérité  entre  les 
actes  du  concile,  comme  ayaiit  été  composé 
et  confirmé  par  son  autorité.  Le  pape  Sym- 
maque, de  l'avis  de  tous,  ordonna  qu'il  fût 
mis  au  nombre  des  décrets  apostoliques.  Après 
quoi  les  évêques  demandèrent  à  haute  voix, 
tous  sans  exception,  de  même  que  les  prêtres 


^aie.x.  3. 


Snîlo  do 
concile  en 
bOJ,  p.  1354. 


»  Vide  tom.  IV,  pag.  684. 

^  Dico  tamen  latorem  juris  definitionis  suœ,  nisi 
velit,  lerminis  non  includi...  aliorum  forte  hominum 
causas  Deus  voluerit  per  homines  ierminare  :  Sedis 
istius  prœsulem  suo,  sine  guœstione,  reservavit  arhi- 
trio.Yoluit  beaii  Pétri  apostoli  successores  cœlo  iantum 


debere  innocentiam  et  subiilissimi  discussoris  indagini 
inviotatam  exhibere  conscieniiam...  Dicas  forsitan, 
omnium  animarum  iaiis  erit  in  illa  disceptatione 
condilio.  Replicabo  mii  dictum  :  Tu  es  Petrus^-  etc, 
Tom.  IV  Concil.,  pag.  1352, 


732 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qui  étaient  présents,  que  l'on  condamnât  ceux 
qui  avaient  accusé  le  pape  et  parlé  ou  écrit 
contre  le  concile.  Mais  le  pape  demanda,  au 
contraire ,  que  ses  persécuteurs  fussent  trai- 
tés avec  plus  de  douceur,  déclarant  qu'il  leur 
pardonnait.  Néanmoins  ,  pour  prévenir  de 
semblables  accusations,  il  voulut  que  l'on 
renouvelât  les  anciens  canons  qui  défendent 
aux  ouailles  d'accuser  leur  pasteur,  si  ce  n'est 
quand  il  erre  contre  la  foi,  ou  qu'il  leur  a  fait 
tort  en  particulier  ',  parce  qu'encore  que  l'on 
croie  les  actions  des  pasteurs  répréhensibles, 
onnedoilpasenmal parler. Ildemandade  plus 
qu'il  fût  ordonné  que  l'évéque  dépouillé  de 
son  bien  ou  chassé  de  son  siège,  serait  réin- 
tégré, et  que  toutes  choses  seraient  rétablies 
en  leur  entier  avant  qu'il  pût  être  appelé  en 
jugement.  Le  concile  confirma  tous  ces  sta- 
tuts, voulant  qu'ils  fussent  observés,  sous 
peine  de  déposition  pour  les  clercs  et  de  pri- 
vation de  la  communion  pour  les  moines  et 
les  laïques  ,  avec  menace  d'être  frappés  d'a- 
nathème  en  cas  d'incorrigibilité  ,  ce  qui  fait 
voir  que  l'excommunication  était  une  moin- 
dre peine  que  l'anathème.  Ennode  marque 
assez  clairement  ^  que  le  pape  Symmaque 
avait  été  accusé  d'adultère  par  les  schisma- 
tiques,  et  l'on  croit  que  celte  calomnie  lui 
donna  occasion  de  faire  une  ordonnance  qui 
porte  que  les  évêques,  les  prêtres  et  les  dia- 
cres 2  seront  obligés  d'avoir  toujours  auprès 
d'eux  une  personne  de  probité  connue  pour 
témoin  de  leurs  actions,  et  que  ceux  qui  n'au- 
ront point  assez  de  bien  pour  entretenir  une 
personne  de  cette  sorEe,  serviront  de  compa- 
gnons à  d'autres,  afin  que  la  vie  des  clercs 
fût  à  couvert  non-seulement  du  mal,  mais  du 
soupçon.  Ces  compagnons  s'appelaient  syn- 
celles.  Ce  qui  arriva  à  Symmaque  était  arrivé 
à  Sixte  III,  qui,  environ  soixante-dix  ans  au- 
paravant, fut  accusé  d'un  crime  d'impureté 
par  Bassus ,  qui  avait  été  consul.  Mais  ces 
deux  papes  se  lavèrent  l'un  et  l'autre  d'une 


tache  si  infâme  dans  les  conciles ,  au  juge- 
ment desquels  ils  avaient  bien  voulu  se  sou-         ^Ê 
mettre.  ■^ 

15.  Le  dernier  concile  de  Rome,  sous  le  conciks 
pontificat  de  Symmaque,  se  tint  le  1"  octo-  R""""'^' 
bre  de  l'an  504,  dans  l'église  de  Saint-Pierre. 
Le  pape  ,  qui  l'avait  convoqué ,  en  exposa  le 
motif  aux  évêques  assemblés.  C'était  de  re- 
médier aux  maux  que  les  Eglises  souffraient 
de  la  part  de  ceux  qui  s'emparaient  des  biens 
temporels,  soit  meubles,  soit  immeubles,  que 
les  fidèles  avaient  donnés  ou  laissés  par  tes- 
tament aux  Eglises  pour  la  rémission  de  leurs 
péchés  et  pour  acquérir  la  vie  éternelle.  Les 
conciles  précédents  avaient  déjà  fait  divers 
règlements  sur  ce  sujet;  mais  le  pape  Sym- 
maque, de  l'avis  des  évêques,  crut  qu'il  fal- 
lait les  renouveler  pour  tâcher  de  déraciner 
les  abus  qui  se  multipliaient  par  l'invasion 
des  biens  de  l'Eglise.  Il  fut  donc  résolu  de 
traiter  comme  les  hérétiques  manifestes  les 
usurpateurs  de  ces  biens,  et  de  les  analhéma- 
tiser,  s'ils  refusaient  de  les  restituer,  et  l'on 
défendit  de  les  admettre  à  la  communion  de 
l'Eglise  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  satisfait  par 
une  entière  restitution.  Le  concile  rapporte 
deux  décrets  de  celui  de  Gangres,  qui  défend, 
sous  peine  d'anathème,  de  recevoir  ou  de 
donner,  à  l'insu  de  l'évéque  ou  de  l'adminis- 
trateur des  biens  de  l'Eglise,  les  oblations  des 
fidèles.  Après  quoi  il  décide  que  c'est  donc 
un  grand  sacrilège  *  à  ceux  à  qui  il  convien- 
drait de  veiller  à  la  conservation  de  ces  biens, 
c'est-à-dire  aux  chrétiens  qui  craignent  Dieu, 
et  principalement  aux  princes  et  aux  pre- 
miers des  provinces ,  de  lui  ôter  ce  que  les 
fidèles  lui  ont  donné  pour  la  rémission  de 
leurs  péchés  et  leur  salut  ou  repos  de  leur 
âme,  et  de  convertir  ces  oblations  en  d'autres 
usages,  ou  d'en  accorder  la  possession  à  des 
étrangers  au  préjudice  de  l'Eglise.  C'est  pour- 
quoi ,  ajoute  le  concile ,  quiconque  deman- 
dera, ou  recevra,  ou  possédera,  ou  retiendra. 


1  De  ccetero  ne  unquam  ialia  non  solum  in  aposto- 
licœ  Sedis  prœsulem  a  quocumque  prœsummitur,  sed 
nec  in  ullo  chrisHanorum  episcopo  usurpentur  :  non 
necesse  est  super  his  nova  credere,  sed  vetera  recitare 
utque  firinare.  Est  enim  a  multis  antecessoribus  nostris 
synodulHer  decreium  aique  firmatum,  ut  oves ,  quœ 
paslori  suo  commissœ  fuerint,  eum  nec  reprehendere, 
nisi  a  recta  fide  exorbitaverit ,  prœsunmnt  :  nec  uUa- 
tenus  pro  quacumque  alia  re  nisi  pro  sua  injustilia 
accusare  audeant  :  quonium  pastorum  actus  gludio 
oris  non  sunt  feriendi,  quanqunm  rite  reprehendi  œsti- 
mentur.  Totn.  IV  Concil.,  pag.  1355. 

2  Ibid.,  pag.  1342. 


3  Baron.,  ad  an.  502,  num.  32  ;  Labb.,  in  not.,  pag. 
1260,  tom.  IV  Concil. 

*  Ergo  ingens  saerilegium  est,  ut  quœcumque  vel 
pro  remedio  peccatorum ,  vel  salute  vel  requie  anima- 
rum  suarum  unusquisque  venerabili  Ecclesiœ  contule- 
rit,  aut  certe  reliquerit,  ab  his  quibus  hœc  maxime 
servari  convenii,  id  est,  christianis  et  Deum  timentibus 
hominibus,  et  super  omniu  a  principilms  et  primis  re- 
gionum,  in  aliud  transferri  vel  converti.  Propterea 
qui  aliter  quam  scriptum  est  prœdia  Ecclesiis  trudita 
petierit ,  vel  acceperit ,  aut  possederit,  vel  injuste  de- 
fenderit,  aut  retinuerit  nisi  cito  se  correxerit,  anathe- 
mate  feriatur.  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1373. 


[V=  ET  Vl"  SIÈCLES.] 

OU  contestera  injustement  les  fonds  de  terre 
donnés  ou  laissés  à  l'Eglise,  s'il  ne  les  resti- 
tue au  plus  tôt,  qu'il  soit  frappé  d'anathème. 
Le  concile  prononça  la  même  sentence  con- 
tre ceux  qui  se  seraient  mis  en  possession  des 
biens  de  l'Eglise  ' ,  sous  prétexte  qu'ils  leur 
auraient  été  donnés  par  la  libéralité  ou  par 
l'ordje  des  princes  ou  des  puissants  du  siècle, 
ou  parce  qu'ils  les  auraient  envahis  eux- 
mêmes,  ou  retenus  par  une  puissance  tyran- 
nique.  Il  leur  défend,  sous  la  même  peine, 
de  laisser  ces  biens  à  leurs  enfants  ou  à  leurs 
héritiers  par  forme  de  succession,  s'ils  ne 
restituent  au  plus  tôt  les  choses  de  Dieu ,  en 
étant  avertis  par  l'évêque,  et  après  qu'il  leur 
aura  fait  connaître  la  vérité  des  choses.  Le 
roi  Théodoric  eut  égard  aux  décrets  de  ce 
concile;  car  ayant  su,  par  la  requête  d'Eus- 
torge  le  Jeune  ^ ,  évêque  de  Milan ,  que  l'on 
avait  enlevé  à  cette  Eglise  des  biens  et  des 
droits  dans  la  Sicile,  il  ordonna  qu'ils  lui  se- 
raient rendus,  avec  défense  de  les  usurper  à 
l'avenir.  Cent  quatre  évoques  souscrivirent  à 
ce  concile.  Mais  il  s'en  trouve  un  plus  grand 
nombre  dans  Justel  que  dans  le  père  Labbe, 
qui  remarque  qu'il  y  a  une  si  grande  altéra- 
tion dans  les  souscriptions ,  soit  par  rapport 
aux  noms  des  évoques ,  soit  par  rapport  à 
celui  de  leurs  Eghses ,  qu'il  est  presque  im- 
possible de  les  rétablir.  Anastase  lait  men- 
tion d'un  concile  de  Rome  sous  Symmaque , 
où  il  dit  que  ce  pape  fut  absout  par  cent 
quinze  évêques  ,  et  Pierre  d'Allino  nommé 
visiteur  par  ïhéodoric,  condamné  avec  Lau- 
rent, compétiteur  de  Symmaque;  mais  En- 
node  n'en  parle  pas  dans  son  Apologétique, 
ni  Symmaque  dans  le  sien.  Auraient-ils  ou- 
blié l'un  et  l'autre  un  jugement  qui  ne  pou- 
vait que  fortifier  leur  cause  ? 

* 

ARTICLE  XII. 

CONFÉRENCE  DE  LÏON  AVEC  LES  ARIENS 
[VERS  L'AN  300.] 

1 .  Dieu ,  par  une  providence  particulière 
sur  son  EgMse,  ayant  inspiré  ^,  pour  le  salut 
de  toute  la  nation  des  Français ,  à  l'évêque 
saint  Remy  de  détruire  partout  les  autels  des 
idoles ,  il  lui  accorda  en  même  temps  le  don 
des  miracles  pour  étendre  la  foi  avec  plus  de 


CHAPITRE  LUI.  —  CONFÉRENCE  DE  LYON. 


733 


facilité.  Les  fréquentes  conversions  que  Dieu 
opéra  par  son  ministère  excitèrent  plusieurs 
évêques  à  s'assembler  pour  travailler  à  la 
réunion  des  ariens.  Le  roi  Gondebaud  ne 
s'opposa  point  à  leur  dessein.  Néanmoins, 
afin  qu'il  n'y  parût  point  d'afi'ecta lion  et  que 
que  l'on  crût  au  contraire  que  cela  était  ar- 
rivé par  occasion,  Etienne,  évêque  de  Lyon, 
écrivit  à  plusieurs  pour  les  inviter  à  la  fête 
de  saint  Juste  ,  qui  était  proche  ,  et  où  il  se 
faisait  ordinairement  un  grand  concours  de 
peuples  à  cause  des  iniracles  qui  s'opéraient 
au  tombeau  du  martyr.  Entre  autres  évêques 
qui  se  rendirent  à  cette  cérémonie,  les  actes 
marquent  Avit  de  Vienne,  son  frère  Apolli- 
naire, évêque  de  Valence,  et  Conius  d'Arles. 
Tous  ceux  qui  s'y  trouvèrent  étaient  catho- 
liques et  d'une  vie  exemplaire.  Ils  allèrent 
ensemble  saluer  le  roi  Gondebaud,  qui  faisait 
sa  résidence  à  Savigny.  Les  évêques  ariens 
qui  s'y  rencontrèrent  auraient  bien  souhaité 
de  les  empêcher  d'avoir  audience,  mais  leurs 
efforts  furent  inutiles,  et,  avec  le  secours  de 
Dieu,  le  roi  la  leur  accorda.  Après  avoir  salué 
ce  prince ,  saint  Avit ,  quoiqu'il  ne  fût  ni  le 
plus  ancien,  ni  le  premier  en  dignité ,  mais 
par  une  déférence  des  autres  évêques,  porta 
la  parole  et  demanda  au  roi  la  conférence 
pour  la  paix,  disant  que  lui  et  les  autres 
évêques  catholiques  qui  l'accompagnaient 
étaient  prêts  de  montrer  clairement  qu'ils 
n'avaient  d'autre  foi  que  celle  de  l'Evangile 
et  des  apôtres;  qu'au  contraire,  celle  des 
ariens  n'était  pas  selon  Dieu  et  l'Eglise.  II 
ajouta  qu'il  y  avait  sur  les  lieux  des  évêques 
de  cette  secte  instruits  dans  toutes  les  sciences, 
et  demanda  qu'il  lui  plût  de  leur  ordonner 
d'accepter  la  conférence.  Le  roi  répondit  : 
«  Si  votre  foi  est  véritable,  pourquoi  vos  évê- 
ques n'empêchent-ils  pas  le  roi  des  Français 
de  me  faire  la  guerre  et  de  se  joindre  à  mes 
ennemis  pour  me  détruire  ?  La  vraie  foi  n'est 
point  où  on  est  avide  du  bien  d'autrui  et  où  on 
est  altéré  du  sang  des  peuples  :  qu'il  montre 
sa  foi  par  ses  œuvres.»  —  «  Seigneur,  répon- 
dit saint  Avit,  dont  le  visage  et  le  langage 
avaient  quelque  chose  d'angélique,nousne  sa- 
vons pas  quels  sont  les  motifs  du  roi  des  Fran- 
çais pour  faire  ce  que  vous  dites  qu'il  fait, 
mais  l'Ecriture  nous  apprend  que  souvent  les 


'  Similiier  et  hi  qui  res  Ecclesiœ  jussu  vel  largi- 
tione  principum ,  vet  quorumdam  poientum,  aut  qita- 
dam  invasiune,  aut  tyrannica  poiestate  i-etmuerint,  et 
filiis  vel  hœredibus  suis  quasi  liœreditarias  relique- 
rint,  nisi  ciio  res  Dei,   admonili  a  poniifice,  agnita 


veritaie,  reddiderint,  perpétua  anathemale  feriantur. 
Pag.  1374. 

2  Cassiod.,  lib.  II,  Epist.  29. 

3  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1318. 


734 


mSTOIUE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


royaumes  sont  renversés  par  le  mépris  de  la 
religion  ,  et  que  c'est  la  vraie  cause  pour  la- 
quelle Dieu  suscite  de  toute  part  des  enne- 
mis à  ceux  qui  se  déclarent  contre  Dieu.  Re- 
venez, avec  votre  peuple,  à  la  loi  de  Dieu,  eh 
il  établira  la  paix  dans  vos  Etats  ;  si  vous  l'a- 
vez avec  lui,  vous  l'aurez  avec  tout  le  monde, 
et  vos  ennemis  ne  pourront  prévaloir  sur 
vous.  »  —  «  Est-ce  donc,  répliqua  le  roi,  que 
je  ne  professe  pas  la  loi  de  Dieu  ?  Parce  que 
je  ne  veux  pas  reconnaître  trois  dieux,  vous 
dites  que  je  m'éloigne  de  la  loi  du  Seigneur. 
Je  n'ai  pas  lu,  dans  l'Ecriture,  qu'il  y  ait 
plusieurs  dieux,  mais  un  seul.  »  —  «  A  Dieu 
ne  plaise  ',  dit  saint  Avit,  que  nous  adorions 
plusieurs  dieux  :  il  n'y  en  a  qu'un  seul;  mais 
ce  Dieu  un  en  essence,  est  en  Irois  personnes  ; 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  sont  pas  d'autres 
dieux ,  mais  un  seul  Dieu,  dont  la  première 
personne  est  le  Père,  la  seconde  le  Fils,  la 
troisième  le  Saint-Esprit;  la  substance  du 
Père  n'est  pas  autre  que  celle  du  Fils,  et 
celle  du  Saint-Esprit  n'est  pas  autre  que  celle 
du  Père  et  du  Fils.  Le  même  Dieu  qui  a  parlé 
autrefois  par  les  prophètes  nous  a  parlé  nou- 
vellement dans  son  Fils  et  il  nous  parle  tous 
les  jours  dans  le  Saint-Esprit.  Quoiqu'il  nous 
ait  parlé  autrefois  par  les  prophètes,  dans  les 
derniers  temps  par  son  Fils,  et  maintenant 
par  le  Saint-Esprit,  c'est  un  et  le  même  Dieu 
qui  parle,  mais  il  est  appelé  ainsi  pour  la  dis- 
tinction des  personnes  qui  sont  en  effet  co- 
éternelles  et  consubstantielles.  Yoiià  ce  que 
nous  professons  et  ce  que  nous  sommes  prêts 
de  prouver,  n  Saint  Avite,  voyant  que  le  roi 
l'écoulait  paisiblement,  continua  son  discours 
et  dit  :  «  Si  vous  vouliez,  seigneur,  connaître 
par  vos  lumières  le  solide  de  notre  foi,  il  vous 
«n  reviendrait  un  grand  bien  et  à  votre  peu- 
ple; la  gloire  céleste  ne  vous  manquerait 
point,  la  paix  et  l'abondance  se  répandraient 
dans  vos  Etats.  Mais  les  vôtres  s'étant  décla- 
rés ennemis  de  Jésus -Christ,  ils  attirent  sur 
vous  la  colère  de  Dieu,  ce  qui,  ainsi  que  nous 
l'espérons;  cessera  d'arriver,  si  vous  voulez 
nous  écouter  et  commander  à  vos  évêquesde 
conférer  publiquement  avec  nous  sur  les  ma- 


tières de  la  foi  qui  nous  séparent.  »  Ayant 
ainsi  parlé,  il  se  jeta  aux  pieds  du  roi,  et,  les 
embrassant,  il  pleurait  amèrement.  Tous  les 
évêques  se  prosternèrent  avec  lui.  Le  roi, 
sensiblement  ému ,  se  baissa  pour  les  relever, 
et  leur  dit  amiablement  qu'il  leur  ferait  ré- 
ponse; ce  qu'il  fit  en  effet. 

2.  Dès  le  lendemain,  étant  retourné  à  Lyon 
par  la  Saône  ^,  il  envoya  chercher  Etienne 
et  Avit,  et  leur  dit  :  «  Vous  avez  ce  que  vous 
demandez;  mes  évêques  sont  prêts  de  vous 
montrer  que  personne  ne  peut  être  co-éternel 
et  consubstantiel  à  Dieu.  Mais  je  ne  veux  pas 
que  ce  soit  devant  tout  le  peuple,  de  peur 
qu'il  n'y  ait  du  tumulte;  ce  sera  devant  mes 
sénateurs  et  les  autres  que  je  choisirai,  comme 
de  votre  côté,  vous  choisirez  qui  il  vous  plaira 
des  vôtres,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas  en  grand 
nombre  ,  et  la  conférence  se  fera  demain  en 
ce  lieu,  n  Les  évêques,  après  avoir  salué  le 
roi,  se  retirèrent  pour  faire  savoir  ses  inten- 
tions aux  autres  évêques.  C'était  la  veille  de 
la  solennité  de  saint  Juste.  Quoiqu'ils  eussent 
fort  souhaité  remettre  la  conférence  au  len- 
demain de  la  fête,  ils  ne  voulurent  pas  diffé- 
rer pour  un  si  grand  bien.  Seulement  ils  ré- 
solurent, d'un  consentement  unanime,  de 
passer  la  nuit  auprès  du  tombeau  du  saint, 
pour  obtenir  de  Dieu,  par  ses  prières,  ce  qu'ils 
souhaitaient.  Il  arriva  que,  pendantcette  nuit, 
on  lut  à  l'office  quatre  leçons ,  suivant  l'usage 
du  temps;  deux  de  l'ancien  Testament,  dont 
l'une  était  tirée  de  l'Exode  et  l'autre  du  pro-  Eioâ.n. 
phète  Isaïe;  deux  du  nouveau,  savoir  del'é-  j^y,^_^,_ 
vangile  selon  saint  Matthieu  et  de  l'épître  aux  „^„^  ^, 
Romains,  et  que  dans  les  quatre  leçons  il  se  p„„  „ 
trouva  des  passages  qui  parlaient  de  l'endur- 
cissement des  cœurs.  Lesévêquesquile remar- 
quèrenl,  crurent  que  Dieu  leur  montrait  l'en- 
durcissement du  cœur  du  roi.  C'est  pourquoi 
ils  passèrent  la  nuit  dans  la  tristesse  e  t  dans  les 
larmes;  mais  ils  n'abandonnèrent  pas  pour 
cela  la  résolution  où  ils  étaient  de  défendre 
la  vérité  de  notre  religion  contre  les  ariens. 
Au  temps  que  le  roi  avait  marqué ,  tous  les 
évêques  assemblés  se  rendirent  au  palais, 
accompagnés  de  plusieurs  prêtres ,  de  plu- 


1  Âbsit,  0  ReX)  ut  ptures  deos  colamus  :  Udus  est 
l)eus  tuus,  0  Israël,  sed  ille  uniis  Deus  in  esseniia 
est  trinus  in  personis ;  et  Filius  et  Spiritus  Suncius 
non  sunt  alii  dit,  sed  unus  Deus  cujus  prima  persona 
est  Pater,  secunda  Filius,  tertia  Spiritus  Sanctus  ! 
sed  Patri  non  est  alia  substantia  quam  Filio,  et  Spi- 
fitui  Sancto  non  est  alia  quam  Pairi  et  Filin;  et  ille 
Deus  qui  olim  locutus  est  per  prophetas,  novissime 


locutus  est  in  Filio ,  et  adhuc  loquitur  quotidie  in 
Spiritu  Sancto.  Et  quamvis  olim  per  prophetas,  mox 
per  Filium ,  nunc  per  Spiritum  Sanctum ,  unus  idem- 
que  Deus  loquitur  ;  sed  sic  dicitur  ad  disiinctionem 
personarum  cum  rêvera  sint  coœternœ  et  cotisubstan- 
tiales.  Hoc  profitemur.  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1319, 
ï  Tom.  IV  Concit.,  p.v.  1319. 


[V  ET  VI«  SIÈCLES.] 

sieurs  diacres  et  de  quelques  laïques  catho- 
liques, entre  autres  Placide  et  Lucain,  deux 
des  principaux  officiers  des  troupes  du  roi. 
Les  ariens  vinrent  aussi  avec  ceux  de  leur 
secte ,  et ,  après  qu'ils  se  furent  assis  ,  le  roi 
présent,  saint  Avit  parla  pour  les  catlioliques 
et  Boniface  pour  les  ariens.  Saint  Avit  pro- 
posa notre  foi  en  l'appuyant  des  témoignages 
de  la  sainte  Ecriture  avec  autant  d'éloquence 
que  TuUius  Cicéron ,  et  le  Seigneur  donnait 
de  la  grâce  à  tout  ce  qu'il  disait.  Les  ariens, 
l'entendant  parler ,  en  furent  consternés ,  et 
Boniface,  qui  l'avait  écoulé  paisiblement,  ne 
put  jamais  rien  répondre  aux  raisons  que  ce 
saint  évêque  avait  apportées.  Quand  son  tour 
vint  de  parler,  il  proposa  des  questions  diffi- 
ciles, par  lesquelles  il  paraissait  n'avoir  d'au- 
tre intention  que  de  fatiguer  le  roi.  Saint 
Avit  pressa  beaucoup  Boniface  de  répondre, 
mais  il  n'en  fit  rien,  et  ne  trouvant  pas  moyen 
de  défendre  sa  cause,  il  se  répandit  en  in- 
jures, traitant  les  catlioliques  d'enchanteurs 
et  d'adorateurs  de  plusieurs  dieux.  Le  roi, 
voyant  que  Boniface  ne  disait  autre  chose  et 
sa  secte  couverte  de  confusion,  se  leva  de  son 
siège  et  dit  que  Boniface  répondrait  le  len- 
demain. Tous  les  évêques  se  retirèrent,  et, 
comme  il  faisait  encore  jour,  ils  allèrent,  avec 
les  autres  évêques  catholiques ,  à  l'église  de 
Saint-Juste  louer  le  Seigneur  et  lui  rendre 
grâces  de  la  victoire  qu'il  leur  avait  donnée 
sur  ses  ennemis. 

3.  Le  lendemain  les  évêques  retournèrent 
à  la  cour  avec  tous  ceux  qui  les  avaient  ac- 
compagnés le  jour  précédent.  Ils  trouvèrent 
en  entrant,  Arédius,  homme  illustre  et  habile, 
qui,  quoique  catholique  de  profession,  favo- 
risait les  ariens,  pour  faire  sa  cour  au  roi, 
qui  lui  témoignait  beaucoup  de  coutiance.  Il 
voulut  leur  persuader  de  s'en  retourner,  di-' 
sant  que  ces  disputes  n'aboutissaient  qu'à 
aigrir  les  esprits  de  la  multitude,  et  qu'il 
n'en  pouvait  arriveraucun  avantage.  Etienne, 
évêque  de  Lyon,  qui  connaissait  le  caractère 
d'Arédius,  lui  répondit  que  rien  n'était  plus 
propre  à  réunir  les  esprits  dans  une  sainte 
amitié,  que  de  connaître  de  quel  côté  se  ren- 
contre la  vérité,  parce  qu'étant  aimable  par- 
tout où  elle  se  trouve,  elle  rend  aimables 
ceux  qui  la  suivent.  11  ajouta  qu'ils  étaient 
tous  venus  par  ordre  du  roi  :  après  quoi  Aré- 
dius n'osa  plus  résister.  Ils  entrèrent  donc, 
et  aussitôt  que  le  roi  les  aperçut,  il  se  leva 
pour  aller  au-devant  d'eux  :  et  se  tenant 
entre  Etienne  et  Avit,  il  leur  parla  encore 


CHAPITRE  LUI.  —  CONFERENCE  DE  LYON.  735 


contre  le  roi  des  Français,  disant  qu'il  sollici- 
tait contre  lui  son  frère  Godégisille,  qui  ré- 
gnait alors  sur  une  partie  de  la  Bourgogne  * 
et  faisait  sa  l'ésidence  à  Genève.  C'était,  au 
contraire,  Godégisille  qui  avait  sollicité  Clo- 
vis  de  faire  la  guerre  à  Gondebaud  :  ce  que 
ce  prince  ne  savait  pas.  Les  évêques  lui  ré- 
pondirent qu'il  n'y  avait  pas  de  meilleur 
moyen  de  faire  la  paix,  que  de  s'accorder 
sur  la  foi,  et  lui  offrirent  leur  médiation  pour 
traiter  la  paix,  s'il  l'avait  agréable.  Après 
quoi  chacun  prit  sa  place  dans  le  même  or- 
dre que  le  jour  précédent.  Saint  Avit,  pour 
répondre  aux  reproches  de  Boniface,  fit  voir 
si  clairement  que  les  catholiques  n'adoraient 
point  plusieurs  Dieux,  qu'il  se  fit  admirer 
même  des  ariens.  Boniface  ne  lui  répondit 
que  par  des  injures,  comme  il  l'avait  fait  la 
veille,  et  s'enroua  tellement  à  force  de  crier, 
qu'il  ne  pouvait  plus  parler.  Le  roi  le  voyant 
en  cet  état,  attendit  assez  longtemps,  et  se 
leva  ensuite,  montrant  sur  son  visage  son 
indignation  contre  Boniface.  Alors  saint  Avit 
pria  ce  prince  d'ordonner  aux  ariens  de  ré- 
pondre à  ses  propositions,  afin  qu'il  pût  con- 
naître la  foi  qu'il  devait  suivre  :  mais  le  roi 
et  les  ariens  qui  étaient  avec  lui,  n'ayant 
rien  répondu,  le  saint  évêque  ajouta,  ens'a- 
dressant  toujours  au  roi  :  ;(  Si  les  vôtres  ne 
peuvent  nous  répondre,  qui  empêche  que 
nous  ne  convenions  tous  d'une  même  foi?  » 
Comme  ils  en  murmuraient,  saint  Avit  dit, 
plein  de  confiance  dans  le  Seigneur  :  «  Si 
nos  raisons  ne  peuvent  les  convaincre,  je  ne 
doute  point  que  Dieu  ne  confirme  notre  foi 
par  un  miracle.  Ordonnez  que  nous  allions 
tous  au  tombeau  de  saint  Juste,  que  nous 
l'interrogions  sur  notre  foi,  et  Boniface  sur 
la  sienne  :  Dieu  prononcera  ce  qu'il  approuve 
par  la  bouche  de  son  serviteur.  »  Le  roi, 
étonné,  semblait  y  consentir;  mais  les  ariens 
se  récrièrent  et  dirent  que,  pour  faire  con- 
naître leur  foi,  ils  ne  voulaient  point  faire 
comme  Saiil,  qui  s'était  attiré  la  malédiction, 
ayant  recours  à  des  enchantements  et  à  des 
voies  illicites  ;  qu'ils  se  contentaient  d'avoir 
l'Ecritui-e,  plus  forte  que  tous  les  prestiges. 
Ils  répétèrent  la  même  chose  plusieurs  fois 
avec  de  grands  cris.  Le  roi,  qui  s'était  déjà 
levé,  prenant  par  la  main  Etienne  et  Avit,  les 
mena  jusqu'à  sa  chambre,  les  embrassa  et 
leur  dit  de  prier  pour  lui.  Les  deux  évêques 
connurent  aisément  la  perplexité  et  les  em- 

1  Greg.  Turou.,  lib.  II  liisi.,  cap.  SXSII, 


736 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


barras  du  roi  :  mais  parce  que  Dieu  le  Père 
lie  l'avait  point  atliré,  il  ne  put  encore  alors 
venir  au  Fils,  afin  que  cette  vérité  fût  ac- 
complie :  Qu'il  ne  dépend  point  de  celui  qui 
veut,  ni  de  celui  qui  court,  mais  de  Dieu  qui 
fait  misér'icorde.  Depuis  ce  Jour,  plusieurs 
ariens  se  convertirent  et  furent  baptisés  quel- 
ques jours  après.  Ce  fut  de  cette  manière 
que  Dieu  fit  éclater  la  vérité  de  notre  foi,  en 
présence  de  tout  le  monde,  par  l'interces- 
sion de  saint  Juste.  Quant  au  roi  Gondebaud, 
après  qu'il  eut  terminé  la  guerre  contre  Clo- 
vis,  il  demanda  à  saint  Avit  de  lui  donner  en 
secret  l'onction  du  saint  chrême  ',  confessant 
que  le  Fils  de  Dieu  et  le  Saint-Esprit  sont 
égaux  au  Père;  mais  le  saint  évêque  lui 
ayant  représenté  qu'il  devait,  suivant  le 
précepte  du  Seigneur,  le  confesser  devant 
les  hommes,  il  n'eut  jamais  le  courage  de 
faire  publiquement  profession  de  la  foi  ca- 
tholique. On  met  la  conférence  de  Lyon  vers 
l'an  500. 

ARTICLE  XIII. 

CONCILE  d'agde   [506]. 

condia  1.  Pendant  que  Trasamond,  roi  des  Van- 
B06.^  °  °°  dales,  persécutait  vivement  les  catholiques 
en  Afrique,  Alaric,  roi  des  Visigoths,  en  Es- 
pagne, quoique  arien  comme  lui,  les  traitait 
avec  beaucoup  d'humanité.  Il  fit  pour  les 
Romains,  ses  sujets,  dont  la  plupart  profes- 
saient la  foi  catholique,  un  recueil  du  Code 
théodosien  et  de  plusieurs  autres  livres  de 
l'ancien  droit,  et  le  fit  autoriser  du  consen- 
tement des  évêques  et  des  personnes  les  plus 
distinguées  de  chaque  province.  Anien,  son 
chancelier,  le  publia  à  Aire,  ville  de  cette 
partie  des  Gaules  que  l'on  nommait  Aqui- 
taine, et  dont  Alaric  était  maitre,  la  22=  an- 
née de  son  règne,  506  de  Jésus-Christ.  La 
même  année  il  permit  aux  évêques  catholi- 
ques de  ses  Etats,  de  s'assembler  en  la  ville 
d'Agde,  située  dans  le  Languedoc  :  ils  s'y 
trouvèrent  au  nombre  de  quatre-vingt-qua- 
tre, de  diverses  provinces  qui  étaient  sous  la 
domination  de  ce  prince.  Saint  Césaire,  évê- 


que d'Arles,  présida  à  cette  assemblée.  Les 
autres  évêques  les  plus  connus,  sont  :  Cy- 
prien  de  Bordeaux,  Tétradius  de  Bourges, 
Héraclien  de  Toulouse,  Sophfonius  d'Agde 
et  Quinfien  de  Rodés.  Dix  évêques  n'ayant 
pu  s'y  rendre,  envoyèrent  des  députés,  dont 
quelques-uns  étaient  prêtres  et  les  autres 
diacres.  Ils  s'assemblèrent  le  H  septembre 
de  l'an  506,  dans  l'église  de  Saint-André,  où 
l'on  conservait  des  rehques  de  cet  apôtre. 
Leur  première  attention  fut  de  faire  à  ge- 
noux des  prières  pour  la  longue  vie  du  roi 
Alaric,  la  prospérité  de  son  règne  et  pour 
tout  le  peuple,  voulant,  par  cet  acte  public, 
témoigner  leur  reconnaissance  envers  ce 
prince,  de  ce  qu'il  leur  avait  permis  de  s'as- 
sembler. Puis  s'étant  assis  ils  firent  j)lusieurs 
canons  pour  le  maintien  de  la  discipline. 
Laurent  Surius,  dans  l'édition  qu'il  en  a  don- 
née sur  un  manuscrit  de  Gemblours,  remar- 
que qu'il  n'y  en  avait  que  quarante-huit.  Le 
père  Sirmond  n'en  a  pas  trouvé  davantage 
daas  les  manuscrits  de  Lyon,  de  Reims,  de 
Corbie  et  dans  la  plupart  des  autres  qu'il  a 
eus  eu  main  :  d'où  il  conjecture  avec  beau- 
coup de  raison  que  le  concile  d'Agde  n'en 
fit  pas  davantage,  et  que  les  vingt-cinq  ca- 
nons qui  se  trouvent  au-delà,  ont  été  ajou- 
tés depuis  et  tirés  de  quelques  autres  con- 
ciles postérieurs,  nommément  de  celui  d'E- 
paone. 

2.  Avant  que  de  faire  aucun  canon  ^.  les 
évêques  firent  lire  par  ordre  ceux  qui  avaient  ^,'^  j°° 
été  faits  dans  les  conciles  précédents.  Après 
quoi  ils  ordonnèrent  que  les  bigames  ^,  ou 
ceux  qui  avaient  épousé  des  veuves,  soit 
qu'ils  fussent  prêtres  ou  diacres,  conserve-  ■ 
raient  le  nom  de  leur  ordre,  sans  pouvoir 
toutefois  en  faire  les  fonctions,  le  concile 
voulant  bien,  par  commisération,  les  laisser 
jouir  du  degré  d'honneur  qu'ils  avaient  alors, 
et  dérogeant  à  tout  ce  que  les  autres  conci- 
les pouvaient  avoir  décrété  de  contraire  sur 
ce  sujet.  Ils  ordonnèrent  ensuite  ■*  que  les 
clercs  désobéissants  seraient  punis  par  l'évê- 
que,  et  que  s'il  s'en  trouvait  qui,  entlés  d'or- 


^  Greg.  Turon.,  lib.  Il  Hist.,  cap.  sxxiv. 

2  Labb.,  toin.  IV  ConciL,  pag.  1383. 

"  Placuit  de  bigamis  aut  inten-iiptarum  maritis, 
quanquam  aliud  Patrum  slututa  decreverint,  ut  qui 
hue  usque  ordinati  sunt ,  habita  miseraiione,  presby~ 
ierii  vel  diaeunatus  nomen  tantum  obtineant,  offieium 
vero  presbyteri,  consecrandi,  et  ministrandi  hujus- 
modi  diacones  non  prœsumanl.  Can.  l,  pag.  1383. 

*  Contumaces  vero  clerici,  prout  dignitatis  ordo 


permiserit,  ab  episcopis  corrigantur  :  et  si  qui  prioris 
gradus  elali  superbia ,  communionem  fartasse  con- 
tempserinl,  aut  ecclesiam  frequentare,  vel  offieium 
suum  implere  neglexerint ,  peregrina  eis  communio 
tribuatur  ;  ita  ut  cum  eos  pœnitentia  correxerit,  re- 
scripti  in  matricula  gradum  suiun  dignitatemque  reci- 
piant.  Can.  2,  ibid.  Vide  Disse^'lat.  Jacobi  Dominici. 
de  Commun,  peregrin- 


[V  ET  VI'=  SIÈCLES.] 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  Û'AGDE. 


737 


gueil,  méprisassent  la  communion,  négligeas- 
sent d'assister  à  l'église  et  d'y  faire  leurs 
fonctions,  ils  seraient  elfacés  de  la  matricule 
et  réduits  à  la  communion  étrangère,  c'est- 
à-dire  des  clercs  étrangers,  à  qui  l'on  accor- 
dait un  rang  au-dessus  des  laïques,  mais  au- 
dessous  des  clercs  de  l'Eglise,  qui  étaient 
dans  le  même  rang  qu'eux.  Les  pères  ajou- 
tèrent que  s'ils  venaient  à  se  corriger  et  à 
faire  pénitence  de  leurs  fautes,  ils  seraient 
remis  dans  la  matricule  de  l'Eglise  et  rétablis 
dans  leurs  grades.  Il  fut  ordonné  que  si  les 
évêques,  ne  gardant  aucune  modération  ', 
avaient  excommunié  des  personnes  innocen- 
tes ou  seulement  coupables  de  quelques  fau- 
tes légères,  et  ne  voulaient  pas  les  recevoir, 
quoique  ces  personnes  le  demandassent  avec 
instance,  ils  seraient  avertis  de  le  faire  par 
les  évêques  voisins,  qui,  en  cas  de  refus,  se- 
raient autorisés  à  accorder  la  communion 
aux  excommuniés,  jusqu'à  la  tenue  d'un 
concile,  de  peur  que  venant  à  mourir,  ils 
n'augmentassent  le  péché  de  celui  qui  les 
avait  excommuniés.  Le  concile  appelle  meur- 
triers des  pauvres  -,  ceux  qui  retiennent  les 
donations  faites  aux  églises  et  aux  monastè- 
res par  leurs  parents,  soit  par  testament  ou 
autrement,  et  il  veut  qu'ils  soient  exclus  de 
l'Eglise  jusqu'à  ce  qu'ils  le  rendent.  11  veut 
encore  que  l'on  réduise  à  la  communion 
étrangère  ^  un  clerc  qui  aura  pris  quelque 


chose  à  l'Eglise.  Il  déclare  que  les  oblations 
faites  aux  évêques  par  des  étrangers  *,  doi- 
vent être  regardées  comme  appartenant  à 
l'Eglise,  étant  à  présumer  que  ceux  qui  don- 
nent, le  font  pour  le  salut  de  leur  âme;  et 
parce  qu'il  est  juste  que,  comme  l'évèque 
jouit  de  ce  que  l'on  donne  à  l'Eglise,  de 
même  ce  qui  est  donné  à  l'évèque  appar- 
tient à  l'Eglise.  Il  en  excepte  les  choses 
données  en  fidéicommis,  soit  à  l'évèque, 
soit  à  l'Eglise.  Le  même  concile  défend  aux 
évêques  ^  d'aliéner  les  maisons,  les  esclaves 
et  les  vases  de  l'église,  si  ce  n'est  que  le 
besoin  ou  l'utilité  de  l'Eglise  oblige  de  les 
vendre  ou  de  les  donner  en  usufruit  :  ce  qui 
sera  prouvé  en  présence  de  deux  ou  trois 
évêques  voisins  et  attesté  par  leur  souscrip- 
tion. Il  estpermis  toutefois  à  l'évèque  d'affran- 
chir les  esclaves  qui  ont  bien  servi  l'Egiise, 
sans  que  ses  successeurs  puissent  les  remettre 
en  esclavage ,  et  de  leur  donner  quelque 
chose  en  les  affranchissant,  pourvu  que  la 
valeur  n'excède  pas  la  somme  de  vingt  sols 
d'or,  soit  terre,  vigne  ou  maison.  S'il  arrive 
que  l'évèque  donne  davantage  à  celui  qu'il 
affranchit,  l'excédant  retournera  à  l'Eglise 
après  la  mort  de  l'affranchi.  Quant  aux  cho- 
ses de  petit  revenu  et  peu  utiles  à  l'Eglise, 
le  concile  laisse  au  pouvoir  de  l'évèque  d'en 
disposer  en  faveur  des  étrangers  ou  des 
clercs.  Il  ordonne  *  que  si  un  clerc  aban- 


'  Eiiiscopi  vero ,  si  sacerdoiali  moderatione  postpo- 
sita,  innocentes  aui  minimis  cousis  culpabites  cxcom- 
municure  prœsumpserint  et  ad  gratium  fesiinuntes 
recipere  nolmrint,  a  vicinis  episcopis  cujuslibet  pro^ 
vinciœ  tilteris  moneantur  ;  et  si  parère  noluerint, 
communia  illis  nuque  ud  lempus  synodi  a  retiquis 
episcopis  non  negetur  :  ne  fortasse  ad  excommunica- 
toris  peccatum  excommunicaii  longo  tempore  morte 
prœveniuntur .  Gan.  3,  ibid. 

^  Clerici  eliam,  vel  sœculares,  gui  oblaiiones  paren- 
tum,  uut  donatas,  aut  testamentis  relictas,  retinere 
perstiterinl,  aut  id  quod  ipsi  donacerint  ecclesiis,  vel 
monasteriis ,  crediderint  auferendum ,  sicui  synodus 
sancla  constitua,  velut  necatores  puuperum  ,  quousque 
reddant,  ab  ecclesiis  excludantur.  Cau.  4,  ibid. 

2  Si  quis  clericus  furtum  ecciesiœ  fecerit,  peregrina 
ei  communio  tribuaiur,  Cau.  b,  ibid. 

'  Pontifices  vero,  quibus  in  summo  saccrdolio  con- 
stilutis,  ab  extraneis  duntaxat ,  aliquid,  aut  cuni  Ec- 
clesia,  aut  sequestratim,  uut  dimittiiur,  aut  donatur, 
quia  hoc  ille  qui  donat  pro  redempiione  animœ  suce, 
non  pro  commodo  sacerdolis  probatur  offerre,  non 
quasi  suum  proprium,  sed  quasi  dimissztm  Ecciesiœ, 
inter  facullates  Ecciesiœ  contputabunt  :  quia  juslum 
est,  ut  sicut  sacerdos  habet  quod  Ecciesiœ  dimissum 
est,  ila  et  Ecclesia  liabeal  quod  relinquitur  sacerdoti. 
Sane  quidquid  per  fidei  coinmissum ,  aut  sacerdotis 
nomine,  aut  Ecciesiœ,  fortasse  dimittiiur ,  cuicumqua 

X. 


alii  postmodum  profuiurum  ;  id  inter  facullates  suas 
Ecclesia  computare,  aut  retinere  non  poterit.  Cau.  6, 
ibid. 

'  Casellas  vero,  vel  mancipiola  Ecciesiœ,  episcopi, 
sicut  prisca  canonum  prœcepit  aucloritas,  vel  vasa 
minisierii,  quasi  commendata,  fideii  proposito  integro 
Ecciesiœ  jure  possideant  :  id  est,  ut  neque  vendere, 
neque  per  quoscumque  conlractus  res,  unde  pauperes 
vivunt,  alienare  prœsumant.  Quod  si  nécessitas  certa 
compulerit,  ut  pro  Ecciesiœ  aut  necessifate,  aut  uti- 
lilate,  vel  in  usufructu ,  vel  indirecta  vinditione  ali- 
quid distraliatur,  apud  duos  vel  très  comprovinciales, 
vel  vicinos  episcopos,  causa,  qua  necesse  sit  vendi, 
primitus  comprobetur  :  et  habita  discwsione  sacerdo. 
lali,  eorunt  subscriplione  quœ  facta  fuerit  venditio 
rohoretur.  Allier  facta  venditio,  vertransaclio,  non 
valebit.  Sane  si  quos  de  servis  Ecciesiœ  bene  meritos 
sibi  episcopus  liberiate  donaverit,  collatam  libertatem 
a  successoribus  plaçait  custodiri,  cum  hoc  quod  eis 
manumissor  in  liberiate  contulerit.  Quod  iamen  jubé- 
mus  vigmti  solidorum  numerum  et  modum  in  ierrula, 
vineola,  vel  hospiliolo  tenere.  Quod  amplius  datum 
fuerit,  post  munutnissoris  mortem  Ecclesia  revocabit. 
Minusculas  vero  res,  uut  Ecciesiœ  minus  utiles,  pero- 
grinis  vel  clericis,  salvo  jure  Ecciesiœ,  in  usum  prœ- 
slari  permiltimus.  Gan.  7,  pug.  1384. 

6  M  eliam  plucuit,  ut  clericus,  si  relicto  officia  suo 
propter  disirictionem,  ad  sœculurem  judicem  fortasse 

47 


738 


HISTOIRE  GENERALE  DES 


donne  ses  fonctions  et  se  retire  auprès  d'un 
juge  séculier  pour  éviter  la  sévérité  de  la 
discipline,  il  soit  excommunié  avec  celui  qui 
lui  aura  accordé  sa  protection,  et  que  les 
lois  établies  par  les  papes  Sirice  et  Innocent  ' 
soient  observées  à  l'égard  des  prêtres  et  des 
diacres  qui  retournent  avec  leurs  femmes,  11 
rapporte  à  cette  occasion  les  lettres  de  ces 
deux  papes,  qui  regardent  le  célibat  des  mi- 
nistres de  l'autel.  Il  interdit  également  aux 
clercs  2  de  recevoir  chez  eus  des  femmes 
étrangères  ou  de  les  aller  voir  fréquemment 
dans  leurs  maisons,  leur  accordant  seule- 
ment de  demeurer  avec  leur  mère,  leur 
sœur,  leur  fille  et  leur  nièce,  comme  ne  pou- 
vant être  suspectes.  Il  leur  défend  encore  ^ 
de  garder  chez  eux  les  filles  esclaves  ou  af- 
franchies, pour  les  servir  à  titre  de  dépen- 
sières. 

3.  Comme  il  y  avait  des  Eglises  où  l'on  ne 
jeûnait  point  le  samedi  *,  il  est  ordonné  que 
tous  les  enfants  de  l'Eglise  jeûneront  le  Ca- 
rême entier,  excepté  les  jours  de  dimanche, 
et  que  dans  toutes  les  églises^ on  expliquera 
le  symbole  aux  compétents  en  un  même 
jour,  c'est-à-dire  huit  jours  avant  Pâques. 
Dans  la  consécration  des  autels  ^,  l'onction 
du  chrême  ne  suffit  pas,  il  faut  encore  la  bé- 
nédiction sacerdotale.  Il  est  enjoint  aux  péni- 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

tents^,  dans  le  temps  qu'ils  demandent  la  pé- 
nitence, de  recevoir  l'imposition  des  mains 
de  l'évêque,  et  de  recevoir  aussi  de  leur 
main  un  cilice  sur  la  tête,  suivant  la  coutume 
générale.  Après  quoi  l'on  ajoute,  qu'au  cas 
où  les  pénitents  refusent  de  couper  leurs 
cheveux^  de  changer  d'habits  et  de  faire  de 
dignes  fruits  de  pénitence,  ils  seront  rejetés 
du  nombre  des  pénitents.  Pour  ce  qui  est  des 
jeunes  gens,  le  concile  ne  veut  pas  qu'on  leur 
accorde  aisément  la  pénitence,  à  cause  de  la 
fragilité  de  leur  âge  ;  mais  il  veut  qu'on  ac- 
corde le  viatique  à  tous  ceux  qui  se  trouvent 
en  danger  de  mort,  c'est-à-dire  l'absolution, 
et  il  défend  de  tenir  pour  catholiques  ^  les 
laïques  qui  ne  communient  point  à  Noël, 
à  Pâques  et  à  la  Pentecôte.  On  ne  doit  or- 
donner les  diacres  ^  qu'à  vingt-cinq  ans.  Si, 
étant  jeunes  et  engagés  dans  le  mariage,  ils 
consentent  d'être  ordonnés,  il  faut  aupara- 
vant s'assurer  que  leurs  femmes  sont  aussi 
dans  la  résolution  de  vivre  en  continence, 
en  sorte  que  depuis  leur  ordination  ils  n'ha- 
bitent plus  dans  la  même  cliambre.  L'ordina- 
tion des  prêtres  et  des  évêques  est  fixée  à 
trente  ans  '",  que  l'on  regarde  comme  l'âge 
de  l'homme  parfait.  A  l'égard  des  religieu- 
ses ",  on  ne  doit  point  leur  donner  le  voile 
avant  l'âge  de  quarante  ans,  quelque  éprou- 


confugerit  ;  et  [is  ad  quem  recurrit)  solatium  ei  de- 
fensionis  impenderit,  cum  eadem  de  Ecclesiœ  commu- 
nione  peltalur.  Gaii.  8,  pag.  1384. 

'  Placuit  etiam,  ut  si  diacones  aut  presbyteri  conju- 
gati  ad  torum  uxorum  suarum  redire  voluerird,  papœ 
Innocenta  ordinaiio ,  et  Siricii  episcopi  auctoritas , 
quœ  est  his  canonibus  inseria ,  consei'vetur.  Gan.  9, 
ibid. 

2  M  eiiam  ad  custodiendam  vitam  et  famam  spe- 
ciali  oi-dinatione  prœcipimus ,  ut  nuilus  clericorum 
extraneœ  mulieri  qualibet  consolaiione,  aut  /'amiiia- 
ritate  jungatur  ;  et  non  solum  in  donio  illius  exlranea 
mulier  non  accédât;  sed  nec  ipse  frequentandi  ad  ex- 
traneam  mulierem  habeat  potestatem  ;  sed  cum  matre 
tantum,  sorore,  filia  et  nepte,  si  habuerit,  aut  vo- 
luerit,  Vivendi  habeat  potestatem.  De  quibus  nefas 
est  aliud,  quam  natura  consliluit,  suspicari.  Gan.  10^ 
pag.  1385. 

s  Ancillas  vel  libertas  a  cellario,  vel  a  secreto  ini- 
nisterio,  et  ab  eadem  mansiune,  in  qua  ciericus  manet, 
placuit  removeri.  Gan.  1],  ibid. 

*  Placuit  etiam,  ut  omnes  Ecclesiœ  filii,  exceptis 
diebus  dominicis,  in  Quadragesimu,  etiam  die  sub- 
bato ,  sacerdotali  ordinatione,  et  disirictionis  commi- 
natione  jejunent.  Gan.  12,  ibid. 

'  Symbolum  etiam  placuit  ab  omnibus  Ecclesiis  una 
die,  id  est,  ante  octo  dies  dominicœ  Resurrectionis, 
publiée  in  ecclesia  competentibus  tradi.  Gan.  13 , 
ibid. 

*  Altaria  placuit  non   solum  unctione  chrismatis 


sed  etiam  sacerdotali  benedictione  sacrari.  Can.  14 
ibid. 

'  Pœni tentes  tempore  quo  pœnitentiam  petunt,  impo- 
silionem  manuum  et  cilicium  super  caput  a  sacerdote, 
sicut  ubique  conslitutum  est,  consequantur.  Si  autem 
comas  non  deposuerint,  aut  vestimenta  non  mutaverint, 
abjiciantur  :  et  nisi  digne  pœnituerint,  non  recipian- 
tur.  Juvenibus  etiam  pœnitentia  non  facile  commii- 
tenda  est  propter  œtatis  fragilitatem.  Viaiicum  iamen 
omnibus  in  morte  positis  non  negandum.  Gan.  15, 
ibid. 

*  Sœculares ,  qui  Natale  Domini ,  Pascha  et  Pente- 
coste  non  communicaverint,  catholici  non  credantur, 
nec  inter  catholicos  habeantur.  Can.  18,  pag.  138G. 

8  Episcopus  benedictionem  diaconatus  minoribus 
quam  viginti  quinque  annorum  penitiis  non  committat. 
Sane  si  conjugati  juvenes  consenserint  ardinari , 
etiam  uxorum  voluntas  ita  requirenda  est,  ut  seque- 
strato  munsionis  cubiculo,  religione  prœmissa,  postea- 
quam  pariter  conuersi  fuerint,  ordinentur.  Can.  16, 
ibid. 

10  Presbyterum  vero  vel  episcopum,  ante  iriginta  an- 
nos,  id  est,  antequum  ad  viri  perfecti  œtaiem  venial, 
nuilus  metropolitanorum  ordinare  prœsumat,  ne  per 
œtaiem,  quod  aliquoties  evenit,  aliquo  errore  culpen- 
tur.  Gan.  17,  ibid. 

"  Sanctimoniales ,  quamlibet  vita  earum  et  mores 
probati  sint ,  ante  annum  œtatis  suœ  quudragesimum 
non  velentur.  Can.  19, 


[V° ET  VI' SIÈCLES.] 


CHAPITRE  LUI,  —  CONCILE  D'AGDE. 


739 


vées  que  soient  leurs  mœurs.  Si  des  clercs 
portent  de  longs  cheveux  ',  l'archidiacre  les 
leur  coupera  malgré  eux  :  leurs  habits  et 
leurs  chaussures  seront  aussi  convenables  à 
leur  état.  Ce  canon  fut  fait  à  l'occasion  des 
Barbares  qui  dominaient  alors  dans  les  Gau- 
les et  qui  portaient  de  grands  cheveux.  On 
peut  permettre  des  oratoires  ou  chapelles  à 
la  campagne  2,  à  ceux  qui  sont  éloignés  des 
paroisses,  et  d'y  faire  dire  l'office  pour  la 
commodité  de  leur  famille,  à  l'exception  des 
fêtes  de  Pâques,  de  Noël,  de  l'Epiphanie,  de 
l'Ascension,  de  la  Pentecôte  et  des  autres 
grandes  fêtes  auxquelles  ces  particuliers  doi- 
vent passer  ces  jours  solennels  dans  la  ville 
ou  venir  à  la  paroisse.  Les  clercs  qui  ces 
jours-là  oseront  célébrer  la  messe  dans  les 
oratoires  de  la  campagne,  sans  la  permission 
de  l'évêque,  seront  excommuniés.  Les  an- 
ciens canons  avaient  défendu  l'aHénation  des 
biens  de  l'Eglise  :  le  concile  renouvelle  cette 
défense  ^,  voulant  que  les  curés  et  les  autres 
ecclésiastiques  usent  des  biens  de  l'Eglise  en 
la  manière  que  l'évêque  l'aura  permis,  sauf 
le  droit  de  l'Eglise,  sans  pouvoir  les  vendre 
ni  les  donner  à  personne.  On  déclare  nulle 
la  vente  ou  donation  qu'ils  en  auraient  faite, 
on  les  oblige  d'indemniser  l'Eglise  de  leurs 


propres  biens,  s'ils  en  ont,  et  on  les  prive  de 
la  communion.  11  est  ordonné  à  l'évêque  de 
faire  observer  le  rang  d'antiquité  entre  les 
clercs  *,  si  ce  n'est  que  quelqu'un  d'entre 
eux  mérite  d'être  humilié  pour  sa  désobéis- 
sance aux  ordres  de  l'évêque.  On  lui  laisse 
toutefois  le  pouvoir  de  choisir  pour  archidia-  . 
cre  celui  qu'il  en  trouvera  le  plus  capable, 
supposé  que  le  plus  ancien  des  clercs  ne  soit 
pas  en  état  de  remplir  les  devoirs  de  cet 
office.  Le  concile  de  Vaison  avait  fait  un  dé- 
cret touchant  les  enfants  :  celui  d'Agde  le 
renouvelle  ^.  Il  excommunie  les  personnes 
mariées  ^  qui  se  sont  séparées  sans  avoir  au- 
paravant prouvé  en  présence  de  l'évêque  de 
la  province,  qu'elles  ont  des  raisons  légitimes 
de  rompre  leurs  mariages.  On  leur  interdit 
les  assemblées  du  peuple  fidèle  pour  avoir 
manqué  à  la  foi  du  mariage  et  l'avoir  souillé 
par  des  alliances  illicites  avec  d'autres  per- 
sonnes.Les  clercs  convaincus  d'avoir  détourné 
les  titres  de  l'Eglise',  de  les  avoir  supprimés 
ou  livrés  entre  les  mains  de  ses  adversaires, 
devaient  l'indemniser  à  leurs  dépens  €t  être 
excommuniés  avec  ceux  qui  auraient  reçu 
ces  titres.  Le  concile  défend  de  fonder  un 
nouveau  monastère  sans  la  permission  de 
l'évêque  ^,  et  d'ordonner  les  moines  vaga- 


1  Clerici  qui  comam  nutriunt ,  ab  archidiacono , 
etiam  si  noluerint,  inviti  delondeantur .  Vestimenta 
vel  calceamenta  etiam  eis,  nisi  quœ  religiotiem  de- 
ceant)  uti  vel  habere  non  liceat.  Can.  20,  ibid. 

2  Si  quis  etiam  extra  parochias,  in  quitus  legitimus 
est  ordinariusque  convenlus,  oraiorium  in  agro  habere 
voluerit ,  reliquis  festivitatibus ,  ut  ibi  missas  teneut 
propter  faligationem  farniliœ ,  jusla  ordinatione  per- 
miltimus  :  Pascha  vero,  Natale  Domini,  Epiphania, 
Ascensionem  Domini,  Pentecostem,  et  Natalem  sancti 
Joannis  Baptistœ,  vel  si  qui  maximi  dies  in  festivita- 
tibus habentur,  non  nisi  in  civitatibus  aut  in  parochiis 
ieneant.  Clerici  vero,  si  qui  in  festivitatibus  quas  su- 
pra diximus,  in  oratoriis,  nisi  jubente  aut  pcrmittente 
episcopo ,  missas  facere  aut  tenere  voluerint ,  a  com- 
munione  pellaniur.  Gan.  21. 

^  Et  licet  superfluum  sit  de  re  nota  et  antiquis  ca- 
nonibus  prohibita,  iterato  aliquid  definire  ;  uttamen 
quo  fucilius  cupidilas,  aut  iniprobitas  reprimatur^  id 
slatuimus,  quod  omnes  canones  jubent,  ut  civitatenses 
sive  diœcesani  prcsbyteri ,  vel  clerici,  saluo  jure  Ec- 
clesiœ ,  rem  Ecclesiœ ,  sicut  permiserint  episcopi ,  te- 
neant  ;  vendere  autem,  aut  donare,  penitus  non  prœ- 
sumant  :  quod  si  fecerinl ,  et  facta  venditio  non 
valebit,  et  de  facultatibus ,  si  quas  habent  proprius, 
indemnem  Ecclesiam  reddant,  et  communione  priven- 
tur.  Can.  22,  ibid. 

*  Episcopus  etiam ,  quorum  vita  non  reprehenditur, 
posteriorem  priori  nullum  prœponat  :  nisi  fartasse 
elatus  superbia,  quod  pro  necessitate  Ecclesiœ  episcopus 
jusserit,  implere  contemnat.  Sane  si  officium  archi- 
diaconatus  propter  simpliciorem  naturam  implere  aut 


expedire  nequiverit,  il  le  loci  sui  nomen  teneat,  et  or- 
dinationi  Ecclesiœ  quem  elegerit  episcopus  prœponatur. 
Gan.  23,  pag.  1387. 

^  De  expositis  id  observandum,  quod  jum  dudum 
synodus  snncta  constiluit.  Can.  24,  ibid. 

'  Hi  vero  sœculares  qui  conjugale  consortium  culpa 
graviore  dimittunt,  vel  etiam  dimiserunt ,  et  nullas 
causas  dissidii  probabiliter  proponentes,  propterea  sua 
matrimonia  dimittunt,  ut  aut  illicita,  aut  aliéna 
prœsumant  ;  si  antequam  apud  episcopos  comprovin- 
ciales  dissidii  causas  dixerint,  et  prius  uxores,  quam 
judicio  damnentur,  abjecerint,  a  communione  Ecclesiœ, 
et  sancto  populi  cœiu,  pro  eo  quod  fidem  et  conjugia 
maculant,  excludaniur.  Gan.  25,  ibid. 

'  Si  quis  de  clericis  documenta,  quibus  Ecclesiœ 
possessio  firmalur,  aut  supprimere,  aut  negare,  adver- 
sariis  fartasse  tradere  damnabili  et  punienda  obsti- 
natione  prœsmnpserit ,  quidquid  per  absentiam  docu- 
mentorum  damni  Ecclesiœ  illalum  est  de  propriis 
facultatibus  reddat ,  et  communione  privetur.  Hi 
etiam  qui  in  damno  Ecclesiœ,  instrumenta  Ecclesiœ, 
impie  sollicitatis  traditoribus,  susceperint,  pari  sen- 
tentia  feriantur.  Gan.  26,  ibid. 

8  Monasterium  novum,  nisi  episcopo  aut  permittente, 
aut  probante,  nullus  incipere,  aut  fundare  prœsumat. 
Monachi  etiam  vagantes  ad  officium  clericatus ,  nisi 
eis  testimonium  abbas  suus  dederit,  nec  in  civitatibus, 
nec  in  parœciis  ordinentur.  Monachum  nisi  abbaiis 
sui  aut  permissu,  aut  voluntate,  ad  alterum  monaste- 
rium commigraniem  nullus  abbas  suscipere  aut  reti- 
nere  prœsumat  :  sed  ubicumque  fuerit ,  abbati  suo 
aucioritate  canonum  reuoceiur.  Si  necesse  fuerit  de- 


740 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


bonds  dans  les  villes  ou  dans  les  paroisses 
de  la  campagne,  excepté  ceux  à  qui  l'abbé 
aura  -rendu  un  témoignage  avantageux  ;  il 
défend  aussi  à  un  abbé  de  recevoir  un  moine 
d'un  autre  monastère  sans  la  permission  de 
son  supérieur,  voulant  que  ce  moine  soit 
renvoyé  au  monastère  d'où  il  est  sorti.  Il 
ajoute  que  s'il  est  nécessaire  d'élever  un 
moine  à  la  cléricature,révèque  ne  pourra  le 
faire  que  du  consentement  de  l'abbé.  Il  or- 
donne d'éloigner  les  monastères  de  filles  de 
ceux  des  hommes  ',  non-seulement  pour 
éviter  les  tentations  du  démon,  mais  aussi  les 
mauvais  discours  des  hommes. 

4.  11  est  du  devoir  de  l'Eglise  ^  de  prendre 
sous  sa  protection  ceux  qui  ont  été  mis  en  li- 
berté par  leurs  maîtres,  et  d'excommunier 
ceux  qui  oseront  ou  s'en  emparer  ou  les  dé- 
pouiller avant  que  d'avoir  montré  qu'ils 
étaient  en  droit  de  le  faire.  Le  concile  voulant 
que  l'on  observât  partout  le  même  ordre 
dans  l'office  divin  ^,  ordonne  qu'après  les 
antiennes,  c'est-à-dire  les  psaumes  chantés  à 
deux  chœurs,  les  prêtres  et  les  évêques  di- 
ront des  collectes,  que  l'on  chantera  tous  les 
jours  les  hymnes  du  matin  et  du  soir;  qu'à 
la  fin  des  offices,  après  les  hymnes,  on  dira 
des  capitules  tirés  des  Psaumes,  et  qu'après 
la  collecte  ou  la  prière  du  soir,  le  peuple 
sera  renvoyé  avec  la  bénédiction  de  l'évêque. 
C'est  aux  évêques  à  s'employer  *  à  la  récon- 


cihation  de  ceux  qui  sont  en  inimitié  ou  eu 
procès  depuis  longtemps  :  que  si,  après  les 
avoir  repris,  ils  continuent  leur  haine,  les 
évêques  doivent  les  chasser  de  l'Eglise  par 
une  très-juste  excommunication.  Il  n'est  pas 
permis  aux  clercs  d'appeler  personne  devant 
un  juge  séculier  ^,  sans  la  permission  de  l'é- 
vêque, surtout  en  matière  criminelle  :  mais 
il  doit  répondre,  s'il  est  appelé  lui-même. 
Lorsqu'un  séculier  aura  fait  un  mauvais  pro- 
cès à  l'Eglise  ou  à  un  clerc,  et  l'aura  perdu, 
il  sera  chassé  de  l'Eglise  et  de  la  communion 
des  catholiques,  s'il  ne  fait  pénitence.  Si  l'é- 
vêque, n'ayant  ni  enfant,  ni  neveu  ^,  fait  hé- 
ritier de  ses  biens  un  autre  que  l'Eghse,  on 
doit  reprendre  tout  ce  qu'il  a  ahéné  du  bien 
qui  provenait  de  l'Eglise.  S'il  a  des  enfants, 
ils  indemniseront  l'Eglise  sur  le  bien  qu'il 
leur  a  laissé,  du  tort  qu'il  lui  a  fait.  Il  arrivait 
souvent  que  les  juifs  convertis  retournaient 
à  leur  vomissement  :  c'est  pourquoi  le  con- 
cile ordonne  "  qu'ils  seront  huit  mois  caté- 
chumènes avant  de  recevoir  le  baptême , 
afin  que  l'on  puisse  pendant  ce  temps  exa- 
miner si  c'est  avec  sincérité  qu'ils  le  deman- 
dent; mais,  en  cas  de  danger  de  mort,  on  les 
baptisera  avant  même  l'écoulement  des  huit 
mois.  Tous  les  évêques  de  la  province  sont 
tenus  de  se  trouver  pour  l'ordination  d'un 
évéque  ^,  ou  pour  assister  au  synode,  lors- 
qu'ils seront  mandés  par  leur  métropolitain, 


ricum  de  monachis  ordinari ,  cum  consensu  et  volun- 
iate  abbatis  prœsumat  episcopus.  Can.  27,  ibid. 

'  Monasteria  puetlarum  longius  a  monasteriis  mo- 
nachorum,  aut  propter  insidias  diaboli ,  aut  propter 
olitoculiones  hominum  collocentur.  Can.  28,  pag.  1388. 

2  Libertos  légitime  a  dominis  suis  fados  Ecclesia, 
si  nécessitas  exegerit  tuealur,  guos  si  guis  anle  au- 
dientiam,  aut  pervadere,  aut  expoliare  prœsumpserit, 
ab  Ecclesia  repellatur.  Can.  29^  ibid. 

^  Et  quia  convenit  ordinem  Ecclesiœ  ab  omnibus 
œqualiler  custodiri ,  siudendum  est,  ut  sicut  ubique 
fit,  et  post  Anliphonus  collectiones  per  ordinem  ab 
episcopis  vel  presbyteris  dicantur,  et  liymni  matulini 
vel  vespertini  diebus  omnibus  decanlenlur,  et  in  con- 
clusione  matutinarum  vel  veipeiiinurum  missaruni , 
post  hymnos  capitella  de  Psalmis  dicantur,  et  plebs 
collecta  oratione  ad  vesperam  ab  episcopo  cum  bene- 
dictione  dirnitiulur.  Can.  30,  ibid. 

*  Placuit  etiam,  ut  sicut  plerumqiie  fil ,  guiçumrjue 
odio  aut  longinqua  inter  se  liie  dissenserint,  et  ad  pa- 
cem  revocari  diutina  intentione  nequiverint,  a  civitutis 
primitus  sacerdotibus  arguantur.  Qui  si  inimicitias 
deponere  perniciosa  intentione  noluerint,  de  Ecclesice 
cœtu  Justissinia  excommunicatione  pellantur.  Cau.  31, 
ibid. 

i»  Clericus  ne  quemquam  prœsumat  apud  sœcularem 
judiccm,  episcopo  non  permittente ,  pulsare  :  sed  si 
pulsalus  fucrit,  respondeut,  nec  audeat  criminole  ne- 


gotium  i/i  judicio  saculari  proponere.  Si  guis  vero  sœ- 
cularium  per  calumniam  Ecctesiam ,  aut  clericum , 
fatigare  tentaverit,  et  victus  fuerit,  ab  ecclesiœ  limi- 
nibus,et  a  catholicorum  communione,  nisi  digne  pœni- 
tuerit,  arceatur.  Can.  32,  ibid. 

^  Episcopus,  gui  filios  aut  nepotes  non  habens,  alium 
quam  Ecclesiam  relinguit  hœredem ,  si  quid  de  Ec- 
clesia, non  in  Ecclesiœ  causa  aut  necessitute  prœ- 
sumpsit,  guod  disiraxit,  aut  donavit,  irriium  habeaiur  : 
qui  vero  filios  habet,  de  bonis  quœ  relinguit,  ab  hœ- 
redibus  ej'us  indcmnitutibus  Ecclesiœ  cûnsulatur.  Can. 
33j  ibid. 

■'  Judœi,  guorum  perfidia  freguenter  ad  vomitum 
redit,  si  ad  legem  catholicam  ventre  voluerint ,  octo 
measibus  inter  catechumenos  ecclesiœ  limen  introeant  : 
et  si  pura  fide  venire  noscuntur,  tum  demum  baplis- 
maiis  gratiam  mereantur.  Qiiod  si  casu  aliquo  pericu- 
Imn  infirmitatis  intra  prœscriptum  tempus  incurrerint^ 
et  deiperati  fuerint,  baptizentur.  Can.  34,  pag.  1389. 

^  Si  metropolitanus  episcopus  ad  comprovinciales 
epistolus  direxerit ,  in  quibiis  eos  ad  ordinationem 
summi  Poniificis,  oui  ad  iynoduvi  inviiet,  posipositis 
omnibus,  excepta  gravi  infirmitate  corporis,  aut  prœ- 
ceptione  reyia,  ad  conslilutam  diem  adesse  non  diffé- 
rant. Quod  si  de  fuerint ,  sicut  prisca  canonum  prœ. 
cipitaucioritas,  usque  ad  proximam synodum  cliaritate 
fratrutn  et  Ecclesiœ  communione  priventur.  Cau.  35, 
pag.  1389. 


[VET  VI«  SIÈCLES.] 

si  ce  n'est  qu'ils  soient  empêchés  par  mala- 
die, ou  retenus  par  ordre  du  prince.  Les  con- 
trevenants seront,  suivant  les  anciens  canons, 
privés  de  la  communion  de  leurs  frères  et 
de  l'Eglise  jusqu'au  concile  suivant.  11  est 
ordonné  que  tous  les  clercs  '  qui  servent 
fidèlement  l'Eglise,  recevront  des  gages  à 
proportion  de  leurs  services.  C'était  l'ancien 
usage  ;  mais  on  commençait  dès  lors  à  don- 
ner à  quelques  clercs  des  fonds  en  usufruit, 
comme  on  le  voit  par  le  vingt-deuxième  ca- 
non de  ce  concile.  11  ordonne  la  peine  d'ex- 
communication 2  contre  les  homicides  et  les 
faux  témoins,  à  moins  qu'ils  ne  fassent  péni- 
tence de  leurs  crimes.  Il  défend  aux  clercs 
de  sortir  sans  lettres  de  recommandation  de 
leur  évêque  ^,  et  aux  moines  sans  la  permis- 
sion de  leur  abbé ,  les  menaçant  de  châti- 
ments corporels,  s'ils  ne  se  rendent  point  à 
ces  décrets.  11  leur  défend  encore  de  quitter 
leur  monastère,  pour  aller  dans  le  désert 
habiter  des  cellules  particulières,  si  ce  n'est 
qu'ils  soient  d'une  vertu  connue  et  éprouvée 
par  de  longs  travaux,  ou  obligés,  à  cause  de 
leurs  infirmités,  de  diminuer  de  la  rigueur 
ordinaire  de  leur  règle  avec  l'agrément  de 
leur  abbé.  En  ce  cas  leurs  cellules  doivent 
être  dans  l'enceinte  du  monastère.  Il  ne  veut 
pas  non  plus  que  les  abbés  aient  plusieurs 
cellules  ou  plusieurs  monastères,  excepté 
dans  les  incursions  des  ennemis,  où  ils  pour- 
ront se  faire  des  hospices  dans  l'intérieur  des 
villes  murées.  Comme  il  n'était  point  permis 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILE  D'AGDE. 


741 


aux  prêtres,  ni  aux  diacres,  ni  aux  sous-dia- 
cres.de  se  marier*,  le  concile  leur  défend  de 
se  trouver  aux  festins  des  noces,  où  il  se 
commet  plusieurs  choses  indignes  d'être  vues 
et  ouïes  des  ministres  de  l'autel.  Il  défend  à 
tous  les  clercs  et  même  aux  laïques  '',  de 
manger  chez  les  juifs  et  de  les  inviter  à  man- 
ger. La  raison  qu'il  en  donne  est  que  les  juifs 
n'usant  point  des  viandes  dont  les  chrétiens 
usent  ordinairement,  il  est  indigne,  et  c'est 
même  un  sacrilège  aux  chrétiens  de  manger 
des  viandes  qui  leur  sont  offertes  par  les 
juifs. 

5.  Il  recommande  aux  clercs^  de  se  garder 
de  l'ivrognerie,  qu'il  appelle  le  foyer  et  la 
nourrice  de  tous  les  vices,  et  il  condamne  le 
clerc  qui  se  sera  enivré  à  s'abstenir  de  la 
communion  pendant  trente  jours,  ou  à  quel- 
ques punitions  corporelles.  Il  y  avait  des  laï- 
ques '  et  même  des  clercs  qui  s'appliquaient 
aux  augures,  et  surtout  à  une  espèce  de  di- 
vination que  l'on  appelait  les  sorts  des  saints. 
Cet  usage  qui  s'insinuait  sous  prétexte  de  re- 
ligion, consistait  à  ouvrir  quelques  livres  de 
l'Ecriture ,  et  à  prendre  pour  présage  de 
l'avenir  les  premières  paroles  que  l'on  ren- 
contrerait à  l'ouverture  du  livre.  Cette  su- 
perstition est  condamnée  sous  peine  d'ex- 
communication. Ce  qui  a  été  ordonné  par 
nos  saints  pères  dans  les  conciles,  touchant 
ceux  qui  ont  été  mis  en  pénitence,  doit  être 
observé  ^,  savoir,  qu'aucun  ne  sera  élevé  à  la 
cléricature,  et  que  l'on  privera  des  fonctions 


'  Clerici  etiam  omnes  qui  Ecclesiœ  fideliter  vigi- 
ianterque  deserviunt ,  stipendia  sanctis  laboribus  de- 
hita,  secundurn  serviiii  sui  meritum,  vel  ordinaiionem 
canonum,  a  mcerdotibiis  consequantur.  Can.  36,  ibid. 

^  Ilaque  censuimus  homicidas  et  fahos  testes  a 
communione  ecclesiasticu  submovendos,  nisi pœnifentiœ 
satisfactione  crimina  udmissa  diluerint.  Can.  37, ibid. 

s  Clericis  sine  cnmmendalitiis  episiolis  episcopi  sui 
licentia  non  pateat  evagandi.  In  monachis  quoque  par 
sententiœ  forma  servetur.  Quos  si  verborum  increpaiio 
non  emendaverit,  etiam  verberibus  statuimus  coerceri. 
Servandum  quoque  de  monachis,  ne  eis  ad  solitarias 
cellulas  liceat  a  congregatione  discedere,  nisi  forte 
probatis  post  emeritos  labores,  aut  propter  infirmitatis 
necessitatem,  asperior  ab  abbatibus  régula  remittatur. 
Quod  ita  demum  fiet ,  ut  intra  eadem  nionasterii 
septa  manentes,  tamen  sub  abbatis  potestate  separaias 
habere  cellulas  permittaniur.  Abbatibus  quoque  sin- 
gulis  diversas  cellulas,  aut  plura  monasteria  habere 
non  liceat,  nisi  tantum  propter  incursum  hostilitatis 
intra  muros  receptacula  collocare.  Can.  38,  ibid. 

'  Presbyteri ,  diacones ,  subdiacones ,  vel  deinceps , 
quibus  ducendi  uxores  licentia  non  est ,  etiam  aliena- 
rum  nuptiarum  évitent  convivia,  nec  his  cœtibus  ad- 
miscenntur  ubi  amatoria  cantantur  et  turpia ,  aut 
obscœni  motus  cm"porum  choris  et  saltibus  efferuntur  : 


ne  audilu  et  obtutu  sacris  mysteriis  deputati  turpium 
spectaculorum  alque  verborum  contagione  polluantur. 
Can.  39,  ibid. 

5  Omnes  deinceps  clerici ,  sive  laici,  judœorum  con- 
vivia évitent  ;  nec  eos  ad  convivium  quisquam  excipint. 
Quia  cum  apud  christianos  cibis  communibus  non 
utantur,  indignum  est  atque  sacrilegum,  eorum  cibos 
a  christianis  sumi.  Can.  40,  pag.  1390. 

^  Ante  omnia  clericis  viietur  ebrietas,  quœ  omnium 
viliorum  fomes  ac  nutrix  est.  Ilaque  eum  quem  ebrium 
fuisse  constiterit,  ut  ordo  patitur,  aut  triginta  dierum 
spaiio  a  communione  statuimus  submovendum  ,  aut 
corporoli  subdendum  supplicio.  Can.  41,   pag.   1390. 

'  Ac  ne  id  fortasse  videalur  omissum,  quod  maxime 
fidem  caiholicœ  religionis  infestât ,  quod  aliquanli 
clerici,  sive  laici  student  auguriis,  et  sub  nomine 
ficiœ  religionis,  per  eas  quas  sanclorum  sortes  vacant, 
divinalionis  seientiam  profitentur.  aut  quarumcumque 
Scripturarum  inspectione  futura  promittunt  ;  hoc  qui- 
cumque  clericus  vel  laicus  detectus  fuerit  vel  consu- 
lere ,  vel  docere ,  ab  Ecclesia  habeatur  extraneus. 
Can.  42,  ibid. 

8  De  pœnitentibus  id  placuit  observare,  quod  sancti 
Patres  nostri  synodali  sententia  censuerunf,  ut  nullus 
de  his  clericus  ordinetur,  et  qui  jam  sunt  per  igno- 
rantiam  ordinati.  Can.  43,  ibid. 


742 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ceux  qui  y  ont  été  élevés  par  ignorance.  II  est 
ordonné  aux  séculiers  *  d'assister  les  diman- 
ches à  la  messe  entière,  et  de  ne  point  sortir 
de  l'église  avant  la  bénédiction  de  l'évéque; 
car  il  n'était  pas  permis  aux  prêtres  de  la 
donner,  ni  même  de  bénir  un  pénitent  dans 
l'église  ^.  Cette  bénédiction  s'entendait  de  la 
solennelle  qui  se  donne  encore  dans  quel- 
ques Eglises  les  jours  de  grandes  fêtes  avant 
la  communion.  La  peine  dont  on  punissait 
les  contrevenants  était  une  réprimande  pu- 
blique que  l'évéque  leur  faisait.  On  permet  à 
l'évéque,  lorsqu'il  y  aura  nécessité  ^,  d'alié- 
ner, sans  assembler  ses  confrères,  de  petites 
pièces  de  terre  ou  de  vigne  qui  ne  sont  pas 
de  grand  revenu  ou  qui  sont  fort  éloignées.  Il 
peut  aussi  vendre  les  esclaves  fugitifs  *  qui 
abandonnent  leur  propre  maison  ou  leurs  fa- 
milles, et  qu'on  a  peine  à  garder.  Le  dernier 
canon  ordonne  la  tenue  annuelle  des  conci- 
les 5,  et  les  évêques  y  rendent  grâces  à  Dieu 
et  au  roi  de  ce  qu'ils  s'étaient  assemblés 
cette  année  en  paix,  priant  la  divine  bonté 
de  leur  accorder  la  même  grâce  pendant 
plusieurs  années.  Avant  ce  canon  il  y  en 
avait  vingt-cinq  autres  qui  sont  cités  par 
Gratien  comme  étant  du  concile  d'Agde. 
Mais  nous  avons  déjà  remarqué  que  ces  ca- 
nons sont  presque  tous  tirés  du  concile  d'E- 
paone,  et  qu'ils  ne  se  trouvent  point  dans  les 
plus  anciens  manuscrits  avec  ceux  du  concile 
d'Agde.  On  les  a  imprimés  dans  les  Conciles 
d'Espagne,  après  le  dix-septième  concile  de 
Tolède. 

Le  premier  permet  à  l'évéque  de  laisser  à 
ses  héritiers  ses  propres  fonds ,  mais  non 
pas  ceux  de  l'Eglise,  pas  même  les  fruits  ni 
les  oblations.  Le  second  défend  la  même 
chose  aux  prêtres  et  aux  diacres  à  l'égard 
des  paroisses  qui  leur  sont  confiées.  Il  est  dit 
dans  le  troisième  qu'un  évêque,  un  prêtre  ou 
un  diacre  convaincu  d'un  crime  capital,  sera 
déposé  et  renfermé  dans  un  monastère,  où 
il  ne  recevra  que  la  communion  laïque  le 
reste  de  ses  jours.  Le  quatrième  déclare  nul 


le  testament  par  lequel  un  évêque  aurait  dis- 
posé des  biens  de  l'Eglise  ,  à  moins  qu'il 
n'y  eût  suppléé  par  des  biens  qui  lui  soient 
propres.  On  défend,  dans  le  cinquième,  de 
donner  la  communion  à  un  prêtre,  à  un  dia- 
cre ou  à  tout  autre  clerc  qui  voyage  sans  des 
lettres  de  son  évêque.  Le  sixième  casse  le 
traité  de  vente  que  le  prêtre  d'une  paroisse 
pourrait  avoir  fait  des  biens  de  l'Eglise.  Le 
septième  veut  qu'un  prêtre  qui  a  acheté 
quelque  chose  au  nom  de  l'Eglise,  en  dresse 
un  acte  par  écrit.  Le  huitième  défend  aux 
évêques,  aux  prêtres  et  aux  diacres,  sous 
peine  d'être  privés  de  la  communion  pen- 
dant un  certain  temps,  d'avoir  des  chiens 
de  chasse  et  des  oiseaux.  Par  le  neuvième, 
il  est  permis  à  l'évéque  d'annuler  les  ventes 
faites  par  les  abbés  sans  sa  permission  , 
et  il  est  défendu  à  ceux-ci  de  mettre  en  li- 
berté les  esclaves  donnés  au  monastère.  Le 
dixième  leur  défend  de  gouverner  en  même 
temps  deux  monastères  ;  et  le  onzième  d'en 
ériger  de  nouveaux  sans  la  permission  de 
l'évéque.  Il  paraît  par  le  douzième  qu'on  ac- 
cordait quelquefois  aux  clercs  la  jouissance 
des  fonds  de  l'Eglise  par  précaire  :  mais  il 
leur  est  défendu  de  se  les  approprier  à  titre 
de  prescription  ou  de  laps  de  temps.  Le  trei- 
zième réduit  à  deux  ans  la  pénitence  des  ca- 
tholiques qui,  après  être  tombés  dans  l'hé- 
résie revenaient  à  l'Eglise.  Le  quatorzième 
défend  de  recevoir  à  la  pénitence  ceux  qui 
auront  contracté  des  mariages  incestueux, 
s'ils  ne  se  séparent.  Il  déclare  tels  les  ma- 
riages avec  la  belle-sœur,  la  belle-mère,  la 
belle-fiUe,  la  veuve  de  l'oncle,  la  cousine- 
germaine  ou  issue  de  germaine.  Le  quin- 
zième prescrit  la  peine  d'excommunication 
ou  deux  ans  de  pénitence  à  celui  qui  aura 
tué  son  propre  esclave  sans  la  connaissance 
du  juge.  Le  seizième  sépare  de  la  commu- 
nion de  l'Eglise,  pour  trois  ans,  les  citoyens 
qui  n'auront  pas  célébré  la  fête  de  Pâques, 
de  Noël  et  delà  Pentecôte  avec  leur  évêque. 
Le  dix-septième  ordonne.la  même  peine  con- 


^Missasdie  dominico  a sœcularibus  Mas  teneri speciali 
ordinutione  prœcipimus  :  ita  ut  ante  benedictionem  sn- 
cerdotis  egredi populus  non  prœsumat.  Qui  si  fecerint, 
ah  episcopo  publiée  eonfundantur.  Can.  47,  pag.  1391. 

2  Benedictionem  super  plebem  in  ecclesia  fundere, 
aut  pœnitentem  in  ecclesia  benedicere  presbytero  pe- 
nitus  non  licebit.  Can.  44,  pay.  1390. 

3  Terrulas  aut  vineolas  exiguns,  et  Ecclesiœ  mi- 
nus utiles,  aut  longe  positas  parvas,  episcopus  sine 
concilio  fi-atrum,  si  nécessitas  fueiit ,  distrahendi 
habeat  potestaiem.  Can.  45,  ibid. 


*  Fugitivi  etiam  domus  suas,  aut  familias  deseren- 
tes ,  qui  etiamsi  revncati  fuerint,  teneri  non  possunt , 
simili  ratione  ab  episcopo,  si  voluerit ,  aut  si  ita  illi 
meruerint,  dislrahantur.  Can.  46,  pag.  1391. 

s  Synodum  etiam  secundum  constituta  Patrum  an- 
nis  singulis  placuit  congregari.  Et  quia  in  nomine 
Domini  omnibus  salubriter  constitulis  synodus  cum 
pace  dimittitur,  grattas  Deo  primitus ,  et  Domino 
nostro  régi  agamus ,  orantes  divinam  clementiam,  ut 
hœc  eadem  facere  et  docere  per  mullos  annos  in  ho- 
norem  Domini  possimus.  Can.  71,  pag.  1794, 


[V" ET VI» SIÈCLES.]    CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  TOULOUSE,  ETC. 


743 


tre  les  clercs  qui  se  seraient  absentés  en  ces 
jours-là.  Le  dix-huitième  défend  à  un  diacre 
de  s'asseoir  en  présence  du  prêtre,  et  aux 
ministres  inférieurs  d'en  faire  de  même  en 
présence  du  diacre.  11  est  défendu,  dans  le 
dix-neuvième,  aux  ministres  qui  ne  sont  pas 
dans  les  ordres  sacrés,  d'entrer  dans  la  dia- 
conie  et  de  toucher  les  vases  du  Seigneur.  Le 
vingtième  ne  veut  point  que  les  catholiques 
donnent  leurs  enfants  en  mariage  aux  héré- 
tiques :  il  leur  permet  toutefois  d'accepter 
pour  leurs  enfants  ceux  des  hérétiques,  s'ils 
promettent  de  se  faire  catholiques.  Le  vingt- 
unième  défend  aux  clercs  toute  sorte  de 
magie  et  d'enchantement,  sous  peine  d'être 
chassés  de  l'Eglise.  Le  vingt-deuxième  exclut 
des  ordres  ecclésiastiques  les  séditieux,  les 
usuriers  et  ceux  qui  ont  vengé  leur  propre 
injure.  Le  vingt-troisième  ordonne  d'ôter  de 
son  office  un  clerc  qui  fera  le  métier  de  bouf- 
fon. Des  deux  canons  suivants,  Gratien  en  a 
fait  trois,  dont  l'un  défend  à  l'évêque  de 
frapper  personne ,  l'autre  explique  en  quoi 
consiste  l'usure,  et  le  troisième  règle  la  ma- 
nière dont  un  clerc  doit  se  justifier  lorsqu'il 
est  accusé  sans  avoir  été  convaincu. 

ARTICLE  XIV. 

CONCILES   DE    TOULOUSE    [507],  D'OKLÉANS   [oH], 
ET  d'agaune    [315]. 

1.  En  conséquence  du  dernier  concile 
d'Agde,  il  se  tint  à  Toulouse  une  assemblée 
d'évêques  où  se  devaient  trouver  ceux  d'Es- 
pagne, comme  on  le  voit  par  la  lettre  de 
saint  Césaire  d'Arles  '  à  saint  Rurice,  évê- 
que  de  Limoges.  C'est  tout  ce  que  nous  sa- 
vons de  ce  concile  dont  les  actes  ne  sont  pas 
venus  jusqu'à  nous. 

2.  Le  roi  Clovis  en  fit  assembler  un  des 
évêques  de  ses  Etats,  en  511,  le  10  du  mois 
de  juillet.  11  s'y  trouva  cinq  métropohtains, 


savoir  :  Cyprien  de  Bordeaux,  Tétradius  de 
Bourges,  Licinius  de  Tours,  Léonce  d'Eause 
et  Gildarde  de  Rouen,  avec  plusieurs  évo- 
ques, trente-deux  en  tout,  dont  quelques- 
uns  avaient  assisté  au  concile  d'Agde,  parce 
qu'apparemment  leurs  diocèses  étaient  pas- 
sés de  la  domination  d'Alaric  sous  celle  de 
Clovis,  depuis  la  victoire  remportée  sur  ce 
roi  des  Yisigoths.  11  nous  reste  trenle-un  ca- 
nons de  ce  concile,  que  l'on  compte  pour  le 
premier  d'Orléans.  Ils  sont  précédés  d'une 
petite  préface  oij  les  évêques  reconnaissent 
que  c'est  par  l'autorité  du  roi  Clovis  qu'ils  se 
sont  assemblés,  et  d'une  lettre  où,  après 
avoir  loué  la  piété  de  ce  prince  et  son  zèle 
pour  la  foi  catholique,  ils  le  prient  de  con- 
firmer ou  plutôt  d'appuyer  de  son  autorité 
les  décrets  qu'ils  avaient  faits  en  réponse  à 
divers  articles  sur  lesquels  il  lés  avait  con- 
sultés. 

3.  Le  premier  ^  est  pour  maintenir  le  droit 
d'asile  que  les  canons  et  les  lois  romaines  '""^ 
avaient  accordé  aux  églises  et  aux  maisons 
des  évêques.  Il  y  est  défendu  d'enlever  les 
homicides,  les  adultères  et  les  voleurs,  de  l'é- 
glise, et  même  du  parvis  et  de  la  maison  de 
l'évêque.  On  ne  doit  point  les  rendre  avant 
d'avoir  exigé  le  serment  de  ne  leur  faire  souf- 
frir ni  mutilation,  ni  autre  peine,  mais  à  la 
charge  aussi  que  le  coupable  satisfera  à  la 
partie,  et  que  celui  qui  aura  violé  son  ser- 
ment, sera  excommunié.  Que  si  la  partie  in- 
téressée ne  veut  pas  recevoir  la  composition, 
et  que  le  coupable  s'enfuie  par  un  motif  de 
crainte  ,  on  ne  pourra  le  redemander  aux 
clercs.  Le  second  ^  apporte  une  modification 
à  ce  canon  à  l'égard  des  ravisseurs  qui  se 
sauvent  dans  l'église  avec  les  filles  qu'ils  ont 
enlevées.  Si  c'est  par  force  et  contre  leur 
gré  qu'ils  les  ont,  ravies,  et  que  le  fait  soit 
constaté,  la  fille  enlevée  sera  mise  en  liberté, 
et  le  ravisseur  sera  fait  esclave  ou  obligé  de 


Canons    du 
concile  d'Or- 


1  (ïaesar.,  tom.  I  Lect.  Canis.,  pag.  366. 

2  De  homicidis,  âdulteris  et  furibus,  si  ad  eccle- 
siam  confugerint,  id  conslituimus  observandum ,  quod 
ecclesiustici  canones  decreverunt ,  et  lex  romana  con- 
stituit ,  ut  ah  ecclesiœ  airiis  ,  vel  domo  episcopi ,  eos 
abstrahi  omnino  non  liceot,  sed  nec  aliter  consignari, 
nisi  ad  evangelia  datis  sacramentis  de  morte,  de  de- 
bilitate,  et  omtii  pœnarum  génère  sini  necuri,  ita  ut 
ei ,  oui  reus  fuerit  criminosus ,  de  satisfactione  conve- 
niat.  Quod  si  sacramenta  sua  quis  convictus  fuerit 
violasse,  reus  perjurii  non  solum  a  communione  Ec- 
clesiœ,  vel  omnium  clericorum,  verum  etiam  et  a  ca- 
iholicorum  convtvio  separetur.  Quod  si  is,  cui  reus 
est,  noluerii  sibi  intentione  faciente  componi,  et  ipse 


reus  de  ecclesia  coaclus  timoré  discesserit,  ab  Ecc/esiœ 
clericis  non  quœratur.  Labb.,  tom.  IV  Concit.,  can.  i, 
pag.  1404. 

3  Deraptoribus  auiem  eustodiendum  esse  censuimus, 
ut  si  ad  ecclesiam  raptor  cum  ropta  con/ugerit,  et 
fasminam  ipsam  violentiam  pertulisse  constiteril,  sta- 
tim  liberetur  de  poteslate  raptoris ,  et  raptor,  mortis 
vel  pœnarum.  impwiitaie  concessa ,  aut  scrviendi  con- 
ditioni  snbjectus  sit,  aut  redimendi  se  liheram  habeat 
fucultatem.  Si  vero  quœ  rapitur  patrem  habere  con- 
stilerit,  et  puella  rapiori,  aut  rapienda ,  aut  rapta, 
consenserit ,  potestati  patris  excusala  reddatur,  et 
raptor  a  pâtre  superioris  conditionis  satisfactione  te- 
neatur  obnoxius.  Can.  2j  pag.  1405. 


744 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


se  racheter.  Mais  si  la  fille  a  consenti  à  son 
enlèvement  et  qu'elle  ait  encore  son  pèi-e, 
elle  lui  sera  rendue  sans  que  le  père  puisse 
exiger  aucune  autre  satisfaction  du  ravis- 
seur. Le  troisième  est  sur  la  même  matière  '. 
II  porte  que  si  un  esclave  coupable  de  quel- 
ques fautes,  s'est  réfugié  dans  l'église ,  il 
sera  rendu  à  son  maître,  qui  prêtera  ser- 
ment de  ne  lui  faire  aucun  mal  pour  sa  sor- 
tie; mais  si,  contre  son  serment,  il  est 
convaincu  de  l'avoir  maltraité,  il  sera  séparé 
de  la  eoraniunion  et  de  la  table  des  catlioli- 
ques.  Que  si,  au  contraire,  l'esclave  refuse 
de  sortir,  quoique  son  maître  ait  fait  ser- 
ment, à  la  demande  des  clercs,  de  ne  lui  pas 
faire  de  mal,  il  pourra  le  tirer  par  force  de 
l'église.  II  est  défendu,  par  le  quatrième  ^, 
d'ordonner  aucun  séculier  sans  le  comman- 
dement du  roi  ou  le  consentement  du  juge  : 
on  en  excepte  ceux  dont  les  pères  et  les  an- 
cêtres auraient  été  dans  le  clergé ,  parce 
qu'ils  devaient  demeurer  sous  la  puissance 
des  évêques.  Le  cinquième  ^  ordonne  que 
les  fruits  des  terres  que  les  Eglises  tiennent 
par  donation  du  roi,  avec  exemption  de  char- 
ges ,  seront  employés  aux  réparations  des 
églises,  à  la  nourriture  des  prêtres  et  des 
pauvres,  et  à  la  rédemption  des  captifs,  avec 


ordre  aux  évêques  d'en  avoir  soin,  et  avec 
menace  de  priver  les  négligents  de  la  com- 
munion de  leurs  frères.  Il  est  dit  dans  le 
sixième  *  que  l'on  ne  doit  pas  communier 
un  laïque  qui  forme  quelque  demande  con- 
tre son   évêque  ,  en   lui   répétant   quelque 
chose  de  son  propre  bien  ou  de  l'Eglise  , 
pourvu  qu'il  n'ait  point  accompagné  sa  de- 
mande de  reproches  ou  de  quelque  accusa- 
tion criminelle.  Le  septième  ^  défend,  sous 
peine    de    privation  de  l'honneur  de  leurs 
qualités,  aux  abbés,  aux  prêtres,  aux  clercs 
et  aux  religieux,  d'alleV  demander  des  grâ- 
ces au  prince,  sans  la  permission  de  l'évê- 
que,  qui,  toutefois,  pourra  les  rétablir  lors- 
.qu'ils  auront  satisfait  pleinement  pour  cette 
faute.  Le  huitième  ^  porte  que  si  un  évêque 
ordonne  un  esclave  diacre  ou  prêtre  à  l'insu 
de  son  maître,  mais  bien  informé  lui-même 
de  sa  servitude,  l'esclave  demeurera  clerc; 
mais  que  l'évêque  ou  celui  qu'il  l'a  fait  or- 
donner en  paiera  le  prix  au  double;  que  si 
l'évêque  ne  l'a  pas  su,  on  s'en  prendra  à  ce- 
lui qui  l'aura  présenté  pour  l'ordination.  Le 
neuvième  '  impose  la  peine  de  déposition  et 
d'excommunication  à  un  prêtre  ou  à  un  dia- 
cre coupable  d'un  crime  capital.  Le  dixième^ 
consent  que  l'on  admette  les  clercs  héréti- 


1  Servus  qui  ad  ecclesiam  pro  gualibet  culpa  con- 
fugerit ,  si  a  domino  pro  admissa  culpa  sacramenta 
susceperit,  statim  ad  servitium  domini  sui  redire  co- 
gatur  ;  sed  posteaquam  dalis  a  domino  soo'amentis 
fuerit  consignatus,  si  aliquid  pœnœ  pro  eadem  culpa 
gua  excusalur  probaius  fuerit  perfulisse,  pro  contemptu 
Ezclesiœ ,  et  prœvaricatione  fidei ,  a  communione  Do- 
mini et  convivio  catholicorum  exlraneus  habeatur.  Sin 
vero  servus  pro  culpa  sua  ab  Ecclesia  defensatus  sa- 
cramenta domini,  clericis  exigentibus ,  de  impunitaie 
perceperit,  exire  nolentem  a  domino  liceat  occupari. 
Cau.  3,  ibid. 

^  De  ordinationibus  clericorum  id  observandum  esse 
decrevimus ,  ut  nullus  sœcularium  ad  clericatus  offi- 
cium  prœsumatur,  nisi  aut  cum  régis  jussione ,  aut 
cum  judicis  voluntate  :  ita  ut  filii  clericorum,  id  est, 
patrum ,  avorum ,  ac  proavorum ,  quos  supradicto 
ordine  parenium  constat  observationi  subjunclos ,  in 
episcoporum potestate  ac  districtione  consistant.  Gan.  4, 
ibid. 

3  De  oblationibus  vel  agris,  quos  domnus  nosler  rex 
Ecclesiis  suo  miinere  conferre  dignatus  est,  vel  adhuc 
non  habentibus  Deo  itispirante  contulerit ,  ipsorum 
agrorum  vel  clericorum  immunitate  concessa,  id  esse 
justissimum  definimus,  ut  in  reparationibus  ecclesia- 
rum,  alimoniis  sacerdotum,  et  pauperum,  vel  redemp- 
tionibus  captivorum,  quidquid  Deus  in  fructihus  dure 
dignatus  fuerit  expendatur,  et  clerici  in  adjutorium 
eccl-esiastici  operis  constri7igantur.  Quod  si  aliquis 
sacerdotum  ad  hanc  curam  minus  sollicitas  ac  dévolus 
exstiterit ,  publiée  a  comprovincialibus  episcopis  con- 
fundatur.  Quod  si  nec  sub  tali  confusione  correxerit. 


donec  emendet  errorem,  communione  fratrum  habeatur 
indignus.  Can.  5j  ibid. 

'*  Si  quis  ab  episcopo,  vel  de  Ecctesiœ  vel  de  proprio 
jure  crediderit  aliquid  repetendum ,  si  nihil  convicii 
aut  criminationis  objecerit,  eum  pro  sola  conventione 
a  communione  Ecclesiœ  non  liceat  submoveri.  Can.  6, 
pag.  1406. 

5  Abbatibus,  presbyteris  omnique  clero,  vel  in  reli- 
gionis  professione  viventibus ,  sine  discussione  vel 
commeiidatione  episcoporurn ,  pro  pelendis  beneficiis , 
ad  domnos  venire  non  liceat.  Quod  si  quisquam  prœ- 
sumpserit,  tamdiu  loci  sui  honore  et  communione  pri- 
vetur,  donec  per  pœniientiam  plénum  ejus  satisfactio- 
nem  sacerdos  accipiat.  Gan.  7,  ibid. 

s  Si  servus,  absente  aut  nesciente  domino,  et  episcopo 
sciente  quod  servus  sit ,  aut  diaconus  presbyter  fuerit 
ordinatus,  ipso  in  clericatus  officia  permanente,  epi- 
scopus  eum  domino  duplici  salis factione  compense!. 
Si  vero  episcopus  eum  servum  esse  nescierit,  qui  tes- 
timonium  perhibent,  aut  eum  supplicaverint  ordinari, 
simili  redhibitione  teneayitur  obnoxii.  Can.  8,  ibid. 

'  ft  diaconus  aut  presbyter  crimen  capitale  com- 
miserit,simul  et  officia  et  communione  pellatur.  Can.  9, 

ibid. 

8  De  hœrelicis  clericis  qui  ad  fidem  catholicam 
plena  fuie  ac  voluntate  venerint ,  vel  de  basilicis  quas 
in  perversitate  sua  Gothi  Imctenus  habuerunt,  id  cen- 
suimus  observari,  ut  si  clerici  fideliter  converiunlur, 
et  fidem  catholicam  intègre  confitentur,  vel  ita  dignam 
vitam  morum  et  acluum  prointate  custodiunf ,  offi- 
cium,  quo  cos  episcopus  dignos  esse  censuerit,  cum 
impositœ  manus  benedictione   suscipiat  ;  et  Ecclesias 


[v<^ETVP SIÈCLES.]     CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  TOULOUSE,  ETC. 

ques  bien  convertis  aux  fonctions  dont  l'é- 
vêque  les  jugera  dignes,  en  leur  donnant 
toutefois  auparavant  la  bénédiction  de  l'im- 
position des  mains.  Il  consent  aussi  que  les 
églises  des  Goths  soient  réconciliées  avec  les 
mêmes  cérémonies  que  celles  des  catholi- 
ques. Le  onzième  *  interdit  non-seulement 
la  communion,  mais  encore  la  table  des  ca- 
tholiques ,  aux  pénitents  qui  abandonnent 
leur  état  pour  retourner  aux  actions  du  siè- 
cle, défendant  à  qui  que  ce  soit  de  manger 
avec  eux  depuis  leur  interdit ,  sous  peine 
d'être  aussi  privé  de  la  communion.  Le  dou- 
zième ^  accorde  à  un  prêtre  ou  à  un  diacre 
qui  se  sont  éloignés  de  l'autel  pour  faire 
pénitence  de  quelque  faute,  la  permission 
de  donner  le  baptême  en  cas  de  nécessité, 
et  supposé  qu'il  ne  se  trouve  point  d'autre 
ministre  de  l'Eglise  pour  le  conférer.  Le  trei- 
zième ^  dit  que  si  la  veuve  d'un  prêtre  ou 
d'un  diacre  se  remarie,  et  ne  veut  pas  quit- 
ter son  second  mari,  ils  seront  tous  deux 
excommuniés.  Les  trois  canons  suivants  re- 
gardent la  dispensation  des  revenus  de  l'E- 
glise. Il  y  est  dit  *  que  l'évêque  aura  l'admi- 
nistration de  tous  les  fonds  appartenant  à 
l'Eglise,  soit  qu'on  les  ait  donnés  à  l'église 
matrice  ou  aux  paroisses;  mais  qu'à  l'égard 
des  oblations  qui  se  font  à  l'autel  ^,  dans 
l'église  cathédrale,  il  en  aura  la  moitié,  et  le 


74S 


simili,  quo  noîirœ  innovari  soient,  placuit  ordine 
consecrari.  Can.  10,  ibid. 

'  De  his  gui  suscepta  pœniieniia  religionem  suœ 
professionis  obliti  ad  sœcularia  relabuniur,  placuit  eos 
et  a  commuiiione  suspendi,  et  ab  omnium  catliolico- 
rum  conviviû  separari.  Quod  si  post  interdictum  cum 
eis  quisquam  prœsumpserit  manducare ,  et  ipse  com- 
munione  pi-iveiur.  Can.  11,  ibid. 

-  Si  diaconus  aut  presbyter,  pro  reaiu  suo  se  ab 
altaris  communione  sub  pœnitentis  professione  sub- 
moverit,  sic  quoque,  si  alii  defuerint,  et  causa  certœ 
necessitatis  exoritur,  posceniem  baptismum  liceat 
hapiizare.  Can.  13,  pag.  1407. 

3  Si  se  euicumque  mulier  duplici  conjugio,  presby- 
ieri  vel  diaconi,  relicta,  conjunxerii,  aut  castigati  se- 
pareniur,  aut  certe,  si  in  criminum  intentione  persii- 
terint ,  pari  excommunicatione  plectantur.  Can.  13, 
ibid. 

'  Antiques  canones  relegeutes  priera  staluta  credi- 
dimus  renovanda,  ut  de  his  quœ  in  aliario  oblatione 
fidelium  conferuntur,  medietatem  dispensandam  sibi 
secundum  gradus  clerus  accipiat ,  prœdiis  de  omni 
commoditate  in  episcoporum  potesiaie  durantibus. 
Can.  14,  pag.  1407. 

5  De  las  quœ  parochiis  in  terris,  vineis,  mancipiis, 
atque  peculiis  quicumque  fidèles  obtuleriyit,  antiquo- 
rurn  staluta  serventur,  ut  omnia  in  episcopi  potestate 
consistant.  De  his  tamen  quœ  in  aliario  accesserint, 
tertia  fideliier  episcopis  deferatur.  Can.  15,  ibid. 

«  Episcopus  pauperibus,  vel  infirmis,  qui  debilitate 


clergé  l'autre;  mais  seulement  le  tiers  dans 
les  paroisses;  que  l'évêque  donnera,  autant 
qu'il  le  pourra  ^,  le  snvre  et  le  vêtement  aux 
pauvres  et  aux  invalides  qui  ne  peuvent  tra- 
vailler. Le  dix-septième  '  déclare  que,  sui- 
vant l'ancien  droit,  l'évêque  aura  la  juridic- 
tion sur  toutes  les  nouvelles  églises  que  l'on 
bâtit  dans  son  diocèse.  Il  est  défendu,  dans 
le  dix-huitième  5,  d'épouser  sa  belle-sœur, 
ou  la  veuve  du  frère,  ou  la  sœur  de  la  dé- 
funte femme. 

4.  Par  le  dix-neuvième  ^,  les  abbés  sont 
soumis  aux  évêques,  qui  doivent  les  corriger, 
s'ils  manquent  contre  la  règle,  et  les  assem- 
bler une  fois  l'an.  Les  moines  doivent  obéir 
aux  abbés,  quileur  ôterontce  qu'ils  auraient 
en  propre,  mettront  en  prison  les  vagabonds 
avec  le  secours  de  l'évêque,  pour  les  punir 
selon  la  règle.  L'abbé  lui-même  se  rendra 
coupable,  s'il  néglige  de  punir  les  moines 
défaillants,  ou  s'il  en  reçoit  d'un  autre  mo- 
nastère. On  ne  sait  quelle  était  la  règle  dont 
il  est  ici  fait  mention,  et  l'on  ne  voit  pas 
qu'il  y  en  eût  alors  dans  les  Gaules  de  com- 
mune à  tous  les  monastères.  Le  vingtième  '" 
défend  aux  moines  de  se  servir,  dans  le  mo- 
nastère, de  linge  pour  s'essuyer  le  visage  et 
de  porter  des  chaussures.  11  est  dit  dans  le 
vingt-unième  "  que  celui  qui ,  après  être 
entré  dans  un  monastère  et  y  avoir  pris  l'ha- 

faciente  non  possunt  suis  manibus  laborare,  victum  et 
vestitum,  in  quantum  possibilitus  habuerit,  largiatur. 
Can.  16,  ibid. 

'  Omnes  autem  basiiicœ,  quoi  per  diversa  locu  con- 
structœ  sunt,  vel  quotidie  construuntur,  placuit  secun- 
dum priorum  canonum  rcgulam,  ut  i7i  ejus  episcopi, 
in  cujus  territorio  sitœ  sunt,  potestate  consistant. 
Can.  17,  ibid. 

8  Ne  supersies  frater  torum  defuncti  fratris  ascen- 
dat ,  neve  se  quisquam  amissœ  uxoris  soror  audeai 
sociare.  Quod  si  fecerint,  ecclesiastica  disirictione  fe- 
rianiur.  Can.  18,  ibid. 

3  Abbaies  pro  humilitate  religionis  in  episcoporum 
potestate  consistant  ;  et  si  quid  extra  regulam  fece- 
rint, ab  episcopis  corrigantur  :  qui  semel  in  onno,  in 
loco  ubi  episcopus  elegerit ,  accepta  vocatione  conve- 
niant.  Monachi  autem  abbatibus  omni  se  obedientiœ 
devotione  subjiciant.  Quod  si  quis  per  contximaciam 
exstiferit  indevotus ,  aut  per  loca  aliqua  eoagari,  aut 
peculiare  aliquid  habere  prœsumpserit  ;  omnia  quœ 
acquisierit  ab  abbatibus  auferantur,  secundum  regulam 
monasierio  prufutura.  Ipsi  autem  qui  fuerint  perva- 
gati,  ubi  inventi  fuerint,  cum  auxilio  episcopi,  tun- 
quam  fugaces,  sub  cuslodia  revocentur.  Et  reum  se 
ilte  abbas  futurum  esse  cognoscat ,  qui  in  hujusmodi 
personas  non  regulari  animadversiotie  distrinxerii , 
vel  qui  monachum  susceperit  alienum.  Can.  19,  ibid. 

'"  Monaclio  uti  orario  in  monasierio,  vel  zanchas 
habere  non  liceat.  Can.  20,  pag.  1408. 

"  Monachus  si  in  monasierio  conversus,  vel  pallium 


746 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


bit,  se  sera  marié,  ne  pourra  jamais,  en  pu- 
nition d'un  tel  crime ,  être  admis  dans  le 
clergé;  et,  dans  le  vingt- deuxième  ',  qu'un 
moine  qui,  par  ambition,  aura  quitté  son 
monastère,  ne  pourra,  sans  la  permission  de 
l'évêque  ou  de  l'abbé,  bâtir  une  cellule  ail- 
leurs pour  vivre  séparément.  On  lit  dans  le 
vingt-troisième  ^  que  si  l'évêque,  par  bonté, 
donne  des  terres  de  l'Eglise  'à  des  clercs  ou 
à  des  moines  pour  cultiver  ou  en  jniiir  pour 
un  temps,  ils  ne  pourront  les  retenir  au  pré- 
judice de  l'Eglise,  ni  acquérir  contre  elle 
aucune  prescription  en  vertu  des  lois  civiles. 
Le  vingt-quatrième  ^  fixe  le  jeûne  du  carême 
à  quarante  jours,  défendant,  ce  semble,  de 
le  continuer  pendant  cinquante.  Le  vingt- 
cinquième  *  déclare  qu'aucun  des  citoyens 
ne  pourra,  si  ce  n'est  à  raison  d'infirmité, 
célébrer  à  la  campagne  les  fêtes  de  Pâques, 
de  Noël  et  de  la  Pentecôte.  Le  vingt-sixième 
ajoute  ^  que  personne  ne  sortira  de  la  messe 
avant  qu'elle  soit  achevée  et  que  l'évêque 
ait  donné  la  bénédiction.  Il  est  ordonné  dans 
le  vingt-septième  *  que  toutes  les  Eglises 
célébreront  les  Rogations  ;  que  le  jeûne  qui 
se  pratiquera  en  ces  trois  jours,  finira  à  la 
fête  de  l'Ascension,  qu'on  usera  en  ces  jours 
de  jeûne,  de  viandes  de  carême,  et  que, 
pendant  ces  trois  jours,  les  esclaves  et  les 
servantes  seront  exempts  de  travail.  Le  vingt- 
huitième  '  porte  que  les  clercs  qui  néglige- 
ront de  participer  à  une  œuvre  si  sainte,  se- 
ront punis  suivant  la  volonté  de  l'évêque. 
On  renouvelle  dans  le  vingt-neuvième  ^  les 
anciens  canons  qui  défendent  tant  aux  évê- 


ques  qu'aux  prêtres  et  aux  diacres,  toute 
familiarité  avec  des  femmes  étrangères.  On 
prive  de  la  communion  de  l'Eglise,  par  le 
trentième  ^,  ceux  qui  observent  les  divina- 
tions, les  augures  ou  les  sorts  appelés  faus- 
sement des  saints.  Le  trente-unième  '"  veut 
que  l'évêque  assiste  le  dimanche  à  l'olBce 
de  l'église  la  plus  proche  du  lieu  où  il  se 
trouvera,  s'il  n'en  est  empêché  par  quelque 
infirmité. 

5.  SaintSigismond.filsduroiGondebaud'*,  condie  j 
ayant  abjuré  l'hérésie  arienne  dont  les  Bour-  ='s- 
guignons  faisaient  profession,  entreprit,  pour 
donner  des  marques  de  sa  piété,  de  bâtir  à 
Agaune  ou  Saint -Maurice  en  Valais,  une 
église  plus  magnifique  que  celle  où  repo- 
saient déjà  les  reliques  des  saints  martyrs 
d'Agaune.  Il  augmenta  aussi  le  monastère, 
dans  le  dessein  d'y  mettre  un  plus  grand 
nombre  de  moines.  L'église  se  trouvant  ache- 
vée sous  le  consulat  de  Florent  etd'Ânthème, 
c'est-à-dire  en  513,  ce  prince  assembla,  pour 
en  faire  la  dédicace,  soixante  évêques  et  au- 
tant de  comtes  ou  grands  seigneurs  pour  y 
assister.  Saint  Avit,  évéque  de  Vienne,  y 
prononça  un  discours  dont  il  ne  nous  reste 
que  le  titre.  Des  autres  évêques  qui  s'y  trou- 
vèrent, nous  ne  connaissons  que  saint  Vi- 
ventiole  de  Lyon,  Maxime  de  Genève,  Théo- 
dore de  Sion  et  Victor  de  Grenoble.  Quoi- 
qu'il soit  certain  que  saint  Avit  de  Vienne 
ait  prêché  dans  cette  cérémonie,  son  nom 
ne  se  trouve  pas  néanmoins  dans  l'acte  ou 
relation  de  ce  qui  se  passa  dans  le  concile 
qui  la  suivit;  mais  cette  omission  doit  être 


comprobatus  fuerit  accepisse,  et  postea  uxori  fuerit 
socialm,  taniœ  prœvaricalionis  reus  nunquam  eccle- 
siaslici  gradus  officium  soriialur.  Can.  21,  ibid. 

'  Nullus  monachus,  congreyatirme  monasierii  dere- 
licta ,  ambitionis  et  vanitatis  impulsu ,  cellulam  con- 
struere  sine  episcopi  permisnone ,  vel  abbatis  sui  vo- 
luntate  prœsumat.  Can.  %%,  ibid. 

2  Si  episcopus  humanitatis  intuitu  vineolas ,  vel 
terrulas,  clericis  vel  monachis  prœstiterit  excolendas, 
vel  pro  tempore  tenendas,  etiamsi  longa  t7'ansisse  an- 
norum  spatia  comprobentur,  nullum  Ecctesia  prœju- 
dicium  patiatur,  nec  sœculari  lege  prœscriptio  quœ 
Ecclesiœ  aliquid  impediat  opponatur.  Can.  23,  ibid. 

^  Id  a  sacerdotibus  omnibus  decretum  est,  id  ante 
Paschœ  solemniiatem ,  non  guinquagesima,  sed  quadra- 
gesima  teneatur.  Can.  24,  ibid. 

*  Ut  nulli  civium  Paschœ ,  Natalis  Domini ,  vel 
Quinquagesimœ  solemnitatem  in  villa  licent  celebrare, 
nisi  quem  infirmitas probabitur  tenuisse.  Can.  25,  ibid. 

5  Cum  ad  celebrandas  missas  in  Dei  nomine  conve- 
nitur,  populus  non  ante  discedat,  quam  missœ  soleni- 
nitas  complealur,  et  nbi  episcopus  fuerit,  benedictionem 
accipiat  sacerdotis.  Can.  26,  ibid. 


^  Rogationes ,  id  est,  litanias  ante  Ascensiones  Do- 
mini ,  ab  omnibus  Ecclesiis  placuit  celebrari  ;  ita  ut 
prœmissum  triduunum.  jejunium  in  dominicœ  Ascen- 
sionis  festivitate  solvatur  :  per  quod  triduitm  servi  et 
ancillœ  ab  omni  opère  relaxentur,  quo  magis  plebs 
universa  conveniat.  Quo  triduo  omnes  ahstineant ,  et 
quadragesimalibus  cibis  utantur.  Can.  27,  ibid. 

'  Clerici  vero  qui  ad  hoc  opus  sanctum  adesse  con- 
tempserint ,  secundum  arbitrium  episcopi  Ecclesiœ 
suscipiant  disciplinam.  Can.  28,  pag.  1409. 

8  De  familiaritnte  extranearum  mulierum,  tam 
episcopi  quam  presbyteri,  vel  diaconi,  prœteritorum 
canommi  stuiuta  custodiant.  Can.  29,  ibid. 

9  Si  quis  clericus,  monachus,  sœcularis,  divinationem 
vel  auguria  crediderit  servanda,  vel  sortes  quas  men- 
tiuntur  esse  sanctorum,  quibuscumque  putaverini  inti- 
mandas ,  cum  his  qui  eis  crediderint  ab  Ecclesiœ 
communione  pellantur.  Can.  30,  ibid. 

'0  Episcopus  si  infirmitate  non  fuerit  impeditus,  ec- 
clesiœ cui  proximus  fuerit  die  dominico  déesse  non 
liceat.  Can.  31,  ibid. 

'1  Tom.  IV  Concil.,  pag.  1557,  1828. 


CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  TARRAGONE,  ETC. 


[VET  VI' SIÈCLES.] 

rejetée  sur  la  faute  des  copistes,  qui  n'en 
ont  fait  que  trop  de  semblables  '.  On  dira 
peut-être  qu'il  n'était  pas  possible  au  roi 
Sigismond  d'assembler  soixante  évêques  à 
Agaune ,  puisqu'alors  il  n'y  avait  dans  le 
royaume  de  Bourgogne  que  vingt- sept  évê- 
chés.  Mais  ce  prince  ne  pouvait-il  pas  en 
avoir  invité  des  provinces  voisines?  Et  n'y  a- 
t-il  pas  lieu  de  croire  qu'il  s'en  trouvait  à  sa 
cour  un  très-grand  nombre  qui  venaient  le 
féliciter  sur  sa  conversion  à  la  foi  catholique? 
L'assemblée  dura  seize  jours,  depuis  le  30 
avril  jusqu'au  15  mai,  pendant  lesquels  on 
fit  divers  règlements  pour  la  disposition  du 
monastère.  Le  plus  remarquable  fut  qu'il  y 
aurait  une  psalmodie  perpétuelle,  et  qu'à 
cet  effet  neuf  bandes  de  moines  se  succéde- 
raient l'une  à  l'autre  pour  chanter  les  offices 
de  la  nuit  et  du  jour.  C'est  pourquoi  on  les 
dispense  du  travail  des  mains  qui  était  en 
usage  dans  tous  les  autres  monastères.  Ceux 
qui  contestent  l'authenticité  de  l'acte  de  ce 
qui  se  passa  dans  ce  concile,  allèguent  pour 
preuve  de  sa  fausseté,  ce  qui  y  est  dit  de 
cette  psalmodie  pei'pétuelle,  soutenant  que 
l'usage  n'en  était  point  établi  en  Occident, 
et  qu'il  n'avait  lieu  qu'en  Orient  dans  les 
monastères  des  acémètes.  Mais  on  voit,  par 
plusieurs  monuments  anciens,  que  la  psal- 
modie perpétuelle  prit  son  commencement 
en  Occident,  par  le  monastère  d' Agaune  ;  que 
ce  fut  à  l'imitation  de  ce  qui  s'y  pratiquait  à 
cet  égard,  que  sainte  Salaberge  ordonna  que 
dans  le  monastère  de  filles  qu'elle  fonda  à 
Laon  ^,  il  y  aurait  environ  trois  cents  reli- 
gieuses qui,  distribuées  par  bandes,  cbante- 
raient  jour  et  nuit  des  louanges  de  Dieu  ;  que 
saint  Amet,  qui  avait  été  tiré  du  monastère 
d'Agaune,  établit  aussi  sept  bandes  de  vier- 
ges dans  le  monastère  de  saint  Remarie , 
pour  y  chanter  sans  discontinuation  l'office 
di-vin  jour  et  nuit;  et  que  Dagobert  institua 
la  même  pratique  dans  la  basilique  de  Saint- 
Denis,  et  cela  à  l'exemple  du  monastère  d'A- 
gaune ,  ainsi  que  le  rapporte  Frédégaire. 


747 


Dans  la  même  assemblée,  Hymnémond  fut 
élu  abbé  d'Agaune,  et  il  fut  arrêté  que  lui  et 
ses  successeurs  s'instruiraient  avec  soin  de 
la  science  des  Livres  saints,  et  qu'ils  en  fe- 
raient faire  des  copies  pour  l'instruction  des 
moines.  Il  fut  dit  encore  qu'au  cas  qu'à  l'a- 
venir quelqu'un  entreprit  de  donner  atteinte 
aux  règiemenls  de  l'assemblée  ^ ,  l'abbé 
pourrait  se  pourvoir  au  Saint  -  Siège.  On 
trouve  à  la  fin  des  actes  de  ce  concile,  qui 
ont  été  donnés  dans  le  quatrième  tome  de 
la  Gaule  chrétienne,  dans  les  Conciles  du  père 
Labbe  *  et  dans  l'écrit  intitulé  :  Les  Maswes 
de  l'Ile-Barbe,  la  donation  que  le  roi  Sigis- 
mond fît  au  monastère  d'Agaune,  pour  four- 
nir à  leur  subsistance,  l'entretien  des  lumi- 
naires et  autres  besoins  de  l'église  et  de  la 
maison.  Les  moines  d'Agaune  avaient  un 
même  réfectoire,  un  même  dortoir,  un  même 
cbauiïoir.  Leui's  revenus  et  leur  nourriture 
étaient  laissés  à  la  prudence  et  à  la  discré- 
tion de  l'abbé. 

ARTICLE  XV. 

CONCILES  DE   TARRAGONE    [316],    ET   DE 
GIRONE    [317]. 

1.  La  sixième  année  du  règne  de  Théodo- 
ric,  sous  le  consulat  de  Pierre,  c'est-à-dire 
l'an  516,  le  6  novembre,  il  se  tint  en  Espa- 
gne, dans  la  ville  de  Tarragone,  un  concile 
de  dix  évêques,  dont  le  premier  était  Jean 
de  Tarragone ,  métropolitain.  Ils  y  firent 
treize  canons,  tant  pour  maintenir  l'ancienne 
discipline,  que  pour  prévenir  certains  abus. 
Le  premier  ^  contient  l'ordonnance  suivante  : 
les  ecclésiastiques  ou  les  moines  à  qui  l'on 
permet  d'assister  leurs  parents,  leur  four- 
niront le  nécessaire;  ils  pourront  les  aUer 
voir,  mais  ils  ne  feront  pas  une  longue  de- 
meure chez  eux,  et  ils  mèneront  avec  eux 
une  personne  d'âge  et  d'une  probité  con- 
nue, pour  être  témoin  de  leurs  actions;  si 
quelqu'un  contrevient  à  ce  règlement,  si  c'est 
un  clerc,  il  sera  privé  de  sa  dignité  ;  si  c'est 


Concile  da 
Tarragone, 
en  SI6. 


1  Mabill.,  Mb.  I  Annal.,  pag.  28. 

*  Idem,  ibid.,  pag.  29. 

3  Si'  iempus  advenerit  quod  divulsione  aui  discepta- 
fione  conlra  luec  agere  tentaverit  tune  abbas  prœdicii 
monasterii  concursionem  ad  Sedem  aposiolicam  ha- 
beat,  et  inde  ad  causant  suam  revertatur.  Tom.  IV 
ConciL,  pag.  1560. 

'•  Tom.  IV  ConciL,  pag.  1561. 

^  De  his,  quibus  cura  pro  parent elœ  proximitate 
kaberi  permittitur ,  ut  cautela  eorum  nécessitâtes  sus- 
tentent, pietatis  bénéficia,  quœ  eis  sunt  necessaria, 


prœbeant  :  ipsi  vero  pro  visendis  eis,  cum  ingressi 
fuerint,  céleri  salutatione  recurrant,  nec  inibi  faciant 
mansionem  :  qui  tamen ,  cum  ad  carum  visitalionem 
pergunt,  teslem  solatii  sui ,  fide  et  œtate  probatum 
adhibeant  secum.  Si  guis  hœc  a  nobis  statuta  con- 
tempserit  ;  si  clericus  est,  loci  sui  digniiate  privetur; 
si  vero  retigiosus  vel  jnonac/ius,  ii  cella  monasterii 
reclvsus  pœnitentiœ  lamentis  imcumbat ,  ubi  singulari 
affliclione,  panis  et  aquœ  victum  ex  abbatis  ordina- 
tione  percipiat.  Tom.  IV  ConciL,  Can.  1,  pag.  15C3. 


748 


HISÏOIBE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


un  moine,  il  sera  renfermé  dans  une  cellule 
du  monastère,  où  il  sera  mis  en  pénitence 
au  pain  et  à  l'eau  en  la  manière  que  l'abbé 
l'ordonnera.  Le  second  '  défend  aux  clercs 
d'acheter  à  trop  vil  prix,  ou  de  vendi'e  trop 
cher,  voulant  que  ceux  qui  se  mêleront  de 
semblable  commerce,  en  soient  empêchés 
par  le  clergé.  Il  est  dit  dans  le  troisième  - 
qu'un  clerc  qui  aura  prêté  de  l'argent  à  un 
homme  dans  sa  nécessité,  pourra  prendre 
pour  sou  argent  du  vin  et  du  blé  dans  le 
temps,  au  prix  qu'il  vaudra;  mais  que  si 
celui  à  qui  il  a  prêté,  n'a  ni  l'une  ni  l'autre 
de  ces  espèces,  le  clerc  se  contentera  de  re- 
cevoir de  lui  la  même  somme,  sans  aucune 
augmentation.  Par  le  quatrième  ^,  il  est  dé- 
fendu aux  évêques  et  à  tous  les  autres  clercs 
d'exercer  aucun  jugement  le  dimanche,  ce 
jour  devant  être  occupé  au  service  de  Dieu. 
Ils  pourront  néanmoins  rendre  des  juge- 
ments tous  les  jours,  mais  jamais  en  matière 
criminelle.  Le  cinquième  *  porte  qu'un  évê- 
que  qui  n'a  pas  été  ordonné  par  le  métropo- 
litain même,  quoique  avec  sa  permission, 
doit  se  présenter  dans  deux  mois  au  métro- 
politain, pour  recevoir  de  lui  les  instructions 
et  les  avis  nécessaires.  S'il  est  empêché  par 
quelque  infirmité,  il  en  avertira  par  lettre  le 
métropolitain.  Mais  s'il  néglige  de  le  faire  ou 


de  se  présenter,  il  en  sera  repris  par  les  au- 
tres évêques  au  premier  synode.  Le  sixième  ^ 
prive  de  la  communion  de  ses  frères  jusqu'au 
futur  concile,  l'évêque  qui  ne  s'est  pas  trouvé 
à  celui  qui  avait  été  indiqué,  supposé  qu'il 
n'ait  pas  été  retenu  par  quelque  maladie.  Le 
septième  "  est  un  règlement  pour  les  parois- 
ses de  la  campagne.  Lorsqu'elles  étaient  des- 
servies par  un  prêtre  et  un  diacre,  ils  y  de- 
meuraient tour  à  tour  chacun  leur  semaine. 
Le  samedi,  tout  le  clergé  de  ces  églises  se 
tenait  prêt  pour  y  faire  l'office  le  dimanche  : 
mais  chaque  jour  on  disait  dans  ces  parois- 
ses les  matines  et  les  vêpres.  Ceux  qui  man- 
quaient de  se  trouver  aux  offices,  devaient 
en  être  punis  selon  la  rigueur  des  canons. 
On  voit,  par  celui-ci,  qu'il  ari'ivait  quelque- 
fois par  la  négligence  des  clercs  que  l'on  ne 
fournissait  pas  même  des  lampes  pour  l'u- 
sage des  églises.  Il  s'en  trouvait  aussi  plu- 
sieurs à  la  campagne  qui  étaient  comme 
abandonnées  :  c'est  pourquoi  le  huitième  ca- 
non '  ordonne  aux  évêques  de  les  visiter 
tous  les  ans,  et  de  faire  faire  dans  ces  églises 
les  réparations  nécespnires  sur  le  tiers  de 
tous  les  fruits  qui  lui  est  attribué,  suivant 
l'ancienne  tradition.  Le  neuvième  *  ordonne 
de  chasser  du  clergé  un  lecteur  ou  un  portier 
qui  voudra  se  marier  ou  demeurer  avec  une 


'  Sicut  cononum  statutis  firmatum  {est ,  quicumque 
in  clero  esse  voliierit  ;  emencli  vilius,  vel  vendendi  ca- 
rius  studio  uiatur,  certe  si  voluerii  hœc  exercere, 
cohibcaiur  a  clero.  Can.  2,  ibld. 

2  Si  guis  vero  clericus  solidum  in  necessitate  per- 
stiterit ,  ut  hoc  de  vino  vel  frumento  accipiat  quod 
mercandi  causa  tempore  statuto  deci'ttum  fuerit  ve- 
numdari  :  cœterum  si  speciem  non  habuerit  necessa- 
riam,  ipsicm  quod  dédit  sine  ullo  augmenta  recipiat. 
Can.  3,  ibid. 

'  Ut  nul/us  epiiscoporum  aut  presbytcrorum ,  vel 
clericorv.m  die  dominico  propositunt  cujuscumquc 
causœ  negotium  audeat  judicare  ;  nisi  ut  hoc  tantum, 
ut  Deo  statuta  solemnia  peragani.  Cœieris  vero  diebus 
convenieniihus  personis ,  illa  quœ  justa  sunt  habeant 
licentium  judicandi ,  exceptis  criminalibus  negotiis. 
Can.  4,  pag.  15G4 

'  Si  quis  in  metropolitana  civitate  non  fuerit  epi- 
scopus  ordinatus ,  poslea  cuin  susceperit  benedictio- 
nem ,  per  metropolitani  lilteras  honorem  fuerit  epi- 
scopatus  adeptus,  id  optimum  esse  decrevimus,  ut  post 
modiim  statuto  tempore ,  id  est ,  impletis  duobus 
mensibus,  se  metropolitani  sui  reprœsenlet  aspectibus, 
ut  ab  illo  monitis  ecclesiasticis  instructus ,  plenius 
quod  observare  debeat  recognoscal.  Quod  si  forte  hœc 
implere  neglexerit ,  in  synodo  increpatus  a  fratribus 
covrigalur.  Quod  si  forte  infwmitate  aliqua ,  ne  hoc 
impleat,  fuerit  prinpeditus,  hoc  suis  litteris  metropo- 
litano  indicare  procuret.  Cau.  5. 

s  Si  quis  episcopus  commonitus  a  metropolitana  ad 
synodum,   nulla  gravi  intercedente  necessitate  corpo- 


rali  venire  contempserit ,  sicut  statuta  Patrum  cen- 
suerunt ,  iisque  ad  futurum  concilium  cunctorum 
episcoporum  charitatis  communione  privetur.  Can.  6, 
ibid. 

s  De  dicecesanis  Ecclesiis  vel  clero  id  placuit  defi- 
niri,  ut  presbyteri,  vel  diaconi,  qui  inibi  constiluti 
sunt,  cum  clericis,  septimanas  observent  ■•  id  est,  ut 
presbyter  unam  facial  heljdomadam;  qua  expleta  suc- 
cédât ei  diaconus  similiter  :  ea  scilicet  conditione 
servata,  ut  omnis  clericus  die  sabbato  ad  vesperam  sit 
paratus,  quo  facilius  die  dominico  solemnitas  cum 
omnium  prœsentia  celebretur  :  ita  tamen  ut  omnibus 
diebus  vesperas  ut  matutinas  célèbrent  :  quia  desistenfe 
clero  {quod  est  pessimum)  comperimus  in  basiUcis  nec 
luminaria  ministrari.  Si  qui  sane  negligentiœ  vitio 
hœc  implere  noluerint ,  noverint  se  secundum  statuta 
canonum  pro  modo  personarum  canonicœ  disciplinœ 
subdendos.  Can.  7,  ibid. 

■'  Multorum  casuum  experienlia  magisl'rante,  repe- 
rimus  nonnuUas  diœcesanas  esse  Ecclesias  destitutas  ; 
ob  quam  rem,  id  hac  constitutione  decrevimus,  ut 
antiquœ  consuetudinis  ordo  servetur,  et  annuis  vicibus 
ah  episcopo  diœcesano  visitentur  ;  et  si  qua  forte  basi- 
lica  reperta  fuerit  destituta,  ordinatione  ipsius  repa- 
retur  :  quia  tertia  ex  omnibus  per  antiquam  tradilio- 
nem,  ut  accipiatur  ab  episcopis,  novimus  staiutum. 
Can.  8,  pag.  15C5. 

8  Si  quis  lectorum  adulterœ  mulieri  voluerit  misce- 
ri,  vel  adiiœrere  consortio  ;  aut  relinquat  adulteram, 
aut  a  clero  habeaiur  extraneus.  Similis  sententia, 
ostiariorum  manebit  scholam.  Can.  9^  ibid. 


à 


[V"  ET vi« SIÈCLES.]     CHAPITRE  LUI.  —  CONCILES  DE  TARRAGONE,  ETC. 


749 


femme  adultère.  Par  le  dixième  ',  il  est  dé- 
fendu aux  clercs  de  prendre  aucun  salaire  à 
la  manière  des  juges  séculiers,  pour  avoir 
procuré  la  justice,  si  ce  n'est  qu'on  leur  fasse 
des  offrandes  gratuites  dans  l'église,  sans 
rapport  aux  services  qu'ils  auront  rendus. 
Ceux  qui  feront  le  contraire,  doivent  être  dé- 
gradés comme  le  seraient  des  usuriers.  Le 
onzième  ^  défend  aux  moines  qui  vont  de- 
hors, de  s'employer  au  ministère  ecclésiasti- 
que, s'ils  n'en  reçoivent  l'ordre  de  leur  abbé  ; 
sans  son  commandement  ils  ne  doivent  pas 
non  plus  se  mêler  des  affaires  séculières, 
à  moins  que  l'utilité  du  monastère  ne  le  de- 
mande et  en  gardant  avant  toute  chose  les 
canons  des  Eglises  des  Gaules  touchant  les 
moines.  Il  est  ordonné  dans  le  douzième  ^ 
qu'après  la  mort  de  l'évêque  qui  n'aura  pas 
fait  son  testament,  les  prêtres  et  les  diacres 
feront  un  inventaire  de  tous  les  biens ,  et 
que  s'il  se  trouve  quelqu'un  qui  en  ait  pris 
quelque  chose,  on  l'oblige  de  restituer.  Sui- 
vant le  treizième  *,  il  est  du  devoir  du  mé- 
tropolitain d'appeler  au  concile,  non-seule- 
ment les  prêtres  de  la  cathédrale,  mais  aussi 
ceux  de  la  campagne,  avec  quelques  sécu- 
liers du  nombre  des  enfants  de  l'Eglise.  II 
semble  que  ce  canon  ne  parle  que  du  con- 
cile que  l'on  assemblait  ordinairement  pour 
l'ordination  d'un  évëque.  Gratien  rapporte 
un  fragment  du  concile  de  Tarragone,  où  il 


est  dit  que,  comme  il  n'est  pas  permis  de 
réitérer  le  baptême,  on  ne  doit  non  plus 
conférer  qu'une  fois  la  confirmation. 

2.  L'année  suivante  517,  qui  était  la  1"  de 
Théodoric,  sous  le  consulat  d'Agapit,  il 
s'assembla  un  concile  à  Girone,  le  18  juin. 
Il  était  composé  du  métropolitain  de  Tarra- 
gone qui  y  présida,  et  de  six  évêques  de  la 
même  province.  On  n'y  fit  que  dix  canons, 
par  lesquels  il  est  ordonné  que,  dans  la  cé- 
lébration de  la  messe  et  de  l'office  divin  ^, 
toute  la  province  suivra  le  rit  de  la  métro- 
pole; que  l'on  fera  chaque  année  deux  lita- 
nies ou  rogations  de  trois  jours  chacune, 
avec  abstinence  de  chair  et  de  vin  :  la  pre- 
mière, dans  la  semaine  d'après  la  Pentecôte  '', 
depuis  le  6  juillet  jusqu'au  samedi  inclusive- 
ment; la  seconde  ',  le  premier  jour  de  no- 
vembre, à  condition  que  si  c'est  un  jour  de 
dimanche,  on  renverra  cette  litanie  au  jeudi 
suivant,  pour  finir  le  samedi  ;  que  le  baptême 
solennel  ne  s'administrera  qu'à  Pâques  et  à 
la  Pentecôte,  et  que  dans  les  autres  fêtes  de 
l'année  on  baptisera  seulement  les  malades 
auxquels  il  n'est  pas  permis  de  refuser  le 
baptême,  en  quelque  temps  que  ce  soit  *; 
que  les  enfants  étant  ordinairement  mala- 
des ^,  lorsqu'ils  viennent  au  monde ,  on  les 
baptisera  aussitôt,  particulièrement  s'ils  sont 
réellement  malades  et  si  l'on  i-emarque  qu'ils 
ne  demandent  pas  à  téter;  que  les  clercs  qui 


Concile  de 
jiione,    en 


1  Observandum  quoque  decreuimus,  ne  guis  sacer. 
dotum,  vel  clericorum,  more  sœcularium,  judicium 
audeat  accipere  pro  impensis  palrcciniis  munera,  nisi 
forie  in  ecclesia  oblata  gratuiia ,  quœ  non  favore 
muneris  videattir  accepta,  sed  collatione  devofionis 
illala.  Quia  si  qui  ista  probaniur  accipere,  veluii 
exaciores  fœnoris ,  aut  usurarum  possessoi  es ,  secun- 
dum  slatuta  Patrum  senoverini  degradandos.  Gan.  10, 
ibid. 

"^  Monachi  a  monasterio  foras  egredientes  ,  tie  ali- 
quod  ministerium  ecclesiastinmi  prœsumant  agcre , 
pruhibemus,  nisi  forie  cum  ubbatis  iniperio.  Simiiiler 
ut  nullus  eorum  [id  est  inonachorum)  forensis  negotii 
susceptor  vel  executur  existât,  nisi  id  quod  monasie. 
rii  cxposcit  ulilitas;  abbaie  sibi  nihilominus  inopé- 
rante, canonnm  ante  omnia  gallicanorum  de  eis  con- 
stitutione  servata.  Cau.  H,  ibid. 

3  Sic  ubi  defanctus  fuerit  episcopus  inlestatus,  post 
depositionem  ejus,  a  presbyteris  et  diaconibus  de  rébus 
ipsius  brève  fideliter  conscribatiir,  a  minimo  usque 
ad  maximuno,  id  est,  de  utensilibus,  vel  omni  supel- 
leclile  :  iia  tamen,  ut  si  quit  exiixde  vel  prœsumpsisse , 
vel  occulte  fuerit  iulisse  convictus,  secuhdum  furii 
tencrem  restituât  universa.  Gan.  12,  ibid. 

*  Epistolœ  taies  per  fratres  a  metropolitano  sunt 
dirigendœ,  ut  non  solum  a  caihedralibus  ecclesiis 
presbyleri,  verum  etiam  de  diœcesanis  ad  concilium 


traitant,  et  aliquos  de  filiisEcclesice  sfBcularibus  secum 
udducere  debeant.  Gan.  13,  ibid. 

2  De  institutione  missarum,  ut  quomodo  in  metro- 
polilana  ecclesia  fuerit,  ita  Dei  nomine  in  omni  Tar- 
raconensi  provincia  ,  tam  ipsius  missce  ordo  ,  quam 
psallendi,  vel  ministrandi  consuetudo  servetur.  Tom. 
IV  ConciL,  can.  l,  pag.  1568. 

^  De  liiania,  ut  expteia  solemniiate  Pentecosies,  se. 
quens  sepiimana,  a  quinta  feria  usque  ad  sabbalum 
per  hoc  iriduum  abstinentia  celebretur.  Can.  2,  ibid. 

'  Item  secundœ  litaniœ  faciendœ  sunt  kalendis  novcm- 
bris,  ea  tamen  conditione  servata,  ut  si  iisdem  diebus 
dominica  iniercesseril,  in  alla  hebdomada,  secundum 
prioris  abstineniiœ  observantiam,  a  quinta  feria  inci- 
piantur  et  in  sabbato  vespere  missa  facta  finianlur.  Qui- 
bus  tamen  diebus  a  carnibus  ut  a  vino  abslinendum  de- 
crevimus.  Can  3  ibid. 

8  De  catechuminis  baptizandis  id  statuium  est,  ut  in 
Paschœ  solemniiate ,  vel  Pentecostes,  quanto  mujoris 
celebritatis  major  celebritas  est,  tanlo  magis  ad  bapti- 
zandum  veniant  :  cœteris  soiemnitatibus  infirmi  tanium- 
modo  debeant  bapiizari  :  quibus  quocumque  tenipore 
convenu  baptismum  non  negari.  Cau.  4,  ibid. 

^  De  parvulis  vero  qui  nuper  materna  utero  ediii  sunt, 
placuit  constitui,  ut  si  infirmi,  ut  assolet,  fucrint,  et 
lac  maternum  ?ion  appetunt,  etiam  eadem  die  qua  nati 
sunt  {si  oblati  fuerint),  baptizentur.  Can  3,  ibid, 


730 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ont  été  ordonnés  étant  mariés  ',  à  commen- 
cer par  les  évèques  jusqu'aux  sous-diacres, 
habiteront  séparés  de  leurs  femmes,  ou  qu'ils 
auront  avec  eux,  s'ils  ne  logent  pas  à  part, 
un  de  leurs  confrères  pour  être  témoin  de 
leur  vie  ;  que  les  clercs  qui  ont  été  ordonnés 
dans  le  célibat  ^  n'auront  point  de  femmes 
pour  conduire  leur  ménage,  si  ce  n'est  leur 
mère  ou  leur  sœur;  que  l'on  n'admettra  pas 
dans  le  clergé^les  laïques  qui,  après  la  mort 
de  leur  femme,  auront  eu  un  commerce 
charnel  avec  une  autre  ;  que  l'on  pourra  ad- 
mettre dans  le  clergé  *  une  personne  qui, 
étant  tombée  malade,  a  demandé  et  reçu  la 
bénédiction  de  la  pénitence  appelée  viati- 
que, et  qui  se  donne  par  la  communion, 
pourvu  qu'étant  revenue  en  santé,  elle  n'ait 
pas  été  soumise  à  la  pénitence  publique,  ni 
convaincue  de  crimes  qui  y  sont  soumis,  et 
que  l'évêque  ou  le  prêtre  prononcera  tous 
les  jours  l'Oraison  dominicale  après  matines 
et  vêpres  ^. 

ARTICLE  XVI.    ' 

DU   CONCILE  DE    SIDON   [512]. 

1.  Le  comte  Marcellin,  après  avoir  parlé 
sidon  vers  gur  l'an  312,  de  la  sédition  qui  arrivS  à  Cons- 
tantinople  au  sujet  du  Tinsagion  que  les  euty- 
chiens  chantaient  avec  l'addition  des  mots  : 
Il  Qui  a  été  crucifié  pour  nous,  »  dit  quelque 
chose  d'une  assemblée  tenue  à  Sidon,  lais- 
sant lieu  de  penser  qu'elle  se  tint  la  même 
année  312.  Théophane  la  met  en  311  ^,  et 
d'autres  encore  plus  tôt.  L'empereur  Anas- 
tase  y  fit  venir  quatre-vingts  évêques,  et 

'  De  conversione  vitœ  id  statuere  placuit  a  poniifice 
usque  ad  subdiaconum,  post  suscepti  honoris  officium, 
si  qui  ex  conjunctis  fuerint  ordinati,  ut  sine  conjuge 
habitent  :  quod  si  habitare  noluerint,  alierius  fratris  uta- 
tur  auxilio,  cujus  testimonio  vita  ejus  debeat  clarior 
apparere.  Can.  6,  ibid. 

"^  De  his  vero  qui  sine  conj'ugibus  ordinantur,  et  fa- 
milias  dumi  liabeni ,  habHo  secum ,  pro  vitœ  conver- 
salione,  ficaire  in  iestimonium  non  per  quamcumque 
feminei  sexus  penonam  ejus  substaniia  qubernetur  ; 
nisi  aut  per  pueruin,  aut  per  amicum,  suam  domum 
débet  ordinare.  Si  vero  matrem  in  donio  habuerit, 
aut  sorurem  secundum  priorum  canonum  statuta ,  per 
earum  personas  ejus  débet  contutari  substantia.  Caa.  7, 
ibid. 


Concilo    de 


voulut  que  Sotéric,  évêque  de  Césarée  en 
Cappadoce,  et  Xénaia,  intrus  à  Hiéraple,  et 
connu  par  les  troubles  qu'il  avait  déjà  exci- 
tés dans  l'Eglise,  y  présidassent.  Le  dessein 
de  ce  prince  était  de  détruire  l'autorité  du 
concile  de  Ghalcédoine;  mais  Elle  de  Jérusa- 
lem et  Flavien  d'Antioche,  qui  se  trouvèrent 
à  ce  concile  avec  Jean  de  Palte,  empêchè- 
rent qu'on  n'y  anathématisât  celui  de  Ghal- 
cédoine. La  vigueur  qu'ils  témoignèrent  en 
cette  occasion,  leur  procura  l'honneur  de 
l'exil.  Flavien  fut  envoyé  par  ordre  de  l'em- 
pereur au  château  de  Pétra,  à  l'extrémité  de 
la  Palestine,  où  il  se  reposa  avec  Jésus- 
Christ,  sans  avoir  été  rétabli  dans  sa  dignité, 
dont  il  avait  été  privé  par  les  eutychiens. 
Jean  de  Palte  fut  banni  au  même  lieu,  où  il 
demeura  jusqu'au  règne  de  Justin,  qui  le 
rappela  et  le  rétablit  dans  son  évêché  de 
Palte.  A  l'égard  d'EHe  de  Jérusalem  ',  saint 
Sabas,  qu'il  avait  envoyé  à  Constantinople, 
fit  si  bien  auprès  d'Anastase,  que  ce  prince 
révoqua  l'ordre  qu'il  avait  donné  pour  le 
chasser  de  son  siège  et  mettre  une  autre 
personne  à  sa  place.  C'est  tout  ce  que  l'on 
sait  de  l'assemblée  de  Sidon,  qui,  selon  l'idée 
que  nous  en  donne  le  comte  Marcellin,  ne 
mérite  pas  le  nom  de  concile,  mais  plutôt  de 
conciliabule,  puisqu'il  l'appelle  une  infâme 
et  misérable  assemblée,  et  qu'il  traite  les 
évêques  qui  le  composaient  de  perfides  et 
de  traîtres  à  la  vérité.  Théophane  dit  ^  qu'on 
y  forma  des  décrets  dont  on  se  servait  pour 
tourmenter  les  catholiques. 


3  Si  quis  vero  de  laids  post  uxorem  aliam  cujus- 
cumque  conditionis  cognoverit  mulierem  in  clero  nul- 
lalenus  admiitatur.  Can.  8,  pag.  1569. 

*  /î  vero  qui  œgritudinis  ianguore  pressus  pœniten- 
tiœ  benedictionem  [quam  viaticum  deputamus)  per 
communionem  acceperit ,  et  posimodum  reconvalescens 
caput  pœniteniicE  in  ecctesia  publiée  non  subdiderit, 
si  prohibais  vitiis  non  detinetur  obnoxius,  admitiatur 
ad  clerum.  Can.  9,  ibid. 

5  [la  nobis  placuit,  ut  omnibus  diebiis,  post  maticti- 
nas  et  vespertinas ,  oratio  dominiea  a  sacerdole  pro- 
feratur.  Can.  10,  ibid. 

6  Marcellin.  Cornes.,  in  Chronic,  ad  an.  512. 
'  Cote!.,  tom.  III  Monument.,  pag.  297  et  seq. 
8  ïlieoph.,  ad  ann.  51i. 


SUPPLÉMENT 


AUTHENTICITE  DES  ŒUVRES  DE  SAINT  DENIS  L'AREOPAGITE. 


Douze  siècles  (de  300  à  1 500)  reconnaissent 
l'authenticité  des  livres  de  saint  Denis,  ut  si 
d'obscures  contradictions  sefonteuLendre  un 
instant  (vers  400  et 900),  la  croyance  générale 
passe  en  les  couvrant  de  son  harmonieuse 
voix.  Depuis  trois  cents  ans  (de  doOO  à  1800) 
l'uniformité  est  rompue.  A  des  critiques  d'un 
catholicisme  douteux,  ont  succédé  les  pro- 
testants ;  qu'aurait  fait  la  pi'étendue  réforme 
des  expressions  si  précises  et  si  nettes  de 
saint  Denis  touchant  les  mystères  et  les  rites 
catholiques  ?  Les  jansénistes  sont  venus  en- 
suite. Enfin,  certains  gdUicans  rédigèrent 
l'histoire  ;  et  tout  n'est  pas  dit  sur  les  asser- 
tions passionnées  et  gravement  partiales  des 
Fleury,  des  Buillet,  des  Tillemont,  des  Du- 
pin  et  des  Launoy.  Saint  Denis  fut  enveloppé 
dans  la  disgrâce  injuste  qui  atteignit  plusieurs 
réputations  jusqu'alors  respectées.  L'abbé 
Darboy  l'en  relève  en  révisant  un  procès 
jugé  sous  l'empire  de  préventions  fausses  et 
peut-être  même  avec  une  partialité  prémé- 
ditée. 

En  premier  lieu,  il  établit  qu'il  existe  une 
parfaite  analogie  entre  les  doctrines  exposées 
dans  ces  livres  et  celles  que  saint  Denis  dut 
professer  :  «  Philosophe  distingué,  pieux  et 
savant  évêque,  appelé  à  justifier  les  dogmes 
du  christianisme  devant  les  nombreux  secta- 
teurs de  Platon,  d'Aristote  et  de  Zenon,  saint 
Denis  aborda  sans  doute  les  plus  hautes 
questions  qui  tourmentaient  la  philosophie 


et  leur  donna  une  solution  scientifique.  La 
direction  jusque-là  imprimée  à  son  génie  et 
l'empire  des  circonstances  le  jetaient  néces- 
sairement dans  cette  voie.  Si  donc  il  a  laissé 
quelques  écrits,  on  devra  y  trouver  le  double 
caractère  que  revêtirent  ses  enseignements, 
les  conceptions  du  philosophe  et  la  foi  pure 
du  théologien.  Or  il  sulfit  de  lire  quelques- 
unes  des  pages  qui  suivent  pour  se  convain- 
cre que  l'auteur  de  ces  œuvres  était  égale- 
ment façonné  aux  spéculations  philosophi- 
ques et  versé  dans  la  science  de  la  religion. 
11  disserte  avec  justesse  et  profondeur  sur  les 
plus  incompréhensibles  attributs  de  Dieu.  La 
création,  l'origine  et  la  nature  du  mal  sont 
admirablement  expliquées.  La  hiérarchie  des 
esprits  célestes  est  représentée  comme  un 
refiet  de  la  Trinité  et  comme  le  type  de  notre 
Eghse  terrestre.  Les  sacrements,  canaux  de 
la  grâce,  nous  transmettent  la  charité,  fleuve 
de  feu  qui  jaillit  du  trône  de  TEternel,  tra- 
verse tous  les  ordres  des  choses  créées  et 
remonte  à  sa  source,  emportant  vers  leur 
principe  tous  les  cœurs  qu'a  touchés  le  céleste 
incendie.  Le  monde  naturel  et  surnaturel 
sont  décrits,  leur  dilférence  établie,  leui-s 
rapports  constatés,  et  emportée  sur  les  ailes 
de  la  foi,  la  raison  de  Técri  vain  franchit  d'un 
vol  tranquille  et  assuré  des  régions  que  nul 
regard  n'a  jamais  contemplées  qu'en  trem- 
blant. Au  surplus,  des  hommes  qui  portent 
un  beau  nom  dans  la  science  et  la  rehgion, 


732 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ont  donné  à  saint  Denis  un  brevet  authenti- 
que de  philosophie  et  de  théologie.  Nul  ou- 
vrage de  l'antiquité  ecclésiastique  ne  fut  si 
fréquemment  traduit  ou  commenté  que  les 
écrits  de  notre  Aréopagile.  Scot  Erigène  en 
offrit  une  version  latine  aux  Français  du 
temps  de  Charles-le-Chauve.  Le  moyen  âge 
en  lit  ses  délices,  et  ils  conquirent  l'estime 
des  plus  renommés  docteurs,  Hugues  de 
Saint-Victor,  Albert-le-Grand,  Alexandre  de 
Halès,  saint  Thomas,  Marsile  Ficin,  que  la 
Renaissance  appelait  l'âme  de  Platon,  enri- 
chit de  notes  savantes  plusieurs  des  ti'aités 
de  saint  Denis.  Enfin  Bossuet  leur  emprunte 
parfois  ces  puissantes  idées  par  lesquelles 
son  génie  élargit  et  illumine  les  questions. 
Puisqu'il  a  été  prouvé,  d'un  côté,  que  saint 
Denis  fut  versé  dans  la  science  de  la  philo- 
sophie et  du  christianisme,  et  que  d'autre 
part  ses  livres  rappellent  à  la  fois  le  philoso- 
phe et  le  docteur  de  l'Eglise,  on  doit  con- 
clure qu'ils  ont  ce  signe  intrinsèque  d'au- 
thenticité que  nous  avons  indiqué  en  premier 
lieu  '.  » 

En  second  lieu,  le  style  des  écrits  dont  il 
s'agit,  aussi  bien  que  le  fond  des  choses,  rap- 
pelle les  études  et  la  position  d'ailleurs  con- 
nue de  saint  Denis  :  «  En  lisant  ces  livres,  on 
y  reconnaît  sans  peine  la  philosophie  accom- 
modant à  la  pensée  chrétienne  les  formules 
du  platonisme  antique,  le  néophyte  essayant 
de  traduire  le  sentiment  religieux  dont  il  est 
obsédé,  le  docteur  des  temps  primitifs  se  dé- 
battant dans  les  entraves  d'une  langue  inha- 
bile encore  à  exprimer  des  idées  nouvelles, 
et  enfin  l'écrivain  d'un  siècle  où  le  goût  n'é- 
tait pas  sans  pureté,  ni  la  littérature  sans 
gloire  ^... 

»  Mais  ne  serait-ce  point  une  preuve  de 
supposition,  que  l'obscurité  et  la  magnifi- 
cence, deux  caractères  si  marqués  du  style 
de  saint  Denis,  et  que  ne  présentent  nulle- 
ment les  autres  écrits  de  nos  premiers  doc- 
teurs, et  en  particulier  des  apôtres  ?... 

»  D'abord,  en  ce  qui  concerne  l'obscurité 
alléguée,  la  remarque  qu'on  nous  oppose 
est  fondée  sur  une  ignorance  totale  de  l'an- 
tiquité,   soit    profane,    soit    ecclésiastique. 


Tout  le  monde  sait  avec  quelle  réserve  la 
philosophie  païenne  distribuait  ses  oracles, 
et  qu'elle  professait  deux  doctrines,  l'une 
exotérique,  à  l'usage  de  la  foule;  l'autre  éso- 
térique,  réservée  aux  disciples  d'élite...  L'E- 
giise  a  pratiqué  dans  les  premiers  siècles 
cette  même  doctrine  du  secret.  C'était  con- 
forme aux  exemples  et  aux  enseignements  du 
Seigneur;  car  il  s'exprimait  en  figures  et  en 
paraboles  ^,  et  il  recommandait  formellement 
à  ses  disciples  une  sage  discrétion*.  Aussi 
les  premiers  apologistes  du  christianisme, 
Tertullien  ^,  Origène  '',  Athénagore  ^,  saint 
Justin  *,  Clément  d'Alexandrie  ',  n'ont  point 
cru  devoir  faire,  à  la  nécessité  de  venger  la 
religion,  le  sacrifice  du  silence  prescrit,  ni 
décourager  la  calomnie  par  la  divulgation  po- 
sitive des  saints  mystères.  Il  y  a  plus;  les 
pasteurs  des  peuples,  dans  leurs  instructions 
aux  catéchumènes,  respectaient  les  limites 
posées  par  la  tradition,  et  cette  sorle  d'in- 
terdit jeté  sur  les  vérités  les  plus  augustes 
de  l'Evangile,  ne  se  levait  qu'en  faveur 
des  initiés,  comme  nous  l'apprennent  saint 
Ambroise'",  saint  Cyrille  de  Jérusalem**,  saint 
Basile  *^,  saint  Grégoire  de  Nazianze  *^,  saint 
Jean  Cbrysostôme  **  et  saint  Augustin  *5.  Et, 
en  cela,  la  philosophie  et  surtout  l'Eglise 
avaient  de  graves  raisons,  qui  subsistent  en 
tout  état  de  choses  et  qu'on  pourrait  se  rap- 
peler utilement  plus  d'une  fois  dans  la  vie. 
Il  y  a  tels  esprits  qui  blasphèment  ce  qu'ils 
ne  comprennent  pas  ;  il  y  a  tels  cœurs  qui 
ne  battent  jamais  que  pour  ce  qui  est  igno- 
ble ;  il  y  a  tels  gens  que  vous  faites  rire, 
quand  vous  leur  parlez  le  langage  d'une  con- 
viction ardente  et  profonde.  C'est  ce  qu'ob- 
servent et  développent  les  auteurs  cités  plus 
haut.  C'est  ce  que  comprit  saint  Denis,  élève 
à  la  fois  de  la  philosophie  et  du  christianisme. 
11  pratique  sans  doute  le  commandement 
qu'il  l'ait  à  Timothée  "';  et,  pour  employer  son 
langage,  ou  plutôt  celui  de  la  Bible,  il  se 
garda  de  jeter  aux  pieds  des  pourceaux  la 
beauté  des  perles  spirituelles.  Il  dut  donc 
songer  à  dissimuler,  surtout  dans  un  écrit 
que  des  circonstances  qu'il  était  permis  d'ap- 
préhender amèneraient  sous  les  yeux  des 


*  Introduction  aux  œuvres  de  saint  Denys  l'Aréo- 
Iiagite,  pag.  10. 

-  Introduction  aux  œuvres  de  saint  Denys  l'Aréo- 
pagile,  pag.  id. 

3  Matth.,  xm,  XTV,  XV,  21;  Marc,  ni;  13.  Luc, vin, 
xn,  XIV,  xvin. 

*  Mattli.  vu,  C,  —  ii  Apologet.  7. 


8  Conlra  Celsum,  lib.  I,  cap.  vi. 

■?  Legaiio  pro  christianis.  —  3  Apologia  1  et  2. 

9  Stromai.,  lib.I,  cap.  i.  —  ^o  De  mysteriis,  et  alibi. 
11  Calèches.  6.  —  »2  De  Spirifu  Sancto. 

13  Oratio.  33  et  42.  —  i*  Hom.  18  in  II  ad  Cor. 
is  In  Joan.,  tract.  2,  et  alibi, 
is  jiccl.  Hierarch,  cap.  1. 


AUTHENTICITÉ  DES  ŒUVRES  DE  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


733 


païens  :  il  s'enveloppa  d'une  obscurité  pré- 
méditée, laissant  au  voile  assez  de  transpa- 
rence pour  rédilîcation  des  intelligences  tidè- 
les,  et  assez  d'épaisseur  pour  que  les  pro- 
fanes ne  pussent  devenir  indiscrets.  C'est 
pourquoi  ses  livres  rappellent  en  certains 
endroits  ces  passages  énigmatiques  des  an- 
ciens philosophes,  qui  n'invitaient  pas  indis- 
tinctement tous  les  hommes  au  banquet  de 
leur  doctrine,  et  ces  religieux  discours  de 
nos  docteurs,  où  la  vérité,  comme  si  elle 
craignait  le  regard  irrespectueux  d'un  esprit 
mal  préparé,  se  réfugie  avec  ses  splendeurs 
dans  une  sorte  de  ténébreux  sanctuaire.  Loin 
donc  qu'il  y  ait  une  preuve  de  supposition 
dans  cette  obscurité  mystérieuse,  on  y  doit 
voir  au  contraire  une  maniteslatiou,  preuve 
de  haute  antiquité ,  la  discipline  du  secret 
ayant  existé  dans  l'Eglise  dès  le  principe,  et 
même  les  raisons  de  la  pratiquer  étant  beau- 
coup plus  fortes  pour  les  premiers  siècles 
que  pour  les  temps  postérieurs. 

«  On  ne  peut,  non  plus,  rien  inférer  contre 
nous  de  la  magnificence  du  style  qu'emploije 
saint  Denis.  Quand  même  son  éloquence  se- 
rait ornée  avec  ce  luxe  asiatique  que  lui  re- 
prochent les  protestants  illyriens  et  Scultet, 
que  s'ensuivrait-il  ?  Qu'un  auteur  des  temps 
apostoliques  a  manqué  de  goût  :  conclusion 
qui,  dans  l'espèce,  est  parfaitement  insigni- 
fiante et  laisse  intacte  la  question  de  l'au- 
thenticité... Des  critiques  ont  voulu  voir  une 
trace  de  supposition  dans  les  expressions  "'"«. 
enfant,  que  saintDenis adresse àTimotliée  son 
collègue  dans  le  sacerdoce,  et  u-nin^ai;,  par 
laquelle  il  désigne  la  personnalité  en  Dieu. 
Or,  dans  la  primitive  Eglise,  tous  les  chré- 
tiens étaient  appelés  enfants,  à  raison  de 
Fingénuité  et  de  la  douceur  de  leurs  mœurs; 
et  pour  la  même  raison,  les  évèques  et  les 
autres  ministres  de  l'autel  recevaient  le  titre 
d'enfants  sacrés,  inûiii  i^f  oi. , .  On  pourrait  ajou- 
ter que  mot  d'hypostase  se  trouve  dans 
l'exemplaire  grec  de  l'épitre  aux  Hébreux, 
;tapîiKT«f.  Tif  woi7Tâirï»t,  que  la  Vulgate  rend,  il 
est  vrai,  par  substance  *,  mais  que  les  anciens 
traduisaient  ^a.v  personne  ^.  D'ailleurs,  il  faut 
bien  admettre  que  quelqu'un  se  servit  le  pre- 


mier de  ce  terme,  et  lui  donna  la  valeur  qui 
lui  est  restée.  Pourquoi  veut-on  que  le  philo- 
sophe Denis,  n'ait  pu  le  connaître  et  l'em- 
ployer aussi  bien  que  tout  autre,  même  avant 
tout  autre  ?  » 

En  troisième  lieu,  «  l'auteur  rappelle  la 
part  qu'il  a  prise  à  des  événements  contem- 
porains ;  il  cite  les  hommes  de  son  époque  et 
les  relations  qui  l'attachaient  à  eux,  tellement 
que  ces  indications  sont  en  rapport  parfait 
avec  ce  que  nous  savons  d'ailleurs  de  saint 
Denis  l'Aréopagite  ^.  Ainsi  il  se  nomme  disci- 
ple de  saint  Paul ,  ce  qui  est  facilement  ad- 
missible, d'après  ce  qu'on  lit  dans  les  Actes 
des  Apôtres  *.  Il  observe,  dit-il  ^,  l'éclipsé  du 
soleil  qui  eut  lieu  à  la  mort  du  Sauveur,  phé- 
nomène miraculeux  dont  nous  trouvons  la 
preuve  dans  les  Evangiles  ^,  dans  Phlégon, 
cité  par  Eusèbe  ',  dans  Eusèbe  lui-même  ^, 
et  dans  l'historien  Thallus,  cité  par  Jules 
Africain  '.  Il  assista  au  trépas  de  la  Vierge 
Mai'ie  avec  Pierre,  Jacques,  frère  du  Sei- 
gneur, et  Hiérothée,  son  maître  après  saint 
Paul  *";  ce  qu'aucun  fait  ni  aucun  témoignage 
ne  contredit.  Il  mentionne  l'hospitalité  qu'il 
trouva  chez  Carpus  ",  le  même  qui  est  cité 
par  l'apôtre  '-.  Il  rappelle  que  Timothée  reçut 
avec  lui  les  leçons  de  saint  Paul  '^,  et  que  c'est 
à  la  prière  de  cet  ami  qu'il  composa  les  deux 
livres  de  la  Hiérarchie  ecclésiastique  et  des  Noms 
divins  '*.  Or  le  premier  fait  a  quelque  rapport 
avec  ce  que  les  écrits  inspirés  nous  appren- 
nent de  Timothée  '^  ;  et,  en  soi,  le  second  est 
parfaitement  croyable.  Il  écrit  au  disciple 
bien-aimé  exilé  dans  Pathmos  '^  ;  à  Tite,  élève 
de  saint  Paul;  à  Polycarpe,  évêque  de 
Smyrne  ";  à  Caïus  dont  il  est  question  plu- 
sieurs fois  dans  les  saintes  lettres  **  :  trois 
personnages  évidemment  contemporains. 
Les  témoignages  divers  qu'il  invoque  en  ces 
œuvres,  sont  de  même  empruntés  aux  hom- 
mes de  son  temps  ;  Paul  de  Hiérothée  que 
l'on  connaît  peu  du  reste  '',  de  saint  Barthé- 
lémy -",  de  saint  Ignace  -*,  du  philosophe  Clé- 
ment, soit  qu'il  désigne  le  platonicien  Aétius 
démens  à  qui  Phne  le  Jeune  adresse  une  de 
ses  lettres  soit  qu'il  désigne  au  contraire 
saint  Clément  Romain,  troisième  pape  ^*. 


'  Hebr.  1,  3. 

s  Basil.,  Epist.  38,  apud  Collect.  Pair.,  tom.  XLV. 

^  De  Divin,  nomin.,  cap.  lii^  2.  —  *  Act.  svii,  34. 

>•  Epist.  7  ad  Polycarp. 

6  Matth.  xxvii,  45;  Marc,  xv,  23;  Luc.  xxni,  44. 

'  Chron.,  ad  an.  Domini  33.  —  8  ibid, 

'  Jnlii  Afric.  Chronog. 


1°  De  Divin,  nomin.,  cap.  m,  2.  —  '•  Epist.  3,  6. 
12  II  Timoth.  IV,  13.  —  13  Dg  Divin,  nom.,  cap.  IV. 
1*  Ibid.,  cap.  n.  —  '^  Epist.  10.  —  '^  Epist.  9. 
"  Epist.  7.  —  18  Act.  apost.  six,  29;  111  Joan. 

19  In  oper.  sancti  Dionysii,  passirn. 

20  De  mystic.  ilieol.,  cap.  1.  — -i  De  Divin,  nomin,) 
cap,  IV.  —  22  Baron.,  Annal.,  ad  ann.  109,  n.  53. 


754 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Enfin,  ce  que  dit  l'auteur  du  chant  dans  les 
églises'  est  une  nouvelle  preuve  de  sa  liante 
antiquité;  car  on  voit,  d'après  ce  passage, 
qu'en  ce  temps  n'existait  pas  encore  l'alter- 
nation  des  chœurs,  qui  cependant  prit  nais- 
sance à  Antioche  sous  l'inspiration  de  saint 
Ignace,  son  contemporain,  se  répandit  bien- 
tôt parmi  les  chrétientés  de  l'Asie  occiden- 
tale, et  fut  universellement  adoptée  par  Cons- 
tantin^. Si  donc  il  faut  croire  la  parole  de 
notre  écrivain,  il  n'y  a  pas  le  moindre  doute 
à  conserver  sur  l'authenticité  des  œuvres  que 
nous  examinons... 

«  L'auteur,  dit-on,  se  trahit  manifeste- 
ment... lorsqu'en  parlant  des  morts  ',  il  dé- 
crit des  rites  qu'on  n'a  jamais  pratiqués  dans 
l'Eglise;  lorsqu'ailleurs *,  il  cite  une  foule  de 
cérémonies  auxquelles  il  n'est  pas  croyable 
qu'on  se  soit  exercé  dès  le  temps  des  apô- 
tres, et  qu'enfin  il  raconte  la  consécration 
des  moines  qui  n'existèrent  que  longtemps 
après  lui  ^... 

n  Doit-on  penser  que  toutes  les  cérémonies 
que  décrit  saint  Denis  aient  été  en  usage  dès 
les  premiers  temps  ?  Les  courses  laborieuses 
des  apôtres  et  leur  rapide  séparation  parmi 
les  chrétientés  naissantes  pouvaient-ils  per- 
mettre une  aussi  complète  organisation  du 
culte  divin?  Et,  quand  même  ils  eussent  laissé 
aux  Eglises  un  rituel  aussi  détaillé,  est-il 
croyable  qu'on  l'eût  suivi  si  ponctuellement 
sous  l'œil  inquisiteur  des  païens  et  sous  le 
glaive  des  persécutions?  Car  saint  Denis  cite 
une  foule  de  pratiques  touchant  la  célébra- 
tion et  l'administration  des  sacrements,  et  en 
pariiculier  touchant  les  devoirs  funèbres  ren- 
dus aux  chrétiens  ''.  En  premier  lieu,  il  est 
facile  d'apprendre  en  quelques  courtes  joui-- 
nées,  les  rites  sacrés  dont  saint  Denis  fait 
l'exposition.  EfFectivement  si  du  livre  de  la 
Hiérarchie  ecclésiastique,  on  retranche  les  no- 
tions dogmatiques  et  les  considérations  pieu- 
ses, il  restera  tout  au  plus  cinq  ou  six  pages 
composant  le  rituel  de  notre  auteur.  Or  il  y 
a  plus  que  de  l'inconvenance  à  baser  une 
objection  sur  l'énorme  amphtude  de  ces  do- 
cuments. Puis,  quelque  peu  de  temps  que 
les  destructeurs  rapides  du  paganisme  aient 
dû  mettre  à  fonder  les  diverses  Eglises  d'Asie, 
d'Afrique  et  d'Europe,  il  faut  cependant  con- 

1  Pachymer.,  ia  Paraphras.,  ad  huno  locum.—  2  De 
Erxles.  hierarch.,  cap.  m.  —  s  De  Divm.  nomin., 
cap.  IV.  —  •>  Passim.  —  6  jje  Ecoles,  hierarch.,  cap.  vi. 

*  De  Ecoles,  hierarch,,  passim. 

'  Annal.  Barou.,  ad  aun.  194.  —  8  Apolog,  1. 


venir  qu'ils  ont  établi  et  réglé  parmi  les 
fidèles  la  forme  du  culte  public.  Car  quelle 
était  leur  mission,  sinon  d'apprendre  aux 
Juifs  et  aux  Gentils,  la  doctrine  et  la  pratique 
des  sacrements,  par  où  l'on  reçoit,  on  main- 
tient et  l'on  recouvre  la  vie  spirituelle,  sinon 
d'annoncer  le  vrai  Dieu  et  la  manière  de  l'a- 
dorer ?  Il  est  donc  impossible  qu'ils  n'aient 
pas  laissé  sur  ce  point  capital  des  instructions 
positives  qui  pouvaient,  sans  exagération, 
former  la  matière  de  six  pages.  De  plus,  ce 
n'est  pas  sérieusement  sans  doute  que  l'on 
cherche  dans  l'idée  de  la  persécution  alors 
déchaînée,  le  moyen  d'exagérer  la  difficulté. 
Personne  n'ignore  que  les  orages  qui  accueil- 
lirent le  christianisme  naissant,  n'empêchè- 
rent pas  les  fidèles  de  prier  et  de  sacrifier  en 
commun.  Entre  autres  preuves  de  ce  fait, 
nous  pouvons  citer  la  lettre  de  Pline  le  Jeune 
au  persécuteur  Trajan  ^.  Si  donc  l'autorité 
publique  connut  ces  réunions  et  les  toléra, 
les  rites  innocents  du  peuple  chrétien 
purent  s'exécuter  sans  peine.  Si,  au  con- 
traire, elle  ne  les  connut  pas,  il  était  tou- 
jours aussi  facile  de  l'aire  des  génuflexions 
que  d'opérer  des  rassemblements  à  son  insu. 
Enfin,  quand  il  serait  impossible  d'expliquer 
comment  on  eut,  dès  les  premiers  siècles,  un 
cérémonial  complet,  si  pourtant  le  fait  est 
constaté,  personne  ne  devra  nous  opposer 
une  fin  de  non-recevoir.  Or  l'origine  reculée, 
l'apostolicité  de  la  hturgie  est  un  point  hors 
de  toute  controverse.  L'observation  que  nous 
ne  possédons  aucun  rituel  rédigé  par  les 
apôtres  ou  leurs  successeurs,  et  qu'ainsi,  ce 
qu'on  sait  aujourd'hui  des  rites  antiques,  ne 
nous  vient  que  par  tradition,  ne  fait  difficulté 
que  pour  les  protestants.  Les  catholiques  sa- 
vent et  prouvent  que  la  discipline  du  secret  n'a 
pas  permis  aux  docteurs  des  temps  primitifs 
de  nous  laisser  par  écrit  toutes  les  régies  de 
liturgie  :  ils  savent  et  prouvent  que  la  tradi- 
tion est  un  moyen  que  Dieu  daigne  adopter, 
aussi  bien  que  l'Ecriture  pour  nous  faire 
parvenir  ses  volontés  saintes.  C'est  pourquoi 
lis  lisent  sans  étounement  dans  saint  Justin  **, 
TertuUien  ^,  Origène  '",  saint  Cyrille  de  Jéru- 
salem ",  saint  Cyprien  '',  saint  Basile  '^  saint 
Jean  Chrysostôme  '*  et  saint  Augustin  "*,  les 
mêmes  rites  et  les  cérémonies  que  décrit 

*  De  Corona,  u.  3.  —  "  Homil.  12  in  Numeroe. 
11  In  Prœfat.  ud  Caiech.  et  Calèches,  i  et  129. 
'2  Episl.  76  ud  mugn.  —  '^  De  Spirilu  Sunolo. 
14  Homil.  21   ad  popul.   Antioch.   et  liomil.  6,  ûd 
Coioss.  —  '■>  Lib.  1  de  Symb.,  serm.  206. 


AUTHENTICITÉ  DES  ŒUVRES 

saint  Denis.  C'est  pourquoi  ils  acceptent  et 
suivent  volontiers  ces  diverses  pratiques, 
quoique  fondées  à  l'origine  sur  un  enseigne- 
ment purement  traditionnel  '.  En  ce  qui  con- 
cerne spécialement  les  cérémonies  usitées 
dans  les  funérailles..,,  on  ne  peut  qu'être 
édifié  de  ce  que  nous  transmet  saint  Den^'s... 
Les  Juifs  avaient  coutume  d'oiudre  et  d'em- 
baumer les  morts,  en  quelques  circonstances 
du  moins  -  :  qu'y  a-t-il  d'étonnant  que  les 
premiers  chrétiens  Israélites  convertis,  aient 
gardé  cette  religieuse  pratique,  et  que  les 
gentils  l'aient  adoptée  en  embrassant  la  foi  ? 
Marie  -  Madeleine  est  louée  de  l'attention 
qu'elle  eut  d'acheter  des  parfums  et  de  venir 
embaumer  le  corps  de  Jésus,  dont  elle  igno- 
rait la  résurrection  ^  :  pourquoi  les  pieux 
fidèles  n'auraient-ils  pas  continué  envers  les 
membres  ce  que  la  sainte  femme  avait  fait 
pour  le  chef?  Pourquoi  n'aurait-on  pas  com- 
mis au  prêtre  ou  même  à  l'évêque,  le  soin 
mystérieux  de  verser  l'huile  sainte  sur  les 
morts,  d'autant  plus,  comme  l'observe  saint 
Denys,que  cette  onction  signifiait  que  le  dé- 
funt était  glorieusement  sorti  des  combals 
auxquels  on  l'avait  voué  catéchumène  *? 
Quant  à  la  prière  pour  les  morts,  nier  qu'elle 
ait  été  en  usage  dès  l'origine  du  christia- 
nisme, c'est  abolir  la  valeur  de  tout  témoi- 
gnage, et  introduire  le  scepticisme  le  plus 
complet  dans  l'histoire.  Tous  les  controver- 
sistes  catholiques  depuis  trois  siècles,  ont 
tellement  mis  ce  fait  en  lumière,  qu'il  est 
inutile  de  s'y  arrêter  ici.  Nous  dirons  seule- 
ment que  Tertullien  ^,  saint  Cyrille  de  Jéru- 
salem*, saint  Chrysostome  '',  saint  Augustin  ^ 
pensaient  sur  ce  point  comme  les  catholiques 
d'aujourd'hui,  et  comme  les  contemporains 
de  saint  Denis  l'Aréopagite.  On  ne  voit  donc 
pas  bien  comment  les  détails,  peu  compliqués 
d'ailleurs,  dans  lesquels  entre  le  rituel  de 
saint  Denis,  font  échec  à  notre  sentiment. 

«  Enfin  Joseph  Scaliger  se  félicite  d'avoir 
découvert  une  preuve  irréfragable  de  suppo- 
sition, dans  ce  que  notre  auteur  raconte  de 
la  consécration  et  de  la  vie  des  moines  ^. 
Plusieurs  critiques,  séduits  sans  doute  par 

'  Quas  (ohservationes)  sine  ullius  Scripturœ  insiru- 
mento,  solius  traditionis  iitulo,  exinde  consueludinis 
patrocinio  vindicamus...  Harum  et  aliarum  ejusmodj 
disciplinarum  si  legem  expostules  Scripturarum,  nul- 
lam  invenies,  traditio  tibi  prœlendetur  aucirix,  con- 
sueiudo  confirma tt-io: ,  et  fides  observatrix.  Rationem 
traditioni,  et  cnnsuetudini  et  fidei  patrocinaturum  et 
ipse  perspicies,  aut  ab  aliquo,  qui  perspexerit  disces. 
(Tertul.,  rfe  Corona,  u.  3  et  4). 


DE  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE.  7SS 

le  nom  du  célèbre  philologue,  se  sont  rangés 
à  son  avis.  Donc,  d'après  eux,  l'état  monas- 
tique ne  fut  institué  que  longtemps  après 
saint  Denis,  les  Paul,  les  Antoine  et  les  Pa- 
come;  les  cérémonies  de  la  profession  et  de 
l'habit  monacal  ne  sont  mentionnées  dans 
l'histoire  ecclésiastique,  qu'au  v°  siècle,  d'oui 
il  suivrait  que  le  traité  de  la  Hiérarchie  ecclé- 
siastique ne  remonte  qu'à  cette  époque  '",  sous 
une  apparence  peut-être  spécieuse,  cette 
objection  cache  une  faiblesse  réelle.  Pour  en 
convaincre,  nous  remarquerons  que  les  dis- 
ciples des  Antoine  et  desPacome,  ou,  si  l'on 
veut,  les  moines  du  v  siècle,  se  nommaient 
et  devaient  se  nommer  spécialement  er- 
mites, parce  qu'ils  habitaient  le  désert,  et 
cénobites,  parce  qu'ils  vivaient  en  commun. 
Or  saint  Denis  s'abstient  précisément  de  dé- 
signer ainsi  ceux  dont  il  parle.  Il  les  appelle 
constamment  moines  et  thérapeutes  ;  et  l'é- 
tymologie  et  l'application  qu'il  donne  de  ces 
mots,  si  elles  s'appliquent  avec  justesse  aux 
ascètes  des  temps  postérieurs,  pouvaient 
très-bien  caractériser  aussi  quelques  chré- 
tiens de  la  primitive  Eglise,  qui  avaient  em- 
brassé un  genre  de  vie  plus  parfait.  Car  il 
enseigne  que  le  nom  des  moines  indique  des 
hommes,  non  point  ensevelis  dans  une  soli- 
tude matérielle,  mais  se  créant  au  fond  de 
leur  conscience,  une  sorte  d'isolement  mys- 
tique, et  se  dégageant  autant  que  possible 
des  soucis  mondains,  pour  s'unir  plus  inti- 
mement à  Dieu.  Il  enseigne  encore  que  le 
nom  de  thérapeutes  indique  des  hommes 
voués  au  culte  spécial  et  au  service  plus  pur 
de  la  divinité.  Or,  que  des  néophytes  géné- 
reux, dès  l'origine  du  christianisme,  aient 
fait  profession  publique  de  se  donner  à  Dieu 
et  scellé  leur  promesse  par  une  cérémonie 
religieuse,  qui  est-ce  qui  veut  le  nier?  Et  que 
veut-on  nier,  le  droit  ou  le  fait?  Mais,  d'a- 
bord, qu'il  soit  possible,  qu'il  soit  même  pro- 
bable que  l'Eglise  naissante  ait  enfanté  de 
telles  âmes,  c'est  ce  qu'on  ne  doit  contester. 
Pourquoi  les  conseils  de  Jésus-Christ  "  et  de 
saint  Paul  '^,  touchant  la  pauvreté,  la  chas- 
teté et  la  perfection,  seraient-ils  demeurés 

-  Lamy,   Introduction  à  l'Ecrit,  sainte,  cap.  xvii. 
Fleury,  Mœurs  des  Israélites,  a.  19. 
3  Marc  xvij  1.  Luc  xxiv,  1.  Joan.  xx,  ). 
*  De  Ecoles,  hierarch.,  cap.  vu,  part.  III,  n.  8. 
5  De  Coron.,  cap.  3  ;  C3'pr.,  Epist.  6G. 
'  Catech.  5,  mystag.  —  '  In  Epist.  ad  Philip. 
'  Confessiones.  —  ^  De  Ecoles,  hierarch.,  cap.  vi. 
"Scalig.,  Elenchus  trihœres  ;  Nie.  Seraii. 
n  Matth.  XIX,  SI.  —  "  I  Cor.  vu,  SS. 


756 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


plus  stériles  que  les  autres  oracles  de  l'Evan- 
gile? Et  pourquoi  n'aurait-on  pas  compris 
et  accepté  cette  vie  intérieure  et  sans  par- 
tage, qui  constitue  proprement  le  moine, 
comme  dit  saint  Denis?  Ensuite,  que  cette 
discipline  salutaire  ait   été  suivie  par  des 
personnes  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  c'est  ce 
qu'insinue  le  passage  cité  de  saint  Paul; 
c'est  ce  que  prouve  ce  mot  de  saint  Ignace, 
dans  sa  lettre  aux  Philippiens  :  Je  salue  le 
collège  des  vierges.  Il  y  a  plus  :  Philon  nous  a 
laissé  un  petit  traité  de  la  Vie  contemplative, 
où  il  décrit  les  mœurs  d'une  classe  d'hom- 
mes et  de  femmes,  qui  s'appliquaient  à  ho- 
norer Dieu  par  les  pratiques  d'une  religion 
plus  soutenue  :  sur  quoi  il  faut  observer, 
1°  que  ces  vrais  philosophes  sont  appelés 
thérapeutes  par  Philon,  aussi  bien  que  par 
saint  Denis,   et  pour  la   même   raison   '; 
2°  qu'Eusèbe  ^  et  saint  Jérôme  ^  croient  que 
c'étaient  des  chrétiens  façonnés  par  saint 
Marc,  à  cette  exemplaire  piété.   Il  est  vrai 
que  cette  opinion  n'a  pas  été  partagée  par 
le  savant  Valois  *  :  mais,  outre  qu'Eusèbe  et 
saint  Jérôme  étaient  plus  près  que  lui  des 
lieux  et  des  événements,  et  qu'ainsi  leur  té- 
moignage l'emporte   sur  sa  négation,  ses 
preuves  ne  sont  pas  préremptoires,  et  de  ju- 
dicieux critiques  les  ont  rejetées 5.  Quoi  qu'il 
en  soit,  si  le  paganisme  ou  le  judaïsme  a  pu 
former  des  thérapeutes,  pourquoi,  dans  sa 
fécondité  divine,  l'Eglise  catholique  n'aurait- 
elle  pas  produit  un  tel  miracle?  Donc  il  a 
pu  exister  des  moines  ou  thérapeutes  à  Athè- 
nes, comme   dans   les  villes   d'Egypte;    et 
parce  que  Philon  parle  de  ceux-ci  sans  qu'il 
cesse  d'appartenir  au  i"  siècle,  saint  Denis 
a  le  droit  de  parler  de  ceux-là,  sans  qu'on 
l'accuse  d'avoir  appartenu  au  v'  siècle.  On  a 
également  tort  de  prétendre  que  la  coupe 
des  cheveux  et  la  forme  exceptionnelle  de 
l'habit  monacal,  désignaient  les  moines  aux 
fureurs  de  la  persécution,  et  que  la  légitime 
appréhension  de  ce  danger  devait  empêcher 
l'introduction    de   ces    pratiques.    C'est    là 
créer  des  fantômes  pour  se  donner  le  plaisir 
de  les  combattre.  Rien  absolument  de   ce 
qu'affirme  saint  Denis  ne  force  à  croire  que 
l'habit  donné  aux  moines,  dans  la  cérémonie 
de  leur  consécration,  eût  eu  une  forme  inu- 


sitée, étrange,  ni  qu'ils  dussent  le  porter  en 
public  et  hors  des  cérémonies  religieuses. 
Or  il  faudrait  que  ces  deux  choses  fussent 
démontrées,  pour  qu'il  existât  une  difficulté 
réelle.  Saint  Denis  ne  parle  pas  non  plus 
de  la  tonsure,  telle  qu'on  l'a  portée  quand 
l'Eglise  eut  acquis  une  existence  légalement 
reconnue.  Ce  qu'il  dit  signifie  simplement 
que  le  chrétien  déposait  le  luxe  de  sa  cheve- 
lure mondaine,  et  la  réduisait  aux  propor- 
tions modestes  que  semble  avoir  conseillées 
saint  Paul  ^.  C'était  là ,  du  reste,  un  usage 
ancien  parmi  quelques  serviteurs  de  Dieu  ', 
et  plein  de  hautes  instructions  ^.  » 

En  quatrième  lieu,  «  en  accusant  de  faux 
l'auteur  de  ces  livres,  ils  deviennent  totale- 
ment inexplicables,  et  la  parole  d'un  homme 
en  aucune  circonstance  possible  ne  sera  une 
garantie  de  vérité...  Il  est  absolument  im- 
possible d'assigner  un  motif  quelconque,  à 
la  fraude  qu'on  suppose  à  notre  auteur... 
Car,  que  voulait-il  en  écrivant?  Prétendait-il 
recommander  de  fausses  doctrines,  et  cher- 
cher pour  sa  secte  un  glorieux  et  puissant 
patronage,  dans  le  nom  de  saint  Denis?  Mais 
ses  livres  sont  purs  de  toute  erreur.  Il  sonde, 
d'un  sage  et  hardi  regard,  les  dogmes  les  plus 
redoutables,  et  pénètre  jusqu'aux  régions  ha- 
bitées par  les  anges.  Nous  lui  devons  d'heu- 
reuses explications  des  oracles  de  nos  Ecri- 
tures, et  des  aperçus  profonds  sur  le  sens 
caché  des  sacrements.  Il  parle  de  Dieu,  de 
sa  natare,  de  ses  attributs,  avec  une  éléva- 
tion et  une  exactitude,  que  peut-être  aucun 
docteur  n'atteignit;  car  il  surpasse,  au  dire 
de  plusieurs,  saint  Grégoire  de  Nazianze  et 
saint  Augustin,  par  la  splendeur  de  sa  doc- 
trine et  la  majesté  de  son  élocution.  Les  plus 
renommés  théologiens  ont  loué  son  ortho- 
doxie irréprochable.  Il  ne  fut  donc  pas  prédi- 
cateur de  l'hérésie...  Mais,  soldat  de  la  vérité, 
n'a-t-il  pas  voulu  la  servir  par  le  mensonge? 
Nous  répondons  que  les  faits  combattent 
cette  supposition,  et  que  la  saine  logique  ne 
l'autorise  pas.  En  fait,  comment  les  choses 
se  sont-elles  passées?  Qui  est-ce  qui  a  pro- 
duit ces  livres  au  grand  jour  de  la  pubHcité? 
Ce  ne  sont  pas  les  orthodoxes,  mais  les  hé- 
rétiques sévériens  ^...  Etrange  apôtre,  qui 
écrit  laborieusement  pour  la  défense  de  la 


I 


1  De  vita  contempl.,  init. 

3  De  Script.  Ecoles. 

*  In  notis  ad  Hist.  Ecoles.  Eusebii. 

"  Baronius,  ad  ann.  64.  —  "^  I  Cor.  u 

'  Num.  VI,  14. 


2  Hist.,  lib.  II,  cap.  svn.  s  Dionys.,  de  Ecoles,  hierarch.,  cap.  VI. 

9  Collât,  cathol.  eum  Severianis,  Mansi,  tom.  VIII. 
Le  premier  écrit  authentique  où  il  en  soit  fait 
mention  est  la  conférence  qui  se  tint,  l'an  532,  dans 
le  palais  de  l'empereur  Juslinien,  entre  les  catlio- 


AUTHENTICITE  DES  œuVRES  DE  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


757 


vérité  et  attend  d'un  zèle  impie,  la  propaga- 
tion de  son  œuvre.  Mais  veut-on  répondre 
que  les  livres  devenus  publics  seulement  en 
532,  existaient  depuis  longtemps  déjà;  que 
l'auteur,  sincèrement  orthodoxe,  s'était  en- 
veloppé de  mystère  et  avait  habilement 
placé  sa  foi  sous  la  garde  d'un  nom  révéré?,.. 
Gomment  cet  homme  qui,  tout  en  dissimu- 
lant sa  personnalité,  voulait  cependant  le 
triomphe  de  ses  doctrines,  ne  les  a-t-il  pas 
publiquement  soutenues?  L'occasion,  certes, 
n'a  pas  manqué,  depuis  l'an  300  jusqu'en 
330;  les  hérésies  d'Arius,  de  Macédonius, 
de  Nestorius  et  d'Eutychès,  désolaient  assez 
l'Eglise,  pour  qu'un  zèle,  qui  recourait  à  l'i- 
gnominie du  mensonge,  essayât  de  la  libre 
vérité  et  de  la  discussion  permise.  S'il  s'est 
en  etfet  mêlé  à  la  controverse,  comment  n'a- 
t-il  pas  invoqué  l'autorité  de  saint  Denis, 
qu'il  venait  d'imaginer  tout  exprès  ?  S'il  l'a 
invoquée,  comment  ne  l'a-t-on  tenue  ni  pour 
suspecte,  ni  pour  vraie,  ni  pour  fausse?  Et 
si  l'on  a  exprimé  un  doute,  une  acceptation 
ou  un  refus,  comment  se  fait-il  que  personne 
n'en  ait  jamais  rien  entendu  dire?  Dans  no- 
tre opinion,  l'obscurité  où  fat  laissé  saint 
Denis  se  comprend  sans  peine;  mais,  dans 
le  sentiment  opposé,  c'est  un  mystère  inex- 
plicable... 

»  On  a  vu  que  les  doctrines,  le  style,  les 
assertions,  le  caractère  des  livres  attribués 
à  saint  Denis,  prouvent  assez  bien  qu'ils  ne 
sont  pas  apocryphes.  Tels  sont  donc  les  titres 
d'origine  que  ce  monument  porte  en  lui- 
même...  » 

«  Un  livre  est-il  ou  n'est-il  pas  de  tel  au- 
teur? C'est  là  une  question  de  fait.  Par  suite 
elle  peut  et  doit  se  résoudre  comme  toutes 
les  questions  de  fait,  par  le  témoignage... 
Or  trois  choses  donnent  surtout  du  poids 
aux  témoignages  :  la  valeur  intellectuelle 
et  morale  de  ceux  qui  prononcent ,  le  nom- 
bre des  dispositions  et  la  contenance  avec 
laquelle  les  siècles  réclament  contre  quelques 
rares  contradicteurs... 

»  Aucun  texte  ne  se  rencontre  dans  les 
écrits  des  anciens  Pères,  qui  établisse  positi- 
vement et  péremptoirement  l'authenticité 
des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'Aréopa- 


gite.  Cependant,  Guillaume  Budé...  pensait 
que  saint  Ignace  ',  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze  -,  saint  Jérôme  ^  avaient  eu  quelque 
réminiscence  des  doctrines  de  saint  Denis. 
Effectivement,  ces  docteurs  parlent  des  hié- 
rarchies célestes  dans  les  mêmes  termes  que 
notre  auteur.  Or,  comme  celui-ci  traite  au 
long  cette  matière,  que  ceux-là  se  bornent  à 
effleurer,  il  est  probable  qu'il  n'a  pas  été  le 
copiste,  mais  que  l'initiative  lui  appartient. 
Ce  qui  appuierait  cette  conclusion,  c'est  que 
saint  Grégoire  ajoute,  à  sa  citation,  ce  mot 
révélateur  :  Quemadmodum  quispiam  alius 
mnjorum  et  "pulcherrime  philosophatus  est  et 
sublirnissime  :  et  qu'une  foule  de  passages 
montrent  clairement  qu'il  lisait  et  imitait 
saint  Denis.  Au  reste,  c'est  le  sentiment  de 
son  savant  traducteur,  de  Billy,  dont  le  tra- 
vail fut  loué  par  Huet. 

»  On  trouve  parmi  les  oeuvres  d'Origène, 
une  homélie  où  il  nomme  saint  Denis  l'A- 
réopagite,  et  lui  emprunte  un  passage  que 
nous  lisons  effectivement  au  livre  de  la  Hié- 
rarchie céleste  *.  Il  est  juste  de  dire  que  cer- 
tains critiques  ne  croient  pas  que  ce  discours 
soit  d'Origène.  Toutefois,  il  faut  admettre 
que  Rufin,  ou  du  moins  quelqu'auteur  du 
IV^  siècle,  l'a  traduit  comme  authentique. 
On  s'est  trompé,  soit!  Mais  l'erreur  n'a  été 
possible  que  parce  que  la  date  précise  de 
cette  homélie  commençait  à  se  voiler  et  à 
prendre  un  air  antique;  et  il  n'est  guère  per- 
mis de  la  regarder  comme  postérieure  à  Ori- 
gène  :  ce  qui  prouverait,  en  tous  cas,  que  le 
in'' siècle  a  professé  notre  opinion.  Au  reste, 
on  ne  prétendra  pas,  sans  doute,  que  cette 
citation  ait  été  intercalée  :  la  vérité  qu'il  s'a- 
gissait d'établir  est  assez  nettement  expri- 
mée dans  les  Ecritures,  et  assez  sensible  à 
la  raison,  pour  qu'on  n'ait  pas  songé  à  l'ap- 
puyer par  une  interpellation. 

»  Au  temps  d'Origène,  florissait  Denis, 
évêque  d'Alexandrie.  Or  il  écrivit  des  notes 
pour  servir  à  l'intelligence  de  son  illustre 
homonyme.  Ce  fait  nous  est  attesté  par  Anas- 
tase,  patriarche  d'Antioche,  personnage  re- 
nommé par  sa  sainteté,  son  zèle  pour  la  foi 
et  sa  doctrine  ^,  et  par  saint  Maxime,  philo- 
sophe et  martyr,  dont  on  n'a  pas  le  droit  de 


tiques  et  les  sévériens  :  ceux-ci  le  citèrent  en  leur 
faveur  :  les  catholiques  en  soutinrent  l'orthodoxie  : 
et  depuis  ce  temps-là  plusieurs  Pères  de  l'Eglise  en 
ont  allégué  l'autorité. 

'  Epist.  ad  Trallens. 

2  Orat.  38  apud  Collcct.  sélect.  Patrum,  tom.  I. 


s  Lib.  II  adv.  Jovin. 

<>  In  ipso  enim,  ut  os  loquHur  divinum,  vivimus^ 
movemur  et  sumus,  et,  ut  ait  nwgnus  Dionysius  Areo- 
pagitu,  esse  omnium  est  super  essentia  et  divinitas. 
(Inler.  oper.  Orig.,  homil.  1,  in  quœdam  Novi  Testa- 
menti  loca).  —  ^  Anast.  in  Odego. 


758 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


révoquer  en  doute  la  véracité  '.  Comme 
donc  ceux-ci  croyaient  à  l'authenticité  des 
œuvres  attribuées  à  notre  Aréopagite,  si  De- 
nis Alexandrin  eût  professé  une  autre  opi- 
nion ,  ils  l'auraient  signalée  au  moins  pour 
la  combattre.  D'ailleurs,  l'évêque  égyptien 
ne  pouvait,  en  l'an  2S0,  rédiger  un  commen- 
taire, que  pour  des  livres  qui  fussent  au 
moins  des  premières  années  du  ii=  siècle;  ce 
n'est  pas  aujourd'hui,  et  ce  fut  moins  encore 
en  ce  temps-là,  l'usage  d'annoter  les  auteurs 
vivants. 

»  Saint  Jean  Chrysostôme  place  aussi  le 
nom  de  saint  Denis,  parmi  tous  les  grands  ■ 
noms  de  l'antiquité  chrétienne;  et,  admirant 
sa  doctrine  et  comment  son  essort  le  porte 
jusqu'au  sein  de  la  divinité,  il  l'appelle  un 
aigle  céleste  ^.  Que  ce  sermon  soit  de  saint 
Chrysostôme,  c'est  ce  qu'on  doit  penser, 
d'après  l'autorité  d'Anastase  le  Bibliothé- 
caire ',  du  cardinal  du  Perron,  de  Baronius  *, 
du  P.  Halloix  ^;  c'est  ce  que  l'on  peut  con- 
clure de  l'air  de  famille  qui  le  distingue,  et 
de  ce  que  l'auteur  ne  nomme  pas  saint  Chry- 
sostôme entre  les  grands  hommes  du  catho- 
licisme, entre  saint  Basile  et  les  deux  saints 
Grégoire.  Or  tout  le  monde  sentira  que  cette 
omission  ne  peut  être  expliquée  que  par  la 
modestie  et  non  par  l'oubli. 

»  Saint  Cyrille  d'Alexandrie,  qui  appar- 
tient aux  premières  années  du  v"  siècle,  in- 
voque, entre  autres  témoignages,  celui  de 
saint  Denis  l'Aréopagite,  contre  les  héréti- 
ques qui  niaient  le  dogme  catholique  de  l'In- 
carnation ''.  A  la  véritéi  Libérât  dit  que  Denis 
l'Aréopagite  fut  évèque  de  Corinthe;  mais 
cette  assertion,  qu'il  est  facile  de  réfuter, 
importe  peu  dans  la  question  présente.  Ce 
qui  reste  acquis,  d'après  Libérât  lui-même, 
c'est  que,  dès  l'an  400,  notre  écrivain  fut  cité 
avec  honneur  et  entre  deux  autorités  qui  re- 
montaient au  milieu  du  in"  siècle. 

))  Enfin  Juvénal  de  Jérusalem,  écrivant  à 
Marcien  et  à  Pulchérie,  touchant  le  trépas 
de  la  sainte  Vierge,  cite  comme  une  tradi- 
tion de  l'Eglise,  le  récit  même  de  notre  Aréo- 
pagite, sur  ce  sujet,  sans  rien  omettre  abso- 


lument qui  ressemble  à  un  doute  :  Il  y  avait 
là,  dit-il,  avec  les  apôtres,  Timothée,  pre- 
mier évèque  d'Ephèse,  et  Denis  l'Aréopagite, 
comme  il  nous  l'apprend  lui-même,  en  son 
livre  da  Noms  divins,  chap.  m.  «  C'est  l'his- 
torien Nicéphore  qui  nous  a  transmis  ce  té- 
moignage '. 

1)  A  partir  de  cette  époque  et  en  descen- 
dant le  cours  des  temps,  nous  rencontrons 
une  foule  d'écrivains  qui  confirment  notre 
sentiment  par  des  témoignages  précis  et 
d'une  autorité  universellement  avouée.  » 

L'abbé  Darboy  les  cite  :  «  non  pas  pour 
marquer  qu'alors  et  depuis,  les  œuvres  dont 
il  s'agit  furent  connues   et  jouirent   d'une 
éclatante  publicité,  ce  que  personne  ne  songe 
à  combattre;  mais,  pour  montrer  que  des 
hommes  de  science  et  de  vertu  distinguées 
les  attribuent  à  saint  Denis  l'Aréopagite,  ce 
que  plusieurs  critiques  n'ont  pas  assez  con- 
venablement apprécié.  »   Il  conchit  :  «  Au 
point  de  vue  intellectuel  l'avantage  est  pour 
nos  patrons.  Quand  même  il  faudrait  du  gé- 
nie pour  étudier  et  résoudre  cette  question, 
nous  opposerions  avec  uiio  sainte  et  légitime 
fierté,  les  noms  de  nos  docteurs,  de  nos  pa- 
pes et  de  nos  glorieux  conciles,  aux  noms  de 
quelques  moines  apostats  dont  l'audace  fai- 
sait bien  la  moitié  du  talent,  et  aux  noms 
des  critiques  français  des  xvii"  et  xviir  siè- 
cles, et  de  ces  démolisseurs  de  réputations 
que  produit  l'.^llemagne.  Mais  il  suffit  d'un 
peu  de  sens  et  de  quelque  rectitude  de  juge- 
ment pour  vider  ce  débat,  qui  porte  sur  un 
fait.  Le  fait,  ne  pouvant  être  prouvé  par  les 
contemporains    dont   le   témoignage    man- 
que, sera  plus  facilement  et  plus  sûrement 
éclairci  par  ceux  qui  se  rapprochent  de  la 
date  et  du  théâtre  de  l'événement,  que  par 
ceux  qui  se  trouvent  placés  à  une  énorme 
distance  de  l'un  et  de  l'autre.  Et  les  der- 
niers,  malgré  leur  génie   supposé,  auront 
toujours  une  supériorité  à  laquelle  échoppe- 
ront les  premiers,  malgré  leur  médiocrité 
prétendue.  Or   notre    opinion  est   appuyée 
précisément  par  tous  ceux  qui,  plus  voisins 
du  fait  en  question,  pouvaient  le  constater 


'  Maxim.,  in  cap.  v,  Cœlest.  hierarch. 

2  Vbi  Evodius  ille  bonus  odor  Ecclesiœ,  et  sancto- 
rum.  apostnlorum  successor?  Ubi  Ignatius  Dei  domi- 
cilium  ?  Ubi  Dimysius  Areupagiia  volucris  cœli. 
Sermo  de  Pseudo  propheiis,  circa  médium. 

^  Epist.  ad  Carol,  Calvum. 

'  Ad  aun.  Domini  109. 

s  De  vila  et  uperibus  Dionys.,  qusest.  2. 


^  Cyrillus  quatuor  libroi  scripsit.  Ires  advenus 
Theodorum  et  Diodorum  quasi  Nestorinm  dogmalis 
auctores,  et  alium  de  Incarnationc  librum.  In  quihus 
continentur  antiqvorum  Pairum  incarrupta  lesiimonio, 
Felicis  papœ  romani,  Dionysii  Areopagiiœ,  et  Gregorii 
mirabilis  Thaumaturgi  cognominati.  Libérât,  iu  Bre- 
viar.  de  causa  Nestor,  et  Èutych..  cap.  x. 
'  Hisf.  Eccles.,  lib.  XV,  cap.  xi. 


AUTHENTICITE  DES  ŒUVRES  DE  SAINT  DENIS  L'ARÉOPAGITE. 


739 


avec  plus  d'exactitude,  et  nous  n'avons  pour 
contradicteurs  que  ceux  qui,  venus  plus  tard, 
ne  sauraient  contrôler  aussi  heureusemenl. 
les  preuves  qu'on  leur  administre,  et  courent 
risque  de  prononcer  d'une  manière  fautive. 
Ainsi,  à  un  double  titre  par  la  supériorité  du 
talent,  et  parce  qu'ils  sont  plus  rapprochés 


du  point  en  litige,  nos  patrons,  mieux  infor- 
més, ont  pu  donner  une  décision  plus  juste. , . 
»  Ainsi  semble  établie  par  les  preuves  ex- 
trinsèques, comme  par  les  preuves  intrinsè- 
ques, notre  opinion  touchant  l'authenticité 
des  livres  attribués  à  saint  Denis  '.  » 


'  Histoire  ecclésiastique,  par  M.  Henrion,  tom.  IX, 
pag.  650.  On  peut  aussi  consulter  une  dissertation 
intéressante  sur  les  ouvraaes  de  saiut  Denis  l'Aréo- 


pagite,  publiée   par  le  marquis  de  Fortia,  dans  le 
XVI'  vol.  de  ses  Annales  du  Hainaut.  (L'éditeur.) 


FIN  DU  TOME  DIXIÈME. 


TABLE  ilAlïTlOUE 


DES 


MATIÈRES  CONTENUES  DANS  CE  DIXIÈME  VOLUME. 


A. 


ABA  obtient  sa  guérison  par  rintercessioii  de 
sainte  Tliècle,  p.  168. 

ABBES  scliismatiques.  Leur  requête  au  concile  de 
Chalcédoine,  p.  690. 

ABBES ,  soumis  aux  évêques  qui  doivent  les  cor- 
riger s'ils  manquent  contre  la  règle,  p.  745. 

ABD.^S,  évoque  en  Perse,  abat  un  temple  consa- 
cré en  l'honneur  du  feu,  p.  49;  refuse  de  le  relever 
et  est  mis  à  mort,  ibid. 

ABIB,  ecclésiastique  d'Edesse,  se  rend  accusa- 
teur d'Ibas  ,  p.  145.  Ses  chefs  d'accusation,  ibid. 

ABRAH.\M  ,  prêtre  et  chorévêque  (ou  coévèque, 
comme  écrit  D.  Ceillier).  Théodoret  l'envoie  à  Rome, 
p.  23  et  74. 
ABRAHAM,  abbé  de  Clermont,  p.  393. 
ABRAHAM,  patriarche.  Pourquoi  Dieu  l'a  tenté 
pendant  trois  jours,  p.  28.  II  n'a  point  été  justifié 
par  la  circoncision,  mais  par  la  foi,  p.  122.  Elle  ne 
lui  a  été  donnée  que  comme  le  signe  et  le  sceau  de 
sa  foi,  ibid. 

ABRAHAM  s'oppose  au  rétablissement  d'Ibas  , 
p.  147. 

ABRAHAM,  abbé  et  prêtre  de  Constantinople. 
Commission  que  lui  donne  Eutychès  ,  p.  671. 

ABRAHAM,  solitaire.  Saint  Marcien  l'engage  à  cé- 
lébrer la  fête  de  Pâques  suivant  la  discipline  établie 
dans  le  concile  de  Nicée,  p.  53. 

ABRAH.'^M,  solitaire,  ayant  opéré  quantité  de  mer- 
veilles pendant  sa  vie ,  en  opère  encore  après  sa 
mort,  p.  54. 

ABRAHAM  (saint)  ,  solitaire.  Il  tâche  de  conver- 
tir les  habitants  de  Lybanc  ,  p.  58.  Il  est  maltraité, 
ibid.  Ceux  de  Ljbane  l'élisent  pour  leur  pasteur, 


ibid.  Il  retourne  dans  la  solitude,  ibid.  Il  est  appelé 
à  l'cpiscopat  de  Carres  ,  ibid.  Sa  conduite  pendant 
son  épiscopat,  ibid..  Son  corps  est  porté  à  Antioche, 
et  delà  à  Carres,  ibid. 

ABRAHAM  commet  beaucoup  de  violences  et  de 
pillages  ;  reconnaît  publiquement  sa  faute,  p.  65. 

ABSTINENCE.  L'Eglise  laisse  la  liberté  d'user  de 
la  chair  et  du  vin,  ou  de  s'en  abstenir,  p.  136,  Elle 
étouffe  les  désirs  de  la  chair  ,  p.  194.  Elle  est  un 
moyen  propre  à  détruire  les  vices,  p.  271. 

ABUNDlUS,  évêque  de  Côme.  Lettre  que  lui  écrit 
Théodoret,  p.  79.  Légat  de  saint  Léon  à  l'empereur 
Théodose,  p.  219.  L'empereur  Marcien  le  reçoit  fa- 
vorablement,  ibid.,  Abundius  rend  compte  de  sa 
légation  au  pape.  11  est  chargé  d'une  lettre  pour  Eu- 
sèbe  de  Milan  ,  p.68l  .11  assiste  en  451  au  concile 
teim  en  celte  ville ,  ibid.  Fait  le  rapport  de  ce 
qu'il  a  vu  et  fait  dans  l'Orient,  ibid. 

ACACE ,  évoque  d'Amida  ,  se  rend  célèbre  vers 
l'an  420  ou  422  par  ses  vertus  ,  p.  142.  Le  roi  de 
Perse  souhaite  le  voir,  ibid.  Ses  écrits,  p.  143. 

ACACE,  évêque  de  Bérée,  ordonne  évêque  un  bi- 
game, p.  23  ;  il  prie  saint  Jacques  de  Nisibe  d'aller 
à  Antioche  ,  p.  51 .  Il  visite  saint  Marcien  ,  p.  52. 
Saint  Cyrille  lui  écrit  pour  se  justifier  ,  p.  103.  Il 
envoie  cette  lettre  à  Théodoret  qui  lui  écrit,  ibid. 

ACACE,  évêque  de  Mélitine ,  écrit  aux  évêques 
d'Arménie,  p.  143.  Firmus  lui  écrit,  p.  151. 

ACACE,  patriarche  de  Constantinople.  Sa  douleur 
au  sujet  de  la  lettre  de  l'empereur  Basilisque  qui 
condamnait  le  concile  do  Chalcédoine  et  la  lettre  de 
saint  Léon  à  Flavien,  p.  402.  Lettre  que  lui  écrit  le 
pape  Simplice  qui  le  charge  ,  comme  son  légat ,  de 

48* 


762 


TABLE  ANALYTIQUE. 


s'opposer  à  Timolhée  Elure,  p.  403  et  suiv.  Il  con- 
sulte le  pape  sur  différents  objets  après  le  rétablis- 
sement de  l'empereur  Zenon.  Réponse  du  Pape,  p.  405. 
Autre  lettre  écrite  au  pape  et  réponse  du  pape,  p. 
406  et  407.  Différentes  lettres  que  lui  écrit  le  pape, 
p.  iOQ  et  408.  Cboqué  de  ce  que  Jean  Talaïa,  évoque 
d'Alexandrie,  ne  lui  avait  pas  fait  part  de  son  élec- 
tion, il  se  déclare  pour  Pierre  .Mougus,  p.  408,409.  Il 
persuade  à  l'empereur  de  donner  son  Hénoticon,  p. 
409.  Sa  conduite  à  l'égard  du  pape,  p.  41 1.  Repro- 
ches que  lui  fait  le  pape  Félix  III  ,  p.  412,  413. 
Acace  force  les  légats  à  communiquer  avec  lui  et 
avec  Pierre  Mongus,  p.  418  et  414.  Il  est  analhéma- 
tisé  dans  un  concile  de  Rome  ,  ce  qui  donne  lieu  à 
un  schisme  entre  l'Eglise  d'Orient  et  celle  d'Occi- 
dent, p.  414.  La  conduite  du  pape  justifiée,  ibid  et 
p.  415.  Lettre  que  le  pape  écrit  à  Acace  pour  lui 
marquer  les  motifs  de  sa  condamnation  ,  p.  415.  Sa 
condamnation  notifiée  à  l'empereur,  au  clergé  et  au 
peuple  de  Constantinople  et  signifiée  à  lui-même,  p. 
415  ,  416.  Il  se  sépare  de  la  communion  du  pape 
Félix  m  et  retranche  son  nom  des  diptyques  ,  p. 
416,  417.  Sa  mort,  p.  417.  Gélase  justifie  la  con- 
duite de  l'Eglise  romaine  contre  Acace,  p.  485.  Ce 
que  disait  Euphémius  en  faveur  d'Acace.  Réponse 
de  Gélase,  p.  486.  Son  nom  est  effacé  des  diptyques, 
p.  624. 

ACEPESI.M  (saint),  reclus  dans  le  diocèse  de  Cyr. 
passe  soixante  ans  dans  une  cellule  sans  voir  ni  par- 
ler à  personne,  p.  57.  Son  évéque  vient  le  visiter  et 
l'ordonne  prêtre,  p.  58. 

ACHILLES,  gouverneur  du  Pont.  Firmus  lui  écrit, 
p.  150. 

ADAM  ne  pouvait  distinguer  le  bien  et  le  mal  sans 
manger  du  fruit  défendu,  p.  27.  Comment  ses  yeux 
furent  ouverts ,  ibid. 

ADELPHIUS,  chef  de  la  secte  des  messaliens  ,  p. 
47,  ne  veut  pas  se  séparer  de  la  communion  de  l'E- 
glise, ibid.  Il  est  chassé  de  Syrie,  ibid. 

ADEODAT  ,  sous-diacre  de  l'Eglise  romaine  ,  p. 
235. 

^ONIUS  ,  évêque  d'Arles.  Le  pape  saint  Gélase 
lui  écrit,  p.  504  et  505. 

AÉRIUS,  homme  de  lettres.  Théodoretlui  recom- 
mande le  sénateur  Célestiaque  et  une  dame  de  Car- 
tilage, p.  66.  Il  l'invite  à  une  dédicace  ,  ibid.  et  p. 
68. 

AETIUS  ,  archidiacre  de  Constantinople,  très-zélé 
pour  la  foi  catholique,  p.  225.  Pourquoi  Anatolius 
l'ôte  de  sa  place  et  lui  en  substitue  un  autre  ,  ibid. 
Quelles  étaient  ses  fonctions.  Saint  Léon  écrit  en  sa 
faveur,  p.  226.  Il  est  rétabli,  ibid.  et  p.  231,  Lettre 
que  lui  écrit  le  pape  ,  p.  233.  Aétius  présente  une 
requête  au  concile  de  Chalcédoine,  p.  17.  11  y  paraît 
avec  éclat;  représente  au  concile  qu'il  y  a  quelque 
chose  à  régler  pour  l'église  de  Constantinople,  p.  696. 
AETIUS,  patrice  et  général  des  armées  de  l'em- 
pire. Son  différend  avec  Albin  ,  p.  169.  Saint  Léon 
va  le  trouver  pour  le  réconcilier  ,  ibid.  L'empereur 
Valenlinien  lui  adresse  un  rescrit  contre  saint  Hi- 
laire  d'Arle.s,  p.  204.  Aétius  songe  plus  à  abandon- 


ner l'Italie  qu'à  la  défendre,  p.  175.  Ses  gens  tuent 
Valenlinien,  p.  176. 

AFRIQUE  ,  ravagée  par  les  Vandales ,  p.  449. 
Comment  partagée  par  Genséric,  ibid. 

AGAPE,  disciple  de  saint  Marcien.  Il  établit  un 
monastère  à  Apamée,  p.  52. 

AGAUNE.  Le  roi  Sigismond  rétabhl  le  monastère 
d'Agaune,  p.  554. 

AGGAR.  Saint  Léon  fait  informer  sur  son  ordina- 
tion, p.  199. 

AGILON  ,  comte.  Saint  Perpétue  le  fait  exécuteur 
de  son  testament,  p.  439. 

AGRÈCE  ou  AGRÉCIUS,  évêque  de  Sens.  Saint 
Sidoine  iui  écrit  pour  le  prier  de  venir  présider  à 
l'élection  d'un  évéque  de  Rourges,  p.  381  et  391. 

AGRICE,  évêque  d'Antibe,  assiste  en  506  au  con- 
cile d'Agde,  p.  376. 

AGIUCOL.V  ,  beau-frère  de  saint  Sidoine  ,  le  prie 
de  lui  faire  le  portrait  de  Théodoric,  roi  des  Visi- 
goths,  p.  383.  Il  invite  sahit  Sidoine  à  venir  prê- 
cher avec  lui,  p.  385. 

AGRICOLA ,  disciple  de  Pelage  ,  infecte  de  ses 
erreurs  la  foi  des  Anglais  ,  est  condamné  dans  un 
concile,  p.  667. 

AGRIPPA  se  met  sous  la  conduite  de  saint  Eu- 
sèbe,  qui  l'établit  supérieur,  p.  53.  Il  est  obligé  de 
prendre  soin  du  monastère  où  il  a  été  élevé  ,  ibid. 

AGRIPPIN,  comte.  Saint  Euphrone,  évêque  d'Au- 
tun,  lui  écrit,  p.  358. 

ALAINS  ravagent  l'Espagne  vers  l'an  409.  Paul 
Orose  adoucit  leur  cruauté,  p.  2. 

ALARIC,  roi  des  Visigoths  ,  quoique  arien  ,  traite 
les  catholiques  avec  beaucoup  d'humanité,  p.  736. 

ALBIN,  général  des  Piomains.  Son  différend  avec 
Aétius,  p.  169.  Saint  Léon  va  les  trouver  pour  les 
réconcilier ,  ibid. 

ALBISON  ,  évêque,  porte  une  lettre  de  saint  Eu- 
phrone à  saint  Sidoine,  p.  394. 

ALCIME,  fille  de  saint  Sidoine,  p.  379. 

ALEXANDRA,  dame.  Théodoret  lui  écrit,  p.  72. 

ALEXANDRE,  ouvrier  en  cuivre ,  se  signale  dans 
le  monde  par  ses  impiétés,  p.  79. 

ALEXANDRE,  ambassadeur  de  l'empereur  Zenon, 
assiste  à  l'élection  de  l'évêque  de  Cartilage,  p.  452. 

ALEXANDRE  (saint)  ,  évêque  d'Antioche.  Saint 
Zenon  le  pris  de  distribuer  une  partie  do  son  bien 
aux  pauvres,  p.  56. 

ALEXANDRE  (saint),  évêque  de  Constantinople, 
p.  42. 

ALEXANDRE,  évêque  d'Hiéraple.  Théodoret  parle 
pour  lui,  p.  21.  Il  ne  veut  point  se  réunir,  ibid. 
Lettre  que  lui  écrit  Théodoret,  p.  102. 

ALEXANDRIE.  Arius  y  jette  les  semences  do  sa 
doctrine  ,  p.  43.  Cruautés  que  Grégoire  exerce  sur 
l'église  de  cette  ville  ,  p.  45.  Persécutions  que  lui 
font  les  ariens  après  la  mort  de  saint  Athanase  ,  p. 
47.  Lettre  de  saint  Léon  au  clergé  d'Alexandrie,  p. 
238.  Il  est  d'usage  que  l'évêque  règle  le  jour  de  la 
Pàque  et  qu'il  le  fasse  connaître  au  pape,  p.  270. 

ALIÉNATION  des  terres  de  l'Eglise  défendue  , 
p.  337. 


TABLE  ANALYTIQUE 

ALTICUS,  évêque.  Firmus  lui  ér.rit ,  p.  150. 

ALTINO,  vill«  de  la  province  de  Vénétie,  p.  203. 

ALYPIUS,  chorévcque,  adoucit  Firmus  irrité  con- 
tre lui,  p.  150;  avertissement  que  celui-ci  lui  donne, 
ibid. 

ALYPIUS,  neveu  de  saint  Marcien  et  exarque  des 
moines  de  Cyr ,  porte  une  lettre  de  Théodoret  au 
pape  saint  Léon  ,  p.  23,  24  et  74.  Bâtit  un  oratoire 
dans  ia  ville  de  Cyr,  pour  y  mettre  le  corps  de  son 
oncle,  p.  53  et  133. 

ALYPIUS,  consul,  p    210. 

AMALAIRE  ,  curé.  Saint  Perpétue  lui  lègue  une 
cliasuble  de  soie  et  une  colombe  d'argent,  p.   440. 

AMBROISE  Aurélien  est  élu  roi  des  Bretons  , 
p.  617. 

AMBROISE  (saint),  choisi  évêque  de  Milan,  p.  47. 
L'empereur  approuve  son  élection  ,  ibid.  Il  n'omet 
rien  pour  faire  rentrer  le  jeune  Valentinien  dans  la 
doctrine  de  l'Eglise,  p.  49.  11  n'est  point  ébranlé  par 
les  menaces  de  ce  prince,  ibid. 

AMBROISE ,  évêque  ,  à  qui  Sidoine  adresse  une 
de  ses  lettres,  p.  395. 

AME  de  l'homme.  Pourquoi  elle  sera  réunie  à  son 
corps  à  la  résurrection  future,  p.  89.  Mammert  Clau- 
dien  compose  un  traité  delà  Nature  de  l'âme  contre  .    de  sa  place  l'archidiacre  Aétius  pour  lui  substituer 


763 

pape  Anastase  au  sujet  des  privilèges  de  l'Eglise  de 
Vienne,  p.  521.  Lettre  à  Ursicin  où  le  pape  explique 
le  mystère  de  l'Incarnation,  ibid.  et  p.  521. 

ANASTASE,  évêque  de  Thessalonique.  Sixte  III 
le  commet  pour  agir  en  son  nom  dans  toutes  les 
Eglises  de  l'Illyrie  orienl^ile,  p.  202.  Saint  Léon  lui 
accorde  le  même  pouvoir  ,  ibid.  Anastase  en  abuse, 
p.  205.  Lettres  que  lui  écrit  saint  Léon,  p.  205,  206 
et  216. 

ANASTASIE  ,  femme  de  Pompée,  se  déclare  ou- 
vertement pour  le  concile  de  Chalcédoine  ,  p.  490. 

ANATHEME.  Traité  del' Analhème  attribué  au  pape 
Gélase,  p.  E05  et  506. 

ANATOLE  ,  ecclésiastique  d'Edesse.  Ses  accusa- 
tions contre  Ibas,  p.  145- 

ANATOLIUS  ,  évêque  de  Constantinople  ,  est  fait 
évêque  de  cette  ville  en  la  place  de  Flavien,  p.  218. 
Il  fait  part  de  son  élection  à  saint  Léon  et  demande 
la  communion  du  Saint-Siège,  ibid.  et  p.  680.  Son 
élection  est  suspecte  au  pape,  p.  680.  Anatolius  lui 
écrit  pour  rendre  témoignage  de  sa  foi  et  lui  envoie 
des  députés.  Réponse  de  saint  Léon,  p.  220.  Ce  pape 
lui  recommande  Eusèbe  de  Dorylée  ,  ibid.  Autres 
lettres  de  saint  Léon,  p.  221  et  222.  Anatolius  ôte 


Fauste  de  Riez,  p.  348  et  suiv.  Autre  écrit  du  mê- 
me Mammert  sur  la  Différence  entre  les  êtres  spi- 
rituels et  les  êtres  corporels  ,  p.  354.  Sentiment  de 
saint  Hilairesur  la  nature  de  l'âme  expliqué,  p.  352. 
Traité  d'Enée  de  Gaze  sur  la  Nature  de  l'âme,  p.  490 
et  491. 

AMIDA,  ville  de  Mésopotamie,  p.  142  et  585. 

AMIEN  (saint)  ,  établit  une  école  de  vertu  et  de 
piété,  p.  53.  Il  presse  saint  Eusèbe  de  prendre  en  sa 
place  la  conduite  de  ce  monastère,  ibid. 

AMMON,  supérieur  de  la  congrégation  de  Tabène, 
p.  160.  Saint  Pétrone  le  visite,  ibid. 

AMMONIUS  ,  surnommé  Saccas.  Plotin  et  Origène 
prennent  des  leçons  de  lui,  p.  94. 

ANACHORETES.  Leurs  mortifications  ordinaires, 
p.  55,  56. 

ANASTASE ,  évêque  de  Nicée.  Requête  qu'Euno- 
mius  de  Nicomédie  présente  au  concile  de  Chalcé- 
doine en  plainte  contre  cet  évêque,  p.  695. 

ANASTASE ,  surnommé  Dicorus  ,  succède  à  l'em- 
pereur Zenon  ,  mort  en  491  ,  p.  485.  Euphémius, 
patriarche  de  Constantinople  ,  s'oppose  à  son  élec- 
tion. Il  n'y  consent  qu'après  avoir  exigé  un  écrit  où 
Anastase  promet  qu'il  conservera  la  foi  catholique, 
ibid.  Le  pape  Gélase  lui  donne  avis  de  son  ordina- 
tion, p.  486.  Il  lui  écrit  en  494,  p.  501.  Anastase 
délivre  des  tributs  tous  les  habitants  de  la  Mésopo- 
tamie, p.  586.11  fait  déposer  Euphémius  et  Macédo- 
nius  patriarches  de  Constantinople  ,  p,  488  et  suiv. 

ANASTASE  II  est  élu  pape  en  496  comme  succes- 
seur de  saint  Gélase,  p  518.  Il  envoie  des  députés  à 
Constantinople  pour  la  réunion  de  l'Eglise.  Il  écrit  à 
l'empereur  Anastase,  p.  518,  5l9.  Requête  des 
Alexandrins  au  pape  Anastase,  p.  519.  Sa  lettre  au 
roi  Clovis  pour  lui  témoigner  sa  joie  de  ce  qu'il  a 
embrassé  la  foi  catholique  ,  p.  520.  Règlement  du 


un  nommé  André  ,  p.  225.  Il  ordonne  prêtre  celui- 
ci  ,  lui  donne  le  soin  d'une  église  et  d'un  cimetière 
hors  de  la  ville  de  Constantinople,  p.  226.  Pourquoi 
il  traite  ainsi  Aétius.  Lettres  de  saint  Léon  contre 
lui,  ibid.  Anatolius  le  rétablit  et  dépose  André,  p. 
231.  Sa  lettre  au  pape  ,  ibid.  L'empereur  Théodose 
prie  saint  Léon  d'approuver  l'ordination  d'Anatolius, 
p.  680.  Le  pape  engage  cet  évêque  à  travailler  avec 
zèle  à  la  destruction  des  restes  de  l'hérésie  de  Nes- 
torius  et  d'Eutychès,  p.  233.  Anatolius  avertit  saint 
Léon  des  violences  commises  à  Alexandrie  par  Elure, 
ibid.  Saint  Léon  l'en  remercie  ,  ibid.  Le  pape  se 
plaint  de  ce  qu'Anatolius  n'a  pas  encore  corrigé  ni 
puni  ceux  de  ses  clercs  qui  prennent  le  parti  de 
l'eutycbianisme  ,  p.  234.  Anatolius  ne  trouve  pas 
bon  que  saint  Léon  prenne  soin  du  clergé  de 
Constantinople,  p.  23."'.  Réponse  de  saint  Léon  , 
ibid.  Anatolius  rassemlile  un  concile  des  évêques 
qui  se  trouvent  à  Constantinople,  p.  681.  Il  y  sous- 
crit à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien,  ibid.  11  dit 
anathème  à  Nestorius  et  à  Eutychès,  à  leurs  dogmes 
et  à  leurs  sectateurs,  ibid.  Il  met  le  nom  de  son 
prédécesseur  dans  les  diptyques,  ibid.  L'empereur 
Marcien  lui  adresse  la  lettre  de  convocation  pour  le 
concile  de  Chalcédoine,  p.  174  et  682.  Anatolius 
souscrit  h  la  condamnation  de  Dioscore,  p.  688.  Il 
meurt  en  458,  p.  344. 

ANATOLIUS  ,  ou  Anatole,  patrice.  Théodoret  se 
plaint  à  lui,  p.  22,  etlui  écrit,  p.  24,  67,  68  et  72. 
Cet  évêque  le  prie  de  lui  obtenir  de  l'empereur  la 
liberté  d'aller  en  Occident,  p.  74. 

ANATOLIUS ,  préfet  de  la  milice.  Il  commande 
une  châsse  d'argent  pour  y  mettre  le  corps  de  saint 
Thomas,  p.  144.  Il  assiste  au  concile  de  Chalcédoine, 
p.  683. 

ANDIBÈRE.  Théodoret  lui  écrit,  p.  74. 


764 


TABLE  ANALYTIQUE. 


ANDRÉ  (saint)  ,  apôtre.  Les  manichéens  ont  des 
actes  prétendus  sous  son  nom  ,  composés  par  Leu- 
cius,  p.  507. 

ANDRE,  ami  d'Entychès  ,  est  substitué  à  la  place 
d'Aétius  ,  p.  225.  Analolius  l'ordonne  prêtre  et  lui 
donne  le  soip  d'une  église,  ibid.  Il  est  déposé,  p. 
231.  Saint  Léon  permet  qu'on  l'ordonne  prêtre, 
pourvu  qu'il  condamne  par  écrit  les  hérésies  de 
Nestorius  et  d'Eutychès,  ibid. 

ANDRE,  diacre,  est  chargé  par  le  concile  de 
Constantinople  d'avertir  Eutychès  de  venir  se  justi- 
fier, p.  669.  Il  rend  compte  au  concile  de  sa  com- 
mission, p.  670. 

ANDRÉ ,  évêque  de  Samosate.  Ses  écrits  contre 
les  Anathématismes  de  saint  Cyrille  sont  anathéma- 
tisés  par  Rabulas  ,  p.  14-3.  11  en  fait  des  reproches 
à  cet  évêque,  ibid.  Il  est  consulté  par  des  personnes 
d'Edesse,  ibid.  Il  écrit  à  Alexandre  d'Hiéraple, 
ibid. 

ANDRE  ,  moine  de  Constantinople.  Théodoret  lui 
écrit,  p.  77. 

ANDROMAQUE,  sénateur  romain,  veut  rétablir  les 
Lupercalel.  Le  pape  Gélase  s'y  oppose.  Il  fait  un 
traité  contre  lui,  p.  506  et  507. 

ANGES.  Les  poètes  et  les  philosophes  de  la  Grèce 
en  admettent,  mais  ils  en  font  des  dieux,  p.  85. 
Les  fonctions  des  anges  ,  ibid.  Ils  ont  conservé  la 
beauté  de  leur  nature  par  leur  fidélité  à  Dieu,  p.  86. 
Pourquoi  Moïse  n'en  dit  rien,  p;  i]l.  Ils  ont  été 
créés  en  même  temps  que  le  monde  ,  ibid.  Leur  mi- 
nistère, p.  118.  L'abus  de  les  adorer  subsiste  long- 
temps dans  la  Phrygie  et  la  Pisidie ,  idib.  Raisons 
qu'ont  eues  lus  auteursde  ce  culte  ,  ibid.  Sentiment 
de  l'auteur  des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite  sur  les  anges,  p.  454;  de  Faiiste  de  Riez,  p. 
349,  de  Mammert  Claudien,  p.  353;  le  pape  Gélase 
met  le  péché  des  anges  dans  la  complaisance  qu'ils 
ont  eue  en  la  beauté  de  leur  être,  p.  507. 

ANIEN,  chancelier  d'Alaric,  roides  Visigoths,  pu- 
blia le  code  Théodosien,  p.  736. 

ANNONIUS,  évêque  de  Sehennyte,  quitte  le  parti 
de  Dioscore,  même  avant  sa  condamnation,  p.  230. 
Il  ordonne  saint  Protère,  ibid. 

ANTECHRIST,  précédera  la  venue  du  second  avè- 
nement du  Sauveur,  p.  87.  Il  s'asseyera  dans  le  tem- 
ple de  Dieu  ,  ibid.  Pourquoi  Dieu  permettra  sa  ve- 
nue, ibid. 

ANTHÉMIUS ,  prêtre  ,  souscrit  à  la  déposition  de 
Flavien  et  d'Eusèbe  pour  Patrice  deThyanas,  p.  679. 

ANTHEMIUS,  fils  de  Procope,  est  reconnu  empe- 
reur d'Occident,  il  amène  avec  lui  un  hérétique  ma- 
cédonien, p.  339.  Saint  Sidoine  fait  le  panégyrique 
d'Anthémius,  p.  396. 

ANTHIME,  évêque,  adopte  un  jeune  homme  pour 
son  fils,  p.  150.  Firmus  lui  écrit,  ibid. 

ANTHIME  pratique  les  exercices  de  piété  avec 
saint  Auxent  et  saint  Marcien  ,  p.  345.  Il  compose 
des  cantiques  pour  les  catholiques,  ibid. 

ANTIOCHE.  On  y  fait  des  réjouissances  à  la  mort 
de  Julien  l'Apostat,  p.  46.  Contestation  dans  cette 
ville,  p.  49. 


ANTIOCHUS  s'oppose  au  rétablissement  d'ihas, 
p,  ià"^. 

ANTIOCHUS  ,  métropolitain  de  l'IUyrie  orientale, 
écrit  à  saint  Léon  qui  lui  répond,  p.  206. 

ANTIOQUE  (saint),  solitaire,  vit  d'une  manière 
très-austère,  p.  60. 

ANTOINE  est  zélé  pour  le  soutien  de  la  foi  chan- 
celante des  fidèles,  p.  47. 

ANTOINE,  disciple  de  saint  Siméon  Stylite,  écrit 
la  vie  de  son  maître,  p.  63. 

ANTOINE,  évêque  arien,  fait  mettre  saint  Eugène 
en  prison,  veut  rebaptiser  Habet-Deum,  évêque  ca- 
tholique, p.  461. 

ANTOINE ,  évêque  de  Mérida ,  p.  342.  Il  fait  ar- 
rêter Pascentius,  manichéen,  et  le  fait  chasser  de  la 
Lusitanie,  vers  l'an  447,  p.  667.  Idace  et  Turribius 
lui  envoient  les  procès-verbaux  contre  les  mani- 
chéens, ibid. 

ANTONIN  (saint)  ,  solitaire,  vit  d'une  manière 
austère,  p.  60. 

ANTONIN,  évêque  de  Cirthe,  encourage  par  lettre 
Arcade  et  ses  compagnons,  confesseurs  sous  Gensé- 
ric,  p.  466,  467.  Editions  de  celte  lettre,  p.  468. 

.\NYSIUS  ,  évêque  de  Thessalonique.  Saint  Sirice 
le  commet  pour  agir  en  son  nom  dans  toutes  les 
églises  de  l'IUyrie,  p.  202. 

'APELLATIONS  AU  saint-siège,  p.  493  et  497. 

APELLION.  Théodoret  lui  recommande  le  séna- 
teur Célestiaque  et  une  dame  de  Carlhage,  p.  66. 

APER,  à  qui  Salvien  écrit,  p.  388.  Saint  Sidoine 
l'invite  à  venir  aux  Rogalions  à  Clermont ,   p.  389. 

APHRAATE  ou  APHRATES  (saint)  ,  Persan,  va  à 
Edesse,  s'y  renferme  dans  une  petite  maison  pour  ne 
penser  qu'à  son  salut,  p.  54;  il  passe  de  là  à  An- 
tioche.  Sa  manière  de  vivre,  ibid.  L'empereur  Valens 
trouve  mauvais  qu'il  quitte  sa  cellule  pour  aller  dans 
des  assemblées  publiques,  p.  48  et  54.  Sa  réponse  à 
ce  prince,  ibid.  Châtiment  d'un  valet  de  chambre 
qui  avait  menacé  ce  saint,  ibid.  Aphraate  fait  cesser 
une  dissension  entre  une  dame  et  son  mari,  p.  54. 
Il  chasse  une  quantité  de  sauterelles,  ibid. 

APHTONE  succède  à  saint  Publie  dans  le  gouver- 
nement de  son  monastère,  p.  53.  Il  est  fait  évêque, 
ne  veut  point  quitter  son  habit  de  solitaire  ,  ibid.  Il 
combat  pour  la  foi,  p.  75.  Théodoret  lui  écrit,  ibid. 

APOCRYPHES.  Catalogue  des  livres  apocryphes 
rejetés  par  l'Eglise  romaine,  p.  725. 

APOLLON  (saint)  ,  gouverne  cinq  cents  solitaires 
près  de  la  grande  Hermopole,  p.  160.  il  reçoit  saint 
Pétrone,   ibid. 

APOLLON  PYTHIEN.  Les  reliques  de  saint  Babylas 
l'empêchent  de  rendre  des  oracles  à  Daphné,  p.  46. 
L'incendie  de  son  temple  fait  découvrir  l'imposture 
do  l'oracle,  ibid. 

APOLLONE  (saint),  souffre  le  martyre  dans  la 
persécution  de  Dioclélien,  p.  161. 

APOLLINAIRE  ,  évêque  de  Laodicée,  se  fait  chef 
d'un  parti  dans  Antioche.p.  48.  On  reconnaît  que  sa 
doctrine   est  erronée.  En  quoi  elle  consiste ,  ibid. 

APOLLINAIRE,  hérésiarque.  Son  hérésie  est  com- 
me la  racine  de  celle  d'Arius,  p.  48,  et  de  plusieurs 


TABLE  ANALYTIQUE. 


765 


autres,  ibid,  Elle  est  condamnée  à  Constanlinople  et 
par  le  pape  Damase,  ibid.  Quoique  favorable  à  l'Iié- 
résie  d'Eutychès  ,  Apollinaire  enseigne  que  le  Verbe 
s'est  fait  chair  sans  que  sa  divinité  en  souffre  aucune 
altération,  et  qu'il  est  véritablement  né  de  la  Vierge, 
p.  81. 

APOLLINAIRE,  aïeul  de  saint  Sidoine,  qui  lui  fait 
une  épitaphe,  p.  386. 
APOLLINAIRE,  fils  de  saint  Sidoine,  p.  379,  386. 
APOLLINAIRE  ,  sénateur  ,  ami  de  saint  Sidoine, 
p.  384. 

APOLLINAIRE,  autre  ami  de  samt  Sidoine,  qui  lui 
écrit,  p.  3S7. 

APOLLINAIRE,  autre  ami  de  saint  Sidoine,  p. 
389. 

APOLLINAIRE,  évêque  de  Valence,  frère  aîné  de 
saint  Avit,  p.  554. 

APOLLINARISTES.  Saint  Marcien  n'a  que  de  l'é- 
loignemcnt  pour  eux,  p.  53. 

APOTRES.  Ils  avaient  tous  l'honneur  de  l'aposto- 
lat, mais  il  a  été  donné  à  un  seul  d'avoir  la  préémi- 
nence sur  tous  les  autres  ,  p.  262  et  263. 
APPELLE,  Théodoret  lui  écrit,  p.  74. 
AQUILÉE.  Lettre  de  saint  Léon  à  l'évêque  de  cette 
ville,  p.  203. 

ARANEOLE  ,  femme  de  Polémius.  Saint  Sidoine 
fait  son  épithalame  ,  p.  397. 

ARATOR,  évèque,  oncle  de  saint  Rustique  de  Nar- 
bonne,  p.  199. 

ARBITRE  (libue).  Dieu  n'impose  pas  aux  uns  la 
nécessité  de  pratiquer  la  vertu  ,  ni  aux  autres  celle 
de  vivre  dans  le  vice,  p.  119.  Juste  comme  il  est,  il 
se  contente  d'exhorter  au  bien  et  de  défendie  le  mal, 
ibid.  En  quel  sens  il  est  dit  que  Dieu  a  endurci  le 
cœur  de  Pharaon,  ibid.  La  grâce  ne  mine  point  le 
libre  arbitre,  p.  288,  289. 

ARBOGASTE  (comte)  consulte  saint  Sidoine  sur 
quelques  difficultés  de  l'Ecriture,  etc.,  p.  388.  Saint 
Auspice,  évèque  de  Toul,  lui  écrit,  p.  400. 

ARCADE  (SAINT),  martyr  sous  Genscric,  p.  466  et 
suiv. 

APiCADE  ,  empereur  ,  est  successeur  de  la  puis- 
sance de  Théodose  et  imitateur  de  sa  piété  ,  p.  49. 
ARCADE,  évèque  des  Gaules.  Saint  Célestin,  pape, 
lui  écrit  en  faveur  de  saint  Augustin  ,  p.  277. 

ARCHEVÊQUE.  Le  titre  d'Archevêque  de  l'Eglise 
universelle  donné  au  Pape,  p.  490. 
ARCHINIME,  martyr  sous  Genséric ,  p.  452. 
ARCOME,  sous-diacre,  envoyé  par  Thalasse,  évè- 
que d'Angers,  à  saint  Euphrone  d'Autun,  p.  357. 
ARDABURE,  consul,  p.  210. 
AREDIUS,  fauteur  des  ariens,  quoique  catholique, 
p.  735. 

ARÉOBINDE,  général  de  l'Orient,  se  signale  dans 
la  guerre  contre  les  Perses,  p.  490. 

ARETUSE.  Supplices  que  les  habitants  de  cette 
ville  font  souffrir  à  l'évêque  Marc,  p.  46;  ils  ap- 
prennent de  lui  les  premiers  principes  de  la  religion 
chrétienne,  ibid. 

ARIANE,  impératrice,  engage  Euphémius,  patriar- 
che de  Constantinople,  à  couronner  Anastase,  p.  485. 


ARIENS.  Victorin  écrit  contre  eux ,  p.  443.  Us 
mettent  l'empereur  Constance  dans  leur  parti.  Ce 
qui  se  passe  parmi  eux  sous  le  règne  de  ce  prince, 
p.  45  ;  ils  font  étrangler  à  Cucuse  Paul  de  Constan- 
tinople, ibid.;  ils  mettent  Georges  sur  le  siège  d'A- 
lexandrie en  la  place  de  saint  Athanase,  ibid.  ;  ils 
tiennent  un  concile  à  Milan  contre  ce  saint  évèque, 
ibid.  ;  ils  ôtent  de  )a  professiop  de  foi  de  Nicée  les 
termes  de  substance  et  de  consubslantialité ,  pour  y 
mettre  celui  de  semblable,  ibid.  Différends  survenus 
entre  eux  et  les  partisans  d'Eunomius ,  ibid.  ;  ils 
persécutent  l'Eglise  d'Alexandrie  après  la  mort  de 
saint  Athanase,  p.  48  ;  ils  font  périr  sur  mer  quel- 
ques prêtres  catholiques,  ibid.  ;  ils  sont  chassés  de 
l'Eglise  sous  Gralien  ,  p.  48.  Ce  qu'ils  enseignent 
sur  l'Incarnation,  p.  72  et  207.  Pourquoi  ils  rejet- 
tent l'Epître  aux  Hébreux,   p.  HO. 

ARIOBENDE ,  maître  des  offices.  L'empereur 
Théodose  le  commet  pour  entendre  le  silentiaire 
Magnus,  p.  674. 

ARISTON,  prêtre,  souscrit  à  la  déposition  de  Fla- 
vien  et  d:Eusèbe  pour  Eunorains  de  Nicomédie, 
p.  679. 

AKISTOTE.  En  quoi  il  met  le  bonheur  de  l'hom- 
me, p.  97. 

ARIUS,  prêtre  de  l'Eglise  d'Alexandrie,  est  chargé 
d'expliquer  an  peuple  l'Ecriture  sainte  ,  p.  43.  Il 
jette  dans  cette  ville  les  semences  d'une  fausse  doc- 
trine, ibid.  ;  son  erreur  cause  du  trouble  dans  l'E- 
glise ;  il  est  condamné  dans  le  concile  de  Nicée,  p. 
44.  11  change  la  doxologie  parmi  ceux  de  sa  secte  ; 
p.  113.  Il  n'ose  changer  la  forme  du  baptême,  mais 
il  en  ruine  le  sens  ,  p.  122.  Dispute  de  Vigile  de 
Tapse  contre  Arius,  p.  481  et  suiv. 

ARLES.  Lettre  des  évèques  de  cette  métropole  à 
saint  Léon,  p.  218.  Réponse  du  Pape,  ibid. 

ARMÉNIE.  Rabulas  d'Edesse  écrit  avec  Acace  do 
Mélitine  aux  évèques  de  celle  province  ,  p.  143. 

ARMENTARIUS,  évèque  d'Embrun,  est  déposé  au 
concile  de  Riez,  p.  200. 

ARMOGASTE  (saint),  officier  de  Théodoric,  fils 
de  Genséric  ,  confesseur,  p.  452. 

ARNOBE  L'ANCIEN  fleurit  sous  l'empire  de  Dio- 
clétien,  p.  330.  Il  écrit  contre  les  Gentils,  ibid. 

ARNOBE  ,  surnommé  le  Jeune.  Qui  il  était ,  p. 
330.  Son  commentaire  sjir  les  Psaumes  ,  ibid.  Ar- 
•nobe  paraît  avoir  été  semi-pélagien  ,  ibid.  et  331, 
332.  Il  traite  les  disciples  de  saint  Augustin  depré- 
destinatiens,  p.  331.  Editions  de  son  Commentaire, 
p.  332  Annotations  sur  les  Evangiles,  ibid.  Dialogue 
entre  lui  et  Sèrapion ,  ibid.  ;  ce  que  c'est  que  ce 
dialogue,  p.  333.  L'auteur  du  livre  intitulé  Prœdes- 
tinaius  n'est  pas  connu,  ibid.ei  334.  Editions  de  ce 
livre,  p.  334.  Ouvrage  d'Arnobe  qui  est  perdu  , 
p.  335.  Traduction  d'une  épître  pascale  de  saint 
Cyrille  par  Arnobe,  ibid. 

ARVANDE,  préfet  des  Gaules  ,  accusé  de  péculat. 
Saint  Sidoine  lui  obtient  la  vie,  p.  383. 

ASCAGNE,  évêque  de  Tarragone,  se  plaint  au  pape 
saint  Hilaire  des  entreprises  de  Sylvain  ,  son  suf- 
fragant,  p.  338, 


766 


TABLE  ANALYTIQUE. 


ASCALON,  ville  de  la  Palestine,  p.  46. 

ASCLÉPIADE,  diacre  de  Constantinople.  député  à 
Rome  par  Anatolius,  p.  220. 

ASCLÉPIE  (saint),  embrasse  la  même  manière  de 
■vivre  que  saint  Polychrone,  p.  61. 

ASCLÉPIUS  ,  évêque  en  Afrique  ,  écrit  contre  les 
ariens  et  les  donatistes,  p.  469. 

ASILE.  Droit  d'asile  dans  les  églises  et  dans  les 
maisons  des  évèqucs  ,  confirmé  avec  modification, 
p.  743. 

ASINION,  évêque  de  Coire,  assiste  au  concile  de 
Milan  de  451,  p.  671.  Abundius  y  porto  la  parole 
pour  lui,  ibid. 

ASPAR,  consul  et  patrice.  Théodoret  lui  écrit, 
p.  77.  Léon  est  élevé  à  la  dignité  d'empereur  par 
son  autorité,  p.  233. 

ASTÈRE,  grand  sophiste,  passe  du  côté  des  héré- 
tiques qui  l'établissent  évêque  de  Cyr  ,  p.  52.  Il  est 
attaqué  d'une  maladie  qui  le  met  au  tombeau,  ibid. 

ASTÈRE,  consul  en  449,  p.  379. 

ASTÈRE ,  solitaire.  Saint  Jacques  de  Nisibe  lui 
sauve  la  vie  quand  il  était  près  de  mourir  de  faim, 
p.  51. 

ASTÉRIUS,  évêque  de  Lugo  en  433,  p.  341. 

ASTÉRIUS  ,  évêque  ,  légat  de  saint  Léon  à  Cons- 
tantinople, p.  219  et  681.  Il  n'y  arrive  qu'après  la 
mort  de  Théodose  ,  p.  681.  L'empereur  Marcien  le 
reçoit  favorablement,  p.  219  et  681. 

ASTÉRIUS,  prêtre,  avertit  le  tribun  Macédonius 
que  les  notaires  ont  falsifié  des  actes  du  concile  de 
Constantinople  ,  p.  674. 

ASTORGA,  ville  delà  province  de  Galice,  p.  206 

ATHANASE  (saint)  ,  est  exilé  et  ensuite  rappelé, 
p.  45;  Eusèbe  de  Nicomédie  s'oppose  à  son  rappel, 
ibid.;  il  est  exilé  une  seconde  fois,  ibid.  ;  on  ordonne 
un  évêque  en  sa  place,  ibid.  Concile  de  Sardique  en 
ce  qui  regarde  la  cause  de  ce  saint,  ibid.;  Constance 
le  rappelle  dans  son  église,  ibid.;  ce  prince  lui  donne 
un  nouvel  ordre  de  sortir  d'Alexandrie,  ibid.  Concile 
tenu  à  Milan  contre  lui,  ibid.  ;  il  n'a  que  du  mépris 
pour  tout  ce  qui  se  fait  à  Rimini,  ibid.  ;  Julien  l'A- 
postat le  condamne  à  un  quatrième  exil  ,  p.  46;  il 
est  rappelé  sous  Jovien,  p.  47;  il  écrit  à  ce  prince, 
ibid.  ;  il  est  informé  de  l'ardeur  que  les  Indiens  té- 
moignent pour  la  religion  chrétienne,  p.  138.  Il  con- 
fère la  grâce  du  sacerdoce  à  Frumentius,  et  l'envoie 
dans  les  Indes,  ibid.  Ouvrages  écrits  sous  le  nom  de 
saint  Alhanase  par  Vigile  de  Tapse,  savoir  :  Dispute 
contre  les  ariens,  p.  481 ,  et  le  Symbole  des  apôtres. 
p.  484. 

ATHANASE,  évêque  de  Busiris,  quitte  le  parti  de 
Dioscore,  même  avant  sa  condamnation,  p.  230.  11 
ordonne  saint  Protère,  ibid. 

ATHANASE,  diacre  de  Basile  de  Séleucie ,  est  té- 
moin de  la  conversation  des  députés  du  concile  de 
Constantinople  avec  Eutychès,  p.  670. 

ATHAl^ASE  ,  évêque  de  Perrha  ,  s'empare  de  cet 
évêché,  p.  75;  Domnus  d'Anliocbe  le  renvoie  à  son 
métropolitain,  p.  675;  il  lui  écrit  de  se  rendre  au  con- 
cile d'Antioche.  On  ordonne  un  évêque  à  sa  place, 
ibid.  Requête  que  Sabinien  présente  contre  lui  au  con- 


cile de  Chalcédoine,  ibid.   Jugement  de  ce  concile, 
p.  696. 

ATHANASE,  prêtre  de  l'église  de  Constantinople, 
neveu  de  saint  Cyrille  ,  accuse  dans  le  concile  de 
Chalcédoine,  Dioscore,  son  évêque,  p.  688. 

ATTICUS,  archidiacre  de  Constantinople,  est  dé- 
puté à  l'empereur  Marcien  par  les  évêques  assemblés 
à  Nicée,  p.  683. 

ATTICUS,  évêque  de  Nicople  et  métropolitain  de 
l'Epire,  p.  205  ;  il  est  appelé  au  concile  de  Thessa- 
lonique  ibid.  ;  il  y  est  amené  de  force  ;  il  mande  à 
saint  Léon  ce  qui  s'y  est  passé,  ibid.;  il  va  lui-même 
à  Rome  porter  ses  plaintes,  ibid. 

ATTILA,  roi  des  Huns  ,  descend  en  Italie,  y  met 
tout  â  feu  et  à  sang,  p.  174.  Les  siens  le  détournent 
de  venir  fondre  sur  Rome,  ibid.  et  175  ;  Valentinien 
lui  envoie  demander  la  paix  ,  p.  175.  Il  témoigne 
beaucoup  de  joie  de  voir  saint  Léon  et  lui  accorde 
ses  demandes  ,  ibid.  Après  s'être  rendu  maîti-e  de 
Milan,  il  jette  l'effroi  dans  tout  le  reste  de  la  Ligu- 
rie,  p.  323.  Respect  de  ce  prince  cruel  pour  saint 
Loup  de  Troyes,  p.  357. 

ATTIQUE,  prêtre  de  Constantinople,  prêche  con- 
tre la  foi  catholique  et  le  concile  de  Chalcédoine,  p. 
235  ;  saint  Léon  demande  qu'on  l'excommunie  ,  s'il 
ne  se  rétracte,  ibid.  Atticus  envoie  au  pape  un  écrit 
où  il  proteste  qu'il  n'a  que  de  l'aversion  pour  Eu- 
tychès, ibid.  Ce  que  saint  Léon  demande  encore  de 
lui,  ibid. 

AUDÉE  ,  natif  de  Syrie  et  chef  de  la  secte  des 
audiens,  p.  47. 

AUDIENS.  Quelle  est  leur  hérésie,  p.  47.  Pour- 
quoi ils  fuient  la  communion  des  catholiques,  p.  121. 
Leur  pratique  pour  recevoir  les  pécheurs  à  la  péni- 
tence, p.  123. 

AUGUSTIN  (SAINT),  Oroseva  le  consulter,  p.  2;  il 
conseille  à  celui-ci  d'aller  trouver  saint  Jérôme,  ibid. 
Les  évêques  Paul  et  Eutrope  donnent  à  ce  saint  évê- 
que un  mémoire  touchant  quelques  hérésies ,  ihid. 
Orose  lui  adresse  son  Histoire  du  Monde,  p.  3.  Ses 
livres  contre  les  pélagicns  font  naître  quelques  diffi- 
cultés parmi  plusieurs  fidèles  de  Marseille,  p.  276  ; 
Hilaire  et  Prosper  en  entreprennent  la  défense,  ibid. 
Ils  écrivent  à  ce  sujet  au  saint  Docteur  qui  leur  en- 
voie ses  livres  de  la  Prédestination  des  Saints  et  du 
Don  de  la  Persévérance,  ibid.  Saint  Célestin  écrit 
en  sa  faveur  aux  évêques  des  Gaules,  p.  277.Fausle 
de  Riez  se  déclare  contre  lui,  p.  422,  et  en  voulant 
réfuter  son  sentiment  sur  la  grâce  ,  il  donne  dans 
l'erreur  des  senii-pélagiens,  p.  427.  Le  pape  Gélase 
appelle  saint  Augustin  et  saint  Jérôme,  les  lumières 
des  maîtres  ecclésiastiques,  p.  499. 

AUMONE.  Ses  grands  avantages,  p.'  181.  Elle  est 
une  espèce  de  baptême,  en  a  l'efficace,  ibid.,  272  et 
322.  Avantages  qu'elle  a  sur  le  baptême,  p.  323. 
Elle  doit  être  jointe  au  jeiine,  p.  194. 

AURÈLE  (saint),  évêque  de  Carthage,  dédie  à 
Jésus-Christ  le  fameux  temple  de  la  déesse  Cé- 
leste, p.  315.  Inscription  qu'il  met  sur  le  frontis- 
pice, ibid. 

AUSON,  prêtre.  Firmus  lui  écrit,  p.  150. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


767 


AUSPICE  (saint)  ,  évêque  de  Toul.  Ce  qu'on  en 
dit,  p.  400  61401. 

AUSPICIOLE,  fille  de  Salvien,  p.  360. 

AUTELS.  Dans  la  consécration  des  autels  ,  l'onc- 
tion du  saint  chrême  ne  suffit  pas  ,  il  faut  encore  la 
bénédiction  sacerdotale  ,   p.  738. 

AUXAiNlUS,  évèque  d'Aixen  Provence,  p.  337;  il 
va  à  Rome  au  sujet  d'Hermès,  p.  421. 

AUXENIE,  abbé,  p.  393. 

AUXlLlUSj  évêque  d'Irlande,  assiste  à  un  concile, 
p.  447. 

AUXONCE,  évêque  de  Milan,  p.  47. 

AUXONE  ,  évèque  des  Gaules.  Le  pape  saint  Cé- 
lestin  lui  écrit  en  faveur  de  saint  Augustin,  p.  277. 

AVENTITIUS  (saint),  martyr,  répand  son  sang  à 
Turin  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  p.  3"22. 

AVIENUS  ,  consulaire.  L'empereur  l'envoie  de- 
mander la  paix  à  Attila,  p.  175. 

AVIT  (saint).  Sa  naissance,  son  éducation,  p.  553; 
il  est  fait  évèque  de  Vienne  en  490,  p.  554.  Ses  let- 
tres au  roiGondebaud,  ibid.;  à  Victorius,  évêque  de 
Grenoble,  à  Jean  de  Cappadoce ,  à  Eustorge  de  Mi- 


lan, à  saint  Césaire,  à  Magnus  de  Milan  ,  p.  557  ;  à 
Apollinaire,  à  Contumeliosus  ,  à  Victorius  de  Gre- 
noble, p.  558;  à  Viventius,  à  Symmaque,  à  Jean,  évê- 
que de  Jérusalem  ;  à  Gondebaud  ,  à  Sigismond  ;  à 
Apollinaire,  à  Etienne  ,  p.  559;  à  un  évêque  qu'il 
ne  nomme  point;  à  Symmaque,  à  Gondebaud, 
à  Sigismond,  p.  560;  à  Fausle  ,  à  Symmaque  ,  au 
patrice  Sénarius ,  à  Pierre  de  Ravenne  ,  p.  561  ;  à 
Eufrasius,  au  roi  Gondebaud,  à  Clovis  roi  de  France, 
ibid.  ;  à  Héraclius,  à  Ansémundus.  Autres  lettres  de 
saint  Avit,  p.  562.  Lettre  à  Viventiolus,  à  Constance, 
à  Maxime,  à  Apollinaire,  à  Quintien,  à  Anastase, 
p.  562;  à  Hormisdas,  p.  563.  Homélies  de  saint  Avit 
sur  les  Rogations  ,  ibid.  Fragments  de  ses  autres 
homélies,  p.  564.  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans 
ces  fragments  et  dans  ces  lettres  ,  p.  565.  Poëmes 
de  saint  Avit  ^  p.  566.  Jugement  de  ses  écrits, 
p.  568.  Editions  qu'on  en  a  faites,  ibid. 

AXITIIEE ,  personnage  qui  soutient  la  religion 
chrétienne  dans  le  Dialogue  d'Enée  de  Gaze,  p.  490 
et  suiv. 


B. 


BABYLAS  (saint)  ,  martyr.  La  présence  de  ses 
reliques  empêche  Apollon  de  rendre  ses  oracles, 
p.  46;  Julien  l'Apostat  ordonne  aux  chrétiens  de 
transporter  ces  reliques,  ibid. 

BACILLUS  ,  évêque  ,  est  porteur  d'une  lettre  de 
saint  Léon  aux  évêques  de  Sicile,  p.  209. 

BALCONE ,  évêque  de  Brague.  On  lui  envoie  une 
confession  de  foi  à  laquelle  on  joint  dix-huit  ana- 
thèmes,  p.  668. 

BAPTEME.  Les  messaliens  soutiennent  qu'il  ne 
sert  de  rien  ,  p.  47.  Le  baptême  tient  lieu  des  as- 
persions de  la  Loi  à  ceux  qui  le  reçoivent.  Ses  pro- 
priétés ,  p.  86,  87.  Nous  recevons  dans  ce  sacre- 
ment un  gage  de  la  résurrection  des  corps,  ibid.;  un 
gage  d'immortalité,  p.  H9.  Le  baptême  n'est  pas  éta- 
bli seulement  pour  remettre  les  péchés  passés,  mais 
aussi  pour  nous  faire  espérer  les  biens  promis , 
p.  122.  Comment  on  reçoit  ceux  qui  viennent  au  bap- 
tême, ibid.  C'est  de  la  mort  et  de  la  résurrection  de 
Jésus-Christ  qu'il  tire  sa  vertu,  p.  209.  C'est  le  sa- 
crement qui  représente  le  plus  expressément  l'une  et 
l'autre,  ibid.  Jésus-Christ  a  reçu  celui  de  saint  Jean 
pour  accomplir  toute  justice  et  montrer  l'exemple, 
p.  209.  Le  baptême  sous  condition  n'est  pas  encore 
en  usage  du  temps  de  saint  Léon,  p.  237.  Cette  ré- 
serve est  toujours  sous-entendue,  dans  l'esprit  et 
dans  la  doctrine  de  l'Eglise,  ihid.  C'est  l'usage  dans 
toutes  les  églises  du  monde  de  faire  réciter  le  Sym- 
bole des  apôtres  à  ceux  que  l'on  prépare  à  ce  sa- 
crement, p.  250.  Il  est  le  principal  entre  les  sa- 
crements de  l'Eglise  ,  p.  257.  Jésus-Christ  l'a  ins- 
titué à  sa  mort,  p.  258.  Usage  de  conférer  en  même 
temps  les  sacrementS'  de  baptême,  de  confirmation 
et  d'Eucharistie,  p.  259.  On  donnait  le  baptême 


aux  enfants,  p.  453;  il  n'est  pas  permis  de  le  réité- 
rer, p.  707.  Les  ariens  rebaptisent  par  force  les  ca- 
tholiques, p.  461  et  462.  Baptême  donné  au  nom  de 
la  Trinité  dans  l'Eglise  catholique  ,  p.  459.  Baptême 
solennel  donné  aux  catéchumènes  aux  fêtes  de  Pâques, 
de  la  Pentecôte  et  de  l'Epiphanie,  p.  454.  Clovis,  roi 
de  France,  le  reçoit  le  jour  de  la  Nativité  du  Seigneur, 
p.  561.  Les  évêques  de  Sicile  le  donnent  non-seu- 
lement à  Pâques  et  à  la  Pentecôte  ,  mais  encore  à 
l'Epiphanie,  p.  209.  Il  en  était  de  même  en  Afrique, 
p.  454.  Saint  Léon  fixe  le  baptême  solennel  aux 
jours  de  Pâques  et  delà  Pentecôte,  ibid.  et  237.  Le 
pape  saint  Gélase  défend  de  baptiser  en  d'autres 
jours  qu'à  Pâques  et  à  la  Pentecôte  hors  le  cas  de 
nécessité,  p.  503.  Qui  sont  ceux  à  qui  on  peut  l'ac- 
corder en  d'autres  temps,  ibid.  et  258.  La  coutume 
de  donner  le  baptême  solennel  à  la  fête  de  Pâques 
est  de  tradition  apostolique  ,  p.  248.  Pourquoi  on 
l'administre  à  Pâques,  p.  257.  Pourquoi  on  y  ajoute 
le  jour  de  la  Pentecôte,  ibid.  Qui  sont  ceux  qu'on 
baptise  ces  jours-là,  ibid.  et  258.  Les  prêtres  ou  les 
diacres  qui  se  sont  éloignés  de  l'autel  pour  quelque 
faute,  peuvent  donner  le  baptême  en  cas  de  néces- 
sité, p.  745.  Promesses  du  baptême.  On  y  proteste 
que  l'on  renonce  au  démon  ,  à  ses  pompes  et  à  ses 
œuvres,  p.  374.  Cérémonies  du  baptême  suivant  le 
Sacramentaire  du  pape  saint  Gélase,  p,  512  et  suiv.; 
selon  l'auteur  des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'A- 
réopagite,  p.  546.  Défense  aux  évêques  de  rien  exi- 
ger pour  le  baptême  ou  la  confirmation ,  p.  502. 
Bénédiction  des  fonts  baptismaux  ,  p.  454.  Pour- 
quoi l'on  plonge  trois  fois  dans  l'eau  celui  que  l'on 
baptise,  p.  192. 
BARADATE  (saint),  engage  Théodoret  à  la  paix. 


168 


Table  analytique. 


p.  21  ;  sa  lettre  à  l'empereur  Léon  ,  p.  235  ;  il  vit 
longtemps  sur  le  haut  d'un  rocher ,  p.  63.  Il  quitte 
cette  demeure,  ibid. 

BARDESANE  ne  reconnaît  Jésus-Christ  queconi- 
me  Dieu,  ne  lui  attribue  l'humanité  qu'en  apparence, 
p.  72. 

BARSUMAS,  abbé.  L'empereur  lui  ordonne  de  se 
rendre  à  Ephèse  pour  y  prendre  séance  avec  les 
évoques  au  nom  de  tous  les  abbés  et  archimandrites 
de  l'Orient,  p.  675.  Raisons  que  Dioscore  etEutychès 
ont  de  lui  procurer  cet  honneur,  ibid.  ;  il  consent  au 
rétablissement  d'Eutychès,  p.  678  ;  il  prononce  com- 
me juge,  immédiatement  après  les  évêques,  dans  la 
déposition  de  Flavien  et  d'Euscbe,  p.  679. 

BASILE.  Théodoret  écrit  par  son  conseil  aux  évê- 
ques des  deux  Cilicies  ,  p.  70;  et  il  a  recours  à  lui 
dans  la  persécution  que^  Dioscore  lui  suscite,  mais 
inutilement,  ibid.  On  croit  que  ce  Basile  est  le  mê- 
me que  celui  de  Séleucie  ,  ibid.  Lettres  de  Théodo- 
ret, ibid.  et  p.  72. 

BASILE,  diacre.  Julien  de  Cos  écrit  par  lui  à  saint 
Léon,  p.  213;  il  est  chargé  de  plusieurs  lettres  pour 
ce  saint  pape,  ibid. 

BASILE ,  évêque  d'Antioche  ,  succède  à  Maxime 
dans  le  siège  de  cette  ville ,  p.  223.  Il  n'a  pas  soia 
d'écrire  au  pape  sur  son  ordination  selon  la  coutu- 
me de  l'Eglise,  ibid.;  saint  Léon  lui  en  fait  des  re- 
proches ,  ibid.  L'empereur  Marcien  lui  rend  un  té- 
moignage avantageux,  ibid. 

BASILE,  évoque  d'Ephèse,  succède  à  Memnon,  p. 
666  ;  il  assemble  le  concile  do  sa  province  pour  dé- 
libérer sur  l'affaire  de  Bassien;  décharge  celui-ci  de 
l'église  d'Evazes  et  lui  laisse  les  honneurs  de  l'épis- 
copat,  ibid. 

BASILE  ,  évêque  de  Séleucie,  p.  162.  Il  est  fait 
évêque  vers  l'an  432,  ibid.  ;  il  assiste  aux  conciles 
de  Constantinople  de  448,  449,  ibid.  et  669.  Discours 
qu'il  tient  à  Eulychès,  p.  ■162;  condamne  la  personne 
de  celui-ci  et  sa  doctrine,  ibid.;  il  refuse  le  serment 
que  l'empereur  exige  des  évêques,  p.  163;  il  assiste 
au  faux  concile  d'Ephèse  en  449  ,  ibid.  et  675  ;  il 
tâche  d'y  déguiser  ses  sentiments,  p.  163;  il  déclare 
Eutychès  absous*et  consent  à  son  rétablissement, 
ibid.;  il  s'oppose  à  la  condamnation  de  Flavien;  y 
consent  ensuite,  ibid.  ;  il  assiste  en  451  au  concile 
de  Chalcédoine,  ibid.  ;  il  s'y  plaint  que  Dioscore  l'a 
forcé  à  signer  la  condamnation  de  Flavien  ,  en  de- 
mande pardon  au  concile,  ibid.,  qui  le  déclare  or- 
thodoxe, p.  164  et  689.  L'empereur  lui  envoie  une 
lettre  circulaire,  p.  164.  Sa  réponse,  ibid.  Sa 
mort  vers  l'an  458  ,  ibid.  On  lui  donne  le  titre  de 
bienheureux,  ibid.  et  suiv.  Ses  discours  :  jugement 
sur  ses  discours,  p.  167.  Lettre  à  l'empereur  Léon, 
ibid.  Vie  de  sainte  Thècle  ,  ibid.  et  168.  Editions 
de  ses  ouvrages   p.  168,  169. 

BASILE,  prêtre  de  l'Eglise  de  Constantinople, 
vient  à  Rome  chercher  la  paix  et  une  doctrine  as- 
surée, p.  221.  Saint  Léon  lui  fait  donner  une  décla- 
ration de  sa  foi,  ibid. 

BASILE,  prêtre,  légat  de  saint  Léon  à  Constanti- 
nople, p.  219.  Ordres  que  le  pape  lui  donne,  p.  221. 


Basile  n'arrive  à  Constantinople  qu'après  la  mort  de 
Théodose,  p.  681.  L'empereur  Marcien  le  reçoit  fa- 
vorablement ,  ibid.  Le  pape  le  joint  aux  autres  lé- 
gats pour  le  concile  de  Chalcédoine  ,  p.  221  et  682. 
BASILIDE,  ne  reconnaît  Jésus-Christ  que  comme 
Dieu,  ne  lui  attribuant  l'humanité  qu'en  apparence, 
p.  72. 

BASILISQUE,  empereur,  se  déclare  l'ennemi  de  la 
foi  orthodoxe  ,  etc.  Le  pape  Simplice  lui  écrit,  p. 
402.  Saint  Daniel  Stylite  traite  Basilisque  de  nou- 
veau Dioclétien,  p.  404.  Lettre  circulaire  de  Basi- 
lisque, sa  mort,  p.  405. 

BASSIEN  ,  évêque  d'Ephèse  ,  se  consacre  dès  sa 
jeunesse  au  service  des  pauvres,  leur  bâtit  un  hôpi- 
tal, p.  666.  Memnon  le  fait  évêque  d'Evazes  par 
force,  ibid.  ;  ne  veut  pas  aller  à  l'église  pour  la- 
quelle on  l'a  ordonné ,  ibid.  On  l'en  décharge  en 
lui  conservant  les  honneurs  de  l'épiscopat,  ibid.  ;  il 
prend  le  gouvernement  de  celle  d'Ephèse  ,  ibid. 
11  est  maintenu  dans  ce  siège  par  l'empereur  Théo- 
dose et  par  saint  Procle,  ibid.  ;  il  est  mis  en  prison  ; 
on  ordonne  un  évêque  à  sa  place,  p.  694.  Il  pré- 
sente une  requête  au  concile  de  Chalcédoine  pour 
être  rétabli,  ibid.  ;  il  est  déposé,  p.  695.  On  lui  con- 
serve la  dignité  d'évêque  avec  une  pension  sur  les 
revenus  d'Ephèse,  ibid. 

BASSUS,  est  initié  dans  le  sacerdoce  et  chargé  de 
la  conduite  de  plusieurs  prêtres  ,  p.  61.  Saint  Si- 
méon  Stylite  lui  fait  part  de  son  dessein  de  passer 
le  carême  entier  sans  boire  ni  manger,  ibid.;  fait  ce 
qu'il  peut  pour  l'en  détourner ,  ibid.  ;  il  donne  la 
communion  sacrée  à  ce  saint  solitaire,  ibid. 
BÉATITUDE.  Degré  pour  y  monter,  p.  195. 
BÉLISAIRE  ,  patrice,  remporte  une  victoire  sur 
Gélimer,  roi  des  Vandales,  p.  465. 

BÉNÉFICES.  Origine  des  bénéfices  ecclésiastiques, 
p.  524. 

BENJAMIN,  diacre,  souffre  dans  la  persécution  de 
Perse,  p.  49. 

BÉREE.  Théodoret  écrit  au  clergé  de  cette  ville, 
p.  68. 

BÉRONICIEN,  secrétaire  du  consistoire,  explique 
en  grec  les  discours  de  Paschasin  au  concile  de 
Chalcédoine,  p.  684. 

BIGAMES.  Exemples  de  plusieurs  bigames  faits 
évêques  ,  p.  23.  Ils  doivent  êt.-e  exclus  de  l'épisco- 
pat, de  la  prêtrise  et  même  du  diaconat,  p.  261.  On 
comprend  aussi  sous  ce  nom  ceux  qui  ont  épousé 
des  veuves,  ibid. 

BIENS  de  l'Eglise.  L'évêque  a  l'administration  de 
tous  les  fonds  qui  appartiennent  à  l'Eglise,  p.  745. 

BOECE  (FLAVIUS),  père  de  Boëce  ,  p.  645.  11 
meurt  en  490,  ibid. 

BOECE,  sénateur  romain.  Sa  naissance  en  470,  p. 
6i5  ;  il  va  étudier  à  Athènes  en  480  ,  il  est  fait  pa- 
trice, se  marie,  ibid.  11  entre  dans  les  bonnes  grâ- 
ces du  roi  Théodoric  ;  il  assiste  à  une  conférence 
sur  les  erreurs  d'Eulychès,  écrit  contre  lui,  réforme 
les  poids  et  les  mesures  par  ordre  di  Théodoric,  p. 
646.  11  envoie  un  musicien  à  Clovis.  Zèle  de  Boëce 
pour  la  religion,  p.  647.  Il  est  fait  consul  en  810, 


TABLE  ANALYTIQUE. 


7é9 


p.  648. 11  va  à  Ravenne  prendre  la  défense  de  saint 
Césaire  ,  ibid.  On  lui  offre  une  seconde'  fois  le  con- 
sulat ;  il  est  accordé  à  ses  deux  fils,  p.  649.  Mort  de 
Boëce ,  ibid.  Ses  écrits  :  Traité  des  Deux  natures 
en  Jésus-Christ  ,  p.  650.  Analyse  de  ce  traité,  p. 
651.  Traité  de  l'Unité  de  Dieu,  p.  654.  Traité  inti- 
tulé :  Si  le  Père ,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  peuvent 
être  affirmés  substantietkmenl  de  la  divinité,  p.  656. 
Autre  traité  intitulé  :  Si  tout  ce  qui  est,  est  bon,  p. 
65/.  Profession  de  foi  de  Boëce  ,  ibid.  Cinq 
livres  de  la  Consolation  de  lu  philosophie,  p.  660. 
Ecrits  sur  Porphyre,  sur  Aristote,  p.  663  ;  sur  Gicé- 
ron.  Traité  de  l'Un  et  de  l'Unité,  p.  665.  Le  traité 
de  la  Discipline  des  étudiants  est  indigne  de  Boëce, 
ibid.  Les  livres  des  Mathématiques  sont  de  lui , 
ibid.  Ecrits  qui  sont  perdus,  p.  664.  Jugement  de 
ces  écrits,  ibid.  Editions  qu'on  en  a  faites,  p.   665. 

BOi'ilFACE  (saint),  souffre  le  martyre  sous  Huile- 
rie, p.  462  et  463. 

BONIFAGE,  évèque  arien  ,  parle  pour  ceux  de  sa 
secle  dans  la  conférence  de  Lyon,  est  confondu  à 
deux  différentes  fois,  p.  554. 

BONIFACK,  prêtre  de  l'Eglise  romaine.  Saint  Léon 


l'envoie  présider  en  son  nom  le  concile  de  Clialcé- 
doine,  p.  174,  220  et  582;  le  charge  d'un  mémoire 
instructif,  p.  682;  ses  plaintes  au  concile,  p.  688. 

BONOSE,  évêque,  père  de  saint  Rustique  de  Nar- 
bonne,  p.  199. 

BOOZ,  second  mari  de  Ruth  ;  éloge  qu'en  fait  Théo- 
doret,  p.  32. 

BOUCS.  Les  deux  boucs  que  le  grand-prêtre  de- 
vait présenter  devant  le  Seigneur  à  l'entrée  du  ta- 
bernacle étaient  visiblement  la  figure  de  Jésus-Christ, 
p.  30. 

BOURGUIGNON,  jeune  homme.  Saint  Sidoine  lui 
explique  quelques  questions  sur  la  grammaire,  p. 
195. 

BOURGUIGNONS.  Saint  Sidoine  fait  d'eux  une 
description  pleine  de  railleries ,  p.  397. 

BRAGUE,  ville  en  Lusitanie,  p.  3. 

BRICE  (saint)  ,  évêque  de  Tours ,  fait  bâtir  l'é- 
glise de  St-Marlin,  p.  441. 

BYTIEN,  général,  se  rend  célèbre  sous  le  règne  de 
Théodose  II ,  par  la  victoire  qu'il  remporte  sur  les 
Perses,  p.  167. 


CAIUMAS,  ecclésiastique  d'Edesse,  se  rend  accu- 
sateur d'ibas,  p.  245.  Ses  chefs  d'accusation  ,  ibid. 
CALANDION  est  fait  évêque  d'Antioche,  p.  7l8. 
CALENDES    de  janvier.   Saint  Maxime   invective 
contre  les  débauches  de  ce  jour  et  contre  les  étren- 
nes  qui  se  donnent  dès  le  matin,  p.  323. 

CALIMINIUS,  ami  de  saint  Sidoine  ,  porte  les  ar- 
mes contre  l'Auvergne  ,  sa  patrie,  p.  389. 
CALPURNIUS,  père  de  saint  Patrice,  p.  444. 
Camille,  prêtre  de  Gènes,  envoie  à  saint  Pros- 
per  quelques  propositions  pour  le  prier  de  lui  en 
donner  le  vrai  sens,  p.  300.  Réponse  de  saint  Pros- 
per  après  l'an  430,  ibid. 

CAWPANIE.  Saint  Léon  écrit  aux  évèques  de 
cette  province  ,  p.  202  ;  ils  donnent  le  baptême  en 
des  jours  de  fêles  des  martyrs  sans  nécessité  et  sans 
y  apporter  les  préparations  nécessaires,  p.  237.  Le 
Pape  leur  défend  de  l'administrer  en  d'autres  jours 
qu'à  Pâques  et  à  la  Pentecôte ,  ibid.  ;  il  les  biàiiie 
aussi  de  ce  qu'ils  font  réciter  publiquement  aux  pé- 
cheurs les  crimes  qu'ils  ont  commis,  ibid. 

CANDIDE,  prêtre  et  abbé.  Théodorel  lui  écrit,  p.  75. 
CANDIDIEN  ,  ami  de  saint  Sidoine,  écrit  à  ce 
saint  évèque  et  le  congratule,  p.  383.  Cantique  des 
cantiques  :  sentiment  de  Théodore  de  Mopsueste  sur 
ce  livre,  p.  37.  Dans  quel  sens  on  doit  Tinterpréter, 
ibid,  et  suiv.  Les  Juifs  n'en  permettent  la  lecture 
qu'à  ceux  qui  ont  atteint  l'âge  de  l'homme  parfait, 
p.  112;  il  est  besoin  d'une  prière  fervente  avant 
d'en  commencer  la  lecture,  ibid. 

CAPITOLIN ,  gouverneur  de  Thrace  sous  JuUen 
l'Apostat,  p.  46  ;  il  fait  brûler  vif  Eniilien,  ibid, 
X. 


CARÊME.  Pourquoi  les  démons  font  en  ce  temps- 
là  sur  nous  de  plus  grands  efforts  ,  p.  186.  C'est  un 
temps  propre  à  la  sanctification  ,  p.  187.  Il  est  une 
préparation  à  la  fête  de  Pâques  ,  ibid.  ;  ce  que  les 
apôtres  ont  eu  en  vue  en  l'instituant,  ibid.  L'Eglise 
prescrit  la  pratique  de  ce  jeûne  sans  exception  ,  p. 
249.  Tous  les  enfants  de  l'EgUse  doivent  jeûner  le 
carême  entier,  excepté  le  dimanche,  p.  249  et  738. 

CAlilOBAUDUS  ,  abbé.  Saint  Sidoine  lui  envoie 
une  coule,  p.  393. 

CARISIUS,  clerc  déréglé,  est  puni  de  mort  subite, 
p.  344. 

CAROSE,  métropohlain  de  l'IUyrie  orientale,  écrit 
à  saint  Léon  qui  lui  répond,  p.  206. 

CAROSE,  abbé  eutychien.  L'empereur  Marcien  Is 
met  en  un  lieu  où  il  ne  peut  nuire  à  personne ,  p. 
233.  Il  quitte  l'eutychianisme  ,  ibid.  ;  il  refuse  de 
souscrire  à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien,  p.  216. 

CARTHAGE  prise  par  les  Vandales,  p,  449. 

CASSIEN  est  le  seul  qui  ait  rendu  publiques  les 
erreurs  qui  lui  sont  communes  avec  les  prêtres  de 
Marseille,  p.  277  ;  saint  Prosper  fait  un  écrit  pour  le 
réfuter,  ibid. 

CASTÉRIUS  ,  prêtre  de  Constantinople  ,  député 
par  Anatolius  à  Rome,  p.  220. 

CASTIN,  père  de  saint  Simplice,  pape,  p.  401. 

CATÉCHUMÈNES.  11  est  défendu  de  les  admettre 
à  l'épiscopat,  p.  205. 

CATTURE,  vierge,  à  qui  Salvien  écrit ,  p.  376. 

CECROPIUS ,  évêque  de  Sébastopolis ,  s'oppose  à 
ce  qu'on  fasse  dans  le  concile  de  Chalcédoine  une 
nouvelle  formule  de  foi,  p.  686;  demande  un  règle- 

49 


770 


TABLE  ANALYTIQUE. 


ment  pour  faire  observer  partout  les  canons  ,   sans 
aucun  égard  aux  lois  impériales,  p.  691. 

CÉLÉRINE,  dame.  Théodoret  lui  écrit,  p.  72. 
CELESTE,  déesse  des  Carthaginois,  p.  iVd. 
CELESÏIAQUE,  sénateur  de  Carlhage,  est  chassé 
de  celte  ville  par  les  Vandales  ,  p.  65.  Théodoret  le 
recommande  à  l'évêque  Irénée,  ihid.\  à  Domnus  et  à 
quelques  autres  ,  p.  66.  La  disgrâce  do  Célestiaque 
est  un  effet  de  la  miséricorde  de  Dieu  sur  lui,  p.  66 
et  67. 

CELESTIN  (saint),  pape.  Hilaire  et  saint  Prospcr 
vont  lui  porter  leurs  plaintes  contre  les  ennemis  de 
saint  Augustin  ,  p.  277;  il  écrit  en  leur  faveur  aux 
évoques  des  Gaules ,  ibid.  ;  sa  lettre  n'apaise  point 
les  troubles,  ibid. 
CÉLIBAT.  Vojez  Clercs. 
CELSIN,  évêque  de  Toul,  p.  400. 
CEWELE,  aujourd'hui  Cimiez,  ville  autrefois  con- 
sidérable, p.  154;  a  le  titre  de  cité  et  un  siège  épis- 
copal  dépendant  de  la  métropole  d'Embrun,  ii/d.; 
saint  Léon  l'unit  à  celui  deNice  on  Provence,  ibid.; 
il  ne  reste  plus  de  cette  ville  qu'une  église  et  quel- 
ques débris  de  son  ancienne  splendeur  ,  ibid. 

CENSURIUS,  évèque  d'Auxerre.  Constance,  prê- 
tre de  Lyon,  lui  écrit,  p.  400. 

CÉPONIUS,  évêque.  Turibius  lui  envoie  la  réfuta- 
tion des  blasphèmes  des  priscillianistes  avec  une 
lettre,  p.  206. 

CEREAL,  évêque  de  Castel  sur  Rive  dans  la  Mau- 
ritanie, p.  466. 

CERINTHE,  hérésiarque.  En  quoi  il  fait  consister 
le  bonheur  des  saints,  p.  87. 

CESARIENNE ,  écrit  contre  Maximien  ,  évêque 
arien,  p.  468. 

CÉSAIRE  (saint),  évêque  d'Arles,  est  accusé  au- 
près du  roi  Théodoric.  Boëce  ,  sénateur  romain, 
prend  sa  défense,  p.  649. 

CHALCEDOINE.  Le  pape  saint  Léon  et  l'empe- 
reur Marcien  y  rassemblent  un  concile  général ,  p. 
222.  Lettre  de  saint  Léon  aux  Pères  de  ce  concile, 
ibid.  et  p.  226.  Ils  lui  envoient  les  actes  avec  une 
lettre  pour  le  prier  de  les  confirmer  ,  p.  224.  Eu- 
phémius,  patriarche  de  Constanlinople,  confirme  les 
décrets  du  concile  de  Chalcédoine,  p.  484.  L'empe- 
reur Anastase  veut  obliger  Macédonius  ,  évêque  de 
Constanlinople,  à  condanmer  le  concile,  p.  488. 

CHANTRES.  Il  leur  est  permis  dans  quelques  pro- 
vinces de  se  marier  ;  ils  ne  peuvent  point  prendre  de 
femmes  qui  ne  soient  point  catholiques  ,  ni  faire 
baptiser  leurs  enfants  chez  les  hérétiques,  p.  698. 
CHAPJTE.  Elle  est  plus  agréable  que  le  jeûne,  p. 
52  ;  les  autres  vertus  sans  elle  ne  peuvent  servir  de 
rien,  p.  179  et  180  ;  si  elle  soutient  la  foi,  la  foi  ré- 
ciproquement la  fortifie  ,  p.  250;  si  on  ne  possède 
pas  ces  deux  vertus  à  la  fois  on  n'en  possède  au- 
cune, ibid. 

CHARMOSINE,  prêtre  et  économe  de  l'Eglise  d'A- 
lexandrie. On  lui  signifie  la  senlence  conlro  Dios- 
core,  p.  519. 

CHARTENIUS  ,  évêque  de  Marseille,  assiste  à  la 
conférence  de  Lyon,  en  499,  p.  560. 


CHOSES.  Dans  les  choses  douteuses  ou  obscures 
on  doit  toujours  prendre  un  parti  qui  ne  soit  pas 
contraire  à  la  doctrine  des  saints  Pères ,  p.  274. 

CHREME.  Sa  consécration  suivant  l'auteur  des  li- 
vres attribués  à  saint  Denis  l'Aréopagyte  ,  p.  548. 
Les  prêtres  ne  doivent  point  entreprendre  de  faire  le 
chrême  ni  de  confirmer,  p.  502  et  503.  Gondebaud, 
roi  des  Bourguignons  ,  demande  à  saint  Avit  de  lui 
donner  en  secret  l'onction  du  saint  chrême,  p.  564. 

CHRETIENS.  Julien  l'Apostat  semble  les  favori- 
ser, p.  46;  ils  sont  persécutés  cruellement  sous  les 
yeux  de  ce  prince  par  les  païens,  ibid.  ;  lois  contre 
eux,  ibid.\  ils  sont  persécutés  en  Perse  ,  p.  49  ;  ils 
tirent  le  nom  qu'ils  portent  de  celui  du  Christ ,  p. 
153.  Qui  sont  ceux  qui  sont  vérUablement  chrétiens, 
ibid.  ;  superstition  introduite  parmi  eux  contre  la- 
quelle saint  Léon  s'élève  fortement ,  p.  183.  Quoi- 
qu'ils puissent  combattre  en  particulier  leurs  enne- 
mis, il  est  plus  expédient  pour  eux  de  le  faire  en  pu- 
blic, p.  273.  Comment  ils  doivent  passer  la  journée, 
p.  322. 

CHPiONIQUE  anonyme  placée  avec  les  pièces  qui 
appartiennent  à  l'histoire  de  la  persécution  des 
Vandales,  p.  464. 

CHRYSAPHE  ou  CRYSAPHIUS  ,  eunuque,  entre- 
tient le  jeune  Théodore  dans  rattachement  au  schis- 
me de  Dioscore  ,  p.  75.  Il  est  protecteur  d'Euty- 
chès,  p.  210.  On  croit  que  c'est  lui  qui  a  obtenu  la 
convocation  du  faux  concile  d'Ephèse,  p.  675.  Il  est 
disgracié  bientôt. après  la  mort  de  Théodose,  p.  75, 
et  est  mis  à  mort  par  le  conseil  de  l'impératrice 
Pulchérie,  ibid. 

CHRYSOLOGUE.  Ce  que  signifie  ce  mot,  p.  6. 

CILICIE.  Théodore!  écrit  aux  évêques  des  deux 
provinces  de  la  Cilicie,  p.  70. 

CITTE,  bourg  du  diocèse  de  Cyr,  p.  20. 

CLAPHIUS  fait  bâLir  un  village.  Saint  Sidoine 
promet  d'en  faire  la  dédicace,  p.  388. 

CLAUDIEN.  Voy.  Mammert. 

CLERCS.  Règlement  sur  les  clercs.  Il  leur  est  dé- 
fendu de  sortir  sans  des  lettres  de  recommandation, 
p.  715;  de  se  trouver  au  festin  des  noces,  de  man- 
ger chez  les  Juifs  et  de  les  inviter  à  manger.  Ils 
doivent  éviter  l'ivrognerie.  Pénilence  imposée  à 
un  clerc  qui  se  sera  enivré ,  ibid.  Il  leur  est 
défendu  de  porter  de  longs  cheveux;  ils  doivent 
être  vêtus  modestement,  p.  705.  L'évêque  doit 
faire  observer  le  droit  d'antiquité  entre  les  clercs, 
p.  739.  Il  leur  est  défendu  de  plaider  devant 
des  juges  séculiers  sans  le  consentement  de  leurs 
évêques,  p.  709;  de  faire  aucun  trafic,  p.  503. 
Les  clercs  ne  passent  ordinairement  d'église  en 
église  que  par  ambition  ou  par  intérêt,  p.  203. 
Saint  Léon  ordonne  de  séparer  de  la  communion 
tous  ceux  qui ,  après  être  passé  à  une  autre  feront , 
difficulté  de  retourner  à  la  première  ,  ibid.  Défense 
de  recevoir  un  clerc  étranger  sans  le  consentement 
de  son  évêque,  p.  206.  Saint  Maxime  prêche  contre 
ceux  qui  trafiquent,  p.  324.  Quel  trafic  il  leur  per- 
met, ibid.  Défense  aussi  à  eux  de  prendre  à  ferme 
des  terres  ou  de  se  charger  des  affaires  temporelles^ 


TABLE  ANALYTIQUE. 


771 


p.  697.  Si  un  clerc  a  une  affaire  contre  un  autre 
clerc  ,  il  ne  doit  point  quitter  son  évèque  pour  s'a- 
dresser aux  tribunjiix  séculiers,  ibid.  Célibat  des 
clercs.  Sentiment  d'un  évèque  nommé  Véran  sur  le 
célibat  des  clercs,  p.  714.  Règlement  du  concile  de 
Girone  sur  ce  sujet,  p.  749.  Ordonnance  de  saint 
Ennode  de  Pavie  touchant  les  clercs,  p.  575.  Quels 
sont  ceux  qui  doivent  être  exclus  de  la  cléricature 
selon  Gennade  de  Marseille  ,  p.  604.  Plusieurs  or- 
donnances du  concile  de  Chalcédoine  concernant  les 
clercs,  p.  696  et  suiv.  Canons  attribués  à  saint  Pa- 
trice qui  règlent  leur  conduite,  p.  705.  Canons  du 
concile  de  Tours  à  leur  égard,  p.  711  et  712  ;  du 
concile  de  Vannes,  p.  713  et  714  ;  du  concile  d'Agde, 
p.  741  ;  du  concile  de  Tarragone,  p.  747  et  suiv. 

CLERMONT,  en  Auvergne  ,  tombe  sous  la  domi- 
nation des  Visigoths,  p.  381. 

CLOVIS  ,  roi  des  Francs.  Le  pape  Anastase  lui 
écrit  sur  sa  conversion,  p.  520.  Saint  Avit  lui  écrit 
sur  son  baptême  dont  il  décrit  la  solennité,  p.  561. 
Clovis  demande  un  musicien  au  roi  Tliéodoric  ,  p. 
646. 

CODE  THÉODOSIEN.  Anien,  chancelier  d'Alaric, 
le  publie  en  506,  p.  736. 

COLOSSIEN.  Firmus  lui  écrit,  p.  151. 

COLLECTES.  On  en  fait  pour  les  pauvres  dans  les 
diverses  églises  de  Rome,  p.  179.  Eu  quels  jours  on 
les  fait,  ibid.  ;  sermons  de  saint  Léon  sur  ce  sujet, 
ibid.  et  suiv.  Il  attribue  l'institution  des  collectes 
aux  apôtres  et  aux  saints  pères,  p.  180.  Leur  usage 
a  été  très  utile  à  l'augmentation  de  l'Eglise,  p.  273. 

COMÈTE  suivie  d'un  tremblement  de  terre ,  p. 
585. 

COMMANDEMENTS  DE  DIEU.  On  doit  beaucoup 
plus  les  estimer  que  les  austérités  elles  travaux,  p. 
52  et  53. 

COMMUNION  ordonnée  trois  fois  l'année ,  à 
Noël,  à  Pâques,  à  la  Pentecôte,  p.  738.  Celui-là  ne 
peut  être  regardé  comme  fidèle  qui  ne  communie 
pas  la  nuit  de  Pâques,  p.  707. 

CONCILES.  Le  pape  saint  Hilaire  ordonne  aux 
évoques  des  Gaules  de  tenir  tous  les  ans  un  concile 
des  provinces  qui  pourront  y  prendre  part,  p.  337. 
La  règle  et  la  coutume  des  conciles  catholiques  est 
de  faire  des  décrets  à  mesure  que  la  nécessité  des 
nouveaux  hérétiques  les  y  oblige  etc.,  p.  479.  Lors- 
qu'un hérétique  a  été  condamné  dans  un  concile,  ce 
qui  a  été  décidé  à  cet  égard  doit  demeurer  inviola- 
ble, etc.,  p.  495.  Différence  des  bons  et  des  mauvais 
conciles  ,  selon  le  pape  saint  Gélase  ,  p.  496.  Les 
papes  n'ont  point  assisté  aux  conciles  tenus  en  Orient, 
p.  335.  Conciles  reçus  dans  l'Eglise  romaine,  p.  724. 
Respect  de  saint  Léon  pour  les  décrets  des  conciles 
généraux,  p. 268;  il  regarde  ceux  doNicée  et  de  Chal- 
cédoine, comme  des  oracles  du  Saint-Esprit  ibid^ 
Conditions  essentielles  à  un  concile  général,  ibid.  Ils 
sont  les  vrais  remèdes  aux  maux  de  l'Eglise,  p.  269. 
Les  matières  de  la  foi  en  doivent  être  le  sujet  prin- 
cipal, ibid.  Les  choses  do  discipline  peuvent  se  trai- 
ter dans  les  conciles  provinciaux  ou  nationaux,  ibid. 
Il  leur  appartient  de  statuer  sur  ces  sortes  de  ma- 


tières, et  de  faire,  pour  l'utilité  de  l'Eglise  ce  que  le 
Saint-Esprit  inspire  à  ceux  qui  les  composent,  ibid. 
Il  n'est  au  pouvoir  de  personne  d'affaiblir  ou  de  cas- 
ser une  sentence  prononcée  dans  un  concile,  même 
provincial  ,  contre  les  hérétiques  ,  ibid.  [Cela  sans 
doute  doit  s'entendre  d'un  concile  approuvé  par  le 
pape.]  Les  conciles  môme  généraux  devaient  être 
confirmés  par  le  pape  ,  p.  269.  Concile  d'Ephèse 
entre  l'an  434  et  444,  p.  666.  Quelle  en  fut  l'occa- 
sion, ibid.;  —  de  Constantinople,  en  444,  touchant 
l'intronisation  de  Bassien,  ibid.;  —  d'Antioche,  vers 
l'an  413,  au  sujet  d'Athanase  dePerrlia,  ibid.;  —  de 
Rome,  vers  l'an  443  ou  444,  contre  les  manichéens, 
p.  667;  —  d'Hiéraple,  en  444,  ibid.  ;  —  d'Astorga, 
en  445  ou  446,  contre  les  manichéens,  ièî'd. —  Con- 
ciles en  France  et  en  Angleterre,touchant  l'erreur  des 
pélagiens ,  ibid.  ;  —  d'Antioche,  en  448,  ibid.;  — 
de  Constantinople,  en  448,  p.  668  ;  —  de  Tolède  en 
447,  contre  les  priscillianistes  ,  ibid.  ;  —  de  Galice, 
vers  447,  p.  669;  —  de  Constantinople  en  448, 
louchant  le  différend  entre  Florent  de  Sardes,  métro- 
politain de  Lydie  et  deux  évèques  de  la  même  pro- 
vince, p.  669.  Première  session,  ibid.;  seconde  ses- 
sion, i'èi'rf.  ;  troisième  session  ,  p.  670;  quatrième 
session,  p.  671;  cinquième  et  sixième  sessions  ,  p. 
671  et  672;  septième  session,  p.  672.  Sentence  contre 
Eutychès,  p.  673  ;  —  conciles  de  Constantinople  en 
449,  p.  674  ;  —  de  Rome  en  449  ;  —  de  Constantinople 
en  450,  p.  680  ;  —  de  Mdan  en  451 ,  p.  671  ;  —  des 
Gaules  en  451 ,  ibid.  ;  —  de  Chalcédoine  en  451  :  il 
est  indiqué  par  l'empereur  Marcien  qui  en  écrit  à 
saint  Léon,  p.  682  :  les  évèques  s'assemblent  à  Nicée, 
puis  à  Chalcédoine  ,  ibid.  Ouverture  de  ce  concile, 
première  session,  ibid.  Dioscore  est  accusé,  p.  684. 
Saint  Flavien  est  justifié  ,  p.  685  ;  seconde  session, 
p.  686  ;  troisième  session  ;  Dioscore  est  cité  au  con- 
cile et  condamné,  p.  687.  Quatrième  session,  p.  689. 
Requête  drs  abbés  schismatiques,  p.  690.  Cinquième 
session,  p.  691  ;  sixième  session,  p.  692;  septième, 
huitième,  neuvième  et  dixième  sessions  ,  p.  693  ; 
onzième  et  douzième  sessions,  p.  694;  treizième  et 
quatorzième  sessions,  p.  695;  quinzième  session; 
canons  de  ce  concile  ,  p.  696.  Autorité  de  ces  ca- 
nons, p.  701.  Seizième  session,  ibid.  Différence  des 
exemplaires  de  ce  concile,  p.  702.  Discours  du  con- 
cile à  l'empereur  ,  ibid.  Lettre  au  pape  saint  Léon, 
p.  703.  Lois  sur  l'observation  des  décrets  de  ce  con- 
cile, ibid.—  Conciles  attribués  à  saint  Patrice,  p.  704 
et  suiv.  —  Conciles  d'Arles  vers  l'an  452,  p.  708  ;  — 
dAngers  en  453,  ibid.  ;  —  d'Arles  vers  l'an  455,  p. 
7lO  ;  —  de  Constantinople  vers  l'an  459,  ibid.  ;  — 
de  Tours  on  461 ,  p.  711  ;  —  de  Vannes  vers  l'an  465, 
p.  712;  —  de  Rome  en  462  ,  p.  716.  —  Conciles 
des  Gaules  à  Ailes  en  463,  ibid.,  —  d'Espagne  en  464; 

—  de  Rome  en  465,  p.  716  ;  —  d'Angleterre  vers 
l'an  4.65,  ibid.  ;  —  de  Châlons  vers  l'an  470,  p.  717; 

—  de  Bourges  vers  472,  ibid.  ;  —  d'Antioche  vers 
"an  477,  ibid.  ;  —  d'Arles  vers  l'an  475  ou  477,  et 
de  Lyon  vers  le  mârae  temps,  ibid.  ;  —  d'Antioche 
et  de  Laodicée  en  479,  p.  718  ;  —  de  Rome  en  484 
et  en  487,  p.  719;  —  de  Carthage  en  487,  p.  721  ; 


772 


TABLE  ANALYTIQUE. 


—  de  Constantinople  en  492  et  496  ,  p.  722  ;  —  de 
Rome  en  494,  495,  499,  502 ,  503,  504,  p.  723  et 
suiv.  —  Conférence  des  catholiques  avec  les  ariens 
à  Lyon,  vers  l'an  500,  p.  733.  —  Concile  d'Agde  en 
506,  p.  736;  —  de  Toulouse  en  507,  p.  743;  — 
d'Orléans  en  5il,  p.  743;  —  d'Agaune  en  515,  p. 
746;  —  de  Tarragone  en  516,  p.  747  ;  — de  Girone 
en  517,  p.  749;  —  de  Sidon  en  512,  p.  750. 

CONCILIABULE  d'Ephèse  en  449.  Le  pape  et  ses 
évêques  y  sont  invilés  ,  p.  675.  Ouverture  de  ce 
concile,  ibid.  Requête  d'Eulychès,  p.  676.  Eutychès 
est  déclaré  absous  et  est  rétabli,  p.  678.  Condam- 
nation de  Fiavien,  ibid.  Horreur  de  l'Eglise  pour  ce 
concile,  p.  680.     - 

CONCORDE  ,  diacre  à  l'Eglise  d'Arles  ,  assiste  à 
l'élection  du  pape  saint  Hilaire,  p.  336. 

CONFERENCE  ordonnée  par  Hunéric,  roi  do?  Van- 
dales, p.  454.  Les  catholiques  s'y  rendent,  p.  455. 
Elle  est  interrompue  ,  ibid.  et  457.  Conférence  de 
Lyon  en  499,  sous  Gondebaud  entre  les  évêques  ca- 
tholiques et  les  ariens,  p.  554  et  733. 

CONFIRMATION.  Ceux  qui  n'ont  été  baptisés 
qu'une  fois  ,  mais  par  les  hérétiques  ,  doivent  être 
seulement  confirmés  par  l'imposition  des  mains  de 
l'évêque  et  par  l'invocation  du  Saint-Esprit,  p.  258, 
259  ;  usage  de  la  conférer  en  même  temps  que  le 
baptême  et  l'eucharistie,  p.  259. 

CONIGIATE  ,  seigneur  de  la  cour  de  Théodoric 
accusé  par  Boëce,  p.  648. 

CONSENTIUS ,  homme  de  lettres.  Saint  Sidoine 
loge  chez  lui  à  Narbonne,  et  fait  son  éloge,  p.  397. 

CONSTANCE  ,  prêtre  de  Lyon  ,  engage  saint  Si- 
doine à  publier  ses  lettres,  p.  382  et  383.  Il  vient  à 
Clermont,  y  réunit  les  esprits  et  leur  persuade  de  se 
réunir  pour  leur  commune  défense  contre  les  Visi- 
goths,  p.  385  et  399.  Lettre  que  lui  écrit  saint  Si- 
doine pour  l'en  remercier  ,  p.  385  et  400.  Autres 
lettres  qu'il  lui  écrit  au  sujet  du  recueil  de  ses  let- 
tres, p.  393,  394.  Ce  qu'on  sait  des  circonstances 
de  sa  vie,  p.  399,  400.  Ses  écrits,  p.  400.  Saint  Pa- 
tient de  Lyon  l'engage  à  écrire  la  Vie  de  saint  Ger- 
main d'Auxerre  ,  ibid.  Saint  Isidore  de  SéviUe  le 
qualifie  évêque  ;  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  y  a  là 
faute,  ibid. 

CONSTANCE,  préfet.  Théodoret  lui  écrit,  p.  67. 

CONSTANT,  lecteur  de  l'église  de  Clermont,  porte 
une  lettre  de  saint  Sidoine,  p.  354. 

CONSTANTIN,  empereur,  défend  de  sacrifier  aux 
idoles  et  permet  de  bâtir  des  églises,  p.  43  ;  il  donne 
le  gouvernement  des  provinces  à  des  chrétiens,  ibid. 
Il  travaille  avec  zèle  à  la  destruction  du  paganisme 
et  à  l'établissement  de  l'Eglise,  ibid.  et  44.  Sa  lettre 
à  saint  Macaire  de  Jérusalem,  p.  133;  ordre  qu'il  don- 
ne à  DraciUen  ,  ibid.  Il  exile  saint  Athanase,  p.  44. 
Il  donne  l'ordre  de  rappeler  ce  grand  évêque,  ibid. 
Théodoret  tâche  d'excuser  ce  prince,  p.  44.  Con.slan- 
tin  envoie  un  évêque  d'une  vertu  exemplaire  dans 
ribérie,  p.  138. 

CONSTANTINOPLE.  Théodose  y  assemble  les  évê- 
ques de  son  obéissance  ,  p.  48  ;  la  doctrine  de  Ni- 
cée  est  confirmée  dans  cette  assemblée  et  toutes  les 


hérésies  y  sont  condamnées  ,  ibid.  Lettre  de  Théo- 
doret aux  moines  de  Constantinople,  p.  78,  et  à  ceux 
qui  soutiennent  le  parti  de  Nestorius,  p.  lOi.  Let- 
tre de  saint  Léon  aux  archimandrites,  p.  214,  216, 
217  ;  au  clergé  cl  au  peuple,  p.  216;  au  clergé, 
p.  236. 

CONSTANTIUS,  évêque  d'Uzès,  p.  337. 

CONST.'VNTIUS,  diacre  et  apocrysiaire  d'Eulychès, 
est  appelé  au  concile  de  Constantinople  de  448, 
p.  672.  Eutychès  l'envoie  à  celui  de  449,  p.  674. 

CONSTANTIUS  ou  CONSTANCE  ,  empereur , 
exile  saint  Athanase,  p.  45;  il  rappelle  ce  saint  évê- 
que et  l'exile  une  seconde  fois,  ibid.  Conférence  de 
ce  prince  avec  le  pape  Libère  ,  qu'il  exile,  ibid.  ;  il 
fait  déposer  Eunomius  du  sacerdoce,  p.  45;  il  fait 
la  guerre  avec  Sapor,  roi  de  Perse,  p.  46;  il  assem- 
ble les  évêques  i  Aiilioche  et  veut  les  obliger  à  re- 
jeter les  termes  de  consubsianliel  et  de  même  subs- 
tance, p.  46  ;  il  veut  que  Eusèbe  de  Samosate  lui 
rende  le  décret  de  l'élection  de  Mélèce,  ibid. 

CONSUBSTANTIÀLITÉ.  Les  évêques  du  concile  de 
Nicée  approuvent  ce  terme  d'un  commun  consente- 
ment, D.  44. 

CONSUBSTANTIEL.  Ce  terme  n'est  pas  nouvelle-  | 
ment  inventé  p-ir  les  Pères  de  Nicée,  p,  44.  Les  pè-  I 
res  l'avaient  fait  passer  depuis  longtem.ps  à  leurs 
enfants,  ibid.  Les  ariens  l'ôtent  de  la  profession  de 
foi  de  Nicée  pour  y  mettre  celui  de  semblable,  p.  45. 
Constance  veut  obliger  les  évêques  assemblés  à  An- 
tioche  à  rejeter  le  terme  de  consubstanlid,  p.  46. 

CONTUMÉLIOSUS,  convaincu  de  plusieurs  crimes 
dans  un  concile  des  Gaules,  p.  558. 

COPRÉS  (saint),  prêtre.  Saint  Pétrone  le  visite  et 
est  témoin  de  plusieurs  de  ses  miracles,  p.  160. 

CORNEILLE.  Saint  Pierre  Chrysologue  est  élevé 
sous  lui  dans  la  pratique  dos  exercices  de  la  vie 
monastique;  p.  6. 

COROTIC,  prince  de  Galles,  excommunié  par  saint 
Patrice,  p.  445. 

CORPS.  Sa  nature  consiste  dans  la  longueur  ,  la 
largeur  et  la  profondeur,  p.  354. 

COSME  ,  prêtre  de  Phanir  ,  bourg  de  la  Célésyrie, 
écrit  la  vie  de  saint  Siméon  Stylite,  p.  580. 

CRIME.  La  distinction  du  crime  avec  le  péché,  p.  5. 
Deux  raisons  pourquoi  Dieu  en  diffère  la  punition, 
p.  153  ;  il  y  a  un  certain  nombre  de  crimes  que  les 
pécheurs  ne  passent  point  sans  en  recevoir  la  peine, 
ibid. 

CRISPIN,  père  du  pape  saint  Hibirc,  p.  335. 

CRITOPHAGE ,  c'est-à-dire  qui  ne  mange  que  de 
l'orge,  p.  57. 

CROIX.  Invention  de  la  croix  du  Sauveur  par 
sainte  Hélène.  Comment  elle  se  fit,  p.  44  ;  moyens 
qu'on  trouva  pour  la  distinguer  de  celles  des  deux 
larrons  ,  ibid.  Guérison  à  cette  occasion  ,  ibid.  La 
croix  nous  est  comme  un  sacrement  et  comme  un 
modèle,  p.  193. 

CROIX  (signe  de  la  croix),  est  en  grande  vé- 
nération chez  tous  ceux  qui  confessent  que  Jésus- 
Christ  crucifié  est  Dieu  ,  p.  134.  Julien  l'Apostat 
chasse  les  démons  par  le  signe  de  la  croix,  ibid. 


TABLE  ANALYTIQUE. 

Saint  anachorète  guéri  par  le  signe  de  la  croix,  îT/k/.  va  de  même 
Les  chrétiens  font  le  signe  de  la  croix  sur  leur  verre  Thècle,  ibid. 
avant  de  boire,  ibid.  Nous  devons  à  chaque  action  le  CYRÎAQUE 

faire  sur  nous,  p.  322. 

CRONE,  disciple  de  saint  Antoine.  Saint  Pétrone 
le  visite,  p.  161. 

CUMÉRIUS ,  prêtre  ,  porte  à  Clovis  une  lettre  du 
pape  Anastase,  p.  520. 

CYCLE.  Rome  et  Alexandrie  ont  chacun  le  leur, 
p.  170.  En  Orient  on  suit  toujours  celui  d'Alexan- 
drie; en  Occident  celui  de  Rome  n'a  pas  toujours  eu 
le  même  crédit,  ibid.  Différence  de  ces  deux  cycles 
pour  le  jour  de  Pâques  en  Ui  et  445,  ibid.  et  176. 
Cycle  de  Victorius,  p.  176. 

CYNÉGIUS  (comte).  Firmus  lui  écrit ,  p.  150. 

CYPRIEN  (saint).  Homélie  en  son  honneur, 
attribuée  à  saint  Victor  de  Vite,  p.  463. 

CYPRIEN,  évêque  de  Bordeaux  ,  assiste  au  con- 
cile d'Agde,  en  506,  p.  736. 

CYPRIEN,  évêque,  chassé  d'Afrique,  p.  67;  il 
porte  à  Théodoret  des  lettres  de  recommandation  de 
la  part  d'Eusèbe  d'Ancyre,  ibid. 

CYR.  Scandale  arrivé  en  cette  ville,  p.  79. 

CYR,  prêtre  de  Timoihée  Elure,  p.  406. 

CYRE  (saintk),  se  renferme  dans  un  lieu  proche 
de  la  ville  de  Bérée  avec  sainte  Marane  ,  p.  63;  sa 
vie  austère  et  son  respect  pour  le  sacerdoce  ,  ibid. 
Elle  fait  le  voyage  de  Jérusalem  à  jeun,  p,  64.  Elle 


773' 

en  Isaurie   visiter  l'église  de  Sainte- 


diacre.  Est  chargé  d'avertir  les  évê- 
ques  de  se  trouver  au  concile  de  Chalcédoine,  p.  684. 

CYRIAQUE,  évêque  de  Lodi,  assiste  au  concile  de 
Milan  de  451,  p,681  ;  est  porteur  de  la  lettre  syno- 
dale de  ce  concile  au  pape  saint  Léon,  ibid. 

CYRIAQUE  (saint).  Monastère  à  Constantinople 
du  nom  de  ce  saini  fondé  par  Gratissimus  ,  grand 
chambellan  ,  p.  245 

CYRILLA ,  patriarche  des  ariens  ,  monte  sur  un 
trône  élevé  pour  la  conférence  de  484  où  il  refuse 
de  parler,  p.  455.  Il  fait  enlever  un  enfant  de  condi- 
tion pour  le  rebaptiser,  p.  261 . 

CYRILLE  (saint)  ,  patriarche  d'Alexandrie.  Firmus 
lui  écrit,  p.  151,  152.  Gennade  de  Constantinople 
fait  un  écrit  injurieux  contre  ce  saint  évêque,  p.  343 
et  345. 

CYRILLE,  diacre,  brise  quantité  d'idoles,  p.  46; 
il  est  tué  sous  Julien  l'Apostat  par  les  païens,  ibid. 

CYRUS,  prêtre  d'Edesse  ,  accuse  Ibas  son  évêque 
auprès  de  saint  Procle,  p.  144,  et  de  Domnus  d'An- 
lioche,  ibid.  Il  se  retire  à  Constantinople,  ibid.  Sa 
réconciliation  avec  Ibas,  p.  145.  Il  recommence  la 
procédure.  Ses  chefs  d'accusation,  p.  14''. 

CYRUS  d'Alexandrie,  médecin  de  profession ,  se 
fait  moine  et  compose  un  traité  contre  Nestorius, 
p.  471. 


D. 


DADOLÈNE  ,  vierge,  à  qui  saint  Perpétue  confie 
un  exemplaire  de  son  testament,  p.  439. 

DAGILA,  femme  du  maître  d'hôtel  d'Hunéric,  con- 
fesse plusieurs  fois  Jésus-Christ  dans  la  persécution 
de  Gensérie,  p.  460. 

DANIEL  (saint)  Stylite.  Gennade,  patriarche  de 
Constantinople,  l'ordonne  prêtre  malgré  lui,  p.  344; 
Daniel  vient  à  Constantinople  pour  soutenir  la  foi, 
p.  404  et  405.  Eu|ihémius  ,  évêque  de  Constantino- 
ple, assiste  à  sa  mort,  p.  485. 

DANIEL ,  évêques  de  Carrhes  ,  est  accusé  avec 
Ibas,  son  oncle,  p.  145. 

DARDANIE.  Lettre  du  pape  Gélase  aux  évêques 
de  Dardanie,  p.  494. 

DAVID  a  écrit  les  psaumes  par  l'opération  du 
Saint-Esprit,  p.  108. 

DAVID  ,  diacre  d'Edesse.  On  le  nomme  pour  té- 
moin contre  Ibas  qui  le  récuse,  p.  146. 

DAVID,  évêque,  porte  une  lettre  de  saint  Léon  aux 
évêques  de  la  Mauritanie  Césarienne,  p.  199. 

DEDICACE  d'une  église.  On  en  joint  quelquefois 
la  fête  avec  celle  d'un  martyr,  p.  273. 

DELMACE.  Saint  Perpétue,  évêque  de  Tours,  lui 
confie  un  exemplaire  de  son  testament  ,  p.  439. 

DEMETKIADE  ,  vierge.  L'autoiu-  du  livre  Ue  la 
Vocation  des  Gentils  lui  écrit,  p.  246. 


DÉMOCRITE.  En  quoi  il  met  le  bonheur  de 
l'homme,  p.  97. 

DEMON  ou  diable.  11  n'est  mauvais  que  par  sa 
volonté,  p.  1 18.  Il  n'est  déchu  de  l'état  de  gloire  où 
il  a  été  créé  que  par  l'orgueil  et  l'amour  de  l'indé- 
pendance, ibid.  Pourquoi  le  Sauveur  lui  a  permis  de 
le  tenter  ,  p.  186.  Il  met  sa  joie  dans  la  chute  des 
saints,  p.  283. 

DÉMONS.  Les  rnessaliens  disaient  que  l'assiduité 
seule  à  la  prière  les  chasse,  p.  47;  que  le  Saint-Es- 
prit vient  à  leur  place,  ibid.  ;  ils  ne  sont  mauvais  que 
par  leur  volonté,  p.  118.  Les  démons  ne  sont  déchus 
de  l'état  de  gloire  que  par  l'orgueil  et  l'amour  de  l'in- 
dépendance, ibid.  ;  quoiqu'incorporels  ils  trompent 
les  hommes  en  se  montrant  à  eux  sous  différentes 
formes,  ibid.  Doctrine  de  Théodoret,  p.  118;  de 
saint  Léon,  p.  186.  Témoignage  d'Isaac-le-Grand, 
p.  579. 

DENIS  (saint)  ,  l'Aréopagite.  Histoire  de  sa  vie, 
p.  534.  D'après  une  tradition,  il  serait  le  même  que 
saint  Denis  de  Paris,  ibid.  Mission  de  celui-ci  dans 
les  Gaules  au  I^r  siècle,  ibid.  et  suiv.  Preuves  que 
saint  Denis  est  l'auteur  des  livres  qui  portent  son 
nom,  p.  539  et  751.  Réponse  des  contradicteurs, 
p.  541  et  542.  Preuves  que  ces  écrits  ne  sont  pas  de 
saint  Denis,  p.  542  et  543.  Réponses  des  défenseurs 


774 


TABLE  ANALYTIQUE. 


de  saint  Denis ,  p.  543.  Ce  qu'on  peut  penser  des 
écrits  de  saint  Denis,  p.  544.  Analyse  du  livre  de, 
la  Hiérarchie  céleste ,  ibid.  ;  du  livre  de  la  Hiérar- 
chie ecclésiastique,  p.  546;  du  livre  (to  Noms  Divins, 
p.  550  ;  du  livre  de  la  Théologie  mystique  ,  p.  551. 
Lettres  de  saint  Denis,  ibid.  Ouvrages  perdus,  p.  552. 
Editions  de  ses  œuvres,  p.  553.  Voyez  Supplément. 

DENIS  (duc),  oblige  Timothée  Elure  de  sortir 
d'Alexandrie,  p.  176. 

DENIS,  patriarche  des  Jacobites,  p.  142. 

DENISE  (sainte)  ,  confesse  la  foi  sous  Hunéric 
avec  son  fils  Majoric,  martyr,  p.  459. 

DEOGRATIAS  est  élu  évêque  de  Carthage  en  454  ; 
sa  charité,  p.  450. 

DÉSIRÉ.  Saint  Sidoine  lui  donne  avis  de  la  mort 
d'une  dame  nommée  Philimacie,  p.  384. 

DÉVOTION  (la)  est  plus  efficace  et  plus  agréable 
à  Dieu  lorsque  tous  les  fidèles  sont  unis  par  les  mê- 
mes sentiments  et  les  mêmes  affections  dans  la  pra- 
tique des  œuvres  de  piété  ,  p. '273. 

DEXIEN  ,  métropolitain  de  Séleucie  ,  assiste  au 
concile  d'Ephèse  avec  Jean  d'Antioche,  p.  162. 

DIACRES.  Théodoret  se  sert  de  leurs  mains  au 
lieu  d'autel  pour  offrir  le  divin  sacrifice  ,  p.  59  ;  il 
est  contre  la  coutume  de  leur  imposer  la  pénitence 
publique,  p.  200  et  261 .  En  quels  Jours  doit  se  faire 
leur  ordination,  p.  203;  on  doit  exclure  les  bigames 
du  diaconat,  p.  261.  Il  faut  qu'Usaient  exercé  long- 
temps les  fonctions  du  diaconat  pour  être  promus  au 
sacerdoce  ,  p.  200;  ils  sont  tenus  à  la  continence, 
p.  261  ;  ils  doivent  déférer  aux  prêtres  avec  toute 
sorte  d'humilité,  p.  709  ;  il  leur  est  défendu  de  s'as- 
seoir en  présence  des  prêtres,  p.  743. 

DIADOQUE,  évêque  de  Pholice  en  Epire,  p.  448. 

DIAPSALMA.  Diverses  interprétations  qu'on  donne 
à  ce  mol ,  p.  35. 

DICTINIUS  s'engage  dans  l'erreur  def  priscillia- 
nistes,  p.  208  ;  saint  Léon  défend  la  lecture  de  ses 
sermons  et  de  ses  écrits,  ibid.  ;  il  abjure  le  priscil- 
lianisme  au  concile  de  Tolède  en  400  et  est  fait  évê- 
que d'Astorga,  ibid. 

DIEU.  Pourquoi  Dieu  commande  aux  Juifs  de  l'a- 
dorer en  un  seul  lieu,  p-  32  ;  il  lui  était  facile  de 
procurer  le  salut  des  hommes  sans  se  faire  homme 
lui-ffiême,  p.  94  ;  il  pouvait  parler  aux  hommes  du 
haut  du  ciel,  ibid.  ;  pourquoi  il  ne  l'a  pas  fait,  ibid. 
C'est  lui  qui  fait  vouloir  les  uns  et  ne  fait  pas  vou- 
loir les  autres,  p.  301. 

DIMANCHE.  L'évêque  doit  assister  le  dimanche  à 
l'office  de  l'église  la  plus  proche  du  lieu  où  il  se 
trouvera,  p.  706;  il  est  défendu  à  tous  les  clercs 
d'exercer  aucun  jugement  le  dimanche,  p.  748.  La 
coutume  de  faire  les  ordinations  ce  jour-là  est  de 
tradition  apostolique,  p.  248;  le  dimanche  commence 
dès  le  soir  du  samedi,  ibid. 

DINCOMALE  ,  maître  des  offices ,  assiste  au  con- 
cile de  Chalcédoine,  p.  683. 

DIODORE,  évêque  de  Tarse.  Saint  Cyrille  écrit 
contre  lui,  p.  22.  Théodoret  prend  sa  défense,  ibid. 
Diodore  prend  soin  de  l'Eglise  d'Antioche  en  la  place 
de  Mélèce,  p.  47. 


DIODORE ,  prêtre  d'Antioche  vers  l'an  350.  On 
dit  qu'il  est  le  premier  qui  ait  fait  chanter  les  Psau- 
mes de  David  à  deux  chœurs,  p.  137. 

DIOGÈNE  est  fait  évêque  quoique  bigame,  p. 
23. 

DIOGÈNE,  évêque  de  Cyzique,  assiste  au  faux  con- 
cile d'Ephèse ,  p.  677  ;  il  souscrit  à  la  définition  de 
foi  de  Chalcédoine  pour  ceux  de  ses  suffragants  qui 
sont  absents,  p.  692. 

DIOSCORE,  archidiacre  d'Alexandrie,  est  élu  évê- 
que de  cette  ville  après  la  mort  de  saint  Cyrille  , 
p.  204.  Il  donne  avis  de  son  ordination  à  saint  Léon 
qui  lui  écrit,  ibid.  et  205.  Il  est  le  défenseur  de 
l'hérésie  d'Eutychès,  p.  17.  Théodoret  lui  est  odieux, 
p  22.  Dioscore  lui  suscite  des  ennemis,  l'anathéma- 
tise  ,  et  envoie  des  évèques  à  Constantinople  pour 
l'accuser,  ibid.  et  70;  il  est  déposé  ,  p.  23.  Il  de- 
mande un  concile  à  l'empereur  ,  p.  173;  on  lui  en- 
voie la  lettre  de  convocation  pour  le  faux  concile 
d'Ephèse  en  349  ,  p.  675.  Il  procure  à  l'abbé  Barsu- 
mas  le  rang  de  juge  dans  ce  concile  ,  ibid.  L'empe- 
reur lui  donne  l'intendance  et  la  primauté  dans 
les  affaires  qui  doivent  s'y  traiter,  ibid.  Dioscore  y 
tient  la  première  place,  p.  676  ;  chasse  tous  les  no- 
taires à  la  réserve  des  siens,  de  ceux  de  Juvénal  et 
d'Eristrate,  ibid.  ;  ne  veut  pas  qu'on  commence  par 
la  question  de  la  foi,  ibid.  Quel  est  son  but ,  ibid  ; 
il  demande  qu'on  anathématise  quiconque  dit  deux 
natures  après  l'incarnation,  p.  678;  absout  et  réta- 
blit Eutychès,  ibid.  ;  propose  de  faire  lire  ce  qui  a 
été  fait  sur  la  foi  dans  le  premier  concile  d'Ephèse, 
ibid.  ;  il  dépose  Théodoret  qu'il  avait  exclu  de  ce 
concile  comme  chef  d'hérésie,  p.  23  et  73  ;  il  con- 
damne Flavien  et  Eusèbe,  p.  678.  Quelques  évêques 
se  jettent  à  ses  genoux  pour  l'empêcher  de  déposer 
Flavien,  p.  679  ;  il  appelle  à  son  secours  les  officiers 
de  l'empereur,  et  intimide  tellement  les  évêques, 
qu'ils  souscrivent  à  la  condamnation  de  Flavien  et 
d'Eusèbe  sur  un  papier  blanc,  ibid.  Son  parti,  comme 
suspect  d'erreur  ,  a  le  côté  le  moins  honorable  dans 
le  concile  de  Chalcédoine,  p.  684.  Les  légats  deman- 
dent qu'on  fasse  sortir  Dioscore,  iM.  On  lui  ordonne 
de  s'asseoir  au  milieu  comme  accusé  ,  ibid.  ;  il  de- 
mande qu'on  lui  lise  les  actes  du  faux  concile  d'E- 
phèse ;  il  s'y  oppose  ensuite  et  demande  qu'on  traite 
d'abord  la  question  de  la  foi ,  ibid.  ;  ceux  de  son 
parti  crient  qu'on  mette  Théodoret  dehors  du  con- 
cile, ibid.  Il  est  cité  plusieurs  fois  au  concile,  p.  687. 
Requêtes  que  plusieurs  clercs  et  laïques  d'Alexan- 
drie présentent  contre  lui ,  ibid.  ;  il  est  cité  pour  la 
troisième  fois  ;  sentence  prononcée  contre  lui , 
p.  688.  Elle  lui  est  signifiée,  ibid.;  il  est  relégué  à 
Gangres  ,  en  Paphiagonie ,  où  il  meurt  en  454  , 
p.  689.  Timothée  Elure  met  son  nom  dans  les  dyp- 
tiques,  p.  177. 

DIOSCORE,  prêtre  d'Alexandrie,  présente  une  re- 
quête aux  légats  du  pape  Anastase,  p.  519. 

DIVINITÉ  (LA)  est  unie  en  Jésus-Christ  avec  la 
nature  humaine  sans  aucune  confusion  dans  l'une  ou 
dans  l'autre,  p.  81  ;  cette  union  s'est  faite  dans  le 
moment  même  que  la  sainte  Vierge  a  conçu,  ibid.  La 


TABLE  ANALYTIQUE. 


77S 


divinité  est  impassible  de  sa  nature,  ibid.  Son  abais- 
sement nous  a  élevés,  p.  253. 

DOLIQUE,  ville  de  Syrie,  p.  76. 

DOMIÏIEN  ,  évèque.  Saint  Léon  le  choisit  pour 
son  légat  en  Orient,  p.  236. 

DO.MITIUS,  professeur  de  rhétorique  dans  la  ville 
de  Clermont,  p.  384  et  398. 

DOMNIN,  diacre,  est  chargé  d'avertir  les  évêques 
de  se  trouver  au  concile  de  Cbalcédoine,  p.  684. 

DOMNIN,  fait  évèque  de  Césarée  quoique  bigame, 
p.  23. 

DOMNINE  (sainte).  Son  genre  de  vie,  p.  64. 

DOMNITIUS.  Saint  Sidoine  lui  décrit  l'entrée  de 
Sigismer  à  Lyon,  p.  388. 

DOMNULUS ,  homme  de  piété,  se  retire  souvent 
dans  le  monastère  du  mont  Jura.  Saint  Sidoine  lui 
marque  l'élection  de  Jean  de  Chàlons  ,  p.  389. 

DOMNUS,  évèque  d'Antioche,  neveu  et  successeur 
de  Jean  d'Antioche,  p.  17.  Il  est  ordonné  diacre 
par  Juvénal  de  Jérusalem,  ibid.  Il  envoie  des  évêques 
à  Constantinople  pour  la  défense  de  Théodoret  et 
des  Orientaux,  p.  22.  Théodoret  lui  écrit,  p.  23,  et 
le  porte  à  la  compassion  envers  le  sénateur  Célestia- 
que  et  une  dame  de  Carlhage ,  p.  66.  Domnus  fait 
part  à  Théodoret  de  la  lettre  de  Dioscore,  p.  70.  Les 
accusateurs  d'ibas  lui  donnent  leurs  libelles,  p.  144; 
il  assemble  un  concile  nombreux,  p.  145.  Il  est  sus- 
pect aux  accusateurs  qui  demandent  d'autres  juges, 
ibid.  Il  renvoie  la  cause  d'Athanase  de  Perrha  à  Pa- 
nolbius  son  métropolitain,  p.  666;  écrit  à  Athanase 
de  se  rendre  au  concile  d'Antioche,  ibid.,  est  obligé 
de  joindre  son  sentiment  à  celui  du  plus  grand  nom- 
bre, p.  667,  consent  au  rétablissement  d'Eutychès, 


p.  678.  Il  souscrit  à  la  condamnation  de  Flavien  et 
d'Eusèbe,  p.  679;  est  déposé  dans  le  même  concile, 
ibid. 

DOMNUS,  évèque  d'Apamée.  Théodoret  lui  écrit , 
p.  71. 

DONAT,  évèque  de  Salicine,  se  convertit  avec  son 
peuple  de  l'hérésie  des  novatiens,  p.  199;  il  avait 
été  ordonné  évèque  sans  passer  par  les  divers  de- 
grés du  ministère  ecclésiastique,  ibid. 

DONAT  d'Afrique,  assiste  en  487  à  un  concile  de 
Rome.  p.  720. 

DONIDE.  Saint  Sidoine  lui  écrit,  p.  384,  et  lui  fait 
acheter  la  moitié  de  la  terre  d'Ebreville,  p.  385. 

DOROSTOLE,  ville  de  la  Thrace,  p.  46. 

DOROTHÉE,  abbé  eutychien.  L'empereur  le  met 
en  un  lieu  où  il  ne  peut  nuire  à  personne  ,  p.  233. 
Il  refuse  de  souscrire  à  la  lettre  de  saint  Léon  à  Fla- 
vien ,  p.  690.11  soutient  qu'Eutychès  est  catholique  et 
qu'il  suffit  de  dire  que  celui  qui  a  souffert  est  de  la 
Trinité  ,  ibid. 

DORUS,  évèque  de  Hénévent ,  ordonne  prêtre  un 
nommé  Epicarpe  et  le  met  à  la  tète  de  tous  ses  prê- 
tres, p.  210.  Saint  Léon  le  reprend  très  sévèrement, 
ibid. 

DORYLÉE,  ville  de  Phrygie,  p.  23. 

DOSITHÉE,  novateur,  p.  482. 

DRACILIEN,  vicaire  des  préfets  du  prétoire  et 
gouverneur  do  la  Palestine,  p.  133.  Ordre  que  lui 
donne  l'empereur  Constantin,  ibid. 

DRACONCE,  prêtre  espagnol.  Ses  écrits,  p.  587. 

DIÎLCITIUS  ,  notaire  de  l'Eglise  romaine  et  légat 
du  pape  saint  Léon  au  faux  concile  d'Ephèse,  p.  173 
et  335. 


E. 


ECDITIUS  ou  EGDITIUS,  beau-frère  de  saint  Si- 
doine qui  lui  fait  une  relation  des  violences  que  Sé- 
ronate  exerçait  dans  l'Auvergne,  p.  384;  il  défend 
la  ville  do  Clermont  et  chasse  les  Golhs  de  l'Auver- 
gne ,  p.  385.  L'empereur  Népos  le  fait  patrice , 
p.  389.  Saint  Sidoine  lui  adresse  un  poème,  p.  397. 

ECCLÉSIASTIQUES.  Défense  de  les  recevoir  dans 
un  autre  diocèse  sans  le  témoignage  de  leur  évèque, 
p.  337.  Les  tutelles  leur  sont  défendues  dès  le  temps 
dcsaint  Cyprien,p.  697.  On  n'en  doit  ordonner  aucun 
sans  l'attacher  à  quelque  église,   ibid.  Voyez  Clercs. 

ECLIPSE  de  lune.  Abus  qui  régnait  dans  le  peuple 
de  Turin,  quand  il  en  arrivait  une,  p.  323. 

ECRITURE  SAINTE.  Vectius,  laïque  delà  pre- 
mière qualité  ,  lisait  assidûment  l'Ecriture  sainte  et 
se  la  faisait  lire  durant  le  repas  ,  p.  387.  Usage  de 
la  lire  le  samedi  saint,  p.  192.  Règle  pour  expliquer 
ce  qui  y  est  dit  en  général  du  salut  de  tous  les  hom- 
mes, p.  242  et  244.  Les  livres  historiques  ne  sont 
pas  moins  l'ouvrage  du  Saint-Esprit  que  les  prophé- 
tiques, ji.  108  ;  ils  sont  les  fontaines  du  Sauveur, 
p.  112.  Doctrine  de  saint  Pierre  Chrysologue,  p.  9; 


de  Théodoret,  p.  108  et  suiv.  ;  du  pape  saint  Léon, 
p.  247.  Livres  de  l'Ecriture  sainte  admis  par  le  dé- 
cret du  pape  saint  Gélase,  p.  723. 

EDÉSIUS,  jeune  homme,  fait  le  voyage  des  Indes, 
est  pris  par  les  barbares,  p.  138.  Le  roi  le  fait  inten- 
dant de  sa  maison  ,  ibid.  Des  marchands  chrétiens 
lui  proposent  de  s'assembler  et  de  célébrer  ensem- 
ble les  saints  mystères,  ibid.  Il  s'en  retourne  en  sa 
patrie  et  informe  saint  Athanase  de  l'ardeur  que  les 
Indiens  témoignent  pour  la  religion  chrétienne, 
ibid. 

EGES,  ville  de  la  Cilicie,  p.  67. 

EGLISE  CATHOLIQUE.  Constantin  lui  procure  la 
paix  qui  est  bientôt  troublée  par  une  nouvelle  er- 
reur, p.  43.  Elle  retentit  des  louanges  de  la  croix 
à  la  mort  de  Julien  l'Apostat,  p.  46.  Elle  a  reçu  des 
apôtres  la  pratique  où  elle  est  encore  aujourd'hui  de 
glorifier  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  p.  113.  Il 
n'y  en  a  qu'une  dans  tout  le  monde,  parce  que  toutes 
les  Eglises  s'accordent  dans  la  profession  des  mêmes 
dogmes,  p.  120.  Elle  est  appelée  par  saint  Paul, 
l'assemblée  des  fidèles,  et  hors  d'elle  il  n'y  a  point  de 


776 


TABLE  ANALYTIQUE. 


salut,  p.  121  et  266.  Pourquoi  elle  attribue  aux 
personnes  divines  des  propriétés  particulières ,  p. 
194.  Quel  est  le  motif  qui  l'a  obligée  de  retenir  les 
jeûnes  de  l'Ancien  Testament,  p.  249.  Les  proprié- 
tés de  sa  foi,  ihid.  et  250.  Les  dons  de  toutes  les 
vertus  lui  ont  été  donnés  par  le  Saint-Esprit,  p.  266. 
Elle  a  pris  naissance  avec  Jésus-Christ  ,  ihid.  En 
quoi  consiste  la  force  de  sa  foi  ,  ibid.  Elle  est  l'é- 
pouse d'un  seul  homme,  Jésus-Christ,  p.  267.  Les 
églises  particulières  ont  des  privilèges,  ibid.  La  paix 
et  la  tranquillité  de  l'Eglise  dépendent  de  l'observa- 
tion des  canons  du  concile  de  Nicée,  p.  268.  Doctrine 
de  Théodoret  sur  l'Eglise,  p.  120;  de  saint  Léon, 
p.  266. 

EGLISE  ROM.\INE.  Sa  prééminence,  p.  121,  266 
et  724.  Elle  est  le  chef  de  toutes  les  Eglises  du  monde, 
p.  454.  Elle  possède  les  sépulcres  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul,  les  pères  et  les  maîtres  communs  de 
la  vérité  ,  p.  121.  Ce  sont  eux  qui  ont  rendu  cette 
Eglise  si  illustre  et  si  vénérable,  ibid.  Témoignage 
de  saint  Eugène  de  Carthage  rapporté  par  saint 
Victor  de  Vite,  p.  454. 

EGLISES.  L'évêque  a  la  juridiction  sur  toutes  les 
églises  que  l'on  bâtit  dans  son  diocèse,  p.  745.  Dé- 
fense aux  évêques  de  consacrer  de  nonvelles  églises 
sans  les  pouvoirs  nécessaires,  p.  502.  Les  églises  des 
Goths  doivent  être  réconciliées  avec  les  mêmes  cé- 
rémonies que  celles  des  catholiques,  p.  745.  Etat  des 
églises  dans  les  Gaules  au  temps  de  saint  Sidoine, 
p"".  391  et  392. 

EGYPTE.  Timothée  Elure  y  commet  toute  sorte 
de  violences  pour  y  établir  l'eutychianisme,  p.  176 
Les  évêques  se  sauvent  à  Constantinople  où  ils  pré- 
sentent une  requête  à  l'empereur,  p.  177  et  234. 
Saint  Léon  leur  écrit  pour  les  consoler,  p.  235.  Il 
leur  fait  part  des  soins  qu'il  s'est  donnés  pour  eux  au- 
près de  l'empereur,  ibid. 

ELAPHE  ,  bâtit  une  église.  Saint  Sidoine  en  fait 
la  dédicace,  p.  382. 

ELEUSINIUS  ,  diacre  du  monastère  d'Eutychès, 
est  appelé  au  concile  de  Constantinople  de  448  ,  p. 
672  ;  il  est  député  par  son  abbé  à  l'assemblée  de  449, 
p. 674. 

ELEUTHERE  ,  évêque.  Saint  Sidoine  lui  recom- 
mande un  Juif,  p.  390. 

ELIE  ,  prophète  ,  bâtit  un  autel  sur  le  mont  Car- 
mel  et  y  offre  un  sacrifice,  p.  33.  Dieu  se  servira  de 
son  ministère  pour  le  prochain  avènement  du  Sau- 
veur, p.  87. 

ELIE ,  prêtre  et  abbé  de  Constantinople.  Saint 
Léon  lui  écrit,  p.  217. 

ELIE,  solitaire  de  la  Thébaïde.  Saint  Pétrone  le 
visite,  p.  160. 

ELIE  de  Jérusalem  ,  s'unit  de  communion  avec 
Macédonius  de  Constantinople,  p.  488. 

ELPIDE  ,  comte  du  consistoire.  L'empereur  l'en- 
voie à  Ephèse  ,  pour  empêcher  qu'il  n'arrive  du  tu- 
multe, p.  675.  Pouvoir  qu'il  lui  donne,  p.  ibid.  Il  lit  la 
commission  de  l'empereur,  p.  676.  Il  demande  que, 
l'on  fasse  entrer  Eutychès  ,  idib.  Dioscore  l'appelle 
à  son  secours,  p.  679.  Il  (ait  venir  le  proconsul  avec 


des  chaînes  et  un  grand  nombre  de  personnes  ar- 
mées, ihid. 

EMILIEN,  défenseur  intrépide  de  la  foi  chrétienne, 
est  brûlé  vif  à  Dorostole.  p.  46. 

EMMANUEL  ,  prêtre  et  abbé  de  Constantinople 
SaintLéon  lui  écrit,  p.  214. 

ENCRATITES,  hérétiques,  enseignent  que  le  ma- 
riage vient  de  Satan,  p.  131.  Ils  s'abstiennent  de  la 
chair  et  du  vin  ,  p.  130.  Ils  n'offrent  que  de  l'eau 
dansleurs  mystères,  d'où  leur  vient  le  nom  d'hydro- 
parastates  ou  aquariens,  ihid.   ■ 

ENDURCISSEMENT.  Gomment  on  peut  dire  que 
Dieu  endurcit  quelqu'un,  p.  28. 

ENÉE,  évêque  de  Paris  3U  ixo  siècle,  atteste  que 
Vigile  de  Tapse  écrivit  à  Constantinople  ses  livres 
contre  Eutychès,  p.  472. 

ENÉE  de  Gaze  ,  philosophe  chrétien  au  commen- 
cement du  VF  siècle.  Son  dialogue  sur  l'Immortalité 
de  l'âme  et  sur  la  Résurrection  des  corps,  p.  490  et 
suiv.  Analyse  de  ce  dialogue,  ibid.  Editions  de  ce 
dialogue,  p.  492  et  493.  Enée  de  Gaze  voit  des 
confesseurs  de  Jésus -Christ  parler  sans  langue, 
p.  459. 

ENFANTS  DE  DIEU.  Ce  que  l'Ecriture  entend  par 
là,  p.  118.  Sentiment  de  quelques  anciens  qui  croient 
que  ce  sont  les  anges,  ibid. 

ENNODE  (saint)  ,  évêque  de  Pavie  et  confesseur. 
Sa  naissance  vers  l'an  473.  Ses  études,  p.  569.  Son 
mariage,  570.  Il  est  fait  diacre,  s'applique  à  l'étude 
des  sciences  ecclésiastiques  ,  ibid.  Il  est  fait  évêque 
de  Pavie,  est  député  en  Orient  et  meurt  en  521,  ibid. 
Ecrits  d'Ennode.  Lettres  ,  p.  571.  Panégyrique  du 
roiThéodoric,  p.  573.  Apologie  deSymmaque,  ibid. 
Vie  de  saint  Epiphane,  évêque  de  Pavie,  p.  574. Vie  du 
bienheureux  Antoine.  Eucharislicon,  p.  575.  Exhor- 
tation à  Ambroise  et  Béatus.  Ordonnance  touchant 
les  clercs ,  ibid.  Acte  d'affranchissement  ;  bénédic- 
tion du  cierge  pascal,  dictions  ou  discours,  p.  576. 
Poésies,  ihid.  Jugement  des  écrits  d'Ennode.  Edi- 
tions qu'on  en  a  faites,  p.  577. 

ENTIOLE,  évêque,  recommande  son  frère  Rémi  à 
saint  Sidoine,  p.  394. 

EPARCHIUS,  évêque  de  Clermont  en  Auvergne. 
Saint  Sidoine  est  élu  malgré  lui  pour  lui  succéder, 
p.  380. 

EPHÈSE.  Lettre  de  saint  Léon  au  concile  tenu  en 
449  à  Ephèse,  p.  214. 

EPIIREM  d'Anlioche  dit  qu'aucun  saint  avant  saint 
Léon,  n'a  donné  à  Marie  le  titre  de  Mère  de  Dieu, 
p.  230,  [mais  il  a  tort.] 

EPICARPE  est  ordonné  prêtre  de  Bénévent  et 
mis  à  la  tête  de  tous  les  prêtres  contre  l'ordre  de  la 
discipline,  p.  210. 

EPICURE.  En  quoi  il  met  le  bonheur  de  l'homme, 
p.  97. 

EPIPHANE  (saint),  évêque  de  Pavie,  p.  574.  Il 
est  envoyé  dans  les  Gaules  par  Théodoric  pour  ra- 
cheter dos  captifs,  ibid.  Saint  Ennode  écrit  la  vie  de 
saint  Epiphane,  ibid. 

EPIPHANE  ,  diacre  de  Constantinople,  est  député 
au  pape  Siniplice  par  Acace,  p.  131.  Est  chargé  de 


TABLE  ANALYTIQUE. 


777 


citer  Eutychès,  p.  671.  Il  fait  son  rapport  au  concile, 
ibid. 

EPIPHANE,  laïque,  député  au  pape  Simplice  par 
ceux  de  Constantinople,  p.  iOS. 

EPIPHANIE.  Différence  de  la  veille  de  celle  fote 
avec  celle  de  Pâques,  p.  359. 

EPISCOPAT.  Qui  sont  ceux  qu'on  ne  doit  point  y 
adraetlre,  p.  205,  261,  262.  Le  clergé  et  le  peuple 
doivenl  avoir  part  à  l'élection  de  ceux  qu'on  élève  à 
celte  dignité,  p.  262. 

EQUICE ,  évêque  ,  écrit  au  pape  Simplice  contre 
Gaudence,  évêque  d'Ausinium,  p.  4.02. 

ERANISTE,  c'est-à-dire  quêteur,  p.  79;  ouvrage 
de  Tliéodoret  ainsi  intitulé  ,  ibid.  A  quelle  occasion 
il  a  été  fait,  ihid. 

ERASISTRATE,  évêque  de  Corintiie  et  métropo- 
litain de  l'Acliaïe,  ne  veut  point  se  soumettre  à  l'au- 
torilé  d'Anastase  de  Thessalonique,  p.  206.  11  ordonne 
un  évêque  à  Tespie  malgré  la  résistance  et  l'opposi- 
tion du  peuple,  ibid. 

ERECTHE  ,  homme  sans  réputation  cité  par  Ti- 
mothée  Elure.  Il  était  évêque  d'Antioche  en  Pisidie, 
p.  406.  Ses  écrits,  ibid. 

ERIPHIUS,  à  qui  saint  Sidoine  écrit  sur  la  fêle  de 
saint  Just,  p.  389. 

ERREUR.  On  l'approuve  quand  on  ne  s'y  oppose 
pas,  p.  Erreurs  qui  tirent  leur  origine  de  l'hérésie 
d'Apollinaire,  p.  48. 

ESCL.WES.  Pour  les  ordonner  il  faut  qu'ils  soient 
mis  auparavant  en  liberté  par  leur  maîlre,  p.  262. 

ESDRAS.  Théodoret  croit  qu'il  a  rétabli  tous  les 
Livres  saints  parla  seule  inspiration  du  Saint-Esprit, 
p.  37. 

ESPAGNE  (l')  est  exposée  vers  l'an  409  en  proie 
aux  Vandales  et  aux  Alains,  p.  448. 

ESPRIT-SAINT  (l')  est  Dieu  ,  égal  au  Père  et  au 
Fils  de  qui  il  procède,  p.  655  et  suiv.  Sa  majesté 
n'a  jamais  été  séparée  de  la  toute-puissance  du  Père 
et  du  Fils,  p.  251.  Les  macédoniens  le  croyaient 
d'une  nature  inférieure  au  Père  et  au  Fils  ,  ibid.  Il 
doit  être  adoré  par  ime  et  même  vénération  que  le 
Père  et  le  Fils,  p.  457.  Il  a  la  même  divinité  que  le 
Père  et  le  Fils ,  p.  460.  Preuves  de  la  divinité  du 
Saint-Esprit,  p.  530,531.  Profession  de  foi  des 
évêques  catholiques  d'Afrique  sur  le  Saint-Esprit,  p. 
456,  457.  Péché  contre  le  Saint-Esprit  :  l'Ecriture 
ne  le  déclare  irrémissible  que  dans  les  incorrigibles, 
p,  506.  Doctrine  de  saint  Léon  sur  le  Saint-Esprit, 
pag.  250  et  251.  Sermon  sur  le  Saint-Esprit,  attri- 
bué à  Salvien,  mais  qu'on  convient  être  d'Arnaud  de 
Donneval,  p.  377.  Témoignages  sur  le  Saint-Espiit 
dans  la  profession  de  foi  des  évêques  catholiques 
d'Afrique,  p.  456.  Témoignage  de  saint  Eugène, 
p.  460.  Livre  de  Fauste  de  Riez  sur  le  Saint-Esprit, 
cité  par  Gennade,  p.  434.  Editions  qu'on  en  a  faites 
sous  le  nom  de  Paschase,  p.  437.  Raisons  pour  l'at- 
tribuer à  Fauste  de  Riez,  p.  528  et  529.  Analyse  des 
deux  livres  qui  le  composent,  p.  529  et  suiv.  Témoi- 
gnage de  saint  Avit  de  Vienne  sur  la  divinité  du 
Saint-Esprit,  p.  555  et  565. 

ETIENNE  ,  évêque  arien  d'Antioche  ,  successeur 


de  Jean  d'Aparaée,  p.  407;  est  déposé,  p.  45;  com- 
met des  injustices  et  des  impiétés  en  cette  ville, 
ibid. 

ETIENNE  ,  autre  évêque  d'Antioche  ,  recomman- 
dable  par  sa  vertu;  sa  mort  en  482,  p.  407. 

ETIENNE,  évêque  d'Ephèse.  Consent  au  rétablis- 
sement d'Eutychès,  p.  678.  Souscrit  à  la  condamna- 
tion de  Flavien  et  d'Eusèbe,  p.  679.  Se  plaint  dans  le 
concile  de  Chalcédoine,  que  touts'esl  passé  à  Ephèse 
par  force  et  par  violence,  p.  685.  Souscrit  à  la  con- 
damnation de  Dioscore,  p.  688.  Bascien  présente  au 
concile  une  requête  contre  lui,  p.  694.  On  lui  or- 
donne de  répondre,  ihid.  \  il  est  déposé,  p.  695; 
conserve  la  dignité  d'évêque  avec  une  pension  sur 
les  revenus  de  l'Eglise  d'Ephèse,  ibid. 

ETIENNE  ,  évêque  d'Hicraple  ,  assemble  les  évê- 
ques de  sa  province  et  ordonne  Sabinien  évêque  de 
Perrha,  p.  667. 

EUCHARISTIE.  Sentiment  de  saint  Jacques,  évê- 
que de  Batna  ,  sur  ce  mystère,  p.  642.  Explication 
d'un  passage  du  pape  Gélase  sur  l'Eucharistie , 
p.  510.  Tous  ceux  qui  ont  reçu  ce  baptême  ont  le 
même  droit  que  les  prêtres  de  participer  à  la  table 
mystique  du  Sauveur  ,  p.  124.  Les  fidèles  n'entrent 
dans  le  ciel  qu'après  avoir  participé  à  la  chair  du 
Sauveur  et  mangé  son  sacré  corps,  ibid.  Ce  que  si- 
gnifient ces  paroles  de  saint  Paul  :  Quiconque  man- 
gera ce  pain,  etc.,  ihid.  Pourquoi  certains  hérétiques 
du  temps  de  saint  Ignace  ne  la  recevaient  pas,  ibid. 
On  ne  doit  la  recevoir  que  dans  l'Eglise  catholique, 
ibid.  Les  fidèles  la  reçoivent  dans  la  main  ,  ibid. 
et  125.  Dispositions  nécessaires  pour  s'en  appro- 
cher, ibid.  et  259.  Usage  de  la  conférer  en  même 
temps  que  le  baptême  et  la  confirmation,  p.  124  et 
259.  L'Eucharistie  est  une  preuve  de  l'Incarnation  ; 
son  effet  ,  p.  259.  On  donnait  l'Eucharistie  aux  pé- 
nitents lorsqu'ils  la  demandaient  à  la  mort,  p.  721. 
Eucharistie  profanée.  Les  ariens  répandent  sur  le 
pavé  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  et  le  foulent 
aux  pieds,  p.  451 .  Doctrine  de  saint  Pierre  Chryso- 
logue  sur  l'Eucharistie,  p.  13;  de  Théodoret,  p.  124 
et  suiv.  Solution  des  objections  faites  par  les  sacra- 
mentaires  contre  quelques  passages  do  Théodoret, 
p.  125  et  suiv.  Doctrine  du  pape  saint  Léon,  p.  259. 
Doctrine  de  Gennade  de  Marseille,  p.  605. 

EUCHER  (saint),  évêque  de  Lyon,  confie  à  Salvien 
le  soin  de  ses  deux  enfants,  Salone  et  Véran,  p.  359. 
Lettres  de  Salvien  à  Saint  Eucher,  p.  376. 

EUCHER.  Saint  Sidoine  fait  l'éloge  de  sa  valeur 
et  de  sa  noblesse,  p.  386. 

EUCHITES.  Sous  un  habit  religieux,  ils  sont  in- 
fectés de  l'hérésie  des  manichéens,  p.  53.  Saint 
Marcien  a  un  grand  éloignement  pour  eux,  ibid. 

EUCOLE,  veut  assassiner  Macédonius  patriarche 
de  Constantinople,  p.  488. 

EUDOXE,  évêque  de  Germanicie,  s'empare  du 
siège  épiscopal  d'Antioche,  après  la  mort  de  Léonce, 
p.  45  ;  avertit  Eunomius  de  cacher  ses  sentiments, 
ibid.  On  lui  défère  celui-ci,  ibid.  L'empereur  lui 
commande  de  le  déposer  du  sacerdoce,  ibid.  11  écrit 
à  Eunomius,  ibid. 


778 


TABLE  ANALYTIQUE. 


EUDOXIA ,  veuve  de  l'empereur  Valentinien. 
Maxime  la  conlraiiit  de  l'épouser,  p.  176.  Elle  invite 
Genséric  à  venir  se  rendre  maître  de  Rome,  ibid. 

EUDOXIE,  femme  de  Valentinien  et  fille  de  Théo- 
dose, vient  à  Rome  visiter  les  églises  de  cette  ville, 
p.  217.  Saint  Léon  la  conjure  d'écrire  à  l'empereur 
Théodose,  ibid.  Sa  lettre  à  ce  prince,  ibid.  Elle  se 
laisse  entraîner  dans  le  schisme,  p.  228.  Lettre  de 
saint  Léon  à  cette  princesse,  ibid. 

EUGENDE  (saint)  ,  ahbé  de  Condatiscone  ou  Condat, 
aujourd'hui  Saint-Claude  :  son  éducation,  si-s  vertus, 
p.  610.  Il  est  fait  évèque  de  Condatiscone.  Sa  con- 
duite, p.  611.  Il  meurt  vers  l'an  510,  ses  écrits. 
ibid. 

EUGÈNE  (saint),  évêque  de  Carthage,  p.  452.  Il 
présente  un  mémoire  au  roi  Hunéric,  il  guérit  un 
aveugle,  p.  454,  455.  Il  est  envoyé  en  exil.  Il  écrit 
aux  fidèles  de  Carthage,  p.  460,  461.  11  est  rappelé 
en  son  Eglise  en  484,  par  Gontamond,  p.  464.  Il  est 
relégué  par  Trasamond  à  Albi  dans  le  Languedoc, 
ibid,  et  465.  Sa  mort  en  505,  p.  465. 

EUGÉNlE(SAlNTE),  martyre  sous  Valérien.  Ce  que 
saint  Avit  dit  de  cette  sainte,  ne  peut  s'accorder 
avec  l'histoire  de  l'Église,  p.  567. 

EUGIPIUS,  disciple  de  saint  Séverin,  p.  517. 

EUGRAPHIE,  Théodoret  lui  écrit  une  lettre  de 
consolation  sur  la  mort  de  son  mari,  p.  65. 

EULALIUS,  évêqued'Arménie. Théodoret  lui  écrit, 
p.  68. 

EULOGE  prêtre,  du  clergé  d'Edesse,  accuse  Ibas, 
son  évèque,  auprès  de  saint  Proele,  p.  144.  Il  donne 
son  libelle  à  Domnus  d'Antioche,  ibid.  Il  va  à  Cons- 
tantinople  demander  à  l'empereur  d'autres  juges  que 
Domnus,  ibid.  Sa  réconciliation  avec  Ibas,  p.  145. 
Il  recommence  la  procédure  ;  ses  chefs  d'accusa- 
tion, ibid. 

EULOGE,  prêtre,  saint  Pétrone  le  visite,  p.  160. 
Dieu  lui  accorde  le  don  de  connaître  ceux  qui  se  pré- 
sentaient à  la  sainte  table,  ibid. 

EULOGE,  tribun  et  notaire.  L'empereur  l'envoie 
à  Ephèse.  Pouvoir  que  lui  donne  ce  prince,  p.  675. 
Dioscore  l'appelle  à  son  secours;  Euloge  fait  entrer 
le  proconsul  avec  des  chaînes,  et  un  grand  nombre 
de  personnes  armées,  p.  679. 

EUNOMIENS.  Leur  manière  de  baptiser  les  néo- 
phytes, p.  122. 

EULOGIES.  Usage  d'en  bénir  à  Pâques  en  l'hon- 
neur de  Dieu,  p.  181. 

EUNOMIUS,  usurpe  le  siège  de  Cyzique,  p.  45. 
Eudoxe  l'avertit  de  cacher  ses  sentiments,  ibid.  Il  est 
déféré  à  celui-ci  et  ensuite  à  l'empereur,  ibid.  Eu- 
doxe lui  écrit  de  quitter  l'épiscopat,  ibid.  II  se  rend 
chef  d'une  secte  particulière,  ibid.  11  ôte  la  triple 
immersion  et  l'invocation  de  la  Trinité  dans  le  bap- 
tême, p.  122.  Raison  qu'il  a  d'en  agir  ainsi,  ibid, 

EUNOMIUS,  évêque  de  Nicomédie  ,  présente  au 
concile  de  Chalcédoine  une  requête  en  plainte  con- 
tre Anastase  de  Nicée,  p.  695. 

EUPHÉMIUS  (saint),  évêque  de  Constanlinople  en 
490,  s'oppose  à  l'élection  d'Anastase,  p.  485. 11  écrit 
au  pape  Gélase,  p.  486.  Réponse  du  pape,  ibid.  et 


487.  Euphémius  confirme  les  décrets  du  concile  de 
Chalcédoine,  p.  487.  Il  se  sépare  de  la  communion 
de  Mongus,  et  efface  de  ses  propres  mains  son  nom 
des  diptyques,  p.  485.  Il  est  déposé  et  envoyé  en 
exil,  p.  487  et  488.  Sa  mort,  p.  488. 

EUPHRASIUS  s'oppose  au  rétablissement  d'ibas, 
p. 147. 

EUPHRATAS,  accusateur  de  saint  Flavien,  p.  176. 

EUPHRONE  (saint),  évêque  d'Autun.  Ce  qu'on 
en  sait,  p.  358.  Il  répond  avec  saint  Loup,  évêque 
de  Troycs ,  aux  difficultés  de  Thalase ,  évêque 
d'Angers,  p.  357,  358.  Sa  lettre  au  comte  Agrippin 
n'est  pas  venue  jusqu'à  nous,  p.  358.  Euphrone  as- 
siste au  concile  de  Châlons,  en  470,  p.  717. 

EUPNIUS.  Firmuslui  recommande  d'examiner  avec 
soin  une  affaire  portée  à  son  tribunal,  p.  152. 

EUPSIQUE,  homme  de  qualité.  Saint  Léon  le 
charge  d'une  lettre  pour  Flavien,  p.  23  et  24. 

EUPJC,  roi  des  Visigoths,  envoie  saint  Sidoine 
prisonnier  au  château  de  Liviane,  p.  381.  Il  fait  la 
paix  avec  l'empereur  Népos,  p.  422. 

EUSTATHE,  évêque  de  Marseille  après  saint  Vé- 
nérius,  p.  471 . 

EUSTOCHIUS  évêque  d'Arménie.  Théodoret  lui 
écrit,  p    68. 

EUSTOCHIUS,  évèque  de  Tours,  p.  438.  Il  assiste 
au  concile  d'Angers  en  453,  p.  708. 

EUSÈBE  (SAINT),  évêque  de  Milan.  Saint  Léon  lui 
écrit  pour  faire  approuver  sa  lettre  à  Flavien,  p.  223, 
et  saint  Eusèbe  assemble  un  concile  à  ce  sujet  et  en 
451,  p.  224,  319  et  320. 

EUSÈRE  (SAINT),  Ses  austérités,  p.  58; il  ne  veut 
recevoir  de  visite  que  de  Théodoret,  ibid. 

EUSÈBE  avocat.  Théodoret  lui  écrit,  p.  66, 

EUSÈRE,  évêque  d'Ancyre.  Plaintes  que  lui  adresse 
Théodoret,  p.  22.  Il  donne  des  lettres  de  recom- 
mandation à  l'évêque  Cyprien,  p.  67.  Théodoret  lui 
écrit,  p.  69  et  72.  Eusèbe  souscrit  à  la  condamna- 
tion d'Eusèbe  deDorylée  et  de  Flavien,  p.  679;  il  est 
déclaré  orthodoxe  à  Chalcédoine,  p.  686. 

EUSÈBE,  évèque  de  Chalcide,  va  voir  saint  Mar- 
cien,  p.  52. 

EUSÈBE,  évêque  de  Césarée,  écrit  ce  qui  est  ar- 
rivé de  plus  considérable  dans  l'Église  depuis  le 
temps  des  apôtres  jusqu'au  règne  de  Constantin,  p. 
43.  11  assiste  au  concile  de  Nicée,  p.  44.  Théodoret 
se  sert  de  son  témoignage  contre  les  ariens,  ibid. 

EUSÈBE,  évèque  de  Dorylée,  essaie  de  ramener 
Entichés  à  la  saine  doctrine,  p.  23.  Il  avertit  saint 
Flavien  de  l'opiniâtreté  d'Eutychès.  Il  assiste  au 
concile  de  Constantinople  de  448,  p.  669. 11  présente 
une  requête  contre  Eutychès,  ibid.  Flavien  le  prie 
de  voir  et  d'entretenir  Eutychès ,  ibid.  Il  demande 
qu'on  avertisse  les  évoques  qui  ne  s'étaient  pas  trou- 
vés à  la  première  session,  p.  670.  Craignant  dépas- 
ser pour  un  calomniateur,  il  continue  ses  instances, 
p.  671;  ne  veut  point  qu'on  permette  à  Eutcyhès  de 
se  défendre  par  procureur,  p.  672.  On  no  veut  pas 
qu'il  assiste  au  fiux  concile  d'Ephèse,  p.  676.  Flavien 
demande  qu'on  le  fasse  entrer.  Eusèbe  est  analhé- 
matisé  par  ce  concile  et  privé  de  toute  dignité  épis- 


I 


TABLE  ANALYTIQUE. 


779 


copale  et  sacerdotale,  p.  677.11  paraît  au  concile  do 
Clialcédoine  comme  accusateur  du  Dioscore,  p.68i; 
dsmande  qu'on  lise  sa  requête  à  l'empereur  contre 
Dioscore,  ibtd.  On  le  fait  asseoir  au  milieu  de  l'as- 
semblée avec  lui,  ibid.  Il  demande  qu'on  lise  les 
actes  du  faux  concile  d'Ephèse,  tbid.  11  est  juslifié. 
p.  685. 

EUSÈBE,  évèque  de  Péluse,  hérétique  et  déposé, 
ordonne  Timothée  Elure  évèque  d'Alexandrie,  p.  176. 

EUSÈBE,  évèque  d'Arménie.  Théodoret  lui  écrit, 
p.  68. 

EUSÈBE,  évèque  d'Emèse.  Théodoret  se  sert  de 
son  témoignage,  pour  montrer  que  la  divinité  est 
impassible  de  sa  nature,  p.  81 

EUSÈBE ,  évèque  de  Nicoraédie  ,  protecteur  de 
l'arianisme,  p.  ii.  Théodoret  le  blâme  d'avoir  quitté 
son  Eglise  pour  s'emparer  de  celle  de  Conslantino- 
ple,  ibid.  Eusèbe  avait  déjà  abandonné  l'Eglise  de 
Béryte  pour  passer  à  celle  de  Nicomédie,  ibid.  Il 
s'oppose  au  rappel  de  saint  Athanase,  p.  45. 

EUSÈBE  ,  évèque  de  Samosate ,  refuse  de  rendre 
le  décret  touchant  l'élection  do  Mélèce,  p.  46. 

EUSÈBE  (saint),  évèque  de  Verceil.  Homélies  que 
saint  Maxime  prononce  à  sa  louange,  p.  322. 

EUSÈBE  ,  disciple  de  saint  Marcien.  Il  se  charge 
de  la  conduite  de  plusieurs  religieux,  p.  52.  Ser- 
ment que  son  maître  exige  de  lui,  p.  53. 

EUSÈBE  (saint),  solitaire.  Saint  Ammien  le  presse 
de  quitter  sa  solitude  pour  prendre  la  conduite 
de  son  monastère,  p.  53.  Il  explique  à  celui-ci  les 
passages  les  plus  difficiles  de  l'Evangile,  ibid.  Eu- 
sèbe enseigne  la  philosophie  à  saint  Sidoine,  p.  379. 
Ses  mortifications,  ibid. 

EUSTATHE ,  évèque  de  Béryte.  L'empereur  le 
commet  pour  l'affaire  d'ibas,  p.  144.  Il  quitte  le 
parti  de  juge  pour  prendre  celui  d'arbitre  et  fait  con- 
venir les  partis  d'un  acte ,  ibid.  Le  clergé  d'Edesse 
lui  adresse  une  letlre,  p.  145.  On  lit  sa  remontrance 
au  concile  de  Chalcédoine,  p.  685  ;  il  est  déclaré  or- 
thodoxe, ibid.  Son  différend  avec  Photius  est  Jugé, 
p.  690. 

EUSTATHE,  évèque  d'Egès.  Théodoret  lui  recom- 
mande une  dame  de  Carthage,  p.  167. 

EUSTATHE  ,  évèque  de  Marseille  après  saint  Vé- 
nérius,  p.  470. 

EUSTOCHIUS,  évèque  de  Tours,  p.  438.  11  as- 
siste .au  concile  d'Angers,  en  452,  p.  708. 

EUSTRATE  (comte).  Firmus  lui  écrit,  p.  152. 

EUTHALIUS,  archidiacre  d'Alexandrie.  On  lui  si- 
gnifie la  sentence  contre  Dioscore,  p.  688. 

EUTHASIUS  ,  évèque  d'Aoste ,  envoie  un  de  ses 
prêtres  tenir  sa  place  au  concile  de  Milan  de  l'an 
451,  p.  681. 

EUTHÉRIUS ,  évèque  de  Thyanes,  est  déposé  en 
432  par  Maximien  de  Constantiuople,  p.  149. 

EUTHÉRIUS.  Firmus  lui  écrit,  p.  151. 

EUTHIMIUS  (saint)  ,  convertit  un  grand  nombre 
de  Sarrasins  dans  la  Palestine,  p.  17.  Juvénal  de  Jé- 
rusalem dédie  l'église  de  sa  Laure ,  ibid. 

EUTIQUE  (saint)  ,  martyr  sous  Genséric ,  p.  466 
et  467. 


EUTROPE  ,  évèque ,  donne  à  s;unt  Augustin  un 
mémoire  touchant  quelques  hérésies  ,  p.  383. 

EUTROPE,  à  qui  saint  Sidoine  écrit,  p.  383. 

EUTROPE,  évèque  d'Orange,  p.  390. 

EUTROPE,  prêtre,  écrit  deux  lettres  à  deux  ser- 
vantes de  Jésus-Christ,  p.  587. 

EUTYCHÈS,  archimandrite  de  Constantinople,  en- 
voie à  saint  Pierre  Chrysologue  une  lettre  circulaire, 
p.  7.  Lettre  de  ce  saint ,  ibid.  Eusèbe  de  Dorylée 
tâche  de  ramener  Eutychès  à  la  same  doclrine,  p.  23. 
11  s'opiniâlre,  ibid.  Quel  est  le  principal  point  de  son 
hérésie,  p.  80.  Avant  de  la  publier  il  écrit  à  saint'Léon, 
p.  210.  Saint  Prosper  combat  ses  erreurs,  p.  304.  Re- 
quête contre  lui  au  concile  de  Constantinople  de 
448,  p.  669.  Ce  concile  ordonne  qu'il  sera  appelé, 
ibid.  Est  cité  plusieurs  fois.  Ses  réponses,  p.  670. 
Il  envoie  un  tome  dans  les  monastères  pour  soulever 
les  moines  en  sa  faveur,  ibid.  Arrive  au  concile  es- 
corté d'une  troupe  de  soldats  ,  de  moines  et  d'offi- 
ciers du  prétoire,  p.  672.  Est  interrogé;  ses  ré- 
ponses, ibid.  Sentence  contre  lui,  p.  673.  Il  se  plaint 
à  saint  Léon  de  cette  sentence  ,  ibid.  ;  demande  à 
l'empereur  un  concile  général  ,  p.  674.  Ecrit  aux 
principaux  évêques  pour  les  prévenir  contre  le  con- 
cile de  Constantinople.  Ce  que  contient  celle  à  Dios- 
core, ibid.  Il  accuse  Flavien  d'avoir  falsifié  les  actes, 
ibid.  Sa  requête  à  l'empereur,  ibid.  Procure  à  l'ab- 
bé Barsumas  le  rang  de  juge  dans  le  faux  concile 
d'Ephèse  ,  p.  675.  On  fait  entrer  Eutychès  dans  ce 
concile.  Sa  requête ,  p.  676.  Il  ne  veut  point  ré- 
pondre aux  demandes  qu'on  lui  fait ,  dit  que  les 
légats  du  pape  lui  sont  suspects,  p.  667.  Est  déclaré 
absous  et  rétabli ,  p.  678.  Ses  moines  y  sont  aussi 
rétablis  dans  la  communion  de  l'Eglise  et  dans  les 
fonctions  de  leurs  ordres,  ibid.  Vigile  de  Tapse  com- 
bat son  hérésie,  p.  472  et  suiv.  Traité  de  Boëce 
contre  les  erreurs  d'Eutychès  et  de  Nestorius  ,  p. 
650  et  suiv. 

EUTYCHIENS.  Ils  soulèvent  la  Palestine  et  atten- 
tent à  la  vie  de  Juvénal  de  Jérusalem,  p.  1 8  ;  ils  font 
ordonner  évèque  de  cette  ville  le  moine  Théodose, 
ibid.  La  mort  de  l'empereur  Marcien  leur  donne  lieu 
de  se  relever  à  Alexandrie  ,  p.  176.  Cruautés  qu'ils 
exercent  sur  plusieurs  évèques  d'Egypte  et  sur  leur 
clergé,  p.  234.  Voyant  qu'ils  ne  peuvent  obtenir  un 
concile  général,  ils  se  réduisent  à  demander  une  con- 
férence, p.  236. 

EUXITHÉE,  évèque  de  Thessalonique  ,  p.  253. 
Saint  Léon  lui  écrit,  p.  234. 

EVANDRE,  évèque.  Firmus  lui  écrit,  p.  152. 

EVANGILE  (L'),  n'est  que  l'accomplissement  des 
prophéties  faites  longtemps  avant  la  venue  du  Sau- 
veur, p.  95.  Livre  des  Evangiles  écrit  de  la  main  c'a 
saint  Hilaire  de  Poitiers,  p.  440. 

EVAZE,  ville  de  la  province  d'Asie,  p.  694. 

EVÊQUES  (Les) ,  sont  tenus  à  la  continence,  p. 
261.  La  clergé  et  le  peuple  doivent  avoir  part  à  leur 
élection,  p.  708.  Lesdeux  qualités  les  plus  essentielles 
à  un  évèque  ,  p.  199  et  262.  En  quel  jour  on  doit 
faire  leur  ordination.  Ce  qui  s'y  observe,  ibid.  Ils  ont 
coutume  de  célébrer  annuellement  le  jour  de  leur 


780 


TABLE  ANALYTIQUE. 


exaltation  au  pontificat,  ibid.  Le  nom  de  prêtre  et 
d'évêque  leur  était  commun  du  temps  des  apôtres , 
p.  130.  Les  évoques  étaient  distingués  par  le  nom 
d'apôtres,  ibid.  Leurs  devoirs,  p.  262.  Il  leur  est  dé- 
fendu d'ordonner  pour  de  l'argent,  p.  696;  de  pren- 
dre à  ferme  des  terres  ou  de  se  charger  des  affaires 
temporelles,  p.  697.  Ils  ne  peuvent  sous  peine  de  dé- 
position s'adresser  aux  puissances ,  ni  obtenir  des 
lettres  du  prince  pour  diviser  une  province  en  deux 
et  y  faire  deux  métropolitains,  p.  698.  Leur  ordination 
doit  se  faire  dans  trois  mois,  p.  700.  Ils  no  doivent 
jamaisètre  réduits  aurang  des  prêtres,  ibtd.  L'évêque 
nepeutêtreliéoudéliéparurie puissance  séculière,  p. 
506.  Il  est  défendu  aux  évêquos  de  sortir  de  leur  pro- 
vince sans  la  lettre  de  leur  métropolitain,  p.  665. 
Pensée  de  Théodore!  sur  les  devoirs  des  évêques, 
p.  21.  Témoignage  du  même  auteur  sur  les  évêques, 
p.  120.  Au  temps  de  Théodoret,  une  des  plus 
grandes  et  des  plus  pénibles  occupations  des  évêques 
était  de  terminer  les  procès  de  leurs  peuples,  p.  137. 


Ce  que  dit  le  pape  saint  Léon  sur  les  qualités  ,  les 
devoirs,  les  fonctions  elles  prérogatives  des  évêques, 
p.  179,  261  et  suiv.  Canons  du  concile  de  Chalcé- 
doine  qui  les  concernent,  p.  696.  Témoignage  du 
pape  saint  Gélase,  p.  502.  Invective  de  Julien  Po- 
mère  contre  les  évêques  de  son  siècle,  p.  591.  Ca- 
nons du  concile  de  Tarragone  qui  concernent  les 
évêques,  p.  748. 

EVODIUS,  prie  saint  Sidoine  de  lui  faire  une  épi- 
gramme,  p.  397. 

EXCOMMUNICATION.  Le  diable  s'empare  de  ceux 
qui  sont  excommunies  et  séparés  du  corps  de  l'E- 
glise ,  p.  123,  125.  L'empereur  Théodose  ne  veut 
recevoir  l'absolution  que  de  celui-là  même  qui  l'a 
excommunié,  p.  125.  Celui  qui  reçoit  un  clerc  ex- 
communié, est  puni  d'excommunication,  p.  705. 
Défense  de  recevoir  l'aumône  d'un  chrétien  excom- 
munié, ibid. 

EXPLITIUS,  à  qui  saint  Sidoine  écrit,  p.  384. 


F. 


FASTIDIUS,  évèque  des  Bretons.  Ce  qu'on  sait  de 
lui,  p.  152.  Ses  écrits,  p.  153.  Analyse  du  traité  de 
la  Vie  chrétienne,  ibid.  et  154.  Jugement  de  cet  écrit, 
p.  154. 

FAT.\LE.  Règle  que  prescrit  Fastidius  à  Fatale  pour 
se  conduire  dignement  dans  la  viduité,  p.  153. 

FAUSTE,  abbé  de  Lérins.  Son  différend  avec  Théo- 
dose de  Fréjus,  p.  201. 

FAUSTE,  archimandrite  de  Constantinople,  sous- 
crit à  la  condamnation  d'Eutychès  ,  p.  214.  Saint 
Léon  lui  écrit,  ibid.  ,  216  et  219.  Eutychès  envoie 
son  tome  dans  son  monastère  pour  y  être  souscrit, 
p.  672. 

FAUSTE  ,  abbé  de  Lérins  et  depuis  évêque  de 
Riez,  en  Provence.  Sa  naissance,  ses  études,  p.  420. 
Sa  retraite  à  Lérins  :  il  en  est  fait  aiibé  en  432,  ibid. 
Son  différend  avec  Théodore,  évêque  de  Fréjus,  ibid. 
et  421 .  Il  est  fait  évêque  vers  l'an  456,  ibid.  et  422. 
Il  va  à  Rome  en  462  ,  ihid.  ;  il  assiste  à  la  dédicace 
de  l'église  de  Lyon,  ibid.  11  est  chargé  d'écrire  contre 
Lucide  ibid.  ;  est  banni  vers  l'an  481  ;  pourquoi,  p. 
422.  Il  meurt  après  l'an  493,  ibid.  Ses  écrits  :  sa 
lettre  à  Gratus,  diacre,  ifeîd.  ;  son  traité  conù-e /es  ^r/ens 
et  les  Macédoniens,  p.  423  ,  424.  Sa  lettre  à  Benoît 
Paulin,  p.  424,  425;  sa  lettre  au  prêtre  Lucide,  p. 
425  et  suiv.  Son  traité  sut  la  Grâce  et  le  libre  arbitre, 
divisé  en  deux  livres  ,  p.  424.  Analyse  du  Lr  livre, 
p.  428  et  suiv.  ;  du  11'^ ,  p.  431  et  suiv.  Lettre  de 
Fausle  à  Léonce  en  lui  adressant  son  ouvrage  ,    p. 

433.  De  quelle  manière  les  livres  de  Fauste  furent 
reçus  du  public,  ibid.  Son  livre  du  Saint-Esprit,  p. 

434.  Ses  lettres,  ibid.  et  435.  Ses  sermons,  p.  435, 
436.  Homélies  qui  lui  sont  attribuées  ,  p.  436.  Ou- 
vrages de  Fauste  qui  sont  perdus,  ibid.  Jugement  do 
ses  écrits,  p.  437.  Editions  qu'on  en  a  faites,  ibid. 


Fauste  est  accusé  de  semi-pélagianisme ,  p.  332;  il 
est  réfuté  par  Mammert  CLiulien,  p.  348.  Saint  Si- 
doine adresse  un  poème  à  Fauste,  p.  397.  Ce  qu'il 
nous  apprend  de  Fauste,  p.  391,  394,  395.  Fauste 
est  assisté  dans  son  exil  par  saint  Rurice,  évèque  de 
Limoges,  p.  607.  Lettre  que  lui  écrit  Rurice,  p. 
609.  Lettre  qu'il  écrit  à  Rurice,  ibid.  Lettre  du 
pape  Hormisdas  à  Possessor  au  sujet  de  l'écrit  de 
Fauste  sur  la  grâce,  p.  631. 

FAUSTE  de  Buron,  rapporte  un  miracle,  p.  448. 

FAUSTE,  maître  des  offices,  député  par  Théodo- 
ric  à  l'empereur  Anastase   p.  497. 

FAUSTE  ,  sénateur  ,  consulte  le  prêtre  Trifolius, 
p.  638. 

FÉLIX  (saint),  évêque  de  Boulogne,  p.  161. 

FÉLIX,  archevêque  de  Ravenne,  vers  l'an  708,  re- 
cueille et  met  en  ordre  les  sermons  de  saint  Pierre 
Chrysologue,  p.  8. 

FÉLIX,  diacre  de  l'église  de  Rome  ,  est  ordonné 
évêque  do  Rome  en  la  place  de  Libère,  p.  45.  Il 
quille  Rome  et  se  retire  dans  une  autre  ville  ,  ibid. 

FÉLIX,  grand  trésorier  de  l'état.  Ses  paroles  en 
admirant  la  magnificence  des  vases  sacrés  de  l'église 
de  Constantinople,  p.  137. 

FÉLIX  III  (saint),  pape,  succède  à  saint  Simplice,  en 
483,  p.  411.  Ses  soins  pour  rétablir  la  paix  dans  les 
Eglises  d'Orient,  p.  412  et  suiv  Sa  lettre  à  l'empe- 
reur Zenon  sur  ce  sujet,  p.  412;  à  Acace,  pour  lui 
reprocher  son  silence,  p.  412.  Ses  légats  sont  arrê- 
tés :  leur  prévarication,  p.  412  et  suiv.  Ils  sont  dé- 
posés dans  un  concile  de  Rome,  p.  414  et  719.  Acace 
y  est  excommunié,  p,  414.  Justification  de  la  con- 
duite du  pape  ,  ibid.  et  415.  Le  pape  écrit  à  Acace 
les  motifs  do  sa  condamnation  ,  p.  415.  Sa  lettre  à 
l'empereur  Zenon,  ibid.  et  416.  Sa  lettre  au  clergé 


TABLE  ANALYTIQUE. 


781 


et  au  peuple  de  Constantinople ,  p.  416.  Sa  lellre 
à  Rufin  et  aux  moines  de  Constantinople,  ihid.  Let- 
tres attribuées  à  Pierre  le  Foulon,  elles  sont  toutes 
supposées,  p.  4-17.  Lettre  à  Zenon,  ibid.  et  418  ;  à 
Fravita,  p.  418  ;  à  Thalassius  et  aux  autres  abbés  de 
Constantinople,  ibid.  et  419;  à  Fravita  ,  p.  419;  à 
l'empereur  Anastase  ,  ibid.  ;  à  Zenon  ,  évêque  ;  aux 
évèques  d'Afrique,  ibid.\  à  Zenon,  évêque  de  Sévillo, 
ibid.  et  420;  à  saint  Césaire  d'Arles,  p.  420.  Cette 
dernière  doit  être  de  Félix  IV.  Mort  du  pape  Félix  IH, 
ibid.  Il  est  compté  au  nombre  des  saints  ,  ibid. 
Euphémius,  patriarche  de  Constantinople,  lui  écrit, 
p.  485. 

FÉLIX,  légat  du  pape  saint  Félix  à  Constantino- 
ple, p.  411.  Sa  fermeté,  p.  414. 

FÉLIX  (saint),  évêque  d'Abder,  banni  par  Hunéric , 
p.  448. 

FÉLIX,  patrice  et  fils  de  Magnus,  consul  en  460. 
Saint  Sidoine  fait  son  éloge,  p.  397. 

FÉLIX,  bourgeois  de  Carlhage,  recouvre  la  vue 
par  miracle,  p.  454. 

FEM.MES.  Les  païens  sous  Julien  l'Aposlat  persé- 
cutent cruellement  celles  qui  s'étaient  consacrées 
à  Dieu,  p.  46.  Pourquoi  Dieu  en  formant  la  fem- 
me en  a  pris  la  matière  de  l'homme  même,  p. 
94.  Elles  doivent  comme  les  hommes  être  instrui- 
tes des  divins  mystères,  y  participer  et  fréquenter  les 
églises,  ibid.  Elles  sont  quelquefois  d'un  bon  con- 
seil à  leurs  maris,  ibid.  Dieu  n'en  a  pas  défendu  la 
plurahté  aux  anciens  et  pourquoi,  p.  131.  Elles 
étaient  communes  parmi  les  nicolaïtes,  ibid. 

FERRÉOL  (saint),  martyr  à  Vienne.  Saint  Mam- 
mert  transfère  ses  reliques,  p.  391. 

FERRÉOL,  préfet  des  Gaules,  donne  l'hospitalité 
à  saint  Sidoine,  p.  384.  Saint  Sidoine  lui  écrit, 
p.  392. 

FESTUS,  père  d'Elpis,  première  femme  de  Boëce, 
p.  39-2  et  393. 

FÊTES.  Quelle  a  été  l'intention  de  Dieu  en  les 
prescrivant,  p.  95. 

FIDUS,  diacre  de  Jérusalem,  envoyé  à  Zenon  et  à 
Acace  par  Martyrius,  p.  410. 

FILLES,  punies  pour  impudence,  p.  51. 

FILS  DE  DIEU.  Comment  il  est  dit  dans  l'Ecriture 
qu'il  a  souffert,  p.  81.  Les  blessures  de  l'homme  ne 
pouvaient  se  guérir  que  par  lui  fait  homme,  p.  253. 
Quoique  toutes  les  opérations  soient  covnmunes  dans 
l'ineffable  unité  de  la  Trinité,  c'est  proprement  la 
personne  du  Fils  qui  s'est  chargée  de  la  rédemption 
du  genre  humain,  ibid.  Il  a  été  annoncé  par  plusieurs 
signes  et  promis  par  les  prophètes,  ihid.  Lui  seul  est 
né  exempt  dépêché  en  naissant  de  la  vierge  Maria, ibid. 

FILTÉRIUS,  évêque  des  Gaules.  Saint  Célestin  lui 
écrit  en  faveur  de  saint  Augustin,  p.  277. 

FIRMIN  d'Arles.  Saint  Sidoine  publie  à  sa  prière  le 
neuvième  livre  de  ses  lettres,  p.  394. 

FIRMIJS,  archevêque  de  Césarée  Histoire  de  son 
épiscopat,  p.  149.  Jean  veut  l'indisposer  contre  saint 
Cyrille  et  le  rendre  favorable  à  Nestorius,  mais  il  ne 
réussit  pas,  ibid.  Il  assiste  en  431  au  concile  d'Éphèse 
et  y  approuve  la  lettre  de  saint  Cyrille  à  iNestorius  et 


y  souscrit  à  la  condamnation  de  ce  dernier,  ibid.  Il 
est  du  nombre  des  évêques  députés  à  l'empereur  de 
la  part  du  concile.  Il  assemble  les  évêques  de  la  Cap- 
padoce  avec  lesquels  il  ordonne  un  laïque  pour  évê- 
que de  Ttiyanes,  ibid.  Il  est  toujours  attaché  au  con- 
cile d'Ephèse  et  à  saint  Cyrille,  ibid.  Ce  saint  le  con- 
sulte, ibid.  Sa  mort  en  439,  ibid.  Ses  quarante-cinq 
lettres,  p.  150  et  151.  Editions  de  ces  lettres,  p.  152. 

FLACCILLE,  évêque  arien  d'Antioche.  Ses  injusti- 
ces et  ses  impiétés  en  cette  ville,  p.  45. 

FLAVIEN,  évêque  d'Antioche,  va  voir  saint  Marcien, 
p.  52.  Il  assiste  au  concile  de  Sidon  en  512,  p.  750. 
11  est  envoyé  en  exil  à  Pétra,  ibid. 

FLAVIEN  (saint)  évêque  de  Constantinople.  Euty- 
chès  se  plaint  de  lui  à  saint  Pierre  Chrysologue,  p.  7. 
Eusèbe  de  Dorylée  avertit  Flavien  des  erreurs  d'Eu- 
tychès,  p.  23.  Il  est  exilé  par  l'empereur  Théodose 
rappelé  par  Marcien,  ibid.  Lettres  de  Théodoiet  à  ce 
saint,  p.  65,  71,  72.  Lettres  du  pape  saint  Léon,  p. 
172,  210,  211,  214,  216.  Assemble  en  448  un  con- 
cile à  Constantinople,  p.  669.  Fait  insérer  aux  actes 
la  requête  d'Eusèbe  de  Dorylée,  ibid.  Prie  cet  évê- 
que de  voir  et  d'entretenir  Eutychès  qu'il  fait  citer 
plusieurs  fois,  ibid.  Reçoit  les  lettres  de  saint  Cyrille 
à  Nestorius  et  à  Jean  d'Antioche,  p.  670.  Ordonne 
qu'on  avertisse  les  évêques  qui  n'étaient  pas  à  la 
première  session  ;  envoie  citer  Eutychès  pour 
une  troisième  fois  ;  ordonne  à  ceux  qu'il  a  en- 
voyés de  faire  leur  rapport,  ibid.  Fait  informer 
dans  les  monastères  de  Constantinople  et  de  Chal- 
cédoine  si  Eutychès  y  a  fait  passer  son  Tome, 
p.  671.  Interroge  celui-ci,  p.  672.  Prononce  la  sen- 
tence contre  lui,  p.  673.  Ordonne  à  ses  moines  de 
se  séparer  de  lui,  ibid.  ;  ils  ne  veulent  pas  obéir  ;  les 
prive  des  sacrements,  ibid.  Fait  publier  la  sentence 
contre  Eutychès  dans  les  églises  de  Constantinople  et 
la  fait  signer  dans  les  monastères,  ibid.  Eutychès 
l'accuse  d'avoir  falsifié  les  actes  du  concile,  p.  674. 
Représente  les  notaires  qui  les  avaient  rédigés,  ibid. 
L'empereur  l'oblige  de  donner  sa  profession  de  foi 
p.  675.  Elle  ne  dissipe  point  les  préjugés  que  les 
eutychiens  avaient  inspirés  à  ce  prince  contre  lui, 
ibid.  Théodoret  continue  à  l'attaquer  et  à  l'accuser 
d'avoir  excité  les  contestalions  qui  troublent  l'Eglise, 
ibid.  Flavien  assiste  au  faux  concile  d'Ephèse, p.  676. 
Demande  qu'on  fasse  entrer  Eusèbe  de  Dorylée  ac- 
cusateur d'Eutychès,  p.  677.  Est  privé  de  toute  digni- 
té épiscopale  et  sacerdotale,  p.  678.  Meurt  quelques 
jours  après  à  Hypépe  en  Lydie,  p.  680.  Sa  mémoire 
en  vénération  dans  l'Eglise,  ibid.  Il  est  justifié  dans 
le  concile  de  Chalcédoine,  p.  685. 

FLAVIEN,  évêque  de  Pliilippcs,  se  donne  à  Ephèso 
la  qualité  de  subdélégué  de  Rufus  de  Thessalonique, 
p.  103. 

FLAVIEN,  prêtre  d'Antioche,  vers  l'an  350.  On  lui 
attribue  d'avoir  le  premier  fait  chanter  les  Psaumes 
à  deux  chœurs,  p.  137. 

FLAVIEN  prend  soin  de  l'église  d'Antioche,  en  la 
place  de  Mélèce,  p.  47. 

FLORENT,  évêque  de  Lyddes,  sert  d'interprète 
aux  légats  dans  le  faux  concile  d'Ephèse,  p.  676, 


782 


TABLE  ANALYTIQUE. 


FLORENT,  évêque  de  Sardes  et  mélropolilain  de 
Lydie.  Son  différend  avec  deux  évèques  de  la  pro- 
vince donne  occasion  à  saint  Flavien  de  Constanti- 
nople  d'assembler  un  concile,  p.  669. 

FLORENT,  évêque,  écrit  au  pape  Simplice  contre 
Gaudence,  évêque  d'Ausiniumdans  Fabruzze,  p.  402. 

FLORENT,  palrice,  est  envoyé  de  l'empereur  au 
concile  de  Constantinoplede  l'an  4i8,  p.  672.  Veut 
qu'on  interroge Eutychès,  ibid.  L'interroge  lui-même 
p.  673.  Eutychès  lui  dit  qu'il  appelle  de  la  sentence 
contre  lui,  p.  673.  En  avertit  Flavien,  ibid.  Règle 
tout  dans  l'assemblée  de  449,  p.  674.  Y  fait  décla- 
rer la  volonté  de  l'empereur,  ibid.  Convient  qu'Euty- 
chès  lui  a  dit  tout  bas  qu'il  appelait  de  la  sentence, 
ibid.  Conclut  l'assemblée,  ibid. 

FLORENT,  préfet  d'Orient  en  436,  autorise  le  rè- 
glement fait  par  le  préfet  du  prétoire,  p.  67. 

FLORENT.  Firraus  lui  écrit  et  lui  envoie  des  eu- 
logies,  p.  151. 

FLORENTIEN,  évêque  d'Ulique,  confesseur  sous  le 
roi  Hunéric,  p   448. 

FLORENTIN.  Saint  Sidoine  lui  écrit  et  va  le  voir, 
p.  388. 

FLORENTIUS,  évêque.  Théodoretlui  écrit,  p.  74. 

FOI.  Quoiqu'elle  précède  la  connaisance,  elle  n'en 
peut  être  séparée,  p.  91.  Elle  est  comme  la  base  de 
la  science,  et  un  préalable  nécessaire  pour  l'acquérir, 
ibid.  Elle  est  le  fondement  des  choses  que  l'on  es- 
père et  une  preuve  certaine  de  ce  qui  ne  se  voit  pas, 
p.  192.  Elle  n'est  susceptible  d'aucune  nouveauté, 
est  incapable  d'aucun  changement,  et  simple  de  sa 
nature,  p.  249.  Elle  est  celle  que  nous  avons  reçue 
des  apôtres  avec  le  secours  du  Saint-Esprit,  ibid. 
Elle  est  la  seule  qui  sauve  le  genre  humain  et  lui 
donne  la  vie,  ibid.  Celle  en  la  venue  du  Messie,  qui 
ne  sauvait  qu'un  petit  nombre  de  fidèles,  en  sauve 


beaucoup  plus  dans  l'accomplissement  de  ce  mys- 
tère, p.  250.  Sans  elle,  il  n'y  a  rien  de  saint,  rien  de 
chaste,  rien  qui  ait  vie ,  ibid.  En  quoi  consiste  l'ex- 
cellence et  le  mérite  de  la  foi,  ibid.  La  foi  ne  fait 
pas  à  elle  seule  le  vrai  évêque,  il  faut  qu'elle 
soit  accompagnée  des  bonnes  œuvres ,  p.  262.  Elle 
est  la  première  grâce,  p.  287.  Dans  son  commen- 
cement elle  est  un  don  de  Dieu  comme  dans  sa  per- 
fection, p.  301. 

FONTS  BAPTISMAUX.  Chaque  année  des  fonts 
baptismaux  se  remplissent  miraculeusement  d'eux- 
mêmes  la  nuit  de  Pâques  dans  une  petite  paroisse 
de  Sicile,  p.  202  et  270.  Miracle  arrivé  en  417,  ibid. 

FONTÉIUS  ,  évêque  de  Vaison.  Saint  Sidoine  lui 
demande  le  secours  de  ses  prières,  p.  390. 

FORTUNAT  ,  évêque.  Primace  lui  dédie  un  écrit, 
p.  333. 

FRAVITA,  succède  à  Acace  dans  le  siège  de  Cons- 
tanlmople,  p.  485.  Le  pape  saint  Félix  lui  écrit, 
p.  418  et  419. 

FRÉDÉRIC,  frère  de  Théodoric,  roi  des  Goths,  dé- 
pute au  pape  saint  Hilaire  contre  Hermès,  évêque  de 
Narbonne,  p.  337. 

FRUMENTIUS  ,  jeune  homme  ,  fait  le  voyage  des 
Indes;  est  pris  par  les  barbares,  p.  138.  Le  roi  le 
fait  intendant  de  sa  maison  ,  ibid.  Des  marchands 
chrétiens  lui  proposent  de  s'assembler  et  do  célé- 
brer ensemble  les  saints  mystères  ,  ibid.  Il  s'en  re- 
tourne en  sa  patrie,  et  informe  Athanase  de  l'ardeur 
que  les  Indiens  témoignent  pour  la  religion  chré- 
tienne, ibid.  Il  prêche  l'évangile  à  ces  peuples  ,  et 
Dieu  confirme  sa  doctrine  par  des  miracles,  ibid. 

FULGENCE  (saint)  ,  réfute  par  sept  livres  les 
deux  livres  de  Fauste,  évêque  de  Riez,  p.  433. 

FUSCINE  ,  sœur  de  saint  Avit ,  consacre  à  Dieu  se 
virginité.  Son  éloge,  p.  567. 


G. 


GAIANISTËS  ou  CAlANISTES  avaient  supposé  un 
évangile  sous  le  nom  de  Judas  Iscariote,  p.  110. 

GALICE  ,  province  d'Espagne.  Les  prisoillianistes 
continuent  de  l'infecter,  p.  206  et  suiv. 

GALLUS  quitte  sa  femme  ;  saint  Loup  de  Troyes 
les  réunit,  p,  357. 

CATIEN  (saint),  évêque  de  Tours,  p.  428. 

GAUDENCE,  évêque  d'Ausinium  dans  l'Abruzze, 
fait  des  ordinations  illicites,  etc.,  p.  402. 

GAUDENCE  s'élève  à  la  dignité  de  vicaire  du 
préfet,  p.  383. 

GAULES.  Saint  Léon  envoie  aux  évêques  sa  lettre 
à  Flavien  afin  qu'ils  y  souscrivent,  p.  223;  ils  s'as- 
semblent pour  donner  leur  approbation.  Leur  lettre 
synodale,  ibid.  Autres  lettres  de  saint  Léon  à  ces 
évêques,  ibid.,  225,  232.  Quelques  prêtres  conti- 
nuent à  y  décrier  la  doctrine  de  saint  Augustin, 
p.  276,  277.  Réponses  de  saint  Prosper  à  leurs  ob- 
jections ,  p.  277  et  suiv.  Ils  l'attaquent  lui-même 
personnellement,  p.  238. 


GAZA,  ville  de  Palestine,  p.  46. 

GÉLASE  ,  évêque  de  Césarée  en  Palestine.  Théo- 
doret  se  sert  de  son  témoignage  pour  montrer  que 
la  Divinité  est  impassible  de  sa  nature,  p.  81. 

GÉLASE  (saint),  succède,  en  492  ,  au  pape  saint 
Félix,  p.  493.  Ses  lettres  à  Anastase  et  à  Euphémius 
ibid.  ;  à  Laurent,  évêque  de  Lignide,  en  lui  envoyant 
le  formulaire  de  sa  foi,  p.  494;  aux  évoques  de  Dar- 
danie,  ibid.\  deux  autres  lettres  aux  mêmes  au  sujet 
d'Acace,  ibid.  et  suiv.  Son  instruction  à  Fauste  et  à 
Irénée  ,  ambassadeurs  du  roi  Théodoric,  p.  497, 
498.  Ses  lettres  à  Honorius,  évêque  en  Dalmatie,  au 
sujet  de  l'hérésie  de  Pelage  qui  se  répandait  de  nou- 
veau dans  le  pays,  p.  499;  aux  évêques  de  la  Mar- 
che d'Ancône  sur  le  même  sujet ,  ibid.  et  suiv.  ;  à 
l'empereur  Anastase,  p.  501  et  502  ;  aux  évêques  de 
Lucanie  et  des  Brutiens  ,  p.  502  et  suiv.  ;  aux  évê- 
ques de  Sicile  et  à^Enonius,  évêque  d'Arles,  p.  504. 
Fragments  de  diverses  lettres  du  pape  Gélase,  insérés 
par  le  cardinal  Deusdedit  dans  sa  collection  des  ca- 


TABLE  ANALYTIQUE. 


783 


nons ,  p.  504  et  505.  Leltre  à  Rustique,  évêque  ùe 
Lyon,  p.  505.  Traité  de  l'Aiiathème,  ibid.  et  506. 
Traité  contre  Andronomaque  ,  sénateur,  qui  voulait 
rélablir  à  Rome  les  Lupercales,  p.  506  et  507.  Traité 
contre  les  Pélarjiens ,  p.  506  ,  508.  Traité  des  Deux 
natures;  il  est  du  pape  Gélase,  p.  508  et  509.  Ana- 
lyse de  ce  traité  ,  p.  509  et  suiv.  Explication  d'un 
passage  sur  l'Eucharistie,  p.  510.  Jugement  de  sa 
manière  d'écrire,  p.  511.  Temps  de  sa  mort,  ihid. 
Ecrits  de  Gélase  qui  sont  perdus.  Son  Sacramentaire, 
ibid.  Analyse  du  premier  livre,  p.  512  ;  du  deuxième, 
p.  517;  du  troisième,  ibid.  Gélase  met  Fauste  de 
Riez  au  rang  des  apocryphes,  p.  725.  Concile  de  Rome 
sous  le  pape  Gélase,  p.  723.  Décret  qu'il  y  publia, 
ibid.  Ce  que  contient  ce  décret ,  ibid.  Livres  ca- 
noniques de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament , 
t'ii'rf. Prééminence  del'Eglise  romaine,  p.  724.  Ouvra- 
ges des  Pères  dont  elle  admet  l'authenticité,  ibid. 
Livres  qu'elle  rejette  et  regarde  comme  apocryphes, 
p.  720.  Le  décret  attribué  au  pape  Hormisdas  appar- 
tient au  pape  saint  Gélase,  p.  G33.  Autre  concile  de 
Rome,  sous  le  pape  Gélase,  p.  725. 

GÉLASE  de  Cyzique.  Ce  qu'on  en  dit ,  p.  532, 
533.  Jugement  de  son Hist.  du  concilede  Nicée,  p .  533 . 

GÉLASE,  ami  de  saint  Sidoine  qui  lui  envoie  des 
vers,  p.  395. 

GÉLIMER,  dernier  roi  des  Vandales,  p.  466. 

GÉMIiNlEN,  évêque.  Saint  Léon  le  choisit  pour 
son  légat  en  Orient,  p.  236. 

GÉNÉTHÉLIUS,  intendant  du  domaine  du  prince, 
assiste  au  concile  de  Chalcédoine,  p.  683. 

GENSRADE  (saint).  Eloge  qu'en  ont  fait  les  an- 
ciens, p.  343.  Il  se  déclare  avec  beaucoup  de  viva- 
cité contre  Cyrille  d'Alexandrie  ,  ibid.  et  345.  Il  se 
réunit  ensuite  à  lui  ,  p.  342.  Son  zèle  pour  la  foi 
catholique  et  le  maintien  de  la  discipline,  ibid.  Est 
élu  évêque  de  Constantinople,  en  458  ,  p.  443.  Sa 
conduite  pendant  son  épiscopat,  p.  344.  Il  tient  un 
concile  à  Constantinople  vers  l'an  460.  Sa  mort,  l'an 
471,  p.  345.  Ses  écrits,  ibid.  Lettre  que  lui  écrit 
saint  Léon  au  sujet  de  Timothée  Elure,  reçu  à  Cons- 
tantinople, p.  238. 

GENNADE,  prêtre  de  Marseille.  Ses  écrits  :  son 
livre  des  Ecrivains  ecclésiastiques.  Analyse  de  ce 
traité  ,  p.  600.  Jugement  des  écrits  de  Gennade, 
p. 605.  Autres  ouvrages  qui  lui  sont  attribués,  p.  606. 

GENSÉRIC  ,  roi  des  Vandales,  prend  Carthage.  Il 
fait  prendre  la  fuite  à  plusieurs  personnes  de  consi- 
dération ou  les  réduit  en  servitude,  p.  56.  il  persé- 
cute les  catholiques,  p.  449  et  suiv.  Il  ravage  la  Si- 
cile, en  440,  p.  170.  Eudoxie  l'invite  à  se  rendre 
maître  de  Rome,  p.  176.  Saint  Léon  obtient  de  lui 
qu'il  s'abstiendra  des  incendies,  des  meurtres  et  des 
supplices,  ibid.  Il  pille  Rome,  ibid.  Il  fait  mourir 
le  comte  Sébastien,  p.  450.   Sa  mort,  p.  452. 

GENTILS.  L'auteur  du  livre  de  la  Vocation  des 
Gentils  est  mconnu,  p.  240.  Analyse  de  ce  livre, 
p.  241  et  suiv. 

GEORGE  est  ordonné  évêque  d'Alexandrie  par  les 
ariens  pendant  l'exil  de  saint  Athanase,  p.  45.  Cruau- 
tés qu'il  exerce  sur  cette  Église,  ibid. 


GEORGE,  moine,  trouble  la  Cappadoce  par  ses 
écrits  et  ses  prédications,  p.  227. 

GEORGE  ,  disciple  de  saint  Jacques  ,  évêque  de 
Balna,  fait  son  éloge  après  sa  mort,  p.  643. 

GERMAIN  (saint)  ,  évêque  d'Auxerre,  entreprend 
le  voyage  de  Ravenne  ;  il  y  est  reçu  avec  beaucoup 
d'affection  et  de  respect  par  saint  Pierre  Chrysolo- 
gue,  p.  7.  Il  est  prié  d'aller  en  Angleterre  prendre 
la  défense  de  îa  doctrine  de  l'Eglise  sur  la  grâce  de 
Jésus-Christ.  11  y  assemble  un  concile  où  il  condamne 
Pelage  et  Agricola,  p.  356.  Il  guérit  une  fille  aveugle, 
p.  357.  Constance,  prêtre  de  Lyon  ,  écrit  la  vie  de 
saint  Germain,  p.  400. 

GERMANIQUE,  fils  et  père  d'évêque,  homme  peu 
chrétien,  p.  388. 

GERVAIS  (saint).  Saint  Arabroise  en  trouve  les 
reliques,  p.  391. 

GERONCE,  prêtre  de  l'église  de  Césarée.  Firmus, 
son  évêque,  lui  écrit,  p.  150. 

GIBULE  ,  roi  des  Allemands.  Saint  Euphrone, 
évêque  d'Auiun,  lui  écrit  pour  demander  la  liberté  de 
plusieurs  captifs,  p.  359. 

GILBERT  DE  LA  PORÉE,  évêque  de  Poitiers.  Sur 
un  traité  de  Boëce,  p.  665. 

GIRONE.  On  y  tient  un  concile  ,  en  5l7,  p.  749. 

GODEGISILLE,  frère  de  Gondebaud,  roi  des  Bour- 
guignons, p.  735. 

GONDEB.AUD ,  roi  des  Bourguignons,  consulte 
saint  Avit  sur  plusieurs  questions  ,  p.   554  et  suiv. 

GONDIAC  ,  roi  des  Bourguignons,  se  plaint  au 
pape  saint  Hilaire  de  l'ordination  de  saint  Marcel, 
évêque  de  Die,  p.  338. 

GONTAMOND,  neveu  d'Huncric ,  roi  des  Vanda- 
les, lui  succède,  p.  462.  Il  rappelle  saint  Eugène  de 
Carthage  et  tous  les  catholiques,  p.  464. 

GORORANES.roi  de  Perse,  continue  la  persécution 
contre  les  chrétiens,  commencée  par  son  père,  p,  49. 

GOUTER  le  péché.  Ce  que  Théodore!  entend  par 
le  terme  de  goûter,  p.  87. 

GRACE.  Il  y  en  a  de  deux  sortes,  p.  242.  En  quoi 
la  grâce  consiste  selon  les  pélagiens  ,  p.  280;  selon 
les  semi-pélagiens  la  volonté  la  prévient.  Suite  de 
cette  erreur ,  p.  287 ,  288.  Sans  la  grâce  l'homme 
n'aurait  pu  persévérer  dans  l'innocence  qu'il  avait 
reçue  dans  sa  création  ,  p.  507.  Sentiment  du  pape 
Gélase  sur  la  grâce,  p.  499  et  suiv.;  de  Fauste  de 
.Riez,  p.  427  et  suiv. 

GRATIEN,  empereur,  succède  à  Valens,  son  oncle, 
p.  48;  il  rappelle  les  évêques  exilés  et  fait  chasser 
de  lEglise  les  sectateurs  d'Arius ,  ibid.  Il  associe 
Théodose  à  l'empire,  p.  48. 

GRATISSIMUS  ,  grand  chambellan ,  fonde  le  mo- 
nastère de  Saint-Cyriaque,  à  Constantinople,  p.  345. 

GRATUS  ,  diacre  ,  compose  un  écrit  que  Fausta 
de  Riez  réfute,  p.  422. 

GRECS.  Leurs  différentes  opinions  sur  le  bon- 
heur de  l'homme,  p.  97. 

GREGOIRE,  ordonné  malgré  lui  évêque  de  Mo- 
dène,  p.  401. 

GRIGNY ,  monastère  au  diocèse  de  Vienne, 
p,  393,  562. 


•784 


TABLE  AKALYTIQTJE. 


H. 


HABET-DEUM,  évoque  d'Afrique.  Antoine,  évêque 
arien,  veut  le  baptiser,  p,  461. 

HÉLÈNE  (sainte)  ,  va  à  Jérusalem,  p.  44;  elle 
fait  démolir  le  temple  bâti  sur  le  tombeau  du  Sau- 
veur;  on  y  trouve  trois  croix,  ibid.  Comment  elle 
reconnaît  la  vraie  croix  du  Sauveur ,   ibid.   Usage 
qu'elle  fait  de  cette  croix  et  des  clous,  ibid. 
HÉLIE,  avocat.  Théodoretlui  écrit,  p.  65. 
HÉLIOPOLIS,  ville  voisine  du  mont  Liban,  p.  46. 
HELLADE,  évêque.  Firmus  lui  écrit,  p.  151. 
HELLADE.  Firmus  lui  représente  les  besoins  de 
la  Cappadoce  ,  et  le  conjure  de  diminuer  les  contri- 
butions, p.  160. 

HELLADE,  supérieur  du  monastère  de  Sainl-Théo- 
dose,  p.  56. 

HENOTIQUE  ou  formulaire  pour  la  réunion  fait 
par  l'empereur  Zenon,  p,  409  et  suiv. 

HÉRÉTIQUES.  On  ne  doit  point  rebaptiser  ceux  qui 
ont  été  baptisés  par  eux,  p.  258 ,  259.  On  peut  ad- 
mettre aux  ordres  sacrés  ceux  qui  se  convertissent, 
p.  273.  Les  clercs  bien  convertis  peuvent  être  ad- 
mis aux  fonctions  dont  l'évêque  les  jugera  dignes, 
p.  745.  Les  hérétiques  sont  moins  criminels  que  les 
catholiques  en  comraettantles  mêmes  crimes,  p.  373. 
Leurs  noms  n'étaient  pas  récités  dans  la  célébration 
des  mystères,  p.  480. 

HERMAS,  chef  de  la  secte  des  messallens,  p.  47  ; 
ne  veut  point  se  séparer  de  la  communion  de  l'E- 
glise, ibid.  II  est  chassé  de  la  Syrie,  ibid. 

HERMÈS ,  archidiacre  de  l'église  de  Narbonne, 
est  porteur  d'une  lettre  de  saint  Léon  à  Rustique, 
son  évêque,  p.  199. 

HERMÈS  ,  ordonné  pour  Béziers ,  est  fait  évêque 
de  Narbonne,  p.  337  et  441 . 
HÉRONS.  Saint  Sidoine  lui  écrit,  p.  383. 
HÉSICHIUS  ,  prêtre  ,  assiste  à  la  dédicace  de  la 
Laure  de  saint  Euthymius,  p.  17. 

HESICHIUS,  père  de  saint  Avit,  évêque  de  Vienne, 
p.  553. 

HESPER,  prie  saintSidoine  d'écrire  l'histoire  d'At- 
tila, de  la  part  de  Léon,  ministre  d'Euric,  p.  384  et  385. 
HIERARCHIE.  Livres  de  la  Hiérarchie  céleste  et 
ecclésiastique,  attribués  à  saint  Denis  l'Aréopagite, 
p.  544  et  suiv. 

HILAIRE  (saint),  évêque  de  Poitiers.  Saint  Per- 
pétue lègue  à  l'évêque  Euphrone  un  livre  des  Evan- 
giles écrit  de  la  main  de  saint  Hilaire,  p.  440. 

HILAIRE  (saint),  archevêque  d'Arles,  va  à  Rome, 
en  444,  p.  203.  Il  se  sauve  de  cette  ville,  ibid.  Saint 
Léon  écrit  contre  lui  aux  évêqueo  des  Gaules ,  ibid. 
et  204.  11  est  condamné  à  Rome  ,  ibid.  Rescrit  de 
l'empoiour  Valentinien  centre  cet  évêque,  ibid.  Sa 
mort  f  .  215.  Termes  iionorables  qu'emploie  saint 
Léon  en  parlant  de  lui,  p.  215. 

HILAIRE,  entreprend  la  défense  de  saint  Augus- 


tin, p.  276.  11  écrit  à  ce  saint  Docteur  qui  lui  en- 
voie les  livres  de  la  Prédestination  des  saints  et  du 
Don  de  la  Persévérance ,  ibid.  Il  va  à  Rome  avec 
saint  Prosper,  p.  277. 

HILAIRE  ou  HILARIUS  ,  HILARUS  ,  archidiacre 
de  Rome.  Théodoret  lui  écrit,  p.  24.  Il  prie  Victo- 
rius  de  composer  un  cycle  pascal,  p.  176.  I!  est  dé- 
puté par  saint  Léon  au  faux  concile  d'Ephèse , 
p.  173,  333  et  675  ;  il  s'oppose  à  h  condamnation  de 
Flavien  et  d'Eusèbe,  p.  679.  Dioscore  fait  tout  son 
possible  pour  l'engager  à  se  trouver  à  une  seconde 
séance,  ibid.  ;  il  s'échappe  d'Éphèse  et  s'en  retourne 
à  Rome,  ibid.  Il  instruit  saint  Léon  du  malheureux 
succès  du  faux  concile  d'Éphèse,  p.  173  et  680.  Sa 
lettre  à  l'impératrice  Pulchérie  ,  p.  335.  Sa  lettre  à 
Viciorius,  ibid.  Il  succède  à  saint  Léon ,  en  461 , 
p.  178.  Il  tient,  en  465,  un  concile  à  Rome,  p.  320  et 
716.  Ses  lettres  aux  évêques  d'Orient  vers  l'an  462; 
à  Léonce  ,  évêque  d'Arles.  Lettre  de  Léonce  à  saint 
Hilaire,  p.  335  et  336.  Autres  lettres  de  saint  Hi- 
laire à  Léonce,  p.  337  ;  aux  évêques  des  Gaules,  ibid.; 
à  Léonce,  à  Véran  età  VicturuSjîfcî'rf.  et  338;  à  Léonce 
et  aux  évêques  des  Gaules,  p.  338,  339.  Lettres  des 
évêques  d  Espagne  à  saint  Hilaire  ,  p.  338  et  339. 
Lettre  de  saint  Hilaire  aux  évêques  d'Espagne  et  à 
Ascagne ,  p.  339.  Saint  Hilaire  s'oppose  à  l'hérésie 
de  M;icédonius,  p.  339,  340.  Sa  mort,  p.  340. 

HILDÉRIC .  fils  d'Hunéric ,  roi  des  Vandales, 
p.  458,  462. 

HIMÉRIUS,  disciple  de  saint  Loup  ,  évêque  de 
Troyes.  Saint  Sidoine  fait  son  éloge,  p.  393. 

HIMÉRIUS  ,  évêque  de  Nicomédie.  Théodoret  lui 
écrit,  p.  104.  Alypius  l'emploie  pour  adoucir  Fir- 
mus irrité  contre  lui,  p.  150. 

HOÉNUS,  poète,  instruit  saintSidoine  Apollinaire, 
p.  379. 

HOMMAGE  ,  beau-père  de  Rurice.  Saint  Sidoine 
lui  adresse  un  poème,  p.  397. 

HOMME.  Ce  nom  est  commun  à  toute  la  nature 
humaine,  p.  80.  Il  est  de  l'usage  commun  de  don- 
ner le  nom  de  l'homme  à  ses  parties  ,  p.  81.  Les 
malheurs  auxquels  il  peut  être  sujet  ont  leur  utilité 
et  leur  avantage,  p.  90.  Il  est  libre  de  sa  nature, 
p.  118.  D'où  vient  que  tant  qu'il  est  sur  la  terre  il 
fait  des  chutes  continuelles,  p.  282.  En  quel  sens 
Dieu  veut  sauver  tous  les  hommes,  p.  282,  286. 

HONORAT  (saint),  évêque  de  Marseille.  Ses  écrits, 
p.  600. 

HONORIUS ,  empereur  ,  défend  les  combats  des 
gladiateurs,  p.  139  ;  il  met  le  solitaire  Télémaque  au 
nombre  des  martyrs,  ibid. 

HONORIUS  ,  évêque  de  Dalmatie.  Le  pape  Gé- 
lase  lui  écrit  sur  l'hérésie  de  Pelage,  p.  499. 

HOR ,  abbé  de  plusieurs  monastères.  Saint  Pé- 
trone le  visite,  p.  160. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


783 


HORMISDAS.  Le  roi  de  Perse  ne  pouvant  ébranler 
la  fermeté  d'Hormisdas  dans  la  foi,  par  la  privation 
de  son  bien  et  de  ses  charges ,  l'exile  tout  nu  de  son 
royaume,  p.  49.  Hormisdas  est  élu  pape,  en  514, 
p.  612.  Sa  lettre  à  saint  Remy,  ibid.  ;  lettre  à  l'eaipe- 
■reur  Anastase,  p.  613  ;  instruction  à  ses  légats,  ibid.; 
ses  lellres  à  l'empereur,  p.  615;  à  Dorothée  de'fhes- 
salonique;  aux  é\èquesde  l'ancien  Epirè  ;  à  Jean  de 
Nicopolis,  p.  616;  à  saint  Avit ,  évèque  de  Vienne; 
à  l'empereur  Anastase  et  à  plusieurs  autres,  p.  617; 
à  Ennode  de  Pavie,  p.  618.  Lettre  de  l'empereur  au 
pape,  p.  619.  Lettres  d'Hormisdas  aux  archiman- 
drites de  Syrie,  ibid.  ;  à  Jean  deXarragone  ;  aux  évè- 
ques  d'Espagne;  à  Salluste,  évêque  de  Séville,  p. 
620  ;  à  l'empereur  Justin  ;  à  Jean  de  Constantinople, 
p.  621.  Voyage  des  légats  du  pape  Hormisdas  :  leur 
arrivée  à  Constantinople  ,  p.  623.  Lettres  au  pape  et 
du  pape  pour  la  réunion,  p.  624;  lettres  du  pape 
aux  légats,  p.  625;  à  Jean  de  Militane  et  aux  évê- 
ques  d'Espagne,  p.  626.  Lettre  touchant  les  moines 
de  Scytliie,  ibid.  Lettres  sur  l'ordination  d'Epiphane 
et  sur  la  réunion  ,  p.  628.  Lettres  au  pape  et  du 
pape  à  ses  légats,  p.  631  ;  lettres  d'Hormisdas  à  Pos- 
sessor ,  ibid.  ;  à  Dorothée  de  Thessalonique,  p.  632; 
lettre  au  pape  Hormisdas.  Décrets  qu'on  lui  attribue, 
p.  633.  Le  pape  Hormisdas  exclut  Fauste  de  Riez  du 
nombre  des  Pères  qu'il  faut  prendre  pour  juges  dans 
les  difficultés  qui  s'élèvent  sur  la  doctrine,  p.  433. 


HORTULAN,  évêque ,  refuse  de  jurer  un  écrit  pré- 
senté par  Hunéric,  p.  458. 

HUMILITÉ.  Son  éloge,  p.  158;  l'humilité  est  essen- 
tielle aux  vierges  ;  en  quoi  elle  consiste,  p.  246. 

HUNÉRIC,  fils  de  Genséric,  fait  mourir  plusieurs 
manichéens,  p.  452.  Il  persécute  les  catholiques  d'A- 
frique, ibid.  et  suiv.  Il  envoie  à  Eugène  ,  évèque  de 
Carthage  ,  un  écrit  pour  une  conférence,  p.  454. 
Il  publie  son  édit  de  persécution  générale  contre  les 
catholiques,  p.  457;  cruauté  avec  laquelle  s'exerce 
cette  persécution,  ibid.  et  suiv.  Mort  extraordinaire 
d'Hunéric  ,  p.  462;  son  neveu  Gontamond  lui  suc- 
cède, ibid. 

HUNS  (Les)  font  plusieurs  ravages  sous  Attila , 
p.  235. 

HYMNEMOND,  élu  abbé  d'Agaunedans  l'assemblée 
qui  s'y  tint,  p.  747. 

HYMNES  de  Mammert  Claudien,  p.  355.  Le  pape 
Gélase  avait  composé  des  hymnes  à  l'imitation  de  saint 
Ambroise,  p.  510. 

HYPACE.  Théodoret  entreprend  à  sa  prière  l'ex- 
plication de  l'OclateLique,  p.  26. 

HYPACE  ,  heau-père  de  Salvien  ,  s'offense  de  sa 
conversion,  p.  360. 

HYPACE  à  qui  saint  Sidoine  écrit  en  faveur  de 
Donide,  p.  385. 

HYPATIUS,  prêtre  et  chorévêque.  Théodoret  l'en- 
voie à  Rome,  p.  23  et  74. 


I. 


IRAS  ,  évêque  d'Edesse  ,  succède  à  Rabulas  ,  p. 
144.  n  est  accusé  auprès  de  l'empereur  et  de  saint 
Procle,  ibid.  ;  il  est  absous  à  Antioche  ,  ibid.  ;  et  à 
Tyr,  ibid.  ;  il  est  accusé  de  nouveau,  p.  145;  il  est 
renvoyé  absous,  ibid.  et  suiv.  ;  il  est  déposé  dans  le 
faux  concile  d'Ephèse,  p.  146  ;  il  est  reconnu  pour 
orthodoxe  dans  celui  de  Chalcédoine  et  recouvre  les 
honneurs  de  l'épiscopat ,  ibid.  et  147.  Sa  mort  en 
457,  p.  147.  Sa  leitre  à  Maris,  ibid. 

IBÉRIE,  femme  de  Rurice.  Saint  Isidore  fait  son 
épithalame,  p.  397. 

IBÉRIENS,  se  convertissent  à  la  foi  de  Jésus-Christ 
sous  le  grand  Constantin,  p.  44.  Comment  s'est  faite 
cette  conversion,  p.  138. 

IDACE,  évêque  de  Chiaves,  sa  patrie.  Il  est  élevé 
à  l'épiscopat,  p.  34i;  il  est  envoyé  en  députalion 
dans  les  Gaules,  iiî'rf.;  il  examine  les  priscillianistes, 
ibid.  et  342;  les  convainc,  p.  341;  fait  des  extraits 
de  leurs  blasphèmes,  p.  206;  Turribius  lui  envoie  sa 
réfutation,  ibid.;  les  manichéens  sont  poursuivis  de- 
vant lui,  p.  3i6;  il  envoie  les  procès-verbaux  à  An- 
tonin  de  Mérida,  p.  342;  il  est  emmené  captif,  ibid.; 
sa  mort,  ibid.;  sa  Chronique,  ibid.;  ses  Fastes  con- 
sulaires, ibid.;  éditions  de  sa  Chronique,  p.  342  et 
343;  il  n'a  pas  fait  de  livre  contre  l'arien  Varimade, 
p.  483. 

IDAGE,  surnommé  Clarus,  différent  de  l'évêque  de 
X. 


Chiaves,  p.  483.  Il  a  fait  un  traité  contre  les  pris- 
cillianistes, ibid. 

IDOLATRIE.  Restes  d'idolâtrie  dans  les  Gaules, 
p.  708. 

IGNACE  (saint),  martyr  et  évêque  d'Antioche.  On 
lui  attribue  l'établissement  dans  son  Eglise  du  chant 
des  Psaumes  à  deux  chœurs,  p.  137. 

ILLYRIE  ORIENTALE.  Saint  Léon  écrit,  en  444, 
aux  mélropolilains  de  cette  province,  p.  202  et  206. 

IMAGES.  A  Rome,  les  artisans  mettent  l'image  de 
saint  Siméon  Slylite  sur  l'entrée  de  leurs  boutiques, 
p.  133.  Le  second  concile  de  Nicée  se  sert  de  ce  fait 
pour  autoriser  le  culte  des  images,  ibid. 

IMMUABLE.  Ce  terme  est  commun  aux  trois  per- 
sonnes de  la  Trinité,  p.  80. 

INACHIUS.  Firmus  lui  écrit,  p.  152. 

INCARNATION.  Détail  des  différentes  hérésies  sur 
ce  mystère,  p.  72.  Pourquoi  elle  a  été  diff'érée  si 
longtemps,  p.  94  et  95.  Erreurs  faussement  attri- 
buées à  Théodoret  sur  l'incarnation,  p.  114  et  suiv. 
Motifs  de  l'incarnation,  p.  117.  Doctrine  du  pape 
Anastase  sur  ce  mystère,  p.  519  et  suiv.;  de  Mam. 
mert  Claudien,  p.  349  ;  de  Vigile  de  Tapse  ,  p.  472 
et  suiv.;  du  pape  Gélase,  p.  493;  de  saint  Avit  de 
Vienne,  p.  555;  des  moines  de  Scythie,  p.  626;  de 
saint  Jacques,  évêque  de  Ratna  ,  p.  640.  Erreur  du 
diacre  Gratus  sur  l'incarnation,  réfutée  par  Fauste 

so 


786 


TABLE  ANALYTIQUE. 


de  Riez,  p.  422.  Traité,  du  pape  Gélase,  contre  Euty- 
chès  et  Nestorius,  sur  l'incarnation,  p.  508. 

INGENUUS,  évêque  d'Embrun,  assiste  au  concile 
de  Rome  en  465,  p.  681. 

INDIENS  (les)  se  convertissent  à  la  foi  de  Jésus- 
Christ  sous  Constantin  le  Grand,  p.  44;  quelle  en 
est  l'occasion,  p.  138. 

INDUSTRlUSj  ami  de  saint  Sidoine,  qui  décrit  la 
vie  de  Vectius,  p.  387. 

INFIDÈLES.  Remarque  sur  leurs  actions,  p.  291. 

INJURES.  11  ne  faut  y  répondre  que  par  le  silence, 
p.  156. 

INNOCENT,  évêque ,  est  commis  pour  porter  la 
lettre  de  saint  Léon  aux  évèques  de  Campanie,  et 
est  chargé  d'en  faire  exécuter  les  décrets,  p.  202. 

INSOLENCE  de  la  bouche,  p.  156. 

INTERCESSION  des  saints,  p.  463. 

INVOCATION  des  saints.  Saint  Victor  de  Vite  in- 
voque les  patriarches,  les  saints,  les  prophètes,  les 
apôtres,  etc.,  p.  462. 

IRÉNÉE,  évêque  de  Tyr.  L'empereur  donne  ordre 
de  le  déposer  et  de  le  chasser  de  son  Eglise,  p.  23; 
il  est  soupçonné  de  nestorianisme,  ibid.  Théodore! 
défend  son  ordination,  ibid.  On  ordonne  un  évêque 
en  sa  place,  ibid. 

IRÉNÉE,  évêque  de  Césarée  en  Palestine,  souscrit 
à  la  lettre  synodale  de  Juvénal  do  Jérusalem,  p.  18. 

IRÉNÉE,  évêque  d'une  ville  voisine  de  Barcelone, 


est  désiré  par  cette  dernière  pour  y  remplir  les 
mêmes  fonctions.  Le  pape  saint  Hilaire  s'oppose 
à  cette  translation,  p.  339. 

ISAAC  ,  surnommé  le  Grand,  prêtre  d'Anlioche, 
p.  578;  ses  écrits,  ibid. 

ISAAC,  solitaire,  prédit  à  Valens  qu'il  périra  dans 
la  bataille,  p.  48. 

ISCHIRION ,  diacre  de  l'Eglise  d'Alexandrie.  Ses 
accusations  contre  Dioscore  dans  le  concile  de  Chal- 
cédoine,  p.  687. 

ISDEGÈRDE,  roi  de  Perse,  persécute  les  chrétiens 
et  renverse  toutes  leurs  églises,  p.  49;  il  fait  mourir 
l'évèque  Abdas,  ibid. 

ISIDORE ,  évêque  de  Cyr ,  va  voir  saint  Marcien , 
p.  52. 

ISIDORE,  préfet  d'Orient  en  435 ,  autorise  le  rè- 
glement fait  par  le  préfet  du  prétoire,  p.  67. 

ISOCASIUS,  sophiste,  embrasse  la  religion  chré- 
tienne après  l'an  431,  p.  167. 

ISRAÉLITES  (les)  font  alliance,  contre  les  ordres 
du  Seigneur,  avec  les  habitants  de  Chanaan,  p.  31. 
Pourquoi  Dieu  n'a  pas  voulu  les  exterminer,  p.  32. 

ITALIE.  Lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de  cette 
province,  p.  203. 

ITALIQUE,  dame  romaine,  à  qui  saint  Augustin 
écrit,  p.  470. 

ITE  MISSA  EST.  Origine  de  cette  formule ,  p.  555. 

IVROGNERIE.  Elle  est  la  source  des  vices ,  p.  156. 


J. 


JACOB  n'a  pas  menti  quand  il  s'est  donné  pour 
Esaii,  p.  110. 

LACQUES  (saint)  ,  disciple  de  saint  Maron.  Ses 
austérités  surpassent  celles  de  son  maître,  p.  59;  il 
donne  quelq'ie  relâche  à  son  corps  à  la  prière  de 
Théodoret,  ibid  ;  ses  miracles,  ibid. 

JACQUES  (saint),  évêque  de  Nisibe,  engage  Théo- 
dore! à  la  paix,  p.  21;  il  relève,  par  la  force  de  ses 
prières,  le  courage  des  soldats  et  des  habitants  de 
Nisibe,  p.  46;  il  rétablit  les  murailles  de  la  ville,  ibid.; 
il  va  en  Perse  visiter  les  chrétiens  ;  miracles  qu'il  y 
opère,  p.  51. 

JACQUES  (saint),  solitaire,  p.  581. 

JACQUES  (saint),  évêque  de  Batna  en  Mésopota- 
mie ,  né  en  452 ,  est  fait  prêtre  en  503 ,  évêque  en 
519,  meurt  en  521,  p.  639.  11  a  toujours  professé  la 
foi  catholique,  p.  640.  Objections  contre  sa  catholi- 
cité ,  ibid.  Ses  écrits  ,  p.  641  ;  ses  poésies ,  p.  642  ; 
son  éloge,  par  Georges,  son  disciple,  p.  643. 

JACQUES  (saint),  solitaire,  aide  Théodoret  à  con- 
vertir divers  hérétiques,  p.  20. 

JACQUES  LE  PERSAN  se  met  sous  la  conduite 
de  saint  Eusèbe,  p.  53;  il  est  établi  supérieur;  se  dé- 
met de  cette  charge,  ibid. 

JAMBLIQUE  ,  évêque  de  Trêves  ,  fort  vertueux  , 
p.  400. 


JANVIER,  évêque  d'Aquilée.  Lettres  de  saint  Léon 
à  cet  évêque,  p.  206. 

JANVIER,  évêque  de  Zattare,  p.  455. 

JEAN  (saint)  ,  apôtre.  Lucius  compose  des  Actes 
sous  son  nom,  p.  207. 

JEAN-BAPTISTE  (saint).  Les  païens  brûlent  ses 
ossements  sous  Julien  l'Apostat,  et  en  jettent  les 
cendres  au  vent,  p.  46.  Pourquoi  l'on  fait,  dans  toutes 
les  églises  du  monde,  la  fête  de  sa  naissance,  p.  321 
et  322. 

JEAN  (saint),  vit  d'une  manière  très -austère, 
p.  60. 

JEAN  ,  évêque  d'Anlioche  ,  est  lié  d'amitié  avec 
Théodoret ,  qui  réfute  ,  à  sa  prière ,  les  anathéma- 
lismes  de  saint  Cyrille,  p.  21  et  99.  Le  pape  Céles- 
tin  et  saint  Cyrille  lui  écrivent  contre  Nestorius;  il 
écrit  à  ce  dernier,  ibid.;  il  se  sépare  du  concile  d'E- 
phèse,  qui  le  retranche  de  la  communion  ecclésias- 
tique. Firmus  écrit  contre  lui  et  contre  ceux  de  son 
parti,  p.  149.  Rabulas  se  sépare  de  sa  communion, 
p.  143.  Jean  assemble  quelques  évêques  avec  les- 
quels il  écrit  à  ceux  de  l'Osrohène,  ibid.;  il  se  récon- 
cilie avec  Rabulas,  ibid. 

JEAN,  évêque  de  Batne,  est  accusé  avec  Ibas, 
p.  145. 

JEAN ,  évêque  de  Germanicie.  Théodoret  compose, 


TABLE  ANALYTIQUE. 


787 


à  sa  prière ,  son  commentaire  sur  le  Cantique  des 
Cantiques,  p.  37  ;  et  lui  écrit,  p.  76  et  99. 

JEAN  ,  évêqne  d'Hiéraple  ,  succède  à  Panolbius, 
p.  666.  Le  concile  d'Anlioche  lui  enjoint  d'ordonner 
au  plus  tôt  un  évêque  pour  Perrlia,  à  la  place  d'A- 
thanase, ibid. 

JEAN  (saint)  de  Lycopole,  donne  â  saint  Pétrone 
diverses  instructions,  et  guérit  un  de  ses  compa- 
gnons, p.  160. 

JEAN,  abbé.  Théodoret  lui  écrit,  p.  76. 

JEAN,  économe  de  l'Eglise  de  Cyr.  Théodoret  lui 
écrit,  p.  79. 

JEAN ,  prêtre  de  l'Eglise  de  Constantinople ,  va  à 
Rome  chercher  la  paix  et  une  doctrine  assurée, 
p.  221.  Saint  Léon  lui  fait  donner  une  déclaration 
de  sa  foi,  ibid. 

JEAN,  ecclésiastique  d'Edesse,  se  rend  accusateur 
d'Ibas,  p.  145;  ses  chefs  d'accusation,  ibid. 

JEAN,  prêtre  et  défenseur  de  l'Eglise  de  Constan- 
tinople ,  est  chargé  d'appeler  Eulychès ,  p.  670; 
il  rend  compte  de  sa  mission  et  écrit  ce  qui  s'est 
passé  dans  la  conversation  qu'il  a  eue  avec  lui,  ibid. 

JEAN,  prêtre  et  primicier  des  notaires  d'Alexan- 
drie, fait  les  fonctions  de  promoteur  dans  le  faux 
concile  d'Ephèse,  p.  676;  il  lit  la  requête  présentée 
par  les  moines  d'Eutychès,  p.  678. 

JEAN,  diacre,  député  au  pape  saint  Hilaire  contre 
Hermès  de  NarLonne,  p.  337. 

JEAN,  évêque  de  Ravenne,  ordonne  Grégoire 
évêque  de  Modéne,  p.  401. 

JEAN  de  Cappadoce,  archevêque  de  Constantino- 
ple. Saint  Avit  le  congratule  de  sa  réunion  et  de 
celle  des  Eglises  d'Orient  avec  l'Eglise  romaine, 
p.  557. 

JEAN,  évêque  de  Palte,  assiste  au  concile  de  Si- 
don;  est  banni,  etc.,  p.  750. 

JEAN,  évêque  de  Chàlons,  p.  717. 

JEAN,  évêque  de  Téla.  Ses  Résolutions  canoniques, 
p.  643. 

JEAN  TALAIA  est  fait  évêque  d'Alexandrie  après 
la  mort  de  Timothée  Solofaciole,  p.  408.  L'empe- 
reur Zenon,  prévenu  contre  lui,  ordonne  de  le  chas- 
ser, p.  409.  Jean  s'enfuit  et  Pierre  Mongus  est  intro- 
nisé à  sa  place,  p.  410.  Jean  appelle  au  p3pe  et  se 
rend  à  Rome  ,  p.  410;  il  présente  sa  requête  à  Fé- 
lix 111,  p.  4H;  il  est  fait  évêque  de  Noie,  ibid.;  sa 
mort,  ibid. 

JEAN  MAXENCE,  moine  de  Scythie,  écrit  contre 
la  lettre  du  pape  Hormisdas  à  Possessor,  p.  634;  il 
présente  une  requête  aux  légats  du  pape,  p.  635. 
Profession  de  foi  de  Jean  Maxence  et  des  moines  de 
Scythie,  ibid.  Capitules  ou  anathématismes  des 
moines  de  Scythie,  p.  636.  Autre  profession  de  foi 
deJean  Maxence;  son  écrit  contre  les  acéphales,  î'iid.; 
son  dialogue  contre  les  nestoriens,  p.  637.  Lettre 
des  moines  de  Scythie  aux  évêques  relégués  en  Sar- 
daigne ,  ibid.  Trifolius  écrit  contre  les  moines  de 
Scythie,  p.  638. 

JEAN,  prêtre  de  Constantinople,  ordonné  évêque 
d'Apamée  par  les  hérétiques,  usurpe  le  siège  d'An- 
tioche,  p.  406. 


JEAN ,  professeur  de  belles-lettres.  Saint  Sidoine 
lui  écrit,  p.  393. 

JEAN ,  grammairien  et  prêtre  d'Antioche ,  écrit 
contre  ceux  qui  refusaient  de  confesser  deux  natures 
en  Jésus-Christ,  p.  471. 

JEROME  (saint).  Orose  se  retire  auprès  de  lui  à 
Bethléem,  p  2.  Saint  Jérôme  le  charge  de  quelques 
écrits  pour  saint  Augustin,  p.  3.  Sa  lettre  à  Rus- 
tique, p.  199. 

JÉSERNIUS,  évêque  d'Irlande,  p.  447. 

JÉSUS-CHRIST.  Selon  Fausle  de  Riez,  la  divinité 
a  souffert  en  Jésus-Christ ,  non  en  sa  nature  ,  mais 
par  un  sentiment  de  compassion,  p.  349.  Mammert 
Claudien  réfute  cette  opinion,  ibid.  Pourquoi  il  s'ap- 
pelle lui-même  Fils  de  l'homme,  p.  98,  et  pourquoi 
il  a  abrégé,  autant  qu'il  a  pu,  l'espace  de  trois  jours 
qu'il  devait  demeurer  dans  le  tombeau,  p.  192;  il 
est  mort  pour  tous  les  hommes  ,  p.  257  ;  sa  mort 
est  exprimée  dans  le  sacrement  de  baptême,  ibid. 

JEUNE  (le),  est  moins  agréable  à  Dieu  que  la 
charité,  p.  52;  l'Eglise  en  a  assigné  à  toutes  les  sai- 
sons de  l'année,  par  l'inspiration  du  Saint-Esprit, 
p.  80.  Celui  du  dixième  mois  est  établi  par  la  tra- 
dition des  apôtres,  ibid.,  et  p.  249;  ses  propriétés, 
p.  180;  il  doit  être  accompagné  des  œuvres  de  la 
loi  et  de  la  charité,  p.  187.  Pourquoi  les  jeûnes 
sont  établis  après  les  fêtes,  p.  194;  degré  pour 
jeûner  utilement,  ibid.  L'Eglise  prescrit  celui  du 
carême  à  tous  les  fidèles,  sans  aucune  exception, 
p.  249.  Saint  Perpétue,  évêque  de  Tours,  règle 
les  jours  des  jeûnes,  p.  438.  Jeûne  des  Rogations, 
p.  347. 

JOBIUS.  Théodoret  lui  écrit,  p.  75. 

JONAS  a  fait  d'autres  prophéties  que  celles  qui 
portent  son  nom,  p.  109. 

JONATHAS.  Pourquoi,  en  voulant  fondre  sur  ses 
ennemis,  il  donne  certains  signes  à  son  écuyer,  p.  33. 

JOSUÉ  STYLITE,  auteur  syrien ,  p.  583.  Sa  Chro- 
nique; ce  qu'elle  contient  de  remarquable,  iiid.  et  suiv. 

JOSUE.  Théodoret  fait  un  parallèle  entre  Josué 
et  Jésus-Christ,  p.  31. 

JOVIEN ,  empereur,  rappelle  les  évêques  exilés 
sous  Julien  ,  p.  47.  Plusieurs  évêques  lui  écrivent, 
ibid.  Jovien  ordonne  de  fournir  aux  Eglises  le  blé 
que  Constantin  avait  accordé  et  que  Jovien  avait  re- 
tranché, ibid.  Sa  mort  est  regrettée,  ibid. 

JUDAS.  S'il  avait  voulu  faire  pénitence  de  son 
crime,  il  en  aurait  obtenu  le  pardon,  p.  188. 

JUGE  persan,  rend  une  sentence  injuste;  et  épou- 
vanté, en  rend  une  tout  opposée,  p.  51. 

JUIFS.  H  est  défendu  à  tous  les  clercs  et  même 
aux  laïques,  de  manger  chez  eux  et  de  les  inviter  à 
manger,  p.  713. 

JULES,  évêque  de  Pouzzole,  légat  du  pape  saint 
Léon  au  faux  concile  d'Ephèse,  p.  325  et  675;  il 
refuse  de  souscrire  à  la  déposition  de  Flavien  et 
d'Eutychès,  p.  679. 

JULIEN  (saint),  de  Brioude.  Son  chef  retrouvé 
avec  le  corps  de  saint  Ferréol ,  par  saint  Mammert, 
p.  391. 

JULIEN  est  élu  évêque  d'Antioche,  p.  345. 


788 


TABLE  ANALYTIQUE. 


JULIEN,  diacre  de  Carthage,  presse  Orose  d'en- 
trepreiidre  l'Histoire  du  monde,  p.  3. 

JULIEN  l'Apostat,  rappelle  les  évêques  que 
Constance  avait  chassés  de  leurs  Eglises,  p.  46;  lois 
de  ce  prince  contre  les  chrétiens,  ibid.;  il  les  fait 
chasser  des  armées,  ibid.;  il  ordonne  de  transporter 
les  reliques  du  martyr  saint  Babjlas,  ibid.;  il  s'ef- 
force en  vain  de  rétalilir  le  temple  de  Jérusalem , 
ibid.;  il  perd  la  vie  dans  son  expédition  contre  les 
Perses,  ibid.;  réjouissances  à  sa  mort,  ibid. 

JULIEN,  évoque  de  Cos.  Saint  Léon  l'établit  son 
nonce  à  Constantinople ,  p.  175.  Julien  écrit  à  ce 
pape,  touchant  l'erreur  d'Eutychès,  p.  213.  Répon- 
ses qu'il  en  reçoit,  ibid.  Autres  lettres  de  saint 
Léon,  p.  2i6,  220,  226,  228  et  229.  Ce  saint  pape 
l'engage  à  travailler  avec  ses  légats,  à  l'extirpation 
des  restes  de  l'hérésie  d'Eutychès,  p.  221;  il  le 
commet  pour  présider  en  son  nom  au  concile  géné- 
ral, p.  222.  Julien  prie  saint  Léon  de  confirmer  le 
vingt-huitième  canon  du  concile  de  Chalcédoine, 
p.  224;  il  est  le  premier  qui  ait  la  commission 
d'apocrysiaire  ou  de  correspondant  à  Constantinople, 
de  la  part  du  pape,  p.  226.  Avertissement  que  lui 
donne  saint  Léon,  ibid.  Julien  prie  ce  pape  d'écrire 
à  Anatolius;  réponse  qu'il  en  recuit,  ibid.  Le  pape 
le  charge  de  l'informer  exactement  quel  jour  on  doit 
faire  la  Pâque  en  455,  p.  228,  229,  et  de  fùre  une 
nouvelle  traduction  grecque  de  sa  lettre  à  Flavien, 
p.  229.  L'empereur  Léon  lui  demande  son  avis  sur 
le  concile  de  Chalcédoine  et  sur  Timothée  Elure, 
p.  238.  Réponse  de  Julien,  ibid. 

JULIEN,  évêque  d'Eclane.  L'hérésie  de  Pelage 
essaie  de  reprendre  naissance  par  son  ministère, 
p.  292;  il  est  condamné  deux  fois,  ibid.;  il  tâche, 
par  toutes  sortes  d'artifices,  de  rentrer  dans  la  com- 
munion de  l'Eglise  romaine,  p.  •169.  Le  pape  Sixte  111 
rejette  sa  fausse  pénitence,  ibid. 

JULIEN  ,  évêque  de  Sardique,  assiste  au  concile 
d'Ephèse,  p.  103. 


JULIEN  POMERE  est  auteur  du  livre  de  la  Vie 
contemplative ,  p.  314  et  315;  ce  qu'on  sait  de  Ju- 
lien, p.  588;  ses  écrits,  ses  trois  livres  de  la  Vie 
contemplative,  ihid.  Analyse  du  premier  livre,  p. 
589;  du  deuxième,  p.  593;  du  troisième,  p.  597. 
Autres  écrits  attribués  à  Julien  Pomère,  p.  599. 

JULIEN  SABAS  (saint)  établit  sa  demeure  dans  le 
désert  de  l'Osrhoène,  p.  51;  [sa  manière  de  vivre, 
ibid.;  règle  qu'il  donne  à  ses  disciples,  ibid.;  il  fait 
mourir  un  dragon  par  le  signe  de  la  croix,  ibid.;  il 
a  une  révélation  de  la  mort  de  Julien  l'Apostat, 
ibid.;  il  va  à  Antioche,  ibid.;  miracle  qu'il  fait  en 
chemin,  ibid.;  il  tombe  malade  à  Antioche,  ibid.; 
il  recouvre  la  santé,  p.  52;  il  guérit  plusieurs  per- 
sonnes affligées  de  diverses  maladies,  p.  52. 

JULIENNE  ,  petite  fille  de  l'empereur  Valenli- 
nien  III  et  femme  d'Aréobinde,  se  déclare  pour  le 
concile  de  Chalcédoine,  p.  490. 

JUSTE  (s.mnt),  évêque  de  Lyon.  Sa  fête  célébrée 
tous  les  ans,  p.  379,  389  et  390. 

JUSTICE  DIVINE.  Elle  éclate  sur  les  païens,  sous 
Julien  l'Apostat,  p.  46. 

JUSTINE ,  femme  de  l'empereur  Valentinien,  infec- 
tée de  l'erreur  arienne,  en  prend  la  défense,  p.  49; 
elle  communique  ce  poison  au  jeune  Valentinien, 
son  fils,  ibid. 

JUVÉNAL,  évêque  et  premier  patriarche  de  Jéru- 
salem, est  fait  évêque  vers  l'an  424,  p.  17.  Saint 
Célestin  lui  écrit  contre  les  erreurs  de  Nestorius, 
ibid.  Juvénal  assiste,  en  431,  au  faux  concile  d'E- 
phèse, ibid.,  il  prétend  s'y  attribuer  la  primauté  de 
la  Palestine,  ibid.  et  p.  343.  Saint  Cyrille  s'y  op- 
pose, p.  17.  Juvénal  est  un  des  députés  du  concile 
à  l'empereur  et  de  ceux  qui  ordonnèrent  Maximien, 
ibid.;  il  assiste  au  concile  de  Chalcédoine,  ibid.;  i] 
est  obligé  de  sortir  de  son  Eglise,  en  452;  il  y  re- 
vient l'année  suivante,  p.  18;  il  tient  un  concile  à 
Jérusalem,  ibid.;  sa  mort,  en  458,  ihid. 


laïques.  Il  est  défendu  de  les  admettre  à  l'épis- 
copat  et  à  la  prêtrise,  p.  205, 261  ;  quelque  savoir  qu'ils 
aient,  il  ne  leur  est  pas  permis  de  prêcher,  p.  262. 

LAMPRIDIUS  ,  ami  de  saint  Sidoine  ,  qui  lui  en- 
voie un  petit  poème,  p.  393. 

LANGUE  maligne.  Les  fâcheux  effets  qu'elle  pro- 
duit, p.  156.  Langues  coupées  aux  confesseurs 
d'Afrique,  qui  ne  laissent  pas  de  parler,  p.  263  et  492. 

LARRON.  Pourquoi  le  bon  larron  a  reçu  si  tôt  le 
pardon  de  ses  crimes,  p.  32. 

LATISCON,  montagne  du  diocèse  de  Troyes,  où 
saint  Loup  se  retire  durant  deux  ans,  p.  357. 

LAURENT,  évêque  de  Lignide  en  lllyrie.  Le  pape 
Gélase  lui  écrit,  p.  493. 

LAUSUS.  Pallade  lui  dédie  son  Histoire  lausiaque, 
p.  151.  Firnius  lui  écrit,  ibid. 


LÉANDRE  (saint),  évêque  de  Séville,  est  auteur 
d'un  discours  en  l'honneur  de  saint  Vincent ,  mar- 
tyr, attribué  à  saint  Léon,  p.  198. 

LECTEURS  (les)  sont  marqués  entre  les  ministres 
de  l'Eglise,  p.  130;  ils  peuvent  se  marier  et  avoir 
des  enfants,  p.  261  ;  il  leur  est  défendu  de  prendre 
des  femmes  qui  ne  soient  point  catholiques  ou 
de  faire  baptiser  leurs  enfants  chez  les  hérétiques, 
p.  698.  Les  enfants  des  confesseurs  sous  Hunéric, 
sont  faits  lecteurs,  p.  461. 

LÉGISLATEURS.  Comparaison  des  législateurs 
grecs  et  romains  avec  les  apôtres,  p.  96. 

LÉGITIMUS,  évêque,  est  commis  pour  porter  la 
lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de  Cnmpanie,  et  il 
est   chargé  d'en  faire  exécuter  les  décrets,  p.  302. 

LÉON,  empereur,  est  élevé  à  celte  dignité,  en 


TABLE  ANALYTIQUE. 


789 


457,  par  rautorité  du  patrice  Asper,  p.  233;  son 
règne  est  moins  favorable  à  l'Eglise  que  celui  de 
Marcien,  ibid.  Léon  écrit  à  Juvénal  de  Jérusalem, 
p.  18.  Saint  Léon  le  félicite  sur  son  élection,  p. 
233.  Autre  lettre  du  pape,  ibid.  Anatolius  informe 
saint  Léon  des  bonnes  dispositions  de  ce  primée, 
pour  la  défense  des  décrets  du  concile  de  Chalcé- 
doine,  p.  234.  Lettre  du  pape,  ibid.  Léon  reçoit 
charitablement  les  évêques  d'Egypte,  qui  lui  font 
récit  des  persécutions  de  Timothée  Elure,  ibid.; 
saint  Léon  lui  écrit  en  faveur  de  ces  évêques,  ibid. 
Autre  lettre  du  pape,  p.  236,  qui  lui  écrivait  une 
ample  exposition  de  la  foi  sur  le  mystère  de  l'Incar- 
nation et  de  la  Rédemption,  ibid.  et  237.  Léon  fait 
chasser  Timothée  Elure  d'Alexandrie,  p.  238.  Le 
pape  l'en  remercie  au  nom  de  toutes  les  Eglises, 
ibid.  Léon  écrit  une  lettre  circulaire  à  tous  les 
évêq\ies,  pour  avoir  leur  avis  sur  le  concile  de  Chal- 
cédoine  et  de  Timothée  Elure,  ibid.  Réponse  de  Ju- 
lien de  Cos,  ibid. 

LÉON  (saint),  pape,  surnommé  le  Grand,  docteur 
de  l'Eglise.  Histoire  de  sa  vie,  p.  169  et  suiv.;  sa 
naissance,  et  ce  qu'il  a  fait  jusqu'à  son  épiscopat, 
p.  169;  il  va  dans  les  Gaules,  ibid.;  il  est  élu  pape 
en  450,  ibid.;  sa  conduite  pendant  son  épiscopat, 
ibid.;  il  fait  régler  la  fête  de  Pâques  pour  l'an  447, 
p.  170;  ses  lettres  sur  ce  sujet  à  saint  Cyrille  d'A- 
lexandrie et  à  Paschasin,  ibid.;  son  zèle  contre  les 
manichéens;  il  les  fait  chasser  de  Rome,  p.  171  ;  il 
combat  les  pélagiens,  p.  171  et  172  ;  son  différend 
avec  saint  Hilaire  d'Arles,  en  445,  p.  172;  il  écrit 
au  sujet  d'Eutychès,  ibid.;  il  envoie  en  449,  ses 
légats  à  Ephèse,  p.  173;  ses  plaintes  sur  l'irrégu- 
larité de  ce  concile,  ibid.;  il  rétablit  Théodoret, 
déposé,  p.  172;  il  demande  la  tenue  d'un  concile 
général,  ibid.;  il  envoie  ses  légats  au  concile  de 
Chalcédoine,  en  451,  ibid.  Le  concile  lui  envoie  les 
actes  de  tout  ce  qui  s'est  passé.  En  quoi  il  réduit 
son  approbation,  ibid.;  il  s'oppose  au  vingt-huitième 
canon  qui  donne  le  second  rang  à  l'Eglise  de  Cons- 
tantinople,  ibid.;  il  arrête  Attila,  en  452,  p  174  et 
175;  il  confirme  le  concile  de  Chalcédoine,  par  une 
lettre  circulaire,  p.  375;  il  établit  Julien  de  Cos  son 
nonce  à  Constantinople,  ibid.;  règle  la  fête  de  Pâ- 
ques de  455,  ibid.;  il  se  réunit  avec  Anatolius  de 
Constantinople;  se  réjouit  de  la  paix  de  Palestine, 
p.  176;  il  empêche  l'incendie  de  Rome  par  Gensé- 
ric,  ibid.  Il  s'oppose  à  l'intrusion  de  Timothée  Elure, 
ibid.  et  177;  sa  mort  en  461,  p.  177.  Ses  écrits, 
p.  178;  ses  sermons  sur  son  ordination,  ibid.  et 
179;  sur  les  Collectes,  p.  179  et  180;  sur  le  Jeûne 
du  dixième  mois,  p.  180  et  181;  sur  la  Nativité 
de  Jésus-Christ,  p.  181  et  suiv.;  sur  l'Epiphanie, 
p.  184  et  suiv.  Sermons  pour  le  xarême,  p.  186  et 
187;  sur  la  Passion  du  Sauveur,  p.  187  et  suiv.;  sur 
la  Résurrection,  p.  192  et  193;  pour  l'Ascension, 
p.  193;  pour  la  Pentecôte,  ibid.  et  194;  sur  le 
Jeûne  de  la  Pentecôte,  p.  194.  Sermons  sur  les  apô- 
tres saint  Pierre  et  saint  Paul,  p.  195;  sur  les  Ma- 
chabées,  ibid.;  sur  saint  Laurent,  ibid.;  pour  le 
jeûne  du  septième  mois,  ibid.  et  suiv.  Sermons  contre 


Eutychès,  p.  197;  sur  la  Transfiguration,  ibid.;  sur 
les   degrés   de  la  béatitude,    ibid.  et  198;   sur   la 
Chaire  de  saint  Pierre,  p.  198.  Prières  attribuées  à 
saint  Léon.   Discours   faussement  attribués  à  saint 
Léon,  ibid.  Ses  lettres,  p.  198  et  suiv.  Lettre  aux 
évêques  de  i\Iauritanie,  p.  198  et  199;  à  saint  Rus- 
tique de  Narbonne,  p.  199  et  suiv.  Lettre  de  Pas- 
chasien   à  saint  Léon,   p.  201    et  202.  Lettres  aux 
évêques  de  la  Campanie,  p.   202;   à  Anastase  de 
Thessalonique    et    aux   métropolitains    de    l'Illyrie 
orientale,  p.  202  et  203;  à  l'évêque  d'Aquilée  et  à 
celui  d'Altino,  p.  203;   aux  évêques  d'Italie,  ibid.; 
aux  évêques  des  Gaules,  au  sujet  de  saint  Hilaire 
d'Arles,  ibid.  et  204;  à  Dioscore  d'Alexandrie,  p. 
204  et  205;  à  Anastase  de  Thessalonique,  p.  205  et 
206;  aux  métropolitains  de  l'Illyrie,  p.  206;  à  Jan- 
vier d'Aquilée,  ibid.  ;  à  Turribius,  évêque  d'Astorga 
en  Galicie,   ibid.  et  suiv.  ;  aux  évêques  de   Sicile, 
p.  209;   aux  mêmes,   p.  210;   à  Dorus,   évêque  de 
Rénévent,  ibid.;  à  Eutychès,  ibid.;  à  Flavien,  ibid.; 
à  Théodose,  ibid.  et  211  ;  à  Flavien,  ibid.;   à  Théo- 
dose, ibid.  Grande  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien, 
contre   l'erreur  d'Eutychès,  p.  211  et  suiv.  Autres 
lettres   de  saint  Léon   à  Julien  de  Cos,  p.  213  ;  à 
Théodose,  ibid.;  à  Pnlchérie,  ibid.  et  214;  aux  ar- 
chimandrites de  Constantinople,  p.  314;  au  concile 
d'Ephèse,    ibid.;   à   Pulchérie,    ibid.;   à  Théodose, 
ibid.;  à  Flavien,  ibid  ;  au  sujet  de  l'élection  du  prê- 
tre Ravenne  pour  succéder  à  saint  Hilaire  d'Arles, 
ibid,  et  215;  à  Théodose,  p.  215  et  216;  à  Pulché- 
rie, 216;  à  Flavien,  à  Anastase  et  à  Julien,  ibid.; 
au  peuple  et  au  clergé  de  Constantinople,  ibid.;  aux 
abbés  de  Constantinople,  ibid.  et  217;  à  Théodose 
et  à  Pulchérie,  p.  217;  à  Pulchérie  et  aux  abbés  de 
Constantinople,  ibid.;  aux  évêques  de  la  métropole 
d'Arles  et  à  Ravenne,   évêque  d'Arles,  p.   217  et 
218;  à  Théodose,  p.  218,  219;  aux  abbés  de  Cons- 
tantinople et  à  Pulchérie,  p.  219;  au  prêtre  Martin, 
ibid.;  à  Fauste  et  à  Martin,  ibid.;  à  Fauste,  ibid.;  à 
Marcien  et  à  Pulchérie,  p.  219;  à  Anatolius,  p.  220; 
à  Julien,  ibid.;  à  Marcien,  ibid.  et  221  ;  à  Pulchérie, 
à  Anatolius,  p.  221  ;  à  Paschasin,  ibid.;  à  Marcien, 
à  Anatolius,   à  Julien,   au  concile  de  Chalcédoine, 
à  Marcien,  ibid.  et  222;  à  Marcien  et  à  Pulchérie, 
p.  222;  à  Ravenne,  aux  évêques  des  Gaules,  p.  223 
et  224;  à  Marcien,  à  Pulchérie,  à  Anatolius,  à  Ju- 
lien de  Cos,  p.  224  et  225;  aux  évêques  des  Gaules, 
p.  225;  à  Théodore   de  Fréjus,  ibid.;  à   Marcien,  à 
Pulchérie,  à  Julien  de  Cos,  ibid.  et  226;  aux  évê- 
ques du  concile  do  Chalcédoine,  p.  226;  à  Julien  de 
Cos,  ibid.;  à  Marcien,  à  Pulchérie,  à  Julien,  ibid.  et 
227;  à  Maxime  d'Antioche  et  à  Théodoret,  p.  227 
et  228;  à  Marcien  et  à  Julien,  p.  228/  à  Eudoxie, 
aux  moines  de  Palestine,  à  Julien,  p.  228  et  229  ;  à 
Marcien,  à  Julien,  aux  mêmes,  p.  229;  à  saint  Pro- 
tère,   p.   230.  Lettre   de  saint  Protère,   ibid.  Ré- 
ponse de   saint  Léon,  ibid.  et  231.  Lettre  à  l'em- 
pereur Marcien,  p.  231;  à  Anatolius,  ibid.  et  232  i 
aux  évêques  des  Gaules,  p.  232;  à  Juvénal  de  Jé- 
rusalem, ibid.;  à  Julien,  à  Marcien,  à  Julien,  à  Ana- 
tolius, ibid.  et  233;  à  l'empereur  Léon,  p.  333;  à 


790 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Anatolius,  ibid.;  à  Julien,  ibid.;  à  Basile  d'Ancyre, 
ibid.;  à  Euxithée  de  Thessalonique  et  à  Juvénal  de 
Jérusalem,  ibid.;  à  Julien,  à  Aétius,  à  Léon,  ibid. 
et  234;  aux  évèques  d'Egypte,  à  Anatolius,  p.  234 ; 
à  Léon,  à  Anatolius,  aux  évêques  d'Egypte,  ibid.  et 
235;  à  Anatolius,  p.  235;  à  Nicétas,  évêque  d'A- 
quilée,  p.  235;   aux  évêques  d'Egypte  persécutés, 
au  clergé  de  Constantinople,  p.  236;  à  Léon,  ibid. 
et  237  ;  à  Néonas,  évêque  de  Ravenne,  p.  237;  aux 
évêques  de  la  Campanie,  ibid.  et  238  ;  à  saint  Léon, 
ibid.;  à  Gennade  de  Constantinople,  ibid.;  à  Timo- 
thée  Solofaciole,    évêque    d'Alexandrie,    ibid.;    au 
clergé   d'Alexandrie,  ibid.    Fragments   de  quelques 
autres  lettres  de  saint  Léon,  ibid.  Lettres  suppo- 
sées,  p.   239.   Lettres   de   saint  Léon  attribuées  à 
Prosper,   ibid.    Livres   de  la  Vocation  des   Gentils, 
)).  24-0  et  suiv.  L'auteur  des  livres  de  laVocation  des 
Gentils,  et  que  quelques  savants  attribuent  à  saint 
Léon,  est  inconnu,  p.  240  et  241.  Analyse  du  pre- 
mier livre,  p.  241  et  suiv.  Analyse  du  deuxième  li- 
vre, p.  244  et  suiv.  Lettre  à  la  vierge  Démétriade, 
qu'on  attribue  aussi  à  saint  Léon,  p.  246  et  247. 
Doctrine  de  saint  Léon,   p.  247  et  suiv.;  sur  l'E- 
criture sainte,    p.  247  et  248;  sur  la   tradition, 
p.  248  et  249;  sur  la  foi ,  p.  249  et  250;  sur  la 
Trinité,   p.    250  et  suiv.;    sur    le   péché  originel, 
p.  252  et  253;  sur  l'Incarnation  ,  sur  la  distinction 
des  deux  natures  et  des  deux  volontés  en  l'unité  de 
personne,  p.  253  et  suiv.;  sur  l'universalité  du  sa- 
crifice en  Jésus-Christ,    p.  256  et  257;    sur  le 
baptême  et  ses  cérémonies,   p.  257  et  258  ;  sur  la 
confirmation,  p.  258;  sur  l'Eucharistie,  p.  259  ;  sur 
la  pénitence,  ibid.  et  suiv.  ;    sur  l'ordre  ,  p.  261  et 
suiv.;  sur  le  mariage,  p.  264;  sur  la  grâce  et  sur 
le  libre  arbitre,  ibid.  et  suiv  ;  sur  l'Eglise,  p.  266 
et  suiv.;  sur  les  conciles,  p.  268  et  269;  sur  l'au- 
torité du  pape,  p.   2G9  et  270;  sur  le  culte  des 
saints  et  sur  le  culte  de  leurs   reliques,  p.  270  et 
271  ;  sur  le  jeûne,  l'aumône,  la  prière,  les  collec- 
tes et  les  bonnes  œuvres  faites  en  commun,  p.  271 
et  suiv.;  sur  quelques  points  de  discipline,  p.  273. 
Jugement  des  écrits  de  saint  Léon,   p.  274.   Edi- 
tions qu'on  en  a  faites,  ibid.  et  suiv. 

LÉON,  évêque  de  Bourges,  préside  au  concile 
d'Angers,  p.  708. 

LÉON,  ministre  d'Euric,  roi  des  Visigoths,  prie 
saint  Sidoine  de  lui  envoyer  la  copie  de  la  Vie  d'A- 
pollonius de  Tiiyanes,  p.  381  ;  d'écrire  l'histoire  de 
son  temps,  p.  382  ;  il  lui  fait  rendre  la  liberté,  p.  381 . 

LÉON,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 

LÉON ,  prêtre  de  l'Eglise  de  Narbonne,  en  pour- 
suivant la  punition  d'un  adultère,  va  trop  loin, 
p.  200.  (îité  devant  une  assemblée  d'évêques  et  des 
laïques  qualifiés,  il  est  condamné,  ibid. 

LÉONCE,  évêque  de  Fréjus.  Le  pape  Célestin  lui 
écrit  en  faveur  de  saint  Augustin,  p.  277. 

LÉONCE,  évêque.  Arnobe  lui  dédie  son  commen- 
taire sur  les  Psaumes,  p,  330. 

LÉONCE,  diacre.  Saint  Prosper  écrit  par  lui  à 
saint  Augustin,  p.  278. 

LÉONCE  est  élevé  sur  le  siège  épiscopal  d'Antio- 


che  contre  la  disposition  du  concile  de  Nicée,  p.  45. 
Ses  injustices  et  ses  impiétés,  ibid.  Firmus  lui  écrit, 
p.  151. 

LEONCE,  évêque  d'Arles.  Son  union  avec  le  pape 
saint  Hilaire,  p.  336;  qui  était  Léonce,  ibid.;  sa 
lettre  à  saint  Hilaire,  ibid.  Lettre  de  saint  Hilaire  à 
Léonce,  p.  337  et  838.  Saint  Sidoine  lui  écrit,  p.  390. 
LEONTIUS  PONTIUS,  sénateur.  Saint  Sidoine  loge 
chez  lui  à  Bordeaux  et  lui  adresse  un  poème,  p.  397. 
LETTRES.  Leur  décadence  dans  les  Gaules, 
p.  355. 

LEUCIUS,  manichéen,  compose  des  Actes  sous  le 
nom  de  saint  Jean  et  de  saint  André,  p.  207. 

LIBERAT  (saint),  médecin,  confesse  Jésus-Christ 
sous  Hunéric,  p.  461  et  462. 

LIBÉRÂT  (saint)  ,  abbé  ,  confesse  Jésus-Christ 
sous  Hunéric,  p.  462  et  463. 

LIBÈRE  ,  patrice  ,  écrit  au  pape  Symmaque  pour 
lui  donner  avis  de  l'élection  d'un  évêque  d'Aquilée, 
p.  523. 

LIBÈRE  (saint),  pape.  Sa  conférence  avec  l'em- 
pereur Constance,  p.  45;  il  insiste  sur  le  rappel  des 
évêques  exilés,  ibid.  ;  il  ordonne  un  évêque  en  sa 
place,  ibid.;  il  est  rappelé,  ibid. 

LIBRE  ARBITRE.  Avant  le  péché  il  ne  suffisait 
pas  à  lui-même  sans  le  secours  de  la  grâce  et  à  plus 
forte  raison  depuis  le  péché,  p.  428;  il  n'est  pas  en- 
tièrement éteint  depuis  le  péché,  p.  427. 
LIMÉNIUS  ,  à  qui  Salvien  écrit,  p.  377. 
LIMÉRIUS,  questeur,  p.  338;  il  est  chargé  de  mé- 
nager un  traité  avec  les  Visigoths,  ibid.  et  391. 
LINIUS,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 
LIVIANNE,  lieu  d'exil  de  saint  Sidoine,  p.  381. 
LIVRES.  Catalogue  des  livres  canoniques  de  l'An- 
cien et  du  Nouveau  Testament,  p.  723. 

L(>IS.  Il  est  quelquefois  nécessaire  de  se  relâcher 
de  la  rigueur  de  la  loi  pouf  un  bien  que  la  loi  même 
aurait  ordonné,  si  elle  l'avait  prévu,  p.  521. 

LONGIN  ,  abbé  de  Dolique  ,  en  Syrie.  Théodoret 
lui  écrit,  p.  76. 

LONGIN,  prêtre,  souscrit  à  la  déposition  de  Fla- 
vien  et  d'Eusèbe  pour  Dorothée  de  Néocésarée  , 
p.  679. 

LOUP  (saint),  né  à  Toul  en  Lorraine,  se  retire  à 
Lérins,  p.  436;  il  est  fait  évêque  deTroyes  vers  l'an 
426,  p.  356;  il  est  envoyé  en  Bretagne  contre  les 
pélagiens,  ibid.  ;  il  y  assemble  un  concile  où  il  con- 
damne Pelage  et  Agricola,  p.  667;  ses  miracles, 
p.  356  et  357;  sa  conduite  pendant  son  épiscopat, 
p.  357  ;  il  déhvre  la  ville  de  Troyes  des  ravages  d'At- 
tila, en  451,  ibid.  ;  lettre  de  saint  Loup  et  de  saint 
Euphrone  d'Autun ,  ibid.  ;  à  Thalasse  d'Angers  sur 
différents  points  de  discipline,  ibid.  et  358;  lettre 
de  saint  Loup  perdue,  p.  358  ;  sa  lettre  à  saint  Si- 
doine pour  le  congratuler  son  élévation  à  l'épisco- 
pat,  ibid.  et  359.  Saint  Sidoine  lui  répond,  p.  390. 
Autres  lettres  perdues,  p.  359. 

LUC  ,  métropolitain  de  l'IUyrie  orientale  ,  écrit  à 
saint  Léon  qui  lui  répond,  p.  206. 

LUCENTIUS.  évêque  d'Ascoli.  Saint  Léon  l'envoie 
à  Constantinople  pour  travailler  avec  Anatolius  à  la 


TABLE  ANALYTIQUE. 


791 


paix  et  à  la  réunion  ,  p.  682;  il  le  joint  à  ses  légats 
pour  le  concile  de  Chalcédoine  ,  ibid.  et  p.  220;  il 
se  plaint  du  concile,  p.  701. 

LUCIDE,  prêtre.  Ses  erreurs  sur  la  grâce,  p.  425. 
Faustede  Riez  lui  écrit,  ibid.  Edition  qu'on  a  faite  de 
cette  lettre  avec  une  traduction,  p.  437.  Lucide  donne 
sa  rétractation,  p.  426,  427. 

LUCIEN,  évèque,  est  chargé  de  plusieurs  lettres 
pour  saint  Léon,  p.  224. 

LUCONCE  souhaite  d'avoir  quelque  pièce  de  saint 
Sidoine,  p.  388. 

LUITPRAND  ,  roi  des  Lombards  ,  fait  dresser  à 
Boëce  un  niausoléeque  l'on  voit  encore  aujourd'hui, 
p.  650. 


LUPERCALES.  Le  pape  Gélase  les  abolit  dans 
Rome,  p.  507. 

LUPUS  demande  des  vers  à  saint  Sidoine,  p.  394. 

LYMNÉE  (saint)  ,  disciple  de  saint  Thalasse ,  qui 
lui  donne  pour  leçon  d'observer  le  silence  ,  p.  60  ; 
ilsemet  aussisous  la  conduite  de  saint  Maron,  ibid.;  il 
fixe  sa  demeure  sur  le  sommet  d'une  montagne,  ibid.  ; 
il  a  recours  dans  ses  maladies  à  la  prière,  au  signe 
de  la  croix  et  au  nom  de  Jésus-Christ,  ibid.;  il  se 
guérit  par  ce  remède  salutaire  de  la  morsure  d'une 
vipère  ,  ibid.  ;  il  rassemble  auprès  de  lui  des  aveu- 
gles et  des  pauvres,  ibid. 

LYMPIDIUS,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 


M. 


MACAIRE,  évèque  de  Cabases,  quitte  le  parti  de 
Dioscore  même  avant  sa  condamnation,  p.  230;  or- 
donne saint  Protère,  ibid. 

MACAIRE ,  évèque  de  Jérusalem.  Comment  il 
reconnaît  la  croix  du  Sauveur,  p.  44. 

MACÉDONIENS,  croient  que  le  Saint-Esprit  est 
d'une  nature  inférieure  au  Père  et  au  Fils,  p.  252. 

MACÉDONIUS  (saint)  ,  anachorète,  se  rend  illus- 
tre par  ses  vertus  et  ses  miracles,  p.  57.  La  mère  de 
Théodoret  fournit  à  sa  subsistance  ,  ibid.  Flavien 
l'ordonne  prêtre  malgré  lui,  ibid.  Ses  exhortations  à 
Théodoret,  ibid.  ;  il  est  enterré  à  Antioche,  ibid. 

MACEDONIUS,  hérésiarque,  intrus  sur  le  siège  de 
Constantinople  ,  p.  45.  Ce  qu'il  pense  sur  le  Saint- 
Esprit,  ibid.  Son  hérésie  est  comme  la  racine  de 
celle  d'Arius,  p.  48.  Elle  est  condamnée  à  Constan- 
tinople et  par  le  pape  Damase,  p.  48. 

MACEDONIUS,  tribun  etnotaire,  instruit  dans  l'as- 
semblée de  449  ,  à  Constantinople  ,  la  procédure 
contre  Eutychès  ,  p.  674;  veut  obliger  les  évêques 
de  jurer  qu'ils  diront  la  vérité  ,  ibid.  ;  il  déclare 
qu'on  l'a  averti  que  les  autres  notaires  avaient  falsi- 
fié les  actes  du  concile  de  Constantinople  de  448, 
ibid. 

MACÉDONIUS  II  (SAINT),  patriarche  de  Constanti- 
nople après  Euphémius,  p.  488,  confirme  le  concile  de 
Chalcédoine,  p.  488.  Son  attachement  à  la  foi  ortho- 
doxe le  rend  odieux  à  l'empereur;  il  lui  résiste,  ibid. 
et  489;  il  est  accusé  d'un  crime  infâme  et  de  nesto- 
rianisme,  p.  489;  il  est  envoyé  en  exil  oîi  il  meurt 
à  Gangres,  en  517,  ibid.  et  490. 

MAGES.  On  a  vu  en  eux  l'efficacité  de  la  grâce  de 
notre  Créateur,  p.  264.  Elle  a  conduit  leur  entreprise, 
ibid. 

MAGICIENS  chassés  de  Rome  ,  p.  647.  Quelques 
sénateurs  accusés  de  magie,  arrêtés,  p.  648. 

MAGIE.  Toute  sorte  de  magie  et  d'enchantement 
est  défendu  aux  clercs  sous  peine  d'être  chassés  de 
l'Eglise,  p.  705  et  746. 

MAGNUS  ,  évèque  de  Milan.  Saint  Avit  lui  écrit, 
p.  558. 


MAGNUS,  prêtre  et  abbé  de  Constantinople.  Théo- 
doret et   saint  Léon  lui  écrivent,  p.  75  ,  2l4,  219. 

MAGNUS  ,  silentiaire  ,  envoyé  de  l'empereur  au 
concile  de  Constantinople  de  448,  demande  à  entrer, 
p.  672;  il  lit  l'ordre  du  prince,  ibid.;  il  déclare 
dans  l'assemblée  de  l'année  suivante  qu'on  lui  a 
montré  la  condamnation  d'Eutychès  tout  écrite  avant 
le  concile,  p.  674. 

MAGNUS,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 

MAJORIC  (saint),  martyr  sous  Hunéric,  p.  459. 

MAJORIEN,  empereur  ,  donne  une  loi  contre  les 
parents  qui  contraignent  leurs  filles  à  se  consacrer  à 
Dieu  ,  p.  237  ;  saint  Sidoine  prononce  son  panégy- 
rique en  vers,  p.  379  et  396.  Majorien  est  tué  le  7 
août  de  l'an  461,  p.  336. 

MALADES  (les)  sont  capables  d'un  certain  jeûne, 
p.  187.  En  quoi  il  consiste,  ibid. 

MALÉDICTIONS.  Pourquoi  le  nombre  des  malé- 
dictions qui  sont  dans  le  Deutéronome  surpasse  ce- 
lui des  bénédictions,  p.  31. 

MAMAS,  prêtre,  est  nommé  pour  citer  Eutychès, 
p.  670.  On  lui  ordonne  de  faire  son  rapport,  p.  671. 

MAMMERT  (saint),  évèque  de  Vienne,  institue  les 
Rogations  :  quelle  en  fut  l'occasion  ,  p.  347.  Il  or- 
donne saint  Marcel,  évèque  de  Die,  ce  que  le  pape 
saint  Ililaire  improuve,  p.  338. 

MAMMERT  CLAUDIEN,  prêtre  de  l'Eglise  de 
Vienne;  son  éducation,  p.  346;  il  est  fait  prêtre, 
ibid.  ;  il  contribue  à  l'institution  des  Rogations , 
p.  347  ;  il  répond  aux  questionsd'un  grand  nombre  de 
personnes  ,  ibid.  et  348;  ses  charités  ,  p.  348;  sa 
mort  en  473  ou  474  ,  ibid.  ;  ses  écrits  :  son  traité 
de  la  Nature  del'âme  contre  Fauste  de  Riez,  divisé 
on  trois  livres,  p.  348;  analyse  du  premier  livre , 
p.  349  et  suiv.;  du  second  livre,  p.  351,352;  du 
troisième  livre,  p.  352,  353.  Ce  qu'on  doit  conclure 
de  la  doctrine  établie  dans  ces  livres,  p.  353,  354; 
lettre  de  Mamraert  à  Sidoine  sur  la  différence  entre  les 
êtres  spirituels  et  les  êtres  corporels,  p.  354;  juge- 
ment des  livres  sur  la  Nature  de  l'âme,  p.  359  ;  édi- 
tions qu'on  en  a  faites  ,  ibid.  Lettre  de  Mammert 


792 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Claudien  à  Sapande,   p.    355.  Hymnes  qui  lui  sont 
altribuées,  ibid. 

MANES  ou  MANICHÉE.  Quelques-unes  de  ses  ex- 
travagances, p.  47;  il  dit  que  jusqu'à  son  temps 
l'Eglise  a  été  privée  du  Saint-Espril ,  p.  194.  Saint 
Léon  réfute  son  erreur,  ibid.  ;  il  ne  reconnaît  Jé- 
sus-Christ que  comme  Dieu,  ne  lui  atlribuanl  l'hu- 
manité qu'en  apparence,  p.  72  et  475  ;  il  était  es- 
clave par  sa  condition,  p.  80. 

IMANICHÉEMS  (les),  sont  obligés  de  sortir  despro- 
vinces oùilsfontleur  demeure  p.  171;  ils  font  profes- 
sion à  Rome  d'être  calholiques  ,  ibid.  Manichéens 
chassés  de  Rome,  ibid.  Leurs  livres  et  leurs  simulacres 
brûlés  publiquement ,  ibid.  Saint  Léon  reçoit  ceux 
qui  témoignent  se  repentir  de  leurs  infamies  et  chasse 
ceux  qui  persistent  dans  leurs  erreurs  ,  ibid.  Ceux 
qui  ne  sont  point  pris  se  retirent  de  Rome  ,  ibid. 
L'empereur  Valentinien  renouvelle  les  lois  faites 
contre  eux,  /A/rf.;  conciles  tenus  contre  ces  hérétiques, 
ibid.;  ils  baptisent  avec  l'huile  et  jeiînent  le  jour  de 
la  Nativité  de  Jésus-Christ  et  le  jour  de  dimanche 
p.  207  ,  208.  Leurs  erreurs ,  ibid.  Manichéens  en 
Afrique.  Hunéric  ,  roi  des  Vandales,  en  fait  brûler 
plusieurs,  p.  452. 

MANUEL,  abbé.  Eutychès  envoie  un  tome  au  mo- 
nastère de  Manuel  pour  y  être  signé,  p.  671. 

MARANE  (sainte),  est  d'une  naissance  considé- 
rable, p.  63;  elle  se  retire  avec  sainte  Cyre,  ibid.  ; 
sa  vie  austère  et  son  respect  pour  le  sacerdoce,  ibid.; 
ses  voyages,  p.  64. 

MARANE,  avocat,  ce  que  Théodoret  lui  prédit, 
p.  75. 

MARAS  ,  diacre  d'Edesse.  On  le  cite  pour  témoin 
contre  Ihas  qui  le  récuse  ,  p.  146;  il  était  déjà  ex- 
communié par  son  archidiacre,  ibid. 

MARAS  ,  prêtre  d'Edesse  ,  accuse  son  évêque  au- 
près de  saint  Procle  ,  p.  144;  il  donne  son  libelle 
d'accusation  à  Domnus  d'Anlioche,  ibid.  ;  sa  récon- 
ciUation  avecibas,  p.  145.  Il  recommence  la  procé- 
dure; ses  chefs  d'accusation,  p.  145. 

MARC,  évêque  d'Arétuse.  Supplices  que  les  habi- 
tants de  cette  ville  lui  font  souffrir  sous  Julien  l'A- 
postat, p.  46;  il  les  vainc  par  sa  patience  et  leur  ap- 
prend les  premiers  principes  de  la  religion,  ibid. 
MARCEL  (saint),  évêque  de  Die,  p.  338. 
MARCEL,  abbé  d'Acémètes,  près  de  Constantino- 
ple.  Théodoret  lui  écrit,  p.  77. 

MARCEL,  évêque  d'Ancyre.  Ce  qu'il  enseigne  sur 
l'incarnation,  p.  72. 

MARCEL  ,  évêque  d'Apamée  ,  est  le  premier  qui 
mit  en  exécution  l'ordre  d'abolir  les  temples  des 
idoles,  p.  138. 

MARCEL ,  préfet  des  Gaules  ,  donne  du  secours  à 
saint  Rustique  pour  élabhr  l'Eglise  de  Narbonne, 
p.  201. 
MARCELLIN,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 
MARCIEN ,  empereur,  fait  chasser  de  Jérusalem 
le  moine  Théodose,  p.  18;  il  rappelle  les  évêques 
exilés,  p.  24;  il  charge  saint  Protère  d'examiner 
le  cycle  de  Théophile,  p.  175;  il  donne  avis 
de  son  élection  à  saint  Léon  ,  p.  220.  Réponse  du 


pape,  ibid.  Marcien  prie  ce  saint  d'écrire  à  Eudoxie  et 
de  la  retirer  du  schisme,  p.  228;  il  rétablit  Jiivénal 
de  Jérusalem  dans  son  siège  et  dissipe  les  troubles 
de  la  Palestine,  p.  229.  Saint  Léon  lui  fait  remettre 
sa  lettre  à  Flavien,  ibid.  Lettres  du  pape  à  ce  prince, 
p.  229 ,  231 ,  232  ;  il  envoie  en  Egypte  le  décurion 
Jean  et  le  charge  d'une  lettre  aux  moines  de  cette 
province,  p.  233;  il  fait  une  loi  contre  les  euty- 
chiens,  ibid.  Les  évêques  déposés  à  Ephèse  lui  de- 
mandent un  concile,  p.  681  ;  il  forme  le  dessein  d'en 
assembler  un,  et  en  écrit  à  saint  Léon  qu'il  invile  à 
venir  lui-même  en  Orient  pour  l'y  tenir,  p.  682; 
il  écrit  à  tous  les  métropolitains  de  se  rendre  à 
Nicée,  ibid.  ;  il  transfère  les  évêques  à  Chalcédoine, 
p.  683;  il  défend  de  faire  aucune  assemblée  ou  con- 
venticuleà  Constantinople,  ibid.  Le  concile  lui  mande 
les  raisons  qu'il  a  eues  de  déposer  Dioscore,  p.  686. 
Marcien  vient  au  concile  et  y  harangue  les  évêques, 
p.  692;  il  propose  quelques  articles  à  régler,  p'.  693; 
il  ordonne,  avec  l'approbation  du  concile,  que  la  ville 
de  Chalcédoine  aura  à  l'avenir  les  privilèges  de  mé- 
tropole, mais  pour  le  nom  seulement,  ibid.  Les  évê- 
ques lui  demandent  la  permission  de  s'en  retourner 
à  leurs  Eglises,  p.  693.  Discours  qu'ils  lui  adressent 
avant  de  se  séparer,  p.  702.  Ses  lois  pour  l'observa- 
tion des  décrets  de  ce  concile,  p.  703. 

MARCIEN  (saint),  solitaire.  Sa  naissance,  p.  52; 
il  se  retire  dans  le  désert,  ibid.;  sa  manière  de  vivre, 
ibid.;  ses  disciples,  ibid.  Plusieurs  évêques,  accom- 
pagnés^de  quelques  magistrats,  viennent  le  voir,  ibid.; 
ils  engagent  un  autre  solitaire  à  célébrer  la  fête  de 
Pâques  suivant  la  décision  du  concile  de  Nicée, 
p.  53;  il  a  un  grand  éloignement  pour  les  héré- 
tiques, ibid.;  serment  qu'il  exige  d'un  de  ses  disci- 
ples ,  ibid.  Plusieurs  personnes  font  construire  des 
oratoires  pour  mettre  son  corps  après  sa  mort,  p.  1 33. 

MARCIEN  passe  de';la  secte  des  novatiens  à  l'Eglise 
catholique;  Gennade  le  fait  économe  des  biens  de 
l'Eglise,  p.  344. 

MARCION  ne  connaît  Jésus-Christ  que  comme 
Dieu  et  ne  lui  attribue  l'humanité  qu'en  apparence, 
p.  72. 

MARIAGE.  Quelle  en  est  la  fin,  p.  88.  Ce  que 
Dieu  demande  dans  cet  état ,  ibid.  Comment  saint 
Paul  l'appelle  un  don  de  Dieu;  il  n'est  point  mau- 
vais, p.  231 .  But  que  les  patriarches  s'y  proposaient, 
p.  88  et  231.  Quel  est  le  mariage  que  l'on  doit  re- 
garder comme  légitime,  p.  264.  Son  lien  est  indis- 
soluble, ibid.  Défense  à  un  homme  d'épouser  la 
femme  de  son  frère,  p.  708.  Règlements  du  concile 
d'Orléans  sur  le  mariage,  p.  745. 

MARIAGE  des  clercs  inférieurs.  S'il  était  permis 
d'en  ordonner  qui  fussent  bigaînes,  p.  357  et  358. 

MARIBADE,  arien,  le  même  que  Varimade,  p.  482 
et  483. 

MARIE,  fille  de  qualité.  Théodoret  la  recommande 
à  Domnus  d'Antioche  et  à  quelques  autres,  p.  66; 
elle  est  réduite  en  servitude  dans  la  ruine  de  (]ar- 
thage  et  vendue  à  des  marchands  d'Orient,  qui  la 
revendent,  p.  67;  elle  est  mise  en  liberté.  Théodo- 
ret prend  soin  de  son  entretien,  ibid. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


t93 


MARIN,  évêque  des  Gaules.  Saint  Céleslin  lui  écrit 
en  faveur  de  saint  Augustin,  p.  277. 

MARIN,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  397. 

MARIS,  Persan,  est,  à  ce  que  l'on  croit,  le  même 
qui  a  écrit  la  fameuse  lettre  à  Ibas  d'Edesse,  p.  143; 
il  fait  un  commentaire  sur  les  lettres  de  saint  Acace, 
ibid.  Lettre  qu'lbas  lui  écrit,  p.  U7  et  U8. 

MARMOUTIER.  Le  jour  de  la  fête  de  Pâques,  l'é- 
vêque  et  tout  le  peuple  de  Tours  allaient  à  la  cellule 
de  saint  Martin,  à  liarmoutier,  p.  441. 

MARON  (saint),  solitaire,  p.  58.  Résolu  à  passer 
sa  vie  à  découvert,  il  se  loge  sur  le  haut  d'une  mon- 
tagne ,  ibid.;  son  corps  est  enlevé  après  sa  mort  et 
on  lui  bâtit  une  église,  ibid. 

MARONAS  corrompt ,  par  argent ,  Tutus  ,  défen- 
seur de  l'Eglise  romaine,  p.  416. 

MARSEILLE.  Troubles  de  plusieurs  fidèles  de 
cette  ville  au  sujet  des  matières  de  la  grâce  et  du 
libre  arbitre,  p.  278. 

MARTIN  (S.4INT),  évêque  de  Tours.  Miracles  opé- 
rés à  son  tombeau,  p.  438. 

MARTIN,  archimandrite  de  Constantinoplo,  sous- 
crit à  la  condanmation  d'Eulychès,  p.  214.  Saint 
Léon  lui  écrit,  ibid.  et  216;  il  écrit  à  ce  pape,  qui 
lui  répond,  p.  2I7.  Autres  lettres  de  saint  Léon, 
p.  219.  Eutychès  envoie  son  tome  dans  son  monas- 
tère pour  y  être  souscrit,  p.  67 i. 

MARTINIEN  (saint),  esclave,  martyr  sous  Gensé- 
ric,  p.  451  et  452. 

MARTYRE.  Ses  avantages,  p.  158  et  159. 

MARTYRIUS  d'Antioche  abandonne  son  évèché, 
p.  345. 

MARTYRS.  Les  gentils  tournent  en  ridicule  le 
culte  qu'on  leur  rend  ,  p.  95.  Les  chrétiens  ne  les 
regardent  que  comme  intercesseurs  auprès  de  Dieu, 
p.  96;  ils  ne  sont  point,  pour  la  plupart,  d'une  nais- 
sance illustre  ,  ibid.;  ils  ont  soin  ,  après  leur  mort, 
des  affaires  des  hommes,  p.  132.  Saint  Sidoine 
éprouve  le  pouvoir  et  l'assistance  des  martyrs  dans 
ses  adversités ,  p.  395  et  396.  Miracles  opérés  aux 
tombeaux  des  martyrs,  p.  491. 

M.^TTIIIEIJ  (saint).  Pourquoi,  en  écrivant  la  gé- 
néalogie de  Jésus-Christ,  il  a  passé  sous  silence  plu- 
sieurs femmes  illustres,  p.  32. 

MAURITANIE  CÉSARIENNE.  Saint  Léon  écrit  aux 
évêques  de  cette  province,  p.  198. 

MAXIME,  évêque  d'.Antioche,  s'accorde  avec  Ju- 
vénal  de  Jérusalem,  p.  17  ;  il  se  repent  de  sa  tran- 
saction, ibid.;  il  écrit  à  saint  Léon  qui  l'exhorte  à 
s'opposer  aux  nestoriens  et  aux  eutychiens,  p.  227; 
est  chargé  de  veiller  sur  toutes  les  Eglises  de  l'em- 
pire d'Orient,  ibid.  Poursuites  contre  lui.  On  n'en 
sait  point  le  sujet,  p.  233.  Maxime  souscrit  la  con- 
damnation de  Dioscore,  p.  688;  demande  que  l'on 
accorde  à  Domnus,  son  prédécesseur,  une  pension 
sur  les  revenus  de  l'Eglise  d'Antioche,  p.  694. 

MAXIME  (saint),  évêque  de  Turin ,  assiste  à  un 
concile  de  Milan,  p.  319;  au  concile  de  Rome,  en 
465,  où  il  est  nommé  le  premier  après  le  pape, 
p.  320.  Il  est  loué  pour  son  talent  à  parler  sans  pré- 
paration, ibid.  Temps  où  il  florissait,  selon  Gennade, 


ibid.  On  a  lieu  de  croire  qu'il  est  de  Verceil , 
p.  525.  Ses  homélies,  p.  320  et  suiv.,  sur  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ,  ibid.  et  321  ;  pour  les  dimanches 
de  carême,  ibid.;  sur  la  Passion,  ibid.;  sur  la  fête 
de  Pâques  et  sur  celle  de  la  Pentecôte,  p.  321. 
Homélies  à  la  louange  des  saints,  ibid.  et  322.  Ho- 
mélies sur  divers  points  de  morale,  p.  322  et  323. 
Autres  qui  se  trouvent  dans  le  sixième  volume  de 
saint  Ambroise,  appendice,  p.  323.  Autres  homélies 
retrouvées  par  D.  Mabillon,  ibid.  D.  Martène  en  a 
pubhé  six,  note  1,  p.  324.  Analyse  des  homélies  pu- 
bliées par  Muratori,  p.  324  et  325.  Livre  du  Bap- 
tême ,  que  Gennade  attribue  à  Maxime  de  Turin , 
p.  3^5.  Edition  des  œuvres  de  saint  Maxime,  publiées 
par  le  père  Bruno-Rruni,  p.  325  et  326;  elle  est 
reproduite  dans  la  Pairologie  latine,  p.  326.  Homé- 
lies et  sermons  contenus  dans  cette  édition  ,  p.  326 
et  327.  Cinq  traités  attribués  à  saint  Maxime,  p. 
327;  les  deux  contre  les  Païens  et  les  Juifs,  ne  pa- 
raissent pas  être  de  saint  Maxime,  ibid.  Il  en  est  de 
même  des  Expositions  sur  les  Evangiles,  ibid.  Juge- 
ment des  œuvres  de  saint  Maxime  de  Turin,  p.  328. 
Doctrine  de  saint  Maxime,  ibid.  et  329. 

MAXl.ME  (saint),  moine,  martyr  sous  Hunéric, 
p.  462  et  463. 

MAXIME  (saint),  abbé  de  Lérins,  puis  évêque  de 
Riez.  Eauste  l'accompagne  tandis  qu'il  fuit  l'épisco- 
pat,  p.  420. 

MAXIME,  évêque  de  Genève,  assiste  au  concile 
d'Agaune,  p.  746. 

MAXIME ,  évêque  donatiste,  se  convertit,  p.  199. 
Saint  Léon  demande  sa  confession  de  foi  par  écrit, 
ibid. 

MAXIME ,  évêque  de  Constantinople,  écrit  contre 
Jean  d'Antioche  et  les  autres  Orientaux,  p.  149;  il 
dépose  Euthérius  de  Thyanes,  ibid. 

MAXIME,  prêtre.  Saint  Sidoine  obtient  de  lui 
une  remise  pour  Turpion,  son  débiteur,  p.  388  et 
389. 

MAXIME  (sainte),  p.  448.  Elle  convertit  quatre 
frères  esclaves  avec  elle;  elle  souffre  beaucoup  dans 
la  persécution  de  Genséric,  p.  450  et  451. 

MAXIMIEN  ,  évêque  de  Constantinople,  écrit  con- 
tre Jean  d'Antioche,  p.  149;  dépose  Euthérius  de 
Thy.Mes,  ibid. 

MAXIMIN,  évêque  d'Anazarbes ,  se  réunit  avec 
saint  Cyrille  et  Jean  d'Antioche,  p.  60;  il  refuse  de 
répondre  aux  lettres  que  Firmus  lui  écrit,  p.  149. 

MAXIMIN  (saint),  évêque  de  Turin,  souscrit  à  la 
lettre  synodale  du  concile  de  Milan,  p.  3l9.  On  a 
de  lui  plusieurs  homélies,  p.  320  et  suiv. 

MAYSIME  (saint),  solitaire,  est  chargé  de  la  di- 
rection d'une  église  dans  le  diocèse  de  Cyr,  p.  57; 
est  longtemps  sans  avoir  d'habit,  ibid.;  il  guérit 
par  ses  prières  un  enfant,  ibid. 

MECHANTS.  Pourquoi  Dieu  les  enlève  de  bonne 
heure,  p.  153. 

MECIMAS,  prêtre  et  abbé,  vient  de  fort  loin  trou- 
ver Théodoret,  p.  75. 

MEGETIUS,  ecclésiastique  de  Soissons.  Principe, 
son  évêque,  le  recommande  à  saint  Sidoine,  p.  394. 

50* 


794 


TABLE  ANALYTIQUE. 


MÉGÉTIUS,  évêque  de  Belley,  demande  à  saint 
Sidoine  des  Contestations  ou  Préfaces  de  la  messe, 
p   398. 

MELECE,  évêque  d'Antioche,  défend  la  foi  or- 
thodoxe, p.  i6;  il  a  un  parti  dans  cette  ville, 
p.  48. 

MELÉCE,  évêque  de  Larisse,  tient  la  place  de 
Donmus  d'Apamée,  dans  le  faux  concile  d'Ephèse, 
p.  676. 

MELlPHTONGUEj  évêque  de  Juliopolis,  assiste  à 
rassemblée  de  Constantinople,  de  449,  p.  674; 
s'oppose  à  l'entrée  des  députés  d'Eutychès,  ibid. 

MELÏINE,  petite  paroisse  de  Sicile.  Chaque  an- 
née les  fonts  baptismaux  s'y  remplissent  miraculeu- 
sement d'eux-mêmes,  h  nuit  de  Pâques,  p.  202  et 
270;  miracle  arrivé  en  417,  ibid. 

MEMNON,  évêque  d'Ephèse  ,  conçoit  de  la  jalou- 
sie contre  Bassien ,  p.  666;  pour  se  défaire  de  lui, 
résout  de  le  faire  évêque  d'Evazes,  ibid. 

MEMNON,  prêtre  et  trésorier  de  l'église  de  Cons- 
tantinople, est  chargé  de  citer  Eulychès,  p.  671  ;  fait 
son  rapport  au  concile,  ibid. 

MESSALIE.NS.  En  quoi  consiste  leur  doctrine, 
p.  47  ;  leur  sentiment  sur  le  baplème,  p.  87.  Tliéo- 
doret  les  réfute  ,  ibid.  Dans  quels  sentiments  ils  le 
reçoivent,  p    125. 

MESSE.  Cérémonies  de  la  messe  selon  l'auteur  des 
livres  attribués  à  saint  Denis  l'Aréopagite,  p.  517. 
Personne  ne  doit  sortir  de  la  messe  avant  qu'elle 
soit  achevée  et  que  l'évèque  ail  donné  la  bénédiction, 
p.  746. 

MESSIEN  ,  prêtre  et  secrétaire  de  saint  Césaire 
d'Arles,  p.  524. 

MIL.\N.  Les  ariens  tiennent  un  concile  en  cette 
ville  contre  saint  Athanase,  p.  45. 

MINISTRES  DE  L'ÉGLISE.  Qui  sont  ceux  qui 
sont  exclus,  p.  202. 

MISENE,  légat  du  pape  Félix  III ,  à  Constantino- 
ple, p.  411.  Sa  prévarication  ,  p.  413.  11  est  excom- 
munié, puis  absous,  p.  415. 


MlSÉPilCORDE.  Avantages  des  œuvres  de  miséri- 
corde, p.  156  et  157;  ses  principaux  degrés,  p.  157. 

MOCHl.MUS,  prêtre  d'Antioche.  Son  traité  cunlre 
Eulychés,  p.  582. 

MŒURS.  La  correction  des  mœurs  est  un  don  de 
Dieu,  p.  "lëo. 

MUlNES.  Leurs  différentes  manières  de  vivre,  p. 
136;  diverses  prédictions  faites  par  de  saints  moines, 
ibid.  ;  devenus  évêques  ils  gardent  leur  ancien  insti- 
tut dans  l'épiscopat,  p.  137  ;  il  ne  leur  est  pas  per- 
mis de  prêcher,  quelque  savoir  qu'ils  aient,  p.  263. 
Quelle  est  l'occasion  de  l'erreur  de  ceux  de  la  Pa- 
lestine, p.  228  ;  saint  Léon  leur  écrit,  ibid.  Il  leur  est 
défendu  de  prendre  à  ferme  des  terres  ou  de  se 
charger  des  affaires  temporelles  ,  p.  697.  On  doit 
honorer  ceux  qui  vivent  d'une  manière  conforme  à 
leur  profession,  ibid.  Ceux  tant  de  la  ville  que  de  la 
campagne,  doivent  être  soumis  à  l'évèque  et  vivre  en 
repos,  ibid.  Cérémonie  de  la  bénédiction  d'un  moine, 
selon  l'auteur  des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'A- 
réopagite, p.  548.  Les  moines  doivent  obéir  à  leurs 
abbés,  p.  7 45;  ils  ne  doivent  point  sortir  sans  leur 
permission,  p.  741.  Il  leur  est  défendu  de  se  servir 
dans  le  monastère  de  hnge  pour  s'essuyer  le  visage 
et  de  porter  des  chaussures,  p.  745.  Moines  haïs  à  Car- 
thage,  p.  375  et  376. 

MOÏSE  (saint),  solilaire,  p.  60. 

MONASTERES.  Il  est  défendu  de  fonder  un  nou- 
veau monastère  sans  la  permission  de  l'évèque,  p. 
693.  Les  monastères  desfiiles  doivent  être  éloignés 
de  ceux  des  hommes,  p.  740. 

MOINTIUS,  ami  de  saint  Sidoine,  lui  demande  une 
satire,  p.  38 i-, 

MORIS  (saint)  ,  solitaire.  La  beauté  de  son  âme, 
p.  59.  Son  vêtement,  ibid. 

MURITTE  ,  diacre  de  Carthage  ,  confesse  Jésus- 
Christ  sous  Hunéric,  p.  463. 

MUSÉE,  prêtre  de  Marseille.  Ses  écrits,  p.  471.  Il 
ne  nous  en  reste  plus  rien,  ibid.  ;  sa  mort,  ibid. 

MYRON,  ami  de  saint  Sidoine  ,  p.  397. 


N. 


NAMASE,  célèbre  dans  les  Gaules  pour  son  esprit 
et  son  éloquence.  Saint  Sidoine  lui  envoie  les 
ouvrages  de  Varron  et  la  Chroniqut  d'Eusèbe  , 
p.  .393. 

NaRSÉS,  prêtre  et  syncelle  d'Eutychès,  est  appelé 
au  concile  de  Constanlinople,  p.  672. 

N.iTURE  DIVINE  (la)  ,  est  commune  aux  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité  et  est  de  soi  invisi- 
ble, p.  251.  Elle  s'estmanifestéele  jour  de  la  Pente- 
côte d'une  manière  conforme  à  ce  qu'elle  voulait 
opérer,  ibid. 

NATURES  EN  JÈsus-CHRiST.  Boëce  compose  un 
traité  des  Deux  Natures  et  d'une  personne  en  Jésus- 
Christ,  p.  650.  Analyse  de  ce  traité,  p.  651 . 

NAZAIRE  (saint).  Le  pape  Symmaque  envoie  aux 


évêques  exilés  en  Sardaigne  des  reliques  de  saint 
Nazaire  et  de  saint  Romain,  p.  527. 

NAZARÉENS  (les)  ,  se  servent  de  l'évangile  apo- 
cryphe de  saint  Pierre,  p.  110. 

NEONAS  ,  successeur  de  saint  Pierre  Chrysologue 
dans  l'archevêché  de  Ravenne  ;  lettre  circulaire  que 
lui  envoie  saint  Léon,  p.  237. 

NEOPHYTES.  Il  n'est  pas  permis  de  les  élever  à 
la  prêtrise,  p.  261. 

NEPOS  ,  empereur,  fait  en  475  un  traité  de  paix 
avec  Euric,  roi  des  Visigolhs,  p.  336. 

NESTORIUS  ,  évêque  de  Constanlinople,  est  lié 
d'amitié  avec  Théodoret  qui  le  défend  contre  saint 
Cyrille  et  le  concile  d'Ephèse  en  430  et  431,  p.  21, 
et  qui  ne  peut  résoudre  à  l'abandonner,  ibid. 


TABLE  ANALYTIQUE. 

NESTORIUS ,  évêque  de  Pharagonée ,  quitte  la 
parti  de  Dioscorp,  même  avant  sa  condamnation , 
p.  230;  il  ordonne  saint  Protère,  ibid. 

NICÉTAS,  évêque  d'Aquilée.  propose  diverses  dif- 
ficultés à  saint  Léon,  p.  235.  Il  charge  de  ses  doutes 
un  sous-diacre  de  l'Eglise  romaine ,  ibid.  Réponse 
du  pape ,  ibid. 

NiCOLAlTES ,  hérétiques  des  premiers  siècles  ; 
les  femmes  sont  communes  parmi  eux,  p.  131.  Ils 
donnent  à  leur  secte  le  nom  de  Nicolas,  un  des  sept 
premiers  diacres  de  Jérusalem,  ibid. 

NICOLAS,  prêtre  de  l'église  de  Thessalonique.  11 
est  député  à  saint  Léon,  p.  203;  ce  pape  le  charge 
d'une  lettre  aux  métropolitains  d'IUyrie,  ibid. 

NICOLAS,  un  des  sept  premiers  diacres  de  l'église 
de  Jérusalem,  p.  131  ;  son  action  envers  sa  femme, 
sert  de  prétexte  à  quelques-uns  pour  mépriser  les 
lois  du  mariage,  ibid.  il  était  très -sage  et  Irès- 
chaste,  ibid. 

NISIBE.  Sapor,  roi  de  Perse,  assiège  cette  ville, 
p.  4.5. 

NOCES.  Les  secondes  noces  sont  condamnées  par 
lesnovatiens,  p.  131  ;  saint  Paul  les  approuve,  ibid. 
L'usage  de  l'église  d'Autun  était  que  les  secondes 
noces  fussent  interdites  même  aux  portiers,  p.  358. 
Le  concile  d'Agde  défend  aux  clercs  de  se  trouver 
aux  festins  des  noces,  p.  741 . 


793 


NOËL.  Différence  de  la  veille  de  celte  fête  avec  la 
veille  de  Pâques,  p.  357. 

NOMUS,  consul.  Thécdoret  se  plaint  à  lui,  p.  69. 

NONCES  APOSTOLIQUES.  Leur  pouvoir  ne  porte 
aucun  préjudice  à  la  juridiction  ordinaire  des  évo- 
ques, p.  270;  ils  sont  seulement  chargés  de  veiller 
sur  la  pureté  de  la  foi,  ibid. 

NONNÉCHIUS.  Saint  Sidoine  lui  recommande 
Promolus.  Juif  converti,  p.  394. 

NONNUS  combat  pour  la  foi,  p.  75;  Théodorel  lui 
écrit,  ibid. 

NONNUS  ,  évêque  d'Edesse.  Sa  lettre  à  l'empe- 
reur Léon ,  signée  de  quatre  autres  évêques  d'Os- 
roène,  p.  582. 

NOTICE  d'Afrique,  n'est  pas  de  Victor  de  Vite, 
p.  46 i-  et  465. 

NOVATIENS  (les)  ne  faisaient  point  l'onction  à 
ceux  qu'ils  baptisaient ,  p.  122.  On  ordonne  qu'ils 
seront  oints  quand  i!s  reviendront  à  l'Eglise,  ibid.  ■ 
ils  condamnent  les  secondes  noces  et  excluent  des 
saints  mystères  ceux  qui  se  marient  une  seconde 
fois,  p.  131  . 

NUNDINAIRE  ,  évêque  de  Barcelone  ,  demande 
Irénée  pour  successeur,  p.  339. 

NYMPHIDIUS.  Saint  Sidoine  lui  fait  l'éloge  de 
Mammert  Claudien  et  de  son  ouvrage  sur  la  Nature 
de  l'âme,  p.  389. 


0. 


OBLATION  mystique.  Ce  que  représente  celle  qui 
se  fait  par  les  prêtres  sur  les  saints  autels,  p.  81 . 

OBLATIONS.  L'évêque  a  la  moitié  des  oblations 
qui  se  font  â  l'autel  de  l'église  cathédrale  et  le  clergé 
a  l'autre  moitié ,  p.  745.  Les  oblations  faites  aux 
évêques  par  des  étrangers  doivent  être  regardées 
comme  appartenant  à  l'Eglise,  p.  737. 

OCTAVIUS  (saint),  martyr ,  répand  son  sang  à 
Turin  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  p.  322. 

ŒUVRES.  Les  justes  et  les  pécheurs  ont  égale- 
ment besoin  de  finir  leur  vie  par  de  bonnes  œuvres, 
p.  367.  Les  œuvres  de  piété  publiques  sont  préfé- 
rables aux  particulières  :  avantages  qu'on  en  retire, 
p.  273. 

OFFICE  DIVIN.  Ordre  de  l'office  divin  suivant  le 
concile  d'Agde,  p.  740.  Dans  la  célébration  de  la 
messe  et  de  l'office  divin  on  doit  suivre  le  rit  de  la 
métropole  ,  p.  749.  On  doit  y  réciter  tous  les  jours 
l'Oraison  dominicale,  p.  750. 

OFFICE  du  temps,  àans  \e  Sacramentaire  du  pape 
saint  Célase,  p.  512  etsuiv. 

OLYMPIUS ,  évêque  de  Théodosiople.  Le  clergé 
d'Ephèse  le  prie  de  venir  donner  un  évêque  à  cette 
ville,  p.  666.  On  le  porte  de  force  à  l'Eglise  et  on 
le  fait  asseoir  avec  Bassien  dans  le  siège  épiscopal, 
ibid. 

OLYMPIUS,  prêtre,  souscrit  à  la  déposition  de  Fla- 
vien  et  d'Eus èbe pour  Caloger  de  Claudiopolis,  p.  672. 


OMMACE.  Voyez  Hommace. 

OPTANTIUS,  homme  de  condition,  p.  334. 

ORACLES.  Fausseté  des  oracles  des  Grecs  et  vé- 
rité de  ceux  dos  Juifs,  p.  97. 

ORATOIRES  à  la  campagne  permis  et  à  quelles 
conditions,  p.  739. 

ORDINATION.  Règlement  du  pape  saint  Gélase, 
p.  702  et  suiv.  Elle  se  fait  par  l'imposition  des 
mains  ,  p.  130;  cérémonies  de  l'ordination  suivant 
le  Sacramenlaire  de  saint  Gélase,  p.  516  et  5i7; 
selon  l'auteur  des  livres  attribués  à  saint  Denis  l'A- 
réopagite  ,  p.  548.  Temps  de  l'ordinatiim  ,  p.  503. 
Les  diacres  ne  doivent  être  ordonnés  qu'à  vingt-cinq 
ans  et  les  prêtres  à  trente  ,  p.  728.  Il  est  défendu 
d'ordonner  aucun  séculier  sans  le  consentement  du 
roi,  p.  744.  11  n'est  pas  permis  d'ordonner  ceux  qui 
ont  été  mis  en  pénitence.  Les  séditieux,  les  usuriers 
et  ceux  qui  ont  vengé  leur  propre  injure  sont  exclus 
des  ordres  ecclésiastiques,  p.  743.  En  Orient  on  or- 
donne quelquefois  des  bigames,  p.  131.  Défense 
à  un  évêque  qui  est  hors  de  son  diocèse  de  faire 
aucuue  ordination  sans  la  permission  du  diocésain, 
p.  709.  Ordination  forcée,  p.  401. 

ORDRE.  Le  nom  d'évêque  et  de  prêtre  est  com- 
mun aux  évêques  du  temps  des  apôtres,  p.  130.  On 
distinguait  dès  lors  trois  degrés  dans  la  hiérarchie 
de  l'Eglise,  p.  130.  Les  évêques  distingués  des  prê- 
tres parle  nom  d'apôtres.  Ils  leur  sont  supérieurs 


796 


TAlîLE  ANALITIQUE. 


en  dignité,  ibid.  On  doit  examiner  la  vie  de  celui  que 
l'on  veut  ordonner  ,  ibid.  Ceux  qui  donnent  l'Ordre 
de  même  que  ceux  qui  le  reçoivent  doivent  être  à 
jeun,  p.  262. 

ORÉSIUS  à  qui  saint  Sidoine  écrit,  p.  393. 

ORIENTAUX.  Ils  s'assemblent  à  Antioche  et  sous- 
crivent à  la  lettre  de  saint  Procle  aux  Arméniens, 
p.  22  ;  ils  refusent  de  condamner  les  propositions 
jointes  à  cette  lettre,  ibid. 

ORIGÈNE,  disciple  de  saint  Antoine.  Saint  Pé- 
trone le  visite,  p.  161. 

OROSE  (Paul),  prêtre  et  historien,  natif  de  Tar- 
ragone  en  Espagne,  p.  i;  ses  qualités,  ibid.;  sa  con- 
duite envers  les  Rarbares  qui  envahissent  l'Espagne, 
ibid.  Dans  le  désir  de  se  rendre  capable  de  combat- 
tre les  erreurs  répandues  dans  son  pays,  il  passe  en 
Afrique  pour  s'instruire  auprès  de  saint  Augustin, 


ibid.  Ecrit  que  lui  adresse  samt  Augustin,  p.  2;  il 
va  en  Palestine  et  se  retire  auprès  de  saint  Jérôme, 
ibid.;  il  assiste  à  la  conférence  tenue  à  Jérusalem 
contre  les  pélagiens,  ibid.;  il  est  accusé  de  blas- 
phèmes ;  il  se  justifie,  ibid.  et  3  ;  il  revient  en  Afrique. 
Différentes  commissions  dont  il  était  chargé,  p.  3; 
il  tente  de  retourner  en  Espagne  et  revient  en  Afri- 
que où  il  compose  VHistoire  générale  du  monde  par 
le  conseil  de  saint  Augustin,  ibid.;  sa  mort,  ibid.; 
ses  écrits,  ibid.  et  4.  Analyse  de  son  Histoire,  p.  4 
et  5.  Apologie  d'Orose  contre  Pelage,  p.  5.  Analyse 
de  cette  apologie,  ibid.  et  6.  Lettre  à  saint  Augus- 
tin, p.  6.  Ouvrages  supposés,  ibid.  Editions  de  ses 
écrits,  ibid. 

OZEE,  généreux  défenseur  de  la  vérité,  p.  76;  il 
est  porteur  d'une  lettre  de  Théodoret  à  Ibas,  ibid. 


P. 


PAGANISME  (le)  est  dans  la  tristesse  et  la  cons- 
ternation sous  le  règne  de  Constantin,  p.  43. 

PAINS  de  proposition.  Il  n'est  permis  qu'aux  prê- 
tres de  les  manger,  p.  33;  ils  sont  une  figure  de  la 
table  sacrée  et  mystique  à  laquelle  toutes  les  per- 
sonnes de  piété  paiticipent  dans  la  loi  nouvelle,  ibid. 

PAIX.  Son  bien  et  moyen  de  la  conserver,  p.  158. 

PALCONIUS,  évêque  de  Brague.  Avitus  lui  écrit  et 
lui  envoie  la  relation  de  l'invention  des  reliques  de 
saint  Etienne,  p.  3. 

PALESTINE.  Lettre  de  saint  Léon  aux  moines  de 
cette  province,  p.  228. 

PALLADE ,  préfet  du'prétoire,  assiste  au  concile 
de  Chalcédoine,  p.  683. 

PALLADE,  hérétique  eutychien,  prêtre  de  l'Eglise 
de  Sainte-Thècle  ,  à  Séleucie ,  est  fait  évêque  d'An- 
tioche,  p.  417. 

PALLADIE,  femme  de  Salvien,  embrasse  avec  lui 
la  continence,  p.  360. 

PANOLBIUS,  évêque  d'Hiéraple.  Domnus  lui  ren- 
voie la  cause  d'Athanase  de  Perrha,  p.  666. 

PAPE.  La  primauté  au-dessus  de  toutes  les  Eglises 
lui  a  été  accordée  par  l'antiquité,  p.  269;  il  a  tou- 
jours eu  la  liberté  de  juger  de  la  foi  et  des  évêques, 
ibid.;  il  se  réserve  la  connaissance  des  causes  ma- 
jeures dans  les  lieux  oîi  il  établit  des  vicaires  apos- 
toliques, p.  270;  il  envoyait  sa  confession  de  foi  aux 
évêques,  p.  4-93;  il  ne  doit  pas  être  jugé  par  ses  in- 
férieurs, p.  727.  Règlements  pour  l'élection  du  pape, 
p.  726;  si  elle  peut  être  faite  sans  le  consentement 
du  roi,  p.  728  et  729. 

PAPIANILLE  ,  fille  de  l'empereur  Avitus  ,  femme 
de  saint  Sidoine,  p.  379,  qui  lui  écrit,  p.  389. 

PAPINIEN,  évêque  d'Afrique.  Les  Vandales  le  font 
périr  par  le  feu,  p.  449. 

PAQUES.  Pourquoi  ce  temps  a  été  choisi  pour 
la  passion  du  Sauveur,  p.  189.  La  coutume  de 
ne  donner  le  baptême  solennel  que  dans  cette  fête 


est  de  tradition  apostohque,  p.  248.  Usage  de  l'évê- 
que  d'Alexandrie  de  régler  la  Pàque  et  de  la  faire 
connaître  au  pape,  p.  270.  Miracle  qui  se  fait  annuel- 
lement ce  jour-là  dans  une  paroisse,  ibid.  Difficul- 
tés sur  le  jour  de  cette  fête  en  444,  p.  !70,  et  en 
455,  p.  175  et  176.  Coutumes  des  évêques  d'Alexan- 
drie de  faire  un  discours  chaque  année  sur  la  fête  de 
Pâques  et  d'écrire  une  lettre  circulaire.  Différence 
de  la  veille  de  cette  fête  et  des  autres  veilles  de  fêtes, 
p.  357  et  358. 

PARDALE,  évêque  d'Afrique,  assiste  au  concile  de 
Rome  en  487,  p.  720. 

PAROISSES.  11  y  en  a  d'établies  dans  les  quartiers 
de  la  ville  de  Rome  où  chacun  porte  ses  aumônes  le 
samedi  pour  le  soulagement  des  pauvres,  p.  263. 

PAROLES  oiseuses.  Ce  qu'on  entend  par  là, 
p.  156. 

PASCASIN ,  évêque  de  Lilybée.  Saint  Léon  lui 
communique  ses  difficultés  sur  la  fête  de  Pâques  de 
444,  p.  170,  et  joint  à  sa  lettre  des  billots  pour  tou- 
cher de  l'argent,  ibid.  Le  pape  le  charge  d'une  let- 
tre aux  évêques  de  Sicile,  p.  209.  Pascasin  est 
chargé  de  faire  calculer,  par  des  gens  habiles,  le  jour 
de  Pâques  de  l'an  455,  p.  221;  il  est  choisi  légat 
pour  le  concile  de  Chalcédoine,  p.  682.  Saint  Léon 
lui  envoie  sa  lettre  à  Flavien  et  quelques  passages 
des  Pères  sur  le  mystère  de  l'incarnation,  ibid.  Pas- 
casin préside  en  son  nom  au  concile,  ibid.;  ses 
plaintes  contre  ce  concile,  p.  701. 

PASCENTIUS,  manichéen,  se  sauve  de  Rome, 
p.  667.  Antoine  de  Mérida  le  fait  arrêter  et  chasser 
de  la  Lusitanien  ibid. 

PASCHASE  (SA.1NT),  martyr  sous  Genséric,  p.  466 
et  467. 

PASCHASE ,  diacre  de  l'Eglise  romaine.  Ses  ver- 
tus, p.  528;  son  attachement  au  parti  de  l'antipape 
Laurent,  p.  522  et  528;  s'il  est  auteur  d'un  traité 
du  Saint-Esprit,  divisé  en  deux  livres,  ibid.  et  p.  529. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


797 


Analyse  de  ces  deux  livres,  p.  529  et  suiv.  Lettre 
de  Paschase  à  Eugippius  pour  l'engager  à  publier 
ses  mémoires  sur  l'histoire  de  saint  Séverin,  apôtre 
de  Norique,  p.  531  et  532.  Editions  de  celte  lettre, 
p.  532. 

PASSARION  ,  supérieur  d'un  monastère  de  Jéru- 
salem ou  des  environs ,  p.  17  ;  il  assiste  à  la  dédi- 
cace de  l'église  de  la  Laure  de  saint  Euthymius,  ibid. 

PASSION  de  Jésus-Christ.  Qui  sont  ceux  qui  l'ho- 
norent dignement,  p.  192.  Fruit  que  nous  en  devons 
retirer,  ibid.  On  en  lit  publiquement  l'histoire  le  di- 
manche des  Rameaux  et  le  mercredi  suivant,  p.  273. 

PASTEUR,  évêque,  compose  un  petit  écrit  en 
forme  de  symbole,  p.  469. 

PATIENT  (saint),  évêque  de  Lyon.  Saint  Sidoine 
fait  l'éloge  de  ses  vertus,  p.  390.  Saint  Patient  fait 
bâtir  une  église.  Fauste  de  Riez  assiste  à  la  dédicace 
de  celte  église  ,  p.  421  ;  il  préside  à  l'élection  d'un 
évêque  de  Châlons-sur-Saône,  p.  389. 

PATRIARCHES.  Leur  but  dans  leur  polygamie. 
p.  88.  Théodoret  les  justifie  sur  ce  point,  ibid. 

PATRICE  (saint),  apôtre  d'Irlande.  Sa  naissance; 
il  est  emmené  captif,  p.  444;  il  est  fait  évêque,  va 
prêcher  en  Irlande  et  y  établit  la  foi.  Son  désinté- 
ressement, ibid.;  il  excommunie  Corotic,  p.  445. 
Lettres  de  saint  Patrice  au  sujet  des  captifs  faits  par 
Corotic,  p.  446  ;  sa  confession  de  foi,  p.  446,  447; 
les  conciles  écrits  qui  lui  sont  attribués,  p.  447 
et  704. 

PATRICE,  comte.  Théodoret  lui  écrit,  p.  66. 

PATRICE,  diacre  de  Constantinople,  est  député  à 
Rome  par  Anatolius,  p.  220;  il  est  envoyé  pour  s'in- 
former du  tome  d'Eutychès,  p.  671. 

PATRIPASSIENS,  disciples  des  sabelliens.  Pour- 
quoi ils  sont  ainsi  nommés,  p.  207. 

PAUL,  évêque,  donne  à  saint  Augustin  un  mé- 
moire touchant  quelques  hérésies,  p.  2. 

PAUL  ,  évêque  de  Châlons-sur-Saône  ,  meurt  en 
470,  p.  358. 

PAUL,  évêque  d'Ephèse,  déposé  et  rétabli  par 
Timothée  Elure,  p.  404. 

PAUL  ,  prêtre.  Ses  écrits  ,  p.  469.  Il  ne  nous  en 
reste  rien,  ibid. 

PAUL  OROSE.  Voyez  Orose. 

PAUL,  prêtre  de  l'Eglise  de  Bénévent.  Ses  plaintes 
à  saint  Léon  contre  son  évêque,  p.  210. 

PAULIN  BENOIT,  qui  vivait  dans  le  même  temps 
que  Paulin  de  Périgueux,  était  de  Bordeaux,  p.  443. 
Ce  qu'on  sait  de  lui ,  ibid.  Mémoire  qu'il  adresse  à 
Paul  de  Riez  pour  le  consulter  sur  différentes  diffi- 
cultés. Réponse  de  Fauste,  p.  424. 

PAULIN  ,  dont  parle  Gennade.  Il  ne  nous  reste 
rien  de  ses  ouvrages,  p.  424. 

PAUL.  Ordre  secret  que  lui  donne  l'empereur 
Marcien,  p.  228. 

PAULIN  de  Périgueux,  poète  chrétien.  Ce  qu'on 
en  sait,  p.  441  et  442.  Lieu  de  sa  naissance,  p.  441. 
Saint  Perpétue,  évêque  de  Tours,  lui  demande  des 
vers  pour  la  nouvelle  église  de  Saint-Martin,  qu'il 
avait  fait  bâtir,  p.  442;  il  met  en  vers  ce  que  Sulpice 
Sévère  avait  écrit  de  saint  Martin  de  Tours,  ibid. 


Saint  Perpétue  lui  envoie  un  mémoire  des  miracles 
de  saint  Martin,  p.  438  et  442;  il  est  guéri  d'une 
maladie  par  l'attouchement  de  ce  mémoire,  ibid.  Ce 
qui  nous  reste  de  ces  poésies,  p.  442  ;  éditions  qu'on 
en  a  faites,  p.  443. 

PAULIN  a  un  parti  dans  Antioche,  p.  48. 

PAULIN  (saint),  évêque  de  Noie,  auteur  du  poème 
contre  les  poètes  profanes,  p.  356. 

PAUSICACUS  recouvre  la  vue  par  les  bienfaits  de 
sairtle  Thècle,  p.  168. 

PAUVRETÉ.  Ce  qu'elle  paraît  aux  impies,  p.  89; 
preuve  du  contraire,  ibid. 

PAÏENS.  Persécutions  qu'ils  font  souffrir  aux  chré- 
tiens sous  Julien  l'Apostat,  p.  46;  la  justice  divine 
éclate  sur  eux,  ibid.;ih  font  diverses  railleries  de  l;i 
religion  catholique,  p.  90.  Théodoret  les  réfute  de 
vive  voix  et  par  écrit,  ibid.  Leur  dessein  de  combler 
la  grotte  du  Sauveur,  et  de  bâtir  dessus  un  temple 
de  Vénus,  p.  133. 

PECHE.  Pourquoi  celui  contre  le  Saint-Esprit 
n'est  pas  rémissible,  p.  506.  Sa  distinction  d'avec 
le  crime,  p.  5.  La  mort  du  péché  est  la  vie  de  celui 
qui  renaît,  p.  192;  il  suffit  que  les  péchés  soient 
confessés  premièrement  à  Dieu  et  ensuite  au  prêtre, 
qui  priera  pour  les  péchés  des  pénitents,  p.  237  et 
238.  Ni  l'orgueil  ni  les  personnes  ne  sont  un  obsta- 
cle à  la  justification,  p.  252  et  253.  Le  Fils  de  Dieu 
est  né  seul  exempt  de  péché  en  naissant  de  la  vierge 
Marie,  p.  253.  Deux  moyens  d'effacer  les  péchés, 
p.  259.  Si  quelqu'un  peut  passer  sa  vie  sans  com- 
mettre aucun  péché,  p.  507. 

PECHEURS.  Quelques  évêques  leur  font  réciter 
publiquement  les  crimes  qu'ils  ont  commis,  p.  237; 
quel  est  le  moven  de  les  attirer  à  la  pénitence , 
p.  238. 

PEGASE.  Saint  Sidoine  lui  écrit,  p.  384. 

PELAGE.  Son  hérésie  fait  beaucoup  de  bruit  dans 
la  Palestine,  p.  2.  En  quoi  elle  consiste,  p.  277.  11 
nie  le  péché  originel,  p.  428.  Fauste  de  Riez  le 
réfute,  ibid.  Sa  condamnation  par  toute  l'Eglise, 
p.  278,  et  dans  le  concile  d'Angleterre,  p.  667.  Un 
vieillard  nommé  Sénèque  renouvelle  ses  erreurs  dans 
la  Marche  d'Ancône,  p.  499.  Le  pape  Gélase  les  com- 
bat, ibid.  et  500. 

PELAGIENS.  Us  sont  reçus  dans  les  églises  de 
Venétie.  p.  171;  ils  se  répandent  dans  différents 
diocèses,  p.  172.  Saint  Léon  les  combat,  p.  171  et 
172;  ils  reprennent  vigueur  quelque  temps  après, 
dans  Rome  même,  p.  172.  En  quoi  consiste  la  grâce 
selon  eux,  p.  277  et  278.  Les  pères  ont  condamné 
leur  doctrine,  p.  2i78.  Les  pélagiens  corrompent  les 
Eglises  de  la  Grande-Bretagne,  p.  667.  Traité 
du  pape  saint  Gélase  contre  les  pélagiens,  p.  507 
et  508. 

PELERINAGES.  Divers  «xemples  de  pèlerinages, 
p.  135. 

PÉMÉNIOLE,  sœur  de  saint  Hilaire  d'Arles, 
épouse  de  saint  Loup  de  Troyes,  p.  356. 

PENITENCE ,  est  un  remède  pour  les  plaies  que 
l'on  reçoit  après  le  baptême,  p.  123.  Quelles  sont 
les  règles  de  l'Eglise  touchant  la   pénitence,  ibid. 


79S 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Comment  on  reçoit  ceux  qui  sont  tombés  durant  la 
persécution,  ibid.  et  721 .  Pénitence  à  l'article  de  la 
mort,  sentiment  de  Fauste  de  Riez  à  ce  sujet,  p. 
42i  et  425.  Règlement  du  concile  d'Arles  sur  la  péni- 
tence, p.  708;  du  concile  d'Agde,  p.  738. 

PÉNITENT.  Il  ne  doit  ni  se  marier  ni  avoir  de 
commerce  suspect,  p.  201. 

PÉNITENTS.  Doivent  s'abstenir  de  plusieurs  cho- 
ses permises,  p.  201  ;  il  ne  leur  est  point  permis  de 
rentrer  dans  la  milice  séculière,  ni  de  se  marier, 
ibid.  En  quel  cas  ils  peuvent  le  faire,  ibid  Cérémo- 
nies de  la  réconciliation  des  pénitents  qui  se  faisait 
le  jeudi  saint,  p.  514  et  515. 

PENTECOTE.  Le  jeûne  de  cette  fête  est  de  tradi- 
tion apostolique,  p.  248  et  249.  La  sainte  Trinité 
s'est  manifestée  ce  jour-là  d'une  manière  conforme 
à  ce  qu'elle  voulait  opérer,  p.  251. 

PÉONE ,  préfet  des  Gaules,  accuse  saint  Sidoine 
d'avoir  fait  une  satire  contre  lui,  p.  384. 

PERGAJIUS,  chorévêque.  Firmus  approuve  l'in- 
dulgence dont  il  avait  usé  envers  un  vieillard  cou- 
pable de  quelques  fautes,  p.  152. 
PERGAMIUS  ,  duc  d'Egypte,  p.  409. 
PERPÉTUA  JULIA  ,  sœur  de  saint  Perpétue,  évê- 
que  de  Tours,  p.  438;  il  lui  lègue  une  croix  d'or 
émaillée,  p.  440. 

PERPÉTUE  (saint),  huitième  évêque  de  Tours, 
succède  à  Eustochius,  p.  438;  il  préside  à  plusieurs 
conciles,  ibid.;  il  bâtit  plusieurs  églises,  ibid.  et 
p.  441  ;  il  établit  le  jeûne  du  mercredi  et  du  ven- 
dredi, p.  438;  sa  mort,  /t/d.;  son  mémoire  touchant 
les  miracles  de  saint  Martin,  ibid.;  son  testament, 
p.  439  et  suiv.;  ses  règlements  pour  la  célébration 
du  service  divin,  pour  les  jeûnes  et  pour  les  sta- 
tions, p.  441.  Ses  deux  lettres  à  saint  Sidoine  Apol- 
linaire, ibid.  Saint  Perpétue  donne  par  testament  à 
saint  Euphrone  d'Autun,  un  livre  des  Evangiles  écrit 
par  saint  Hilaire  de  Poitiers,  p.  4i0;  il  demande  à 
saint  Sidoine  le  discours  qu'il  avait  prononcé  dans 
l'église  de  Bourges,  le  jour  de  l'élection  de  saint 
Simplice  :  saint  Sidoine  le  lui  envoie  en  lui  écrivant 
une  lettre,  p.  392.  Saint  Perpétue  préside  au  concile 
de  Tours,  p.  711  ;  à  celui  de  Vannes  en  Bretagne, 
p.  712. 

PERVINCUS,  diacre  de  l'Eglise  d'Astorga.  Turi- 
bius.  son  évêque,  l'envoie  vers  saint  Léon,  p.  207. 
PÉTRA,  métropole  de  la  Palestine,  p.  18. 
PÉTRÉE,  neveu  de  .Mammerl  Claudien.  Saint  Si- 
doine lui  envoie  l'épitaphe  de  son  oncle,  p.  348  et 
387. 

PÉTRONE  (saint),  évêque  de  Bologne,  pratique 
la  vie  monastique  dès  sa  jeunesse,  p.  160;  ses  voya- 
ges, ibid.  et  suiv.;  il  est  choisi  évêque  de  Belogne, 
p.  161  ;  sa  mort,  ibid.  ;  ses  ouvrages,  ibid.  et  163. 
PÉTRONE,  prêtre,  est  député  à  Rome  par  les 
évêques  de  la  province  d'Arles,  p.  218. 

PÉTRONE  engage  saint  Sidoine  à  publier  le  hui- 
tième livre  de  ses  lettres,  p.  393.  Saint  Sidoine  lui 
écrit,  p.  384. 

PÉTRONE,  préfet  du  prétoire,  et  père  de  saint 
Pétrone  de  Bologne,  p.  160.  On  croit  qu'il  a  été 


élevé  à  l'épiscopat  et  qu'il  est  auteur  du  traité  de 
l'Ordinntion  des  évêqurs,  p.  162. 
PHANIR,  ville  de  Célésyrie,  p.  579. 
PHARAON.  Son  endurcissement  vient  de  lui-même, 
p.  29.  En  quel   sens  il  est  dit  que  Dieu  a  endurci 
son  cœur,  p.  119. 

PHILA.MICIE,  dame  dont  saint  Sidoine  fait  l'épi- 
taphe. p.  384. 
PlllLIMAClUS,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  383. 
PHILIPPE,  prêtre  et  disciple  de  saint  Jérôme.  Ses 
secrets,  p.  472;  il  avait  commencé  un  ciimmentaire 
sur  Job,  ibid.;  il  ne  nous  reste  rien  de  cet  auteur, 
ibid. 

PHILOSOPHES.  Leurs  contrariétés  sur  la  cause 
des  différents  événements  humains,  p.  94. 

PHILOTHÉE,  hérétique  macédonien,  appuyé  par 
Anthémius,  veut  introduire  à  Rome  diverses  sectes. 
Le  pnpe  saint  Hilaire  s'y  oppose,  p.  339. 

PHOTIN.  Ce  qu'il  enseigne  sur  l'Incarnation,  p. 
72  et  207. 

PHOTIUS  est  nommé  évêque  de  Tyr  en  la  place 
d'irénée,  p.  23.  L'empereur  le  commet  pour  juger 
l'aifaire  d'ibas,  p.  144.  Photius  quitte  le  personnage 
de  juge  pour  prendre  celui  d'arbitre,  il  fait  convenir 
les  parties  d'un  acte,  ibid.  et  p.  145.  Lettre  que  lui 
adresse  le  clergé  d'Edesse,  p.  146.  Le  concile  de 
Ghalcédoine  juge  son  différend  avec  Eusthate  de  Bé- 
ryte,  p.  690. 

PILATE  fait  une  relation  à  Tibère  des  miracles 
opérés  par  Jésus-Christ,  p.  5. 

PIERRE  (saint),  apôtre.  Sa  primauté,  p.  121. 
Dieu  permet  qu'il  tombe  et  le  relève  ensuite,  ibid. 
Ce  qu'il  veut  nous  faire  entendre  par  là,  ibid.  Son 
éloge  par  saint  Léon,  p.  179.  Saint  Pierre  devait 
être  la  règle  et  le  modèle  des  autres  prélats  de  l'E- 
glise, p.  20.  Saint  Pierre  et  saint  Paul  ont  souffert 
le  martyre  à  Rome,  sous  Néron,  le  même  jour.  p.  5. 
Quoique  mort  depuis  plusieurs  siècles,  saint  Pierre 
est  regardé  comme  présidant  toujours  à  l'Eglise, 
p.  271.  Sa  fête  est  précédée  d'une  veille,  ibid. 
PIERRE,  avocat.  Théodoret  lui  écrit,  p.  67. 
PIERRE  CHRYSOLOGUE  (saint),  archevêque  do 
Ravenne.  Son  éducation,  p.  0.  D'où  lui  vient  le  sur- 
nom de  Chrysologue,  ibid,  11  est  fait  évêque,  ihid.; 
ses  vertus,  ibid.  et  p.  7;  il  consacre  en  qualité  de 
métropolitain,  Projectus  évêque  d'imola,  p.  7;  il 
reçoit  saint  Germain  d'Auxerre,  ibid.  Analyse  de  sa 
lettre  à  Eutychès,  ibid.;  sa  mort  après  479.  Discus- 
sion sur  l'année  à  laquelle  elle  doit  être  rapportée, 
p.  8.  Recueils  de  ses  sermons,  p.  8.  S'ils  sont  tous 
de  lui,  ibid.  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  sur  l'Ecri- 
ture sainte,  p.  9;  sur  la  Trinité,  p.  10;  sur  l'Incar- 
nation, ibid.;  sur  le  péché  originel,  ibid.;  sur  les 
deux  natures  en  Jésus-Christ,  p  11  ;  sur  les  sacre- 
ments, p.  12  et  13;  sur  la  prière,  p.  13;  sur  le 
jeûne,  p.  14;  sur  l'aumône,  ibid.  et  p.  15;  sur  les 
fêtes  (le  l'Eglise,  p.  15.  Discours  qui  lui  sont  attri- 
bués, ibid.  Editions  de  ses  sermons,  ibid. 

PIERRE  (saint),  solitaire,  sort  dès  l'âge  de  sept 
ans  de  la  maison  de  son  père,  p.  55,  il  s'exerce 
d'abord  en  Galatie  dans  les  combats  d'une  vie  toute 


TABLE  ANALYTIQUE. 


799 


spirituelle,  ibid.  De  là,  il  passe  en  Palestine  et  en- 
suite à  Antioclie,  o\x  il  choisit  pour  demeure  un  sé- 
pulcre ,  ibid.  Sa  nourriture,  ibid.  Sa  réputation  lui 
attire  plusieurs  malados  ou  possédés  qu'il  guérit  par 
ses  prières,  ibid.  Discours  qu'il  tient  à  la  mère  de 
Théodoret,  ibid. 

PIERRE,  évêque  des  Sarrasins  dans  la  Palestine, 
p.  17. 

PIERRE  MONGUS,  diacre  de  l'Eglise  d'Alexandrie, 
condamné  dans  un  concile  de  toute  l'Egypte,  p.  230. 

PIERRE,  prèlre  el  abbé  de  Constantinople.  Saint 
Léon  lui  écrit,  p.  214,  217  et  219. 

PIERRE,  prêtre  et  médecin.  Théodoret  écrit  pour 
lui,  p.  74. 

PIERRE ,  prêtre,  est  envoyé  pour  s'informer  du 
tome  d'Eutychès,  p.  672. 

PIERRE,  évêque  de  Ravenne,  p.  561. 

PIERRE-LE-FOULON,  hérétique  eutychien,  s'em- 
pare du  siège  d'Anlioche ,  il  est  envoyé  en  exil,  p. 
345. 

PIERRE,  prêtre  de  l'Eglise  d'Edesse,  p.  582.  Ses 
écrits,  ibid. 

PIERRE,  secrétaire  de  Majorien,  p.  396. 

PIERRES.  Celles  qui  sont  mises  dans  le  camp  deg 
Israélites,  sont  la  ligure  de  l'établissement  de  l'E- 
glise, p.  31. 

PITVRION,  disciple  de  saint  Antoine.  Saint  Pé- 
trone le  visite,  p.  lôO. 

PLACIDE,  ami  de  saint  Sidoine,  p.  386. 

PLACIDIE,  veuve  de  l'empereur  Constantin,  p. 
169;  elle  gouverne  l'empire  avec  son  fils  Valenti- 
nien,  ibid.;  elle  vient  de  Ravenne  à  Rome,  visiter 
les  églises,  p.  5!17.  Saint  Léon  la  conjure  d'écrire  à 
Théudose.  Sa  lettre  à  ce  prince,  ibid. 

PLATON  est  celui  d'entre  les  philosophes  païens 
qui  a  écrit  avec  plus  de  politesse,  p.  91  ;  il  a  puisé 
dans  l'Ecriture  ce  qu'il  a  dit  de  vrai  sur  la  divinité 
et  la  Trinité  des  personnes,  p.  92  ;  il  parle  le  plus 
raisonnablement  de  tous  sur  la  nature  du  monde, 
p.  93;  il  l'a  puisé  dans  l'Ecriture,  p.  94;  en  quoi  il 
met  le  bonheur  de  l'homme,  ibid. 

PLOTIN ,  philosophe  païen,  tire  de  nos  saintes 
Ecritures  ce  qu'il  dit  de  la  providence,  p.  94;  il 
avait  pris  des  leçons  du  fameux  Ammonius,  ibid. 

POLEME,  préfet  des  Gaules.  Saint  Sidoine  lui 
écrit,  p.  388. 

POLÊMIUS,  mari  d'Araucole.  Saint  Sidoine  fai' 
eur  épilhalame,  p.  397. 

POLYCHRONE  (saint),  disciple  de  saint  Zébin, 
p.  60. 

POMI'EE,  neveu  d'Anastase,  empereur,  illustre  dé- 
fenseur du  concile  de  Chalcédoine,  p.  490. 

POMPÉIEN,  évêque  d'Emèse.  Théodoret  l'engage 
à  soulager  ceux  qui  ont  souffert  par  la  prise  de  Car- 
thage,  p.  66. 

PONS  (SAINT).  Actes  de  son  martyre,  p.  159. 
PORC.   Pourquoi   Dieu  a  défendu  aux  Israélites 
d'en  manger,  p.  95. 

POSSIDONIUS,  prêtre  de  l'Eglise  d'Alexandrie, 
p.  204.  Dioscore  l'envoie  à  Rome,  ibid.  Possidonius 
y  assiste  aux  ordinations  et  aux  processions,  p.  205. 


POTENTIUS,  évêque  de  la  Mauritanie  Césarienne, 
envoie  à  saint  Léon  une  ample  relation  de  l'état  des 
Eglises  de  cette  province,  p.  198  et  199. 

POTITUS,  prêtre,  grand-père  de  saint  Patrice, 
p.  444. 

PRAGMACE,  évêque  peut-être  de  Bourges,  à  qui 
saint  Sidoine  écrit,  p.  .390. 

PRAYLE,  évêque  de  Jérusalem,  ordonne  un  bi- 
game, p.  23. 

PRÉDESTINATIENS,  nom  que  les  semi-pélagiens 
donnaient  aux  disciples  de  saint  Augustin,  p.  427. 
PRÉDESTINATION.  Ne  saurait  être  sans  la  pres- 
cience, p.  296.  Quel  est  son  objet,  ibid.  Ce  que 
c'est  que  la  prédestination,  p.  302.  Si  on  la  doit 
prêcher  publiquement,  ibid.  Fauste  de  Riez,  est 
chargé  d'écrire  sur  la  prédestination  et  sur  la  grâce, 
p.  421  ;  son  sentiment  sur  la  prédestination,  p.  429 
et  suiv. 

PRÊTRES.  Constantin  veut  qu'on  les  honore, 
p.  43.  C'est  l'usage  de  leur  faire  des  largesses  aux 
grandes  solennités,  p.  150.  11  est  contre  la  coutume 
de  leur  imposer  une  pénitence  publique,  p.  200. 
Leur  ordination  ne  doit  se  faire  que  le  dimanche 
ou  la  nuit  du  samedi  au  dimanche,  p.  203.  Le  mi- 
nistère de  la  parole  leur  est  réservé,  p.  227.  Jésus- 
Christ  leur  a  donné  le  pouvoir  d'admettre  à  la  péni- 
tence ceux  qui  confessent  leurs  péchés,  p.  259. 
Sont  tenus  à  la  continence,  p.  261.  Ils  ont  rang 
dans  l'église  selon  le  temps  de  leur  ordination,  ibid. 

PRÊTRISE.  Les  néophytes,  les  laïques  et  las  bi- 
games en  sont  exclus,  p.  261 . 

PRIÈRE,  accompagnée  du  jeûne  et  de  l'aumône, 
est  très  efficace  pour  obtenir  le  pardon  des  péchés 
qu'on  a  commis,  p.  272;  ce  que  saint  Maxime  pres- 
crit pour  celle  du  soir,  p.  322. 

PRINCIPE  ,  évêque,  recommande  à  saint  Sidoine 
un  de  ses  ecclésiastiques,  p.  394.  Saint  Sidoine  lui 
écrit,  ibid. 

PRIMaSE,  disciple  de  saint  Augustin,  compose  un 
écrit  qu'il  dédie  à  l'évêque  Fortunat,  p.  333.  On  lu' 
attribue  le  Prœdestinalus,  ibid. 

PRIMATIE.  En  Afrique  on  l'attribue  non  à  un 
certain  siège,  mais  au  plus  ancien  évêque,  p.  204. 
Saint  Léon  veut  introduire  cette  discipline  dans  les 
Gaules,  ibid. 

PRINCIPE  de  l'univers.  Ce  qu'en  ont  pensé  les 
philosophes  payens,  p.  92. 

PRISQUE  VALERIEN.  Saint  Sidoine  lui  adresse 
une  épigramme,  p.  396. 

PRISCILLIANISTES  en  Espagne,  p.  341. 

PROBE,  martyr,  sous  Genséric,  p.  466  et  467. 

PROBUS ,  mari  de  la  cousine  germaine  de  saint  Si- 
doine qui  lui  écrit,  p.  386. 

PROCULE  à  qui  saint  Sidoine  écrit  pour  le  récon- 
cilier avec  son  fils,  p.  388. 

PROlULUS,  diacre,  porte  une  lettre  de  saint  Eu- 
phrone  à  saint  Sidoine,  p.  391. 

PUOCUI.US,  officier  de  Genséric,  veut  obliger  les 
évèques  catholiques  à  livrer  les  livres  sacrés,  p.  45l. 

PROFESSION  de  foi  de  Nicée.  Les  ariens  en  ôtent 
les  termes  de  substance   et  de  consubstantiel  pour 


800 


TABLÉ  ANALYTIQUE. 


y  mettre  celui  in  semblable ,  p.  45.  Quelques  évoques 
signent  cette  profession  à  Rimini,  ibicl.  Elle  est  dés- 
approuvée par  tous  les  défenseurs  de  la  vérité,  ibid. 

PROJECTUS  ,  évèque  de  la  province  de  Vienne, 
se  plaint  au  pape  saint  Léon  de  saint  Hilaire  d'Arles, 
p.  204. 

PROMOTUS,  juif  converti.  Saint  Sidoine  le  recom- 
mande à  Nonnéchius,  p.  39^1. 

PROPHETES.  Quel  est  le  propre  des  prophètes,  p. 
109.  Ils  sont  antérieurs  aux  philosophes  payens,  p. 
ilO. 

PROSPER  (saint)  ,  surnommé  d'Aquitaine  ,  dé- 
fenseur de  la  grâce  de  Jésus-Christ.  Histoire  de  sa 
vie,  p.  276  et  suiv.  Il  défend  la  doctrine  de  la  grâce 
en  428  ou  4-29  ,  p.  276  ;  il  écrit  à  Rufin  touchant 
saint  Augustin,  p.  277  ;  il  va  à  Rome  vers  l'an  431, 
ibid.  11  retourne  dans  les  Gaules;  écrit  contre  le  Col- 
lateur  vers  l'an  432  ,  ibid.  11  retourne  à  Rome  avec 
saint  Léon  en  448,  ibid.  Sa  mort  vers  463,  p.  278. 
Ses  écrits,  p.  278  et  suiv.  Lettres  de  saint  Prosper  : 
lettre  à  saint  Augustin,  p.  278,  279  ;  lettre  à  Rufin, 
p.  279  et  suiv.  Du  poème  contre  les  Ingrats;  ce  poème 
a  été  fait  vers  l'an  430.  Division  et  dessein  de  cet 
ouvrage,  p.  284;  analyse  delà  première  partie,  iftît/. 
et  285  ;  analyse  de  la  deuxième  partie  ,  p.  285  et 
suiv.  ;  analyse  de  la  troisième  partie,  p.  288,  289  ; 
analyse  de  la  quatrième  partie,  p.  289  et  suiv.  Epi- 
grammes  de  saint  Prosper,  p.  291 ,  292.  Réponses 
aux  objections  des  Gaulois  vers  l'an  431,  p.  292  et 
suiv.  Analyse  de  ces  réponses,  ibid.  Quinze  objec- 
tions y  sont  résolues,  ibid.  et  suiv.  Réponses  à  Vin- 
cent, à  quelle  occasion  ,  p.  298.  Seize  oLjcctions  y 
sont  résolues  ,  ibid.  et  suiv.  Réponses  aux  prêtres 
de  Gênes  après  l'an  430.  A  quelle  occasion,  p.  300. 
Analyse  de  ces  réponses  ,  ibid.  et  suiv.  Livre  de  la 
Grâce  et  du  Libre  arbitre  contre  le  CoUateur  oul'au- 
teur  des  Conférences,  p.  303  et  suiv.  Cet  écrit  a  été 
composé  vers  l'an  432,  p.  303.  Quelle  en  a  été  l'oc- 
casion, ibid.  et  304.  Analyse  du  livre  contre  le  Col- 
lateur ,  p.  304  et  suiv.  Première  et  deuxième  pro- 
positions, p.  304  et  305;  quatrième  et  cinquième 
propositions ,  p.  305,  306;  sixième  proposition  ,  p. 
306;  septième  proposition,  ibid.  et  307;  huitième 
proposition,  p.  307;  neuvième  proposition,  p.  308 
dixième  proposition,  ibid.  et  309  ;  onzième  proposi- 
tion, p.  309;  douzième  proposition,  ibid.  et  310 
Récapitulation  du  livre  contre  le  CoUateur ,  p.  310 
Commentaire  sur  les  Psaumes  écrit  vers  l'an  434 
p.  310,  311.  Livre  des  Sentences  fait  vers  l'an  451 
p.  311.  Epigrammes  de  saint  Prosper,  vers  l'an  451 
p.  312.  Chronique  de  saint  Prosper;  elle  est  de  lui 
p.  312  ;  ce  qu'elle  contient,  ibid.  et  3l3.  Autre  Chro- 
nique attribuée  à  saint  Prosper,  p.  313.  Cycle  attri- 
bué à  saint  Prosper,  ibid.  Ouvrages  faussement  at- 
tribués à  saint  Prosper  ou  qu'on  doute  être  de  lui, 
p.  313  et  suiv.,  savoir:  Confession  de  saint  Prosper 
d'Aquitaine  ,  p.  313.  Poème  d'un  mari  à  sa  femme, 
ibid.  et  314.  Poème  de  la  Providence  divine,  p.  314. 
Autres  écrits  attribués  à  saint  Prosper,  savoir  :  livre 


des  Prédictions  et  des  promesses  :  p.  314,  3 15.  Ce 
que  contient  ce  livre,  p.  315,  première  partie,  ibid. 
et  316;  2=,  3^  et  4o  parties,  p.  316,  317  ;  5«  par- 
lie,  p,  317.  Jugement  de  cet  écrit  ,  ibid.  Jugement 
des  écrits  de  saint  Prosper  ,  p.  317,  318.  Editions 
particulières  des  écrits  de  saint  Prosper ,  p.  318; 
éditions  générales,  ibid.  et  319.  Traductions  fran- 
çaises de  ces  écrits,  p.  319. 

PROSPER  (saint),  évêque  d'Orléans,  prie  saint  Si- 
doine d'écrire  l'histoire  de  la  guerre  d'Attila,  p.  382. 

PROTAIS  (saint).  Saint  Ambroise  en  trouve  les 
reliques,  p.  391. 

PROTERE  (saint),  disciple  de  Dioscore  qui  le  fait 
archiprètre  et  lui  confie  le  soin  de  son  église,  p. 
229.  230.  Il  est  élu  évèque  d'Alexandrie,  p.  230.  Té- 
moignage avantageux  que  lui  rend  l'empereur  War- 
cien,  ibid.  Il  assemble  un  concile  de  toute  l'Egypte, 
ibid.  Il  fait  part  à  saint  Léon  de  son  élection  et  de 
ce  qui  s'est  passé  dans  son  concile,  ibid.  Autre  let- 
tre qu'il  écrit  au  pape,  ibid.  Les  eulychéens  exercent 
leur  cruauté  sur  lui  et  sur  ses  parents,  p.  234. 

PROVIDENCE.  Marque  sensible  de  son  effet  dans 
toutes  les  parties  du  monde  ,  p.  89.  Traité  de  Sal- 
vien  sur  la  Providence,  p.  368  et  suiv. 

PSALMODIE  perpétuelle  établie  dans  le  monas- 
tère d'Ag.iune,  p.  747. 

PSAUMES  (les),  ont  tous  été  écrits  par  l'inspira- 
tion du  Saint-Esprit ,  p.  109  ;  les  titres  mêmes  en 
sont  inspirés,  ihid.  Origine  du  chant  des  psaumes  à 
deux  chœurs.  Mammert  Claudien  enseigne  aux  ecclé- 
siastiques le  chant  des  psaumes,  p.  137  et  3-16. 

PUBLIE  (saint),  fonde  un  monastère  double  pour 
les  Grecs  et  les  Syriens,  p.  53. 

PRUDENT,  marchand,  achète  une  femme  à  Cler- 
mont,  p.  390. 

PUDENT,  maître  d'un  esclave,  p.  390. 

PUISSANCE.  Distinction  des  deux  puissances , 
l'ecclésiastique  et  la  séculière,  p.  501  et  506. 

PULCHÉRIE  ,  impératrice.  Théodoret  s'emploie 
auprès  d'elle  pour  le  soulagement  de  son  diocèse, 
p.  20.  Lettre  de  cet  évêque  à  Pulchérie,  p.  67;  Pul- 
chérie  conseille  de  mettre  à  mort  Chrysaphe,  p.  75. 
Hilaire,  archidiacre  de  Rome,  lui  écrit,  p.  335.  Let- 
tres que  lui  écrit  saint  Léon ,  p.  213  ,  214  et  216. 
L'impératrice  Placidie  l'engage  à  la  défense  de  la  foi, 
p.  2l7.  Réponse  de  saint  Léon,  ibid.  Pulchérie  fait 
rapporter  le  corps  de  saint  Flavien  à  Constantinople, 
p.  2i9.  Lettres  de  saint  Léon,  ibid  et  221.  Pulché- 
rie témoigne  à  ce  pape  ne  pas  approuver  la  rigueur 
dont  il  use  envers  les  auteurs  de  l'hérésie.  Réponse 
de  saint  Léon,  p.  222.  Le  concile  de  Chalcédoine  lui 
mande  les  raisons  qu'il  a  eues  de  déposer  Dioscore, 
p.  689. 

PURGATOIRE.  Paschase,  diacre  de  l'Eglise  ro- 
maine ,  est  envoyé  en  purgatoire  pour  avoir  pris  le  parti 
de  l'antipape  Laurent  ,  p.  528. 

PYTHAGORE,  philosophe  payen,  reçoit  la  circon- 
cision en  Egypte,  p.  91  ;  en  quoi  il  met  la  félicité  de 
l'homme,  p.  97. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


801 


Q. 


QUÉLIDOINE  ,  archevêque  de  Besançon,  est  dé- 
posé par  saint  Hilaire,  p.  1 72  ;  il  porte  ses  plaintes  à 
saint  Léon,  qui  le  rétablit,  ibid.  Sainte  Hilaire  refuse 
de  communiquer  avec  lui,  ibid. 

QUÉRÉMON,  lecteur  d'Alexandrie  ,  présente  une 
requête  aux  légats  du  pape  Anastase,  p.  519. 

QUIETE,  belle-mère  de  Salvien ,  p.  360. 


QUIENTIE,  évêque  de  Rodez,  assiste  au  concile 
d'Agde,  en  506,  p.  736. 

QUINTILLUS,  évêque  d'Hcraclée ,  assiste  au  faux 
concile  d'Ephèse  en  la  place  d'.^thanase  de  Thessa- 
loniquc,  p.  676,  et  à  celui  de  Chalcédoine,  p.  684. 

QUODVULTDEUS,  évêque  deCarthage,  banni  par 
Genséric,  p.  449. 


R. 


RABULAS  ,  évêque  d'Edesse  ,  est  fait  évêque  en 
412,  p.  143  ;  il  souscrit  au  concile  d'Ephèse,  ibid.  Il 
est  quelque  temps  uni  avec  ,Tean  d'Antioche  et  les 
autres  Orientaux ,  ibid.  Il  se  déclare  pour  saint  Cy- 
rille contre  Nestorius,  ibid.  Il  assemble  un  concile  à 
Edesse  où  il  se  sépare  de  la  communion  de  tous  les 
Orientaux,  ibid.  Accusations  que  quelques-uns  d'E- 
desse forment  contre  lui,  ibid.  et  144.  11  a  part  aux 
disputes  qui  s'élèvent  vers  l'an  436  au  sujet  des 
écrits  de  Théodore  de  Mopsueste  et  de  Diodore  de 
Tarse,  ibid.  Il  écrit  aux  évêques  d'Arménie,  ihid.  ; 
se  réconcilie  avant  sa  mort  avec  Jean  d'Antioche  et 
les  autres  Orientaux,  p.  143.  Sa  mort  en  435, 
ibid. 

RACHEL.  Quel  était  son  but  en  emportant  les 
idoles  de  son  père,  p.  28. 

RAGNAHILDA ,  reine  des  Goths  et  femme  d'Eu- 
ric,  p.  387. 

RAHAB  ,  avant  sa  conversion ,  était  comme  la  fi- 
gure de  l'Eglise  des  gentils,  p.  31. 

RAVENNE ,  évêque  d'Arles  ,  succède  à  saint  Hi- 
laire, p.  215.  Saint  Léon  lui  écrit  et  confirme  son 
élection ,  ibid.  Plaintes  de  l'Eglise  de  Vienne  contre 
lui,  p.  218.  Lettres  de  saint  Léon,  ibid.  et  223.  Il 
assemble  un  concile  en  455,  p.  708. 

REBAPTISATION.  Voyez  Baptême. 

RÉCONCILIATION.  Comment  on  doit  l'accorder 
à  ceux  qui  la  demandent,  p.  260.  En  quel  temps  se 
fait  ordinairement  la  réconciliation  solennelle ,  ibid. 

REGIA  en  Afrique  :  plusieurs  catholiques  y  souf- 
frent le  martyre,  p.  451. 

REGULUS  ,  diacre ,  est  député  à  Rome  par  les 
évêques  de  la  province  d'Arles,  p.  2l8. 

RELIGIEUSES.  Comment  on  doit  se  comporter 
envers  celles  qui  souffrent  violence  pendant  la  per- 
sécution des  Vandales,  p.  199. 

RELIQUES.  Celles  du  martyr  Babylas  empêchent 
l'oracle  d'Apollon  de  parler,   p.   134. 

REftlY  (SAINT).  Le  pape  Hormisdas  lui  écrit,  p.  612. 

RENE,  prêtre  de  l'Eglise  romaine,  du  titre  de 
Saint-Clément.  Théodoret  lai  écrit,  p.  74.  Saint  Léon 
le  choisit  pour  son  légat  au  faux  concile  d'Ephèse, 
p.  173.  René  meurt  en  chemin,  p.  675. 


REPARAT,  sous-diacre  ,  a  la  langue  coupée  sous 
Hunéric,  et  parle  nettement  et  sans  peine,  p.  459. 

RESTICIEN  ou  Rufin,  assiste  au  concile  de  Chal- 
cédoine, p.  683. 

RÉSURRECTION.  Elle  sera  commune  aux  infidèles 
et  aux  fidèles,  aux  impies  et  aux  justes,  p.  87;  tous 
y  rendront  compte  de  leurs  actions,  ibid.  Théodoret 
établit  la  résurrection,  p.  90. 

RÉSURRECTION  d'un  enfant,  p.  492. 

REVENUS  ecclésiastiques.  Usage  qu'on  doit  en 
faire,  p.  744  et  7i5.  Distribution  des  revenus  des 
oblations  de  l'Eglise,  p.  745. 

RICHES.  Ils  sont  obligés  de  faire  part  de  leurs 
biens  aux  pauvres,  p.  181. 

RICHESSES.  Elles  ne  sont  pas  mauvaises  par 
elles-mêmes ,  on  ne  doit  blâmer  que  l'abus  qu'on  en 
fait,  p.  89.  Le  défaut  est  tout  dans  l'homme  qui  en 
use  mal ,  p.  363.  Elles  ne  sont  données  à  l'homme 
que  comme  des  instruments  pour  travailler  à  son  sa- 
lut, p.  89.  Elles  sont  de  deux  sortes,  p.  157. 

RICIMER,  patrice,  épouse  la  fille  de  l'empereur 
Anthémius,  p.  383. 

RIMINI.  Ce  qui  se  passe  en  cette  ville  de  la  part 
des  ariens,  p.  45. 

RIOCAT,  évêque,  envoyé  par  Fauste  de  Riez  aux 
Bretons,  passe  par  Clermont,  p.  395. 

RIODANE  va  à  Constantinople  et  porte  un  billet 
de  saint  Léon  à  Flavien,  p.  211. 

RIOTHAMUS ,  roi  des  Bretons.  Saint  Sidoine  lui 
écrit,  p.  386. 

ROGAT  (saint;,  moine,  martyr  sous  Hunéric, 
p.  462  et  463. 

ROGATIONS.  Leur  institution  à  Vienne  en  468, 
p.  346  et  347.  Comment  on  les  célébrait,  p.  347, 
381  et  391.  Homélies  de  saint  Avit  sur  les  Roga- 
tions,  p.  563.  Leur  établissement  passe  de  l'Eglise 
de  Vienne  dans  celle  d'Auvergne  et  dans  un  grand 
nombre  d'autres  EgUses,  p.  347. 

ROMAIN  (saint),  solitaire,  établit  sa  demeure  près 
d'Antioche,  p.  13;  sa  manière  de  vivre,  ibid.;  ses 
exhortations  à  ceux  qui  viennent  le  voir,  ibid. 

ROME.  Combien  la  gloire  de  cette  ville  s'est  aug- 
mentée par  la  religion  et  par  le  ministère  des  apô- 

51 


802 


TABLE  ANALYTIQUE. 


très,  p.  i9i.  Pourquoi  le  premier  siège  de  l'Eglise 
y  est  établi,  ibid. 

ROMULUS,  évêque,  écrit  à  Théodoret,  qui  lui  ré- 
pond, p.  76. 

ROMULUS  ,  supérieur  du  monastère  de  Saint- 
Théodose,  p.  13. 

ROMULUS,  diacre,  porte  une  lettre  du  pape  saint 
Gélase  aux  évêques  de  la  Marche  d'Ancône,  p.  499. 

ROSCIA,  fille  de  saint  Sidoine,  p.  379;  i)  la  voit 
à  Lyon  en  474,  p.  389. 

RUFIN,  ami  de  saint  Prosper,  ayant  ouï  parler  des 
mauvais  sentiments  qu'on  attribue  à  ce  saint,  lui  en 
écrit,  p.  279.  Saint  Prosper  le  satisfait  pleinement, 
ibid.  et  280. 

RUFIN,  abbé  de  Constantinople ,  écrit  au  pape 
saint  Félix  III  contre  Tutus  ,  défenseur  de  l'Eglise 
romaine,  p.  415  et  416. 

RUFUS,  comte.  Ordres  qu'on  lui  envoie  contre 
Théodoret,  p.  22. 

RUFUS ,  évoque  de  Thessalonique.  Théodoret  et 
tes  autres  Orientaux  veulent  l'attirer  dans  leur  parti 
et  le  prévenir  contre  le  concile  d'Ephèse ,  p.  103. 
Lettres  qu'ils  lui  écrivent  à  ce  sujet,  ibid. 

RURICE  (saint),  évêque  de  Limoges.  Sa  naissance, 
son  mariage  ,  p.  607  ;  il  est  fait  évêque  de  Limoges 


en  484,  ibid.;  ses  lettres,  ibid.  Lettres  écrites  à  Ru- 
rice,  p.  609.  Fauste  de  Riez  lui  en  écrit  plusieurs, 
p.  435.  Rurice  prend  un  écrit  de  saint  Sidoine  et  lui 
écrit,  p.  388;  il  fait  tirer  une  copie  d'un  des  ou- 
vrages de  saint  Sidoine,  p.  389.  Lettres  que  saint 
Sidoine  lui  écrit,  p.  390  et  393. 

RUSTICIENNE  ,  fille  de  Symmaque,  sénateur  ro- 
main, seconde  femme  de  Roëce,  p.  646. 

RUSTIQUE  ,  évêque.  Arnobe  lui  dédie  son  com- 
mentaire sur  les  Psaumes,  p.  330. 

RUSTIÛUE  (saint),  évêque  de  Narbonne,  ordonne 
pour  évêque  de  Réziers  Hermès,  son  archidiacre, 
p.  337  ;  il  assiste  au  concile  d'Arles  en  455,  p.  708. 

RUSTIQUE  (saint)  ,  sous-diacre ,  moine  et  mar- 
tyr sous  Hunéric,  p.  460. 

RUSTIQUE,  évêque  d'Afrique,  assiste,  en  487,  à 
un  concile  de  Rome,  p.  719. 

RUSTIQUE,  évêque  de  Cartène,  en  418,  p.  469. 

RUSTIQUE,  évêque  de  Lyon.  Le  pape  saint  Gélase 
lui  écrit  en  494,  p.  505. 

RUSTIQUE,  de  Rordeaux,  recommande  une  affaire 
à  saint  Isidore  ,  qui  lui  écrit ,  p.  385.  Ce  Rustique, 
ou  un  autre  du  même  nom ,  avait  demandé  à  saint 
Eucher  ses  deux  livres  sur  l'Ecriture,  ibid. 


S. 


SABAS  (saint).  Elle  de  Jérusalem  le  députe,  en 
512,  à  l'empereur  Anastase,  p.  488. 

SABAS,  chef  de  la  secte  des  messaliens,  p.  47;  il 
ne  veut  point  se  séparer  de  la  communion  de  l'Eglise, 
ibid.;  il  est  chassé  de  Syrie,  ibid. 

SABELLIENS.  Saint  Marcien  n'a  que  de  l'éloigne- 
ment  pour  eux,  p.  53;  ils  enseignent  que  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit  ne  font  qu'une  seule  personne, 
p.  207.  Pourquoi  leurs  disciples  sont  nommés  patri- 
passiens,  ibid. 

SABINIEN,  évêque  de  Perrha,  est  contraint,  par 
violence,  d'abandonner  son  Eglise,  p.  75;  il  s'adresse, 
pour  procurer  son  rétablissement,  à  ceux  mêmes  qui 
l'ont  chassé  ,  ibid.  Théodoret  lui  écrit  sur  cette  dé- 
marche, ibid.  Dioscore  le  dépose  dans  le  faux  con- 
cile d'Ephèse,  p.  679.  Sabinien  présente  au  concile 
de  Chalcédoine  deux  requêtes  contre  Athanase, 
p.  695.  Jugement  de  ce  concile,  p.  696. 

SABINIEN,  prêtre  de  l'Eglise  de  Narbonne,  pour- 
suit la  punition  d'un  adultère,  p.  200;  il  est  cité  de- 
vant une  assemblée  d'évêques  et  de  laïques,  et  con- 
damné, ibid. 

SACERDOCE.  On  ne  permet  pas  d'élever  à  un  plus 
haut  degré  des  gens  de  condition  servile  ou  qui  ne 
sont  pas  de  bonnes  mœurs,  p.  261. 

SACRIFICE  divin,  p.  453,  offert  sur  les  mains  des 
diacres  ,  p.  59;  on  l'offre  quelquefois  dans  des  mai- 
sons particulières,  p.  125.  Choses  remarquables  que 
Théodoret  raconte  sur  ce  sujet ,  ibid.  Coutume  de 
Rome  de  le  réitérer  autant  de  fois  que  l'Eglise  dans 


laquelle  on  l'offre  est  remplie  dépeuple,  p.  215.  On 
ne  l'offre,  soit  à  Rome,  soit  à  Alexandrie,  que  dans 
une  seule  égUse,  même  dans  les  plus  grandes  solen- 
nités, ibid.  Le  sacrifice  d'Abraham  est  la  figure  du 
double  sacrifice  de  Jésus-Christ,  p.  3S1 . 

SAGESSE.  La  vraie  sagesse  ne  consiste  pas  dans 
l'éloquence,  mais  dans  la  connaissance  de  la  vérité, 
p.  91. 

SAINTS.  En  quoi  consistera  leur  récompense  à  la 
résurrection  future;  quel  sera  leur  bonheur,  p.  87. 

SALANAN  (saint),  p.  58.  Sa  manière  de  vivre, 
ibid.  L' évêque  diocésain  veut  le  faire  prêtre ,  ibid. 

S,\LOMON.  En  quel  sens  on  peut  dire  qu'il  a  parlé 
de  tous  les  bois,  p.  33. 

SALONE,  évêque  de  Genève.  Salvien  lui  adresse 
son  traité  sur  la  Providence,  p.  368. 

SALUSTE  ,  gouverneur ,  pour  la  seconde  fois ,  de 
la  province  Euphratésienne,  p.  66.  Théodoret  lui 
envoie  un  diacre  et  lui  recommande  les  intérêts  de 
la  ville  de  Cyr,  ibid. 

SALVIEN,  prêtre  de  Marseille.  Sa  naissance,  son 
mariage;  il  embrasse  la  continence,  p.  359  et  360; 
sa  lettre  à  Hypace,  son  beau-père,  p.  360;  il  est  fait 
prêtre,  p.  361;  ses  écrits  :  ses  quatre  livres  de 
l'Eglise  catholique,  ibid.;  sa  lettre  à  l'évêque  Salone 
sur  cet  ouvrage  ,  p.  362.  Analyse  du  premier  livre 
du  traité  de  l'Eylise  catholique,  p.  362  et  suiv.;  du 
deuxième  livre,  p.  365;  du  troisième,  ibid.  et  suiv.; 
du  quatrième,  p.  367  et  368.  Livres  de  Salvien  sur 
la  Providence,  divisés  on  huit  livres,  p.  368.  Ana- 


TABLE  ANALYTIQUE. 


803 


lyse  du  premier  livre,  p.  368  et  suiv.;  ilu  deuxième, 
p.  370;  du  troisième,  p.  371;  du  quatrième,  ibid. 
et  suiv.;  du  cinquième,  p.  373;  du  sixième,  ibid.  et 
suiv.;  du  septième,  p.  375;  du  huitième,  ibid.  et  376 
Lettres  de  Salvien  aux  serviteurs  de  Dieu,  p.  376;  à 
saint  Eucher,  ibid.;  à  l'évêque  Agrice,  ibid.;  à  Hy- 
pace,  ibid.;  à  Catture,  ibid.  et  377;  à  Liménius,  à 
Aper  et  à  Vérus ,  p.  377;  à  Salone,  ibid.  Livres  de 
Salvien  qui  sont  perdus,  ibid.  Jugement  de  ses  écrits, 
ibid.  et  378;  éditions  qu'on  en  a  faites,  p.  378. 

SALUTARIS ,  archidiacre  de  Carthage,  confesse 
Jésus-Christ  sous  Hunéric,  p.  463. 

SAMUEL ,  prêtre  du  clergé  d'Edesse  ,  accuse  son 
évêque  auprès  de  saint  Procle,  p.  144;  son  libelle 
contre  lui  à  Doranus  d'Antioche ,  ibid.  ;  il  se  retire 
à  Constantinople  et  demande  à  l'empereur  d'autres 
juges,  ibid.;  il  recommence  sa  procédure  contre  cet 
évêque  et  en  accuse  deux  autres  avec  lui,  p.  145  ; 
ses  chefs  d'accusation,  ibid.;  ses  écrits,  p.  582. 

SAPANDE  ou  SAPAUDE,  professeur  de  rhétorique 
à  Vienne,  p.  359.  Maramert  Claudien  lui  écrit, 
p.  359.  Lettre  de  saint  Sidoine  à  Sapande,  p.  389. 

SAPOR,  roi  de  Perse,  assiège  Nisibe,  p.  44;  épou- 
vanté par  une  vision ,  il  prend  le  parti  de  lever  le 
siège,  p.  45. 

SATISFACTION.  On  doit  l'accorder  à  tous  ceux 
qui  la  demandent,  même  dans  le  péril  et  à  l'extré- 
mité de  la  vie,  pourvu  que  la  conversion  soit  véri- 
table, p.  260. 

SATURE  (saint),  intendant  de  la  maison  d'Hunê- 
ric,  confesse  la  foi,  p.  452. 

SATURNIN,  évêque  deMarcinople,  assiste,  en  448, 
au  concile  de  Constantinople,  p.  669;  il  est  ordonné 
en  la  place  de  Dorothée,  p. 

SATURNIN,  hérésiarque,  est  le  premier  qui  a  dit 
que  le  mariage  vient  de  satan,  p.  131. 

SAXONS.  Leur  portrait  selon  Salvien,  p.  375. 

SCYTHOPLE,  métropole  de  la  Palestine,  p.  18. 

SÉDASTIEN,  comte,  gendre  du  comte  Roniface, 
p.  450.  Genséric  le  fait  mourir,  ibid. 

SECONDIN.  Saint  Sidoine  approuve  les  vers  sy- 
riaques qu'il  avait  faits,  p.  389. 

SECONDIN,  neveu  de  saint  Sidoine,  p.  386. 

SEGETIUS ,  évêque ,  est  commis  pour  porter  la 
lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de  Campanie,  et 
chargé  d'en  faire  exécuter  les  décrets,  p.  202. 

SÉLEUQUE  ,  évêque  d'Amasée ,  se  sert  de  la 
même  expression  que  Rasile  de  Séleucie  sur  l'Incar- 
nation, p.  163;  il  rétracte  ce  qu'il  a  dit  au  concile 
de  Constantinople  en  448,  ibid. 

SEMRLADLE.  Les  ariens  mettent  ce  terme  dans 
la  profession  de  foi  de  Nicée,  en  la  place  de  ceux  de 
substance  et  de  consubstantiel,  p.  45. 

SEMI-PÉLAGIENS.  Autorités  de  l'Ecriture  dont 
ils  abusent,  p.  280.  Objection  qu'ils  tirent  de  l'exem- 
ple de  Corneille,  p.  281  ;  d'où  vient  leur  erreur,  p. 
282.  Réponses  à  leurs  objections,  p.  283;  l'hérésie 
semi-pélagienne  s'efforce  de  faire  renaître  la  péla- 
gienne,  p.  285  ;  sentiments  qu'ils  reconnaissent  avoir 
été  condamnés  dans  les  pélagiens,  ibid.  et  286;  sui- 
vant eux  la  volonté  prévient  la  grâce,  suite  de  cette 


erreur,  p.  287,  288;  parallèle  de  leurs  erreurs  avec 
l'hérésie  pélagienne,  p.  289  et  suiv. 

SEMSUS,  frère  aîné  de  saint  Sirnéon  Slylite,  p.  60. 
SENAT  de  Rome.   Tibère  lui  propose  de  niellre 
Jésus-Christ  au  rang  des  dieux,  p.  5.  Il  le  refuse  et 
donne  un  édit  contre  les  chrétiens,  ibid. 

SÉNATEUR,  patrice.  Théodore!  lui  écrit,  p.  67. 
SENATEUR,  prêtre  de  Milan,  légat  de  saint  Léon 
à  l'empereur  Théodose ,  p.  219;  n'arrive  à  Rome 
qu'après  la  mort  de  ce  prince  ,  ibid  L'emjiereur 
Marcicn  le  reçoit  favorablement ,  p.  220.  Sénateur 
rend  compte  du  succès  de  sa  légation  au  pape,  p.  68  ; 
qui  le  charge  d'une  lettre  pour  Eusèbe  de  Milan. 
ibid.  ;  assiste  au  concile  de  Milan  en  451  ,  où  il  fait 
le  rapport  de  ce  qu'il  a  fait  et  vu  dans  l'Orient,  ibid. 

SENECION  ,  métropolitain  de  l'Illyrie  orientale, 
écrit  à  saint  Léon,  qui  lui  répond,  p.  206. 

SENEQUE ,  vieillard  pélagien  ,  réfuté  par  le  pape 
saint  Gélase,  p.  499  et  suiv.  Le  pape  défend  de  lui 
donner  retraite,  de  lui  accorder  l'entrée  de  l'Eglise, 
p.  501. 

SEPTIANE  (saint),  moine  et  martyr  sous  Huné- 
ric, p.  462  et  463. 

SEPTIMIUS,  qualifié  évêque  d'Altino,  écrit  à  saint 
■Léon,  touchant  les  pélagiens,  p.  172.  Saint  Léon  lui 
écrit,  ibid.  et  203. 

SEPULTURE.  Cérémonies  de  la  sépulture  des 
morts  suivant  l'auteur  des  livres  attribués  à  saint 
Denis  l'Aréopagite,  p.  549.  Genséric  ordonne  aux 
catholiques  d'enterrer  eurs  morts  sans  chanter  des 
hymnes,  p.  449.  Les  corps  des  martyrs  enterrés  en 
chantant  des  hymnes,  p.  463. 

SÉRONATE.  Saint  Sidoine  lui  écrit  sur  Maxime, 
p.  384. 

SERRAN.  Saint  Sidoine  lui  écrit  sur  Maxime ,  p. 
385. 

SERSAON,  parent  du  roi  Genséric,  p.  517. 

SEPiVUS  (saint)  ,  sous-diacre,  moine  et  martyr, 
sous  Hunéric,  p.  462  et  463. 

SERVUSDEI  ,  auteur  ecclésiastique  dont  parle 
Gennade,  p.  470. 

SEVERE  ,  évêque  ,  écrit  au  pape  Simplice  contre 
Gaudence,  évêque  d'Ausinium,  p.  402. 

SEVERE,  empereur,  empoisonné  dans  son  palais, 
le  15  août  de  l'an  466,  p.  339. 

SÉVÉRIN  (saint),  apôtre  de  Norique.  Son  corps 
est  transféré  au  château  de  Lucullone ,  près  de  Na- 
ples,  p.  517. 

SÉVERIENNE,  fille  de  saint  Sidoine ,  va  prendre 
l'air  à  la  campagne  après  une  maladie,  p.  385. 

SERVITUDE.  Elle  ne  porte  aucun  préjudice  à  la 
vertu,  p.  89.  Un  serviteur  peut  vivre  dans  la  piété 
sous  un  mauvais  maître,  ibid. 

SIAGRIUS,  ecclésiastique  dont  Gennade  fait  men- 
tion, p.  469. 

SIAGRIUS,  fils  du  général  Gille  ,  p.  384.  Saint 
Sidoine  lui  écrit,  p.  389. 

SICILE.  Lettre  de  saint  Léon  aux  évêques  de  cette 
province,  p.  209. 

SIDOINE  APOLLINAIRE  (saint),  évêque  de  Cler- 
mont,  en  Auvergne  :  son  origine,  temps  de  sa  nais- 


804 


TABLE  ANALYTIQUE. 


sance,  p.  379  ;  ses  études ,  ibid.  ;  il  épouse  Papia- 
nille,  fille  d'Avitus  ,  ibid.  Ses  enfants  ,  ibid.  L'em- 
pereur Marnien  l'élève  à  la  dignité  de  comte,  p.  379, 
380.  Anthémius  le  fait  chef  du  sénat  de  Rome   et 
préfet  de  la  ville,  ensuite  patrice,  p.  380  ;  il  est  élu 
évêque  de  Clermont  après  la  mort  d'Eparchius  ,  p. 
380;  sa  conduite  dans  l'épiscopat,  ibid.  Lettre  que 
lui  écrit  saint  Loup,  évèque  de  Troyes,  à  l'occasion 
de  son  élection  ,  ibid.   Il  fait  élire  saint  Simplice, 
évêque  de  Bourges ,  ibid.  et  381  ;  il  établit  les  Ro- 
gations dans  son  Eglise  ;  à  quelle  occasion ,  p.  381 . 
Euric,  roi  des  Visigoths.le  fait  enfermer  au  château 
de  Liviane  ,  ibid.   Sidoine  obtient  sa  liberté  par  le 
crédit  du  ministre  Léon,  pour  lequel  il  fait  une  co- 
pie de  la  vie  d'Apollonius,  ibid.  et  382;  il  fait  la  ré- 
vision de  ses  lettres  et  les  donne  au  public,  p.  382. 
Sollicité  par  Léon  de  continuer  l'histoire  d'Attila  et 
du  siège  d'Orléans,  il  s'en  excuse,  p    382.  Deux  de 
ses  prêtres  se  soulèvent  contre  lui  ;   ils  en  sont  pu- 
nis de  Dieu,   ibid.;  temps  de  la  mort  de  saint  Si- 
doine, ibid.;  ses  ouvrages,  ibid.;  idée  du  recueil  de 
ses  lettres,  ibid.  et  383  ;  analyse  des  neuf  livres  qui 
le  composent,  p.  383  et  suiv.  ;  analyse  du  premier 
livre,  p.  383,  384  ;  du  deuxième,  p.  384,  385;  du 
troisième  ,  p.  385,  386  ;   du  quatrième  ,  p.  387  et 
suiv.  ;  du  cinquième,  p.  389,  390;   du  sixième,  p. 
390,  391  ;  du  septième,  p.  391  et  suiv.  ;  du  huitième, 
p.  393,  394  ;   du  neavième,  p.  394  ,  395.  Circons- 
tances  remarquables  de  sa  vie  rapportées  dans   ses 
lettres,   p.  383,  384,  386,  387,  389,  393.  Poésies 
de  saint  Sidoine,  p.  396    Panégyrique  d'Anthémius, 
ibid.  ;  de  Majorien,  ibid.  ;  d'Avitus  ,  ibid.  Poème  à 
Félix,  ibid.  et  397.  Epithalame  de  Ruricius,  p.  397. 
Poème  à  Fauste  de  Riez  ,  ibid.  ;  à  Hommace,  ibid. 
Autres  poèmes,  ibid  Poème  à  son  recueil  de  poésies, 
ibid.  et  398.  Ecrits  de  saint  Sidoine  que  nous  n'a- 
vons plus,  p.  398.  Jugement  des  écrits  de  saint  Si- 
doine,  ibid.  Différentes  éditions  qu'on' en  a  faites, 
p.  399.  Lettres  que  lui  écrit  saint  Perpétue,  évèque 
de  Tours,  p.  441 .  Lettre  que  lui  adresse  Mamraert 
Claudien  sur  la  différence  entre  les  êtres  spirituels 
et  les  corporels,  p.  354.  Autre  lettre  de  civilité  ,  p. 
355.  Lettre  que  lui  écrit  saint  Loup  ,   évêque  de 
Troyes,  sur  son  élévation  à  l'épiscopat ,  p.  358.  Sa 
réponse,  ibid. 

SIÈGE  (saint)  ,  ou  Siège  apostolique.  Ses  préro- 
gatives ,  p.  498,  4-99.  Il  a  la  principauté  sur  toutes 
les  Eglises  du  monde,  p.  121.  C'est  de  lui  que  tou- 
tes les  Eglises  blessées  doivent  recevoir  les  remèdes 
nécessaires,  p.  73. 

SIGISMER,  épouse  la  fille  du  roi  des  Visigoths, 
p.  388. 

SIGISMOND  ,  fils  du  roi  Gondebaud ,  abjure  l'hé- 
résie arienne,  p.  554.  Il  rétablit  le  monastère  d'A- 
gaune,  ibid. 

SILVAIN  ,  évêque  de  Calahorra  ,  fait  des  évêques 
sans  autorité  et  contre  les  canons,  p  338.  Les  évê- 
ques d'Espagne  l'avertissent  sans  succès,  ibid.;  ils 
s'en  plaignent  au  pape  saint  Hilaire,  p.  339. 

SILVAIN ,  prêtre  ,  accompagne  les  légats  à  Gons- 
tantinople,  p.  414.  Il  leur  est  confronté,  ibid. 


SILVAIN  ,  diacre  de  Palerme  ,  est  porteur  d'une 
lettre  de  saint  Léon  à  Pasoasin,  p.  202. 

SIMÉON  (SAINT)  Stylite,  p.  579.  Cosme,  prêtre 
de  Phanir,  écrit  sa  vie,  p.  580.  Lettres  de  saint  Si- 
rnéon,  p.  581 . 

SIMEON  (saint)  l'ancien.  Ce  que  Théodoret  en 
raconte,  p.  54. 

SIMÉON  BARSABÉE ,  évêque  de  Séleucie ,  écrit 
quelques  lettres  sur  des  matières  ecclésiastiques, 
p.  143. 

SIMÉON,  de  la  secte  des  messaliens,  ne  veut  point 
se  séparer  de  la  communion  de  l'Eglise,  p.  47  ;  est 
chassé  de  Syrie,  ibid. 

SIMÉON  STYLITE  (saint),  engage  Théodoret  à  la 
paix,  p.  21.  Sa  première  occupation,  p.  60  ;  il  prend 
la  résolution  de  se  retirer  dans  un  monastère,  ibid.;  il 
surpasse  ses  compagnons  en  austérité,  ibid.  et  p.  61  ; 
ses  supérieurs  l'en  reprennent  comme  d'un  excès  , 
ibid.  On  le  fait  sortir  du  monastère,  ibid.;  il  prend  le 
chemin  du  lieu  le  plus  désert  de  la  montagne,  ibid. 
11  passe  le  carême  entier  sans  boire  ni  manger,  ibid. 
Il  se  retire  sur  le  sommet  d'une  montagne  ,  ibid.  ; 
ses  austérités,  ibid.  ;  sa  réputation  se  répand  partout, 
ibid.;  il  fait  de  grands  miracles,  ibid.  et 62. 

SIMONIE ,  condamnée  par  le  concile  de  Chalcé- 
doine,  p.  696  ;  par  saint  Gennade  de  Constantino- 
ple,  p.  711  ;  par  le  pape  saint  Gélase,  p.  504. 

SIMPLICE  (saint),  pape,  son  origine;  ce  qu'on 
sait  de  son  pontificat,  p.  401.  Sa  lettre  à  Zenon, 
évêque  de  Séville,  qu'il  établit  son  vicaire  en  Espa- 
gne, ibid.  ;  à  Jean  de  Ravenne  au  sujet  de  l'ordina- 
tion de  Grégoire  pour  l'évêché  de  Modène  ,  ibid.  et 
402;  à  Florent,  Equice  et  Sévère,  au  sujet  de  Gau- 
dence  ,  évêque  d'Ausinium ,  p.  402;  à  l'empereur 
Basilisque  qui  avait  abandonné  le  concile  de  Chalcé- 
doine,  ibid.  et  403;  àAcace  de  Constantinople  pour 
l'exhorter  à  travailler  à  la  défense  de  l'Eglise  ,  p. 
403  ;  aux  abbés  de  Constantinople  sur  le  même  su- 
jet, ibid.;  à  l'empereur  Zenon  sur  son  rétabUsse- 
ment  ,  ibid.  et  suiv.  Lettre  d'Acace  à  Simplice  et 
réponse  de  Simplice,  p.  405  et  406.  Lettre  de  Sim- 
plice à  Zenon  et  à  Acace  au  sujet  de  l'Eglise  de 
la  paix  rétablie  à  Alexandrie,  p.  407  ;  aux  mêmes  au 
sujet  de  l'Eglise  d'Antioche ,  ibid.  et  408.  Autres 
lettres  d'Acace ,  p.  408,  409,  410.  Mort  du  pape 
saint  Simplice,  p.  410.  Saint  Féhx  III  lui  succède, 
p.  411. 

SIMPLICE ,  ami  de  saint  Sidoine  qui  lui  écrit,  p. 
388. 

SIMPLICE  .est  élu  évêque  de  Bourges,  p.  380  et 
381.  Saint  Sidoine  lui  écrit,  p.  386. 

SIMPLICIEN  (saint)  ,  évêque  de  Milan  ,  consulte 
saint  Augustin  sur  l'élection  de  Jacob  et  la  réproba- 
tion d'Esau,  p,  300. 

SIXTE  III  (saint),  pape.  Il  rejette  la  fausse  pé- 
nitence de  Julien  le  pélagien,  p.  169;  il  commet 
Anastase  de  Thessalonique  pour  agir  en  son  nom 
dans  les  églises  d'IUyrie,  p.  202. 

SOCRATE,  philosophe  païen,  ne  rougit  point  de 
se  mettre  quelque  temps  sous  la  discipline  de  deux 
femmes,  p.  91.  Il  était  tailleur  de  pierres  de  profes 


TABLE  ANALYTIQUE. 


803 


sion,  ibid.  Lbs  Grecs  l'on  regardé  comme  le  premier 
de  leurs  philosophes,  ibid.  En  quoi  il  met  le  bon- 
heur des  hommes,  p.  97. 

SOLITAIRES.  Histoire  de  ceux  qui  ont  brillé  dans 
le  comté  d'Orient,  p.  50. 

SOLUTOR  (saint)  ,  martyr,  répand  son  sang  à 
Turin  pour  la  foi  de  Jésus-Christ,  p.  322. 

SONGES.  Les  messaliens  prennent  les  leurs  pour 
des  prophéties,  p.  47. 

SOPHRONE ,  évêque  de  Constantinople.  Théodo- 
ret  lui  écrit,  p.  67;  il  est  le  même  que  celui  qui  as- 
siste au  concile  d'Antioche,  en  445,  et  à  celui  de 
Chalcédoine,  en  451;  comme  évêque  de  Syrie,  ibid. 

SOPHRONIUS,  laïque,  accuse  Dioscore  dans  le 
concile  de  Chalcédoine,  p.  688. 

SOPHRONIUS,  évêque  d'Agde,  p.  736. 

SORT  des  saints  défendu,  p.  741. 

SOTERIE,  évêque  de  Césarée  en  Cappadoce,  pré- 
side au  concile  de  Sidon,  en  512,  p.  750. 

SOUS-DIACRES.  Saint  Loup  et  saiut  Euphrone  en 
ordonnaient  de  mariés,  p.  358.  Saint  Léon  ne  les 
regarde  que  comme  ministres  de  l'autel,  p.  261  ; 
ils  doivent  observer  la  continence,  ibid. 

SPECTACLES.  Salvien  écrit  contre  les  spectacles, 
p.  374. 

SPORACE,  consul  en  452,  p.  83.  Théodore!  com- 
pose à  sa  prière,  son  ouvrage  sur  les  Hérésies,  ibid., 
et  lui  écrit  contre  Nestorius,  p.  99. 

SPORATIUS,  comte  des  gardes,  assiste  au  concile 
de  Chalcédoine,  p.  683. 

STASIME.  Théodoret  lui  écrit  pour  l'engager  à 
soulager  ceux  qui  ont  souffert  par  la  prise  de  Car- 
thage,  p.  66. 

STRaTEGIUS,  consulaire  de  la  Bythinie,  a  ordre 
de  chasser  de  Nicée  tous  les  clercs,  les  moines  et  les 
laïques  étrangers,  p.  683. 

STUDIUS ,  bâtit  l'église  de  Saint-Jean .  avec  un 
monastère  où  il  met  des  moines  acémètes,  p.  345. 


SUANEZ,  homme  riche,  souffre  persécution  en 
Perse,  p.  49. 

SUBSTANCE.  Les  ariens  ôtent  ce  terme  dans  la 
profession  de  Nicée,  pour  mettre  celui  de  semblable, 
p.  45.  Constance  veut  obliger  les  évêques  assemblés 
à  Antioche  à  le  rejeter,  p.  46.  Ce  mot  est  commun 
aux  personnes  de  la  Trinité,  p.  80. 

SUÉVES.  Ils  occupent  la  Galicie  et  une  partie  de 
la  Lusitanie,  p.  209. 

SUPPLÉMENT.  Authenticité  des  œuvres  de  saint 
Denisl'Aréopagite,  p.  751 .  Preuves  intrinsèques,  ibid. 
Preuves  extrinsèque,  p.  757. 

SUSANNE.  Son  histoire  citée  comme  Ecriture 
sainte,  par  saint  Avit,  p.  567. 

SY.MBOLE  des  apôtres,  est  la  règle  de  notre  foi 
p.  250;  il  suffit  pour  détruire  toutes  les  hérésies^ 
ibid.  ;  il  est  d'usage,  dans  toutes  les  Eglises  du 
monde,  de  le  faire  réciter  à  ceux  qu'on  prépare  au 
baptême,  ibid.;  ils  le  récitent  en  présence  de  té- 
moins, lorsqu'ils  reçoivent  ce  sacrement,  ibid.  Nous 
y  apprenons  ce  que  nous  devons  croire  des  trois  per- 
sonnes de  la  sainte  Trinité,  ibid.  Le  concile  d'Autun 
de  l'an  670,  ordonne  à  tous  les  ecclésiastiques  de 
l'apprendre  par  cœur,  p.  484.  Le  Symbole  des  apô- 
tres paraît  être  de  Vigile  de  Tapse,  ibid. 

SYMMAQUE  est  élu  pape  en  498.  Laurent  est  élu 
anli-pape,  p.  522.  Symmaque  est  accusé  devant 
Théodoric,  assemble  un  concile,  ibid.;  ses  lettres  à 
Aconius  et  à  saint  Avit,  p.  523  ;  au  patrice  Libère,  à 
Laurent,  à  Césaire  d'Arles,  ibid.;  aux  évêques  des 
Gaules  et  à  Césaire,  p.  524.  Soii  Apologie,  p.  525; 
sa  lettre  aux  Orientaux,  p.  526;  ses  lettres  aux  évê- 
ques d'Afrique,  p.  527,  et  à  Théodore  de  Laurée, 
ibid.;  ses  libéralités,  p.  528;  sa  mort,  en  514,  ibid. 

SYMPHORIEN  (saint).  Saint  Euphrone  d'Autun 
bâtit  une  église  sous  son  nom,  p,  358. 

SYNCÉTIUS,  diacre,  porte  une  lettre  d'Euphé- 
mius  au  pape  Gélase,  p.  486. 


TATIEN,  martyr  en  Phrygie,  sous  Julien  l'Apos- 
tat, p.  46. 

TATIEN ,  préfet  de  Constantinople,  rend  à  saint 
Léon  une  lettre  de  l'empereur  .Marcien,  p.  220;  il 
assiste  au  concile  de  Chalcédoine,  p.  683 

TATIEN,  hérésiarque,  supprime  dans  sa  concorde 
évangélique,  tous  les  endroits  contraires  à  ses  er- 
reurs, p.  20. 

TERENCE ,  général ,  remporte  la  victoire  sur  les 
ennemis  de  l'empire,  p.  47;  présente  une  requête 
à  Valens,  qui  la  déchire,  ibid.  et  48;  ce  qu'il  dit  à 
ce  prince,  ibid. 

TETRADIUS,  évêque  de  Bourges,  assiste  au  con- 
cile d'Agde,  en  506,  p.  736. 

TETRADIUS,  apparemment  avocat.  Saint  Sidoine 
lui  recommande  le  soin  d'une  affaire,  p.  386. 

THALASSE,  solitaire.  Sa  simphcité  et  sa  mo- 


destie ,  p.  59  et  60;  il  a  pour  disciple  Lymnée,  p. 
60. 

THALASSE ,  préfet  du  prétoire  d'Olyrie ,  succède 
à  Fii'tnus  dans  l'évêché  de  Césarée,  p.  149. 

THALASSE,  évêque  d'Angers,  consulte  saint  Eu- 
phrone ,  évêque  d'Autun ,  et  saint  Loup  de  Troyes 
sur  plusieurs  points  de  discipline,  p.  357.  Réponse 
de  ces  évêques,  ibid. 

THALASSIUS,  évêque  de  Césaire.  Eutychès  de- 
mande que  ceux  qui  ont  eu  part  à  sa  condamnation, 
soient  appelés  devant  cet  évêque  pour  reconnaître 
la  vérité,  p.  674.  Thalassius  préside  à  l'assemblée 
tenue  dans  le  baptistaire  de  Constantinople,  en  449, 
ibid.;  assiste  au  concile  de  Chalcédoine,  ibid. 

THALASSIUS ,  abbé  de  Constantinople.  Le  pape 
saint  Félix  lui  écrit,  p. 

THALELÉE,  Cilicien  de  naissance,  p.  63;  il  se 


806 


TABLE  ANALYTIQUE. 


bâtit  une  cellule  dans  le  territoire  de  Cabale,  ibid. 
Les  démons  tâchent  en  vain  de  l'épouvanter,  ibid. 
Ses  miracles  et  ses  instructions  engagent  les  iiabi- 
tants  du  voisinage  à  passer  à  k  lumière  de  l'Evan- 
gile, ibid.  Se  pratique  une  espèce  d'estrade  sus- 
pendue, sur  laquelle  il  demeure,  ibid.  Théodoret 
demande  la  cause  d'une  vie  si  nouvelle.  Sa  réponse, 
ibid. 

THÉANDRIQUE.  Théodoret  se  sert  de  ce  terme 
dans  son  penialogue ,  pour  marquer  les  actions  que 
Jésus-Christ  fait  comme  Dieu  et  homme  tout  en- 
semble, p.  102. 

THÈCLE  (sainte).  Se  Vie  attribuée  à  Basile  de 
Séleucie,  p.  167. 

THÉLÉMAQUE  (saint),  solitaire.  Son  désir  de  tra- 
vailler à  abolir  les  spectacles  des  gladiateurs,  p.  139; 
il  est  tué  à  coups  de  pierres,  ibid.  Honorius  le  met 
an  nombre  des  saints  martyrs,  ibid. 

THÉOCTÈNE,  successeur  de  saint  Publie  dans  le 
gouvernement  de  son  monastère,  p.  53. 

THÉOCTISÏE ,  évèque  de  Bérée.  Théodoret  l'ex- 
horte à  soulager  ceux  qui  ont  souffert  par  la  prise 
de  Carthage,  p.  66;  abandonne  lâchement  la  vérité. 
Théodoret  lui  en  fait  des  reproches,  p.  76. 

THÉOCTISTE,  magistrien,  est  porteur  d'une  let- 
tre de  saint  Léon  à  l'empereur  Marcien,  p.  222. 

THÉODAS,  novateur  p.  482. 

THÉODORE,  diacre  de  l'Eglise  d'Alexandrie, 
donne  une  requête  au  concile  de  Chalcédoine  contre 
Dioscore,  son  évèque,  p.  687. 

THÉODORE,  évèque  de  Claudiopolis ,  se  plaint 
dans  le  concile  de  Chalcédoine  des  violences  com- 
mises à  Ephèse,  p.  685. 

THÉODORE,  évèque  de  Mopsueste.  Saint  Cyrille 
presse  les  Orientaux  de  le  condamner  et  écrit  même 
contre  lui,  p.  22.  Théodoret  prend  sa  défense,  ibid. 
son  sentiment  sur  le  Cantique  des  Cantiques,  p.  36. 
Rabulas  l'anathématise  en  pleine  église,  p.  143;  il 
écrit  contre  lui,  ibid. 

THÉODORE,  évèque  de  Fréjus,  est  en  différend 
avec  Fauste,  abbé  de  Lérins,  p.  207,  et  propose 
quelques  difficultés  à  saint  Léon,  p.  225.  Réponse 
de  ce  pape,  ibid. 

THÉODORE,  évèque  de  Laurée.  Le  pape  Symma- 
que  lui  accorde  l'usage  du  pallium,  p.  527. 

THÉODORE,  évèque  de  Sion ,  assiste  au  concile 
d'Agaune,  p.  746. 

THÉODORE,  prêtre  d'Antioche,  écrit  quinze  li- 
vres contre  les  apoUinaristes  et  les  eunoméens,  p. 
587. 

THÉODORE,  martyr  sous  Julien  l'Apostat,  p.  46. 

THÉODORE,  prêtre  de  Gènes,  envoie  à  saint 
Prosper  quelques  propositions  pour  le  prier  de  lui 
en  donner  le  vrai  sens,  p.  300.  Réponse  de  ce  saint, 
après  l'an  430.  Analyse  de  ces  réponses,  p.  302. 

THÉODORET  (le  bienheureux),  évèque  de  Cyr, 
docteur  de  l'Eglise  et  confesseur.  Sa  naissance,  vers 
l'an  387,  p.  19;  il  se  relire  dans  un  monastère  et 
donne  son  bien  aux  pauvres,  ibid.;  il  est  fait  évèque 
de  Cyr  en  423,  ibid.;  sa  conduite  dans  l'épiscopat, 
ibid.  et  20,  21;  il  défend  Nestorius  coutre  saint  Cy- 


rille et  contre  le  concile  d'Ephèse  en  430  et  431 , 
p.  21  ;  il  est  député  à  l'empereur  en  431 ,  ibid.;  il  se 
réunit  avec  saint  Cyrille,  ibid.;  il  écrit  pour  Théo- 
dore de  Mopsueste  contre  ce  saint  évèque,  p.  22;  il 
combat  l'hérésie  d'Eutychès,  ibid.;  il  lui  est  défendu 
de  sortir  de  Cyr,  ibid.;  il  s'en  plaint  à  diverses  per- 
sonnes, ibid.;  ses  occupations  pendant  cette  retraite, 
ibid.  Dioscore  prononce  anathème  contre  lui,  ibid.; 
il  est  exclu  du  faux  concile  d'Ephèse,  p.  23;  il  sort 
de  Cyr  en  450,  ibid.;  il  est  rappelé  à  son  évêché, 
p.  24;  il  est  admis  au  concile  de  Chalcédoine,  ibid.; 
il  y  souscrit  comme  évèque  de  Cyr,  ibid.  Saint  Léon 
lui  écrit,  ibid.  Sa  mort,  p.  25;  son  éloge,  ibid.  Ca- 
talogues des  écrits  de  Théodoret ,  p.  25  et  26  ;  ses 
écrits,  p.  26  et  suiv.  Commentaire  siir  l' Odaieuque, 
ibid.  Ce  que  c'est  que  ce  commentaire,  ibid.  Ques- 
tions sur  la  Genèse,  ibid.  et  suiv.  Questions  sur 
l'Exode,  p.  28  et  29;  sur  le  Lévitique  et  les  Nombres. 
p.  30  et  31  ;  sur  Josué,  les  Juges  el  Rulh,  p.  31  et  32, 
Questions  sur  le  Livre  des  Rois  et  des  Paralipoménes, 
p.  32  et  suiv.  Théodoret  y  explique  le  sens  littéral 
et  historique,  ibid.  —  Commentaire  sur  les  Psaumes, 
p.  34  et  35.  Ces  commentaires  ont  été  écrits  avant 
l'an  448.  Quelle  en  est  la  méthode,  p.  34.  Diverses 
remarques  sur  les  Psaumes,  ibid.  et  35.  —  Com- 
mentaire ««r /e  Coniî'gue  d(5  Cantiques,  p.  35  et  suiv.; 
il  est  de  Théodoret ,  ibid.  Dans  quel  sens  on  doit 
interpréter  le  Cantique  des  Cantiques,  p.  37  et  suiv. 
—  Commentaires  sur  les  Prophètes,  p.  39  et  suiv.; 
sur  Isaïe ,  p.  39  ;  sur  Jérémie  ,  ibid.;  sur  Ezéchiel, 
ibid.  et  40;  sur  Daniel,  p.  40  et  41  ;  sur  les  Douze 
piitits  Prophètes,  p.  41.  —  Commentaires  «<r /es 
Epîtres  de  saint  Paul,  p.  41  et  42.  —  Histoire  ec- 
c/Mias(îç!ie  de  Théodoret ,  p.  42  et  suiv.  Pourquoi 
Théodoret  a  écrit  son  Histoire,  p.  42.  Fautes  dans 
YHisioire  de  Théodoret,  ibid.  Estime  qu'on  a  faite 
de  cette  Histoire,  ibid.  et  43.  En  quel  temps  il  a  fait 
cette  Histoire  ,  p.  43.  Ce  que  contient  le  premier 
livre,  ibid.  et  suiv.;  ce  que  contient  le  second  livre, 
p.  45  et  46;  ce  que  contient  le  troisième  livre,  p.  46 
et  suiv.;  ce  que  contient  le  quatrième  livre,  ibid.;  ce 
que  contient  le  cinquième  livre,  p.  48  et  49.  Cata- 
logue des  évêques  des  grands  sièges  depuis  la  fin  des 
persécutions,  p.  49.  —  Histoire  des  Solitaires,  p.  50 
et  suiv.  En  quel  temps  cette  Histoire  a  été  écrite, 
p.  50.  But  de  cet  ouvrage,  ibid.  Estime  qu'on  en 
fait,  ibid.  Saint  Jacques  de  Nisibe,  p.  51;  saint  Ju- 
lien Sabas ,  ibid.  et  52;  saint  Marcien,  p.  52  et  53; 
saint  Eusèbe,  p.  53;  saint  Publie,  ibid.;  saint  Siméon- 
l'Ancien,  p.  54;  saint  Pallade,  ibid.;  saint  Aphraate, 
persan,  ibid.;  saint  Pierre,  p.  55;  saint  Théodose, 
abbé,  ibid.  et  56;  saint  Romain,  p.  56;  saint  Léon, 
p.  56;  saint  Macédonius,  p.  57;  saint  Maysime,  ibid.; 
saint  Acépésim,  ibid.  et  58;  saint  Maron  ,  p.  58; 
saint  Abraham,  ibid.;  saint  Eusèbe,  ibid.;  saint  Sa- 
lanan,  ibid.  et  59;  saint  Moris,  p.  59;  saint  Jacques, 
ibid.;  saint  Thalasse  et  saint  Lymnée,  ibid.  et  60; 
saint  Jean,  saint  Moïse,  saint  Zébin,  saint  Polycrate, 
p.  60;  saint  Asclépie ,  ibid.;  saint  Siméon  Stylite, 
ibid.  et  suiv.;  saint  Baradate,  p.  63;  sainte  Maranne, 
sainte  Cyre  et  sainte  Domnine,  ibid.  et  64.  —  Lettres 


TABLE  ANALYTIQUE. 


807 


de  Théodoret  :  lettres  une  et  deux  à  un  ami,  p.  64; 
lettre  à  Irénée,  ibid.  et  65;  lettres  festales,  p.  65; 
lettres  à  Théonille  et  à  Eugraphie ,  ibid.;  à  un  ami, 
ibid.;  à  Hélie,  avocat,  ibid.;  à  Flavieu,  ibid.;  à  Iré- 
née, ibid.  et  66;  à  Eusèbe,  avocat,  p.  66;  au  patrice 
Aréovinde,  ibid.;  à  Apellion,  à  Aérius,  à  Domnus,  à 
Théocliste,  à  Strasime,  au  comte  Patrice,  âTévêque 
Irénée  ,  à  Pompéien  ,  p.  66;  à  Saluste,  ibid.  et  67. 
Lettres  festales,  p.  67;  lettre  à  Herraésigène  ,  à  Ur- 
bain, au  préfet  Constance,  à  l'impératrice  Pulchérie, 
aux  patrices  Sénateur  et  Anatole  ,  à  l'avocat  Pierre , 
à  saint  Procle,  évêque  de  Constantinople ,  p.  67;  à 
Ibas,  à  Sophrone  de  Constantine,  à  Eusthate,  évêque 
d'Egès,  ibid.  et  68;  à  Dioscore  d'Alexandrie,  p.  68; 
à  Aérius,  à  Maran,  à  Epiphane,  au  clergé  de  Bérée, 
à  Eulalius,  à  Eusèbe,  p.  68;  au  patrice  Anatole,  ibid.; 
au  préfet  Eutréchius,  p.  69;  à  Nomus,  ibid.;  à  Eu- 
sèbe d'Ancyre,  ibid.;  à  Dioscore,  p.  70;  aux  évèques 
de  Cilicie,  ibid.;  à  Basile,  évêque  de  Séleucie,  ibid. 
et  71;  à  saint  Flavien  de  Constantinople,  p.  71;  à 
Domnus,  évêque  d'Apamée,  ibid.  Autres  lettres,  ibid. 
à  un  grand  nombre  de  personnes  de  considération, 
p.  72;  aux  dames  Alexandra  et  Célérine,  ibid.;  à 
Flavien  de  Constantinople,  à  Basile  de  Séleucie,  à 
Eusèbe  d'Ancyre,  ibid.;  à  Domnus,  évêque  d'Antio- 
che,  ibid.;  au  patrice  Anatole,  ibid.;  à  Domnus, 
p.  73;  à  saint  Léon,  pape,  p.  73  et  74;  à  René,  prê- 
tre; à  Florent,  évêque,  p.  74;  à  Hilarus,  archidiacre; 
au  patrice  Anatole,  à  Andibère  et  à  Appelle,  ibid.; 
h  Uranius,  évêque  d'Emèse,  ibid.  et  75;  à  l'avocat 
Marane,  à  Aphtone,  Nomus  et  autres  d'entre  les  prin- 
cipaux de  Zeugma,  p.  75;  à  Sabinien,  ibid.;  à  Jobius, 
à  Candide  et  à  Magnus,  prêtres  et  abbés,  ibid.;  à 
Tiraothée,  évêque,  ibid.  et  76;  à  Longin,  à  Jean  de 
Germanicie,  à  Marcel,  p.  76;  à  Ibas,  ibid.;  à  Romu- 
lus,  évêque,  ibid.;  à  l'abbé  Jean,  ibid,;  au  patrice 
Anatole,  ibid.;  à  Aspar  et  à  Vimomale,  à  Marcel,  à 
André,  p.  77;  à  quelques  personnes,  sur  une  diffi- 
culté soulevée  par  les  eutychiens  ,  ibid.  et  78  ;  aux 
moines  de  Constantinople,  à  Jean,  économe  de  l'E- 
glise de  Cyr,  p.  79;  à  Abundius,  ibid.  —  Ouvrage 
intitulé  Eraniste  ou  Polymorphe,  p.  79  et  suivantes. 
A  quelle  occasion  cet  ouvrage  a  été  fait,  p.  79  et  80; 
il  a  été  écrit  vers  l'an  447;  sa  méthode,  p.  80;  il  est 
divisé  en  trois  dialogues ,  ibid.  Premier  dialogue, 
ibid.;  deuxième  dialogue,  ibid.  et  81;  troisième 
dialogue,  p.  81  et  82.  —  Démonstration  par  syllo- 
gisme, p.  82  et  83.  —  Ouvrages  sur  les  Hérésies, 
p.  83  et  suiv.;  il  a  été  écrit  en  452,  p.  83;  il  est  di- 
visé en  cinq  livres  :  ce  que  contiennent  les  trois  pre- 
miers, ibid.  et  84;  le  quatrième,  p.  84  et  85;  le  cin- 
quième, p.  85.  C'est  un  abrégé  de  la  doctrine  de 
l'Eglise,  p.  85  et  suiv.  —  Sermons  de  Théodoret, 
p.  88  et  suiv.  Dix  sermons  sur  la  Providence,  ibid.; 
ce  qu'ils  contiennent,  88  et  suiv.  —  Douze  discours 
contre  les  Païens,  p.  90  et  suiv.  Premier  discours, 
p.  91  ;  deuxième  discours,  p.  92;  troisième  discours, 
ibid.  et  93;  quatrième  discours,  p.  93;  cinquième 
discours,  ibid.  et  94;  sixième  discours,  p.  94  et  95; 
septième  discours  ,  p.  95  ;  huitième  discours,  ibid. 
et  96;  neuvième  discours,  p.  96  et  97;  dixième  dis- 


cours, p.  97;  onzième  discours,  p.  97  et  98.  — Ou- 
vrages mis  dans  l'appendice,  p.  98  et  suiv.  Discours 
sur  la  Charité,  p.  98  et  99.  Lettres  à  Sporace,  à 
Jean  de  Germanicie,  p.  99.  Livre  contre  les  Euty- 
chiens, ibid.  Ecrits  de  Théodoret  contre  les  douze 
anathématismes  de  saint  Cyrille,  p.  99  et  100.  — 
Divers  ouvrages  attribués  à  Théodoret,  savoir  :  com- 
mentaires sur  les  Psaumes ,  p.  100;  sur  l'Evangile 
de  saint  Luc,  discours  en  l'honneur  de  saint  Jean, 
ibid.  et  tOl  ;  autres  discours  de  Théodoret,  p.  iOt 
et  102;  Pentalogue,  p.  102.  — ■  Lettres  de  Théodo- 
ret à  Jean  d'Anlioche,  à  Nestorius,  à  André  de  Sa- 
mosate,  à  Alexandre  d'Hiéraple,  ibid.  et  103;  à  Ru- 
fin  de  Thessalonique,  p.  103.  Autres  lettres  de  Théo- 
doret à  Acace  de  Bérée,  p.  103  et  104;  à  Jean  d'An- 
tioche,  à  Nestorius,  à  André  de  Samosate,  à  Himé- 
rius  de  Nicomédie,  p.  104.  Lettre  faussement  attri- 
buée à  Théodoret  et  adressée  à  Jean  d'Antioche, 
ibid.  et  105.  —  Autre  lettre  de  Théodoret  à  Dios- 
core,,p.  105.  —  Les  sept  dialogues  sur  la  Trinité. 
Raisons  pour  et  contre ,  p.  105  et  106  ;  ils  ne  sont 
pas  de  Théodoret,  p.  106.  Autres  lettres  de  Théo- 
doret à  André  de  Samosate,  à  Alexandre  d'Hiéraple, 
au  peuple  de  Constantinople,  à  Hellade  de  Tarse,  à 
Himérius  de  Nicomédie,  à  Jean  d'Antioche,  à  Thes- 
sébie,  à  Nestorius ,  à  Mélèce,  maître  de  la  milice; 
aux  impératrices  Pulchérie  et  Marine ,  à  Dorothée  , 
métropolitain  de  Mésie,  p.  106.  —  Ouvrages  de 
Théodoret  qui  sont  perdus  ,  savoir  :  ouvrage  mys- 
tique divisé  en  douze  livres,  Traité  de  Théologie  ou 
de  la  Divine  incarnation,  écrits  contre  EuLychès  et 
Dioscore,  apologie  de  Théodore  de  Mopsueste,  Pen- 
taloge,  deux  discours  dont  l'un  sur  les  causes  du 
schisme  et  l'autre  sur  le  dogme,  autre  discours  contre 
les  eunomiens  et  les  ariens,  p.  107;  il  est  publié  par 
Manri,  note  1,  ibid.  Trois  livres  de  Théodoret  con- 
tre les  Macédoniens,  p.  108.  Ouvrages  attribués  à 
Théodoret,  ibid.  —  Doctrine  de  Théodoret  sur  l'E- 
criture sainte,  p.  108  et  suiv.;  sur  les  versions  de 
l'Ecriture,  p.  112  suiv.;  sur  la  lecture  de  l'Ecri- 
ture sainte,  ibid.;  sur  la  Trinité,  p.  H2  et  suiv.; 
sur  l'hicarnation.  Erreurs  sur  ce  mystère,  p.  114. 
Erreurs  faussement  attribuées  à  Théodoret,  ibid. 
et  suiv.  Motif  de  l'incarnation,  p.  117.  —  Doc- 
trine de  Théodoret  sur  les  anges  et  les  démons, 
p.  117  et  118;  sur  la  loi,  p.  118  et  119;  sur  le  libre 
arbitre,  p.  H9  et  120;  sur  la  grâce,  p.  120;  sur 
l'Eglise,  p.  120  et  121  ;  sur  la  primauté  de  saint 
Pierre  et  sur  l'Eglise  romaine,  p.  121  ;  sur  l'obéis- 
sance due  aux  puissances,  p.  121  et  122;  sur  la  cir- 
concision et  le  baptême,  p.  122  et  123;  sur  la  péni- 
tence, p.  123;  sur  l'excommunication,  ibid.  et  l24; 
sur  l'eucharistie,  p.  124  et  125;  sur  le  sacrifice, 
p.  125;  réponses  aux  objections,  p.  125  et  suiv.; 
sur  l'ordre,  p.  130  et  131  ;  sur  le  mariage,  p.  131 
et  132;  sur  les  martyrs,  p.  132  et  133;  sur  l'inven- 
tion de  le  sainte  croix,  p.  133  et  134  ;  sur  le  signe 
de  la  croix,  p.  134;  sur  les  reliques,  ibid.  et  135; 
sur  les  images,  p.  135,  sur  les  pèlerinages,  ibid.; 
sur  le  jeûne,  ibid.  et  136;  sur  l'abstinence  des 
viandes,  p.  136;  sur  les  moines,  ibid.;  sur  quelques 


808 


TABLE  ANALYTIQUE. 


points  de  discipline,  ibid.  et  137;  sur  l'histoire, 
p.  137  et  suiv.  Jugement  des  écrits  de  Théodoret, 
p.  139  et  140;  éditions  qu'on  en  a  faites,  p.  140  et 
suivantes. 

THEODORIC,  second  roi  des  Visigoths.  Saint  Si- 
doine en  fait  le  portrait,  p.  383. 

THEODORIC,  fils  du  roi  Genséric,  p.  452. 

THEODOSE,  abbé.  Ses  mortifications  et  ses  occu- 
pations, p.  55;  on  lui  persuade  de  se  retirer  à  An- 
tioche,  p.  56;  Dieu  lui  fait  la  même  grâce  qu'à  Moïse, 
ibid.;  après  sa  mort,  son  corps  est  mis  dans  le  même 
cercueil  que  saint  Aphraate,  ibid. 

THEODOSE,  moine  entychien.  Convaincu  de  crimes 
par  son  évêque,  il  est  chassé  de  son  monastère, 
p.  18;  il  est  ordonné  évêque  de  Jérusalem  et  chassé, 
ibid.;  il  ordonne  des  évêques  pour  plusieurs  villes 
de  la  Palestine ,  ibid.  ;  il  entraîne  l'impératrice  Eu- 
doxie  dans  le  schisme,  p.  228. 

THÉODOSE-LE-JEUNE  ordonne  qu'on  lui  députe 
des  évêques,  p.  21;  ses  instances  pour  obliger  les 
Orientaux  à  s'accorder  avec  saint  Cyrille,  ibid.;  il 
donne  des  ordres  pour  chasser  de  leurs  Eglises  ceux 
qui  refusent  de  se  réunir,  ibid.;  il  ordonne  à  Théo- 
doret de  se  retirer  dans  son  diocèse  et  lui  défend 
d'en  sortir,  p.  22;  il  donne  ordre  de  déposer  Irénée, 
évêque  de  Tyr,  et  de  le  chasser  de  son  Eglise,  p.  23. 
Raisons  principales  de  cette  expulsion,  ibid.;  il  prend 
les  armes  et  rétablit  le  jeune  Valentinien  dans  ses 
états,  ibid.;  il  permet  à  Théodoret  de  se  retirer  dans 
son  monastère ,  près  d'Apamée ,  avec  défense  d'en 
sortir,  p.  74;  Chrysaphe  l'entretient  dans  l'attache- 
ment au  schisme  de  Dioscore,  ibid. 

THÉODOSE  invite  saint  Léon  à  se  trouver  au  con- 
cile d'Ephèse,  en  449,  p.  172;  réponse  de  ce  pape, 
ibid.  Saint  Léon  demande  à  l'empereur  la  tenue 
d'un  concile  général ,  p.  174;  Eutychès  présente  à 
Théodose  une  requête,  p.  674.  Théodose  la  décrète, 
ibid.  ;  commet  Ariobende  pour  entendre  Magnus  sur 
la  sentence  contre  Eutychès,  ibid.  ;  oblige  Flavien 
de  donner  sa  confession  de  foi,  p.  675  ;.  continue 
d'accuser  cet  évêque  d'avoir  excité  les  contestations 
qui  troublaient  l'Eglise ,  ibid.  ;  convoque  le  faux 
concile  d'Ephèse  à  la  prière  de  Dioscore,  ibid.  Ce 
que  porte  la  lettre  de  convocation  ,  ibid.  Théodose 
ordonne  à  l'abbé  Barsumas  de  se  rendre  à  Ephèse 
au  nom  de  tous  les  abbés  et  archimandrites  d'O- 
rient pour  y  prendre  séance  avec  les  évêques,  ibid.; 
y  invite  aussi  saint  Léon  ,  ibid.  ;  veut  que  les  évê- 
ques qui  ont  condamné  Eutychès  y  assistent  en  qua- 
lité de  juges ,  ibid.  Ceux  qu'il  y  envoie  pour  empê- 
cher qu'il  n'arrive  du  trouble,  ibid.  Théodose  marque 
son  intention  au  concile,  ibid.  Il  écrit  à  Dioscore,  à 
qui  il  donne  l'intendance  et  la  primauté  dans  toutes 
les  affaires  qui  doivent  s'y  traiter,  ibid.  Lettre  à  Ju- 
vénal  de  Jérusalem  dans  les  mêmes  termes  ,  ibid. 
Théodose  prie  saint  Léon  d'approuver  l'ordination 
d'Anatolius,  p.  218.  Sous  quelles  conditions  ce  pape 
consent  à  la  confirmer,  ibid.  Sa  mort  sur  la  fin  de 
juillet  de  l'an  450,  p.  219.  Eutychès  obtient  une 
lettre  de  lui  à  saint  Léon,  p.  216.  Réponse  de  ce 
pape,  ibid.  Théodose  convoque  en  449  un  concile; 


y  invite  saint  Léon  avec  les  évêques  d'Occident,  p. 
2H.  Le  pape  prie  ce  prince  d'en  ordonner  la  tenue 
en  Italie,  ibid.  Autres  lettres  de  saint  Léon  à  Théo- 
dose ,  p.  213,  214,  215,  217.  L'empereur  Valenti- 
nien lui  écrit, p.  217.  Les  deux  impératrices  Placidie 
et  Eudoxie  font  la  môme  chose  ,  ibid.  Théodose  ré- 
pond à  toutes  ces  lettres,  ibid.  11  écrit  à  saint  Léon 
qui  lui  répond,  p.  218. 

THÉODULE ,  métropolitain  de  l'IUyrie  orientale, 
écrit  à  saint  Léon  qui  lui  rend  réponse,  p.  206. 

THEODULE ,  prêtre  de  Célésyrie.  Ses  éci'its  ,  p. 
470. 

THÉODULPHE  ,  évêque  d'Orléans ,  au  IX»  siècle, 
p.  472. 

THEONILLE,  femme  de  grande  condition  et  de 
piété.  Théodoret  lui  écrit  sur  la  mort  de  son  mari, 
p.  65. 

THEOPHILE  ,  diacre  ,  s'oppose  au  rétablissement 
d'Ibas,  p.  147. 

THÉOPHILE,  évêque  d'Alexandrie,  fait  abattre 
les  statues  des  idoles  dans  cette  ville,  p.  138.  Il  en- 
tre dans  le  temple  de  Sérapis,  fait  frapper  cette  idole 
d'un  coup  de  cognée,  ibid. 

THEOPHILE,  prêtre,  est  nommé  par  le  concile  de 
Constanlinople  pour  citer  Eutychès,  p.  670. 

THEOPHRASTE,  personnage  qui  prend  la  défense 
de  la  philosophie  platonicienne  dans  le  dialogue 
d'Enée  de  Gaze,  p.  498  et  suiv. 

THESSALONIQUE ,  ville  de  Macédoine  ,  p.  48. 
Massacre  en  cette  ville  par  ordre  de  Théodose,  ibid. 

THEUCARIUS  ,  apostat ,  veut  séduire  douze  lec- 
teurs enfants,  p.  461. 

TIBÈRE  ,  empereur ,  propose  au  sénat  de  mettre 
Jésus-Christ  au  rang  des  dieux,  p.  5. 

TIBÉRIEN.  Saint  Léon  fait  informer  s'il  est  vrai 
qu'il  a  été  ordonné  avec  des  séditions  violentes,  p. 
199. 

TICHONIUS,  célèbre  donatiste  ,  p.  315. 

TIMOCLE  compose  des  cantiques  pour  les  euty- 
chiens,  p.  345. 

TIMOTHÉE  II  ELURE,  intrus  sur  le  siège  d'Ale- 
xandrie, p.  164,  y  rétablit  l'eutychianisme,  p.  176. 
L'empereur  demande  l'avis  des  évêques  sur  l'intru- 
sion d'Elure ,  p.  164.  Timothée  s'empare  de  la 
grande  église  et  se  fait  ordonner  évêque.  Il  se  sé- 
pare des  catholiques  après  le  concile  de  Chalcédoine, 
p.  176;  analhématise  ce  concile  et  ceux  qui  le  re- 
çoivent, p.  177;  commet  toutes  sortes  de  violences 
dans  toute  l'Egypte,  ibid.  ;  envoie  des  députés  à 
Constantinople  ,  ibid.  ;  il  est  obligé  de  sortir  d'A- 
lexandrie, ibid  ;  il  est  rélégué  dans  la  Chersonèse, 
p.  344.  Il  est  condamné  dans  un  concile  de  toute 
l'Egypte,  p.  230.  Il  est  rappelé  par  l'empereur  Ba- 
silisque  à  qui  il  persuade  de  condamner  le  concile 
de  Chalcédoine  et  la  lettre  de  saint  Léon  à  Flavien, 
p.  402;  il  s'arrête  à  Ephèse  où  il  tient  un  concile, 
puis  il  se  rend  à  Alexandrie,  p.  404  ,  405  :  il  s'em- 
poisonne lui-même,  p.  406.  Ecrits  qu'il  a  laissés  en 
faveur  de  son  parti,  ibid. 

TIMOTHÉE  III  SOLOFACIOLE  ou  le  blanc  ,  élu 
évêque  d'Alexandrie  à  la  place  de  Timothée  Elure, 


TABLE  ANALYTIQUE. 


809 


p.  238  ;  il  fait  part  de  son  élection  à  saint  Léon, 
p.  238,  qui  l'en  congratule,  ibid.  11  est  chassé  sous 
le  règne  de  Basilisque,  p.  402,  puis  rétabli,  p.  406. 
Il  instruit  le  pape  de  son  rétablissement,  ibid.  et  407. 
Sa  mort,  p.  408. 

TIMOTHÉE,  prêtre  et  trésorier  de  l'Eglise  de 
Constantinople  ,  intrus  en  la  place  de  Macédonius^ 
p.  489. 

TITIEN  ,  préfet  de  Constantinople  ,  rend  à  saint 
Léon  une  lettre  de  l'empereur  Marcien,  p.  220. 

TONANCE.  Saint  Sidoine  lui  écrit  et  lui  envoie 
des  vers,  p.  395. 

TRADITION.  C'est  par  elle  que  les  évèques  doi- 
vent convaincre  leurs  peuples  de  la  pureté  de  leur 
doctrine  et  fermer  la  bouche  aux  novateurs,  p.  248. 
C'est  aussi  de  la  tradition  apostolique  que  nous  avons 
reçu  les  coutumes  établies  dans  l'Eglise,  ihid.  et 
249. 

TRAJAN  ARINTE ,  maître  de  la  milice ,  reproche 
hautement  à  l'empereur  Valens  son  impiété,  p.  48. 

TRANSLATIONS  des  évèques  et  des  prêtres  d'une 
église  à  une  autre  sont  contraires  aux  canons  ,  p. 
Id7. 

TRASAMOND,  roi  des  Vandales,  persécute  les  ca- 
tholiques, p.  464. 

TRAVAIL.  11  n'est  pas  à  mépriser  en  lui-même  , 
p.  89.  Exemple  des  anciens,  ibid.  et  90. 

TRIFOLIUS  écrit  contre  les  moines  de  Scythie,  p. 
638. 

TRIGUILLE,  seigneur  de  la  cour  de  Théodoric,  est 
accusé  par  Boëce,  p.  648. 

TRINITE.  Son  nombre  n'a  point  été  augmenté 
par  l'incarnation  du  Fils  de  Dieu,  elle  est  demeurée 
Trinité  même  après  l'incarnation  du  Fils  unique  de 
Dieu,  p.  113.  Ce  qu'en  dit  saint  Léon,  p.  250,  251. 


Si  le  Père  ,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  affirmés 
substantiellement  de  la  divinité.  Traité  de  Boëce  sur 
cette  question  ,  p.  654.  Profession  de  foi  de  saint 
Patrice  sur  la  Trinité  ,  p.  4i6.  Les  évèques  catho- 
liques présentent  une  profession  de  foi  à  Hunéric, 
roi  des  Vandales,  p.  456.  Doctrine  catholique  sur  la 
Trinité  et  l'Incarnation^  p.  467.  Sentiment  d'Enée 
de  Gaze  sur  la  Trinité,  p.  491. 

TRiSAGION.  Pierre-Le-Foulon  y  ajoute  ces  paro- 
les :  «  Vous  qui  avez  été  crucifié  pour  nous  ,  ayez 
pitié  de  nous  ,  »  p.  556. 

ÏRYPHON  porte  une  lettre  du  pape  saint  Gélase 
aux  évèques  de  Dardanie,  p.  494. 

TURIN.  Les  habitants  de  cette  ville  se  répandent 
en  cris  lamentables  lorsqu'il  arrive  une  éclipse  de 
lune,  p.  323.  Saint  Maxime  les  reprend  souvent  sans 
qu'ils  se  corrigent,  ibid.  Effrayés  à  l'approche  des 
barbares,  ils  songent  à  s'enfuir,  ibid.  Saint  Maxime 
les  détourne  de  ce  dessein,  ihid. 

TURIBIUS,  évêque  d'Astorga,  en  Galice,  découvre 
dans  cette  ville  plusieurs  priscillianistes,  p.  341  ;  il 
les  convainc  juridiquement,  p.  206.  Il  réduit  leurs  so- 
phismes  sous  seize  titres  ou  chapitres  et  en  fait  une 
réfutation  qu'il  envoie  à  Idace  et  à  Léponius,  ibid. 
Sa  lettre  à  ces  deux  évèques  ,  p.  207.  Sa  lettre  à 
saint  Léon  avec  la  réponse,  ibid.  et  suiv. 

TURPION  obtient  par  l'entremise  de  saint  Sidoine 
la  remise  d'une  grosse  somme  de  Maxime,  évêque, 
p.  388  et  389. 

TUTUS,  défenseur  de  l'Eglise  romaine,  p.  415.  Il 
est  chargé  de  signifier  à  Acace  sa  déposition  ,  se 
laisse  gagner,  ibid.  et  416.  11  est  déposé  de  sa 
charge  de  défenseur  de  l'Eglise  romaine  et  excom- 
munié, p.  416.    ' 


u. 


URANIUS,  évêque  d'Emèse.  Ses  réponses  à  Théo-  URBAIN.  Théodoret  lui  écrit,  p.  67. 

doret,  p.  74.  URSE  (saint)  ,  évêque  de  Troyes ,  meurt  le  25 

URANIUS,  porteur  d'une  lettre  du  pape  à  Zenon,  juillet  de  l'an  426,  p.  357. 
p.  409. 


VALENS,  empereur,  tombe  dans  l'hérésie  arienne, 
p.  47.  11  exile  un  grand  nombre  de  saints  évèques, 
et  méprise  la  prédiction  du  solitaire  Isaac  ,  p.  48. 
Son  dialogue   avec  Aphraale,  ibid. 

VALENTINIEN,  empereur.  Ses  qualités,  p.  47.  Il 
assemble  les  évèques.  Discours  qu'il  leur  fait,  ibid.; 
il  est  supplié  de  nommer  lui-même  un  évêque  à 
Milan  ,  ibid.  Sa  réponse  ,  ibid.  Il  ordonne  la  tenue 
d'un  concile  en  lllyrie,  ihid. 

VALENTINIEN  le  jeune,  empereur,  s'engage  dans 
l'erreur  arienne.  Saint  Ambroise  n'omet  rien  pour 

X. 


le  faire  rentrer  dans  la  doctrine  de  l'Eglise,  p.  49. 
Maxime  prend  les  armes  contre  lui,  ibid.  Il  se  sauve 
en  lllyrie  et  implore  la  protection  de  Théodore,  ibid; 
il  est  rétabli  dans  ses  états  après  s'être  retiré  de 
l'erreur  ,  ibid.  il  renouvelle  toutes  les  lois  faites 
contre  les  manichéens  ,  p.  171,  il  demeure  renfer- 
mé dans  Ravenne  ,  p.  175;  il  envoie  demander  la 
paix  à  Attila ,  ibid.  ;  saint  Léon  obtient  de  lui  un 
rescrit  contre  saint  Hilaire ,  p.  204;  Valenlinien 
vient  de  Ravenne  à  Rome  visiter  les  églises,  p.  217. 
Saint  Léon  le  conjure  d'écrire  à  l'empereur  Théo- 

51* 


810 


TABLE  ANALYTIQUE. 


dose,  ibid.  Lettre  de  Valentinien  à  ce  prince  ,  ibid. 
11  est  tué  par  les  gens  d'Aëtius,  p.  176. 

VALENTINIEN  ,  hérétique  ,  ne  reconnaît  Jésus- 
Christ  que  comme  Dieu,  p.  72. 

VALERE,  père  du  pape  saint  Gélase,  p.  493. 

VALERIEN  ,  évèque  d'Afrique ,  confesseur  sous 
Genséric,  p.  451. 

VALÈRE,  femme.  Firmus  lui  écrit,  p.  152. 

VANDALES,  ravagent  l'Espagne  vers  l'an  409, 
Paul  Orose  adoucit  leur  cruauté  ,  p.  1 .  Histoire  de 
leurs  persécutions  en  Afrique,  p.  448  et  suiv. 

VARIMADE  ,  arien  ,  contre  qui  Vigile  de  Tapse 
écrit,  p.  483. 

VASES  SACRÉS.  Deogratias,  évèque  de  Carthage, 
vend  tous  les  vases  d'or  et  d'argent  qui  servaient  au 
ministère  des  autels,  pour  racheter  des  captifs  ,  p. 
450.  Il  est  défendu  aux  ministres  qui  ne  sont  pas 
dans  les  ordres  sacrés  de  toucher  les  vases  du  Sei- 
gneur, p.  743. 

VANiNES.  On  y  assemble  un  concile,  en  465.  Saint 
Perpétue,  archevêque  de  Tours,  y  préside,  p.  438  et 
712. 

VECTIUS  ,  laïque  de  la  première  qualité.  Sa  vie 
exemplaire,  p.  387  et  388. 

VENANOE  (saint)  ,  frère  de  saint  Honorât  d'Ar- 
les. Sa  vie  écrite  par  un  anonyme,  p.  612.  Véné- 
rand,  évèque,  assiste  au  coneile  de  Tours,  eu  461, 
p.  711. 

VÉNÉRIUS  (saint),  évèque  de  Marseille,  p.  277. 
Saint  Célestin  lui  écrit  en  faveur  de  saint  Augustin, 
ibid.  11  a  pour  successeur  Eustathe,  p.  471. 

VENUS.  Les  payens  lui  bâtissent  un  temple  sur 
la  grotte  du  Saint-Sépulcre,  p.  133. 

VERBE  DIVIN.  11  s'est  fait  homme  pour  renouve- 
ler la  nature  humaine  corrompue  par  le  péché,  p.  86; 
il  n'a  rien  perdu  de  sa  majesté  en  se  faisant  homme, 
p.  187. 

VÉTRANION,  évèque  de  toute  la  Scythie ,  p.  48. 
Il  reprend  publiquement  l'empereur  Valens,  ibid. 

VERUS  à  qui  Salvien  écrit,  p.  377. 

VEUVES.  Il  y  en  a  de  trois  sortes,  p.  153;  il  est 
défendu  de  leur  donner  le  voile  et  la  bénédiction, 
p.  503. 

VIATIQUE  accordé  aux  pénitents  à  la  mort,  p.  721. 

VICTOR  (SAINT),  évèque  de  VUe,  auteur  de  la  Per- 
sécution des  Vandales,  p.  448.  On  a  cru  longtemps 
qu'il  avait  été  évèque  d'Utique.  Réfutation  de  cette 
erreur,  ibid.  et  449.  Ce  qu'on  sait  des  circonstances 
de  sa  vie,  ibid.  Analyse  des  cinq  livres  de  YHisioire 
de  la  Persécution  des  Vandales,  ibid.  et  suiv.;  édi- 
tions qu'on  en  a  faites ,  p.  464  et  465.  •—  Actes  du 
martyre  de  saint  Libérât  et  de  ses  compagnons, 
p.  462  et  463.  Homélie  en  l'honneur  de  samt  Cy- 
prien,  p.  463.  Chronique,  p.  464.  Notice  d'Afrique, 
ibid. 

VICTOR  ,  évèque  de  Cartène  dans  la  Mauritanie- 
Césarienne,  fait  composer  divers  écrits  pour  la  foi, 
p.  468  et  469. 

VICTOR,  évèque  d'Afrique,  assiste,  en  487,  à  un 
concile  de  Rome,  p.  719. 

VICTOR,  poète,  questeur  sous  Anlhémius,  p.  379. 


VICTOR,  maître  de  milice,  reproche  hautement  à 
l'empereur  Valens  son  impiété,  p.  48. 

VICTOIRE  (saint)  ,  évèque  du  Mans  ,  assiste  au 
concile  de  Tours  en  461,  p.  711 . 

VICTOIRE  (sainte)  ,  martyre  sous  Hunéric,  p.  459 
et  460. 

VICTORIEN  (saint),  proconsul  d'Afrique  et  mar- 
tyr sous  Hunéric,  p.  459. 

VICTORIN,  célèbre  rhéteur  à  Milan  et  à  Marseille. 
Ses  écrits,  p.  443;  son  commentaire  en  vers  sur  la 
Genèse,  ibid.;  sa  lettre  à  l'abbé  Salomon,  ibid.;  dif- 
férentes éditions  qu'on  a  faites  de  l'un  et  de  l'autre, 
ibid.  et  444.  (Voyez  aussi  le  tome  VIII,  p.  420  et 
suiv.)  ;  il  écrit  contre  les  ariens,  ibid. 

VICTORIUS,  évèque  de  Grenoble,  consulte  saint 
Avit  de  Vienne,  p.  558;  il  assiste  au  concile  d'A- 
gaune  en  5l5,  p.  746. 

ViCTORlUS  compose  un  cycle  pascal,  p.  176  et 
340;  sa  patrie,  p.  340;  il  publie  son  cycle  à  la  solli- 
citation d'Hilaire,  archidiacre  de  Rome,  p.  335  et 
340.  Le  concile  d'Orléans,  en  551,  ordonne  que  tous 
les  évêques  se  serviront  du  cycle  de  Victorius  pour 
régler  la  fête  de  Pâques,  etc.,  p.  340. 

VICTORIUS  ,  comte ,  fait  les  funérailles  de  saint 
Abraham,  abbé  de  Clermont,  p.  393. 

VIENNE  soumise  à  Arles  par  saint  Léon  ,  p.  338. 

VIDLaTIE,  évèque  des  Cases-Moyennes,  p.  455. 

VIERGES.  Il  y  en  a  de  deux  sortes,  p.  201;  l'hu- 
milité leur  est  essentielle,  p.  246.  Hunéric  fait  visi- 
ter les  vierges,  contre  toutes  les  lois  de  la  pudeur, 
par  des  Vandales  et  des  matrones  de  sa  nation, 
p.  453.  Les  vierges  qui  se  sont  mariées  après  avoir 
fait  vœu  de  virginité  sont  excommuniées,  p.  705. 
Ceux  qui  épousent  des  vierges  consacrées  à  Dieu  sont 
mis  en  pénitence  publique,  p.  504.  La  consécration 
des  vierges  doit  se  faire  à  l'Epiphanie ,  le  lundi  de 
Pâques  et  aux  fêtes  des  apôtres,  p.  503. 

VIGILANCE ,  métropolitain  de  l'Illyrie  orientale, 
écrit  à  saint  Léon  qui  lui  répond,  p.  206. 

VIGILE,  diacre,  compose  une  règle  pour  des 
moines,  p.  472. 

VIGILE ,  évèque  de  Tapse  en  Afrique.  Ce  qu'on 
dit  de  lui,  p.  472.  Analyse  de  ses  cinq  livres  contre 
Eutychès,  ibid.  et  suiv.  Dispute  de  Vigile  contre 
Arius,  p.  481  et  482.  Douze  livres  sur  la  Trinité, 
qui  lui  sont  attribués,  p.  482  et  483.  Les  livres 
contre  Varimade  sont  de  lui,  p.  483.  Livre  contre 
Pallade,  arien,  et  quelques  autres  écrits  qui  lui  sont 
attribués,  p.  483  et  484.  Le  Symbole  de  saint  Atha- 
nase  paraît  être  de  lui,  p.  484.  Jugement  du  style 
de  Vigile  de  Tapse,  ibid.  et  485.  Editions  de  ses 
écrits,  p.  485. 

VINCENT  de  Lérins.  Quelques-uns  croient  qu'il 
est  cet  inconnu  que  saint  Prosper  attaque,  p.  291. 

VINCENT,  prêtre  gaulois,  compose  un  commen- 
taire sur  les  Psaumes,  p.  471. 

VINCENT,  prêtre  et  gaulois,  débile  des  proposi- 
tions insoutenables  comme  les  véritables  sentiments 
de  saint  Prosper,  p.  298.  Quelques-uns  le  confon- 
dent avec  Vincent  de  Lérins,  ibid.  Réponses  de  saint 
Prosper  à  ce  prêtre,  ibid.  et  suiv. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


811 


VINCOMALE.  Théodoret  lui  écrit,  p.  77. 

VINDÉMIAL  (saint),  évêque  de  Capse  en  Afrique, 
souffre  le  martyre,  p.  464. 

VISIGOTHS  (les)  font  des  ravages  dans  l'Auver- 
gne, se  rendent  maîtres  de  Clermonf,  p.  413. 

VITAL,  légat  du  pape  Félix  III  à  Constanti- 
Bople;  sa  prévarication,  p.  413;  il  meurt  excom- 
munié, p.  414. 

VITALIEN  fait  un  traite  de  paix  avec  Anastase, 


demande  le  rétablissement  des  évoques  déposés , 
p.  489. 

VITARIT,  notaire  d'Hunéric,  p.  452,  porte  un 
édit  à  saint  Eugène  de  Cartilage,  p.  454. 

VOCONIUS,  évêque  de  Castel  dans  la  Mauritanie. 
Ses  écrits,  p.  469. 

VOLONTÉ.  On  en  distingue  trois  sortes,  p.  241. 

VOLUSIEN,  parent  de  saint  Perpétue,  lui  suecède, 
p.  438. 


X. 


XÉNAIA,  intrus  à  Hiéraple,  préside  au  concile  de      Sidon,  p.  750. 


ZÉBIN  (saint),  solitaire.  Sa  grande  assiduité  à  la 
prière,  p.  60.  Après  sa  mort,  on  bâtit  une  église  où 
l'on  met  son  cercueil,  ibid. 

ZÉNOBIANNE  bâtit  un  oratoire  pour  y  mettre  le 
corps  de  saint  Marcien,  p.  133. 

ZÉNGiN  (saint),  solitaire,  quitte  la  cour  et  s'en- 
ferme dans  un  sépulcre,  p.  56;  sa  pauvreté,  ibid. 
Théodoret  va  le  voir,  ibid.  Zenon  vend  son  bien,  en 
donne  une  partie  aux  pauvres  et  prie  son  évêque  de 
distribuer  l'autre,  ibid. 

ZENON  ,  évêque  de  Séville ,  loué  par  saint  Sim- 
plice  qui  l'établit  son  vicaire  en  Espagne,  p.  401. 
Lettre  que  saint  Félix  III  lui  adresse,  p.  419  et  420. 

ZENON,  empereur  de  Constantinople ,  abandoime 
l'empire  à  Basilisque,  p. '402;  il  est  rétabli,  p.  404 
et  405;  il  révoque  ce  que  Basilisque  avait  fait  con- 
tre la  religion,  p.  405;  il  écrit  au  pape  saint  Sim- 


plice.  Réponse  du  pape  ,  p.  405.  Différentes  lettres 
que  lui  écrit  le  pape  pour  l'engager  à  chasser  les 
hérétiques,  p.  407.  Prévenu  par  Acace  contre  Jean 
Talaïa  ,  élu  évêque  d'Alexandrie  ,  il  fait  établir  à  sa 
place  Pierre  Mongus  et  publie  son  Hénotique.  p.  409 
et  410.  Lettre  que  lui  écrit  le  pape  Félix  III  contre 
Pierre  Mongus,  p.  411 .  .Plainte  qui  lui  est  adressée 
par  le  même  pape,  p.  413.  Autre  lettre  où  le  pape 
se  plaint  de  la  violence  faite  à  ses  légats ,  et  notifie 
la  sentence  portée  contre  Acace,  p.  415  et  416. 
Lettre  que  Zenon  écrit  au  pape  au  sujet  de  Fravita  ; 
réponse  du  pape,  p.  417  et  418.  Sa  mort ,  en  491 , 
p.  419  et  485.  Anastase  lui  succède,  p.  419. 

ZENONIDE  ,    femme   de  l'empereur  Basilisque  , 
p.  405. 

ZEUGMA,  ville  dans  l'Euphratésienne,  p.  75. 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


TABLE 


DES  ADDITIONS  PRINCIPALES  FAITES  PAR  L'ÉDITEUR. 


D. 


DENIS  L'ARÉOPAGIÏE  (saint).  Histoire  de  saiut 
Denis  l'Aréopagite,  p.  534.  Saint  Denis  de  Paris 


a-t-il  été  envoyé  dans  les  Gaules  au  i''  sièelej  ibid. 
et  suiv. 


GENNADE  (saint),  patriarche  de  Constanlinople.  Fragments  nouveaux,  p.  346. 


E. 


EDITIONS  d'Orose,  p.  6;  de  saint  Pierre  Chry- 
sologue,  p.  16;  de  ïhéodoret,  p.  142;  de  Firmus, 
p.  152;  de  Fastidius,  p.  lo4;  de  Basile  de  Séleu- 
cie,  p.  169;  de  saint  Léon,  p.  275  et  276;  de  saint 
Prosper,  p.  318  et  319;  de  saint  Maxime  de  Turin, 
p.  325;  d'Idace,  p.  343;  de  saint  Gennade  de  Cons- 
tanlinople, p.  345  et  346.  Editions  et  ti'aduction 
de  Mammert  Claudien,  p.  355  et  356;  éditions  de 
saint  Loud  de  Troyes,  p.  359;  éditions  et  traduc- 
tions de  Salvien,  p.  378;  de  saint  Sidoine,  p.  399; 
éditions  de  Fauste  de  Riez,  p.  437;  de  Paulin  de 
Périgueux,  p.  442;  de  Victorin  de  Marseille,  p.  444; 
de  saint  Patrice,  p.  447;  de  saint  Victor,  évèque  de 


Vite,  p.  465;  d'Antonin  de  Céréal,  p.  468;  de  Vi- 
gile, diacre,  p.  472;  de  Vigile  de  Tapse ,  p.  485; 
d'Enée  de  Gaze,  p.  493  ;  du  Sacramentaire  du  pape 
saint  Gélase,  p.  512;  des  écrits  de  Gélase  de  Cysi- 
que,  p.  533.  Editions  et  traduction  des  écrits  de 
saint  Denis  l'Aréopagite,  p.  553;  de  saint  Avit,  p. 
569.  Editions  d'Ennode,  p.  577  et  578.  Traduction 
latine  des  homélies  d'Isaac-le-Grand,  p.  579.  Edi- 
tions des  écrits  de  Draconce,  p.  587;  de  Julien 
Pomère,  p.  599;  de  Gennade  de  Marseille,  p.  601  ; 
des  lettres  et  décrets  du  pape  saint  Hormisdas,  p. 
633;  de  Jean  Maxence,  de  saint  Jacques  de  Batna 
p.  642;  de  Boëce,  p.  666. 


JACQUES  DE    BATNA  (saint).  Jugement  de  ses  JEAN  ,  évèque  de  Téla.  Ses  Résolutions  canoni- 

écrits,  p.  642.  ques,  p.  642. 

JACQUES  D'EDESSE.  Ses /ÎMo/M«îonscano»tçMe«, 
p.  642. 

M. 

MAXIME  (saint),    évèque    de  Turin.  Edition  de       des  ouvrages  nouveaux  qu'elle  contient,  p.  32.'j  et 
ses  œuvres  publiée  par  le  P.  Bruno-Bruni.  Analyse       suiv. 


SUPPLÉMENT.  Authenticité  des  œuvres  de  saint  Denis  l'Aréopagite,  p.  731. 


TABLE 


DES  NOTES  PRINCIPALES  AJOUTÉES  PAR  L'ÉDITEUR. 


CHAPITRE  IV. 

THÉODORETj  ÉVÈQUE    DE  CTR. 

Pag.  25,  not.  9.  Ecrits  de  Théodoret  condamnés 
par  le  V  concile  général. 

Pag.  26,  not.  1.  Additions,  variantes  et  fragments 
nouveaus  des  commentaires  sur  l'Octateuque,  sur  les 
Rois  et  les  Paralipomènes. 

Pag.  42,  not.  1.  Commentaires  sur  les  Epîlres  de 
saint  Paul. 

Pag.  102,  not.  1.  Sur  le  Pentalogue. 

Pag.  107,  not.  3.  Sur  l'Apologie  de  Théodore  de 
Mopsueste. 

Pag.  107,  not.  7.  Sur  le  discours  contre  les  Eutio- 
miens. 

Pag.  108,  not.  2.  Sur  le  livre  de  la  Trinité. 

CHAPITRE  VIII. 

SAINT  VALÉRIENj  ÉVÊQUE  DE  CIMÊLK. 

Pag.  155j  not.  6.  Editions  de  ses  discours. 
CHAPITRE  XI. 

SAINT  LÉON  LE  GRAND,   PAPE,  DOCTEUR  DE  L'ÉGLÎSE. 

Pag.  i78,  not.  3.  Fragment  inédit  en  grec,  de  saint 
Léon  sur  la  Procession  du  Saint-Esprit. 

Pag.  198,  not.  1.  Sur  le  sermon  de  la  Chaire  de 
saint  Pierre. 

Pag.  198,  not.  3.  Sur  le  sermon  pour  la  fête  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul. 

Pag.  198,  not.  4.  Nombre  des  lettres  de  saint  Léon. 

Pag.  199,  not.  1 .  Sur  les  appellations  à  Rome. 

Pag.  210,  not.  1.  Sur  la  lettre  de  saint  Léon  aux 
évêques  de  Sicile. 

Pag.  215,  not.  1,  et  pag.  218,  not.  1.  Dom  Ceillier 
repris. 

CHAPITRE  XIII. 

SAINT  MAXIME,  ÉVÈQUE  DE  TURIN. 

Pag.  327,  not.  7.  Sur  ses  Expositions  des  Evangiles 
et  sur  le  treiité  des  Noms  des  douze  Apôtres. 


CHAPITRE  XV. 

SAINT  HILAIRE  D' ARLES. 

Pag.  340,  not.  3.  Ses  écrits  et  sa  vie  dans  la  Pa- 
trologie. 

CHAPITRE  XXIII. 

SAINT  SIMPLICE,  SAINT   FÉLIX  III,  PAPES. 

Pag.  401,  not.  3.  Lettres  de  saint  Simplice,  leur 
reproduction  dans  la  Patrologie. 

Pag.  402,  not.  5.  Discours  de  Timothée  Elure. 

Pag.  407,  not.  1.  Homélie  de  Timothée  HI. 

Pag.  411,  not.  2.  Edition  des  écrits  de  saint 
Félix  m. 

Pag.  414,  not.  7.  Sur  la  condamnation  d'Acace. 

Pag.  417,  not.  10.  Lettre  du  pape  saint  Félix  III, 
adressée  à  Succonius,  évêque  d'Uzale. 

CHAPITRE  XXVI. 

PAULIN  DE  PÉRIGUEUX,  VICTORIN  DE  MARSEILLE. 

Pag.  443,  not.  5.  Sur  Victorin  de  Marseille. 

CHAPITRE  XXX. 

MUSÉE  ETC.;  PHILIPPE,  PRÊTRE. 

Pag.  472,  not.  2.  Sur  le  commentaire  d«  Philippe 
sur  Job. 

CHAPITRE  XXXIU. 

ÉNÉE   DE  GAZE. 

Pag.  493,  not.  1.  Lettres  d'Enée  de  Gaze. 
CHAPITRE   XXXIV. 

SAINT  GÉLASE,  PAPE. 

Pag.  493,  not.  3.  Edition  des  écrits  de  saint  Gélase 
dans  la  Patrologie. 

Pag.  511 ,  not.  3.  Editions  du  Sacramentaire  de 
saint  Gélase. 


816 


NOTES  PRINCIPALES  AJOUTÉES  PAR  L'ÉDITEUR. 


CHAPITRE  XXXV. 

SAINT    ANASTASE,    PAP£. 

Pag.  bl8,  not.  2.  Editions  de  ses  lettres  dans  Mansi, 
Pag.  520,  not.  3.  Trois  fragments  publiés  par  Ba- 
luze,  ne  sont  pas  de  saint  Anastase. 

CHAPITRE  XXXVl. 

SAINT  SYMMAQUE,   PAPE. 

Pag.  521,  not.  2.  Edition  des  écrits  de  saint  Sym- 
niaque. 

CHAPITRE  XXXVII. 

PASCHASE,  DIACRE. 

Pag.  528,  not.  2.  Edition  de  son  traité  du  Saint- 
Esprit. 

CHAPITRE  XL. 

SAINT    AVIT,    ÉVÊQUE. 

Pag.  554,  not.  6.  Quatre  lettres  de  saint  Avit  édi- 
tées par  Baluze. 

CHAPITRE  XLIII. 

DRACONCE. 

Pag.  887,  not.  2.  Jugement  d'Arévalo  sur  Draeonce. 


•     CHAPITRE  XLV. 

GENNADE  DE  MARSEILLE. 

Pag.  606,  not.  6.  D.  Pitra  annonce  la  publication 
d'un  commentaire  de  Gennade  sur  l'Apocalypse. 

CHAPITRE  XLVI. 

RURICE    DE    LIMOGES. 

Pag.  607,  not.  11.  Editions  de  ses  lettres. 
CHAPITRE  XLVIII. 

SAINT   HORMISDAS,  PAPE. 

Pag.  632,  not.  1.  Sur  la  lecture  des  livres  qui  con- 
tiennent des  erreurs. 

CHAPITRE  XLIX. 

TRIFOLIUS. 

Pag.  638,  not.  3.  Edition  de  la  lettre  de  Trifolius. 
CHAPITRE  LUI. 

CONCILES. 

Pag.  676,  not.  1.  Sur  la  préséance  refusée  h  tort 
aux  légats  du  pape  au  faux  concile  d'Ephèse. 

Pag.  690,  not.  2.  Sur  Eustatbe  de  Béryte. 

Pag.  696,  not.  1.  Sur  le  vingt-huitième  canon  du 
concile  de  Chalcédoine,  et  sur  la  primauté  du  pape. 


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