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HISTOIRE GÉNÉRALE
DES
AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIOUES.
ANGERS. — IMPRIMERIE DE COSNIER ET LÂCHESE.
l^
HISTOIRE GÉNÉRALE
DES
AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIQUES
QUI CONTIENT
LEUR VIE, LE CATALOGUE, LA CRITIQUE, LE JUGEMENT, LA CHRONOLOGIE, L'ANALYSE
ET LE DÉNOMHREMENT DES DIFFÉRENTES ÉDITIONS DE LEURS OUVRAGES;
CE QU ILS RENFERMENT DE PLUS INTÉRESSANT SUR LE DOGME, SUR LA MORALE ET SUR LA DISCIPLINE DE L'ÉGLISK ,
L'HISTOIRE DES CONCILES TANT GÉNÉRAUX QUE PARTICULIERS, ET LES ACTES CHOISIS DES MARTYRS,
PARLER.P.DOMBEliqYGEILLIER
Bénédictin de la (Congrégation de Saint-Vnnnes et rie Saint-Hsdulijhe, Coadjuteur de Flnvigny.
NOUVELLE ÉDITION
SOIGNEUSEMENT REVUE, CORRIGÉE, COMPLETEE ET TERMINEE PAR UNE TABLE GÉNÉRALE DES MATIERES
PAR IJi\ DIRECVKUR »E CiRASiTU SÉMIIVAIRE: ,
DÉDIÉE
AU CLERGÉ CATHOLIQUE FRANÇAIS
HONORÉE DES SDFFBAGES DE PLUSIEURS ÉVÈQUES,
Dss encourajemeQts de plasieurs Vicaires Génératix, Dmcieurs k Séminaires et d'un jraDd nombre de personnages distingués
de la France et des pajs étrangers.
TOME DIXIÈME
PARIS
CHEZ LOUIS VIVES, LIBRAIRE - ÉDITEUR
5, RUE DELAMBKE, 5.
1861
Digitized by the Internet Archive
in 2009 with funding from
Boston Library Consortium; Mafnber Libraries
Iittp://www.archive.org/details/histoiregnra010ceil
TABLE
DES CHAPITRES, ARTICLES ET PARAGRAPHES
CONTENUS DANS CE VOLUME.
\' ET VP SIECLES.
Pages
CHAPITRE I". Paul Orose, prêtre, historien la-
tin, [vers l'an 423] 1
CHAP. II. Saint Pierre Chrysologue, archevê-
que de Ravenne, [docteur de l'Eglise,
après l'an 449] 6
CHAP. III. Juvénalj évèque et premier patriar-
che de Jérusalem, écrivain grec, en l'an
458 17
CHAP. IV. Le bienheureux Théodoret, évêque
de Cyr, docteur de l'Eglise et confesseur
[écrivain grec, vers l'an 457 ou 458]. . . 19
Article i". Histoire de sa vie 19
Art. II. Ecrits de Théodoret 26
§ I. Commentaires sur l'Octateuque. ... 26
§ II. Questions sur le livre des Rois et les
Paralipomèites 32
§ III. Commentaires sur les Psaumes et sur
le Cantique des Cantiques 34
§ IV. Commentaires sur les Prophètes et sur
saint Paul 39
§ V. Histoire ecclésiastique de Théodoret. . 42
§ VI. Histoire des solitaires 50
§ VII. Lettres de Théodoret 64
§ VIII. Ouvrage intitulé Eraniste ou Poly-
morphe 79
§ is. Ouvrage sur les Here'sie'! 83
§ X. Sermons de Théodoret 88
§ XI. Divers ouvrages mis dans l'appendice. 98
§ XII. Divers ouvrages attribués à Théo-
doret 100
§ XIII. Ouvrages de Théodoret qui sont per-
dus, ouvrages qui lui sont faussement
attribués 107
X.
Pages
Art. III. Doctrine de Théodoret 108
Art. IV. Jugement des écrits de Théodoret.
Catalogue des éditions qu'on en a faites. 139
CHAP. V. Acaoe, évêque d'Amida [vers l'an
420]; Rabulas. évêque d'Edesse [436];
Ibas, évêque de la même ville [457]. Ce
sont des écrivains grecs 142
CHAP. VI. Firmus, archevêque de Césarée en
Cappadoce [écrivain grec, en l'an 439]. . 149
CHAP. VII. Fastidius, évèque des Bretons, [écri-
vain latin, vers l'an 480] 152
CHAP. VIII. Saint Valérien, évêque de Cémèle,
[écrivain latin, après l'an 455] 154
CHAP. IX. Saint Pétrone, évèque de Bologne,
[écrivain latin, vers l'an 450] 160
CHAP. X. Basile, archevêque de Séleucie en
Isaurie, [écrivam grec, vers l'an 458] . . 162
CHAP. XI. Saint Léon, pape, surnommé le
Grand, docteur de l'Eglise 169
Art. 1. Histoire de sa vie 169
Art. II. Ecrits de saint Léon , . . . 178
§ I. Ses sermons 178
§ II. Ses lettres 198
§ m. Livres de la Vocation des Gentils et
lettre à Démétriade 240
Art. m. Doctrine de saint Léon 247
Art. IV. Jugement des écrits de saint Léon.
Catalogue des éditions qu'on en a faites. 274
CHAP. XII. Saint Prosper, défenseur de la
grâce de Jésus-Christ, [père latin, vers
l'an 463] 276
Art. I. Histoire de sa vie 276
Art. II. Des écrits de saint Prosper 278
§ I. Lettres à saint Augustin et à Rufin. , . 278
1*
VI
TABLE DES CHAPITRES.
§ II. Du poème contre les Ingrats 284
§ III. Réponses aux objections contre les
Gaulois 292
§ IV. Réponses à Vincent 298
§ V. Réponses aux prêtres de Gênes, ... 300
§ VI. Livre de la Grâce de Dieu et du Libre
arbitre, contre le GoUateur ou l'auteur
des Conférences 303
§ VII. Commentaire sur les Psaumes; livre
des Sentences tirées de saint Augustin;
épigrammes 310
§ VIII. Chronique de saint Prosper 312
§ is. Ouvrages faussement attribués à. saint
Prosper, ou qu'on doute être de lui. . . 313
Art. III. Jugement des écrits de saint Pros-
per. Editions qu'on en a faites 317
CHAP. XIII. Saint Maxime, évêque de Turin,
[écrivain latin, après l'an 465] 319
CHAP. XIV. Arnobe, surnommé le Jeune, [écri-
vain latin, après l'an 460] 330
CHAP. XV. Saint Hilaire, pape et confesseur,
[467]; Léonce d'Arles, [vers l'an 482], et
Victorius, [vers la même époque]. . . . 335
CHAP. XVI. Idace, évêque de Ghiaves, [écrivain
latin, en 471] 341
CHAP. XVII. Saint Gennade, patriarche de Gous-
tantinople, [écrivain grec, vers l'an 471]. 343
CHAP. XVIII. Mammert Claudieu, prèire de
l'Eglise de Vienne, [écrivain latin, en 473
ou 474] 346
CHAP. XIX. Saint Loup, évêque de Troyes,
[après l'an 471], et saint Euphrone, évê-
que d'Autun, [vers l'an 490, écrivains
latins] 356
CHAP. XX. Salvien, prêtre de Marseille, [écri-
vain latin, vers l'an 485] 359
CHAP. XXI. Saint Sidoine Apollinaire, évêque
de Clermont en Auvergne [écrivain latin,
vers l'an 489] 379
Art. I. Histoire de sa vie 379
Art. II. Ecrits de saint Sidoine 382
§ I. Ses lettres 382
§ II. Poésies de saint Sidoine 396
Art. !I. Jugement des écrits de saint Sidoine.
Editions qu'on en a faites 398
CHAP. XXII. Constance, prêtre de Lyon; samt
Auspice, évêque de Toul, [écrivains la-
tins de la En du v* siècle] ' . 399
CHAP. XXllI. Saint Simplice, [en 483]; saint
Félix, [en 492], papes; Acace de Constan-
tinople, [en 489], et quelques autres évè-
ques d'Orient 401
CHAP. XXIV. Fauste, abbé de Lerins, et depuis
évêque de Riez en Provence, [ écrivain
latin, après 493] 420
CHAP. XXV. Saint Perpétue, archevêque de
Tours, [écrivain latin, en 491] 438
CHAP. XXVI. Paulin de Périgueux, poète chré-
tien, [vers 490] ; Benoît Paulin, et quel-
ques autres écrivains de la fin du v' siè-
cle, savoir deux autres Paulin, Victorin
de Marseille 441
CHAP. XXVII, Saint Patrice, apôtre d'Irlande,
[écrivain latin de la fin du W siècle]. . . 444
Pages
CHAP. XXVIII. Saint Victor, évêque de Vite,
[481], et saint Eugène, évêque de Car-
thage, [485], écrivains latins] 448
CHAP. XXIX. Antonin, évêque de Cirthe; Gé-
réal de Gaslèle; Victor de Cartenne; As-
clépius; Voeonius; Siagrius; Paul; Pas-
teur; Servus Dei, [écrivains latins de la
dernière moitié du v' siècle]; Théodule,
[écrivain grec de la même époque] . . . 466
CHAP. XXX. Musée, prêtre de Marseille; Vin-
cent, ])rêtre des Gaules, [écrivains latins] ;
Cyrus d'Alexandrie, Jean d'Antioche,
[écrivains grecs]; Philippe, prêtre, Vi-
gile, diacre, [écrivains latins. Tous sont de
la dernière moitié du v= siècle] .... 471
CHAP. XXXI. Vigile, évêque de Tapse, [écri-
vain latin, après l'an 518] 472
CHAP. XXXII. Euphémius, [505]; Macédonius,
[515], palriarches de Constantinople. . . 485
CHAP. XXXIII. Enée ae Gaze, philosophe, pro-
fesseur de sciences et de belles-lettres ,
[écrivain grec sur la fin du v= siècle].. . 490
CHAP. XXXIV. Saint Gélase, pape, [en 496] . 493
CHAP. XXXV. Saint Anastase, II" du nom S
pape, [498] 518
CHAP. XXXVI. Saint Symmaque, pape, [514] . 521
CHAP. XXXVII. Paschase, diacre de l'Eglise
romaine, [écrivain latin du commence-
ment du vi" siècle] 528
CHAP. XXXVm. Gélase de Gysique, [écrivain
grec, en 460] 532
CHAP. XXXIX. Saint Denis l'Aréopagite, [écri-
vain grec, i" siècle probablement]. . . . 534
Art. i. Histoire de sa vie. Mission de saint
Denis, apôtre de Paris, au l" siècle. . . 534
Art. n. Des écrits attribués à saint Denis
l'Aréopagite 539
CHAP. XL. Saint Avit, évêque de Vienne, [écri-
vain latin, en 518 ou 523] 553
CHAP. XLI. Saint Ennode, évêque de Pavie et
confesseur, [écrivain latin, en 521]. . . 569
CHAP. XLII. Quelques écrivains syriens des v"
et vi" siècles, savoir : Isaac le Grand;
Cosme, prêtre syrien ; saint Siméon Sty-
lite; saint Baradate et saint Jacques;
.Maras, évêque d'Amida; Nonnus, évêque
d'Edesse; Jacques, diacre d'Edesse; Mo-
chimus , prêtre d'Antioche ; Pierre d'E-
desse; Samuel, prêtre d'Edesse; Josué
Stylite STS
CHAP. Xmi. Eutrope; Draconce, [écrivains la-
tins du V siècle]; Théodore, prêtre
d'Antioche, [écrivain grec de la même
époque] 587
CHAP. XLIV. Julien Pomère, prêtre et abbé,
[écrivain latin, en 498].- 588
CHAP. XLV. Saint Honorât, évêque de Mar-
seille , et Gennade , prêtre de la même
Eglise, [écrivains latins de la fin du v*
siècle] 600
1 D. Ceilller oublie le nom de saint devant les noms rt'Anas-
tase et de Symmaque. Ces deux papes sont inscrits dans le
Martyrologe romain. (Vèditenr.J
TABLE DES CHAPITRES.
Vil
Pages
CHAP. XLVI. Saint Rurice, évêque de Limoges,
[après l'an 506] 607
CHAP. XLVII. Saint Eugende , abbé de Gonda-
tidcone ou Condat; auteur anonyme de
la Vie de saint Venance, [vers l'an 510]. 610
CHAP. XLVIII. Saint Hormisdas, pape, [528]. . 612
CHAP. XLIX. Jean Maxence, [écrivain grec],
et Tiifolius, [écrivain latiu, vers l'an
520] 634
CHAP. L. Saint Jacques, évêque de Batna, eu
Mésopotamie, [en 521]; Jean, évêque de
Téla aussi en Mésopotamie, vi« siècle,
[écrivains syriaques] 639
CHAP. LI. Siméon, évêque de Beth-Arsam,
écrivaiu syriaqne , [en 525] 643
CHAP. LU. Boëce, sénateur romain, [525]. . . 645
CHAP. LUI. Des conciles des V et vi' siècles.
Art. I. Des conciles d'Ephèse, [434 et 444],
de Conslantinople , [444], d'Antioche ,
[443], de Rome, [443 ou 444], d'Hiéraple,
[444J, d'Astorga, [445 ou 446], des Gau-
les, d'Angleterre, d'Antioche, [448], de
Goustautinople, [448], de Tolède, [447],
de Galicie, [vers l'an 447] 666
Art. n. Des conciles de Conslantinople, [448
et 449] 669
Art. m. Du faux concile d'Ephèse, [449], et
du concile de Rom^, [449] 675
Art. IV. Des conciles de Constantinople, [450],
de Milan et des Gaules, [451] 680
Art. V. Du concile de Chalcédoine, [451]. . 681
Pages
704
708
Art. VI. Des conciles attribués à saint Pa-
trice
Art. vu. Des conciles d'Arles, [452], d'An-
gers, [453], d'Arles, [455], de Constantino-
ple, [459], de Tours, [461] et de Vannes,
[465]
Art. VIII. Des conciles de Rome, [442], des
Gaules, [463], d'Espagne, [464], de Rome,
[465], d'Angleterre, [465], de Châlons,
[470], de Bourges, [475], d'Antioche, [477],
d'Arles, [475 ou 477], de Lyon, [vers le
même temps], d'Antioche, de Laodicée,
[479], de Rome [484] 715
Art. IX. Conciles de Rome, [487] et de Car-
thage, [484] 719
Art. X. Conciles de Constanlinople, [en 492,
496] 722
Art. XI. Des conciles de Rome, [494, 495,
499, 502, 503 et 504] 723
Art. XII. Conférence de Lyon avec les ariens
[vers l'an 500] 733
Art. siii. Concile d'Agde [506] 736
Art. XIV. Conciles de Toulouse, [507], d'Or-
léans, [511], et d'Agaune, [515] 742
Art. XV. Conciles de Tarragone, [516], et de
Girone, [517] 747
Art. XVI. Du concile de Sidon, [512] .... 750
Supplément. Authenticité des œuvres de saint
Denis l'Aréopagite 751
Table analytique 761
FIN DE L.\ TABLE DES CHAPITRES.
HISTOIRE GENERALE
DES
AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIOIIES.
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE I.
Paul Orose, prêtre et historien latin.
[Vers l'an 423.]
l . A jiiger de Paul Orose par les écrils que
nous avons de lui, il avait l'esprit vif, parlait
aisément et avec éloquence, et n'était pas
moins habile dans les matières de la religion
que dans Ihisloire. Il était ' espagnol de
naissance, et né, ce semble, à Tarragone,
ville située sur la mer Méditerranée. Comme
il était encore jeune lorsque son pays fut ex-
posé en proie aux Vandales et aux Alains,
vers l'an 409, il ne vit ^ d'abord ces barbares
qu'avec effroi. Mais il adoucit leur cruauté
par ses humbles soumissions, lorsqu'ils furent
maîtres du pays. En se précautionnant con-
tre leur infidélité, il évita les pièges qu'ils lui
tendirent. Quelle que fût sa douleur de voir le
ravage de sa patrie par ces barbares, il fut
bien plus affligé de voir la foi combattue
dans l'Espagne par diverses erreurs, en par-
ticulier par celle des priscillianistes : car,
outre la piété dont il faisait profession, il
brûlait de zèle pour la foi orthodoxe. Il ar-
riva vers le même temps que deux espagnols
nommés tous deux Avitus, étant allés l'un à
Rome, et l'autre à Jérusalem , l'un en rap-
porta les ouvrages de Victorin, célèbre rhé-
toricien , qui avait écrit contre les ariens ; et
l'autre le livre des Principes d'Origène, tra-
duit par saint Jérôme. Ces écrits contenaient
la vraie foi sur divers articles de la religion;
mais ils renfermaient aussi quelques erreurs,
surtout le livre des Principes; en sorte qu'ils
excitèrent de nouveaux troubles dans l'Es-
pagne.
2. Orose dans le désir de se rendre capa-
ble de combattre les erreurs répandues dans
son pays, le quitta pour passer en Afrique,
où il se promettait d'apprendre de saint Au-
gustin tout ce qu'il pouvait souhaiter de sa-
voir, sur les matières qui étaient en contes-
tation, et dont il ne se croyait pas encore
assez instruit pour en instruire les autres. Il
semble dire qu'ayant fixé son départ à cer-
tain jour, il avait été obligé de le prévenir ^
par la crainte de quelque accident dont il
Il pnpse en
Afrique vers
l'anAlS.
' Gennad., de Viris illust., cap. XL, el Oros., lib.
Vil Hisl,, cap. xxn.
X,
2 Oros., lib. m, cap. xx.
3 Oroâ., lib. V, cap. Ii.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Il
snint
consulte
AugLS-
était menacé par les Barbares, qui en effet,
le poursuivirent ' à coups de pierres, lors-
qu'il était déjà en mer ; et qui étaient prêts
de l'atteindre, lorsqu'une nuée survenue
tout-à-coup le déroba à leur vue, et le sauva. •
Il était prêtre avant de quitter l'Espagne , et
il n'eut aucune - peine d'en sortir, assuré de
trouver parlent où il se retirerait, sa patrie,
sa foi et sa religion. L'Afrique le reçut avec
autant de bonté qu'il y était entré avec con-
fiance. On l'y reçut en ami, à cœur ouvert,
et comme s'il y fût né. Il rend témoignage à
cette province, qu'elle ouvrait son sein avec
toute la tendresse possible pour y recevoir
tous ceux qui lui étaient unis par le lien de
la foi et de la religion ; qu'elle invitait même
les misérables à y venir recevoir tous les de-
voii's et tous les meilleurs traitements de
rhospitalité chrétienne.
3. Il exposa à saint Augustin le sujet de
son voyage; mais il ne lui présenta point
d'abord le mémoire des difficultés sur les-
quelles il venait le consulter, l'ayant trouvé
trop occupé à d'autres matières. Pendant ^
qu'il en attendait l'occasion, arrivèrent deux
évêques nommés Paul et Eutrope, qui, tou-
chés du même désir que lui, donnèrent à ce
saint docteur un mémoire touchant quelques
hérésies. Gomme ils n'y avaient pas compris
toutes celles qui troublaient l'Espagne, Orose
se hâta de présenter le sien, où il -marquait
quelles étaient les hérésies de Priscillien et
d'Origène, afin que saint Augustin les réfutât
en même temps qu'il répondrait au mémoire
des deux évêques. Ce Père considérant l'ar-
deur qu'Orose témoignait pour s'instruire
comme un etfet de cette charité par laquelle
Dieu nous fait demander et chercher les lu-
mières qu'il nous veut donner, lui répondit
par un écrit qu'il lui adressa , intitulé : Contre
les priscillianisies et contre les origénistes *. 11
s'y étendit peu contre les premiers, se con-
tentant de renvoyer Orose aux ouvrages qu'il
avait faits contre les manichéens , parce que
les principes qu'il y avait établis, ruinaient
également les uns et les autres. A l'égard
des erreurs attribuées à Origène, il en fit la
réfutation. Mais trouvant de l'embarras dans
la question qui regarde l'origine de l'âme, il
conseilla à Orose d'aller en Palestine consul-
1 Oros., lib. m, cap. SX.
2 Oros., lib. V, cap. ii.
3 Gros., Epist. ad August., tom. VIII Oper. Aug.
pag. 607.
* Voyez tom. IX, pag. 356.
ter saint Jérôme sur ce sujet; disant que
pour apprendre les erreurs d'Origène, il fe-
rait bien d'aller dans le pays où elles avaient
pris naissance, et où on les avait découvertes
depuis peu. Il chargea Orose de deux traités
pour saint Jérôme, l'un touchant l'origine de
l'âme , l'autre sur ce passage de saint Jac-
ques : Celui qui transgresse un précepte, est -'acob xt,
coupable de tout.
4. Orose suivant le conseil de saint Au- , iivaenPa.
lestineen'.15,
gustin partit pour la Palestine, où il trouva ei assiste à i.i
G i. 1 ' conTerence de
saint Jérôme occupé à réfuter les pélagiens. Jérusiiem.
Il se retira ^ auprès de lui à Bethléem pour
apprendre la crainte du Seigneur, aux pieds
de celui à qui saint Augustin, qui l'appelle
son père, l'avait recommandé. 11 croyait y
être caché comme un pauvre et un inconnu,
lorsqu'il fut appelé par les prêtres de Jé-
rusalem pour assister à la conférence qui
devait se tenir au sujet de l'hérésie de Pe-
lage, qui faisait beaucoup de bruit dans la
Palestine. La conférence se fint le 28 juillet
de l'an 413. Jean de Jérusalem qui y présida
fit asseoir Orose avec les prêtres. A leurs
prières, il expliqua en peu de mots comment
Célestius dénoncé aux évêques assemblés à
Carthage, y avait été ouï et condamné. Il
ajouta que saint Augustin travaiUait actuel-
lement à réfuter un livre de Pelage ^ , et dit
plusieurs autres choses que nous avons rap-
portées ailleurs. La conclusion de cette con-
férence tut qu'on enverrait des députés et
des lettres à Rome au pape Innocent, et que
tous suivraient ce qu'il aurait décidé ; qu'en
attendant Pelage demeurerait dans le silence
qu'on lui imposa sur-le-champ, car il était
présent ; et que d'un autre côté ses adver-
saires s'abstiendraient de lui faire aucun re-
proche, comme s'il eût été convaincu.
5. Le treizième de septembre de la même orose es
année, jour de la fête de la Dédicace, Orose hîas°piième. )
se justifie.
étant venu à Jérusalem pour accompagner
l'évêque Jean à l'autel, selon ' la coutume ,
Jean au lieu de le saluer, 'lui dit : «Pourquoi
venez-vous avec moi, vous qui avez blas-
phémé '
(I Qu'ai-je dit, répondit Orose,
qu'on puisse appeler blasphème?» L'évêque
reprit : « Je vous ai ouï dire que l'homme,
même avec le secours de Dieu ne peut être
sans péché. » Orose prenant à témoin les
5 Gros., Apolocj., pag. 449, tom. VI Biblioth. Pat.
Lugd.
" Voyez tom. VIll, pag. 550 et 551.
' Gros., Apologia, pag. 450.
[v' SIÈCLE.] CHAPITRE I. — PAUL OROSE, PRÊTRE ET HISTORIEN.
prêtres et les autres personnes qui étaient
présents, protesta qu'un tel discours n'était
jamais sorti de sa bouche. «Comment, ajou-
ta-t-il, l'évêque qui est grec et n'entend pas
le latin, a-t-il pu m'entendre, moi qui ne
parle que latin? Il aurait dû m'avertir pater-
nellement dans le moment qu'il m'a ouï tenir
ce discours. » Quoique Jean ne fût pas rece-
vable à le lui reprocher au bout de quarante
jours, que s'était tenu la conférence, Orose
crut devoir embrasser l'occasion que la Pro-
vidence lui offrait pour réprimer l'insolence
des hérétiques qui abusaient de la patience
avec laquelle l'Eglise les tolérait. 11 écrivit
donc une Apologie où en défendant son inno-
cence contre la calomnie de l'évêque de Jé-
rusalem, il faisait voir l'impiété de l'hérésie
de Pelage.
B-neni 6. Oroso quita la Palestine vers le prin-
'°°°° temps de 416. Le prêtre Avitus qui venait de
traduire en latin la relation de l'invention des
reliques de saint Etienne, trouvées depuis
peu dans un bourg à vingt milles de Jérusa-
lem, nommé Caphargamala, l'envoya par
Orose avec quelques reliques de ce saint
martyr, à Palconius, évêque de Brague en
Lusitanie, avec une lettre pour lui et pour
son Eglise, dans laquelle il les consolait dans
les maux que leur causaient les incursions
des Barbares. Orose se chargea aussi de la
réponse de saint Jérôme à saint Augustin
sur les questions de * l'origine de l'âme et de
l'égalité des péchés. Il apporta encore des
lettres d'Héros et de Lazare contre Pelage et
Célestius, où l'on voyait que Pelage était à
Jérusalem et infectait quelques personnes du
venin de son hérésie. H y a apparence que
saint Jérôme chargea aussi Orose de ses Dia-
logues pour les rendre à saint Augustin, puis-
que ce Père les cite dans sa lettre àOcéanus,
écrite quelque temps après. Orose de retour
en Afrique, rendit toutes ces pièces à ceux à
qui elles étaient -adressées. Il trouva les évo-
ques de la province de Carthage assemblés
en cette ville, etleur remit les lettres d'Héros
et de Lazare. Saint Augustin , à qui il rendit
compte de son voyage, et remit les éci'its dont
saint Jérôme l'avait chargé, lui conseilla d'é-
crire l'histoire générale du monde, pour ser-
vir de preuve à l'ouvrage de la Cité de Dieu,
dont il écrivait alors le onzième livre.
inEs- 1- Orose ne put se refuser à ce que ce
'ioire"du grand évêque demandait de lui. Mais avant
de commencer un ouvrage de cette impor-
tance, après avoir séjourné quelque temps en
Afrique, il s'embarqua pour l'Espagne. Les
ravages des Goths l'ayant empêché d'y abor-
der, il s'arrêta quelque temps à Magole, ville
de l'Ile de Minorque, aujourd'hui Mahon, où
il déposa les reliques de saint Etienne, dont
le prêtre Avitus l'avait chargé. Il revint de
là en Afrique où il travailla à son Histoire,
qui ne fut achevée qu'en 417. C'est tout ce
que l'on sait d'Orose, qui florissait, selon
Gennade, dans les dernières années de l'em-
pire d'Honorius, mort le 15 août 423. On ne
dit point s'il survécut à ce prince.
8. 'L'Histoire générale du monde ,V Apologie ses écrit».
d'Orose contre Pelage, et le mémoire qu'il
présenta à saint Augustin contre les erreurs
des origénistes et des priscillianistes ^, sont
les seuls ouvrages que nous ayons de lui.
Comme il avait entrepris son histoire à la
prière de saint Augustin, ou, comme il le
dit, par l'ordre de ce Saint, ce fut à lui qu'il
l'adressa. Elle est divisée en sept livres. Dans
la préface il donne les raisons qui rendaient
cette histoire comme nécessaire. Les païens
qui ne considéraient pas l'avenir, et qui
avaient oublié le passé, tiraient toujours
avantage contre la religion chrétienne de la
prise de Rome et des autres malheurs dont
l'empire était afQigé, prétendant qu'ils n'ar-
rivaient que parce que l'on croyait en Jésus-
Christ; qu& l'on n'adorait qu'un seul Dieu,
et que l'on négligeait le culte des idoles.
Pour répondre à cette objection, Orose rap-
porte dans celte Histoire tous les accidents
funestes qui sont arrivés dans les différentes
parties du monde avant la venue de Jésus-
Christ; les guerres, les contagions, les fa-
mines, les tremblements de terre, les dé-
bordements des rivières, les feux sortis de la
terre, les grêles extraordinaires, les crimes
même les plus signalés, et tous les autres
événements tragiques marqués par les écri-
vains tant sacrés que profanes. Parce détail,
on pouvait voir s'il était arrivé plus de ces
sortes de malheurs depuis l'avènement de
Jésus-Christ qu'auparavant. Orose marque
qu'il entreprit aussi ce travail aux instances
de Julien, diacre de Carthage, qui l'en avait
apparemment pressé par ordre de saint Au-
gustin. Mais avant de le rendre pu"blic, il le
soumit au jugement de ce Père , voulant qu'il
le supprimât s'il ne le jugeait pas digne de
August., V:pist. 172, 175 et 176.
2 Tom. VI Biblioth. Palrum, pag. 378.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES
Histoire gé-
nérale du
monde, liv. I,
p. 378.
voir le jour. Saint Augustin l'approuva sans
doute ; et l'on voit cet ouvrage cité par l'au-
teur du livre * des Promesses, qui écrivait
dans le même siècle qu'Orose ^. Cet auteur ^
qualifie celui-ci un homme tout docte. Gen-
nade*qui parle avec éloge de cette Histoire,
en appelle l'auteur un homme éloquent et
habile. Il dit qu'il y réfute solidement les
calomnies des païens, et qu'il montre par la
description qu'il fait des calamités, des mi-
sères, des troubles et des guerres qui ont
affligé tous les siècles, que l'empire romain
doit sa conservation, non à sa puissance,
mais à la religion chrétienne ; et que la paix
dont il jouissait en cette année-là, était l'effet
de la liberté et de la paix avec laquelle Dieu
y était adoré. UHistoire d'Orose ne fut pas
seulement approuvée dans le concile ^ de
Rome sous Gélase ; elle y fut encore louée
parce qu'elle renferme beaucoup de choses
en peu de mots, et jugée nécessaire pour ré-
pondre aux calomnies des païens. On ne
laisse pas cependant d'y trouver quelques
fautes ^ de chronologie, parce que n'enten-
dant pas bien le grec, il n'avait pas lu dans
Toriginal les auteurs qui ont écrit en cette
langue. On remarque qu'il ne s'accorde pas
quelquefois avec lui-même ^ dans la manière
de compter les années de Rome.
9. Presque tous les auteurs grecs et latins
qui ont entrepris de transmettre à la posté-
rité les actions des rois et des peuples, ont
commencé leur histoire k Ninus, fils de
Bélus, roi des Assyriens, croyant que le
monde n'avait pas eu de commencement, et
que jusqu'à Ninus les hommes s'étaient con-
duits comme des bêtes, sans aucune forme
de gouvernement pohtique. Orose commence
la sienne à la prévarication du premier
homme, c'est-à-dire trois mille cent quatre-
vingt-quatre ans avant le règne de Ninus,
sous lequel Abraham vint au monde ; et il
compte depuis la naissance de ce patriarche
jusqu'à César-Auguste, ou jusqu'à la nais-
sance de Jésus-Christ, qui naquit la quarante-
1 De Promissionibus, lib. III, cap. sxsiv, pag. 183.
2 Lib. VII Hist., cap. XLVU, pag. 448.
3 Vir eruditissimus Orosius hisioriographus. Idem,
lib. II, cap. xxxni.
^ Orosius preshyter, hispanus yenere, vir eloquens et
lùistoriarum cognitor, scripsit adversum qverulos et
infamatores christiuni nominis qui dicunt defectum
romance reipublicœ Christi doctritia invectum, libres
septem : in quibus pêne totius mundi lemporis calami-
tates et miserias, ac bellorum inquietiid ines replicam
ostendit nmgis christianœ observaiionis esse, quod
deuxième année de ce prince, deux mille
quinze ans. Comme il ne connaissait que
trois parties du monde, l'Asie, l'Europe et
l'Afrique, il borne sa narration à ce qui s'y
est passé, rapportant les divers événements
arrivés dans les provinces et les villes dont
ces trois parties sont composées. Le premier
livre de son Histoire commence à Adam, et
finit à la fondation de Rome. Il la met 414
ans après la ruine de Troie dans la sixième
olympiade ; et raconte de suite dans le se-
cond livre ce qui s'est passé dans la répu-
blique romaine jusqu'à la prise de Rome par
les Gaulois, qui en furent les maîtres pendant
six mois, la brûlèrent el réduisirent en cap-
tivité ses habitants. Il conduit le troisième
livre jusqu'à la fin de la guerre de Macé-
doine. Il commence le quatrième par le narré
de celle de Pyrrhus, d'où il passe à la guerre
punique ; il termine ce livre par la ruine de
Carthage, arrivée 516 ans après la fondation
de Rome, cinquante ans après la seconde
guerre punique, et sept cents ans depuis sa
propre fondation. Cette ville fut consumée
par un feu de dix-sept jours, qui en réduisit
toutes les pierres en poussière. Tous les ha-
bitants, excepté quelques-uns des principaux,
furent réduits en servitude. Orose montre
dans le cinquième livre, que Rome ne s'est
agrandi qu'aux dépens du reste de l'univers.
Il y parle du rétablissement de Carthage qu'il
met vingt-deux ans après sa destruction, et
six cent vingt-sept ans depuis la fondation
de Rome. Dans le sixième, il rapporte les
guerres que les Romains ont eues avec diffé-
rents peuples, comme avec les Gaulois, les
Suèves , les Bretons , et parle de la guerre
civile entre César et Pompée.
10. Le septième livre commence à la nais-
sance de Jésus-Christ arrivée sept cent cin-
quante-deux ans depuis la fondation de Rome
et finit à l'an 417. En sorte que l'Histoire
d'Orose renfernie ce qui est arrivé dans le
monde pendant l'espace de cinq mille cinq
cent quatre-vingt dix-huit ans. Il remarque
contra meritum suum res romana adhuc duraret, et
pace culturœ Dei pacatuni retineret imperium. Gen-
nad., de Viris illustribus, cap. xxxix.
^ Item. Orosium virum erudilissimum collaudamus
quia valde nobis necesiariam aduersus paganorum
calumnias dignam ordinavit historiam, miraque bre-
vitate conlexuit. Tom. IV Conc.il., pag. 1264.
^ Vossius, de Historicis latin., lib. II, cap. xlV.
' Petavius, de Doctrina lemporum, lib. XI, cap,
XLVU.
in, p. 392.
IV, p. 400.
T, p. 410.
TI, p. 421.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE I. — PAUL OROSE, PRÊTRE ET HISTORIEN.
dans ce dernier livre que sur la relation que
Pilate fit à Tibère des miracles opérés par
Jésus-Christ, ce prince proposa au sénat de le
mettre au rang des dieux ; le sénat le refusa
et donna un édit portant que tous les chré-
paE.43t. tiens seraient chassés de Rome. Il donne
pour raison de ce refus, que le sénat fut fâ-
ché de ce qu'on ne s'était pas d'abord
adressé à lui suivant la coutume, pour sta-
tuer sur le culte que l'on devait rendre à Jé-
435 sus-Christ. Il dit que ce fut Néron qui décerna
le premier la peine de mort contre les chré-
tiens, qui ordonna une persécution contre
eux dans toutes les provinces ; et que ce fut
par ses ordres que saint Pierre et saint Paul
furent mis à mort , l'un par le glaive , l'autre
j3B. par le supplice de la croix. Il ne doute pas
que l'empereur Philippe n'ait été chrétien
de même que son fils, et qu'ils ne soient
morts tous deux dans la profession du chris-
ui. tianisme. Mais en parlant du père, il ne
donne pas une grande idée de sa vertu, di-
sant qu'il semblait n'avoir été chrétien qu'afin
que la millième année de Rome fût consacrée
plutôt à Jésus-Christ qu'aux idoles. Ainsi il
donne à l'empereur Constantin le titre de
premier prince chrétien, quoiqu'il l'eût déjà
donné à Philippe. Il rapporte que le comte
Théodose, père de l'empereur de ce nom,
ayant été condamné à mort par un motif
d'envie, à cause de sa valeur et parce qu'il
avait subjugué les Maures, demanda d'être
baptisé à Carthage, pour la rémission de ses
péchés ; et qu'aussitôt après avoir reçu le sa-
crement de Jésus-Christ, il présenta avec fer-
meté sa tête au bourreau, assuré de l'éternité
d'une autre vie.
^ ^1^ .^ 11. On trouve dans l'Apologie qui porte le
■°péu e°°" "°™ d'Orose le même style et le même génie
que dans l'Histoire du monde, que personne
ne lui conteste. Il faut ajouter que cette Apo-
logie lui est attribuée dans divers manuscrits.
Ceux qui ont douté qu'elle fût de lui se sont
fondés sur ce qu'à la suite de ce traité il se
trouvait divers endroits tirés mot à mot du
livre de saint Augustin intitulé de la Nature
et de la grâce , qu'Orose ne pouvait pas avoir
vu. Mais on convient aujourd'hui qu'ils ne
font point partie de l'Apologie d'Orose, avec
laquelle ils n'ont aucune liaison. Ce qui fait
qu'on les a retranchés dans les dernières édi-
tions.
12. Orose la composa non-seulement pour
elle apoio- détendre son mnocencs que Jean de Jérusa-
lem attaquait en l'accusant de blasphème ;
mais aussi pour faire voir l'impiété de l'hé-
résie pélagienne. Il remarque qu'elle avait
été combattue même avant sa naissance par
saint Cyprien, saint Hilaire et saint Ambroise,
dont la doctrine est entièrement contraire à
celle de Pelage; que saint Augustin et saint
Jérôme avaient aussi publié plusieurs écrits
contre cet hérésiarque, mais sans le nom-
mer ; et que ce qui l'engageait à se joindre
à ces grands hommes, c'était qu'il voyait Pe-
lage défier, comme Goliath, les sei'viteurs de
Dieu, et leur reprocher depuis longtemps
une lâche timidité, comme s'ils n'eussent osé
l'attaquer nommément. Orose adressa son
Apologie aux prélats, par où il semble enten-
dre les prêtres de Jérusalem, avec qui il avait
assisté à la conférence tenue en cette ville.
Il rapporte ce qui s'y passa ; puis venant à
l'accusation formée contre lui par l'évêque
Jean, il proteste n'avoir jamais dit que
l'homme même avec le secours de Dieu ne
peut pas être sans péché. C'était là le blas-
phème dont l'évêque de Jérusalem l'accusait.
Il prend Dieu à témoin et les prêtres de cette
assemblée, qu'il n'avait rien proféré de sem-
blable, et laisse à Dieu de juger si Jean avait
cru trop légèrement l'erreur qu'il lui repro-
chait, ou s'il l'avait inventée par malignité,
ou enfin s'il l'avait tirée de quelques mots
qu'il avait mal entendus et mal compris : ce
qui était facile , parce que l'évêque n'enten-
dait pas le latin, qui était la seule langue à
l'usage d'Orose. Il prend occasion de l'accu-
sation de Jean, d'expliquer fort au long sa
doctrine sur la nécessité de la grâce ; ce qu'il
fait d'une manière conforme à ce que saint
Jérôme enseigne sur ce sujet , auquel , sans
doute, il avait communiqué son Apologie
avant de la rendre publique. Il appuie ce
qu'il dit sur la grâce, d'un grand nombre de
passages de l'Ecriture , et se moque de Pe-
lage, qui avait osé avancer qu'il était sans
tache et sans péché. Pour lui, il demeure
d'accord que l'homme avec le secours de la
grâce, peut vivre sans péché ; mais il soutient
que cela n'est jamais arrivé et n'arrivera ja-
mais, et que ce n'est point l'état de l'homme
en cette vie. Il est dit toutefois de Job qu'il
était sans crime , et il objecte que saint Paul
en parlant des qualités d'un évêque, marque
qu'il faut qu'il soit sans crime. Mais Orose xi„„ih,,.
distingue entre crime et péché. Le péché
consiste dans la pensée : on connaît le crime
par l'action. 11 donne des preuves de la force
de la grâce dans la conversion des Gentils,
6
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
montrant par divers passages que le libre
arbitre nu peut faire le bien sans ce secours.
II finit son Apologie en prenant à témoin Jé-
sus-Christ ', qu'il hait l'hérésie et non l'héré-
tique ; « mais, ajoute-t-il, à cause de l'héré-
sie, j'évite l'hérétique, puisque après l'avoir
repris, il n'a point voulu se corriger. Que
s'il veut détester son hérésie, et la condam-
ner de la bouche et de la main, je m'atta-
cherai à lui par tous les liens de l'union fra-
ternelle. »
Lettre I -13. Nous ne répéterons point ici ce que
saint Augus- t., -i, i ' • •/-.
tm. Ouvrages nous avous dit ailleurs du mémoire qu Orose
faussement ■*
attribués à présButa en forme de lettre à saint Augustin,
Orose. ^ ^
étant avec lui en Afrique en 415. On lui a
attribué un commentaire sur les Cantiques et
un traité des Hommes illustres, mais on croit
§9. que ce dernier ouvrage est d'Honorius d'Au-
tun, et l'autre d'un écrivain du même nom^.
h' Histoire universelle d'Orose a été imprimée
à Cologne en 1526, 1536, 1561, 1572, 1582,
1613, in-8», et à Paris, en 1574 et 1589, d'où
elle est passée dans les Bibliothèques de Paris,
de Lyon, [et dans \ti Bibliothèque de Galland,
tome IX.] On y trouve aussi son Apologie qui
fut imprimée avec l'épitre de saint Jérôme à
Ctésiphon, contre Pelage, à Louvain, en
Vo;cz toni.
art. IX,
1558, à Cologne en 1572, et à Paris en 1639.
Le Mémoire d'Orose , touchant les erreurs
des origénistes et des priscillianistes , se
trouve dans les diverses éditions des œuvres
de saint Augustin. [Le tome XXXI de la
Patrologie latine reproduit les œuvres de Paul
Orose d'après l'édition d'Havercamp, de Leyde
1738. On y trouve : 1° une dédicace au roi de
Norwège ; 2° une préface de l'éditeur ; 3° les
préfaces et les dédicaces des diverses édi-
tions; 4° une notice sur Orose par Galland;
5° un fac-similé du manuscrit. Viennent en-
suite les Histoires avec les nombreuses et sa-
vantes notes d'Havercamp et les médailles
dont il a enrichi son édition. Ces médailles
très-bien exécutées sont au nombre de deux
cent soixante sept, et forment un véritable
cours de numismatique pour cette époque.
Le livre apologétique contre Pelage et la
lettre consultative à saint Augustin contre les
priscillianistes suivent les Histoires. La lettre
consultative est donnée d'après Galland avec
ses noies. Morner a publié en 1844, à Berlin,
un excellent ouvrage sur Orose intitulé : De
Orosii vita ejusque historiarum libris septem
adversus pelagianos, 1 vol. in-8°.]
CHAPITRE II.
Saint Pierre Chrysologue, archevêque de Ravenne.
[Docteur de l'Eglise, après l'an 449.]
Son éduca-
tion,
1 . Saint Pierre que l'on a surnommé Chry-
sologue, comme si toutes les paroles dont
ses discours sont composés étaient d'or, fut
élevé dans la pratique ^ des exercices de la
vie monastique, sous la conduite de Cor-
neille, qu'il qualifie * un homme illustre
pour sa vie, en qui brillaient toutes les ver-
tus, et qui s'était fait connaître de tout le
monde par ses grandes actions. Il l'appelle ^
son père, parce qu'il l'avait engendré par
l'Evangile, nourri dans toute la piété qu'il
pratiquait lui-même excellemment, et qu'il
lui avait appris à servir Dieu d'une manière
toute sainte. Ce fut le même Corneille qui
étant devenu évêque, le présenta^ aux saints
autels, et le consacra pour y servir.
2. On ne sait point comment, ni en quel
temps saint Pierre fut choisi évêque de Ra-
venne ; on sait seulement qu'il pratiqua,
étant évêque, les mêmes exercices qu'il avait
pratiqués dans le monastère; qu'il atténuait'
son corps par les jeûnes; qu'il oEFrait à Dieu
pour les péchés de son peuple, ses aumônes
et ses larmes ; qu'on venait à Ravenne de
1 Ego, teste Jesu Chrisio, odisse me fateor hœresirrij
non hœreticum ; sed sicut j'usfum est, intérim propter
hœresim, hœreticum vito; quia et prohibui et corripui.
Deiestetur et damnet are pariter ac manu, et cunctis
fraternitatis vinculo hœrebit. Orosius, Apolog-, pag.
458.
2 Vossius, de Hist. latin., lih. II, cap. xiv.
3 Chrysol., serm. 107.
'> Idem, serm. 165. — ^ Ibid.
6 Ibid.
' Serm. 107.
[V SIÈCLE.]
toutes parts et des pays les plus éloignés,
pour y être témoins de ses vertus, dont il
donnait des règles autant par son exemple
que par ses paroles; qu'il était regardé
comme le gardien de la foi, et qu'il faisait
revivre en sa personne, l'apôtre dont il por-
tait le nom, invitant au salut par l'exemple
de sa sainteté, ceux qui étaient submergés
parles flots de l'erreur, et enfermant dans
les filets de sa doctrine, un grand nombre
d'hommes, non pour leur ôter la vie, mais
pour leur donner celle de la foi ; enfin qu'il
expliquait à son peuple, d'une manière fort
claire, les difficultés mystérieuses des livres
saints, semant en même temps dans les cœurs
de ceux qui l'écoutaient, les préceptes de la
justice.
Ravennede- 3. Dès l'an 408, Ravcune était métropole
eut mélro- . ^^, . . . ,
.leecciésias- civilc dc la nrovmce Flammie, comprise dans
3ue avant ^ . , . i i
10 431. la Gaule cisalpme, que 1 on nommait alors le
vicariat d'Italie ; mais son évêque dépendait
de celui de Milan, comme de son métropoli-
tain. Elle fut tirée de cette dépendance quel-
ques années après par un décret ' du Pape
et de l'empereur, qui lui accordèrent le droit
de métropole ecclésiastique. C'était, ce sem-
ble, avant l'an 431, puisque saint Pierre
Chrysologue ^ consacra, en sa qualité de mé-
tropolitain, Projectus, évêque d'Imola, légat
au concile d'Ephèse, de la part du pape saint
Célestin.
Qip.crra 4. Eu 448, saiut Germain d'Auxerre ayant
çoir'Tini entrepris le voyage de Ravenne, pour obtenir
ermain en ^ ^^ provluce de Brclague qu'elle ne fût pas
ravagée par Cocharich, roi des Allemands, fut
reçue ^ avec beaucoup d'affection et de respect
par saint Pierre Chrysologue ; il en reçut aussi
après sa mort, tous les honneurs religieux
qui pouvaient se rendre en pareilles occa-
sions; et ce saint s'estima fort heureux d'hé-
riter de saint Germain, sa coule et son cilice.
11 écrit à ^- ^^^5 le commencement de l'année sui-
.«ijrcbes. Yante 449, saint Chrysologue reçut de l'hé-
e de résiarque Eutychès une lettre circulaire pour
jÎΰit'mo' ^^® principaux évêques de l'Egfise, dans la-
ig. 35. quelle il se plaignait du jugement de Flavien
de Constantinople. La réponse que lui fit le
saint évêque est du mois de juin. Il y témoi-
CHAPITRE II. — SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.
gne à Eutychès sa douleur de voir que les
disputes sur un mystère aussi bien établi
que celui de l'Incarnation, ne finissaient
point. « Car comme la paix des Eglises nous
donne, lui dit-il, une joie céleste, de même
la division nous afflige, surtout quand elle a
de semblables causes. Les lois humaines par
un laps de trente ans, éteignent tous les dif-
férends des hommes, et après tant de siècles
on dispute sur la génération de Jésus-Christ,
que la loi divine nous propose comme inex-
plicable. Vous n'ignorez pas dans quels éga-
rements s'est jeté Origène en recherchant les
principes, et Nestorius en disputant des na-
tures. Les Mages ont reconnu Jésus-Christ
pour Dieu dans son berceau, et des prêtres
par un procédé auquel on ne peut penser
qu'avec douleur, demandent aujourd'hui qui
est celui qui est né de la Vierge et du Saint-
Esprit ? » Saint Pierre rapporte le témoignage
que les anges rendirent à la divinité de Jé-
sus-Christ dans le temps de sa naissance
temporelle ; et celui que lui rend saint Paul
dans plusieurs de ses épîtres. Puis il ajoute :
« J'ai répondu en peu de mots à vos lettres,
mon frère, et je me fusse plus étendu, si
notre frère Flavien m'eût écrit sur cette af-
faire : car, puisque vous vous plaignez vous-
même de n'avoir pas été entendu, comment
pouvons-nous juger de ce que nous n'avons
ni vu ni appris de ceux qui étaient présents?
Celui-là n'est point un médiateur équitable,
qui entend tellement une partie, qu'il refuse
d'écouter l'autre. Je vous * exhorte donc de
vous soumettre en tout à ce qui a été écrit
par le bienheureux Pape de Rome ; car saint
Pierre qui vit et préside dans son Siège,
donne la vraie foi à ceux qui la cherchent.
Pour ce qui est de nous, notre affection pour
la pais et pour la foi, ne nous permet pas de
juger les causes de la foi, sans le consente-
ment de l'évêque de cette ville. » C'est de
saint Léon dont il parle et de sa lettre à Fla-
vien. Saint Chrysologue vivait donc encore
après le 13 de juin de l'an 449, auquel cette
lettre fut écrite.
6. Mais depuis ce temps-là il n'est plus fait ^^ ^^^,
mention de lui dans l'histoire ^. On met sa ^p"^ *"•
1 Chrysolog., serm. 175. — 2 Idem, serm. 165.
3 Surius, ad diem 31 jul.
* In omnibus autem hortamur te ut his quœ a bea-
tissimo papa romanœ civitatis scripta suni ohedienter
attendas, quoniam beatus Petrus qui in propria sede
et vioit et prœsidet, prœstat quœrentibus fidei ve-
ritatem. Nos enim pro studio pacis et fidei extra
consensum romanœ civitatis episcopi causas fidei au-
dire non possumus. S. Ghrysol., Epist. ad Eutijch.,
tom. IV Concil., pag. 37.
s Voyez sur la vie de saint Ciirysologue l'oiiTrage
intitulé : Descriptio et explicatio Patenœ S. Pétri
Chrysolog. a Jounne Pastritio, à Rome 1706, in-4°,
surtout depuis la page 72.
8
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mort au 2 décembre ; et c'est en ce jour que
l'Eglise de Ravenne célèbre sa mémoire.
Dans un de ses sermons qui est le cent
quarante - cinquième , il compte ' environ
cinq cents ans depuis la naissance de Jésus-
Christ, ce qui pourrait donner lieu de croire
ou que l'évêque Pierre, contemporain d'Eu-
tycbès, est diflférent de celui dont nous avons
les discours, ou que cet évéque aurait vécu
jusque sur la fin du cinquième siècle, et sous
le règne de Théodoric. Mais nous avons déjà
fait remarquer plus d'une fois que les anciens
étaient peu exacts dans ces supputations,
surtout lorsqu'ils les faisaient en chaire.
Ainsi, il ne faut pas prendre à la rigueur ce
que saint Chrysologue dit du nombre des
années écoulées depuis la naissance du Sau-
veur jusqu'à son temps. Le discours où il
fait ce calcul est même une preuve de sa
fausseté ; car il est de même style que la
lettre à Eutychès. Or, saint Chrysologue l'é-
crivit en 449, lorsqu'il était déjà évéque.
Dira-t-on que cinquante ans après, il faisait
encore les fonctions de prédicateur? Il n'in-
sinue dans aucun de ses discours, qu'il ait
vécu sous un prince arien tel qu'était Théo-
doric; au contraire, il fait l'éloge des princes
sous lesquels il vivait, comme faisant profes-
sion de la foi catholique, comme s'étant em-
ployés ^ à faire donner à l'Eglise de Ravenne
la dignité de métropole : il dit encore ^ qu'il
prêchait un jour en présence d'une impéra-
trice catholique, mère de trois enfants, c'est-
à-dire de Placidie, mère de Valentinien, et
de deux filles^ Placidie et Eudoxie. C'était
donc avant le 27 de novembre de l'an 450,
jour auquel cette impératrice mourut; mais ce
qui prouve qu'il était mort lui-même avant
l'année 458, c'est la lettre que saint Léon
écrivit au plus tard en cette année à Néonas
son successeur * dans l'archevêché de Ra-
venne.
Be;t,eii de 1- Nous avoHs sous le nom de saint Pierre
s^fissoïïS Chrysologue, cent soixante-seize sermons,
'"" '"'■ recueillis et mis dans l'ordre où ils sont au-
jourd'hui par Félix, archevêque de Ravenne,
vers l'an 708. 11 mit à la tête de cette collec-
tion un petit prologue, où il faisait l'éloge de
ces discours et de leur auteur ^ ; si elle est
du commencement du huitième siècle ,
comme on prétend le prouver par plusieurs
manuscrits, il ne faut pas penser à attribuer
les sermons soixante-sept, soixante-huit, soi-
xante-dix, soixante - onze et soixante-douze
à saint Pierre Damien, qui a vécu long-
temps après Félix de Ravenne. Le cent soi-
xante-septième est un éloge des vertus de
saint Chrysologue : on ne peut donc soutenir
qu'il soit de lui. Le cent quarante-neuvième
porte quelquefois le nom de Sévérien, appa-
remment de Gabales : le style en parait plus
conforme à celui de saint Chrysologue, ne
fût-ce que par l'entassement de plusieurs
phrases l'une sur l'autre, qui ne signifient
que la même chose. Quelques-uns voudraient
aussi lui ôter le cent vingt-neuvième sur
saint Cyprien, et le cent trente-cinquième
sur saint Laurent, à cause de la différence
du style qui paraît en effet plus net et plus
naturel que celui de saint Chrysologue.
8. Tous ses sermons sont courts ; il crai- wée de m
sermoDE.
gnait de leur donner trop d'étendue * de
peur d'ennuyer et de fatiguer plutôt ses au-
diteurs que de les instruire. C'est pour cela
qu'ayant à traiter une matière qui demandait
beaucoup de temps, il aimait mieux la par-
tager en plusieurs discours que la traiter
dans un seul qui aurait dépassé le temps qu'il
se prescrivait ordinairement pour parler. Il
lui arrivait souvent '' de prêcher trois fois le
jour ; mais il prêchait rarement dans les
grandes chaleurs ^, pour ne pas trop incom-
moder le peuple qui venait en foule pour
l'entendre ; il en usait de même ' au jour de
Noël, peut-être à cause de la longueur de
l'office. Il s'excuse en un endroit '" de n'avoir
point prêché le jour du vendredi saint, disant
que sa parole était demeurée morte et en-
sevelie avec celui de qui il l'avait reçue. 11
marque " dans un autre, qu'en parlant de l'Hé-
mori-hoïsse, il était demeuré court, et qu'en
cette occasion il avait reconnu l'amour que
ses peuples avaient pour lui, par la pâleur
qui parut sur leurs visages, par leurs cris,
par leurs larmes, parles prières qu'ils adres-
sèrent à Dieu. Ce sermon est apparemment
' Christus circa yuingentos annos nativitatis suœ "> Léo., Epist. 135.
causas prœstat. Serin. 115.
2 Décréta beati Pétri et décréta principis christiani.
Serm. 175.
3 Adest etiam ipsa mater christiani, perennis, et
fidetis imperatoris, quœ possidere augustam meruit
trinitatem. Serm. 130.
^ Oudin, tom. I Script. Eccles., pag. 1251.
6 Serm. 120, 122, 36 et 86.
' Serm. 115 et 116.
8 Serm. 5). — 9 Serm. 146.
1» Serm. 77.
" Serm. 86.
[V^ SIÈCLE.]
CHAPITRE IL — SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.
9
le trente-cinquième où il traite de l'Hémor-
rhoïsse, et qui n'est pas achevé. Dans le sui-
vant, le saint évêque crut devoir consoler
son peuple de cet accident ; il le fit en ces
termes ' : « Les discours ordinaires ayant la
raison humaine pour principe, obéissent à
cette raison, et l'esprit en est le maître ; mais
les discours de piété sont en la main de Dieu
qui les donne, et non de celui qui les pro-
nonce. La parole divine commande et n'obéit
pas, parce que c'est Dieu même. Ainsi, celui
qui fait parler, fait aussi taire, et ses ministres
l'ont dans la bouche, non quand il leur plaît ,
mais quand il leur veut faire cette grâce.
Recevez-la donc quand elle se donne; quand
elle se refuse, attendez et priez : car celui
qui parle reçoit à proportion du mérite ou
du besoin de ceux qui l'écoutent. Zacharie
ne dédaigne pas de recouvrer par son fils la
parole qu'il avait perdue. Et vous, mes en-
fants, priez aussi afin que je reçoive la grâce
de la parole. Du reste, ne soyons pas ingrats
envers Dieu, et ne nous plaignons pas, s'il a
voulu que nous nous soyons tus une fois,
après nous avoir toujours fourni une source
abondante de sa parole. »
La plupart des sermons de saint Chryso-
logue sont sur l'Ecriture dont il explique le
texte avec autant d'agrément que de netteté.
Il en donne ordinairement le sens littéral,
puis l'allégorique, auquel il joint quelques
réflexions morales. Il explique l'Ecriture,
non de suite, mais ce qu'on en avait lu dans
l'Eglise le jour qu'il prêchait. Il y a aussi
des discours où il traite exprès du jeûne, de
l'aumône, de la prière, de l'Oraison domini-
cale, du Symbole ; d'autres où il déclame
contre l'hypocrisie, l'envie, l'avarice. Il y en
a peu de dogmatiques; ce n'est que comme
en passant qu'il s'explique sur quelques-uns
de nos mystères. Il a fait toutefois des homé-
lies sur les jours de Noël, de l'Epiphanie et de
Pâques. Nous en avons aussi de lui sur les
fêtes des Innocents, de saint André, de saint
Thomas, de saint Jean-Baptiste, de saint Mat-
thieu, de saint Etienne, de saint Laurent, de
saint Cyprien , de saint A poUinaire , et de quel-
ques autres. Tous ces discours paraissent
travaillés, les termes en sont choisis, mais
souvent peu usités, les comparaisons justes,
les descriptions suivies, ce qui suppose de
l'étude et de la réflexion. Il en a fallu aussi
pourune quantité de jeux de mots, qui parais-
sent avoir été du goût de saint Chrysologue.
la plupart de ses pensées sont belles ; mais
il y en a qui cessent de plaire quand on les
approfondit , d'autres qui sont tirées de loin
et qui viennent moins bien au sujet. Son
style est extrêmement serré et coupé, ce qui
le rend obscur et embarrassé. Il y a trop de
tours, et trop peu de naturel. Il prêcha le
cent trente-huitième discours dans un diocèse
étranger, à la prière d'un évèque qu'il ap-
pelle le père et le maître commun. Etait-ce
le Pape? ou quelque autre évêque au-dessus
des autres par ses vertus ou par son savoir ?
C'est sur quoi nous ne pouvons rien affirmer.
Il témoigne dans ce discours un grand fonds
d'humilité et de modestie ; il en fait paraître
dans tous les autres, traitant ses auditeurs
avec autant de ménagement que de charité.
Nous donnerons de suite ce qui nous y a paru
de plus intéressant.
9. « C'est, dit-il, par l'esprit ^ de Dieu que caqu-uj»
1 l't A 'j'Li» • -, de remarqua-
les prophètes ont prédit l avenir, que saint bie d^s ics
PI n-, 1 1,1 , . sermons de
lerre a connu que le tus de 1 homme était saim cbryso-
• n-i 1 T-.' • . , T logue sur
aussi l^iJs du Dieu vivant, et c est Jésus- iiicnture, u
_,, . . , , Trinité, l'In-
Christ qui a opère et parle dans saint Paul, carnation, le
, , , pèche onp-
L un de ces prophètes a composé des psau- ""'•
mes, dans lesquels, après nous avoir décou-
vert les maladies les plus secrètes de nos
âmes, il en prescrit les remèdes, les propor-
tionnant par une modération pleine de piété,
à la différence des âges et des conditions. ,>
On chantait les Psaumes ^ dans l'église.
Saint Chrysologue regarde le premier comme
la préface, comme la clef de tous les autres;
il paraît persuadé que quand on en pénètre
le sens, on vient aisément à bout d'entrer
dans les mystères que les autres renferment.
Celui de la sainte Trinité est développé *
dans les premières paroles du Symbole : Je
crois en Dieu le Père tout-puissant. Ce symbole
dit Dieu, et non les dieux, parce que la foi
1 Serm. 86.
2 Vbi sunt prophetœ per Dei Spiritum prophetantes?
Ubi cui Pater révélât ? Vbi Paulus in quo operatur et
loquitur Christus? Serm. 97.
^ Psalmus quem hodie cantavimus psalmorum prœ-
fatio est, toia causa sequentium canticorum... Iste
psalmus ubi reseraverit aditus inielligentiœ primas,
psalmorum omnium pandit mysterium. Serm. 44.
* Credo iu Deum Patrem omnipotentein. Hœc vox
totum Trinitatis fatetur et aperit sacramentum. Deum
dicit, non deos, quia unum Deum in Trinitate crédit
christiana fides ; scit Patrem, sait Filium, scit Spiri-
tum Sanctum, Deos nescit ; divinitas in personis trina
est, sed una est in Trinitate diuinitas : personis trini-
tas distincta est, non est divisa substantiis. Serm. 60.
10
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
chrétienne croit en Diea dans la Trinité.
Elle sait le Père, elle sait le Fils, elle sait le
Saint-Esprit; mais elle ne connaît point les
dieux. La divinité est dans les trois person-
nes; mais il n'y a qu'une divinité dans la
Trinité. La Trinité est distinguée par les per-
sonnes; mais elle n'est point divisée par les
substances. Dieu est un, mais en trois per-
sonnes. La Trinité ' est un seul Dieu; la ma-
jesté est une et égale dans le Père, le Fils et
le Saint-Esprit : Dieu est le nom de la Tri-
nité. La confession ^ de la Trinité est parfaite
quand nous confessons fidèlement que le
Saint-Esprit est de la même substance que
le Père et le Fils. Dieu le Père n'a pas en-
gendré 3 son Fils dans le temps, parce qu'il
ne connaît point de temps, mais il a telle-
ment engendré de lui-même son Fils, que
tout ce qui était en lui, devait être et de-
meurer dans le Fils. Ce Fils s'est tellement
fait homme *, qu'il est demeuré Dieu, et il
est tellement mort, que par sa mort, il a
rendu la vie à ceux qui étaient morts depuis
le commencement : car Jésus ^, c'est-à-dire
le Sauveur, est appelé avec justice, le salut,
parce que c'est lui qui a donné l'être aux
choses, et qui les a rachetées lorsqu'elles
périssaient. Nous disons dans le Symbole,
que nous croyons au Fils unique du Père. Il
est en effet Fils unique : ce qu'il accorde aux
autres par la grâce, il le possède par sa na-
ture unique. Ce n'était point une nécessité *
au Christ de naître; en cela il a plutôt fait
voir sa puissance. Sa naissance a été un
mystère de piété, et non pas une diminution
de la divinité; elle a été la réparation du sa-
lut des hommes, et non pas une diminution
de la substance divine. Jésus-Christ naît,
afin qu'en naissant, il remette en son en-
tier, la nature corrompue; il porte l'homme
afin que l'homme ne puisse plus tomber. Les
hommes ^ blessés par le péché du premier
homme, perdaient tout leur sang, ils allaient
originairement à la mort; cette blessure
iQortelle causait la ruine, non-seulement des
grands, mais encore des petits; non-seule-
ment des coupables, mais aussi des inno-
cents, c'est-à-dire de ceux qui n'étaient
point coupables de leur propre faute, mais
qui l'étaient de celle de leurs parents, et
dont la condition était d'autant plus déplora-
ble, qu'ils expiaient la peine d'un père,
ayant à peine goûté la vie qu'ils avaient re-
çue de lui, et la faute d'un monde qu'ils ne
connaissaient pas. 0 dure * et cruelle suc-
cession, à laquelle il ne nous est pas même
permis de renoncer! Si la nature humaine ^
avait pu se secourir elle-même. Dieu ne se
serait pas fait homme. Mais, qu'est-ce que
ce péché qui est entré dans le monde par la
prévarication d'Adam, ce péché de la nature
humaine? On peut dire '" qu'il est, par rap-
port à cette nature, ce qu'est la fumée par
rapport aux yeux, la fièvre à l'égard du
corps, un sel amer à l'égard d'une fontaine
d'eau douce. L'œil de sa nature est pur et
* Trinilas Deus unus est, in Pâtre et Filio, et Spi-
ritu Sancto ; una est tota œqualitate mai'estas; Deus
Trinitatis nomen est. Serm. 83.
3 Nunc perfecta est tua in Trinitate confessio, quando
Spiritum Sanctum unius cum Pâtre et Filio sutjstan-
tiœ fideli voce confessus est. Serm. 58. ■
3 Deus Pater non genuit in lempore, quia tempus
ignorât; non dédit initium qui initium nescit ; sed
sic genuit ex se Filium, ut totum quod in se erat,
esset et maneret in Filio. Serm. 60.
' Christus sic homo factus est, ut quod Deus est
permanerei : sic est mortuus, ut mortuos totis sœculis
sua resuscitaret ex morte. Serm. 83.
5 Et Jésus quideni, id est Salvafor, recte dicilur
salus, quia et dédit rébus esse, et idem pereuntihus
dat saiutem. Filium ejas iinicum. In se est unicus
Filius, qui quod aliis per suam graiiam donat, ipse
sibi unicam possidet per naturam. Serm. 59.
s Nasci Christum nécessitas non fuit, sed potestas :
sacramentum pietatis fuit, Deitatis non fuit detri-
mentum ; reparatio salutis humanœ, imminutio subs-
iantiœ non fuit hoc divinœ. Nascitur Christus ut nas-
cendo corruptam redintegret naturam ; portât liominem,
ne jam cadere homo possit. Serm. 148.
' Jsta est Ecclesia quœ primi hominis vulnerata
peccato, tota afjluebat sanguine, tota originaliter de-
currebat in mortem. Serm. 35. Quia prœvaricatio Âdœ
non tantum magnos, sed devorabat et parvulos ; et
non tantum noxios, sed et devastabat innoxios ; inno-
xios dico a culpa propria, non parentls; ethinc gravius
erat lamentanda conditio, quia ejus parentis solvebat
pœnam, cujus vix vitam degustarat infantulus, et lue-
bat peccatum mundi qui mundum cognitum non ha-
bebat. Serm. 112.
8 0 dura hereditas ac crudelis I nec renuntiare nos
licuit heredes. Ibid.
9 Si sibi ipsa per se natura subvenire potuissel,
numquam eam ad reparandum in se auctor ipse susce-
pisset. Ibid.
1» Hoc est peccatum naturce quod est fumus oculis,
quod febris corpori, quod dulcissimis fontibus amara
salsedo. Utique purus et lucidus est oculus per natu-
ram, sed per fumi conturbatur et obscuratur inju-
riant : ac corpus membrorum partibus et sensibus suis,
per hoc quod est a Deo condiium vigei, sed ubi vis fe-
brium cœperit et procella dominarit, totum efficitur
imbecillum ; et fontes aquarum grati sunt per suam
dulcedinem et naturam, tantum efficiuntur ingrati,
cum aliquod vitium ex accessione susceperint. Ibid.
[V= SIÈCLE.]
CHAPITRE II.
SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.
11
Ibid.
lumineux, mais il devient trouble et obscur
par la fumée. Le corps, en le considérant
dans l'état dans lequel Dieu l'a créé, est vi-
goureux dans tous ses membres et dans tous
ses sens; mais il devient faible et impotent
aussitôt qu'il est attaqué par la fièvre. Les
eaux de fontaine ont naturellement une dou-
ceur qui les rend agréables; et elles devien-
nent fâcheuses au goût si l'on y jette quelque
chose d'amer qui en ôte la douceur. »
Saint Chrysologue, en parlant des deux
natures en Jésus-Christ, semble donner dans
l'erreur de ceux qui soutenaient qu'elles
avaient été confondues par l'union qui s'en
est faite dans l'Incarnation. « La diversité '
des substances, dit-il, a cessé en Jésus-
Christ, depuis que la chair a commencé d'y
être ce qu'est l'esprit, l'homme ce qu'est
Dieu, la divinité et notre corps, une même
majesté. » Il parlait apparemment ainsi,
avant qu'il eût connaissance de l'hérésie
d'Eutychès, qui l'aurait engagé à s'exprimer
sur ce mystère avec plus d'exactitude; mais
il le fit depuis, et même assez au long dans
un de ses discours sur l'Annonciation, où il
explique ces paroles de l'Ange à la sainte
Vierge : Le Seigneur Dieu le fera asseoir sur
le trône de David son père ^. « Vous voyez, dit
saint Chrysologue, que quand Jésus-Christ
reçoit, il est appelé fils de David, et que
quand il donne, il est nommé fils de Dieu.
Il dit toutefois, fout ce que mon Père a est à
moi. Devrait-il y avoir nécessité de recevoir,
où est la puissance d'avoir? qui est-ce qui
reçoit ce qui est k lui? Nous avouons que Jé-
sus-Christ a reçu, mais c'est cet homme qui
est né, qui a été dans le berceau, qui a eu
faim et soif, qui a souffert les opprobres, la
croix et la mort, qui est entré dans le tom-
beau. »
I! ajoute, comme s'il avait parlé à Euty-
chès même : « Hérétique , attribuez à cet
homme ce qu'il a reçu. Croyez-vous qu'il
dédaigne de recevoir de l'honneur de Dieu,
lui qui n'a pas refusé de recevoir des injures
des hommes? Pensez-vous qu'il n'ait pas
voulu que Dieu lui conférât un royaume, lui
qui a souffert des supplices et la mort même
de la part de ses ennemis? Hérétique, si
vous reconnaissez que ce qui est dit de son
enfance, de ses supplices, de sa mort, des
dons qui lui ont été faits, ne regarde pas sa
divinité, mais son humanité, vous ne ferez
alors aucune injure au Fils, et vous ne met-
trez aucune diiférence entre les personnes
de la Trinité. » Il établit aussi en plusieurs
endroits la doctrine de l'Eglise contraire à
celle qu'elle a condamnée dans Nestorius.
« Nous croyons, dit-il, dansle symbole en Jésus-
Christ son fils. De qui egt-il fils? C'est de Dieu
le Père . Lors donc ^ que nous faisons profession
de croire en Jésus son fils, nous confessons
que Jésus qui est né de Marie, est Fils de
Dieu. » C'est le raisonnement de saint Chry-
sologue. Il reprend ailleurs * Nestorius et
ses sectateurs d'avoir voulu corrompre la
pureté de la foi des Latins en les obligeant
d'appeler la sainte Vierge Mère de l'homme
ou Mère du Christ, au Heu de Mère de Dieu.
(i Ce qu'ils ne pouvaient faire, dit-il, qu'en
blasphémant : car ce qui est né dans elle est du
Saint-Esprit. Or, ce qui est né du Saint-Es-
prit est esprit, parce que Dieu est esprit.
Pourquoi demandez-vous donc qui est celui
qui est né du Saint-Esprit, puisque Dieu lui-
même vous répond qu'il est Dieu? »
' Desiit in Christo suhsiantiarum diversitas, uhi
caro cepit esse guod Spiritus, quod homo Deus, quod
nostri corporis et deiiatis una majestns. Sprm. 59.
^ Dabit illi Dominus Deus sedem David patris sui.
Vides quia quondo accipii , David filins diciiur ;
quando daf, Dei filius nuncupatur. Ipse dixit : Omnia
quœ habet pater, mea sunt. Ei quœ nécessitas acci-
piendi, v,hi est hahendi patentas ? Quis accipit quœ sua
sunf? Fafemur quia accepif, sed iste gui no tus est,
qui cunalmta pertulit, qui famem sensif, qui sitim
passiis est, qui iota injuriarum gênera non refugit,
qui ascendit crucem, qui subiit mortem, qui intravii
sepulcrum ; hœretice, huic guod accepit ascrihe. Aut
putas quod honorem a Deo dedignaiur accipere qui ab
tiominibus tantas accepit injurias? Aut existimas quod
conferri sihi regnum a Paire fastidit, qui ab inimicis
pœnas mortemque suscepit? Hœretice, guod est inju-
riœ, quod infantiœ, quod temporis, quod dati, quod
accepfi, quod mortis, si iniellexeris non esse divini-
tatis sed corporis, tu nullam Filio irrogabis injuriam,
nulla tu faciès in Triniiaie distantiam. Serm. 144.
3 Et in Ghristum Jesum filium ejus. Cujits ? Utique
Dei Patris : cum dicis ergo in Jesum filium ejus,
confiieris Jesum qui natus est de Maria, Dei esse
filium. Serm. 60.
' Ventant, audiant qui requirunt quis sit quem
Maria (jenv.it: Quod in ea natum est de Spiritu Sancto
est. Ventant, audiant gui grœco turbine latinam nubi-
lare nisi sunt puritatem, hominem parientem et Ckristi-
param : ut Dei-param tollerent blasphémantes. Quod
in ea natum est de Spiritu Sancto est. Et quod de
Spiritu Sancto natum est, spiritus est, quia Deus spi-
ritus est, quid ergo requiris, quis est, qui de Spiritu
sancto natus est, cum tibi quia Deus est, Deus ipse
respondeat? Serm. 146.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sur les sa-
crements.
12
10. « Depuis que par son empire le démon
a été mis en fuite, les liens ' par lesquels cet
ennemi nous tenait dans l'esclavage, ont été
rompus, la parole nous a été rendue, nous
avons recouvré l'ouïe, nous avons été rétablis
dans notre ancien état; le diable seul gémit
en se voyant chassé de son ancienne pos-
session. C'est pour cela que lorsque quel-
qu'un d'entre les gentils se présente pour
être reçu dans l'Eglise, on chasse de lui le
démon par l'imposition des mains et par les
exorcismes; et qu'on lui ouvre les oreilles
afin qu'il puisse écouter la doctrine de la foi,
et parvenir au salut avec la grâce du Sei-
gneur. »
On voit par deux discours ^ de saint Chry-
sologue , qu'il administrait quelquefois le
baptême, hors le temps de Pâques, à quel-
ques personnes qui le lui demandaient avec
beaucoup d'instance; mais il ne marque pas
les raisons qu'elles alléguaient de ne pouvoir
attendre le temps prescrit par la discipline
de l'Eglise. Ces deux discours sont sur le
Symbole des Apôtres, parce que c'était l'u-
sage de l'expliquer à ceux que l'on préparait
au baptême. C'était encore l'usage ^ alors de
ne point permettre aux catéchumènes de
l'écrire ailleurs que dans leur mémoire, soit
pour se conformer à ce que dit l'Apôtre, que
l'on croit de cœur pour être justifié, et que
l'on confesse de bouche pour être sauvé,
soit pour empêcher que ce symbole ne par-
vînt à la connaissance des infidèles : ce qui
aurait pu se faire aisément si on l'eût écrit
sur du papier. Le baptême * de Jésus-Christ
que l'on conférait à la suite de cette instruc-
tion, régénérait et changeait de telle sorte
celui qui le recevait, qu'il le rendait nouveau
de vieux qu'il était, en sorte qu'il ne se sou-
venait plus de son ancienne vie ; et que de-
venu céleste de terrestre qu'il était, il possé-
dait par ce sacrement les choses divines. Il
n'en était pas de même de celui de saint
Jean. Ce n'était qu'une purification pour pré-
parer l'homme à la pénitence; il ne confé-
rait pas la grâce. Il ^ parait que l'on bapti-
sait encore du temps de saint Cbrysologue
par la triple immersion, qui représentait les
trois jours que Jésus-Christ avait passés dans
le tombeau.
Les novaliens prétendaient que les péchés
ne pouvaient être remis par les hommes, et
qu'il n'y avait point d'espérance de pardon
pour ceux qui avaient une fois perdu la
grâce. Le saint, condamnant ^ cette dureté,
dit au pécheur : » Ne vous désespérez pas ' :
vous avez encore de quoi satisfaire à celui à
qui vous êtes redevable de tant de dettes,
mais qui est plein de bonté. Voulez-vous
être absous? Aimez, aimez Dieu, mais aimez-
le de tout ce que vous êtes, et vous pourrez
sans peine remporter la victoire sur tous les
crimes. C'est une guerre bien douce et bien
facile, quand pour vaincre, il ne faut qu'ai-
mer. »
Il dit en parlant de l'Hémorrhoïsse qui fut
guérie en touchant le bord de la robe du
Sauveur : « Malheureux ^ que nous sommes,
nous touchons tous les jours et nous prenons
le corps du Seigneur, et toutefois nous ne
sommes point guéris de nos plaies. Il n'est
pas douteux que les chrétiens ^ qui touchent
1 Ubi imperio Christi fugalus est diabalus, vincula
solvuntur, sermo reddUur, auditus redit, homo repa-
ralur, et solus diabolus deflet diuturna se pnssessione
detrusum. Hinc est quod veniens ex gentibus imposi-
tione manus, et exorcismis ante a dœmone pmrgatur,
et apertionem aurium percipit ut fidei capere possit
auditum, ut possit ad salutem proser/uente Domino
pervenire. Serm. 52.
2 Serm. 52 et 58.
2 Boc monemus solum, ne guis committat litteris,
quod est cordi mandaturus ut credat : Apostolo sic
monente : Corde creditur ad justitiam, ore autem con-
fessio fit ad salutem. Seim. 61. Quod audisiis et
credidistis, quod confessi estis, cor haheat, niemoria
teneat, charta nesciat, scriptura ignoret,ne sacramen-
tum fidei divulgetur inpublicum, ne ad infidelem fidei
deriveiur arconum. Serm. 57.
» Per baptisma Joannis purificabatur homo ad pae-
niientiam, non promovebalur ad gratiam. Ai vero
Christi baptisma sic régénérât, sic immutat, sic ho-
minem reddit ex vetere novum ut prœterita nesciat.
non recordetur antiqua, qui de terreno cœlesiis jam
cœlestia possidet et divina. Serm. 132.
5 Audiant fidèles; intelligant quemadmodum tri-
duana Domini sepultura trina demersione figuratur
in baptismo. Serm. 113.
6 Serm. 84.
1 Sed licet in hœc recideris, licet fueris in ista
devolufus , vide ne desperes ; homo remansit tibi
unde piissimo satisfacias credilori. Absolvivis? Ama,
charitas cooperiet muHitudinem peccatorum. Ama ergo
homo Deum, et ama totus, ut possis omnia sine labore
vincere peccata. Tenerœ miliiiœ, delicati conflictus
est, amore solo de cunctis criminibus reportare victo-
riam. Serm. 94.
8 Tetigit vestimentum mulier, et curata est. Miseri
qui quotidie corpus Domini tractamus et stimimus, et
a nostris vulneribus non curamur! Serm. 33.
9 Audiant chrisiiani qui quotidie corpus Christi at-
tingunt, quantam de ipso corpore sumere possunt me-
dicinam, quando mulier totam rapuit de sola Christi
fimbria sanitaiem. Serm. 34.
CHAPITRE II. — SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.
[V SIÈCLE.]
tous les jours ce corps sacré, ne puissent en
tirer quelque remède, puisque cette femme
reçut, par l'attouchement seul de la robe de
ce divin Sauveur, ime entière guérison. » Il
enseigne que le corps de Jésus-Chi'ist formé
dans le sein de la Vierge, mort, enseveli et
ressuscité, est le même qui est sur nos au-
tels, et qui est glorieux dans le ciel. « Celui,
dit-il, qui nous a fait part de ' ses honneurs
et de son royaume, a voulu aussi que nous
lui demandions le pain qui nous est néces-
saire pour chaque jour. Mais qu'est-ce que
la pauvreté humaine peut rechercher dans
le royaume de Dieu, après en avoir reçu des
dons si divins ? Est-il possible qu'un père si
bon, si favorable et si libéral, ne veuille pas
même accorder du pain â ses enfants sans
qu'ils le lui demandent? Que deviendront ces
paroles qu'il leur adresse : Ne soyez jjoirU in-
quiets par la crainte de n avoir pas de quoi
manger, ou de quoi boire, ou de quoi vous vê-
tir? Il nous commande donc de lui deman-
der ce qu'il ne nous défend pas de désirer
avec ardeur; ce Père céleste exhorte ses en-
fants à lui demander un pain céleste. C'est
lui qui a dit : Je suis le pain qui est descendu
du ciel. Ce pain a tiré du sein de la Vierge
le grain dont il a été formé; il a comme
reçu le mélange du levain dans l'Incarna-
tion; il a été pétri dans la passion, cuit dans
le sépulcre, serré dans l'église, servi sur les
autels, et il est tous les jours distribué aux
fidèles comme une céleste nourriture. C'est
donc dans le Sacrement ^ du corps du Sei-
gneur que Dieu veut qu'on lui demande le
pain qui nous est nécessaire pour chaque
jour, et qui est comme le viatique dont nous
13
avons besoin durant le pèlerinage de cette
vie; afin qu'étant soutenus par cette divine
viande, nous puissions arriver au jour éter-
nel, à la table céleste de Jésus-Christ, et
qu'après en avoir goûté durant le cours de
la vie présente, nous en soj'ons pleinement
rassasiés dans la vie future. Nous ^ lisons
dans l'Evangile qu'un pharisien pria le Sei-
gneur de venir manger avec lui. Mais pour-
quoi, ô pharisien, voulez-vous manger avec
Jésus-Christ? Croyez en lui, soyez chrétien,
vous le mangerez lui-même. Je suis , dit le
Sauveur, le pain qui est descendu du ciel.
Dieu donne toujours plus qu'on ne lui de-
mande, car il se donne lui-même à manger
à celui qui ne souhaitait que Tlionneur de
manger avec lui; néanmoins en lui accor-
dant cette faveur plus insigne qu'il n'espé-
rait, il ne lui en dénia pas une moindre qu'il
lui demandait. Ne promet-il pas aussi volon-
tairement la même chose à ses disciples,
lorsqu'il leur dit : Vous qui avez toujours de-
meuré avec moi jusqu'à présent, vous man-
gerez et vous boirez à ma table dans mou
royaume? Celui qui s'est donné à manger à
vous durant cette vie, vous pourra-t-il rien
refuser dans l'autre de tous les biens qu'il
possède? » Saint Chrysologue n'explique pas
de quefie manière * on mangeait le corps de
Jésus-Christ, et on buvait son sang, suppo-
sant que ceux qui l'écoutaient étaient ins-
truits de ce mystère.
H . « Quand nous demandons à Dieu '^ des
grâces, il faut les lui demander avec beau-
coup d'instances et frapper par des prières
réitérées, en attendant avec une hmnble pa-
tience ses délais. Car celui qui se fâche de
Sur la priè-
re, le jeûne et
l'auméne.
' Qui nos suo et honore donavii, et regno ipse nos
ut panem quolidianum posiulemus addixit. In regno
Dei inter munera divina, guid quœrit paupertas hu-
mana? Tarn bonus, tam plus, tam largus pater pa-
nem filiis nonnisi postulatus indulget? Et ubi est :
Noiite solliciti esse quid manducetis, aut quid bibatis,
aut quid vestiamini ? Hoc petere jubet, quod prohibet
cogitare, gualenus cœlestis Pater cœ/estem punem,cœ-
lestes filiiut postulemtis hortatur, ipse dixit: Ego sum
partis qui de cœlo descendi. Ipse est panis, qui satus
in Virgine, fermentaius in carne, in passione confes-
sus, in fomuce coctus sepulcri, in ecclesiis conditus.
Hiatus altarilms cœlestem cibum quotidie fidetibus
subyninistrat. Serm. 67.
2 Sed quotidianum. et in diem vult nos in sacra-
mento sui corporis panis viaticum postuiare^ ut per
hoc ad perpetuum diem, et ipsam Christi perveniamus
ad mensam, ut unde hic gmtum sumpsimus, inde ibi
plenitudinem totasque satietutes capiamus. Serm. 68.
3 Rogas, Pharisee, ut manduces cum itlo, crede, esto
christianus et mnnducas ex ilto. Ego sum^ inquit, pa-
nis qui de cœlo desoeudi. Semper Deus majora iribuit
quani royatiir : nom se manducandum dédit, qui rO'
gabanfur ut manducandi secum fiduciam lurgiretur ;
et tamen si hoc dédit ut illud quod postulalus est non
negaret: nonne promittit hoc et sponte discipulis suis ?
Vos qui perseverastis mecum, manducabitis et bibetis
in meusa mea in reguo meo. Christiane, qui se tibi
hic manducandum dédit, quid suum tibi denegare po-
terit in futurum ? Serm. 95.
* Quemadmodum autem manducelur caro Christi,
quomodo bibalur et sanguis ejus, norunt illi qui sunt
sacramentis cœlestibus institua. Serm. 95.
s Sed dicis esto quod petere possim, pulsare quo-
modo potero cœlesie secreium ? Quemadmodum ? Ite-
rando preces et expeclando judicium largitoris, moras
dantis, palientissime sustinebo, quia quicumque, cum
semel pulsaverit, indignatur mox si non fuerit au-
difus, iste non est petitor supplex, sed est imperiosus
exactor. Serm. 39.
14
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
n'être pas exaucé dès qu'il a frappé et prié
une fois, celui-là n'est point un suppliant qui
demande une grâce, c'est un superbe qui
exige avec empire ce qu'il croit lui être dû. »
Saint Chrysologue donne pour modèle de
prière, celle que fit au milieu de la nuit cet
homme qui avait besoin de trois pains pour
les donner à un de ses amis; il les obtint par
ses importunités. Il dit que la prière * est
une des trois choses qui soutiennent la foi;
les deux autres sontle jeûne et la miséricorde.
« Ce que la prière demande, dit-il, le jeûne
l'obtient, et la miséricorde le reçoit. Mais la
prière, le jeûne, la miséricorde, sont felle-
ments liés ensemble, qu'ils se donnent mu-
tuellement la vie. Le jeûne est l'âme de la
prière, et la miséricorde la vie du jeûne.
Que personne donc ne les sépare; qui n'en a
qu'une ne possède rien. D'où il suit que ce-
lui qui prie doit jeûner, et que celui qui
jeûne doit s'exercer à des œuvres de miséri-
corde : ce qu'est ^ la cour royale sans le roi,
le jeûne l'est sans la miséricorde. Celui qui
ferme son oreille à l'infirme et à l'indigent,
criera à son tour, et il ne trouvera personne
qui l'exauce : comment même oserait-il de-
mander miséricorde, lui qui l'aura refusée
aux autres? La miséricorde et la piété du
jeûne ^ sont comme des ailes par lesquelles
l'homme est porté vers le ciel, et sans les-
quelles il rampe sur la terre. A l'exemple de
Jésus-Christ et de plusieurs prophètes, les
chrétiens jeûnent quarante jours; cette
discipline n'est point une invention * hu-
maine, mais d'une autorité divine. »
Saint Chrysologue se plaint^ que, ce jeûne
de quarante jours nous ayant été transmis
par Jésus-Christ même, quelques-uns en
aient voulu changer la disposition, en jeû-
nant moins exactement en certaines semai-
nes, et plus exactement en d'autres. Il en-
tend ce relâchement de certains aliments et
assaisonnements qu'on se permettait contre
l'usage; et veut que l'on observe le jeûne en
la manière qu'il l'a été dans les premiers
temps de son institution. Que celui qui ne
peut jeûner, n'innove rien dans cet usage;
qu'il avoue que c'est uniquement à cause de
la faiblesse de sa santé, s'il se relâche de la
rigueur ordinaire du jeûne; et qu'il supplée
à ce défaut par l'aumône. Ce Père dit •>, en
parlant de l'aumône : « Est-ce qu'un chré-
tien ne fera pas ce qu'a fait un mage? Est-ce
qu'il faudra que dans la joie de la naissance
du Sauveur, les pauvres pleurent, les captifs
gémissent, les étrangers soient dans les lar-
mes? Que personne ne prenne ce que je dis
comme une déclamation : c'est une vraie
douleur qui parle. Oui j'en suis percé, quand
je vois que les Mages ont répandu l'or dans
le berceau de Jésus-Christ, et que les chré-
tiens oublient l'autel où repose le corps de
Jésus-Christ, sans y faire aucun présent, et
cela en un temps où les pauvres souffrent
une famine cruelle, où nous sommes envi-
ronnés d'uns foule de misérables captifs
échappés à la fureur des Barbares. Que per-
sonne ne dise qu'il n'a pas de quoi donner.
Est-ce qu'on n'a pas autant que cette veuve
si louée par Jésus-Clnist même? Donnez-lui
1 Tria sunt per quce stat fides, oratlo, jejun'mm,
misericordia . Quod oratio puisât, impelrat jejunium ;
misericordia accipit. Oratio, misericordia, jejunium
dant hœc sibi invicem vitam. Est namque orationis
anima jejunium ; jejunii vita misericordia est. Hœc
nemo rescindât : nesciunt separari. Horum gui unum
liabet, ista qui siniul non hahet, nihil habet. Ergo qui
orat, jejunet ; qui jejunat, misereatur. Serm. 43.
2 Quod est sine rege aula regia, hoc est sine largi-
tate jejunium. Qui claudit aurem ne audiat infirmum,
et ipse clamabit et non erit qui exaudiat. Quomodo
petet misericordiam, qui negarit ? Serm. 42.
3 Misericordia et pietas jejunii sunt alœ per quas
tollitur et portatur ad cœlum, sine quibus jacet et
voluiatur in terra. Serm, 8.
* Videte, fratres, quod quadragesimam jejunamus :
non est humana inventio, ouctoritas est divina.
Serm. 12.
s Si ergo quadraginla dierum simp/ex, purum,
(Squale, tantis testimoniis sub tanti numéro sacra-
menti traditum nobis a Domino jejunium perdocetur :
unde ista varietas, unde novitas ista, unde hebdomudœ
nunç resoluiœ, nunc rigidœ, nunc indulgentes nimium,
nunc severœ... Jejunium sit œquale . et ut est nobis
traditum, servetur ad corporis et animœ disciplinam.
Certe qui jejunare non potest, non prœsumat inducere
novitatem : sed faleatur esse fragilitatis propriœ quod
relaxât : et rcdimat eleemosynis, quod non potest
supplere jejuniis. Serm. 166.
^ Quale est si quod fecit magus non faciat christianm?
Quale est si ad gaudium nasceniis Christi fleat pauper,
captivus gemat, hospes lamentetur, ejulet peregritius?
Ne quis me hoc dicere existimet declamantis studio,
non dolentis affectu. Doleo certe quando tego Christi
cunabula Magos rigasse aura : et video altare corporis
Christi christianos vacuum reliquisse,et in tempore hoc
presertim, quando se pauperum famés vastat : quando
se fundit iurba lamentabilis captivorum. Non habeo
nemo dicat, quando Deus ex eo quod habes, non ex eo
quod non habes quœrit; quando duo œra viduœ in
acceptum dignanter adscribit. Devoti simus creatori,
ut nobis devota sit creaiura. Proximorum nustrorum
susienfemus angustias, ut a noslris liberemur angus-
tiis. Repleamus altare Dei, ut nostra horrea repleat
fritctuuin plenitudo. Certe si non damus, quia non
accipimus, non quœramur. Serm. 103.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE II.
ce que vous avez, il en sera content. Don-
nons avec largesse h notre Créateur, afin
que sa créature nous donne de même. Enri-
chissons son autel, afln que nos greniers
soient riches. Si nous ne donnons rien, ne
nous plaignons pas de ce que nous ne rece-
vons rien. »
Il parait que c'était l'usage à Ravenne de
mettre sur l'autel toutes les oblations des
fidèles comme un sacrifice que la charité
offrait à Dieu, afin qu'il les sanctifiât lui-
même ; et qu'ensuite elles fussent employées
au soulagement des pauvres, et en d'autres
œuvres de charité.
12. Saint Chrysologue pose pour principe
qu'il n'y a rien d'inutile ' dans le culte ec-
clésiastique; que la célébration des fêtes
instituées de Dieu, ne devant point se régler
sur notre volonté, mais sur leur mérite, nous
devons suivre en ce point les traditions des
Pères, et ce que le temps a autorisé. Les fê-
tes du Seigneur ^ sont marquées du nom du
mystère qui en fait l'objet. Ainsi nous appe-
lons Nativité du Seigneur le jour de sa nais-
sance; Résurrection, le jour qu'il est ressus-
cité; Epiphanie, le jour qu'il s'est manifesté
aux hommes. Cette fête de FEpiphanie a pro-
duit, pour ainsi dire, trois preuves de la di-
vinité de Jésus-Christ; l'une est l'adoration
des Mages; Tautreestle changement de l'eau
en vin aux noces de Cana ; et la troisième
la consécration des eaux du baptême par
l'entrée de Jésus-Christ dans le Jourdain,
où Dieu le Père rendit témoignage qu'il était
son Fils bien aimé. Dans le sermon ^ sur
saint Apollinaire, il remarque qu'il est le
seul des évêques de Ravenne qui ait honoré
cette Eglise par le martyre. Il dit dans l'é-
SAINT PIERRE CHRYSOLOGUE.
18
loge * de saint Cyprien que l'on célèbre avec
joie la fêle des martyrs, afin que leurs ac-
tions se perpétuent dans la mémoire des fi-
dèles, afin encore qu'en les entendant réci-
ter on soit porté à les imiter. En parlant des
innocents ^ mis à mort par Hérode , il ensei-
gne qu'ils furent baptisés dans leur sang, et
leurs mères dans leurs larmes; et qu'ayant
eu part au martyre de leurs enfants, le glaive
qui perça ces enfants ayant pénétré jusqu'au
cœur de leurs mères, il était nécessaire
qu'ayant été compagnes de leur martyre,
elles participassent aussi à leur récompense.
Il avertit ses auditeurs que le martyre de ces
enfants ne leur était point venu par leur mé-
rite, mais par la grâce, puisqu'ils n'avaient
alors ni volonté ni libre arbitre. Il dit même
du martyre en général, que nous le devons
tout à Dieu et rien à nous ; « vaincre le dia-
ble, ajoute-t-il, livrer son corps aux tour-
ments, mépriser la vie, fatiguer le bourreau,
tirer gloire des injures, cela n'est pas des
forces humaines, mais un don de Dieu. » Saint
Chrysologue semble par ces paroles exclure
le mérite du libre arbitre. Mais si l'on y
prend garde, on verra qu'il ne combat que
l'erreur de ceux qui soutenaient que l'homme
peut faire le bien par ses propres forces.
C'est pourquoi il ajoute : « Celui qui, par
son propre courage, court au martyre, n'ob-
tient pas la couronne qui ne s'acquiert que
par Jésus-Christ. » D'ailleurs en disant que
les innocents n'ont pas reçu la gloire du
martyre par leur volonté propre ni pai' leur
libre arbitre, puisqu'à leur âge l'un et l'autre
étaient comme captifs, il suppose clairement
que ces deux facultés auraient eu part à leur
martyre, s'ils eussent été dans un âge plus
' Nulla est ecclesiastici culius infructuosa solemni-
tas, divina festivitas non pro nosiris est voluntatilius
consecranda, sed pro suis est percolenda virtutibus :
christianus animus quœ sunt traditione Patrum, et
ipsis roborata temporibus, nescit in desperationem
deducere, sed venerari ea toto desiderat devotionis
obsequio. Serm. 85.
2 Dominicœ festivUaies causas suas suis vocabulis
eloquunlur ; nani sicut nascendo Christus diem dédit
natalem, et resurgendo resurrectionis diem dédit, sic
lumine signorum diem, diem suœ illuminationis os-
tendit. Merito ego so/emnitas prœsens Epiphaniœ vo-
cabulo nuncKpalur, in qua iltuxit deitas, quœ nostra
nobis obscuratur in carne. Ma festivitas peperit tria
deitatis insignia. Per Epiphaniam Magi Christum
Dominum mysiicis muneribus confitentur... Per Epi-
phaniam Christus in nuptiis aquas saporavit in vi-
num... Per Epiphaniam Christus Jordanis alveum
baptisma nostrum consecraius intravit... Hinc est quod
Spiritiis Sanctus toto se fudit i/tapsu, quando Pater
de cœlestibus clamât : Hic est fllius meus dilectus.
Serm. 157.
3 Sei-m. 128. — '> Serm. 129.
5 Diverso modo, dono uno in lacrymis suis maires
et sui fitii suo sanguine bapiizantur. In martyrio
filiorum passœ sunt maires, nam gladius filiorum
pertransiens membra ad matruin corda pervenit, et
necesse est ut sint prœmii consortes, quœ fuerunt so-
ciœ passionis...Hocloco aftendat auditor ut intelligat
martyrium non constare per meritum, sed venire per
graiiam. In parvulis quœ voluntas, quod arbilrium,
ubi captiva fuit et ipsa natura ? De martyrio ergo
debemus totum Deo, nihil nobis. Vincere diabolum,
corpus tradere, contemnere viscera, tormenta expen-
dere, lassare tortorem, capere de injuriis gloriam, de
morte vitam, non est virtutis humanœ, muneris est
divini. Ad martyrium qui sua virtute currit, per
Christum non pervenit ad coronam. Serm. 152.
16
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avancé, et où ils eussent pu user de leur
liberté. Il dit que saint Pierre ' et saint An-
dré imitèrent dans leur martyre le genre de
moit de Jésus-Christ, l'un ayant été attaché
à la croix, l'autre à an arbre. Il dit de Za-
chée ^ qu'il ne se contenta pas d'offrir à
Dieu la moitié de ses biens; mais tout ce
qu'il avait, et lui-même; en sorte qu'élevé à
l'épiscopat, il passa du bureau d'un publi-
cain, à la table du corps du Seigneur, c'est-
à-dire à l'autel.
13. Il y a des manuscrits qui attribuent à
Discours at- '' ^
S°»ioguc'.' saint Chrysologue un sermon sur la Naissance
de Jésus-Christ, qui est le cent vingt-qua-
trième dans l'appendice de ceux de saint
Augustin; mais le style en est entlé, et n'est
point coupé comme celui de ce Père. On
trouve au contraire son génie et son style
dans les sermons soixante-treizième et qua-
tre-vingt-dix-septième du même appendice.
L'un est sur le Jeûne et la Prière, l'autre sur
la Paix. Ils ne paraissent achevés ni l'un ni
l'autre. Le soixante-unième de cet appen-
dice, est le cinquante-tioisième daus les édi-
tions de saint Chrysologue, mais beaucoup
plus long, et avec plusieurs variantes.
Il est encore sur la Paix. Le Père Labbe
, ,, „. en cite un sur la Nativité de la Vierqe. Nous
iiiolb. pag. ne l'avons pas; et il y aurait heu de croire
qu'il n'est point de saint Chrysologue, puis-
qu'on ne célébrait point cette fêle de son
temps ; si l'on ne savait que l'on a corrompu
les inscriptions de ses discours, et que dans
les manuscrits il n'y en a aucun qui soit in-
titulé de quelque fête de la sainte Vierge.
Aussi Dominique Mita, qui, dans son édition,
a suivi exactement les manuscrits, ne donne
point au sermon cent quarante-deuxième,
l'inlitulation de discours sur l'Annonciation
de la Vierge qu'il porte dans les éditions or-
dinaires. Trithème 3 attribue plusieurs lettres
à saint Chrysologue. Nous n'avons que celle
que ce Père écrivit à Eutychès. On voit par
la cent douzième de Théodoret , que les
Orientaux écrivirent à ce Père, en l'an 431 ;
mais on ne lit nulle part qu'il leur ait fait ré-
ponse.
14. La lettre à Eutychès a été imprimée Ejuionsdc
avec les Actes du concile de Chalcédoine, sesspraons.
dans les recueils des conciles. Pour ce qui
est de ses sermons, ils ont été donnés, pre-
mièrement à Cologne, en 1541 , puis en 1607,
en 1678; à Paris, en 1583 ; à Anvers, en 1618;
â Lyon, en 1636; à Rouen, en 1640; à Bou-
logne, en 1643; à Toulouse, en 1670; à Pa-
ris, en 1614 et 1670, avec les œuvres de
saint Léon, et dans les Bibliothèques des Pè-
res. [La meilleure édition des sermons de
saint Chrysologue est celle que donna, en
17S0, à Venise, en un vol. in-foL, Sébastien
Paul; elle a été réimprimée à Augsbourg,
en 1738, in-fol., et en dernier lieu dans la
Patrologie latine, tome LU. On trouve ici :
1° une préface de Paulus; 2" une vie de saint
Pierre, d'après le Pontifical d'Agnelli, édité
par Bacchinius, avec des observations sur
cette vie par ce dernier; 3° sa Vie par Ghâ-
tillon (Castillus); 4° une autre Vie par Domi-
nique Mita; 3° témoignages en faveur de
saint Pierre; 6° notice littéraire par Schœ-
nemann; 7° dissertation sur la métropole
ecclésiastique de Ravenne, par J.-A. Am.a-
désius; 8° remarques critiques sur l'authen-
ticité de quelques-uns des discours. Viennent
ensuite : 1° les discours au nombre de cent
soixante-seize, avec notes; 2° un appendice
qui contient les sermons qui avaient été at-
tribués à ce Père , au nombre de sept. La
lettre à Eutychès se trouve dans ce volume,
à la col. 71 et suiv. On la lit aussi parmi les
témoignages et dans les lettres de saint Léon-
le-Grand, édition de Ballérini où elle est la
vingt-cinquième.]
' Petrus ci'ucem, arborem conscendil Andréas, ut
qui Christo compati gestieôant, in semetipsis fiyurum,
formamque ipsius exprimèrent passionis. Serm. 133.
^ Ne (juis putet Zacckœum offerendo dimidium bo-
norum perfectionis non tenuisse fastigium, qui post
omnia sua et seipsam sicdedit Domino, ut episcopatus
honore fullus, a mensa publicani qucestus ad mensam
Dominici cnrporis perveniret. Serm. 54.
3 Petrus, arcliiepiscopus Ravennas, multa scrij)sit de
quibus ferunlur sermones et homiliœ plures, ad Euty-
chem epislola. Scripsit eliam epistolas alias. Trithem.,
de Script, eccles., cap. CLIX.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE m. — JUVÉNAL, ÉVÊQUE DE JÉRUSALEM.
1"?
CHAPITRE III.
Juvénal, évêque et premier patriarche de Jérusalem.
[458.]
1 . Juvénal, successeur de Prayle dans le
siège de Jérusalem, vers l'an 420 ou 424,
consacra \ quelque temps après, Pierre I",
évêque des Sarrazins dans la Palestine, dont
saint Eiithymius avait converti un grand
nombre. Pierre se nommait auparavant As-
pébète ; depuis on lui donna le nom d'évê-
que des camps , parce que ces Sarrazins
campaient dispersés en plusieurs quartiers.
Juvénal dédia, le 7 mai de l'an 428, l'église
de la Laure de saint Eutliymius, accompa-
gné dans cette cérémonie par le prêtre Hésy-
chius et par le célèbre Passarion, supérieur
d'un monastère de Jérusalem ou des envi-
rons. Lorsqu'elle fut unie, il ordonna diacre
Domnus, neveu et successeur de Jean d'An-
tiocbe. En 430, il reçut du pape Célestin,
une lettre pour l'engager à soutenir la doc-
trine de l'Eglise contre les nouvelles erreurs
de Nestorius. Saint Cyrille d'Alexandrie lui
en écrivit une la même année, sur le même
sujet.
2. L'année suivante il se rendit au concile
œcuménique d'Ephèse, oîi, suivant les dé-
sirs de ces deux évêques et de saint Eutliy-
mius, il agit fortement contre les adversaires
de la foi orthodose. 11 tint le second rang
dans ce concile, et quelquefois le premier.
Il prétendit s'y attribuer ^ la primauté de la
Palestine ; mais saint Cyrille s'opposa à cette
prétention, et pria instamment le pape Cé-
lestin de n'y point consentir. Juvénal n'eut
aucun égard à cette opposition. Il fut un des
huit députés ^ du concile d'Ephèse à l'empe-
reur, et du nombre de ceux qui ordonnèrent
Maximien, évêque de Constantinople.
3. En 449, il assista * au faux concile d'E-
phèse, où il parut comme défenseur de Dios-
core, évêque d'Alexandrie, qui l'était lui-
même des erreurs d'Eutychès; cela le fit sé-
parer de la communion de toute l'Eglise ^;
mais ayant depuis souscrit à la lettre de saint
Léon à Flavien, et abandonné dans le con-
cile de Chalcédoine le parti de Dioscore, le
concile le rétablit dans la communion de
l'Eglise, et lui confirma sa dignité; il eut
même part au décret de la foi, qui fut porté
en ce concile. Il y signa la condamnation ^de
Dioscore, et le canon qui fut fait en faveur
de l'Eglise de Constantinople, sur la requête
d'Aétius, archidiacre de cette Eglise. Dans
la septième action "^ de ce même concile,
Juvénal, après avoir conféré avec Maxime
d'Antioclie sur les différends qu'ils avaient
ensemble, proposa les conditions dont ils
étaient convenus pour s'accorder; elles por-
taient que le siège de saint Pieri'e d'Antio-
che aurait les deux Phénicies et l'Arabie; et
celui de Jérusalem, les trois Palestines. Les
légats du Saint-Siège , Anatolius de Cons-
tantinople , et enfin, tous les évêques du
concile consentirent à cet accommodement,
et les magistrats ^ l'appuyèrent de leur auto-
rité, déclarant nuls au nom de l'empereur
tous rescrits obtenus départ et d'autre. Saint
Léon s dans sa lettre aux évêques du concile
de Chalcédoine, ne s'explique point en ter-
mes formels sur l'accord de Maxime et de
Juvénal; mais il fait assez sentir qu'il ne
l'approuvait point, en témoignant qu'il cas-
sait absolument ce que l'ambition de quel-
ques-uns pouvait avoir obtenu dans le con-
cile de Chalcédoine, au préjudice de l'an-
cienne discipline de l'Eglise, et des décrets
de Nicée; il offrit "> même quelque temps
après à Maxime, qui se repentait de la tran-
saction qu'il avait faite avec Juvénal, de faire
tout ce qui dépendrait de lui, pour maintenir
l'ancienne dignité de l'Eglise d'Antioche ,
aussitôt qu'il lui aurait marqué clairement
* Euthym. Vita, tom. I Analect. Cot., pag. 29 et
seq.
2 Léo, Epist. 92 ad Max.
3 Tom. 111 Concil., pag. 780.
* Tom, IV Concil., pag. 113.
5 Léo, Epist. 60 et 75.
X.
•5 Tom. IV Concil., pag. 798.
■J Tom. IV Concil., pag. G13.
8 Tom. IV Concil., pag. 618.
9 Léo, Epist. 87.
w Léo, Epist. 92 ad Max.
d8
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
en quoi elle avait été blessée. Mais il faut
bien qu'il ne se soit plus élevé de contesta-
tion sur cette matière, puisque les évêques
. de Jérusalem ont toujours joui, depuis le
concile de Chalcédoine, de la dignité de pa-
triarche que Juvénal avait obtenue. Il avait
sous lui, en cette qualité, les trois Palestines.
Elles ne faisaient d'abord qu'une province ,
laquelle fut divisée en trois vers l'an 394.
Comme elles avaient chacune leur métropole,
savoir : Césarée, Scythople et Pétra, l'évê-
que de Jérusalem avait droit, comme pa-
triarche, d'ordonner les évêques de ces trois
villes. Il est surprenant que cet accord se
soit fait sans l'agrément de l'évéque de Cé-
sarée, qui, dès avant le concile de Nicée et
depuis, avait eu la juridiction sur les évê-
ques de Palestine , en qualité de métropoh.
tain; mais peut-être que Juvénal avait déjà
usurpé ce droit,
javénai est 4. Le coucile de Chalcédoine fini, Juvénal
t°ir''^'dc° s°n' s'en retourna dans la Palestine, qu'il trouva
ligliseen 4b2. , , , . , i / ti
Il revieni en soulcvce par les mornes eulychéens. Us vou-
lurent l'obhger à se rétracter, et à anathéma-
tiser la doctrine qu'il avait souscrite à Chal-
cédoine; mais n'en ayant rien voulu faire,
ces séditieux attentèrent à sa vie, ce qui l'o-
bligea de s'enfuir à Constantinople ; alors ils
s'assemblèrent dans l'église de la Résurrec-
tion, et ordonnèrent évêque de Jérusalem,
un moine nommé Théodose, qui, convaincu
de crimes par son évêque, avait été chassé
de son monastère. Cet intrus n'occupa pas
longtemps ce siège. L'empereur Marcien l'en
fit chasser en l'an 453, et le trouble étant
apaisé, Juvénal rentra dans Jérusalem après
une absence de vingt mois.
5. Théodose avait ordonné des évêques
Il tient un pQjjj, plusieurs villes de Palestine, surtout à
la place de ceux qui n'étaient pas encore de
retour de Chalcédoine. Juvénal déposa tous
ceux que ce moine avait ordonnés, et tint un
concile à Je-
ruE'ilem er
'tS3.
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
concile à Jérusalem, composé des évêques
des trois Palestines. Nous en avons la lettre
synodale ' souscrite par Juvénal , Irénée de
Césarée, Paul de Parale, et tous les évêques
de ces trois provinces. Elle est adressée à
tous les abbés et les moines de Palestine,
pour leur déclarer que l'Eghse de Jérusalem
avait toujours conservé, et conserverait sans
tache, la foi qui nous a été transmise par les
saints Apôtres; que c'est la même foi que
les Pères de Nicée nous ont enseignée dans
leur Symbole; que le concile de Chalcédoine
n'a fait que la confirmer; qu'on ne peut rien
y ajouter, ni en rien retrancher. Juvénal
rassure aussi ces abbés et ces moines contre
les calomnies des schismatiques, c'est-à-dire
des eutychéens qui avaient fait ordonner
Tbéodose , et les exhorte à demeurer fer-
mes dans la foi qu'ils ont reçue. Nous n'a-
vons plus la lettre qu'il écrivit à saint Léon;
mais il nous reste la réponse que ce saint
Pape lui fit, et une autre lettre de l'an 457,
dans laquelle il l'encourage à défendre la foi
contre les eutychéens, à ne point souffrir que
l'on mît en question les vérités qui avaient
été confirmées dans le concile de Chalcé-
doine. Juvénal reçut la même année une
lettre de l'empereur Léon sur l'usurpation
que Timothée Elure , prêtre d'Alexandrie,
avait faite du siège épiscopal de cette ville,
qui était occupé par saint Protèi'e. Il mourut
l'année suivante 458, après avoir gouverné
l'Eglise de Jérusalem environ quarante ans.
On dit que ce fut lui ^ qui commença à célé-
brer la fête de la Naissance du Sauveur;
c'est-à-dire qu'il en fit une fête particulière,
fixée au 25 décembre, au lieu qu'auparavant,
l'Eglise de Jérusalem, comme beaucoup d'au-
tres Egfises, la célébrait le sixième jour de
janvier, en même temps que celle de l'Epi-
phanie.
I
1 Tom. IV Coneil., pag
2 Basil. Seleuc, apud Combef. de Chrysost., pag. 302.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÉQUE DE CYR.
19
CHAPITRE IV.
Le bienheureux Théodoret, évêque de Cyr, docteur de l'Eglise ' et
confesseur.
[Vers l'an 457 ou 458.]
ARTICLE I".
HISTOIRE DE SA YIE.
relire
1 . Théodoret, l'un des pins savants de son
siècle, eut une naissance semblable à celle
d'Isaac, de Samuel, de saint Jean-Baptiste
et de saint Grégoire de Nazianze , ayant
comme eux, été donné de Dieu, suivant la
signification de son nom. Ce fut à la prière ^
d'un fameux solitaire nommé Macédonias,
que ses parents l'obtinrent; mais en le lui
demandant, ils promirent l'un et l'autre,
qu'ils le consacreraient à Dieu, et ils exécu-
tèrent leur promesse ^ en le lui offrant aus-
sitôt qa'il fut hors du berceau. Théodoret *
fut nourri, dès son enfance, dans la doctrine
des Apôtres, et instruit dans la foi pure da
concile de Nicée. Il était encore jeune ^lors-
qu'il lisait au peuple les divines Ecritures ;
ainsi. Ton peut croire qu'il avait été mis,
étant encore encoi-e enfant, au rang des lec-
teurs. Sa demeure ordinaireétait à Anlioche,
oîi il était né vers l'an 387; ce fut apparem-
ment en cette ville qu'il s'appliqua à l'étude
de réloquence et à la connaissance des lan-
gues étrangères : car on voit par ses ouvra-
ges, qu'outre le syriaque qui était la langue
commune de son pays, il savait encore le
grec et l'hébreu.
2. Il n'était pas fort avancé en âge lors-
qu'il perdit son père et sa mère. Alors se
voyant le maître des grands biens qu'ils lui
avaient laissés, il les distribua ^ aux pauvres,
choisissant pour son partage la pauvreté vo-
lontaire. Depuis ce temps-là il ne voulut
rien posséder en propre, ni maisons, ni
terres, n'ayant pour toutes choses que ses
habits, qui étaient même fort médiocres. Il
avait été accoutumé, étant jeune, d'aller à
un monastère situé à près de trente lieues
d'Antioche. Après la mort de ses parents, il
y fixa sa demeure, et n'en sortit que malgré
lui, lorsqu'on l'en tira en 423, pour le faire
évêque de Cyr, dans la partie de Syrie ap-
pelée Euphratésienne.
3. C'était une petite ville déserte ', fort
désagréable, qui n'avait que peu d'habitants
et tous pauvres. Quoique le territoire de Cyr
eût seize lieues de long et autant de large,
Théodoret * le représente comme peu de
chose; mais il fallait que le pays fut fertile,
du moins dans la plaine, puisqu'il compte '
huit cents églises ou paroisses dans son dio-
cèse. On croit qu'étant évêque, il continua
la manière de vie qu'il avait pratiquée dans
le monastère. Il nous apprend '" lui-même
qu'outre les prières de la liturgie qui se
faisaient dans l'église, il priait et glorifiait la
sainte Trinité, au commencement et à la fin
du jour, et dans les heures qui divisaient le
jour en trois parties. Il avait " aussi coutume
de faire coucher quelques personnes avec
lui dans sa chambre. On voit '- par ses lettres,
qu'il ne tenait ni à la dignité épiscopale,
sous le poids de laquelle il gémissait, ni à la
vie. Un de ses amis lui envoya un jour du
vin de Lesbos, en lui mandant qu'il était
fort sain, et bon pour faire vivre longtemps.
Théodoret '^ lui fit réponse que ce présent lui
était fort inutile, puisqu'il n'aspirait pas à
une longue vie, voyant les troubles et les
tempêtes dont elle est agitée.
4. Toute son attention '* dans l'épiscopat,
fut d'édifier l'Egfise de Dieu, et de plaire à
son divin époux. Rien ne pouvait l'empêcher
de dire ou de faire '^ pour la vérité et pour
Il est f.iil
évèinc de Cyr
en ;23.
Sa confluite
dnos répisco-
' L'Eglise ne lui donne pas le titre de docteur.
(U éditeur.)
'^ Théodoret., Vit. Pair., cap. siii.
3 Idem, Epist. 81. — * Idem, Epist 88.
' Idem, Vit, l'atr., cap. su.
^ Idem, Epist. 223. — 7 Idem, Episi. 32.
s Théodoret, Epist. 42. — 9 Idem, Epist. 113.
'0 Idem, Epist. 145.
" Théodoret., Vif. Pafr., cap. xxi.
12 Idem, Epist. 16. — " Idem, Epist. 13.
'* Idem, Epist. iC. — >'' idem, Episl. 79.
10
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ses amis, tout ce que sa conscience deman-
dait de lui. Pendant tout le temps qu'il fut
évêque, il ne forma ' jamais de plaintes en
justice, et personne n'en forma contre lui;
en sorte qu'on ne le vit point importuner les
magistrats, ni ses ecclésiastiques pai-aitre
dans les tribunaux des juges. Il avait pour
maxime, de recommander souvent à ses peu-
ples, les œuvres de charité; et il rend témoi-
gnage ^ à ceux de Cyr que, quoique pauvres
et en petit nombre, ils secouraient néanmoins
ceux qui avaient recours à leur assistance.
Tant dans cette ville, que dans les paroisses ^
de la campagne, les hommes et les femmes
s'assemblaient, dès le point du jour, à l'E-
glise pour y offrir à Dieu leurs prières et
leurs cantiques; ils faisaient la même chose
à la fin du jour. Théodoret ayant trouvé *
dans les Eglises de son diocèse plus de deux
cents exemplaires de la Concorde de l'Evan-
gile par l'hérésiarque Tatien, où étaient sup-
primés tous les endroits contraires à ses er-
reurs, il prit toutes ces concordes, et mit à
la place le texte ordinaire des quatre Evan-
géhstes. Il fit bâtir ^ à Cyr une église où il
mit des reliques des Apôtres et des Prophè-
tes, qu'on lui avait envoyées de Palestine *
et de Phénicie, et qu'il avait reçues solen-
nellement avec le chant des Psaumes, ac-
compagné de tout le peuple de la ville et de
la campagne. Parmi ces reliques, il y en avait
du patriarche Joseph et de saint Jean-Bap-
tiste. Il en reçut aussi de Perse ', qu'il mit
dans l'église de Citte, bourg de son diocèse.
Voulant aussi pourvoir aux besoins temporels
de Cyr, il bâtit, des revenus de l'Eglise, des
galeries ^ publiques et deux grands ponts, et
fit réparer les bains. Il fît un aqueduc dans
la ville, par le moyen duquel il la remplit
d'eau dont elle manquait auparavant, n'en
ayant que de la rivière; et de peur que cette
rivière ne continuât à se déborder, comme
il arrivait souvent, il fit construire un canal.
Il attira encore à Cyr des médecins ^ et d'au-
tres personnes de diverses professions néces-
saires. Enfin, il s'employa "* auprès de l'im-
pératrice Pulchérie, pour le soulagement de
son diocèse, tellement accablé d'impositions.
que plusieurs terres y étaient incultes.
Comme il y avait un très-grand nombre
d'hérétiques, ariens, macédoniens et mar-
cionites, il en convertit un grand nombre ",
et baptisa plus de dix mille marcionites en
huit bourgades. Il y en avait une autre pleine
d'eunomiens, et une autre d'ariens ; il les
convertit encore, en sorte qu'en 449, il ne
restait pas un seul hérétique dans le diocèse
de Cyr : mais cette moisson lui coûta beau-
coup; il ne la recueillit qu'après l'avoir se-
mée '^ avec ses larmes, et l'avoir même arro-
sée de son sang; car il fut souvent poursuivi
à coups de pierres par ceux dont il tâchait
d'amollir la dureté. Pour leur procurer la vie
de l'âme, il se trouva plus d'une fois en dan-
ger de perdre celle du corps; c'est ce qui lui
a fait donner le titre de confesseur de Jésus-
Christ. Il reconnait avoir été beaucoup aidé '^
dans ces conversions par les prières d'un
saint solitaire nommé Jacques, et des saints
dont il avait des reliques. Théodoret com-
battit '** aussi, par ses discours, les païens et
les juifs, les apollinaristes et les autres héréti-
ques; il y eut même plusieurs païens qui le
vinrent voir; il s'entretint avec eux, et réfuta
les railleries qu'ils faisaient de la religion
chrétienne. Quelquefois il sortait de son dio-
cèse pour annoncer la parole de Dieu. On
voit par ses lettres qu'il la prêcha à Bérée ">,
et encore plus souvent à Antioche; mais il
ne faisait jamais cette fonction qu'il n'en fût
prié "^ ou même qu'on ne l'y contraignît. 11
était avec cela accablé " d'une infinité de
soins pour les affaires de la ville et de la
campagne, pour celles de la police et de la
cour, pour celles du monde et de l'Egiise.
Son zèle trouva de quoi s'exercer durant la
persécution que l'EgHse de Perse soulïrit de-
puis l'an 420. 11 ne se contenta pas de re-
cueillir les rehques des martyrs et de les
faire transporter dans son diocèse ; il écrivit '^
encore aux évoques de la partie d'Arménie
soumise aux Perses, pour les exhorter à sou-
tenir les faibles dans des tentations si dan-
gereuses, à traher avec beaucoup de charité
ceux que la crainte ou la rigueur des suppli-
ces avaient fait tomber, à s'appliquer à les
1 Théodoret., Epist. 81. — s Idem, Epist. 32.
3 Vit. Pair., cap. xxx.
4 Théodoret., lib. I Hœreik. fabuL, cap. XX.
5 Idem, Epist. 66. — ^ Vit. Pair., cap. xxi.
'' Théodoret., cap. x.'iiv.
8 Idem, Epist. 79 et 81 .
2 Idem, Epist. 114 et 115. — lo Idem, Epist. /i5.
•1 Théodoret, Epist. 81, 113 et 145.
12 Idem, Epist. 81. — " .f!7. Pair., cap. sxi.
»* Idem, Epist. 113 et 145.
»s Idem, Epist. 75, 81 et 83.
" Idem, Epist. 81.
'• Théodoret., in Cant., tom. I, pag. 984 et 988.
is Epist. 77 et 78.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
relever et à guérir leurs plaies; mais tou-
jours conformément aux canons des Pères;
à donner eux-mêmes des exemples de force,
de constance et de courage. «Car un évêque,
leur dit-il, n'est pas évêque pour recevoir
les respects des peuples pendant la paix,
mais pour combattre à leur tête pendant la
guerre; les animaux même les plus faibles
et les plus farouches, nous apprennent com-
ment les pères doivent s^exposer pour leurs
enfants. C'est dans cette épreuve que l'on
voit qui sont les mercenaires, et qui sont les
vérilables pasteurs. »
S. Théodoret était lié d'amitié avec Nesto-
rius et avec Jean d'Antiocbe. Il se trouva '
en cette ville, lorsqu'on rendit à Jeau, qui
en était évêque, les lettres que le pape Cé-
lestin et saint Cyrille lui écrivaient contre
Nestorius. Consulté comme les autres évo-
ques qui étaient présents, il fut d'avis que
Jean devait écrire à Nestorius; il lui écrivit
en effet une lettre fort belle et très-ortho-
doxe, pour l'engager à faire tomber les bruits
qu'il venait d'exciter dans l'Eglise. Quelques-
uns ont cru que Théodoret avait lui-même
motivé cette lettre. La troisième de saint
Cyrille à Nestorius, à laquelle il avait joint
ses douze anathématisraes, ne plut ni à Jean
ni à Théodoret; ils en furent clioqués ^,
croyant que les anathématismes renfer-
maient l'hérésie d'Apollinaire. Théodoret les
réfuta à la prière de Jean, par un écrit assez
aigre, auquel saint Cyrille fit une réponse.
Le jugement rendu contre Nestorius avant
l'arrivée des Orientaux à Ephèse, l'approba-
tion que le concile parut donner aux anathé-
matismes de saint Cyrille ^ ne choquèrent
pas moins Jean, Théodoret et les autres évê-
ques qui étaient venus avec eux. Ils déposè-
rent saint Cyrille sans aucune formalité ca-
nonique, déclarèrent les anathématismes hé-
rétiques, se séparèrent de la communion du
concile, en cassèrent tout ce qui avait été
fait. Le concile les cita dans les formes pour
venir rendre raison d'un procédé si irrégu-
lier : sur le refus qu'ils en Orent, il les re-
trancha de la communion ecclésiastique,
avec défense d'user de l'autorité sacerdotale
jusqu'à ce qu'ils eussent reconnu et confessé
leur faute.
6. Pour terminer les divisions qui régnaient
21
entre eux et le concile d'Ephèse, l'empereur
Théodose-le-Jeune ordonna que chacun des
deux partis lui députerait huit évêques.
Théodoret fut un des huit du côté des Orien-
taux. Il est marqué qu'il était vicaire d'A-
lexandre de Hiéraple , c'est-à-dire qu'il par-
lerait pour lui. Il nous reste ■* quelques frag-
ments des discours qu'il fil à diverses per-
sonnes, pour les engager à la défense de la
foi qu'il croyait blessée dans les anathéma-
tismes de saint Cyrille, et à ne point aban-
donner Nestorius. Il n'oubha ni politesse, ni
fermeté, ni prières, pour exciter l'empereur
et son consistoire à ne pas négliger la foi ;
toutes ses sollicitations furent inutiles; on
prit à injure tout ce qu'il dit en faveur de
Nestorius. La légation des Orientaux fut sans '
effet. Saint Cyrille fut renvoyé à Alexandrie,
et la sentence de déposition rendue par le
concile contre Nestorius fut confirmée.
7. Théodoret et les autres Orientaux s'en
retournèrent chacun chez eux; mais étant à %
Bérée, ils tinrent un concile pour savoir ce
qu'ils feraient sur les nouvelles instances de
Théodose, pour les obHger de s'accorder
avec saint Cyrille. Le résultat de cette as-
semblée fut que l'on dresserait quelques ar-
ticles que l'on enverrait à saint Cyrille. Ce
saint y répondit par une lettre à Acace, où
il marquait à quelle condition il se réunirait
avec les Orientaux ; et où il faisait aussi une
exposition de sa foi, pour lever les doutes
que ses anathématismes en avaient fait con-
cevoir. Théodoret après avoir examiné cette
lettre avec soin, la trouva catholique; mais
il ne put se résoudre à abandonner Nesto-
rius. L'empereur, voyant que le schisme con-
tinuait, donna des ordres pour chasser de
leurs Eglises ceux qui refuseraient de se
réunir. 'Théodoret n'en fut point effrayé; il
fut bien plus touché des instances ^ que lui
firent saint Jacques de Nisibe le Jeune, saint
Siméon Stylite et saint Baradat; ils l'enga-
gèrent à conférer avec Jean d'Antiocbe qui
s'était déjà réuni avec la plupart des Orien-
taux. Jean le reçut avec toute sorte d'amitié,
et ayant conféré ensemble , ils convinrent
qu'on ne parlerait point de la déposition de
Nestorius, mais seulement de la foi sur la-
quelle ils étaient d'accord. A ces conditions
Théodoret se réunit avec Jean d'Antiocbe et
Théodoret
réunit avec
nt CyiiUe.
' Tom. m Concil., pag. 394.
2 Libérât., cap. iv.
' Append. Concil. Baluz., pag. 701.
i Tom. III oper. Tlieod., pag. 725, 735, 733, 533 et
53b, et tom. V, pag. 505, et 506.
'" Append. Concil. Baluz., pag. 834 et 836.
22
HISTOTRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avec saint Cyrille. Maximin d'Anazarbe et
los autres évêques de la seconde Cilicie en
firent de même; mais Alexandre d'Hiéraple
demeura inflexible, malgré les prières et les
instances que lui fit Théodoret '. Cela se pas-
sait en 43.3 et en 434. Environ deux ans
après, on demanda de nouveau la signature
de la condamnation de Nestorius. Théodoret
la refusa d'abord; mais ayant enfin reconnu
que la doctrine de Nestorius était entièrement
opposée à celle de l'Eglise catholique, il dé-
clara publiquement qu'il détestait son héré-
sie.
^^^Théojorei 8. La lettre de saint Proclus de Constanti-
^iit'ptuesie'!' nople écrite aux Arméniens vers la fin de
cydiii. '''"' l'an 436, fut une nouvelle occasion à Théo-
doret de se déclarer contre saint Cyrille.
Les Orientaux, assemblés à Antioche, ne fi-
rent aucune difficulté de souscrire à cette
lettre; mais ils refusèrent absolument de
condamner les propositions qu'on avait join-
tes à cette letlre et qu'on disait être de Théo-
dore de Mopsueste. Saint Cyrille les pressa
souvent de condamner Théodore, et il fit
même un écrit en 438, pour montrer que
c'était un impie, et que Diodore de Tarse
était coupable de plusieurs erreurs. Théodo-
ret, qui estimait particulièrement ces deux
évêques, en prit la défense dans un écrit où
il répondait à tous les passages que saint
Cyrille avait allégués contre Théodore. Cet
ouvrage, qui est cité ^ dans le cinquième con-
cile, était, ce semble, divisé en plusieurs li-
vres. Théodoret y rapportait les propres ter-
mes de saint Cyrille, et les réfutait ensuite
d'une manière assez vive. On ne voit point
que cette dispute ait eu entre eux d'autres
siiites.
Théodore! 9. Celle qu'il eut avec Dioscore, qui avait
combat I lie- , f • -î
résie .l'Eoiy- etc fait cvcque d'Alexandrie en 444, ne se
tbe?. 11 luiost ^ '
ciéfBodo de termina pas si tôt. Théodoret lui était odieux,
sortir de Lyr. ^ '
parce qu'il ne cessait point de combattre
l'hérésie d'Eutychès. Dioscore qui en était le
protecteur déclaré, suscita à Théodoret des
ennemis dans Constantinople, qui l'accusè-
rent d'être lui-même dans de mauvais senti-
ments, entr'autres de croire deux Fils ^, et
de jeter le trouble dans l'Eglise par ses dis-
cours et par les assemblées qu'il tenait fré-
quemment à Antioche. Ces calomnies furent
portées jusqu'à l'empereur Théodose, qui,
sans l'avoir entendu ni confronté avec ses
accusateurs, et sans même qa'il y eût des
accusateurs déclarés selon les formes de la
justice, lui ordonna de se retirer à son dio-
cèse de Cyr, avec défense d'en sortir. L'or-
dre fut adressé au général des armées ro-
maines dans la Syrie, qui l'envoya au comte
Rufus. Celui-ci le montra * à Théodoret qui
promit d'y obéir, ce qu'il fit aussitôt. Il sortit
d'Antioche sans dire adieu à personne, à
cause de ceux qui l'y voulaient retenir, et se
retira à Cyr; il ne laissa pas de se plaindre
à diverses personnes, entr'autres au palrice
Anatolius, au préfet Eutréchius, au consul
Nomus, et à Eusèbe, évêque d'Ancyre. « Ce
n'est pas ^, leur disait-il, que le séjour de
Cyr me déplaise, je l'aime plus que les villes
les plus célèbres, parce que Dieu me l'a
donnée en partage; mais il me paraît insup-
portable d'y être attaché par nécessité. »
Cette conduite enhardit les méchants et les
rendit plus indociles. En eflet, sa relégation
devint la terreur ^ et l'afiliction commune de
tout l'Orient. Personne n'osait parler contre
une injustice si visible, et personne ne pou-
vait s'empêcher d'en gémir. Tous les solitai-
res '' en témoignaient leur douleur par leurs
larmes, et dans toutes les assemblées de
personnes de piété, on s'exphquait sur cette
affaire, plus par des soupirs que par des pa-
roles. On ne peut guère mettre cette reléga-
tion que vers la fin de l'an Ail, ou au com-
mencement de 448. Théodoret demeura dans
son diocèse sans en sortir, jusqu'après le
faux concile d'Ephèse, c'est-à-dire jusqu'à
la fin de l'an 449. Il s'occupa pendant cette
retraite à composer divers ouvrages et à
écrire plusieurs lettres pour sa justification,
une entr'autres à Dioscore, qui n'y eut aucun
égard ^. Il souffrit au contraire que ses ac-
cusateurs l'anathématisassent pubhquement
dans l'église d'Alexandrie, et s'étant levé de
son siège, il cria lui-même avec eux : Ana-
thême. Ensuite il envoj^a des évêques à
Constantinople pour accuser Théodoret et
les Orientaux. Celui-ci s'en plaignit à Fla-
vien, et montra l'injustice del'anathème pro-
noncé contre lui par Dioscore. Domnus, évê-
que d'Antioche, envoya de son côté des évê-
ques à Constantinople, pour la défense de
Tliéodoret et des Orientaux. Ce fut par Dom-
' Appeud. Concil. Balus., pag.
2 Tom. V Concil., pas. 621.
3 Théodoret., Epist. 82.
%-ik,
4 Théodoret, Epist. 79.
6 Idem, Epist. 82. — f
8 Epist. 6 et 8.
— s Ibid.
Epist. 80, 81 et 82.
CHAPITRE IV. — THÉODOREÏ, ÉVEQUE DE CYR.
[V SIECLE.]
nus d'Antioche que Théodoret apprit qu'il y
avait * un ordre de l'empereur pour déposer
Iréne'e qu'il avait ordonné évêqae de Tyr;
l'ordre ajoutait qu'il serait chassé de son
Eglise, privé de toutes les marques et du nom
même d'évêque, et obligé de vivre dans son
pays sans en sortir, et sans se mêler d'au-
cune aEfaire. Dans l'édit qui portait cet ordre,
Théodose blâmait ceux qui avaient fait Iré-
née évêque, après avoir été marié deux fois,
ajoutant pour raison principale de son expul-
sion, qu'il voulait donner un exemple de son
aversion pour l'hérésie de Nestorius; mais
ce prince n'y apportait aucune preuve qu'I-
rénée en fût infecté; il était daté du 17 fé-
vrier de l'an 448. Théodoret ^ écrivit à Dom-
nus d'Antioche, qu'il y avait grand lieu de
douter si tout ce qui se passait à l'égard d'I-
rénée, venait de l'empereur; qu'ainsi il de-
vait répondre à ceux qui lui avaient écrit
pour lui donner part de cet édit, que l'ordi-
nation d'Irénée était trop canonique pour le
pouvoir déposer. « Je l'ai ordonné, ajoutait-
il, en exécution du décret de tous les évoques
de Phénicie, connaissant son zèle, sa gran-
deur d'âme, sa charité pour les pauvres, et
ses autres vertus. Au reste, je ne sache pas
qu'il ait jamais refusé de nommer la sainte
Vierge Mère de Dieu, ni qu'il ait eu aucune
autre opinion contraire à la foi. Quant à la
bigamie, j'ai suivi l'exemple de nos prédé-
cesseurs. Alexandre d'Antioche, avec Acace
de Bérée, ordonnèrent Diogène, bigame ;
Prayle de Jérusalem ordonna Domnin de
Césarée, bigame ; aussi Proclus de Constanti-
nople a-t-il approuvé l'ordination d'Irénée,
comme les principaux évéques de Pont et
tous ceux de la Palestine. » Irénée, informé
de l'ordre de l'empereur, voulait se retirer
de Tyr, mais il crut devoir consulter Théo-
doret sur cette démarche : il le fit sous cette
parabole ^ : « Un juge impie a donné le
choix à deux martyrs, de sacrifier aux idoles,
ou de se jeter à la mer. Le premier s'y est
précipité ; le second n'a fait ni l'un ni l'autre,
en attendant qu'on l'y jette par force. »
Théodoret approuvant la conduite du der-
nier, conseilla à Irénée de ne point abandon-
ner son troupeau qu'il n'y fût contraint. On
l'y contraignit en elïet, et on ordonna Pho-
tius évêque de Tyr à sa place.
10. Vers le même temps, Eusèbe, évêque
23
de Dorylée en Phrygie, ayant reconnu par
plusieurs conversations qu'il avait eues avec
Eutychès, qu'il donnait dans une erreur op-
posée à celle de Nestorius, essaya' longtemps
de le ramener à la saine doctrine ; mais
voyant qu'il s'opiniâtrait, et qu'il s'emportait
avec excès contre lui, contre les saints Pè-
res, et contre Dieu même, il en avertit Fla-
vien de Constantinople, où était situé le mo-
nastère dont Eutychès était abbé. Flavien
ayant assemblé un concile le 8 novembre de
l'an 448, Eusèbe de Dorylée, qui était un des
évoques assistants, présenta un libelle qui
contenait divers chefs d'accusations contre
Eutychès. Celui-ci fut cité à comparaître de-
vant le concile. Il le refusa d'abord; mais
ayant comparu ensuite, et refusé avec opi-
niâtreté de reconnaître deux natures en Jé-
sus-Christ après l'incarnation, il fut excom-
munié et déposé par le concile. Eutychès
voulant se pourvoir contre cette sentence,
obtint de l'empereur la convocation d'un
concile œcuménique à Ephèse. Ce prince
rendit Dioscore d'Alexandrie maître de cette
assemblée, dont il exclut en termes exprès
Théodoret. Comme il était ami de Flavien,
après que Dioscore eut prononcé sa sentence
contre cet évêque, il déposa aussi Théodo-
ret, quoique absent. Celui-ci s'en plaignit au
pape saint Léon par une grande lettre ^ où
après lui avoir donné beaucoup de louanges,
il dit que Dioscore l'avait condamné sans
l'appeler et sans l'entendre, absent et éloi-
gné de trente-cinq journées. Il lui fait le dé-
tail de ses travaux pour l'Eglise et de ses
écrits, « dans lesquels, dit-il, on peut voir ai-
sément si j'ai gardé la règle de la foi, ou si
je m'en suis écarté. » Il prie le Pape de lui
marquer s'il doit acquiescer à cette injuste
déposition. «Si vous m'ordonnez, dit-il, de m'en
tenir à ce qui a été jugé, je le ferai, je n'im-
portunerai plus personne, j'attendrai le ju-
gement de Dieu. Il m'est témoin que je ne
suis pas en peine de mon honneur, mais du
scandale, et de ce que plusieurs d'entre les
simples, principalement d'entre les héréti-
ques convertis, peuvent me regarder comme
hérétique , voyant l'autorité de ceux qui
m'ont condamné, et n'étant pas capables de
discerner la doctrine. » Cette lettre fut por-
tée par les prêtres Hypatius et Abraham,
chorévêques, et Alypius, exarque des moines
faax cuDcile
d'F.phose. 11
sort deCyren
KO.
' Tom. m CoticiL,
2 Epist. 110.
pag. 1215 et 1216.
3 Epist. 3.
<- Théodoret., Epist. 113.
24
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pel,
ché eD f,5Q.
de Cyr. Il écrivit par les mêmes dépulés * à
René, prêtre de l'Eglise romaine; àHilarius,
archidiacre; et à un évêque nommé Floren-
tins. Il pria en même temps ^ le patrice Ana-
tolius de lui obtenir de l'empereur, la liberté
d'aller en Occident pour être jugé par les
évêques du pays, ou du moins de se retirer
à son monastère. Cela lui ayant été permis,
il se retira, ce semble, à son monastère, près
d'Apamée; cependant on ne mit point d'é-
vêque à sa place , et ni le peuple de Cyr ni
les évêques de la province ne se mirent
en peine d'en chercher un autre. En effet,
le temps fut court depuis que Théodoret sor-
tit de Cyr, ce qui n'arriva pas avant l'an 4S0,
jusqu'à la mort de Théodose-le-Jeune, arri-
vée le 29 juillet delà même année.
Il esi rap- II. Alors Marcien, devenu maître de l'em-
pire par son mariage avec sainte PuJchérie,
sœur de Théodose, donna un ordre particu-
lier pour rappeler les évêques qui avaient
été exilés avec saint Flavien, pour la défense
de la foi catholique. Théodoret fat rappelé
nommément, ainsi qu'il paraît par ses let-
tres 3 de remerciement aux premières per-
sonnes de l'empire qui s'étaient employées à
son rappel. Sa députation ayant été bien re-
çue du Pape, il en obtint son rétablissement
dans l'épiscopat, sans qu'on eût eu à Rome
aucun égard au jugement de Dioscore. C'é-
tait avant la tenue du concile de Chalcédoine,
qui, regardant le jugement du Pape en fa-
veur de Théodoret, comme le jugement de
Dieu, le reçut aussi comme entièrement
exempt de la tache d'hérésie.
12. Il assista à ce concile par un ordre
exprès de l'empereur * notifié aux évêques
par les magistrats présents. Les évêques
d'Egypte, d'Illyrie et de Palestine s'opposè-
rent à cet ordre; mais ceux d'Orient, d'Asie
et de Thrace, demandèrent au contraire, que
Théodoret entrât pour avoir part au concile.
Les magistrats dirent que sa présence ne
porterait préjudice à personne, et que tous
les droits que les évêques pourraient avoir
contre lui et contre eux, seraient conservés;
après quoi ils le firent asseoir au miheu,
avec Eusèbe de Dorylée, en qualité d'accu-
sateurs. C'est ce qui se passa dans la pre-
mière session du concile de Chalcédoine, en
Il estnrlmis
su concile de
ChalcéJoine.
431. Dans la huitième session, les évêques ^
s'écrièrent : « Que Théodoret anathématise
Nestorius. » Théodoret voulut s'exphquer sur
sa doctrine, et justifier son innocence; mais
pressé à plusieurs reprises d'anathématiser
Nestorius, il dit : « Anathème à Nestorius, à
quiconque ne dit pas que la vierge Marie est
Mère de Dieu, et à quiconque divise en deux
le Fils unique. J'ai souscrit à la définition
de foi et à la lettre du très-saint archevêque
Léon, et je crois ainsi. « Les magistrats di-
rent qu'il n'y avait plus de difficultés sur
Théodoret, et tous les évêques s'écrièrent,
qu'il était digne de son siège, et qu'on le
rendît à son Eglise. « C'est, dirent-ils, le
jugement de Jésus-Christ. Nous l'approuvons
tous. ))
13. Théodoret, ainsi rétabli dans l'Eglise
de Cyr, avec promesse de la part des offi-
ciers de l'empereur, que ce prince lui laisse-
rait une entière liberté de la gouverner,
opina comme évêque dans les actions sui-
vantes, nommément dans la seizième et der-
nière, qui se tint le 1" novembre de l'an-
née 451, où il souscrivit ^ comme évêque de
Cyr. Il n'y a donc aucune vraisemblance,
comme le prétendirent ^ depuis les ennemis
du concile de Chalcédoine, que Théodoret n'y
ait nnathématisé Nestorius que de bouche.
Il n'y en a pas non plus qu'il ait abandonné son
évêché pour se retirer en un monastère près
de Cyr : car outre que ce fait n'est attesté
de personne, on voit que, dans une loi * du
6 juillet de l'an 452, l'empereur Marcien le
qualifie évêque. Le pape saint Léon ^ dans
la lettre qu'il lui éci-ivit le i 1 juin de l'année
suivante, lui parle comme à un évêque oc-
cupé de toutes les fonctions de l'épiscopat ;
et Théodoret '''lui-même se donne la qualité
d'évêque de Cyr, à la tête de son traité des
Hérésies qu'il composa depuis le concile de
Chalcédoine. Ce qui occasionna la lettre que
lui écrivit saint Léon, fut le bon témoignage
que ses légats lui rendirent de la doctrine de
'Théodore! , aussitôt après leur retour de
Chalcédoine. Ce saint Pape lui témoigne
dans cette lettre une estime toute particu-
lière. Il s'y réjouit d'avoir appris la victoire
qu'il avait remportée par sa foi sur l'hérésie
de Nestorius de même que sur celle d'Euty-
1 Théodoret, Epist. 116, 117 et 118.
2 Epist. 119. — 3 Epist. 138, 139 et 140.
' Tom. IV Concil., pag. 102.
^ Tom. IV Concil., pag. 620.
« Tom. IV Concil., pag. 808.
' Ibid., pag. 1773. — 8 Ibid., pag. 866.
'^ Léo, Epist. 93.
1° Tlieodoret., tom. IV, pag. 187.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V" SIÈCLE.]
chès, et de ce que le jugement rendu en sa
faveur par le Siège Apostolique , avait été
autorisé par les sufTrages de tout le concile.
Il prie ensuite Théodoret de ne s'éloigner
pas moins des erreurs de Nestorius que de
celles d'Eutychès, dans les instructions qu'il
ferait à l'avenir, soit sur le baptême, soit
dans toute autre occasion, et de ne témoi-
gner pas moins d'horreur pour l'un de ces
hérésiarques que pour l'autre, afin de ne
donner plus aucun lieu de douter de sa foi.
Il l'avertit encore qu'en combattant les enne-
mis de l'Eglise, nous devons mesurer nos
discours avec une extrême précaution; qu'on
ne doit plus disputercomme d'une chose dou-
teuse , mais établir avec une entière auto-
rité ce qui est défini dans le concile de Chal-
cédoine. Après quoi il l'exhorte de continuer
à défendre toute l'Eglise avec la même pu-
reté et le même courage qu'il avait fait pa-
raître auparavant; à travailler avec lui pour
extirper de FOrient les restes des hérésies
de Nestorius et d'Eutychès, et de l'avertir des
progrès que la saine doctrine fera dans ces
provinces. On croit communément que Théo-
doret mourut en 338. Gennade ' ne marque
pas l'année de sa mort. 11 dit en général,
qu'il mourut sous le règne de Léon-l'Ancien,
c'est-à-dire en -407 au plus tôt , et en 474 au
plus tard. Marcellin ^ suppose qu'il vivait
encore en 466, et qu'il écrivait alors contre
les hérésies de Nestorius et d'Eutychès.
14. La vie sainte et édifiante que Théodo-
ret mena dès sa première jeunesse; les tra-
vaux apostoliques dont il honora son épis-
copat; son zèle pour la conversion des enne-
mis de l'Eglise; les persécutions qu'il souf-
frit pour le nom de Jésus-Christ; son amour
pour la solitude, pour la pauvreté et pour
les pauvres; l'esprit de charité qu'il a fait
25
paraître dans toutes les occasions; sa géné-
reuse liberté dans la confession de la vérité ;
sa profonde humilité qui paraît dans tous
ses écrits; le succès dont Dieu bénit ses
soins et ses mouvements pour le salut des
âmes, l'ont rendu vénérable dans l'Eglise.
Les anciens l'ont qualifié saint ^, et appelé
un homme divin *; mais la qualité qu'ils lui
donnent ^ ordinairement, est celle de bien-
heureux. Son nom depuis sa mort fut tou-
jours récité ^ à l'autel dans l'Eghse catholi-
que, comme d'un évêque dont la foi avait
été pure ; il y en a même qui l'ont appelé ''
la colonne immobile de la foi, et un pasteur
à qui il ne manquait rien de ce qui fait les
plus grands pasteurs. Il est vrai que dans le
cinquième concile général ', on condamna
les écrits de Théodoret contre saint Cyrille ^;
mais on ne toucha point "^ à sa personne, et
plusieurs grands Papes qui ont écrit depuis
ce concile, ont parlé de Théodoret comme
d'un évêque orthodoxe, digne de leur res-
pect, et qu'ils honoraient avec le concile de
Chalcédoine.
15. Ses ouvrages font un commentaire en
forme de demandes et de réponses, swr les
huit premiers livres de la Bible; un commen-
taire sur tous les Psaumes; l'explication du
Cantique des Cantiqxies ; des commentaires
sur Jérémie, sur Ezéchiel, sur Daniel, sur les
douze petits Prophètes et sur les Epîtres de
saint Paul ; l'Histoire ecclésiastique divisée en
cinq livres ; VEraniste ou le Polpno'rphe, di-
visé en trois dialogues ; cinq livres des Fables
des Hérétiques ; dix livres sur la Providence ;
un sur la Charité; un sur saint Jean; un frag-
ment du traité des Hérésies à Sporace; réfu-
tation des douze anathématismes de saint
Cyrille ; fragment des livres cont?^e saint Cy-
rille ; et un grand nombre de lettres. Nous
Catalogue
de ses ouvra-
' Gennad.j de Vir. illustr., cap. LXXXix.
2 Marcell., ad ann. 466.
3 Theodoretus episcapus sanctus Cyri ciuilatis, scrip-
sit de incarnatione Domini adversus Eutychem et
Dioscorum. Marcellin., ad ann. 466.
* Legi ejusdem divini viri Theodoreti explanationem
Octateuchi. Photius, cod. 204, pag. 527.
» Legimus beati Theodoreti, episcopi Cyri, inter-
pretationem Danielis. Photius, Cod. 203, pag. 526.
s Ibas ergo et Theodoretus sicut reelœ fidei suscepU
sunt a synodo, et sicut rectœ fidei in divinis diptycfiis
recilantur. Tom. IV Concil., pag. 1775.
' Doctos magistros litteris dum prosequor, jure
Theodoretus inter hos censendus est, diuinus ut vir et
magister optimus, fidei orthodoxie ceu columna im-
mobilis. Hune ergo cernens cœteris in omnibus non
imparem esse maximis pastoribus, merito inter illos
hoc loco recensui. Joan. Euchaita, tom. IV Oper.
Theod., pag. 148.— s Ibid., pag. 170.
3 Parmi ces écrits se trouvent l'écrit contre les
douze anathématismes, plusieurs lettres, et en parti-
culier l'Epître aux moines d'Euphratésie, donnée en
grec et en latin dans l'édition de Sohulze, tom. IV,
pag. 1291-1306; et dans Galland, tom. IX, pag. 405-
412. [L'éditeur)
'" Quis non videat quanta temeritate plénum sif,
Theodoreti scripta superbiendodefendere, quœeurndem
ipsum constat recta post profitendo damnasse ? Dum
vero ejus et personam recipimus, et ea quœ dudmn
lutuerant, prava scripta reprobamus ; in nullo a sancta
synodi actione deuiamus : quia sola ejus tiœretice scripta
respuentes et cum synodo adhuc Nestorium insequimur ,
et cum synodo Theodoretum profitentem recta venere-
mur. Gregor. Magn., ibid., pag. 171.
26
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avons perdu ses commentaires su?^ haïe, ses
cinq livres contre saint Cyrille, son traité de
l'Incarnation, ses traités contre les Ariens,
contre les Macédoniens, contre les Apollinaristes ,
contre les Marcionites, contre les Juifs; un dis-
cours sur la Virginité ; sa réponse aux de-
mandes des mages de Perse, son livre mys-
tique, son Apologie pour Diodore de Tharse
et pour Théodore de Mopsueste ; on lui a
faussement attribué une préface sur les
Psaumes avec divers fragments d'un com-
mentaire sur le même sujet, et cinq sermons
à la louange de saint Cbrysostôme.
ARTICLE II.
LES ÉCEITS DE THÉODOHET.
§1-
Commentaire sur l'Octateuque.
{. Le premier des ouvrages de Théodoret
dans l'édition de Paris en 1642, est son com-
mentaire sur l'Octateuque, c'est-k-dire sur les
huit premiers livres de la Bible, qui sont les
cinq livres de Moïse, celui de Josué, ceux
des Juges et de Ruth *. Ces commentaires
sont intitulés : Questions sur les endroits diffi-
ciles de l'Ecriture sainte; en sorte que ce
n'est pas un commentaire suivi et continu
sur le texte de la Bible. Photius approuve
beaucoup cette méthode d'en éclaircir les
difficultés, parce qu'on les présente tout
d'un coup au lecteur, et qu'on les propose
avec plus précision, en les divisant par cha-
pitres. Us sont écrits en forme de questions
et de réponses. La question propose la diffi-
culté, et la réponse en donne la solution.
Théodoret composa cet ouvrage dans les
dernières années de sa vie ; il le rappelle
dans sa préface ^ sur les livres des Rois ; et
dans ses Questions ^ sur les Paralipomènes, il
cite celles qu'il s'était faites sur les livres des
Rois touchant la diversité des instruments
de musique. Photius parle* de ces commen-
taires comme d'un ouvrage très-utile. Théo-
Théodoret 5
prttfat. in Ge- '
nés.
doret entreprit l'explication de l'Octateuque
à la prière d'un nommé Hypace, qu'il appelle
le plus cher de ses enfants. Il était malade
lorsqu'Hypace le pria d'y travailler ; mais
son incommodité ne l'arrêta point, dans la
confiance qu'il avait au pouvoir du souverain
Maître, auquel il croyait obéir en l'entrepre-
nant : « Car c'est à lui, dit-il, à nous décou-
vrir les sens cachés sous l'écorce de la lettre
de l'Ecriture, comme il avait coutume d'ex-
pliquer ce qu'il avait d'abord dit en parabole
et d'une manière obscure dans les Evangi-
les. )) C'est à lui que Théodoret s'adresse pour
pouvoir avec son secours, pénétrer dans les
mystères que renferme le livre de la Genèse.
Mais avant de l'entreprendre, il remarque
qu'il y a deux sortes de personnes qui pro-
posent des difficultés sur les livres saints;
les uns pour s'instruire, et les autres pour
en ruiner l'autorité, en y faisant remarquer
des faussetés ou des contradictions ; il se
propose de faire voir contre ceux-ci, que
l'Ecriture sainte n'enseigne rien qui se con-
tredise, qui ne soit vrai, juste et saint, et
promet à ceux-là de satisfaire autant qu'il
sera en lui à leurs doutes et à leurs diffi-
cultés.
2. Pour suivre l'ordre des livres sacrés,
Théodoret commence par le livre de la Ge-
nèse, dont il éclaircit les difficultés dans cent ""■ ""'■
dix questions, qui ne sont pas toutes de la
même importance. Souvent après y avoir
répondu, il ajoute l'explication que Diodore
de Tarse, Théodore de Mopsueste et Origène
en ont donnée. Dans la première, il demande q„ssi. i
pourquoi l'auteur du livre de la Genèse n'a
point fait un discours sur la divinité, avant
d'entrer dans le récit de la création. A cette
demande, qui paraît éti'angère à son sujet,
Théodoret répond qu'étant à craindre que les
Israélites qui avaient longtemps séjourné
chez les Egyptiens, n'eussent appris d'eux à
honorer la créature comme Dieu, il était né-
cessaire de leur apprendre que la créature a
eu un commencement, et qu'elle a été créée
QuestioDn
surlaGenèst!,
tom.I.psg 3,
éJit. Paris,
' L'édition de Schulze contient des additions et
des variantes à ce commentaire, ainsi que pour
l'ouvrage des Questions sur les livres des Rois et des
Paralipomènes. Beaucoup de fragments de ces deux
ouvrages se trouvent dans la Chaîne sur l'Octateuque
et sur le livre des Rois, par Nicéphore. Leipsik 1772,
2 tomes in-folio.
'^ Quoniam divina freti gro.tia interpretati sumus
libros Mosis legislatoris , et Jésus prophètes, et Judi-
cum et Ruth, aye splendorem hujus lucis ut accipia-
mus iterum implorantes, explicemus Regnorum his-
torias. Théodoret., prsefat. in lib. Reg., pag. 229.
3 Musicorum autem instrumentorum differentiam
diximus in libris Regum. Théodoret. in lib. I Para-
lip., pag. 367.
' Legi ejusdem divini viri beati Theodoreti expla-
nntionem in Octateuchum , quœ inseriptionem nacta est
operi congruentem, in obscura et abstrusa Seripturœ
loca. In quibus sunt et ad libros Regum, et in Parali-
pomena. Vtilissimum autem imprimis hoc opus. Phot.,
Cod. 204, pag. S27,
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
de Dieu. Moïse a voulu aussi leur faire con-
naître le Créateur par les créatures, et il
parlait à des personnes à qui il avait déjà
donné quelques connaissances delà divinité,
lorsqu'on leur parlant en Egypte de la part
de Dieu, il leur apprit qu'il est Celui qui est,
termes qui signifient son éternité. Il enseigne
(jiiitsi. 2. (j;;5is les questions suivantes, que Moïse a eu
raison de ne point parler de la création des
anges, de peur que les Israélites extrême-
ment adonnés à l'idolâtrie ne les prissent
pour des divinités, en apprenant qu'ils sont
d'une nature invisible; qu'il est inutile de
5. savoir s'ils ont été créés avant le ciel et la
terre, ou s'ils ont été créés en même temps;
qu'il suffit de savoir que ce sont des créa-
tures dont la substance est finie; qu'ils tien-
nent leur place dans l'univers, et qu'il y en
a d'établis de Dieu pour veiller à la garde
des peuples, des nations et même des parti-
culiers; au reste, qu'il n'est pas contre la piété
de croire qu'ils ont été créés avant le ciel et
s. la terre. En expliquant ces paroles : L'Esprit
de Dieu était 'porté sur les eaux, il dit que
quelques interprètes croyaient que c'était le
Saint-Esprit même qui animait les eaux, et
leur donnait de la fécondité. Pour lui il croit
que par l'Esprit de Dieu, Moïse entend l'air,
parce que, ayant dit que Dieu avait créé le
ciel et la terre, et fait mention des eaux sous
le nom d'abîme, il devait conséquemment
parler de l'air qui s'étend depuis la superficie
des eaux jusqu'au ciel; et c'est pour cela que
l'historien sacré se sert du terme : // était
porté, qui marque la nature de l'air ; il ap-
puie cette explication de l'endroit du psaume
I, où nous lisons : Son Esprit soufflera, et les
eaux couleront ; ce qui s'entend évidemment
de l'air. Il ne connaît que deux cieux, le ciel
proprement dit, et le firmament que Dieu
composa de la substance fluide des eaux
après l'avoir condensée et rendue solide.
« Si l'Ecriture dit au pluriel : Les cieux des
cieux, c'est, dit Tiiéodoret, que la langue
hébraïque n'a point de nombre singulier
pour marquer le ciel ni l'eau. Ce fut aussi de
la lumière créée d'abord, que Dieu forma le
soleil, la lune et les étoiles; que ces parole? :
Afin qu'ils servent de signes pour marquer les
temps et les saisons, signifient que Dieu a
voulu que le soleil et la lune dans leurs ré-
volutions et leurs mouvements fussent des
signes des saisons, des jours, et de l'année.
14. Ces paroles : Faisons l'homme à notre image,
ne peuvent s'entendre des anges, puisqu'ils
THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR. 27
ne sont point de la substance de Dieu, et que
l'image de Dieu et celle des anges ne sont
point une même chose ; mais elles doivent Quicsi. 19.
s'entendre des personnes de la sainte Trinité
qui ont eu part à la formation de l'homme,
comme elles en ont à sa régénération dans
le baptême ; au reste l'image de Dieu n'est
point dans le corps de l'homme ; mais dans
son ame qui est spirituelle, intellectuelle, in-
visible et incorporelle. »
En expliquant ce qui est dit de l'arbre de 23.
vie, et de celui de la science du bien et du
mal, Théodoret dit que ces noms leur ont été
donnés, non dès le commencement, mais à 20.
cause des effets qu'ils ont produits ; que l'un
contenait la vie, parce que Dieu l'avait pro-
mise comme une récompense à Adam, s'ix
eût observé la défense que Dieu lui avait
faite de manger du fruit de cet arbre; et
que l'autre a fait connaître à l'homme ce que
c'était que le péché. Mais, dira-t-on, ceux 21.
qui avaient été créés à l'image de Dieu, ne
pouvaient-ils pas distinguer le bien et le mai
sans manger du fruit de ces deux arbres? Ils
le pouvaient, sans doute, mais ils n'en ont
fait l'expérience qu'après avoir mangé de ce
fruit. Jusque là nos premiers pères, sembla-
bles à des enfants qui n'ont point encore été
souillés par le péché, n'avaient point honte
d'être nus ; mais ils en rougirent aussitôt s».
après leur péché, comme des enfants ne peu-
vent plus souffrir cette nudité quand ils sont
dans un âge plus avancé. Par ce qui est dit
que leurs yeux furent ouverts après avoir
mangé du fruit, Théodoret entend par là les 33-
remords de conscience qui suivent le péché.
11 ne croit pas que Dieu ait créé l'homme
immortel ; mais il dit qu'il ne prononça l'ar- "■
rêt de sa mort qu'après son péché, afin que
lui et ses descendants eussent de l'horreur
du péché, comme étant la cause de leur
mort. Il ajoute qu'Adam chassé du paradis, 40.
fut mis dans un lieu qui n'en était pas éloi-
gné, afin que la vue de l'Eden le fit ressou-
venir de son péché. Quant aux chérubins qui
furent mis à la porte du paradis , Théodore
de Mopsueste, cité en cet endroit, dit qu'on
ne doit point entendre par là des anges ni
des esprits invisibles , mais des spectres et
des fantômes, qui sous la figure d'animaux
terribles, fermaient à Adam l'entrée du pa-
radis. Par les enfants de Dieu, Théodoret n.
croit qu'il faut entendre ceux d'Enos, parce
qu'il est dit de lui qu'il invoqua le nom du
Seigneur, ce qu' Aquila a rendu de cette sorte :
28
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
« On commença alors à nommer Enos du
nom du Seigneur, d'où ses enfants tirèrent
le nom d'enfants de Dieu, comme nous avons
le nom de chrétiens, à cause de Jésus-Christ
Gen is, 22 uotre Seïgneur. » Il est dit dans l'Ecriture,
""*■ que Cham, père de Chanaan, ayant trouvé
son père dans un état indécent, sortit dehors
OiiKt. 58. et le vint dire à ses frères ; toutefois il est dit
au même endroit que ce fut Chanaan. Théo-
dore! explique cette contrariété apparente,
en disant, que Chanaan vit le premier Noé
en cet état, et qu'il le vint dire à Cham, son
c9. père. Il remarque que mal à propos quel-
ques-uns ont entendu la chaux vive par le
bitume employé à la constrution de la tour
de Babel ; qu'il avait appris lui-même de
ceux qui avaient voyagé en Assyrie, que l'eau
de ce pays-là entraîne avec soi du bitume
dont on fait des briques ; que comme il n'y a
pas de pierres, ou qu'elles y sont très rares,
on ne peut y faire de chaux ; et que les ha-
bitants sont contraints de se servir de briques
60. pour leurs bâtiments. Des noms d'Adam, de
Caïn, d'Abel et de Noé qui sont syriaques, il
infère que cette langue est la plus ancienne de
toutes; et ne croit pas que l'hébraïque ait tiré
son nom d'Héber, mais de ce qu'Abraham
en passant de la Chaldée dans la Palestine,
61. avait travei'sé l'Euphrate : car, dans la lan-
gue syrienne, on nommeHébra celuiqui passe
un fleuve. Il blâme ceux qui accusaient ce
patriarche d'intempérance, lorsqu'il prit Agar
pour concubine, disant qu'il ne l'avait fait
qu'à la prière de sa femme qui était stérile,
et dans un temps où, ni la loi naturelle, ni la
loi écrite, ne défendaient point la pluralité
8,. des femmes. Sur la question : Pourquoi Dieu
qui connaît toutes choses, avait tenté Abra-
ham pendant trois jours pour savoir s'il en
était aimé ?Théodoret répond que Dieu ne mit
point ce patriarche à l'épreuve pour appren-
,3 dre ce qu'il savait déjà, mais a6n d'appren-
dre à ceux qui ne le savaient pas combien il
aimait Abraham, et combien il en était aimé.
Il prétend que le but de Rachel en emportant
les idoles de son père, ne fut point qu'elle
eût encore de l'inclination pour ces fausses
divinités, comme quelques-uns l'ont avancé ;
gj mais que son dessein était de détourner par
ce vol son père du culte impie des démons.
En effet, l'Ecriture rend témoignage à la piété
de Rachel, lorsqu'elle dit que Dieu se souvint
d'elle, qu'il exauça sa prière et la rendit fé-
conde. On lit dans la Genèse, que Joseph
acheta toutes les terres d'Egypte, excepté
celle des prêtres, à qui on fournissait par ordre
du roi une certaine quantité de blé des gre-
niers pubhcs. Sur quoi Théodoret remai-que quisi. ioi.
que sous les princes chrétiens, les prêtres
de celui qui est véritablement Dieu, sont
moins favorisés que ne l'étaient les ministres
et les prêtres des faux dieux, parmi des peu-
ples aussi impies que les Egyptiens.
3. Il est dit dans l'Exode que Moïse s'étant (jnesuous
, , ■ 1 ' 1 1 . T sur l'Exode,
approche pour considérer le buisson ardent, pag. ".
Dieu lui dit d'ôter ses souliers, parce que le
lieu où il était, était une terre sainte. Théo-
doret rend deux raisons de ce commande-
ment. La première que Dieu voulait par là Q„a.st. 7.
imprimer à Moïse un profond respect pour
sa présence, qui le rendît attentif à ce qu'on
lui commandait. La seconde, pour lui ap-
prendre de quelle manière il fallait que les
prêtres servissent dans le tabernacle: «car ils
quittaient, dit-il, leurs souliers dans leurs
fonctions sacrées, et lorsqu'ils offraient des sa-
crifices.» Sur ce qui est dit, que ce législateur, io.
ayant mis par ordre de Dieu sa main dans
son sein, l'en retira pleine de lèpre, Théo-
doret dit que Dieu voulut l'avertir par ce si-
gne, de ne point s'élever des grands prodiges
auxquels cette main avait servi d'instrument;
à quoi il ajoute que si Dieu ne lui ôta pas la
difïiculté qu'il avait de parler, ce fut afin de
faire éclater davantage sa puissance divine, n.
comme il a fait depuis, en prenant pour pré-
dicateurs de la vérité, des gens de la lie du
peuple. Il prouve par une suite de passages ,;
du livre de l'Exode, que ce ne fut pas un
ange qui apparut à Moïse dans le buisson
ardent ; mais le Fils unique de Dieu appelé
ange en cet endroit, parce qu'il est effective-
ment l'ange du grand conseil. Il s'étend
beaucoup à montrer que l'endurcissement
de Pharaon venait de lui-même ; que quand
il est dit que Dieu l'endurcit, cela ne doit
point se prendre à la lettre , mais s'entendre
ou de la prescience de Dieu, qui avait prévu
l'endurcissement de Pharaon, ou de la résis-
tance que ce prince opposa aux eflbrts que
Dieu fit pour amollir la dureté de son cœur.
Il insiste particulièrement sur ces paroles :
Pharaon voyant que la pluie, la grêle et les ton- Exod. g, si
nerres avaient cessé, augmenta encore son péché.
Son cœur et celui de ses serviteurs s'appesantit
et s'endurcit de plus en plus, et il ne laissa pas
aller les enfants d'Israël, selon que Dieu l'avait
dit à Moïse. Moïse n'a rapporté toutes ces quœsi. 12.
particulai'ités que pour montrer que Pharaon
n'était point d'une nature mauvaise par elle-
Joan. IX,
Qaœst. 18
[v" SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
même, et que Dieu n'avait ni endurci son
cœur, ni rendu rebelle à ses ordres : car ce-
lui qui penche tantôt d'un côté, tantôt d'un
autre, comme faisait Pharaon en promettant
de laisser aller les enfants d'Israël, puis le
leur refusant, fait voir qu'il a la libre dispo-
sition de sa volonté. Pour expliquer néan-
moins comment on peut dire que Dieu en-
durcit quelqu'un, il se sert de cet exemple
familier : « On dit que le soleil fond la cire
et qu'il endurcit la boue, quoiqu'il n'y ait en
lui qu'une seule vertu qui est celle d'échauf-
fer; de même la bonté et la patience de Dieu
produit deux effets contraires dans diverses
personnes ; elle est utile aux uns et rend les
autres coupables; ce qui fait dire qu'elle
convertit les uns et endurcit les autres. C'est
ce que le Seigneur a déclaré dans les saints
Evangiles, en disant : Je suis venu dans ce
monde, afin que ceux qui ne voient pas, soient
éclairés, et que ceux qui voient, deviennent aveu-
gles. Non que Jésus-Christ soit venu dans le
dessein d'aveugler ceux qui voient, puisque
au contraire, il veut ^Me tous les hommes soient
sauvés, et vienneyit à la connaissance de la vé-
rité : mais il marque par ces paroles ce qui
est arrivé. Car l'homme jouissant du libre
arbitre, ceux qui ont cru se sont sauvés, et
ceux qui n'ont pas cru, ont été eux-mêmes
les auteurs de leur damnation. C'est ainsi que
Judas, qui connaissait sans doute la vérité,
puisqu'il était apôtre, est devenu ensuite
aveugle. Saint Paul, au contraire, qui était
aveugle avant que Jésus-Christ lui apparût,
a depuis reçu la vue. C'est ainsi encore, que
par la venue du Sauveur, plusieurs d'entre
les Juifs ont été aveuglés, et les Gentils éclai-
rés. Il ne fallait pas néanmoins parce que
quelques-uns ne devaient pas croire, que le
mystère de l'Incarnation ne s'accomplît pas ;
autrement le monde aurait été privé du salut.
Théodoret remarque que quelques-uns attri-
buaient à Tart magique les prodiges que
Moïse opéra en présence de Pharaon; mais
ce qui prouve qu'il ne les opérait que par la
vertu de Dieu, c'est qu'il en fit que les magi-
ciens de Pharaon ne purent pas imiter; leurs
verges, il est vrai, se changèrent en serpents,
mais celle de Moïse les dévora. Ils purent
bien changer l'eau en sang; mais ils n'eurent
pas le pouvoir de faire que l'eau du fleuve
changé en sang redevînt de l'eau. Ils produi-
sirent des grenouilles, mais ils ne purent en
délivrer les maisons des Egyptiens. Mais,
demandera quelqu'un, si Moïse avait changé
— THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR. 29
en sang toute l'eau d'Egypte, en quel endroit
les magiciens purent-ils en trouver pour imi-
ter ce prodige? « La mer, répond Théodoret,
était dans le voisinage, et ils en pouvaient
tirer de là, car Moïse n'avait changé en sang
que l'eau bonne à boire. » Il dit que ce com-
mandement: Vous ne prendrez point en vain le
nom du Seigneur, défend de prononcer ce
saint nom sans raison, si ce n'est dans la
prière, ou lorsqu'il est besoin d'enseigner les
autres, ou dans quelque occasion nécessaire,
car il y en a plusieurs qui ont coutume de le
prononcer à tout propos, soit en jouant, soit
en riant, ce que je crois être défendu par la
loi de Dieu. « La loi ordonnait de percer l'o-
reille avec un poinçon à un esclave qui re-
cevait, dit Théodoret, cette marque ignomi-
nieuse, pour le punir de ce qu'il trvait préféré
la servitude à la liberté. Celte marque le fai-
sait aussi souvenir qu'il devait à son maître
une obéissance si entière, qu'il ne lui était
point permis de sortir même de la maison de
son maître, sans son ordre. » D'après Théo-
doret, si Dieu ne donna pas aux Israélites
toute la terre qu'il leur avait promise, c'est-
à-dire jusqu'à l'Euphrate, ce fut parce qu'ils
refusèrent d'observer la loi qu'il leur avait
donnée. Dieu leur laissa exprès des enne-
mis à combattre, afin que sentant le besoin
qu'ils avaient du secours de Dieu, il l'implo-
rassent. Dieu qui leur avait commandé de
bâtir dans cette terre de proraission un tem-
ple à sa gloire, où ils célébreraient les divins
offices, leur ordonna aussi de porter avec
eux dans le désert un tabernacle où ils pus-
sent offrir leurs prières et des sacrifices, afin
qu'ayant réglé lui-même le culte qu'ils de-
vaient lui rendre, ils ne s'adonnassent point
à celui des démons. Il remarque que dans le
temps de guerre on pouvait connaître par les
pierres du Rational que le grand-prêtre por-
tait sur sa poitrine, si l'on remporterait la
victoire, ou si l'on serait battu de l'ennemi.
Lorsqu'il est question de mesures ou de poids
dans l'Ecriture, Théodoret est d'avis que l'on
s'en rapporte à ce qu'en a dit l'historien Jo-
sèphe qui connaissait parfaitement la valeur
des unes et des autres cliez les Juifs.
On voit par ce que nous avons rapporté des
Questions de ce Père sur la Genèse et l'Exode,
qu'il n'y cherche point à allégoriser; mais
qu'il s'attache presque toujours à l'explica-
tion de la lettre et de l'histoire, en prenant
pour l'ordinaire le sens le plus simple et le
plus naturel.
Quœst. 20
30
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ouesiioM 4. Mais dans celles qu'il a faites sur le Lé-
que.teNorà' vîtique, il en explique ordinairement le texte
rcs, p. . d'une manière allégorique, rapportant aux
cérémonies et au sacrifice de la loi nouvelle
ce qu'on lit dans ce livre des cérémonies et
des sacrifices de la loi ancienne. Par exem-
ple, en expliquant ce qui est dit des deux
boucs que le grand-prêtre devait présenter
devant le Seigneur à l'entrée du tabernacle,
dont l'un était destiné pour le Seigneur, et
l'autre pour le bouc émissaire, il parle ainsi :
Quio-t 21 " ^^^ deux boucs étaient visiblementla figure
de Jésus-Christ ; un seul n'aurait pu marquer
les deux natures en Jésus-Christ, l'une pas-
sible et l'autre impassible ; mais celui qui
était offert marquait très-bien l'humanité
sainte, qui étant mortelle a pu souffrir et
mourir. L'autre, qui étant chargé de tous les
péchés du peuple était renvoyé libre dans le
désert, figurait la divinité qui est impassible
32. et immortelle. Cette façon d'expliquer l'Ecri-
ture ne l'empêche pas de rechercher souvent
le sens de la lettre, comme on le voit par la
question trente-deuxième où il traite des
fruits de la terre que les Israélites devaient
offrir à Dieu eu certains jours de fêtes. Il
rapporte au sens moral ce qui est dit au
même endroit des mêmes arbres dont ils
se devaient faire des loges pendant la fête
des tabernacles. Il suit la même méthode
dans le livre des Nombres, tirant des ins-
tructions pour les mœurs, de plusieurs oi'-
donnances renfermées dans ce livre. Sur ce
QQœst.'iT."^' que le beau-père de Moïse y est appelé Ra-
guel, au lieu que dans l'Exode on le nomme
Jéthro, il dit qu'il avait deux noms, comme
Jacob qui s'appelait aussi Israël, et comme
Thomas qui portait encore le nom de Di-
45 dyme. 11 ne doute pas que Balaam ne con-
sultât ordinairement le démon, quoiqu'il lui
donnât le nom de Seigneur, afin de passer
j^ pour un vrai prophète. Mais il dit que ce faux
prophète ayant reconnu par sa propre ex-
périence qu'il ne profitait de rien par son
art magique, n'usa plus à l'avenir de ses si-
gnes ordinaires, et qu'il se livra entièrement
au service de Dieu. Il réfute ceux qui soute-
naient que Balaam n'avait rien prédit tou-
chant notre Sauveur; et il montre que comme
Dieu avait révélé l'avènement de son Fils à
l'impie Nabuchodonosor, il avait de même
aussi prédit par Balaam le salât de tout le
monde, afin que cette prédiction se conser-
vât parmi les gentils, comme parmi les Juifs.
« L'événement, ajoute ïhéodoret, a vérifié
les prophéties de Balaam touchant notre
Sauveur, de même que celle qu'il avait faite
touchant la victoire que les Macédoniens de-
vaient remporter sur les Perses. » Mais ce
Père attribue toutes ces prédictions non à la
magie dont Balaam faisait profession, mais
à la vertu du Saint-Esprit. « Pourquoi, de-
mande Théodoret, est-il écrit que l'homicide
involontaire ne pourra sortir de l'asile où il
s'est réfugié, ni retourner en sa ville avant
la mort du grand-prêtre ? C'est, répond-il,
afin que la douleur particulière de celui dont
le parent avait été tué, s'adoucit par le laps
de temps qui pouvait quelquefois être fort
long, et que ce délai tempérât la colère de
celui qui désirait venger son sang. » Selon so.
ce Père, on peut entendre par le grand-prê-
tre Jésus-Christ, dont la mort a été la ré-
demption du genre humain. A cette autre
question : Pourquoi Dieu voulut que les tribus
demeurassent toujours séparées ? il répond
que ce fut afin que la race de Juda de la-
quelle il avait promis que naîtrait celui qui ui.
serait la bénédiction des nations, se conser-
vât toute pure ; que néanmoins la tribu royale
et sacerdotale se mêlaient ensemble, parce
que Jésus-Christ Notre-Seigneur devait être
selon son humanité roi et pontife.
5. Il commence ses Questions sur le Deuté- Questions
... -, -I T sur le Deuté-
ronome, par l'explication du nom de ce livre, ronome, paj.
qui signifie seconde loi. Puis venant à ce qu'il
contient, il dit que Jésus-Christ nous a ex-
pliqué ce premier précepte du Décalogue :
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout
votre cœur, par ces paroles : Nul ne peut ser-
vir deux maîtres en même temps Ce qui si- q^^sl^.
gnifie que notre amour ne doit point être
partagé entre Dieu et les richesses, entre
Dieu et une femme, ou des enfants, ou des
amis ; mais qu'il doit être entièrement con-
sacré au Créateur, et que l'on ne doit aimer
qu'après lui et pour lui tous ceux que l'on
est obligé d'aimer ses parents, sa femme,
ses enfants, ses frères et ses amis. En expli-
quant cet autre précepte : Vous ne tenterez
point le Seigneur votre Dieu , il dit que c'est
le tenter, que de s'exposer à quelque péril
sans nécessité et sans raison, ainsi que Jé-
sus-Christ le dit au démon, lorsqu'il voulait
lui persuader de se jeter en bas du haut du
temple. Il remarque que Dieu voulant dé-
truire parmi les Israélites tout désir d'idolâ-
trie, et sachant que le démon se servait des
réjouissances publiques et des festins pour
attacher A son culte les infidèles, se servit de
[■V« SIECLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
31
ces moyens pour en retirer un peuple aussi
charnel qu'étaient les Juifs, en leur prescri-
QuTst. 10. vant des ordonnances touchant ces fêtes, en
leur permettant des sacrifices, en tolérant
chez eux l'usage des instruments de musique,
et en leur recommandant de se réjouir. 11 dit
ensuite que les défenses si souvent réitérées
aux Israélites de manger du sang des bêtes,
avaient pour but de leur inspirer encore plus
d'horreur de l'homicide, et de leur faire com-
prendre que si Dieu punissait celui qui au-
"■ rait mangé du sang des animaux sans raison,
il punirait encore plus sévèrement celui qui
oserait séparer d'avec le coi-ps de l'homme
son âme qui est raisonnable. Voici sa réfle-
xion sur ces paroles du seizième chapitre :
Vous exécuterez tout ce qui est de la justice dans
la vue de la justice, « c'est-à-dire vous agirez
suivant l'intention d'un homme juste ; vous
ne ferez point le bien dans la vue de plaire
aux hommes et par vaine gloire, mais pour
l'amour du bien même. Car on en voit, dit-il,
quelques-uns qui n'ayant pas un véritable
amour de la justice, ne laissent pas de faire
16- paraître extérieurement qu'Ms l'ont en véné-
ration, dans le dessein de plaire en quelque
sorte à ceux qui l'aiment véritablement. » 11
regarde la défense que Dieu fait de semer
des graines au milieu des vignes, comme
une borne que Dieu voulait donner à l'insa-
tiable cupidité du cœur de l'homme, et pour-
voir en même temps d'une manière plus
23. abondante à ses besoins. En effet, la terre
ensemencée de diverses semences, fait que
les fruits qu'efle produit en sont plus mai-
gres et plus petits. Pai'lant des bénédictions
et des malédictions rapportées dans le Deu-
téronome, il demande pourquoi le nombre
des malédictions surpasse celui des bénédic-
,j lions? A quoi il répond que c'est parce que
les mauvais serviteurs sont moins touchés
des promesses qu'on leur fait de les mettre
en liberté, que des coups et des châtiments
dont on les menace.
QiicstioGs 6. Il s'attache plus au sens littéral dans les
sur Josue, 'es^. r ' i t rx 7
j uses ei (Juestions sur Josue, les Juqes et Ruth ; mais
Ruth, p. 10'.. ., ' ^ '
il ne laisse pas de donner de temps en temps
le sens allégorique. 11 fait un parallèle de
Josué avec Jésus-Christ, disant que comme
Pritrai. in Josué fit cutror le peuple dans la terre que
'°'°°- Dieu lui avait promise, et l'y établit, de
même Jésus-Christ nous a mis en possession
du royaume des cieux. 11 regarde Rahab,
qui, avant sa conversion, était une femme
débauchée, comme la figure de l'Eghse des
Gentils, que Dieu a sauvée du milieu de tant
de pécheurs par son Fils. Il trouve dans les Q„œsi. a.
douze pierres mises dans le camp des Israé-
lites, où ils avaient passé la nuit après le
passage du Jourdain, la figure de l'établisse-
ment de l'Eglise, dont les douze Apôtres ont
été comme les douze pierres vivantes et fon-
damentales. Quelques interprètes disaient
que c'était Dieu qui avait apparu à Josué
sous la figure d'un homme qui tenait en sa
main une épée nu»; mais Théodoret pense 5.
que c'était saint Michel qui venait l'assurer
d'un prompt secours de la part de Dieu. Il
remarque sur l'anathème prononcé contre la
ville de Jéricho, que Dieu ayant arrêté que
toutes les villes des Chananéens seraient
traitées avec la dernière rigueur, voulut que ,
la première de toutes lui fut offerte tout en-
tière en holocauste, comme les prémices de
la conquête de cette terre promise. A quoi il
ajoute, que Dieu, leur ayant livré ces deux
villes sans le secours des armes ni des ma-
chines de guerre, mais au son seul des trom-
pettes, leur faisait voir clairement que lors-
qu'ils seraient vaincus dans des combats par
leurs ennemis, ils en devraient rejeter la
cause sur l'inobservation de ses lois. Dieu
leur ordonna toutefois de dresser une em-
buscade derrière la ville de Haï, «afin, dit cet ,,
interprète, de leur faire connaître qu'il fallait
que ceux qui se confiaient le plus en sou se-
cours tout-puissant, ne négligeassent pas
néanmoins de travailler de leur côté. En ^^
effet, comme ils s'étaient rendus maîtres
de la première ville de Chanaan par le bruit
seul des trompettes, il était important qu'ils
apprissent à combattre et à travailler, et à
espérer en même temps que leur travail serait
secondé par le secours de Dieu qui les pro-
tégeait. » L'Ecriture ne donne point la raison
pourquoi Dieu dans le sort qui régla le par-
tage des familles sacerdotales, leur fit échoir
les villes qui étaient proches du tabernacle
de Jérusalem, où l'on devait un jour bâtir
un temple en son honneur. Théodoret dit
qu'il arriva néanmoins par un effet particu-
lier de la Providence, que ces villes sacerdo- ^^
taies se trouvèrent jointes à la tribu de Juda,
afin que les alliances des personnes de cette
tribu avec ceux de la race d'Aaron se pussent
faire facilement, et qu'ainsi celui qui selon
les prophéties devait naître de Juda, n'eût
pas seulement le nom de roi, mais encoi'e
de pontife. Les Israélites ayant fait alliance
contre les ordres du Seigneur, avec les ha-
32
HISTOIHE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
bitants du pays de Chanaan, Dieu ne voulut
point exterminer ces peuples, afin qu'ils les
eussent pour ennemis, et que leurs dieux
fussent aux Israélites un sujet de chute et de
ruine. «C'est, dit Théodoret, comme si Dieu
leur avait dit : N'attribuez qu'à vota^e faute
si je n'extermine point ces nations au milieu
desquelles vous avez voulu demeurer contre
mon ordre, et si leurs dieux deviennent la
cause de votre perte. Vous avez violé ma loi,
vous n'avez point observé mes ordonnances;
et en accordant la paix à ceux qui devaient
vous servir de maîtres dans l'impiété, vous
vous êtes engagés à servir leurs dieux. Jouis-
Quîcsi. 7. sez donc maintenant de ce que vous avez
injudicea. ^^gj^^, et rccueillez le fruit malheureux du
premier crime que vous avez commis. Car
ceux qui fuyaient auparavant devant vous
par la crainte de la mort, ne cesseront point
à l'avenir de vous combattre, et leurs dieux
s'assujettiront vos âmes comme leurs escla-
ves. »
Voici la réponse que Théodoret fait faire
par l'ange à Manué qui voulait lui préparer
un chevreau , ne sachant pas que c'était
l'ange du Seigneur. « Pour ce qui est de
manger votre pain, je ne pourrai point le
Quassi. 20. ^^^^^ '■> i^^'S PO*!!' ^c qui est d'offrir un holo-
causte, vous le pouvez si vous voulez, pourvu
que ce soit à Dieu. Je n'ai point besoin de
nourriture , et je ne puis accepter le sacri-
fice. L'un n'appartient qu'à Dieu, et l'autre
convient à la nature de l'homme. »
Cet interprète croit que l'histoire de Mi-
chas, et celle du lévite qui abandonna sa
femme à la brutalité des hommes de Gabaa,
sont déplacées, et que l'auteur du livre des
Juges les a mises où elles sont pour ne point
interrompre la suite de son histoire. 11 dit
que la raison principale pour laquelle l'his-
toire de Ruth a été écrite, est l'Incarnation
du Fils de Dieu, qui est descendu de Ruth
selon la chair ; que c'est pour cela que saint
Matthieu, qui en écrivant la généalogie de
Jésus-Christ, a passé sous silence plusieurs
femmes illustres, telles qu'ont été Sara, Re-
becca et plusieurs autres, a marqué à des-
Quœsi.i.in sein Thamar, Raab, Ruth et la femme d'Urie,
"""'■ pour nous apprendre que le Fils unique de
Dieu s'est fait homme pour tous les hommes,
soit juifs, soit gentils, justes ou pécheurs.
Théodoret ajoute que l'histoire de Ruth est
en elle-même très-utile à cause des exemples
qu'elle y donne d'un détachement parfait de
tous ses proches, et d'une soumission ac-
complie envers Noémie sa belle-mère. Il fait
dans ses Questions sur ce livre, l'éloge de
Booz secoud mari de Ruth, relevant sa sa- qoxsi. :
gesse, sa pureté, sa bonté, et la prudence de
sa conduite.
§11.
Des Questions sur le livre des Bois et des
Paralipomènes.
1. Théodoret ayant exphqué l'Octateuque, Q"'"i°J!^
expliqua aussi les livres des Rois et des Pa- ei les paniu
ralipomènes, afin de ne pas laisser im-
parfait l'ouvrage que lui avait demandé Hy-
pace. Mais pour ne pas l'allonger mal à pro- prJil'Sîb!
pos, il n'entreprit d'expliquer que les endroits ''°^'
obscurs et difficiles, et qu'un lecteur aurait
peine à entendre de lui-même. Pour les tex-
tes dont le sens est clair, il crut qu'il était
inutile de les expliquer. Selon ce Père, ce
qui cause de l'obscurité dans ces livres, c'est
que les interprètes les ont traduits mot pour
mot ; que ce défaut se trouve ordinairement
dans ceux qui traduisent le latin en grec. Il
y a eu plusieurs prophètes ou écrivains dont
les noms nous sont connus par les livres des
Paralipomènes, mais dont les ouvrages sont
perdus ; ces prophètes avaient coutume d'é-
crire ce qui se passait de leur temps; et c'est
pour cette raison que le premier livre des
Rois est nommée chez les Hébreux et les Sy-
riens, prophétie de Samuel, parce qu'en
effet, il renferme l'histoire de ce prophète.
C'est sur ces mémoires faits par des auteurs
contemporains, que ceux qui sont venus de-
puis ont composé les livres des Rois. Et parce
qu'ils avaient omis Certaines choses impor-
tantes pour l'histoire, d'autres ont suppléé
à ce défaut en écrivant les livres que nous
appelons Paralipomènes.
2. On peut regarder les questions de Théo- ^'^\f^l'f„
doret sur tous ces livres, comme un com- '.^^^1^;^^^]°^
mentaire littéral et historique très-utile pour
l'intehigence du texte, comme on pourra en
juger par quelques-mies de ces Questions qui
nous ont paru plus remarquables. 11 demande
pourquoi Dieu ayant commandé qu'on l'a-
dorât en un même heu, Samuel lui bâtit un
autel à Ramatha. Il répond qu'alors le tem-
ple n'étant point encore bâti, les justes ado-
raient Dieu en ditierents endroits ; que Dieu
n'avait ordonné son culte en un même lieu,
que parce qu'il savait que le peuple juif était
toujours porté à l'idolâtrie; mais que les q„^^, ,3._
saints, comme Samuel, qui pénétraient la fin
de la loi et des ordonnances de Dieu, savaient
CHAPITRE IV. — THÉODOREÏ, ÉVÊQUE DE CYR.
[V' SIÈCLE.]
que tous les Jieux élaienl propres pour l'a-
dorer. D'où vient qu'Elie dans le temps que
tous devaient adorer dans le temple de Jéru-
salem, bâtit un autel sur le mont Carmel, et
y oti'rit un sacrifice. « Pourquoi , demande-t-il,
Jonatlias voulant iondre sur les ennemis,
donna-t-il certains signes à son écuyer ? » Il
répond : « Ce prince , ayant voulu agir en
cette rencontre par l'ordre de Dieu , avait
appris de lui que ces signes, c'est-à-dire la
réponse des ennemis, seraient une marque
infaillible de la protection de Dieu, en sorte
qu'il pourrait sans témérité, attaquer avec
son écuyer seul toute une armée, parce
qu'une main toute puissante combattrait
pour lui.» Comment doit-on entendre ce qui
est dit de Saiil, qu'il était comme un enfant
d'un an lorsqu'il commença de régner, et
qu'il régna deux ans sur Israël? On doit
l'entendre de la simplicité d'esprit et de
cœur de Saûl lorsqu'il fut choisi roi. Mais
comme il déchut bientôt de celte droi-
ture , c'est pour cela que l'historien sacré dit
qu'il régna deux ans, savoir, avec cette sim-
plicité qu'il avait en acceptant le gouverne-
ment. Théodoret trouve dans les pains de
proposition que le grand-prêtre Achimélech
donna à David, et dont il n'était permis
qu'aux prêtres seuls de manger, une figure
de la table sacrée et mystique à laquelle
toutes les personnes de piété participent
dans la loi nouvelle. Car on y admet non-
seulement ceux qui ont reçu le caractère sa-
cerdotal, mais tous ceux qui ont été baptisés
y sont participants du corps et du sang du
Seigneur. Il condamne comme impie l'opinion
de ceux qui veulent que la py thonisse ait vé-
ritablement évoqué l'âme de Samuel : « Car
je ne crois point, dit-il, que les femmes qui
ont l'esprit de Python puissent tirer quelque
âme que ce soit du lieu où elle est, à plus
forte raison celle d'un prophète et d'un si
grand prophète. » Il rejette de même le senti-
ment de ceux qui ont avancé que le démon
s'était présenté à Saûl sous la forme de Sa-
muel, et lui avait dit des choses qu'il avait
ouï souvent dire à Samuel. Pour lui, il parait
persuadé que Dieu même, ayant formé,
comme il le voulut, une ressemblance de
Samuel, prononça à Saul sa sentence; et il
appuie son sentiment sur ce qui est dit dans
les livres des Paralipomènes : Ainsi Saûl
mourut dans ses iniquités , selon la parole
du Seigneur. Plusieurs faisaient un crime à
David d'avoir fait mourir l'amalécife qui lui
X.
33
avait apporté la nouvelle de la mort de Saûl.
Théodoret justifie l'action de ce prince, en
disant que cet Amalécite s'était rendu cou-
pable de mensonge en disant qu'il avait ôté
la vie à Saûl, ce qui était faux; que d'ailleurs
il y avait longtemps que Dieu avait rendu
une sentence de mort contre tous les Ama-
lécites, dont David fut en cette occasion l'exé-
cuteur. Il ne croit point que la mort d'Oza
soit arrivée pour avoir porté la main à l'ar-
che de Dieu, lorsqu'elle penchait, mais pour
l'avoir mise sur un chariot, tandis que selon
le commandement du Seigneur elle devait
être portée sur les épaules des lévites. « En
quel sens peut-on dire que Salomon a parlé
de tous les bois à compter du cèdre qui est
sur le mont Liban jusqu'à l'hysope qui sort
de la muraille? Cela s'entend de la nature et
des propriétés, tant des herbes et des arbres
que des brutes ou animaux privés de raison
sur lesquels Salomon a disserté. » C'est de ses
écrits sur ces matières que ceux qui ont traité
de la médecine ont tiré ce qu'il y avait de
remarquable sur ce sujet.
Si le temple de Jérusalem a été bâti de
pierres non taillées, pourquoi Salomon avait-
il fait venir tant de tailleurs de pierres? II est
vrai que le temple fut construit de pierres
non taillées , la Providence divine ayant
voulu que l'on en trouvât de propres à ce
bâtiment sans qu'il fût besoin d'instruments
de fer. Mais l'enceinte du temple de même
que le palais du roi , et les murs de la ville
de Jérusalem, et des autres que Salomon
fortifia, furent bâtis de pierres taillées. Quant
auxpierres qui furent employées àl'enceinte
du temple, ce prince avait ordonné de les tail-
ler, de les polir et de les arranger dans la car-
rière même : d'où vient que l'on put élever
cette enceinte sans que l'on entendît le bruit
du marteau ou de quelques autres instru-
ments de fer pendant la construction du
temple. L'auteur du troisième livre des Rois
répète deux fois la même chose et renverse
quelquefois l'ordre des temps, mettant après
ce qui est arrivé auparavant. Théodoret dit
que l'historien sacré a été contraint de suivre
cette méthode , parce qu'ayant à parler de
deux royaumes divisés, la suite de son dis-
cours l'a obhgé quelquefois de s'étendre
beaucoup sur certains évéuements, et que
passant ensuite à ce qui regardait l'autre
royaume, il lui a fallu répéter ce qu'il avait
dit du premier, pour garder quelque ordre
dans sa narration. On ne voit pas bien com-
3
(Jn.Tsl.
liL. n.
Qulst. 9.
Lb.niRe?.
qua.'^t. 18.
QaKst.23et
24.
34
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
ment le législateur qui avait mis le corbeau
au nombre des animaux impurs, s'en servit
néanmoins pour faire apportera Eliedupain
le matin, et de la viande le soir. Tbéodoret
explique cette difficulté eu disant que cet
exemple même est une preuve que les lois
qui regardent la distinction des viandes n'ont
été faites qu'à cause de la faiblesse des Juifs;
puisque ce législateur les a fait transgresser
en cette occasion. Il ajoute qu'il en est de
même des autres lois cérémonielles, comme
on le voit par l'ordre qu'il donna à Josué de
faire sept fois le tour de Jéricbo, aux prêtres
et aux lévites le jour du sabbat. Dieu ne re-
(JoiEsl. 62. ■> . , , • 1
prit pas Samson pour avoir mange le miei
qu'il avait trouvé dans un lion mort; en quoi
toutefois Samson avait transgressé la loi.
Tbéodoret dit encore en parlant de la veuve
vers laquelle Dieu envoya Elle, que s'il avait
connu plus de constance et de force dans les
Juifs, il ne leur aurait pas défendu le com-
merce avec les étrangers ; qu'au contraire il
leur aurait ordonné de demeurer avec eux,
et de leur prêcher la piété et la vraie reli-
gion. Il croit que si l'on ne trouve pas dans
le livre de Jonas la prophétie dont il est parlé
dans le quatrième livre des Rois , c'est qu'il
n'écrivit dans le livre qui porte son nom, que
les choses qui se passèrent à Ninive.
Tbéodoret ne dit pas si ce fut à la prière
d'Hypace qu'il travailla sur les livres des Pa-
ralipomènes. Il a mis à la tète de l'un et de
l'autre une préface où il en donne le précis,
et en marque l'utilité ; mais il ne se propose
qu'une seule question sur chacun de ces li-
vres. Dans la préface sur le premier qui ne
fait mention que des rois de Juda, il dit que
l'on y apprend que Nathan de qui saint Luc
tire la généalogie de Jésus-Christ, était fils
de David et frère de Salomon ; que Réchab
si souvent loué dans l'Ecriture, était de Juda;
Prs.ra(. in st commeut Ruben étant déchu de son droit
j?i\if. p.ig. ^g premier-né, Joseph l'avait acquis. Il pense
que ces deux livres n'ont été écrits qu'après
Quïsi. I ^^ ïclour de la captivité de Babyloue, dont il
D r , y est parlé en effet. Il attribue à l'auteur
Prœfat. m "^ '^
ra, "' ^'^' <i'avoir cru que tous les psaumes sont de
David, et il dit même que l'histoire nous ap-
prend qu'ils sont de ce saint roi.
§111.
Des commentaires sur les Psaumes et sur le
Cantique des cantiques,
\. Les commentaires de Tbéodoret sur les
Ces COI
Psaumes sont cités dans ses Questions ' sur le fff l^^f
second livre des Rois. Il les cite aussi dans sa 41"° 'gué
lettre ^ à Eusèbe d'Ancyre écrite vers 448. Les l^^fl '^ °
Psaumes étant de tous les livres sacrés, celui
qui est le plus en usage parmi les personnes
de piété, et particulièrement parmi les reli-
gieux, Tbéodoret avait toujours ^ eu dessein
de commencer par là ses explications de l'E-
criture. Maisobhgé décéder aux instances de
ses amis, dont les uns lui demandaient un
commentaire sur le Cantique des cantiques,
les autres sur Ezéchiel, quelques-uns sur les
douze petits Prophètes, d'autres sur Daniel, ce
ne fut qu'après les avoir satisfaits tous, qu'il
se satisfit lui-même en travaillant sur les
Psaumes. Il a'ignorait pas que beaucoup
d'autres n'eussent travaillé avant lui sur cette prarat.io
matière, ce fut au contraire parce qu'il avait
lu leurs commentaires, qu'il couçut le des-
sein d'en faire de nouveaux : car il avait
trouvé que les uns étaient remplis d'allégo-
ries ennuyeuses ; que les autres s'attachant
trop à l'histoire du temps, détruisaient les
prophéties qui marquaient Jésus-Christ et
son Eglise, en faisant entendre que ce qui
est dit dans les Psaumes regardait plus les
juifs que les chrétiens. Il prit donc un milieu
en exphquant à la lettre les choses qui ont
rapport aux anciennes histoires, et en appli-
quant à Jésus-Christ, à l'Eglise des gentils et
à la morale apostolique, ce qui est dit de Jé-
sus-Christ, de son Eglise et de la prédication
des apôtres. Il se fit aussi une loi d'éviter la
longueur des autres commentateurs, et de
rendre en peu de mots ce qu'ils avaient dit
de plus utile.
2. Mais avant d'en venir à l'expHcation des Y\mrsa
Psaumes, il avertit que le propre de la pro- JJ^'^«
phétie n'est pas seulement de prédire les
i Consonat auiem psalmo xvd. Vel potius idem est
paucas habens nomiiium miitationes. Ego auiem cum
aliis psalmis hune quo'/ue ùtterprelatus sum. Theodor.,
prœfat. in Psalm.
2 Quœ divina est gratia, et prophetas omnes eom-
rneatariis exposui, et Psalierium et Âposlolum. Tlieo-
doret., Epist. 82 nd Euseb.
8 Haneprimam volebani, psalinorum prophetiam ex-
ponere... Sed hoc nostrum desiderium non sinerunt ad
finem pervenire ii, qui a nobis aliorum sacrorum vo-
luminum explanaiiones efflagitarunt. Namque impo-
suerunt nobis nonnulli, ut Caniicum canticorum ex-
poneremus ; aliqui vero viri denderiorum prophetiam
desideraverunt ; alii divini Ezecliielis , alii duodecim
Propheiarum prœdictiones enucleari et declarari fia'
gitarunt. Theodoret., prœfat. in Psalm.
CHAPITRE IV. — ÏHÉODORET, ÉVÉQUE DE CYU.
[V« SIECLE.]
choses à venir , mais aussi de faire l'histoire
du présent et du passé; puisque Moïse qui a
écrit riiistoire de la création non sur les mé-
moires des hommes, mais par l'inspiration
du Saint-Esprit, a raconté les choses qui s'é-
taient passées dès le commencement, celles
qui sont arrivées de son temps à Pharaon et
aux Israélites ; et qu'il a prédit l'avenir,
comme l'avènement de Jésus-Christ, la dis-
persion des Juifs et le salut des gentils. De
même David fait mention non-seulement des
bienfaits de Dieu , conférés aux hommes dès
les premiers temps; il découvre encore ceux
qu'ils en devront recevoir dans les siècles fu-
turs. V Les Psaumes, ajoute ïhéodoret , outre
les prédictions contiennent diverses instruc-
tions et divers préceptes. David y parle tan-
tôt de morale et tantôt de doctrine. Quelque-
fois il y déplore les calamités du peuple juif;
en d'autres endroits il prédit le salut des na-
tions. Il annonce aussi la passion et la résur-
rection de Jésus-Christ en tant d'endroits et
tant de manières différentes, que l'on n'y
peut faire attention sans en recevoir du plai-
sir. Il y en a, dit encore cet interprète, qui
ont cru que tous les psaumes n'étaient point
de David, et qui en ont attribué quelques-
uns à Idithun , à Ethan , aux enfants de Coré ,
et aux fils d'Asaph , auquel l'histoire des
Paralipomènes donne le nom de prophète.
Pour moi, dit-il, je ne veux rien décider sur
cela. Que m'importe qu'ils soient tous ou en
partie de David , puisqu'il est constant que
tous ont été écrits par l'inspiration du Saint-
Esprit? Nous n'ignorons pas que David n'ait
été prophète, ni que l'histoire des Paralipo-
mènes ne donne ce nom à ces autres écrivains.
Or, le fait d'un prophète est de faire servir
sa langue à la grâce de Dieu, ainsi qu'il est
écrit dans le psaume xliv : Ma langue est
comme la plume d'un écrivain qui écrit avec vi-
tesse. » Malgré cette irrésolution, Théodoret
semble se décider enfin pour l'opinion com-
mune qui attribue tous les psaumes à David.
3. Traitant ensuite des inscriptions des
psaumes, il dit qu'on ne peut sans témérité
les rejeter ou les changer, puisqu'elles ont
été reconnues dès le temps de Ptolémée qui
régna en Egypte après Alexandre; qu'elles
ont été traduites par les Septante, de même
que tout le reste de la sainte Ecriture^ dont
le texte avait été revu et rétabli cent cin-
quante ans auparavant par l'admirable Es-
dias, que Dieu avait remph de sa grâce.
Théodoret rapporte ensuite les diverses in-
35
terprétations que l'on avait données du mot
diapsalma, qui se rencontre souvent dans les
versions grecques des Psaumes. Ce mot selon
quelques-uns signifiait l'intermission de l'ins-
piration du Saint-Esprit , et selon d'autres
un changement ou de prophétie ou de chant.
Aquila l'a traduit par toujours, comme si ce
terme marquait la liaison de ce qui suit avec
ce qui précède. Mais sans s'arrêter au sens
de cet interprète, Théodoret aime mieux
croire que le diapsalma marque un simple
changement d'air et de musique , persuadé
que David qui avait institué le chant des
hymnes et des psaumes à différents chœurs
pour l'utilité du peuple, l'avait fait de façon
que ce chant se fît avec mélodie, et que les
instruments de musique qui l'accompagnaient
rendissent des sons agréables par leur va-
riété, autant que par leur accord. «Au reste,
ajoute ce Père, celui-là seul sait la valeur de
ce mot, qui l'a mis le premier, ou celui à qui
il a plu à Dieu de le faire connaître. » Il finit
sa préface sur les Psaumes en remarquant
qu'ils ne sont pas rangés suivant l'ordre des
temps; qu'il y en a parmi les derniers qui
ont rapport à des histoires plus anciennes
que cefies dont il est parlé dans les premiers;
que cela se voit dans le troisième qui est sur
Absalon, beaucoup plus jeune que Saûl, au-
quel le cent quarante et unième a rapport ;
mais que ce changement vient moins de Da-
vid que de celui qui depuis a disposé les
Psaumes dans l'ordre où ils sont aujourd'hui.
Il ne se tlatte pas d'avoir toujours rencontré
juste dans l'explication des Psaumes. Mais il
propose ce qu'il avait appris des anciens,
n'exigeant de ses lecteurs d'autre récom-
pense de son travail, que le secours de leurs
prières. Sa réflexion sur les maux que David
souhaite quelquefois à ses ennemis, ne doit
pas être oubhée. Il dit qu'on ne doit ni s'en
scandaliser, ni en prendre occasion de faire
des imprécations contre ceux qui nous haïs-
sent ; parce que ce saint roi vivait au temps
de la loi qui en ordonnant d'aimer son pi'O-
chain permettait de haïr son ennemi ; et non
au temps de l'Evangile, où Jésus-Christ de-
mandant de nous une vertu plus parfaite,
nous commande d'avoir de l'amour pour nos
ennemis, et de bénir nos persécuteurs.
4. Nous avons déjà remarqué que Théo-
doret avant de commenter les Psaumes avait
expliqué le Cantique des cantiques, il semble
même que ce fut son premier ouvrage sur
l'Ecriture. 11 y en a qui doutent qu'il soit
Théodore!,
in Psilm. CL,
paj. 982.
Théodoret.
in Ps xxxiv,
pag. MO.
Le com-
mcntsire sur
le Cantiquo
des car.tiqiies
est de Tliéo-
dOTL'l.
36
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
venu jusqu'à nous, et qui ne peuvent se per-
suader qu'il soit auteur de celui qui porte
son nom, et que l'on a imprimé à la suite de
son commentaire sur les Psaumes. Leurs rai-
sons sont que le commentateur du Cantique
des cantiques dit dans la préface qu'il était
chargé d'une infinité d'affaires tant * de la
ville que de la campagne, tant militaires que
civiles^ tant de l'Eglise que de la république;
qu'il parle de saint Jean Chrysoslôme comme
vivant ^ ; qu'il réfute assez vivement ^ Théo-
dore de Mopsueste, pour lequel Théodoret a
toujours eu beaucoup de respect; que Théo-
doret attaqué dans sa foi ne cite point ce
commentaire pour sa justification, quoiqu'il
eût pu y trouver des moyens de défense ;
qu'il est plus long que les commentaires de
Théodoret ; enfin qu'on cite un passage de
son commentaire sur les Psaumes, qui ne se
lit ])oint dans celui-ci. Mais ces raisons ne
sont point sans réplique. Il est vrai qu'on ne
peut dire de Théodoret renfermé dans son
monastère, qu'il ait été accablé des affaires
du dehors ; mais depuis qu'il fut évêque, ne
s'appliqua-t-il pas à combattre les hérétiques
de son temps, à convertir les Juifs et les
païens? Quelles persécutions ces travaux
ne lui suscitèrent-ils pas ? Ne le vit-on pas
s'occuper du soin de rétablir les églises , de
les orner, de rendre la ville de Cjt plus saine
et plus commode ? Ne pouvait-il pas y avoir
des soldats en quartier dans son diocèse, qui
l'obligeassent à se mêler des affaires mili-
taires ? Ne sait-on pas que son zèle pour le
salut des âmes l'engagea plusieurs fois à
aller prêcher la parole de Dieu à Antioche
et en d'autres endroits ? N'eut- il pas recours
aux puissances du siècle pour le soulagement
de son peuple? A combien de mouvements
ne l'exposa pas le concile d'Ephèse ? Il est
vrai encore qu'en parlant de saint Jean Chry-
soslôme il dit qu'il a éclairé jusqu'à présent
le monde entier, par le torrent de son élo-
quence ; mais cela ne peut s'entendre que
de ses écrits qui ont en effet éclairé tout le
monde, et non de ses prédications qui ne se
sont fait entendre qu'à Antioche et à Cons-
tantinople. 11 n'y a donc rien dans ce pas-
sage qui prouve que l'auteur du commen-
taire sur le Cantique des cantiques ait parlé
de saint Chrysostôme comme de son contem-
porain. On avoue que Théodoret a eu du
respect et de la vénération pour Théodore
de JWopsueste , mais il n'en a pas adopté tou-
tes les opinions. Au contraire, il le reprend
fortement d'avoir regardé le Cantique des
cantiques comme un hvre tout humain qui
représentait les amours de Salomon avec la
fille de Pharaon. Mais, en le reprenant de
cette faute, il supprime son nom par respect.
C'est ainsi qu'il en agit dans sa préface sur
les Psaumes lorsqu'il combat ceux qui les
avaient exphqués d'une manière qui favori-
saitles Juifs; c'est à Théodore de Mopsueste,
comme à d'autres, qu'il en veut; mais il ne
les nomme pas par considération. Si l'on ne
s'est pas avisé d'ôter ces commentaires à
Théodoret, parce que Théodore de Mop-
sueste y est maltraité , pourquoi lui ôtei-ait-
on pour une semblable raison les commen-
taires sur le Cantique des cantiques? Si Théo-
doret n'en a rien tiré pour sa justification,
c'est qu'il en trouvait ailleurs assez de moyens .
Au reste si ces commentaires sont plus dif-
fus que ceux que Théodoret a faits sur quel-
ques livres de l'Ecriture , cela vient du
livre même qui, devant êti'e expliqué dans
un sens allégorique, demande plus de dis-
cussion et d'étendue, que si on l'expliquait
à la lettre. Quant à ce qu'on dit que le moine
Néophite cite dans sa Chaîne un passage du
commentaire de Théodoret, qui ne se lit pas
dans celui dont nous parlons, on peut ré-
poudre qu'il y a faute dans la citation, et que
ce moine a pu citer sous le nom de Théodo-
ret, ce qui était de Théodore de Mopsueste,
qui aussi a commenté le Cantique des canti-
ques. Tout le monde convient d'ailleurs que
les Chaînes, soit grecques, soit latines, sont
de peu d'autorité. Il faut donc laisser Théo-
doret dans la possession de ce commentaire.
Il lui est adjugé non-seulement par ce qu'il
y a de gens habiles, mais par de très-anciens
monuments. Théodoret dit lui-même qu'il
1 hmumerahilibus tum urbanis, tum rusticanis, ium
militaribus, tum civilibus, tum ad Ecclesiam, tum ad
rempublicam pertinentibus occupationibus distracti stc-
mus. Théodoret., prœfat. in Cantic.
- Joannes qui ad hune usquc diem irrigat univer-
sum orbem terrarum. Ibid.
3 Plerique ex iis qui Canticum canticorum. calum-
nianlur, ac spiritalem esse librmn negani fabulas
quasdam ne aniculis quidem delirantibus dignas coil'
iexunt : alii nimirum, quod sapiens Salomon de se
ipso, deque Pharaonis filia conscrxpserit : nonnulli
auiem ejusdem classis auctores pro Pkaraonis filia
sponsam esse Abisai sunamitidem confinxeruni... at-
qui debehant isti, se longe vel sapientia vel spiriiu
prœsiuntiores agnoscere sanetos patres, qui librum
Imnc inier divinas Scripturas coltocarunt. Ibid.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÈVÊQUE DE CYR.
[y SIÈCLE.]
avait expliqué ' le Cantique des cantiques à la
prière de quelques-uns de ses amis. Pelage II,
ou saint Grégoire-le-Grand "- dans la lettre
qu'il écrivit au nom de ce pape à Elie d'A-
quilée et à un évéque d'Istrie, dit que Tliéo-
doret a blûmé l'opinion de Théodore de Mop-
sueste sur le sens du livre du Cantique des
cantiques, on supprimant son nom. Or, c'est
ce que fait l'auteur de ce commentaire dans
sa préface. 11 y a plus, c'est qu'on y lit les
paroles que saint Grégoire en rapporte dans
sa lettre comme étant de Théodoret , en sorte
qu'il n'y a aucun lieu de douter que sous le
pontificat de ce saint pape, ce commentaire
ne fût communément attribué à Théodoret.
Il faut ajouter que l'endroit d'Ezéchiel où la
ville de Jérusalem est comparée à une femme
perdue, est expliqué de la même manière
dans la préface de ce commentaire, que dans
le commentaire de Théodoret sur ce pro-
phète. Disons encore que cette préface est
dans le même goût et de même style que
celle de Théodoret swr /es /*saMmes; enfin que
le commentaire entier porte son nom dans
les deux anciens manuscrits, sur lesquels
François Zinus et le Père Sirmond l'ont
donné au public.
5. Théodoret le composa à la prière de l'é-
vêque Jean, apparemment celui de Germa-
nicie, avec qui il était lié d'amitié, d'où vient
qu'il le quahfie très-aimé de Dieu et sou cher
ami. Dans la préface de ce commentaire, qui
est assez longue , après avoir rendu compte
de ses occupations infinies qui semblaient le
mettre hors d'état de travailler à l'explication
des divines Ecritures , il en demande à Dieu
le pouvoir, témoignant ^ que ce n'est point
par les secours humains, mais par celui qu'on
37
obtient de Dieu dans la prière, que l'on ac-
quiert l'intelligence des livres saints. Ensuite
il attaque ceux qui, regardant le livre du
Cantique des cantiques comme un ouvrage
purement humain, l'entendaient des amours
de Salomon avec la fille de Pharaon ou avec
la sunamite Abisaï. Il leur oppose le senti-
ment * des saints pères qui ont mis ce livre
au rang des divines Ecritures, qui l'ont jugé
digne d'être reçu dans l'Eglise, comme rem-
pli de l'esprit de Dieu; et l'autorité du Saint-
Esprit, par l'inspiration duquel Esdras réta-
blit ce livre, après la captivité, sans le secours
d'aucun exemplaire. Car Théodoret a cru,
avec quelques autres anciens , que les livres
saints ayant été brûlés sous le roi Manassé,
et entièrement perdus pendant la captivité de
Babylone , Esdras , après le retour de cette
captivité, les avait rétablis tous sans avoir été
aidé d'aucun exemplaire, et par l'inspiration
seule du Saint-Esprit. «Dire donc, ajoute-t-il,
que le Cantique est un livre purement hu-
main, c'est attaquer le Saint-Esprit même et
faire retomber sur lui l'injure que l'on fait à
ce livre, en disant qu'il contient la descrip-
tion de l'amourpassionné d'une créature. Ce
n'est pas sans raison que les saints pères, qui
mettaient ce livre au rang des divines Ecri-
tures, l'ont expliqué par des commentaires
ou cité avec éloge dans leurs écrits. C'est ce
qu'ont fait non-seulement Eusèbe de Pales-
tine, Origène d'Egypte, Cyprien de Carthage
et quelques autres pères plus anciens et plus
proches des apôtres; mais ceux encore qui
ont depuis excellé dans l'Eglise, comme saint
Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Gré-
goire de Nysse^ Diodore de Tarse, saint Jean
Chrysostôme et plusieurs autres, qui tous ont
' Imposuerunt nabis nonnulli ut Canticum cantico-
rum exponeremus, aliqui vero viri deîideriorum desi-
deruverunt prophetiam cognoscere ; alii divini Eze-
chielis, alii duodecim Prophetarum prœdictlones obs-
curitate involutas sibi declarari posiularunt. Post-
quam igiiur dédit nuhis Deus ut commentarios in hœc
ipsius eloquia ad finem perduceremus,age hujus etiam
praphetiœ expositionem fidenter agrediamur. Théo-
doret., praefat. in Psalm.
■^ Cum Theodorus Canticum canticorum vellet expo-
nere, Salomonem per hune lihrum Ethiopissœ reginœ
blanditum esse professus est : quod Theodoretus re-
prehendens, nomen quidem Theodori suppressit, sed
iarnen vesaniam patefecit; ejusdem namque libri com-
menta describens, ait : Audio plures Canticum canti-
corum detrahentes, et non credentes spiritualem esse
librum, tabulas autem quasdam aniculares per vesa-
niam texentes componere et praesumere dicenles,
quia sapiens Salomon ad seipsum et ad ffliam Pha-
raonis conscripsisset. (Ces paroles se trouvent dans la
préface du commentaire sur le Cantique des canti-
ques que nous disons être de Théodoret). Greg., Epist.
ad Episcopos Istrice.
s Neque vero oleum ore sumpsimus, cujus auxilio
tanquam factitio lumine ad investigandum uteremur :
sed orationem acpreces, quorum prœsidio pofissimum
egent ii, qui ad sacrosanctœ Scripturœ cognitionem
cupiunt pervenire. Théodoret., prsefat in Canticum
canticorum.
"> Sed qui necesse est Patrum auctoritatem adhibere,
cum ipsius divini Spirilus uti liceat testimonio? Nam
cum sacra volumina partim a Manasse combusfa essent^
partim captiviiatis tempore, templo a Babylonis in-
censo... Beatus vir Esdras Spiritu Sa7icto plenus, non
solum Mosis lihros sed et Josue...et Cantica canticorum
restitua. Si igitur nullo adjutiis exemplari sed divino
Spiritu ufflatus, hœc conscripsit, qui fieri poiest ut
liber hic argumentum illud contineat quod affirmatis?
Théodoret., ibid.
38
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
E r. G c h
xvu, 3.
reconnu ce livre pour un ouvrage spirituel.
Les choses étant ainsi, est-il juste de mépri-
ser ces grands hommes, et le Saint-Esprit
même, pour suivre des opinions particulières?
Mais, de peur qu'on ne nous accuse de nous
contenter de nous persuader de la vérité sans
nous inquiéter de la persuader aux autres et
de les guérir de leurs erreurs, voyons d'où elles
ont pris leur origine et tâchons de les en gué-
rir par des remèdes tirés de l'Ecriture sainte.
En lisant, comme je pense, le livre des Can-
tiques, et trouvant qu'il y est fait mention
des parfums, des lys, des fruits, des baisers,
des joues, des yeux, des cuisses, et de quan-
tité d'autres choses de cette nature, ils se
sont arrêtés à la lettre, sans vouloir pénétrer
le sens spirituel et caché ; d'où vient que,
prenant les choses charnellement , ils sont
tombés dans le blasphème dont nous les ac-
cusons. Mais ils devaient considérer que les
écrivains sacrés de l'Ancien Testament sont
dans l'usage de se servir de plusieurs expres-
sions figurées qui ont un autre sens que ce-
lui que les termes signifient proprement et
ei dans leur sens naturel. Ezéchiel, par exem-
ple, ayant à parler du roi de Babylone, ne le
nomme ni par son propre nom, qui était ce-
lui de Nabuchodonosor,.ni par celui qui est
commun à tous les hommes ; il le désigne par
un aigle , sa puissance par les ailes de cet
oiseau , et ses troupes par les ongles de l'ai-
gle. Au même endroit, ce prophète repré-
sente Jérusalem sous le nom de Liban, elles
habitants de cette ville sous le nom de cèdres.
Est-il jamais arrivé à personne, en lisant cet
endroit du prophète , d'entendre par l'aigle
l'oiseau qui porte ce nom, et par le mot de
Liban la forêt connue sous ce nom dans l'E-
criture? Tous, généralement, soit chrétiens,
soit juifs, ont eiitendu par l'aigle , qui est un
animal royal, le roi même ; par ses ailes, l'é-
tendue de son royaume, et par les ongles de
cet oiseau , le grand nombre de troupes du
roi de Babylone. Il en est de même du Liban
à l'égard de Jérusalem , et des cèdres à l'é-
gard de ses habitants. Cette ville est encore
entendue sous le nom de Liban dans le pro-
, phète Zacharie ; le roi de Babylone y est mar-
qué sous le nom d'un feu, les cèdres y re-
présentent les grands, les puissants en ri-
chesses et en honneurs, de même que les
superbes ; et les pins y sont la figure des gens
de médiocre condition. Mais pour donner un
exemple qui ait plus de rapport avec notre
sujet. Dieu , s'adressant à la nation juive ,
lui parle comme à une femme, et dans les
mêmes termes dontSalomon s'est servi dans
le Cantique des cantiques. Qu'on lise le cha-
pitre XVI d'Ezéchiel, où se trouve ce discours
que Dieu adresse à cette nation , on y trou-
vera qu'il y est parlé de mamelles, de cuisses,
de mains, de narines, d'oreilles, de beauté,
d'embrassements. Néanmoins, lorsque nous
lisons ce discours de Dieu à son peuple, nous
ne l'entendons pas dans le sens de la lettre
présente, mais nous y cherchons un sens spi-
rituel. Cet interprète rapporte divers autres
exemples de ces façons de parler, non-seule-
ment dans les prophètes , mais dans l'Evan- !■"'■ ■"• '•
gile , qu'il ne serait pas prudent d'expliquer
à la lettre. Saint Jean n'appelle-t-il pas les
Juifs qui venaient à lui race de vipères? Et loann.T»
lorsque les Juifs se vantaient devant Jésus-
Christ d'avoir Abraham pour père , Jésus-
Christ ne leur répondit-il pas : a Vous êtes
les enfants du diable? »
De tous ces exemples, Théodoret conclut
qu'on ne fait donc rien d'extraordinaire quand
on donne un sens spirituel à tout ce qui est
dit dans le Cantique des cantiques, et quand
par l'époux et l'épouse que Salomon y intro-
duit on entend Jésus-Christ et son Eglise. En
effet, saint Paul donne à l'Eglise le nom d'é- ii corim
pouse, et celui d'époux à Jésus-Christ. Le
Sauveur s'appelle lui-même époux. Nous de- Maiih.ixj
vous donc donner le nom d'épouse àson Eglise
et entendre par les filles de la suite de l'é-
pouse les âmes qui ne sont pas encore assez
parfaites pourêtre lesépousesde Jésus-Christ.
Théodoret remarque ensuite que les trois
livres de Salomon sont comme autant de de-
grés pour arriver à la perfection; les Pro-
verbes donnent des préceptes très-utiles pour
la conduite des mœurs ; l'Ecclésiaste nous fait
connaître la nature des choses sensibles et la
vanité de la vie présente, afin que, connais-
sant l'instabilité et le vide des biens tempo-
rels et passagers, nous ne nous attachions
qu'à la recherche de ceux qui sont stables et
éternels; le Cantique des cantiques donne la
connaissance de l'union mystique de l'époux
et de l'épouse ; ce livre est misle dernier parce
que l'épouse , instruite dans le livre précé-
dent de la caducité des biens et des plaisirs
de la vie présente , ne court vers son époux
que pour recevoir de lui les biens et les plai-
sirs éternels qu'il lui promet. L'évêque de Cyr
croit que Salomon avait appris de son père,
qui était un grand prophète, ce qu'il dit dans
ce livre , en quoi il se fonde sur certains en-
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQDE DE CYR.
[V« SIÈCLE.]
droits du psaume XLiv, qui ont beaucoup de
rapport à ce qui est dit de l'époux et de l'é-
pouse dans le Cantique des cantiques. C'était,
comme il le remarque, l'usage des Juifs d'in-
terdire la lecture de ce livre aux Jeunes gens,
et de ne l'accorder qu'aux hommes parfaits
qui pouvaient en comprendre les sens spiri-
tuels et cachés. Il prie ses lecteurs de ne point
l'accuser de vol s'il se trouve quelques choses
dans ses commentaires que d'autres aient
dites avant lui; il reconnaît avoir profité de
leurs écrits, ne fût-ce que d'en avoir pris oc-
casion d'écrire lui-même sur la même ma-
tière. «Or, cela, dit-il, ne s'appelle pas un lar-
cin, mais une succession paternelle. » Il recon-
naît encore qu'ila ajouté à ce qu'ils avaient déjà
dit; que tantôt il a abrégé ce qui était trop long
dans leurs commentaires , et étendu ce qu'ils
avaient écrit avec trop de précision. Le com-
mentaire de Théodoret est divisé en quatre
livres où il explique le texte sacré dans un sens
spirituel , entendant partout, sous le nom d'é-
poux et d'épouse, Jésus-Christ et son Eglise.
§ IV.
Commentaire sur les Prophètes et sur saint Paul.
l.On voit, par'l'épître quatre-vingt-deu-
xième de Théodoret, qu'il avait, avec la grâce
de Dieu, expliqué tous les prophètes. Il té-
moigne ^ la même chose dans la lettre cent-
treizième et dans sa préface ^ sur les Psaumes;
mais il ne les expliqua pas selon l'ordre qu'on
leur a donné dans la Bible. Il commença par
Daniel, donna ensuite l'explication d'Ezéchiel,
puis des douze petits Prophètes, d'Isaïe, de
Jérémie, et finit par les Lamentations.
2 . 11 avait achevé ses commentaires sur Isaïe
lorsqu'il écrivait sur le quatrième livre * des
Rois et sur Jérémie ^'. Nous n'en avons que
des fragments que le père Sirmond a tirés
des Chaînes grecques; c'est pour cela qu'on
n'y trouve point ce que Théodoret lui-même
en cite dans ses Questions sur les Rois, et qu'ils
ne sont point dans les éditions qui ont pré-
cédé celles du père Sirmond. Cet éditeur ne
croyait pas même que tous ces fragments
fussent du commentaire de Théodoret sur
Isaïe; il croyait qu'il y en avait des explica-
39
Gnrnerins
in Theodorél.
lions de Théodore de Mopsueste sur le même
prophète ; u étant, dit-il, fort aisé que les com-
positeurs des Chaînes grecques aient confondu p'b- iss, isg,
les noms de Théodoret et de Théodore.» Il est
remarqué, dans l'argument qui se lit à la tête
de ces commentaires sur Isaïe, que les pro-
phètes prédisaient non-seulement ce qui de-
vait arriver au peuple d'Israël , mais encore
ce qui regardait le salut des nations et l'avè-
nement de Notre-Seigneur; qu'Isaïe, en par-
ticulier, a prédit la naissance du Messie d'une
vierge, et de la race d'Abraham et de David;
ses miracles , sa passion , sa mort , sa résur-
rection, son ascension au ciel, l'élection des
apôtres et le salut de toutes les nations; qu'il
a encore annoncé l'envie et la rage des Juifs
contre notre Sauveur, leur dispersion, la dé-
solation du temple, leur défaite par les Assy-
riens et par les Romains , leur retour de Ba-
bylone et la ruine des Babyloniens; ce qui
devait arriver aux habitants de Tyr et de
Damas, aux Ammonites et aux Moabites; la
vengeance que Dieu devait tirer des Juifs
pour avoir mis à mort Jésus-Christ, et le se-
cond avènement de ce divin Sauveur. Comme
il y a, dans les prophéties d'Isaïe , certains
endroits exprimés clairement, et d'autres dits
d'une manière figurée, Théodoret passe légè-
rement sur les premiers et s'étend davantage
sur les autres.
3. Il trouvait aussi Jérémie assez clair pour
qu'il n'eût pas besoin d'explication. Sollicité
néanmoins par beaucoup de personnes depiété
qui lui représentèrent qu'elles ne compre-
naient pas bien le sens de ce prophète, il en-
treprit de l'expliquer en douze livres, que
nous avons encore, comprenant dans ce com-
mentaire Baruch et les Lamentations, comme
faisant partie et suite de Jérémie. Ce com-
mentaire est précédé d'un argument qui
donne le précis de la prophétie de Jérémie,
et qui marque sous quels rois il a prophétisé.
Théodoret suit cette méthode dans ses autres
commentaires.
4. Dans l'argument qu'il a mis à la tête de
ses explications sur Ezéchiel, il fait voir que
si les oracles des prophètes ont encore au-
jourd'hui quelque obscurité, ce n'est que
pour ceux qui demeurent volontairement dans
Commentai-
re Eur Jéré-
mie.
PriEfat. in
Jeremiam. p.
Hô, ton. n.
Commen-
taire sur £zé-
cbiel, f. 300.
' Per Dei gratiam Prophetas omnes interpretati su-
mus. Théodoret., Epist. 82.
* Explicata sunt a me oracula. Idem, Epist. 113.
3 PraBfat. in Psalm., ubi supra.
'■> Cœterum exisiimo supervacuum eadem dicere :
nam Isaiam prophetam inierpretans hœc explicavi....
Ararat aiitem vocavit Armeniam ; etenim Isaiœ pro-
phetia hanc habet interpretationem. Théodoret., Quœst.
52 in IV Reg.
5 Et hujus locutionis rationem pluribus explicuimus
in dioini Isaiœ interprétative. Idem, Quœst. 22 in
Jerem.
40
HISTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CommeD-
laire sur Dn-
aiul.pag. 5U.
Theodoret,
hiCi-etii-, fa-
bu
xxiil, lib
c<ip
leur aveuglement; que leurs prédictions
étaient, à la vérité, enveloppées de ténèbres
pour les Juifs, de crainte que, y apercevant la
vocation des gentils en leur place, l'envie et
la haine ne les portassent à détruire les livres
sacrés qui renfermaient ces oracles; mais
que depuis leur accomplissement il suffit de
les lire pour les comprendre. Tliéodoret dii
que le prophète Ezéchiel est le dernier de
tous ceux qui prophétisèrent pendant la cap-
tivité; qu'Aggée, Zacharie et Malachie ne
prophétisèrent que depuis le retour de cette
captivité, et qu'on doit mettre le commence-
ment de la prophétie d'Ezécliiel àla cinquième
année de la captivité de Joachim, appelé au-
trement Jéchonias.
S . Il divisa son commentaire sur Daniel, en
dix tomes ou livres, qui sont précédés d'une
préface dans laquelle cet interprète déclare
que son dessein est de transmettre k la pos-
térité ce qu'il avait appris des pères. Il y sou-
tient, contre les Juifs, que l'on ne peut refu-
ser à Daniel l'honneur et le titre de prophète,
et que c'était à eux une folie et une impu-
dence de l'avoir exclu du rang des prophè-
tes. «Ils ont néanmoins agi en cela, dit-il,
avec dessein , car ce prophète ayant prédit
d'une manière beaucoup plus claire l'avène-
ment de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les mi-
racles qu'il devait faire , le nombre d'années
qui devaient s'écouler depuis son temps jus-
qu'à la venue du Sauveur, les calamités dont
Dieu devait punir dans les Juifs le crime de
perfidie ; c'était avec quelque sorte de raison
qu'étant ennemis de Dieu et de la vérité , ils
osaient assurer que Daniel n'était point un
prophète.» Theodoret ne dit rien dans ce com-
mentaire sur les chapitres xiii et xiv de Daniel,
où. sont rapportées les histoires de Suzanne,
de Bel et du Dragon; mais il y renvoie ceux
qui souhaiteraient s'instruire de ce qui re-
garde l'antechrist. Photius ' parle de ce com-
mentaire avec éloge, soitpour les choses, soit
pour le style et la manière dont Theodoret
développe et éclaircit les paroles du prophète,
Il dit qu'il explique par des termes propres et
significatifs ce qu'il y a d'obscur et de diffi-
cile dans le texte; que par la douceur et l'a-
grément de son discours il se rend favorables
les lecteurs, sans les fatiguer par de longues
et inutiles digressions; qu'il les instruit d'une
façon claire et aisée , en n'y mêlant rien qui
puisse leur donner de l'ennui, les embrouiller
ou les dissiper par des idées différentes et
étrangères à son sujet ; que ses termes sont
choisis et que sa composition ne s'éloigne
point de la noblesse et de l'élégance attique,
évitant tout ce qu'elle a de trop affecté comme
n'étant pas propre à un commeiitaire. Il pré-
fère le commentaire de Theodoret SM?'Z>arae/
à celui qu'en avait fait saint Hippolyte, mar-
tyr, dans le iii* siècle, et à ceux que plusieurs
interprètes en ont donnés depuis. Theodoret
dit jusqu'à deux fois ^ qu'il y avait, lorsqu'il
écrivait sur Daniel , plus de 440 ans que Jé-
sus-Christ était mort; que les soixante-dix
semaines marquées dans ce prophète étaient
accomplies, et que les Juifs étaient dispersés
par toute la terre, exilés de leur patrie, et
passaient d'un lieu à un autre sans demeure
fixe; ce qui nous obligerait de dire que son
commentaire sur Daniel n'a été fait , nu plus
tôt, que vers l'an 473. Cependant, ce pro-
phète est le premier que Theodoret ait expli-
qué, et il n'y a pas même moyen de dire qu'il
ait vécu jusqu'à ce temps-là, étant mort, se-
lon Gennade, sous l'empereur Léon, dont le
règne finit en 474. Il faut donc dire ou qu'il
y a erreur dans la supputation de Theodoret,
ou qu'il en suivait une particulière que nous
ne connaissons pas. Quelques-uns ^, pour
résoudre cette difficulté, disent que cet inter-
prète a compté les 440 ans à commencer de-
puis la naissance de Jésus-Christ, et que les
années dont il parle sont des années lunaires ;
mais il est certain, par ce qui précède im-
médiatement, que Theodoret commence sa
supputation à la mort de Jésus-Christ. Pour
ce qui est des années lunaires, il est vrai que
les Juifs y étaient accoutumés; ce n'était pas
1 Legimus Theodoreti, episcopi Cyri, inierpreiatio-
nem Danielis. Vir hic sane dodus, non Hippolyto
modo, verum etiam aliis multis propheficoruni ser-
monum interprelatione alque explanatione longe ante-
cellit. Puris signantibusqus verbis abdita quœque et
obscura révélât, et j ucunditate quo.dam quasi delini-
mento suavique lepore ad sui leciionem invitât. Quin
et ex eo guod ad ambages nullas digressionesque a
proposito argumenta recédât, saiietatem non modo
nullam adfert, sed ea insuper, quœ in dubium vocun-
tur, sine ulla confusione vel dissipatione facile et
commoda ratione lectores suos docet. Vocum item
ejus delectus, titque ipsa compositio ab Atticœ ele-
gantiœ origine non refugit, nisi quid forte curiosius
illic occurrat, quod quis multorum auribus insolitum
dicat. Pholius, Cod. 203, pag. 526.
2 Verum cum amplim quadringenti quadraginta
effluxerint anni dispersi per orbem terrarum, ex aliis
in alia loca migrantes, et exules vagantur. Tlieodor.,
in Daniel., pag. 658 et 666.
2 Garnerius, tom. V Theodoret., pag. 188.
CHAPITRE rv. — THÉODORET, ÉVÉQUE DE CYR. M
[y SIÈCLE.]
la même chose des Grecs à qai Théodoret
parlait : ils avaient coutume de compter par
les années solaires; mais en accordant même
qu'il faut entendre son texte d'années lu-
naires , comme les 440 ans ne font que 426
ans et onze mois , elles ne feraient pas le
compte de cet auteur, qui en met 440 et non
pas 426.
6. Photius ' ne faisait pas moins de cas du
commentaire de 'Hhéodovet sur les douze petits
Prophètes, que de ses autres ouvrages sur
l'Ecriture; il y trouvait la même beauté d'ex-
pressions et de pensées. Il y avait déjà plu-
sieurs commentaires sur ces prophèteslorsque
Théodoret entreprit le sien aux instances de
quelques particuliers qu'il ne nomme pas; il
ne craignait point de travailler de nouveau
sur une matière que d'autres avaient traitée
avant lui. Sa raison était que Dieu ne s'est
pas contenté de communiquer l'esprit de pro-
phétie à Moïse, mais qu'il l'avait accordé à
Josué, à Samuel et à beaucoup d'autres ; qu'il
n'avait pas seulement confié la prédication de
l'Evangile à saint Pierre et aux autres apôtres,
mais qu'il avait encore employé à ce minis-
tère Tite, Silas, Timothée et Appollo, leurs
disciples , et que les dons du Saint-Esprit se
distribuaient encore de son temps dans les
saintes Eglises. Ce fut dans la confiance qu'il
en serait lui-même éclairé qu'il se livra à ce
travail, et que ceux qui l'y avaient engagé
lui obtiendraient par leurs prières la grâce de
l'achever. Dans l'argument qui précède l'ex-
plication des douze petits Prophètes, il re-
marque qu'on ne les a point renfermés dans
un même livre, comme s'ils avaient prophé-
tisé en même temps. <( Au contraire, dit-il, ils
ont la plupart prophétisé sous différents
princes : Osée sous le règne d'Ozias, Michée
sous celui d'Achas et d'Ezéchias, Sophonie
sous Josias. La vraie raison pour laquelle on
lesaréunis enunseuletmême volume est que
leurs prophéties n'ont pas beaucoup d'éten-
due et qu'elles n'auraient pu suffire pour faire
chacune un livre. Théodoret finit ses ex-
plications sur les Prophètes en invitant ses
lecteurs à rendre gloire à la sainte Trinité de
ce qu'il pouvait y avoir dit de bon et de rai-
sonnable, et en les priant, au cas que ses
explications ne leur parussent pas justes,
d'excuser sa faiblesse, parce qu'il était homme
comme les autres, et d'agréer du moins l'ef-
fort qu'il avait fait pour servir ses frères.
7. Ses commenluires sur les Epîtres de saint
Paul sont antérieurs à ses Questions sur leLé-
vitique ^, puisqu'ils sont cités dans la pre-
mière. Théodoret ^ les cite aussi dans une de
ses lettres à un évêque de ses amis, auquel il
les avait envoyés pour en avoir le sentiment;
dans celle qu'il écrivit à Eusèbe d'Ancyre, et
dans une autre au pape saint Léon. Quoique
plusieurs eussent déjà expliqué les épitres de
ce saint apôtre, cela ne l'empêcha point d'en
entreprendre une nouvelle explication, per-
suadé que Dieu, qui distribue ses dons à qui
il lui plaît, ne lui refuserait pas ses lumières
dans ce travail. Il dit toutefois qu'il rassem-
blera dans ces commentaires ce qu'il avait
trouvé de mieux dans ceux qu'on en avait
faits avant lui, et qu'il s'appliquera à être
court, sachant que les ouvrages qui sont écrits
avec précision se font lire même par les pa-
resseux. Ce fut à saint Chrysostôme surtout
qu'il s'apphqua. Aussi, ne fait-il souvent que
l'abréger; mais il le fait avec autant de choix
que de netteté ; il ne laisse pas de mettre du
sien dans les explications qu'il donne, lorsque
les autres ont laissé quelque chose à désirer
pour l'entière intelhgence du texte; et il ne
doute pas que les quatorze épitres que nous
avons sous le nom de saint Paul ne soient de
cet apôtre, même celle aux Hébreux; en quoi
il^'appuie de l'autorité d'Eusèbe de Césarée
qui non-seulement l'attribue à saint Paul,
mais qui nous apprend encore que tous les
anciens l'en ont reconnu auteur. Il en juge
encore par les pensées et les maximes de
cette épitre, qui ont une très-grande affinité
avec les treize autres. Comme ceux, qui attri-
buaient l'Epître aux Hébreux à quelque autre
qu'à saint Paul, en alléguaient pour raison
que cet apôtre n'y avait pas mis son nom
comme aux autres, Théodoret répond qu'il
en usa ainsi parce qu'il n'était point l'apôtre
des Hébreux, et que l'étant des Gentils, il
avait coutume, lorsqu'il leur écrivait, d'ins-
crire les lettres de son nom et d'y ajouter sa
qualité d'apôtre. Cetinterprète remarque que.
Commen.
tiir(;s sur lea
Epitres de
saint PaQl,
lom. UI.p.l.
Théodoret.
Pra-M in
Epist. Pauli,
p. g. 2.
Idern.argu-
rf e n t. in
K'ist. ad H»-
brffos, p. 393.
1 Legimus ejusdem in dmdecim Pi-ophetas eadem
dktionis oc senteniiœ venustate adornaium librum.
Photius, Cod. 205, pag. 527.
' De his diximus... in Episfolarum apostolicarum
commenlariis. Quœst. 1 in Levit., Epist. 114.
' Ego vero sanctitati hcœ tanquum sapienti ac vero
judici scriptum a me in divinum Apostolum volumen
obtiili. Théodoret., Epist. 1. Per Dei gratiam pro-
phetas omnes interpretaii sumus et Apostolum. Epist.
82. Exposita sunt a me tum apostolica scrtpla tum
prophetica oracula. Idem, Epist. 113.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dans les exemplaires de la Bible, l'on n'a pas
suivi l'ordre des temps pour la distribution
des épîtres de saint Paul, mais qu'elle s'est
faite arbitrairement de même que celle des
Psaumes. Il pense que les deux aux Thes-
saloniciens ont été écrites les premières, puis
les deux aux Corinthiens; la première à Ti-
mothée ; celle à Tite ; puis l'Epître aux Ro-
mains, aux Galates, aux Philippiens, à Phi-
lémon, aux Epbésiens, aux Colossiens, aux
Hébreux, et en dernier lieu la seconde à Ti-
motbée. On a eu, selon lui, diverses raisons
de placer celle aux Romains la première, soit
parce que saint Paul y traite avec exactitude
et fort au long de toute la doctrine chrétienne,
soit parce que, la ville de Rome étant la capi-
tale de tout le monde et le siège de l'Empire, il
convenait qu'on donnât la première place à
la lettre que saint Paul lui avait écrite; mais
cette dernière raison paraît moins solide à
Théodoret que la première. Il divise ses com-
mentaires sur toutes les épitres de saint Paul
par tomes, mettant au commencement de
chacun un argument où il en donne le pré-
cis, et marque en même temps en quel lieu
et à quelle occasion elle a été écrite. On met
cet ouvrage après le concile d'Ephèse, et
même après la réunion de Jean d'Antioche
avec saint Cyrille, vers l'an 438 ou 439 '.
§ V.
Histoire ecclésiastique de Théodoret.
i. Théodoret semble dire qu'il n'a écpit
l'Histoire ecclésiastique que par forme de sup-
plément à celles que Socrate et Sozomène
avaient écrites avant lui, et de peur que tant
d'actions éclatantes et dignes d'être sues ,
qu'ils avaient oubliées, ne s'effaçassent de la
mémoire des hommes. Il traite plus exacte-
ment qu'eux l'histoire des ariens , éclaircit
celle de saint Athanase , rapporte un grand
nombre de faits, touchant l'Eglise d'Orient,
que ces deux historiens avaient oubliés, et
donne quantité depièces originales qu'ils n'ont
point rapportées.
2. Mais on ne peut pas dire qu'il ait poussé
son exactitude jusqu'à n'avoir lui-même fait
aucune faute. On lui en reproche plusieurs
qui regardent surtout la chronologie, qu'il
n'avait point étudiée avec assez de soin. Il
met, par exemple, la mort d'Arius dans le
temps du concile de Nicée, quoiqu'elle ne soit
arrivée que douze ans après. Il donne pour
successeur immédiat de saint Alexandre,
évêque de Constantinople, Eusèbe de Nico-
médie, qui succéda, non à Alexandre, mais
à Paul, api'ès que, par ses artifices et par ses
violences, il eut chassé ce dernier du siège de
la capitale de l'empire. 11 étend l'exil de saint
Athanase à deux ans et quatre mois, quoiqu'il
n'ait duré que deux ans entiers, ce saint évê-
que n'ayant été relégué à Trêves que sur la
fin de l'an 333 , et en ayant été rappelé en
337, quelque temps après la mort de l'empe-
reur Constantin. Il semble mettre au com-
mencement du règne de Valentinien l'élec-
tion de saint Ambroise, qui ne fut faite tou-
tefois que dix ans après que ce prince fut
parvenu à l'empire. Il met la sédition d'An-
tioche après le meurtre de Thessalonique ;
mais elle était arrivée deux ans auparavant,
c'est-à-dire en 388 , au lieu que le meurtre
ne fut commisqu'en390. Théodoret se trompe
aussi quand il assure que les évêques qui
assistèrent au concile de Sardique étaient au
nombre de deux cent cinquante , puisque saint
Athanase , qui paraît mieux instruit, n'en
compte que cent soixante-dix dans sa lettre
aux solitaires. Il confond le siège que les
Perses mirent devant Nisibe en 350, avec
celui qu'ils y mirent en 3S9, et fait un se-
conde faute en attribuant la levée de ce siège
aux prières de saint Jacques, évêque de cette
ville, tandis qu'il est certain qu'ilfut levé par
les prières de Vologèse , successeur de Jac-
ques ; mais ces fautes ne sont point assez con-
sidérables pour diminuer ni le prix ni la ré-
putation de l'histoire de Théodoret. 11 serait
seulement à souhaiter qu'il eût marqué les
dates et les années des événements qu'il rap-
porte.
3. Photius ^ préfère cette histoire, pour
le style qui est clair, net et élevé et n'a rien
de superflu, à celles d'Eusèbe, de Socrate,
d'Evagre et de Sozomène, mais il n'approuve
pas certaines métaphores trop hardies.
4. Elle est divisée en cinq livres, qui com-
prennent ce qui s'est passé durant cent cinq
ans, depuis le temps auquel Arius commença
Lib. I, ca!'-
XVI.
Lib.
cap. V.
Lib. II, cap.
Lib. V, cap.
' Les Chaînes publiées par Cramer, tome IV, con-
tiennent de nombreux extraits des commentaires de
Théodoret sur les Epitres de saint Paul. (L'édit.)
? Lecta est Jheodoreti Historia ecclesiastica. Om-
nium quûs proxime nominavi, convenientem magis his-
ioriœ siyluin adttibet ; ctarus enim et grandis est, mi-
nimequeredundans, nisi quod translationibus audacius
interdum et pêne inepte utitw. Phot., Cod. 31, p. 19.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
à débiter ses erreurs, jusqu'à celui de la mort
de Théodore de Mopsueste et de Théodote
d'Anlioche, c'est-à-dire depuis l'an 324, où
le grand Constantin , devenu maître de TO-
rient, s'appliqua à détruire l'arianisme, jus-
qu'en 429, époque de la mort de Théodote.
S. On croit que Théodoret écrivit son His-
toireytï?, l'an 449, dans le temps qu'obligé
de demeurer dans son diocèse par ordre
de Théodose , il se trouvait tout le loisir né-
cessaire à cette sorte d'ouvrage, et qu'il l'a-
cheva du vivant de ce prince, avant le mois
de juin de Tan 450. car il dit, dans le chapi-
tre XXXVI du livre V, en parlant de la trans-
lation du corps de saint Jean Chrysostôme,
par Théodose : « Le prince qui jouit mainte-
nant de l'empire et qui suit si religieusement
les exemples de piété que son aïeul lui a lais-
sés, a fait apporter ce trésor dans la ville ca-
pitale. En baisant le cercueU , il a demandé
pardon à Dieu des fautes que l'empereur et
l'impératrice, ses père et mère, avaient com-
mises en persécutant le saint évêque. » Une
autre preuve qu'il acheva son Histoire vers
l'an 430, c'est que dans le chapitre xxxviii du
même livre , où il est fait mention d'Abdas,
martyrisé le 16 mai de l'an 420, sous Isde-
gerde, roi de Perse, Théodoret témoigne *
que la persécution dans laquelle Abdas mou-
rut, et qu'il avait occasionnée lui-même, du-
rait depuis trente ans, ce qui revient à l'an
430. Théodoret ^ parle lui-même de son His-
toire dans le livre IV des Fables des hérétiques.
Il en est aussi parlé dans Cassiodore ^ et dans
Gennade *; mais ce dernier nous assure qu'il
y ajouta cinq autres livres pour la continuer
jusqu'au règne de Léon, c'est-à-dire jusqu'à
l'an 457. Gennade est le seul qui donne dix
livres d'Histoire à Théodoret. Evagre ^, Pho-
tius et Nicéphore n'ont connu que les cinq
que nous avons; néanmoins, 'Théodore le
lecteur ^ et saint Jean de Damas citent de
l'Histoire ecclésiastique de Théodoret divers
événements que nous n'y trouvons point; mais
l'un est arrivé en 482, et l'autre en 498; ainsi,
longtemps après la mort de Théodoret, que
l'on ne peut mettre plus tard qu'en 474, puis-
qu'il mourut , selon Gennade , sous le règne
1 Hinc igitur eversa procella gravissimos et sœvis-
simos fluctus contra pielatis alumnos excitavit et tri-
ginta jam annis elapsis tempestas a mugis velut a
turbinibus quibusdam agitata duravit. Théodoret.,
lib. V, cap. xxxviii.
2 Sed cum hœc, de Ario, in Historia ecclesiastica
copiose conscripserim supervacaneum puto hœc di-
cere. Théodoret., hh. IV Hœreiic. fabul., cap. I.
THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR. 43
de Léon. Pour résoudre celte difficulté ', il y
en a qui ont mieux aimé se persuader qu'il y
avait eu un second Théodoret qui s'était aussi
mêlé d'écrire l'histoire de l'Eglise, et que c'est
de lui que Théodore le lecteur et saint Jean
de Damas ont tiré les événements qu'ils rap.
portent; ils ajoutent que ce Théodoret est
l'évêque d'Alindes en Carie, qui se trouva au
concile de Constantinople en 336. Tout cela
parait fort incertain.
6. Eusèbe, évêque de Césarée en Palestine,
avait écrit ce qui était arrivé de plus consi-
dérable dans l'Eghse depuis le temps des
apôtres jusqu'au règne de Constantin. La fin
de son Histoire fait le commencement de celle
de Théodoret qui s'exprime ainsi : « Lorsque
Maxence, Maximin et Licinius furent enlevés
de ce monde, les troubles que leur fureur
avait excités dans l'Eglise se dissipèrent et
firent place à la paix solide et durable que lui
procura Constantin, prince établi sur le trône,
non par la volonté des hommes , mais par
l'ordre de Dieu , comme le divin apôtre. Dès
lors il fit des lois qui, en défendant de sacri-
fier -aux idoles , permettaient de bâtir des
églises. Il donna le gouvernement des pro-
vinces à des chrétiens , en leur commandant
d'honorer les prêtres , et menaçant du der-
nier supplice ceux qui oseraient les outrager.
On commença à l'heure même à relever les
églises qui étaient abattues et à en bâtir de
plus grandes et de plus magnifiques que les
anciennes. Ainsi, la religion chrétienne pros-
pérait et tout y était dans la joie, au lieu que
le paganisme était dans la tristesse et dans la
consternation. Les temples des idoles étaient
fermés et les églises ouvertes. Mais le bonheur
de l'Eglise fut bientôt traversé par une nou-
velle erreur que le démon y introduisit, non
en proposant aux fidèles, comme autrefois ,
des créatures qui fussent l'objet de leur culte,
mais en tâchant de réduire le Créateur au
rang des créatures. Il jeta les semences de
cette fausse doctrine dans la ville d'Alexan-
drie , par le ministère d'un prêtre_ de cette
Eglise, nommé Arius, chargé d'expliquer au
peuple l'Ecriture sainte. »
Voilà de quelle manière Théodoret com-
Ce qne con-
tient Je pre-
mier livre ,
pag. 321.
2 Gassiodor., praefat. in Histor. iripart.
* Gennad., de Vir. illust., cap. Lxxxix.
^ Evagr., prolog. in Hist. ecclesiast.; Phot., Cod.
31, pag. 19; Nicephor., hb. I, cap. i.
" Theodor. Lector, iib. II, pag. 566; Joan. Damasc,
lib. m de Imag.
' Baron., ad an. ,494, num. 55, et Garner., tocn. V;
Théodoret., pag. 250.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mence le livre I" de son Histoire, qu'il em-
ploie à montrer quels furent les partisans de
l'erreur d'Arius, ses progrès, ceux qui la
combattirent avec le plus de force , les trou-
bles qu'elle causa dans l'Eglise , et comment
elle fut condamnée dans un concile nombreux
assemblé pour ce sujet dans la ville de Nicée.
Théodoret dit que deux cent soixante-dix
évéques ou environ y assistèrent, car il avoue
qu'il n'en pouvait précisément marquer le
nombre, tant il était grand, et parce qu'il
n'avait pas pris beaucoup de soin de s'en in-
former. Mais sachant qu'Eusèbe de Césarée
avait été de ce nombre, il se sert de son té-
moignage contre les ariens, et dit d'après lui
que tous les évéques de ce concile approu-
vèrent d'un commun consentement la doc-
trine de la foi qui fut expliquée , c'est-à-dire
la consubstantialité. 11 ajoute que le même
Eusèbe déclarait, dans un de ses ouvrages,
que le terme de consubstantiel n'était pas un
terme nouveau inventé par les évéques de ce
concile ; que c'était un terme ancien que les
pères avaient fait passer depuis longtemps à
leurs enfants. Il rapporte la mort d'Arius en
la manière qu'on la lit dans la lettre de saint
Athanase à Appion ; et , après avoir raconté
avec quel zèle Constantin travailla à la des-
truction du paganisme et à l'établissement de
l'Eglise, il marque en ces termes comment se
fit l'invention de Ta vraie croix par sainte Hé.
lène, dans le voyage qu'elle fit à Jérusalem,
quelque temps avant sa mort qui arriva en la
quatre-vingtième année de son âge. « Lors-
qu'elle fut au lien ' où le Sauveur souffrit
autrefois la mort qui a été une source de vie
pour tout le monde , elle commanda qu'on
démolit le temple qui y était bâti et qu'on on
transportât les démolitions. Après qu'on eut
découvert le tombeau qui était demeuré si
longtemps caché, on aperçut trois croix : on
ne doutait pas qu'une des trois ne fût celle
du Sauveur, mais la difficulté était de la dis-
tinguer de celles des deux larrons. Macaire,
alors évêque de Jérusalem, homme rempli de
sagesse, trouva le moyen de lever cet obs-
tacle. Après s'être mis en prière, il fit tou-
cher les trois croix à une dame de qualité,
malade depuis longtemps. A peine la croix où
le corps du Seigneur avait été attaché , et
teinte de son sang, eut-elle touché la ma-
lade, qu'elle lui rendit la santé. Hélène ayant
appris de la sorte ce qu'elle avait souhaité de
savoir, fit mettre une partie des clous au
casque de Constantin pour le garantir des
traits de ses ennemis, et une autre partie au
mors de son cheval, tant pour le conduire et
le défendre , que pour accomplir cette pro-
phétie de Zacharie : Ce qui est dans le mors du
cheval sera saint au Seigneur tout-puissant. Elle
fit porter une partie de la vraie croix au pa-
lais, et laissa l'autre dans une châsse d'ar-
gent entre les mains de l'évêque , en lui re-
commandant de la garder avec soin. »
Théodoret, reprenant ensuite l'histoire de
l'arianisme , blâme Eusèbe de Nicomédie , le
protecteur de cette impiété, de ce que, sans
respecter les règles de l'Eglise, qu'il avait
faites lui-même un peu auparavant avec les
autres évéques , et les canons qui défendent
aux évéques et aux prêtres de passer d'une
ville à l'autre, il avait quitté son Eglise pour
s'emparer de celle de Constantin ople. « Cen'é-
tait pas, ajoute-t-il, la première fois qu'il avait
contrevenu à ces canons. Il avait déjà aban-
donné l'Eglise de Béryte pour passer à celle
de Nicomédie. Comme la conversion des In-
diens et des Ibériens à la foi de Jésus- Christ
se fit sous Constantin, Théodoret en rapporte
la manière ; après quoi il parle des persécu-
tions que ce prince fit souffrir à saint Atha-
nase, et tâche de l'excuser en disant qu'il ne
l'avait exilé que trompé par des évéques qui
avaient l'adresse de cacher leur malice sous
1 Pûstquam ergo locum illum conspexit, qui com-
munis salutis crucialus excepit, continua, execrandum
illud fanum deturbari, humumque e.xporiari jussii.
Ubi vero emersil sepulcrum quod latebai, très circa
dominicum monimentum défasses cruces apparuerimt.
Et haruin quidem unam Domini nostri Jesu Christi
fuisse, reliquas latronum qui una cum eo sufflxi sunt,
sine caniroversia credebant omnes ; cœterum quœnam
illarum Damini corpus tetigisset, et pretiosi snnguinis
guitis aspersa fuisset, penitus ignarabant. Sed sa-
pientisshnus planeque divinus Macarius, dubitationem
ad hune modum exemit. Femina erat illustris, quœ
diuturno marbo tenebatur. Huic cum singulas cruces
cum precibus intente applicuisset, saluiaris crucis
virtutem deprehendit. Simul enim ut femines hœc ad-
inata est, gravem illius marbum depulit, sanitatemque
restitua. Re comperta, voti compas facta imperaioris
mater, clavarum partem galea regia inclusit, filii
cnpiti cansulens, ut hostium iela repelleret ; partem
equi frœno indidit, et imperaioris saluti prospiciens,
et vêtus explens oraculum, quod alim Zacharias pra-
pheta ediderat : Et quod in fraeno equi sanctum Deo
omnipotenti. Salutaris vero crucis partem palatio
destinavit. Reliquum urgentea theca fabrica ta conditmn
episcapa dédit, ut ad posteritaiem salutis noslrœ mo-
nimenta servarentur. Théodoret., lib. I Hist. eccles.,
cap. I, pag. 564.
CHAPITRE IV. — THÈODORET, ÉVEQUE DE CYR.
[V^ SIÈCLE. J
d'éclatantes qualités. Il ajoute que Conslan-
tin étant proche de la mort, ordonna le rap-
pel de saint Athanase en présence d'Eusèbe
de Nicomédie , qui fit tout ce qu'il put pour
l'en détourner.
7. Le second livre contient ce qui se passa
parmi les ariens sous le règne de Constan-
tius. On y voit que saint Athanase, revenu
des Gaules à Alexandrie, en fut exilé une se-
conde fois par les intrigues d'un prêtre arien
qui avait su mettre dans son parti ce prince,
que Théodoret représente comme aussi léger
et inconstant que les roseaux dont le vent se
joue. On y voit aussi l'ordination de Grégoire
qui, pendant l'exil de saint Athanase, exerça
sur l'Eglise d'Alexandrie les plus horribles
cruautés; le bannissement de Paul, évêque
de Constantinople , l'un des plus généreux
défenseurs de la foi orthodoxe , et sa mort à
Gueuse, oij les ariens le firent étrangler; l'in-
trusion de Macédonius sur le siège de Cons-
tantinople, et la naissance de son hérésie,
qui faisait passer le Saint-Esprit pour une
créature ; les actes du concile de Sardique,
en ce qui regardait la cause de saint Atha-
nase; la déposition d'Etienne, évêque arien
d'Antioche; la lettre de l'empereur Constance
qui rappelait saint Athanase de son exil; un
nouvel ordre de la part de ce prince à ce saint
évêque de sortir d'Alexandrie; les violences
que Georges , que les ariens mirent en sa
place , commit dans cette ville , et ce qui se
passa dans le concile de Milan contre saint
Athanase. Théodoret rapporte ensuite la con-
férence que le pape Libère eut avec Cons-
tance, telle qu'elle fut recueilhe par des per-
sonnes de piété qui vivaient alors. Libère fit
paraître dans cet entretien toute la force et
toute la générosité que l'on pouvait attendre
de lui; il quitta ce prince sans s'être rendu à
ce qu'il demandait de lui. Constance lui ayant
dit quelle partie du monde chrétien il faisait
donc pour vouloir protéger seul Athanase et
pour vouloir troubler la paix de Tunivers, ce
pape lui répondit : «Quand je serais seul, la
cause de la foi n'en serait pas moins bonne. »
Il ne se trouva toutefois que trois personnes
assez généreuses pour résister au comman-
dement injuste d'un prince. Il parlait de Na-
buchodonosor. Il insiste sur le rappel des
évêques exilés, et dit à l'empereur : « S'ils
s'accordent avec celui qui défend maintenant
la doctrine qui a été définie dans le concile de
Nicée, qu'ils rendent la paix au monde chré-
tien^ et qu'un innocent ne soit point noté. »
43
Cette fermeté mérita l'exil à Libère. Félix,
son diacre, fut ordonné évêque de Rome en
sa place; mais Libère ayant été rappelé, Fé-
lix quitta Rome et se retira dans une autre
ville. Théodoret raconte , après cela , ce qui
se passa à Rimini . et rapporte la profession
de foi faite à Nicée en Thrace, d'où les ariens
avaient ôté les termes de substance et de
consubstantiel pour y mettre celui de sem-
blable. Quelques-uns des évêques assemblés
à Rimini signèrent cette profession par im-
prudence, après avoir été trompés; les autres
par crainte. Mais elle fut désapprouvée par
tous les défenseurs de la vérité, surtout par
les évêques d'Occident, comme on le voit par
leurs lettres aux évêques d'Illyrie. Saint Atha-
nase n'eut que du mépris pour tout ce qui
s'était fait à Rimini, sachant que l'intrigue et
la violence y avaient dominé. Théodoret ra-
conte une partie des injustices et des impié-
tés commises h Antioche par Flaccille, par
Etienne et par Léonce, qui avait été élevé sur
le siège épiscopal de cette ville, contre la dis-
position du concile de Nicée, puisqu'il s'é-
tait mutilé lui-même; les violences qu'Eu-
doxe de Germanicie exerça dans la même
Eglise, après s'en être emparé depuis la mort
de Léonce; les contestations qui arrivèrent
entre les évêques à Séleucie et à Constanti-
nople; les différends survenus entre les ariens
et les partisans d'Eunomius. Celui-ci ayant
usurpé le siège de Cyzique du vivant d'Eleu-
sius, Eudoxe, qui savait que le peuple de cette
ville était très-attaché à la foi catholique,
avertit Eunomius de cacher ses sentiments.
Il suivit ce conseil et enveloppa son impiété
d'une multitude de termes obscurs et embar-
rassés; mais, l'ayant découverte à quelques-
uns dont il ne se méfiait pas, ils le déférèrent
premièrement à Eudoxe et ensuite à l'empe-
reur. Ce prince, sensiblement touché des blas-
phèmes dont Eunomius était accusé, com-
manda à Eudoxe de le déposer du sacerdoce,
au cas qu'il fût convaincu. Eudoxe, effrayé
des menaces qu'on lui faisait, s'il ne châtiait
Eunomius selon la justice, lui écrivit de sor-
tir de Cyzique et de s'imputer à lui-même les
malheurs qui lui étaient arrivés pour n'avoir
pas voulu suivre ses avis. Eunomius, contraint
d'abandonner l'épiscopat, se rendit chef d'une
secte particulière, et enchérit sur les impiétés
d'Arius.
A l'histoire de l'arianisme, Théodoret joint
celle du siège de Nisibe par Sapor, roi do
Perse; ce qui lui donne occasion de parler de
46
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
la vertu singulière de saint Jacques, évêque
de cette ville. Il dit qu'ayant relevé, par la
force de ses prières, le courage des soldats et
des habitants, rebâti la muraille que les assié-
geants avaient renversée, et mis dessus cette
nouvelle muraille des machines pour repous-
ser les ennemis, Sapor, étonné de la promp-
titude avec laquelle les ruines de Nisibe
avaient été réparées, et épouvanté parune vi-
sion, prit le parti de lever le siège, reconnais-
sant que Dieu combattait pour la défense de
cette ville. Constance ayantfînila guerre avec
ce prince , assembla les évéques à Antioche
pour les obliger à i-ejeter les termes de con-
substantiel, ou même de substance. Mélèce, élu
évêque de cette ville dans la même assem-
blée , prit ouvertement la défense de la foi
orthodoxe. L'empereur en fut irrité et voulut
obliger Eusèbe de Samosate, entre les mains
duquel on avait déposé le décret de l'élection
de Mélèce, de le rendre; mais il témoigna
qu'il était prêt de souÊfrir qu'on lui coupât les
deux mains plutôt que de rendre un décret
qui était une conviction manifeste de l'im-
piété arienne.
cequGcoa- 8. Le troisième livre représente les persé-
tient le troi- . ^ ^
•ième livre , cutious quc les catholiques souffrirent sous le
pae. 637, > , , >
règne de Julien l'Apostat, dont Théodoret
marque l'éducation et l'apostasie. Pour
mieux couvrir son impiété, ce prince rappela
les évéques que Constance avait chassés de
leurs Eglises et relégués aux extrémités de la
terre; mais en même temps qu'il semblait
favoriser les chrétiens, les païens, sous ses
yeux, les persécutaient cruellement. A Gaza
et à Ascalon, villes de Palestine, ils fendirent
le ventre à des prêtres et à des femmes con-
sacrées à Dieu, le remplirent d'orge, et jetè-
rent ces personnes aux porcs , afin qu'ils les
mangeassent. A Sébaste, dans la même pro-
vince , ils ouvrirent la châsse de saint Jean-
Baptiste, brûlèrent ses ossements et en jetè-
rent les cendres au vent. A Héliopolis, proche
du mont Liban , un diacre , nommé Cyrille ,
ayant brisé quantité d'idoles , les païens le
tuèrent, l'ouvrirent après sa mort et mangè-
rent une partie de ses entrailles. La justice
divine éclata sur eux : les dents leur tombè-
rent l'une après l'autre, ils perdirent ensuite
leur langue, et enfin les yeux. Capitolin, gou-
verneur de la Thrace , fit brûler vif Emilien ,
défenseur intrépide de la foi chrétienne, à
Dorostole, ville de cette province. On ne sau-
rait bien exprimer l'atrocité des supplices que
les habitants d'Arétuse firent soufl'rir à Marc,
évêque de cette ville , pour avoir changé un
de leurs temples en église. Sans pitié de sa
vieillesse et sans respect pour sa vertu, ils le
dépouillèrent, et, après l'avoir déchiré à coups
de fouet, ils le jetèrent dans un égoût ; puis,
l'en ayant retiré, ils le livrèrent aux jeunes
garçons de la vifie , afin qu'ils le perçassent
de leurs canifs; ils le frottèrent, après cela,
de sauce de poisson et de miel, l'enfermèrent
dans un réseau, rélevèrent en Fair et le lais-
sèrent exposé aux mouches durant la plus
grande ardeur du jour. Leur dessein était de
l'obliger ou à relever le temple qu'il avait
démoh , ou à fournir de l'argent pour le re-
bâtir. Rien ne put ébranler sa constance.
Croyant que sa pauvreté l'empêchait à four-
nir l'argent qu'ils lui demandaient , ils lui
en remirent la moitié ; mais il persévéra à
ne vouloir rien promettre ni donner, disant
qu'il y avait une aussi grande impiété à leur
donner une obole pour l'usage qu'ils en vou-
laient faire, qu'à leur donner la somme en-
tière. Vaincus par sa patience, ils changèrent •
si fort à son égard, qu'ils apprirent de lui les
premiers principes de la religion chrétienne.
Théodoret parle ensuite des lois que Julien
fit contre les chrétiens^ portant défense de
leur enseigner les belles-lettres, et ordre de
les chasser des armées ; du quatrième exil
auquel il condamna saint Athanase ; de l'or-
dre que ce prince donna aux chrétiens de
transporter les reliques du martyr saint Ba-
bylas, dont la présence empêchait Apollon
Pythien de rendre des oracles à Daphné; de
la constance du martyr saint Théodore ; et de
l'incendie du temple de Daphné. Cet accident
fit découvrir l'imposture de l'oracle; car le
tonnerre étant tombé sur le temple d'Apollon
il y mit le feu, et réduisit en cendre sa sta-
tue, qui n'était que de bois dorée.
Le reste de ce troisième livre est employé
à rapporter divers traits de la tyrannie de Ju-
lien, les victoires que plusieurs saints rem-
portèrent sur lui ; les vains efforts qu'il fit
pour le rétablissement du temple de Jérusa-
lem ; son expédition contre les Perses, où il
pei'dit la vie, et les réjouissances que l'on fit
partout dans Antioche, aussitôt que sa mort
y eut été publiée : car les théâtres, aussi bien
que les églises , retentirent des louanges de
la croix qui avait remporté la victoire sur
l'impiété.
9. Le quatrième livre traite des matières cequecon-
ecclésiastiques qui furent agitées sous trois Vdèmfiim;'
empereurs ; savoir, Jovien et Valentinien, ^'^- *™-
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR. 47
[V' SIÈCLE.]
catholiques, et Valens, arien. Théodoret,
après avoir rapporté de quelle manière Jo-
vien lut élevé à l'empire, marque le retour
de saint Athanase et des autres évêques qui
avaient été exilés sous Julien ; la lettre que
cet évèque avec ceux de TEgypte, de la Thé-
baïde et des Lybies, écrivirent â ce prince
pour lui apprendre quelle était la foi de l'E-
glise catholique, ainsi qu'il avait désiré le
savoir d'eux ; ia loi de Jovien, portant ordre
de fournir aux Eglises le blé que Constantin
leur avait autrefois acordé, et que Julien leur
avait retranché depuis qu'il avait déclaré la
guerre à Dieu; la mort de cet empereur qui
fut suivie du regret de tous ceux qui avaient
goûté la douceur de son gouvernement ; l'é-
lection de Valentinien, prince aussi recom-
mandable par sa valeur, sa bonne mine, sa
prudence et sa modération, que par son
équité. « Auxence, évèque de Milan, étant
mort, Valentinien assembla les évêques et
leur dit : L'étude particulière que vous
avez faite de l'Ecriture sainte, ne vous per-
met pas d'ignorer les qualités que doivent
avoir ceux qui sont élevés à l'honneur du
sacerdoce, et l'obligation étroite qu'ils ont
d'instruire par leurs actions, autant que par
leurs paroles, ceux qui sont soumis à leur
conduite, de leur offrir des modèles de toutes
sortes de veiius, et de confirmer la vérité de
leur doctrine par la sainteté de leur vie.
Choisissez donc un homme pour l'élever
sur le siège de l'Eglise qui soit tel, que moi
qui tiens entre les mainsl'autorité souveraine,
je me soumette volontiers à sa conduite, que
je reçoive ses remontrances et ses répriman-
des comme un remède salutaire; car étant
homme, je suis sujet à pécher souvent.
Les évêques l'ayant ouï parler de la sorte, le
supplièrent de nommer un évèque ; mais il
leur répondit que cette entreprise était au-
dessus de ses forces. Etant donc sortis du pa-
lais, les évêques délibérèrent entre eux et le
choix tomba sur Ambroise. L'empereur qui
connaissait parfaitement l'équité de son es-
prit, et la pureté de ses sentiments, approuva
cette élection. Ayant appris en même temps
qu'il y avait encore en Asie et en Phrygie
des contestations touchant la doctrine, il or-
donna la tenue d'un concile en lUyrie, dont
il envoya le résultat à ces provinces, afin
qu'elles s'y conformassent; ce concile n'ayant
rien défini, sinon que la profession de foi ar-
rêtée à Nicée aurait lieu par tout le monde. »
Théodoret rapporte au même temps, la nais-
sance de l'hérésie des audiens et des messa-
liens. Les premiers croyaient que Dieu a une
forme humaine et un corps composé de par-
ties, fondés sur ce passage de l'Ecriture qu'ils
n'entendaient pas : Faisons L'homme à notre
image et à notre ressemblance. Le chef de cette
hérésie est un nommé Audée natif de Syrie.
A l'erreur dont nous venons de parler, il
ajouta quelques-unes des extravagances de
Manès, disant que le Dieu de l'univers n'a
point créé le feu ni les ténèbres. Quant aux
messalienS;, ils fuyaient le travail des mains
comme un vice, et s'adonnaient uniquement
au sommeil prenant leurs songes pour des
prophéties. Les chefs de cette secte, qui
étaient Sabas, Adelphius, Hermas, Siméon
et plusieurs autres, ne voulurent jamais se
séparer de la communion de l'Eglise : mais
Flavien ayant reconnu leur mauvaise doc-
trine, les chassa de Syrie. Leur erreur consis-
tait à soutenir que le baptême ne sejvait de
rien , que l'assiduité seule à la prière chassait
le démon, qu'étant ainsi chassé, le Saint-Es-
prit venait à sa place, et donnait des preuves
sensibles de sa présence en délivrant le corps
du mouvement déréglé des passions, et l'âme
de l'inclination violente au mal, en sorte
qu'après cela l'un n'a plus besoin de jeûnes
pour abattre ses forces, ni l'autre d'instruc-
tions pour la conduire. Ils ajoutaient que
l'homme en cet état connaissait l'avenir, et
voyait de ses propres yeux la Trinité.
Théodoret décrit ensuite la manière dont
Valens qui tenait la doctrine des apôtres
lorsqu'il parvint à l'empire, tomba dans l'hé-
résie arienne; les maux qu'il causa à l'Eglise
par l'exil d'un grand nombre d'évéques ;
les maux que souffrit l'Eglise d'Alexandrie
de la part des ariens, après la mort de
saint Athanase; le martyre de quelques prê-
tres catholiques que les ariens firent périr
sur mer en mettant le feu au vaisseau sur
lequel ils les avaient fait monter; le soin que
Flavien et Diodore prirent de l'Eglise d'An-
tioche en l'absence de Mélèce qui en était
évèque ; le zèle de Julien et d'Antoine pour ^
le soutien de la foi cliancelante des fidèles,
et les vertus de plusieurs solitaires du désert
de Chalcide et de quelques grands évêques de
Syrie, du Pont et de l'Asie. Il rapporte que
le général Térence ayant remporté la vic-
toire sur les ennemis de l'empire, Valens lui
promit tout ce qu'il lui demanderait ; mais
au lieu de demander de l'or, de l'argent, des
maisons, des terres, des charges, il demanda
48
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
une église pour ceux qui suivaient la doctrine
des Apôtres. « L'empereur, dit-il, ayant lu
sa requête, la déchira et lui ordonna de de-
mander autre chose. Térence ramassa les piè-
ces de sa requête, et dit à Valens : a J'ai ce
que je souhaitais et je ne demanderai rien
autre chose ; Dieu qui voit et qui juge tout,
voit et juge mes intentions. » Trajan, Arinté
et Victor, maîtres de la milice, reprochèrent
hautement à ce prince son impiété, et Vé-
traniou qui était seul évêque de toute la Scy-
thie, le reprit publiquement de ce qu'il pro-
tégeait l'erreur. Valens méprisa toutes leurs
remontrances, et n'ayant voulu faire aucun
cas de la prédiction que lui avait faite le soli-
taire Isaac qu'il périrait dans la bataille si
auparavant il ne rappelait les évêques exilés,
il y périt en etï'et, les ennemis ayant mis le
feu dans le bourg où il s'était sauvé avec ses
soldats. Le dialogue qu'il eut quelque temps
auparavant sa mort à Antioche, avec Aphra-
tez, est remarquable. Ce prince ayant aperçu
du haut de la galerie de son palais, ce soli-
taire qui passait vite allant au champ où
s'exerçaient les soldats, dans le dessein d'y
prendre soin des nécessités spirituelles du
peuple fidèle qui y était assemblé, lui de-
manda où il allait. « Je vais, lui répondit-il,
prier Dieu pour la prospérité de votre em-
pire. » L'empereur qui savait qu'Aphratez
gouvernait toute la ville, lui répartit : « Vous
feriez mieux de demeurer dans votre cellule
et d'y prier selon la règle des solitaires. » —
« J'avoue, lui dit le saint homme, que ce que
vous dites est véritable, et tandis que le trou-
peau a été en sûreté, j'en ai toujours usé de
la sorte; mais maintenant qu'il est en danger
d'être attaqué par les bêtes farouches, je dois
employer toutes sortes de moyens pour les
conserver. Si une fille qui garde la maison de
son père la voyait en feu, que devrait-elle
faire ? Devrait-elle attendre sur son siège que
le feu vint la consumer ? Ne devrait-elle pas
courir de tout côté, aller chercher de l'eau,
et éteindre l'embrasement? Je ne doute point
que vous ne demeuriez d'accord qu'elle de-
vrait faire ce queje dis, parce que c'est en effet
*ce que la prudence demanderait d'elle en
cette occasion. Je fais présentement quelque
chose de semblable, je cours pour éteindre
le feu que vous avez mis à la maison de mon
père. » Valens ne répondit rien; mais un de
ses valets de chambre ayant menacé le saint
sohtaire, fut sur le moment châtié de son
insolence, s'étant donné la mort lui-même
en se jetant dans l'eau chaude préparée ])our
le bain de l'empereur, »
10. Théodoret fait au cinquième livre l'his-
toire de la condamnation de l'hérésie arienne,
et de deux autres qui en sont comme les ra-
cines : l'hérésie d'Apollinaire et celle de Ma-
cédonius. Il s'y étend aussi beaucoup sur les
louanges de l'empereur Théodose , et sur
celles de saint Ambroise , de saint Jean
Chrysostôme, des évêques d'Antioche et de
Théodore de Mopsueste. Après avoir loué la
piété de Gratien qui se vit en possession de
l'empire après la mort de Valens son oncle,
il remarque que ce prince voulant consacrer
à Dieu les prémices de son règne, ordonna
aussitôt que les évêques exilés sous le règne
précédent, reprendraient la conduite de leur
troupeau, et que les Eglises seraient livrées
à ceux qui étaient de la communion du pape
Damase ; qu'au contraire l'on chasserait de
l'Eglise comme des loups, les sectateurs de la
doctrine d'Arius. « Cette loi, dit-il, fut exécutée
dans toutes les provinces sans aucune résis-
tance ; mais il y eut de la contestation dans
Antioche. Les défenseurs de la doctrine des
apôtres y étaient divisés en deux partis : les
uns ayant à leur tête Paulin et les autres
Mélèce. Apolhnaire de Laodicée se fit chef
d'un troisième parti. On avait cru d'abord
que sa doctrine était orthodoxe ; mais on
connut depuis qu'elle était erronée, et qu'il
ne croyait point que le Verbe de Dieu dans
le mystère de l'Incarnalion se fût uni à l'âme
humaine, ni qu'il l'eût rachetée. De cette ei'-
reur il en sortait une autre qui enseignait
que la divinité et la chair de Jésus-Christ
sont d'une même nature ; que la divinité a
souffert. Cette erreur et plusieurs autres qui
tirèrent leur origine de l'hérésie d'Apolli-
naire, excitèrent de grandes contestations
entre le clergé et le peuple des provinces.
Théodose associé à l'empire par Gratien,
voulut dès le commencement de son règne
travailler au rétablissement de la paix dans
l'Eglise. Il assembla pour cet efi'et les évê-
ques de son obéissance à Constantiuople où
l'erreur d'Arius avait fait de plus grands pro-
grès. La doctrine de Nicée fut confirmée dans
cette assemblée, et l'on y condamna celle de
Macédonius et d'Apollinaire, de même que
les hérésies précédentes. Le pape Damase,
de son côté, les condamna aussi, comme on
le voit par la profession de foi qu'il envoya à
l'évêque Paulin lorsqu'il était à Thessaloni-
que en Macédoine. Tout cela arriva sous le
Ceque cod-
tinnt le cin-
quième livre,
pag, 705.
CHAPITRE IV. — THEODORE!, ÉVEQUE DE CYR. 49
[y SIÈCLE.]
règne deGratien; mais ce prince étant mort,
Justine, femme de l'empereur Valentinien,
qui était infectée de l'erreur arienne, en prit
la défense et communiqua ce poison au jeune
Valentinien son fils. Saint Ambroise n^omit
rien pour le faire rentrer dans la doctrine de
l'Eglise; ses soins furent inutiles; mais aussi
le saint évêque ne fut point ébranlé par les
menaces du jeune prince. Maxime ayant ap-
pris ce qui se passait, pria Valentinien de ne
plus faire la guerre à la piété, et de lîe point
renoncer à la religion de son père ; qu'au-
trement il prendrait les armes contre lui ; il
les prit en effet, et marcha vers Milan. Va-
lentinien se sauva en lUyrie et implora la
protection de Tliéodose. Ce prince ayant pris
les armes, rétablit Valentinien dans ses états,
après l'avoir retiré de l'erreur et ramené au
sentiment de ses pères. Théodose donna en-
suite une loi contre les ariens, qui leur ôtail
la liberté de tenir des assemblées. »
Théodoret mêle aux marques de zèle
que cet empereur faisait paraître pour l'E-
glise catholique, le récit du massacre qui
fut fait par son ordre à Thessalonique, où
sept mille personnes furent tuées sans con-
naissance de cause, et sans formalités de
justice ; mais il y ajoute la manière dont il
fit pénitence d'une faute où la colère l'avait
jeté. Il fait ensuite honneur à Théodose de
la démolition des temples des idoles, des
mouvements qu'il se donna pour terminer les
différends qui existaient entre Flavien évê-
que d'Antioche, et les évêques d'Occident;
et de la victoire qu'il remporta sur le tyran
Eugène. De là il passe au règne d'Arcade,
successeur de la puissance de Théodose, et
imitateur de sa piété ; à l'ordination de saint
Jean Chrysostôme, et à ce qu'il fit de consi-
dérable pendant qu'il fut évêque de Constan-
tinople. Il dit aussi quelque chose de la trans-
lation de son corps, de la réunion des apol-
linaristes à l'Eglise, de saint Cyrille, évêque
d'Alexandrie , et d'Alexandre d'Antioche ;
puis il relève la piété de Théodose le Jeune
et des princesses ses sœurs ; il raconte ce
qu'il avait appris de la persécution excitée
en Perse contre les chrétiens, et finit son cin-
quième livre par l'éloge de Théodore de
Mopsueste. Abdas qui était évêque dans la
Perse, avait donné lieu à cette persécution
en abattant un temple consacré en l'honneur
du feu que les Perses adorent comme un
dieu. Le roi Isdegerde en étant averti par les
mages, fit venir Abdas, le reprit doucement
X.
d'avoir renversé ce temple, et lui commanda
de le relever. Abdas refusa d'obéir. Le roi le
menaça de renverser toutes les églises des
chrétiens, et les fit en elïet renverser. Mais
auparavant il fit mourir Abdas. « J'avoue,
dit Théodoret, que la démolition du temple
consacré au feu, était hors de saison. Quand
saint Paul entra dans Athènes, ville si fort
adonnée au culte des idoles, il n'y renversa
point les autels, content d'y découvrir l'er-
reur et d'y prêcher la vérité. J'admire ce-
pendant la générosité qu'Abdas eut de mourir
plutôt que de relever le temple, et je ne vois
point de couronnes qu'elle ne mérite : car
élever un temple en l'honneur du feu, c'est
presque la même chose que l'adorer, n Entre
le grand nombre de chrétiens qui souffri-
rent dans cette persécution, qui fut conti-
nuée par Gororanes, fils et successeur d'Is-
degerde, cet historien nomme Hormisdas,
issu de l'illustre race des Achéménides, et
fils d'un gouverneur. Le roi n'ayant pu
ébranler sa fermeté dans la foi chrétienne,
par la privation de son bien et de ses char-
ges, l'exila nu de son royaume. Il nomme
encore Suanez, homme riche; et un diacre
appelé Benjamin.
Aux cinq livres de l'Histoire de l'Eglise,
Théodoret ajoute un catalogue des évêques
qui avaient gouverné les grands sièges de-
puis la fin des persécutions : à Rome, Mil-
tiade, Sylvestre, Jules, Libère, Damas, Si-
rice, Athanase, Innocent, Boniface, Zosime,
Célestin : à Antioche, Vital, Philogone, Eus-
tathe, qui ont été ortliodoxes; Eulalius, Eu-
phrone, Flaccille, Etienne, Léonce, Eudoxe,
qui ont été ariens; Mélèce, Flavien, Por-
phyre, Alexandre, Théodote, auxquels se
joignirent Paulin et Evagre, qui étaient du
parti d'Eustathe ; à Alex'andrie, Pierre, Achil-
las, Alexandre, Athanase, Grégoire arien,
Athanase rétabli, George hérétique, le même
Athanase rétabli une seconde fois, Pierre
disciple d' Athanase, Lucius arien, Pierre une
seconde fois, Timothée, Théophile, Cyrille
fils du frère de Théophile : à Jérusalem, Ma-
caire, Maxime, Cyrille, Jean, Prayle, Juvé-
nal : à Constantinople, Alexandre, Eusèbe
transféré de Nicomédie, arien, Paul confes-
seur, Macédonius, ennemi du Saint-Esprit.
Après qu'il eut été chassé du siège de cette
Eglise, l'impie Eudoxe le remplit, puis Démo-
phile, hérétique, sorti de Bérée, ville de
Thrace ; Grégoire de Nazianze, Nectaire, Jean
Chrysostôme, Arsace, Atticus, Sisinnius.
4
50
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
§ VI.
De l'Histoire des solitaires, et du discours sur
la Charité.
Fn qneiie ^ • Oi^ HB doiite point quB l'Histoire des so-
Sofre a"é'é Utaircs ne soit le même ouvrage que Théo-
Gcrite. doret nomme la Vie des saints dans sa lettre '
à Eusèbe d'Ancyre. Il l'appelle quelquefois
Histoire religieuse ^ ou monastique, et en d'au-
tres endroits, Histoire philothée ^, c'est-à-dire
des amis de Dieu, et elle est citée sous ce
nom par saint Jean de Damas * et par Nicé-
phore ; mais il permet ^ à ses lecteurs de lui
donner d'autres titres. Il ne l'écriAàt pas plus
tard qu'en 443, qui est l'époque de la lettre
à Eusèbe où il en est fait mention, ni plus tôt
qu'en 437 ou 438, puisqu'il y parle de la
mort de cet évêque, arrivée en l'une ou l'au-
tre de ces deux années.
Biitdecei 2. Théodoret, qui avait été témoin des
iimo'ql%nen ffraudes actions des solitaires de son temps,
fait
ou qui les avait apprises de ceux qui les
avaient vues de leurs yeux, ne crut pas qu'il
lui fût permis de les laisser dans l'oubli. En
effet, si l'on a quelquefois élevé des statues
et d'autres monuments publics en l'honneur
de ceux qui s'étaient distingués dans les jeux
olympiques, quoique le souvenir de leurs
actions dût être plus nuisible que profitable,
pouvait-on se dispenser de transmettre à la
postérité, la mémoire de ces grands hommes
qui ont mené sur la terre une vie ^ toute cé-
leste? C'est le but de Théodoret dans cet ou-
vrage. Ce qui le rend encore plus recomman-
dable, c'est qu'il nous y représente non-seule-
ment les actions vertueuses de ces hommes
divins qui ont paru impassibles dans un corps
mortel, et capables de souffrir, et qui ont vécu
en anges plutôt qu'en hommes; mais qu'il
nous y donne aussi divers modèles ' d'une
piété parfaite, que chacun peut se proposer
selon son état, ou par rapport à sa disposition
particulière. Il choisit ceux des solitaires dont
la piété avait éclaté en différentes manières,
et ajouta à l'histoire de plusieurs saints,
celle de quelques femmes dont les vertus
n'étaient pas moins capables d'édifier. Il ne
se proposa point d'écrire les vies de tous
les saints qui s'étaient rendus illustres dans
tous les endroits de la terre. Outre qu'il ne
les connaissait point, il convient que ce tra-
vail surpassait les forces d'un seul homme.
Il se borna donc à raconter la vie des soli-
taires qui avaient brillé dans le comté d'O-
rient, comme des lumières du monde, encore
ne s'engagea-t-il de rapporter qu'une partie
de leurs actions, et de le faire avec simpli-
cité, sans charger sa narration des ornements
de l'éloquence. Il prie ses lecteurs de ne pas
se refuser à ce qu'il dira de merveilleux
toucliant la conduite de ces grands saints;
disant que nous serions injustes de mesurer
leur vertu par la nôtre; que Dieu a coutume
de proportionner ses dons aux saintes dispo-
sitions de ses serviteurs; qu'il en donne de
plus grands aux hommes parfaits; que ceux
qui sont instruits des secrets de son esprit,
savent avec quelle magniticence il se plait à
les répandre, et à faire voir aux hommes, par
des hommes, les miracles les plus extraor-
dinaires, pour attirer les incrédules à la con-
naissance de la vérité. Théodoret était si as-
suré des choses miraculeuses qu'il se propo-
sait de rapporter, qu'il ne doute pas que ceux
qui feront difficulté d'y ajouter foi, ne regar-
dent comme des fables les miracles qui ont
été faits par Moïse, par Josué, par Elle, par
Elisée et par les Apôtres. 11 se flatte au con-
traire que ceux qui croiront à ces miracles,
n'auront point de peine à croire les prodiges
qu'il va raconter, les uns et les autres ayant
été l'effet de la grâce de Dieu. Il ajoute qu'il
avait vu lui-même une partie de ces prodiges
et qu'il avait appris les autres de personnes
qui en avaient été les témoins oculaires, et qui
étant elles-mêmes les imitatrices de la piété
de ces saints, avaient été dignes de les voir
et de profiter de leurs instructions. Il marque
qu'il avait appris d'Acace de Bérée, l'his-
toire de saint Jufien Sabas, et de saint Eu-
sèbe, et qu'il tenait de sa mère la vie de saint
Siméon l'Ancien. Il avait vu lui-même saint
Siméon Slylite. Le septième concile général,
qui est le second de Nicée, rapporte un té-
moignage de cette histoire touchant le culte
des images, et on ne voit point que per-
sonne en ait contesté ni l'autorité ni la vérité ;
et, quoique Théodoret ait eu un grand nombre
d'ennemis, aucun ne s'est avisé de l'accuser,
ou de trop de crédufité, ou d'infidélité dans
cet ouvrage.
1 Tlieodoret., Episi. 82.
2 Idem, prolog. m Vit. relig.
« Idem, lib. III, Hist. eccles., cap. xix, et lib. IV,
cap. ssn.
'•Lib. m f?e //najf. , et Nicepbor., lib. XIV, cap. Liv,
5 Théodoret., prolog. in Hist. relig.
6 Théodoret., prolog. in Hist. relig.
1 Idem, Vit. relig., cap. SX.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVEQUE DE CYR.
[V= SIÈCLE.]
3. Il contient la vie de trente solitaires,
dont le premier est saint Jacques de Nisibe.
Comme nous en avons déjà parlé, nous nous
contenterons de citer deux miracles dont
l'un avait pour but de punir l'impudence, et
• l'auti'e de faire connaître la vérité. Le saint
allant en Perse pour visiter les chrétiens qui
s'y étaient nouvellement établis, et prendre
de ces heureuses plantes le soin qu'elles mé-
ritaient, passa le long d'une fontaine, où
quelques jeunes filles lavaient des robes.
Dépouillées de toute honte, elles regardèrent
effrontément l'homme de Dieu, sans couvrir
leurs têtes et sans abattre leurs robes qui
étaient toutes retroussées. Le saint maudit la
fontaine qui sécha au même moment ; il
maudit aussi ces filles pour châtier l'inso-
lence de leur jeunesse, en les rendant vieil-
les avant le temps. Ses paroles ayant été sui-
vies de l'effet, leurs cheveux de noirs qu'ils
étaient, devinrent blancs. Effrayées de ce
double événement, elles coururent vers la
ville pour l'annoncer. Ceux qui l'entendirent
supplièrent saint Jacques de faire cesser ce
châtiment. Il se laissa fléchir à leurs prières,
et ofirant les siennes à Dieu, il fit couler l'eau
dans la fontaine, et rendit aux cheveux de
ces filles la couleur qu'ils avaient auparavant.
Ayant vu dans une autre occasion un juge
persan rendre une sentence injuste, il donna
sa malédiction à une pierre d'une grandeur
démesurée qui était proche de là, et lui
commanda de se briser et de se fendre, pour
faire connaître l'injustice de ce jugement.
La pierre obéissant à sa voix se brisa en raille
morceaux : le juge épouvanté révoqua sa
sentence, et en donna une toute opposée.
4. Julien, que les habitants du pays sur-
nommaient Sabas, c'est-à-dire VAncien, vou-
lant passer sa vie dans la solitude , établit sa
demeure dans une caverne d'un désert de
rOsroëne, où il ne mangeait qu'une seule fois
la semaine , vivant de pain de son de millet
avec du sel. L'eau lui servait de breuvage,
encore n'en prenait-il qu'autant que la néces-
sité l'y obhgeait. Sa réputation lui attira jus-
qu'à cent disciples, auxquels il donna pour
règle de chanter les louanges de Dieu tous
ensemble, lorsqu'ils seraient dans la caverne
qu'il s'était choisie d'abord, et où il les logeait
tous; mais aussitôt que le soleil était levé,
ils en sortaient et s'en allaient dans le désert
deux à deux, dont l'un mettant les genoux en
• terre , rendait à Dieu l'adoration qui lui est
due , et l'autre demeurant debout, chantait
M
quinze psaumes de David; ensuite celui qui
était à genoux se levait pour chanter, et celui
qui était debout se mettait à genoux pour
adorer. Ils observaient cet exercice depuis la
pointe du jour jusqu'au soir, et après s'être
un peu reposés avant le coucher du soleil,
ils rentraient tous dans la caverne, où ils
offraient à Dieu tous ensemble les hymnes et
les cantiques du soir. Sabas avait coutume
de prendre, pour l'assister dans les soins de
sa charge, ceux d'entre ses disciples qui lui
paraissaient les plus éminents en vertu.
Théodoret raconte de lui qu'ayant rencon-
tré en son chemin un dragon qui voulait le
dévorer, il fit tomber mort à ses pieds ce dan-
gereux animal , en faisant sur lui , avec le
doigt, le signe de la croix; que, voyageant
dans un désert avec un solitaire nommé As-
tère, il fit naître par ses prières une source
d'eau vive pour sauver la vie à ce solitaire,
qui était accablé parla soif; qu'étant en orai-
son depuis dix jours pour demander à Dieu
de protéger l'Eglise contre les entreprises de
Julien-l' Apostat, il eut révélation de sa mort
et fit part de cette nouvelle à ses disciples.
(( Ce saint, dit Théodoret, fit à Antioche,
sous le règne de Valens, un voyage, à la prière
d'Acace de Béréo, pour y fortifier les catholi-
ques contre les ariens. Ayant logé, après deux
ou trois jours de marche dans le désert, chez
une femme, il arriva que pendant qu'elle était
occupée à lui préparer à manger, son fils,
qui n'était âgé que de sept ans , tomba dans
un puits. Dans la crainte que cet accident ne
causât quelque déplaisir à ses hôtes, car Acace
était avec lui, elle défendit à ses domestiques
d'en rien témoigner. Quand on eut apporté
à manger, le saint vieillard, voulant donner
sa bénédiction à l'enfant , demanda qu'on le
fit venir. La mère ayant répondu qu'il se
trouvait mal, saint Sabas insista. Alors cette
femme fut contrainte d'avouer son aflliction
le saint se leva de table, courut vers le puits,
et en ayant fait ôter la couverture et appor-
ter de la lumière, il vit l'enfant au-dessus de
l'eau , qu'il remuait avec la main comme en
se jouant. Lorsqu'on l'eut tiré il se jeta aux
pieds du saint, en disant qu'il l'avait vu le
soutenir dessus l'eau et l'empêcher d'enfon-
cer. Saint Sabas tomba malade en arrivant à
Antioche ; cet accident donna beaucoup de dé-
plaisir à Acace de Bérée, à cause de la multi-
tude de peuple qui venait de tous côtés, soit
par le désir de le voir, soit dans l'espérance
de recouvrer la santé par son moyen. « Ne
32
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vous mettez point en peine, lui dit le saint; si
ma santé est nécessaire pour le salut de ce
peuple, Dieu saura bien me la rendre à l'heure
même. » Mettant ensuite, selon sa coutume,
les genoux et le front à terre, il pria Dieu de
le guérir, si ceux qui étaient venus le trou-
ver en devaient recevoir quelque avantage.
Il n'avait pas encore achevé cette prière, qu'il
lui vint une si grande sueur qu'elle éteignit
toute l'ardeur de sa fièvre; en même temps
il guérit plusieurs personnes affligées de di-
verses maladies, puis s'en alla à l'assemblée
des fidèles. Étant à Cyr, ville éloignée d'An-
tioche de deux journées, les fidèles de ce lieu
lui représentèrent le danger où était la reli-
gion cathohque à cause qu'un nommé Astère,
grand sophiste, était passé du côté des héré-
tiques, qui l'avaient établi évêque. Saint Sa-
bas , sachant qu'il devait parler devant le
peuple un certain jour, invita les fidèles à
prier avec lui, à jeûner, et à faire quelques
autres mortifications. Ils suivirent ce conseil,
et Dieu ayant égard à leur crainte, frappa
Astère d'une maladie qui vingt-quatre heures
après le mit au tombeau. »
Saint Mar- ^' Saint Marcieu, méprisant la splendeur
ien, p. 784. jg gfj naissance, qu'il tirait d'une race patri-
cienne, et tous les avantages de la cour où il
paraissait avec éclat par les qualités de son
corps et de son esprit, se retira dans le milieu
d'un désert, où il bâtit une cabane si petite,
qu'à peine était-elle de la grandeur de son
corps. Là, séparé de toute conversation hu-
maine, il s'entretenait avec Dieu, faisant suc-
céder le chant des psaumes à la prière , la
prière au chant des psaumes, et la lecture de
l'Ecriture sainte à l'un et à l'autre. Une livre
de pain lui suffisait pour quatre jours, n'en
mangeant qu'un quarteron par jour. 11 pre-
nait son repas sur le soir, croyant qu'il était
plus à propos de manger tous les jours sans
se rassasier jamais, que d'être plusieurs jours
sans manger, et manger ensuite jusqu'à se
rassasier, parce que le véritable jeûne con-
siste à avoir toujours faim. Il eut pour disci-
ples Eusèbe et Agapet : le premier se char-
gea de la conduite de plusieurs religieux qui
se retirèrent dans la solitude où il demeurait ;
le second établit un monastère à Apamée.
Ces deux communautés subsistaient encore
du temps de Théodoret, qui dit que l'on y
voyait plus de quatre cents de ces généreux
athlètes qui, combattant continuellement pour
devenir toujours plus parfaits, et brûlant d'a-
mour pour la piété , acquéraient le ciel par
leurs travaux. Il rapporte plusieurs miracles
de saint Mai'cien, en remarquant qu'il en fai-
sait le moins qu'il lui était possible, pour ca-
cher les grâces dont Dieu le favorisait. Fla-
vien d'Antioche, Acace de Bérée, Eusèbe de
Chalcide, Isidore do Cyr et Théodote d'Hié-
raple l'étant venus voir, accompagnés de quel-
ques magistrats, il fut longtemps sans parler.
Comme un des assistants , qui était de ses
amis , le pressait d'entretenir la compagTiie,
saint Marcien, après avoir jeté un profond
soupir, lui répondit : « Le Dieu de l'univers
nous parle continuellement par ses créatures,
il nous instruit par ses Ecritures saintes, il
nous apprend quels sont nos devoirs, il nous
enseigne ce que nous avons à faire pour notre
propre avantage , il nous épouvante par ses
menaces, il nous encourage par ses pro-
messes, et nous ne profitons point de tout
cela : comment Marcien pourrait-il donc vous
être utile par ses discours? » Lorsque ces
évêques se furent levés et eurent fait la prière,
ils voulurent l'ordonner prêtre; mais aucun
n'osa lui imposer les mains. Un solitaire
nommé Avitus vint le voir; après s'être
entretenus et avoir dit ensemble l'office de
none, saint Marcien invita le solitaire à
prendre le repas avec lui. Avitus le refusa,
disant qu'il n'avait coutume de manger que
le soir , et qu'il demeurait souvent deux et
trois jours sans prendre de nourriture. « Pas-
sez donc aujourd'hui, je vous prie, par-dessus
votre règle ordinaire, répartit saint Marcien.»
Sa prière fut sans effet ; et alors , se mettant
à soupirer, il dit à Avitus : « J'ai l'esprit ou-
tré de douleur de ce qu'étant venu pour voir
un homme ami du travail , instruit dans une
sainte et chrétienne philosophie , vous avez
été trompé dans votre espérance, et qu'au
lieu d'une personne sobre vous en avez trouvé
une délicate, qui semble ne prendre plaisir
qu'à la bonne chère. » Ces mots touchèrent
si vivement Avitus, qu'il lui répondit : «J'ai-
merais mieux manger de la viande que de
vous entendre parler de la sorte. » Sur quoi
Marcien dit : « Votre manière de vivre est
aussi la nôtre ; nous préférons le travail au
repos ^ et nous estimons beaucoup plus le
jeûne que le manger; nous n'en prenons
même ordinairement que sur le soir. Mais
nous savons que la charité est plus agréable
à Dieu que le jeûne, parce que sa loi nous la
commande, au lieu que le jeûne dépend de
nous et de notre volonté. Or, il est sans doute
que nous devons beaucoup plus estimer les
CHAPITRE IV. — THEODORET, EVEQUE DE CYR.
[V SIÈCLE.]
commandements de Dieu que nos austérités
et nos travaux, n S'étant entretenus de la
sorte et ayant rendu grâces à Dieu, ils man-
gèrent un peu et passèrent trois jours ensem-
ble. Saint Marcien engagea un autre solitaire
appelé Abraham , qui ne savait pas ce qui
avait été décidé au concile de Nicée touchant
la fête de Pâques, à la célébrer suivant la
discipline établie dans ce concile. Il avait un
grand éloignement pour tous les hérétiques,
en particulier pour les apoUinaristes , pour
les sabelliens et pour les euchites, qui, sous
un habit religieux, étaient infectés de l'hé-
résie des manichéens. Sachant que plusieurs
personnes, entre autres Alypius son neveu,
avaient bâti des oratoires pour y mettre leurs
corps après leur mort , il exigea le serment
d'Eusèbe, son disciple, qu'il l'enterrerait dans
un lieu où de longtemps il ne serait connu
de personne. Eusèbe obéit , et on ne sut où
était le corps du saint qu'après que tous ces
oratoires eurent été honorés des reliques de
quelques apôtres ou de quelques martyrs.
6. Un saint homme nommé Amien avait
établi une école de vertu et de piété sur une
montagne très-haute, à l'orient d'Antiocbe et
à l'occident de Bérée. Il pressa saint Eusèbe
de quitter sa solitude pour prendre en sa
place la conduite de ce monastère. Comme
ils étaient un jour assis ensemble sur un ro-
cher, Amien lisant l'Evangile, et Eusèbe lui
expliquant les passages les plus difficiles, il
arriva que ce dernier arrêta ses yeux sur des
laboureurs qui cultivaient la terre dans une
plaine au-dessous d'eux. Amien lui ayant
demandé l'explication d'un passage, Eusèbe
lui dit de le relire, parce qu'étant apphqué à
cet objet , il n'y avait pas fait d'abord atten-
tion. Amien, qui s'en était aperçu, lui dit :
« Il me semble, mon Père, que le plaisir que
vous prenez à regarder ces laboureurs vous
a empêché de m'entendre. » Eusèbe ne ré-
pondit rien, mais depuis ce jour il défendit à
ses yeux de ne plus regarder cette campagne
ni de jouir du plaisir de considérer la beauté
du ciel et des astres. Il ne leur permit pas
même de s'étendre au-delà d'un petit sentier
large seulement d'une palme , par lequel il
allait à son oratoire. Pour s'astreindre à cette
mortification , il ceignit ses reins avec une
ceinture de fer, puis mit un fort gros collier
à son col, et l'attacha avec un autre morceau
de fer à cette ceinture, afin qu'étant ainsi
courbé il fût contraint de regarder toujours
vers la terre. Acace de Bérée lui ayant de-
53
mandé un jour quel avantage il pensait tirer
de ces sortes de mortifications : « Celui, ré-
pondit Eusèbe, de résister aux embûches du
démon. Pour l'empêcher de me faire la guerre
dans les choses importantes, afin de me faire
perdre la tempérance et la justice , de me
porter à la colère, d'exciter mes passions, de
m'enfler d'orgueil et de vanité, et d'employer
tous les autres efforts dont il a coutume de
se servir pour attaquer mon âme ; je tâche de
lui donner le change en cette guerre que j'ai
contre lui, et de l'engager à m'attaquer dans
ces petites choses, dans lesquelles il ne sau-
rait guère me nuire , quoiqu'il demeure vic-
torieux, et où il se rendra digne de risée s'il
est vaincu. » Saint Eusèbe reçut sous sa con-
duite Jacques-le-Persan et Agrippa, et les éta-
blit ensuite supérieurs ; mais le premier se
démit de sa charge, aimant mieux obéir que
de commander, et se laisser conduire que de
conduire les autres. Agrippa fut donc obligé
de prendre soin du monastère où il avait été
élevé sous saint Eusèbe.
7. La ville de Zeugma fut le lieu de la
naissance de saint Publie. Il choisit, à trente
stades de cette ville, un lieu élevé où il bâtit
une petite cellule , et s'y retira après avoir
vendu sa maison , ses terres, sa vaisselle d'ar-
gent, ses meubles, ses troupeaux, et généra-
lement tous ses biens , et en avoir distribué
le prix aux pauvres. Dans les commence-
ments de sa retraite, il ne voulut permettre
à personne de demeurer avec lui; mais
enfin il consentit à bâtir, pour ceux qui s'é-
taient mis sous sa discipline, un logement, et
renversa les petites cellules qu'il leur avait
bâties auparavant près de la sienne. Comme
sa communauté était composée de Grecs et
de Syriens, ils s'assemblaient les uns et les
autres dans une chapelle, tous les jours, soir
et matin, pour y faire l'office et y chanter
tous ensemble les louanges de Dieu, chacun
en sa langue, mais séparément, les uns étant
d'un côté et les autres de l'autre, et disant
ainsi tour à tour chacun un verset. Théoctène
et Aphtone furent ses successeurs dans le
gouvernement de cette maison. Ce dernier,
après l'avoir gouvernéependantquarante ans,
fut fait évêque, sans vouloir quitter pour cela
son manteau de solitaire ni sa tunique de poil
de chèvre, ni changer de nourriture. Il parait
que saint Publie permettait dans son monas-
tère l'usage du vin, du vinaigre, des raisins
secs , du lait clair et caillé , et de l'huile du-
rant le temps de la Pentecôte.
S^ûnlPublie
pag. 802.
54
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Saint Si-
in é o a I ' A n-
cien,pag.806.
Sainl Pal
lade, pag.811.
8. Tliéodoret prend pour témoin de ce qu'il
raconte de saint Siméon l'Ancien un solitaire
nommé Jacques, qu'il qualifie admirable pour
ses vertus. «Un jour, dit-il, deux solitaires éga-
rés dans le désert se trouvèrent auprès de
la caverne où demeurait Siméon; l'ayant
prié de leur montrer le chemin d'un bourg
où ils désiraient aller, il fit venir deux lions,
auxquels il commanda de conduire ces étran-
gers, et de les remettre dans le chemin qu'ils
avaient quitté. Ces deux animaux, après avoir
caressé le saint comme leur maître, obéirent
sur-le-champ. Dans une autre occasion, il
éteignit le feu du ciel qui avait pris à une
grange, après avoir auparavant obligé le pro-
priétaire cl restituer quelques gerbes qu'il
avait prises à son voisin. Faisant voyage à la
montagne de Sinaï , il trouva en chemin un
homme dans une caverne qui y habitait de-
puis longtemps. Comme il s'entretenait avec
lui, un lion vint à paraître assez loin de là;
ce qui remplit de crainte ceux qui accompa-
gnaient saint Siméon; ce solitaire s'en aper-
cevant , fit signe de la tête à ce lion de s'en
aller d'un autre côté, à quoi il obéit après lui
avoir apporté une branche de palmier char-
gée de dattes. L'anachorète leur donna ces
dattes^ et après avoir fait des prières et chanté
des psaumes avec eux, puis les avoir salués,
il leur dit adieu. Saint Siméon demeura huit
jours au même lieu où Moïse fut trouvé digne
de voir Dieu autant qu'un homme mortel en
est capable , et pendant tout ce temps il ne
but ni ne mangea quoi que ce fût. Ayant en-
suite étendu sa main, il prit trois pommes
qu'il mangea , suivant l'ordre qu'il en avait
reçu d'une voix descendue du ciel. » Théodo-
ret dit que sa mère, qui avait eu souvent le
bonheur de recevoir la bénédiction du saint,
lui avait raconté la plupart des choses qu'il
en rapporte.
9. Saint Pallade avait porté avec saint Si-
méon l'Ancien le même joug dans le service
de Dieu. Théodoret n'en raconte que le mi-
racle suivant dont il dit que la mémoire était
encore toute récente. « Un méchant homme
ayant tué et volé un marchand sur le grand
chemin, prit le corps et le porta devant la cel-
lule de saint Pallade. Le bruit de ce meurtre
se répandit aussitôt, et chacun accourut à la
porte de l'homme de Dieu, demandant qu'il
fût puni de l'homicide. Dans cet état, il éleva
ses yeux vers le ciel, et après avoir prié Dieu
de faire connaître la vérité , il prit la main
droite du mort et le conjura de dire, en pré-
sence de tout le peuple assemblé , qui était
son meurtrier. Le mort leva à l'instant la tête,
regarda tous les assistants, et montra du doigt
celui qui avait commis le meurtre . On le fouilla
et l'on trouva que son épée était encore toute
teinte du sang de cet homme , et qu'il était
saisi de l'argent qui l'avait poussé à le tuer.»
Théodoret parle ensuite d'un solitaire appelé
Abraham, qui après avoir opéré quantité de
merveilles pendant sa vie, en opérait encore
après sa mort, son cercueil étant comme une
source de guérisons de toutes sortes de ma-
ladies.
■10. Saint Aphraate préférant à sa nation,
dont l'impiété lui faisait horreur, une nation
étrangère, s'en alla à Edesse. Ayant trouvé
hors de cette ville une petite maison , il s'y
enferma pour ne penser qu'à son salut. De là
il passa à Antioche, qu'il avait appris être
violemment agitée par la tempête de l'héré-
sie arienne. Quoiqu'il ne sût que fort peu le
grec, il ne laissa pas d'attirer un grand nom-
bre de personnes qui venaient l'entendre,
dont les unes l'écoutaient sans dire mot, et les
autres lui faisaient des questions. Il confon-
dait les raisonnements des hérétiques et des
philosophes, et par ses discours tout divins, il
soumettait à l'obéissance de Jésus-Christ ceux
qui l'écoutaient. Dans ces pénibles occupa-
tions, il ne reçut jamais de personne ni pain
ni aucune nourriture, ni habit, ni quoi que
ce fût, excepté d'un seul de ses amis qui lui
apportait du pain, auquel dans son extrême
vieillesse il ajoutait un peu d'herbe qu'il man-
geait après le coucher du soleil. On ne put
même lui persuader de recevoir quelqu'un
pour demeurer avec lui, aimant mieux se
servir que d'être servi par un autre. Un homme
de condition lui ayant apporté une robe de
Perse, il ne put se résoudre à la recevoir, ne
voulant point en avoir deux à la fois. Nous
avons vu ailleurs la réponse qu'il fit à l'em-
pereur Valens, qui avait trouvé mauvais qu'il
eût quitté sa cellule pour aller dans des as-
semblées publiques y fortifier les fidèles con-
tre l'hérésie arienne. Il fit cesser, par ses
prières, une dissension qui existait entre une
dame et son mari , et chassa par une cruche
d'eau, sur laquelle il avait fait sa prière et mis
sa main, un nombre infini de sauterelles qui
dévoraient les moissons et les autres fruits de
la campagne. «J'ai eu, dit Théodoret, le
bonheur de le voir et de recevoir sa bénédic-
tion étant encore fort jeune, et accompagnant
ma mère à qui il la donna aussi : il lui parla
Apbraale
San, pag.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THEODORET, EVÊQUE DE CYR.
55
au dehors de sa porte, suivant sa coutume.
Pour moi, il me fit entrer et me rendit parti-
cipant des richesses de ses prièi'es. »
îairi pier. 11. Saint Pisrre, descendant des Gaulois
pag. 819. ^^^yjg ^jj j^sie, et dont les ancêtres avaient
choisi leur demeure vers le Pont-Euxin, sor-
tit, dès l'âge de sept ans, de la maison de son
père et passa le reste de sa vie, qui fut de
quatre-vingt-dix-neuf ans , dans les combats
d'une vie toute spirituelle. La Galatie fut le
lieu où il s'exerça d'abord dans la pratique
de la vertu. De là il passa dans la Palestine
pour voir les lieux où s'était accomplie la
passion de notre Sauveur, et y adorer le Dieu
qui nous a rachetés par son sang. Ce n'est
pas qu'il le crût renfermé dans un certain
lieu, n'ignorant pas que sa nature est infinie,
mais il souhaitait voir de ses propres yeux
l'objet dont son esprit jouissait par la foi.
Ayant satisfait à ce désir, il passa k Antioche,
où il choisit pour demeure un sépulcre dont
le dessus, qui s'avançait en dehors , avait
un plancher sur lequel on pouvait monter
avec des échelles. Sa nourriture était de l'eau
froide et du pain dont il ne mangeait que de
deux jours en deux jours. Sa réputation lui
attira plusieurs malades ou possédés du dé-
mon : il les guérissait par ses prières. La
mère de Théodoret, ayant une incommodité
à un œil, que tous les remèdes enseignés
par les médecins n'avaient pu guérir, ré-
solut, de l'avis d'une femme de ses amies,
d'aller trouver le saint; comme elle était en-
core fort jeune et aimait à se parer, elle y
alla avec des pendants d'oreille , des colliers
et d'autres ornements d'or, vêtue d'un bro-
card de soie très-magnifique, le visage tout
couvert de fard. Saint Pierre la voyant en un
état si peu conforme à la modestie chrétienne,
lui dit, pour la guérir de l'amour qu'elle avait
pour le luxe : a Dites-moi, je vous prie, si
quelque peintre excellent, ayant fait un por-
trait selon toutes les règles de l'art et l'ayant
exposé à la vue de tous ceux qui voudraient
le regarder, il arrivait que quelqu'un qui ne
connaîtrait rien à la peinture voulût, selon sa
fantaisie, porterjugement de celle-là, et qu'en
y trouvant à redire il allongeât les traits des
sourcils et des paupières, blanchît le visage
et mit du rouge sur les joues, croyez-vous
que ce peintre ne se mit point en colère de
voir gâter par une main ignorante ce qu'il
aurait fait avec tant d'art? Ne doutez donc
point que le Créateur de toutes choses, cet
admirable ouvrier qui nous a formés, ne s'of-
fense avec sujet de ce que vous accusez d'i-
gnorance son incomparable sagesse. Car vous
ne mettriez pas du noir, du blanc et du rouge
sur votre visage si vous ne croyiez en avoir
besoin , et vous ne sauriez croire en avoir
besoin sans accuser de quelque impuissance
celui qui vous a donné l'être. Or, sachez que
son pouvoir est égal à sa volonté, puisque,
selon que le dit David, il fait tout ce qu'il lui
plaît. Mais le soin qu'il a de chacun de nous
l'empêche de nous donner ce qui nous serait
dommageable. C'est pourquoi gardez-vous
bien de rien changer à ce portrait qui est l'i-
mage vivante de Dieu , ni de tâcher de vous
donner à vous-même ce que sa sagesse n'a
pas voulu vous donner, en vous efforçant
d'acquérir contre son dessein une beauté
fausse et non naturelle, qui rend coupables
les plus chastes femmes , parce qu'elle tend
des pièges à ceux qui les voient.» Cette dame,
touchée de ce discours, se jeta aux pieds du
saint, le suppliant de la guérir; et àforce de
redoubler ses prières et de protester qu'elle
ne le quitterait point qu'il ne l'eût guérie,
Pierre lui dit : « Si votre foi est sincère, ferme
et pleine de confiance, donnez congé aux mé-
decins, renoncez à tous leurs remèdes et re-
cevez celui-ci au nom du Seigneur. » Après
ces paroles il mit la main sur son œil, et
en faisant le signe de la croix il la guérit en-
tièrement. De retour en sa maison, elle lava
tout le fard qu'elle avait sur le visage, quitta
tous ses ornements, et s'habilla depuis ce
jour avec simplicité, sans porter ni étoffes
à fleurs , ni aucun ornement d'or. Elle em-
brassa de plus une vie pénitente, et fournit à
Pierre l'orge dont il fit toute sa nourriture
pendant quarante ans, jusqu'à ce qu'une ma-
ladie l'obhgea de la prier de lui envoyer du
pain au lieu d'orge. Saint Pierre fit d'autres
guérisons miraculeuses : il guérit une fille
des douleurs qu'un cancer lui causait.
12. Le saint abbé ïhéodose, outre les saimThéo.
mortifications ordinaires aux anachorètes, fTl'sû!'^"'
qui étaient de coucher sur la terre , de ne
porter qu'une tunique de poil de chèvre, por-
tait des chaînes de fer au cou, aux reins et
aux mains; il ne peignait point ses cheveux,
qui étaient si longs qu'allant plus bas que ses
pieds il était contraint de les attacher autour
de son corps. Il priait ou chantait continuel-
lement des psaumes, s'occupant aussi du tra-
vail des mains, soit à faire des corbeilles, soit
à défricher dans le bois ou à semer pour pour-
voir à sa nourriture. Ses disciples s'occu-
56
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sainl
main ,
«30.
piiieiit de même à divers ouvrages qu'ils ven-
daient dans les villes voisines d'où ils rap-
portaient en échange ce qui leur était néces-
saire. Ils avaient pour cela un petit bateau
sur lequel ils portaient leurs ouvrages. Ce
saint abbé donnait pour raison des travaux
corporels qu'il prescrivait à ceux qui se ran-
geaient sous sa conduite, qu'il serait ridicule
de voir les gens du monde travailler avec
tant de peine non-seulement pour se nourrir
avec leur famille , mais aussi pour satisfaire
aux impositions et aux tributs, pour payer les
dimes et pour assister les pauvres selon leur
pouvoir, et que des solitaires ne gagnassent
pas par leur travail ce qui leur est nécessaire,
et que , demeurant en repos , ils voulussent
jouir du travail des autres. Sa vertu était
connue même des Isaures, de sorte que tan-
dis qu'ils ravageaient la plus grande partie
de l'Orient, ils se contentèrent , en passant
devant le monastère de cet abbé, de lui de-
mander du pain et des prières. Les évêques,
craignant néanmoins que ces barbares ne^
l'emmenassent prisonnier, afm d'exiger de
grandes sommes pour sa rançon , comme ils
en avaient payé pour deux de leurs confrères,
lui persuadèrent de se retirer à Autioche. Au-
dessus du monastère qu'il avait bâti, se trou-
vait une roche sèche et aride dans laquelle il
tailla nn aqueduc. Après que cet ouvrage fut
achevé, il se leva la nuit avant que les frères
fussent éveillés pour l'office, et, plein d'une
foi vive et d'une ferme confiance en Dieu , il
lui adressa sa prière ; puis, frappant la roche
de son bâton, elle s'ouvrit aussitôt et produi-
sit un ruisseau qui, étant porté par cet aque-
duc jusqu'au monastère , y fournit des eaux
en abondance, qui retombaient dans la mer;
ce qui fait voir encore aujourd'hui que Dieu
a fait à l'abbé Théodose la même grâce qu'à
Moïse. Après sa mort, son corps fut porté par
les principaux magistrats d'Antioche dans
l'église des saints martyrs, et mis dans le
même cercueil que saint Aphraate. Hellade
et Romulus furent depuis supérieurs de son
monastère.
Ro- 13. Ce fut encore dans le voisinage d'An-
'"'°' tioche que saint Romain établit sa demeure
dans une cellule extrêmement petite. Il y vé-
cut longtemps sans user jamais de feu ni de
lampe, n'ayant pour toute nourriture que du
pain , du sel et de l'eau pure. Ses cheveux ,
son habit et ses chaînes étaient en tout sem-
blables à ceux de l'abbé Théodose. Il faisait
à ceux qui le venaient voir diverses exhorta-
tions sur l'amitié fraternelle, l'union et la paix
dans laquelle il faut vivre avec tout le monde.
«Il s'en est rencontré, dit Théodoret, que son
seul regard a portés à aimer les choses saintes:
car, qui n'eût été ravi d'admiration en voyant
ce saint, si affaibli par sa vieillesse, être
chargé volontairement de tant de chaînes,
n'avoir pour tout vêtement qu'une tunique de
poil de chèvre , et ne prendre de la nourri-
ture qu'autant qu'il en fallait pour ne pas
mourir ! » Cet historien rapporte de lui plu-
sieurs miracles.
14. La vie de saint Zenon n'était pas sai
moms pauvre. Après avon- renonce a un
emploi qu'il avait à la cour de l'empereur
Valens, il s'enferma dans un sépulcre sur la
montagne d'Antioche, n'ayant ni lit ni lampe,
ni feu, ni pot, ni coffre, ni livres; mais seu-
lement de vieux habits, et des souliers si
usés qu'il n'y avait pas même de quoi les
attacher. Il recevait d'un de ses amis un
pain de deux jours l'un et il allait lui-même
puiser l'eau fort loin de là. Un jour comme
il venait de la fontaine, Théodoret le ren-
contra qui portait deux cruches d'eau.
(( Comme je lui demandai , dit cet historien, où
demeurait l'admirable Zenon, il me répon-
dit qu'il ne connaissait point de solitaire
qu'on nommât ainsi. Cette réponse m'ayant
fait juger que c'était lui-même, je le suivis;
étant entré, je vis un ht fait avec du foin, et
un autre avec des pierres accommodées de
telle sorte qu'on pouvait se coucher dessus
sans se faire mal. Après m'être entretenu
avec lui de plusieurs discours de piété, je le
priai de me donner sa bénédiction; ce qu'il
refusa, sachant que j'étais lecteur, et que je
lisais au peuple l'Ecriture sainte. Mais enfin
il se laissa fléchir et offrit pour moi ses priè-
res à Dieu. Tout les dimanches il se trouvait
avec le peuple à réghse où il entendait avec
beaucoup d'attention la parole de Dieu de
la bouche de ceux qui l'enseignaient; après
avoir reçu la sainte communion, il s'en re-
tournait dans sa demeure ordinaire, où il
n'avait jamais qu'un livre; encore l'emprun-
tait-il, et le rendait après l'avoir lu ; puis il
en empruntait un autre. La minorité de ses
neveux fut cause qu'il ne put pas vendre son
bien ni le distribuer aux pauvres comme il
l'aurait souhaité; mais en étant devenu le
maître, il le vendit, en distribua une partie, et
n'ayant pu le leur donner tout entier à cause
d'une maladie qui lui survint, il pria saint
Alexandre son évêque de distribuer l'autre. »
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÉQUE DE CYR.
[V<= SIÈCLE.]
15. Ce saint anachorète, nommé Crito-
pliage, parce qu'il ne mangeait que de l'orge,
se rendit illustre par ses vertus et par ses
miracles. 11 passa quarante-cinq ans sur le
sommet des montagnes, n'ayant d'autre de-
meure qu'une profonde caverne. La mère de
Tliéodoret qui avait reçu par le ministère de
Macédonius de gi-andes grâces de Dieu,
fournissait à sa subsistance. L'étant venu
voir un jour qu'elle était malade, on lui dit
que l'on ne pouvait la faire résoudre de
prendre de la nourriture telle que son mal
en demandait. Macédonius l'exhorta d'obéir
aux médecins, et de considérer comme un
remède la nourriture dont elle userait seule-
ment par nécessité , et non pas par délica-
tesse : car elle avait scrupule d'en user à
cause qu'elle avait embrassé la vie solitaire.
« Moi-même, lui dit-il, qui, comme vous le
savez, n'ai durant quarante ans mangé que
de l'orge ; me trouvant hier malade, je priai
mon compagnon d'aller chercher et de m'ap-
porter un petit pain, considérant que si
je me laissais mourir faute de ce secours,
Dieu me demanderait compte de ma mort.
Je mangeai donc le pain qu'on m'apporta;
je vous prie maintenant de m'en donner
dans la suite, et non plus de l'orge.» Flavien
ayant fait venir Macédonius sous prétexte de
quelque accusation, l'ordonna prêtre pendant
la célébration du saint sacrifice. La cérémonie
finie, l'évêque lui dit ce qui s'était passé :
Macédonius qui n'en savait rien, lui en fit
des reproches et à tous ceux qui étaient
présents ; tant il craignait que cette charge
ne l'obligeât à quitter sa montagne et son
repos. Le dimanche suivant Flavien le fit
venir encore à Antioche, et le pria d'assister
à la cérémonie de la fête avec les autres,
n N'êtes-vous pas content, lui dit ce saint
solitaire, de ce qui s'est déjà passé? Vou-
driez-vous encore de nouveau m'ordonner
prêtre? » Les prêtres lui répondirent que
cela ne se pouvait, puisqu'on n'imposait ja-
mais les mains qu'une seule fois ; mais il ne
se rendit qu'après qu'on lui eût fait com-
prendre ce qu'on lui disait. Quelque temps
après sachant que l'empereur Théodose vou-
lait ruiner la ville d'Antioche à cause que
l'on y avait renversé sa statue, et celle de
l'impératrice sa femme, Macédonius s'adres-
sant aux deux officiers chargés de porter
aux citoyens de cette ville l'arrêt et l'effet
tout ensemble de leur ruine, leur dit de
mander à l'empereur qu'il y avait de l'excès
S7
dans sa colère, puisqu'elle le portait à faire
périr les images de Dieu pour venger l'in-
jure faite à la sienne, et ù faire mourir des
corps vivants, parce qu'on avait abattu des
statues de bronze, qu'on était prêt à réta-
blir. Théodoret rapporte plusieurs miracles
dont Dieu favorisa saint Macédonius, et n'ou-
blie point qu'il était redevable de sa nais-
sance à ses prières. Il l'avait vu souvent, et
dit que pour l'exhorter à bien faire, ce saint
homme lui disait : « Mon fils, vous êtes venu
au monde par beaucoup de travaux; j'ai
passé plusieurs nuits sans demander autre
chose à Dieu, sinon que ceux de qui vous
tenez la vie, portassent le nom que votre
naissance leur a donné : répondez donc par
vos actions à tant de peines et à tant de grâ-
ces. Vous n'aviez pas encore vu le jour que
votre mère vous avait consacré à Dieu. Or
les choses qui lui sont ofl'ertes doivent être
respectées de tout le monde et séparées du
commun des hommes. » Saint Macédonius
fut enterré à Antioche dans l'église des mar-
tyrs.
16. Théodoret passe sous silence Sévère,
Pierre d'Egypte et un grand nombre de so-
litaires, dont la piété avait éclaté dans An-
tioche, pour ne s'arrêter qu'à ceux qui avaient
vécu dans le diocèse de Cyr. Il met en pre-
mier lieu Maysime qui était chargé de la
desserte d'une église dans un bourg, fonction
dont il s'acquitta si dignement qu'il ne disait
et ne faisait rien qui ne fût conforme à la loi
de Dieu. Il fut longtemps sans ehanger d'ha-
bit et de manteau, se contentant d'y mettre
des pièces lorsqu'ils étaient déchirés. Sa
porte était toujours ouverte aux étrangers et
aux pauvres. Ou dit qu'il avait deux muids
l'un de blé et l'autre d'huile, qui ne désem-
plissaient jamais, quoiqu'il en donnât sans
cesse à tous ceux qui en avaient besoin. II
guérit par ses prières l'enfant d'une dame
abandonné des médecins, et fit quelques au-
tres miracles.
17. Acépésim reclus dans le même dio-
cèse passa soixante ans dans une cellule sans
voir, ni sans parler à personne. On lui ap-
portait une fois la semaine des lentilles trem-
pées dans de l'eau, par un trou percé obli-
quement, afin qu'on ne pût voir à travers
dans le lieu où il était. Il sortait la nuit pour
aller puiser de l'eau dans une fonlaine pro-
che de sa cabane. Un jour il fut rencontré
par un berger, qui, le voyant marcher à
quatre pattes, à cause de la quantité de
Saint May-
sime, p. 841.
Saint Acé-
pésim, pag.
843.
S8
HISTOIRE GÉNÉRALE DES ADTEUaS ECCLÉSLASTIQUES.
chaînes dont il était chargé, le prit pour un
loup, et voulut lui jeter une pierre avec sa
fronde; mais sa main et sa fronde s'arrêtè-
rent. Un autre ayant eu la curiosité de mon-
ter sur un arbre pour voir ce qu'Acépésim
faisait dans sa cellule, devint perclus de la
moitié du corps, et ne recouvra la santé
qu'après avoir fait abattre cet arbre. Son
évêque étant venu le visiter, l'ordonna prê-
tre; ce que ce saint homme n'accepta que
parce qu'il savait qu'il n'avait plus que peu
de jours à vivre. Comme les bourgs d'alen-
tour contestaient à qui emporterait son corps,
il vint un homme qui termina leur différend,
en disant que le saint l'avait obligé par ser-
ment de l'enterrer en ce lieu là.
Saint Ma- jg. Daus la même province, un solitaire
ron, pag. 845. '^ '
nommé Maron ayant résolu de passer sa vie
à découvert, se logea sur le haut d'une mon-
tagne où il consacra à Dieu un temple autre-
fois dédié au démon. Dieu lui accorda le don
de guérir non-seulement les maladies corpo-
relles , mais aussi les spirituelles , faisant
cesser l'avarice de l'un, et la colère de l'au-
tre; instruisant l'un dans les règles de la
tempérance, et donnant des préceptes à l'au-
tre pour vivre selon la justice. Les habitants
d'un bourg voisin emportèrent son corps
après sa mort, puis lui bâtirent une église,
où, en suite des honneurs publics et solennels
qu'ils lui rendaient, ils recevaient par son
intercession des grâces très-abondantes.
saiDtAbra- 19. Salut Abraham ayant appris que l'im-
lam, p. , . ^.^^^ régnait dans le bourg de Lybane, y
alla avec quelques-uns de ses compagnons
pour tâcher de le convertir. Ayant com-
mencé à chanter assez bas le divin office
dans une maison qu'ils avaient louée, les
habitants accoururent et jetèrent par-dessus
le toit une grande quantité de poudre. Mais
voyant que ces solitaires prêts d'être suffo-
qués, ne pensaient à autre chose qu'à prier
Dieu, ils les retirèrent du milieu de cette
poussière, et leur commandèrent de sortir
du bourg à l'heure même. Cependant il ar-
riva des sergents qui, pour obliger les habi-
tants à payer la taille, enchaînaient les uns
et battaient les autres : sur quoi Abraham
pria ces sergents d'exécuter avec moins de
rigueur leur commission. Les habitants sur-
pris d'une si extrême bonté dans un homme
qu'ils venaient de maltraiter, le conjurèrent
d'être leur seigneur; car ce bourg n'en avait
point. Le saint qui, pour adoucir les ser-
gents, g'étalt cautionné pour cent écus, les
emprunta d'un de ses amis dans la ville d'E-
messe. Ceux de Lybane, voyant sa prompti-
tude à s'acquitter de sa promesse, le pressè-
rent de nouveau de vouloir être leur sei-
gneur. Abraham y consentit, mais à condition
qu'ils bâtiraient une église. Lorsqu'elle fut
achevée, il leur dit de jeter les yeux sur un
prêtre; à quoi ils répondirent qu'ils n'en
voulaient point d'autre que lui-même qu'ils
élisaient tous pour être ensemble et leur
pasteur et leur père ; ainsi il se trouva oWigé
d'accepter le sacerdoce. Après avoir passé
trois ans avec eux, et les avoir instruits dans
la religion, il mit un de ses compagnons à
sa place, et retourna dans sa solitude. Mais
la réputation de ses vertus le fit appeler à
l'épiscopat de Carres, ville adonnée au culte
des démons. Il l'en retira par ses prédica-
tions, par ses ijrières et par ses bons exem-
ples, ne s'étant relâché en rien de ses an-
ciennes austérités pendant tout le temps
qu'il fût évêque. 11 recevait les étrangers
avec beaucoup d'humanité, leur faisant don-
ner ce qu'il trouvait de mieux en pain, en
vin, en poisson, en légumes, et de forts bons
lits. Il leur servait lui-même à manger, et leur
présentait à boire. Il passait les journées en-
tières à accorder les différends, s'appliquant
surtout k protéger ceux à qui l'on faisait du
tort. L'empereur l'ayant envoyé chercher,
lui rendit toute sorte d'honneur. L'impéra-
trice lui baisa les mains, lui embrassa les
genoux et se recommanda à ses prières. Son
corps après sa mort fut porté à Antioche, et
de là à Carres, l'empereur ayant ordonné
que le pasteur fût rendu à son troupeau.
20. Saint Eusèbe n'avait pour tout habit c,^^^^ g^.
qu'une peau ; sa nourriture ordinaire était ^^'''' p- *'"'■
des pois chiches et des fèves trempées dans
l'eau. Quelquefois il ajoutait des figues pour
soulager la faiblesse de son corps. L'hiver il
demeurait exposé au plus grand froid, l'été
aux plus ardentes chaleurs. Ses austérités
l'atténuèrent de telle sorte que sa ceinture
ne pouvant plus tenir sur ses reins, il fut
obligé de la coudre à sa tunique, pour l'em-
pêcher de tomber. 11 fut longtemps sans vou-
loir recevoir de visite que de Théodoret,
qu'il entretenait toujours des choses divines.
On dit qu'il passa un carême sans manger
autre chose que quinze figues.
21 . Saint Salanan ne recevait qu'une seule ^^.^^^ 5,,^.
fois par un trou, qu'il avait creusé sous sa """p^swa.
cabane, de quoi se nourrir toute l'année,
sans parler jamais à personne. L'évêque dio-
[V SIÈCLE.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÉQUE DE CYR.
39
césain ayant résolu de le faire prêtre, lui
parla assez longtemps des grâces dont Dieu
le favorisait. Mais n'ayant pu tirer de lui au-
cune parole, il se retira, et fit boucher l'ou-
verture qu'il avait faite dans sa petite maison
pour y entrer. Les habitants du bourg où il
était né, vinrent une nuit l'enlever, sans
qu'il témoignât ni s'y opposer ni y consentir,
et lui bâtirent un logement semblable au
sien. 11 n'y demeura pas longtemps. Ceux du
bourg qu'il avait quitté rompirent la maison
et le ramenèrent chez eux, sans qu'il fit au-
cune résistance pour demeurer dans le lieu
de sa naissance, ni qu'il témoignât aucun
désir de retourner au lieu dont on Favait tiré
d'abord.
22. Théodoret qui avait connu particuliè-
rement ce saint solitaire, dit, qu'étant jeune
il avait la voix excellente; qu'il avait chanté
en plusieurs solennités des martyrs, et ravi
le peuple par son chant; qu'il conserva long-
temps sa voix fort nette; et quoiqu'il fût
très-beau de visage, ni la beauté de sa voix,
ni la beauté de son visage, ni la fréquenta-
tion du monde ne diminuèrent rien de la
beauté de son âme. Son vêtement, depuis
qu'il avait embrassé la vie d'anachorète, con-
sistait dans une peau de chèvre, et sa nour-
riture dans un peu de pain et de sel. Ayant
un jour souhaité de voir célébrer le saint
sacrifice, il pria Théodoret de dire la messe
dans sa cellule. L'évêque y consentit, et
ayant envoyé chercher les vases sacrés dans
une église du voisinage, il offrit le divin et
salutaire sacrifice en se servant aulieu dau-
tel, des mains des diacres.
23. Tous les saints solitaires dont nous
venons de parler, étaient morts, lorsque
Théodoret écrivait leur Vie. Ceux dont il parle
ensuite vivaient encore. Le premier est saint
Jacques, disciple de saint Maron. Ses austé-
rités surpassèrent celles de son maître, vi-
vant dans un lieu où il n'avait pour toute
couverture que le ciel. Il portait de grosses
chaînes autour de ses reins et de son cou.
Celle-ci avait un anneau d'où partaient qua-
tre autre chaînes, dont deux se croisaient
sur le dos et deux sur l'estomac. D'autres
chaînes qu'il avaitsur les poignets jusqu'aux
coudes faisaient sur ses bras la même figure.
Théodoret s'en étant aperçu en couchant au-
près de lui, dans une maladie dont ce saint
était attaqué depuis plusieurs jours, le pria
de se décharger d'un si grand poids, et de
donner quelque relâche à son corps épuisé
de la fièvre : le saint lui obéit. Dans une autre
maladie qui lui survint quelque temps après,
Théodoret eut bien de la peine à le résoudre
à prendre un verre de tisane. 11 lui persuada
aussi de laver ses pieds, qui, parleur extrême
faiblesse, avaient perdu l'usage démarcher.
Il arrivait quelquefois qu'étant couché par
terre en priaut Dieu, la neige tombant du-
rant trois jours et trois nuits, le couvrait de
telle sorte qu'on ne voyait que S5s habits,
jusqu'à ce que les habitants des lieux voisins
l'ôtassent avec des bêches, et le retirassent
de là. Il rendit par ses prières la santé aux
malades, et la vie à un enfant mort; ce fut
en recourant aussi à ses prières que Théo-
doret purgea son diocèse de l'hérésie des
marcionites. Cet évêque avait reçu solennel-
lement avec son clergé les reliques de saint
Jean-Baptiste, qui lui avaient élé apportées
de Phénicie et de Palestine. Le saint ana-
chorète eut quelque doute si ces reliques
étaient véritablement du grand saint Jean
ou de quelque autre martyr, qui portât le
même nom. Il en fut repris dans une vision,
et vit saint Jean qui l'assura qu'elles étaient
de lui. Sur quoi il pria Théodoret de les lui
apporter, pour satisfaire au désir extrême
qu'il avait de les baiser. On lui fit une grande
chapelle dans le bourg le plus proche de sa
montagne, et Théodoret lui fit faire un tom-
beau dans l'église des Apôtres. Le saint qui
vivait encore le pria de lui donner la sépul-
ture sur la montagne, Théodoret y fit donc
transporter ce tombeau qu'il fit environner
d'une petite chapelle parce que les pierres
se gâtaient à l'air. Quand saint Jacques la
vit couverte, il lui dit : « Je ne souffrirai ja-
mais qu'on appelle ceci le tombeau de Jac-
ques; mais je désire qu'il porte le nom de
la Chapelle des saints et victorieux martyrs,
et qu'on me mette auprès d'eux dans un au-
tre cercueil, comme un pauvre à qui ils font
la grâce de le recevoir chez eux. » C'est ce
qu'il exécuta en efl:et : car ayant rassemblé
de tous côtés des reliques de plusieurs pro-
phèteSj de plusieurs apôtres et d'un très-
grand nombre de martyrs, il les mit dans le
tombeau que Théodoret avait fait faire, s'es-
timant heureux d'avoir quelque place dans
le lieu où se trouvaient tant de saints, pour
ressusciter et jouir un jour avec eux de la
présence de Dieu.
2-4. Théodoret dit de saint Thalasse que
c'était un homme orné de plusieurs grandes
vertus, qu'il excellait principalement sur
Saint Tis-
lasse et saint
Lymnée, pae.
60
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tous les solitaires de son temps en simplicité
et en modestie, comme il l'avait appris, non-
seulement sur le rapport d'autrni, mais par
sa propre expérience. Ce saint eut pour dis-
ciple Lymnée dont le nom devint très-célè-
bre. La première leçon qu'il lui donna fut
de garder le silence; ce que Lymnée ob-
serva avec tant d'exactitude qu'il fut très-
longtemps sans dire une seule parole à qui
que ce fût. Il se mit aussi sous la conduite
de saint Maron oii il profita beaucoup. Puis
ayant fixé sa demeure sur le sommet d'une
montagne qui est au-dessus d'un bourg ap-
pelé Targale, il s'y logea à côté d'un petit
mur dont if ferma la porte qu'il n'ouvrait
jamais qu'à Théodoret. Mais il parlait à ceux
qui venaient le voir par une petite fenêtre,
et leur donnait sa bénédiction qui rendait la
santé aux malades. Souvent aussi il chassait
les démons en invoquant le nom de notre
Sauveur, et faisait les mêmes mii'acles qu'o-
péraient autrefois les Apôtres. Lorsqu'il se
trouvait lui-même incommodé, il n'avait pas
recours à la médecine, mais il se guérissait
par la vertu de la prière, du signe de la
croix et du nom de Jésus-Christ. Ce fut par
ce remède salutaire qu'il se guérit un jour
de la morsure d'une vipère. Le désir d'être
utile à plusieurs l'engagea à rassembler au-
près de lui des aveugles et des pauvres, à
qui il fit deux logements pour les retirer, l'un
du côté du soleil levant, et l'autre du côté
du soleil couchant. Il leur ordonna de louer
Dieu, et pourvut à leur nourriture, en exhor-
tant ceux qui le venaient voir d'en prendre
soin. 11 demeurait reclus au milieu de ces
logements, d'où il excitait les uns et les au-
tres à chanter les louanges du Seigneur; ce
qu'ils faisaient sans cesse,
sainijean, 23. La nourrlturc, le vêtement et les chaî-
p^'s'i .'s'ain't nés de saint Jean, étaient les mêmes que
pfi'ycïoîi'ê.' celles des solitaires, dont nous avons déjà
parlé. Il était si au-dessus des consolations
humaines, que pour se priver de l'ombrage
que lui donnait un amandier, il le fit couper.
Moïse, Antioque et Antonin vivaient aussi
d'une manière très-austère, ne se laissant
ébranler en aucune manière par la faiblesse
de leurs corps dans leurs travaux, et leurs
prières continuelles. On dit que Zébin sur-
passait tous les hommes de son temps en
assiduité à prier, y employant les nuits et
les jours entiers avec une fei-veur toujours
nouvelle. Après sa mort l'on bâtit une grande
église dans le bourg proche de sa demeure
nommé Citte, où l'on mit son cercueil. Les
malades qui s'en approchaient avec foi, y
étaient guéris. On mit dans la même église
les corps de quelques autres saints , qui
avaient reçu dans la Perse la couronne du
martyre, et en l'honneur desquels, dit Théo-
doret, nous faisons tous les ans un office et
un service solennel. Il n'avait pas vu Zébin,
mais il avait conversé avec Polycrone son
disciple, embrasé comme son maître du feu
de l'amour divin. Il passait les nuits entières
debout, occupé de la prière, de la contem-
plation et de la méditation des choses divi-
nes. Théodoret, le voyant accablé de vieillesse
et de faiblesse, sans recevoir ni services ni
soulagements de qui que ce fût, persuada
à deux solitaires qui demeuraient séparé-
ment proche de là, de donner leurs soins à
ce grand serviteur de Dieu. Ne pouvant sup-
porter de passer avec lui les nuits entières
debout, ils le prièrent de proportionner ses
travaux à la faiblesse de son corps. « Je ne
prétends point, leur répondit-il, vous con-
traindre à demeurer debout comme m.oi,
mais je vous ordonne de vous coucher sou-
vent. » La crainte de la vanité l'empêcha de
se charger de chaînes de fer. En échange il
se fit apporter une grosse racine de chêne,
sous prétexte d'en avoir besoin, et la met-
tant la nuit sur ses épaules, il priait Dieu en
cet état, ce qu'il faisait aussi durant le jour
lorsqu'il était seul. Théodoret assure que
cette racine était si pesante, qu'il eut peine
à la lever avec ses deux mains. Il raconte de
lui plusieurs miracles, et loue surtout sa
modestie et sa charité.
26. Il ne s'étend pas beaucoup sur saint saimAsciê-
Asclépie, se contentant de dire que demeu- p""'P''b™-
rant à dix stades de chemin de saint Poly-
crone, il avait embrassé sa manière de vivre,
sa nourriture, son vêtement, sa modestie, sa
douceur, son attention à recevoir les étran-
gers, son amour envers les frères et son ap-
plication à Dieu. Il eut pour disciple un
nommé Jacques, que ses austérités n'empê-
chèrent pas de vivre au-delà de quatre-vingt-
dix ans. Il répondait par un trou fort étroit
à ceux qui venaient le consulter, sans user
jamais de feu dans sa cellule, et sans y allu-
mer de lampe.
27. Saint Siméon était né dans un bourg g^■^^ s,.
nommé Sisa, sur les confins de la province "'âve.^^'jM
de Cyr et de la Cilicie . Sa première occupation 353 euVï.^'
fut de mener paître des brebis. Etant un jour
à l'église, il entendit lire ces paroles : Bien-
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORE!, EVEQUE DE CYR.
61
heureux sont ceux qui pleurent, et malheureux
ceux qui rient ; bienheureux sont ceux qui ont
le cœur pur. N'en comprenant pas bien le
sens, il le demanda à un de ceux qui étaient
présents, lequel lui répondit, que la vie re-
tirée et solitaire était la plus propre pour ac-
quérir une vertu solide. Siméon fut confirmé
dans cette vérité, par une vision qu'il eut
étant dans une église des saints martyrs. 11
prit donc la résolution de se retirer dans un
monastère. 11 y demeura deux ans et passa
ensuite dans un autre, où il vécut dix ans,
ayant pour compagnons de ses combats qua-
tre-vingts moines; mais il les surpassait tous,
car les autres mangeant de deux jours l'un,
lui seul ne mangeait qu'une fois la semaine.
Ses supérieurs l'en reprirent souvent comme
d'un excès, mais il ne put se résoudre à mo-
dérer cette austérité. Il y en ajouta une se-
conde, qui fut de se ceindre sur la chair avec
une corde faite de feuilles de palmier. Au
bout de dix jours, cette corde qu'il avait trop
serrée, fit sortir de son corps le sang à gros-
ses gouttes. Les frères s'en étant aperçus, la
lui arrachèrent ; mais ils ne purent lui per-
suader de rien faire pour se guérir. Ils prirent
occasion de ses austérités pour le faire sortir
de la maison, disant qu'elles pourraient nuire
à ceux qui n'auraient pas la force d'en sup-
porter de semblables, et qui pourraient tou-
tefois entreprendre de les imiter. Siméon
prit le chemin du lieu le plus désert de la
montagne, où ayant trouvé un puits sec, il y
descendit. Là il chantait les louanges de
Dieu, lorsque cinq jours après sa sortie, deux
frères de son monastère vinrent l'en retirer
par ordre de leur supérieur qui s'était re-
penti de l'avoir fait sortir. De retour à son
monastère, il n'y demeura que peu de temps,
résolu d'aller fixer sa demeure près d'un
bourg nommée Thélanisse. Il y demeura trois
ans, reclus dans une cabane, travaillant sans
cesse à s'enrichir de plus en plus des vertus
célestes. Le désir d'imiter le jeûne de Moïse
et d'Elie, lui fit entreprendre de passer le
carême entier sans boire ni manger. Un saint
homme nommé Bassus à qui il en confia le
secret, fit ce qu'il put pour le détourner de
cette entreprise. « Mon père, lui dit Siméon,
donnez-moi donc, s'il vous plaît, dix pains et
une cruche d'eau pour m'en servir, si j'en ai
besoin. » La porte de sa cellule fut bou-
chée comme il l'avait souhaité ; mais lorsque
les quarante jours furent passés, Bassus la
déboucha, et étant entré, il trouva tous les
pains et l'eau qu'il y avait mis, et le saint
couché par terre, sans parole et sans mou-
vement, comme s'il n'eût plus eu de vie.
Ayant trempé une éponge dans de l'eau, il
lui en arrosa la bouche, puis lui donna le
corps et le sang de Jésus-Christ : car Bassus
était initié dans le sacerdoce, et chargé de
la conduite de plusieurs prêtres. Siméon for-
tifié par la communion sacrée, se leva et prit
un peu de nourriture en suçant des laitues,
de Li chicorée et quelques autres légumes.
Depuis ce temps-là, il passa tous les carêmes
sans manger. Les premiers jours, il se tenait
debout, chantant les louanges de Dieu ; les
jours suivants, son corps affaibh par le jeûne,
n'ayant plus la force de se tenir en cet état,
il demeurait assis, et disait ainsi son office ;
mais les derniers jours, ses forces étant en-
tièrement abattues et se trouvant comme à
demi-mort, il était contraint de se couclier
par terre. Après s'être ainsi exercé pendant
plusieurs années. Dieu le fortifia tellement
par la puissance de sa grâce, qu'il passait
tous ces quarante jours avec une joie sans
égale. Ayant passé du bas de la montagne
sur le sommet, il le fit environner d'une mu-
raille, et ayant fait faire une chaîne de fer
qui avait vingt coudées de longueur, il s'en
fit attacher un bout au pied droit, et l'autre
à une grosse pierre, afin de ne pouvoir,
même quand il le voudrait, sortir de ces li-
mites. Saint Mélèce alors patriarche d'An-
tioche, lui ayant représenté que cette chaîne
était inutile pour l'engager à demeurer en
ce lieu, s'il en avait la volonté, il consentit à
la faire rompre. Comme on avait rais un
morceau de cuir entre deux pour empêcher
que la chaîne n'entrât dans sa chair, le ser-
rurier en rompant cette chaîne trouva plus
d'une vingtaine de vers cachés dessous, le
saint voulant s'accoutumer par les piqûres
importunes de ces insectes, à supporter de
plus grandes souffrances. La réputation de
Siméon se répandant partout, les peuples
accouraient de toute part pour le voir. Il en
venait non-seulement de la province de Cyr,
mais on y voyait encore des Ismaélites, des
Perses, des Arméniens, des (bériens, des
Ethiopiens, des Espagnols, des Anglais, des
Gaulois, et d'autres peuples plus éloignés. Il
était si célèbre dans Rome que les habitants
mettaient son image à l'entrée de leurs bou-
tiques, comme pour chercher de l'assurance
et de l'appui dans sa protection et dans son
secours. Il se faisait de grands miracles au-
62
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
près de sa demeure ; les uns y obtenaient la
guérison des paralytiques qu'ils y avaient
amenés; les autres celle de diverses mala-
dies. Pour éviter les honneurs excessifs qu'on
lui rendait, en touchant les peaux dont il était
revêtu, par la croyance qu'elles renfermaient
quelque bénédiction, il s'avisa de demeurer
sur une colonne qu'il fit d'abord de six cou-
dées de haut, puis de douze, ensuite de vingt-
deux, et enfin de trente-six. Cette lampe si
éclatante étant exposée de la sorte, comme
sur un chandelier fort élevé, jeta ses rayons
de toute paît. On vit des troupes d'Ismaélites
de deux et trois cents, et quelquefois de mille
personnes, abjurer en sa présence l'idolâtrie,
recevoir le baptême et embrasser avec révé-
rence les divins mystères de notre foi.
Théodoret qui en avait été témoin oculaire,
se trouva un jour dans un extrême péril : car
le saint ayant commandé à ces barbares d'al-
ler à lui pour recevoir la bénédiction épisco-
pale, ils se jetèrent en foule sur lui, les uns
le tirant par devant, les .autres par derrière,
et les autres par les côtés. « Ils m'arrachaient
la barbe, dit Théodoret, et déchiraient mes
habits, en sorte qu'ils m'auraient étouffé, si
le saint ne leur eût crié de se retirer; à quoi
ils obéirent tous à l'heure même. » Cet his-
torien avait aussi été témoin des miracles
suivants : Un gouverneur des Sarrasins étant
venu prier Siméon de guérir un paralytique,
le fit apporter devant lui en présence de tout
le monde : le saint commanda au paraly-
tique de renoncer à l'impiété de ses pères; ce
qu'il fit de bon cœur ; le saint lui demanda
alors s'il croyait au Père, au Fils, au Saint-
Esprit; le malade répondit qu'oui. « Je vous
commande donc, enleurnom, de vous lever,»
ajouta le saint. Le malade se leva à ces pa-
roles parfaitement guéri. Un Ismaélite qui
avait promis à Dieu en présence du saint, de
ne manger jamais rien qui eût eu vie, depuis
qu'il avait embrassé la foi de Jésus-Christ,
tua une poule et en mangea. Dieu voulant
lui faire connaître sa faute, et honorer en
même temps son serviteur, témoin du vœu
de cet Ismaélite, changea en pierre le reste
de la chair de cette poule. Celui-ci etfrayé,
accourut vers le saint, à qui il découvrit son
péché en implorant son secours pour en ob-
tenir pardon de Dieu. « Plusieurs, dit Théo-
doret, virent ce miracle, et touchèrent de
leurs propres mains l'estomac de cette poule,
dont une partie était d'os et l'autre de pierre,
Pour moi, ajoute-t-il, non-seulement j'ai vu
ce prodige; mais je l'ai ouï prédire une ex-
trême sécheresse deux ans avant qu'elle ar-
rivât. Il me prédit aussi qu'un homme qui
me persécutait, me laisserait en repos dans
quinze jours; l'effet confirma sa prédiction.
Le roi de Perse lui envoya des personnes de
sa part pour lui marquer son respect, et la
reine sa femme obtint un enfant par ses
prières. Aussitôt qu'elle fut en état de sortir,
elle mena ce jeune prince à l'homme de
Dieu, pour recevoir sa bénédiction. Les jours
de fêtes. Saint Siméon demeurait en prières
les mains élevées vers le ciel, depuis le cou-
cher du soleil jusqu'à son lever, sans jamais
fermer les paupières ni chercher le moindre
repos. Toujours plein de modestie et de dou-
ceur, il répondait avec bonté aux pauvres,
aux artisans, et généralement à Ions ceux
qui venaient lui parler. Il faisait des exhor-
tations deux fois chaque jour, discourant
avec un jugement et une sagesse admirables,
et répandant dans l'esprit de ses auditeurs,
par l'assistance du Saint-Esprit, des instruc-
tions très-salutaires. Après noue, il faisait les
fonctions de juge, terminant les différends de
ceux qui les remettaient à sa décision. Il ne
négligeait point non plus les intérêts de l'E-
glise. Tantôt il combattait l'impiété des ido-
lâtres, tantôt il terrassait la résistance opi-
niâtre des juifs, et tantôt il dissipait les fac-
tions des hérétiques. Il écrivait quelquefois
à l'empereur pour le bien de l'Eglise. Nous
n'avons plus ses lettres. 11 s'adressait aussi
quelquefois aux magistrats, pour réveiller
en eux le zèle du service de Dieu, et quel-
quefois il exhortait même les évoques à s'in-
téresser davantage au salut des âmes qui leur
étaient confiées.» Outre la vie de ce saint, don-
née par Théodoret, nous en avons deux au-
tres, dont l'une fut écrite par Antoine, dis-
ciple de saint Siméon StyUte, et par consé-
quent témoin oculaire des merveilles qu'il
en rapporte. Cette Vie qui est cité par Eva-
gre ' se trouve en grec dans un manuscrit
du duc de Bavière; Bollandus qui l'a fait im-
primer le premier^, ne l'a donnée qu'en latin,
avec une autre Vie du même saint, mais dont
l'auteur n'est pas connu. Cette dernière avait
déjà été imprimée dans la Vie des Pères par
Rosveyde. Comme ces deux Vies ont entre
elles quelques rapports, et qu'elles sont né-
> Evagr., lib. I Hist., cap. xm.
2 Tom. I, Januar., pag. 264.
[V= SIÈCLE.]
CHAPITRE IV.
anmoins différentes en beaucoup de choses,
on croit * que la première, qui est la plus
courte, est l'originale, telle qu'elle fut écrite
par Antoine, et que la seconde est l'ouvrage
de quelque écrivain postérieur, qui a fait une
nouvelle Vie de saint Siméon, en prenant
dans celle d'Antoine ce qu'il a jugé à propos,
et en y ajoutant ce qu'il avait lu ailleurs,
ou entendu dire du saint.
28. Saint Baradate vécut longtemps sur le
haut d'un rocher où il s'était pratiqué une
cabane, dont les ais mal assemblés ne le pa-
raient ni de la pluie ni du soleil ; elle était
en même temps si petite que ne pouvant s'y
tenir debout, il était toujours contraint de se
courber. Il quitta cette demeure aux instan-
ces de Théodote patriarche d'Antioche, et se
retira dans une autre cellule, où il se tenait
debout, en levant sans cesse les mains vers le
ciel, et enchantant les louanges de Dieu. Son
habit était d'un cuir qui le couvrait tout entier,
n'étant ouvert qu'à l'endroit du nez et de la
bouche pour pouvoir respirer. 11 avait l'esprit
clair et intelligent, et argumentait souvent
plus fortement que les plus exercés dans les
subtilités d'Aristote. A l'égard de saint Tha-
lélée, il se bâtit une cellule dans le teri'itoire
de Gabales, auprès d'un temple consacré
aux démons. Ces malheureux esprits tâchè-
rent en vain de l'épouvanter ; sa foi était
comme un bouclier qui le couvrait. Ne sa-
chant donc que lui faire, ils déchargèrent
leur colère sur quantité de figuiers et d'oli-
viers. Cela n'ayant point ébranlé le soldat de
Jésus-Christ, ils vinrent la nuit avec de grands
cris et des flambeaux allumés, croyant par
la lui donner de l'épouvante. Il s'en moqua,
et le.s obligea d'abandonner ce temple. Ses
miracles et ses instructions engagèrent les ha-
bitants voisins à quitter les ténèbres de l'ido-
lâtrie, pour passer à la lumière de l'Evangile.
Le saint après avoir passé plusieurs années
dans cette cellule, se pratiqua une espèce
d'estrade suspendue, sur laquelle il était con-
traint de demeurer si courbé que sa tête tou-
chait à ses genoux. Théodoret l'ayant trouvé
un jour occupé à lire les saints Evangiles, lui
demanda la cause d'une vie si nouvelle. Tha-
lélée lui répondit en grec, car il était cilicien :
« Me trouvant coupable d'un très-grand nom-
bre de péchés, et ne doutant point ,'es châti-
ments de l'autre monde, je traite mon corps
comme vous voyez, afin d'éviter par des pei-
' BoUand., ibid., pag. 263.
THEODORET, EVEQUE DE CYR. 63
nés qui ne sont que médiocres, les tourments
effroyables dont j'étais menacé, et qui sont
incomparablement plus grands que ceux-ci
non-seulement en nombre , mais en eux-
mêmes, parce qu'ils sont involontaires. » Il
faisait quantité de miracles par ses prières,
soit en faveur des personnes du voisinage,
soit pour leur bétail. Il renversa le temple
près duquel il s'était logé, et en éleva un
autre en l'honneur des saints martyrs.
29. Pour donner quelque perfection à son
Histoire religieuse, Théodoret après avoir
écrit les actions de plusieurs illustres solitai-
res, rapporte celles de quelques femmes, qui
ne les ont pas seulement égalés, mais sur-
passés par leurs travaux et par leurs com-
bats, eu égard à la faiblesse de leur tempé-
rament et à la fragilité de leur sexe. Les plus
célèbres furent Marane et Cyre ; elles étaient
de Bérée, d'une naissance considérable, et
avaient été élevées selon leur condition ; mais
méprisant tous ces avantages de la nature,
elles s'enfermèrent dans un lieu proche de
la ville, n'ayant rien au-dessus de leur clô-
ture qui pût les mettre à couvert des in-
jures de l'nir; au lieu de porte, elles avaient
une petite fenêtre qui servait à leur passer
les choses nécessaires à la vie , et par la-
quelle elles parlaient aux femmes qui les ve-
naient voir durant le temps de la Pentecôte
seulement, passant le reste de l'année dans
un silence continuel. Il n'y avait même que
Marane qui parlât à ces femmes; jamais on
n'entendit dire à Cyre la moindre parole.
Elles étaient l'une et l'autre si chargées de
chaînes de fer, que Cyre, dont la complexion
était plus faible, restait toujours courbée en
terre, sans qu'il lui fût possible de se lever. Les
robes qu'elles portaient leur couvraient les
pieds; et par devant elles avaient comme un
voile qui descendant jusqu'à la ceinture, leur
cachait le visage, les mains et l'estomac. Leur
l'espect pour la dignité sacerdotale, les porta
un jour à faire démurer leur porte pour faire
entrer Théodoret. Il vit de ses propres yeux
les chaînes dont elles étaient chargées, et en
si grande quantité, que les hommes les plus
forts auraient eu peine à les porter. A force
de prières, il vint à bout de les leur faire
quitter ; mais il ne fut pas plutôt sorti de
leur cellule, qu'elles les reprirent. Elles les
mettaient comme un collier sur leur cou, et
comme une ceinture sur leurs reins, outre
celles qui étaient attachées à leurs mains
et à leurs pieds. Exposées avec cela aux
Sainte Ma-
rane, sainte
ilyie et sainte
Do m n i n e ,
pag. 892 et
814.
64
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
injures de l'air, elles souffraient avec joie la
pluie, la neige et la chaleur du soleil; elles
passèrent sans manger, deux carêmes entiers
et une autre fois trois semaines. Quoique
éloignées de Jérusalem d'environ vingt jour-
nées de chemin, elles y allèrent à jeun et ne
mangèrent qu'après y avoir adoré Dieu,
puis s'en retournèrent encore à jeun. Elles
observèrent la même abstinence dans un
autre voyage qu'elles firent dans Flsaurie
pour visiter l'église de Sainte-Thècle. Une vie
si admirable les rendit Tornement de leur
sexe, et l'exemple de toutes les femmes qui
se proposent d'arriver à la perfection.
Voici quel était le genre de vie de sainte
Domnine. « Logée dans une cabane au fond
du jardin de sa mère, elle y passait les jours
et les nuits en pleurs. Aussitôt qu'elle enten-
dait le chant du coq, elle allait à l'église, et
là avec tous ceux qui s'y rencontraient, elle
offrait ses louanges au Créateur de l'univers.
Le soir elle faisait la même chose, persuadée
qu'il n'y a point de lieu que l'on doive avoir
en si grande vénération que ceux qui sont
consacrés à Dieu. Elle prenait donc un ex-
trême soin de cette église, portant même sa
mère et ses frères à y employer libéralement
leurs biens. Ses habits étaient tissus de poil
de chèvre; des lentilles trempées dans de
l'eau faisaient sa seule nourriture ; aussi ses
austérités consumèrent de telle sorte tout ce
qu'elle avait de graisse et de chair, que sa
peau était collée sur ses os. Elle ne parlait
jamais sans verser des larmes; ce que je sais,
dit Théodoret, par expérience : car souvent,
m'ayant pris la main et l'ayant portée à ses
yeux, elle la trempait tellement de ses pleurs,
qu'elle en était toute dégouttante ; elle pre-
nait soin de ceux qui venaient visiter les so-
litaires du diocèse de Cyr, les faisant loger
chez le pasteur du bourg où elle était née,
et leur faisant donner tout ce qui leur était
nécessaire par sa mère et par ses frères. Elle
m'envoie aussi à moi-même, ajoute cet his-
torien, du pain, des fruits et des lentilles
trempées dans de l'eau, lorsque je vais dans
cette partie de notre province qui est du côté
du midi. » Il ajoute qu'il y avait plusieurs
autres femmes dont les unes avaient em-
brassé la vie solitaire, et les autres demeu-
raient ensemble jusqu'au nombre de deux
cent cinquante, usant toutes d'une même
nourriture, couchant sur des nattes, et em-
ployant leurs mains à filer, et leur langue à
chanter des hymnes à la louange de Dieu.
On en voyait de cette sorte, non-seulement
dans la province de Cyr, mais aussi dans
tout l'Orient, dans la Palestine, dans l'Egypte,
dans l'Asie, dans le Pont et dans toute l'Eu-
rope; car depuis que Notre-Seigneur en pre-
nant naissance d'une Vierge, a honoré la
virginité, on a vu quantité de vierges se con-
sacrer dans cet état, et passer leur vie dans
les exercices de la piété. Il remarque qu'en
Egypte, il y avait certains monastères d'hom-
mes, où l'on disait qu'il y avait environ cinq
mille moines, qui en s'occupant à leur ou-
vrage, chantaient les louanges de Dieu, et
gagnaient non-seulement de quoi se nourrir,
mais aussi de quoi subvenir aux nécessités
des pèlerins et des pauvres.
§ VII.
Des Lettres de Théodoret.
1. Les deux premières lettres sont adres- „ i'="r==|,=;
sées à un ami à qui Théodoret avait envoyé ""'^•
ses commentaires sur saint Paul, en le priant
de lui en dire son sentiment. Cet ami qui
n'est pas nommé, les lui renvoya sans lui en
rien marquer. Théodoret prenant son silence
pour une preuve qu'il n'approuvait pas son
ouvrage, lui écrivit qu'il demeurerait dans
cette pensée s'il ne lui mandait précisément
la sienne. Celui-ci fit de grands éloges de ces
commentaires, sur quoi Théodoret lui récrivit
qu'il n'en avait jugé ainsi que par des motifs
d'amitié, qui fait qu'on ne voit pas les dé-
fauts de ceux que l'on aime, de même qu'un
père ne voit pas ceux de son fils, ni le fils
les défauts de son père. Ces deux lettres en
supposent d'autres qui ne sont pas venues
jusqu'à nous.
2. L'évêque Irénée lui ayant demandé ce
qu'il fallait dire de deux personnes qui, ayant
la liberté de la part d'un juge païen de sa-
crifier aux démons, ou de se jeter dans la
mer; l'une s'y serait jetée aussitôt, et l'autre
se contentant de déclarer qu'elle ne pouvait
sacrifier aux démons, aurait attendu que le
juge même lui fît ôter la vie. Théodoret ré-
pondit que le courage de la première peut
mériter quelque éloge; mais que selon toutes
les règles ordinaires, la seconde en mérite
beaucoup plus, ayant eu autant de courage
que la première, et plus de sagesse et de pru-
dence, puisqu'il nous est défendu de nous
donner la mort à nous-mêmes. Il appuie cette
maxime du précepte de Jésus-Christ, qui
"nous ordonne de sortir de la ville où l'on
[t^ siècle.]
CHAPITRE IV. — THEODORET, EVEQUE DE CYR.
63
nous persécutera, pour nous sauver dans
une autre ; et de l'exemple de saint Pierre et
de saint Paul, qui échappés des mains de
leurs persécuteurs, ont fui devant eux. Il
ajoute néanmoins, que le plus sûr est d'at-
tendre l'arrêt que prononcera au dernier
jour l'Arbitre souverain des actions et des
pensées des hommes, lui qui juge moins par
l'apparence extérieure des choses que par la
disposition intérieure de la volonté qu'il con-
naît seul, et que c'est pour cela que saint Paul
nous interdit ces sortes de comparaisons et
de jugements. Le cas proposé par Irénée pa-
rait supposer que les tyrans avaient effecti-
vement voulu obliger quelques chrétiens à
sacrifier aux idoles ou à se noyer, comme on
sait qu'ils les ont quelquefois condamnés à
se battre en gladiateurs lorsqu'ils refusaient
de sacrifier.
.eitres 4, 3. Les trois lettres suivantes sont intitulées:
i ' P"^' Festales. On ne voit pas à qui elles ont été
adressées. Cène sont que des témoignages de
charité et d'amitié que l'on avait coutume de
se faire mutuellement au jour des grandes
fêtes, particulièrement à Pâques, à la Pen-
tecôte et le jour de Noël.
eitresTà 4. Théouilie, femme de grande condition
ug'ra'phie, et de piété, ayant perdu son mari, Théodoret
lui écrivit sur cela une lettre de consolation,
où il l'exhorte de supporter cet accident avec
constance, de regarder la mort de son mari
comme un long voyage, et de n'avoir aucun
doute qu'il ne doive ressusciter un jour. Celle
qu'il écrivit à Eugraphie, est sur un sembla-
ble sujet. Il lui dit que le seul souvenir de la
passion de Jésus-Christ devait apporter un
lénitif à sa douleur; le Sauveur ayant détruit
la mort pour procurer à nos corps l'avantage
de ressusciter.
Retire 9, s. Sa lettre à un ami qu'il ne nomme pas,
fut écrite sur la fin de l'an 449, après sa dé-
position dans le faux concile d'Ephèse. Il dit
à cet ami : v Votre piété se fâche et s'attriste
de ce qu'on m'a condamné injustement, sans
observer aucune formalité; mais celte injus-
tice même est ma consolation. Si j'avais été
condamné avec justice, j'aurais de la douleur
d'avoir mérité cette peine ; trouvant au con-
traire ma conscience nette sur ce point, j'en
sens même de la joie, dans la confiance que
cette injustice m'obtiendra le pardon de mes
véritables fautes. Qui a rendu Naboth si cé-
lèbre , si ce n'est sa mort injuste? Demandez
seulement à Dieu qu'il ne m'abandonne pas;
après cela qu'on me fasse la guerre tant que
X.
l'on voudra, sa miséricorde me suffit pour
avoir le cœur dans la joie. S'il lui plaît de
demeurer avec moi, je regarderai comme un
jeu tout ce qu'il y a de plus affligeant. »
6. On voit par la lettre à l'avocat Hélie, LGUretoà
, 'il 1 .1 . Hélie, avocat,
qu un nomme Abram, après avoir demeure pag-ii™.
longtemps dans un terre de l'Eglise, s'associa
quelques personnes d'un aussi mauvais ca-
ractère que lui, avec lesquelles il commit
beaucoup de violences et de pillages. Théo-
doret fit constater tous ces faits qu'Abram
reconnut ensuite lui-même publiquement ;
après quoi cet évêque l'envoya à Hélie, avec
les personnes qu'il avait pillées, et les actes
de tout ce qui s'était passé ; non pour mettre
ce malheureux entre les mains des juges ,
mais afin que l'avocat, après avoir examiné
toute l'afiaire, l'obligeât à restituer tout ce
qu'il avait pris.
7. Les évêques s'étant déclarés pour le Lettre n à
dogme des deux natures dans le concile que ^4]"'°' '"'^'
saint Flavien tint à Constantinople sur la fin
de l'an 448, et ayant déposé Eutychès en-
nemi déclaré de cette doctrine, et persécu-
teur des Orientaux, Théodoret n'eut pas plu-
tôt appris la nouvelle, qu'il en témoigna sa
joie à ce saint évêque par une lettre remplie
des éloges de sa foi et de son courage.
8. Celle qu'il écrivit à l'évêque Irénée était , J-="?== <2
■^ ^ ajrenee, pag.
pour le consoler sur la mort de son gendre. ™=: ;' 23
Il lui recommanda dans une autre lettre Ce- '*■ p'"- ""•
lestiaque, sénateur de Carthage, chassé d'A-
frique par les Vandales, afin qu'il l'assistât
dans ses besoins, et lui procurât du secours
par les personnes riches de la ville de Tyr,
dont Irénée était évêque. Il paraît par une
troisième lettre à Irénée, que Théodoret était
très-uni avec lui pour la défense de Diodore
de Tarse et de Théodore de Mopsuesle.
Théodoret avait fait un ouvrage en forme de
dialogue, où il citait un grand nombre de
passages des Pères anciens et nouveaux,
grecs et lalins ; mais il n'en avait point mis
de Diodore de Tarse, ni de Théodore de
Mopsueste, à cause de l'extrême et grande
aversion que ses adversaires en avaient.
Irénée et quelques autres de ses amis l'en
blâmèrent; mais il fait voir dans cette lettre
qu'il aurait eu tort de les citer, étant de règle
ordinaire que celui qui est accusé»>ne doit
alléguer que des témoins non suspects à ses
accusateurs; qu'au reste, il avait omis beau-
coup d'autres pères très-célèbres ; et pour
montrer combien il honorait ces deux au-
teurs, il fait mention de l'ouvrage qu'il avait
3
66
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lçllre 21 à
IDusèbe, nvo-
cat, pag, 913,
entrepris pour les justifier des crimes qu'on
leur imputait. Quelques-uns blâmèrent aussi
Théodoret de n'avoir pas appelé la sainte
Vierge mère de Dieu et mère de l'homme ; à
quoi il répond qu'il avait évité cette expres-
sion, qui pouvait exciter des contestations,
et dont plusieurs personnes auraient été
blessées ; qu'il avait jugé plus à propos de
dire qu'elle est la mère et la servante de son
Fils, étant sa mère parce qu'il est homme,
et sa servante parce qu'il est Dieu. Il fait re-
marquer à Irénée que lui-même dans deux
ou trois de ses discours qu'il lui avait en-
voyés, n'avait point ajouté à la qualité de
mère de Dieu, celle de mère de l'homme, et
le prie d'arrêter ces personnes qui ne cher-
chaient qu'à censurer les travaux des autres,
et de leur faire concevoir qu'il ne faut point
que ceux qui sont hors de la portée du trait,
se donnent la liberté de condamner ceux qui
sont dans la mêlée, occupés à soutenir et à
attaquer les ennemis. Il ajoute qu'il ne se
propose point dans ses écrits de plaire à ce-
lui-ci ou à celui-là ; mais uniquement d'édi-
fier l'Eglise de Dieu ; que s'il conserve l'é-
piscopat, ce n'est par aucun intérêt temporel ;
qu'il l'aurait abandonné depuis longtemps
volontairement, s'il n'eût appréhendé les ju-
gements de Dieu ; et qu'il attendait la mort
de jour en jour à cause des embûches que lui
dressaient ses ennemis.
9. Informé qu'il se répandait un bruit qu'on
voulait l'inquiéter , et peut-êti-e même le dé-
poser et le bannir, il écrivit à l'avocat Eusèbe
que, par la grâce de Dieu , il recevrait cette
nouvelle avec joie, et qu'il en verrait de même
l'exécution; « car quand Dieu ne promettrait,
dit-il , aucune récompense à ceux qui com-
battent pour la vérité, elle est toute seule
assez belle pour obhger ceux qui l'aiment à
souflrir toutes sortes de peines et de travaux
pour son amour.» Il rapporte sur cela quelques
sentiments et quelques paroles généreuses
des païens dont il est fait mention dans Ho-
mère, ajoutant qu'il serait honteux à des chré-
tiens qui ont les prophètes et les apôtres pour
maîtres, qoi adorent Jésus-Christ mort en
croix, qui attendent la résurrection du corps
et le royaume des deux , d'avoir moins de
courage que ceux qui n'étaient disciples que
de la nature. « Consolez-donc, dit-il à Eusèbe,
ceux qui s'affligent des menaces que l'on me
fait. S'il y en a d'assez lâches pour s'en ré-
jouir, qu'ils sachent que je m'en réjouis en-
core plus qu'eux.» Il fait ensuite une profes-
sion de sa foi , déclarant qu'il croit au Père,
au Fils et au Saint-Esprit ; qu 'il n'admet point
deux fils comme ses ennemis l'en accusaient,
mais un fils seul qui est notre Seigneur Jésus-
Christ, Fils unique de Dieu, le Verbe de Dieu
incarné; que, loin de nier les propriétés
des deux natures , il confesse qu'elles ont
été unies sans confusion, en sorte qu'il y en
a qui appartiennent à l'humanité et d'autres
à la divinité ; que la divinité est sans com-
mencement, au lieu que l'humanité en a un,
ayant tiré son origine de la race d'Abraham
et de David , dont la sainte Vierge est des-
cendue.
10. Sa lettre au patrice Aréovinde est pour
l'engager à faire quelque remise aux fermiers
des terres qu'il avait dans son diocèse. « Ce-
lui qui a fait toutes choses, lui dit-il, et qui
les gouverne , distribue à chacun de nous la
pauvreté et les richesses; mais, par un etfet
de la même justice, afin que les riches trou-
vent dans les besoins des pauvres de quoi
subvenir à leurs besoins spirituels , il fait de
même sentir les châtiments aux hommes, non-
seulement pour les punir de leurs péchés,
mais encore afin que ceux qui en ont le moyen
aient occasion de faire voir leur compassion
et leur bonté pour leurs frères. Que la disette
de cette année vous soit donc un moyen d'en-
richir votre âme. Faites une vendange abon-
dante, et attirez sur vous la miséricorde de
Dieu par celle que vous exercerez envers les
receveurs et les paysans de vos terres, n
11 . Vers l'an 442 , Théodoret écrivit à Apel-
lion , à Aërius et à Domnus , évêque d'An-
tioche, pour les porter à la compassion envers
Célestiaque , sénateur, une dame nommée
Marie et quelques autres personnes de con-
sidération, que la prise de Carthage par Gen-
séric , roi des Vandales , avait rendus ou fu-
gitifs ou réduits en servitude. Ces lettres sont
pleines d'une ardente charité et de grands
sentiments d'humilité. Il invita Aërius, qui
était un homme de lettres , à la dédicace de
l'église des Apôtres, que l'on croit être celle
que Théodoret fit bâtir à la prière d'un saint
solitaire nommé Jacques, dont nous avons vu
l'histoire. Les lettres à Théoctiste, évêque de
Bérée, à Stasime, au comte Patrice, à l'évê-
que Irénée , à Pompéien , évêque d'Emèse,
ont pour but de les engager à soulager aussi
ceux qui avaient souffert par la prise de Car-
thage.
12. Il paraît que Saluste, à qui est adres-
sée la lettre trente-septième, n'avait pas en-
Lettre; /
30. 31,3
34, 33, 3
et 70, I
919 et ei
Lellrl
pag. 93tl
i
[v SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
core embrassé la religion chrétienae. Comme
il venait d'être nommé pour la seconde fois
gouverneur de la province Eupliratésienne,
ïliéodoret lui en témoigne sa joie ; après quoi
il lui marque qu'il lui envoie un diacre habile
pour les eaux que Saluste lui avait deman-
dées. Il lui recommande les intérêts de la
ville de Cyr, dont il avait apparemment chargé
ce diacre de lui parler.
13. Il écrivit les quatre lettres suivantes
sur la Pâqiie, témoignant qu'il prenait peu
de part à la joie de cette fête , à cause des
marques que Dieu donnait de sa colère, tant
par des tremblements de terre que par des
incursions des Barbares ; ce qui ne lui per-
mettait pas de penser à autre chose qu'à ses
péchés et aux supplices dont il craignait que
Dieu ne les punit en celte vie et en l'autre.
Nous avons plusieurs autres lettres de lui ,
écrites dans de semblables solennités, une
entre autres à Hermésigère, et une à Urbain.
Il dit dans celle-là que, dans le temps que les
hommes vivaient dans la nuit de l'ignorance,
ils ne célébraient pas tous les mêmes fêtes ;
qu'il y en avait de particulières pour chaque
ville, mais que depuis que la lumière de l'E-
vangile a dissipé ces ténèbres en se répan-
dant partout, soit sur terre, soit sur mer, tous
célèbrent en même temps des fêtes en l'hon-
neur de Dieu , chantan l en ces jours des hymnes
et des cantiques au Seigneur, et lui offrant
des hosties spirituelles et mystiques.
14. Dans les lettres au préfet Constance, à
l'impératrice Pulchérie, aux patrices Séna-
teur et Anatole , à l'avocat Pierre et à saint
Procle, évêque de Constantinople, Théodoret
s'emploie à empêcher l'augmentation des im-
pôts à Cyr, dont cette ville était déjà extrê-
mement chargée. On ne voit pas quelle fut la
réussite de cette affaire; on voit seulement,
par une de ses lettres, que le préfet du Pré-
toire avait envoyé des personnes sur les lieux
pour s'informer de l'état des choses , et que
ces personnes avaient fait un règlement qui
fut autorisé par Isidore , préfet d'Orient en 435 ,
et par Florent qui fut revêtu de la même di-
gnité l'année suivante.
15. La lettre à Ibas, évêque d'Edesse , est
pour lui recommander l'évêque Cyprieu,
chassé de l'Afrique, qui lui avait apporté des
lettres de recommandation de la part d'Eu-
sèbe d'Antioche. Théodoret en écrivit une
autre à Sophrone de Constantine , le même
qui assista au concile d'Antioche en 445, et à
celui de Chalcédoine en 4SI, comme évêque
png. 939,
THEODORET, EVEQUE DE CYR. 67
de Syrie. Marie, que Théodoret recommanda
aussi à Bustathe , évêque d'Egès en Cilicie,
était une fille de qualité, dont le père, nom-
mé Eudémon, vivait encore. Réduite en ser-
vitude dans la ruine de Carthage , elle fut
vendue à des marcliands d'Orient; ceux-ci la
revendirent à des habitants de Cyr, avec une
autre fille qui, avant ce malheur, était esclave
de Marie. Cette fille n'oublia pas, dans cette
circonstance fâcheuse où se trouvait sa mai-
tresse, l'affection et le respect qu'elle lui de-
vait; après avoir satisfait à ce que ceux quj
l'avaient achetée demandaient d'elle , elle
rendit à Marie tous les services qui étaient
en son pouvoir. La qualité de la maîtresse,
que Ton connut par là , et le bon naturel de
la servante, firent impression sur quelques
gens de guerre qui étaient à Cyr. Ils les ra-
chetèrent l'une et l'autre de ceux à qui elles
appartenaient, et rendirent la liberté à Marie.
Théodoret était alors absent ; mais ayant ap-
pris à son retour ce qui s'était passé, non-
seulement il loua la générosité de ceux qui
a valent racheté ces esclaves, mais encore il prit
soin de l'entretien de Marie, qu'il confia à un
de ses diacres , avec ordre de lui fournir les
besoins de la vie. Environ dix mois après,
cette fille apprit que son père, Eudémon,
vivait , et qu'il occupait même dans l'Oc-
cident une charge dans la magistrature ;
comme elle souhaitait de l'aller joindre, ïhé-
doret l'adressa à Eustathe, afin qu'il eût soin
de la renvoyer à son père par des marchands
d'Occident qui devaient venir à une foire que
l'on tenait à Egès. Célestiaque, recommandé
si souvent dans les lettres de Théodoret, avait H-.J^/^ 3*' '■'^
été enveloppé, de même que Marie, dans les
malheurs de Carthage. Riche et puissant, ac-
coutumé à recevoir beaucoup de monde chez
lui, il ne s'imaginait pas devoir être jamais
réduit à demander du secours aux autres;
mais, dépouillé en un moment de tous ses
biens par la violence des Barbares, il fut con-
traint de s'enfuir, sans rien conserver de son
bonheur passé que la liberté. Sa femme, ses
enfants et plusieurs de ses serviteurs l'ac-
compagnèrent dans sa fuite ; ce qui lui i-en-
dit son exil onéreux par l'obligation de cher-
cher de quoi fournir à leur entretien. Sa dis-
grâce, toutefois, fut un effet de la miséricorde
de Dieu sur lui ; tandis qu'il vivait dans la
prospérité, il ne voulait point qu'on lui parlât
de la misère de son âme ; mais , contraint de
se reconnaître malheureux par la privation
de ses biens temporels , il se reconnut aussi
F.pisl. 29,
68
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
paj. 931
Lettres 66,
67, 68, pag.
'j3a.
Lettre 75,
pag. 842.
Epist. 77,
pag. 944.
Lettre 78,
pag. 947.
pécheur. Alors il quitta sonimpiété , et Dieului
fit la grâce de mépriser ses infortunes, qu1I
supporta dans la suite avec courage , les re-
gardant comme la cause de son salut. Il bé-
nit la sagesse de Dieu dans l'état où il l'avait
mis, et il y vécut plus content que les riches
ne le sont dans leur abondance. Théodoret le
garda longtemps chez lui , ce qui lui donna
lieu de reconnaître sa piété et ses autres
vertus.
16. Il faut mettre vers l'an 444 la lettre de
Théodoret à Dioscore , puisqu'elle regarde
son élévation sur le siège épiscopal d'Alexan-
drie, qui se fit en cette année-là. Il le comble
d'éloges, relevant particulièrement son humi-
lité et sa modération ; mais il ne fut pas long-
temps à penser d'une manière si avantageuse
de Dioscore , qui n'avait en effet que les de-
hors de la vertu.
17. Les lettres à Aërius, à Maran et à Epi-
phane sont pour les inviter à la dédicace de
l'église qu'il avait fait bâtir sous le nom des
Apôtres. On voit , par celle qu'il écrivit au
clergé de Bérée, qu'il prêchait quelquefois la
parole de Dieu dans leur église et qu'il don-
nait avec joie au peuple de cette ville ce qu'il
avait reçu de Dieu , comme ce peuple rece-
vait avec plaisir la vérité de sa bouche. Sa
lettre à Eulalius , évêque dans la partie de
l'Arménie soumise aux Perses, paraît être
générale pour les évêques du même pays.
Théodoret y témoigne la part qu'il prend à
leurs souffrances , surtout au danger que
courent les faibles dans la persécution dont
leur Eglise est agitée. Il exhorte ces évêques
à déployer dans cette occasion le courage
qu'on attend d'eux, disant qu'un évêque ne
l'est pas pour recevoir les respects des peu-
ples pendant la paix, mais pour combattre à
leur tête durant la guerre. 11 leur représente
que les animaux les plus faibles comme les
plus farouches nous apprennent comment les
pères doivent s'exposer pour leurs enfants.
Quoiqu'il leur parle, dans cette leitre, avec
beaucoup d'autorité, on ne laisse pas d'y re-
marquer que c'était la charité qui parlait en
lui , et non un esprit d'empire et de domina-
tion, tant il y mêle d'humilité, se comparant à
Jéthro et les égalant à Moïse. II écrivit dans
le même esprit à Eusèbe, aussi évêque de cette
province, à qui il représente en peu de mots
les devoirs des pasteurs , en lui faisant remar-
quer que, si Jacob veillait avec tant de soin
sur ses troupeaux , il devait , lui , en pren-
dre beaucoup plus des hommes rachetés du
sang de Jésus-Christ, et dont il faudra rendre
compte à Dieu. 11 le conjure , de même que
les autres évêques de sa province, de témoi-
gner beaucoup de compassion et de charité
envers ceux qui étaient tombés dans la per-
sécution, de travailler à guérir leurs plaies et
à les faire retourner au combat , « n'y ayant
rien, dit-il, de plus sensible au démon que de
se voir vaincu par ceux qu'il a une fois terras-
sés. )) Mais il veut que leur compassion pour
les pécheurs soit sage, judicieuse et conforme
aux canons des pères; qu'on les admette à
prier et à recevoir les instructions de l'Eglise
avec les catéchumènes, en les séparant tou-
tefois, pour un temps, de la participation des
mystères, jusqu'à ce qu'ils reconnaissent leur
maladie, qu'ils désirent la santé et qu'ils sen-
ent combien ils sont malheureux d'avoir
abandonné Jésus-Christ pour se livrer au
démon.
18. Théodoret ayant reçu, en 449, un ordre
de l'empereur qui lui défendait de sortir de
son diocèse, promit non-seulement d'y obéir,
mais il donna encore un acte par lequel il re-
connaissait que cet ordre lui avait été signi-
fié. Il accepta cette espèce d'exil avec joie,
dans la vue du repos qu'il aimait et dans la
confiance que le traitement injuste que les
ennemis de la vérité lui faisaient lui obtien-
drait le pardon d'une partie de ses fautes;
cela ne l'empêcha pas de penser à se justi-
fier, et d'écrire pour ce sujet plusieurs lettres.
11 en écrivit une au patrice Anatole, son ami :
nous ne l'avons plus. Dans une autre, adres-
sée au même, après avoir dit qu'il était parti
pour se rendre à Cyr, suivant l'ordre de l'em-
pereur, il raconte comment et par qui il lui
avait été signifié ; ensuite il prie Anatole de
s'informer si cet ordre a véritablement été
expédié par l'empereur. «Ce n'est pas, ajoute-
t-il, que le séjour de Cyr me déplaise; je le
dis en vérité , je l'aime mieux que les autres
villes les plus célèbres , parce que Dieu me
l'a donnée en partage ; mais il me parait in-
supportable d'y être attaché par nécessité.
Cette conduite enhardit les méchants et les
rend plus indociles. » Il entre dans quelques
détails de la conduite qu'il avait gardée dans
l'épiscopat et de l'emploi qu'il avait fait des
revenus de l'Eglise pour l'utilité et l'embel-
lissement de la viUe de Cyr, donnant à en-
tendre qu'il aurait dû recevoir des récom--
penses plutôt que des châtiments; et parce
qu'il paraissait avoir donné de la jalousie à
ses ennemis en gémissant des violences qu'on
Lettrsi
80, 81,
pag. 94
suiv.
[V= SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÉQUE DE GYR.
69
faisait aux Eglises de Phénicie, et qu'il dé-
fendait la doctrine des apôtres, il déclare qu'on
ne l'en empêchera pas, quand on le banni-
rait aux extrémités du monde. Il marque, dans
sa lettre au préfet Eutréchius , comme il l'a-
vait déjà marqué dans sa première à Ana-
tole, que l'ordre de l'empereur avait pour
motif le trouble qu'il causait dans l'Eglise par
les conciles qu'il assemblait continuellement
à Antioche ; qu'il avait obéi à cet ordre sans
résistance; mais qu'avant de le donner, ce
prince aurait dû l'entendre et le convaincre;
qu'en cela il ne demandait que la justice, qui
ne se refuse ni aux adultères, ni aux homi-
cides, ni aux violateurs des tombeaux; qu'il
méritait cette attention après avoir rendu ser-
vice pendant vingt-cinq ans à l'Eglise et même
à l'Etat par les ouvrages qu'il avait faits pour
l'ornement et l'utilité delà ville de Cyr; qu'au
reste tout est supportable à celui qui craint
le jugement de Dieu, qui ne permettra jamais
que ses ennemis établissent leur mauvaise
doctrine. Il se plaint encore, dans sa lettre à
Nomus, de ce qu'on le condamnait sans l'en-
tendre ; (( en quoi c'était, dit-il, le traiter plus
mal que ni les païens, ni les juifs, ni les plus
détestables de tous les hérétiques. Toutes les
villes leur sont ouvertes, et moi, qui combats
pour la doctrine de l'Evangile, on me chasse
de toutes les villes; on dit que j'ai de mau-
vais sentiments. Que l'on assemble donc un
concile ; que je m'explique en présence des
évêques et des magistrats , et que les juges
disent ce qui s'accorde avec la doctrine des
apôtres. J'écris ceci, non que je souhaite d'al-
ler à Constantinople ou dans quelque autre
ville , désirant plus le repos que ceux qui,
étant moines, ambitionnent de gouverner des
Eglises. » Il ajoute : « Je ne suis jamais venu
de moi-même à Antioche, ni sous Théodote,
ni sous Jean, ni sous Domnus ; mais j'ai obéi
à peine, étant appelé cinq à six fois, cédant
aux menaces des canons contre ceux qui ne
viennent pas aux conciles. Qu'ai-je fait dans
ces assemblées qui soit contre la volonté de
Dieu? Est-ce en ôtant des sacrés dyptiques
ceux dont les crimes rendaient indignes d'y
être nommés? ou en élevant des personnes
qui en étaient dignes? ou en prêchant aux
peuples la doctrine de l'Evangile? Si ces
choses sont dignes de supplices, j'en souffri-
rai encore de plus grands que ceux qu'on me
fait souffrir. » Il dit que pendant tout le temps
de son épiscopat, qui était de vingt-cinq ans,
personne ne l'avait accusé, et qu'il n'avait
accusé personne; qu'aucun de ses clercs ne
s'était présenté devant les tribunaux; que,
content d'habits fort pauvres, il avait em-
ployé les i-evenus de son Eglise à l'utinté pu-
blique; que son occupation avait été ou de
travailler à la conversion des méchants, ou à
ramener les hérétiques à la saine doctrine,
ce qu'il disait non par vanité, mais parla né-
cessité de sa cause; qu'il regardait la honte
de son exil comme un honneur et comme la
preuve de ce que dit saint Paul : Ceux qui
veulent vivre avec piété souffriront persécution.
Il exhorte Nomus , à qui il écrivait pour la
troisième fois, de se faire instruire des maux
de l'Eglise pour en arrêter le cours.
Dans sa lettre àEusèbed'Ancyre,Théodoret
dit que ceux qui renouvellent l'hérésie de Va-
lentin, de Marcion et des autres, irrités de ce
qu'illes avait réfutés ouvertement, avaient
essayé de surprendre l'empereur en le faisant
passer auprès de ce prince pour un hérétique,
qui divisait en deux Notre-Seigneur Jésus-
Christ. « Mais, ajoute-t-il, ils n'ont pas réussi
dans leur tentative, puisque l'ordre qui a été
donné contre moi ne contient aucune accu-
sation d'hérésie, mais seulement certains re-
proches mal fondés, comme d'avoir assemblé
plusieurs fois des conciles à Antioche. Je
suis si éloigné de l'exécrable doctrine qu'ils
m'imputent , que je n'ai pu même voir sans
peine que quelques-uns des pères du concile
de Nicée, en écrivant contre les ariens, aient
poussé trop loin la distinction de l'humanité
et de la divinité» Car je n'ignore pas que la
nécessité de distinguer ces deux natures dans
Jésus-Christ n'ait quelquefois jeté dans l'ex-
cès ceux qui ont été obligés de traiter cette
matière. Et afin qu'on ne croie pas que la
crainte me fasse parler ainsi à présent, on
peut lire ce que j'ai écrit avant le concile
d'Ephèse , et après , il y a douze ans. Par la
grâce de Dieu j'ai expliqué tous les Prophètes,
les Psaumes et saint Paul; j'ai écrit, il y a
longtemps, contre les ariens, les macédo-
niens, les apollinaristes et les marcionites.
J'ai composé un livre mystique, un autre de
la Providence , un sur les Questions des mages,
la Vie des Saints, et plusieurs autres. Je défie
mes accusateurs et mes juges d'y trouver
aucune opinion que je n'aie apprise de la
sainte Ecriture, n
19. Les ennemis de Théodoret, après avoir
surpris la religion de l'empereur, trompèrent
encore un grand nombre d'autres personnes,
en sorte que l'on commença à crier publique-
Lettres 83,
pag. 937, et
86, pag. 96J.
70
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ment contre lui. Dioscore d'Alexandi'ie , qui
avait paru son ami, se laissa prévenir comme
les autres et se persuada que son confrère
était coupable , sans avoir vérifié les accusa-
tions dont on le chargeait. Il écrivit à Dom-
nus d'Antioche que Théodoret était accusé
de séparer notre unique Seigneur Jésus-Christ
en deux fils, et d'avoir prêché cette impiété
dans Antioche. Théodoret, à qui Domnus lit
part de cette lettre, en écrivit une à Dioscore,
où il se plaignait amèrement de la légèreté
avec laquelle il s'était laissé persuader par
des calomniateurs. Il prend à témoin de sa
saine doctrine et de la pureté de sa foi les
milliers d'auditeurs qu'il avait eus à Antioche ;
au Heu que ses accusateurs n'étaient que
quinze tout au plus. « J'ai enseigné, dit-il^
six ans sous Théodote d'heureuse mémoire,
treize ans sous le bienheureux Jean, qui pre-
nait tant de plaisir à m'entendre que souvent
il se levait et battait des mains. C'est la sep-
tième année du saint évêque Domnus, et jus-
qu'ici aucim évêque n'a rien trouvé à redire
dans mes discours.» Théodoret proteste en-
suite qu'il veut suivre les traces des pères et
conserver la doctrine de TEvangile , que les
pères de Nicée nous ont donnée en abrégé.
Se servant des expressions de leur symbole,
il explique sa croyance sur l'Incarnation d'une
manière catholique , donnant à la sainte
Vierge le litre de mère de Dieu. Il ajoute que
c'était la doctrine qu'il avait apprise des di-
vines Ecritures, nommément de saint Paul et
des anciens pères, en particulier de Théo-
phile et de saint Cyrille, dont il avait cité les
témoignages dans ses Dialogues contre ceux
qui ne voulaient pas i-econnaître la différence
des deux natures. « Je crois, dit-il à Dios-
core, que vous savez bien que ce dernier m'a
écrit plusieurs fois. Quand il envoya à An-
tioche ses livres contre Julien et le traité du
Bouc émissaire , il pria le bienheui'eux Jean
d'Antioche de les montrer aux docteurs les
plus célèbres d'Orient. Jean me les envoya.
Je les lus avec admiration. J'en écrivis à saint
Cyrille ; il me fit réponse, rendant témoignage
à mon exactitude et à mon affection. Je garde
seslettres.» Théodoret exhorte donc Dioscore
de ne point écouter ceux qui le calomnient,
de prendre soin de la paix de l'Eglise, de ne
pas permettre qa'on en altère les dogmes,
de ramener à la pureté de la foi ceux qui
s'en sont écartés, ou, si cela ne lui est pas
possible, de les chasser de l'Eglise, afin qu'ils
n'infectent pas les autres de leurs erreurs.
Il finit pai' un anathème contre les dogmes
qui avaient causé la condamnation de Nésto-
rius. Il est conçu en ces termes : « Si quel-
qu'un ne dit pas que la sainte Vierge est mère
de Dieu, ou s'il dit que notre Seigneur Jésus-
Christ est un pur homme, ou s'il divise en
deux le Fils unique et premier né de toutes
créatures , qu'il soit déchu de l'espérance
en Jésus-Christ. » Puisque Théodoret mar-
que qu'il avait écrit cette lettre dans la
septième année de l'épiscopat de Domnus,
on peut la rapporter à l'an 447. Dioscore
ne s'était pas contenté de se plaindre à
Domnus de la conduite de Théodoret : il
s'en plaignit à lui-même par une lettre dont
il chargea quelques ecclésiastiques. Théodo-
ret, après avoir persuadé ces envoyés qu'il
n'était rien moins que coupable des erreurs
dont on l'accusait, essaya d'en persuader
aussi Dioscore par une seconde lettre, lui
prolestant qu'aucun évêque de l'Orient n'en-
seignait rien de contraire à la pureté de la foi
catholique. Mais cette lettre fut sans effet.
20. Il en écrivit une aux évêques de Cilicie,
où il les avertissait que l'occasion de la ca-
lomnie répandue contre eux venait de ce
qu'on disait de quelques-uns, enpetitnom-
bre, qu'ils divisaient en deux personnes Dieu
Verbe incarné. Il leur oppose des passages
formels de l'Ecriture, pour l'unité des per-
sonnes, en particulier ces deux de saint Paul :
Ilyaun seul Seigneur Jésus-Christ; et encore :
Un Seigneur, une foi , un baptême. Et celui-ci
de saint Jean : Personne n'est monté au ciel
que celui qui en est descendu, le Fils de l'homme,
qui est au ciel. Il leur oppose encore la for-
mule du baptême qui nous apprend qu'il n'y
a qu'un Fils , et prie les évêques des deux
Cilicies de réprimer ceux qui s'éloignaient de
cette doctrine , soit par ignorance ou par es-
prit de contention : « si toutefois il est vrai,
dit-il, qu'il y en a quelques-uns et que ce n'est
pas une calomnie. » Il semble que Théo-
doret écrivit aux évêques de ces deux pro-
vinces par le conseil de Basile, qu'on croit
avoir été évêque de Séleucie. Comme il était
en crédit et en autorité, et qu'il avait ouï sou-
vent prêcher Théodoret sur les dogmes de la
foi, sans l'avoir jamais repris de rien dans sa
doctrine, celui-ci eut recoui-s à lui dans la
persécution que Dioscore lui suscitait. Mais
Basile ne fit point, en cette occasion, tout ce
que l'amour de la vérité et la connaissance
qu'il avait de la catholicité de Théodoret de-
mandaient de lai. Théodoret lui en fit des
1 Corii
TIII, G, .M
CHAPITRE rV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[y SIÈCLE.]
reproches par une lettre où il lui marquait
que, quoique l'on ne doive point préférer l'a-
mitié à la vérité, on doit faire quelque chose
de plus qu^à l'ordinaire lorsque l'amitié et la
vérité sont jointes ensemble, et que comme
on ne doit point mépriser les plus petits , on
ne doit point non plus redouter les puissants
lorsqu'il s'agit de la vérité et de la justice.
21. Cependant Dioscore souffrait que les
accusateurs de Théodoret prononçassent ana-
thème contre lui dans l'église d'Alexandrie;
lui-même se leva de son siège et cria comme
eux anathème. Il fit plus : il envoya des évé-
ques à la cour pour y exciter de nouveaux
troubles contre Théodoret et les Orientaux,
dans la vue sans doute de le faire déposer et
bannir de son diocèse. Théodoret en écrivit
à saint Flavien de Constantinople pour l'aver-
tir de la fausseté des calomnies répandues
contre lui. « J'ai envoyé, dit-il, à Dioscore un
de nos prêtres avec des lettres synodales pour
lui apprendre que nous nous en tenons à l'ac-
cord fait sous Cyrille , d'heureuse mémoire ,
que nous approuvons sa lettre et que nous
recevons avec respect celle de saint Athanase
à Epictète, et la foi de Nioée. Les clercs qu'il
a envoyés ont reconnu eux-mêmes , par ex-
périence, qu'aucun des évêques d'Orient n'a
d'opinion contraire àla doctrine apostolique.»
Ensuite il conjure Flavien de prendre la dé-
fense des canons violés en sa personne par
l'anathèmc que Dioscore avait prononcé con-
tre lui. Carie concile de Constantinople ayant,
conformément à celui de Nicée, séparé la ju-
ridiction des provinces et défendu aux éyè-
ques d'un département de prendre autorité
sur un autre, l'évêque d'Alexandrie ne devait
gouverner que l'Egypte. «Dioscore, ajoute
Théodoret, vante continuellement la chaire
de saint Marc ; mais il sait bien qu'Antioche
possède la chaire de saint Pierre, qui était le
maître de saint Marc, le prince et le chef des
apôtres. » Il observe en passant que quelque
sublime que soit un siège épiscopal, celui qui
y est assis ne doit pas pour cela oublier les
sentiments d'humilité dont les apôtres ont
donné l'exemple. « Sachez, seigneur, conti-
nue Théodoret, que le chagrin de Dioscore
contre nous vient de ce que nous avons con-
senti à la lettre synodale que vous fîtes sous
Procle, d'heureuse mémoire, conformément
aux canons des saints pères. Il nous en a fait
des reproches jusqu'à deux fois, comme si
nous avions abandonné les droits de l'Eglise
d'Antioche et de celle d'Alexandrie. Il s'en
71
venge, croyant en avoir trouvé le moment.»
On croit que cette lettre synodale est celle
qui fut depuis citée dans le concile de Chal-
cédoine, à l'occasion d' Athanase, évèque de
Perrha en Syrie. Dioscore prétendait que les
Orientaux, en recevant cette lettre, avaient
reconnu la préséance de l'évêque de Cons-
tantinople sur tous ceux d'Orient.
22. Il marque dans sa lettre à Domnus,
évèque d'Apamée, que quand il aurait mille
bouches pour louer Dieu, il ne pourrait
pas le louer autant que le mérite l'honneur
qu'il lui fait de souffrir, pour la confession
de la vérité, une ignominie apparente, qu'il
trouve plus glorieuse que tous les honneurs
du monde ; que quand on le condamnerait à
s'aller cacher dans le dernier coin de la terre,
il le louerait encore davantage, puisqu'il lui
serait redevable d'une plus grande faveur,
« Car ce n'est point, dit-il , le déplaisir des maux
que je souffre, ni la crainte de ceux qu'on
peut y ajouter qui me font agir et écrire tant
de lettres. Ce n'est que l'obhgation de défen-
dre mon innocence. » Il ne niait pas qu'il ne
fût coupable de beaucoup de fautes; mais
il se tenait assuré d'avoir conservé dans sa
pureté la doctrine des apôtres, dont il avait
même pris la défense contre les hérétiques,
et qu'il ne cessait de prêcher aux fidèles. Il
met saint Ignace entre ceux qui nous ont
transmis la saine doctrine, et le compte pour
une des lumières du monde avec saint Atha-
nase, saint Basile, saint Grégoire et saint
Jean Chrysostôme. Dans cette confiance, il
demande que, si on le croit dans l'erreur, il
soit entendu avant d'être jugé. « Mais ,
ajoute-t-il, si l'on veut me condamner sans
que je voie seulement, ni mes juges, ni mes
accusateurs, je me soumets de bon cœur à
cet arrêt injuste, en attendant le jour du
souverain Juge, où nous n'aurons besoin ni
de témoins ni d'avocats; puisque toutes cho-
ses lui sont parfaitement connues. » Il dit
ailleurs qu'en sa présence, ses ennemis
étaient muets, et qu'ils ne l'accusaient que
lorsqu'il était absent.
23. Les évêques de Syrie qui regardaient
Théodoret comme faisant l'honneur de leur
province, et qui se voyaient anathématisés,
en sa personne, se crurent obligés d'en pren-
dre la défense. Sachant donc que Dioscore
avait envoyé des députés à l'empereur, vrai-
semblablement pour demander la déposition
et le bannissement de Théodoret, ils lui en
députèrent d'autres pour détruire les calom-
Lellres S'i,
Set sa.iiag.
G'> el OCS.
Lcllrc 90,
pag. 9U6.
Lettr» 91,
pag. 967.
Lettres 92,
93, 91,93,96,
97, 98, 99,
100, 101, 102,
103, 104, les,
lOC, 107, lOS,
109, pog. 968
et SUiv.
72
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nies dont ils n'étaient pas moins chargés
que l'évêque de Cyr, pour défendre la vérité
des dogmes de la foi, et pour faire cesser les
troubles dont leurs églises étaient agitées.
Théodoret se servit de cette occasion pour
écrire à un grand nombre de personnes de
considération, dont la plupart avaient été
consuls, préfets, patrices ou élevés à d'autres
dignités. Il en écrivit même à quelques da-
mes, comme à Alexandra et à Gélérine,
moins pour leur recommander ses propres
affaires, que pour les engager à prendre soin
des évêques députés à la cour. A ces lettres
il en joignit trois autres, l'une pour Flavien
de Constantinople, l'autre pour Basile de Sé-
leucie, qui était alors dans la même ville, et
la troisième à Eusèbe d'Ancyre, chez qui les
députés devaient passer. Il les chargea en
tout de vingt-deux lettres où il est presque
toujours occupé à protester de la pureté de
sa foi, et à rejeter l'erreur d'une seule na-
ture, à reprocher à ses adversaires qu'ils
admettaient eux-mêmes celle de deux per-
sonnes et de deux fils, qu'ils lui imputaient;
et à marquer qu'ayant appris à mépriser
toutes les choses présentes, pour n'attendre
que les biens futurs, il regardait les événe-
ments les plus fâcheux, comme des effets de
la bonté de Dieu à son égard, n'y ayant rien
de fâcheux pour un philosophe chrétien, que
ce qui blesse son âme et sa conscience. Dans
sa lettre à Flavien, il s'explique sur le dogme
et entre dans le détail des hérésies différen-
tes sur l'Incarnation. Simon, Basilide, Valen-
tin, Bardesane , Marcion et Manichée, ne
connaissaient Jésus-Christ que comme Dieu,
ne lui attribuant l'humanité qu'en apparence.
Les ariens enseignent que le Verbe n'a pris
qu'un corps, auquel il tenait lieu d'âme.
ApolMnaire dit qu'il a pris un corps animé ,
mais non d'une âme raisonnable. Photin au
contraire, Marcel d'Ancyre et Paul de Samo-
sate disent que c'est un pur homme. « Il faut
donc, dit Théodoret, opposer à ceux-ci les
passages qui prouvent la divinité de Jésus-
Christ, et au premier ceux qui prouvent l'hu-
manité. » Il joignit à sa lettre pour Eusèbe
d'Ancyre un abrégé de ce qu'il avait appris
sur l'Incarnation du Fils unique de Dieu , afin
que personne ne pût douter de sa véritable
croyance sur cet article, priant cet évèque
d'examiner son écrit, et de lui dire ensuite
s'il l'avait trouvé conforme aux dogmes apos-
toliques. Il paraît qu'il y avait inséré plu-
sieurs passages des Pères.
24. Quelque temps après on écrivit de Leiire ui
Constantinople à Théodoret, que l'empereur
avait donné un ordre pour la déposition d'I-
rénée, évoque de Tyr. Comme c'était lui qui
l'avait ordonné, il crut devoir écrire à Dom-
nus, évêque d'Antioche, pour lui expliquer
les raisons de soutenir cette ordination. « Je
l'ai ordonné, dit-il, en exécution du décret de
tous les évêques de Phénicie, connaissant le
zèle d'Irénée, sa grandeur d'âme, sa charité
pour les pauvres, et ses autres vertus. Au
reste je ne sache point qu'il ait jamais refusé
de donner à la sainte Vierge le titre de mère
de Dieu, ni qu'il ait eu aucune autre opinion
contraire à la foi. Pour ce qui est de la biga-
mie, j'ai suivi l'exemple de nos prédéces-
seurs. Alexandre d'Antioche avec Acace de
Bérée ordonnèrent Diogène bigame ; Prayle
de Jérusalem ordonna Domnin de Césarée
bigame, et Procle de Constantinople a ap-
prouvé l'ordination d'Irénée, de même que
les principaux évêques du Pont, et tous ceux
de la Palestine. »
25. Les accusateurs d'Ibas que Théodoret i-Mr^it-
^ et 112, pi
avait reçus chez lui avec bonté, étant allés "s"-
d'Antioche à Constantinople l'an 448, le dé-
chirèrent par toutes sortes de calomnies. On
n'en sait point d'autres raisons, sinon qu'ayant
accusé Ibas leur évêque d'être nestorien,
c'était une conséquence pour eux de se dé-
clarer contre ceux qui n'étaient pas euty-
chéens, afin de s'attirer la faveur de ce parti.
Le patrice Anatole en écrivit à Théodoret,
lui marquant le soulèvement que ces calom-
nies avaient excité contre lui en particulier.
Théodoret répondit qu'il y était si accou-
tumé, qu'il ne les ressentait presque plus,
quoiqu'il plaignit beaucoup le malheur de
ceux qui le calomniaient avec aussi peu de
sujet que de vérité. Il ajoutait que, las de se
voir attaqué de tous côtés, il se serait retiré
dans im désert pour y passer le reste de ses
jours, s'il n'en eût été empêché par l'ordre
de l'empereur qui lui défendait de sortir de
son diocèse; qu'il ne croyait pas néanmoins
que les ecclésiastiques d'Edesse l'eussent
calomnié d'eux-mêmes, si d'autres personnes
ne les y eussent engagés. Il témoigne la
peine de ce que toutes les Eglises étant en
paix, celles de l'Orient fussent seules dans
le trouble et dans l'agitation. Il apprit vers
le même temps par les lettres de Domnus
d'Antioche qu'on parlait de convoquer un
concile. Cette nouvelle l'attrista beaucoup,
ne doutant pas que cette assemblée ne dût
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. _ THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
73
avoir des suites fâcheuses, si Dieu, par sa
miséricorde ne détruisait toutes les machines
dont les ennemis de la paix et de la vérité
ne manqueraient pas de se servir en cette'
occasion. Il en jugeait ainsi, parce qu'il pré-
voyait que Dioscore y présiderait, le premier
évêque d'Orient, qui était saint Flavien de
Constantinople, devant se trouver à cette as-
semblée comme partie. Théodoret craignait
surtout que l'on n'y confirmât les anathé-
matismes de saint Cyrille, qu'il ne pouvait
se résoudre à approuver, persuadé qu'ils
renfermaient l'hérésie d'Apollinaire. Il re-
présente à Domnus avec quelle vigueur les
Orientaux s'étaient opposés à ces anathéma-
tismes. et après lui avoir marqué qu'il lui
envoyait les copies de ce qui s'était passé
dans l'accord fait avec saint Cyrille, il lui
conseille de les faire porter au concile, pour
montrer que cet accord ne les obligeait pas
à recevoir les anatbématismes. Il l'exhorte et
avec lui tous ceux qui étaient appelés pour
le maintien de la piété, à recourir à Dieu
pour en recevoir du secours; à ne point
craindre de tout faire et de tout souffrir,
puisqu'il s'agissait de la foi et de la conser-
ver telle que nous l'avons reçue de nos pè-
res. Il le piie de choisir avec soin parmi les
évêques et les ecclésiastiques ceux qu'il mè-
nerait avec lui à ce concile, et de ne prendre
que ceux qui étaient les plus fermes dans
ces sentiments, et qui avaient le plus de zèle
pour la défense de la vérité ; de peur qu'il
ne soit trahi par les siens mêmes, et réduit à
faire quelque chose contre sa conscience, et
ce qu'il doit à Dieu , ou qu'il ne se voie ex-
posé à la violence de ses ennemis. «Il s'agit, lui
dit-il, de la foi qui fait toute l'espérance de
notre salut, et nous devons faire tous nos
efiforts pour ne la point altérer, et empêcher
aussi que la doctrine apostolique ne souffre
quelque atteinte. »
p.s.°m.'"' 26. Ce que Théodoret avait prévu arriva ;
Dioscore d'Alexandrie se rendit le maître ab-
solu du concile d'Ephèse; il y employa les
dernières violences pour faire réussir ses in-
justes desseins. Théodoret fut condamné
comme chef d'hérésie; sa doctrine anathéti-
sée avec défense à qui que ce fût de lui don-
ner ni retraite, ni vivres. Comme il était ab-
sent, on l'appela par trois fois, quoiqu'on sût
qu'il lui était impossible de venir, puisqu'il
était éloigné de trente-cinq journées; mais
Dioscore voulait qu'on observât cette ombre
de formalité, afin qu'il eût occasion de le
condamner par défaut. La raison de sa con- Libérai.
damnation fut qu'il avait écrit contre les ana- u!' ""' '"^'
thématismes de saint Cyrille, et qu'il avait
envoyé une lettre à son diocèse contre le
premier concile d'Ephèse durant les disputes
entre saint Cyrille et Jean d'Anlioche. On
produisit aussi contre lui quelques-uns de ses
écrits; mais au lieu d'y trouver aucune hé- Théodoret.
résie, on en fit» de grands éloges; ce qui Kpilt. loi ci
n'empêcha pas qu'on ne dit anathème à la
doctrine de leur auteur, parce que Dioscore,
sur l'esprit duquel la justice et la vérité ne
faisaient aucune impression, le voulait ainsi.
Les légats de saint Léon ne laissèrent pas de
s'opposer aux injustices que l'on commit en
cette assemblée. Théodoret l'apprit en même
temps que sa condamnation, par une copie
des actes de tout ce qui s'y était passé. Sa-
chant d'ailleurs le zèle de ce saint Pape pour
la vérité, il ne douta pas qu'il ne dût trouver
en Occident la justice qu'on lui refusait en
Orient. Il prit donc le parti de lui députer
quelques-uns de ses ecclésiastiques qu'il
chargea de plusieurs lettres. Dans celle qui
est adressée à saint Léon, il reconnaît d'a-
bord que le Saint-Siège tenant le premier
rang en tout, c'est de lui que les Eglises
blessées doivent recevoir les remèdes néces-
saires. Il fait ensuite un grand éloge de la
ville de Rome, louant surtout la foi dont on
y faisait profession, et déjà célèbre du vivant
de saint Paul. Il relève l'avantage que cette
ville avait de posséder les tombeaux de saint
Pierre et de saint Paul, pères et maîtres l'un
et l'autre de la vérité. Après quoi il fait l'é-
loge de saint Léon, dont il relève le zèle
contre les manichéens, et la lettre à Flavien,
« qu'il a, dit-il, lue et admirée comme le lan-
gage du Saint-Esprit. » 11 se plaint de l'in-
justice de Dioscore, qui l'avait condamné
sans l'appeler et sans l'entendre , absent et
éloigné. Venant après cela à sa propre
cause, il marque les travaux qu'il a es-
suyés pour le service de l'Eglise. « Il y a
vingt-six ans, dit-il, que je suis évêque, sans
avoir reçu aucun reproche, ni sous Théodote,
ni sous les évêques d'Antioche, ses succes-
seurs. J'ai ramené à l'Eglise plus de mille
marcionites et quantité d'ariens et d'euno-
miens; il ne reste pas un hérétique dans les
huit cents paroisses que je gouverne. Dieu
sait combien j'ai reçu de coups de pierres,
et quels combats j'ai soutenus dans plusieurs
villes d'Orient contre les païens, les juifs et
toutes sortes d'erreurs. Après tant de sueurs
74
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lellrn lie,
p>g. 080.
et de travaux je suis condamné sans avoir
été appelé. J'attends donc le jugement de
votre Siège apostolique; je prie et je conjure
voire Sainteté, au juste tribunal de laquelle
j'en appelle, de me prêter son secours, et de
m'ordonner d'aller lui rendre compte de ma
doctrine, et de montrer qu'elle est en tout
conforme à celle des apôtres. » Il fait un dé-
nombrement des ouvrages qu'il avait com-
posés depuis vingt ans, et il ajoute : « On y
peut voir aisément si j'ai gardé la règle
constante de la foi, ou si je m'en suis écarté :
ne rejetez pas, je vous supplie, mes très-
humbles prières, et ne méprisez pas ma vieil-
lesse, traitée si indignement après tant de
travaux. Avant toutes choses, je désire sa-
voir de vous si je dois acquiescer à cette in-
juste déposition, ou non. J'attends votre dé-
cision. Si vous m'ordonnez de m'en tenir à
ce qui a été jugé, je le ferai, je n'importu-
nerai plus personne, et j'attendrai le juge-
ment de Dieu. Il m'est témoin que je ne suis
pas en peine de mon honneur ni de ma
gloire ; mais du scandale, et de ce que plu-
sieurs d'entre les simples, principalement
d'entre les hérétiques convertis, peuvent me
regarder comme hérétique, voyant l'autorité
de ceux qui m'ont condamné, et n'étant pas
capables de discerner la doctrine, ni de con-
sidérer que depuis tant d'années d'épiscopat,
je n'ai acquis ni maisons, ni terres, ni sépul-
cre, ni même une obole, ayant embrassé la
pauvreté volontaire, et distribué mon patri-
moine aussitôt après la mort de mes parents,
comme tout l'Orient en est témoin. Je vous
écris ceci par les prêtres Hypatius et Abra-
ham, coévêques, et Alypius exarque des
moines, qui sont chez nous, ne pouvant aller
moi-même vers vous à cause des ordres de
l'empereur, qui me retiennent comme les
autres. »
Théodoret écrivit aussi à René, prêtre de
l'Eglise romaine, l'un des légats pour le con-
cile d'Ephèse, et qu'il croyait y avoir assisté.
Il le prie avec beaucoup d'instance d'obtenir
du Pape un ordre pour l'obhger d'aller à
Rome rendre compte de sa doctrine : « car ce
Saint-Siège possède, dit-il, la prééminence
sur toutes les Eglises du monde, et cela par
un grand nombre de titres, principalement
par la pureté de la foi qui n'a jamais été in-
fectée d'aucune hérésie, et sur lequel aucun
ne s'est assis qui n'ait conservé entière la foi
et la grâce apostohque.» 11 proteste qu'il n'a
lui-même rien enseigné de contraire; que
comme il a toujours professé de ne recon-
naître qu'un Père et un Saint-Esprit, il n'a
reconnu non plus qu'un Fils qui s'est fait
chair pour nous; et que c'est le même qui
est Fils de Dieu et fils de l'homme : Fils de
Dieu parce qu'il est engendré de Dieu, et fils
de l'homme à cause de la forme d'esclave se-
lon laquelle il est né de la race d'Abraham
el de David. Sa troisième lettre esta un évê- "-"'''J'"'
pag. yao.
que nommé Florent. Il s'y adresse aussi à
plusieurs autres évêques d'Occident qui de-
vaient avec le Pape prendre connaissance de
son affaire. Il les conjure de confirmer par
leur jugement la foi qui nous a été transmise
par les saints apôtres; de proscrire l'hérésie
qui attaque la doctrine de l'Incarnation; de
reprendre ouvertement ceux qui protègent
cette nouvelle erreur; et de protéger ceux
qui sont persécutés pour la défense de la
vérité et de la justice. Dans sa lettre à l'ar- ^'"^'^ '"•
chidiacre Hilarus, il le prie d'engager saint
Léon à procurer la paix aux Eglises d'Orient,
et à y maintenir dans toute sa pureté le dé-
pôt de la foi qui nous a été confié par les
Apôtres. Théodoret écrivit en même temps r.eit™ no,
au patrice Anatole pour le prier de lui obte- '"^
nir de l'empereur la liberté d'aller en Occi-
dent, pour être jugé par les évêques du pays,
ou du moins de se retirer à son monastère,
éloigné de Gyr de cent vingt milles, d'Antio-
che de soixante-quinze, et à trois milles d'A-
pamée. 11 demandait cette grâce sur l'avis
qu'il avait reçu qu'on voulait le chasser de
Cyr. Il disait dans la même lettre qu'il con-
sentait d'être jeté au miheu de la mer, si les
évêques d'Occident trouvaient qu'il se fût
écarté tant soit peu de la règle de la foi. On
a mis parmi ces lettres, celles que Théodoret Letiresn,
écrivit à Andibère et Appelle, pour les prier ■p^'s ■■'
de prendre soin d'un nommé Pierre qui était
tout à la fois prêtre et médecin : quoiqu'éta-
bli depuis longtemps à Cyr , lorsqu'il apprit
que l'on songeait à en chasser son évêque,
il voulut en sortir avec lui.
27. L'empereur permit à Théodoret de se Leuresias
retirer en son monastère près d'Apamée, '-^■'"s-
avec défense d'en sortir. On ne mit point
d'évêque en sa place ; mais on le priva des
revenus de son évêché. Cela se passait en
l'an 450. Vers le même temps ou au com-
mencement de l'année suivante, Uranius,
évêque d'Emèse, qui, ce semble, lui avait
conseillé d'user de plus de ménagement, de
peur de tomber dans la persécution, lui fit
des reproches de n'avoir pas suivi ses avis.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
Lettre 126,
[V« SIÈCLE.]
ïhéodoret lui fit réponse qu'il avait mieux
aimé suivre ceux des apôtres et des prophè-
tes, et parler avec force et avec constance
pour la vérité ; que loin de se repentir d'avoir
parlé avec liberté, il s'en glorifiait, bénissant
la bonté de celui qui l'avait ïendu digne de
souffrir pour lui. Uranius lui ayant récrit
pour expliquer quelques paroles de sa pre-
mière lettre, dont il croyait que ïhéodoret
n'avait pas bien pris le sens : « Je ne me re-
pens pas, lui dit-il, d'avoir mal pris le com-
mencement de votre autre lettre, parce que
mon erreur vous a donné occasion de nous
faire paraître l'amitié fraternelle , qui est
dans votre cœur, la pureté de votre foi et le
zèle que vous avez pour 'la véi'ité, » Pour lui
témoigner plus particulièrement combien il
l'aimait, il voulut bien recevoir ses présents,
quoiqu'il se fût fait une loi de n'en recevoir
de personne.
28. Dans la lettre à.l'avocatMarane, Théo-
doret lui prédit que ceux qui troublaient l'E-
glise par leur persécution, recevraient bien-
tôt de Dieu la peine qu'ils méritaient; ce qui
arriva en effet. Théodose-le-Jeune étant mort
dans le mois de juin ou de juillet de l'an 450,
Chrysaphe qui avait entretenu ce prince
dans l'attachement au schisme de Dioscore,
fut disgracié bientôt après, relégué dans une
île, et mis à mort par le conseil de l'impéra-
trice Pulchérie. Théodoret était encore dans
son monastère lorsque Mécimas, prêtre et
abbé y vint de fort loin pour lui apprendre
les combats que soutenaient pour la foi,
Aphthone, Nonnus et quelques autres des
principaux de la ville de Zeugma dans l'Eu-
phratésienne ; ce qui l'engagea à leur écrire
pour animer de plus en plus leur zèle. Mais
dans la crainte que, combattant pour la foi,
ils ne tombassent dans l'une des deux héré-
sies opposées, savoir, celle de Nestorius et
d'Eutychès, il leur exphqua dans sa lettre ce
que l'on doit croire du mystère de l'Incarna-
tion.
29. La lettre à Sabinien regarde sa con-
duite particulière. Il avait été contraint par
la violence d'abandonner l'Eglise de Perrha,
dont il était évêque, à Athanase , malgré les
larmes de tout sou peuple. Comme il laissa
entrevoir de la faiblesse dans cette occasion,
s'étant adressé, pour procurer son rétablis-
sement, à ceux mêmes qui l'avaient chassé,
apparemment à Dioscore , ïhéodoret lui fit
faire réflexion sur cette démarche, disant qu'il
eût eu beaucoup plus de raisons de fuir l'é-
73
piscopat si on l'eût voulu obliger de le gar-
der dans l'état où étaient les choses ; que les
uns, blasphémant ouvertement contre ce que
les pères nous ont enseigné touchant le mys-
tère de l'Incarnation , et les autres n'ayant
pas la force de s'élever contre leurs blas-
phèmes, il ne restait que deux moyens à ceux
qui aimaient la vérité : l'un, de s'opposer for-
tement à l'erreur, et de s'exposer conséquem-
ment aux persécutions ; l'autre, de fuir et d'a-
bandonner les dignités de l'Eghse pour ne
point communiquer avec les impies.
30. La lettre de Théodoret à Jobius est
pour le féliciter sur le zèle qu'il faisait paraî-
tre dans sa grande vieillesse pour la doctrine
de l'Evangile. 11 l'exhorte à demander la paix
de l'Eglise. Les lettres à Candide et à Magnus,
tous deux prêtres et abbés, sont encore pour
les louer de leur zèle et les exhorter à prier
pour lui et pour toute l'Eglise.
31. Un autre zélé défenseur de la foi était
l'évêque Timothée. Pour mieux réussir, il
pria Théodoret de lui donner une instruction
sur l'Incarnation, afin d'en défendre le mys-
tère avec plus de lumière et de force. ïhéo-
doret lui écrivit sur cela ime assez longue
lettre où il lui expose la doctrine qu'il avait
apprise dans les livres saints et dans ceux des
pères. Il avertit Timothée qu'il est besoin,
avant toute chose, de savoir la différence des
noms donnés à Jésus-Christ, et la cause de
l'Incarnation. « Avec cette connaissance il ne
reste plus, dit-il, aucune ambiguïté louchant
la passion du Sauveur. Nos ennemis con-
viendront sans peine que les noms de Fils
unique de Dieu avant l'Incarnation étaient
ceux de Dieu , de Verbe , du Fils unique ,
de Seigneur de toutes créatures , et que
le nom de Jésus-Christ marque proprement
son incarnation, puisque auparavant il ne
s'appelait ni Christ ni Jésus. On l'appelait
toutefois, depuis l'Incarnation, Dieu, Verbe,
Seigneur, Tout-puissant, Fils unique et Créa-
teur; parce qu'en se faisant homme il est de-
meuré ce qu'il était. Mais lorsqu'il s'agit de
sa passion, l'Ecriture ne lui donne jamais le
nom de Dieu , et les évangélistes , lorsqu'ils
font sa généalogie, ne la font que suivant sa
nature humaine, selon laquelle il descend
d'Abraham et de David. Théodoret pose pour
un principe certain et avoué même des héré-
rétiques qu'il y a deux natures en Jésus-
Christ : la divine, qui est éternelle, et l'hu-
maine, qui est née dans le temps; d'où il in-
fère que sans les diviser ni admettre deux
Lettre 127,
pag. 990.
Lettres 158,
129, p. 1000.
Lettre 130,
paj. 1000.
•76
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
personnes en Jésus-Christ , on doit dire que
sa chair est passible et sa divinité impassible .
«Nous en usons de même, dit-il, àl'égard de no-
tre âme et denotre corps, quoique ces deux na-
tures soient d'un même temps et unies natu-
rellement : nous disons, sans les diviser, que
l'âme est simple, raisonnable, immortelle et
invisible; et que le corps est composé, pas-
sible et mortel. Encore donc que les natures
soient différentes, nous devons néanmoins
adorer un seul Fils et reconnaître que c'est
le même qui est Fils de Dieu et fils de Thom-
me. L'union rend les noms communs, mais
elle ne confond pas les natures. Car il est
clair à ceux qui pensent sainement qu'il y a
des choses qui conviennent à Jésus-Christ
comme Dieu, et d'autres comme homme. On
dit de lui qu'il est passible et impassible. Il a
souffert selon son humanité, il est demeuré
impassible en tant que Dieu. S'il avait souf-
fert selon sa divinité , comme le disent quel-
ques impies , en vain il se serait fait chair. »
Théodoret montre une seconde fois que
c'est toujours de l'humanité que parle l'Evan-
gile, lorsqu'il rapporte les circonstances delà
passion du Sauveur, et qu'il ne fait jamais
mention de la divinité qui est impassible en
elle-même. Il envoya en même temps à Ti-
mothée un écrit assez court qu'il avait fait sur
l'Incarnation, à la prière d'un saint homme
qu'il ne nomme pas. Il lui envoya encore
quelques passages des Pères sur la même
matière , en lui promettant de lui donner un
exemplaire de ses Dialogues, s'il pouvait trou-
ver un copiste pour les transcrire.
Leiiresi3i, 32. Les lottrcs à Longin, abbé de Dolique
l'. 1006^ îa; en Syrie , à Jean de Germanicie , à Marcel ,
pas- 1016. 2,\,]^Q des Acémètes, près de Constantinople,
sont des éloges de leur zèle dans la défense
de la foi. Celui de Marcel n'avait pu être arrêté
par l'autorité de l'empereuj', ni affaibli par
l'exemple d'un grand nombre d'évêques qui
avaientlàchement abandonnéla vérité. Théoc-
tiste de Bérée paraît avoir été du nombre.
Lotiro 134, Théodoret lui en fit des reproches, et du peu
pag, 1007. ^g g^jjj gi^.jj g^^j^jj gy (jg jyj jjj^jjg ggg besoins.
Lettre 132, 33. Ibas , compris comme beaucoup d'au-
pag-ii'os- ^j,gg ^jjjjg jgg persécutions de Dioscore, fut
déposé dans le conciliabule d'Ephèse, et Non-
nus mis à sa place. Théodoret, pour l'en-
courager à souffrir des vexations qui n'étaient
que l'effet de l'injustice de leurs ennemis com-
muns, lui écrivit de considérer que depuis la
création de l'homme jusqu'à nos jours, ceux
qui ont voulu servir Dieu ont tous eu beau-
coup à souffrir de la part de ceux qui vivaient
de leur temps. « Ne songez donc, lui dit-il,
qu'à pleurer les évêques qui commettent ces
injustices et à plaindre ceux qui ne se met-
tent pas en peine de s'y opposer. Gémissons
en voyant l'Eglise dans un aussi grand trou-
ble; mais réjouissons-nous de ce que nous
avons le bonheur de souffrir pour la piété, et •
ne cessons point d'en rendre gloire à celui
qui veut bien nous faire une telle grâce. Cé-
dons à nos meurtriers l'honneur, les digni-
tés, la gloire si peu estimable de ce siècle.
Mais pour nous, qu'il nous suffise de demeu-
rer attachés à la doctrine de l'Evangile. Souf-
frons avec elle, s'il est nécessaire, tous les
traitements les plus fâcheux, et préférons une
glorieuse pauvreté à des richesses sujettes à
tant de chagrins et de peines. » Un prêtre
nommé Ozée, que Théodoret appelle un gé-
néreux défenseur de la vérité, fut porteur de
cette lettre.
24. Un évêque^ nommé Romulns, avait écrit Lettre ne,
à Théodoret sur l'indulgence dont il fallait
user à l'égard de ceux qui étaient tombés
durant la persécution de Dioscore; et, pour
l'y engager, il se servait de divers exemples
tirés de l'Ecriture , où la miséricorde parais-
sait être préférée à la justice. Théodoret lui
fait remarquer que, quoique Achab eût quel-
quefois usé de miséricorde , il avait néan-
moins ressenti les effets de la vengeance di-
vine. « Pour nous, ajoute-t-il, nous croyons
qu'il faut tempérer la miséricorde parla jus-
tice, parce que toute miséricorde ne plaît
point à Dieu; que, comme l'indulgence est
bonne en des occasions, la justice l'est en
d'autres; que les fautes ayant été inégales, il
ne faut pas traiter tous les coupables égale-
ment, mais agir envers eux avec beaucoup
de discrétion et de prudence. »
35. L'empereur Marcien ayant, dès le com- ^^^^^^^ ,j,
mencement de son règne, rendu la hberté à f^|- ""f^,!'
l'Eglise , à Théodoret et aux autres évêques,
dès qu'il en eut connaissance , Thodoret fit
part de cette nouvelle à ses amis. Dans la lettre
qu'il en écrivit à l'abbé Jean, il le prie de se
joindre à lui pour rendre grâces à Dieu de ce
changement, et obtenir que ceux qui embras-
saient alors la vérité fussent assez généreux
pour l'aimer pour elle-même, sans aucun in-
térêt temporel. Il en écrivit une autre au
patrice Anatole, pour le prier de remercier
de sa part l'empereur et l'impératrice de la
liberté qu'ils accordaient à l'Eglise, et de sol-
liciter puissamment la convocation d'un con-
CHAPITRE TV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
Lettres 14(1,
p.Tg. 1014, et
li2, p. lulb.
[V SIÈCLE.]
cile où ce prince voulût bien se trouver en
personne pour empêcher le désordre. II fît
les mêmes prières à Aspar, consul et patrice,
et à Vincomale, en les remerciant de ce qu'ils
avaient procuré son rappel, comme avait fait
aussi Anatole. Sa seconde lettre à Marcel,
abbé des Acémètes, est, comme la première,
un éloge de sa vertu et de sa générosité.
Théodoret^ en expliquant ce qu'il faut croire
du mystère de l'Incarnation, dit que la sainte
Trinité n'a reçu par là aucune augmentation,
n'y ayant toujours qu'an Fils, comme il n'y
a qu'un Père et un Saint-Esprit; que telle est
la foi qu'il a apprise dès le commencement)
celle dans laquelle il a été baptisé et qu'i^
continue d'avoir. Il demande à cet abbé de
lui obtenir de Dieu d'être plutôt du nombre
de ceux qui souffrent persécution pour la vé-
rité, que de ceux qui la font souffrir aux au-
tres. Il s'explique de la même manière dans
sa lettre à André , moine de Constantinople ,
condamnant ceux qui séparaient Jésus-Christ
Fils du Dieu vivant, le Verbe fait homme, en
deux fils, s'il J en avait qui fussent de ce
sentiment, car il en doutait. Le désir de faire
connaissance avec André , dont la réputa-
tion était grande, fut ce qui engagea Théo-
doret à lui écrire le premier.
36. Il avait dit en une certaine occasion que
Dieu peut tout ce qu'il veut, mais qu'il ne veut
et ne peut rien de ce qui ne convient pas à sa
nature. Les eutychéens condamnèrent cette
parole, et, prétendant qu'il n'y avait rien
d'impossible à Dieu, ils soutenaient aussi qu'il
avait pu souffrir et mourir dans sa nature di-
vine. Quelques personnes, qui avaient pris
apparemment le parti de Théodoret contre
les eutychéens, lui écrivirent pour le prier de
leur éclaircir cette difficulté. Il est dit, dans
l'inscription de la lettre, que c'étaient des sol-
dats; mais il est rare qu'ils s'occupent de ques-
tions de théologie. Quoi qu'il en soit, Théo-
doret fit voir, dans sa réponse, que ceux qui
condamnaient ce qu'il avait dit touchant le
pouvoir de Dieu , n'étaient point instruits
comme ils devaient l'être. « Nous confessons,
dit-il, que Dieu peut tout; mais sous le terme
de tout nous n'entendons que les choses
bonnes et honnêtes, celui qui est bon et sage
de sa nature n'admettant rien de contraire à
sa bonté et à sa sagesse. Que ceux qui pen-
sent autrement nous disent si Dieu peut men-
tir, lui qui est la vérité? s'il peut commettre
des injustices, lui qui est la source de la jus-
tice? s'il peut devenir insensé, lui qui est un
77
abîme et une profondeur de sagesse? s'il peut
n'être ni Dieu, ni bon, ni créateur? S'ils con-
viennent que ces choses ne sont pas possibles
à Dieu , alors nous leur dirons qu'il y a plu-
sieurs choses impossibles à Dieu par une im-
possibilité qui ne vient pas de faiblesse ou de
défaut, mais de la perfection de sa nature et
de sa grande puissance, comme ce n'est point
une faiblesse, mais une perfection et une
marque de puissance à notre âme de ne pou-
voir mourir. S'ils objectent que Dieu pont tout
ce qu'il veut , il faut leur répondre qu'il ne
veut rien faire qui ne convienne à sa nature;
qu'étant bon et juste de sa nature, il ne veut
par conséquent rien de mauvais ni d'injuste.»
Théodoret prouve, par quelques passages de
l'Ecriture, que Dieu n'étant point susceptible
de changement, dès lors il n'a pu devenir
mortel et passible, d'immortel et et d'impas-
sible qu'il est; qu'autrement il n'aurait point
pris notre nature. Mais parce que sa nature
est immortelle, il a pris un corps qui pùl
souffrir, et avec ce corps une âme humaine,
aBn de délivrer en même temps notre âme et
notre corps.
Il prouve, par le témoignage des quatre
évangélistes , que ce fut le corps de Jésus-
Christ qui fut attaché à la croix ; et parce qu'il
y est dit aussi que le Seigneur fut mis dans
le tombeau, il répond qu'il est d'usage de dire
de la personne ce qu'on dit du corps. « Nous
lisonSj dit-il, dans les Actes, que des personnes
craignant Dieu ensevelirent saint Etienne,
quoiqu'elles n'eussent enseveli que son corps.
Jacob dit à ses enfants : Ensevelissez-moi avec
mes pères, et non pas : Ensevelissezmon corps.
Nous-mêmes, lorsque nous parlons des tem-
ples des saints apôtres et des martyrs , nous
les nommons du nom de Denis, de Julien ou
de Côme , quoique nous sachions qu'il n'y a
souvent dans ces temples qu'une petite par-
tie de leurs reliques et que leurs âmes repo-
sentailleurs. Lors donc que l'ange dit : Venez,
voyez le lieu où le Seigneur avait été mis, il
ne voulait pas dire que la divinité eût été en-
fermée dans le tombeau , mais il donnait au
corps du Seigneur le nom même de Sei-
gneur. »
Théodoret montre que ce qu'il avait avancé
était conforme à la doctrine des anciens; que
saint Athanase, le pape Damase et saint Léon,
dans sa lettre àFlavien, enseignaient que le Fils
de Dieu n'avait souffert que dans sa nature
humaine. Il recommande à ceux qui l'avaient
consulté de ne plus s'entretenir sur les dogmes
Act.vm, a.
Geaes.xLix,
29.
78
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
avec ceux contre qui ils étaient entrés en dis-
pute, s'ils ne: cédaient pas aux raisons et aux
autorités alléguées dans sa lettre, et de leschas-
sermêmede leur communauté s'ils étaient as-
sez impies pour dire que le mensonge est pos-
sible à Dieu. Cette circonstance fait voir en-
core que ceux à qui Théodoret s'adresse dans
cette lettre n'étaient point soldats, car il n'ap-
partient pas à des soldats de chasser de leur
compagnie ceux qui ne pensent pas comme
eux sur quelques points de doctrine.
Lettre 143, 37. Malgré la précaution que Théodoret
'°^' '■ prenait, dans la plupart de ses lettres, de
justifier sa foi sur l'Incarnation, on ne lais-
sait pas de l'accuser de croire deux fils en
Jésus-Christ. Il écrivit aux moines de Cons-
tantinople que ceux qui formaient contre lui
de semblables accusations n'en avaient point
d'autres raisons que son attention à com-
battre leurs erreurs. Il témoigne sa douleur,
dans cette lettre, de la nécessité où il se trouve
d'employer contre ceux qui se disent enfants
de l'Eghse les mêmes preuves qu'il avait em-
ployées pour combattre et convertir tant de
marcionites. Il appelle à témoin les milliers
d'hommes qui lui avaient ouï prêcher l'E-
vangile, pour attester qu'il n'a rien ensei-
gné de conti-aire à la vérité , et renvoie aux
ouvrages qu'il a écrits contre les Grecs ,
contre les juifs et contre les ariens , disant
qu'on y trouvera qu'il a combattu contre
eux, non pour deux fils, mais pour le Fils
unique de Dieu. Il ajoute que chaque année
il obhge ceux qui reçoivent le baptême d'ap-
prendre le symbole de Nicée; que lorsqu'il
les baptise, c'est au nom du Père , du Fils et
du Saint-Esprit, nommant au singulier cha-
cune des trois personnes; et que lorsqu'il cé-
lèbre la hturgie dans l'Eghse , il rend gloire au
Père, au Fils et au Saint-Esprit. «Si nous ad-
mettons deuxfils, dit-il, comme on nous en ac-
cuse, lequel des deux omettons-nous dans no-
tre glorification et notre adoration? Ne serait-il
pas d'une extrême folie de croire deux tîls
et de n'en glorifier qu'un seul ? Mes ennemis,
quoique accoutumés à mentir , n'oseront ja-
mais avancer qu'ils m'ont ouï parler de la
sorte , et ils ne m'accusent d'admettre deux
fils que parce que j'admets deux natures.
Chaque homme a une âme immortelle et un
corps sujet à la mort. Tous connaissent la
diËFérence de ces deux natures ; mais per-
sonne , jusqu'ici , ne s'est avisé de dire que
dans Paul ou dans Adam elles font deux Paul
ou deux Adam. Nous confessons les proprié-
tés des deux natures dans Jésus-Christ; mais
nous ne connaissons qu'un fils, le Fils de
Dieu et de l'homme.»
Il fait voir que c'est la doctrine de l'Eglise
et qu'elle a été enseignée par le grand saint
Basile, par saint Grégoire, saint Amphiloque,
par saint Damase , évêque de la grande Rome;
par saint Ambroise , par saint Cyprien , par
saint Athanase, saint Alexandre, Eustathe,
Mélèce, Flavien, saint Jean Chrysostôme,
Atticus et par d'autres saints plus anciens,
savoir : par saint Ignace, saint Polycarpe,
saint Justin, saint Hippolyte et saint Irénée.
Il ajoute que quoique le corps de Jésus-Christ
ne soit plus passible depuis sa résurrection,
il existe réellement , et que c'est à ceux qui
(parce qu'il est dit que Jésus-Christ entre les
portes fermées) nient l'existence de ce corps
depuis la résurrection, à expliquer comment
avant sa mort il marchait sur les eaux, com-
ment il est né sans rompre le sceau de la vir-
ginité, comment Habacuc, transporté en un
moment , au travers des airs , de Judée en
Babylone , entra dans la caVferne où Daniel
était enfermé , sans en avoir auparavant ou-
vert la porte , et comment il en sortit sans
avoir rompu le sceau dont on en avait scellé
l'entrée. « C'est folie, dit Théodoret, de vou-
loir approfondir la manière dont Dieu opère
ses miracles. Nos corps mêmes, après la ré-
surrection , seront incorruptibles , immortels
et assez légers pour s'élever jusques dans les
airs en allant au devant du souverain Juge.»
C'est ce qu'il prouve par un passage de la se-
conde Épitre aux Corinthiens , inférant de là
qu'à plus forte raison le corps du Seigneur,
uni à la divinité et devenu immortel depuis
sa résurrection , a pu entrer , les portes fer-
mées, dans la chambre où les apôtres étaient
assemblés. Comme il ne dit rien, dans cette
lettre, ni de son rétablissement ni du concile
de Chalcédoine , on a lieu de juger qu'il l'é-
crivit auparavant.
38. Lalettre suivante fut écrite depuis et lors- r.eiireue
que la tempête était déjà apaisée; Théodoret p^s-'"^"-
était encore néanmoins dans son monastère,
où il jouissait d'une grande tranquillité. Elle
fut troublée par la nouveUe qu'il y reçut d'un
scandale arrivé dans une ville que l'on croit
être celle de Cyr même. Quelques prêtres ,
après avoir fait la prière, la finissaient à l'or-
dinaire par le nom de Jésus-Christ. L'archi-
diacre les en reprit, soutenant qu'il ne fallait
point nommer Jésus-Christ dans la glorifica-
tion, mais le Fils unique du Père. C'était, pour
rintb.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
ainsi dire, séparer Jésus-Christ du Fils de
Dieu, comme faisaient les nestoriens, ou ne
reconnaître en lui que la nature divine, et
nier avec les eutychéens la vérité de son in-
carnation. L'injure faite à Jésus-Christ, en
cette occasion, excita beaucoup de bruit dans
la ville. Pour y remédier, Théodoret écrivit
à l'économe de l'Eglise , nommé Jean , une
lettre assez longue où il fait voir que le Fils
de Dieu n'étant qu'un, l'Ecriture lui donne
indifféremment tantôt le nom de Fils de Dieu,
tantôt celui de Christ. « C'est ce queTon voit, dit-
il, dans plusieurs endroits des Epitres de saint
Paul : // ny a, dit cet apôtre, qu'un Dieu Père,
de qui sont toutes choses, et un Seigneur Jésus-
Christ par lequel toutes choses ont été faites.
Et ailleurs : Nous sommes toujours dans l'at-
tente de la béatitude que nous espérons, et de
l'avènement glorieux du grand Dieu et notre
Sauveur Jésus-Christ. Et l'apôtre saint Pierre :
Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant.» 11 cite
beaucoup d'autres passages tant de l'Ancien
que du Nouveau Testament , et ajoute qu'il
ne faut pas s'arrêter à ce que la qualité de
Christ est quelquefois donnée à d'autres,
puisqu'il y en a aussi plusieurs à qui l'Ecri-
ture donne le nom de Dieu, ou qui l'ont donné
à l'ouvrage de leurs mains, c'est-à-dire aux
fausses divinités; que nous ne devons pas
rougir du nom de Christ, puisque nous por-
tons nous-mêmes celui de chrétien, qui vient
du Christ; que, quoiqu'il y ait quelque diifé-
rence dans les gloi'ifications usitées dans les
Églises, les uns glorifiant le Père, le Fils et
le Saint-Esprit; les autres, le Père avec le
Christ et le Saint-Esprit, c'est toutefois le
même sens. Ce qui parait en ce que le Sei-
gneur ayant commandé de baptiser au nom
du Père , du Fils et du Saint-Esprit , l'apôtre
saint Pierre n'ordonna à ceux qui venaient
d'embrasser la foi que de se faire baptiser au
nom de notre Seigneur Jésus-Christ, comme
si ce nom renfermait toute la force du pré-
cepte divin.
Théodoret confirme ce qu'il vient de dire
par un endroit de saint Basile où nous lisons
que nommer le Christ c'est nommer les trois
personnes de la Trinité , savoir : le Père qui
a oint, le Fils qui est oint, et le Saint-Esprit
par qui il est oint. 11 fait voir encore que les
pères de Nicée n'ont pas distingué le Fils de
Dieu du Christ, mais qu'ilsl'ont regardé comme
une seule et même personne, en disant : Nous
croyons aussi en un Seigneur Jésus-Christ, Fils
unique de Dieu. Théodoret défend encore de
THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR. 79
dire que le Fils n'est plus Christ depuis son
ascension; et par ce que saint Paul dit dans
une de ses Epitres : Nous ne connaissons plus
maintenant Jésus-Christ selon la chair, il en-
seigne que cela n'empêche pas que Jésus-
Christ n'ait encore un corps humain, mais
tout divin et revêtu de la gloire de la divinité ;
que l'apôtre ne s'est servi de ces termes : Nous
ne le connaissons plies selon la chair, que pour
nous confirmer dans l'espérance de devenir
nous-mêmes incorruptibles et immortels. Cette
lettre n'est point achevée dans nos exem-
plaires.
39. On n'y trouve point non plus la lettre
que Théodoret écrivit à Abundius , évêque de
Cosme, l'un des légats que saint Léon envoya
à Constantinople pour travailler à la paix des
Eglises. Ces légats ayant fait signer, dans un
concile tenu en cette ville, la lettre de ce saint
pape à saint Flavien , la firent passer à tous
les métropolitains, afin qu'ils la signassent.
Théodoret, pour donner un nouveau témoi-
gnage de sa foi , envoya une copie de cette
lettre, signée de sa main, à Abundius, et il y
joignit une autre lettre pleine de louanges
pour les légats, où il faisait un abrégé de sa
croyance sur le mystère de l'Incarnation. I
y assurait aussi à Abundius que les autres
évêques que l'on avait persécutés, et nom-
mément Ibas d'Edesse, n'avaient point d'au-
tre doctrine que la sienne. Cette lettre est
rapportée par Earonius et par les continua-
teurs de Bollandus.
II Cor.
Lettre
Abuadiu3.
Baron, ad
an. /.oO, ses.
sxn, XXIV,
fiolland. toT.
II, April. p.
93.
§ vm.
De l'ouvrage intitulé : Eraniste ou Polymorphe.
i . Théodoret intitula ainsi cet ouvrage parce
qu'il y combat une erreur qui lui paraissait
un ramas de plusieurs anciennes hérésies:
CS.V E raniste est , selon lui, un quêteur qui
ramasse de divers endroits, de la libéralité de
plusieurs personnes, ce quilui est nécessaire.
Il lui donna encore le titre de Polymorphe ,
c'est-à-dire qui a plusieurs formes, parce que
l'erreur qu'il attaque était un composé de
celles deMarcion, de Valentin, d'Apollinaire
et d'Arius. Il ne nomme pas ceux qui en
étaient les défenseurs , se contentant de les
représenter comme des personnes qui , n'ayant
l'ien ni par leur naissance, ni par leur érudi-
tion, ni par leurs actions, qui les rende con-
sidérables dans le monde , cherchent à s'y
signaler par leur impiété , comme avait fait
autrefois Alexandre, ouvrier en cuivre, dont
A quelle oc-
casion cet ou-
80
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
il est parlé dans sa seconde lettre à Timotliée, et
Manichée, qui était esclave de condition. On
'' ne doute point qu'il n'ait voulu marquer par
là le moine Eutychès, dont l'hérésie commen-
çait à se répandre , et contre laquelle Théo-
doret s'était déjà élevé, soit en public, soit
en particulier, avant qu'il eût reçu ordre de
la part de l'empereur de se retirer à Cyr.
veîi rtn wt! ^- C'était en 447, et il y a tout lieu de croire
Epis?!°"'uo; î*^^ ^^ ^"* ^ '^^^ ouvrage que Théodoret tra-
pag. 1002. vailla dans les premiers temps de sa retraite.
Il le cile dans une de ses lettres, écrite, en
449, à l'évéque Timotliée. [1 est en forme de
dialogue; mais, pour le rendre plus intelli-
gible aux personnes les moins instruites , et
plus à la portée de tout le monde , il crut ne
pas devoir s'astreindre à toutes les règles que
Platon et les autres anciens sages de la Grèce
ont gardées dans ce genre d'écrire. Il n'in-
troduit que deux personnes : l'une, à qui il
donne le nom d'Orthodoxe, et qui prend tou-
jours la défense de la saine doctrine; l'autre,
qui est nommée Eraniste, propose les objec-
tions et les questions nécessaires pour l'é-
claircissement des matières,
iiestdivisé 3. L'ouvrage entier est divisé en trois dia-
en mis .d,o- JQg^gg^ qyj gQjjj. gyjyjg jjg dîvcrs raisonne-
ments plus serrés , à peu près dans la forme
de l'école , où il prouve d'une manière plus
précise et plus abrégée les mêmes choses qu'il
avait traitées avec plus d'étendue dans ses
dialogues.
Premierdia. 4. Lc premier est intitulé Immuable, parce
iv,°pag. T' que Théodoret y fait voir que le Vei'be, en se
faisant chair, n'a point été changé. Il y mon-
tre d'abord que quoique l'on ne mette point
ordinairement de différence entre substance
et hypostase, il y en a néanmoins, suivant le
langage et la doctrine des pères, comme nous
en mettons entre le commun et le propre,
l'espèce et l'individu. Le nom d'homme est
commun à toute la nature humaine , et le
nom de substance aux personnes de la Trinité ;
mais le terme à'hypostase marque une per-
sonne en particulier, le Père, ou le Fils, ou
le Saint-Espril. Le nom d'immuable est aussi
commun aux trois personnes, n'étant pas pos-
sible que dans une même substance l'im-
muable et le muable se rencontrent. Cela
étant ainsi, le Fils imique de Dieu est im-
muable , de même que le Père et le Saint-
Esprit. C'est en effet du Fils qu'il est dit dans
le psaume ci : Vous êtes toujours le même et
vos années ne finiront point . Théodoret prouve
ensuite que le Verbe s'est fait chair en nais-
sant de la race d'Abraham ; et rapporte ce
qu'on ht sur ce sujet touchant le temps et le
lieu de sa naissance dans les divines Ecri-
tures, et sur sa manifestation aux hommes
dans un corps semblable aux leurs, montrant
en même temps que c'est en lui et non pas
en Salomon ni en Zorobabel que se sont ac-
complies les promesses faites à Abraham et
aux autres patriarches touchant la vocation
des gentils à la foi. Après quoi il prouve que
le Verbe, en prenant un corps et une âme
douée de raison, n'a souffert aucun change-
ment; sur quoi il rapporte divers passages du
Nouveau Testament; mais il appuie particu-
lièrement sur ce qui est dit dans saint Jean :
Le Verbe a été fait chair, en remarquant que
cet évangéliste ajoute : Et il a habité parmi
nous, comme s'il disait que le Verbe s'étant
fait une espèce de temple de la chair à laquelle
il s'est uni , il a fixé parmi nous son taber-
nacle. Pour preuve que sa divinité n'a souf-
fert en cela aucun changement, saint Jean
dit aussitôt après : Nous avons vu sa gloire
comme du Fils unique du Père, étant plein de
grâce et de vérité. Car étant homme, il portait
avec soi sa noblesse paternelle , et faisait
partout resplendir les rayons de sa divinité
et l'éclat de sa puissance par un grand nom-
bre de miracles. Aux preuves tirées de l'Ecri-
ture, il joint plusieurs témoignages des an-
ciens docteurs de l'Eglise, qui, d'un commun
consentement, ont enseigné que le Verbe s'est
fait chair sans que sa divinité en souffrît au-
cune altération, et qu'il est véritablement né
de la Vierge. Les pères dont il rapporte les
témoignages, sont saint Ignace, évêque d'An-
tioche et martyr; saint Irénée, évêque de
Lyon; saint Hippolyte, évêque et martyr; saint
Méthodius, évêque et martyr; saint Eustathe,
évêque d'Antioche et confesseur; saint Atha-
nase , saint Basile, saint Grégoire de Na-
zianze, saint Grégoire de Nysse, saint Fla-
vien d'Antioche , saint Amphiloque, évêque
d'Icône; saint Jean Chysostôme et Apolli-
naire, quoique ce dernier fût d'ailleurs favo-
rable à l'hérésie d'Eutychès.
5. Le principal point de son hérésie consis-
tait à enseigner qu'il n'y a qu'une seule na- t".
ture en Jésus-Christ, et qu'on ne peut pas
dire qu'il y en ait deux : erreur qui l'enga-
geait nécessairement à admettre la confusion
des deux natures. Mais pour la rendre moins
odieuse, il disait qu'avant l'union Jésus-Christ
était de deux natures, lesquelles, toutefois,
api'ès l'union n'en faisaient qu'une. Théodoret
cimiogue, p.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
entreprend donc dans ce second dialogue,
de montrer que la divinité a été unie en Jé-
sus-Christ avec la nature humaine, sans qu'il
y ait eu aucune confusion dans l'une ou dans
l'autre, la divinité et l'humanité ayant tou-
jours conservé les propriétés de leur nature.
11 montre que cette union s'est faite dans le
moment même que la sainte Vierge conçut,
c'est-à-dire aussitôt après la salutation angé-
lique, et qu'avant ce temps il n'y avait qu'une
seule nature qui était celle du Verbe. Il
prouve par l'Ecriture, qu'après l'union cha-
cune des deux natures est demeurée entière.
« S'il n'en était resté qu'une, dit-il, comment
pourrait-on accorder ensemble les Evangélis-
tes, qui tous ont écrit depuis l'union des deux
natures ? Or, saint Jean, en parlant de Jé-
sus-Christ, dit qu'il était au commencement
dans Dieu, et que toutes choses ont été faites
par lui; saint Matthieu, au contraire, de
même que saint Luc, le font descendre d'A-
braham et de David. L'un dit qu'il est Dieu,
et éternel ; d'autres lui donnent des hommes
pour parents, et le font naître dans le temps.
On ne peut pas dire néanmoins qu'il y ait
deux natures incarnées ; il n'y en a qu'une
de même qu'il n'y a qu'un fils. Met-on deux
Paul pour un, parce que Paul est composé
de deux natures, dont chacune conserve ses
propriétés après l'union du corps et de l'àme
en lui ? » Théodoret fait voir qu'à cause de
l'union de ces deux natures, on dit de Paul
ce qui convient, soit au corps, soit à l'âme,
et qu'il en doit être de même de Jésus-
Christ : quand nous parlons de chacune des
deux natures séparément, nous attribuons à
la divinité ce qui lui appartient, et à l'hu-
manité ce qui lui est propre ; mais lorsqu'il
est question de la personne de Jésus-Christ,
nous disons de lui ce qui est des deux natu-
res, l'appelant Dieu et homme. Fils de Dieu
et Fils de l'homme. Fils de David et Seigneur
de David, descendant d'Abraham et Créateur
d'Abraham. «N'est-il pas marqué, dit-il, dans
l'Evangile qu'il est né? N'y est-il pas appelé
enfant? N'y est-il pas dit aussi qu'il fut adoré
des pasteurs, qu'il croissait en âge et en sa-
gesse, qu'il a eu faim, et autres choses sem-
blables qui ne peuvent s'entendre que de son
bumanité ? Cette nature subsistait donc de-
puis l'union avec la divinité. » Théodoret tire
une autre preuve de l'existence de cette na-
ture après l'union, de l'oblation mystique
qui se fait par les prêtres sur les saints au-
tels. « De quelles choses, ajoute-t-il, le pain et
X.
THEODORET, EVEQUE DE CYR. 81
le vin sont-ils les symboles ? n'est-ce pas du
corps et du sang du Seigneur? Si donc les
divins mystères représentent le vrai corps,
il faut nécessairement que ce corps existe
encore, et qu'il ne soit pas changé en la na-
ture de la divinité, quoiqu'il soit rempli de
gloire depuis sa résurrection. » Théodoret
joint à ces raisonnements les témoignages des
Pères qui ont distingué nettement les deux
natures en Jésus-Christ après l'union. Ce
sont les mêmes qu'il avait cités dans le pre-
mier dialogue ; mais il cite de plus dans ce-
lui-ci, saint Ambroise, Théophile d'Alexan-
drie, saint Cyrille de Jérusalem, Antiochus
évéque de Ptolémaïde^ saint Hilaire, saint
Augustin, Sévérien de Cabale, Atlicus de
Constantinople, et saint Cyrille d'Alexandrie.
6. Il rapporte dans le troisième dialogue les
témoignages de Gélase, évéque de Césarée
en Palestine, et d'Eusèbe d'Emèse. Il est in-
titulé : De l'Impassible, parce que Théodoret
se propose d'y montrer que la divinité est im-
passible de sa nature. «Si elle était passible,
dit-il, et qu'elle eût pu souffrir sans la chair, en
vain elle s'y serait unie. Comment donc est-il
dit dans l'Ecriture que le Fils de Dieu a souf-
fert? C'est que le corps qui a souffert était le
sien, et que c'est l'usage de l'Ecriture d'at-
tribuer à la personne ce qui ne convient qu'à
une des parties dont elle est composée. Elle
dit d'Isaac, qu'il était aveugle, et du paraly-
tique, qu'il fut guéri ; il n'y avait néanmoins
que le corps de l'un et de l'autre qui fût at-
taqué. Il est encore de l'usage commun de
donner le nom d'homme à une de ses par-
ties : ainsi, lorsque nous entrons dans une
église où reposent les reliques des Apôtres,
des Prophètes ou des martyrs, si nous de-
mandons : Quel est celui que l'on a renfermé
dans une châsse exposée dans cette église?
ceux qui le savent, répondent que c'est ou
Thomas l'apôtre, ou Jean - Baptiste , ou
Etienne, le premier des martyrs, quoique
souvent il n'y ait dans cette châsse qu'une
petite partie de leurs reliques. Si cela se dit
des hommes, pourquoi ne pourrait-on pas le
dire du Sauveur ? Et pourquoi confondre en
lui deux natures que nous distinguons dans
l'homme, et qui sont infiniment plus difl'é-
rentes dans Jésus-Christ que l'âme ne l'est
du corps ? I) Théodoret répond de la même
manière à ces paroles de l'ange à Marie :
Venez, voyez le lieu oh le Seigneur était mis,
dont les hérétiques se servaient pour prou-
ver que la divinité avait souffert la mort. En
6
dialogue.
82
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
effet, cet endroit ne pouvait s'entendre que
du corps de Jésus-Christ, le sépulcre n'étant
point destiné à renfermer l'âme, et moins
encore la divinité dont la nature ne soutire
aucune borne. ïhéodoret fait difficulté de
dire que Dieu Verbe a souffert dans sa chair;
la raison qu'il en donne est que l'Ecriture ne
s'exprime point de cette manière, et que
nous ne disons pas même de notre âme
qu'elle souiîre dans le corps, ni de l'âme de
Paul, qu'elle soit morte dans sa chair; mais
s'il rejette l'expression, il en admet le sens,
avouant que la pei'sonne qui a souffert était
Dieu, quoiqu'elle n'ait pas souffert en tant
que Dieu, mais en tant qu'homme. II veut
donc que l'on s'en tienne, sur ce sujet, aux
expressions ordinaires de l'Ecriture, qui eu
parlant de la Passion de Jésus-Christ, dit que
le Seigneur de la gloire a été attaché à la
croix ; et que conformément à la foi de l'E-
glise, établie dans les livres saints, et recon-
nue dans le concile de Nicée, nous attribuions
à la seule personne de Jésus-Christ, ce qui
convient aux deux natures unies, c'est-à-dire
les choses les plus sublimes et celles qui sont
les plus humiliantes : celles-là parce qu'il est
Dieu ; ceUes-ci parce qu'il est homme. Il
prouve que les Pères de ce concile, après
avoir reconnu dans leur symbole, que l'on
doit croire au Fils unique du Père, le même
qui s'est fait homme, déclarent nettement
leur foi sur son impassibilité en tant que
Dieu, lorsqu'ils disent anathème avec la
sainte Eglise, catholique et apostolique, à
ceux qui enseignent que le Fils de Dieu est
sujet au changement et à quelque altération.
Démonstra- '^ ■ Photius après avoir parlé de ces trois
gi°sme" 'png.' dialogucs, ajoute que Théodoret fit un autre
cid. sc^p'.'"^' ^^^^^^ intitulé : Démonsti^ation par syllogismes,
dans lequel il prouvait les trois mêmes vé-
rités qu'il avait établies dans ses trois dialo-
gues, savoir, que le Verbe est immuable,
incapable de mélange, et impassible. Ces syl-
logismes sont en assez grand nombre, y en
ayant plusieurs pour démontrer chacune de
ces vérités ; mais ils ne sont pas tous pro-
posés avec la même force et la même netteté.
Il dit sur l'immutabilité du Verbe : « On con-
vient que la substance du Père, du Fils et du
Saint-Esprit est une et immuable ; d'où il
suit que la substance du Fils qui est une per-
sonne de la Trinité, est immuable. S'il est
immuable, il n'a donc pas été changé lors-
qu'il s'est fait chair, et on ne dit qu'il a été
fait chair, que parce qu'il a pris une chair
humaine. Si Dieu Verbe a été fait chair par
un changement de la divinité en la chair, il
n'est point immuable , ni par conséquent
consubstantiel à son Père. Comment, en
eflfet, se pourrait-il faire, que de deux per-
sonnes d'une substance très-sainte, l'une fût
sujette au changement, etl'autre immuable?
Cela ne se peut qu'en disant que le Fils est
d'une autre substance que le Père. Or ce se-
rait tomber dans les blasphèmes d'Arius et
d'Eunomius, qui enseignent que le Fils est
d'une substance différente de celle du Père.
Saint Jean l'Evangéliste appelle tabernacle
ou temple, la chair que le Verbe a prise, et
dit qu'il a habité en elle. Il n'a donc pas été
changé en chair ; autrement on ne pourrait
dire qu'il a habité en elle, puisque celui qui
demeure dans un temple est différent du
temple même. Le même Evangéliste, après
avoir parlé de l'incarnation du Fils, ajoute :
Nous avons vu sa gloire, comme du Fils unique
du Père ; d'où l'on doit inférer, que le Fils
est demeuré après l'incarnation ce qu'il était
auparavant. Or, cela ne se pourrait dire,
s'il avait été changé en chair par l'incarna-
tion. Saint Paul appelle notre Seigneur Jé-
sus-Christ fils d'Abraham. Si cela est, comme
on n'en peut pas douter, le Verbe-Dieu n'a
donc pas été changé en chair; mais il a voulu
naître selon la chair, de la race d'Abraham. »
Voici d'autres raisonnements pour montrer
que la divinité a été unie en Jésus-Christ
avec la nature humaine, sans confusion de
l'une dans l'autre. «Confondre les deux natu-
res, dit-il, c'est les détruire, car en les suppo-
sant confondues, on ne peut appeler la chair,
chair; ni Dieu, Dieu. Or, la différence de
ces deux natures s'est manifestée depuis leur
union. Elles n'ont donc pas été confondues
par cette union. Nous lisons en effet que le
Sauveur a eu faim et soif, et nous croyons
que c'est réellement qu'il a souffert ces be-
soins. Or, ils sont une suite de la nature du
corps, et ne conviennent en aucune manière
à une nature incorporelle. Le Sauveur a donc
eu un corps capable de semblables besoins.»
Théodoret prouve par les Actes des Apôtres,
que ce corps est resté même après la résurrec-
tion. « La nature divine, dit-il, est invisible.
Or, saint Etienne dit qu'il a vu le Seigneur
debout à la droite de Dieu, ce qui ne peut
s'entendre que du corps du Seigneur. Ce corps
subsistait donc dans sa propre nature, même
après son ascension. » A l'égard de l'impassi-
bilité de la nature divine en Jésus-Christ, il
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V^ SIECLE. J
la démontre par l'autorité du symbole de
Nicée en cette manière : « Les Pères de ce
concile nous apprennent d'après FEci'Jture
sainte, que le Fils est consubstantiel à Dieu
son Père : or, l'impassibilité est de la na-
ture du Père, et l'Ecriture nous enseigne qu'il
est impassible ; le Fils l'est donc aussi puis-
qu'il est d'une même substance que le Père.
Ainsi, lorsque nous lisons que Jésus-Christ a
souffert la mort, cela doit s'entendre de la
chair : car il a souflert de même qu'il est
ressuscité comme homme ; il est donc mort
comme homme. » ïhéodoret reproche aux
ennemis de la foi, que connaissant en Jésus-
Christ une nature capable de souffrir, ils s'o-
piniâtrent à enseigner qu'il a soufi'ert dans
sa divinité. « Pour nous, ajoute-t-il, lorsque
nous disons que l'humanité a souffert, nous
ne désunissons pas pour cela la nature divine
delà nature humaine; mais nous disons que
comme elle a été unie à la nature humaine
lorsqu'elle avait faim, soif et besoin de som-
meil, sans qu'elle souffrît elle-même de ces
sortes d'infirmités, de même cette nature
divine a permis, sans se séparer de son hu-
manité, qu'elle souflrît la mort, pour détruire
la. mort même. »
§1X.
De l'ouvrage sur les Hérésies.
1. Théodoret le composa à la prière du
comte Sporace, un des commissaires du con-
cile de Chalcédoine, le même qui fut consul
en 43!2. Ce seigneur au milieu des engage-
ments qu'il avait à la cour, donnait tout son
loisir à la méditation de la loi de Dieu, et ci
la connaissance de la vérité. Ce fut ce qui
l'engagea à demander à Théodoret un abrégé
des diverses hérésies qui s'étaient élevées
jusqu'alors; non qu'il se fit un plaisir d'écou-
ter des fables, ni de connaître toutes les fo-
lies inventées par ceux qui avaient quitté le
chemin de la vérité, mais parce qu'il désirait
apprendre aux autres quels étaient les éga-
rements dont ils devaient se garder, pour ne
pas tomber dans le précipice où ils condui-
sent; et quel est le chemin de la vérité, qui
tracé sur les vestiges des Apôtres et des Pro-
phètes, mène au royaume des cieux. Le dé-
sir de Sporace était digne de louanges ; mais
ïhéodoret avait quelque peine à le satisfaire,
soit parce que la plupart des hérésies an-
ciennes n'avaient plus de cours ayant été
éteintes par la grâce de Dieu, soit parce qu'il
83
craignait de mettre de nouveau en lumière
ce qui était enseveli dans les ténèbres, soit
enfin à cause des blasphèmes et des infamies
horribles de la plupart de ces hérésies. Il
trouvait néanmoins qu'il pourrait être utile
d'en donner une connaissance légère, mais
suffisante pour que le lecteur conçût de
l'horreur, de l'éloignement et de la pitié pour
ceux qui avaient inventé ou suivi ces héré^
sies infâmes et extravagantes. Comme il parle
dans cet ouvrage de l'hérésie d'Eutychès, de
ses suites^ et de la manière dont elle avait
été détruite, on ne peut douter qu'il ne l'ait
écrit après le concile de Chalcédoine en 431,
où elle fut condamnée.
2. Il eut recours pour le composer aux
anciens écrivains ecclésiastiques, qui avaient
traité la même matière ou combattu les hé-
résies, soit celles qui s'étaient élevées dans
les premiers siècles^ soit celles qu'ils avaient
vues naître eux-mêmes. Il nomme entre ces
auteurs, saint Justin, saint Irénée, saint Clé-
ment, Origène, les deux Eusébe, celui de
Palestine et celui de Phénicie, Adamantins,
Rhodon, Tile, Diodore et Georges; mais il
ne dit rien de saint Epiphane, ce dont on ne
sait point la raison. Il divisa son ouvrage en
cinq livres, qu'il disposa non suivant l'ordre
des temps , mais par ordre de matières. Le
premier comprend l'histoire des hérésies qui
établissaient deux principes, et qui disaient
que le Fils de Dieu ne s'était incarné qu'en
apparence. Ce livre commence àl'hérésiede
Simon le Magicien, et finit à celle de Manès
ouManichée. Il traite dans le second des héré-
sies qui enseignaient l'unité d'un premier
principe, mais soutenaieat que Jésus-Christ
n'était qu'un pur homme ; il les conduit de-
puis Ebion jusqu'à Photin. Il est parlé dans
le troisième livre, de diverses autres héré-
sies, qui n'avaient que peu ou pas de rapport
avec les précédentes; savoir, de l'hérésie
des nicolaïtes, des montanistes, des néotiens,
des quartodécimans, des novatiens et des né-
potiens. Les erreurs de ces derniers, qui sont
moins connues, regardaient les promesses de
Dieu à son peuple, qu'ils s'imaginaient faus-
sement devoir s'accomplir en Egypte, et se
passer en bonne chère et en réjouissances
pendant l'espace de mille années. Népos, in-
venteur de cette hérésie, fut réfuté par saint
Denis d'Alexandrie. Il le fut si efficacement,
que lorsque Théodoret écrivait, à peine l'hé-
résie de Népos avait-elle quelques sectateurs.
Il en était de même de la plupart des autres
Il Gst divi»
se en cinq
livres. Cequtf
(;onliertnenl
les Irois pre-
miers, p. 190.
et suiv.
ïsaï XLix,
et Pôal. Lxxi.
Livre IV^,
pag. 232.
Gar ner.
tom. V, op.
Théori. dis-
sert. 2, pag.
â51.
84 HISTOIRE GÉNÉRALE DES
anciennes hérésies; comme elles ne s'étaient
répandues que dans quelques provinces, on
n'y voyait presque plus personne qui en fît
profession; au lieu que toute la terre jusqu'à
ses extrémités, était pleine de chrétiens qui
faisaient profession de la vraie foi, suivant la
promesse que Dieu avait faite à son Eghse
par ses prophètes.
3. Le quatrième livre commence à Thé-
résie d'Arius, et finit par celle de Nestorius
et d'Eutychès ; mais Théodore! n'y dit rien
des origénistes et des pélagiens. Ce n'était
pas que ces derniers, dont l'hérésie avait pris
naissance dans l'Occident, ne fussent connus
aux Orientaux, puisqu'ils avaient reproché
à saint Cyrille de les favoriser; mais ïhéo-
doret pouvait bien n'être pas assez instruit
de leur histoire ni de leurs sentiments, pour
en faire un article séparé. La dureté avec
laquelle il traite Nestorius, a rendu suspect
le chapitre où il en parle, et quelques criti-
ques se sont imaginés qu'il avait été inséré
mal à propos dans son quatrième livre des
Hérésies. Voici sur quoi ils fondent leurs
conjectures : 1° Théodoret dans la préface des
cinq livres sur les Hérésies, promet de réfu-
ter dans le cinquième toutes celles dont
il aura parlé dans les précédents. Or, dans
le onzième chapitre, où il est fait mention de
ceux qui ont erré sur l'Incarnation, il ne dit
pas un mot des nestoriens. 2° H n'est point
croyable que Théodoret, qui dans ses autres
écrits, traite ordinairement Nestorius de
très-pieux, de très-saint, de vénérable évê-
que, et qui l'y représente comme ayant été
injustement condamné à Ephèse, l'ait appelé
ensuite l'instrument du démon, le fléau d'E-
gypte, et un hypocrite qui ne songeait qu'à
s'acquérir une réputation par une piété feinte
et apparente. C'est toutefois la manière dont
il est traité dans ce chapitre, où on lit encore
qu'aussitôt qu'il fut placé sur le siège de la
ville impériale, il changea' la puissance sa-
crée en domination tyrannique, et qu'abu-
sant de son pouvoir, il prêcha hautement son
impiété, en prononçant pubhquement des
blasphèmes contre le Fils de Dieu. 3° L'au-
teur de ce chapitre dit qu'il ne savait point
quelle avait été l'éducation de Nestorius;
mais seulement qu'il avait changé de demeure
avant de venir à Antioche, et que dès le
commencement de son épiscopat, il avait
fait voir de quelle manière il devait se con-
duire un jour. Théodoret, au contraire, sa-
vait que Nestorius avait été disciple de Théo-
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dore de Mopsueste, et élevé dans le monas-
tère de saint Euprépius , près d'Antioche,
et qu'il avait été baptisé dans cette ville.
4° Le style de ce chapitre est ampoulé, figuré
et plein d'exagération, ce qu'on ne peut dire
de celui de Théodoret. 3° Si ce chapitre est
de Théodoret, pourquoi n'a-t-il point été al-
légué par ceux qui défendirent sa mémoire
dans le cinquième concile général? Pourquoi
Facundus et Libérât n'en ont-ils pas fait men-
tion? Et pourquoi le pape saint Grégoire,
dans la lettre qu'il écrivit pour le pape Pe-
lage II, aux évêques d'Islrie, ne le cita-t-il
point en preuves de la catholicité de Théo-
doret? Car son but était de prouver que cet
évêque avait été dans des sentiments ortho-
doxes depuis le concile deChalcédoine.
On peut répondre à la première objection,
que si Théodoret n'a pas mis Nestorius entre
les ennemis de l'Incarnation dans le onzième
chapitre de son cinquième livre, il n'y a pas
mis non plus Eutychès; toutefois, personne
ne révoque en doute qu'il ne soit auteur de
l'article qui contient l'histoire de l'hérésie
d'Eutychès. On peut dire sur la seconde que
Théodoret après avoir anathématisé Nesto-
rius dans le concile de Chalcédoine, ne pou-
vait se dispenser dans un ouvrage fait depuis,
de représenter cet hérésiarque tel qu'il était
alors et qu'il avait été, depuis le temps qu'il
s'était livré à l'esprit d'erreur. Photius con-
vient que Théodoret parlait dans ce chapitre
avec beaucoup de force contre Nestorius, et
toutefois, il ne doute pas que ce chapitre ne
soit de lui. Il est aisé de répondre à la troi-
sième objection, que lorsque l'auteur de ce
chapitre dit qu'il ne savait pas quelle avait
été l'éducation de Nestorius, il entendait
parler, non de l'éducation qu'il avait reçue de
Théodore de Mopsueste, mais de ses parents.
Il pouvait aussi ignorer les voyages que Nes-
torius avait faits avant de se retirer dans
le monastère de saint Euprépius, et beau-
coup d'autres choses qui avaient précédé
son épiscopat : car on ne voit point que
Théodoret l'ait connu avant le concile d'E-
phèse. Comme ils étaient alors tous deux
évêques et engagés dans des disputes consi-
dérables, ils avaient autre chose à penser
qu'à s'entretenir de ce qu'ils avaient fait l'un
et l'autre dans leur jeunesse. Pour ce qui est
du style de ce chapitre, d'où l'on tire la
quatrième objection, il n'est pas tel qu'on le
suppose, et il a un rapport sensible avec le
reste de cet ouvrage. On convient de ce qui
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V= SIECLE.]
est dit dans le cinquième concile général;
mais c'est à ceux qui font cette objection de
montrer que les défenseurs de Théodoret ont
cité tous les endroils qu'ils pouvaient allé-
guer pour sa justification; à montrer encore
que nous avons tout ce qui a été allégué
pour sa défense, et que saint Grégoire avait
une entière connaissance de tous les ouvra-
ges de ce Père. En attendant nous sommes
bien autorisés à lui attribuer le chapitre con-
testé, puisqu'il est cité sous son nom, non-
seulement par Photius ', mais encore par
Léon de Byzance ^ qui écrivait vers l'an 600.
Il dit, en faisant allusion à ce chapitre, que
si l'on veut voir combien Théodoret haïssait
Nestorius, on peut lire son livre sur les Hé-
résies ; elles y sont rapportées avec beau-
coup de précision, de netteté et d'exacti-
tude.
4. Théodoret joignit à l'Histoire des héré-
sies, l'abrégé de la doctrine de l'Eglise sur
les principaux articles de la foi et de la mo-
rale pour servir de réfutation aux erreurs
qu'il avait rapportées. C'est la matière du
cinquième livre qui est distribué en vingt-
huit articles; en voici le résumé : « Suivant
les Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Tes-
tament, il n'y a qu'un principe de toutes cho-
ses ; savoir, Dieu le Père de notre Seigneur.
Ce Dieu est sans commencement, immortel,
éternel, infini, incorporel, invisible, simple,
bon, juste et tout -puissant, son pouvoir
n'ayant d'autres bornes que sa volonté. Avant
lui il n'y avait point d'autres dieux, il n'y en
aura point d'autres après : il est le premier
et le dernier. Comme nous croyons en un
Dieu, nous avons appris aussi à croire en un
seul Fils engendré avant tous les siècles. S'il
était créé, ainsi que le disent certains héré-
tiques, il ne serait pas unique, il aurait la
créature pour sœur ; mais dès lors qu'il est
unique, il n'a plus rien de commun avec les
êtres créés. Ce ne sont pas seulement les
Apôtres qui le nomment vrai Fils de Dieu ,
le Père même a rendu ce témoignage en di-
sant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé dans le-
quel j'aimis toutes mes complaisances . Il est égal
à son Père, de sa même substance et aussi
puissant que lui ; il lui est coéternel, et ne
peut pas plus en être séparé que le rayon
85
du soleil. Lorsque nous entendons dire qu'il
est engendré, éloignons de notre esprit tout
ce qui se passe dans les générations humai-
nes. Celle du Fils de Dieu est exempte de
toutes passions. Notre âme même engendre
son Verbe, seule; le Fils pouvait-il mieux nous
faire connaître sa parfaite et invariable res-
semblance avec son Père, qu'en disant à
l'apôtre saint Philippe : Celui qui me voit,
voit mon Père. Nous avons encore appris que An. 3.
le Saint-Esprit reçoit son existence de Dieu
le Père. Il n'est ni créé ni engendré, mais il
est Dieu, et de la même substance que le
Père et le Fils. S'il était créé, le Sauveur au-
rait-il ordonné que son nom fût prononcé
avec celui du Père dans la forme du Ijaptême,
et nous enseignerait-on de croire au Saint-
Esprit comme au Père et au Fils? Le Père
seul n'a point formé le premier homme ; il l'a
formé avec le Fils et le Saint-Esprit, ainsi
qu'il paraît par cet endroit de l'Ecriture :
Faisons l'homme à notre image. Il était donc
juste que la régénération de l'homme se fit
aussi par l'incarnation des trois personnes
divines, qui ne font qu'un seul Dieu. »
S . « La création de l 'univers est leur ouvrage; « et a.
elles ne l'ont point formé d'une manière pré-
existante et co-éternelle à Dieu, mais de rien ;
étant au pouvoir de Dieu d'appeler ce quin'est Rom. iv
poi7it comme ce qui est , ainsi que parle l'Apô-
tre. « D'où vient, dit-il, que l'Ecriture, parlant
de la création de l'univers, s'exprime en ces
termes : Dieu dit : Que la lumière soit faite,
et la lumière fut. C'était une folie aux va- Ari. 6.
lentiniens et une grande impiété d'imaginer
des Eons plus anciens que Dieu : Il est avant
tous les siècles, et nous n'en avons jamais connu
d'autres, disait le prophète Isaïe. Les poètes j,^,. ^j,
et les philosophes de la Grèce admettaient
des anges; mais ils en faisaient des dieux.
Nous disons qu'ils ont été créés, non par deux
comme les hommes, mais par milliers.nThéo- An. 7.
doret réfute l'opinion de ceux qui entendaient
des anges ce qui est dit dans l'Ecriture du
mariage des enfants de Seth avec les filles de
la race de Caïn. Il dit que la fonction de ces
esprits célestes est de chanter les louanges de
Dieu, de servir dans la dispensation de ses
mystères ; qu'il y en a auxquels le soin des na-
tions et des royaumes est confié, et d'autres
' Lectns est liber Theodoreti contra Héereses... per-
git porro usque ad Nestorium, ejusque hœresim,
cvjus mirani fundit reprehensionem. Photius, Cod. 56,
pag. 48.
2 Si eui vero cognoscere libet quam gravi Nesto-
rium Theodoretus odio prosecutus fuerit, is librum
ipsius Theodoreti perspicuv.m de sectis légat. Léo By-
zant., act. 4 de Sectis, pag. 666, tom. IX Bibliotli.
Pat.
86
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qui prennent soin de chaque homme en par-
ticulier, et nous défendent contre la mahce
des démons. Le diable et les démons ne sont
pas mauvais de leur nature. Créés bons dès
le commencement et doués du libre arbitre,
il était en leur pouvoir de faire le bien et le
mal; mais ayant péché, ils sont déchus de la
beauté de leur nature , tandis que les autres
anges l'ont conservée par leur fidélité à Dieu.
Théodoret dit qu'ils ont été créés incorporels
les uns et les autres, et fait consister le péché
des démons dans leur faste et leur orgueil.
Art. 9. L'homme n'est pas l'ouvrage des anges,
comme l'ont avancé certains hérétiques ; il a
été formé de la main de Dieu , terme dont
l'Ecriture se sert pour marquer dans Dieu la
puissance de créer, car Dieu n'est point une
nature composée de divers membres. Outre
le corps, l'homme a une âme qui est simple
de sa nature, raisonnable et immortelle, mais
créée en même temps que le corps. Cette
âme, qui est marquée par l'esprit de vie que
Dieu mit dans l'homme après l'avoir formé,
n'est point une partie delà substance divine.
Dieu, après avoir formé l'homme et tout l'u-
nivers, les conserve et les gouverne. Il ne
serait pas raisonnable qu'après les avoir tirés
du néant il les abandonnât à eux-mêmes. Tout
10. ce qui est dans le monde est bon de sa na-
ture. Tout ce qui est vertu , comme la pru-
dence, la tempérance, la justice, la force, est
bon ; mais l'imprudence, l'intempérance, l'in-
justice et la timidité sont mauvaises. A l'é-
gard des richesses et de la pauvreté, de l'au-
torité et de la servitude, de la santé et de la
maladie, de la prospérité et de l'adversité,
elles tiennent comme un miheu, parce que ce
sont comme des moyens proposés aux hom-
mes pour acquérir la vertu. Ceux qui en usent
bien sont dignes de louanges; ceux qui en
abusent sont dignes de supplices. Il dépend
de Dieu de donner la fertilité à la terre et de
rendre la navigation heureuse ; s'il en dispose
autrement, nous devons nous soumettre à ses
ordres sans rechercher avec trop de curiosité
la raison de sa conduite envers nous; elle est
„ incompréhensible. Le Verbe de Dieu, son Fils
unique , s'est fait homme pour renouveler la
nature humaine corrompue par le péché ;
comme l'homme entier avait péché, il a pris
la nature entière de l'homme, c'est-à-dire un
corps et une âme, et non pas seulement un
corps pour couvrir sa divinité , comme l'en-
seignaient follement Arius et Eunomius.
S'il n'eût été question que de se montrer aux
hommes, il aurait pu le faire en la manière
qu'il se fit voir autrefois à Abraham, à Jacob
et aux autres patriarches; mais, voulant que
la nature même qui avait été vaincue par le
démon le vainquît à son tour, c'est pour cela
qu'il a pris un corps et une âme semblables
aux nôtres. Le péché d'un seul avait causé la
mort à tout le genre humain; le salut lui a
a été accordé par la justice d'un seul : car il
est proposé à tous ceux qui veulent l'accep-
ter parlafoi. Avantla venue de Jésus-Christ,
plusieurs, non-seulement d'entre les patriar-
ches, les prophètes et les Juifs , mais aussi
d'entre les Gentils, ont pratiqué la vertu. De-
puis qu'il est venu , tous n'acquièrent pas le
salut , mais ceux-là seulement qui croient et
qui conforment leur vie à la loi divine. Que An. 12.
le Verbe se soit fait chair, cela paraît par les
langes dont le Sauveur fut enveloppé dans sa
naissance, par la faim et la soif qu'il souffrit
dans un âge plus avancé, puisque ces choses
ne peuvent se dire de la divinité. Il nous as- 13.
sure lui-même, en divers endroits de son
Evangile , qu'il avait aussi pris une âme hu-
maine, disant : Je quitte mon âme pour la re~ Joan.x,!
jorendre; c'est de moi-même que je la quitte,
et j'ai le. pouvoir de la reprendre. Il est dit,
dans le même livre des Evangiles : Jésus
croissait en âge, et la grâce de Dieu était en
lui; paroles qui prouvent en même temps
qu'il avait un corps et une âme , la sagesse
appartenant à l'âme et l'accroissement au
corps. Saint Paul parle de ces deux natures An. u.
dans le commencement de son épître aux
Romains, où il reconnaît en même temps que
Jésus-Christ est Fils de Dieu et fils de David,
ce qui ne serait pas vrai si le Verbe n'avait
pris que la chair. Il était donc homme parfait
comme Dieu parfait, afin de procurer aux
hommes un parfait salut. Il n'a point quitté, is-
à sa résurrection, la nature qu'il avait prise,
mais il est ressuscité avec la même nature à
laquelle il s'était uni. C'est lui-même qui en
convainquit ses apôtres en leur montrant ses
mains et ses pieds, et en disant à saint Tho- le.
mas de mettre ses doigts dans la plaie de
son côté. La doctrine qu'il est venu nous en-
seigner est plus parfaite que celle de la loi,
et plus l'emplie d'humanité et de douceur;
mais elle ne lui est pas contraire. Comment
le serait-elle, puisqu'il est l'auteur de l'un et n.
l'autre Testament? »
6. « Le baptême tient heu des aspersions n
de la loi à ceux qui le reçoivent: non-seule-
ment il leur accorde la rémission de leurs an-
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V SIÈCLE. J
ciens péchés, mais encore il leurdonne l'espé-
rance de jouir des biens promis, les rend en-
fants de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ, et
les fait participants de sa mort, de sa résur-
rection et des dons du Saint-Esprit. Si le bap-
tême ' n'efface que les péchés passés, comme
le disent les messaliens, de quelle utilité
peut-il être aux enfants qui n'ont pas encore
goûté le péché?» Cette proposition, qui parait
d'abord pélagienne , ne l'est point en effet si
l'on en pèse bien les termes et si l'on fait at-
tention aux circonstances dans lesquelles
Théodorel s'est exprimé de la sorte. Le terme
de goûter le péché marque bien qu'il voulait
parler du péché actuel, qui se commet par un
acte de la volonté dont les enfants ne sont pas
capables. Et ce qui prouve que c'était des
péchés actuels qu'il parlait en cet endroit,
c'est qu'il y réfute les messaliens qui ensei-
gnaient que le baptême coupait bien comme
un rasoir les branches extérieures des péchés,
mais qu'il ne pouvait ôterde l'âme le démon
qui en était la racine; qu'ainsi il était inutile
de le recevoir dans un âge où les branches
n'avaient pas encore poussé. Ils ajoutaient
que l'assiduité à la prière pouvait seule chas-
ser ce démon qui habite dans chaque homme
depuis sa naissance, et qui l'excite à de mau-
vaises actions. C'est pourquoi ils ne confé-
raient le baptême qu'aux adultes, pour effa-
cer en eux les péchés qu'ils avaient commis
auparavant. Sur ce pied-là, Théodoret rai-
sonnait juste en disant que si le baptême n'é-
tait que comme un rasoir qui retranchait les
branches extérieures des péchés, c'est-à-dire
les péchés actuels, il était inutile de baptiser
les enfants , puisqu'ils n'ont pas commis de
ces sortes de péchés. Au reste, Théodoret ne
peut être soupçonné d'avoir été dans des sen-
timents pélagiens au sujet du péché originel,
puisqu'il reconnaît, dans le même livre, que
le péché d'Adam a corrompu ^ foute la na-
ture humaine, et que pour la guérir toute en-
tière, il a fallu que le Fils de Dieu se fit
homme.
7. « Dans le baptême, nous recevons un
gage de la résurrection des corps et non pas
de l'âme, puisque, étant immortelle, elle ne
doit point ressusciter, mais se réunir à son
corps. Théodoret rapporte sur ce sujet ce que
87
les prophètes et les apôtres ont dit de la résur-
rection future. Il en donne encore une raison
qui est que l'âme ayant péché par les organes
et les sens du corps, il est juste que dans le
jugement dernier elle ne soit ni condamnée
seule pour ses péchés, ni récompensée seule
si elle s'est servie de son corps pour des actes
de vertu. «La résurrection sera commune aux
infidèles et aux fidèles, aux impies et aux
justes. Tous i-endront compte do leurs ac-
tions, les uns pour en recevoir des récom-
penses, les autres pour en être punis. La ré-
compense des saints consistera dans la jouis-
sance des biens éternels, et non pas dans un
règne de mille ans accompagné de délices
et de voluptés temporelles, comme Cérinfhe
et quelques autres anciens hérétiques l'ont
imaginé. Le bonheur des saints sera de ce
que leur vie sera exempte de péché et rem-
plie d'une joie qui ne sera jamais troublée
par la tristesse. Toutes ces choses n'arrive-
ront qu'après le second avènement de Jésus-
Christ, qui n'est déjà venu que pour nous dé-
livrer de nos iniquités, nous enseigner la pra-
tique de la vertu et nous préparer à son se-
cond avènement. Il sera précédé de la venue
de l'antechrist, ce père d'iniquité et le maître
de ceux qui n'ont point cru à la parole de
vérité. Si Dieu le voulait, l'antechrist ne vien-
drait pas; mais Dieu permettra sa venue, soit
pour faire connaître sa malice, soit celle des
Juifs. Il se servira à cet effet du ministère
d'Elie, qui annoncera aussi le prochain avè-
nement du Sauveur. L'antechrist se vantera
non-seulement d'être supérieur à toutes les
fausses divinités, il s'assiéra encore dans le
temple de Dieu , comme s'il était Dieu lui-
même.» Par ce temple, Théodoret entend les
Eglises, et renvoie, pour un plus grand dé-
tail de ce qui regarde l'antechrist, à ses com-
mentaires sur Daniel et sur saint Paul.
8. Il avait montré, dans les livres précé-
dents, que les hérétiques ont corrompu la
morale de l'Evangile. Il crut donc qu'il était
nécessaire d'établir contre eux, par l'autorité
de l'Ecriture, certaines maximes qui regar-
dent les mœurs. La première est de la virgi-
nité. Dieu ne l'a point commandée, mais il
lui a donné les louanges qu'elle mérite afin
d'engager les hommes à l'embrasser. Théo-
' Si enim hoc solum opus erat baptismatis, guorsum
infantes baptizumus, qui peccatum nondum gustarunt?
Tbeodoret., lib. V Hœret. fabul., pag. 292.
2 Homo autem factus est Deus Verbum, ut corrup-
tam a peccato naturam renovaret. Proplerea fotam
quœ peccarat assumpsit ut toti medereiur. Ibid.^ pag.
279. Cum unus peccasset, universum genus morii tra-
didit.
88
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
doret fait voir les avantages de cet état, en
ce qu'il dégage l'homme du soin des choses
temporelles pour ne s'appliquer qu'à celles
qui regardent le culte de Dieu. Il parle en-
Art. 23. suite du mariage dont il dit que la fin doit
être d'avoir des enfants. Il montre que c'était
le seul but des patriarches dans leur polyga-
mie, et il en prend sujet de les justifier sur
ce point, disant que ce n'était point dans la
vue de satisfaire une passion déréglée qu'ils
épousaient plusieurs femmes, mais pour
avoir des enfants. « Le mariage est bon en
lui-même, dit-il, et n'est défendu par aucune
loi. S'il était un mal , Dieu ne l'aurait point
établi dès le commencement du monde; il
n'aurait point appelé bénédiction la généra-
tion des enfants. Jésus-Christ non-seulement
ne l'a point défendu , mais il l'a encore ho-
noré de sa présence et donné aux nouveaux
mariés un vin miraculeux. Nous voyons aussi
que le premier des apôtres avait été marié,
et que saint Paul écrivit à Philémon et à Ap-
pia, engagés l'un et l'autre dans le mai-iage.
Dieu demande de cet état qu'on ne le fasse
point servir à l'impudicité : car saint Paul ne
l'appelle un don de Dieu que lorsqu'il est ac-
26. compagne de tempérance. Il a aussi donné
des lois qui en établissent l'indissolubilité.
Les secondes noces ne sont pas même défen-
dues; » Théodoret le prouve par divers pas-
sages de saint Paul qu'il oppose à l'erreur de
Novat, qu'il appelle Navat. Pour ce qui est
27. de la fornication et des autres conjonctions
illégitimes , elles sont condamnées par la loi
de Dieu.
28. 9. Elle condamne encore toutes sortes d'i-
niquités, mais en même temps elle prescrit
le remède h ceux qui se sont blessés par le
péché, en les exhortant à la pénitence. Théo-
doret montre encore contre Novat que ce re-
mède peut s'appliquer aux péchés commis
depuis le baptême. Sur quoi il rapporte
l'exemple de l'incestueux de Corinthe, qui,
après avoir fait pénitence de son crime , fut
rétabli dans la participation des divins sacre-
ments, et reçut la grâce d'enseigner les au-
tres. 11 rapporte aussi l'exemple de saint
Pierre, ne doutant pas qu'il n'eût déjà reçu
le baptême lorsqu'il renia par trois fois Jésus-
Christ. Mais Théodoret dit que les péchés
commis depuis le baptême ne s'effacent point
de la même manière que ceux qu'on a commis
auparavant; qu'on obtient la rémission de
ceux-ci par la foi , au lieu que ceux-là ne se
remettent que par beaucoup de larmes, de
pleurs, de gémissements, de jeûnes, de prières
et par des travaux proportionnés à la gran-
deur du péché que l'on a commis. Pour ce
qui est de ceux qui ne sont pas dans une sem-
blable disposition , comme l'on ne doit pas
désespérer de leur salut, aussi ne doit-on pas
leur accorder facilement les saints mystères,
pour ne point donner les choses saintes aux
chiens et ne pas jeter des perles devant les
porcs. « Telles sont, dit-il, les lois de l'Eglise
touchant la pénitence. A l'égard de l'absti-
nence du vin et de la viande, elle ne la pres-
crit pas dans le même sens que les hérétiques
qui ne défendent l'usage de ces aliments que
parce qu'ils les ont en abomination. Elle n'en
interdit aucun, laissant la liberté à un chacun
d'en user ou de s'en abstenir. C'est même le
fait d'un homme sage de ne condamner per-
sonne sur ce sujet. Il en est de même de la
vie monastique, qu'il est libre d'embrasser
ou de ne pas embrasser. »
§X.
Des Sermons de Théodoret.
1. Nous en avons àix sur la Providence, que
l'on peut regarder comme ce qu'il y a de
mieux sur cette matière dans l'antiquité. On
y voit toute la beauté du génie de Théodo-
ret; du choix dans les pensées, delà noblesse
dans les expressions , de l'élégance et de la
netteté dans le style, de la suite et de la force
dans les raisonnements. On y voit aussi d'une
manière sensible combien il aimait la vérité.
Il dit lui-même qu'il ne composa ces discours
que dans le dessein de témoigner à Dieu son
amour, en employant pour lui les talents qu'il
avait reçus de lui, et en défendant ses vérités
contre ceux qui les attaquaient, se comparant
à un fils qui doit prendre en toutes rencon-
tres les intérêts de son père, ou à un soldat qui
doit exposer sa vie pour son prince. Il les
finit tous par la glorification ordinaire ; d'où
l'on peut inférer qu'il les prononça en public.
On ne sait ni en quel temps ni en quel endroit;
quelques-uns pensent que ce fut à Antioche. Ce
qu'on en peut dire, c'est qu'ils ont été com-
posés avec beaucoup d'art , ce qui demande
du loisir et de la réflexion. Théodoret les cite
dans son commentaire sur les Psaumes.
2. Dans le premier discours, il demande
à ceux qui nient la Providence s'il y a quel-
que chose dans l'univers qui soit défectueux,
soit par rapport à la forme, soit par rap-
port à la matièi'e, soit par rapport aux pro-
s er mo n e
sur la Provi-
d'-nce, pas.
319.
Pag
321.
ThcuJorel.
in Psal.
i.xvil, pa^.
447, 4S7, 468.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, EVEQUE DE CYR.
89
portions. Comme ils ne peuvent rien objec-
ter , il leur fait aperce-voir des marques sensi-
bles de cette Providence dans toutes les par-
ties du monde; et, commençant par le ciel,
il montre qu'enveloppé de tant de corps de
feu, comme sont le soleil, la lune et les étoiles,
il ne pourrait s'être conservé en entier pen-
dant tant de siècles si celui qui l'a créé ne le
conservait lui-même en suspendant la force
qui est naturelle au feu, et qui est telle qu'il
dissout l'or, l'argent, le fer et beaucoup d'au-
tres matières plus dures que celles dont le
ciel est composé. Il ne dissout pas même cette
partie qui nous paraît de glace ; et quelle que
soit sa force, il ne cause aucune inégalité dans
sa surface , ni dans la rondeur de sa figure.
ïhéoQoret fait un semblable raisonnement sur
la nature du soleil et des étoiles, qui, au lieu
de pousser leurs rayons vers le ciel, les éten-
dent sur la terre pour obéir à leur Créateur
cpii ne les a formés que pour l'utilité de
l'homme. Le cours réglé du soleil et de la
lune pour marquer les temps et les saisons,
partager les jours et les nuits , ne peut être
aussi qu'un effet de la Providence. On doit
raisonner de même h l'égard de l'air, de la
terre, de la mer, des fleuves et des fontaines
dont les productions ne peuvent être l'effet
du hasard, mais d'une Providence bien mar-
quée. Comment en effet des choses aussi dif-
férentes entre elles que l'eau et le feu pour-
raient-elles s'accorder? comment la terre,
après tant d'évolutions d'années, produirait-
elle toujours de nouveaux trésors ? comment
les flots de la mer continueraient-ils à se bri-
ser sur le rivage? comment les fontaines se
formeraient-elles sur le haut des montagnes,
l'eau y remontant contre sa nature, si ce n'é-
tait en vertu des lois que Dieu leur a impo-
sées ? La construction admirable du corps hu-
' main, l'arrangement de toutes les parties dont
il est composé, fournissent une autre preuve
qu'il est l'ouvrage de Dieu et que c'est lui qui
, le conserve. Peut-on ne pas reconnaître son
pouvoir dans la facilité qu'il a accordée à
l'homme pour l'invention des arts nécessaires
ou utiles à la conservation du genre humain ?
; 11 ne paraît pas moins dans le domaine qu'il
a accordé aux hoftimes sur tous les animaux
dont il n'y en a point qui ne lui obéissent ou
qu'il ne puisse faire servir à ses usages. Il est
vrai que parmi les animaux il y en a qui font
des ouvrages que l'homme ne pourrait imi-
ter, particulièrement ce que font les abeilles;
mais il faut remarquer que leur travail tourne
même à l'utilité de l'homme. Son domaine
sur les animaux qui sont d'une force beau-
coup supérieure, comme sont toutes les bêtes
de charge, parait en ce qu'elles lui obéissent
en tout , lors même qu'elles en sont maltrai-
tées. C'est de l'homme qu'elles reçoivent leur
nourriture, et elles ne savent pas se venger
contre leur maître lorsqu'il la leur refuse, la
nature même leur apprenant quelles sont les
bornes de leur servitude. N'y en a-t-il pas une
infinité d'autres que le Créateur a données
aux hommes pour leur servir de nourriture?
S'il y en a qui refusent de se soumettre à leur
empire , comme sont les bêtes féroces , elles
servent même de preuve que c'est le Créa-
teur qui leur a soumis les autres. Mais, disent
les impies, pourquoi les bons sont-ils souvent
réduits à la pauvreté, tandis que les méchants
possèdent de grandes richesses et que tout
leur prospère ?Théodoret répond que l'abon-
dance ne faisant qu'enflammer de plus en
plus l'avarice, on ne peut la regarder comme
un bonheur, puisqu'il ne peut y en avoir
dans ce qui nous aide à devenir mauvais.
Ceux au contraire qui vivent dans la pau-
vreté , cultivent la vertu qui est le plus
beau et le plus grand de tous les biens. Ce
n'est pas que les richesses soient mauvaises
par elles-mêmes , autrement on ne pourrait
dire qu'elles aient été créées de Dieu; on ne
doit blâmer que l'abus que l'on en fait. Dieu
les a données à l'homme comme des instru-
ments avec lesquels il pût travailler à son
salut; il en est de même de la pauvreté. Dieu
a donné de même à l'homme le fer pour l'u-
sage de l'agriculture et les autres besoins de
la vie. Doit-on blâmer ce métal parce que
qu elques-uns s'en servent pour commettre des
homicides? Le pauvre, qui paraît aux impies
une preuve que laProvidence n'a aucune part
aux choses humaines, produit une preuve
toute contraire, puisque le pauvre est employé
àfouir et à creuser la terre pour y chercher des
richesses, et que si le pauvre reçoit de l'ar-
gent des riches, il fournit à leurs besoins par
les divers arts mécaniques auxquels sa con-
dition l'oblige de s'occuper pour avoir de quoi
subsister. Théodoret fait voir que la dépen-
dance mutuelle qu'il y a pour les besoins de
la vie entre le maître et le serviteur est en-
core une preuve de la Providence ; qu'au sur-
plus les travaux qui nous rendent la servitude
méprisable ne sont pas à mépriser en eux-
mêmes, des hommes très-sages et très-riches
s'en étant occupés autrefois. Il en donne pour
sixième
digrours, p3g.
377.
Septième
dis(^ours,pag,
392.
90
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
exemple Noé, qui travailla de ses propres
mains à la construction de l'arche; Abraham,
qui , avec Sara , préparait à manger aux
étrangers; Rébecca, qui allait elle-même tirer
de l'eau pour abreuver les troupeaux de son
père; Jacob, qui fit le métier de berger pen-
dant vingt ans et qui se battit quelquefois avec
les bêtes sauvages pour les empêcher de dé-
vorer ses brebis ; et Moïse, qui exerça la même
profession pendant quarante ans.
Huitième 3. L'exemple d'Eliézer, serviteur d'Abra-
Qiscours, pugi ^
*''^- ham, dont la conduite par l'apport au ma-
riage d'Isaac avec Rébecca est si digne d'é-
loges, fait voir par les grâces dont Dieu le
favorisa, que la servitude ne porte d'elle-
même aucun préjudice à la vertu. On voit
encore par celui de Joseph qui refusa de
consentir aux empressements criminels de
sa maîtresse, qu'un serviteurpeut vivre dans
la piété sous un mauvais maître. Il trouva
même tant de consolation dans la disgrâce
que sa chasteté lui occasionna, qu'il était le
consolateur de ceux qui se trouvèrent avec
lui dans la prison par ordre du l'oi. Théo-
doret rapporte quelques autres exemples de
celte nature pour montrer que les malheurs
auxquels les hommes et même les justes
peuvent être sujets, ont leur utilité et leur
avantage ; et que ceux qui prennent occasion
de ces malheurs de nier la Providence, ne
connaissent point les secrets de sa conduite.
ciismu""pa™ " Il 6st vrai , dit-il , que tous ceux qui , dans cet
"'• état , pratiquent la vertu , n'en reçoivent pas
toujours la récompense en ce monde ; mais
Dieu la leur rendra en l'autre . Ce qui le prouve,
c'est que Dieu récompensant quelquefois les
gens de bien dès cette vie, on ne peut dou-
ter qu'il ne récompense en l'autre ceux qui
ne l'ont point été en celle-ci ; de même que
les supplices qu'il fait subir à quelques mé-
chants dans ce monde sont une preuve qu'il
punit en l'autre ceux qui sont sortis de ce-
lui-ci sans y avoir expié leurs crimes. Penser
autrement de Dieu, c'est l'accuser d'injustice
et de partialité dans ses jugements. » Théodo-
re! prend de là sujet de traiter de la résur-
rection, qu'il rend probable par divers exem-
ples tirés des causes naturelles, comme de
celles des plantes et des semences, qui,
après avoir été ensevelies dans la terre, se
reproduisent quelque temps après. Il l'établit
par des passages des deux Epîtres de saint
disS'ur'T' P^'^l 'i"^ Corinthiens. Théodoret, dans son
"'• dernier discours sur la Providence, s'appli-
que à montrer qu'elle étend ses soins, non-
seulement sur les Juifs, mais sur tous les
hommes en général. Il montre que cette at-
tention de la part de Dieu sur les hommes,
est une suite de son amour pour eux, qui
paraît surtout en ce qu'il leur a donné son
Fils unique pour les racheter, n'en ayant
pas voulu confier la charge aux anges. Il en-
tre à ce sujet dans le détail de ce que Jésus-
Christ a fait pour notre salut depuis sa nais-
sance jusqu'à sa mort, en faisant voir que
tout ce que le Sauveur a soufifert pour nous,
avait été prédit par les prophètes.
4. Les douze discours contre les Païens ne nisconrsde
cèdent en rien aux précédents pour l'élo- L ^«rèura
quence, mais le style en est plus étendu, pa|. 461?°°''
Théodoret ayant cru devoir se conformer à
celui de Platon et des autres philosophes,
dont il était obligé de rapporter de temps en
temps les propres paroles. Ces discours fu-
rent la suite de quelques entretiens qu'il
avait eus avec plusieurs païens où ils avaient
fait en sa présence diverses railleries de la
religion chrétienne , tantôt en accusant les
apôtres d'ignorance, et de n'avoir pas même
su parler avec politesse ; tantôt en repro- Proiog. ai
-, . ,, . Grœcos, pie.
chant à ceux qui étaient préposes pour en- «ei.
seigner les autres, d'exiger de leurs disci-
ples une foi sans preuve. Théodoret, non
content d'avoir réfuté de vive voix ces vaines
objections, crut devoir Içs réfuter aussi par
écrit en faveur des simples, afin de pouvoir
guérir les plaies de ceux que les langues
empoisonnées des païens avaient déjà bles-
sés, et de garantir les autres des mêmes
blessures. C'est pourquoi il intitula cet ou- '
vrage : La Guérison des maladies des païens^ ou
la connaissance de la vérité de l'Evangile
par la philosophie des Grecs. Il le divisa en
douze discours, précédés d'un prologue, où
il en donne le précis; mais il ne les termine
point comme ceux qu'il a faits sur la Pro-
vidence par la glorification ordinaire : ce
qui fait voir qu'il ne les prononça pas en
public. Ils ne sont pas d'ailleurs composés
d'une manière à être récités de mémoire,
soit à cause de leur longueur, soit à cause
du grand nombre des passages tirés des poè-
tes et des philosophes, dont Théodoret fait
usage dans tous ces discours. Il les fit au
plus tard en 437, puisqu'il en parle dans sa
lettre à saint Léon, et dans celle qu'il écri-
vit à René , prêtre de l'Eglise romaine ,
comme d'un ouvrage qu'il avait composé pa„.Bso.
avant l'an 438. Il y en a même qui les met-
tent en 427 ; parce que dans le septième dis-
[■V<= SIÈCLE,
CHAPITRE IV. — THEODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
91
cours où il traite des sacrifices, il parle des
lois rigoureuses des empereurs contre les
païens, ce qui semble marquer celle qui est
datée de l'an 426 et adressée à Isidore. Mais
outre que cette loi pourrait bien n'être que
de 43S, il n'y a aucune preuve que Théo-
dore t ait composé ce discours aussitôt après
la publication de cette loi. Pliotius ne dit
rien de cet ouvrage, non plus que Nicéphore,
peut-être parce que les exemplaires n'en
étaient pas communs de leur temps. Il suffit
que Théodoret le cite ' lui-même, pour ne lais-
ser aucun lieu de douter qu'il n'en soit auteur.
Premier S. Lc prcmicr discours est intitulé de la
discours, pag ,-,. ■,. t, 'ti-<t t/-
46i. foi^ c est-a-dire de la crédulité des chrétiens,
et du peu de science des apôtres. Théodoret
y fait voir que quand ces reproches auraient
été fondés, on ne pouvait en tirer une preuve
pour la fausseté de la religion chrétienne. Il
en donne pour raison que les plus sages et
les plus illustres d'entre les philosophes
païens n'ont pas fait difficulté de voyager
parmi les nations qu'ils regardaient comme
barbares, pour y apprendre des choses dont
ils croyaient qu'elles avaient une connais-
sance plus parfaite qu'eux-mêmes; qu'ils
allèrent en Egypte où ils apprirent des Hé-
breux la doctrine du vrai Dieu ; qu'ils par-
coururent un grand nombre de provinces,
sans se laisser effrayer par les dangers des
guerres et de la navigation, pour y appren-
dre ce que les peuples avaient de mieux ;
que Soerate, le plus excellent des philoso-
phes ne rougit point de se mettre pendant
quelque temps sous la disciphne de deux
femmes, Diotime et Aspasie; et que Pytha-
gore reçut la circoncision en Egypte , que les
Egyptiens avaient eux-mêmes reçue des Hé-
breux. « Ce fut encore , dit-il , des Egyptiens ,
des Chaldéens et des Arabes que les Grecs
apprirent les règles de la géométrie, de l'as-
tronomie et de l'astrologie, comme ils appri-
rent des Phrygiens les cérémonies qui re-
gardaient le culte des démons. Tous ces peu-
ples néanmoins étaient regardés comme bar-
bares par les Grecs. Ceux même qui parmi
eux ont eu le plus de réputation comme Tha-
ïes, Pythagore, Phérécyde, Aristote, n'é-
taient point nés dans la Grèce ; et les brah-
manes que les Grecs avaient en vénération,
étaient Indiens de naissance. Théodoret
prouve ensuite que c'était une erreur de pré-
férer les ornements du discours à la connais-
sance de la vérité. Soerate, qui était tailleur
de pierres de profession, et qui, au jugement
de Porphyre, n'avait ni esprit, ni savoir, ni
facilité de parler, n'a-t-il pas été regardé par
les Grecs, comme le premier de leurs philo-
sophes? Ne l'ont-ils pas mis au-dessus de
Platon, celui d'entre eux qui a écrit avec le
plus de politesse? Ils ont donc été persuadés
que la vraie sagesse ne consiste pas dans
l'éloquence, mais dans la connaissance delà
vérité. Porphyre convient qu'il n'est pas aisé
de la trouver; mais il convient aussi, quoi-
que ennemi irréconciliable des chrétiens, que
les Hébreux l'ont connue, et par eux les
Egyptiens. D'où il est naturel de conclure
que l'on doit préférer le sentiment des Hé-
breux à celui des Grecs, qui, de l'aveu du
même philosophe se sont beaucoup éloignés
du vrai. Au reste, c'est calomnier les chré-
tiens, de dire qu'ils croient légèrement et
sans preuves. Leur foi est telle qu'ils peuvent
en rendre compte, et l'établir par des témoi-
gnages non suspects. Car quoique la foi pré-
cède la connaissance, elle n'en peut être sé-
parée. Dans l'usage des choses humaines, il
faut avoir confiance dans l'habileté d'un mai-
re pour se mettre sous sa discipline. La foi
dans ces occasions est comme la base de la
science, et un préambule nécessaire pour l'ac-
quérir. Or, si cette foi est nécessaire à ceux
qui désirent d'apprendre les sciences humai-
nes, il y aurait de la folie à dire qu'elle ne
l'est pas dans la connaissance des choses
divines, puisque les yeux de la foi sont surtout
nécessaires dans les choses qui ne se peu-
vent voir des yeux du corps. C'est pour cela
que lorsque nous nous présentons pour être
admis à les connaître, on exige d'abord de
nous la foi, et que l'on ne nous découvre les
mystères, qu'après que nous y avons été
initiés. Les païens en usent de même. Il n'y
a parmi eux que leurs prêtres qui soient ins-
truits du secret des mystères de Yénus et de
Bacchus. Le peuple n'en voit que les dehors.
Il est obligé de croire sans connaître; parce
que, regardé comme profane, on ne doit lui
rien découvrir de ces mystères. C'est la doc-
trine de Pindare, de Platon et d'Orphée, qui,
conséqiiemmenfc, ont reconnu la nécessité de
la foi dans les choses qui passent les lumiè-
res ordinaires de la raison.
• De his diximus multis in lacis, tum in kis quœ
contra Grœcos scripsimus et in lis quœ adversus hœ-
reses. Théodoret., Quœst. 1 in Levit., et Episl. 113
et 116.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
92
6. Dans le second discours qui a pour titre
du Principe de l'univers, Tliéodoret rapporte
ce qu'en ont pensé les philosophes païens.
Thaïes, l'un des sept sages, disait que c'était
l'eau. Anaximandre le mettait dans l'infini.
Anaximènes et Diogène n'en reconnaissaient
point d'autre que l'air. Héraclide soutenait
que c'était le feu; mais Empédocle voulait
que l'univers eût eu pour principe les qua-
tre éléments. Cette variété de sentiments
ne plaisait pas même aux païens. Platon
et beaucoup d'autres l'ont condamnée. Théo-
doret après avoir rapporté ce que ce phi-
losophe en a dit, montre que ce que nous
lisons de la création du monde dans les li-
vres de Moïse, est beaucoup plus raisonna-
ble, et que c'est de Ici qu'Anaxagore, Pytha-
gore et Platon ont tiré ce qu'ils ont dit de
mieux sur ce sujet. Mais il remarque que
leur théologie est mêlée de plusieurs erreurs,
et qu'après avoir dit des choses admirables
sur l'unité et l'éternité de Dieu, ils ont dit
aussi quantité de choses qui n'avaient de
fondement que dans l'ima^'ination des poè-
tes ou dans une tradition fabuleuse. Il ajoute
que la crainte du peuple les a engagés à ad-
mettre du moins au dehors une multitude de
fausses divinités auxquelles ils ne croyaient
pas en effet. 11 prouve par le témoignage de
Porphyre , qui ne pouvait être suspect aux
païens, que Moïse, le législateur des Juifs,
est plus ancien que tous les historiens, les
poètes et les philosophes du paganisme;
qu'il a vécu longtemps avant la guerre de
Troie, avant Sémiramis et avant Sanchonia-
thon, plus anciens l'un et l'autre de mille
ans que celte guerre, au heu qu'Orphée, le
premier des poètes, ne l'a précédée que d'une
seule génération. Théodoret entre ensuite
dans le détail de la théologie que Moïse nous
a laissée par écrit, où l'on voit qu'il n'y a
qu'un Dieu, et que l'on ne doit point en
adorer d'autres; que ce Dieu est un en trois
personnes, qui sont de la même substance,
qui ont un même pouvoir et une même vo-
lonté. Les prophètes Isaïe, Jérémie , Ezé-
clîiel et les autres, qui sont venus depuis ont
enseigné une semblable doctrine. C'est dans
leurs écrits que Platon et ceux qui l'ont suivi,
ont puisé ce qu'ils ont dit de vrai sur la di-
vinité et la trinité des personnes qu'ils ont
exprimé en des termes différents des nôtres.
Plotin et Numénius en expliquant ce que
Platon en a mis dans ses écrits, disent qu'il
a reconnu trois choses qui sont éternelles.
savoir : le bien, l'intelligence et l'âme de
l'univers. Ce qu'il appelait bien, nous le
nommons Père; ce qu'il nommait intelli-
gence, nous l'appelons Fils et Verbe ; et par
l'âme de l'univers nous entendons le Saint-
Esprit, cette puissance qui anime et donne la
vie à tout. On voit par un endroit des écrits
d'Amélius, le maître d'école de Porphyre,
qu'il avait pris dans l'évangile selon saint
Jean ce qu'il dit du Verbe, qu'il avoue avoir
été dès le commencement dans Dieu, et qu'il
reconnaît pour Dieu. Plutarque et Plotin
avaient aussi eu connaissance des saints
Evangiles, comme le remarque Théodoret.
Il dit que ce sont les Egyptiens, les Phéni-
ciens , les poètes et les philosophes des
Grecs qui ont donné le commencement aux
fausses divinités, en décernant les honneurs
divins aux éléments, ou à certains hommes
de qui ils avaient reçu des bienfaits, ou qui
s'étaient rendus recommandables par quel-
ques actions de vertu. « Pour nous, ajoute-
t-il, nous ne faisons Dieu aucune des choses
que nous voyons de nos yeux; mais nous
honorons les hommes qui ont mérité d'être
honorés par l'éclat de leurs belles actions,
et nous n'adorons que le Dieu de l'univers,
le Père, son Verbe et le Saint-Esprit, tous
trois d'une même nature et d'une même
substance. »
7. Le troisième discours renferme un pa- Troisième
^ . discours, pag.
rallèlé entre le culte que les païens rendaient ms.
aux démons, et celui que les chrétiens ren-
daient aux anges, et la doctrine des uns et
des autres sur ces créatures spirituelles. Le
soleil, la lune, la terre, le ciel, les éléments,
sont les premiers que les Egyptiens, les Phé-
niciens et les Grecs ont regardés comme
leurs dieux; dans la suite des temps, ils ont
honoré de la même qualité certains hommes
de réputation, soit dans la guerre, soit d'une
autre manière, savoir : Saturne, Jupiter,
Hercule, Esculape, ce dernier parce qu'il
passait pour avoir inventé la médecine. Ils
portèrent leur extravagance jusqu'à accor-
der les honneurs de la divinité à des reptiles
et à des animaux venimeux. Après quoi ils
ne craignirent pas d'en accorder à Vénus,
femme qui faisait métier de se prostituer; ni
de mettre au rang des dieux les empereurs
les plus débauchés et les plus cruels, Néron,
Domitien et Commode. C'était donner lieu
à toutes sortes de crimes. Les peuples ado-
raient des dieux qu'ils savaient avoir été su-
jets à l'impureté, au vin, à la colère, au par-
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V= SIÈCLE.]
jure; n'était-ce pas pour eux un motif de s'y
livrer eux-mêmes? lis allèrent encore plus
loin, en mettant les mauvais anges au nom-
bre de leurs dieux; ce fut d'eux qu'ils appri-
rent l'art magique. Ils leur offraient des liba-
tions et des victimes, persuadés qu'ils s'en
repaissaient. Porphyre leur donne pour prin-
ces Pluton et Hécate. Les plus sages d'en-
tre les païens rougissaient de tant de fausses
divinités, accusant de mensonge ce que les
poètes en avaient dit; mais ils adoraient,
comme les autres , les idoles de Vénus et de
Bacchus, tout infâmes qu'étaient ces divinités.
Théodoret explique ces choses fort au long,
puis il s'objecte que les chrétiens outre le
Dieu du ciel et de la terre reconnaissent en-
core certaines puissances invisibles, à qui ils
donnent le nom d'anges, d'archanges, de
principautés, de puissances, de dominations,
de chérubins et de séraphins. Il répond qu'ils
ne les reconnaissent que parce que l'Ecri-
ture divine leur enseigne qu'il y a en effet
certaines puissances invisibles occupées à
louer leur Créateur et toujours prêtes cà
obéir à ses volontés, mais qu'ils ne les ap-
pellent pas dieux, et ne leur rendent point
un culte divin, ni l'adoration qui n'est due
qu'à Dieu seul; qu'ils les regardent comme
au-dessus des hommes , mais néanmoins
comme leurs conservateurs. 11 ajoute que
ces puissances étant d'une nature qui ne
tient rien de la matière ni de nos infirmités,
et dont les fonctions sont de chanter dans le
ciel les louanges de celui qui les a créés,
nous les appelons saints; qu'il se trouve des
hommes sur la terre qui, voulant les imiter
autant qu'il est en eux, vivent dans le céli-
bat, abandonnent leurs biens , leurs parents
et leur patrie, pour ne s'occuper que de Dieu,
que le nombre en était alors si grand, que
les villes, les villages, le haut des montagnes
et les vallées en étaient remphs. « Voilà,
continue Théodoret, ce que les saintes let-
tres nous ont appris à croire de ces natu-
res célestes, qui, quoique créées, sont invi-
sibles à nos yeux. Quant aux démons et au
prince des démons, objets du culte des païens,
nous savons qu'ils ont été non-seulement
chassés du ciel, mais qu'ils ont encore en hor-
reur ceux d'entre les hommes qui pratiquent
la vertu, qu'ils les craignent et les fuient, ne
soumettant à leur empire que ceux qui veu-
lent bien s'y soumettre d'eux-mêmes.»
8. Après avoir montré dans le quatrième
discours que les philosophes païens ne s'ac-
93
cordent point entre eux sur la nature du
monde, les uns disant qu'il est éternel, les
autres qu'il a un principe; quelques-uns
n'admettant qu'un monde, d'autres en ad-
mettant une infinité. 11 dit que Platon est
celui qui a parlé le plus raisonnablement de
tous sur cette matière; qu'il enseigne dans
ses écrits que Dieu a créé toutes choses, non
d'une matière préexistante, mais de rien, en
la manièi'e qu'il a voulu ; que c'est par son
Verbe que Dieu a créé non-seulement l'uni-
vers, mais aussi le ciel, la lune et les étoiles.
Théodoret établit ensuite par l'autorité de
l'Ecriture la foi de l'Eglise, touchant la créa-
tion du monde, en remarquant que lorsqu'il
est dit que Dieu a fait tout ce qu'il a voulu,
nous ne devons pas croire qu'il a voulu tout
ce qu'il a pu faire , mais ce qu'il a cru suiïï-
sant. «Il lui était en effet très-facile, dit-il, de
produire un plus grand nombre de mondes,
de tous les ouvrages le plus aisé étant de
vouloir. » L'orateur parle de la chute des
anges qu'il dit faire leur demeure dans l'air et
sur la terre, sans avoir de lieu stable et fixe,
afin que par cette instabihté ils apprennent
de combien de maux leur malice est la cause.
Quelques mouvements qu'ils se donnent pour
nuire aux hommes, cela ne leur réussit pas
toujours, à cause de l'empêchement que les
anges destinés à nous garder, y apportent.
Dieu en créant le monde l'a fait de telle ma-
nière qu'il pût durer autant de temps qu'il a
prescrit pour sa durée. D'où vient que la
terre est encore aujourd'hui ce qu'elle était
dès le commencement; que la mer ne croit
ni ne décroit; que l'air conserve la nature
qu'il a reçue dans sa création; et que le so-
leil, sans altérer la substance du firmament,
continue son cours comme il l'a commencé.
C'est donc en l'honneur de ce Dieu qui a
tout créé, et par les ordres duquel se font
les révolutions des saisons et les productions
de la terre, que nous devons chanter des
hymnes et des psaumes, sans nous amuser
à former ni des dieux imaginaires, des nym-
phes, des montagnes; ni des néréides, des
fleuves et des fontaines. 11 finit ce discours
en marquant la conformité des sentiments
des prophètes, des patriarches et des apô-
tres sur la création du monde, dont ils font
tous Dieu auteur,
9. Ils s'accordent encore parfaitement sur
la nature de l'homme, convenant que son
corps est composé de terre, d'eau et des au-
tres éléments ; que son âme n'existait point
Cinquième
discours, pag.
ti42.
94
IIISTOIIIE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
auparavant ; mais que Dieu ayant formé ce
corps y mit une âme raisonnable. Ce qui s'est
fait dès le commencement se fait encore au-
jourd'hui par une loi établie de Dieu ; c'est
lui qui crée l'âme ; elle ne vient point au
corps par la génération ni par quelques au-
tres causes extérieures. Dieu en formant la
femme en a pris la matière de l'homme
même, de peur que se croyant d'une nature
différente de son mari, elle ne lui fût rebelle.
Les lois sont les mêmes pour les hommes et
pour les femmes; parce qu'encore qu'il y ait
quelque différence entre eux à l'égard du
corps, il n'y en a point par rapport à l'âme,
qui dans les uns et dans les antres est douée
de raison et d'intelligence, sait ce qu'il faut
faire et ce qu'il faut éviter. Il arrive même
quelquefois que la femme prévoyant mieux
que son mari ce qui peut lui être utile, lui
est d'un bon conseil. Il est donc également
des femmes comme des hommes d'être ins-
truites des divins mystères, d'y participer et
de fréquenter les églises. Dieu leur propor
saut également des récompenses, parce que
les travaux et les combats inséparables de la
vertu leur sont communs. La différence des
nations et des langues ne fait rien à cet
égard, la nature étant partout la même, et
la religion chrétienne étant répandue dans
tout l'univers, et pratiquée non-seulement
par ceux qui font dans l'Eglise les fonctions
de maîtres ; mais par des hommes et des
femmes de toute sorte de conditions. Tous
croient également ce que l'Ecriture nous ap-
prend de la formation du corps et de l'im-
mortalité de l'âme.
.. ^ dO. Le sixième discours traite de la Provi-
lem e
''P='e- dence, Théodoret ayant cru qu'après avoir
parlé de Dieu et des créatures, il était raison-
nable de montrer par des raisons tirées de la
nature et de la disposition du monde, qu'il
est gouvei'ué par une providence particu-
lière. Le but de ce discours est de réfuter
l'impiété de Diagore, les blasphèmes d'Epi-
cure et les incertitudes d'Aristote sur ce sujet.
Il paraît qu'il fut composé avec les dix dis-
cours sur la Providence^ dont Théodoret ne
fait aucune mention dans celui-ci. Il y fait
voir la contrariété des philosophes sur la
cause des différents événements humains, en
rapportant ce qu'ils en ont dit dans leurs
écrits. « Les uns, dit-il, voyant avec quelle
sagesse les choses d'ici-bas sont réglées, ont
admiré et relevé par de grands éloges celui
qui les gouverne. D'autres, au contraire.
trouvant à redire à tout ce qui se passe,
condamnent les richesses, méprisent la pau-
vreté, se plaignent des maladies, ne suppor-
tent qu'avec peine ceux qui sont en santé,
souffrent avec impatience la stérilité et la
fertilité des campagnes ; la paix et la guerre
leur sont également à charge, et ils n'ont pas
moins de chagrin d'avoir des enfants que de
n'en point avoir du tout. De là leurs plaintes
contre la Providence ; ils en prennent occa-
sion de l'ôter entièrement autant qu'il est en
eux, et d'attribuer tout au hasard, à la for-
tune ou à une nécessité violente, maîtresse
de nos actions.» Théodoret leur oppose ce
que Platon et Plotin ont dit de la Providence.
Mais comme ils en ont parlé d'une manière
conforme à peu près à ce que nous en lisons
dans nos saintes Ecritures, il dit que c'est de
là qu'ils ont tiré ce qu'ils en ont laissé dans
leurs écrits. Il remarque que le dernier pou-
vait avoir lu même les saints Evangiles, ayant
vécu sous l'empereur Commode, sous le rè-
gne duquel on dit qu'il prit des leçons du
fameux Ammonius, surnommé Saccas, qui
fut aussi le maître d'Origène. Théodoret
ajoute que la Providence une fois bien éta-
bhe, l'Incarnation en est une suite néces-
saire : car il était convenable que le Créa-
teur de toutes choses qui avait tiré les êtres
du néant, prît soin de la nature humaine dé-
truite pour ainsi dire par le péché, n'aj'ant
créé qu'à cause d'elle toutes les choses visi-
bles. Il est vrai qu'il aurait été facile à Dieu
de procurer le salut aux hommes sans se
faire homme lui-même, et de détruire par sa
volonté seule la puissance de la mort; mais
il a mieux aimé donner des preuves de l'é-
quité de sa Providence, que de son pouvoir.
Il aurait pu de même parler aux hommes du
haut du ciel; toutefois il ne l'a pas fait, parce
qu'il savait que leur nature n'était point ca-
pable de l'écouter en cette manière; ce n'est
même que rarement qu'il a apparu, jugeant
qu'il était plus convenable de leur donner
des lois et de leur parler par le ministère des
prophètes. Voulant donc dans les siècles sui-
vants procurer le salut aux hommes, il s'est
lui-même fait homme dans le sein d'une
Vierge, pour converser plus facilement avec
eux, lui qui est le Dieu adorable et engendré
de la substance du Père avant tous les siè-
cles. Que si l'on demande pourquoi l'Incar-
nation ne s'est point faite plutôt, que l'on
demande aussi aux médecins, pourquoi ils
réservent leurs plus forts remèdes pour les
|V° SlEaE.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
95
derniers accès de la maladie ? Dieu en a usé
de même : car après avoir apporté divers
remèdes aux hommes, il leur a douné enfin
le plus eiiicace de tous^ puisqu'il a mis fin à
leurs maladies. Théodore! dit aux Gentils,
que s'ils ne veulent point s'en rapporter à
ses paroles, ils peuvent se convaincre eux-
mêmes de la vérité, en considérant que la
venue de Jésus-Christ a délivré le monde en-
tier de l'ignorance dans laquelle il vivait au-
paravant; qu'elle a fait cesser le culte des
idoles, banni l'impiété, répandu partout la
lumière de la vérité, fait embrasser la foi en
un Dieu crucifié, aux Grecs, aux Romains et
aux Barbares, rendu le signe de la croix res-
pectable , établi le culte de la Trinité , au
lieu de celui que l'on rendait aux faux dieux;
renversé les temples des idoleS;, fait bâtir des
éghses, non-seulement dans les villes, mais
encore dans les villages et dans les campa-
gnes, et des temples d'une grande beauté
en l'honneur des martyrs; enfin qu'elle a
peuplé les sommets des montagnes et les
plus vastes solitudes de monastères où l'on
vit saintement. Les païens verront encore
que l'Evangile n'est que l'accompiissement
des prophéties faites longtemps avant la ve-
nue du Sauveur; que les prophètes ont an-
noncé que le Messie naîtrait d'une Vierge ,
qu'il serait attaché à la croix ; que par lui le
monde serait sauvé , que les Juifs demeure-
raient incrédules; qu'ils seraient dispersés et
réduits en captivité. Or l'événement a vérifié
toutes ces prédictions.
Septième 11- Théodore! invective dans le septième
tours, pag. discours coutro les fêtes et les sacrifices abo-
minables que les païens faisaient en l'hon-
neur de leurs faux dieux. Mais parce qu'ils
auraient pu répondre que la loi ancienne en
prescrivait, il explique quelle a été en cela
l'intention du législateur. Dieu qui voulait
délivrer son peuple de la servitude d'Egypte,
et qui savait que pendant le long temps
qu'efie avait duré, il avait appris des Egyp-
tiens le culte des idoles, lui permit, depuis
qu'il l'eut mis en liberté, de continuer à of-
frir des sacrifices ; mais non pas de toute es-
pèce, ni aux faux dieux des Egyptiens. Il fixa
leur culte à lui-même, et voulut que les
Israélites lui otfrissent les dieux de l'Egypte,
c'est-à-dire les bœufs, les brebis, les colom-
bes et les tourterelles. La permission qu'il leur
accorda en cette occasion, fut une espèce de
remède à leur faiblesse, et en même temps
une instruction, puisqu'il leur ordonne de lui
sacrifier ce qu'ils adoraient auparavant, leur
faisant entendre qu'ils ne pouvaient regarder
comme dieux, des victimes qu'ils immolaient
eux-mêmes. S'il leur défendit de manger de
la chair de porc, ce fut parce que les Egyp-
tiens n'en mangeaient point d'autres, regar-
dant les autres animaux comme des dieux ;
au contraire, il leur ordonna de manger de
ceux dont les Egyptiens s'abstenaient, pour
leur donner du mépris de ce que ces peuples
honoraient d'un culte divin. Après cette in-
terprétation de la loi de Dieu touchant les
sacrifices, Théodore! montre par divers en-
droits de l'Ecriture, que Dieu n'a besoin ni
de sacrifices ni d'instruments de musique;
que toute la terre est à lui, et tout ce qu'elle
contient; que s'il exige aujourd'hui quelques
sacrifices de la part des hommes, ce sont des
sacrifices de louanges; que le sang des boucs
et des taureaux est inutile pour la rémission
des péchés; que nous la trouvons dans le
baptême; que Dieu déteste surtout les sacri-
fices que quelques peuples faisaient autrefois
de leurs enfants aux fausses divinités.
12. C'était l'usage des chrétiens de rendre Hmtième
un culte refigieux à ceux qui avaient répandu '^^^'•""■^'P'e.
leur sang pour la confession du nom de Jé-
sus-Christ; ne doutant point que ces martyrs
ne fussent déjà dans le ciel, et admis dans le
chœui' des anges, ils recueillaient leurs reli-
ques et se les partageaient, les appelant les
sauveurs des âmes, et les médecins des
corps, à cause que par leur intercession, ils
recevaient de Dieu quantité de bienfaits. Ils
les regardaient aussi comme les gardiens et
les défenseurs de leurs villes, n'y eussent-ils
qu 'une petite partie de leur corps , parce qu'elle
avait autant de vertu que le tout. Les Gentils
quoique informés des merveilles qui se pas-
saient aux tombeaux de ces saints, tournaient
en ridicule le culte qu'on leur rendait. Ils re-
gardaient même comme un crime abomina-
ble, de s'approcher de ces reliques avec res-
pect. C'est là la matière du septième discours.
Théodoret bat les Gentils avec leurs propres
armes. En efiét, ils faisaient eux-mêmes des
libations, ils offraient des sacrifices d'expia-
tions, ils avaient des héros, des demi-dieux,
et mettaient des hommes au rang des dieux.
Hercule, fils d'Amphiti-yon, Cléomède, Anti-
noiis, favori de l'empereur Adrien, étaient
de ce nombre. C'était donc à tort que les
Grecs reprochaient aux chrétiens le culte
des martyrs, puisqu'ils n'en faisaient pas des
dieux, et qu'ils ne les honoraient que comme
96
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des témoins et des serviteurs de Dieu. Les
Grecs faisaient encore enterrer dans leurs
temples les plus illustres d'entre eux. Acri-
sius avait son tombeau à Larisse dans le tem-
ple de Minerve, et Lycophron à Magnésie
dans le temple de Diane. Ils croyaient aussi
que ceux qui avaient bien vécu parmi eux,
allaient dans le ciel après leur mort, et qu'ils
y chantaient les louanges du grand Dieu :
cela se voit dans Piudare. Platon dit la même
chose, et l'on voit par Hésiode, que les Grecs
regardaient les gens de bien après leur mort,
comme les gardiens et les protecteurs des
vivants ; Platon dit même qu'ils prenaient
soin en l'autre vie des affaires de celle-ci.
Théodoret remarque qu'il y avait parmi eux
de la partialité dans le culte qu'ils établis-
saient en l'honneur des hommes, et que tan-
dis qu'ils en mettaient quelques-uns au rang
des dieux, ils privaient de cet honneur plu-
sieurs grands hommes qui ne l'avaient pas
moins mérité. « Y a-t-il quelqu'un , dit-il ,
qui connaisse le tombeau de Xerxès, ou de
Darius, ou d'Alexandre ? On ne connaît pas
non plus celui d'Auguste. Mais les temples
que nous élevons en l'honneur de nos mar-
tyrs, sont célèbres partout par leur beauté.
Nous ne nous contentons pas d'y aller deux
ou cinq fois l'année, nous nous y assemblons
souvent, et quelquefois tous les jours, pour
chanter les louanges du Seigneur. Là, ceux
qui se portent bien demandent la conserva-
tion de leur santé, et ceux qui sont malades
demandent leur guérison. C'est aussi aux
martyrs que s'adressent les femmes stériles
pour avoir des enfants ^, les voyageurs pour
en être protégés pendant leur voyage ; mais
ni les uns ni les autres ne les regardent pas
comme des dieux, mais comme des interces-
seurs auprès de Dieu. S'il arrive qu'ils ob-
tiennent l'effet de leurs prières, ils en lais-
sent des monuments publics, qui marquent
la maladie dont ils ont été guéris. Les uns
suspendent, dans leurs temples, des yeux,
des pieds'; et les autres des mains d'or ou
d'argent, chacun suivant ses facultés. Au
reste, ces martyrs n'étaient point, pour la
la plupart, d'une naissance illustre; mais des
hommes d'une condition privée, ou même
réduits à la qualité de serviteur et de ser-
vante. Il y en a eu même qui, après avoir
fait le métier de comédien, sont passés dans
l'ordre de ces généreux athlètes, et qui ont
remporté, aux dépens de leur vie, la cou-
l'onne du martyre. La plupart des philoso-
phes, des orateurs, des empereurs, des gé^
néraux d'armée, sont tombés dans l'oubli ;
mais les noms des martyrs sont connus de
tout le monde. Les Perses et les Mèdes les
donnent à leurs enfants dès leur naissance,
pour leur obtenir la protection des martyrs
dont ils leur font porter le nom. Mais il y
a plus : les temples même des dieux sont
tellement détruits, qu'il n'en reste presque
plus aucun vestige ; on en a pris les maté-
riaux pour en bâtir d'autres en l'honneur
des martyrs. Il en est de même des fêtes du
paganisme, auxquelles on a substitué celles
de Pierre et de Paul, de Thomas, de Sergius,
de Marcel, de Léonce, de Pantaléon, d'An-
touin, de Maurice et de plusieurs autres.»
13. Dans le neuvième discours, Théodoret Neûtièmo
compare les législateurs des Grecs et des Ro- ^^jjS^'-s.p'ê-
mains avec les Apôtres, et après être entré
dans le détail des lois établies par les plus
sages d'entre ces peuples, il montre qu'elles
n'ont été en vigueur que dans quelques pro-
vinces, au lieu que l'Evangile prêché par les
Apôtres, s'est répandu non seulement chez
les Romains et chez les Grecs, mais chez les
nations bai'bares, non par la force des armes,
ni par la violence, mais par la persuasion des
vérités qu'il contient. «Ce qui en relève davan-
tage rétabhssement, dit-il, c'est que ceux qui
s'y sont employés l'ont fait au péril de leur
vie, n'en étant empêchés ni par les injures,
ni par les flagellations, ni par les tortures, ni
par aucun des tourments que la cruauté des
persécuteurs leur faisaient souffrir. Us ont ré-
sisté à tous les efforts des Perses, des Scy-
thes, des Romains et de toutes les autres na-
tions, et malgré les persécutions violentes de
Dioctétien, de Maximien, de Maxence, de
Maximiu, de Licinius, l'Evangile a prévalu
partout. » Théodoret fait mention de plusieurs
miUiers de chrétiens mis à mort en même
temps dans quelques-unes de ces persécu-
tions, des églises brûlées, lorsqu'elles étaient
remplies d'hommes, de femmes et d'enfants,
et de la destruction de toutes celles qui
étaient dans l'empire romain, un jour de
Pâques. «Mais, ajoute-t-il, ces persécuteurs
n'ont détruit que des édifices matériels, et
n'ont pas fait de tort à la piété ; le sang qu'ils
répandaient donnait de l'accroissement à
l'Eglise par le grand nombre de ceux qui
embrassaient la religion chrétienne.» Il passe
légèrement sur toutes ces choses, particuliè-
rement sur ce qui arriva dans la persécu-
tion de Julien contre les chrétiens, trouvant
CHAPITRE IV. — THEODORET, EVEQUE DE CYR.
[\^ SIEOLE.J
une' preuve de ce qu'il avançait à l'avantage
de l'Eglise, dans le nombre infini de chrétiens
dont elle était composée, et dans la destruc-
tion presque entière du culte des faux dieux.
Il s'étend beaucoup plus sur les lois indé-
centes de Platon, au sujet de la communauté
des femmes, en remarquant que, quelque fa-
vorable qu'elle fût au libertinage, il n'avait
pu l'établir, qu'elle avait même été rejetée
avec mépris, et que ni l'empereur Néron, le
plus impudique des princes de l'empire ro-
main, ni Sardanapale, si connu par son amour
pour les délices et les voluptés, n'avaientlii
cité, ni loué cette loi. Celle au contraire que
les Apôtres ont publiée après l'avoir reçue du
Sauveur, ne défend pas seulement les crimes
d'impureté, elle va jusqu'à défendre les mau-
vais désirs. Cette loi, néanmoins, est en vi-
gueur dans tout l'univers, de même que celles
qui défendent la vengeance, le mensonge, le
jurement, en sorte que l'on a vu des milliers
d'hommes et de femmes souffrir volontaire-
ment la mort pour la défense de ces lois.
14. Le dixième discours est intitulé, des
V7'a.is et faux oracles, parce que Tbéodoret y
compare les prédictions des Grecs avec celles
des Juifs, et qu'il y fait voir la fausseté des
unes et la vérité des autres. Les mauvais
anges déchus de l'état où Dieu les avait créés,
se sont établi une espèce de tyrannie sur
les hommes, et se donnant à eux-mêmes le
nom de Dieu , ils ont persuadé à quelques
hommes insensés de leur rendre les hon-
neurs divins. Pour les autoriser dans ce faux
culte, ils se sont vantés de connaître et de
prédire l'avenir ; c'est surtout par ce moyen
qu'ils les ont séduits. Dans cette vue, ils éta-
blirent par toute la terre divers oracles que
les hommes pussent consulter, dans Delphes,
dans Délos, à Dodone, dans la Libye, et en
beaucoup d'autres endroits. Tbéodoret fait
voir que tous ces oracles n'étaient que des
prestiges : premièrement, parce que depuis
la venue du Sauveur, ils ont cessé de rendre
des réponses à ceux qui les consultaient, le
mensonge ne pouvant se soutenir à la vue
de la vérité ; secondement, parce que les
païens eux-mêmes sont convenus qu'il n'y
avait rien de vrai dans toutes les prédictions
de ces prétendus oracles. C'est ce que té-
moignent Plutarque, Porphyre et Diogénien,
qui ont écrit depuis l'établissement de la re-
ligion chrétienne. L'oracle d'Apollon qui avait
engagé Julien à transporter les reliques de
saint Babylas, parce qu'elles étaient un obs-
X.
9?
tacle à ses prédictions, fut réduit en poudre
quelques moments après, par le feu du ciel.
Il n'en est pas ainsi des oracles rendus en
faveur de la religion chrétienne; l'événement
a fait voir la vérité de leurs prédictions. Les
prophètes avaient prédit le renversement de
l'idolâtrie, la venue du Sauveur, l'établisse-
ment de l'Eglise, la vocation des Gentils à la
foi, la prédication de l'Evangile dans toute la
terre, et qu'au lieu des sacrifices sanglants,
on en offrirait un à Dieu, qui serait spirituel
et sans effusion de sang. Ils avaient encore
annoncé que le sceptre ne sortirait point de la
race de Juda jusqu'à la venue de celui qui
était l'attente des nations. Tbéodoret rap-
porte toutes ces prophéties, et montre, en
commençant par celle qui regardait la des-
truction des idoles et de leur culte, qu'elles
ont eu toutes leur accomplissement.
15. Il rapporte dans le onzième discours
ce que les Grecs et les Apôtres ont dit de la
félicité de l'homme et du jugement dernier.
Les opinions de ceux-là sur le bonheur de
l'homme, sont si ditïérentes, qu'on peut dire
qu'ils n'ont pas connu, pour la plupart, en
quoi il consistait. Epicnre le mettait dans la
volupté et dans la jouissance des plaisirs ;
Démocrile, dans la tranquillité de l'âme ;
Pythagore,dans la parfaite connaissance des
nombres; Platon, dans la ressemblance avec
Dieu, autant que l'homme en est capable ;
Socrate, son maître, dans la justice; et Aris-
tote, dans la possession de trois sortes de
biens, savoir, de ceux du corps, de ceux de
l'âme, et des biens extérieurs. Tbéodoret
approuve le sentiment de Platon et de So-
crate ; mais comme ils ne l'avaient pas assez
développé, il enseigne que, suivant les divi-
nes Ecritures, le commencement de la sa-
gesse ou des biens est la crainte du Sei-
gneur, et que la fin de cette sagesse ou de
ces biens est une vie ornée de vertus et
d'actions réglées sur la loi de Dieu : car le
Seigneur n'appelle point heureux les riches,
ni ceux qui vivent dans les délices et à qui
tout prospère , mais les pauvres d'esprit,
ceux qui sont doux et miséricordieux, qui
ont faim et soif de la justice, et qui souffrent,
sans se plaindre, d'être maltraités pour elle.
Tbéodoret dit ensuite que ce que Platon a
écrit touchant le jugement que les hommes
subiront après leur mort, et des supphces
destinés aux impies, a beaucoup de confor-
mité avec ce que les Ecritures nous en ap-
pi-ennent, parce qu'ayant été quelque temps
7
Onzième
discours, pag.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
98
en Egypte avec les Hébreux, il avait appris
d'eux ce qu'on doit croire sur cette matière ;
mais il ajoute que ce philosophe ne s'en te-
nant pas à ce qu'il avait appris de vrai, y
avait joint plusieurs circonstances fabuleuses
tirées des poètes grecs, qui se sont imaginés
qu'Eacus, Minos et Rhadamante, dont les
mœurs n'ont pas été sans reproche, préside-
raient à ce jugement. « Pour nous , dit Théo-
doret, nous attendons pour juge celui qui
nous a créés et qui connaît parfaitement nos
actions, nos paroles et nos pensées les plus
secrètes. 11 nous jugera revêtu de notre hu-
manité, n'étant pas visible à nos yeux dans
sa nature divine ; c'est pour cela qu'il s'ap-
pelle lui-même Fils de l'homme, parce que
ceux qu'il jugera, le verront revêtu de cette
nature. » Il établit cette vérité sur un passage
des Actes des Apôtres, où saint Paul parle
du jour destiné de Dieu pour ce jugement;
et ajoute que si quelqu'un révoque en doute
ce qui en est dit dans l'Ecriture, il peut s'en
assurer en considérant que plusieurs des
choses qui sont prédites dans l'Evangile,
étant déjà arrivées, c'est une preuve que ce
qui est dit de la vie future, aura aussi son
accomphssement. Jésus-Christ n'a-t-il point
prédit le siège de Jérusalem et le reverse-
ment de ses murs, de même que la destruc-
tion totale du célèbre temple qu'on y avait
bâti? N'a-t-il pas prédit que les Juifs qui le
devaient crucifier, seraient errants et vaga-
bonds dans tout le monde ? Ces deux prédic-
tions ont été accomplies. La chose est indu-
bitable à l'égard des Juifs, qui chassés de
Jérusalem habitent partout ailleurs. A l'é-
gard du temple, il n'en reste plus de vesti-
ges. Théodoret dit en avoir été témoin ocu-
laire. Jésus-Christ n'a-t-il pas encore prédit
que les Apôtres auraient beaucoup de com-
bats à soutenir et de dangers à essuyer dans
la prédication de l'Evangile , mais qu'ils se-
raient victorieux de leurs persécuteurs? N'a-
t-il pas dit que l'action sainte de cette femme,
qui répandit un parfum précieux sur ses
pieds, serait publiée dans tout le monde? Or
les tombeaux des apôtres et des martyrs,
qui sont connus dans toute la terre, sont une
preuve de la première de ces prédictions, et
Ja seconde se vérifie par l'établissement de
l'Evangile dans tout l'univers, où chacun lit
ce qui est dit de cette femme dans le vingt-
sixième chapitre de saint Matthieu.
Douzième 16. Ce n'est pas assez de savoir ce que l'on
doit penser de Dieu, il faut encore former sa
discours, pag,
QUI
sa vie et ses mœurs sur les lois qu'il nous a
données, et même l'imiter autant qu'il est
en nous, c'est-à-dire haïr ce qu'il hait, aimer
ce qu'il aime : c'est le langage de l'Ecriture.
Platon a parlé de même , et il n'a pas craint
d'avancer que nous pouvions imiter le Dieu
créateur dans ses bonnes afteciions. Il a
donné aussi d'excellents préceptes pour la
conduite des mœurs; mais on ne voit point
qu'ils aient été suivis par ceux-là mêmes qui
ont porté le nom de sages parmi les philoso-
phes païens. Socrate, l'un d'entre eux, était
si adonné à la débauche, qu'il s'y livi'ait pu-
bliquement. Diogène en faisait de même,
ainsi que Cratès le Thébéen, et plusieurs
autres. La religion chrétienne, au contraire,
donne non-seulement des préceptes de ver-
tus , en particulier sur la chasteté, mais elle
a eu aussi un grand nombre de sectateurs
qui les ont mis en pratique. C'est ce qui fait
le sujet du douzième et dernier discours de
Théodoret, contre les fausses opinions des
païens.
§XL
De divers ouvrages mis dans l'Appendice.
i. Le discours sur la C^anïe rappelle dès ^■,.
le commencement les combats de ces illus- pâg.'Vso!
très solitaires dont Théodoret a écrit les Vies ;
ce qui donne lieu de croire que ce discours
est une espèce de péroraison de ces Vies ;
aussi leur est-il joint dans divers manuscrits.
Il y examine quelle était la force qui rendait
ces saints invincibles dans leurs combats;'
quel était le motif qui les leur avait fait en-
treprendre, et par quels moyens ils étaient
parvenus à la perfection de la divine philo-
sophie. Il paraissait évident à Théodoret que
leurs vertus n'avaient pas pour principe les
seules forces du corps, puisqu'ils ont pra-
tiqué des austérités qui surpassent les for-
ces de la nature humaine, et qu'aucun autre
que ces saints n'en a souffert de semblables
sans y succomber. Il prouve donc que cette
force n'était autre que l'amour de Dieu qui
brûlait dans leurs cœurs et qui leur faisait
faire et souffrir avec joie les choses les plus
opposées aux sentiments de la nature. « On se
rassasie, dit-il, des plaisirs du corps ; mais
l'amour divin n'a point de bornes. Moïse, qui
avait été jugé digne d'entrer en conversation
avec Dieu, passa quarante jours dans la nuée,
et il n'en fut point rassasié ; au contraire,
son désir de continuer à contempler la ma-
jesté de Dieu, ne fit que s'enflammer de plus
I V= SIECLE.
CHAPITRE IV. — ÏHÉODORET, ÉVÉQUE DE CYR.
99
en plus. L'amour que saint Paul se sentait
pour Jésus-Christ était si ardent, qu'il ne
pouvait en être séparé, ni par l'affliction, ni
par les déplaisirs, ni par la faim, ni par la
persécution, ni par la nudité, ni par les pé-
rils, ni par le fer, ni parla violence. « Je suis
assuré, disait cet apôtre, que ni la mort, ni
la vie, ni les anges, ni les principautés, ni
tout ce qu'il y a au plus haut des cieux, ou
au plus profond des enfers, ni toute autre
créature, ne pourra jamais nous séparer de
l'amour de Dieu en Jésus-Christ notre Sei-
gneur. !) C'était le même amour qui animait
saint Pierre dans les larmes qu'il versait pour
avoir renié son Sauveur, dans la célérité
avec laquelle il courut au sépulcre pour y
être témoin de sa résurrection, dans les tra-
vaux et les persécutions qu'il souffrit pour la
prédication de l'Evangile, et dans la joie et
la constance qu'il fit paraître lorsque l'em-
pereur Néron le condamna au supplice de la
croix. » Théodoret dit qu'Abel, Enoch, Noé,
Melchisédech, Abraham et plusieurs autres
anciens patriarches furent animés du même
amour; mais qu'il éclata surtout dans les
apôtres et les martyrs, qui aimèrent mieux
souffrir mille morts, que de manquer à la
reconnaissance qu'ils devaient à Dieu pour ses
bienfaits, et de trahir leur foi dans la vue
de jouir d'une vie délicieuse, dont les persé-
cuteurs les flattaient,
re à 2. Ce que nous lisons dans la lettre à Spo-
'^°^' race contre Nestorius, se trouve en mêmes
termes dans le chapitre xii du livre IV des
Hérésies. La suite de cette lettre est une ré-
futation de Nestorius. Ce qui peut faire dou-
ter que Théodoret en soit l'auteur, c'est que
celui qui a fait cette réfutation s'adresse sou-
vent à Nestorius même, et jamais à Sporace.
Cette lettre parait donc être un composé que
quelqu'un aura fait d'un fragment du ti'aité
des Hérésies et d'un fragment de quelque au-
tre ouvrage de Théodoret sur l'Incarnation.
,j j 3. La lettre à Jean de Germanicie, qui se
'^'Jjg" trouve la cent vingt-cinquième parmi celles
de Théodoret, fut écrite après le conciliabule
d'Ephèse. Jean de Germanicie lui avait écrit
sur les persécutions qu'on lui faisait souffrir,
et avait lâché de le consoler par l'espérance
que les évêques de Syrie ne permettraient
point qu'on l'opprimât. Théodoret, dans sa
réponse, lui dit qu'il n'avait rien à atten-
dre dans une lâcheté si générale de tous les
évêques ; qu'en vain ils disaient qu'ils avaient
été contraints de faire ce qu'ils avaient fait ;
qu'il leur était facile de se rétracter; qu'ils
ne pouvaient alléguer contre lui aucun crime,
mais qu'il était notoire qu'ils avaient pi'is pré-
texte de sa doctrine pour le condamner.
« Lorsqu'ils étaient, dit-il, encore du nombre
des frères, et même depuis qu'ils ont été faits
lecteurs et ordonnés diacres, prêtres et évê-
ques, ils donnaient de grandes louanges aux
discours que je prononçai à Antioche en leur
présence. Quand le sermon était terminé, ils
m'embrassaient, me baisaient et la tête, et la
poitrine, et les mains; quelques-uns même
touchaient mes genoux, appelant ma doctrine
la doctrine apostolique ; et toutefois ils vien-
nent de l'analhématiser. Ils m'appelaient la
lumière non-seulement de l'Orient, mais du
monde entier; et voilà que je suis proscrit de
manière qu'autant qu'il est en eux, je n'ai pas
même du pain pour me nourrir. » Il ne blâme
pas Jean de Germanicie de n'avoir pas en-
core rompu de communion avec eux, mais il
lui conseille , au cas qu'ils ne veuillent pas
rétracter ce qu'ils avaient fait, de les éviter
comme des gens qui avaient trahi la foi, et
de ne prendre aucune part à leur impiété.
4. On a mis à la suite de cette lettre l'abrégé Livre con-
que Phofius a fait de vingt-sept livres ou de ^àt 'p'|'
v'ingt-Re]}idiscom's contre les Eutychiens, qu'il
croyait être de Théodoret; mais on ne doute
pas aujourd'hui qu'il n'y ait faute dans Pho-
tius, et que ce qu'il attribue à Théodoret ne
soit l'ouvrage d'Eutérius de Tyanes, sous le
nom duquel il est cité par Marins Meixator,
auteur contemporain.
5. Jean d' Antioche a j^ant vu les douze ana- Périls de
thématismes que saint Cyrille avait mis à la L''„''i°r''e°ies
fin de sa lettre à Nestorius, les communiqua m"iism'r"de'
à Théodoret, en le priant de les réfuter. Ce- pa'f.SS."""'
lui-ci, prévenu contre saint Cyrille, comme la
plupart des Orientaux, ne put lire ces ana-
Ihématismes sans en concevoir de l'indigna-
tion , croyant y voir des erreurs manifestes.
11 en était d'autant plus touché, qu'il en crai-
gnait les suites, parce que ces anathématismes
avaient pour auteur un évêque chargé d'un
vaste diocèse. 11 fit donc un écrit pour les ré-
futer; mais il n'y nomma point saint Cyrille,
doutant, comme il le dit dans sa lettre à Jean
d'Antioche, qu'ils fussent de ce saint évêque ,
et si ce n'était pas plutôt l'ouvrage de quel-
que ennemi de la vérité , composé à dessein
d'allumer de plus en plus dans l'Eglise le feu
de la division. Théodoret reconnaît dans cet
écrit que la sainte Vierge est mère de Dieu;
mais il y a quelques endroits où il s'explique
loo
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Commec-
InîrB sur If s
Psaumes,
loni. V. pag. 2
li.lit. .de l'a-
ri.s 16S4.
avec moins de précision sur l'incarnation que
dans les ouvrages qu'il composa depuis; aussi
fut-ce de là que l'on tira divers passages dans
le cinquième concile pour les faire condam-
ner. II y accuse neltement saint Cyrille d'hé-
résie et de blasphèmes , mais sur des faux
sens qu'il lui attribuait. Ils se réconcilièrent
depuis, et longtemps auparavant saint Cy-
rille, en blâmant les expressions de Théodo-
ret, avait reconnu * qu'il avait la même foi et
l;i même doctrine que lui.
§xn.
De divers ouvrages attribués à Théodoret.
i. Nous avons parlé jusqu'ici des ouvrages
de Théodoret recueillis par le père Sirmond,
ot imprimés à Paris, en 1642, en quatre vo-
lumes in-foho. Le père Garnier en a ajouté un
cinquième, imprimé en la même ville en 1684;
ce volume contient une préface et quelques
fragments d'un commentaire sur les Psaumes,
sous le nom de Théodoret; quelques-uns de
ses discours, diverses lettres, des traités contre
les Anoméens, les Macédoniens et les Apollina-
ristes, et un grand nombre de corrections du
livre qui a pour titre : De la Guérison des fausses
opinions des païens. La préface sur les Psaumes
n'a presque rien de commun avec celle de
Théodoret. Le style , la méthode , les senti-
ments , tout en est différent. Théodoret re-
marque dans la sienne que les interprètes ne
s'accordent pas entre eux sur l'auteur des
Psaumes; que les uns en donnent une par-
tie à David, et d'autres à Etham, aux enfants
de Coré, aux fils d'Asaph, appelés prophètes
dans l'histoire des Paralipomènes. Il ajoute
toutefois que, sans vouloir rien assurer sur
cela, il aime mieux suivre le sentiment com-
mun qui les attribue tous à David. L'auteur
de la préface donnée par le père Garnier
n'entre pas dans cette discussion. Il décide
nettement que tous les Psaumes sont de Da-
vid^ sans marquer qu'il y eût sur cela de la
diflterence de sentiment parmi les interprètes.
11 ne s'accorde pas non plus avec Théodoret
sur la signification du Diapsalma. Celui-ci,
content d'avoir remarqué que les Psaumes ne
sont pas rangés suivant l'ordre des temps,
n'avait pas cru devoir nommer sous quel roi
ils avaient été placés ainsi , apparemment
parce qu'il ne le savait pas; mais dans cette
nouvelle préface il est dit que ce fut le roi
Ezéchias qui réduisit le Psautier à cent cin-
quante psaumes, ayant choisi, parmi le grand
nombre que David en avait composés, ceux
qui lui paraissaient les plus beaux. Théodo-
ret n'entre pas dans le détail des différentes
versions que l'on a faites des Psaumes. L'au-
teur de la préface nomme toutes celles qu'il
connaissait, savoir : celles des Septante, d'A-
quila, de Symmaque, de Théodotion, de Jé-
richo, ou que l'on trouva dans cette ville, de
Nicople et de Lucien, martyr. Il faut dire la
même chose des fragments du commentaire
sur les Psaumes, donnés par le père Garnier.
Il y en a quelques-uns qui se trouvent dans
celui que le père Sirmond a donné, et d'au-
tres où l'on dit des choses qui ne s'accordent
pas avec ce que Théodoret dit dans celui-ci.
Il paraît donc que tant la préface que le
commentaire donné par le père Garnier sont
d'un écrivain postérieur qui a pris dans Théo-
doret ce qui lui a paru de mieux, et y a ajouté
les sentiments de quelques autres interprètes
ou les siens propres.
2. A la suite de ces fragments on en trouve
un tiré ^d'un commentaire sur l'Evangile de
saint Luc. Le père Garnier ne dit point si dans
les Chaînes , d'où il a tiré ces fragments , il
portait le nom de Théodoret; mais il croit
qu'il faisait partie du livre IP de l'ouvrage
que Théodoret écrivit contre saint Cyrille.
Ce fragment est une explication de l'endroit
de saint Luc où nous lisons que Jésus- Christ
étant tombé en agonie , il lui vint une sueur
comme des gouttes de sang qui découlaient
jusqu'à terre. L'auteur remarque que la grâce
divine permit qu'il en arrivât ainsi à l'huma-
nité de Jésus-Christ.
3. Le discours en l'honneur de saint Jean-
Baptiste est assez du style de Théodoret, mais
on ne nous dit point d'où on l'a tiré, ni sur
quelle autorité on le lui attribue. On y fait
également l'éloge de Zacharie et d'Ehsabetb,
comme de leur fils , et il roule paiiiculière-
ment sur ce qui précéda et sur ce qui suivit
immédiatement la naissance du saint pré-
curseur. L'auteur aurait souhaité pouvoir ren-
fermer dans le même discours ce qui regarde
la prédication de saint Jean dans le désert,
le baptême de Jésus-Christ et le martyre de
Discoi
Tbéodc
pag. 21
1 Hic auiem bonus vir (Theodorelus) nullum genus
maledicentiœ in nos intentatum prcetermiitens, qunm-
vis iis quœ dixi assenliatur, inuril versus noijis ma-
culam falsœ senientice ApolUnarii. Cyrill., Defeni. XI
anathemat., tom. III Concil., pag. 940 et 9'!l.
[V" SIÈCLE.] CHAPITRE IV.. — THÉODOREï, ÈVÊQUE DE CYR.
ce saint; mais, craignant trop de longueur,
il remit à en parler une autre fois. Sur la fin
de son discours, il s'adresse à saint Jean,
qu'il appelle l'ami, le précurseur, le prophète
dn Seigneur, et le prie de s'entremettre, par
ses prières auprès de Dieu, pour nous obte-
nir la grâce de jouir, dans le siècle futur, de
la gloire qui nous est promise. Les cinq dis-
cours à la louange de saint Ghrysostôme n'ont
pas la gravité ni le sérieux ordinaire de ceux
de Théodoret; ce n'est que figures et jeux de
mots. PLotius ', qui en rapporte des extraits
comme étant véritablement de Théodoret, dit
que le premier de ces cinq discours était la
suite de quelques autres , ou du moins qu'il
en faisait partie. On y voyait de quelle ma-
nière saint Ghrysostôme avait été appelé à
Constantinople, et ensuite élu archevêque de
cette ville ; comment il s'était appliqué à re-
mettre en vigueur les anciens canons de l'E-
glise, et avec quelle force il avait résisté aux
entreprises de Gainas, général des Goths. Le
second discours, qui était très-court, ue con-
tenait que des éloges. Le troisième surpas-
sait les deux premiers par le choix des termes
et des pensées; mais ce n'était aussi qu'un
panégyrique. 11 en était de même du qua-
trième; Théodoret le commençait par l'éta-
blissement de cette maxime, que nous de-
vons honorer nos parents. Il louait, dans le
même discours , saint Ghrysostôme d'avoir
établi parmi le peuple le chant des Psaumes.
Dans le cinquième, il se répandait en éloges
sur les actions de ce saint , mais avec plus de
forcé et de netteté que dans les précédents.
Il fut prononcé dans l'église des Apôtres, après
que plusieurs autres avaient déjà fait l'éloge
de saint Ghrysostôme. On croit que ce fut
depuis que son corps eut été rapporté à Cons-
tantinople, c'est-à-dire depuis l'an 438. Théo-
doret le compare à Job, pour les persécutions
qu'il eut à souilVir tant de la part de ses en-
nemis que de ceux qui paraissaient ses amis,
et il ne doute pas qu'il n'ait aussi reçu comme
Job une gloire d'autant plus grande qu'il avait
plus souffert d'opprobres de la part des
hommes.
4. En suite de ces discours, le père Garnier
met divers fragments des disputes que Théo-
doret eut, à Chalcédoine, avec les défenseurs
de saint Cyrille, et des discours qu'il pro-
nonça en la même viUe, en présence de plu-
sieurs personnes attachées au parti de Nes-
1 Phodus, Cod. 273, pag. 1513 et seq.
101
torius, qui étaient venues de Constantinople
pour l'entendre. Théodoret tenait avec eux
des assemblées dans une fort grande salle
environnée de tribunes, dans l'une desquelles
il se mettait, et le peuple l'écoutait d'en bas
avec tant de plaisir, qu'il le haranguait sou-
vent pendant plusieurs heures. Dans un de
ses sermons, il parla avec beaucoup de feu
et de vivacité contre ceux qui voulaient qu'on
adorât un Dieu passible , sans s'expliquer en
quel sens cette proposition pouvait être dé-
fendue ou rejetée. Les fragments que rap-
porte le père Garnier sont tirés des actes du
faux concile d'Ephèse, de ceux du cinquième
concile général, et de la lettre de Théodoret
à Alexandre d'Hiéraple. Il y en ajoute d'un
discours que Jeand'Antioche fit après Théo-
doret, où l'on voit que Jean ne prétendait en-
seigner d'autre doctrine que celle qu'il avait
reçue des anciens, et pour laquelle les mar-
tyrs avaient répandu leur sang. Le fragment
du sermon prononcé à Antioche contre saint
Cyrille, mort depuis peu, est rapporté par
Mercator. On le produisit dans le cinquième
concile contre Théodoret, et dans le faux con-
cile d'Ephèse. On s'en servit pour faire con-
damner Domnus, en présence de qui on di-
sait que ce sermon avait été prêché; mais il
est à remarquer que Doranus fut condamné
étant absent pour cause de maladie, et qu'il
le fut par une faction des ennemis de la foi,
à qui il était aisé de produire contre lui de
fausses pièces qu'ils avaient peut-être fabri-
quées eux-mêmes. Le témoignage de Merca-
tor devint suspect. Ennemi déclaré de Théo-
doret, il pouvait avoir ajouté foi à ce qu'on
disait de lui sans l'avoir beaucoup examiné.
Si les pères du concile de Chalcédoine eussent
cru que ce sermon fût de Théodoret, ne le lui
auraient-ils pas objectélorsqu'il leur demanda
d'être rétabli dans son siège? Il est vrai qu'on
allégua ce sei'mon contre lui dans le cin-
quième concile général, mais Léonce de By-
zance est témoin qu'on y produisit aussi plu-
sieurs lettres contre lui, que les eutychiens
avaient supposées eux-mêmes, pour montrer
que le concile de Chalcédoine n'avait pas dû
le rétablir dans le siège épiscopal de Gyr. Au
reste , la doctrine contenue dans ce sermon
est entièrement nestorienne, d'où il suit que
non-seulement Théodoret, mais encore Dom-
nus et toute l'Eglise d'Antioche, où l'on sup-
pose qu'il fut prêché, étaient dans les erreurs
de Nestorius, ce qui est contraire à l'histoire;
d'ailleurs, Théodoret désavoue et condamne
Léon t.
de
Sectis act
IV,
pag. ti09.
102
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
cette doctrine en cent endroits de ses ouvra-
ges, comme on l'a déjà vu et comme on le
verra dans la suite. Enfin, Théodoret s'était
non-seulement réconcilié avec saint Cyrille,
il avait encore travaillé à y réconcilier les au-
tres évoques. Comment se persuader qu'il lui
eût insulté après sa mort en le faisant pas-
ser, en présence du patriarche d'Antioclie et
d'une Eglise nombreuse, pour un homme dont
la mort devait être un sujet de joie, puisque
de son vivant il mettait partout la division et
le trouble, et qu'il contraignait les autres à
blasphémer? Car c'est ce qui est dit de saint
Cyrille dans le discours dont le père Garnier
nous a donné un fragment après Mercator.
Le Peni». 5. C'cst eucore des écrits de Mercator qu'il
ogue, p. 40. ^ ^.^^ j^ ^j^^ grande partie de ce qui nous
reste du Pentalogue de Théodoret '. On l'ap-
pelait ainsi parce qu'il était divisé en cinq
livres. Il le composa eu 432, pour réfuter de
nouveau les anathématismes de saint Cyrille.
Il y dit que l'incarnation s'est faite , non par
le changement de la nature divine en la na-
ture humaine , mais par l'union des deux. Il
ne peut soutfrir qu'à cause des souffrances et
des combats de la nature humaine l'on dise
que Dieu a combattu et souffert. Il reconnaît
toutefois qu'il n'y a qu'un Fils, et que nous
ne devons pas diviser l'adoration que nous
rendons à Jésus-Christ. Il explique de son
Lac II, ô2. humanité ce qu'on lit dans, saint Luc , que
Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce
devant Dieu et devant les hommes. Pour
marquer les actions qu'il faisait comme Dieu
et homme tout ensemble, il se sert du terme
Théandrique, et prouve contre les apollinaristes
que le Verbe, en se faisant chair, a pris aussi
une âme raisonnable, la fin de son incarna-
tion ayant été de l'acheter l'homme tout en-
tier, parce que par le péché l'homme entier
avait été réduit sous l'esclavage du démon.
Il se servait, pour le prouver, de l'autorité de
saint Grégoire de Nazianze, dont il rapportait
un assez long passage tiré de son apologie
pour sa fuite.
Leiires de 6. Le pèrc Garnier a mis aussi dans son re-
coBia"»"»'.'"' cueil plusieurs lettres de Théodoret, dont la
plupart avaient déjà été données. Il y en a une
à Jean d'Antioche , qui sert de préface à Fé-
crit de Théodoret contre les anathématismes
de saint Cyrille; une qui était circulaire pour
les monastères d'Orient , dans laquelle il
reprenait avecvivacité les erreurs qu'il croyait
apercevoir dans ces anathématismes; une à
Nestorius, citée dans le cinquième concile
général; une à André de Samosate, écrite
d'Ephèse avant la députation des Orientaux
à l'empereur ; une à Alexandre d'Hiéi'aple,
où il lui rapportait ce qui s'était passé pen-
dant le temps que les députés des Orientaux
avaient été en Chalcédoine. « Nous n'avons
omis, lui disait-il, ni honnêteté, ni fermeté,
ni prières pour exciter le prince et le consis-
toire à ne pas négliger la foi que l'on veut
corrompre ; mais jusqu'ici nous n'avons rien
gagné. » Il marquait à Alexandre que toutes
les fois qu'ils avaient fait mention de Nesto-
rius, soit devant ce prince, soit devant son
consistoire, on l'avait pris à injure; à quoi il
ajoutait : « Le pis est que l'empereur en aie
plus d'aversion, et nous a dit : Que personne
ne m'en parle , son affaire est réglée. Nous
travaillons à nous tirer d'ici et à vous tirer
de là, car nous n'avons rien de bon à espé-
rer d'ici. Tous sont gagnés par argent et sou-
tiennent qu'il n'y a qu'une nature dé la divi-
nité et de l'humanité. Le peuple, grâce à
Dieu , est en hon état et vient à nous conti-
nuellement; mais tout le clergé avec les
moines nous persécute fortement , en sorte
qu'il y eut un combat en revenant du Rufi-
nien, la première fois que nous eûmes au-
dience du prince ; plusieurs furent blessés,
tant des laïques qui étaient avec nous que de
ces faux moines. L'empereur ayant su que le
peuple s'assemblait avec nous, m'a dit : «J'ai
appris que vous tenez des assemblées irré-
gulières.» Je lui ai répondu : « Est-il juste que
ces hérétiques excommuniés fassent les fonc-
tions ecclésiastiques, et que nous, qui com-
battons pour la foi, n'entrions point dans l'é-
glise? » Il m'a dit : « Que voulez-vous que je
fasse? )) J'ai répondu : « Ce que fit le comte
Jean quand il vint à Ephèse. Voyant qu'ils
célébraient les assemblées, et non pas nous,
il les empêcha en disant : Jusqu'à ce que vous
ayez fait la paix, je ne permettrai ni aux uns
ni aux autres de les célébrer. Vous deviez
ordonner de même à l'évêque de cette ville
de ne laisser tenir les assemblées ni à eux ni
à nous , jusqu'à ce nous fussions d'accord. »
L'empereur m'a répondu : « Je ne puis com-
mander aux évêques. » J'ai dit : « Ne nous
commandez donc rien non plus. Nous pren-
1 Galland a publié quelques autres fragments de
cet ouvrage^ mais en latin seulement, tom. IX, pag.
418-22; ils sont tous dans Schulze, tom. V, pag. Hb-
132. {L'éditeur.)
[V^ SIÈCLE. J
CHAPITRE IV,
THÉODORET, ÉVEQUE DE CYR.
103
drons une église, et nous célébrerons l'assem-
blée; vous verrez qu'il y a bien plus de peu-
ple avec nous qu'avec eux. » J'ai ajouté :
« Dans nos assemblées, iln'y a ni lecture des
saintes EcriUires ni oblations, mais seulement
des prières pour la foi et pour votre Majesté,
et des cours de piété. » 11 l'a approuvé et ne
nous en a point empêché jusqu'ici. Nos as-
semblées croissent toujours; mais nous som-
mes tous les jours en péril et en crainte,
voyant la violence des moines et des clercs,
et la facilité des grands. »
La lettre suivante est adressée à Rufus de
ïhessalonique. Elle porte dans l'inscription
les noms de Jean, d'Himérius et de ïhéodo-
ret, qui, avec les autres Orientaux, voulaient
attirer cet évêque dans leur parti, en le pré-
venant contre le concile d'Epbèse. Il n'y avait
point assisté en personne , mais Flavien de
Philippes s'était donné la qualité de son sub-
délégué à Ephèse. Julien de Sardique, qui
était du côté des Orientaux, avait aussi reçu
une lettre de Rufus, qui lui recommandait la
défense de la foi de Nicée et de ne pas souf-
frir qu'on introduisît aucune nouveauté. Dans
la crainte donc que Flavien et Julien ne fis-
sent à Rufus une relation différente de la leur,
Jean, Tbéodoret et les autres députés des
Orientaux lui écrivirent pour lui marquer que
Julien avait suivi ses amis en défendant, au-
tant qu'il était en lui , la foi de Nicée; mais
que beaucoup d'autres l'avaient abandonnée
et avaient souscrit aux anatbéniatismes de Cy-
rille, remplis des erreurs d'Apollinaire, d'A-
rius et d'Eunomius. « Pour nous, ajoutaient-
ils, et beaucoup d'autres avec nous, de dif-
férents diocèses, nous avons combattu forte-
ment pour le maintien de la foi établie par
les pères de Nicée. Nous avons même déposé
Cyrille et Memnon, celui-là comme hérésiar-
que, celui-îi comme fauteur d'hérésie. A l'é-
gard des autres qui ont souscrit à leurs er-
]-eurs, nous les avons excommuniés légère-
ment jusqu'à ce qu'ils aient anatliématisé
cette doctrine et retourné à la foi de Nicée.
Mais la douceur dont nous avons usé envers
eux n'a servi de rien ; ils ont continué à sou-
tenir ces dogmes hérétiques , et par là ils se
sont rendus eux-mêmes sujets à la peine por-
tée par les canons, nommément par le qua-
trième d'Antioche, qui ordonne qu'un prêtre
ou diacre qui , déposé par son évêque , con-
tinuera à faire les fonctions de son ministère
sans que sou affaire ait été jugée dans un
concile, ne sera plus admis à se justifier. Or,
Cyrille et Memnon, sachant fort bien que nous
les avions déposés et excommuniés, ont célé-
bré les saints mystères aussitôt après la sen-
tence que nous avons portée contre eux, et
ils continuent à les célébrer. » Us s'excusent
d'avoir été si longtemps à lui donner avis de
toutes ces choses; puis, passant aux douze
anathématismes de Cyrille, ils entreprennent
de montrer que ce père y enseigne la confu-
sion des deux natures et que la divinité a vé-
ritablement souffert. Ils justiflent au contraire
leur foi en disant qu'ils n'en ont point d'au-
tre que celle des pères de Nicée et de plu-
sieurs autres qui se sont depuis rendus illus-
tres dans l'Eglise par leur doctrine, savoir :
Eustathe d'Antioche, Basile de Césarce, Gré-
goire de Nazianze, Jean de Gonstantinople,
Athanase et Théophile d'Alexandrie, Damase
de Rome, et Ambroise de Milan; que c'est la
foi de l'Orient, de la Bithynie et de plusieurs
provinces d'Asie; enfin qu'ils ont assuré que
les Italiens ne souffriront pas les nouveautés
que l'on veut introduire : « car, ajoutent-ils,
le très-saint évêque de Milan, Martinien, nous
a écrit, et il a envoyé au très-pieux empe-
reur le livre de saint Ambroise sit?^ l'Incarna,
tion, qui contient une doctrine toute contraire
à celle des douze anathématismes de Cyrille.»
On croit que la lettre de Martinien était adres-
sée au concile d'Ephèse en général, mais que,
contre son intention, elle tomba entre les
mains des Orientaux schismatiques. Ils se
plaignent encore de ce que Cyrille et Mem-
non avaient violé les canons en communiquant
avec des personnes excommuniées et en ré-
tablissant des disciples de Pelage et de Céles-
tius, comme aussi des euchites ou enthou-
siastes excommuniés par leurs évoques ou
métropolitains, à cause de leur mauvaise doc-
trine. Ils prient donc Rufus de ne point rece-
voir à sa communion Cyrille et ceux de son
parti, et de ne pas même recevoir leur lettre.
Ils joignirent à celle-ci un exemplaire de la
profession de foi qu'ils avaient présentée à
l'empereur, dans laquelle ils s'attachaient à
la foi de Nicée et condamnaient les anathé-
matismes de Cyrille comme hérétiques. Nous
n'avons plus ni la lettre de Rufus à Julien, ni
celle de Julien au concile d'Ephèse.
7. Saint Cyrille, informé que quelques-uns
lui attribuaient les erreurs d'Apollinaire, d'A-
rius ou d'Eunomius, s'en justifia dans une
lettre à Acace de Bérée , où il s'explique en
ces termes : « J'anathématise Apollinaire et
tous les autres hérétiques. Je confesse que le
Autres let-
tres lie Théo-
doTH, pag. 93
et sQiv.
104
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
corps de Jésus-Chi-ist est animé d'une âme
raisonnable; qu'il ne s'est point fait de con-
fusion; que le Verbe divin est immuable et
impassible selon sa nature; mais je soutiens
que le Christ et le Seigneur, Fils unique de
Dieu, est le même qui a souffert en sa cbair.
Quant aux douze articles, ils ne regardent que
les dogmes de Nestorius, et lorsque la paix
sera rendue aux Eglises et que nous pour-
rons écrire librement et fraternellement, il
me sera facile de contenter tout le monde sur
ces articles. » Acace de Bérée envoya cette
lettre à Théodoret, qui, la trouvant conforme
à la doctrine des pères, en approuva la doc-
trine. Il se réjouit de ce changement et en
loua Dieu comme en étant l'auteur, car il était
persuadé que jusqu'alors la doctrine de saint
Cyrille n'avait point été orthodoxe; mais il
ne fut pas content de ce que cet évêque n'a-
bandonnait point ses anathématismes, et il
refusa de souscrire à la déposition de Nesto-
rius, disant qu'il n'avait pas été son juge, et
que sa doctrine n'avait été condamnée que
sur de faux extraits de ses œuvres. Il déclara
toutefois que si on l'y obligeait , il était prêt
à anathématiser quiconque dit que Jésus-
Christ est un pur homme, ou qu'il n'est pas
Dieu, et ceux qui le divisent en deux Fils;
mais non en général la doctrine d'un homme
que les uns entendaient d'une manière et les
autres d'une façon toute différente. Ses let-
tres à Jean d'Antioche, à Nestorius, à André
de Samosate, sont des preuves de sa fermeté
à cet égard. Il en écrivit une à ceux de Cons-
tantinople qui étaient encore attachés à Nes-
torius, pour les consoler des peines qu'on
leurfaisait souffrir àl'occasion de leur schisme.
Il marque, dans cette lettre, que l'Egypte
était enfin revenue aux vérités qu'elle avait
condamnées dans Nestorius, et se plaint de
ce qu'on ne veut pas néanmoins réparer le
tort qu'on hii avait fait, Le père Garnier dit
qu'elle était adressée à un moine de Constan-
tinople nommé André; mais il vaut mieux
s'en tenir à Mercator, qui marque qu'elle s'a-
dressait en général à ceux qui soutenaient
dans cette ville le parti de Nestorius. La let-
tre de Théodoret à Himérius de Nicomédie
est une réponse à celle qu'il en avait reçue.
Il lui dit qu'il avait lu souvent et avec exac-
titude la lettre de Cyrille à Acace, qu'il en
avait trouvé la doctrine conforme à celle de
l'Eglise, mais qu'il n'en était pas de même de
celle des douze anathématismes qu'il conti-
nuait à combattre. Il lui mandait en même
temps le résultat du concile de sa province,
c'est-à-dire de l'Euphratésienne , et ajoutait
que si l'on condamnait la doctrine de Nesto-
rius, il était résolu de rompre la communion
avec ceux qui le feraient. Nous verrons dans
la suite qu'il la condamna lui-même, en ayant
compris le sens.
8. A la suite de ces lettres^, on en trouve
une sous le nom de Théodoret, adressée à
Jean, évêque d'Antioche. L'inscription porte
qu'elle fut écrite après la mort de saint Cy-
rille. C'est une pièce dont les pensées ont
paru si basses, si l'idicules et si impertinen-
tes aux plus habiles critiques, qu'ils n'ont
pas conçu comment on avait osé l'attribuer
à un esprit aussi grave et aussi solide qu'é-
tait celui de Théodoret; aussi l'ont-ils reje-
tée comme supposée et du nombre de celles
que ses ennemis avaient forgées pour le faire
condamner dans le cinquième concile géné-
ral, où cette lettre fut produite : on ne la
connaissait pas auparavant, puisqu'elle ne
lui fut point objectée dans le concile de
Chalcédoine, où il avait des ennemis passion-
nés. Mercator, l'un de ses plus déclarés ad-
versaires, ne la connaissait pas non plus,
puisqu'il n'en dit pas un mot, lui qui avait
ramassé avec soin tout ce qui était contre
Théodoret. L'inscription même de la lettre
en fait voir la supposition; elle est adressée
à Jean d'Antioche, mort plusieurs années
avant saint Cyrille. Comment donc Théodo-
ret pouvait-il dire, comme on lit dans cette
lettre, qu'il se réjouissait avec Jean de la
mort de Cyrille? Le Père Garnier ne voyant
pas moyen de répondre à cette difEcullé, a,
au lieu de Jean, mis Domnus dans l'intitula-
tion de la lettre. Mais sur quelle autorité
l'a-t-il fait? Quel manuscrit a-t-il allégué?
On a laissé le nom de Jean dans toutes les
éditions des Conciles, même dans celles du
Père Labbe et du Père Hardouin, qui l'ont re-
jetée l'un et l'autre comme supposée. Pour-
quoi en ôter le nom de Jean pour y mettre
celui de Domnus? On convient que Théodo-
ret a souvent maltraité saint Cyrille , jusqu'à
l'accuser de blasphémer, de corrompre la foi
orthodoxe, de renouveler l'impiété des an-
ciennes hérésies; mais cette censure ne regar-
dait que les douze anathématismes, blâmés
aussi par Acace de Bérée , qui néanmoins
approuvait la doctrine et le zèle de saint Cy-
rille. Il y trouvait, comme Théodoret, quel-
que chose de l'hérésie d'Apollinaire. Saint
Cyrille s'engagea, dans sa lettre à cet évè-
sèment attti
buée ù Tljéo
durât, p.
L u p 11
epist. 17, p;
51,
fV^ SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THEODORET, ÉVEQUE DE CYR.
103
que, de donner, après la paix, des éclaircis-
sements sur ces douze articles, qui conten-
teraient tout le monde, et il en donna en
effet dans la réplique qu'il fit à Théodoret;
il en donna encore dans sa lettre à Jean
d'P ntioche, pour lever tous les scrupules des
Orientaux. Il trouvait donc lui-même quel-
qu'obscurité dans les expressions dont il s'é-
tait servi, soit dans ces douze articles, soit
dans d'autres écrits; mais Théodoret n'en
voyant point dans la lettre de ce Père à
Acace de Bérée, il en approuva aussitôt la
doctrine, rentra dans la communion de saint
Cyrille, et fit tous ses efforts pour y faire
rentrer Alexandre d'Hiéraple. Quelle appa-
rence que Théodoret, après avoir donné des
marques si publiques de sa réconciliation
avec saint Cyrille, eût témoigné sa joie de
la mort d'un homme qui, depuis sa réunion
avec les Orientaux, leur avait donné sujet
de se louer de sa modération et de son
amour pour la paix? Il n'y en a pas plus de
croire que Théodoret, qui savait que saint
Cyrille avait dit dans sa lettre à Acace que
le Verbe divin est immuable et impassible
selon sa nature, l'eût accusé, comme on fait
dans cette lettre, d'attribuer la mort à la na-
ture immortelle. Il avait même pris le parti
de saint Cyrille contre ceux qui l'accusaient
d'être dans l'erreur à cet égard. Il faut ajou-
ter que l'auteur de cette lettre n'était pas au
fait de ce qui regardait saint Cyrille : car,
après avoir avancé cette maxime, que Dieu
laisse d'ordinaire les méchants jouir long-
temps des biens de ce monde, il dit qu'il n'a
pas même 'voulu accorder cela à Cyrille.
Est-ce ainsi qu'aurait parlé Théodoret, qui
ne pouvait ignorer que saint Cyrille avait été
évêque d'Alexandrie pendant environ trente-
deux ans, et qu'il était mort dans un âge
avancé, c'est-à-dire après plus de soixante-
dix ans de vie, comme en conviennent ceux
qui attribuent cette lettre à Théodoret? Il
faut donc la regarder comme l'ouvrage d'un
imposteur, plus hardi à inventer des calom-
nies qu'habile à les rendre croyables.
9. Mais ce qui fait voir nettement que
Théodoret a été bien éloigné de parler mal
de saint Cyrille après sa mort, et de le taxer
de misérable et de méchant, c'est que dans
sa lettre à Dioscore, écrite plusieurs années
depuis, il l'appelle un homme d'heureuse
mémoire ', se faisant gloire de l'union qu'il
avait eue avec lui, de lui avoir écrit des let-
tres, et d'en avoir reçu. Il y proteste encore
que sa croyance sur l'incarnation était telle
qu'il l'avait apprise, non-seulement des divi-
nes Ecritures, mais encore des saints Pères,
nommément de Théophile et de Cyrille, qu'il
qualifie bienheureux ^. Il ajoute qu'il s'était
servi de leur autorité contre ceux qui ne
voulaient pas reconnaître la différence des
deux natures. Pouvait -il mieux marquer
son respect et sa vénération pour saint Cy-
rille? Cette lettre à Dioscore, successeur de
cet évêque, est de l'an 447, environ trois
ans après la mort de saint Cyrille. Nous en
avons donné le précis ailleurs, de même que
decelle à Abandius, évêque de Côme,run des
légats de saint Léon à Constantinople. C'est
par cette lettre que le Père Garnier finit le
recueil de celles qu'il nous a données de
Théodoret.
10. Il lui attribue les sept dialogues sur la ,
Trinité, que l'on a imprimés plusieurs fois ^^""^^"■■J''
parmi les œuvres de saint Athanase, et que ^"■
l'on convient aujourd'hui n'être pas de lui.
Voici ses raisons : 1° Théodoret marque dans
sa lettre quatre-vingt-deuxième à Eusèbe,
qu'il avait écrit il y avait longtemps contre
les ariens , les macédoniens et les apolli-
naristes. Or, ce sont les mêmes hérétiques
que l'on combat dans ces dialogues. 2° La
doctrine en est conforme à celle de Théodo-
ret, et on y trouve quantité d'expressions
toutes semblables aux siennes. 3° L'auteur
de ces dialogues a écrit depuis le concile gé-
néral de Constantinople en 381 , et avant ce-
lui d'Ephèse en 431 . Théodoret dit en termes
exprès dans la même lettre à Eusèbe, qu'il
avait écrit contre les ariens, les macédoniens
et les apoliinaristes avant ce dernier con-
cile. 4° Ces dialogues ont été écrits lorsque
ces hérésies étaient en vigueur, et on n'y
voit rien contre celles des nestoriens et des
eutychéens. Rien ne convient mieux au
1 Beatœ porro memoriœ Cyrillum sœpe ad nos lit-
teras dédisse perspectiim est opinor, sancfitaii tuœ...
et beatœ memoriœ Cyrillo scripsimus ; et ille ad nos
rescripsit, diligentiamque ac benevolentiam nostram
commendavii ; quœ Hiterœ apv.d ?ws sermnlur. Théo-
doret., Epist. ad Diosc, tom. V, pag. 105.
•2 Hœc enim et a divina Scriptura didicimus, et a
Patribus qui hanc interpretati sunt, Alexandre et
Âthanasio clarissimis prœconibus veritatis... quod vero
beatorum quoque Theophili et Cyrilli scripiis utamur,
atque hi? etiam adversantiuni audaciam retundanms,
libri ipsi testantur. Eos enim qui dominicœ carnis ac
deilatis differentiam 7ieyant, admirandorum Pairum
istorum medicamentis curare nitamur. Ibid., pag. 104.
106
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
temps dans lequel Théodoret dit avoir écrit
contre les ariens, les macédoniens et les
apollinarisles, c'est-à-dire, avant le concile
d'Ephèse en 43i. §° On voit dans ces dialo-
gues le même ordre qne Théodoret avait
gardé en réfutant les héréliques qui y sont
combattus : premièrement, les ariens; en
second lieu, les macédoniens , puis les apol-
linaristes; mais ces raisons ne sont point
convaincantes. On avoue que Théodoret a
combattu les ariens, les macédoniens et les
apoUinaristes, mais il ne dit pas qu'il ait
. écrit contre les anoméens : c'est toutei:ois
contre eux que sont écrits les deux premiers
dialogues; d'ailleurs, a-t-il été le seul dans
le cinquième siècle qui ait attaqué ces trois
hérésies ? Saint Athanase n'a-t-il pas écrit
contre les erreurs des ariens et d'Apollinaire?
saint Basile, contre Eunomius et Aétius? saint
Grégoire de Nysse, contre Apollinaire et con-
tre Eunomius? Si ces dialogues sont de Théo-
doret, pourquoi n'y trouve-t-on point sou
écrit contre les marcionites \ qui était une
suite de ceux qu'il avait faits contre les
ariens, les macédoniens et les apoUinaristes?
On dira qu'il est perdu. Ne peut-on pas en
dire autant des autres? Cela est d'autant plus
vraisemblable, que ces sept dialogues ne lui
sont attribués dans aucun manuscrit, et qu'ils
ne sont cités sous son nom par aucun ancien
écrivain ecclésiastique. Il y a des manuscrits
où ils portent le nom de saint Athanase ,
d'autres celui de saint Maxime, et quelques-
uns où ils sont sans nom d'auteur. Celui de
Théodoret ne parait nulle part. On avoue
encore que ces dialogues ont été écrits de-
puis le concile de Constantinople, en 381.
Cela se voit par le troisième dialogue où il
est parlé des additions qu'on fit en ce con-
cile au symbole de Nicée; on avouera aussi
qu'ils ont été composés avant le concile d'E-
phèse. Qu'en résultera-t-il? Que Théodoret
en est aviteur. La conséquence n'est pas
juste; celle qu'on tire de la conformité de la
doctrine et de quelques expressions, le serait
davantage, si l'on ne savait qu'il est assez
ordinaire que deux personnes qui écrivent
sur la même matière, se rencontrent en
beaucoup de choses. Pour ce qui est de l'or-
dre dans lequel ces dialogues sont composés,
on n'en peut rien conclure pour les attribuer
à Théodoret. II marque de suite qu'il avait
écrit contre les ariens, les macédoniens et
les apoUinaristes. Ce n'est pas là l'ordre des
sept dialogues. Les deux premiers sont con- Ton., m
tre les Anoméens, le troisième contre les Ma- pog. iii edu'.
cédoniens, le quatrième et le cinquième contre ,',«'. =' p=s-
les Apollina?'àtes, les deux suivants contre les
Macédoniens. Il est vrai que dans l'édition du
Père Garnier, les trois dialogues contre les
Macédoniens sont de suite, et qu'il en fait les
troisième, quatrième et cinquième dialogues.
Sa vue, en cela, a été sans doule d'en tirer Lib.vHiE-
Il .-1 T niï retic. Fabul.
une nouvelle preuve qu ns sont de Théo- Mp-m-
doret, qui dit en effet dans son cinquième
livre des Fables des Hérétiques, qu'il avait
composé trois livres contre les Macédoniens ;
mais il est vrai aussi qu'on ne trouve aucun
manuscrit où les deux derniers dialogues
contre ces hérétiques soient joints au pre-
mier; il paraît même que le second n'est
qu'un fragment d'un plus long ouvrage; en-
tin, ils ne portent dans aucun manuscrit le
nom de Théodoret. Encore donc qu'on ne
puisse douter que Théodoret n'ait écrit trois
dialogues contre les Macédoniens , on sera
toujours en droit de lui contester ceux dont
il est question.
11. Outre ces dialogues et les autres piè- Lettres de
ont nous venons de parler, le Père Gar- sto.
nieradonné un très-grand nombre de différen-
tes leçons grecques du traité de Théodoret
contre la Religion des gentils, recueillies par
Fui viusUrsinus. lia composé aussi cinq disser-
tations, la première sur la vie de Théodoret,
la seconde sur ses écrits, la troisième sur
sa doctrine, où il cherche surtout à le faire
passer pour nestorien ; la quatrième, sur le
cinquième concile général; la cinquième est
moins une dissertation qu'un recueil de piè-
ces qui regardent l'atïaire des Orientaux
avant et après le concile d'Ephèse. Il avait
déjà été donné par le Père Lupus, sur un
manuscrit du Mont-Cassin. Le Père Garnier
l'a donné plus correct, avec de courtes notes
de sa façon. On y trouve plusieurs lettres de
Théodoret à André de Samosate, à Alexandre
de Hiéraple, au peuple de Constantinoplej à
Hellade de Tarse , à Himérius de Nicomé-
die, à Jean d'Antioche; à Théosébie, évêque
de Ciq en Bithynie; à Nestorius, à Méièce de
Néocésarée, au maître de la milice, aux im-
pératrices Puîchérie et Marine; à Dorothée,
métropolitain de Mésie : comme nous avons
1 Per gratiam Dei adversus arianos et macedo-
nianos et Apotlinaris prœstigias rabiemque Marcionis
libros otim composui. Théodoret., Epist. 82 ad Eu-
sebium.
[yo SIÈCLE.] CHAPITRE IV. — THÉODORET , ÉVÊQUE DE CYR
eu occasion d'en parler, soit en faisant l'his-
toire du concile d'Ephèse, soit dans l'article
de saint Cyrille, de Jean d'Antioche et des
autres évêques à qui ces lettres furent adres-
sées, soit dans la vie de Théodoret, il nous
parait inutile d'en donner ici le précis.
107
§ XIII.
Des ouvrages de Théodoret qui sont perdus, et
de ceux qu'on lui a attribués.
■• 1. Théodoret, dans sa lettre quatre-vingt-
■ deuxième à Eusèbe, et dans le chapitre xviii»
du livre Y" des Fables des Hérétiques, parle
d'un ouvrage mystique qui était divisé en
douze livres. Nous ne l'avons plus, et il n'en
est fait aucune mention dans Photius ni dans
Nicéphore; on sait seulement qu'il y traitait
du baptême. C'est peut-être le même ou-
vrage dont Théodoret parle au chapitre ii du
même livre, et qu'il dit avoir fait contre les
ariens. II est le seul aussi qui nous apprenne
qu'il avait composé un Traité de théologie, ou
de la divine Incarnation : c'est dans sa lettre
cent treizième au pape saint Léon. Dans la
lettre cent seizième au prêtre René, dans
la cent quarante -cinquième aux moines
de Constantinople, et dans la quatre-vingt-
deuxième à Eusèbe, il cite l'ouvrage qu'il
avait fait contre l'hérésie de Marcion. Il en
avait eu sujet par le grand nombre de mar-
cionites qu'il trouva dans le diocèse de Cyr,
lorsqu'il en fut fait évêque. Cet ouvrage n'est
pas venu jusqu'à nous, non plus que celui
qu'il écrivit contre les Juifs, et dont il fait
mention dans les trois lettres que nous ve-
nons de citer. Il leur faisait voir que Jésus-
Christ est celui que les prophètes ont prédit.
Entre quelques ouvrages de Théodoret tra-
duits en syriaque, Hébed-Jésu, évêque d'O-
rient, qui fit le voyage de Rome sous Ju-
les III, marque un livre contre Origène, et
un autre sur la manière de bien vivre. Nous
n'avons aucune connaissance du premier.
Quelques-uns croient que le second peut
s'entendre de ses discours sur la Providence;
mais ils n'en donnent point de preuves. Ses
réponses aux mages des Perses sont perdues.
Il en parle dans ses lettres à saint Léon et
1 Gennad. de Yir. illustr., cap. lxxxix.
2 Théodoret., Epist. 16, pag. 910.
3 On en trouve des fragments dans Mansi, tom. TX
Collect. Concil, pag. 252-54. {L'éditeur.)
'■ Tom. V Concil., pag. 474 et 475; ibid., pag. 473
et 474. — 5 Théodoret., in I ad Corintli., pag. 155.
à Eusèbe, et dans le cinquième livre de son
Histoire ecclésiastique. Théodoret y traitait
des sacrifices de l'ancienne loi, et y expli-
quait les fables de la théologie des mages.
2. Nous n'avons rien des écrits contre Eu-
tychès et contre Dioscore; on ne peut néan-
moins douter, après le témoignage de Gen-
nade, que Théodoret n'ait composé quelque
ouvrage contre eux. Il parait même qu'il
était divisé en plusieurs livres. Gennade ' dit
qu'ils étaient pleins de force, et que Théodo-
ret y faisait voir par la raison et par l'auto-
rité des divines Ecritures, que Jésus-Christ
avait aussi véritablement une nature et une
chair consubstantielle à sa mère, par la nais-
sance qu'il avait reçue de la sainte Vierge;
qu'il avait véritablement la nature divine par
la naissance éternelle qu'il avait reçue de
Dieu son Père. Théodoret ^ avait encore
composé une apologie de Théodore de Mop-
sueste et de Diodore de Tarse, où il entre-
prenait de montrer la fausseté des crimes
qu'on leur reprochait. II y répondait à tous
les passages que saint Cyrille citait des Pè-
res contre Théodoret. Nous n'avons plus
cette apologie ^. Le cinquième concile * rap-
porte un endroit de l'épitre seizième, à Iré-
née, où Théodoret en parlait; mais on en
a ôté le nom de Diodore, sans que l'on sa-
che pourquoi. On trouve dans le même con-
cile quelques fragments de cette apologie,
qui nous apprennent que Théodoret réfutait
nommément saint Cyrille; et en rapportant
les propres termes de son écrit , dans le dis-
cours ^ sur la Virginité, Théodoret exhortait
tous ceux qui veulent être heureux, à cher-
cher ce trésor, et il y représentait fort au
long les peines et les embarras du mariage.
Ce discours est perdu : il ne nous reste que
quelques fragments de son Pentaloge, et rien
du tout de deux de ses discours, dont l'un
était sur les causes du schisme, et l'autre
sur le dogme. 11 en avait fait un ^ contre les
eunomiens et les ariens, où il traitait avec
beaucoup d'étendue de ce que dit saint Paul ,
que le Fils sera soumis à celui qui lui a soumis
toutes choses, pour montrer que ces héréti-
ques n'en pouvaient tirer aucun avantage.
II n'est pas venu jusqu'à nous '. Nicéphore
^ Lib. V Hœret. Fab., pag. 254, et in lad Corintk.,
pag. 201.
' Il a été publié par Mansi en grec et en latin,
tom. V, col. 1039-46, pag. 15; dans Galland, tom. IX,
pag. 412-15; dans Schulze, tom. IV, pag. 1307-13.
Théodoret y expose parfaitement sa foi sur l'incar-
108
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dit qu'il avait lu plus de cinq cents lettres de
Théodoret ', toutes fort bien éci'ites. Nous
n'en avons que cent quarante-sept en grec,
dans le corps de ses ouvrages, avec environ
quarante eu lalin dans le Synodique du Père
Lupus, que le Père Garnier et M. Baluze ont
fait réimprimer. On doit regretter la perte
des autres, qui répandraient sans nul doute
beaucoup de lumière, soit sur l'histoire de
l^Eglise, soit sur celle de Théodoret. Nous
mettrons aussi parmi les ouvrages perdus,
les trois livres de Théodoret contre les Macé-
doniens, et ceux qu'il avait faits contre les
ariens, les eunomiens ^^ les marcionites et
les païens. Photius n'en dit rien ; ce qui mar-
que ou qu'il ne les avait pas vus, ou qu'ils
n'existaient plus de son temps. M. Baluze '
nous a donné deux passages latins sur la
Trinité, attiibués l'un et l'autre à Théodoret
dans deux manuscrits. Il paraît que M. Co-
telier * les croyait véritables, puisqu'il en a
corrigé quelques endroits.
Ouvr-iges 3. Nous avons déjà remarqué ailleurs que
°Thé°joret.° l'ou attribuait à Théodoret les cent quarante-
Clll.iiu' six Questions imprimées parmi les oeuvres de
saint Justin, soit à cause de la conformité du
style, soit par rapport à certaines expres-
sions dont Théodoret s'est servi dans ses
Questions sur l'Optateuque. Quelques-uns l'ont
fait aussi l'auteur d'un dialogue sur les Mani-
chéens, qui se trouve dans le recueil des ou-
vrages de saint Jean Damasccne. On cite un
manuscrit qui lui attribue un autre dialogue
sur la Vie solitaire; mais il y a plus d'appa-
rence qu'il est de saint Maxime, sous le nom
duquel il est cité ^ par Photius. Il y a dans
la bibliothèque du roi ^ une collection de ca-
nons inscrite du nom de Théodoret. Elle ren-
ferme ceux de Nicée, d'Ancyre, de Néocésa-
rée, de Sardique, de Constantinople, d'E-
phèse et de Ghalcédoiue, avec ceux de saint
Basile, et les quatre-vingt-cinq attribués aux
Apôtres. Dans celle de Vienne en Autriche,
on trouve un autre manuscrit d'un ouvrage
intitulé : Introduction des institutions mysti-
ques sur toute l'Ecriture. Sixte de Sienne '
dit que c'est une explication mystique et
spirituelle de tous les mots de la Bible : elle
porte le nom de Théodoret; mais on croit
que ce n'est qu'un simple recueil de ce qu'il
en a dit par occasion en divers endroits de
ses écrits. Le Père Garnier * avait promis de
nous donner un commentaire mystique de
Théodoret sur les Cantiques. On ne le trouve
point dans le supplément qu'il a donné aux
ouvrages de cet auteur. Les Orientaux ^ ont,
à leur usage, une liturgie qu'ils disent être
de Théodoret; on n'en trouve rien dans le
recueil de M. Renaudot.
ARTICLE III.
DOCTRINE DE THÉODORET.
1. Les livres historiques de la Bible ne surPEcri-
sont pas moins l'ouvrage de l'Esprit saint, '"""°"=-
que les livres prophétiques, le propre de la
prophétie *" n'étant pas seulement de prédire
l'avenir, mais aussi de raconter les choses
présentes et passées : ainsi le divin Moïse
nous a rapporté tout ce que le Dieu de l'u-
nivers avait fait dès le commencement, ins-
truit de ces choses moins par les hommes
que par la grâce du Saint-Esprit. C'est par
le même organe que David a parlé dans les
Psaumes des merveilles que Dieu avait faites
pour son peuple, et de celles qu'il ferait dans
la suite. Il y en a qui disent *' que tous les
Psaumes ne sont pas de ce saint roi : « c'est
nation du Fils de Dieu ; il la confirme par l'Ecriture,
par le consentement des Pères, et il la défend contre
Nestorius et Eutychès. [L'éditeur.)
' Nicephor., lib. XIV, cap. Liv.
2 Gallaudjdansletom.lXdesaBié^w</2è(7Me,pag.416-
417, a donné quelques fragments du livre de la Tri-
ntié, contre Sabellius et contre Arius. (L'éditeur.)
3 Baluze, tom. IV Miscel., pag. 1 et 8.
^ Cotel., tom. m, pag. 560 et 561.
5 Photius, Cod. 193, pag. 505.
8 Marca, de Concord., lib. VII, cap. vm, pag. 327,
1 Sixt., lib. IV Biblioth., pag. 382.
s Garn., tom. V, pag. 255; ibid., pag. 258.
3 Bona, lib. I Liturg., cap. ix, pag. 64.
•" Sciendum est igitur prophetiœ proprium esse, non
solnm futura prœdicere, verum etiam et pncsentia et
prœteriia narrare ; quandoquidem divinus Muses ,
quœcumque a prima origine a Deo universorum con-
diia sunt, et ah eo ut essent acceperunf, manifesiissime
nobis aperuit, non ab hominibus hanc docirinam, sed
a gratia Spiritus Sancti edoctus... Sic etiam divinus
David, qui primiis post liunc propheiiam conscripsit,
et beneficioruni a Deo universorum Jam olim collato-
rum meminit, et longis post sœculis futura prœnions-
trat. Théodoret., prsefat. in Psalrn., tom. I, pag. 395.
" Psalmos autem non omnes ipsius David quidam
esse dixerunt, sed quosdam aliorum... Ego autem de
his sane nihil affirma. Quid enim mea refert, sive
hujus omnes, sive illorum aliqui sint, cum, constet
divini Spiritus afflatu universos esse conscriptos?
Etiam non ignoramus et divinum Davidem prophetam
fuisse, et illos itidem prophetas in Paralipomenon
hisloria nuncupari. Prophetœ autem est linguam prœ-
bere ministram gratiœ Sancti Spiritus, ut legitur in
Psalmis : Lingua mea calamus scribse velociter scri-
benlis. Théodoret., preef. in Psalm., pag. 395.
[V= SIÈCLE.]
CHAriTRE IV. — THÉODORET, ÉVEQUE DE CYR.
i09
sur quoi, dit Théodoret, je n'assure rien.
Que m'importe qu'ils soient tous de lui, ou
que d'autres en aient fait quelques-uns,
puisqu'il est constant qu'ils ont tous été
écrits par l'inspiration du Saint-Esprit. Nous
savons que David a été prophète , et que
ceux dont il est parlé dans le livre des Para-
lipomènes l'ont été aussi : or, le propre des
prophètes est que leur langue soit l'organe
du Saint-Esprit, selon qu'il est écrit dans les
Psaumes : Ma langue est comme la plume
d'un habile écrivain. » Ce Père ' dit ailleurs,
et en général, que David a écrit les Psaumes
par l'opération du Saint-Esprit, et que les
titres mêmes en sont inspirés. 11 y avait des
personnes qui pensaient différemment de
ces inscriptions, et qui les regardaient ^
comme fausses. Théodoret soutient que c'est
une grande témérité de penser ainsi de ces
titres que l'on voyait à la tête des Psaumes
dès le règne de Ptolémée Philadelphe, sous
l'empire duquel les Septante interprètes les
traduisirent d'hébreu en grec, de même que
le reste des saintes Ecritures. Cent cinquante
ans avant cette version, Esdras, rempli de la
grâce du ciel, décrivit les Livres saints, qui
depuis longtemps avaient été corromi)us et
gâtés, tant par la négligence des Juifs que
par l'impiété des Babyloniens. Que si Esdras,
inspiré de Dieu, a renouvelé la mémoire
des saintes Ecritures, sans doute les Sep-
tante n'ont pu, sans un pareil secours, se
rencontrer si bien dans la traduction qu'ils
ont faite de ces mêmes livres avec les ins-
criptions des Psaumes. « N'y a-t-il donc pas
de la témérité de les regarder comme faus-
ses, et de préférer sur ce point ses propres
lumières à celles du Saint-Esprit? Il est d'ail-
leurs évident que les anciens interprètes
avaient trouvé les litres des Psaumes dans
l'hébreu, puisque, lorsqu'il ^ en manquait à
un psaume, ils avaient soin d'en avertir.
C'est ce qu'ils font à la tête du premier
psaume, auquel ils n'ont point osé en don-
ner de leur autorité, pour ne pas mêler des
pensées humaines aux paroles du Saint-Es-
prit. »
Théodoret * reconnaît Moïse pour auteur
du Pentateuque, et prétend ^ que ce saint lé-
gislateur est plus ancien que tous les histo-
riens, les poètes et les philosophes païens.
Il n'attribue ^ à Salomon que les Pi'overbes,
l'Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques.
L'auteur des livres des Rois ne lui paraît pas
contemporain ; il croit ' qu'il avait composé
son histoire sur des livres ou des mémoires
dressés longtemps auparavant par les pro-
phètes qui avaient coutume d'écrire ce qui
se passait de leur temps. 11 est persuadé *
que Jonas a fait d'autres prophéties que celles
qui portent son nom. On n'y voit point, en
effet, ce qui est marqué dans le quatrième
' Sacros quidem psalmos divinus suscepfa Saneti
Spirilus operatione conscripsit. Théodoret-, prsefat.
in Epist. S. Pauli.
2 Quoniam etiain inscripliones Psulmontm quidam
. falsas esse dixerunt : inihi quidem iemerHas'Mdetur
inveriere inscripliones quœ jam olim Piolemœi, qui
post Alexandrum in jEgypto regnavit, temporibus cir-
cumferehaniur, quasque sepiuaginta omnes soiiores in
grœcam linguam iranstulere, sicut re/iquam omnem
sacram Scripturam. Annis autem ante interpréta tionem
istam ce.ntum et quinquaginta, mirabilis Esdras cœ-
/estis gratis plenus, sacros libros descripsif, qui par-
tiin per Judœorum incuriam, partim vero per impie-
tatem Babyloniorum, dudum fuerant dépravait. Quod
si et hic a Spirita Sancto afflatus horum voluminum
memoriam renovavit, et Hli non sine divino afflata
eadem in grœcum sermonem consensione maxima con-
verterimf, atque inler cœtera inscriptiones interpretati
sunt ; rem equidem nimiœ temeritatis, et confidentiœ
plenam arbitror, falsas illas affirmare, et cogiiationes
nostras Saneti Spiritus efficieniia sapieniiores ducere.
Idem, prsefat. in Psalm., pag. 396.
3 Hinc facile est cognoscere quod antiquitus, cum
apud Hehrœos inscriptiones invenissent, qui divinas
Scripluras interpretati sunt, eas in linguam grœcam
transtulerunt. Hune enim psalmum et'' eum qui pro-
xime sequitur sine, inscriptiohe nacti, sine inscriptione
reliquerunt, non audentes a seipsis aliquid adjungere
verbis Spiritus Saneti. Théodoret., prsefat. in Psalm.,
pag. 398.
' Quoniam divina freti gratta interpretati sumus
libros Moisis legislatoris. Théodoret., prsefat. in lib.
Reg., pag. 229.
^ An nescitis Mosen Judœorum legislatorem vestris
omnibus historicis^ poetis ,philosophis esse antiquiorem?
Idem, serm. 2 de Principio, pag. 93.
8 Beatus vir Esdras resiituit, nec solum Moisis li-
bros, sed et sexdecim prophetas et sapientis Salomonis
tum Proverbia, tum Ecclesiaslica, tum Cantica Can-
tieorum. Idem, ioterpret. in Cantica Canticorum,
pag. 985.
' Plurimi fuerunt prophetœ, quorum libros quidem
non invenimus, nomina aiitem 'didicimus ex historia
Paralipomenon, horum unusquisque consueraf scribere
quœcumque contitigebat fieri suo iempore. Théodoret.,
tom. I prœt. in lib. Regum, pag. 230.
' Beatus Jonas etiam alias edidit prophetias, quœ
hoc libro non continerdur, eas autem ex quarto fie-
go'rum agnovimus. Scriptura enim de Hieroboam ;
qui tertius ab Jehii progenitas, decem tribubus rex
imperavit, docet quœ sequuntur : Ipse restitnit ter-
minos Israël ab EmatU usque ad mare, quod coegit
ad occidentem, juxta sermonem Domiai Dei Israël,
quem locutus est per servum suum Jonam filium
Amathi prophetœ, qui erat de Getophra. Théodoret.,
tom. H comm. in Jonam, pag. 798, ■i99.
iio
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
livre des Rois : Que Jéroboam rétablit les li-
mites d'Israël, depuis l'entrée d'Emath jusqu'à
la mer du désert, selon la parole que le Seigneur
avait prononcée par son serviteur Jonas, fils
d'Amathi, prophète. 'J'iiéodoret ' remarque sur
cela que Jouas ne voulut point enlremêler
cet événement et autres semblables, avec ce
qui regardait Ninive. Il cite le premier ^, le
second ^ et le troisième * livre des Macha-
hées,les histoires de Suzanne^ et de Daniel''
dans la fosse aux lions, de même que l'hym-
ne ' des trois jeunes hommes dans la four-
naise de Babylone. « Ils opposèrent, dit-il,
un chant tout divin ^ et une céleste sympho-
nie à la musique et aux sons profanes des
instruments qui retentissaient autour de la
statue d'or, faisant voir, tant par leur chant
que par l'état même où ils se trouvaient,
combien il était plus avantageux de ne point
adorer l'image d'un homme mortel. Les ex-
pressions dont ils se servent dans leurs can-
tiques, sont les paroles d'un cœur qui est
embrasé d'amour et qui ne peut exprimer
l'ardeur de ses sentiments. Blessés heureu-
sement dans cet amour tout divin, ils cher-
chent des noms qui soient propres pour ex-
primer la grandeur et la majesté de celui
qu!ils louent. N'en trouvant point, ils s'effor-
cent de la relever au moins en disant qu'il
est au-dessus de tonte louange et de toute
gloire. » Théodoret ^ cite l'histoire de l'ange
qui apparut à Jésus-Christ pour le conforter
dans son agonie, et ce qui est dit de la sueur
de sang qu'il souffrit en ce moment. Il re-
marque que les nazaréens *° se servaient de
l'Evangile apocryphe de saint Pierre; que les
gaïanistes " ou caïanistes en avaient supposé
un sous le nom de Judas Iscariote ; que les
sévériens '^ rejetaient les Epîtres de saint
Paul et les Actes des Apôtres ; que les qnar-
todécimans *^ avaient à leur usage de faux
Actes des Apôtres et quelques autres pièces
apocryphes. Il fait un reproche aux ariens **
de ce qu'ils l'ejetaient l'épitre aux Hébreux,
contre l'autorité de l'Eglise, qui la recevait
comme de saint Paul, et contre le témoi-
gnage d'Eusèbe, qu'ils regardaient comme
le défenseur de leurs dogmes. Ils la reje-
taient, parce que la divinité de Jésus-Christ
y est solidement établie. Ce Père soutient '^
que la langue syrienne ou chaldaïque est la
première de toutes les langues ; que l'ivresse
de Noé '^ était également une preuve qu'il
ignorait la force du vin, et qu'il vivait sobre-
ment; que l'on voyait '''encore de son temps
des restes de la tour de Babel, et que ceux
qui l'avaient vu et qui en avaient arraché
quelque morceau, assuraient qu'elle' était de
briques liées ensemble avec du bitume ou du
ciment; que Jacobine mentit point quand il
se donna pour Esaii, puisqu'ayant acheté le
droit d'aînesse de son frère, il parlait vrai en
disant qu'il était le fils aîné; que Job tirait '^
son origine d'Esaii; que Mo'ise^" avait appris
les noms de Jannès et Jambrès, fameux ma-
giciens de Pharaon, par la tradition des Juifs,
ou plutôt par la révélation du Saint-Esprit;
et que les prophètes ^' sont antérieurs aux
philosophes païens de plus de quinze cents
ans. 11 prétend '-que tout l'univers s'aperçut
de la rétrogradation du soleil, arrivée à Thor-
loge d'Achaz, et que c'est ce qui attira des
ambassadeurs du roi de Babylone, pour s'in-
former de la cause de cette merveille.
2. Il dit ^3 que Manassès, prince impie et
cruel, ne répandit pas seulement le sang in-
sulte des
re m arq u es
s nr l'Ecri-
lure.
' Theodoret., Quœst. 4b in IV Èeg., pag. 351, tom. t.
s Idem, in Daniel., pag. 682, tom. II.
3 Idem, ibid , pag. 689. — '' Idem, ibid., pag. 678.
979.
. 1028.
S83, 584.
608, et lib. y Hœreiic.
« Idem, Hpist. 110, pag
6 Idem, Episl. 145, pas
' Idem, in Daniel., pag.
8 Idem, ibid., pag. 484.
8 Idem, in Psalm. Liv, pag
Fabul., cap. xni, pag. 284.
10 Idem, lib. II Hœreiic. Fabul., pag. 219.
" Lib. I Hœretic. Fabul., pag. 206.
»2 Ibid., lib. I, pag. 208. — »' Ibid., lib. III, pag. 228.
"> Idem, prœfat in Epis t. ad Bœbr., pag. 393.
^'•' Idem, Quœst. 60 in Gènes., pag. 47.
16 Quœsi. 36 in Gènes., pag. 44.
" Idem, Quœst. 60, pag. 47.
18 Emerat privilégia primogenilurce. Vere igitur seip-
sum appellabat primogenitum. Theodoret., Quœst. 81,
pag. 50.
15 Theodoret., Quœst. 93 in Gènes., pag. 65.
2" Idem, in Epist. 2 ad Timoih., pag. SOI.
-1 Prophetarum vero nomino, gui mille quingentis
amplius annis philosophas illos antecesserunf, in are
habent et circumferunt. Idem, serm. 5 de Naiur. Ito-
minis, pag. 544, tom. l'y.
22 Solis autem miraculum pervasit iiniversum orbem
terrœ. Omnibus enim fuit cognitum solem retrocessisse.
Quamobrem rex Babyloniorum, cum et interitum ros-
civisset, et quœ in sole admirabiliier facta erant didi-
cisset, misil et legatos et dona ad regem Judcsorum.
Idem, Quœst. 52 in IV Reg., pag. 357.
2'' Non enim solum in furorem acttts est idolorum,
sed etiam innoxium sanguinem effadit Manasses plu-
rimum, donec implevit Jérusalem os ad os. Ens autem
prœcipue de medio tollebat gui pieiatem defendebanii
et divinam iram ei prœdicebant. Cum, aiu?it, Esainm
quoque prophetam serra lignea usum dissecuisse. Id.,
Quœst. 54 in IV Reg., pag. 358.
CHAPITRE IV. — THEODOREï, EVEQUE DE CYR.
[V SIECLE.]
noceiit, mais qu'il fit surtout mourir ceux qui
combattaient pour la piété, ou qui le mena-
çaient de la colère de Dieu ; que le prophète
Isaïe fut de ce nombre, aj-ant été scié en
deux avec une scie de bois. Il parle de Beth-
léem ' comme d'une ville peu considérable,
et remarque que Jésus-Christ vint au monde
dans une caverne, et que les mages qui vin-
rent l'adorer ^étaient persans. Selonlui, saint
Paul était de la tribu ^ de Benjamin. Les au-
tres Apôtres tiraient leur origine des tribus
de Zabulon et de Nephtali. Il applique * à cet
apôtre la prophétie de Jacob touchant Ben-
jamin, disant que saint Paul comme un loup
ravissant, après avoir ravagé d'abord l'Eglise
de Jésus-Christ, a distribué ensuite la nour-
riture spirituelle au monde. Il n'avait'' point
reçu de sa famille le nom de Paul : ce ne fut
qu'après sa vocation qu'il eut ce nom, comme
Simon fut honoré de celui de Pierre. La
femme dont il parle '' dans l'épitre aux Phi-
lippiens n'était pas la sienne. Il est probable
qu'il ne fut jamais marié. Dans son ravisse-
ment jusqu'au troisième ciel, il vit la beauté
du paradis ^ et les troupes des anges; il en-
tendit leurs cantiques à la gloire du Créa-
teur ; mais lui seul a su ce qui s'était passé
dans cette rencontre. On croit qu'il combattit
réellement à Ephèse contre les bêtes, mais
lit
qu'il fut ^ miraculeusement délivré de ce
danger contre toutes les apparences humai-
nes, et qu'il est allé prêclier ^ en Espagne.
L'empereur Néron *" le fit mourir avec saint
Pierre, qui fut crucifié "la tète en bas comme
il l'avait demandé lui-même aux exécuteurs,
de peur qu'on n'eût cru qu'il affectait la
gloire de Jésus-Christ, s'il eût été crucifié
comme lui. Théodoret '^ parle des corps de
ces deux apôtres comme étant encore à
Rome de son temps. Il croit que Judas '^ a
été engagé dans le mariage, et qu'il a fait
des miracles par le pouvoir qu'il en avait
reçu de son maître ; que saint André '* a porté
les lumières de l'Evangile dans la Grèce, et
saint Philippe '^dans les deux Phrygies; que
ce saint apôtre et saint Jean l'Evangéliste
apparurent '^ au grand Théodose, presque
vaincu par le tyran Eugène, et lui promirent
la victoire qu'il remporta en effet le lende-
main par un miracle visible. Pour enlever
tout doute à cette vision, ces Apôtres appa-
rurent la même nuit à un soldat, à qui ils
dirent la même chose qu'à Théodose. Théo-
doret croit encore " que saint Thomas et les
autres apôtres touchèrent et manièrent les
plaies du Sauveur. Il dit que l'on voyait'^ de
son temps la maison de saint Philémon à
Colosses.
' Sed speluncam et prœsepe "t pauperculam Virgi-
nem, et ienui fascia obvoluium infantulum illo in prœ-
sepi reclinaium , et oppidum in quo hœc gesia sunt,
pusillum et ignohile. Idem, Se.r>n. 8, pag. 593.
2 Hist. relig., cap. VIII, pag. 812.
3 Porro Beajamin adolescentior, est beatus Paulus,
qui ex tribu Benjamin ortus est... Ex his nomque iri-
bubus cœleri Apostoli originem duxerunt.'ïh.&oAwai, ,
in Psalm., pag. 659.
' Sciendum est autem nonnullos hanc prophetiam
dii'ino Pnulo optasse. Qui instar lupi vaslabat Eccle-
siam, ingrediens domos : postea vero spiritalem cibum
orbi tradidit. Idem, in Gènes., pag. 77.
^ Ac primum quideyn seipsum Paulum vocat, non a
parentibus appellationem liane ab initia adeptus, sed
post vocationem ea dignatus, sicut Simon Petrus vo-
calus est. Idem, in Epist. ad Rom., pag. 9.
6 Idem, m Epist. ad Philipp., pag. 338 et 339, et in
Epist. 1 ad Corinth. , pag. 149.
■' Quidam autem dicimt verba esse res. Vidisse enim
ipsum Paradisi pulchritudinem, et snnctorum quœ in
illo sunt choreas, et niodulatissimam hymnorum can-
tus vocem. Sed horum certitudinem is nouit, qui ea
contemplatus est. Idem, in Epist. 2 ad Corinth., pag.
236.
8 Théodoret., in I Epist. ad Corinth., cap. xv,
vers. 32, pag. 203.
8 Idem, in Epist. ad TU., pag. 506.
'" Peirum namque et Paulum interfici Jussit {Nero).
Idem, serm. 9 de Leg., pag. 611, tom. IV.
u Cumque a Nerone crucis supplicio propter cruci-
fixum damnatus esset, lictores orubat ne eodem quo
Dominus modo crucifigereiur, sed contra atque iile
suspenderetur : metiiens videlicet, ne similitudo pas-
sionis œqualem sibi apud ignaros honorent afferret.
Propterea tnanus deorsum, pedes sursum affîgi roga-
vit. Idem, orat. de Charit., pag. 689, tom. IV.
12 Habet prœterea communium patrum magistrorum-
que veritatis Pétri et Pauli sepulcra, fidelium animas
illuminantia. Idem, Epist. 113, pag. 985.
•3 Maximorumque rniraculorum non modo speclator
ipse fuit, verum etiam operator, cum ab ip.m potesfo'
fem excepisset. Théodoret., in Psalm. cvni, pag. 843.
1* Sic divinus Andrceas Grœciam divinœ cognitionis
radiis illustravil. Idem, in Psalm., pag. 871.
1^ Sic divinissimus Philippus idrorumque Phrygum
errorem redarguit. Ibid.
'5 Humi ergo prostratus videre sibi visus est duos
viros candida veste amiclos,et equis albis vestitos, qui
ipsum bono animo esse, timorem abjicere, et prima
luce arma capere, copiasque ad pugnam instruere ju-
berent auxiliatores se missos esse ac defensores, quO'
rum aller se Joannem Evangelistam aiebat esse, aller
Philippum... hoc idem miles quidam cum vidisset,
ceniurioni suo indicavit. Idem, lib. V Hist. eccles.,
cap. XXIV, pag. 739, tom. III.
" Idem, lib. V Hœret. Fahul., cap. v, pag. 287.
)8 Erat autem ex ciuitate Colossis : guin etiam do-
mus ejus mansit usque in hodiernam diem. Idem
prsef. in Epist. ad Phil., pag. 516.
di2
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
suricsv.T- 3. 11 cite ' en divers endroits le texte lié-
''^"ure.' '" brcn, le syriaque, les versions de Symma-
que^, d'Aquila, de Tbéodotion^ et les Hexa-
ples d'Origène. Il dit* qne toute la terre était
pleine de la doctrine prophétique et aposto-
lique, parce que les livres Lébreux avaient
été non-seulement traduits en grec, mais aussi
en la langue des Romains, des Egyptiens,
des Indiens, des Arméniens, des Scythes,
des Sarmates, et en toutes les autres langues
usitées alors parmi toutes les nations.
scriiief- 4. En expliquant = ces paroles du prophète
illre'sai'nf"'' Isaïe ". Puisoiis des eaux avec joie des fontaines
isaïe XII, 3. ^^^ Sauveuf . il enseigne que ce sont les Ecri-
tures divines que les prophètes appellent les
fontaines du Sauveur, parce que c'est là que
puisent avec joie ceux qui ont une foi sincère.
C'est pourquoi, ayant à consoler une dame qui
avait perdu son mari, il l'assure qu'elle trou-
vera sa consolation dans la lecture de l'Ecri-
ture sainte, qui, dès l'enfance, « nous est, dit-
il *, comme une mamelle sacrée à laquelle
nous devons être attachés, en la lisant et en
la méditant, afin que, s'il survient quelque
maladie à notre âme, nous y trouvions un
remède salutaire par les saintes instructions
de l'Ecriture. » On voit '' par l'Histoire de
l'Eglise que les sœurs de l'empereur Théo-
dose-le-Jeune, qui avaient consacré à Dieu
leur virginité, faisaient de la méditation des
livres saints leurs plus grandes et plus agréa-
bles délices. « Les Juifs * ne permettaient la
lecture du Cantique des Cantiques qu'à ceux
qui avaient atteint l'âge de l'homme parfait,
et qui, étant capables de pénétrer les choses
cachées, pouvaient entendre d'une manière
spirituelle ce qui est écrit dans ce hvre. Il
est donc besoin d'une prière ^ très-fervente
avant d'en commencer la lecture, afin que
nos yeux deviennent purs comme des co-
lombes, pour n'avoir, en lisant ce Cantique
sacré que des vues toutes spirituelles; pour
nous élever tout d'un coup au-dessus du
voile de la lettre , et pour découvrir les
grands mystères qui y sont cachés. Car il ne
nous est pas possible de comprendre le vrai
sens des divines Ecritures, en particulier du
Cantique des Cantiques, si celui-là même qui
a inspiré les écrivains sacrés, n'éclaire nos
yeux p;ir les rayons de sa grâce, et ne nous
découvre les sens divins renfermés dans les
Livres saints. »
5. Suivant la doctrine '" de l'Ecriture et surhTri-
des Pères assemblés à Nicée, il n'y a qu'une ""°'
substance de Dieu le Père, de son Fils uni-
que, et du très-saint Esprit. La substance et
l'hypostase diffèrent *' l'une de l'autre comme
le commun diffère du propre, le genre de
l'espèce et de l'individu. De même donc *^ que
le nom d'homme est commun à toute la na-
1 Idem, interpret. in Jeremiam^ cap. ssxi, pag. 226,
tom. II; in Psalm. XLj pag. 553, et in Psalm. LXVli,
pag. 6bl, tom. I.
2 Interp. Psalm. Lxsm, pag. 694 et 695.
3 In Psalm. xxVj pag. 493^ et in Psalm. xxvill, pag.
soo.
* Universa enim quœ sub sole est terra, his sermonibus
repleia est. Et hebraica lingua, non in Grœcorum modo
linguam versa est, sed etiam Romanorum., et JEgyp-
tiormn, Persarumque et Indorum, et Armeniorum, et
Scytharum ac Sarmatarum, atrjiie, ut semel dicam, in
linguas omnes in guihus ad hanc diem nationes utun-
tur. Idem, serm. 5 de Natura hominis, pag. 555,
tom. IV.
''> Et haurite aquam cum Isetitia de fontibus Salu-
taris. Fontes Satuturis divinas vocat Scripturas, ex
quibus liauriunt cum lœtitia qui sincère crediderunt.
Tlieod., in Isaiam, cap. xil, pag. 58, tom. II.
s Vt tristitiœ dolorem cogitatione vincas, divino-
rumque eloquiorum carmen aniniœ in fempore admo-
ceas. Hujus enim rei gratta statim a cunabulis velut
mamillam quamdum sacraruni Scripturarum medi-
tutionem haurimus : ut cum morbus 9ios invaserit sa-
luiare pharmacum spiritus disciplinam adhibeamus.
Idem, Epist. 14, pag. 906, tom. III.
' Habet vero divince laudalionis socias sororcs, quœ
et perpetuam virginilatem colunt, et divinorum elo-
quiorum meditationem summas delicias ducunt. Idem,
lib. V Hist. eccles., cap. x.iixvi, pag. 749, tom, III.
8 Hujus libri lectionem adoleseentibus, atque cetaie
adhuc imperfectis, prorsus interdicunt. Solis aufem
viris perfectis qui reeondita et arcana percipere va-
leant, et spiritaliter intelligere quœ scripta sunt, le-
gendum prœbent. Idem, prsef. in Cantica Canticorum,
pag. 995, tom. I.
3 Orandum est nobis, diligenter et studiose oran-
dum est, ut oculi nostri columbœ fiant; quibus spiri-
taliter inluentes, et litterœ vélum transvolantes, mys-
ieria reeondita dilucide inlerpretemur. Neque enim
aliter fieri poiest, ut divinœ Scripturœ, imprimisque
Cantici Canticorum intelligentiam consequamur, nisi
ipse, qui scriptoribus il lis largitus est spiritum,gratiœ
radiis oculos nostros illustret, et sensum reconditum
aperiat. Idem, ibid., pag. 1045.
"* Quoniam igitur hœc ita fieri oportere censuimus,
responde, o amice, Dei Patris, et unigeniti Filii, et
sanctissimi Spiritus, num unam substantiam dicimus,
sicul a divina Scriptura vetere et nova, et a Patribus
Niceœ congregatis edocti sumus, an Arii blasphemiam
sequimur ? Theodoret., Dialog. 1, pag. 4.
^^ At secundum Patrum doctrinam, sicut differunt
commune et proprium, vel genus et species : ac indi'
viduum, ita differunt substantia et hyposlasis. Idem,
ibid., pag. 5.
>2 Sicut ergo nomen homo commune est toii kuic na-
turœ , ita divinœ suhstaniiœ nomen sanctam Trinila-
tem significare accepimus ; hypostasim vero pcrsonam
aliquam designare, vel Patris, nempe vel Filii vel
CHAPITRE IV. — THEODORET, EVÊQUE DE CYR. 113
mêmes. L'incarnation du Fils unique de Dieu
[V= SIÈCLE, j
ture humaine, ainsi le nom de substance
marque la sainte Trinité ; au lieu que celui
d'hypostase marque la personne du Père, ou
du Fils, ou du Saint-Esprit : en sorte que hy-
poslase et personne sont une même chose.
Tout ce que l'on dit de la nature divine est
commun au Père, au Fils et au Saint-Esprit;
comme le nom de Dieu, de Seigneur, de
Créateur, de Tout-Puissant. Mais tout ce qui
marque l'hypostase ou la personne, n'est, pas
commun à la Trinité. Par exemple, le nom
de Père, de non engendré, est propre au
Père ; celui de Fils unique, de Verbe, ne
convient ni au Père, ni au Saint-Esprit, mais
seulement au Fils. Le nom de Saint-Esprit et
de Paraclet marque la personne du Saint-
Esprit. Quand l'Ecriture appelle esprit le
Père et le Fils, c'est pour signifier que la na-
ture divine est incorporelle, et qu'elle ne
peut être circonscrite; mais elle ne donne le
nom de Saint-Esprit qu'à la troisième per-
sonne. Nous croyons ' donc en un Père, en
un Fils et en un Saint-Esprit. Nous confes-
sons une divinité, une domination, une es-
sence et trois liypostases qui sont - unies
sans confusion et qui subsistent par elles-
n'a point augmenté le nombre ^ de la Trinité;
elle est demeurée Trinité, même après l'in-
cai'nation. Il n'y a * qu'un seul principe de
toutes choses, savoir : Dieu, le Père de noti'c
Seigneur Jésus-Christ. Ce Dieu n'est point
engendré : il est immortel, éternel, mfîni. Il
n'est ni borné, ni circonscrit, ni composé. Il
est incorporel, invisible, simple, bon et juste.
C'est une lumière intelligente et une puis-
sance sans bornes. Le Fils est engendré = du
Père avant tous les siècles, consubstantiel ^
au Père, semblable et égal ' au Père en tou-
tes choses. Le Saint-Esprit ^ reçoit son exis-
tence du Père. Il n'est ni créé ni engendré ^ ,
mais il est Dieu . Ces trois personnes ne font
qu'un seul et même Dieu qui a créé le ciel
et la terre '", et tout ce qu'ils contiennent.
L'Eglise a reçu des Apôtres la pratique où
elle est encore aujourd'hui de glorifier le
Père, le Fils et le Saint-Esprit. Mais Arius,
qui trouvait " dans cette doxologie la con-
damnation de ses erreurs, la changea parmi
ceux de sa secte, et leur fit chanter gloire
au Père par le Fils dans le Saint-Esprit.
Théodoret ne veut pas que l'on dise que le
Spiriius Sancti. Nam hyposiasim, et personam, et
proprietatem, idem signifieare dicimus, sanctorum
Pairum doctrinam sequentes. Quœcumque ergo de na-
tura divina sequuntur , communia sunt Palris, et Filii,
et Spiritus Simcti, ut Deus, Dominus, Conditor^ Omni-
poiens, et quœ his similia. Quœ autem hypostases seu
personas désignant, ea sanctœ Trinitati communia non
sunt, sed illius sunt personœ, cujus sunt propria. Ut
nomen Pater, et ingenitus, propria sunt Patris : nomen
quoque Filius et unigeniiiis, nt Deus Verbum. non Pa-
irem significanf, nec Spiritum Sanctum, sed Filium.
Spiritus vero Sanctus, et Paracletus, Spiritus perso-
nam désignant. Spiritum vocavit {sacra Scriptura) et
Palrem et Filium, ut significet divinam naiuram esse
incorpoream , et circumscribi non passe ; Spiritum au-
tem Sanctum solam Spiritus personamappellat. Idem,
iljid., pag. 6.
1 Credimus enim in unum Pairem, in unum Filium,
in unum Spiritum Sanctum; et confitemur unam divi-
nitatem, unam dominationem, unam essenliam, très
lujpostases. Idem, Epist. 145, pag. 1029.
2 At in sancta Trinitute ires intelligimus liyposiases,
casque sine confusione unitas, et per se subsistentes.
Idem, quœst. 20 in Gènes., pag. 19.
3 Vnigeniti namque incarnatio Trinilatis 7mmerum
non auxit, sed Trinitas etiam. post incarnationem man-
sit quœ Trinilas erat. Idem, Epist. I(i2, pag. 1016, et
Epist. 145, pag. 1029.
* Unum esse universorum principium , et vêtus et
nova docet Scriptura, Deum universorum, et Pcdrem
Domini noslri Jesu Christi, ingenitum, ab interitu li-
berum, œiernum, infiniium, incircumscriptum, inter-
minatum, incompositum, incorporeum, invisibilem,
simplicem, bonum,justum, lucem intelligentem, poien-
X,
tiam quœ nulla mensura cognoscitur, sed sola divina
voluntate mensuratur. Idem, lib. V Hœret. Fabul., pag.
250, tom. IV.
' Quemadmodum uufem in unum Deum credere di-
dicimus, sic etiam et in unum Filium ante sœcula ge-
nitum. Théodoret., lib. V Hœret. Fabul., pag. 1S3,
tom. IV.
^ Consubstantialem Deo et Patri filium confiteri, et
a divina Scriptura, et a Sanctis Patribus Niceœ con-
gregaiis didicimus. Idem, Demonstr. per syilog.,
pag. 183.
■^ Quod autem et viribus par sit genitori, et in om-
nibus similis et œqualis, ex Domini doctrina sciri fa-
cile potest. Idem, lib. V Hœret. Fabul., pag. 256.
8 Spiritum ergo Sanctum ex Deo et Pâtre existentiam
habere didicimus, exùtentiœ autem modus, nec crea-
turœ est similis, increatus est enim Spiritus Sanctus.
Idem, ibid., pag. 257.
3 Gratia enim divini Spiritus locuta est per Pro-
phetas ci Âpostolos. Deus est ergo Sanctus Spiritus, si
quidem vere,juxta divinum Apostolum, a Deo est ins-
piraia Scriptura spiritus. Idem, in Epist. ad Timoth.,
pag. 505, et lib. V Hœret. fabul., pag. 259.
1" Sed universorum Deum cum Vnigenilo, et sanctis-
simo Spiritu omnia condidisse, et didicimus et doce-
mus. Verbo enim Domini cœli firmali, et spiritu oris
ejus omnes virtutes eorum. Idem, lib. V Hœret. Fabul.,
pag. 260 et 261.
" Idem gloriœ decantandœ legibus relictis, quas
tradiderant qui ab initio spectutores et fninislri verbi
fuerant, aliam formam inlroduxit, glorificare quos
deceperat docens Patrem per Filium in Sancto Spiritu.
Idem, lib. IV Hreret., Fabul., pag. 232 et 233.
8
M4
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Saint-Esprit a son existence du Fils ou par
le Fils '.
siirrincar- 6. Parmi les hérétiques des premiers siè-
nation. Et- ^ '-
roors sur ce cles, il v en avait plusieurs, comme Simon^^,
Basilide, Valentin, Bardesane, Marcion et Mâ-
nes, qui ne donnaient à notre Seigneur Jé-
sus-Christ que la qualité de Dieu, ne le
croyant homme qu'en apparence. Les ariens
et les eunomiens disaient quels Verbe n'a pris
qu'un corps auquel lui-même tient lieu d'âme.
Apolhnaire admettait une âme dans ce
corps, mais il ne voulait pas qu'elle fût rai-
sonnable. Au contraire , Faustin , Marcel
d'Ancyre et Paul de Samosate soutenaient
que Jésus-Christ était un pur homme. La
première nouveauté que Nestorius s'efforça
d'introdaire, fut que la sainte Vierge ne
doit ^ pas être appelée Mère de Dieu, mais
Mère du Christ. Théodoret remarque qu'en
cela il était opposé aux plus anciens prédi-
cateurs de la foi orthodoxe, qui ont toujours
enseigné, selon la tradition des Apôtres, que
l'on doit appeler Marie, Mère de Dieu, et
croire qu'elle l'est en effet. Le nom de Christ,
disait Nestorius, renferme l'idée de deux na-
tures. Celui de Dieu ne renferme au con-
traire que l'idée de la nature divine, comme
le nom d'homme ne renferme que l'idée de
la nature humaine. C'est pour cela, ajoutait
cet hérésiarque, qu'il faut confesser que la
Vierge est Mère du Christ, et non pas Mère
de Dieu, de peur que nous ne nous engagions
à dire, sans y penser, que le Verbe divin a
tiré son origine de Ig, sainte Vierge , et que
pour parler conséquemment nous ne soyons
obligés de reconnaître qu'elle est plus an-
cienne que le Verbe même. Dans la crainte
qu'on ne lui reprochât d'accuser faussement
Nestorius, Théodoret rapporte les propres pa-
roles que cet hérétique prononça dansl'assem-
blée des fidèles, où il dit : « Marie n'a point
mis au monde un Dieu : elle n'y a mis qu'un
homme, qui était l'organe de la divinité, n
Et encore : « Il n'appartient qu'aux païens
de donner des mères aux dieux. » Eutychès
enseignait avec Valentin * que le Verbe n'a-
vait rien pris de la sainte Vierge, n'ayant fait
que passer par elle, et qu'il s'était lui-même
fait chair; en sorte que c'était la divinité qui
avait souffert la croix et la mort, qui avait
été ensevelie, et qui était ressuscitée.
7. Théodoret, qui rapporte toutes ces er-
reurs sur l'Incarnation, a été accusé lui-même f^ussém.
. , altribuées
d avou' donne dans celles de Nestorms, en Théodorei
admettant comme lui deux personnes en Jé-
sus-Christ. On cite à cet effet un extrait du
' Proprhim auiem Spiritum Filii, siquidem ut ejus-
dem cum eo natures, et ex Paire procedenfem dixit,
simul confitebimitr, et tanquam piam suscipiemus vo-
cem ; si vero tanquam ex Filio, aut per Filium exis-
tentiam hubeat, hoc ut blasphemum et impium reji-
ciemus. Credimus enim Domino dicenti : Spiritus qui
ex Pâtre prooedit. Sed et sacratissimo Paulo dicenti
similiter : Nos autem non spiritum mundi accepi-
muSj sed spiritum qui ex Deo Pâtre est. Théodoret.,
in Reprehens. 9 anaihematismi S. Cyrilli, pag. 718,
tom. IV.
2 Hœc et alia hujusmodi e divina Scripiura ampu-
tantes Simon, et Basilides, et Valentinus, et Barde-
sanes, et Marcion, et qui ab insania nomen habet Mâ-
nes, Deum tantummodo uppellant Christum Dominum,
qui humant habeat nihil, sed phantasia et specie ve/ut
homo apparuerit hominihus. Qui vero Arium seclantur
et Eimomium, Deum Verbum aiunt carnem duniaxat
assumpsisse, animœque vices ipsummet in corpore sup-
plevisse, Apollinaris aulem animaium quidem corpus
dominicum vocat, sed mentem peractœ salutis exoriem
facit... Est porro et alterum agmen hœreticorum his
contraria profitentium. Phoiinus enim et Marcellus et
Paulus Samosatenus hominem solum esse aiunt Do-
minum nostrum ac Deum. Idem, Epist. 104, pag. 975
et 976, tom. III.
3 Primus autem initœ novitatis gradus fuit, non
oportere sanctam Virginem, quœ Dei Verbum peperit,
quod ex ea carnem suscepit, Deiparam confiteri, sed
Christiparam duntaxat , cum tamen antiquissimi or-
thodoxes fidei prœdicatores, juxta traditionem apos-
tolicam, Deiparam docuerint nominare et credere
Domini miitrem. Age nunc vero blasphemum artifi-
cium, et observationem nulli antea cognitam in mé-
dium producamus. Christi appellatio, inquit, duas
naturas signifîcat, divinitatem Unigeniti et humani-
tatem : Dei autem vox absolute prolata, simplicem et
incorpoream Dei Verbi substantiam l'cprœsentat : no-
minis vero solam humanam naturam ostendit, prop-
terea Christiparam, inquit, et non Deiparam Virginem
fateri necesse esse, ne imprudentes dicamus Deum
Verbum initium ex sancta Virgine sumpsisse, atque
ita antiquiorem matrem eo qui ex ea natus est, ex
consequenti confiteri cogamur. Ne videar autem ina-
nibus convitiis hœc in illum jactare, illum ipsum suis
verbis tesfem producam. Apostolicorum enim documen-
torum, et sanctorum quorumcumque memoriam ex
cogitatione sua exterminans, in ortltodoxorum Ecclesia
multas istiusmodi voces edidit , non peperit, optimi
viri. Maria Deum, sed hominem peperit divinitatis
instrumentum , et in aliis rursum nugis cutpa vacat
gentilis, qui dits Matrem inducit. Théodoret., lib. IV
Hœret. Fabul., pag. 245 et 246, tom. IV.
* Dicebat enim [Eutychès) Deum Verbum nihil hu-
manum ex Virgine sumpsisse : sed ipsum immutabi-
liier conversum, et carnem factum (ridiculis enim
ejus verbis utor) per Virginem tantummodo trajecisse,
crucique affixam et appensam fuisse incircumscripfam,
interminatam, incomprehensam Unigeniti divinitatem,
eamdemque tumulo mandatam resurrexisse. Idem,
ibid., pag. 246.
\\' SIÈCLE.] CHAPITRE IV.
cinquième livre du Pentaloge , où il est dit ' :
n Lorsque nous distinguons les natures, nous
disons que la nature du Verbe est tout en-
tière en Jésus-Christ, que sa personne y est
aussi entière et parfaite, la personne n'étant
point sans la substance. Nous confessons pa-
reillement que la nature humaine y est en-
tière avec sa personne. Mais lorsque nous
considérons ces deux natures après leur
union, nous disons avec raison qu'il n'y a
qu'une personne. » On ne peut disconvenir
que la seconde partie de celte proposition ne
soit orthodoxe , puisque la foi nous enseigne
qu'après l'union des deux natures, il n'y a
qu'une personne en Jésus-Chi-ist ; ne pour-
rait-on pas même expliquer la première d'une
manière qui ne serait pas répréhensible, en
reconnaissant que ïhéodoret n'y parle que
de la nature humaine considérée en elle-
même, telle qu'elle se trouve généralement
dans tous les hommes, en qui on ne peut en
effet la regarder comme parfaite, qu'on ne
la conçoive avec la personne ? Mais il n'est
pas même certain que cette proposition soit
de Théodoret. Le cinquième concile général
dit qu'elle est ^ de Théodore de Mopsuesle ;
et le pape Pelage II l'attribue ^ à Théodoret.
Qu'elle en soit ou non, il est certain qu'il
s'est pleinement justifié sur l'erreur de Nes-
torius. (! Ceux, dit-il *, qui renouvellent l'hé-
résie de Marcion et des autres docites, irrités
de ce que je les réfuie ouvertement, ont es-
THEODORET, EVEQUE DE CYR. 113'
sayé de surprendre l'empereur en me trai-
tant d'hérétique et m'imposant de diviser
en deux notre Seigneur Jésus-Christ. Je suis
si éloigné de cette détestable opinion, que je
suis fâché d'avoir trouvé quelques-uns des
Pères de Nicée qui, écrivant contre les ariens,
ont poussé trop loin la dislinclion de l'huma-
nité et de la divinité.» 11 proteste ^ qu'il veut
suivre les traces des anciens Pères et con-
server inviolablement le dépôt delà doctrine
évangélique qu'il a reçue d'eux, et il ajoute :
« Comme je crois qu'il n'y a qu'un Dieu Père
et qu'un Saint-Esprit qui procède du Père,
je crois de même qu'il n'y a qu'un seul Sei-
gneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, en-
gendré du Père avant tous les siècles; qu'il
est la splendeur de la gloire et le caractère
de la substance du Père ; qu'il s'est fait
homme pour notre salut ; qu'il est né de la
Vierge Marie, selon la chair. Si quelqu'un ^
ne dit pas qu'elle est Mère de Dieu, ou s'il
dit que notre Seigneur Jésus-Christ est un
pur homme, ou s'il divise en deux le Fils
unique et le premier-né de toute créature,
qu'il soit déchu de l'espérance en Jésus-
Christ, et que tout le peuple réponde : ainsi
soit-il. Ceux qui divisent en deux personnes
le Verbe incarné, devraient ' écouter l'Apô-
tre qui dit : Il y a un Seigneur ; et encore :
Un Seigneur, une foi, un baptême. Ils devraient
aussi écouter Jésus-Christ qui dit : Personne
n'est monté au ciel que celui qui en est descendu,
I Cor. VMl,
Eplies. IV
Joan. ni,
1 Denique cum naturas discemimus, Dei Verbi na-
turam integi-am dicimus, et personam sine dubitatione
perfeclam : nec enim sine persona fas est asseverare
subsiantiam ; perfectam quoque naturam humanam,
cum sua persona, similiier confitemur. Cum vero ad
conjunctionem respicimus , tune demum unam perso-
nam merito !2Mnc«pû)?îi(s. Apiid Gainer., dissert. 3 de
Fide; Théodoret., pag. 463, tom. V.
2 Concil. Gonstautin. II, collât. 4, pag. 80 loin. III
Concil. Hard.
3 Pelag. II, Epist. 5, pag. 437, tom. III Concil.
' Etenim qui Marcionis et Valentini, et Manetis,
aliorumque dociiarum hœresim hac nostra tempestaie
rénovant, œgre ferenies hœresim a me suam aperte
confatari, imperatoris uures circumvenire conati sunt,
hœreticos nos appellantes, et unum Dominum nostrum
Jesum Christum incarnatum Deum Verbum, in duos
filios diuidere calumniantes... Ego vero ab exeeranda
hac sententia tantum absum, ut cum aliquos e sanctis
Patribus, qui apicd Nicceam convenerant, adversus
Arii vesaniam in libris suis disputantes , ob susceptutn
contra illos certamen coactos, nimia usos divisione
animadverlo, œgre feram, et divisionem ejusmodi non
admittam. Théodoret., Epist. 82^ pag. 955 et 950.
^ Sunctorum namque Patrum vestigia sequi cupio et
}pto, et evangeticam docirinam, quam compendio nobis
tradiderunt, qui apud Nicœam convenere sanctissimi
Paires, illibatam studeo conservare. Et sicut unum
esse credo Deum Patrem, et unum Spiritum Sanctum
ex Paire procedentem ; sic et unum Dominum Jesum
Christum, Filium Dei unigenitum, unie omnia sœcula
genitum a Pâtre, splendorem gloriœ, et characterem
paternœ substantiœ, propter hominum salutem incar-
natum et hominem factum,et secundumcarnem natum
ex Maria Virgine. Théodoret., Epist. 83, pag. 958,
tom. III.
" Si quis sanctam Virginem Deiparam non dicit,
aut purum hominem vocat Dominum nostrum Jesum
Christum, vel in duos filios dividif, unum genitum ac
primogenitum omnis créatures, a spe in Christum ex-
cidaf, et dicet omnis populus : Fiat fiât. Idem, ibid.,
pag. 960.
' Qui apud nos lia sentiunt, atque in duas personas
incarnatum Deum Verbum dividunt : quos apostolicam
vocem audire oportet, disertis verbis dicentem : Umis
Dominus Jésus Christus per quem omnia. Et iterum :
Unus Dominus, una fides, unum baptisma. Oportebat
et Dominicœ illos obsequi doctri?iœ, Ipse siquidem
Dominus sic ait : Nemo ascendit in cœlum, nisi qu
descendit de cœlo, Filius hominis qui est in coelo. Et
iterum: Si videritis Filium hominis ascendentem ubi
erat prius. Et sancti quoque baptismatis traditio unum
esse Filium nos docet,sic unum Patrem, et unum Spi-
ritum Sanctum. Idem, Epist. 84, pag. 961.
dl6
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
le Fils de l'homme qui est au ciel. Et ailleurs :
Si vous voyez le Fils de l'homme monter au
ciel où il était auparavant. La tradition du
saint baptême nous enseigne qu'il n'y a qu'un
Fils, comme il n'y a qu'un Père et un Saint-
Esprit. Nous n'adorons * donc qu'un seul Fils
de Dieu, même après l'incarnation, et nous ap-
pelons impies ceux qui pensent autrement. »
Qu'on lise les dialogues de Théodoret contre
les Eutychiens, ses livres des Fables des he-
lvétiques, et surtout ses lettres, on remarquera
que sa doctrine n'a rien de commun avec
celle de Nestorius, ni d'Eutycliès ; que ce
père enseigne que la divinité ^ du Fils unique
de Dieu étant immuable , elle n'a point été
changée en la nature de la chair ; qu'il y a
deux natures en Jésus-Christ^, et que l'Ecri-
ture parle tantôt de lui selon la nature hu-
maine , et tantôt selon la divine. Mais quand
elle le considère comme Dieu , elle ne nie
pas qu'il soit homme; et lorsqu'elle l'appelle
homme, elle confesse en même temps qu'il
est Dieu. Théodoret* reconnaît que ces deux
natures ont été unies en une seule personne ^
sans confusion ni mélange de l'une dans
l'autre. 11 réfute les eutychiens, qui disaient^
que hi nature humaine avait été absorbée
par la divine, comme une goutte de miel
jetée dans la mer est absorbée par la mer;
et que la nature humaine ''■ avait été changée
en la divinité après la résurrection. On re-
proche encore à Théodoret d'avoir rejeté ces
expressions : Dieu a souffert^, Dieu est mort^ ,
quoiqu'on en trouve de semblables dans l'E-
criture et dans l'usage commun de l'Eglise.
Elles sont même fondées sur la maxime
qu'il établit dans un de ses dialogues ; savoir,
que l'union *" des natures rend les noms com-
muns. Mais il est encore aisé de le justifier
sur cet article. S'il rejette " ces expressions,
ce n'est que dans le mauvais sens qu'elles
peuvent avoir, c'est-à-dire en les entendant
de la divinité même ; il ne les combat que
dans le sens que l'on appelle réduplicatif ,
comme qui dirait : Dieu a souffert en tant
que Dieu. Mais il avoue que la personne qui
a soufi'ert était Dieu, quoiqu'elle n'ait point
souffert en tant que Dieu '^, mais en tant
• Nos quippe unum etiam post incarnationem Dei
Filiitm adoramus, et eos qui aliter sapiant, impios
vocamits. Idem, Epist. 104j pag. 976.
2 Et primiis quidem {dialogus) immutabilem esse
imigeniti Filii divinitaiem contendot. Idem, praetat. m
Dialog., pag. 3^ tom. IV. Si non carne assumpia caro
factus dicitur, duorum alterum ajfirmari necesse est
vel ipsmn in carnem mutatum esse, vel opinione tanlmn
ialem visum esse, rêvera autem carnis expertem esse
Deum. Idem, ibid., pag. 7. Si ergo una est Trinitatis
subsiantia,et heec immutabilis est , immuiabilis utique
est nnigenitus Fitius, qui una est Trinitatis persona.
Quûd si immutabilis est, non immutatus videlieet caro
factus est, sed carne assumpta, caro factus dicitur.
Idem, in Demonstrat. per sxjllog., pag. 176.
^ Sciendum est ergo duas esse Christi Domini natu-
ras : et quod aliquando quidem Scriptura eum ab hu-
mana nalura nominat, aliquando a divina, sive enim
Deum dixerii, non negat humanitatem ; sive hominem
nominaverit, una confiteiur divinitatem. Théodoret.,
in Epist. 1 ad Corinih., pag. 200, tom. III.
' Nos enim divinitatis et humanitaiis talem prœdi-
camus unionem, ut unam pei^sonam indivisam intelli-
gamus, eumdemque Deum et hominem agnoscamus, vi-
sibilem et invisibilem, circumscriptum et incircum-
scriptum, et alia omnia, quœ divinitatem et humani-
tatem désignant, uni personœ accommodamus. Idem,
Dialog. 3, pag. 136, tom. IV.
5 Nec carnem a Deo Verbo separamus, nec confusio-
nem facimus unionem. Idem, Dialog. 2, pag. 68. Qui
unam divinitatis el humanitatis naturam post unionem
factam essecredunt, naturarum.proprietaies hac ratione
iollunt : liaruyn vero ablatio utriumque naturœ est ne-
gatio. Non sinit enim unitorum confusio, nec carnem
carnem intelligere, nec Deum Deum. Sin autem mani-
festa est etiam post unionem unitorum differentia,
nequaquam facta est confusio, sed inconfusa est unio.
Hoc vero conce.sso, non una est natura Christus Domi-
nus, sed unus Filius naturam utramque iniegram os-
tendens. Idem, Demonst. per syllog., pag. 179. Secun-
dus autem {dialogus) inconfusam, Deo bene juvante,
Christi Domini divinitatis et humanitatis unionem
fuisse ostendit. Idem, praefat. Dialog., pag. 3.
^ Ego dico monsisse divinitaiem, ab hac vero ab-
sorpiam esse humanitatem. Ut more mellis guttam si
accipiat, statim enim gutta illa evanescii maris aquœ
permixta. Idem, Dialog. 2, pag. 77.
' Eran. Non recte designavi. Postquam enim a mor-
tuis resurrexit, caro mutationem in divinitatis natu-
ram sortita est. Idem, ibid., pag. 79.
8 Eran. Deus igitur passionem sustinuit. Ovlhod. Si
sine corpore cruci affixus est, divinitati passioiiem
tribue. Cum autem carne assumpta homo factus sit,
cur id quod paiibile est paii non sinis, et impatibilis
subjicis passioni? Idem, Dialog. 3, pag. 117.
9 Quomodo igitur Deum Verbum dicitis mortem gus-
tasse? Si etiim quod immortale creatum est,id visum
est morlale fieri non passe ; quomodo fieri potest, ut
qui non creatus et ah œterno est immortalis, morta-
lium et immortalium naturarum conditor, morti sit
obnoxius? Idem, Dialog. 3, pag, 120.
"• Eran. Ego assentior Apostolo, qui Dominum glo-
riœ crucifixum vocut. Orth. Et ego assentior, et credo
esse Dominum gloriœ. Non enim hominis ulicujus
communis, sed Domini gloriœ corpus ligno affixum
fuit. Dicendum est autem unionem nomina facere
communia. Idem, Dialog. 3, pag. Ibl.
11 Dupin, sur Théodoret, pag. 242.
12 Ergo ut homo passionem sustinuit, ut Deus pati
non potuit... Quia corpus quod passum est, ipsius cor-
pus erat. Idem, Dialog, 3, pag. 124 et 12b. Nec ut
Deus passus est , sed ut homo. Idem , in Epist. ad Hebr.,
cap. II, pag. 407.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V= SIÈCLE,]
qu'homme. La nature divine n'a pu souffrir';
mais le corps que le Verbe a pris a souffert.
« Jésus-Clirist^, dit cet interprète, n'estpoint
un pur homme : il est Dieu et homme tout
ensemble; nous en avons fait plusieurs fois
profession. Il a souffert en tant qu'hommO;,
et non en tant que Dieu. »
8. Le Verbe divin s'est fait homme ^ afin
de renouveler la nature corrompue. Comme
l'homme entier avait péché, il a pris sa na-
ture entière. S'il n'eût pris que le corps pour
couvrir sa divinité, il lui eût été facile de se
rendre visible sans ce corps, comme autre-
fois il apparut à Abraham et aux autres pa-
triarches. Il pouvait encore *, sans s'incarner,
sauver les hommes et détruire par sa seule
volonté la puissance de la mort ; mais il a
voulu ^ que la nature, qui a été vaincue ,
combattit aussi son adversaire, c'est-à-dire
le démon, et qu'elle remportât sur lui la
victoire. C'est pour ce sujet qu'il a pris un
corps ^ et une âme raisonnable. Saint Luc
nous enseigne que Jésus-Christ croissait en
âge, en sagesse et en grâce devant Dieu et de-
' Nam divina naiura pati non potinl, sed corpus
passum est. Theodoret., interpret. in Cantic. Cantic,
pag. 1057.
2 Eran. Homo ergo tantum est Chrisius? Orth. Ahsit.
Conirarium sœpe diximus, quod non solum homo sit,
sed etiam Deus œternvs. Passus est autem ut homo,
non ut Deus. Idem, Dialog. 3, pag. 141.
' Deus enim Verbum homo factus est, Christus Jé-
sus nominatus est: homo autem factus ut corruptam a
peccato jiaturam renovaref .' Propferea toiam quœ pec-
carat assumpsit, ut toti mederetur. Non enim ad di-
vinitatis integumentum corporis naturam assumpsit,
facile namque ipsi erat etiam sine corpore videri qiie-
madmodum olim visus est ab Abraham, et Jacob, et
aliis sanctis. Theodoret., lib. V Hœret. Fahul., pag.
279, tom. IV.
^ Erat illi quidem facillimum, vel citra carnis in-
volucrum, hominiim salutem perficere, solaque volun-
tate mortis potestatem dissolvere. IdeiUj serm. 6 de
Prcmid., pag. 578.
s Sed voluit ut natura ipsa quœ victa fuerat, de-
bellaret adversarium, et victmnam referret. Idem,
lib. V Hœret. Fabul., pag. 279.
^ Eamque ob causant et corpus et animam ratione
prœditam assumpsit. Idem, ibid.
' Hœc autem sufjîciunt ad ostendendum perfectam
illum naturam humanam assumpsisse, ideoque et fi-
lium David et filium Abrahœ, et filium hominis et
hominem, et Adam, et Jacob, et Israël esse appella-
tum. Sicut enim perfectus erat Deus, ita et perfecius
homo perfectam hominibus salutem prœbuit. Idem,
ibid., pag. 287.
* Quod autem quam suscepit naturam suscitaverit,
festatur ipse Apostolus , et manus et pedes ostendens ;
testantur et Thomœ digiti, qui vulnera contreciarunt.
Idem, ibid.
' Divinitas autem ab humanitate separata non est.
117
vaut les hommes. C'est le corps qui croît en
âge, et l'âme en sagesse. La divinité ne reçoit
aucun accroissement, le Verbe étant parfait
en tout. C'est avec raison que le saint évan-
géliste a joint l'accroissement de l'âge à celui
de la sagesse, parce qu'à mesure que le corps
croissait en âge, la nature divine donnait de
plus grandes marques de sagesse. Le Verbe
a pris une nature ''parfaite, il a ressuscité
cette vertu ' et n'en a pas été séparé ^ ni sur
la croix, ni dans le sépulcre; mais comme la
divinité est immortelle et immuable, elle n'a
ni souffert la mort ni la passion.
9. Moïse ne dit rien des anges '" dans
l'histoire de la création, parce que les Juifs,
dont la vertu n'était ni solide ni constante,
n'auraient pas manqué d'en faire des dieux,
portés comme ils l'étaient à l'idolâtrie. Ces
esprits célestes ont été *' créés en même
temps que le monde. Rien même n'empêche
de dire que leur création a précédé '^ celle
du ciel et de la terre. Leur nombre monte à
plusieurs .millions '3. Hs sont immortels '* et
incorporels '=. C'est sans fondement que quel-
nec in cruce^nec in sepulcro, sed cum sit immortalis
et immutabilis, nec mortem nec passionem sustinuit.
Idem, ibid., pag. 288.
'» Quilege regebantur solidœvel constantis virtutis
nihil haliebant. Mox enim post plura et ineffabilia
miracula, imaginem vituli Deum desiynaverunt. Quod
si tam facile Deos finxerunt e jumentorum simulacris,
quid non perpetraturi fuissent, invisibilis naiurœ no-
titiam assecuti? Idem, qusest. 2 in Gènes., pag. 3
et 4, tom. I.
" Verisimile autem est angelos una cum cœlo et
terra crcaios esse. Theodoret., quaest. 4 in Gènes.,
pag. 6.
*^ Illud porro scire necesse est omnia quœcumque
exstani, excepta sancta Trinitate, naturam halierc
creatam. Hoc autem concesso, ii quis angelorum turbas
ante cœlum et terram conditas esse dixerit, non offen-
det verbum pietatis. Idem, ibid.
13 Multas porro angelorum esse mijriadas divina
docet Scriptura. Millia enim, inquit, millium minis-
trabant ei, et decies millies centena millia assiste-
bant ei. Idem, lib. V Hœret. Fabul., pag. 267.
1' Naturam incorpoream carnes non habere, neque
angelos vitam habere tempore definitam, immortales
enim creati. Idem, quaest. 47 in Gènes., pag. 38.
'2 Quare licet expertem corporum fateamur angelo-
rum esse naturam, circumscriptam tamen illorum
substantiam dicimus. Idem, queest. 3 in Gènes., pag. 5.
Videntur autem earum non naturœ, sunt enim hœ in-
corporeœ; sed prout in singulis est opus, illarum spe-
ciem conformât, qui et illorum ac rerum omnium est
Dominus. Idque nos aperte divina Scriptura docet, di-
versas earum figuras ostendens. Aliter enim cas vidit
Daniel, aliter Ezechiel, et Esaias et Michœas, aliis et
aliis figuris. Idem, comment, ùi cap. i Zachar., pag.
886.
Sur les An-
pes et les Dé-
mons.
H8
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ques anciens ont cru que, par les anges, il
fallait entendre les enfants de Dieu, dont il
est dit dans la Genèse * qu'ils eurent com-
merce avec les filles des hommes. Par ces
enfants de Dieu, l'Ecriture entend les des-
cendants de Seth, qui s'allièrent avec les
filles des hommes, c'est-à-dire avec les filles
de la postérité de Caïn. Le ministère des an-
ges est de chanter ^ les louanges de Dieu.
Leur langage ^ n'est point sensible , mais in-
tellectuel. C'est une opération de leur esprit,
par laquelle ils louent Dieu et se communi-
quent réciproquement leurs pensées. Dieu se
sert * de leur ministère pour combler de bien-
faits ceux qui en sont digues, et pour punir
ceux qui méritent des châtiments. Il en a
destiné quelques-uns pour présider ^ aux na-
tions, d'autres pour la garde de chaque
homme, afin d'empêcher les démons de leur
nuire. On voit ^ que l'ange dont il est parlé
dans le premier chapitre de Zacharie, était
tout contrit et plein de douleur, de ce que le
peuple qu'il avait sous sa garde, se trouvait
accablé de misère, tandis que les autres na-
tions vivaient dans la paix et dans l'abon-
dance. Le diable et les démons ne sont pas
mauvais ' de leur nature , mais par leur vo-
lonté. Dieu les avait créés bons ^; ils se sont
portés volontairement au mal. Tombés dans
l'orgueil et dans l'amour de l'indépendance,
ils déchurent de l'état de gloire où ils avaient
été créés. Quoique incorporels ', ils ont cou-
tume de tromper les hommes en se montrant
à eux sous différentes formes. Nous ne don-
nons point aux anges '" le nom de Dieu ; nous
ne leur attribuons point un culte divin, et ne
partageons pas l'adoration entre eux et Dieu.
Nous les croyons plus dignes d'honneur que
les hommes, tout en les regardant comme
nos compagnons de service.
Théodoret, en expliquant ces paroles de
saint Paul : Que nul ne vous ravisse le prix coiosj. h.k
de votre course en affectant de paraître humble
par un culte superstitieux des anges, remar-
que " que ceux qui défendaient la loi, soute-
naient qu'il fallait adorer les anges, par les-
quels la loi avait été donnée ; que cet abus
avait subsisté longtemps dans la Phrygie et
dans la Pisidie ; que ce fut pour cette raison
que le concile de Laodicée défendit de prier
les anges. Il ajoute que l'on voyait encore de
son temps, dans les mêmes provinces, et chez
leurs voisins, des oratoires de saint Michel,
et que les auteurs de ce culte l'autorisaient,
en disant que le Dieu de l'univers ne pouvant
être ni vu, ni touché, ni compris, il fallait
gagner sa faveur par le moyen des anges.
10. Avant la grâce, la loi ne faisait que sur la Loi.
1 IdeiB, qusest. 47 in Gènes., pag. 38 et seq., et lib. V
Hœret. Fabul., pag. 266.
2 Ministerium autem angelorum est hymnorum de-
cantatin. Théodoret., Xûi.y Hœret. Fahul., pag. 267.
^ Angelorum autem linguas dicit, non quœ sensu,
sed quœ infelligentia percipiuntur, per quas et uni-
versorum Deum laudant, et inter se colloquuntur.
Idem, in Epist. ad Cor., cap. xii, pag. 185.
* Angelorum autem ministerio imiversorum Deus
dignos tiomines beneficiis afficit et indignos plectit.
Idem, in Psalm. au, pag. 809.
^ Cum Ctiristus Dominus dixerit singulos homines
subesse singutorum angelorum proeurationi : quin
etiam euique genti proprium angelum prœesse affirmât
Scriptura. Idem, qujest. 3 in Gènes,, pag. 5. Conjec-
tura est, et angelos quosdam gentibus prœesse, et qui-
busdam singutorum ftominum créditant curam esse,
ne eos tœdant damnove officiant infesti dœmones. Idem,
lib. V Hœret. Fabul., pag. 268.
6 Quo audito, angélus, eut populi mandata erat
prœfectura,veliementer indignatus, quid omnibus pace
fruentihus, poputus sibi subdiius, in œrumnis adhuc
innumeris versaretitr, supplexDominum obsecrat. Idem,
in Zacliar., cap. i, pag. 887.
' Voluntate vAique malus est diabolus, et qui ejus
sunt parlium. Théodoret., lib. V Hœretic. Fabul.,
pag. 269.
8 Hos, inquam, nos nequaguam ab i?iitio malos fuisse
a Deo universorum créâtes perhibemus, neque talem
sortitos naturam fuisse, sed vitio voluntatis a melio-
ribus ad pejora corruisse. Cum enim clatis sibi mune-
ribus contenti non essent, sed aliiora appelèrent, su-
perbiœ labem contraxisse, et dignitale qua honestati
ab initio fuerant, excidisse. lAem, serm. 3 de Angelis,
pag. 524 et 525.
s Incorparea quidem est natura dœmonum, sed ho-
mines decipere soliti, aliénas iltis quasdam formas
ostentant. Idem, in Isai., cap. siv, pag. 62.
'" Ego vero fateor equidem docere nos divinam
Scripturam esse quasdam invisibiles potestales, et
Creatorem laudantes, et divinœ ejus votuntali obse-
quentes. Hos tamen deos non appellamus, nec divinum
illis cullum Iribuimus, nec in Deum verum et istos
divinam adorationem partimur ; sed hos quidem plu-
ris esse quam homines putamus, at conservas tamen
opinamur. Idem, serm. 3 de Angelis, p. 522.
n Nemo vos fraudet pTEemio. Volens in humilitate
et reUgione angelorum, quœ non vidit ambulans,
frustra inflatus sensu carnis sua;. Qui legem defende-
bant, eos etiam ad angelos colenclos inducebant, di-
cenies legem fuisse per eos datam. Mansit autem per-
diu hoc vitium et Phrygia et Pisidia. Proinde synodus
quœ convenu apud Laodiceam Phrygiœ, lege prohibuit
ne precarentur angelos. Et in hodiernum usque diem
oratoria sancti Michaelis apud illos illorumque frui-
tiones videre est. Illi ergo humilitate ducti lioc fieri
suadebant, dicentes universorum Deum nec cerni, nec
attingi, nec comprehendi passe, et oportere per angelos
divinam sibi benevolentiam conciliare. Théodoret., in
Epist. ad Coloss., cap. u, vers. 18, pag. 355.
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
montrer ce qu'il fallait faire ' ; mais elle ne
donnait aucun secours à ceux à qui elle était
imposée. La grâce, au contraire, donne du
secours pour accomplir les lois en même
temps qu'elle les établit. Cette loi a été pla-
cée - entre Abraham et Jésus- Christ ; elle a
fait connaître plus clairement quelle est la
mahce du péché ; mais, loin de la réprimer,
elle l'a en quelque sorte augmentée ; car plus
elle a donné de préceptes, plus il y a eu de
prévaricateurs : ce n'est pas que la loi soit
mauvaise ^ ; elle était bonne, mais impuis-
sante, faible et infirme, faite pour des hom-
mes d'une nature fragile. Dans la loi nou-
velle , nous avons reçu par le saint baptême
un gage de l'immortalité. L'Apôtre dit donc
que la loi * n'ayant pu atteindre à son but, à
cause de la faiblesse de ceux à qui elle était
donnée, le Verbe de Dieu fait homme a dé-
truit et anéanti le péché par la chair hu-
maine qu'il a prise. Par une suite nécessaire,
les sacrifices de la loi judaïque ^ ont été abo-
lis, parce qu'ils ne pouvaient purifier la cons-
cience de ceux qui s'en approchaient.
H. Quoique Dieu voie de loin toutes
choses, il n'impose pas aax uns ^ la néces-
sité de pratiquer la vertu, ni aux autres celle
de vivre dans le vice ; s'il contraignait à la
vertu ou au vice, il ne pourrait punir ni ré-
compenser avec justice ; mais juste comme
119
il l'est, il se contente d'exhorter au bien, et
de défendre le mal; de louer ceux qui vivent
dans la piété, et de punir ceux qui se laissent
aller au péché. Pour montrer en quel sens il
est dit que Dieu endurcit le cœur de Pharaon,
il rapporte cet exemple familier ' : «Comme
on dit que le soleil fond la cire et qu'il en-
durcit la boue, quoiqu'il n'y ait en lui qu'une
seule vertu , qui est celle d'échauffer ; de
même la bonté et la patience de Dieu produit
deux effets contraires; elle est utile aux uns,
elle rend les autres plus coupables.» C'est ce
que Jésus-Christ a déclaré dans l'Evangile,
en disant qu'il est venu au monde pour exer-
ce?' un jugement, afin que ceux qui ne voient pas,
voient, et que ceux qui voient, deviennent aveu-
gles. Le dessein de Jésus-Christ n'est point
d'aveugler ceux qui voient, puisqu'il veut
que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils
viennent à la connaissance de la vérité : mais
il marque par ces paroles ce qui est arrivé.
L'homme étant libre de sa nature, ceux qui
ont cru se sont sauvés, et ceux qui n'ont pas
cru ont été eux-piêmes les auteurs de leur
damnation. C'est en ce sens que Judas, qui
était éclaii'é, parce qu'il était apôtre, esf de-
venu aveugle. C'est encore encore en ce sens
que saint Paul, qui était aveugle, a reçu la
vue. C'est ainsi que les Juifs ont été aveu-
glés, et les Gentils éclairés. Dieu dit dans
' Non enim sub lege estis, sed sub gratia. Docet
enim quod ante gratiam lex solum docebaf, quid esset
agendum; Us aiitem, quibus imponehaiur, nullum au-
xilium afferebat. Idem, in Epist. ad Rom., pag. 48.
2 Inter Abraham autem et Christum lex média in-
gressa est. Hœc autem exactius docuit peccatum ma-
lum esse ; ipsum autem compescere non potuit, sed
etiam magis auxit. Quo emm plura prcecepta data
su7it, eo plures transgressiones fiienmt. Idem^ ibid.,
pag. 44.
3 Non est ergo mala lex, sed bona quidem , verum
impotens. Imbecitla autem erat, quœ mortali natura
prœditis jura daret. In prcesentia enim, per sanctum
baptismum arrham.immortalitatis accipimus. Idem,
ibid.j in cap. vm, pag. 60.
* Dicit autem (Apostolus) quod cum lex non potuis-
se.t suum institutum implere, propter eorum quibus lex
dabatur imbecillitatem. [hahebant enim morialem etpa-
tibilem naturam), unigenitum Dei Verbum humo fac-
tum, per humanam carnem peccatum. fregit ac profli-
gavit. Idem, ibid.
^ Idcirco nia finem accipiunt, ut quœ non possint
puram redderc conscientiam. Idem, in Epist. ad He-
brœos, cap. vni, vers. 8, pag. 438.
^ Deus autem universorum omnia procul videt ut
Deus ; non tamen huic offert necessitatem ut virtutem
exerceat, illi autem ut otiosam vitam agat. Etenim si
ad utrumvis eorum ipse vim affert,non jure vel hune
laudat et coronat, vel in iltum supplicium decernit. Si
autem justus est Deus, ut justus certe est, adhortutur
quidem ad ea quœ honesta sunf, et prohibet contraria,
laudat autem eos qui bona faciunt, et punit eos qui
sua sponte vitium amplectuntur. Idem, in cap. viii ad
Rom., pag. 69, tom. II.
' Cœterum. ut aliqua adducta similitudine confro-
versiam dissolvamus, sol vi caloris sui ceram quidem
tiquefacit, lutum vero exsiccat; et illam quidem emol-
lit, hoc autem indurat. Quemadmodum ergo sol iste una
et eadem virtute contraria operatur; sic ex longanimitate
Dei nonnulli capiunt utilitaiem, alii vero damnum; et
illi emoliuntur, isti vero indurantur. Quod et Domi-
nus declaravit in saais Evangeliis : lu judicium, in-
quii, ego in bunc mundum veni, ut qui non vident,
videant, et qui vident, caeci iîant. Non quod per hoc
declaratur talem fuisse Domini scopum. Neque enim
hujus rei gratia venit, ut reddat eos qui vident cœcos,
sed quod factum est indicavit. Ipse enim vult omnes
homines salvos fieri, et ad agnitionem veritatis ve-
nire. Sed cum humana natura arbitrii habeat liberta-
tem, qui crediderunt,salutem sunt consecuti : qui vero
non crediderunt, gehennœ sibi facti sunt auctores. Sic
et Judas cum videret,si quidem Apostolus erat,postea
excœcutus est : divinus autem Paulus, cum antea
cœcus esset, postea visum recepit. Sic per adventum
Saluatoris Judœorum plurimi excœcati sunt, gentes
autem visum receperunt. Tbeodoret., quaest. 12 in
Exodum, pag. 83.
120
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Ezéchiel ' : Je vous donnerai un cœur nouveau.
Cette façon de parler ne détruit en aucune
manière le libre arbitre. Dieu a persuadé par
sa parole, par ses œuvres et par une infinité
de miracles, non-seulement les Juifs, mais
toutes les nations, d'embrasser la piété. Il
ne les y a point contraints, et toutefois il dit
que c'est lui qui a ôté de leur chair le cœur
de pierre, qu'il leur a donné un cœur de chair
et son esprit.
12. « Le succès de la prédication des apô-
tres 2 était un effet de la grâce de Dieu ; s'il
n'eût coopéré, tout leur travail eût été inu-
tile.» Théodoret enseigne que c'est de la puis-
sance de Dieu que nous devons tout attendre.
« Il n'y a ^ dit-il à Dieu, que vous seul qui
puissiez délivrer les affligés de toutes leurs mi-
sères. Les secours des hommes , si vous n'êtes
présent et ne les favorisez, sont inutiles.» C'est
pourquoi le prophète dit : Ce sera avec Dieu que
nous ferons des actions de vertu et de courage.
C'est comme s'il disait : Implorons son assis-
tance ; appuyons-nous sur elle ; elle suffit
seule pour dissiper toutes les afQictions et
renverser la puissance de nos ennemis. Sur
ces paroles du psaume Lxi" : Mon âme, soyez
soumise à Dieu, car il est votre 5aM?;eîM', Théo-
doret dit que* cette servitude est notre salut,
et que c'est elle qui nous sauve, puisque c'est
Dieu qui donne tous les biens, et qui rend
fermes ceux qui chancellent. Il dit ailleurs ^
que personne ne doit se réjouir ni se com-
plaire dans ses bonnes actions , mais seule-
ment dans le Seigneur, comme le dit l'a-
pôtre : Si quelqu'un se glorifie, qu'il se glorifie
dans le Seigneur. Dans l'explication de ce
verset du psaume cxviiP : Seigneur, j'ai gardé
vos préceptes, ne m'abandonnez pas entièrement,
il remarque ^ que le plus souvent la grâce
divine abandonne quelques-uns pour un peu
de temps, leur procurant par là un grand
bien spirituel pour leurs âmes. C'est ainsi
que le grand Elie ayant été délaissé de Dieu,
tomba dans la timidité et dans la frayeur, ce
qui lui donna lieu de reconnaître la faiblesse
humaine ; mais bientôt après il reçut de
nouvelles grâces. C'est ainsi que Pierre tomba
en renonçant son maître ; mais Dieu le releva
peu après. Judas, au contraire, dépouillé en-
tièrement de la grâce, devint aussitôt la proie
du démon. C'est donc avec grande raison que
le prophète prie de ne pas être délaissé en-
tièrement, afin qu'il ne soit pas dépouillé de
la grâce de la divine Providence.
13. Il n'y a qu'une Eglise ' dans tout le
monde ; c'est pour cela que dans les prières
nous prions pour l'unique, sainte Eglise, ca-
tholique et apostolique. Toutes les Eglises
sont réunies en une seule, parce qu'elles
s'accordent toutes dans la profession des
1 Et dabo vobis cor novum, et spiritum novum
dabo vabis. Per hœc mentis mutationem significavit.
Ad meliora enim cor vesirum inclinabit, non item se-
cundum pristinam consuetudinem ad détériora pro-
pendens. Illiid vero dabo, nequaquam liberum lœdit
arbitrium. Vcrbis enim, et operibus, et infinitis adhi-
bitis miraculis, non illis fantum, sed etiam omnibus
gentibus, ut ad pietaiem accédèrent, persuasit, non
, coegit ; et tamen quamvis non coegerit, sed persua-
serit, se ait dédisse animis ad meliora propensio-
neni ; quippe ipse auctor hujusce rei, tum his quœ
dixit, tum quœ fecit cffectus : Et auferam cor lapi-
deum de carne vestra, et dabo vobis cor carneum,
et spiritum meum dabo in vobis. Idem^ in cap. xxxvi
Ezechiclis, pag. 500 et 501, tom. IL
* Ego plantavi. Primus enim vobis prœdicavi. Apollo
rigavit. Post me doctrinam meam confirmavit. Sed
Deus incrementum dédit. Est enim ejus gratiœ quod
res féliciter successif. Itaque neque qui plantât est ali-
quid, neque qui rigat, sed oui incrementum dat
Deus; nisi enim Deus cooperetur, noster labvr est ina-
nis. Tlieodoret., in Epiit. 1 ad Corinth., pag. 132,
tom. Ht.
3 Da nobis auxilium ex tribulatione, vana enim
salus liominis. Fer opem, inqtiit, maie affectis, quan-
doquidem, tu solus calamitates solvere potes, auxilia
autem hominum, curn tu non faves, vana sunt. Idcirco
merilo subjunxii : In Deo faciemus virtutem, et ipse
ad nihilum deduoet tribulantes nos. Ejus opem, in-
quit, imploremus, et hoc freti simns. Ipsa namque sala
satis est ad res tristes dissolvendas , atque ad inimi-
corum nostrorum potentiam evertendam. Theodoret.j
in Psalm. lis, pag. 629, tom. I.
* Ista servitus, o anima, tibi salutem prœljet. Nam
ipse est Deus, et bonorum omnium largitor, et qui po-
test eos, qui commoventur, confîrmare. Théodoret., in
Psalm. LXij pag. 632.
^ Nemo igitur suis recte factis lœtatur, sed in Deo
exsultet, et hinc voluptatem capiat,et hoc verbis apos-
tolicis convenu : Qui gloriatur, in Domino glorietur.
Idem, ibid., in Psalm. xxxi, pag. 516.
8 Sœpius divina Scriptura nonnullos ad brève tem-
pus deserit, utilitatem illis hinc procurans. Sic ma-
gnus Elias, derelictus cum esset, in timiditatis affee-
tum incidit, et humanœ naturœ imbecillitatem didicit.
Sed confestim divinam iterum nactus est gratiam. Sic
divinus Petrus negando prolapsus est, sed protinus
Dominus eum suffulsit. Destitutus autem penitus di-
vina ope Judas parata prœda diaboli fuit. Jure igitur
prophetaprecatur, ne delinquatur usquequaque, hoc est,
ne providentiœ gratia spoliatur. Idem, iti Psalm. cxvui
pag. 880.
' Vna quidem per totum orbem atque mare est Ec-
clesia, propterea orantes dicimus : Pro sancta et
unica; catholica et apostolica Ecclesia, quse a iinibus
usque ad fines terrie... Simulque omnes in unum re-
diguntur ,verorum dogmatum unitœ consonantia. Idem,
in Psalm. XLvn, pag. 580.
\
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
Sur la pri-
mauté de
saint Pierre
et de l'Eglise
romaiue.
[V SIÈCLE.]
mêmes dogmes. L'Eglise * est appelée par
saint Paul, l'assemblée des fidèles; elle n'est
pas néanmoins entièrement composée d'iiora-
mes parfaits ^, elle renferme aussi des pé-
cheurs. Hors de l'Eglise, il n'y a point de sa-
lut^, en sorte qu'il n'est pas permis de s'en
séparer, même à cause des méchants. Les
audiens disaient qu'ils fuyaient * la commu-
nion des catholiques, parce que les uns amas-
saient de l'argent par des usures infâmes ;
que les autres vivaient scandaleusement avec
des femmes qui ne leur appartenaient pas,
et que ceux qui étaient exempts de ces dé-
sordres, communiquaient sans crainte avec
ceux qui les commettaient. En cela, ils imi-
taient, d'un côté, l'orgueil des pharisiens, en
condamnant ceux qui communiquaient avec
les pécheurs, comme si l'on n'eût pu le faire
sans se souiller; de l'autre, ils se condam-
naient eux-mêmes, puisqu'ils tombaient dans
les fautes qu'ils reprochaient aux catholi-
ques. Ils demandaient encore une chose im-
possible, puisque, quelque exact que soit un
évéque, il ne peut condamner les coupables
sans avoir des preuves et des témoins de
leurs crimes; ce qui ne se rencontre pas tou-
jours. Ils ne pouvaient pas d'ailleurs se plain-
dre que l'Eglise ne condamnât point les pé-
cheurs convaincus de l'être ; car on voyait
par toute la terre des évêques, des prêtres et
des diacres dégradés de l'état ecclésiastique
pour leurs crimes.
14. Théodoret donne à saint Pierre la qua-
lité de prince des Apôtres ; mais il ne craint
point de dire que Dieu ^ avait permis qu'il
tombât, même après avoir posé la confession
121
comme le fondement de l'Eglise; qu'ensuite
il l'avait relevé, pour nous apprendre par là
deux choses : l'une, de ne nous point fier'
à nous-mêmes; l'autre, de relever ceux qui
tombent.
Voici comme il s'exprime sur la grandeur
de l'Eglise romaine, en écrivant à René qui
en était prêtre : « Je vous prie ^ de persuader
à votre saint archevêque d'user de son auto-
rité apostolique, et d'ordonner qu'on se rende
au plus tôt à son concile. Car le Saint-Siège
a, par beaucoup d'endroits , la principauté
sur toutes les Eglises du monde, principale-
ment parce qu'elle n'a jamais été tachée par
aucune hérésie ; que pas un de ceux qui l'ont
rempli n'a eu de sentiment contraire à sa foi,
et qu'elle a conservé en son entier la grâce
apostolique. Outre' ces marques d'honneur,
elle possède les sépulcres de saint Pierre et
de saint Paul, les Pères et les maîtres com-
muns de la vérité : sépulcres qui éclairent les
âmes de tous les fidèles. Ce très-heureux et
ce très-divin couple, s'étant levé première-
ment dans l'Orient, a fait éclater ses rayons
de toute part; mais il est venu se coucher et
mourir dans l'Occident, d'où il éclaire main-
tenant toute la terre. Ce sont ces deux apô-
tres qui ont rendu votre siège si illustre et si
vénérable (il parle à saint Léon). Mais le
Dieu de ces mêmes apôtres a honoré leur
trône en y faisant asseoir votre Sainteté pour
répandre partout la lumière de la foi ortho-
doxe. »
13. Soyez * évêques, soyez prêtres, soyez
moines, vous n'en êtes pas moins obligés d'o-
béir aux magistrats. Il ne faut pas toutefois
Sur l'obéis-
sance due aux
puissauces.
1 Ecclesiam vocal cœium fidelium. Idem, in Epist.
ad Ephes., pag. 298, tom. III.
^ Prœterea tiec Dei Eccleîia ex hominibus perfectis
iota constat, sed habet etiam ignavos, et qui remissam
vitam amplexi sunt, et gui voluptutibus servira decre-
verunt. Idem, in Psalm. xux, pag. 552.
2 Etnobis autem salus per Ecclesiam provenit : qui
vero sunt extra illam, non fruuntur œterna uîïa. Idem,
qusest. 2 in Jesum Nave, pag. 197, tom. I.
4 Idem, lib. IV Hist., cap. ix, pag. 669, et lib. IV
Hœret. Fabiil., cap. x, pag. 242.
s Quin hac etiam de causa Christus Dominus noster
aposlolorum principem, cujus confessionem velut basim
quamdam et fundamentum Ecclesiœ defixerat, fluc-
tuare et errare permisit, duo eadeni opéra docens, nec
fidere seipsis, et fluctuantes firmare. Idem, Epist. 11,
pag. 947.
^ Quam ob causam oro Sanctitatem tuam, sanctissimo
et beatissimo archiepiscopo persuadeat, ut apostolica
potestate uiatur, et ad concilium vestrum advolare
prœcipiat. Habet enim sanctissima illa sedes Eccle-
siarum quœ in loto sunt orbe priticipatum multis no-
minibus, atque hoc ante omnia, quod ah hœretica iabe
immunis mansit, nec ullus contraria sentiens in illa
sedif, sed apostolicam gratiam integram. conseroavit.
Idem, Epist. 116 ad Renatum, pag. 989.
■> Habet prœterea communium Patrum magistro-
rumque veritatis Pétri et Pauli sepulcra, fidelium
animas illuminantia, quorum beatissimum uc divinum
par in Oriente quidem exortum est, et radios quaqua-
versum disiulit : sed in Occidente vitœ occasum ultro
subiit, atque inde mine orbem universum collustrat.
Hi sedeni vesiram nobilissimam reddiderunt : hic bo-
norum vestrorum est apex. At illorum sedem nunc
etiam illorum Deus illustravit, dum in ea Sanctitatem
vestram rectœ fidei radios fundentem constitua. Idem,
Epist. 113 ad Léon. Episc. Rom., pag. 985.
^ Sive est sacerdos aliquis, sive antistes, sive monus-
ticam vitum professus, ils cedat quibus mandati sunt
principatus. Clarum est auiem si cum pietate : non
enim, si Dei prœceptis répugnent, magistratibus ob-
sequi permittitur. Idem, in Epist. ad Rom., cap. xui,
pag. 99.
122
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Snr la cir-
concision et
le baptême.
obéir ' aux princes en toutes choses. On doit
leur payer le tribut et leur rendre l'honneur
qui leur convient. Mais s'ils nous comman-
dent le mal, nous devons leur résister ouver-
tement.
16. Une preuve ^ que la circoncision n'a
été donnée aux Juifs que pour les distinguer
des autres peuples, c'est que pendant tout le
temps qu'ils demeurèrent dans le désert, sé-
parés des autres nations, aucun d'eux ne fut
circoncis. D'ailleurs, si la circoncision eût
conféré la justice, il faudrait dire que les Egyp-
tiens et les Ismaélites, qui se faisaient circon-
cire, ont été justes, ce qui ne se peut, puisque
l'Ecriture nous les représente comme des im-
pies. Ainsi l'on doit dire qu'Abraham n'a point
été justifié par la circoncision, mais par la
foi, et que la circoncision lui a été donnée
comme le signe et le sceau de sa foi. Le bap-
tême, au contraire ^, qui a succédé aux asper-
sions des Juifs, n'est pas établi seulement pour
remettre les péchés passés, mais aussi pour
nous faire espérer les biens promis, en nous
faisant participer à la mort et à la résurrec-
tion de Jésus-Christ , et en nous rendant les
enfants de Dieu etles héritiers de son royaume.
Ceux qui croient en Jésus-Christ * viennent
au baptême et reçoivent, par l'imposition des
mains du prêtre, la grâce du Saint-Esprit.
On leur ordonne d'apprendre ^ la foi de Ni-
cée, et, après les avoir'instruits, on les bap-
tise au nom du Père, du Fils et du Saint-Es-
prit, en nommant en particulier chacune de
ces personnes. Arius ^ souhaitait de changer
l'invocation de la Trinité dans la forme du
baptême ; mais il n'osa l'entreprendre, n'étant
pas assez hardi pour s'opposer au texte for-
mel de l'Evangile. Il conserva donc les termes
de cette invocation dans le baptême, quoiqu'il
en ruinât le sens. Mais Eunomius ' ôta en
même temps la triple immersion et l'invoca-
tion de la Trinité, voulant qu'on ne plongeât
qu'une fois le néophyte, en mémoire de la
mort de Jésus-Christ. Ses disciples ne vou-
laient point que l'eau dn baptême touchât les
parties qui sont au-dessous de l'estomac, les
estimant impures; superstition qui les obli-
geait à des choses tout-à-fait ridicules, que
Théodoret rapporte comme lés ayant apprises
de ceux qui avaient quitté cette hérésie. Saint
Epiphane remarque ^ qu'en baptisant, ils plon-
geaient la tête en bas et tenaient les pieds
élevés en l'air. Les novatiens ' ne faisaient
point l'onction du chrême à ceux qu'ils bap-
1 Neque enim principibus in omnibus pa7'endum est;
sed vectigal quidem et tribulum conferendum est, et
honor gui eis convenii tribuendus : at si ut impie agas
jusserint, aperte contradicendum. Ideuij in Epist. ad
Tit., cap. m, pag. 513.
2 Cum Deus prœdixisset incolatum, pietati cuslodiam
aliquam molitur : ne hominibus impiis permixti ma-
culent nobilitatem, sed in signum intuentes, itidelebi-
lem memoriam ejus qui dédit illud conservent. Atque
hoc esse verum, tesiatur desertum. Nam cum in eo
degerent quadraginta annos, superfluam existimabant
circumcisionem : nempe a cœteris gentibus segregati,
et guod secum inter se versarentur... Erant enim futuri
proximi popiilis alietiigenis. Quamobrem indigebant
necessario signo quodam, guod illos distingueret ab
alienigenis nationibus. Quod si Judœi gloriantur de
circumcisione, discant et certo sciant, quod non solus
palriarcha circumcisus est, sed etiam Ismael servi
serons, et vernaculi, et pretio empli servi, et Idumœi,
et qui ex Chettura orti sunt. 'Quin et JEgyptii quoque
didicerunt ab Israelitis circumddi. Non igitur circum-
cisio justos reddit. Isti enim omnes tanquam impii, a
divina Scriptura notantur. Ergo neque Abraham cir-
cumcisio justificavit , sed fides illum justum declara-
vit, et illustriorem reddidit virtus. Circumcisio autem
data est velut signum fidei. Id., quaest. 68 in Gènes.,
pag. 53.
3 Pro mis autem aspersionibus sufpcit lis qui cre-
dunt donuni sanctissimi baptismaiis. Non solum enim
remissionem donat veterum peccatorum, sed spem etiam
ingerit promissorum bonorum, mortisque dominicœ,et
resurrectionis efficit participes, et doni spiritus parti-
cipationem largitur, et fitios Dei reddit, nec filios so-
lum, sed et hœredes Dei, et cohœredes Christi. Idem,
lib. V Hœrei. FabuL, cap. xvill de Bapt., pag. 292.
* Qui enim crediderunt, horum tetrum odorem
abhorrentes et pœnitentia utentes, accedunt ad divi-
num baptismum, et per manum sacerdotalem spiritus
gratiam accipiunt. Theod., in Epist. Hebr., cap. vi^
pag. 418, tom. III.
^ Eos enim qui ad sacrosanctum baptisma singulis
annis accedunt, fidem Niceœ a sunctis Patribus expo-
sitam ediscere jubemus : et instituentes eos, sicut jussi
sumus, baptizamus in nomine Patris et Filii et Spi-
ritus Sancii, singulariter unum quodque nomen pro-
ferentes. Idem, Epist. 145, pag. 1023.
^ Et divini quidem baptismatis usitatam invocatio-
nem mutare propter apertam transgressionem ausus
non est (Arius) -.sedjuxta dominicum prœceptum bap-
tizare docuit in nomine Patris, et Filii, et Spiritus
Sancti : gtorificare autem juxta baptismatis legem
vetuit licet Deus et Salvator nosier, non simplicHer
baptizare, sed prius docere prœceperit. Idem, lib. IV
Hceret. Fabul., pag. 233.
' Mon (Eunomius) sancti etiam baptismatis legem
olim a Domino et Aposlolis tradiiam evertit, et con-
trariam aperte sanxit, non oporiere dicens ter illum
immergere gui baptizatur, nec invocare Trinitatem, sed
semel baptizare in Christi mortem. Bapiizantes vero
usque ad pectus aqua mudefaciimt, reliquis autem par-
tibus tatiquam execrandis aquam adhibere prohibent.
Idem, lib. IV Hœret. Fabul., pag. 236 et 237.
x Epiph., Hœres. 16, pag. 992, tom. II.
3 Èis quos baptizant (• novatiani ) sanctissimum
chrisma non prœbent. Qtiapropter eos qui ex hac hœ-
resi corpori Ecclesiœ conjungu,ntur, laudatissimi Pa-
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V= SIÈCLE.]
tisaient. D'où vient qu'il fut ordonné par les
saints Pères que ces hérétiques seraient oints
quand ils reviendraient ù l'Eglise. C'est ce
que l'on voit par le septième canon ' du con-
cile de Laodicée, et par le septième ^ du pre-
mier concile de Gonstantinople.
17. Il y a des remèdes ^ pour les plaies
que l'on reçoit après le baptême. Ils ne con-
sistent pas dans la seule foi, mais dans beau-
coup de larmes et de gémissements , dans le
jeûne et la prière, et dans une pénitence pro-
portionnée à la grandeur des péchés. Nous
avons appris des divines Ecritures et de ne
pas jeter dans le désespoir ceux qui sont dis-
posés à agir de la sorte, et de ne pas non plus
les admettre trop facilement à la participa-
tion des mystères, suivant le commandement
que le Seigneur nous fait, de ne pas donner
le Saint aux chiens, ni de jeter les perles de-
vant les pourceaux. Voilà quelles sont les
règles de l'Eglise touchant la pénitence. Les
audiens, qui ne les suivaient point, avaient
sur ce sujet une pratique encore plus dange-
reuse que ridicule : car, ayant divisé * leurs
livres en deux parties, les uns sacrés, les au-
tres apocryphes, qu'ils n'estimaient pas moins
que les premiers , ils faisaient deux parts de
ces livres, et les mettant de rang les uns d'un
côté, les autres d'un autre, ils commandaient
aux pécheurs de passer entre ces deux rangs
et de confesser leurs péchés. Après quoi ils
en donnaient l'absolution, sans prescrire au-
cune pénitence pour les fautes, et les remet-
tant par la seule autorité de leur puissance.
Comme ceux qui faisaient celte cérémonie
■123
voyaient bien que ce n'était qu'un jeu, iTs
cachaient leurs véritables péchés et ne s'ac-
cusaient que de petites fautes dont ils n'au-
raient pas eu la volonté de s'accuser, s'ils
n'avaient été engagés dans l'erreur. Au reste,
on avait beaucoup de compassion ^ dans l'E-
glise catholique pour ceux qui étaient tombés
durant les persécutions ; mais cette compas-
sion était sage et judicieuse, et conforme aux
canons des pères. On les admettait à la prière,
on les recevait avec les catéchumènes pour les
instruire. Mais on les séparait pour un temps
de la participation des mystères, jusqu'à ce
qu'ils reconnussent leur maladie, qu'ils dési-
rassent la santé et qu'ils sentissent combien
ils étaient malheureux d'avoir quitté Jésus-
Christ pour s'abandonner au démon.
18. Un moine •' d'un naturel hardi ayant de-
mandé plusieurs fois une grâce à Théodose-
le-Jeune, sans pouvoir l'obtenir, le retrancha
de la communion de l'Eglise et se retira. Ce
prince , rentré dans son palais, ne voulut ja-
mais se mettre à table quand l'heure en fut
venue et que tout le monde fut assemblé,
qu'il n'eût été absous de cette excommuni-
cation. Il envoj'a prier un évêque, en qui il
avait confiance, de le faire déher par celui-là
même qui l'avait excommunié. L'évéque ré-
pondit qu'on ne pouvait être excommunié
par toute sorte de personnes, et l'assura qu'il
ne l'était point. Mais Théodose , peu satisfait
de cette assurance, persista à vouloir rece-
voir l'absolution de ce moine, qu'on eut bien
de la peine à trouver. On voit ', par l'exem-
ple de l'incestueux de Corinthe livré à Satan
Surl'Excora
inDDicalioD.
très inungi prœceperunt. Idem, lib. III Hœret. FabuL,
pag. 223 et 229.
> Tom. I ConciL, pag. 1497.
2 Tom. II, pag. 951^
3 Itaque medicabilia siint etiam quœ post hapiis-
mum fiunt vulnera; medicabilia autem, non ut olim
per solam fidem data remissione, sed per mullas la-
crymas, et fletus, et luctus et jejunia, et orationem,
et laborem commissi peccaii magnitudine responden-
iem. Qui enim sic affecti non suni, eos nec desperare
docii sumus, nec illis facile sacra impertiri. Nolite,
inquit, dare sanctum canibus, nec projiciatis marga-
riias ante porcos. Has Ecclesia de pœnitentia leges
habet. Tlieodoret., lib. V Hœret. Fabul., pag. 316,
tom. IV.
^ Hi autem (audiani) peccatorum remissionem dare
se jactant. Duas enim in partes libros sacras cum
adulterinis dioidentes (hos enim eximie arcanos et
mysiicos existimant), et ordine hinc inde collocantes,
inter lias jubent transire unumquemque, et peccaia
sua confiteri : deimie confessis dant veniam, non tem-
pus ad pœnitentiam definientes, sicut Ecclesiœ le-
ges prœcipiunt, sed potestate condonantes. Scientes
autem qui sic transeant ludum esse quod agilur, vera
peccata celant, et parva quœdam risu digna dicunt,
quœ et dicere aliquem pigeât, nisi eadem qua ipsi
ameniia teneaiur. Idem, lib. IV Hœret. Fabul., pag.
242.
5 Arceantur aparticipationesacrorummysteriorum,
a catechumenorum autem oratione non prohibeantur,
neque a divinarum Scripturarum auditione, neque a
magistrorum admonitione. A sacris vero mysteriis ar-
ceantur, non ad mortem usque, sed ad tempus aliquod
definitum : quoad morbum agnoscant, quoad salutem
expetant, quoad compeienter luxerint; quod verorege
derelicto, ad lyrannum irons fugerint, et benefacto-
rem deserentes inimico se dederint. Atquëhœc quidem
sanctorum etiam beatorumqiie Patrmn canones docent.
Idem, Epist. 77 ad Eulal., pag. 947.
6 Idem, lib. V Hist. écoles., cap. xsxvi, pag. 749,
tom. m.
' Hinc autem docemur, quod eos qui segregantur,
et ab ecclesiasiico corpore separantur, invadit diaholus,
illûs graiia destitutos inveniens. Idem , in Epist. 1
Cor., cap. y, pag. 141, tom. III.
124
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
par saint Paul, que le diable s'empare de ceux
qui sont excommuniés et séparés du corps de
l'Eglise, parce qu'il les trouve destitués delà
grâce. Il les tourmente ' cruellement, eu sorte
que ces malheureux tombent dans des mala-
dies, dans des langueurs et d'autres afflictions
corporelles.
sari'Eucha- 19. Eusevelis ^ avec Jésus-Christ dans le
baptême, nous ressuscitons avec lui , nous
mangeons son corps et nous buvons son sang.
Les prêtres ^ ne sont pas les seuls qui parti-
cipent cl la table mystique du Seigneur. Tous
ceux qui ont reçu le baptême ont le même
droit. De même que le grand-prêti'e ne pou-
vait entrer * dans le sanctuaire qu'en levant
le voile qui en fermait l'entrée, ainsi les fidèles
n'entrent dans le ciel qu'après avoir participé
à la chair du Sauveur et mangé son sacré
corps. Saint Paul fait ressouvenir ^ les Corin-
thiens de cette sainte nuit dans laquelle le
Seigneur, mettant fln à la pâque typique ou
figurative, montra le vrai original de cette
figure , ouvrit les portes du sacrement salu-
taire, et donna son précieux corps et son pré-
cieux sang non-seulement aux onze apôtres,
mais encore à Judas. Quand saint Paul dit
I Cor .\i lue quiconque mangera ce pain et hohm le calice
^' du Seigneur indignement , il sera coupable du
corps et du sang du Seigneur, cela signifie '' que
comme Judas l'a trahi et les Juifs lui ont in-
sulté, de même ceux-là le chargent d'igno-
minie et d'opprobre, qui prennent avec des
mains impures son très-saint corps et le met-
tent dans leur bouche souillée. Théodoret
rapporte un passage de saint Ignace, martyr,
qui dit ', en parlant de certains hérétiques,
qu'ils ne recevaient pas l'eucharistie , parce
qu'ils ne confessaient pas qu'elle fût la chair
de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a souffert
pour nos péchés et que le Père a ressuscité
par sa bonté. D'où il suit que les orthodoxes
confessaient que l'eucharistie est la chair de
Jésus - Christ. Ou ne doit la recevoir que
dans l'Eglise catholique , comme il était or-
donné ^ aux Juifs de manger l'agneau pascal
dans une seule maison. C'est ce qui s'observe
parmi les fidèles. Ils ne reçoivent les divins
mystères que dans la seule Eghse, ayant en
exécration les assemblées des hérétiques.
C'était ^ l'usage de donner l'eucharistie après
le baptême. Quand les fidèles s'approchaient
de la sainte table, ils recevaient l'eucharistie
dans leurs mains. « Comment , disait saint
Ambroise à l'empereur Théodose , après le
massacre de Thessalonique, pourrez-vous *"
élever vers Dieu des mains qui dégouttent
encore du sang que vous avez répandu injus-
tement? comment porterez-vous à votre bou-
che son sang précieux^ vous qui, transporté
de fureur, avez fait une si horrible effusion
de sang? » A l'égard des dispositions néces-
saires pour s'approcher de l'eucharistie , voici
ce qu'en dit Théodoret en expHquant ces pa-
roles de saint Paul : Que l'homme s'éprouve dans ,,' '^°''- •■"•
1 Ab ecclesiastico enim corpore séparait, et divina
gratia nudati, crudeliter ab adversario flagellahan-
tur, incidentes in morbos et difficiles affectiones, et in
alias œruninas et calamitates. Idem, in Epist 1 Tim.,
cap. I, pag. 469.
^ Cum eo enim in bapiismo consepelinmr, et una
cum eo resurgimus, et corpus ejus comedimus, et san-
guinem bibimus. Idem, in Epist. Eplies., cap, v, pag.
316.
3 Non enim ii soli qui sunt consecrati, sunt partici-
pes dominici corporis et sanguinis, sed omnes qui sunt
sanctum assecuti bapiismum. Idem, quaest. 52 in lib. I
lieg., pag. 253.
'' Quemadmodum enim legis sacerdos per velamen
in sancta sanoiorum iniroibat, nec ut aliter ingrede-
retur fieri poterat : ita qui in Dominum crediderunt
per sanctissimi corporis pariicipationem cœlestem ci-
vitatem adipiscuntur . Idem, in cap. x Epist Hebrœor.,
pag. 441, tom. III.
i" Sanctam illam et omni ex parte sanctam noctem in
memoriam eis revocavit, in qua et typico Paschati fi-
nem imposuit, et verum typi nrchetypum ostendil, et
salutaris sacramenti portas aperuit, et non solum un-
decim apostolis, sed etiam Judœ proditori, pretiosum
corpus et sanguinem imperiiit. Docet autem quod il-
lius noctis bonis semper frui possumus. Quotiescum-
que enim manducabitis panem hune, et calicem bi-
betis, mortem Domini annuntiabitis donec veniat.
Idem, in Epist. 1 Cor., cap. il, p. 175.
s Illud autem : Reus erit corporis et sanguinis, Ao^'
significat, quod quemadmodum tradidit quidem il-
lum Judas, ipsi autem insullarunt Judœi : ita eum
ignominia et dedecore afficiunt, qui sanctissimum ejus
corpus immundis manibus accipiunt, et in pollutum
os imrnitunt. Idem, ibid., pag. 176.
' Eucharistias et oblationes non admittunt, quod
non confîteantur eucharistiam carnem esse Salvatoris
nostri Jesu C/iristi, quœ pro peccatis nostris passa est,
quam Pater benignitate sua susciiavit. Theod., Dia-
log. 3, pag. 154, tom. IV.
8 Quod autem prœcipitur, ut agnus ille in una domo
manducefur, observant fidèles, qui in sola Ecclesia
divina sumunt mtjsteriu, execrationi habentes liœreti-
corum cœtus. Idem, quaest. 24 in Exod., pag. 91.
s Siquidem et in veritate post salutare baptisma
Agni immaculati participatio peragitur. Idem, quaest.
2 in Jesum Nave, pag. 198.
'" Quomodo manus extendes injustœ cœdis sanguine
adhuc stillantes ? Quomodo hujusmodi manibus sacro-
sanctum Domini corpus accipies? Quomodo pretiosum
ori sanguinem admovebis, qui furore actus tantum
sanguinis nefarie profudisti? Idem, lib. V Hist. éc-
oles., cap. XVII, pag. 727.
[V= SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
lui-même : Soyez ' votre juge à vous-même,
recherchez soigneusement quelle est votre
vie, sondez et examinez votre conscience, et
ensuite recevez ce don , c'est-à-dire le corps
du Sauveur ; car celui qui /e mange et boit in-
dignement, boit et mange son jugement. Non-
seulement vous n'en obtiendrez pas le salut,
mais vous serez puni de votre insolence et de
l'injure que vous avez faite h Jésus-Christ. »
Les messaliens 2, qui regardaient comme une
chose indifférente la participation du corps
et du sang de Jésus-Christ, ne s'inquiétaient
point ^ d'y apporter quelques dispositions. Ils
ne la recevaient point comme un mystère qui
nous sanctifie et dont nous ne devons appro-
cher qu'avec crainte et avec foi , parce que
nous croyons que c'est effectivement la chair
vivifiante du Verbe incarné.
20. L'immolation * des victimes irraison-
nables ayant pris fin , le seul agneau sans
tache qui ôte les péchés du monde, est sacri-
fié. On offrait quelquefois ce sacrifice dans
des maisons particulières , et ce que raconte
Théodoret sur ce sujet est remarquable. « Il
a , dit-il ^, un
village
parmi nous nomme
Homère, où saint Maris ayant bâti une petite
maison, s'y enferma et y demeura trente-
sept ans. Il conserva toujours son corps et
son âme chastes, comme il me l'avoua dans
125
les visites que je lui ai rendues souvent. Sa
porte était fermée pour tout le monde; mais
il l'ouvrait pour moi et m'entretenait à loisir
sur des sujets de piété. Comme il y avait fort
longtemps qu'il souhaitait de voir offrir le
spirituel et mystique sacrifice , il me pria un
jour de présenter à Dieu, dans sa cellule,
cette oblation sainte du don divin qu'il a fait
aux hommes, ce que je lui ai accordé volon-
tiers. J'envoyai chercher des vases sacrés
dans l'église d'un bourg qui n'était pas loin,
et, me servant des mains des diacres au lieu
d'autel, j'offris le mystique, le divin et le sa-
lutaire sacrifice, durant lequel ce saint homme
était si transporté d'une joie toute spirituelle,
qu'il s'imaginait être dans le ciel, et disait
depuis n'avoir jamais reçu une si sensible
consolation.
21. Lessacramentaires objectent divers pas-
sages de Théodoret, où ils prétendent qu'il
se déclare nettement contre la présence réelle .
Le premier est tiré du premier dialogue contre
les Eutychéens, où il introduit un catholique
qu'il appelle Orthodoxe, disputant avec un
eutychéen à qui il donne le nom d'Eraniste.
Dans ce passage Théodoret dit : «Notre Sau-
veur a changé les noms ^. Il a donné au corps
le nom de symbole, et au symbole le nom de
corps, et s'étant donné à lui-même le nom de
Képonses
niix objec-
lions.
Tom. 111
de la Perpé-
tuilé rie In foi.
liv. V, cb. 11
et lîi.
* Probet autem seipsum homo, sive de pane illo
edat, et de calice bibat. Tui ipsius judex esto, actu-
umque iuovum exacius arbiter conscientiam scrutare ;
ac tune donum suscipe. Qui enim manducat et bibit
indigne, judicium sibi manducat et bibit, non diju-
dicans corpus Domini. i^on solum enim salulem inde
non assequeris, si prœier fas acceperis, sed tuœ etiam
in eum peiulantiœ pœnas dahis . Idem, in Episf. 1 Coi-.,
cap. XI, pag. 176.
'^ Messaliani ab ecclesiastica se communione non se-
pararunt, quod dicerent nec prodesse, nec obesse divi-
nam escam. Idem, lib. IV Histor. eccles., cap. x,
pag. 670.
' Item sacri eorporis et sangv.inis Christi veri Dei
nostri sanctam percept ionem nihil adjuvare mit lœ-
dere eos qui digne vel indigne communicant ; quoque
ob id solum nemo unquam separari debsat ab eccle-
siastica communione, cum res sit indifferens. Proinde
isti ea non sumunt cum timoré ac fide, velut vivifica,
et tanquam quœ sint ac esse credantur incarnati Dei.
Timoth. presbyt., de Recept. hœret., apud Coteler.,
tom. III, pag. 403.
'' Victimarum quidem ratione carentium ccedes finem
cepit, solus autem immaculatus Agnus saoi/icattir,
qui toliit peccatum mundi. Théodoret., in cap. i Ma-
lach., pag. 935, tom. II.
^ Vicus apud nos est, cui nomen Homerus. Ad hune
angustam domunculam cum extruisset divinus Mari,
inclusus in ea mansit annos triginta septem... Vnde
et eorporis et animœ castinioniam conservavit. Quod
mihi aperle ipsemet innuit, corpus incorruptum sibi
persfare docens et quale materna ex utero pr-odiit....
liujus ego consuetudine usus sum persœpe. Obstnictam
enim januam patefacere me jubebat, ingressumque
amplexabatnr, et prolixu oratione de philosophia dis-
serebat... Cum autem spiriialis mysticique sacrifieii
videndi desiderio diuiurno teneretur, rogavit ut illic
divini doni fieret oblalio. Ego vero libenter obtempe-
ravi, et sacra vasa adferri jussi (nec enim procul
aherat locus), diaconorumque manibus utens pro al-
tari, mysticum et divinum ac salutare sacrifieium ob-
iuli. Ille autem spirifali refcrtus voluptate, cœlum
ipsum videre se existimahaf, nec tali se unquam lœti-
tia perfusum aiebai fuisse. Idem, Hist. relig., cap. XX,
pag. 853, 854.
s Salvator autem noster nomina permutavit, et eor-
poris quidem id quod erat symboli nomen imposuit :
symbolo vero quod erat eorporis. Sic vitem seipsmn
qui nominavit, sanguinis nomen symbolo tribuit. nia-
nifestus est scopus iis qui divinis mystcriis sunt ini-
tiati. Volebat enim eos, qui divinis mysleriis partici-
pant, non attendere naturam eorum quœ cernuntur,
sed per nominum muiationem mutationi quœ ex gra-
tia faeta est fidem adhibere. Qui enim corpus naturale
frumenium et panem appellavit, et vitem rursus seip-
sum nominavit, is visibilia symhola eorporis et san-
guinis appellatione honoravit, non naluram mutons,
sed naturœ gratiam addens. Idem, Dialog. 1, pag.
17, 18, tom. IV.
126
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
vigne , il a donné au symbole celui de sang.
La raison, dit-il, en est claire à ceux qui
sont initiés aux mystères, c'est que Jésus-
Clirist voulait que ceux qui y participent ne
considérassent pas la nature des choses qui
s'y voient, mais que par ce changement de
'noms ils crussent le changement qui se fait
parla grâce. » Le second passage, qui est
tiré du second dialogue contre les mêmes eu-
tychéens, est conçu en ces termes ' : « Vous
vous enveloppez dans les filets que vous avez
vous-mêmes tissus (c'est l'Orthodoxe qui parle
à l'Eraniste), car les symboles mystiques ne
quittent point leur propre nature; ils demeu-
rent en leur première essence et dans leur
figure et dans leur forme. Ils sont visibles et
palpables comnip auparavant; mais on con-
çoit par l'esprit qu'ils sont ce qu'ils ont été
faits; on croit qu'ils le sont, et on les adore
comme étant ce qu'on les croit. »
Quelques lignes avant le premier passage,
Théodoret avait dit que comme le fruit mys-
tique de la vigne s'appelle, après la con-
sécration, sang du Seigneur, de même le pro-
phète appelait sang du raisin le sang de
la véritable vigne. D'oii les sacramentaires
concluent que comme le sang de Jésus-Christ
n'est appelé par le patriarche Jacob sang du
raisin que par métaphore , de même , selon
Théodoret, le fruit de la vigne n'est appelé
sang de Jésus-Christ que par métaphore. A cela
on peut répondre que Théodoret compare ces
expressions dans ce qu'elles ont de sembla-
ble, mais qu'il n'en a pas ignoré les diffé-
rences. La ressemblance consiste en ce que,
comme Jésus-Christ s'est appelé lui-même
vigne et froment, et que le prophète appelle
son sang du nom de sang du raisin, Jésus-
Christ a de même donné le nom de son corps
et de son sang à ce qui était pain et vin par
sa nature. Ainsi, comme le nom de froment,
de vigne et de vin ne convient point par na-
ture à Jésus-Christ , de même il est vrai de
dire que le pain et le vin qu'il a appelés son
corps et son sang n'étaient pas, par leur na-
ture, son corps et son sang; mais la diffé-
rence consiste en ce que Jésus-Christ, en
s'appelant vigne, n'a point été réellement
changé en vigne ; en s'appelant ^jam^ ne s'est
point rendu pain; ainsi il n'a point fait que
les noms de pain et de vigne lui convinssent
réellement; au lieu qu'en donnant au pain le
nom de son corps, il l'a réellement changé en
son corps , et en donnant au vin le nom
de son sang, il l'a réellement changé en son
"sang, et fait par conséquent que les noms
de corps et de sang convinssent réellement à
ce qu'il a appelé son corps et son sang. De
cette sorte, ces dernières expressions sont
fondées sur un changement réel , et non pas
les autres. Théodoret reconnaît donc que le
vin mystique est appelé sang de Jésus-Christ,
comme le sang est appelé vin; il reconnaît
encore que le Seigneur a changé les.noms en
se donnant les noms des symboles, et don-
nant aux symboles les noms de son corps et
de son sang. Cela prouve qu'il a reconnu la
ressemblance de ces expressions; mais il en
a reconnu aussi la différence en disant ^ que
Jésus-Christ a changé les noms afin que, par
ce changement de noms, ils crussent le chan-
gement qui se fait par la grâce. Cetinterprète
veut donc qu'on reconnaisse un changement
pour fondement de ces expressions , et il re-
connaît que ce changement se fait dans les
mystères; il le déclare expressément, parce
qu'il parle de ceux qui participent aux mys-
tères, et il leur défend de s'arrêter à la na-
ture des choses qui s'y voient , les obligeant
de croire le changement qui s'y fait.
22. Il marque, dans le passage qui est tiré g^.^^
de son second dialogue , quel est ce change-
ment, en disant que c'est un changement qui
se conçoit par l'esprit. « On conçoit, dit-il ^,
par l'esprit, que les symboles sont ce qu'ils
ont été faits; on croit qu'ils le sont, et on les
adore comme étant ce qu'on les croit. » Théo-
doret reconnaît expressément fout cela du
pain et du vin, que l'on appelle corps et sang
de Jésus-Christ; et il ne reconnaît rien de
tout cela à l'égard de Jésus-Christ, qui s'ap-
pelle vigne et froment; il ne concevait point
par l'esprit qu'il eût été fait vigne ou fro-
ment; il ne croyait point par la foi qu'il
eût été fait vigne ou froment; et s'il l'a-
dorait comme Jésus-Christ, il ne l'adorait
pas comme ayant été fait ni froment ni
vigne. On ne peut donc pas dire qu'il ne
reconnut point de différence entre ces expres-
sions qu'il compare. Mais que veut dire Théo-
i Retibus quœ ipse lexuisti captus es, neque enim
symhola mysllca post sanctificationem i^ecedunt a sua
nutura. Matient enim in priore subsiantia, et figura
et forma, et videri tangique possunt, sicut et prius;
intelliguntur en esse quœ facta suni, et creduntur, et
adorantur, ut quœ illa sint quœ creduntur. Idena,
Dialog. 2, pag. 85.
2 Théodoret., Dialog. 1, pag. 17, 18, tom. IV.
3 Tlieodoret., Dialog. 2, pag. 85, tom. IV.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V' SIECLE.]
doret, dans son second dialogue, lorsqu'il
avance « que l'on conçoit par l'esprit que les
symboles sont ce qu'ils ont été faits; cju'on
croit qu'ils le sont, et qu'on les adore comme
étant ce qu'on les croit? » Il est indubitable
que lorsqu'il dit que « l'on conçoit qu'ils sont
ce qu'ils ont été faits, » c'est la même chose que
s'il avait dit « qu'ils ont été faits le corps et
le sang de Jésus-Christ , et que l'on conçoit
qu'ils le sont; » que quand il dit « qu'on croit
qu'ils le sont, » c'est comme s'il avait dit
« qu'on croit qu'ils sont le corps et le sang de
Jésus-Christ, » et que quand il dit «qu'on les
adore comme étant ce qu'on les croit, » c'est
la même chose que s'il s'était ainsi exprimé :
« On les adore comme étant le corps et le
sang de Jésus-Christ, et l'on croit qu'ils le
sont. » En un mot, il est certain que les termes
à quoi les pronoms relatifs se rapportent dans
l'expression de Théodoret sont ceux de coi-ps
et de sang de Jésus-Ckiist, et non pas ceux
des mystères du corps et du sang de Jésus-Christ.
Cela est si vrai, que le ministre Auberlin *
reconnaît que les mots qu'il faut suppléer
sont ceux de cot'ps et de sang de Jésus-Christ.
« Théodoret, dit-il, a raison de dire que l'on
conçoit, et que l'on croit que les symboles
mystiques sont après la consécration ce qu'ils
ont été faits , c'est-à-dire le corps et le sang
de Jésus-Christ. » Il n'y avait pas moyen de
désavouer que ce ne fût en cette manière
quïl fallait suppléer à la proposition de Théo-
doret, car il est clair que cette expression
dont il se sert, qu'on croit que les symboles
sont ce qu ils ont été faits, est prise du langage
des liturgies et de l'invocation que le prêtre
fait, et dont il est fait mention trois lignes
auparavant. Or, par cette invocation, on de-
mandait expressément à Dieu a qu'il fit le pain
et le vin le corps et le sang de Jésus-Christ, » et
non « le mystère du corps et du sang.» Cela
paraît même évidemment par la suite de
Théodoret, sans ce rapport à la liturgie; car
l'Eraniste ayant fait confesser à l'Orthodoxe
qu'après la consécration les symboles qui
s'appelaient pam et vin auparavant, s'appel-
lent corps et sang de Jésus-Christ, pour mon-
trer que ce n'était point d'un simple nom qu'il
parlait, mais d'un nom joint à l'etTet, il en
conclut « qu'il faut donc croire que l'on reçoit
le corps et le sang de Jésus-Christ, » et il le
fait confesser à l'Orthodoxe : « Et vous croyez.
127
lui dit-il, que vous recevez le corps et le sang
de Jésus-Christ? » — « Oui, je le crois, » ré-
pond l'Orthodoxe. De cette première consé-
quence, l'Eraniste en tire une autre, qui est
que le pain est donc changé; car il n'avait fait
avouer à l'Orthodoxe que l'on recevait le corps
de Jésus-Christ qu'afin d'avoir droit de con-
clure, comme il fait, a que les symboles sont
autres avant la consécration , et qu'après la
consécration ils sont changés. » Ainsi il y a,
selon Théodoret , rm ordre de conséquences
entre ces trois propositions : Le pain est ap-
pelé le corps de Jésus-Christ; l'on reçoit le
corps de Jésus-Christ en recevant le pain; le
pain est donc changé. La première produit la
seconde , et la seconde produit la troisième.
Cependant il est clair que l'on ne saurait
conclure de ce que le pain est appelé corps
de Jésus-Christ, que l'on reçoit le corps de
Jésus-Christ en recevant le pain, si l'on ne
conçoit qu'il n'est pas simplement appelé
corps de Jésus-Christ, mais qu'il l'est réelle-
ment; car qui a jamais conclu de ce que
l'agneau pascal était le mystère et la figure
du passage, que l'on recevait donc le passage
en mangeant l'agneau. De même, si cette
réception du corps de Jésus-Christ n'était
qu'intellectuelle et par le moyen de la foi,
il serait impertinent de conclure de ce qu'on
reçoit spirituellement le corps de Jésus-Christ
en recevant le pain, que le pain est donc
changé ; car quel ministre a jamais conclu
de ce que l'on reçoit, comme ils disent, Jésus-
Christ en quelque sorte, en écoutant la parole
des prédicateurs, que cette parole est donc
changée? 11 suit de là que quand l'Eraniste
conclut que le pain est changé, il entend qu'il
est changé au corps de Jésus-Christ , et qu'il
faut suppléer à ces paroles dont il se sert :
« Les symboles sont changés après l'invoca-
tion, » et les entendre comme s'il avait dit :
« Les symboles sont changés au corps de Jé-
sus-Christ, » puisque, comme nous avons re-
marqué , ces paroles ne sont qu'une conclu-
sion de ce que l'Eraniste avait fait confesser
à l'Orthodoxe, « qu'il croyait recevoir le corps
de Jésns-Christ. » Cela étant, il est visible que
ce que Théodoret ajoute ensuite , « que l'on
croit que les symboles sont ce qu'ils ont été
faits, » ne signifie que la même chose que ce
qu'il avait exprimé par ce? mots : sont changés.
Ainsi, comme il est clair que Théodoret a
' Theodoretus vere quidem ait symbola mysika post
cnnsecrationem intelligi, et credi illa quœ fada,
nempe Christi corpus et sanguinem. Albertin., de So'
cram., tom. TII Perpet. fidei, lib. V.
128
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
voulu dire que les symboles sont changés au
corps de Jésus-Clirist , il est clair aussi qu'il
a voulu dire qu'ils sont faits le corps de Jésus-
Cbrist. Tout cela a un rapport et une liaison
Indissoluble. Il paraît donc que quoique Théo-
doret ait comparé ces deux propositions : « J e
suis la vigne , le vin est le sang de Jésus-
Christ, )) et qu'il dise « que le Seigneur a
changé les noms et qu'il a donné au symbole
le nom de son corps , et qu'il s'est donné à
lui-même le nom de symbole ; » il ne les com-
pare néanmoins qu'en ce qu'elles ont de sem-
blable , et qu'il y reconnaît en même temps
de très-grandes difTérences ; il a regardé cette
première proposition : « Je suis la vigne, »
comme une métaphore dont il ne suivait ni
que Jésus-Christ fût changé en vigne, ni qu'en
recevant Jésus-Christ nous reçussions une
vigne , ni que nous dussions concevoir par
l'entendement que Jésus-Christ fût une vigne,
ni que nous le dussions croire vigne ni l'ado-
rer comme une vigne; il est certain, au con-
traire, que de cette proposition : «Le vin est
le sang de Jésus-Christ, » il a cru qu'il sui-
vait « que nous recevons le sang de Jésus-
Christ » en recevant le vin consacré; « que
le vin était changé au sang de Jésus-Christ,
qu'il était fait le sang de Jésus-Christ, que
nous devions croire qu'il avait été fait sang
de Jésus-Christ, que nous le devions adorer
comme sang de Jésus-Christ. » Tout cela suit
manifestement du discours de Théodoret. Voi-
là les différences des deux pi-opositions qu'il
a marquées et reconnues. En les supposant,
il est ridicule do rien conclure contre la pré-
sence réelle, de la comparaison que Théodo-
ret fait de ces deux propositions : « Je suis la
vigne, le vin est le sang de Jésus-Christ; » au
contraire , ces différences, jointes à la com-
paraison , ne sont propres qu'à établir cette
doctrine. Selon la remarque du cardinal Du-
perron, ce père ne compare pas ces deux
prop&sitions comme ayant une vérité égale,
et dans lesquelles l'attribut convienne au su-
jet également; il les compare au contraire
comme subordonnées l'une à l'autre, comme
l'une étant la cause de l'autre ; car il veut que
Jésus-Christ se soit appelé une vigne, et qu'il
ait appelé le vin son sang, parce qu'il devait
changer le vin en son sang. C'est ce qui pa-
raît clairement par les paroles de son premier
dialogue : « La raison , dit-il, de ce change-
ment de noms (par lequel Jésus-Christ s'ap-
pelle vigne et donne au vin le nom de son
sang) est claire à ceux qui sont initiés aux
mystères : c'est que Jésus-Christ voulait que
ceux qui participent aux divins mystères ne
s'arrêtassent pas à la nature des choses qui
s'y voient, mais que, par ce changement de
noms, ils crussent le changement qui se fait
par la grâce; car Jésus-Christ, qui a appelé
son corps naturel /romew^ eipain, et qui s'est
lui-même nommé vigne, honore les symboles
visibles du nom de son corps et de son sang,
non en changeant la nature, mais en ajoutant
la grâce à la nature. » Ainsi selon Théodo-
ret, la fin que Jésus-Christ a eue, non-seule-
ment en appelant le pain et le vin son corps
et son sang, mais aussi en appelant son corps
froment et paiii, et en s'appelant lui-même
vigne , est de nous faire croire que le pain et
le vin sont changés au corps et au sang de
Jésus-Christ. Ce changement est la cause et
le fondement de ces expressions; mais comme
ce changement n'est pas également signifié
par ces expressions , et que quand Jésus-
Christ a dit : Ceci est mon corps , ceci est mon
sang, il l'a marqué directement et clairement ;
au lieu qu'il ne l'a marqué que métaphori-
quement et obscurément, en disant :« Je suis
la vigne; » il s'ensuit que la vérité de l'une
dépend de celle de l'autre , et que la pre-
mière est propre, et l'autre métaphorique.
On ne doit donc nullement conclure de la
comparaison que fait Théodoret entre ces
propositions, qu'il les égale dans leur vé-
rité ou dans leur manière de signifier, mais
seulement qu'il les rapporte à la même fin,
qui est de montrer que par le sang du raisin
dans lequel Jacob dit que le Messie lavera
son vêtement, il faut entendre le sang de Jé-
sus-Christ.
23. La difficulté que les sacramentaires
font sur le second passage de Théodoret,
vient d'être suffisamment éclaircie; car il pa-
raît par tout ce que nous venons de dire, que
Théodoret admet dans le sacrement de l'eu-
charistie un changement du pain et du vin
au corps et au sang de Noire-Seigneur; d'ofi
l'on doit conclure qu'il a cru la transsubstan-
tiation, et qu'il n'a point eu sur cet article
de foi des sentiments différents de ceux des
Pères de son temps : mais on peut encore
objecter que Théodoret, en pailant de ce
changement, dit non-seulement qu'il se fait
par grâce, mais qu'il ne change pas même
la nature, et que la grâce ajoute seulement
à la nature. « Jésus-Christ, dit cet interprète,
a honoré les symboles de son corps, non en
changeani la nature, mais en ajoutant la
[V^ SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORE!, ÉVÊQUE DE CYR.
Tom. m
la Perpé-
lé, liv. V,
, VI et VII.
grâce à la nature '. » Et encore : « Les sym-
boles 2 mystiques ne quittent point leur pro-
pre nature, et ils demeurent en leur pre-
mière essence et dans leur figure et dans
leur forme. » On conclut de ces passages
que la nature du pain n'est donc point chan-
gée dans l'eucharistie. Il est vrai que Théo-
doret ne détermine point quel est l'efiet de
la grâce qui produit le changement qui se
fait dans l'eucharistie; mais la suite de son
discours donne lieu de croire que c'est de
rendre les symboles corps et sang de Jésus-
Christ; en sorte qu'en les recevant, on re-
çoive le corps et le sang de Jésus-Christ. A
l'égard de ce qu'il dit que les symboles mys-
tiques demeurent en leur première essence,
il faut remarquer que les termes de nature
et de substance ou essence, ont un usage très-
commun dans les Pères, selon lequel il n'est
point contraire à la doctrine catholique , de
dire que les symboles, c'est-à-dire le pain et
le vin « retiennent leur propre nature et de-
meurent dans leur propre essence. » Le mot
de nature, dit le ministre Aubertin, se prend
très-souvent pour la qualité et la condition.
Ainsi l'on dit qu'une chose est changée en
la nature d'une autre, parce qu'elle en ac-
quiert les qualités; ce qu'il prouve par vingt-
quatre passages tirés de divers Pères. Selon
ce sens, on peut bien dire que le pain ne
change pas de nature par la consécration,
puisqu'il ne change pas de qualités. 11 faut
encore remarquer que le dialogue de Théo-
doret d'où l'on a tiré les passages que l'on
objecte contre la transsubstantiation, a pour
but de réfuter l'hérésie des eutychéens, qui
enseignaient qu'il n'y avait qu'une nature
en Jésus-Christ. Ils voulaient, selon l'idée
que ce Père donne de leur sentiment, que
l'essence humaine fût tellement absorbée,
que le corps de Jésus-Christ fût invisible,
impalpable, sans étendue, incirconscrit, sans
forme humaine et sans aucune des proprié-
129
tés de la nature de l'homme. L'Eglise, au
contraire, prétendait contre eux que le corps
de Jésus-Christ était encore visible , palpa-
ble , circonscrit , qu'il avait la forme et la
figure humaine, et qu'il conservait Fessence
d'un corps humain. C'est sur cette question
que Théodoret ayant tiré un argument de
l'eucharistie, pour montrer que Jésus-Christ
avait encore un vrai corps, l'eutychéen en
veut tirer un de son côté, et il le fait en cette
manière : premièrement, il fait confesser à
l'orthodoxe que les symboles, après la con-
sécration, s'appellent le corps et le sang de
Jésus-Christ. Il lui fait confesser, en second
lieu, qu'il croyait recevoir le corps et le sang
de Jésus-Christ. Sur ce double aveu il forme
cet argument : « Comme donc - les symbo-
les du corps et du sang du Seigneur sont
autres avant l'invocation sacerdotale; mais,
après la consécration, ils sont changés et
sont faits autres; de même le corps du Sei-
gneur a été changé en essence divine. » Que
répond Théodoret à ce raisonnement de
l'eutychéen ? « Vous vous êtes, lui dit-il, en-
veloppé dans les filets * que vous avez vous-
même tendus; car les symboles mystiques
ne quittent point leur propre nature après
la consécration, puisqu'ils demeurent comme
auparavant dans leur première essence, en
leur première figure et en leur première
forme, et qu'ils sont visibles et palpables :
mais on conçoit par l'entendement qu'ils
sont ce qu'ils ont été faits, » c'est-à-dire le
corps et le sang de Jésus-Christ, comme
nous avons prouvé que Théodoret ne pou-
vait entendre autre chose. « On croit qu'ils
le sont, et on les adore comme étant ce
qu'on les croit. Comparez donc maintenant
celte image avec son original, et vous verrez
le rapport qu'il y a de l'un à l'autre; car il
faut que la figure ressemble à la vérité. Le
corps donc de Jésus-Christ garde sa première
figure, sa première forme , sa première cir-
1 Visibilia symbola corporis et sanguinis appella-
tione honoravit,non naturam mufa?is, sed naturœ gra-
tiam addens. Tlieodoret., Dialog. i, pag. 18.
2 Negite enim symbola mystica post sanctificalionem
rccedunt a sua nafiira : manent enim in priore subs-
iantia, et figura, et forma. Idem, Dialog. 2, pag. 85.
' Eranistes : Sicut ergo symbola Dominici corporis
et sanguinis alia sunt ante sacerdotis inmcationem ,
post invocationem vero mutantur, et alia fiunt; ita
Dominicum corpuspost ascensionemin divinam substan-
liam mutatum est. Dialog. 2, pag. 85.
'• Retibus quœ ipse texuisii captus es. Negue enim
symbola mystica post sanctificationem recedunta sua
natura; manent enim in priore substantia, et figura,
et forma, et videri tangique possunt, sicut et prius ;
intelliguntur autem ea esse quœ factasunt, etcredun-
tur, et adorantur, ut quœ illa sint quœ creduntur.
Confer igitur imaginem cum archetypo, et videbis
similitudinem. Oportet enim figuram similem esseve-
ritati, Illud enim corpus priorem habet formam, et
circumscriptionem, et, ut semel dicam, corporis subs-
tantiam; immortale autem post resurrectionem, et
immune a corruptione factum est, sedemque a dextris
adeptum, et ab omni creutura adoratur, quia Domini
naturœ corpus appellaiur. Ibid,
130
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
conscription, et pour le dire en un mot, il a
l'essence d'un corps. » Quand il serait même
vrai que par les termes dont Théodoret use
à l'égard des symboles, il leur aurait donné
trop de réalité, ces expressions se trouve-
raient corrigées par ce qu'il dit ensuite,
« que les symboles sont faits corps de Jésus-
Christ, et qu'on les adore comme étant ce
qu'on les croit. » On dira peut-être que
quand Théodoret conclut que le corps de
Jésus-Christ conserve la substance du corps,
il veut dire qu'il conserve la substance par
opposition aux accidents : non^ le mot de
substance ne signifie en aucun des deux en-
droits objectés la substance par opposition
aux accidents, il signifle en tous les qualités
et les propriétés; Théodoret s'en sert dans
le même sens, et dans le principe et dans la
conclusion. Le principe est que les symboles
retiennent leur première essence, c'est-à-
dire les propriétés du pain et du vin, et la
conclusion est que le corps de Jésus-Christ
consei've l'essence du corps, c'est-à-dire les
propriétés d'un corps : c'est ce qui paraît par
son expression même ; car, après avoir dit
« que le corps de Jésus-Christ garde sa pre-
mière forme, sa première figure, sa première
circonscription, » il ajoute, pour rassembler
en un mot toutes les autres propriétés du
corps humain : « Il a l'essence d'un corps; »
par où il fait voir qu'il regardait le mot de
substance comme renfermant les propriétés
déjà exprimées, et celles qui ne l'étaient
pas.
Sur l'Ordre '^^- ^^ "°™ d'évêquo * ct dc prêtre était
commun aux évéques du temps des apôtres.
On ne laissait pas dès lors de distinguer trois
degrés dans la hiérarchie de l'EgHse. Les
évéques étaient distingués des prêtres parle
nom d'apôtres, et on ne doutait pas qu'ils
ne leur fussent supérieurs en dignité. Outre
les évéques, les prêtres et les diacres, Théo-
doret marque ^ parmi les ministres de l'E-
glise, des sous-diacres ^ et des lecteurs *. Il
dit que ^ l'on doit examiner la vie de celui
que l'on veut ordonner, et après cet exa-
men, invoquer la grâce du Saint-Esprit sur
lui. L'ordination se faisait par l'imposition
des mains, qu'on ne réitérait pas. Flavien,
évêque d'Antioche, ayant su^ quelle était la
vertu du solitaire Macédonius, le fit venir du
haut de la montagne où il demeurait , sous
prétexte de répondre à une accusation for-
mée contre lui, et, durant la célébration du
saint sacrifice, il l'ordonna prêtre. La céré-
monie achevée, Flavien lui ayant dit ce qui
s'était passé, Macédonius, qui l'avait ignoré
jusque-là, lui en fit mille reproches, et à tous
ceux qui étaient présents. Le dimanche sui-
vant, Flavien le fit encore venir et le pria
d'assister à la cérémonie avec les autres.
Macédonius, s'adressant à l'évêque et aux
prêtres, leur dit : « N'êtes -vous donc pas
content de ce qui s'est déjà passé ? Voudriez-
vous de nouveau m'ordonner prêtre? » Ils
lui répondirent que cela ne se pouvait, puis-
qu'on n^imposait jamais les mains qu'une
seule fois. Théodoret rapporte une histoire
qui montre combien on avait en horreur les
ordinations faites par des évéques héréti-
ques. Marie, reine des Sarrasins'', ayant de-
mandé le saint solitaire Moïse pour évêque,
celui-ci ne voulut point souffrir que Lucien,
évêque arien, intrus à Alexandrie, lui impo-
* Paulus et Timotheus servi Jesu Christi omnibus
sanctis in Christo Jesu qui stmt Philippis, cum epis-
copis et diaconibus... Episcopos vero appellat presby-
teros, utrumque enim nometi habebant illo tempore....
beatum porro EpaphrodHum in epistola ipsa eorum
appellavit apostolum : « Vesirurn enim , inquit, aposto-
lum, et neeessiiuiis meœ adjutorem. >: Aperte ergo do-
cuit episcopalem dispensaiionem ei fuisse crédit am,
cum appellationem haberet opostoli. Théodoret., in
Mpist. ad Philipp., cap. I, pag. 3^3. Eum autem ip-
sorum apostolum vocavit , ut oui esset illorum cura
concredita ; ut clarum sit sub eo fuisse eos qui in
principio dicti sunt episcopi , presbyterorum scilicet
in ordine constitua. Ibid.j in cap. u, vers, 25, pag.
333. Eosdem olim vocabant presbyteros ei episcopos ;
eos autem qui nutic vocantur episcopi. apostolos nomi-
nabant. Précédente autem tempore, apostolalus nomen
reliquerunt iis qui vero erant apostoli : episcopatus
autem appellationem imposuerunt iis qui olim appel-
labantur apostoli. Itu Philippensium apostolus erat
Epaphroditus. lia Çretensium Titus et Asianorum
Timotheus apostoli. Ita ab Hierosolymis iis qui erant
Antiochiœ scripserunt apostoli et presbyteri. Sed
tamen eliam si presbyteris isia consiituit divinus Apos-
tolus, clarum est quod lias leges oporieret primas
servare episcopos, qui majorem dignitatem sortiti
sunt. Théodoret., in cap. xssi ad Timoth., pag. 473,
474.
2 Idem, Epist. 125, pag. 703, tom. IV.
3 Idem, Epist. 10, pag. 904, tom. 111.
* Idem, Epist. 125, pag. 703, tom. IV.
'■ Oportet enim prius examinare vilam e/us qui or-
dinatur, deinde in ipsum invocare gratiam Spiritus.
Idem, in Epist. 1 ad Timoth., cap. v, pag. 785,
tom. III.
^ Théodoret., Hist. relig., cap. xm, pag. 833,
tom. III.
' Idem, ILb. IV Hist. eccles., cap. xx, pag. 694 et
695.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
131
sât les mains, disant que les prières d'un tel
homme étaient incapables d'attirer la grâce
du Saint-Esprit. Antiochus, neveu de saint
Eusèbe de Samosate, fit la même chose. Le
concile de la province ' s'étant assemblé sui-
vant la coutume, pour l'ordonner évêquc de
cette ville, Jovien, évêque de Perge, qui
avait été quelque temps dans la communion
des ariens, s'y trouva comme les autres.
Tous ayant donné leur sulïrage pour l'élec-
tion d'Antioclms, on le mena près de l'autel,
et on le fit mettre à genoux pour recevoir
l'imposition des mains : en se retournant, il
vit Jovien qui s'avançait avec les autres ; il
repoussa sa main et voulut qu'il se retirât,
disant qu'il ne pouvait souffrir sur sa tête
une main qui avait reçu les mystères célé-
brés par des blasphèmes, c'est-à-dire l'eu-
charistie des ariens. On ordonnait quelque-
fois des bigames en Orient. Le comte Irénée
ayant été nommé évêque de Tyr par le suf-
frage - des évêques de Phénicie, Théodoret
l'ordonna, quoiqu'il eût été marié deux fois;
il crut devoir passer par-dessus cette irrégu-
larité, à l'exemple d'Alexandre d'Antioche,
qui avait ordonné avec Acace de Bérée, Dio-
gène, bigame; etdePrayle, évêque de Jéru-
salem , qui avait aussi ordonné Domnin ,
évêque de Césarée, bigame. Proclus, évêque
de Constantinople , approuva l'ordination
d'Irénée; les principaux évêques du diocèse
de Pont, et tous ceux de la Palestine l'ap-
prouvèrent également; mais l'empereur Théo-
dose-le-Jeune donna ^ une loi portant qu'I-
rénée qui^ après avoir encouru l'indigna-
tion de ce prince, comme nestorien, avait
été ordonné contre les canons, serait chassé
de l'Eglise de Tyr; qu'il ne sortirait point
de son pays, et qu'il y demeurerait en re-
pos, sans porter le nom ni l'habit d'évêque.
25. Les femmes étaient * communes par-
mi les nicolaïtes, hérétiques des premiers
siècles, qui avaient donné à leur secte le
nom de Nicolas, l'un des sept premiers dia-
cres de l'Eghse de Jérusalem. Saint Clément ^
d'Alexandrie, et après lui Théodoret ^, ra-
content que ce diacre ayant une femme
dont on disait qu'il était jaloux, à cause de
sa beauté, la fit venir en présence de l'as-
semblée, et permit de l'épouser à quiconque
la voudrait. Il agit de cette sorte, ajoutent
ces écrivains, non qu'il voulût la donner en
mariage à personne, mais uniquement pour
confondre ceux qui l'accusaient de jalousie.
Son action ne laissa pas de servir de pré-
texte à quelques-uns de mépriser les règles
du mariage. Pour lui, il était très-sage et
très- chaste. Son fils et ses filles, qui vécurent
longtemps, gardèrent toujours la virginité.
L'hérésiarque ' Saturnin est le premier qui
ait dit que le mariage vient de satan. Les
encratites ^ enseignèrent la même chose.
Montan ^ séparait les personnes mariées.
Les novaliens '" condamnaient les secondes
noces, et excluaient " des saints mystères
ceux qui s'étaient mariés une seconde fois.
Le mariage n'est point mauvais '^; autre-
ment Dieu ne l'aurait pas établi, ni appelé
bénédiction la génération des enfants. 11 n'a
pas même défendu aux anciens la pluralité
des femmes, alors nécessaire pour la multi-
plication du genre humain; mais l'unique
but que les patriarches se proposaient dans
le mariage étant d'avoir des enfants; ce mo-
tif les mettait à couvert du reproche d'in-
continence. L'Apôtre^, loin de '^ condamner
le mariage, en défend la dissolution, quand
même il l'aurait contracté avec des infidèles.
Sur le Ma-
riage.
1 Théodoret., lib. IV Hisi, eccles., cap. xin,
pag. 677, 678.
2 Idem, Epist. 110, pag. 980.
' Toin. III Concil., pag. 215, 216.
"> Théodoret., lib. III Eceret. FabuL, pag. 226 et
227.
s Lib. m Siromat, pag. 436.
« Théodoret., lib. III Hœret. FabuL, pag. 226.
' Idem, ibid., pag. 194.
8 Idem, ibid., pag. 208.
s Idem, ibid., pag. 227.
'" Idem, m Epist. 1 Cor., cap. vu, pag. 156.
'1 Idem, lib. III Hœret. FabuL, pag. 229.
12 Siautem tnatum esset malrimonium, minime illud
a principio constituisset Dominus Deus, nec liherorum
suscepiionem benedictionem vocasset. Propterea enim
veteres plures habere nxores non vetuit, ut genus hu-
manum augeretur, Eaque de causa etiam viri reli-
giosi, ciim plurium filiorum patres esse cupereni, dua-
bus et tribus et pluribus uxoribus jungebanlur. Quod
enim non voiuptali servientes, plurium uxorum con-
suetudinem ferebant, testatur Abraham patriarcha,
qui post multas Sarœ adhortationes cum Agar con-
g7'essus est, et post efus partum ad eam non amplius
accessit, etc. Idem, lib. III Hœret. FabuL, cap. xsv,
pag. 307.
13 Tantum abest ut prohibeat matrimonium, ut etiam
eum gui dissolvit, dominicis legibus cohibeat. Non
enim ego, inquit, hanc Icgem scribo, sed Dominus
Deus, qui in Evangeliis divinis adjecit, et eam quœ
separata fuerit innuptam manere jussit, hac rations
cogens redire ad virum, Quin etiamsi quœ infidèles
habent viros, et iis qui infidelibus juncii sunt uxori-
bus, prœcipit non soluere matrimonium. Idem, ibid.,
pag. 309, 310.
132
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Sur les Mar-
tyrs.
Il approuve ' les secondes noces; mais il dé-
fend la fornication ^ et toutes les autres im-
pudicités.
26. « Les martyrs ^ jouissent, après leur
mort, de la vie bienheureuse; ils ont soin *
des affaires des hommes, et parce qu'ils ont
souffert la mort pour la justice et la piété,
ils chassent ^ les maux et promettent des
biens. Ce sont les amis de Dieu, auprès de
qui ils ont une grande liberté : ainsi on les
regarde avec raison comme les médecins,
les guides, les défenseurs ^ des fidèles, qu'ils
pi'otégent contre ceux qui veulent leurnuire.
Ce n'est point l'usage d'offrir aux martyrs
des hosties ni des libations '. On les honore
seulement comme de saints hommes qui ont
aimé Dieu, pendant que leurs âmes sont
dans le ciel ^ au milieu des chœurs des an-
ges; les villes et les bourgades se partagent
leurs corps, qu'elles appellent leurs méde-
cins salutaires; elles les honorent comme
leurs gardiens, et elles obtiennent par leur
intercession des grâces extraordinaires ; ce-
pendant, le partage de leurs reliques n'en
diminue pas la vertu, parce que la grâce
qui est présente, distribue les dons et les
proportionne à la foi de ceux qui prient. Les
temples des martyrs étaient ordinairement '
magnifiques les fidèles s'y assemblaient, non
une, deux ou cinq fois l'année, mais fort
souvent, et quelquefois tous les jours de la
semaine, pour chanter les louanges du Sei-
gneur et des martyrs. Ceux qui jouissaient
d'une parfaite santé, les priaient de la leur
conserver; ceux qui avaient quelqu'indispo-
sition corporelle, en démandaient la guéri-
son; ceux qui n'avaient point d'enfants, leur
en demandaient; les femmes stériles les
priaient pour obtenir la fécondité; ceux qui
voyageaient les prenaient pour guides, et
lorsqu'ils revenaient sains et saufs de leurs
voyages, ils leur en rendaient des actions de
grâces. Les fidèles, toutefois, ne s'adressaient
pas aux martyrs comme à des dieux, mais
comme à des hommes saints, les priant d'ê-
tre leurs intercesseurs auprès de Dieu .» Théo-
doret finit presque toutes les vies des saints
solitaires '", en les priant d'intercéder pour
lui auprès de Dieu. «Les pères et mères don-
naient à leurs enfants " des noms de mar-
tyrs, espérant par là leur attirer la protec-
tion de ces saints. Il se faisait dans leurs
* Notandiim est autem, quod non beatam, sed bea-
tiorem emn dical quœ se continet. lia docens, quod
non omnino beatiludine sit destiluta, quœ secundum
etiam matrimonium ampleciitur, sijuxta positam hic
legem jugum subeat. Ideni;, ibid., pfig. 310.
2 Fornicationem autem et omnem intemperantiam ,
tanquam illegiiimas aciiones prohibemus. Idem, ibid.,
pag. 311.
3 Quod si cœlum sedes illorum est qui pie vitam.
duxerunt, hanc profecto martyres sortem obiinent,
quilius pium inagis esse nihil potest. Tàeodoret.,
serm. 8 de Martyribus, pag. 599.
' Theodoret., ibid., pag. 602, 603.
^ Nos enim pari modo eos qui pietate claruerunt,
proque ea cœsi sunt, malorum depulsores et medicos
nominamus ; dœmones non appellamus {absit a nobis
hic furor), sed Dei amicos servosque benevolos, liber-
iate utentes bonorumque copiam nobis promittentes.
Theodoret., ibid., pag. 602.
'' Hi sunt vere hominum duces et propugnatores et
auxiliatores, malorumque depulsores, damna quœ a
dœmonibus instigantur procul arcentes. Idem , ibid.,
pag. 600.
' At nos, 0 viri, nec hostias martyribus, nec liba-
mina deferimus, sed ut sanctos Deique amantes hono-
ramus. Idem, ibid., pag. 599.
8 Ac generosœ quidetn animœ triximphatorum cœ-
lum nunc obambulant et angelorum choris intersunt ;
eorum vero corpora non singula cujusque condunt
monurnenta , sed urbes et vici hœc inter se partiti,
animarum illos seroatores corporumque medicos up-
pellant, veneranturque tanquam urbium prœsides at-
gue custodes. Et horum apud Deum uniuersorum in-
terventu divina per eos mimera consequuntur, Sectis eo-
rum corporibus, intégra et indivisa gratia persévérât .
Et tenues illœ ac lantillœ reliquiœ intégra nullasque
in partes dissecto martyri parem hahent virtuiem. Quœ
enim adstat gratia dona distribuit, et fi.de supplican-
tiuni liberalitatem metitur. Idem, serm. 8 de Martyri-
bus, pag. 593, 594.
9 Victorum vero marlyrum iempla clara et conspi-
cua cernuntur, magnitudineque prœstantia, et omni
ornatus génère illustria, et pulchritudinis splendorem
late fundentia. Neque ad hœc nos semel bisve aut quin-
quies quot annis accedimus, sed fréquentes conventus
celebramus, sœpe etiam diebus siîigulis horum Domino
laudes decantamus, et qui intégra sunt valetudine,
hanc sibi conservari ; qui autem morbo quopiam con-
flicfantur, hmic depelli petunt. Petiint et libéras qui
his carent, et quœ stériles sunt, rogant ui maires fiant;
qui donum adepti sunt, saluum id sibi servari postu-
lant. Qui peregrinationem aliquam auspicaniur, ab
his petunt, ut viœ sibi comités sinf, ducesque itineris ;
qui sospites redierunt, gratias referunt : non illos
adeuntes ut Deos, sed tanquam divinos homines eos
crantes, intercessoresque sibi ut esse velint postulan-
tes. Idem, serm. 9 de Martyr., pag. 605, 606.
i» Idem, Eist. relig., pag. 772 et seq.
" Quin et nascentibui filiis horum vocabula impo-
nere student, securitatem incle tutelamque comparantes.
Theodoret., serm. 8 de Martyribus, pag. 606. Quod
vero verborum compotes fiant qui fideliter petunt, pa-
lam testantur illorum donaria curaiionem indicantia.
Alii enim oculorum, alii pedum, alii manuum simu-
lacra suspetidunt, ex argenio aurove confecta... hœc
autem morborum depulsionem indicant, cui lestan-
dœ ab lis posita sunt qui sanitalem receperunt. Idem,
ibid.
i
[V SIÈCLE.'
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
temples grand nombre de guérisons miracu-
leuses. On y voyait des figures d'yeux, de
mains, de pieds, faites d'argent ou d'or, que
ceux qui avaient été guéris y suspendaient,
pour marquer leur reconnaissance. Les fem-
mes * de piété avaient aussi coutume d'oin-
dre les châsses des martyrs. Au lieu des l'êtes
de Jupiter et de Bacchus ^, qui se passaient en
débauche parmi les païens, les chrétiens célé-
braient celles de saint Pierre, de saint Paul,
de saint Thomas, des saints Sergius, Marcelle,
Léontius,Pantéléemont, Maurice, Antonin, en
chantant des hymnes , en écoutant la parole
de Dieu, et en faisant des prières mêlées de
larmes. On mettait les corps des martyrs
dans des tombeaux ornés superbement. Ju-
lien l'Apostat 3 ayant fait mourir deux olfl-
ciers de sa cour, Juventin et Maximin, sous
prétexte de rébellion à ses ordres, mais en
effet pour leur ravir la gloire du martyre,
l'Eglise d'Antioche mit leurs corps dans un
superbe tombeau, et établit une fête annuelle
pour honorer leur mémoire.»
Théodoret, dans son discours contre les
Païens, semble leur reprocher de n'avoir pas
accordé à Socrate des honneurs semblables *
à ceux que les chrétiens rendent aux martyrs,
après avoir fait mourir ce grand homme
d'une mort violente. «On ne lui a pas, dit-il,
bâti de temple, on ne lui a point consacré
de chapelle, on ne lui a point institué de fê-
tes. » Il raconte ^ que Julien ayant fait bâtir
une église en l'honneur des martyrs, ces
saints, qui prévoyaient son apostasie, refusè-
rent son présent. Les fondements de cet édi-
fice n'étant pas plus stables que l'esprit de
celui qui les avait jetés, il tomba avant d'être
dédié. On voit, par la Vie de saint Marcien,
que l'on bâtissait quelquefois des oratoires
aux saints, même pendant leur vivant. Plu-
sieurs personnes ^ en firent construire pour
mettre son corps après sa mort. Alypius en
133
bâtit un dans la ville de Cyr. Zénobianne,
femme riche, de grande condition et d'une
vertu émi'nente, en fit un dans Chaleine, et
d'autres ailleurs, chacun désirant d'enlever
et de posséder les reliques du saint. Marcien,
l'ayant su, obligea sous serment Eusèbe,
son ami, d'enterrer son corps dans le désert,
et de n'en découvrir l'endroit qu'à deux de
ses disciples en qui il avait une confiance
particulière. Eusèbe exécuta cet ordre si fi-
dèlement, que le corps du saint demeura
inconnu durant plus de cinquante ans.
27. Pour abolir ' la mémoire de la ré- ..surrjnven-
tio n d e 1 a
surrection de Jésus-Christ, les païens avaient '''°'° '^"''■•
comblé la grotte du Saint-Sépulcre , élevé au-
dessus une grande quantité de terre , et bâti
un temple à Vénus, où ils olfraient des sa-
crifices à cette idole, afin que les chrétiens
parussent eux-mêmes l'adorer quand ils
viendraient en ce lieu ^ pour y adorer Jésus-
Christ. Constantin, au lieu du temple dédié
à Vénus, ordonna de bâtir en cet endroit
une église magnifique ^, voulant qu'elle sur-
passât en beauté, non-seulement les autres
églises, mais tous les édifices des autres
viOes. « J'ai donné ordre, dit-il, à Dracilien,
vicaire des préfets du prétoire et gouvei-
neur de la province, d'employer, suivant vos
ordres (il parle à saint Macaire, évêque de
Jérusalem), les ouvriers nécessaires pour
élever les murailles. Mandez-moi quels mar-
bres précieux et quelles colonnes vous ju-
gerez plus convenables, afin que je les y
fasse conduire. Je serais bien aise de savoir
si vous jugez à propos que la voûte de l'é-
ghse soit ornée de lambris ou de quelqu'au-
tre sorte d'ouvrage. Si c'est du lambris, on
y pourra mettre de l'or. » Sainte Hélène,
mère de ce prince, ayant entrepris le voyage
de Jérusalem, malgré son grand âge, se char-
gea de la lettre '" de son fils à Macaire. Arri-
vée au lieu où le Sauveur avait souffert la
1 Muîierculœ consueverunt in templis divinis oleo
ungere adytorum cancellos et sunciorum niartyrum
thecas. Id vero demonstrat animi pietatem. Theodor.j
qi:i|;est. 84 in Gènes., pag. 61.
2 Pro Pandiis enim Diasiisque, ac Dionisiis et aliis
vesfris, Pétri et Pauli, et Thomœ, et Sergii, et Mar-
celli, et Leonfii, et Panteleemonis, et Antonini, et
Mauricii, aliorumqiie martyrum so/emnitaies pera-
guntur, et pro illa veteri pompa turpique rerum ac
verborum obscœnilate, modastœ celebrantur feslivila-
les, non ebrietatem, et jocos risusque exhibentes , sed
divina caniica, sacrorumque sermonum auditionem, et
preces laudahilibus lacrymis ornatas. Théodoret. ,
serm. 8 de Martyr., pag. 607.
3 Lib. III Hisf. eccles., cap. xi, pag. 650.
' Neque tamen honorem martyribus parem est con-
secutus [Sacrâtes); num nec illi templum extruxerunt ,
nec locum aliquem consecrarunt, nec solemnem festi-
vitatem indixerunt. Théodoret., serm. 8 de Martyr.,
pag. 603.
'" Idem, lib. Ht Hist. eccles., cap. I, pag. 637.
^ Théodoret., Hist. relig., cap. lu, pag. 792 et
793.
'' Euseb., lib. III de Vita Constanlini, cap. xvi,
pag. 497.
8 Rufiu., lib. I Hist., cap. vu, pag. 237.
9 Théodoret., lib. I Hist., cap. svi, pag. 563.
1» Idem, ibid., cap. xvu, pag. 563, 564.
134
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sur te signe
de la Croix.
mort, elle fit démolir le temple de Vénus,
avec ordre d'en transporter les démolitions
ailleurs. Le tombeau de Jésus-Christ qui
était resté si longtemps caché, ayant été
découvert, on aperçut trois crois. Il n'y avait
point de doute que l'une des trois ne i'iït
celle où le corps du Seigneur avait été atta-
ché; mais la difficulté était de la distinguer
de celles des deux larrons. Macaire, qui était
un homme rempli de sagesse, trouva le
moyen de lever cette difficulté. Après s'être
mis en prière, il fit toucher les trois croix à
une dame de qualité, malade depuis long-
temps. Celle du Sauveur ne l'eut pas plutôt
touchée, qu'elle recouvra la santé. Sainte
Hélène, informée par ce miracle de ce qu'elle
avait tant souhaité de savoir, fit mettre une
partie des clous au casque de Constantin,
pour le garantir des traits de ses ennemis,
et une autre partie au mors de son cheval,
tant pour le conduire et le défendre , que
pour accomplir cette prophétie faite long-
temps auparavant : Ce qui est dans le mors
du cheval sera saint au Seigneur tout-puissant.
Elle fit porter une partie de la vraie croix
au palais, et laissa l'autre dans une châsse
d'argent, entre les mains de l'évêque, le
priant de la garder avec soin.
28. Le signe de la croix était en grande
vénération chez tous les Grecs*, les Romains
et les Barbares, qui confessaient que Jésus-
Christ crucifié est Dieu. Théodoret raconte
qu'un imposteur^ ayant mené Juhen l'Apos-
tat dans la partie la plus secrète d'un temple
d'idoles, et ayant commencé à invoquer les
démons, ils parurent sous la même forme
qu'ils avaient accoutumé de prendre. A la
vue de ces objets, Julien, frappé de peur, fit
sur son front le signe de la croix, et aussitôt
les démons s'enfuirent. L'enchanteur s'en
plaignit à Julien, qui, avouant sa peur, ne
put s'empêcher d'admirer la vertu du signe
de la croix. « Ce n'est pas, lui répondit l'en-
chanteur, la crainte de la croix qui les a fait
retirer; c'est l'horreur qu'ils ont eue de votre
action. » Julien se paya de cette raison et se
fit initier aux cérémonies profanes. Le même
historien, en louant la patience ^ d'un saint
anachorète, nommé Limnée, remarque que
dans les douleurs d'une effroyable colique,
et dans celles que lui avait causées la morsure
d'une vipère en dix endroits du corps^ il se
guérit par le signe de la croix. On voit en-
core par Théodoret* que les chrétiens, avant
de boire, faisaient le signe de la croix sur
leur verre.
29. Julien l'Apostat voulant^ déclarer la
guerre aux Perses, fit auparavant consulter
par ses plus fidèles amis, tous les oracles de
l'empire. Etant allé lui-même à Daphné ^
consulter Apollon Pythien, l'oracle lui ré-
pondit que les corps morts l'empêchaient de
parler, mais qu'aussitôt qu'ils seraient ôtés,
il lui prédirait ce qu'il souhaitait. Par ces
corps morts, l'oracle d'Apollon entendait les
reliques du martyr saint Babylas, qu'on avait
déposées dans le voisinage, et celles de quel-
ques jeunes hommes martyrisés avec lui.
C'était la puissance de ces saints corps qui
réduisait ' Apollon au silence et l'empê-
chait d'imposer aux peuples. Julien, sa-
chant par les lumières qu'il avait tirées de
notre religion, de quoi il s'agissait, n'osa pas
toucher à ces reliques ; mais il commanda
aux chrétiens de transporter celles des mar-
tyrs. Aussitôt ils furent en foule au lieu où
étaient celles de saint Babylas, les mirent
sur un char, les conduisirent à Antioche en
chantant des psaumes et en répétant à cha-
que verset, ces paroles : Que tous ceux-là
soient confondus qui adorent des statues. Les
chrétiens regardèrent cette translation comme
une victoire remportée sur le démon. Lors-
que l'empereur Jovien céda la ville de Nisibe
aux Perses, les habitants, obligés d'en sortir,
empoi'tèrent ^ avec eux le corps de saint Jac-
ques, évêque de celte ville et leur protec-
teur. Quoique fondant en larmes en aban-
donnant leur patrie, ils ne laissaient pas de
chanter les louanges de leur patron, persua-
dés que s'il eût été encore en vie, ils n'eus-
sent pas été réduits à sortir de leur ville. A
l'arrivée des reliques de saint Chrysostôme
à Constantinople, le peuple ^ fidèle accourut
en foule. La mer se vit alors couverte de
tant de vaisseaux, qu'elle paraissait une terre
1 Grœci, Romani, Barbari crucifixum Deum pro-
nuntiantes, crucisque signum honore prosequentes,etc.
Théodoret. , serm. 6 de Providentia , pag. 5S0 ,
toru. IV.
2 Idem, lib. IH Hisi. eccles., cap. i, pag. 637, 638.
2 Idem, Hisl. relig., cap. sxil, pag. 869, 870.
* Idem, lib. III Hist. eccles. ^ cap. xixi, pag. 651.
'' Théodoret., lib. III Hisi. eccles., cap. vi, pag.
644.
6 C'était un bourg près d' Antioche.
' Serm. 10 de Oraculis, pag. 632, tom. IV.
8 Hist. relig., cap. i, pag. 772.
s Hist. eccles., lib. V, pag. 748.
[V' SJÈCLE.]
CHAPITRE IV. — THÉODORE!, ÉVÊQUE DE CYR.
ferme. On ne voyait de tous côtes que flam-
beaux, depuis l'embouchure du Bosphore
jusqu'à la Propontide. Théodose-le-Jeune
imitant la piété de son aïeul, fit conduire ce
riche trésor dans la ville impériale, et tenant
les yeux et le visage sur le tombeau du saint,
lui demandait pardon de tous les péchés que
son père et sa mère avaient commis contre
lui par ignorance, en l'exilant et en lui faisant
souffrir toutes sortes de mauvais traitements.
Sous Julien l'Apostat les païens ouvrirent '
le sépulcre de saint Jean-Baptiste, qui était
à Sébaste, brûlèrent ses os et en jetèrent les
cendres au vent ; il se rencontra là quelques
moines 2 de Jérusalem qui, croyant se devoir
exposer à la mort pour conserver du moins
une partie de ces os sacrés, se mêlèrent
parmi ceux qui les ramassaient pour les
brûler; ils en prirent autant qu'ils purent,
puis se retirèrent sans que personne se mît
en état de les arrêter. Ils les portèrent à leur
abbé nommé Phihppe, qui les envoya à saint
Atlianase par un diacre nommé Julien, qui
fut depuis évêque dans la Palestine. Saint
Athanase reçut ces reliques, les mit en pré-
sence de peu de personnes dans la muraille
d'une église, disant, par esprit de prophétie,
que la génération suivante en profiterait.
L'événement vérifia sa prédiction. Théophile
d'Alexandrie, l'un de ses successeurs, après
avoir renversé le temple de Sérapis ^, bâtit
d'un côté une église , et de l'autre une cha-
pelle, où l'on mit les reliques de saint Jean-
Baptiste. Il y a apparence que l'abbé Phi-
lippe n'envoya point à saint Athanase toutes
les reliques que ses moines lui avaient ap-
portées, ou que d'autres que Philippe en
avaient reçu de Sébaste, puisqu'entre celles
que Théodore! reçut de Phénicie et de Pa-
lestine*, il y en avait de saint Jean. Un soli-
taire nommé Jacques, doutant si elles n'é-
taient pas de queiqu'autre martyr de même
nom, fut assuré dans une vision qu'elles
étaient de saint Jean-Baptiste, qui lui appa-
rut habillé et la main étendue comme pour
baptiser. Le même sohtaire assura à Théo-
doret que le saint précurseur olïrait sans
133
cesse ses prières à Dieu, pour demander que
le diocèse de Cyr fût purgé des hérésies qui
l'infectaient ; ce qui arriva en efi'et.
30. La vertu de saint Siméon Stylite l'a- suriesima-
vait ^ rendu si célèbre, qu'à Rome les artisans
mettaient son image à l'enti'ée de leurs bou-
tiques, pour cherclier de l'appui dans sa
protection. Ce fait fut cité ^ dans le second
concile de Nicée pour autoriser le culte des
images.
31. L'Histoire de Théodoret fournit divers suriesPè-
exemples de pèlerinages. Saint Siméon l'An-
cien ' fit par piété le voyage de la montagne
Sinaï. Saint Pierre, anachorète', alla dans la
Palestine pour visiter les saints lieux. Sainte
Marane et sainte Cyre vinrent ^ de Bérée,
ville de Syrie, pour visiter l'église qui était
dans l'Isaurie sous le nom de sainte Thècle.
Théodore! fit lui-même '" le voyage de Jéru-
salem, où il vit de ses yeux les ruines du
temple; ce qui lui donna sujet d'adorer la
vérité des oracles de l'Ecriture, qui ont pré-
dit cette ruine.
32. Depuis que Siméon Stylite se fut retiré suriojeiioe.
dans un monastère, il ne mangeait" qu'une
fois en chaque semaine, quoique les autres
religieux mangeassent de deux jours l'un.
S'étant fortifié dans les exercices de la péni-
tence par une longue suite d'années, il pas-
sait les quarante jours entiers du carême
sans manger. La première fois qu'il entreprit
ce jeûne, il souffrit qu'on lui donnât *^ dix
pains avec une cruche d'eau, pour obéir à
ceux qui l'accusaient de vouloir tenter Dieu.
Il fit murer sa porte , et au bout des quarante
jours on le trouva étendu par terre sans
mouvement, les dix pains entiers et la cruche
pleine d'eau. Après cet essai, il continua ses
abstinences , et Théodoret, qui demeurait dans
son voisinage , assure quelorsqu'il écrivit '3 son
Histoire religieuse, saint Siméon avait déjà
passé vingt-huit carêmes sans prendre au-
cune nourriture. Il passait les premiers jours
debout, occupé à louer Dieu. Les jours sui-
vants, n'ayant plus la force de se tenir en
cet état, il demeurait assis, récitant son office
dans cette posture. Les derniers jours, il se
1 Théodoret., lib. III Hist. eccles., cap. m, pag.
641.
2 Rufin., ILb. 11 Hist., cap. sxvjir/pag. 261.
8 Rufin., ibid.j cap. xxvji, xsvui.
"> Hist. relig., cap. XX], pag. 862, 863.
s Hist. relig., cap. xsvi^ pag. 882.
6 Concil. Nicaen. II, Act. w, pag 218, tom. IV Con-
cil., Hard.
7 Tlieodoret., Hist. relig., cap. vi, pag. 808.
8 Idem, ibid., cap. is, pag. 820.
9 Idem, ibid., pag. 894.
"> Serm. 11 de Fine et Judicio, pag. 659, tom. IV.
11 Hist. relig., cap. ssvi, pag. 878.
12 Ibid., pag. 880.
'3 Ibid., pag. 880.
136
HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sorl'
ne n ce
vianJes.
Sur les
nés.
tenait couché ou étendu par terre. Sainte
Marane et sainte Cyre, qui avaient embrassé
la vie solitaire auprès de Bérée en Syrie ',
passèrent aussi trois carêmes sans manger,
voulant imiter Moïse dans son jetîne. Une
autre fois elles gardèrent la même abstinence
pendant trois semaines, à l'imitation du pro-
phète Daniel. Elles firent même le voyage de
Jérusalem à jeun , d'où elles retournèrent
aussi à jeun, quoique le chemin fût au moins
de vingt journées.
bsii- 3.3. Certains hérétiques^nommés encratites
s'abstenaient de la chair et du vin. C'est pour
cela qu'ils n'offraient que de l'eau dans leurs
mystères, d'où leur vint le nom d'hydropa-
rastates ou aquariens. Mais l'Eglise ne dé-
fend ^ ni l'un ni l'autre, laissant la liberté
d'en user ou de s'en abstenir. Sur la ques-
tion * pourquoi Dieu permit aux hommes,
après le déluge, de manger de la viande,
Théodoret répond que Dieu prévoyant l'ex-
trême folie où les hommes tomberaient en
mettant les animaux au rang des dieux, leur
ordonna de manger de la chair de ces ani-
maux ; parce qu'il serait de la dernière folie
d'adorer ce que l'on mange. Par une sem-
blable raison, Dieu fit la distinction des ani-
maux , en purs et impurs, afin que les hom-
mes qui auraient horreur des animaux im-
purs, ne les déifiassent pas, et qu'ils n'ado-
rassent point les autres qui étaient destinés
à leur usage.
Moi- 34. Théodoret ^ appelait la vie monasti-
que, la maîtresse de la philosophie et une
image de la vie que l'on mène dans le ciel,
quoique pleine d'une infinité ^ de travaux;
les moines passant leurs jours dans les mor-
tifications, dans les pleurs, dans les veilles et
dans les jeûnes. Il attribue leurs grandes '
austérités à l'amour qu'ils avaient pour Dieu,
cet amour étant capable seul de leur inspirer
la résolution de pousser leurs travaux au-
delà des bornes de la nature. Il remarque
qu'il y en avait ^ qui ne se nourrissaient
que de ce que la terre produit d'elle-même,
sans être semée ni cultivée ; qu'ils n'allu-
maient jamais de feu, et n'avaient qu'une
tunique et un manteau de poil de chèvre
très - rude ; que d'autres ne mangeaient
qu'une ' fois la semaine, et seulement du
pain fait de son de millet, auquel ils joi-
gnaient un peu de sel; que quelques-uns se
contentaient '" de quatre onces de pain par
jour; d'autres, de simple farine trempée dans
de l'eau, où ils la laissaient pendant un mois
afin de lui donner un goût de moisi et d'é-
teindre par là le plaisir qu'ils auraient pris
à manger ; mais, quelque grandes que fus-
sent leurs austérités, ils prenaient un grand
soin des étrangers, les faisant " coucher sur
de bons lits, leur donnant d'exellent pain, du
vin, du poisson et des légumes, sans toute-
fois manger avec eux. Il rapporte diverses
prédictions faites par de saints moines.
Isaac *^, qui avait sa cellule proche de Cons-
tantinople, prédit à Valons qu'il perdrait la
bataille, et qu'il n'en reviendrait pas. La
chose arriva ainsi ; son armée fut mise en
fuite et poursuivie jusqu'à un certain bourg
où ce prince s'était caché. Les ennemis y
mirent le feu, et Valons y fut brûlé. Julien
Sabas *^ connut la fin tragique de Julien l'A-
postat avant qu'elle fût arrivée. Il en fit part
à ses disciples , leur disant avec joie : « L'impie
a cessé de vivre ; son châtiment a été pro-
portionné à la grandeur de ses crimes. C'est
pourquoi je me réjouis en voyant quelle est
la joie des Eglises qu'il persécutait, et en
considérant que ce méchant n'a pu trouver
d'assistance dans les démons auxquels il ren-
dait des adorations sacrilèges.
35. Les Eglises avaient pour la plupart de s„ ,
grands revenus. Théodoret '*, avec ceux de Sî's^-J'nô'
son Eglise , bâtit des galeries puMiques et de
grands ponts. Il fit réparer les bains et cons-
truire un aqueduc pour distribuer del'eau dans
la ville de Cyr, qui auparavant n'en tirait que
de la rivière. Il remarque '^ qu'une des plus
grandes et des plus pénibles occupations des
évêques, était de terminer les procès de leurs
peuples. Saint Abraham, évêque de Carres,
employait les journées entières à accorder
' Theodoret.j Hist. relig., cap. xxix, pag. 893 et ^ Idem, ibid., cap. ii, pag. 773.
'2 Lib. I Hœret. FabuL, cap. xx, pag. 208.
3 Lib. V Hœret. FabuL, cap. xxis, pag. 316 et 317.
* Théodoret., qusest. 53 in Gènes., pag. 44, tom. I.
s Théodoret., prœfat. in Hist. relig., pag. 759.
« Idem, ibid., pag. 7C1, 762.
' Théodoret., orat. de Chariiate, pag. 683.
8 Hist. relig., cap. I, pag. 765.
'" Idem, ibid., cap. m, pag. 785, 793. .
" Idein, ibid., cap. xvii, pag. 849.
12 Théodoret., lib. IV Hist. eccles., cap. XSXI, pag.
703.
13 Théodoret., Hist. relig., cap. Il, pag. 779.
i* Théodoret., Epist. 79, pag. 950, et Mpist. 81,
pag. 954.
"i Idem, Hist. relig., cap. xvu, pag. 849.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V= SIÈCLE.]
des différends, persuadant aux uns de s'ac-
commoder, et y contraignant les autres,
quand ils résistaient à la douceur avec la-
quelle il les exhortait, ne souffrant jamais
que l'insolence et ropiniàtreté des méchants
demeurassent victorieuses de la justice.il pro-
tégeait de telle sorte ceux à qui l'on faisait
tort, qu'il leur procurait l'avantage sur ceux
qui cherchaient à les opprimer. Les moines
devenus évêques gardaient leur ancien ins-
titut dans l'épiscopat. Saint Aphtone ' ne
voulut jamais quitter son manteau de soli-
taire, ni sa tunique de poil de chèvre, ni
changer de nourriture. Théodoret -, en par-
lant d'Eusèbe de Nicomédie qui avait aban-
donné l'Eglise de Béryte, et qui voulut en-
suite passer à celle de Constantinople, blâme
les translations comme contraires aux ca-
nons, qui défendent aux évêques et aux prê-
tres de passer d'une ville à une autre. Il ra-
conte que Julien ^ l'Apostat ayant fait fermer
la grande église d'Antioche, après en avoir
tiré les vases sacrés, Félix, grand trésorier
de l'Etat, dit en admirant la magnificence de
ces vases donnés par Constantin elles autres
empereurs précédents : « Voyez en quelle
vaisselle est servi le Fils de Marie. » C'était''
un usage général dans l'Eglise de chanter
des psaumes de David. Saint Publius ^ ayant
fondé un monastère double pour les Grecs et
pour les Syriens, ils s'assemblaient tous soir
et matin dans une même église, où ils chan-
taient, les uns d'an côté et les autres de
l'autre, les louanges de Dieu, disant tour à
tour, chacun en leur langue, un verset d'un
psaume, puis un autre. Cet usage fut observé
par les abbés qui succédèrent à Publius.
Théodoret " attribue à Flavien et à Diodore,
prêtres d'Antioche, vers l'an 350, d'avoir les
premiers fait chanter les psaumes de David
à deux chœurs. Socrate ' dit, au contraire,
que ce fut saint Ignace, martyr, qui étabht
cette manière de chanter dans son Eglise
d'Antioche, d'oii elle se répandit partout.
Si le fait est vrai, il faut dire que Flavien
137
et Diodore n'ont fait que renouveler cet
usage. Dans les paroisses de la campagne,
les hommes et les femmes s'assemblaient •*
dès le point du jour à l'église pour y offrir
à Dieu leurs prières. Ils en faisaient de
même le soir ; on n'apprenait ''' l'Oraison
dominicale qu'à ceux qui avaient reçu le
baptême.
36. Nous lisons dans Théodoret que les sariHisioiro.
patriarches des Juifs '" venaient d'Hérode, et
non de David, et qu'ils étaient éteints long-
temps avant qu'il écrivit ses Z'i'afo^wes; d'après
lui, saint Ignace martyr avait reçu la grâce "
de l'épiscopat par l'imposition des mains
de saint Pierre ; il avait écrit '^ plusieurs
lettres ; saint Lin *^ succéda à saint Pierre
dans le siège de Rome ; les chrétiens ''^ ayant
appris par révélation que Tite et Vespasien
se préparaient à la guerre contre les Juifs,
abandonnèrent la ville de Jérusalem, suivant
l'ordre que Jésus-Christ leur avait donné de
quitter la Judée et de fuir sur les montagnes
lorsqu'ils verraient Jérusalem environnée
d'une armée. Ce Père compte parmi les héré-
tiques '^ Népos, évêque d'Egypte, Marcel '^
d'Ancyreetles quartodécimans, c'est-à-dire*^
ceux qui faisaient toujours la pâque le qua-
torzième de la lune, comme les Juifs. Un so-
htaire de grande vei-tu, nommé Abraham *^,
suivait cette pratique, ignorant sans doute
le canon du concile de Nicée sur ce sujet,
Marcien, autre solitaire de réputation, l'en '
reprit, l'exhorta à changer de sentiment, et
voyant qu'il résistait, il se sépara de sa com-
munion. Mais enfin Abraham se conforma à
l'usage de l'Eglise sur ce point. L'hérésie des
novatiens '^ subsistait encore du temps de
Théodoret, de même que celle des monta-
nistes dans quelques parties de l'Asie et du
Pont, et on voit ^^ par une lettre de saint
Léon, que Donat, évêque de Salice dans la
Mauritanie Césarienne , avait quitté depuis
peu, c'est-à-dire vers l'an 432, l'hérésie des
novatiens avec tout son peuple. Ce saint Pape
consentit à le laisser évêque, à condition
1 Theodoret.j Hist. relig., cap. v, pag. 805.
2 Idem, Hist. eccles., lib. I, cap. xvin, pag. S65.
5 Idem, lib. lU Hist., cap. viii, pag. 646.
* Théodoret., quaest. 43 in lib.llRegum, pag. 291.
5 Idem, Hist. relég., cap. v, pag. 804.
^ Hist. eccles., lib. II, cap. six, pag. 622.
' Socrat., lib. II Hist., cap. xix, pag. 313.
8 Théodoret., Hist. reliçj., cap. xxx, pag. 894.
^ Idem, lib. V Hœret. Fabul., cap. xsvni, pag. 316.
'0 Idem, Dialog. 1 immutab., pag. 22.
1' Idem, ibid., pag. 33.
>2 Théodoret., ibid., pag. 33, 34, 86 et 154.
13 Idem, in II ad Timoth., pag. 506.
'* Idem, comment, in cap. xiv Zachariœ, pag. 926.
15 Lib. III Hœret. Fabul., cap. vi, pag. 230.
1^ Idem, lib. il Hœret. Fabul., cap. x, pag. 224, et
in cap. II Epislolœ ad Philipp., pag. 330.
" Idem, lib. 111 Hœret. Fabul., tap. IV, pag. 228.
18 Hist. relig., cap. m, pag. 792.
19 Lib. III Hœret. Fabul., cap. vi, pag. 230.
2» S. Léo, Epist. 1, cap. vi, pag. 205.
138
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qu'il lui enverrait sa profession de foi. Tliéo-
doret ' met, d'après Rufin, la conversion
des Indiens et des Ibériens sous le règne du
grand Constantin ; ce fut par le ministère de
deux jeunes hommes, dont l'un se nommait
Edésius et l'autre Frumentius. Ils avaient
fait le voyage des Indes avec un philosophe
natif de Tyr, qui était leur oncle. Après y
avoir satisfait à leur curiosité, ils se mirent
en mer pour retourner en leur pays; mais le
vaisseau sur lequel ils étaient ayant été
obligé de faire eau, les barbares fondirent
dessus, tuèrent le philosophe et menèrent ses
deux neveux au roi. Ce prince reconnaissant
en eux de l'esprit et de la capacité, leur
donna l'intendance de sa maison. Après sa
mort, son fils les continua dans leurs em-
plois avec un pouvoir plus absolu qu'ils n'a-
vaient sous son père. Des marchands chré-
tiens qui savaient qu'Edésius et Frumentius
professaient la même foi qu'eux, leur propo-
sèrent de s'assembler et de célébrer ensem-
ble les saints mystères. Au bout de quelques
années le roi leur ayant accordé la permis-
sion de retourner en leur patrie, Frumen-
tius, préférant la piété à la tendresse natu-
relle qu'il avait pour ses parents, alla à Ale-
xandrie informer saint Athanase de l'ardeur
que les Indiens témoignaient pour la religion
chrétienne. Ce saint évêque ne connaissant
personne qui pût mieux les en instruire que
Frumentius, lui conféra la grâce du sacer-
doce, et le renvoya dans les Indes. Il prêcha
donc l'Evangile à ces peuples, et Dieu con-
firmant sa doctrine par des miracles, ils se
convertirent à la foi. Les Ibériens en firent
de même par le ministère ^ d'une femme
qu'ils avaient faite prisonnière. Occupée uni-
quement des exercices de piété, elle n'avait
point d'autre ht qu'un sac étendu sur la
terre. Une femme du pays étant allée la trou-
ver avec un enfant malade, lui demanda si
elle ne savait point quelque moyen de le
guérir. La femme chrétienne prit l'enfant, le
mil sur le sac dont elle se servait pour se
coucher, pria Dieu, et à l'instant l'enfant fut
guéri. Ce mJracle étant parvenu jusqu'aux
oreilles de la reine des Ibériens, elle envoya
chercher cette femme pour recevoir d'elle la
guérison d'une fâcheuse maladie. La femme
chrétienne n'osait, par modestie, l'aher trou-
ver. La princesse alla eUe-méme dans son
logis. Le remède fut le même que celui de
l'enfant; elle fit coucher la reine sur son sac,
pria Dieu, et obtint sa guérison. La reine lui
otfrit en récompense de l'or et de l'argent.
La femme n'en voulut point d'autre que la
permission de lui faire connaître la vérité.
Elle proposa à cette princesse les maximes
de notre rehgion, l'exhortant de faire bâtir
une église en l'honneur de Jésus-Christ qui
lui avait rendu la santé, La reine raconta au
roi ce qui était arrivé ; mais elle ne put lui
persuader de bâtir une église. Quelque temps
après, étant à la chasse, il se trouve environné
de ténèbres, pendant que ceux de sa suite
étaient en plein jour. Il implore le secours de
la femme chrétienne, voit le jour comme au-
paravant, et sur-le-champ il va trouver cette
femme pour savoir d'elle de quelle façon il
fallait bâtir une église; eUe en donna le des-
sin, qui fut aussitôt exécuté. Après quoi ayant
demandé, de l'avis de cette femme, des prê-
tres à Constantin, ce prince lui envoya un
évêque d'une vertu exemplaire.
37. Le grand Constantin voyant les peuples
trop attachés à l'idolâtrie, s'était contenté de
défendre les sacrifices et de fermer les tem-
ples sans les détruire. Théodose aha plus
loin. Il entreprit de détruire les superstitions
païennes jusqu'au fondement, en ordonnant^
que les temples des idoles seraient détruits.
Marcel d'Apamée fut le premier qui mit cette
loi en exécution. Nous avons vu ailleurs de
quelle manière il vint à bout d'abattre les
temples qui étaient dans cette ville. Les prê-
tres* des idoles avaient fait fondre en bronze
et tailler en bois, à Alexandrie, des statues
creuses qu'ils adossaient contre les murailles
de leurs temples. Entrant dans ces statues
par des montées secrètes, sans qu'ils fussent
vus, ils parlaient de là au peuple simple et
ignorant, à qui ils faisaient faire, comme par
ordre des dieux^ tout ce qu'ils voulaient.
Théophile, évêque d'Alexandrie, fit abattre
ces statues, découvrit l'imposture, et en con-
vainquit tout le monde. On avait répandu le
bruit dans la même ville qu'elle serait ren-
versée par un tremblement de terre aussitôt
que quelqu'un oserait toucher à l'idole de
Suiledes re-
marques sur
Voyez tom.
' Idem, lib. I Hist. eccles., cap. xxn, pag. 570 ;
Rufin., lib. I Hist., cap. is, x.
2 Theodoret., lib. I Hist. eccles., cap. xsin, pag.
S71 et seq.
3 Theodoret., lib. V Hist., cap. xs, pag. 732,
733.
* Idem, lib. V Hist., cap. xxii, pag. 735, 736.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V* SIÈCLE.]
Sérapis. Théopliile, méprisant ces bruits, en-
tra dans le temple dédié à celte idole, la fît
frapper d'un coup de cognée, qui lui brisa
la tête. On en vit dans le moment sortir une
quantité de souris , ce qui fit connaître au
peuple que cette prétendue divinité avait
servi de retraite à ces vilains animaux. Le
corps fut mis en pièces et brûlé : d'où il ar-
riva que le peuple fit des l'ailleries de ce qu'il
adorait auparavant. Un saint solitaire nommé
Télémaque, animé du désir de travailler à
abolir les spectacles des gladiateurs, entre-
prit à cet effet le voyage de Rome. Y étant
arrivé, il descendit dans la place où ces sor-
tes de combats se donnaient. Comme il se
mit en devoir d'empêcher les gladiateurs de
s'entretuer, les spectateurs se jetèrent sur
lui et le tuèrent à coups de pierres. L'em-
pereur Honorius, informé de cet événement,
mit, selon l'expression de Théodoret ', ce
solitaire au nombre des saints martyrs, et
défendit absolument les combats des gladia-
teurs.
ARTICLE IV.
JUGEMENT DES ÉCRITS DE THÉODORET. — CATA-
LOGUE DES ÉDITIONS QU'ON EN A FAITES.
■] . Le style de Théodoret dans tous ses
écrits - est clair, net, facile, coulant, élevé,
vif et agréable. Ses termes sont purs et bien
choisis. S'il abonde en pensées, elles sont
toujours proportionnées à son sujet, et n'ont
rien de superflu. D'un génie excellent et ca-
pable de toutes les sciences, il en est peu
dans lesquelles il ne se soit rendu habile.
Poètes, orateurs, historiens, philosophes, il
avait lu presque tous leurs écrits. Mais il
139
s'appliqua surtout à l'étude des Livres saints,
dont il acquit l'intelligence, autant par son
travail que par la lecture des plus célèbres
interprètes. Sa modestie ne lui a pas permis
de nous laisser ignorer combien il avait tiré
de secours de leurs travaux. Il se compare ^'
aux femmes des Juifs qui, n'ayant point d'or
ni de pierreries à donner à Dieu pour la
construction du tabernacle, ramassaient les
poils , les laines et le lin que les autres
avaient donnés, les filaient et les unissaient
ensemble pour en faire des étoffes et des
couvertures. Il parait qu'il savait l'hébreu ;
la connaissance de cette langue lui était
d'autant plus facile qu'il parlait la syriaque,
dont l'usage était commun dans son pays.
Il cite souvent les différentes versions de
l'Ecriture; celles de Symmaque, de Théodo-
tion, d'Aquila, les Hexaples d'Origène et au-
tres, n'ayant épargné aucuns soins pour
donner à ses commentaires toute la solidité
dont il était capable; d'où vient qu'on les a
regardés * comme beaucoup au-dessus de la
plupart de ceux qu'on avait faits avant lui,
et qu'on les a préférés à tous pour la ma-
nière d'écrire et de traiter les choses. Il
explique par des termes propres et significa-
tifs ce qu'il y a d'obscur et de difficile dans
le texte sacré, et rend l'esprit porté à le lire,
par la douceur et par l'agrément de son dis-
cours. Sans s'écarter jamais de son sujet par
aucune digression, ni fatiguer son lecteur
par des discours inutiles, il l'instruit d'une
manière claire et aisée, qui ne l'embrouille
et ne le dissipe point par des idées difl'éren-
tes. Ses termes et sa composition ne s'éloi-
gnent point de l'élévation et de l'élégance
' Re eognita laudabilis imperator, et illum invic.
iorum martyrum numéro adscripsit, et nefurium spec-
iaculi genus interdixit. Théodoret., lib. V Hisf., cap.
xsvi, pag. 741.
^ Stylus ei in omnibus perspicuus est, est enim dis-
iinctus ac purus, negue jucunditatis expei-s : pro-
portions vero sensibus exuberat. Pliotius , Cod. 46,
pag. 34.
3 Théodoret., prolog. in Oscee, pag. 700^ tom. II.
* Legimus Tlieodoreti episcopi Cyri interpretatio-
nem Danielis. Vir hic sane doctus non Hippolyto
modo, verum etiam aliis multis propheticorum ser-
monum inlerprefatione atque explanatione longe ante-
cellit. Diclio ejus, commentationi , si cujusquam alius,
apilssima. Nam et puris et significantibus verbis ab-
dita quœijue etobscura reuelat, et jucundilate quadam
quasi delinimento suavique lepore ad sui lectionem
invitât, quin et ex eo quod ad nullas ambages di-
gressionesque a proposito argumenta recédât, satieta-
tem non modo nullam offert, sed ea insuper, quœ in
dubium vocantur, sine ulla confusions vel dissipa-
tione facile et commoda ratione lectores suos docet.
Vocum item ejus delectus, atque ipsa compositio ab
atticœ elegonliœ origine non refugit, nisi quid forte
curiosius illic occurrat quod quis multorum auribus
insolitum. Hoc constat nihil eum, quod ad interpre-
tandum faciat, declinare, adeoque in summum eva-
sisse optimorum interpretum culmen, ut non facile
sis aliquem reperiurus, qui illo melius obscura expli-
cet. Suni quidem et alii pure loquentes, qui proposi-
tarum sibi verum sensum haud segniter investigent :
ac simul et perspicue dicere et nihil intérim cognitu
necessarium, vel breviiaiis causa prœtermittere : non
item ad diverticula vel ad ostentationem doctrinœ
digredi, nisi hœ forsan non sine utilitale sit, adhi-
beaniur, ut percipi nequeat, quod a re proposita dis-
cedatur, hoc certe prœ cœteris rébus omnibus a bono
Theodoretû studiose curatum est, non solum in hoc
opère, sed fere dixerim in omnibus ejus scriptis. Phot.,
Cod. 203, pag. 520.
140
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
attique ; mais il évite tout ce qu'elle a de
trop curieux et de trop affecté, qui ne serait
pas entendu de tout le inonde, parce qu'en
effet cela ne serait point propre h un com-
mentaire. Ainsi il a tout ce qui peut exceller
en ce genre, et, sans être embarrassé, il n'o-
met rien de nécessaire; il retranche tout
l'inutile et tout ce qui ne pourrait servir
qu'à faire montre de son savoir. Ses ouvra-
ges contre les Païens sont d'un stjde plus
étendu ', parce qu'il lui parut nécessaire de
leur donner du rapport au style de Platon et
des autres philosophes, dont il emploie sou-
vent les témoignages contre les fausses maxi-
mes du paganisme. Il quitte cette façon
d'écrire dans ses traités contre les Héréti-
ques, ne s'occupant qu'à proposer les diffi-
cultés de la rehgion avec toute la netteté
dont elles sont susceptibles. Mais il y presse
vivement ses adversaires, et les bat ordinai-
rement en ruine par des arguments tirés
de la tradition des Pères, dont il allégué des
témoignages bien choisis et sans réphque.
Ceux qu'il apporte de l'Ecriture sainte ne
sont pas toujours si décisifs, et souvent il ne
les fait valoir que par les conséquences qu'il
en tire. Son Histoire ecclésiastique est préfé-
rée*, pour la netteté et la noblesse du style,
à celle de Socrate, de Sozomène etd'Evagre,
bien qu'on y blâme quelques métaphores
trop hardies. Lorsqu'on lit celle qui a pour
titre Histoire religieuse, on n'est pas moins
édifié de la vertu de son auteur, que de celle
des saints dont il rapporte la vie et les mer-
veilles. Ses lettres sont courtes pour la plu-
part, mais toutes écrites avec politesse et
avec respect. C'est là surtout où l'on remar-
que aisément les sentiments de piété, d'hu-
milité et de charité dont il ne se départit pas
même au milieu des persécutions qu'on lui
fit souffrir. S'il eut des liaisons avec Nesto-
rius, il n'en défendit jamais les erreurs; s'il
se sépara de la communion de Jean d'Antio-
che, c'est que celui-ci lui en avait donné oc-
casion par des ordinations illicites ; s'il fut en
mésintelligence avec saint Cyrille, ce fut
pour n'avoir pas compris le sens des écrits
de ce Père sur l'incarnation. Il fut, au reste,
le premier à quitter le schisme que les dis-
putes sur ces matières avaient occasionné;
il travailla même à en retirer les autres; il
se réunit à Jean d'Antioche et à saint Cyrille,
et mourut dans la paix et dans la communion
de l'Eglise, après avoir été reconnu pour
orthodoxe par les évêques du concile de
Chalcédoine, par le pape saint Léon, et dans
une loi ^ de l'empereur Marcien, datée du 6
juillet 432, où il est joint avec saint Flavien,
comme fidèle dépositaire de la véritable foi.
Le cinquième concile général, en condam-
nant ses écrits contre saint Cyrille , ne tou-
che point à sa personne , et saint Grégoire-
le-Graud, comme on l'a déjà remarqué, dé-
clara depuis qu'il l'honorait avec le concile
de Chalcédoine.
2. Jean Pic, président de la Chambre des Editions
enquêtes à Paris , fît imprimer en la même daihéodoVeï
ville, en 15S8;, in-4"', le texte grec des Ques-
tions de Théodoret sur les cinq livres de Moïse,
sur Josué et sur les Juges. 11 traduisit depuis ce
texte en latin, qui parut aussi à Paris en l'an-
née 1563. C'est cette version que l'on a sui-
vie dans les éditions latines de Théodoret. Le
Père Sirmond s'en est aussi servi, mais en y
rétablissant plusieurs lacunes et endroits dé-
fectueux sur un manuscrit de la bibliothèque
du roi. Il a ajouté et publié la préface de
Théodoret sur ces Questions, qui n'avait pas
encore été imprimée. Le président Pic n'a-
vait pas donné non plus la Question de Théo-
doret sur le Livre de Ruth. Heschéhus l'a
donnée en grec à la suite de la Bibliothèque
de Photius, et elle a été traduite par le Père
Sirmond. C'est lui qui a traduit le pi'emier
le texte grec des Questions sur les Livres des
Rois et des Paralipomènes, avec la version la-
tine de Gentien Hervet, imprimée souvent
dans les éditions de Théodoret. La traduc-
tion des commentaires sur les Psaumes, im-
primée à Padoue en 1S64, in- 4°, est d'An-
toine Carafle. Le Père Sirmond en a donné
le grec avec cette traduction. Nous en avons
1 Ttieodoret., de Grœcorum affectionibus, tom. V,
pag. 548.
2 Leda est Tlieodoreti Historia ecclesiastioa, om-
nium rjuos proxime nominavi convenienlem magis his-
toriœ siylum adhibet. Clarus enim et grandis est,
minimeque redundans, nisi quod translationibus in-
terdum aiidacius et pêne inepte uiatur. Photius, Cod.
31, pag. 18.
3 Aboleaiur ilta constitutio quœ sceleratorum su-
bréptione post obitum sanctœ memoriœ Flaviani ad-
versus eum lata eognoscitur. Cessentqve in totum ea
quorum initium fuit iniquum, et injusta sententia nihil
ùhsii Eusebio quoque et T/ieodorelo religiosis episco-
pis, qui eadem lege continentur; quoniam non possunt
sacerdoies constitutione damnuri , quos synodicum
ornât de conservata religione decretum. Tom. [V Con-
cil., pag. 865.
CHAPITRE IV. — THÉODORET, ÉVÊQUE DE CYR.
[V» SIÈCLE.]
deux du commentaire sw le Cantique des
Cantiques : l'une de Gabius, imprimée à Rome
en 1S63, in-fol.; Tautre de Zinus, qui fut
aussi mise sous la presse la même année en
cette ville, et à Venise en 1S74, in-l". Les
commentaires sur haïe sont de la version du
Père Sirmond, qui nous a donné le premier
le grec des commentaires sur Jérémie, Ba-
ruch et les Lamentations. Le président Pic en
avait fait une traduction imprimée à Paris
en Î564. C'est encore du Père Sirmond que
nous avons le grec du commentaire sur Ezé-
chiel; Gabius l'avait traduit en latin et fait
imprimer en cette langue à Rome, en 1563,
avec le commentaire sur Daniel, dont le Père
Sirmond a aussi donné le grec, de même
que du commentaire sur les Douze Petits
Prophètes. La version qui est de Cillius, fut
imprimée à Lyon cliez Gryphe , en 1333 ,
in-S". Ce fut Gentien Hervet qui traduisit en
latin les commentaires sur les Epîtres de
saint Paul. Nous en avons une édition à Flo-
rence, en 1SS2, in-8°. Le grec est du Père
Sirmond.
3. V Histoire ecclésiastique est celui de tous
les écrits de Théodoret que l'on a mis le
plus souvent sous presse. Béatus Renan us
la donna en grec avec l'Histoire d'Eusèbe,
de la traduction de Rufm, et quelques autres
ouvrages à Bâle, chez Froben, en 1535, in-
folio. Elle fut réimprimée à Paris en l'an
154-4, aussi avec VHistoire d'Eusèbe, chez
Robert Etienne. La version latine qu'en fit
Camérarius, fut imprimée en 1539 à Bâle, et
réimprimée depuis avec les autres historiens
ecclésiastiques, Socrate, Sozomène, et dans
les éditions différentes de VHistoire Tripar-
tite. La version de M. de Valois parut à Pa-
ris en 1677, in-fol., sans le texte grec et sans
notes. On l'imprima en grec et en latin de
la version de Christophorson, à Genève, en
l'an 1612, in-fol., et ensuite à Paris, en 1642,
dans le recueil des csuvres de Théodoret par
le Père Sirmond, qui se servit de la traduc-
tion de Camérarius et de Christophorson.
M. de Valois en ayant corrigé le texte grec,
en fit une nouvelle version latine, qu'il fit
imprimer à Paris en 1673 , et que l'on a
réimprimée depuis aussi avec le texte grec,
à Mayence, en 1679, et à Amsterdam, en
l'an 1695, in-fol. Martin Matthieu la mit en
français, et après lui M. Cousin. Cette der-
nière édition est de Paris, en 1676. [Elle a
été réimprimée parmi les écrivains de l'his-
toire de l'Eglise grecque, tome III, édition
141
de Réading, Cambridge, en 1720, et Turin,
en 1748.]
4. On en cite une allemande de Gaspard
Hédion, à Strasbourg, en 1543. Les éditions
de l'Histoire Tripartite, où celle de Théodo-
ret se trouve, sont de Bâle, en 1523, 1328,
1333, 1339, 1368; de Francfort, en 1388, et
de Rouen, en 1679, parmi les œuvres de
Cassiodore. Pour ce qui est de l'Histoire re-
ligieuse, elle fut d'abord traduite en latin par
Camérarius, imprimée à Bâle en 1539 ; Gen-
tien Hervet en fit une autre traduction qui
parut à Paris en 1336, et au même endroit,
en 1583, dans l'Histoire chrétienne Aeha.\xven\,
de la Barre, puis dans les Vies des Pères par
Rosweyde, à Anvers, en 1628. Nous ne sa-
vons pas qu'elle ait été donnée en grec avant
l'édition du Père Sirmond, à Paris, en 1642;
il nous a donné les lettres de Théodoret en
grec et en latin au nombre de cent quarante-
sept , dont quelques - unes se trouvent en
latin dans les tomes V^ et VP des Annales de
Baronius. Les Dialogues ont été imprimés,
premièrement en grec, à Rome, en 1347, et
à Leipsick, en 1368. Cette édition estde Stri-
gchus, qui, vers le même temps, traduisit
ces Dialogues en latin, et les lit imprimer sé-
parément avec la Vie de Théodoret. L'édition
de Zurich, en 1593 et 1606, est composée
des deux éditions de Strigélius, c'est-à-dire
de la grecque et de la latine. Scultet fit im-
primer à Neustadt, en 1604, l'analyse de ces
Dialogues par Laurent Louis. Gentien Hervet
les traduisit aussi en latin, et sa traduction
fut imprimée séparément à Venise, en 1548;
c'est celle que le Père Sirmond a suivie; il y
en a une traduction allemande de Martin
Mollérus, à Bâle, en 1575. Les cinq livres
des Fausses Opinions des hérétiques, furent
imprimés à Rome, en grec, en 1617. Gen-
tien Hervet les ayant traduits en latin, on
les imprima en cette langue à Bâle, en 1349,
et depuis à Paris, en 1566, parmi les œuvres
de saint Epiphane. C'est la traduction d'Her-
vet que l'on a gai'dée dans l'édition de Pa-
ris de 1642. Les dix homélies de la Providence
parurent en grec, à Rome, en 1545, et à Zu-
rich, en 1546. Rodolphe Gualtérus en donna
au même endroit une version latine, et Stri-
gélius, à Leipsick, en 1566. Ces dixhoméhes
furent imprimées en grec et en latin de la
version de Gualtérus, à Paris, en 1623; on
en cite trois versions françaises, l'une de
Louis Leroi , l'autre de Simon Goulart, la
troisième de M. l'abbé Le Mère, in-8°, à Pa-
J42
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ris, en llAO, avec la traduction du discours
du même Théodoret de la divine Charité. Le
jésuite Michel Mourgues fit imprimer en la
même langue à Toulouse, en 1712, les
douze livres contre les Mauvais sentiments des
Gentils, dans le tome 11= de son ouvrage inti-
tulé : Plan théologique du paganisme; on les
donna en lalin, en 1519, à Paris, chez Henri
Etienne, de la version de Zénobius Acciajoli.
L'édition grecque et latine d'Heidelberg, en
l'an 1592, et celle du Père Sirmond, sont
l'une et l'autre de la traduction d'Acciajoli.
On trouve dans le supplément du Père Gar-
nier, imprimé à Paris en 168-4, un grand
nombre de variantes pour ces douze livres,
tirées des manuscrits de la Bibhothèque Va-
ticane et de Fulvius Ursinus. Nous avons
parlé plus haut de ce supplément. L'édition
de Théodoret par le Père Sirmond, à Paris^
en 1642, est la plus ample de toutes. Ce
Père a mis dans une espèce d'appendice à la
fin du tome IV«, un discours sur la Charité,
qui, dans la version de Gentien Hervet, et
dans les manuscrits de la bibliothèque de
Vienne, est joint à l'Histoire religieuse, dont
il fait partie. Ce discours a été imprimé sé-
parément à Rome, en 1580, \n-¥, par Gé-
rard Vossius, avec des notes de sa façon.
Les éditions qui ne sont qu'en latin, ont été
faites à Rome en 1536, chez Manuce; à Co-
logne, en 1567, 1573 et 1617; à Paris, en
l'an 1603, chez Antoine Hiérat.
[J. H. Schulse a reproduit en entier. Hal-
le, 1769-7-4, cinq tomes in-8'' , l'édition grec-
que et latine de Sirmond et de Garnier, en
changeant un peu l'ordre des derniers volu-
mes et en corrigeant quelquefois le texte. Il y
a ajouté des préfaces, des observations, des
notes, des tables et un glossaire. La Patro-
logie grecque reproduit cette édition dans les
tomes LXXX à LXXXV, cinq tomes. Une
édition du texte grec parut en 1768-75, à
Halle en Saxe, en cinq tomes in-4°, par les
soins du diacre Eugène de Bulgarie.]
CHAPITRE V.
Âcace, évêque d'Amida [vers l'an 420]; Rabulas, évêque d'Edesse [436],
et Ibas, évêque de la même ville [457].
Acace, évo-
que d'Amida,
vers i'an 4Î!0.
Asséma ni,
Bib. Orient,
pag. 19S.
1. Acace, évêque d'Amida dans la Méso-
potamie, se rendit célèbre par ses vertus,
surtout par sa charité, vers l'an 420 et 422.
Les Romains , en ravageant la province
d'Arzunitide ou Azanène, firent prisonniers
sept mille Perses, qu'ils refusèrent de rendre
à leur l'oi. L'évêque Acace voyant que dans
leur captivité ils manquaient de tout et des
choses même nécessaires à la vie, assembla
ses ecclésiastiques ' et leur dit : « Dieu n'a pas
besoin de plats ni de pots, puisqu'il ne boit
ni ne mange. Il est donc juste de vendre
quantité de vases d'or et d'argent que l'é-
ghse possède par la libéralité des fidèles, et
d'en employer le prix à racheter et à nourrir
ces prisonniers. » Ayant donc fait fondre
tous ces vases, il paya la rançon de ces cap-
tifs, les nourrit quelque temps, et les ren-
voya avec de l'argent pour la dépense de
leur voyage. Une action aussi extraordinaire
donna de l'étonnement au roi de Perse et
lui fit avouer que les Romains le surpassaient
autant en magnificence durant la paix, qu'en
valeur dans la guerre. On dit même que ce
prince souhaita de voir le saint évêque, et
que Théodose lui permit de faire à cet effet
le voyage de Perse. C'est ce que raconte
Socrate ; mais Denys, patriarche des jacobi-
tes, qui rapporte aussi ce fait, le met, non
en 422, sous le treizième consulat d'Hono-
1 Cum milites romani captivas Persarum, quos ipsi
Azanenam vasiantes ceperant, régi Persarum resti-
tuere prorsus almuerint, atque intérim caplivi, qui
erani circiier septem hominum miltia, faine consume-
rentur, Acacius eam rem tiaudquaquam negîigendam
putavit. Convocatis igitur clericis qui sut ipso erant :
« Deus, inquit, nosier nec lancihus indiget, nec pocu-
lis. Nam neque comedit, neque bibit; quippe qui nulla
re opus fiaheat. Cum igitur mulia vusa partim aurea,
partim argentea possideat Ecclesia ea, benevolentia et
liberalitate eorum qui in ipsam adscripti suni, con-
senianeum est ut illorum preiio captivas a mililibus
redimamus, eisque cibas subministremus. » Cum licec
aliaque ejusmodi iliis disseruisset, vasa quidem sacra
canflari j'ussit ; deinde pro singulis captivis pretio
militibus persaluto, aliquandiu eas aluit , tandemque
viatlco insiructos ad regem Persarum remisit. Socrat.j
lib. VII, cap. xja.
CHAPITRE V. — RABULAS, ÉVÊQUE D'EDESSE.
[V« SIÈCLE.]
rius, et le dixième de Théodose, comme fait
cet historien, mais en 424; et au lieu de
sept raille Perses, il compte dix mille famil-
les. A quoi il ajoute que ceux que saint
Acace ne put racheter, obtinrent leur liberté
par les libéralités des principaux de la ville
d'Amida.
2. Acace est joint à Siméon Barsaboé,
évêque de Séleucie, dans le catalogue des
écrivains syriens, comme ayant écrit l'un et
l'autre quelques lettres sur des matières
ecclésiastiques. Il y est dit encore que Ma-
ris, Persan, fit des commentaires sur celles
de saint Acace : d'où l'on peut conjecturer
qu'elles étaient des lettres canoniques ,
comme celles de saint Basile et de Timolhée
d'Alexandrie, sur lesquelles les Grecs ont
aussi fait des commentaires. Ce Maris, Per-
san, est, à ce que l'on croit, le même qui,
quelque temps après le concile d'Ephèse ,
écrivit la fameuse lettre à Ibas d'Edesse,
dont nous parlerons dans la suite.
3. Rabulas * fut fait évêque d'Edesse en
412, suivant la chronique de cette ville, dont
il occupa le siège épiscopal jusqu'en 435
ou 436, étant mort le 8 août de celte année.
Théodore le Lecteur^ dit qu'il était aveugle,
ce qu'il faut apparemment entendre des der-
nières années de sa vie; car on ne voit pas
qu'il ait emprunté une main étrangère pour
souscrire au concile d'Ephèse où il se trouva.
Il fut quelque temps uni avec Jean d'Antio-
che et les autres Orientaux, et opina comme
eux, qu'il fallait déposer saint Cyrille et
Memnon; mais ayant changé de sentiment,
il se déclara pour saint Cyrille, contre Nes-
torius. Il fit plus : étant de retour à Edesse,
il y assembla un concile, où il se sépara de
la communion de Jean d'Antioche et de tous
les Orientaux. Il dit ^ encore anathème en
pleine église à Théodore de Mopsueste ,
comprenant dans son anathème ceux qui
lisaient les ouvrages de cet auteur et qui ne
les lui apportaient pas pour les brûler. 11 y
comprit encore ceux qui lisaient les écrits
des Orientaux contre saint Cyrille, et en par-
ticulier ce qu'André de Samosate avait écrit
contre les anathématismes de ce Père. Tou-
tes ces démarches lui attirèrent de grandes
143
louanges de la part de saint Cyrille '*, qui le
qualifie le fondement et la colonne de la
vérité pour tous les Orientaux; mais aussi
elles lui attirèrent des reproches violents de
la part d'André de Samosate. Il y eut des
personnes à Edesse ^ qui consultèrent cet
évêque s'ils ne devaient pas se séparer de
la communion de Rabulas. Ibas, prêtre de
cette Eglise, fut de ce nombre; il écrivit
même une lettre à Maris, dans laquelle il
désapprouvait fort la conduite de son évêque.
On l'accusait de prêcher qu'il n'y a en Jé-
sus-Christ qu'une nature; de chasser ceux
qui soutenaient le contraire; de jeter ainsi
le trouble dans toute la ville d'Edesse et
dans toutes les provinces voisines. André en
écrivit à Alexandre de Hiéraple, et la chose
ayant été portée jusqu'à Jean d'Antioche, il
assembla quelques évoques, avec lesquels il
écrivit à ceux de l'Osroène, suffragants -d'E-
desse, que si ce que l'on disait de Rabulas
était vrai, ils devaient s'être d'eux-mêmes
séparés de lui; mais que du moins ils de-
vaient s'en séparer alors en attendant que
l'évêque d'Antioche l'eût appelé et examiné
sa cause. Rabulas eut part aux disputes qui
s'élevèrent vers l'an 436, au sujet des écrits
de Théodore de Mopsueste et de Diodoi-e de
Tarse; comme il les avait anathématisés, il
ne pouvait voir qu'avec douleur ^ qu'on les
répandit partout, pour favoriser l'hérésie de
Nestorius : c'est pourquoi il écrivit conjoin-
tement avec Acace de Mélitine aux évêques
d'Arménie, pour les avertir de ne point rece-
voir les livres de Théodore, parce que c'était
un hérétique et l'auteur de l'hérésie de
Nestorius. Nous n'avons plus cette lettre ni
l'écrit de Rabulas pour la défense des ana-
thématismes de saint Cyrille : car il paraît
qu'il en avait fait un ''. Les canons de son
concile sont souvent cités par les auteurs
syriens, et on dit qu'on les conserve manus-
crits dans la bibliothèque de Florence. Avant
sa mort il s'était réconcilié avec Jean d'An-
tioche et les autres Orientaux. On le fait au-
teur d'une lettre à cet évêque, où il lui di'
sait : « Purifiez votre Eglise, ô homme de
Dieu ', de la zizanie des nestoriens et de
leur venin dangereux. » Il nous reste un
1 Voyez tom. VIII, pag. 297. {L'éditeur.)
2 Theodorus Lect., pag. 565.
= Tom. IV ConciL, pag. 663, et in appeod. Baluz.j
pag. 748, et Ttieodorus Lect., pag. 565.
* Tom. IV ConciL, pag. 468.
5 In append. Concil. Baluz., pag. 874 et 7 49.
^ Liberatus, cap. vin et X.
' Rabulas Edessenus cœcus erat. Andréas vero Sa'
mosatemis accusavit eum quasi contra duodecim capita
Theodoreti scripsisset. Ttieodorus, lib. II, pag. 165,
8 Theophanes, in Chrome. , pag. 79,
144
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
fragment ' de celle qu'il écrivit à saint Cy-
rille, où il lui parle très-fortement contre
Théodore de Mopsueste, en l'accusant d'être
la source des hérésies de Nestorius; de ne
pas connaître la sainte Vierge pour vraie
mère de Dieu, de rejeter entièrement l'union
hypostatique, et de n'en admettre qu'une
morale. Il se plaint aussi de ce que plusieurs
personnes, même des plus habiles, suivaient
cette doctrine dans l'Orient. Il est dit dans
la Chronique ^ d'Edesse que Rabulas bâtit,
par ordre de l'empereur, une église en l'hon-
neur de saint Etienne, dans un lieu où il y
avait auparavant une synagogue de Juifs,
ibas, évB. 4. Ibas, qui lui succéda en 436 dans le siège
rsfémànLBi- d'Edessc, fit aussi construire une nouvelle
bliot. Orient. ' t i i • , i \, i-^
pag. m. Il eghse sous le nom des samts Apôtres. On
est accusé et , ■ r> , r
absous «An- remarque que sous son pontificat, un sena-
'"' "•' ^ ' teur offrit à l'église une table en argent du
poids de sept cent vingt livres, et qu'Anatolius,
préfet de la milice, fit faire en 442 une châsse
d'argent pour y mettre les reliques de l'a-
pôtre saint Thomas. Ibas n'étant encore que
prêtre, s'opposa avec beaucoup de vivacité
aux efforts que Rabulas, son évêque, se donna
pour faire condamner les écrits de Théodore
de Mopsueste, en quoi il fut soutenu par une
partie considérable du clergé d'Edesse; mais
lorsqu'il en fut élu évêque, les amis de Ra-
bulas l'accusèrent auprès de l'empereur et
de saint Procle, patriarche de Constantinople,
d'être l'auteur des troubles entre les Orien-
taux et les Egyptiens ; d'avoir traduit en
Lingue syrienne les livres de Théodore de
Mopsueste ; de les avoir répandus partout
l'Orient ; de n'avoir pas voulu souscrire à la
lettre de saint Procle aux Arméniens, et d'a-
voir refusé de condamner les propositions
impies qui se trouvaient à la suite de cette
Tom. IV lettre. Ses accusateurs étaient quatre prêtres
^"tMxconcu; du clergé d'Edesse, savoir : Samuel, Cyrus,
^^^^°- Euloge et Maras. Saint Procle renvoya l'af-
faire à Jean d'Antioche, à qui, disait-il;, il
appartenait de corriger et de punir Ibas :
mais Jean étant mort quelque temps après,
les accusateurs d'Ibas donnèrent leurs libel-
les contre lui à Domnus, évêque d'Antioche
„., ,. en la place de Jean. Comme c'était en Ca-
Bct. K. rême, Domnus remit l'assignation après la
fête de Pâques ; mais il demanda à Ibas de
lever l'excommunication qu'il avait pronon-
cée contre ces prêtres. Ibas fit ce que Dom-
nus souhaitait, à condition que ces prêtres
ne sortiraient point d'Antioche jusqu'à ce
que l'affaire fût finie , s'en rapportant entiè-
rement à son jugement. Mais Samuel et Cy-
rus se retirèrent à Constantinople; il n'y eut
que Maras et Euloge qui restèrent à Antioche
en attendant l'arrivée d'Ibas. Domnus y as- ibid.p.6is.
sembla un concile nombreux, où l'on fit lire
les libefies d'accusation contre Ibas. Les évê-
ques voyant qu'ils portaient les noms de
quatre accusateurs, et qu'il n'en paraissait
que deux, demandèrent où étaient les autres.
Maras et Euloge répondirent : « Nous avons ibid. p.6«i.
ouï dire qu'ils sont allés à Constantinople. »
Le concile déclara qu'étant défaillants, ils
avaient encouru la peine de déposition. Ura-
nius d'Himérie, l'un des évêques du concile,
avec les prêtres Euloge et Maras, et les au-
tres accusateurs d'Ibas, allèrent à Constanti-
nople joindre Samuel et Cyrus, pour deman-
der à l'empereur d'autres juges que Domnus,
qui leur était suspect. Ce prince commit Ura-
nius lui-même, avec Photius, évêque de Tyr,
et Eustathe, évêque de Béryte. Les lettres de ibid.p.eza
commission étaient datées du septième des "' '^''
calendes de novembre, c'est-à-dire du 26 oc-
tobre de l'an 447. Pliotius et Eustathe ayant
accepté la commission, les accusateurs d'Ibas,
arrivés à Tyr, proposèrent plusieurs chefs
d'accusation, dont la capitale était contre la
foi, l'accusant d'être nestorien et d'avoir dit
publiquement dans l'Eghse : « Je n'envie
point à Jésus-Christ d'être devenu Dieu. »
Ibas le nia avec serment, protestant qu'il était
catholique. Comme on ne produisait contre
lui que trois témoins, qu'il récusait parce
qu'ils demeuraient avec ses accusateurs ,
Photius et Eustathe ne voyant rien de sohde
dans les accusations, quittèrent le person-
nage de juges pour prendre celui d'arbitres,
et firent convenir les parties d'un traité dont
l'acte fut dressé le 25 de février de l'an 448.
Il y était dit qu'Ibas avait donné par écrit
sa confession de foi, avec promesse de s'y
conformer en prêchant dans son Egfise et
d'anathématiser Nestorius et ceux qui se ser-
vaient de ses discours ou de ses écrits; qu'il
avait déclaré que sa doctrine était conforme
aux lettres d'union entre Jean d'Antioche et
saint Cyrille; qu'il recevait tous les décrets
du concile d'Ephèse comme inspiré par le
Saint-Espritj et qu'il le tenait égal au concile
Ibid. p. 6ia.
1 Tom. V Concil., pag. 469, et in append. Concil,
Baluz., pag. 896.
^ Assémani, pag. 197.
V" SIECLE.
CHAPITRE V. — IBAS, EVEQUE D'EDESSE.
143
de Nicée, sans aucune différence; qu'en con-
séquence, il avait promis d'oublier tout le
passé et de tenir ses accusateurs pour ses
enfants , comme ils avaient promis eux-mê-
mes de s'assembler avec lui dans l'église, de
le reconnaître pour leur père et de lui té-
moigner toute sorte d'aiïection. Ibas ajoutait
dans ce traité que s'il croyait avoir dans la
suite quelque sujet de se plaindre des quatre
prêtres qui l'avaient accusé, il ne les puni-
rait que de l'avis de l'archevêque Domnus;
qu'à l'égard des revenus et des offrandes de
l'Eglise dont on l'accusait d'abuser, il se con-
formerait à l'usage de l'Eglise d'Autioche,
voulant bien que les revenus de celle d'E-
desse fussent administrés par des économes
qu'il choisirait dans le clergé : en suite de cet
accord, Ibas, Cyrus, Maras et Euloge commu-
nièrent ensemble aux sacrés dons, dans l'é-
glise cathédrale de Tyr.
Jugement 5. Cette réconciliation ne fut pas de lon-
Ifvenr'dïbaï S^^ durée. Ces quatre prêtres recommencè-
rent leur procédure contre Ibas, et accusè-
rent avec lui Daniel, évêque de Carrhes, son
neveu, et Jean, évêque de Batnes. Il y eut
encore cinq autres ecclésiastiques qui se dé-
clarèrent leurs accusateurs, savoir: Albanius,
Jean, Anatole, Caïumas et Abib. Ils s'adres-
sèrent à l'empereur Théodose, et à Flavien,
évêque de Constantinople, qui renvoya le ju-
gement de cette affaire à ceux qui en avaient
connu d'abord , c'est-à-dire à Photius de
Tyr, à Eustathe de Béryte, et à Uranius d'Hi-
Tom. IV mérie. L'assemblée se tint à Béryte le pre-
n,''';'ct.''°x mier de septembre de la même année 448.
>Dcii.chaic. j^gg juges, pour établir d'abord les qualités
des parties, demandèrent à Ibas ce qui s'é-
tait passé au concile d'Antioche. Cet évêque
en fit le récit, et parce que deux accusateurs
s'étaient absentés d'Antioche lors de la tenue
de ce concile, on en lut les actes qu'Ibas avait
en main ; on lut aussi le libelle d'accusation
présenté le jour précédent par les neuf ac-
cusateurs, lesquels, interrogés, déclarèrent
ibid 041 l'élis Persistaient. Les chefs d'accusation, qui
s='i- étaient au nombre de dix-huit, se réduisaient
à trois principaux contre Ibas : on l'accusait
d'être nestorien, de traiter saint Cyrille d'hé-
rétique ; d'avoir ordonné plusieurs personnes
indignes, entre autres son neveu Daniel,
l'ayant fait évêque de Carrhes, ville qui avait
besoin d'un pasteur d'un grand exemple, à
cause des païens qui y étaient en grand nom-
bre, quoique ce fût un jeune homme et un dé-
bauché; d'avoir pris de l'argent des ordina-
tions, et détourné les revenus de l'Eglise et
les donations qu'on y faisait pour enrichir
son neveu et ses parents. On disait contre
Daniel qu'il aimait une femme mariée de la
ville d'Edesse, qu'il la menait avec lui en
divers lieux, et l'avait enrichie aux dépens
de l'Eglise ; en sorte que de pauvre qu'elle
était auparavant, elle prêtait deux cents et
trois cents sous d'or ; que Daniel, par son
testament, lui laissait, à elle et à ses enfants,
les grands biens qu'il avait; qu'il lui avait
donné aussi la succession d'un riche diacre
et des bois appartenant à l'Eglise ; enfin, que
Daniel ordonnait les complices de ses débau-
ches, et qu'il prenait des présents pour ab-
soudre de l'idolâlrie. Les autres chefs d'ac-
cusation contre Ibas étaient de moindre con-
séquence, comme de ne pas donner du bon
vin, ni en assez grande quantité pour le sa-
crifice de l'autel ; en sorte qu'il y en avait à
peine pour la communion du peuple, quoi-
qu'il en eût beaucoup et du bon; d'avoir dé- ibij.p. 553
tourné à son usage cinq cents sous de quinze "' ''^°-
cents que la ville d'Edesse avait donnés pour
le rachat des captifs, et de n'avoir pas mis
dans le sacraire de l'église ' un calice orné
de pierres précieuses, qui lui avait été donné
par un homme de piété. Les juges dirent
qu'il fallait commencer par l'accusation con-
tre la foi ; sur quoi Maras dit qu'Ibas, dans ua
discours, s'était exprimé ainsi : « Je n'envie
point à Jésus-Christ d'être devenu Dieu : car
je le suis devenu comme lui. » Samuel ap-
puya cette accusation, et s'offrit à la prouver
par témoins qui étaient présents, et d'en
faire venir d'autres. Ibas, interrogé par les
évêques, répondit : (( Anathème à qui l'a dit,
et à l'auteur de la calomnie; pour moi, je ne
l'ai point' dit. Notre clergé, est composé de
deux cents personnes, plus ou moins. Elles
ont toutes rendu témoignage si je suis héré-
tique ou orthodoxe, et en ont envoyé des dé-
clarations par écrit à l'archevêque Domnus et
à votre piété. C'est à vous à examiner si leur
témoignage est conforme à celui de ces trois
qui sont venus avec mes accusateurs à Cons-
tantinople et sont encore avec eux. » Ibas,
pour détruire l'accusation d'hérésie que l'on
formait contre lui, avait envoyé un de ses
• Rursum calicem gemmahim miigni pretii oblatum
noslrœ ecclesiœ a sancto Vito unie annos undecim in-
X.
ter vasa sanclce ecclesice non reposuit, et nescimus,
quid factum sit de eo. Tom. IV Concil., pag. 648.
10
146
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
diacres de Béryte à Edesse, pour demander
au clergé de sou Eglise des lettres testimo-
niales sur la pureté de sa foi. Ce diacre en
rappoi'ta de favorables, qui constataient que
Ibas n'avait jamais dit de Jésus-Christ ce
dont on l'accusait. C'est à ces lettres qu'il
appelle de son innocence. Samuel, requis de
nommer les témoins qu'il s'était offert de
produire, nomma David, diacre, qui avait été
trésorier de l'Eglise d'Edesse, etMaras, aussi
diacre. Ibas les récusa, disant qu'ils étaient
allés avec ses accusateurs à Antiocbe et à
Constantinople; que Maras, en particulier,
avait donné avec eux les libelles contre lui,
et qu'il était d'ailleurs excommunié par son
archidiacre, pour avoir insulté à un prêtre.
ibid. p. 657. Les évêques voyant que les témoins produits
étaient suspects à Ibas, ne voulurent point
admettre leur témoignage ; ils demandèrent
donc encore une fois à Ibas s'il avait dit ce
qu'on lui reprochait. Il répondit : «Je ne l'ai
point dit, et j'anathématise quiconque l'a dit.
Je ne crois pas qu'un démon puisse parler
ainsi. » Les juges passèrent à l'autre chef
d'accusation, qui regardait saint Cyrille. Ibas
dit qu'il ne se souvenait pas de l'avoir appelé
ibid. p. 660. hérétique ; que s'il l'avait nommé ainsi, c'é-
tait quand le concile d'Orient l'avait anathé-
matisé comme hérétique, et qu'alors il avait
suivi son patriaixhe. Maras dit : « N'avez-
vous pas dit que si Cyrille n'eût anathéma-
tisé ces articles, vous ne l'auriez pas reçu?»
— « J'ai dit, répondit Ibas, que s'il ne se fût
exphqué, le concile d'Orient ne l'eût pas
reçu, ni moi non plus. » Les juges deman-
dèrent aux accusateurs s'ils étaient en état
de montrer qu'il eût nommé Cyrille héréti-
que, après la réunion avec Jean d'Antioche.
Ibas, prenant la parole, dit : « Il s'en faut
beaucoup que je l'aie anathématisé depuis
qu'il a expliqué ses articles, puisque j'ai reçu
de lui des lettres et lui ai envoyé les mien-
nes, et que nous avons été en communion.»
— « Montrez, dirent les évêques aux accu-
sateurs, si, depuis la mort du bienheureux
Cyrille, l'évêque Ibas l'a appelé hérétique. »
Md.p. 6G1. ^^^ produisirent sur cela une lettre d'Ibas à
un Perse chrétien, nommé Maris, dans la-
quelle Ibas accusait saint Cyrille d'être tombé
dans l'hérésie d'Apollinaire, et disait que
ses douze articles étaient rempHs de toutes
Ibid p. 668. sortes d'impiétés. Ibas, de sou côté demanda,
qu'on fît la lecture de la lettre de son clergé
adressée aux deux juges Photius et Eustathe.
Treize prêtres l'avaient signée avec trente-
six diacres, onze sous-diacres et un lecteur.
Tous, au nombre de soixante et un, rendaient
témoignage qu'ils n'avaient jamais ouï pro-
noncer à Ibas ni à aucun autre le blasphème
dont il était accusé. Ils suppliaient ces deux
évêques de leur renvoyer au plus tôt Ibas, à
cause de la fête de Pâques qui approchait,
où sa présence était nécessaire pour les ca-
téchèses et le baptême. Sur cette lettre jointe
à tout le reste, Ibas fut renvoyé absous.
6. Les clercs de l'Eghse d'Edesse, qui ^^^^
avaient fait un traité avec Ibas, ne furent 5°„°''iê'"r.
pas les seuls qui se déclarèrent depuis contre p^lse'en'l
lui; il fut condamné, et déposé de l'épiscopat
par les évêques mêmes qui l'avaient déclaré
innocent dans l'assemblée de Béryte. Cela se
passa en 449, dans le faux concile d'Ephèse,
où Dioscore d'Alexandrie, ennemi déclaré de
tout ce qui s'opposait aux progrès de l'héré-
sie d'Eutychès, anathématisa saint Flavien
de Constantinople, Domnus d'Antioche, Iré-
née de Tyr, Ibas d'Edesse, Eusèbe de Dory-
lée, Daniel de Carrhes, Aquilin de Byblus,
Sabinien de Perhe, Sophrone de Constantine,
et Théodoret de Cyr. Ibas, déposé de l'épis-
^ ^ ^ Asscma
copat, sortit d'Edesse le premier de janvier p^s-^oa.
de l'an 450 ; on lui donna pour successeur
le 21 de juillet de la même année, un nom-
mé Nonnus, qui tint le siège de cette ville
pendant deux ans, c'est-à-dire jusqu'au con-
cile de Chalcédoine qui rétablit Ibas en cette
manière.
7. En la neuvième session de ce concile, nesiréi
datée du 26 octobre de l'an 451, Ibas étant eonciu ,
entré dans l'assemblée, dit : « Ayant été par- "aicédoin.
sécuté et déposé par Eutychès, quoiqu'ab-
sent de quarante journées, je me suis adressé
â l'empereur, qui a ordonné que le saint con-
cile examinerait ma cause. Je vous prie donc j„„
de faire lire ce qui a été jugé par les évê- îi°°'c'o'nci
ques Photius et Eustathe, qui m'ont ti'ouvé Ss.'" ' ''
innocent. Cassez ce qui a été fait à Ephèse
en mon absence, et me rendez mon Eglise. »
On lut premièrement la sentence arbitrale de ^j p ^^
Photius de Tyr, et d'Eustathe de Béryte,
donnée à Tyr, le 25 février de l'an 448, par la- :
quelle il paraissait qu'Ibas avait donné une
déclaration de sa foi, et reçu en grâce les
clercs d'Edesse, ses accusateurs. L'atfaire
n'ayant pu se terminer le môme jour, Ibas ,
se présenta le lendemain où l'on tenait la
dixième session. Il se plaignit de nouveau
d'Eutychès, qui l'avait traduit par quarante
journées de chemin et fait changer de vingt
prisons, comme déposé au concile d'Ephèse,
[V= SIÈCLE. J
CHAPITRE V. — ]BAS, ÉVÊQUE D'ÉDESSE.
147
quoiqu'abseiit et sans connaissance de cause.
Les évêqaes s'écrièrent que l'on ne condam-
nait point un absent ; qu'Ibas avait été con-
damné à Ephèse contre les canons, et que,
ayant été reconnu évêque par la sentence
des arbitres, il devait être reçu comme tel.
Ce jugement parut juste aux Orientaux; il y
eut toutefois des gens qui s'y opposèrent, dé-
clarant qu'ils voulaient accuser l'évêque Ibas.
C'étaient Théophile, diacre; Euphrasius, An-
tiochus et Abraham. Ayant eu permission
d'entrer, Théophile demanda qu'on lût ce
qui avait été fait à Béryte contre Ibas^ afin
qu'on vît qu'il était justement déposé. On lut
d'abord la commission de l'empereur Théo-
dose, puis les actes du jugement rendu à
Béryte le 1" de septembre 448, par lequel
Ibas avait été renvoyé absous. Les magis-
trats voulaient qu'on fit aussi la lecture de
la procédure faite contre Ibas au faux concile
d'Ephèse; mais les légats s'y opposèrent, en
disant qu'on ne devait avoir aucun égard à
ce qui avait été fait dans ce concile. Les ma-
gistrats invitèrent donc le concile à opiner
sur l'aflaire d'Ibas. Alors Paschasin, parlant
pour les légats, dit : « Suivant les pièces qui
ont été lues, nous connaissons qu'il est or-
thodoxe ; c'est pourquoi nous jugeons qu'il
doit recouvrer l'honneur de Tépiscopat,
et son Eglise, dont il a été chassé injuste-
ment. » Anatolius de Constantinople déclara
aussi Ibas exempt de tous soupçons, parce
qu'il avait souscrit à la lettre de saint Léon
à Flavien. Maxime d'Antioche déclara la let-
tre d'Ibas orthodoxe; et tous les autres évo-
ques ayant opiné en sa faveur, on se con-
tenta de lui demander qu'il anathématisât
Nestorius et Eutychès. «J'ai déjà, dit Ibas,
anathématisé par écrit Nestorius et sa doc-
trine, et maintenant je l'anathématise mille
fois : car on n'a point de peine à faire mille
fois ce dont on est une fois persuadé : ana-
thème donc à Nestorius, à Eutychès et à qui-
conque dit une seule nature : j 'anathématisé
aussi quiconque ne cx'oit pas comme ce saint
concile. » Les magistrats dirent : « Ce que le
saint concile a jugé touchant Ibas sera exé-
cuté. »
8. Ibas, rétabli sur le siège d'Edesse, l'oc-
cupait encore au commencement de l'an 437,
comme on le voit par la requête adressée à
l'empereur Léon, pour la confirmation du
concile de Chalcédoine, où son nom se trouve
avec celui de beaucoup d'autres évoques :
mais il mourut cette année-là même, selon
la Chronique d'Edesse ; cela se voit encore
par une lettre au môme prince, à laquelle
Nonnus souscrivit comme évêque d'Edesse,
avec ceux de la province de l'Osroène. Cette
lettre était une réponse à celle que l'empe-
reur Léon avait écrite la même année à Ibas.
Nonnus, en qualité de métropolitain d'Edesse,
l'écrivit au nom de ses comproviuciaux, au
nombre de quatre. Comme son élection en la
place d'Ibas avait été légitime de sa part,
puisqu'il avait succédé à un évêque déposé
par une autorité apparente , les légats du
Pape et Anatolius de Constantinople, après
avoir opiné dans le concile de Chalcédoine
pour le rétablissement d'Ibas, remirent à la
discrétion de Maxime d'Antioche, d'ordonner
de Nonnus ce qu'il jugerait à propos. Maxime
promit de lui conserver l'honneur de l'épis-
copat, ajoutant que pour le surplus il en dé-
libérerait avec les évêques de son départe-
ment. Quoique Nonnus fût présent à ce con-
cile, on ne voit pas qu'il se soit donné aucun
mouvement pour empêcher le rétablissement
d'Ibas.
9. Il ne nous reste de cet évêque que sa
lettre à Maris, qu'il représente comme un
homme occupé jour et nuit à s'instruire dans
la science de Dieu, afin d'en instruire les au-
tres. Il la commence par l'histoire de la dis-
pute entre Nestorius et saint Cyrille. Il dit que
le premier enseignait dans ses écrits que la
sainte Vierge n'est pas Mère de Dieu, ce qui
le faisait regarder par un grand nombre de
personnes comme infecté de l'hérésie de
Paul de Samosate, d'api^ès lequel Jésus-Christ
était un pur homme. A l'égard de saint Cy-
rille, il l'accuse de ne mettre aucune diffé-
rence entre les deux natures ; en sorte qu'il
lui paraissait être tombé dans le dogme d'A-
polhnaire. Il attaque particulièrement ses
douze anathématismes, qu'il dit être pleins
de toufes sortes d'impiétés, supposant qu'il
n'y reconnaît qu'une seule nature après l'In-
carnation : « Doctrine, dit-il, qui n'est pas
celle de l'Eglise qui, comme nous l'avons ap-
pris des saints pères ', enseigne qu'il y a en
Jésus-Christ deux natures, une vertu et une
Tom. IV
Concil. pajr.
917.
Ibif], png.
61Scl 678.
Lettre d'I-
bas à Maris,
tom. IV Coii-
cil., pag. 661.
T Ecclesia sic clicit, sicid et tua religiositas novit et
a principio est edocta atque firmata divina doctrina
ex libris beatissimorum Patrum duce naturœ, una
virtus, una persnna, quœ est unus Filins Dominus
noster Jésus Christus. Ibas, Epist., tom. IV Concit.,
pag. 661.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Tom. IV
Concil., pag.
673, 078, 680.
148
personne, qui est le Fils unique, notre Sei-
gneur Jésus-Christ. » Ibas marque ensuite
que les très-pieux empereurs voulant finir
ces contestations, ordonnèrent la tenue d'un
concile à Ephèse, où les écrits de Nestorius
et de saint Cyrille fussent examinés par les
évéques ; que saint Cyrille, avant leur arrivée,
trouva moyen de prévenir les esprits et de
faire condamner Nestorius ; que les Orien-
taux qui n'arrivèrent à Ephèse que deux
jours après, ayant appris la déposition de
Nestorius, condamnèrent saint Cyrille et pro-
noncèrent une senlence d'excommunication
contre tous ceux qui avaient approuvé ses
douze anathématismes. Telle fut la cause de
la division qui régna depuis entre saint Cyrille
et les Orientaux. Ibas traite de tyran Rabulas,
son prédécesseur , mais sans le nommer. Il
l'accuse d'avoir étendu sa haine, non-seule-
ment sur les vivants, mais aussi sur les
morts, nommément sur Théodore de Mop-
sueste , en l'anathématisant publiquement
dans l'Eglise, quoique, par un zèle pour Dieu,
il eût converti à la foi et ramené à la vérité
sa propre ville et beaucoup d'Eglises très-
éloignées. Il parle de cet évèque et de ses
écrits avec éloge, disant qu'on ne les avait
condamnés que par une inimitié secrète.
Après cela il rapporte comment la réunion
s'était faite de Jean d'Antioche avec saint
Cyrille, par la médiation de Paul d'Emèse ;
et afin que Maris en sût mieux les circons-
tances, il dit qu'il lui en envoyail les actes.
11 finit sa lettre en disant : « La dispute a
cessé, il n'y a plus de schisme, l'Eghse est en
paix. Vous le verrez par ces actes, et vous
pourrez apprendre à tous cette bonne nou-
velle. La muraille de division est ôtée ; ceux
qui attaquaient insolemment les vivants et
les morts sont confondus, étant obligés à se
défendre eux-mêmes et à enseigner le con-
traire de leur doctrine précédente : car per-
sonne n'ose plus dire qu'il n'y a qu'une na-
ture de la divinité et de l'humanité ; mais on
confesse que le temple et celui qui y habite,
est un seul Fils Jésus-Christ, n Cette lettre et
d'autres pièces qui concernaient Ibas, furent
1 Unde sancta illa synodus formam canonicœ scrip-
turœ in sua senlentia non excedens, secundum dua-
rum naturarum in una Christi persona, caiholicam
et ge.neralem confessionem, non secundum privatam
suspicionem quam de beato Cyrillo cum aliis Ibas hn-
buit, ejus epistolum pronuntiavit orthodoxam; hoc
ipso vocabulo, guod eam orthodoxam nunciipavit, os-
lues dans la dixième action du concile de
Chalcédoine. Les légats du Pape reconnurent
cet évèque pour cathohque, et opinèrent pour
son rétablissement dans le siège d'Edesse,
ainsi que Maxime d'Antioche, qui déclara sa
lettre à Maris orthodoxe. Eunoraius de Nico-
médie blâma ce qu'on y lit au commence-
ment contre saint Cyrille ; mais il avoua
qu'Ibas s'en rétractait à la fin en confessant
la vraie foi sur l'incarnation. Les autres évé-
ques, sans s'expliquer sur la lettre à Maris,
consentirent aîi rétablissement d'Ibas, voyant
qu'il anathématisaii sincèrement les erreurs
de Nestorius et d'Eutychès qui avaient donné
lieu à sa déposition. Il n'y eut donc qu'un ou
deux évoques qui s 'expliquèrent sur la lettre
d'Ibas. Facuudus soutient ' néanmoins que
le concile la déclara catholique, sur ce que
cet évèque y confessait l'union des deux na-
tures en une personne, et qu'il ne désap-
prouvait que les expressions trop dures dont
Ibas s'était servi avec beaucoup d'autres
contre saint Cyrille, dont il ne connaissait pas
bien la créance. Mais on verra dans la suite
que l'on s'étonna dans le cinquième concile
général que quelques-uns eussent voulu dé-
fendre la lettre d'Ibas au nom du concile de
Chalcédoine, sur ce que qnelqu'évêque avait
semblé approuver cette lettre ; que le pape
Vigile dit même anathème à ceux qui soute-
naient qu'elle avait été déclarée orthodoxe
à Chalcédoine; que ce Pape prétendit que la
lettre sur laquelle Ibas fut absous dans ce
concile, était celle du clergé d'Edesse en sa
faveur, et que celle qui s'adressait à Maris,
Persan, avait été fabriquée par les nestoriens
pour calomnier Ibas. On lit dans celle de
saint Grégoire à Secondin, qu'Ibas désavoua
sa lettre à Maris dans le concile de Chalcé-
doine, et Justinien soutint qu'il l'avait désa-
vouée à Béryte. On ne trouve rien de sembla-
ble dans les actes du concile de Chalcédoine,
et on ne voit rien de ce désaveu dans le cin-
quième concile général : aussi Facuudus porte
le défi ^ à ceux qui avançaient ce fait, de lui
montrer en quelqu'endroit ce prétendu dé-
saveu d'Ibas.
tendens fidei se confessionem in illaprobasse.Va.sc\ia-
dus, lib. VI, pag. 232.
2 Unde nec itlud dicimus...quia illam epistolam apud
judices Photium et Eustathium sitam esse negavit Ibas
episcopus; quod et ipsum aperte falsum est... Ostendite
nobis ipsa negalionis ejus vei'ba,si dixil : mea non eslhœc
quœ adoersum me profet'tur epistola. Ibid., pag. 184.
J
[v-^ SIÈCLE.] CHAPITRE VI. — FIRMUS, ARCHEVÊQUE DE CÉSARÉE.
im
CHAPITRE VI.
Firmus, archevêque de Césarée en Cappadoce [écrivain grec].
[439.]
Firmus, 1- Depuis la mort de saint Basile , arrivée
?"f m'', en 370, ou ne connaît point d'autres évoques
5TOpa°t/sà de celte ville, jusqu'en 439, qu'Heliade etFir-
rt en 439. , „ ., , . «
mus; ce qui fait un espace de soixante-neuf
ans. Si ce n'est pas trop pour deux ponlili-
cats , il faut dire que Firmus succéda immé-
diatement à Hellade, qui fut lui-même suc-
cesseur immédiat de saint Basile. Le concile
d'Eplièse ayant été indiqué en l'an 431, pour
y juger l'affaire de Nestorius , dont l'hérésie
faisait grand bruit, Jean d'Antioche écrivit à
Firmus pour l'indisposer contre saint Cyrille
et le rendre favorable à Nestorius, qu'il pro-
tégait, le croyant innocent. Mais sa lettre,
quoique très-flateuse ' pour Firmus, ne pro-
duisit aucun efifet. Il assista - au concile dès
le moment qu'il fut ouvert, approuva avec
les autres évoques la seconde lettre de saint
Cyrille à Nestorius , et souscrivit dans son
rang à la condamnation de Nestorius; on l'a-
vait déjà prononcée quand les légats du Saint-
Siège arrivèrent à Ephèse ; ils présentèrent
au concile les lettres du pape Célestin ^, de-
mandant qu'elles fussent exécutées. Firmus
leur fit remarquer qu'elles l'avaient été par
la sentence même rendue contre Nestorius.
Il fut du nombre des huit évêques * que l'on
députa à l'empereur de la part du concile,
pour défendre les intérêts de la foi ^ et des
évêques que lepartide Jeand'Antioche avait
maltraités. Le succès de la députation fut
heureux, et l'empereur ayant approuvé la
déposition de Nestorius, déféra aux députés ^
du concile l'ordination d'un nouvel évêque
de Constantinople. Le choix tomba sur Maxi-
mien. Cet évêque, Théodote d'Ancyre et Fir-
mus écrivirent des lettres contre Jean d'An-
tioche et les autres Orientaux, voulant qu'on
' Theodor., Epist. 112; Lupus, Epist. 4.
2 Tom. III Concil., pag. 4C2, 491, 547.
3 Ibid., pag. 617.
' Ibid., pag. 784.
s Ibid., pag. 779.
« Ibid., pag. 730 et 1038, et append. Concil. Ba-
luz., pag. 730.
les traitât comme des excommuniés. Jean
d'Antioche l'ayant appris' lorsqu'il passait à
Ancyre pour s'en retourner, en écrivit d'au-
tres, au nom de son parti, dans lesquelles il
protestait * qu'il ne reconnaissait aucun de
ces trois évêques. A Ephèse, les Orientaux
avaient en effet ' porté des censures contre
Firmus et les autres évêques du concile. Ils
entreprirent une seconde fois de les dépo-
ser dans un concile qu'ils tinrent à Tarse, en
Cilicie *", nommément saint Cyrille et les huit
députés du concile d'Ephèse. Maximien d'A-
nazarbe , qui était du parti de Jean d'Antio-
che, refusa même " de répondre aux lettres
que Firmus lui avait écrites, apparemment
pour le ramener à la paix et à l'unité. Euthé-
rius , évêque de Thyanes , avait été déposé
par Maximien de Constantinople, en 432. Pour
lui donner un successeur, Firmus assembla
les évêques de la Cappadoce , avec qui il or-
donna un laïque , assesseur de quelque ma-
gistrat. Les habitants de Thyanes s'opposè-
rent à cette ordination; ils se saisirent même
du nouvel évêque, qui, se voyant arrêté, dé-
clara , soit par crainte ou par quelqu'autre
motif, qu'il n'avait point consenti à son ordi-
nation. Théodoret '^ raconte sur cela diverses
choses qu'il est inutile de rapporter. Firmus
fut toujours très-attaché au concile d'Ephèse
et à saint Cyrille. Celui-ci, ayant à répondre
à un concile d'Antioche sur ce qu'on devait
penser de Théodore de Mopsueste et sur les
moyens de prévenir les troubles que les écrits
de cet évêque allaient occasionner, consulta
Théodote d'Ancyre et Firmus. C'était en 438.
Firmus mourut '^ l'année suivante; on élut
pour lui succéder Thalasse, préfet du pré-
toire d'Illyrie.
' Ibid., pag. 741, et tom. III Concil., pag. G53 et 757.
' Append. Concil., pag. 741.
3 Tom. III Concil., pag. 596.
>» Append. Concil., pag. 840, 843, S74.
11 Ibid., pag. 84.
■2 Append. Concil., pag. 749.
!•' Socrat., lib. VII Hist., cap. ultimo.
130
niSTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettres dg
Firmus.
Tom. /.nec-
(lot. Muratoti
Patav,, an.
n09, io-i".
pag. 277, 32â.
2. Nous n'avons ni la réponse qu'il fit à
Jean d'Antioche , ni la lettre qu'il écrivit à
Maximien d'Anazarbe, ni son avis à saint Cy-
rille touchant Théodore de Mopsueste. Mais,
en 1709, Muratori nous a donné quarante-
cinq lettres sous le nom do Firmus de Césa-
rée, tirées d'un ancien manuscrit de la biblio-
thèque Ambrosienne. On juge de l'authenti-
cité de ces lettres, premièrement, parce que
les personnes à qui elles sont adressées vi-
vaient en même temps que Firmus; secon-
dement, par le rapport que quelques-unes
ont avec le concile d'Ephèse; en troisième
lieu, parce qu'on y voit un caractère de dou-
ceur, de bonté, d'humilité, qui sont les ver-
tus que Jean d'Antioche relève ' le plus dans
Firmus. La plupart de ces lettres sont dans
le genre familier ou ne contiennent que des
choses peu intéressantes pour notre dessein.
Dans la première, qui est adressée à un nom-
mé Achille, goxiverneur ou même préfet dan?
le Pont , Firmus l'exhorte de continuer à tra-
vailler pour la paix et l'avantage des peuples
qui lui étaient soumis. La quatrième est au
comte Cynégius. Firmus le presse de faire le
voyage auquel il s'était engagé; et parce que
son grand âge ou ses infirmités pouvaient
le faire hésiter à l'entreprendre, il lui pro-
met ^, de la part de l'Eglise de Césarée sa
mère, qu'en se hâtani; de la visiter il recou-
vrera sa première santé, On voit, par cette
lettre, que Cynégius était de Césarée. Un co-
évêque, nommé Alypius^ était tombé dans
une faute qui marquait son peu de vigueur
et de fermeté à l'égard du peuple confié à ses
soins. Sachant que Firmus, de qui il dépen-
dait, en était irrité, il employa pour l'adou-
cir Himérius , qu'on croit être celui de Nico-
médie. Firmus, à la considération decetévê-
que, pardonna à Alypius, mais en avertissant
celui-ci de se montrer à l'avenir également
habile dans l'art d'obéir et de commander.
La dixième est à Géronce , prêtre de l'Eglise
de Césarée. Comme il en avait été absent fort
longtemps, Firmus lui écrivit qu'il aurait con-
venu qu'il revint pour une fête, la première
de toutes et la plus remplie de mystères;
mais que, puisqu'il en avait été empêché par
quelques restes de maladie, il ne différât plus
son retour, une plus longue absence pouvant
devenir préjudiciable à lui-même. Il semble,
par le texte de cette lettre, que c'était la cou-
tume de faire quelques largesses aux prêtres,
dans les grandes solennités. Géronce avait
perdu celles de Pâques, et il y avait à crain-
dre qu'il ne perdit encore celles de la Pente-
côte, s'il ne revenait pour la célébration de
cette fête. 11 paraît encore que Géronce s'é-
tait retiré dans une maison de campagne qui
lui appartenait, et que de là il avait envoyé
à Firmus quatre perdrix, deux poulains et la
moitié d'un porc gras, avec une cruche de vin
vieux. Firmus l'en remercia en lui témoignant
que, quelque cas qu'il fit de ses présents, il
en faisait encore plus de son amitié et du plai-
sir de vivre avec lui. Il dit, dans la onzième
lettre au prêtre Auson, qu'il faut de la règle
en toutes choses , mais qu'en fait de l'amour
qu'on se doit mutuellement, celui qui en a da-
vantage est le plus agréable à Dieu. Dans la
douzième lettre, il représente à Hellade les be-
soins de la Cappadoce, affligée d'une grande
famine. Il le conjure de diminuer les contri-
butions qu'on exigeait à cause de la guerre,
et d'empêcher le passage des armées dans
cette province.
3. La treizième lettre à l'évêque Alticus est
pour lui demander , au nom de l'Eglise de
Césarée, son consentement pour mettre dans
le clergé de cette ville un homme d'un grand
mérite , qui était apparemment du diocèse
d'Alticus. Firmus s'était chargé de l'éduca-
tion d'un jeune homme quel'évêque Anthyme
avait adopté pour son fils. 11 se glorifie de ce
soin, disant : « Nous mettons parmi nos gains
les succès des jeunes gens, parce qu'ils font
notre gloire et qu'ils cimentent les amitiés. »
On trouve encore, dans sa vingt-cinquième
lettre , un témoignage de sa tendresse et de
sa sollicitude pour les jeunes gens dont il se
chargeait. Il appelle celui dont il y est parlé,
son fils, sans doute parce qu'étant son élève,
il lui servait de père. La quinzième est une
lettre d'invitation à l'évêque Evandre, pour
venir faire l'office dans une église de Césarée
ou des environs, en un jour de fête de quel-
que martyr. Sachant qu'il y avait des ordres
pour réparer les édifices pubfics de Césarée,
et pour ajouter quelques vifies à la province
de Cappadoce , Firmus écrivit les lettres sei-
zième et dix-septième aux préfets ou à leurs
vicaires, pour leur remontrer qu'à l'illustra-
tion de sa patrie , à laquelle il prenait beau-
coup de part, il fallait ajouter l'autorité, et
' Lupus, Epist. 4, pag. 20.
^ Quod si ex œiate viribus fractus ac debilitatiis
es, midi matrem tuain Ecchsiam spondentem prislinœ
va/etudini iterum te restituendum. Ibid.
CHAPITRE VI. — FIRMUS, ARCHEVÊQUE DE CESARÉE.
[V SIÈCLE.]
faire en sorte que les villes ajoutées de nou-
veau à la province fussent du ressort de Cé-
sarée même et du gouveniement de cette
ville. 11 dit, dans la dix - huitième , qui est
■ à Colossien , que le commerce de lettres
entre les personnes préposées au gouverne-
ment de la patrie, est d'un grand soulage-
ment. Acace , apparemment celui de Mélitine ,
s'était mis en chemin pour aller rendre visite
à Firmus ; mais le cheval qu'il montait s'étant
abattu, Acace, qui en avait sans doute été
incommodé, ne put continuer son chemin.
Firmus , infqi'mé de l'accident , lui écrivit la
dix-neuvième lettre en ces termes : « J'ad-
mire comme vous ne vous faites pas traîner
par un bige de chevaux blancs, ou, pour par-
ler plus modestement, dans des chariots gar-
nis de bandes d'airain; mais vous aimez trop
vos pégases , quoiqu'ils ne soient rien moins
qu'ailés, ayant au contraire grand besoin d'é-
perons. Ayez du moins soin de vous procu-
rer un bon cheval , afin que nous puissions
nous voir. » La trente-cinquième lettre , qui
est encore à Acace, est aussi une lettre d'a-
mitié. 11 y est dit que les restes de la table de
l'évêque étaient distribués ' aux pauvres. On
croit que Lausus, à qui la neuvième et la ving-
tième lettres sont adressées, est le même que
celui à qui Pallade a dédié son Histoire Lau-
siaque. Celui dont il est question dans ces
deux lettres, était d'un rare mérite, qu'il re-
levait devant Dieu par de grandes aumônes.
4. La vingt-deuxième est une lettre de re-
suite. ^
commandation en faveur d'un homme qui
était venu demander l'iiospitalité à Firmus.
Cet étranger venait de l'Orient, muni de let-
tres formées des évêques de ce pays-là. Fir-
mus le reçut, et pour lui procurer du secours
à Constantinople où il avait des affaires , il
écrivit à Théodote, peut-être celui d'Ancyre,
son ami , de lui aider à réussir dans l'afifaire
qv.i faisait le sujet de son voyage. La vingt-
troisième lettre est à Eulhérius, qu'il prie de
faire rendre l'argent que le porteur de cette
ISl
lettre avait prêté à un de ses sujets. Il écrivit
la vingt-neuvième lettre à Florent, du rang
des illustres , en lui envoyant des eulogies
qu'il était d'usage de bénir à Pâques en l'hon-
neur de Dieu ^. Il l'avertit de les recevoir avec
respect. Lui-même recevait avec joie ^, et
même des laïques, ces sortes de présents qui
avaient été bénits sur l'autel sacré, quoiqu'ils
fussent souvent peu de chose pour la ma-
tière. Il dit, dans la vingt-cinquième et la
trente-deuxième lettres, qu'il n'avait point
d'autres richessesque ses amis. Dansla trente-
troisième lettre , il félicite un homme de guei're
sur la victoire remportée sur les ennemis;
comme il avait reçu des blessures dans le
combat, Firmus lui promet d'aller lui-même
prendre soin de sa guérison, et de porter avec
lui des reliques * des martyrs dont cet ofHcier
avait coutume d'orner les tombeaux. Il prie,
dans la trente-sixième lettre, l'évêque Léonce
de faire chercher certains domestiques qui
s'y étaient réfugiés, et de les renvoyer à leur
maître sous bonne escorte. Les lettres qua-
rante-unième et quarante -deuxième traitent
d'une matière à peu près semblable. Il s'agit,
dans celle-là , d'une femme qui , après avoir
quitté le siècle, s'était abandonnée à l'impu-
reté, et ensuite à divers autres crimes avec
les complices de ses débauches. Firmus mar-
que à l'évêque Hellade de la retrancher ^ de
toute communion ecclésiastique, ou pour tou-
jours, ou du moins jusqu'à ce qu'elle se soit
corrigée. Dans celle-ci, il prie l'évêque Daniel
d'obliger un voleur qui avait pillé des per-
sonnes de piété à Césarée, de leur renvoyer
tout ce qu'il leur avait pris. Il ajoute que cet
homme subira à Césarée la peine due à son
crime, lorsqu'il en aura été convaincu, appa-
remment devant le tribunal ecclésiastique,
n'étant point à présumer que des évêques
eussent voulu traduire un voleur devant les
juges laïques, qui l'auraient peut-être puni de
moi't.
3. Firmus, dans la lettre trente-septième, g^,,.
' Victima hac {pisce) insirucia mensa ita condimen-
tis suis ad usus plures inserviit, ut... inferiores esse
videreniur Alcinoi deliciœ vel nostrœ cœnœ reliquiis
in pauperes disiributis. Pag. 313.
2 Ad clarissinmm tiài fesium Paschutis diem per-
facjium habui, obsecrans ut symbola quœ in illo jiunt
ad honorem Numinis a nobis suscipias reverenler.
Idem, pag. 307.
3 Quanquam plus decuisset quam magnitudinem
tuam de sacra mensa nobis gratificai'i... Qui nullo
negotio polest parvis magnitudinem conciliare... Ego
vero... in iis quœ ad sacram mensam pertinent cmn
delectatione gavisus sum. Vaià,, pag. 308. La qualifi-
cation de grandeur, magnitudo, ne se donnait point
aux évêques, mais aux laïques de grande considération-
^ Veniam ipsemet curaturus et studii erga omnes
atgue benevolentiœ socios accipiam eos, quia pruden-
tia tua memoria honorantur martyres. Ibid., pag. 312.
'^ Ab liac igitur fœmina, quœ ad pietatem luam mi-
gravit, quod Christum negaverit, quod post hœc alia
tentaverit, pœnas erigi jubeat srmciitas tua, eique
' omni ecclesiastica communione interdicat in perpe-
tuum, si tibi placuerit, sin minus donee se ad bonam
frugem receperit et rem emendaverit. Ibid., pag. 318.
152
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qu'il écrivit à saint Cyrille quelque temps
après le concile d'Ephèse, le prie de lui man-
der en quel état se trouvaient les affaires de
l'Eglise, et de quels moyens lui et leurs amis
communs se servaient pour réunir les esprits
et ramener les Orientaux à l'unité. Il parle
encore de cette affaire dans sa lettre trente-
huitième à Valère à qui il dit qu'il en était
d'elle comme de la pierre de Sisyphe, qui re-
tombait toujours au même endroit d'où on
l'avait prise : » Mais vos prières , ajoute-t-il,
feront que cette pierre sera amenée sur la
montagne, » c'est-à-dire que la réunion se
fera. La trente-neuvième lettre est adressée
à un comte nommé Eustrate. Il était de Césa-
rée, où il avait ' soiivent pris plaisir à enten-
dre chanter un des chantres de cette église ,
c[ui avait la voix extrêmement belle. Ce chan-
tre ayant eu depuis une affaire où la calom-
nie avait part, Firmus pria ce comte de pro-
téger ce chantre , en lui faisant envisager le
chagrin qu'il donnerait à l'Eghse, sa mère, s'il
négligeait de prêter son secours à un de ceux
qui la servaient. Il recommande, dans la qua-
rantième lettre à Eupnius, d'examiner avec
soin une affaire que l'on avait portée à son
tribunal, et d'en saisir tellement le vrai, que
les accusateurs contre qui il y avait des
charges, et l'accusé, fussent traités suivant
leurs mérites. On voit, par la quarante-troi-
sième lettre à Inachius, et par la réponse de
celui-ci, qui fait la quarante-quatrième lettre,
que Firmus lui avait envoyé un chien et un
faucon de chasse. Il approuve , dans la qua-
rante-cinquième lettre, l'indulgence dont le
co-évéque Pergamus avait usé envers un
vieillard coupable de quelque faute , mais
dont l'espiit baissait. « Prenez néanmoins
pour maxime , ajoule-t-il , de ne pas ^ vous
porter aisément ni à accuser personne, ni à
prier pour personne. » Voilà ce qui nous a
paru de plus remarquable dans les lettres de
Firmus. En parlant aux évèques, il dit indiffé-
remment votre sainteté, votre piété; aux co-
évéques et aux prêtres, votre piété; aux grands
de l'empire, votre magnificence , votre grandeur.
Ces lettres sont courtes et ne manquent point
d'élégance, telle qu'on doit en demander dans'
le style familier. On y trouve aussi quelques
traits d'érudition ; mais elles sont plus recom-
mandables par les sentiments de bonté, de
charité, d'amitié et de politesse dont elles sont
remplies. On les a imprimées à Padoue, en
1709, par les soins de M. Muratori ; mais c'est
la seule édition que nous connaissions, et que
nous n'avons connue que depuis l'impression
du volume précédent , où elles auraient dii
avoir place. [Galland les a reproduites au
tome IX de sa Bibliothèque, avec une préface.
Elles ont passé de là dans le tome LXXVII
de la Patrologie grecque.]
CHAPITRE VII.
Fastidius, évêque des Bretons [écrivain latin, vers l'an 430.]
Ce qu'on
sait de l'asli-
rlius.
1 . Nous aurions beaucoup de choses à dire
de Fastidius , si nous voulions nous en rap-
porter à ce que les historiens anglais du der-
nier âge en ont dit. Mais comme ils n'ont
point trouvé de croyance chez les plus ha-
biles de leur nation qui ont écrit depuis, nous
prendrons le parti qu'a pris^Ussérius, de re-
jeter comme fabuleux ce qu'ils en ont rap-
porté. Gennade *, qui le place entre le pape
saint Géleslin et saint Cyrille d'Alexandrie,
le fait évêque des Bretons, sans marquer son
siège. Pitséus^, doyen de la collégiale de Li-
verdun en Lorraine , chapitre aujourd'hui
supprimé, dit qu'il était évêque de Londres;
mais il n'en donne aucune preuve. Ilyamême
des manuscrits de Gennade, entre autres ce-
lui de Corbie , où Fastidius n'est point quali-
fié évêque; et, à en juger par le commence-
ment de son ouvrage , il était plutôt un sim-
ple moine qu'un évêque , car il s'y rabaisse
1 Te quem sœpe honesta voluptafe ac delcctatione in
dioinis canticis ipse implevit brevibus obsecro, ut quœ
institua facitia illi reddas. Pag. 317.
2 Eum ergo senem excipe, hune servans morem ut
neque facile, accuses, neque facile depreceris. Pag. 324.
3 Usserius, de Britanniœ Eccles. antiquit., pag. 317,
318.
'* Gennad.j in Caialog. vir. illust., cap. lvt.
s Pitsieus, de Illus. Britan. script., in Fastidio.
\\' siÈaE.] CHAPITRE Vn. — FASTIDIUS, ÉVÊQUE DES BRETONS.
ÎS3
extrêmement, soit pour la science, soit pour
la vertu, et cela, en parlant d'une veuve.
Quoi qu'il en soit, il avait, selon Gennade,
composé deux ouvrages : l'un intitulé : De la
Vie chrétienne; Fautre : Des Moyens de conser-
ver la viduité.
Ses écrits. 2. Le premier a été donné par Holsténius,
sur un très-ancien manuscrit, avec le nom
d'évéque, et imprimé à Rome en 1663. Le
second est perdu , à moins que l'on ne dise
qu'il y a erreur dans Gennade , et que d'un
écrit il en a fait deux. En effet Fastidins,
dans le chapitre xv de son ouvrage De la Vie
chrétienne, traite des moyens de garder la vi-
duité, mai'quant, dès le commencement de
ce chapitre, qu'il avait achevé ce qu'il s'était
proposé de dire touchant les préceptes de la
vie chrétienne. Fastidius s'adresse dans cet
écrit à une veuve qu'il appelle sa sœur en
Jésus-Christ, et une femme très-sainte et très-
prudente. Ainsi il faut corriger les imprimés
de Gennade, qui marquent que l'ouvrage est
adressé à un certain Fatale. Le manuscrit de
Corbie n'a point le mot de certain, mais seu-
lement le nom de Fatale, qui peut être le nom
d'une femme comme celui d'un homme.
Analysa de 3. Fastîdius commcuce ce traité par l'ex-
ce traite. phcation du nom de Christ, qui signifie oint.
Appnud. 11 montre ensuite que les chrétiens ayant tiré
Aucusiiiii, p. de la le nom qn ils portent, doivent imiter
celuidont ils ont tiré leur nom. Il fait voir que
Dieu diffère , pour deux raisons , la punition
des crimes : l'une, pour laisser aux pécheurs
le temps de faire pénitence; l'autre, pour
leur donner des preuves de sa patience. Si
Dieu en avait moins , et s'il nous punissait
aussitôt après nos crimes, il y a longtemps
que le monde aurait cessé d'être , et l'on ne
verrait pas des hommes passer du péché à la
justice. Cet auteur ne veut pas, toutefois, que
la patience de Diea nous autorise à pécher
avec sécurité, disant que s'il y en a à qui Dieu
ne fait pas sentir dans le moment les effets
de sa colère, il y en a beaucoup d'autres qui
l'éprouvent à cause du grand nombre et de
l'énormité de leurs fautes. Il avance, comme
n'en doutant pas, que l'on ne saurait mon-
trer des personnes coupables de rapines, d'a-
dultère , d'homicide et d'autres crimes sem-
blables , que Dieu ait laissé vivre longtemps
sur la terre. En quoi il fait voir qu'il n'était
pas trop instruit de l'histoire sacrée ni pro-
fane, où l'on voit beaucoup d'exemples du
contraire. Il prouve, par celui des habitants
de Sodome et de Gomorrhe, qu'il y a un cer-
tain nombre de crimes que les pécheurs ne
passent point sans en recevoir la peine. A l'é-
gard des méchants que Dieu enlève de bonne
heure, il dit qu'il en arrive ainsi afin qu'ils
fassent moins de mal et moins souffrir les
bons. Il compare les chrétiens qui refusent de
remplir les obligations de leur état et de s'ins-
truire , à ceux qui veulent embrasser la pro-
fession des armes sans se mettre en peine de
les savoir manier. « Celui-là seul, dit-il, est
véritablement chrétien, qui ne l'est pas seule-
ment de nom , mais d'effet ; qui imite Jéscis-
Clirist en tout, aimant à son exemple ses en-
nemis, leur faisant du bien et priant pour ses
persécuteurs. » Il fait voir par un détail tiré
de l'Ecriture, que si les hommes ont toujours
offensé Dieu par l'infraction de ses lois, ils
l'ont apaisé par la pratique de ces mêmes
lois; ce qui lui donne occasiou d'examiner
les préceptes de l'amour de Dieu et du pro-
chain, qu'il fait consister dans l'observation
générale des lois, n'étant pas possible que
l'on aime Dieu quand on ne lui obéit pas. Il
donne pour règle de l'amour du prochain
celle qu'on lit dans le chapitre iv du livre de
Tobie : Ne faites point à autrui ce que vous ne
voulez point que l'on vous fasse. Q infère de là
que celui-là n'est point véritablement chré-
tien, qui n'en remplit pas les devoirs, qui op-
prime les malheureux, qui désire le bien d'au-
trui, qui se nourrit des larmes de son pro-
chain, qui vit dans les voluptés, et qui s'em-
pare des biens des autres au lieu de leur
distribuer le sien. Il se moque de ceux qui se
flattent d'obtenir le pardon de leurs péchés x
par quelques aumônes qu'ils font aux dépens
même des pauvres dont ils ont usurpé les
biens. Il ajoute qu'il connaissaitdes personnes
assez déraisonnables pour croire que leur foi
seule leur servirait devant Dieu , sans qu'ils
fussent obligés de fairt de bonnes œuvres,
sous prétexte que Dieu ne condamne que ce
qui est contre la foi , et non pas ce qui est
contre les bonnes mœui's. Il cite sur cela plu-
sieurs passages de l'Ecriture, tant de l'An-
cien que du Nouveau Testament , qui prou-
vent que la foi ne suiHt pas pour le salut, si
elle n'est accompagnée des œuvres de jus-
tice. 'Venant ensuite au devoir des veuves, il
en distingue de trois sortes : celles qui, selon
qu'il est marqué dans l'Evangile de saint Luc, ,
i ^ o , Luc. Il, 37.
servent Dieu jour et nuit dans les jeûnes et
dans les prières; celles qui ont grand soin de
leur maison et de l'éducation de leurs enfants;
et celles qui vivent dans les délices. Il appli-
lU
HISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
que aux premières ce que dit saint Paul à Ti-
i.Tim.v,3. mothée : Honorez et assistez les veuves qui sont
vraiment veuves. Il dit que les secondes méri-
tent moins d'attention, quoiqu'elles ne soient
pas indignes de la vie éternelle; mais que,
pour les troisièmes, c'est d'elles que le même
ibid. Tj. apôtre a dit qu'elles sont mortes, quoiqu'elles
paraissent vivantes. 11 ne prescrit d'autres
règles à Fatale, pour se conduire dignement
dans la viduité , que celles qu'on lit dans le
chapitre v de la première épitre à Timothêe,
en l'exhortant toutefois à ajouter aux œuvres
qui sont oi'données , la méditation de la loi
cle Dieu , la prière et la récitation des Psaumes,
et veut qu'on la trouve en tout temps, s'il est
possible, occupée de la lecture et de la
prière.
Jugement 4. Gcnuade parle ' avantageusement de
ît éditions de , T , )•! n i
:et écrit. cct ouvragc, disaut qu il rentei'me une doc-
trine saine et digne de Dieu. Mais il paraît
que cet écrivain n'en a Jugé ainsi que parce
qu'il était aussi favorable aux ennemis de la
grâce, que Fastidius l'a été lui-même. Car
on voit par divers endroits qu'il était infecté
du venin et de l'orgueil de Pelage, dont les
erreurs s'étaient répandues dès-lors en An-
gleterre. Il propose à la veuve qu'il instruit
celte prière que saint Jérôme reproche si
fort à Pelage, et dont il lui fit un crime dans
le concile de Diospolis : « Vous savez ^, Sei- Hieron™.,
T . . .. ,1 1 dial. III cou-
gneur, combien ces mams que j eleve vers traPeug.
vous sont saintes, et combien sont pures les xn°p";.y°T5
lèvres avec lesquelles je vous demande misé- " '"'•
ricorde. » Cette prière, comme le remarque Aui;ust.,iib.
saint Augustin, se trouve dans le livre de lagii.cap.vi.
Pelage adressé à une veuve; et après l'avoir
rapportée, il s'écrie : « Est-ce là la prière d'un
chrétien ? ou plutôt n'est-elle pas d'un phari.
sien orgueilleux? » Fastidius dit aussi, en par-
lant du péché d'Adam, qu'il ^ a été la cause
de la damnation, et que tous les hommes se
damnent en imitant sa désobéissance. C'est
le langage que tenaientlespelagiens.il con-
vient que c'est la foi * de tous les chrétiens,
que les péchés nous sont remis par le bap-
tême; mais il ne dit rien du péclié originel.
Au surplus, il écrit avec netteté, et paraî
touché des vérités qu'il enseigne. [Galland a
publié cet écrit dans sa Bibliothèque, tome IX ,
page 481. Il est reproduit dans le tome L de
la Patrologie latine, col. 1233 et suiv.]
CHAPITRE VIII.
Saint Valérien, évêque de Cémèle [écrivain latin].
[Après l'an 455.'
1. Cémèle, aujourd'hui Cimiez, était autre-
fois une ville considérable. Elle avait le titre
de cité, et un siège épiscopal dépendant de
la métropole d'Embrun. Saint Léon l'unit à
celui de Nice en Provence, à cause de la pro-
ximité de ces deux villes, et cette union fat
confirmée par le pape ^ Hilaire, son succes-
seur. On voit ^ qu'en 549 l'évêque de Nice
se qualifiait aussi évêque de Cémèle. Mais
• Fastidius, Brifannorum episcopus, scripsit ad Fa-
talem quemdam de Vita chrisliana librum unum, et
aliiim de Viduitate servanda, sana et Deo digna doc-
trina. Gennad., de Viris illust., cap. LVi.
2 Ille merito ad Deum extoUit manus, ille preces
bonœ conscienliœ fundil, qui potest dicere : « Tu nosti.
Domine, quain sandœ, quam innocentes, quam purœ
sunt ab omni fraude, et injuria, et rapina, quas ad te
expendo manus, quam immaculata labia quibus tibi,
en S8o, Catulin ' ne prenait d'autre titre que
celui d'évêque de Nice ; ce qui donne lieu de
croire que Cémèle tendait dès-lors vers sa
ruine. Elle ne subsiste plus que dans une
église et dans quelques restes de son an-
cienne splendeur. On croit que saint Valérien
eu était évêque dès l'an 439, et qu'ill'était
encore en 455, deux ans au plus avant la
suppression de cet évêché. 11 y a en effet un
ut miserearis mihi, preces fundo. » Faslid., lib. de
Vita Christ., cap. si.
3 In quo nihil fuisse incredulitaiis invenio, prœter
solam inobedientiam, cujus causa ille damnatus est,
et omnes suo damnantur exemplo. Ibid., cap. xm.
' Baptismo peccata ablui fides omnium ienet. Ibid.,
cap. XIII.
s Tom. IV Concil., pag. 1038. — <= Tom. V Concil.,
pag. 309. — ■> Ibid., pag. 9S9.
[V SIÈCLE.
CHAPITRE VIII. — SAINT VALÉRIEN, ÉVÉQUE DE CÉMÈLE.
155
évêque * de ce nom parmi ceux qui assistèrent
au concile de Riez en 439, entre les évoques^
de la province d'Arles, à qui saint Léon écri-
vit en 450, et entre ceux ^ qui, en 431, ap-
prouvèrent la lettre de ce Pape à Fiavien, et
à qui il fit répon=e * sur ce sujet en 452. Ce
qui embarrasse, c'est qu'on ne voit par aucun
de ces endroits que ce Valérien ait été évêque
de Cémcle. Il y est simplement qualifié évê-
que, sans qu'on dise de quel siège. Mais dans
un ancien manuscrit de l'abbaye " de Saint-
Gall, et dans un autre de l'abbaye de Fleury,
il est appelé évêque de Cémèle, avec la qua-
lité de saint. On trouve sous son nom, dans
l'un et l'autre de ces manuscrits, un discours
intitulé : Du Bien de la discipline, auquel on
a depuis joint dix-neuf autres sermons, que
la conformité du style a fait juger être du
même auteur, et une lettre qui paraît être de
la même main. Il paraît par cette lettre que
Valérien avait été élu abbé d'un monastère en
son absence, et que ne pouvant s'y rendre
aussitôt après son élection, il écrivit aux re-
ligieux une exhortation générale à la piété,
tirée des épîtres de saint Paul et de celles
de saint Jacques.
2. Le premier des vingt discours que nous
avons sous le nom de saint Valérien, a pour
titre, Du Bien de la discipline. On l'a imprimé
souvent parmi les œuvres de saint Augustin ;
et il se trouve encore dans l'appendice du
sixième tome de la nouvelle édition des œu-
vres de ce père. Mais Goldast l'a restitué à
saint Valérien de Cémèle, sur l'autorité d'un
ancien manuscrit et sur un catalogue des li-
vres de l'abbaye de Saint-Gall, fait dans le
viii° siècle. Goldast le fit imprimer avec
un traité de saint Isidore, et quelques notes
de sa façon, à Genève, chez La Rouière, en
1601, in-I2. Il l'inséra dans son recueil des
Exhortations chrétiennes, imprimé en la même
ville, en 1604, in-4°. Le Père Sirmond ayant
recouvré dix-neuf autres discours du même
saint, les fit imprimer avec celui du Bien de
la discipline, à Paris, chez Nivelle, en 1612,
in-12. Us furent depuis imprimés à Lyon, en
1633, parle Père Théophile Raynaud, avec
un discours apologétique oîi ce Père entre-
prend de justifier saint Valérien de l'erreur
des semi-pélagiens, qu'on prétend trouver
dans ses écrits. Ces vingt discours furent en-
core mis sous presse en 1623, avec les œu-
vres de saint Léon et de saint Pierre Chryso-
logue ; d'où ils passèrent dans le huitième
tome de la Bibliothèque des Pères, à Lyon, en
1677, avec la préface que le Père Sirmond
avait mise dans l'édition de Paris, en 1612.
Nous les avons aussi dans le recueil de ses
ouvrages, à Paris, en 1696, où ils sont pré-
cédés de la même préface; d'une lettre au
cardinal Barberin sur la doctrine de saint
Valérien, et de deux réponses aux deux objec-
tions formées contre les vingt discours de cet
évêque ^ Le Père Sirmond fait voir dans la
première que si, dans l'édition de 1612, il lui
a donné le titre de saint, il n'a fait que suivre
en cela ce que d'autres avaient fait avant lui
en publiant le traité du Bien de la fUscipline ;
qu'il est appelé saint dans un manuscrit de
l'abbaye de Saint-Gall; et que, quand même
il y aurait dans ses ouvrages quelques en-
droits favorables au semi-pélagianisme, cette
erreurn'ayantpas encore été condamnée dans
l'Eglise, on pouvait lui donner le nom de
saint, comme on l'a donné à Cassien et à
saint Hilaire d'Arles, accusés l'un et l'autre
de la même erreur. Il dit dans la seconde
que l'on peut donner un bon sens aux en-
droits de ces discours qui paraissent suspects
d'erreur, comme on le fait h beaucoup de
passages de quelques autres Pères tant grecs
que latins, nommément de saint Chrysos-
tôme ; et que le Père Théophile Raynaud a
montré qu'il n'y avait en effet rien à repren-
dre dans sa doctrine. Le père Sirmond, ou
celui qui a recueilli ses œuvres, ajoute à ces
deux réponses plusieurs passages des an-
ciens qui se sont exprimés de la même ma-
nière que saint Valérien, en parlant de la
grâce et du libre arbitre. Ces anciens sont
saint Méthode, saint Chrj'sostôme, saint Hi-
laire, Optât, saint Jérôme, et saint Augustin
dans sou Manuel à Laurent.
3. Les discours de saint Valérien sont écrits
d'un style net, grave et éloquent. Dans celui
du Bien de la discipline et du bofi ordre, il
fait voir, par le cours réglé du soleil et des
astres, de même que par celui des éléments,
Idée de ses
discours.
Pag. 614.
1 Tom. III Concil., pag. 1289.
2 Léo, Epist. 50, pag. 271.
3 Ibid., pag. 289. — * Ibid., pag. 290.
^ Sirmond., prsef. in Valenim.
s Ces discours ont paru dans le tome X de Gal-
land, avec préface. On les retrouve dans le tom. LU
de la Patroiogie latine, d'après le même éditeur. On
y a joint une notice d'après Schoeneman. On y trouve
aussi la lettre aux moines et l'Apologie de saint Va-
lérien, par le Père Théophile Reynaud. (L'éditeur.)
1S6
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
qui tous obéissent à la volonté du Créateur,
ce que doit faire l'âme raisonnable créée à
l'image de Dieu , parce que s'il n'y avait pas
un ordre établi dans les choses humaines,
l'homme ne cesserait point de se livrer à ses
passions déréglées. Il promet sur la fin de ce
discours d'en faire d'autres où il traitera des
Pag. 619. vertus rehgieuses. C'est ce qu'il fait dans
les deux suivants^ qui sont intitulés : De la Vie
étroite. Il montre que la voie étroite qui con-
duit à la vie, n'a de difficulté que pour les
lièdes et les négligents, qui en trouveraient
même dans une voie large et aisée. Pour
rendre la chose plus sensible, il propose
l'exemple de deux hommes qui montent une
montagne, dont l'un est chargé d'un gros
poids, et l'autre n'a qu'un bâton sur lequel
il s'appuie en montant. Le premier, accablé
de son fardeau, peut h peine gagner le som-
met de cette montagne, au lieu que l'autre
y arrive avec facilité. Il fait ensuite l'appli-
cation de cette comparaison à deux chrétiens
qui ont chacun pour but de parvenir à la fé-
licité : l'un chargé du poids de sespécliés, et
l'autre qui les a expiés par les larmes de la
pénitence. Il infère de là que celui qui veut
paraître sans crainte devant son Juge, doit
se décharger du poids de ses péchés, et que
celui qui désire posséder les choses cé-
527, lestes, doit mépriser les terrestres. Dans le
quatrième discours qui traite des promesses
faites à Dieu, et que l'on néglige d'accom-
plir, il remarque que c'est assez l'usage des
hommes qui se trouvent en danger, de faire
des vœux à Dieu, pour en être délivi'és, et
d'en négliger l'accomplissement lorsqu'ils se
trouvent hors de tous périls. Il blâme celte
conduite, qu'il compare à celle d'Ananie et
de Saphire. Il veut que quiconque fait à Dieu
une promesse, l'accomplisse aussitôt, et que
ceux-là n'en fassent point, qui ne se trouvent
j3,_ pas en état de les remplir. Le cinquième est
intitulé : Be l'Insolence de la bouche. Saint Valé-
rien fait voir tous les fâcheux eiïets que pro-
duit une langue mahgne, la difficulté qu'il y
a de guérir les blessures qu'elle fait à la ré-
putation du "prochain, les procès qu'ehe sème
dans la société humaine, les haines qu'elle
produit, et les traits envenimés qu'elle lance
dans les cœurs. Comme on pouvait lui ob-
jecter qu'il n'était point possible de passer
tout le jour sans parler, il répond qu'il
n'exige cela de personne, mais seulement
que l'on s'entretienne de choses honnêtes et
qui tendent au maintien de la paix et de la
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tranquillité. 11 conseille de ne répondre aux
injures que par le silence, et dit qu'il n'y 9, pas
moins de perfection à savoir se taire qu'à
parler à propos. « Parlons, dit-il, mais avec
crainte et tremblement, songeant sérieuse-
ment que nous rendrons compte de toutes
nos paroles. »
4. Dans le sixième, il traite des paroles oi- suite, p. ese.
sensés et inutiles, et semble insinuer dans le
commencement de ce discours, qu'il en avait
fait d'autres où il montrait que l'ivrognerie
et la cupidité étaient les sources des vices. 11
entend par paroles oiseuses des paroles des-
tituées de raison et de vérité, inventées pour
exciter à rire, et à donner pour certain ce
qui ne l'est pas. Il comprend sous le même
terme certaines expressions figurées, qui
renferment quelques reproches, soit en elles-
mêmes, soit dans la façon de les prononcer.
(( Quand vous appelez, dit-il, un enfant un
homme d'un âge avancé et d'une haute
taille, ne lui faites-vous point injure en sup-
primant la vérité par une affectation pué-
rile ? » Il convient toutefois que ces sortes de
fautes sont légères; mais parce qu'elles sont
toujours contre la charité que nous devons à
nos frères, on doit s'en abstenir par le dan-
ger qu'il y a que ces sortes de paroles ne
causent des haines et des dissensions, comme
une petite étincelle produit de grands embra-
sements. Le septième discours et les deux sui- en
vants traitent de la miséricorde. «Cette vertu,
dit ce Père, est le principe des diverses actions
dans lesquelles l'homme peut se glorifier,
savoir dans la réfection des pauvres et la ré-
demption des captifs, pourvu toutefois qu'il
agisse en ces occasions de.manière que ni la
vaine gloire, ni un esprit chagrin n'en ôtent
le mérite. L'avantage des œuvres de mi-
séricorde, c'est que l'on est à tout moment
en état de les faire. Le Seigneur qui veut
que nous le nourrissions et que nous lui
donnions de quoi se vêtir, n'est pas loin de
nous. Il nous attend à la porte avec une
troupe de ses domestiques. 11 n'y a pas même
pour nous d'occasion d'erreur dans le choix
de celui à qui nous devons faire l'aumône ;
et nous devons tenir pour certain que celui-là
est Jésus-Christ, notre Sauveur, que nous
voyons tout nu, privé de la vue, boiteux, en-
veloppé de langes et couvert de vieux hail-
lons. C'est dans ce misérable état que les
mages le trouvèrent lorsqu'ils lui otfrirent
leurs trésors. En vain nous nous excuserions
de faire l'aumône sur la modicité de nos fa-
Pag. 646.
Luc VT.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE VIII. — SAINT VAL
cultes. S'il s'agissait d'acheter quelque belle
maison, nous nous donnerions à cet efi'et tous
les mouvements nécessaires. Dieu nous offre
la possession du royaume céleste, et cela à
vil prix; pouvons-nous la refuser? Mais que
demande de nous le pauvre? A manger, k
boire, et de quoi se vêtir. Peut-on dire que
l'on ne trouve chez soi rien pour le soulager
dans ses besoins? Vous avez de quoi vendre ;
n'avez-vous donc pas aussi de quoi donner?
Dieu nous commande par son prophète de
ne point mépriser ceux qui sont de notre
race ; ce qui renferme nécessairement tous
ceux qui nous sont hés par la loi de la na-
ture. Qu'est-il besoin de vous informer si
celui qui vous demande l'aumône est chré-
tien ou juif, hérétique ou païen, romain ou
barbare, libre ou esclave? Il n'est pas besoin
d'acception de personne, où il y a nécessité.
D'où pouvons-nous savoir en quelle partie du
monde Jésus-Christ habite ? Nous devons
croire qu'il est partout, puisque nous ne pou-
vons douter qu'il ne possède tout. »
Saint Valérien dit qu'il y a différents de-
grés dans la miséricorde; mais il compte
pour les principaux, de tendre la main à
celui qui est tombé , de montrer la voie du
salut à celui qui en est éloigné, de visiter les
infirmes , de consoler celui qui est dans la
tribulation , et surtout de nourrir celui qui
a faim; de vêtir les nus, de racheter les cap-
tifs , et de prêter pour un temps à celui qui
est dans la nécessité. Il fait sentir le ridicule
deceux qui, pouvant soulagerlesmalheureux,
se contentent de prendre part à leur misère
en leur témoignant de paroles quelque sorle
de compassion. « De beaux discours, dit-il,
ne rassasient point celui qui a faim ; et des
conseils infructueux ne couvrent pomt celui
qui est nu. Que sert-il de répandre des lar-
mes sur le naufrage d'autrui, si l'on néglige
de soulager celui qui est sur le rivage ? Le
Seigneur dit dans l'Evangile : Bienheureux
les miséricordieux, parce que Dieu leur fera
miséricorde. Comment, après une telle décla-
ration, quelqu'un peut-il hésiter de donner
son argent pour soulager le pauvre, sachant
qu'il doit lui en revenir un si grand bienfait
de la part de Dieu? Ce n'est pas sans raison
qu'il nous ordonne de donner à tous ceux
qui nous demandent. Il sait que les bons sont
nécessairement mêlés quelquefois parmi les
méchants; et il en a ordonné ainsi, de petir
qu'en voulant trop examiner ceux qui ne
sont pas dignes de nos libéralités, nous les
,ÉRIEN, ÉVÊQUE DE CÉMÊLE. 137
refusions à ceux qui méritent d'en recevoir
de notre part. II n'y a donc point de diffé-
rence à faire entre ceux qui demandent, et
il ne faut pas trop examiner le besoin du
pauvre. Il est indifférent à qui vous donniez;
les fruits de l'aumône sont pour celui qui la
fait, et non pour celui qui la reçoit. Dieu ne
fait point attention si celui qui demande l'au-
mône la mérite , mais combien donne celui
qui la fait. C'est pourquoi l'Apôtre dit : Celui
qui sème peu moissonnera peu. C'est à nous que n cor. m, c.
nous donnons, lorsque nous donnons aux
pauvres; leur donner de notre bien, c'est
un gain pour nous. »
Ce Père distingue deux sortes de richesses :
les unes conduisent à la mort, les autres à la
vie. Il met au rang des premières celles que
l'on a acquises injustement, c'est-à-dire aux
dépens d'autrui, et celles qui sont à la vérité
le fruit des travaux de celui qui les possède ,
mais qui s'y attache et les accumule pour les
laisser à ses héritiers. Les autres sont celles p^g. eso.
dont on nourrit les pauvres, dont on revêtit
les nus, dont on rachète les captifs, par les-
quelles on rachète ses péchés, et dont on se
sert pour acquérir le royaume céleste. Saint
Valérien dit que l'on trouve fort souvent des
personnes qui, après avoir donné une fois
l'aumône h un pauvre, croient avoir accom-
pli le précepte de l'Evangile. H fait voir
qu'elles sont en cela dans l'erreur ; que
d'être ingrat le lendemain, c'est perdre le
fruit de la bonne action que l'on a faite la
veille ; qu'au contraire, celui qui n'attriste
jamais le pauvre en le refusant, se prépare
des fruits entiers de miséricorde. Il blâme la
conduite de ceux qui, en présence d'un pau-
vre, font beaucoup de bruit pour ne point
l'entendre, ou qui feignent de ne l'entendre
pas ; de même que ceux qui, voulant avoir du
moins l'apparence de miséricorde, remettent
les pauvres au lendemain, sans avoir dessein
de leur donner. Il cite sur ce sujet un passage
des Proverbes de Salomon, où il est défendu p^^^^^.^^ _^^_
de renvoyer le pauvre à un autre temps, -'■
lorsqu'on peut lui donner dans le moment.
« Il vaudrait mieux, ajoute-t-il, refuser d'a-
bord l'aumône à un pauvre, que de le trom-
per par la fausse espérance de la lui donner
un autre jour. »
5. Le dixième, qui traite des parasites, est p^, e-^,
une invective contre les personnes de ce ca-
ractère. Le onzième est sur ces paroles de
saint Paul : Que celui qui se glorifie, se glorifie „ c„,. ,:, ■,,
dans le Seigneur. Quoiqu'il y ait plusieurs en-
158
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Rom. Til, I
Pag. 670.
613.
droits dans ce discours conformes à la doc-
trine catholique sur la grâce, il y en a deux
ou trois qu'il n'est guère possible de justifier
de l'erreur des semi-pelagiens. « Il est en
nous, dit cet auteur, de vouloir le bien; mais
c'est à Jésus-Clirisl * à le parfaire. » Il s'au-
torise dans ce sentiment par ces paroles de
l'Apôtre : Je trouve en moi la volontéde faire
le bien, et je ne trouve pas le moyen de l'accom-
plir. Après quoi il ajoute : a Vous voyez donc
que la volonté de la bonne action doit venir
de nous, mais que l'accomplissement dépend
du pouvoir de Dieu. » 11 ne laisse pas de
conclure son discoui's en répétant ce qu'il
avait dit au commencement, que celui qui se
glorifie se glorifie dans le Seigneur ; ce qui
pourrait en quelque sorte l'excuser par la
généralité de sa proposition, dont le sens est
qu'on doit se glorifier en Dieu, même de la
bonne volonté. Le douzième et le treizième
traitent du bien de la paix et des moyens de
la conserver. Un de ces moyens est de se
taire lorsqu'on nous insulte, et de supporter
avec patience les reproches que l'on nous
fait, en laissant à Dieu la vengeance des in-
jures ; l'autre est de faire même du bien à
ceux qui nous font du mal. Il répond à ceux
qui pouvaient objecter l'endroit du Lévitique
où il est dit : OEil pour œil, dent pour dent ,
que cette maxime a été longtemps en usage
parmi les gens du siècle, parce que l'auteur
de la bonté, Jésus-Christ, n'était pas encore
venu. Le quatorzième discours est un éloge
de l'humilité ; saint Valérien dit que celle-là
est sainte et véritable, qui nous est inspirée
par l'amour de Dieu et de la religion, qui est
accompagnée de la charité et qui se nourrit
de la loi ; mais qu'il n'en est pas de même
de l'humilité que la crainte du maitre exige
de son esclave.
6. Dans les trois discours suivants, saint
Valérien traite de l'avantage du martyre, à
l'occasion de la fête d'un saint martyr dont
les reliques reposaient dans l'église où il
prêchait. Saint Valérien ne le nomme pas ,
mais il le désigne assez pour le faire connaî-
tre de ceux devant qui il en faisait l'éloge. Il
dit qu'il a été citoyen de la ville même qu'ils
habitaient, qu'il y a répandu son sang, qu'il
en est le patron et le protecteur. On ne doute
pas, ce semble, qu'il ne veuille parler de saint
Pons, dont Usuard met le martyre au qua-
trième de mai, dans la ville de Cémèle. Les
trois discours que nous avons à la louange de
ce saint furent faits le jour de sa fête, que
l'on célébrait ^annuellement dans cette ville.
La dévotion que l'on avait pour ses reli-
ques, attirait un concours de peuple de tou-
tes parts, dans l'espérance ^ que l'on avait
d'obtenir, par son intercession, l'effet des
prières que l'on faisait auprès de son tom-
beau, comme d'un ami de Dieu. Saint Valé-
l'ien, qui savait sans doute combien grande
était la protection de ce martyr sur la ville
de Cémèle, et les avantages qu'il lui avait
procurés, dit que le souvenir seul de ses
bienfaits * devrait engager à en rendre de
continuelles actions de grâces à Dieu ; mais
il veut surtout que les habitants de ces deux
villes en témoignent leur reconnaissance en
imitant la constance de la foi de leur patron,
et en suivant le chemin de la vertu qu'il leur
avait tracé. « Celui, leur dit-il, que vous de-
vez imiter, n'est pas loin de vous; il est sous
vos yeux, il vous attire tous les jours à la
vertu par les exemples qu'il vous en a don-
nés, et il vous y invite par des marques de
son affection paternelle. » Il avait soin de
faire lire publiquement les actes de son mar-
tyre ^, afin qu'ils connussent que si ce saint
était parvenu au royaume du ciel, c'était
après avoir combattu sur la terre et rem-
porté la victoire sur les ennemis de Dieu. Il
leur fait remarquer ^ que Dieu avait récom-
* Nostrum est igitur bonum velle, Chrisii vero per-
ficere; nam ita Apostolus loquitur : Velle adjacet
mlhl perficere autem bonum non invenio. Vides
ergo botti operis voluntalem ex nobis debere descen-
dere, perfectionem vero in Dei poiestate pendere. Va-
lerian., Homil. 11, pag. 659.
2 Quis passe t de hac mercede dubitare, cum videat
in amore sanctorum ioiius orbis studia convenire, et
passim undique ad devotionem annuce solemnitatis oc-
currere? Homil. 15, pag. 676.
8 Si quis Chrisii consolaiionem requirit, lacrymas
suas huic in cujus honore convenimus puirono corn-
mendetj ac se frequeniibus patrociniis insinuel, quo
facilius possii impetrare qucecumque Domino pro sua
utilitate sitggesserit. Occurrendum est semper Dei
amicis et incessahiliter supplicandum, ut sanctœ i>i-
teixessionis possimus obtinere suffragium. Ibid., pag.
677.
* Si cogitaremus quantum nobis civis martyris vir'
tus prœstitit, a laudibus Dei nostri nunquam linguœ
studium, nunquam oris cessaret officium. Ibid., pag.
678.
^ Quœ sicut leciio docet, victorem possessio regni
cœlesiis exeipit. Ibid., pag. 688. -
^ Perfacile pofestis intelligere quid prosit forlissi-
mis quibusque in persecutione vieisse, eum videuiis
quolidie adversus nequiiiain diabolicœ prœsumptionis
per singula sanctorum loca spiritalis judicii sœvire
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE VIII. — SAINT VALÉRIEN, ÉVÈQUE DE CÉMÈLE.
pensé la constance des martyrs, en leur
donnant le pouvoir de chasser les démons,
et que ce n'était pas en vain que l'on voyait
plusieurs personnes possédées de ces esprits
immondes ; qu'il en arrivait ainsi pour la
gloire des saints, dont l'invocation seule chas-
sait les démons. II leur fait envisager leur
patron comme le propagateur de la vraie foi,
et leur dit qu'ils doivent d'autant plus comp-
ter ' sur ses soins paternels, qu'il leur appar-
tenait de plus près. Il les excite à son inter-
cession, par l'exemple de ceux qui venaient
l'implorer de tous côtés, et les assure qu'il
n'y a rien qu'ils ne paissent obtenir de Dieu^
en s'adressant à celui qui en est ami. Il re-
marque que l'on s'empressait de tous côtés ^
pour avoir des reliques des martyrs; que
l'on voj'ait * partout de celles du martyr de
Gémèle, et que la châsse où elles étaient
renfermées était enrichie d'or et couverte
d'étoffe très-précieuse. Sur la fin du troi-
sième discours, il dit quelque chose de sainte
Thècle, marquant qu'elle avait conservé sa
pureté, ayant mieux aimé être livrée aux
ilammes et exposée aux bêtes féroces, que de
la perdre.
7. Le dix-huitième discours, qui est enl'hon-
neur des Machabées, fut prononcé le jour de
leur fête. Saint Valérien donne un précis des
actes de leur martyre, d'où il tire quelque
moralité. Le dix-neuvième est sur le jeûne
du carême. L'e saint évêque y fait voir qu'il
sert de peu de jeûner pendant quarante
jours, si l'on se livre ensuite à la dissolution,
un seul jour de débauches pouvant faire per-
dre le mérite des vertus que l'on a pratiquées
sententiam. Non ofiosa res est, quodvidemus fréquen-
ter in castigatione immundi spiritus corpora humana
vexari , et invocatis sanctorum nominibus actus suos
auctorem scelerum confiteri. Ibid., pag. 680.
1 Nemo dvMtet illum pro actions suis esse sollici-
tum, quem videt sibi parentdœ affinitate conjundum.
Homil. 17, pag. 683.
^Nihil est quud non possit homo in qualibet necessi-
taie positus obtinere, si amicis summi imperatoris non
desinat supplicare. Ibid., pag. 684.
pendant le carême entier. II traite dans le pa^. coi.
vingtième des mauvais effets que produit
l'amour de l'argent, auquel rien ne résiste.
Sa lettre aux moines contient, ainsi que
nous l'avons déjà dit, une exhortation à la
vertu, dont il tire les motifs des épîtres de
saint Paul, à qui il attribue celle aux Hé-
breux.
8. Les BoUandistes nous ont donné les ac- Aciesdu mar-
tes de la vie et du martyre de saint Pons, f'ons.
écrits par celui-là même qui avait été nourii mlî'iT'apud
1 . • * • L ji T ' T • HnlIaDd ,pag.
avec le martyr, qui avait étudie avec lui, vu 2h.
de ses propres yeux et entendu de ses oreilles
ce qu'il en raconte , qui avait eu part à ses
soutfrances, enterré son corps et acheté du
greffier les actes de son martyre. C'est du
moins ce qu'on lit dans le prologue qui est à
la tête de ces actes. L'auteur se nommait Va-
lérius. Ce qui donne beaucoup de poids à sa
narration , c'est qu'il est très-exact dans ce
qu'il dit des papes et des empereurs, ce que
ne font pas ordinairement ceux qui compo-
sent de faux actes. Il parait néanmoins qu'on
l'a beaucoup amplifiée , et que tout le mer-
veilleux qui s'y trouve, soit pour la naissance
de saint Pons , soit quelques autres circons-
tances de sa vie , a été ajouté après coup ;
mais les circonstances de son martyre peu-
vent, au moins pour le fond , être regardées
comme originales. Ce saint était né à Rome,
où il passa la plus grande partie de sa vie.
Obligé d'en sortir pour éviter la persécution,
il se retira à Cémèle, où il reçut la couronne
du martyre , sous les empereurs Valérien et
Gallien, vers Fan 257.
3 Respicite illorum siudia, qui sanctas ac venerabiles
martyrum reliquias per extensa spatia terrarum stu-
dio religionis inquirimt... Vidimus enim per divet'sas
et longe positas regiones scisci corporis plagus passim
dividi, etpretiosa vulnerum documenta toto cominus
orbe portari. Ibid.
^ Videte qixœ suni nrnamenia pectoris qiiœ pretioso
serico quasi opus Dei tegitis et fulvo aura sidereum
vultum oneratis. Ibid,
160
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE IX.
Saint Pétrone, évêque de Bologne.
[Vers l'an 4&0.]
1. Saint Pétrone, (font l'Eglise de Bologne
en Italie célèbre la fête le 4 octobre , était fils '
d'un autre Pétrone, qui fut préfet du Prétoire,
le même , à ce que l'on croit, qui avait été
vicaire en Espagne en 395, 396. 397, et pré-
fet des Gaules quelques années après. Dès sa
jeunesse -, il pratiqua les exercices de la vie
monastique. Dans le désir de s'y perfection-
ner, il sortit de la maison de son pèi'e, alla à
Jérusalem, et de là en Egypte, pour y voir de
ses yeux les merveilles qu'on lui avait racon-
tées des solitaires de cette province. Il était
avec saint Jean de Lycople ^ lorsqu'on ap-
porta à Alexandrie la nouvelle de la victoire
remportée par le grand Théodose , le 6 sep-
tembre do l'an 394, sur le tyran Eugène. Pen-
dant ses voyages, il se trouva* plusieurs fois
en danger de perdre la vie. Il les faisait nu-
pieds, sans cheval ni aucune autre monture,
n'étant accompagné quelquefois que de deux
moines ^, et faisant partout profession de l'é-
tat monastique ". D'Egypte il passa dans la
Thébaïde, accompagné de six laïques ', dont
le plus jeune était diacre. Ils demeurèrent
trois jours avec saint Jean de Lycople, qui
leur donna diverses instructions de piété , et
guérit l'un d'entre eux qui était attaqué d'une
fièvre tierce. Pétrone visita *, dans la même
solitude, Hor, abbé de plusieurs monastères;
Ammon, supérieur de la congrégation de Ta-
bène; l'évêque d'Oxyrrhynque, et quelques
autres personnages qui étaient en réputation
de sainteté. Il alla de là ^ voir saint Apollon,
qui gouvernait cinq cents solitaires près de la
grande Hermopole. Lorsqu'il y arriva, il trouva
les religieux qui étaient venus au-devant de
lui , ayant été avertis de sa venue trois Jours
auparavant par le saint abbé, qui voulut lui-
même lui laver les pieds et à ceux de sa com-
pagnie. Après avoir passé une semaine avec
saint Apollon, Pétrone s'avança '" dans le dé-
sert du côté du midi, où il vit la trace d'un
dragon prodigieux. Les disciples d'Apollon,
qui accompagnaient Pétrone, voulaient suivre
cette trace, pour tuer cet animal; mais Pé-
trone n'en eut pas la hardiesse. Il alla voir
un anachorète qui leur raconta plusieurs mer-
veilles d'Ammon, son maitre. 11 vit, dans le
même désert, le saint prêtre Coprsè ",fut té-
moin de plusieurs de ses miracles , et apprit
de lui non-seulement l'histoire de sa vie, mais
aussi celle de plusieurs illustres solitaires que
Coprès avait connus. Il y avait vers Antino-
ple , dans la Thébaïde , un solitaire nommé
Elie, âgé de cent dix ans. Pétrone lui rendit
visite '^. La crainte des Barbares, qui faisaient
de fréquentes incursions dans la haute Thé-
baïde, empêcha *3 Pétrone d'y pénétrer. Il re-
vint donc vers Alexandrie, où il vit Pityrion,
disciple de saint Antoine '*, et le prêtre Eu-
loge, à qui Dieu avait' accordé le don de con-
naître ceux qui se présentaient à la sainte
table. Quand il en voyait de souillés par quel-
ques fautes ou par des mauvaises pensées, il
leur refusait la communion, leur en disait la
raison , et leur conseillait de se purifier pen-
dant quelque temps par la pénitence, pour
se rendre dignes de s'approcher de Jésus-
Christ.
2. Pétrone étant passé jusqu'à l'extrémité
du diocèse d'Héraclée '5, il visita le monas-
tère de saint Papbnuce et celui d'Isidore, qui
était composé de mille moines . Ils ne sortaient
jamais, excepté deux d'entre euxqui'avaient
voyjigee
Pélrooe.
* Gennad., de Vir. illust., cap. xli.
5 Ibid.
8 Lib. II de Vit. Pair., cap. i.
' Gennad., de Vit. Patr., cap. xxxiv.
s Ibid., cap. vu.
6 Ibid., cap. V et vu.
' Ibid., cap. I.
s Gennad., de Vit. Pat., cap. ii, lu, iv, v, vi.
9 Ibid., cap. VII. — i» Ibid., cap. viii.
11 Ibid., cap. IX. — 12 ibid., cap. xii.
'■' Ibid., cap. XXIV.
1'- Ibid.,
XXVIII.
« Gennad., lu Vit, Patr., cap. xvi et et xvji.
L, cap. siii et xiv, et Sozom., lib. VI, cap.
ry= SIECLE.
CHAPITRE IX. — SAINT PÉTRONE, ÉVEQUE DE BOLOGNE.
161
la charge de celleriers; mais Isidore leur fai-
sait fournir tout le nécessaire, même avec
abondance. Les étrangers étaient reçus au
dehors du monastère avec charité, mais on
ne leur permettait pas d'y entrer, à moins
qu'ils ne voulussent s'y enfermer. Il vit aussi
celui de Dioscore , où il y avait environ cent
religieux. On remarque que cet abbé \ qui
était prêtre, ne permettait à ses religieux
d'approcher de, l'eucharistie qu'avec une
grande pureté de cœur et de corps. Dans les
solitudes qui étaient vers Memphis et Baby-
lone, Pétrone apprit ^ l'histoire de saint Apol-
lone et de quelques autres qui souffrirent le
martyre dans la persécution de Dioclétien.
Les moines de Nitrie, des Cellules et de Scété
le reçurent ^ au chant des Psaumes, le
conduisirent à l'éghse et le traitèrent avec
beaucoup de charité. Il vit, dans ces déserts,
Ammonius et ses frères, célèbres par les per-
sécutions de Théophile *, évêque d'Alexan-
drie. Il y vit encore Crone et Origène, disci-
ples de saint Antoine, et quelques autres so-
litaires de réputation. Enfin, après avoir visité
ceux ^ de la solitude de Diolgue, sur le bord
de la Méditerranée, il retourna à Jérusalem,
où , à la prière des solitaires de la montagne
des Olives, il mit par écrit ^ ce qu'il avait vu,
dans l'espérance de rendre utiles aux autres
les exemples de vertu dont il avait été
témoin.
3. De retour en Occident, il fut choisi évê-
que de Bologne, après la mort de saint Félix,
et gouverna cette Eghse jusque vers Tan 430,
étant mort, selon Gennade, sous Théodose le
Jeune etValentinienlII. Surius ' nous a donné
sa vie, dont le titre porte qu'elle est tirée
d'auteurs assurés et de monuments anciens;
mais les plus habiles la rejettent comme une
pièce sans autorité; et en effet, elle contient
des faits entièrement insoutenables. 11 y est
dit, par exemple ^ que l'empereur Théodose
députa, en 430, saint Pétrone, encore laïque,
au pape Gélestin, pour chercher avec lui quel-
ques moyens de détruire l'hérésie de Nesto-
rius, et que ce saint Pape promit sur cela de
convoquer le concile d'Ephèse, fait qui est
démenti par les monuments les plus assurés
de riiistoire de l'Eglise.
4. Gennade ^ dit que l'on tenait que saint
Pétrone avait éciit les Vies des Pères et des
Solitaires d'Egypte, et que les moines esti-
maient et honoraient ces Vies comme la règle
et le miroir de leur sainte profession ; on con-
vient qu'il entend par là le second livre des
Vies des Pères : mais saint Jérôme, au lieu de
l'attribuer à Pétrone, en fait auteur Rufîn.
Nous avons proposé ailleurs un moyen de
concilier Gennade avec saint Jérôme , en di-
sant que saint Pétrone qui, selon lu remarque
de Gennade, n'avait pas le don de bien écrire,
avait eu recours à la plume de Rufin pour
transmettre les Vies des Pères d'Egypte à la
postérité. Pierre '"des Noëls cite, d'après Gen-
nade, diverses homélies de saint Pétrone sur
les Evangiles. Nous ne voyons pas qu'il en
soit parlé dans les imprimés de Gennade;
mais il dit qu'on lisait sous son nom un livre
intitulé : De l'Ordination d'un évêque. Il ajoute
qu'on voyait dans cet ouvrage beaucoup de
sens et de délicatesse , qu'il était trop bien
écrit pour être de l'évêque de Bologne, et que
quelqu'un en faisait auteur Pétrone, son père,
homme très-éloquent et très-instruit dans les
sciences humaines. Cela donne lieu de croire
que Pétrone le père , après avoir passé par
les grandes dignités du siècle, fut élevé à l'é-
piscopat. Comment serait-il veuu en pensée
à un préfet du Prétoire de traiter de l'ordina-
tion des évoques^ s'il n'eût été lui-même élevé
à cette dignité, après avoir quitté celle de pré-
fet? Cela est confirmé par un endroit de la
lettre de saint Eucher à Valérien, écrite vers
427, où l'évêque deLyon dit de Pétrone " qu'il
Voyez tom.
X, pag. 41 et
suiv.
1 Gennad., in Vit. Pair., cap. xx.
"^ Ibid., cap. xvm.
3 Ibid., cap. XXI, xxii.
'> Ibid., cap. xsm, xxiv, xxvi.
° Ibid., cap. xxsn.
s Praei'at., iu VU. Pair., pag. 448.
' Surius, ad diem 4 octobris, pag. 29.
8 Ibid.
5 Petronius Bononiensis Ecclesiœ episcopus , vir
saiictœ vitœ et monaclwrum studiis ab adolescentia
exercitatus, scripsisse pulaiur Vitas monachorum JE-
yypti, quas velut spéculum ac normam professionis
suœ monachi amplecluntur. Legi suh nomine ejus, de
Ordinalioue episcopi, ratione et humanitate plénum
X.
tractatwn; quem linguœ eleganiia ostendit non esse
ipsiiis, sed, ut quidum, patris ejus Petronii, eloquen-
tissimi viri et eruditissimi in sœcularibus Utteris,
nam et prœfeclum pi-œtorii fuisse in ipso iraciatu dé-
signât. Moritur Theodosio, Arcadii filio, et Valenii-
niano regnantibus. Gennad., de Viris illustribus ,
cap. SLi.
»o Petr. de Natal., lib. IV, cap. xs.
1' Hilarius nuper, et in Italia nunc antistes Petro-
nius, ambo ex illa plenissima, ut aiunt, mundanœ
poteslaiis sede, unus in religiotiis, alius in sacerdotii
notnen ascendii. Eucher., Ëpist. ad Valerian., tom.
VI Biblioth. Pair., pag. 860.
11
162
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
était passé du trône le plus éminent de la
puissance séculière à la dignité de l'épisco-
pat. Ce qui peut faire quelque peine , c'est
que Pétrone, son fils , étant en âge d'entre-
prendre de grands voyages dès l'an 394, où
il se trouvait en Egypte, son père se serait
trouvé bien âgé , en 427, pour remplir les
fonctions de l'épiscopat. Mais il ne serait pas
le premier qui aurait été élevé dans un âge
fort avancé. Nous n'avons plus le livre De
l'Ordination des évèques.
CHAPITRE X.
Basile, archevêque de Séleucie en Isaurie [écrivain grec].
[Vers l'an 488.]
Basile e?t
fait évêque de
Séleucie, vers
l'an 432.
11 assiste à
divers coii-
eiles en U8
«449.
1. Basile, surnommé de Séleucie, soit parce
qu'il y était né, soit parce qu'il en fut évêque,
a quelquefois été confondu avec un autre
Basile, ami de saint Chrysostôme. Mais cette
opinion ne peut se soutenir , en effet ' l'ami
de saint Cliiysostôme était évêque dès avant
la fin du IV* siècle , et celui de Séleucie
ne l'était pas encore en 431 , puisque Dexien,
métropolitain de cette ville, vint au concile
d'EphèseavecJeand'Antioche. Basile raconte
qu'ayant entrepris un discours ^ à la louange
de sainte Thècle, le jour de sa fête, il lui prit
la veille un mal d'oreille si violent, qu'il déses-
pérait de pouvoir prononcer son discours :
«Ce qui me faisait rougir, dit-il, dans la
pensée qu'on aurait qu'api'ès m 'être chargé
de parler, j 'aurais manqu é de courage à l'exé-
cution. » Mais, ayant été guéri la nuit par
cette sainte, il parut sur la tribune et fit son
discours. Il n'était pas encore , comme il le
dit lui-même, du nombre de ceux qui parlent
dans l'église; cela fait voir qu'il s'exerçait à
l'éloquence et qu'il faisait quelquefois des
discours en public, avant même d'être prêtre.
En effet, après avoir raconté ce trait de sa vie,
il parle aussitôt de son ordination. Il succéda
à Dexien, et ce fut au plus tôt en 432, puisque
Dexien vivait encore en 431 , et au plus tard
en 447, puisque Tliéodoret ^ le qualifie évê-
que de Séleucie dans la lettre qu'il lui écrivit
sur la fin de cette année, parles évoques dé-
putés de Syrie à Constantinople.
2. L'année suivante, 448, Basile assista au
concile qui se tint à Constantinople dans le
1 Voyez tom. VII, pag. 35.
2 Basil., lib. II de Miraculis S. Theclœ, pag. 310,
cap. ssvii.
mois de novembre. On y fit beaucoup d'ins-
tances à Eutychès pour l'obliger de recon-
naître deux natures en Jésus -Christ après
l'incarnation. Basile lui dit, entre autres * :
(I Si vous n'admettez pas deux natures en
Jésus-Christ après l'union , vous j admettez
donc une confusion et du mélange ? » Dans
une autre assemblée , Basile avoua qu'il ne se
souvenait ^ pas des termes dont il s'était servi
en cette occasion, et prétendit avoir dit à Eu-
tychès : « Si vous admettez simplement une
seule nature en Jésus-Christ après l'union,
sans vous exphquer , on a lieu de croire que
vous y admettez une confusion et un mé-
lange; si vous reconnaissez une seule nature
du Verbe incarné et fait homme, vous parlez
comme nous et comme les Pères, mais il faut
toujours reconnaître que la divinité que le
Fils a reçue du Père, et la chair qu'il a priçe
de sa mère , ne sont point la même chose. »
Basile dit qu'il tint ce langage, qui est un peu
obscur et embarrassé, non comme pour dé-
cider, mais par manière d'entretien, pour
adoucir Flavien d'une part, et pour attirer de
l'autre insensiblement Eutychès à la vérité.
Voyant sa résistance, il condamna et sa per-
sonne et sa doctrine. Le 13 avril de l'an 449,
les évoques s'étant assemblés par ordre de
l'empereur, dans la grande galerie de l'égHse
de Constantinople , pour vérifier les actes de
la condamnation d'Eutychès, Basile s'y trouva
avec les autres. Comme Macédonius, tribun
et référendaire , chargé de faire la vérifica-
tion de ces actes, déclara que l'empereur vou-
3 Theodoret., EpUt. 85, pag. 962.
'Tom. IV Concil., pag. 239.
5 Ibid., pag. 239.
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE X. — BASILE, ARCHEVÊQUE DE SELEUCIE.
lait que les évêques s'obligeassent , par sei-
ment, à dire la vérité, Basile dit * : « Jamais
on n'a exigé le serment des évêques, Jésus-
Christ nous défendant même tout serment.
Chacun de nous ayant la crainte de Dieu de-
vant les yeux , se regardera comme présent
devant un autel, travaillera à conserver sa
conscience pure aux yeux de Dieu, et ne
manquera pas de dire toute chose selon qu'il
s'en souviendra. »
3. Le faux concile d'Ephèse fut, pour Ba-
sile comme pour beaucoup d'autres, une oc-
casion de chute. Il y fut invité par l'empereur
Théodose , et il parait - même que ce prince
lui donna quelque autorité dans ce concile.
Il se met en effet lui-même au nombre de
ceux qui devaient plutôt être juges que jugés
dans cette assemblée ^. Après qu'on y eut lu
les actes du concile de Constantinople, on ne
trouva rien à condamner dans ce que Flavien
y avait dit pour l'exposition de sa foi ; il ne
parait pas non plus, par ceux du concile d'E-
phèse, que personne se soit élevé alors con-
tre Basile , qui avait dit qu'il faut adorer
Jésus-Christ en deux natures; mais il dit lui-
même * qu'un personnage , qu'il ne nomme
pas , se leva aussitôt pour dire que c'était là
la parole qui avait troublé toute l'Eglise, et
qu'en même temps tous les Egyptiens, les
moines qui suivaient Barsumas, et toute la
foule s'écrièrent : « Déchirez en deux celui qui
admet deux natures; c'est un second Neslo-
rius. » Basile avoue que-le trouble qui saisit
son esprit et ses yeux l'empêcha de voir qui
s'était élevé le premier contre lui. Comme
Séleuque d'Amasée s'était servi de la même
expression que Basile , on s'éleva de même
contre lui. Basile tâcha de déguiser ses sen-
timents, comme il avait fait à Constantinople
dans l'assemblée ^ du 13 avril, et se réduisit
à l'expression d'une seule nature incarnée,
ajoutant seulement que la divinité et la chair
de Jésus-Christ ne sont pas la même chose.
Il dit ^ que par ce moyen il apaisa ceux qui
s'étaient élevés contre lui. Ce déguisement
de la vérité le fit tomber dans une faute en-
core plus considérable, car il rétracta positi-
vement ' ce qu'il avait dit des deux natures
dans le concile de Constantinople, déclara
qu'il anathématisait quiconque divisait Jésus-
163
Christ en deux natures et eu deux personnes,
et protesta qu'il adorait la seule nature incar-
née du Verbe. Séleuque d'Amasée n'eut pas
plus de fermeté que Basile; il rétracta, dans
les mêmes termes , ce qu'il avait dit à Cons-
tantinople. Dioscore ayant ce qu'il souhaitait
pour faire réussir ses desseins , demanda les
avis des évêques sur la croyance d'Eutychès,
et comment il fallait le traiter. Juvénal, qui
opina le premier, le déclara parfaitement or-
thodoxe et digne de tenir le rang de prêtre
dans FEglise. Tout le concile s'écria que ce
jugement était juste ; mais Dioscore voulant
que chacun en particulier prit part à cette
abomination, obligea tout le monde à opiner.
Basile déclara donc , comme les autres^ Eu-
tycliès absous , et consentit à sou rétablisse-
ment. Dioscore voulut encore obliger les évê-
ques à condamner Flavien de Constantinople;
mais Basile le conjura ^ de ne le point faire,
de peur de condamner en sa personne le sen-
timent de toute la tei're. Ses remontrances et
celles de quelques autres évêques furent inu-
tiles. Les menaces de Dioscore, la vue des
soldats et des moines intimidèrent tellement
tous les évêques, qu'ils témoignèrent chacun
en particulier consentir à la déposition de Fla-
vien, Basile eut la faiblesse d'ajouter, dans
son suffrage, que Dioscore s'était conformé,
dans la sentence portée contre Flavien , aux
canons des saints Pères ^, touchant ceux qui
avaient prévariqué dans la loi.
A. Les magistrats qui assistèrent au con- d^h,, „.
cile de Chalcédoine, qui se tint en 4SI, dans ciïè°d?chu°i'
l'église de Sainte-Euphémie, demandèrent '"à 11°.'°^ ""
Basile comment, après avoir soutenu, comme
il le disait, une doctrine orthodoxe contre
Eutychès, il avait souscrit à la déposition de
Flavien? «J'étais, leur répondit Basile, livré
au jugement de cent vingt ou trente évêques.
Il a bien fallu suivre leur décision. » Comme
Dioscore lui faisait des reproches, il ajouta :
« Si c'eût été devant des magistrats, j'aurais
souffert le martyre ; mais un fils, jugé par son
père, n'a point de défense.» Les Orientaux et
les évêques de leur côté s'écrièrent : « Nous
avons tous failli ; nous demandons tous par-
don; » ce qu'ils répétèrent trois fois. Basile
se plaignit, dans une autre occasion , de ce
que Dioscore l'avait forcé à souscrire à la con-
1 Tom. IV Concil., pag. 239.
2|bid., pag. 1079.
3 Ibid., pag. 140. — •< Ibid.
^ Ibid., pag. 239. — 6 ibid.j pag
140".
' Tom. IV Concil., pag. 251.
3 Ibid., pag. 251.
8 ibid., pag. 307. — " Ibid., pag. 139.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
164
damnation dîi bienheureux Flavien ; il en prit
à témoin tous les métropolitains deLycaonie,
de Phrygie, de Perge, et même Eusèbe, «qui,
dit-il, courut risque d'être déposé pour avoir
un peu. tardé à parler. » Dioscore ayant été
condamné et déposé dans ce concile, on y lut
la lettre de saint Léon à Flavien, qui fut ap-
prouvée d'un consentement unanime ; après
quoi tous les évêques demandèrent ', d'une
commune voix qu'on leur rendit leurs pères,
c'est-à-dire les cinq évêques du nombre des-
quels était Basile de Séleucie , et ils assurè-
rent qu'ils suivaient tous cinq la même foi
que le concile et que saint Léon; les magis-
trats répondirent qu'ils en avaient demandé
le sentiment de l'empereur, et qu'ils atten-
daient sa réponse. Ce prince remit l'affaire à
l'examen des évêques, qui, sans délibérer^
davantage, demandèrent qu'on fit entrer ces
cinq évêques. Ils prirent donc séance dans
l'assemblée , et en même temps tout le con-
cile s'écria que Dieu seul avait fait cette œu-
vre ; qu'enfin l'union était parfaite, et que la
paix des Eglises était consommée. En 457,
l'empereur demanda les avis de tous les évê-
ques sur le concile de Chalcédoine et sur Ti-
mothée Elure, usurpateur du siège d'Alexan-
drie. Il leur écrivit ^ à cet effet une lettre cir-
culaire adressée particulièrement aux métro-
politains. Basile de Séleucie fut de ce nombre.
Sa réponse * à ce prince, et celle de tous les
autres évêques, fut que l'on devait maintenir
le concile de Chalcédoine, c'est-à-dire la foi
que l'on y avait établie, et condamner l'in-
trusion d'Elure dans le siège d'Alexandrie.
Il meiiri 5. C'est tout cc que nous savons des actions
de Basile de Séleucie, dojnt on met la mort
avant l'an 460. On lui donna le titre de bien-
heureux s dans la conférence de .533, et Pho-
tius le qualifie de même; néanmoins, ni l'E-
glise grecque ni la latine ne l'ont mis au
nombre des saints.
SK discours. 6- L^ Père Dausquéïus nous a donné qua-
Tom. oper. '"^"^0 discours en grec et en latin, sous le nom
m""; PaHs" ^^ Basile de Séleucie, dont il y en a quinze
1C23, rari. ii, g^j Jqj gont attrlbués" par Pliotius ^ savoir :
le premier, le deuxième, le quatrième, le sep-
tième, le huitième, le neuvième, le onzième,
le douzième, le dix -neuvième, le vingt-
deuxième, le vingt-quatrième, le vingt-cin-
quième, le vingt-neuvième, le trente-qua-
trième, le trente-cinquième; les autres sont,
pour la plupart , de même style , si l'on en
excepte le trente-huitième et le trente-neu-
vième, qui sont plus longs que les autres,
d'un style plus simple et moins serré. Le pre- p=g- 1-
mier est sur la Création. Basile y remarque
que Dieu a mis un tel ordre dans les choses
qu'il a créées , qu'elles nous servent comme
d'une échelle pour monter vers lui, c'est-à-
dire pour le connaître. Il dit que les anges
voyaient les créatures à mesure que Dieu
leur donnait l'être, mais qu'ils ne voyaient
point le Créateur, de qui ils venaient de rece-
voir eux-mêmes leur existence. Il trouve dans
le terme pluriel dont se sert l'Ecriture : Fai-
sons l'homme à notre image, une preuve de la
trinité des personnes et de l'unité de leur
substance. Dans le second discours, qui est e.
sur Adam, il entre dans le détail de la créa-
tion de l'homme et de la formation de la
femme, en remarquant que, quoiqu'il soit le
dernier des ouvrages de Dieu, l'homme a paru
comme le premier parla dignité de sou être,
qu'il relève par le pouvoir que Dieu lui donna
sur tous les animaux. Le troisième discours n.
est sur la même matière. Basile y explique
comment l'homme, avant sa chute, pouvait,
dans une liberté entière, prendre dans le
paradis terrestre toutes sortes de plaisirs
innocents , tous les biens de la nature étant
en sa disposition, à l'exception d'an seul fruit
dont Dieu lui défendit de manger; et com-
ment le démon, jaloux de son bonheur, l'en
fit déchoir en lui persuadant de manger de
ce fruit. Il croit qu'il se servit à cet effet de
la langue du serpent, ou qu'il en prit ' la fi-
gure. La prévaricationdenospremierspai'ents 14.
fut punie de peines qui ont passé à leur pos-
térité ; mais Jésus-Christ étant venu pour nous
guérir de notre ancienne blessure , nous ne
devons point désespérer de notre salut. Caïn
et Abel sont le sujet du quatrième discoui'S.
Basile trouve dans le sang du juste Abel une 19.
assurance de la résurrection, « car, dit-il, si
la prévarication est la cause de la mort, il est
juste que celui qui n'a point donné ma-
tière à la mort, demeure libre parmi ceux-là
mêmes qui sont morts. Le cinquième discours 25.
contient une description des crimes qui ont
" Tom. IV Concil., pag. 308.
2 Ibid., pag. 509.
3 Ibid., pag. 890, et Evagr., lib. II, cap. ix.
'• Ibid., pag. 923, 926.
5 Tom. IV Concil., pag. 1769 ; Pliotius, Cod. 168,
pag. 376. — 6 Photius, ibid.
' Serpeniis facie personatus insidiose meditaia ag-
qreditur. Pag. 14.
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE X. — BASILE, ARCHEVÊQUE DE SÉLEUCIE.
165
attiré le déluge. Une pénitence de trois jours
mit les Ninivites dans le chemin du salut, et
ils surent , par un changement de mœurs,
adoucir la colère de Dieu ; au lieu que ces
hommes impies, dont les crimes ne furent
arrêtés que par le déluge, méprisèrent le long
espace de temps qui leur était donné pour
les effacer par une pénitence convenable.
Par- 30. Basile traite de folie , dans le sixième disco u rs ,
qui, comme le précédent, est sur Noé, l'opi-
nion de ceux qui, par les enfants de Dieu qui
eurent commerce avec les filles des hommes,
entendent les anges , au lieu d'expliquer cet
endroit des enfants de Seth qui s'allièrent
avec les filles de la race de Caïn. Selon lui,
la raison pour laquelle une partie des ani-
maux de chaque espèce fut conservée, est
afin qu'il ne parût pas que Dieu, en en créant
de nouveaux, eût condamné la première
création, et qu'on ne crût qu'il se fût repenti
de ce qu'il avait fait d'abord. Il semble dire
que l'on voyait encore de son temps des
restes de l'arche sur les montagnes d'Armé-
nie, où elle s'était arrêtée après le déluge.
j8. 7. Il fait dans le septième discours une pein-
ture très-touchante du sacrifice d'Abraham,
qui représentait celui de Jésus -Christ ; mais
comme le glaive de ce patriarche ne toucha
point son fils, de même, dit-il, la croix du
Fils unique ne toucha point sa divinité ; car
Basile enseigne dans ce discours, comme
dans le trente-quatrième, qu'on ne doit pas
attribuer les souffrances de la chair à Dieu
qui portait la chair ; mais, dans le vingt-cin-
quième, il dit que le Verbe de Dieu, sans
cesser d'être impassible, se rendait propre
,,, tout ce que la chair souffrait. Le huitième
est un éloge des vertus de Joseph, particu-
so. fièrement de sa chasteté. U remarque dans
le neuvième que Dieu, parlant à Moïse, lui
dit : Le Seigneur votre Dieu est un; et qu'il se
servit de cette expression, parce qu'il n'était
pas encore temps de faire connaître aux
hommes le mystère de la Trinité, quoique
l'Esprit saint l'eût déjà annoncé en quelque
manière, soit lors de la création de l'homme,
soit lorsqu'il confondit les langues de ceux
qui avaient entrepris la construction de la
tour de Babel. Basile trouve dans Efisée, qui
C6. fait le sujet du dixième discours, ime figure
de Jésus-Christ ; et dans le fils de la Suna-
mite, ressuscité par ce prophète, la figure
du peuple gentil. Il était mort par le péché.
Jésus-Christ est venu comme un autre Eli-
sée ; il a appliqué ses yeux, ses mains, ses
pieds, et tous ses autres membres sur ceux
de ce peuple, et lui a rendu la vie. Le on-
zième est une espèce de paraphrase du p^s-
chapitre xvii'= du troisième livre des Rois,
où nous lisons de quelle manière Elle fut
nourri par la veuve de Sarepta. Basile y dit
que ce prophète, encore dans la chair, a été
enlevé de dessus la terre pour aller conver-
ser avec les anges; le Fils de Dieu y descend
en se faisant chair pour le salut des hommes.
Basile remarque dans le douzième, que, bien
que Dieu haïsse l'âme pécheresse, il recon-
naît toujours sa créature, et qu'il en a pitié;
il y décrit la manière dont le prophète Jonas
prêcha la pénitence aux Ninivites, le zèle de
ces peuples à recourir à la clémence de Dieu,
la sincérité de leur douleur, et la bonté de
Dieu à leur égard. «Les marques d'une vraie
pénitence ', dit ce Père, sont une ûme qui
gémit de ses fautes, des yeux qui les pleu-
rent, l'amendement des mœurs, la fuite de
l'impiété, la mortification de la chair, le ser-
rement du cœur et le renoncement à toute
injustice. Lorsque Dieu voit le pécheur ex-
pier ainsi ses crimes, il ne rougit pas de ré-
voquer la sentence qu'il avait prononcée
contre lui ; il annule son décret et ses me-
naces. » Il explique dans le treizième com- -s.
ment Jonas a été la figure de Jésus-Christ.
Sa croix et sa passion avaient été figurées
dans le sacrifice d'Abraham ; sa naissance
d'une vierge rendue croyable par la fécon-
dité de Sara dans un âge avancé. Le baptême
avait été marqué dans le passage de la mer
[louge, et le genre de la mort du Sauveur
dans le serpent que Moïse fit élever sur un
arbre dans le désert ; enfin, tout ce qui s'est
passé dans l'Ancien Testament, était une
figure du Nouveau. Les trois jours que Jonas
passa dans le ventre de la baleine, étaient
la figure de ceux que le Sauveur devait
passer dans les entrailles de la terre.
8. Les quatre discours suivants regardent 7s.
l'histoire de David. Basile relève dans les
trois premiers les bienfaits dont Dieu favo-
risa ce prince, qu'il destinait au trône, quand
il était encore occupé à garderies troupeaux.
' Hœc verw pœnitenfice indicia lugens anima, pln-
ranies oculi, improbitatis correctio , impietaiis fuga,
carnis contrilio, animi contraciio, injustitiœ deseriio.
His expurgatur iniquitas, divina sententia retrocedere
non erubescit; et solvit decrelum Deus, et abolet peri-
culmn. Orat. 12, pag. 70.
166
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Il rapporte non à la force naturelle de David,
mais au secours particulier de Dieu, les vic-
toires qu'il remporta sur les ennemis de son
peuple, particulièrement celle où il vainquit
Gqliath. Dans le quatrième, il parle du péclié
de ce prince avec la femme d'Urie, et de sa
pénitence; par occasion, il dit aussi quelque
chose de la chute de saint Pierre et de son
retour à Dieu; il lui donne le titre de cory-
phée des apôtres, de premier des disciples de
Jésus-Christ, et d'exact interprète des mys-
tères que le Fils avait appris du Père.
• loa- 9. Il n'y a rien de bien remarquable dans
les autres discours de Basile. Ils sont presque
121. tous sur le Nouveau Testament. Il remarque
dans le vingt - unième , où il explique ce
qui est dit dans le livre des Actes, de la gué-
rison du boiteux qui était à la poi'te du tem-
ple, que saint Pierre fit sur lui deux miracles
en même temps , l'un en le faisant lever, et
m. l'autre en le faisant marcher. Il établit dans
le vingt-quatrième l'unité de substance, de
pouvoir et d'honneur dans le Père et le Fils,
et y établit clairement la distinction des deux
140. natures. Il prouve la même chose dans le
vingt-cinquième, où il explique de la confes-
sion de saint Pierre ce que Jésus-Christ dit
de la pierre sur laquelle il a bâti son Eghse.
U3. Le vingt- septième est contre la fête et les
spectacles des jeux olympiques. Pour dé-
tourner les chrétiens d'y assister, il leur dit:
« Si, lorsque vous êtes l'un des spectateurs,
la mort vous surprenait, en quel rang Jésus-
Christ vous mettrait-il dans l'autre monde ?
Sei'ait-ce au rang des Gentils? Mais vous
portez avec vous le symbole de la foi. Se-
rait-ce au rang des fidèles? Mais comment y
pourrait-il mettre celui qui se mêle dans les
spectacles avec les Gentils?» Il dit encore
que dans ces assemblées, celui qui est ado-
rateur du sacrifice des chrétiens *, se trouve
participant des danses des païens, ne faisant
point attention à ce que dit saint Paul, qu'il
n'y a point de société entre la lumière et les
ténèbres. Le trente-huitième contient une dé- f^?- »4-
monstration de la venue de Jésus-Christ. Le
style, comme nous l'avons dit, est moins serré
et plus simple que celui de Basile. L'auteur
y fait voir par les prophéties, principalement
par celle de Daniel, que le Messie est venu,
et que c'est Jésus-Christ. Il commence les
soixante-dix semaines marquées par ce pro-
phète, au rétablissement de Jérusalem, qui
se fit sous le règne de Cyrus, et met la nais-
sance de Jésus-Christ à la vingt-neuvième
année d'Auguste, et sa mort à la dix-hui-
tième de l'empire de Tibère, contenant qua-
tre cent quatre-vingt-trois ans depuis la pre-
mière année de Cyrus jusqu'à l'ascension de
Jésus-Christ, ce qui fait soixante-neuf semai-
nes d'années. La soixante-dixième, qu'il com-
mence à la résurrection du Sauveur, finit,
selon lui, à la troisième année de l'empereur
Caïus. Dans le trente-neuvième qui est sur sos.
l'Annonciation de la Vierge, l'auteur donne à
Marie le titre de Mère de Dieu , et dit net-
tement, qu'il n'y a qu'une nature divine en
trois personnes.
10. Le style de ces discours ^ est figuré, ^^ '"s"
plein de feu et d'une cadence plus égale que «»"=.
celle d'aucun autre auteur gi-ec. Il est toute-
fois clair, doux et coulant ; mais comme les
tropes et les figures sont trop fréquentes, ou
plutôt continuelles, il ennuie, il lasse, il in-
dispose son lecteur contre lui, et il n'est pas
possible de ne le point condamner comme
un homme qui ne sait pas assez accorder la
nature avec l'art, ni modérer cet excès de
figures et les renfermer dans de justes bor-
nes. Néanmoins ce défaut ne rend son dis-
cours ni bas ni obscur, et on le voit rarement
tomber dans de froides allusions. Si, par quel-
ques figures, il laisse de l'obscurité dans un
membre d'une péi'iode , il l'éclaircit dans
l'autre. C'est le jugement qu'en porte Pho-
tius, et qu'en porteront tous ceux qui se don-
neront la peine de les lire. Il faut ajouter
que les pensées en sont pour la plupart peu
1 Qui christiani sacrificii adoraior est, sedet in
grœcis saltaloribus, et ipse saltalor voeem Pauli non
audiens : quœ societas lucis ad tenebras? Orat. 27,
pag. 149.
2 hi his quidem ejus orationibus figuratum cjus et
velox et paria paribus relata, si ah alio vMquam, ah
hoc certe servatum videmiis. Perspicuitas in eo ut sua-
viias decurrit; verum quod niniius in tropis et sche-
matis Gorgiœ satietafem parit; imo continuum et pu-
rum atque indesinens , auditori fastidium movet et
reprehensionem excitât, et adscriptoris vitvperationem
incitai; quod ut videtur naturam cum arte aptare nes-
ciat, et régula inordinatum regere. Âbundat tamen
tropis, et ipsum tropologiœ spécimen effimdens, non
in frigidum sermonem, nisi modice, dilahitur; neque
ohscuritas sensum obumbrut, sed asperitate memhro-
nim et periodonim, dictionumque copia perceptu dif-
ficile tropologiœ dissolviiiir. Verum, ut jam dixi, sa-
tietas gratiam illam hebetat, et puritas illairoporum
artificium dure apparere non sinit. Phot., Cod. 168,
pag. 377.
[V SIÈCLE.] CHAPITRE X. — BASILE,
naturelles, et les réflexions peu touchantes;
qu'il n'y approfondit presque jamais aucune
vérité, soit morale, soit théologique, et qu'il
paraît s'être plus occupé d'une vaine élo-
quence, que de l'instruction et de l'édifica-
tion de ses auditeurs. Outre les quarante dis-
cours dont nous venons de parler, il y en a
un sous son nom dans le recueil du Père
Combefis, qui est un éloge de saint Etienne,
où l'on trouve plusieurs particularités qui
regardent l'invention des reliques de ce saint ;
mais le style en est tout difTérent de celui de
Basile.
Leiire à n. Rieu u'empèche qu'on ne lui attribue
enipereQr
<""'■ la lettre des évéques d Isaune à l'empereur
loMiL.'pag^ Léon, en inS; elle est assez de son style. Il
'^' l'écrivit à la suite d'un concile des évéques
de sa province qu'il avait assemblé. Nous
n'avons cette lettre qu'en latin. Basile la
commence par l'éloge de ce prince, qu'il
compare au grand Constantin, dont il relève
aussi les vertus, surtout son zèle pour la
vraie foi. Ensuite il demande à Léon de
maintenir les décisions qui avaient été faites
dans le concile de Chalcédoine contre Thé-
résie d'Eutychès, disant que ce concile n'a-
vait rien décidé que conformément à la doc-
trine de celui de Nicée, de Constantinople et
d'Ephèse, et qui n'eût été enseigné par saint
Célestin et par saint Cyrille. A l'égard de Ti-
mothée Elure, intrus dans le siège épiscopal
d'Alexandrie, il opine que, suivant les décrets
des saints Pères, il ne mérite aucune indul-
gence. Basile souscrivit le premier à cette
lettre, en qualité de métropohtain d'Isaurie,
et après lui seize évéques de la même pro-
vince.
tesainie 12. Photius attribuc encore à Basile divers
écrits, dont quelques-uns étaient en vers, où
cet évêque racontait les actions, les combats
et les victoires de sainte Thècle, dont les re-
liques étaient à Séleucie, dans une église
hors de la ville. Nous n'avons plus l'écrit en
vers ou le poème de Basile ; mais il nous
reste sous son nom une Vie de sainte Thècle,
en prose, divisée en deux livres, dont le se-
cond contient plusieurs miracles faits au
tombeau de cette sainte, et arrivés du temps
de Basile, ou peu auparavant. Vossius ' a
ARCHEVÊQUE DE SÉLEUCIE. 167
voulu lui contester cet ouvrage, sur le peu
d'apparence de quelques-unes des choses
qui y sont rapportées. Le silence de Photius
sur cet écrit en prose formerait une objection
plus considérable, si l'auteur même de cette
vie ne "- disait qu'il avait encore écrit d'au-
tres ouvrages sur sainte Thècle ; ce qu'il ne
dit apparemment que pour distinguer sa
prose de ses vers : car il n'est point extraor-
dinaire qu'un auteur écrive en prose et en
vers sur une même matière. Mais ce qui fait
voir clairement que Basile est auteur de cette
Vie, c'est qu'elle est d'un évêque ou du moins
d'un prêtre de l'Eglise de Séleucie, puisqu'il
dit 3 qu'il s'était préparé à prononcer un dis-
cours en l'honneur de sainte Thècle, en pré-
sence du peuple qui s'assemblait au jour de
sa fête. Il marque encore qu'il écrivait après
la mort de Dexien*, évêque de cette ville ; et
dans le même endroit, il répète que l'Eglise
de Séleucie lui appartenait en quelque façon.
Il y fait aussi mention ^ d'Isocasius, sophiste,
comme n'ayant point embrassé la religion
chrétienne^ qu'il n'embrassa en effet qu'après
l'an 431, et de la femme ^ du général Bytien,
comme vivante. Or, on sait que ce général
se rendit célèbre sous le règne de Théodose II,
par la victoire qu'il remporta sur les Perses.
Toutes ces circonstances marquent Basile de
Séleucie, et ne conviennent à aucun autre
que l'on connaisse. Ajoutons que cette Vie
lui est attribuée unanimement par tous les
manuscrits ^. Le style n'en est pas non plus
différent de celui de seshoméhes, si ce n'est
qu'il est plus diffus.
13. Au reste, la Vie de sainte Thècle, pour pag. 230.
être de Basile de Séleucie, n'en est pas plus
authentique. Il convient qu'il l'a composée
sur d'anciens mémoires qui contenaient l'his-
toire de sainte Thècle et de saint Paul. C'était
apparemment le livre des Voyages de saint
Paul et de sainte Thècle, qu'un prêtre d'Asie
avait composé sous le nom de cet apôtre.
TertuUien ^, et après lui saint Jérôme, nous
apprennent que ce prêtre ayant été con-
vaincu de cette fausseté et l'ayant avouée à
saint Jean, fut déposé pour ce sujet. Le
pape Gélase a rejeté ce livre comme apocry-
phe, sous le titre des Actes de saint Paul et
• Vossius, lib. II de Hist. grœc, cap. xsiv.
2 Pluiima a nobis, prœsertim prœcedenti volumine
de martyre sunt explicafa. Ibid., pag. 278.
3 Basil., Ub. II, pag. 310.
* Ibid., pag. 295, 296.
5 Basil., pag. 308.
6 Ibid., pag. 284 et 285.
' Ibid., pag. 379.
8 TertuU., de Baptis., cap. xvii ; Hieronym., in
Catalog., cap. vn.
168
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pag. 218.
Edi tion s
des œuvres
de Basile.
de sainte Thècle. Il est vrai qu'on ne trouve
point dans la Vie de cette sainte, le conte
d'un Léon, baptisé , dont il est parlé dans
saint Jérôme; mais il y a d'autres choses qui
n'en prouvent pas moins la supposition ,
comme lorsqu'il y est dit ', que saint Paul or-
donna à sainte Thècle d'aller prêcher l'E-
vangile, et partagea avec elle l'apostolat que
J.-C. lui avait confié ; qu'elle baptisait éga-
lement les hommes et les femmes après leur
avoir annoncé la parole du salut, et fait un
grand nombre de miracles semblables à ceux
que saint Pierre avait faits à Antioche et à
Rome, saint Paul à Athènes, et saint Jean à
Ephèse.
1-4. Basile ajouta à cette Vie un recueil de
plusieurs miracles, ou de choses extraordi-
naires arrivées de son temps, ou peu aupa-
ravant. Il avait appris une partie de ce qu'il
en raconte de personnes dignes de foi, hom-
mes et femmes ; et afin qu'on pût s'assurer
de la vérité des choses, il nomme les per-
sonnes, les lieux et le temps auxquels elles
sont arrivées. Il rapporte, entr'autres, qu'une
femme nommée Aba ^, qui s'était cassé la
cuisse par une chute, s'étant fait porter dans
l'église de Sainte-Tbècle, avait obtenu par
son intercession une guérison si prompte,
qu'au bout de trois jours elle marchait seule
sans le secours de personne. Un nommé
Pausicacus ^, qui avait perdu la vue. la re-
couvra par le bienfait de la martyre. La plu-
part des autres merveilles qu'il rapporte en-
suite, n'ont que peu ou point de vraisem-
blance. Après avoir raconté que sainte Thè-
cle ayant fait des reproches, dans une vision,
à l'évèque Maxime, de ce qu'il avait accordé
la sépulture à Eusèbe dans le vestibule de
l'église qui lui était dédiée, il ajoute que,
comme il se lassait de recueillir ses miracles,
elle lui apparut un jour* assise auprès de lui
dans son étude, et que, prenant le cahier où
il avait commencé de les écrire, elle semblait
en lire le récit avec plaisir et en souriant,
comme pour lui témoigner qu'elle était con-
tente de son travail, et l'exhorter à conti-
nuer.
15. La Vie et les miraclesde sainte Thècle,
recueilfis par Basile, ont été imprimés sépa-
rément à Anvers en 1608, de la version de
Pierre Pantin, avec la VieAe la même sainte,
telle qu'elle a été écrite parMétaphraste. On
a mis cette Vie dans l'édition des œuvres de
Basile, à la suite de ceUe de saint Grégoire
Thaumaturge, à Paris, en 1622, in-folio. Elle
est du Père Dausquéïus, qui s'est servi de
celle que l'on avait faite chez Commelin, en
leO'i, in-S" ; mais il y a ajouté des notes sur
divers endroits du texte de Basile. Bigot s'é-
tait proposé de donner une nouvelle édition
des œuvres de ce Père. Elle n'a point paru.
Le Père Combefis en a donné quelques ho-
mélies dans sa Bibliothèque des Prédicateurs,
à Paris, en 1662, in-folio, après les avoir re-
vues sur divers manusci'its grecs. Il y en a
une édition à Leyde, en 1596, in-S", chez
Commelin; mais elle n'est qu'en grec. On n'y
trouve point l'homélie sur la Transfiguration,
qui nous a été donnée en grec et en latin en
1604, par le Père Dausquéïus. On la trouve
dans Surins au sixième d'août, mais seule-
ment en latin. Ces homélies se lisent aussi
dans le cinquième tome de la Bibliothèque
des Pères, à Cologne, en 1610, et dans celle
de Lyon, en 1677. L'homélie sur l'Annoncia-
^ibnseliten latin, de la traduction de Peltan,
dans le premier tome de la Bibliothèque des
Pères, à Paris, en 1589, et dans le Nouveau
Supplément du Père Combefis, tome I",
pag. 569, à Paris, en 1648, in-folio, avec des
notes et une version nouvelle. L'homélie sur
le commenceraent de la Genèse, fut imprimée
séparément à Hambourg en 1618, in-8°, par
les soins de Voldérus. Celle qui est sur Adam,
parut aussi séparément à Paris, chez Morel,
eu 1602. L'édition de Voldérus à Hambourg,
en 1618, contient aussi l'homélie swr j^feee
et la Sunamite, et elle y est en grec et en la-
tin, de même que celle qui est sur le com-
mencement de la Genèse. Morel donna en
1597, en grec et en latin, l'homélie sur le
Bon Pasteur; en 1600, celle qui est sur ces
paroles du chapitre xx de saint Matthieu :
Nous montons à Jérusalem ; en 1602, celle qui
est contre les Jeux olympiques. L'homélie
sur les deux Aveugles de l'Evangile fut mise
sous presse à Heidelberg en 1598, de la tra-
duction de Georges Rémus, avec les notes
de Hœschélius. On trouve celle qui a pour
titre -.Démonstration de la venue de Jésus-Christ^
dans le recueil de Stewartius, à Ingoldstat, en
1616, d'où elle a passé dans les Bibliothèques
des Pères. L'homélie sur saint Etienne, attri-
buée à Basile, a été donnée par le Père Com-
\
1 Basil., pag. 274 et 276.
s Ibid., pag. 282.
3 Basil., pag. 287.
'> Ibid., pag. 298.
[y SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
befis, à Paris, en 1646, avec quelques opus-
cules de saint Chrysostôme, de Sévcrien de
Gabales, et de Zacharie, évèque de Jérusa-
lem. Pour ce qui est de la lettre que Basile
écrivit à l'empereur Léon, on la lit dans
les collections des conciles, à la suite des ac-
tes du concile de Chalcédoine. Allatius fait
mention d'une homélie sur Job, attribuée à
Basile. On ne l'a pas encore imprimée. Les
homélies sw la Fête de Pâques et sur V Ascen-
sion de Jésus-Christ, qui, dans quelques ma-
nuscrits, portent le nom de Basile, ont été
données sous celui de saint Athanase par le
SAINT LEON, PAPE. 169
Père Combefis dans le premier tome de son
Nouveau Supplément, à Paris, en 1648, in-
folio. [Les œuvres de Basile de Séleucie sont
au tome LXXXV" de la Patrologie grecque.
Quarante discours sont reproduits d'après
l'édition de Dausquéïus. L'éloge de saint
Etienne, premier martyr, est donné d'après
Combefis ; les deux livres de sainte Thècle
sont donnés d'après l'édition de Pantin ; les
scholies sur saint Grégoire de Nazianze sont
autom. XXXVP de la Patrologie grecque. Bois-
sonnade les avait publiées dans les notices
sur les manuscrits, XI, n. 131.
CHAPITRE XL
Saint Léon, pape, surnommé le Grand, docteur de l'Église.
[En 461.]
ARTICLE 1".
HISTOIRE DE SA VIE.
1. Saint Léon, à qui ses qualités person-
nelles et les services importants qu'il a ren-
dus à l'Eglise, ont fait donner le surnom de
Grand, était né à Rome. Quelques-uns lui
donnent la Toscane pour patrie ; mais leurs
preuves sont faibles, et il vaut mieux s'en
rapporter à lui-même, qui parle de Rome
comme d'une ville où il avait pris ' naissance.
C'est aussi le sentiment de saint Prosper ^,
auteur contemporain. On ne sait rien de sa
famille, sinon que son père se nommait Quin-
tien 3. L'année de sa naissance ne nous est
pas plus connue, les monuments de l'his-
toire de l'Eglise de ce temps n'en faisant au-
cune mention. On voit par les ouvrages qu'il
nous a laissés, qu'il avait un génie supérieur
et qu'il était instruit avec beaucoup de soin
dans les belles-lettres et dans la science de
l'Eglise. Ce fut lui qui, en 430, porta Cassien à
écrire sur le mystère de l'Incarnation contre
la nouvelle hérésie de Nestorius. Il était dès-
lors diacre de l'Eglise romaine, ou archi-
diacre, comme le dit*Gennade. L'année sui-
vante, saint Cyrille ^ lui écrivit pour le prier
d'empêcher que Juvénal de Jérusalem ne fît
approuver à l'Eglise romaine le dessein am-
bitieux qu'il avait formé de faire ériger sa
ville épiscopale en patriarchat : ce qui marque
que saint Léon avait beaucoup de part aux
affaires sous saint Célestin, qui occupait alors
le Saint-Siège. Saint Prosper" rapporte à ses
exhortations la vigueur avec laquelle le pape
Sixte III rejeta en 439, la fausse pénitence de
Julien le Pélagien, qui tâchait depuis long-
tem_ps, par toutes sortes d'artifices^ de ren-
trer dans la communion de l'Eglise romaine.
2. 11 y avait alors quelques troubles mili-
taires dans l'empire gouverné par Placidie,
veuve de Constance, et par Valentinien III,
son fils, qui n'avait que vingt et un ans. Ces
troubles venaient d'un différend survenu en-
tre le général Aétius, en qui consistait toute
la force de l'empire, et entre un autre sei-
gneur nommé Albin. Pour prévenir le dan-
ger d'une guerre civile, saint Léon les alla
trouver ' dans les Gaules pour les réconci-
her. Pendant son absence, le pape Sixte III
mourut vers le milieu du mois d'août 440.
L'Eglise romaine montra Sparte choix qu'elle
11 est élu
pape en iiO.
Sa conduite
pendant sOU
épiseopat.
' Léo, Epist. 27 ad Pulcheriam, cap. iv.
2 Prosper., in Chronic, ad Consul. Valent.
3 Baron., ad an. 440.
' Gennad., de Vir, illust., cap. LXi.
V.
Léo, Epist. 92, cap. xsiv.
ad ann. 439.
440 et 441.
s Prosper., __ ._
T Prosper., ad ann
s Prosper
ibid.
170
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
fit de son archidiacre pour lui succéder, avec
quelle sagesse elle savait distinguer le mérite
des grands hommes. Elle aima mieux de-
meurer plus de quarante jours sans pasteur,
que d'en nommer un autre; et ce qu'il y eut
d'admirable, c'est que, pendant un si long
temps, il ne se forma aucun trouble dans la
ville. On envoya vers Léon une députation
publique pour l'inviter à prendre le soin de sa
patrie et de son Eglise. Il vint, et fut ordonné
évêque le dimanche vingt-neuvième de sep-
tembre de la même année. Son élévation * lui
donna moins de joie, qae l'obligation où elle
le mettait de servir les autres ; il ne se char-
gea qu'avec crainte d'un ministère aussi re-
levé, sachant qu'il peut occasionner de fré-
quentes chutes. Mais l'affection ^ que son
peuple lui témoigna à son entrée, lui donna
lieu d'espérer de le conduire facilement, et
de le porter au bien sans contrainte. Il ne
fut pas trompé. Son peuple eut pour lui
beaucoup de soumission, et il reconnut par
les effets, que ses avis ^ étaient reçus avec
joie. Il prêchait souvent, surtout dans les
grandes solennités et au jour où il faisait
chaque année la mémoire de son ordination.
On ne sait où Sozomène * avait appris qu'à
Rome, ni le Pape, ni aucun autre ne prêchait
jamais dans l'église. Les sermons que nous
avons encore de saint Léon sont une preuve
du contraire , et il dit lui-même, dans l'éloge
qu'il fit de son prédécesseur le jour de la
fête des sept frères Machabées, qu'il avait
coutume d'instruire pubhquement son peu-
ple. Dans un très-grand nombre = de ses dis-
cours, il parle de la prédication comme d'un
devoir attaché au ministère des papes, de
même qu'à celui des autres évêques. Saint
Grégoire *, qui lui succéda dans la suite, dit
en général que celui qui se charge de l'épis-
copat, se charge en même temps de l'office de
prédicateur. Un des soins de saint Léon fut de
faire venir à Rome les personnes les plus dis-
tinguées par leur savoir et par l'intégrité de
leurs mœurs, pour s'en servir dans le gou-
vernement de l'Eghse. On met de ce nombre
saint Prosper d'Aquitaine, qui lui aida à
écrire ses lettres les plus importantes.
3. Quoique toute l'Eglise convînt qu'il fal-
lait faire la fête de Pâques le dimanche d'a-
près la pleine lune du premier mois de prin-
temps, il ne laissait pas d'arriver de temps
en temps de la difficulté poar trouver ce pre-
mier mois. Rome et Alexandrie avaient fait
chacune leur supputation et leurs cycles. En
Oi'ient, on suivait sans contestation le cycle
d'Alexandrie ; mais, en Occident, le cycle de
Rome n'avait pas toujours le même crédit.
Il se trouva qu'il marquait la Pâque, pour l'an
44-4, le vingt-si.xième de mars, et que celui
d'Alexandrie, dressé par Théophile, la mettait
le vingt-troisième d'avril. Sur cela saint Léon
écrivit à saint Cyrille, qui avait succédé à
Théophile dans le siège d'Alexandrie. Saint
Cyrille fit réponse que l'on devait célébrer la
fête le vingt-troisième d'avril. Saint Léon
voulant s'éclaircir sur cette difficulté, la com-
muniqua '' à Paschasin, évêque de Lilybée en
Sicile, le priant de l'examiner avec soin. Il
paraît qu'il joignit à sa lettre quelques billets
pour faire toucher de l'argent à cet évêque,
réduit à une extrême pauvreté par les rava-
ges que Genséric avait faits en Sicile en 440.
Paschasin soutint dans sa réponse qu'il ne fal-
lait faire la Pâque que le vingt-troisième d'a-
vril. Entre diverses raisons qu'il en allégua,
il s'autorisa d'un miracle arrivé l'an 417, où
les Latins ayant fait la Pâque le 23 mars, des
fonts baptismaux qui se remplissaient mira-
culeusement d'eux-mêmes la nuit de Pâques,
ne se trouvèrent remplis que la nuit du 22
avril, auquellesAlexandrinsl'avaient marqué.
Il fit voir que la célébration de la Pâque le
23 avril, n'était point une chose contraire au
principe des Latins, qui se faisaient une loi
de ne point passer le 21 de ce mois , parce
que le jour de la Passion, qu'il prétendait
être marqué particulièrement par celui de
Pâque, tombait ce jour-là. Saint Léon suivit
l'avisde Paschasin, et l'onfit la Pâque, en 444,
le 23 avril, sans erreur, dit saint Prosper ^,
parce que le jour de la Passion était le 21 du
même mois. On conserva la lettre de Pascha-
sin dans les archives de l'Eglise romaine.
Elle était de l'an 443, et celle que lui écrivit
saint Léon de 442.
Itrajtrépl'îr
la fêle de P;\-
quespourl'an
1 Léo, serm. 4 in Assumpt., cap. v.
- Serm. 1, cap. i. — ^ Serm. 14.
*> Jn eadem urbe Roma nec episcopus, nec alhis quii-
quam in Ecclesia populum docet. Sozomen., lib. VII,
cap. xvu. — 5 Léo, Serm. 3, 7, 11, etc.
' Prœconis ofjicimn suscipit quisquis ad sacerdo-
tium accedit. Greg., lib. I, Epist. 14.
' Léo, Epist. 68.
8 Hoc anno 444, Pascha Domini is calend. maii
celebratum est, nec erratum est quia inde si, calend.
maiarum dies Passionis fuit : ob cujus reverentiam
nalalis urbis Romœ sine circensibus transiit. Prosp.,
ad. ann. 444.
[V^ SIÈCLE.]
i. Longtemps avant le pontificat de snint
Léon, les manichéens s'étaient fixés à Rome.
Mais on y en vit un plus grand nombre de-
puis que le trouble et la misère occasionnées
par la prise et la ruine de Carthage, en 439,
les eut obligés de sortir des provinces où ils
faisaient leur demeure ordinaire. Pour mieux
se cacher à Rome et éviter la rigueur des lois
faites contre eux par les empereurs chrétiens,
ils faisaient profession d'être catholiques, as-
sistaient ' avec eux dans les églises à la cé-
lébration des divins mystères, et ne crai-
gnaient pas même d'y recevoir quelquefois
le corps de Jésus-Christ. Mais ils ne rece-
vaient jamais son sang précieux, regardant
le vin comme l'ouvrage du mauvais prin-
cipe. Leur extérieur humble et modeste,
leur abstinence et leurs jeûnes fi'équents
étaient un piège pour les simples ; ils les
surprenaient ^ par une fausse douceur, les
enchaînaient par leurs caresses, et les tuaient
ainsi sans qu'ils s'en aperçussent. Pour mieux
s'insinuer dans leurs esprits, ils les divertis-
saient par un grand nombre de narrations
fabuleuses ' qu'ils leur débitaient comme les
ayant apprises des apôtres et de Jésus-Christ
même, mais qui étaient en effet remplies du
venin de leurs erreurs. Quelques soins qu'ils
prissent de se cacher, ils n'échappèrent pas
à la vigilance de saint Léon, qui, jugeant *
qu'il serait utile à l'Eghse d'avoir de cette
secte l'horreur dont elle était digne, résolut
de rendre public ce qu'il en avait appris par
leurs écrits et le témoignage de ceux qui en
étaient infectés. Il assembla donc un grand
nombre d'évêques et de prêtres, les princi-
paux de l'empire, une grande partie du sénat
et du peuple. Au jour de l'assemblée, saint
Léon fit amener ' les élus des manichéens,
c'est-à-dire ceux qui, api'ès avoir reçu leur
baptême, avaient droit de participer à leurs
mystères. Ils confessèrent en présence des
évêques et du reste du concile plusieurs im-
piétés de leurs dogmes, et diverses supersti-
tions de leurs fêtes ; puis ils découvrirent un
crime que la pudeur ne permet point de
nommer, mais qui fut vérifié avec tant de
soins, que les plus incrédules et les plus opi-
niâtres ne pouvaient en douter. Leur évê-
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
171
que ^ avoua de sa propre bouche toutes ces
abominations; et après qu'on eut fait voir à
tous ceux de l'assemblée ce que les mani-
chéens avaient de profane et de honteux,
soit dans leurs livres, soit dans leurs tradi-
tions secrètes, on brûla leurs livres et on
dressa des procès-verbaux de tout ce qui
s'était passé en cette occasion. 11 y en eut du
nombre de ceux qu'on avait arrêtés, qui,
confus de leurs infamies, témoignèrent s'en
repentir et vouloir rentrer dans le chemin
de la vérité. Saint Léon ' les reçut, les obli-
gea de condamner à la face de toute l'assem-
blée des manichéens, la doctrine et la disci-
pline de leur secte, de signer cette déclara-
tion, et leur accorda la pénitence. Ceux qui
persistèrent dans leurs erreurs, furent bannis
à perpétuité par les magistrats. Quelques-uns
de ceux qui n'avaient point été pris, se reti-
rèrent de Rome, entre autres un nommé
Pascentius, qui, après quelque séjour à As-
torga en Espagne, fut obligé de s'enfuir à
Mérida, et de là en Lusitanie. Pour empê-
cher que ceux qui s'étaient enfuis n'infectas-
sent les provinces où ils avaient choisi leur
asile, saint Léon écrivit, le 30 janvier 444,
une lettre circulaire aux évêques d'Itahe et
de divers autres pays, pour les informer de
l'affaire des manichéens et les prier de veiller
sur leurs troupeaux. On voit par Idace ^ que
ce saint Pape envoya aussi dans les provin-
ces les actes et les procès-verbaux contre les
manichéens. Le zèle de saint Léon anima
celui de l'empereur Valentinien, qui, étant à
Rome le 19 juin 445, renouvela toutes les
lois faites contre les manichéens, ordonna de
les traiter comme des sacrilèges, avec dé-
fense de les souffrir dans les villes, de les
admettre à aucun emploi, de recevoir d'eux
ou de leur donner par testament. Il obligea
même tout le monde à les déceler, sans qu'il
fût besoin d'aucune formalité de justice.
5. Vers le même temps , on reçut dans les
Eglises'de Vénétie quelques pélagiens, parce
qu'ils témoignèrent abandonner leur erreur.
Photius 5 dit qu'ils l'anathématisèrent; mais
il parait, par une lettre de saint Léon 'f*, qu'ils
furent reçus sans l'avoir condamnée. De ce
nombre étaient divers prêtres, diacres et au-
II combat
les pélagiens.
1 Léo, Episi. 15, cap. xvi, et Serm.
2 Idem, Serm. 15, cap. in.
' Idem, cap. v, et Serm. 38.
' Léo, Epist. 8, et Sertn. 33 et 15.
*■ Serm. 15, cap. IV.
1, cap. V. « LeOj Episi. 8, et Prosper., in Chrome.
' Léo, Ser)J2. 15.
8 Idacius, ia Chronic, ad ann. 444.
9 Phot., Cod. U, pag. 43.
1» Léo, Epist. 6, cap. i.
172
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ires ecclésiastiques de la province d'Aquilée.
Non-seulemenl ils furent rétablis dans leurs
degrés sans avoir été auparavant bien exa-
minés, ils se donnèrent encore la liberté de
passer d'une église en une autre, quoique
cela fût défendu parles canons. En se répan-
dant ainsi dans différents diocèses, ils eurent
moyen d'infecter de leur erreur plus de per-
sonnes. Ce mal toutefois n'alla pas loin , ayant
été arrêté par la vigilance de Septimius, que
l'on qualifie évêque d'Altino. Il donna avis à
saint Léon de ce qui se passait , et ce saint
Pape prit aussitôt les armes ' conire ces res-
tes de l'impiété pélagienne. Il écrivit à l'évê-
que d'Aquilée ^ pour se plaindre de sa faci-
lité à recevoir ces hérétiques mal convertis ;
et, pour empêcher les progrès de l'erreur, il
lui ordonna d'assembler les évêques de sa
province, devant qui tous les ecclésiastiques
pélagiens qui n'auraient point abjuré leur
erreur seraient obligés de la condamner par
un acte signé d'eux; de condamner en même
temps les auteurs de leurs dogmes et tout ce
que l'Eglise universelle a condamné dans les
pélagiens ; d'embrasser tous les décrets des
conciles faits contre leur doctrine et approu-
vés du Saint-Siège , et de faire tout cela en
des termes clairs et sans équivoque, voulant
que si quelqu'un de ceux qui prétendaient
avoir abandonné le pélagianisme refusait de
se soumettre à ces conditions, on le bannit de
la communion de l'Eglise, soit qu'il soit ec-
clésiastique ou laïque. Saint Léon recom-
manda aussi àl'évêque d'Aquilée d'empêcher
que les ecclésiastiques quittassent les Eglises
où ils avaient été ordonnés, et de les obliger
d'y retourner sous peine d'être séparés delà
communion. Malgré toutes ces précautions,
l'hérésie pélagienne reprit vigueur quelque
temps après dans Rome même. Mais saint
Prosper ayant présenté des requêtes contre
ceux qu'il savait être les auteurs de ces nou-
veaux troubles, i) les dissipa et les obligea de
disparaître.
DriicuitéJe 6. En 443, Quélidoine, que l'on croit com-
ivec'saiht'ni° niunément avoir été archevêque de Besan-
Miis^'^'^'" çon, vint à Rome se plaindre de saint Hilaire
d'Arles, qui l'avait déposé dans un concile.
Saint Léon le rétablit dans les fonctions de
l'épiscopat, persuadé qu'il avait été déposé
,, . contre les rèales de l'Eglise. Saint Hilaire
Voyez tom. ^ *^
SI' Hilaire a-yant appris ce que le Pape avait fait, vint à
Rome à pied , malgré la rigueur de l'hiver,
pour soutenir que Quélidoine n'avait point eu
droit d'appeler à Rome d'une sentence ren-
due contre lui par un concile des Gaules. 11
conjura saint Léon de faire corriger secrète-
ment cet abus, ajoutant qu'il était venu pour
l'instruire de ce qui s'était passé dans l 'affaire
de Quélidoine , non par forme d'accusation ,
mais par simple récit. Le Pape assembla un
concile pour juger cette affaire; saint Hilaire
j'prit séance avec les autres évêques. La ma-
nière dont il s'expliqua fut désapprouvée, et
les dépositions des témoins ayant été favo-
rables à Quélidoine, le concile le déclara ab-
sous et le rétablit en son siège. Saint Hilaire
ne changea pas pour cela de sentiment; il
refusa de communiquer avec Quélidoine, et
s'en retourna à Arles, nonobstant les gardes
qu'on lui avait donnés, sans même attendre
la fin de l'hiver. Le Pape, indigné de son dé-
part, ôta à l'Eglise d'Arles le droit de métro-
pole pour le donner à celle de Vienne, et écri-
A'it aux évêques des Gaules une lettre contre
saint Hilaire, qu'il traite de perturbateur de
l'union des Eghses, de présomptueux et d'en-
treprenant. Il changea de langage dans la
suite, mieux informé de la vertu de saint
Hilaire.
7. Il s'éleva, l'an 447, de grands troubles sainiLéon
dans les Eglises d'Orient sur le mystère de "Éuiïïhlsî"'
l'Incarnation. Eutychès , Dioscore et Barsu-
mas en furent les principaux auteurs, mais
on regarda toujours Eutychès comme celui
qui avait eu le plus de part à la persécution
qu'on fit à l'Eglise d'Orient. Déféré, en 448,
au concile que Flavien de Constantinople tint,
le 8 novembre , dans la salle du conseil de
son église cathédrale , il refusa d'abord de
comparaître; mais, cité de nouveau, il com-
parut à la dernière session de ce concile,
tenue le 22 du même mois. Son opiniâtreté à
refuser de reconnaître deux natures en Jésus-
Christ après l'incarnation, lui attira l'ana-
Ihème de tous les évêques de ce concile , au
nombre de trente-deux ; il fut convaincu d'être
dans l'erreur de Valentin et d'Apollinaire, et
de suivre opiniâtrement leurs blasphèmes.
Eutychès ^, se voyant condamné, écrivit à
saint Léon une lettre assez longue, où, après
s'être plaint de ses accusateurs et de la pro-
cédure du concile de Constantinople , il pro-
testait qu'il n'innovait rien contre la foi, et
1 Léo, Epist. 7.
2 Epist. 6, cap. n et m.
3 Tom. IV Concil.,
pag. 934.
pag. 13, et in append. Concil.,
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XI. —
qu'il anatliémalisait Apollinaire, Valentin,
Manès, Nestorius, et toutes les autres héré-
sies jusqu'à Simon le Magicien. Saint Léon ,
qui n'avait point encore reçu de lettres de
Flavien, lui écrivit ' pour savoir de lui ce qui
s'était passé dans son concile, et quelle nou-
velle erreur s'était élevée contre la foi. Fla-
vien répondit : « Eutychès -, voulant renou-
veler les hérésies d'Apollinaire et de Valentin ,
soutenant qu'avant l'incarnation de Jésus-
Christ il y a deux natures, la divine et l'hu-
maine; mais qu'après l'union, il n'y a qu'une
nature, et que son coi'ps, pris de Marie, n'est
pas de notre substance ni consubstantiel à
sa mère, quoiqu'il l'appelle un corps humain ;
nous l'avons condamné, sur l'accusation de
l'évêque Eusèbe , et sur les réponses qu'il a
faites dans le concile , découvrant sou héré-
sie de sa propre bouche , comme vous ap-
prendrez par les actes que nous vous en-
voyons avec ces lettres. Il est juste que vous
en soyez instruit ; car Eutychès , au lieu de
faire pénitence pour apaiser Dieu, et de nous
consoler dans la douleur que nous sentons de
sa perte, s'empresse à troubler notre Eglise,
en affichant publiquement des libelles rem-
plis d'injures, et présentant cà l'empereur des
requêtes insolentes. Nous voyons aussi, par
vos lettres , qu'il vous a envoyé des libelles
pleins d'impostures , en disant qu'au temps
du jugement il nous a donné des libelles d'ap-
pellations à votre Sainteté. Ce qui n'est pas
vrai; mais il a prétendu vous surprendre par
ce mensonge. Tout cela doit vous exciter,
très-saint Père, à employer ici votre vigueur
ordinaire. Faites votre propre cause de la
cause commune; autorisez, par vos écrits, la
condamnation prononcée régulièrement, et
fortifiez la foi de l'empereur. Cette alt'aire n'a
besoin que de votre secours , c'est-à-dire de
votre consentement^ pour procurer la paix et
empêcher la tenue d'un concile dont on fait
courir le bruit , et qui troublerait toutes les
Eglises du monde. »
il envoie 8. Le coucile dont Flavien appréhendait
Ephfafen Ics suitesfut iudlqué àEphèse pour le 1'"' août
de l'année 449 , à la demande d'Eutychès et
[■ à la sollicitation de Dioscore et de Chrysaphe.
Saint Léon, invité par l'empereur Théodose
de se trouver à ce concile, résolut d'y envoyer
des légats qui y assisteraient en son nom ;
mais, en attendant leur départ, il écrivit à
SAINT LEON, PAPE. 173
Flavien pour lui donner avis qu'il avait reçu
ses lettres, et qu'il y répondrait amplement
par celui qui les lui avait apportées. Cette
lettre ^ est du 21 mai. Le 23 du même mois,
il répondit à celle que l'empereur lui avait
écrite touchant la convocation d'un concile à
Ephèse. Il supplie ce prince de le faire assem-
bler en Italie, et lui promet qu'en ce cas il
verrait bientôt tous les scandales apaisés , et
la foi, aussi bien que la paix, régner par
tous ses Etats. Théodose n'ayant point voulu
changer le lieu de la destination du concile,
saint Léon écrivit une seconde lettre à Fla-
vien , datée du 13 juin , et tirée entièrement
de la doctrine de l'Evangile et des Apôtres,
où il expliquait à fond ce qu'il fallait croire
sur le mystère de l'Incarnation. Il en écrivit
aussi un» au concile d'Ephèse , et à diverses
personnes, nommément à l'impératrice Pul-
chérie. Dans celle qui était à l'empereur, il
lui marquait qu'il envoyait ses légats au con-
cile. C'étaient Jules, évêque de Pouzolles;
René, prêtre du titre de Saint-Clément; Hi-
larius ou Hilaire, diacre ; et Dulcitius, notaire.
Le concile, qui avait été convoqué pour le
l^aoùt, ne se tint que le 8. Dioscore d'A-
lexandrie y présida , suivant l'ordre de l'em-
pereur. Eutychès fut admis à exphquer ses
défenses, déclaré absous et rétabli dans la
communion de l'Eglise. On rendit au con-
traire une sentence de déposition contre Fla-
vien, à laquelle tous les évoques souscri-
virent, excepté les légats du Pape. Le diacre
Hilarius s'échappa d'Ephèse à grande peine,
et revint à Rome par des chemins détournés,
craignant la violence des émissaires de Dios-
core. Il arriva sur la fin de septembre, quel-
ques jours avant la tenue du concile que l'on
avait coutume d'assembler tous les ans, au
commencement d'octobre. Le pape, informé
par Hilarius de l'irrégularité du concile d'E-
phèse, s'en plaignit * à l'empereur, en lui
représentant que si l'on n'effaçait les sous-
criptions qui s'y étaient faites au gré de Dios-
core, le mystère de la foi chrétienne était en-
tièrement détruit. Il se plaignit aussi à Pul-
chérie ^ que sa lettre à Flavien n'avait point
été lue dans le concile d'Ephèse, et pria cette
princesse d'appuyer auprès de l'empereur la
demande d'un concile universel. Théodoret ,
qui avait été exclus de celui d'Ephèse , y fut
déposé. 11 en fit ses plaintes à saint Léon ^,
' Léo, Episf. 20.
2 Tom. IV Concil., pag. 14, etLeo, post Epist.%\,
3 Léo, Epist. 22. — * Léo, Epist. 40. — ^ Epist. 41
6 Tom. IV Concil., pag. 101, 622.
174 HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES
qui lui rendit l'épiscopat, le rang qui lui ap-
partenait, et l'admit à sa communion en qua-
lité d'évêque, sans avoir égard au jugement
de Dioscore.
cStone' 9- Il ne se contenta pas de demander par
uotf'f e°! lui-même et par la médiation de l'impératrice
voie se. lé- Pulchérie la tenue d'un concile général, il la
fit encore demander par Valentinien III et par
les impératrices Piacidie et Eudoxie. Théo-
dose n'eut point d'égard à tant d'instances ;
mais, étant mort dans le mois de juillet de
l'an 430, Marcien, son successeur par son
mariage avec Pulchérie, indiqua ce concile à
Nicée. Les lettres de convocation, datées du
17 mai 431 , furent adressées à Anatolius de
Constantinople , et à tous les évêques des
grands sièges. Saint Léon, qui avait souhaité
que l'on différât ce concile ou qu'on le tînt
en Italie, ne voulut point s'opposer au des-
sein de IMarcien , dessein louable en lui-
même. Il choisit deux nouveaux légats pour
envoyer à Nicée : Paschasin, évêque deLily-
bée en Sicile, et Boniface, prêtre de l'EgMse
romaine. Ce dernier fut chargé des lettres de
la légation, parce qu'il partit seul de Rome.
De Nicée, les évêques du concile passèrent à
Ghalcédoine , suivant les désirs de l'empe-
reur. Leur première séance se tint le 8 octo-
bre 431, et il y en eut seize eu tout, nommées
actions dans les éditions des Conciles. Pascha-
sin présida au nom de saint Léon. Dioscore,
obligé de comparaître comme accusé, fut ana-
thématiséparle concile; saint Flavienjustifié;
la lettre que saint Léon lui avait écrite, ap-
prouvée; l'hérésie eutychienue condamnée
dans le décret de la foi , qui fut signé d'un
consentement unanime. Le concile ', en écri-
vant à saint Léon, lui envoya les actes de tout
ce qui s'était passé , en le priant de les con-
firmer et d'y donner son consentement. Ce
saint Pape réduisit ^ son approbation à ce qui
regardait la cause de la foi , n'ayant ^ auto-
risé ses légats qu'en ce point, et prétendant *
que c'était le seul motif de la convocation de
ce concile et de l'agrément que l'Eglise ro-
maine y avait donné. Il s'opposa ^ au vingt-
huitième canon, qui donnait le second rang à
l'Eglise de Constantinople , et généralement
à tout ce qui pouvait être contraire au con-
cile de Nicée. « Si tous les évêques, dit-il'',
observaient exactement les décrets de ce con-
cile, comme ils y sont obligés, on verrait ré-
gner dans toules les Eglises une paix profonde
et une union constante; iln'y aurait point de
différends pour l'étendue des honneurs, point
de disputes pour les droits des ordinations,
point de difficultés sur les privilèges dus à
chacun, point de procès pour l'usurpation des
droits d'autrui ; tous garderaient en leur par-
ticuher et à l'égard des autres l'ordre légi-
time que la loi de la charité leur prescrit.» Il
convient que la ville de Constantinople a ses
avantages ; mais ils ne sont, dit-il ', que tem-
porels; elle est ville royale, mais elle ne peut
devenir siège apostolique. On ne peut don-
ner atteinte aux privilèges des Eglises étabhs
par les canons , ni blesser l'autorité de tant
de métropolitains pour contenter l'ambition
d'un seul homme. Alexandrie ne doit pas
perdre le second rang pour le crime particu-
lier de Dioscore, ni Antioche le troisième; il
y a environ soixante ans » que cette entre-
prise est tolérée ; mais les évoques de Cons-
tantinople n'ont jamais envoyé au Saint-Siège
le prétendu canon que l'on allègue. Le vingt-
huitième de Ghalcédoine ne laissa pas d'avoir
lieu dans la suite; il subsista ^ et fut exécuté
malgré l'opposition de saint Léon et de ses
successeurs , étant appuyé de l'autorité des
empereurs. L'évêque de Constantinople con-
serva la préséance sur Alexandrie et Antio-
che, et exerça sa juridiction sur l'Asie, lePonl
et la Thrace. Comme les actes du concile de
Ghalcédoine , envoyés à saint Léon , étaient
en grec, et qu'on y trouvait à Rome beaucoup
d'obscurité,lePapepriai»,en 433, Julien deCos
d'en recueillir toutes les séances en un seul
corps , et de les traduire en latin d'une ma-
nière si claire et si nette, qu'on n'y trouvât
plus de difficulté.
10. En 432 , saint Léon fit un vovage crui
Ti p ,1 > 1 */ o ^ s.iiDt Léon
rendit son nom tort célèbre dans l'Iiistoire. °"''". -*»""
Attila •', descendu en Italie parla Pannonie,
avec une puissante armée de Huns, courut
librement plusieurs provinces, mettant tout
à feu et à sang. Il avait déjà pris Aquilée,
Pavie et Milan , et pensait à venir fondre sur
Rome; mais les siens l'en détournèrent, di- •
iTom. IV Concil , pag. 838.
2 Léo, Epist. 87.
3 Idem, Epist. 92, cap. v,
* Idem, Epist. 87. — » Léo, Epist. 92.
6 Idem, Epist. 79. — ' Idem, Epist. 78, 79.
s Léo, Epist. 80.
^ Libérât., cap. xm.
" Léo, Epist. 86.
" Prosper., in Chvonic, ad anu. 452, et Cassiod,
in Chronic, ad aun. 452.
[V SIECLE. J
sant. qu'Alaric n'avait pas vécu longtemps
après l'avoir pillée. Cependant l'empereur
Valentinieu demeurait renfermé dans Ra-
venne, et Aétius, général des Romains, son-
geait plus à abandonner l'Italie qu'à la défen-
dre. Dans ces fâcheuses circonstances, on crut
qu'il était à propos de tenter des propositions
de paix avec le barbare. On lui envoya donc
saint Léon, accompagné de deux des princi-
paux officiers de l'empire : Aviénus , consu-
laire , et Trygétius , qui avait été préfet. Ils
allèrent jusque vers Mantoue, et trouvèrent
Attila dans un lieu nommé Ambuléium, au
passage du Menzo. Attila témoigna beau-
coup de joie de voir saint Léon, écouta ses
propositions, lui accorda la paix, et, au lieu
de passer le Pô pour venir à Rome , il se re-
tira au-delà du Danube. Le saint Pape ' vou-
lut qu'on attribuât l'heureux succès de cette
négociation, non à sa sagesse, mais à la grâce
de Dieu qui avait adouci les cœurs et la fu-
reur des Barbares , et à l'intercession des
saints, dont les prières avaient fléchi la justice
divine et obtenu le pardon pour ceux qui ne
méritaient que le châtiment.
11. La difficulté que saint Léon fit de rece-
voir le canon en faveur de l'évêque de Cons-
tantinople, donna -lieu aux schismatiques de
pubUer qu'il ne recevait pas le concile de
Chalcédoine. La conséquence qu'ils en tiraient
était que les décrets de ce concile ne pou-
vaient avoir beaucoup d'autorité, n'ayant pas
été confirmés par le Saint-Siège. Ceux qui par-
laient ainsi étaient des sectateurs d'Eutychès,
ennemis de ce concile. Leur calomnie fit tant
d'impression, que l'empereur Marcien écrivit
à saint Léon pour le prier de confirmer le
concile de Chalcédoine par une lettre publi-
que qui fût adressée à tous les évêques qui
avaient assisté au concile. Le saint Pape fit
avec joie ce que Marcien souhaitait; il écri-
vit 3 une lettre circulaire , datée du 21 mars
■ de l'an 453, avec cette inscription : «Au saint
concile tenu à Chalcédoine. i; Il y déclare
qu'il approuve tout ce qui s'était fait dans ce
concile touchant la foi, ajoutant que quicon-
que osera soutenir l'erreur de Nestorius ou
d'Eutychès et de Dioscore, doit être retran-
ché de l'Eglise. Mais il proteste qu'il est ré-
solu d'observer inviolablement les canons de
Nicée, et de résister à l'ambition, de quelque
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
17S
concile qu'elle puisse s'autoriser. II envoya
deux copies de celte lettre à Julien de Cos,
afin qu'il les présentât toutes deux ensemble
à l'empereur, s'il le jugeait à propos. Par une
autre lettre* du 11 mars de la même année,
il avait établi Julien son nonce à Constanti-
nople , en exigeant de lui qu'il ne quittât ni
celte vifie ni la cour, afin qu'il y agît en son
nompourymaintenirlapaix elles intérêts des
Eglises contre les hérésies de Nestorius et
d'Eutychès, et qu'il pût soUiciter auprès de
l'empereur tout ce qu'il croirait être utile pour
le bien pubhc. Julien, en sa qualité d'évêque
de l'ile de Cos, était obligé d'y résider; mais
saint Léon aima mieux lui conférer l'emploi
d'apocrisiaire, ou de nonce, qu'à tout autre,
soit parce qu'il était membre de l'Eglise grec-
que, soit parce qu'il était plus au fait que per-
sonne des affaires de l'Eglise romaine.
12. Le cycle des Latins marquait la fête de
Pâques au 17 avril, en 455, et celui de Théo-
phile d'Alexandrie la mettait au 24 du même
mois. Saint Léon, voulant empêcher qu'il ne
survint du trouble dans l'Eglise au sujet de
cette solennité , écrivit , dès avant le concile
de Chalcédoine, à Paschasin de Lilybée% pour
le prier d'examiner avec soin cette difficulté.
Il pria l'empereur Marcien '^, par une lettre
du 16 juin 453, de consulter là-dessus les per-
sonnes les plus habiles , et de faire en sorte
que les Egyptiens ne s'opiniâtrassent pas à
soutenir une chose qui lui paraissait impra-
ticable; c'est qu'il ne savait pas que saint
Ambroise avait soutenu avec les Alexandrins
que Pâque se devait faire, en 387, le 25 avril.
Saint Profère , évêque d'Alexandrie, chargé
par l'empereur d'examiner le cycle de Théo-
phile, trouva qu'il n'y avait aucune faute, ni
en cet endroit ni dans tout le reste. C'est
pourquoi il écrivit à saint Léon ' qu'à Alexan-
drie, dans l'Egypte et partout l'Orient, on cé-
lébrait la fête de Pâques, en 455, le 24 avril.
Il en donne pour raison que le dimanche
17 avril n'était que le quatorzième jour de
la lune , auqijel on avait toujours observé,
avant et après Théophile , de ne point faire
la Pâque. Il ajoute que la même raison avait
obligé de différer cette fête, l'an 387, jusqu'au
25 avril, et que cela arriverait encore en 482.
Quoique saint Léon ne fût pas convaincu des
raisons de saint Prolère, il s'y rendit ^ toute-
Saint Léoa
règle la fête
de Pâques en
455.
1 Léo, Serm. 81, cap. n.
2 Léo, Epist. 88.
3 Epist. 87.
* Léo, Epist. 84 et 86.
» Léo, Epist. 68. — « Idem, Epist. 94, 95.
' Léo, Epist. 105. — » Léo, Epist. 108,
176
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCEÉSIASTIQUES.
fois par l'amour extrême qu'il avait pour l'u-
nité. Ainsi il manda ' aux évêques des Gaules,
d'Espagne et des autres provinces de l'Occi-
dent, de faire la Pâque, en 433 , le 24 avril.
Pour prévenir de semblables difficultés, saint
Léon fit examiner plus exactement qu'on n'a-
vaitfaitjusqu'alorslesrèglespropres à trouver
chaque année le jour de Pâque. On croit que
ce fut par son ordre que Victorius composa
son cycle pascal, que nous avons encore. Il
est du moins certain qu'il le fit à la prière
d'Hilarius , alors archidiacre de Rome , qui
avait apparemment reçu celte commission de
la part du Pape. Victorius publia son cycle
sous le consulat de Constantiu et de Rufus,
Tan 437; il fut depuis le plus en usage parmi
lesLatîns, et le concile d'Orléans, en 341,
ordonna qu'il serait suivi pour la célébration
de la Pâque. Ce cycle est de 532 ans. Victo-
rius le commence Tan 28 de l'ère commune,
marquant les consuls jusqu'à Constantin et
Rufus.
Saint Léon 13. Auatolius, prcssé par l'emperour, offrit
Anatoi'iosTsê clc satlsfairc saint Léon. Il déposa à cet effet -
pai°x°de la'pJî Audré, qu'll avait fait archidiacre, et lui ôta,
p'êchêV'incfn'- ct aux autres qui avaient été ennemis de saint
Flavien et infectés de l'erreur d'Eutychès,
la part qu'ils avaient dans le gouverne-
ment; au contraire, il rétablit Aétius dans les
degrés d'honneurs qu'il possédait auparavant,
en lui confiant de nouveau l'administration
des affaires de l'Eglise , et le soin de répon-
dre aux lettres qu'on lui écrivait sur ces ma-
tières. Saint Léon , satisfait de sa conduite,
l'exhorta de donner la dignité d'archidiacre
et toutes les autres principales fonctions à
des personnes qui n'eussent jamais été soup-
çonnées d'erreur, lui permit d'établir dans
leurs degrés ceux qui, ayant été autrefois dans
l'hérésie, en auraient demandé pardon; et
consentit même qu'André et Euphratas, ac-
cusateurs de saint Flavien, fussent élevés à
la prêtrise. Sa lettre est de l'an 434. La même
année, saint Léon apprit avec joie le rétablis-
sement de Juvénal de Jérusalem. Mais, per-
suadé qu'il n'avait été chassé de son siège
que par sa faute, il lui en fit quelques repro-
ches dans la lettre qu'il lui écrivit sur son
retour à Jérusalem. « Je vois, lui dit-il ^, que
vous vous êtes attiré vos malheurs, et que
vous avez perdu l'autorité pour résister aux
1 Léo, Epist. 109 et 112.
2 Léo, Epist. 106. — 3 Léo, Epist. 110.
* Prosper., in Chrunic, ad anu. 455.
hérétiques, quand vous avez témoigné ap-
prouver leur erreur en condamnant Flavien
et en recevant Eutycliès dans le faux concile
d'Ephèse. » L'année suivante 453, Valenti-
nien III, le dernier de la race du grand Théo-
dose, ayant été tué le 17 mars, par les gens
d'Aétius, Maxime fut aussitôt reconnu empe-
peur. Comme il était veuf, il contraignit Eu-
doxia , femme de Valentinien , de l'épouser ;
mais cette princesse ayant découvert qu'il
était l'auteur de la mort de son premier mari,
elle en eut un tel chagrin, qu'elle envoya eu
Afrique à Genséric, roi des Vandales, pour
l'inviter à venir se rendre maître de Rome.
Au bruit de sa venue, plusieurs nobles se re-
tirèrent de la ville. Maxime songeait à en sor-
tir lui-même , lorsque des serviteurs de Va-
lentinien le tuèrent le soixante-dix-septième
jour de son règne, 12 juin 435. Genséric, ar-
rivé trois jours après *, trouva Rome sans
défense. Saint Léon alla au-devant, hors les
portes de la ville, et obtint, par ses prières,
que , content du pillage , il s'abstiendrait des
incendies, des meurtres et des supplices.
14. La mort do l'empereur Marcien, arri- saim T.éon
vée dans le commencement de l'an 457, nniîusïo'ifciê
donna lieu au parti d'Eutychèsde se relever EUr°a, en
à Alexandrie. Timothée Elure, prêti'e de
cette Eglise, mais qui s'était séparé des ca-
tholiques après le concile de Chalcédoine,
ayant ramassé une troupe de séditieux ^ ga-
gnés par argent, s'empara de la grande
église, nommée la Césarienne, et se fit or-
donner évéque par Eusèbe de Péluse et par
Pierre de Majume, tous deux hérétiques et
déposés. Le duc Denys, qui commandait les
troupes de la province, était alors dans la
haute Egypte. A la nouvelle ^ de l'ordination
de Timothée, il revint à Alexandrie, et l'o-
bligea d'en sortir. Ceux de son parti, irrités
de ce mauvais traitement, s'en vengèrent
sur saint Protère, qu'ils tuèrent d'un coup
d'épée dans le baptistère où il s'était retiré,
croyant se garantir par la sainteté du heu et
du temps, car c'était le jeudi saint '' 28 mars;
l'EgHse l'honore comme martyr. Nous n'avons
de lui que sa lettre à saint Léon sur le jour
auquel on devait faire la Pâque en l'an 435;
c'est apparemment de celte lettre que parle
le pape Gélase , lorsqu'il met ^ saint Protère
au nombre de ceux dont l'Eglise romaine
s Tom. IV Concil., pag. 898.
s Evagr., lib. II, cap. vni.
■i Tom. IV Concil., pag. 1080. ■
Ibid., pag. 1262-
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
17^
reçoit et approuve les écrits. Timothée se
voyant seul à Alexandrie, y exerça libre-
ment toutes les fonctions du sacerdoce. Il
déclara nulles toutes les ordinations que
saint Protère ' avait faites, reçut à sa com-
munion et rétablit dans le ministère ceux
qui avaient été condamnés et déposés; ana-
thématisa le concile de Chalcédoine, avec
tous ceux qui le recevaient, nommément
saint Léon, Anatolius de Constantinople et
Basile d'Antioche; mit son nom et celui de
Dioscore dans les sacrés dyptiques, et com-
mit toutes sortes de violences dans toute
l'Egypte pour y établir l'eutyclùanisme. Les
évêques catholiques de cette province, qui
s'étaient sauvés de la persécution de Timo-
thée, vinrent avec quelques ecclésiastiques
d'Alexandrie à Constantinople, où l'empe-
reur Léon et l'évêque Anatolius leur fourni-
rent ^ tous les soulagements nécessaires. Ils
racontèrent tout ce qui leur était arrivé, et
présentèrent à l'empereur une requête si-
gnée de quatorze évêques, de quatre prêtres
et de deux diacres. Après y avoir parlé de
l'intrusion de Timothée Elure ^, du massacre
de saint Protère, et de la persécution que
souffraient les catholiques d'Egypte, ils sup-
pliaient ce prince d'écrire au très-saint ar-
chevêque de Rome, à ceux d'Antioche, de
Jérusalem, de Thessalonique et d'Ephèse,
afin que, suivant qu'ils le trouveraient con-
forme aux canons, l'usurpateur fût chassé
de l'Eglise d'Alexandrie, et qu'on élût en sa
place une personne digne de remplir le siège
de saint Marc. Ils ajoutaient que s'il était
besoin d'un concile, ce qui ne leur parais-
sait pas nécessaire, ils y viendraient hardi-
ment pour soutenir les faits qu'ils avançaient
contre Timothée, quoiqu'ils fussent si clairs
et si publics, qu'il ne fallait point de preuves
pour les constater. Timothée, de son côté,
envoya des députés à Constantinople, avec
des lettres pour l'empereur et un mémoire,
où il prétendait faire voir que saint Léon, le
concile de Chalcédoine et tous les évêques
d'Orient étaient nestoriens. L'empereur ,
embarrassé, prit le parti de consulter tous
les évêques sur le concile de Chalcédoine et
sur l'ordination de Timothée. Saint Léon qui
avait été informé par Anatolius * de l'intru-
sion de Timothée, et sachant qu'il demandait
un nouveau concile, qui cassât les décrets de
celui de Chalcédoine, écrivit => de nouveau à
l'empereur qu'il n'y avait aucune apparence
de vouloir examiner de nouveau ce qui avait
été décidé par le concile de Chalcédoine ;
qu'il enverrait des légats, non pour disputer
de la foi, mais pour presser l'expulsiou de
Timothée et le rétablissement des catholi-
ques d'Egypte. La réponse de tous les évê-
ques d'Orient fut conforme à celle de ce saint
Pape; ils convinrent ^ qu'il fallait soutenir le
concile de Chalcédoine jusqu'à la mort; con-
damner Timothée comme indigne, non-seu-
lement de l'épiscopat, mais du nom de chré-
tien, et l'exclure même de la communion
laïque. Sur ces réponses, l'empereur Léon
fit chasser d'Alexandrie Timothée Elure, qui
fut relégué dans la Chersonèse, sous bonne
garde. Le Pape en remercia ce prince ' au
nom de toutes les Eglises, et le pria de faire
élire un évêque d'Alexandrie, qui n'eût ja-
mais été soupçonné d'hérésie. On choisit un
autre Timothée, surnommé Solofaciol ou Le
Blanc. La lettre que saint Léon lui écrivit
sur son élection, est du 18 août 460; il le
prie de lui éci'ire souvent, pour lui donner
avis du progrès que la paix ferait dans son
Eglise.
15. Saint Léon mourut le 10 novembre de M
saint
l'an 461 ; son corps fut mis dans l'église de '-'■i-
Saint-Pierre, en une cave * au bas du vesti-
bule qui servait de sépulture à ceux des
Papes qui avaient souffert le martyre, parce
qu'on le crut digne d'avoir son tombeau
dans une éghse si respectable. S'il ne répan-
dit pas son sang pour la foi, comme quelques-
uns de ses prédécesseurs , il n'en fut pas
moins le soutien. Tandis ^ que tous les évê-
ques, ceux mêmes des grands sièges, l'aban-
donnaient lâchement dans le brigandage
d'Ephèse, il en prit la défense et la fit revi-
vre par ses paroles et par ses écrits. On lit '"
qu'après le ravage des Vandales, il renouvela
0 rt do
Léon en
1 Tom. IV Concil., pag. 890, 896.
2 Léo, Epist. 123, 124.
3 Evagr., lib. II, cap. vni, et tom. IV Concil., pag.
897.
* Léo, Epist. 118 et 115. — s Epist. 132.
« Tom. IV Concil., pag. 1081, et Evagr., lib. II,
cap. X.
' Idem, Epist. 137.
8 Aringus, lib. II, cap. vni Rom. subier., pag. 159.
^ In Ephesino latrocinio cunctis prœsulibus et ipsis
quoque patriarchis prolaieniibus, nisi magnus Léo di-
vinitus excitaius os aperiens totum orbem et angustos
ipsos concuteret et ad pietatem commooeref, religio
cliristiana penitus corruisset. Nicolaus I, Epist. nd
Michael. Imperat.
1» Lib. Pontif.
12
178
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sernio ns
sur son onJi-
iiation. Piig.
2J edil. Lng-
dun., un.
1700.
l'argenterie par toutes les églises de Rome,
ayant fait fondre à cet effet six grands va-
ses de cent livres chacun, donnés autrefois
par Constantin ; qu'il répara la basilique de
Saint-Pierre, où il fit une voûte qu'il orna ;
qu'il rebâtit * la basilique de Saint-Paul, frap-
pée du tonnerre, et y fit une voûte avec une
peinture en mosaïque qui représentait No-
tre - Seigneur Jésus-Christ accompagné des
vingt-quatre vieillards, et une inscription qui
marquait que cette église avait été commen-
cée par Théodose, achevée par Honorius, et
ornée par Placidie et par saint Léon; qu'il
bâtit une basilique en l'honneur du pape
saint Corneille, près du cimetière de Calliste,
en la voie Appienne; qu'il établit au sépul-
cre des saints Apôtres, des gardiens qu'on
appelait chambriers, et depuis chapelains,
parce qu'on nommait ^ alors chambres les
chapelles; et qu'il fit faire une fontaine de-
vant l'église Saint-Paul, afin qu'on s'y lavât
les mains avant d'entrer dans l'église. On lui
attribue encore divers autres ouvrages pu-
blics, qui étaient autant de monuments de
sa piété. Il occupa le Saint-Siège pendant
vingt-un ans, et eut pour successeur Hilarus,
son archidiacre, le même qui assista au con-
cile d'Ephèse, en l'an -431. Il nous reste de
ce saint Pape quatx'e-vingt-seize sermons sur
les principales fêtes de l'année, et cent-qua-
rante-une lettres ^.
ARTICLE IL
DES ÉCRITS DE SAINT LÉON.
§1-
De ses Sermons.
l. Le premier des sermons de saint Léon
fut prononcé, non le jour de son ordination,
comme quelques-uns l'ont cru ■*, ni à l'anni-
versaire de son élévation au pontificat mais
le jour de Foctave de son ordination. C'est
ce qu'il marque assez clairement, en disant
qu'il l'avait fait après nne certaine révolu-
tion de jours ^ qui le ramenait à celui auquel
il avait été ordonné évêque, ce qui ne peut
s'entendre que du dimanche qui suivait im-
médiatement celui de sou installation, qui
s'était faite aussi un dimanche, suivant Fu-"
sage de l'Eglise romaine, et non de son anni-
versaire : car il avait dit plus haut ^ qu'il
était juste qu'il consacrât les prémices de
son ministère par les louanges et les actions
de grâces qu'il devait à Dieu. On voit en-
core par toute la suite de ce discours, qu'il
n'avait été choisi que depuis peu pour rem-
plir le Saint-Siège ; il en témoigne sa recon-
naissance, dans l'espérance que Faiïection
dont on lui avait donné des marques à cette
occasion, lui attirerait le respect et l'amour
des fidèles soumis à sa conduite, et que Dieu
qui lui avait imposé un fardeau si pesant,
l'assisterait de ses grâces pour s'acquitter
dignement de son ministère. Il dit que Dieu
ne les mesure pas sur la qualité de nos mé-
rites, et que, s'il prenait garde à nos iniqui-
tés, personne ne pourrait soutenir la ri-
gueur de ses jugements. Plusieurs évêques
furent présents à ce discours, ceux apparem-
ment qui l'avaient été à son ordination huit
jours auparavant; il les appelle des taber-
nacles du Dieu vivant et les membres les
plus excellents du corps mystique de Jésus-
Christ.
Dans son second sermon, qu'il fit au jour
anniversaire de son élévation au pontificat,
il dit que, quoiqu'il n'y ait rien de plus re-
doutable que le sacré ministère, il ne s'a-
bandonnait pas à un lâche désespoir d'en
pouvoir remplir les devoirs, s'appuyant, non
sur ses propres forces, mais sur le secours
de celui qui opère en nous. Il veut même
que Ton se réjouisse du sacerdoce, pourvu
qu'on le fasse servir à la gloire de Dieu, qui
nous en a honoré, remarquant que le sacer-
doce de Jésus-Christ, dont celui de Melchi-
sédech était la figure, ne se communique
point de père en fils, comme celui d'Aaron ;
mais qu'on le confère à ceux que le Saint-
Esprit dispose à cet auguste ministère, sans
que ceux qui choisissent ces ministres aient
égard aux privilèges de la chair et du sang.
« C'est l'onction, dit-il, de la grâce céleste
qui fait un évêque; les avantages naturels,
et les prérogatives de la naissance, ne sont
» Tom. VII ConciL, pag. 955.
2 Fleury, lib. XXIX Hisi. ecclés., pag. 543.
^ Aiig. Mai a publié en grec un fragment inédit de
saint Léon sur la procession du Saint-Esprit par le Fils.
Le voici : ^ytoç Aeâv o iràTruç <p»^iv ' iiyctp tû Oveu/zit tjîç
ixiy^iTci.1 To/jLi) mftfiKsi S'iS'ifiivov, Spicilegiuin Roman.,
tom. VI, p. XXXVI de la préface {L'éditeur).
* Not, in hune serm.^ pag. 50. — ^ Recui'renle igi-
tur per suum ordinem die quo me Dominus episcopalis
ofjlcii voluit habere principium. Serm. I, pag. 49.
^ Dignutn est a sacrifieiis dominieœ laudi obsequimn
consecrati pontificis inchoare. Ibid,
[V^ SIÈCLE.]
point des degrés pour monter à l'éminente
dignité du sacerdoce, ni des titres pour être
admis parmi ce peuple d'adoption. » Il re-
connaît que s'il fait quelques bonnes œuvres
et des règlements utiles, c'est un eflet de la
protection et des mérites de saint Pierre,
dont le pouvoir et l'autorité subsistaient en-
core sur le siège qu'il a occupé.
semoQ 3, ^0 troisièmo sermon est proprement un
par. M. ^jQgg ^jg gj^jjj^ Pierre. Saint Léon le pro-
nonça à l'anniversaire de son exaltation. En
voici l'analyse : Bien qu'il y ait une intinité de
prêtres parmi le peuple de Dieu, saint Pierre
est néanmoins le principal ministre dont Jé-
sus-Christ se sert pour gouverner ceux qui
sont sous sa loi; que Dieu a fait entrer ce
grand apôtre en société de sa toute-puis-
sance, et que s'il a fait la même grâce à
tous ceux qui ont été choisis pour gouverner
les autres, saint Pierre a été comme le mé-
diateur des grâces qui leur ont été commu-
niquées. Quoique la puissance de lier et
de déher ait été accordée aux autres apô-
tres et à tous les princes de l'Eghse, ce n'est
pas sans raison que Jésus-Christ, en la leur
accordant^ s'adressa uniquement à saint
Pierre; ce privilège lui fut accordé par-
ticulièrement parce qu'il devait être la règle
et le modèle de tous les autres prélats de
l'Eglise. Ce fut pour fortiQer la foi que
Jésus-Christ pria son Père , comme si l'as-
surance et la victoire du chef devaient
établir la sûreté des autres et les mettre
hors des atteintes de leur ennemi. Ce vigi-
lant pasteur, dit encore saint Léon, accom-
plit exactement ces ordres de son Maître :
Affermissez vos frères; paissez mes brebis. Il
nous exhorte intérieurement par des inspi-
rations secrètes, et ne cesse de prier pour
nous, afin que nous ne succombions pas aux
tentations. S'il étend ses soins sur tout le
peuple de Dieu, quel secours n'en devons-
nous pas attendre, nous qui sommes ses en-
fants et dépositaires de ses sacrées reliques?
Ce même corps qui a présidé dans cette
chaire, repose parmi nous dans son tombeau.
4,pag..w. ^^'"^ '"^"'^ avoue dans le quatrième dis-
cours, fait aussi à l'anniversaire de son intro-
nisation, que la sublimité de son ministère
jt l'exposait à des occasions plus fréquentes de
r chutes : « car on a, dit-il, recours de tous
les endroits de la terre au siège du bienheu-
reux apôtre saint Pierre, et l'Eglise univer-
selle, que le Seigneur lui a recommandée,
étant maintenant confiée à nos soins, nous
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
179
avons à soutenir une charge d'autant plus
pesante, que nos devoirs sont plus étendus,
puisqu'ils regardent tout le monde. » Mais il
avoue aussi qu'il ne s'appuyait point sur ses
propres forces pour remplir les devoirs de
son ministère; qu'il ne pouvait rien sans le
secours de Jésus-Christ, l'auteur et le prin-
cipe de tout bien, et qu'il mettait toute sa
confiance dans sa protection, sachant que
tout son pouvoir venait de lui. »
2. Les six sermons suivants sont sur les sermoi,.
Collectes ou les Quêtes que l'on faisait pour iMterp.'^îi"
les pauvres dans les diverses églises de sermon e,
Rome. Du temps de saint Léon on les faisait
non-seulement le dimanche , mais le lundi,
le mardi et en d'autres jours de la semaine ;
mais ce saint Pape avait coutume d'avertir
dans ses sermons des jours auxquels on fe-
rait ces quêtes. Le sujet de ces six sermons
est l'aumône : le saint Pape en fait voir les
grands avantages. « C'est amasser, dit-il, un
trésor dans le ciel, que de nourrir Jésus-Christ
en nourrissant le pauvre ; mais il faut le soula-
ger avec promptitude et avec ioie. Outre le
baptême dans lequel toutes les taches des
péchés ont été effacées, l'aumône a- été di-
vinement instituée pour raclieter les crimes
que nous pouvons commettre pendant notre
séjour sur la terre. Si nous ne sommes pas ,, p,g,B6
tous dans le pouvoir de faire les mêmes lar-
gesses, nous devons au moins avoir tous une
égale piété et la même intention, la libéra-
lité des fidèles ne se mesurant point au poids
de l'or, ni par la grandeur des présents ,
mais sur l'intention et la bienveillance; il . „ ,.,
' 8,pjg. 56.
taut surtout user d'une diligence ingénieuse,
pour découvrir celui que la honte retient. Il
y en a plusieurs qui n'osent demander publi-
quement les choses dont ils ont besoin, ai-
mant mieux souffrir les incommodités d'une
misère cachée et secrète, que de souffrir la
confusion qu'ils auraient en demandant l'au-
mône à découvert. On doit user d'adresse
pour les déterrer et pour soulager des be-
soins qu'ils rougissent de découvrir, afin
qu'ils aient une double consolation, voyant
qu'on les soulage dans leurs nécessités en
ménageant leur pudeur. Dieu n'est pas seu-
lement l'auteur et le principe des richesses
spirituelles, nous tenons aussi de sa bonté
les temporelles ; il nous demandera compte
de l'usage que nous en aurons fait, parce
qu'il nous les donne afin que nous en fassions
part aux autres, et non pour les garder. La
chaiité envers les pauvres nous est tellement
3, P»S
180
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
Sermon 10,
pag. 59.
S er mo T] s
sur le .leùne
du dixième
mois.
Sermon IS ,
pag. 67.
16, pag. 6.Ï.
1l,pag. 60.
recommandée, que les autres vertus, sans
elle, ne peuvent servir de rien. Soyez fidè-
les, soyez chastes, soyez sobres tant qu'il
vous plaira; ajoutez tous les ornements des
autres vertus : si vous n'avez point de zèle
pour les pauvres. Dieu ne vous fera point
miséricorde. Que reprochera-t-on à ceux qui
seront à la gauciae du Juge au dernier jour,
sinon leur manque de charité , leur dureté ,
leur inhumanité, les secours qu'ils auront
refusés aux pauvres? Il semble qu'on ne
comptera aux prédestinés que le zèle qu'ils
auront eu pour les pauvres, et qu'on ne con-
damnera dans les réprouvés que leur négli-
gence envers les mêmes pauvres, comme si
Dieu n'avait point d'égard aux autres vices
et aux autres vertus. L'on mettra à un si
haut prix, au jugement dernier, cette charita-
ble libéralité; l'on traitera si rigoureusement
cette impitoyalDle avarice, que l'une tiendra
la place de toutes les autres vertus, et l'autre
sera regardée comme l'assemblage de tous
les vices. La première ouvrira la porte du
ciel aux élus; l'autre précipitera les réprou-
vés dans le feu éternel. » Saint Léon attribue
aux Apôtres et aux saints Pères, l'institution
des collectes. 11 dit qu'ils les ont instituées
dans des temps où la superstition païenne
redoublait son faux zèle envers les démons,
afin que les aumônes que les fidèles donne-
raient aux pauvres combattissent en quelque
manière ces hosties profanes que des impies
ofiïaient à leurs faux dieux, et que cette sainte
pratique ayant été très-utile à l'augmentation
de l'Eglise, on l'avait continuée jusqu'à son
temps, où ceux qui étaient dans le besoin,
recevaient de l'Eglise de quoi se soulager
par les libérahtés des fidèles.
3. Suivent neuf sermons sur le Jeûne du
dixième mois, c'est-à-dire de celui que l'on
pratiquait en hiver dans le mois de décem-
bre. Il distingue les jeûnes en la manière
que nous le faisons aujourd'hui. « L'Eglise,
dit-il, a assigné des jeûnes à toutes les sai-
sons de l'année par l'inspiration du Saint-
Esprit, afin que les fidèles se souvinssent
qu'ils devaient pratiquer l'abstinence en tout
temps. Le jeûne du printemps s'observe pen-
dant le carême ; celui d'été à la Pentecôte;
le jeûne de l'automne est dans le septième
mois; et celui de l'hiver dans le dixième. »
Ce jeûne durait trois jours, le mercredi, le
vendredi et le samedi. Il l'appelle avec nous
le jeûne des Quatre-Temps. L'homme, dit-il,
a éié créé à l'imaoe et à la ressemblance de
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Dieu, afin qu'il tâchât d'imiter les perfections
de son Créateur : car la dignité de notre
condition naturelle consiste à représenter
en nous comme dans un miroir quelques
traits de la Majesté divine. Si la ressemblance
des mœurs et des inclinations lie fortement
l'amitié parmi les hommes, quels efforts ne
devons-nous point faire sur la volonté de
Dieu? Saint Léon fait l'application de ces
principes à la charité, et dit que Dieu nous
brûle du feu de son amour, afin que non-
seulement nous l'aimions , mais que nous
aimions aussi notre prochain. Tous les hom-
mes sont compris sous ce nom, puisque la
nature humaine nous est commune à tous,
soit qu'ils soient nos amis ou nos ennemis,
libres ou esclaves; nous sommes tous sortis
des mains du même Créateur; nous jouissons
du même ciel, et nous respirons le même
air; les jours et les nuits sont également
partagés pour nous. Quoique parmi les hom-
mes, les uns soient bons et les autres mé-
chants, Dieu répand ses bienfaits sur tous.
Saint Léon tire un autre motif de l'amour que
nous devons à notre prochain, de la con-
duite que l'Eglise garde envers tout le
inonde ; elle reçoit en son sein toutes les na-
tions; elle permet qu'on ente l'olivier sau-
vage sur l'olivier franc; elle se réconcilie
avec ceux qui étaient ses ennemis déclarés;
elle adopte les étrangers et les met au nom-
bre de ses enfants ; elle sanctifie les pécheurs
et en fait des gens de bien.
Il ne s'étend pas beaucoup dans le pre-
mier discours sur les avantages et les obliga-
tions du jeûne; il dit seulement que celui du
dixième mois est établi par la tradition des
Apôtres, et en général, que le jeûne amortit
les mouvements déréglés de la chair. Il dit
dans le suivant que le jeûne est une espèce
de tribut que nous offrons à Dieu, en recon-
naissance des fruits de la terre qu'il a eu la
bonté de nous donner; que rien n'est plus
propre à nous sanctifier que le jeûne ; qu'il
donne la force de résister au démon et de
dompter les vices de la chair; qu'il est la
nourriture de la vertu et la mère des bonnes
pensées, des désirs justes et raisonnables,
et des conseils salutaires; qu'il n'est pas
toutefois l'unique instrument de notre salut,
que l'on doit y ajouter la charité envers les
pauvres, en sorte que nous donnions à la
vertu ce que nous dérobons au plaisir, et
que ce que nous retranchons par le jevme,
soit la portion du pauvre. Dans le troisième
Sermon 1;
pag. 01.
[V" SIÈCLE.]
discours sur le même sujet, il remarque que
les démons redoublent leurs efTorts et leurs
artifices contre nous, pour nous traverser
dans la pratique de la vertu; qu'ils font
craindre la disette à ceux qui auraient plus
de penchant à donner l'aumône; qu'ils exa-
gèrent aux autres la peine du jeûne, ce qui
fait que plusieurs ne l'observent pas avec
exactitude. Il enseigne dans le quatrième
que, quoique le jeûne du dixième mois soit
une pratique tirée de l'ancienne loi, ce n'est
pas une raison de s'en dispenser, parce que
les préceptes qui regardent le jeûne n'ont
pas été abolis par la loi nouvelle.
Il insiste fortement dans le cinquième, sur
l'obligation où sont les riches de faire part
de leur bien aux pauvres. Tout ce que les
campagnes produisent sont autant d'effets
de la libéralité de Dieu. La raison humaine
n'est pas assez éclairée pour disposer ulile-
ment les causes naturelles, afin qu'elles pro-
duisent sûrement leurs effets, si Dieu ne les
préparait lui-même par les qualités qu'il
leur imprime. La piété et la justice exigent
donc de nous que nous fassions part aux au-
tres des choses que Dieu nous donne si libéra-
lement, afm que, suppléant à leur indigence,
ils se joignent à nous pour bénir Dieu de la
fécondité de la terre. Dans ce discours et dans
quelques-uns des suivants, saint Léon parle
beaucoup de l'hérésie des manichéens, qu'il
représente comme un amas de toutes sortes
d'ordures.
Dans le sixième, il déclame contre les usu-
riers. De quelque manière que les choses tour-
nent à un usurier, soit que son fonds croisse ou
diminue, sa condition est toujours mauvaise,
car ou il devient malheureux en perdant ce
qu'il a prêté, ou il est coupable en recevant
ce qu'il n'a pas donné. Il rapporte sur ce su-
jet l'endroit du psaume xrf', qui déclare ex-
clu du tabernacle de Dieu, celui qui prête à
usure. En comparant à la culture de la terre
celle que nous devons donner à notre âme,
il enseigne que nous devons fortifier notre
faiblesse par les exercices spirituels, afin que
notre âine, devenue féconde, produise les
fruits de toutes sortes de vertus ; que la foi
en est comme le germe ; que l'espérance y
donne l'accroissement; que la charité les fait
mûrir, et que les pénitences et les prières
ont leur dernière perfection quand elles sont
secondées par le mérite de l'aumône ; qu'il
ne suffit pas, toutefois, de s'interdire seule-
ment l'usage des viandes, qu'il faut encore
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON , PAPE.
181
Sermon 18,
paj. 07.
étouffer tous les désirs de la chair, renoncer
à ses mauvaises volontés et se défaire de
l'habitude du péché. Il ne veut pas que per-
sonne se dispense défaire des bonnes œuvres
sous le prétexte de n'avoir pas même de quoi
subvenir à ses propres besoins. « Le peu que ". p^s- es,
l'on donne, dit-il, est toujours d'un grand
mérite ; l'on ne pèse point dans les balances
de la justice divine le présent selon la quan-
tité, on n'examine que le cœur et l'intention.
La veuve dont il est parlé dans l'Evangile,
ne mit dans le tronc que deux oboles, qui
furent d'un plus grand prix que les dons ma-
gnifiques des riches. Quelque petite que soit
l'aumône, Dieu ne la trouve point méprisa-
ble ; elle n'est jamais infructueuse. Dieu a
partagé inégalement les richesses entre tous
les hommes ; mais il veut que tous aient la
même volonté de faire du bien ; que chacun
considère ce qu'il possède ; que ceux qui ont
davantage en donnent à proportion. Ce que
les fidèles se retranchent par l'abstinence , doit
être la nourriture des pauvres; ce qu'ils se
refusent à eux-mêmes par vertu, doit être
destiné à secourir ceux qui sont dans le be-
soin. Quoique la sobriété soit un excellent
remède pour les infirmités des corps et des
âmes, cependant les jeûnes ne sont pas d'un
grand mérite si la charité ne les sanctifie.
L'aumône est une espèce de baptême, elle
en a l'efficace; car de même que l'eau éteint
le feu, ainsi l'aumône eflace les ordures du
péché. »
■4. Il y a dix sermons sur la Fête de la Na-
tivité de notre Seigneur Jésus- Christ, dans
chacun desquels saint Léon explique en dif-
férentes manières le mystère de l'Incarna-
tion. Le Fils de Dieu, après la plénitude des
temps marqués par les décrets impénétrables
de la sagesse divine, s'est revêtu de la nature
humaine pour la réconcilier avec son créateur,
et afin que le démon, auteur de la mort, fût
vaincu par les mêmes armes dont il s'était
servi pour vaincre. La nativité de ce Sauveur
a été exempte de la loi commune du péché.
Une vierge de la race de David fut choisie
pour donner au monde cet enfant merveil-
leux qu'elle devait concevoir en son esprit
avant de le concevoir dans son sein. Pour
empêcher qu'un prodige si surprenant ne lui
causât du trouble et de la crainte si elle n'eût
eu aucune connaissance des desseins de la
Sagesse éternelle, l'ange du Seigneur l'ins-
truisit pleinement du mystère qui se devait
opérer en elle. Le titre de Mère de Dieu ne
Sermons
sur 1,1 Nali-
viLé de ■Iè£us-
Cbriit.
Sermon 20,
182
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
lui fit point appréhender que sa pudeur dût
être blessée. Comment serait-elle entrée en
défiance pour la nouveauté de ce prodige,
puisqu'on l'assura qu'il serait opéré par la
vertu du Très-Haut? Sa foi fut préparée par
l'authenticité d'un miracle dont elle fut té-
moin elle-même. Elisabeth, dans un âge
avancé, se trouva inopinément féconde; le
même Dieu qui avait donné la fécondité à
une femme stérile, pouvait bien la donner à
une vierge. Le propre Fils de Dieu^ qui était
avec Dieu dès le commencement, par qui
toutes choses ont été faites, sans rien perdre
de sa grandeur et de sa majesté, s'est revêtu
de notre bassesse, et demeurant toujours ce
qu'il était, il s'est fait ce qu'il n'était pas. Il
a uni la forme d'un esclave à cette substance
divine qui le rend égal à son Père, alfiant
tellement ces deux natures, que l'inférieure
n'a point été absorbée par la gloire et la ma-
jesté de la supérieure, et que la grandeur de
.la supérieure n'a point été blessée par la
bassesse de l'inférieure; les deux substances
ont conservé leurs attributs particuliers et
se sont réunies dans une seule personne. La
majesté s'est revêtue de l'humilité, la force
a été jointe à l'infirmité, et la mortalité à
l'immortalité. Pour payer les dettes du-genre
humain, une nature passible s'est unie à une
nature impassible. Jésus-Christ est tout en-
semble vrai Dieu et vrai homme, afin que
celui qui était venu pour être le médiateur
entre Dieu et les hommes, pût mourir à cause
de son humanité, ressusciter à cause de sa
divinité, et remédier parla à tous nos maux.
Sermon 21, Ce quB uous croyons de la naissance de
''°*'"' Jésus-Christ est au-dessus de l'usage et des
règles ordinaires ; mais il est appuyé sur
l'autorité et la puissance de Dieu. Voilà le
motir qui nous porte à croire qu'une fille a
conçu, qu'elle a enfanté et qu'elle est de-
meurée vierge. 11 ne faut point s'arrêter à
l'état et à la condition de la mère, il faut
considérer la volonté toute-puissante de celui
qui naît de la manière qu'il a voulu. Si vous
voulez savoir ce qu'il est, faites réflexion sur
les propriétés de la nature humaine. Si vous
voulez examiner la manière miraculeuse dont
il est né, considérez combien est grand le
pouvoir d'un Dieu. Saint Léon croit que Jé-
sus-Christ a choisi une vierge pour être sa
mère, afin de cacher sa naissance au démon.
22, pas. 73. ^^ déplore l'aveuglement des ariens , qui
n'ont pu se résoudre à croire que le Fils fût
égal à son Père, que ce fût la même subs-
Sermon 23,
pag. 75.
lance et la même gloiie. « Ils ont, dit- il,
fondé leurs faux raisonnements sur les attri-
buts qui lui conviennent en tant qu'homme;
mais, pour montrer que ce n'est que la même
personne, il disait : Mon Père et moi sommes •'™°- ^'
U7ie même chose. Si on regarde Jésus-Christ
sous la forme d'un esclave qu'il a prise dans
le temps, pour- nous racheter, il est au-des-
sous de son Père ; mais si on l'envisage par
rapport à sa divinité qui est éternelle, il est
égal à son Père. Les deux natures ont con-
servé toutes leurs perfections sans le mélange
d'aucune imperfection. Si la divinité n'em-
pêche pas qu'il n'ait pris la forme d'esclave,
les faiblesses de l'humanité- ne font aucun
tort à la gloire de la divinité. L'union de la
faiblesse humaine avec la toute-puissance,
est cause que le Fils de Dieu se met au-des-
sous de son Père ; mais la divinité qui est la
même dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit,
et qui en fait une Trinité adorable, doit ban-
nir tout soupçon d'inégalité. »
Saint Léon fait voir que les figures et les
promesses qui avaient commencé à nous ins-
truire, ont été accomplies par l'incarnation
du Verbe ; que s'il ne s'était fait homme,
l'arrêt de la condamnation porté contre notre
premier père, aurait entraîné sans ressource
tous ses descendants, et que la nature hu-
maine, corrompue par le péché originel ,
n'aurait point trouvé de remède à ses maux.
Il parle de diverses hérésies qui se sont éle-
vées sur le mystère de l'Incarnation, et re-
garde celle des manichéens, qui niaient que
Jésus-Christ eût pris un vrai corps, comme
la plus impie de toutes. « Que la foi catho-
lique reconnaisse sa gloire dans l'humihté
du Sauveur; que l'Eglise se réjouisse de ce
mystère, qui est le fondement du salut des
fidèles. Si le Verbe ne s'était pas fait chair, et
n'eût pas habité parmi nous, la mort aurait
exercé son règne et sa domination depuis
Adam j usqu'à la fin des siècles. L'arrêt de con-
damnation qui réprouve les hommes, aurait
toujours subsisté, puisqu'ils étaient tous éga-
lement exposés à périr par le malheur de leur
naissance. » Ce saint pape remarque qu'en
adorant la nativité de noti'e Sauveur, nous
célébrons en même temps notre naissance à
la grâce, puisque la divinité de Jésus-Christ
est l'origine du peuple chrétien, et que le
corps nait en même temps que le chef.
Cette naissance nous a apporté la paix avec
Dieu, et cette paix consiste à vouloir tout ce
qu'il commande, et à s'abstenir de tout ce
pag. 77.
25, pag. 79.
[V= SIÈCLE.]
qu'il défend.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
183
Elle nous interdit par consé-
quent foute amitié mondaine, et nous fait
résister à tous les obstacles qui nous empê-
chent d'aller à Dieu. Il y a un crime égal à
dire qu'il n'y a pas en Jésus-Christ une
nature semblable à la nôtre, ou de nier
qu'il soit égal à son Père en toutes cho-
ses. Tune et l'autre de ces vérités étant ap-
puyées de l'autorité divine. C'est ce qu'il
prouve par le premier chapitre de l'Evan-
gile selon saint Jean. Il s'élève avec force
contre une superstition qui s'était introduite
paj'mi les chrétiens. « Ils vont, dit-il, sur les
lieux les plus élevés pour adorer le soleil le-
vant, et ils sont tellement ]3ersuadés que ce
culte superstitieux est un acte de religion,
que lorsqu'ils ont monté les degrés de la basi-
lique de Saint-Pierre, dédiée au seul et vrai
Dieu, avant d'entrer dans l'église, ils se
tournent sur la plate-forme vers le soleil le-
vant, et font des inclinations de la tête et de
tout le corps pour honorer cet astre, qui est
le principe de la lumière. Cette superstition
qui vient en partie d'une ignorance grossière,
en partie d'un reste de paganisme, nous cause
une douleur amère; quoique peut-être plu-
sieurs, en s'inclinant vers le soleil, adorent le
créateur de cet astre, plutôt que la lumière
qui n'est qu'une créature, il vaut mieux
s'abstenir de cette espèce de culte, qui pour-
rait être une pierre de scandale pour ceux
qui renoncent aux idoles, et un motif pour
reprendre leurs anciennes erreurs, s'ils re-
marquaient que les chrétiens sont attachés à
ces cérémonies superstitieuses. Nous devons,
ajoute-t-il, faire le même usage des créatures
lumineuses que des autres, et rapporter à la
gloire de Dieu tout ce qu'elles ont de beau et
d'utile. »
Il pose comme un principe certain, que le
Verbe n'a pas été séparé un moment du
corps, qu'il s'est formé dans le sein de la
Vierge, depuis que ce saint corps a été ani-
mé ; et c'est sur ce principe qu'il taxe Nes-
toriusde témérité et de blasphème, pouravoir
dit que la bienheureuse Vierge n'a mis au
monde qu'un homme comme les autres, et
que le Verbe n'a point été uni au corps de
Jésus-Christ, en sorte que le Fils de Dieu ne
serait pas Fils de l'homme. « Si la nature di-
vine, dit ce saint Pape, n'a pas été unie à la
nature humaine dans l'Incarnation, ou si ces
deux natures ont été réduites à une, il faut
conclure que la seule divinité est née dans
le sein de Marie ; qu'elle s'est nourrie et ac-
Serinon 2li,
crue en apparence, et sans parler des autres
accidents auxquels la nature humaine est
sujette, il faut dire que la seule divinité a été
crucifiée, qu'elle est morte, qu'elle a été en-
sevelie. »
Ce raisonnement est contre l'hérésie d'Eu-
tychès, à laquelle il oppose la doctrine de
l'Eglise, qu'il explique en ces termes : n L'hu-
manité a tellement été jointe à la divinité
dans une unité de personne, que Jésus-Christ
n'a point été conçu sans la divinité, qu'il
n'est point venu au monde, qu'il n'a point
pris de nourriture et d'accroissement sans
elle. Le même qui a fait tant de miracles, a
souffert toutes sortes d'affronts; il a pu être
crucifié à cause de l'infirmité humaine; il est
mort ; il a été enseveh ; mais il s'est ressus-
cité le troisième jour par la toute-puissance
divine ; il est monté au ciel ; il est assis à la
droite de son Père. Il a reçu de son Père
comme homme ce qu'il lui a donné lui-même
comme Dieu. Si son corps croit et se nourrit,
son essence éternelle et immuable n'en souf-
fre aucune altération; s'il s'est revêtu d'une
chair semblable à celle du péché, et s'il a
épousé les faiblesses des hommes, il est tou-
jours égal à son Père dans l'unité de la divi-
nité. Soit que l'on regarde la naissance de
notre Sauveur par rapport à la divinité, soit 23, pag.se,
qu'on l'envisage selon la chair, elle est tehe-
ment au-dessus des forces de l'éloquence
humaine, qu'on peut avec justice lui appli-
quer ces paroles d'Isaïe : Qui pourra expli- is,ïeL,„,s
quer le mystère de sa génération ? Saint Paul a
dit : Que toute la plénitude de la divinité habite
en Jésus-Christ corporellement . » Ce que saint
Léon explique en cette manière : « Toute la
divinité remplit tout le corps du Fils de Dieu,
et comme rien ne manque à cette majesté
souveraine, qui remplit toute la demeure
qu'elle occupe ; ainsi toutes les parties du
corps de Jésus-Christ sont pénétrées par la
divinité qui habite en lui. »
Après avoir expliqué dans tous ces discours
ce que la foi nous enseigne sur le mystère
de l'Incarnation , le saint Pape conclut qu'il
faut croire cette vérité pour être chrétien,
vrai Israélite, enfant de Dieu et héritier lé-
gitime de ses promesses. 11 ajoute que tous
les saints qui ont précédé le temps de la
venue de notre Sauveur, ont été justifiés
par cette foi, qui les a faits en quelque ma-
nière membres du corps de Jésus -Christ.
« Ils attendaient la rédemption des fidèles,
et le Sauveur qui devait naître de la race
Culoss. II, 8.
184
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
d'Abraham, suivant les promesses faites à ce
patriarche. Saint Matthieu, pour montrer
qu'elles ont été accomplies en Jésus-Christ,
parcourt toutes les générations et fait voir
l'ordre dans lequel les bénédictions avaient
été préparées. Saint Luc ne suit pas le même
ordre ; il commence par la naissance de Jé-
sus-Christ pour faire connaître sa généalogie,
en remontant jusqu'à sa source : mais il fait
voir également que tous les degrés de suc-
cession ont rapport au Messie, qui devait
être le Sauveur du genre humain. »
Sermons 5. Les scrmous sw la Fête de l'Epiphanie
'IL "'"'' '" sont au nombre de huit. Une étoile d'une
nouvelle beauté apparut à trois mages dans
l'Orient. Par l'éclat de cet astre, on comprit
aisément qu'il n'avait point été créé en vain.
Celui qui avait donné ce signal fit naître
l'envie de chercher ce qu'il signifiait, et per-
mit que ceux qui le chercliaient le trouvas-
sermon 30, sent en effet. Mais en même temps qu'ils sui-
"^' ' vaient la route que leur traçait cette lumière
supérieure, la lumière intérieure de la grâce
les conduisit à la connaissance de la vérité.
si.pag.so. Cette étoile pouvait conduire les mages au
lieu oii Jésus-Christ était né, sans les faire
passer par Jérusalem, comme elle fit à leur
retour ; mais les choses furent disposées de
la sorte, pour confondre l'endurcissement
des Juifs, et afin que la naissance du Sau-
veur fût manifestée, non-seulement par l'ap-
parition d'une nouvelle étoile, mais aussi
par le témoignage des scribes nnêmes. Les
prophéties le divulguaient déjà par le moyen
des mages pour l'instruction des Gentils;
les infidèles apprenaient que Jésus-Christ
promis par les oracles, était venu au monde.
Les Juifs professaient de bouche la vérité ;
mais ils cachaient le mensonge dans leur cœur
et ils ne voulurent point aller voir de leurs
j'eux celui dont ils facilitaient la connais-
sance aux autres parles oracles de nos livres
sacrés, a Pourquoi, leur dit saint Léon, vous
fermez-vous un chemin que vous ouvrez aux
autres ? Pourquoi votre incrédulité s'obstine-
t-elle à douter d'un mystère dont vos propres
réponses ont donné l'intelligence? Vous faites
connaître par les oracles de l'Ecriture, où le
Messie est né, savoir, dans Bethléem, de la
tribu de Juda; les témoignages du ciel et de
la terre déterminent le temps de cette nais-
sance et vous ôtent tous vos doutes. Mais
depuis que la fureur d'Hérode s'est enflam-
mée, et que ce prince cruel s'est acharné à
persécuter le nouveau roi, vous vous êtes
endurcis par une obstination aveugle à ne
rien croire. L'ignorance des enfants que le
persécuteur a fait massacrer a eu un succès
plus heureux que votre science, à laquelle il
a eu recours pour apaiser les troubles dont
il était agité. Quoique vous puissiez montrer
le lieu où le Messie était né, vous n'avez pas
voulu reconnaître sa royauté; mais les inno-
cents ont donné leur vie pour celui qu'ils ne
pouvaient encore confesser.Parlà Jésus-Christ
en a fait les prémices de ceux qui devaient
dans la suite répandre leur sang pour lui, afin
d'apprendre an monde qu'il n'y a point d'âge
si tendre où les hommes ne puissent être les
instruments de la gloire de Dieu. »
Saint Léon nous fait regarder les mages
comme les prémices de notre foi et de notre
vocation, et le jour de l'Epiphanie comme
celui où nous avons commencé d'être les hé-
ritiers adoptifs de la gloire éternelle. « Les sermon
mages arrivés au lieu où était Jésus-Christ, ^'^'
ils adorent le Verbe sous la chair qui le dé-
robe à leurs yeux ; ils reconnaissent la sa-
gesse éternelle dans un enfant , la toute-
puissance dans la faiblesse, le Seigneur de
la majesté sous la figure d'un homme. Pour
donner encore des marques plus authenti-
ques de leur foi et de l'intelligence qu'ils
avaient de ce mystère, ils font connaître les
secrets mouvements de leur cœur par l'es-
pèce de leurs présents. Us offrent de l'encens
à Jésus-Christ comme à un Dieu, de la myr-
rhe comme à un homme, de l'or comme à
un roi : persuadés qu'il fallait reconnaître la
nature di\'lne avec la nature humaine, réu-
nies dans une seule personne, qui rassem-
blait les propriétés des deux natures sans
les confondre. Après avoir adoré le Seigneur, 33, pa-j
ils s'en retournèrent par un chemin différent
de celui qu'ils étaient venus, soit parce que,
croyant déjà en Jésus-Christ, il fallait qu'ils
changeassent de conduite, et que, renonçant
à leurs anciennes erreurs, ils embrassassent
une vie nouvelle, soit parce qu'il fallait se pré-
cautionner contre les embûches d'Hérode,
qui, pour cacher le dessein qu'il avait formé
de perdre Jésus-Christ, témoignait vouloir
lui rendre ses devoirs. »
Avant que les mages se missent en chemin, ^^^^^^
dit saint Léon , ils avaient connu par révéla-
tion celui qu'ils devaient adorer dans l'éta-
ble ; cette connaissance était suffisante pour
ce qui regardait les lumières de la foi; ce
qu'ils croyaient dès-lors pouvait les dispenser
de venir, dans un pays si éloigné , chercher
[V SIÈCLE.]
un enfant ;
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
18S
il n'était pas nécessaire qn'ils
le vissent des yeux du corps, puisqu'ils le
voyaient si distinctement des yeux de l'es-
prit; mais leur persévérance et leur em-
pressement à chercher cet enfant devaient
être d'une grande utilité pour les siècles à
venir, comme il a été très-important que
l'apôtre saint Thomas ait manié les plaies de
Jésus-Christ après sa résurrection. Il se sert
de leur témoignage contre les manichéens,
qui renversaient la vérité de l'incarnation du
Fils de Dieu, en prétendant qu'il est indigne
de la majesté de Dieu de se renfermer dans
le sein d'une femme et de s'unir à la sub-
stance humaine. Il défend aux fidèles d'avoir
aucun commerce avec, ces sortes d'héréti-
ques ; mais il veut que l'on prie Dieu pour
eux suivant l'ancienne coutume de l'Eglise.
Sur cette prophétie de Jacob, qui regarde
la venue du Messie : Le royaume ne sera pas
été de la famille de Juda, les princes de sa race
se succéderont toujours les uns aux autres, jus-
qu'à l'avènement de celui qui sera l'espérance
des nations, saint Léon dit, en parlant des
Juifs : « Ils ne comprennent pas encore ce
qu'ils ne peuvent nier, et ce que les Ecritures
leur ont appris. La vérité est un scandale
aux maîtres insensés ; ce qui est lumière
pour les autres, se change en ténèbres pour
les docteurs aveugles. Ces maîtres étant in-
terrogés, répondirent que Jésus-Christ devait
naître en Bethléem; mais ils ne profitèrent
point de leur science, ni des instructions
qu'ils donnèrent aux autres. La succession
de leurs rois a été interrompue ; ils n'ont
plus ni temples, ni prêtres, ni victimes, ni
sacerdoce ; ils voient assez que tout est fini
pour eux, que tous leurs privilèges ont cessé,
et que tous les avantages dont ils se vantaient
ont été transportés à Jésus-Christ. Ce que
trois mages, qui représentaient toutes les na-
tions, ont mérité en adorant le Sauveur, tous
les peuples du monde l'obtiennent par la foi
qui justifie les pécheurs. Ils sont devenus les
héritiers adoptifs de la succession de Dieu,
tandis que ceux qui se regardaient comme
les héritiers légitimes, en ont été exclus. »
Il exhorte les Juifs à renoncer à leur infidé-
lité, leur remontrant que Jésus-Christ ne
s'est point rebuté de leurs impiétés, puisqu'il
a prié pour eux lorsqu'ils le crucifièrent, et
il ajoute : « Nous devons souhaiter que ce
peuple, qui a dégénéré de l'ancienne no-
blesse de ses aïeux, reprenne les droits de
sa première origine, et nous devons y con-
tribuer de tous nos soins. Leur crime nous a
ouvert le sein de la miséricorde; mais il faut
que notre foi leur inspire un ardent désir de
se remettre dans la voie du salut; il est juste
que la piété et les bons exemples des gens
de bien contribuent au salut des autres, afin
qu'on obtienne par l'exemple d'une sainte
vie, ce qu'on ne peut obtenir d'eux par les
paroles. » Ce saint Pape dit encore que le
mystère que nous célébrons le jour de l'Epi-
phanie, n'est pas tellement accomph que sa
vertu et son efScacité ne soit toujours la
même; que nous ressentons maintenant par
la bonté de Dieu l'effet des merveilles opé-
rées dans les trois mages ; que la même
chose s'accomplit tous les jours dans ceux
que Dieu éclaire par ses grâces ; qu'il en est
de même des effets de la cruauté d'Hérode ;
que le démon, qui a pris sa place, l'imite
dans ses fraudes et dans ses artifices; qu'il a
animé les Juifs par l'attachement qu'ils
avaient à la loi et à leurs traditions ; qu'il
s'est servi des Gentils pour allumer d'horri-
bles persécutions, et qu'il a corrompu la foi
de plusieurs par le mélange de certains dog-
mes erronés : « Mais, ajoute-t-il, celui qui a
récompensé les innocents de la couronne du
martyre, a dissipé les efforts d'Hérode eu
rendant invincible la charité des fidèles. Les
supplices et les massacres que les tyrans ont
fait souffrir aux martyrs, ont augmenté le
nombre des chrétiens. La cruauté des persé-
cuteurs a été si avantageuse à notre foi, que
les fidèles se trouvent plus glorieux d'être
les membres de Jésus-Christ, que les enfants
des princes ne se glorifient d'une naissance
royale. La fureur des premières tempêtes est
apaisée, et il y a longtemps que nous jouis-
sons d'une parfaite tranquillité, un Dieu en
trois personnes étant adoré avec autant de
ferveur dans les palais des princes chrétiens,
que dans les églises : mais notre ennemi, qui
n'a pu nous abattre par des persécutions ou-
vertes, nous attaque d'une manière plus ca-
chée. Il allume le feu de l'avarice, ne pou-
vant plus alarmer les chrétiens par la crainte
de^ proscriptions ; il tâche de brûler par le feu
des voluptés ceux qu'il ne peut plus tour-
menter par les supplices. Il sème partout la
division et la discorde; il irrite la colère, il
envenime la médisance, il suggère miUe dé-
tours, mille artifices criminels pour engager
dans le vice ceux qui se tiennent le plus sur
leurs gardes. Nous ne devons donc pas nous
croire en sûreté pour avoir une liberté entière
Sermoa 3S,
186
HiSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de faire profession publique de la foi, et nous
devons recourir aux armes spirituelles, pour
résister aux attaques de l'ennemi de notre
salut. ))
Sermon 36, Saint Léon relève la grandeur de la foi des
pag. 97. "
mages qui adorèrent Jésus-Christ, non dans
le temps qu'il commandait an démon, qu'il
ressuscitait les morts, qu'il rendait la vue aux
aveugles, qu'il faisait marcher les boiteux et
parler les muets ; mais dans le temps qu'il
n'était qu'un enfant qui ne parlait point,
qui avait besoin de sa mère, et dans lequel
on ne remarquait aucun signe de sa puis-
sance : mais il dit que l'enfance même du
Sauveur est un degré pour nous faire monter
à la connaissance de sa divinité, lorsque nous
élevons nos sens des choses humaines aux
37, psg.ss. divines, et que si la connaissance de ses in-
firmités abaisse nos pensées, les prodiges qui
accompagnent sa naissance doivent en même
temps les élever.
Sermons 6. Les douzo sermous sur le Carême roulent
ïme. '" *"*' presque tous sur l'obligation où sont les chré-
tiens de se purifier, pendant ce saint temps,
de leurs fautes passées , et de se préparer,
par la pénitence, à la célébration de la Pâque.
Saint Léon fît la plupart de ces discours à
l'approche ou au commencement du carême.
Sermon 38, Ilrcmarque que les Juifs se prescrivaient quel-
"^' ' quefois l'abstinence du boire et du manger,
dans l'espérance qu'après avoir dompté la
gourmandise "et leur propre sensualité, ils
pourraient vaincre plus facilement leurs en-
nemis; qu'il était arrivé en effet que des na-
tions fières et puissantes avaient plié sous
l'effort d'un peuple afiamé , qu'elles avaient
subjugué , tandis qu'il faisait bonne chère et
qu'il vivait dans les délices. Notre situation
est à peu près pareille à la leur, étant atta-
qués d'une infinité d'ennemis spirituels et in-
visibles, comme ils étaient environnés d'une
foule d'ennemis visibles. Le moyen de nous
mettre au-dessus d'eux et de les vaincre, c'est
de nous rendre les maîtres de nos passions
en les mortifiant. Cette guerre, que nous de-
vons faire à nous-mêmes, est d'autant plus
nécessaire en carême , que les démons font
de plus grands efforts afin que le mystère de
la Pâque, qui devrait être pour nous une
source de bénédictions, nous replonge dans
de nouveaux crimes en nous en approchant
indignement.»
Saint Léon parle aussi fort souvent, dans
Sermon 39, , t t i • x n ± i
lag. 101. ces douze discours, de la manière dont le
Sauveur permit au démon de le tenter. « Il
ne le permit, dit-il, que pour donner à con-
naître qu'il était un homme véritable, afin
de confondre l'erreur et tant d'opinions im-
pies qu'ondevaitimaginer sur son humanité.
Après un jeûne de quarante jours, il sentit
les importunités de la faim ; le démon, remar-
quant en lui les signes d'une nature mortelle,
voulut avoir une connaissance plus parfaite
d'une puissance qu'il redoutait. Si vous êtes, *'""''• "• '■
lui dit-il, le Fils de Dieu, commande: gue ces
pierres deviennent des pains. Jésus-Christ eût
pu faire ce miracle, puisqu'il était tout-puis-
sant et qu'il avait déjà changé l'eau en vin
dans un festin de noces; mais il aima mieux
confondre les artifices du démon par son hu-
milité et par les témoignages de la loi , que
par la toute-puissance de sa divinité. Ainsi
les interrogations malignes du démon ne ser-
virent qu'à faire connaître l'humanité de Jé-
sus-Christ, comme les anges qui se présen-
tèrent pour le servir ont fait connaître sa di-
vinité. »
Sur ces paroles de Jésus-Christ au démon :
L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de Matib. it, *.'
toute parole sortant de la bouche de Dieu, saint
Léon s'exprime ainsi : « Il faut que les chré-
tiens, quelque besoin qu'ils aient de manger,
souhaitent plutôt de se rassasier de la divine
parole, que du pain matériel; à l'égard du
précepte qui nous ordonne de jeûner, il ne
faut pas se contenter précisément de la diète
et de l'abstinence que l'on peut faire par un
motif d'avarice ; mais il faut accompagner le
jeûne de ces mets exquis qui donnent l'im-
mortalité, c'est-à-dire de sustenter les pau-
vres à nos dépens, de leur donner des habits
pour couvrir leur nudité, de soulager les ma-
lades, de servir d'appui et de soutien aux
faibles, d'adoucir les ennuis des exilés, de
protéger les orphelins, d'être la consolation
des veuves désolées. Il n'y a personne qui ne
puisse donner quelques secours à toutes ces
espèces d'infirmités; on a toujours assez de
bien pour en faire part aux autres quand on
a l'âme grande et généreuse. La piété ne
mesure point son pouvoir ni ses forces sur la
quantité de ses richesses; quelque peu de
bien qu'on ait, on peut en faire un grand fond
de mérite; les riches peuvent faire de grands
présents; ceux qui n'ont qu'un bien médio-
cre n'en peuvent faire que de petits ; mais le
mérite n'est pas inégal quand l'affection est
la même. »
Le saint pape veut qu'à l'exemple des
pieux empereurs romains, qui de tout temps
[V SIÈCLE.]
élargissaient, pendant le carême, une quan-
tité de criminels et adoucissaient la sévérité
de leurs lois, nous pardonnions les fautes
commises contre nous, et renoncions au dé-
' sir de nous venger. Il ajoute que, quoiqu'il
faille piincipalement soulager les fidèles dans
leurs nécessités, on ne doit pas abandonner
à leurs malheurs ceux qui n'ont pas encore
reçu l'Evangile, étant faits comme nous à l'i-
mage de Dieu. « Le carême, dit-il, est encore
un temps où nous devons travailler particu-
lièrement à apaiser la dissension qui règne
entre notre esprit et notre corps. Que l'âme
conserve sa dignité et son autorité, et que le
corps soit soumis à l'esprit qui le doit con-
duire. )) Saint Léon prévient les fidèles con-
tre les erreurs des manichéens, qui ne s'abs-
tenaient de certaines viandes que parce qu'ils
les avaient en horreur, pour outrager le Créa-
teur. « Leur abstinence , dit-il , ne sert qu'à
les rendre plus criminels et plus impurs. C'est
une chose louable de s'abstenir des aliments
qui sont permis, mais on ne doit pas en con-
damner la nature. » Il dit que le carême est un
temps très-favorable à la sanctification , non-
seulement pour ceux qui doivent recevoir une
vie nouvelle dans le baptême , mais encore
pour ceux qui sont déjà régénérés. Les pre-
miers se servent utilement de ce saint temps
pour se rendre dignes de la grâce qu'ils n'ont
pas encore reçue , les autres pour conserver
ce qu'ils ont déjà; car personne n'est telle-
ment établi dans la vertu, qu'il puisse s'assu-
rer de sa persévérance. Quelque régulière
que soit notre vie, elle se sent toujours de la
fragilité et des imperfections humaines, qui
ternissent la beauté de l'âme créée à l'image
de Dieu. Il faut donc travailler à lui rendre
tout son éclat par la pénitence. Si les per-
sonnes les plus exactes ont besoin de renou-
veler leur ferveur, que doit-on penser de
celles qui passent toute l'année dans la tié-
deur? En vain ils se persuaderaient que Dieu
n'est point irrité , parce qu'ils n'ont point en-
core vu des effets de sa colère. Le temps qui
borne la vie de l'homme est court, la jouis-
sance des fausses voluptés de ce siècle ne
dure pas longtemps ; elles seront suivies de
douleurs et de peines éternelles, si l'on n'a
recours à la pénitence tandis que l'arrêt de
la justice divine est suspendu. Les malades
mêmes sont capables d'un certain jeûne, qui
consiste à s'abstenir du péché et à pratiquer
de bonnes œuvres ; mais l'infirmité du corps
est pour eux une pénitence suffisante ; elle va
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
187
même quelquefois au-delà des pénitences vo-
lontaires. Le jeûne du carême doit durer pen-
dant quarante jours. C'est une préparation à
la fête de Pâques, pourvu qu'on accompagne
ce jeûne des œuvres de la foi et de la cha-
rité. Ces actes de vertu augmentent le mérite
du jeûne. Ce sont les apôtres qui l'ont insti-
tué par l'inspiration du Saint-Esprit, afin de
nous conformer, par la mortification, à la
croix et aux souffrances de Jésus-Christ, pour
avoir ensuite part à ses récompenses. Ils ont
eu aussi en vue de nous préparer, par une
abstinence de quarante jours, à la célébra-
tion de la Pâque, où non-seulement les évê-
ques, les prêtres du second ordre et les au-
tres ministres du sacrement, mais aussi tous
les fidèles qui composent l'Eglise universelle
doivent être exempts de l'ordure des vices,
afin que le temple de Dieu, dont Jésus-Christ
est le fondateur, soit brillant dans toutes ses
pierres et qu'il éclate dans toutes ses jjarties.»
Saint Léon marque clairement qu'en ce saint
jour les fidèles s'approchaient de l'auguste
sacrement du corps et du sang de Jésus-
Christ. Il dit que ni le péché originel, ni les
péchés personnels ne sont point un obstacle
à la justification; qu'elle ne se donne point
au mérite, mais qu'elle est un pur eflet de la
grâce; que ceux qui sont tombés dans le pé-
ché peuvent se laver dans les larmes de la
pénitence et se faire ouvrir les portes de la
miséricorde en se réconciliant avec Dieu ; que
les commandements de Dieu sont comme au-
tant de miroirs qui représentent l'homme à
lui-même tel qu'il est, pour lui faire connaître
s'il est ressemblant à l'image de Dieu, ou dis-
semblant; qu'il ne dépend que de nous d'é-
prouver la vengeance ou la miséricorde de
Dieu, selon que nous serons vindicatifs ou in-
dulgents; qu'ainsi il est au pouvoir de l'homme
de régler en quelque manière le jugement de
Dieu, puisqu'il sera traité de la même façon
qu'il aura traité ses égaux.
7. Les dix-neuf sermons SMr la Passion du
Sauveur ont été prononcés en difl'érents jours;
les uns le dimanche, les autres le mercredi
ou la quatrième férié. Saint Léon y étabfit
d'abord la nécessité du mystère de l'incar-
nation et de la foi en Jésus-Christ, même dans
l'Ancien Testament. Il fait voir que le Verbe
n'a rien perdu de sa majesté en se faisant
homme, et que ce que la nature passible a
souffert, n'a fait aucun tort à la nature impas-
sible; que le mystère que l'humanité a con-
sommé avec la divinité, a été un efiet de la
Sermon 44,
pag. 109.
JS.pag. 111.
«6,pag. lia.
47, pog. m.
«8, pag.ltô
49, pai
Sermons
sur la Passion
du Sauveur.
Sermon EO,
pag. 118.
188
HISTOIEE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
bonté de Dieu; que les liens dont nous étions
enchaînés étaient si forts, qu'ils ne pouvaient
être brisés que par ce secours. « Nous ne de-
vons donc point, ajoute-t-il, rougir de la crois
de Jésus-Christ, puisqu'elle n'a point été la
punition du péché, mais l'ouvrage de la di-
vine sagesse; nous ne devons pas non plus
mépriser les humiliations de celui qui a ren-
versé d'une seiile parole cette troupe impie
de soldats qui le cherchaient , puisque ces
humiliations étaient de son choix ; s'il ne l'eût
pas permis, jamais ses persécuteurs n'au-
raient pu se saisir de sa personne. Mais com-
ment les hommes auraient-ils pu être sauvés,
s'il ne se fût abandonné à leur fureur en leur
permettant de la déployer tout entière? il
leur donne des signes de sa divinité en re-
mettant miraculeusement l'oreille à l'un des
domestiques du prince des prêtres, à qui saint
Pierre l'avait coupée. « Saint Léon dit que si
Judas avait voulu faire pénitence de son crime
il en aurait obtenu le pardon de la bonté de
notre Rédempteur; mais il croit que ce traî-
tre ne reconnaissait pas Jésus-Christ pour
Fils de Dieu, et qu'il ne le regardait, dans
son désespoir et dans les horreurs de la mort,
que comme un homme ordinaire. Il dit, sur
la conversion du bon larron, quelle exhorta-
tion a pu lui inspirer une foi si vive : « Quelle
doctrine l'a éclairé de la sorte? s'écrie-t-il;
quel est le prédicateur qui a allumé en son
sormonsi, ccBur ùu si grand zèle? 11 n'avait point été le
^'^■™- témoin des miracles que Jésus-Christ avait
opérés; on ne guérissait plus alors de ma-
lades, on ne ressuscitait plus le? morts; il ne
voyait encore aucun signe des prodiges qui
se devaient manifester un moment après;
néanmoins il confesse que Jésus-Christ est
son Roi et son Seigneur, quoiqu'il le voie
condamné comme lui à un infâme supplice.
Ce changement merveilleux était l'effet de la
grâce; et, pour récompenser sa foi, Jésus-
Luc. xmi,43. Christ lui répondit : Vous serez aujourd'hui
avec moi dans le paradis. Cette promesse passe
le pouvoir d'un homme ordinaire; elle part
plutôt du trône de la souveraine puissance
que de l'arbre de la croix. C'est de là (jue
l'on récompense la foi , puisque c'est de là
qu'on efface le crime de la transgression liu-
maine. La forme d'un esclave n'est pas in-
compatible avec la puissance d'un Dieu ; Jé-
sus-Christ a consei'vé les attributs divins au
miheu des supplices; la divinité est demeu-
rée inviolable , tandis que l'humanité souf-
frait. »
pag. 121.
Saint Léon fait voir que toutes les créatures
qui ont rendu témoignage à la divinité de Jé-
sus-Christ, lorsqu'il était attaché à la croix,
ont condamné les Juifs, et que c'est avec jus-
tice que l'on a fait aux Gentils les grâces dont
les Juifs s'étaient rendus indignes par leur
impiété. « Le mystère de notre rédemption , sermon
qui avait été annoncé à ce peuple longtemps
auparavant, ne pouvait s'accomplir, dit ce
Père, sans que la divinité se revêtît de l'in-
firmité humaine ; l'une et l'autre nature
exercent les fonctions qui leur sont propres,
en se prêtant mutuellement leurs secours.
Le Verbe opère ce qui convient au Verbe ; le
corps fait ce qui convient au corps; l'un éclate
par les prodiges qu'il fait, l'autre est soumis
aux injures et aux affronts; l'un a conservé
la majesté qui le rend égal au Père éternel,
l'autre n'a point été exempt des faiblesses
attachées à la nature humaine; mais, ens'ex-
posant à ses infirmités , il n'en a point été
tellement accablé, que la puissance de la di-
vinité en ait été suspendue. Tous les oppro-
bres et tous les outrages, toutes les peines et
tous les tourments que la fureur des Juifs a
fait souffrir à Jésus-Christ, il les a soufferts
volontairement et sans y être contraint par
quelque nécessité, se servant de la malice de
ses persécuteurs comme d'un moyen propre
à la réparation du genre humain, en sorte
que ceux qui le faisaient mourir pouvaient
participer aux fruits de sa résurrection et de
sa mort , et être sauvés s'ils l'eussent voulu.
Judas même pouvait y participer, et il ne de-
vait point se défier de la bonté de celui qui
ne l'avait point privé de la participation de
son corps et de son sang. » Saint Léon re-
marque que ces paroles de Jésus-Christ ; Mon
Père, s'il est possible, faites que ce calice s'éloi-
gne de moi, qui témoignent en lui quelque
crainte, étaient des remèdes pour guérir nos
infirmités, auxquelles le Fils de Dieu a bien
voulu se soumettre. « C'est pour nous rassu-
rer, dit-il, qu'il a voulu craindre; il s'est as-
sujetti à nos faiblesses pour guérir notre in-
constance par sa fermeté et par son courage.
Saint Pierre n'aurait pu vaincre sa peur, qui
est un effet de la fragilité humaine, si le vain-
queur de la mort n'avait craint avant lui. »
Saint Léon dit que la conversion de cet
apôtre fut l'ouvrage delà grâce intérieure de
celui qu'il avait renié un peu auparavant. Il
regarde les deux voleurs qui furent crucifiés
avec Jésus-Christ, comme la figure des élus
et des réprouvés : « La foi du voleur qui se
V^ SIlîCLE.
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
489
convertit, est le symbole de ceux qui doivent
être sauvés ; l'impiété du voleur qui blasphé-
mait en mourant, est le symbole des damnés.
Sermon 53, Les Juifs, GH voyaut Jésus-Christ sur la croix,
Maîihxxvii. blasphémaient en disant : S'il est le roi d'Is-
*-'■ ' 7'aël, qu'il descende 2}7'ésenteinent de la croix, et
nous croirons en lui. Rien de plus mal fondé
que ces blasphèmes. Il n'est point écrit que
le Seigneur devait descendre de la croix, mais
Psaim.xcv 1"^ ^^ Seigneur a triomphé par le bois. La croix
'"• de Jésus-Christ est une espèce d'autel où la
nature humaine a été immolée comme une
hostie saliitaire ; c'est sur cet autel que le sang
de l'Agneau sans tache a effacé le crime de
l'ancienne prévarication , que l'empire tyran-
nique du démon a été détruit, que l'humilité
a triomphé de l'orgueil, que la vertu de la
foi a été si efficace, que des deux voleurs qui
furent crucifiés avec Jésus-Christ, celui qui
crut en lui fut justifié sur-le-champ et trouvé
digne d'entrer dans le paradis : un moment
a suffi pour effacer le crime des vieilles ha-
bitudes. »
Saint Léon exhorte les fidèles à faire de
sérieuses réflexions sur la captivité dont ils
ont été délivrés, à en glorifier Dieu en faisant
connaître, par la sainteté de leurs mœurs,
qu'il habite en eux, et à graver fortement dans
leur cœur le mystère de la passion du Sau-
veur comme le plus grand prodige de la mi-
,, séricorde de Dieu. Si la divinité toute seule
Sermon B4,
pjg. 124. gi^t racheté les pécheurs, la victoire rempor-
tée sur le démon serait moins l'effet de la
raison que de la toute-puissance de Dieu. Si
l'humanité toute seule se fût employée pour
nous relever de notre chute, comment eûl-
elle pu affranchir la nature humaine, n'étant
que delà même condition? Il a donc fallu que
la nature humaine fût unie avec la natui'e di-
vine en Jésus-Christ, afin que la naissance et
la mort du Verbe fait chair pussent guérir nos
„ ,„. infirmités. Saint Léon fait sentir l'extrava-
65, pag. ]2o.
gance de Caïphe qui, pour rendre la réponse
de Jésus-Christ plus odieuse, déchira ses vê-
tements, sans faire réflexion qu'il se dépouil-
lait, par cette fohe, de sa dignité sacerdotale,
et qu'en déchirant de ses propres mains les
habits pontificaux^ il donnait à entendre que
M, pas. 126. l'ancienne loi était prête à expirer. Il dit que
ce fut par une sage disposition de la Provi-
dence que le temps de Pâque fut choisi pour
la passion de Jésus-Christ, parce qu'il fallait
que l'agneau, qui n'était que figuratif, fit
place à l'Agneau véritable , et que les diffé-
rentes victimes de l'ancienne loi cédassent au
sacrifice de la loi nouvelle. « Tout ce que
Moïse avait ordonné par l'inspiration du Saint-
Esprit touchant l'immolation de l'Agneau,
c'étaient autant de prophéties qui regardaient
la personne de Jésus-Christ et des figures de
sa mort. Les ombres ont disparu à l'approche
de la réalité ; la présence de la vérité a fait
cesser les images , le nouveau sacrement a
banni les anciennes cérémonies, les anciennes
hosties ont été changées dans l'hostie nou-
velle, le sang a été ôté par le sang, les céré-
monies légales ont eu leur perfection et leur
accomplissement en cessant d'être. Le Fils de
Dieu , en disant ; Faites que ce calice s'éloigne
de moi, laisse voir en sa personne des marques
delà fragilité humaine; mais en ajoutant :
Que votre volonté soit faite, il nous donne à en-
tendre que nos craintes ne doivent pas durer
toujours. C'est cette résignation à la volonté
de son Père, qui a enflammé le zèle de tous
les confesseurs et qui a couronné tous les
martyrs'. Qui pourrait en eflet supporter l'im-
pétuosité des tentations, la fureur des persé-
cutions, si Jésus-Christ ne nous avait appris
à dire au Père éternel : Que votre volonté soit
faite? Que tous les enfants de l'Eglise, rache-
tés à un si grand prix, apprennent cette leçon.
Lorsqu'ils se trouveront exposés à quelque
violente tentation, qu'ils aient recours à l'ef-
ficacité de la prière pour vaincre leursfrayeurs
et pour souffrir patiemment leurs peines. C'est
en vain que Pilate, après avoir abandonné à sermon 57,
la fureur d'un peuple injuste la vie d'un in- P''s-i2».
nocent, se lave les mains. Cette cérémonie
n'efface pasle crime dont son cœur est souillé;
l'eau qu'il répand sur ses doigts ne peut pas
expier les forfaits que son esprit a enfantés.»
Saint Léon exphque du bois de la croix de
Jésus-Christ, qui lui tenait en quelque façon
lieu de sceptre, ce que nous lisons dans Isaïe :
// nous est né un enfant qui porte sur ses épaules j^j,_ ^^
les marques de sa royauté. Sur ces paroles de
Jésus-Christ en saint Jean : Quand on m'aura j„an. x.[,23.
élevé de la terre, je tirerai tout à moi, il s'ex-
prime ainsi : « 0 merveilleux pouvoir de la
croix ! Que la gloire de la passion est ineffable!
La croix est comme le tribunal de Dieu, où il
juge le monde et où il fait éclater sa puis-
sance. Seigneur, vous avez attiré à vous toutes
choses, et après avoir tenté toutes sortes de
moyens pour faire rentrer dans son devoir un
peuple incrédule et qui a résisté opiniâtre-
ment à vos inspirations, vous avez vu tout
l'univers plier sous le joug de la foi et adorer
votre majesté. Vous avez. Seigneur, attiré
190
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
tout à vous, lorsque tous' les éléments ont fait
paraître, comme de concert, l'horreur qu'ils
avaient de l'attentat que les Juifs venaient de
commettre, lorsque les astres qui éclairent le
monde ont été éclipsés, que le jour a été
changé en une nuit affreuse, lorsque la terre
se vit ébranlée par des mouvements extraor-
dinaires, et que toutes les créatures refusaient
leur secours et leur ministère à des impies.
Vous avez attiré toutes choses à vous lorsque
le voile du temple s'est déchiré et que d'in-
dignes pontifes ont été chassés du sanctuaire,
c'est-à-dire que la vérité a pris la place des
figures; qu'on a vu l'accomplissement et l'é-
claircissement des prophéties, et que l'Evan-
gile a succédé à la loi. Vous avez. Seigneur,
attiré tout à vous lorsque ce qui était caché
sous des expressions obscui-es et figurées, et
renfermées dans le seul temple de Jérusalem,
a été manifesté à toutes les nations de l'uni-
vers. L'ordre des lévites est maintenant bien
plus illustre, la dignité des sénateurs du peu-
ple est plus considérable, l'onction des prêtres
est plus sainte, la croix est la souzxe de toutes
sortes de bénédictions et le principe de toutes
grâces ; c'est par elle que l'infirmité des
fidèles se change en force, que leurs oppro-
bres sont suivis d'une gloire infinie et que
leur mort est récompensée de la vie éter-
nelle. On n'immole plus de victimes de plu-
sieurs espèces, toutes les hosties ont cédé la
place au corps et au sang de Jésus-Christ.
Vous êtes le véritable Agneau de Dieu, l'A-
gneau qui ôte les péchés du monde. Vous
avez rassemblé en vous tous les mystères,
comme le sacrifice nouveau supplée à tous
les anciens sacrifices; ainsi toutes les nations
du monde ne font plus qu'un seul royaume.
La fête dé la passion , ou plutôt du triomphe
de Jésus -Chi'ist , qui est pour les Juifs char-
nels une nuit obscure, est pour nous une écla-
sermonEs, tante lumlèrc. C'est là le mystère surprenant à
'^'^' ""■ qui tous les autres n'ont servi que de prélude.
C'est maintenant que le sang du juste Abel
annonce la mort du souverain Pasteur, et que
le crime de Caïn, qui tua son frère, se renou-
velle dans le parricide des Juifs. C'est main-
tenant que l'arche de Noé, qui le sauva du
déluge, fait connaître la vertu du baptême et
l'efficacité du bois de la croix. C'est mainte-
nant qu'Abraham, qui est le père des nations,
devient le chef de la postérité qui lui avait
été promise, et que les fidèles de sa race re-
çoivent la bénédiction de la foi, et non pas
des bénédictions temporelles. C'est mainte-
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
naut que le mois sacré nous ouvre la célé-
bration de la fête qui surpasse toutes les au-
tres fêtes, puisque ce mois a donné commen-
cement au christianisme. »
Saint Léon fait voir combien était vaine
l'accusation des Juifs, qui faisaient un crime à
Jésus-Christ d'avoir afl'ecté la royauté, puis-
que tout ce que Jésus-Christ avait ou dit ou
fait, marquait une puissance divine, et non
pas le pouvoir d'un roi de la terre. « En effet,
dit-il , Jésus ne s'opposa jamais à l'exécution
des lois romaines ; il paya le tribut au prince ;
il enseigna aux autres à le payer, disant qu'il
faut t'endreà César ce qui est à César, et à Dieu
ce qui est à Dieu. 11 aima la pauvreté, il con-
seilla l'obéissance, il recommanda la douceur :
maximes qui défendaient plutôt l'autorité de
César qu'elles ne la combattaient. » Saint
Léon dit que le Sauveur désapprouva les
larmes que la peine arrachait aux femmes qui
le voyaient conduire au supplice, parce qu'il
ne croyait point que les larmes convinssent à
un jour de triomphe, et qu'il regardait leurs
lamentations comme déshonorant sa victoire.
Il attribue à la prière que Jésus-Christ fit sur
la croix, pour ceux qui l'y avaient attaché,
une si grande efficacité, qu'elle causa la con-
version d'une infinité de ces mêmes per-
sonnes qui avaient crié un peu auparavant :
Que son sang retombe sur nous et sur notre pos-
térité. A quoi il ajoute que le traître Judas
n'eut point de part à celle grâce, parce qu'il
était le fils de la perdition dont le démon s'é-
tait emparé , et qu'il aima mieux s'abandon-
ner à son désespoir que de participer à l'elfi-
cacité de la rédemption générale que Jésus-
Christ avait méritée par son sang, étant mort
pour tous les impies. « Quoique le Père, le
Fils et le Saint-Esprit aient une même divi-
nité, dit-il; bien que l'essence de la très-sainte
Trinité soit éternelle et la même dans les trois
personnes, qu'elles ne soient point divisées
en elles-mêmes, qu'elles soient parfaitement
égales et qu'elles n'aient jamais cessé d'être,
que toutes les opérations soient communes
dans cette ineffable unité de la Trinité, c'est
néanmoins, à pi'oprement parler, la personne
du Fils qui s'est chargée de la rédemption du
genre humain. Comme c'est lui qui a inspiré
le soufHe de vie à l'homme formé du limon
de la terre , il a remis dans sa première di-
gnité la nature humaine déchue de ses droits
par le péché, voulant en être le réformateur
après en avoir été le créateur. Le sang qu'il
a répandu pour réparer l'homme a été d'un
Sermon o9,
pag, 13-!.
60, pag, 133.
Sermon 6t,
pag. 135.
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
191
si grand prix, que s'ils eussent tous voulu
croire en lui, ils eussent été délivres de leur
captivité. La mort d'un grand nombre de
saints a été précieuse devant Dieu ; mais leur
martyre n'a point opéré la rédemption du
genre humain. Ils ont reçu des couronnes et
n'en ont point donné; la force et le courage
qu'ils ont témoignés sont des exemples de
patience pour nous; ce ne sont point des
grâces qui nous justifient; le mérite de leur
mort a été personnel et particulier à chaque
saint, sans qu'ils aient expié, en répandant
leur sang, le supplice des autres. Il n'y a eu
que Jésus-Clirist dans lequel tous les hommes
aient été crucifiés, dans lequel ils soientmorls
et ensevelis , et avec lequel ils soient ressus-
joan.xii, 32. cltés. Vollà pourquoï il disait : Quand on
m'aura élevé de la terre, je tirerai tout à moi.
Sermon c2, C'cst par Jésus-Chrlst que les fidèles de l'un
^'°' "^' et de l'autre Testament ont été justifiés, et il
n'y a point de différence entre les mystères
que les saints de l'Ancien Testament croyaient
et ceux que la religion chrétienne nous pro-
pose. Ils espéraient que le genre humain se-
rait racheté par le Messie ; les prophètes l'ont
annoncé , et il a été prédit sous différentes
figures qui sont toutes passées en réalité
dans les sacrements de Jésus-Christ. Le saint
chrême et la consécration des prêtres ont
succédé à la circoncision. Le baptême nous
tient lieu de la purification qu'on obtenait par
les sacrifices, les prophéties ont cessé par
l'accomplissement de ce qu'elles annonçaient;
63 pag. 138. '^'^i^ c^'^'ài toujours la même foi qui justifie
les saints dans tous les temps, et qui nous
oblige à croire ce que Jésus-Christ, média-
teur entre Dieu et les hommes, a opéré pour
notre salut, et que nos pères ont cru comme
des mystères qui se devaient accomplir dans
la suite des temps. »
Saint Léon dit que l'union qui est entre la
nature humaine et Jésus-Christ, est si étroite,
que c'est son esprit qui anime non-seule-
ment cet homme, qui est le premier né de
toutes créatures, mais aussi tous les saints,
qui sont ses membres. « Comme le chef ne
peut être séparé des membres, ajoute-t-il,
ainsi les membres ne doivent point être di-
visés du chef. Cette multitude infinie de
martyrs qui ont fait paraître tant de force,
ont souffert avec lui, et à son exemple, et
c'est pour sa gloire que tant de fidèles ont
été régénérés dans les eaux du baptême;
,, depuis le moment que le Verbe s'est fait
64, pag. lio. ^ ^
chair dans le sein de la Vierge, il n'y a au-
cune division entre la substance divine et la
nature humaine; toutes les actions de Jésus-
Christ appartiennent à la môme personne ;
il ne faut pas toutefois les confondre, mais
les attribuer chacune à la nature qui en est
le principe. Lorsque le Verbe fait chair souf-
frait, ses peines ne regardaient pas le Verbe :
il n'y avait que le corps qui soufl'rait, mais
les tourments qu'endurait l'humanité retom-
baient en quelque façon sur le Verbe; en sorte
qu'on peut lui attribuer ce qu'il a souffert en
son corps. C'est en ce sens que l'apôtre saint
Paul dit : S'ik l'eussent connu, ils n'eussent ja- ,(.„j „ j_
mais crucifié le Seigneur et le Moi de gloire. Les
Juifs ne connaissaient pas dans le corps d'un
homme la substance de la divinité, et ils ont
méprisé la douceur de celui qui se soumet- sermones
tait à leur jugement. Tout ce que leur im- '"'^' '*'"
piété a commis contre lui, avait été prédit
longtemps auparavant, plutôt comme des
choses présentes aux yeux des prophètes
qui les annonçaient, que comme des choses
futures. David, Tun des ancêtres de Jésus-
Christ selon la chair, a parlé de sa passion
plus de onze cents ans auparavant. Ce prince
n'a souffert aucun des supphces dont il parle
comme d'une chose arrivée à sa propre per-
sonne; mais Jésus-Christ, qui devait prendre
naissance dans la race de David, parlait par
sa bouche. On peut dire, toutefois, que Da-
vid a souffert en Jésus-Christ, parce que le
corps qui a été crucifié, venait du sang de
David. Lorsque nous lisons dans le livre des ^ ^^
Actes que les Juifs ont fait, à l'égard de Jé-
sus-Christ, ce que Dieu en avait ordonné
dans son conseil , il ne faut pas s'imaginer
que l'iniquité des persécuteurs de Jésus-
Christ eût été fondée sur les décrets de Dieu,
ni que les mains du Très-Haut eussent trem-
pé dans un crime qui surpasse tous les au-
tres. Les pernicieux conseils des Juifs, qui
ont conduit avec tant d'artifice Jésus-Christ
à la mort, sont bien différents des conseils
de Dieu, qui ont disposé l'ordre de la pas-
sion. La volonté de faire mourir Jésus-Christ
ne vient pas du même principe que le désir
qu'il avait lui-même de mourir ; la barbarie
des Juifs et la patience du Sauveur n'a-
vaient pas le même motif. Ce n'est pas le
Sauveur qui a armé contre sa personne les
mains, criminelles des Juifs, il s'est contenté
de souffrir leur violence. Il n'a point forcé -
leur liberté en prévoyant ce qui devait arri-
ver, quoiqu'il n'ait pris un corps que dans le
dessein de souffrir. En un mot, il s'est servi.
192
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pour l'utilité des fidèles, de la mauvaise vo-
lonté de ses pei'sécuteurs. Jésus étant sur la
Psaira.xxi.i. croix Cria à haute voix : Pourquoi m'avez-
vous abandonné? Faut-il croire qu'il ait de-
mandé à son Père de lui prolonger la vie,
lui qui l'a quittée quand il l'a voulu, et qui
l'a reprise de même par sa propre puis-
sance ? Non, ce n'est pas le Père qui a aban-
donné le Fils; c'est le Fils qui s'est aban-
donné lui-même en quelque manière, non
en cédant lâchement et en succombant à sa
peur, mais par une volonté pleine el entière.
sermon 6b, CbM qui SB laissait crucifier, ne s'est point
'"'^' '"■ servi de son pouvoir contre ses persécuteurs;
il n'a point voulu faire éclater sa toute-puis-
sance, de peur d'interrompre le cours de ses
dispositions secrètes. 11 était venu pour dé-
truire l'empire de la mort et pour confon-
dre par sa passion l'auteur de la mort même.
Comment eût-il pu sauver les pécheurs, s'il
eût résisté à ses bourreaux?»
Saint Léon dit que si Dieu a différé si long-
67, pag. 144 ^ . "
temps le mystère de ITncarnation, c est aiin
qu'on rendît d'abord à ce mystère tout l'hon-
neur qui lui est dû après l'avoir cru si long-
temps. «La foi est le fondement des choses que
l'on espère, et une preuve certaine de ce qui
ne se voit point; ainsi, c'est un effet delà
bonté de Dieu, d'avoir différé jusqu'à ce
temps l'exécution de ces grandes merveilles,
afin de nous en faciliter l'intelligence par la
multitude des témoins et des autorités. Il
faut donc croire sans hésiter, tout ce que
l'Ecriture nous apprend de la passion de Jé-
sus-Christ. En lui la divinité est réellement
unie avec l'humanité ; la même personne est
Verbe et chair tout ensemble. Si Jésus-
Christ est de même substance que le Père, il
est aussi de même substance que sa Mère. Il
n'y a point en lui une double personne, et
les essences n'y sont point confondues. Il est
impassible par rapport à la divinité ; mais il est
sujet à la mort par rapport à son humanité. La
force divine soutient la faiblesse humaine ;
son infirmité ne fait aucun tort à sa toute-
puissance. Ce n'est point par nécessité qu'il
s'est soumis aux tourments, c'est par un pur
effet de sa miséricorde. » Après avoir ainsi
expliqué les principales circonstances de la
passion du Sauveur, saint Léon demande
qui est celui qui honore dignement ce mys-
* tère, et celui de la résurrection. «C'est,
répond-il, celui qui souffre, qui meurt, et
Sermons
snr la Hésnr-
qui ressuscite avec Jésus -Christ. Tous les
enfants de l'Eglise participent en quelque ^J'uS""
sorte aux fruits de ces mystères dans le bap-
tême. La mort du péché est la vie de celui
qui renaît. Si l'on plonge trois fois dans l'eau
celui que l'on baptise, c'est pour imiter le
Fils de Dieu qui demeura trois jours dans le
tombeau. On se dépouille du vieil homme
dans le baptême, pour se revêtir du nou-
veau. Il faut que les œuvres correspondent
au sacrement, et que ceux qui ont eu le
bonheur de renaîti'e par le baptême, em-
ploient dans la mortification, et à porter la
croix, ce qui leur reste de temps à vivre. »
8. Les deux sermons suivants sont intitu-
lés ordinairement, de la Résurrection du Sei- rëition!
gneur. 11 est toutefois certain que saint Léon
ne les fil pas le jour même de Pâques, mais
le samedi précédent. C'est ce que l'on voit
par le dernier discours ' sur la Passion de
Jésus-Christ, où il dit : « Il me reste main-
tenant à parler du mystère de la résurrec-
tion; mais, de peur de vous être à charge, il
est à propos de différer de traiter cette ma-
tière jusqu'à samedi.» En effet, le dimanche
de Pâques était si occupé, soit pour l'ins-
truction et le baptême des catéchumènes,
soit pour la célébration des divins mystères,
qu'on aurait eu peine de trouver le temps
de prêcher sur la fête du jour. On doit dire
la même chose du second discours. 11 fut
prononcé ^ le jour qu'on avait lu dans l'é-
ghse l'histoire entière de la Passion et de la
Résurrection de Jésus-Christ. Or, cette lec-
ture convenait au samedi saint, où l'on avait
coutume de lire les divines Ecritures, pour
remplir le vide qui se trouvait entre l'office
de ce jour et celui de la fête de Pâques.
Saint Léon s'occupe dans ces deux discours
à exphquer le fruit que nous devons retirer
de la Passion et de la Mort du Sauveur. Il
remarque que, dans la crainte que l'âme des
disciples ne succombât sousle poids d'une trop
longue tristesse, Jésus-Christ abrégea, autant
qu'il fut en son pouvoir, l'espace des trois
jours qu'il devait demeurer dans le tombeau;
que la dernière partie du premier jour, el la
première partie du troisième jour, avec le
jour d'entre les deux tout entiers, suffirent à
l'impatience qu'il avait de les revoir; de
sorte qu'un espace de temps assez court
remplit le nombre des trois jours. « L'âme
du Sauveur, ajoute-l-il, ne fit pas un long
Sormop 09,
psg. 148.
1 Léo, Serm. 68, pag. 148.
3 Serm. 70, pag. 150,
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
séjour dans l'enfer, et son corps ne fut pas
longtemps clans le tombeau. Cette chair in-
corruptible reprit une nouvelle vie; la sépa-
ration de son âme ressemblait plutôt à un
doux repos qu'à une mort véritable. La di-
vinité, qui ne se sépara jamais de son corps
et de son âme, réunit par sa toute-puissance
ce qu'elle avait divisé par la même puis-
sance. La pierre qui couvrait le sépulcre et
qui avait été levée et ôtée de sa place; les
linges dont Jésus-Christ avait été enseveli,
Sermon 71
. f52.
qui demeurèrent au tombeau, et le récit des
anges aux disciples, qu'ils assurèrent de la
résurrection de leur maître, étaient des
preuves authentiques qu'il était ressuscité;
le Sauveur voulut néanmoins se manifes-
ter plusieurs fois à eux et aux femmes qui
l'avaient suivi, pour les confirmer davantage
dans la'créance de ce mystère. Il ne se con-
tenta pas de leur parler souvent, il voulut
même habiter et converser parmi eux; il
mangea en leur présence ; il permit qu'on le
touchât et qu'on l'examinât soigneusement
pour les guérir de leurs doutes. »
Saint Léon nous fait envisager la croix de
Jésus- Christ, qui a été l'instrument de notre
rédemption, comme un sacrement et comme
un modèle. « C'est un sacrement qui nous
communique la grâce divine; c'est un mo-
dèle pour animer la ferveur et la piété
des hommes. Après avoir été délivrés de la
captivité, nous avons encore cet avantage
de pouvoir imiter notre Rédempteur. Si l'on
suit les mœurs, les opinions et les manières
de celui qu'on a choisi pour chef, ne devons-
nous pas, pour remplir le caractère de chré-
tien que nous portons, nous attacher insépa-
rablement à Jésus-Christ, qui est la voie, la
vérité et la vie? Il est la voie qu'il faut suivre
pour vivre saintement; il est la vérité qui
nous a appris la saine doctrine ; il est la vie
qui nous communique la félicité éternelle. »
11 explique le nom âe passage que les Hébreux
donnaient à la solennité que nous appelons
Pâques, de la nature humaine et de son élé-
vation par son union avec le Verbe divin.
9. Il dit que le séjour que Jésus-Christ fit
sur la terre après sa résurrection, et les
doutes des disciples, leurs regards curieux,
ce qu'ils entendirent de la bouche de leur
Maître, et les réponses qu'il leur fit, nous
confirment dans la croyance de sa résurrec-
tion. « Ils ont douté, dit-il, pour nous em-
pêcher de douter nous-mêmes. L'intervalle
qui sépare la Résurrection de l'Ascension,
X.
Sermon 72,
pag. 153.
SAINT LEON, PAPE. 193
ne s'est pas écoulé inutilement; on a révélé
durant ces quarante jours de grands mys-
tères, et l'on a confirmé des sacrements bien
augustes. C'est en ce temps-là qu'on nous a
fortifiés contre les horreurs d'une mort
cruelle, et qu'on nous a fait connaître que
la chair était immortelle comme l'âme; c'est
alors que le Sauveur du monde, en soufflant
sur les Apôtres, leur a communiqué le Saint-
Esprit, et que l'on confia à saint Pierre les
clefs du royaume du ciel et le soin du trou-
peau du Seigneur. C'est alors que le Sauveur
reprocha aux deux disciples leur timidité et
leur incréduhté, pour dissiper nos craintes
et nos incertitudes. Il découvrit à ses Apô-
tres les cicatrices qui étaient demeurées à
ses pieds et à ses mains ; il les exhorta à les
manier et à les considérer attentivement,
ayant conservé sur son corps les vestiges
des clous pour guérir les blessures que l'in-
fidélité avait faites dans leurs cœurs : car il
voulait que l'on crût avec une foi inébranla-
ble que cette même nature qui avait reposé
dans le tombeau^ était assise sur le trône du
Père éternel: mais, après l'ascension de Jé-
sus-'Christ , les disciples et les Apôtres se
trouvèrent tellement fortifiés par ce mystère,
que tout ce qui les avait épouvantés aupara-
vant, les comblait de joie. Ils considéraient
Jésus-Christ assis à la droite de son Père; ils
ne faisaient point de difficulté de croire que
le Fils de Dieu, en descendant sur la terre,
n'avait point été séparé de son Père, et qu'il
n'avait point abandonné ses disciples en
montant au ciel. »
10. « De même que la loi fut donnée à
Moïse sur le mont Sinaï le cinquantième
jour après l'immolation de l'agneau pascal;
ainsi le Saint-Esprit descendit sur les Apô-
tres et sur les disciples le cinquantième jour
d'après la résurrection de l'Agneau de Dieu,
immolé sur le calvaire : d'ovi l'on voit que
les commencements de l'Ancien Testament
ont été comme les préludes du Nouveau. La
majesté du Saint-Esprit fut sans doute pré-
sente dans l'assemblée des fidèles sur les-
quels il descendit; mais il ne faut pas croire
que la substance du Saint-Esprit ait été réel-
lement dans ces langues de feu qui furent
aperçues par les sens. La nature divine,
commune aux trois personnes de la Trinité,
s'est manifestée d'une manière conforme à
ce qu'elle voulait opérer, mais eUe a contenu
dans sa divinité la propriété de son essence,
qui est d'être invisible. » Saint Léon prend 7i,par. tse
13
S erm on s
sur la Pente-
côte.
Sermon "i
pag. 155.
194
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
occasion de ce qui est dit dans les Actes
touchant la descente du Saint-Esprit, de
montrer qu'il y a entre les trois Personnes
une égalité parfaite de puissance, de volonté
et d'opération. « Si, ajoute- 1 -il, l'Eglise
catholique attribue aux Personnes divines
des propriétés particulières, ce n'est point
pour confondre nos lumières, mais pour
nous faire connaître plus distinctement la
vérité de la Trinité, atin que l'entendement
ne divise pas ce que l'oreille distingue. Ou
ne pourrait se former une idée de la Trinité,
si on se la représentait toujours comme une
chose inséparable; c'est pour cela qu'on
donne au Père, au Fils et au Saint-Esprit des
notions singulières. Au reste, si le Saint-Es-
prit descendit sur les Apôtres le jour de la
Penfecôte, ce n'était pas la première fois
qu'il eût fait part de ses dons aux hommes ;
ce n'était qu'une continuation de ses grâces.
Les patriarches, les prophètes, les prêtres,
les saints de l'ancienne loi, ont tous été ani-
més et sanctifiés par le Saint-Esprit ; sans sa
grâce, on n'aurait jamais institué aucun sa-
crement ni célébré aucun mystère; quoique
la mesure des dons n'ait pas toujours été la
même, ils ont eu la même force, n Saint
Léon réfute l'erreur de Manès, qui ensei-
gnait que, jusqu'à son temps, TEglise avait
été privée du Saint-Esprit. Cet imposteur ne
parut dans le monde que deux cent-soixante
ans après la résurrection du Seigneur, sous
l'empire de Probus, et sous le consulat de
Paulin, durant la fureur de la huitième per-
sécution, où plusieurs milliers de martyrs
furent immolés à la gloire de Dieu. Dira-t-on
que Jésus-Christ ait différé pendant un si
long temps la promesse qu'il avait faite à ses
Apôtres en montant au ciel, de leur envoyer
«crmonTô l'Esprit do vérité ? Ce Père exphque encore
png. 159. ' comment les trois personnes de la Trinité
ont partagé entre elles l'ouvrage de notre ré-
demption, et comment ce partage ne détruit
point leur égahté et leur consubstantiahté.
« Le Père a eu, dit-il, compassion de nos
malheurs, le Fils s'est chargé d'y remédier,
le Saint-Esprit a tout enflammé par le feu
de sa charité. »
H. Nous avons quatre sermons de saint
Sermons ^
17 u Se- Léon sur le Jeûne de la Pentecôte. On y voit
'^"°- que les jeûnes ont été institués par l'inspi-
Sermon 76, . -, ^ . . ,t ■ , . i i i
pag. 161. ration du Samt-Esprit, et que les docteurs
de l'Eglise naissante ont fondé sur le jeime
les premiers éléments de la milice chrétienne,
afin que ceux qui se préparaient à combattre
Sermoni
pag. 161.
Sermo
sur les a
très sai
Pierre etst
Paul.
Sermon
pag. 16;i.
les puissances infernales, prissent les armes
de l'abstinence pour réprimer l'impétuosité
des vices. On a établi ces jeûnes après les
fêtes, afin que si nous nous étions oubliés
durant la fête par trop de liberté ou de né-
gligence, nous puissions expier nos fautes
par l'abstinence. Ce Père semble dire que le
jeûne de la Pentecôte est d'institution apos-
tolique : car il dit en général que toutes les
saintes pratiques établies dans l'Eglise ,
viennent de la tradition apostolique. Le pre-
mier degré, pour jeûner utilement, est de
s'abstenir de toutes erreurs. Il faut encore
qu'il soit animé de la grâce du Saint-Esprit :
sans cela, il nous sera inutile, puisque l'Apô-
tre dit que les vertus dénuées de la charité,
ne servent de rien. On doit encore joindre 7s, pag.u
l'aumône au jeûne, en sorte que nous dé-
pensions en charité ce que nous épargnons
par le jeûne. L'abstinence étouffe les désirs 79, pag. m
de la chair, et la miséricorde fait fructifier
les désirs de l'âme.
12. Ce saint Pape fait voir dans le sermon
sur la Fête des apôtres saint Pierre et saint Paul,
combien la gloire de la viUe de Rome s'est
augmentée par la religion, et par le minis-
tère des Apôtres. « Ils vous ont, dit-il, éle-
vée à ce haut degré de gloire, qu'on vous
appelle maintenant la race choisie, la nation
sainte, le peuple conquis, la ville royale et
sacerdotale. Le siège de saint Pierre vous a
rendue la capitale de l'univers, et la religion
chrétienne a plus étendu votre empire que
n'avait fait la domination des princes de la
terre. Quoique vos limites aient élé reculées
par une infinité de victoires, et que la terre
et la mer aient subi le joug de votre empire;
néanmoins, ce que vous avez acquis par les
droits de la guerre, est moins considérable
que ce que la paix de Jésus-Christ vous a
soumis. 1) La raison qu'il donne de l'établis-
sement du premier siège de l'Eglise dans la
ville de Rome, est afin que lu lumière de l'E-
vangile qui devait éclairer tout le genre hu-
main, répandit plus efficacement ses rayons
partout, parce qu'il n'y avait aucune nation
dans le monde dont il n'y eût alors des hom-
mes à Rome, ou qui ignorât ce que cette
ville avait appris. Il relève la force et la cha-
rité de saint Pierre, qui ne trembla point à
l'aspect de cette maîtresse du monde, lors-
qu'il y vint prêcher l'Evangile. Il dit qu'il
entra sans crainte dans cette forêt remphe
de bêtes féroces , et qu'il marcha sur cet
océan tumultueux avec plus de constance
V" SIECLE.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
195
qu'il n'avait marché autrefois sur la mer. Il
fait pareillement l'éloge de saint Paul, « qui
accourut, dit-il, au même temps dans celte
ville où la pudeur, l'innocence et la liberté
étaient aux abois sous l'empire du cruel Né-
ron. Les persécutions de ce prince ne firent
aucune brèche à l'Eglise, elles ne servirent
qu'à lui donner un nouveau lustre; le champ
du Seigneur en pi'oduisit de plus riches
moissons, tous les grains qui tombaient re-
naissant et se multipliant. »
Le discours suivant fut fait le jour de l'oc-
tave de ces saints Apôtres, où l'on rendait
grâces à Dieu de la délivrance de Rome.
Salut Léon s'y plaint de ce que les Romains
avaient plus de zèle pour les jeux du cirque
que pour le culte des saints Apôtres ; en quoi
ils manquaient de reconnaissance. « Qui est-
ce, leur dit-il, qui a réformé les mœurs de
cette ville? Qui est-ce qui l'a délivrée de
l'esclavage ? Qui est-ce qui a fait cesser les
massacres? Sont-ce les mérites des saints ou
les jeux du cirque? Leurs prières ont fléchi
la justice de Dieu et révoqué la sentence;
nous mérilions de sentir les effets de sa co-
lère, et il nous a fait sentir les effets de sa
clémence. » Les uns rapportent ce discours
aux ravages d'Attila en 452, d'autres aux in-
cursions des Vandales, dont Rome fut déli-
vrée par la médiation de saint Léon, en 435.
13. Le sermon en l'honneur des sept frè-
res martyrs Machabées, fut prononcé le jour
de leur fête. Comme on avait lu publique-
ment dans l'église l'histoire de leur mai'tyre,
telle qu'elle est rapportée dans les livres qui
portent leurs noms, il n'en relève pas les
circonstances; il fait seulement une réflexion
sur les persécutions, et dit : « Si vous croyez
qu'elles ont entièrement cessé, entrez dans
le secret de vos cœurs, examinez-en soigneu-
sement tous les replis. Voyez si vous n'êtes
combattus d'aucune adversité, et si aucun
tyran ne tâche de s'emparer de votre esprit
pour le réduire en servitude. Ne vous fami-
liarisez point avec l'avarice; faites rme
guerre continuelle à l'orgueil; craignez plus
l'élévation de la gloire que l'abaissement de
l'humilité; bannissez la colère et Tamour de
la vengeance; renoncez aux voluptés, à l'ini-
quité, aux tromperies et au mensonge. » On
célébrait le même jour à Rome, la fête de la
Dédicace de l'Eglise, où saint Léon fit l'éloge
des Machabées : c'est pourquoi il dit qu'il
y avait ce jour-là un double sujet de réjouis-
sance dans la dédicace de l'Eglise et dans le
triomphe des martyrs. Il dit que celui qui
avait bâti cette église, avait encore formé
les âmes à la piété, étendu ses bonnes œu-
vres au-delà des bornes de sa vie, par ses
saintes institutions. On croit qu'il veut par-
ler de Sixte III, son prédécesseur, à qui le
Pontifical et le pape Adrien, dans sa lettre à
Chai'lemagne , attribuent la construction
d'une basilique eu l'honneur de Marie Mère
de Dieu.
14. Saint Léon dit, dans le discours qu'il fil
sur la Fête de saint Laurent, que le Seigneur
a tellement ménagé le courage qu'il inspirait
aux martyrs, que la mort, ni les plus cruels
supplices ne les épouvantaient point, et qu'ils
ont eu la force de marcher sur les traces de
Jésus-Christ. 11 ajoute que celle qui soutenait
saint Laurent, l'empêchait non-seulement de
succomber, mais qu'elle fortifiait encore les
autres par l'exemple de sa patience ; que le
feu qui le brûlait au dehors, était bien plus
languissant que celui dont il était enflammé
au dedans ; qu'il est un de ces saints dont il
s'est servi pour faire connaître son nom par-
tout l'univers, et pour étendre sa gloire de-
puis l'orient jusqu'au couchant; qu'autant
saint Etienne a illustré Jérusalem, autant
Rome est devenue célèbre par le martyre de
saint Laurent.
15. 11 dit dans le premier sermon sur le
Jeûne du septième mois, qu'il en ordonne lui-
môme l'observation par l'autorité que Dieu
lui a confiée. Il conseille de joindre l'aumône
au jeûne, et même la retraite, parce qu'il est
utile de se dérober de temps en temps aux
afl'aires du monde, pour vaquer avec plus
de ferveur à son salut. Il enseigne que les
œuvres de piété qui sont publiques, et qui se
pratiquent par toute la communauté des
fidèles, sont plus saintes et d'un plus grand
mérite que celles que chacun s'impose en
son particulier; que l'abstinence que chaque
fidèle observe en secret, est pour son utilité
et pour sa sanctification personnelle ; mais
que le jeûne que toute l'Eglise impose au
corps des fidèles, n'exclut personne de sa
sanctification générale; que la force du peu-
ple de Dieu se redouble, lorsque tous les
cœurs des fidèles se réunissent par le nœud
d'une sainte obéissance. « On ne vous pres-
crit rien de trop rude, ajoute-t-il, ou de trop
difficile, ou qui soit au-dessus de vos forces,
pour la rigueur de l'abstinence, ou pour
la libérable de l'aumône. Chaque particulier
sait au juste ce qu'il peut ou ce qu'il ne peut
Sermon de
saint L3ti<
Ti-M, p. 168.
Sermon 83.
Sermons
snr le Jeûne
du septième
mois.
Sermon 8
pag. 169.
86, pag. no.
196
HISTOIRE GÉNÉRA.LE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sermon 87,
paf. 171.
, pag. 1-3.
89, paj. 174.
pas. » Ce saint Pape veut que Ton soit gai et
content quand on donne, et que l'on tempère
tellement ses libéralités, que les besoins do-
mestiques n'en souffrent pas, et que les pau-
vres aient de quoi se sustenter. Selon- lui, il
est libre à un chacun de châtier son corps
par des mortifications volontaires; mais il ne
l'est pas de ne point observer en de certains
temps les jeûnes prescrits à tous les fidèles.
Il veut que dans la distribution des aumônes
nous préférions aux étrangers ceux qui nous
sont liés par l'union de la foi catholique et
de la grâce. Il attribue aune sage disposition
de la Providence qu'il y ait toujours des
pauvres dans l'Eghse, de même que des gens
riches pour s'entr'aider les uns les autres, par
la diversité de leur fortune, à mériter des ré-
compenses éternelles. Il ne connaît que deux
espèces d'amour, l'amour de Dieu et l'amour
du monde, qui sont, dit-il, les sources de
tous nos désirs. Jamais il ne peut y avoir
d'excès dans l'amour de Dieu ; mais tout est
nuisible et pernicieux dans l'amour du
monde. Voilà pourquoi il faut nous attacher
inséparablement aux biens éternels, et user
en passant des biens temporels.
Dans le sixième discours sur le Jeûne du
septième mois, saint Léon marque que l'Eglise
avait séparé du corps mystique de Jésus-
Christ certains hérétiques qui osaient sou-
tenir, contre la doctrine des apôtres, qu'il n'y
a qu'une nature en Jésus-Christ. « La foi ca-
tholique, dit-il, condamne toutes sortes d'er-
reurs ; elle proscrit celle de INestorius, qui
sépare la nature divine de la nature hu-
maine ; elle déteste l'erreur d'Eutychès, qui
exclut l'humanité pour ne reconnaître que la
divinité. Le Fils de Dieu est véritablement
Dieu comme son Père ; il lui est parfaitement
égal, aussi bien que le Saint-Esprit ; mais il
n'a pas dédaigné de se faire homme, ni cessé
d'être Dieu, en s'unissant à la nature hu-
maine. Il a tellement accordé la divinité avec
l'humanité, qu'il a honoré la nature humaine,
au lieu de l'anéantir en s'unissant à elle.
Quoiqu'il se soit revêtu de la forme d'un es-
clave, il n'a point perdu la forme et la nature
de Dieu; c'est la même personne dans les
deux natures. D'après saint Léon, le sacrifice
de l'Eucharistie prouve la vérité du corps de
Jésus-Christ. Ce sacrifice est pur, quand on
n'a pas de sentiments contraires. Le Sauveur
a dit : Si vous ne mangez la chair du Fils de
l'homme et ne buvez son sang, vous n'aurez point
la vie en vous. Vous devez donc approcher de
Isai 1, 13.
la table sacrée avec une telle disposition d'es-
prit, que vous n'ayez aucun doute sur la réa-
lité du corps et du sang de Jésus-Christ ; on
prend avec la bouche ce qu'on croit par la
foi. »
Il enseigne que les préceptes moraux de la
loi ancienne ont la même force parmi nous
qu'ils avaient parmi les Juifs, et que Jésus-
Christ n'a aboli que les observations légales,
comme les purifications, les sacrifices, le re-
pos du sabbat : ainsi les préceptes affirma-
tifs ou négatifs de l'ancienne loi, c'est-à-dire
qui ordonnent ou qui défendent de faire cer-
taines choses, ont encore toute leur force en
ce qui regarde la morale. « Il ne faut pas
croire que la perfection évangélique leur soit
contraire. La vertu des chrétiens est plus en-
tière et plus parfaite que celle des pharisiens
et des scribes. Ils jeûnaient pour s'attirer les
applaudissements et les louanges des hom-
mes ; aussi Dieu dit d'eux par le prophète
Isaïe : Mon âme a de l'aversion pour votive jeûne.
Pour que le jeûne soit saint et méritoire, il
ne faut pas qu'il soit gâté par une vaine os-
tentation, ni que les fidèles dépendent du
caprice des hommes, ni des jugements hu-
mains dans la pratique de la vertu. Il suffit
de plaire à Dieu quand on l'aime ; l'amour
même est la plus grande récompense de l'a-
mour; Dieu est tout ensemble charité, et le
principe de la charité ; une âme qui a de la
vertu et de la piété se contente de posséder
Dieu et ne souhaite rien davantage. Quoique s„œ„i
nous soyons devenus une créature nouvelle p^s-ns.
par la grâce de Jésus-Christ, et que l'image
de l'homme terrestre ait été changée en celle
de l'homme céleste, cependant, tandis que
nous sommes revêtus d'un corps mortel, il
faut que nous soyons toujours en garde con-
tre les désirs de la chair. Une âme soumise
à Dieu doit être dans une perpétuelle inquié-
tude, de peur de s'abandonner au péché ;
elle a toujours de quoi combaltre et de quoi
vaincre. »
Saint Léon fait voir que la vertu cause plus
de plaisir que le vice, et que dans un homme
qui n'est pas esclave de ses passions, la rai-
son trouve un plus grand plaisir à pardonner
une injure qu'à la venger; à donner son bien
qu'à prendre celui d'autrui ; à vivre avec
tempérance et frugaUté, qu'à s'abandonner
au luxe et à la Jjonne chère. Il dit que le
jeûne du septième mois, pratiqué dans l'an-
cienne loi, a été renouvelé par les apôtres;
que le plus utile et le plus excellent de tous
92, pag. 1
[V SIÈCLE.]
les jeûnes, est de s'abstenir des mauvais dé-
sirs ; ce qui n'empêche pas que l'abstinence
des viandes ne soit méritoire quand elle est
l'effet de l'abstinence intérieure. Il donne
pour raison de l'institution des Quatre-Temps,
que c'est pour nous faire souvenir que nous
avons besoin de nous purifier en tout temps,
et de faire tous nos efforts pour effacer par
les jeûnes et par les aumônes les péchés que
nous avons commis par la fragilité de la
chair.
IG. Certains marchands égyptiens, venus à
Rome, y soutinrent qu'il n'y avait en Jésus-
Christ que la seule nature divine, et qu'il
n'avait pas pris un corps véritable dans le
sein de la sainte Vierge. Saint Léon, en étant
averti, réfuta publiquement cette erreur dans
l'église de Sainte-Anastasie. Il montra que
cette hérésie avait autrefois été condamnée
dans Photin, dans les manichéens et dans
Apollinaire. Il ajouta que la foi catholique
nous enseignait que le Fils unique de Dieu a
pris une chair véritable et une âme humaine,
ayant été conçu par l'opération du Saint-Es-
prit dans le sein de la Vierge ; qu'ayant un
corps, il a pu faire des actions corporelles ;
mais qu'étant Dieu, il a toutes les vertus in-
séparables de la divinité ; que si c'est une suite
de la faiblesse humaine d'avoir faim et soif,
de dormir, de craindre, de mourir, c'est une
marque de la puissance divine, de marcher
sur les ondes, de changer l'eau en vin, de
ressusciter les morts, de faire trembler la
terre en mourant et de monter au ciel après
s'être ressuscité ; que ceux qui distinguent
bien ces difterentes propriétés savent ce qu'ils
doivent attribuer à la divinité et à l'humanité.
Il exhorte les fidèles à n'avoir aucun com-
merce avec ces hérétiques, parce que l'Eglise
les avait retranchés de sa communion par un
jugement équitable.
17. Le sermon sur la Transfiguration est
une explication de l'endroit de l'Evangile où
l'histoire de ce mystère est rapportée. Saint
Léon y dit que la sublimité de la foi de saint
Pierre lui mérita les éloges de Jésus-Christ,
qui le compara à une pierre solide sur la-
quelle son Eglise était fondée ; que Jésus-
Christ se transfigura pour prouver la vérité
de sa chair, pour rassurer ses apôtres contre
les horreurs de la croix, effacer de leur cœur
le scandale de la croix, pour confirmer leur
foi qui aurait pu être ébranlée par la mort
de leur maître; enfin, pour fortifier l'espé-
rance des fidèles, en leur faisant connaître à
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
li
quelle gloire ils étaient destinés, puisqu'ils
devaient participer à celle qui avait brillé
dans leur Sauveur. Le témoignage du Père,
qui fit entendre du milieu d'une nuée ces pa-
roles : C'est mon Fils bien-aimé, écoutez-le, était MauL xvn,
plus que suffisant pour ôter aux apôtres tous
leurs doutes. C'est comme si le Père leur
avait dit : C'est mon Fils qui est avec moi
avant tous les temps, la divinité ne nous sé-
pare point, notre puissance est égale ; ce
n'est point un Fils adoptif, je l'ai engendré
de ma propre substance, et il fait tout ce que
je fais, il opère inséparablement avec moi,
sans rien perdre de sa gloire ; il s'est abaissé
jusqu'à se revêtir de la forme d'un esclave
pour sauver le genre humain : les mys-
tères de la loi l'ont annoncé, les prophètes
ont prédit son avènement ; il a racheté le
monde par son sang et aftrancbi les hommes
de la dette de l'ancienne prévarication.
Ecoutez-le : c'est lui qui ouvre le chemin du
ciel, et il a fait de sa croix une échelle pour
monter à la gloire : accomplissez ses volon-
tés, puisqu'elles sont conformes aux mien-
nes. Saint Léon dit que ces paroles ne s'a-
dressaient pas aux seuls apôtres, mais à l'E-
glise universelle, en la personne des trois
disciples.
18. Ce père ne fait aussi qu'expfiquer une
partie du sermon de Jésus-Christ sur la mon-
tagne, dans celui qui est intitulé : Des degrés
pour monter à la -béatitude. Par les pauvres
d'esprit, il entend ceux qui se sont rendus
recommandables par une parfaite humilité
d'esprit, et non pas ceux qui manquent des
choses nécessaires. On promet des consola-
tions éternelles à ceux qui pleurent, non les
afilictions ou les malheurs du monde, mais
leurs péchés ou ceux d'auti'ui. Les personnes
douces et tranquilles à qui la possession de la
terre est promise, sont ceux qui sont hum-
bles et modestes, et disposés à souffrir toutes
sortes d'injures. Saint Léon croit que sous le
symbole de la terre promise à ceux qui sont
doux, on doit entendre la chair des saints,
qui, pour les récompenser de leur humilité,
sera heureusement revêtue de l'immortalité.
Il dit que la faim qui rend bienheureux, c'est
celle qui ne demande rien de corporel ni de
terrestre, et qui ne peut être rassasiée que
par la justice et par la possession de Dieu.
« Toute sorte de paix, ajoute-t-il, ne conduit
pas à la félicité promise aux pacifiques dans
l'Evangile, il n'y a que celle dont parle l'A-
pôtre : Ayons la paix avec Dieu par Jésus-
Sermon 95,
sur les liserés
dû la beali-
tudo, p. iSO.
198
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sermon sur
la Cliaîre rie
Eiint Pierre,
pag, 1S3.
Prières at-
tribuées à
saict Léon.
Di !Coa rs
Taussement
attribués à
saint Léon.
Christ. Les amitiés les plus étroites et la plus
exacte conformité des espi'its ne peuvent en-
tretenir cette paix sans une parfaite corres-
pondance à la volonté de Dieu. Les person-
nes unies par la ressemblance de leurs mau-
vais désirs, ces sociétés qui n'ont d'autres
objets que le crime, ces pactes qui se font
pour l'amour du vice, sont bien éloignés de
cette heureuse paix dont parle l'Evangile.
L'amour du monde est incompatible avec
■ l'amour de Dieu ; ceux qui demeurent tou-
jours attachés à la chair et au sang, ne par-
viendront jamais à l'adoption des enfants de
Dieu. » Saint Léon n'explique que sept béa-
titudes, parce que ce sont les sept degrés pour
parvenir à la perfection, et que la huitième
appartient à l'homme parfait.
19. Le discours sur la Chaire de saint Pierre,
est entièrement de son style et lui est attri-
bué dans un ancien manuscrit de la Biblio-
thèque du roi. Il y dit que l'on doit célébrer
cette fête avec autant de joie que celle du mar-
tyre de saint Pierre, qui était en vénération
par toute la terre. Il entend par cette chaire
le jour où saint Pierre fut assis sur le pre-
mier siège de l'Eghse, et qu'il fut fait pontife
du peuple de Dieu. On allumait ce jour-là
quantité de cierges dans l'église de son nom,
et on la décorait par divers ornements exté-
rieurs. Saint Léon en prend occasion d'ex-
horter les fidèles à honorer cette fête par la
pureté intérieure de leur cœur et par la pra-
tique des maximes que ce saint apôtre a ap-
prises aux fidèles dans sa première épître,
dont il rapporte plusieurs passages '.
20. On a joint aux sermons de saint Léon
plusieurs prières tirées du Pontifical romain,
comme étant de sa composition. Elles sont
en effet de son style. La première est pour la
consécration d'un évêque ; la seconde, pour
l'ordination d'un prêtre; on en trouve une
partie dans l'ancien Pontifical de l'Eglise de
Sens. La troisième est pour la réconciliation
des pénitents qui se fait le jeudi de la se-
maine sainte.
21. 11 y a des manuscrits qui lui attribuent
un discours en l'honneur de saint Vincent
martyr ; mais il n'est point de son style, et
il y a un endroit ^ dans ce discours qui fait
voir qu'il a été prêcbé dans le lieu même où
saint Vincent souffrit le martyre, c'est-à-dire
en Espagne. On croit qu'il est plutôt de saint
Léandre, évêque de Séville.Le sermon «wr-fa
Naissance du Sauveur paraît n'avoir été attri-
bué à saint Léon que parce que l'auteur a
tiré beaucoup de choses du premier discours
de ce saint pape sur le même mystère ; le
reste n'est point de son style. Il faut dire la
même chose du sermon sur l'Ascension de
Jésus-Christ. 11 n'y a rien non plus qui con-
vienne à saint Léon dans le discours sur la
Fête de saint Pierre et de saint Paul, si ce n'est
ce que le compilateur a pris du second et du
troisième sermon faits à l'anniversaire de
son ordination ^ Quant au traité contre les
erreurs d'Eutychès et de quelques autres hé-
rétiques, c'est une compilation des discours
et des lettres de saint Léon. Tous les endroits
en sont marqués à la marge dans la nouvelle
édition de ses œuvres.
§n.
Des Lettres de saint Léon *.
1 . La lettre aux évêques de Mauritanie, qui
se trouve la première dans l'ordre de celles
de saint Léon, est sans date : on y voit que
ce pape en avait déjà écrit d'autres du nom-
bre de celles qu'on appelle décrétales; mais
elles peuvent n'être pas venues jusqu'à nous.
Il y fait encore mention d'une autre lettre
qui est perdue; elle était adressée, de même
que celle-ci, aux évêques de la Mauritanie
Césarienne. Voici quelle en fut l'occasion :
les troubles de la guerre entre Valentinien III
et Genséric, roi des Vandales, avaient occa-
sionné des ordinations irrégulières dans cette
province. Saint Léon, en ayant eu avis, donna
commission à l'évêque Potentius , qui était
alors à Rome, et qui s'en retournait en Mau-
ritanie, de s'informer de ces ordinations ; il
le chargea en même temps d'une lettre pour
les évêques de cette province. C'est celle-là
que nous n'avons plus. Potentius s'acquitta
Lettre p
m i ê re
évêques
Ma u ri tan
vers l'an 4
fag. 2tlJ.
' Les fi'ères Ballerini prouvent par des raisons
assez fortes que ce sermon est supposé. (L'éditeur.)
2 Hune ergo amplius propria venereniur, quem
etiam peregrina mirantur. Pag. 187.
3 Les frères Ballerini ont adjugé ce sermon h saint
Léon d'après un très-bon et très-ancien manuscrit.
Vid. tom. I, eoL 327-30. [L'éditeur.)
* Dans l'édition des frères Ballerini on compte
cent soixante-treize lettres; mais on y comprend
plusieurs lettres qui sont adressées à saint LéoU;,
d'autres qui éclaircisseut les matières qu'il a traitées^
d'autres enfin qui regardent les lois des empereurs
touchant les affaires ecclésiastiques, arrivées du
temps du saint pape. Le nombre exact des épitres de
saint Léon est de cent quarante-trois. (L'éditeur.)
[V<^ SIÈCLE.]
de sa commission, et envoya au pape une
ample relation de l'état des Eglises de Mau-
rir.inie, où soit par brigue, soit par des émo-
tions populaires, on avait élevé à l'épiscopat
de simples laïques, des hérétiques convertis,
des bigames, dont quelques-uns avaient eu
deux femmes à la fois. Saint Léon, touché de
douleur, écrivit une seconde lettre aux évê-
ques de la Mauritanie Césarienne, où il leur
représente que si l'on ne doit constituer dans
les divers degrés du ministère ecclésiastique
que des gens qui en soient dignes, il est bien
plus important de choisir de bons évêques ;
que lorsque saint Paul disait à Timothée :
lisi. i ad JY' imposez légèrement les mains à personne, il
entendait qu'aucun ne serait honoré du sa-
cerdoce, qu'il ne fût d'un âge mûr et qu'il
n'eût donné des preuves de son mérite par
son travail et son savoir. Il dit ensuite que,
parmi les qualités que saint Paul demande
dans un évêque, une des premières est qu'il
n'ait épousé qu'une femme, qui, de son côté,
n'ait eu qu'un mari ; que si la bigamie ex-
cluait du sacerdoce dans la loi ancienne, elle
en excluait à plus forte raison dans la loi
nouvelle. 11 décide donc que les bigames or-
donnés évêques, prêtres ou diacres, doivent
être déposés de l'épiscopat, de la prêtrise et
du diaconat. Il compte pour bigames non-
seulement ceux qui avaient épousé deux fem-
mes, l'une après la mort de l'autre, mais
aussi ceux qui avaient épousé des veuves. Il
ajoute qu'on doit à plus forte raison déposer
celui qui avait deux femmes à la fois, ou qui
en avait épousé une autre après que la sienne
l'avait quitté. Son premier dessein avait été
de punir sévèrement les évêques qui avaient
fait de semblables ordinations; mais sa sévé-
rité se changea en clémence, faisant réflexion
que toutes les voies du Seigneur étaient rem-
pHes de miséricorde. Quant aux laïques qui
avaient été élevés à l'épiscopat, sans avoir
auparavant passé par les divers degrés du
ministère ecclésiastique, saint Léon leur per-
met de demeurer dans leurs dignités, même
à un Maxime qui avait été donatiste, sans
toutefois que cette dispense dût tirer à con-
séquence, au préjudice des décrets du Saint-
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
199
Siège, et de ceux qu'il avait déjà faits lui-
même sur ce sujet. 11 accorde la même grâce
à Donat de Salicine, qui s'était converti avec
tout son peuple de l'hérésie des novatiens, de
même que Maxime : mais il veut que l'un et
l'autre donnent leur profession de foi par
écrit. Il charge les évêques de la Mauritanie
de s'informer s'il était vrai qu'Agar et Tibé-
rien eussent été ordonnés avec des séditions
violentes, se réservant le jugement de cette
affaire sur leur rapport '. Quelques religieu-
ses avaient souffert violence pendant l'incur-
sion des Vandales, saint Léon les déclare in-
nocentes, si leur volonté n'avait point eu de
part dans la violence qu'elles avaient souf-
ferte de la part des Barbares : il leur con-
seille néanmoins de ne se pas mettre au rang
de celles qui n'avaient pas eu le même mal-
heur, afin de réparer leur perte par l'aug-
mentation de leur modestie et de leur humi-
lité. Cette lettre fut portée par un évêque
nommé David, dont saint Léon fait l'éloge.
2. La lettre à saint Rustique, évêque de
Narbonne, est encore sans date; mais on la
met ordinairemant après l'an 4-48, parce que
Hermès, qui en fut le porteur, était alors ar-
chidiacre de cette Eglise, et qu'il n'en était
que diacre en cette année, comme on le voit
par une ancienne inscription de l'Eglise de
Narbonne. Saint Rustique était fils d'un évê-
que nommé Bonose, et sa mère sœur d'un
autre évêque nommé Arator. Elle ne se con-
tenta pas de le nourrir et de l'élever dans son
enfance ; après l'avoir fait étudier dans les
écoles des Gaules, elle l'envoya à Rome pour
achever de se former dans l'éloquence, et
pour modérer par la gravité romaine ce que
les Gaulois avaient de trop diffus. C'est ce
qu'on ht dans la quatrième lettre de saint
Jérôme, adressée à Rustique, qu'on croit être
le même que notre saint. Ce père lui con-
seille de respecter sa mère comme une sainte,
mais de la quitter pour aller demeurer dans
le désert, ou plutôt dans un monastère, y
ayant moins de danger de vivre en commu-
nauté, que seul, à moins que l'on ne soit
déjà avancé dans la vertu. Saint Rustique
suivit l'avis de saint Jérôme, embrassa la vie
T.ellre 2 à
saint Rusti-
qu-i de Nar-
bonne, p. 205.
Qui était
saint Rusti-
que.
Voyez tom.
Vn.pag. 641.
1 Cette décrétale, dit M. Rhorbacher, Histoire uni-
verselle de l'Eglise, tom. VIII, pag. 141, est des plus
mportantes, en ce cpi'elle nous montre le droit,
l'usage et les effets des appellations à Rome, particu-
lièrement de l'Afrique. Le janséniste Quesnel, que
Fleury prend pour guide, voudrait faire croire que
ces passages si importants sont supposés et qii'ilfaut
s'en tenir à la décrétale abrégée qu'il donne dans
son édition de saint Léon. Mais la décrétale se trouve
avec ses passages dans toutes les éditions antérieures,
dans les meilleurs manuscrits, comme le reconnais-
sent les meilleurs critiques, tel que Baluze et Gous-
tant, et comme l'ont prouvé les doctes Cacciari et
Ballerini. (L'éditeur.)
200
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
monastique dans le même monastère où était
Vénérius, qui fut depuis fait évêque de Mar-
seille ; il fut ensuite élevé à la prêtrise ; ce
que saint Jérôme semblait lui avoir prédit,
en l'exhortant à vivre tellement dans le mo-
nastère, que ce lui fût une préparation à la
cléricature, si l'Eglise l'y appelait dans un
âge plus avancé. Après avoir rempli quelque
temps les fonctions de prêtre dans l'Eglise
de Marseille, on le choisit pour évêque de
Narbonne, le 9 octobre de l'an 427 ou 430.
Les fréquentes guerres entre les Gotlis, ariens
de religion, et les Romains qui étaient encore
en possession de Narbonne, rendirent son
épiscopat difficile ; mais il souffrit beaucoup
plus des scandales qu'il vit naître dans son
diocèse, par la mésintelligence et la division
qui régnaient parmi son peuple. Il en conçut
un tel chagrin, qu'il pensa à renoncer à Vé-
piscopat, pour passer le reste de sa vie dans
le repos et le silence. Saint Léon, à qui il fît
part de son dessein, l'en détourna, en lui re-
présentant que la patience est moins néces-
saire contre les tentations ordinaires de la
vie, que contre les persécutions pour la foi;
que ceux qui sont chargés du gouvernement
de l'Eglise, doivent garder courageusement
leur poste, en se confiant non en leur propre
force, mais en Jésus-Christ; qu'en quelque
état que l'on fût en ce monde, on ne devait
point espérer d'y avoir du repos. « Il faut,
ajoutait-il, nous attacher immuablement à la
justice, exercer en même temps la clémence
et la bonté. Haïssons les péchés, et non pas
les hommes ; reprenons avec force les su-
perbes, tolérons les infirmes, et, s'il est né-
cessaire de punir quelques péchés avec une
juste sévérité, faisons en sorte qu'il paraisse
que nous n'aimons pas à faire souffrir les
autres, mais à les guérir. Ne nous effrayons
point des tribulations les plus violentes ,
comme si nous devions les soutenir par nos
propres forces. Mettons notre confiance en
Jésus-Christ qui a vaincu le monde et qui
a promis d'être toujours avec nous. »
Saint Rustique consulta en même temps
saint Léon sur le procédé de deux prêtres de
son Eglise, nommés Sabinien et Léon, qui,
en poursuivant la punition d'un adultère,
avaient été trop loin. Cités l'un et l'autre de-
vant une assemblée d'évêques et de laïques
qualifiés, ils avaient d'abord comparu, mais
ayant ensuite fait défaut, n'osant soutenir ce
qu'ils avaient avancé contre l'accusé, ils fu-
rent condamnés. Saint Léon, à qui saint Rus-
tique avait envoyé les actes de cette assem-
blée, répondit que les deux prêtres ne pou-
vaient se plaindre d'y avoir été condamnés :
mais il laissa au pouvoir de leur évêque de
les traiter comme il le trouverait bon, et
lui conseilla d'employer la douceur de la
charité, plutôt que la rigueur de la justice
envers des personnes qui semblaient n'avoir
péché que par un excès de zèle : carie crime
de l'accusé était certain, et il paraît que ce
ne fut que par défaut de preuves néces-
saires, que Sabinien et Léon furent con-
damnés.
A sa lettre saint Rustique avait joint un
mémoire contenant dix-neuf questions sur
divers points de discipline, qu'il priait saint
Léon de résoudre. Ce pape le fit en peu de
mots, en témoignant que pour le satisfaire
plus pleinement, il eût souhaité de le voir et
de lui parler. Le prêtre ou le diacre qui s'est .'"'jif"
faussement dit évêque, ne doit point passer
pour tel, puisqu'on ne peut compter entre
les évêques, ceux qui n'ont été ni choisis par
le clergé, ni demandés par le peuple, ni con-
sacrés par les évêques du consentement du
métropolitain. Les ordinations faites par ces
faux évêques sont nulles, si elles n'ont été
faites du consentement de ceux qui gouver-
naient les églises auxquelles ces clercs ap-
partenaient. Il fallait donc que ces faux évê-
ques eussent le caractère épiscopal, mais
qu'ils l'eussent reçu par une ordination illé-
gitime, comme Armentarius d'Embrun, dé-
posé au concile de Riez. Si un prêtre ou un 2,pag.2o7.
diacre demande d'être mis en pénitence, il
la doit faire en particulier, parce qu'il est
contre la coutume de l'Eglise de leur impo-
ser la pénitence publique. La loi de la conti- 3, pag. soi
nence est la même pour les ministres de
l'autel que pour les évêques et les prêtres ;
ils ont pu étant laïques ou lecteurs, se ma-
rier et avoir des enfants ; étant élevés à un
degré supérieur, ils ne doivent pas quitter
leurs femmes, mais vivre avec elles comme
s'ils ne les avaient pas. Par les ministres de
l'autel obligés à la continence, saint Léon
entend même les sous-diacres, comme il pa-
raît par sa lettre à Anastase de Thessaloni-
que. 11 faut distinguer la concubine de la ,. Fie»
^ ^ , liv. AS
femme légitime ; ainsi celui qui quitte sa M sy,.
concubine pour se marier fait bien, et celle la. '«?•■'■
qui épouse un homme qui avait une con-
cubine ne fait point mal, puisqu'il n'était
point marié. Saint Léon ne parle ici que des inquisiiw
concubines esclaves, et non de celles qui
[V= SIÈCLE.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
201
étaient en effet des femmes légitimes, mais
sans en porter le titre suivant les lois.
Ceux qui reçoivent la pénitence en mala-
die, et ne veulent pas l'accomplir étant re-
venus en santé, ne doivent pas être aban-
donnés; il faut les exhorter souvent, et ne
désespérer du salut de personne, tant qu'il
iiio9, est en vie. Il faut user de la même patience
à l'égard de ceux qui, pressés du mal, deman-
dent la pénitence, et la refusent quand le
.207. prêtre est venu. Si le mal leur donne quel-
ques relâches, s'ils demandent ensuite la
pénitence, on ne la leur doit pas refuser;
ceux qui reçoivent la pénitence à l'extrémité
et meurent avant d'avoir reçu la communion,
c'est-à-dire la réconciliation, doivent être
laissés au jugement de Dieu, qui pouvait dif-
férer leur mort : mais on ne prie point pour
eux, comme morts hors la communion de
.208. l'Eglise. En d'autres Eglises, on ne laissait
pas de prier pour eux. Les pénitents doivent
s'abstenir même de plusieurs choses permi-
255 ses. Ils ne doivent point plaider, s'il est pos-
sible, et s'adresser plutôt au juge ecclésias-
208. tique, qu'au sécuher. Ils doivent perdre, plu-
tôt que de s'engager au négoce, toujours
2JJ dangereux. Il ne leur est point permis d'en-
trer dans la milice séculière, ni de se marier,
si ce n'est que le pénitent soit jeune et en
péril de tomber dans la débauche ; encore
ne- le lui accorde-t-on que par indulgence. Le
jjg moine qui, après son vœu, se marie ou em-
brasse la milice séculière, doit être mis en
pénitence publique. Les filles qui, après avoir
pris l'habit de vierge, se sont mariées, quoi-
qu'elles n'eussent pas été consacrées, ne lais-
sent pas d'être coupables : c'est qu'il y avait
deux sortes de vierges : celles qui ne s'étaient
engagées que par le vœu, ou solennel en en-
trant dans un monastère, ou simple en pre-
nant l'habit et demeurant chez leurs pa-
rents; et celles qui avaient reçu la consécra-
tion qui ne se donnait qu'à l'âge de quarante
ans, comme saint Léon même l'ordonne, et
par l'évêque, un jour de fête solennelle.
2(18 Ceux qui ont été abandonnés jeunes par
leurs parents qui étaient chrétiens, en sorte
qu'on ne trouve aucune preuve de leur bap-
tême, doivent être baptisés sans craindre de
„„„ réitérer le sacrement. Ceux qui ont été pris
> 209. -!■ Ir
si jeunes par les ennemis, qu'ils ne savent
s'ils ont été baptisés, quoiqu'ils se souvien-
nent que leurs parents les ont menés à l'é-
glise, doivent être interrogés s'ils ont reçu
ce qu'on donnait à leurs pai'ents, c'est-à-dire
l'eucharistie; s'ils ne s'en souviennent pas,
il faut les baptiser sans scrupule. Il était venu
en Gaule des gens d'Afrique et de Maurita-
nie, qui savaient bien qu'ils avaient été bap-
tisés, mais ils ne savaient dans quelle secte.
Saint Léon répond qu'il ne faut pas les bap-
tiser, puisqu'ils ont reçu la forme du bap-
tême, de quelque manière que ce soit; il faut
seulement les i-éunir à l'Eglise catholique
par l'imposition des mains, avec l'invocation
du Saint-Esprit, c'est-à-dire la confirmation.
D'autres, ayant été baptisés en enfance et pris
par les païens, avaient vécu comme eux,
étaient venus encore jeunes en terre des Ro-
mains. Saint Rustique souhaitait de savoir ce
qu'on devait faire, s'ils demandaient la com-
munion. Saint Léon répond : « S'ils ont seu-
lement mangé des viandes immolées, ils peu-
vent être purifiés par le jeûne et l'imposition
des mains ; s'ils ont adoré les idoles, ou com-
mis des homicides ou des fornications, il faut
les mettre en pénitence publique. » On voit
ici une imposition des mains différente de la
confirmation et de la pénitence publique.
En 444, saint Rustique entreprit avec le
concile de son clergé, et avec le secours de
Marcel, préfet des Gaules, de rétablir l'église
de Narbonne qui avait été brûlée. Il en posa
la première pierre le 18 novembre. L'année
suivante on en commença la voûte, et on
l'acheva sur la fin de novembre de l'an 448.
Il signa le premier après Ravenne d'Arles
dans le concile des évoques des Gaules qui,
en 451, approuvèrent la lettre de saint Léon
à Flavien. Quelque temps après, il assista à
un autre concile qui se tint à Arles au sujet
d'un différend entre Théodore, évêque de
Fréjus, et Fauste, abbé de Lérins. Il ne nous
reste de Théodore que ce que saint Léon a in-
séré de sa lettre daiis la réponse qu'il y fit.
Nous n'avons pas même les actes qu'il avait
envoyés à saint Léon touchant la condamna-
tion de Sabinien et Léon, deux de ses prê-
tres.
3. Nous avons déjà remarqué qu'il y eut
une difficulté pour la Pâque de l'an 444, le
cycle de Rome la mettant au 26 de mars, et
celui d'Alexandrie le 23 avril. Saint Léon en
écrivit à saint Cyrille, alors évêque d'Alexan-
drie, et à Paschasin évêque de Lilybée en Si-
cile. Ces deux lettres sont perdues ; mais
celle de Paschasin ayant été mise dans les ar-
chives de l'Eglise romaine, est venue jusqu'à
nous : il y parle des ravages que les Vandales
avaient faits dans la Sicile; puis, venant à la
Inquisitio
18, pag. 209.
19, pag. 209.
Lettre de
Pas'^hasin
saint Léon ,
paç. 209.
so'a
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
question que le pape lui avait proposée, il
répond qu'après l'avoir bien examinée, et
calculé exactement les années des Hébreux,
il avait trouvé que le jour de Pâques, en 444,
devait être le 23 avril. Il appuie ses raisons
d'un miracle arrivé l'an 417, où, les Latins
ayant fait la pâque le 25 de mars, des fonts
baptismaux, qui chaque année se remplis-
saient miraculeusement d'eux-mêmes la nuit
de Pâques dans l'église d'un lieu appelé Mel-
tines, ne se trouvèrent remplis que la nuit
du 22 avril, auquel le cycle d'Alexandrie l'a-
vait marqué. Il dit que Libanius, ou, selon
d'autres, Sylvain, diacre de Palerme, qui lui
avait apporté la lettre de saint Léon, con-
naissait parfaitement cet endroit; et, pour
preuve qu'il n'y avait point d'illusion dans le
fait miraculeux qu'il racontait, il ajoute qu'il
n'y avait point de fontaines proche de ces
fonts baptismaux, ni aucun conduit souter-
rain par où il en pût venir ; qu'en vain le
prêtre attendit le 25 mars jusqu'au lever du
soleil, pour voir si ces fonts se rempliraient ;
qu'il fut obhgé de renvoyer les catéchumènes
sans leur avoir administré le baptême, qu'ils
ne reçurent que le 22 avril, où les fonts sa-
crés se remplirent ù l'ordinaire.
LetiKSaux 4. La lettre de saint Léon aux évêques de
ctm7a'/il: la Campanie, de la Marche d'Ancône, de la
p^s-2'o. Toscane et de toutes les autres provinces
suburbicaires soumises immédiatement k
l'Eglise romaine, est du 10 octobre de l'an
443 ; il y reprend divers abus, particulière-
ment dans l'ordination des ministres de l'E-
glise, où l'on admettait les bigames, les ma-
ris des veuves, des personnes de mœurs peu
réglées, et des gens de condition servile ou
engagés à des devoirs incompatibles avec le
service de l'Eghse, et quelquefois sans le con-
sentement de ceux à qui ils appartenaient;
il s'y plaint encore contre des clercs qui prê-
taient à usure, ou sous leur nom, ou sous
des noms empruntés, quoique l'usure fût dé-
fendue même aux laïques. Saint Léon veut
que tous ceux qui avaient été ordonnés contre
les règles de l'Eghse, soient déposés, ajou-
tant que s'il s'y rencontrait quelques diffi-
cultés, il s'en réservait la discussion et le ju-
gement; il ordonne que les évêques qui né-
o-lio-eront l'exécution de ses décrets ou qui
feront quelque chose au contraire, soient in-
terdits et privés de sa communion : et afin
qu'on ne crût pas qu'il eùtnéghgé lui-même
de réformer quelques autres abus, il adopte
tous les décrets faits par saint Innocent et
par ses autres prédécesseurs; ce qui fait voir
qu'il y avait dès-lors un code des décrétales
des papes. Les évêques commis pour porter
cette lettre aux évêcpies de la Campanie, fu-
rent Innocent, Légitimus et Ségélius, qui
furent aussi sans doute chargés d'en faire
exécuter les décrets.
S . C'était l'usage des papes, depuis Damase uum i ei
et Sirice, de commettre les évoques de Thés- <■■? Thessaio-
' ^ nique e( aux
salonique pour agir en leur nom dans toutes j^^^^j'.",,"'
les Eglises de l'illyrie orientale. Anastase ne^. pas- 211,
avait reçu la même commission de la part
du pape Sixte III, dès l'an 433 au plus tard ;
mais, ayant su que saint Léon lui avait suc-
cédé, il envoya lui demander le même pou-
voir par un prêtre nommé Nicolas. Saint
Léon le lui accorda volontiers par une lettre
datée du 12 janvier de l'an 444, où il dit qu'il
ne fait que suivre l'exemple de saint Sirice,
qui avait donné le même pouvoir à Anysius.
Il l'exhorte de s'en servir pour la conserva-
tion des canons, et lui recommande particu-
lièrement l'ordination des évêques, où l'on
ne doit regarder que le mérite de la personne,
et le service qu'elle a rendu à l'Eglise, sans
aucune vue de faveur ni d'intérêt. 11 veut que
dans le choix des ministres, il donne l'exclu-
sion à ceux qui avaient été mariés deux fois,
soit avant, soit après leur baptême, ou qui
avaient épousé des veuves. «Personne, ajou-
te-t-il, ne doit être oi'donné évêque dans ces
Eglises, sans vous consulter ; on les choisira
avec plus de maturité quand on craindra votre
examen, et nous ne tiendrons point pour
évêques, ceux que le métropolitain aura or-
donnés sans votre participation. Comme les
métropohtains sont en droit d'ordonner les
évêques de leurs provinces, nous voulons
que vous ordonniez les métropolitains, et que
vous les choisissiez avec un plus grand soin,
comme devant gouverner les autres. Que per-
sonne ne manque au concile quand il y sera
appelé. Rien n'est plus utile que les fréquen-
tes assemblées des évêques, pour corriger
les fautes et conserver la charité. S'il se ren-
contre quelques affaires, elles pourront être
terminées avec le secours du Seigneur dans
ces assemblées : mais vous nous renverrez,
suivant l'ancienne coutume, les causes ma-
jeures qui ne pourront être terminées sur les
lieux, et les appellations, afin que nous les
terminions nous-mêmes suivant les lumières
que Dieu nous en donnera, et que nous vous
envoyions ensuite notre jugement. »
Saint Léon se plaint que, contre les canons
[V SIÈCLE.]
et conire la tradition des pères, on faisait
tous les jours iudifféremnaeiit les ordinations
des prêtres et des diacres, et veut qu'on ne
les fasse que le dimanche, ou la nuit du sa-
medi au dimanche, comme celle des évêques.
11 veut aussi que l'on garde les interstices
entre chaque ordre, en sorte qu'un diacre
fasse pendant longtemps les fonctions du
diaconat, avant d'être promu au sacerdoce,
et aiusi des autres clercs. Le prêtre Nicolas
qui fut chargé de cette lettre, en porta une
de la part de saint Léon aux métropolitains
de rUlyrie, de même date que la précédente ;
c'était pour les avertir du pouvoir qu'il avait
donné à Anastase de Thessalonique, et les
exhorter à lui ohéir; il les priait néanmoins
de croire qu'il n'avait rien diminué de leurs
droits, et leur demandait une réponse pour
marque qu'ils avaient reçu sa lettre; elle
contient les mêmes règlements touchant les
ordinations, la tenue des conciles et le ju-
gement des causes majeures, que celle que
saint Léon écrivit à Anastase.
6. Saint Léon ayant appris de Septimius,
évêque d'Altino en Véuétie, que dans cette
province on avait reçu à la communion ca-
tholique divers prêtres, diacres et autres ec-
clésiastiques engagés dans l'hérésie de Pe-
lage, et qu'on les avait même rétablis dans
leurs degrés, sans avoir exigé d'eux l'abju-
ration de leur erreur et la profession de la
foi catholique ; que l'on souffrait même qu'ils
passassent, au mépris des canons, d'une
église en une autre pour y faire leur fonc-
tion, d'où ils prenaient occasion de répan-
dre leur hérésie, il en écrivit .'i l'évêque d'A-
quilée, pour se plaindre de la façon dont ces
pélagiens avaient été reçus dans la province
dont il était métropolitain. Pour empêcher
que le mal ne fit de nouveaux progrès, il lui
ordonna d'assembler les évêques de sa mé-
tropole, pour y obliger tous ces ecclésiasti-
ques pélagiens qui n'auraient point abjuré
leur erreur, de condamner ouvertement et
par écrit l'hérésie pélagienne avec ses au-
teurs, et tout ce que l'Eglise universelle a
condamné dans eux ; comme aussi d'approu-
ver tous les décrets des conciles faits contre
cette pernicieuse doctrine et confirmés par
le Saint-Siège ; de faire tout cela en termes
si clairs, qu'il ne leur restât aucun prétexte
d'en éluder la force. Saint Léon fait remar-
quer à l'évêque d'Aquilée que ces sortes d'hé-
rétiques usent tellement de dissimulation
lorsqu'on leur fait abjurer leur hérésie, qu'ils
CHAPITRE XL — SAINT LEON, PAPE.
203
se conservent toujours la liberté de dire que
la grâce est donnée selon le mérite de l'hom-
me ; en quoi ils font voir qu'ils n'entendent
pas même le mot de grâce, qui n'est plus
grâce, mais récompense, si elle ne se donne
gratuitement et non pas en vue des mérites.
Il recommande aussi à cet évêque de ne pas
souffrir que contre les canons qui ordonnent,
la stabilité des clercs, ils quittent les Eglises
où ils ont été ordonnés, et de séparer de la
communion ceux qui, après être passés à une
autre, feront difficulté de retourner à la pre-
mière ; la raison qu'il donne de cette sévé-
rité, est que les clercs ne passaient ordinai-
rement d'Eglise en Eglise, que par ambition
ou par intérêt. Saint Léon manda à Septi-
mius ce qu'il avait écrit à l'évêque d'Aquilée,
et le pria de se joindre à lui pour l'exécution
de ses volontés. Ces deux lettres sont sans
date. Celle de Septimius à saint Léon n'est
pas venue jusqu'à nous : il en est parlé dans
Photius. On forme diverses difficultés contre
la réponse que saint Léon y fit, de même que
contre sa lettre à Janvier, qui est la quator-
zième : mais elles ne nous ont pas paru suf-
fisantes pour rejeter ni l'une ni l'autre.
7. La lettre adressée aux évêques d'Italie,
l'est aussi quelquefois aux évêques de diver-
ses autres provinces, parce que c'était une
lettre circulaire qui devait être envoyée par-
tout, avec les actes de ce qui s'était passé à
Rome dans la découverte des manichéens et
de leurs infamies : elle est datée du 30 janvier
444. Saint Léon y fait un abrégé de ce qui
se passa en cette occasion, et exhorte les évê-
ques de veiller avec soin sur leur troupeau
pour empêcher qu'il ne fût infecté par cette
sorte de peste. Il marque encore que l'évê-
que des manichéens avait confessé de sa
propre bouche les abominations dont ils
étaient accusés, et qu'il avait accordé la pé-
nitence à ceux de cette secte qui avaient té-
moigné du repentir et qui avaient condam-
né publiquement, à la face de toute l'Eglise,
Manichée, sa doctrine et sa discipline. On a
joint à cette lettre la Novelle de Valentinien
contre les manichéens.
8. Les deux lettres suivantes regardent
saint Hilaire d'Arles. Cet évêque, qui était
venu à Rome sur la fin de l'an 444, pour
faire au pape des remontrances contre Qué-
lidoine, s'était sauvé de cette ville, voyant
qu'il ne pouvait persuader saint Léon et son
concile. Le pape, surpris et indigné de son
départ, écrivit contre lui aux évêques des
Photius,
coj. Liv.pag.
45.
Lettre 8
aux évéqnfls
d'Italie, pag.
ques des Gau-
les, fag. -ne.
Histoire générale des auteurs ecclésiastiques.
Gaules deux lettres : dans l'une, qui est très-
courte, il avertit les évêques de la province
de Vienne qu'il avait ôté à l'Eglise d'Arles le
droit de métropole pour le donner à celle de
Vienne. Mais on regarde cette lettre comme
fort douteuse ; elle est datée du quatrième
consulat de Valentinien avec Aviénus. Jamais
ce prince n'eut Aviénus pour collègue , et
saint Léon n'était pas encore pape lorsque
Valentinien fut consul pour la quatrième fois.
Le style de cette lettre ne parait pas non plus
être celui de saint Léon; on ne voit pas d'ail-
leurs quelle raison il aurait eu d'écrire deux
lettres en même temps aux mêmes évêques
sur le même sujet. Dans la seconde, qui est
beaucoup plus longue, ce pape fait un récit
du différend qu'il avait eu avec saint Hilaire
d'Arles à l'occasion de la déposition de Qué-
lidoine. Il dit que c'était une coutume an-
cienne, même aux évêques des Gaules, de
consulter le Siège apostolique, et d'y appeler
des jugements rendus dans leurs provinces ;
que Rome en avait confirmé ou infirmé plu-"
sieurs qui lui avaient été dévolus par appel;
qu'Hilaire avait voulu troubler l'union et la
bonne harmonie qui était entre les Eglises, en
voulant s'attribuer la dignité de métropoli-
tain, et soumettre à sa puissance toutes les
Eglises des Gaules, sans vouloir reconnaître
l'autorité de celle de saint Pierre ; que la
cause de Quélidoine ayant été examinée dans
un concile, il avait été jugé innocent ; qu'en
conséquence, on avait cassé la sentence ren-
due contre lui, saint Hilaire qui était présent
n'ayant rien avancé qui dût la faire subsister.
Saint Léon ajoute que l'affaire de Quélidoine
étant terminée, le concile avait examiné celle
d'unévêquedela province de Vienne, nommé
Projectus, qui s'était plaint par lettres au
pape, que saint Hilaire avait voulu ordonner
en sa place une personne qui n'avait été
choisie ni par le clergé ni parles notables du
peuple. Il demande pourquoi saint Hilaire se
mêlait des ordinations d'une autre province,
ce qu'aucun évêque d'Arles n'avait tenté
avant Patrocle, à qui cela ne fut accordé que
pour un temps. 11 lui reproche sa fuite de
Rome, et déclare qu'il a ordonné que Pro-
jectus demeurerait paisible dans son siège.
On avait fait entendre à saint Léon que saint
Hilaire menait à sa suite des gens armés pour
ordonner ou chasser des évêques. Il désap-
prouve ce procédé, recommandant aux évê-
ques des Gaules de ne faire des ordinations
qu'en suite de l'élection du clergé et du peu-
ple, et de laisser à chaque métropolitain
celles de sa province; car s'il n'est pas permis
de s'emparer des droits d'autrui, il ne l'est
pas non plus d'abandonner ses propres droits.
Il fixe le jour de l'ordination au dimanche,
suivant les statuts des anciens; déclare que
les évêques d'une province n'iront point aux
conciles des autres provinces, défend à saint
Hilaire d'en indiquer aucun, le déclare privé
non-seulement du droit de primatie qu'il
avait prétendu, mais du droit de métropole
dans la province de Vienne qu'il avait usur-
pé , et déchu de la communion du Saint-
Siège, avec défense d'ordonner personne et
de se trouver même aux ordinations. Il éta-
blit pour maxime qu'on ne doit pas excom-
munier facilement, ni user de cette censure
que pour punir un grand crime, et ceux-là
seulement qui en sont coupables. 11 exhorte
les évêques des Gaules d'exécuter le contenu
de sa lettre, en déclarant qu'il ne prétend
pas s'attribuer pour cela le gouvernement de
leurs provinces, mais qu'il veut au contraire
conserver à chacun ses droits et ses privilè-
ges, et les maintenir dans l'union. Néanmoins
il leur propose de leur donner pour primat,
au cas qu'ils l'agréeraient, l'évêque Léonce,
recommandable par son mérite et par son
grand âge, sans que cela portât préjudice aux
droits de métropolitains : c'était vouloir in-
troduire dans les Gaules la discipline d'Afri-
que, où l'on attribuait la primatie non à un
certain siège, mais au plus ancien évêque.
Saint Léon voulant appuyer son jugement de
l'autorité de Valentinien, qui était alors à
Rome, obtint de lui un rescrit adressé au pa-
trice Aétius, général des armées de l'empire,
et daté du 6 juin 44S : on y voit les mêmes
plaintes contre saint Hilaire, que dans la let-
tre de saint Léon aux évêques de la province
de Vienne. L'empereur, api'ès l'avoir traité
d'entreprenant et de séditieux, lui défend, et
à tout autre évêque, d'employer à l'avenir
les armes pour les affaires ecclésiastiques, et
de rien entreprendre contre l'ancienne cou-
tume sans l'autorité du Siège apostolique,
voulant que tous les évêques tiennent pour
loi ce que le pape aura ordonné, et que si
quelqu'un d'entre eux étant appelé à son ju-
gement, néglige d'y venir, il y soit contraint
par le gouverneur de la province.
9. Dioscore, archidiacre d'Alexandrie, ayant r.eiire n i
été élu évêque de cette Eglise après la mort 220.''
de saint Cyrille, envoya à Rome le prêtre
Possidonius, donner avis de son ordination
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
205
à saint Léon. Ce pape, dans sa réponse du
21 juin 443, lui donna quelques instructions
pour l'uniformité de la discipline touchant
les ordinations et la célébration du sacrifice.
II dit sur le premier chef que Ton ne doit à
Alexandrie comme à Rome, faire les ordina-
tions des prêtres et des diacres, que la nuit
du samedi au dimanche, ou le dimanche
matin, et que ceux qui donnent l'ordre, de
même que ceux qui le reçoivent, doivent être
à jeun. Il déclare sur le second que dans les
grandes fêtes, lorsque le peuple vient à l'é-
glise en si grand nombre, qu'il ne peut y te-
nir ensemble, on ne doit point faire difficulté
de réitérer le sacrifice autant de fois que
l'église dans laquelle on l'offre sera remplie
de peuple, et que telle est la coutume de
l'Eglise romaine : ainsi l'on n'offrait alors le
saint sacrifice, soit à Rome, soit à Alexan-
drie, que dans une seule église, même dans
les plus grandes solennités. Saint Léon ajoute
que le prêtre Possidonius, porteur de sa let-
tre, ayant souvent assisté à Rome aux ordi-
nations et aux processions, était parfaitement
■ instruit de ce qui s'y pratiquait.
Lettre 12 à 10. Auastasc de Thessalouique usa d'abord
Aaaslase de t . • , t > i ■ ■. i ,
Tiiessaioni- du pouvoir quo samt Léon lui avait donne,
de manière à causer à ce saint pape de la
joie et de la consolation ; mais cherchant
dans la suite plus ses intérêts que ceux de
Jésus-Christ, il abusa d'une autorité qu'on
ne lui avait accordé que pour le bien et la
paix des Eglises. Ce qui causa surtout de la
douleur à saint Léon, fut l'affaire d'Atticus,
évêque de Nicople , métropolitain de l'an-
cienne Epire. Anastase l'avait appelé à Thes-
salonique, pour y assister, ce semble, à un
concile. Atticus s'en excusa, sous prétexte
de maladie. Anastase en écrivit à saint Léon,
et sans en attendre la réponse, il obtint du
préfet d'Illyrie de se faire amener de force
Atticus. Des gens armés arrachèrent cet
évêque des lieux les plus sacrés de l'Eglise,
et sans avoir égard ni à sa maladie, ni à la
rigueur de l'hiver, ils le contraignirent d'aller
à Thessalonique, au milieu des neiges, par
un chemin très-rude et très-dangereux. Ar-
rivé en cette ville, il fut obligé de donner un
acte par lequel il s'engageait d'obéir à Anas-
tase. Celui-ci manda à saint Léon ce qui s'é-
tait passé ; mais Atticus se trouvant en li-
berté, alla lui-même à Rome et forma, en
présence même des diacres d'Anastase, de
grandes plaintes du mauvais traitement qu'il
lui avait fait souffrir. Saint Léon voyant bien
que la faute d'Anastase, que ses diacres n'a-
vaient pu excuser, retombait sur lui, crut
n'avoir d'autres précautions à prendre pour
l'avenir, que de tâcher d'empêcher qu'il
n'abusât de la primauté qu'il lui avait ac-
cordée sur les métropolitains de l'Illyrie. Il
lui écrit donc une lettre assez longue, où,
après l'avoir blâmé de la manière dont il
avait traité Atticus, il déclare qu'il veut
maintenir dans toute leur étendue les droits
que les canons donnent au métropolitain.
Dans sa lettre du douzième janvier 444, il
avait réservé à l'évêque de Thessalonique
Tordination des métropolitains; dans celle-ci
il laisse cette ordination aux évêques de la
province ; il veut toutefois que les métropo-
litains, avant de sacrer un évêque, avertissent
de son élection et de ses qualités celui de
Thessalonique, afin qu'il confirmât l'élection.
Il défend d'admettre à l'épiscopat un laïque,
un catéchumène, un bigame, et celui qui
aura épousé une veuve. Il parle de la conti-
nence des sous-diacres comme d'une chose
qui était d'usage ordinaire : d'où il infère
qu'à plus forte raison elle doit être observée
par les diacres, les prêtres et les évêques. Il
veut que dans l'élection d'un évêque on s'en
tienne à celui que le clergé et le peuple dé-
signeront unanimement, et qu'en cas de di-
vision, il soit au pouvoir du métropolitain de
décider en faveur de celui qui a le plus de
capacité et de mérite, pourvu qu'il soit de-
mandé par une partie du clergé et du peu-
ple. Il ordonne que les métropolitains, con-
formément aux canons des saints pères ,
tiendront deux fois l'année des conciles pro-
vinciaux, et qu'ils ne renverront à l'évêque
de Thessalonique que ce qu'ils n'auront pu
terminer dans leur concile. Quant aux con-
ciles de toute l'Illyrie, il déclare qu'il ne s'en
tiendra que dans la nécessité, et qu'il n'y
viendra que deux évêques de chaque pro-
vince, choisis par le métropolitain : à quoi il
ajoute qu' Anastase ne pourra les retenir plus
de quinze jours après le terme marqué pour
le concile, voulant que si dans le concile son
avis se trouvait différent de celui des autres
évêques, on renvoyât l'affaire à Rome. «S'il
arrive, dit encore le pape, qu'un évêque, par
mépris pour la médiocrité de son Eglise, la
quitte pour en prendre une plus considéra-
ble, et qu'il se fasse transporter, pour quel-
que raison que ce soit, à une Eglise plus
nombreuse, il les perdra toutes deux, n'étant
pas juste qu'il demeure dans celle qu'il n'c^
206
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
DX n'étropo-
prise que par avarice, ni dans celle qu'il n'a
quittée que par orgueil et par ambition. » II
défend de recevoir un clerc étranger, sans le
consentement de son évêque, et dit que si un
ecclésiastique quitte sa province sans ce con-
sentement, l'évéque de Thessalonique l'o-
bligera de retourner à son Eglise. Il exhorte
Anastase et ceux qui avaient formé des
plaintes contre lui à vivre dans l'union et
dans la paix, afin d'y maintenir l'Eglise, en
sorte que les évêques soient soumis â leui's
métropolitains, les métropolitains aux évê-
ques des grandes villes, et ceux-ci au pape ;
car, bien que la dignité épiscopale soit la
même dans tous, ils ne sont pas tous dans le
même degré d'honneur et de pouvoir. Saint
Léon en donne pour exemple le collège des
apôtres ; quoiqu'ils eussent tous un même
honneur, qui était celui de l'apostolat, saint
Pierre avait par-dessus tous une prééminence
de pouvoir et d'autorité.
Lciirei-j H. Six des métropolitains de rillyrie orien-
îriy'. taie, savoir : Sénécion, Carose, Théodule, Luc,
Antiochus et Vigilance, ayant reçu la lettre
que saint Léon leur avait écrite, en -444, au
sujet d 'Anastase de Thessalonique, lui écri-
virent pour lui témoigner qu'ils avaient reçu
sa lettre avec joie. Il paraît toutefois qu'ils
n'avaient pas encore eu pour Anastase toute
la déférence que saint Léon souhaitait; car,
dans la réponse qu'il leur fit le 6 janvier 446,
il leur recommande de se trouver aux conciles
qu'Anastase assemblera , et menace de pro-
céder contre ceux qui le refuseront, afin,
dit-il, de corriger leur désobéissance. Era-
sistrate de Corinthe , métropolitain de l'A-
chaïe , était un de ceux qui ne voulaient pas
se soumettre à l'autorité d'^nastase, ne vou-
lant pas se résoudre à le consulter pour les
ordinations des évêques; il en ordonna même
un à Thespie, malgré la résistance et l'oppo-
sition du peuple, qui ne l'avait jamais vu.
Anastase en écrivit à saint Léon, qui en fait
des plaintes dans sa lettre aux six autres mé-
tropolitains, à qui il recommande une seconde
fois de s'unir et de se soumettre à Anastase,
et de se trouver à son concile. II les exhorte
aussi à l'union, à la charité et à la vigilance
pastorale. Il ajoute que, pour mieux mainte-
nir entre eux le lien de la concorde sacerdo-
tale, il ne sera permis à aucun de recevoir un
ecclésiastique d'un autre diocèse, sans avoir
par écrit le consentement de son évêque,
ainsi que les canons l'ordonnent et que l'a-
mour de l'unité le prescrit. On voit, par la
fin de cette lettre, qu'il en écrivit une à
Anastase, dans laquelle il lui marquait di-
verses choses auxquelles il souhaitait que
les évêques d'IUyrie prissent garde , et qu'il
l'avait chargé de les en avertir. Cette lettre
n'est pas venue jusqu'à nous.
12. La lettre à Janvier est du 30 décembre L.tire u à
de l'an 447. Saint Léon y recommande à cet q^îiée? pig"
évêque de ne recevoir dans l'Eglise aucun """' '
clerc, de quelque degré que ce fût, qui l'au-
rait abandonnée pour se souiller par les er-
reurs ou par la communion des hérétiques,
si auparavant il ne condamne nettement leurs
erreurs et ceux qui les ont inventées. Il lui
permet toutefois de recevoir ces clercs dans
leur degré , pourvu qu'ils n'aient point été
rebaptisés; mais il lui défend de les élever à
un degré supérieur, disant que c'était leur
faire une assez grande grâce de leur conser-
ver celui qu'ils avaient avant d'être reçus à
la communion de l'Eglise. Nous n'avons plus
la lettre que Janvier avait écrite au pape pour
le consulter sur ce sujet.
13. Les priscillianistes continuant d'infec- Leiireisà
ter l'Espagne, et particulièrement la Galice, év"qcé À-aÏ
Turribius, évêque d'Astorga, ville de cette iice,p»g. s26.
province, les convainquit juridiquement avec
l'évéque Idace; ils dressèrent ensemble des
actes de ce qui s'était passé dans cette pro-
cédure, et firent des extraits des blasphèmes
qu'ils avaient trouvés dans les livres de ces
hérétiques, afin que personne ne pût plus
prétendre que ces livres fussent exempts d'er-
reur; et ayant réduit ces blasphèmes sous
seize titres ou chapitres, Turribus en fit une
réfutation ; il l'envoya au même Idace , avec Tom. oper.
qui il avait convaincu les priscillianistes, et à ™"' ^' ^'"'
l'évéque Céponius, avec une lettre que nous
avons encore, où il leur parlait en ces termes :
« J'ai voyagé en beaucoup de provinces, et
j'ai trouvé partout une même foi; mais, étant
revenu dans mon pays, j'ai vu avec douleur
les erreurs que l'Eglise catholique a condam-
nées, il y a longtemps, et que je croyais abo-
lies, pulluler encore tous les jours, par le
malheur de notre temps qui a fait cesser les
conciles. Ainsi on s'assemble au même au-
tel avec une créance bien difi'érente; car quand
on presse ces hérétiques , ils nient leurs er-
reurs et les cachent de mauvaise foi; ils ont
plusieurs livres apoci'yphes qu'ils préfèrent
aux Ecritures canoniques ; mais ils enseignent
encore des choses qui ne sont point dans ceux
que j'ai pu lire, soit qu'ils les en tirent par
interprétation, soit qu'elles soient écrites dans
[Y» SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
d'autres livres plus secrets. Dans les actes qui
portent le nom de saint Thomas, il est dit
qu'il ne baptisait pas avec l'eau, mais seule-
ment avec l'huile, ce que toutefois nos héré-
tiques ne font pas; mais les manichéens le
font. Ils ont encore des prétendus actes de
saint André, ceux de saint Jean, composés
par Leucius, et le livre intitulé : La Mémoire
des Apôtres, où, entre autres blasphèmes, ils
font parler notre Seigneur contre l'Ancien
Testament. Il n'y a pas de doute que les apô-
tres ont pu faire les miracles contenus dans
ces livres , mais il est constant que les dis-
cours ont été insérés par les hérétiques. J'en
ai tiré divers passages remplis de blasphèmes,
que j'ai rangés sous certains titres, et j'y ai
répondu selon ma capacité. J'ai cru devoir
vous en avertir, afin que personne ne garde
ou ne lise ces hvres, sous prétexte de ne les
pas connaître. C'est à vous à tout examiner
et à condamner avec vos confrères ce que
vous trouverez contraire à la foi. »
Turribius joignit à cette lettre un mémoire
que nous n'avons plus. Son zèle n'ayant pas
été secondé de quelques évèqaes, il eut re-
cours à saint Léon , à qui il envoya son écrit
contre ces priscilhanistes, avec une copie du
mémoire qu'il avait présenté à Idace et àCé-
ponius. 11 disait, dans sa lettre à ce saint
pape , que quelques catholiques doutaient si
la chair de Jésus-Christ était véritablement
demeurée dans le tombeau. Saint Léon ayant
reçu toutes ces pièces par un des diacres de
l'Eglise d'Astorga, nommé Pervincus, fit ré-
ponse à Turribius, par une lettre datée du 21
juillet de l'an 447; il y fait l'éloge de cet évo-
que, en particulier de son zèle pour la saine
doctrine, et du soin avec lequel il veillait sur
son troupeau. L'hérésie des prisciiiianistes,
qui s'était renouvelée en Espagne, était un
ramas des plus détestables erreurs et des plus
infâmes superstitions que l'on avait vues jus-
qu'alors, en sorte que ces hérétiques renfer-
maient dans leur secte tout ce que les autres
avaient de mauvais. Ils avaient même eu re-
cours aux arts magiques et pris des païens
que tout se passe dans l'ordre par une fatale
nécessité. Dès que cette hérésie parut dans
l'Eglise, elle fut généralement condamnée, et
on eut même recours à l'autorité des princes
pour empêcher que cette erreur ne continuât
à se répandre ; car, quoique l'Eglise rejette
les exécutions sanglantes, elle ne laisse pas
d'être aidée par les lois des princes chrétiens,
et la crainte du supplice corporel fait quel-
SAINT LEON , PAPE.
207
quefois recourir au remède spirituel ceux qui
n'en auraient fait aucun cas si on ne les y eût
engagés par la terreur des peines corporelles ;
mais les incursions des ennemis dans plusieurs
provinces avaient empêché l'exécution de ces
lois, et les chemins étant devenus imprati-
cables, les évêques n'avaient pu s'assembler
que rarement. Ainsi l'erreur cachée, ayant
trouvé la liberté au milieu des calamités pu-
bliques, s'était répandue de nouveau et avec
un tel succès , qu'outre une grande quantité
de peuple , elle infecta même des évêques.
Turribius avait réduit à seize articles les blas-
phèmes des prisciiiianistes; saint Léon les
réfute chacun en particulier. Ils enseignaient
que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont
qu'une seule personne, ce qui -était l'hérésie
des sabelliens, dout les disciples furent nom-
més patri-passiens, parce qu'il suivait de leur
erreur que le Père avait souffert. Saint Léon
leur oppose la foi catholique, qui enseigne
que, quoique la Trinité soit consubstantielle,
c'est-à-dire d'une même essence, les trois per-
sonnes sont toutefois distinguées l'une de
l'autre, sans qu'il y ait entre elles aucune con-
fusion. Ils disaient qu'il sort de l'essence de
Dieu des vertus, c'est-à-dire des êtres spiri-
tuels qui procèdent de son essence. En cela,
ils favorisaient l'erreur des ariens, qui ensei-
gnaient que le Père est avant le Fils, qu'il y
a eu un temps où il était sans Fils, et qu'il
n'a commencé d'être Père que quand il a en-
gendré un Fils. «Mais , dit saint Léon , comme
l'Eglise catholique déteste les ariens, elle a
en horreur ceux qui s'imaginent qu'il a été
un temps où Dieu n'avait pas ce qui est de la
même essence que lui. De même qu'on ne
peut dire que Dieu est sujet au changement,
on ne peut dire non plus qu'il augmente en
quelque chose.» Les prisciUianistes ajoutaient
que Jésus-Christ n'est Fils de Dieu que parce
qu'il est né d'une vierge. Ils avaient appris
cette doctrine de Paul de Samosate et de Pho-
tin , qui ont dit que notre Seigneur Jésus-
Christ n'était pas avant qu'il naquît de la
vierge Marie. Mais il suivait de là qu'il y avait
plusieurs fils de Dieu, dont l'un, qui était
Jésus-Christ, n'était appelé Fils unique que
parce qu'il était le seul qui fût né de la vierge
Marie. Ces hérétiques jeûnaient le jour de la
Nativité de Jésus-Christ et le jour du diman-
che ; en quoi, comme le remarque saint Léon,
ils imitaient les marcionites et les manichéens,
croyant avec eux que Jésus-Christ n'est pas
né véritablement selon la chair, mais seule-
Chip.
pag. 227.
208
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
cbap. V, ment en apparence. Ils soutenaient que l'âme
pag. 208. gg^ l'essence divine et de même natui-e que
son Créateur : c'est ce que disaient encore les
manichéens, et ce que condamne la foi catho-
lique, qui reconnaît qu'il n'y a point de créa-
tures si sublimes qui soient de la nature de
Dieu même. Dire que l'âme est de la nature
de Dieu , c'est dire que Dieu est muable et
qu'il est sujet à toutes les impressions dont
la nature de notre âme est susceptible. Une
VI. autre de leurs erreurs était que les démons
n'ont jamais été bons de leur nature; que ce
n'est point Dieu qui les a crééSj et qu'ils ont
été formés du chaos et des ténèbres. La foi
catholique enseigne au contraire' que la sub-
stance de tous les êtres , soit spirituels , soit
corporels , est bonne , et que le mal n'a au-
cune nature particulière. Dieu, qui a créé
toutes choses, n'ayant rien fait que de bon ;
d'où vient que le diable même seraitbon, s'il
eût persévéré dans l'état où Dieu l'a créé;
mais, ayant abusé de son excellence natu-
relle, il n'a pas été changé en une substance
contraire, il est seulement déchu du souve-
rain bien auquel il aurait dû s'attacher.
T„. Les priscillianistes s'accordaient encore
avec les manichéens sur le mariage , qu'ils
condamnaient les uns et les autres, regardant
la génération comme une chose détestable.
Saint Léon fait voir qu'en cela ils ne pen-
saient point du mariage comme ils devaient,
puisque l'usage n'en peut être blâmé lorsqu'il
se fait avec pudeur et selon sa véritable fin,
,,,„ qui est d'avoir des enfants. L'Eghse catho-
lique avait déjà condamné cette proposition :
Les corps des hommes sont formés paj' le diable,
et ils ne ressusciteront point. « Le corps humain
n'est pas , dit saint Léon , l'ouvrage des dé-
mons; mais ce sont eux qui forment dans les
cœurs des hommes de semblables erreurs, n
IX pag. 229. Le même père fait voir qu'il est contraire à
la foi catlioHque de dire avec les priscillia-
nistes, que les enfants de promission naissent
des femmes^ mais qu'ils sont conçus du Saint-
Esprit. L'homme est formé tout entier dans
le sein de sa mère par le Créateur, mais il
renaît dans le sacrement de baptême par le
Saint-Esprit. C'est pourquoi David, en par-
lant de sa naissance, lui qui était sans doute
„ , un fils de promission, dit à Dieu : Vos mains
Psn Im . ^ '
?o""x'x!' ■'"' m ont fait et m'ont formé; et le Seigneur, à
Jérémie : Avant que je vous eusse formé , je
vous ai connu et je vous ai sanctifié dans le sein
Cl. a X de votre mère. L'Eglise enseigne encore que
p.ig.229. l'âme est unie au corps dans le même mo-
ment qu'elle est créée; par conséquent, elle
condamne l'opinion de ceux qui disent que
les âmes ont demeuré dans le ciel avant d'ê-
tre enfermées dans les corps, et qu'elles n'y
sont envoyées qu'à cause des péchés qu'elles chap.
ont commis auparavant. Elle retranche aussi ^"^'
de son corps tous ceux qui enseignent que
les astres et les étoiles gouvernent toutes xn.
choses par une fatale nécessité, de même que
ceux qui soutiennent que les parties de l'âme
sont soumises à certaines puissances, et les
membres du corps à d'autres ; que celles qui
président à l'âme ont les noms des patriar-
ches, et que celles qui régissent les membres
du corps sont des astres. »
Les priscillianistes disaient que tout le corps xm, p. 230
des Ecritures canoniques était compris sous
le nom des patriarches , qui désignent les
douze vertus qui réforment et éclairent
l'homme intérieur. Saint Léon dit que la sa-
gesse chrétienne rejette avec mépris de sem-
blables imaginations. Il traite aussi de fable xi».
ce que les mêmes hérétiques disaient, que
nos corps sont soumis aux astres et aux con-
stellations. II remarque qu'ils avaient cou- xv
tume de corrompre les divines Ecritures, et
qu'on les en avait convaincus par la confron-
tation de leurs exemplaires ; qu'ils se servaient
de divers livres apocryphes remplis d'erreurs ;
qu^il était du devoir des évêques de se saisir
de tous ces livres et de les bi'ùler, encore
même qu'il s'en trouvât quelqu'un intitulé du
nom des apôtres; car, quoique ceshvres apo-
cryphes aient une apparence de piété, ils ren-
ferment ordinairement un venin caché qui
porte à l'erreur. Il défend la lecture des ser-
mons et autres écrits que Dictinius avait com-
posés, étant encore engagé dans l'erreur des
priscillianistes , et que quelques-uns ne fai-
saient point difficulté de lire , sons prétexte
qu'il étaitmort dans la communion de l'Eglise.
Dictinius, après avoir abjuré le priscillianisme
au concile de Tolède, eniOO, fut fait évêque
d'Astorga, et eut Turribius pour son succes-
seur. Saint Léon raconte en peu de mots ce
qu'il avait découvert à Rome des infâmes
mystères des manichéens, à qui il dit que les
priscillianistes étaient si semblables, qu'ils ne
différaient que de nom. Il ajoute, en parlant
des évêques infectés des erreurs qu'il venait
de réfuter, ou qui ne s'y opposaient point,
qu'ils ne peuvent, en conscience, garder la
qualité d'évêques, s'ils ne changent de doc-
trine et de conduite. A l'égard de ceux d'en-
tre les cathofiques qui témoignaient douter
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XI. —
si la chair de Jésus-Christ était demeiu'ée dans
le tombeau, il dit qu'il y a lieu de s'en éton-
ner, puisqu'il est clair, par l'Evangile, que
Jésus-Christ a été enseveli et qu'il est ressus-
cité. Il finit sa lettre en ordonnant la tenue
d'un concile dans un lieu où les évoques des
provinces voisines pussent assister, et où l'on
examinât s'il y en avait quelques-uns infectés
de l'hérésie des priscillianistes. Il veut que
dans ce cas on les sépare de la communion,
s'ils ne rétractent et condamnent leur erreur.
Il témoigne souhaiter qu'il y ait un coucile
général des provinces de Tarracone, de Car-
thage, de Lusitanie et de Galice ; mais que
s'il s'y trouve quelques obstacles, les évêques
de Galice s'assemblent à la diligence d'Idace,
de Céponius et de Turribius. Cette lettre fut
rendue à Turribius par le diacre qu'il avait
envoyé à Rome, avec une autre lettre que le
pape adressait aux évêques de la Tarrago-
naise, de la Carthaginoise, de la Lusitanie et
de la Galice, et avec les actes de ce qui s'était
fait à Rome, en 443, contre les manichéens.
Turribius ne manqua pas de faire passer la
lettre de saint Léon aux évêques de ces qua-
tre provinces, mais ils ne purent assembler
si tôt le concile général que le pape souhai-
tait; ces provinces étaient alors trop divisées.
Les Suèves occupaient la Galice avec une
partie de la Lusitanie, sous leur roi Réchila,
qui mourut en 448 ; le reste était sous la domi-
nation, partie des Goths, partie des Romains.
Mais il se tint deux conciles : l'un en Galice,
l'autre des quatre provinces de Tarracone,
de Carthage, de Lusitanie et de Bétique. Dans
ce dernier , les évêques déclarèrent qu'ils
s'assemblaient par ordre de saint Léon. Ce
pape écrivit au concile de Galice par un no-
taire de l'Eglise romaine, nommé Turribius.
14. Les évêques de Sicile donnaient le bap-
tême solennel, non-seulement à Pâques et à la
Pentecôte, mais encore à l'Epiphanie, croyant
par là honorer le jour auquel Jésus-Christ
avait reçu le baptême. Saint Léon, en ayant
eu avis, leur écrivit, le 21 octobre de l'an 447,
pour les obliger à quitter cet abus et à suivre
la disciphne du Saint-Siège, d'où ils rece-
vaient l'ordination épiscopale. Il déclare qu'il
use envers eux d'indulgence pour les fautes
qu'ils avaient commises à cet égard, dans
l'espérance qu'ils s'en corrigeraient à l'ave-
nir; ensuite il fait voir que l'on doit observer
certains temps pour la célébration des mys-
tères de la religion ; qu'autre est le temps où
la sainte Vierge a conçu par l'opération du
X,
SAINT LEON, PAPE. âÔ9
Saint-Esprit, autre celui où elle a enfanté;
autre le temps auquel Jésus-Christ a été cir-
concis ou adoré des mages; que toute la vie
de Jésus-Christ ayant été une suite de mira-
cles et de mystères, l'Eglise, qui ne pouvait
les honorer tous à la fois^ en a distribué la
mémoire à divers jours. Or c'est, ajoule-t-il, chap. m.
principalement de sa mort et de sa résurrec-
tion que le baptême a tiré sa vertu, et c'est
le sacrement qui représente plus expressé-
ment l'une et l'autre. Sa mort y est exprimée
par l'abolition du péché, les trois jours de sa
sépulture par les trois immersions, sa résur-
rection par la sortie hors de l'eau. L'on joint
à la fête de Pâques celle de la Pentecôte, en
faveur de ceux qui -n'ont pu être baptisés à
Pâques, soit parce qu'ils étaient malades ou
en voyage, soit par quelqu'autre empêche-
ment, parce que la descente du Saint-Esprit
est la suite de la résurrection du Sauveur.
Saint Léon prouve cet usage par l'exemple ^^
de saint Pierre, qui baptisa trois mille per-
sonnes le jour de la Pentecôte; mais il veut
que l'on fixe tellement le baptême solennel
à ces deux jours, qu'on l'accorde en d'autres
temps à ceux qui se trouveront ou en danger
de mort, ou dans quelques villes assiégées, ou
exposées à la persécution , ou dans le péril de
faire naufrage, ces deux jours n'étant que
pour ceux qui sont en santé et en liberté , et ^^
que l'on a choisis, après les avoir exorcisés,
examinés, sanctifiés par les jeûnes et prépa-
rés par de fréquentes instructions. Il répond
à la raison que les évêques de Sicile allé-
guaient pour l'administration du baptême le
jour de l'Epiphanie, qu'il n'est pas certain
que Jésus-Christ l'ait reçu en ce jour, quoi-
que quelques-uns le crussent ainsi; que d'ail-
leurs Jésus-Christ n'a reçu que le baptême
de saint Jean, et cela pour accomplir toute
justice et montrer l'exemple, comme il a été
circoncis et a pratiqué les cérémonies légales ;
mais qu'il a institué le sacrement du baptême
à sa mort, par l'eau qui coula de son côté
avec le sang. Il ordonne donc à ces évêques,
pour mieux conserver l'uniformité de la dis-
cipline et empêcher les scandales dans l'E-
glise de Jésus-Christ, d'envoyer chaque année
trois d'entre eux à Rome, le 29 septembre,
pour assister à l'un des deux conciles qui
doivent se tenir tous les ans, suivant qu'il a
été sagement établi par les saints pères. Sa
lettre fut portée par les évêques Baccillus et
Paschasin, qu'il chargea de l'informer de
quelle manière elle aurait été reçue.
14
210
HISTOIKE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Leiiia 17 15. H J a Une autre lettre de saint Léon,
dTsicilë!"^ adressée aux évoques de Sicile, le lende-
main de la précédente, c'est-à-dire le 22 oc-
tobre de l'an Ml, mais sur un sujet tout
différent. Quelques clercs de deux églises
de Sicile avaient fait des plaintes au pape de
ce que leurs évéques en avaient dissipé le
bien ; c'étaient les évêques de Tadormine et
de Palerme, dont le dernier était mort depuis
peu. Le pape, après avoir traité cette affaire
dans un concile et fait un règlement particu-
lier pour le rétablissement de ces deux Eglises,
écrivit à tous les évêques de la Sicile pour
leur défendre de rien échanger ou aliéner
des biens de leurs Eglises que pour l'utilité
des Eglises mêmes et avec le consentement
de tout le clergé. Cette lettre n'est datée que
du consulat d'Alipius, et elle ne dit rien d'Ar-
dabure, son collègue; mais il est assez ordi-
naire à saint Léon d'omettre l'un des deux
consuls. Quelques-uns ont cru qu'elle était
de Léon II; mais pourquoi y aurait-on ajouté
la date d'un consul contemporain de LéonI?
Ils conviennent qu'elle est citée par Gratien
sous le nom du pape saint Léon; ainsi il faut
la lui laisser, le style de cette lettre n'étant
pas si différent du sien qu'on le veut faire
entendre *.
Letira 18 à 16- I-'a lettre à Dorus, évêque de Bénévent,
qZ'iè Bi»t est du 13 mars -448. Cet évêque avait ordonné
vent, p. 236. - , 'T^■ , ^^ .,'11
prêtre un nomme Epicarpe, et 1 avait mis à la
tête de tous ses prêtres, quoique, suivant
l'ordre de la discipline, il dût tenir le dernier
rang entre les prêtres. Dorus n'avait fait cet
arrangement que du consentement et même
à la prière des deux plus anciens prêtres qui,
par une basse complaisance, voulurent mettre
Epicarpe au-dessus d'eux. Mais un autre prê-
tre , nommé Paul , en porta ses plaintes au
pape, qui reprit sévèrement Dorus d'avoir
troublé l'ordre qui devait être entre les prê-
tres de son Eglise. Il lui ordonna de réparer
sa faute, et en même temps de mettre les der-
niers, et même au - dessous d'Epicarpe les
deux prêtres qui lui avaient cédé le rang. En
cela saint Léon croyait leur faire grâce, disant
qu'ils méritaient bien d'être déposés. Il com-
mit l'exécution de ses ordres à un évêque
nommé Jules, qu'on croit être celui de Pou-
zolles, qui fut député l'année suivante au
concile d'Ephèse. Cette lettre, comme la pré-
cédente, ne met qu'un consul, qui est Pos-
' Les frères Ballerini ont prouvé par de solides
raisons que cette lettre était de saint Léon. Voir
Lettre 2(
Flavien, p;
237, et 21
Tliéûdose,
238.
thumien, et ne parle pas de celui d'Orient.
C'était Zenon.
17. Eutychès, avant de publier son hérésie, Lettre is
avaitécritàsaintLéonquequelquespersonnes l,",.'"''''' '
renouvelaient celle de Nestorius, condamnée [
dans le premier concile d'Ephèse. Ce saint
pape lui lit réponse qu'il louait son zèle et
qu'il apporterait du remède à ce nouveau, mal
aussitôt qu'il serait plus amplement informé
de ceux qui en étaient les auteurs. La réponse
de saint Léon est du i " juin 448.
18. La même année, Eutychès lui écrivit
une seconde lettre où il se plaignait d'avoir été
privé de la communion par Flavien de Cons-
tantinople, surraccusaliond'EusèbedeDory-
lée. « J'ai présenté, disait-il, une requête au
concile devant lequel il m'a cité, qui contenait
ma profession de foi; mais l'évêque Flavien
n'a voulu ni la recevoir ni la faire lire. J'ai
déclaré en propres termes que je suivais la
foi du concile de Nicée, conlirmée à Ephèse.
On voulait me faire confesser deux natures
et anathématiser ceux qui le nient. Pour moi,
je craignais la défense du coiicile, de rien
ajouter à la foi de Nicée, sachant que nos
saints pères Jules, Félix, Athanase et Grégoire
ont rejeté le mot de deux natures, et je n'o-
sais raisonner sur la nature du Verbe divin,
ni anathématiser ces pères. C'est pourquoi je
priais que l'on en fit rapport à votre Sain-
teté, protestant de suivre en tout votre juge-
ment. JMais, sans m'écouter, le concile étant
dissous, on a publié contre moi une sentence
de déposition. J'ai donc recours à vous, qui
êtes le défenseur de la religion, puisque je
n'innove rien contre la foi. »
Eutychès joignit à cette lettre la requête
d'Eusèbe de Dorylée contre lui, et celle qu'il
présenta lui-même au concile de Flavien. On
croit qu'il obtint en même temps, par le cré-
dit de l'eunuque Cln'ysaphius, son protecteur,
une lettre de l'empereur Théodose à saint
Léon, dans laquelle ce prince, sans lui expli-
quer ce qui s'était passé dans l'Eglise de Cons-
tantinople, l'exhortait à y rétablir la paix. Le
pape, ayant reçu ces lettres, écrivit à Flavien
pour se plaindre de ce qu'il ne l'avait pas ins-
truit le premier du scandale arrivé à Cons-
tantinople, et de ce qu'il avait séparé Euty-
chès de la communion de l'Eglise. Il le prie
donc de lui envoyer une ample relation de
tout ce qui s'était passé, et de lui apprendre
tom. 1 des œuvres de saint Léon, édition Migne,
col. 7S!5-2e. [L'éditeur.)
fV SIECLE.]
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
211
quelle nouvelle erreur s'était élevée contre
la foi , « alin que nous puissions , dit-il , sui-
vant l'intention de l'empereur, éteindre la
division. Cela ne sera pas ditScile, puisque le
prêtre Eulychès a déclaré , dans son libelle ,
que s'il se trouvait en lui quelque chose de
répréliensible, il était prêt à le corriger. »
Cette lettre est du 18 février 449; la réponse
à l'empereur est du I" mars suivant. Saint
Léon, après y avoir fait l'éloge de la foi de
ce prince et de son zèle pour la paix de l'E-
glise, y fait en peu de mots le récit des plaintes
d'Eutychès. Il s'y plaint aussi du silence de
Flavien, et detuande d'être instruitde l'affaire,
afin d'en porter son jugement avec maturité
et connaissance de cause.
19. Flavien ayant reçu la lettre de saint
Léon, y fit une réponse en ces termes : « Eu-
tychès veut renouveler les hérésies d'Apolli-
naire et de Valentin, soutenant qu'avant l'in-
carnatioa de Jésus-Christ il y a deux natures,
la divine et l'humaine ; mais qu'après l'union
il n'y a qu'une nature, et que son corps, pris
de Marie, n'est pas d'une autre substance ni
consubstuutiel à sa mère , quoiqu'il l'appelle
un corps humain. Nous l'avons condamné sur
l'accusation de l'évêque Eusèbe et sur les ré-
ponses qu'il a faites dans le concile , décou-
vrant son hérésie de sa propre bouche, comme
vous apprendrez par les actes que nous vous
envoyons avec ces lettres. Il est juste que
vous en soyez inslruit; car Eutychès, au lieu
de faire pénitence pour apaiser Dieu et nous
consoler dans la douleur que nous sentons de
sa perte, s'empresse de troubler notre Eglise,
en affichant publiquement des libelles rem-
plis d'injures, et présentant à l'empereur des
leqiiêtes insolentes. Nous voyons aussi, par
vos lettres , qu'il vous a envoyé des libelles
pleins d'impostures, en disant qu'au temps du
jugement il nous a donné des libelles d'ap-
pellation à votre Sainteté, ce qui n'est pas
vrai; mais il a prétendu vous surprendre par
ce mensonge. Tout cela vous doit exciter à
employer ici votre vigueur ordinaire. Faites
votre propre cause de la cause commune.
Autorisez, par vol écrits, la condamnation
prononcée réguhèrement , et fortifiez la foi
de l'empereur. »
Saint Léon ayant trouvé un nommé Ro-
dane qui allait à Constantinople, écrivit un
billet à Flavien, où il se contentait de lui
marquer qu'il avait reçu ses lettres, ajoutant
qu'il y répondrait plus amplement par celui-
là même qui les lui avait apportées; en
attendant, il témoignait être pleinement con-
vaincu de l'hérésie d'Eutychès, et promettait
à Flavien qu'il ne souffrirait pas que ses ad-
versaires le troublassent plus longtemps.
20. Eutychès obtint, par le moyen de i.euroija
Dioscore et les sollicitations d'Eudoxie et de 1'^.%»°''
Chrysaphius, un concile universel. La lettre
de convocation est du 30 mars 449. Suint
Léon y fut invité avec les évoques d'Occi-
dent. Dans la réponse qu'il fit à Théodose le
25 mai, après lui avoir déclaré sou attache-'
ment pour la foi de Nicée , il lui dit que,
comme il condamne Nestorius, il ne con-
damne pas moins ceux qui, avec Eulychès,
nient que Jésus-Christ ait pris la véjité de
notre chair. Ensuite il prie ce prince, dont il
loue la sollicitude pour la foi, d'ordonner la
tenue du concile en Italie, l'assurant qu'en
ce cas il verrait bientôt tous les scandales
apaisés, et la foi, de même que la paix chré-
tienne, régner partout ses Etats.
21. Le 13 du mois suivant, saint Léon Leureaià
écrivit à Flavien une lettre beaucoup plus cÔnsîâmino-
I 11 , .1 I • • , . , 1 pie, pag. 242,
longue que celle ou u lui avait accuse la re- « leure u,
ception de la sienne. Il y traite avec autant
d'étendue que d'exactitude la question de
l'incarnation, renversant également les deux
erreurs opposées de Nestorius et d'Eutychès.
II fuit voir que si ce dernier est tombé dans chap. icin
l'erreur, c'est faute d'avoir étudié les saintes
Ecritures et d'avoir même fait attention aux
termes du symbole, que savent non- seule-
ment tous les fidèles, mais ceux encore que
l'on prépare au baptême. Ils y disent, en
etfet, qu'ils croient en Dieu le Père tout-
puissant, et en Jésus-Christ son Fils unique
notre Seigneur, qui est né du Saint-Esprit et
de la vierge Marie. « Trois articles, dit saint
Léon, qui suffisent pour ruiner presque tou-
tes les machines des hérétiques : car, en
croyant que Dieu tout-puissant et éternel est
Père, on montre que son Fils lui est co-éter-
nel, consubstantiel et entièrement sembla-
ble; c'est le même Fils éternel du Père éter-
nel, qui est né du Saint-Esprit et de la vierge
Marie. Cette génération temporelle n'a rien
ôté ni rien ajouté à la génération éternelle,
mais elle a été employée tout entière à la
réparation de l'homme, pour vaincre la mort
et le démon : car nous n'aurions pu sur-
monter l'auteur du péché et de la mort, si
celui-là n'avait pris notre nature et ne l'a-
vait pas fait sienne, qui ne pouvait être in-
fecté par le péché, ni retenu par la mort. Il
a donc été conçu du Saint-Esprit dans le sein
212
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Isa
et IX,
de la Vierge, sa mère, qui l'a enfanté, comme
elle l'avait conçu, sans préjudice de sa vir-
ginité. »
Saint Léon appuie celte doctrine de plu-
sieurs passages de l'Ecriture où nous lisons
Maiih. I, i. que le Verbe a pris une véritable cbair. « L'E-
vangile le nomme fils de David et d'Abra-
p.om.i, 1. ham. Saint Paul dit qu'il a été fait du sang
Gaïai. ,11, 8. dc David selon la chair. Cet apôtre applique
à Jésus-Christ la promesse faite à Abraham,
Gcnes. XII, 3 ." de bénir toutes les nations par son Fils;
c'est aussi de Jésus-Christ que l'on doit en-
i „, ij tendre les prophéties d'Isaïe touchant l'Em-
manuel, fils d'une Vierge, et l'enfant qui
est né pour nous. D'où il suit que Jésus-Christ
n'a pas eu seulement la forme d'un homme,
mais un corps véritable tiré de sa mère.
L'opération du Saint-Esprit n'a pas empêché
que la chair du Fils ne fût de même nature
que celle de la mère ; elle a seulement donné
la fécondité à une vierge. L'une et l'autre
Chap. III. ° ,
nature demeurant donc en son entier, ont été
unies en une personne, afin que le même
médiateur pût mourir, demeurant d'ailleurs
immortel et impassible. Il a tout ce qui est
en nous, tout ce qu'il y a mis en nous créant,
et qu'il s'est chargé de réparer; mais il n'a
point ce que le trompeur y a mis; il a pris
la forme d'esclave, sans la souillure du pé-
ché, augmentant la dignité de la nature hu-
maine, sans rien diminuer de ce qui appar-
,^. tient à la nature divine. Une nature n'est
point altérée par l'autre ; le même qui est
vrai Dieu est vrai homme; il n'y a point de
mensonge dans cette union. Comme Dieu
ne change point par la grâce qu'il nous fait,
l'homme n'est point consumé par la dignité
qu'il reçoit. Le Verbe et la chair gardent les
opérations qui leur sont propres; l'un fait
des miracles , l'autre souffre les injures.
C'est ce que saint Léon prouve par un grand
nombre de passages, tant des évangiles que
des épitres de saint Paul. Il est Dieu, puis-
qu'il est dit : Au commencement était le Yerbe,
et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
, Il est homme, puisqu'il est dit : Le Verbe a
été fait chair et a habité avec nous. Il est Dieu,
Gaut. IV, 4. puisque toutes choses ont été faites par lui, et
que sans lui rien n'a été fait. Il est homme,
étant né d'une femme, et soumis à la loi. La
naissance de la chair montre la nature hu-
maine. L'enfantement d'une vierge montre
la puissance divine. C'est un enfant dans le
L„c, M, 7 berceau, et le Très-Haut loué par les anges.
etn,etjiaii. jj^po^e veut le tuer; mais les anges viennent
Joan. I, 1.
l'adorer. Il vient au baptême de saint Jean,
et en même temps la voix du Père déclare
que c'est son Fils bien aimé, dans lequel il a siauh.u
mis toute son affection. Comme homme, il est
tenté par le démon ; comme Dieu, il est servi
par les anges. La faim, la soif, la lassitude, s'aiih.
le sommeil, sont évidemment d'un homme;
mais il est certainement d'un Dieu, de ras- joan.i
sasier cinq mille hommes de cinq pains, de
donner à la Samaritaine de l'eau vive, de
marcher sur la mer et d'apaiser la tempête.
Il n'est pas d'une même nature de pleurer 2s^'""''
son ami mort, et de le ressusciter; d'être at- uaiiii.x
35
taché à la croix, et de changer le jour en
nuit, défaire trembler les éléments et d'ouvrir
au larron les portes du ciel. Comme Dieu, il joan. x,
dit : Le Père et moi nous ne sommes qu'un;
comme homme : Le Père est plus grand que j„j„.„
moi. Car, encore qu'en Jésus-Christ il n'y ait
qu'une personne de Dieu et de l'homme,
toutefois, autre est le sujet de la souffrance
commun à l'un et à l'autre, et autre le sujet
de la gloire commune. C'est cette unité de chap.r
personne qui fait dire que le Fils de l'homme
est descendu du ciel, et que le Fils de Dieu
a pris chair de la Vierge, que le Fils de Dieu
a été crucifié et enseveli, comme nous disons
dans le symbole, quoiqu'il ne l'ait été que
dans la nature humaine. L'Apôtre dit : S'ils j £■„,.
avaient connu le Seigneur de majesté, jamais
ils ne l'auraient crucifié. Jésus-Christ demande
à ses apôtres : Et vous, qui dites-vous que je ^^^^^^
suis? moi qui suis le fils de l'homme, et que "■
vous voyez avec une véritable chair. Saint
Pierre répond : Vous êtes le Christ, Fils du
Dieu vivant, le reconnaissant également Dieu
et homme, parce qu'il y avait autant de dan-
ger de croire que Jésus-Christ était seule-
ment Dieu, ou seulement homme. Après sa
résurrection, il montrait son corps sensible
et palpable avec les trous de ses plaies ; il
parlait, mangeait et habitait avec ses disci-
ples, et en même temps il entrait les portes
fermées, donnait le Saint-Esprit aux apôtres
et l'intelligence des Ecritures, montrant en
lui les deux natures distinctes et unies. Eu-
tychès, en niant que notre nature est dans le
Fils de Dieu, doit craindi'e ce que dit saint
Jean : Tout esprit qui confesse que Jésus-
Christ est venu dans la chair, est de Dieu;
et tout esprit qui divise Jésus-Christ, n est pas ijoan.
de Dieu, et c'est l'Antéchrist : car qu'est-ce
que diviser Jésus-Christ, si ce n'est en sépa-
rer la nature humaine et anéantir par d'im-
pudentes fictions le mystère par lequel seul
[V SIECLE. J
nous sommes sauvés? L'erreur touchant la
nature du corps de Jésus-Christ, détruit
par nécessité sa passion et l'elScacité de
son sang. Quand Kutychès vous a répondu :
Je confesse que notre Seigneur était de deux
natures avant l'union mais après l'union , je
ne reconnais qu'une seule nature, Je m'é-
tonne que vous n'ayez point relevé un si
grand blasphème, puisqu'il n'y a pas moins
d'impiété à dire que le Fils de Dieu était de
deux natures avant l'incarnation, que de
n'en reconnaître qu'une en lui après l'incar-
nation. Ne manquez pas de lui faire rétrac-
ter cette erreur, si Dieu lui fait la grâce de
se convertir : mais, en ce cas, vous pourrez
user envers lui de toutes sortes d'indul-
gences; car, lorsque l'erreur est condamnée,
même par ses sectateurs, la foi en est plus
utilement défendue. »
92. Julien, évêque de Cos, légat du pape
saint Léon à Constantinople, lui avait écrit
touchant l'erreur d'Eutychès, par un diacre
nommé Basile. Il en reçut deux réponses.
Dans la première, qui lui fut rendue par le
même diacre et qui est datée du 13 juin de
l'an 449, le Pape dit qu'il est inutile à Euty-
chès d'accuser les catholiques de nestoria-
nisme, que leur foi est inébranlable; eu niant,
comme il faisait, la vérité de l'incarnation,
il en détruisait toutes les suites et toute l'es-
pérance des chrétiens; par l'union qui s'est
faite de la nature divine avec la nature hu-
maine en une seule personne, le Verbe ne
s^'est point changé en chair ni en âme, puis-
que la divinité est immuable et que la chair
ne s'est point changée au Verbe; il ne doit
point paraître impossible que le Verbe, avec
la chair et l'âme, fasse un seul Jésus-Christ,
puisqu'on chaque homme la chair et l'âme
qui sont d'une nature si différente, sont une
seule personne. Ce n'est pas un autre qui est
né du Père, et un autre de la Mère, mais le
même médiateur de Dieu et des hommes Jé-
sus-Christ, qui est né autrement du Père avant
toutes choses, et autrement de la Mère à la fin
(les siècles; il faut qu'Eutychès, en disant
qu'avant l'incarnation il y avait deux, natu-
res, ait cru que l'âme du Sauveur avait de-
meuré dans le ciel avant d'être unie au Verbe
dansleseindela viergeMarie; ce quelafoica-
tholique ne permet pas de penser : car il n'a
rien apporté du ciel qui fût de notre condition ;
il n'a pas pris une âme déjà créée, mais il l'a
créée en la prenant. Il faut donc punir dans
Eutychès ce qu'on a condamné dans Origène,
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
213
savoir, que les âmes ont vécu et agi avant
d'être mises dans les corps. Quoique la nais-
sancede Jésus-Christ soit au-dessusdelanôtre
par diverses raisons, ayant été conçu d'une
manière différente de nous, et sa mère l'ayant
conçu et enfanté sans perdre sa virginité, sa
chairn'était point d'une nature différente de la
nôtre. 11 en est de même de son âme, elle
n'est pas distinguée des nôtres par la diver-
sité du genre , mais par la sublimité de la
vertu. Sa chair ne produisait point de désirs
contraires à l'esprit; il n'y avait point en lui
de combat, mais seulement des affections
soumises à la divinité.
Dans la seconde lettre, saint Léon témoigne
sa douleur des égarements d'Eutychès, et
marque à Julien qu'il pourra apprendre par
sa lettre à Flavien, quelle est la foi de l'E-
glise, ajoutant que s'il arrivait qu'Eutychès
se corrigeât, il faudrait user envers lui d'in-
dulgence et se relâcher de la sévérité de la
sentence prononcée contre lui. Il dit qu'il a
envoyé au concile d'Ephèse, indiqué par
l'empereur, des légats a latere, c'est-ù-dire
tirés de l'Eglise romaine, ou de celles qui
lui étaient immédiatement soumises. Il em-
ploie la même expression dans sa lettre à
Fauste et aux anciens archimandrites de
Constantinople.
23. Il envoyait ces légats pour tenir sa
place au concile et pour y porter l'esprit de
justice et de miséricorde , afin que l'erreur
fût condamnée, puisqu'on ne pouvait douter
quelle était la foi chrétienne, et que l'on
pardonnât à Eutychès, s'il se repentait. C'est
ce que dit saint Léon dans sa seconde lettre
à Théodose. Il ne doutait plus, lorsqu'il écri-
vit, qu'Eutychès ne fût coupable, parce qu'il
avait vu les actes de sa condamnation. Il
renvoie encore ce prince à sa lettre à Fla-
vien^ pour savoir ce que l'Eglise catholique
croyait universellement touchant le mystère
de l'Incarnation.
24. Il fait mention de la même lettre dans
celle qu'il écrivit à l'impératrice Pulchérie,
dont il loue le zèle contre tous les héréti-
ques de son temps. Il fait voir qu'il était né-
cessaire au salut du genre humain que Jé-
sus-Christ fût non -seulement homme, mais
encore de même nature que nouSj et que les
généalogies que saint Mathieu et saint Luc
en ont faites, quoique dans un ordre diffé-
rent, prouvent qu'il était en effet d'une na-
ture semblable à la nôtre, l'un le faisant
descendre de David, et l'autre d'Adam. Il té-
Lettre se à
l'em p er e II r
Théodose, p.
2'.6.
Lettre 27 i
Pulchérie, p.
247.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
214
moigne espérer qu'Eutychès se corrigera, et
croire qu'il est tombé dans l'erreur, plus par
ignorance que par malice : « Mais, ajoute-
t-il, s'il persévère dans sa mauvaise doctrine,
personne ne pourra révoquer la sentence que
les évêqnes ont prononcée contre lui. n II
marque que, n'aj'ant reçu la lettre de convo-
cation au concile que le 13 mai , à peine
avait-il eu assez de temps pour y envoyer
des légats; que, pour lui, il ne pouvait s'y
trouver en personne, soit parce qu'aucun de
ses prédécesseurs ne s'était trouvé à des con-
ciles tenus hors de Rome, soit parce que
l'état des affaires de l'empire ne lui permet-
tait pas de quitter son siège et sa patrie,
sans mettre le peuple dans une espèce de
désespoir. On craignait alors que les Huns
ne fissent quelqu'incursion en Italie, comme
cela arriva trois ans après.
L8Ure^2s ^o. La IcttrB à Fauste, à Martin et aux
nii.ndrites de autrBs arclumandrites de Constantinple, qui
nopie. p. 249. avaient souscrit à la condamnation d'Euty-
chès, est pour les encourager à la défense de
la foi. Saint Léon déclare détester l'erreur
d'Eutycliès, ayant connu par les actes qu'on
lui avait envoyés, qu'il était véritablement
coupable; mais il témoigne souhaiter qu'il re-
vienne à récipiscence, afin qu'il soit rétabli
dans la communion de l'Eghse. Il les renvoie
à sa lettre à Flavien, disant qu'il y avait suffi-
samment expliqué la doctrine qu'il avait reçue
de la tradition des Pères sur le mystère de
l'Incarnation.
Lettre 29 25. Sa lettre au concile d'Ephèse est de
HT.phèse, p. même date que celles à Flavien, à Théodose
et àPulchérie, c'est-à-dire du 13 juin M9;
il y établit la foi de l'Incarnation par le té-
moignage que saint Pierre rendit également
à la divinité et à l'humanité de Jésus-Christ.
Il ne fait point difficulté de reconnaître que
l'empereur avait convoqué le concile d'E-
phèse, mais il dit en même temps que ce
prince, par respect pour les divins instituts,
avait aussi employé Tautorité du Siège apos-
tolique, pour empêcher qu'aucun germe d'er-
reur ne s'élevât dans le sein de l'Eglise catho-
lique. Il ajoute que la fin de ce concile est pour
abolir l'erreur par un jugement plus authen-
tique, et déclare qu'il donne pouvoir à ses
légats d'ordonner en commun avec le con-
cile ce qui sera agréable à Dieu, c'est-à-dire
de condamner , premièrement l'erreur, en-
suite de rétablir Eutychès, s'il se rétracte et
s'il condamne son hérésie, comme il me l'a,
dit-il, promis dans le libelle qu'il m'a envoyé.
27. On trouve à peu près les mêmes cho- „'rl"™ "•
^ ^ Pulcherje, \
ses dans la trentième lettre à Pulchérie, que 230.
dans la vingt-septième, et souvent en mêmes
termes. Saint Léon y conjure cette princesse
de rendre à l'Eglise les mêmes services
qu'elle lui avait rendus en d'autres occasions,
et de travailler à détruire une erreur qui ve-
nait plutôt de l'ignorance d'Eutychès que de
sa malice. 11 relève la modération du Siège
apostolique, qui usait tellement de sévérité
envers les endurcis, qu'il souhaitait toujours
leur accorder le pardon, pourvu qu'ils se
corrigeassent. Cette lettre ne fut pas rendue
à Pulchérie, ce qui engagea saint Léon à lui
en envoyer une copie avec la trente-unième
lettre qu'il lui écrivit le lo octobre de la
môme année 449. Le Pape dit dans celle-ci
que si la trentième eût été rendue à cette
impératrice , il y avait tout lieu de croire
qu'elle eût pu empêcher les maux que pro-
duisit le faux concile d'Ei)hèse.
28. Le 20 juin il écrivit une troisième lettre j^^^l'J
à l'empereur Théodose, pour s'excuser de ^°^
ce qu'il n'allait pas lui-même au concile.
Il dit qu'il eût été même plus raisonnable de
n'en point indiquer, la question de la foi qui
en était le motif, étant si évidente, qu'elle
ne laissait aucun doute.
29. Quelque temps après le départ des lé- Leiipes
gais, saint Léon reçut une seconde lettre de vi", p-s'
Flavien, où, après lui avoir expliqué de nou-
veau les erreurs d'Eutychès et sa condamna-
tion, il le priait de faire connaître son im-
piété à tous les évêqnes d'Occident, afin que
personne ne communiquât avec lui par lettre
ou autrement. Le Pape lui fit réponse le 23
juillet par le même diacre qui lui avait ap-
porté sa lettre, nommé Basile. Il exhorte Fla-
vien à combattre généreusement pour la vé-
rité, rien n'étant plus glorieux que de dé-
fendre la foi contre les ennemis de la nais-
sance et de la croix de Jésus-Christ : mais il
l'exhorte aussi de tâcher de vaincre par sa
patience et ses remontrances paternelles, la
folie et l'obstination de ceux qui, ayant pour
le corps l'âge des vieillards, n'avaient pour
l'esprit que l'imprudence des enfants. Il par-
lait d'Eutychès. Le 11 août il écrivit encore
à Flavien par une personne de qualité nom-
mée Eupsyque, pour se plaindre de ce qu'il
n'avait pas répondu à sa lettre, et le prier
de lui donner des nouvelles, tant de ce qui
le regardait lui-même, que ses légats et les
affaires de l'Eglise.
30. Saint Hilaire, évêque d'Arles, étant 37, i"^^'
[V= SIÈCLE.]
mort le S mai de l'an 449, Ravenne, prêtre
de la même Eglise, fut élu pour lui succé-
der; c'était un homme fort instruit des règles
de la discipline, et d'une conduite irrépro-
chable. Aussitôt qu'il fut élu, les évêquesde
la province, au nombre de douze, en donnè-
rent avis à saint Léon, qui leur fit réponse
en ces termes : « Nous confirmons par notre
jugement la bonne œuvre que vous avez
faite, en consacrant dans la ville d'Arles,
après la mort d'Hilaire de sainte mémoire,
un homme que nous estimons autant que
notre frère Ravenne, et cela d'un consente-
ment unanime, selon les désirs du clergé,
des magistrats et du peuple. » Les termes
honorables dont use saint Léon en parlant
de saint Hilaire d'Arles, font voir qu'alors il
était revenu des préjugés qu'il avait, quel-
ques années auparavant, conçus contre lui'.
Ravenne avait aussi, sans doute, écrit cà saint
Léon sur sa promotion. Quoi qu'il en soit, le
Pape lui écrivit pour l'exhorter à répondre à
ce que lui et les autres attendaient de sa
vertu et de sa capacité, à observer exacte-
ment les règles de l'Eglise , à s'acquitter des
fonctions épiscopales avec vigilance et en
même temps avec une sage modération :
V Mais il faut, lui dit-il, que cette modéra-
tion soit accompagnée d'autorité, étant néces-
saire que la bonté fasse aimer la force de la
constance; que la douceur tempère la ri-
gueur de la justice, et que la patience arrête
l'ardeur du zèle. » Il le prie de lui donner
. souvent des nouvelles de la manière dont il
conduirait son troupeau, afin qu'il se glori-
fiât dans le Seigneur de -ses progrès. Cette
lettre est toute remplie d'affection pour Ra-
venne, que saint Léon avait connu à Rome
dans le temps qu'il y était pour l'affaire de
saint Hilaire, son prédécesseur. Il lui écrivit
une seconde lettre au sujet d'un vagabond
nommé Pétronien, qui courait par tontes les
provinces des Gaules, se disant diacre de
l'Eglise romaine. « Avertissez, lui dit saint
Léon, les évêques de le rejeter de la com-
munion de toutes les Eglises, afin qu'il n'en-
treprenne plus rien de semblable, n
31. Les deux lettres à Théodose, l'une du
12 octobre, l'autre du 15 du même mois, ont
un même motif et un même but; ce qui pa-
raît suffire pour rendre l'une des deux sus-
pecte, n'étant pas vraisemblable que dans
l'intervalle de trois jours, saint Léon eût écrit
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON , PAPE.
213
deux lettres à ce prince sur une même ma-
tière. La première, qui est la trente-neuvième
dans l'édition que nous suivons, n'a ni l'élé-
gance, ni l'élévation de celles de ce saint
Pape; on ne conçoit pas même comment il
aurait pu dire, comme on le lit dans cette
lettre, qu'il avait appris ce qui s'était passé
à Ephèse des évêques qu'il y avait envoyés,
puisqu'il n'y en avait envoyé qu'un seul, qui
était Jules, évêque de Pouzolles, et que ce
ne fut pas de lui, mais du diacre Hilarus ou
Hilaire, qu'il apprit le mauvais succès du
faux concile d'Ephèse. La même lettre donne
à Théodose le titre de plus tranquille ou de
plus pacifique de tous les princes. Ce n'est
pas ainsi que saint Léon le qualifie ordinai-
rement.
La seconde, qui parait la seule véritable, est
au nom de saint Léon et de son concile. Il s'en
tenait un à Rome tous les ans, sur la fin de
septembre ou au commencement d'octobre.
Ce concile était, ce semble, déjà assemblé,
lorsque le diacre Hilarus arriva à Rome. On
y délibéra sur ce qui s'était passé à Ephèse
touchant le rétablissement d'Eutychès et la
condamnation de Flavien, et on convint una-
nimement de n'y avoir aucun égard. Voici
les raisons qu'en donne saint Léon dans
cette lettre : « Nous avons appris, dit-il, non
par des avis incertains, mais par le rapport
très-fidèle d'Hilarus, notre diacre, qui, crai-
gnant d'être contraint par force de souscrire,
s'est sauvé d'Ephèse; que tous ceux qui
étaient venus au concile, n'ont pas assisté
au jugement. On a rejeté les uns et intro-
duit les autres, qui ont livré leurs mains cap-
tives pour faire, au gré de Dioscore, ces
souscriptions impies, convaincus qu'ils per-
draient leur dignité, s'ils n'obéissaient. Nos lé-
gats y ont résisté constamment, parce qu'en
effet tout le mystère de la foi chrétienne est
détruit, si on n'etîace pas ce crime, qui sur-
passe tous les sacrilèges. Nous vous conju-
rons donc, mes confrères et moi, de peur
que notre silence ne nous rende coupables
devant le tribunal de Jésus-Christ, nous vous
conjurons devant l'inséparable Trinité et de-
vant les saints anges, d'ordonner que toutes
choses demeurent au même état où elles
étaient avant tous ces jugements, jusqu'à ce
qu'on assemble de tout le monde un plus
grand nombre d'évêques. n
Il donne pour motif de convocation, la
' Saint Hilaire avait pu satisfaire le Pape. Pourquoi vouloir donner tort à ce saint et grand Pontiîel [L'édit.]
216
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
réclamation des légats contre ce qui s'était
fait, l'appel interjeté par Flavien, la néces-
sité d'ôter tous les doutes sur la foi et toutes
les divisions qui blessaient la charité. Il de-
mande que ce concile se tienne en Italie, et
que tous les évéques des provinces d'Orient
soient obligés de s'y trouver, afin que ceux
qui s'étaient écartés de leur devoir par fai-
blesse, puissent y être rétablis. « Vous ver-
rez, ajoute-t-il, par les canons de Nicée joints
à cette lettre, combien notre demande est
nécessaire après un appel interjeté. » On
croit que les canons de Nicée étaient ceux
de Sardique, qui défèrent en effet au Pape
seul le jugement des appellations interjetées
par les évéques. Dans les exemplaires grecs
du concile de Cbalcédoine, le quatrième ca-
non de Sardique est joint à la lettre de saint
Léon à Tbéodose, et c'est ce canon où il est
parlé des appellations au Pape. Saint Léon
ajoute : « Favorisez les catholiques, à l'exem-
ple de nos ancêtres; laissez aux évéques la
liberté de défendre la vraie foi, qu'aucune
force et qu'aucune terreur du monde ne
pourront jamais détruire : maintenez la paix
dans l'Eglise, si vous voulez que Jésus-Christ
affermisse et protège votre empire. »
Leiireiià 32. La Icttrc à Pulchérie est encore au
PuXrie'"p'! nom de saint Léon et du concile de Rome.
ass; elle.T été ^ . , ^ . • i± • 1)
donnée en Samt Lcoo coujurc cette prmcesse d em-
coleiiCT^om: ployer tous ses soins et toute son autorité
pag. 54. afin d empêcher que la guerre que 1 on dé-
clarait à la paix et à la foi de l'Eglise ne prît,
avec le temps, de nouvelles forces. Il lui
donne, à cet eâ'et, la légation de saint Pierre.
Il se plaint, comme il avait déjà fait dans sa
lettre à Théodose, que celle qu'il avait écrite
à Flavien n'avait point été lue à Ephèse, et
déclare que tous les évéques d'Occident con-
servent la communion avec celui de Constan-
tinople, tenant pour nul tout ce qui avait été
fait à Ephèse. Saint Léon joignit à cette let-
tre une copie de celle qu'il avait écrite à
l'empereur pour la tenue d'un concile univer-
sel, et prie Pulchérie d'appuyer sa demande.
LctiresHi 33. Saint Léon écrivit en particulier à
Anastase, et Flaviou, pour 1 assuror quil lerait tout son
*4 à Julien, ' ^ , , . T ,
pag. 259. possible pour le bien de la cause commune
et pour l'encourager à souflrir avec cons-
tance, dans la persuasion que les mauvais
traitements qu'il endurait de la part de ses
ennemis, lui serviraient à acquérir la gloire
éternelle. Dans sa lettre à Anastase de Thes-
salonique, il le félicite de ne s'être point
trouvé à Ephèse, et l'exhorte à la défense de
la vérité et à demeurer ferme dans la com-
munion de Flavien, sans avoir aucun égard
à tout ce que l'on pourrait faire pour l'en
détacher. « Appuyons-nous, lui dit-il, dans
ce temps d'épreuve, sur le secours du ciel,
et disposons-nous à demeurer fermes contre
les efforts de nos adversaires. Celui qui est
en nous, est plus puissant que celui qui est
contre nous. » Il témoigne à Julien, évoque
de Cos, combien il était aflligé de ce qui était
arrivé à Ephèse par les violences d'un seul
homme (c'était Dioscore), et la ferme réso-
lution où il était d'apporter à ces maux tous
les remèdes qui dépendraient de lui.
34. Les deux lettres suivantes sont adres- Lettres a'
au peuple de
sées au clersré et au peuple de Constantino- consiantî-
o 1. *. iiop'e, et 4o
pie. Dans la première, saint Léon exhorte les l^^^^^'l§| ""^
clercs à combattre pour la défense de la foi, et ^ss.
à ne point se séparer de la communion et de
l'obéissance de leur évéque, quelque vio-
lence qu'on dût employer pour ébranler leur
constance. Il proteste qu'il ne recevra jamais
en sa communion, ni au nombre des évé-
ques, celui qui osera usurper le siège de
Flavien. Il parait, par la seconde lettre,
que saint Léon avait reçu de Constantinople
des lettres par lesquelles on lui mandait
que l'on avait fait en cette ville des acclama-
tions en faveur de la vérité et de l'innocence
de Flavien. Il en prend occasion d'exhorter
le clergé et le peuple de cette Eglise à per-
sévérer constamment dans la foi de l'Incar-
nation, dont il leur fait une exposition assez
longue, en montrant qu'il était nécessaire
que le Fils de Dieu se fit homme pour nous
racheter de la peine de damnation à laquelle
tout le genre humain était soumis par le
péché originel qne nous contractons en nais-
sant. Il apporte, entre autres preuves de l'In-
carnation, le sacrement de l'Eucharistie, où
les enfants mêmes, lorsqu'ils le recevaient,
reconnaissaient de leur bouche la vérité du
corps et du sang de Jésus-Christ (en répon-
dant Amen comme les adultes). Il ajoute qu'a-
près avoir imploré le secours de Dieu, ils de-
vaient encore tâcher de gagner la bienveil-
lance des princes cathohques, et prier avec
humilité et avec sagesse l'empereur Théo-
dose, pour obtenir de lui un concile général.
35. Saint Léon et son concile écrivirent en i-euj-e n
aux abbes de
particulier àFauste, Martin,Pierre,Magnus', (^"['/''"eî;
' La traduction grecque ne porte point les noms deMagnusetd'Elie.Gotel.,tom. H i)/on«me«;. ,pag
64.
[v-' SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
Elie et Emmanuel, tous prêtres et abbés de
Constantinople, pour les exhorter à ne se
séparer jamais de leur saint évéque, ni de
l'unité de la foi, leur représentant qu'il était
nécessaire que les troubles élevés dans l'E-
glise se dissipassent au plus tôt par la puis-
sance de Dieu, afin que tout ce qui est digne
de réprobation fut séparé de l'Eglise, dont la
pureté n'admet ni tache ni ride.
36. En 450, l'empereur Valentinien vint de
Ravenne à Rome, accompagné de Placidie,
sa mère, et d'Eudoxie, sa femme, fille de
l'empereur Théodose. Le sujet de leur voyage
était d'offrir à Dieu leurs prières et de visiter
les églises de cette ville. Le lendemain de
leur arrivée, ils allèrent à l'église de Saint-
Pierre, dont on célébrait la fête ce jour-là.
Saint Léon se présenta à Valentinien et aux
impératrices, accompagné de plusieurs évo-
ques des provinces d'Italie, qui étaient venus
à Rome, ou pour cette solennité, ou pour y
tenir un concile. Il leur représenta le danger
où se trouvait la foi par les violences com-
mises à Ephèse, et par l'injuste déposition
de Flavien, les conjurant par le saint apôtre
à qui ils venaient rendre leurs respects, par
leur propre salut et par celui de Théodose,
d'écrire à ce prince pour l'engager à faire
réparer, par son autorité, les désordres que
le concile d'Ephèse avait causés, et à en as-
sembler un de tous les évêques du monde
en Italie, où l'évêque de Rome pût examiner
avec soin toute cette affaire, et en juger sui-
vant les règles de la foi. L'empereur et les
impératrices ne pouvant se refuser aux ins-
tances de saint Léon et des autres évêques,
écrivirent séparément à Théodose. Valenti-
nien le pria de conserver à l'évêque de Rome
la primauté au-dessus de toutes les Eglises,
qui lui a été accordée par l'antiquité, en sorte
qu'il puisse juger de la foi et des évêques :
« Car c'est, ajoute-t-il, en conséquence de
cette prérogative, que, suivant les conciles,
l'évêque de Constantinople a appelé à lui. »
Il demanda donc à ce prince que tous les
autres évêques du monde étant assemblés en
Italie, le pape prît avec eux connaissance de
toute la cause et en portât un jugement con-
forme à la foi et à la religion. Les deux im-
pératrices firent la même prière à Théodose,
qui répondit à toutes ces lettres que le pape
ne pouvait l'accuser d'avoir abandonné en
quoi que ce fût la foi des pères; que c'était
pour la maintenir qu'il avait assemblé un
concile à Ephèse ; que ceux qui y avaient été
SAINT LEON, PAPE.
217
condamnés méritaient de l'être; que Flavien
ayant été convaincu de nouveauté en fait de
religion, il avait été justement déposé; que,
par sa déposition, la paix avait été rendue à
l'Orient, et qu'il ne fallait plus penser à exa-
miner une affaire jugée et terminée par l'au-
torité de Dieu même. Il ajouta qu'il avait
écrit à saint Léon sur cette affaire, d'une
manière à le satisfaire, et qu'on lui en avait
même écrit plusieurs fois. Ces lettres ne sont
point venues jusqu'à nous; mais nous avons
celles de Valentinien, et des impératrices
Placidie et Eudoxie, avec les réponses de
Théodose. Nous avons aussi celle que Pla-
cidie écrivit à Pulchérie, pour l'engager à la
défense de la foi. Le diacre Hilarus lui écrivit
aussi une lettre d'excuse de ce qu'il n'était
pas allé à Constantinople lui rendre les lettres
dont il était chargé pour elle, de la part du
pape. Il lui faisait dans la même lettre un
précis de ce qui était arrivé à Ephèse, des
violences qu'il y avait souffertes pour n'avoir
pas voulu souscrire à la condamnation de
Flavien , et de la manière dont il s'était
sauvé de cette ville pour retourner à Rome,
rendre compte de tout au pape ; il ajoutait
que saint Léon et les évêques assemblés avec
lui avaient condamné ce qui s'était fait à
Ephèse contre les canons, en tumulte et par
la puissance séculière, au préjudice de la foi
et de l'innocence de Flavien.
37. Dans la réponse que Pulchérie fit à
saint Léon sur la fin de l'an 449, elle témoi-
gnait beaucoup d'attachement et d'affection
pour la foi cathohque; ehe l'exhortait même
à entreprendre avec zèle la défense de l'E-
glise. Ce pape l'en remercia par une lettre
du 17 mars de l'an 430, la priant d'employer
de plus en plus son autorité pour l'extinction
de l'hérésie d'Eutychès, qui sapait la foi ca-
tholique par ses fondements, quoiqu'il pré-
tendît tenir celle de Nicée, dont il était en
effet très-éloigné. Il établit pour maxime que
les choses humaines ne peuvent être en sû-
reté, si l'autorité royale et sacerdotale ne
soutient ce qui appartient à la foi. Le même
jour saint Léon fit réponse à la lettro qu'il
avait reçue de Martin et de Fauste, abbés de
Constantinople ; il les prie de répandre au-
tant qu'ils pourraient l'écrit sur l'Incarnation
qu'il leur avait envoyé, tant en son nom,
qu'en celui de son concile, et dans la crainte
qu'ils ne l'eussent pas reçu, il en joignit une
copie à sa lettre.
38. Vers le commencement de la même
Letirea 48 à
Pulchérie, et
49 aux ahbés
de Constanli-
Dople, p. 269.
Lettres 50
aux é^èques
218
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
do la méiio- année iSO, saint Léon reçut les députés de
et 51 à Ka- l'Eglise de Vienne, gui se plaignaient de ce
éy^^i'iSrade k 9"^ Ravenne, qui était alors évêque d'Ar-
ci'luîel!"'"' les, s'était attribué l'ordination de celui de
Vaison, au préjudice du droit de métropole
accordé àl'évêque devienne. Quelque temps
après les évoques de la province d'Arles, au
nombre de dix-neuf, députèrent à Rome nn
prêtre nommé Pétrone, et un diacre appelé
Régulus, avec une lettre où ils suppliaient
saint Léon de rendre à l'Eglise d'Arles ce
qu'il lui avait ôté du vivant de saint Hilaire ;
leurs raisons étaient qu'il n'était pas juste
que Ravenne, leur évêque, qui était aimé du
Saint-Siège, fût privé d'un honneur qu'on
n'avait ôté à son prédécesseur que parce
qu'il avait offensé le même Siège ; qu'il était
notoire, tant à Rome que dans les Gaules,
que saint Tropliime, premier évêque d'Arles,
avait été envoyé par saint Pierre, c'est-à-dire
par l'un de ses successeurs ' ; que c'était
d'Arles que les autres provinces des Gaules
avaient reçu la foi, et que par conséquent
elle avait eu un évêque avant qu'il y en eût
à Vienne : « Aussi, ajoutaient-ils, nos pré-
décesseurs ont toujours honoré l'Eglise d'Ar-
les comme leur mère ; nos villes lui ont tou-
jours demandé des évéques, et son évêque a,
dans tous les temps, consacré nos prédéces-
seurs et nous. Les vôtres ont confirmé par
leurs lettres les privilèges de cette Eglise.
Vous en trouverez sans doute les preuves
dans vos archives; ils ont voulu qu'elle eût
l'autorité dans les Gaules, comme l'Eglise
romaine a la primauté sur toutes les Eglises
du monde. A l'égard de l'Eglise d'Arles, le
grand Constantin l'houorait tellement qu'il
lui donna son nom. Valenlinien et Honorius
la nommèrent la mère de toutes les Gaules.
Sous leur règne, on y a donné et reçu le
consulat ; le préfet du prétoire y fait sa rési-
dence ; les avantages que l'on trouve dans
cette ville, font qu'on y accourt de toutes les
autres, ce qui, d'un commun consentement,
la fait regarder comme la première de toutes,
comme son Eglise l'est de toutes les Eglises
des Gaules, à raison de son antiquité ; d'où
il est arrivé qu'elle a toujours eu le gouver-
nement, non-seulement de la province de
Vienne, mais des trois provinces, et par
commission du Saint-Siège, de toutes les
Gaules. » Ils finissaient leur lettre en assu-
rant le pape qu'ils auraient été eux-mêmes à
Rome, tant pour lui rendre leurs devoirs que
pour lui faire leurs remonlrances sur ce su-
jet, si l'infirmité n'eût retenu quelques-uns
d'entre eux, et si la stérilité de l'année n'eût
mis les autres hors d'état de faire ce voyage.
Saint Léon ayant examiné les prétenlions
des Eglises de Vienne et d'Arles, reconnut
qu'elles avaient joui, tantôt l'une, tantôt l'au-
tre, de divers privilèges ecclésiastiques, et
qu'en divers temps elles s'étaient surpassées
l'une l'autre en prérogatives : c'est pourquoi,
pour le bien de la paix, il ordonna que
Vienne et Arles demeureraient métropoles :
Vienne, des quatre Eglises voisines, savoir.
Valence, Tarantaise, Genève et Grenoble; et
A.r!es, des autres Eglises de la même pro-
vince. Sa lettre est du cinquième de mai 438.
Il en écrivit une le même jour à Ravenne, où,
après lui avoir marqué qu'il avait retenu
longtemps Pétrone et Régulus, afin qu'ils fus-
sent présents aux délibérations qui se faisaient
à Rome au sujet de l'hérésie d'Eutychès, il
les prie de communiquer les lettres dont il
les avait chargés, à tous les évêques des
Gaules; c'était sa lettre à Flavien, et la se-
conde de saint Cyrille à Nestorius. Il paraît
C[u'il y avait joint quelques autres écrits sur
l'Incarnation. Ces deux députés furent aussi
chargés de dire de bouche certaines choses
à Ravenne qu'il devait anéantir, et que saint
Léon ne voulut pa^ confier au papier.
89. Aussitôt qu'Anatolius eut été fait évê- uiir8 62i
que de Constantinople, à la place de Flavien a-i^ °'°' '''
déposé par le faux concile d'Ephèse, il écrivit
à saint Léon pour lui donner part de son
élection et demander la communion du
Saint-Siège. Les évêques qui l'avaient or-
donné, écrivirent aussi au pape, mais sans
faire aucune mention des troubles d'Orient,
ni de l'hérésie d'Eutychès qui en avait été
l'origine. Il nous reste un fragment delà lettre
d'Anatolius. L'empereur Théodose en écrivit
une dans le même temps, dans laquelle il
demandait que saint Léon approuvât l'ordi-
nation d'Anatolius. Il relevait dans la même
lettre le concile de Nicée, disant qu'il était
sulfisant, sans qu'il fût nécessaire d'en as-
sembler un autre ; il piotestait qu'il ne souf-
frirait point que personne s'en écartât. Saint
Léon, à qui l'ordination d'Anatolius était sus-
pecte, à cause de ceux qui l'avaient faite,
suspendit son jugement à cet égard, et sans
lui accorder ni lui refuser sa communion, il
' C'est Dom Ceillier qui ajoute mal à propos cette observation. (L'éditeur.)
Lettres Îi3
aux abt)és de
Co ns la n ti-
nople, p. 273,
et 54 à Pul-
chérie, ibid.
Lettre 55 an
prêtre Mar-
tin, p. 274.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
résolut d'attendre qu'AnatoIius lui-même lui
eût donné des preuves de la pureté de sa foi.
II répondit donc à Théodose qu'il fallait
qu'AnatoIius la déclarîit en présence de tout
le clergé et da peuple ; qu'il envoj'ât sa pro-
fession de foi au Saint-Siège, pour être pu-
bliée par toutes les Eglises; qu'elle fût con-
forme à la lettre de saint Cyrille à Nestorius
et à celle qu'il avait écrite lui-même à Fla-
vien, et qu'il rejetât de sa communion ceux
qui avaient une doctrine différente sur l'In-
carnation. Comme cette discussion deman-
dait du temps, le pape, pour abréger, envo}^
des légats à l'empereur, avec les instructions
nécessaires, c'est-à-dire avec une formule de
foi nette et précise de ce qu'il fallait croire,
suivant la tradition des pères, sur le mystère
de l'Incarnation, afin que si Anatolius y sous-
crivait de tout son cœur, on eût lieu de se
réjouir de la paix de l'Eglise. Saint Léon de-
mande dans la même lettre qu'au cas que
quelques-uns s'éloigneraient de la foi des
pères et de celle de l'Eglise romaine dont il
envoyait la formule, l'empereur voulût bien
accorder un concile universel en Italie ,
comme le synode de Rome l'avait déjà de-
mandé. Saint Léon n'écrivit pas à Anatolius
ni à ceux qui l'avaient ordonné, se conten-
tant de s'expliquer avec Théodose sur l'ordi-
nation de cet évêque.
40. Mais il écrivit à Fauste, à Martin, à
Pierre et aux autres abbés de Constantino-
ple, au nombre de seize, qu'il croyait fermes
dans la foi, les priant de se joindre à ses lé-
gats pour solliciter la profession de foi d'A-
natolius et travailler avec eux à l'établisse-
ment de la vérité. Cette lettre et la précé-
dente sont du 16 juillet de l'an 450. Celle
qu'il écrivit à Pulchérie est du 20 du même
mois ; elle contient à peu près les mêmes
choses que celle qui est adressée à Théo-
dose. Saint Léon recommande ses légats à
cette princesse, en la priant de s'employer
pour la tenue d'un concile en Italie, si l'on ne
pouvait pas s'accorder sur la foi en Orient.
41. Lorsque les légats arrivèrent à Cons-
tantinople, ils apprirent que le plus grand
obstacle de la paix était levé par la mort de
Théodose, que l'on met au 28 juillet 430, pour
le plus tard. Saint Léon n'en avait pas en-
core de nouvelles le 13 septembre, quand il
écrivit à l'abbé Martin et, à ses moines.
Le but de cette lettre est de les exhorter à
persévérer dans la défense de la vérité, et à
supporter avec patience les peines et les
SAINT LÉON, PAPE. 219
persécutions qu'elle pourrait leur occasion-
ner. 11 les assure que Dieu ne manque point
de consoler ceux à qui il fait connaître sa vé-
rité, et les prie de se joindre à ses légats,
qu'il croyait arrivés à Constantinople depuis
longtemps. Ils étaient quatre : Abundius et As-
lérius, évèques; Basile et Sénateur, prêtres.
42. Saint Léon ayant su que le comte Ma-
ximin partait pour Constantinople, lui donna
deux lettres semblables pour Fauste et Mar-
tin, prêtres et abbés à Constantinople; elles
sont du 8 novembre 450. Le pape y marque
combien le faux concile d'Ephèse était en
horreur chez les évèques d'Occident. Il ex-
horte ces deux abbés à s'opposer également
aux défenseurs de l'hérésie de Nestorius et
d'Eutychès, qui combattaient les uns et les
autres pour l'Antéchrist et contre l'Eglise,
qui fait profession d'adorer en Jésus-Christ
non une nature, mais une seule personne.
Dans une seconde lettre à Fauste, saint Léon
l'exhorte à ne point rougir de confesser avec
l'Evangile que Jésus-Christ est fils de David
et d'Abraham selon la chair.
43. L'empereur Marcien, aussitôt après
son élection, écrivit à saint Léon pour lui en
donner avis, se recommander à ses prières et
lui proposer la tenue d'un concile, pour ban-
nir de l'empire toutes les erreurs, et d'établir
une paix sohde parmi tous les évèques de la
foi catholique. Le pape le remercia de sa let-
tre et en même temps des services qu'il avait
commencé de rendre à l'Eghse. Il fit de sem-
blables actions de grâces à l'impératrice
Pulchérie, qui avait beaucoup contribué par
son autorité à la défense de la doctrine catho-
hque contre les erreurs de Nestorius et d'Eu-
tychès ; au rappel des évèques exilés pour la
foi, et à faire rapporter à Constantinople le
corps de saint Flavien. Comme cette prin-
cesse lui avait mandé qu'AnatoIius avait
souscrit à sa lettre à Flavien, et que plusieurs
d'entre les évèques qui s'étaient laissés sé-
duire dans le faux concile d'Ephèse, deman-
daient pardon de leur faute et de se réunir à
la communion des évèques catholiques, saint
Léon veut bien leur accorder la paix après
qu'ils auront condamné, par leur propre sous-
cription, ce qu'ils ont fait de mauvais dans
ce concile. Il recommande à Pulchérie, Eu-
sèbe de Dorylée, chassé de son siège sous
prétexte de nestorianisme, quoiqu'il fût très-
orthodoxe et dans la communion du pape ;
Julien de Cos, et tous les clercs qui avaient
été attachés à Flavien d'heureuse mémoire.
Lelties 86
à F.iLSle et à
Martin, cl ET
à Fausie, p.
875.
220
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettre 60 à 44. Aiiatolius avait écrit lui-même à saint
Anatolius, p. ^ ' t r •
2Î8. Léon, pour rendre témoignage de sa foi, et
lui avait envoyé trois députés, Castérius,
prêtre, Patrice et Asclépiade, diacres. Comme
ils portèrent à Rome les actes du concile de
Gonstantinople et les lettres de Marcien et de
Pulchérie saint Léon les chargea des répon-
ses à ces lettres, qui sont toutes écrites du
13 avril 341. Dans celle qui est adressée à
Anatolius, le pape le félicite de la pureté de
sa foi et de la paix dont jouissait l'Eglise de
Gonstantinople. Quant aux évêques qui
avaient souscrit par faiblesse à la condam-
nation de saint Flavien, il approuve ce qui
avait été réglé au concile de Gonstantinople,
qu'ils fussent réduits par provision à la com-
munion de leurs Eglises : « Mais, ajoute-t-il,
vous ordonnerez, avec la participation de nos
légats, que ceux qui condamnent entière-
ment ce qui a été mal fait, aimant mieux
s'accuser eux-mêmes que de défendre ce
qu'ils ont fait, soient reçus à notre commu-
nion. Pour ce qui est de ne point réciter à
l'autel les noms de Dioscore, de Juvénal et
d'Eustathe, vous observerez ce qui ne répu-
gnera point à l'honneur de saint Flavien, et
n'aliénera pas de vous l'esprit du peuple.
Nous voulons, au reste, que Julien de Cos et
les clercs qui sont demeurés fidèles à Fla-
vien, vous soient aussi attachés, et qu'ils re-
gardent en vous comme présent, celui que
nous croyons vivre en Dieu par le mérite de
sa foi. » Il recommande à Anatolius, Eusèbe
de Dorylée, cliassé de son siège pour la foi,
et le prie de prendre tant de soin de son
Eglise, qu'elle ne soutfre rien de l'absence de
son évêque. Il lui ordonne de rendre publi-
que cette lettre, afin qu'elle fût un témoi-
gnage de son ati'ecliou pour lui, et qu'elle lui
attirât celle du peuple chrétien.
Lettre 61 à 4.5. On voit par la lettre du 13 avril à Ju-
279'/°' '"'^' lien de Cos , que, parmi les évêques qui
avaient cédé dans le faux concile d'Ephèse à
la violence de Dioscore, il y en avait plu-
sieurs qui témoignaient du regret de leur
faute, et qui souhaitaient avec ai'deur de
rentrer dans la communion de l'Eglise ro-
maine, offrant pour cela de condamner l'er-
reur d'Eutychès avec ses auteurs; mais qu'il
y en avait quelques-uns qui persévéraient
dans leur endurcissement. Saint Léon veut
qu'on accorde aux premiers la communion
de l'Eglise romaine, après qu'ils auront ac-
compli leur promesse, et qu'on punisse sé-
vèrement les autres.
46. Tatien, préfet de Gonstantinople, lui Leurs» es
-,., ' "■ , , f ' et 63 à Mar-
rendit quelque temps après une lettre de o™, p. aso.
l'empereur Marcien, datée du 22 novembre
de l'an 430, par laquelle il lui témoignait
avoir reçu avec joie, et comme il convenait,
les légats. Ce prince l'invitait par la même
lettre à venir en Orient pour y tenir le con-
cile, témoignant que sa présence lui serait
également agréable et utile à la religion.
« Si ce voyage vous parait à charge, ajou-
tait-il, faites-le-nous savoir par vos lettres,
afin que nous envoyions les nôtres par tout
l'Orient, la Tlirace et l'Illyrie, pour convo-
quer tous les évêques en un lieu certain, tel
qu'il nous plaira, et régler ce qui regarde la
paix de l'Eglise et la foi catholique, comme
vous avez défini, suivant les canons. » Il sem-
ble que Marcien avait aussi insinué au pape
un nouvel examen de l'hérésie d'Eutychès et
de la condamnation de Flavien ; car, répon-
dant à la lettre de ce prince, il le prie de ne
pas permettre d'examiner le mystère du sa-
int comme si l'on doutait de ce que l'on doit
croire, parce qu'il n'est pas permis de s'éloi-
gner, même d'un mot, de la doctrine des
évangélistes et des apôtres, ni d'entendre
autrement les divines Ecritures, que nos
pères l'ont appris et enseigné, ni par consé-
quent de remuer les questions impies et dé-
raisonnables que le Saint-Esprit a autrefois
éteintes aussitôt que le démon les a émues. Il
dit ensuite qu'il n'est pas juste qu'un petit
nombre d'insensés fassent révoquer en doute
si Eutychès a eu des sentiments impies, et si
Dioscore a eu tort, de condamner saint Fla-
vien; que ce sont des faits qui doivent passer
pour constants, puisque ceux mêmes qui ont
signé le contraire par force, reconnaissent la
plupart qu'ils ont eu tort et en demandent
pardon comme d'une faute; en sorte qu'il ne
doit plus être question quelle foi on doit tenir,
mais à qui on doit pardonner, de ceux qui
s'avouent coupables. A l'égard du concile, il
prie Marcien d'attendre ce que ses légats
lui en diraient dans peu. Cette lettre est du
23 avril 451. Ces légats étaient Lucentius,
évêque d'Ascoli, et Basile, prêtre. Saint Léon
les envoya pour travailler avec Anatolius à
la réunion des évêques qui témoigneraient
un sincère repentir de s'être laissé entraîner
k la faction de Dioscore ; mais il leur or-
donna de bien examiner ceux qui mérite-
raient indulgence, sans toutefois différer trop
longtemps de les recevoir, ni user envers
eux de trop de sévérité. Il les chargea de
[ve SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
trois lettres datées du 7 juin 451 . La pre-
mière étnit adressée àMarcien; la seconde à
Pulcliérie; la troisième à Anatolius. 11 re-
mercie ce prince de son zèle pour la défense
de la foi catholique, du témoignage qu'il
avait rendu à celle d' Anatolius, du rappel
des évoques exilés pour la foi, et de la sé-
pulture honorable qu'il avait procurée à saint
Flavien. Quant au concile, il avoue qu'il l'a-
vait demandé lui-même ; mais il fait remar-
quer à Marcien que l'état présent des affaires
ne permettait pas d'assembler les évêques
de toutes les provinces, principalement de
celles d'Occident, tellement troublées par les
guerres, que les évéques ne pouvaient quit-
ter leurs Eglises. Il demande donc que le
concile soit renvoyé à un temps plus propre,
lorsque, par la miséricorde de Dieu, la sûreté
publique sera rétablie.
47. Il fait voir dans sa lettre à Pulchérie
qu'il n'y avait pas moins d'impiété dans l'hé-
résie d'Eutychès que dans celle de Nesto-
rius, l'une et l'autre détruisant également le
mystère de l'Incarnation : c'est pourquoi il
prie cette princesse de faire reléguer Euty-
chès loin de Constantinop^e, et mettre à sa
place, dans son monastère, un abbé catholi-
que, qui puisse délivrer les serviteurs de
Dieu de l'erreur dont ils pourraient être in-
fectés, et les nourrir de la doctrine de la vé-
rité. Il recommande à Anatolius de ne rien
décider à l'égard de tous ceux qui s'étaient
attribué une autorité particulière à Ephèse,
en attirant les autres dans l'erreur par le
poids de leur autorité. Il veut que si ces per-
sonnes reviennent en résipiscence, avec offre
de satisfaire à leur faute, on lui en donne
avis, afin d'examiner mûrement lui-même ce
qu'il y aurait à faire sur ce sujet. Il dit qu'a-
vant ce temps Anatolius ne nommerait point
à l'autel les noms de ceux qui avaient pré-
sidé à ce concile , c'est-à-dire de Dioscore,
de Juvénal et d'Eustathe de Béryte, soit parce
qu'ils avaient été les principaux persécuteurs
de leurs frères, soit parce qu'ils ne témoi-
gnaient point de repentir de leur faute. A
l'égard du mémoire qu'Anatolius avait en-
voyé à Rome par ses députés, le pape lui dit
que ses légats lui diraient de vive voix ce
qu'il en pensait. En parlant du concile d'E-
phèse, il dit qu'il ne méritait pas le nom de
concile.
48. Le 8 juin, saint Léon écrivit à Julien de
Cos, pour l'engager à travailler avec ses lé-
gats à extirper l'hérésie d'Eutychès. Deux
— SAINT LÉON, PAPE. 221
prêtres de Constanlinople, Basile et Jean
étaient venus à Rome chercher la pais et
une doctrine assurée, qu'ils n'avaient pu dé-
couvrir parmi les troubles d'Orient. Saint
Léon leur fit donner une déclaration de leur
foi, où ils condamnaient Nestorius et Euty-
chès, et faisaient profession de ne recevoir
sur le mystère de l'Incarnation d'autre doc-
trine que celle qu'il avait apprise et ensei-
gnée lui-même ; après quoi il les renvoya à
Anatolius, avec une lettre datée du 19 juin,
par laquelle il les lui recommandait comme
étant dans la foi et dans la communion de
l'Eglise romaine.
49. Le 24 du même mois, saint Léon, qui
avait choisi Paschasin pour assister au con-
cile général avec les deux légats Lucentius
et Basile, lui envoya sa lettre à Flavien, avec
quelques passages choisis des pères, afin
qu'il fût mieux instruit des matières qui
étaient alors en contestation. Il combat dans
cette lettre l'expression d'une seule nature in-
carnée du Verbe, disant qu'Eutychès ne s'en
était servi que pour mieux couvrir son er-
reur, qu'il dit avoir été déjà condamnée dans
les hérétiques des siècles précédents. Il
ajoute que toute l'Eghse de Constanlinople,
avec les monastères qui en dépendaient, et
un grand nombre d'évêques, avaient ana-
thématisé par leurs souscriptions Nestorius
et Eutychès, avec leurs dogmes, et qu'il ve-
nait de recevoir une lettre de l'évêque de
cette ville, qui portait que celui d'Antioche
avait envoyé des lettres circulaires à tous les
évêques, approuvant sa lettre à Flavien, et
condamnant Nestorius et Eutychès par une
semblable souscription. Sur la fin de sa let-
tre, il le charge de faire calculer par des
gens habiles le jour de Pâques de l'an 453,
parce que le cycle dont on se servait à Rome
ne se rencontrait pas avec celui de Théophile
d'Alexandrie. Saint Léon ne dit rien à Pas-
chasin du choix qu'il avait fait de lui pour as-
sister au concile général ; ce qui fait voir ou
que cette lettre n'est pas entière, ou qu'il lui
en avait écrit une autre auparavant, qui ne
sera pas venue jusqu'à nous.
50. Le second légat fut le prêtre Boniface.
Comme il partait seul de Rome, saint Léon
le chargea des lettres qu'il écrivit alors pour
l'Orient. Il y en a deux adressées à l'empe-
reur Marcien, une à Anatolius, une au con-
cile, et une à Jufien de Cos, toutes datées du
26 juin 451. Il fait entendre dans sa première
lettre à l'empereur qu'il eût mieux aimé
Lettres 69
à M.ircien, 70
à AiMtolius,
71 à Julien de
^■os, p. ï8i;
72 au coni^ile
(le Chalcé-
(ioine, p 386 ;
el 71 à Mar-
cien, p. 286,
222
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
que le concile eût été différé à un temps plus
commode, afin que les évèqnes de toutes les
provinces y ayant été appelés, il eût été vé-
ritablement un concile universel ; mais que,
pour se conformer à sa volonté, il envoyait
l'évêque Paschasin et le prêtre Boniface pour
présider en son nom à ce concile, avec Lu-
centius, Basile et Julien de Cos. Il témoigne
à ce prince que ses légats agiront avec une
telle sagesse, que la paix sera rétablie dans
tout l'Orient ; que les disputes seront assou-
pies, et les erreurs de Nestorius et d'Euty-
chès tellement étouffées, qu'il n'en restera
plus aucun vestige. Quant aux évoques qui
auraient prévariqué dans le faux concile d'E-
phèse, il veut que ses légats admettent à la
u .^1 ,j réconciliation ceux qui pourront se guérir,
sans agir ni par haine, ni par faveur envers
qui que ce soit, et sans rejeter la satisfaction
de ceux mêmes qui sont les plus criminels.
Sa lettre à Anatolius est pour lui témoigner
sa peine de ce qu'on pressait le concile plus
qu'il n'eût souhaité, et que par là on ôtait
aux évêques des provinces éloignées le
moyen de s'y rendre. Il dit aussi qu'il ne
croyait pas qu'il y eût plus de difficultés à
faire^ ni aucun lieu de disputer sur les ma-
tières de la foi, puisqu'd l'avait assez éclair-
cie, et que tous les Orientaux avaient signé
la condamnation des erreurs d'Eutychès et
de Nestorius. Il mande à Julien de Cos de se
joindre à ses légats et de les aider de ses
conseils, sachant qu'il était parfaitement ins-
li'uit de toute l'affaire que l'on devait traiter
dans le concile, à cause qu'il était depuis
longtemps en Orient, et qu'il avait assisté au
faux concile d'Ephèse. Il marque aux évê-
ques du concile indiqué d'abord à Nicée, et
transféré ensuite à Chalcédoine, que les cir-
constances des temps et la coutume ne lui
permetlant pas d'y assister en pex-sonne, ses
légats présideraient en son nom. Il répète ce
qu'il avait déjà dit dans sa lettre à Anatolius,
qu'il n'était plus question de disputer sur la
foi de l'Eglise, qui était suffisamment éclaircie
dans sa lettre à Flavien, où il avait montré,
par l'autorité des prophètes et des apôtres,
ce que l'on devait croire sur le mystère de
l'Incarnation ; et parce qu'on avait mis des
évoques en plusieurs endi'oits à la place de
ceux qui avaient été déposés injustement à
Ephèse et envoyés en exil, il consent que
ces évêques intrus puissent conserver l'hon-
neur de l'épiscopat, s'ils abandonnent l'er-
reur ; mais il veut qu'avant toutes choses on
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rétablisse dans leurs droits et dans leurs siè-
ges ceux qui en ont été chassés pour la défense
de la vérité. Il veut encore que l'on conserve
inviolablement les décrets du premier concile
d'Ephèse, auquel saint CyriUe présida, afin
que l'hérésie de Nestorius, qui y fut condam-
née, ne puisse se flatter d'être encore en vi-
gueur. C'est que les zélés adversaires d'Eu-
tychès étaient accusés de nestorianisme. II
dit, pour la même raison, dans sa seconde
lettre à Marcien, que c'est avec justice que
le premier concile d'Ephèse a condamné
Nestorius avec sa doctrine, et ajoute qu'il n'y
a aucune espérance de rétablissement pour
tous ceux qui persisteront dans les erreurs
condamnées par ce concile. Il semble dire
que Marcien avait déjà donné une loi qui
défendait de donner le nom de concile au
second d'Ephèse, où l'on avait plutôt tra-
vaillé à renverser la foi qu'à l'établir. II
conjure ce prince, par notre Seigneur Jésus-
Christ, de ne pas permettre que dans celui que
l'on allait tenir, on mit en question la foi qui
nous est venue de la tradition des Apôtres,
comme si elle était douteuse, ni aux héréti-
ques de soutenir des erreurs condamnées
autrefois ; mais de conserver inviolables les
statuts du concile de Nicée.
31. Il paraît que saint Léon, depuis le dé- Lettres 74à
part de ses légats, reçut des lettres de Mar- ase^'etl'-fs^i
cien et de Pulcbérie, puisqu'il fut obligé de
leur en écrire deux, l'une du 19, l'autre du
20 juillet. Celle-ci fut portée par Théoctiste,
magistrien, c'est-à-dire courrier de l'empe-
reur, et il faut dire la même chose de celle-
là, quoique saint Léon ne le marque pas. Il
dit à Marcien qu'il n'avait souhaité la tenue
du concile en Itahe, qu'afinque les évêques,
ceux mêmes des provinces les plus éloignées
pussent s'y trouver. Il lui recommande ses
légats, et le prie .de nouveau d'empêcher
que l'on ne renouvelle les disputes sur la foi.
L'impératrice Pulcbérie lui avait, ce semble,
témoigné ne pas approuver la rigueur dont
il avait usé envers les auteurs de l'hérésie,
apparemment en empêchant de réciter à
l'autel les noms de Dioscore, de Juvénal et
d'Eustathe de Béryte. Le pape lui répond
que les grands maux ont besoin de grands
remèdes, et qu'il n'avait pu moins faire pour
obMger ces évêques à rentrer dans leur de-
voir; qu'il consent volontiers qu'on leur par-
donne, s'ils reconnaissent leur faute, n'ayant
point d'autres désirs que de voir la paix et la
foi régner dans l'Eglise, et tous les coupables
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XL
mériter le pardon par leur repentir. 11 ajoute
qu'il a déjà donné des preuves de sa douceur
à ceux qui sont revenus de bonne foi, puis-
qu'il les a admis à sa communion, et que les
chefs mêmes du parti occupent encore leurs
sièges et jouissent de l'honneur de l'épisco-
pat. Il qualifie dans cette lettre le second
concile d'Ephèse de brigandage.
is76à 52. La petite lettre à Ravenne, évêque
'évô- d'Arles, est sans date. Saint Léon l'écrivit
2ii8 pour lui marquer qu'il fallait faire Pâques en
432, le 23 mars, et le charge de le faire sa-
voir aux autres évêques. 11 lui envoya, ce
semble, cette lettre avec une copie de celle
qu'il avait écrite à Flavien, afin que les évê-
ques des Gaules y souscrivissent; mais ils ne
purent le faire que sur la fin de l'an 431,
puisque le pape ne répondit à leur lettre que
le 1" février de l'année suivante 432. On
croit que ce fut à Arles qu'ils s'assemblè-
rent pour donner leur approbatiou à la lettre
à Flavien. Ils étaient eu tout quarante-quatre
évêques, dont les plus connus sont Ravenne
d'Arles, saint Rustique de Narbonne, Véné-
rius de Marseille, saint Maxime de Riez, Va-
lérien de Cémèle, Constance d'Uzès, Ingé-
nuus d'Embrun, Julien Pomère de Cavaillon.
Nous n'avons de ce concile que la lettre sy-
nodale remplie d'éloges de saint Léon et de
sa lettre à Flavien. Ils reconnaissent que la
doctrine en est la même que celle qu'ils
avaient apprise de la tradition de leurs pè-
res, et attribuent à une providence parti-
culière de Dieu, que l'hérésie d'Eutychès,
après s'être nourrie pendant quelque temps
dans le secret, s'était montrée à découvert
sous un pape si zélé, si éclairé et si capable
d'en arrêter le progrès. Trois évêques des
Gaules, Cérécius, Salone et Véran, qui ne
s'étaient point trouvés à ce concile, ayant
fait tirer une copie de la lettre à Flavien,
écrivirent à saint Léon pour le remercier de
les avoir enrichis d'un si grand trésor : mais
dans la crainte que leur copie ne fût défec-
tueuse, ils la lui envoyèrent en le priant de
la revoir, d'y corriger de sa main les fautes
qui pouvaient s'y être glissées, et d'y mettre
les additions qu'il y aurait pu faire, afin que
les évêques et les laïques qui désiraient d'avoir
cette lettre, en fissent faire des copies sur
cet exemplaire, qui pourraient passer pour un
véritable original. Nous n'avons plus la ré-
ponse de saint Léon à ces trois évêques ;
mais nous savons qu'il fit pour eux ce qu'ils
désiraient, puisque, voulant faire approuver
SAINT LÉON, PAPE.
223
sa lettre à Flavien par les évêques du concile
de Milan, il écrivit à Eusèbe, évêque de cette
ville, vers le mois de juin 451, d'emprunter
la copie de l'évêque Cérécius. Dans sa ré-
ponse à la lettre des évêques des Gaules, il
dit qu'il aurait souhaité la recevoir dans le
temps qu'ils la lui avaient promise, afin que
les légats qu'il avait envoyés pour tenir sa
place au concile d'Orient, y eussent aussi
porté leur déclaration. Il ne laisse pas de
leur témoigner qu'il avait reçu leur lettre
avec beaucoup de joie, y ayant remarqué
une doctrine qui ne pouvait leur avoir été
enseignée que par le Saint-Esprit. Comme il
avait déjà reçu des nouvelles du concile de
Chalcédoine, il dit qu'il n'était plus permis
d'alléguer aucun prétexte d'ignorance, ou
d'obscurité sur la foi de l'Incarnation, après
la décision d'un concile d'environ six cents
évêques, et que ses légats ont si bien fait
dans cette assemblée, avec le secours de la
grâce de Dieu, que non-seulement les évê-
ques, mais encore les princes et les puissan-
ces, les clercs, le peuple et tous les ordres
ont été pleinement persuadés que c'était la
foi apostolique qu'il prêchait dans sa lettre à
Flavien, comme il l'avait reçue, et qu'il sou-
tenait, ayant maintenant pour lui le consen-
tement de tout le monde. Il fait voir que l'hé-
résie de Nestorius et celle d'Eutychès ren-
versaient le mystère de l'Incarnation, et que
c'est avec justice que le concile de Chalcé-
doine avait condamné Dioscore, sectateur et
défenseur des erreurs de ce dernier, pour ne
point laisser le siège d'Alexandrie, fondé par
par saint Marc et honoré par plusieurs grands
évêques, nommément par saint Athanase,
Théophile et saint Cyrille, sous la domination
d'un hérétique. Il exhorte les évêques des
Gaules à rendre grâces à Dieu de cet heu-
reux succès du concile, leur promettant de
les instruire pleinement de tout ce qui s'y
serait passé, aussitôt qu'il en aurait été ins-
truit lui-même par le retour de ses légats.
« Nous n'avons pas voulu, ajoute-t-il, retenir
notre frère Ingenuus (porteur de votre lettre)
pour les attendre, afin de ne pas vous laisser
ignorer plus longtemps une si agréable nou-
velle, dont nous vous prions même de faire
part à nos frères les évêques d'Espagne. »
On voit par la réponse des évêques de la
province de Milan, qui est une lettre syno-
dale que saint Léon leur avait écrite, de même
qu'aux évêques des Gaules, pour leur faire
approuver sa leltie à Flavien. Eusèbe,
224
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
évoque de Milan, assembla pour ce sujet les
évêques dépendants de sa métropole. Us lu-
rent cette lettre dans leur concile, la trouvè-
rent conforme aux saintes Ecritures, à la
doctrine de saint Ambroise, à toute la tradi-
tion, et en conséquence, condamnèrent les
erreurs qui s'étaient élevées contre le mys-
tère de l'Incarnation. Cette lettre synodale
est souscrite de dix-neuf évêques, entre au-
tres de saint Maxime de Turin, dont nous
avons plusieurs homélies.
Letircs 18 33. Aussitôt quo le concile de Chalcédoine
i'^pnîcîiérie! eut fuil SCS séaiicBS, il en envoya les actes à
loiius, p.sij'e; saint Léon, avec une lettre pour le prier de les
deCos. " confirmer. On ne dit point qui fut le porteur de
cette lettre; mais Lucien, évêque, et Basile,
diacre, apportèrent au pape des lettres de
l'empereur Marcien, de l'impératrice Pulclié-
rie, d'Anatolius de Constantinople et de Ju-
lien de Cos , qui avaient toutes pour but de
lui persuader de confirmer le canon du con-
cile de Chalcédoine qui autorisait l'Eglise de
Constantinople pour les ordinations des mé-
tropolitains des diocèses d'Asie, de Pont et
de Thrace. Le concile de Chalcédoine disait,
dans sa lettre à saint Léon , qu'il était de sa
générosité de ne point envier ce droit à Cons-
tantinople ; que l'empereur Anatolius et tout
le concile ayant eu une entière déférence
pour toutes ses décisions, il devait lui-même
avoir égard au désir commun de toutes ces
personnes ; qu'ainsi il espérait que l'opposi-
tion faite par ses légats à ce canon n'avait été
que pour donner l'honneur au pape de l'éta-
bhr le premier. Marcien , après lui avoir té-
moigné sa joie de ce que tous les troubles de
l'Eglise avaient cessé,. et qu'il ne restait plus
aucun doute sur la foi, le priait aussi de con-
firmer ce vingt-huitième canon , nonobstant
l'opposition de ses légats , remettant à l'évê-
que Lucien et au diacre Basile à s'expliquer
sur ce sujet avec plus d'étendue. L'impéra-
trice Pulchérie demandait sans doute la même
chose, mais nous n'avons plus sa lettre, et on
ne juge qu'elle écrivit à saint Léon au sujet
des prérogatives accordées à l'Eglise de Cons-
tantinople, que par sa lettre à cette princesse;
mais il marque expressément qu'il en avait
reçu une d'Anatolius et une de Julien de Cos.
Nous ne les avons plus. 11 répondit à l'empe-
reur Marcien qu'il ne pouvait voir qu'avec
peine que l'esprit d'ambition voulût continuer
le trouble que le concile venait d'apaiser;
qu'Anatolius, en voulant augmenter ses pri-
vilèges, diminuait son propre mérite; qu'il
ne devait point se flatter que le Saint-Siège
dût appuyer ses prétentions ambitieuses au
préjudice du droit des autres évêques; que
les privilèges des Eglises étaient tellement
établis par les canons des saints pères, qu'on
ne pouvait y donner atteinte par aucune nou-
veauté. « C'est à quoi , ajoute-t-il , je suis
engagé à veiller par le ministère dont je suis
chargé, et je me rendrais coupable d'un grand
crime, si les décrets que le concile de Nicée a
faits pour le gouvernement de toute l'Eglise
étaient violés par ma négligence et par ma
faute , et si la volonté d'un particulier faisait
plus d'impression sur moi que l'utilité com-
mune de toute la maison du Seigneiu-. Que
la ville de Constantinople ait, comme nous le
souhaitons, ses avantages, et qu'elle jouisse
longtemps de votre règne par la protection
de Dieu ; mais ces avantages ne sont que tem-
porels , et , pour être ville royale , il ne suit
pas qu'elle puisse devenir siège apostohque. »
Il dit qu'Anatolius devrait se contenter de ce
qu'il avait approuvé son ordination mal fon-
dée, puisqu'il avait été ordonné évêque de
Constantinople par Dioscore, après l'injuste
déposition de Flavien , et dissimulé l'entre-
prise par laquelle il avait oi'donné Maxime
pour évêque d'Antioche, à la place de Dom-
nus, déposé aussi injustement que Flavien
par le faux concile d'Ephèse ; il avait cru de-
voir s approuver l'une et l'autre ordination
pour le bien de la paix , et cette indulgence
devait rendre Anatohusmodeste plutôt qu'am-
bitieux.
Saint Léon fait à cet évêque les mêmes re-
proches dans sa lettre à l'impératrice Pulché-
rie. Il y dit, comme dans la précédente, qu'on
ne peut donner atteinte aux privilèges des
Eglises établis par les canons de Nicée; que
si tous les évêques les observaient exacte-
ment, comme ils y sont obligés, on verrait
régner dans toutes les Eglises une paix pro-
fonde et une union constante ; qu'il n'y aurait
point de différend pour l'étendue des hon-
neurs, point de disputes pour les droits des
ordinations, point de difiicultés sur les privi-
lèges dûs à chacun, point de procès pour l'u-
surpation des droits d'autrui; que tous gar-
deraient, et en leur particulier et à l'égard des
autres , l'ordre légitime que la loi de la cha-
rité leur a prescrit, et que celui-là seul serait
vraiment grand qui n'aurait aucune ambition.
Il ajoute qu'il ne voit pas ce qu'Anatolius peut
désirer de plus que l'évêché de Constantino-
ple, ni ce qui pourrait le contenter, s'il n'est
[V SIECLE.]
pas content de la magnificence et de la beauté
de cette ville; qu'il ferait beaucoup mieux
d'imiter la modestie et l'humilité de Flavien,
son prédécesseur, et il déclare nul tout ce qui
avait été fait en sa faveur contre les canons de
Nicée. En écrivant à Anatolius, il fait l'éloge
de la manière dont il s'était comporté dans
les commencements de son épiscopat, et il dit
que l'on avait appréhendé qu'il ne ressemblât
à ceux qui l'avaient ordonné contre l'autorité
des saints canons; mais il lui reproche en-
suite d'avoir lui-même violé ces canons en
ordonnant Maxime évêque d'Antioche, et en
voulant, contre les décrets de Nicée, s'attri-
buer les ordinations des métropolitains des
diocèses d'Asie , de Pont et de Thrace. Il lui
fait sentir l'indécence qu'il y avait de faire
perdre à Alexandrie le second rang, et à An-
tioche le troisième , pour contenter son am^
bition ; à quoi il ajoute qu'il y avait environ
soixante ans que cette entreprise était tolé-
rée, mais que les évêques de Constantinople
n'avaient jamais envoyé au Saint-Siège le
prétendu canon sur lequel ils fondaient cette
entreprise. Il le menace , au cas qu'il persé-
vérerait dans ses prétentions , de le retran-
cher de la paix et de la communion de l'E-
glise. 11 reproche à Julien de Cos de s'être
chargé de lui écrire touchant l'affaire d'Ana-
tolius, et lui remontre qu'il devait aimer l'état
de l'Eglise universelle plus qu'aucun homme
particulier, et ne lui jamais demander de
grâce qui nous rendrait, dit-il, tous deux cou-
pables, moi en l'accordant , vous en l'obte-
nant. Ces quatre lettres, qui sont toutes datées
du 22 mai 452 , furent portées en Orient par
l'évêque Lucien.
54. Saint Léon, aussitôt après le retour de
ses légats, écrivit une seconde lettre aux évo-
ques des Gaules , pour leur faire part de ce
qui s'était passé dans le concile de Chalcé-
doine , sur la principale affaire , c'est-à-dire
sur la doctrine de l'incarnation, qui y fut éta-
blie d'un consentement unanime. Il joignit à
sa lettre une copie delà sentence que ses lé-
gats y prononcèrent contre Eutychès et Dios-
core.
55. Cette lettre est sans date; celle qu'il
écrivit à Théodore, évêque de Fréjus, est du
10 juin 452. Théodore lui avait proposé quel-
ques difficultés sur ceux qui demandent la
pénitence à la mort , et sur ceux qui , ayant
été mis en pénitence , tombent malades ou
meurent avant d'avoir reçu l'absolution de
l'Eglise. Le pape lui dit d'abord qu'il aurait
X.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON , PAPE.
228
dû consulter premièrement son métropolitain
pour s'instruire de ce qu'il ignorait, puis s'a-
dresser ensemble au Saint-Siège pour avoir
des éclaircissements sur ce qu'ils auraient
ignoré l'un et l'autre, parce que, dans ce qui
regarde la disciiDline publique et générale^ on
ne doit rien demander qu'avec son supérieur.
Puis, venant aux difficultés proposées, il ré-
pond que, par la miséricorde de Dieu, les
péchés nous sont remis non-seulement parle
baptême, mais encore par la pénitence; qu'à
cet effet, le médiateur de Dieu et des hommes,
Jésus-Christ, a donné aux pasteurs de l'Eglise
le pouvoir d'accorder la pénitence à ceux
qui confessent leurs péchés, de les absoudre^
et recevoir à la participation des sacrements,
après une satisfaction salutaire pour leurs fau-
tes; que ce remède n'est qu e pour les vivants et
ne peut être appliqué aux morts qui l'ont né-
gligé pendant leur vie ; mais que, pendant la
la vie, nous ne pouvons mettre de bornes
à la miséricorde de Dieu, et nous devons ac-
corder la satisfaction et la réconciliation à
tous ceux qui la demandent, même dans le
péril et à l'extrémité de la vie, parce qu'il ne
dépend pas de nous de fixer le temps auquel
Dieu fera miséricorde , lui qui accorde sans
délai le pardon à ceux qui sont véritablement
convertis , ainsi qu'il le déclare en plusieurs
endroits de l'Ecriture. Nous ne devons donc
pas être difficiles dans la dispensation des
dons de Dieu, ni mépriser les larmes de ceux
qui s'accusent, mais croire que c'est Dieu qui
leur inspire la pénitence. Saint Léon blâme
ceux qui diffèrent de jour en jour à se con-
vertir, et qui remettent à satisfaire pour leurs
péchés à la fin de leur vie, où peut-être ils
ne trouveront ni le temps de confesser leurs
fautes ni d'en recevoir l'absolution du prêtre.
Ensuite il décide que si un malade perd la
parole, on doit lui accorder la réconciliation,
pourvu qu'il donne des marques d'une entière
connaissance , ou que des personnes dignes
de foi rendent témoignage qu'il a demandé la
pénitence; mais il veut qu'on observe les ca-
nons à Fégard de ceux qui ont renoncé à la
foi. 11 recommande à Théodore de montrer
cette lettre à son métropolitain , pour l'ins-
truction des autres évêques, au cas qu'ils en
aient besoin.
86. Anatolius, dont saint Léon n'était pas
content, lui donna un nouveau sujet de plainte
en ôtant de sa place l'archidiacre Aétius,
homme zélé pour la foi catholique , pour lui
substituer un nommé André, ami d'Eutychès.
IsaT. XXX,
13, el Psalm.
cxxix, 7.
Lettres 8'. à
Marcieii, 8fi à
l'ulcbér'.e, et
86 à Jlllinn
de Los, pag.
303.
226
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Pour faire ce changement avec quelque dé-
cence, il ordonna prêtre Aétius, et lui donna
le soin d'une église , d'un cimetière hors de
la ville de Constantinople. Julien de Cos , en
écrivant au pape sur les peines et les maux
qu'avait soufferts l'Italie dans les incursions
des Goths , lui fit part en même temps de l'en-
treprise d'Anatolius. Saint Léon s'en plaignit
à Marcien et à Pulchéi'ie, comme ayant le pou-
voir de faire cesser les scandales dans ce qui re-
gardait la foi et la discipline de l'Eglise. Il leur
remontre qu'Anatolius n'avait traité Aétius
de la sorte que parce qu'il avait toujours été
attaché à Flavien et à la foi catholique ; qu'ainsi
en le déplaçant pour y mettre un homme at-
taché à Eutychès, il se rendait suspect de n'a-
voir pas renoncé sincèrement aux erreurs de
cet hérésiarque; qu'il avait de plus péché
contre les canons eu faisant l'ordination d'Aé-
tius un vendredi au lieu de la faire le diman-
che, suivant la tradition apostolique. Il prie
donc l'empereur et l'impératrice de rétablir
Aétius dans ses fonctions , qui consistaient à
avoir l'Intendance de toutes les atïaires de
l'Eglise, d'empêcher qu'à l'avenir Anatolius
ne fasse de semblables entreprises, et d'être
favorables à Julien de Cos, qu'il avait établi
son légat à Constantinople, pour y prendre
soin des affaires de l'Eglise. On nomma dans
la suite ces légats apocrisiaires ou corres-
pondants. Julien fut le premier qui eut cette
commission à Constantinople de la part du
pape ; mais les évêques d'Alexandrie et d'An-
tioche y avaient déjà des apocrisiaires. Ces
deux lettres sont du 1 1 mars 453 ; celle à Ju-
lien est du même jour. Il l'avertit de ne se
pas mêler des affaires dont chaque évêque
doit prendre connaissance dans son propre
diocèse, mais de se charger de celle d'Aétius
et de faire réparer le tort qui lui avait été fait
par Anatolius. Il lui donne commission de
l'informer de l'état des Eglises d'Egypte, de
même que de celles de la Palestine troublées
par des moines eutychiens, et de lui en rendre
compte, afin qu'il pût y apporter les remèdes
convenables. Aétius avait envoyé à saint Léon
, quelques écrits, et Julien lui en avait promis
un intitulé : Ab?'égéde la foi. Le pape marque
qu'il n'avait reçu aucune de ces pièces, pour
lesquelles il témoigne beaucoup d'empresse-
ment, comme aussi de savoir s'il avait reçu
une copie de sa lettre à Flavien. Il prie en-
core Julien de faire mettre en ordre et de
traduire exactement en latin les actes du con-
cile de Clialcédoine, et de les lui envoyer.
57. Quoiqu'il eût déjà donné plusieurs
preuves qu'il n'avait pas d'autres sentiments
sur la foi que ce concile, les schismatiques
ne laissaient pas de publier qu'il ne l'approu-
vait pas, sous prétexte qu'il avait refusé d'en
recevoir le vingt-huitième canon fait en faveur
de l'évêque de Constantinople. Il écrivit donc,
suivant les désirs de l'empereur, une lettre
circulaire adressée aux évêques qui avaient
assisté au concile de Chalcédoine, pour leur
déclarer qu'il approuvait sans aucune réserve
tout ce qui s'y était fait touchant la foi et la
condamnation des hérétiques, déclarant qu'on
devait retrancher de l'Eglise quiconque ose-
rait soutenir l'hérésie de Nestorius ou d'Eu-
tychès. Il ajoute, en parlant du vingt-hui-
tième canon, qu'il observera inviolablement
ceux de Nicée, sans consentir jamais à ce que
l'ambition pouvait avoir obtenu dans le con-
cile de Clialcédoine. Il envoya deux copies
de cette lettre, qui est datée du 2! mars 433,
à Julien de Cos, avec celle qu'il avait écrite
à Anatolius, afin qu'il les présentât l'une et
l'autre à l'empereur, s'il le jugeait à propos.
C'est ce qu'il marque dans sa lettre à Juhen,
datée du même jour que la précédente. Il
le chargea de veiller à ce que Marcien en-
voyât sa lettre circulaire aux évêques, et
d'engager ce prince à leur écrire lui-même.
Julien avait prié saint Léon d'écrire à Ana-
tolius ; le pape répond qu'il n'avait pas voulu
suivre en cela son avis , sachant qu'il persis-
tait tellement à se maintenir dans les préro-
gatives que le concile de Chalcédoine lui avait
accordées, qu'il avait tâché d'y faire sous-
crire les évêques d'Illyrie. Il dit encore qu'à
l'égard du prêtre Aétius, il fallait souflrir,
pour le présent, l'injure qu'on lui avait faite,
de peur qu'on ne l'accusât d'excéder les bor-
nes de la gravité.
58. Ce fut aussi le 21 mars de l'an 453 qu'il
écrivit à Marcien pour lui témoigner combien *'■','■';'?"• ^<>J'
1 O l'ulcliene, 91
sa dernière lettre lui avait causé de joie. Il y ^J."''""' ""'
reconnaît que c'était surtout par ses soins que
le concile de Chalcédoine avait été assemblé
et que l'hérésie y avait été éteinte, et prie ce
prince de donner ordre que la lettre qu'il avait
écrite aux évêques du concile de Chalcédoine
leur fût envoyée. En lui recommandant Ju- ^
lien, son légat, il dit que le pouvoir qu'il
lui avait donné avait pour objet de veiller
à la conservation de la foi. Quoiqu'il n'eût
point reçu de lettre de Pulchérie, il lui en
écrivit une pour la remercier du soin qu'elle
avait pris de ramener doucement les moines
[V= SIÈCLE.]
de Palestine. C'était Julien qui avait donné
avis à saint Léon de ce que cetle impératrice
avait fait en cette occasion; il lui manda de-
puis que les hérétiques faisaient beaucoup de
maux dans la Palestine et dans l'Egypte. Le
pape lui fit réponse , le 2 avril de la même
année -433 , qu'il devait porter Fempereur
Marcien à employer contre les auteurs de ces
troubles une juste sévérité , qui n'allât pas,
toutefois, jusqu'à répandre leur sang, quel-
ques peines que méritassent des gens qui ne
craignent point de violer les lois divines et
humaines. Un moine, nommé Georges, trou-
blait la Cappadoce par ses prédications et par
ses écrits, parlant contre la foi et se rendant
indigne du nom et de la profession de moine
par ses entreprises criminelles; néanmoins
ïhalasse , évêque de Césarée , lui avait per-
mis d'écrii'e et de prêcher. Saint Léon le
trouve mauvais , et dit à Julien que si c'est
son avis, il en écrira à cet évêque.
59. Il y avait en Orient un grand nombre
de nesloriens et d'eutychiens qui s'anathé-
matisaient mutuellement. Maxime d'Antioche
en écrivit à saint Léon, qui Texhorta, par sa
lettre du 10 juin 453, à s'opposer aux uns et
aux autres, et à veiller non-seulement sur les
Eglises de sa juridiction, mais aussi sur toutes
celles de l'empire d'Orient , et à l'informer
exactement de ce qui s'y passerait. Il l'exhorta
encore au maintien des privilèges de son
Eglise, en la manière qu'ils avaient été réglés
par les canons de Nicée, en lui faisant enten-
dre qu'il en prendrait lui-même la défense,
s'il arrivait que quelqu'autre évêque voulût
s'en emparer, comme Juvénal de Jérusalem
avait fait à l'égard de la Palestine , dont il
voulut s'attribuer la primalie dans le concile
d'Ephèse, par des écrits supposés. « Si mes
frères, que j'ai envoyés à ma place à ce con-
cile, ont fait autre chose que ce qui regardait
la foi, il n'aura aucune force, le Saint-Siège
ne les ayant députés que pour éteindre les
hérésies et prendre la défense de la foi.» Pour
marquer combien il était attaché au concile
de Nicée, il dit à Maxime qu'il lui envoie une
copie de la lettre qu'il avait écrite à Analo-
lius pour réprimer son ambition; après quoi,
il dit que, quoiqu'il soit à désirer que tous les
enfants de l'Eglise soient instruits de la vraie
et saine doctrine, on ne doit pas néanmoins
permettre que ceux qui ne sont pas revêtus
du sacerdoce s'attribuent la qualité de doc-
teurs, ni qu'ils en fassent les fonctions en
prêchant et en enseignant, soit qu'ils soient
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
227
moines ou laïques, tout devant se faire selon
l'ordre dans l'Eglise de Dieu, en sorte que les
membres supérieurs du corps de Jésus-Christ
fassent ce qui est de leur devoir, et que les
inférieurs se tiennent dans la subordination.
Saint Léon parlait ainsi par rapport aux trou-
bles que les moines avaient excités dans la
Cappadoce et dans la Palestine, par leurs dis-
cours et par leurs écrits. Sa lettre du H juin,
à Théodoret, est pour l'exhorter à travailler
avec lui à éteindre les restes de l'eutychéa-
nisme et du nestorianisme dans l'Orient, et
de lui donner avis des progrès qu'y fera la
saine doctrine. Il répète ce qu'il avait dit dans
sa lettre à Maxime, que, quelque savoir qu'ait
un moine ou un laïque, il ne lui est pas per-
mis de prêcher, le ministère de la parole étant
réservé aux prêtres du Seigneur.
Ce qu'il dit des décisions du Saint-Siège,
confirmées par le concile de Chalcédoine, est
remarquable : « Nous avons connu , par le
rapport de nos frères , que le Siège du bien-
heureux Pierre avait envoyés au saint con-
cile, qu'aidé du secours d'en haut, vous avez,
avec nous, remporté la victoire sur l'im-
piété nestorienne et sur la folie eutychienne.
C'est pourquoi nous nous glorifions en notre
Seigneur de ce qu'il n'a pas permis que nous
perdions aucun de nos frères; mais ce qu'il
avait auparavant défini par notre ministère, il
l'a confirmé par le consentement irrévocable
de toute la fraternité, et a montré que ce que
le premier de tous les sièges avait décidé, a
été reçu par le jugement de tout le monde
chrétien, afin qu'en cela les membres s'accor-
dassent avec leur chef; car, de crainte que
le consentement des autres sièges ne parût
ime flatterie, ou qu'on pût former quelqu'au-
tre soupçon fâcheux , il s'en est trouvé qui
ont douté de l'équité de notre jugement , ce
qui, par une disposition de l'Auteur de toute
bonté , a produit un plus grand bien, parce
que la vérité parait plus clairement et s'im-
prime plus fortement quand ce que la foi avait
enseigné auparavant est ensuite confirmé par
l'examen, et que le mérite du ministère sa-
cerdotal éclate beaucoup plus quand les pre-
miers supérieurs conservent tellement leur
autorité, qu'ils ne diminuent point la liberté
des inférieurs. »
Saint Léon continue ainsi : « Tandis que
la splendeur du soleil de justice est comme
obscurcie en Orient par les ténèbres de l'er-
reur de Nestorius et d'Eutychès, elle brille
dans toute sa pureté en Occident, où elle s'est
228
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
placée principalement dans les docteurs et
les apôtres qui y ont enseigné, quoiqu'il
ne soit pas permis de croire qu'elle ait refusé
sa lumière à l'Orient, où Dieu s'est en effet
réservé de très-illustres confesseurs.» Il ne
dissimule pas la douleur que lui avait causée
Dioscore , en l'excommuniant par une té-
mérité incroyable, ajoutant qu'il s'est lui-
même séparé de la communion des clirétiens
en chassant les évêques de leurs sièges, et
■qu'il s'est ôté la vie de l'âme en clierchant h
ôter à saint Flavieu celle du corps. Il avertit
Théodoret de mesurer ses discours avec une
extrême précaution , lorsqu'il aurait à com-
battre les ennemis de l'Eglise, afin de ne leur
laisser aucune occasion de calomnie, comme
si, en combattant les nestoriens et les euty-
chiens, on avait cédé aux uns ou aux autres;
de les condamner également et de les frap-
per d'anathème, sans hésiter, toutes les fois
que l'utilité des auditeurs le demandera. Il
finit sa lettre par ces paroles, qui font l'apo-
logie de Théodoret : « Béni soit Dieu, dont
la vérité invincible vous a montré net de
toute tache d'iiérésie, suivant le jugement du
Siège apostolique. »
L.itressio 60. Lc 16 julu dc l'an 453, saint Léon crai-
oô"à"j'ulien,' gnant qu'il n'arrivât du trouble dans l'Eglise
"''' ' ■ • au sujet de la Pâque qui , dans le cycle de
Théophile d'Alexandrie, était marquée au 24
avril pour l'année 4S5 , ce qui ne s'accordait
pas avec le calcul des Occidentaux, qui ne
ci'oyaient pas qu'on pût la faire plus tard que
le 21, ou au plus le 23 du même mois, écri-
vit à l'empereur Marcien, pour le prier de
faire examiner cette difficulté par les per-
sonnes qu'il saurait être les plus habiles en
ces supputations, et de lui mander quel au-
rait été le succès de cet examen. Le même
jour il en écrivit à Julien de Gos, son légat,
afin qu'il sollicitât souvent cette affaire au-
près de l'empereur.
Lci[res9cn 61. Dès avant le 21 mars de l'an 453, le
sis'ei'gS prince avait donné un ordre secret à Paul de
Tesll'ae. pag. prier saiut Léon d'écrire à Eudoxie , et de
j»°i'«n, pag. travailler à la retirer du schisme où elle s'e-
ste.
tait laissé entraîner par le moine Théodose.
Ce saint pape fit sans doute aussitôt ce que
Marcien demandait de lui; mais nous n'avons
pas cette lettre. 11 nous en reste une seconde
à Eudoxie, datée du 2o juin de la même an-
née, par laquelle il l'exhorte à employer tout
son pouvoir pour ramener les moines à la foi
catholique touchant le mystère de l'incar-
nation, elles engager à faire pénitence des
blasphèmes et des cruautés dont ils étaient
coupables. Il les renvoie à l'Evangile et au
symbole où ce mystère est si clairement ex-
primé, et veut que, pour preuve de la sincé-
rité de leur foi, ils souscrivent aux décrets du
concile de Chalcédoine , et qu'à l'avenir ils
n'aient plus rien de commun avec les dogmes
impies de Nestorius et d'Eutychès, que la foi
catholique condamne également. Il prie Eu-
doxie de lui faire savoir, par lettres, quels
fruits auront produit ses exhortations ; et, sans
lui rien dire de son attachement au schisme
dont elle ne se défit qu'en 456, il suppose
qu'elle ne pouvait que bien penser du mys-
tère de l'incarnation, dont elle avait des preu-
ves sensibles dans le lieu même de sa de-
meure, qu'elle avait établie à Jérusalem. Saint
Léon écrivit lui-même à ces moines de Pales-
tine, persuadé qu'étant chargé du soin de
l'Eglise universelle, il devait prendre soin de
tous ses enfants. L'occasion de leur erreur
venait d'une traduction infidèle de sa lettre à
Flavien. Il fait voir qu'il n'y avait rien dit que
de conforme à la doctrine de l'Evangile et des ■
apôtres, et qu'il ne s'était éloigné en aucune
manière de celle des saints pères, la foi catho-
lique étant tellement une, qu'on ne peut ni
y ajouter, ni en rien retrancher. Il veut qu'on
dise anathème àNestorius, àEutychès, àApol-
linaire, à Marcion et à Manichée, qui tous ont
erré sur le mystère de l'incarnation , et ne
pouvaient conséquemment porter ajuste titre
le nom de chrétiens , leur doctrine ne s'ac-
cordant point avec celle de l'Evangile, qui
nous apprend que le Verbe a été fait chair, j„an. ,, ,j.
qu'il a habité parmi nous, et que Dieu était ncor.v.ig
en Jésus-Christ, se réconciliant le monde. Il
montre que celui-là ne participe point à la
médiation de Jésus-Chri'st, qui ne reconnaît
point en lui la vérité de la nature humaine,
et que ceux-là seuls sont lavés dans son sang,
qui confessent que c'est dans leurs corps qu'il
a souffert, qu'il est mort, qu'il a vaincu la
mort ; d'où il prend occasion de distinguer les
propriétés des deux natures. « S'il n'eût pas
été Dieu , dit-il , les mages ne l'eussent pas
adoré; s'il n'eût pas été homme, il n'au-
rait pas été ordonné de le transporter en
Egypte pour le soustraire à la persécution
d'Hérode. Jamais il n'y a eu de sépara-
tion entre les natures depuis leur union;
mais aussi elles n'ont point été confondues,
et les propriétés de l'une n'ont point été absor-
bées dans celles de l'autre, quoique attribuées
les unes et les autres à une même personne.
[V' SIÈCLE.]
C'est à ceux qui n'admettent en Jésus-Christ
qu'une chair apparente et fantastique, à ex-
pliquer comment elle a été attachée à la croix
et mise dans le tombeau , ou comment elle en
est sortie après avoir ôté la pierre qui la cou-
vrait ; comment elle a été touchée des disci-
ples et a conservé les marques des clous qui
l'avaient percée. Il n'importe de quelle na-
ture on nomme Jésus-Christ, parce qu'étant
unies indivisiblement par l'unité de personne ,
c'est le même qui est Fils de l'homme à cause
de la chair ou de la nature humaine , et Fils
de Dieu à cause de la divinité qui est une dans
lui et dans le Père. Ce qu'il a donc reçu dans
le temps, il l'a reçu comme homme. C'est en
ce sens qu'il a reçu un nom qui est an-dessus
de tout nom , et qu'il a reçu aussi une aug-
mentation de gloire; car, en tant que Verbe
le Fils a indistinctement tout ce qu'a le Père,
en sorte que c'est le même qui est riche et
pauvre. Il est riche parce qu'il est Dieu, pau-
vre parce qu'il a été fait chair, ce qui n'est
arrivé qu'à cause que les liens originels de
notre captivité n'auraient pu être rompus si
le Verbe ne se fût fait homme comme nous,
et n'eût effacé, pur l'effusion de son sang in-
nocent, la cédule mortelle de notre condam-
nation. Il témoigne à ces moines sa douleur
de les voir encore attachés aux hérésies de
Nestorius et d'Eutychès, que la foi chrétienne
avait condamnés avec Dioscore , et leur re-
proche fortement les crimes et les violences
où leur faux zèle les avait engagés. « Vous
vous êtes, leur dit-il, armés pour la défense
de l'Eglise, et vous avez combattu contre elle.
Est-ce là ce que vous avez appris des pro-
phètes, des évangélistes et des apôtres? » Il
les rappelle au symbole qu'ils avaient récité
en présence de beaucoup de témoins au mo-
ment de leur baptême, et qu'ils paraissaient
avoir oublié , et les exhorte de rentrer enfin
en eux-mêmes et d'embrasser la foi commune
de l'Eglise. La lettre à Julien de Cos est en-
core du 2S juin; elle n'a ]'ien de remarquable.
Il y est fait mention d'une lettre à l'empereur
qui est perdue.
, „ „„. 62. Il lui en écrivit une autre le 9 ianvier
LeUres99a J
i"''et'ioo'à ^^ ^'^^ '^^^' pour le remercier de ce que, par
'• ses soins, Juvénal de Jérusalem avait été ré-
tabli dans son siège, et les troubles de la Pa-
lestine dissipés. Il le prie de travailler avec
autant de zèle à la paix de l'Egypte, où les
ténèbres de l'hérésie bannie de toute la terre,
s'étaient concentrées. C'était Julien de Cos
qui avait mandé à saint Léon la paix de la
CHAPITRE XL — SAINT LEON, PAPE.
229
Palestine. Il lui avait marqué en même temps
qu'on avait lu à Constantinople sa lettre aux
évêques du concile de Chalcédoine en pré-
sence des évêques et des prêtres; mais qu'on
n'en avait lu que la première partie qui re-
gardait la foi, et non la seconde touchant
l'entreprise d'Anatolius; qu'Aétius avait été
pleinement justifié après un mùr examen de
sa conduite. Saint Léon témoigne quelque
peine dans sa réponse, de ce qu'on n'avait pas
lu à Constantinople ce qu'il avait dit contre
l'ambition d'Anatolius, et sa joie du rétablis-
sement d'Aétius. Comme Julien n'avait pas
bien compris la difficulté qu'il lui avait pro-
posée sur la fête de Pâques, dans ses let-
tres précédentes, il la lui expliqua de nou-
veau dans celle qu'il lui écrivit le 9 janvier
454, en le chargeant de l'informer exacte-
ment quel jour on devait célébrer cette fête
eu 455. Il reconnaît dans la même lettre
qu'après Dieu, l'on était redevable à l'empe-
reur Marcien de la fin des troubles de la
Palestine, et de ce que Juvénal de Jérusa-
lem était rentré dans son évêché. Il parle
d'une lettre que ce prince lui avait écrite
touchant la soumission d'Anatolius en tout
ce qui regardait les matières de la foi.
63. Il répondit à Marcien le 9 mars 454, Len^, lot
que, quoiqu'il eût écrit à Anatolius, il n'en îo^Y juû'e"
avait reçu aucune réponse ; que son silence '"5■^^''•
était la seule cause qui l'obligeait à ne lui
point écrire ; mais que ce défaut de com-
merce ne diminuait rien de l'affection qu'il
avait pour lui et pour son salut; qu'il était
donc tout prêt de lui écrire aussitôt qu'il au-
rait satisfait aux canons, promis de conser-
ver l'union avec les autres évêques par un
esprit de paix et d'humilité, et qu'il l'aurait
assuré par ses lettres qu'il n'était plus dans
les sentiments que son ambition lui avait ins-
pirés. Par une lettre du même jour, saint
Léon chargea Julien de Cos de faire une
nouvelle traduction grecque de sa lettre à
Flavien, et de la remettre à l'empereur, afin
qu'il l'envoyât sous son sceau aux magis-
trats d'Alexandrie, et qu'elle fût lue publi-
quement dans l'église avec les passages qu'il
y avait joints. Son dessein était de détrom-
per les simples que les eutychiens avaient
séduits par une fausse traduction de cette
lettre. Il marquait aussi à Julien qu'il avait
reçu des lettres de saint Profère, dans les-
quelles il avait l'econnu qu'il pensait saine-
ment sur la foi, et qu'il travaillait à la dé-
fendre contre les hérétiques. La raison que
230
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettre ion à
siinl Prolère.
L^tlre de
siilit Protère,
pa|
. 321.
le pape avait eue de se défier de ce saint évo-
que, est qu'il était disciple de Dioscore.
64. Cet évéque l'avait fait archiprêtre de
son Eglise, et lui en avait confié le soin ; il
parait qu'il contribua beaucoup à le faire
évéque d'Alexandrie, lorsqu'il se vit obligé
de quitter lui-même cet évêclié, après avoir
été déposé par le concile de Chalcédoine.
Quoi qu'il en soit, saint Protère fut élu par
un consentement général et mis en posses-
sion du siège de saint Marc, en présence de
quatre évêques qui avaient quitté le parti de
Dioscore, même avant sa condamnation. C'é-
taient Atbanase de Busiris, Annonius de Sé-
bennyte, Nestorius de Phragonée , et Macaire
de Cabases. L'empereur Marcienrendit àsaint
Protère un témoignage avantageux à saint
Léon, qui eut beaucoup de joie de voir l'E-
glise d'Alexandrie gouvernée par un évéque
digne de l'être; ce qui n'empêcha pas que la
division ne se mît dans cette Eglise, les uns
prenant le parti de Dioscore qui vivait en-
core, les autres celui de saint Protère. Aus-
sitôt que celui-ci put jouir d'un peu de tran-
quillité, il assembla un concile de toute
l'Egypte, oii il condamna ' Timothée Elure
et Pierre Mongus, l'un prêtre, l'autre diacre
de son clergé ; il y reçut aussi le décret du
concile de Chalcédoine, et confirma ^ celui
de Conslantinople en 381. Il fit part de son
élection à saint Léon, et de la sentence qu'il
avait rendue contre Timothée et les autres
schismatiques. Quoique le pape ne parût pas
satisfait de sa lettre, ne la trouvant pas assez
claire sur la foi ^, il ne laissa pas de lui faire
réponse *, et aux évêques qui l'avaient or-
donné. Nous n'avons plus cette lettre de saint
Protère. Il en écrivit une autre au pape, en
■453, où il s'exprime avec plus de netteté ;
elle est encore perdue. Saint Protère y dé-
clarait qu'il recevait de tout son cœur la
doctrine de l'Eglise romaine, en particulier
la lettre à Flavien. Nous en avons une autre
du même évéque, imprimée parmi celles de
saint Léon. Il y traite à fond la question de
la Pâque, sur laquelle il avait été consulté,
et montre qu'elle doit être célébrée par les
chrétiens non le quatorzième de la lune du
premiers mois comme chez les Juifs, qui en
cela se conformaient à ce qui est prescrit
dans la loi de Moïse, mais le dimanche sui-
vant; d'où il infère que le quatorzième de
la lune arrivant un dimanche, il faut reculer
la fête de Pâques jusqu'au dimanche suivant,
qui tombe alors au vingt et unième de la
lune. Suivant ce principe, il déclare qu'à
Alexandrie, dans l'Egypte et partout l'Orient,
on fera la Pâque en 455, le 24 avril, parce
que le quatorzième de la lune tombait le 17,
qui était un dimanche. Il se fonde sur l'usage
observé avant et après Théophile d'Alexan-
drie, de ne point faire la Pâque le quator-
zième de la lune, tombât-il le dimanche, et
rapporte divers exemples du renvoi de la
Pâque au 23 avril. En 387, on fît la Pâque
en ce jour, parce que le dimanche précédent
n'était que le quatorzième de la lune; on de-
vait en faire de même en 482, pour la même
raison. Il regarde comme attachés aux opi-
nions fabuleuses des Juifs, ceux qui, en fai-
sant la Pâque le 24 ou le 25 avril, s'imagi-
nent ne la faire que dans le second mois, et
non dans le premier, comme il est ordonné
par la loi. On ne compte pas, dit-il, ce pre-
mier mois dujour del'équinoxe, qui est tou-
jours le 21 mars, mais du jour de la nou-
velle lune d'après l'équinoxe. Il aurait mar-
qué plus clairement sa pensée, en disant que
le premier mois est celui auquel le quator-
zième de la lune tombe après l'équinoxe. La
conclusion de la lettre est que le cycle de
Théophile d'Alexandrie est bon, et qu'en
453 on doit célébrer la Pâque le 24 avril.
Saint Protère n'ayant personne qui sût bien
traduire en latin, envoya sa lettre en grec au
pape. Nous ne l'avons néanmoins qu'en latin.
Saint Léon ne dit rien de cette lettre dans
celle qu'il lui écrivit le 9 mars de l'an 454.
C'est une réponse à la seconde lettre de saint
Protère. Le pape le loue de son attachement
à la doctrine des apôtres et des saints pères,
et l'exhorte à maintenir avec vigueur la pu-
reté de la foi, contre les hérétiques, sans
permettre qu'on altérât la vérité parle chan-
gement d'une seule syllabe, qui peut quel-
quefois servir de couverture à l'hérésie. Il
dit C[ue si Dioscore eût voulu suivre la doc-
trine établie dans la lettre à Flavien, et qui
est entièrement conforme à celle des pères,
nommément de saint Athanase, Théophile et
saint Cyrille ses prédécesseurs, il serait en-
core aujourd'hui dans le corps de Jésus-Christ,
c'est-à-dire dans la communion de l'Eglise ;
et ajoute : « Je vous avertis donc, mes très-
» Tom. IV Concil., pag. lOSO.
« Ibid., pag. 945.
= Léo, Epist. 100.
' Idem, Episi. 80.
|-V° SIÈCLE.]
chers frères, par le soin que j'ai de la foi qui
nous est commune ; les ennemis de la croix
de Jésus - Christ examinent jusqu'à nos
moindres paroles , aussi ne leur donnons
aucune occasion de nous accuser faussement
de nestorianisme. Il est de votre devoir, en
exhortant le peuple, le clergé et tous les frè-
res à s'instruire et à profiter de plus en plus
dans la doctrine de la foi, de leur persuader
que vous ne leur enseignerez rien que ce que
tous les saints évoques, nos prédécesseurs,
ont enseigné d'une manière uniforme, et
avec qui ma lettre à Flavien a une entière
conformité : mais il ne suffit pas que vous
leur disiez toutes ces choses, il faut encore
les en convaincre par la lecture et l'explica-
tion des ouvrages de ces saints évoques, afin
que les peuples reconnaissent qu'on ne leur
enseigne rien présentement que ce que nos
prédécesseurs avaient appris de leurs pères,
et ce qu'ils ont enseigné à leurs successeurs.
C'est pourquoi je vous prie de leur lire ,
premièrement, les écrits des évêques qui ont
été avant nous, et ensuite ma lettre à Fla-
vien, afin qu'ils soient assurés que nous prê-
chons la même doctrine que nous avons re-
çue de la tradition. » Saint Léon exhorte
aussi saint Profère à maintenir l'honneur et
les droits de son Eglise contre tous ceux qui
voudraient y donner atteinte ; à contenir
sous son autorité les évêques d'Egypte, et à
les obliger de venir à son concile quand il
les appellerait, pour concerter en commun ce
qui pourrait être utile à l'Eglise, lui promet-
tant de l'appuyer de son côté, autant qu'il
serait en son pouvoir. Cette lettre est du dou-
zième de mars de l'an 454; elle est rappelée
dans la lettre suivante à l'empereur Marcien.
Leiii-es 104 ^^' Saint Léon dit à ce prince que le té-
ie'eur' mTt- nioignage qu'il avait rendu à Profère suffisait
isn, p. 321. pour lever tous les doutes qu'on aurait pu
avoir sur sa foi , mais que cet évêque les
avait levés lui-même par une explication
claire de sa doctrine. Il ajoute qu'il lui
avait écrit que la manière la plus propre de
convaincre les peuples d'Alexandrie, qu'on
ne leur prêchait rien de nouveau sur le mys-
tère de l'Incarnation, était de leur montrer
que les anciens évêques de cette ville avaient
enseigné une semblable doctrine. Il prie
Marcien de lui procurer une nouvelle tra-
duction grecque de sa lettre à Flavien, pour
détromper ceux que les eutychiens avaient
séduits par une fausse traduction de la même
lettre. Le pape avait demandé la même chose
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
231
à Julien, son légat. Dans une autre lettre k
l'empereur, il lui promet de se réconcilier
avec Anatolius, aussitôt que cet évêque sera
rentré dans son devoir. Comme il avait ap-
pris par Julien de Cos qu'Eutychès continuait
à blasphémer, il demande en grâce à IVIar-
cien de bannir cet hérésiarque dans quelque
désert éloigné deConstantinople. Il remercie
ce prince des soins qu'il s'était donnés tou-
chant le jour auquel on devait faire la Pâque
en 455, et lui recommande les ecclésiastiques
de Constantinople, dans la crainte qu'ils ne
fussent vexés par Anatolius. La première de
ces deux lettres est du 10 mars 454, la se-
conde du 15 avril.
66. Cependant Anatolius écrivit à saint
Léon, en lui témoignant sa douleur de ce
qu'il ne recevait aucune de ses lettres. Il
ajoutait qu'il ne souhaitait que d'exécuter
ses ordres ; qu'il l'avait fait dès le moment
que l'empereur les lui avait fait connaître ;
qu'en conséquence, il avait rétabli Aétius et
déposé André; qu'il le priait donc, tant pour
la satisfaction de ce prince que pour celle de
toute l'Eglise, et pour Jésus-Qirist même, de
lui faire la grâce de lui écrire ; qu'à l'égard
du vingt-huitième canon du concile de Chal-
cédoine en faveur des évêques de Constan-
tinople, il avait été sollicité par le clergé de
cette Eglise, et qu'enfin on en avait réservé
la validité et la confirmation au Saint-Siège.
Saint Léon, prenant ces paroles d'Analolius
comme des marques de désistement de ses
prétentions, lui écrivit pour lui témoignerqu 'il
était satisfait de sa conduite. Il approuva
aussi ce qu'il avait fait à l'égard d' Aétius
et d'André, consentant toutefois que si André
et Euphratas , accusateurs de Flavien , con-
damnaient par écrit et d'une manière au-
thentique les Iiérésies d'Eutychès et de Nes-
torius, il les ordonnât prêtres, après avoir
choisi pour archidiacre un homme que l'on
n'ait jamais soupçonné de ces hérésies. Il
consent aussi au rétablissement des autres
qui avaient accusé insolemment Flavien ,
pourvu qu'ils satisfassent de même qu'André
et Euphratas ; mais il dit qu'on ne doit met-
tre dans les premières places que ceux qui
n'auront eu aucune part à l'erreur. A l'égard
des prétentions ambitieuses dont il avait ac-
cusé AnatoHus, il l'exhorte à y renoncer sin-
cèrement, et à se contenir dans les bornes
que les saints pères avaient posées, à renou-
veler son amitié avec Julien de Cos, et à l'ob-
servation des décrets de Nicée touchant les
l.eUrPs 106
à Anatoliii?,
11(7 et 108 à
Mirfien, p.
ne.
232
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
prééminences et les droits du sacerdoce, di-
sant que de là dépendait la paix de l'Eglise.
Cette lettre est du 29 mai 454. Le même jour,
saint Léon écrivit deux lettres à l'empereur
Marcien. Dans l'une, il lui marque sa récon-
ciliation avec Anatolius, et le prie de répri-
mer un certain moine ignorant, nommé Ca-
rose, qui, infecté de sentiments hérétiques,
les inspirait à beaucoup de personnes. Dans
l'autre, il remercie ce prince de ce qu'il avait
fait pour savoir au juste en quel jour on de-
vait célébrer la Pàque en 4So, déclarant qu'il
s'en tiendrait à ce que saint Protère lui avait
écrit sur ce sujet. Il demande à Marcien d'or-
donner que les économes de l'Eglise de Cons-
tantinople rendraient leurs comptes en pré-
sence des évêques, suivant l'usage, et non
devant les magistrats comme on voulait les y
obliger. Il avait déjà écrit à ce prince sur le
même sujet. Cette lettre n'est pas venue jus-
qu'à nous.
Lettre 103 67. Il BU écrivit une le 28 juillet aux évé-
d°s gIX"! ques des Gaules et d'Espagne^ pour leur
marquer qu'en 435 la Pâque serait le 24 avril.
Il marque en peu de mots les précautions
qu'il avait prises pour s'assurer du jour qu'on
devait la célébrer en cette année-là. La lettre
qu'il envoie sur le même sujet aux autres
évêques d'Occident, était apparemment sem-
blable à celle-là.
Lettre 110 68. Juvéual étaut rentré dans son siège,
à Juvcnat de . >, «r . ■ i .
.iérusaic.n,,p. aprcs quo 1 empereur Marcien en eut chasse
Théodose, il écrivit à saint Léon pour lui
donner part de son rétablissement. Dans sa
lettre, dont les porteurs furent André, prêtre,
et Pierre, diacre, il parlait de celle de saint
Léon à Flavien ; mais on ne sait à quel pro-
pos. Le pape lui répondit le 4 septembre,
pour lui témoigner sa joie de son retour à
Jérusalem : « mais en faisant, lui dit-il, ré-
flexion sur le passé, je vois que vous vous
êtes attiré vos malheurs, et que vous avez
perdu l'autorité pour résister aux hérétiques,
quand vous avez témoigné approuver leur
erreur en condamnant Flavien et en rece-
vant Eulychès au concile d'Ephèse. N'était-ce
pas là renier Jésus-Christ selon la chair?
Quoiqu'il ne soit permis à aucun prêtre d'i-
gnorer le mystère de l'Incarnation, il l'est
bien moins aux chrétiens qui demeurent à
Jérusalem, puisqu'ils n'ont pas besoin de
lecture pour connaître la vérité de l'Evan-
gile, voyant de leurs yeux les lieux où se
sont accomplis les mystères. C'est là qu'une
vierge de la race de David a enfanté, qu'elle
a enveloppé de langes son enfant dans une
crèche, n'ayant point trouvé d'hôtellerie où
se loger. C'est là que les anges ont annoncé
la naissance du Sauveur; qu'il a été adoré
des mages ; qu'Hérode l'a cherché pour le
faire mourir; qu'il a crû en âge et en force;
qu'il est devenu homme parfait ; qu'il a eu
faim et soif; qu'il a pleuré; qu'on l'a attaché
à la croix. On y voit la pierre qui lui servait
de tombeau, et d'où il est sorti par sa puis-
sance divine. C'est le même qui, dans la
forme de Dieu, a fait des miracles, et qui,
dans la forme d'esclave, a souffert la mort;
pour rendre la vie à tous, il s'est chargé des
péchés, et il a acquitté la dette ancienne de
tous, lui seul qui ne devait rien, n'ayant pas
péché. » Il dit à Juvénal qu'il ne pouvait
ignorer cette vérité si clairement marquée
dans les hvres de l'Ancien et du Nouveau
Testament, dans les écrits des pères, dans sa
lettre à Flavien, et confirmée depuis peu
dans le concile de Chalcédoine. Il l'exhorte
donc d'en instruire ceux que la malice ou
l'ignorance retenait encore dans le schisme,
et d'employer à cet effet l'autorité des écri-
vains que Dieu avait rendu illustres dans
l'Eglise apostolique par leur savoir, afin
qu'ils connaissent que nous ne croyons sur
l'Incarnation que ce que ces auteurs en ont
cru, et qu'ils ne se mettent pas eux-mêmes,
par leur opiniâtreté dans l'erreur, hors du
corps de Jésus-Christ, c'est-à-dire de son
Eghse, parce que la foi ne nous permet pas
de dire que la divinité ait pu être passible
de son essence, ni que la vérité nous ait
trompés en feignant de prendre notre na-
ture. Selon quelques éditions, saint Léon re-
merciait Juvénal de lui avoir envoj^é des eu-
logies avec un petit morceau de la vraie
croix. On a retranché cet endroit dans la
dernière, parce qu'il ne se lit point dans
presque tous les manuscrits.
69. Dioscore, relégué à Gangres en Paphla-
gonie quelque temps après qu'il eut été dé-
posé par le concile de Chalcédoine, mourut à juiion, n
dans le lieu de son exil le 4 septembre 434. ="*-°*^°'"'=-
Julien de Cos en donna avis à saint Léon, qui
lui répondit, le 6 décembre suivant, que cette
mort était un effet de la providence de Dieu
sur son Eglise, ayant lieu d'espérer que le
défenseur du mensonge n'étant plus, ceux
qui l'avaient suivi dans ses égarements, s'en
retirei-aient avec plus de facilité , surtout
étant aidés du secours d'un prince aussi
pieux que l'était "Marcien. Au commence-
Lettre 111
à Julien, pag,
:ii9; 112 à
Marcien, M'-l
[y SIÈCLE. J
CHAPITRE XI.
SAINT LEON, PAPE.
233
ment de l'année suivante 455, le pape re-
mercia ce prince d'avoir mis Carose et Do-
rotliée, abbés eutychiens, en des lieux où ils
ne pouvaient nuire à personne. Marcien lui
avait donné lui-même avis de ce qu'il avait
fait à cet égard, en lui écrivant sur la fête de
Pâques. Julien lui en écrit aussi. Il marqua
dans une autre lettre à saint Léon, que Carose
avait quitté l'eutychianisme, et que Jean le
décurion avait été envoyé en Egypte. Jean
était chargé d'une lettre de l'empereur, adres-
sée aux moines du pays pour les informer
des crimes de Théodose et les exhorter à le
livrer, avec ses complices, au gouverneur de
la province, non pour le punir selon ses mé-
rites, mais pour l'empêcher de continuer à sé-
duire les simples. Le même décurion fut aussi,
selon toute apparence, chargé dans la suite de
l'exécution d'une loi de Marcien contre les
eutychianistes, par laquelle il leur était dé-
fendu de donner ou de recevoir par testament ;
d'ordonner des évêques et des clercs, sous
peine d'exil et de confiscation de leurs biens ;
de tenir des assemblées et de parler mal du
concile de Chalcédoine. Cette loi est datée du
l" août 455. Julien informa encore saint
Léon des poursuites que l'on avait commen-
cées contre Maxime, évêque d'Antioche ; on
ne sait point quel en était le sujet. Le pape
répondit le 11 mars à Julien, de lui marquer
quelles auraient été les suites du voyage de
Jean en Egypte, et des accusations formées
contre Maxime. Deux jours après, il écrivit
à Anatolius pour le remercier d'une lettre de
civilité qu'il en avait reçue, et pour l'engager
à travailler avec zèle à la destruction des
restes de l'hérésie de Nestorius et d'Euty-
chès, dont l'Eglise de Constanlinople était
encore infectée. 11 lui représente qu'en tar-
dant plus longtemps, ces sectes pourraient
reprendre vigueur.
70. Cette lettre à Anatolius est la dernière
At°a;oH^us! ^^ celles que saint Léon écrivit en 455, et
"ag.^a"."'"' Qoi^s n'en avons aucune de lui de l'année
suivante 456, parce que, occupé à réparer les
maux que les Vandales avaient faits à Rome,
il n'avait guère le loisir de prendre part aux
affaires des autres Eglises. La première qu'il
écrivit en 457, est du 9 juin; elle est adressée
à l'empereur Léon, élevé à cette dignité le
7 février 457, par l'autorité du patrice Aspar.
Son règne fut plus long que celui de Mar-
cien, qui ne gouverna l'empire que six ans et
demi; mais moins favorable à l'Eglise. Saint
Léon ayant appris son élection, l'en félicita.
LeUres IIS
à l'emp
Nous n'avons plus cette lettre ; mais il en fait
mention dans celle qu'il lui écrivit le 9 juin.
Il le prie instamment d'arrêter la suite des
désordres arrivés à Alexandrie, dontl'évêque
avait été tué dans le baptistère par la faction
de Timothée Elure, qui s'en était fait évêque,
et de procurer la paix de cette Eglise en y
faisant ordonner un nouveau pasteur qui fût
irrépréhensible dans sa foi et dans ses
mœurs. Il conjure aussi ce prince de ne pas
permettre que l'on affaiblit l'autorité du con-
cile de Chalcédoine, ni que l'on mît en ques-
tion les choses qui y avaient été décidées.
Saint Léon avciit été averti par Anatolius des
violences commises à Alexandrie par Elure ;
mais ni Julien de Cos, son légat, ni Aétius ne
lui en avaient rien écrit. Le pape remercia
donc Anatolius par une lettre du 9 juin, en
le priant de l'informer des suites de cette
affaire, et fit des reproches à Julien et à
Aétius de ne lui avoir pas écrit avec Anato-
lius. Il les chargea l'un et l'autre, comme il
avait fait Anatolius, défaire tous leurs etforts
pour rendre inébranlable l'autorité du con-
cile de Chalcédoine, dont il regardait les dé-
crets sur la foi comme l'ouvrage du Saint-
Esprit, et de solliciter vivement l'élection d'un
nouvel évêque à la place de saint Protère.
71. Rasile, que l'on avait donné pour suc- Leiues im
cesseur à Maxime dans le siège d'Antioche, f,Se|'"'pag."
n'eut pas soin d'écrire au pape sur son ordi- 'i„l,iîs àl
nation, comme il aurait dû le faire suivant la li'nVerua'
coulume de l'Eglise. Saint Léon lui en fit des Jaien'." ''^'""
reproches par sa lettre du 23 août 454, où il
marque qu'il avait appris son sacre par les
lettres de Marcien, qui rendait en même
temps un témoignage avantageux à Basile.
II l'exhorte à s'opposer fortement aux entre-
prises des eutychiens, qui, n'ayant aucun
égard pour le concile de Chalcédoine, de-
mandaient qu'on en assemblât un nouveau,
(i Ils ne le demandent, ajoute-t-il, que pour
anéantir le mystère de l'Incarnation; mais je
suis assuré que l'empereur Léon, le patrice
et tous les magistrats n'accorderont rien aux
hérétiques, au préjudice de l'Eglise, s'ils
voient que le courage des évêques n'est pas
ébranlé. » II écrivit dans les mêmes termes
à Euxithée de Thessalonique et à Juvénal de
Jérusalem, priant ces trois évêques de com-
muniquer sa lettre aux évêques de leurs pro-
vinces.
72. Julien de Cos eut ordre d'envoyer ces Lcures 120
lettres à ceux à qui elles étaient adressées, Ilélîns.'i'M
comaie on le voit par celle que saint Léon uonTp.'sw!
234
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettres 123
aux évéques
d'Egypte , et
124 à Anato-
tius, pag. 31)3.
lui écrivit le 1" de septembre. Il s'y plaint
de ce que quelques-uns trouvaient de l'obs-
curité dans sa lettre à Flavien, vu qu'elle
avait été reçue de tout le monde, et qu'il n'y
avait rien dit qui ne fût tiré de la doctrine de
l'Evangile et des Apôtres, et rien qui sentit
la nouveauté, soit dans le sens, soit dans les
expressions. Il écrivit le même jour à Aétius,
dont il avait reçu des lettres qui marquaient
son zèle et sa vigilance pour les affaires de
l'Eglise. Il le charge de faire passer sa lettre
à Basile d'Antioche, disant que celles qu'il
avait écrites aux évêques de ïhessalonique
et de Jérusalem, devaient déjà leur être
rendues. Il lui marque qu'il en avait écrit
une au patrice Aspar, une à Sporatius, et
d'autres à diverses personnes. « Je vous en-
voie aussi, lui dit-il, des copies des lettres
que les évêques des Gaules nous ont écrites,
afin que vous voyiez combien nous sommes
uni avec eux par la même foi. » Il ajoute qu'il
avait encore écrit à l'empereur. C'est la seule
lettre qui nous reste de toutes celles dont
saint Léon parle dans la sienne à Aétius. Il
loue ce prince de son zèle contre les héréti-
ques, et de ce qu'il s'était déclaré le protec-
teur du concile de Chalcédoine, disant que
c'était le moyen de maintenir en paix tout le
monde. On voit par cette lettre qu'Analolius
avait informé le pape des bonnes dispositions
de l'empereur pour la défense des décrets
de ce concile.
73. Le parti des eutycbiens, qui s'était re-
levé dès le commencement du règne de Léon,
exerça ses cruautés non-seulement sur saint
Protère d'Alexandrie et sur ses parents, mais
aussi sur plusieurs évêques d'Egypte et sur
leur clergé. Quatorze d'entre eux, avec qua-
tre prêtres d'Alexandrie et deux diacres, vin-
rent par mer à Constantinople , où ils furent
reçus avec toutes les marques de charité dues
à des confesseurs de Jésus-Christ par l'em-
pereur et par Anatolius , à qui ils firent un
récit des persécutions qu'ils avaient souffertes
de la part de Timothée Elure. Saint Léon en
ayant été informé, leur écrivit uae lettre de
consolation, le 11 octobre, dans laquelle il
les exhortée souffrir constamment des persé-
cutions qui leur ouvraient le chemin à la cou-
ronne du martjTe. Le même jour, ou le 14
octobre, il écrivit à Anatolius une lettre de
remerclment de ce qu'il lui avait donné avis
des troubles de l'Egypte. Il l'avertit, de son
côté, que les hérétiques avaient beaucoup
d'amis et de disciples dans le clergé de Cons-
tantinople ; de veiller sur eux et de punir avec
sévérité les coupables, s'il voulait ne point
tomber dans la malédiction du grand-prêtre
Héli. II le prie de s'employer auprès de l'em-
pereur pour obtenir que les hérétiques fus-
sent réprimés, qu'ils n'eussent aucune liberté
d'agir dans les Eglises de Jésus-Christ , bien
moins d'y célébrer les divins mystères, puis-
qu'ils n'avaient pas même droit d'y faire leurs
prières.
74. Nous n'avons plus la lettre par laquelle uum ns
saint Léon rendait grâces à l'empereur de la Léinrp".''S'
manière dont il avait reçu les évêques chas- iins^27"'l°ï
ses par Timothée Elure. Il lui en écrivit une m'"'"'
autre le 1" décembre 457, où il remontre à
ceprince qu'après ce qui avait été décidé dans
le concile de Chalcédoine, accepté de toute
l'Eglise, il ne fallait plus disputer sur la foi,
parce qu'autrement les troubles n'auraient
point de fin, si on renouvelait les disputes au
gré des hérétiques. Celui-là, dit-il, doit être
regardé comme l'antechrist, qui examine de
nouveau une vérité attestée par l'EgMse ;
la doctrine du concile de Chalcédoine sur le
mystère de l'Incarnation, et celle du concile
de Nicée ne diffèrent en rien; la puissance
royale étant dans le dessein de Dieu , parti-
culièrement pour la défense de l'Eglise, il
était du devoir de l'empereur d'empêcher que
des parricides eussent le gouvernement de
celle d'Alexandrie. Les évêques persécutés
avaient présenté une requête à ce prince au
nom de tous les évêques d'Egypte et des clercs
d'Alexandrie , où ils racontaient l'invasion
d'EIure , le massacre de saint Protère et les
violences des eutycbiens contre les catho-
liques. Les députés d'EIure à Constantinople
en présentèrent une autre qui n'était signée
de personne, au lieu que celle des évêques
d'Egypte l'était de quatorze évêques, de qua-
tre prêtres d'Alexandrie et de deux diacres.
Le pape fait remarquer à Léon la différence
de ces deux requêtes. Les catholiques ont
mis hardiment leurs noms et leurs qualités;
les schismatiques n'en ont pas fait de même,
de peur que l'on ne vît leur petit nombre;
car il n'y avait que quatre évêques pour Elure.
Ils craignent de se montrer, parce qu'ils ont
mérité d'être condamnés. Dans la requête des
évêques catholiques, ce ne sont que des re-
montrances sur les maux de l'Eglise. Dans
celle des députés d'EIure, on ne voit que des
mensonges et une continuation des crimes les
plus atroces. Il ne doute pas que l'empereur
n'ait égard à celle des catholiques, et qu'en
V" SIECLE.
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
233
conséquence il ne prête son secours à l'Eglise
d'Alexandrie, qui était devenue une caverne
de voleurs où l'on ne faisait plus la consécra-
tion du chrême, où l'on n'offrait plus le saint
sacrifice, où l'on ne célébrait plus aucun mj's-
tère. Il lui promet de s'expliquer avec éten-
due dans d'autres lettres, comme il le fit en
eifet par celle qui est la centtrente-quatrième.
Il prie ce prince de suppléer au peu de vi-
gueur d'Anatolius, en chassant du clergé et
de la ville de Constantinople ceux qui y favo-
risaient le parti de l'erreur, et d'écouter fa-
vorablement Julien , son légat, et Aétius, prê-
tre, dans les remontrances qu'ils lui feront
pour la défense de la foi. Saint Léon se plai-
gnit à Anatolius même de ce qu'il n'avait pas
encore corrigé ni puni ceux de ses clercs qui
prenaient le parti de l'eutychianisme, en par-
ticulier Attique et André, dont le premier,
en prêchant, avait osé parler contre la foi
catholique et contre le concile de Chalcé-
doine. 11 lui ordonne de l'excommunier s'il
ne rétracte publiquement ce qu'il avait dit et
ne condamne l'hérésie eutychienne. Par la
même lettre, qui est sans date , il marque
qu'il avait écrit à l'empereur, et recommande
à Anatolius de le presser d'empêcher que les
évêques d'Egypte, condamnés par saint Pro-
lère dans un concile d'Alexandrie, en 452,
eussent aucun pouvoir dans l'Eglise. Sa let-
tre aux évêques d'Egypte venus à Constanti-
nople, est du 1" décembre. Il leur fait part
des soins qu'il s'était donnés pour eux auprès
de l'empereur, et les exhorte à ne se pas
lasser de solficiler eux-mêmes pour les inté-
rêts de l'Eglise et pour leur retour. 11 leur
fait espérer que les restes de l'eutychianisme,
condamné par toute la terre, ne seront pas
difficiles à détruire.
73. Anatolius, ne trouvant pas bon que le
pape prît soin du clergé de Constantinople,
s'en plaignit par une lettre qu'il lui envoya
par le diacre Patrice, qui fut aussi chargé d'un
écrit du prêtre Attique , où il protestait qu'il
n'avait que de l'aversion pour Eutychès.
« Vous ne devez point, répondit saint Léon
à Anatohus, trouver mauvais que je vous aie
renvoyé l'examen de ce que l'on disait contre
vos clercs. Je n'ai point en cela blessé votre
dignité, mais j'ai pris soin de votr; réputa-
tion, qui m'est aussi chère que la mienne.
Quant au prêtre Attique, l'ambiguité de l'é-
crit qu'il m'a envoyé confirme ce qui nous en
a été rapporté, au lieu de le détruire; car
autre chose est l'inimitié qui se trouve même
entre les catholiques, autre chose l'erreur que
la foi condamne. S'il veut donc se délivrer de
toute suspicion contraire, il faut qu'il montre
évidemment ce qu'il anathématise dans Eu-
tychès, et qu'il souscrive sans aucune ambi-
guïté à l'erreur qu'il aura condanmée, et qu'il
promette de garder tout entière la définition
de foi du concile de Chalcédoine; autre-
ment il sera soumis à la sentence du concile
contre les ennemis de la foi.» Cette lettre est
du 18 ou 28 mars de l'an 458.
76. Le 21 du même mois et de la même Leuro 129
, . T. ' TvT Trv^^ Nicétas, p.
année , samt Léon répondit a diverses difn- 3'.o.
cultes que Nicétas, évêque d'Aquilée, lui avait
proposées, et que les ravages des Huns, sous
Attila, avaient occasionnées. Il paraît que Ni- c:>p. 1.
celas n'écrivit pas lui-même, mais qu'il char-
gea de ses doutes un sous-diacre de l'Eglise
romaine, nommé Adéodal, qui était venu à
Aquilée, et qui s'en retournait à Rome. Un
grand nombre d'hommes ayant été emmenés
captifs par les ennemis, leurs femmes, qui les
croyaient morts ou qui n'avaient aucune es-
pérance de les revoir, en épousèrent d'au-
tres; mais il arriva que plusieurs des captifs
furent délivrés; ils revinrent dans leur pays
et redemandèrent leurs femmes. Saint Léon „, , ,ei it.
répond que dans ce cas les femmes doivent
retourner avec leurs maris, sous peine d'ex-
comraunicalion, parce que le premiermariage
subsiste toujours , quoique le second ait pu
être contracté sans péché. D'autres, pressés v.
par la faim ou par la crainte, avaient, pen-
dant leur captivité , mangé des viandes im-
molées aux idoles, ou soufi'ert qu'on les re-
baptisât. A l'égard de ceux qui avaient mangé
des viandes oflertes aux idoles, le pape dit
qu'il faut les purifier par la satisfaction de la
pénitence; mais il recommande à Nicétas de
ne pas tant considérer, dans cette pénitence,
la longueur du temps, que la componction du
cœur. 11 ordonne la même chose pour ceux ■"■
qui avaient été rebaptisés, voulant qu'outre
la disposition du cœur, on ait aussi égard à
l'âge et à la profession des pénitents, et que
si, pendant le cours de leur pénitence, ils tom-
bent en danger de mort , on leur accorde la
communion. 11 déclare, au surplus, que les
rebaptisés doivent être réconciliés par l'im-
position des mains de l'évêque ; qu'on en usera
de même envers ceux qui n'ont été baptisés
qu'une fois, mais par les hérétiques; qu'ils ^„
seront confirmés par l'imposition des mains,
avec l'invocation du Saint-Esprit, pour rece-
voir la satisfaction que les hérétiques ne don-
236
HISTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nent point. Saint Léon dit à Nicétas de com-
muniquer cette lettre à tous ses con-provin-
ciaux , afin qu'ils observent une même disci-
pline,
«ux^'/vê lies '^'^' La lettre aux quatorze évêques d'Egypte
isf^a^'cVerlé ^^ ^^'^ autres clercs de cette province qui
nop"e,°p!°3°4i; étaient à Constantinople, est du 21 mars. Saint
Léon leur dit que, quoiqu'ils soient en état de
défendre eux-mêmes les vérités de la foi con-
tre les hérétiques, il ne laissera pas d'envoyer
les légats que lempereur lui avait demandés.
Pour les consoler dans leurs persécutions, et
de l'absence de leurs Eglises , il leur repré-
sente que Dieu, qui leur donnait la force de
vaincre dans le temps, serait leur récompense
dans l'éternité, et que, demeurant en lui par
le secours qu'ils en reçoivent, ils ne devaient
pas se plaindre d'être hors de leur patrie. Il
les prie défaire tous leurs efforts pour empê-
cher qu'on ne mette de nouveau en délibé-
ration ce qui avait été décidé dans le concile
de Chalcédoine, autorisé de l'empereur et
confirmé du Saint-Siège. Sa lettre aux prê-
tres, diacres et autres clercs de Constantino-
ple, est de même date. Il leur fait remarquer
que les disputes que l'on voulait renouveler
sur la foi, ne pouvaient qu'avoir de fâcheuses
suites, étant certain que les ennemis de la foi
ne demandaient un examen des décrets de
Chalcédoine que pour en ruiner l'autorité en
les faisant regarder comme des choses dont
il était permis de douter. Il les avertit de ne
souffrir parmi euxni eutychéens ni nestoriens,
fallût-il, pour les éloigner, avoir recours à
l'empereur, et de se séparer d'Attique et
d'André, s'ils ne faisaient profession de la foi
de Chalcédoine.
Leitre5i32, '^8. Los cutychicns voyant qu'ils ne pou-
rem p'e'rl n ? valent obtenir un concile général, se rédui-
Mn,p. 3,j. gjj.gj^^ ^ demander du moins une conférence
où ils pussent dire leurs raisons. Saint Léon,
à qui l'empereur en avait apparemment écrit,
lui répondit, le 22 mars, qu'il ne fallait en-
trer avec eux en aucun examen de doctrine;
qu'il y avait sur cela des lois de Marcien, qu'il
avait lui-même autorisées de son consente-
ment; qu'il ne laisserait pas d'envoyer ses
légats en Orient, non pour disputer avec per-
sonne, mais pour instruire ceux qui souhai-
teraient de l'être, n'étant pas permis de met-
tre en question ce qui a été décidé càNicée et
à Chalcédoine, puisque les décrets de ces deux
conciles sont certainement sortis de la fon-
taine pure de l'Evangile. 11 choisit pour ses lé-
gats Domitien et Géminien, tous deux évê-
ques, qui partirent de Rome le 17 août, char-
gés d'une lettre pour l'empereur, où saint
Léon dit qu'il les envoyait pour lui demander
en son nom de ne pas souffrir que l'on mit en
question ce qui avait été défini à Chalcédoine.
Il lui représente que si l'on permet une fois de
se servir des raisonnements de la dialectique
et de la rhétorique pour expliquer les mystè-
res, on ne finira jamais de disputer; que Jésus-
Christ a fait assez connaître qu'il ne voulait pas
que l'on eût recours à cet art, puisqu'au lieu
de prendre des philosophes ou des orateurs
pour annoncer son Evangile , il n'avait em-
ployé que de pauvres pêcheurs, dans la crainte
que l'on ne s'imaginât que la doctrine céleste
avait besoin du secours de l'éloquence hu-
maine; ce qui n'est pas, puisqu'elle est claire
d'elle-même, et qu'on ne doit point chercher
ce qui peut flatter l'oreille quand on ne veut
apprendre que ce qu'on doit croire. Il mon-
tre que le concile de Chalcédoine , à qui on
ne pouvait disputer la qualité de concile gé-
néral, puisqu'il avait été assemblé de toutes
les provinces de l'empire romain, et du con-
sentement de tout l'univers, ayant retranché
de la communion les défenseurs de l'hér ésie
eutychéenne, elle ne pouvait leur être ren-
due qu'après une parfaite satisfaction de leur
part; que Timothée Elure et ses complices ne
pouvaient pas non plus espérer de Jésus-
Christ et de l'Eglise le pardon de tant de
crimes, qu'en abandonnant l'Eglise d'Alexan-
drie dont ils s'étaient emparés par violence,
et en embi'assant les larmes et l'humiliation
de la pénitence. Il conjure l'empereur de faire
donner à cette Eglise un évêque observateur
des décrets de Chalcédoine, qui soit propre à
rétablir la paix parmi le peuple d'Alexandrie,
et do renvoyer en Egypte les évêques de cette
province que les hérétiques avaient chassés
de leurs sièges. Trois jours après, c'est-à-dire
le 20 août , saint Léon envoya à l'empereur
une ample exposition de la foi sur les mystères
de l'incarnation et de la rédemption. Il y ré-
fute les erreurs de Nestorius et d'Eutychès,
montrant qu'elles sont condamnées l'une et
l'autre dans le symbole de Nicée, dont il rap-
porte les paroles. Il dit anathème à Nesto-
rius , parce qu'il ne voulait pas que la sainte
Vierge fûtMère de Dieu. Saint Ephrem ' d'An-
tioche, qui cite cet endroit, dit qu'aucun saint,
avant saint Léon, n'avait donné à Marie le titre
de Mère de Dieu d'une manière aussi claire
1 Photius, Cûd. 228, pag. 78.
[V« SIÈCLK.]
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
237
et aussi forte. Il est néanmoins certain que
heaucoup d'écrivains ecclésiastiques l'ont
qualifiée de même longtemps avant saint
Léon; mais le témoignage de saint Ephrem
peut servir du moins à faire rejeter l'opinion
de ceux qui ont attribué cette lettre au pape
Agapet. Saint Léon fait voir ensuite que les
fonctions de médiateur entre Dieu et les
hommes supposent nécessairement que Jé-
sus-Christ était Dieu et homme tout ensem-
ble , et que la nature divine et la nature hu-
maine étaient unies en lui dans une même
personne. « Quelque précieuse que soit de-
vant Dieu la mort des saints, aucun d'eux n'a
racheté le monde par sa mort. Ils ont reçu
des couronnes, mais ils n'en ont point donné.
Ils ont laissé aux fidèles des exemples de pa-
tience ; ils n'ont donné la justice à personne.
C'est dans Jésus-Christ seul, le vrai Agneau
sans tache, qu'ils ont tous été crucifiés et
qu'ils sont ressuscites; c'est de lui seul qu'il
;oan. xii,32. Gst dit i Quand on m aura élevé de la terre, je
tirerai tout à moi. Quoiqu'il n'y ait qu'une
personne du Verbe et de la chair en Jésus-
Christ, et que, par cette l'aison, les actions
soient communes à cette personne , les deux
natures conservent toutefois leurs qualités et
leurs propriétés, sans aucune confusion. »
Saint Léon rapporte un grand nombre de
passages de l'Ecriture pour prouver que ces
deux natures sont réellement en Jésus-Christ.
Il y en ajoute plusieurs des anciens auteurs
ecclésiastiques sur le même sujet : de saint
Hilaire, de saint Athanase, de saint Âmbroise,
de saint Augustin, de saint Chrysostome, de
Théophile d'Alexandrie, de saint Grégoire de
Nazianze, de saint Basile et de saint Cyrille
d'Alexandrie. Ce recueil des autorités des
pères sur l'incarnation est plus ample que
celui qu'il envoya à Théodose en 450.
, Leiire ISS 79. La lettre à Néouas, évêquc de llavenue,
éïêqu'cdêîsl: est le résultat d'un concile que saint Léon
avait assemblé pour régler la manière dont
on devait se comporter à l'égard de ceux qui,
ayant été emmenés captifs avant l'âge de rai-
son, ne se souvenaient point d'avoir reçu le
baptême. Il fut décidé , d'un commun avis,
qu'on les examinerait d'abord avec beaucoup
de soin, pour voir si l'on ne découvrirait point
par eux ou par d'autres quelque preuve de
leur baptême ; mais que si l'on n'en trouvait
rien, on les baptiserait sans aucune difficulté,
pour ne pas les laisser périr, par une crainte
mal fondée de les rebaptiser. On ne proposa
point de les baptiser sous condition. Cette ré-
venne.p. 3o4.
serve, qui n'était point encore en usage , est
toujours sous-entendue dans l'esprit et dans
la doctrine de l'Eglise. Cette lettre, qui est
du 24 octobre, fut adressée à Néonas, sans
qu'on ensache d'autre raison, sinon qu'étant
circulaire, il devait en avoir une copie comme
les autres évêques. Saint Léon lui marque,
comme il avait fait à Nicétas, qu'à l'égard de
ceux qui auraient été baptisés par les héré-
tiques, il suffirait que l'évêque leur imposât
les mains. Le Pontifical attribue à ce saint
pape un décret par lequel il est défendu de
donner la bénédiction solennelle avec le voile
aux vierges, à moins qu'elles n'eussent été
éprouvées jusqu'à quarante ans. Ce qui donne cod.TiiPoi.
lieu de croire que ce fut par son avis que l'em- ao""'""'''
pereur Majorien donna une loi datée de Ra-
venne le 26 octobre 4.58, contre les parents qui
contraignent leurs filles à se consacrer à Dieu.
Cette loi défend aux filles ainsi offertes de
recevoir le voile avant quarante ans , et leur
accorde la liberté de se marier jusqu'à cet
âge.
80. Les évêques delà Campanie et des deux l^i,, „5
provinces voisines , nommées Samuium et Pi- 2" ^ Sp"
cénum, ou la Marche, donnaient le baptême °"' ■■ ^°^-
en des jours de fêtes de martyrs, sans qu'il
y eût de nécessité et sans y apporter les pré-
parations nécessaires, c'est-à-dire les jeûnes,
les exorcismes, l'imposition des mains, et
même les instructions prescrites par l'Eglise.
Saint Léon , averti de cet abus , en fut sensi-
blement touché, sachant surtout qu'ils ne mé-
prisaient ainsi les règles ordinaires que par
un motif d'intérêt; ceux qui demandaient le
baptême en ces jours, achetant apparemment
la dispense des exercices laborieux qui de-
vaient précéder le baptême. Il défend donc
à ces évêques d'administrer le baptême en
d'autres jours qu'à Pâques et à la Pentecôte,
si ce n'est dans les cas de nécessité, savoir :
dans une maladie désesj)érée, dans une in-
cursion des ennemis, dans le danger d'un
naufrage. Il blâme aussi ces évêques de ce
qu'ils faisaient réciter pubhquement aux pé-
cheursles crimes qu'ils avaient commis, «Cette
abondance de foi, dit-il, est louable, qui fait
que l'on craint Dieu jusqu'à ne pas craindre
de rougir devant les hommes; mais tous les
péchés ne sont pas de telle nature que ceux
qui demandent la pénitence ne craignent pas
de les publier, et plusieurs s'en éloigneraient
ou par la honte ou par la crainte de leurs
ennemis, qui poun\aient les poursuivre en
vertu des lois. 11 suffit donc que les péchés
238
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
soient confessés premièrement à Dieu, et en-
suite au prêtre, qui priera pour les péchés
des pénitents. Le moyen d'attirer les pécheurs
à la pénitence est de ne -point rendre puWic
ce qu'ils ont confessé en secret, n
r,eiiresi37 81. Lc pQpo saiut Léon ayant été informé
13S à Gc.n- que 1 empereur avait fait chasser Tmiothee
siaiiiiropu ; Elure d'Alexandrie, lui écrivit, le 17 iuin de
mothée d'A- l'au 460, pour l'cn rcmercier au uom dc toutcs
lexandno ; ^
i/,(i.ucierçé les Eglises; mais ayant su en même temps
pag. 336, qu'Elure était allé à Gonstantinople, et croyant
que c'était dans le dessein d'y faire une pro-
fession apparente de la foi catholique, pour
obtenir par ce moyen son rétablissement sur
le siège d'Alexandrie, il dit à ce prince que
quand même sa profession de foi serait sin-
cère, ses crimes le rendaient pour toujours
indigne de l'épiscopat, puisque dans un évê-
que, surtout d'un si grand siège, le son des
paroles ne suffit pas, à moins qu'on ne soit
assnré de sa religion par ses bonnes œuvres.
Par une lettre du même jour, il se plaignit à
Gennade, successeur d' Anatolius dans le siège
de Gonstantinople, de ce qu'on avait permis
à Elure de venir en cette ville, le priant d'em-
pêcher que personne n'eût d'entretien avec
lui, soit en particulier, soit en public, et qu'on
ne tînt aucune conférence sur son sujet, sous
prétexte de le ramener à son devoir. Timo-
thée Solofaciole, ouïe Blanc, fut élu à sa place
par les suffrages unanimes du clergé et du
peuple, et ordonné par Théophile et par neuf
autres évêques d'Egypte. Il fit part de son
élection à saint Léon, qui l'en congratula par
une lettre du 18 août, où il l'exhortait à com-
battre les hérésies de Nestorius etd'Eutychès.
Il fit aussi réponse aux évêques qui l'avaient
ordonné et au clergé d'Alexandrie. Il dit à ces
évêques qu'ils doivent s'unir à leur patriarche
pour bannir tous les scandales que l'hérésie
avait causés, et ti^availler de concert à rame-
ner ceux qui étaient dans l'erreur, à les ins-
truire et à les réconcilier avec Dieu. A l'égard
des ecclésiastiques d'Alexandrie , il leur re-
commande de conserver la foi enseignée par
les évêques catholiques de cette ville, sans
aucune variation, parce que la vérité, qui est
en elle-même simple et unique, ne reçoit pas
de variation.
Fragmenu 82. Salut Léon avalt écrït bcaucoup ' d'au-
de (jiielques J-
lain'i"uo'i° t''63 lettres que nous n'avons plus ^. Nous
p»B. 353.
1 On en trouve le catalogue à la pag. 5H. de l'édi-
liou de Lyon, en 1700, in-fol.
2 Voyez la dissertation des frères Ballerini sur les
avons eu soin de marquer à chaque occasion
celles dont il nous reste quelque connaissance.
Le pape Péiage II, dans sa troisième lettre à
Elle d'Aquilée et aux autres évêques d'Istrie,
cite deux fragments de celle que saint Léon
écrivit à Basile. Il y en a un qui se trouve
dans la lettre cent trente-troisième à l'empe-
reur Léon; l'autre ne s'y lit point. Ce qui
montre ou que la citation est fausse, ou que
saint Léon a écrit à Basile dans les mêmes
termes qu'à l'empereur; ou enfin que la cent
trente-troisième à ce prince n'est pas entière.
Le même pape rapporte un fragment d'une
lettre de saint Léon à l'archidiacre Aétius,
qui ne se rencontre point dans celles que nous
avons. Le prêtre Boniface lut , dans la sei-
zième action du concile de Chalcédoine , un
endroit du mémoire que saint Léon lui avait
donné en le députant à ce concile. Le reste
de ce mémoire est perdu. Ce qui nous en
reste regarde le maintien des décrets des
saints pères, apparemment de ceux de Nicée,
et l'opposition que ses légats devaient former
aux prétentions des évêques qui, à cause de-
la splendeur de leur ville épiscopale, vou-
draient usurper les droits de leurs confrères.
83. On a joint aux lettres de saint Léon ^enre de
celle que Julien, évêque de Cos, son légat à i°s'pag.3uo!
Gonstantinople, écrivit à l'empereur Léon;
c'est, de toutes ses lettres, la seule qui nous
reste. Le diacre Libératenfaitmention. L'em-
pereur, qui avait écrit une lettre circulaire à
tous les évêques, pour avoir leur avis sur le
concile de Chalcédoine et sur Timothée Elure,
l'envoya à Julien, en lui ordonnant de lui dire
là-dessus son sentiment. Julien, quoique ré-
solu de demeurer dans le silence et de s'en
rapporter au jugement des métropolitains,
changea toutefois de résolution. Il répondit
donc que les crimes de Timothée étaient si
énormes, que l'Eglise, n'ayant pas de peines
assez grandes pour les punir, c'était à la jus-
tice de l'empereur à en ordonner comme il
le trouverait à propos; qu'à l'égard du con-
cile de Chalcédoine, il en fallait maintenir les
décrets, puisqu'ils ne contenaient rien tou-
chant la foi qui ne fût entièrement conforme
aux décisions des conciles de Nicée et d'E-
phèse. Cette lettre fut écrite en grec. Nous
ne l'avons qu'en latin, d'un style fort mau-
vais. Ce qui fait voir que la traduction n'est
lettres perdues de saint Léon, tom. I, col. 1439-1462.
(L'édiieur.)
[V= SIÈCLE.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
pas de Julien même, qui savait fort bien ces
deux langues.
Lettres raus- 84. La lettre quatre-vingt-huitième, dans
EGment atlri- . ri.. . / . i
buées à saint les auciennes éditions, est reietee parmi les
Léon, ton,. II. . n , , ,, i
pag. 329 et supposées dans la nouvelle; elle est adressée
aux évêques d'Allemagne et des Gaules, tou-
chant Je privilège ou les fonctions des chor-
évêques. Les raisons de la rejeter sont qu'elle
ne se trouve point dans les anciens manus-
crits, mais seulement dans de postérieurs à
la collection d'Isidore; qu'il n'en est parlé
dans aucun ancien écrivain ecclésiastique ,
pas même dans les collections des canons faits
avant celle d'Isidore; que le style n'a ni la
beauté ni l'élégance de celui de saint Léon,
. qui, ayant à traiter une matière de cette im-
portance avec des évêques étrangers, l'eût
fait avec plus d'étendue et avec toute l'élo-
quence que l'on remarque dans ses autres
lettres; que le titre même de cette lettre en
prouve la supposition. Saint Léon y est qua-
lifié évêque de l'Eglise romaine , au lieu que
dans ses antres lettres il prend la qualité d'é-
v.êque de Rome ou de l'Eglise catholique de
la ville de Rome. D'ailleurs, saint Léon au-
rait-il écrit conjointement aux évoques des
Gaules et d'Allemagne? Ces évêques n'ont
rien eu de commun qu'après que Cbarlema-
gne eut réuni l'Allemagne à la couronne de
France. Enfin l'auteur de cette lettre était
si peu au fait de ce qui se passait dans les
conciles de Rome, qu'il dit que les laïques
mêmes y étaient appelés. Il cite encore le
treizième canon de Néocésarée, delà version
de Denys-le-Petit, qui n'a vécu qu'après saint
Léon. Rlondel etlepèreMorin ont remarqué
que celte lettre n'est autre chose que le sep-
tième canon du second concile de Séville,
tenu en 619, auquel l'imposteur a mis une
espèce d'exorde pour lui donner la forme de
lettre. On objecte que les évêques du concile
de Séville fondent sur l'autorité du Saint-
Siège la défense qu'ils font aux prêtres d'en-
trer dans le baptistère et de baptiser en pré-
sence de l'évêqae; que Léon III, dans sa let-
tre aux évêques des Gaules, contre les chor-
évêques , cite les décrets de saint Léon , et
que les conciles de Paris, de Meaux et de Metz
citent les décrets de Damase , d'Innocent et
de Léon, pour montrer que les fonctions épis-
copales étaient de nul effet dans les cher évê-
ques qui les usurpaient. A cela on répond
239
deux choses : la première , que saint Léon
fournissant, dans sa lettre à Rustique des
principes contre les ordinations des chor évê-
ques , c'est apparemment cette lettre qui a
été citée par Léon JII et par les évêques des
conciles de Paris, de Meaux et de Metz ; la se-
conde, que quand dans le viii«ou ix= siècle on
aurait cité la lettre aux évêques des Gaules et
d'Allemagne sous le nom de saint Léon, ce
ne serait pas un argument certain qu'il en fût
auteur. Combien de mauvaises pièces n'a-t-on
pas citées comme bonnes dans ces siècles-là?
Pour ce qui est du concile de Séville , outre
que ce qu'on en allègue ne se ht pas dans
l'édition de Loaysias , il n'a pas plus de rap-
port à saint Léon qu'à tout autre pape.
L'autre lettre faussement attribuée à saint
Léon est la quatre-vingt-seizième dans les
anciennes éditions, où elle est adressée aux
évêques de la Thrace. On a reconnu depuis
que c'était une synodique écrite au nom de
Léon, évêque de Bourges; de Victurius, évê-
que du Mans ; d'Eustochius, évêque de Tours,
et de quelques autres évêques aux Eglises
de la troisième province de Lyon, c'est-à-dire
de celle de Tours. L'ignorance du copiste qui,
au lieu de Tertiœ, a mis Thraciœ, est cause
qu'on a attribué cette lettre à saint Léon, n'y
ayant point d'apparence que les évêques des
Gaules envoyassent leurs synodiques aux
évêques de la Thrace.
85. Gennade ' dit que, de son temps, le
bruit courait que les lettres de saint Léon i>"'""\^iol
j , 11- attribuées a
adressées à diverses personnes contre les er- s»mi itos-
per.
reurs d'Eutychès sur l'Incarnation, étaient
de saint Prosper. On lit la même chose dans
la Chronique de Marcellin et dans celle d'A-
don de Vienne, qui ont copié Gennade ; néan-
moins le même écrivain dit ° ailleurs que la
lettre à Flavien est de saint Léon. C'est sans
contredit la plus forte de toutes contre Euty-
chès, et celle qui a été la plus célèbre dans
l'Eglise. Si elle est de saint Léon, pourquoi
attribuer à saint Prosper les autres lettres
qui sont sur le même sujet et qui roulent
toutes sur les principes étabfis dans la let-
tre à Flavien ?_ Il semijle que ce que l'on
peut dire de mieux pour conciher ce qu'on
disait des lettres de saint Léon contre Euty-
chès, du temps de Gennade, avec ce qu'il dit
lui-même de la lettre à Flavien, est que saint
Prosper avait fourni la matière de ces lettres,
' Geonad., de Vir. i/htst., cnp. Lxxxiv; Marcellin, in
Chronic, ad aa. 463, et Ado. Vieu., œtat. 6. ad au. 458.
' Genuad., ibid., cap. lxx.
240
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et que saint Léon leur avait donné la forme.
Le pape Damase, quoique très-habile, se ser-
vait du ministère de saint Jérôme dans ses
réponses à diverses consultations, et on ne
diminuera rien du mérite de saint Léon,
quand on dira qu'il employait saint Prosper
dans les lettres importantes qu'il avait à
écrire ; mais que ces lettres aient été écrites
par saint Prosper même, c'est ce que la dif-
l'érence de son style d'avec celui de saint
Léon ne permet pas de soutenir. Le style de
saint Prosper est serré, il n'affecte ni caden-
ces nombrées, ni périodes égales, ni figures.
Celui de saint Léon est au contraire très-dif-
fus, d'une cadence bien mesurée, chargé d'é-
pithèles et de figures. D'ailleurs, comme les
lettres de ce saint pape ont toutes un même
style, en attribuant à saint Prosper celles qui
sont contre Eutychès, il faudrait lui attribuer
encore toutes les autres; ce qui n'est pas sup-
posable, surtout en mettant sa mort quelque
temps après l'an 4S5, on il finit sa Chronique:
car nous avons des lettres de saint Léon
écrites plusieurs années depuis, et jusqu'au 1"
septembre de l'an 460. Il y en a qui préten-
dent qu'il fut même aidé dans ses sermons
par saint Prosper; mais outre que le style en
est beaucoup plus élevé que celui de saint
Prosper, c'est qu'ils ne sont point méthodi-
ques, pour la plupart : ils paraissent même
avoir été faits sans beaucoup de préparation ;
et il en fallait peu pour des discours qui ne
sont pas longs, particulièrement dans un
homme qui avait le don de la parole el qui
possédait les matières qu'il avait à traiter.
Saint Prosper, chargé de préparer des dis-
cours, s'en serait acquitté à loisir et leur au-
rait donné plus de suite. Il est vrai qu'on
trouve dans ses écrits des pensées toutes
semblables, et quelquefois en mêmes termes :
mais devait-il rougir de les emprunter de son
maître? Peut-être aussi se les était-il rendues
propres en écrivant les sermons de saint Léon
à mesure qu'il les prêchait, afin de les gar-
der dans les archives de l'Eglise romaine.
§IIL
Des livres de la Vocation des Gentils et delà
lettre à Démétriade.
1. Quelques recherches que l'on ait faites
u vocaiion iusou'ici touclianl l'auteur des livres de la
(les Gentils M J-
L'nutRUP
des livres de
est incoDnu.
i Apologie des Pères, lib. I, cap. 1, lï et m; An-
thelmi, de Oper. Léon., Paris., an 1689; Quesncl
Vocation des Gentils, on n'est pas encore venu
à bout de le découvrir. Après les avoir quel-
que temps attribués à saint Ambroise, à
saint Eucher et à Hilaire, dont nous avons
une lettre à saint Augustin, on s'est restreint '
à dire qu'ils étaient ou de saint Léon ou de
saint Prosper : l'une et l'autre de ces opinions
a encore aujourd'hui ses partisans ; mais le
parti le plus sûr est d'avouer qu'ils sont d'un
inconnu. Les raisons de les attribuer à saint
Prosper sont que ces livres portent son nom
dans quelques manuscrits; qu'Hincmar les a
cités sous son nom dans son hvre de la Pré-
destination; que la doctrine en est conforme à
celle de saint Prosper ; que es que dit ce
père dans son poème, que Rome est devenue
la première Eglise du monde, s'est rendue
maîtresse, par la religion, de tout ce qu'elle
n'avait pu conquérir par les armes, se trouve
presque en mêmes termes dans le seizième
chapitre du second livre de la Vocation des
Gentils; qu'on y trouve beaucoup d'autres
expressions et d'autres pensées sembla-
bles à celles qui se lisent dans les écrits
de saint Prosper; qu'enfin Photiu s, en par-
lant des actes des évêques d'Occident contre
les pélagiens, dit que saint Prosper fit, étant
à Rome, sous le pontificat de saint Léon, des
livres contre quelques-uns de cette secte,
après que ce pape les eut réprimés, sur les
avis qu'il avait reçus de Septimius, qu'ils ex-
citaient de nouveaxix troubles ; ce qui ne
peut s'entendre, dit-on, que des livres de la
Vocation des Gentils. Mais on répond à cela
que s'il y a des manuscrits qui attribuent cet
ouvrage à saint Prosper, on en trouve de
très-anciens qui le donnent à saint Ambroise;
qu'il est ordinaire à Hincmar de citer des
écrits sous le nom de ceux qui n'en sont pas
auteurs, comme on le voit par Y Hypomnesti-
con et le livre de la Prédestination et de la
Grâce, qu'il attribue à saint Augnstin, quoi-
qu'ils n'en soient pas ; que s'il y a entre les
écrits de saint Prosper et les livres de la Vo-
cation des Gentils, une conformité de doctrine,
ce qui peut se rencontrer avec toute autre,
les façons de parler ne sont pas les mêmes ;
que saint Prosper se déclare partout contre
les adversaires de saint Augustin, au lieu
que l'auteur de ces livres ne prend aucun
parti et ne parle pas même de saint Augus-
tin ; qu'à l'égard du témoignage de Photius,
Dissert. 2, pag. 191.
[v« SIÈCLE. J
il peut s'entendre de tout autre ouvrage de
saint Prosper sur la grâce, qui ne serait pas
venu jusqu'à nous, plutôt que des livres de
la Vocation des Gentils, où l'auteur n'entre en
dispute avec personne, ne cherchant qu'à
éclaircir une question agitée depuis long-
temps entre les défenseurs du libre arbitre
et de la grâce ; qu'au surplus, son style est
beaucoup plus poli et plus travaillé que celui
de saint Prosper. C'est au contraire à cause
de la conformité du style avec celui de saint
LéoH;, que d'autres le font auteur de ces li-
vres, et c'est même leur plus fort argument,
les autres preuves qu'ils en allèguent n'ayant
pas la même solidité ; mais cet argument
n'est pas non plus sans réplique. On dit que
cette conformité consiste plus dans les ter-
mes et dans les pensées que dans la manière
d'écrire ; qu'il s'en trouve à peu près autant
enlre les écrits de saint Prosper et ceux de
saint Léon ; que l'auteur des livres de la Vo-
cation des Gentils ' ayant écrit longtemps de-
puis la dispute entre les catholiques et les
semi-pélagiens au sujet de la grâce et du
libre arbitre, et conséquemment depuis saint
Léon, mort trente ans seulement après le
commencement de cette dispute, il a pu, par
la lecture des ouvrages de ce Père, s'en ren-
dre familières les pensées et les expressions.
11 faut ajouter à cette réponse qu'il est diffi-
cile de se persuader que si cet ouvrage eût
été d'un pape aussi célèbre que saint Léon,
on n'eût pas été depuis la fin du cinquième
siècle, où il était entre les mains d'un grand
nombre de personnes, jusqu'au dix-septième
à le lui attribuer. On l'a attribué à saint Au-
gustin, à saint Ambroise, à saint Eucher, à
Hilaire, à saint Prosper. Personne ne s'est
avisé, avant l'auteur de la dernière édition
des œuvres de saint Léon, de lui en faire
honneur, et il n'est sous son nom dans aucun
manuscrit. Le pape Gélase, dans son troisième
traité contre l'hérésie pélagienne, cite les li-
vres de la Vocation des Gentils ; mais sous le
nom général ^ « d'un certain docteur de l'E-
glise. » S'ils eussent été de saint Léon, com-
ment l'eùt-il ignoré, lui qui devait mieux
savoir que nous quels étaient les écrits de
saint Léon, puisqu'il avait fait une recherche
particulière des ouvrages des pères qui l'a-
1 Inier defensores liberi arbitrii et prœdicaiores
gratiœ Dei mo.gna et difficilis dudum vertitur quœs-
iio. Lib. I, cap. \, pag. 1.
^ Quod totuiii ideo sit sicul quidam magister Eccle-
siœ sapienter edocuit, dicens : « Ad magnmn enim
Y
CHAPITRE XI, — SAINT LÉON, PAPE.
241
valent précédé, et qu'il avait pu le voir, ayant
été fait pape en 492, environ trente-deux ans
après la mort de saint Léon? D'ailleurs, quel
intérêt avait ce saint pape de cacher au pu-
blic qu'il avait composé les livres de la Voca-
tion des Gentils? N'en avait -il pas au con-
traire de s'en avouer l'auteur? Son nom ne
pouvait que donner du poids et de l'autorité
à un écrit fait pour l'utihté de l'Eglise , qui
a été si estimé dans tous les siècles, que
chacun a cherché à en faire honneur aux
écrivains les plus habiles. Saint Léon est le
premier de tous les papes dont nous ayons
un corps d'ouvrages. Ceux qui les ont re-
cueillis eussent-ils négligé celui qui a pour
titre de la Vocation des Gentils, s'ils eussent
eu la moindre preuve qu'il en fût auteur ?
Voici ce qu'il contient :
2. Les défenseurs du libre arbitre et les
prédicateurs de la grâce se font également
cette question : Dieu veut-il sauver tous les
hommes? Comme on ne peut le nier, ils de-
mandent pourquoi la volonté du Tout-Puis-
sant n'est pas toujours accomplie? Si l'on dit
que cela dépend de la volonté de l'homme,
il parait que l'on exclut la grâce , qui en effet
n'est plus un don gratuit, mais une dette, si
elle est donnée selon les mérites. Ils deman-
dent encore pourquoi ce don, sans lequel
personne n'est sauvé, n'est pas conféré à
tous par celui qui veut que tous soient sau-
vés? Les défenseurs du libre arbitre s'imagi-
naient qu'on le détruisait lorsqu'on prêchait
la nécessité de la grâce, ne prenant pas
garde qu'on pouvait les accuser eux-mêmes
de nier la grâce, lorsqu'ils supposaient
qu'elle ne précède pas, mais qu'elle accom-
pagne seulement la volonté. L'auteur sou-
tient qu'on doit admettre l'un et l'autre, a Si
onôte, dit-il, la volonté, où est la source des
vraies vertus ? Et si l'on ne reconnaît pas la
grâce, où est la cause des mérites?» Pour
procéder avec méthode, il distingue trois
sortes de volonté , la sensuelle , l'animale et
la spirituelle. La sensuelle, que l'on peut
aussi appeler charnelle est bornée à certains
mouvements qui naissent des sens du corps;
telle est celle des enfants qui, quoique sans
usage de raison, font connaître ce qu'ils veu-
lent, ce qu'ils aiment^ ce qui leur fait peine.
utilitatem fidalium materia servata est certaminum,
ut non superbiat sanclitas, dum pulsalur infirmitas. »
Gelas., tract. 3 contra Pelag., pag. 12't8, tom. IV
Coiicil.
16
Amlyse (la
premier livro
de LiVocalion
des Genlils,
lom. I. oper.
Leur, pnç, 1.
Cap. I,
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Cap. m. L'animale est celle qui n'agit point par un
mouvement de la grâce, ni par amour du
souverain bien, et qui ne se propose ou que
les satisfactions de la chair, ou les récom-
,^ penses temporelles; cette sorte de volonté se
trouve non-seulement dans les hébétés, mais
dans ceux mêmes qui gardent les règles de
l'honnêteté, lorsqu'ils ne le font que par des
„ motifs humains. La spirituelle est celle qui
agit par la grâce et dont les mouvements sont
réglés par la loi de la raison supérieure,
c'est-à-dire par la loi de Dieu. L'auteur dis-
^ tingue aussi deux sortes de grâces : des grâ-
ces générales, qui consistent dans les secours
extérieurs, comme sont les éléments, la loi
naturelle, les prophéties, les préceptes de la
loi de Moïse, ceux de l'Evangile qui servent
de preuves de la providence et de la bonté
de Dieu envers tous les hommes, et qui ren-
dent inexcusables les peuples qui, adonnés
au culte des idoles, ont rendu à la créature
ce qu'ils ne devaient qu'au Créateur : des
jjj grâces particulières et intérieures, qui éclai-
rent l'esprit et échauûent le cœur. Les pre-
mières sont inutiles au salut sans les derniè-
yi.
res, par lesquelles Dieu forme en nous une
bonne volonté, non en créant dans nous une
nouvelle nature , mais en réparant celle qui
a été viciée par le péché d'Adam. Cette ré-
paration se fait de façon qu'elle n'ôte point
la liberté ; elle guérit le libre arbitre ; et ce
que la grâce fait en lui, elle le fait aussi par
lui. Dieu est le principe de toutes les vertus;
c'est lui qui inspire le désir du bien, et qui,
par le secours de la grâce nous le fait ac-
complir. S'il n'agit et n'opère eu nous, nous
ne pouvons avoir aucune vertu, parce que
sans ce bien rien n'est bon, sans cette lu-
mière l'ien n'est lumineux, sans cette sa-
gesse rien n'est sage, sans cette justice rien
n'est juste. La lumière naturelle ne suffit pas
pour croire les vérités de la religion. Tout
homme qui se convertit à Dieu y est premiè-
rement excité par la grâce ; et comme c'est
la grâce qui donne la foi, c'est elle qui l'aug-
mente et qui la conserve.
Cesprincipes établis, l'auteur donne quatre
règles pour expliquer ce qui est dit en gé-
néral du salut des hommes dans l'Ecriture :
j^ la première, que lorsqu'elle parle des bons
et des méchants, des élus et des réprouvés,
elle use de termes généraux, comme si elle
voulait comprendre tous les hommes en par-
ticuher sous ces expressions générales : il en
^'- donne des exemples tirés tant de l'Ancien
que du Nouveau Testament ; la seconde , is...
qu'en parlant des élus et des réprouvés d'un
même peuple, elle s'exprime d'une façon oenes.xx'
générale, comme si tous Jes hommes de ce Hom.xr
peuple étaient ou sauvés ou réprouvés , cap. x.
bien qu'elle ne veuille parler quelquefois
que des élus, et quelquefois des réprouvés lîom.xi.i,
séparément. La troisième, que l'Ecriture cip. xi.
parle des hommes qui ont vécu en divers
temps, comme s'ils avaient vécu ensemble
et sous une même génération; la quatrième, iPei.i u, o.
que le terme tous se prend souvent dans
l'Ecriture pour toutes sortes de personnes,
de tout âge, de toutes sectes, de tous pays,
et que c"est en ce sens que l'on peut enten-
dre ces paroles de l'Apôtre : Dieu veut sauver ixim. n,*
tous les hommes. Comme cette explication
pouvait être rejetée de quelques-uns à qui
elle paraîtrait contraire au texte de saint
Paul, l'auteur déclare qu'il reçoit si entière-
ment et si pleinement cette partie des pa-
roles de l'Apôtre, qu'il ne retranche rien de
ce qui la regarde, soit en ce qui précède ou
en ce qui suit dans le discours du même
apôtre ; et pour le prouver, il rapporte le
passage en ces termes : Je vous conjure donc, , ^^^ „
avant toutes choses, que l'on fasse des supplica-
tions , des prières , des demandes et des actions
de grâces jMur tous les hommes, pour les rois et
pour tous ceux gui sont élevés en dignité, afin
que nous menions une vie paisible et tranquille
dans toute sorte de piété et d'honnêteté. Ce que c^p x„
je vous ordonne en cela est bon et ag?^éable à
Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hom-
mes soient sauvés, et qu'ils viennent à la con-
îiaissance de la vé?'ité ; car il n'y a qu'un Dieu
et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jé-
sus-Christ homme. Il ajoute qu'on peut juger
du vrai sens de ce précepte de saint Paul,
par la manière dont l'Eghsc l'observe tous
les jours; elle prie Dieu en tous lieux, non-
seulement pour les saints et pour ceux qui
sont régénérés en Jésus-Christ, mais aussi
pour les infidèles et les ennemis de sa croix,
pour tous ceux qui adorent des idoles, pour
tous ceux qui persécutent Jésus-Christ en
ses membres, pour les Juifs, à l'aveuglement
desquels la lumière de l'Evangile ne luit pas,
pour les hérétiques et les schismatiqués qui
sont retranchés de l'unité de Ja foi et de l'a-
mour : or, que demande-t-elle dans ses priè-
res pour toutes ces personnes, sinon qu'ayant
quitté leurs erreurs, ils se convertissent à
Dieu ; qu'ils reçoivent la foi, qu'ils reçoivent
la charité et l'amour, et qu'étant délivrés des
fv SIÈCLE.] CHAPITRE XL —
ténèbres de l'ignorance, ils viennent à la
connaissance delà vérité? Et parce qu'ils ne
peuvent y venir d'eux-mêmes, étant accablés
du poids de leurs mauvaises habitudes et
enchaînés des liens du diable, et qu'ils n'ont
pas la puissance de surmonter les illusions et
les erreurs auxquelles ils sont attachés avec
une si grande obstination, qu'ils aiment au-
tant la fausseté qu'ils devraient aimer la vé-
rité Dieu qui est miséricordieux et juste,
veut qu'on lui offre des prières pour tous les
hommes, afin que, lorsque nous en voyons
un si grand nombre, qui sont délivrés d'un
si profond abîme de maux, nous ne doutions
pas que ce ne soit Dieu qui a fait ce que
l'Eglise l'a prié de faire, et que lui rendant
grâces pour ceux qui sont sauvés, nous es-
périons aussi que ceux qui n'ont pas encore
été illuminés, seront tirés un jour de la puis-
sance des ténèbres par le même ouvrage de
la même grâce divine, et seront transférés
dans le royaume de Dieu avant qu'ils sor-
tent de cette vie. Voilà de quelle manière
l'auteur montre que ces paroles de saint
Paul : Dieu veut que tous les hommes soient
sauvés, se doivent entendre des hommes de
toutes conditions, parce qu'il n'y en a point
dont il n'en attire à lui par la puissance de
sa grâce. Mais pourquoi les prières que l'E-
glise fait pour tous les hommes ne sont-elles
point exaucées à l'égard de chaque particu-
lier, quoiqu'elles le soient à l'égard des au-
tres ? L'auteur répond que la raison de cette
différence dépend des secrets jugements
de Dieu , sur lesquels nous devons nous
écrier avec saint Paul : 0 profondeur des tré-
sors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que
ses jugements sont impénétrables f que dans la
dispensation des œuvres de Dieu, il arrive
souvent qu'on ne connaît que les effets et
non pas les causes; quel'onue peut pas dire
que ce soit le mérite de la volonté qui dis-
tingue les élus et les réprouvés, ce qui parait
évidemment dans les enfants, dont les uns re-
çoivent le baptême, les autres meurent sans
l'avoir reçu; que la conversion tardive des im-
pies est une preuve que la grâce ne leur est
pas donnée en vue de leurs mérites; que ceux
mêmes qui se rendent aux impressions de la
grâce, ne le font que parce que Dieu le veut
ainsi, sans aucun mérite précédent de leur
part; que l'homme , sans la grâce , vit dans
l'ignorance et dans les ténèbres ; que cette
grâce étant un effet de la pure libéralité de
Dieu, on ne doit point chercher de raison
SALNT LEON, PAPE. 243
pourquoi Dieu la donne aux uns et qu'il la
refuse aux autres; pourquoi il choisit l'un et
ne choisit pas l'autre ; que ceux qui veulent
que les mérites de l'homme soient cause de
son élection, sont suffisamment réfutés par
l'exemple des enfants, n'étant pas possible
de rendre raison pourquoi de deux enfants
qui sont d'une origine également corrompue,
l'un est sauvé parle baptême, et l'autre périt
pour ne l'avoir pas reçu ; que tout le mérite
de l'homme, depuis le commencement de la
foi jusqu'à la persévérance finale, est un don
de Dieu, sa grâce agissant en nous pour que
nous agissions; que cette foi, qui est elle-
même un don de Dieu, est le principe de tous
les mérites ; que la grâce nous fait non-seu-
lement choisir le parti de la vertu et nous re-
lever de nos chutes , mais qu'elle nous fait en-
core user en bien des dons de Dieu; en sorte
que la continence, la crainte de Dieu, la sa-
gesse, la piété, la conversion du cœur, sont des
effets de la grâce. L'auteur remarque qu'un
certain interprète, en expliquant cet endroit
de l'épître aux Philippiens : J'ai confiance que
celui qui a commencé en nous le saint ouvrage
de notre salut , l'achèvera, lisait : quia commencé
de nous; comme si le commencement de l'ou-
vrage et sa perfection venaient de l'homme :
ce qui est pélagien et absolument contraire
à la pensée de saint Paul, qui dit ensuite :
C'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire,
selon qu'il lui plaît.
Il finit son premier livre en montrant que
la question, pourquoi l'un reçoit la grâce^ et
que l'autre ne la reçoit pas, est impénétra-
ble, et que l'on ne doit point avoir recours
au fibre arbitre pourl'exphquer. Ces paroles
méritent d'être rapportées : « Ce que nous
avons dit jusqu'ici, prouve clairement que
tout ce qui sert à nous faire mériter la vie
éternelle, ne peut, sans la grâce de Dieu, ni
commencer, ni s'accroître, ni s'achever, et
que tout choix dont on voudrait attribuer la
cause au libre arbitre, est invinciblement
détruit par ces paroles de l'apôtre : Qui est-ce
qui vous distingue et vous rend différent des au-
tres ? Qu'avez-vous que vous n'ayez point ?'eçu ?
Ainsi la profondeur de cette question, que
l'étonnement du grand apôtre nous oblige
de regarder comme impénétrable, ne se ré-
sout pas en disant que cette différence vient
de ce que les uns veulent et les autres ne
veulent pas, parce que, encore que lorsque
l'homme ne veut pas le bien, ce soit de lui-
même qu'il ne le veut pas; toutefois, lorsqu'il
Cap. .\xij.
Philip. I, 6.
Philip, ir, 13.
Cap. XX7.
244
mSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
veut le bien, ce n'est pas de lui-même qu'il
le veut , mais c'est Dieu qui lui donne ce
vouloir. La nature a contracté cette faiblesse
par le péché, et elle reçoit cette vertu par la
grâce. Mais d'où vient que cette même na-
ture, qui est péchei^esse et misérable dans
tous les hommes, avant la réconcilialion,
n'est pas justifiée dans tous les hommes, et
qu'en l'une de ses parties, elle est distinguée
et séparée de ceux qui périssent, par celui
qui est venu chercher et sauver ce qui était
perdu? C'est ce qui ne peut être pénétré par
aucune raison humaine : car, que l'on ac-
cuse tant que l'on voudra, la malice des im-
pies, comme résistant à la grâce de Dieu,
peut-on dire que ceux qui ont reçu cette
grâce l'aient méritée; ou que cette puis-
sance de la grâce, qui s'est assujetti ceux
qu'elle a voulu, n'ait pu convertir ceux qui
sont demeurés inconvertibles? Ceux qui ont
été attirés ont été tels que ceux qui ont été
laissés dans leur dureté ; mais la grâce , par
un elfet digne d'admiration et d'étonnement,
a donné aux uns ce qu'elle a voulu, et la jus-
tice divine, par un jugement équitable, a
rendu aux autres ce qu'eUe leur devait ; de
sorte que le décret de Dieu est encore plus
impénétrable dans ce qu'il donne libérale-
ment aux uns par l'élection de sa grâce,
qu'en ce qu'il rend justement aux autres par
l'arrêt de sa justice. »
Analyse do ^- ^^^^^ LéoH sc proposB , daus le second
second livre, li-yro, de moutrcr en quel sens il est vrai de
pag. la. ' -i.
dire que Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés; sur quoi il dit qu'il y a trois
choses qui sont certaines : la première, que
Dieu veut que tous les hommes soient sau-
vés et qu'ils soient éclairés des lumières
de la vérité ; la seconde, que l'on ne par-
vient à la connaissance de la vérité et au
salut, que par le secours de la grâce, et non
par les propres mérites de l'homme ; la troi-
sième, que la profondeur des jugements de
Dieu à l'égard des élus et des réprouvés, est
impénétrable. R prouve, par l'autorité de l'E-
"■ criture, que Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés, et qu'à cet effet il a envoyé
les apôtres dans toutes les parties du inonde,
sans en excepter aucune. Il est vrai que lors-
que les apôtres eurent traversé la Phrygie et
la Galatie, le Saint-Esprit leur défendit d'an-
noncer la parole de Dieu en Asie; mais Dieu
Ad. XVI, 6. j^g refusa pas absolument à ces peuples la
connaissance delà vérité; il ne la leur diti'éra
que pour un temps, puisqu'ils la connurent
Cap. I.
dans la suite. Quelle fut la cause de ce délai?
On ne la sait pas. Connaît-on mieux pourquoi
il y a encore des nations qui vivent dans l'in-
créduhté ? pourquoi les enfants croient pen-
dant que leurs parents ne croient pas ? et
pourquoi des gens qui doivent se convertir
un jour, continuent à vivre dans le péché ?
Non : toutefois. Dieu veut que nous priions
pour tous chaque jour, afin que , s'il exauce
nos prières, sa miséricorde nous soit connue,
et que, s'il ne les exauce pas, nous adorions
ses jugements qui ne peuvent être que vrais.
S'il a donné des marques particulières de son ç^^^_
attention aux Israélites, il n'a pas négligé les
autres nations. N'est-ce pas pour les hommes
qu'il a créé le ciel et la terre, afin que, par la
considération des merveilles qui y sont ren-
fermées, ils conçussent de l'amour pour celui
qui les a faites, et qu'ils lui rendissent le
culte qui lui est dû? Le témoignage que les
créatures rendent au Créateur, et les choses
merveilleuses que Dieu, par sa bonté, a faites
en faveur de toutes les nations, leur ont tenu
lieu de la loi et des prophéties qu'il a don-
nées au peuple d'Israël. Il n'y a pas de siècles
où la grâce n'ait produit des effets : ceux qui,
de quelque nation que ce fût, ont plu à Dieu,
ont eu cet avantage par le secours de la
grâce. Maintenant même, où les fleuves des
dons inefl'ables de Dieu arrosent toute la
terre, chacun ne produit des fruits que par
proportion à l'abondance de la grâce qu'il
reçoit. C'est donc sur la mesure de la grâce
qui nous est donnée, et non sur notre libre
arbitre, qu'il faut décider la différence des
mérites. S'il fallait l'attribuer à nos propres
œuvres, l'apôtre ne terminerait pas le cata-
logue qu'il fait des dons de Dieu par ces pa-
roles : Or, c'est un seul et même Esprit qui
opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses "■
dons selon quil lui plaît. Chacun a la possibi-
lité naturelle d'opérer, mais d'opérer effec-
tivement, nous le devons à la grâce , étant
autre chose de pouvoir opérer, et d'opérer
en eflet. Souvent Dieu nous donne des grâ-
ces sans les avoir demandées ; mais il les
donne afin que, par le bon usage que nous
en ferons, nous en méritions de nouvelles :
Au reste, ce n'est pas à nous à approfondir
les raisons que Dieu a eues de distribuer di-
versement ses grâces et en différents temps.
11 en a usé différemment à l'égard des Gen-
tils, à qui il n'avait donné pour le connaître,
que le témoignage du ciel et de la terre, et
différemment à l'égard des Juifs, à qui, ou-
Cap. viil.
[V« SIÈCLE.]
tre la loi et les prophètes, il a accordé des
prodiges et l'aide des anges : mais plus il a
été favorable aux Juifs avant la venue du
Messie, moins il leur a accordé depuis; c'est
envers les Gentils que sa miséricorde a sur-
tout éclaté, parce qu'ils sont devenus les en-
fants de la promesse.
L'auteur fait voir quels sont les progrès de
la grâce dans une âme ; il enseigne qu'elle
n'ôte point à" celui qu'elle anime le pouvoir
»p.ï et XI. de tomber dans le péché ; que la charité par-
faite rend seule l'homme invincible aux at-
traits du mal ; que si nous nous tenons fer-
mes dans le bien, c'est un mérite pour nous,
xMi. parce que nous pouvons tomber; que la pré-
science de Dieu n'est pas la cause des péchés
qu'il a prévus; que les bienfaits de Dieu envers
les endurcis avant le déluge sont une preuve
qu'il n'est point auteur de leur aversion pour
xiv. lui; qu'une autre preuve que c'est à la grâce
particulière que les hommes sont redevables
de leur conversion, et non pas à leur bon na-
turel , c'est que , depuis le déluge , Dieu n'a
cessé de les appeler par des miracles^ par
des signes, par des prophéties, et que toute-
XT. fois peu se sont convertis : au lieu que depuis
l'Incarnation, où la grâce est devenue plus
abondante, les apôtres ont converti toute la
terre par leur prédication ; c'est néanmoins
dans ce temps-1,^ que les nations se sont sou-
levées contre la vérité ; que les princes ont
sévi contre ceux qui la prêchaient, et que
les puissances et les défenseurs de l'erreur
leur ont résisté ; mais la grâce a surmonté
tous ces obstacles ; la vérité a vaincu au mi-
lieu des supplices, et la foi s'est fortifiée par
l'effusion du sang des saints.
snite. .4. Il n'y a donc aucun lieu de douter que
Cap. xTi. Jésus -Christ ne soit mort pour tous les
hommes, pour les impies et pour les pé-
clieurs, parce que tous les hommes étaient
esclaves du péché; d'où vient qu'il n'y a au-
cune nation à qui la rédemption n'ait été an-
noncée; elle le fut d'abord aux Parthes, aux
Mèdes et à tous les autres peuples marqués
Act. 11,0 dans les livres des Actes des apôtres, d'où
elle devait se répandre parmi les nations les
plus éloignées. Ce fut aussi dans cette vue
que Dieu permit que l'empire romain s'éten-
dît, afin que la religion clirétienne se répan-
dît plus facilement, comme il est arrivé en
effet, Rome étant devenue plus considérable
par la religion que par la puissance tempo-
cap. xvii. relie. Quant aux nations qui n'ont pas encore
reçu la lumière de l'Evangile, elles la rece-
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
245
vront cliacune en leur temps. La grâce de
Jésus-Christ cachée depuis si longtemps aux
Gentils, ne leur a-t-elle pas été enfin com-
muniquée suivant les oracles des prophètes?
Mais comment Dieu veut-il que tous les hom-
mes soient sauvés, puisqu'il y en a tant de
damnés, particulièrement parmi les enfants
qui meurent sans baptême ? L'auteur répond,
1° qu'il n'est point permis de croire que ces cap.nx, xx.
enfants appartiennent, en quelque façon que
ce soit, à la société des élus ; que la conduite .xxi, sxu.
de Dieu à leur égard, soit dans cette vie, soit
dans l'autre, n'a rien de répréhensible, parce
qu'ils sont coupables du péché originel; que
si la plupart meurent sans avoir été baptisés, ^sm.
cela vient ou de la négligence, ou de l'infidé-
lité de leurs parents, et que ce qui prouve
que Dieu, outre la grâce générale qu'il ac-
corde même aux enfants, en leur donnant
des parents qui puissent en prendre soin,
leur en accorde une spéciale , c'est que plu-
sieurs d'entre eux reçoivent le baptême par
les soins des étrangers, après qu'ils ont été
abandonnés par ceux-là mêmes qui leur
avaient donné la vie du corps. 2° Que si
rien ne pouvait procurer la mort aux enfants xxiv.
avant le baptême, cette assurance rendrait
leurs parents extrêmement négligents à cet
égard ; qu'au surplus Dieu, en permettant
que les uns soient baptisés et que les autres
ne le soient pas, fait voir par un secret, mais
juste jugement, sa miséricorde envers les
uns, sa justice envers les autres, étant tous
d'une nature qui mérite d'être punie pour
avoir prévariqué en Adam ; qu'ainsi personne
ne peut se plaindre de n'être pas tiré de l'état
de damnation, parce que Dieu ne doit cette
grâce à personne, et que s'il la fait à quel-
qu'un , c'est un pur effet de sa bonté. 3° Qu'on xxt.
ne peut nier que Dieu ne veuille sauver tous les
hommes, puisqu'il leur donne à tous certai-
nes grâces générales qui peuvent les aider à
le chercher et à le connaître ; que les enfants
mêmes n'en sont pas privés, ayant des pa-
rents qui peuvent leur procurer le salut ;
qu'il y a toutefois des grâces particulières,
tant pour les enfants que pour les adultes ,
mais que Dieu ne les doit à personne.
S . L'auteur fait ensuite l'accord de la grâce s„iie.
avec le fibre arbitre, en disant qu'elle n'em- cap. uti.
pêche pas que nous fassions librement le
bien, puisque nous le faisons volontairement,
u La grâce tient le premier lieu dans toutes
les œuvres qui nous sanctifient ; elle nous
persuade par ses exhortations ; elle nous
246
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Cap. sXTii,
Cap. XXTIII.
-x.xxr, xxxii
mène par les exemples qu'elle nous propose ;
elle nous effraie salutairement parla vue des
dangers ; elle nous excite par les miracles de
sa toute-puissance ; elle éclaire notre enten-
dement; elle échaufife notre cœur; elle nous
donne de bons sentiments pour la foi ; mais
la volonté de l'homme se joint et s'unit à elle,
n'étant excitée par tous ces moyens, qu'atîn ^
qu'elle coopère à l'œuvre de Dieu. Soit donc
que nous considérions le commencement et
le progrès de la piété dans les fidèles, soit
que nous regardions la persévérance jusqu'à
la fin, il n'y a aucune sorte de vertu qui
puisse être en nous, ou sans le don de la
grâce, ou sans le consentement de notre vo-
lonté : car, en quelque manière que la grâce
agisse pour guérir l'homme dans ses mala-
dies, ou pour le secourir dans ses faiblesses,
la première chose qu'elle fait en celui qu'elle
appelle est de préparer sa volonté pour lui
faire recevoir ses dons et l'assujettir à ses
mouvements, puisque l'on ne peut être ver-
tueux sans le vouloir être, et qu'on ne peut
dire que la foi, ou l'espérance, ou la charité
soient en ceux qui ne voudraient pas être
enrichis de ces biens ; mais c'est encore la
grâce qui produit dans l'homme ce consen-
tement ; c'est elle qui ouvre les yeux de sa
volonté, son âme n'étant capable d'aucune
vertu que par le rayon de la lumière céleste.
Pourquoi est-il dit que sans l'attrait du Père
personne ne vient au Fils, sinon parce que
Dieu fait croire et fait voir ceux qu'il attire ?
Ceux néanmoins qui, par la grâce de Dieu,
croient en Jésus-Christ, pouvaient ne pas
croire, et ceux qui persévèrent dans le bien,
pouvaient n'y pas persévérer , le pouvoir de
ne pas consentir à la grâce demeurant en
nous lors même que cette -grâce a son effet.
Ceux donc qui veulent venir et qui viennent
sont appelés par la grâce, et il en est de
même de ceux qui persévèrent, c'est par un
effet de la grâce ; ceux qui ne viennent pas
résistent par leur propre volonté : ainsi la
pi-omesse faite à toutes les nations, s'accom-
plit de manière que ceux qui périssent n'ont
point d'excuse légitime, et que ceux qui sont
sauvés n'ont aucun sujet de se glorifier dans
leurs propres forces, comme s'ils avaient ac-
quis le salut d'eux-mêmes. De tout temps il
y a eu des grâces générales pour tous les
hommes, et des grâces particuhères aux jus-
tes. Entre ceux-ci, il y en a eu qui en ont
reçu davantage, d'autres moins ; ce qui est
arrivé non à cause de leurs différents mé-
rites, mais parce que Dieu l'a voulu ainsi par
un juste et secret jugement ; aucun ne périt
qu'il ne soit un enfant de perdition, et tous
ceux qui sont élus de toute éternité, sont
sauvés, rien ne pouvant empêcher que la
volonté de Dieu ne soit accomplie. Cependant
le décret immuable de Dieu pour l'élection
de quelques-uns, ne rend point inutiles le
travail, les prières et les bonnes œuvres.
Dieu ne donne pas sa grâce aux élus pour
demeurer dans l'oisiveté et pour n'avoir pas
d'ennemis à combattre. Il la leur donne pour
faire de bonnes œuvres et pour vaincre leurs
ennemis ; leur élection ne s'accomplit que
par la prière et par l'exercice des autres ver-
tus : ainsi il donne des mérites par sa grâce
à ceux qu'il a choisis^ sans mérites. Comme
ces décrets nous sont inconnus, nous ne de-
vons dire de personne, avant la mort, qu'il
sera du nombre des élus, ni désespérer du
salut de personne pendant la vie, les plus
saints pouvant tomber et les pécheurs se
convertir; c'est pour cela que la sainte Eglise,
dans ses prières, rend grâces pour ceux qui
ont reçu la foi, qu'elle demande la persévé-
rance pour eux, et qu'elle implore la miséri-
corde de Dieu pour les infidèles, afin qu'ils
embrassent la foi. »
6. On convient que la lettre à Démétriade
et les livres de la Vocation des Gentils sont
d'une même main : c'est non-seulement le
même style, ce sont encore les mêmes pen-
sées , et dans l'un et l'autre de ces écrits,
l'Ecriture est citée selon la version de saint
Jérôme. Quoique Démétriade ne se fût point
laissée entraîner aux erreurs des pélagiens,
la crainte que la lettre que Pelage lui avait
écrite autrefois, et les relations qu'eUe pou-
vait avoir entretenu es avec Julien le Pélagien,
n'eussent fait sur elle quelque impression,
engagèrent l'auteur des livres de la Vocation
des Gentils à lui écrire pour l'affermir dans
la doctrine de l'Eglise sur la grâce. Après
avoir loué la noblesse de son extraction et
ses vertus personnelles, il fait voir que l'hu-
milité est essentielle aux vierges, qu'elle doit
faire l'ornement, non-seulement des pauvres,
mais aussi des riches ; qu'elle consiste égale-
ment dans l'amour de Dieu et du prochain,
et dans le mépris des vanités et des richesses
du siècle ; que si tous les enfants de l'Eglise
ne sont pas égaux en mérites, ils sont unis
entre eux par l'humilité, qui est comme le
lien des vertus ; qu'il n'est pas possible d'a-
voir une humilité véritable, si l'on ne con-
Cap. xxxni.
XXXIV, XXXT,
XXXVI .
Cap
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XI. —
fesse la nécessité de la grâce de Dieu pour
Cap. X. faire le bien ; que c'est l'orgueil qui a donné
naissance à l'hérésie pélagienne , et qui fait
dire à quelques-uns que la grâce est don-
XI. née selon les mérites : au contraire , l'hu-
milité chrétienne nous apprend que nous
sommes tous nés dans le péché, qu'il n'y a
point de salut à espérer pour nous, si nous
ne renaissons en Jésus-Christ par le bap-
XII. tême ; que nous devons nous glorifier en
Dieu seul, de qui vient la vraie gloire, la
X,,,. vraie vertu, la vraie sagesse ; que, sans le se-
cours de Jésus -Christ qui opère en nous,
nous ne pouvons rien faire de bien ; qu'en
opérant en nous, il aide notre libre arbitre
j,T. et ne le détruit point ; que l'opération de la
grâce n'est jamais prévenue par la volonté
humaine, et que les commandements que
Dieu nous fait ont pour fin de nous rendre
assidus à demander son secours et attentifs
à suivre les impressions de sa grâce, en coo-
pérant avec elle aux bonnes œuvres qui nous
XV. sont prescrites. L'obéissance est la preuve
de l'opération divine dans celui qui obéit à
.XVI. ce qui lui est ordonné : mais plus on avance
dans l'accomplissement des commandements
de Dieu, plus on doit être sur ses gardes
contre la vaine gloire, la vanité la plus dan-
gereuse étant celle que l'on tire des bonnes
.xvm. œuvres. L'auteur prend occasion de cette
ma.xime, de représenter à Démétriade le be-
soin qu'elle avait de l'humilité pour ne point
s'élever de tant de dons qu'elle avait reçus
de Dieu. Il y en avait beaucoup d'autres qui
faisaient comme elle profession de virginité,
mais peu qui lui fussent comparables pour la
noblesse et les autres avantages du siècle. Il
xciseq. lui dit donc que de s'élever de son propre
mérite, est de tous les péchés le plus grand;
que nous n'avons rien de bon nous-mêmes ;
que la prière même est un don de Dieu, ainsi
que la coopération à la grâce, les bonnes
SAINT LÉON, PAPE.
247
pensées, les bons désirs, en un mot, tout ce
que les saints font de bien en cette vie ; ce
qui ne doit pas paraître surprenant, puisque
c'est aussi de Dieu qu'ils recevront la félicité
dans le ciel.
ARTICLE III.
DOCTRINE DE SAINT LÉON.
1. Les patriarches', les prophètes, les pré- s.
très, les saints de l'ancienne loi, ont tous été
animés et sanctifiés par le Saint-Esprit. Sans
la grâce^ on n'aurait jamais institué aucun
sacrement ni célébré aucun mystère; quoique
la mesure des dons n'ait pas toujours été la
même, la grâce a toujours eu la même force.
Le respect ^ que nous devons à la doctrine
des évangélistes et des apôtres, ne nous per-
met pas de nous en éloigner dans le moindre
mot, ni d'entendre autrement les divines
Ecritures que nos pères l'ont appris et ensei-
gné. Bien moins est-il permis d'en rejeter
quelque partie , et on a chassé les mani-
chéens, qui refusaient ^ de recevoir la loi de
Moïse par laquelle on connaît Dieu l'auteur
de l'univers, et qui condamnaient par une
impiété damnable les psaumes de David qui
se chantent dans toute l'Eglise avec édifi-
cation.
Saint Léon lisait * dans le psaume xcv^ :
Le Seigneur a triomphé par le bois, et il suppose
nettement que les Juifs lisaient ainsi dans
leurs exemplaires. Il paraît qu'au jour anni-
versaire de la consécration d'un évêque, on
chantait dans l'Eglise ^ le psaume cix", qui
regarde le sacerdoce éternel de Jésus-Christ,
et qu'au jour de la Pentecôte, on lisait le
quatorzième chapitre ^ de l'Evangile selon
saint Jean, que nous y lisons aujourd'hui.
La collecte ' du premier samedi de carême
est tirée du premier discours de saint Léon
sur le jeûne, si l'on n'aime mieux dire que
ur l'iLcri
sainlQ.
1 Patriarchœ, et prophetœ, et sacerdotes omnesque
sancti, gui prioribus fuere temporibus, ejusdem sunt
Spiritus Sancti snnctificatione vegetati; et sine gra-
tia hac nulla imquam instiiuta sacramenla, nulla
sunt celebrata mysleria, ut eadem semper fuerit vir-
tus charismatum, quanivis non eadem fuerit mensura
donorum. Serm. 74, pag. 157.
2 Et ciim ab evanc/elica apostolicaque doctrina ne
uno quidem verho liceat dissidere, aut aliter de Scrip-
turis divinis sapere, quam beati apostoli et patres
nostri didicerunt atqup. docuerunt, nunc indiscipii-
natœ moventur quœstiones. Epist. 62, pag. 280.
2 Non sinantur laiere homines, qui legem per Mo-
sen datam, in qua Deus universitatis conditor osten-
ditur , recipiendam esse non credunt, prophetœ et
Sancto Spiritui contradieunt , psalmos Davidicos, gui
per universalem Ecclesiam cum omni pietate cantan-
tur, damnabili impietate ausi sunt refutare. Serm. 8,
pag. 58.
' Non quidem legistis : Dominus descendit de cruce;
sed legistis: Dominus regnavit a ligno. Serm. 53,
pag. 123.
^ Non deest poniifex summus a suorum congrega-
tione pontificum , meritoque illi totius Ecclesiœ et
omnium sacerdotum ore canlatur : Juravit Dominus,
etc. Serm. 4, pag. 55.
^ Dicit quidem Dominus Jésus discipulis suis, sicut
evangelicu lectione recitatum est : Si diligeretis me,
etc. Serm. 3 in Pentecoste, pag. 160.
' Hodiernam festivitatem sequitur, ut nostis, so-
248
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sur k Tra-
dition.
cette collecte étant déjà dans l'office de
l'Eglise, ce père en aurait emprunté les pa-
roles.
2. C'est par l'autorité de la tradition que
saint Léon voulait que les évêques convain-
quissent leurs peuples de la pureté de leur
doctrine, et qu'ils fermassent la bouche aux
novateurs. « Je vous avertis ', dit ce père à
saint Protère, par le soin que j'ai de notre
foi, que comme les ennemis de la croix de
Jésus- Christ examinent jusqu'à nos moin-
dres paroles, nous ne leur donnions pas oc-
casion de nous accuser faussement d'avoir
des sentiments erronés. Il est de notre de-
voir, en exhortant le peuple, le clergé et tous
les frères à s'instruire et à s'avancer de plus
en plus dans la foi, de les persuader que
vous ne leur enseignez rien de nouveau ,
mais la même doctrine, que tous les saints
évêques qui nous ont précédés : il ne faut
pas même vous contenter de leur dire ces
choses, il faut les en convaincre par la lec-
ture et par l'explication des ouvrages de ces
saints, afin que le peuple de Dieu recon-
naisse qu'on ne leur enseigne rien présen-
tement que ce que nos pi'édécesseurs avaient
appris de leurs pères, et ce qu'ils ont ensei-
gné à leurs successeurs. » Saint Léon dit la
même chose ^ dans une de ses lettres à l'em-
pereur Marcien. II renvoie lui-même ^ aux
écrits des pères pour prouver l'orthodoxie
de sa lettre à Flavien, par la conformité
qu'elle avait avec ce que saint Athanase,
Théophile et saint Cyrille ont enseigné sur la
même matière, et pour montrer qu'il ne s'é-
tait éloigné en rien de la règle * de la foi qu'ils
ont établie. Il ne doutait ^ pas que toutes
les saintes pratiques ne fussent d'institution
divine, et que nous n'eussions reçu de la
tradition apostolique les coutumes établies
dans l'Eglise, comme de jeûner^ le septième
mois, de faire les ordinations ' le jour du di-
manche, qui commençait dès le soir du sa-
medi, de ne donner le baptême solennel *
que dans la fête de Pâques. Il reconnaît aussi
que le jeûne ^ de la Pentecôte et celui du
lemne Jejunium, quod animis corporibusque curandis
sa/ubrilev insiUutum deuota nobis est observantia ce-
lebrandum. Serm. 76, pag. 161.
* Hoc igiiur, frater carissime, pro solliciiudine fi-
dei communis admoneo, ut quia inimici crucis Christi
omnibus et verbis nostris insidiantur, et syllabis, nul-
lam illis vel tenuem occasionem demus, qua nesio-
riano nos sensui congriiere meniiantur. Plebem aufem
et clei'um, omnemque fraternitatem ita débet diligen-
tia tua ad profectum fidei cohortari, ut nihil te no-
vum doeere demomtres , sed ea omnium insinuare
penloribus, quœ venerandœ memoriœ Paires consona
prœdicaiione docuerunt, cum quibus in omnibus nos-
tra concordat epistola; hoc autem non solum tuis ver-
bis, sed et ipsa prœcedentium expositione et recitatione
monslrandum est, ut plebs Dei noverit ea sibiprœsenti
doctrina innnuari, quœ Patres et acceperunt a prœ-
cedentibus suis, et posteris tradiderunt. Epist. 103,
pag. 321.
2 Et ne memoraius nova inferre et propria videa-
tur adstruere, venerahilium Patrum qui eidem Eccle-
siœ prœfuerunt,scripta relegantur. Epist. loij pag. 324.
s Quœ si de nostra putes ambigendum esse doctrina,
saltem beatœ memoriœ Athanasii, Theophili et Cyrilli
Alexandriœ sacerdotum scripta non renuat ; cum qui-
bus ita fidei nostrœ forma concordat, ut in nullo a
nobis discrepet, qui se illis consentira profitelur.
Epist. 88, pag. 306. Ut autem pietas tua cum venera-
bilium Patrum prœdicationibus nos concordare co-
gnoscat , aliquanias eorum sententias huic credidi
subjiciendas esse sermoni. Epist. 134, pag. 349.
* Non enim novœ prœdicat ionis est epistola mea,
quœ ad relutionem sanciœ memoriœ Flaviani contra
Eutychen de dominica incarnatione respondit, in nullo
discedens ab ejus fidei régula, quœ evidenter et nostris
vestrisque est defensa majoribus. Epist. 103, pag. 321.
5 Dubitandum non est omnem observantiam erudi-
tionis esse divinœ, et quidquid ab Ecclesia in consue-
tudine est devofionis receptum, de traditione aposio-
lica et deSancti Spiritus prodire doctrina. Serm. 11,
pag. 161.
8 Cm medicinœ licet tempus omne sit congruum,
hoc tamen habemus aptissimum, quod et apostolicis et
legalibus institutis videmus elecium, ut sicut in aliis
anni diebus, ita mense sepiimo spiritalibus nos puri-
ficalionibus emundemus. Serm. 91, pag. 177.
" Ideo pie et laudabiliier apostolicis morem gessuri
instituas, si hanc ordinandorum sacerdotum formam
per Ecclesias quibus Dominus prœesse te voluit, eiiam
ipse servaveris ; ut his qui consecrandi sunt, nunquam
benedictio nisi in die resurrectionis Dominicœ Iribua-
tiir, cui a vespera sabbati initium constat adscribi.
Epist. 11, pag. 220.
8 Cu7n ergo tnihi innotuerit vos in eo quod inler sa-
cramenta Ecclesiœ principale est, ab apostolicœ ins-
titutionis consuetudine discrepare , ita ut baptismi
sacramentum numerosius in die Epiphaniœ, quam in
Paschali tempore celebretis,miror vos, vel prœcessores
vest7'0s tarn irrationabilem novitatem usurpare po-
iuisse, ut confuso temporis utriusque mysterio, nullam
esse differenliam crederetis inter diem quo udoraius
est Christus a magis, et diem quo resurrexit Christus
a moriuii. Epist. 16, pag. 233. Magna indignatione
commoveor, quod quosdam ex vobis comperi ita esse
apostolicœ iradiiionis obliios, utprœter Paschalem fes-
tivitalem, cui sala Pentecostes solemnitas comparalur,
audeant sibimet, non aliqua humanœ infirmilatis ne-
cessitate cogente, sed sola indisciplinati arbitrii liber-
tate, jus baptismatis vindicare; et innatalibus marty-
rum, quorum finis aliter honorandus est, quam dies
dominicœ Passionis, regenerationis celel/rare myste-
ria. Epist 136, pag. 355.
3 Ad prœsentem solemnitatem etiam ista nobis est
adjicienda devolio, ut jejunium quod ex apostolica
traditione subsequitur, celebremus. Serm. 74 in Pen-
tecost., pag. 159.
Sur la Foi,
fv« SIÈCLE.] CHAPITRE XI.
dixième mois ' sont de tradition apostolique,
et que c'était l'usage des apôtres ^ de faire
précéder du jeûne la pratique des autres -ver-
tus. Pendant celui du quatrième, qu'ils ont
aussi institué ^, on lisait, comme nous faisons
encore aujourd'hui, les épîtres de saint Paul :
mais quoiqu'on attribue aux apôtres l'insti.
tution des jeûnes, ils étaient établis dès l'an-
cienne loi, seulement ils ont ordonné * qu'on
en continuerait la pratique comme très-utile;
car encore que la loi nouvelle nous oblige
à plus d'fiustérités et à de pénitences plus
longues que ne le faisait celle de Moïse,
néanmoins la pratique de l'Ancien Testament
est le motif qui a obligé l'Eglise à retenir le
jeûne, croyant que c'eût été une indécence
de rejeter une chose aisée pendant qu'elle
en observe de plus difficiles ; aussi en pres-
crit-elle ^ la pratique, même de celui du ca-
rême, à tous les fidèles sans aucune excep-
tion, tous ayant besoin de ce moyen pour
effacer leurs péchés.
3. La foi de l'Eglise n'est donc suscepti-
ble d'aucune nouveauté ; ce que les prophè-
tes ^ ont annoncé, les apôtres l'ont prêché.
Incapable d'aucun changement', on ne peut
rien ajouter à cette foi, et l'on ne peut en rien
retrancher : simple de sa nature, elle cesse-
SAINT LÉON, PAPE. 249
rait d'être foi, si elle cessait d'être une, sui-
vant ce que dit l'Apôtre : Il n'y a qu'un Sei-
gneur, qu'une foi, qu'un baptême. Aussi l'a-t-on
regardée comme le meilleur rempart qu'on
puisse opposer aux ennemis de l'Eglise, parce
qu'en effet la foi catholique ' est celle que
nous avons reçue des apôtres par les saints
Pères, avec le secours du Saint-Esprit. C'esL
ce qui la rend invincible ; c'est elle qui a
vaincu le démon ^ et qui a brisé les liens de
ceux qu'il avait enchaînés; c'est elle qui ar-
rache les hommes au monde pour les con-
duire au ciel ; les portes de l'enfer ne pré-
vaudront point contre cette foi; elle est si
bien établie par la grâce de Dieu, que la ma-
lice et les efforts des hérétiques ne pourront
la renverser, la perfidie des païens ne sera
pas assez forte pour la détruire ou pour la
corrompre. La fermeté de cette foi qui a
rendu le prince "* des apôtres si recomman-
dable, durera éternellement, et de même que
ce que Pierre a cru de Jésus-Christ subsiste
toujours, ainsi ce que Jésus-Christ a établi
sur la foi de saint Pierre, subsistera éternel-
lement. La foi " catholique est la seule qui
sanctifie le genre humain, qui lui donne la
vie; c'est la pierre sur laquelle la cité de
Dieu est bâtie, et qui, par sa solidité, détruit
Epbcs. IV, S.
1 Decimi hujus mensis solemne jejunium non ideo
negligendum est, quia de observantia veieris legis as-
stimptum est. JejvMiorum enim utilitaiem Novi Tes-
tamenti gratia non removit , et continentimn corpori
atque animœ semper profuturam pia observatione
suscepit. Serra. 14, pag. 62, vide et 67.
^ Inler omnia apostolicœ instituta doctrines guœ ex
divinœ eruditionis fonte manarunt, dubium non est,
influente in Ecclesiœ principes Spiritu Sancto, hanc
primum ab eis observantiam fuisse conceptum , ut
sancti observatione fejunii, omnium viriutum régulas
inchoarent. Serm. 79, pag. 163.
' Quod in omni tempore unumquemque convenit fa-
cere christianum, id nunc sollicitius est et devoiius
exequendum, ut apostolica institutio quadraginta die-
rum jejuniis impleatur , non ciborum tantummodo
parcitate, sed privatione maxime vitiorum. Serm. 43j
pag. 108, vide pag. 113.
' Unde merilo disposuerunt apostolicœ sanctiones,
ut veterum jejuniorum utilitas permaneret, et iicet
Ecclesiœ consv.etudo prolixioribus se castigationibus
exercere didicisset, amplectereniur tamen continentiœ
sanctificationem ex lege venientem; quibus enim dona-
tum erat poste quod majus est, indecens fuit non ce-
lebrare quod minus est. Serm. 19, pag. 68.
^ Appropinquante festivitate Paschali adest maxi-
mtim sacratissimumque jejunium, quod observantiam
sui universis fidelibus sine exceptione denuntiat; quia
nemo tam sanctus est, ut non sanctior. Quis enim in
hujus vitœ constitutus incerto, aut immunis a tenta-
tione, aut liber inveniatur a culpa ? Serm. 48j pag. IIS.
^ Quod prœdicaverunt Apostoli , hoc unnuntiaverunt
prophetœ; nec sera est impletum, quod semper est
creditum. Serm. 22, pag. 74.
' Magnum prœsidium est fides intégra, fides vera,
in qua nec augeri ab ullo quidquam, nec minui po-
test; quia nisi una est, fides non est, dicenie Apos-
tolo : Unus Dominus, una fides , uuum baptisma.
Serm. 23, pag. 76. Vide et pag. 316.
8 Catho/ica fides quam instruente nos Spiritu Dei
per sanctos Patres a beatis apostolis didicimus et do-
cemus, neutrum Nestorii vel Eulycheiis subrepere per-
mittet errorem. Epist. 69, pag. 284. Facile firmabitur
probanda concordia, si m eam fidem, quam evangelicis
et apostolicis prœdicationibus declaratam, per sanctos
Patres nostros accepimus et tenemus, omnium corda
concurrant. Epist. 74, pag. 286.
9 Hœc fdes diabolmn vincit, et captivorum ejus vin-
cula dissolvit. Hœc erutos mundo inserit cœlo, et
portœ inferi adversus eam prœvalere non possunt.
Tanta enim divinitus soliditate munita est, ut eam
neque hœretica unquam perrumpere pravitas, nec pa-
gana potuerit superare perfidia. Serm. 2, pag. 52.
10 Soliditas illius fidei, quœ in apostolorum prin-
cipe est laudata, perpétua est ; et sicut permunet quod
in Christo Petrus credidit, ita permanel quod in Pe-
tro Chrisfus insiituit. Serm. 2, pag. 52.
'^ Reiigiosœ providentiœ fanmlatum divinis et œter-
nis dispositionibus persevernnter impenditis; ut scili-
cet catholica fides, quœ humanum genus sola sanctifi-
cat, in una confessione permaneat, et dissensiones quœ
de terrenarum opinionum varietate nascuntur, a soli-
ditate illius petrœ, supra quam civitas Dei œdificatur,
abigantur. Epist. 132, pag. 343.
250
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
toutes les sectes qui prennent leur naissance
dans Jes ditférentes opinions des hommes.
La foi ' en la venue du Messie, qui ne sauvait
qu'un petit nombre de fidèles dans la loi, en
sauve beaucoup plus depuis l'accomplisse-
ment de ce mystère. Sans cette foi^, il n'y a
rien de saint, rien de chaste, rien qui ait vie.
Comme elle est le principe de la justice, elle
est aussi le principe de la vie éternelle. Si la
charité soutient la foi ^, la foi réciproque-
ment fortifie la charité. Lorsque ces deux
vertus sont liées d'un lien indissoluble, elles
sont des vertus parfaites et l'on en goûte les
fruits : mais si on ne les possède pas toutes
deux à la fois, on n'en possède aucune ; elles
se donnent mutuellement de la force et de
l'éclat, jusqu'à ce que la claire vision de Dieu
nous récompense de notre foi, et jusqu'à ce
que nous voyions intuitivement, et que nous
aimions sans crainte de le perdre, celui que
nous ne pouvons aimer maintenant sans la
foi, et dans lequel on ne peut croire sans
l'aimer. Mais en quoi consiste l'excellence et
le mérite de la foi? En ce que leurs esprits
étant remplis de ses vives lumières, ils
croient '' sans hésiter ce qu'ils ne voient pas
des yeux du corps et ce qui ne frappe point
leurs sens, et qu'ils attachent leurs désirs
sur des biens qui se dérobent à leurs yeux,
n'étant pas possible que personne soit justifié
par la foi, si notre salut dépendait des choses
qui tombent sous les sens. Mais telle est
la vertu de la foi ^, qu'elle nous représente
aussi vivement les mystères que si nous en
avions été lés témoins; soit qu'on se rappelle
le passé, soit qu'on étende ses vues sur l'a-
venir, la connaissance de la vérité n'est point
retardée par la différence des temps. Le sym-
bole des apôtres ^ est la règle de notre foi,
et nous devons tâcher de convaincre notre
esprit de tout ce que nous y lisons; au con-
ti'aire,tout ce que nous lirons 'et tout ce que
nous entendrons dire de contraire à ce sym-
bole catholique et apostolique, croyons que
c'est une doctrine mortelle et une invention
du démon. Ce symbole *, qui est composé
d'autant d'articles qu'il y avait d'apôtres,
suffit pour détruire toutes les hérésies. C'é-
tait l'usage dans toutes les Eglises du monde
de le faire réciter^ à ceux que l'on préparait
au baptême ; ils le récitaient '" encore en pré-
sence de témoins, lorsqu'ils recevaient ce
sacrement.
4. Nous apprenons dans ce symbole ce que
nous devons croire des trois personnes " de la
sainte Trinité : du Père, du Fils et du Saint-Es-
Sur la Tri-
nité.
' Quod lune paucis eredenUbu^ profuit faciendum,
innumeris jam fidelihus prodesi effeclum. Serm. 23
de Nativit., pag. 75.
^ Ni/til sine illa fide sanclum, nihil castum est, ni-
hil vivum; j'ustus enim ex fide vivit. Serm. 23, pag.
76.
' Caritas robur fidei, fides fortiludo est caritatis.
Et tune verum nomen ac verus est fructus ambarum,
eum insolubilis utriusque manet comiexio. Vbi enim
non siniul fuerint, simul désuni; quia invicem sihi et
adjumentum et lumen sunt; donec desiderium credu-
litatis impleat remuneratio visionis, et incommutabi-
liter videatur et ametur, quod nunc et sine fide non
diligitur, et sine dileeiione non creditur. Serm. 44,
pag. 110.
* Mngnarum hic vigor est mentium et valde fide-
lium lumen est animarum incunclanter credere quœ
corporeo non videntur inluitu, et ibi figere deside-
rium, quo nequeas inferre conspectum. Serm. 72,
pag. 154.
^ Habet enim liane pofentiam fides vera, ut ab Us
mente non desii, quihus corporulis prœsentiu interesse
non potuit, et sive in prœteritum redeat, sive in futu-
rum se cor credentis extendat, nulla senliat mora
iemporis cogniiio veritaiis. Serm. 68, pag. 146.
^ Hoc fixum habete in animo, quod dicitis in sym-
bolo. Serm. 45, pag. 112.
' Nolite impias fabulas prœponere lucidissimœ veri-
tati, et quidquid contra regulam catholici et apostolici
sijmboli aut légère aut uudire contigerit, id omnino
mortiferum gl diabolicum judicate. Serm. 23, pag.
76.
8 Ipsa catholici symboli brevis et perfecta confessio,
quœ duodeeim apostolorum toiidem est signala sen-
tenliis, instructa est munitione cœlesti, ut omnes hœre-
ticorum opiniones solo ipsius gludio jiossint delrun-
cari. Epist. 27, pag. 249.
s Ne quidem symboli initia comprehendil Eutyches,
et quod per totum mundum omnium regenerandorum
voce depromilur, istius adhuc senis corde non cnpilur.
Epist. 24, pag. 242.
1" Quœ tanla exiitit decipienlis ashitia, ut oblili
prophelarum et apostolorum, oblili symboli saluiaris
et confessionis , quam pronuntianies corain multis
testilius, sacramentum bapiismi suscepistis, diabolicis
vos illusionibus subderetis? Epist. 97, pag. 318.
" In Trinitate divina -nihil dissimile, nihil impar
est; et omnia quœ de illa possunt substanlia cogilari,
nec virtute, nec gloria, nec œterniiate discreta sunt.
Cumque in personarum proprietalilms alius sit Pater,
alius sit Filius, alius Spiritus Saitctus; non tamen
alla deitas, nec diversa natura est. Si quidem cum et
de Paire sit Filius unigenilus, et Spiritus Sanctus Pa-
tris Filiique sit Spiritus, non sicut quœcumque crea-
tura quœ et Patris et Filii est, sed sicut cum utro-
que vivens et potens, et sempiterne ex eo quod est Pa-
ter Filiusque subsistens. Unde cum Dominus anlepas-
sionis suœ diem discipulis suis Sancti Spiritus spon-
deret adventum : Adlmc, inquit, multa habeo yobis
dicere... cum autem ille venerit Spiritus veritatis,
etc. Non ergo alla sunt Patris, alla Filii, alla Spi-
ritus Sancti; sed omnia quœcumque habet Pater
habet et Filius, habet et Spiritus Sanctus. Nec un-
quam in illa Trinitate defuit ista communio; quia hoc
[V SIÈCLE.]
prit.Laualuie divine de ces trois personnes,
qui est de soi invisible, s'est manifestée le jour
de la Pentecôte d'une manière conforme à ce
qu'elle voulait opérer; mais elle a contenu
dans la divinité la propriété de son essence.
Les yeux du corps ne peuvent voir ni le Père,
ni le Fils, ni le Saint-Esprit. Il n'y a rien d'i-
négal ni de dissemblable dans la sainte Tri-
nité ; on ne peut rien penser de cette subs-
tance divine qui ne soit parfaitement égal en
puissance, en gloire, en éternité. Quoique, dans
les propriétés des personnes, le Père soit dif-
férent du Fils , et le Fils du Saint-Esprit , ce
n'est pas cependant une nature différente,
puisque le Fils unique est engendré du Père,
et que le Saint-Esprit est l'Esprit du Père et
du Fils, non pas comme quelque créature dont
ils soient le principe; mais il subsiste et il vit
avec le Père et le Fils; il est également puis-
sant et éternel. Lorsque le Fils de Dieu, quel-
que temps avant sa passion, piomit à ses dis-
ciples de leur envoyer le Saint-Esprit, il leur
dit : Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous
fera entrer dans toutes les vérités; car il ne par-
lera pas de lui-même , mais il dira tout ce qiCil
aura entendu; il ne faut pas s'imaginer des
natures différentes dans le Père, le Fils et le
Saint-Esprit; tout ce qu'a le Père, il le donne
au Fils, et tout ce que le Fils possède , il le
donne au Saint-Esprit. Celte communication
a toujours été dans la Trinité, parce que c'est
avoir toutes choses que d'exister toujours. Il
ne faut point penser aucune succession de
temps ni aucune différence de perfections,
aucun degré de vertus. Si personne ne peut
expliquer ce que c'est que la nature divine.
CHAPITRE XI. — SAINT LÉON, PAPE.
231
personne ne doit avoir la témérité d'assurer
ce qu'elle n'est pas. Il est plus excusable de
dire d'une nature ineffable des cbosesquine
lui conviennent pas entièrement, que de lui
en attribuer de contraires. Tout ce que les
personnes de piété peuvent se figurer de l'é-
ternelle et immuable gloire du Père, elles
doivent le concevoir du Fils et du Saint-Esprit,
sans aucune distinction et sans aucune ditfé-
rence. Nous confessons que la bienheureuse
Trinité n'est qu'un seul Dieu, parce qu'il n'y
a aucune diversité de substance, de puis-
sance, de volonté et d'opérations dans les
trois personnes. La majesté du Saint-Esprit*
n'a jamais été séparée de la foute-puissance
du Père et du Fils. Tout ce que la divine Pro-
vidence opère pour le gouvernement du
monde , ce sont des actions de la très-sainte
Trinité qui agit indivisiblement. C'est la même
miséricorde qui nous fait grâce, c'est la même
justice qui nous condamne; il n'y a rien de
divisé dans l'action où il n'y a aucune diffé-
rence dans la volonté. Le Père, le Fils et le
Saint-Esprit donnent les mêmes lumières. Si
la personne de celui qui est envoyé est diffé-
rente de celle qui l'a envoyé, c'est pour nous
faire connaître l'unité de Dieu et la Trinité
tout ensemble; l'essence divine est parfaite-
ment égale, sans exclure la pluralité; ce qui
vient de la même essence ne doit pas tou-
jours être attribué à la même personne. Si,
sans parler de la coopération de la divinité,
qui est indivisible, le Père a quelques actions
qui lui sont propres , si le Fils et le Saint-
Esprit en ont de même, c'est pour concourir
à notre rédemption et pour terminer l'afi'aire
est ibi omnia habere, quod semi.er exisfere. Nulla M
iempora, nulli gradus, nullœ differentiœ coç/iientur,
et si nemo de Deo pofest explicare quod est, nemo au-
deat et affirmare quod non est. Excusabiliiis enim est
de naiura ineffabili non eloqui digna, quam definire
contraria. Quidquid itaque de sempiierna et incom-
mutahili gloria Patris pia possutit corda conciperc,
hoc siniul et de Filio, et de Spiriiu Sancto, insepara-
biliter atque indifferenter inlelligant. Ideo enim hanc
beatam Trinitatem, iinum confiiemur Deum, quia in
his tribus perscnis, nec substantiœ, nec polentiœ, née
voluntatis, nec operationis est ulla diversitas. Serm.
73, pag. 155.
1 Nunquom enim ab omnipotentia Patris et Filii et
Spiritus Sancti est discreta majesta^ ; et quidquid in
dispositione omnium rerum agit divina moderatio, ex
totius venit providentia Trinilaiis. Una est ibi beni-
gnitas misericordiœ , una ccnmrajustitiœ; nec aliquid
est in actione divisum, ubi nihil est in voluntate di-
versum. Quœ ergo illuminât Pater, illuminât Filius,
illuminai Spiritus Sancius; cumque alla sit persona
missi, atia mittentis, alla promitlentis , sin,ul nobis et
unitas manifesiatur et Trinitas; ut essentiœ habens
œqualitatem, et non recipiens solitudinem et efusdem
substantiœ et non efusdem intelligaiur esse personœ.
Quod ergo salva coopérations inseparabilis deitatis
quœdam Pater, quœdam Filius, quœdam proprie Spi-
ritus Sanctus exequUur, noslrœ redemptionis disposi-
tio, noslrœ salutis est ratio. Si enim homo ad imagi-
nem et similiiudinem Dei factus in suœ honore natu-
rœ mansisset, nec diabolica fraude deceptus a lege
sibi posita per concupiscentiam deviasset , Creator
mundi, creatura non fieret : neque aut sempiternus
temporalitatem subiret, aut œqualis Deo Patri Filius
Deus formam servi et similitudine.m carnis peccati
assumeret. Sed quia invidia diaholi, mors introivit in
orbem terrarum, et aliter solvi captivitas humana non
potuit,nisi causam nostram ipse susciperet, qui sine
mafestatis suœ damno, et verus homo fieret, et solus
peccati contagium non haberet, divisit sibi opus nos-
lrœ reparationis misericordia Trinitaiis ; ut Pater
propitiaretur , Filius propitiaret , Spiritus Sanctus
igniret. Serm. 75, pag. 159.
?52
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de notre salut. Si l'homme , créé à l'image
et à la ressemblance de Dieu, n'eût point
déshonoré son origine par le péché; si, sé-
duit par les artifices du démon, il ne se fû^
point détourné, par la concupiscence, de la
voie qu'on lui avait marquée, le Créateur du
monde ne se serait point fait créature, l'Eter-
nel n'aurait point été sujet au temps; le Fils
de Dieu, égal à son Père, ne se serait point
revêtu de la forme d'un esclave et d'une chair
semblable à celle du péché. Mais parce que
la mort est entrée dans le monde par la ma-
lice du démon , et qu'on n'a pu délivrer les
hommes de la captivité où ils gémissaient, si
le Fils de Dieu ne se chargeait de cette en-
treprise, il s'est fait homme véritable sans
rien perdre de sa dignité et sans contracter
la contagion du péché. La très-sainle Trinité
a partagé entre elle tout l'ouvrage de notre
rédemption : le Père a eu compassion de nos
malheurs , le Fils s'est chargé d'y remédier,
le Saint-Esprit a tout entlammé par le feu de
sa charité. En parlant des macédoniens *, qui
croyaient que le Saint-Esprit est d'une nature
inférieure au Père et au Fils : « Ils ne font
pas, dit-il, rétlexion que ce blasphème ne leur
sera pardonné ni dans ce monde ni dans
l'autre, selon cette parole du Sauveur : Je vous
déclare que tout péché et tout blasphème sera
remis aux hommes ; mais le blasphème contre le
Saint-Esprit ne leur sera pioint remis. Celui qui
s'opiniâtre dans cette impiété, ne peut espé-
rer de pardon, parce qu'il se prive de la source
de la grâce. Comment pourrait-il obtenir la
rémission de ses crimes , puisqu'il n'a plus
d'avocat qui puisse plaider pour lui ? Car c'est
par le secours du Saint-Esprit qu'on peut in-
voquer le Père, qu'on verse des larmes de
pénitence et qu'on pousse d'utiles gémisse-
ments. »
S. Tant que l'homme est sur la terre, il
fait des chutes continuelles. C'est un défaut
attaché généralement ^ à la nature humaine,
qui lui vient non du Créateur, mais de la pré-
varication de notre premier père , qui est
passée de lui dans ses descendants par la
voie de la génération, et qui du corps se ré-
pand jusque sur l'âme qu'elle corrompt. C'est
pour cela que le Sauveur ^ nous défend de
suivre les désirs de la chair, et qu'il nous or-
donne de suivre ceux que le Saint-Esprit nous
inspire. Etant enfants d'Adam, nous savons
assez d'oii nous viennent ces désirs, qu'il faut
toujours combattre. Depuis la révolte du père
commun du genre humain, la corruption de
la racine s'est répandue sur les branches; le
démon *, qui fit naître aux premiers hommes
le désir de manger du fruit défendu, et qui se
servit de cet attrait pour séduire leur crédu-
lité et pour leur inspirer le poison de toutes
les mauvaises concupiscences, se sert encore
tous les jours des mêmes ruses, et cherche
dans la nature corrompue les fruits de la
mauvaise semence qu'il y a jetée; il emploie
le désir de la volupté pour ralentir l'amour
de la vertu. Mais aussi cet esprit malin ^ est
dévoré d'envie lorsqu'il voit qu'on le dépouille
des droits qu'il avait usurpés, et qu'on le
chasse des cœurs dont il s'était emparé ; qu'on
lui arrache, dans l'un et l'autre sexe, une ia-
finité de vieillards, de jeunes gens, d'enfants,
et que le péché originel ni les péchés person-
Sur le Pé-
ché origiQci.
' Sicut ergo detestamur arianos... ita etiam mace-
donianos, qui licet Patri et Fi/io trihuant œqualUa-
fem, Spiriturn lamen Sanctum inferioris putant esse
naturœ; non considérantes in eam blasphemium se in-
cidere, quœ neque in prœsenti sœculo, 7ieqiie in faiuro
sit remitlenda judicio, dicenie Domino : Qui dixerit
contra Spiriturn Sanctum, non remittetur ei, etc.
Permanens itaque in hac impietate, sine venia est.
quia exclusit eam a se per quern poterat confiteri;
nec unquani perveniet ad indulgentiœ remedimn, qui
patrocinaturum sibi non habet advocatum. Ab ipso
enitn est invocatiu Patris, ah ipso sunt lacrymœ pœ-
nitentium, o.b ipso sunt gemitus supplicantium. Serm.
73, pag. 156.
^ Habet enim hoc in se generaliier humana natura,
non a creatore insitum, sed a prœvaricatore contrac-
tum, et in posteras generandi lege transfusum, ut de
corruptilAli corpnre, etiam quod animatn corrumpere
possii, oriatur. Serm. 88, pag. 173.
s Merito ergo Dominus in oratione quatn tradidit,
noluit nos ad Deum dicere ; Fiat voluntas nostra,
sed fiât voluntas tua : hoc est, non illa quam caro
incitât, sed quam Spirittis Sancfus inspirât. Vnde au-
tem hoc desiderium conceptum .ni, cui semper dcbeal
repugnari, non difficulter intelligunt. qui se Adœ fi-
lios esse noveruni, et peccante humant generis Paire
non dubitant in propagine vitiatum esse, quod est in
radice corruptum. Serm. 91, pag. 176.
' Ule enim qui ab initia primis hominibus interdicli
cibi inseruit appetitum, et maie credulis per illece-
bram edcndi, omnium concupiscentio.rum vivus infu-
dit, easdem fraudes retractare non desinit; et in na-
tura quam scit suis seminibus esse vitiatam, sationis
suœ germen inquirit, ut ad labefactanda sludia vir-
tutis, desiderium voluptaiis accendai. Serm. 85, pag.
169.
^ .Vlodo maximo dolore cruciafur. Videt se domi-
nationis suœ jure priva tum, a cordibus eo7nim quos
possidebat, expetli ; eripi sibi in utroque sexu millia
senum, millia juvenum, millia parvulorum , nec obesse
cuiquam vel proprium, vel originale peccatum, ubi
justificatio non meritis reiribuilur, sed sala gratiœ
largiiate donatur. Serm. 48, pag. 116.
[v= siÈaE.] CHAPITRE XI. —
nels ne sont point un obstacle à la justifica-
tion, qui ne se donne point au mérite, mais
par un effet de la grâce de Dieu.
6. Les blessures de l'bomme ' ne pou-
vaient se guérir que par le Fils de Dieu fait
homme , et il fallait qu'il prit un corps dans
lomiè" ^''''"' 1^ s^'" '^^ 1^ Vierge Marie , et que le Verbe
fût uni avec la chair humaine dans la même
personne. Ce mystère, que l'humanité a con-
sommé avec la divinité, a été un effet de la
bonté de Dieu ^ et de sa miséricorde ; les liens
dont nous étions enchaînés étaient si forts,
qu'ils ne pouvaient être brisés que par ce
secours. L'abaissement de la divinité nous a
élevés. Voilà le prix qu'il en coûta pour nous
racheter; c'est le remède qu'il fallait appor-
ter pour nous guérir, le moyeu de passer de
l'impiété à la justice , de la misère à la féli-
cité. Quoique toutes les opérations soient ^
communes dans l'ineffable unité de la Tri-
nité, c'est proprement la personne du Fils qui
SAINT LEON, PAPE. ' 233
s'est chargée de la rédemption du genre hu-
main : C'est par le Fils que toutes choses ont été
faites; c'est lui qui a inspiré le souffle de vie
à l'homme formé du limon de la terre. Il a
remis dans sa première dignité la nature hu-
maine, qui était déchue de tous ses droits et
qui avait été chassée du paradis. Il ne s'est
pas contenté d'en être le créateur, il a voulu
aussi en être le réformateur. Tous les mé-
rites des saints ne pouvaient affranchir de
l'arrêt de mort le genre humain; il a fallu
qu'un médecin extraordinaire vînt du ciel. Il
avait été annoncé par plusieurs signes et pro-
mis par les prophètes. Sans rien perdre de la
gloire attachée à sa divinité , il s'est revêtu
de notre chair mortelle sans en contracter la
contagion ou le péché. Lui seul est né exempt
du péché, en naissant * de la Vierge Marie.
A cela près, il ressemble aux hommes en
toutes choses. 11 été conçu du Saint-Esprit ^
dans le sein de la Vierge sa Mère, qui l'a en-
' Non aliter in humana natura sanari poterant ori-
ginalis vidnera veiusfatis, nisi de utero Virginis car-
nem sil/i assumenie Dei Verbo, in una eademque per-
sona simul et caro nasceretur et Verbum. Serm. 45,
pag. H2.
2 Talibus enim. vinculis tenebamur conslricti , ut
nisi per hune opem non possemus absolvi; humilitas
igilur divinitaiis nostra jirovectio est. Nos ianlo rcdi-
mimur pretio, nos ianto curamur impendio. Quis enim
ab impietaie ad jusiitiam, a miseria ad beatitudinem
esset recursus, nisi et justus ad impios , et beatus in-
clinaretur ad miseras? Serm. SO, pag. 119.
s In bac autem ineffabili unitaie Trinitatis, cujus
in omnibus cotimunia sunt opéra atque judicia, repa-
raiionem humani generis proprie Filii persona suscepit;
ut quoniam ipse est per quem omnia fada sunt, qui-
que plasmutum de limo ierrm kominem flatu vitcera-
tionalis animavit, idem naturam nostram ab œterni-
tatis arce dejectam, amissœ restitueret dignitati, et
cujus erat conditor, esset etiam reformator; sic consi-
lium suum dirigens in effectmn, ut ad dominationem
diaboli destruendam magis uleretur justitia rationis,
quam poteslaie virtutis. Serm. fil, pag. 135.
* Conceptus quippe est de Spiritu Sancto intra uie-
rum matris Virginis, quœ ita illum saloa virginitate
edidit quemadmodum salva virginitate concepit.
Epist. -24, pag. 243.
5 Fecunditatem enim Virginis Spiritus Sanctus de-
dit, Veritas autem corporis sumpta de corpore est...
Satva igitur proprietate utriusque naturœ et substan-
tiœ, et in unam coeunte personam suscepta est a ma-
jesiate tiumilitas. . In intégra ergo veri hominis per-
fectaque natura verus natus est Deus, totus in suis,
tolus in noslris. Nostra autem dicimus , quœ in nobis
ab initia creator condidit, et quœ repurandii mscepit.
Nam illa quœ deceptor intulit, et homo deceptus ad-
misit, nullum habuere in Saivatore vestigium; as-
sumpta est de Matre Domini natura, non culpa...
Vnus idemque est vere Dei Fitius et vere hominis Fi-
lius. Deus per id quod : In principio erat Verbum ;
homo per id quod : Verbum caro factum est, et habi-
tavit in nobis. Deus per id quod : omnia per ipsum
facta sunt : honio per id quod : factus est ex muliere,
factus sub lege. Nulivitas carnis manifestatio est hu-
manœ naturœ : partus Virginis, divinœ est virtutis
indicium. Infantia parvuli ostenditur humilitate cu-
narum; magnitudo Altissimi declaratv.r vocibus an-
gelorum. Esurire, sitire, lassescere atque dormire,
evidenter humaymyn est. Sed quinque panibus quinque
7nHlia hominum satiare, et largiri Samaritanœ aquam
vivam, cujus haustus bibenti prœstet ne ultra Jam si-
tiai ; supra dorsum maris plantis non desidentibus
ambulore, et elationes fluctuum increpata tempestate
consternere, sine ambiguitate divinum est. Sicut ergo
non ejusdem naturœ est flere miserationis affectu ami-
cum mortuum, et eumdem remoto quatriduanœ aggere
sepuliurœ et ad vocis imperium excitare redivivum ;
aut in ligno pendere, et in noctem luce conversa, om-
nia elementa tremefacere ; aut clavis transfixum esse,
et paradisi portai fidei latronis aperire : ita non
ejusdem naturœ est dicere : Ego et Pater unum su-
mus; et dicere : Pater major me est. Quamvis enim
in Domino Jesu Christo Dei et hominis una persona
sit, aliud tamen est, unde contumelia in utroque corn-
munis, aliud unde communis est gloria. De noslro
enim illi est minor Pâtre humanitas; illi est œqualis
cum Pâtre divinitas. Propter hanc ergo unitatem per-
sonœ in utraque natura intelligendam, et Filius ho-
minis legitur descendisse de cœlo, cum Filius Dei
curnem de ea Virgine, de qua est natus, assumpserit :
et rursus Filius Dei crucifixus dicitur ac sepultus,
cum hœc 7ion in divinitate ipsa, qua unigenitus con-
sempiternus et consubstantialis est Pairi, sed in natu-
rœ humanœ sit infirmitate perpessus. Vndeunigenitum
Filium Dei crucifixum et sepultum omnes etiam in
symbolo confitemur, secundum illud Apostoli : Si enim
cognovissent, nunquam Domiuum majestatis cruci-
fixissent. Cum autem ipse Dominus fidem discipulo-
rum suis interrogationilms condiret, quem, inquit,
dicunt homines esse Filium bominis? Cumque illi
254
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Gilal. IT, 4.
fanté comme elle l'avait conçu, sans préju-
dice de sa virginilé; d'où il suit que Jésus-
Christ n'a pas eu seulement la forme d'un
homme, mais un corps véritable tiré de sa
Mère. L'opération du Saint-Esprit n'a pas
empêché que la chair du Fils ne fût de même
nature que celle de la Mère ; elle a seulement
donné la fécondité à une Vierge. Ainsi l'une
et l'autre nature demeurant en son entier, a
été unie à une personne , afin que le même
médiateur pût mourir, demeurant d'ailleurs
immortel et impassible. Il a tout ce qui est
en nous, tout ce qu'il y a mis en nous créant,
et qu'il s'est chargé de réparer; mais il n'a
point ce que le trompeur y a mis. Il a pris la
forme d'esclave sans la souillure du péché;
une nature n'est point altérée par l'autre. Le
même qui est vrai Dieu est vrai homme; il
n'y a point de mensonge dans cette union.
Dieu ne change point par la grâce qu'il nous
fait; l'homme n'est point consumé par la di-
gnité qu'il reçoit. Le Verbe et la chair gar-
dent les opérations qui leur sont propres. Il
est Dieu, puisqu'il est dit : Au commencement
était le Verbe, et le Verbe était en Dieu. Il est
homme , puisqu'il est dit : Le Verbe a été fait
chair et a habité parmi nous. Il est Dieu, puis-
que toutes choses ont été faites par lui, et que
sans lui rien n'a été fait. Il est homme, né d'une
fe^nme soumise à la loi. La naissance de la chair
montre la nature humaine; l'enfantement
d'une Vierge montre la puissance divine. C'est
un enfant dans le berceau, et le Très-Haut
loué par les anges. La faim , la soif, la lassi-
tude, le sommeil, sont évidemment d'un
homme; mais il est certainement d'un Dieu
de rassasier cinq mille hommes de cinq pains,
de donner à la Samaritaine de l'eau vive afin
qu'elle n'ait plus soif, de marcher sur la mer
et d'apaiser la tempête. Il n'est pas d'une
même nature de pleurer son ami mort, et de
le ressusciter; d'être attaché à la croix, et de
changer le jour en nuit; de faire trembler les
éléments, et d'ouvrir au bon larron les portes
du ciel. Comme Dieu, il dit : Le Père et moi,
nous ne sommes qu'un. Comme homme : Le
Père est plus grand que moi; car encore qu'en
Jésus-Christ il n'y ait qu'une personne de
Dieu et de l'homme , toutefois , autre est le
sujet de la souffrance commune à l'un et
à l'autre , et autre est le sujet de la gloire
commune. C'est cette unité de personne
qui fait dire que le Fils de l'homme est
descendu du ciel, et que le Fils de Dieu a
pris chair de la Vierge; que le Fils de Dieu a
été crucifié et enseveli, comme nous le lisons
dans le symbole , quoiqu'il ne l'ait été que
dans la nature humaine. L'apôtre dit : S'ils
avaient connu le Dieu de majesté, jamais ils ne
l'auraient crucifié. Jésus-Christ demande à ses
apôtres : Et vous, qui .dites-vous que je suis?
moi qui suis le Fils de l'homme et que vous voyez
avec une véritable chair? Saint Pierre répond :
Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, le re-
connaissant également Dieu ethomrue. Après
sa résurrection , il montrait son corps sensi-
ble et palpable, avec les trous de ses plaies;
il parlait, il mangeait et habitait avec ses dis-
ciples, et en même temps il entrait les portes
fermées , leur donnait le Saint-Esprit et l'in-
telhgence des divines Ecritures , montrant
ainsi en lui les deux natures distinctes et
unies. Eutychès, niant que notre nature est
dans le Fils de Dieu, doit craindre ce que dit
Joan. s, 30.
Joan. XIV, 28.
diverses aliorum opiniones retexuissent : Vos autem,
ait, qaem me esse dicilis? Me utique, qui sum Filius
hominis , et quern in forma servi atque in veritate car-
nis aspicitis, quern esse dicitis? Vbi bealus Petrus
divinitus inspiratus et confessione sua omnibus genti-
lius profuiurus : Tu es, inquit, Christus Filius Dei
vivi. Per revelaiionem Patris eumdem et Filium Dei
est confessas et Christum. Post resurreetionem collo-
quens cum discipulis suis, et cohabitans atque conver-
sans, et pertractari se ditigenti, curiosoque contactu
ab eis quos dubietas perstringehat, admitiens, idea et
ctausis ad discipulos januis iîitroibat, et flatu suo
dabat Spiritum Sanctum, et donato i/itelligentiœ lu-
mine sanctarum Scripturarum occulta pandebat ; et
rursus vulnus lateris, fixuras clavorum, et onmia re-
centissimœ passionis signa monsirabat , dicens ut
agnosceretur in eo proprietas diuinœ humanœque na-
tures individua permanere. Quo fidei sacramento Eu-
tgches iste nimium œstimandus est vanus, qui natu-
rain nostram in unigenilo Dei, nec per humilitatem
mortalitatis, nec per gloriam resurrectionis agnovit,
nec sententiam beati apostoli et evangelistœ Joannis
expuvit diceniis : Omnis spiritus qui couiitetur Jesum
Gliristum in carne venisse, ex Deo est; et omuis spi-
ritus qui solvit Jesum, ex Deo non est, et hic est
antichristus. Quid autem est solvere Jesum, nisi hu-
manam ab eo separure naturam? Cum autem ad in-
terlocutionem examinis vestri Eutychès responderit,
dicens : « Confiteor ex duabus naturis fuisse Domi-
num nostrum ante adunationem; post adunaiionem
vero, unam naturam confiteor. r. Miror tam absurdam
tamque perversam ejus professionem, nulla judican-
iium increpaiione reprehensam , et sermonem nimis
insipieniem, nimisque blaspliemum, ita omissum, quasi
ni/lit quod offenderet essct auditum : cum tam impie
duarum nalurarum ante incarnationem unigenitus
Dei Filius fuisse dicatur, quam nefarie postquam
Verbum caro factum est, natura in eo singularis asse-
ritur. Epist. 24, pag. 243 et seq.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XL —
I joan. IV, 2. sainl Jean : Tout esprit qui confesse que Jésus-
Christ est venu dans la chair, est de Dieu; et
tout esprit qui divise Jésus-Christ n'est pas de
Dieu, et c'est l'antechrist. Car qu'est-ce que
diviser Jésus-Christ, si ce n'est en séparer la
nature humaine? Quand Eutychès dit : « Je
confesse que notre Seigneur était de deux
natures avant l'union ; mais, après l'union, je
ne reconnais qu'une nature, » il blasphème,
puisqu'il n'y a pas moins d'impiété à dire que
le Fils de Dieu était de deux natures avant
l'incarnation, que de n'en reconnaître qu'une
en lui après l'incarnation. Le Verbe ' ne s'est
point changé en chair ni en âme, puisque la
divinité est simple et immuable de sa nature,
et qu'elle demeure toujours tout entière dans
son essence sans recevoir de déchet ni d'aug-
mentalion; la chair ne s'est point non plus
changée au Verbe; mais l'une et l'autre na-
ture demeurent unies en une seule personne
qui ne souffre ni division ni confusion par la
diversité des natures, n'y ayant pas un autre
Ghi'ist né du Père, et un autre né de la Mère.
C'est le même qui est né différemment du
Père avant tous les siècles, et différemment
de la Mère à la On des siècles , afin qu'il fut
le médiateur de Dieu et des hommes. Pour-
quoi y aurait-il de l'inconvénient ou de l'im-
possibilité que le Verbe, avec la chair, fasse
SAINT LEON, PAPE. . 255
un seul Jésus-Christ, puisqu'on chaque homme
la chair et l'âme , qui sont de nature si dif-
férente , font une seule personne? Quand
Eutychès a dit qu'avant l'incarnation il y avait
deux natures , il faut qu'il ait cru que l'âme
du Sauveur avait demeuré dans le ciel avant
d'être unie au Verbe dans le sein de la Vierge,
ce qui est contrôla foi catholique; car il n'a
pas pris une humanité déjà créée, mais il l'a
créée en la prenant. L'âme de Jésus-Christ
n'est pas distinguée des nôtres par la diver-
sité du genre, mais par la sublimité de la
vertu. Sa chair ne produisait point de désirs
contraires à l'esprit; il n'y avait point en lui
de combat , mais seulement des affections
soumises à sa divinité. L'union des deux na-
tures en une seule personne ^ dans Jésus-
Christ ne détruit et ne confond aucune pro-
priété de ces deux natures, elle fait seule-
ment que leurs actions et leurs propriétés
sont communes indivisiblement à cette per-
sonne, en sorte que la chair n'agit point sans
le Verbe , ni le Verbe sans la chair. Jésus-
Christ étant près de souffrir, dit à son Père ^ :
S'il est possible, faites que ce calice passe et s'é-
loigne de moi; mais néanmoins que votre volonté
s'accomplisse, et non pas la mienne. La première
partie de cette prière témoigne de l'infirmité,
la seconde marque de la vertu. Il souhaite,
Matlh. XXYI,
sa.
' Nec Verbum aut in carnem, aut in animam ali-
gna sui parte conversiim est : cum simplex et incom-
mv.tabilis natura deilatis, tota in sua sit semper es-
sentia, nec damnuni sui reeipiens , nec augmentum :
et sic assumptam naiuram beatificant, ut glorificata
in giorificante permaneat. Cur autem inconveniens aut
impossibile videatur, ut Verbum et caro atque anima
unus Jésus Christus, et unus Dei hominisgue sit fi-
lius, si caro et anima, quœ dissimilium naiurarum
sunt, unam faciunt etiam sine Verbi inca) natione per-
sonam : cum multo sit facilius, ut hanc unitoiem sui
atque hominis deitatis prœstet potestas, quam ut
earn in substantiis suis obtineat solius humanitatis
infirmitas? ISec Verbum igitur in carnem, nec in Ver-
bum caro mutata est; sed utrumque in una manet et
unus in utroque est, non diversitute divisus, non per-
mixtione confusus, nec alter ex Pâtre, alter ex Matre :
sed idem aliter ex Pâtre ante omne principium, ali-
ter de Matre in fine sœculorum : ut esset mediator
Dei et hominum... in eo vero quod Eutychès in epis-
copali judicio auius est dicere duas in Christo fuisse
naturas ante incarnalionem, post incarnationem au-
tem, unam ; arbitror ialia loquentem hoc habere per-
suasum, quod anima quam Salvator assumpsit, prius
in cœlis sit commorata, quam de Maria Virgine nas-
ceretur, eamque sibi Verbum in utero copularit. Sed
hoc catholicœ mentes auresque non tolérant : quia
nihil secum Dominus de cœlo veniens nostrœ conditio-
uis exhibuit, nec animam enim quœ anterior extitisset,
nec carnem quœ non materni corporis accepit : natura
quippe nostra non sic assumpta est ut prius creata,
post assumeretur; sed ut ipsa assumptione crearetur.
Non alterius naturœ erat ejus caro, quam nostra; nec
alio illi quam cœteris hominibus anima est intpiraia
principio, quœ excelleret non diversitate generis, sed
sublimitate virtutis. Nihil enim carnis suœ habebat
adversum, nec discordia desideriorum gignebat compu-
gnantiam volunfatum. Sensus corporel vigebant sine
lege peccati, et veritas affectionum sub moderamine
Deitatis et mentis, nec tentabatur illecebris, nec cede-
bat injuriis. Epist. 25, pag. 246.
2 Licet ergo in uno Domino Jesu Christo vero Dei
atque hominis filio, Verbi et carnis una persono. sit,
quœ inseparabiliter atque indivise communes habeat
actiones, intelligendœ tanien sunt ipsorum opérant
qualifates... Caro sine Verbo non agit, et Verbum sine
carne non efflcit. Epiât. 134, pag. 347.
3 Patri supplicans ait : Pater, si possibile est, tran-
seat a me calix iste : verunotamen non sicut ego volo,
sed sicut tu. Prima petitio infirmitatis est, secunda
virtutis; illud optavit ex nostro, hoc elegit in proprio ;
nec enim œqualis Patri Filius omnia esse possibilia
nesciebat : aut ad suscipiendam crucem sine sua in
hune mundum descendcrat voluntate, ut hanc diver-
sarum affectionum compugnantiam perturbata quo-
dammodo ratione pateretur : sed ut suscipienlis sus-
ceptœque naturœ esset manifesta distinctio; quod erat
hominis, divinam desideravit potentiam; quod erat
Dei, ad causam respexit humanam. Superiori igitur
voluntati voluntas cessit inferior. Seim. 54, pag. 124,
236
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
comme homme , d'être délivré de la mort ; il
l'a choisie de son plein gré comme Dieu. Le
Verbe, égal à son Père, ne peut douter que
toutes choses ne soient possibles à Dieu; il
était venu au monde de son propre mouve-
ment pour souffrir la mort de la croix, mais
ces diverses atïections marquaient le trouble
de sa volonté pour faire connaître évidem-
ment la distinction de la nature humaine d'a-
vec la divinité. Ce qui était humain en Jésus-
Christ s'appuya sur le pouvoir de la divinité^
ce qui était divin eut compassion de l'huma-
nité ; la volonté inférieure céda à la volonté
supérieure. Mais chaque nature ' n'a pas tel-
lement confirmé ses attributs particuliers, que
ce fussent deux personnes distinctes. Le Créa-
teur ne s'est point tellement uni à la nature
humaine, qu'elle ne lui ait servi que comme
de demeure où il soit venu habiter. L'une et
l'autre nature se sont trouvées unies dans une
seule personne. Quoique la nature qui reçoit
soit différente de celle qui est reçue, cette diffé-
rence n'empêche pas que l'union n^en soit par-
faite, et que ce ne soit le même Fils qui recon-
naît qu'il est au-dessous de son Père par rap-
port à son l'humanité, mais il déclare qu'il lui
est égal par rapport à la divinité. L'aveugle-
ment des ariens ne leur a pas permis de voir
cette union de la créature avec le Créateur; ils
n'ont pu se résoudre à croire que le Fils fût
égal à son Père , que ce fût la même gloire
et la même substance. Ils ont fondé leurs
faux raisonnements sur les attributs qui lui
conviennent en tant qu'homme. Mais, pour
montrer que ce n'est que la même personne,
il disait : Mon Père et moi sommes une même
chose. Si on le regarde sous la forme d'esclave
qu'il a prise dans le temps pour nous rache-
ter, il est au-dessous de son Père ; mais si on
l'envisage par rapport à sa divinité , qui est
éternelle, il est égal à son Père. Les deux na-
tures ont conservé toutes leurs perfections
sans le mélange d'aucune imperfection. Si la
divinité n'empêche pas qu'il n'ait pris la forme
d'un esclave , les faiblesses de l'humanité ne
font aucun tort à la divinité.
Saint Léon , pour marquer l'union intime
des deux natures, se sert ^ du terme de mé-
lange; mais, par ce mélange, il ne veut dire
autre chose , sinon que la divinité a pénétré
pour ainsi dire toute la substance de l'âme et
du corps auxquels le Verbe s'est uni. C'est
dans deux de ses premiers sermons qu'il parle
ainsi. Il aurait sans doute usé d'autres termes
depuis que l'hérésie d'Eutychès se fut répan-
due , lui qui conseillait ^ à Théodoret d'être
extrêmement réservé dans ses expressions
lorsqu'il combattrait les nestoriens ou les eu-
tychéens,de peur qu'en attaquant une erreur,
il ne donnât dans une autre. 11 marque d'ail-
leurs * si clairement la distinction des deux
natures dans ce que nous venons de rappor-
ter, qu'on ne peut le soupçonner d'avoir erré
en ce point. Il dit nettement que le Verbe n'a
point quitté le corps et l'âme auxquels il s'est
uni .
7. On n'a jamais vu un sacrifice ^ plus
saint que celui que le véritable Pontife a offert
sur l'autel de la croix, en immolant sa propre
chair. La mort de plusieurs saints a été très-
JORO. X, i
JéFOS-Cbrist
est mort pour
tous les hom-
mes.
1 Non ita proprietaies suas tenitit utraque substan-
tia, ut personurum in eis possit esse discretio : nec sic
nalura in societatem sui crealoris est assumpfa, ut
il te liabitalor, et illa hahitaculum esset; sed ita ut
naturœ atteri altéra miscerefur. Et quamvis alia sit
quœ suscipitur, alia vero quœ suscipit; in ianlam ta-
men unitatem convertit ulriusque diversitas, ut units
idemque sit Filius, qui se et secundum quod verus est
hotno, Patri dicit minorem, et secundum quod verus
est Deus, Patri profiletur œqualem. Serm. 22, pag. 73.
^ Nec sic natura in societatem sui crealoris est
assumpta, ut ille habitator et illa habitaculum esset;
sed ita ut naturœ alieri altéra misceretur. Serm. 22,
pag. 73.
3 Unde hoc quoque nos contra hostes Ecclesiœ pro-
videre condignmn est, ut eis nullam calumniandi oc-
casionem, qaod ad nos attinet, penitus relinquamus,
nec unquam contra nestoriatios aut eutychianos agen-
tes, alteri eorum videamur terya vertisse; sed utros-
que Christi hostes cequa lance vitemus atque damne-
nus : ita ut eos quoties audientium quanlalibet possit
utiliias , cmn dogmaiibus eorum digno anathemate
prompiissime atque evidentissime feriamus: nec si hoc
a nobis aut obscurius fieri videatur, aut tardius pute-
iur invitum. Epist. 93, pag. 313.
* Natura quœ minor est pâtre, vadit ad patrem, ut
ibi sit caro, ubi semper est Verbum; et una Ecclesiœ
catholicœ fides, quem secundum humanitatem non dif-
fitetur minorem, secundum deitatcm credat œqualem.
Serm. 75, pag. 160.
^ Quod unquam sacrificium sacratius fuit, quam
quod verus pontifex altari crucis per immolationem
suœ carnis imposuit? Quamvis enim in conspectu Do-
mini multorum sanctorum pretiosa mors fuerit, nul-
lius tamen insontis occisio, propiiiatio fuit mundi.
Acceperunt justi, non dederunt coronas, et de fidelium
fortitudine exempla nata sunt patieniiœ, non dona ju;-
iitiœ; singulares quippe in singulis mortes fueruni,
nec alterius quisquam debitmn suo fine persolvit, cum
inter filios hominum solus Dominus nosler Jésus exti-
terit, in quo omnes crucifixi, omnes mortui, omnes
etiam sint suscitati; de quibus ipse dicebat : Cum
esaltatus fuero, omnia traliam ad meipsum. Fides
vera justificans impios et creans jusios ad naturœ
suœ tractât participem, in illo acquirit salulem in quo
se invenit innocentem. Serm, 61, pag. 135.
[V= SIÈCLE.]
précieuse devant Dieu, mais leur martyre n'a
point opéré la rédemption du genre humain.
Les saints ont reçu des couronnes, ils n'en
ont point donné. La force et le courage qu'ils
ont témoignés sont des exemples de patience
pour nous ; ce ne sont point des grâces qui
nous justifient. Le mérite de leur mort a été
personnel et particulier à chaque saint sans
qu'ils aient expié , en répandant leur sang,
le supplice des autres. Il n'y a eu que Jésus-
Christ dans lequel tous les hommes soient
morls et ensevelis , et avec lequel ils soient
ressuscites. C'est pourquoi il disait : Quand
on m'aura élevé de terre, je tirerai tout à moi.
La véritable foi, qui justifie les impies et qui
donne la grâce , tire sa force de celui qui a
toujours été innocent. Connaissant ' ce qui
était de son ministère , il suspendit les etiéts
de sa puissance pour permettre à ses persé-
cuteurs d'achever leur crime; s'il n'y eût pas
consenti, jamais ils n'auraient pu se saisir de
lui. Mais comment les hommes auraient-ils
pu être sauvés, s'il ne s'était abandonné à leur
fureur? C'aurait été s'opposer au mystère de
notre rédemption, d'empêcher qu'on se sai-
sit de celui qui devait mourir pour tous les
hommes. En diflférant le glorieux triomphe
de la croix, on faisait durer davantage la ty-
rannie du démon et la servitude des hommes.
Le Fils de Dieu permit donc à ses ennemis de
déployer leur fureur. Cependant il ne dédai-
gna pas de leur donner des signes de sa divi-
nité, en remettant à sa place l'oreille de ce
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
257
valet, qui en avait été séparée. Quelque in-
firme que l'on soit ^, il n'y a personne qui ne
puisse vaincre avec le secours de la croix, et
personne qui ne puisse sentir l'efiicacité de
la prière de Jésus-Christ. Si elle a été utile à
plusieurs de ceux qui le persécutaient, quels
fruits n'en retireront point ceux qui sont de
son parti? Les ténèbres de l'ignorance sont
dissipées, toutes les difficultés sont levées.
Le sang de Jésus-Christ a éteint cette épée de
feu qui défendait l'entrée de la région de la
vie.
8. Le baptême, qui est Je principal ■'' en-
tre les sacrements de l'Eglise, tire sa vertu de lémeoisescé.
rémoQies.
la mort et de la résurrection de Jésus-Clirist ;
et c'est le sacrement qui représente plus ex-
pressément l'une et l'autre. Sa mort y est
exprimée par l'abolition du péché, les trois
jours de sa sépulture par les trois immersions,
sa résurrection par la sortie de Teau. C'est
pourquoi on l'administrait * à Pâques. On y
ajoulait le jour de la Pentecôte '^ en faveur de
ceux qui n'avaient pu être baptisés à Pâques,
soit parce qu'ils étaient en voyage ou ma-
lades, soit pour quelqu'autre empêchement,
parce que la descente du Saint-Esprit est la
suite de la résurrection du Sauveur. D'où
vient que saint Pierre baptisa trois mille per-
sonnes le jour de la Pentecôte. C'était donc
l'usage de ne baptiser qu'en ces deux jours,
et non pas en celui de l'Epiphanie ^, suivant
l'abus qui s'en était glissé en quelques Eglises,
encore ne baptisait-on à Pâques et à la Pen-
1 Dominus sciens quid magis mysierio suscepto
conveniret, in hac potestale non perstitit. Sed perse-
cuiores suos in facuUatem dispositi sceleris redire
permisit. Nam si teneri nollet, non utigue ieneretur;
sed guis hominum satvari possef, si ille non sineret
se comprehendi ? Contra sacramentum enim eral re-
demptionis nostrœ, ut gui mori pro omnibus venerat,
capi nollet, ne dilata gloriosœ crucis iriumpho, et
dominatio diabolica fieret longior, et eaptivitas hu-
mana diuiurnior. Bat ergo in se fureniibus licentiam
sœviendi, nec tamen etiam talibus dedignafur se indi-
care divinitas. Aurem servi jam ipsa seciione demor-
tuam in sedem revocat manus Christi. Serm. 50,
pag. 119.
^ Nulli infirmorum crucis est negata Victoria : nec
quisguam est cui non Christi auxiliatur oraiio. Quœ
si in multis in ipsum sœvientibus profuit, qaanto ma-
gis eos, qui ad ipsum convertentur, adjuvit? Sublata
est ignorantia, temperata est difficultas, et ign'eam
illam, qua vitœ regio erut interctusa, romphœam sa-
cer Christi sanguis exlinxii. Serm. 62, pag. 137.
3 Baplisma iiiter sacramenta Ecclesiœ principale est .
Epist. 16, pag. 233.
' In morte crucifixi et in resurrectione mortui, po-
tentia baptismatis novam creaturam condit ex veieri...
X.
in baptismatis rcgula et mors intervenu interfectione
peccati, et sepulluram triduanam imitatur trina de-
mersio, et ab aguis elevatio resurgeniis instar est de
sepulcro. Ibid., Epist. 334.
° Additur huic observantiœ, etiam Pentecostes ex
adventu Spiritus Sancti sacraia solemnitas , guœ de
Paschalis fesii pendet articula. Et cum ad alios dies
alla festa pertineant , hœc semper ad eum diem qui
resurrectione Domini est insignis, occurrit : porrigens
quodammodo auxilianiis gratiœ manum, et eos quos
a die Paschœ aut motestia infirmitaiis, aut longinqui-
tas itineris, aut navigationis difficuHas inierclusit,
invitans, ut guibuslibet necessitatibus impediti, deside-
rii sui effectum dono Sancti Spiritus conseguantur...
hoc autem nos non ex nostra persuasione defendere,
sed ex apostolica auctoritate servare, satis idoneo pro-
bamus exempta, sequentes beatum Petrum, gui in ipso
die gua omnem credentium numerum promissus Spi-
ritus Sancti replevit aduentus, trium millium popu-
lum, sua prœdicatione cotiversum, lavacra baptismatis
consecravit. Epist. 16, pag. 234.
s Cum mihi ianotuerit vos baptismi sacramentum
numerosius in die Epiplianiœ, guam in Paschali tem-
pore celebrure, miror vas tam irrationabilem novita-
tem usurpare potuisse. Ibid., pag. 233.
il
238
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tecôte que ceux ' que l'on avait choisis, après
les avoir exorcisés , examinés , sanctifiés par
les jeûnes et préparés par de fréquentes ins-
tructions. Ces deux jours étaient les seuls lé-
gitimes pour ceux qui étaient en santé et en
liberté; mais on baptisait en tout temps ^ en
cas de nécessité , comme en péril de mort,
pendant un siège, dans la persécution, dans
la crainte de naufrage. La raison d'adminis-
trer 3 le baptême le jour de l'Epiphanie était
que Jésus-Christ avait été baptisé ce jour-là.
Mais ce fait n'était pas certain. D'ailleurs,
Jésus-Christ n'avait reçu que le baptême de
saint Jean, et cela pour accomplir toute jus-
tice, comme il avait été circoncis et avait pra-
tiqué les cérémonies légales, au heu qu'il
institua le sacrement du baptême à sa mort,
par l'eau qui coula de son coté avec le sang.
Saint Léon compare le bain sacré du baptême
au sein de la Vierge où le fruit de vie fat
conçu. Le Saint-Esprit * répand sa vertu sur
l'eau da baptême , comme il la répandit sur
le sein d'une Vierge pour la rendre féconde.
Cette manière de concevoir, pure et miracu-
leuse, bannit le péché, comme l'eau l'efi'ace
dans le baptême ; mais ce sacrement n'efi'ace
que les péchés : il n'ôte point la bigamie '', le
mariage contracté avant le baptême ne pou-
vant non plus se dissoudre que celui que l'on
contracte depuis. Celui qui ne vit pas ^ con-
formément à la profession de foi qu'il a faite
dans le baptême s'accorde mal avec Dieu ; il
ne se souvient plus du pacte qu'il a fait, il
s'attache aux choses auxquelles il a renoncé,
parce qu'il s'éloigne des principes de la
créance. La réitération du baptême étant un
crime ' inexpiable, on ne doit donner le bap-
tême qu'à ceux dont on n'a point de preuves
qu'ils l'aient reçu, comme à ceux qui ont été
abandonnés jeunes par leurs parents qui
étaient chrétiens, ou qui ont été pris si jeunes
par les ennemis, qu'ils ne savent s'ils ont été
baptisés, ni s'ils ont reçu l'eucharistie. Mais
pour ceux qui ont été baptisés par les héré-
tiques , il ne faut point les rebaptiser, mais
seulement les réunir à l'Eglise par l'imposi-
tion des mains avec l'invocation du Saint-
Esprit, c'est-à-dire par le sacrement de con-
firmation.
9. Ceux donc qui n'ont été baptisés qu'une
fois, mais par les hérétiques, doivent être
seulement confirmés ^ par l'imposition des
SnrhC
firntaLica.
' His itaque evidenter agnoscitis, in baptizandis
eledis, qui secundum apostolicam regulam, et exor-
cismis scrutandi, et jejuniis sanctificandi, et frequen-
tibus suni prœdicationihus imbuendi , duo tantum
iempora, id est Pascha et Peniecosien, esse servanda.
Ibid., pag. 235.
2 Ita ad lias diias festivitates connexas sibimet at-
que cognatas, incolumium et in pacis securitaie de-
gentium libéra vota differimus, ut in mortis periculo,
in obsidionis discrimine, in persecationis angustiis,
in timoré naufragii, nullo tempore, hoc verœ salufis
singulare prœsidium cuiquam denegemus. Ibid., pag.
235.
8 Si quis autem Epiphaniœ festivitatem ob hoc exis-
timat privilegium habere baptismaiis, quia hoc qui-
dam putant quod in eodem die Dominus ad baptis-
mum sancti Joannis accesserit, sciât illius boptismi
aliam gratiam, aliam fuisse rationem, nec ad eam-
dem periinuisse virtutem qua per Spiritum Sanctum
renascuntur, de quibus dicitur : Qui non exsanguine,
etc. Dominus enim nullius indigens remissione peccati
^ic voluit baptizari , quomodo vnluit circumcidi...
Baptismi autem sui in se condidit sacramenium... et
tmic regenerationis potentiam sanxif , quando de laiere
ipsius pi'ofluxerunt sanguis redemptionis et aqua bap-
tismaiis. Epist. 16, pag. 235.
* Cujus spiritalem originem in regeneratione quis-
que conseguitur, et omni homini renuscenti aqua bap-
tismaiis instar est uteri virginaiis, eodem Spiritu
Sancto replente fontem, qui replevit et Virginem, ut
peccatum quod ibi vacuavit sacra conceptio, hic niys-
tica toll.at ablutio. Serm. 23, pag. 76.
s Nec se quisquam credat passe ad sacerdotium
pervenire, qui uxorem antequam Christi gratiam con-
sequeretur accepit; qua déficiente alteram post bap-
iismum conjunxerit sibi. Cum negari illa uxor non
possit, nec prioris conjugii numerus aboliri; et eorum
ita sit pater fitiorum , quos ante baptismum ex illa
susceperit, quemadmodum et illorum quos ex altéra
post baptismum cognoscitur suscepisse. Sicut enim
peccata per lavacrum baptismatis abolentur, ita quœ
sunt legis prœcepto concessa vel licita non delentur.
Epist. 4, pag. 212.
s Non concordat Deo, qui ab ea quœ in regeneratione
sua edidit, professione dissentit, et divini iiyirnemor
pacti, inhœrere ostenditur renuntiatis, dum recedere
invenitur a crediiis. Serm. 62, pag. 137.
' Cum baptismi sui nihil recordetur, qui regenera-
tionis est cupidus, nec alter attestari de eo possit, qui
sciât consecratum, nihil est in quo pussit peccatum
obrepere cum in hac parte conscietitice suœ nec ille
reus sit qui consecratur, nec ille qui consecrat. Sci-
mus quidem inexpiabile esse facinus quoties contra
sanctorum Patrum insiituta cogitur aliquis lavacrum,
quod regenerandis semel est tributum, bis subire ; sed
in hoc nihil simile formidatur, quoniam non potest
in iterationis crimen ventre, quod factum esse om-
nino nescitur... quod si ab hœreticis buptizatum fuisse
quempiam constiterit, erga hune nullalenus sacramen-
tum regenerationis iteretur : sed hoc tantum quod
ibi defuit conferatur, ut per episcopalis manus impo-
sitionem virtutem Spiritus Sancti consequatur. Epist-
135, pag. 355.
8 Cujus ablulio nulla iferatione temeranda est, se'd
sola Spiritus sanctificatio invocanda est : ut quod a!i
hœreticis nemo accipit, hoc a catholicis sacerdotibus
consequatur. Ibid , et pag. 341, Epist. 129.
[V^ SIÈCLE.]
mains de l'évêque, avec l'invocation du Saint-
Esprit, pour recevoir la sanctification que les
hérétiques ne donnent point.
10. Comme c'était l'usage de conférer en
même temps les sacrements de baptême, de
conBrmation et d'eucliaristie, saint Léon, dans
sa lettre au clergé et au peuple de Gonstanti-
nople ' , apporte entre au très preuves de l'Incar-
nation, le sacrement de l'Eucharistie, oùles en-
fants mêmes reconnaissent de leur Ijouche la
vérité du corps et du sang de Jésus-Christ,
parce qu'alors les enfants, en le recevant,
répondaient Ame7i, comme les autres. [1 ap-
pelle l'eucharistie, sacrifice, et exige de ceux
qui s'en approchent une foi constante en la
présence réelle du corps et du sang de Jésus-
Christ. (( Le sacrifice est pur -, dit-il, et les
charités sont saintes quand on n'a point de
sentiments contraires à la saine doctrine ;
puisque le Sauveur du monde a dit : Si vous
ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si
vous ne buvez son sang, vous n aurez point la
vie en vous, vous devez approcher de la table
sacrée avec une telle disposition, que vous
n'ayez aucun doute sur la réalité du corps et
du sang de Jésus-Christ. On prend avec la
bouche ce qu'on croit par la foi. C'est en
vain que ceux-là répondent Amen, qui dis-
putent contre la vérité de ce qu'ils reçoivent.
L'effet de la participation ^ du corps et du
sang de Jésus-Christ est de nous transformer
en ce que nous prenons. » Les manichéens *
CHAPITRE XL — SAINT LÉON, PAPE.
259
assistaient k la célébration des saints mys-
tères pour cacher leur infidélité, et se com-
portaient de telle sorte dans la communion,
qu'ils présentaient une bouche infâme pour
recevoir le corps de Jésus-Christ; mais ils évi-
taient de recevoir son sang précieux, comme
s'ils eussent eu peur qu'on ne les reconnût
pour ce qu'ils étaient. C'était un sujet de
consternation dans une Eglise, lorsque, par
la violence de ses ennemis, le sacrifice ^ de
l'autel et les autres mystères y étaient inter-
rompus, et que l'on ne pouvait y consacrer
le saint chrême. Quand le peuple venait à
l'église ^ en si grand nombre, qu'il ne pou-
vait y tenir ensemble , on ne faisait point de
difficulté de réitérer le sacrifice autant de
fois que l'église dans laquelle on devait l'of-
frir était remplie de peuple.
il. Par l'abondance de la miséricorde de
Dieu ', nous avons deux moyens d'effacer
nos péchés ; l'un est le baptême, l'autre est
la pénitence. Celui-ci nous est accordé pour
obtenir la rémission des fautes que nous
avons commises depuis notre régénération ;
mais nous n'en obtenons le pardon qu'en
nous jugeant nous-mêmes de notre propre
bouche et par les supplications des prêtres.
Car c'est à eux que le médiateur de Dieu et
des hommes, Jésus-Christ, a donné le pouvoir
d'admettre à la pénitence ceux qui confes-
sent leurs péchés, et de les faire entrer par
la réconciliation dans la participation des sa-
1 In quo hacienus desidiœ torpoi'e jacuere! Ul nec
audihi discerent, vel hctione cognoscerent guod in Ec-
clesia Domini in omnium ore tam consonum est, ut nec
ab infantium linguis verilas corporis et sanguinis
ChrisU inter communionis sacraitienfa faceatur. Quia
in illa mystica distributione spiritalis alimoniœ hoc
impartitur, hoc sumitur : ut accipientes virttitem cœ-
lestis cibi in carnem ipsius, qui caro nostra factus
est, transeamus. Epist. 46, pag. 260.
2 Tune et sacrifleii oblatiq munda est, et miseri-
cordiœ sancta largitio, quando ii qui ista dependunt,
quod operantur intelligun(; nam dicente Domino :
Nisi manducaverilis caruem Filii, etc.; sic sacrœ mensœ
communicare debetis, ut nihil prorsus de veritate
corporis Christi et sanguinis ambigatis. Hoc enim ore
sumitur, quod fide credilur : et frustra ab illis Amen
respondetur, a quibus contra id quod accipitur, dis-
putatur. Serm. 89, pag. 175.
2 Non enim aliud agit participatio corporis et san-
guinis Christi, quam ut in quod sumimus transeamus,
Serm. 63, pag. 139.
4 Cum ad tegendum infidelitatem suam nostris au-
deant adesse mysteriis, ita in sacramentorum commxi,-
nione se tempérant, tit interdum, ne penitus latere non
poisint, ore indigna Christi corpus accipiant, sangui-
nem autem redemptionis nostrœ haurire omninu dé-
diaient. Serm. 41, pag. 106.
5 Intercepta est sacrificii oblatio , defecit chris-
matis sanctificatio , et parricidalibus manibus im-
piorum omnia se subtraxere mysteria. Epist. 125,
pag. 337.
^ Cum solemnior quœque festivitas conventum populi
numerosioris indixerif, quam recipere simul basilica
una non possit, sacrificii oblatio indubitanier iteretur :
ne his tantum admissis ad hnnc devotionem, quiprimi
advenerint, videatitur hi qui postmodum confluxerint ,
non recepti : cum plénum pietatis ac rationis sit ut
qiioties basilicam in qua agitur, prœsentia novœ pie-
bis impleverit, toties sacrificium subsequens offeratur.
Epist. 11, pag. 221.
"^ Multiplex misericordia Dei ita lap.nbus subvenit
humo.nis, ut non solum per baptismi gratiam, sed
etiam per pœnitentiam medicinam spes vilœ repareiur,
ut qui regenerationis dnna violassent, proprio se judi-
cio condemnantcs ad remissionem criminum perveni-
rent : sic divinœ bonitatis prœsidiis ordinatis, ut in-
dulgenfia Dei nisi supplicationibus sacerdotum nequeal
obtineri : mediator enim Dei et liominum homo Chris-
tiis Jésus hanc prœpositis Ecclesiœ tradidit potesia-
tem, et ut confitentibus actionem pœnitentiœ darent,
et eosdem salubri satisfactione purgatos ad commu-
nionem sacramentorum per januam reconciliationis
udmitterent. Epist. 83, pag. 302.
260
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
crements après une satisfaction salutaire. Ce
remède * n'est que pour les vivants et ne
peut être appliqué aux morts, qui l'ont né-
gligé pendant leur vie ; mais tant que la vie
dure, nous ne pouvons mettre des bornes à
la miséricorde de Dieu, et nous devons ac-
corder la satisfaction et la récoriciliation à
tous ceux qui la demandent, même dans le
péril et à l'extrémité de la vie, pourvu que
la conversion soit véritable. Nous ^ ne devons
pas être difficiles dans la dispensation des
dons de Dieu^ ni mépriser les larmes de ceux
qui s'accusent; au contraire, nous devons
croire que c'est Dieu qui inspire la péni-
tence.
Saint Léon blâme ^ ceux qoi remettent
leur conversion à la mort, et qui différent
jusque-là de satisfaire pour leurs péchés. Il
leur fait voir qu'en employant le temps pré-
sent à la pénitence, ils sont bien plus sûrs
d'obtenir l'indulgence de leurs fautes, que de
renvoyer cette pénitence et leur conversion
h quelques peu d'heures où ils n'auront
peut-être ni le loisir de confesser leurs pé-
chés, ni le temps d'être réconciliés par un
prêtre. Il décide que lorsque dans l'extrémité
un fidèle perd la parole, il suffit qu'il donne
des marques d'une connaissance entière, ou
que des personnes dignes de foi témoignent
qu'il a demandé la pénitence, pour que le
prêtre lui accorde le bienfait de la réconci-
liation, en observant toutefois les règles
prescrites par les saints pères à l'égard de
ceux qui ont offensé Dieu en renonçant à la
foi. C'était à Pâques * que se faisait ordinai-
rement la réconciliation solennelle des péni-
tents, et que l'empire du démon était détruit
par la puissance de la croix.
Voici quelques règles que saint Léon pres-
crit sur la manière dont on doit se conduire
envers les pécheurs qui demandent la péni-
tence. « Ceux qui la demandent^ en maladie,
et ne veulent pas l'accomplir étant revenus
en santé, ne doivent pas être abandonnés ;
il faut les exhorter souvent, et ne désespérer
du salut de personne tant qu'il est dans cette
vie. Il faut user de la même patience à l'é-
gard de ceux qui, pressés du mal, demandent
la pénitence, et la refusent quand le prêtre
est venu ; si le mal leur donne quelque re-
lâche, et qu'ils demandent ensuite la péni-
tence, on ne doit pas la leur refuser. Ceux
qui reçoivent la pénitence ^ h l'extrémité, et
meurent avant d'avoir reçu la communion,
c'est-à-dire la réconciliation, doivent être
laissés au jugement de Dieu qui pouvait dif-
férer leur mort. Mais on ne prie point pour
eux comme morts hors de la communion de
l'Eglise. Les pénitents doivent s'abstenir de
plusieurs choses même permises. Ils ne doi-
' Si auteni nliquis eormn pro quitus Domino sup-
plicmnus, quocumque intercepius obstaculo a munere
prœsentis indulgeniiœ exciderit , et priusquam ad
constituta remédia perveniat, temporalem vitam hu-
mana conditione finierU, quod manens in corpore non
recepii, consequi exutus carne non poterit... His au-
tem qui in tempore necessifatis et in periculi urgentis
inslantia, prœsidium pœnitentiœ et mox reconciliulio-
nis implorayit, nec salisfactio interdicenda est, nec re-
conciliatio deneganda , quia iniseHcordiœ Dei nec
mensuras possumus ponere , nec tempora definire ,
apud quem nullas patitur veniœ moras vera conversio.
Ibid.
^ In dispensandis ilaque Dei donis non debemus esse
difficiles, nec accusantium se lacrymas gemiiusque
negligere, cum ipsam pœnitendi off'ectionem ex Dei
crcdamus inspiiratione conceptam. Ibid.
3 Oporlet unmnquemque christianum conscientiœ
sues hahere judicium, ne converti ad Deum de die in
diem différât, nec saiisfactionis sibi tempus in fine
vitœ suce constituât ; quia periculose hac se condi-
tione fragilitas et ignorantia humana concludit, ut
adpitucarum horarum se reservet incertum, et cum
passif pleniore satisfactione indulgentiam promereri,
illius femporis angustias eligat, quovix inveniat spa-
tium, vel confessio pœnitenlis, vel reconciliaiio sa-
cerdotis. Verum etiam talium necessitati ita auxilian-
dum est, ut et actio illis pœnitentiœ et communionis
gratia, si eam etiam amisso vocis officia per indicia
integri sensus postulant, non negetur. At si aliqua
œgriiiidine ita fuerint aggravait, ut quod paulo anie
poscebant sub prœsentia sacerdotis significare non va-
leunt, iestimonia eis fidelium circumstantium pro-
desse deliebunt, ut simul pœnitentiœ et reconciliationis
beneficium consequentur : servata tamen régula cuno-
num paternorum circa personas eorum qui in Deum a
fide discedendo peccai'uyit. Ibid.
"> Lapsos videt diabolus pœnitentiœ lacrymis ablui
et portas misericordiœ apostolica clave reserante ad
remédia reconciliationis admitti. Sentit insuper diem
passionis dominicœ instare et se illius crucis poteslate
conteri, quœ in Christo redemptio fuit mundi, non
pœna peccati. Serm. 48 in Quadrogesim., pag. 116.
^ Pœnitentia quœ dilata est cum studiosius petila
fuerit, non negetur, ut quaquo modo ad indulgeniiœ
medicinam anima vulneraia perveniat. Epist. 2, pag.
20S. Culpanda es/ eorum negligentia qui in œgritu-
dine pœnitentiam recipiunf, et cum revaluerint, agere
eam nolunt, sed non penitus deserenda : ut crebris, co-
horlationibus incitati, quod nécessaire expeiieruni, fi-
deliter exequantur. Nemo enim desperandus est,
dum in hoc corpore constitutiis est. Ibid., pag. 207.
^ Qui anima jam déficientes pœnitentiam accipiunt,
et ante communionem moriuntur, horum causa Dei
judicio reservanda est, in cujus manu fuit, ut talium
obitus usque ad communionis remedium differreiu,r.
Nos nutem quibus viventibus non communicavimus,
inortuis communicare non possumus. Iliid.
[V^ SIÈCLE.]
vent ' pas plaider, s'il est possible, e t s'adresser
plutôt au juge ecclésiastique qu'au séculier.
Ils doivent - perdre plutôt que de s'engager
au négoce toujours dangereux. Il ne leur est
point permis ^ de rentrer dans la milice sé-
culière, ni de se marier, si ce n'est que le
pénitent soit jeune et en péril de tomber
dans la débauche; encore ne lui accorde-t-on
que par indulgence. On purifiait * par les
jeûnes et par l'imposition des mains ceux
qui, étant pris par les païens, avaient vécu
comme eux de viandes immolées ; mais s'ils
avaient adoré des idoles et commis des ho-
micides ou des fornications, on les mettait en
pénitence publique, dont on '" proporlionnait
la durée sur la douleur que les pénitents té-
moignaient de leurs crimes, et non sur les
canons, la prudence voulant que dans des
choses de discipline, l'on s'accommodât au
temps. »
12. Suivant la tradition apostolique ^, on
ne mettait point les prêtres en pénitence pu-
blique ; on ne leur en imposait que de se-
crètes. Il en était de même des diacres. La
CHAPITRE XL — SAINT LEON, PAPE.
261
loi de la continence ^ est la même pour les
ministres de l'autel, c'est-à-dire pour les dia-
cres et les sous-diacres ^, que pour les évo-
ques et les prêtres. Ils peuvent, étant laïques
ou lecteurs, se marier et avoir des enfants ;
étant élevés à un degré supérieur, ils ne doi-
vent point quitter leurs femmes, mais vivre
avec elles comme s'ils ne les avaient point.
Il n'est pas permis ' d'élever à la prêtrise ni
un néophyte, ni un laïque, étant nécessaire
d'éprouver dans les ordres inférieurs ceux
qui doivent être élevés aux ordres supé-
rieurs, afin de s'assurer non-seulement de
leur capacité, mais aussi de leur humilité. Les
bigames '"doivent être exclus de l'épiscopat,
de la prêtrise et même du diaconat. Sous le
nom de bigames, on comprend ceux qui ont
épousé des veuves. Dans chaque Eglise on
donnait " le rang aux prêtres selon le temps
de leur ordination, et on ne permettait pas à
un ancien de céder sa place à un plus jeune.
On ne permettait '^ pas d'élever au plus haut
degré du sacerdoce des gens de condition
servile, ou qui n'étaient point de bonnes
1 lllicitorum veniam postulaniem oportet a muliis
etiam licitis ahstinere... unde si pœnitms liabel eau-
sam qiiam negligere forie non debeat, melius expetit
ecclesiasticum quam foreuse judicium. Ibid. , pag.
208.
2 Qualitas lucri negotiantem aut excusai aut arguit :
quia est et honestus quœstus et turpis. Verumtamen
pœnitenti utiliiis est dispendiu pati, quam periculis
negotiationis adstringi : quia difficile est inter emen-
tis vendentisque commercium non inteivenire pecca-
ium. Epist. 2, pag. 208.
3 Contrarium est omnino ecclesiasticis regulis post
pœnitentiœ actianem redire ad militiam sœcularem.
Ibid.
* Si' convivio solo geniilium et escis immolatitiis
usi sunt, possunt jejaniis et manus impositione pur-
gari; si aulem aut idola adoraverunt, aut homicidiis
vel fornicationibus contavnnati sunt, ud communia,
nem eos, nisi per pœnitentiam publicam, non oportet
admitti. Ibid., pag. 209.
5 Quœ pœnitentia non iam temporis longitudine,
quam cordis compunctione pensanda est. Epist. 129,
pag. 341.
" Alienum est a consuetudine ecclesiastica, ut qui
presbyteruli honore aut in diuconi gradu fuerint con-
secrati, ii pro crimine aliquo suo per manus imposi-
tionem remedium accipiant pœniiendi : quod sine du-
bio ex apostolica tradilione descendit. Unde hujus-
modi lapsis ad promerendam misericordium Deipri-
vata est et petenda secessio, ubi illis satisfuctio, si
fuerit dignu, sit etiam fruciuusa. Epist. 2, pag. 205.
' Lex conlinentiœ eadem est ministris altaris, quœ
episcopis algue presbyleris ; qui cuni essenl laici sive
leclores, licite et uxores ducere, et filios procreare po-
tuerunt; sed cum ad prœdictos gradus pervenerunt,
cœpit eis non licere, quod licuit. Ibid.
8 Ad exhibendam perfeciœ conlinentiœ puritatem,
nec subdiaconis quidem connubium carnale concedilur. . .
quod si in hoc ordine, qui quartus a capite est, di-
gnum est custodiri; quanlo magis in primo aut se-
cundo vel tertio servandum est : ne aut levilico, aut
presbylerali honore, aut episcopali excellentiœ quis-
quam idoneiis exislimetur, qui se a voluptate uxoria
necdum frœnasse delegilur. Epist. 12, pag. 223.
9 Qui ordinandus est, etiamsi bonœ vitœ lestimonium
liabeat, non laicus, non neophytus, nec secundœ con-
jugis sit maritus. Ibid., pag. 223.
ï" Eos vel qui secundas nuptius inierunt vel vidua-
runi se conjugio sociarunt, nec apostolica, nec legalis
auctorilas sacerdotium obtinere permiltit. Epist. i,
pag. 205.
" Cognovimus apud te presbyterii ordinem fuisse
turbalum, ita ut unius feslina et immatura pervectio,
quœdam eorum dejeclio fada sit, quorum œtas ordi-
nem commendabat, cœteris omnibus in eo ordine ma-
nentibus quem cuique tempus ordinationis adscripsit.
Epist. 18, pag. 236.
'2 Adniiiiuntur passim ad ordinem sacrum quibus
nulla natalium, nulla morum dignitas suffragatur ;
et qui a dominis suis libertalem consequi minime po-
tuerunt, ad fastigium sacerdotii tanquam servitis vili-
tas hune honorem capiat provehuntur : duplex in hac
parte reaius est, quod et sacrum minislerimn talis
consortii vilitate polluilur, et dominorum jura sol-
vuntur. Ab his omnes provinciœ vestrœ sacerdotes
abslineant; et non tantum ab his sed ub illis etiam
qui aut origini aut alicui conditioni obligali sunt,
volumus lemperari, nisi forte eorum petitio aut vo-
lu.nias accesserit, qui aliquid in eos sibi vindicant
poleslatis. Epist. 3, pag. 210. Vide et pag. 203 et
218.
262
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
mœurs, ou qui étaient engagés à des devoirs
incompatibles avec le service de l'Eglise. Il
fallait, pour ordonner des esclaves, qu'ils fus-
sent mis auparavant en liberté par leurs maî-
tres. Afin qu'on connût mieux la naissance
et le mérite des sujets qu'on voulait élever '
à l'épiscopat, le clergé et le peuple devaient
avoir part à leur élection, et onue leur don-
nait point pour évèque ^ celui qu'ils ne vou-
laient pas, ou pour qui ils témoignaient de
la répugnance, de crainte qu'il ne fût ou haï
ou méprisé de spn peuple. Les deux quali-
tés 3 les plus essentielles à un évèque sont la
piété et le talent d'annoncer la parole de vé-
rité. Leurs ordinations se faisaient * par le
métropolitain un jour de dimanche ^. On fai-
sait le même jour les ordinations des prêtres
et des diacres, et il fallait que ceux qui don-
naient l'ordre et ceux qui le recevaient ^ fus-
sent à jeun. Les évêques avaient coutume de
célébrer annuellement le jour de leur exal-
tation au pontificat avec plusieurs de leurs
confrères. On oignait ^ celui que l'on ordon-
nait évèque, et on chantait pendant la céré-
monie de son ordination ^ le psaume cix".
Quelque désir qu'ait un évèque de vivre dans
le repos et dans la retraite, il ne doit ^ point
abandonner l'Eglise qu'il s'est chargé de
gouverner, mais garder courageusement son
poste et se confier au secours de celui qui a
promis de ne le point abandonner. Il ne doit
pas non plus '" quitter son évéché pour en
prendre un autre ; ou il doit les perdre tous
deux, surtout lorsqu'il fait ce changement
par un motif d'intérêt ou d'ambition, en pas-
sant d'une ville médiocre à une beaucoup
plus grande. Ce n'est pas ** la foi seule qui
fait le vrai évèque, il faut qu'elle soit accom-
pagnée des œuvres. L'ignorance '^ ne peut
lui servir d'excuse légitime. Comme il ne lui
est point permis *3 d'ignorer les canons de
l'Eglise, il doit ** aussi avoir soin de les faire
observer et de les observer lui-même, y
étant '^soumis comme les autres. Quoique la
dignité épiscopale '" soit la même dans tous
les évêques, et qu'elle leur soit donnée de
Dieu, ils ne sont pas tous au même degré ;
en sorte que, pour conserver l'union, il est
besoin qu'il y ait entre eux de la subordina-
tion, et que les évêques soient soumis à leurs
métropolitains, les métropolitains aux évê-
ques des grandes villes, et ceux-ci au pape.
Cette distinction a tiré son origine de celle
qui était dans le collège des apôtres. Ils
1 Metropolitano hoc licere non permittimus, ut sua
tantum arbitrio, sine cleri et plebis assensu, quem-
quam ordinet sacerdotem , sed eum Dei Ecelesiœ prœ-
ficiat, quem totius civitatis consensus elegerit. Epist.
13, pag. 225.
2 Nullus invitis et non petenttbus ordinetur, ne ci-
vitas episcopum non optatum aut contemnat aut ode-
rit. Epist. 12, pag. 223.
8 Pietate et recta prœdicatione verbi nihil honora-
bilius sacerdoti. Epist. Flavian. ad Leonem , pag.
240.
' Is sibi vindicet ordinationem sacerdûtis, quem il-
liiis provinciœ metropolitanum esse consfiferit. Epist.
9, pag. 218.
^ Non passim, sed die légitima ordinatio celebretur;
nec sibi comtare status sut noverit firmitatem, qui non
die sabbati vespere vel ipso dominico die fuerit ordi-
natus. Solum enim majores nostri resurrectionis do-
minicœ diem hoc honore dignum judicaveruni, ut sa-
cerdot.es qui sumuntur hoc die potissimum tribuan-
iur. Epist. 9j pag. 219.
^ Non passim diebus omnibus sacerdotalis vel levi-
tica ordinatio celebretur : sed post diem sabbati ejus
noctis quœ in prima sabbati lucescit exordia deligan-
tur, in quibus hi qui consecrandi sunt jejuniis, et a
jejununtibus sacra benedictio conferatur. Epist. M,
pag. 220.
' Non prœrogativa terrena originis obtinet unctio-
tiem, sed dignalio cœlestis graiiœ gignit anlistitem.
Serm. 1, pag. 51.
8 Nunc et ordo levitaruni clarior et dignitas am-
plior seniorum, et sacraiior est unciio sacerdotum.
Serm. 57, pag. 130.
9 Miror dilectionem tuam malle in silentio aique
otio vitam degere quam in his quœ tibi commissasunt
permanere , dicenie Domino : Beatus qai persevera-
verit usque in flnem. Vnde beata erit perseveraniia
nisi de virtute patientiœ? Epist. 2, pag. 206.
1" Si quis episcopus civitatis suœ mediocritate des-
pecta administrationem loci amplioris umbierit, et ad
majorem se plebem quacumque rafione translulerit , a
cathedra quidem pelletur aliéna : sed carebit et pro-
pria... Suis igitur terminis quisque contentus sit.
Epist. 12, pag. 223.
" Epist. 137, pag. 356.
12 Epist. 16, pag. 233.
'^ Ignorare nunquam liciiit sacerdotem qund cano-
num fuerit regulis definitum. Epist. 3, pag. 211.
1* Noveris hanc maxime curam ad sacerdotes imiver-
salium plebium pertinere, ut sanctarum constiiutio-
num regulœ nuilis corrumpantur excessibus. Epist. 18,
pag. 236.
15 Epist. 3, pag. 210.
16 Quibus {episcopis) et si dignitas sit communis, non
est tamen ordo generalis : quoniam et inter beatissi-
mos apostolos in smiiliiuditie honoris fuit quœdam
discretio potestutis, et cmn omnium par esset electio,
uni tamen datum est ut cœleris prœemineret. De qua
forma episcoporum quoque orta est distinctio, et ma-
gna ordinatione provisum est ne omnes sibi omnia vin-
dicarent : sed essent in singulis provinciis singuti
quorum inter fralres haberetur prima sententia : et
rursus quidam in majoribus urbiljus constitua solli-
citudinem susciperent ampliorem, per quos ad unam
Pétri sedcm universalis Ecelesiœ cura conflueret.
Epist. 12, pag. 224.
[V^ SIÈCLE.]
avaient tous l'honneur de l'apostolat, mais il
fut donné à un seul d'avoir la prééminence
sur tous les autres. Le ministère de la parole
divine ' appartient aux évêques et aux prê-
tres du Seigneur, et on ne doit l'accorder ni
aux laïques ni aux moines, quelle que soit leur
science. Il y avait des prêtres ^ attachés à la
desserte des églises des cimetières. Les ar-
chidiacres étaient chargés '• des affaires de
l'Eglise. S'il arrivait qu'un évêque fût * sus-
pect dans sa foi, l'examen devait s'en faire
dans un concile ; mais, en cas de défaut de
mœurs, c'était au métropolitain ^ à les re-
prendre et à les exhorter avec modération.
Ils doivent ^ eux-mêmes être très-modérés
dans leurs jugements, ne les rendre qu'avec
beaucoup de maturité, et n'excommunier ^
personne sans de fortes raisons. Il ne leur est
pas permis d'aliéner ^ les biens de l'Eglise
dont ils ont le gouvernement, ni de s'atta-
cher le clerc 5 d'une autre Eglise sans l'agré-
ment de l'évêque diocésain. C'est à révéque'"
à ordonner les jeûnes publics par l'autorité
que Dieu lui a donnée; mais il doit exhorter
en même temps qu'on les observe par un mo-
tif de charité, afin qu'en mortifiant le corps,
en le privant d'une partie de ses aliments
ordinaires, on songe à soulager les pauvres,
et afin encore que, par l'humiliation attachée
CHAPITRE XL — SAINT LÉON, PAPE.
263
au jeûne, nous méritions le secours de Dieu
contre nos eunemis. Il y avait dans l'église *'
un trône élevé pour l'évêque, où il s'asseyait
revêtu de tous ses ornements sacerdotaux.
Saint Léon appelle les simples prêtres '^,
prêtres du second rang, mettant les évêques
dans le premier, et les diacres dans le troi-
sième. Il parle de différentes paroisses ^^ ou
éghses établies dans les quartiers de la ville
de Rome, où chacun portait ses aumônes le
samedi pour le soulagement des pauvres. 11
voulait'* que l'on observât à l'égard des clercs
hérétiques le prescrit des canons, c'est-à-dire
qu'on les reçût dans le degré qu'ils avaient
dans leur secte, sans espérance d'être promus
à un degré supérieur, pourvu toutefois qu'ils
n'eussent point été rebaptisés. Il approuvait
que les princes employassent envers les hé-
résiarques*^ et leurs disciples la sévérité des
lois, par l'utilité que l'Eglise en avait tirée ;
mais il reconnaissait en même temps qu'elle
devait se contenter elle-même des armes spi-
rituelles que Jésus-Christ lui a mises en main,
sans se porter jamais à des exécutions san-
glantes. Sa raison d'autoriser en quelque
sorte la procédure des empereurs envers les
hérésiarques, était que la crainte des sup-
plices corporels fait souvent recourir aux re-
mèdes spirituels, et que l'Eglise qui n'est pas
1 Prœter Domini sacerdotes nullus audeat prœdi-
care, seu monachus, sivc ille sit laicus, qui cvjvsli-
bet scientiœ nomine glorietur. Epist. 93, pag. 313.
Vide et Epist. 92, pag. 311.
2 Epist. 85, pag. 303 et 304. — 3 Ibid.
* Habeaiur inter vos concilium episcopale... ut pia-
nissimo examine disquiraiur an sint aliqui inter epis-
copos qui hujus hœreseos contagio poltuantur . Epist.
15, pag. 231.
5 Epist. 12, pag. 222. — 6 Ibid.
' Nulli christianorum, facile communio denegetur,
nec ad indignantis fiât hoc arbitrium sacerdotis, qnod
in magni reatus ultionem invitas et dolens quodam-
modo débet inferre animus judicantis. Epist. 10, pag.
219.
8 Sine exceptione decernimus ut ne guis episcopus
de Ecclesiœ suœ rébus audeat guidquam vel donare,
vel commutare, vel vendere, nisi forte ila aliquid au-
rum faciat, ut meliora prospiciat, et cum totius cleri
fraclatu atque consensu id eligat, quod noti sit du-
bium Ecclesiœ profuturum. Epist. 17, pag. 236.
5 Nullus episcopus alterius episcopi clericum sibi
audeat vindicare, sine illius ad quem pertinet ces-
sione, quam tamen evidentia scripta contineant. Epist.
13, pag. 225.
•" Nos oportet sacratissimain consuetudinem cele-
brare, ut per humilitatem jejunii conira omnes hostes
nostros divinum mereomur auxilium; res enim est
prœcipui operis, quam et ex auctoritate indicimus et
ex charitate suademus. Serm. 84, pag. 169.
11 Iniueamur oculis fidei beatissinnim pontificem nos-
trum episcopali subsellio sublimatum , sacerdotalibus
infulis redimitum. Serm. 96, pag. 184.
'2 Non enim summos tantum antistifes aut secundi
ordinis sacerdotes : nec solos sacramentorum minis-
tros, sed omne corpus Ecclesiœ a coniaminationibus
oportet esse purgatum. Serm. 47, pag. 114.
'3 Ad cujus operis desideratum vobis fructum dies
vos vicinus invitât, accedentibus admbnitionibus nos-
tris, ut ad Ecclesias regionum vestrarum sabbato
proxime futuro misericordiœ mimera deferatis. Serm.
10, pag. 59.
1* Circa quos liœreticos, illam canonum. constitutio-
nem prœcipimus custodiri, ut in magno habeanl béné-
ficia, si adempta sibi omni spe promotionis , in quo
inveniuntur ordine stabiliiate perpétua maneant : si
tamen iterata iinctione non fuerint maculati. Epist. 14,
pag. 226.
1^ Meriio patres nostri per toium mundum instanter
egere ut impius furnr ab universa Ecclesiapellereiur :
quando etiam mundi principes ita hanc sacrilegum
amentiam defestati sunt, ut auctorem ejus cum pie-
risque discipulis legum publicarum ense prosternè-
rent. Profuit diu isla disiriciio Ecclesiœ leniiati quœ
et si sacerdotali contenta judicio, cruentas refugit
ultiones, severis tamen christianorum principum cons-
iiiutionibus adjuventur, dum ad spiriiale nonnunquam
recurrunt remedium, qui timent corporale supplicium .
Epist. 15, pag. 227.
264
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
?nr le Ma-
rias».
toujours en pouvoir de réprimer la fureur
impie des sectaires, a besoin, pour le main-
tien de ses lois, de l'autorité de celles des
puissances du siècle.
13. Toute conjonction ' de l'homme avec
la femme ne fait pas un légitime mariage,
de même que tout enfant n'est pas héritier
de son père. Le mariage légilime est celui
qui se contracte entre deux personnes de
condition libre. Il faut distinguer ^ la concu-
bine de la femme légitime; ainsi celui qui
quitte sa concubine pour se marier fait bien,
et celle qui épouse un homme qui avait une
concubine ne fait point mal, puisqu'il n'était
point marié. Cela s'entend des concubines
esclaves, et non de celles qui étaient en effet
des femmes légitimes, mais sans en porter le
titre suivant les lois. Mais si la concubine
avait été mise en liberté, dotée selon les lois,
et qu'elle se fût mariée publiquement, alors
il n'était plus permis à nne femme de se ma-
rier avec celui qui avait celte concubine,
parce qu'elle était censée sa femme légitime.
On ne permettait point ^ à ceux qui avaient
été mis en pénitence, de se marier, si ce
n'est qu'ils fussent jeunes et en péril de tom-
ber dans la débauche. Le lien du mariage *
étant indissoluble, les femmes qui se sont
remariées , croyant que leurs maris ont été
tués, ou qu'ils ne reviendront jamais, doivent
retourner avec eux quand ils reviennent,
parce que le premier mariage subsiste tou-
jours, quoique les seconds maris soient ex-
cusables. On excommuniait celles qui en fai-
saient refus.
^i. Saint Léon n'entre point dans de plus
grands détails sur les sacrements. Il avoue ^
avec toute l'humilité et toute la piété dont il
était capable, que Jésus-Christ était le prin-
cipe et l'auteur de tout ce qu'il faisait de bien
dans son ministère ; « nous ne nous appuyons
point, dit-il, sur nos propres forces, puisque
nous ne pouvons rien sans lui; nous mettons
notre confiance dans sa protection, puisque
tout notre pouvoir vient de lui. C'est la force
de la grâce divine ^ qui dispose tous les jours
nos cœurs à mépriser les choses terrestres
pour les élever à l'amour des biens célestes.
La vie même que nous menons sur la terre
est un présent de notre Créateur : il nous la
conserve par sa providence. Celui qui nous
a promis des biens éternels nous comble de
biens temporels. » On vit dans les mages une
preuve de l'efBcacité de sa grâce. Dieu, qui
avait fait naître l'étoile qui devait les con-
duire, fit naître en eux ^ l'envie de chercher
celui qu'il avait fait connaître par ce signal,
et permit qu'ils le trouvassent en effet. Pen-
dant ' que cette étoile, qui surpassait toutes
les autres par l'éclat de sa lumière, excitait
leur curiosité. Dieu agissait sur leurs cœurs
par ses inspirations, pour leur faire compren-
Pur
cil.
bitre.
laGricfl
Libre ar-
• Non omnis millier juncta viro, uxor estviri, quia
nec omnis filins hœres est patris. Nuptiarum autem
fœdera infer ingenuos sunt légitima et inter œqvales.
Epist. 2, pag. 207.
2 Cujuilibet loci clerieum si filiam, suam viro !ia-
benti concubinam in matrimoniiim dederif, non ita
accipiendum est quasi eam conjugaio dederit, nisi
forte illa mulier et ingenna facta, et dotata légitime,
et publiais nuptiis honestata videalur. Palerno arhi-
trio viris junctœ carent culpa, si mulieres quœ a vi-
ris habebantur in matrimonio non fuerunt, quia aliud
est nupta, aliud concubinn. Ancillam a toro abjicere,
et uxorem certœ ingenuitatis accipere, non duplica-
iio conjugii, sed profectus est lionestatis. Epist. 2,
pag 207.
2 In adolescentia constilutus, si vrgenfe aut metu
mortis, aut captivitatis periculo, pœnilentiam gessit,
et postea timens lapsum incontinenfiœ juvenitis, copu-
lam uxoris elegit, non crimen fornicationis incurrit,
rem fecisse videtur venialem, si prœter conjugem,
nullam omnino cognoverit. Ibid., pag. 208.
' Quia novimus scripfum : Quod Deus junxit homo
non separetj necesse est ut legitimarum fœdera nup-
tiarum redintegranda credamus... Omnique studio
procurandum est ut recipiat unusquisque quod pro-
prium est... et ideo si viri post longam cuptivitatem
reversi ita in dilectione suarum conjugum persévèrent,
ut eos cupiant in suum redire consortium, restiluen-
dum quod posait; si autem aliquœ mulieres ita pos-
ieriorum virorum amore sunt captœ, ut niaient cohœ-
rere, quam ad legiiimum redire consortium, merito
sunt notandœ; ita ut etiam ecclesiastica communione
priventur. Epist. 129, pag. 340, 341.
^ Pie et veraciter confitetnur quod opus ministerii
nostri in omnibus quœ recte agimus Chrisfvs exequi-
tur; et non in nobis qui sine illo nihil passumus, sed
in ipso qui possibilitas nostra est, gloriamur. Serm. 4,
pag. 53.
s Sublimitas quidem gratiœ Dei hoc quotidie ope-
ratur in cordibus cliriitianis, ut omne desiderium
noslriim a terrenis ad coslesiia transferalur. Sed etiam
prœsens vita per Creaioris opem ducitur, et per ip-
siiis providentiam sustinetur : quia idem est largitor
temporalium, qui promissor est œternorum. Serm. 15,
pag. 63.
' Dédit ergo aspicientibus iniellectum, qui prœs-
titit signum : et quod fecit Intel ligi, fecit inguiri , et
se inveniendum obtutii requisitus, Serm. 30, pag. 88.
8 Commovet magos remotioris Orientis habitatores
siellis cœieris Stella fulgenlior, et de mirandi lumi-
nis claritaie viri ad hœc spectanda non inscii, magiii-
tudinem significationis intelligunt : ogente hoc sine
dubio in eorum cordibus inspiratione divina , ut eos
tantœ visionis myslerium non lateret, et quod oculis
nstendebatur insolitum, animis non esset obscurum.
Serm. 32, pag. 90.
[v» SIÈCLE.
CHAPITRE XI.
dre ce que cette étoile signifiait, etponr leur
ouvrir l'intelligence de ce mystère, et pour
développer à leurs esprits ce phénomène
qui paraissait à leurs yeux. La grâce, comme
l'événement le fit connaître ', conduisit toute
l'entreprise. Le ciel servait d'interprète à ce
que les paroles humaines ne pouvaient en-
core expliquer. Comment ^ les mages au-
raient-ils pu, sans une inspiration particulière,
lorsqu'ils sortirent de leur pays, faire un
choix aussi juste des présents qu'ils devaient
offrir à Jésus-Christ, puisqu'ils ne l'avaient
jamais vu et qu'ils n'avaient aucune con-
naissance de sa personne? Ne faut-il pas dire
qu'outre la lumière de l'étoile qui leur frappa
les yeux et qui leur servit de guide, ils
avaient an fond du cœur une lumière plus
éclatante qui les éclairait encore bien plus
vivement? Le signal ^ qui les excita si effica-
cement, fut sans doute un effet de la grâce
de Dieu et le commencement de la vocation
des Gentils. Car il n'est pas * douteux qu'un
homme qui fait des bonnes œuvres, sent sa
volonté excitée par la grûce, qui lui donne
le moyen d'agir et d'arriver à la consomma-
tion de son ouvrage. La correction de nos
mœurs est encore un don de Dieu. Si, en les
réformant ^ par les grâces qu'il nous donne,
nous remportons la victoire sur nos ennemis
invisibles, nous aurons même l'avantage de
triompher de nos ennemis visibles et de
rendre tous leurs efforts inutiles. Si nous ^
SATNT LÉON, PAPE. 263
voulons les dompter tous, il faut nous rendre
dignes du secours céleste par notre fidélité,
par l'observance des préceptes et en nous
rendant nous-mêmes les maîtres de nos pas-
sions. Quoique '' notre édifice ne puisse sub-
sister sans le secours de celui qui en est l'ar-
chitecte, et que nous ne puissions nous conser-
ver sains et saufs sans une protection parti-
culière de celui qui nous a form es ; néanmoins,
comme dans cet édifice nous tenons lieu de
pierres vives et d'une matière animée, il faut
que nous coopérions aux soins de notre Créa-
teur; que notre obéissance seconde la grâce,
et que nous demeurions toujours attachés à
celui sans lequel nous ne pouvons rien faire
de bon. Si nous trouvons quelque chose de
difficile ou d'impossible dans la pratique des
commandements de Dieu, pour fortifier notre
faiblesse nous devons implorer le secours de
celui qui nous adonné ces commandements.
En nous les donnant, il excite notre désir, et
il lient ses secours tout prêts, suivant ce que
dit le prophète : Rejetez vos soins et vos in-
quiétudes sur le Seigneur, et il vous nourrira
lui-même. C'est donc dans le Seigneur ^ et
non dans nous-mêmes que nous devons nous
glorifier des progrès que nous faisons dans
la vertu. C'est lui ' qui est l'auteur des bon-
nes œuvres et des bons désirs ; en même
temps qu'il nous inspire de faire le bien, il
nous aide à l'accomplir. Avec sa grâce nous '"
pouvons tout, sans sa grâce rien ne nous est
Psalm.Liv,
1 Prœerat, skut res docuii, huic miraculo grafia
Dei, et ciim Chrisli nativUatem nec ipsa adhuc Be-
thléem iota didicisset, fam illam crediiuris geniibus
mserehat; et quod nnndum pofernf hitmnno eloquio
disseri, cœlo faciebat evangelizante cognosci. Serm.
33, pag. 92.
2 Unde enim In viri cum proficiscerenfur de pafria,
qui nonditm videront Jesum, nec aliquid eoniuilu
ejiis, quo eum tam ordinale venerarentur, adverterant,
hanc deferendnrum munerum servavere rationem ?
Nisi quia prœfer illam stellœ speciem, quœ corporeum
excUavit obtûtum, fulgentior veritaiis radius eorum
corda perdocuit. Ibid.
' Hoc signum quod magos in longinquo positos et
efficaciter movit, et ad Dominum Jesum perseveranler
attraxit, illius sine dubio gratiœ sacramentum, et il-
lius fuit vocationis exordium. Serm. 34, pag- 94.
' Dubium non est hominem bona agentem a Deo Iia-
bere et effectum operis et initium voluntatis. Serm. 37,
pag. 99.
5 Si donata nobis per Dei graiiam morum correc-
tione vincantur, etiam corporeorum nobis hostium for-
titudo succumbet , et emendatione nostra infirmabuniur.
Serm. 88, pag. 100.
^ Quapropier ut omnes hostes nostros superare va-
leamus per observanliam cœlestium mandatorum, di-
vinum quœramus auxilium, scientes non aliter nos
prœvalere passe adversariis nostris nisi prœvalueri-
mus et nobis. Ibid.
' Qunmvis enim œdificivm nosfrum sine ope sut non
subsistât ariificii, nec fabrica nostra posnt esse inco-
lumis nisi ei profeclio prœfuerit condiioris, tamen
quia rationabiles lapides sumus et viva materi.es, sic
nos auctoris nostri extruit manus, ut cum opiftce suo
etiam is qui reparatur, operetur : gratice igitur Dei
obedientia se Inimana non sulistrafiat , nec ab illo bono,
sine quo non potest bona esse, deficiat ; ac si quid sibi
impossibile nut arduum in mandatorum effectibus ex-
peritur, non in se remaneat, sed ad jubentem recur-
rai ; qui ideo dut prœceptum, ut excitet desiderium,
et prœstet auxilium, dicente Prophela : JactainDeum
cogitationem tuam, et ipse te enutriet. Serm. 42,
pag. 10C et 107.
s Quo desiderio quisquis gratta Dei adjutus imple-
tur, de profectu suo non in se, sed in Domino gloria-
tur. Serm. 53, pag. 123.
' Bonorum operum et spiritalium studiorum Detim
auctorem esse, non dubium est .' qui quorum iticitat
mentes, adjuvat actiones. Epist. 49, pag, 269.
'" Cum et consilium nostrum et fortitudo sit Chris-
tus ac sine quo nihil possumus, per ipsum cuncta
possimus. Epist. 2, pag. 206.
266
HISTOffiE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
possible. Le repentir de nos fautes * est même
un effet de sa grâce et de sa divine miséri-
corde, et c'est elle "- encore qui nous donne
la force de coopérer aux secours qu'elle nous
accorde. Au reste, quoique la grâce ^ qui a
justifié les saints dans tous les siècles, ait été
augmentée à la naissance de Jésus-Christ, ce
n'est pas alors qu'elle a commencé. Cette
grâce, qui est maintenant répandue par tout
le monde, a eu tant d'efHcacité par les signes
seuls, que ceux qui ont cru le mystère de
l'Incarnation, ont eu les mêmes privilèges
que les autres qui en ont vu l'accomplisse-
ment , aucun n'ayant été justifié * que par
Jésus-Christ, et aucun n'ayant eu l'espé-
rance ^ de la vie éternelle que par ce mé-
diateur de Dieu et des hommes. Comme ^ on
ne peut obtenir la rémission de ses péchés
sans la grâce du Saint-Esprit, on ne peut
gémir utilement, ni faire pénitence, ni prier,
sans son secours. C'est donc le dernier des
malheurs d'être privé de sa grâce , parce
qu'on ne peut obtenir de pardon quand on
manque d'intercesseur. Pour jouir ' d'une
véritable paix et d'une parfaite liberté, il
faut que la chair soit gouvernée par l'esprit,
et que l'esprit soit parfaitement soumis à
Dieu. »
13, « Cela ne peut se trouver que dans
l'Eglise catholique, hors ^ de laquelle il n'y a
rien de saint ni de chaste, selon cette maxime
de l'apôtre : Tout ce qui ne se fai( point selon
la foi est péché. Les dons ^ de toutes les ver-
tus lui ont été accordés par le Saint-Esprit.
L'Eglise chrétienne '° a pris naissance avec
Jésus-Christ, parce que le corps naît en
même temps que le chef. Fondée sur la foi"
de Pierre, qui est une pierre inébranlable et
qui ne redoute point les portes de la mort,
la force de cette foi consiste à confesser que
Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme ;
qu'il est né de la Vierge Marie; qu'il est le
Créateur de sa mère ; que celui qui est le
maître des temps, est né dans le temps; qu'il
est le Seigneur des puissances et des vertus
célestes ; qu'il est semblable aux hommes,
sans être sujet au péché, et qu'il a été im-
molé dans une chair semblable à celle du
péché. » Saint Léon explique ailleurs ces
paroles de Jésus-Christ : Vous êtes Pierre, et
sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, de la
personne même de saint Pierre. « Cet ordre
établi, dit-il '^, par Jésus-Christ, subsiste en-
core, et le chef des apôtres qui a conservé
jusqu'à cette heure la solidité de la pierre,
n'abandonne point le gouvernement de l'E-
glise dont il a été chargé. Car il a cette pré-
rogative au-dessus des autres apôtres, que,
Il Cor. XI, 2.
' Ad pœnUentmm miserntio divina convertit. Epist.
90, pag. 309.
^ Ipse gui dndit velle donabit et passe, ut simiis co-
operatores operum ejus. Serm. 25, pag. 80.
3 Gratia Dei qua semper est universiias justificata
sanctorum, aucta est Christo nascente, non cœpta : et
fioc inagnœ pietatis sacramentum, giio totus jam mun-
dus impletvs est^ iam potens e.tiam in suis significa-
iionibus fuit, ut non minus adepti sint, gui in illud
credidere promiîsum, guam qui suscepere donaium.
Serm. 22, pag. 74.
* Fides justificans impios in illo acquirit so.lutem,
in quo solo homo se invenit innovatum. Epist. 97, pag.
316.
s Oitendant unde sibi spem vitœ polliceantur œter-
nœ, ad quam nisi per medialorem Dei et hominum,
hominem Jesum Christum, non potest perveniri, nec
est redemptio nisi in sanguine ejus. Ibid., pag. 317.
^ Unde manifestum est peccalorum remissionem sine
Spiritus Sancti advocatione non péri, nec guemguam
sine illo, sicut expedit, ingemiscerc, aut sicut oportet,
orare. guo vacuari nimis exitiabile est nimisgue mor-
tiferum, guia nunquum veniam meretur, qui ab in-
tercessore deseritur. Serm. 74, pag. 157.
' Quia tune est vera pax hominis et liera libertas,
quandn et caro animo judice regitur, et animus Deo
prœside gubernatur. Serm. 38, pag. 100.
8 Extra Ecclesiam catholicam niliil est integrum,
nihil castum, dicente Apostolo : Omne quod uon est
ex fide, peccatuin est. Serm. 77, pag. 162.
9 Secundum eriiditionem Spiritus Sancti, per guem
Ecclesiœ Dei omnium virtutum coltata sunt dona,
contineamus nos. Ibid, pag. 162.
'" Generatio Christi origo est populi christiani ; et
natalis capitis , natalis est corporis. Serm. 25, pag.
79.
11 Christianœ fidei foriitudo, guœ portas mortis su-
per inexpv gnabilem petram œdificata non metuit ,
uniini Dominutn Jesum Christum, et veruni Deiim et
verum hominetn confitetur : eumdem credens filium
Virginis, qui auctor est matris; eumdem natum in fine
sœculorum, gui creator est temporum ; eumdem Do-
minum omnium virtutum, et unum de stirpe morta-
lium; eumdem peccati nescium, et in similitudine
carnis peccati pro pcccaloribus immolatum. Serm. 60,
pag. 134. Soliditas illius fidei guœ in apostolorum
principe est laudatU; perpétua est; et sicut permanet
quod in Christo Peirus credidit, ita permanet quod
in Petro Christus institut t. Serm. 2, pag. 51.
'- Manet ergo dispositio vcritatis, et beatus Petrus in
accepta fortitudine petrœ persévérons, suîcepta Eccle-
siœ gubernacula non reliquit. Sic enim prœ cœteris
es! ordinatus, ut dum petra dicitur, dum fundamen-
tum pronuntiatur, dum regni cœlorum junitor cons-
iituitur, dum ligandorum solvendorumgue arbiter,
mansura etiam in cœtis judicioi-um suormn defini-
tione, prœficitur, qualis ipsi cum Christo esset socie-
tas, per ipsa appellationum ejus mysteria nosceremus.
Serm. 2, pag. 52.
[V SIÈCLE.
ayant été appelé Pierre, aj'anfc été choisi
pour être le fondement de l'Eglise, aj'ant été
établi pour fermer et pour ouvrir la porte du
ciel, lorsqu'on lui a donné le pouvoir de lier
et de délier, il a eu cette prérogative, d'être
comme l'associé de Jésus-Clirist dans son
ministère ; et les noms qu'on lui a imposés
nous donnent une parfaite connaissance de
sa dignité. Jésus-Christ, comme chef de l'E-
glise *, anime tous les saints qui sont ses
membres ; et comme le chef ne peut être
séparé des membres, ainsi les membres ne
peuvent être divisés du chef. L'Eglise^, qui est
cette Vierge dont parle l'apôtre, est l'épouse
d'un seul homme, Jésus-Christ. Elle ne peut
souffrir la tache d'aucune erreur, ni d'alté-
ration dans la chaste communion qu'elle en-
tretient dans tout le monde. » Cest à raison
de cette communion que saint Léon veut ^
qu'entre les nécessiteux nous ayons princi-
palement soin de ceux qui nous sont liés par
l'union de la foi catholique, disant que nos
obligations sont plus étroites envers les nô-
tres à qui nous tenons par les liens de la
grâce, qu'envers les étrangers à qui nous ne
tenons que par les liens de la nature. L'unité
de la foi * et du baptême étant le lien de
notre société, la différence des degrés et des
emplois qui se trouvent dans l'Eglise de Dieu,
n'empêche pas que nous ne soyons tous réu-
nis en Jésus-Christ : c'est ce qui fait notre
gloire. Saint Pierre ^ fut choisi seul entre
tous les hommes pour être le chef des autres
apôtres^ de tous les pères de l'Eglise, et pour
CHAPITRE XL — SAINT LÉON, PAPE. 26^
être l'instrument de la sanctification des
Gentils. Quoiqu'il y ait un grand nombre de
prêtres dans le peuple de Dieu , néanmoins
saint Pierre est le principal ministre dont
Jésus-Christ se sert pour gouverner ceux qui
sont sous sa loi. Dieu a fait entrer ce grand
apôtre eu société de sa toute-puissance , et
s'il a fait la même grâce à tous ceux qui ont
été choisis et préposés pour gouverner les
autres, saint Pierre a été comme le média-
teur des grâces qui ont été communiquées
aux autres. Le Fils de Dieu dit à Pierre ^ :
Je vous donnerai les clefs du royaume du ciel,
et tout ce que vous lierez sur la terre sera lié
dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la
terre sera délié dans le ciel. Cette même puis-
sance fut aussi communiquée aux autres
apôtres et à tous les prélats de l'Eglise. Mais
ce n'est pas sans liaison que la parole fut
adressée uniquement à saint Pierre, quoique
les autres entrassent en société du même
droit. Ce privilège fut accordé principale-
ment à saint Pierre, parce qu'il devait être
la règle et le modèle des autres prélats de
l'Eglise. Le privilège de la primauté accordé
à saint Pierre demeure donc (même dans
ses successeurs, surtout les évêques succes-
seurs des apôtres). Les Eglises ^ particulières
avaient des privilèges, comme celles d'Ale-
xandrie. C'était aux évêques à les maintenir
conformément aux canons sur lesquels ces
privilèges étaient fondés. Ils devaient aussi,
eu cas de diftîculté sur la foi *, consulter ce
que leurs prédécesseurs avaient enseigné, et
1 In omnibus sanctis suis unus idemque est Christus :
et sicut a membris caput, Ha a capile niembra dividi
non possunt. Serm. 63, pag. 138.
2 Illa est Virgo Ecclesia, sponsa unius viri Christi,
quœ nulle se patitur errore viiiari : ut per totum
mundum una nobis sit unius castœ communionis inte-
gritas. Epist. 60, pag. 278.
3 Omnibus quidem indigeniibus generali benevolen-
tia consulentes, sed maxime eorum memores qui sunt
de membris corporis Christi, et nobis unitate catho-
licœ fidei copulanfur. Plus enim debemus nostris pro
consoriio graliœ, guam alienis pro communione natu-
res. Serm. 87, pag. 172.
' Licet miiversa Ecclesia Dei distinctis ordinata sit
gradibus, ut ex diversis membris sar.raii corporis
subsistât integritas : omnes tamen in Christo unum
sumus ; nec quisguam ab alterius ita est diuisus ofpcio,
ut non ad connectionem periineat capitis cujuslibet
humilitas portionis; in unitate igitur fidei alque bap-
tismatis, indiscrefa nobis socielas et generalis est di-
gnitas. Serm. 3, pag. 52.
^ De toto mundo unus Petrus eligitur, qui et uni-
versarum geniium vocaiioni , et omnibus apostolis
cunctisque Ecclesiœ Pairibus prœponatur : ut guamvis
in populo Dei multi sacerdotes sint, omnes tamen pro-
prie regat Petrus, guos principaliter régit et Christus.
Magnum et mirabile huic viro consortium potentiœ
suce tribuit divina dignaiio, et si quid cum eo com-
mune cœteris voluit psse principibus, nunquam nisi
per ipsum dédit, quidquid aliis non negavit. Serm. 3,
pag. 53.
s Dicitur beatissimo Fetro : Tibi dabo claves, etc.
Transivit quidem etiam in alios apostolos jus potes-
tatis istius, et ad omnes Ecclesiœ principes decreti hu-
jus constitutio commeavit : sed non frustra uni com-
mendaiur, quod omnibus intimatur. Petro enim ideo
hoc singulariter credilur ; qui cunctis Ecclesiœ recfo-
ribus Pétri forma prœponitur. Manet ergo Pétri pri-
vilegium, ubicumque ex ipsius feriur œquitate judi-
cium. Ibid., pag. 53.
' Fratrem Proterium Alexandrinœ urbis episcopum
gratulor... cui condignam gratiam necesse est pro fi-
dei ipsius sinceritate prœstare, ut honorem in nullo
suœ perdat Ecclesiœ, sed sedis suœ privilégia paternœ
antiquiiatis e.xemplo, juxta canonum illibata jura,
possideat. Epist. 100, pag. 319.
8 Quœ si de nostra putat ambigendum esse doctrina,
saltem beatai memoriœ Âthanasii, Theophili et Cy-
268
HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
SurlesCoa-
elles-
lorsqu'il s'agissait d'affaires ' temporelles qui
regardaient leur Eglise, ils devaient non les
porter devant les tribunaux séculiers, mais
les faire examiner par leurs confrères, sui-
vant l'ancien usage. Il leur était défendu de
s'arroger de nouveaux droits ou d'en usur-
per^ sur les autres diocèses, dont les limites
avaient été sagement réglées, ainsi que les
privilèges, surtout dans le concile de Nicée.
Saint Léon fait dépendre la paix et la tran-
quillité de l'Eglise de l'observation des ca-
nons faits dans ce concile.
16. Il avait un si grand respect pour les
décrets des conciles généraux, qu'il n'osait
pas mettre en question ^ ce qui avait été dé-
cidé à Nicée et à Chalcédoine, regardant les
décrets de ces deux conciles, en matière de
foi, comme des oracles du Saint-Esprit. Il
fait valoir * à l'empereui- Léon, qui était sol-
licité de faire examiner de nouveau ce qu'on
avait décidé à Chalcédoine , l'autorité de
Marcien, son prédécesseur, qui avait con-
firmé tout ce qui s'y était passé. 11 l'appelle
lui-même le gardien ^ des décrets de ce con-
cile, et le fait souvenir que Dieu lui avait
donné l'empire non-seulement pour le bien
de l'Etat, mais ^ pour le soutien de l'Eglise.
Il prouve la canonicité du concile de Chalcé-
doine, parce qu'il a eu les deux conditions
essentielles à un concile général : la pre-
mière ', qu'il a été assemblé de toutes les
provinces de l'empire romain ; la seconde,
qu'il l'a été du consentement de tout le
monde, et qu'il ne s'est éloigné en rien des
décrets du concile de Nicée. Il reconnaît ^
que la convocation de celui de Chalcédoine
est proprement l'ouvrage de l'empereur Mar-
cien, et que le dessein lui en a été inspiré de
Dieu. 11 dit la m.ême chose de celui d'Ephèse.
Mais il parait soutenir ^ que Théodose avait
besoin, à cet effet, de l'autorité du Saint-Siège.
Invité de s'y trouver lui-même, il ne voulut
pas s'y rendre, disant '"que quand on aurait
eu des exemples que les papes eussent as-
sisté aux conciles tenus en Orient, il ne le
pouvait, à cause de la circonstance des temps.
Mais il y envoya ses légats. Ce fut par eux
qu'il présida " au concile de Chalcédoine,
dont les décrets lui parurent depuis si par-
faits '^, qu'il ne voulut jamais qu'on y chan-
rilli Alexandriœ sacerdotum scripfa non renuat. Epist.
88, pag. 308.
1 Illud etiam raiionahiliter huic episiolœ credidi
copulandum, ut pietatem vcstram deprecaret, ut œco-
nomns Conifanfinopolilanœ Ecclesiœ novo exemplo a
publicis judicihus non slnatis audiri ; sed rationes
Ecclesiœ secundum Iraditum murem sacerdotali exa-
mine jubeatis inquiri. Epist. 108, pag. 328.
^ Ahjiciatur penilus inconcessi juris qui dissensio-
nem fecerat, appetilus. Sufpciant limites, quos sanctii-
rum Patrum providentissima décréta posuerunt : ut
quieta sil suis meritis et antiquis privilegiis digni-
tas omnium sacerdotum. Super omnia hnrtor ut ea
quœ ad gloriam vel'ad munimen pertinent sacerdo-
talis officii, NIcœnorum canonum universalis Ecclesiœ
pacem servantia décréta custodias. Sic enim inler Do-
minisacerdotes inviolata chariias permanebit, si pari-
bus studiis, quœ sunt a sanciis Patribus constituta, ser-
ventur. Epist. 106, pag. 326.
' Prcecognoscat pielas tua quia de rébus et apud Ni-
cœam et apud Chalcedoneni , sicut Deo placuit, defi-
nitis, nullum audemus itiit-e Iraciatum : tanquam
duhia vel infirma sint, quœ tania per Spiritum Sanc-
tum fixit auctoritas. Epist. 132, pag. 344.
* (Chalcedonensis concilii sanctiones) non solum
auctoritas bealœ memoriœ principis iMarciani, sed
etiam ego mea consensione firmavi. Ibid., pag. 343.
^ Ita hœreticorunt impudentiœ restilislis, ut profite-
remini ad totius mundi pacem Chalcedonensis synodi
vos esse custodem. Epist. 122, pag. 335.
^ Debes incunctunier advertere regiam potestatem
tibi non solum ad mundi regimen, sed maxime ad
Ecclesiœ prœsidium esse collatam. Epist. 125, pag.
337.
' Sancta synodus Chalcedonensis ab universis ro-
mani orhis provinciis cum totius mundi est celebrata
consensu, et a sacratissimi concilii Nicœni est indi-
visa decretis. Epist. 133, pag. 345. Vide et Epist. 09,
pag. 284.
8 Ne autem piissimi principis dispositioni qun
episcopale concilium volidt congregari, nosira vide-
retur prœsentia defuisse; fratres nostros Julium, Re-
naium et Hilarum misi, qui vicem prœsentiœ meœ
sufficerent implere. Epist. 30, pag. 251. Vide et pag.
309 et 257.
9 Religiosam ctementissimi principis fidem sciens
ad suam gloriam maxime pertinere, si inira Eccle-
siam catholicam nullius erroris germen exurgeret, hanc
reverentiam divinis deiulit institutis, ut ad sanctœ
disposiiionis effectum auctoriiaiem apostolicœ Sedis
adhiberet Epist. 229, pag. 144.
'" Num illud quod pielas ipsius credidit etiam me
debere intéresse concilio, etiamsi secundum aliquod
prœcedens exigeretur exemplum, nunc tamen nequa-
quam posset impleri : quia rerum prœsentium incerta
conditio a tantœ urbis populis nec abesse non sineret.
Epist. 27, pag. 248.
" Quia quidam de fratribus contra turbines falsila-
tis non valuers catholicam ienere conslantiam, prœ-
dictum fralrem (Poschasinum) vice mea convenit sy-
nodo prœsidere. Epist. 69, pag. 284.
12 Quod opus virtutibus vestris conveniens , Deo pla-
citum habebit effectum, si so.nctam Chalcedonensem
synodum de Domini Christi incarnatione firmalam
nullu permiseritis retractatione pulsari; quia in illo
concilio per Spiritum Sanclum congregato, tamplenis
aique perfectis definitionibus cuncta firmaia sunt, ut
nihil ei regulœ, quœ ex diuina inspiratione prolata
est, addi possii aut minui. Epist. 115, pag. 331. Quod
ergo in causa fidei principale est, incessabilibus sug-
1V= SIECLE. J
geât quoi que ce fiit , regardant la règle de
foi que l'on y établit, comme divinement
inspirée et entièrement conforme à la doc-
trine évangélique et apostolique. Mais il
n'approuva que ce qui s'y était fait ' touchant
la foi , parce que c'était pour cela seul que
l'empereur avait, de son consentement, as-
semblé ce concile. Ces sortes d'assemblées
sont les vrais remèdes 2 aux maux de l'Eglise,
mais les matières de la foi ^ en doivent être
le sujet principal. Les choses de discipline
peuvent se traiter dans des conciles provin-
ciaux ou nationaux ; il leur appartient de
statuer ■* sur ces sortes de matières et de faire
pour l'utilité des Eglises ce que le Saint-Es-
prit inspire à ceux qui les composent. Mais
l'autorité des conciles même généraux à cet
égard n'est pas telle qu'on doive y acquies-
cer. Saint Léon rejeta absolument ^ les dé-
crets de Chalcédoine en faveur de l'Eglise de
Constantinople, comme contraires aux canons
CHAPITRE XL — SAINT LÉON , PAPE.
269
de Nicée. Jl appelle brigandage le faux con-
cile * d'Ephèse, et le regarde comme indigne
de porter le nom de concile. 11 établit pour
maxime qu'il n'est ' au pouvoir de personne
d'alTaiblir ou de casser une sentence pro-
noncée dans un concile même proviucial
contre un hérétique.
17. La prima«té ' au-dessus de toutes les
Eglises a été accordée à l'évêque de Rome
par l'antiquité , en sorte qu'il a toujours eu
la liberté de juger de la foi et des évêques.
Les évêques ' des Gaules en donnaient pour
raison que des oracles de l'esprit apostolique
continuaient à émaner du Saint-Siège. Ce que
ce premier de tousles sièges décida en faveur
de Théodoret*''fut confirmé par le consente-
ment irrévocable de toute la fraternité, et
reçu par le jugement de toute la chrétienté.
On était persuadé " que les conciles, même
généraux, devaient être confirmés par l'évê-
que de Rome. Il se réservait la connaissance
Sur Taufo-
rité du pm,e.
gestionibus obiineie, ut sanctœ synodi Chalcednnensis
stutula nullis hœreticorum pulsentur insidiis, neqiie
liceat quidquam ex illa definitione convelli, quam ex
inspiraiione divina non dubium est per oniniu evange-
licis atque aposiolicis coiisonare docirinis. Epist. 117,
pag. 33-2.
1 Ne eigo per malignos interprètes diihitabile videa-
tur utrum quœ in synodo Cholcedonensi de fide sta-
ticta sunt approbem, hœc ad omnes coepiscopos nostros
scripta direxi, ut omnium fidelium corda cognoscant,
me non solnm per fratres qui vicem meam exsecuti
sunt, sed etiam per approbaiionem gcstoruot si/noda-
lium, propriam vobiscum unisse sententiam : in sola
videlicet causa fidei, quod sœpe dicendum est, propter
quam générale concilium et ex prœcepto christianoriim
principum, et ex consensu apostolicœ Sedis placuit
congregari. Epist. 87, pag. 305.
2 Universale concilium sacerdotum haberi intra Ita-
liam, clementia vestra annitenle jubeatur : quo tan-
dem pateat quid altiore tractatu aul coerceri debeut
aut sanari. Epist. 54, pag. 274.
3 Si quid ab his frairibus quos ad sanctam syno-
dum vice mea misi, prœter id quod ad causam fidei
pertinebat gestum esse pjerhibetur , nullius erit penitus
firmitatis : quia ad fioc tanlum ab apostolica Sede
sunt directi, ut calliolicœ essent fidei defensores.
Epist. 92, pag. 311.
' Invitait fratres in causis maximis, et quœ intra
provincias suas finire nequeant tcrminandis, si nulla
gravi necessitate retinentur, fraterno se studio pro
Ecclesiœ utilitate non denegent : atque ita efficiatur
studio charitatis, ut sacerdotalis tractatus ea quœ ad
disciplinam passant ecclesiasticam pertinere, Sancto
ibi Spiritu révélante, constituai. Epist. 13, pag. 225.
5 In totius Ecclesiœ perturbaiionem supcrba hœc
tendit elatio, quœ ita abuii voluit concilio synodali,
lit fratres in fidei tantummodo negotio convocatos, ad
consentiendum sibi, aul depravando traduceret, aut
terrendo compellcret. Inde enim fratres nostri ah apos-
tolica Sede directi, qui vice mea synodo prœsidebant ,
probabiliter aique constanter illicitis ausihus obstite-
runt, aperte reclamantes, ne contra instituta Nicœni
concilii , prœsumptio reprobœ novitatis assurgeref.
Epist. 80, pag. 299.
' Nec opus est episiolari pagina comprehendi, quid-
quid in illo Ephesino non judicio, sed latrocinio po-
tuit perpetrari. Epist. 75, pag. 287. Vide et pag. 282
et 28G.
' Qui (Eutyches), dum videret insipientiœ suœ sen-
sum cathùlicis auribus displicere, revocare se a sua
opinione dehueraf; nec ita Ecclesiœ prœsules Constan-
tinopoli congregatos commovere, ut damnationis sen-
tentiam mereretur excipere, quam utique, si in suo
sensu voluerit permanere, nullus poterit relaxare.
Epist. 27, pag. 248.
* Rogatus sum scribere vestrœ mansuetudini de fide
quœ diciiur perturbata : quam. nos a nosfris majori'
bus irailiiam debemus defendere, et digniiatem pjro-
priœ venerationis beato apostolo Petro intemeratam
conservare : quatenus beatissimus Romœ civitaiis epis-
copus, oui principatum sacerdotii super orrines anti-
quitus contulit, locum habeat ac facultatem de fide et
sacerdotibus judicare. Valentiniaiius imper., Epist.
ad Theodos., pag. 263 oper. Leonis.
9 Magna et ineffabili quadam tui gratulatione suc
creseimus, quod illa speciali doctrinœ vestrœ pagina
ita per omnium Ecclesiarum convenlicula celehratur,
ut vere consona omnium sententia declaretur, merito
illic principalum Sedis apostolicœ constiiutum ; unde
adhuc apostolici Spiritus oracula referentur, Galliœ
Episcopi, Epist. ad Léon, pap., pag. 288.
"> Sed quœ noslro, sedes Pétri, prius ministerio de-
finierat, iiniversœ fraternitatis irretractabiti firmavit
assensu {concilium Chalcedonense). Epist. 93, pag.
311.
" Quod facilius clementia vestra arbilratur implen-
dum, si per universas Ecclesias definitiones sanctœ
synodi Chalcedonensis apostolicœ Sedi placuisse do-
ceantur. Epist. 89 ad Marciun. August., pag. 308 et
309.
270
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des causes majeures' dans les lieux où il éta-
blissait des vicaires apostoliques. C'était un
ancien usage que les évêques consultassent ^
le Saiut-Siége dans les atTaires difficiles, et
que ceux, qui se plaignaient des jugements
rendus dans les conciles de la province en
appelassent à Rome. Saint Flavien^y appela
de la sentence rendue contfe lui à Ephèse.
Aussi saint Léon ne doutait pas que Dieu ne
lui eût confié * le soin de l'Eglise universelle.
11 dit ^ que jusqu'à son temps le Saint-Esprit
avait préservé les Romains de toutes les hé-
résies. 11 était d'usage " que l'évêque d'A-
lexandrie réglât le jour qu'on devait faire la
Pâque, et qu'il le fit connaître au pape, qui,
de son côté , était chargé de le notifier aux
Eglises éloignées, afin que cette fête fût cé-
lébrée partout en un même jour. La difficulté
qu'il y eut à ce sujet en 444, nous a procuré
la connaissance d'un miracle qui se faisait
annuellement dans une petite paroisse de Si-
cile '', où les fonts baptismaux se remplis-
saient d'eux-mêmes la nuit de Pâques, ainsi
qu'on l'a rapporté plus haut. Le pouvoir des
nonces apostoliques ne portait aucun préju-
dice ^ à la juridiction ordinaire des évêques,
seulement ils étaient chargés de veiller sur
la pureté de la foi , particulièrement quand
les évêques n'élaient pas assez vigilants sur
ce sujet. Les vicaires apostoliques devaient
aussi borner leur pouvoir ' à l'exécution des
canons. On avait, du temps de saint Léon, un
recueil des épîtres '° décrétales du pape In-
nocent et de ses autres prédécesseurs. L'E-
glise de Rome avait aussi des archives " où
l'on conservait les lettres et les autres monu-
ments qu'on croyait dignes de passer à la
postérité.
18. Saint Léon '^ louait l'impératrice Pul- surie cuite
chêne de son zèle pour la pureté de la foi et <i« 1="" ro-
*• ^ tiques.
de ce qu'elle honorait les saints d'un culte
proportionné à leur mérite. Il célébrait lui-
même'^ avec joie et avec empressement leurs
fêtes. Le jour de leur martyre était en véné-
ration "' dans l'Eglise; on décorait les lieux
où reposaient leurs reliques; on les rendait
brillants par de grandes illuminations; on y
chantait des cantiques , et en ces jours on
s'abstenait d'œuvres serviles. Il parle sou-
vent de l'intercession des saints. « Nous de-
vons, dit-il '^, dans le panégyrique de saint
Laurent , être persuadés qu'il nous aidera
par ses prières, pour nous soutenir dans nos
malheurs. » Et, dans le onzième sermon sur
1 Si qua vero causa major evenerit, quce a tua fra-
terniiate illie prœsidenie non potuerit definiri, relatio
tua missa nos consulat : ut révélante Domino quod
ipse nobis aspiraverit rescribamiis. Epist. 4, pag. 212.
Et quce vero causœ graviores vel appellutiones emer-
serint, eus sub ipsius relalione ad nos mitti debere
decrevimus , ut nostra secundum ecclesiasiicum morem
sententia finiatur. Epist. 5, pag. 213.
2 Nobiscum vestra frateniitas recognoscat apostoli-
cam Sedem pro sut reverentia a vestrœ etiam provin-
cial sacerdotibus innumeris relationibus esse consuliam,
et per diversarum, quemadmodvm vêtus consuetudo
poscebat, appellafio?iem causarum, aut retractata aut
confirmata fuisse judicia. Epist. 10 ad Episcopos Gai-
liœ, pag. 217.
3 Libellum appellationis Flavianus episcopus dédit.
Epist. 40, pag. 257.
* Ratio pietatis exigit ut pro sollicitudine quam
universœ Ecclesiœ ex divina institutione dependimus,
rerum fidem studeremus agnoscere. Epist. \, pag.
203.
^ Nemo vestrum efficiatur hujus laudis alienus, ut
quos per tôt sœcula docente Spiritu Sancio hœresis
nulla violavit. Serin. 93, pag. 179.
« Epist. 94, pag. 314.
' Quœdam vilissima possessio, Meltinas appellatur
in montibus arduis ac sylvis densissimis constitula,
illicque perparva atqne vili opère construcla est ec-
clesia. In cujus baptisterio nocte sacrosancta Pas-
chali, baptizandi hora, cum nullus canalis, nulla sit
fistula, nec aqua omnino vicina, fons ex se repleiur,
paucisque qui fuerint consecratis, cum deductorium
nullum habeat ut aqua venerat, ex se sediscedit. Tune
ergo sub sanctce memoriœ papa Zosimo, cum apud
Occidentales error orfus fuisset, consuetis lectionibus
nocte sancta discussis, cum presbyter secundum mo-
rem baptizandi horam. requireret, usque ad lucem
aqua non veniente, non consecrnti qui baptizandi fue-
ro.n1, recesserunt. At illa nocte quœ lucescebat indiem
dominicam decimo die calendas maii fons sacer hora
competenti nipletus est. Evidenfi ergo miraculo cla-
ruit Occidentalium partium fuisse errorem. Paschas.,
Epist. ad Léon., pag. 210.
8 Epist. 86, pag. 304.
8 Epist. 4, pag. 212.
1» Epist. 3, pag. 211.
'1 Epist. 53, pag. 272.
'2 In quibus omnibus gloriœ vestrœ multipHcatur
augmentum, dum satictos pro suis meritis veneramini.
Epist. 54, pag. 277.
^^ Adest beati apostolorumprincipis gloi'iosa sole.m-
nitas, quam tota debemus animi alacritafc suscipere,
tûta mentis devotione celeljrare. Serm. 96, pag. 1S4.
'* Cum dies martyrii e/us [Pétri) merito habeatur
in tolo orbe clarissima, hœc non impari est totius Ec-
clesiœ sanctœ gaudio celebranda. Ibid. Hanc ilaque
solemnilatem nostram non modo exterius, sed etiam
interius celebremus. Hinc suaviter modulantium sym-
plioniœ resonent; illinc concordes animorum motus
concordent. Adornetur luminaribus Ecclesia; resplen-
deat virtutibus conscientia. Mundetur sordibus basi-
licœ pavimentum; purgetur vitiis interioris hominis
templum. Serm. 96, pag. 184.
'5 Cujus oratione et patrocinio adjuvari nos sine
cessatione confidimus. Serm. 83, pag. 169.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XI. —
le Jeûne : « Il faut ' que nous passions Je sa-
medi en prières dans l'église du bienlieureux
apôtre saint Piei-re, qui nous aidera, par son
intercession, à obtenir l'accomplissement de
nos vœux. » 11 dit , en parlant des innocents
massacrés par Hérode, que Jésus -Christ les
récompensait - et qu'il eu faisait les prémices
de ceux qui devaient dans la suite répandre
leur sang pour lui, pour apprendre au monde
que tous les hommes peuvent être les instru-
ments de la gloire de Dieu , puisque cet âge
si tendre peut aspirer à l'honneur du mar-
tyi'e. Il met le martyre ^ de saint Pierre sous
Néron, et sa venue à Rome sous Claude.
Quoique mort depuis plusieurs siècles, saint
Léon le regardait comme présidant * toujours
à son Eglise , et reconnaissait que c'était de
cet apôtre que venait la solidité de la foi, la
fermeté et la force de ses successeurs. « Si
Dieu, ajoute-t-il, a donné aux martyrs, pour
honorer leur constance et pour manifester
leur mérite , le pouvoir de guérir les mala-
dies, de secourir ceux qui sont en danger, de
chasser les démons, qui pourra juger si peu
sainement de la gloire de saint Pierre, ou la
regarder avec tant d'envie , que d'oser sou-
tenir que ses soins ne s'étendent pas sur toutes
les parties de l'Eglise , et que ce n'est point
par sa protection qu'elle s'est multipliée de
la sorte?» Sa fête était ^ précédée d'une
veille.
SAINT LÉON , PAPE.
271
19. L'abstinence est ^ un moyen propre à
détruire les vices; mais il est inutile de souf-
frir les incommodités de la faim, si on ne re-
nonce à ses mauvaises volontés. De se mor-
tifier en se refusant l'usage des viandes, sans
se défaire de l'habitude du péché , cette es-
pèce de jeûne est purement charnelle. On
dompte le corps, mais l'on se permet ce qu'il
y a de plus criminel dans les délices. Donc,
tandis que le corps fait abstinence, il faut que
l'âme se défasse du vice et qu'elle ne s'em-
barrasse des soins et des atfaires du monde
qu'autant que Dieu le lui permet. S'il est dif-
ficile d'observer ' un jeûne exact pendant
toute la vie , il faut du moins le renouveler
de temps en temps , afin de donner plus de
loisir aux occupations de l'esprit qu'à ce qui
regarde le corps. L'utilité de cette pratique
parait dans les jeûnes que l'Eglise nous pres-
crit et qu'elle a assignés à toutes les saisons
de l'année par l'inspiration du Saint-Esprit,
afin que les fidèles se souvinssent qu'ils de-
vaient pratiquer l'abstinence en tout temps. Le
jeûne du printemps s'observe pendant le ca-
rême, celui d'été à la Pentecôte; le jeûne
d'automne est dans le septième mois , celui
d'hiver s'observe dans le dixième, c'est-à-dire
en décembre. S'il se rencontre quelqu'un qui
ait moins ^ de force que de bonne volonté, il
doit suppléer par les aumônes au mérite du
jeûne, qui ne peut compatir avec sa faiblesse
Surlejeûne,
i'ituinùRe, la
prière, les col-
L'ctes et les
bonnes Œu-
vres faites en
conimnD.
' Sabbalo autem apud beatissimum Pefrum vigilias
celebremus, qui et orationes et jejunia et eleemosynas
nosiras precibus suis dignabitur adjitvare. Serm. IJ,
pag. 61. Vide et pag. 65, 93, 161, 166, etc.
2 Nova gloria coronabat infunies et de initiis suis
parvulorumprimordia consecrabal : ut disceretur nemi-
nem hominuin divini incapacem esse sacramenti, quando
etiam ilia œtas gloriœ esset apla martyrii. Serin. 31,
pag. 90.
3 Serm. 80, pag. 164 et 165.
' Subjungit autem se ad rationem solemnitatis nos-
irœ non solum apostolica, sed etiam episcopalis bea-
tissimi dignitas Pétri, qui sedi suce prœesse non desi-
nii; et indeficiens ohlinet cum œierno sacerdote con-
sortium. Soliditas enim illa quam de pelra Christo
etiam ipse petra factus accepil, in suos quuque se
transfudit hœredes, et ubicumque aliquid ostendilur
firmitalis, non dubie npparet forliludo pastoris. Nam
si omnibus fere ubique martyribus pro susceptnrum
tolerantia pjssionum, hoc ad mérita ipsorum manifes-
tanda donatum est, ut opem ])erichtantibus ferre, mor-
bos abigere, immundos spiritus pellere, et innumeros
possint curare languores; quis gloriœ beati Pétri erit
tam invidus œstimator, qui allas Ecclesiœ paries non
ipsius sollicitudine régis, non ipsius ope credut augeri.
Serm. 4, pag. 55.
s Valentinianus, Epist. ad Theodosium, pag. 263.
s Cuin universa viiia per continentium deslruantur,
quis non inielligal quantum nobis per jejunia confe-
ratur? In quibus indicitur ut non solum a cibis, sed
etiam ab omnibus carnalibus desideriis temperetur,
Alioqui superfluum est suscipere esuriem, et iniquam
non deponere voluntatem ; reciso affligi ciho, et a con'
cepfo non desinere peccato. Carnale est, non spiritale
jejunium, ubi sali corpori non parcitur et in ils quœ
omnibus deliciis nocentiora sunt, permanetur ; jeju-
nanie ergo corpore ab escis, mens jejunet a viiiis, et
curas cupiditutesque terrcnas régis sui lege dijudicet.
Serm. 18, pag. 67, 68.
' Quod si in hue vita difficile est confinuari jeju-
nium, potest tamen fréquenter assumi, ut sœpius ac
diutius spiritalibus potius quam carnalibus occupemur;
et cum melioribus curis majores impendimus moras,
ad incorruptibiles divitias, etiam temporales iranseant
actiones. Hujus observanliœ utilitas in eccleiiasticis
pracipue est constituta jejuniis, quœ ex dodrina Sancti
Spiritus, ita per toiius anni circulum di.iributa sunt,
ut lex absiineiitiœ omnibus sit adscripta temporibus.
Si quidem jejunium vernum in Quadragesima, œsti-
vum in Pentecoste, autumnale in mense septimo, hye-
male autem in hoc qui est decimus, celebramus. Ibid.,
pag. 67.
8 Quamvis nos omnes unanimiter oporteat esse devo-
ios, si qui tamen sunt quorum voluntati atiqua obsis-
tat infirmitas, lalorem qui supra vires est corporum
redimel impendiis facullaium. Nam cum ii qui nihil
272
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
naturelle. Ce serait même se consumer d'un
travail stérile, que de jeûner sans seconder le
jeûne par les aumônes qui sont pins propres
à sanctifier l'âme. Ainsi, ceux qui ont moins
de force, doivent faire de plus grandes au-
mônes et compenser par les largesses qu'ils
font aux pauvres l'indulgence qti'ils ont pour
eux-mêmes, en sorte qu'ils partagent pour
ainsi dire leurs infirmités avec les pauvres.
Un homme faillie ou malade qui s'exempte
du jeûne, est exempt de blâme, s'il a soin de
subvenir à la faim du pauvre. Il ne pèche
point en prenant des aliments , parce que
l'aumône le purifie , selon que le dit le Sau-
veur : Donnez l'aumône de ce que vous avez, et
toutes choses vous seront pwes. Ceux-là même
qui se refusent le plaisir de manger, ne doi-
vent pas se priver du mérite des œuvres de
miséricorde. Dieu nous récompense avec
usure des choses que nous donnons en son
nom , et qu'il ne nous dispense avec tant de
bonté qu'afln que nous en fassions part aux
autres. Il est dit dans les Psaumes : Heureux
celui qui considère avec discernement la misère
du pauvre, le Seigneur le délivrera au jour de
son indignation. 11 faut donc user ' d'une dili-
gence ingénieuse pour découvrir celui qui se
cache sous le voile de la modestie, et que la
honte retient. Il y en a plusieurs qui n'osent
demander publiquement les choses dont ils
ont le plus de besoin; ils aiment mieux souf-
frir les incommodités d'une misère cachée et
secrète, que de souffrir la confusion qu'ils
auraient en demandant l'aumône à décou-
vert. On doit user d'adresse pour les déter-
rer et pour soulager les besoins qu'ils rougis-
sent de découvrir, afln qu'ils aient une dou-
ble consolation, voyant qu'on les soulage dans
leurs nécessités en ménageant leur pudeur.
La prière -, accompagnée du jeûne et de l'au-
mône, est très-efficace pour obtenir le pardon
des péchés qu'on a commis; de tels suffrages
la rendent agréable à Dieu. Nous ne devons
pas nous contenter ^ de faire des aumônes,
qui peuvent être très- utiles à la réformation
de nos mœurs ; il faut encore que nous par-
donnions les injures que l'on nous a faites
et que nous ne songions plus à nous venger,
si nous voulons que nos prières soient exau-
cées, en remplissant l'obligation de pardon-
ner que Dieu nous a imposée. Lorsque nous
adressons à Dieu cette prière : Pardonnez-
nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux
qui nous ont offensés, il faut que nous fassions
ce que nous disons; nous obtiendrons par ce
moyen l'effet de nos autres prières. Dieu nous
accordera * ce que nous lui demandons, puis-
que c'est lui qui nous inspire la volonté de le
demander.
Pour subvenir aux besoins des pauvres,
les saints pères, à l'imitation des apôtres,
avaient ^ marqué certains jours où l'on fai-
sait des coUecles. Chacun portait à cet effet,
dans les églises de leurs quartiers, les au-
mônes qu'ils pouvaient faire, selon leur piété
et leurs facultés. Ces jours étaient ou le di-
omUtunt de humitiatione j'ejunii suh sierili fatigaiione
desudenf, nisi se eleemosynurum, quo. passant, eroga-
lione sanctificent, dignum est ut in alimoniam paupe-
rum abundaniior sit eorum largitio, quorum ad
abslinendum est minor fortiiudo. Quod. ergo in sua
sibi infirmitate non denegnt, alienœ inopiœ tibenter
impendat; at pj'opriam necessitalem facial sibi cum
indigente commwiem. Non culpatur infirmus j'ejunium
solvens, a quo cibum accipit pnuper esuriens : nec es-
cam sumendo poltuitur, qui eleemosijnam i-niperliendo
nmndatur ; dicente Domino : Date eleemosynaiiij et
ecce omnia munda suut vobis. Etiam ii qui ah epu-
larum de/eclatione se continent, fructus sibi debent
tnisei'icordiœ compurare , qui fidelis est in verbis suis,
et abundanter largila retribuit, quœ bénigne largienda
donauit. Serra. 85, pag. 170.
' Sollicita benignitate vigilandum est, ut quem mo-
destia tegit et verecundia prœpedii, itwenire possimus.
Sunt enim qui palam poscere ea quibus indigent eru-
bescunt; et maluni miseria tacitœ egestatis affligi,
quam publica petitione cnnfundi. Intelligendi ergo isti
sunt et al) occulta necessitale sublevandi, ut hoc ipso
amplius gaudeant, cum et paupertati eorum consullum
fuerii, et pudori. Serin. 8, pag. 57.
2 Efficacissima pro peccatis deprecatio est in elee-
mosynis alque jejuniis, et velociier ad divinas cons-
cendit aures ialibus oratio elevnia suffragiis. Serui. 15^
pag. 63.
3 Sollicitiovibus vos pielaiis operibus expoliie, non
solum in distribuendis eleemosynis quœ magnum ha-
beni emendaiionis effecium, sed etiam in remittendis
offensionibus et peccatorum reatibus relaxandis : ut
conditio quam inter se et hominem Deus posuit, non
resiitet orantibus. Dicenfes enim secundum doctrinam
Domini : Dimitte nobis débita, etc., debemus tolo
corde implere quod dicimus. Tune enim fiet omnino
quod in consequentibus postulamus. Serm. 45^ pag.
112.
' Dabit quod petitur, qui dédit unde peteretur.
Serm. 25, pag. 97.
^ Pi'ovidentissime in sancfa Ecclesia prima est ins-
tiluta colleclio : volumus ilaque dilectionem vestram
tertia feria per omnes regionum vestrarum Ecclesias
cum voluntariis oblationibus eleemosynurum convenire.
Serm. 7, pag. 5(j. Vnde hortamur Sanctitutem ves-
tram ut per Ecclesias regionum vestrarum quarto
feria de facultatibus vestris, quantum suadet possibi-
lilas et voluntas, expensas misericordiœ conferatis.
Serm. 8, pag. 57.
[V SIBCLE.]
manche ', ou le mercredi 2, ou quelque autre
jour de la semaine. L'usage de ces collectes
avait été très-utile à l'augmentation de l'E-
glise, les fidèles combattant en quelque ma-
nière par leurs aumônes les hosties profanes
que les païens ofiraient au démon.» Saint Léon
préfère les jeûnes communs et publics aux
particuliers. « Quoiqu'il nous soit libre, dit-iP,
de châtier notre corps par des mortifications
volontaires, et d'employer les efforts que nous
jugeons à propos pour dompter les mouve-
ments de la chair, qui combattent les désirs
de l'esprit; néanmoins, il faut que tous les
fidèles, en certains temps, observent des
jeûnes généraux. La dévotion est plus effi-
cace et plus agréable à Dieu, lorsque tous les
fidèles sont unis parles mêmes sentiments et
par les mêmes affections dans la pratique des
œuvres de piété. Les bonnes œuvres publi-
ques sont préférables aux particulières, et
l'on retire de grands avantages des actions
qui se font par toute la communauté. Quoi-
qu'un chrétien puisse combattre en particu-
lier ses ennemis, il est plus expédient pour^
lui de le faire en pubhc , et de ne se point
tant confier en ses propres forces. 11 vaut
mieux qu'il se fortifie du secours de ses frères
et qu'il se mette sous l'étendard du Roi invin-
cible pour soutenir une guerre publique.
Quand plusieurs combattent un ennemi , ils
courent moins de danger que quand on com-
bat seul à seul. Celui qui se pare du bouclier
de la foi est moins exposé au.K blessures,
parce qu'il est défendu non-seulement par ses
propres armes , mais aussi par les armes de
ses frères; comme ils soutiennent une cause
commune, ils remportent aussi une victoire
CHAPITRE XI. — SAINT LEON , PAPE.
273
commune. Les œuvres de piété qui sont pu-
bliques * et qui se pratiquent par toute la
communauté des fidèles, sont même plus
saintes et d'un plus grand mérite que celles
que chacun s'impose en son particulier. L'ab-
stinence que chaque fidèle observe en secret
est pour son utilité et pour sa sanctification
personnelle; mais le jeûne que toute l'Eglise
impose au corps des fidèles n'exclut personne
de cette sanctification générale. La force du
peuple de Dieu se redouble, lorsque ious les
cœurs des fidèles se réunissent par le nœud
d'une sainte obéissance. Les fidèles ^ parti-
cipent en commun au fruit de leurs bonnes
œuvres par la grâce de Dieu qui opère tout
en tous; quoique leurs richesses soient iné-
gales , ils ont la même volonté et par consé-
quent le même mérite. Si les uns se réjouis-
sent du bien que fontles autres, ils les égalent
par l'affection, quoiqu'ils ne les aient pu éga-
ler par la dépense. 11 ne peut y avoir de dé-
règlement ni d'inégalité dans un corps dont
tous les membres sont dans une parfaite cor-
respondance. »
20. On peut encore remarquer, dans les
écrits de saint Léon, que l'on allait à Jérusa-
lem , sur le mont "^ des Oliviers , vénérer les
saints lieux ; qu'on lisait publiquement l'his-
toire de la passion de Jésus-Christ ^ le diman-
che des Rameaux et le mercredi suivant ; que
l'enjoignait quelquefois la fêle ^ de la dédi-
cace d'une église avec la fête d'un martyr;
que l'on réconciliait par les prières de l'Eglise ^
ceux qui avaient été opposés quelque peu à
la vérité, et que lorsqu'il arrivait que des hé-
rétiques se convertissaient '", il était permis
de les admettre aux ordres sacrés. Saint Léon
fur quel-
quespointsde
àiscipliac.
> Serm. 5, pag. 55,
2 Serm. 8, pag. 57.
3 Publica prœferenda sunt propriis : ei ibi intelli-
genda est prœcipua ratio utilitatis, ubi vigilat cura
communis. Teneat igitur diligentiam suam observantia
singulorum, et contra nequitiœ spiritalis insidias ,
{mplorato divitiœ protectionis auxilio, cœlesiia quis-
gue arma arripiat. Sed ecclesiaslicus miles, etiam si
specialibus prœliis possit fortiter facere, tutius tamen
et felicius dimicavit, si contra hostem palam in acie
steterit, ubi non suis tantum viribus certamen ineat,
sed sub invicii Régis imperio, fruternis consociatus
agminihas, bellum universale confieiat. Minore enim
discrimine plures confligunt cum hoste , quani singuli :
nec facile patet vulneri, quem opposito scuto fidei,
non sua tantum, sed etiam fortitudo défendit : M ubi
una est omnium causa, sit una Victoria. Serm. 87,
pag. 17'2.
* Divinarum reverentia sanctionum, inter quœlibet
spontaneœ observantiœ studia habet semper privile-
gium suum : ut sacratius sit quod publica leye cele-
braiur, quam quod privata instifufione dependitur.
Exercitatio enim continentiœ, quam sibi quisque pro-
prio arbitrio indicit, ad utilifatem cujusdam pertinet
portionis; jefunium vero quod universa Ecclesia sus-
cipit, neminem a generali purificatione sejungit : et
tune fit potentissimus Dei populus, quando in unitatem
sanctœ obedientiœ omnium fidelium corda conveniunt.
Serm. 86, pag. 170.
5 Per hanc autem Dei gratiam, communis fidelium
fructus et commune fit meritum : quoniam quidem
potest et eorum par esse animus, quorum iinpar est
census, et cum aller de alterius lœtatur largilate, oui
œquari non potuit impendio, œquatur affectu. Nihil
in tali populo inordinatum, nihilque diversum est,
ubi ad unum pietatis vigorem omnia sibi totius cor-
poris membra conseniiunt. Serm. 86, pag. 171.
6 Epist. 110, pag. 329
7 Serm. 50, pag. 118, et Serra. 52, pag. 122.
8 Serm. 82, pag. 107.
9 Epist. 139, pag. 337.
1» Epist. lOG, pag. 326.
18
274
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
établit pour principe que , dans les choses dou-
teuses ' ou obscures , on doit toujours pren-
dre un parti qui ne soit contraire ni à la doc-
trine de l'Evangile, ni aux décrets des saints
pères.
ARTICLE IV.
JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT LÉON. CATALOGUE
DES ÉDITIONS QU'ON EN A FAITES.
Jugement 1. L'aualyse des discours et des lettres de
sSnuoa. ' saint Léon peut faire connaître aisément les
qualités de son esprit et les sentiments de
son cœur. Digne d'occuper le premier siège
de l'Eglise, s'il en fut l'ornement par son sa-
voir et par ses vertus, il en maintint les droits
et les prérogatives avec autant de vigueur
que de prudence et de sagesse. Son humilité,
sa douceur, sa charité le rendii-ent respecta-
ble aux puissances de la terre , et il fut l'ad-
miration de l'Eglise catholique par son zèle à
défendre la pureté de sa doctrine, à mainte-
nir l'observation des décrets faits dans les
conciles généraux, et à faire garder l'unifor-
mité dans ses usages et dans sa discipline.
Ce qui ne lui fait pas moins d'honneur, c'est
qu'il mérita des anathèmes de la part des hé-
rétiques et de leurs fauteurs, par l'ardeur in-
_ fatigable avec laquelle il combattit leurs er-
reurs, et par les fréquentes victoires qu'il
remporta sur eux. Les manichéens, les ariens,
les apollinaristes , les nestoriens, les euty-
chiens, les juifs mêmes succombèrent tour à
tour sous la force de ses raisonnements, et
il la fit également sentir aux nova tiens et aux
donatistes , en maintenant contre ceux-là le
pouvoir des clefs de l'Eglise, et contre ceux-
ci l'unité de son corps mystique. Ses écrits
ont tout ensemble l'avantage d'instruire et de
plaire; le mystère de l'incarnation y est en
particulier autant développé qu'il est permis
à un homme de le faire. On n'a plus rien à
désirer sur ce sujet quand on possède bien
sa lettre à Flavien. Son style est affecté et
quelquefois embarrassé; mais il plaît par un
certain arrangement des mots qui se soutient
partout, et par une variété de figures bien
ménagée. Avec cela ses pensées sont nobles
et justes, et marquent parfaitement l'éléva-
tion de son esprit. Il ne pousse pas ordinaire-
ment ses réflexions morales, mais elles sont
solides, et il y en a de très-touchantes. Ses
lettres ont cela de particulier qu'il n'y en a
presque aucune où il n'y ait à profiter et où
il ne traite quelque point de doctrine ou de
discipline.
2. La plus ancienne édition des œuvres de Edi
ce père est de Jean André , évêque en l'île ?a°ès.°
de Corse; elle ne contient que quelques let-
tres avec les sermons , et parut à Venise en
1483 et 1505. On en fît une autre à Paris en
1511, augmentée du traité qui a pour titre :
Combat des Vertus et des Vices , qui ne peut
être de saint Léon, puisqu'il y est fait men-
tion de la règle de saint Benoît. L'édition de
Jacques Merlin, à Paris, en 1524, ne renferme
que les lettres de ce pape, mais en plus grand
nombre que les précédentes , et elles y sont
à la suite des Efitres décrétales des papes,
fabriquées par Isidore le Marchand. Cette
édition fut remise sous presse à Cologne, en
1530, et à Paris en 1533. Jusque-là les lettres
de saint Léon avaient été imprimées sans
beaucoup d'ordre. Pierre Crabbe les ayant
rangées suivant leurs dates, les fit imprimer
à Cologne en 1538 et 1551. Ce fut aussi en
cette ville que l'on vit paraître l'édition de
Canisius, en 1546 et 1547. Il était alors dans
le clergé de cette Eglise; mais depuis il en-
tra dans la société des Jésuites. Il joignit aux
écrits de saint Léon, qu'il put recouvrer, le
traité du Combat des Vertus et des Vices. En
1561 , Laurent Surius , chartreux , donna en
la même ville une nouvelle édition des œu-
vres de saint Léon, qui y fut réimprimée en
1 569. Il fit encore entrer les lettres de ce pape
dans sa collection des Conciles, à Cologne, en
1567. On trouve aussi ses lettres parmi les
œuvres de saint Clément romain, recueillies
par Jean Sicbard, imprimées à Paris en 1368,
et en beaucoup d'autres endroits. Les éditions
de Louvain , en 1375 , 1377, et d'Aiivers , en
1583, sont dues aux soins de Jean Ulimérius,
prieur de Saint-Martin de Louvain, et de ses
confrères. Les lettres de saint Léon furent
insérées dans les collections des Conciles, à
Venise, en J585; dans celle des Epîtres dé-
crétales des Papes, à Rome, en 1591; dans les
Conciles de Binius, à Cologne, en 1606 et 1618,
et à Paris, en 1638, et, depuis, dans ceux du
père Labbe et du père Hardouin. La premièi-e
édition de toutes les œuvres de saint Léon est
celle de Paris, en 1614. La suivante est de
1618. On les imprima avec les homélies de
1 In hii guce vel dubia fuerini, aut obscura, ici no-
verimus sequendum, quod nec prœceptis emiitgclicis
conirarium, necdecretis sanctorum Patrum inve.niatur
aduei'sum. Epist. 5, pag. 206.
[V* SIÈCLE.]
saint Maxime de Turin et de saint Pierre Chry-
sologue, tant à Lyon qu'à Paris, en 1623,
1633, 1651, 1661, 1671 et 1672. Gérard Vos-
sius avait promis de les revoir sur divers ma-
nuscrits, et de les donner de nouveau au pu-
blic. On ne voit point qu'il ait tenu parole. Le
père Sirmond et le père Labbe ont revu quel-
ques lettres de ce pape, qui ont rapport aux
Eglises de France. On les trouve dans l'appen-
dice du tome IV des Conciles du père Labbe.
La lettre àFlaviena été imprimée séparément
dans la collection des auteurs qui ont traité
des doQx natures en Jésus-Christ, à Zuricb, en
1571 et 1578; et à la fm des ouvrages de Vi-
gile de Tapse , par Gérard Vossius et par
Pierre-François Chifflet.
L'édition du père Quesnel , qui est la der-
nière, surpasse toutes les précédentes, soit
pour le nombre des pièces, soit pour l'arran-
gement, soit pour la beauté et l'exactitude de
l'impression . Elle est distribuée en deux tomes
imprimés à Paris, en 1675, in-4'', et à Lyon,
en 1700, in-folio. Le tome I" comprend les
livres de la Vocation des Gentils et l'épitre à
Démétriade, que l'éditeur croit être de saint
Léon; quatre-vingt-seize sermons, dont le
quatre-vingt-seizième , qui est sur la Fête de
la Chaire de saint Pierre, n'avait pas encore
été donné; l'appendice où sont quelques dis-
cours faussement attribués à saintLéon; cent
quarante et une lettres, dont trente n'avaient
pas été imprimées; la Vie de saint Hilaire
d'Arles, et ce qui nous reste de se's écrits , le
tout revu et corrigé sur plusieurs anciens ma-
nuscrits. On trouve dans le tome II un code
ancien de canons et de constitutions des pa-
pes, qu'on dit être celui qui était autrefois en
usage dans l'Eglise romaine; et seize disser-
tations pour l'éclaircissement des matières
qui sont traitées dans les écrits de saint Léon,
ou qui y ont du rapport. La première est pro-
prement Fbistoire de la vie et du pontificat
de ce saint pape, depuis l'an 41 8 jusqu'en
461. On examine, dans la seconde, qui est
l'auteur des deux livres de la Vocation des
Gentils. L'éditeur s'efforce de montrer, dans
la troisième, que les autorités des pères tou-
chant la grâce et le libre arbitre dont nous
avons parlé dans l'article de saint Célestin,
sont de saint Léon. Il entreprend, dans la
quatrième , de le faire auteur de la lettre à
Démétriade. La cinquième est ime apologie
pour saint Hilaire d'Arles, et une discussion
des droits anciens de cette Eglise. La sixième
est sur la manière dont on observait à Rome
CHAPITRE XI. — SAINT LEON, PAPE.
275
le jeûne du samedi du temps de saint Léon.
L'hérésie d'F^utychès et les suites qu'elle eut
dans l'Eglise, font le sujet de la septième. Ou
traite, dans la huitième, de la condamnation
et de la déposition de saint Flavien dans le
conciliabule d'Ephèse ; dans la neuvième, de
la condamnation de Domnus d'Anlioche, et
de l'ordination de Maxime, son successeur;
dans la dixième , de la déposition de Théo-
dore! et de son rétablissement par saint Léon
et par le concile de Chalcédoine. La onzième
est une démonstration de la fausseté de la
lettre aux évêques d'Allemagne et des Gaules,
touchant les privilèges des chorévêques. La
douzième traite du code ancien de l'Eglise
romaine, et des décrets du concile d'Hippone
en 393; la treizième, des conciles tenus en
Afrique contre les pélagiens; la quatorzième,
des différentes formules de foi qui se trouvent
dans le code ancien de l'Eghse romaine; la
quinzième , de la supposition du concile de
Telle ou Zelle, et de la lettre du pape Sirice,
citée dans les actes de ce concile ; la seizième,
du temps auquel le code de Denys-le-Petit a
commencé à être en usage dans les Gaules.
Suivent des notes et des observations sur les
lettres de saint Léon , soit pour en fixer la
chronologie, soit pour en éclaircir le texte ;
et le catalogue des lettres de ce pape, qui
sont perdues, et de celles qu'on lui a écrites.
C'est sur cette dernière édition que l'on a fait
ime traduction française des sermons de saint
Léon, imprimée à Paris, chez Florentin, en
1 701 , in-S". Cette traduction est de l'abbé de
Bellegarde. [L'édition du père Quesnel a été
mise à l'index des livres prohibés , à cause
des dissertations et des notes qu'elle contient
et où l'auteur semble avoir pris à tâche d'at-
taquer les prérogatives du Saint-Siège. Cette
même édition parut sans dissertations et sans
notes, à Venise, en 1741,- et de nouveau en
1748, deux tomes in-fol. Le père Cacciari,
professeur à la Propagande, opposa à l'édi-
tion de Quesnel une autre édition, Rome, 1753-
55, deux vol. in-fol.; elle est revue et corri-
gée sur des manuscrits du Vatican. L'éditeur
l'avait fait précéder, en 1751 , d'un vol. in-fol.
contenant des dissertations sur toutes les œu-
vres de saint Léon. Dans sa préface, Cacciari
reproche vivement à Quesnel des infidélités
et des altérations considérables. La meilleure
de toutes les éditions est celle des frères Bal-
lerini, prêtres de Vérone, Venise, 1753-57,
trois vol. in-fol. ; elle est dédiée au souverain
pontife Benoît XIV. On y reproduit l'édition
276
HISTOIRE GENERALE DES
entière de Quesnel, mais avec des réfutations
et des additions, et en particulier le Sacra-
mentaire de l'Eglise romaine et la plus an-
cienne collection des canons, avec une dis-
sertation où les éditeurs prouvent que ces
canons sont antérieurs à saint Léon. La Pa-
trologie latine reproduit l'édition des frères
Ballerini , tomes LIV, LV, LVL Le tome LVI
contient huit discours inédits de saint Léon,
publiés d'abord par MM. Caillau et Saint-
Yves. Ces sermons sont donnés d'après des
manuscrits de Florence. Le premier est sîh'
le Temps du Jeûne, le deuxième est sur la Pas-
sion du Sauveur, le troisième et le quatrième
sont sur la Pâque. Ce dernier a été donné en
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
partie par les éditeurs comme étant l'œuvre
de saint Augustin, dans le supplément des
œuvres de ce père. Ici on le donne plus com-
plet et comme convenant davantage à saint
Léon. Le cinquième est sur la Fête de saint
Paul, le sixième est sur l'Annonciation de la
sainte Vierge, le septième est sur saint Denys,
martyr; mais il n'est pas de saint Léon, puis-
qu'on y parle de saint Grégoire, et il ne pa-
rait pas conforme à la gravité du saint doc-
teur. On y fait saint Denys Aréopagite évêque
d'Athènes, et on fixe sa mort dans les Gaules,
sous Domitien. Le huitième est sur Absalon;
il ne parait pas être de saint Léon, à cause de
la différence du style.]
CHAPITRE XII.
Saint Prosper, défenseur de la grâce de Jésus-Christ.
[Père Idtin, vers l'an 463.]
Saint Pros-
per ètiifîie les
lellresdivinea
et humaïQes.
]1 défetîrlla
dociriiie de la
grâce en 423
ou 423.
ARTICLE I".
HISTOIRE DE SA VIE.
i. Saint Prosper, surnommé d'Aquitaine ',
apparemment pour le distinguer de saint
Prosper évêque d'Orléans, et d'un antre évê-
que du même nom qui souscrivit, en 527 et
529, aux conciles de Carpentras et de Vaison,
se rendit célèbre par son zèle pour la défense
de la vérité, autant que par son éloquence
et son érudition. On ne marque ni le temps
ni le lieu de sa naissance; on la met ordinai-
rement en 403. Mais tout ce qu'on dit de sa
jeunesse n'est fondé que sur des monuments
incertains ou sur des conjectures peu assu-
rées. Ses écrits sont une preuve qu'il ne s'é-
tait pas moins appliqué à l'étude des belles-
lettres qu'à l'intelligence des livres saints. 11
paraît encore que ses mœurs étaient pures,
puisqu'un auteur, qui écrivait de son temps,
l'appelle ^ un homme saint et vénérable.
2. Il demeurait en Provence , et ce semble
à Marseille, lorsqu'on y apporta le livre de la
Correction et de la Grâce, que saint Augustin
avait composé pour répondre à quelques dif-
ficultés que ses livres cont7'e les Pélagiens
avaient fait naître parmi plusieurs fidèles de
cette ville. Ils s'étaient imaginé que ce que
ce père y enseignait touchant la vocation des
élus, fondée sur le décret de la volonté de
Dieu, était contraire au sentiment commun
de l'Eglise. La lecture du livre de la Correc-
tion et de la Grâce ne les fit point revenir de
leur préjugé; mais aussi elle rendit plus éclai-
rés ceux qui avaient reconnu , en lisant les
livres contre les Pélagiens, que la doctrine
que saint Augustin y enseignait était celle des
apôtres. Hilaire, qui n'était que laïque, en
entreprit la défense; et comme il était connu
de saint Augustin, il voulut procurer le même
avantage à saint Prosper. Il l'engagea donc
à écrire à ce saint évêque, le croyant très-
capable de lui expliquer en quoi consistait
l'erreur de ceux qu'ils avaient à combattre,
et de lui proposer les difficultés sur lesquelles
il était nécessaire qu'il donnât des éclaircisse-
ments. Nous avons donné ailleurs le contenu
de la lettre de saint Prosper à saint Augus-
tin. Ce fut pour y répondre que ce saint doc-
teur écrivit les deux livres intitulés : de la
Prédestination des Saints et du Don de la per-
sévérance. Ils sont adressés aussi à Hilaire,
Voyez tû
IX, pag.
et SUIT.
1 Prosper, Jwmo Aquilaniœ regionis. Gennad. , de
Vir. illust., cap. Lxxxiv.
2 Quœ a sancto et venerabili viro Prospéra constat
fuisse compléta. Victor., apud Bûcher., pag. 6.
[V SIKCLZ.]
parce que saint Augustin en avait reçu une
lettre avec celle de saint Prosper, et sur le
même sujet. Ceci se passait vers l'an 428
ou 429.
3. Ces deux livres purent bien confondre
les ennemis de la grâce, mais ils ne les con-
vertirent point. N'osant en combattre ouver-
tement la doctrine , ils recoururent à la ca-
lomnie, accusant ' saint Augustin et ses dis-
ciples d'introduire une fatalité et d'admettre
deux natures dans l'homme. Rufin, ami de
saint Prosper, sachant qu'on l'accusait d'être
dans de mauvais sentiments, lui en écrivit
pour s'assurer de la vérité. Saint Prosper le
satisfit pleinement par une lettre assez lon-
gue, où il lui e.xplique quels étaient les bruits
que les ennemis de saint Augustin répan-
daient, quel motif ils en avaient, dans quelles
erreurs ils étaient eu.K-mêmes, et quelle était
la véritable doctrine de saint Augustin sur la
grâce et sur le libre arbitre.
4. Saint Prosper ayant reproché , dans la
même lettre, aux calomniateurs de saint Au-
gustin de n'oser découvrir leurs sentiments,
ils le firent par divers écrits, où toutefois ils
s'appliquaient moins à marquer ce qu'ils pen-
saient eux-mêmes sur les matières de la grâce,
qu'à tirer de fausses conséquences de la doc-
trine établie par saint Augustin. On vit pa-
raître desuiteplusieursiibelles, auxquels saint
Prosper répondit avec autant de force que de
modestie. Mais comaie ils continuaient à l'ac-
cuser d'erreur, et qu'ils déclaraient d'ailleurs
qu'ils ne voulaient suivre, sur les matières de
la grâce, que ce que l'Eglise romaine en avait
décidé, il prit le parti d'aller à Rome avec
Hilaire, et de porter ensemble leurs plaintes
au pape. Saint Célestin, qui occupait alors le
Saint-Siège, touché des persécutions qu'on
leur faisait souffrir ^ écrivit en leur faveur aux
évêques des Gaules, nommément à Vénérius,
évêque de Marseille , où les troubles avaient
pris naissance. Les autres évêques nommés
dans l'inscription de la lettre sont Léonce de
Fréjus, Marin, Auxone, Arcade, Filtérius. Le
pape leur fait des reproches sur leur négli-
gence àréprimer le scandale qu'avaient donné
les ennemis de la grâce. En parlant de saint
Augustin, il dit : « Cet homme, de sainte mé-
moire, a toujours été dans notre communion
pour son mérite, et n'a jamais été flétri du
CHAPITRE XIL — SAINT PROSPER.
277
moindre bruit d'aucun mauvais soupçon. Sa
science était telle, que mes prédécesseurs le
comptaient entre les principaux docteurs. Il
était aimé et honoré de tout le monde. C'est
pourquoi vous devez résister à ceux qui osent
attaquer sa mémoire, et leur imposer silence.»
A cette lettre , qui , comme l'on voit , fut écrite
après la mort de saint Augustin, et ainsi en
431 ou au commencement de 432, auquel
saint Célestin mourut, étaient joints neuf ar-
ticles touchant la grâce, pour servir de ré-
ponses à ces nouveaux hérétiques, qui décla-
raient ne vouloir s'en tenir qu'à ce qui avait
été décidé par le Saint-Siège.
5. La lettre de saint Célestin n'apaisa pas r cent cou-
les troubles. Comme il ne disait rien des cier- ù°av vcr3°432
mers ouvrages de samt Augustin, qui avaient
en partie occasionné les disputes, ses enne-
mis 3 prétendirent qu'ils n'avaient pas été
approuvés à Rome. Ils continuèrent donc à
le calomnier et à dire qu'au lieu d'avoir bien
défendu la cause de la grâce, il avait trou-
blé * la paix de l'Eglise. Ces bruits, répandus
par des personnes d'esprit et de savoir, et
qui faisaient même profession de piété, firent
impression sur ceux ^ qui étaient ou peu ins-
truits ou qui n'avaient pas assez de discerne-
ment pour juger sainement des choses. C'est
ce qui obligea saint Prosper, de retour dans
les Gaules, à prendre de nouveau la défense
de la doctrine de saint Augustin. Cassien était
le seul qui eût rendu publiques les erreurs
qui lui étaient communes avec les prêtres de
Marseille. C'était surtout dans sa treizième
conférence qu'il s'en était expliqué. Saint
Prosper fit un écrit où il les réfuta en les
rapportant dans les propres termes de l'au-
teur. Il compte vingt ans depuis le premier
triomphe de l'Eglise sur l'hérésie pélagienne
jusqu'au tenips où il réfutait Cassien. Ce pre-
mier triomphe arriva en 412, lorsque saint
Augustin combattit contre les pélagiens, dans
ses livres à Marcellin , intitulés : des Mérites
des péchés et du Baptême des enfants. Saint
Prosper n'écrivit donc contre Cassien que vers
l'un 432 ou 433, sous le pontificat de saint
Sixte.
6. Ce Pape étant mort vers le milieu du i, neionmc
mois d'août de l'an 440, l'Eglise romaine sn;n't'u<.nra
choisit pour lui succéder saint Léon, occupé «r^ul'""'
dans les Gaules à réconcilier le général
* Prosper., Epist. ad Rufin., cap. I et xvm.
" Tom. oper. Prosper., pag. 259.
' Prosper., in Collât., cap. XLm.
' Prosper., in Collât., cap. xxxix.
i» Ibid., cap. I.
278
HISTOIEE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Aétius avec Albin. Lorsqu'il en sortit pour
retourner à Rome, il emmena avec lui saint
Prosper, pour s'en servir dans les affaires
d'importance. Photius ' remarque que quel-
ques personnes ayant tciché de renouveler
dans cette ville l'hérésie pélagienne , saint
Prosper dissipa leur entreprise par ses écrits.
Saint Prosper finit sa Chronique en 455; ce
qui a fait croire à plusieurs qu'il était mort
en cette année-là. Mais Marcellin ^ parle de
lui en 463, comme vivant encore. On n'a pas
de preuve qu'il ait jamais été admis dans le
clergé. Le pape Gélase, Gennade, saint Ful-
gence et Cassiodore, qui parlent de ses écrits,
ne le qualifient ni diacre, ni prêtre, ni évê-
que. Ainsi l'on peut rejeter sans scrupule
tout ce qu'on trouve de son épiscopat, soit
dans Ughellus, soit dans Trithème, ou dans
quelques autres écrivains très- éloignés de
son temps ^.
.sesécnis. 7. Lcs écrits qui nous restent de saint
Prosper, sont : une lettre à saint Augustin,
une à Rufin; le poème contre les Ingrats;
deux épigrammes contre un censeur jaloux
de la gloire de saint Augustin; VEpitaphe
des hérésies de Nestorius et de Pelage; cent
seize autres épigrammes avec une préface ;
la réponse aux objections des Gaulois; la
réponse aux objections de Vincent; la ré-
ponse à ceux de Gênes; le livre sur la Grâce
et le Libre arbitre contre le Collateur; le com-
mentaire sur les Psaumes; le recueil des trois
cent quatre-vingt-douze sentences tirées des
ouvrages de saint Augustin; la Chronique, di-
visée en deux parties, dont la première finit
en 478, et la seconde en 555. Nous parlerons
dans la suite des autres ouvrages qu'il avait
composés, et qui ne sont pas venus jusqu'à
nous; et de ceux qu'on lui a faussement at-
tribués.
ARTICLE II.
DES ÉCRITS DE SAINT PROSPEfi.
§1-
De ses Lettres à saint Augustin et à Rufin.
Leiirs de 1- Saint Prospcr n'était counu dc Saint Au-
f'îàirrAu- gustin que par une lettre de civilité qu'il lui
S.'°' p5ril! avait écrite par un diacre nommé Léonce,
an. nii. lorsqu'il lui écrivit sur les troubles dont les
fidèles de Marseille étaient agités au sujet
des matières de la grâce et du libre arbitre.
Son but, dans cette lettre, était de trouver
un moyen de ramener les esprits, en leur fai-
sant connaître la vérité qu'ils croyaient bles-
sée dans les écrits de saint Augustin, parce
qu'ils ne les entendaient pas, et parce qu'ils
étaient eux-mêmes dans l'erreur, pour la plu-
part. Quoiqu'ils reconnussent que tous les
hommes ont péché en Adam, et que ce ne
sont point nos œuvres qui nous sauvent,
mais la grâce par la régénération spirituelle,
ils voulaient néanmoins que la propitiation
qui est dans le mystère du sang de Jésus-
Christ, fût offerte à tous les hommes sans
exception, en sorte que le salut fût accordé à
tous ceux qui voulaient recevoir la foi et re-
courir au baptême; qu'à l'égard de ceux qui
croient ou qui persévèrent dans la foi, Dieu
les a prédestinés à son royaume, en vue de
ce qu'après les avoir appelés gratuitement,
ils devaient se rendre dignes de leur élec-
tion et finir saintement leur vie. A l'égard
du décret de la volonté de Dieu touchant la
vocation des hommes, par lequel on dit que
la séparation des élus et des réprouvés a été
faite avant tous les siècles, ou dans le temps
de la création du genre humain, en sorte
que, selon qu'il a plu au Créateur d'en or-
donner,' les uns naissent des vases d'honneur
et les autres des vases d'ignominie, ils sou-
tenaient que tout ce qu'on en disait n'était
propre qu'à ôter à ceux qui sont tombés, le
courage et le soin de se relever, et à inspi-
rer même la paresse et la tiédeur aux saints,
puisque ce serait en vain que les uns et les
autres travailleraient, n'y ayant point de soin
qui puisse faire admettre celui qui a été re-
jeté, ni de négligence qui puisse faire périr
celui qui est choisi, s'il ne peut rien arriver
à l'un et à l'autre, quoi qu'ils fassent, que ce
que Dieu a déterminé; qu'ainsi l'espérance
étant toujours flottante et incertaine, la course
ne saurait être que lâche et chancelante,
tous les efforts qu'on pourrait faire pour le
salut étant inutiles, si Dieu en a ordonné au-
trement dans sa prédestination. Ils en con-
cluaient que, suivant cette doctrine, toutes
les vertus étaient anéanties; que sous le nom
de prédestination on établissait une uéces-
1 Photius, Cod. 34, pag. 45.
2 Prosper, homo Aquitanicœ regionis, sermane sclio-
lasticus et assertionibus nervosus, multa composuisse
dicitur. Marcelliu., in Chronic, ad ann. 463.
3 La tradition constante de l'Eglise deReggio, dans
l'Emilie, veut que saint Prosper ait été évêque de
cette ville, et on l'y honore comme tel, ainsi qu'à
Limoges, depuis 1838. (L'éditeur.)
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE Xn. -
site fatale et inévitable ; que, quand même
celte doctrine serait véritable, on ne devrait
pas la prêcher publiquement, étant dange-
reux, en matière de foi, de proposer ouverte-
ment des choses qui ne peuvent être bien
reçues, et n'y ayant aucun inconvénient de
les taire.
iie. Pag i. 2. C'est ainsi que parlaient ceux d'entre
les ennemis de la grâce qui étaient les plus
modérés. Il y en avait d'auti'es plus péla-
giens, qui, faisant consister la véritable grâce
de Jésus-Christ dans les facultés natiu'elles
du libre arbitre et dans l'usage de la raison,
disaient qu'en usant bien de l'un et l'autre,
on méritait d'arriver à la participation de
cette grâce qui nous fait chréliens et enfants
de Dieu ; qu'ainsi tous ceux qui le voulaient,
devenaient enfants de Dieu, et que ceux qui
ne le voulaient pas étaient inexcusables ,
parce qu'il est de la justice de Dieu que
ceux-là périssent qui n'ont pas cru, comme
il est de sa bonté de n'exclure personne de
la vie et de vouloir indifféremment que tous
les hommes soient sauvés ; en un mot, leur
sentiment était que l'homme a autant de dis-
position au bien qu'au mal, et qu'il peut
également se tourner à la vertu et au vice.
Quand on leur objectait le nombre infini
d'enfants qui meurent avant l'âge de discré-
tion, n'étant coupables que du seul péché
originel, avec lequel naissent tous les hom-
p 5 mes, ils répondaient que Dieu sauvait ou
damnait ces enfants selon qu'il prévoyait
qu'ils auraient été dans un âge avancé, où
ils auraient été en état d'agir et de mériter.
Ils disaient la même chose des nations entiè-
res, soutenant que l'Evangile leur avait été
annoncé ou non, suivant que Dieu avait
prévu qu'elles croiraient ou ne croiraient
pas. Dieu, disaient-ils encore, offre et pré-
pare k tous la vie éternelle; mais, parles di-
vers mouvements du libre arbitre de chacun,
il arrive qu'elle n'est que pour ceux qui se
déterminent à croire en lui, et qui, par le
mérite de cette foi se rendent dignes de re-
cevoir le secours de sa grâce. Ils ne voulaient
pas que les mérites des saints fussent des
eifets de l'opération invisible et surnaturelle
de Dieu, ni que le nombre des prédestinés
fût tellement certain, qu'il ne pût être aug-
menté ni diminué, parla raison qu'il ne ser-
virait plus de rien d'exhorter les infidèles à
embrasser la foi, ni de solliciter les tièdes à
s'avancer dans la vertu, puisque les efforts
de ceux qui ne seraient pas du nombre des
SAINT PROSPER.
279
élus, n'auraient aucun succès. Enfin ils en-
seignaient que de deux choses qui con-
courent au salut des adultes, la grâce de
Dieu et l'obéissance de l'homme, celle-ci
marche la première, en sorte que le com-
mencement du salut vient de celui qui est
sauvé, et non pas de Dieu qui le sauve.
3. Saint Prosper, après avoir fait remarquer snue.pjg. 6.
à saint Augustin que, tandis que l'on met-
trait dans l'homme le piincipe de son salut,
l'hérésie pélagienne ne serait pas entière-
ment détruite, le conjurait de mettre dans
le plus grand jour qu'il serait possible, ce
qu'il y avait de plus obscur et de plus diffi-
cile sur cette matière; de montrer qu'on ne
pouvait prétendre sans témérité que les dis-
putes sur la grâce ne blessaient pas la foi ;
de quelle manière le libre arbitre s'accorde
avec la grâce qui le prévient, et de lui dire
si, dans la prédestination, il fallait distinguer
un décret absolu pour les enfants qui sont
sauvés sans avoir fait de bonnes œuvres, et pag. t.
une prévision du bien que les autres doivent
faire; ou croii'e, sans distinction, qu'il n'y a
en nous aucun bien dont Dieu ne soit l'au-
teur et qui ne découle de lui comme de sa
source. Il le priait aussi de lui apprendre ce
qu'il fallait répondre à l'autorité des anciens,
qui ont presque tous été du sentiment que la
prescience de Dieu sert de fondement à la
prédestination ; en sorte que, si Dieu a fait
les uns des vases d'honneur et les autres
des vases d'ignominie, c'est parce qu'il a
prévu la différente manière dont les uns et
les autres devaient finir leur vie, et com-
ment chacun d'eux userait par sa volonté du
secours de sa grâce. En suite de cette lettre
on a mis dans la nouvelle édilion des œuvres
de saint Prosper, celle qu'Hilaire écrivit à
saint Augustin sur le même sujet, puis les
deux livres de ce Père, l'un intitulé : de la Pré-
destination des Saints; l'autre, du Don de la
persévérance, où il répond aux difficultés
qu'ils lui avaient proposées.
4. Cependant Rufin, ami de saint Prosper, ^
ayant ouï parler des mauvais sentiments f"> p's- *'■
« ^ iin (]uoi con-
qu'on lui attribuait, lui en écrivit. Saint =f= '» s''?,'"
^ ' seîûn les ital^-
Prosper reçut sa lettre comme une marque e'°"=-
de son affection. Mais pour lui donner aussi
des preuves de sa science, il le mit parfaite-
ment au fait de la question qui avait occa-
sionné les bruits vagues et les vaines accu-
sations que l'envie avait répandus contre lui.
Il commence par faire remarquer à Rufm
que la plus dangereuse erreur des pélagiens.
280
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
P»E. 8S.
Les rèrea
ont coiiiiamné
cnlte dotlri-
nc. Pas, 89.
et qui renferme toutes les autres, est celle
qui leur fait dire que la grâce de Dieu est
donnée aux hommes selon leurs mérites.
« Ils avaient d'abord, continue saint Prosper,
voulu soutenir que la nature humaine était
tellement saine et tellement pure , qu'elle
pouvait, par la seule force de son libre arbi-
tre, acquérir le ciel et le royaume de Dieu;
mais, voyant que l'Eglise avait condamné
cette pernicieuse doctrine, en la conservant
dans le fond de leurs cœurs, ils ont protesté
publiquement qu'ils croyaient que la grâce
de Dieu était nécessaire à l'homme, soit pour
le commencement, soit pour le progrès, soit
pour la persévérance dans le bien. Mais ce
qui fait voir la fausseté de cette protestation,
c'est que tout ce qu'ils donnent à la grâce
consiste à la faire servir comme de maître et
de précepteur au libre arbitre, afin que, se
montrant à l'esprit par des choses extérieu-
res, par les exhortations, par la loi, par la
doctrine, par les créatures, par les miracles
et par la crainte des jugements de Dieu,
l'homme, ensuite, mène et apphque sa vo-
lonté, pour qu'en cherchant il trouve, qu'en
demandant il reçoive, et qu'en frappant à la
porte elle lui soit ouverte; en sorte que, sui-
vant leur doctrine, la grâce ne fait par rap-
port à nous, que ce que fait la loi, que ce
que fait un prophète, que ce que fait, uu maî-
tre qui nous instruit. Ils veulent déplus, que
la grâce soit donnée généralement à tous les
hommes^ afin queceuxqui voudront croient,
et que ceux qui auront cru reçoivent la jus-
tification par le mérite de leur foi et de leur
bonne volonté, c'est-à-dire que la grâce ne
soit plus grâce, puisque, selon eux, elle est
donnée aux mérites, et qu'elle n'est ni la
source, ni le principe de tous nos mérites. «
5. Mais quelques soins qu'ils aient pris de
déguiser leurs erreurs, elles ont été décou-
vertes et étouffées par les évêques de l'O-
rient, par l'autorité du Saint-Siège et par la
vigilance des évêques d'Afrique, nommément
de saint Augustin, que saint Prosper appelle
ici la principale et la plus illustre partie du
corps sacré des pontifes qui ont paru dans
le V siècle. Ce père se plaint qu'après que cet
homme incomparable a soutenu tant de com-
bats et remporté tant de victoires et de cou-
ronnes, qu'après qu'il a éclairé toute l'Eglise
par ses ouvi-ages, et relevé la gloire de Jé-
sus-Christ en triomphant de ses ennemis ,
quelques-uns aient osé noircir sa réputation
en déniant les ouvrages par lesquels il a com-
battu l'hérésie pélagienne. « Ils soutiennent,
ajoute-t-il, que ce saint évêque détruit en-
tièrement le libre arbitre; qu'il établit une
nécessité fatale sous le nom de grâce, et qu'il
enseigne qu'il y a comme deux masses dif-
férentes et deux natures dans les hommes;
ce qui est rendre coupable de l'impiété des
païens et des manichéens un homme dont
la piélé est révérée de toute l'Eglise. Que si
ce qu'ils soutiennent est véritable, pourquoi
ne s'opposent-ils pas à la publication d'une
doctrine aussi extravagante ? Pourquoi ne
font-ils pas quelque écrit pour l'en avertir? »
Cet endroit fait voir que la lettre à Rufin fut
écrite avant le 28 août de l'an 430, auquel
saint Augustin mourut. « C'est peut-être,
continue saint Prosper, que ces nouveaux
censeurs sont trop modestes, et qu'ayant
quelque respect pour ce prélat, ils veulent
épargner sa vieillesse, ne croyant pas d'ail-
leurs nécessaire la réfutation de ses livres,
comme n'étant lus que de peu de personnes.
Non. Ils savent très-bien que l'Eglise de Rome,
celle d'Afrique et généralement tous les en-
fants de la bénédiction et de la promesse
divine, répandus dans toutes les parties de
la terre, s'accordent avec ce grand person-
nage aussi bien dans sa doctrine touchant la
glace, que dans tous les autres points de la
foi. Ils savent encore que, touchant les ques-
tions sur lesquelles ils forment des plaintes,
un grand nombre de personnes vont appren-
dre dans ses ouvrages la doctrine évangéli-
que et apostolique sur la grâce, et que Jésus-
Christ se sert tous les jours du ministère de
sa plume et de sa parole pour se former de
nouveaux membres dans le corps sacré de
son Eglise. Ce qui les pousse donc et ce qui
les anime, c'est que, voulant se glorifier dans
leur propre justice plutôt que dans la grâce
de Dieu, ils ne peuvent soutiVir la résistance
avec laquelle nous combattons les discours
qu'ils sèment de toutes parts contre ce grand
homme qui possède une autorité si sublime
dans toute l'Eglise, ni qu'on leur oppose
partout ses écrits. »
6. « Pour prouver leur opinion, ils allé- auiodi
guent ces paroles où Jésus-Christ appelle dofnes'sëmi!
tous les hommes : Vaiez à moi vous tous qui IbolUtâ'
êtes dans la peine et gui êtes cha7'gés, et je vous °^'
soulaget^ai ; soumettez-vous à mon joug, et ap-
prenez de moi que je suis humble de cœi»'/ pré-
tendant qu'étant au pouvoir de tous tes hom-
mes de suivre l'exemple de douceur et d'hu-
milité que Jésus-Christ nous a donné, ceux
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
[V SIÈCLE.]
qui lui auront obéi auront la vie éternelle,
au lieu que les désobéissants perdront le
saint par leur propre faute. Mais qu'ils écou-
tent aussi, dit saint Prosper, ce que le même
Seigneur a dit à ceux qui avaient la même
joan.ir, ■•. puissauce du libre arbitre : Vous ne pouvez
oan. VI, H. rieu foirB sans moi. Personne ne vient à moi,
s'il n'est entraîné par mon Père qui m'a envoyé.
loan. Ti, 66. Personne ne peut venir à moi s'il ne lui est
donné de mon Père. Il est donc hors de doute
qu'afm que le libre arbitre obéisse, il faut
que la grâce de Dieu forme dans lui le mou-
vement et l'affection, par laquelle il croit et
obéit. Autrement, il suffirait d'avertir un
bomme , et il ne serait point nécessaire
qu'une nouvelle volonté fut formée dans lui,
■rov.Tin,38. sclou cct oracle de l'Ecriture : C'est le Sei~
gneur qui prépare la volonté. Et selon cette
parole de l'Apôtre : C'est Dieu qui produit le
vouloir et le parfaire selon la bonne volonté.
Quelle bonne volonté, sinon celle que Dieu
a produite en eux ? Afin qu'après leur avoir
donné la volonté d'agir, il leur donne encore
le moyen de le faire. »
objeciion 7. Ils prouvent encore la force du libre
4xeDipie M arbitre par l'exemple de Corneille le Cente-
>a°/.°3K' "■ nier, prétendant qu'ayant eu la crainte de
Dieu et l'ayant prié avant d'avoir reçu la
grâce, il s'est appliqué par lui-même et par
son propre mouvement aux exercices de
l'aumône, des jeûnes et de la prière; qu'en
conséquence, il a reçu de Dieu le don du bap-
tême. A cela saint Prosper répond que les
bonnes œuvres de Corneille, avant son bap-
tême, furent l'effet de la grâce. Il montre,
par la vision qu'eut saint Pierre avant de
baptiser ce centenier, que c'était Dieu même
qui avait purifié Corneille en commençant
dans lui les bonnes œuvres qui précédèrent
la prédication de la parole, afin que cet apô-
tre ne doutât point d'annoncer le salut à un
gentil, voyant que Dieu l'y avait déjà disposé
par l'infusion de sa grâce. « 11 était même be-
soin, dit-il, que les cboses se passassent ainsi,
de peur que la vocation de l'Eglise des gentils
qui était nouvelle, et qui n'avait point été
révélée jusqu'alors, ne parût incertaine et
peu assurée, si Dieu ne l'eût confirmée lui-
même, en témoignant, par l'éloge qu'il fit de
281
Corneille, qu'il avait déjà purifié par ces
saintes dispositions le cœur de celui qui de-
vait être les prémices de cette Eglise. Car la
foi n'est pas commune à tout le monde, et
tous ne croient pas à l'Evangile. Mais ceux
qui croient y sont poussés par l'Esprit de
Dieu, et ceux qui ne croient pas en sont dé-
tournés par leur libre arbitre. Ainsi notre
conversion à Dieu ne vient point de nous,
mais de Dieu même, comme le dit l'apôtre :
La grâce nous a sauvés par la foi, et ce bien ne Eptes. n.a.
vous est pas venu de vous-mêmes : c'est un don
de Dieu, qui n'est point la récompense de vos
œuvres, afin que nid ne se glorifie en soi-même.))
8. «L'homme ayant perdu par le péché sa d'où »iciit
justice naturelle, s'égarait sans cesse, lors- rhTmme.
Pae 92.
que Dieu l'a fait rentrer dans la voie et qu'il
lui a inspiré de l'amour pour celui qui l'avait
aimé le premier avant d'être aimé de lui.
Ce n'est pas, dit saint Jean, que nous nous lUoan.iv,
soyons portés de nous-mêmes à aimer Dieu; c'est
lui qui nous a aimés le premier. Le même apô-
tre dit : Quiconque aime est né de Dieu et il i joa„, ,t,
connaît Dieu. Celui qui n'aime point ne connaît '' *'
point Dieu, parce que Dieu est amour; ce qui
fait voir qu'on peut trouver beaucoup de
choses louables dans un homme, qui toute-
fois , n'étant point animées de l'amour de
Dieu, n'ont ni l'esprit ni l'essence de la piété.
C'est Dieu, comme le dit saint Paul, qui nous uAdiimoi.
a délivrés et qui nous a appelés par sa vocation '' "'
sainte, non selon nos œuvres, mais selon son
propre décret et sa grâce, qui nous a été don-
née en Jésus-Christ avant tous les temps.
Lorsque sa grâce ' nous justifie, elle ne nous
rend pas de bons, meilleurs ; mais de mau- „
vais que nous étions, elle ne nous rend bons,
afin de nous rendre ensuite de bons, meil-
leurs, par un avancement continuel dans la
vertu, non en nous ôtant le libre arbitre,
mais plutôt en le rendant libre : car tant que
notre libre arbitre a agi seul sans être as-
sisté de Dieu, il n'a vécu que pour le péché,
étant mort pour la justice. Mais lorsque la
miséricorde de Jésus-Christ l'a éclairé par
sa divine lumière, il a été tiré du règne du
diable, afin que Dieu même régnât en lui, et
il ne peut encore demeurer ferme dans cet
état si heureux par cette grâce qu'il a reçue.
1 Gralia Dei quoscumque juitificat non ex bonis
meliores, sed ex malis bonos facit; postea per profec-
fum ex bonis factura meliores ■" non adempto lihero
arbitrio, sed liberuto. Qund donec sine Deo solum fuit,
mortuum fuit justilice vixitque peccato ; ubi autem
ipsum illuminavit misericordia Christi, erutum est a
regno diaboli , et factum est regnum Dei, in quo ut
perinanere possit, ne ea quidem facullate sufficit sibi,
nisi inde accipial perseverantiam iinde accipit justi-
tiam. Prosper, Episi. ad Rufin., pag. 93.
282
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
f>'où
l'erreur
s B m i - n
giens. P,
vlpnt
des
é I a-
9'..
si celui qui l'a premièrement appelé à la jus-
lice, ne lui donne aussi la persévérance dans
la justice. Dieu, pour confirmer cette vérité,
permit que saint Pierre, qui se promettait de
lui-même d'aller avec Jésus-Gln-ist à la pri-
son et à la mort, tombât dans le péril de se
perdre, afin qu'il fût relevé par la main
toute-puissante de celui sans lequel personne
ne peut ni subsister pour quelque temps, ni
persévérer jusqu'à la fin.
9. Ce qui empêchait les nouveaux ennemis
de la grâce de Dieu de la reconnaître telle
que l'Ecriture nous la représente et qu'elle
se fait sentir elle-même par ses grands effets,
c'est qu'ils craignaient d'être obligés d'avouer
en même temps que de tous les hommes qui
sont nés et doivent naître dans tous les siè-
cles, Dieu a choisi un certain nombre pour
en composer ce peuple qu'il a prédestiné à
la vie éternelle, et qu'il a élu eu l'appelant
selon le décret de sa volonté. « Ce qui est,
dit saint Prosper ', une vérité si constante,
qu'il ne faut pas être moins impie pour la
combattre , que pour combattre la grâce
même. » Il le prouve par ce grand nombre
d'hommes que Dieu a laissé périr dans les
siècles passés, ensevelis dans les ténèbres
de l'ignorance et du paganisme ; et ajoute :
i( Si la lumière de la raison naturelle, ou
l'usage de tant de biens que Dieu fait aux
hommes, avait pu suffire à tous ces peu-
ples pour obtenir le salut, il faudrait con-
clure qu'encore aujourd'hui les pensées natu-
relles de notre esprit, la considération des
temps, des saisons et de cette abondance de
fruits que nous trouvons en ce monde, nous
pourraient suffire pour nous sauver, parce
qu'usant bien de tous ces avantages de la
nature, et reconnaissant Dieu dans ces dons
et ces faveurs dont il nous comble tous les
jours, nous pourrions l'adorer encore plus
parfaitement que n'ont pu faire ces anciens
peuples. Mais à Dieu ne plaise ^ que des
âmes qui ont quelque piété et qui se sou-
viennent qu'elles ont été rachetées par le
sang de Jésus-Christ, soient jamais capables
d'une pensée si extravagante et si pernicieuse
tout ensemble. La nature humaine n'a point
d'autre libérateur que Jésus-Christ, qui, étant
homme, est devenu le médiateur entre Dieu
et les hommes. Nul sans lui n'a part au salut.
Comme ce n'est pas nous, mais lui seul qui
nous a formés, aussi n'est-ce pas nous, mais
lui seul qui nous forme pour la seconde fois
en nous justifiant. Et de peur que l'homme
qui a reçu le don de la grâce, et qui fait en-
suite de bonnes œuvx-es, ne s'imaginât que
la grâce lui eût été donnée parce que Dieu "
prévoyait que lorsqu'il l'aurait relevé de sa
chute, il se rendrait digne de ce don par ses
œuvres ; Dieu , pour confondre ses pensées , a.
répandu les richesses de sa miséricorde sur
les premiers moments de la vie de quelques
enfants, dans lesquels il est visible qu'il ne
peut avoir pour cause de son choix, ni la
piété précédente, ni celle qui doit suivre,
non plus que l'obéissance, ou le discerne-
ment, ou la volonté. «Je parle, dit saint
Prosper, de ces enfants qui ne sont pas plutôt
nés qu'ils renaissent heureusement par le
baptême, et qui n'ont pas plutôt reçu le
baptême qu'ils entrent par une mort prompte
dans la participation des biens éternels. »
10. « On nous objecte sans cesse, dit ce Enqneisen»
père, ces paroles de l'Ecriture : Dieu veut mIiv." "tous
, .les hommes.
que tous les hommes soient sauves, comme si vag. sî.
elles étaient contraires à notre doctrine. Quoi ""° '"' '
donc ! Tant de millions d'hommes, qui, dans
l'espace de tant de siècles jusqu'aujourd'hui,
sont morts malheureusement sans avoir la
moindre connaissance de Dieu, n'ont-ils pas
été du nombre des hommes? Pourquoi le
même Dieu qui veut que tous les hommes
soient sauvés et qu'ils parviennent à la con-
naissance de la vérité, empêche-t-il ses apô-
tres d'annoncer son Evangile dans l'Asie,
1 Ab hac autem confessione gratiœ Dei ideo quidam
resiliunf, ne hoc neccsse habeant confiteri, quod ex
omni numéro hominum per sœcula cuncia natorum
certus apud Deum definiiusque sit numerus prœdes-
tinati in vitam œternam popuii, et secundum propo-
situm Dei vocaniis electi. Quod quidem tam inipium
est negare, quam ipsi gratiœ conirarium. Neque enim
remotum est ab inspedione commun/, quoi sœculis,
quam innumera hominunCmillia erroribus suis impie-
lalibusque dimissa sine ulla veri Dei cognitione de-
fuerint. Prosper, Epist. ad Rufin., pag. 94.
2 Sed absit ab animis piorum et Chi'isii sanguine
redemptorum, stulta nimium et perniciosa persuasio ;
naturam humanam non libérât extra unum Mediato-
rem Dei et hominum, hominem Christum Jesum: sine
illo nemini salus est. Sicut ipse fecit nos, et non ipsi
nos; iia ipse reficit yios, et non ipsi nos. Ac ne sibi
facultus hominis pretium reparationis hujus vel post
restitutionem sui per opéra videretur justitiœ repen-
sare, effuderunt se divitiœ bonitatis Dei in ipsa quo-
rumdam primordia parvulorum; in quibus nec prœ-
cedens eligitur, nec secutura devotio; non obedientia,
non discretio, non voluntas. De his enim loquor qui
mox ut nati sunt, renaseuntur, et rapti ab hac vita
œternœ beatitudini deputantur. Prosper^ ibid., pag. 95.
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XII.
SAINT PROSPER.
283
tandis qu'il leur ordonne de le prêcher à
tous les peuples du monde ? Dans le temps
même que nous vivons, la plupart des peu-
ples du monde ne font que commencer à re-
cevoir la religion chrétienne, y en ayant en-
core plusieurs qui non-seulement ne jouis-
sent pas d'un si grand bien, mais qui même
n'en ont pas ouï parler. Quant aux causes de
ce discernement si terrible, elles ne peuvent
être pénétrées par l'esprit humain, et on peut
les ignorer sans préjudice de la foi et du sa-
lut. Confessons seulement * que Dieu ne con-
damne personne sans qu'il l'ait mérité, et
qu'il ne sauve personne parce qu'il Fa mé-
rité, et que sa bonté toute-puissante sauve
et éclaire par la lumière de sa vérité divine
tous ceux qu'il veut qui soient sauvés et ar-
rivent à la connaissance de sa même vérité.
Car nul ne vient à lui, s'il ne l'appelle : nul
ne reçoit l'instruction de la foi, s'il ne l'en-
seigne : nul n'est sauvé, s'il ne le sauve ,
parce qu'encore qu'il ait commandé à ses
minisires de prêcher indifféremment à tous
les hommes, néanmoins ni celui qui plante,
ni celui qui arrose n'est rien , mais c'est Dieu
qui donne l'accroissement qui est tout. »
H. « On dira peut-être que ce sont les
hommes qui s'opposent à la volonté de Dieu,
et que de ce qu'il y en a à qui la foi n'a
pas été prêchée, c'est que Dieu voyait que
leurs cœurs et leurs esprits étaient fermés à
sa divine lumière? Mais qui a changé le cœur
des autrespeuples qui croient en Jésus-Christ,
sinon celui qui, comme parle le psalmiste,
a formé en particulier les cœurs de chacun
d'eux? Qui a pu amollir la dureté de ces
cœurs en les rendants flexibles et obéissants
à la parole sacrée, sinon celui qui des pierres
mêmes peut susciter des enfants à Abraham ?
Il est d'ailleurs constant, par divers en-
droits de l'Ecriture, que l'Evangile doit être
prêché par toute la terre ; et il ne l'est pas
moins que nul n'entrera dans la société bien-
heureuse de l'héritage du Sauveur, qu'il ne
lîpbeâ. I, 11.
RéponflG à
une autre ob-
jectiûiidesîjC-
iiii-pélagieus.
Pag. 97.
soit du nombre de ceux qui ont été prédes-
tinés et prévus avant la création du monde,
suivant le décret de celui qui fait toutes choses aci. xm, 48,
selon le conseil de sa volonté. Mais qui sont les
vases que Dieu a choisis, et quel en doit être,
le nombre? C'est un mystère dont l'igno-
rance ne nuit point à notre salut. Il nous
suffit de savoir ^ que tous les bons entreront
dans le royaume de Dieu ; que ce sera la
grâce qui les y fera entrer, et que tous les
méchants en seront bannis par leur propre
malice. »
12. i' En admettant, dit-on, la nécessité de
la grâce, il ne reste plus rien à faire au libre
arbitre. La grâce, répond saint Prosper, ne
détruit pas le libre arbitre, elle le transforme
et le change en mieux, lui imprimant d'au-
tres pensées et le faisant agir en lui appre-
nant à mettre toute l'espérance de sa guéri-
son dans son médecin et non dans soi-même.
Il n'est jamais, durant cette vie, dansune santé
si parfaite, que ce qui l'avait blessé aupara-
vant, ne le puisse blesser de nouveau ; et il
n'est jamais tempérant jusqu'à ce point, de
pouvoir s'empêcher par ses propres forces
d'user des choses qui le font malade. Ainsi
l'homme qui avait été mauvais dans son libre
arbitre, est rendu bon dans le même libre
arbitre ; étant mauvais par la coiTuption qu'il
trouve en lui-même. Dieu le rend bon en le
l'établissant dans le premier honneur dont il
est déchu : ce que Dieu fait non-seulement
en lui remettant les fautes de volonté et d'ac-
tion, mais en lui donnant la grâce de vouloir
le bien, de le faire et d'y persévérer. »
13. Saint Prosper porte le défi aux calom-
niateurs de saint Augustin de montrer un
seul endroit dans ses écrits qui autorise tant
soit peu le destin et la doctrine de deux na-
tures différentes dans l'homme. « Quoi qu'ils
fassent, ajoute-t-il, ils ne trouveront jamais
qu'on nous ait ouï dire, ou que nous ayons
enseigné rien de semblable, parce que nous
savons très-bien qu'il n'y a aucune ^ néces-
JuBiillptiiion
de la (loclrinu
de s-ii[i[ Au-
gufi.n.p. as,
1 Quœ sit discretionis isiius ratio , sine fidei diminu-
lione noscitur : modo confiteamur neminem immerito
perdi, neminem merito liberari, et omnipotentissimam
Domini bonitatem omnes salvare, et omnes ad agni-
tionem veriiaiis imbuere, quos vult omnes fieri sal-
ves et ad agnitionem veritatis venire. Nisi enim ipso
vacante, docenle, saluante, nemo venit, nemo eruddiir,
nemo salvatur. Quia et si indifferenter omnibus ho-
minibus jubenluv prœdicare doctofes , et semen verbi
ubique discerere ; tamen neque qui plantât, neque qui
rigat est aliquid, sed qui incrementum dot Deus.
Prospefj Epist. ad Rufin., pag. 94.
^ Constat regnum cœlorum omnes ingressuros bonos,
hoc eis donante Dei gratia; et nullos ingressuros ma-
los, hoc ipsorwn merente nequitia. Ibid., pag. 97.
3 Ea auiem quœ de fato et de duabus massis ditu-
husque naturis stultissimo mendacio in tanti viri in-
juriam jactitantur, neque ipsum quidem onerant,Au-
gustinum, in cujus libris copiosissime hujusmodi des-
truuntur errores; nec nos perturbant, qui taies opi-
nionescum suis auctoribus execramur . Prorsus /lihil talc
apud nos audierunt, nihil taie legeruni. Quia non fato
quidquam geri, sed omnia Dei Judicio novimus ordi-
nari. Nec ex duabus massis, duabusue naturis; sed ex
284
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Ce poème a
été f.tit vers
l';.Il *30. Di-
vision et des-
sein ilecetou-
Trnge.
Pag. 105, 06.
site fatale qui agisse dans le monde, mais
que Dieu règle toutes choses par la loi su-
prême de sa providence et de sa justice. Nous
savons que la nature de l'homme est créée de
Dieu, non de deux masses, mais d'une seule,
savoir, de la chair du premier homme ; que
cette nature étant tombée dans Adam, a été
enveloppée dans la ruine de son péché, lors-
qu'il s'est perdu par son libre arbitre ; qu'é-
tant destinée à la mort et aux supplices éter-
nels, elle n'en sera jamais délivrée, si le Sau-
veur ne retrace dans elle l'image de Dieu par
la grâce d'une seconde création, et s'il ne
soutient son libre arbitre en le poussant par
l'impression de son Esprit, en lui inspirant
ce qu'il doit faire, en l'assistant et en le for-
tifiant dans ses faiblesses , en marchant de-
vant lui et en le conduisant jusqu'à la fin de
cette vie. »
Ce père finit sa lettre en renvoyant Rufin
aux ouvrages de saint Augustin, l'assurant
qu'il y trouvera de quoi s'instruire pleine-
ment de la vérité des questions importantes
qui regardent la grâce et la prédestination.
§11.
Du 'poème contre les Ingrats.
1. Saint .\ugustin ' vivait encore lorsque
saint Prosper composa ce poème. C'était
donc avant la fin d'août de l'an 430. Il l'inti-
tula : contre les Ingrats; terme qui peut mar-
quer en général tous les ennemis de la
grâce, pélagiens et semi-pélagiens. Mais
il paraît que ce père le prit dans un sens
plus particulier et pour marquer uniquement
ceux qui soutenaient que le commence-
ment de la bonne volonté et de la foi vient
de nous. On les a depuis nommés semi-péla-
giens; mais saint Prosper ne voulut point les
taxer ouvertement d'hérésie, soit parce que
l'Eglise n'avait pas encore condamné leur
erreur, soit parce qu'il ne les croyait pas
apparemment si opiniâtres dans leurs erreurs,
qu'il n'eût quelque espérance de les en voir
sortir. Cet ouvrage, qui est à proprement
parler l'abrégé de tous ceux que saint Au-
gustin a écrits sur la grâce pour la défendre
contre les pélagiens, est divisé en quatre
parties, qui sont précédées d'une petite pré-
face, où l'auteur déclare qu'il écrit contre
ceux qui, pleins de la témérité que donne
une fausse vertu, croyaient mériter par eux-
mêmes les dons de Dieu, et que son dessein
est d'appiendre à ses lecteurs que notre mé-
rite est l'eliét, et non la cause de la grâce de
Dieu en nous. Ce poème contient mille vers,
tous hexamètres, non compris l'exorde, qui
est comme une seconde préface.
2. Quoique l'Eglise eût remporté en tant
de conciles une célèbre victoire sur Pelage
et son hérésie, et que la guerre qu'elle avait
eue avec lui eût été heureusement terminée,
néanmoins ce cruel aspic, tout écrasé qu'il
était, ou n'était pas encore mort, ou il re-
naissait dans un certain nombre de personnes
qui, feignant de le condamner, faisaient re-
vivre ses erreurs. Les capitales étaient que
le premier homme devait mourir nécessaire-
ment, soit qu'il observât les commandements
de Dieu, soit qu'il les transgressât, la mort
étant la suite de sa nature, et non l'effet du
péché; qu'il n'y avait pas de péché originel,
et que les enfants, ne tirant aucune cor-
ruption de leurs pères, naissaient aujourd'hui
dans le même état où Adam et Eve avaient
été créés; que nos premiers parents, en usant
mal de leur libre arbitre, ont péché contre
Dieu , mais que leur péché ne nous a nui que
par le mauvais exemple qu'il nous ont donné;
que tous les hommes naissant donc sans au-
cune tache et sans aucune corruption, peu-
vent arriver au comble de la perfection et de
la vertu, et conserver la grâce qu'ils ont re-
çue dès leur origine , parce qu'il ne dépend
que de leur volonté de se maintenir toujours
d'ans cette première intégrité delà nature, la
loi qui est imprimée dans leurs cœurs leur
proposant d'elle-même tout le bien que Dieu
leur commande au-dehors parla loi écrite; que
la grâce de Jésus-Christ ajoutée dans ces
derniers temps aux forces de la nature, s'offre
généralement à tous ceux qui ont péché,
pourvu qu'ils se renouvellent dans les eaux
du baptême ; qu'alors Dieu leur pardonnant
les crimes qu'ils ont commis par leur propre
volonté, ils recouvrent aussi par cette même
volonté naturelle la pureté et l'innocence qui
leur est propre ; en sorte que, purifiés par ce
sacrement, ils reprennent la première vi-
Analysfi de
la première
partie. P. lia,
Erreurs de
Pelage.
Pag. I n.
una massa, quœ est caro primi hominis, unam scimus
omnium hotninum creatam, crearigua iialuram, et eam-
dem per ipsiusprimi liominis liberum arbitrium, in quo
omnes peccauerunt, esse prostratam : nec ullo modu
ab œternœ mortis débita liberam, nisi eam ad inia-
ginem Dei secundo; crealionis Christi gratta reforma-
verit, liberumque ejus arbitrium agenda, adspirando,
auxilianda, et usque in finnm prœeunda servaverit.
Prosperj Epist. ad Rufin , pag. 98.
' Prosper^ pag. 127.
[V^ SIÈCLE.]
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
285
Pag. 110.
Pag. 122.
gueur dont ils s'étaient privés par leurs dé-
règlements volontaires , et la conservent en-
suite par la puissance de leur libre arbitre ;
que le baptême renferme tant de richesses et
de grâces, qu'on le donne avec raison aux
enfants mêmes, quoique purs et sans laclie,
afin qu'étant nés bons, ils deviennent encore
i^ieilleurs, et que l'innocence de la nature
reçoive un nouvel éclat par la bénédiction
de la grâce du Sauveur ; que Dieu ne refuse
à aucun homme cette faveur dès sa naissance,
tous méritant par leur volonté et leur liberté
naturelle de recevoir les biens de la grâce
auxquels Jésus-Christ nous appelle, ces biens
étant dus à tous ceux qui veulent bien vivre,
et n'étant ôtés qu'à ceux qui les rejettent.
3. Lorsque ce serpent, que l'Angleterre
avait produit, inspirait de toutes parts le ve-
nin mortel de sa doctrine ', Rome, qui est le
siège de saint Pierre et le premier siège du
monde, le condamna; Rome, dis-je, qui,
étant devenue le chef de tous les évêques de
la terre, possède par l'autorité et par les lois
de la religion, tout ce qu'elle ne possède pas
par les lois de la guerre et par la puissance
de ses armes. Les évêques d'Orient obligè-
rent Pelage, dans le concile de Diospolis, de
condamner lui-même son erreur, sous peine
d'être retranché du nombre des fidèles et du
corps de Jésus-Christ. Saint Jérôme décou-
vrit la nuit épaisse dont cet enfant de ténè-
bres voulait obscurcir la lumière de la vérité.
Atticus, évêque de Constantinople, opposa
aux députés des pélagiens la foi ancienne et
la tradition de l'Eglise. La ville d'Ephèse
ne voulut point souffrir dans l'enceinte de
ses murs ces vases de colère dont le soufQe
contagieux donnait la mort â ceux qui les
écoutaient. Les évêques d'Afrique ne se con-
tentèrent pas de dire anathème aux secta-
teurs de cette doctrine impie, ils en décou-
vrirent le veniu le plus secret, et ne laissè-
rent aucun de leurs arguments qui ne fût
détruit par la science et par la lumière de la
foi. Mais nul d'entre ces évêques ne soutint
la cause de Dieu par de plus grands travaux
et de plus excellents ouvrages que saint Au-
gustin. En quelque part que se trouve cet
ennemi si subtil et si malin, en quelque ma-
nière qu'il cherche à s'échapper par des pro-
positions ambiguës ou oljscurcs, il rencontre
toujours ce saint admirable, qui l'ai-rête et
prévient ses artifices. Il vivait encore alors;
son âme, élevée au-dessus des sens, trouvait
en Dieu seul sa nourriture, son repos et sa
vie, et ne goûtant ^ en ce monde aucune
douceur que celle de l'amour de Jésus-Christ
dont il brûlait, il n'était touché d'autre hon-
neur que de celui de son divin maître. Ainsi,
ne s'attribuant aucun bien. Dieu seul lui de-
venait toutes choses, et la sagesse éternelle
régnait dans son cœur comme dans son
temple.
4. A peine l'Eglise avait-elle joui d'un mo-
ment de tranquillité, lorsque quelques per-
sonnes, enflées d'une honteuse présomption
s'efforcèrent de rallumer les flammes déjà
mortes et éteintes de l'hérésie pélagienne ,
enseignant que l'homme étant libre de soi-
même et tournant sa volonté comme il lui
plait par la puissance et le mouvement de sa
nature, il peut embrasser le bien par son
propre choix, comme par son propre choix
il peut se porter au vice. C'était renouveler
les erreurs des pélagiens, qui assuraient que
l'intégrité de la nature n'a point été blessée
par le péché d'Adam, et que tous les hommes
naissent encore aujourd'hui avec la même
lumière que Dieu inspira au premier homme
en le créant; et dès-lors les pélagiens étaient
en droit de demander ou qu'on leur permît
d'enseigner dans l'Eglise ce que ces nouveaux
docteurs y enseignaient, ou qu'on les en re-
tranchât aussi bien qu'eux.
5. Saint Prosper rapporte dans la seconde
partie les principaux articles de l'hérésie pé-
lagienne, qui, de l'aveu des ingrats ou des
semi-pélagiens, avaient été condamnés par
l'Eglise et par les lois mêmes des empe-
reurs, savoir : que le crime de notre premier
père n'a nui qu'à lui seul; qu'ainsi, naissant
encore aujourd'hui dans le même état dans
lequel il était avant son péché, l'homme peut,
s'il veut, n'en commettre aucun, ainsi qu'A-
dam, dans l'état d'innocence, pouvait ne pas
pécher en usant bien de sa liberté naturelle;
que les hommes se sauvaient autrefois par
la loi -de Moïse, comme on fait maintenant
L 'hé résio
s *: m i - 1) é 1 a-
gicnnesVffor-
cc de faire re-
Daitre lapela-
gîeûne.
Pag. i27.
Deuxîfime
panie. Senti-
ments (jueles
se m i-p él a-
giens rectjn-
n;iissent avoir
été coiiiiaiii-
Bés dins les
pélagiens. P.
las.
' Pestem subeuntem prima recidit sedes Roma Pétri,
quœ pasioralis honoris fada caput mundo, quidquid
non possidet armis, religione tenet. Prosper, de In-
yraiis, pag. 119.
2 Auyustinus crat, quem Christi gratia cornu ube-
riore rigans nostro lumen dédit œm, accensum vero
de lumine. ham cihus illi, et vita et requies Deus est,
omnisque voluptas, unus amor Christi est, uniis Christi
est honor illi. Et dmn nulla sibi tribuit bona, fit Deus
illi omnia, et in sancto régnant sapientia temple,
Ibid,, pag. 126 et. 127.
286
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pag. 138. par la loi de grâce. On objecta à Pelage, dans
le concile de Diospolis, qu'il enseignait que
la grâce de Jésus-Christ est donnée aux hom-
mes selon leur mérite. Mais il désavoua cette
doctrine devanltoutlemonde, etdit anathème
à quiconque la soutiendrait. Ce père propose
ensuite la doctrine des semi-pélagiens, qu'il
réduit à deux chefs : l'un, que Dieu voulant
que tous les hommes soient sauvés, offre sa
grâce à tous ; l'autre, que c'est le libre arbitre
qui est cause que l'un obéit à la grâce, et
que l'autre la rejette ; que l'un la conserve
en persévérant, et que l'autre ne persévère
138. pas ; ce qui suppose qu'il est resté assez de
force dans la nature pour désirer et deman-
der le secours de Dieu.
Corainsnt 6. Il réfutc le premier par l'exemple de
Dieu VRU t
sa II viir
lioiiimos
saiivor les cBux qui sout morts dans la nuit profonde
de l'ignorance et du péché, tandis que Dieu,
ce soleil de justice, répandait la lumière de
son Evangile sur plusieurs autres. Il est bien
vrai que Jésus-Christ a commandé à ses apô-
tres d'aller prêcher l'Evangile à tous les
hommes; mais ce qui s'est dit en un moment
n'a pas été exécuté même plusieurs siècles
après; on sait ' qu'à présent l'Evangile n'a
pas encore été prêché par toute la terre. Si
pag.iso. l'on dit que s'il y a des hommes à qui
la foi n'a point été annoncée, c'est qu'ils s'en
sont rendus indignes par la brutahté de leurs
esprits et le dérèglement de leurs moeurs,
c'est dire nettement que tous les hommes,
quoiqu'égaux par leur naissance, se sont
distingués les uns des autres par des dispo-
sitions différentes de leur volonté, et que
tous pouvant , par leur hberté naturelle , vou-
loir le bien, peu l'ont voulu effectivement, et
en conséquence ont mérité le don de la
grâce ; ce qui est une erreur condamnée
(42. dans les pélagiens. S'il est vrai d'ailleurs ^
que Dieu veuille que tous les hommes géné-
ralement soient sauvés, sans en excepter
aucun, il faut que tout ce que veut cette su-
prême et toute-puissante volonté , soit ac-
compli : néanmoins, il est certain que tous
les hommes ne sont pas sauvés, mais qu'au
contraire, il y en a une très-grande partie
qui ne reçoit point la vie de la foi, ou qui
demeure plongée dans les ténèbres du pé-
ché et de la mort. Répondre que Dieu veut
que tous les hommes soient sauvés, mais
c[u'ils ne le sont pas tous, parce que les
uns le veulent et que les autres ne le veu-
lent pas, c'est répondre que la volonté de
Dieu sera eCEicace ou inefficace, selon qu'il
plaira au libre arbitre de l'homme , qu'ainsi
la volonté de l'homme sera comme la borne
et la mesure des actions de Dieu, puisque ce
sera en vain qu'il voudra secourir une âme,,
si elle ne veut auparavant être secourue, en
sorte que la grâce ne fera que suivre ce
mouvement de la volonté qui précédera son
opération dans les cœurs.
7. Pour réfuter le second chef de la doc- cesn-. grâce'
. qui convertit
trine des semi-pélagiens, samt Prosper tait i« cœu"- p-
voir en premier lieu que la grâce agit sur
l'homme, non-seulement en lui proposant le
bien et en l'invitant à le suivre , mais en
changeant elle-même sa A'olonté et en fai-
sant qu'elle embrasse la vertu. « Comme Jé-
sus-Christ attire maintenant à soi par sa
grâce les nations les plus cruelles et les plus
barbares parmi lesquelles il était auparavant
ou inconnu ou méprisé, de même dans les
siècles passés, il a soumis à son empire les
peuples farouches ^ et les villes rebelles en
surmontant, par la piété qu'il leur a inspirée,
tous les obstacles qu'il a rencontrés dans
leurs esprits. Il ne les a pas convertis de la
sorte par de simples exhortations, comme si
la grâce était semblable à la loi et qu'elle
n'agisse pas autrement qu'elle ; mais en chan-
geant le fond de leur cœur, en le renouve-
lant et en formant, par une puissance de
créateur et de souverain, un vase nouveau
au lieu du premier qui était brisé. Les ex-
hortations de la loi, les remontrances des
prophètes et tous les efforts de la nature,
* Nec enim vel t empare nosiro omnibus in terris
jam certum est insinuatum Chrisii Evangelium. Pros-
per, pag. 139.
2 Nam si nemo usquam est, quem non venit esse
redemptum : haud dubie implehir quidquid vult
summa potestas. Non omnes autem salvantur, magna-
que pars est quœ sedet in tenebris mortis, nec vivifi-
cntur. Ibid., pag. 141.
3 Namque ut nunc sœvas gentes et barbara régna,
ignoti prias aut spreli nova graiia Christi attrahit ,
et terra templum sibi condit in omni : sic prius im-
7nites populos urbesque rebelles vincente obs tantes
animas pie taie subegit. Non hoc consilio tantum hor-
tatuque benigno suadens atque docens, quasi normam
Icgis haberet gratia : sed mutons intus mentem atque
reformons, vasque novum ex facto fingens, virtute
creandi. Non istud monitus legis, non verba prophetœ,
non prœstat sibi, prœstat natura; sed U)iu9 quod fe-
cit, reficit. Percurrat apostolus orbem, prœdicet, hor-
tetur, plantet, riget, increpef, instet, quaque viam
verbo reserutam invenerit, intret : ut tamen his stu-
diis auditor promoveatur, non doctor, neque discipu-
lus, sed gratia sola efficit, inque graves adolet plan-
laria fructus. Prosper, pag. 143.
[V= SIÈCLE.]
lorsqu'elle est laissée à elle-même, ne sau-
raient produire un si grand ouvrage , Dieu
seul ayant une-fois créé l'âme, la peut réta-
blir en cette sorte et la créer comme une
seconde fois. Qu'un apôtre s'en aille dans
toutes les provinces du monde, qu'il prêche,
qu'il exhorte, qu'il plante, qu'il arrose, qu'il
reprenne, qu'il presse les hommes avec un
grand zèle, et qu'il porte le flambeau de la
parole de Dieu partout où il trouvera une
entrée favorable ; après cela, néanmoins,
lorsqu'il s'agit de faire embrasser le bien à
ceux qui l'écoutent, ce n'est ni le maître ni
le disciple, mais la grâce seule qui produit
un ouvrage si divin et qui fait fructifier avec
abondance ce qu'elle a planté dans les âmes.
C'est elle qui est cause que le grain de la foi,
que le prédicateur a semé par sa parole,
prend racine et germe puissamment dans le
cœur de l'homme : c'est elle qui le fait mou-
rir peu à geu, qui l'entretient et qui le con-
serve, de peur que l'ivraie, les chardons et
les mauvaises herbes ne l'étouffent; de peur
que le vent de l'orgueil ne le renverse, que
le torrent des voluptés ne l'entraîne, et que
le feu de l'avarice ne le sèche et ne le brûle,
et de peur que cet épi s'étant élevé avec trop
de précipitation et de confiance en sa propre
force, ne s'abatte et ne se renverse peu après
par une chute honteuse. »
8. Saint Prosper montre, en second lieu,
que la grâce toute-puissante ' de Jésus- Christ
forme elle-même et accompht son ouvrage,
et quoi qu'elle veuille faire , tout temps lui
est propre pour faire ce qu'elle veut; que nul
dérèglement des mœurs ne saurait arrêter
son influence; que toutes les causes secondes
ne sauraient suspendre la certitude de son
action et l'accomplissement de ses desseins
éternels; elle n'opère point par les soins et
par l'entremise de ses ministres la conversion
des cœurs, qu'elle peut seule produire , et ne
commet point à ses serviteurs la charge d'a-
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
287
gir en sa place; car encore qu'ils représen-
tent par leurs paroles les lois et les comman-
dements du Sauveur, ils ne frappent qu'au
dehors et n'entrent point dans l'âme. Ainsi,
c'est Dieu qui ressuscite les morts, qui brise
les chaînes de ceux qui gémissent sous la
captivité du péché, qui éclaire ceux qui sont
dans les ténèbres, qui rend justes les injustes,
qui inspire dans l'âme l'amour par lequel elle
aime, et il est lui-même cet amour. Saint
Prosper prouve ensuite que la foi est un don
de Dieu purement gratuit, qu'elle ne suppose
aucun mérite dans ceux à qui elle est don-
née, et qu'elle est au contraire la source de
leur mérite. Pour rendre cette vérité plus
sensible, il apporte l'exemple de ceux qui,
ayant vécu dans toutes sortes vices, ont été
sauvés par le baptême qu'ils ont reçu à la
mort, et il s'exprime ainsi : « Car où sont
les mérites que Dieu a pu récompenser en
eux? Si nous considérons ceux qui ont pré-
cédé leur foi , ils ne méritaient que le sup-
plice. Si nous considérons ceux qu'ils ont eus
après avoir embrassé la foi, nous n'en trou-
vons aucun , puisque leur mort a suivi leur
conversion. On dira qu'ils ont mérité en ce
qu'ils ont désiré le baptême; mais ce désir
même est un. efî'et de la foi, et la foi ne meut
dans l'homme que par l'inspiration de la
grâce et par l'opération du Saint-Esprit. Ainsi
la foi ^, qui est le principe de tous les bons
désirs et la source de toutes les bonnes œu-
vres, ne naît point dans nous en suite de no-
tre mérite, parce que tout ce qu'elle ne fait
pas n'est jamais bienfait. Tant qu'on marche
sans elle, on marche hors de la voie, et celui
qui ne marche pas dans le droit chemin où
elle conduit, a beau courir avec ardeur, plus
il ira vite, plus il s'égarera.»
9. Les semi-pélagiens enseignaient^ que,
dans la formation de la vie de l'âme, c'est la
nature qui commence et qui inspire le pre-
mier désir de la foi, et ils ne donnaient point
Pag. 147.
Suivant les
s era i -péla-
giens, i.i vo-
lonlé pi-L'vient
la grâce.
Suite de
cette erreur.
• At vero omnipotens hominem cum graiia solvaf,
ipsa suum consummat opus; cui tempus agendi sem-
per adest quœ gesta velit; non moribus illi fit mora,
non cav.sis anceps suspendiiur ullis. Nec quud sola
polest, cura officioque ministri exsequitur, famulisve
vicem committit agendi. Qui quamvis multa admo-
veant mandata vocantis , puisant , non intrant animas.
Deus ergo sepultos suscitai, et solvit peccnti compede
vinctos. llle obscuratis dat cordibus intellectum; ille
ex injustis justos facil , indit amorem quo redametur
amans; et amor quem conscrit, ipse est. Prosper,
pag. 146 et 147,
2 Porro fidem quis dat, nisi gratia; non est ex mé-
rita; qttoniam quod non fit ab illa, non bene fit; quem
non recto via limite ducH, quanto plus graditur,
tante longinquius errât. Prosper, de Ingratis, pag,
150.
2 Talibus assumptis inimico ex dogmate, nonne
■perspicuum est quantum damnatos confoveatis ? Dum
cuique ad verœ capienda exordia viiœ, naluram affec-
tum fidei conferre docetis : dumque uliud non est vo-
biscum gratia, quant lex quamque propheta monens,
et quant doctrina ministri. Scilicet, ut taie arbitriunt
generaliter insit semine damnato genitis in corpore
mortis, quale habuit nondum peccati lege subactus,
primus homo; et nullum in prolem de vulnere vulnus
288
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'iiE. 13t.
d'autre avantage à la grâce que celui qu'a-
vait autrefois la loi, que celui qu'a uu pro-
phète qui nous exhorte et un ministre qui
nous instruit. C'était prétendre que des hom-
mes conçus d'un sang impur et engendrés
dans un corps de danmation et de mort, pos-
sédaient tous généralement la même liberté
que le premier homme a possédée avant qu'il
se fût soumis volontairement à la loi du pé-
ché, et que le péché originel passe tellement
du père au fils, que, ne faisant aucune im-
pression que dans le corps qu'il rend mortel,
sa blessure est toute extérieure et ne pénètre
point au dedans de l'âme , qui , conservant
toujours sa première splendeur, n'est point
obscurcie par l'aveuglement qui a été la juste
peine de sa désobéissance. Saint Prosper fait
voir que de cette doctrine des semi-pélagiens
suivent toutes les impiétés de l'hérésie de
Pelage, entre autres, que l'homme peut, par
sa propre justice, acquérir le salut et mériter
le ciel; que plusieurs, parleur propre vertu,
se sont rendus agréables à Dieu dès le com-
mencement du monde, sans le secours de sa
grâce; que lorsque les enfants som renou-
velés dans le baptême, leurs âmes innocentes
n'ont aucune part à ce renouvellement, et
qu'ils ne sont lavés qu'au dehors, n'ayant au-
cune impureté en eux-mêmes. « Si vous désa-
vouez, leur dit-il, ces conséquences, confes-
sez sans déguisement que la nature humaine
a reçu une blessure profonde dans le premier
homme ' , que l'âme a perdu tonte sa force^
que le cœur est devenu tout aveugle et tout
obscurci, que la volonté, toujours engagée
dans la mort sous la domination du démon,
ne peut se tirer de cet esclavage, si le Sau-
veur ne l'en tire lui-même et ne la guérit par
le souverain remède de sa grâce. Dieu n'est
point injuste ^, et saint Paul n'est point men-
teur, lorsqu'il dit qu'un seul homme tombant,
tous les hommes sont tombés avec lui ; que
toute sa postérité a été enveloppée dans sa
ruine et dans sa mort, et qu'elle ne peut en
aucune sorte recouvrer la vie qu'elle a perdue
si elle ne renaît dans l'Eglise par le baptême ;
car il est indubitable que tous ceux qui, de-
puis le commencement du monde, sont mis
au nombre des justes, ont été sauvés par cette
même grâce toute-puissante qui était alors
renfermée en peu de personnes, et qui main-
tenant est répandue dans toutes les parties
du monde. Cette grâce ne récompense pas
les mérites, puisque, lorsqu'elle entre dans
l'homme, il ne mérite que la condamnation,
et que son libre arbitre, qui est aveugle, ne
fera jamais aucun bien, si elle-même ne le
produit et ne le lui donne gratuitement. Nul
ne la désire et ne la cherche que par le désir
et l'affection qu'elle lui a inspirés. C'est elle-
même qui conduit tous ceux qui la trouvent,
et si on ne marche avec elle, on ne va point
vers elle. Ainsi c'est la voie qui mène à la
voie ; on ne peut voir la lumière que par la
lumière ; et qui cherche la vie sans le secours
de la vie, trouvera la mort au lieu de la vie. »
10. Dans la troisième partie, saint Prosper
répond aux deux principales objections des
semi-pélagiens. La première était que le libre
arbitre demeurerait sans aucun effet, si, lors-
que l'homme court vers Dieu, il n'est lui-même
auteur de sa course, et si lorsqu'il veut le
servir, il n'est lui-même auteur de sa volonté ;
qu'ainsi il ne faudrait plus ni punir les vices,
ni récompenser les vertus, si la nature était
tellement assujettie au péché, qu'elle se portât
au mal par une nécessité inévitable; ou si,
lorsque nous faisons le bien, c'était à la grâce
et non à nous-mêmes qu'il dût être attribué.
« Cette objection, répond saint Prosper, dé-
truit la foi du péché originel, qui nous a ôté
la liberté de faire le bien , que nous avions
reçue dans Adam, et nous a engagés dans la
tyrannie de la concupiscence, qui nous porte
Pag. 139.
iransierit, nisi corpnrenm per condidonem ; quce sic
exlerius respondeai, ut nihil iniiis imminuat, teneat-
que sumn substantia mentis splendorem , et nulla pm-
nali nocte prematur. Prosper, ibid., pag. 151.
' Hœc si nos vestris spirant de cordibus... édite
constanter naturœ vulnera victœ, exutam virtute ani-
mam, cœcataque cordis lumina, et in pœnam propriam
jaculis superatis armatum arbitrium nunquam con-
surgere passe ; inque novos lapsus semper nitendo re-
volvi : morsque subacium deiineat, nisi vera salus ex
munere Christi adsit et oppressam dignelur gratta
mentem. Prosper, pag. loi, 155.
2 Serf non injustus Deus est: manifestaque Pauli
vox doçet, uno omnes homines cecidisse ruente; in quo
tota simul séries prostrata nepofum deperiit, nec ha-
bet quisquam quo surgere possit ad vitam, sacro nisi
rursum nasciiur ortu. Quotquot enirn sumnio justos
numeratis ab œvo, hac ope non dubium est salvatos,
quam modo toto latins omnipotens exercet gratia
mundo. Hœc sicut dictum est, non judex est merito-
rum quœ'nisi plena malis non invenit; et nisi donet
quœ bona sunt, nihil efficiet bene cœca voluntas. Hœc
ut cujusquam studio affectuque petatur, ipsa agit, et
cunctis dux est venientibus ad se : perque ipsam nisi
curratur, non itur ad ipsam. Ergo ad lier, per iter
ferimur : sine lumine lumen nemo videt ; vitatn sine
viia inquirere mors est, Ibid.
[V SIÈCLE.]
sans cesse à faire le mal, encore que nous le
fassionsvolonlairement; notre volonté ne pou-
vant êlre délivrée que par la grâce de Jésus-
Christ, ilest ridicule de s'imaginer que la grâce,
enla délivrant, luiôte sa liberté, puisqu'elle lui
rend plutôt celle que le Créateur avait don-
née au commencement à toute la nature hu-
maine. 11 prouve, par l'exemple des enfants,
dont les uns sont sauvés par le baptême et
les autres meurent sans l'avoir reçu, que Dieu
donne ou refuse sa grâce, non suivant les mé-
.162. rites humains, mais selon qu'il lui plait; et
parce qu'on pouvait dire que ceux qui rece-
vaient le baptême, devaient ce bonheur à la
piété et àla vigilance de leurs pères et mères,
et que ceux qui étaient privés de ce sacrement
de salut, se perdaient par la faute et la né-
gligence des leurs, il montre, par l'exemple
de deux jumeaux, dont l'un reçoit le baptême
tandis que l'autre en est privé, qu'on ne peut
rapporter cette diversité aux mérites de leurs
parents, mais à la volonté de Dieu qui choisit
l'un et laisse l'autre.
La seconde objection des semi-pélagiens
était que si la grâce n'est pas donnée à tous,
ceux qui ne l'ont pas ne seront point coupa-
bles dans leur péché , puisqu'ils auront été
dans l'impuissance de bien vivre. Saint Pros-
per répond que ceux qui pensent ainsi ne re-
connaissent point le péché originel, qui seul
rend tous les hommes dignes de mort, quand
même ils n'ajouteraient point d'autres crimes
à ce premier; que tous étant donc engagés
par ce péché dans une juste condamnation,
nul ne peut se plaindre de ce que Dieu ne l'en
167. délivre pas par sa grâce. Il ajoute qu'on ne
doit point rechercher pourquoi de tous les
hommes enveloppés dans la même condam-
nation. Dieu en délivre une partie et y laisse
l'autre ; que c'est un secret qu'il a voulu nous
être inconnu en cette vie, comme était autre-
fois la vocation des Gentils , comme est en-
core aujourd'hui lejour du dernier jugement;
de même que la raison de cette grande diver-
sité qui se trouve entre les états et les con-
ditions des hommes; car, quoique ce soit la
même main de Dieu qui nous forme tous de
la même matière , des mêmes éléments, et
des pères et des mères qui n'ont tous ensem-
ble qu'une même nature , néanmoins ce su-
prême Artisan, tirant ces vases de la même
boue, les diversifie en une infinité de ma-
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
289
nières, et comme Créateur et Maître souve-
rain, il imprime en la matière, qui n'est qu'une,
des qualités toutes différentes, a 11 faut donc ,
continue-t-il, révérer en tremblant les divers
jugements de Dieu sur les hommes, et recon-
naître que, quoique impénétrables à notre
esprit, ils sont souverainement justes. Car ' ,7Î'.°^''^°'"
tous les hommes ont bien été capables de mé-
riter la mort par un seul crime; mais , pour
ce qui est de mériter la vie éternelle, c'est la
grâce seule qui en donne le mérite. »
Saint Prosper exhorte les fidèles à ne point
se laisser ébranler par le souffle et par l'in-
solence de ces esprits superbes et présomp-
tueux qui se déclarent ennemis de la grâce,
et à résister à la tempête qu'ils excitent, en
demeurant fermes sur les fondements d'une
piété stable et immobile, sans se laisser sur-
prendre par le faux éclat deleursmœurs, dont
ils se couvrent et dont ils parent leur doctrine
pernicieuse. « Comme ils ne suivent, dit-il,
qu'une fausse lueur du bien, pour s'acquérir
une vaine gloire, leur orgueil les engage de
plus en plus dans l'obscurité et dans les té-
nèbres, parce qu'aimant leur propre louange,
ils cherchent leur avantage et non ceux de
Jésus-Christ. Ils s'établissent eux-mêmes , et
non Dieu, pour principe de leur vertu. Ce
n'est point la vertu toute-puissante du Pèi-e m.
qui les entraîne et les emmène à son Fils;
mais, avant qu'il ait agi dans eux, ils courent
d'eux-mêmes vers lui avec une grande ar-
deur, et préviennent son assistance. Ainsi,
contre l'oracle de la vérité même , ils n'ont
pas besoin du secours de Jésus dans toutes
leurs actions, puisqu'il y en a beaucoup qu'ils
croient pouvoir faire par eux-mêmes, sans
qu'il les assiste. »
H . La quatrième partie est employée à faire Q„Mrièm3
un parallèle des erreurs des semi-pélagiens p""°-P- "•'■'•
avec l'hérésie pélagienne, en montrant ce
qu'ils en ont rejeté et ce qu'ils en ont retenu.
;( Il a été avantageux à l'Eglise que Pelage,
déclarant ouvertement la guerre à la grâce,
ait rendu son hérésie odieuse par la manière
peu mesurée dont il l'a proposée. S'il y eût
apporté plus de précaution, son hérésie eût
fait de plus grands progrès. Mais les semi-
pélagiens, ses disciples, plus adroits que lui,
en ont retranché tout ce qu'elle avait de gros-
sier; ils semblent condamner Pelage en re-
connaissant que la mort, par un seul homme,
i Nam meritiim ad mortem subeundam sufficil unmn; pag. 171.
ad vitam, nisi guod donaril gratta, nutlum. Prosper,
X.
Il)
290
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
s'est assujetti tous les hommes, et qu'Adam
nous a rendus tous coupables par son crime;
que nul ne peut acquérir la vie éternelle, s'il
ne renaît auparavant dans l'eau du baptême,
et que les enfants mêmes ont besoin de cette
seconde naissance pour être purifiés du pé-
ché originel , étant soumis à la mort par la
première génération qu'ils ont reçue. Mais
Pag, 178. ils ïie laissent pas de soutenir les mêmes sen-
timents que Pelage et de publier une doc-
trine condamnée par l'Eglise, lorsqu'ils veu-
lent ' que la volonté de l'homme n'ait rien
perdu de sa vigueur et de sa force par le pé-
ché originel, et que l'âme ait encore aujour-
d'hui dans notre naissance la même pureté
et la même lumière qu'elle avait avant le pé-
ché d'Adam; qu'ainsi le libre arbitre peut
discerner par la vue pure et saine de notre
cœur ce qu'il est juste de faire ou de ne pas
faire; que non-seulement notre esprit est as-
sez fort par soi-même pour se conduire avec
adresse dans tout ce qui regarde l'usage de
la vie présente, et pour conserver et orner
ses qualités Immaines et naturelles, mais qu'il
est encore capable de concevoir par sa pro-
pre lumière les biens souverains et éternels,
de s'élever vers les choses du ciel par son pro-
pre mouvement, et de venir à Jésus-Christ
par un chemin que lui-même se sera fait. Ils
prétendent donc qu'un homme s'étant atfermi
dans la piété par un long exercice de vertu,
peut , sans le secours de la grâce , résister à
toutes les attaques du démon et souffrir, sans
s'ébranler, tous les tourments dont il afflige
son corps pour vaincre son âme; que Dieu
abandonne à dessein ses serviteurs à ce com-
bat, et les laisse à eux-mêmes pour les favo-
riser davantage en donnant lieu à leurs vic-
toires et â leurs couronnes, de peur que les
saints n'aient aucun mérite et qu'ils soient
privés du fruit de leur vertu, si, lorsqu'il s'a-
git de suivre le bien et de fuir le mal, ce n'est
point leur volonté qui est le principe de leurs
actions, mais Dieu qui les leur fait faire par
sa grâce. »
Saint Prosper rejette cette doctrine comme
ennemie de la foi , et montre que le péché a
fait une telle plaie à la nature humaine , que,
loin de pouvoir demander sa guérison , elle
ne connaît pas même la profondeur de son
mal; que les dons de la nature qui nous res-
tent, comme sont ceux qui nous donnent la
facilité de nous exercer dans les sciences hu-
maines, ne nous servent qu'à nous rendre
superbes et nullement à nous conduire à la
véritable vie; que si notre âme n'avait point
été blessée par le péché , et si elle avait en-
core aujourd'hui la même force que le pre-
mier homme dans son innocence , chacun
pourrait, par sa propre volonté, se réconci-
lier avec Dieu et s'affranchir de la peine qu'il
aurait méritée; qu'en vain donc Jésus-Christ Pag. isa.
serait mort pour détruire notre mort par la
sienne et pour effacer par son sang les pé-
chés du monde; qu'il ne serait pas même né-
cessaire que les hommes fussent régénérés,
puisque leur libre arbitre étant sain, leur es-
prit étant exempt de toute langueur, ayant
une lumière et une sagesse véritable, une foi
pure et entière, ils pourraient mener par eux-
mêmes une vie digne de la participation des
biens éternels.
Saint Prosper dit que la mort du Fils de
Dieu, pour nous racheter, doit nous faire re-
connaître combien nos blessures étaient pro-
fondes et incurables, puisqu'elles n'ont pu
être guéries que par le sang et la mort du
médecin même, et, par une conséquence né-
cessaire, que c'est ce chef adorable dont nous
sommes membres, qui, par une influence se-
crète , répand sur nous toute notre vigueur
et nous anime teflement que, lorsque nous
agissons et que nous exerçons nos fonctions
selon les mouvements et les impressions dif-
férentes qu'il nous donne, nous ne le faisons
que par la force que nous recevons de celui
qui, réconcihantla terre au ciel et les hommes
à Dieu, s'est rendu participant de nos maux ,gg
et de notre faiblesse, pour nous donner part
à son royaume et à sa gloire. Les semi-péla-
giens disaient que si les saints n'ont point de
mérites qui leur soient propres , ils ne méri-
1 Sed cum damnatis sapiunf, damnoAaque promunt,
cum dicunt nihil esse animis per vubius aviium de-
tractum decoris, splendoremque omnibus illitm nunc
talem innasci, qualis fuit unie ruinam. Hinc liherta-
tem arbitra discernere sano passe oculo cordis, guid-
quid sit rite gerendum, non solum ad viiœ prœsentis
commoda solers sufflcere ingenium, quo se tueatur et
omet; sed summis eiiam mentem aptam percipiendis
œternisque bonis sponte ad cœlestia ferri; perque viam
ad Christum quam fecerit ipsa venire. Hinc multa
hominem recti assuetudine firmam passe repugnare
aduersis, nec cedere pœnis, quas superandœ animœ
per carnem admoverit hostis. Auxilio abscedente Dei;
qui deserat apte utiliterque suos, ut de cerfamine
agonis quœsitas referont palmas : ne nulla piorum
sint mérita, et verœ priventur tandis honore : si quod
natures sensu 7ioluntque valuntque, prœceptisque te-
nent leyalibus insinuatum, divini auxilii manus hoc
operetur in illis. Prosper, pag. 118.
[V= SIÈCLE.]
tent point de récompense, et que la doctrine
opposée à la leur entretenait la paresse et
la lâcheté. Saint Px-osper traite cette imagi-
nation d'impie, et dit qu'elle ne peut avoir
d'antre effet que de nous priver de la justice,
de la vertu et de Dieu même, et d'empêcher
que les aveugles n'aperçoivent la lumière,
que les malades ne recouvrent la santé, et
que les morts ne soient ressuscites par l'Es-
prit dévie. « Pour nous, ajoule-l-il, nous nous
taisons gloire de n'être que des ruisseaux de
ces sources inépuisables de tous les biens, et
ne mettons point notre espérance en l'homme
qui n'est qu'une herbe passagère dont la
tieur paraît et tombe presque au même ins-
tant. Pourquoi rougirions - nous , dans cette
vallée de larmes *, de recevoir de Dieu notre
force et de n'avoir en nous que le moins qu'il
nous sera possible des œuvres de l'homme
mortel, puisqu'elles ne sont que péchés et
qu'il rempHt de peine et de misère notre libre
arbitre, qui se porte au mal quand il est seul ?
11 n'est pas moins vrai que lorsque notre es-
prit forme des désirs et que nous faisons des
actions saintes, nous agissons librement , mais
par une liberté ^ qui a été rachetée et déli-
vrée par le Rédempteur, par une liberté qui
est tellement animée par la grâce de Jésus-
Christ, que c'est par elle qu'elle court dans
la voie de Dieu , qu'elle se réjouit dans le
bien , qu'elle souifre les maux , qu'elle évite
les périls, qu'elle choisit ce qui lui est avan-
tageux, qu'elle l'exécute avec ardeur, qu'elle
croit, qu'elle espère, qu'elle aime, qu'elle se
purifie et se sanctifie tous les jours de plus
en plus. C'est en vain, continue-t-il, que les
semi-pélagiens s'efforcent de persuader que
c'est rendre les hommes lâches et paresseux,
que c'est éteindre toute l'ardeur et l'affection
avec laquelle ils se portent au bien , et les
jeter dans l'oisiveté et la négligence, que de
soutenir que tout oe qu'il y a de bon dans les
saints vient de Dieu, et que toute leur sain-
teté et toute leur force ne subsiste que par
son esprit et par sa grâce. C'est en vain qu'ils
l'ont cette plainte, comme si la volonté de
l'homme ne devait rien faire ^ si l'assistance
de Dieu fait tout dans l'homme; car que
peut notre âme sans Dieu , sinon s'éloigner
de Dieu? Que fait -elle autre chose lors-
CHAPITRE XU. — SAINT PROSPER.
291
qu'elle marche seule et qu'elle se conduit
elle-même, que de s'égarer en mille dé-
tours , que de se lasser dans des chemins
perdus , et de se jeter dans des précipices,
si Dieu n'a soin , par sa miséricorde intinie,
de la secourir et de la ramener, la voyant
toute abattue et toute languissante, s'il ne la
fortifie peu à peu et ne la soutient, s'il ne la
conserve sans cesse et s'il ne l'orne de ses
dons et de ses grâces ? C'est par cette assis-
tance divine que nous marcherons en cou-
rant dans la droite voie, que nos yeux seront
vraiment éclairés, que notre liberté sera
vraiment fibre, notre sagesse vraiment sage,
notre justice vraiment juste, notre vertu vrai-
ment forte, notre volonté vraiment sainte. »
12. Voilà ce que contient le poème de saint R,marqns
Prosper conti^e les Ingrats , celui de tous ses SlSlês?
ouvrages qui lui a fait le plus d'honneur et
où l'on voit mieux la force et la beauté de
son génie. Il y a deux endroits qui peuvent
d'abord faire quelque peine : l'un, que nous
venons de rapporter, où il dit que les œuvres
de l'homme mortel ne sont que péchés, quand
il agit sans le secours de la grâce; l'autre,
où il enseigne que toutes les actions ^ qui
sont même bonnes de leur nature , sont des
péchés si elles ne naissent de la semence d'une
foi véritable. Mais on voit, par ce qu'il dit
ensuite, qu'il ne regarde comme mauvaises
les actions qui sont bonnes de leur nature,
que parce que, ordinairement, celui qui les
fait s'en glorifie eu lui-même et non pas dans
le Seigneur; ce qui arrive surtout dans les
infidèles qui ne connaissent point Dieu.
13. On a mis à la suite du poème contre _ .
^ Epigrammes
les Ingrats, trois epigrammes, soit à cause de p°/^'"''',™f;
l'alfinité de la matière, soit parce qu'elles
furent faites quelque temps après. Les deux
premières sont contre un inconnu qui avait
osé décrier saint Augustin; elles sont attri-
buées, dans tous les manuscrits comme dans
tous les imprimés, à saint Prosper; mais on
ne sait pas bien qui est cet inconnu que saint
Prosper y attaque. Les uns ont cru que c'é-
tait Vincent de Lérins, d'autres Cassien. Rien
de moins assuré. Celui contre qui est faite la
première épigramme avait composé exprès
un ouvrage pour combattre saint Augustin,
et trouver, en le combattant^ un champ pour
1 Cur pudet hac etiam fletus in valle patentes
esse Deo, minimumque operis mortalis habere giiod
non est nisi peccalutn quo discrucieiur libertas, ad
quam solam maie gesta recurrunt? Prosper, pag.
186.
' Libertate agimus, sed libertate redempta.Vrosper,
pag. 187.
3 0>7ine etenim probitatis opus nisi semine verœ
exoritur fidei, peccatum est, inque reatum verlitur,
et sterilis cumulât sibi gloria pœnam. Pag. 147.
292
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
exercer son esprit et son éloquence. Nous
ne voyons pas que Vincent ou Cassien aient
entrepris rien de semblable. Il paraît, par
ce que saint Prosper dit de l'écrit de ce ca-
lomniateur, qu'il y défendait la liberté de
l'homme aux dépens de la grâce de Jésus-
Christ, et que, quoiqu'il rejetât le nom des
pélagiens et qu'il condamnât de paroles leur
. hérésie , il pensait comme eux. C'est pour-
quoi ce père, pour l'en détourner, le prie ' de
considérer que le Siège Apostolique avait
frappé ces hérétiques de sa foudre par toute
la terre. Il n'est pas clair si la seconde épi-
gramme est contre le même que la première ;
ce qui est certain, c'est.qu'il avait aussi com-
posé un écrit pour rabaisser l'estime que l'on
avait pour saint Augustin, mais qu'il ne l'a-
vait pas encore rendu public. Saint Prosper,
qui sans doute en avait eu connaissance, le
presse de faire éclore ce fruit misérable de
son esprit, afin qu'on put le réfuter, soit qu'il
y formât une nouvelle hérésie, ou qu^il y re-
nouvelât les anciennes. Il ne doutait pas
que cet inconnu, quel qu'il fût, n'eût été
nourri de la doctrine de Pelage, soit par Pe-
lage même, soit par Julien d'Eclane. La troi-
sième, qui est intitulée : Epitaphe des hérésies
de Nestorius et de Pelage , fut écrite après la
mort de saint Augustin , au lieu qu'il vivait
encore lorsque saint Prosper composa les
deux premières. Il y en a qui ont contesté
cette épitaphe à saint Prosper, ne concevant
pas comment il avait avancé que l'hérésie de
Nestorius était tout ensemble la fille et la
mère de l'hérésie de Pelage. Mais on trouve
des expressions à peu près semblables dans
saint Léon et dans Cassien. Pour bien enten-
dre ce qu'il dit dans cette épitaphe, il faut se
souvenir qu'il y avait deux articles différents
dans l'hérésie de Nestorius. Celui-ci disait
d'abord que l'union de la nature divine avec
la nature humaine , dans Jésus -Christ, s'é-
tait faite par la seule inhabitafion , de la
manière que Dieu est dans ses saints, et non
pas en unité de personne; en sorte que, se-
lon lui, il y avait en Jésus-Christ deux per-
sonnes, de même que deux natures, et le Fils
de Dieu était autre que le fils de Marie. Il
disait, en second lieu, que cette union ne s'é-
tait point faite dès le moment que Jésus-Christ
1 Verie gradum, fuge perniciem; stratosque rebel-
les oris apostolici fulmine ubique vide. Prosper, Epi-
grum. in ohirect. S.August., pag. 191.
' Doctrinam quam sanctœ memoriœ Augustinus epis-
avait été conçu dans le sein de sa mère, mais
qu'il avait mérité de devenir Dieu par ses
propres vertus et ses propres œuvres. C'est
surtout ce dernier article que saint Prosper
combat dans cette épitaphe; il y remarque
que l'hérésie de Nestorius avait été condam-
née et renversée par les seuls anathèmes d'un
seul concile : c'était celui d'Ephèse, où l'hérésie
de Pelage fat aussi condamnée avec ses sec-
tateurs ; mais que cette dernière hérésie ayant
essayé de reprendre naissance par le minis-
tère de Julien d'Eclane, elle avait été con-
damnée deux fois, savoir : par le jugement
du Saint-Siège et par les synodes d'Afrique
et de Palestine , ensuite par le concile géné-
ral d'Ephèse, où elle fut une seconde fois
proscrite avec l'hérésie de Nestorius.
§in.
Bes réponses aux objections des Gaulois.
1 . L'approbation que les souverains pon-
tifes avaient donnée à la doctrine de saint
Augustin sur la grâce , et la manière dont
saint Prosper en avait pris la défense dans
son poème contre les Ingrats, ne furent point
capables d'arrêter ceux qui s'étaient déclarés
ennemis de cette doctrine. Quelques prêtres
gaulois continuèrent à la décrier, prétendant
que saint Augustin soutenait que Dieu pré-
destinait les réprouvés au péché, de même
qu'à la condamnation où ils étaient engagés
par le péché originel. Ils firent une liste des
erreurs qu'ils croyaient avoir trouvées dans
ses écrits, et la partagèrent en quinze arti-
cles, que saint Prosper se propose comme
autant d'objections à résoudre. Il ne dit pas
qui étaient ces prêtres gaulois, soit qu'il ne
les connût point, soit qu'il voulût ménager
leur réputation ; mais on ne doute pas qu'ils
ne fussent de Marseille et du nombre de ceux
qui ne pouvaient voir sans envie la grande
réputation que saint Augustin s'était faite. Ce
saint évêque était mort alors ^, puisque saint
Prosper l'appelle de sainte mémoire : ainsi
il peut avoir répondu aux objections des
Gaulois, vers l'an 431.
2. Les Gaulois objectaient que la prédes-
tination de Dieu introduisait une espèce de
Analyse
ces répoDst-
ObjectioD:
fatale nécessité qui, obligeant les hommes à pas- 20s
copus, contra pelagianos asseruit, quibusdam visum
est reprehendere. Prosper, prsefat. Responsionum ad
Gallos, p;ig. 203.
[V« SIÈCLE.]
pécher, les damnait infailliblement. Saint
Prosper répond qu'il n'y a point de catholi-
ques qui ne reconnaissent la prédestination
de Dieu ; mais que pas un ne dit qu'il y ait
une nécessité fatale de faire le mal, et qu'il
y en a même plusieurs qui ne sont point
chrétiens, qui rejettent cette fatalité. Assu-
rément, ajoute-t-il, le péché donne la mort,
mais Dieu ne contraint personne au péché;
la prédestination n'est pas non plus la cause
du péché, ni même de la pente que nous
avons au mal, et cette pente vient de la
prévarication du premier homme, dont per-
sonne n'est délivré que par la grâce de Jésiis-
Chrisl, préparée et prédestinée par Dieu
dans son conseil éternel, avant la création
du monde.
jeciions, 3. Ils disaient que la grâce que nous rece-
vons dans le baptême n'effaçait pas le péché
originel dans ceux qui ne sont point du nom-
bre des prédestinés à la vie. « Tout homme,
répond saint Prosper, qui, croyant au Père,
au Fils et au Saint-Esprit, est régénéré dans
le baptême, reçoit la rémission des péchés
qu'il a commis par sa propre volonté et par
sa propre action, de même que celle du péché
originel qu'il a contracté par sa naissance ;
mais s'il retombe dans le péché après le bap-
tême, et s'il meurt dans le péché, il sera
damné pour les péchés qui ont suivi son bap-
tême ; ce que Dieu ayant connu de toute
éternité, il est hors de doute qu'il n'a jamais
choisi ni prédestiné cet homme pour le sa-
lut. 1)
4. Les Gaulois ajoutaient qu'il ne sert de
rien à ceux qui ne sont point prédestinés à
la vie, de vivre saintement, quand même ils
auraient été baptisés, puisqu'ils sont réser-
vés en ce monde jusqu'à ce qu'ils tombent
dans le péché, et qu'ils ne seront retirés de
cette vie que lorsqu'il leur arrivera de tomber
dans quelques crimes. Saint Prosper répond
qu'on ne peut douter ' que plusieurs de ceux
qui ne sont point prédestinés pour être en-
fants de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ,
ne passent de la foi à l'impiété, et de la jus-
tice à l'iniquité, mais que ces personnes ne
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
293
tombent pas dans le crime précisément à
cause qu'ils ne sont pas du nombre des pré-
destinés ; qu'au contraire, ils ne sont pas de
ce nombre, parce que Dieu a prévu qu'ils
tomberaient dans le crime, et qu'ainsi la
prédestination ne leur impose aucune néces-
sité de pécher ni de périr. 11 ajoute que si
Dieu ne les a pas enlevés de ce monde dans
le temps qu'ils étaient dans la vraie foi et
qu'ils avaient des mœurs pures, cela doit
être renvoyé aux jugements de Dieu, qui
peuvent bien être secrets, mais non pas in-
justes. Ceux qui tombent ne sont pas aban-
donnés de Dieu afin qu'ils tombent : mais
ils l'ont laissé et ont été laissés; ils sont
changés de bien en mal par leur propre vo-
lonté.
5. Tous les hommes, disaient les Gaulois, ,°''-i|58°° ''•
ne sont pas appelés à la grâce, u Dieu y ap-
pelle, répond saint Prosper, tous ceux à qui
l'Evangile a été prêché et annoncé, quand
même ils n'obéiraient pas ; mais on peut dire
que tous les hommes ne sont point appelés à
la grâce, puisqu'il y a des peuples à qui l'E-
vangile n'a point encore été prêché, et que
tant de milliers d'enfants sont morts sans
baptême. »
6. Ils objectaient encore que tous ceux s, pag.209.
qui sont appelés ne le sont point égale-
ment, mais que les uns le sont pour croire,
et d'autres pour ne pas croire. Saint Pros-
per répond que si, par la vocation, on en-
tend autre chose que la prédication de l'E-
vangile, il n'est pas vrai de dire que les uns
sont appelés différemment des autres, puis-
que c'est le même Evangile que l'on prêche
partout, et qu'il n'y a qu'un Dieu, qu'une
foi, qu'un baptême, qu'une même promesse.
Mais que si l'on considère l'effet que produit
la prédication de cet Evangile dans les
cœurs, il est vrai de dire que son effet est
différent dans ceux dont il ne frappe que les
oreilles extérieures, et différent dans ceux à
qui Dieu ouvre l'oreille intérieure, dans le
cœur desquels il établit le fondement de la
foi, et auxquels il inspire son amour. La pré-
dication néanmoins à l'égard de ceux qui ne
' A jusliiia ad iniquitaiem, a fide ad impietalem
plerosque iransire non dubium est ; et ad taies pi'œ-
destinationem filiorum Dei et cohœredum Christi non
pertinere certissimum est. Quod ergo hujusmodi in hœc
prolapsi mala, sine eorreptione pœnitentiœ defecerunt,
non ex eo necessitutem pereundi habuerunt, quia prœ-
destinati non sunt. Sed ideo prœdestinati non sunt,
quia taies futuri ex voluntaria prœvaricatione presciti
sunt. Quod autem illos non eo tempore, quo in fide
recta et bonis m'oribus erant, ah hue vita Deus abstu-
lit, ad occulta ejus judicia, quœ tamen nunquam
sunt injusta, référendum est... non enim re'icti sunt
a Deo, ut relinquerent Deum; sed reliquerunt et re-
lecti sunt, et ex bono in malum propria voluntate mu-
tati sunt. Prosper, ad Gallos, pag. 207.
294
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
croient pas, n'est pas la cause de leur incré-
dulité, elle vient de leur mauvaise volonté.
Quant à ceux qui croient, c'est qu'ils sont in-
térieurement éclairés par la grâce.
pag.S."""' 7. Un autre chef d'accusation contre la
doctrine de saint Augustin était que le libre
arbitre dans l'homme n'est rien, et que la
prédestination de Dieu fait tout en nous, soit
pour le bien, soit pour le mal. Saint Prosper
dit qu'on ne peut nier que le libre arbitre
ne soit comme enseveli dans les ténèbres,
tant qu'il n'est point éclairé par la lumière
de la foi. «En cet état, dit-il, il ne connaît pas
même son mal; mais il commence de le sen-
tir aussitôt qu'il reçoit de Dieu la première
grâce, avec laquelle il peut ensuite désirer
l'assistance du médecin suprême qui le doit
guérir. L'homme étant donc ' justifié reçoit
un don qu'il n'avait mérité par aucun bien
qu'il eût fait, afin qu'il puisse mériter par ce
don-là même, et que ce qui a été commencé
par la grâce de Jésus-Cbrist s'accroisse par le
travail du libre arbitre, accompagné toujours
néanmoins du secours de Dieu, sans lequel
personne ne peut ni s'avancer ni persévérer
dans le bien. » Ce Père traite d'impertinente
l'objection des Gaulois touchant la prédesti-
nation, et dit que nous devons reconnaître
que dans les bons, c'est la grâce même qui
forme leur volonté pour leur faire faire lebien,
au lieu que dans les méchants leur volonté
destituée de la grâce se porte d'elle-même à
faire le mal, sans que la prédestination im-
pose à l'un ou à l'autre aucune nécessité.
v.pag. 210. 8. Les Gaulois disaient que la raison pour
laquelle ceux qui sont régénérés et à qui Dieu
a donné la foi, l'espérance et la charité ne
persévèrent pas, est qu'il ne les a pas sépa-
rés de la masse de perdition dans son décret
éternel. Saint Prosper répond que l'on peut
montrer par divers exemples que plusieurs
de ceux qui ont été régénérés en Jésus-Christ
ont abandonné la foi, mais qu'on ne peut
attribuer leur chute à Dieu , et que s'il ne les
a pas séparés de la masse de perdition par
son décret, c'est qu'il a prévu qu'ils tombe-
raient dans l'apostasie par leur propre vo-
lonté; qu'il est vrai qu'ils n'ont point reçu de
lui le don de la persévérance, mais qu'il ne
leur devait point cette grâce.
9. Dieu ne veut pas, disaient-ils, sauver obiertioj
tous les hommes : le nombre des prédestinés
est fixé. Saint Prosper répond que de croire
qu'il n'y ait jamais eu aucun homme que
Dieu n'ait voulu sauver, c'est ne pas recon-
naître la profondeur des jugements de Dieu
marquée par saint Paul; dans les siècles
passés, Dieu a abandonné toutes les nations
à elles-mêmes, les laissant marcher selon
IcTirs désirs, tandis qu'il choisissait Jacob,
c'est-à-dire le peuple d'Israël, par une élec-
tion particuhère; depuis, ceux qui, pen-
dant plusieurs siècles, n'avaient point été le
peuple chéri, sont devenus le peuple de Dieu
et sont comblés aujourd'hui de ses grâces,
au lieu que le peuple juif, choisi d'abord, est
maintenant dans l'aveuglement ; en con-
sidérant tous ces mystères et tous ces secrets,
on doit convenir qu'il est impossible à
l'homme de les comprendre , et qu'il lui
est dangereux de les vouloir pénétrer ; ce
qui nous reste est de reconnaître qu'il n'y a
en Dieu aucune ombre d'injustice, et» de
croire que nul homme, ni avant la loi ni du-
rant la loi , n'a été justifié par une autre foi,
ou par une autre grâce que par celle de Jé-
sus-Christ.
Saint Prosper rapporte les passages de
l'Ecriture touchant la volonté de Dieu de
sauver tous les hommes; les promesses faites
à Abraham de bénir dans sa race tous les
peuples de la terre ; il dit qu'elles ont été
accomplies en la personne de ceux qui sont
sauvés par toute la terre; que c'est en eux
qu'il est vrai de dire que Dieu a attiré à soi
tout le genre humain et qu'il a fait venir à
soi tous les peuples, les ayant choisis dans
sa prescience et les ayant prédestinés en
Jésus-Christ avant la création du monde ;
que c'est de ces prédestinés que Jésus-Christ
dit : Tous ceux que mon Père in a donnés vien-
dront à moi; que cela n'empêche point qu'on
ne doive dire que Dieu a soin de tous les
hommes, et qu'il n'y a personne à qui il ne se
fasse entendre ou par la prédication de l'E-
vangile, ou par le témoignage de la loi écrite,
' Jusiificatus itaque homo, id est ex impio pi'us
factits, ullo prœcedente bono merito, accipit donum,
quo dono acquiraf et merifum ; ut quod in illo incho-
utum est per gratiam Christi, etiam per industriam
liberi augeatur arbitrii, unquam remoto adjutorio
Dei fine quo proficere , nec permanere in bono quis-
quam potest. Prœdestinationem auiem Dei sive ad bo-
num, sive ad malum in hominibus operari, itieptis-
sime dicitur, ut ad utrumque homines quœdam néces-
sitas videatur impellere. Cum in bonis voluntas sit
intelligenda de gratia, in nialis autem voluntas in-
telliyenda sine gratia. Vtos,^%v, ad Gallos, pag. 210.
[V SIÈCLE.]
OU par l'instruction et la loi antérieure de la
nature ; que nous devons reconnaître en
même temps que si les hommes sont infidè-
les, c'est par leur propre faute, et que s'ils
ont la foi, c'est par un don et une faveur de
Dieu, sans la grâce duquel nul ne se porte et
ne s'avance vers sa grâce. «Embrassons donc,
ajoute ce Père, ce qu'ont défini deux cent
quatorze évéques d'Afrique ', qui ont été sui-
vis par toute la terre dans leur décision con-
tre les ennemis de la grâce, et disons avec
eux que la grâce de Dieu par notre Seigneur
Jésus-Clirist, ne nous assiste pas seulement à
chaque action pour connaître le bien, mais
encore pour le faire : en sorte que sans elle
nous ne pouvons ni concevoir une pensée,
ni dire une parole, ni former une action qui
soit vraiment sainte et vraiment pieuse, et
ne croyons pas que Dieu soit seulement au-
teur.de ces dons, parce qu'il est auteur de
notre nature, comme nous en ayant donné
le principe lorsqu'il nous a donné l'être en
nous créant. Il est vrai qu'il avait imprimé
d'abord en notre nature cette puissance de
faire le bien, mais nous l'avons tous perdue
en celui en qui nous avons tous péché. Il est
donc besoin que nous soyons renouvelés en
Jésus-Christ par un second principe et une
nouvelle création, afin d'être en lui un nou-
vel ouvrage de Dieu et une nouvelle créa-
ture, puisque c'est lui qui, ne trouvant en
nous aucun bien pour mériter ses faveurs, et
y trouvant beaucoup de péchés pour irriter
sa Justice, nous a changés de vases de colère
que nous étions, en des vases de sa miséri-
corde et de sa bonté. »
10. Ils disaient encore que le Sauveur n'a
pas été crucifié pour la rédemption de tout
le monde. Saint Prosper leur fait voir que Jé-
sus-Christ ayant une nature semblable à la
nôtre, et ne l'ayant prise que pour nous dé-
livrer de la contagion du péché et de la mi-
sère qui nous est commune à tous dans le
premier homme, on peut dire qu'en ce sens
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
29S
il est mort pour la rédemption de tout le
monde; mais l'on^ peut dire aussi^ ajoute-t-il,
qu'il n'a été crucifié que par ceux qui ont
reçu le fruit de sa mort , comme il dit lui-
même qu'il n'est venu que pour les brebis
de la maison d'Israël qui s'étaient perdues,
c'est-à-dire pour ses élus.
il. Ils objectaient que Dieu soustrait à j. otJ
0, pag. 2lîj
quelques-uns la prédication de l'Evangile, de
peurqiie, l'ayant ouï, ils ne soientsauvés. « Si
l'on peut prouver, répond saint Prosper, que
l'Evangile ait été prêché à tout le monde,
c'est mal à propos qu'on objecte que Dieu en
a soustrait la connaissance à quelques-uns.
Mais s'il s'en trouve à qui l'Evangile n'ait
pas été prêché, on ne peut pas dire que cela
soit arrivé ainsi sans le jugement de Dieu,
qu'on ne doit pas reprendre, parce qu'il est
incompréhensible. »
12. 11 fait voir qu'en vain les prêtres gau- n.pag.
lois objectaient que Dieu pousse les hommes
au péché par sa toute-puissance , aucun ca-
tholique n'ayant jamais dit et ne disant que
Dieu pousse au péché les hommes qui vivent
avec piété, ou qu'ils fassent violence à ceux
qui vivent dans l'innocence, pour les dé-
tourner de leur bon propos. Ce n'est point
là l'œuvre de Dieu, mais du diable , qui met
sa joie dans la chute des saints. Lors donc
que nous lisons que Dieu a endurci des pé-
cheurs, qu'il les a livrés à leurs désirs, ou
qu'il les a abandonnés, nous avouons qu'ils
ont mérité, par leurs péchés précédents,
d'être traités ainsi. C'est pourquoi nous ne
nous plaignons point du jugement de Dieu,
par lequel il abandonne ceux qui méritent
d'être abandonnés ; et nous rendons grâce à
sa miséricorde par laquelle il délivre ceux-là
mêmes qui ne méritaient point d'être déli-
vrés.
13. Il n'y avait pas plus de fondement dans ,2 ^^g
la plainte qu'ils faisaient que Dieu ôte le don
de l'obéissance à quelques-uns de ceux qu'il
a appelés et qui vivent bien, afin qu'ils ces-
1 Cum ducentis quatuordecim sacerdotibus, quorum
constitutionem contra inimicos gratiœ Dei totus mun-
dus amplexus est veraci professione, quemadmodum
ipsoritm habet sermo, dicamus gratiam Dei per Jesum
Christum Dominum, non solum ad cognoscendam,
verum etiam ad faciendam justitiam nos per actus
singulos ad j avare; ita ut sine illa nihil verœ sanctœ-
que pietatis cogitare, dicere, agere valenmus. Negue
hœc dona ita ex Deo esse opinemur, ut guia ipse na-
tures nostrœ auctor est per conditionem jam hœc con-
tulisse videatur. Quia dédit quidem ab initia hanc
homini facultatem, sed omnes eam in illo amisimus,
in quo omnes peccavimus. Vnde alia creatione alio-
que principio renovari in Christo egemus; in quo su-
mus nova creatura, et per quem nohis, nullis bonis et
nullis malis merilis prœcedentibus, donatur ut simus
ex vasis irœ, vasa misericordiœ. Prosper, ad Gallos,
pag. 213.
2 Cum itaque rectissime dicatur Salvator pro totius
mundi redemptione crucifixus, propter veram hiimanœ
naturœ susceptionem et propter communem in primo
homine omnium perdilionem, potest tamen diciprohis
tantum crucifixus, quibus mors ipsius profuit. Pros-
per, ad Gallos, pag. 214.
296
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ObjtclioQ
13, pag. 216.
sent d'obéir ; autrement il faudrait l'accuser
de rendre le mal pour le bien : ce qui ne
peut se dire sans folie et sans impiété. Dieu
connaît le bien et le mal, mais il ne veut que
le bien et ne pousse personne à faire le mal ;
il n'a jamais non plus ôté le don de l'obéis-
sance à quelqu'un pour ne l'avoir pas pré-
destiné; mais il ne l'a pas prédestiné, parce
qu'il a prévu qu'il ne persévérerait pas dans
l'obéissance.
là. Ils objectaient que Dieu a créé des
hommes non pour la vie éternelle, mais pour
une autre fin ; savoir, pour orner ce monde
et pour l'utilité des autres. « Il n'y a , dit saint
Prosper, aucune faute de la part du Créa-
teur, si quelques-uns ne sont point partici-
pants de la vie éternelle; il est Fauteur de la
nature et non du péché que la nature con-
tracte. Du reste, il est visible que les mé-
chants, comme les autres, ont leur utilité, et
qu'ils contribuent à la variété qui fait l'orne-
ment du monde. N'est-ce pas par la malice
des Juifs que s'est accompli le mystère de
notre rédemption sur la croix? La fureur des
persécuteurs n'a-t-elle pas occasionné la cou-
ronne du martyre à une infinité de saints ?
Quel est le chrétien qui, faisant attention aux
ténèbres dans lesquelles vivent les impies, et
à la lumière de la foi qui éclaire les fidèles,
n'en soit pas plus porté à rendre grâce à
Dieu, et n'apprenne par la chute de ceux
qui périssent, dans quels maux notre libre
arbitre nous entraînerait, si Jésus-Christ ne
le secourait par sa grâce?»
15. Ils objectaient que ceux qui ne croient
14, pag, 2H. J ^ "a
point à la prédication de l'Evangile, ne refu-
sent de croire que parce que Dieu l'a ainsi
ordonné. « Dieu , répond saint Prosper, est
auteur des biens et non des maux; sa prédes-
tination a toujours eu pour objet ce qui est
bon, savoir, ou la rétribution de la justice,
ou la donation de sa grâce : ainsi l'infidélité
de ceux qui ne croient pas n'est pas l'objet
de la prédestination, mais de la prescience '.
Dieu a prévu l'incrédulité de quelques-uns,
il ne l'a ni ordonnée ni prédestinée.»
16. Ils disaient que la prescience est la
15, pag. 218. ■'■ ^
même chose que la prédestination. Saint
Prem iàte
proposilion.
Prosper convient que la prédestination ne
saurait être sans la prescience; mais il dit
que la prescience peut être sans la prédesti-
nation, et il met cette dififérence entre l'une
et l'autre, que la prédestination a pour objet
le bien, et que la prescience connaît aussi le
mal. Dieu donc a prédestiné et prévu tout
ensemble le bien, parce qu'il le connaît et
qu'il en est l'auteur; mais il a prévu le mal
sans le prédestiner, parce qu'il ne le fait pas :
c'est l'ouvrage de l'homme méchant.
17. Saint Prosper, après avoir répondu à sentemei
chacune des objections que les Gaulois fai- t^ns SéTiïi
saient aux disciples de saint Augustin, re- aiTalùiv!^'
prend toutes ces objections et les condamne
en quinze propositions qui contiennent une
doctrine toute opposée. Celui-là n'est pas
catholique qui dit que la prédestination est
une espèce de fatalité qui nécessite les hom-
mes à faire le mal. De même quiconque dit Deuxième.
que la grâce du baptême n'ôte pas le péché
originel à ceux qui ne sont pas prédestinés à
la vie, n'est pas catholique. Celui-là ne l'est Troisièir.e.
pas non plus qui dit qu'il ne sert de rien à
ceux qui ne sont point prédestinés, de vivre
saintement après leur baptême, et qu'ils sont
réservés jusqu'à ce qu'ils tombent dans le
pécbé, parce que Dieu ne prolonge pas la vie
à un homme afin qu'il tombe ou qu'il apos-
tasie : au contraire, la longueur de la vie est
un bienfait de Dieu dont l'homme doit user
pour devenir meilleur et non pas plus mé-
chant. Celui qui dit que tous les hommes ne Quatrième,
sont pas appelés à la grâce, ne doit pas être
repris, s'il parle de ceux à qui Jésus-Christ
n'a point été annoncé, car nous savons que
le dessein de Dieu est que l'Evangile soit
prêcbé par toutes les régions de la terre ;
mais nous ne croyons pas qu'il y ait encore
été prêché, et nous ne pouvons pas dire que
les hommes soient appelés -à la grâce dans
les pays où l'Eglise n'engendre point encore
d'enfants à Dieu. Celui qui dit que ceux qui cinquième.
sont appelés ne le sont pas également, et
que les uns sont appelés pour croire, les au-
tres pour ne pas croire, comme si la vocation
était la cause de l'incrédulité de ceux-ci,
ne dit pas bien : car quoique la foi soit un
1 Qui prœscientiam Dei in nullo ah ipsiiis prœdesti-
natione discernil, quod tribueyidum est Deo de bonis,
hoc etiam ei de malis conatur adscribere. Sed cum
bona ad largitorem cooperatoreinque eorum Deum,
mala autem ad voluntariam raiionalis creaturœ ne-
quiiiam referenda sint, dubium non est, sine ulla
temporali differentia Deum et prœscisse simul et prœ-
destinasse, quœ ipso erant auctore facienda, vel quœ
malis meritis justo erant judicio retribuenda; prœs-
cisse autem taniummodo, non etiam prœdestinasse,
quœ non ex ipso ernnt causam operationis habitura.
Potest itaque sine prœdestinatione esse prœscientia ;
prcedestinatio autem sine prœscientia esse non potest.
Prosper, ad Gallos, pag. 218 et 219.
:
[y SIÈCLE.]
don de Dieu, et qu'il dépende de la volonté
de l'homme de croire, Finfidélité néanmoins
sijièmtpro. vient de la seule volonté de l'homme. Celui
oBuon. ^. ^.^ ^^^^ j^ j.j^^^^ arbitre n'est rien dans
l'homme, et que c'est la prédestination qui
fait tout le bien et tout le mal dans les hom-
mes, n'est pas catholique : car la grâce ne
détruit pas le libre arbitre; elle l'aide, le for-
tifie et le ramène de l'erreur dans le chemin
sepiième. dc la vérlté. Celui qui dit que les fidèles ré-
générés en Jésus-Christ ne reçoivent pas le
don de la persévérance, parce qu'ils n'ont
pas été séparés de la masse de perdition
dans le décret éternel de Dieu, s'il entend
par là que Dieu est lui-même la cause de ce
qu'ils ne persévèrent pas, il a mauvaise opi-
nion de la bonté et de la justice de Dieu, qui
n'abandonne personne avant qu'il n'en soil
Hpitième. abandonné. Celui qui dit que Dieu ne veut
pas sauver tous les hommes, mais seulement
un certain nombre de prédestinés, use d'une
expression plus dure qu'il n'est besoin pour
marquer la profondeur impénétrable de la
grâce de Dieu, puisqu'il est vrai de dire '
qu'il veut que tous les hommes soient sauvés
et qu'ils viennent à la connaissance de sa
vérité, accomplissant le décret de sa volonté
suprême dans ceux qu'il a prédestinés après
les avoir prévus dans sa prescience, qu'il a
appelés après les avoir prédestinés, qu'il a
justifiés après les avoir appelés, et qu'il a
glorifiés après les avoir justifiés. Il n'en perd
aucun de toute cette plénitude des nations et
de toute la semence d'Israël, à laquelle le
royaume éternel a été préparé en Jésus-
Christ, avant la création du monde : car tout
le monde est choisi de tout le monde, et tous
les hommes sont adoptés d'entre tous les
hommes. Et il est impossible que la vérité
de la promesse que Dieu a faite à Abraham,
en lui disant que toutes les nations seront
remplies de bénédictions dans sa race, puisse
être ébranlée par l'infidélité et la désobéis-
sance de plusieurs, parce que Dieu est tout-
puissant pour faire lui-même ce qu'il a pro-
mis de faire : ceux qui se sauvent étant sau-
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
297
vés parce que Dieu a voulu qu'ils fussent
sauvés , et ceux qui se perdent périssent
parce qu'eux-mêmes ont mérité de périr.
Celui qui dit que Jésus-Christ n'a pas été Ni-mième
crucifié pour la rédemption de tout le monde, p''"'"""'""'
ne fait pas attention à la vertu de ce sacre-
ment, puisque le sang de Jésus-Christ est le
prix de la rédemption de tout le monde.
Celui qui dit que Dieu a soustrait à quelques- Dixième,
uns la prédication de l'Evangile, de peur
qu'en croyant ils ne soient sauvés, pourrait
s'appuyer sur ce qu'il est dit dans saint Mat-
thieu, que certaines nations auraient cru en
Jésus-Christ, si elles avaient été témoins de
ses miracles, et que le Sauveur défendit à
ses apôtres d'aller prêcher à certains peu-
ples ; mais la foi ne nous permet pas de
douter que l'Eglise ne doive s'étendre à tou-
tes les extrémités de la terre, et que cela ne
doive être accompli avant la fin du monde.
Celui-là mérite d'être repiis, qui dit que Dieu onzième,
pousse les hommes au péché par sa toute-
puissance. Celui qui dit que l'obéissance est i)„„jién,e.
ôtée à quelqu'un de ceux qui sont appelés et
qui vivent bien, afin qu'ils cessent d'obéir,
pensent mal de la bonté et de la justice de
Dieu, qui donne l'innocence et qui en est le
gardien. Celui qui dit que Dieu a créé des Treizième.
hommes non pour la vie éternelle, mais pour
l'ornement du siècle présent et pour l'utilité
des autres, parlerait mieux en disant que
Dieu n'a pas créé en vain ceux qu'il a prévu
ne devoir point participer à la vie éternelle ,
parce que dans les méchants mêmes il y a un
bien qui est la nature, et parce que Dieu est
louable lorsqu'il punit les méchants. Celui Q„a,„„i5„e.
qui dit que ceux qui ne croient pas à la pré-
dication de l'Evangile, à cause que Dieu l'a
ainsi ordonné, n'est pas catholique; la foi
qui opère par la charité est un don de Dieu,
mais l'infidélité n'est pas ordonnés de lui.
Saint Prosper montre dans la quinzième pro- Q„i„jif„e.
position en quoi diffère la prédestination et
la prescience, à peu près comme il fait dans
la réponse à la quinzième objection des Gau-
lois, rapportée plus haut.
1 Omnes vult sulvos fieri atqiie in agniiionem ventre
veritatis, et voluntatis suce propositum in eis itnplet,
quos prœscitos prœdeslinavit, prœdestinatos vocavit,
vocatos justificavif, justificatos glorificavit : nihil
amiiiens de plcnitudine gentium et de omni semine
Israël, cui prœparatum est in Christo regnum œter-
num ante constitutionem mundi. Ex toto enim mundo
totus mundus eligilur, et ex omnibiis hominibus omnes
homines adoptantur. Nec potest ullo modo per infide-
litalem atque inobedientiam multorum, Dei promissio
vacillare, dicentis ad Abraham : In semine tuo be-
nedicentur omnes gentes. Quod autem promisit Deus,
potens est et facere : ut et qui salvantur, ideo salui
sint, quia il/os volait Deus salvos fieri, et quipereunt,
ideo perennt, quia perire meruerunl. Prosper, Sentent.
8, pag. 221.
298
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
IV.
Des Béponses à Vincent.
Vincr°°" I ^l- Le zèle que saint Prosper avait fait pa-
qudie icca- faître dans la défense de la doctrine de saint
prosp,i.ra. Augustin contre les prêtres gaulois, leur fut
fil. m resp. , i i> ., , . .
nd viucen- uuc occasiou de 1 attaquer lui-même person-
tmm, p. 227. t , i, , ~,t-
nellement. L un d eux, nomme Vmcent, ou-
bliant ce qu'il devait à la charité chrétienne
et fraternelle, et ne prenant pas garde qu'il
ruinait sa propre réputation en voulant bles-
ser celle des autres, fit une liste de seize
propositions insoutenables, qu'il débita en
public et en particulier comme les véritables
sentiments de saint Pi'osper. Le saint pou-
vait couvrir de confusion son adversaire, en
disant anathème aux propositions qu'il l'ac-
cusait de soutenir; mais craignant qu'il ne
chicanât sur une réponse si courte, il en fit
une plus étendue, faisant voir sur chaque
proposition quels étaient ses véritables sen-
timents, afin que s'il ne pouvait faire taire
son calomniateur, les lecteurs vissent du
moins combien ses calomnies étaient punis-
sables. On ne trouve rien dans cet écrit qui
puisse en fixer l'époque. Quelques-uns
croient que saint Prosper le composa depuis
que saint Célestin eut écrit en sa faveur aux
évèques des Gaules, sur ce qu'il y dit qu'il
défendait la grâce par l'autorité du siège
apostolique; mais cette preuve n'est pas so-
lide. Saint Prosper cite également l'autorité
de l'Eglise romaine dans sa lettre à Rufin et
dans son poème contre les Ingrats. Si le pape
saint Célestin l'eût chargé d'écrire pour la
défense de la grâce, il n'eût pas manqué de
le dire en termes formels. Il vaut donc mieux
avouer qu'on ne sait en quel temps il répon-
dit à Vincent. Nous avouerons de même que
nous ne savons qui était ce Vincent, que
quelques-uns ont confondu, sans en donner
de preuves, avec Vincent de Lérins. Gen-
nade parle d'un Vincent, prêtre et gaulois;
on croit que c'est le même qui assista en 439
au concile de Riez, au nom de Constantin,
et que c'est ce Vincent qui répandit les seize
propositions réfutées par saint Prosper.
Objection 1, g. La Première est conçue en ces termes :
pag. 230. '^ '
« Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a -pas souf-
fert pour le salut et la rédemption de tous
les hommes. » Saint Prosper répond qu'il est
vrai de dire que Jésus-Christ est mort pour
tous les hommes, puisqu'il a pris une nature
commune à tous les hommes, qu'il s'est of-
fert pour la cause de tous les hommes, et
que son sang est d'un prix suffisant pour les
racheter tous; que tous néanmoins n'ont pas
de part à cette rédemption , mais ceux-là
seulement qui, régénérés par la grâce du
baptême, sont devenus les membres de Jé-
sus-Christ. La mort de Jésus-Christ est un
breuvage d'immortalité et de salut, qui a
assez de force pour rendre la sanlé à tous
les hommes; mais s'il n'est pas pris, il n'est
point remède.
3. La seconde proposition porte que Dieu
ne veut pas sauver tous les hommes, quand
même ils voudraient être sauvés. Saint Pros-
per répond que l'on doit croire sincèrement
et dire que Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés, puisque l'apôtre veut que l'on
prie dans toutes les Eglises pour tous les
hommes, quoiqu'il y en ait qui ne soient pas
sauvés, pour des raisons qui ne sont connues
que de Dieu seul; que ceux qui périssent,
périssent par leur faute, et que ceux qui
sont sauvés le sont par la grâce de Dieu.
4. Vincent objectait en troisième lieu que
Dieu crée la plus grande partie du genre hu-
main pour la perdre éternellement. «La nais-
sance ' des hommes, répond saint Prosper,
est un bienfait du Créateur ; leur perte est la
peine de leurs crimes. Tous ont péché dans
Adam, en qui la nature humaine a premiè-
rement été formée , et ils ont tous été enve-
loppés dans la même sentence dont tout son
péché a été suivi. Le lien qui les lie tous,
quoiqu'ils n'aient point de péchés propres,
ne peut être rompu, s'ils ne renaissent par
le Saint-Esprit dans le sacrement de la mort
et de la résurrection de Jésus-Christ, c'est-à-
dire dans le baptême. Il y a donc de l'im-
piété et de l'ignorance de ne pas distin-
guer le vice de la nature de l'auteur même
de la nature. II crée les hommes, non pour
être damnés, mais pour être hommes, ne
objection 2,
P'ig.
231.
3, p^g. 23t.
1 Ut nascantur homines Conditnris est heneficium,
ut auteni pereant prœvaricaioris est meiitum , in
Adam : quippe in quo omnium hominum prœformata
natura est, omnes peccaveruni . eademque sententia,
quam ille excepit, obstricti suni. Neque ab hoc vin-
culo, eliamsi propriis peccafis careant, resolvuntur,
nisi in sacramento mortis et resurrectionis Christiper
Spiritum Sanctum renascantur. Prosper, ad Object. 3
Vincent., pag. 231.
[y SIÈCLE.]
CHAPITRE XII.
SAINT PROSPER.
299
refusant point son concours pour la mul-
tiplication du genre humain ; mais il récom-
pense dans plusieurs, selon le conseil de sa
bonne volonté, le bien qu'il a fait en eux,
et il punit dans les autres le mal qu'il n'y a
pas fait.
ps^S'.""'" 3. La quatrième objection est que la plus
grande partie du genre humain est créée
de Dieu, non pour faire la volonté de Dieu,
mais celle du diable. Saint Prosper répond
que la prévarication des hommes n'a point
été capable de troubler l'ordre de la créa-
tion, et que la créature pécheresse est sou-
mise avec justice à la domination de celui
auquel elle s'est rendue volontairement en
abandonnant son véritable Seigneur; que
cette servitude n'est point de l'institution de
Dieu, mais la peine du péché de l'homme,
dont aucun n'est délivré que par le média-
teur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ,
dont la grâce toute gratuite n'est pas donnée
à plusieurs à cause de leurs péchés, et qui
est donnée à d'autres quoiqu'ils ne l'aient
pas méritée. Il dit qu'encore qu'il soit vrai
que tous les hommes aient péri en Adam,
ce n'est pas une suite que Dieu crée un cha-
cun d'eux, pour faire la volonté du diable ;
mais qu'on doit reconnaître que tout homme
qui n'est point racheté est captif du démon,
à cause de la prévarication du premier
homme.
B.p.f 233. 6. Dans la cinquième objection, Vincent
disait que Dieu est auteur de nos péchés,
puisqu'il l'est de notre mauvaise volonté, et
qu'il a créé, en nous donnant l'être, une na-
ture qui, par son mouvement naturel, ne
peut faire autre chose que pécher. Saint
Prosper répond que Dieu n'est auteur d'au-
cun péché, mais créateur d'une nature qui,
ayant la puissance de ne point pécher, a pé-
ché volontairement et s'est assujettie de sa
propre volonté à celui qui l'a trompé ; que
ce n'est donc pas par un mouvement naturel,
mais par une suite de sa servitude qu'elle vit
dans le vice, jusqu'à ce qu'elle meure au pé-
ché et qu'elle vive pour Dieu : ce qui ne
peut se faire sans la grâce de Dieu, parce
qu'elle ne peut recouvrer que par Jésus-
Christ, son libérateur, la liberté qu'elle a
perdue librement.
6,paB.233. 7- H Bst dit daus le sixième que Dieu crée
dans les hommes un libre arbitre tel qu'est
celui des démons, qui, de son propre mou-
vement, ne veut ni ne peut vouloir que le
mal. Cette objection contient deux parties :
l'une, que le libre arbitre laissé à lui-même
ne peut que pécher; et l'autre, que c'est
Dieu qui l'a rendu tel. Saint Prosper de-
meure d'accord de la première, mais il nie
la seconde, et dit qu'il y a cette différence
entre la malice des hommes et celle des dé-
mons, que les hommes, quelque perdus
qu'ils puissent être, peuvent encore être ré-
conciliés avec Dieu s'il leur fait miséricorde;
au lieu que les démons ne peuvent jamais se
convertir, et que comme ce n'est point Dieu
qui a donné aux anges rebelles cette volonté
orgueilleuse par laquelle ils ont abandonné
la vérité, il n'a point non plus inspiré aux
hommes cette affection vicieuse et corrom-
pue par laquelle ils imitent les démons.
8. Les quatre obiections suivantes roulent objections
sur la même matière, savou-, que Dieu ne pas. 234,
veut pas le salut de la plus grande partie
des hommes, ni même que la plupart aient
la volonté d'être sauvés. Saint Prosper ré-
pond que ceux-là ne peuvent être sauvés
qui ne veulent pas l'être ; mais que ce n'est
point Dieu qui fait qu'ils ne le veulent pas,
puisqu'au contraire c'est lui qui, selon le
Psalmiste, relève ceux qui tombent, et qu'il
n'abandonne personne dont il n'ait été aban-
donné auparavant; que la prédestination de
Dieu ne concourt en aucune manière à la
chute des pécheurs, et que si les hommes
péchaient par la volonté de Dieu, il n'y au-
rait point de jugement où ils dussent rendre
compte de leurs actions, et que tout ce que
l'on -peut rapporter à la prédestination re-
garde , ou la rétribution de la justice, ou la
collation gratuite de la grâce.
9. La prédestination fait encore le sujet ,5. n, ,4,
des autres objections de Vincent. Elles se â."' '"^'
réduisent à dire que si Dieu a prédestiné les
uns au salut et les autres à la damnation,
cette prédestination est la cause de tout le
mal que fout les pécheurs, et de ce que tous
les hommes qui sont p-édestinés pour la
damnation , ne peuvent l'éviter quoi qu'ils
fassent. La réponse de saint Prosper est, que
la prédestination de Dieu n'est cause de la
chute de personne, et qu'elle est au con-
traire la cause de la persévérance de plu-
sieurs; que, quoique Dieu sache de toute
éternité ce qu'il doit rendre au mérite d'un
chacun, cette connaissance ne met personne
dans la nécessité ou dans la volonté de pé-
cher; que ceux qui abandonnent la justice,
se jettent dans le précipice par leur propre
libre arbitre; que ceux qui vivent dans la
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pourquoi
saint Augus-
300
piété et qui y persévèrent, le font par le se-
cours de la grâce de Dieu; que comme il
n'est pas possible ' de savoir pourquoi il ac-
corde à Tun la persévérance tandis qu'il la
refuse à l'autre, il n'est pas permis non plus
de le rechercher, puisqu'il suffit de savoir
que c'est de lui que l'on tient la persévé-
rance et qu'il n'est point la cause de ce que
l'on tombe. « Dieu ^, ajoute ce Père, n'ôte à
personne le moj'en de se corriger, et il ne
dépouille personne de la possibilité de faire
le bien. Celui qui s'éloigne de Dieu, s'ôte à
lui-même le vouloir du bien et le pouvoir de
le faire. Ce n'est donc pas une conséquence
que parce que Dieu ne donne pas à quel-
ques-uns la pénitence, il leur ôte aussi le dé-
sir de la faire, ni qu'il terrasse ceux qu'il ne
relève pas. Il y a bien de la différence entre
pousser un innocent à faire le crime, ce qui
est éloigné de Dieu, et entre ne pas donner
à un coupable la peine qu'il mérite par son
péché. » Saint Prosper fait voir que lorsque
ceux qui ne sont pas du nombre des pré-
destinés, disent dans l'Oraison Dominicale :
Que votre volonté soit faite, ils ne demandent
pas à Dieu de les laisser tomber et périr
éternellement, comme le disait Vincent ;
mais que sa volonté à l'égard des bons et
des méchants soit accomplie, en sorte que
chacun soit jugé suivant ses mérites.
§ V.
Des Réponses aux prêtres de Gênes.
\ . Ce fut aussi après la mort de saint Au-
gustin que deux prêtres de la ville de Gênes
en Italie, l'un nommé Camille, l'autre Théo-
dore, envoyèrent à saint Prosper quelques
propositions tirées du livre de la Prédestina-
tion des Saints et de celui de la Persévérance,
pour le prier de leur en donner le vrai sens,
croyant ne le pas bien prendre eux-mêmes.
Il paraît dans leurs demandes autant de bonne
foi que d'humilité; saint Prosper n'en fait
pas moins paraître dans l'éclaircissement
qu'il leur donne sur les difficultés propo-
sées.
2. Il leur fait d'abord remarquer que les
trois premières propositions n'avaient d'obs-
curité que parce qu'elles étaient détachées
1 Cur autem illum retineaf, illum non reimeat, nec
possibite est comprehendere, nec licitum investigare,
cum scire su/pciat, et ab illo esse quod stat, et non
ab illo esse quod ruitur. Prospefj ad Object. 14 Vin-
cent., pag. 238.
tin a changé
de sentiment
sur la grâce.
Au gusti a,
lib. 1 lie Prae-
destin, cap. m
et y.
UCor. iT, 7.
du corps de l'ouvrage, et que pour les bien
entendre, il fallait faire attention à ce qui
précède et à ce qui suit. II dit ensuite qu'en
ces endroits saint Augustin répond à ceux
qui lui reprochaient d'avoir changé de sen-
timent au sujet de la grâce; que, dans les
commencements de sa conversion, il croyait
que la foi, par laquelle nous sommes chré-
tiens , n'était pas un don de Dieu , mais
que nous l'avions de nous-mêmes et par les
forces de noire libre arbitre; qu'ensuite il
avait enseigné que la foi est un don de Dieu,
et que c'est d'elle qu'il est dit dans saint
Paul : Quavez-vous que vous n'ayez reçu? Il leur
paraissait que saint Augustin pensait mieux
lorsqu'il se convertit , qu'il ne pensa depuis,
et que c'est mal à propos que , sur la fm de
ses jours, il rapportait à la prédestination
de Dieu l'élection de Jacob , que long-
temps auparavant il regardait comme une
suite de la prescience. « C'est , dit saint
Prosper, pour répondre à cette objection,
que saint .\ugus1in avoue , dans son livre
de la Prédestination, et dans le second de
ses Rétractations, qu'il avait été dans l'er-
reur au sujet de la grâce avant son épisco-
pat; mais que, consulté depuis par le saint
évêque de Milan, Simplicien, sur l'élection
de Jacob et la réprobation d'Esaii, il avait
examiné cette question avec beaucoup de
soin et d'exactitude, et reconnu certainement
que l'élection de la grâce n'est précédée
d'aucun mérite humain, et que la foi, qui est
le principe de tous les mérites est un don de
Dieu, parce qu'autrement la grâce ne serait
plus grâce, si elle était précédée de quelque
action en vertu de laquelle elle fût donnée. »
Pour appuyer cette doctrine, saint Prosper
fait voir qu'Adam, par son péché, a perdu
la foi, que nous l'avons tous perdue en lui,
et que nous ne pouvons la recouvrer que par
la grâce.
3. Les prêtres de Gênes demandaient en- cestraou
core l'éclaircissement de ces paroles de saint ?o"r les' I7s,
Augustin : « C'est à la liberté et à la volonté pàs''vdL.°o1riK
1 1.1 , . . • autres, pag.
de 1 homme a croire ou ne croire pas ; mais 245. Augusi.
c'est le Seigneur qui prépare la volonté dans destin. cap. V.
les élus. 1) A ces paroles que ces deux prê-
tres citaient du livre de la Prédestination,
saint Prosper en ajoute beaucoup d'autres
" Nemini autem Deus correctionis adimit viam,
nec guemquam boni possibilitaie dispoliat. Quia qui ,
se a Deo avertit, ipse et velle quod bonum est, et
passe sibi sustulit. Prosper, ad Object. 15 Vincent.,
pag. 238.
[V« SIÈCLE.]
qui donnent du jour à la pensée de saint Au-
gustin par la liaison de tout son discours.
Après quoi il dit : « Un homme qui a de la
piété et qui se souvient qu'il est catholique,
Proverb.vi, pcut-îl être blossé de ces paroles ? Le sage
'' a-t-il avancé faux lorsqu'il nous a assuré que
c'est par le Seigneur que notre volonté est
Boui.Tiii.u. préparée ? L'apôtre nous a-t-il trompé lors-
qu'il nous a dit que les enfants de Dieu sont
ceux qui sont poussés par l'Esprit de Dieu ?
Est-ce la nature qui distingue l'homme d'a-
vec l'homme, ou n'est-ce pas plutôt la grâce
qui distingue le fidèle d'avec l'infidèle? Y a-
t-il quelqu'un qui prétende avoir quelque
chose qu'il n'ait pas reçu, ou qui puisse se
glorifier de ce qu'il a reçu, comme s'il lui
était propre et lui venait de lui-même^ étant
ceitain qu'il n'aurait jamais ce qu'il a, s'il ne
l'avait reçu de Dieu? Peut-on douter que
lorsqu'on prêche l'Evangile, les uns croient
parce qu'ils veulent croire , et les autres ne
croient pas parce qu'ils ne veulent pas croire?
Mais parce qu'il est certain que Dieu ouvre
le cœur des uns et qu'il n'ouvre pas le cœur
des autres, on doit distinguer en ces rencon-
tres les effets de la miséricorde de Dieu sur
les uns, d'avec les effets de sa justice sur les
autres. » Saint Prosper fait voir que saint
Augustin prouve cette doctrine par plusieurs
passages tant de l'Ancien que du Nouveau
Testament, et conclut qu'on ne peut la re-
jeter sans donner dans l'hérésie de Pelage.
Car s'il est vrai , dit-il , comme le soutenait cet
ennemi de la grâce , que les hommes méri-
tent aussi bien les dons de Dieu comme ils
méritent les effets de sa colère et de sa jus-
tice, il s'ensuit visiblement qu'on peut com-
prendre ses conseils incompréhensibles, et
que les raisons de sa volonté divine ne sont
point cachées ni inconnues.
Li foi, dans 4. Un autre endroit du livre de la Prédes-
«menieslun tmatioïi, qui taisait peme aux prêtres de be-
iJoQ de Dieu , . . t ». • i
romme d;,ns nes, cst celui-ci : « La foi, dans son commen-
sa perfection, /. • t t i
pas. 211. cément et dans sa perfection, est un don de
Auguslir».
lib. idePrœ- Dieu, et nul ne peut douter que ce donne
destin, cap, ^ ^
soit accordé aux uns et refusé aux autres, à
moins qu'ils ne veulent combattre ouverte-
ment les paroles claires de la divine Ecri-
ture. 1) Saint Prosper dit que parler autre-
ment que fait ici saint Augustin, c'est dire
que l'on tient de soi-même la foi par laquelle
on est justifié, et que l'on a par soi-même et
par la force de la nature, le bien dont le
juste vit. « Or, ajoute-t-il, si la foi n'est pas
un don de Dieu, c'est en vain que l'Eglise
CHAPITRE Xllc — SAINT PROSPER,
301
destin
vin
prie pour ceux qui ne croient pas afin qu'ils
croient ; et il suffit d'employer envers les in-
fidèles l'instruction de la loi, dont toutefois
l'apôtre dit : Si la loi p7'oduit la justice, c'est
inutilement que Jésus-Christ est mort. C'est en-
core en vain que l'apôtre rend grâce à Dieu
pour ceux qui ont reçu l'Evangile, puisque,
selon les pélagiens, la foi par laquelle ils
l'ont reçu n'est pas l'effet du don et de la
grâce de Dieu en eux, mais l'ouvrage de la
seule volonté de l'homme. Enfin, c'est en
vain que le même apôtre souhaite à quel-
ques-uns des fidèles que Dieu leur donne
sa paix et son amour avec la foi. 11 faudra
encore conclure, dans le principe des enne-
mis de la grâce, que la paix et la charité ne
sont pas un don de Dieu, puisqu'ils le disent
de la foi, qui, selon saint Paul, n'est pas moins
un don de Dieu que les deux autres. Ainsi
on ne peut combattre ces paroles de saint
Augustin : « La foi, dans son commence-
ment et dans sa perfection, est un don de
Dieu. » Autrement il faudrait condamner
aussi cet endroit de l'épître aux Ephésiens :
Vous avez été sauvés par la foi, et cela ne vient Ephes. u, s.
j>as de vous; c'est un don de Dieu, qui n'est pas
mérité par les œuvres, afin que personne ne s'é-
lève dans soi-même. Quanta ce qu'ajoute saint
Augustin, que la foi est donnée aux uns et
refusée aux autres, c'est une vérité que l'on
ne peut contester, puisqu'il est visible qu'il y
en a qui croient, d'autres qui ne croient pas,
et que, selon l'apôtre, la foi n'est pas commune i xiiess.
à tous : d'où il suit que comme tous ceux qui
ont la foi, l'ont reçue de Dieu, tous ceux
aussi qui ne l'ont pas ne l'ont point reçue. »
5. Saint Augustin dit encore dans son hvre ^a grsca
de la Prédestination, que tous les hommes S-ïT'tllû";
ayant été précipités par le péché d'un seul ''"^iuMstin.
dans une condamnation très-juste, nul ne d'esii'n.'ra^
pourrait se plaindre avec justice de Dieu,
quand même il ne délivrerait aucun homme
de cette ruine générale de la nature; que '
c'est donc par une grâce que Dieu en délivre
plusieurs qui reconnaissent la peine qui leur
était due par l'état misérabh de ceux qui
n'en sont point délivrés, et que si l'on de-
mande pourquoi Dieu délivre l'un et ne dé-
livre pas l'autre, on doit répondre avec saint
Paul que c'est en cela, proprement, que ses
jugements sont impénétrables. Saint Pros-
per confirme celte doctrine en montrant
que si la grâce était donnée à tout le monde,
les jugements de Dieu, à l'égard du choix des
élus, ne seraient point impénétrables, et que
302
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'homme aurait lieu de se glorifier dans lui-
même, et non pas dans le Seigneur, s'étant
renda digne par ses mérites que Dieu le
choisit , comme les autres ont mérité par
leur propre faute de périr éternellement,
(i Mais à Dieu ne plaise, ajoute-t-il, qu'il
nous vienne jamais à la pensée qu'aucun
homme mérite par soi-même d'être délivi'é
de la puissance des ténèbres pour passer en-
suite dans le royaume du Fils de Dieu, par
une adoption qui ne soit pas tant une misé-
ricorde gratuite qu'une récompense qu'il ait
méritée. Adam ' s'est perdu par le grand
crime qu'il a commis, et avec lui tous les
hommes se sont perdus. Il n'y en a aucun
qui, ayant été conçu dans le péché, n'ait
mérité en Adam d'être condamné et de pé-
rir; et comme nous ne pouvons nous plain-
dre de ce que dans les siècles passés Dieu,
abandonnaut toutes les nations du monde,
les a laissées marcher selon leurs désirs, aussi
il ne nous resterait aucun sujet d'une plainte
légitime, si la grâce n'étant point encore
donnée non plus qu'alors, Dieu nous laissait
périr avec tous ces peuples avec qui nous
avons une cause commune, étant, comme
eux, sortis d'une race corrompue. Mais c'est
le bonheur de ces derniers temps, qu'au lieu
que la grâce ne sauvait autrefois que peu
d'hommes de tous ceux qui étaient répandus
dans le monde, elle en sauve maintenant un
nombre innombrable, non par le mérite de
nos œuvres, mais par le décret de Dieu et
par la grâce qui nous a été donnée en Jésus-
Christ avant tous les siècles, n
commeci 6. Lcs prêtrcs de Gênes n'entendaient pas
fmi la volonté commcnt saint Augustin avait dit que les
m.""''''^' méchants, en faisant contre la volonté de
lib.'idef'rai- Dieu ne laissaient pas de l'accomplir quel-
desLio. cap. ■*- '•
XVI. queiois. Samt Prosper le leiir fait compren-
dre par l'endroit du livre des Actes cité par
saint Augustin, où nous lisons que Pilate,
Hérode, avec les gentils et le peuple d'Israël,
s'unirent ensemble contre Jésus-Christ pour
Aci. IV, 26. faire ce que la puissance de Dieu et son conseil
avaient ordonné devoir être fait : d'où il paraît
que Dieu se sert de la malice des pécheurs
pour accomplir ses desseins, et qu'en faisant
contre sa volonté, ils ne laissent pas quel-
quefois de l'accomplir. Mais Dieu les arrête
souvent dans leurs desseins, en ne leur en
laissant l'exécution qu'autant qu'elle peut
être utile à ses saints, soit pour les punir de
quelque faute, soit pour les éprouver.
7. L'endroit du livre du Bon de la persévé- ceq
rance, dont Camille et Théodore demandaient i>n»i">
l'explication , est tiré du chapitre xiv^, où
saint Augustin dit que la prédestination des
saints n'est autre chose que cette connais-
sance éternelle et cette préparation des grâ-
ces de Dieu qui opèrent très -certainement
le salut de tous ceux qui sont sauvés; qu'à
l'égard des autres, on n'en peut dire autre
chose, sinon qu'ils sont laissés dans la masse
de perdition, par un juste jugement de Dieu,
comme ceux de Tyr et de Sidon, qui eussent
cru s'ils eussent vu les miracles de Jésus-
Christ. Saint Prosper dit que de penser au-
trement, c'est dire que la foi n'est point un
don de Dieu, qu'elle suit notre libre arbitre
et ne le prévient pas, et que la grâce de Dieu
nous est donnée selon nos mérites. Il appuie
la doctrine de saint Augustin par divers pas-
sages de l'Ecriture, entre autres par celui du
psaume où nous lisons que si Dieu ne bâtit p^^|_^
la maison, le travail de ceux qui la bâtissent
est vain et inutile. Il l'appuie encore par ce
qui est dit dans l'Evangile, que ceux de Tyr
et de Sidon auraient cru s'ils avaient vu les
miracles de Jésus-Christ. «Car, dit-il, que pou-
vons-nous dire d'eux, sinon qu'il ne leur a pas
été donné de croire, et qu'en conséquence,
ce qui aurait pu les faire croire leur a été
refusé? C'est à ceux qui sont dans une doc-
trine contraire à celle de la prédestination
gratuite, de rendre raison de ce refus et de
montrer pourquoi le Seigneur a fait des mi-
racles chez ceux-là mêmes à qui ils ne doi-
vent pas profiter, et pourquoi il n'en a point
fait parmi les peuples qui auraient pu en
profiter. Pour nous, ajoute ce Père, encore
que nous ne puissions pénétrer la raison de
la conduite de Dieu, ni la profondeur de ses
jugements, nous savons certainement que
ce qu'il a dit est vrai, et que ce qu'il a fait
est juste, et que non-seulement ceux de Tyr
ue c'est
prédes-
0, pas-
' Magno peccato periit Adam, et in illo omnes pe-
rlerunt. Quia nmni homini damnata nativitate genito,
hoc in Adam debelur ut pereat, et sicut non possumus
conqueri de eo quod in prœteritis sœculis dimisit om-
nes gentes ingredi vias suas; iia justam non habere-
mus qucrelam, si cum eis, cum quitus nobis fuit causa
communis, cessante adhuc gratta, periremus. Quœ ta-
men sicut tune de omni mundo eruit paucos ; ita nunc
de universo génère hominum salvat innumeros; non
secundum opéra nosira, sed secundum suum proposi-
tum et gratiam quœ data est nobis in Christo Jesu,
ante tempora œierna. Prosper, Hesp. ad Genuenses,
pag. 249.
[V^^ SIÈCLE.]
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
303
et de Sidon, mais encore ceux de Corozaïn
et de Bethsaïde auraient pu se convertir, si
Dieu avait voulu leur en accorder la grâce.
Car personne ne peut révoquer en doute ce
que la Vérité dit : Qu'aucun ne peut venir à
moi, s'il ne lui est donné par mon Père. C'est
lui qui, selon l'apôtre, fait tout en tout, et
s'il ne nous avait donné l'esprit de la foi, de
constance, de continence, de cliarité, de sa-
gesse, d'intelligence, de conseil, de force,
de science, de piété et de la crainte de son
saint nom, il est indubitable que nous n'au-
rions pas eu par nous nous-mêmes tous ces
grands biens, et qu'étant joints à ceux qui
n'ont pas connu le Seigneur, ou qui le con-
naissant, ne l'ont pas glorifié comme Dieu,
nous serions encore ensevelis dans les ténè-
bres de la mort, sans pouvoir trouver ni au-
cun secours dans notre nature, ni aucune
excuse dans notre ignorance, ni aucun sujet
de plainte dans notre supplice.
riche?" ""ï- ^' ^^ second passage que les prêtres de
prSini'" Gênes avaient tiré du livre du Bon de la per-
tion,pag.2S3. sévérance, renfermait les inconvénients que
les semi-pélagiens trouvaient dans la doc-
trine de la prédestination, si on l'enseignait
publiquement dans les églises. Saint Prosper
fait voir que ce n'est point saint Augustin
qui parle en cet endroit, mais que c'est une
objection qu'il se fait de la part des semi-
pélagiens, et qu'il y répond fort au long
dans le même livre , voulant toutefois qu'on
prêchât au peuple la prédestination avec
beaucoup de discrétion, de peur de la rendre
odieuse.
• § VI.
Du Livre de la grâce de Dieu et du libre arbi-
tre, contre le Collateur ou V Auteur des Con-
férences.
Cet écrit a 1 . Ou uo pcut mettre plus tôt qu'on 432
wsrâ^E le livre de saint Prosper contre l'Auteur des
Conférences, puisque dans le chapitre xx= il
remarque ' que le pape Célestin était mort,
et que Sixte lui avait succédé; ce qui n'ar-
riva qu'en cette année-là. Il semble - toute-
fois, dans le commencement de son ouvrage,
dire que saint Augustin vivait encore, ce qui
obligerait à le mettre en 430, au plus tard.
Pour concilier ces deux endroits, quelques-
uns ont cru qu'il fallait dire que saint Pros-
per avait écrit contre le Collateur dès l'an-
née 430, auquel effectivement ses Conférences
étaient rendues publiques; mais que pour
certaines raisons que nous ne savons pas, il
avait supprimé sa réponse jusqu'en 432, et
qu'il y avait ajouté les deux derniers chapi-
tres où il parle de la mort de saint Célestin
et de l'élévation de saint Sixte au pontificat.
Mais ces deux derniers chapitres ont une si
grande liaison avec les précédents, qu'on
doit moins les regarder comme une addition
faite à un ouvrage déjà achevé, qu'une suite
nécessaire. D'ailleurs, en disant dans le pre-
mier que l'Eglise combattait depuis plus de
vingt ans contre les pélagiens sous la con-
duite de saint Augustin, cela ne veut pas dire
absolument que ce saint docteur vécût en-
core, mais seulement que l'Eglise se servait
de ses écrits même après sa mort, pour com-
battre les pélagiens. Ce qui fait croire que
c'est là le sens des paroles de saint Prosper,
c'est qu'au même endroit il appelle saint
Augustin de sainte mémoire ^ .'terme qui mar-
que que ce saint évêque était mort alors.
2. Ceux que saint Prosper combat dans cet Q„eii6ena
ouvrage n'étaient pas du nombre des pela- *"''''"™'°"-
giens. Depuis plus de vingt ans que l'Eglise
catholique avait attaqué ceux de cette secte,
elle n'avait cessé de les vaincre, de façon qu'il
ne leur était pas permis de respirer. Pour les pro.p. con-
exterminer entièrement, elle les avait frappés rem, ra"."'",'
d'anathème, signé de la main de tous les évê- Ht ^"' "
ques, les avait déposés de l'épiscopat, chas-
sés de sa communion et bannis de l'Eglise
comme indignes de demeurer au nombre de
ses enfants. Il y attaque certaines personnes
qui participaient à la grâce de Jésus-Christ,
qui sont encore comme nous, dit-il, les mem-
bres de son corps, mais qui osent s'élever
contre la même main et les mêmes armes
qui ont soutenu la foi qui leur est commune
avec noLis, et qui veulent recommencer une
guerre déjà terminée, et affaiblir autant qu'il
était en eux les principaux remparts de l'E-
glise, à l'ombre desquels elle jouissait d'une
paix profonde. Comme la plupart d'entre eux
étaient recommandables par leur esprit et
1 Quod ne hypocrilarum obtinentur insiiHis, confi-
dimus Domini protectione prœstandum, ul quod ope-
ratus est in Innocentio, Zosimo, Bonifacio, Cœlestino,
operetur in Christo. Prosper, lib. contra Collât.,
cap. 31, pag. 365.
^ Viginti et eo amplius anni sunt quod contra ini-
micos gratiœ Dei catholica actes, hujus viri ductu
pugnat et vincit. Prosper, ibid., cap. ï, pag. 309.
3 Gratiam Dei qua cliristiani sumus, quidam di-
cere audent a sanctœ memoriœ Augustino episcopo non
recte esse defensam. Ibid., pag. 307.
304
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qu'ils faisaient paraître beaucoup de piété
dans leurs mœurs, ils attiraient à leur parti
plusieurs de ceux qui n'étaient point ins-
truits de ces matières, et jetaient le trouble
dans les âmes incapables de discerner le faux
^Cap.ii.pag. d'avec le vrai. Saint Prosper, pour les vaincre
plus sûrement, choisit le plus habile d'entre
eux, qui , ayant déclaré leur doctrine dans un
écrit public, ne pouvait être désavoué. Il ne
le nomme point, se contentant d'intituler son
ouvrage, contre le Collateur, c'est-à-dire con-
tre l'Auteur des Conférences, qu'on sait être
Cassien, qui vivait encore. Dans la treizième
de ses Conférences, il enseigne que le com-
mencement de la bonne volonté et de la foi
vient quelquefois de Dieu, et quelquefois de
l'homme ; que l'on doit reconnaître dans
nous des semences de vertus ; que le libre
arbitre peut être naturellement porté au
bien ; que quelquefois il est prévenu par la
grâce, et qu'en d'autres occasions il la pré-
vient. Saint Prosper entreprend de montrer
que tous ces principes sont des conséquences
du pélagianisme; qu'il suivrait de là que la
grâce est donnée suivant les mérites, et que
la nature humaine n'a point été blessée par
le péché d'Adam. Il montre aussi que ces
erreurs ont été condamnées avec celles de
Pelage, dans divers conciles, par les lettres
et les décrets des souverains pontifes, enfin
qu'elles sont détruites jusqu'au fondement
dans les écrits de saint Augustin. Afin que
l'on jugeât mieux de la doctrine répandue
dans cette Conférence, saint Prosper en rap-
porte les propres termes, et fait voir souvent
que l'auteur ne s'accordait ni avec ses pro-
pres principes, ni avec la doctrine de l'E-
glise. Gennade * avance que ce que saint
Prosper accuse d'erreur dans le Collateur,
est approuvé de l'Eglise; mais on sait que
dans le concile ^ de Rome, sous Gélase, les
écrits de saint Prosper furent approuvés, et
qu'on y condamnât ceux du Collateur, parti-
culièrement en ce qui regarde la grâce.
Analyse tia 3. Il avaucG douze propositions sur cette
livre coiilre le ..i -, , . ., /, , ■ ...
Collateur. P. matière dans sa treizième conterence, intitu-
lée : de la Protection de Dieu, où il fait parler
Première l'abbé Quérémon. Dans la première il établit
Pag?»"!'.'""' "ïiie Dieu est le commencement non-seule-
ment de toute bonne œuvre, mais de toute
bonne pensée, et afin que l'on ne crût pas
qu'il ne restât rien à faire au libre arbitre, il
ajoute que c'est à nous de suivre humble-
ment les attraits de la grâce. Saint Prosper
convient qu'il n'y a rien que de catholique
dans cette doctrine ; mais il ne juge pas de
même des autres propositions de Cassien.
La seconde porte que plusieurs viennent Deuxième
à la grâce sans la grâce, et qu'ils ont de P"6-3ie.
même le désir de demander, de chercher et
de frapper à la porte du père de famille,
c'est-à-dire de se porter à la vertu , en sorte
que Dieu , voyant en eux le commencement
d'une bonne volonté, l'éclairé, la fortifie,
l'excite au salut, et lui donne de l'accroisse-
ment. En cela, comme le remarque saint
Prosper, le Collateur s'éloigne de ce qu'il
avait dit d'abord, savoir, que le commence-
ment de nos bonnes pensées comme de nos
bonnes actions vient de Dieu ; au lieu qu'il
dit ici que dans plusieurs, l'un et l'autre vien-
nent quelquefois du libre arbitre. « Docteur
catholique , lui dit-il , pourquoi abandonnez-
vous la cause que vous faites profession de
soutenir? Pourquoi vous retirez-vous de la
lumière si pure et si éclatante de la vérité,
pour vous couvrir des ténèbres de l'obscurité
et du mensonge ? Pourquoi ne reconnaissez-
vous pas que ces premiers désirs que vous
admirez en ceux qui demandent, qui cher-
chent et qui frappent à la porte, sont des
effets de la même grâce qu'ils demandent et
qu'ils désirent ? Vous voyez des efforts loua-
bles et des affections saintes et pieuses dans
les âmes, et vous doutez si elles sont des
dons de Dieu ? On ne peut pas bien discerner
l'impression de la grâce , lorsqu'elle reste
cachée dans le fond du cœur sans qu'elle se
produise au-dehors par des mouvements et
des actions sensibles. Mais lorsque vous
voyez un homme qui demande avec une
humble prière, qui cherche avec une exacte
fidélité et qui frappe à la porte avec une ar-
deur continelle, comment ne connaissez-vous
point, par la qualité même de ces actions si
saintes, que c'est Dieu qui remue cette âme,
et que c'est sa grâce qui agit en elle? Vous
croyez-vous assez à couvert contre le venin
si dangereux de Pelage, en voulant qu'il n'y
ait que quelques-uns des prédestinés en qui
le consentement à la vocation soit un don
particulier de la grâce ; au lieu que ce que ^^
vous accordez seulement de quelques-uns est ^'*-
vrai de tous les fidèles? Ainsi vous n'êtes en-
tièrement d'accord ni avec les hérétiques, ni
avec les catholiques. Ceux-là soutiennent que
t Gennad., de Viris illust., cap. Lxxxiv.
8 Tom. IV Concil., pag. 1263 et 1265.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE XII.
SAINT PROSPER.
305
c'est la Yolonté libre de l'horame qui com-
mence et qui prévient Dieu dans toutes les
bonnes œuvres. Nous croyons nous autres^
avec tous les catholiques, que c'est toujours
Dieu qui commence, et que les prenîièrcs
pensées pour le bien naissent dans nous
de l'impression de sa grâce. Pour vous, il
vous a plu d'inventer une troisième opinion
qui choque également les deux autres, et
vous tombez, sans y penser, dans un senti-
ment condamné par les conciles , lorsqu'en-
seignant qu'il y a quelque chose de bon dans
les hommes, qui précède la grâce et qui est
cause que Dieu la leur donne, vous êtes con-
vaincu par vous-même de dire que la grâce
de Dieu nous est donnée selon nos mérites.»
Saint Prosper montre par ces paroles de
m. vi, H. Jésus-Christ : Personne ne vient à moi s'il n'est
entraîné par mon Père, que c'est Dieu qui ap-
pelle l'homme et l'entraîne vers son Fils ;
« non, dit-il ', qu'il l'emporte malgré lui et
contre sa volonté, mais parce qu'il le fait
vouloir, au lieu qu'il ne voulait pas aupara-
vant, et que, par une infinité de moyens se-
crets et inefïableSjil tourne vers lui son âme
qui était détournée de lui et lui résistait par
son infidélité : afin que le cœur qui écoute
ce maître ineffable, étant touché par un
saint plaisir que Dieu forme en lui et qui le
porte avec joie à lui obéir, après avoir été
opprimé par la domination du péché, se re-
Troisiiime lève par la liberté de la grâce. » La troisième
position. . . T ^ . - 1 1
proposition de Cassien est une suite de la
précédente. Il y enseigne que l'homme est
porté de lui-même à la vertu, quoiqu'il ait
besoin d'être secouru de Dieu pour la mettre
en pratique. Saint Prosper lui fait voir que
nous avons besoin du médecin céleste non-
seulement pour être guéris, mais encore
iir-iT, p. pour désirer de l'être. La raison qu'il en
donne est tirée de l'abîme de misère où le
péché nous a jetés, qui est tel que nous trou-
vons du plaisir à y être enfoncés, que nous
aimons nos erreurs et que nous embrassons
le faux pour le vrai. Ce qui arrive jusqu'à ce
que celui qui seul peut nous tirer de cet abîme
et nous guérir de nos maux, nous en inspire
)a»trième le désir. Cassien ajoutait dans une quatrième
''°''' proposition que les biens de la nature que
Dieu a mis en nous lorsqu'il nous a créés
étaient quelquefois le principe des bonnes
volontés, que nous ne pouvions toutefois
accomplir sans le secours de Dieu. Il en ap-
portait pour preuve ce que dit saint Paul :
Je trouve en moi la volonté de faire le bien; Romvn, is.
mais je ne trouve point le moyen de l'acconiplir.
(i 11 est vrai, dit saint Prosper, que l'apôtre a
parlé ainsi; mais il djt aussi que nous ne HCor.ni.s.
sommes pas capables de former de nous-mêmes
aucune bonne pensée comme de nous-mêmes, et
que c'est Dieu qui noies en rend capables. Il dit
encore que c'est Dieu qui opère en nous le piiiiip. n, n.
vouloir et le faire, selon qu'il lui plaît. L'apôtre
ne pouvant donc être contraire à lui-même,
il faut reconnaître que lorsqu'il a dit qu'il
trouvait en lui le vouloir, c'était par un effet
de la grâce, et que dès lors il se plaisait,
comme il le dit au même endroit, dans la loi
de Dieu selon l'homme intérieur, mais qu'il
sentait dans les membres de son corps une
autre loi qui combattait conlre la loi de son
esprit, et que, quoiqu'il eût reçu de Dieu la Rom. vi:, 22.
volonté de faire le bien, il n'en avait pas en-
core reçu le pouvoir d'accomplir tout le bien
qu'il souhaitait de faire. »
4. Dans la cinquième proposition, Cassien cinquième
. 1 i.. proposition.
laisse la liberté de croire ou que Dieu a pitie ^^^'f-"'^"^-
de nous, parce qu'il voit en nous un com-
mencement d'une bonne volonté ; ou que
cette bonne volonté est en nous parce que
Dieu a pitié de nous. Pour montrer qu'on
peut admettre l'un ou l'autre de ces senti-
ments, ou même tous les deux quoiqu 'oppo-
sés, il propose l'exemple de saint Paul et de
saint Matthieu, en qui on ne peut pas dire
que Dieu ait trouvé un commencement de
bonne volonté lorsqu'il les convertit, puis-
qu'ils étaient en ce moment occupés à de
mauvaises actions ; et celui de Zachée et du
bon larron qui, par leurs bons désirs, ont
fait une espèce de violence au ciel, et pré-
venu par un commencement de bonne vo-
lonté, les avertissements particuHers du sa-
lut. Saint Prosper fait voir qu'en disant que
le commencement des bonnes volontés ne
vient pas de Dieu dans tous les hommes,
c'est accuser d'erreur les saints papes Inno-
cent et Zosime, les évêques d'Orient dans le
concile de Diospolis, et ceux d'Afrique qui,
soit dans divers conciles, soit dans leurs let-
tres, ont enseigné que c'était également un
don de Dieu de savoir ce que nous devons
' Vocatum ad Filhim trahit Pater : non resistentem
■invitumque compellit, sed ex invita volentem facit,
et quibuslibet modis infidelitalem resistentis inclinât ;
X.
ut cor audientis, obediendi in se delectatione generata
ibi surç/at, ubi premebatur. Prosper, contra Collât.,
cap. III, pag. 314.
20
306
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
faire et de le faire ; que, pour faire le bien
comme pour le connaitre, nous avions be-
soin à chaque action de la grâce de Dieu, en
sorte que sans elle nous ne pouvons rien
Cap. T. . penser, ni dire, ni faire de bien. 11 fait un
crime à Cassien, qui ne pouvait ignorer ce
que l'Eglise avait défini touchant la nécessité
de la grâce contre les pélagiens, soit pour les
bonnes œuvres, soit pour les bonnes actions,
d'avoir renouvelé ces questions, en soutenant
que le libre arbitre est anéanti par la force
de la grâce. « Elle ne le met, dit-il, en aucun
danger de périr : la volonté ne nous est
point ôtée lorsque Dieu forme en elle le bon
vouloir ; comme on ne peut pas dire que les
enfants de Dieu perdent leur liberté lors-
qu'ils sont mus de l'Esprit de Dieu, ni que
ceux-là perdent toute la force de la raison
et tout ce qu'il y a de saint et de louable dans
les mouvements d'une charité libre et volon-
taire, qui reçoivent d'en haut l'esprit de sa-
gesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et
de force, l'esprit de science et de piété, et
l'esprit de la crainte du Seigneur. »
Il montre ensuite que la lumière de la grâce
qui éclaira saint Mathieu et saint Paul dans
le moment que l'un était occupé au bureau
des impôts, et l'autre animé de fureur contre
l'Eglise, éclaii'a aussi Zachée et le bon lar-
ron; car on ne peut pas dire que Jésus-Christ
qui se choisit chez Zachée un logement,
n'ait point disposé son cœur à le recevoir ,
puisque les pliarisiens murmurant de ce
qu'il était descendu chez un homme de mau-
vaise vie, il assura non-seulement que la
maison de Zachée avait reçu ce jour-là le
salut, et qu'il était lui-même un enfant d'A-
braham. Il ajouta encore que le Fils de
l'homme était venu pour chercher et pour
sauver ceux qui étaient perdus, afin que
nous reconnussions qu'il avait prévenu de sa
grâce celui qu'il déclarait avoir acquis le sa-
lut. Saint Prosper prouve la même chose du
bon larron, et rapporte le passage de l'épître
aux Corinthiens où saint Paul , parlant des
I Cor. x,i 3 opérations du Saint-Esprit, dit que nul ne
peut confesser que Jésus est le Seigneur, sinon
par le Saint-Esprit.
sixièmepro- 5. La sixièmo proposition du Collateur por-
isilion, cnp.
VIII, p3g;.323.
tait que l'on devait reconnaître le même de-
gré de force dans le libre arbitre de l'homme,
que dans la grâce de Dieu, en sorte que l'un
et l'autre concouraient également au salut.
Saint Prosper réfute cette proposition par un
grand nombre de passages de l'Ecriture qui
attribuent le salut de l'homme à la grâce, et
il n'oublie pas celui de l'épître aux Philip-
piens, où il est dit que Dieu opère en nous le Phinp. „, u
vouloir et le faire selon son bon plaisir. Il mon-
tre ensuite que Dieu, en agissant dans nous ',
ne détruit point la volonté libre d'aucun de
nous, parce que la vertu de sa grâce n'agit
pas sur les volontés humaines afin qu'elles
cessent d'être, mais afin qu'elles commen-
cent à être bonnes de mauvaises qu'elles
étaient, et qu'elles commencent à être fidèles
d'infidèles qu'elles étaient auparavant; que
ceux qui n'étaient que ténèbres deviennent
une lumière dans le Seigneur; que ceux qui
étaient morts, soient ressuscites; que ceux
qui étaient abattus et languissants, soient
relevés et guéris; et que ceux qui étaient
perdus, soient tirés enfioi de leur égarement.
Il montre aussi par l'autorité des Ecritures
divines que le commencement de la bonne
volonté est l'effet de la grâce, et que c'est
Dieu qui dirige nos pas pour nous faire en-
trer dans la voie du salut ; qu'il est bien vrai
que le premier homme, dans l'état d'inno- I
cence, pouvait, en n'abandonnant point le se-
cours dont Dieu le favorisait, persévérer
dans les biens qu'il avait reçus, et mériter
par sa persévérance volontaire la béatitude;
mais que depuis son péché le libre arbitre
ne peut choisir le véritable bien sans le se-
cours de la grâce.
6. Adam, après son péché, acquitla science . ..
du mal qu'il n'avait pas, mais il ne perdit proposiuoi
-^ » -t ' ^ cap. IX, p:
pas la science du bien qu'il avait; c'est la ^"'■
septième proposition du Collateur. Saint
Prosper dit qu'Adam avait la science du bien
lorsqu'il était juste et qu'il accomplissait
avec fidélité les commandements de Dieu,
mais qu'aussitôt qu'il les eut transgressés, il
perdit cette connaissance, parce qu'il perdit
l'innocence, et avec l'innocence la liberté, son
péché l'ayant réduit à la captivité du démon.
Cassien ne voulant pas non plus que le genre
humain eût perdu la science du bien après
la prévarication d'Adam, alléguait pour le
1 Hac régula nulli hominum aufertur voluntas :
quia virius yratiœ non hoc volunlatibm operatur ut
non sint, sed ut ex malts bonœ, et ex infîdeltbtis sin/.
fidèles; et qv,œ in semetipsis erant tenehrœ, lux effi-
ciantur in Domino; quod mortuum eraf, vivificatur ;
quod jncebat, erigitur; quod perierat, invenitur. Pros-
per, lib. contra Collai., cap. vin, pag. 226.
[V" SIÈCLE.]
prouve!' l'endroit do l'épître aux Romains où
op x.png. î'apûti-e dit que les Gentils qui n'ont point la
îom. H, 14. loi, font naturellement les choses que la loi com-
mande, et que, n'ayant pas la loi, ils se tiennent
à eux-mêmes lieu de loi. Saint Prosper répond
que saint Paul parle ou des Gentils convertis
à la foi, ou de ceux qui n'avaient pas em-
brassé le christianisme ; que s'il paille des pre-
miers, le Collateur ne pouA'ait en tirer aucun
avantage pour son sentiment, étant évident
que ces Gentils accomplissaient les comman-
dements de la loi nouvelle par le secours de
la grâce du médiateur. Que s'il parle des der-
niers, on doit entendre ce qu'il en dit de bien
du règlement extérieur de leurs mœurs, n'é-
tant pas douteux qu'il ne se trouve même dans
les païens quelque reste de cette sagesse que
Dieu a donnée à l'homme en le créant, et avec
le secours de laquelle ils sont en état de
faire même des lois pour l'utilité de la vie
temporelle, pour la police des villes et la
conservation de la paix parmi les peuples. Il
om. in,2o. ajoute que si l'apôtre décide si clairement,
quelques lignes après, que nul homme ne
sera justifié devant Dieu, même par les œu-
vres de la loi, bien moins doit-on croire que
les païens soient justifiés par leurs propres
œuvres, puisque, comme il le dit au même
)m.xiv,23. endroit: Tout ce qui ne se fait point selon la foi
lebr.ii, G. '^^^ péché; et ailleurs : // est impossible de
plaù'e à Dieu sans la foi. Ce père fait voir que
nous n'avons ni le vouloir ni le pouvoir du
bien que par la grâce ; et parce qu'on pou-
vait lui demander pourquoi Dieu nous fait
des commandements que nous ne pouvons
accomplir par les seules forces de notre libre
ap.xi.poe. arbitre, il répond : « Dieu ' commande à
l'homme de suivre ses lois, afin que lui pres-
crivant de faire des choses dont il lui avait
donné la puissance dans la première création,
il reconnaisse que c'est par sa propre faute
qu'il l'a perdue, et que Dieu n'est pas injuste
lorsqu'il exige de lui ce qui lui est dû légiti-
mement, quoiqu'on l'état où il est, il soit in-
capable de le lui rendre. Ce qui lui reste
donc est d'avoir recours non à la lettre qui
tue, mais à l'esprit qui vivifie, et de recher-
cher dans l'assistance de la grâce le pouvoir
de faire le bien qu'il n'a pu trouver aupara-
vant dans les forces de la nature. Que s'il
' Imperantur autem ista homini, ut ex ipso prœ-
cepto, quo ei hoc qiiod accepit indicitur, agnoscat id
se suo vilio perdidisse; et non ideo iniquam esse exac-
tionem,quia ud reddendum quod débet idoneus non est :
sed a littera accidente confttgiat ad spiritum vivif.-
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
307
recherche ce secours, c'est une grande misé-
ricorde de Dieu ; et s'il ne le fait pas, c'est
une juste punition de son péché. »
7. Par la huitième proposition Cassien po- ^^.^..^
sait pour principe qu'il ne fallait pas telle- ^^g^l^!;]'
ment rapporter à Dieu les mérites des saints,
qu'ils n'en eussent aucun que par la grâce. Il
soutenait qu'ils avaient d'eux-mêmes de bon-
nespenséesetde saints désirs : « ce qui parais- jj,^ ^
sait, dit-il, dans David, dont Dieu approuva la "■
pensée qu'il avait eue de bâtir un temple au
Seigneur. » Saint Prosper fait voir qu'en cet
endroit comme en beaucoup d'autres, le Col-
lateur ne s'accorde pas avec lui-même, puis-
qu'il avait dit dans sa première proposition
que Dieu est le principe non-seulement de
nos bonnes actions, mais aussi de nos bonnes
pensées. Il ajoute que le passage du livre
des Rois où il est parlé de la volonté que
David avait eue de bâtir un temple à Dieu,
ne prouve nullement qu'il ait eu ce dessein
de lui-même et non par l'inspiration de Dieu ;
qu'il paraît au contraire, par la manière dont (. j,,
il parle de Dieu dans le psaume cxxxi", que ^^^•
c'était par un effet de sa grâce qu'il avait eu
cette volonté, comme c'était par un effet de
la même grâce que Salomon l'avait accom-
plie. Saint Prosper soutient donc que la con-
version de l'homme a Dieu pour principe,
quoiqu'elle ne se fasse pas sans que lui-
même y travaille. «Si un homme, dit-il, tou-
ché de honte et de regret d'avoir suivi si long-
temps les vanités et les illusions du monde,
commence à reconnaître que ce qu'il avait
embrassé comme la lumière de la vie, n'est
en effet que ténèbres, et s'il s'efforce de se
retirer de ce précipice, ce changement ne
vient pas de lui, quoiqu'il ne se fasse pas
sans lui. Ce n'est point par sa propre vertu
qu'il se porte à ces premiers commencements
du salut : c'est la grâce puissante et secrète
de Dieu qui agit dans lui, qui, entrant dans
son âme et en rejetant la cendre des opi-
nions terrestres et des œuvres mortes qu'elle
y rencontre, allume un feu divin dans le
cœur tout étouffé et tout éteint, et l'en-
flamme du désir de la vérité, ne s'assujettis-
sant pas l'homme contre sa volonté et mal-
gré lui, mais lui inspirant une affection qui
lui fait aimer de lui être assujetti. Elle ne
cantem, et facullatem quam 7ion invenit in natura,
quœrat ex gratia. Quod si facit, magna est misericor-
dia Dei; sinon facit, justa estpœna peccaii. Prosper,
contra Collât., cap. Il, pag. 334.
308
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'entraîne pas sans qu'il sache ce qu'il fait ;
mais elle marche devant lui et le fait suivre
avec connaissance et avec plaisir. »
Neuvième §_ i\ Qgt (]ii ,jans la neuvième proposition
proposition, i^ 1-
png. 338. quQ Iq Créateur a mis dans toute âme des
semences de vertu, en sorte qu'elles sont
portées naturellement à la pratiquer. Saint
Prosper répond premièrement, que ces se-
mences de vertu ont été détruites par la pré-
varication du premier homme, et que nous
ne pouvons les avoir à moins que celui qui
nous les avait données d'abord ne nous les
rende. Il est resté à Phomme après le péché
une âme raisonnable, qui n'est pas la vertu,
mais la demeure de la vertu. Il dit en second
lieu, qu'il lui paraît que l'auteur des confé-
rences s'est laissé tromper par la vraisem-
blance, et qu'il s'est égaré dans ses pensées,
étant ébloui par la vaine lueur des fausses
vertus, s'imaginant que les impies et les in-
fidèles ont dans eux-mêmes des biens qu'on
ne peut avoir que par une grâce et un don
particuliers de Dieu , parce ' qu'il en voj^ait
plusieurs qui faisaient profession de justice,
de tempérance, de continence et d'une bonté
particulière pour obliger tout le monde. «Ce
n'est pas, ajoute ce père, que toutes ces cho-
ses soient absolument inutiles aux païens,
puisqu'ils en reçoivent en cette vie beaucoup
d'honneur et beaucoup de gloire, mais comme
ils servent le diable et non pas Dieu dans ces
actions, encore qu'elles soient récompensées
temporellement par les vaines louanges qu'on
leur donne, elles n'ont rien néanmoins de la
solidité des vertus véritables et bienheureu-
ses. Ainsi il est clair qu'il n'y a aucune vertu
dans les infidèles, mais que toutes leurs œu-
vres (pour n'être pas rapportées à la vérita-
ble fin qui est Dieu) sont impures et corrom-
pues, parce que la sagesse qui paraît en eux,
est une sagesse non spirituelle, mais animale;
non céleste, mais terrestre ; non chrétienne,
mais diabolique ; qui a pour cause et pour
principe, non le Père des lumièi-es, mais le
prince des ténèbres ; employant tous les
biens qu'ils ont reçus de la libéralité de
Dieu, pour se soumettre à la tyrannie de
celui qui s'est révolté le premier contre l'em-
pire si légitime de Dieu même. » Il prouve
qu'il n'y a dans nous aucun principe des
vraies vertus et des mérites avant la grâce ,
parce que, comme le dit l'apôtre saint Pierre,
c'est notre Seigneur qui, par sa puissance divine,
nous a donné toutes les choses qui regardent la
vie et la piété chrétienne, en nous faisant con-
naître celui qui nous a appelés par la gloire et
par la vertu : d'où il infère que tout ce qui
regarde la piété est en nous, non par la na-
ture qui est corrompue, mais par la grâce
qui répare la nature. « Nous ne devons pas
croire que cette nature renferme dans ses
trésors les principes et comme les semences
des vertus, parce qu'il se trouve beaucoup
de choses louables dans les infidèles ; puis-
qu'encore que toutes ces actions éclatantes
tirent leur origine de la nature, elles ne peu-
vent néanmoins être des vertus, parce qu'elles
s'éloignent de l'auteur de la nature. Car
comme ce qui est éclairé par la véritable lu-
mière, est lumière : aussi ce qui est privé de
la lumière n'est que nuit et ténèbres. C'est
pourquoi l'apôtre nous assure que la sagesse
de ce monde n'est qu'une folie devant Dieu, n
Le Collateur avait allégué l'autorité du livre
intitulé le Pasteur, pour montrer que l'homme
a, sans la grâce, un pouvoir égal de faire le
bien et le mal. Saint Prosper rejette l'auto-
rité de ce livre, le regardant comme apocry-
phe, et montre par divers passages de l'Ecri-
ture que la charité est un don de Dieu, et
que c'est lui et non le libre arbitre qui ouvre
le cœur pour entendre la vérité, comme il
l'ouvrit à la marchande de pourpre de la
ville de Thyatire.
9. Cassien prétendait dans sa dixième pro-
position que Job avait vaincu le démon par
ses propres forces, et non par le secours de
la grâce, si ce n'est, disait-il, que Dieu ne
donna point im plus grand pouvoir au tenta-
teur, que Job n'en avait pour lui résister.
Saint Prosper prouve au contraire que Job
vainquit le diable par le secours de Dieu, qui
fit alors dans ce saint homme ce qu'il promit
de faire depuis dans ses apôtres et dans ses
HPclr. 1,2,3.
I Cur. m, V.
Dixii
proposition
cap. XIV, paj
344.
* Multi eorum simt jusliiiœ, temperantiœ et con-
l'mentiœ benevolentia sectatores : guœ omnia non frus-
tra quidem, neque inutilUer hahent, multumqiie ex eis
in hac viUi honoris et gloriœ consequunlur ; sed quia
in ils studiis non Deo, sed diabolo serviunt, licet lia-
beanl temporalem de vatia lande mercedem, ad illam
iamen beaiarum virtuium non pertinent veiilatem, et
itii manifesiissime palet in impiorum animis nullam
habitare virtuteni, sed omnia opéra eorum immnnda
esse atque polluia, habenfivm sapientiam non spiriia-
lem sed animalem, non cœlesiem sed terrenam, non
christianam sed diabolicam, non a Paire luminum,
sed a principe ietielirarum ; dum et ipsa quœ non lia-
berent nisi dante Deo suhdunt ei qui primas récessif
a Deo. Prosper, çonira Collât., cap. xni, pag. 340.
[V SIÈCLE.]
martyrs lorsqu'ils seraient présentés aux
gouverneurs et aux rois pour rendre témoi-
gnage à la vérité. 11 rapporte plusieurs pas-
sages du livre de Job, qui sont des preuves
de sa foi au rédempteur, et qu'il avait re-
cours à Dieu dans ses afflictions et dans ses
tentations, comme à la source de la force et
de la sagesse. D'où il conclut que ce n'était
pas de lui-même, mais de Dieu, que ce saint
homme espérait la victoire contre le démon.
10. Ce que Cassien avait tâché de prouver
plus haut par l'exemple du centurion, comme
si Jésus-Christ eût trouvé dans cet officier
une foi qu'il n'y eût pas mise, d'oîiil formait
sa onzième proposition, en disant que ce
centurion n'aurait pas mérité la louange que
le Sauveur lui donna, s'il n'avait trouvé
en lui que ce qu'il lui avait donné. Saint
Prosper renverse ce raisonnement par ces
paroles de la Sagesse, qui nous apprennent
que personne n'a la vertu de continence, s'il ne
l'a reçue de Dieu ; par cet endroit de l'épître
de saint» Jacques : Toute grâce excellente et
tout don parfait vient d'en haut et descend du
Père des htmières ; et par ce qui est dit dans
saint Jean, que l'homme ne peut rien recevoir
s'il ne lui a été donné du ciel. Mais il montre
en même temps que la grâce de Dieu n'ôte
point le mérite des bonnes actions dans ceux
à qui elle est donnée , comme on le voit dans
l'éloge que saint Paul fait des progrès que
les Corinthiens avaient faits avec le secours de
cette grâce. «Je rends, dit-il, à mon Dieu
des actions de grâce continuelles à cause de
la grâce de Dieu, qui vous a été donnée en
Jésus-Christ, et de toutes les richesses dont
vous avez été comblés en lui dans tout ce
qui regarde le don de la parole et de la
science. » Ce père ajoute que le Collateur. en
parlant ainsi^ favorise les pélagiens qui en-
seignaient que la grâce nous est donnée se-
CHAPIÏRE XII. — SAINT PROSPER.
309
Ion nos mérites, et que comme il avait taxé
ce sentiment d'erreur, il était conséquem-
ment contraire à lui-même.
11. Il disait, dans la douzième proposition,
que dans l'affaire du salut Dieu était Sauveur
pour les uns, et qu'il y en avait d'autres qu'il
ne faisait qu'aider et recevoir lorsqu'ils ve-
naient à lui. Saint Prosper réfute cette doc-
trine par les endroits de l'Ecriture où il est
dit de Jésus-Christ qu'il devait sauver son
peuple en le délivrant de ses péchés ; que nul
autre nom sous le ciel n'a été donné aux
hommes, par lequel nous devions être sau-
vés, que celui de Jésus ; que personne ne peut
venir à lui, s'il ne lui est donné par son Père,
témoignage qui prouvait que Jésus-Christ est
le Sauveur de tous les fidèles. « Nous ne
sommes point, ajoute saint Prosper, troublés
par les craintes frivoles et indiscrètes ' des
hommes superbes qui prétendent que noire
libre arbitre est détruit , s'il est vrai que le
commencement du bien dans l'âme, le pro-
grès et la persévérance jusqu'à la fin soient
des dons de Dieu. Car nous savons que la di-
vine assistance de la grâce est l'affermisse-
ment et non pas la ruine de la volonté des
hommes. Nous prions , parce que nous vou-
lons prier; et néanmoins, c'est Dieu, selon
l'apôtre, qui envoie dans nos cœurs l'esprit
de son Fils qui crie dans nous et nous fait
crier à lui comme à notre Père. Nous parlons
parce que nous voulons parler; et néanmoins,
si nos paroles sont véritables et saintes, ce
n'est pas nous qui parlons, mais c'est l'Esprit
de Dieu qui parle en nous. Nous faisons ce
qui regarde notre salut , parce que nous le
voulons faire; et néanmoins c'est Dieu qui
forme dans nous et le vouloir et l'action, se-
lon l'oracle de saint Paul. Nous aimons Dieu
et notre prochain, parce que nous les voulons
aimer; et néanmoins l'amour vient de Dieu,
Duiiziènic
proposition,
cnp. xvjli, p.
' Non enim coniurbat nos superbienthim inepla
querimonia, qua caussantur auferri libcrum arbitrmm,
si et principia et profechts et perseverantia in bonis
usque in finem Dei dona esse dicanlur. Quoniam opi-
tulationes divinœ graliœ, siabilimenia siint voluntatis
Itumanœ. Volentes oramus : et tamen misit Deus
Spiritum in corda nostra clamentem : Abba Pater,
Gâtai, iv, G. Volentes loquinrar : et tamen si pium
est quod loquimur, non sumus nos loquentes, sed
Spiritus PaU'is nostri qui loquitur in nobis, Matlh,
X, 20, et Marc, xiil, 11. Volentes operamur salutem
nostram, et tamen id ipsum "velle atque operari Deus
est qui operatur in nobis, Philipp. ii 13, et I Joan.
IV, 7. Volentes diligimus Deum et proximum : et la-
men charilas ex Deo est diffusa in cordibus noslris
per Spiritum Sanctum qui datua est nobis, Rom. v,
5. Hoc de fide, hoc de tolerantia passionum, hoc de
pudicitia conjuguli, hnc de continentia virrjinali ,
omnibusque virtulibus sine excepiione profitemur; r/iwd
nisi donatœ cssent nobis, non invenireniur in nobis, et
quod liberum urbitrium naturaliier liomini indilum,
maneat in natura, sed qualitale et condiiione mv.iaiu
per mediatorem Dei et hominum Christum Jesum :
qui ipsam vottmtatem ab eo quod perverse voleboi,
avertit, et in id quod ei bonum esset velle, convertit,
ut delectatione affecta, fide mundata, spe erecta, cba-
rilate accensa, liberalem susciperel servitutem, ei scr-
vilem abjiceret îibertatem. Piosper, conira Collut.,
cap. xviii, pag. 356.
310
FIISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Bûcnpilulii-
tion du livre
coiilrc le Col-
latcur.
C;iii. XX , p .
3C1.
et il est lépaudu dans nous par le Saint-Es-
prit qui nous a été donné. C'est pourquoi nous
croyons et nous voulons bien le protester pu-
hliquement, que la foi, que la souffrance des
maux, que la continence des personnes ma-
riées, que la chasteté des vierges, et que gé-
néralement toutes les vertus, sans en excep-
ter aucune, sont des dons du ciel, et que Dieu
no les trouverait jamais dans notre âme, si
lui-même ne les y avait formées. Nous croyons
que le libre arbitre, qui est attaché insépara-
blement à la nature de l'homme , demeure
toujours dans lui, mais qu'il change de con-
dition et d'état par la grâce de Jésus-Christ,
comme médiateur de Dieu et des hommes,
lequel, détournant la volonté du mal que son
dérèglement lui faisait vouloir, la retourne
vers le bien supi'ême, pour lui faire vouloir
ce qui lui est bon, afin qu'étant charmée par
un saint plaisir, étant purifiée par la foi, ani-
mée par l'espérance et embrasée par la cha-
rité, elle s'engage volontairement dans une
bienheureuse servitude qui la rend vraiment
libre, et se retire de cette malheureuse liberté
qui la rendait véritablement esclave. »
12. Saint Prosper, après avoir réfuté les
douze propositions du Collateur, reprend eu
peu de mots les raisons qu'il avait données
pour montrer que ces propositions , excepté
la première , renferment une doctrine con-
traire à celle de l'Eglise , afin que le lecteur
pût plus facilement remarquer les erreurs de
cet écrivain et savoir la manière de les réfu-
ter. Il donne même de suite toutes les erreurs
renfermées dans ces propositions, et fait voir
que l'on doit combattre les ennemis de la
doctrine de saint Augustin par les mêmes
armes dont on s'est servi contre les pélagiens,
c'est-à-dire par l'autorité de l'Eglise qui les a
condamnés , par les décrets des saints papes
Innocent, Zosime, Boniface et Célestin, et
par ceux des conciles de Palestine et d'Afri-
que. Il témoigne un grand désir que le pape
Sixte , à l'imitation de ses prédécesseurs,
chasse les ennemis de la grâce qui se tenaient
encore cachés, comme Innocent, Zosime, Bo-
niface et Célestin ont chassé ceux qui l'atta-
quaient ouvertement, il finit son livre en di-
sant : « Je crois avoir assez prouvé que les
■ adversaires de saint Augustin n'ont que de
vaines objections à opposer à sa doctrine, qu'ils
combattent la vérité et défendent le men-
songe, et que, se servant des armes d'enne-
mis vaincus et terrassés, pour exciter une
guerre intestine , ils s'élèvent contre la pa-
role de Dieu et contre les saints décrets de
l'Eglise. Néanmoins , tant qu'ils ne seront
point retranchés du corps des fidèles , il faut
les tolérer, excuser leur intention plutôt que
de désespérer de leur changement; il faut,
dis -je , espérer que Dieu se servira des évo-
ques, des princes de l'Eglise ' et des juges
légitimes de sa doctrine sainte, pour apaiser
les troubles que l'oi'gueil d'un petit nombre
de gens et l'ignorance de quelques autres ont
excités. Pour nous, tâchons, avec la grâce de
Dieu, de les supporter avec toute la tranqui-
lité, la modération et la patience possible; de
nous venger de leur haine par l'amour que
nous leur porterons, d'éviter les disputes avec
des personnes incapables d'entendre raison,
de soutenir généreusement la vérité, sans
nous commettre avec les partisans de l'er-
reur, et de prier continuellement celui qui
s'appelle le principe de toute chose, d'être
vraiment le principe de toutes nos pensées,
de tous nos désirs , de toutes nos paroles et
de tontes nos actions. »
§ VII.
Du Commentaire sur les Psaumes, du Livre des
Sentences tirées de saint Augustin, et des
Epigr aminés.
l. On voit, par Notker-, qui écrivait sur la common
fin du IX' siècle et au commencement du x°, fJâX "'î
., .,1 i • ..les PsaiirneJ
que Ion avait aïoi's un commentante entier cent vers rai
de saint Prosper sur tous les Psaumes, et que ' ''"^'
ce père y avait mis une préface tirée d'une
homélie de saint Basile à la louange des
Psaumes. Nous n'avons plus, de ce commen-
taire, que ce qui regarde les cinquante et un
derniers Psaumes; encore faut-il en excepter
le cent septième, sur lequel saint Prosper ne
donne point d'éclaircissement, disant qu'il
l'avait expliqué dans les derniers versets des
cinquante -sixième et cinquante -neuvième
psaumes , ce qui fait une seconde preuve qu'il
avait en elïet exphqué tout le Psautier. Ce
commeulaire n'est, à proprementparler, qu'un
' Quorum iamen duin adhuc non sunt a fraterna
societaie divisi, toleranda magis e^t intentio, quam
desperanda correct io ; ut donec Dominus per Ecclesiœ
principes et legiiimos jiidiciorum suorum ministros.
hœc quœ per paucorum superbiam , et quorumdam
imperitiam simt turiata, componat. Prosper, lib. con-
tra Collât., cap. xxn, pag, 3G9.
5 Notker, de Interpret. divin, script., cap. n.
[y SJÈCLE.]
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
3H
abrégé de celui de saint Augustin, dont il rap-
porte très-souvent les propres paroles sans y
rien changer; et lorsqu'il y substitue les
siennes propres, il suit toujours le sens de
celles de son maître. Notker dit, toutefois,
que saint Prosper avait ajouté aux explica-
tions de saint Augustin celles de divers autres
interprèles. Nous y trouvons quelques' en-
droits qui ne paraissent point être de ce père ;
tel est le commencement du commentaire su?'
le Psaume cent quarante-quatrième, où saint
Prosper réfute à dessein l'hérésie de Nesto-
rius, établissant contre lui l'unité de personne
en deux natures dans Jésus-Christ. On ne lit
rien de semblable dans l'exphcation que saint
Augustin a faite de ce psaume. Cet endroit
peut servir à fixer l'époque du commentaire
de saint Prosper et à le mettre après la con-
damnation de l'hérésie de Nestorius, c'est-à-
dire vers l'an 433 ou 434. Dans l'exemplaire
que Sixte de Sienne avait en main , il com-
mençait par ces mots : « Toute la raison de
la foi. » C'était apparemment le commence-
ment d'une préface. Elle ne se trouve ni dans
l'édition de Cologne, en 1630, ni dans celle
de Paris, en 1711; peut-être que Sixte de
Sienne a confondu cette préface avec celle du
livre des P/mnesses et des Prédictions, qui com-
mence par ces mêmes termes. Quoique saint
Prosper s'applique plus au sens moral et allé-
gorique qu'au littéral , il donne néanmoins
quelquefois ce dernier, et on voit en quelques
endroits, que, pour plus grande exactitude, il
avait recours à divers exemplaires , et qu'il
corrigeait sur les plus corrects ce qui lui pa-
raissait de moins exact dans ceux dont il se
servait ordinairement.
2. Nous avons de lui un recueil de trois
SI, cent quatre-vingt-dix sentences, tirées des
ouvrages de saint Augustin, tant de ceux qui
nous restent que de ceux qui sont perdus.
C'est une espèce d'abrégé de théologie qu'il
s'était fait pour son propre usage, afin de se
rendre plus familière la doctrine de ce père,
à laquelle il était entièrement attaché ; mais
ce que saint Prosper n'avait fait d'abord que
pour soulager sa mémoire et se rappeler en
peu de mots ce qu'il avait vu avec plus d'é-
tendue dans les ouvrages de saint Augustin,
est devenu d'une grande utilité pour le pu-
blic. Ceux qui ont eu les écrits entiers de ce
saint docteur peuvent aisément , par la lec-
ture de ces sentences, se rappeler les prin-
cipes qu'il y établit; et ceux qui ne sont point
capables de lire ses ouvrages dans l'original,
! des
s fait
ou qui en sont détournés par leur longueur,
en trouvent la clef dans ces Sentences, et l'a-
brégé qu'ils y trouvent de sa doctrine est très-
capable de les porter à s'en instruire plus à
fond, en lisant les écrits mêmes sur lesquels
cet abrégé a été fait. Le plus grand nombre
de ces sentences regarde la morale de l'E-
vangile ; mais il ne laisse pas d'y en avoir,
particuHèrement sur la fin du livre , où l'on
peut apprendre les principaux mystères de la
religion; comme elles sont exprimées avec
beaucoup de précision, l'éditeur a eu soin de
marquer à la marge les endroits d'où chaque *
sentence est tirée, afin que le lecteur y puisse
recourir et voir en toute son étendue, dans
saint Augustin, ce que saint Prosper ne re-
présente qu'en très-peu de paroles. Ces Sen-
tences ont été imprimées , avec quelques
ouvrages de ce père, dans l'appendice du
tome X" de la nouvelle édition de saint Au- 0|,cr. au-
1 gust.,lom. X,
gustni, ou Ion remarque que les uns en comp- App. p. 2m.
tent trois cent quatre-vingt-huit, et les autres
trois cent quatre-vingt-dix; différence qui
ne venait alors que de ce que l'on répétait
deux différents nombres, savoir : le trois cent
trente-six et le trois cent trente-sept , ou le
trois cent quarante et le trois cent quarante-
un dans d'autres éditions; mais dans la der-
nière, qui est celle de Paris, en 1711, on a
ajouté deux sentences trouvées depuis peu
dans les manuscrits , aux trois cent quatre-
vingt-huit , ce qui fait que nous en avons en
tout trois cent quatre-vingt-dix; les trente-
sept premières se trouvent dans le commen-
taire de saint Prosper sur les Psaumes, dont
apparemment il les détacha lui-même après
l'avoir composé; mais elles n'en sont pas
moins de saint Augustin, dont il n'a fait qu'a-
bréger le commentaire sur les Psaumes, en y
ajoutant, comme nous avons dit, quelque
chose des autres interprètes. Le manuscrit de
la bibliothèque de M. Colbert ne compte que
soixante-seize de ces sentences, avec une in-
terprétation entière où saint Prosper est dit
citoyen de Toulon. Le second concile d'Orange
prit de plusieurs de ces sentences la matière
de ses décrets. On en ti'ouve aussi citées dans
le commentaire sur saint Paul, qui porte le
nom de Florus. Isidore, appelé ordinairement
le Marchand , en a tiré quelque chose pour
former les fausses décrétâtes qu'il a attribuées
aux papes Zéphyriu, Calixte I, et à leurs suc-
cesseurs. On met ce recueil de saint Prosper
vers l'an 451 , ce dont on ne donne point d'au-
tres raisons, sinon qu'on le croit fait un peu
312
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'an 41
GI6,
avant les cent sis épigrammes de saint Pros-
per, qui paraissent en effet avoir été com-
posées vers le temps du concile de Chalcé-
doine, et après qu'Eutycliès eut répandu ses
erreurs.
Epigrararaea 3. gaint Prospcr los combat dans les épi-
de saint Pros- *■ ^
erfaiiravers fframmcs soixanto-cinq et soixante-six, mon-
trant, contre cet hérésiarque, que le Verbe a
pris un corps consubstantiel au nôtre, et que
l'union de la nature divine avec la nature
humaine s'est faite sans aucune confusion.
Le génie et le style de saint Prosper parais-
sent si évidemment dans ces épigrammes,
qu'on ne peut douter qu'elles ne soient de
lui; elles lui sont d'ailleurs attribuées dans
tous les manuscrits, comme dans les impri-
més. La matière de ces épigrammes est tirée
des Sentences dont nous venons de parler, et
il y a lieu de croire que saint Prosper voulut
traiter les mômes sujets en prose et en vers,
non-seulement pour exercer sa veine poéti-
tique, mais pour s'imprimer plus fortement à
lui-même et aux autres les vérités de la reli-
gion, la contrainte nécessaire dans les vers
faisant que l'on retient plus aisément ce qui
est écrit en ce genre. Ces épigrammes sont
précédées d'une préface où il est dit qu'il les
a faites pour exercer son esprit dans la parole
sacrée et pour nourrir son âme du pain cé-
leste. 11 reconnaît qu'elles ne sont point son
ouvrage, et que c'est une rosée qui vient de
celui qui fit autrefois couler les eaux d'une
roche sèche. « La foi , ajoute-t-il , exprime
dans ces vers ce que la piété nous a enseigné
et nous fait aimer.» Le fond de ces épigrammes
est tiré du recueil qu'il avait fait des sentences
de saint Augustin.
§ VIII.
De la Chronique de saint Prosper.
Piosp .,
rpiiiram ,
Colle Chio ■
nul 110 C:l llB
saint Prosper.
\ . La Chronique qui porte le nom de saint
Prosper lui est attribuée par un si grand
nombre d'écrivains et d'une autorité si res-
pectable, que l'on ne peut douter raisonna-
blement qu'elle ne soit de lui. Le premier '
qui en parle et qui la cite sous son nom est
Victorius ou Victorin , le même qui , par or-
dre du pape saint Léon, fut chargé d'exami-
ner la difïiculté qu'il y eut sur la fête de Pâ-
ques, en 433. Victorius était ^ d'Aquitaine,
comme saint Prosper, et vivait en même temps
que lui. Son témoignage sufBrait donc seul
pour assurer cet ouvrage à celui dont il porte
le nom. Gennade de Marseille , qui écrivait
environ quarante ans après, mit^ aussi cette •
Chronique parmi les ouvrages de saint Pros-
per. Elle lui est encore attribuée par Cassio-
dore, par saint Isidore de Séville * et par Vic-
tor, évêque de Tunes en Afrique. Le style
fait voir aussi qu'elle est de saint Prosper.
S'ils'y trouve quelques fautes de chronologie,
elles ne sont pas de nature à nous empêcher
de croire que ce père ne les ait pu faire ou
qu'on puisse les attribuer aux copistes.
2. Elle commence à la création du monde
et finit à la mort de Valentinien III et à la *
prise de Rome par Genseric, roi des Vandales,
c'est-à-dire l'an 453 ; mais il ne faut pas s'i-
maginer qu'elle soit entièrement l'ouvrage de
saint Prosper. Ce père a suivi la Chronique
d'Eusèbe en l'abrégeant, ce qu'il a fait d'une
manière ti'ès-agréable, ainsi que le remarque
Victorius. Comme Eusèbe n'avait continué sa
Chronique que jusqu'à l'an 326, saint Prosper
s'est servi de celle de saint Jérôme qui, com-
mençant où finit Eusèbe, a conduit l'histoire
des temps jusqu'en 379; mais, en se servant
du travail de ces deux écrivains , saint Pros-
per y a ajouté du sien, les fastes des consuls,
depuis les deux Géminus, c'est-à-dire depuis
la quinzième année de Tibère, qui est la vingt-
neuvième de rère commune, dont on ne trouve
rien dans les Chroniques d'Eusèbe et de saint
Jérôme. Il en donne la suite dans sa Chro-
nique, qu'il commence où finit celle de saint
Jérôme, et qu'il conduit jusqu'en 453; au
reste, il s'est tellement attaché à ce qu'ont
dit Eusèbe et saint Jérôme, qu'il ne les a pas
copiés mot à mot , rapportant les choses en
son propre style, et corrigeant ce qui lui pa-
raissait défectueux dans le calcul de l'un et
de l'autre , ce qui doit rendre sa Chronique
d'autant plus estimable. Nous ne l'avions
d'abord qu'en partie, c'est-à-dire que jus-
qu'en 446; mais elle s'est augmentée de dix
ans dans l'édition qu'en fit M. du Chesne, dans
le tome I" des Historiens Français. Le père
Labbe nous l'a donnée tout entière en 1637,
sous le nom de saint Prosper, d'où elle est
passée dans l'édition de Paris, en 1711, après
avoir été revue sur les meilleurs manuscrits.
' Victor., apud Bucherium, pag. 6.
2 Gennad., de Vir. illust., cap. LXXSvm.
3 Gennad.j ibid., cRp, lxxxiv.
^ Cassiod., lib. Iiistit. divin. , cap. svu; Isidor., lib.
VI; Orig., cap. xvii; Victor, prsefat. in Chronic.
Prosperi, pag. 682.
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
[V SIÈCLE.]
On croit que saint Prosper ne la donna pas
d'abord entière au public , mais en trois fois
différentes, savoir : en 433, enM5 et en 455.
Elle est divisée en deux parties, dont la pre-
mière finit en l'an 378, où finit aussi la Chro-
nique de saint Jérôme , et la seconde com-
fag. 755. mence à l'an 379, et finit en 455. On a mis à
opcr. Prosp. \^ suito dc cettc chronique un supplément
qui nous représente l'état du règne des Van-
dales pendant plusieurs années, depuis la
prise de Home ; mais il est visible qu'il ne peut
être de saint Prosper, dont la chronologie
finissait, selon Gennade , à la prise de cette
ville.
Auirochro- 3. M. Pllliou uous a douué une Chronique
Luôi! à saiut nui commence et finit de même que celle de
Prosper. . t-» t -i
samt Prosper, c est-à-du'e qu u raconte ce qui
s'est passé depuis l'an 379 jusqu'en l'an 455.
Quoiqu'elle porte, dans les manuscrits, le
nom de Prosper, sans addition, qui est le nom
consacré pour le défenseur de la grâce , il le
nomme Tiro Prosper : en quoi il a été blâmé
généralement. Cette Chronique est confuse,
brouillée et pleine de fautes de chronologie,
riudicsnc, On n'y parle de saint Augustin que pour le
i3:i. jiucb?- décrier, en faisant sortir de lui l'hérésie des
nus, au t.y- '
chs.paj. 211. pi'édestinatiens, que saint Prosper ue con-
naissait pas, puisqu'il ne l'a jamais réfutée.
Nuris.nisi. Tout cela a fait croire que cette chronique
Sipl'xv!"' "' était ditîéi'eute de celle qu'on attribue com-
munément à saint Prosper. Mais, sans les
multiplier, on peut dire que c'est la même
chronique, n'étant pas vraisemblable qu'il
y ait eu deux auteurs du même nom et
du même temps qui aient composé deux
chroniques qui commencent et finissent l'une
et l'autre à la même année, et que celle
qui a élé donnée par M. Pithou est la même
que celle de saint Prosper, mais corrompue,
abrégée et altérée par quelque ignorant, aussi
peu jaloux de la gloire de saint Augustin que
saint Prosper en était le défenseur. On l'a
imprimée dans l'appendice des œuvres de ce
père, de la nouvelle édition.
Cycle ouri- 4. Gcmiade, dans l'article de Victorius,
prwfer. marquc un cycle pascal composé par un Pros-
per, sans dire que ce soit celui d'A.quilaine.
Ce cycle était de 84 ans; saint Prosper en
parle plus d'une fois dans sa chronique^ mais
Cïdi'sl'p'is'î^ ^^ "^ ^'^ l'attribue point. Nous ne l'avons plus.
On sait seulement qu'il était en usage dans
l'Eglise romaine du temps de saint Léon, et
que saint Prosper s'appliquait assez à ces
sortes de supputations.
313
§ IX.
Des ouvrages faussemen t a ttrihués à saint Prosper
ou qu'on doute être de lui.
1 . Le père Sirmond fit imprimer à Paris, confcsion
en 1619, avec les poésies d'Eugène et de Dra- d^AquiS"
conce , un écrit intitulé : Confession de Pros- """■
per d'Aquitaine, ou , selon d'autres , de Tiro
Prosper, sur un manuscrit de la bibliothèque
du Vatican. Mais quoiqu'il soit écrit avec
assez de netteté et d'élégance, on n'y trouve
ni le génie ni le style de saint Prosper; ou
ne voit pas comment on pourrait dire de ce
saint ce que l'auteur dit de lui-même, que
lorsqu'il fui touché de Dieu et qu'il pensa sé-
rieusement à quitter les voluptés mortelles
du siècle, il était parmi des peuples barbares,
et qu'il eût quitté leur pays s'il n'en eût été
empêché par les gardes dont ils avaient bordé
leurs frontières. Il est vrai que les Barbares
firent, dans le v^ siècle, des ravages dans les
Gaules et dans l'Aquitaine; mais si saint
Prosper eût été emmené captif par ces peu-
ples , eût-il omis d'en dire quelque chose
dans sa chronique ou dans ses autres écrits,
où il à eu si souvent l'occasion de parler de
la manière dont il s'était converti et d'en
témoigner à Dieu sa reconnaissance? On ne
voit point d'ailleurs que les ravages des Bar-
bares aient été cause de la transmigration do
l'auteur dans les pays étrangers. Il dit assez p,g. ,53,
clairement qu'il avait volontairement quitté
sa patrie, accompagné de gens qui ne valaient
pas mieux que lui, et qu'il avait passé jusque
sur les terres d'Egypte et de Babylone. Rien
de tout cela ne convient à saint Prosper.
2. Comme il ne paraît, par aucun endroit poémed'oa
de sa vie , qu'il ait été engagé dans le ma- Jlmme, Vg'
riage, c'est une raison très-forte de douter
qu'il soit auteur du Poème d'un mari à sa
femme. U y en a encore plus de douter qu'il
ait été en état de composer ce poème dans
le temps qu'il a été fait, car on ne peut le
mettre guère plus tard qu'après le renverse-
ment universel qui arriva , l'an 407, dans
l'empire d'Occident, puisque le poète qui en
avait été témoin en prend occasion d'exhor-
ter sa femme et de s'exciter lui-même au
mépris des biens périssables, pour ne s'atta-
cher qu'aux éternels. Or, en 407, saint Pros-
per ne pouvait avoir que trois à quatre ans,
étant né, selon l'opinion commune, en 403.
Ce poème est attribué à Tiro Prosper par le [jed.n,icMo-
vénérable Bède; quatre manuscrits le don- p'Ig; j'o""- '■
314
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
p.icfat. in lient à saint Prosper ; mais on en cite un de
gis, pag. 771. Iiuit cents ans ou il ne se trouve pas parmi
les poésies de ce père. Quelqu'en soit l'au-
teur, on peut dire qu'il lui fera toujours hon-
neur par l'élégance etla douceur de ses vers.
Les seize premiers sont anacréontiques ou
iambiques , c'est-à-dire de sept syllabes ; le
reste est en vers hexamètres et pentamètres
ou élégiaques.
poopodoia 3. Le poème de la Providence fut fait aussi
ProïlJence . \. v i • ■ t it
jivino,p.78o. environ dis ans après les incursions des Van-
dales et des Goths dans les Gaules, c'est-à-dire
vers l'an 4:16. L'auteur, depuis longtemps,
avait' coutume de s'exercer àdivers ouvrages
de littérature. Il témoigne ^ que les Goths ou
les Gèthes, comme il les appelle, l'avaient
fait prisonnier et contraint de marcher au mi-
lieu de leurs chariots. Il marque assez net-
tement qu^il n'était plus du nombre des jeunes
gens, mais ^ un homme fait; il semble insi-
nuer, en parlant de la destruction * des olives
de son pays, qu'il était de Provence. Ainsi
l'on trouve dans ce poème même deux rai-
sons pour ne pas l'attribuer à saint Prosper :
l'une, parce qu'il était encore jeune en -416,
n'étant né, comme on le voit, que vers l'an
403, ainsi qu'on vient de le remarquer; l'au-
tre, parce qu'il était d'Aquitaine et non pas
de Provence. Hincmar ^ le cite sous le nom
de saint Prosper, et il lui est attribué dans
l'édition de Lyon en 1339; mais dans les sui-
vantes, on l'a mis parmi les ouvrages dou-
teux ou supposés, à cause de certains en-
droits oîi l'auteur enseigne une doctrine con-
traire à celle de saint Prosper sur la grâce;
il faut cependant avouer que cette raison ne
serait pas suffisante , parce qu'il se pourrait
faire que saint Prosper l'eût composé avant
de s'être bien instruit sur cette matière dans
les écrits de saint Augustin ; mais elle sufSt
pour dire que l'auteur du poème de la Pro-
vidence est dilïérent de celui d'un Mari à sa
femme, parce que ce dernier enseigne sur
la grâce une doctrine mieux soutenue , au
lieu que l'autre parle , en certains endroits,
* Prosper, de Provid., pag. 786, vers. 1, 2, 3.
2 Ibid., pag. 57, 58.
3 Ibid., pag. 41, 43.
* Ibid., vers. 30, pag. 787.
s Hincmar., de Prœdestinat., cap.iv, pag. 378, 381,
tom. II.
•J Cum vida tamen est bellum, si carne vetusla exuti,
in Chrisli renovemus corpus, et omnam vincendi nobis
vim de victore petamus; qui dum nostra suis social.
d'une manière conforme à la doctrine de saint
Augustin, et qu'en d'autres il paraît favori-
ser celle des pélagiens. 11 dit, par exemple,
que ^, quelque puissant que soit le démon que
nous avons à combattre, c'est néanmoins un
ennemi vaincu, si, nous dépouillant du vieil
homme, nous nous renouvelons en nous re-
vêtant de Jésus-Christ, et si, pour vaincre,
nous attendons notre force de ce vainqueur.
En unissant sa nature divine à la nôtre , Jé-
sus-Christ nous a communiqué sa force, afin
que rhomme ne s'appuyât point sur les sien-
nes propres et mît sa confiance en celui sans
lequel ne se soutiennent point ceux qui parais-
sent demeurer fermes, qui réunit ceux qui
sont dispersés, et qui relève ceux qui sont'
tombés. Mais il dit a>llears ' qu'ayant tous
une même origine et un même père, la loi
naturelle , qui comprend la connaissance du
vrai et de ce qui est juste, est innée avec
nous, et qu'avec cette connaissance plusieurs
ont vécu dans la piété avant la loi de Moïse,
rendant à Dieu ce qu'ils lui devaient. Ces
deux poèmes ne sont pas non plus d'un même
style. Celui du poème de la Providence est
plus diffus et moins coulant. L'auteur y fait
un précis de l'histoire sacrée, d'où il tire des
preuves de la providence de Dieu sur l'homme,
depuis le moment de sa création jusqu'à sa
rédemption par le sang de Jésus-Christ. Ses
vers sont tous hexamètres ou héroïques.
4. L'on a quelquefois attribué à saint Pros- Antrcsccriis
per le recueil des autorités des pères sur la s^i-^ Pr^^i'or.
grâce et sur le libre arbitre, qui est joint or- PrcdiSiscî
dinairement à la lettre de saint Célestin aux sol.
évêques des Gaules. Nous ne répéterons point
ici ce que nous en avons dit dans l'article de
ce pape. On peut voir aussi, dans celui de
saint Léon, ce qui nous a paru de mieux tou-
chant l'auteur des deux livres de la Vocation
des Gentils et de la lettre à la vierge Démé-
triade, qui, dans plusieurs manuscrits comme
dans les imprimés , portent le nom de saint
Prosper. On lui a aussi attribué les trois livres
de la Vie contemplative, que l'on convient au-
junxit sua nostris, ut non humanis fidens homo, totus
in illum se referai, sine quo non siant qui stare vi-
dentur, et per quem sparsi coeunt stratique resurgunt.
Prosper, de Provid., vers. 967, pag. S23.
■^ Unus enim paier est cunctorum , et semine recti
nemo caret, similisque omnes produxit origo, unde
etenim nondum descripta lege, fuerunt qui placidum
sanctis agerent in mori/ms œvum : nec summi patris
ignari, nec juris egeni. Ibid., vers. 427, pag. 802.
à
I
Nolk. dfl [n-
lurpret.OiviQ.
Script, c. vil.
[V^ SIÈCLE.]
jourd'hui être de Julien Pomère, qui écrivait
sur la fin du y" siècle. Nous en parlerons dans
son temps. Il paraît que Cassiodore ne dou-
tait pas que Touvrage intitulé : des Promesses
et des Prédictions de Dieu, ne fût de saint
Prosper. Il en recommande la lecture dès le
premier chapitre de ses Institutions divines,
comme étant de ce père , et il le cite encore
sous son nom dans son commentaire sur le
Psaume xp. Notlicr le lui attribue aussi, et
cette opinion a eu cours pendant plusieurs
siècles; mais en examinant l'ouvrage de plus
près, on a remarqué que l'auteur de ces trois
livres était africain; les preuves sont qu'il
nomme ' les donatistes et même les maxi-
mianistes entre les hérétiques ; qu'il cite
quelque ^ chose de ïichonius, célèbre dona-
tiste; qu'il rapporte diverses histoires assez
particulières de l'Afrique, comme en ayant
été témoin oculaire ; qu'il dit ^ avoir été pré-
sent à Carthage lorsque l'évêque saint Aurèle
y dédia à Jésus -Christ le temple fameux de
la déesse Céleste; que ce fut lui qui, avec
d'autres jeunes gens, courant et furetant par-
tout, remarqua^ sur le fi'ontispice du temple,
cette inscription qui surprit tout le monde :
Dédié par le pontife Aurèle; qu'il était * en
cette ville en même temps que le consul As-
pare, c'est-à-dire en 434 ; et qu'il y fut témoin
d'un événement singulier qu'il rapporte tout
au long. Il dit aussi ^ que pendant qu'il était
k Carthage, un prétendu moine y vint, se
vantant d'y faire des guérisons miraculeuses
avec de l'huile où il faisait tremper l'os d'un
mort inconnu; mais son imposture ayant été
découverte, il s'enfuit de la ville. Soit que
cet écrivain eût été chassé d'Afrique par les
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
313
Vandales, après la prise do Carthage, en 439;
soit qu'il en fût sorti de lui-même, il était en
Campanie " dans les temps que saint Léon
poursuivait les manichéens et les pélagiens,
c'est-à-dire vers l'an 443. Il marque ' qu'il
écrivait du temps de l'empereur Valenti-
nien III, et, ce semble, après la mort de Pla-
cidie, c'est-à-dire après l'an 450 et avant 433.
Son style est dur et sec, et peu châtié.
3, On trouve deux préfaces à la tête de cet
ouvrage, qui paraissent être de la même
main. Dans la seconde, l'auteur dit qu'il a
divisé son ouvrage en plusieurs parties qui
comprennent les promesses de Jésus-Christ
et de l'Eglise marquées dans l'Ecriture. Il
commence par les promesses faites avant la
loi et sous la loi, et en fait voir l'accomplis-
sement sous la loi de grâce. Il renferme tou-
tes ces promesses sous cent cinquante-trois
titres, par allusion aux cent cinquante-trois
poissons de l'Evangile. Ce n'est pour ainsi
dire qu'un tissu de passages dont il fait l'ap-
plication en la manière qui lui paraissait la
plus convenable. Il trouve, par exemple, dans
la création d'Adam et d'Eve, la figure de Jé-
sus-Christ et de son Eglise; dans la malédic-
tion qui suivit la prévarication de la pre-
mière femme, le péché originel ; dans Caïn
et Abel, la figure de deux peuples, savoir de
celui des chrétiens, et des Juifs ; dans la
construction de l'arche, la figure de l'Eglise;
celle des nations dispersées, mais réunies
par Jésus-Christ, dans les trois enfants de
Noé. Il croit que la langue hébraïque lire
son origine d'Héber, et prouve que celte
langue est la première de toutes, parce que
dans l'inscription que Pilate fit mettre sur la
Coqurîfon-
tient lo livi'u
des Prunies-
Premièio
partie, p. a!.
P.irteJî.cap.
ult. pag. 200.
1 Lepra in corpore, donalistœ, maximianistœ, luci-
feriani, cœterique similihus erroribus obvoluti. Prosp.,
de Promissis, part. 2, cap. VI, pag. 130.
2 Sed de his Tickoniiis mulla conscripsit. Ibid.,
part. 4, pag. 199.
3 Cmn sanctcB Paschœ solemnitas arjereiur, coltecla
illic et undique adveniens multHudo sacerdotum, Pa-
ter et dignœ memoriœ nominandus antistes Aureiius,
Celcstix jam patries eivis, cathedram illic loco Celes-
tis et habuit et sedit; ipse turn aderam cum sociis et
ariiicis, atqiie ut se adolescentium œtas impatiens cir-
cumquaque vertebat, dum curiosi singula quœquœpro
magnitvdine inspicimus, mirum quoddam et incredi-
bile nostro se ingessit aspectui, titulus œneis gran-
diorihusque litieris in frontispicio templi conscriptus :
Aureiius ponlifex dedicavit; hune legentes populi
mirabantur. Prœlego tune spiritu acta, quœ prcesciiis
Dei ordo certo isto fine concluserat. Ibid., part. S,
cap. xssviii, pag. 186.
* Nostris quoque iemporibus Asparo viro clarissimo
consute Carthagini constituto, hoc signum diabolicum ,
monstrosumque. quod illic accidit, quis illius patriœ
eivis ignorât? Ibid., part. 4, pag. 193.
s Novimus etiam advenisse illuc quemdam sub spe-
■cie monaeld, qui quœdam signa curationum se ope-
rari fatebatnr; cumque circa cœcos et claudos quos-
dam egeret lusiis, eosque oleo nescio cujus mortui esse
infusa liniret ; ut sibivisus gressusque rcdditos cesti-
mabant, discedentes in illis quibus antea tenebantur
infirmitatibus permanebant. Sed in his perdituin sese
cognoscens seducior ille aufugit. Ibid., part.. 4, cap.
VI, pag. 193.
" In llalia quoque, nobis apud Campaniam consti-
tutis, dum venerabilis et apostolico honore nominan-
dus papa Léo manichœos subvertebat, et conterebat
pelagianos, et maxime Juliamim. Ibid.
' Ille verus Deus, cujus prophetica vaticinia nesciunt
(imnino mentiri nec fallere, sub Constantio et Augtista
Placidia, quorum nunc filius Valentinianus pius et
christianu^ imperat, Urso insistenie tribuno, omnia
nia tempta ad solum usque perducta, agrum reliquit in
sepulturam moriuorum. Ibid., part. 38, cap. vui, p. 180.
316
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
croix où Jésus-Christ fut attaché, le nom du
Sauveur était écrit premièrement en lettres
hébraïques. Le jugement que Dieu prononça
contre Sodome et Gomorrhe, lui paraît une
prédiction du jugement dernier. Il applique
à la passion de Jésus-Christ ce qui est dit dii
sacrifice d'isaac ;, et aux promesses qu'Isaac
fit à Esaii, la conversion des Gentils, au
nombre desquels il met Job comme l'on des
descendants d'Esaû. Le reste de la première
partie est dans le même goût.
Tieuxiôme g. j] f]it dans la seconde que la loi donnée
sur la montagne, marquait les préceptes
renfermés dans le sermon de Jésus-Christ
sur la montagne ; que tous les sacrifices de
l'ancienne loi étaient une figure de celui de
Jésus-Christ ; qu'il était figuré dans le ser-
pent d'airain, dans la personne de Josué et
des autres libérateurs du peuple d'Israël ;
que l'alliance de Ruth avec Booz marquait
qu'un jour les Gentils prendraient la place
des Juifs. 11 prétend trouver Jésus-Christ
dans toutes les visions expliquées par le pro-
phète Daniel. Il reçoit l'histoire de Judith
comme véritable, et il en fait de même de
cefie de Tobie.
Troisiècno 7. 11 commeuce la troisième partie par ce
par ic, p. . ^^. j,gg,^j.jjg saint Jean-Baptiste, montrant
qu'Isaïe avait annoncé sa venue. Il cite sur
le même sujet trois vers de la sibylle d'Ery-
thrée. Puis, venant à Jésus-Christ, il rapporte
les passages de l'Ancien Testament qui an-
nonçaient sa naissance et les autres circons-
tances de sa vie, de sa passion , de sa résur-
rection et de son ascension, faisant voir par
ceux du Nouveau que tout ce qui avait été
prédit de lui a été accomph. Il cite un vers
de Virgile sur le changement qui s'est fait
par la venue de Jésus-Chiist, du vieil homme
en homme nouveau. Il en cite un autre du
même poète, sur le sang que les martyrs
ont répandu afin de rendre témoignage
à Jésus-Christ. Il compte dix persécutions
depuis Néron jusqu'à Dioclétien et Maxi-
milieu. Il en met une, arrivée de son temps
chez les Perses, à l'occasion de quoi il ra-
conte que plusieurs Arméniens chrétiens s'é-
tant réfugiés dans l'empire, Arcade qui ré-
gnait alors, aima mieux avoir la guerre avec
les Perses, que de livrer ceux à qui il avait
accordé une retraite ; que, dans le moment
que ses soldats entraient dans le combat, des
croix parurent sur leurs habits, et ' qu'ayant
remporté la victoire sur les Perses, il fit
frapper une monnaie d'or marquée au signe
de la croix ; que cette monnaie se répandit
dans tout le monde, et qu'il y en avait surtout
en Asie lorsqu'il rapportait ce fait. 11 rap-
porte après cela ce qu'on lit dans l'Ancien
et le Nouveau Testament, touchant la voca-
tion des Gentils au christianisme, la conver-
sion des princes païens et le renversement
des temples et des idoles, et montre non-
seulement par l'Ecriture, mais par l'autorité
de la Sibylle, que toutes ces choses ont été
accomplies ou qu'elles s'accomphssaient tous
les jours par le zèle des empereurs chré-
tiens, entre lesquels il nomme le grand Théo-
dose, Honorius et Arcade.
8. La quatrième partie est employée à Qoairièmo
l'explication des prophéties qui doivent s'ac- p"''"-?-"-'-
complir à la fin du m.onde dans l'Antéchrist.
Il y en a aussi qui regardent la mission d'Elie
et d'Hénoc, leur mort, leur résurrection; le
second a^vénement du Fils de Dieu, la résur-
rection générale, le jugement dernier et le
feu qui doit tout purifier : sur quoi l'auteur
allègue encore deux vers de la Sibylle. C'est
dans cette quatrième partie qu'il raconte
qu'étant à Garthage^ une jeune fille, arabe de
naissance, qui portait l'habit d'une servante
de Dieu, c'est-à-dire d'une vierge consacrée
à Dieu, s'étant baignée dans un bain où il y
avait une statue de Vénus, il lui arriva de la
regarder avec des yeux impudiques et d'eu
aûecter la posture; aussitôt le démon se sai-
sit d'elle et la pressa sur la gorge, de façon
qu'elle fut pendant près de soixante-dix jours
et autant de nuits sans pouvoir ni boire ni
manger. Cet événement ayant fait grand
bruit, ceux à qui efie appartenait, la condui-
sirent dans un monastère de filles où il y
avait des reliques de saint Etienne. Elle y
resta deux semaines sans prendre de nour-
riture. Enfin le quinzième jour, qui était un
dimanche, le prêtre y étant allé pour y oflrir
le sacrifice du matin, on conduisit cette fille
à l'autel ; à peine se fut-elle prosternée que,
fondant en larmes et poussant des sanglots,
elle en excita dans les assistants, qui prièrent
* Satie nostris temporibus apud Pemas persecutio-
nem facfam novimus, impcrauie Arcadio, religioso et.
cliristiano principe, qui ne iraderet ad se confuyientes
Armenios, belium cum Persis confecit. Eo signo, an-
terjuam potilus Victoria jam coeimtibiis in prœlium
militibns, aeriœ cruces in vestibus panwre . Vndeeiiam
Victor auream monetam eodem cum signo crucis fieri
prœcepit, quœ in usu totius orbis et maxime Asice ho-
dieque persista. Prosp., de prom., part. 3, cap. xxxiv,
pag. 183.
[V" SIÈCLE.]
CHAPITRE XII. — SAINT PROSPER.
317
Dieu pour el '^ avec beaucoup d'instance. Le
sacrifice fini, le prêtre lui donna une partie
du corps de Jésus-Christ trempée. Elle la tint
dans sa bouche pendant une demi -heure
sans pouvoir l'avaler, parce que le diable ne
l'avait encore point quittée. Cependant le
prêtre lui tenait le visage de sa main, de
peur qu'elle ne jetât le saint corps. Le diacre
qui était auprès, conseilla au prêtre d'appli-
quer à la gorge de la fille le calice du sang
précieux, et aussitôt le démon, qui s'était em-
paré de cet endroit, l'abandonna, et la fille
cria avec actions de grâces ' qu'elle avait
avalé le sacrement qu'elle avait dans sa bou-
che. Tout le monde loua Dieu de ce que cette
fille était délivrée de l'esclavage du démon,
qui l'avaitpossédéependant quatre-vingt-cinq
jours. On offrit une seconde fois le sacrifice
pour elle en action de grâce ; elle y partie
cipa, ensuite on la renvoya à ses fonctions
ordinaires. Alors le diacre inspiré de Dieu,
alla à l'endroit où était la statue de Vénus
et la réduisit en poussière.
9. La cinquième regarde les prédictions et
les promesses qui doivent s'accomplir dans
la nouvelle Jérusalem, c'est-à-dire' la gloire
éternelle dont les saints jouiront dans le ciel,
où ils verront Dieu face à face. L'auteur, après
avoir rapporté ce qui est dit dans l'Apoca-
lypse, qu'il dit être de l'apôtre saint Jean,
touchant ceux qui auront vaincu, qu'il leur
sera donné une pierre blanche sur laquelle sera
écrit un nom nouveau, remarque que l'on avait
coutume, à Carthage, d'écrire les noms des
proconsuls sur un jeton d'ivoire ; qu'en un
jour de fête le juge les nommait tous dans la
place pubhque, en présence du peuple, qui
comblait de louanges ceux qui avaient admi-
nistré sagement la république, et chargeait
d'injures ceux qui n'avaient songé qu'à con-
tenter leur avarice. Il finit son ouvrage
par de grands sentiments d'humilité et en
reconnaissant qu'il l'avait achevé avec la
grâce de Dieu dont il avait imploré le se-
cours en le commençant.
Cet écrit, quoique défectueux pour le style,
ne laisse pas d'être utile , parce qu'on y voit
d'un coup d'œil les endroits de l'Ecriture
qui contiennent quelques prophéties, avec
ceux qui en marquent l'accomplissement,
ce que l'auteur n'a pu faire sans beaucoup
de travail et sans une grande connaissance
des Livres saints. Il ne cite point les anciens
auteurs ecclésiastiques, si ce n'est saint Au-
gustin, Orosius et Tichonius ; mais il cite
plusieurs fois Virgile et la Sibylle.
ARTICLE m.
JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT PROSPER. —
ÉDITIONS qu'on en A FAITES.
i . Saint Prosper a réuni les rares talents
d'écrire avec élégance eu vers et en prose.
Ses poésies ont de la douceur, de l'ouction
et du feu. La diction en est pure, et le tour
aisé. S'il n'y a point jeté d'enjouement à la
manière des poètes profanes , c'est qu'il ne
cherchait qu'à défendre la vérité, à édifier
et non à plaire par de fausses imaginations.
Sa matière d'ailleurs ne le permettait pas ;
quelque épineuse qu'elle paraisse d'elle-
même, puisqu'elle regarde les plus sublimes
mystères, il a su lui donner de l'agrément
par la beauté de ses vers, par la force et la
hardiesse de ses expressions, par l'élévation
et la noblesse de ses pensées, et par la ma-
nière ingénieuse dont il l'a traitée. Ses ou-
vrages en prose sont d'un style concis, nei-
veux, naturel, sans aiïectation ni de termes
ni de figures. Dans l'un et l'autre genre d'é-
crire, il traite son sujet avec beaucoup do
force et de netteté, songeant moins à orner
son discours, qu'à le rendre utile; c'est pour-
quoi l'on ne trouvera point dans ses écrits
cette sorte d'éloquence qui a plus de bril-
lant que de solide, et qui ne consiste souvent
Jiigcmen
de CCI écrit.
Jugement
des éi'rits de
saiul Prosper.
1 Accidit aiitem ut quinius decimus Dominicus illu-
cesceret dies. Ascendente nobiscum sacerdoie, ui ma-
tutinum illic sacrificium soliio offerretur, pueltam
prœpositus ad ullare perduxit. Sed ut se illa pros-
travit altari, clnmore fletus sui cunctis asfantiOus ge-
milus lacrymasque induxit, qttibus tanttim inalum
auferendum prœsens plabs Dominum exombat. Peracto
itaque sacrificio, cum eadem inter cœleras breoem
particulam corporis Domird linciam a sacerdote per-
ciperet, semi hora mandens trajicere non valuit, non-
dum illo fugalo, de quo dicit Apostolus : Quae conso-
nantia Chrisli ad Belial.' Manu igitur faciem ejus
sustentante sacerdote, ne sancium projiceret, a quo-
dam diacono suggestum est, ut calicem salutare gut-
turi ejus pontifex applicaret, quod et factum est,
statim ut locum illmn quem diabolus obsederat, Sal-
vatoris imperio reliquit, sacramentum quod ore gesta-
hat cum laude Redemptoris transglutisse puella cla-
mavit. Hinc lœtitia, hinc voces in gloriam Dei, quod
poit octoginla et quinqve dies, diabolo expulsa, puella
de potestate fuerit erecta inimici. Oblatio itaque rur-
sum gratiarum actionis pro ea fit, sacrificiique per-
cipiens certam partem, prisco est reddita ustu. Tum
etiam dum hœc aguntur, spiritu divino actus diaco-
nus ejusdem liluli staluam illam sublatam confregit
in pulverem. Prosp., de Prom., part. 4, cap. vi, pag. 193 .
318
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que dans le choix et l'aiTangeineiit des ter-
mes et dans un feu d'imagination. La sienne
esL une éloquence mâle, qui a pour fonde-
ment des raisonnements très -forts et bien
suivis, des expressions nobles, des pensées
élevées, une érudition profonde dans les let-
tres divines et humaines, un excellent Juge-
ment et une pénétration d'esprit à qui rien
n'échappe.
Editions 2. Le poème contre les Inqrats fut imprimé
parliculiBres ^ .f77T,.;.''/
dos écrits do en 1560, m-S", avec le traité du Pèche originel
saint Prospor. ' ' n • /-\
et du Libre arbitre, par Flaccmslllyricns. On
joignit à l'édition de 1647, à Paris, en un
• volume in-4°, la traduction française en prose
et en vers que Lemaistre de Sacy avait faite
de ce poème ; elle fut réimprimée en la
même manière, à Paris, chez Desprez, en
1717 et en 1726, in-12, avec la traduction de
la lettre à Rufin, et un abrégé de la doctrine
de saint Prosper sur la grâce et le libre ar-
bitre, tiré de tous ses ouvrages. Aldus im-
prima à Rome les épigrammcs de ce père à
la suite des œuvres de Prudence, in-i", en
1301 ; on le trouve dans VEcole chrétienne,
in-S", de Jean Susenbeth, imprimée à Bâle,
en 1.539 et 1541, avec le poème de Sédulius,
imprimé dans la môme ville, mais sans date,
et avec YAntologic sacrée de Jacques de Billy,
chez Jacques Chouet, en 1591, in-16. Chris-
tophe Plantin donna en 1560, en un volume
in-16, à Anvers, toutes les poésies de saint
Prosper, avec celles de saint Paulin de Noie
et de quelques autres poètes. Pulman prit
soin de cette édition. Elles se trouvent aussi
dans \& Recueil des poètes, par Georges Fabri-
cius, imprimé à Bâle, chez Oporin, en 1564.
Le livre de la Grâce et du Libre arbitre contre
le Collateur, a été donné plusieurs fois avec
les Conférences de Cassien. Jean Sichard l'in-
séra dans la collection de quelques anciens
pères, imprimée à Bâle en 1528. En 1524,
il fut imprimé à Mayence avec la lettre de
saint Gélestin aux évoques des Gaules, par
les soins de Nicolas Carbacchius. Nous en
avons une autre édition faite à Paris, en 1533,
in-12 ; l'éditeur y donne à saint Prosper la
qualité de prêtre. Il y en a une autre de
Leyde, en 1606. Jean de Sens, curé de Jaulnes-
lès Bray-sur-Seine , en traduisit une partie,
qui fut imprimée en 1576, à Paris, avec la
traduction du traité de la Vie contemplative,
par Julien Pomère. Le recueil des Sentences
de ce père, tirées des écrits de saint Augus-
tin, fut mis sous presse à Cologne en 1531,
in-8°, et à Helmstadt, en 1613. Nous avons
deux éditions particulières de la Chronique :
l'une du père Labbe, en 1637, dans le pre-
mier tome de sa Nouvelle Bibliothèque, et
l'autre de Basnage, dans le second tome des
Anciennes Leçons de Canisius,à Anvers, en
1723, in-folio.
[L'édition de saint Prosper, donnée à Rome
en 1732, in-S", par Satinas, avec des notes et
des observations, contient seulement les épî-
tres de saint Prosper, le poème des Ingrats,
deux épigrammes contre les détracteurs de
saint Augustin, et l'épitaphe sur l'hérésie nes-
torienne. Les Opei'a selecta des saints pères,
sur la grâce et la prédestination des saints,
par Foggini, Rome, 1758, in-8", et souvent
réimprimés , contiennent les opuscules du
saint docteur sur le semi-pélagianisme. Deux
autres petits volumes avaient été publiés par
le même éditeur, en 1734; on y trouve les
autres œuvres de saint Prosper sur la grâce;
ils ont été réimprimés à Paris, en 1757.]
3. L'édition d'Antoine Augerèle, imprimeur Ejitionsgû-
à Paris, ne contient que la lettre à Rufin et cents desaim
, , ^ . , . , Prosper [Tra-
ies réponses aux extraits des prêtres de ducuonsfrau-
'- çalsc;;.]
Gênes; elle est de l'an 1533; celle de Ber-
nardin Stagnini, qui est de 1538, contient,
outre les deux opuscules de l'édition précé-
dente, le livre contre le Collateur et les épi-
grammes, avec la lettre d'Aurèle de Car-
thage , celle de saint Gélestin aux évêques
des Gaules, et les autorités des pères sur la
grâce et le libre arbitre. En 1539, Sébastien
Gryphe, imprimeur à Lyon, donna une nou-
velle édition des œuvres de saint Prosper,
revue sur plusieurs manuscrits, dans laquelle
il mit, outre les ouvrages déjà imprimés, le
poème cont7-e les Ingrats, celui de la Provi-
dence, les réponses aux objections des Gaulois,
des prêtres de Gênes et de Vincent, le com-
mentaire sur les Psaumes, et les Sentences de
saint Augustin ; mais il n'y mit point la lettre
de saint Gélestin, ni les autorités du Saint-
Siège sur la grâce ; son édition est en un vo-
lume in-foho. Celle qui fut faite en 1540, à
Cologne, chez Héron Alopétius, in-8°, con-
tient de plus que la précédente, les trois li-
vres de la Vie contemplative, et l'ouvrage in-
titulé : des Prédictions et des Promesses de Dieu.
Il en parut une autre à Louvain, chez Bau-
gard, en 1363, un vol. in-4°, par les soins de
Jean Sotellus , théologien de la même ville. Il
ajouta à l'édition de Cologne la lettre de
saint Prosper à saint Augustin, les deux li-
vres de la Vocation des Gentils, la lettre à la
vierge Démétriadc, et les canons du second
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XIII. — SAINT MAXIME, ÉVÊQUE DE TURIN.
319
concile d'Orange. L'éditeur y fait observer
que le traité des Prédictions et des Promesses,
de même que le poème sur la Providence,
n'est point de saint Prosper. Jean Olivier fit
de nouveau mettre sous presse les œuvres de
ce père, à Douai, en 1577, in-S". C'est sur
cette édition qu'on les a réimprimées à Co-
logne, en 1609, in-8°; à Rome, en 1611, de
l'imprimerie de la Chambre apostolique ; à
Cologne, en 1630, in-S"; à Lyon, en 1639, et
dans les Bibliothèques des Pères de Cologne, de
Paris et de Lyon; elles furent réimprimées à
Paris, en 1671, avec les écrits de saint Léon.
La plus ample et la plus complète de
toutes éditions de saint Prosper, est celle
que Mangeant a publiée à Paris, en 1711,
chez Desprez et Desessarts , in-folio ; elle
est divisée en trois parties : la première
renferme la Vie de saint Prosper , tirée
entièrement des Mémoires de de Tillemont,
dont l'éditeur avait eu communication avant
qu'ils fussent imprimés ; la lettre de saint
Prosper à saint Augustin, celle d'Hilaire au
même père , les deux livres de la Prédestina-
tion des Saints et du Don de la persévérance ; la
lettre de saint Prosper à Rufîn , son poème
contre les Ingrats, trois de ses épigrammes,
ses réponses aux Gaulois , à Vincent et aux
prêtres de Gênes ; la lettre de saint Célestin
avec les autorités des papes sur la grâce ; la
treizième Conférence de Cassien, la réfutation
que saint Prosper en a faite ; son commen-
taire sur les Psaumes, son livre des Sentences
et celui des Epigrammes, sa Chronique en-
tière, les canons du second concile d'Orange,
à quoi il a ajouté la confession qui porte le
nom de saint Prosper, et quatre autres éci-its
qui lui sont attribués, savoir : un Poème d'un
mari à sa femme, celui de la Providence, les
deux livres de la Vocation des Gentils, et la
lettre à Démétriade. L'avertissement mis
à la tête de ces deux dernières pièces, est
tiré de Dupin. La seconde partie contient les
trois livres de la Vie contemplative , de Julien
Pomère ; l'ouvrage qui a pour titre : des Pro-
messes et des Prédictions de Dieu, et la Chro-
nique de Tiro Prosper, donnée au public par
Pithou, sur un manuscrit de la bibliothèque
de Saint-Victor de Paris, imprimée en cette
ville, en 1588, et depuis par le père Labbe,
dans le premier tome de sa Bibliothèque, en
1657 , mais après l'avoir revue et corrigée
sur divers manuscrits. On trouve dans la
troisième partie un grand nombre de pièces
qui peuvent donner de l'éclaircissement à
certains endroits des écrits de saint Prosper,
et qui en donnent beaucoup à l'histoire des
semi-pélagiens. La plus considérable est le
livre de la Correction et de la grâce, que saint
Augustin adressa à l'abbé Valentin ; les au-
tres sont des extraits de divers ouvrages de
ce père. Ce qui rend la dernière édition de
saint Prosper plus utile que les précédentes,
est surtout le grand nombre de notes margi-
nales qui servent beaucoup pour l'intelli-
gence du texte. [Elle a été réimprimée à Ve-
nise, en 1744, in-folio, et dans la même ville,
en 1782, in-4''. Elle est reproduite dans le
tome LI= de la Patrologie latine.']
Les œuvres authentiques de saint Prosper
ont été traduites en français, par Lequeux,
Paris 1762 , in-12. Le poème contre les In-
grats , donné en français par Lemaistre de
Sacy, Paris 1646, a été souvent réimprimé,
en particulier en 1650, avec la traduction en
prose de la lettre à Rufîn, par le même.]
CHAPITRE Xill.
Saint Maxime, évêque de Turin [écrivain latin].
[Après l'an 405.]
. f;eqa;on 1- Salut Maxime, évêque de Turin, loué peuples les vérités qu'il avait apprises de
MaJm '"'Jo dans Gennade ' pour le don particulier qu'il l'Ecriture dont il faisait son étude ordinaire.
avait de parler sur-le-champ, enseignait aux II assista, en 451, au concile de Milan * as-
' Gennad., de Vir. illust., cap. XL.
• Toiu. I opor Léon., pag. 292.
320
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Ses Iiomû
liei, tom.Vl
semblé par l'évêquc saint Eusèbe, et à celui
que le pape Hilaire * tint à Rome en 465 ; il
est nommé le premier après le pape dans ce
concile : honneur qu'on lui déféra apparem-
ment ou pour sou grand âge, ou pour sou
mérite personnel. 11 protesta dans cette as-
semblée qu'il 2 ne pouvait mieux marquer
son sentiment sur l'obsei'vation des canons,
touchant l'ordination des ministres de l'E-
glise, qu'en déclarant qu'il les observerait
toujours inviolablement. C'est tout ce que
nous savons de la vie et des actions de ce
saint évêque. Gennade dit qu'il florissait sous
le règne d'Honorius et de Théodose le Jeune.
11 y a des éditions où, au lieu de florissait,
on lit, il mourut ; ce qui ne peut se soutenir,
puisqu'Honorius mourut en 423, et que saint
Maxime vivait encore en 465.
2. Nous avons un grand nombre d'homé-
Sio'r'pà- lies de saint Maxime , imprimées à Paris en
1639, avec les œuvres de saint Léon, et de-
puis dans la Bibliothèque des Pères, à Lyon, en
1677 [et dans le LVIIP volume de la Patrologie
latine.] Comme elles sont toutes d'un même
style et qu'elles se rappellent l'une l'autre,
on convient qu'elles sont d'un même auteur,
Gen„..ioVi- c'est-à-diro de saint Maxime de Turiu, à qui
rap. XL. ■ elles sont attribuées par Gennade ; elles n'ont
rien de bien remarquable, ni pourl'élocution
ni pour les choses qu'elles renferment. L'au-
teur y explique ordinairement l'Ecriture dans
un sens moral et allégorique. Il y en a deux
sur l'Avènement de Jésus-Christ, qui furent
prêchées les deux dimanches avant la fête
de Noël ; une sur la veille de cette fête, et
six sur la fête même. Il dit dans la première
que si nous ne pouvons pas comprendre la
manière dont nous sommes formés, ni com-
ment les choses que Dieu a faites pour nous,
sont créées, c'est une folie à nous de vouloir
approfondir le mystère de la naissance de
Jésus-Christ. « Croyons donc, dit-il, et con-
fessons que le même qui est né Dieu de Dieu
le Père, a été fait homme en naissant d'une
Tom. v[ vierge; ce que la raison ne peut comprendre
tîLml'pag.^B.' la foi doit nous le faire connaître. » Il distin-
gue dans la troisième trois naissances admi-
rables : la première est celle d'Adam, qui fut
formé du limon ; la seconde est celle de la
femme, qui fut tirée de la côte de l'homme ;
et la troisième celle de Jésus-Christ, qui est ^ibiiôai' vJ-
né d'une vierge. Il est besoin du secours de ^""^' v's-^-
la foi pour s'assurer de ces trois naissances.
La raison n'y comprend rien. Il remarque
dans l'homélie sur la Circoncision, que les
premiers jours de chaque mois étaient pro-
fanés par des usages qui tenaient des an-
ciennes superstitions, particulièrement celui
de janvier, qui commençait la nouvelle an-
née '. On croyait de son temps qu'au jour
de l'Epiphanie, Jésus-Christ avait été adoré
par les mages ; qu'il s'était trouvé le même
jour aux noces de Cana, et qu'en ce même
jour il avait été baptisé par saint Jean. Saint
Maxime ne décide rien * sur ce fait, se con-
tentant de remarquer qu'il était fondé sur
une ancienne tradition ^. Nous avons de lui
sept homélies sur la Fête de l'Epiphanie, et
une huitième sur la grâce du baptême.
3. 11 dit, dans l'homélie sur le Jour des suiio des
y-, j 1.11 'A . , homélies, p.
Cendres, que celui-là ne jeune pomt pour u.
Dieu , mais pour les hommes , qui jerlne par
ostentation. On voit par cette homélie qu'on
lisait en ce jour, comme nous faisons encore,
l'évangile tiré du chapitre vi de saint Mathieu .
Il y a quatre homéhes sur l'évangile que nous png. v, h
lisons le premier dimanche de Carême. La
morale ordinaire est que, pour rendre le jeûne
agréable à Dieu , il faut l'accompagner des
bonnes œuvres , surtout de l'aumône. Dans
l'homélie sur le Dimanche des Rameaux, il ex-
plique le psaume xxi% qui renferme une pro-
phétie des diverses circonstances de la pas-
sion de Jésus-Christ. L'homélie suivante est is.
touchant le jugement que Pilate rendit dans
la cause de Jésus-Christ accusé par les Juifs.
Saint Maxime y fait un parallèle de ce juge-
ment avec celui que Daniel rendit en faveur
de Suzanne. Pilate reconnaît l'innocence de
Jésus-Christ, et toutefois il le livre entre les
mains des Juifs. Daniel, au contraire, sachant
que Suzanne était innocente, la délivre des
1 Tom. IV ConciL, pag. 1063.
2 Maximus episcopus Ecclesiœ Turitûnce, dixit :
« In custodiendis omnibus quœ ad sacras ordinationes
pertinent, disciplinis, melius sententiœ meœ profes-
sione denuntio nihil a me unquam eorum quœ prohi-
bita sunt esse faciendum. » Tom. IV Concil., pag. 10G3.
3 Novum annum januarias appellant calendas, cum
vetusto semper errore et horrore sordescant. Homil. i
in Epiphan., pag. 8.
* Sed quid potissimum prœsenti hoc factum sit die,
non oit ipse qui fecit. Pag. 8.
^ Sicut posteritati suœ fidelis mandavit antiquitas,
hodie Salvator huniani generis cœlestibus oslensus in-
diciis, a Chaldœis est adoratus. Hodie Christus beafi
Joannis ministerio fluenta Jordanis benedictione pro-
prii baptismatis conservavit. Hodie etiam invitatus
ad nuptias, aquas in vinum vertit. Homil. 6, pag. 12.
Pas. 10.
[V^ SIÈCLE.] CHAPITRE XIII. — SAINT MAXIME , ÉVÊQUE DE TURIN.
mains de ses accusateurs. Pilale a beau laver
ses mains, il ne peut laver le crime qu'il
321
22.
commet en livrant l'innocent au supplice.
Saint Maxime fit une autre Iiomélie sur ce
sujet; mais il en emploie une partie à expli-
quer la trahison de Judas. Il y en a une en-
tière sur ce traître et sur la mort funeste qui
fut la peine de sou crime. II traite , dans les
quatre suivantes , de la passion , de la croix
et de la sépulture du Sauveur. Dans la der-
nière il explique la réponse qu'il fit à la Ma-
deleine qui venait le chercher dans le tom-
beau. 11 y en a deux sur le Bon Larron. Il dit,
dans la première, que la raison pour laquelle
ce voleur reçut si tôt le pardon de ses crimes,
c'est que , outre le regret qu'il en sentit en-
tièrement, il confessa que celui qui était atta-
ché à la croix comme lui était le Christ, et
qu'il reconnut que s'il soutirait, c'est qu'il
voulait bien souffrir. « Celui-là , dit ce père,
ne mérite-t-il point le paradis, qui ne regarde
point la croix de Jésus-Christ comme un
scandale, mais comme une vertu qui doit
sauver tout le monde ? Le sang qu'il lui voit
répandre n'empêche pas qu'il n e le croie Die u .
C'est donc !a foi du bon larron qui l'a sauvé,
caria foi couvre les péchés; c'est elle qui
détruit les crimes et qui des coupables en fait
des innocents. La grâce de la foi est plus
grande que ne sont les crimes que l'on a
commis, et il y a plus de mérite à espérer le
pardon du Sauveur, que d'iniquité dans les
actions criminelles dont on s'est souillé. » Il
continue, dans la seconde homélie, à relever
la foi du bon larron et à montrer qu'elle fut
la cause de son salut. Les deux homélies sur
la Chute et la Pénitence de saint Piey^re, font
voir que l'amour de cet apôtre pour son
Maître fut si grand, qu'il effaça toute l'énor-
mité du crime qu'il avait commis en le renon-
çant. L'orateur explique de saint Pierre ces
paroles de Jésus-Christ : Sur celte pierre je
bâtirai mon Eglise. «Il est, dit-il ', appelé
Pierre, parce qu'il a le premier posé les fon-
dements de la foi chez les nations, et que,
semblable à un rocher ferme et immobile, il
soutient le poids et l'assemblage de l'édiflce
chrétien. »
4. Saint Maxime a fait cinq homélies sur
la Fête de Pâques. Il trouve , dans le sacrifice
d'Abraham, la figure du double sacrifice de
Jésus-Christ. Isaacest mis sur l'autel pour y
être otfert; mais dans le moment, au lieu
d'isaac , Abraham sacrifie un bélier. Le Fils
unique de Dieu est offert , et le premier-né
de la Vierge est immolé. Les deux natures ^
adorables du Rédempteur sont donc figurées
dans le sacrifice d'Abraham. L'homélie inti-
tulée : des Litanies, est pour montrer l'effica-
cité du jeûne et de la prière , ce que saint
Maxime fait en rapportant ce qu'on lit dans
le prophète Jonas de la pénitence des Nini-
vites. Il parait, par la première ' des trois ho-
mélies sur la Fête de la Pentecôte, que l'on
jeûnait la veille, de même que pour celle de
Pâques, et qu'on les passait l'une et l'autre
en priant toute la nuit.
3. A la suite des homélies sur les Mystères
on a mis celles qui sont à la louange des
saints. La première e^X sur saint Etienne ; elle
roule principalement sur le pardon des in-
jures et l'obligation d'aimer ses ennemis. « Je
ne puis, dira quelqu'un, aimer, celui qui me
persécute cruellement chaque jour. » — «Qui
que vous soyez, répond saint Maxime, vous
faites attention à ce qu'un homme vous fait, et
vous ne considérez pas ce que vous avez fait à
Dieu. Les fautes que vous avez commises en-
vers Dieu sont sans doute plus considérables
que celles dont vous vous plaignez de la part
de votre ennemi. Pourquoi ne remettez-vous
pas une petite oflense afin que Dieu vous en
pardonne une grande ? »
La seconde est sur sainte Agnès. Ce que saint
Maxime en dit est tiré en partie des faux actes
de cette sainte , ce qui a fait douter à quel-
ques-uns qu'il fût auteur de cette homélie ;
mais puisqu'on convient que ces actes sont
faits avant la fin du vu" siècle , et qu'on n'a
point de preuves qu'ils n'aient été faits plus
tôt , il n'y a pas plus d'inconvénient à dire
qu'ils ont été cités dans le v'' siècle par saint
Maxime , que de reconnaître qu'ils l'ont été
dans le ix'' par saint Aldelme *. Il y a trois
homélies sur saint Jean- Baptiste. Sanctifié
dans le sein de sa mère, il n'a point été sujet
dans sa naissance aux pleurs et aux larmes
que répandent dès ce moment tous les autres
Pag. 27.
' Petra diciiuret quocl primus in nationibus fidei fun-
damenla posuerit, et tanc/uam saxiim immobile iotius
operis christiani compagem molemque coniineaf. P. 24.
- Gemina hic tidorandu substantia Redemptoris os-
tenditur. Honiil. i in Pasclia, pag. 24.
3 Tune enim sicut modo fecimus, jejimavimus sab-
batho, vigilias celebravimus, orationibus pernoctan-
fer instiiinms. Homil. \ in Pmlecot., pag. 28.
'' Aldelmus, de Laudibus virginilatis. Gap. xxv.
2i
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Tom. ITop.
Ambros. pj
A6S,
pead.
Ap.
Pag. /,(>.
Homélies
suivantes.
322
enfants des hommes. Il venait lenr annoncer
un sujet de joie; c'est pour cela quje l'on fait
dans toutes les Eglises du monde la fête de
sa naissance. On célèbre de même celle du
martyre des apôtres saint Pierre et saint Paul,
que saint Maxime appelle les pères de toutes
les Eglises. Nous avons de lui cinq homélies
à leur honneur; il en a fait trois si»' le Mar-
tyre de saint Laurent, et deux à la louange de
saint Eusèbe, évêque de Verceil. Il établit'
clairement , dans la première , la foi de Fin-
carnation, faisant voir que Jésus -Christ est
Dieu par nature et homme par nature. Dieu
parfait et homme parfait. 11 y établit aussi -
la trinité des personnes en une seule nature
ou substance. La seconde a beaucoup de res-
semblance avec une homélie en l'honneur du
même saint, donnée parmi celles qui ont
porté quelquefois le nom de saint Ambroise.
Il y a toutefois cette diûërence, que celle attri-
buée à saint Ambroise a été prononcée dans
l'église même de Verceil, dont il n'est rien
dit dans l'homélie de saint Maxime. L'auteur
donne de grands éloges à saint Cyprien dans
les deux homélies faites le jour de sa fête. Il
relève surtout son savoir et son éloquence.
L'homélie sur saint Michel est une explication
de l'évangile qu'on lit au jour de sa fête. 11
parait, par l'homélie sur les saints martyrs
Octavius, Aventitius et Solutor, que l'on avait
leurs reliques à Turin, et que c'était dans cette
ville-là même ^ qu'ils avaient répandu leur
sangpourla foi de Jésus-Christ. Saint Maxime
profite de toutes ces circonstances pour rani-
mer la piété de ses peuples et les porter à
rendre à ces martyrs le culte qu'ils leur de-
vaient. Il les assure * que ces saints intercè-
dent pour eux, qu'ils les protègent pendant
qu'ils sont en ce monde , et qu'ils les l'ece-
vront au sortir de cette vie. La dernière ho-
mélie sur les saints regarde les martyrs en
général.
6. Les suivantes sont sur divers points de
morale, excepté la première, qui est une ex-
pUcation du symbole des apôtres. On le fai-
sait apprendre à ceux que l'on destinait au
baptême , afin qu'il leur servît de signe dis-
tinctif , soit parmi les hérétiques , soit parmi
les infidèles. Dans les deux homélies intitu- i
lées : des Actions de grâces après le repas, saint
Maxime reproche à la plupart des chrétiens
de ne penser , lorsqu'ils se lèvent , qu'à ce
qu'ils mangeront à diner, et de se coucher
aussitôt après leur repas, sans songer à ren-
dre grâces à celui de qui ils ont reçu de quoi
boire et manger. Il veut qu'en se levant le
matin, on commence la journée par rendre
grâces à Dieu qui nous a conservé la nuit,
et que les œuvres de la journée soient tou-
jours précédées de quelques actions de piété.
Il veut encore qu'à chaque action nous fas-
sions sur nous le signe de la croix, et il dit à
ceux qui l'écoutaient : « Lorsque vous étiez
encore engagés dans les erreurs du paga-
nisme, n'aviez-vous pas coutume de recher-
cher quel signe pourrait faire réussir vos
affaires? Il n'est point question maintenant
de vous tromper dans le nombre de ces signes.
Sachez que la prospérité dans toutes choses
est en sîtreté dans le seul signe de Jésus-
Christ. Celui qui aura commencé de semer
dans ce signe, aura le fruit de la vie éter-
nelle. » Il prescrit, pour la prière du soir, le
chant des Psaumes, et dit que non-seulement
la raison doit nous engager à chanter les
louanges du Créateur, mais que l'exemple
même des oiseaux doit encore nous en être
un motif, puisque nous voyons qu'au lever
du soleil et avant de sortir de leurs nids, ils
chantent les louanges de celui qui les a créés,
et que le soir ils lui rendent grâces en la ma-
nière qu'ils le peuvent. Dans la première des
deux homélies sur l'Avarice, ce saint évêque
en détourne les fidèles en leur proposant d'un
côté le désintéressement des premiers chré-
tiens chez qui tous les biens étaient communs,
et de l'autre l'exemple d'Ananie, dont l'atta-
chement aux richesses fut puni de mort. Il y
a aussi deux homélies sur l'Aumône et une
sur l'Hospitalité. Dans la seconde sur l'Au-
mône, il applique à l'eau du baptême ces pa-
roles du prophète : Comme l'eau éteint le feu,
i Christus natura Deus, et natura homo, in uti-ogue
verus, in uiroque perfeclus est. Homil. de S. Euseb.,
pag. 38.
2 Legerat dixisse Dominum : Ego in Paire, et Pater
ia me est. Sciens in hac doctrina personarum esse
distinctionem, non naturœ disfantiam, Patris Filiiqtie
ejus, qui non unus, sed unum sunt. Ibid., pag. 39.
3 Cum omnium marbjrum diserlissime natalem ce-
lebrare debemus, tum prœciptie eorum solemnitas iota
nobis veneratione curanda est, qui in noslris domici-
liis proprium sanguinem fuderttnt. Homil. de SS. Oc-
tavia et Aveniiiio, pag. 41.
^ Cuncti igiiur martyres percolendi sunt, sed spe-
cialiter ii venerandi sunt a nobis, quorum reliquias
possideinus. llli enim nos orationibus adjuvant... in
corpore nos viventes custodiunt, et de corpore receden-
tes excipiunt. Ibid., pag. 41.
[v SIÈCLE.] CHAPITHE Xni. — SAINT MAXIME, ÉVÉQUE DE TURIN.
de même l'aumône éteint le péché. C'est pour-
quoi il dit que l'aumône est comme un autre
baptême, et qu'elle a même cet avantage
sur le baptême , en ce que ce sacrement
ne pouvant être donné qu'une fois, ne peut
aussi effacer qu'une fois nos péchés, au lieu
que nous en méritons le pardon toutes les
fois que nous faisons l'aumône. L'homélie
sur l'Eclipsé de lune fut faite à l'occasion d'un
abus qui régnait dans le peuple de Turin, qui
poussait des cris lamentables lorsqu'il arrivait
une éclipse de June. Saint Maxime, après
avoir repris souvent les fidèles sans qu'ils se
corrigeassent, fit un discours pour leur mon-
trer que ce défaut dans la lune n'avait rien
que de naturel , en sorte que cet astre n'en
souffrait rien, comme ils se l'imaginaient
faussement. La dernière homélie est sur ces
isnï.i. paroles d'Isaïe : Vos cabaretiersmèlerd de l'eau
dans leur vin. Il en fait l'application à ceux
qui, étant engagés dans le sacré ministère de
l'épiscopat , en négligent les fonctions pour
s'occuper des plaisirs du monde.
7. Outre les homélies de saint Maxime , im-
primées dans le tome VP de la Bibliothèque
des Pères, il y en a beaucoup d'autres dans
l'appendice du tome IP des œuvres de saint
Ambroise , qu'on croit être de l'évêque de
Turin. On met de ce nombre les huitième,
neuvième, dixième, onzième et douzième sur
l'Epiphanie; la seizième, qui est une explica-
tion de l'évangile de la main sèche guérie au
jour du sabbat; les dix-huitième, dix-neuviè-
me,vingtième,vingt-unième, vingt-deuxième,
vingt-septième, vingt-huitième et trente-troi-
sième, sur le Jeûne du Carême; la trente-sep-
tième, sur les Œuvres admirables de Jésus-
Christ; la trente-huitième, sur la Grâce du
baptême; la trente-neuvième, sur la difficulté
que les riches ont de se sauver ; la quarante-
septième, sur la différence qu'il y a entre Sa-
lomon et les autres prophètes ; la quarante-
neuvième, sur la Fête des martyrs saint Can-
tius, saint Cantianus et saint Cantianilla ; la
cinquante-septième, sur saint Eusèbe de Ve?--
ceî7;la cinquante-huitième, sur saint Cyprien;
les soixante-unième et soixante-deuxième,
sur les Martyrs en général. La plupart de ces
homélies avaient été attribuées à saint Am-
broise, parce qu'on y trouve plusieurs en-
droits copiés de ses ouvrages mot à mot, sur-
tout de ses commentaires sur saint Luc; mais
on aime mieux les donner à saint Maxime,
dont quelques-unes portent le nom dans di-
vers manuscrits; elles sont d'ailleurs d'un
323
style qui approche plus du sien que de celui
de saint Ambroise.
8. Dom Mabillon en a trouvé jusqu'à qua-
tre-vingt-dix-sept dans un manuscrit de Saint-
Gai , qu'il croit être de saint Maxime de Tu-
rin, et quelques autres dans un manuscrit de
Milan ; quoiqu'il y en eût vingt-une dans ce
nombre qui n'avaient pas encore été données
au pubhc, il n'en a fait imprimer que douze,
dont il prouve l'authenticité par le témoi-
gnage de Gennade et par quelqu 'autre raison.
Les deux premières sont sur le prophète Eh-
sée; on y voit que les habitants de Turin,
effrayés àl'approche des Barbares, songeaient
à s'enfuir. Saint Maxime les détourne de ce
dessein, les assurant que, pourvu qu'ils corri-
geassent leurs mœurs, ils trouveraient dans
Dieu une protection qui les mettrait à cou-
vert des insultes de l'ennemi, parce que
l'ange du Seigneur délivre des dangers ceux
qui craignent Dieu. «Celui-là, leur dit-il, ne
doit point appréhender les armes des Bar-
bares, qui craint le Sauveur et qui observe
ses préceptes. Les armes qu'il nous a mises
eu main pour nous défendre, sont la prière,
le jeûne et les œuvres de miséricorde. Le
jeûne nous défendra mieux que ne feraient les
murailles; la miséricorde aura plus d'efltl
que la rapine , et la prière portera plus loin
ses coups que les flèches. » Ces deux homé-
lies ont été j'éimprimées dans l'appendice du
tome I" des œuvres de saint Ambroise ; on
peut les rapporter à l'an 432 , auquel Attila,
l'oi des Huns , après s'être rendu maître de
Milan, était en état de jeter l'effroi dans tout
le reste de la Ligurie. La troisième est sur le
même sujet. Saint Maxime y fait voir que le
salut de la ville dépend de Dieu, et que pour
se mettre en état de sauver la vie aux autres,
il faut travailler à son propre salut. La qua-
trième est encore parmi les sermons attri-
bués à saint Ambroise. Elle est intitulée ; des
Ninivites. Il y en a une sous ce titre dans le
tome VP de la Bibliothèque des Pères. Celle-ci
la rappelle dès le commencement; et comme
Gennade dit que saint Maxime en avait fait
sur ce sujet, on ne doute pas qu'elles ne soient
toutes les deux de ce père. Gennade parle
aussi des homélies de saint Maxime sur les
Calendes de janvier. Outre celle qui est sous
ce titre dans la Bibliothèque des Pères, dom
Mabillon en a donné une qui parait en être
la suite. C'est la cinquième de son recueil.
Saint Maxime y invective contre les débau-
ches de ce jour, qu'il dit être un reste du pa-
AHtr03 lio-
niélio3 do
s:iînt Maxi-
me, ïom. I
Musrpi lulîci
Mabillun. p. 9
et seq.
Pag. 14.
Oennad. de
Vlris illuslr.
cap, XL,
Pag. n.
324
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ganisme. Il y parle des étrennes qu'on se don-
nait mutuellement dès le grand matin du
premier jour de l'année, et des marques d'a-
mitié dont on les accompagnait, auxquelles le
cœur n'avait souvent aucune part. Il se plaint
que tel qui, dans ce jour, portait beaucoup à
la maison du riche, était venu le jour de Noël
)9. à l'Eglise sans y rien apporter. La sixième,
qui est sur l'Eclipsé de lune , suppose un dis-
cours sur la même matière. Nous en avons
parlé plus haut. Saint Maxime donne de
grandes influences à cet astre sur les élé-
ments de la terre. Il lui attribue l'accroisse-
ment et le décroissement des eaux de la mer,
selon qu'elle croît elle-même ou qu'elle di-
minue. Les trois homélies suivantes sont sur
23. la Naissance du Sauveur. Nous en avons déjà
marqué six sur la même fête. Gennade n'en
fixe point le nombre. Dom Mabillon trouve
dans les trois qu'il a données plus de suc et
d'onction que dans les autres; mais les pen-
sées en sont à peu près les mêmes. Ce qu'on
y lit des débauches et des superstitions des
calendes de janvier a aussi beaucoup de rap-
port aux deux homéhes sur ce sujet, qu'on
27. ne doutepas être de saint Maxime. La dixième
est intitulée : des Hérétiques qui vendent l'ab-
solution des péchés. Saint Maxime ne dit point
quels étaient ces hérétiques, seulement il
marque que leurs chefs prenaient la qualité
de prêtres, et que lorsque quelques laïques
venaient se confesser à eux de quelques cri-
mes, ils ne leur disaient pas : Faites péni-
tence, pleurez vos péchés; mais : Donnez-
moi tant pour ce péché, et il vous sera remis.
29. La onzième est contre les clercs qui trafi-
quaient. Saint Maxime leur permet , comme
aux autres, une espèce de trafic, qui est
celui de l'aumône. « Ce que vous donnez à
un ami , périt pour vous; il en est de môme
de ce que vous laissez à vos héritiers. Mais
ce que vous donnez à un pauvre ne périt
point; ce pauvre vous sera utile au jour du
jugement, au heu que vos amis et vos héri-
tiers ne vous y seront d'aucune utihté. » La
30. douzième est sur la Sépulture du corps de Jé-
sus-Christ. Il paraît que saint Maxime la prê-
cha en présence de plusieurs évoques assem-
blés apparemment au concile à Turin même.
Il y relève beaucoup l'éloquence d'un évêque
qui avait fait la veille l'éloge des apôtres. Les
titres de grand pontife, de père, qu'il donne
à cet évêque, font croire que c'était l'évêque
de Milan , chef du concile et de la province;
ce qui peut se confirmer parce qu'il ajoute que
cet évêque ayant l'honneur de la primauté de
l'épiscopat, il n'était pas surprenant qu'il fût
aussi le premier de tous par son éloquence'.
9. Le P. Mabillon n'ayant pas donné toutes
leshoméhesdesaintMaxime de Turin, d'après
le manuscrit de la Bibliothèque Ambro-
sienne àMilan^M.Muratori en afait imprimer
un grand nombre tirées du même manuscrit,
écrites en lettres longobardiques, il y a plus de
mille ans. Les premières homéhes de ce ma-
nuscrit sont surla Pâque^, et il y en a dix. Dans
la quatrième, saint Maxime s'exprime claire-
ment sur le mystère de l'incarnation , disant
que le Fils de Dieu, sans déroger en rien aux
propriétés de sa nature divine , a pris la na-
ture humaine, et que l'union de ces deux na-
tures s'est faite sans qu'elles aient été con-
fondues, chacune ayant, depuis l'union, con-
servé ses propriétés. En expliquant, dans la
sixième, ces paroles de Jésus-Christ sur la
croix * : Mon Père, pardonnez-leur; ils ne savent
ce c^u ils font, il dit: «Les Juifs savaient bien
qu'ils répaudaientle sang d'un innocent, mais
ils ne savaient pas que les péchés de tous
étaient eft'acés par ce sang. Ils savaient bien
qu'ils faisaient soutîrir à Jésus-Christ le cruel
supplice de la croix, mais ils ne savaient pas
que Jésus-Christ triomphait par la croix. Ils
savaient qu'il devait mourir, mais ils igno-
raient qu'il dût revenir d'entre les morts. »
La dixième ^ est employée à démontrer que
si Jésus-Christ a tout soufl'ert comme homme,
il pouvait tout comme Dieu, et qu'il l'était
véritablement. Saint Maxime en donne pour
preuves la guérison miraculeuse du fils du
centenier et la résurrection du fils unique do
la veuve de Naïm , de la fille du prince des
prêtres et de Lazare, mort et enterré depuis
quatre jours. L'homélie suivante est en l'hon-
neur des martyrs en général ^ H y dit, en
parlant des morts qui ressuscitèrent à la pas-
sion de Jésus-Christ et entrèrent dans la sainte
cité, qu'il n'est pas impossible que ces morts
soient sortis de leurs tombeaux saris les ou-
vrir, puisqu'on avait un exemple de l'apôtre
Autres bo-
m é 1 i c s do
siint M^ixi-
me de Turin.
1 Dom Martène a publié six autres discours de
saint Maxime, d'après le inaiiuscrit de Saiut-Gall,
transcrits par Mabillon et non encore publiés.
(L'éditeur.)
2 Tom. III Ânecd. Muratori, Patav., 1713, p. 6.
3 Muratori, tom. lit ^raecrfoi., Patav.,1713, pag. 11.
4 Pag. 15.
•' Pas. 23. — s Pag. 20.
CHAPITRE XIII. — SAINT MAXIME, ÉVÉQUE DE TURIN.
[y SIÈCLE.]
saint Jean ' qui, après avoir été mis dans le
tombeau, en était sorti sans l'avoir ouvert.
Il y a trois homélies sur la Fête de l'Ascension
et six sur la Fête de la Pentecôte. Saint Maxime
dit, dans la troisième, que Dieu permet que
l'Eglise soit persécutée par la main des im-
pies, non afin qu'elle périsse au milieu des
supplices et des tourments, mais afin de ia
rendre plus belle par le sang des martyrs et
leurs victoires sur les persécuteurs. Il établit,
dans la sixième , la virginité perpétuelle de
Marie ^. Il semble que l'homélie qui a pour
titre : Des cinq pains et des deux petits poissons,
fut prononcée pendant la solennité de Noël ^.
Des neuf homélies sur saint Jean-Baptiste,
rapportées dans le manuscrit de Milan, M. Mu-
ratori n'en a donné que trois et une partie de
la quatrième ^, parce que les autres avaient
été imprimées parmi les œuvres de saint Am-
broise et de saint Maxime. 11 en a usé de même
à l'égard des homélies sur la Fête des apôtres
saint Pierre et saint Paul, de saint Laurent, de
saint Cyprien , de saint Eusèbe de Verceil , de
saint Octavius et de plusieurs autres, pour ne
point donner deux fois la même chose. Le
quatrième discours sur saint Cyprien ^ est
commun au pape saint Corneille, dont on cé-
lébrait la fête le même jour; ceux en l'hon-
neur de saint Eusèbe de Verceil contiennent
aussi réloge des Machabées, parce que leur
fête se célébrait en même temps à Verceil.
Il est marqué, à la marge des panégyriques
de saint Eusèbe ^, que l'auteur était né à Ver-
ceil, et il le dit clairement dans le huitième.
S'ils sont de saint Maxime, comme il y a lieu
de le croire, on connaîtra par là sa patrie,
qu'on n'a pas connue jusqu'ici. Mais on ne
peut guère lui attribuer les deux homélies
sur les martyrs Alexandre, Sisinnius et Marty-
rius, puisque l'auteur dit qu'ils avaient souf-
fert de son temps ^. Or, ils furent martyrisés
dansl'Anaunie, en 397, et saint Maxime vivait
encore en 465. On voit par les discours in-
titulés : Qu'il faut ôter les idoles de ses hé-
ritages, que du temps de saint Maxime l'i-
dolâtrie avait encore beaucoup de partisans,
mais surtout dans les campagnes, où il y avait
32S
des autels de bois et des simulacres de pierre,
et que les paysans conservaient dans leurs
maisons plusieurs marques de superstilions
païennes. Ce qui confirme en quelque ma-
nière l'opinion de ceux qui veulent qu'on n'ait
donné auxpaïenslenomde/'rt^anî que depuis
que l'idolâtrie, bannie des villes par les em-
pereurs chrétiens, s'était réfugiée dans les
villages, où l'on avait en beaucoup de peine
à la détruire. Los trois homélies suivantes ^
regardent les devoirs des pasteurs et l'obli-
gation où ils sont de reprendre avec force les
pécheurs incorrigibles. Saint Maxime traite
la même matière dans les cinq derniers dis-
cours. Il y parle aussi de la charité frater-
nelle et de la compassion que les riches doi-
vent avoir pour les pauvres. Ces paroles de
l'Evangile : Entrez par la porte étroite, lui
donnent lieu d'expliquer ce que c'est que la
voie large, et d'en montrer les dangers^.
10. Gennade met parmi les œuvres de saint „ Livre du
■*■ Baptême,
Maxime un livre delà Grâce spirituelle du ban- ^.?'i'""'::, ■''=
i i \lris ll'ust.
téme. Quelques-uns ont cru que c'étaient les "p- ^'■•
six livres des Sacrements , attribués quelque-
fois à saint Ambroise. Ils se trouvent joints
en effet aux sermons de saint Maxime dans
un manuscrit d'environ mille ans; maisilsn'y
sont pas sous le nom de saint Maxime, et
l'autorité de Gennade, au lieu d'approuver ce
sentiment, lui est défavorable. Le livre dont
il parle ne traitait que de la grâce spirituelle
du baptême. Celui des Sacrements traite en-
core de la grâce que l'on reçoit dans les sa-
crements de confirmation et d'eucharistie.
Gennade ne parle que d'un livre. Il y en a six
dans le traité des Sacrements . Il faut ajouter
que le style de cet ouvrage ne vaut pas celui
de saint Maxime ; il est moins net et moins
exact.
[H. On désirait depuis longtemps une édi-
tion complète des œuvres de saint Maxime
de Turin. Galland, au tome IX de sa Biblio-
thèque, pag. 349-39o, avait réuni les écrils
publiés par Mabillon, Muratori etMartène '";
mais on ne trouvait point dans cette collec-
tion les sermons publiés dans les Bibliothè-
ques des Pères, et plusieurs manuscrits of-
Voyez lom.
VU,[iag.l06.
[Edition drs
œuvres de
saint Maxime
publiée parle
père Bruno-
Bruui.
' Joannis apnstoli habemus exemplum, quem iumu-
lus susceptum claiidere potuit, custodire non potuit.
Nam depositum corpus perdidit, non absumpsit. Max.,
Homil. de Martyr., pag. 26.
2 Pag. 38. — 3 Pag. 46. — * P.ig. 48.
'' Pag. 67.
6 Pag. 80, 84, 85.
' Tom. VI, pag. 267.
8 Pag. 102.
3 Ce numéro se trouve au tome XVIII de l'an-
cienne édition, où il en formait deux. Nous l'avons
mis à sa place naturelle. [L'éditeur.)
1" Avant cet éditeur, en 1748, on avait déjà publié
il Venise, avec les œuvres de saint Léon, les homélies
et les sermons de saint Maxime. (L'e'diteur.)
326
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES. '
fraient de nouvelles richesses. En 1784, on a
publié à Rome, par ordre du pape Pie VI, une
édition in-folio, de l'imprimerie de la Propa-
gande. On y trouve une dédicace de Pie VI à
Victor-Amédée, roi de Sardaigne ; une pré-
face sur les sources de cette édition et la
doctrine de saint Maxime, sa Vie d'après ses
ouvrages, les témoignages des anciens, une
notice par Schœneman , des fac-similé des ma-
nuscrits. Viennent ensuite les homélies au
nombre de cent dix-huit, avec préfaces et
notes ; les sermons au nombre de cent seize,
une préface sur les traités suivants. Ces trai-
tés se divisent ainsi : trois traités sur le Bap-
tême, un contre les Païens, un contre les Juifs,
vingt-trois expositions sur les chapitres des
Evangiles. Ils sont suivis d'un appendice sur
les ouvrages douteux ou supposés, qui com-
prennent trente et un sermons ' et quatre
homélies, plus une lettre à un ami malade
attribuée aussi à Tertullien; une autre lettre
sur l'Homme parfait, attribuée aussi à saint
Jérôme. Le volume est terminé par deux ta-
bles de matières, l'une sur le texte, l'autre
sur l'appendice.
Cette édition est reproduite au tome LVII
de la Patrologie latine.
iiomiiieseï 12. Los liomélics sont divisées en deux
crmons. classcs ; il y OH a une sur le Temps, qui com-
prend soixante-trois homélies. Les quatre
premières sur la Naissance de Notre- Seigneur,
sont éditées pour la première fois; la pre-
mière, la deuxième, la troisième, la qua-
trième et la sixième, sur l'Epiphanie ; la deu-
xième, la troisième, la quatrième et la cin-
quième, sur le Baptême de Notre-Seigneur,
étaient inédites. La deuxième classe com-
prend d'abord les sermons sur les Saints, au
nombre de dix-htiit ; le sixième est sur la Fête
des apôtres saint Pierre et saint Paul. Vien-
nent ensuite les sermons sur divers sujets,
au nombre de trente-cinq ; il y en a un sur
la Réparation de l'église de Milan, qui était
inédit. Parmi les sermons, il y en a qua-
rante-huit sur le Temps; deux autres, sur la
Fête de la Pentecôte, trouvés dans des ma-
nuscrits français, arrivèrent quand la moitié
du volume était imprimée. On les trouve à la
fin, avant l'appendice. Le troisième, le hui-
tième, le neuvième, le dixième sermon, sur le
Carême; le quatrième, le cinquième, le sixiè-
me, le septième, sur Pâques; le quatrième,
sur l'Ascension, paraissent pour la première
fois.
Les sermons sur les Saints, au nombre de
vingt-sept, comprennent comme inédits le
troisième, le quatrième, le cinquième, le
septième et le huitième sur saint Jean-Bap-
tiste, le deuxième, le troisième et le qua-
trième sur saint Laurent, un sermon sur saint
Etienne, premier martyr; le quatrième, le cin-
quième, le sixième, le septième, sur la Fêfe
de plusieurs martyrs, le sermon sur la Fête de
plusieurs confesseurs. Dans les sermons sur
divers sujets, au nombre de vingt-quatre, on
trouve comme inédits le sermon sur la Pêche
de l'Evangile, celui sur la Femme chananéenne,
celui sur la Correction fraternelle, celui sur
l'Amour de la chasteté, celui contre la Méchan-
ceté de la langue, celui sur les paroles de
l'Evangile : Quis putas major erit in régna
cœlorum'^. Fesseler fait observer que les deu-
xième et troisième sermons sur la Pentecôte
doivent être comptés comme étant les qua-
rante - huitième, quarante - neuvième, cin-
quantième, et que les sermons quatrième, cin-
quième et sixième sur la Pentecôte, sont de
nouveau comptés comme étant les quarante-
huitième, quarante- neuvième et cinquan-
tième, ce qui réduit le nombre des sermons
à cent douze ; mais on doit y ajouter les deux
sur la Pentecôte, découverts plus lard. Il y
aurait donc en tout cent quatorze sermons ;
mais le sermon soixante-septième sur la Fête
de saint Laurent, martyr, n'appartient pas à
saint Maxime; il est de saint Léon-le-Grand
et se trouve le quatre-vingt-cinquième dans
l'édition des œuvres de ce pape par Balle-
rini. Le sermon deuxième de Duobus in lecto
uno , n'est point non plus de saint Maxime ;
il forme la question quarante - quatrième
des Questicns de saint Augustin , livre deu-
xième. Il reste ainsi cent douze sermons;
mais celui sur la Fête de saint Agnès , parait
douteux, quoiqu'il ait pour lui des preuves
extrinsèques assez fortes. Quant aux homé-
lies, la cent huitième, sur ces paroles de saint
Matthieu : Ascendit Jésus, appartient plutôt à
saint Pierre Chrysologue qu'à saint Maxime.
On doit ajouter aux sermons donnés par le
père Bruno, trois autres sermons publiés par
Muratori dans le tome IV de ses Anecdota,
pag. lîl-16, et quelques fragments que l'on
trouve dans le même ouvrage, pag. 97, 98,
1 Plusieurs de ces sermons ont pour auteur saint
Césaire d'Arles. Vid. Bruni, prsefat. Append. oper.
S. Masimij pag. 1-2, elles avertissements mis à cha-
que sermon. — ^Instit. Pair., tom. II, note, pag. 728.
CHAPITRE XIII. — SAINT MAXIME, ÉVÊQUE DE TURIN.
raj 393.
[V= SIÈCLE.]
•101 et 117, et qui ont été laissés de côté dans
l'édition de Rome , sans que l'éditeur en ait
prévenu.
On doit encore observer que la distinction
des homélies et des sermons, telle qu'elle est
donnée par les manuscrits, n'est pas établie
sur des bases très-solides. Le père Bruno,
après avoir cherché à en rendre raison , avoue
lui-même que par homélie et par sermon on
doit entendre la même chose, c'est-à-dire un
traité fait au peuple sur les choses sacrées, et
que les éditeurs et les manuscrits emploient
ces mots l'un pour l'autre. Une autre obser-
vation qu'on ne doit point négliger, c'est que
ces homélies et ces sermons sont quelquefois,
ù cause de la vétusté des manuscrits qui a
détruit plusieurs lettres et même plusieurs
feuilles, plutôt des fragments que des discours
entiers.
13. Les traités attribués à saint Maxime
sont au nombre de cinq, comme nous l'avons
déjà dit. On sait que par traité on entend,
chez les anciens, un sei'mon prononcé devant
le peuple. De fait les ti'ois premiers traités,
qui roulent sur le Baptême, ont tous les ca-
ractères de sermons. Les deux autres, dont
l'un est contre les païens et l'autre contre les
juifs, présentent moins ce caractère, et on y
trouve beaucoup de lacunes et des expres-
sions trop dures, qui ne semblent pas convenir
à saint Maxime dont le langage, au jugement
dupèreBruno, esttoujourstrès-châlié. Cepen-
dant, à cause de la ressemblance du style et
parce qu'on trouve ces traités dans les ma-
nuscrits qui contiennent les homélies et les
sermons véritables de saint Maxime, l'édi-
leur les adjuge à ce père '. Fesseler, sur l'au-
torité d'un juge si compétent, n'ose pas reje-
ter tout-à-fait ces traités; mais il ne trouve
pourtant pas les preuves d'authenticité assez
solides, et préfère regarder ces deux traités
comme douteux ^.
Les vingt-trois expositionsc?e CapitulisEvan-
Oeliorum paraissent également douteuses au
même critique. Il est certain , d'après Gen-
nade ^ et Trithème *, que saint Maxime avait
327
composé des expositions semblables , et ces
auteurs en font un grand éloge; mais il n'est
pas prouvé que celles qu'on lit dans l'édition
du père Bruno, soient l'éellement de saint
Maxime. On n'a trouvé ces expositions que
dans un seul manuscrit do Vérone , qui, à
cause de sa vétusté, a beaucoup de lacunes,
et elles y sont sans nom d'auteurs. Cepen-
dant le père Bruno, à cause de la ressem-
blance de la matière, du style et de la mé-
thode qu'il a cru trouver entre ces exposi-
tions et les écrits de saint Maxime, les attri-
bue avec confiance à cet auteur ^. Mais, dit
Fesseler, ces indices, selon les principes de la
plus saine ci'itique, ne suffisent pas pour les
altribuer sans scrupule à saint Maxime. D'a-
près Gennade s, saint Maxime avait encore
parlé beaucoup et avec sagesse sur les Actes
des apôtres. Ces expositions n'ont pas en-
core vu le jour. Dans les expositions publiées
on trouve les leçons des quatre évangiles,
commentées brièvement avec le sens moral
et allégorique, et souvent ce commentaire
ne manque pas d'élégance. On peut citer la
multiplication des cinq pains (I,IV,X etXXII),
la décollation de saint Jean-Baptiste (III), la
résurrection de Lazare et de la fille de Zaïre,
(XII et V), la guérison de la femme qui souf-
frait d'un flux de sang (VI), celles de la
femme syro-phénicienne (XXI), du sourd, du
muet et de l'aveugle (X), la conversion de la
pécheresse pubhque (XIII), le festin chez
Lévi,aveclespublicainsetlespécheurs(XVIl),
la transfiguration de Jésus-Christ (XV), le
commandement que fait Notre-Seigneur, de
lui amener le petit d'une ânesse pour s'y as-
seoir (XI), les éloges qu'il donne à la veuve qui
avait mis deux deniers dans le trésor (XI),
les paraboles du semeur (III et XX), du pha-
risien et du publicain qui priaient dans le
temple, celles de l'enfant prodigue et de son
frère aîné (XVIII), du riche et de Lazare
(XIX) '. L'auteur de ces expositions se sert
de l'ancienne Italique , et il aime à montrer
à ses auditeurs l'allégorie des deux peuples,
du juif et du gentil. ■
' Vid. Bruni, prœfat., part, i, not. 28, et not. cod.
mss., pag. CLXXXIII-IV, et préf. sur ces traités, pag.
701-6.
2 Vid. Fesseler, Insiit. Pair., tom. II, pag. 729,
note. — ^ De Script, ecchs., cap. xL.
* De Script, eccles., cap. cxxiil.
'- Vid. P. Bruni, prEefat. in Oper. S. Maximi, pag.
XXXVII-VIII et pag. GLXXX etl'^rff/w«ii!one/?7,pag.
751.
6 De Script, eccles., cap. XL.
' L'auteur y expose aussi les endroits les plus dif-
ficiles de saint Matthieu, vi, 14-15 (XIV), de saint Marc
XI, 27-32 (VII), de saint Luc, xil, 49-53 (XVI), de saint
Jean, vn, 37-38 ; xjv, 6 avec saiut Matthieu, v, 29 (ir,
confer. VI). Le fragment sur les noms des douze apô-
tres (XXIII) n'a pomt la gi'avité, la clarté, l'élégance
de saint Maxime. (L'e'dileur.)
328
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
jugoinont 14. Saint Maxime a toujours été en grande
modo Turin, considéralion dans l'Eglise, et les rédacteurs
du Bréviaire romain en ont tiré plusieurs le-
çons. Il est remarquable par l'abondance de
sa doctrine et son éloquence naturelle; il plaît
à ses lecteurs par la pureté de son langage ;
il les tient enchaînés par la finesse de ses
sentences et par la gravité de son discours ;
s'appuyant sans cesse £ur les saintes lettres,
il apporte continuellement en preuve les pa-
roles de la sainte Ecriture selon l'ancienne
italique ou sa propre version faite sur le
grec, et il commente avec une merveilleuse
facilité; enfin, à peine allègue-t-il un pas-
sage de la sainte Ecriture sans en déclarer
à ses auditeurs le véritable sens et la force
probante, ne se contentant point de frapper
seulement les oreilles par le son du Verbe
divin, mais pénétrant surtout les âmes par
sa vertu intérieure et imitant fréquemment
saint Augustin et saint Ambroise, alors les
plus célèbres docteurs et orateurs de l'Eglise
latine. Ses discours sont courts, et quelque-
fois, quand la fécondité du sujet le demande,
il revient à la matière traitée la dernière fois.
Ecrivant généralement avec perfection, avec
abondance, élégance et vigueur, il s'attache
constamment dans ses discours à la foi sainte
transmise par les pères, et déposée dans le
sein de l'Eglise catholique par le moyen du
Siège de saint Pierre. Il brise les erreurs
non-seulement de son époque, mais encore
celles de la nôtre avec autant d'éloquence
que de solidité '.
i3. Le père Bnmo, dans la deuxième partie Docirincdc
de la pretace, expose longuement la doctnne
de saint Maxime sur la Trinité, l'Incarnation,
les différents mystères de la vie de Notre-
Seigneur, sur son baptême, ses miracles, sa
prédication, sa passion, sa mort, sa sépul-
ture, sa résurrection, son ascension ; sur la
sainte Vierge, sa perpétuelle virginité, sa
sainteté, sa plénitude de grâce. Sur tous ces
points, le saint évoque s'exprime d'une ma-
nière très-orthodoxe. Il en est de même par
rapport aux moyens de salut, aux ornements
très-grands et très-considéi'ables qui ont été
procurés à tout le genre humain par le bien-
fait de l'incarnation, de la passion et de la
mort du Sauveur. On y voit qu'Adam n'a pas
été créé mortel; c'est par sa faute qu'il a in-
troduit dans le monde le péché originel, et
par le péché la mort. Jésus-Christ est venu
sauver tous les hommes et rendre les privi-
lèges perdus 2. Saint Maxime, en comparant
le baptême que Jésus-Christ reçut dans le
Jourdain avec le nôtre, décrit la justification
chrétienne, telle que l'a définie plus tard
le concile de Trente ^. Il parle aussi très-
exactement des mérites des hommes *, du
sacrifice de la nouvelle alliance ^, de la
vénération due aux martyrs et de leurs
' Vid. Fesseler, Instit. Patrol., tom. II, pag. 737.
^ Hodie novus ille Adam (Christus) sua nativitate
mirabili nosiram de novo plasmavit naturam , et
quœ veteris Adœ miserahili lapsii fneraf fœdata et
corrupta, pretiosa sua nativitate et lacrymahili morte
reduxit ad viiam. Homil. 8 quse est tertia de Nativitate,
pag. 23. Hodie natus est Christus; sed in nativitate
ejus nostra habel vila tvortalem; qiiia gui privilégia
primœ nativitatis amisimus, visitante nos Christo,
sanctiore partu redimus. Homil. 11, pag. 30. Vide
etiam homil. 29^ pag. 87; homil. 83, pag. 272; serm.
35, pag. 489, serm. 88, pag. 625, homil. 19, pag. 54;
homil. 20, pag. 55 et seq.
3 Justificatio in baptismo ita describitur, ubi baptis-
mus Christi in Jordane cum nostro baptismo compa-
ratur : quia constat Jesum Christum non sui causa
baptizatum esse, sed nostri, debemus gratiam baptis-
malis ejus omni festinalione suscipere, et de fonte
Jordanis, quem ille benedixit , betiedictionem conse-
crationis haurire ut in eum gurgitem, in quam se il-
lius sanctitas lyiersit, quœ Dominum circumdedit et
servulos circumpurget, quaienus ex venerabili Christi
lavacro nobis utida sancta proficiat, et iisdem vesti-
giis atque mysteriis, quibus benedictionem a Salimiore
est mufuata nos fotu beatiore purificet, grutiamque,
quam a Christo suscepit , in christianos refundal.
Ergo, frafres, tingi debemus eodem fonte, quo Chris-
tus, ut possimus esse quod Christus est. î^am quod
salva fide dixerim, licet baptismum uirumque sit
Domini, tanto gi'atius puto hoc baptismum esse, quo
nos abluimus, quam illud, quo Salvator baptizatur.
Hoc enim celebratur per Christum, illud celebratum
est per Joannem. Ad illud Christus sanctus venit,
sanctus egressus est; ad istud peccator venit, et sanc-
tus abscedit. In illo benedictis conferfur mysteriis, in
isto mysteriis débita donanlur... Benique {nunc) iis-
dem sacramentis res agitur, quibus et tune gesta est,
nisi quod gratta pleniore, tune Spiritus Sanctus velut
columbœ specie hominem circumfudit, modo se ininte-
riora hominis ipsa virtute divinitatis infundit. Ple-
nior gratta est ubi Deus non assumpta specie descen-
dit ad homines, sed propria substantia. Serm. 13 de
Gratia baptismi. Cf. concil. Trident., Sess. vn, can. 1,
et Sess. VI, cap. vu.
'• De meritis humants ita loquitur : « Ex eodem luto
corporis nostri Deuspro meritis singulorum alios réser-
vât ad pœnam, alios ad gloriam. Nam quid esse po-
test œquius apud Deum, quam ut quorum in sœculo
fuit vita diversa, eorum post hoc sœculum mérita dis-
tinguanlur? » Homil. 48 et 83. Cf. concil. Trident,
Sess. VI, cap. xvi.
'' De sacrificiis novi fœderis hœc testatur : Summo
et prœcipuo loco propler fidem habendi sunt bcati
martyres. Yidete autem, quem iidem locum apud ho-
mines mereantur, qui apud Deum locum sub altare
meruerunt [Juxia Apocalys. vi, 9-11). Quid reveren-
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XIII. — SAINT MAXIME, ÉVÊQUE DE TURIN.
reliques '. On y trouve les onctions et les
rites qu'on employait pour le baptême, avec
leur signification 2. La primauté de saint
Pierre et de ses successeurs y est attestée
plusieurs fois ^, et on y voit que cet apôtre
329
a élé établi chef de l'Eglise pour avoir con-
fessé la divinité de Jésus-Christ *. La puis-
sance de saint Pierre est magnifiquement
exaltée ^.1
tins, quid honorabilius dici potesf, quam sub illa ara
rcquiescere , in qua Deo sacrificium celebratur, in
qua offerunfur hostiœ , in qua Dominus est sa-
cerdos , sicut scriptum est : Tu es sacerdos in
œternum secundum ordinem Melchisedeoh. Recie
ergo sub ara martyres collocantur, quia super aram
Chrisius imponiiur. Recle sub altare justorum animœ
vequiescunt, quia super altare Domini corpus offeftur.
Nec immerito illic pro justis vindicta sanguinis pos-
tulatur, ubi etiam pro peccatoribus Chrisli sanguis
cffunditur. Convenienter igitur et quasi pro qundam
consortio ibi martyribus sepultura décréta est, ubi
mors Domini quotidie celebratur, sicut ipse ait :
Quoliescumque héec feceritiSj mortem meam amiun-
tiabitiSj doneo veuiam... Legimus plerusque justorum
Abraliœ sinibus refoveri, nonnullos paradisi amœni-
tate Icetari. Nemo tamen melius prœter martyres me-
nât, hoc est rcquiescere ubi et hostia Chrisius est sa-
cerdos. Serm. 73. Cf. concil. Trident., Sew. sxiij cap.
1, II, III.
• De veneratione et reliquiis SS. martyrum sœpe
verba facit ; Ideo Dominus per totum mundum diver-
sis in locis pati martyres voluit, ut tanquam idonei
testes nos prœsenti quodam fidei exemplo suce confes-
sionis urgerent, ut humana fragilitas quœ prœdica-
tioni Dominicœ auditu longiorc vix crédit, vel prœ-
senti oculorum testimonio martyrio crederet beatorum.
Cuncti igitur martyres devotissime percolendi sunt,
sed specialiter ii venerandi sunt quorum reliquias
possidemus. Illi enim nos oralionibus adjuvant, isti
etiam adjuvant passione... Vidcmus eos hic utigue
jam regnare; cernimus enim ab eis obsessos immundis
dœmonibus homines liberari. Hœc et alia potiora mi-
rabilia per sanctos fieri, omnibus notum est. Et ideo,
fratres, veneremur eos in sœculo, quos defensores ha-
bere possumus in fuluro. Homil. 81. Gloriosissimos
christianœ fidei principes [Petrum et Paulum) annuis
soleninitaiibus honorantes ipsum Dominum ac Deum
nostrum, gui hujus auetor est fidei , débita rcligione
veneramur. Apostoîi namque latino sermone dicuntur
lyiissi; gui ergo honorant missos, manijcstum est tio-
norare eos mittentem, quoniam dignitas quœ defer-
tur ministris, illi sine dubio, cujus ministri sunt,
exhibetur, ut ait ipse Sulvator ad discipulos suos :
Qui vos audit, me audit; et qui vos rocipit, me re-
cipit. Vere beata apostolorum mérita, in quibus se
Christus et recipi prœdicat et audiri. Beali nihilomi-
nus et illi, quorum devotio delata apostolis recurrit
in Christum, tenentes itaque tanlœ hujus promissio-
nis fidem... fldelibus gaudiis exultemus, quoniam qui
de martyrum morte lœtatur, martyres non dubitat
cum Chrisio regnare post mortem. Homil. 68. Quis-
quis ergo honorât martyres, honorai et Christum, et
gui spernit sanctos, spernit et Dominum. Homil. 118.
Quoliescumque sancforum martyria celebramus, loties
laudes Salvatoris dicimus, loties Chrisli gloriam prœ-
dicamus. Serm. 73. Sa/ictorum patrurn memorias rc-
ligiosis conventibus honorantes, et propria eorum mé-
rita et munera in eis divina miramur, qui idcirco
nobis sunl venerabiles, quia pressentis vitœ luce des-
pecio contemptique suorum corporum cruciatu sœvien-
tem mundum Dei pro amore vicerunt. Homil. 77.
Merilo ergo eos colimus,qui periculis nostris pugnant
et nostris utilitatibus militant, qui per lucis vitœque
contemptum edocent nos, quantum Deo noslro debea-
mus affcctum... Veneremur ergo in SS. martyrum
gloria fidem noslram , congratulemur magnœ fidei
nostrœ, per quam dum exules [i. e. martyrum reli-
quias ex aliéna terra allatas) proflua eharitale susci-
pitis , ipsos eliam intercessores habere mereamini.
Hœc est enim SS. martyrum gloria, quorum elsi per
universum mundum seminetur in cineribus portio,
manet tamen intégra in virtutibus plenitudo. Serm.
83. Cf. concil. Trident., Sess. xxv. De Invocalione, ve-
neratione et reliquiis Sanctorum.
2 Tract, de Bapt., 1 et 2, pag. 710.
5 Serm. 94, pag. 640 et seq.; serm. 95, pag. 644;
homil. 54, pag. 169; homil. 53, pag. 108.
' Homil. C8, pag. 17 et seq.; homil. 113, pag. 375;
serm. 27, pag. 467; sei'm. 37, pag. 497 et seq.
'■> Homil. 70, pag. 225 ; homil. 72, pag. 231 ; serm.
C9, pag. 577 et seq.
330
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XIV.
Arnobe, surnommé le Jeune, [écrivain latin].
[Après l'an 460.]
Qui éuil
Arnobe.
Son com-
niciiUiire sur
liiM Psaumes,
■i'om. vm
liiljliol. l'ai.
1 . Arnobe, que l'on a surnommé le Jeune
à la lètc de ses écrits, pour le distinguer
d'un écrivain du même nom qui florissait
sous l'empire de Dioclétien vers la fin du
troisième siècle, était, selon l'opinion la plus
commune, Gaulois de naissance. La manière
dont il parle de la grâce, donne lieu de croire
qu'il écrivait dans le temps que cette matière
était fort agitée dans l'Eglise. Il prend visi-
blement le parti des semi-pélagieus contre la
doctrine de saint Augustin et de ses disci-
ples ; ce qui fait voir qu'il vivait vers le mi-
lieu du cinquième siècle. Ce qu'il dit ' de la
désolation des villes et des provinces, dont
il attribue la cause à l'inobservation de la
discipline ecclésiastique, convient encore à
ce temps. Il semble" en un endroit se mettre
au nombre des évêques, ou du ^ moins des
prêtres, puisqu'il dit qu'il était nourri avec
les autres des oblations que l'on faisait pour
les morts.
2. Nous avons de lui un commentaire sur
les Psaumes, trouvé dans le monastère de
Frankendal, entre Spire et Worms. Arnobe
le dédia à Léonce ou Laurent et Rustique,
évêques, qui l'avaient engagé à l'entrepren-
dre. 11 profita, pour le composer, de ce qu'il
avait trouvé de son goût dans les anciens in-
terprètes , particulièrement dans Origène ;
car il paraît avoir eu quelque connaissance
de la langue grecque. Il met d'abord chaque
psaume tout entier, puis il en donne une
explication ti'ès-abrégée et qui n'est qu'une
espèce de paraphrase. Son but, dans ce com-
1 Perennt urbes, pereunt provinciœ, quia pereunt
disciplinœ. Psal. cv, pag. 298.
"^ Quos citm sciamus aut turpes in factis, aut injuslos
in judicio, tamen quia potentum amicifiis copulantur,
aut ipsi patentes sunt, hos in sacerdotio consecramus.
Arnobius, in Psalm. cv, pag. 298, tom. Biblioih.
Patrum.
s // enim qui affermit sive pecunias, sive munera
Ecclesiis, et mortni sunt in peccatis suis, propterea
utique affermit ut nastris precibus reviviscant. Ibid.
' Vide graiiam Dei generalem super omne hominum
effusam genus. Omnes antecedit gratia multiplici lar-
mentaire, est de trouver dans les Psaumes
toute l'économie de l'incarnation. D'où vient
qu'il s'attache au sens allégorique, et qu'il
rapporte à Jésus-Christ et à son Eglise le
texte entier des psaumes. Sur le psaume cix»,
il réfute l'hérésie de Pliotin, qui n'a com-
mencé à paraître que vers l'an 347, plusieurs
années après Arnobe l'Ancien, qui a écrit
contre les Gentils. En expliquant le psaume
cxxxviii^, il se sert de quelques expressions
africaines, et de certaines façons de lire dans
les Psaumes, que saint Augustin reprenait
dans le peuple d'Hippone; d'où quelques-
uns ont conjecturé qu' Arnobe le Jeune était
Africain et qu'il avait écrit ses commentaires
pour l'usage de cette province. Mais il pou-
vait les avoir prises dans les interprètes dont
il s'était servi.
3. On ne peut pas dire la même chose des
endroits où il favorise nettement les erreurs
des semi-pélagiens. On voit bien que c'est
lui qui y parle, et qu'il propose non le sen-
timent des autres, mais le sien propre, 11 y
établit une grîice générale prévenante, telle
que l'admettaient ces hérétiques, qu'il fait
consister * dans l'incarnation du Fils de Dieu
pour le salut des hommes, dans les exemples
de vertu qu'il leur a donnés, dans ses ins-
tructions, dans ses miracles, dans sa passion
et dans l'accomplissement de tous les autres
mystères qui ont dépendu de la seule vo-
lonté de Dieu, sans que les hommes l'en
eussent prié. C'est sur le psaume cxLVi'= où
il s'en explique. Il dit au même endroit,
giiate diffusa. Descendit de cœlo Deus, homine non
volenie; dacuil exempta et verba, hamine non rogante...
sicut ergo antecessit gratia valuntatem kominis, in
ostensiane sui, et in adapertione veritatis, ita anteee-
dit voluntas hominis gratiani Dei. Non enim prius
bapiizaris, et sic velle incipis credere ; sed prius vo-
luntaiem tuam perfectam exhibes sacerdati, et confes-
sionem tuam iuis labiis pondis, et ita demum ad Dei
graiiam ut ca?isequnris, attingis. Quam consecutus
canfiteberis, quia omnia Dei dana credendo et deside-
rando consecutus es. Arnobius, in Psalm. cslvi, pag.
326.
La Birre,
pricfatione in
Arnobiura, p.
237.
il parait
avoir été se-
nii-pél^igieu.
[V^ SIÈCLE.]
CHAPITRE XIV. — AHNOBE LE JEUNE.
331
après avoir établi cette grâce générale qui
prévient la volonté de tous les hommes, que
la volonté de l'homme prévient à son tour la
grâce de Dieu dans le baptême ; qu'il croit
avant de recevoir ce sacrement ; qu'il com-
mence par offrir au prêtre une volonté par-
faite, qu'il confesse la foi de bouche , et que
par ces différents degrés il parvient à la grâce
sanctifiante qu'on reçoit dans le baptême. Il
ajoute que l'homme peut publier cette grâce,
parce qu'en croyant et en désirant, il a ob-
tenu tous les dons de Dieu. Ce n'est pas en
passant qu'il enseigne cette doctrine, qui fut
depuis condamnée dans le concile d'Orange;
c'est en répondant aux objections qu'il s'était
faites de la part des disciples de saint Au-
prosper., guslin. Il les traite de prédestinatieus *, terme
d caïuniDias jout OH Sait ouB Ics senii-pelu gieus se ser-
îalloium, p. ■* ...
»5' vaient pour rendre odieux ceux qui suivaient
la docU'ine de saint Augustin. Ils avaient en-
core coutume de dire que la prédestination
détruisait le libre arbitre^ en mettant l'homme
dans la fatale nécessité de pécher. Arnobe
s'exprime de même. Il traite les sentiments
de la prédestination d'hérésie-, et dit qu'elle
voj. lom. détruit le libre arbitre. Il rejette absolument ^
' "' ' la doctrine de la double prédestination, sou-
tenant qu'on ne pouvait l'appuyer sur ces
paroles de saint Paul, ni sur aucune autre
de l'Ecriture : J'ai aimé Jacob et j'ai haï Esaû ;
nttiii. 11. ....
et il fait miséricorde à qui il lui plaît, il endur-
cit aussi qui il lui plaît. En expliquant ces pa-
roles du psaume xc : Si vous demeurez sous
la protection du Très-Haut, mille de vos ennemis
tomberont à votre côté, et dix mille à votre
droite, il dit que le prophète ne dit rien à cet
endroit du côté gauche, qui signifie le libre
arbitre, et qu'il ne parle que du côté droit*,
parce que c'est là qu'est le secours de Dieu ;
qu'il a toutefois nommé en premier lieu le
côté, parce qu'il est au pouvoir de no trehbrc
arbitre de croire premièrement, et d'obtenir
ensuite la grâce par le mérite de sa foi. Sur
le psaume L", il remarque ^ que David ne dit
pas qu'il a été conçu avec le péché, mais
dans le péché, désignant par là le péché de
sa mère, et non pas un péché qui fût com-
mun à la nature humaine, parce que tout
péché, dit-il, se forme d'abord dans le cœur
et s'accomplit de la bouche. Ainsi celui qui ne
fait que de naître, se trouve enveloppé dans
la condamnation d'Adam ; mais il n'a point
de péché qui lui soit propre. Il est vrai que
ces dernières paroles peuvent s'entencliu
d'un péché actuel dont les enfants ne sont
pas capables. Et il reconnaît ailleurs que tt" t
le genre humain a péri danslaprévaricali ' i
d'Adam, et que c'est pour lui rendre la v o
que le Verbe de Dieu s'est fait homme **, t
que comme c'est par le péché d'Adam q o
nous avons été condamnés à la mort, c'e l
aussi par Jésus-Christ que la vie nous c; t
rendue. Il y a même plusieurs endroits où À
parle de la grâce comme la reconnaissani '
nécessaii'e pour être délivré des agitatioi ;
qui troublent notre cœur. Il appelle Jésu-
Christ notre force et la lumière de nu.,
yeux. Il dit ^ ailleurs, et ce semble, conti o
1 Nota tibi, prœdestinate, rjuod loquor. In Psalm.
CXLVI, pag. 326.
2 Noluit benedictionem quœ per Christum affertur,
et utique elongabitur ab 'lo. Nota ex arbitrio evenisse
ut notlet, propter hœresim quœ dicit Deum altos prœ-
deslinasse ad benedictionem, altos ad maledictionem.
Arnob., m Psalm. cvili, pag. 301.
^ Quid nunc? Contra hanc in obscuro nascilur quœs-
tio : Jauob dilexi, Esau autem odio habui; et : cui
vult miseretur, et quem vult indurat, et multa simi-
lia. In liis positus in nocte devenisti... si enim mille
taies qucestiones invenias, nunquam probabis Dominum
per electionem personœ unum velle, recusare alium.
Arnob., in Psalm. xci, pag. 288.
* Lalus sinistrmn quod noluit nominare, liberum
arbitrium est; in dextera autem Dei auxitiiim est. Et
ideo prius nominavit lalus, quia in arbitrio est, ut
credas prius, ut dmn credideris, gratiam consequaris.
Arnob., iti Psalm. xc, pag. 287.
^ No?i dixit : Cum iniquitatibus , aut cum peccaiis
genuit me mater mea, sed : In iniquitatibus conceplus
sum, et in peccatis genuit me mater mea. Dicendo
enim matrem in suis iniquitatibus eum concepisse, et
in peccatis sœculi peperisse, signavit, quia omne pec-
catum corde concipitur, et ore consummatur. Hic au-
tem qui nascitur, sententiam Adœ habet, peccatum
vero suum non habet. Ainohius, in Psahn.L, pag. 204.
* Perierat omne genus hominum in prœvaricatione
Adœ, et promissum fuerat VerbumDeiin carne ventu-
rum, et per ipsum genus nostrum recuperaturum in
melius. Arnobius, in Psalm. csviii, pag. 308. Tu veni,
Domine, et per te gressus meos dirige secundtim ver-
bum tuum, quod ille Adam prœvaricattis est, et vi-
tam inveniam per te, quam per illum amisi. Ibid.,
pag. 310.
'' Hoc orandum docemur, ut huic desiderio annuat
dimna clementia, quia cor nostrum turbatur, et de-
serit nos fortitudo nostra et lumen oculorum nostro-
rum, id est Christus. Arnobius^ in Psalm. xxxvii,
pag. 2S7.
^ Mulli putant tibertatem urbilrii eo usque sibi posse
sufficere, ut sese per ipsam libertalem ab hostibus in-
visibilibus eruere posse confidant. tibertatem autem
arbitra, et negare periculum est, et nudare peccatum.
Si enim negaveris, omnibus f'rena laxasti. Si nuda-
vei'is, decepisti... Nudas autem, cum tantum ipsi ar-
bitrio dederis, ut ettm rébus divini adjutorii dénuda-
ris. Arnobius, in Psalm. xc, pag. 287.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Vide Pr03-
pcr. , p. 175,
137, 139. Ib.,
li.ig. 137. Ib.,
pag. 133.
332
les pélagiens, qui croyaient que le libre
arbitre suffisait pour les délivrer de leurs
ennemis invisibles, que c'était se tromper
de prétendre que le libre arbitre soit assez
fort pour se passer du secours de Dieu;
et comme il est dangereux de vouloir dé-
pouiller l'homme de son libre arbitre, parce
que ce serait ôter le péché et ouvrir consé-
quemment le chemin à toutes sortes de dis-
solutions, il ne l'est pas moins d'accorder
tant de force au libre arbitre, qu'il n'ait pas
besoin du secours de Dieu. Il dit encore '
qu'il ne faut pas présumer du libre arbitre
que nous avons, mais de Dieu, parce que
Dieu ne peut être vaincu, et que le libre ar-
bitre peut l'être. Enfin il enseigne ^ que la
nature humaine étant aussi faible qu'elle est,
elle ne peut rien faire de bien sans le secours
de la volonté de Dieu. Mais toutes ces façons
de parler étaient communes aux semi-péla-
giens. Ils reconnaissaient des grâces générales
accordées à tous les hommes ; ils ne faisaient
pas difficulté d'avouer que le libre arbitre
avait besoin de la grâce de Jésus-Christ pour
faire le bien ; ils reconnaissaient encore le
péché originel et la nécessité du baptême
même pour les enfants, qui recevaient la ré-
mission de leur péché. On peut voir sur tous
ces articles ce que nous avons dit en parlant
des écrits de saint Prosper. Mais les semi-
pélagiens enseignaient ' en même temps
que la grâce nous était donnée suivant
nos mérites ; que la persévérance dans le
bien dépendait duhbre arbitre, et que c'était
aussi du libre arbitre que l'on devait tirer la
différence de ceux qui veulent être sauvés,
d'avec ceux qui ne le veulent pas. La grâce
générale qu'Arnobe dit prévenir la volonté
de l'homme n'est qu'une grâce extérieure
commune aux fidèles et aux infidèles. Il dit
nettement, comme nous venons de le l'emar-
quer, que le bon mouvement de notre vo-
lonté nous mérite la grâce justifiante que
nous recevons dans le baptême. 11 fonde ce
mérite sur les bons désirs et sur la foi de
l'homme, qu'il attribue non à la grâce inté-
rieure et excitante, mais au libre arbitre.
S'il enseigne que Dieu nous prévient par ses
' Habes quidem liberum arbiirium, sed noli de eo
prœsumere : de Deo prœsume, quia vinci non potest :
nmn liberum arbiirium vinci poiest. Arnobius, in
Psahn. CXVII, pag. 305.
- Humana natura imbecilla cum sit, minime sane
absque divini nutus subsidio prœstare quidquam
boni potest. Arnobius, in Psalm. cxLvii, pag. 327.
grâces générales, il enseigne aussi que nous
prévenons la grâce de Dieu par notre bonne
volonté, et que dans nous la foi précède la
grâce que nous recevons dans le baptême.
Fauste de Riez ^, l'un des plus fameux semi-
pélagiens, tenait le même langage. En quoi
il s'appuyait, comme Gassien, de l'exemple
de Corneille le. Centurion, en qui ils disaient
l'un et l'autre que la bonne volonté avait
prévenu la grâce de Dieu.
4. Les commentaires d'Arnobe sur les
Psaumes furent imprimés à Bâle, en IS22,
chez Froben, mais sous le nom de l'ancien
Arnobe. Ils furent réimprimés en la même
ville, en 1537 et 1560. Il y en a une édition
de Strasbourg, en 1522, et une de Paris en
1639; c'est sur cette dernière, qui fut faite
par les soins de Laurent de la Barre, qu'on
les a insérés dans la Bibliothèque des Pères à
Lyon, en 1677. [Ils sont reproduits au tome
LUI de la Patrologie latine].
5. Ils sont suivis dans cette Bibliothèque
de petites annotations sur certains endroits
des évangiles de saint Jean, de saint Mat-
thieu et de saint Luc. Elles avaient déjà été
imprimées à Bâle, en 1543, puis dans les
Orthodoxographes, et ensuite à Paris, en 1639,
par les soins d'André Schottus. Quoique dans
toutes ces éditions ehes portent le nom d'Ar-
nobe, on n'a toutefois aucune preuve qu'elles
soient de lui. L'auteur y explique presque
toute l'Ecriture dans un sens allégorique.
[On les trouve aussi au tome LUI de la Pa-
trologie latine].
6. On trouve dans la même Bibliothèque
des Pères un dialogue ou une dispute entre
un catholique qui prend le nom d'Aniobe,
et un eutychien qui se nomme Sérapion.
Cette dispute roule sur le mystère de la
Trinité et sur celui de l'Incarnation. On y dit
aussi quelque chose touchant l'accord de la
grâce et du libre arbitre. Feuardent et quel-
ques autres attribuent cet écrit au même
Arnobe, de qui est le commentaire sur les
Psaumes, c'est-^à-dire à Arnobe le Jeune.
Leurs preuves sont que ces deux ouvrages
sont écrits avec la même précision et la
même vivacité d'esprit; que le style en est
3 Vides quia non tribuilur munus salutis, nisi prius
interroqetur dcsiderium voluntatis, sed et cum vene-
rit ad baptismum, prius accedentis voluntas inquiri-
tur, ut regenerantis gratta subsequatur. El in cen-
turinne Cornelio, quia prœcessit volunlas gratiam,
ideo prœuenit et gratia regenerationem. Fauslus, lib.
Il, cap. vm.
Editions À6:
ce commcQ.
laire.
I
Annotation
sur les livaa
eiU's, loin
vm lîibi
Patr. p. Zm
D isp ut
entre Arnot
et Sùrapiûr
tom. Vil
Bib. Palruu
pag. 201.
[V SIÈCLE.]
également négligé; que l'on y trouve les
mêmes expressions, et que l'on y combat les
mêmes hérésies. On peut ajouter que ce dia-
logue est cité par Alcuin sous le nom d'Ar-
nobe, et qu'il lui est attribué dans divers
manuscrits. Mais s'il est de lui, il faut néces-
sairement qu'Arnobe ait changé de senti-
ment sur la grâce. Car, dans son commen-
taire, il se déclare eu plusieurs endroits
contre la doctrine de saint Augustin, sans le
nonamer : au lieu que dans la conférence
avec Sérapion, il parle * avec éloge de ce
saint évêque. Il soutient que sa doctrine ne
diffère en rien ^ de celle des apôtres, qu'il
l'embrasse et en pi^end la défense avec un
égal respect. 11 rapporte ensuite ce que saint
Augustin dit de la grâce et de sa nécessité
pour surmonter les tentations.
7. Le but de ce dialogue est de montrer
qu'il n'y a qu'un Dieu en trois personnes ;
que les deux natures, la divine et l'humaine,
sont unies dans Jésus-Christ en une seule per-
sonne, et que la grâce agit tellement dans
nous qu'elle laisse au libre arbitre toute son
activité. Sérapion propose les difHcuJtés, et
Arnobe y répond. Constantius et Ammouius,
qu'ils avaient choisis pour juges, décident
de la validité des réponses. On commence
dans cette dispute par établir la foi de l'unité
d'un Dieu en trois personnes, puis celle de
l'Incarnation. Arnobe appuie ce qu'il dit sur
l'un et l'autre mystère, de l'autorité de l'E-
criture et des pères, nommément de saint
Athanase, de saint Cyrille d'Alexandrie, de
saint Ambroise, de saint Damas, de saint
Léon , de saint Hilaire , de saint Grégoire et
de saint Célestin. Ce Père donne à la sainte
Vierge le titre de Mère de Dieu. Il ne cite
sur l'accord de la grâce avec le hbre ar-
bitre, que des passages de l'Ecriture et de
saint Augustin. Dans le passage qu'il rap-
porte 3 de saint Célestin, ce pape cite un
endroit des livres de saint Hilaire contre
l'empereur Constance , que nous ne trou-
vons point dans les imprimés; ce qui donne
lieu à Feuardent de dire qu'il y manque
quelque chose. Mais peut-être ce passage
est-il tiré de quelques autres écrits de saint
Hilaire que nous n'avons plus. La Dispute de
Sérapion et d' Arnobe fut imprimée pour la
CHAPITRE XIV. — ARNOBE LE JEUNE.
333
première fois avec les ouvrages de saint Iré-
née, à Cologne;, en 1596, et depuis dans les
éditions du même Père jusqu'en 1639. [Elle
se trouve dans le tome LUI de la Patrologie
latine],
8. La conformité du style, de la doctrine .i^Tc^inuiu'c
et des expressions a fait encore attribuer à {^^''^'èapas
Arnobe le Jeune un ouvrage intitulé Prœ- '""""•
destinatus, parce que l'auteur y combat cer-
tains hérétiques qu'il nomme prédestina-
tiens. 11 paraît qu'il écrivait avant la nais-
sance de l'hérésie eutycliienne, puisque dans
le catalogue qu'il donne des hérésies qui
s'étaient élevées jusqu'à son temps, il ne dit
rien de celle d'Eutychès, dont il était na-
turel de parler, ou après celle de Nestorius,
ou du moins en suite de l'hérésie des prédes-
tinations, qui est la dernière dont il est fait
mention dans ce catalogue. 11 paraît donc
qu'il écrivait avant le. milieu du v^ siècle,
temps auquel Arnobe composa son com-
mentaire sur les Psaumes. Mais quelque fortes
que soient ces raisons, le père Sirmond, qui
s'y était rendu d'abord, ne les a pas crues as-
sez convaincantes pour se décider absolu-
ment sur l'auteur de cet écrit. Hincmar, qui nincm.nac-
*■ lal. de Hrœ-
en avait connaissance, l'attribue à Hygin, iiesunai. c. i.
trompé par le titre de l'ouvrage où Hygin est
mis avec Polycrate, africain, Hésiode, Epi-
phane et Phylastre au nombre de ceux qui
ont fait l'histoire des hérésies. Dans un ma-
nuscrit de la bibliothèque Barberine, on
trouve un écrit sous le nom de Primase, dis-
ciple de saint Augustin, où l'on fait un cata-
logue de quatre-vingt-dix hérésies, qui est
le nombre des hérésies rapportées dans le
Prœdestinatus. La même inscription se lit dans
un autre manuscrit cité par Dom Mabillon *
dans son Voyage germanique. Et ce qui pour-
rait donner lieu de conjecturer que cet ou-
vrage est le Prœdestinatus, c'est qu'Isidore
de Séville, dans son traité ^ des Ecrivains ec-
clésiastiques, dit que Primase avait composé
un ouvrage sur les hérésies, divisé en trois
livres, comme est celui du Prœdestinatus.
Mais il est à remarquer que l'ouvrage de
Primase était dédié à l'évêque Fortuuat, dont
il n'est rien. dit dans le Prœdestinatus. D'ail-
leurs Primase faisait voir dans le premier
livre de son ouvrage ce qui faisait un homme
• Mira sunt ejus verba. Arnobius, pag. 233.
2 Arnohius dixit : Meo sensu locutus es; nam ea
quœ ejus [Augustini] nunc proféra, ac si sacratissima
aposiolorum scripta sic credo et teneo et defendo. Ibid.
2 Arnobius, in Confliclu, pag. 222.
'* Mabillonius, in AnalecL, pag. 14.
s IsidoruSj de Script. Ecoles., cap. IX.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pr^destina-
tus, lib. Iir,
pog. M8.
334
hérétique; dans le second et dans lo troi-
sième, comment on le connaissait pour hé-
rétique. Il n'y a rien de semblable dans le
Prœdestinatus. Le premier livre est un cata-
logue de quatre-vingt-dix hérésies, depuis
Simon le Magicien jusqu'aux prédestinatiens
inclusivement. Le second est un discours
faussement attribué à saint Augustin, dont
il n'a ni le style ni la doctrine. Le troisième
est une réfutation de ce discours, où l'auteur
répand le venin de l'hérésie pélagienne dont
il était infecté, quoiqu'il y fasse profession
d'anathématiser Pelage et Célestius. Picci-
nardi soutient que le Pi-œdestinotus est ou de
Vincent Victor , contre qui saint Augustin
écrivit ses quatre livres sur l'Origine de l'âme,
ou du prêtre Vincent, qui, selon Gennade ',
composa un commentaire sur les Psaumes.
Mais il n'avance, pour le prouver, que de
très-faibles conjectures. Nous avons vu ail-
leurs que Vincent Victor avait abjuré le pé-
lagianisme du vivant même de saint Augus-
tin, et le prêtre Vincent n'écrivait que vers
l'an 480, longtemps après le Prœdestinatus,
qu'on convient avoir été écrit versl'an 434. Il
r.'j a pas plus de raison de le donner à Vin-
c -ut de Lérins, dont l'esprit était trop solide
pour produire un si mauvais ouvrage, rempli
C'A fautes contre l'histoire et d'erreurs contre
1:! foi. De toutes ces opinions, celle qui l'at-
t. ibue à Arnobe le Jeune, est donc la plus
V aisemblable. On trouve dans son commen-
I ire le terme ^ de prédestinatiens employé
écisément de la même manière que dans
'. livre III" ^ du Prœdestinatus Ce qu'Arnobe
ciit * de la volonté de l'homme qui précède
lo grâce que nous recevons dans le baptême,
le Prœdestinatus ^ le dit aussi du baptême et
de la pénitence. Arnobe, en établissant une
grâce générale prévenante, la fait ^ consister
en ce que Dieu, sans que l'homme l'en eût
prié, ni qu'il le voulût, s'est incarné pour lui
et l'a engagé à la vertu par les exemples
qu'il lui en a donnés. Le Prœdestinatus fait ^
consister aussi la grâce qui précède la vo-
lonté de l'homme, en ce que Dieu lui montre
d'un côté la vie éternehe pour qu'il y éta-
blisse son plaisir, et de l'autre le feu éternel,
afin qu'il en conçoive de la crainte. « Cette
grâce, dit-il, précède la volonté de l'homme,
parce qu'elle l'exhorte et; qu'elle l'invite à
venir. » Il dit encore, comme Arnobe, que
le Fils de Dieu est venu délivrer le monde
de la mort, sans que les hommes l'aient de-
mandé, qu'ils l'en aient prié et qu'ils l'aient
même voulu; et qu'il est descendu du ciel
pour y faille monter les hommes.
9. On ne connaissait point le Prœdestinatus
avant Fan 1643, qu'il fut imprimé à Paris par i
les soins du père Sirmond. La même année
il en parut une censure, réimprimée en 164S.
Cet écrit est de M. de Barcos, qui se cacha
sous le nom de Pierre Auvray. Le père Sir-
mond avait mis une préface à la tête de cet
ouvrage, et joint plusieurs passages des an-
ciens qui faisaient mention de l'hérésie des
prédestinatiens. Ces passages étaient tirés
des écrits de Tyro Prosper, d'Arnohe-le-
Jeune, de Fauste, évêque de Riez, de Gen-
nade de Marseille, de Jean Erigène et de Si-
gebert de Gemblours. On a suivi cette dis-
position dans l'impression que l'on a faite du
Prœdestinatus dan? le vingt-septième volume
de la Bibliothèque des Pères à Lyon, en 1677.
Le père Piccinardi fit mettre de nouveau
sous presse le Prœdestinatus, h Padoue, en
1686, avec de longs prolégomènes. Il a en-
core été inséré dans le recueil des œuvres
du père Sirmond, à Paris, en 1696, in-folio.
[Il se trouve dans le tome LUI de la Patrolo-
gie latine, d'après Galland qui l'a donné avec ,
prolégomènes au tome X de sa Bibliothèque].
' Gennad., de Script. Ecoles., cap. 89.
' Nota tibi , prœdestinafe, quod loquor. Arnobms,
in Psalm. CXLVII.
° Nota tibi, prcedestinate , qidd dicat, sed pro
omnibus tradidit eiwi. Praedestinatus, lib. III, pag.
530.
* Antecedit voluntas hominis gratiam Dei, non enim
prius baptiiaris, et sic vette incipis credere, sed prius
voluntatem iuam perfectam exhibes. Sacerdoii, et iia
ad Dei gratiam ut consequaris, attingis. Arnobius,
in Psalm. cxLVii.
'' Nos dicimus priorem volimlatem quam gratiam,
in baptismatis consecutione et pœniieniiœ conversione.
PreedesHuatus, lib. III, pag. 540.
" Omnes antecedit graiiamuliiplicilargitate diffusa.
Descendit de cailo Deus, homine non volenle, docuit
exempto et verbo, homine non rogante, signa milita
et virtutes ad se manifesiandum exercuit... Hœc om-
nia ad hominis salutem. Arnobius, in Psalm. cxlvii.
' Antecedit gratia vohmtatem hominum, ostendendo
viiam œlernam in qua deleclentur, ostendendo incen-
diwn sempilernum in quo ierreanlur, ut a peccato-
rum delectationibus revoceniur... Antecedit, quia vo-
cat, quia provocat, quia invitât ut venias. Praedesti-
natus, lib. III, pag. 558, 560. Antecedit gratia Dei
hominis voluntatem, quia non petentibus, non rogan-
iibiis, non etiam volentibus nobis venit Filius Dei uni-
versum a morte eripere, et ut ascenderet ad Deum
homo Deus descendit ad hominem. Ibid., pag. 556.
CHAPITRE XV. — SAINT HILAIRE, PAPE, ETC. 335
publié dans le Spicilége romain, tom. V,
[V= SIÈCLE.]
10. Dom Luc d'Achéry remarque dans lo
tome 111° de son Spicilége que l'on voyait dès
le viii" siècle dans la bibliothèque de Saiut-
Vandi'ille, un discours sur la Chute d'Adam, qui
portait le nom d'Arnobe, évêque et rhéteur.
Ce discours n'a pas encore été rendu public.
Ainsi l'on ne peut en rien dire. [Ang. Maï a
pag. 101-118, une épltre pascale de saint
Cyrille à la région de toute l'Egypte. Ce dis-
cours a cela de remarquable, qu'il est de la
traduction d'Arnobe le Jeune. La lettre est
dirigée contre les nestoriens].
CHAPITRE XV.
Saint Hilaire, pape et confesseur [467], Léonce d'Arles [vers l'an 482]
et Victorius.
1. Le pape saint Léon étant mort le 10 no-
vembre de l'an -461, on élut, pour lui succé-
der, saint Hilaire, qui fat consacré le diman-
che 19 du même mois. Son nom, en latin, est
ordinairement Hilarus, et quelquefois Hyla-
rius. Il était, selon les Pontificaux ' , originaire
de Sardaigne, et tils de Crispin. En 449, saint
Léon le nomma son légat au concile d'Ephèse,
avecJulesdePouzzoles.SaintHilaii'eest nom-
mé dans les actes de ce concile le dernier
de tous, avec le notaire Dulcilius, aussi légat
du pape. Il parla, dans cette assemblée, après
l'évêque Jules, et rendit compte pourquoi
saint Léon , qui avait été invité par l'empe-
reur Tbéodose , ne s'y était point trouvé. Il
dit qu'il n'y avait point d'exemple que les
papes eussent assisté à des conciles tenus en
Orient -; qu'ils n'avaient été présents ni au
concile de Nicée, ni au premier d'Ephèse, ni
à aucun autre semblable. La plupart des évo-
ques ayant souscrit par force à la condam-
nation de saint Flavien , saint Hilaire s'op-
posa à une sentence si injuste , et , dans la
ci-ainte qu'il n'y fût forcé, il s'échappa d'E-
phèse à grande peine et revint à Rome par
des chemins détournés. Arrivé en cette ville
vers la fin de septembre de la même année
449, il raconta à saint Léon tout ce qui s'é-
tait passé à Ephèse , tant à l'égard de saint
Flavien que des autres évoques , qui furent
forcés de souscrire à la sentence que Dios-
core rendit contre lui. Saint Léon tenait alors
un concile ; saint Hilaire y fut appelé pour
délibérer avec les autres évêques sur ce qui
s'était passé à Ephèse.
' Apud BoUand., tom. I april., pag. 32.
2 Vid. tom. IV, sur le concile d'Ephèse.
2. Aussitôt après son retour à Rome, saint g^ loure a
Hilaire écrivit à l'impératrice Pulchérie 3, pour puIÎE'""
lui marquer que son dessein avait été de pas-
ser d'Ephèse à Gonstantinople , autant pour
lui rendre ses devoirs que pour lui remettre
des lettres de la part de saint Léon; mais
qu'il en avait été empêché par les violences
qu'il avait soutTertes à Ephèse de la part de
Dioscore, évêque d'Alexandrie. Il témoigne
sa douleur et celle de tous les chrétiens tou-
clianl les vexations de cet évêque, et assure
cette princesse que le concile d'Occident, as-
semblé par saint Léon, avait condamné tout
ce qui s'était fait à Ephèse contre les canons
de l'Eglise et par violence.
3. Nous avons de lui une autre lettre qu'il s» uare i
écrivit, étant archidiacre de Rome, à Victo- '""'"''•
' ' B u c II e r.,
rius , pour l'engager, soit de sa part , soit de ^■^'''=- p •■
celle de saint Léon , d'examiner à loisir la
raison de la diversité d'opinions qui se trou-
vaient sur le jour de la fête de Pâques entre
les Grecs et les Latins, et de montrer à quoi
l'on s'en devait tenir, afin que tous les fidèles,
n'ayant plus aucun doute sur ce sujet , s'ac-
cordassent sur la célébration d'un si grand
mystère. U paraît par cette lettre que saint
Hilaire s'était appliqué lui-même à lire ce que
les Grecs et les Latins avaient écrit sur celte
matière, mais qu'il n'avait lu les livres grecs
que traduits en latin. Victorius accepta la
commission et publia son Canon pascal sous
le consulat de Constantin et de Rufus, en
l'an 457,
4. On dit que dès que saint Hilaire fut élu
pape, il envoya par tout l'Orient une leltro
Sa lotln:
am évùqiics
d'Orient vers
l'an AC3.
3 Tom. IV Concil., pag. 51 .
336
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettre à
Lûonce, é^é-
qiie d'Arles.
à Léonce, et
1 ettre do
Léonce à St.
Hilaire.
décrétale et circulaire ' , pour établir la foi
catholique , dans laquelle il confirmait les
conciles de Nicée , d'Eplièse et de Chalcé-
doine, avec la lettre de saint Léon à Flavien,
où il condamnait aussi Nestorius, Eutycbès
et toutes les autres hérésies , en recomman-
dant en même temps l'autorité et la primauté
de son siège. Il ne disaitrien, dans cette lettre,
du concile de Constantinople , ce dont on ne
sait pas la raison.
5. Le 25 janvier de l'an 462, saint Hilaire
écrivit à Léonce, évèqae d'Arles, avec qui il
était lié d'amitié , pour lui faire part de son
élévation au pontificat ^, afin qu'il se réjouit
de ce que Dieu avait bien voulu faire en lui;
qu'il en donnât avis aux évêques de sa pro-
vince, et qu'ils joignissent tous avec lui et
leur joie et leurs prières pour toute l'Eglise ^.
Il marque que la coutume et la charité de-
mandaient de lui qu'il leur fit part de cette
nouvelle^, afin qu'on sût qu'il ne négligeait
aucun des devoirs de la fraternité. On croit
que cette lettre était circulaire, et qu'il était
d'usage que les papes en écrivissent de sem-
blables à toutes les Eghses aussitôt après leur
ordination.
6. Léonce, qui avait déjà appris l'élection
de saint Hilaire * par Concorde, diacre de
l'Eglise d'Arles, qui y avait été présent, s'en
était réjoui et avait rendu grâces à Dieu de ce
que l'Eglise romaine, trouvait dans saint Hi-
laire de quoi réparer la perte qu'elle avait faite
par la mort de saint Léon. Ainsi, sans atten-
dre aucune lettre de ce nouveau pape , il lui
en écrivit une l'an 462 , par un homme de
condition nommé Pappole, où il congratulait
l'Eghse romaine , qu'il appelle la mère de
toutes les Eglises, de ce que dans la faiblesse
des derniers siècles, dans l'extrême conster-
nation où l'empire d'Occident était tombé par
la mort de l'empereur Majorien, tué le 7 août
461, Dieu lui avait donné un juge capable de
juger les peuples dans l'équité et de diriger
les nations sur la terre. H l'exhorte à agir
avec toute la vigueur et la force nécessaires
pour achever ce que saint Léon avait com-
mencé, et faire tomber tout-à-fait par terre
les murailles de Jéricho, comme avait fait
Gédéon. Il y a apparence qu'il entend par là
l'hérésie d'Eutychès, qui n'avait pas été tel-
lement détruite par le concile de Chalcédoine,
qu'elle n'eût encore des protecteurs. Il prie
le pape de continuer à favoriser l'Eglise
d'Arles, à laquelle ses prédécesseurs avaient
accordé plusieurs privilèges , et de lui aider
à travailler dans la -vigne du Seigneur et à
arrêter les efforts de ses envieux, dont la haine
s'augmentait de plus en plus, et qui ne man-
querait pas de prendre de jour en jour de
nouveaux accroissements, si on ne les répri-
mait. Cette lettre a été donnée d'abord par
dom Luc d'Acbéry, dans le tome V" de son
Spicilécje, d'où elle est passée dans le recueil
des Conciles du père Labbe ^. Saint Hilaire
ayant reçu cette lettre, en écrivitune seconde
à Léonce, où, après l'avoir remercié, il le prie
de lier avec lui un commerce de lettres. Il
loue le conseil qu'il lui avait donné de faire
observer les règles des pères, disant qu'il n'y'
avait rien de plus salutaire que de faire ré-
gner dans toute l'Eglise cathohque une même
discipline. Il ajoute que pour entretenir par-
tout l'union et la concorde entre les évêques,
il fera son possible , avec le secours de la
grâce, pour les engager à rechercher non
leurs propres intérêts , mais ceux de Jésus-
Christ. On ne trouve rieu , dans la lettre de
Léonce , qui ait rapport à ce que dit ici saint
Hilaire ; peut- êtrelui avait-il écrit une seconde
lettre eu réponse à celle que le pape lui avait
écrite le 25 janvier, pour lui mander sa pro-
motion.
7. Léonce avait succédé à Ravenne dans
le siège d'Arles , après l'an 434 ; il occupait îés"
encore ce siège vers l'an 482. C'était un
homme de beaucoup de réputation , qui s'é-
tait acquis l'estime des personnes de piété.
Il portait lui-même à la vertu, autant par son
exemple que par ses exhortations ^. Saint
Sidoine Apollinaire , qui marque son érudi-
tion et la pureté de ses mœurs , lui éci'ivit,
vers l'an 472 , pour lui recommander un de
ses amis qui avait une affaire dans la ville
d'Arles. Léonce eut part au traité de paix que
l'empereur Népos fit, en 473, avec Euric, roi
des Visigotlis '. Il assembla vers le même
temps un concile à Arles , où l'on agita les
questions de la prédestination. Ce fut à cette
assemblée que le prêtre Lucide adressa sa
rétractation ^. Léonce fut le maître de Félix
Qui
LéoDCO
était
d'Ar-
< Baron., ad ann. 461^ et tom. I april., apud Bol-
land., pag. 32.
2 Tom. IV Concil., pag. 1039.
2 Ibid., Epist. ad Leont., pag. 1040.
* Tom. IV Concil., pag. 1828.
s Tom. IV Concil., pag. 1040.
6 Sidon., lib. VI, Epist. 3.
' Idem, lib. VII, Episi. 6.
3 Tom. IV Concil., pag. 1041.
^1
I
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XV. — SAINT HILAIRE, PAPE, ETC.
337
dans la vie spirituelle. Félix, de patrice qu'il
était, avait embrassé l'hnmble état de servi-
teur de Jésus-Christ. Ruricius de Limoges '
avait aussi souhaité d'être instruit à la piété
par Léonce, qu'il honorait comme son père,
et qui l'aimait comme son fils ; mais divers
accidents l'empêchèrent de jouir de ce bon-
heur. Pour y suppléer, Ruricius se repré-
sentait souvent l'homme extérieur de ce grand
prélat, et mettait son plaisir à contempler les
grâces de son homme intérieur. 11 se le ren-
dait ainsi en quelque façon présent, le voyant
en esprit, Fécoulant par son application à ses
vertus, l'embrassant par son alïection et lui
demeurant toujours attaché par sou incli-
nation.
8. Saint Rustique , évêque de Narbonne,
ayant ordonné Hermès , son archidiacre ^,
pour évoque de Béziers, les habitants ne vou-
lurent point le recevoir, soit parce qu'il n'é-
tait point agréable à Frédéric, frère de Théo-
doric , roi des Goths, soit parce qu'ils ne le
croyaient pas digne de l'épiscopat. Hermès,
quoique irrité de ce refus, ne songea point à
s'en venger ; mais saint Rustique étant mort^,
il fit en sorte que l'Eglise de Narbonne le
reçût pour son évêque. Le prince Frédéric
se plaignit à saint Hilaire de ce que Hermès
s'était emparé de ce siège par une usurpa-
tion très-injuste , et lui députa à cet effet un
diacre nommé Jean, pour l'instruire de toute
cette affaire. Le pape , surpris de ce que
Léonce d'Arles ne lui en avait rien mandé,
lui écrivit, le 3 novembre de l'an 462, pour
se plaindre de son silence. Il l'exhorte à lui
envoyer au plus tôt une relation du fait, sous-
crite de lui et des autres évêques voisins, afin
qu'il puisse ensuite lui marquer ce qu'il aura
jugé à propos d'en ordonner.
9. 11 n'y avait pas longtemps que cette let-
tre était écrite, lorsque deux évêques, Fauste
de Riez et Auxanius , qu'on croit avoir été
évêque d'Aix en Provence , arrivèrent à
Piome 3, députés ouparles évêques des Gaules
ou par Léonce d'Arles, qui envoya en même
temps au pape une requête. Plusieurs autres
évêques vinrent à Rome dans le même temps,
pour y célébrer avec saint Hilaire l'anniver-
saire de son ordination, qui tombait au 19 no-
vembre. Le pape tint avec eux un concile,
' Ruric, lib. I, Epist. 15.
2 Tom. IV Cmicil., pag. 1040.
s Tom. IV Concil., pag. 1041.
* Super hoc universam fraterniiatem volumus esse
communitum, ne prœdia, quœ neque déserta, nerjue
X.
auquel Fauste et Auxanius assistèrent. L'af-
faire de Hermès y fut examinée , et le pape
informa les évêques des provinces de Vienne,
de Lyon, de Narbonne et des Alpes Pennines
du résultat du concile. Sa lettre , qui est du
3 décembre de l'an 462 , poi-le que , pour le
bien de la paix et par indulgence pour Her-
mès, ou avait jugé qu'il demeurerait évêque
de Narbonne; mais que, dans la crainte que
cet exemple ne tirât à conséquence, il avait
été résolu qu'il n'aurait point le pouvoir d'or-
donner des évêques tant qu'il vivrait; que ce
pouvoir serait transféré à Constantius, évê-
que d'Uzès, comme le plus ancien de la pro-
vince; mais qu'après la mort d'Hermès, le
droit des ordinations retournerait à l'évêque
de Narbonne, comme métropolitain. Quoique
il parle très-fortement, dans cette lettre,
contre l'intronisation d'Hermès, comme con-
traire aux canons , il ne laisse pas de par-
ler avantageusement de sa personne. Pour
éviter à l'avenir de semblables inconvénients,
le pape ordonne aux évêques des Gaules de
tenir tous les ans un concile des provinces
dont on pourra l'assembler. Il chai'ge Léonce
d'Arles de marquer le lieu et le temps du
concile, et d'en écrire au métropolitain, vou-
lant qu'on y examinât les mœurs et les ordi-
nations des évêques et des autres ecclésias-
tiques; mais qu'au cas qu'il se trouvât quel-
ques affaires plus importantes qui ne pour-
raient être terminées dans le concile, on en
consultât le Saint-Siège. Il défend aux évê-
ques de sortir de leur province sans lettre de
leur métropolitain, et veut qu'en cas de refus,
ils s'adressent à l'évêque d'Arles, qu'il charge
aussi d'empêcher que les ecclésiastiques, de
quelque rang qu'ils soient, ne soient reçus
dans un autre diocèse sans le témoignage de
leur évêque. Il défend encore * d'aliéner, sans
l'approbation du concile, les terres de l'Eglise
qui ne sont point désertes et onéreuses, et ren-
voie aux évêques des Gaules la connaissance
de !a requête que Léonce lui avait adressée,
pour être rétabli dans la possession de quel-
ques paroisses qu'il prétendait avoir été dé-
membrées de son diocèse sans raison, et cé-
dées à d'autres par saint Hilaire d'Arles, son
prédécesseur.
10. Auxanius avait obtenu, dans son voyage Lcitm
Léonce, à Vi--
damnosa sunt, et ad Ecclesiam pertinent, ex quibus
plurimorum consuevit necessitatibus subveniri, aliquo
jure in alierum transferalur, nisi prius apud conci.
lium alienniionis ipsius causa doccatur. Hil., tom. IV
Concil., pag. 1043.
22
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ran el à Vic-
turus.
Lettre à
Léonce d'Ar-
les et auxévê-
(lues de^ Gau-
les.
338
de Rome, un décret contraire à celui que saint
Léon avait rendu pour l'union des Eglises de
Cémèle et de Nice ' . Saint Hilaire eu ayant
été averti par Eugénuus, évéque d'Embrun,
qui s'était plaint à lui que dans le concile de
Rome, de l'an 462, on avait accordé quelque
avantage, au préjudice de sa métropole, à
l'évèque d'Aix, ce pape écrivit aux évoques
Léonce, Véran et Victurus , de prendre con-
naissance de ce différend. Il déclare dans
cetLe lettre ^ qu'il ne vent rien faire contre
les canons ni contre les privilèges des Eglises,
moins encore favoriser l'ambition des évè-
ques, dont le ministère doit, dit-il, fructifier
non par l'étendue des pays, mais par l'acqui-
sition des âmes. 11 veut donc qu'Eugénuus
demeure en possession de l'Eglise de Nice,
et que l'union que saint Léon en avait faite
avec l'Eglise de Cémèle ait lieu, en sorte que
ces deux Eglises n'aient plus qu'un évoque
et qu'il dépendit de la métropole d'Embrun.
Il . Quoique la ville de Vienne eût été sou-
mise à Arles par saint Léon, saint Mammert,
qui en était évéque , ne laissa pas d'ordon-
ner, en 463, sainl Marcel pour évéque de Die,
malgré le peuple et par une espèce de vio-
lence ^ Sur les plaintes que saint Hilaire en
reçut de la part dn Gondiac, roi des Bourgui-
gnons, il écrivit à Léonce d'Arles, le 10 oc-
tobre de la même année, pour être informé
du fait. Il lui marquait, en attendant, qu'il
avait trouvé, dans les archives de l'Eglise ro-
maine, que l'Eglise de Die n'était pas du
nombre de celles qui dépendaient de Vienne.
En effet, suivant le règlement de saint Léon,
la métropole de Vienne n'avait sous sa juri-
diction que les évèchés de Valence , de Ta-
rantaise , de Genève et de Grenoble. « Exa-
minez donc, lui dit-il *, cette affaire dans le
concile qui, selon nos ordonnances, doit s'as-
sembler tous les ans, et où vous devez pré-
sider; faites rendre compte à Mammert de sa
conduite, et nous en instruisez par une lettre
commune, afin que, par l'inspiration du Saint-
Esprit, nous ordonnions ce qui conviendra
pour réprimer de pareilles entreprises.» Saint
1 Tom. IV Concil., pag. 1038.
2 Nolumus Ecclesiarum primlegia confundi, nec in
alten'us provincia sacerdntis allerum jus habere per-
mittimus; quia per hoc non minus in sanclai'um tra-
ditionum delinquitur sanciiones, quam in injuriam
ipsius Domini prosilitur, cujus expectatio frucius nos-
tri ministerii non in laiiiudine regionum, sed in ac-
quisilione poniiur animarum. Hilar. , ibid. , pag.
1038.
3 Tom. IV Concil., pag. 1043, 1044.
Hilaire écrivit sur le même sujet aux évê-
ques des provinces de Vienne , de Lyon , de
Narbonne et des Alpes, par un évéque nommé
Antoine; il les exhorta à réprimer l'entre-
prise de Mammert et les autres semblables,
et à tenir exactement les conciles annuels,
tant pour le maintien de la bonne discipline
que pour terminer les difficultés qui arrivent
souvent entre les prêtres du Seigneur. An-
toine rapporta la réponse des évêques des
Gaules, qui s'étaient assemblés au nombre de
vingt pour examiner l'affaire de saint Mam-
mert ^. Saint Hilaire leur fit une réponse, le
24 février de l'an 464, où il dit que l'évo-
que de Vienne, pour avoir transgressé les
décrets du Saint-Siège touchant la juridiction
de cette Eglise, devait être déposé avec celui
de Die, qu'il avait ordonné contre les règles.
Voulant toutefois en user plus modérément
et conserver la paix des Eglises, il dit qu'il a
écrit à l'évèque Véran , l'un d'entre eux ,
comme délégué du Saint-Siège, d'aller trou-
ver Mammert de Vienne , pour l'admonester
de ne plus rien entreprendre de semblable,
sous peine d'être privé de sa juridiction sur
les quatre Eglises de sa province qui seront
attribuées à l'évèque d'Arles. A Fégard de
l'ordination de l'évèque de Die, il ordonne
qu'elle soit confirmée par Léonce, évéque
d'Arles, à qui elle appartenait de droit.
12. Silvain, évéque de Calhorra, à l'extré-
mité de la Castille, y avait ordonné un évé-
que à l'insu et sans le consentement d'As-
cagne, évéque de Tarragone, son métropo-
litain s, et sans que le peuple l'eût demandé.
Il avait aussi ordonné un curé d'un autre dio-
cèse, évéque du lieu dont il était curé, sans
même que ce prêtre y eût consenti. On fil à
Silvain de douces et de charitables remon-
trances sur de semblables entreprises, qui
étaient visiblement contre les canons ; mais
il n'en devint que plus insolent. L'évèque de
Sarragosse , alors suffragant de Tarragone,
s'en plaignit à ses confrères , et les avertit
non-seulement de se séparer de Silvain, mais
les conjura encore de ne point l'assister dans
* In conveniu synodali quis secundum slatula nos-
ira annis singulis te sibi prœsidente est congregandus,
discutere quœ sunt acta debebis, el a prœdicto Mam-
merto rationem facti sui sub universœ casu fruterni-
iatis exigere, ac deinde omnium litteris nostrœ inti-
niare notitiœ, ut quod Sancto Spiritu dictante est fa-
ciendum, ad comprimendos conaius illicitos ordine-
mus. Hilar., ibid., pag. 1044.
s Tom. IV Concil., pag. 1045.
6 Tom. IV Concil., pag. 1032.
Lellre •■
évèqucs d'
pngoe à "
Hilaire.
[t= stècle.]
CHAPITRE XV. — SAINT HILAIRE, PAPE, ETC.
339
les ordinations qu'il faisait. Silvain continua
dans son désordre, et fit seul ce qui ne lui
était pas même permis de faire avec le nom-
bre d'évêques prescrit par les canons. Asca-
gne, pour remédier promptement à un mal
qui pouvait avoir de grandes suites, assem-
bla tous les évèques de sa province, vers
l'an 464. Le résultat de son concile fut que
l'on écrirait au pape pour savoir de lui com-
ment on devait traiter Silvain et celui qu'il
avait ordonné seul, afin de tenir ensuite un
nouveau concile où Ton exposerait ce qui
aurait été résolu par le Saint-Siège sur cette
affaire. Les évoques d'Espagne écrivirent donc
à saint Hilaire une lettre très-respectueuse,
oii, après lui avoir exposé le fait, ils le priaient
de leur prescrire ce qu'ils en devaient ordon-
ner. Comme ils fui-ent assez longtemps sans
recevoir de réponse du pape, craignant qu'il
n'eût pas reçu leur lettre , ils lui en envoyè-
rent une copie , avec une seconde lettre sur
une autre afïaii'e qui regardait l'Eglise de
Barcelone. Nundinaire, qui en était évêque,
avait déclaré, en mourant, qu'il souhaitait
avoir pour successeur Irénée, déjà évêque
d'une autre viUe, mais qui dépendait du dio-
cèse de Barcelone. Le mérite d 'Irénée était
connu de tout le monde, en sorte que tout le
clergé et le peuple de Barcelone, avec les
personnes les plus considérables de la pro-
vince consentirent volontiers à sa translation.
Ascagne et tous ses suffragants eurent aussi
égard à la volonté du défunt, jugeant que
l'utilité de l'Eglise de Barcelone le deman-
dait. Ils en firent un décret, se fondant sur
ce qu'on avait pratiqué la même chose en
diverses autres occasions. Ils se résolurent
toutefois, de l'avis de Vincent, ducdelaTarra-
gonaise, de demander au pape la confirma-
tion de ce qu'ils avaient fait. 11 n'est point dit,
dans leur lettre, si Irénée, en passant à l'é-
vêché de Barcelone, y réunissait l'Eglise dont
il était évêque auparavant, ce qui eût pu ren-
dre sa cause favorable,
lire de 13. Los deux lettres cles évêquBS d'Espagno
éïêqaes furcut lucs daus le concile que saint Hilaire
ïagne et ^
•^f"^' tint à Rome dans la basilique de Sainte-Ma-
rie ', le 19 novembre, à l'occasion de l'anni-
versaire de son ordination. L'affaire d'Irénée
ayant été proposée, le pape se déclara for-
tement contre cet évêque ; il fut ordonné qu'il
retournerait à son Eglise sous peine d'ex-
communication; qu'Ascagne ferait élire du
clergé de Barcelone un évêque digne d'en
remplir le siège, et le consacrerait sans qu'à
l'avenir on pût regarder comme héréditaire
l'èpiscopat, qui n'est conféré que par la grâce
de Jésus-Christ. Les évèques du concile in-
terrompirent même par deux fois la lecture
de la lettre des évèques d'Espagne au sujet
d'Irénée , et se récrièrent contre l'abus de
donner les évôchés comme par testament.
Quand on eut lu l'autre lettre qui regardait
les entreprises de Silvain, les évoques du
concile demandèrent que l'on observât l'an-
cienne discipline et qu'on en punît les viola-
teurs. Saint Hilaire écrivit donc une lettre
dècrétale, adressée à Ascagne et à tous les
évèques de la province de Tarragone ^, datée
du 30 décembre de l'an 465 , où il marque
que, eu égard à diverses lettres qu'il avait re-
çues des magistrats et des principaux citoyens
de plusieurs villes d'Espagne, en faveur de
Silvain, et à la nécessité des temps, il lui par-
donnait le passé, pourvu que dans la suite il
observât les canons. Le pape eut moins d'é-
gard pour Irénée. II ordonna que cet évêque
demeurerait dans son ancienne Eglise, à con -
dition qu'il ne songerait pas à passer à une
autre. Saint Hilaire ne se contenta pas d'é-
crire aux évèques d'Espagne sur cette aflViire, •
il écrivit en particulier à Ascagne , en lui
marquant qu'il envoyait un sous-diacre de
Rome , nommé Trajan , pour faire exécuter
ce qui avait été résolu dans son concile tou-
chant Irénée.
14. Rome se trouvant sans empereur, parce saiot ni-
S> \ ', t, r . fi laire s'oppose
evere avait ete empoisonne dans son à niéresie des
palais, le iS août 46£) , le patince Ricimer,
qui gouvernait l'Occident, convint que l'em-
pereur Léon enverrait Anthémius, fils de Pro-
cope; le sénat envoya pour cet effet une dé-
putation à Constantinople ; Anthémius, arrivé
en Italie , fut reconnu empereur d'Occident,
au mois d'août de l'an 467. Il avait amené
avec lui un nommé Philothée, hérétique ma-
cédonien, qu'il chérissait beaucoup. Philo-
thée, appuyé de la faveur d'Anthémius, vou-
lut introduire à Rome diverses sectes , avec
la liberté d'y tenir leurs assemblées. Mais
saint Hilaire s'y opposa, et pria l'empereur
de l'empêcher. Il lui en parla même publi-
quement et àhaute voix dans l'église de Saint-
Pierre, en sorte qu'Anthémius lui promit avec
serment qu'il ne permettrait l'ieri à Philo-
thée sur ce sujet.
Tom. IV Concil., pag. 1035, 1037.
2 Tom. IV Concil., pag. 1208.
HISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
son Cycle pas-
cal.
340
13. Ce fut par une oclioii si généreuse et
si importante à l'Eglise, que ce saint pape ter-
mina son pontificat et sa vie , étant mort le
47 septembre de la même année 467, après
avoir gouverné environ six ans. Il parait, par
ses lettres, qu'il était très-instruit des lois et
de la discipline de l'Eglise , et qu'il ne man-
quait ni de zèle ni de fermeté pour les faire
observer. Son style est net, mais moins fleuri
que celui de son prédécesseur. Il fit cons-
truire plusieurs églises et trois oratoires dans
le baptistère de la basilique de Constantin,
dont un portait le nom de la Sainte-Croix '.
Il y mit du bois de la vraie croix, enchâssé
dans une croix d'or ornée de pierreries. Dans
un autre oratoii-e , qu'il bâtit dans le baptis-
tère de Latran, sous le nom de Saint-Etienne,
il mit deux bibliothèques ou deux armoires
de livres. On parle d'une lettre de saint Hi-
laire , insérée dans le second concile de Ni-
cée '^, où il cite saint Clirysostôme sur les
images. On aurait dû marquer l'endroit de ce
concile où cette lettre est citée ^.
16.Victorius, à qui saint Hilaire avait donné
la commission de travailler a un cycle pas-
cal, était né à Limoges, ville d'Aquitaine. On
croit que les ravages des Goths l'obligèrent
de quitter les Gaules pour se retirer à Rome.
Ce fut là qu'il examina les raisons de la di-
versité d'opinions qui se trouvait sur cette
matière entre les Grecs et les Latins, et qu'il
entreprit de montrer à quoi l'on devait s'en
tenir. Il acheva son Cycle pascal en l'an 457 ;
comme il l'avait fait par l'ordre de saint Hi-
laire, il le lui dédia, quoiqu'il ne fût alors
qu'archidiacre de l'Eglise romaine. La lettre
où il lui rend compte de son travail, est très-
bien écrite. Il marque à la fin qu'il était dans
le dessein de faire un cycle pascal qui com-
mencerait à la création du monde; mais que
dans la crainte de ne trouver pas assez de
loisir pour un ouvrage de cette étendue, il
avait d'abord travaillé au cycle pascal que
saint Hilaire lui avait demandé. Nous l'avons
encore avec un commentaire du père Bou-
cher, imprimé à Anvers, chez Plantin, en l'an-
née 1633, in-foho. Ce Cycle est de cinq cent
trente-deux ans, parce que, selon le calcul
de Victorius, au Ijout de ce temps, le jour
de la Pâque doit recommencer au même
jour du mois et de la lune qui s'est ren-
contré l'année de la mort de Jésus-Christ :
car Victorius ayant trouvé que le cycle lu-
naire de dix-neuf ans dont se servaient les
Grecs, était plus sûr que ceux des Latins, il
le multiplia par le cycle solaire de vingt-huit
ans, d'où il résulta un canon pascal de cinq
cent trente-deux ans. Il le commence au
consulat des deux Géminus, c'est-à-dire de
Rufus et de Rubelliiis, qu'il met pour l'année
de la passion du Sauveur, c'est-à-dire à l'an
73, qui est l'an 28 de l'ère vulgaire. Victorius
est le premier des Latins qui se soit servi de
la période de dix-neuf ans pour le cycle lu-
naire. Son Cycle pascal contient huit colon-
nes. Il met dans la première les noms des
consuls; dans la seconde, les nombres des
années de sa période ; il marque dans la
troisième les années bissextiles. On voit par
la quatrième en quel jour de la semaine tom-
bait le premier jour de l'an de chaque année :
ce qui sert de lettre dominicale, qu'on n'avait
pas encore inventée. La cinquième montre
quel quantième de la lune arrivait en ce même
jour; ce qui tient lieu d'épacte qu'on ne con-
naissait pas non plus alors. La sixième marque
le jour de la Pâque; la septième indique
le jour de la lune où cette fête se célébrait.
La huitième contient les indictions. Le père
Boucher y a ajouté les années du nombre de
dix-neuf ans : il a encore marqué dans une
autre table à côté les années du monde selon
la Chronique d'Eusèbe , les années de l'ère
vulgaire, les cycles de la lune et du soleil,
les années de l'époque de la fondation de
Rome selon Varron, la suite véritable des
consulats, et les années des empereurs ro-
mains. Le quatrième concile d'Orléans, en
341 *, ordonna que tous les évêques se ser-
viraient du cycle de Victorius pour régler le
jour de la fête de Pâques, et que chaque
évêqne l'annoncerait au peuple dans l'église
le jour de l'Epiphanie. Ce Cycle est cité avec
éloge par Gennade ^, par Honorius d'Autun,
> Tom. IV Concil., pag. 1030; et Baron., ad ann.
467.
2 Tom. I oper. Ambros,, pag. 1095, in not.
3 Dans le tome LVHI de la Patrologie latine, on
trouve la Vie de saint Hilaire par Anastase, ses let-
tres au nombre de onze, parmi lesquelles il y en a
une des évêqaes de Tarragone et une de Léonce;
vieiment ensuite deux décrets tirés de Gratien : le
tout est reproduit d'après Mansi, Collect. Concil.
gêner. (L'éditeur.)
* Placuit Deo propitio, ut sanctum Pascha secundum
Laterculum Victorii ah omnibus sacerdotibus unotem-
pore celebretiir. Quœ festivilas annis singvlis epis-
copo Epiphanioriim die in ecclesia populis denuntie-
tur. Coucil. Aurel., iv, con. 1.
^ Victorius, homo natione Aquitanus , calculator
CHAPITRE XVI. — IDACE, ÉVEQUE DE CHIAVES.
[V" SIÈCLE.]
par Cassiodore et par un grand nombre
d'autres écrivains ecclésiastiques, dont le
père Bouclier a rapporté les témoignages à
la tête de son édition. 11 l'a enrichie de divers
341
autres cycles anciens , de lettres pascales et
d'un grand nombre d'observations qui répan-
dent beaucoup de lumières sur une matière
obscure et difficile.
CHAPITRE XVI.
Idace , évêque de Chiaves.
[Eu 471.]
i . Idace, natif de Lamégo, dans la province
de Beira, comprise alors dans la Galicie, au-
jourd'hui dans le Portugal, demeura orphelin
étant encore enfant '. Ayant à cet âge quitté
sou pays, il aha en Orient où il vit saint Jé-
rôme, Euloge de Césarée, Jean de Jérusalem
et Théophile d'Alexandrie. C'était, ce sem-
ble, vers l'an 406. Car c'est sur cette année
qu'il parle de toutes ces personnes. Il dit
lui-même ^ qu'il avait été peu instruit dans
les lettres humaines , moins encore dans
l'étude de l'Ecriture sainte. Son style fait
voir qu'il disait vrai pour le premier ; mais
le choix que saint Léon fit de lui pour tra-
vailler contre les priscillianistes ^ , marque
qu'il étail plus instruit des dogmes de la re-
ligion qu'il ne le fait paraître.
2. Il faut donc attribuer à son humilité ce
qu'il dit*, qu'il fut élevé à l'épiscopat, moins
par son propre mérite que par la grâce de
Dieu. Il met son ordination en la troisième
ou la quatrième année de Valentinien III ^,
c'est-à-dire depuis que ce prince eut été
fait César. C'était donc environ l'an 4-27. 11
y a contestation sur le lieu de son évêché.
Quelques-uns disent que c'était Lamégo.
Mais Idace, qui marque cette ville pour le
lieu de sa naissance «, dit qu'il fut pris dans
l'Eglise de Chiaves , à l'extrémité du Portugal ',
et qu'après une captivité de trois mois il re-
tourna cà Chiaves. Il parait indubitable qu'il
était évoque de cette ville, qu'il nomme Aquae-
Flaviœ, que nous appelons aujourd'hui Chia-
ves, et qui^ selon Sanson, était autrefois un
siège épiscopal. 11 y en a qui l'ont fait arche-
vêque de Lugo, mais cet opinion n'est point
soutenable, puisqu'Idace était évêque dès
l'an 427, et qu'Astérius l'était de Lugo, en
43,3.
3. En 431, les peuples de la Galice l'en-
voyèrent dans les Gaules ^, où était Aétius,
général des armées romaines, pour obtenir
quelques secours contre les Suèves, qui
avaient rompu la paix faite avec eux et qui
les pillaient. Il revint des Gaules l'année sui-
vante avec le comte Censorius, envoyé par
Aétius pour rétablir la paix dans le pays, en
433. Il apprit des nouvelles de l'Orient par
un prêtre arabe ", qui vint en Galice , et l'in-
forma particulièrement de ce qui s'était passé
dans le concile d'Ephèse contre Nestorius,
qui avait renouvelé l'hérésie des ébionites.
4. En l'an 443, Turibius, évêque d'Astorga,
ayant découvert dans sa ville plusieurs pris-
cillianistes qui s'y étaient cachés, il les con-
vainquit juridiquement avec Idace '", et en
Il est en-
voie en (lé-
pulaLion duns
les Giules.
Jl examine
les m a n i-
cliceusen 'i/i5.
scrupulosus, composuit paschalem recursum indaga-
tione cautissima. Germad. , de Vir. illust., cap. lxxxviii;
Houor.j rfe Sc)'i>;. £ccte., cap. Lssxvni; Sigebert.,
de Script. Ecoles., cap. xx; Cassiod., Greg. Turo-
nens.j et alii, apud Bucherium, pag. 29 et seq.
1 Idac, in Chronlc, n. 32.
2 Idem, praef. in Clironic.
3 Léo, Epist. 3], cap. xvii.
* Idac, praef. in Chronic.
^ Idem, in Chronic, n. 7.
•* Idem, prœf. in Chronic.
' Frumarius cum manu Suevorum quam hahebut
impulsus, capto Idacio episcopo septimo culendas au-
gusti in Aqua Flaviensi ecclesia , eumdem convenliim
grandi evertit excidio. Idac, in Chronic, n. 4. Ida-
cius, qui supra tribus mensihus captivitatis impletis
mense novenihri rediit ad Flavias. Ibid.
3 Suevi initam cum Gallicis pacem libata sibi occa-
sio7ie conturbant. Oh quorum deprœdntionem Idacius
episcopus ad Aetium diicem, qui expeditionem ngehat
in Galliis, suscipit legaiionem : superalis per Aetium
in cei-iaraine Francis in pace susceptis, Censorius co-
rnes, teguius mittitur ad Suevos, supradicio sccum
Idacio redeunie. Idac, in Chronic, n. 7 et 8.
3 Idac, in Clironic, n. 11.
10 Idem, in Chronic, n. 21.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
emnicne cap-
tif.
Ses écrits,
s^ Clironiqiie.
[EdUions ]
342
envoya les actes à Antoine , évêque de Mé-
rida, métropolitain de la Lusitanie. Turibius
en écrivit encore à Idace et au pape saint
Léon, qui, dans sa réponse de l'an 447 ',
disait à Turibius qu'il fallait assembler un
concile général des provinces de Tarragone,
de Garthage, de Lusitanie et de Galice ; ou
que s'il s'y trouvait quelque obstacle, il fal-
lait du moins que les évêques de Galice s'as-
semblassent à la diligence d'idace, de Cépo-
nius et de Turibius.
5. Idace, trahi par quelque délateur en 462
ou 463 ^, fut pris par les Suèves dans l'église
de Chiaves, le 26 de juillet. Mais, après trois
mois de captivité, il retourna, avec le secours
de Dieu et malgré ses ennemis, à Chiaves.
6. On voit par sa Chronique ^ qu'il vivait
encore en 468, puisqu'il parle de l'ordination
de saint Simplice, qui succéda en cette année
ou sur la fin de la précédente à saint Hilaire
dans le siège épiscopal de Rome.
7. Quoique les malheurs de son temps, et
surtout les guerres continuelles des Suèves
et des Gollis, ne lui laissassent que peu de
repos, il en trouva assez pour continuer la
Chromque de saint Jérôme. Ce qu'il y a
ajouté *, commence à la première année de
l'empire de Théodose-le-Grand, et finit à la
onzième du règne de Léon, la troisième
d'Anthémius ; ce qui fait une chronique de
quatre-vingt-sept ans, depuis l'an 381 jus-
qu'à l'an 468. Ce qu'il dit depuis la première
année de Théodose, jusqu'à la troisième de
Valentinien, il l'avait lu dans les écrivains du
temps, ou l'avait appris de personnes dignes
de foi; mais depuis ce temps-là, qui est celjii
où il fut fait évêque, il raconte ce qu'il avait
vu lui-même et connu des misères de son
temps, où l'empire romain était réduit dans
des bornes très-étroites, en danger de perdre
même le peu qui lui restait. Ce qu'il dit des
troubles de son pays est remarquable : « Je
me trouve renfermé ^ à l'extrémila du monde
dans la Galice, où l'ordre et l'état de l'Eglise
sontrenverséspar despromotions indignes, où
nous avons perdu la liberté et où la rehgion
semble entièrement ruinée, soit par le ren-
versement de la discipline, soit par le mé-
lange des nations qui nous dominent et qui
n'ont ni équité ni douceur. » La Chronique
d'idace contient les principaux événements
1 Léo, Epist. 93, cap. XvU.
^ Idac, in Chronic, n. 4.
3 Idem, in Chronic, sub fine.
de l'empire, les années et les changements
des empereurs, les noms et les années des
évêques de Rome. Elle marque aussi les
évoques des autres villes principales , mais
avec moins de suite que ceux de l'Eghse de
Rome. Elle s'étend sur tout ce qui est arrivé
de considérable en Espagne, soit pour le
civil, soit pour l'ecclésiastique. Idace n'ou-
blie pas les maux que souffrit cette province
par les guerres des Barbares, par l'hérésie
des priscillianistes, et par divers autres évé-
nements funestes. Il se sert de trois épo-
ques : la première est celle des années du
monde, la même qu'Eusèbe de Césarée a
suivie ; la seconde est l'ère d'Espagne, qui
précède la nôtre de trente ans ; mais il ne l'a
marquée à la marge que deux fois, c'est au
commencement de sa Chronique; la der-
nière est celle des olympiades, qui le con-
duit jusqu'en 440. On voit aussi dans sa
Chronique les années des empereurs, et il y
a toute apparence qu'elles y sont de la main
d'idace. Son style, quoique dur et barbare,
ne laisse pas d'être facile à entendre. C'est
de là que saint Isidore et divers autres ont
tiré ce qu'ils ont dit des guerres et des ac-
tions des Goths, des Suèves et des autres na-
tions dans l'Espagne et dans les Gaules : ce
qui fait voir que la Chronique d'idace avait
été rendue publique dans le temps que saint
Isidore écrivait. Canisius et Scaliger ne nous
avaient d'abord donné que des fi-agments de
celte Chronique : le premier, dans le recueil
des Anciennes Leçons ou Anciens Monuments
ecclésiastiques; le second, à la suite des Chro-
niques d'Eusèbe et de saint Jérôme. Mais
le père Sirmond l'a fait im])rimer tout en-
tière à Pai'is, en 1619, avec une préface où
il remarque qu'elle a été aussi imprimée à
Rome. On la trouve avec la même préface
dans le septième tome de la Bibliothèques de
Pères, à Lyon, en 1677, et dans le recueil
des œuvres du père Sirmond, à Paris, en
1696. Ce père y ajouta des Fastes consulaires,
qu'il avait trouvés dans le même manuscrit
qui contenait la Chronique d'idace; et il
jugea que ces Fastes étaient du même au-
teur, non sur l'autorité du manuscrit, mais
à cause de la conformité du style de ces
deux ouvrages, de l'affinité de la matière, et
parce qu'il remarquait dans l'un et dans
* Idem, prsefat. in Chronic.
5 Ibid.
I
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XVII. — SAINT GENNADE DE CONSTANTINOPLE
l'autre le même génie. Une autre preuve
que ces Fastes sont d'Idace, c'est que l'ère
343
d'Espagne y est seule marquée à la marge,
quoique l'auteur s'attache moins à l'histoire
d'Espagne qu'à ce qui s'est passé ailleurs.
Le père Sirmond ne voulut donner qu'âne
partie de ces Fastes, qu'il croyait la plus né-
cessaire et la plus correcte : mais le père
Labbe les donna tout entiers dans le premier
tome de sa Bibliothèque, à Paris, en 1667, et
après lui Du Gange dans sa Chronique pascale,
imprimée d'abord à Pai-is, puis à Venise, en
■1729. Ces Fastes commencent à Brutus, le
premier de tous les consuls avec Collatinus,
et finissent au second consulat de l'empereur
Anthémius, c'est-à-dire en l'an 468. On les
regarde comme très-exacts, quoiqu'il s'y soit
glissé quelques fautes, de même que dans la
Chronique, soit par la négligence des copistes
ou autrement. Un chronologiste français, sous
le règne de Charlemagne, fit un abrégé de la
Chronique d'Idace, et même de la préface.
Nous l'avons dans Canisius '. Mais le compi-
lateur a ajouté beaucoup de choses à Idace,
et conduit sa chronologie jusqu'au règne de
Justinien.
[Galland a publié les écrits d'Idace dans le
tome X de sa Bibliotheca veterum Patrum,
d'où ils ont passé dans le tome Ll de la Pa-
trologie latine. La dernière édition d'Idace est
celle qui a été publiée par les soins du Rec-
teur de l'Université de Louvain, Mgr Ram,
1847. On la reproduit dans le tome LXXIV
de la Patrologie latine, col. 681. Elle avait été
préparée par les soins du P. Garzon, jésuite
d'Espagne; le manuscrit, déposé d'abord à la
Bibliothèque royale de Madrid, se trouve
maintenant dans la Bibliothèque publique
de Bruxelles. On peut voir dans V Université
catholique, janvier et mars 1848, un travail
de M. Nève sur cette édition.]
CHAPITRE XYII.
Saint Gennade, patriarche de Gonstantinopie.
[Vers l'an 471.]
1 . Les anciens qui ont parlé de saint Gen-
nade, nous l'ont représenté comme un homme
très-mortifîé ^ et en même temps très-doux,
dont le corps était pur aussi bien que l'âme;
d'un esprit vif ^, d'une langue éloquente et
d'une mémoire enrichie par la lecture des
écrivains qui s'étaient rendus célèbres avant
lui. Vers l'an 431 ou 432, lorsque la dispute
entre saint Cyrille et les Orientaux durait
encore, Gennade fit un écrit contre ce saint
évèque, où il traitait sa doctrine et ses ana-
thématismes avec beaucoup de mépris, parce
que, ne les entendant pas, il ne pouvait les
accorder avec la foi de l'Eglise *. Cette faute
lui fut commune avec beaucoup d'autres
évêques d'Orient, qui s'étaient persuadés que
saint Cyrille, en combattant Nestorius, était
tombé dans l'hérésie d'Apollinaire. Mais ils
revinrent, la plupart, de leur préjugé, lorsque
saint Cyrille se fut expliqué , et l'on ne peut
guère douter que Gennade n'ait été du nom-
bre de ceux qui se réunirent avec lui en 433.
Cela doit même paraître comme certain, si
Gennade est le prêtre et l'abbé de ce nom,
qui, en 434, fit difficulté d'entrer dans la com-
munion de saint Procle, évêque de Constanti-
nople, parce que ce saint y avait admis Ju-
vénal de Jérusalem, qui avait marqué trop
d'ambilion en faisant ériger son Eglise en
nouveau patriarchat ^. Car ce fut saint Cyrille
qui porta ce Gennade à ne point désapprou-
ver la condescendance dont saint Procle avait
usé en cette occasion.
2. Il est encore certain que Gennade était
Il esl élo
évéq u e do
> Canis., tom. II, pag. 183.
2 Mitissimus et mundus corpore, multumque conti-
nens Germadius fuit. Mosch., cap. CSLV.
^ Gennadius Consianlinopûlitunœ Ecclesiœ episco-
pus, vir tingua nitidus et ingénia mer, iam dives ex
lectione antiquorum fuit , ut Danielem prophetam ex
intégra ad verbum commentatus exponeret. Gennad.,
de Vir. illust., cap. xc.
'> Facund., lib. II, cap. iv, pag. 76 et 78.
s Cyrill., Epist. 48, pag. 191, 192.
344
HISTOIRE GÉNÉRA.LE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Constantino-
ple ea 4d8.
Iracondaite
peiidnDt SOQ
épiscopat.
prêlre de Constantinople ', lorsqu'il en fut
fuit évêque après la mort d'Anatolus, arrivée
dans le mois de juillet de l'an 458. Son élec-
tion ne fut pas unanime : Acace, qui fut son
successeur, y eut quelques suffi'ages. Gcn-
nade, dès le commencement de son épiscopat,
donna des preuves de son zèle pour la foi
catholique et le maintien de la discipline.
Timothée Elure , chassé d'Alexandrie par
ordre de l'empereur Léon, avait obtenu, à
la solUcitation de quelques ennemis de la foi,
la permission de venir à Constantinople,
dans l'intention de se faire rétablir sur le
siège d'Alexandrie, en feignant d'être catho-
lique. Gennade en avertit aussitôt saint Léon,
qui lui récrivit le 17 juin 460 ^, en le priant
d'empêcher les mauvais effets que l'on avait
à craindre du voyage d'Elure, et de travailler
à ce que l'on ordonnât au plus tôt un évoque
catholique à Alexandrie. La chose réussit
comme saint Léon l'avait souhaité. Timothée
Elure fut relégué à Chersonèse ^, et on élut
évêque d'Alexandrie mi autre Timothée, sur-
nommé Solophaciole ou Le Blanc.
3. On remarque que Gennade * établit
économe des biens de l'Eglise, Marcien, qui
était passé de la secte des novatiens à l'Eglise
catholique. Dès que Marcien fut en charge,
il ordonna que les clercs de chaque .Eglise
particulière en prendraient les offrandes, au
lieu que la grande Eglise les prenait toutes
auparavant. Un lecteur nommé Carisius, qui
servait dans l'église de Saint-Eleuthère, à
Constantinople, menait une vie déréglée.
Saint Gennade l'en reprit fortement. Ses ré-
primandes ayant été inutiles, il le fit châtier
selon les règles et la douceur de l'Eglise.
Mais le châtiment ne faisant pas plus d'effet
sur Carisius que les paroles, le saint évêque
envoj'^a un de ses officiers à l'église du saint
martyr, le prier de corriger ce mauvais mi-
nistre de son Eglise ou de l'ôter du monde.
Carisius fut trouvé mort le lendemain, ce qui
jeta l'effroi dans la ville. Ce fait est attesté
par Jean Mosch ^, qui l'avait appris de deux
vieillards du clergé de Constantinople , ainsi
que par Théodore le Lecteur, qui écrivait dans
le commencement du siècle. Le même rap-
porte ^ qu'un peintre qui entreprit de faire
l'image de Jupiter sous celle de Jésus-Clirist,
en fut puni sur-ie-champ par le dessèchement
de la main, que Gennade guérit ensuite par
ses prières. Théodore ajoute que l'auteur de
qui il avait appris cet événement, disait que
la vraie image du Sauveur était celle-là qui
le représentait avec des cheveux crépus en
petite quantité. Théodore parle de saint
Daniel, qui vivait sur une colonne auprès de
Constantinople ^, mais il ne dit rien de ce
qu'on lit dans sa Vie, que Gennade, à la prière
de l'empereur Léon, l'ordonna prêtre , en fai-
sant sur lui les prières et les cérémonies de
l'ordination au bas de la colonne, parce que
Daniel n'avait pas voulu souffrir que son évê-
que, dont il savait le dessein, y montât.
4. Le concile de Clialcédoine avait con-
damné la simonie ', en ordonnant la peine
de déposition contre ceux qui recevaient de
l'argent pour les ordinations, contre ceux
qui en donnaient pour être ordonnés, et
contre les médiateurs de ce mauvais com-
merce. Comme cet abus continuait, au mépris
du canon de ce concile, saint Gennade crut
devoir le renouveler dans celui qu'il tint à
Constantinople en 439 ou 460. Il ajouta l'ana-
thème à la déposition ', afin que personne
n'osât corrompre par de fausses interpréta-
tions la pureté de la doctrine de l'Eglise sur
ce point. Nous avons la lettre synodique de
ce concile '", qui fut envoyée au pape et aux
métropolitains de l'Orient, afin qu'ils s'em-
ployassent avec leurs suffragants à détruire
cet infâme abus. Sous le pontificat de Gen-
nade ", deux personnes habiles à composer
Ge nna
tient un ce
cils a Coj
ta mi no p
vers i'jQ '
1 Theod. Lect., lib. I, pag. 718 edit. Basil., an.
15S4.
2 LeOj Epist. 138.
3 Designavit Gennadius Marcianum œconomum ad
ecclesiam relicta catharorum secta iranslatum, qui
mox atque œconotnus faclus esset, quœ in unaquaque
ecclesia offerahantur, ub ejus loci clericis auferri dé-
crivit, donec magna ecclesia cuncta illius acciperet.
Theod. Lect., lil). II, pag. 718.
'> Eleutherio martyri Gennadius propter unum tcm-
pli ipsius clericum significavit , dicens : « Miles tuus
incondiie se gerit; aut corrige eum, aut abjice. » Ille
vero tanquam reprobus confestim est mortuits. Theod.
Lect., ibid.
s Mosch., cap. cXLVj et Theod. Lect., ubi supra.
f Sub Gennadio picioris cujusdam manus exaruil,
qui loco Jovis Servatoi'em pingere prœsumpserat, qiiem
Gennadius precibus suis curavit : dicit autem qui ista
scribit, aliam formam Servatoris veriiati magis conso-
nam esse, quœ crispis sit et modicis capillis. Theod.
Lect., lib. Ij pag. 718.
1 Ibid.
s Tom. IV CoiiciL, pag. 755.
9 Ibid., pag. 1026 et 1030.
"> On la trouve dans le tome VU de Mansi, col.
911-16. (L'éditeur.)
" Theod. Lect., pag. 718; Theoph., in Chronog.,
pag. 98, et Cedreu., pag. 394.
CHAPITRE XVII. — SAINT GENNADE DE CONSTANTINOPLE.
[V SIÈCLE
des cantiques en prose, mais d'un style élevé
et poétique, formèrent dans Constantinople
deux espèces de partis : l'un se nommait
Antbime, et l'autre Timocle. Celui-ci, qui était
apparemment eutycliien, avait pour lui les
ennemis du concile de Chalcédoine : mais les
orthodoses s'assemblaient chez Anthime. On
célébrait chez lui les veilles, et afin d'en
augmenter la joie, il eut soin de les rendre
agréables par les hymnes et les caniiques
qu'il composa et qu'il faisait chanter à diffé-
rents chœurs parles hommes et par les fem-
mes. Anthime était prêtre, et lorsqu'il n'était
que laïque, il avait pratiqué les exercices de
piété avec saint Auxent et saint Marcien, laï-
ques comme lui.
S. Ce fait est rapporté par Théodore Lec-
teur, qui marque que ce fut aussi du vivant
de saint Gennade, que Studius bâtit une
éghse de Saint-Jean-Baptisle, avec un mo-
nastère où il mit dés moines acémètes. 11
joint à ce monastère celui de Saint-Cyriaque,
fondé par Gratissimus, grand chambellan,
qui s'y retira et y mit l'habit monastique,
sans quitter les fonctions de sa charge. Le
même historien racofie ' que saint Gennade
étant allé une nuit à luutelpour prier, aper-
çut un démon en fome de spectre; que
l'évêque lui ayant parle avec fermeté et avec
menace, le démon lui dr en criant qu'il cé-
dait pour le temps de sa vie, mais qu'après
sa mort, il ferait beaucoupde mal à l'Eglise
et s'en rendrait le maître. iGennade, ajoute
Théodore, pria Dieu de délflurner ce mal-
heur, et la crainte qu'il eut que ce qu'avait
dit le démon n'arrivât, lui capsa tant de dou-
leur, qu'il mourut peu de temps ajàvès. Les
maux qu'Acace, son successeur, fit àlEglise,
donnèrent lieu de croire que la visioi\ qu'a-
vait eue Gennade, n'était que trop vérf,able.
Quelque temps avant sa mort, Pierre le\pou-
" Ion, hérétique eutychien ^, soutenu pa\ Ze-
non, gendre de l'empereur, s'étant em\aré
du siège d'Antioche dont Martyrius avaitété
pourvu en 439 , saint Gennade obtint parW
soins et ses sollicitations que Martyrius ç-
rait rétabli. Mais cet évêque voyant que^(
peuple d'Antioche aimait la division, apri
avoir essayé en vain de le ramener par s
exhortations, il abandonna son Eglise en si
réservant la dignité du sacerdoce. Alor
343
Pierre le Foulon s'empara du siège vacant
et fut reconnu patriarche d'Antioche. Saint
Gennade en informa l'empereur Léon, qui
ordonna que Pierre fût envoyé en exil dans
l'Oasis. Il prévint l'exécution de cet ordre
par la fuite, et Julien fut élu canoniquement
évêque d'Antioche.
6. Saint Gennade avait laissé plusieurs
écrits : un commentaire sw' le Prophète Da-
niel, qu'il expliquait mot à mot; un sur toutes
les Epîtres de saint Paul ^, un grand nombre
d'homélies, un livre contre les Anathématismes
de saint Cyrille, et deux livres adressés à
Parthène. Il ne nous reste de tout cela que
deux fragments, l'un du second livre à Par-
thène, rapporté par Léonce dans les Lieux
communs de l'origine de l'âme * ; et l'autre
par Facundus. Saint Gennade dit dans celui-
ci ^ : « Malheur à moi d'être dans un temps
où l'Eglise est affligée de si grands maux.
Hélas ! par où commencerai-je que par là,
dans le temps où nous sommes? Combien
ai-je entendu de blasphèmes de Cyrille d'E-
gypte ? Malheur au fléau d'Alexandrie. »
Voici le second fragment : « Pouvons-nous
assez déplorer ce qu'il a corrompu et ce
qu'il corrompt? Il n'y a point de blasphèmes
qu'il ne vomisse contre les saints pères, con-
tre les apôtres, conti-e Jésus-Christ même. Il
détruit l'humanité que le Verbe a prise de
nous et pour nous, et 11 veut rendre passible
sa nature impassible. » Gennade entremêle
cette déclamation des passages de l'Ecriture
les plus forts contre les entreprises des mé-
chants. Sur le premier anathématlsme de
saint Cyrille, il dit : « Dieu vous anathéma-
tisera vous-même, muraille blanchie ^ : car
11 est très-juste qu'aiguisant votre langue
contre les disciples de Jésus-Christ, à l'imi-
tation d'Ananie, prince des prêtres juifs,
vous receviez un pareil traitement. » Fa-
cundus ne trouve point d'autre moyen d'ex-
cuser des termes si vifs contre saint Cyrille,
qu'en disant que Gennade ne comprenait pas
le sens des anathématismes de ce père. On
peut ajouter qu'étant alors fort jeune, la
chaleur des contestations entre l'évêque
d'Alexandrie et les Orientaux, avait occa-
sionné les emportements qu'il fit paraître
dans son ouvrage contre les Anathématismes.
[La Pat?'ologie grecque, tome LXXXV',
Ecri ts do
saint GCQ-
iiailQ.
1 Theod. Lect., ibid.
2 Idem, ibid.
3 Gennad., de Vir. illust., cap. xc.
' Sirmoud., not. in Facund., pag.
s Facund., lib. II, pag. 76.
6 Ibid., pag. 78.
70.
346
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
coL 1611-1734, contient ce qui nous reste des
éci'ils de saint Gennade, savoir : l'épitre ea-
cyclique à tous les métropolitains et au pape
de Rome, d'après Mansi, Concil. gen., tome
Vil, pag. 912; les fragments dogmatiques. Il
y en a quatre : le premier est tiré de Facun-
dus, le deuxième de Philippe solitaire, le troi-
sième et le quatrième sont reproduits d'après
Ang. Maï. Le troisième est sur la Procession
du Saint-Esprit, venant du Père et du Fils '.
A la suite des fragments dogmatiques vien-
nent des fragments sur l'Ecriture sainte; il y
en a sur la Genèse et sur l'Exode, d'après la
Chaine de Nicéphore, Leipsik, 1772; sur les
Psaumes, d'après Corder ou Cordier ; des
fragments étendus sur l'Epître aux Romains,
d'après les commentaires de Théodule, la
Chaîne de Cramer et d'après un manuscrit
de Munich ; quelques fragments sur la pre-
mière et la deuxième Epîtres aux Corinthiens,
d'après la Chaîne de Ci^amer, sur l'Epître aux
Galatts, d'après la Chaîne d'Œcuménius; sur
l'Epître aux Hébreux, d'après Cramer.]
CHAPITRE SVIII.
Mammert Claudien, prêtre de l'Eglise de Vienne.
[En 473 ou 474.]
ËduCi>lioQ
do Mammert
Claudien.
1. Mammert Claudien, que saint Sidoine
Apollinaire regardait comme le plus bel es-
prit de son siècle ^ et le plus grand génie de
son pays, était frère puîné de saint Mammert,
archevêque de Vienne. Dès sa jeunesse ^ il
embrassa la vie monastique, et profita d'une
partie du repos que lui procurait cet état,
pour lire les auteurs grecs et latins, sacrés
et profanes. Par ce genre d'étude, il devint
géomètre, astronome, musicien, poète, ora-
teur, dialectitien, interprète de l'Ecriture, suf-
fisamment instruit pour répondre à toutes
sortes de questions et pour combattre toutes
les erreurs; d'où vient qu'on lui donnait le
premier rang entre les philosophes chrétiens
et les savants de toutes les classes. Sa sa-
gesse *, sa prudence et sa modestie ne le
rendirent pas moins recommandable que
son savoir et son éloquence. Il négligea tous
les dehors affectés des philosophes, mais il
en conserva l'esprit, stns préjudice pour la
pureté de sa foi.
2. Son frère, qui connaissait ses talents,
voulant l'attacher à l'Eglise de Vienne l'en
ordonna prêtre ^, dais le dessein de partager
avec lui les travaux de l'épiscopat. Il prenait
son conseil ^ dans U décision des procès; il le
chargeait du goivernement des Eglises, et
se reposait sur hi du soin de ses affaires do-
mestiques. C'étdt aussi Claudien qui ensei-
gnait aux. autres ecclésiastiques le chant des
psaumef,qu'ilsavait parfaitement '; c'est lui
qui réglait l'office divin, marquant les lec-
tures lue l'on'devait faire à toutes les fêtes
de l'Fnnée.
3. Ou ne peut guère douter qu'il n'ait en-
coreréglé l'ofàce des Rogations, établies par
sonfrère, en 468. Voici quelle en fut l'occa-
sioi- Dieu, pour punir les péchés des peuples,
pemit que ceux-ci fussent affligés par une
ïnflitutioQ
dns Ro^ntioQS
en 46».
1 Credimus unum Deum, Patreni et Filium et Spi-
ritum Sanclum : Pairem, eo quod habeat Filium ; Fi-
lium, eo quod habeat Pairem; Spiritum Sanctum, eo
quod sit ex Pâtre procedens et Filio. Tom. LXXXV
Patrol. grœc, col. 1622.
2 Claudianus vir fuit providus, prudens, doctus,
eloquens, acer et hominum œvi, loci, popiili sui in-
geniosissimus. Sidon., lib. IV^ Epist. Il, pag. 943
edit. Sirm.
3 Triplex biblioiheca quo magistro romana aitici
christiana fulsil; quam iotam monachus virente i
œvo sécréta bibit institutione : orator , dialecticu,
poeta, iractator, geometra musicusque; doctus solve
I
incla quœstionum, et verbi gladio secare sectas, si
uœ catholicam fidem lacessunt: Sidon.j ibid.
* Mammertus Claudianus, peritissimus christianorum
ohilosophus, et quorumlibet primus eruditorum totis
sectatœ philosophiœ membris , arlibus partibusque
comere et excolere curavit, novem quas vocant Musas.
Sidon., lib. V, Epist. 2, pag. 970-
■' Sidon. j lib. IV, Epist. 11, ubi supra.
^ Idem, ibid., pag. 943.
' Psalmorum hic modulator et phonascus, ante al-
tarin, fraire gratulante, insiructns docuit sonare clas-
ses. Hic solemnibus annuis paravit, quœ quo tempore
lecta convenirent. Sidon.j lib. IV, Epist. W, pag. 945.
CHAPITRE XVni. — MAMMERT CLAUDIEN.
fv= siÈaE.]
infinité de guerres et de ravages; mais vou-
lant ieai faire sentir les effets de sa miséri-
corde, en même temps que sa sévérité, il les
effraya ' par un grand nombre d'embrase-
ments, par de fréquents tremblements de
terre, par des bruits extraordinaires, et par
la vue des bêtes sauvages qui paraissaient
eu plein jour au milieu des places publiques
et dans les plus grandes assemblées. Les
impies, attribuant ces événements au hasard,
ne pensaient point à recourir aux larmes de
la pénitence; mais les plus sages les regar-
daient comme des marques de la colère de
Dieu qui les menaçait d'une ruine totale. Au
milieu de tant de tristes événements. Dieu
accorda à la foi de saint Mammert une
marque de sa bonté. Le saint évêque, averti
d'un embrasement qui semblait menacer
toute la ville, et qui en jetait déjà les habi-
tants dans la consternation 2, alla en pré-
sence de tout le peuple s'opposer aux flam-
mes, qui se recourbèrent à l'instant, comme
pour fuir de lui. Ce miracle lui fit espérer
qu'il arrêterait les eû'ets de la colère de Dieu
en apaisant sa justice. Il indiqua des jeûnas ^,
exhorta les pécheurs de mettre fin à leurs
désordres, d'embrasser la pénitence et de
détourner par de fréquentes prières les châ-
timents dont ils étaient menacés. Cependant
un second incendie arriva, qui mit l'alarme
parmi le peuple et troubla la solennité de la
nuit de Pâques *. Chacun tremblait pour sa
maison et pour ses biens, lorsque ce saint
évêque, prosterné devant les saints autels,
éteignit cet incendie par l'abondance de ses
larmes et par la force de ses prières. Ce fut
dans cette même veille qu'il conçut le des-
sein d'établir les Rogations. Il en conféra
d'abord avec quelques particuliers, et sans
doute avec Claudien, son frère; puis il pro-
posa publiquement la chose à son peuple,
qui l'accepta avec joie. Elles consistaient
dans le chant des Psaumes ^ et dans la prièj'C
accompagnée de la componction du cœur,
des larmes et du prosternement de tout le
corps. On confessait ses péchés; l'humilia-
347
tion du corps était une preuve du regret que
l'on en avait, et tout le peuple s'unissait
pour en obtenir le pardon. C'était une fête
qui trouvait sa joie dans la sobriété, où les
larmes faisaient les délices et où la faim te-
nait lieu de bonne chère : car on jeûnait
pendant les trois jours que duraient ces Ro-
gations ; et, pour les rendre plus utiles en
les rendant plus pénibles, on allait les célé-
brer en quelque éghse hors de la ville. Cet
établissement passa de l'Eglise de Vienne
dans celle d'Auvergne ^ sous l'épiscopat de
saint Sidoine, avant l'an 475, et de là dans
un grand nombre d'autres Eglises. On trouve
parmi les sermons attribués à Eusèbe d'E-
mèse '', une homéhe que l'on croit être de
saint Mammert. Il y exhorte ses auditeurs à
assister comme ils avaient déjà fait, aux lita-
nies qui se récitaient quelque temps après le
jeûne du Carême. Il marque en même temps
quels étaient les motifs de ces prières publi-
ques. « Nous y prierons, dit-il, le Seigneur,
de nous délivrer de nos infirmités, de dé-
tourner ses fléaux de dessus nous, de nous
préserver de tout malheur, de nous garantir
de peste, de grêle, de sécheresse et de la fu-
reur de nos ennemis; de nous donner un
temps favorable pour la santé des corps et
pour la fertilité de la terre, de nous faire
jouir de la paix et du calme, et de nous par-
donner nos péchés » On attribue encore à
Mammert une homélie sur la Pénitence des
Ninivites ^, qui se trouve aussi parmi celles
qui portent le nom d'Eusèbe d'Emèse. Le
style en est le même que celle qui est su?- les
Rogations.
•4. Pour retourner à Mammert Claudien, il
était à Vienne comme un second évêque °
par les secours qu'il prêtait à son frère, en
sorte que, sans avoir le titre d'évêque, il por-
tait presque tout le poids de l'épiscopat. La
réputation de savoir qu'il s'était acquise, at-
tirait vers lui un grand nombre de personnes
qui venaient le consulter. Savant, affable et
communicatif '", il se faisait une joie de faire
part aux autres des trésors de son érudition.
Claudien ré-
pond aux
(]ucslions
d'uti grand
n u ui b r e de
personnes.
' Sidon., lib. VU, Epist. l, pag. 1014.
2 Ibid. — 3 Ibid.
'• Avit.j homil. de Rogat., tom. II oper. Sirmund.
pag. 136.
s Sidon., lib. V, Epist. lit, et Avit., ubi supra.
s Sidon., lib. VU, Epist. 1. — ' Euseb. Emcssen.,
pag. 282. — 8 Ibid., pag. 283, 284.
^ Antisies fuit ordine in secundo fratrem fasce le-
vons episcopali. Nam de pontificis tcnore summi, ille
insignia sumpsit, hic laborem. Sidon., lib. IV, Epist.
11, pag. 945.
1" Qaid erat illud, quoties ad emn sola consulta-
tionis gratta conveniebamus? Quam ille omnibus sta-
tim totum non dubitans,non fasiidiens aperiebat? Vo-
luptuosissimum reputans, si forte oborta quarumpiam
quœsiionum insolubililate labyrintliica scientiœ siiœ
thesauri eventilareniur. Jam si fréquentes consedera-
mus, officium audiendi omnibus, uni solum, députons
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sa mori )
473 ou M',.
3 '18
Mais il voulait que lorsqu'il se trouvait plu-
sieurs personnes auprès de lui pour le con-
sulter, il n'y en eût qu'une à parler, et que
les autres écoutassent jusqu'à ce qu'elles
pussent parler à leur tour, afin que la confé-
rence se passât dans l'ordre et sans confu-
sion, et qu'il pût lui-même communiquer ses
lumières sur les difficultés proposées. Saint
Sidoine Apollinaire, qui s'était souvent trouvé
dans ces conférences, dit que, dès que Clau-
dien avait avancé quelque chose, on l'acca-
blait d'une foule d'objections; «mais, ajoute-
t-il, il avait bientôt détruit tous nos vains
raisonnements. L'avantage qui nous en re-
venait, c'est qu'on ne laissait rien passer qui
n'eût été bien pesé et bien examiné. Ce qu'il
y avait d'admirable en lui, était la facilité
de son abord. Les ignorants trouvaient chez
lui de l'accès comme les savants; il répon-
dait avec bonté aux questions des uns et des
autres. Il avait, outre cela, une compassion
tendre pour les malheureux, les soulageant
dans leurs besoins et les consolant dans
leurs afflictions. Il rachetait les captifs, revê-
tait ceux qui étaient nus, donnait à manger
à ceux qui avaient faim. Uniquement attentif
à transporter ses trésors dans le ciel où il at-
tendait sa récompense, il avait soin de déro-
ber aux hommes, autant qu'il était en lui, la
connaissance de ses charités. Il n'avait pas
moins de zèle pour le salut des peuples, à qui
il faisait souvent des discours pour les exhor-
ter à la vertu. Enfin il soulageait les ecclé-
siastiques dans leurs fonctions, leur aidant à
les remplir, lorqu'ils ne le pouvaient eux-
mêmes. » Saint Sidoine, qui a fait son éloge,
le commence par ces belles paroles, qui en
font un éloge accompli : « Je doute ' si jamais
nos yeux verront un homme qui lui soit
égal. » Gennade se contente de dire ^ que
IMammert Claudien avait un grand talent
pour bien parler, et qu'il l'aisonuail avec
beaucoup de subtilité et d'élévation. Nous
n'avons plus l'ouvrage que le prêtre Salvien,
qui florissait alors à Marseille, lui adressa ^.
1 5. On croit que Claudien mourut en 473
ou 474, ainsi avant son frère l'archevêque
de Vienne *, dont on met la mort en 477.
Saint Sidoine, qui était venu à Vienne peut-
être dans l'intention de rendre à Claudien
les derniers devoirs, ne le put, l'ayant trouvé \
mort. Mais il y suppléa en quelque façon par j
l'épitaphe ^ qu'il fit sur son tombeau, et qu'il (
envoya depuis à Pétrée, neveu de Claudien, -
comme une preuve qu'il aimait après la |
mort, ceux qu'il avait aimés pendant leur "
vie.
6. Fauste de Riez avait fait un ouvrage où j„^°y?ii;'j^
il semblait dire que Jésus-Christ avait souffert ,'?i^e"conuê
même en sa divinité, et où il soutenait ou- ^iêz.Tom.vî
vertement que Dieu seul était incorporel; p^g.Yooï"^'
que les anges et les âmes des hommes sont
corporels. Fauste, pour prouver son senti-
ment, se servait de l'autorité de quelques
anciens écrivains, en particulier de saint Jé-
rôme et de Cassien, qui paraissent dire qu'il
n'y a rien d'incorporel, si ce n'est Dieu. 11
employait aussi divers raisonnements, qu'il
fondait même sur la doctrine de ceux qui ne
pensaient pas comme lui. « Vousm'objectez,
leur disait-il, que l'âme ne peut être corpo-
relle, parce qu'elle n'est point dans un lieu
et qu'elle n'a point d'étendue; si je prouve
donc qu'elle est dans un lieu, vous ne pour-
rez disconvenir qu'elle ne soit corporelle.
Or, comment ne serait-elle pas dans un lieu,
puisqu'elle est enclavée dans nos membres,
attachée à nos viscères et enfermée à la
manière des substances corporelles? Il est
vrai que son imagination peut s'étendre à
des choses éloignées et se représenter soit
des villes, soit des hommes qui ne sont pas
près d'elle; mais la substance n'est-elle pas
retenue dans le corps? N'est-ce pas ce qui
l'anime et qui le fait vivre? Tandis que l'âme
du Lazare a été dans le corps du Lazare, il
a vécu; aussitôt qu'elle en a été dehors, il a
cessé de vivre : il a reçu une vie nouvelle
lorsque Jésus-Christ a fait rentrer l'âme dans
le corps d'où elle était sortie. Comment peut-
on dire que l'âme ne soit point dans un lieu,
puisqu'elle est enfermée dans la chair;
jus loquendi : viritim vicissimrjue, non tumuUuatim,
nec sine schematis cujusque gestu ariificioso doctrines
suœ opes erogaturus. Dein quœcunique dixissel, pro-
tinus reluctanlium syllogismorum contrarietatihus
excipieliamus. Sed repellebat omnium nostrum teme-
rarias oppositiones . Itaque nihil non perpensum pro-
iiatumque recipiebatiir. Ibid., jîag. 943.
1 Angit me nimis damnum sœculi mei, nuper
erepto Claudiano oculis nostris, ambigo an quem-
piam deinceps parem conspicaiuris. Ibid., pag. 94:2.
2 Claudianus, Viennmsis Ecclcsiœ presbyter, virad
loquendum artifex, et ad dispidandum subtilis. Geu-
nad., de Vir. illust., cap. Lsssni.
3 Labbc, tom. I Biblioth., pag. 322. *
» On ne voit point que saint Sidoine soit venu à
Vienne depuis son épiscopat, qu'en 474.
5 Cet épitapUe est joint à la lettre de saint Sidoùje
à Pétrée. Sidon., lib. IV, Epist. H, pag. 944.
[v" SIÈCLE.] CHAPITRE XVIII.
qu'elle est unie à cette chair tant qu'elle l'a-
nime, et qu'elle en est séparée par la mort?»
Fauste faisait le même raisonnement sur
les âmes séparées du corps et sur les anges.
Si les âmes n'avaient point un lieu déter-
miné, comment pourrait-on dire que celles
des justes sont dans le ciel, et celles des mé-
chants en enfer? Qu'entendrait-on par le
chaos qui les sépare? Pour preuve que les
anges sont même dans un lieu et tantôt dans
l'air, tantôt dans le ciel, il cite la vision où
le patriarche Jacob vit des anges, les uns
monter au ciel et les autres en descendre. Il
cite encore l'apparition de l'ange Gabriel à
la sainte Vierge, qui se fit sans doute dans la
chambre même où elle demeurait. Une der-
nière raison de Fauste était que si quelque
créature n'était point dans le lieu , il fau-
drait qu'elle fût parlent, qu'elle pénétrât
tout : ce qui ne peut se dire que de Dieu.
cci^"Ôiw°ge° '^- Claudien trouva l'ouvrage de Fauste
wm.'vi,''plgî chez des personnes qui en faisaient beau-
'""• coup de cas. Curieux d'en juger par lui-
même, il le lut et crut qu'il était de son
amour pour la vérité de le réfuter. Saint Si-
doine et plusieurs autres personnes de mé-
rite l'en pressèrent tellement, qu'il ne put
résister. Quelque étendue qu'eut son ou-
vi'age, il ne le regardait que comme des se-
mences de raisons d'où une personne stu-
dieuse et qui aurait plus de loisir que lui,
pourrait en tirer plusieurs autres pour ré-
futer plus au long l'écrit de Fauste. Il intitula
le sien : de la Nature de l'âme, ou, selon Gen-
nade : de l'Etat et de la substance de l'âme. Il
l'adressa à saint Sidoine alors patrice, et
ainsi avant l'an 471, où Sidoine fut fait évêque
deClermont en Auvergne. Dans une préface
qui est à la tète de son ouvrage, Claudien
prie saint Sidoine de juger lequel des deux
avait vaincu, de lui ou de son adversaire,
qu'il ne connaissait point, parce qu'il avait
publié son écrit sans y mettre son nom. Il
fait dans la même préface un précis de tout
■ son ouvrage, qu'il divise en trois parties ou
*^ trois livres. Dans le premier,' il raconte de
quelle manière il avait trouvé l'écrit de
Fauste et les raisons qu'il avait de tenir cet
ouvrage pour suspect '. La principale est
qu'il n'y avait pas mis son nom, en quoi il
MAMMERT CLAUDIEN.
349
avait suivi un usage tout différent de ceux
qui ne craignent point de se faire counaitre,
lorsqu'ils n'ont rien que de vrai à dire. Les
prophètes, les évangélistes, les apôtres, ceux
qui ont fondé l'Eghse ou qui l'ont honorée
par leur savoir, se sont nommés à la tête de
leurs écrits, et on peut dire que ceux-là seuls
se cachent qui appréhendent d'être connus.
Claudien réfute ensuite la première partie de
l'écrit de Fauste, où l'auteur avait avancé que
la divinité avait souffert en Jésus-Christ, non
en sa nature, mais par un sentiment de
compassion. Nous n'avons plus cette pre-
mière partie. Claudien, pour la réfuter, fait
voir que l'on ne peut dire en aucun sens que
la divinité ait soutfert par un sentiment de
compassion. « Toute affection, dit-il, est un cimp. m,
accident, dont la divinité n'est point capable.
Si l'on pouvait dire qu'il lui est arrivé un
sentiment de compassion, ne pourrait-on pas
dire aussi qu'elle est morte? ce qui étant ab-
surde, il ne l'est pas moins de dire qu'elle a
souffert par un sentiment de compassion. »
Fauste disait: Pourquoi la divinité n'aurait-elle
pas souffert en celte manière, puisque selon
l'apôtre, les Juifs ont crucifié le Seigneur de icr. n, n
la gloiret Claudien répond que l'apôtre a pu
parler ainsi à cause de l'union des deux na-
natures en une seule personne. De même
que Jésus-Christ ^ est vrai homme et vrai
Dieu, et qu'il y a en lui deux substances
unies en une seule personne, et que Dieu
est homme et que l'homme est Dieu; c'est
aussi le même qui est Seigneur de la gloire
et qui a été crucifié, non dans sa divinité, qui
est impassible, mais dans son humanité : et
on dit de lui qu'il a souffert cette mort à
cause de l'unité de personne dans ses deux
natures. L'Homme -Dieu a donc souffert
d'une manière admirable et incompréhen-
sible : mais la divinité n'a point souffert.
Claudien prouve ensuite que l'âme est incor- cinp iv.
porelle, parce qu'elle a été faite à l'image
de Dieu : ce qui étant marqué clairement
dans l'Ecriture, Fauste ne devait point em-
brasser un sentiment contraire, sur l'auto-
rité de quelques anciens dont il avait rap-
porté les passages. Il objectait que s'il y avait v.
un être créé qui fût incorporel, il s'ensuivait
que cet être était égal au Créateur. Claudien
' Claudian., lib. I, cap. ii.
■^ Nunc superest quemadmodum Chrislus homo ve-
rus, et Ofiiis verus, ex duplici suàslaniia una per-
sona, et Deus homo, et homo Deus est, idem gloriœ
Dominus, et non sit ci'ucifixus pro inviolabili diuini-
tate, et crucifixits sit in homine pro unitute pefsonœ.
Itaque miro atque incogiiabili modo passas est homo
Deus, et non est passa divinitas. MmnmerL, lib. I,
cap. ni.
350
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
répond que l'âme est semblable à Dieu en
ce qu'elle est intellectuelle, mais qu'elle lui
chap. VI. est inférieure en ce qu'elle est créée ; et
qu'autre chose est la vérité, et autre l'image
de la vérité. Il convient que tout ce qui est
invisible n'est pas spirituel, et il en donne
pour exemple les sensations qui sont invisi-
bles quoique corporelles. La voix ne se voit
pas, c'est néanmoins quelque chose de cor-
vu et vm. pore]. Il montre aussi que les sens corporels
tiennent de la nature des éléments, au lieu
que l'âme n'en dépend point : elle n'est pas
formée de la matière, mais elle l'uniforme, au
lieu que les sens dépendent absolument des
éléments. Le sens du goût n'agirait pas sans
le secours de l'humide : la chose est évidente
dans une personne qui a la langue sèche :
elle ne trouve aucun goût dans ce qu'elle
-leixii. prend. Claudien soutient que ce qui est incor-
porel n'est pas incréé ; et que quand saint
Jérôme et quelques autres ont dit qu'après
la résurrection, les hommes seront sembla-
bles aux anges, leur pensée a été qu'ils au-
ront un corps aussi léger et aussi subtil que
celui des anges, qui est un corps non de
chair, mais céleste ; mais que comme ces
esprits célestes ont aussi une âme incorpo-
relle, il en est de même de l'homme. L'apô-
tre ne distingue-t-il pas dans l'homme l'es-
prit, l'âme et le corps, lorsqu'il dit aux Thes-
„ saloniciens : Que le Dieu de paix vous rende
] Thess. V, 23. /. ■
parfaits en tout, afin que tout ce qui est en
vous, l'esprit, l'âme et le corps se conservent
_, sans tache. Il suivait de l'opinion de Fauste,
que l'on verrait Dieu par les j^eux du corps.
Claudien témoigne être surpris qu'un chré-
3;,^ tien donne dans un pareil sentiment, parce
que si Dieu pouvait être vu localement,
comme il faudrait que cela fût, s'il était vu
des yeux du corps, il faudrait aussi que Dieu
fût dans un lieu : ce qui ne peut se dire d'un
être infini.
xvi. Il demande à Fauste qui soutenait que
l'âme étant dans le corps, est conséquemment
dans un lieu ; si l'âme est dans tout le corps
j^i ou si elle est dans chaque partie ? « Si elle
est, ajoute-t-il, dans tout le corps, comment
n'opère-t-elle qu'en un seul endroit, c'est-à-
;,„„_ dire dans le cœur? Si elle est dans chaque
partie du corps, pourquoi ne perd-elle rien
de sa force quand on en coupe quelques-
unes? 11 distingue ensuite trois sortes de
mouvements, le stable, le local et celui qui ne
se fait pas dans le lieu. Le mouvement stable
ne convient qu'à Dieu; le local, qu'aux créa-
tures corporelles, l'autre est propre aux créa-
tures spirituelles. Dieu veuttoujoursla même
chose, voilà un mouvement stable; un corps
se meut d'un lieu à un autre, c'est ce qu'on
appelle un mouvement local; l'âme veut
tantôt une chose, tantôt une autre; elle hait
maintenant celui qu'elle aimait auparavant;
elle se souvient à ce moment de ce qu'elle
avait oubhé il y a un instant : c'est là un
mouvement d'une créature qui n'est point
local : on en voit des effets dans le lieu,
mais le mouvement ne se fait point dans le
lieu. »
Claudien, pour rendre la chose sensible,
apporte l'exemple d'un homme qui pense à
quelque figure de mathématique, ou à écrire
le nom de Paul ou de Pierre : « Son âme con-
temple les idées immuables de ces choses,
son bras et sa main le mettent sur le papier
par un mouvement local. Ce n'est pas son âme
qui se meut localement, c'est son bras, qui
toutefois ne pourrait faire des mouvements
si justes, si l'âme ne le conduisait. De dire
que c'est la partie de l'âme qui est dans son
bras, qui se meut localement, c'est rendre
l'âme divisible; ce qui ne peut être. Car tout
ce qui est divisible, se peut toucher par par-
tie, et agir selon les parties dont il est com-
posé. Or, l'âme agit tout entière dans ses
mouvements : elle voit tout entière par les ^,'^J'^p-
yeux du corps, et agit tout entière par les
autres sens de l'ouïe, de l'odorat, du toucher,
de la langue ; elle n'a ni longueur, ni lar-
geur, ni hauteur; elle ne se meut ni vers le
haut, ni vers le bas, ni en rond ; elle n'a ni
partie intérieure, ni partie extérieure ; on
peut bien dire la qualité de l'âme, mais on
n'en saurait dire la quantité. On dira peut-
être qu'elle est proportionnée à celle du
corps? S'il en était ainsi, plus on serait grand,
plus on aurait une grande âme, et l'on ne ==="•
pourrait jamais donner le nom de magna-
nime à celui qui est d'une petite stature :
l'un et l'autre sont contre l'expérience. »
Claudien traite après cela de la différence
qu'il y a entre l'âme di; l'homme et celle des
bêtes et des plantes. Il la fait consister prin-
cipalement en ce que celles-ci n'ont aucune
connaissance. « La mémoire parait vraisem-
blablement être commune aux hommes et
aux bêtes. On voit les cigognes et les hiron-
delles revenir dans leurs nids au bout d'un
an; les chevaux retournent de même dans
leurs écuries, et les chiens reconnaissent
leurs maîtres. Cela prouve que les animaux
[V« SIÈCLE.]
peuvent avoir les images des corps gravées
dans leur cerveau ; mais on n'en saurait con-
clure qu'elles les connaissent : tout aboutit à
se souvenir des choses corporelles qu'elles ont
vues. Elles ne se connaissent pas elles-mêmes,
au lieu que l'âme de l'homme connaît les cho-
ses corporelles par le corps, et les spirituelles
chap. Mil. sans le corps. Il arrive même quelquefois
que l'âme ne s'apphque point aux choses
qui font impression sur le corps. Je lis clai-
rement quelque chose, un autre m'entend,
et parce qu'il a l'esprit occupé à ce que je
dis, il le comprend. Pour moi je ne ne sais
point ce que j'ai lu, parce que mon âme sans
sortir du lieu, était occupée ailleurs. Mais
lorsque l'on m'avertit, je retourne à moi-
même ; c'est moi-même qui i-etourne, et
c'est à moi que je retourne. Je n'étais point
avec moi, puisque j'y suis retourné, non par
l'intervalle des lieux, mais du temps : et tou-
tefois je n'ai point été hors de moi, parce
que je n'ai pu être sans moi. L'âme est pré-
sente pour me faire apercevoir par les yeux
du corps ce que je lis : mais elle n'y est pas
pour me faire comprendre ce que j'ai lu.
XXIV. Mais, me direz-vous : autre chose est la subs-
tance de l'âme, autre est la pensée qui naît
de l'âme. Vous vous trompez en confondant
la pensée de l'âme avec sa substance. L'âme
est quelquefois sans pensée; et lorsqu'elle
pense, c'est dans le corps et par le corps
qu'elle pense. Ce sont les images corporelles
des objets dont elle a été frappée par les
sens, qui la font penser ; et si ces images
corporelles n'étaient point gravées dans le
cerveau, elle ne se souviendrait jamais des
objets qu'elle a vus par les sens. Je réponds
à cela que l'âme n'est point différente de la
pensée, quoique les choses auxquelles l'âme
pense, soient différentes de l'âme même ;
qu'il n'estpas vrai que l'âme soit jamais sans
pensée, qu'elle peut bien changer de pensée,
mais qu'elle ne peut être sans pensée, et
qu'elle est tout entière où elle pense, parce
qu'elle est toute pensée, n
11 ajoute que c'est une erreur de distinguer
les puissances de l'âme; en effet, quoique
ce soit par accident qu'elle pense à un objet
plutôt qu'à un autre, son essence est d'être
une substance qui pense. « Il en est de même,
dit-il, de la volonté : c'est par accident
qu'elle veut ceci ou cela : mais vouloir en
soi, est sa substance ; et comme toute l'âme
est pensée, de même toute l'âme est vo-
lonté : et ce qu'elle veut parfaitement, elle
CHAPITRE XVIII. — MAMMRRT CLAUDIEN.
3S1
le veut tout entière et sans aucune division
de parties. Il cite sur cela le précepte que H.uih.xsn,
Uieu nous fait dans l'Evangile, de l'aimer de
tout notre cœur et de toute notre âme : ce
qui prouve que l'amour n'est pas une partie
de l'âme, mais qu'elle est tout amour, quel
que soit l'objet vers lequel son amour se
porte. Or, on ne trouve rien de semblable
dans le corps qui n'agit que par partie, et
non par l'union des mouvements de toutes
ses parties. »
Mammert fait voir ensuite quelles sont les chap. sït.
choses que l'âme voit par le corps, et celles
qu'elle voit indépendamment du corps. H
donne pour exemples les figures de géomé-
trie, un point, une ligne, un cercle, un tri-
angle parfait, dont il donne des définitions
exactes. « L'âme voit ces figures par les yeux
du corps ; mais elle en a aussi des idées qui
ne dépendent pas du corps : ce qui est si vrai,
que tandis qoe je forme en Occident une de
ces figures, un autre qui est en Orient, en
peut former une toute semblable sans avoir
vu la mienne. Mon âme connaît encore sa xxn.
pensée, sa volonté, son amour : est-ce par
quelque image corporelle ? non, c'est la vé-
rité intérieure qui lui parle, qui lui fait com-
prendre que sa pensée est différente de la
parole par laquelle elle l'exprime. Ce qui
marque bien qu'autre chose est la pensée de
l'âme, et autre la voix ou la parole qui la
manifeste au dehors, c'est que la pensée
peut être sans la parole, et la parole sans la
pensée. L'âme connaît Dieu et le cherche ;
peut-on dire qu'elle a quelque autre image
de la divinité qu'elle-même ? »
8. Après avoir marqué dans le second Anaijse du
.. 1 T r 1 1 -1 1 ■• second livre,
livre, par quels degresles plnlosopnes païens ohap.i,i,,iii.
sont parvenus à la connaissance du vrai
Dieu, c'est-à-dire par les créatures, il montre
que les plus fameux d'entre eux, dont il avait
lu les écrits, enseignaient que l'âme de
l'homme était incorporelle. Il traite ensuite chap. , .
de la nature des corps, qu'il fait consister
dans la longueur, la largeur et la profon-
deur ; en sorte qu'il n'y en a aucun qui ne
puisse être mesuré à raison de la distance
des parties, et qui ne soit pesant et nombra-
ble. Une goutte d'eau, par exemple, peut être
mesurée; on peut la diviser en plusieurs par-
ties, elle a son poids. Il trouve aussi qu'on ^^j^__
peut dire de l'âme qu'elle est capable de
mesure, de nombre et de poids. Par le poids
il entend la volonté de l'âme, qui est propre-
ment son amour, c'est-à-dire l'affection
352
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qu'elle a, soit pour elle, soit pour les autres;
par la mesure et par le nombre, la connais-
sance que l'âme a de l'une et de l'autre : car
elle connaît que trois et quatre font sept, et
cette connaissance est réservée à elle seule
chap. VII. à l'exclusion du corps. Il rapporte un grand
nombre de passages des anciens philosophes,
en particulier d'Architasle pythagoricien, de
Platon et de Porphyre, pour montrer qu'ils
ont cru que l'âme n'avait aucune des qualités
T,„. qui constituent l'essence du corps. Il en cite
aussi de Sextius, philosophe romain, et de
Varron, qu'il appelle le plus savant homme
,x. de son siècle. Il y ajoute les autorités d'un
grand nombre d'écrivains ecclésiastiques, de
saint Grégoire de Nazianze, de saint Am-
broise, de saint Augustin et de saint Eucher,
qu'il avait connu particulièrement, et dont il
fait un grand éloge. Il convient que saint
Hilairc de Poitiers n'a pas pensé de même que
les autres sur la nature de l'âme, et qu'il a
enseigné que tout ce qui est créé n'est point
incorporel ; mais il répond que c'est en lui
une faute qu'il a etïacée par la vertu de sa
confession, et que, quoique l'on puisse re-
prendre cet endroit de ses écrits, cela ne di-
minue rien de ses mérites. Claudien aurait
pu, pour excuser ce père, rapporter d'autres
endroits de ses ouvrages où il dit nettement
que l'âme est spirituelle et céleste de sa na-
ture, et que c'est pour cette raison ' qu'il est
dit dans l'Ecriture que Dieu .a fait l'homme à
son image.
Il finit ses preuves par celle qu'il tire de
l'Ecriture , et il appuie beaucoup sur cet en-
droit de la première épitre aux Corinthiens,
à qui saint Paul dit, en parlant de ce qu'ils au-
raient dû faire pour punir l'incestueux qui
I Cor T 3 avait déshonoré leur Eglise : Quoique absent de
corps, je suis présent en esprit, c Que veut dire
cette façon de parler? Comment l'apôtre
est-il présent en esprit où son corps n'est
pas? Si le corps est esprit, pourquoi ne dit-il
pas que, composé de deux corps, il était pré-
sent de l'un à Corinthe, et absent de l'autre.
Il faut donc convenir que l'esprit par lequel
saint Paul disait être présent en cette ville,
tandis que son corps en était éloigné, est in-
corporel. A l'égard de ce que dit ce même
apôtre, qu'il avait été ravi au troisième ciel,
mais qu'il ne sait si c'est avec son corps ou
sans son corps, cela prouve qu'il se voyait
II Cor. XII, ,11 1, \. T. •
2, 3. compose de deux substances, I une incorpo-
» Vid. tom. IV, pag. 71.
Analyse du
troisiftme li-
vre, cli.Tp. I,
relie, l'autre corporelle, et qu'il pouvait être cinp. xm
transporté dans le ciel selon l'une de ces
substances, sans que l'autre y fût. Mais Jé-
sus-Christ décide nettement la spiritualité de
l'âme, lorsqu'il dit : Ne craignez point ceux Maiih. x,
qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme.
Pourquoi, en effet, pourrait-on tuer le corps
et ne pas tuer l'âme, si ce n'est que l'âme
n'est pas un corps. Vous direz peut-être que
l'âme est un corps, mais plus mince et plus
léger. Soit : c'est toujours un corps, et il
peut être tué par celui qui peut tuer le corps :
or, Jésus-Christ n'a pas dit : Ne craignez pas
ceux qui peuvent luer un corps épais et un
corps léger, mais en général, ceux qui peu-
vent tuer le corps et ne peuvent tuer l'âme. »
9. Mammert répond dans le troisième livre
aux objections que Fauste faisait contre la
spiritualité de l'âme. « Elle est, disait-il,
contenue dans le corps, et conséquemraent,
elle est dans le lieu. Comment se peut-il ci.ap. m,
faire, répond Mammert, que l'âme soit dans
le corps, et que toutefois elle en pénètre
toutes les parties ? Est-elle dehors sans être
dedans ? Est-elle dedans sans être dehors ?
Est-elle dedans et dehors ? Comme il n'était
point aisé de répondre à ces questions, il fait
admirer à Fauste la manière d'agir de l'âme,
qui peut mouvoir localement un corps, quoi-
qu'elle ne soit pas localement dans le corps.
Elle est dans le corps, mais non pas comme
dans un lieu : elle peut être dans quelque
autre partie du monde, comme elle est dans
le corps. Comment, direz-vous, peut-elle être
dans un endroit et n'y être pas localement ?
Je vous demanderai, à mon tour, si le monde
est dans un lieu ou non. Si vous dites qu'il
est dans un lieu, vous serez obligé de dire si
ce heu, dans lequel est le monde, est hors du
monde ou du monde même ? S'il est hors du
monde, je vous demande encore si ce lieu,
dans lequel est le monde, est aussi dans un
lieu : et si vous l'avouez, vous serez aussi
obligé d'avouer que le monde est infini, ou
de dire qu'il n'est pas dans un lieu : en ce
cas, pourquoi ne direz-vous point que l'âme
spirituelle n'est point localement en un en-
droit ? »
Fauste objectait qu'on ne pouvait dire
que l'âme de Jésus-Christ eût cessé d'êti'e
dans son corps après sa mort, si elle n'eût
pas été dans le corps comme dans .son heu
pendant la vie du Sauveur. Claudien répond
que si cette conséquence est bonne, il faudra
dire aussi, que la divinité était dans le corps
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XVIII. — MAMMERT CLAUDIEN.
353
chap. IV. de Jésus-Christ ' comme dans un lieu, puis-
qu'à la mort de Jésus- Christ elle a cessé
d'être unie à son corps. Or, il est absurde de
dire que Dieu soit dans un lieu : et comme
on ne peut point prouver qu'il y soit, parce
qu'il d abandonné le corps auquel il s'était
uni, ce n'est pas non plus une conséquence
que l'âme soit dans un lieu, parce qu'à la
mort du corps, elle en sort. N'être point
dans un lieu, est un privilège de l'âme,
comme il en est un de Dieu à l'image dnquel
elle a été faite.
Mammert dit ensuite que la sainte Vierge
ne vit pas l'ange Gabriel dans sa nature an-
gélique , mais dans le corps qu'il avait pris
pour un temps, afin de se rendre visible : et
y. à celte occasion, il dit que les anges ont des
corps par lesquels ils deviennent visibles ^,
et que les démons en ont aussi par lesquels
ils souffrent, n'étant pas possible qu'ils souf-
frent sans corps. «Mais, ajoute-t-il, les uns et
les autres ont aussi des âmes spirituelles ;
sans cela, comment les anges pourraient-ils
voir Dieu? » Les âmes des impies, disait
Fauste, sont en enfer, celles des justes dans le
ciel; et il y a entre elles an grand chaos qui
les sépare ; elles sont donc les unes et les
autres dans un lieu. « Si cela est, répond
Mammert, comment Abraham et le mauvais
riche se parlaient-ils et s'entendaient-ils?
Comment Abraham voyait-il le mauvais ri-
che ? Comment celui-ci voyait-il Lazare dans
le sein d'Abraham? Cela n'étant pas possible
dans la supposition qu'ils étaient l'un et
l'autre séparés des lieux par un grand chaos.»
Claudien soutient que cette séparation doit
s'entendre non des lieux différents, mais des
états différents des justes et des injustes.
Ils peuvent, quant au corps, être dans un
même lieu; mais l'injuste, tandis qu'il per-
sévère dans son iniquité, ne peut être dans
l'état d'innocence du juste.
Mammert Claudien fait voir la différence
qu'il y a entre la vue des yeux du corps et
la vue de ceux de l'âme. Les yeux de l'âme
consistent dans son entendement : ce qui
fait qu'elle voit les choses incorporelles, bien
qu'elles ne lui soient pas présentes locale-
ment; mais elle ne voit les corporelles que
par les yeux du corps. Si elle voyait par elle-
même les choses corporelles, elle verrait
sans doute celles qui lui sont le plus unies,
comme le cœur, les entrailles, le cerveau ;
mais elle ne les voit point. Elle est, disaient
quelques-uns, corporelle aux yeux de Dieu
et spirituelle à ses propres yeux. « Dieu, ré-
pond Mammert, connaît l'âme telle qu'elle
est et qu'il l'a faite ; si elle est spirituelle,
Dieu la connaît être telle. Il ne se peut pas
que Dieu connaisse les choses autrement
qu'elles sont , ni conséquemment que l'âme
soit corporelle aux yeux de Dieu, si elle est
spirituelle en elle-même. On doit dire aussi
de l'homme que tout ce qu'il connaît vérita-
blement, est tel qu'il le connaît. »
10. La conclusion que Mammert Claudien ^^ ,^^
tire de la doctrine établie dans ses trois 11- d°'}/rc'irii!o
vres, est que l'homme est composé de deux cèf i?ois''''n-
substances, l'une spirituelle et immortelle, "'"■
qui est l'âme; l'autre corporelle et mortelle,
qui est le corps. Il montre qu'il y a de la
contradiction à dire, comme faisait Fauste,
que l'âme, quant à sa substance, est ren-
fermée dans le corps et attachée aux mem-
bres du corps , et qu'elle va toutefois çà et
là, qu'elle erre de côté et d'autre par ses
différentes opérations , n'étant pas possible
qu'une substance qui est attachée à un en-
droit, puisse agir en d'autres. Après quoi il
propose dix raisonnements qui renferment ce
que l'on pense sur la nature des êtres corpo-
rels et incorporels.
I. Dieu est incorporel ^ ; l'âme humaine
est son image ; elle est donc incorporelle,
1 Suh hufus ergo necessitate sentenù'œ Deum quoque
profano ausu localem credimus, qui et in Christacum
ci'ucifixui est, fuit, et eumdem in passiotie dereliquit,
ipse quoque Dominus de cruce clamavii : Deus meus,
qiiare me dereliquisti. Si enim non discessit, non
dereliquit, uiique discessit. Objice nunc ir/itur lucali-
tatem Deo. Contiguus videlicel gradus est, ut ab in-
juria similitudinis Dei feraris in Deum, et qui in fa-
mas imaginem, lacesses auctorem : sicul ergo illocali-
tas Deo non adimitur, quod hominem Christum dis-
cedendo deseruit, sic anima illocalitatis privilegium
non amiitit, cum corpore moriente discedit. Mam-
mert., lib. III, cap. IV.
^ Patet beatos ungelos utriusque subsiantiœ et in-
X.
corporeos esse in ea parte, sub qua ipsis visibilis Deus
est, et in ea iiidem parte corporeos, qua liominibus
sunt "cisibiles, quoniam nec Deus ab angelo per corpus,
nec angélus ab homine sine corpore videri potest.
Quœ cum Ha sint, negari naquit, diabolum quoque ex
incorpoi'eo corporeoque factum, duplicis esse subsian-
tiœ... Habet diaholus, ipse tamen incorporeus, corpus
suum, quia et sentire sine corpore corporea tormenlu
non poterit. Lib. III, cap. vu.
^ I. Deus incorporeus est; imago autem Dei est hu-
manus animus : quoniam ad similitudinem et imagi-
nem Dei factus est homo : enimvero imago incorporel
corpus esse non potest. Igitur quia imago Dei est hu-
manus animus, incotyoreus est animus liumanus.
23
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
334
puisqu'un coi'ps ne saurait être l'image de
l'incorporel.
II. Tout ce qui n'est point dans le lien est
incorporel * : l'âme est la vie du corps en
cette vie et est également dans tout le corps
et dans chacune de ses parties : elle n'est
point dans le lieu, puisqu'elle est autant dans
une des parties du corps que dans le tout;
elle est donc incorporelle.
III. L'âme pense et raisonne^, et il lui est
essentiel de penser et de raisonner : or la
raison n'est ni dans le lieu ni corporelle ;
l'âme est donc incoi-porelle.
IV. La volonté est de la substance de
l'âme ^ : toute l'âme veut et elle est toute
volonté : la volonté n'est point un corps;
donc l'âme n'est point un corps.
V. La mémoire n'est point dans le lieu * :
c'est une faculté qui ne s'étend point par le
grand nombre des choses dont elle se sou-
vient, et qui ne se resserre pas par le petit
nombre : elle se souvient des choses corpo-
relles d'une manière incorporelle : lorsqu'elle
se souvient^ elle se souvient tout entière : elle
est toute mémoire; donc elle n'est pas un
corps.
VI. Le corps ne sent le coup qu'à l'endroit
où on le frappe •'' : l'âme, au contraire, sent
tout entière quand on frappe quelque partie
du corps : ce sentiment n'est donc point dans
le lieu. Or, tout ce qui n'est point dans le
lieu, est incorporel : d'où il suit que l'âme
est incorporelle.
vi(. Le corps ne s'approche ni ne s'éloigne
de Dieu ^ : l'âme s'en approche et s'en éloi-
gne; elle n'est donc pas un corps.
vm. Le corps se meut dans le lieu et
' n. Omne illocale incorporeum quoque est : porro
vita corporis anima est, et in corpore vivente tant viuit
pars minima corporis, quant totum corpus. Tantum ergo
oitœ in parte corporis est, quantum in foto corpore :
et vita hœc anirna est. Nec locale est quod tam ma-
gnum est in toto quam in aliquo, et tam magnum in
parvo quam in magno. Non igitur localis est animus :
et quidquid illocale est, corporeum non est; igitur
anima corpus non est.
2 III. liaiiocintttur anima rationalis, et suhsfantia-
liter inest anima ratiocinari, et ratio incorporalis at-
que illocalis est; igitur incorporalis est anima.
3 IV. Item voluntas animœ substuntia ejus est, et si
iota vult anima, tota voluntas est, et voluntas corpus
non est; igitur anima non est corpus.
*• V. Item memoria illocalis quœclam capaciias est,
quœ nec multittidine recordabilium distenditur, nec
paucitate tenuatur, et incorporaliter etiam corpora-
lium reminiscitur; et cum meminit animus, totus
meminit, et totus memoria est, qui meminit totus, et
change de place '' : l'âme ne se meut point
de celte sorte; elle n'est donc point un corps.
IX. Le corps est étendu en longueur, lar-
geur et profondeur * : et tout ce qui n'a pas
ces dimensions n'est pas un corps : l'âme ne
les a point, elle n'est donc pas un corps.
X. En toutes sortes de corps il y a un côté
droit et un côté gauche, un dessus et un des-
sous^ un devant et un derrière ' : rien de tout
cela ne se trouve dans aucune âme ; elle n'est
donc point un corps.
La crainte que quelqu'un ne trouvât mau-
vais que Mammert Glaudien eût composé trois
livres pour réfuter ce que Fauste avait dit
dans une petite page , lui fait prévenir cette
plainte en disant qu'il n'était pas aussi aisé de
réfuter le mensonge que de l'avancer. « Que
quelqu'un s'avise, dit-il, de nier que le monde
est rond et en forme de sphère, il peut le faire
en un mot ; mais, pour prouver qu'il est d'une
forme sphérique, il faut un discours. » Il en
appelle à l'équité de son adversaire pour pro-
noncer sur son ouvrage, et le prie qu'au cas
qu'il voulût y répliquer, de ne point cacher
son nom , comme il avait fait dans son pre-
mier écrit. ''
H . Aux trois livres de la Nature de l'Ame, Lotire
on 0 joint, dans la Bibliothèque des Pères , à sur"'ia"d?B
Paris, en 1376 , un petit écrit de Mammert i« ares sf
Claudien, adressé à saint Sidome Apolhnaire, '"^j.p»^';'}
où , par divers raisonnements fort courts , il jiio.ii>. Pat
' J- Pans. 1o7
établit la différence qu'il y a entre la nature p's- ■'"•
corporelle et l'incorporelle. Il ne reconnaît
dans la nature que deux sortes d'êtres : le
spirituel et le corporel. Nous recevons le pre-
mier par l'esprit, nous sentons le second par
le corps. L'auteur fait mention dans cet écrit
memoria corpus non est; non igitur corpus est ani-
mus.
^ VI. Item corpus in parte sut tactum ibi sentit ubi
tangitur : animus per non totum corpus, hoc est per
pariem corporis totus sentit : hujusmocli vero sensus
illocalis est, et omne illocale incorporeum est : incor-
porea ergo est omnis anima.
5 VII. Item corpus nec appropinquat Deo, necrecedit
a Deo : animus auiem et proximat et longinquat illo-
caliier; igiiur animus corpus non est.
' vlll. Item corpus movetur per locum, animus au-
tem per eumdem non movetur ; animus igitur non est
corpus.
8 IX. Item longitudo, latitudo et altitudo in corpore
sunt : et quidquid lus caret, corpus non est. Hisce
auiem caret animus corpus; igitur non est.
9 X. Dextrum, sinistrum, sursum, deorsum, anie-
rius et posterius in omni sunt corpore : in nulla au-
tem sunt anima; incorporea igiiur est omnis anima.
Claud., lib. III, cap. xiv.
V SIECLE.!
CHAPITRE XVm. — MAMMERT CLAÛDIEN.
355
de ses livres c?e la Nature de l'âme, et dit qu'il
les avait envoyés à saint Sidoine pour les
examiner et j corriger ce qu'il jugerait à
propos.
jugemeni 12. Saint Sldoîne en fait un éloge accom-
a Nninre do pli , dîsaut qu6 Mammcrt ' , qu'il appelle un
jonsquonen liomme très-richc et très-profond dans la
' faites. . , , , ^ . . .
science des choses et des expressions, traitait
avec clarté , dans cet ouvrage , une matière
fort obscure ; qu'il y décidait avec évidence
des questions extrêmement embarrassées, et
que, malgré la rudesse et la barbarie du lan-
gage syllogistique, son style était doux et
coulant. Il ajoute * qu'il avait rempli et em-
belli cet écrit de tout ce que la philosophie
peut fournir, et de tout ce qui est propre à la
grammaire, à la dialectique et autres arts li-
béraux. Ce qu'on ne peut refuser à Claudien,
est d'avoir traité avec beaucoup d'esprit, de
facilité et d'agrément les questions les plus
abstraites , et d'être le premier qui ait rai-
sonné avec quelque certitude et par des prin-
cipes suivis sur la nature de l'âme et du corps.
Son traité sur cette matière fut imprimé à
Venise , en 1482 , in-4° , avec divers autres
écrits; à Bâle, dans les Orthodoxographes, en
1S5S et 15S6; à Paris, dans les Bibliothèques
des Pères, en 1576 et 1644, et dans celle de
Lyon, en 1677. On ne trouve point dans celle-
ci la lettre de Mammert à saint Sidoine, où
il traite de la différence des êtres corporels et
spirituels. Thadée Ugoleti fit imprimer à Ve-
nise le traité de la Nature de l'âme, en 1500.
Mosellan en donna aussi une édition à Bâle,
en 1520, in-S". Claudien y est qualifié évêque
de Vienne, l'éditeur l'ayant confondu avec
saint Mammert, son frère. La même faute se
i\:ovise.ài\.ns\&?,0rthodoxogra,phes. Les éditions
d'Anvers, de 1607 et 1610, sont dues aux
soins de Pulmannus, qui les orna des notes
deDelrio. Gaspard Barthius en donna une en
1612, in-S", à Hanau. Celle de Zuickaw, en
1655, est la plus ample et la plus correcte.
On y trouve, outre les notes de Barthius, celle
d'André Schottus. [Galland , au tome X de
sa Bibliotheca Veterum Patrum, donne une
notice sur Mammert Claudien, et reproduit
les trois livres de l'Etat de l'âme, d'après les
Orthodoxographes . Le tome LUI de la Patro-
logie latine contient l'édition de Galland.]
13. Parmi les lettres de saint Sidoine don- ..r.eiires d»,
Mammert
nées par le père Sirmond , il y en a une de aaadien.
Mammert Claudien. C'est une lettre de poli-
tesse et d'amitié. Il y relève l'attention que
ce saint évêque avait pour les pauvres et son
application à l'étude des Livres saints^; mais
il s'y plaint de son silence et dit que pour
s'en venger il l'importunera par ses lettres.
Baluze nous en a donné une autre *, qui est
adressée à Sapande, professeur de rhétorique
à Vienne. 11 y attribue l'émulation qui régnait
parmi les Grecs pour les sciences, à l'atten-
tion que l'on avait de récompenser le mérite
par divers degrés d'honneur. Il faut bien
qu'on ne pensât pas de même alors dans les
Gaules , puisque , selon le témoignage de
Mammert, les lettres y allaient en décadence.
Comme Sapande s'efforçait de les relever,
Mammert lui marque ceux des anciens au-
teurs qui pouvaient lui servir à exécuter son
entreprise. [Ces deux lettres suivent les livres
de l'Etat de l'âme dans Galland et dans la
Patrologie latiiie.]
14. Saint Sidoine ^ fait l'éloge d'une hymne nimncs do
en vers trochaïques , où Mammert Claudien """■"'"'■
exprimait de grands sens en peu de paroles.
Cet évêque y trouvait tant d'élévation, de
douceur et d'agrément , qu'il la préférait à
tout ce que l'on a écrit en ce genre. Si cet
éloge n'est point flatté, il faut convenir qu'il
ne peut s'appliquer à l'hymne Pange lingua
gloinosi prœlium certaminis , qui ne peut pas-
ser pour un ouvrage de poésie si excellent,
qu'on ne puisse en faire de meilleur. Il paraît
néanmoins que c'est de cette hymne que saint
Sidoine veut parler. Elle lui est attribuée non-
seulement par un ancien scholiaste ^, mais
encore par Gennade, suivant le manuscrit de
l'abbaye du Mont-Saint-Michel , que l'on a
suivi dans l'édition de Hambourg, en 1718.
1 Adslipulatur judicio meo volumeti illud quod tuie
super statu animœ rerum, verborumque scientia divi-
tissimus propalavisii... quantumque opus illud est 1
Materia clausum, declamutione conspicuum, proposi-
tione obstructum, disputatione reseratum, et quan-
quam propter hamata syllogismorum puncta tribulo-
sam, vernaniis tamen eloquii flore mellitum. Sidon.,
lib. IV, Epist. 3, pag. 931.
- lllic et grammatica dividil, et oratûria déclamât,
et arithmetica numéral, et geometria nietitur, et mu-
sica pondérât, et diatectica disputât, et astrotogia
prœnoscit, et architectonica struit, et metrica modu-
latur. Idem, lib. V, Epist. 2, pag. 970.
» Sidon, Epist., lib. IV, Epist. 2, pag. 929.
' Baluz., tom. VI Miscellan., pag. 535 et suiv.
5 Jam vero de liymno tiio si percmiclere quid sen-
tiam, commaticus est, copiosus,dulcis, elatus, et i/uos-
libet lyricos dithyrambos amœnitate poelica et histo-
rica veritate supereminet, Sidou., Jib. IV, Epist. 3,
pag. 932.
^ Claudiano carmcn lioc vindicat non solum vêtus
scholiastes, verum etiam Gennudius, non quidem ut
356
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
[On la trouve dans la Patrologie latine, au
tome LUI, et dans tous les livres d'Eglise.] Il
est dit dans le môme manuscrit que Clau-
dien composa divers autres ouvrages. Nous
n'en avons point de connaissance ; mais on ne
doit pas mettre de ce nombre le poème inti-
tulé : Contre les Poètes profanes, imprimé sous
le nom de Mammei't, dans le tome VP de la
voy.i.vni, Bibliothèque des Pères, et ailleurs. Ce poème
est de saint Paulin de Noie, et fait une suite
de sa seizième lettre à Jove, son ami et son
parent. Le poème qui commence par ces
mots : C liriste j)otens rerum, n'est pas non plus
de Mammert Claudien , et moins encore de
Glaudien d'Alexandrie ', qui était païen, à qui
toutefois on l'a attribué dans quelques éditions
de ses poésies. ;I1 est du pape Damase et fait le
neuvième de ses poèmes. On ne peut non plus
attribuer à Mammert Glaudien le poème sur
la Concorde de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment. On ne cite aucun manuscrit où il porte
son nom. Il j' en a au contraire où il porte
celui de Flavius Praesidius. Quelques savants
le donnent au poète Sédulius, d'autres àRu-
tius Astérius, sous le nom duquel on l'a im-
primé dans le tome VIII" de la Bibliothèque
des Pères, à Paris, en 1644. [Les deux pièces
Contre les Poètes profanes et Christe potens re-
rum se trouvent dans la Collection des Poètes,
imprimée à Pesaro, avec quatre autres pièces
d'une autorité douteuse. Il y en a une à Jac-
ques, maître de la cavalerie; deux en grec :
Tune au Sauveur, et l'autre au Maître Christ.
La quatrième fait l'éloge de Jésus-Christ; la
sixième célèbre ses miracles. Elles sont re-
produites dans la Patrologie , au volume in-
diqué.]
CHAPITRE XIX.
Saint Loup, évêque de Troyes, et saint Euphrone, évêque d'Autun,
saini Loup 1 • La ville de Toul , en Lorraine ^ , fut le
fa'uTSl'nè'j' lieu de la naissance de saint Loup. Il la quitta
vlulm. ™" pour se retirer à Lérins, où saint Honorât le
reçut sous sa discipline; au bout d'un an, il
sortit de Lérins en même temps que saint
Honorât. C'était vers l'an 426. De là il passa
à Mâcon. Il était en cette ville lorsqu'on vint
l'enlever pour le placer sur le siège épisco-
pal de Troyes en Gliampagne, après la mort
de saint Urse , mort , selon toutes les appa-
rences, le 23 juillet de l'an 426. Saint Loup
s'était rendu célèbre non-seulement par ses
vertus, mais aussi par son savoir et son élo-
quence, car il avait un fort bel espi'it et avait
étudié dans les écoles des rhéteurs. Après
sept ans de mariage avec Péméniole, sœur
de saint Hilaire, évêque d'Arles, ils s'étaient
séparés, d'un commun consentement, pour
mener une vie parfaite.
Il est envoyé 2. Los évêques des Gaules, assemblés en
co'iitre'ïéfpT. 429 pour choisir des personnes capables d'al-
lagiens.
editus est, sed prout in codice cœnobii sancti Michae-
lis de Tomba vulgatis auetior in Claudiani mentiona
legitur liis verbis : Scripsit et alia nonnulla : inter
quœ et liymnum de Passione Doniini, cujus princi[jium
est : Pange lingua gloriosi. Sirmond. , in not. ad
1er combattre les pélagiens qui corrompaient
les Eglises de la Grande-Bretagne , jetèrent
les yeux sur saint Loup et le joignirent à saint
Germain d'Auxerre, que le pape saint Céles-
tin avait déjà nommé pour cette entreprise.
En arrivant dans cette île , ils trouvèrent les
peuples assemblés pour les recevoir, leur ar-
rivée ayant été prédite par les malins esprits
qu'ils chassèrent des possédés. Les pélagiens
évitèrent d'abord d'entrer en dispute avec les
deux évêques; mais, honteuxde se condamner
eux-mêmes par leur silence, ils consentirent
aune conférence. Ilsyparlèrentlespremiers,
et quand ils eurent discouru longtemps ,
saint Loup et saint Germain leur répondirent
avec tant de force, qu'ils les réduisirent à ne
pouvoir répliquer. Gomme le peuple en témoi-
gnait sa joie par de grandes acclamations, un
homme qui avait la dignité de tribun , pré-
senta aux saints évêques sa fille âgée de dix
ans, qui était aveugle. Ils lui dirent de la
Epist. 3 ; Sidon., pag- 933- — ' Gyrald., de Hist.
Poetarum, Dial. 4, pag. 260, et Vossius, de Poetis
latin., cap. v.
^ Surius, ad diem 29 jiilii.
1
[V« SIÈCLE.
CHAPITRE XIX. — SAINT LOUP, ÉVÊQUE.
337
présenter auxpélagiens; mais ceux-ci se joi-
gnirent au tribun pour demander aux deux
évoques la guérison de la fllle. Ils firent l'un
et l'autre une courte prière ; puis saint Ger-
main, invoquant la sainte Trinité, appliqua
sur les yeux de l'aveugle le reliquaire qu'il
portait ordinairement à son col , et aussitôt
elle recouvra la vue. Par ce miracle et par
un grand nombre d'autres, ces deux saints
rétablirent dans la Bretagne la foi catho-
lique.
3. Saint Loup , de retour à Troyes , conti-
nua ce qu'il avait fait dès le commencement
qu'il en fut évéque, instruisant sans cesse son
troupeau des moyens du salut, éclairant par
la lumière de l'Evangile ceux qui étaient en-
core dans les ténèbres de l'ignorance. Il ar-
riva qu'un de ses diocésains, nommé Gallus ',
ayant quitté sa femme, se retira en Auvergne.
Saint Loup en écrivit à saint Sidoine, alors
évêque de Clermont, avec une force telle-
ment mêlée de douceur, que Gallus , effrayé
et gagné en même temps , reprit aussitôt Je
chemin de son pays dans le dessein d'aller
retrouver sa femme. Nous n'avons plus cette
lettre, mais nous en connaissons le mérite par
l'effet qu'elle produisit, et que saint Sidoine
représente en ces termes ^ : « Qu'y a-t-il de
plus estimable qu'une réprimande qui oblige
le pécheur de chercher dans sa pénitence un
puissant remède contre son mal, ne trouvant
rien à redire contre celui qui le lui fait re-
connaître?»
4. Attila, après avoir passé le Rhin en 451,
avait déjà ravagé plusieurs villes des Gaules,
lorsqu'il fut obligé de les quitter par la vic-
toire qu'Aétius remporta sur lui avec le se-
cours des Goths et des Francs. La ville de
Troyes, qui se trouvait sans défense, n'ayant
pas même de murailles, craignait l'approche
des Barbares; mais saint Loup sut si bien se
faire respecter par Attila, que ce prince cruel
l'obligea de l'accompagner jusqu'au Bhin,
pour la conservation de sa propre personne
et de son armée. 11 se recommanda même à
ses prières, et le renvoya chez lui en sûreté.
Saint Loup trouva, à son retour, que les ha-
bitants de Troyes avaient quitté leurs de-
meures pour se retirer en des lieux où ils
fussent à couvert de la crainte des ennemis.
Le saint évêque , voulant les rassembler, se
retira lui-même sur une montagne nommée
Latiscon, environ à quinze lieues de la ville
de Troyes. Il y demeura deux ans, puis il
passa à Mâcon.
5. Il était, ce semble, à Autun sur la fin de
l'année 453, lorsque saint Euphrone, qui ve-
nait d'en être élu évêque, reçut un mémoire
de Talase , évêque d'Angers, sur quelques
difficultés qui regardaient la discipline ecclé-
siastique ^. Talase demandait par ce mé-
moire, qu'il envoya par un sous-diacre nommé
Arconce, quelle différence il fallait mettre
dans la célébration de l'office divin, entre la
veille de Pâques et celles de Noël et de l'E-
piphanie. Il demandait encore quelle règle il
y avait à observer pour le mariage des clercs
inférieurs, et s'il était permis d'en ordonner
qui fussent bigames. Saint Loup et saint Eu-
phrone répondirent que la différence de ces
veilles consistait premièrement en ce que
celle de Pâques commençait le soir et n'al-
lait guère jusqu'au matin, au heu qu'on em-
ployait à celles de Noël et de l'Epiphanie la
nuit entière, ou du moins la dernière partie
de la nuit qui approche du matin ; seconde-
ment '', en ce que dans chacune de ces veilles
il y avait des leçons propres aux mystères,
Leltres de
saint Loup tt
(le saiul Jiu-
phroDe d'Au-
tuu, en 4S3.
1 Sidon, lib. VI, Episf. 9, pag. 1007.
2 Ibid.
3 Tom. IV Concil., pag. 1048.
^ Commonitorium qitod per subdiaconum Archon-
tium missum fuerat, inspeximus : ad ([uod sanctitaii
iuœ, siciit poposcisti, respondere curavimus. Vigiiia
Natalis Domini longe alio more, quam Paschœ vigiiia
celebranda : quia hic Notivitatis lecliones legendce
sunt, illic autem passionis. Epiphaniœ quoque solem-
niias habet suum specialfjn culiurn. Quœ vigiliœ vel
maxime, uut perpele nocte, uut certe in matulinum
vergenie, cxrandœ sunt, Faschalis autem vigiiia a
vespere raro in matutinum usque perducitur. Deinde
in vigiiia Paschœ diversorum iibrorum leciiones sunt
recensendœ, quœ totœ hubeant aliquid de prœfigura-
tione, aut valicinio passionis : aide dicta autem vigi-
iia, prout visum fuerit, i/iter psallendum et legen-
dum , sive de prophetis, sive de novo leslamento.
quod quisque voluerit, non legali, sed voluntaria lec-
tione prœsumet. De clericis vero bigamis, usque ad
ostiarios Ecclesia permiitit et patilur; et quam quis
sacerdotum regulam pro districlione sua assumpserit ,
jure cuslodiet. Exorcistas vero, aut subdiaconos, a
secundis nuptiis penitus excludit. Generationem vero
filiorum ah his, quos conjugatos assumimus, melius
esset, si fieri possit, arceri : quos melius est non as-
sumis; quam de his postea sub rliversa sensuum varie-
tute certari : cum melius sit, omnes disceptationum
causas excludi, ut qui non vuli in clericatu generari
non constituai in altario conjugatos. Hœc pro coiisue-
tudine ecclesiarum nostrarum, quorum una est régula,
paginœ hujus sermone texuimus. Si quid vero pro ho-
. nore Domini potest districtionis accrescere, et si imi-
tari non possumus, pro Domini honore iaudabimus .
Nom jam Ecclesiœ ohsequiis aggregatos ad secundus
nuptias Iransire non patimur : quos, postquam as-
338
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
c'est-à-dire que pendant là veille de Noël on
lisait les endroits de l'Ecriture qui annon-
çaient la naissance du Messie , dans celle de
l'Epiphanie, ceux où il était parlé de sa ma-
nifestation, et pendant la veille de Pâques
les endroits qui avaient rapport à sa passion.
Cesleçons se prenaient, pour toutes ces veilles,
tant de l'Ancien que du Nouveau Testament.
La veille de Noël avait encore cela de parti-
culier, qu'on entremêlait les leçons de l'Ecri-
ture du chant des Psaumes. Sur la seconde
question , ils répondaient qu'il était d'usage
de permettre, en certaines occasions, l'ordi-
nation des bigames pour les portiers, mais
jamais pour les sous-diacres ni même pour
les exorcistes; que l'on ne souffrait point que
ceux qui étaient déjà exorcistes ou sous-
diacres se mariassent en secondes noces; que
s'il arrivait qu'ils épousassent une seconde
femme, on les privait non-seulement de leur
ministère, mais aussi de la communion; que
l'on ordonnait quelquefois des hommes ma-
riés pour sous-diacres , et qu'on les toléi'ait
sans les séparer de leurs femmes ; qu'à l'é-
gard des degrés supérieurs, à qui les canons
défendent l'usage du mariage , ils tâchaient
de n'y élever que ceux qui n'étaient point en-
gagés dans cet état. L'usage particulier de l'E-
glise d'Autun était que les secondes noces fus-
sent interdites même aux portiers. Et parce
que ces deux évêques n'obhgeaient point les
sous-diacres à la continence, ils ne souffraient
pas non plus qu'ils approchassent de l'autel
pour y recevoir la paix qu'ils devaient se
donner mutuellement dans le sacraire, mais
ils leur permettaient d'approcher de l'autel
pour donner ou recevoir quelque chose du
diacre. Au surplus, ils protestent l'un et l'au-
tre à Talase que si un autre évèque peut faire
observer dans son Eglise une discipUne plus
exacte qu'eux, ils loueront ce qu'ils n'auront
pu pratiquer eux-mêmes, parce que Dieu en
sera honoré,
ijuiéi.ii 6. Saint Euphrone, dont nous venons de
pîrone. °" parler, fit bâtir, n'étant encore que prêtre ,
une église dans la ville d'Autun, sous l'invo-
saiutLoup.
cation de saint Sj'mphorien '. Depuis qu'il
fut fait évêque, il s'appliqua avec soin à s'ins-
truire de la science nécessaire à sa dignité,
dans les écrits des pères de l'Eglise, nommé-
ment d'Origène, de saint Jérôme et de saint
Augustin. Il pria aussi saint Sidoine de lui
envoyer quelques explications surl'Ecriture^.
Il fut appelé , vers 470, pour donner un suc-
cesseur, sur le siège de Chalon-sur-Saône,
à Paul, surnommé le Jeune, mort depuis peu.
Deux ans après, c'est-à-dire en 472, saint
Sidoine lui demanda son avis touchant Sim-
plice , que l'on proposait pour évêque de
Bourges. On croit que saint Euphrone mourut
avant 490. Il avait écrit une lettre au comte
Agrippin, où il lui faisait le rapport des pro-
diges que l'on avait vus en l'air dans les Gau-
les pendant les fêtes de Pâques et le mois
de septembre de Fan 452 ^. Cette lettre n'est
pas venue jusqu'à nous.
7. Mais nous avons celle que saint Loup Leiiro do
écrivit à saint Sidoine pour le congratuler sur
son élévation à l'épiscopat. Saint Loup avait
occupé le siège de l'Eghse de Troyes pendant
quarante-cinq ans , lorsque saint Sidoine fut
placé sur celui de Clermont en Auvergne.
Ainsi l'on doit mettre sa lettre vers la fin de
l'an 471 . Elle est remplie de témoignages d'a-
mitié et d'estime. Quoiqu'il y témoigne sa
joie de ce que saint Sidoine était passé des
dignités mondaines, c'est-à-dire delà préfec-
ture à l'épiscopat, il lai fait envisager ce mi-
nistère comme un ministère d'humilité, qui
ne lui serait honorable qu'autant qu'il s'a-
baisserait plus profondément au-dessous de
tous ceux au-dessus desquels il était élevé
auparavant par les dignités qu'il possédait
dans le siècle. Il le lui fait encore considérer
comme un ministère laborieux, qui l'obligeait
indispensablement de faire valoir ses talents
pour instruire ses peuples dans les choses di-
vines , plus encore qu'il ne les avait fait va-
loir dans le maniement des affaires tempo-
relles. Il veut qu'au lieu des discours pom-
peux d'une éloquence mondaine, ils n'enten-
dent de sa bouche que ce qui pourrait les eu-
sumpti fuerint, etiam a primis penitus arcemus , exor-
cistas duntaxat, uique subdiuconos . In Augustodu-
nensi autem Ecclesia, vel ostiarius in imo ofpcio cons-
titutus, si uxorem aliam acceperif, ab officio penitus
ubdicatur. Subdiaconos autem ad pacem iater se in
sacrario oportet accedcre : in altario autem, nonnisi_
dum porrigioit pnllas diacono, aut suscipiunt guod
referlur; ad pacem autem nequaquam eis permissum
est. Si autem illius amentiœ fuerit vel exorcista vel
subdiaconus, vel etiam, sicui supra memoratum est,
ostiarius, ut secundis se nuptiis illigarit, non solum
ab officio, sed etiam a communione penitus arcetur.
Tom. IV Concil., pag. 1048.
» Greg. Turon., lib. II Hist. Franc., 6, 15.
2 Sidon., lib. IX, Epist. % pag. 1091.
3 Idac, iu Chrome. , pag. 123!j', tom. VII, Bibliuth.
Patr.
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
[V SIÈCLE.]
gager à prendre part, par leur conduite, aux
souffrances de Jésus-Christ , et à mener une
vie toute céleste. «Je sens, ajoute-t-il, que
le moment de ma mort approche ; mais il me
semble aussi que je revivrai en vous, ne dou-
tant pas que je ne laisse après moi un évêque
capable d'être le soutien et la consolation de
l'Eglise. Priez pour moi, afin qu'en terminant
ma vie entre les mains du Seigneur, j'achève
l'œuvre qu'il m'a imposée, et que j'emploie
du moins pour lui les jours qui me restent,
après en avoir tant employé , ce qui est un
malheur pour moi, en des choses que je ne
devais pas. Mais j'ai confiance au Seigneur,
parce qu'il est plein de miséricorde. »
Cette lettre , qui nous a été donnée pre-
mièrement dans le Spicilège de dom Luc d'A-
cheri ', se trouve dans le supplément des
CoîîCiYes par M. de Lalande. [On la trouve aussi
avec celle que saint Loup écrivit, de concert
avec saint Euphrone, dans le tome LVIII de
la Patrologie latine.] Elle trouva dans saint
Sidoine les sentiments d'humilité qu'elle au-
rait pu lui inspirer, comme on le voit par la
réponse qu'il fît à saint Loup. « S'il est , lui
dit-il, permis à des criminels de vous rendre
justice, à vous qui êtes le modèle et la règle
359
des mœurs, la colonne des vertus, un esprit
rempli de douceur, mais d'une douceur vé-
ritable, parce qu'elle est sainte, que ne vous
dois-je pas pour avoir bien voulu panser, par
vos exhortations , les plaies d'un vermisseau
très-méprisable 2? Vous n'avez rien épargné
pour nourrir de vos saints conseils une âme
épuisée et accablée de faiblesse. Vous m'a-
vez fourni du trésor de votre grande charité
la mesure de l'humilité qui m'est nécessaire
pour ma guérison. »
11 paraît, par une autre lettre de saint Si-
doine à saint Loup ^, qu'il en avait reçu de
lui qui sont perdues. Nous n'avons rien non
plus de celles qu'il semble avoir écrites à saint
Rurice *; on en cite une qu'il écrivit, dit-on ^
à Gibulile, roi des Allemands, pour lui de-
mander la liberté des peuples qu'il avait em-
menés captifs à Brienne en Champagne. L'au-
teur de la Vie du saint ne dit point ce qu'il
devint depuis son voyage à Mâcon , en 453.
Mais la lettre que saint Sidoine lui écrivit de-
puis l'an 471 ^, pour lui recommander une
personne habituée à ïroyes, ne permet pas
de douter que saint Loup n'y fût retourné
après son voyage de Bourgogne.
CHAPITRE XX.
Salvien, prêtre de Marseille.
[Vers l'an 485.]
1. On ne peut guère mettre la naissance de
Salvien plus tard que vers Tan 390, puisque,
dès l'an 429, il était prêtre et assez illustre
par son savoir et par sa vertu, pour mériter
les éloges publics de saint Hilaire d'Arles.
Ce saint évêque le qualifiait dès-lors très-
saint ^; c'est aussi le titre que lui donnait de
son vivant ^ saint Eucher, évêque de Lyon,
qui lui avait confié le soin de ses deux en-
fants, Salone et Véran. De la manière dont
Salvien parle de ceux de Trêves et de Colo-
gne, il semble marquer qu'ils étaient les uns
etlesautres ses compatriotes; car^ après avoir
dit ^ qu'il voulait parler de sa patrie et des
villes des Gaules, dans son sixième livre de
la Providence, il commence par Trêves et par
1 Spkileg., tom. Y, pag. 579, et Supplem. Conc,
pag. 35 et 36.
2 Te ergo norma morum, te columna virtulum, te,
si blandiri reis licet, oera, quia sunota dukedo, des-
picatissimi vermis ulcéra digiiis exhortationis con-
ireclure non piguit : tihi avaritice non fuit pascere
monitis animam fragililate jejunam; et de apoiheca
dilectionis iiltissimœ, seclandœ nobis humilitntis }:>ro-
pinare mensuram. Sidon., lib. VI, Epist. l, pag. 997.
3 Sidon., lib. VII, Epist. i, pag. 1001.
' Ruric, lib. I, Epist. 10.
5 Surius, ad diem 29 julii.
6 Sidon., lib. VI, Episi. 4.
' Beatissimus vir Saluianus preshyler. Hilar., iu
serni. de S. Eonor.
s Euclier., Epist. ad Salon.
9 Salv., lib. VI de Provid., pag. 142, 144.
360
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
II s'engage
dans le ma-
riage.
L"llre d!
Salvien à Hj-
pace.
Cologne. Les écrits qui nous restent de lui
sont une preuve de son application à l'étude
des sciences divines et humaines *.
2. Il ne laissa pas de s'engager dans le ma-
riage avec Palladie , fille aînée d'Hypace et
de Quiète^. Hypace était païen, mais il sem-
ble que Palladie faisait, comme Salvien, pro-
fession de la religion chrétienne. Ils eurent
de leur mariage une fille nommée Auspiciole.
Le désir d'avancer dans la piété et dans la
perfection fit naître à Salvien celui de passer
le reste de ses jours dans la continence. Il en
fit la proposition à sa femme, qui l'accepta
avec joie. La seule peine qu'elle en eut, fut
de n'avoir pas elle-même prévenu son mari
sur ce point. Elle prévit néanmoins que ce
genre de vie ne pourrait que mécontenter
son père et sa mère , mais l'amour de Dieu
la fit passer sur cette considération. De-
venue la sœur de Salvien , elle en fut en-
core plus aimée qu'auparavant, parce qu'il
aimait Jésus-Christ en elle. Hypace vit en
effet avec douleur le parti que Salvien et
Palladie avaient embrassé. Sa conversion au
christianisme ne put même faire cesser sou
mécontentement à cet égard, ce qui les obli-
gea de se retirer dans un pays fort éloigné
de lui. Ils furent près de sept ans sans en
recevoir de lettre, quoiqu'ils lui en écrivissent
assez souvent l'un et l'autre.
3. Nous avons encore celle qu'ils lui écri-
virent tous deux ensemble ^. Ils y joignirent
même leur fille Auspiciole, afin de faire un
dernier effort sur l'esprit d'Hypace et de sa
femme, et employèrent tout ce que la nature
a de plus vif et de plus tendre, pour les flé-
chir. Car il n'y a rien que l'on ne doive ten-
ter *, pour se réconcilier avec ses père et
mère. La raison particulière qu'eut Salvien
d'écrire avec sa femme, fut de certifier à
Hypace qu'ils étaient ensemble, afin qu'il
n'eût rien à craindre de ce côté-là. « Nous
ignorons, lui dit-il, si vous êtes également
irrité contre nous; mais, dans la conjoncture
présente , notre imion ne peut souffrir que nous
soyons divisés. Il se peut faire qu'un seul de
nous ait excité votre colère ; mais c'est assez
que vous en regardiez un comme coupable,
pour que tous les deux aient autant de dou-
leur que si chacun en particulier était crimi-
nel. Souffrez que nous vous demandions com-
ment vous pouvez cesser d'aimer des enfants
' Gennad., in Cataloç/., cap. lxvu.
- Salv., Epist. 4j pag. 201 et seq.
qui vous aiment si tendrement? Que notre
conversion vous ait irrité lorsque vous étiez
encore païen, nous n'en avons pas été sur-
pris. La différence de religion éloignait les
cœurs les uns des autres. Mais aujourd'hui
que vous avez abjuré l'erreur, pourquoi vou-
driez-vous conserver les sentiments que vous
inspirait le paganisme? Le soin que je prends
de perfectionner en moi une religion que vous
avez embrassée, serait-il mon crime ? Mais
pourquoi me haïriez-vous parce que je suis
chrétien, puisque vous-même avez condamné
l'erreur qui vous avait empêché de l'être
plus tôt? J'avoue qu'en d'autres occasions
les raisons que vous aviez de vous plaindre
de moi, pouvaient être justes; mais à pré-
sent que votre colère naît de ce que je fais
paraître plus de piété envers Jésus-Christ ,
votre colère m'afflige et ne me fera pas con-
damner la démarche que j'ai faite. » Salvien
fait ensuite parler sa femme. « Je l'entends,
dit-il, qui me conjure de vous écrire et de
la représenter tremblante et prosternée à
vos pieds, non qu'elle se défie de sa cause
ni de son juge , mais pour vous demander
quel es Idonc son crime? Vous a-t-elle jamais
manqué de respect et de soumission ? Est-il
sorti de sa bouche une parole qui dût vous
offenser? Lorsqu'elle s'est engagée dans le
mariage, n'est-ce pas vous qui l'avez voulu ?
Ne lui avez-vous pas ordonné d'obéir en tou-
tes choses à son mari ? Il l'a invitée à passer
ses jours dans la solitude et la chasteté du
célibat. Pardonnez-lui cette faute, si c'en est
une. Elle a cru qu'il lui serait honteux de re-
jeter une proposition si honnête, si louable,
si sainte. N'est-elle pas encore celle par qui
vous avez porté le nom de père et de grand-
père? Noms que vous avez toujours envisagés
avec joie, et auxquels les avantages que vous
souhaitez ont été attachés. Je vais mainte-
nant vous parler au nom de ma fille. Cet
enfant est à vous comme à moi. Je ne vous
demande pas que vous aimiez des gens que
vous n'avez jamais vus, mais que vous ne
haïssiez pas ceux qu'il n'est pas naturel que
vous puissiez vous empêcher d'aimer. Ayez
pitié de son innocence, soyez touché de la
triste situation où elle est. La verrez-vous
sans émotion, contrainte de demander par-
don avant qu'elle puisse savoir ce que c'est
que faire une faute ? Dieu, autrefois irrité
' Salv., Epist. 4, pag. 201.
» Ibid., pag. 205.
[v' SIÈCLE.] CHAPITRE
contre les Ninivites fut désarmé par les lar-
mes des enfants. Dans la guerre entre les
Romains et les Sabins, la vue des enfants
qui se mirent entre les combattants, leur fît
tomber les armes des mains, et procura en-
tre deux peuples ennemis une entière réu-
nion. » Salvien rappelle encore à Hypace
l'ingénieux artifice dont Servius Gerba, qui
voyait sa vie et sa réputation en danger, usa
pour sauver l'un et l'autre. Voyant que les
paroles ne faisaient point d'impression sur
l'esprit des juges, il tâcha d'exciter leurs
cœurs à la tendresse, en présentant devant
leurs sièges ses enfants en pleurs, qui con-
juraient les sénateurs par leurs langues,
d'avoir pitié de l'état où ils se trouvaient. La
tendresse naturelle obtint ce qui eût été
impossible à la force de la vérité. Salvien,
après avoir employé tous ces moyens pour
fléchir son beau-père, lui dit : « Faudra-t-il
que, pour vous toucher, nous mettions en
usage les larmes des étrangers à la place
des nôtres ? Nous vous conjurons de nous
pardonner tout ce qui vous a déplu en nous,
soit que nous méritions ce pardon, soit que
nous ne le méritions pas. Cette manière
d^agir est le vrai caractère des pères tendres
cl raisonnables : ils ne peuvent plus glorieu-
sement se venger de leurs enfants, qu'en
leur pardonnant leur faute. » On ne sait quel
succès eut cette lettre; et depuis ce temps-là
l'histoire ne dit plus rien de Palladio, ni de
sa fille, ni d'Hypace, ni de sa femme.
4. Salvien était prêtre de Marseille dès le
commencement de l'an 429 ou 430, et sa ré-
putation était si grande, que saint Eucher
lui confia l'éducation de ses deux fils ', Sa-
lone et Véran. Il prit aussi le soin d'un jeune
homme de ses parents -, qui avait été pris à
Cologne avec sa mère et toute sa famille,
lorsque cette ville tomba sous la puissance
des Francs. Voulant l'assister autant pour le
bien de son âme que pour son intérêt tem-
porel, il l'adressa à des serviteurs de Dieu,
afin qu'ils lui fissent part de leurs richesses
spirituelles, qu'ils l'instruisissent, qu'ils l'ex-
hortassent et le portassent à prendre part
avec eux aux biens dont ils jouissaient. De
la manière dont il parle à ses serviteurs de
XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
361
Dieu, il semble qu'il avait demeuré avec eux
soit à Lérins ou ailleurs : « Puisque vous me
regardez, leur dit-il, comme un autre vous-
mêmes, ne sais-je pas quel sera votre zèle
pour celui que la parenté rend une partie de
moi-même - ?» On voit par ses ouvragiss,
qu'il eut souvent de pareilles occasions
d'exercer sa charité, en un temps où l'em-
pire romain était pillé et ravagé de tous
côtés par les Barbares , et où ceux d'entre
les Romains qui avaient quelque pouvoir, ne
s'en servaient que pour opprimer les faibles.
Il vécut jusque dans un âge fort avancé,
c'est-à-dire jusque vers l'an 485 : car il vivait
encore lorsque Gennade parlait de lui dans
son traité des Hommes illustres *, où il est fait
mention des écrits de saint Eugène de Car-
thage, faits en 484 ^. 11 y en a qui ont cru
qu'il avait été évêque, sur ce que, dans l'édi-
tion de Gennade par Erasme, il est dit que
Salvien composa plusieurs homélies, étant
évêque. Mais dans les autres éditions et dans
les meilleurs manuscrits, on lit simplement
qu'il les avait composées pour des évêques
qui, n'ayant pas le talent d'en composer eux-
mêmes, recouraient à Salvien pour s'acquit-
ter de cette partie de leur ministère. Quel-
ques-uns ont cru que c'était pour cela que
Gennade le qualifiait le maître des évêques ;
mais il est plus vraisemblable qu'il ne lui a
donné ce titre que parce qu'il avait été le
maître des deux enfants de saint Eucher, qui
furent l'un et l'autre évêques. Gennade ne
lui donne que la qualité de prêtre ^, et ja-
mais celle d'évêque.
5. Le ])remier des ouvrages de Salvien
dans l'ordre des temps, est celui qui porte le
nom de Timothée, et qui est adressé à l'E-
glise catholique répandue par toute la terre.
Il est cité dans le quatrième livre sur la Pro-
vidence ^ ." on peut donc assurer que Salvien
l'écrivit avant l'an 440, puisque dans son ou-
vrage sur la Providence, il parle de la défaite
de Litorius ^, arrivée en 439, comme d'un
événement tout récent. Il y parle aussi de Li
prise de Carthage, arrivée la même année ^.
Comme il n'avait pas mis son nom à l'écrit
qu'il avait adressé à l'Eglise, l'évêque Salone,
qui sut apparemment qu'il en était auteur,
Eciils dii
Salvien. S<s
quatre livres
à l'Es'iâe.
' Salv., Epist. 9, pag. 215.
2 Idem, Epist. 1, pag. 198.
•' Cum me portionem vesfri existimaiis , nucesse est
eum qui mei portio est vestri quoque aliquatenus por-
tionem esse ducatis. Salv., Epist., pag. 199.
'<■ Gennad., de Viris illusf., cap. LWii.
8 Gennad., ibid., cap. scvn.
8 Salv., apud Massillau. presbyt.; Gennad., cip.
I.XVH.
1 Salv., lib. IV de Provid., pag. 65.
8 Ibid., lib. VII, pag. 64.
3 Ibid., lib. VIII, pag. 195.
362
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIAS'nQUES.
Lettre à Pa-
lone EQP cet
lui écrivit pour savoir quelle raison il avait
eu de se cacher sous le nom de Timothée.
Salvien lui en donna plusieurs dans une let-
tre assez longue, que l'on a mise à la tête de
cet ouvrage en forme de préface, où il donne
en même temps le motif qui l'avait engagé à
l'adresser à l'Eglise universelle.
6. « Vous voulez savoir, lui dit-il, pourquoi
ouvrage, pag. uu aulour incounu, qui depuis peu a adressé
215 eillt. Pa- ^ ^ ^
un traité à l'Eglise de notre temps, l'a rendu
public sous le nom de Timothée. Vous ajou-
tez que si Je ne justifie pas bien ce titre, vous
regarderez à l'avenir les ouvrages qui le por-
teront comme des livres apocryphes. Je vous
réponds d'abord, qu'on ne peut soupçonner
un auteur de vouloir passer pour Timothée,
disciple de saint Paul, lorsqu'il déclare dans
son ouvrage qu'il vit encore. J'ajoute qu'é-
tant inutile de savoir si c'est son nom ou un
nom emprunté qu'il a mis à la tête de son
ouvrage, c'est en vain que l'on se fatigue
pour découvrir une chose dont on ne peut
retirer aucun fruit. En fait de livre, on doit
examiner si la lecture en peut être avanta-
geuse; ce n'est pas le nom de l'auteur qui
produit cet avantage, c'est l'ouvrage même,
de quelque main qu'il vienne. Les livres sont
bons par ce qu'ils contiennent, et non par la
qualité et le nom de l'auteur. » Salvien donne
ensuite les raisons pourquoi il avait adressé
son livre à l'Eglise; pourquoi il n'y avait pas
mis son nom, et pourquoi il avait pris celui
de Timothée plutôt qu'un autre. Persuadé
que c'est Dieu que nous devons aimer sur
toute chose, et que le culte et l'amour qu'on
lui doit, non-seulement dans les temps de per-
sécution, mais dans la paix, sont préférables
à tous les biens temporels, il crut ne pouvoir
mieux adresser ses plaintes contre les désor-
dres du siècle, qu'à l'Eglise en général, parce
qu'il reprenait ces désordres, non dans quel-
ques particuliers, mais dans des gens de tout
âge, de tout sexe et de toute condition, qui
tous étaient membres de l'Eglise. Il en trou-
vait des exemples dans les veuves qui avaient
renoncé à un second mariage pour vivre
dans la continence; dans les vierges qui s'é-
taient consacrées à Dieu au pied des autels ;
dans les diacres, les prêtres et les évêques,
et dans la plupart des autres personnes qui
prétendaient même vivre dans la pénitence
par une louable conversion. Le péché qu'il
reproche à ceux qui étaient sans enfants et
sans famille, est celui de l'avarice. Au lieu
d'employer leurs richesses au soulagement
des pauvres, à l'avantage de l'Eglise et à se
rendre Dieu propice, ils les laissaient ordi-
nairement à des personnes déjà riches et
même étrangères à leur égard. Les raisons
qu'eut Salvien de ne point mettre son nom à
son ouvrage, furent d'éviter la vaine gloire,
aimant mieux ne laisser voir qu'à Dieu seul
ce qu'il n'avait entrepris que pour sa gloire.
Il se croyait d'ailleurs le dernier des servi-
teurs de Dieu, et cela par une simple convic-
tion de son néant. Enfin il craignit que le
nom d'un homme en qui tout est méprisable,
ne fit tort au livre même, et mépriser les vé-
rités qu'il y établissait, parce que c'est assez
la coutume dans le monde, de ne juger du
mérite des choses que par la personne dont
elles viennent. Pour ce qui est du nom de
Timothée, il le préféra à tout autre, parce
qu'il lui convenait, n'ayant entrepris son ou-
vrage que pour l'honneur de Dieu, motif qui
est marqué par le nom même. En cela, dit-il,
il s'en est tenu à l'exemple de saint Luc, qui,
au commencement de son Evangile et des
Actes des Apôtres, les a adressés à Théophile,
faisant un nom d'homme de ce qui cachait
celui d'une vertu. Théophile, dans la pensée
de l'évangéliste, signifie l'amour de Dieu ; Ti-
mothée, dans celle de l'auteur, marque que
le désir de la gloire de Dieu a été son motif
d'écrire.
7. En effet, la matière principale de son
ouvrage est de détourner les hommes de leur
Analyse da
premier livre
du Traité de
1 1 l'Eglise, pag,
attachement aux biens temporels, pour les 222.
porter à l'amour de ceux qui ne périssent
point. Il ne connaissait point de maux plus
pernicieux aux âmes, ni de contagion qui fit
périr un plus grand nombre d'enfants de
l'Eglise, que l'avarice, qui est, dit-il, une
vraie idolâtrie. Les premiers chrétiens se
soutenant par l'espérance des biens éternels,
ne balançaient pas d'embrasser la pauvreté
pour mériter les trésors de l'immortalité. La
face des choses changea dans les siècles sui-
vants, où, à la place de ces vertus, on vit ré-
gner le désir insatiable d'avoir etl'injustice. Le
nombre des fidèles augmentant, la foi décrut,
l'exactitude de la disciphne diminua, en sorte
que l'Eglise devenue riche, à ne compter que
les hommes, tomba dans l'indigence du côté
de la piété. Pour rendre ce parallèle sensible,
Salvien fait le portrait de la sainteté des
chrétiens convertis par les apôtres, tel que
nous le lisons dans le quatrième chapitre des
Actes : à quoi il oppose ce qu'il avait remar-
qué dans les mœurs des chrétiens de son
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
[V« SliXLE.J
temps. La plus grande partie ne travaillait
que pour les choses périssables. On les
voyait occupés du soin d'acquérir des biens
qu'ils devaient perdre, risquer, leur vie pour
en gagner, et cacher dans la terre des tré-
sors qui en procurant une longue joie aux
héritiers, ne pouvaient que causer une dou-
leur éternelle à ceux de qui ils auraient hé-
rité. Il fait voir que les richesses rendent
rân:e captive ; qu'on est avare sans avoir de
richesses, lorsqu'on est dominé par le désir
d'en avoir. Ce qu'il prouve par ces paroles
de Jésus-Cbrist : Ne vous faites point de trésors
sur la terre^ mais faites-vous des trésors dans le
ciel. Paroles qui doivent s'entendre de l'af-
fection du cœur, et non pas dans un sens
littéral, puisqu'on ne peut pas dire que tous
les méchants aient sur la terre des trésors
réels. La tendresse des pères pour leurs en-
fants était un motif ordinaire de l'avarice.
« Quoi donc! dit Salvien, l'avarice sera-t-elle
regardée comme l'âme de l'amour paternel?
On doit aimer ses enfants, mais les aimer
comme Dieu veut qu'on les aime , et leur
amasser les richesses qu'il ordonne aux pères
d'amasser pour leurs enfants. Quelles sonl-
elles? Saint Paul les marque en ces termes :
N'irritez point vos enfants, mais intruisez-les et
reprenez-les selon les intentions du Seigneur. Et
le prophète parlant à tous les pères, leur dit
d'apprendre à leurs enfants de mettre leur
confiance en Dieu , de n'oublier point ses ou-
vrages, et de 7'echercher ses commandements.
Ils ne les exhortent point à amasser des tré-
sors considérables par leur poids , et plus
encore par les crimes qui ont servi à les ac-
quérir, ni à bâtir des palais superbes, ni à
acquérir des terres riches par leurs revenus
et distinguées par leurs droits. Les lois de
Dieu ne roulant pas sur des choses de cette
nature, elles n'ont pour but que le salut; les
richesses qu'elles conseillent aux pères d'a-
masser à leurs enfants, consistent dans la foi,
dans la crainte du Seigneur, dans la modes-
tie, dans les bonnes mœurs, dans la sainteté.
Les paroles de Jésus-Christ nous font con-
naître qu'il y a deux sortes de trésors, un
que les pères doivent amasser à leurs en-
fants , l'autre qu'ils doivent amasser pour
eux-mêmes. Ils enrichissent leurs enfants en
1 Qui enim a malis actibus tantum morte discedit,
non relinquit scelera, sed relinquitur a sceleribus. Non
bonis itayue spebus innititiir, qui ad hoc lanlum pcccat
in vila, ut peccatorum molem redimat in morte; et
ideo se evasurum putat, non quia bonus, sed quia di-
363
Suite du
premier livre,
pag. 232.
leur donnant une bonne éducation, en leur
apprenant à craindre Dieu. Ils s'enrichissent
eux-mêmes par le bon usage qu'ils font de
ce qui est passager. En inspirant à leurs en-
fants l'amour de la vertu, ils leur assurent
l'immortalité, et méritent pour eux-mêmes
un bonheur éternel. Personne ne peut dis-
convenir que les richesses de la terre ne
soient pour nous un don de Dieu : il est donc
essentiel de tout rapporter à Dieu et de tout
faire servir à l'honorer. Honorez le Seigneur Prov. m.
de votive substance, dit l'Ecriture. Il ne nous
remet, en quelque sorte, la propriété des
biens, qu'afm que nos bonnes œuvres aient
plus de mérite, parce que la libéralité que
l'on tire de son propre fond, est digne d'une
plus gj-ande récompense. De peur, toutefois,
que l'esprit humain ne se laissât séduire par
cette expression de l'Ecriture, qui nomme
nos richesses notre substance , elle ajoute en
un autre endroit : Acquittez-vous de ce que eccIcs u
vous devez; comme si elle disait : Payez à
Dieu une dette légitime. »
8. Saint Paul, en ordonnant aux riches
d'être abondants en bonnes œuvres, leur en-
seigne que les bonnes œuvres sont la fin
pour laquelle Dieu donne les richesses. Sur
quel fondement peuvent-ils donc se croire
exempts de péché, en se choisissant des hé-
ritiers impies et libertins, puisque l'on pèche
dès-lors que pendant cette vie on ne retran-
che pas une partie de ce qu'on possède, pour
en faire une offrande à Dieu. Les richesses
ne sont point mauvaises en elles-mêmes, le
défaut est tout dans l'homme qui en use mal.
C'est par ce mauvais usage que les riches
amassent ce trésor de colère pour le dernier
jour, ainsi que parle l'apôtre saint Jacques.
« Au reste je ne prétends pas, dit Salvien,
qu'un homme qui aurait passé sa vie dans
de grands désordres, fût un homme du salut
duquel on ne dût pas douter, parce qu'en
mourant il aurait disposé avec piété de son
bien. Les aumônes que l'on fait à la mort,
peuvent beaucoup servir devant Dieu, mais
elles sont inutiles sans la conversion du
cœur. La mort qui arrête le cours de l'ini-
quité, est bien une marque que le vice quitte
le pécheur ', mais ce n'en est pas une que
le pécheur quitte le vice. Cela me fait dire
ves sit : quasi vero Deus non vitam quœrat hominum,
sed pecuniam, aique a cunctis malorum redimendo-
rum spe maie ageniibus uccipere solos pro crimitiibus
mnnmos velit, et corruplorum judieum more argen-
ium exigat, ui peccata vendat. Non ila est. Prodesse
3é4
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que l'espérance est fausse et trompeuse,
quand on se livre au péché pendant la vie,
séduit par ce faux préjugé, qu'on l'effacera
à la mort par des aumônes, et qu'on évitera
sa condamnation, non parce qu'on est juste,
mais parce qu'on est riche. Quoi donc! est-ce
que Dieu n'exige que de l'argent de la part
des hommes, et non des bonnes œuvres?
Laisse-t-il aux pécheui's cette ressource cer-
taine, qu'avec de l'argent ils rachèteront leurs
hiiquités sans autre expiation ? Dieu est-il
donc un juge qu'il soit facile de gagner en
lui donnant de l'argent, pour éviter la peine
due aux crimes? Il n'en est pas ainsi. L'au-
mône est une vertu dont les chrétiens reti-
rent de grands avantages ; mais ils ne sont
pas pour ceux qui vivent mal, parce qu'ils
comptent sur les aumônes qu'ils feront à la
mort, ni pour ceux qui se persuadent faus-
sement que c'est un moyen sûr d'expier en
un moment les plus grands crimes. L'aumône
est utile pour ceux qui, ayant été menés trop
loin par la vivacité de la jeunesse, qui, ayant
été éblouis parl'erreur, ou séduits par l'igno-
rance, ou entraînés par la fragilité, revien-
nent entîn à eux-mêmes, et travaillent à re-
prendre des forces, comme on fait après une
maladie. La seule différence qu'il y a, c'est
que les malades qui ont recouvré la santé du
corps se réjouissent, et que les pénitents,
après avoir recouvré la santé de l'âme, pleu-
rent par le sentiment d'une sainte componc-
tion. Cette différence est fondée sur la raison.
La joie du malade guéri, vient du danger
dont il voit sa vie à couvert. La douleur du
pénitentnaît de la connaissance qu'il a du péril
où l'avait jeté son égarement. Il faudrait, s'il
était possible, que le repentir suivit de si
près la faute ou plutôt la chute du pécheur,
qu'il n'en restât dans peu d'heures aucune
trace. Du moins, doit-on lui inspirer une
grande horreur de sa situation, aussilôt qu'on
la connaît, un désir vif d'appliquer un salu-
taire appareil à ses plaies et d'arracher au
plus tôt le trait qui l'a blessé. »
Salvien veut qu'on tente, à l'égard des pé-
cheurs endurcis, toutes sortes de remèdes, et
condamne comme homicides ceux qui ne leur
procurent aucun moyen de guérison. 11 dit
que les moyens d'expiation sont eu petit
nombre et difficiles à soutenir dans les con-
versions tardives. « Un homme mourant pren-
dra-t-il la résolution d'humilier sa chair sous
le cilice et sous la cendre, afin d'expier par
ces mortifications le crime de ses anciens
plaisirs ? Comment son esprit sera-t-il même
capable de sentiments de componction dans
un corps accablé et prêt à se trouver séparé
de son âme? La seule ressource qui lui reste
aux approches de la mort pour délivrer son
âme du feu de l'enfer, est de faire un sacri-
fice de ses richesses temporelles, suivant en
cela le conseil que le prophète Daniel donna Dan. iv.
au roi de Babylone. Mais il faut que son sa-
crifice soit accompagné de larmes, de dou-
leur, et de repentir de ses fautes : sans cela
il serait rejeté, l'affection du cœur faisant le
prix des choses devant Dieu. Car ce n'est pas
l'argent qui relève l'éclat de la foi, c'est la
foi qui fait agréer l'oblation de l'argent. L'au-
mône n'efface donc pas absolument le pé-
ché ; son effet est de rendre le pardon plus
facile à obtenir. De là naît la nécessité de
prier en faisant des aumônes tardives, afin
qu'elles ne soient point rejetées. On doit
pleurer en faisant si tard ce qu'on aurait dû
faire de meilleure heure , et faire de ce re-
tardement le motif de la pénitence. Peut-être
que Dieu^ fléchi alors par ces dispositions, de-
viendra propice au pécheur. » Selon Salvien,
quand les bornes de nos péchés nous sont
inconnues, nous devons offrir à Dieu tout ce
que nous pouvons, afin que si notre don
n'est pas suffisant, ce qui lui manque soit
récompensé par notre zèle. Il s'objecte que
le prophète conseilla au roi de Babylone de
beaucoup donner. A quoi il répond que le
sens de ce conseil était que ce prince ne
pouvant pas distribuer ses Etats aux pauvres,
il devait du moins leur distribuer l'argent de
son trésor. Il dit à ceux qui faisaient diffi-
culté de tout donner, qu'ils doivent juger de
la satisfaction par le nombre et l'énormité de
leurs fautes, et ensuite donner de quoi satis-
faire à l'étendue de leur dette. « Mais, après
avoir pesé et examiné vos péchés, vous serez,
leur dit-il, d'autant plus redevables que vous
croirez l'être moins, suivant cette maxime de
saint Paul : Si quelqu'un s'estime quelque chose, q^, ^,^
quoiqu'il ne soit rien, Use trompe lui-même. » Il
enim Inrgitionem plurimum certum est, scd non illis
qui ultima futurœ largilionis spe maie vivunl, qui
fiducia redimendœ immunitatis scelera commitiuni ;
sed illis qui decepii aut lubrico œlatis, aut nubilo
erroris, aut vitio ignoranticB , aut postremo lapsu
fragilitatis humanœ, resipiscere tandem quasi post
mortem gravissimœ infirniitatis incipiuni ; in uno ian-
tum modo a se dispares, quod illi gaudeni postquam
evaserint œgriludinem, isii plangunt postquam acce-
perint sanitaiem. Salvian., lib. I, pag. 336.
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
[V^ SIÈCLE.]
ajoute que l'on ne peut point prendre à la
rigueur l'avertissement que Daniel donnait à
Nabucliodonosor. « Ce prince était jeune
alors : et vous à qui je parle, vous devez don-
ner d'autant plus libéralement, que vous ne
pensez à donner qu'à l'extrémité et ayant
déjà la mort sur les lèvres. »
9. Salvien continue dans le second livre, à
montrer la nécessité d'expier les pécbés par
l'aumône. Il étend cette obligation aux justes
comme aux pécheurs, avec cette différence,
que les justes n'ayant point de péchés à
racheter par ces sortes de largesses , ils
doivent les employer, ou pour mériter des
grâces, ou pour acquitter d'autres dettes. Il
pose pour principe que tout homme, quelque
juste qu'il soit, est redevable à Dieu d'une in-
finité de choses : de la naissance, des aliments,
de l'éducation, de sa rédemption par le sang
de Jésus-Christ, et d'un grand nombre d'autres
bienfaits ; d'où il suit que le justequi donne
l'aumône, ne fait pas tant un présent, qu'il
paie une dette. On dira peut-être qu'il est
bien vrai que les saints sont redevables à
Dieu, mais que les dettes des gens du monde
qui ont beaucoup péché, sont aussi beaucoup
plus grandes. Avant de s'expliquer sur ce
point, Salvien déclare qu'il ne parlera que des
personnes de piété qui ne se sont point dé-
pouillées de leurs biens. Après quoi il décide
qu'il est besoin que l'aumône accompagne
les autres vertus dans ceux qui aspirent à la
perfection. Il convient qu'avant la loi, il était
permis d'acquérir et de conserver des ri-
chesses, et que ce droit subsista même en
son entier après la loi, qui ne défendait pas
de posséder des biens, pourvu que l'acquisi-
tion en eût été juste : « Alors, dit-il, les gens
de bien conservaient leurs richesses, en se
renfermant dans les bornes d'un usage légi-
time. Mais, depuis l'Evangile, nos devoirs à
l'égard de Dieu sont plus étendus, parce que
les bienfaits que nous avons reçus sont plus
grands. Ce ne sont pas seulement, selon l'a-
pôtre, des richesses périssables que nous de-
vons à Dieu; les tribulations, les périls, la
faim, le glaive, les tourments, notre sang,
notre vie : tout cela entre dans ce que nous
devons faire ou souffrir afin de lui marquer
notre reconnaissance. Ainsi les justes, en ne
donnant que leurs biens temporels, ne satis-
font qu'en partie, puisqu'ils se doivent eux-
mêmes à Dieu. 1) Il prescrit les devoirs d'une
veuve qui veut vivre avec piété en Jésus-
Christ, ceux des personnes mariées, ceux des
365
vierges et ceux des ministres des autels. «Les
dignités sans mérite sont des titres vains :
c'est un devoir des prêtres de n'être pas
moins élevés par leurs vertus, qu'ils le sont
par le rang qu'ils tiennent dans l'Eglise. Dans
cette place, on doit faire réflexion que si Dieu
a prescrit des règles de perfection si sublimes
pour le commun des fidèles et pour un sexe
faible et infirme, la loi exige une perfection
bien plus grande de ceux qu'il destine à
rendre les autres parfaits et à leur servir de
modèle. Il était défendu aux apôtres de por-
ter ni or ni argent, pas même un bâton pour
se soutenir dans les voyages. Comment pour-
ra-t-on excuser dans les diacres et dans les
prêtres, qui senties successeurs des apôtres,
d'avoir de grands biens et de laisser de ri-
ches successions à leurs héritiers? N'est-ce
pas assez de mépriser Dieu pendant notre
vie, sans étendre ce mépris jusqu'après notre
mort? La piété ne décharge pas du devoir
de faire l'aumône; au contraire, elle l'aug-
mente. Vous direz peut-être qu'en ce cas la
condition des gens du monde est plus heu-
reuse que celle des justes? C'est une erreur;
l'obligation est la même pour l'un et pour
l'autre; les motifs seuls en sont différents. Le
juste doit s'acquitter du devoir de l'aumône,
parce qu'il est instruit de la volonté du maî-
tre qui l'ordonne ; le mondain, parce qu'il a
négligé de s'en instruire. » Salvien descend
dans le détail des avantages de l'aumône.
Après quoi il réfute les vains prétextes que
l'on allègue ordinairement pour s'en dispen-
ser. Il ne s'oppose point aux soulagements
que demandent le sexe, l'âge, la mauvaise
santé ; mais il veut qu'on les accorde sans
aller au-delà du nécessaire, afin que tout ce
qui est superflu soit employé en bonnes œu-
vres. Il fait sentir l'imprudence des riches,
qui aiment mieux employer leurs biens à
rendre les autres heureux, qu'à se procurer
à eux-mêmes une félicité éternelle. « De là
vient, dit-il, que les avares ont moins à
craindre de leurs ennemis que d'eux-mêmes.
La haine des hommes à leur égard, finit avec
la vie ; celle que les avares ont pour eux-
mêmes, va jusqu'après la mort. »
10. Après avoir montré dans les deux
livres précédents que l'aumône est un devoir
et une vertu nécessaire à tous les chrétiens;
qu'elle fait le mérite des justes, et qu'elle est
le remède des pécheurs, Salvien avance dans
le second, que le premier et le plus salutaire
devoir de la religion pour les riches consiste,
Analyào âa
Irois.iime li-
vre, pag. 260.
366
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dans cette vie, à distribuer libéralement lenrs
richesses par le motif pur de la gloire de
Dieu, et le second à les distribuer à la mort,
si, empêché par la crainte, les infirmités ou
la nécessité, onadifféréjusqu'alorsàlefaire.
J'ai des enfants, répondent les gens du monde:
faut-il que je les dépouille? Salvien oppose à
ce prétexte ces paroles de Jésus-Christ : Celui
qui aime son fils ou sa fille plus que moi, nest
pas digne de moi. A quoi il ajoute que quand
il serait vrai que les pères qui ont des enfants
sont excusables par la tendresse naturelle,
ceux-là ne le seraient pas qui, n'ayant point
d'enfants, cherchent des gens à qui ils puis-
sent laisser leurs biens. Il fait la peinture d'un
homme près de paraître devant le tribunal de
Dieu. « Quoique environné, dit-il, de dangers
si effrayants, on le voit occupé, non de son
salut , mais du partage de ses biens , entrer
dans le détail indigne qui lui fait léguer à
l'un ses terres , à l'autre ses meubles , à ce-
lui-ci ses esclaves , et une autre partie de sa
succession à celui-là. Il pense au moyen de
faire mener à des étrangers une vieheureuse,
tandis qu'il est sur le point de faire une mé-
chante mort. Je ne dis pas, continue Salvien,
qu'il faille manquer d'attention pour les inté-
rêts de ses enfants , mais j'exhorte les chré-
tiens à avoir plus de charité pour eux-mêmes
et à se procurer tous les secours qui peuvent
servir au salut de leurs âmes. C'est une affaire
si importante, qu'elle doit l'emporter sur tous
les autres devoirs. » Il met au nombre des
charités le bien qu'on laisse à des parents ou
à des amis qui sont dans l'indigence, poui'vu
que Dieu soit le motif de ces libéralités. Il se
plaint du choix que les pères et mères fai-
saient de ce qu'il y avait de moins estimable
parmi leurs enfants pour les consacrer à Dieu ,
etdece qu'ils neléguaientpas également leurs
biens à ceux de leurs enfants qui étaient dans
l'état rehgieux et à ceux qui restaient dans le
monde. A quoi servirait, disait-on, de laisser
beaucoup de biens à des religieux? « Le voici,
répond Salvien : à remplir tous les devoirs
de leur état , à faire que le bien de la reh-
gion augmentant, ceux qui manquent de biens
soient secourus par ceux qui ont du patri-
moine. Si les pères et mères souhaitent que
leurs enfants soient pauvres , qu'ils laissent
au supérieur religieux entre les mains de qui
ils sont, le soin de marquer les bornes de cette
pauvreté. Comme alors tout sera volontaire,
la vertu en aura plus de mérite. Qu'on les
abandonne à leur piété , qu'on leur laisse
choisir la pauvreté par goût, et qu'on ne les
y réduise pas par nécessité. Une pauvreté
forcée a plus l'air d'un châtiment que d'une
vertu. En user ainsi à l'égard de ses enfants,
c'est en être le meurtrier, c'est violer les
droits du sang et de la nature. Ne serait-il pas
de la prudence que les pères et mères lais-
sassent à leurs enfants religieux une partie
de leurs richesses pour être employées en
bonnes œuvres dont ils partageraient avec
eux le mérite? Ils faisaient tout le contraire,
ne leur laissant rien, de peur qu'ils n'eus-
sent de quoi consacrer à Dieu. C'était leur
donner occasion de se repentir d'avoir em-
brassé une condition qui les rendait méprisa-
bles aux yeux mêmes de leurs père et mère. »
Salvien se plaint d'un autre abus. Les parents
laissaient à leurs enfants rehgieux les reve-
nus de certains fonds , à condition que ces
fonds retourneraient à leurs frères qui étaient
restés dans le monde. Il taxe d'injuste cette
conduite, disant que c'était pour ainsi dire
exclure Dieu de leurs successions, en ne lais-
sant la propriété de rien à leurs enfants. « C'é-
tait la coutume, chez les Romains, de rendre
la liberté aux esclaves après un certain temps,
et cette liberté leur donnait droit de disposer
de leurs biens par testament. Le contraire ar-
rivait chez les chrétiens qui retranchaient à
leurs enfants religieux la propriété de leur
patrimoine, puisque c'était les priver du droit
d'en disposer par testament. Ainsi les en-
fants religieux, de libres qu'ils étaient, deve-
naient esclaves; au lieu que chez les Romains
les esclaves devenaient hbres. La rehgion,
parmi les chrétiens, devenait un crime, et les
pères ne reconnaissaient plus leurs enfants
que comme des étrangers, parce qu'ils avaient
commencé à être enfants de Dieu. Mais,
disait-on , à qui les enfants rehgieux laisse-
raient-ils leur patrimoine ? Ils s'en serviraient
pour eux-mêmes, répond Salvien; ils s'en
serviraient pour assurer leur salut, pour
rendre plus certaine leur espérance en Dieu.»
ll.dAureste, ces paroles de l'Ecriture : Ne
vous faites point de trésors sur la terre, mais
dans le ciel, sont pour les gens du monde
comme pour les religieux, pour ceux qui ont
des enfants comme pour ceux qui n'en ont
pas. Parmi le grand nombre de fidèles dont
il est dit dans le livre des Actes que ce qu'ils
avaient était commun entre eux, il y en avait
sans doute qui avaient des enfants ; cela les
empêchait-il de mettre leurs biens en com-
mun, de vendre leurs terres et leurs maisons
Suite
troisième
vre, pag. 28J
Matlli. Tl.
Act. IV.
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEJLLE.
[V= SIÈCLE.]
et d'en apporter le prix aux pieds des apôtres
pour le soulagement des pauvres? C'est un
amour insensé d'aimer les autres en se per-
dant. Le père ne portera pas l'iniquité de son
fils, et le fils ne portera pas celle de son père.
Les richesses des héritiers ne diminueront
point le feu où brûleront ceux qui les ont
laissées. A quoi servirent au mauvais riche
les richesses qu'il avait laissées à ses frères?
Purent-elles lui obtenir une goutte d'eau
pour se rafraîchir? La bonne chère que fai-
saient ses héritiers, et leurs plaisirs assaison-
né? de tout ce que la volupté invente, lui
procuraient-ils de la consolation ? Non . Insen-
sible à tout le reste , il n'était occupé que de
son malheur et de son supplice. »
Salvien détaille les excès où les gens du
monde, et quelquefois même des personnes
consacrées à Dieu, se portent pour enrichir
leurs héritiers , léguant même à des étran-
gers des trésors qu'ils auraient dû faire ser-
viraleurpropreredemption.il montre qu'une
vanité ridicule est le motif de beaucoup de
testaments, et que souvent un homme de
basse naissance rappelle comme parents des
personnes de qualité, pour se donner de l'é-
clat en mourant. « Ne pas assurer son salut
par de bonnes œuvres, c'est, ajoute-t-il, être
persuadé ou que l'on ne ressuscitera pas au
dernier jour, ou que Dieu ne jugei'a pas les
hommes selon ce qu'ils auront fait de bien
ou de mal. Saint Paul assure toutefois que
l'homme recueillera ce qu'il aura semé, et
que celui qui sème peu moissonnera peu;
qu'au contraire, celui qui sème avec abon-
dance moissonnera aussi avec abondance.
C'est aux riches qu'il est dit : Allez, vendez ce
que vous avez, donnez-en le prix aux pauvres,
et vous aurez un trésor dans le ciel, n Salvien
leur fait voir que souvent il ne leur reste à la
mort qu'une seule ressource pourleur salut, et
qu'elle consiste à offrir à Dieu leurs richesses,
n'ayant plus rien qu'ils puissent lui offrir. Il
les détrompe sur les marques d'amitié qu'ils
reçoivent dans ce moment de la part de leurs
proches, v Ces larmes, leur dit-il, ces soupirs,
cette inquiétude que font paraître ceux qui
environnent le moribond , naissent , non du
désir que l'on a de le voir recouvrer la santé,
mais de la crainte qu'il ne meure pas. Ces
yeux agités et toujours tournés vers le ma-
lade sont autant de reproches qu'on lui fait
de sa trop longue agonie; si l'on fait des
vœux pour lui, ce sont des voé'ux de mort et
non de convalescence. «
367
12. Il montre dans le quatrième livre que
les justes et les pécheurs ont également be-
soin de finir leur vie par de bonnes œuvres.
«La raison en est sensible : étant sur le point
de paraître devant son juge , peut-on pren-
dre trop de précaution pour se le rendre fa-
vorable ? Si l'on a fait du bien pendant le
reste de sa vie, ne doit-on pas craindre de se
démentir à la mort, de peur d'être trouvés
de Dieu moins bons qu'en un autre temps?»
La conséquence qu'il en tire est qu'on doit
alors , surtout quand on est riche , faire des
largesses aux pauvres, grandes à proportion
des bienfaits que l'on a reçus de Dieu. A
l'objection que Dieu n'a pas besoin des
dons de l'homme, il répond : « Gela est vrai,
à ne considérer que sa puissance; sa gran-
deur le met au-dessus des besoins; en lui-
même rien ne lui manque. Mais au dehors il
est dans l'indigence , c'est-à-dire dans les
pauvres qui sont ses membres. Riche par sa
toute-puissance, il est pauvre par sa miséri-
corde. Parmi les pauvres ordinaires, il n'en
est point qui soutfre seul la pauvreté de tous
les autres, ou qui manque en même temps
de toutes choses. Jésus -Christ est le seul à
qui tous les biens et toutes les commodités
de la vie manquent à la fois. Aucun de ses
serviteurs n'est dans l'exil, ne souffre le froid,
la nudité, la persécution^ la faim, la soif,
qu'il n'en partage avec lui la peine et l'in-
commodité. 11 y a donc de la dureté et de
l 'ingratitude aux riches qui se trouvent à l'ar-
ticle de la mort, de ne penser qu'à enrichir
des hommes qui vivent dans les délices, et
non à soulager la misère que Jésus-Christ
souffre dans les pauvres. » Il représente à ces
riches qu'en méprisant ainsi Jésus-Christ
pauvre, ils ne peuvent attendre de lui que du
mépris dans l'autre vie; qu'en vain, étant
cités devant son tribunal, ils voudront se van-
ter d'avoir gardé la tempérance, la loi du
jeûne et les autres préceptes de l'Evangile,
le défaut seul de miséricorde envers les pau-
vres sera le motif de la sentence qui les con-
damnera au feu éternel. «Vous serez, leur
dit-il , jugés comme vous aurez jugé , et vos
préférences sei'ont la règle de votre destinée.
Vous avez donné aux riches et refusé aux
pauvres. Vous ne serez point avec Jésus-
Christ que vous aurez méprisé , mais vous
serez avec ceux que vous avez plus aimés
que lui. »
Tel est , en substance , l'ouvrage de Sal-
vien, intitulé : Timothée. On ne doute pas
Annlyso du
qijalrrÈiii6 li-
vre, png. 30J.
368
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
que ce ne soit le même que Gennade lui at-
tribue contre l'avarice, et qu'il dit être divisé
en quatre livres '. Le zèle avec lequel Sal-
vien combat ce vice , surtout dans ceux qui
sont si attachés aux richesses, que même à
l'heure de la mort, ils ne pensent pas à les
donner aux pauvres pour racheter leurs pé-
chés, a fait dire à quelques-uns qu'il était
tombé dans l'excès, jusqu'à ne vouloir pas
qu'un père puisse, sans péché, laisser même
une partie de son bien à ses enfants; mais
nous avons remarqué qu'il trouve bon que
les pères et mères laissent du bien à leurs
enfants, quand ceux-ci ne sont point dans
l'opulence; que d'ailleurs ses invectives tom-
bent principalement sur les riches qui, ayant
vécu jusqu'à la mort dans une espèce d'ou-
bli de Dieu et d'inattention à leur salut, n'ont
d'autres moyens, à l'extrémité de leur vie,
pour fléchir la justice de Dieu, que de rache-
ter leurs péchés par l'aumône ; enfin qu'il en
veut surtout à ceux qui choisissent pour leurs
héritiers des personnes d'une vie déréglée,
et qui, selon toutes les apparences, feront un
mauvais usage des successions qu'ils leur
laissent. Il n'ignorait pas que la morale ré-
pandue dans son ouvrage ne dût paraître
trop sévère à beaucoup de personnes. «Mais
est-ce à nous, dit-il , de changer l'ordre des
choses? Ou ne va au ciel que par les choses
pénibles; il est donc indigne d'un chrétien
de trouver la loi de l'Evangile trop sévère,
puisque, quoi qu'il fasse pour la féhcité du
ciel, tout est vil en comparaison de cette ré-
compense. Toutes les lois du christianisme
trouvent des ennemis qui les combattent.
Dieu ordonne-t-ill'aumône, l'avare murmure;
ordonne-t-il l'économie , le prodigue secoue
le joug qui le gêne. La restitution révolte le
ravisseur du bien d'autrui. L'humilité est un
objet d'horreur pour le superbe; la tempé-
rance l'est pour les débauchés, et la chasteté
pour les libertins. En fait donc de religion,
il faut garder le silence ou s'attendre à trou-
ver des contradicteurs par les hommes domi-
nés par quelque passion. Que doivent faire,
dans cette extrémité, ceux que leur ministère
oblige de parler? S'ils se taisent, ils pèchent
contre Dieu; s'ils parlent, ils sont haïs des
hommes. Mais il vaut mieux obéir à Dieu
qu'aux hommes. » Salvienajoute que lemoyen
de ne pas trouver la vérité dure, c'est de
n'être pas dur. «Car tous ceux qui haïssent la
loi de Dieu , ont en eux-mêmes la cause de
cette aversion. Le dégoût ne vient point de
la loi, mais de la corruption de l'homme. La
loi est bonne , mais les mœurs des hommes
sont corrompues. C'est donc à eux à changer
leurs affections et leurs inclinations. Quand
elles seront réglées, la loi de Dieu leur de-
viendra aimable, parce que dès qu'un homme
devient bon, il ne peut pas ne point aimer la
loi de Dieu , qui est en elle-même ce que le
juste est dans ses mœurs, c'est-à-dire sainte.»
13. Le second ouvrage de Salvien est ce-
lui qui est intitulé : Su?' la Providence, ou de
la Justice du jugement que Dieu exerce pré-
sentement sur les hommes. C'est sous ce der-
nier titre que Gennade paraît l'avoir connu 2.
Salvien l'écrivit peu de temps après la dé-
faite de Litorius ^ et la prise de Carthage *,
arrivées l'une et l'autre en 439. Il l'adressa à
l'évêque Salone, son disciple, à qui il té-
moigne que ne voulant pas imiter la plupart
des écrivains, qui songent plus à se faire
honneur parleurs écrits qu'à se rendre utiles
à leurs lecteurs, il ne veut agir, dans le sien,
par d'autres motifs que de remédier aux maux
présents , c'est-à-dire d'engager ses lecteurs
à proflter des calamités publiques pour leur
salut.
14. Ces calamités étaient montées jusqu'à
un tel point dans l'empire romain, qu'elles
faisaient murmurer contre Dieu et ceux qui
n'avaient point de foi et ceux qui n'en avaient
qu'une faible , en sorte que l'on voyait des
chrétiens se plaindre hautement que Dieu ne
prenait pas soin des hommes, qu'il ne se met-
tait en peine ni de protéger les bons, ni de
punir les méchants; que de là venait qu'on
voyait si souvent les justes malheureux et les
pécheurs dans la prospérité. Ce fut pour ré-
pondre à ces plaintes que Salvien entreprit
son ouvrage. Il semble que du temps de Gen-
nade il n'ait été divisé qu'en cinq livres : il
l'est aujourd'hui en huit; mais il ne paraît
pas que cette distribution soit originale, et il
s'est pu faire qu'on l'aurait distribué ainsi
depuis Gennade. Car, si l'on excepte le com-
mencement des troisième et septième livres,
il n'y a rien qui fasse voir en quelle manière
ils ont été partagés par Salvien. Il remarque
d'abord que les anciens philosophes, comme
Pythagore, Platon et les disciples de l'un et
Livre do'
Salvien sur la:
PiovidCDCe,
Analyse c
premier livre,
pag. 4 , êdit.
Paris., 1C63.
' Gennad., de Vir. iltust., cap.
2 Gennad. j ibid.
s Salv.j lib. VII, pag. 167.
<• Lib. VIII, pag. 195.
[y= siècle.]
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
369
de l'autre , de même que les stoïciens , ont
reconnu une providence qui donne une atten-
tion continuelle à tout ce qui se passe sur la
terre, et qui ne cesse jamais d'en prendre
soin; que les épicuriens seuls ou quelques
libertins aussi dépourvus de bon sens qu'eux,
ont prétendu que la paresse et l'inaction
étaient le caractère de la divinité. Ensuite il
fait voir que ce que l'on appelait malheurs et
calamités, ne l'était point à l'égard des justes,
et que ces choses ne détruisaient pas la tran-
quillité qu'ils sentent au fond du cœur. « Etre
heureux, dit-il, c'est pouvoir faire sans con-
trainte ce que l'on souhaite. Jugeons des
justes sur ce principe. Ils sont dans Thumi-
liation, mais c'est par choix et non par né-
cessité. Ils sont pauvres, mais ils aiment la
pauvreté. S'ils ne sont pas dans des degrés
d'honneur, s'ils ne brillent pas dans les char-
ges, c'est qu'ils ne sont point ambitieux et
qu'ils fuient l'élévation. Ils pleurent, ils sont
infirmes; mais ils aiment leurs larmes et leurs
infirmités, sachant que la vertu se perfec-
cor. XII. tionne dans la faiblesse , ainsi que Jésus-Christ
le dit à saint Paul. Pourquoi donc se décou-
rager dans les afflictions , puisqu'on sait
qu'elles sont la source des vertus ? » La consé-
quence que Salvien tire de ce raisonnement,
c'est qu'il n'y a que les gens de bien qui
soient heureux, les maux, les peines, les tri-
bulations ne pouvant être un malheur pour
ceux qui les aiment. Il est vrai que ceux qui
dans le monde, ont le moyen de satisfaire
leurs passions déréglées, passent pour être
heureux; mais c'est une fausse et une trom-
peuse félicité, de jouir de ce que l'on devrait
détester.
Salvien demande s'il serait raisonnable de
dire que les Fabius, les Fabricius et les autres
illustres Romains qui méprisaient les riches-
ses, ont été malheureux dans leur pauvreté,
eux qui n'avaient d'empressement que pour
l'utilité publique, eux qui ne craignaient pas
de s'appauvrir pour enrichir l'Etat. Sans
connaître le vrai Dieu , ils méprisaient des
richesses que les chrétiens ont appris à
mépriser de Jésus-Christ même. D'autres
anciens Romains, mettant la perfection de
leur philosophie dans le mépris de la dou-
leur et de la mort , ont prétendu que leur
sage était heureux dans les fers et dans les
tourments. S'ils ont pensé ainsi , serait-on
raisonnable de regarder comme malheu-
reux des chrétiens qui sont soutenus dans
les afflictions par la joie intérieure que la
X.
foi et l'espérance entretiennent au fond de
leur cœur.
S'il y a une pro^àdence, disait un libertin,
d'où vient que tant de personnes qui vivent
dans la débauche, sont à l'abri des adversi-
tés, tandis que ceux qui mènent une vie irré-
prochable sont accablés de faiblesses et d'in-
firmités? Salvien répond qu'ils n'en sont
chargés que parce qu'à l'exemple de saint
Paul, ils châtient leur corps et le réduisent en
servitude , dans la crainte d'être réprouvés.
Les infirmités du corps des justes sont des
marques de l'amour et non pas de la négli-
gence du Créateur. S'ils ont encore pour leur
partage les chaînes, les tourments et la mort
même, ils éprouvent en cela le sort et la des-
tinée des prophètes et des apôtres. Les uns
ont gémi dans une longue captivité , les au-
tres ont expiré dans les tourments. On ne
peut néanmoins douter que Dieu , pour qui
ils souffraient, ne les chérit alors et ne prît
soin d'eux. Salvien prouve la providence de
Dieu par la providence humaine qui se trouve
dans les hommes. « Celle de Dieu fait, dit-il,
à l'égard du monde entier, ce que l'âme fait
dans le corps. Dieu a soumis à l'autorité, à
la prudence, à la force et au pouvoir de
l'homme, non-seulement les empires et les
états, le maniement des affaires civiles et le
commandement des armées; il l'a encore
chargé de la conduite d'une famille. Il en use
de la sorte pour nous marquer qu'il a de tout
l'univers un soin semblable à celui que les
hommes prennent d'une partie des créa-
tures. »
Les impies répondaient'que Dieu, au com-
mencement du monde , avait mis dans les
choses un certain ordre qui devait durer tou-
jours. « Si cela est, répond Salvien, que de-
viendra la religion? En vain nous tendons i^m. n.
chaque jour les mains vers le ciel. C'est
ôter la nécessité de prier, que d'ôler l'espé-
rance d'obtenir. Quelle a donc été l'intention
de saint Paul, quand il a ordonné d'offrir
chaque jour dans l'Eglise des prières à Dieu,
des supplications et des demandes pour la
tranquillité de la vie et afin que les chrétiens
vécussent dans toute sorte de piété et d'hon-
nêteté?» Pour donner des marques sensibles
delà providence, Salvien en cite plusieurs
exemples auxquels on ne pouvait se refuser.
Dieu, après avoir créé Adam, le met dans le
paradis terrestre, et il l'en chasse du moment
qu'il devient coupable. Là, c'est la sagesse
de Dieu qui conduit l'homme dans son éta-
24
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
370
blissement; ici, c'est la justice qui agit en
bannissant un criminel. Il prouve la même
chose par la conduite que Dieu tint à l'égard
de Caïn, après qu'il se fut rendu coupable;
et à l'égard des hommes qui périrent par le
déluge, il est dit premièrement, dans l'Ecri-
ture, que Dieu vit la malice des hommes; se-
condement , qu'il fut touché de douleur jus-
qu'au fond du cœur; en troisième lieu, qu'il
résolut d'exterminer l'homme qu'il avait créé.
;(Dieu voit toutes choses, voilà qui démontre
sa vigilance; il sent de la douleur, voilà la
marque de son indignation ; il punit, voilà la
sévérité d'un juge. Dieu parle à Abraham,
lui ordonne de sortir de son pays, d'aller ha-
biter dans une autre province, d'immoler son
fils. Dans toutes ces circonstances on doit re-
garder Dieu comme voyant tout et disposant
de tout, comme un protecteur, comme un
conducteur, comme un rémunérateur. Il pa-
raît aussi comme juge et vengeur dans la pu-
nition de l'attentat que l'on fit à la chasteté
de Sara. Dieu ne parut pas moins juge dès
ce monde , par la conduite qu'il tint dans le
châtiment des crimes de Sodome. Sa provi-
dence paraît aussi bien marquée dans la dé-
vrance des Hébreux par le ministère de Moïse,
dans ce qui leur arriva pendant le temps qu'ils
furent dans le désert, et dans la manière dont
il leur donna sa loi. On dira peut-être qu'il
prenait alors un soin particulier des hommes,
mais qu'il a cessé de le prendre. Sur quoi
peut être fondée une objection de cette na-
ture? Dira-t-on que la manne ne tombe plus
sur la terre? Il est vrai, mais les campagnes
sont couvertes de riches moissons. Dira-t-on
que les eaux ne coulent plus par miracle des
rochers? Mais cette perte n'est-elle pas bien
réparée par la douceur et la délicatesse des
vins? On sait d'ailleurs que dans le temps que
Dieu prenait soin de nourrir les Hébreux dans
le désert, ils regrettaient les viandes et les
légumes d'Egypte. S'il n'y eut qu'une partie
du peuple frappée de mort pour le crime du
veau d'or, Dieu fit en cela éclater sa provi-
dence. Comme il est juste et miséricordieux,
il fît d'un côté éclater son horreur pour le
crime par sa sévérité , et de l'autre sa bonté
paternelle pour les hommes, en retenant son
bras vengeur. En châtiant des coupables, il
donne à ceux qu'il épargne le moyen de se
corriger. »
Salvien rapporte ce qu'on lit dans l'Ecri-
ture de la punition de Nadab et d'Abiu, pour
s'être servi d'un feu étranger devant le Sei-
AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
gneur; de la punition de Marie, sœur de
Moïse, à cause de ses murmures contre son
frère et de plusieurs autres châtiments ; d'où
il tire cette conséquence, que si Dieu est mi-
séricordieux, il est également juste ; que s'il
pardonne à quelques pécheurs^ il en punit
d'autres; que comme juge il reprend, il punit
les prévaricateurs et récompense ceux dont
la vie est innocente.
13. Salvien commence le second livre par
un grand nombre d'autorités tirées de l'Ecri-
ture, qui montrent que Dieu est présent à
tout, qu'il gouverne tout et qu'il est le sou-
verain juge de toutes choses. « Les yeux du
Seigneur, dit un prophète^ sont en tous lieux
ouverts sur les bons et sur les méchants; ils le
sont sur ceux qui le craignent et qui espèrent en
sa miséricorde; et ses oreilles sont attentives aux
cris des justes. Ils considb-ent aussi ceux gui
font le mal, pour les exterminer et pour dé-
truire jusqu'au souvenir de leurs noms. Le
regard de Dieu est universel : la vertu et le
vice lui font produire de différents effets. Il
conserve, il protège les justes : il condamne,
il extermine les pécheurs. Or si Dieu voit
tout, on doit dire qu'il dispose de tout. Re-
garderait-il les choses pour les négliger?
Non, la même bonté qui le porte à les regar-
der, l'engage à les conserver. Seigneur, s'é-
criait David, écoutez nos voix, vous qui régnez
sur Israël et qui conduisez la postérité de Joseph,
ainsi qu'un pasteur conduit ses brebis. Jésus-
Christ confirme cette doctrine en disant
dans l'Evangile : Je suis avec vous tous les jours
jusqu'à la fin dumonde. On voit par l'exemple
de David, que Dieu, dès cette vie, agit en juge
et en protecteur des élus. Ce prince innocent
est protégé de Dieu contre ceux qui le per-
sécutaient ; mais il est puni lorsqu'il devient
pécheur. Il en est de même des autres saints :
ils ont été châtiés pour leurs fautes par un
juste jugement de Dieu ; mais aussi Dieu les
a protégés contre leurs persécuteurs. » Salvien
dit que, pour bien concevoir la providence
de Dieu envers les hommes, il faut distin-
guer entre le jugement présent et le juge-
ment à venir. David marque l'un et l'autre;
quand il s'agit du premier, il dit : Seigneur,
vous montez sur votre trône, et vous jugez avec
justice. Lorsqu'il est question du second, il
dit : Dieu jugera le monde dans la justice.
16. S'il est vrai que les soins de Dieu s'é-
tendent sur tout ce qui est sur la terre, et
s'il ne s'y fait rien que par ses ordres et ses
jugements, pourquoi les Barbares sont-ils
[v<^ SIÈCLE.] CHAPITRE XX.
plus heureux que nous? Pourquoi, parmi les
chrétiens mêmes, les bons sont-ils plus miil-
heui'eux que les méchants? Pourquoi les mé-
chants sont-ils dans la prospérité, pendant
que les justes sont accablés de misère? Pour-
quoi voyons-nous toute la terre soumise à
d'injustes puissances? Ces questions sont la
matière du troisième livre. Salvien répond
premièrement qu'il ne sait pourquoi les cho-
ses vont ainsi; que c'est un mystère et un
conseil de la Divinité qu'il ignore. Ce doit
être assez pour dissiper nos doutes, que l'on
montre clairement par l'autorité de l'Ecri-
ture, que Dieu est auteur de tout ce qui ar-
rive ; et dès-lors qu'on est persuadé qu'une
chose vient de Dieu, on doit avouer qu'elle
est juste. Il répond en second lieu que, sui-
vant l'avertissement que l'Apôtre donne aux
Thessaloniciens, personne ne doit s'ébranler
pour les persécutions qui arrivent, sachant
que c'est à quoi nous sommes destinés. Car
s'il est vrai, comme l'assure saint Paul, que
nous sommes destinés à soufTrir des cha-
grins, des misères et des afQictions, il ne doit
pas être étonnant que nous soyons exposés
à tant de maux, nous qui sommes engagés
dans une milice où l'on fait profession de
toujours souffrir. Il fait voir que l'objection
n'est fondée que sur un faux préjugé, que
les biens temporels devraient être la récom-
pense de la foi, et que les chrétiens étant
plus religieux, devraient aussi être plus heu-
reux que le reste des hommes. Pour détruire
ce préjugé, il explique ce que c'est que la
foi et quelles en sont les véritables marques.
« La foi n'est autre chose qu'une pratique fi-
dèle des commandements de Dieu. Ce qui
sert de fondement à cette foi, c'est la voca-
tion au christianisme, la loi, les prophètes,
l'Evangile, les écrits des apôtres, le don de
la régénération, le baptême, l'onction sainte
du chrême. Etre fidèle, c'est observer ce qui
est prescrit par les règles de la foi. Mais où
trouve-t-on des personnes qui en remplissent
les devoirs? Le nombre des violateurs de la
loi évangélique est presque infini. Les apô-
tres, toutefois, n'ont rien exigé dans leurs
écrits que ce qu'ils ont pratiqué eux-mêmes.»
Salvien fait une peinture abrégée de leur vie
laborieuse, et montre que nous ne leur res-
semblons en rien. « Toutes les vertus aposto-
liques, dit-il, n'entrent point dans le plan de
notre conduite. Les vices régnent avec tant
d'insolence, qu'ils nous précipitent aisément
dans l'abime. 11 est vrai que nous ne sommes
SALVIEN DE MARSEILLE.
371
plus dans un temps où l'on soit obligé de
souffrir ce qu'ils ont souffert pour la foi. On
ne voit plus de princes païens, plus de ty-
rans, plus de persécuteurs; le sang des mar-
tyrs ne coule plus, et ce n'est plus par la
constance à souffrir les tourments que l'on
prouve la fermeté de la foi : mais Dieu de-
mande de nous que nous le servions dans la
paix dont il nous fait jouir, et que nous nous
rendions agréables à lui par une vie sainte
et irréprochable. Exempts de l'obligation de
nous signaler par de grandes épreuves, il
veut que nous nous signahonsparla pratique
des devoirs moins pénibles. Quels sont ces
devoirs? Entretenir la paix en bannissant tous
procès d'entre nous; recevoir des injures
sans songer à s'en venger ; faire à notre pro-
chain tout le bien que nous nous souhaitons
à nous-mêmes ; ne poiut jurer, ne dire d'in-
jures à personne, retenir sa langue pour
l'empêcher de médire ; bannir de son cœur
l'envie ; ne se point laisser aller au murmure
et aux plaintes contre la Providence; vivre
dans une chasteté parfaite. Ce sont là les de-
voirs qui sont pour nous indispensables. Mais
puisqu'il y en a si peu qui les mettent en
pratique, nous convient-il de nous plaindre
de Dieu, lorsqu'il a de si justes reproches à
nous faire? Sourds à sa voix, nous voulons
qu'il ne manque jamais de nous écouter. Je
vous ai appelés, nous dira-t-il, et vous n'avez
pas voulu m'entendre. Un jour viendra que
vous m'invoquerez, et à mon tour je ne vous
écouterai point. Le Seigneur peut-il nous
traiter avec plus de justice?» Salvien fait voir
qu'il n'y a point de condition où ne régnent
de grands désordres, même parmi les chré-
tiens.
17. « Cessons donc, ajoute-t-il, de nous
étonner de ce que Dieu nous frappe et nous
châtie, et de ce que, permettant que nous
soyons les plus faibles, il nous laisse devenir
la proie de nos ennemis. Les misères, les
maladies, la captivité et toutes les autres ca-
lamités que nous souffrons sont les peines
de notre révolte et les marques de la bonté
de Dieu : les peines de notre révolte, en nous
faisant souffrir ce que nous avons mérité par
notre désobéissance ; les marques de la bonté
de Dieu, en nous faisant voir les châtiments
que nous méritons. Mais, en nous punissant,
il se souvient toujours de sa miséricorde : il
cherche à nous corriger et non pas à nous
perdre. Vous dites que les souffrances n'ont
rien d'agréable. Cela est vrai. Mais pensez à
Annlyse du
quatrième li-
vre, pag, C3.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
372
la sévérité avec laquelle vous châtiez vos ser-
viteurs lorsqu'ils vous ont volés, et vous ne
serez pas surpris que Dieu vous punisse,
quand vous violez sa loi. Juges injustes que
nous sommes, nous n'avons que de la rigueur
quand on nous désobéit, et nous voulons être
traités avec douceur lorsque nous désobéis-
sons. Toujours sévères pour les autres, in-
dulgents pour nous-mêmes; toujours prêts à
punir, et ne voulant jamais être châtiés. N'y
a-t-il pas de l'insolence et de la présomption
dans une telle conduite ? »
Comme on aurait pu objecter à Salvien qu'il
y a une grande différence entre le maître et
le serviteur, que les vices de ceux-ci sont en
plus grand nombre et plus considérables,
il montre que les serviteurs méchants et
infidèles sont moins coupables envers leurs
maîtres, que les chrétiens envers Dieu, a Les
mauvais traitements des maîtres sont, dit-il,
souvent la cause des péchés de leurs domes-
tiques; la misère et la crainte des tourments
en sont encore des occasions. Mais quelles
excuses peut apporter à ses crimes un homme
qui vit dans l'abondance ? Quel sujet a-t-il d'a-
bandonner la loi de Dieu? Ne serait-il pas de
son devoir d'honorer par de bonnes œuvres
celui dont il a reçu ses richesses ? Les hommes
font fout le contraire. La plupart ne sont
constitués en dignité pour devenir le fléau
des villes. Les pauvres n'ont rien plus à re-
douter sur la terre que la puissance de ceux
qui sont sur leurs têtes. Ils paient les charges
des grands, et n'en cueillent pas les fruits.
Ils donnent le prix, et ignorent le traité,
comme s'il était de l'ordre, que la désolation
d'un peuple entier servit à illustrer un petit
nombre de familles. » 11 donne divers exem-
ples de ces injustices dans plusieurs provinces,
comme dans celles d'Espagne, d'Afrique, des
Gaules et d'Italie, en remarquant que la Ré-
publique romaine était éteinte ou sur le point
de l'être bientôt.
Une autre impiété régnait parmi les grands
de la terre : c'est que si quelqu'un d'entre
eux venait à se convertir, sa conversion le
rendait aussitôt méprisable aux autres.
« Quelle idée, dit Salvien, ont du nom chré-
tien des gens chez qui la religion de Jésus-
Christ est en opprobre ? Ils cessent d'estimer
un homme dès là qu'il fait ses efforts pour
vivre avec plus de régularité ; et il en est peu
qui ne soient assez lâches pour ne pas conti-
nuer dans leurs désordres, de peur de s'ex-
poser à de frivoles railleries. Nous n'avons
donc aucun lieu, conclut une seconde fois
Salvien, de nous plaindre, si, devenant tous
les jours plus méchants, Dieu nous envoie
chaque jour de plus grandes afflictions : il
y est comme forcé par nos péchés. »
Il montre qu'en un sens les chrétiens sont
plus coupables que les habitants de Sodome :
en quoi il s'appuie de ce que dit Jésus-Christ
dans l'Evangile, que Capharnaûm sera jugée
plus sévèrement au jour du jugement, que
Sodome, à cause des miracles qu'il avait faits
au milieu d'elle sans qu'elle se fût convertie.
Il fait un semblable raisonnement à l'égard
des peuples barbares, soutenant que la sain-
teté de la vocation augmente l'énormilé de la
faute. «Elle décide, dit-il, du péché ; et plus on
a reçu de grâces, plus on pèche grièvement,
La pureté de notre religion est un témoiu
qui nous accuse. Il n'en est pas de même
d'un barbare : s'il se parjure, s'il est perfide,
cela n'est pas surprenant, lui qui ne connaît .
ni la sainteté du jurement, ni l'étendue delà
bonne foi. » Salvien raconte que de son temps
l'abus de jurer par le nom de Jésus-Christ
était poussé à un tel excès, tant parmi les
gens de qualité que parmi le peuple, qu'on
n'assurait, qu'on ne promettait plus rien,
que l'on ne prît ce nom respectable en vain.
Il ajoute qu'il en était venu un autre désor-
dre, savoir, que l'on se faisait un point de re-
hgion de commettre les plus grandes injus-
tices, parce qu'on s'était engagé par serment
à les commettre; que, s'étant un jour em-
ployé auprès d'un riche pour l'empêcher de
réduire à la dernière extrémité un homme
pauvre, le riche s'en était défendu, disant
qu'il avait juré de réduire cet homme-là. « Ce
qui rend les crimes des chrétiens plus énor-
mes, c'est que les devoirs de leur vocation
les obligent de ne rien faire qui ne glorifie
Dieu. Il n'en est pas de même des Barbaries.
Quoique pécheurs, on ne peut, soit en les
exhortant, soit en les reprenant, leur de-
mander oîi est la foi dont ils font profession,
où sont les commandements de chasteté ou
de piété qu'on leur a fait apprendre. Mais ils
sont en droit, lorsqu'ils voient les chrétiens
livrés à l'impiété et au hbertinage," de dire :
Ces gens-là nous trompent lorsqu'ils disent
qu'ils apprennent les règles de la vertu, lors-
qu'ils se vantent que leur loi est sainte. S'il
était vrai qu'elle fût sainte, ils seraient saints
eux-mêmes. Ne pourraient-ils pas ajouter que,
suivant toute apparence, les apôtres et les
prophètes étaient des docteurs du vice, que
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
[V SIÈCLE.]
l'Evangile en contient les maximes, enfin que
nos actions seraient saintes, si Jésus-Christ
avait enseigné la sainteté ? C'est la conduite
irrégulière des chrétiens qui a porté les païens
à inventer des calomnies contre la religion
chrétienne. Ils sont les seuls par qui le nom
du Seigneur a été blasphémé, parce que, con-
fessant Dieu de bouche, ils le renonçaient
par leur conduite. »
Salvien finit son quatrième livre en faisant
voir par plusieurs témoignages de l'Ecriture,
combien Dieu a en horreur ceux qui sont
tièdes dans son service, et combien la ferveur
lui est agréable.
d8. S'il est vrai, disaient les libertins, que
les chrétiens, en violant la loi de Dieu dont ils
sont instruits, sont plus coupables que les
païens à qui cette loi est inconnue, l'instruc.
tion est donc funeste, et Tignorance avanta.
geuse. Salvien répond que ce n'est pas la
vérité qui perd les hommes, que ce sont
leurs vices; que ce n'est pas la loi qui nous
domine, que ce sont nos mœurs irréguhères.
« Ayez, ajoute-t-il, de bonnes mœurs, et les
préceptes ne vous embarrasseront plus; ôtez
les vices, et tout est utile dans la loi. » Ce
qu'il avait dit dans le livre précédent, des
barbares, il le dit dans le cinquième, des hé-
rétiques, qu'ils sont moins criminels que les
catholiques en commettant les mêmes crimes.
La raison qu'il en donne, c'est que, quoi-
qu'ils aient les mêmes Ecritures que nous,
ils n'ont pas les mêmes interprétations, n'en
ayant que de corrompues qui leur sont ve-
nues ou par les auteurs de leurs sectes, ou
par ceux qui en ont pris la défense. Il ajoute
qu'ils sont privés du secours et de la vertu
des sacrements. Les catholiques, au contraire,
en jouissent, et ils ont l'Ecriture sainte dans
toute sa pureté, sans retranchement et sans
mélange d'aucune mauvaise interprétation.
D'oTJ il conclut que les hérétiques ne sachant
la loi de Dieu que comme elle leur a été en-
seignée par leurs docteurs, c'est moins la
loi de Dieu dont ils sont instruits, que la
doctrine de ces faux docteurs, qu'ils ont ap-
prise. «Cela n'empêche pas qu'ils soient hé-
rétiques; mais ils le sont sans connais-
sance de cause. Us pèchent par la faute
de ceux qui les enseignent mal; au lieu
que nous péchons par notre propre malice,
et nous sortons de dessein formé du bon
chemin. De là vient que Dieu les traite en
cette vie avec quelque sorte de douceur,
parce que l'ignorance mérite quelque com-
373
passion, et qu'il nous châtie avec sévérité,
parce que le mépris rend indigne de pardon.»
Salvien avertit que quand il parle des héré-
tiques, il prétend marquer les Goths ou les
Vandales, sans faire mention des Romains. Il
fait voir que les sujets de cet empire ont
surpassé les Barbares en vice ; que ceux-ci
ont plus de charité les uns pour les autres,
que n'en ont les Romains envers ceux qui
leur sont soumis. Il entre dans quelque dé-
tail des vexations que les receveurs des droits
publics et des impôts exerçaient impuné-
ment sur le peuple. 11 se plaint de la lâcheté
des prêtres qui, par des considérations hu-
maines, n'osaient prendre la défense des
pauvres, des veuves et des orphelins qu'on
dépouillait de leurs biens, et de l'application
des riches à inventer de nouveaux impôts
pour ruiner le peuple. Il convient qu'on ne
peut se dis^jcnser d'acquitter les charges im-
posées par les princes ; mais il dit que les ri-
ches étant les premiers à les imposer, ils de-
vraient être aussi les premiers à les payer.
Il se plaint encore de ce qu'ils vendaient leur
protection aux pauvres, et qu'ils se servaient
de ce titre pour les dépouiller entièrement.
Les calamités publiques auraient dû ouvrir
les yeux à ceux qui les souffraient ou qui les
voyaient souffrir aux autres ; mais presque
personne n'en était frappé jusqu'à se conver-
tir. Les prêtres mêmes et les religieux sui-
vaient les penchants du siècle, cachant sous
un habit saint, une âme mondaine, et ne pen-
sant pas que le culte qu'on doit à Dieu con-
siste dans les mœurs, et non pas dans la
forme de l'habit. Il fait sentir le ridicule de
ceux qui, par un faux motif de pénitence, se
séparaient de leurs femmes, tandis qu'ils ne
mettaient aucune borne à leur avarice, qui
les rendait quelquefois inhumains, jusqu'à
violer les droits les plus sacrés de l'amitié et
de la pauvreté. « Nous traitons, ajoute-t-il,
les Goths de barbares, mais ne le sommes-
nous pas plus qu'eux? Les voit-on nuire à
leurs amis, persécuter ceux qui les aiment?
L'ami y périt-il par le fer de son ami? Tandis
que les Romains qui se piquent d'humanité
et de politesse^ persécutent ceux qui les ai-
ment, coupent, pour ainsi parler, la main qui
leur olïre des présents, et se souillent du
sang de leurs proches. »
19. Dans le sixième hvre, Salvien continue
à montrer que les Romains étaient plus dé-
réglés dans leurs mœurs que les Barbares. Il
insiste particulièrement sur une espèce de
Analyse du
ËixlRme livre,
pag, 121.
374
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
fureur que les Romains avaient pour les spec-
tacles, dont il décrit les dangers : « Les autres
vices semblent n'attaquer qu'une partie de
l'homme; tantôt c'est le cœur, tantôt ce sont
les yeux ou les oreilles. Mais, au théâtre,
l'homme entier est exposé au péril : les sen-
timents y attaquent le cœur, les expressions
souillent les oreilles, et les yeux sont en-
chantés par les objets et les décorations. Quel
homme, pour peu qu'il soit chaste, oserait
peindre au vrai ces imitations honteuses ;
ces paroles, ce ton lascif dont on les pro-
nonce ; ces mouvements, ces gestes où tout
est si contraire à l'honnêteté, que le silence
qu'on est obligé de garder par pudeur sur
ce sujet, doit suffire pour en donner de l'hor-
reur? Au théâtre, tout est coupable, le spec-
tateur et l'auteur : l'un par son action, l'autre
par le plaisir»de la voir. On est même cou-
pable avant d'avoir assisté aux spectacles,
par l'empressement avec lequel on court à
une représentation qui blesse la pudeur. S'y
trouver, c'est une espèce d'apostasie, c'est
démentir la profession de sa foi et la sainteté
des sacrements, par lesquels on a été puri-
fié. Quelle est en effet la première promesse
que l'on fait dans le baptême ? On y proteste
que l'on renonce au démon, à ses pompes et
à ses œuvres. Tel est l'ordre de la foi : il faut
renoncer au démon pour être en état de
croire à Dieu, et par une conséquence natu-
relle, il en résulte que se tourner du côté du
démon, c'est être apostat à l'égard de Dieu.
Or, les spectacles sont le règne du démon :
la foi et les sacrements qui sont comme les
bases de la religion, y sont détruits : donc
s'y trouver, c'est manquer de pai'ole à Jésus-
Christ et faire tomber en ruine le christia-
nisme. Rien de semblable chez les Barbares :
on n'y voit ni cirques, ni théâtres, ni rien qui
ressemble à ces impuretés qui détruisent
l'espérance et qui sont un fatal obstacle au
salut. Quand même ces spectacles seraient en
usage parmi ces nations, leurs crimes seraient
moindres, puisqu'ils n'y ajouteraient pas la
profanation du sacrement. Nous n'avons pas
la même excuse à alléguer : nous récitons le
symbole, et nos actions démentent nos paro-
les. Peu de zèle parmi nous pour l'égHse,
beaucoup d'empressement pour le théâtre ;
peu d'attention pour ce qui se fait à l'autel ,
beaucoup d'application pour ce qui est re-
présenté sur la scène. Voilà le caractère des
chrétiens. Arrive-t-il qu'un même jour on
célèbre à l'église une fête solennelle, et des
jeux publics dans le cirque? C'est dans le
cirque et non dans l'église que se trouve la
plus grande multitude. Ce n'est pas Févan--
gile que l'on entend avec le plus de plaisir,
c'est la comédie. La parole de mort est
mieux reçue que la parole de vie. Le comé-
dien est plus écouté que Jésus-Christ. »
Salvien avoue que ce désordre ne régnait
pas dans toutes les villes de l'empire ; qu'on
n'allait point au théâtre, ni à Mayence, ni à
Marseille, ni à Cologne, ni à Trêves, ni dans
beaucoup d'autres villes des Gaules et d'Es-
pagne. Mais il fait remarquer que les specta-
cles n'y avaient cessé que depuis qu'elles
avaient été ou ruinées ou prises par les Bar-
bares. « Remettez, ajoute-t-il, les Romains
dans leur ancienne prospérité, et on verra
renaître la même corruption. » Il montre que
les spectacles produisent en même temps
deux grands maux : l'un, en ce qu'ils sont un
obstacle au salut des chrétiens par les repré-
sentations impures ; l'autre en ce que, par des
superstitions païennes, on y viole le respect
qui est dû à la majesté de Dieu: car on y rend
des honneurs à Minerve, à Vénus, à Neptune,
à Mars, à Mercure. Il dit qu'il fallait bien que
le penchant à l'impureté et à la licence fût le
fond du tempérament des Romains, puisqu'il
ne paraissait pas qu'ils fussent plus chastes
dans la mauvaise fortune qu'ils ne l'avaient
été dans la prospérité. « Les calamités n'a-
vaient point fait cesser parmi eux les désor-
dres que la paix et l'abondance avaient rendus
communs. On ne vit pas les Italiens plus
pieux, plus modérés, après que l'Italie eut été
ravagée par les Barbares. Rome assiégée et
subjuguée ne vit pas ses habitants plus sages
dans leurs mœurs qu'ils n'étaient aupara-
vant. Les mêmes vices qui régnaient dans
les Gaules avant l'inondation des Barbares,
ne cessèrent pas de dominer les Gaulois. On
vit les mêmes désordres dans l'Espagne,
dans la Sardaigne et la Sicile. Déjà l'on en-
tendait le bruit des armées ennemies autour
des murs de Carthage, et les chrétiens ne
s'abstenaient pas pour cela d'aller au cirque
et au théâtre. Tandis que ceux qui étaient
au dehors périssaient sous le glaive des Bar-
bares, ceux qui étaient au dedans se livraient
à la volupté. »
Salvien fait une peinture des dérèglements
qu'il avait vus lui-même à Trêves, ville la plus
llorissante des Gaules, mais qui avait été prise
et ruinée quatre fois. On ne voyait dans cette
ville aucune différence de mœurs entre les
[V^ SIÈCLE.
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
373
vieillards et les jeunes geus : le même luxe,
le même penchant pour l'ivrognerie, les ren-
daient semblables les uns aux autres. Il dit
la même chose d'une ville voisine, qui cédait
peu en magnificence à Trêves ; c'était appa-
remment Cologne. Dans ces deux villes,
l'empressement pour les jeux du cirque était
si grand, que les habitants de Trêves, quoi-
que accablés par les malheurs de la guerre,
s'adressèrent aux empereurs pour obtenir la
permission d'ouvrir le théâtre et le cirque,
dont les Barbares avaient interrompu les
jeux.
Amiyso du 20. Salvicn fait dans le septième livre un
!, pag.isa. parallèle des mœurs des Romains, non avec
celles des Barbares, comme dans les livres
précédents, mais avec celles des deux pro-
vinces des Gaules les plus fertiles, savoir la
Guyenne et le Languedoc. On ne trouvait
nulle part ailleurs la volupté portée à de si
grands excès, nulle part une vie si dissolue.
C'est ainsi qu'ils payaient les bienfaits dont
Dieu les comblait par l'abondance annuelle
des fruits de la terre. 11 rapporte à cette dis-
solution les pertes des batailles contre les Van-
dales. «Notre défaite, dit-il, nous a humiliés,
et leur victoire les a comblés d'honneur. Li-
torius, qui s'assurait de les vaincre, est de-
venu leur captif : il a porté les chaînes qu'il
préparait aux autres. Nous faisons gloire de
porter le nom de catholique, nous traitons
les Goths et les Vandales d'hérétiques, et ils
le sont en effet : mais ne le sommes-nous
pas aussi du coté des mœurs. Ils s'agrandis-
sent par nos pertes : la prospérité est leur
partage, tandis que, par un juste jugement
de Dieu, nous sommes 'dans l'adversité. Ne
l'attribuons qu'à nos péchés et non pas à
Dieu. Nos crimes exigeaient cela de lui. » Il
dit de l'Afrique ce qu'il avait dit du Langue-
doc; puis il fait en ces termes le portrait de
divers peuples : «Les Goths sont fourbes, mais
ils sont chastes; les Allemands sont impudi-
ques, mais ils ont la perfidie en horreur; les
Francs sont menteurs, mais ils sont exacts
par rapport au devoir de l'hospitalité ; les
Saxons sont cruels, mais ils ne sont pas vo-
luptueux. Il en est ainsi de tous les autres
peuples : en eux les vices sont balancés par
des vertus. Les seuls Africains sont vicieux
sans aucun mélange de vertu. »
11 entre dans le détail de la corruption des
mœurs qui régnait à Carthage ; mais il re-
marque en même temps que tous les arts
mécaniques et libéraux florissaient dans cette
ville ; qu'il y avait des écoles de philosophie
et des académies oîi l'on enseignait toutes
les langues et toutes les sciences ; qu'il s'y
trouvait des troupes bien disciplinées et de
bons généraux pour les commander ; que le
proconsul qui y exerçait la justice, avait une
autorité semblable à celle des consuls ; que
l'on y remarquait un nombre infini de char-
ges et de dignités distinguées par leurs noms
et leurs prérogatives ; que chaque quartier,
chaque rue y avait ses juges et ses officiers,
en sorte que rien n'y manquait pour la bonne
police. Les mœurs seules étaient déréglées :
on n'y voyait que débauches et qu'irapudi-
cités.
Salvien fait l'honneur aux Vandales d'avoir
banni ces vices de l'Afrique, et de s'y être
pris avec de si prudentes précautions, que
leur sévérité avait plus l'air d'un remède
que d'un châtiment. Ils commencèrent par
changer le concubinage en une alliance légi-
time, obligeant toutes les filles impudiques à
se marier. A cela ils ajoutèrent des lois ri-
goureuses, qui condamnaient l'impudicité de
mort, afin qu'un châtiment si sévère retînt
l'un et l'autre, sexe dans les bornes du ma-
riage. Il s'élève en passant contre le philo-
sophe Socrate, qu'il fait avec justice passer
pour un frénétique ou un homme possédé du
démon, pour avoir dit qu'il était mieux que
chaque homme n'eût point une femme en
particulier, mais qu'elles fussent toutes en
commun, et de permettre à toutes les fem-
mes un commerce libre avec tous les hom-
mes. « La gloire de ce philosophe consiste,
dit-il, à avoir voulu faire de l'univers entier
un lieu de prostitution, dont il donna lui-
même l'exemple, en cédant sa femme à un
autre.»
21. A la corruption des mœurs, les Afri-
cains ajoutaient l'idolâtrie, n'y ayant presque
aucun chrétien dans cette province, qui n'a-
dorât la déesse Céleste après avoir adoré
Jésus-Christ. Ils tombaient encore dans un
autre excès, qui était de maltraiter les saints
moines, ne pouvant souffrir des hommes
dont la vie, les mœurs, les inclinations étaient
si différentes de leur conduite. Ils se mo-
quaient d'eux, ils en parlaient désobligeam-
ment, ils les persécutaient et leur faisaient
souffrir toute sorte de mauvais traitements,
dès qu'on voyait paraître dans Carthage un
moine desséché par les austérités, vêtu d'un
habit grossier et pénitent, et marquant par
sa tête rasée qu'il avait renoncé à toutes les
Analysi
hiiilièiiie
376
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
superfluités; il était l'objet des railleries d'un
peuple également impie et insolent. S'il ar-
rivait que quelqu'un de ces saints anachorè-
tes, pressé par le mouvement d'une louable
charité, sortît des solitudes d'Egypte, de Jé-
rusalem, ou de quelque autre retraite, pour
venir prêcher la foi dans cette ville idolâtre,
il ne pouvait sans danger paraître dans les
rues, ni dans les places publiques. Si on ne
les mettait pas à mort, c'est que la loi des
douze tables, qui était en vigueur à Carthage,
défendait de faire mourir un homme qui n^a
pas été condamné par les juges. « Doit-on
s'étonner après cela, conclut Salvien, que les
cbrétiens d'Afrique gémissent sous le fer des
Barbares, eux qui ont traité de saints per-
sonnages avec une cruauté dont les Barbares
ne seraient pas capables? Le Seigneur est
juste et ses jugements sont équitables. »
i-eiire anx 22. Gcnuade, dans le catalogue des écrits
serviteurs de .,,,,. . i j i n
Dieu, p. 137. de balvien ', marque un volume de lettres.
Il n'en reste aujourd'hui que neuf : la pre-
mière est adressée à une communauté de
serviteurs de Dieu qu'il ne nomme pas, mais
qu'on croit être celle de Lérius. Il l'écrivit
pour leur recommander un jeune homme
de naissance et d'un rang distingué dans sa
ville, qui avait été piMs à Cologne par les
Barbares, lorsqu'ils s'étaient rendus maîtres
de cette ville- Ce jeune homme était parent
de Salvien, et il avait encore sa mère, autant
recommandable par sa modestie et sa sa-
gesse, que par le zèle de sa foi. Réduite par
la misère des temps à gagner sa vie par le
travail de ses mains sous les femmes des
Barbares qui l'employaient, elle envoya son
fils à Salvien, comptant qu'il pourrait, ou par
lui ou par ses amis, lui procurer non-seule-
ment de quoi subsister, mais aussi les instruc-
tions nécessaires pour son salut. Salvien le
recommande à quelques-uns de ses amis
pour les besoins du corps et pour les secours
temporels ; mais, pour les biens de l'âme, il
l'envoya à ces serviteurs de Dieu, en les
priant de le former au bien et de faire naître
en lui le goût de la vertu.
Leitie à 23. La seconde lettre est un complimenta
pa°'2M*"' saint Eucher sur son élévation à l'épiscopat.
Ce saint évéque l'avait fait saluer par un de
ses domestiques, nommé Ursicien, sans lui
écrire, comme il avait coutume. Salvien s'en
plaint, et craignant qu'il n'eût changé à son
égard, il l'avertit de prendre garde de ne se
1 Gennad., de Viris illust., cap. Lsvli.
pas laisser aller à l'orgueil par sa nouvelle
dignité, et le conjure de soutenir par sa con-
duite l'ancienne estime qu'il avait pour lui.
Je ne sais si les services que Salvien avait
rendus à saint Eucher lui faisaient prendre
à son égard cet air d'autorité, ou s'il en
usait ainsi par des motifs d'amitié, ou parce
qu'il était beaucoup plus âgé que saint Eu-
cher.
24. Il lui écrivit une autre lettre pour lui
dire son sentiment sur certains écrits qu'il
lui avait envoyés. « Je les ai lus, lui dit-il :
ils sont courts, mais ils contiennent un grand
fonds de doctrine. On peut les lire en peu de
temps; mais rien n'y manque pour la solidité
des instructions ; en un mot, ils sont dignes
de votre esprit et de votre piété. Je ne suis
pas surpris que le désir de contribuer à l'é-
ducation de vos enfants vous ait porté à
composer pour eux un ouvrage si utile et si
beau. Jusqu'ici vous avez travaillé à les ren-
dre de dignes temples de Dieu ; l'ouvrage
que vous venez de faire pour leur instruction
est propre à finir l'édifice spirituel que vous
avez commencé en eux. Je prie Dieu, par sa
miséricorde, que leur bonne éducation et
leur science soient utiles à l'Eglise et vous
comblent de consolation. » Les écrits dont
parle Salvien, sont ceux que saint Eucher
avait faits pour l'instruction de ses deux fils,
Salone et Véran.
23. Nous n'avons qu'une partie de la lettre
à Févêque Agrice, qu'on croit être l'évêque
d'Antibes, qui assista, en l'an S06, au concile
d'Agde. Salvien s'excuse auprès de lui d'une
faute contre la civilité dont il se reconnais-
sait coupable. « Je n'oserais, lui dit-il, nier
ce qui est évident, je ne puis justifier ce qui
est condamnable. C'est augmenter sa faute,
de vouloir passer pour innocent après qu'on
l'a commise, n
26. La lettre à Hypace, beau-père de Sal-
vien, est pour l'engager à prendre en bonne
part le dessein qu'il avait conçu de passer le
reste de ses jours dans la retraite et d'y
vivre en continence avec sa femme Palladie,
fille d'Hypace. Nous avons donné plus haut
ce que cette lettre contient de plus remar-
quable.
27. La vierge Catture ayant échappé à une
maladie qui l'avait réduite aux portes de la
mort, Salvien lui écrivit pour l'en congratu-
ler. Il mêle dans sa lettre quelques instruc-
tions morales sur l'avantage des maladies
du corps, et le profit qu'en doivent retirer
Lettre à
pace. p.
Lettre à)
tare, p. S
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XX. — SALVIEN DE MARSEILLE.
377
les gens de bien. « On y éprouve, dit-il, que
la force de l'esprit s'augmente par la fai-
blesse du corps, et que tout ce que la chair
perd de santé, se tourne en vigueur pour
l'âme. Par une espèce de paradoxe, on peut
dire que l'homme ne se porte jamais mieux
que quand il se porte mal. Dans cette heu-
reuse situation, la chair et l'esprit, c'est-à-
dire la grâce et la nature corrompue, ne se
contrarient plus. Alors un feu criminel ne se
fait plus sentir dans la chair, une ardeur se-
crète n'excite plus des désirs dangereux, et
les sens, rappelés de leur égarement, ne cou-
rent plus d'objet en objet ; l'âme, rendue à
elle-même, triomphe du corps comme d'un
ennemi dompté. C'est pour cela, ajoute-t-il,
que j'appelle maladie le temps où vous aviez
de la santé, et que je nomme santé le temps
où vous avez commencé à être malade. »
28. Il paraît par la lettre à Liménius, qu'il
n'était pas encore chrétien, puisque Salvien
lui témoigne ne pas douter qu'en considérant
la pureté de l'amitié chrétienne, il ne soit
porté à aimer Jésus-Christ et à souhaiter d'en
être aimé. Ils étaient toutefois amis depuis
longtemps : mais c'était Salvien qui avait
commencé cette liaison d'amitié ; elle s'était
augmentée par le généreux retour dont Li-
ménius l'avait payé.
29. Il semble aussi que ce soit Salvien qui
ait commencé à cultiver l'amitié d'Aper et de
Vérus, qu'il reconnaît être l'un et l'uutre d'un
rang au-dessus du sien. C'est même de cette
supériorité qu'il tire le motif de sa lettre. « Je
crois, leur dit-il, que lorsqu'en matière de
devoir de la vie, il s'agit d'inférieurs tels que
je suis à votre égard, à supérieurs tels que
vous êtes au mien, les inférieurs font mieux
de prévenir leurs supérieurs, que de se laisser
prévenir. Le commerce de lettres et de ré-
ponses aux lettres est établi pour que de
part et d'autre on se rende ce qu'on se doit
dans l'absence : d'où je conclus que le res-
pect et la déférence paraissent plus dans
celui qui prévient, que dans celui qui se
laisse prévenir. En prévenant, on ne cherche
pas tant à se faire honneur; en différant, on
semble avoir l'intention de se faire valoir.» Il
ajoute que c'est encore le propre de l'humi-
lité de prévenir les autres et de les surpas-
ser en déférence. Le reste de la lettre est
du même goût, c'est-à-dire que Salvien
affecte d'y marquer sa vénération pour Aper
et Vérus.
30. La lettre à Salone est la même qui sert Lsureàsa-
de préface aux quatre livres de Salvien con- °°°' ""■
tre l'Avarice, dans lesquels il s'était caché
sous le nom de Timothée. Nous en avons
donné le précis en son lieu.
31. Salvien avait, au rapport de Gennade, Lmes do
.,.,,. Salvien qui
son contemporam, laisse plusieurs autres som porduj.
écrits qui ne sont pas venus jusqu'à nous ' ,
savoir : trois livres du Bien de la virginité,
adressés à un prêtre nommé Marcel; un livre
pour expliquer la dernière partie de l'Ecclé-
siastique, adressé à Claudien, évêque de
Vienne; un livre de lettres; un livre en vers,
où il expliquait, à l'imitation des pères grecs,
surtout de saint Basile, le commencement de
la Genèse jusqu'à l'endroit où il est parlé de
la création de l'homme ; un grand nombre
d'homélies pour des évêques qui ne se trou-
vaient pas apparemment en état de composer
eux-mêmes; et plusieurs discours ou instruc-
tions sur les mystères en forme de catéchè-
ses, que Salvien avait pu faire lui-même aux
catéchumènes ou aux fidèles en sa qualité de
prêtre. 11 paraît aussi ^ qu'il avait composé
un éloge funèbre de saint Honorât, où il le
comparait au soleil, disant que ce saint évê-
que était, à l'égard de la congrégation de Lé-
rins, ce que le soleil est à l'égard du ciel par
rapport au beau ou au mauvais temps. Quel-
ques théologiens du dernier siècle ^ ont cité
sous le nom de Salvien, un sermon sur le
Saint-Esprit, qui se trouve quelquefois im-
primé parmi les œuvres de saint Cyprien; mais
on convient qu'il est d'Arnaud de Bonneval.
32. Salvien écrivait avec élégance, avec
netteté et avec politesse : son latin a toute la |==^^'j['s ""^
pureté qu'on pouvait désirer dans un siècle
aussi éloigné de celui d'Auguste. Il donne à
1 Salvianus Massiliensis Ecclesiœ presbyter, hu-
mana et divina liiieratura instructus, et ut absque
invidia loquar, episcoporum magister, scripsit scholas-
tico et aperio sermone multa : ex quitus ista legi, de
Yirginitalis bono, ad Marcellum preshyterum lihros
très; adversum Avaritiam libros quatuor; de PrEesenti
Judido libros quinque, et pro eorum mérita satis-
factionis ad Salonium episcopum librum unum; et
expositionis extremœ partis libri Ecelesiastici ad Clau-
dium episcopum Viennensem librum unum; librum
epistolarum unum; et in morem Grœcorum a principio
Genesis, usque ad condiiionem hominis, composuit
versu liexametro librum unum; homilias episcopis
factas multas, sacramenlorum vero quantas nec re-
cordor. Vivit usque hodie in senectuie bona. Gennad.,
de Viris illust., cap. T.xvn.
2 Hilar., de S. Honorato, pag. 202.
s Estius, in prim. sent., disting. U.
378
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Edi lions
(| u ' o a en a
faUcs.
ses pensées un tour ingénieux, surtout dans
ses lettres, et sait si bien varier son discours,
qu'on le lit avec agrément. Mais ce qui rend
cet auteur intéressant, c'est le zèle qu'il fait
paraître pour la gloire de Dieu et pour le
salut des hommes. 11 n'y a rien qu'il ne mette
en œuvre pour leur rendre la vertu aimable,
pour les détourner du vice et les faire ren-
trer dans les voies du salut. Il les presse par
des autorités tirées de l'Ecriture et quelque-
fois des auteurs profanes, par la vue de leur
propre intérêt et par les motifs de reconnais-
sance dont les créatures ne peuvent se dis-
penser envers leur créateur. Les raisonne-
ments qu'il oppose aux vains prétextes des
impies sont solides; ils presseraient davan-
tage, s'il leur donnait moins d'étendue et
plus de précision.
33. Ses quatre livres à l'Eglise ou contre
l'Avarice, furent imprimés à Bâle, en 1528,
avec la lettre à Salone, qui sert de préface
dans l'Antidote de Jean Sichard, et dans
VHéréthéologie. On les réimprima à Trêves,
en 1609, chez Henri Bock, avec les notes de
Jean Macherentini, sous le titre de Livre
épistolaire à l'Eglise catholique contre l'ava-
rice. En 1530, Jean Alexandre Brassican re-
cueillit toutes les œuvres qui nous restent de
Salvien, et les fit imprimer à Bâle, chez Fro-
ben. On en fit une édition à Rome, chez Ma-
nuce, en 1564, in-fol., comme la précédente,
avec les homélies de saint Maxime de Turin,
les écrits de saint Pacien, l'histoire sacrée de
Sulpice Sévère, et quelques autres écrits.
L'édition de Paris, en 1515, fut faite sur celle
de Bâle, par Alexandre Brassican, de même
que celle de 1594. Il y en eut une autre en la
même ville, en 1570 : Pierre Pithou ayant
revu les ouvrages de Salvien sur divers ma-
nuscrits, Nicolas Lefèvre en donna une nou-
velle édition à Paris, chez Nivelle, en 1580,
qui fut réimprimée en 1608, avec de courtes
notes tirées des scholies de Brassican. L'édi-
tion d'Altorff, en 1611, est de Conrad Rit-
tershusius. 11 y en eut une autre la même
année à Francfort, chez Nicolas Rothius. Ce
n'est qu'une réimpression de la précédente.
Celles de Nuremberg, en 1623, et de Rouen,
en 1627, renferment des commentaires de
divers auteurs sur Salvien. On en fit deux à
Paris, l'une en 1645, et l'autre en 1648, sur
celle de Pierre Pithou^ faite en la même ville,
l'an 1580 ; mais ces deux réimpressions sont
très-fautives. En 1663, Baluze revit les écrits
de Salvien sur trois anciens manuscrits, et
il les fit imprimer avec des notes de sa façon
et le Mémoire de Vincent de Lérins, chez
François Muguet, in-8°. Nous avons encore
deux autres éditions de Salvien auxquelles
Baluze a eu aussi part, l'une en 1669, l'autre
en 1684 : toutes les deux à Paris, chez le
même imprimeur. C'est sur l'édition de
1669 qu'on a mis les œuvres de Salvien
dans la Bibliothèque des Pères, à Lyon, en
1677, et il paraît qu'on s'en est servi dans
l'édition de Brème, en 1688, in-4''. [L'édition
de 1684 a paru de nouveau dans Galland,
tome X, et de là elle a passé dans la Patro-
logie latine, tome LUI, avec les prolégomènes
de Galland et une notice littéraire de Schœ-
neraann. Une édition reproduisant Baluze,
avait paru à Venise en 1728, in-8°t Démé-
trius Barbulius a publié une édition remar-
quable avec une concordance, Pesaro 1729,
in-folio.]
Les livres de la Providence furent traduits
en italien, et imprimés eh cette langue, à
Milan, en 1579. Pierre du Ryer les fit impri-
mer en français, à Paris, en 1634 : ils avaient
déjà été imprimés en cette langue, à Lyon,
en 1575, in-S". En 1655, Pierre Gorse donna
une nouvelle traduction avec des notes, à
Paris, chez Gaspard Méturas, in-4''. L'abbé
Drouet de Maupertuy donna en 1701 une
traduction du traité de la Providence, à Paris,
chez Louis Guérin, et en 1704, une traduc-
tion du traité du même sur l'Aumône, à
Bourges. Dès 1700, le père Bonnet de l'Ora-
toire en avait donné une de toutes les œuvres
de Salvien et du Mémoire de Vincent de Lé-
rins, à Paris, chez Guillaume Valleyre, deux
volumes in-12. En 1734, un jésuite donna
encore une traduction des mêmes ouvrages, à
Paris, chez de Lespine, in-12. [Elle est du père
de Mareuil. J.-F. Grégoire et F.-Z. Collora-
bet ont donné une traduction nouvelle avec
le texte en regard, Lyon, Sauvignet, 1833-34,
2 volumes in-8''.]
On peut mettre au rang des éditions de
Salvien, celle qui se fit des livres de la Pro-
vidence, à Lyon, en 1647, quoique sous un
titre différent de celui qu'on leur donne dans
les éditions communes. Voici ce titre : Cen-
soria de prœsentibus Europœ calamitatibus eo-
rumque causis prœloquia, ab Osiandro Stuano.
Quelques-uns lui ont attribué un livre sur
les Passages de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment qui semblent être opposés l'un à l'autre,
imprimé à Bâle, en 1530; mais on le croit de
Julien de Tolède.
Iv" SIÈCLE.] CHAPITRE XXI. - SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
379
CHAPITRE XXI.
Saint Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont en Auvergne.
[Vers l'an 489.]
Niissance
ilo saint Si-
ARTICLE I".
HISTOIUE DE SA VIE.
1. Saint Sidoine, à qui l'on donne les noms
de Caïus, SoUius Apollinaire ^ était sorti
d'une famille illustre et des premiers séna-
teurs des Gaules ^. 11 avait eu parmi ses an-
cêtres 5 des préfets de Rome et du prétoire,
des maîtres des offices et des généraux d'ar-
mée. On met sa naissance vers l'an 430, et
on ne peut guère la mettre plus tôt, puis-
qu'au commencement de 449, il ne faisait
que sortir de l'enfance et entrer dans la jeu-
nesse. C'est ce qui paraît par une de ses let-
tres à Nammace *. Dans un de ses poèmes ^
il dit qu'il vint au monde le cinquième de
novembre. Ce fut dans la ville de Lyon ^ ;
d'où vient qu'il appelle saint Patient, évêque
de Lyon ', le chef de sa ville par le sacer-
doce, et qu'il se met au nombre des citoyens
de Lyon ^ qui célébraient annuellement la
fête de saint Just. Il s'appliqua de bonne
heure à l'élude des lettres humaines, et eut
pour maîtres dans la poésie les poètes Hoé-
nus et Victor ^, qui fut depuis questeur sous
Anthémius.Il étudia la philosophie sous Eu-
sèbe '", dont il relève la science et la sagesse.
Il semble aussi avoir appris la musique^
l'astrologie et l'arithmétique, qu'il appelle
les membres de la philosophie ". A toutes ces
études il joignit celle de la langue grecque,
de même que de la latine '^, et il est aisé de
voir par ses écrits qu'il eut des maîtres dans
l'art de parler et d'écrire avec éloquence. 11
marque '^ qu'il écoutait avec plaisir les per-
sonnes qui excellaient dans ce genre et on
voit que dans le désir de se rendre habile, il
allait quelquefois à Vienne consulter Mam-
mert Claudien '* sur les questions les plus
diiHciles. Mais, au milieu de son application
aux sciences, il ne laissait pas de se divertir
de temps en temps à la chasse et à d'autres
exercices capables de délasser l'esprit : il dit
avoir été présent à la cérémonie qui se fit en
449 '^, à l'ouverture du consulat d'Astère,
qu'il était même tout auprès du consul, mais
debout à cause de son âge, n'ayant qu'envi-
ron dix-huit ou vingt ans.
2. Après s'être sutEsamment instruit dans
les sciences humaines, il pensa au mariage
et épousa Papianille, fille d'Avitus '", qui re-
çut le titre d'auguste en 455. Il en eut quatre
enfants, Apollinaire, Sévérienne, Pioscia et
Alcime. Se trouvant gendre d'un empereur,
il eut le moyen de contenter l'ambition qu'il
avait toujours eue de s'élever aussi haut que
ses ancêtres ", et même de les surpasser.
Lors donc qu'Avitus, son beau-père, eut été
proclamé auguste à Toulouse, et depuis à
Arles '8, il le suivit à Rome, où il prononça
son panégyrique le premier jour de l'année
456. Il fut écouté avec de grands applaudis-
sements : mais tout l'avantage qu'il en tira,
fat qu'on lui dressa une statue d'airain. Le
règne d'Avitus n'ayant été ni long ni heu-
reux, Sidoine fut obligé de recourir à la bonté
de Majorien, son successeur dans l'empire. 11
en fut bien reçu-, et ce prince étant venu h
Lyon, sur la fin de l'an 458, Sidoine y pro-
nonça son panégyrique en vers. Majorien
So
liane,
fBnl
cbari
SCS eii-
s, ses
> Sidon., Carm. IX.
2 Greg. Turon., lib. II Hist. Franc, cap. xxi.
3 Sidon., lib. VIII, Epist. 3.
* Sidon., lib. VIII, Epist. 6.
° Idem, Carm. XX.
6 Idem, lib. I, Epist. 58 et 8.
7 Idem, lib. IV, Epist. 25.
8 Idem, ibid., Epist. 17.
8 Idem, Carm. IX et I.
i»Idem, lib. IV, Epist. 1.
" Sidon., Carm. XIV.
" Idem, lib. VIII, Epist. 3.
13 Sidon., lib. VUI, Epist. 6.
" Lib. IV, Epist. 11.
1= Lib. VIII, Epist. 9.
<« Idem, Carm. XXIII.
" Lupus, Epist. ad Sido7L, tom. V Spicileg., pag.
579.
'S Bûcher., Hist. Belgic, pag. S23, et Idac, in
Chr07iic.
380
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'avait élevé à la dignité de comte dès l'an
461 . Anthémius lui donna celle de chef du
sénat de Rome ', et de préfet de la ville, en
467, après quoi il le fit patrice ^, en sorte
qu'il ne manquait plus que le consulat à Si-
doine pour arriver aux plus hautes dignités.
Tous pliaient sous son autorité dans Rome ^
et en recevaient les ordres pour l'adminis-
tration civile.
_ 11 est hit 3. Après la mort d'Eparchius, évêque de
ws°S°4°i Clermont en Auvergne, Sidoine fut élu mal-
"""-• gré lui pour remplir ce siège, étant encore
laïque. Non-seulement il gémit de se voir
chargé du poids d'une dignité si sublime *,
il se plaignit encore publiquement de ce
qu'on l'avait élevé à l'épiscopat *>, et obligé
d'enseigner aux auti'cs les maximes qu'il ne
pratiquait pas lui-même. Il renonça dès-lors
à la poésie, persuadé ^ qu'un ecclésiastique
ne doit travailler que pour la vérité, et qu'il
- ne doit rien lire ni écrire que de sérieux. Il
régla aussi ses mœurs, jeûnant de deux
jours l'un ' et n'ayant qu'une table très-fi'u-
gale. Il s'appliquait à la prière avec tant de
ferveur ^, qu'il y répandait des larmes. Il
méditait exactement les mystères de l'Ecri-
ture ', visitait avec soin son diocèse '", et
prenait souvent de chez lui de la vaisselle
d'argent ", dont il distribuait le prix aux
pauvres. Car sa femme vivait encore lors-
qu'il fut choisi évêque, mais éloignée de lui.
Divers évêques s'empressèrent de lui témoi-
gner leur joie sur sa promotion. Saint Loup,
évêque de Troyes, qui l'avait beaucoup aimé,
lors même qu'il le voyait encore courir parmi
les déserts arides du siècle, sentit son amour
pour lui se redoubler, quand il le vit entrer
dans les voies qui mènent au ciel et goûter
les douceurs que l'onction divine y répand.
C'est ce qu'il témoigne dans la lettre qu'il lui
écrivit aussitôt qu'il eut appris son élection.
« Je rends grâces à Jésus-Chrisl, lui dit-il '^,
qui vous a appelé au sacerdoce pour être
une lumière en Israël, le soutien et la conso-
lation de l'Eglise dans les tribulations qui
l'agitent de toute part. Quoique près de finir
ma course, je ne croirai point mourir, puis-
qu'on mourant je vous laisserai à l'Eglise au
» Sidon., lib. IX, Epist. 16.
2 Lib. V, Epist. 6.
3 Tom. V Spicileg., pag. 579.
* Sidon., lib. V, Epist. 3, et lib. VI, Epist. 7.
5 Idem, lib. V, Epist. 3, 9 et 14.
6 Lib. IV, Epist. 22, et lib. VIII, Epist. 4.
' Ub. VII, Epist. 14. — 8 Ibid.
lieu de moi. » Il témoigne un grand désir de
l'embrasser, et ajoute : « Ce que je ne puis
faire de corps, je le fais de cœur ; en pré-
sence de Jésus-Christ je vous honore et je
vous embrasse comme un prince, non plus
de l'empire, mais de l'Eglise, comme mon
fils par l'âge, mon frère par la dignité, et
mon père par le mérite. » Après quoi il lui
donne cet avis important : « Présentement,
l'ordre des choses est changé à votre égard.
Ce n'est plus par l'éclat du faste extérieur que
vous devez soutenir votre rang, comme vous
faisiez dans le siècle, c'est par le rabaisse-
ment le plus sincère de l'esprit et par l'hu-
milité du cœur la plus profonde. Vous êtes
au-dessus des autres, mais vous ne devez
vous regarder au-dessus de qui que ce soit.
Considérez-vous, au contraire, comme au-
dessous des moindres de ceux qui vous sont
soumis ; soyez prêt à baiser les pieds de
ceux que vous n'auriez pas auparavant es-
timés dignes d'être sous vos pieds. Rien ne
vous peut relever davantage que l'humilité.
C'est là à quoi vous avez à travailler, à vous
rendre le serviteur de tous et à vous abais-
ser au-dessous de tous, autant que vous vous
êtes vu élevé au-dessus d'eux. » Il l'exhorte
à s'appliquer aux fonctions laborieuses de
son ministère, principalement à l'instruction
des peuples, afin qu'il ne parût pas avoir
moins de zèle et de capacité pour les choses
du ciel, qu'il en avait eu pour celles de la
terre. On voit par la réponse de saint Si-
doine '^, avec quel respect il reçut ses avis.
Il entretint depuis un commerce de lettres
avec saint Loup.
4. L'évêque de Bourges étant mort, saint ,i „[
Sidoine fut prié d'y venir faire l'élection d'un BÔargS"" '
nouvel évêque. Le peuple de cette ville était ""'
partagé par différentes inclinations, et il y
en avait plusieurs dans le clergé qui bri-
guaient ouvertement l'épiscopat. Saint Si-
doine voulant connaître plus particulièrement
ceux que l'on proposait '*, trouva que les
plus anciens n'étaient capables ni d'être évê-
ques, ni de souflrirque l'on choisit quelqu'un
de ceux qui étaient plus jeunes qu'eux. Saint
Sidoine croyant devoir ménager les esprits,
9 Lib. IV, Epist. 2.
10 Lib. IX, Epist. 16.
" Gi-eg. Turon., lib. Il Hist. Franc, cap. sxn.
12 Tom. V Spicileg., pag. 579.
13 Sidon., lib. VI, Epist. 1.
1» Lib. VII, Epist. 5 et 9.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
[V« SIÈCLE.]
convint que beaucoup d'entre eux avaient
quelque qualité épiscopale, mais que ne les
ayant pas toutes, il fallait jeter les yeux sur
quelque autre. 11 aurait souhaité ' que Ton
en prît un parmi ceux qui avaient été élevés
dans la solilude et la vie religieuse ; mais
cela n'était point du goût du clergé ni du
peuple. Il doutait lui-même s'ils auraient eu
assez d'autorité pour vaincre la dureté des
peuples et la licence des clercs. Le seul parti
qui restait donc, était de choisir un évêque
parmi les laïques, quoique, selon l'ordre des
canons, ils dussent être exclus de l'épiscopat.
Mais on n'y avait pas toujours eu égard dans
les besoins extraordinaires de l'Eglise. De
trois qu'il semble que Ton proposa, il y en
avait deux qui s'étaient engagés deux fois
dans le mariage. Le troisième était d'une fa-
mille considérable, illustre et dans les di-
gnités du monde et dans celles de l'Eglise.
Son nom était Simplice. Saint Sidoine, qui
avait connu son mérite par sa réputation, s'en
informa encore en cette occasion. Tous les té-
moignages lui furent avantageux : les ariens
mêmes, toujours prêts à calomnier les ca-
tholiques, ne lui reprochèrent rien, et ses
compétiteurs à l'épiscopat demeurèrent dans
le silence lorsqu'on le proposa. Saint Sidoine
jugeant de là que Simplice était d'une vertu
éprouvée, n'en voulut point d'autre pour
évêque de Bourges. Mais comme il était seul
d'évêque, et qu'il fallait que l'ordination de
Simplice fût autorisée par les métropolitains
des autres provinces, il écrivit à saint Eu-
phrone d'Autun, à Agrèce de Sens, et à quel-
ques autres pour les inviter à l'élection d'un
évêque de Bourges. Lorsqu'on voulut y pro-
céder, les brigues qui avaient paru assou-
pies, se renouvelèrent avec tant de force,
qu'il eût été impossible de rien terminer, si
le peuple, gagné par les raisons des évêques
présents, n'eût consenti à s'en rapporter au
jugement de saint Sidoine pour l'élection
d'un évêque. L'acte par lequel le peuple se
départait de son droit, fut mis par écrit : il
portait de plus qu'il s'obligeait par serment,
de s'en tenir au choix que ferait saint Si-
doine. Le saint évêque, après en avoir déli-
béré avec les autres évêques, fit un discours
devant le peuple, qui l'écouta avec une
grande attention. Il roula particulièrement
381
sur la difficulté de trouver pour exercer
les fonctions de l'épiscopat, des personnes
dont le choix pût plaire généralement. Il
parla aussi avec beaucoup de force contre
les défauts de quelques ecclésiastiques : et
après avoir déclaré qu'il ne trouvait pei'-
sonne plus digne de l'épiscopat que Simplice,
dont il fit un grand éloge, il finit son discours
par ces paroles : « Au nom du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, je déclare que c'est Sim-
plice qui doit être établi le métropolitain de
notre province et le souverain prélat de
votre ville. » Simplice, ordonné évêque, ré-
pondit à l'estime qu'il s'était attirée avant son
épiscopat par sa probité, par son savoir et
par la beauté de son esprit.
5. Les efforts que les Visigoths firent vers
l'an 474, pour se rendre maîtres de l'Auver-
gne après l'avoir désolée, engagèrent saint
Sidoine de recourir à Dieu pour délivrer son
Eglise de la puissance de ces Barbares. Il
établit à cet effet dans son diocèse les Roga-
tions, que saint Mammert avait instituées de-
puis quelque temps dans le sien. Les Visi-
gotlis ne laissèrent pas de se rendre maîtres
de Clermont avant la fin du mois d'août de
l'an 475, et les ravages qu'ils firent dans
l'Auvergne, obligèrent plusieurs personnes
à en sortir. Le saint évêque sachant qu'on
voulait leur céder l'Auvergne ^, fit tout ce
qui dépendit de lui pour faire insérer dans
le traité de cession un article par lequel il
serait permis aux catholiques soumis aux
Visigoths, d'ordonner des évêques. Euric,
leur chef, mécontent apparemment du zèle
de saint Sidoine ^, autant que de son affec-
tion pour les Romains et de son union avec
les personnes les plus considérables des
Gaules, l'envoya prisonnier au château de
Livianne, à quatre ou cinq lieues de Carcas-
sonne, sur le chemin de Narbonne. 11 y de-
meura longtemps enfermé *, et il y eut beau-
coup à souffrir, quoiqu'on lui permit de re-
cevoir les visites de ses amis. Il en fut tiré
par le moyen de Léon, ministre d'Euric,
homme d'esprit et de savoir, qui faisait pro-
fession d'estimer et d'aimer saint Sidoine.
Léon lui avait demandé pendant sa détention
à Livianne ^, une copie de kVie du philoso-
phe Apollonius de Thyane, par Philostrate, et
l'avait prié de la revoir lui-même; mais saint
Il établUIes
Ho(^ation s
dans son
hglise. Il est
fait rrison-
nipr vers l'an
474.
1 Lib. VII, Epist. 9.
2 Sidon , lib. VII, Epist. 6.
' Euclier., Hist. Belgic, pag. 559.
' Sidon., lib. VUI, Epist. 3.
E Lib. VIII, Ep'ist. 3; Sirmond., notis in illam
Epist., pag. 1054.
382
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Sidoine n'ayant pu lui rendre alors ce ser-
vice, s'en acquitta quelque temps après son
retour à Clermont. Quelques-uns ont cru que
ce ministre avait demandé une traduction de
la Vie d'Apollonius : mais on sait que les plus
grands hommes ne plaignaient point alors
leur temps ni leurs peines à faire des copies
ou à les revoir, alin de les rendre exactes.
Saint Sidoine envoya celle que Léon lui avait
demandée, avec une lettre où il relève un
peu trop la fausse vertn d'Apollonius. L'Au-
vergne était, ce semble, encore sous la do-
mination des Visigotlis, lorsque saint Sidoine
alla en Rouergue ' , faire la dédicace de l'é-
glise qu'Elaphe y avait fait bâtir. Le zèle que
ce seigneur faisait paraître dans un temps
où Euric permettait à peine d'entretenir les
anciennes églises, fit souhaiter à saint Si-
doine qu'Elaphe fût un jour évêque de cette
nouvelle église : et il y a apparence que son
désir fut exaucé, puisque nous avons une
lettre 2 de l'évêque Ruricius, où il traite Ela-
phe de frère.
iirevoiisre 6. Constauce. prêtre de l'EgHse de Lyon,
s'excuse a;!;- son ami particuher, avait souvent prié saint
loire. Sidoine de revoir ses lettres et d'en faire un
corps pour les donner au public. Le saint
évêque ne se rendit qu'avec beaucoup de
peine; mais enfin il en fit sept livres, et dédia
tout l'ouvrage à Constance. 11 n'était pas en-
core rendu public lorsque Léon, qui était in-
formé de son travail, le fit prier, aussitôt qu'il
serait achevé, de continuer l'histoire de la
guerre d'Attila et du siège qu'il avait mis
devant Orléans. Saint Sidoine l'avait com-
mencée à la prière de saint Prosper, évêque
de cette ville. Mais trouvant l'entreprise au-
dessus de ses forces, il avait prié saint Pros-
per de le décharger d'une dette dont il ne
croyait pas pouvoir jamais s'acquitter. Il ré-
pondit donc à Léon ^ que l'état d'un évêque
étant de ne penser qu'à se tenir dans l'obs-
curité et à ne chercher point d'autre gloire
que celle du ciel, il ne pouvait sans danger
se charger d'un ouvrage de cette nature, sur-
tout dans un temps où l'on parlait beaucoup
contre les ecclésiastiques; en sorte qu'on les
traitait d'insensés et de stupides, lorsqu'ils
publiaient quelque écrit d'un mérite mé-
diocre : ou de présomptueux, si c'était quel-
que chose de plus travaillé et de plus poli.
Il ajoutait qu'il lui serait honteux de mentir
et de flatter, et dangereux de reprendre le
vice avec la liberté nécessaire : il ne lui dis-
simulait pas même qu'il avait peine de se
voir sous la domination des Goths, à qui il
semble attribuer la cause d'une langueur qui
le rendait paresseux à écrire.
7. Dans les dernières années de son épis- ii est perse- n
■*■ culo par deux 1
copat, deux de ses prêtres se soulevèrent ■lesospiares.^
contre lui* et lui ôtèrent l'administration des
biens de son Eghse, ne lui en laissant que
très-peu pour vivre : l'un d'eux l'avait même
menacé de le chasser de l'église. Comme il
se levait dans le dessein d'exécuter ses me-
naces. Dieu en empêcha l'effet; car ce mal-
heureux étant entré dans un lieu secret, il y
mourut de la même manière qu'Arius. L'autre
mourut d'une mort à peu près semblable. On
rapporte à la même persécution, que saint
Sidoine ayant été prié de venir faire l'office
dans le monastère de Saint-Cirgue, le jour
de la fête, on lui ôta par malice le livre dont
il se servait ordinairement dans la célébra-
tion des mystères. Gela ne l'empêcha pas de
faire tout ce qu'il fallut pour la solennité, et
avec tant d'esprit, qu'il fut admiré de tout le
monde, apparemment parce qu'il composa
sur-le-champ les prières elles cantiques qu'il
voulait offrir à Dieu. C'est tout ce que nous
savons des dernières années de sa vie, qu'il
prolongea, au plus, jusqu'en 489, puisqu'il
mourut sous l'empire de Zenon ''. Son épi-
taphe, que nous avons encore ^, met sa mort
au vingt-et-unième d'août^ sans en marquer
l'année. Les ouvrages qui nous restent de
lui, sont ses poésies et ses lettres.
ARTICLE n.
DES ECRITS DE SAINT SIDOINE APOLLINAIRE.
De ses Lettres.
1 . Le redieil des lettres de saint Sidoine Lettres a
nous a été donné dans le même état qu'il ™"'S'<io'ne.
l'avait mis lui-même '. Elles sont placées in-
différemment, sans ordre de temps ni de ma- c
tières : le saint y traite toute sorte de sujets I
et toute sorte d'affaires, mais d'une manière t
' Sidon., lib. IV, Episi. 15.
2 Ruric, lib, II, Epist. 7.
s Sidon., lib. IV, Epist. 22.
* Greg. Turon., lib. Il, Hist. Franc, cap. xxm.
s Gennad., de Vir. illustr., cap. xcii.
8 Sidon., Yitu, tom. I oper. Sirm.
' Sidon., lib. I, pag. 838, tom. I opcr. Sirm.,
edit. Paris., 1696.
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
383
Livre I. qui n'est point suivie. On trouve, à la tête
du premier livre, celle qu'il écrivit à Cons-
tance, prêtre de Lyon, qui l'avait exhorté
d'en faire un corps et de les donner au pu-
blic. Saint Sidoine lui en envoya quelques-
unes, afin qu'il les corrigeât et qu'il les polit
lui-même, lui promettant que si elles étaient
bien reçues du public, il lui en enverrait
bientôt plusieurs autres. On peut inférer de
là qu'il ne publia d'abord que son premier
livre, qui contient onze lettres. La seconde
est à Agricola. Il avait prié saint Sidoine, son
beau-frère, de lui faire le portrait de Théo-
doric, second roi des Visigolhs ', qui com-
mença à régner après la mort de son frère,
en 433. Saint Sidoine voyait ce prince assez
familièrement et jouait souvent avec lui.
Comme il savait que Théodoric n'était ja-
mais plus facile à accorder quelque grâce,
que lorsqu'il gagnait au jeu, il se laissait
perdre quand il en avait quelqu'une à lui de-
mander. Par la peinture qu'en fait saint Si-
doine, il pai-aît qu'il avait de grandes quali-
tés de corps et d'esprit ^, surtout beaucoup
de bonté, mais qu'il n'avait que les dehors
delà religion. On met la lettre à Philimacius
en 455, lorsque Avitus eut été fait général
des armées romaines. Sidoine, qui voyait sa
famille relevée par cet emploi, avoue ingé-
nument dans cette lettre que son ambition
le portait à égaler ses ancêtres par les di-
gnités du siècle. Il y conseille aussi à Phili-
macius, qui était son ami, d'accepter une
charge d'assesseur du préfet des Gaules,
qu'on lui offrait ^. Il parle d'un Gaudence,
qui, quoique d'une naissance médiocre, était
parvenu à la dignité de vicaire du préfet; il
remarque à cette occasion que quelques no-
bles superbes et paresseux, faisant les phi-
losophes à contre-temps, affectaient, au mi-
lieu de leurs débauches, de mépriser les
dignités auxquelles ils n'osaient aspirer,
parce qu'ils n'avaient pas le courage de tra-
vailler pour les mériter et se rendre capables
de les exercer *. On voit, par sa lettre à Hé-
ron, qu'étant tombé malade d'une fièvre
dans son voyage de Rome, il alla, avant que
d'entrer dans la ville, se prosterner dans l'é-
glise des apôtres, c'est-à-dire de Saint-Pierre,
qui était alors hors Rome, et qu'il se sentit
aussitôt parfaitement guéri ^, par une faveur
singulière du ciel. Ce fut dans le voyage de
Rome qu'il écrivit à Eutrope, pour l'inviter
d'y venir travailler à obtenir quelque diguilé
proportionnée à sa naissance ^. Il lui pro-
mettait de le servir dans tout ce qui dépen-
drait de lui. Sidoine était encore à Rome en
469, lorsqu'Arvande, préfet des Gaules, y
fut amené prisonnier, accusé de péculat et
de lèse-majesté. Sidoine, qui était son ami^
regarda comme une lâcheté ^, une barbarie
et une perfidie de l'abandonner dans sa mau-
vaise fortune. Il sollicita donc vivement au-
près de l'empereur Anthémius, pour obtenir
qu'on lui accordât du moins la vie et qu'on
se contentât de lui ôter les biens et de l'en-
voyer en exil. Arvande, pendant ce temps-
là, fut condamné au dernier supplice et en-
fermé dans l'île du Tibre, pour y passer les
trente jours accordés à ceux que le sénat
avait condamnés. Sidoine obtint ce qu'il
souhaitait avant l'expiration des trente jours :
Arvande fut seulement banni par Anthémius.
Toute cette histoire est rapportée dans la let-
tre de Sidoine à Vincent, à qui il témoigne
qu'il s'affligeait du malheur d'Arvande, quoi-
que l'affection qu'il lui avait témoignée en
d'autres occasions, lui eût fait quelque tort à
lui-même. Pendant son séjour à Rome, il
reçut une lettre de Candidien, qui le congra-
tulait de ce qu'il avait quitté les brouillards
de Lyon pour aller vers le soleil, en Italie *.
Sidoine le raille à son tour sur Césène, qui
était le lieu de sa naissance, disant qu'elle
avait plus l'air d'un four que d'une ville, et
sur les confins et les marais de Ravenne, où
Candidien faisait alors sa demeure. Il nous ap-
prend dans sa lettre à Héron comment, après
la solennité du mariage du patrice Ricimer
avec la fille d'Anthémius, il parvint à s'insi-
nuer dans l'esprit de ce prince, et obtint de
lui, par la protection de Basile, qui avait été
consul en 463, la charge de chef du sénat de
Rome et de préfet de la ville *. Dès le com-
mencement de sa préfecture, c'est-à-dire en
468, on craignit à Rome une famine '". Pour
la prévenir, Sidoine ayant eu avis que cinq
vaisseaux chargés de blé et de miel, venant
> Lib. I, Epist. 2, pag. 840.
2 Epist. 3, pag. 845. — 3 Epist. 4, pag. 846.
' Epist. 5, pag. 847.
^ Ubi priusquam vel pomeria contingerem, trium-
phalihus apostolorum liminibus affusus omnem proii-
nus sensi membris maie fortibus explosum esse tan-
guorem. Epist. 5 ad Héron., pag. 851.
6 Epist. 6, pag. 853. — ' Epist. 7, pag. 85S.
3 Epist. 8, pag. 801. — 9 Epist. 9, pag. 862.
»» Epist. 10, pag. 867.
384
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de Brinde, étaient arrivés à Ostie, il envoya
l'intendant des vivres pour les faire au plus
tôt amener à Rome et les exposer au peuple.
La lettre à Montius regarde une satire en
vers que l'on attribua à Sidoine, en 461, lors-
qu'il était à Arles '. Elle déchirait nommé-
ment plusieurs personnes, entre au tresPéone,
qui avait été préfet des Gaules, et c'était
Péone qui accusait Sidoine de l'avoir faite.
L'empereur les invita l'un et l'autre à man-
ger avec les principaux de la cour. Il fut
question, pendant le repas, de la satire. Si-
doine l'ayant désavouée, Péone, qui n'avait
point de preuves, demeura confus. Sidoine
demanda à Majorien, en deux vers faits sur-
le-cliamp ^, la permission de faire une satire
contre celui qui l'accusait sans preuve d'en
avoir fait une. Ce prince la lui accorda. Mais,
au sortir du palais, Péone ayant demandé
pardon à Sidoine, leur démêlé se termina
par la médiation des seigneurs de la cour.
Cependant le bruit continuant toujours que
Sidoine était auteur de la satire, Montius, qui
était de ses amis, le pria de la lui envoyer.
Sidoine trouvant mauvais qu'il le crût ca-
pable d'une chose de cette nature, lui ra-
conte, pour le détromper, ce qui s'était passé
entre Péone et lui, soit en présence de l'em-
pereur Majorien, soit devant les grands de la
cour.
i,i„oi[. 2. Dans la lettre à Ecditius, son beau-
frère, Sidoine fait une relation des violences
que Séronate exerçait dans l'Auvergne, vers
l'an 471 ^. Elles étaient si grandes, que les
personnes de qualité pensaient, si l'on n'y
apportait remède, à abandonner ou leur pays
ou leurs cheveux, en se faisant clercs. C'est
pourquoi il le prie de revenir en diligence dans
cette province, pour donner aux autres le se-
cours ou le conseil dont ils avaient besoin *.
Ce Séronate était préposé aux impôts pu-
blics. La lettre à Domitius, professeur en
rhétorique dans la ville de Clermont, est une
invitation de venir passer quelque temps à
Avitac, où Sidoine avait une maison de cam-
pagne. Il eu fait la description en douze vers^,
et marque qu'il y avait un endroit oiî il jouait
ordinairement à la paume et aux dés avec
son beau-frère Ecditius, quand il le venait
voir. Celle qu'il écrivit à Félix, est un com-
» Epist. 11, pag. 867.
2 Scribere me sulyram qui culpat, maxime princeps,
Hanc rogo décernas, aut protêt, aut timeat.
Sidon., lib. I, Epist. 2.
s Epist. \, pag. 875. — 4 Epist. 2, pag. 878.
pliment de congratulation sur la dignité de
patrice ^, à laquelle il avait été élevé depuis
peu. Dans la lettre à Sj'agrius, il rend un té-
moignage avantageux à un homme de con-
dition, qui demandait en mariage la fille
d'Optantius, mort depuis peu ', dont Syagrius
était tuteur. Il écrivit à Pétrone qui avait la
réputation d'être très-habile dans les lettres
et dans la jurisprudence, pour le prier d'exa-
miner les affaires de deux de ses amis ^, et
de leur conseiller ce qui lui paraîtrait de
mieux pour eux. La lettre à Pégase est un
éloge fort court d'un de leurs amis com-
muns ^. Celle à Explitius est pour l'engager
à être l'arbitre d'un différend '". Une dame de
condition, nommée Phylimacie, étant morte,
Sidoine en donna avis à Désiré, afin qu'il
vint consoler le père et le mari de cette dame.
Il le pria aussi " de dire son sentiment sur
l'épitaphe qu'il en avait faite, ne voulant pas
la rendre publique qu'elle n'eût son appro-
bation. Cette épitapbe est jointe à la lettre
de Sidoine à Désiré. Il fait, dans sa lettre à
Donide, le récit des marques d'amitié qu'il
avait reçues de deux sénateurs, Ferréol et
Apollinaire '^, dans les maisons de campagne
qu'ils avaient sur les bords de la rivière du
Gardon. Il y passa sept jours entiers, s'occu-
pant tantôt au jeu, tantôt à la lecture, tan-
tôt à converser avec ses amis. Il marque
qu'on servait le dîner après onze heures,
qu'on le faisait ample, mais de peu de plats à
la mode des sénateurs. Il regarde les livres
de littérature comme devant être entre les
mains des hommes, et ceux de piété entre les
mains des femmes. Ainsi il donne à celles-ci
les écrits de saint Augustin et de Prudence ,
et à ceux-là les livres de Varron et d'Ho-
race. Il parle de la traduction d'Origène, faite
par Rufin, comme très -exacte. Un jeune
homme qui s'appliquait beaucoup à l'élude'^,
l'ayant prié de lui communiquer ce qu'il avait
fait de vers depuis son départ, Sidoine lui
envoya ceux qu'il avait composés pour met-
tre au dehors d'une église que saint Patient,
évêque de Lyon, avait fait bâtir. Ce jeune
homme se nommait Hesper ; on croit que c'est
le même à qui est adressée la lettre vingt-
deuxième du quatrième livre. On y voit qu'il
avait prié Sidoine d'écrire l'histoire de la
5 Carm. XVIIL pag. 1271.
« Epist. 3, pag. 887. — t Epist. 4, pag. 887.
8 Epist. 5, pag. 888. — ^ Epist. 6, pag. 889.
»» Epist. 1, pag. 889. — " Epist. 8, pag. 890.
12 Epist. 9, pag. 892. — »» Epist. 10, pag. 896.
siÈCLE.l CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE , ÉVÊQUE.
385
guerre d'Attila, de la part de Léon, ministre
d'Euric. Piustique de Bordeaux avait envoyé
ses gens à Sidoine ', pour lui recommander
une atiaire. Sidoine marque dans sa réponse,
qu'il a fait ce que Rustique avait souhaité de
lui. Ce Rustique ou un autre de même nom,
avait demandé à saint Euclier, ses deux livres
sur l'Ecriture , pour en tirer une copie. Le
saint les lui envoya. Rustique en l'en remer-
ciant par une lettre que le P. Sirmond nous a
donnée ^, fait un très-bel éloge de ces deux'
livres. Agricola, beau-frère de Sidoine, lui
avait envoyé un bateau pour l'inviter à
venir pécher avec lui. Sidoine s'en excusa
sur la maladie de sa fille Sévérienne 3, qu'il
était obligé de transporter à la campagne,
pour lui faire respirer l'air plus frais, et pour
l'éloigner des médecins, qui sont, dit-il, très-
prompts à proposer des remèdes, mais non
à s'accorder ensemble; qui sont assez assi-
dus auprès des malades, et peu habiles à les
soulager, et qui en tuent beaucoup par l'excès
de leurs bons offices. Serran lui avait écrit
une lettre fort longue, sur la félicité préten-
due de Maxime, qui avait régné deux mois
après Valentinien III *, dont il avait usurpé
le siège; Sidoine lui fait voir, que ce qu'il
estimait félicité dans Maxime, était le comble
de la misère ^. Sa lettre à Maurusius est un
compliment d'amitié.
3. En 473 ou 474, un de ses parents, nom-
mé Avitus ^, qui était de même âge que lui,
et avec qui il avait étudié, fit donation d'une
terre à l'Eglise de Clermont. Sidoine, qui en
était alors évêque, lui écrivit pour l'en remer-
cier. 11 lui dit que c'est pour le récompenser
de cette aumône que Dieu lui a envoyé une
riche succession, et le prie de travailler à faire
quelque accord enlre l'Empire et les Visi-
goths, afin de mettre l'Auvergne à couvert
des efforts que ces barbares faisaient pour
s'en rendre maîtres, après l'avoir désolée.
Ce- n'était pas seulement la crainte de tom-
ber sous la puissance des Visigoths qui affli-
geait saint Sidoine ; il n'en avait pas moins de
voir les esprits elles cœurs de son peuple di-
visés. Constantin ou Constance, prêtre de l'E-
glise de Lyon, son intime ami ^, voulant
essayer de le tirer de cette perplexité, vint à
Clermont durant l'hiver de l'an 473, y récon-
cilia les esprits etleurpersuada de se réunir
pour leur commune défense, et de travailler
incessamment à réparer les murailles de leur
ville, presque ruinées par le siège qu'elle
avait soutenu. Lorsque Constance s'en fut
retourné à Lyon, saint Sidoine lui écrivit une
lettre de remerciement au nom de toute la
ville de Clermont. Pour lui marquer d'autant
mieux sa reconnaissance, il fait une descrip-
tion des dangers et des difficultés qui se ren-
contrent dans les chemins qui conduisent de
Lyon en Auvergne. C'était Egditius, fils de
l'empereur Avitus, qui avait défendu la ville
de Clermont, et qui avait chassé les Goîhs de
l'Auvergne ^. Peu après il était allé à la cour
des rois de Bourgogne, dont il était fort aimé.
Saint Sidoine, qui craignait toujours que les
Goths ne tentassent de nouveau de prendre
Clermont, écrivit à Egditius pour le prier de
revenir en Auvergne où il était fort désiré.
La raison qu'il lui donne de quitter la cour
des rois de Bourgogne ^, est qu'il n'est jamais
bon de se familiariser avec les princes. L'ha-
bitude que l'on contracte avec eux tient de
la nature dés flammes qui éclairent quand on
en est un peu éloigné , et qui brûlent ceux
qui s'en approchent de trop près. Il témoigne,
dans sa lettre au patrice Félix , la part qu'il
prenait à l'affliction de son peuple '". Il re-
connaît que, pour lui, il recevrait la punition
de ses péchés ; « mais je ne crois pas, ajoute-
t-il , que tout le monde doive être puni avec
moi, et je ne laisse pas de me réjouir de voir
les autres dans la joie et dans la prospérité.»
On croit que ce fut après les ravages des
Barbares, qui lui causaient tant de douleur",
qu'il écrivit à Hypace pour le prier de trou-
ver bon que Donide achetât la moitié de la
terre d'Ebreville , qui avait, quelque temps
auparavant , appartenu à sa famille , et dont
il avait déjà l'autre moitié. Eutrope, que Si-
doine, étant à Rome, avait pressé de travail-
ler à obtenir quelque dignité, parvint à celle
de préfet des Gaules. Il faisait profession de
suivre la philosophie de Platon et de Plotin,
et l'amour que l'étude lui donnait pour la re-
traite l'avait longtemps dégoûté des charges.
Sidoine , informé qu'il avait obtenu celle de
' Epist. 11, pag. 899. — "- Ihid., pag. 900.
3 Epist. 12, pag. 901. — <> Epist. 13, pag. 903.
5 Epist. 14, pag. 907. — « Epist. 1, pag. 907.
' Epist.. % pag. 910. — 8 Epist. 3, pag. 912.
s [gitur si quid tiostratium p/'ecatibus acquiescis
actutum in pairiam receplui cancre feslina et assidui-
X.
tatem tuam periculosœ regum familiaritaii celer
exime; quorum consuetudinem speciatissimus quisque
flammarum naturœ liene comparât, quœ sicut paulu-
luin a se remotœ illuminant, ita satis sibi admotœ
comburunt. Lib. III, Epist. 3, pag. 914.
10 Epist. 4, pag. 914. — " Epist. b, pag. 91b.
23
386
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
préfet *, lui en témoigna sa joie par écrit, en
l'assurant que toute la province se promet-
tait beaucoup de son administration ^, parce
que l'on disait communément que l'aljon-
dance dépend plus des bons magistrats que
des bonnes années. Le bruit s'étant répandu
que le questeur Licinien , qui avait apporté
à Egditius la dignité de patrice en 474, était
encore chargé de ménager un traité de paix
avec les Visigoths , saint Sidoine écrivit au
patrice Félix pour lui en demander la vérité ^.
Ce qui le rendait curieux de la savoir, c'est
que l'on espérait un heureux succès de cette
négociation, à cause des bonnes qualités de
celui que l'empereur Népos en avait chargé.
La lettre à Eucher est un éloge de sa noblesse
et de sa valeur. Saint Sidoine se plaint de ce
que ceux qui gouvernaient alors l'empire *
l'avaient mal récompensé de ses services. Il
avait écrit plusieurs fois à Riothamus, roi des
Bretons, pour se plaindre des désordres de
ses troupes. Quoiqu'elles combattissent pour
les Romains contre les Visigoths , elles fai-
saient souvent autant de mal à leurs alliés
qu'aux ennemis. 11 ne nous reste qu'une de
ces lettres ^, où il presse Riothamus de faire
justice à un homme de la campagne, qui se
plaignait que les Bretons lui avaient enlevé
ses esclaves. Dans la lettre à Tétradius ^, il
lui recommande le soin d'une affaire qu'avait
un jeune homme de condition, nommé Théo-
dore. On croit que Simplice, à qui est adres-
sée la lettre suivante, est le même qui fut
depuis évêque de Bourges. Saint Sidoine,
qui connaissait son mérite, lui écrivit pour
lier amitié avec lui, et, voyant qu'il n'en re-
cevait point de réponse, il lui écrivit une se-
conde fois dans le même dessein ''. Comme il
allait un jour à Clermont, il aperçut des fos-
soyeurs qui fouillaient dans le tombeau d'A-
pollinaire son aïeul. 11 courut à eux, et, dans
le premier mouvement de colère, il les frap-
pa ^; mais, faisant réflexion que la punition
de ces fossoyeurs appartenait à l'évêque , il
lui écrivit pour lui demander pardon de les
avoir maltraités. La nuit suivante , il fit une
épitaphe pour mettre sur ce tombeau, et l'en-
voya à Sécundus, son neveu , afin qu'il la fit
graver sur du marbre. Il laissa aussi à Gau-
dence, qui pouvait être le curé du lieu, l'ar-
gent nécessaire pour les frais. L'évêque, au-
quel Sidoine écrivit, le loue de n'avoir pas
souffert la profanation du tombeau de son
grand-père. Sa lettre à Apollinaire son fils est
une instruction dans laquelle il l'exhorte à sui-
vre les bons exemples, et lui donne de Fhor-
reur des personnes déréglées. 11 y fait la des-
cription d'un homme de Lyon , dont l'exté-
rieur, quoique très-difforme, était encore au-
dessus de la laideur de ses mœurs ^. Il con-
jure son fils d'éviter la compagnie des gens
de ce caractère, et en général de tous ceux
qui étaient sujets à des paroles déshonnêtes,
étant impossible qu'ils ne fussent pas aussi
déréglés dans leurs mœurs '"que dans leurs
expressions. Ses instructions eurent le suc-
cès qu'il en attendait. ApoUinaire aima la
chasteté, et se fit un devoir de fuir la compa-
gnie de ceux qui ne l'aimaient pas. Son père,
pour l'encourager, crut devoir lui en témoi-
gner sa joie et comlDien il était satisfait de sa
sagesse et de sa pudeur. Lorsqu'il eut publié
la plupart de ses ouvrages, tant en vers qu'en
prose, beaucoup de personnes les lurent avec
plaisir, d'autres en jugèrent moins favora-
blement. C'est ce qui paraît par la lettre qu'il
écrivit à un de ses amis nommé Placide, qui
demeurait à Grenoble ".
4. La lettre qu'il adressa à Probus, mari de
sa cousine germaine '^, n'est qu'une lettre de
civilité et d'amitié. Il en reçut une de Mam-
mert Claudien, prêtre de l'Eglise de Vienne,
par laquelle il lui adressait ses trois livres
de la Nature de l'âme, contre un écrit ano-
nyme où l'on prétendait montrer qu'excepté
Dieu, il n'y a aucun être qui ne soit un corps.
Il appelle Sidoine son très-clier frère : c'est
une marque que celui-ci n'était point encore
évêque. Mais il était dès lors en grande ré-
putation de savoir et d'équité. D'où vient que
Mammert le qualifie un homme très-docte,
le premier des Gaules pour l'éloquence aussi
bien que pour l'érudition. Il ajoute qu'il croi-
rait avoir éclairci la vérité '', s'il pouvait ob-
tenir l'approbation de ce savant arbitre, si
capable de prononcer selon la justice. « Ce
* Episf. 6, pag. 916.
2 Cerle creber promncialium sermo est annum bo-
num de magnis, non tam fructibus quam potestatibus
œstimandmn. Lib. III, Epist. 6, pag. 917.
3£/)isi. 7, pag. 917. — •> Epist. 8, pag. 918.
'" Epist. 9, pag. 919. — " Epist., ibid.
7 Epist. 11, pag. 920. — s Epist. 12, pag. 920.
8 Epist. 13, pag. 93.
"> Nam quibus citra honeslafis nitorem jactitabun-
dis loquacis fœce petulantiœ lingua polluitur infre-
nis, his conscientia quoque sordidatissima est. Lib.jIII,
Epist. 13. pag. 926.
Il Epist. 14, pag. 926. — '^ Epist. 1, ibid.
13 Mammert., lib. II, cap. vu.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, EVEQUE.
[V« SIÈCLE
serait, dit-il ', encore à moi une cliose super-
flue ou plutôt une vanité, si je prétendais
instruire par cet ouvrage un homme qui n'i-
gnore rien de tout cela, et offrir dans ma pau-
vreté une dragme à celui qui a mille talens de
science et de lumière. Mais je vous l'envoie
pour l'examiner et le corriger, pour le sou-
mettre au jugement de celui qui , étant plus
sage que moi, jugera mieux que moi s'il est
à propos de l'exposer au public : car vous
savez que je ne trouve ici personne avec qui
j'en puisse conférer, et qui soit capable de
m'éclairer, ou de lever mes doutes. » Saint
Sidoine n'ayant point répondu à la lettre de
Claudien -, celui-ci s'en plaignit par une se-
conde, où, après s'être fait gloire d'aimer et
d'être aimé de Sidoine, il le menace, s'il
continue à ne lui point écrire, de s'en ven-
ger en lui écrivant encore. Le saint lui ré-
pondit enfin 3, s'excusant de ne l'avoir pas
fait plus fôt sur ce qu'il craignait de s'expo-
ser à la censure d'un aussi grand maître de
l'éloquence qu'était Claudien. Il fait l'éloge
de l'ouvrage qu'il lui avait adressé, et d'une
hymne qu'il avait composée sur le mystère
de la Passion de Jésus-Christ.
Saint Sidoine avait écrit à Simplice et à
Apollinaire qui étaient l'un et l'autre ses
amis, et, ce semble, deux frères *. Constant,
lecteur de l'Eglise de Clermont , porteur de
cette lettre, perdit en chemin la réponse, ce
qui mécontenta si fort saint Sidoine, qu'il fut
plusieurs jours sans vouloir voir ce lecteur.
Il manda à Simplice et à Apollinaire ce qui
était arrivé ^ , afin qu'ils lui fissent une nou-
velle réponse. Depuis, il leur écrivit par l'é-
vêque Faustin, qu'il chargea d'examiner avec
eux s'il convenait d'exécuter le dessein qu'ils
avaient de venir au tombeau d'un martyr
dont apparemment les reliques reposaient en
Auvergne. Après en avoir délibéré '', ils cru-
rent qu'il était de la prudence de remettre ce
voyage à un autre temps , où il serait moins
dangereux à cause de la guerre dont on était
menacé. Il y a une lettre en particulier à Sim-
plice ', pour lui recommander une personne
de la campagne. Elle fut écrite dans le temps
que les Bourguignons étaient en garnison à
Clermont, c'est-à-dire avant l'an 473. Un
nommé Evodius avait prié saint Sidoine de
lui faire une épigramme qu'il pût présenter,
387
après l'avoir fait graver sur une gondole d'ar-
gent, à Ragnahilda, reine des Goths et femme
d'Euric. Saint Sidoine le satisfit^, mais en le
priant de ne point nommer l'auteur de cette
épigramme. Il lui dit agréablement qu'en
quelque place publique qu'on la récite, elle
sera moins louée que la gondole d'argent.
La lettre à Industrius ^ est une description
de la vie exemplaire d'un laïque de la pre-
mière qualité, nommé Vectius. 11 était veuf,
et n'avait pour tout enfant qu'une petite fille
dont il prenait grand soin. Au dehors , il vi-
vait dans la splendeur de son rang, mais avec
beaucoup de gravité, menant sous l'habit
d'un grand seigneur la vie d'un moine. Il était
extrêmement sobre dans le manger, ce qui
ne l'empêchait pas de recevoir à sa table les
étrangers avec joie et politesse. Il gardait une
exacte chasteté , et la faisait observer à tous
ceux de sa maison. Quoiqu'il ne mangeât
pas de viande, il allait quelquefois à la chasse
pour exercer son corps. Il lisait assidûment
l'Ecriture sainte , et se la faisait lire durant
les repas. Il récitait souvent les Psaumes et
les chantait encore plus fréquemment. Sa
maison était composée de gens tous de bon-
nes mœurs. Il n'usait point de menace envers
eux, ne châtiait point leurs fautes avec sévé-
rité, et ne les gâtait point aussi par un excès
d'indulgence ; les conduisant non avec em-
pire, mais par raison ; moins comme un maî-
tre que comme un économe fidèle. Il ne mé-
prisait pas même les avis que ses domestiques
lui donnaient. Saint Sidoine , qui avait exa-
miné à loisir la vie de ce seigneur, souhaitait
qu'elle fût connue de tout le monde , parce
qu'elle méritait d'être imitée même par les
ecclésiastiques.
Il avait souvent demandé à Félix des nou-
velles de la négociation de Licinien pour la
paix . Il apprit d'ailleurs qu'un des articles était
d'abandonner l'Auvergne aux Visigoths '",
ce qui le toucha vivement. Mais il se soumit
à l'humiliation où Dieu le réduisait, et s'hu-
milia encore en trouvant bon que ses anciens
amis semblassent le négliger. Il eût souhaité
se trouver à la mort de Maramert Claudien,
arrivée avant la fin de l'an 477, pour lui ren-
dre les derniers devoirs. Ne l'ayant pu , il y
suppléa en composant son épitaphe, qu'il en-
voya depuis à Petrée, neveu de Claudien ",
* Mammert., lib. III, cap. xvi.
2 Epist. 2, pag. 929. — ^ Epist. 3, pag. 930.
' Epist. 4, pag. 934. — ^ Epist. 12, pag. 949.
6 Episf. 6, pag. 93a. — ' Epist. 7, pag. 937.
8 Epist. 8, ibid. — » Epist. 9, pag. 739.
" Epist. 10, pag. 941. — " Epist. 11, pag. 944.
388
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pour lui donner des marques qu'il aimait
après la mort ceux qu'il avait aimés pendant
leur vie. Vectius, dont nous avons parlé plus
haut, demeurait dans le voisinage de Chan-
telle en Bourbonnais, où il y avait un homme
de qualité nommé Germanique. Il était âgé
de plus de soixante ans, mais d'une santé si
forte qu'il vivait et s'habillait à cet âge comme
un jeune homme, pensant peu, ce semble, à
son salut et à la mort. Saint Sidoine, qui à sa
prière était allé visiter l'église de ce heu, fut
d'autant plus touché de sa conduite, qu'il était
fils et père d'un évêque, obhgé par consé-
quent à vivre d'une manière plus sainte que
le reste des hommes. Il en écrivit à Vectius ',
le conjurant, par la pureté de sa conscience,
de porter Germanique à penser à lui et à se
hâter d'effacer ses fautes secrètes en embras-
sant la profession religieuse.
La lettre à Polème, préfet des Gaules, est
pour le prier de ne pas oublier ses anciens
amis ^, et de voir qu'il considérait dans Si-
doine, en lui écrivant, ou un patrice, s'il es-
timait les grandeurs du monde présent, ou
un évêque , s'il portait ses vues au-delà des
temps. Il promet, dans celle qu'il écrivit à
Claphius 3, d'aller euRouergue faire la dédi-
cace de l'église qu'il y avait fait bâtir, et té-
moigne un grand désir de l'en voir un jour
évêque , quand Dieu aurait apaisé la persé-
cution que l'on souffrait sous les Visigoths.
Ayant prié un jour Ruricius * de retirer de
Léonce un de ses propres écrits pour le lui
renvoyer, Ruricius le lut et le trouva si beau
qu'il en fitfaire unecopie. Ensuiteillerenvojra
à saint Sidoine , en s'excusant du vol qu'il
avait fait. Le saint agréa, non-seulement sa
lettre et ses excuses, mais le vol dont il s'ac-
cusait. Le comte Arbogaste lui ayant demandé
l'explication de quelques ditficultés de l'Ecri-
ture sainte ^, il s'en excusa et le renvoya aux
illustres pères des Gaules, nommément à saint
Loup de Troyes et à Auspice de Tout, l'as-
surant que quelques questions qu'il pût pro-
poser à ces deux évoques, il n'épuiserait
pas une source de doctrine aussi féconde que
la leur. Luconce souhaitait d'avoir de saint
Sidoine quelque pièce de poésie. Pour le sa-
tisfaii'e '', il lui envoya une épigramme qu'il
avait faite, à la prière de saint Perpétue,
évêque de Tours, pour mettre à la nouvelle
église que ce saint avait fait bâtir sur le tom-
beau de saint Martin. Ainsi l'on doit mettre
la lettre à Luconce après l'an 461 , saint
Perpétue n'ayant été fait évêque de Tours
qu'après cette année-là. Sidoine s'excuse en
ces termes à Florentin ^, qui s'était plaint
de ce qu'il ne recevait point de ses lettres ,
et de ce qu'il tardait trop à le venir voir :
« Je viens et je vous écris. »
La lettre à Domnitius est une description
de l'entrée que Sigismer fit, en allant épou-
ser la fille du roi des Visigoths, dans Lyon ou
dans quelque autre ville où saint Sidoine se
trouvait alors ^ Celle qu'il écrivit à Aper ' est
pour le prier, au nom de toute l'Auvergne,
où il avait été élevé , d'y venir quelquefois.
Nous avons remarqué ailleurs qu'il se défen-
dit de continuer l'histoire de la guerre d'At-
tila "*, dontLéon, ministre d'Euric, l'avait fait
charger, par un nommé Hesper qui retour-
nait de Toulouse à Clermont. Dans la lettre
à Procule ", il fait tous ses efforts pour obte-
nir le pardon de son fils , qui avait quitté la
maison paternelle pour s'enfuir. Dans un
voyage qu'il faisait à Toulouse, un nommé
Turpion, malade à la mort, et pressé de ren-
dre une somme qu'il avait empruntée '^, avec
l'usure et les intérêts qui se montaient au
double, le pria de lui obtenir un délai de son
créancier nommé Maxime. Saint Sidoine,
dont il était ami, l'alla trouver aune maison
de campagne qu'il avait auprès de Toulouse.
« Quand j'arrivai, dit-il, Maxime vint lui-
même au-devant de moi, mais fort changé. Je
lui avais vu ordinairement le corps droit, la
démarche aisée , la voix libre et le visage
ouvert : alors la posture, le pas, la parole, la
couleur, la modestie, tout sentait la religion.
11 avait les cheveux courts, la barbe longue,
suivant l'usage des clercs des Eglises des
Gaules et de tout l'Occident, des selles à trois
pieds , des rideaux de grosse étoffe à ses
portes ; point de plumes à son lit , point de
pourpre sur sa table. Il faisait une chère
honnête, mais frugale, avec plus de légumes
que de viandes; et ce qu'il y avait de meil-
leur était pour ses hôtes et non pour lui-
même. En nous levant de table, je deman-
dai tout bas aux assistants, lequel des trois
genres de vie il avait embrassé : s'il était
moine , clerc ou pénitent. On me dit qu'il
1 Epist. 13, pag. 948.
3 Epist. 15, pag. 950.
° Epist. 17, pag. 952.
2 Epist. 14, pag. 949.
'• Epist. 16, pag. 951.
■ » Epist. 18, pag. 953.
' Epist. 19, pag. 956. — 8 Epist. 20, pag. 957.
s Epist. 21, pag. 958. — 'o Epist. 22, pag. 960.
" Epist. 23, pag. 961. — '2 Epist. 24, pag. 962.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
389
était depuis peu chargé du sacerdoce, où l'af-
fection de ses citoyens l'avait engagé malgré
lui. 1) Saint Sidoine lui proposa de donner du
temps àTurpion. Maxime lui accorda un dé-
lai d'un an , en déclarant qu'il lui remettait
encore tous les intérêts, et en promettant, si
Turpion venait à mourir, de ne rien demander
à ses enfants, que ce qui conviendrait au de-
voir de sa profession. (( Dieu me garde ', dit-il,
étant clerc, d'exiger d'un malade ce que j'au-
rais eu peine d'exiger de lui en santé, lorsque
je servais dans les armées. » Saint Sidoine
relève Leaucoup cette action de Maxime;
mais en témoignant toutefois , qu'en laissant
à Turpion les intérêts de la somme qu'il lui
avait prêtée, il n'avait rien fait qu'en hon-
neur et en conscience ; parce que si les lois
i-omaines permettaient l'usure, elle était dé-
fendue par les lois de Dieu et de l'Eglise.
Il est parlé dans la lettre à Domnulus -,
d'un concile provincial pour l'élection d'un
évêque de Châlons-sur-Saône. Saint Patient
de Lyon y présida en qualité de métropoli-
tain. Les suffrages du peuple se trouvant
partagés , saint Patient et saint Euphrone
nommèrent pour évêque de cette ville un
saint homme nommé Jean, qui, après avoir
été fait lecteur dès son enfance, avait en-
suite été élevé à la dignité d'archidiacre, et
enfin à celle de prêtre. Saint Sidoine manda
cette élection à Domnulus, homme de piété
qui se retirait souvent dans les monastères
du Mont-Jura, ou de Saint-Claude.
5. La lettre à Nymphidius ^, est un éloge
de Mammert Claudien et de son ouvrage sur
la Nature de l'âme. Il marque dans celle qu'il
écrivit à Apollinaire son ami *, que le trem-
blement et la confusion où il était entré
lorsqu'il s'était vu engagé dans l'épiscopat,
dont il se croyait indigne, l'avait fait tomber
dans une maladie qui l'avait conduit jus-
qu'aux portes de la mort; mais qu'en étant
revenu, il était résolu de profiter de la vie
que Dieu lui avait rendue pour se corriger
de ses fautes passées, de crainte de trouver
dans la santé de son corps la mort de son
âme. On voit par la lettre à Syagrius, fils du
général Gille, que les Bourguignons avaient
un langage différent du latin s. Saint Sidoine
prie Syagrius de ne pas tant aimer ce lan-
gage, de peur qu'il n'oubliât le latin. Les let-
tres à Apollinaire et à Thaumastus ^, regar-
dent l'accusation que l'on formait contre le
premier, de vouloir soumettre la ville de
Vaison à l'empereur. Saint Sidoine décou-
vrit la source de cette accusation ' qui ne fit
aucune impression sur Chilpéric, roi des
Bourguignons, parce qu'elle n'était pas fon-
dée. Saint Sidoine n'était plus apparemment
sous la domination de ce prince ^, lorsqu'il
témoigna approuver les vers satiriques que
Sécundin avait faits sur les dissensions qui
régnaient parmi les princes des Bourgui-
gnons. Dans sa lettre à Sapaudus ', il le con-
gratule de ce que son amour pour les scien-
ces lui avait mérité l'aâ'ection d'un homme
de qualité nommé Pragmace, qui avait lui-
même raison d'aimer les sciences dans les
autres, puisque c'était surtout par son éru-
dition et par son éloquence, qu'il était entré
dans une famille patricienne, et parvenu aux
grandes charges. Il plaint au contraire Cal-
minius son ami '", d'avoir été tellement en-
gagé avec les Visigoths, qu'il avait été con-
traint de porter les armes contre sa propre
patrie qui était l'Auvergne. La lettre à Aper*',
est pour l'inviter à la solennité des Roga-
tions, que saint Sidoine avait établies à Cler-
mont. L'évêque Ruricius avait envoyé copier
chez saint Sidoine les sept premiers livres de
l'Ecriture. Le saint se donna la peine de re-
voir la copie, de même que celle du volume
des Prophètes, qu'il déchargea de plusieurs
additions superflues. Lorsque le copiste eut
achevé, saint Sidoine le l'envoya avec une
lettre où il fait l'éloge de son industrie *^, de
la vitesse avec laquelle il écrivait, et de la
netteté de son écriture. Il écrivit vers la fin
de l'an 474 '3, à Papianilla sa femme, pour
lui donner des nouvelles de sa fille Roscia
qu'il avait vue en passant à Lyon, et pour
lui apprendre que l'empereur Népos envoyait
à Egidius, son frère, les provisions de la di-
gnité de patrice. Il parle, dans la lettre qu'il
écrivit étant encore jeune, àEriphius '*, de la
fête que l'on faisait annuellement en l'hon-
1 Absit a me, inqvM Maximus, ut hœc reposcam
clerkus ah œgro, quœ vix petissem miles, a sospite...
Egi ad hœc grattas Deo maximas, hospiti magnas,
qui sic amaret tam suatn famam, quam suant cons-
cientiam. Sidon., lib. IV, Eplst. 24, pag. 965.
"^ Sidon., Epist. 25, pag. 966.
3 Epist. 2, pag. 970. — 4 Epist. 3, pag. 971.
s Epist. 5, pag. 972. — <^ Epist. 6, pag. 974.
7 Epist. 7, pag. 975. — 8 Epist. 8, pag. 978.
s> Epist. 10, pag. 982. — i» Epist. 12, pag. 984.
" Epist. 14, pag. 986. — i'- Epist. 15, pag. 987.
»' Epist. 16, pag. 988. — 1* Epist. 17, pag. 990. [Ou
voit aussi dans cette lettre que tous les ans on célé-
brait solennellement la fête de tous les saints.]
390
HISTOITIE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
neur de saint Jusle à Lyon , dans une fort
grande église où était son tombeau : elle
était précédée des vigiles de la nuit. Le con-
cours du peuple y était très-nombreux; l'é-
vêque s'y trouvait, le clergé et les moines y
chantaient les psaumes et le reste de l'office
alternativement; la messe se disait à l'beure
de tierce ; l'église était illuminée par un grand
nombre de cierges ou de lampes. Sidoine pro-
mit ' le pardon à un esclave qui avait enlevé
la fille de sa nourrice, si Pudent, de qui cet
esclave dépendait, lui accordait la liberté
afin qu'il épousât celle qu'il avait enlevée.
Livre VI. 6. Lcs livres précédents contiennent,
comme on Fa vu, les lettres de saint Sidoine
à toute sorte de personnes ^. Celles qu'on
trouve dans les deux livres suivants, ne sont
qu'à des évoques. Il en avait reçu une sur
son élection, de saintLoup évèque de Troyes,
également remplie de marques d'amitié ,
d'estime et d'avis importants pour le gou-
vernement de l'Eglise qu'on lui avait con-
fiée. Saint Sidoine l'en remercia par une
lettre où il paraît pénétré des sentiments de
rbumilité la plus sincère. Après y avoir fait
l'éloge des vertus de saint Loup et de ses
travaux pour l'Eglise, il lui dit qu'il se tien-
dra trop heureux^ si ses prières lui peuvent
obtenir de Dieu, nou la récompense d'une
vie pure, mais le pardon de ses péchés. Saint
Loup avait déjà passé quarante -cinq ans
dans l'épiscopat, lorsque saint Sidoine lui
écrivit cette lettre. Les deux lettres suivan-
tes, l'une à Pragmase, qu'on croit avoir été
évèque de Bourges; l'autre à Léonce d'Ai'les,
ne sont que des lettres de recommandation.
Celle qui est à saint Loup, traite d'une af-
faire particulière qui arriva à Clermont. Une
femme, ayant été enlevée par des bandits, fut
vendue publiquement dans cette ville à un
marchand, par un nommé Prudent qui sou-
tenait qu'elle lui appartenait légitimement;
quelque temps après, les parents de cette
femme ayant appris qu'on l'avait vue à Cler-
mont, vinrent pour la chercher. Ils trouvè-
rent qu'elle était morte, et voulurent en faire
un procès à Prudent comme receleur et as-
socié des bandits qui l'avaient enlevée.
Comme on les assura que Prudent était alors
à Troyes, ils y allèrent avec une lettre que
saint Sidoine leur donna pour saint Loup ^.
Saint Sidoine le priait d'accommoder cette af-
faire, de peur qu'elle ne finit par le sang
comme elle avait commencé : car le bruit
était, que lorsque ces scélérats avaient enlevé
cette femme, ils avaient tué quelques-uns
de ceux qui l'accompagnaient. La lettre à
Eutrope, qui paraît avoir été évèque d'O-
range, est une lettre d'amitié. Comme cet
évèque avait un don et une onction particu-
lière pour animer les autres à la piété et à
la componction par ses vives exhortations,
saint Sidoine le prie de répandre cette grâce
jusque sur son âme *, qui languissait dans la
faim et dans l'ignorance. On met cette lettre
après que les Visigoths se furent retirés de
l'Auvergne, vers la fin de l'an 473 ou 474.
Son humilité ne parait pas moins dans sa
lettre à Fontéius ^, fait depuis peu évèque
de Vaison. Il lui demande le secours de ses
prières dans la charge qu'on lui avait impo-
sée, afin que si Dieu, par sa bonté, daignait
corriger ses mœurs corrompues, il pût s'en
croire redevable à sa charité. La lettre qu'il
écrivit à l'évéque Eleuthère ^, est pour lui re-
commander un juif. La raison qu'il donne
de cette marque d'affection pour une per-
sonne de cette nation, est que tant qu'ils vi-
vent, les Juifs peuvent devenir nos frères; et
à cause encore qu'on peut quelquefois agir
pour la justice, en agissant même pour les
méchants. Il fait dans sa lettre à Patient ',
l'éloge des vertus de ce grand évèque, rele-
vant les peines et les fatigues qu'il souffrait
pour retenir son peuple pressé par la faim,
et l'empêcher d'aller demeurer ailleurs. Il
employait pour cela, ses veilles, ses prières,
et de grandes sommes d'argent. Non content
de secourir les nécessités qu'il connaissait,
sa vigilance s'étendait dans les autres pro-
vinces et jusqu'aux extrémités des Gaules,
pour y consoler les affligés et subvenir aux
besoins des pauvres. Les misérables et les
languissants ne perdaient rien de ce qu'ils
ne pouvaient venir le trouver pour lui de-
mander l'aumône : sa main prévenait celui
qui ne pouvait se servir de ses pieds pour
venir à lui, et comme il n'était pas moins
touché de la pudeur des absents qui rougis-
saient de leur pauvreté, que des plaintes de
ceux qui pouvaient le rendre témoin de leur
indigence, il essuyait souvent les larmes de
1 Mpist. 18, pag. 993.
2 Lib. VI, Epist. l, pag
3 Epist. k, pag. 1001. -
995.
* Epist. 6, pag. 1002.
ii Epist. 7, pag. 1003.
I! Epist. 11, pag. 1008.
7 Epist. 12, pag. 1009.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
[V° SIÈCLE.]
plusieurs personnes dont il n'avait jamais vu
les yeux. « Heureux, lui dit sainl Sidoine,
de ne vivre que pour rendre les autres heu-
reux, et de faire sur la terre une œuvre
digue du ciel, en ayant pitié de l'indigent et
de la misère des membres de Jésus-Christ. »
Il remarque que de Lyon, saint Patient en-
voya par le Rhône et par la Saône, quantité
de blé.qu'il faisait distribuer gratuitement,
et dont il avait fait de grands magasins sur
le bord de ces rivières ; qu'il assista ainsi les
villes d'Arles, de Riez, d'Avignon, de Rheims,
d'Alby, de Valence et de phisieursautres vil-
les. Jusqu'à l'Auvergne; que son abstinence
et ses jeûnes le faisaient admirer de Chilpé-
ric, roi de Bourgogne, et de la reine dont
Lyon était alors le séjour; qu'il embellissait
tellement son église, que les spectateurs
doutaient avec raison en quoi il réussissait
plus heureusement, ou à construire de nou-
veaux ouvrages, ou à réparer les anciens;
qu'en divers endroits il avait bâti de nouvel-
les églises, et en d'autres, ajouté aux an-
ciennes de nouveaux ornements; que la foi
et la religion croissaient de jour en jour par
son ministère ; qu'il n'y avait que le nombre
des hérétiques qui diminuât, c'est-à-dire des
photiniens et des ariens, dont les dogmes
étaient suivis par la plupart des Bourgui-
gnons; qu'il avait su gagner leurs esprits fa-
rouches et sauvages par ses prédications
saintes, et les convaincre par la force de ses
raisonnements. Entre les églises que saint
Patient avait fait bâtir, il y en avait une à
Lyon, située entre la Saône et le grand
chemin, tournée à l'Orient équinoxial ', or-
née de lambris dorés, d'incrustations de mar-
bre et de mosaïques. Au devant il y avait
une cour environnée de trois galeries soute-
nues de colonnes d'Aquitaine, c'est-à-dire
de marbres des Pyrénées, et plus loin encore
d'autres galeries et d'autres colonnes. Ce fut
pour cette église que saint Sidoine fît une
inscription en vers que nous avons encore.
Il y a apparence que c'est de cette église
dont le saint parle dans une de ses lettres ^.
La solennité dura toute la semaine; les évê-
ques s'y trouvèrent suivant la coutume ;
Fauste de Riez y prêcha, et saint Sidoine fut
de ses auditeurs.
7. Reconnaissant que les calamités que
soufifrait l'Auvergne ^, étaient une punition
391
des péchés du peuple, il eut recours à la
miséricorde de Dieu en établissant dans son
diocèse les Rogations, que Mammert avait
depuis peu commencées à Vienne. Il écrivit
sur ce sujet à ce saint évêque au commen-
cement de 474 ou de 473, le priant au nom
des peuples de l'Auvergne, de les assister
de ses prières de même que par l'exemple
qu'il leur avait donné de prier. Il lui de-
manda en même temps des reliques de saint
Ferréol, martyr de Vienne, dont saint Mam-
mert avait trouvé le corps avec le chef de
saint Julien de Brioude, et qu'il avait trans-
portés dans une nouvelle église qu'il avait
fait bâtir sous le nom de Saint-Ferréol. Saint
Sidoine fait mention dans cette lettre de l'in-
vention des reliques de saint Gervais et de
saint Protais par saint Ambroise. Dans celle
qu'il écrivit à Agrécius évêque de Sens *, jl
lui marque que les évoques de la province
ne pouvant se trouver à l'élection d'un évê-
que de Bourges, il était bien aise qu'elle fût
autorisée par les métropolitains des autres
provinces, et que pour cet effet, il le priait
de s'y trouver, ajoutant que s'il s'en donnait
la peine, il montrerait que sa province pou-
vait a^oir des bornes, mais que sa charité
n'en avait point, comme la rehgion ne se di-
vise pas non plus par provinces. Nous avons
vu plus haut, que Licinien avait été chargé
de la part de l'empereur Népos, sur la fin de
l'an 474 ou 473, de ménager un traité avec
les Visigoths.
Saint Sidoine qui savait que l'évêque Ba-
sile ■' avait quelque part dans cette négo-
ciation , lui écrivit pour lui recommander
les intérêts de la foi, et pour presser qu'il y
eût un article dans le traité, qui donnât aux
catholiques soumis aux Visigoths, le pouvoir
d'ordonner des évêques; ce qu'Euric ne leur
permettait pas : car ce prince était non-seu-
lement séparé de l'Eglise catholique comme
arien, mais il était encore si aigri contre elle,
qu'il ne pouvait pas même en entendre par-
ler : eu sorte qu'on ne savait pas s'il était plus
le chef de sa nation que de sa secte. La plu-
part des églises étaient alors sans pasteurs,
l'épiscopat y ayant fini avec la vie des évê-
ques. Cela se voyait en particulier dans les
églises de Bordeaux , de Périgueux , de Ro-
dez, de Limoges, de Mende, d'Eausse, de
Bazas, de Cominges et d'Auch. Le défaut
1 Sidon., lib. I, Epist. 10, pag.
2 Lib. IX, Epist. 3, pag. 1092.
' Epist. 1, pag. 1014. — ' Epist. 5, pag
5 Epist. 6, pag. i 022.
1020.
392
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
d'évêque entraînait après lui la ruine de la
religion, puisque c'est aux évêques adonner
les ministres inférieurs aux églises, et à ra-
mener à la foi ceux qui s'en sont écartés.
Aussi le christianisme était presque éteint
dans ces diocèses, n'y ayant personne pour
veiller ni sur les villes, ni sur les paroisses
de la campagne. Les bâtiments même des
églises tombaient en ruine dans les bourgs
et les villages, ou demeuraient, les uns fer-
més par les seuls buissons qui y croissaient,
les autres ouverts aux ti'oupeaux qui y ve-
naient paître l'herbe jusqu'au pied du saint
autel. On ne fréquentait presque plus les
églises des villes, et les fidèles ne trouvaient
plus de consolation ni de secours, n'ayant
point d'ecclésiastiques pour leur en procu-
rer. C'était une grande tentation pour les
faibles de voir un aussi méchant prince
qu'Eui-ic comblé de tant de prospérités ;
mais saint Sidoine , considérant qu'il n'est
pas permis à des hommes de se rendrejuges
de la conduite de Dieu, ni de murmurer con-
tre les ordres de la Providence, disait : « Si
l'on y pense bien, l'on verra qu'il est dans
l'ordre que, cuisant dans la fournaise de la
Babylone de ce monde, nous pleurions,
comme Jérémie , la Jérusalem spirituelle, et
que l'Assyrien fasse tout trembler par le
faste de sa puissance souveraine, et ose fou-
ler aux pieds le Saint des Saints. Pour moi,
ajoute-t-il, quandje considère les vicissitudes
des biens présents et à venir, j'en souffre
avec plus de patience les calamités publi-
ques, tant parce que je reconnais que, quel-
ques maux qui me puissent arriver, ils seront
toujours au-dessous des châtiments que je
mérite, et parce que je sais qu'il n'y a point
de meilleurs remèdes pour guérir et puj'ifier
l'homme intérieur , que lorsque l'homme
extérieur est battu dans l'aire de cette vie
par diverses sortes de souffrances. »
Saint Perpétue, évéque de Tours, de-
manda à saint Sidoine le discours qu'il avait
fait dans l'église de Bourges en présence du
peuple, lorsqu'on lui eut donné le pouvoir
de nommer un évêque pour remplir le siège
de cette ville qui était vacant. Saint Sidoine
joignit à ce discours une lettre à saint Per-
pétue ', où il relève la sagesse qu'il avait
acquise par son application continuelle à la
lecture, tant des livres sacrés que des écrits
des Pères qui en sont les interprèles. Le dis-
cours de saint Sidoine avait tellement plu,
que le peuple lui donna des applaudisse-
ments, sur quoi il leur adresse ces paroles :
« Faites par vos intercessions, que nous
soyons en effet tels que votre foi et votre
charité nous croient être, et travaillez à nous
élever au ciel plutôt par vos prières que par
vos acclamations. » Quoique le choix qu'on
avait fait de lui pour nommer un nouvel
évêque, lui fût honorable, il s'en plaignait
comme d'un pesant fardeau qu'on lui impo-
sait, surtout en présence d'Agrécius, arche-
vêque de Sens, plus ancien que lui. Il fît voir
aussi que ce choix l'exposait nécessairement
à la censure de plusieurs personnes qui ne
manqueraient pas de trouver des défauts
dans les vertus même de celui qu'il nomme-
rait, quel qu'il fût. Sur cela il parcourut les
différents états de, l'Eglise, pour montrer
qu'il n'était point aisé d'y trouver des per-
sonnes dont le choix pût être agréé généra-
lement. «Si je nomme, ajoute-t-il, quelqu'un
d'entre les moines, fùt-il d'un aussi grand
mérite que les Paul , les Antoine , les Hila-
rion , les Macaire , l'on dira qu'il est bon
pour remplir les devoirs d'un abbé et non
ceux d'un évêque. Si je nomme un clerc,
ceux qui sont plus jeunes que lui seront pi-
qués de jalousie^ et les anciens en murmu-
reront, la plupart étant persuadés que l'anti-
quité seule donne le mérite. Si je nomme
quelqu'un de la milice séculière, on objec-
tera aussi que je ne le fais que parce que
j'ai été tiré moi-même de cet état; que je
n'estime que ceux qui sont recommandables
dans le siècle, par leur naissance et par leur
dignité, et que je méprise les pauvres de Jé-
sus-Christ. Si je choisis un homme docte, on
s'écriera que son savoir l'a rempli d'orgueil.
Si c'est un homme instruit, il deviendra un
objet de mépris. Si c'est un homme sévère,
on l'aura en horreur comme un cruel. S'il
est d'une humeur indulgente, on blâmera sa
facilité. » Enfin le saint évêque après avoir
juré par le Saint-Esprit, qui, par la bouche
de saint Pieri-e a condamné la simonie dans
son auteur, qu'il n'aurait aucun égard ni à
l'argent ni à la faveur, il déclare qu'il ne
trouvait personne plus digne de l'épiscopat
que Simplice. Il était en âge d'occuper cette
place ; son esprit, son savoir et sa vertu l'en
rendaient digne.
La lettre à Ferréol ne devait pas trouver -
1 Epist. 9, pag. 1031 .
Epist. 12, pag. 1038.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, EVÈQUE.
[V SIÈCLE.]
place dans le septième livre qui ne devait
contenir qae celles qui étaient adressées à
des évêques. Mais saint Sidoine crut devoir
l'ajouter à celles-ci, persuadé qu'il ferait plus
d'honneur à Ferréol, en le mettant après les
évêques, qu'en le plaçant à la tête des séna-
teurs. Il le loue principalement de la sa-
gesse avec laquelle il avait administré la
préfecture dans les Gaules. La lettre sui-
vante ' est un éloge d'Himérius, disciple de
saint Loup, évêque de Troyes, qu'il appelle
le prince des évêques des Gaules. Il fait voir
dans celle qu'il écrivit à Philagrius ^, que
c'est proprement par l'esprit et parla raison
que l'on connaît les hommes, et non par les
yeux du corps. Il marque dans sa lettre à
l'abbé Cariobaudus ^, qu'il lui envoyait une
coulle pour se garantir du froid durant la
nuit; que son corps, desséché par les jeûnes,
avait besoin de cette couverture, soit pen-
dant la prière, soit pendant le sommeil. Vo-
lusien avait prié saint Sidoine d'honorer la
mémoire de saint Abraham, abbé de Cler-
mont, par quelques vers, pour lui servir
d'épitaphe. Saint Sidoine le fit, autant pour
contenter Volusien, que pour satisfaire à
l'affection qu'il avait toujours eue pour l'abbé
Abraham; mais il ne se chargea point de
représenter ses mœurs, ses actions et ses
vertus. Il marque dans la lettre qu'il écrivit
sur ce sujet *, que le comte Victorius s'était
chargé de la dépense de ses funérailles : par
là même il prie Volusien d'établir quelque
règle dans le monastère de saint Abraham,
d'avoir soin de la faire observer, et de punir
ceux qui n'obéiraient pas à Auxence établi
abbé de ce monastère depuis la mort de saint
Abraham. II lui donne le choix des statuts
des pères de Lérins ^, ou de ceux de Grigni,
établi comme l'on croit, dans le diocèse de
Vienne de l'autre côté du Rhône. La der-
nière lettre de ce septième livre ^, est adres-
sée à Constance prêtre de Lyon , auquel il
avait adressé le recueil de ses lettres, parce
qu'il les avait mises en un corps à sa prière.
Il lui dit dans celle-ci que chaque letti'e ne
traitant ordinairement qu'un seul sujet, si
elles ne sont pas assez bien écrites pour
plaire aux beaux esprits, elles auront du
393
moins l'avantage de n'ennuyer qui que ce
soit.
8. Il en publia un huitième livre aux ins- i
tances de Pétrone, alors l'un des plus grands
ornements des Gaules pour l'érudition et
pour l'éloquence '^. Dans sa lettre à Jean,
qui professait, ce semble, la grammaire et
la philosophie dans quelque ville de France ^,
il le loue des efiforts qu'il se donnait pour le
rétablissement des belles-lettres, qui allaient
eu décadence. On voit par celle qu'il écrivit
à Consentius, qu'il avait renoncé à la poésie,
depuis son épiscopat, aimant mieux alors
passer pour réservé et pour froid, que pour
enjoué. « Le temps est venu, dit-i), de ne
lire ni d'écrire rien que de séiieux, de pen-
ser moins à faire parler de nous dans la suite
des siècles, qu'à nous procurer le bonheur
de vivre éternellement, de songer tout de
bon qu'on examinera après notre mort, non
comment nous aurons écrit, mais comment
nous aurons vécu. » Il s'explique de môme
dans une lettre à Orésius ^. 11 envoya à Na-
mase, célèbre dans les Gaules pour son es-
prit et pour son éloquence, les ouvrages de
Varron et la Chronique d'Eusèbe qu'il lui
avait demandés'". On voit par un petit poème
qu'il envoya à Lampridius un de ses intimes
amis, quelle était la magnificence d'Euric,
roi des Visigoths. Il y dépeint tous les peu-
ples aux pieds de ce prince ", pour lui de-
mander, ou sa miséricorde, ou son amitié,
ou son secours.
Ruricius lui avait écrit une lettre pleine
de louanges. Saint Sidoine lui répondit dans
les termes les plus humbles, le priant de ne
point exercer son éloquence sur un sujet
aussi stérile. « Songez, lui dit-il, à guérir
mes langueurs par vos prières , et n'employez
point les charmes si dangereux d'une élo-
quence qui n'est que trop douce, à accabler
la faiblesse de mon âme encore toute ma-
lade, sous le poids d'une fausse gloire. Puis-
que votre vie est encore plus sainte que votre
éloquence n'est beUe '^, vous m'obligerez bien
plus de demander à Dieu pour moi la vertu,
que de me louer comme si je l'avais déjà. »
11 venait d'apprendre la mort de Lampridius,
qui avait été misérablement étranglé dans sa
1 Epist. 13, pag. J041. — ^ Epist. 14, pag. 1042.
3 Epist. 16, pag. 1046. — * Epist. 17, pag. 1046.
5 Fluctuantem regnlam fratrum destifutorum, se-
cuyidum statuta Lirinensium patrum vel Grinincen-
sium festinus informa. Sidon., lib. VII, Epist. 17,
pag. 1049.
6 Epist. 18, pag. 1049.
' Epist. 1, ibid. — 8 Epist. 2, ibid.
9 Lib. IX, Epist. 12, pag. 1108.
>o Epist. 6, pag. 1065.
11 Epist. 9, pag. 1067.
12 Epist. 10, pag. 1070.
394
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
maison par ses gens, lorsqu'il reçut une
lettre d'un nommé Lupus *, qui lui deman-
dait quelques-uns de ses vers.
Saint Sidoine lui envoya un poème qu'il
avait autrefois adressé à Lampridius, et prit
occasion de ce qu'il venait d'appi'endre de
sa mort, de lui faire une longue description
des bonnes et des mauvaises qualités de ce
célèbre poète, soit pour l'esprit, soit pour
les mœurs.
Sa lettre à Nonnécbius ^, est pour lui re-
commander im nommé Promotus, qui avait
abandonné depuis peu l'obstination des Juifs,
pour embrasser la foi de l'Eglise, aimant
mieux devenir habitant de la Jérusalem cé-
leste, que de se flatter de retourner un jour
dans la Jérusalem terrestre. L'évéque Prin-
cipe avait écrit à saint Sidoine pour lui re-
commander un de ses ecclésiastiques qui
avait quelque affaire en Auvergne. Mégé-
thius, c'est ainsi qu'il se nommait, ne man-
qua pas de parler à saint Sidoine des vertus
de son évêque. Un autre évêque, nommé
Entiole, lui en rendit aussi témoignage, de
même que de la sainteté de saint Rémi, son
frère. Lors donc que Mégéthius s'en re-
tourna, saint Sidoine le chargea d'une lettre
pour l'évêque Principe 3, où après lui avoir
donné toutes les marques possibles de son
estime et de son affection, il le priait de lui
écrire, et plus encore de prier pour lui, es-
timanl moins l'honneur que lui et son frère
pouvaient lui faire en lui écrivant beaucoup
de lettres, que le salut qu'ils pouvaient lui
obtenir de Dieu, quand même ils ne prie-
raient pour lui que rarement. 11 lui écrivit
une seconde lettre *, où il le priait d'obtenir
de Dieu d'être délivré des misères de celte
vie par une sainte mort.
Saint Prosper, évêque d'Orléans, l'avait
prié d'écrire la guerre d'Attila, le siège qu'il
mit devant cette ville ^, et de faire en même
temps reloge de saint Agnan, dont les mé-
rites égalaient ceux de saint Loup de Troyes,
et de saint Germain d'Auxerre. Sidoine après
avoir commencé cet ouvrage, trouva qu'il
était au-dessus de ses forces. C'est pourquoi
il l'abandonna, sans vouloir montrer à per-
sonne le peu qu'il en avait fait. Il pria donc
saint Prosper de le décharger d'une dette
dont il ne croyait pas pouvoir jamais s'ac-
quitter, lui promettant de faire bientôt quel-
que autre éloge de saint Agnan; apparem-
ment quelque poème. Nous n'en avons point
de lui en l'honneur de ce saint évêque. La
dernière lettre du huitième livre ^, est adressée
au prêtre Constance, pour le charger de ren-
dre public ce livre^ que Pétrone avait pris la
peine de corriger.
9. Il en publia un neuvième k la prière de umix.
Firmin d'Arles, illustre par sa naissance et
par sa piété '. Saint Euphrone d'Aulun l'ayant
prié de composer quelque ouvrage sur une
matière ecclésiastique, il s'en excusa, disant
qu'il n'avait ni la capacité de l'exécuter, ni
la témérité de l'entreprendre *. « Je ne le
pourrais faire, ajoute-t-il, sans me rendre
coupable d'arrogance, et sans blesser la bien-
séance, moi qui suis aussi vieux pécheur que
nouveau clerc, et dont la conscience est aussi
chargée que la science est petite. Quelque
part que cet écrit fût porté, on s'y raillerait
d'un auteur tel que je suis. Ne faites point
violence à ma pudeur, et laissez-moi me con-
soler du moins dans les ténèbres qui me ca-
chent. » Il paraît que saint Euphi'one lui
avait désigné la matière sur laquelle il sou-
haitait qu'il travaillât, et que c'était sur l'E-
criture sainte. Sa lettre fut apportée à saint
Sidoine par un évêque nommé Albison, et
par Proculus diacre ^. Fauste de Riez sou-
haitait de lier avec lui un commerce de let-
tres : saint Sidoine s'en défendit longtemps
sur ce qu'il n'osait comparer son style avec
l'élégance et la force de celui de Fauste;
étant peu en état de songer à polir et à étu-
dier les lettres, à cause que son esprit était
occupé par ses pertes et ses afflictions domes-
tiques. Mais la véritable raison qui l'empê-
chait d'entretenir ce commerce, c'est que la
paix faite entre les états des Romains et des
Visigoths, était sur le point de se rompre.
On gardait déjà les chemins comme entre
des ennemis; en sorte que ceux qui demeu-
raient dans des villes un peu éloignées, ne
pouvaient s'écrire sans mettre en danger les
porteurs de leurs lettres. Il prie Fauste de
l'aider par ses prières, à obtenir de Dieu la
grâce de purifier les taches de sa conscience,
et de n'être qu'à lui seul. [1 parle de quelques
discours que Fauste avait prononcés pendant
la solennité de la dédicace d'une église de
> Episf. 11, pag. 1072.
2 Epist. 13, pag. 1083. — ^ Epist. 14, pag
' Lit). IX, Epist. 8, pag. 1098.
1084.
Epist. 15, pag. 1086. — 6 Epist. 16, pag. 1087.
Epist. l, pag. 1090. — s Epist. 2, pag. 1091.
Epist. 3, pag. 1002.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
[V" SIÈCLE.]
Lyon , apparemment de celle que saint
Patient fit bâtir ', et qui fut achevée vers
l'an 470.
Dans une autre lettre, il nous apprend que
Fauste avait envoyé aux Bretons, ses com-
patriotes, c'est-à-dire, à ceux que les guerres
avaient contraints de passer dans les Gaules,
et de s'établir vers Nantes, un évêque nommé
Riocat. Il dit de cet évêque, qu'il est deux
fois étranger dans le monde, tant parce qu'il
y avait renoncé en entrant dans la profession
ecclésiastique , que parce qu'il avait été
obligé par les guerres des Anglais et des
Saxons, d'abandonner son pays et son peu.
pie. Riocat passa par Clermont et y fit quel-
que séjour, pendant lequel il montra à saint
Sidoine divers ouvrages de Fauste , qui ap-
paremment ne lui étaient pas inconnus, puis-
qu'il n'en dit rien de particulier. Mais un
moment après que cet évêque breton fut
parti, on avertit saint Sidoine qu'il portait
un ouvrage de Fauste, qui n'avait point en-
core paru. Il courut après lui, l'arrêta, défit
ses paquets, où il trouva ce qu'il cherchait,
et ne laissa point aller Riocat qu'il n'eût lu
cet ouvrage , et n'en eût fait copier divers
endroits. Il écrivit sur cela une grande lettre
à Fauste, où il lui reproche agréablement
ce lui avoir fait un secret de cet écrit. C'était
un dialogue divisé en deux livres, qui traitait
quatre sujets différents. Gennade n'en dit
rien, et nous n'avons aucun écrit de ce genre
parmi ceux de Fauste de Riez.
L'évêque Ambroise avait beaucoup gémi
sur la conduite d'un jeune homme de qualité^
parce qu'il avait vécu longtemps dans le désor-
dre; mais qui pour mettre fin à ses débauches
prit le parti du mariage. Saint Sidoine en
donna aussitôt avis à cet évêque, à qui il dit,
qu'il aurait été glorieux à ce jeune homme
de renoncer entièrement aux voluptés sans
se marier. « Mais, ajoute-t-il, il y en a peu
qui en passant de l'égarement à une vie ré-
glée, commencent par ce qu'il y a de plus
grand, et qui après s'être tout à fait aban-
donnés à eux-mêmes, rompent tout d'un coup
absolument avec leurs plaisirs. » Il rend té-
moignage que quoique ceux dont il parlait
ne fussent mariés que depuis peu, ils vivaient
déjà néanmoins avec tant de modestie, qu'on
1 Epist. 9, pag. 1099.
2 Epist. 6, pag. 1096. — s Epist. 7, pag. 1097.
* Epist. 17, pag. 1105. — s Epist. 13, pag. 1109.
^ Epist. 14, pag. 1114.
' Epist. 15, pag. 1117. — 8 Epist. 16, pag. 1119.
395
voyait en eux quelle différence il y a entre
l'amour honnête et réglé d'un mari pour
une femme, et les charmes trompeurs qu'on
trouve dans une passion déréglée. Il prie
Ambroise de leur obtenir de Dieu un eufant
ou deux, afin qu'ensuite ils embrassent la
continence, et que celui qui avait péché par
des plaisirs iUicites, s'abstienne même de ceux
qui sont permis. Il témoigne dans sa lettre
à saint Rémi ', l'estime qu'il faisait de quel-
ques-uns de ses discours, qu'un homme
d' .Auvergne lui avait apportés de Rheims. Il
avait envoyé à saint Loup de Troyes les sept
premiers livres de ses lettres, pour les voir,
et les donner ensuite à une autre personne.
Le saint évêque lui écrivit agréablement qli'il
se tenait offensé de ce qu'il faisait pré-
sent de ses ouvrages à d'autres plutôt qu'à
lai, et qu'il fallait qu'il se justifiât de cette
faute par une longue lettre. Saint Sidoine le
satisfit *. 11 y remarque que quoique les cor-
rections de saint Loup fussent toujours ac-
compagnées de charité ^, on ne laissait pas
d'en redouter la sévérité. 11 répondit à To-
nance, qui l'avait prié de lui faire quelques
vers pour réciter à table, qu'il ferait beau-
coup mieux de s'y entretenir de discours de
piété , ou que si cela était trop sérieux pour
son âge, d'y proposer et d'y résoudi'e quel-
ques questions curieuses et agréables sur la
philosophie et sur la nature. Il ne laissa pas
de lui faire quelques vers, et de lui envoyer
un poème qu'il avait fait vingt ans aupara-
vant, et qui n'avait pas encore paru. 11 ex-
phque dans sa lettre à Bourguignon ^, quel-
ques questions sur la grammaire que ce
jeune homme lui avait proposées. Saint Si-
doine allait finir son neuvième livre, lorsque
Gélase ', à qui il n'avait encore rien adressé
de public, lui demanda des vers, comme
il en avait envoyé à Tonance. Quelque ré-
pugnance qu'il eût alors pour ce genre d'é-
crire, il ne put se refuser aux instances de
son ami. Il fit encore un petit poème pour
Firmin *, qui lui avait demandé son dernier
livre; mais en déclarant qu'il ne voulait plus
rien donner au public, surtout en vers, à
moins que ce ne fût pour chanter les louan-
ges des martyrs, comme de saint Saturnin ^
et de quelques autres dont il avait éprouvé
^ Post Saturniniim, volo plectra content;
Quos patronorum reliquos probavi
Anxie duras mihi per labores
Auxiliatos.
Sidon., lib. IX, Epist. 16, pag. 1123.
396
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
le pouvoir et l'assistance dans ses adversités.
§11.
Des Poésies de saint Sidoine.
pancgyriquo 1 . Le rccuel ] des poésies de saint Sidoine ' ,
cl'AQlbéniiiis, i • i
pn?. 1120. fut rendu public avant celui de ses lettres;
mais comme il ne garda aucun ordre chro-
nologique dans la distribution de celles-ci,
il n'en garda point non plus dans la distribu-
tion de ses poésies. 11 aurait dû mettre en
premier lieu le poème qu'il fit en l'honneur
de l'empereur Avitiis, puis le panégyrique
de Majorien, et en troisième lieu celui d'An-
thémius qui succéda à Majorien, après la
mort de Sévère. Au contraire, le panégyri-
que d'Anthémius est placé le premier. Ce
prince qui fut fait empereur en 467, manda
à saint Sidoine qui était alors à Lyon, de le
venir trouver à Rome. Il y vint par les voitures
publiques qu'Anthémius lui fournit, et arriva
en cette ville Jorsqu'elle était toute entière
dans des réjouissances publiques, à cause
du mariage de la fille de l'empereur, avec
le patrice Ricimer. Sidoine allant un jour,
sur la fin de la même année, voir Basile qu'il
avait choisi pour son patron à la cour, celui-
ci hii proposa de faire le panégyrique d'An-
thémius, qui devait commencer son consulat
le premier jour de janvier 4:68, lui faisant
espérer qu'il en tirerait plus d'avantages qu'il
ne pensait. Sidoine s'y engagea, fit en vers
le panégyrique d'Anthémius, et le prononça
* en la solennité de son consulat, en présence
du sénat de Rome. C'était pour la seconde
fois qu'Anthémius était consul, l'ayant été
avant que d'être élevé à l'empire, lorsqu'il
n'était que particulier à Constantinople. C'est
pour cela que Sidoine commence son pané-
gyrique eu le congratulant sur son second
consulat.
panégïri.ti"e 2. Lc SBCoud pauégyriquo est celui de
pag. 1150. 1 empereur Majorien. Sidoine qui avait sou-
tenu quelques temps contre lui, le parti d'A-
vitus, son beau-père -, fut olDligé de céder
et de recourir aux grâces de son successeur.
Il vint à cet effet à Lyon où Majorien le reçut
bien et lui accorda sa grâce. C'était sur la fin
de l'an 458. Sidoine, soit par reconnaissance,
• soit pour mériter les faveurs de ce prince,
prononça son panégyrique en vers, lorsqu'il
était encore consul : car les empereurs ne
regardaient point celte dignité comme au-
dessous d'eux. Sidoine représenta à Majo-
rien les maux que la ville de Lyon avait souf-
ferts pendant les troubles de la dernière
guerre, et en prit occasion de suppher ce
prince de prendre soin de cette ville, et de
lui accorder quelques soulagements, pour
lui aider à se rétablir. Il lui demanda encore
la même grâce dans un autre petit poème
qu'il lui adressa en même temps ^, le priant
aussi de le décharger lui-même du tribut
qu'il était obligé de payer pour trois per-
sonnes.
3. Quoique les fastes marquent pour les /l^-fff'^''
consuls de l'an 456 *, Varane et Jean, on ne ""'•
peut douter que l'empereur Avitus n'y ait
pris le consulat, puisque Sidoine le dit en
termes exprès dans le panégyrique qu'il en
fit ^, et qu'il prononça le premier jour de
cette année, en présence du sénat et du peu-
ple. Il fut écouté avec de grands applaudis-
sements : mais les heureux succès qu'il y
promit à ce prince, particulièrement la con-
quête d'Afrique, n'eurent point leur accom-
plissement. Le règne d'Avitus ne fut ni long
ni heureux, ayant à peine régné quatorze
mois. On croit que le panégyrique qu'en fit
Sidoine, lui mérita une statue d'airain à
Rome, dans la galerie de Trajan, et que c'est
tout le fruit qu'il retira de ses vers. En ren-
dant son poème public ^, il l'adressa avec
une épigramme à Prisque Valérien, comme il
avait adressé à Pierre, secrétaire de Majo-
rien, celui qu'il avait fait à la louange de ce
prince ^.
4. Le poème à Féhx ^, est comme la pré- p^imehn-
face des suivants. Il avait prié saint Sidoine ""■
de recueillir en un corps toutes les différen-
tes pièces de poésie qu'il avait faites suivant
que les occasions s'en étaient présentées.
Quoique Sidoine sût combien il est dilii-
cile d'éviter la censure publique, il ne voulut
pas se refuser aux instances d'un ami. En
effet, ce recueil ne fut pas bien reçu de quel-
ques personnes, plus critiques que les au-
tres. Mais il ne laissa pas d'acquérir de l'hon-
neur et de la réputation à son auteur dans
le public, comme saint Sidoine l'avoue lui-
1 Lib. I, Epist. 1, pag. 839.
2 Carm. II, III, IV et V.
= Sidon., carm. XIII.
* Carm. VI et VII.
i> Modo principe sicrget consitle. Pag. H94; videSir-
mund., Not.
6 Carm. VIII, pag. 1223. — ' Carm. III, pag. 1158.
8 Carm. IX, pag. 1225.
CHAPITRE XXI. — SAINT SIDOINE APOLLINAIRE, ÉVÊQUE.
[V= SIÈCLE.]
même dans mie de ses lettres '. Félix à qui
il l'adressa, était patrice et fils de Magnus,
consul en 460. Saint Sidoine fait son éloge
dans le poëîiie qui sert d'épitre dédicatoire.
Il est composé de trois cent cinquante vers,
ou Ton trouve un abrégé méthodique de la
fable, avec les noms de presque tous les plus
célèbres poètes qui avaient écrit jusqu'alors.
5. Le poème à Ruricius et Ibérie ^, estl'é-
pitlialame que saint Sidoine composa avant
son épiscopat pour honorer leur mariage. On
ci'oit que ce Ruricius est le même qui fut
depuis évêque de Limoges. A l'égard d'ibérie
elle était fille d'Hommace, homme de qua-
lité. Elle renonça depuis au monde avec son
mari, pour vivre dans la retraite et dans la
continence. Un nommé CatuMn, ami de saint
Sidoine ^, lui avait aussi demandé un épi-
ihalame, il s'en excusa, disant qu'il n'y avait
pas moyen de travailler au miheu des Bour-
guignons. Il fait d'eux une description pleine
de railleries ; mais il ne la pousse pas comme
il aurait pu faire, de peur, dit-il, qu'on ap-
pelât ce poème une satire.
6. Il fit en vers l'épithalame de Polémius
et d'Arancole *, tous deux de la première
noblesse des Gaules. Comme Polémius avait
beaucoup de goût pour la philosophie et
l'astronomie, saint Sidoine l'entretient de ces
sortes de matières beaucoup plus que de
celles qui regardent le mariage.
7. Saint Sidoine n'avait pas encore rendu
public le livre de ses poésies, lorsqu'il fit un
voyage à Riez ^. Fauste qui en était évêque,
l'y reçut avec beaucoup de politesse, et par
une faveur toute extraordinaire, le mena voir
sa mère qui était une personne d'une grande
vertu. Saint Sidoine de retour chez lui,
adressa quelques temps après un poème à
Fauste, où il relève son mérite, et le remer-
cie tant du bon accueil qu'il lui avait fait,
que du soin qu'il avait pris de l'éducation de
son frère, dans un âge où il avait besoin
d'être sous la discipline d'un si bon maître.
Il parle, dans ce poème, d'une manière ho-
norable du monastère de Lérins, et des
gi'ands hommes qui y avaient demeuré, en-
tre autres de saint Honorât, de Maxime, de
saint Eucher et de saint Hilaire qui fut de-
397
puis évêque d'Arles. Gomme Fauste faisait
une profession particulière de piété, saint
Sidoine ne mêle rien des fables du paganisme
dans ce poème.
8. Le poème à Hommace, beau-père de
Ruricius ^, est une invitation pour venir cé-
lébrer, le 20 juillet (apparemment de l'an 471 )
la fête qu'il faisait pour la naissance de deux
de ses fils arrivée ce jour-là.
9. Il fait dans les poèmes suivants ', la
description d'une maison de campagne qu'il
avait à Avitac, des bains et des réservoirs
qui y étaient. Celui qui est adressé à Egdi-
tius, son beau-frère ^, est pour l'inviter, lui
et sa femme, à venir célébrer le jour de sa
naissance, qui tombait au cinquième de no-
vembre. Dans un voyage qu'il fit à Bordeaux
étant jeune, il logea chez un sénateur qui se
se nommait Pontius Léontius. 11 y fut reçu
magnifiquement. Ce sénateur avait un fils
nommé Paulin. Pendant le séjour que saint
Sidoine fit en cette ville, Pontius le mena,
ce semble, voir la maison qu'il avait à Bourg
sur la Garonne. C'est de cette maison dont
saint Sidoine fait la description dans le poème
adressé à Pontius '. Il composa ce poème
étant à Narbonne, depuis que cette ville élait
tombée entre les mains de Théodoric, roi
des Visigoths, c'est-à-dire, depuis l'an 462.
Il logeait chez un homme de lettres nommé
Consentius, avec lequel il allait quelquefois
rendre visite aux amis qu'il avait en ville.
Saint Sidoine voulut depuis reconnaître par
quelques vers, les politesses de son hôte :
mais Consentius le prévint et lui adressa de
Provence plusieurs pièces de poésie. Saint
Sidoine y répondit par un poème de plus de
cinq cents vers '", où il fait l'éloge de Con-
sentius, de son père qui était aussi très-ha-
bile dans les lettres, et de la vifie de Nar-
bonne, d'où ils étaient originaires l'un et
l'autre. Il joint à cet éloge celui de plusieurs
de leurs amis recommandables par leur sa-
voir, qui élaient aussi de Narbonne, savoir
de Léon, de Magnus, de Marcellin, de My-
ron, de Lympidius, de Marin, de Linius.
10. Il s'adresse dans son dernier poème ",
au Recueil qu'il avait fait de ses poésies. 11
lui marque la route qu'il doit prendre pour
Poème
Hommace.
Autres poè-
Pocraeàson
recueil de
l'Oésies.
' Lib. l, Epist. 1, pag. 839.
2 Carm. X, XI, pag. 1237.
3 Catulin lui en demande un. Carm. XII, pag.
Û245.
' Carm. XIV et XV, pag. 1230.
s Id., Gavm. XVI, pag. 1262.
« Carm. XVII, pag. 1270.
7 Carm. XVIII, XIX,, XXI, pag. 1271, 1274.
8 Carm. XX, pag. 1271.
3 Carm. XXII, pag. 1274.
10 Carm. XXIII, pag. 1283.
" Garni. XXIV, pag. 1302.
398
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Ecrils de
sniiit Sidoine
que nous n'a-
vons plus.
Jugement
des écrits de
saiol Sidoine,
se rendre chez ses principaux amis, nom-
mément chez ceux qui se mêhiient de litté-
rature. Son premier gîte devait être dans la
maison de Domitius, professeur de rhétori-
que dans la ville de Clermont; le second à
Brioude, en Auvergne. Il en devait faire huit
autres en divers autres endroits, dont un
était chez Papianille, femme de saint Sidoine.
^i . Nous n'avons plus la satire qu'il avait
faite ' contre une personne qui ne pouvait
supporter les jours heureux. Il ne dit point
ce qu'il entendait par là. C'est dans la lettre
qu'il éci'ivit étant encore jeune à Eryphius qu'il
fait mention de cette satire : peut-être ne la
rendit-il pas publique. Il marque dans celle
adressée à Mégétius, que cet évêque qu'on
croit l'avoir été de Belley, lui avait demandé
des Contestations ou préfaces de la messe ^. Ce
sont apparemment les Messes qui lui sont
attribuées par saint Grégoire de Tours ^, et
dont celui-ci forma un livre auquel il ajouta
une préface. Comme saint Sidoine ne voulut
montrer à personne * le peu qu'il avait fait
sur l'histoire d'Attila, il n'est pas surprenant
qu'il n'en soit rien venu jusqu'à nous. 11
écrivait beaucoup de choses ^, mais il en pu-
bliait peu.
ARTICLE n.
JUGEMENT DES ÉCRITS DE SAINT SIDOINE :
ÉDITIONS qu'on en A FAITES.
1. Les ouvrages de saint Sidoine, soit en
vers soit en prose, nous font voir quelle était
sa capacité dans les sciences humaines ^. Ils
le firent regarder de son temps comme un
homme très-docte, et le premier des Gaules
pour l'éloquence aussi bien que pour l'éru-
dition '. On ne craignit pas même de l'appe-
ler le réparateur de l'éloquence des anciens.
Mais il y avait, sans doute, de l'excès dans
cet éloge. Il convient lui-même ^, que la vé-
ritable éloquence était tout-à-fait dégéné-
rée; et que les plus éloquents de son siècle
ne l'étaient guère en comparaison de ceux
de l'antiquité. Aussi le mélange de tant de
nations barbares dans l'empire, avait-il cor-
rompu la pureté de la langue latine '. Ce qui
pouvait lui faire donner la qualité de répa-
rateur des lettres, c'est qu'il favorisait, au-
tant qu'il était en lui, les jeunes gens qui
s'appliquaient à l'étude, qu'il s'y appliquait
lui-même extrêmement'", et qu'il affectait de
ne se servir d'aucune expression qui ne fût
autorisée par de bons auteurs. On en trouve
néanmoins quelques-unes '* dans ses lettres
qui se sentent de la basse latinité alors en
usage dans les Gaules parmi le vulgaire. On
le compare aussi aux plus illustres poètes '-,
et on aurait pu le comparer aux plus célè-
bres orateurs pour le génie, pour la noblesse
et l'élévation des pensées, pour la solidité
du raisonnement, mais non pas pour le goût
ni pour la beauté de l'éloquence. Son style
est chargé d'antithèses, de métaphores trop
hardies, et de quantité de jeux de mots.
Souvent pour vouloir donner un tour trop
étudié à ses pensées, il se rend obscur et dif-
ficile à comprendre. Ses vers ont du feu et
des grâces '^ ; ils en auraient davantage, s'il
y traitait des m.atières plus intéressantes. La
plupart de ses lettres sont écrites avec beau-
coup d'esprit et de politesse. Il en changea
un peu l'air quand il fut évêque, croyant
qu'il était de son ministère de les écrire d'un
style moins étudié et plus familier. On y voit
presque partout que son caractère était la
douceur et l'affabilité; qu'il était bienfaisant;,
aimant tendrement ses parents, et sincère-
ment ses amis, quand une fois il avait éprouvé
leur fidéhté; que quoiqu'il aimât à dire avec
liberté ce qu'il pensait, il savait se taire à
propos. Son poème à Fauste de Riez, qu'il
fit étant encore laïque, est une preuve qu'il
n'avait point négligé en cet état l'étude de
l'Ecriture sainte. Mais il s'y appliqua beau-
coup plus depuis son élévation àl'épiscopat :
en sorte qu'il devint aussi instruit dans les
sciences divines, qu'il l'avait été jusqu'alors
dans les sciences profanes.
1 Lib. V, Epist. i, 7, pag 992.
2 Lib. VII, Epist. 3, pag. 1019.
3 Greg. Tur., lib. II HisL Franc, cap. xsn.
•> Sidon., lib. VllI, Epist. 15, pag. 1087.
^ Habet consuetudo nostra pro riiu ut et si paiica
edit, mulia conscribat. Lib. VII. Epist. 3, pag. 1019.
^ Sidonius, Avernorum cpiscopus... homo tam divi-
nis quam humanis ad iniegrum imbuius, acerque in-
génia, scripsit ad diversos diverso métro, vel prosa
compositum insigne volumen, in quo quid in liiieris
passif, ostendit. Genuad., de Vir. iHust., cap. xcii.
' Extant Mammerti Claudiani de Statu animée libri
très ad Sidonium scripti, in quibiis illum inter cœtera
laudmn elogia, potissimum diserlorum erudilissimum
virorum, ac veteris eloquentiœ reparatorem appellat.
Sirm., ex Maminert. Prcefat in oper. Sidonii.
8 Sidon., lib. VIII, Epist. 6.
5 Epist. 10.
1» Lib. VIII, Epist. 16.
" Sirm., in Epist. 10, lib. IV.
12 Sidon., lib. IX, Epist. 13.
'3 Geunad., ubi supra.
CHAPITRE XXII. — CONSTANCE, PRÊTRE DE LYON, ETC.
[V SIÈCLE.]
Les poésies de saint Sidoine furent impri-
mées séparément dans le Chœur des poètes,
à Lyon, en 1616, et dans le corps des an-
ciens poètes latins, mis souvent sous presse.
Longtemps auparavant, on avait imprimé
tous ses ouvrages en un volume in-folio ,
sans préface de l'éditeur et sans notes : on
n'y avait pas même marqué l'année de l'im-
pression, ni le lieu, ni le nom de l'éditeur;
mais les caractères et le papier font voir
l'antiquité de cette édition. Jean-Baptiste
Pins en donna une en 1498, à Milan, in-folio,
avec des commentaires. Elle fut réimprimée
à Bâle, en 1542, in-4°, chez Henri Pétri. Le
même imprimeur remit sous presse les œu-
vres de saint Sidoine en 1597, in-S". Nous en
avons une édition publiée à Lyon, chez Jean
de Tournes, in-8°, en 1552. Elie Vinet qui
en prit soin, marque que dans le manuscrit
dont il se servit, il y avait d'autres poésies à
la suite de celles de saint Sidoine, que le co-
piste semblait avoir cru être de ce père, mais
qui n'en étaient pas en effet. L'édition de
Wouver fut faite à Lyon, en 1598, chez Jean
Pilehotte, mais débitée à Paris, chez Am-
broise Drouart. Elle est enrichie de notes de
l'éditeur et de celles de Pierre Colvius. Elles
se trouvent dans l'édition de Fi'ancfort, en
1617, par Elmenhorstius. Jean Savaron ayant
399
revu les œuvres de saint Sidoine sur quel-
ques manuscrits, les fit réimprimer à Paris,
chez Adrien Périer, en 1598, in-S". Cette édi-
tion est sans notes; mais il en mit dans celle
qu'il publia en la même ville, en Î599 et en
1609, in-4'', et qui fut très-estimée des sa-
vants. Cela n'empêcha pas le père Sirmond
de penser à une nouvelle édition de saint
Sidoine : elle parut avec de nouvelles notes,
à Paris, en 1614 et 1652; puis dans la collec-
tion des ouvrages de ce père, en la même
ville, en 1696. On a aussi donné place aux
écrits de saint Sidoine, dans la Bibliothèque
des Pères de Lyon, en 1677. La lettre de saint
Sidoine sur le roi Théodoric, a paru avec
d'autres pièces, en 1589, in-folio, à Paris,
chez Nivelle. [L'édition donnée par Sirmond,
a paru de nouveau dans Galland, tome X,
pag. 461-626, avec des prolégomènes, dans
la Patrologie latine , tome LVIII. Grégoire et
Collombet ont publié, en 1836, une nouvelle
édition des écrits de saint Sidoine, en latin
et en français, avec des notes, Lyon, 3 vol.
in-8°. Les œuvres du saint évêque avaient
été aussi traduites par Ed. L. Billardon de
Sauvigny, Paris, 1787, en 2 vol. grand in-80.
Plusieurs extraits des poésies sont donnés
dans les Poètes chrétiens, par FéHx Clément,
Paris, 1857.]
CHAPITRE XXII.
Constance, prêtre de Lyon, et saint Auspice, évêque de Toul.
1. Constance à la prière de qui saint Si-
doine avait revu ses lettres ' pour faire un
corps de celles qui mériteraient d'être don-
nées au public, était son ami particulier, et
prêtre de l'Eglise de Lyon. Sa naissance était
illustre; il aimait extrêmement les belles-
lettres et ceux qui faisaient profession de les
cultiver. Il joignit à beaucoup d'esprit une
éloquence si persuasive ^, que quand il par-
lait publiquement sur une affaire, son senti-
timent l'emportait toujours sur celui des au-
tres, soit qu'il pensât comme eux^ soit qu'il
fût d'un avis différent, d'un jugement fin et
délicat, mais grave et solide ^. Les ouvrages
pleins de force lui plaisaient beaucoup plus
qu'une élégance molle et efféminée. Il ex-
cellait aussi dans la poésie. On voyait de lui
quelques vers hexamètres sur la muraille à
côté de l'autel de l'église * que saint Patient
avait fait bâtir à Lyon. Quoique très-appliqué
à la lecture des livres saints ^, il en lisait
quelquefois d'autres par raison de délasse-
ment. Il était déjà vieux et infirme lorsqu'il
revint à Clermont, vers l'an 473, pour tâcher
d'y réconcilier les esprits, et leur persuader
de se réunir pour leur commune défense
' Sidon., lib. I, Epist. 1.
2 Lib. IX, Epist. IG.
3 Lib. VU, Epist. 18, et lib. Vllt, Epist. IG.
•> Lib. Il, Epist. 10. — 5 Lib. VII, Epist. 18.
400
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
contre les Goths. Son voyage eut tout le
succès qu'on en attendait : quand il fut de
retour à Lyon, saint Sidoine lui écrivit une
lettre de remerciement au nom de toute la
ville, où il élisait ' : a Le peuple de Clermont
vous salue en vous remerciant de ce que
vous êtes venu remplir leur ville, non du
nombre de ceux qui vous accompagnaient,
mais de la grandeur de votre mérite. Quelle
joie pour ce peuple affligé, lorsque vous en-
trâtes dans cette ville à demi ruinée, envi-
ronné de tout ce qu'elle avait de monde!
Mais avec quelle sagesse saviez-vous leur
proportionner à tous vos discours , vous
rendre caressant aux enfants, gai à la jeu-
nesse, grave aux vieillards. Nous nous sou-
venons encore des larmes que vous répan-
dîtes comme un vrai père, lorsque vous vîtes
autour de la ville les maisons ruinées ou
brûlées, et les campagnes couvertes d'os
qu'on n'avait pas encore pu ensevelir. Avec
quelle force nous animâtes-vous ensuite à
réparer nos ruines! Mais nous n'oublierons
jamais, qu'ayant trouvé la ville déserte,
moins par l'épée de l'ennemi, que par les
partialités et les haines qui la divisaient, vous
y rétablîtes la paix, et y fîtes revenir ceux qui
l'avaient abandonnée. Nous nous regardons
donc comme entièrement à vous, et vous
comme tout à nous ; et nous savons que nous
ne nous trompons pas. Nous admirons encore
tous les jours, qu'une personne de votre âge
et de votre qualité, faible et infirme, nous
soit venue visiter de si loin, par le pur mou-
vement de sa charité, en surmontant même
toutes les difficultés d'un hiver très -rude.
Après cela il ne nous reste qu'à prier Dieu
qu'il prolonge votre vie autant que nous le
souhaitons, qu'il vous fasse aimer et être
aimé de tous les bons. Si vous avez quitté
notre ville, nos cœurs vous suivent partout.»
lîrriu do 2. Saint Patient, évêque de Lyon, souhai-
consianco. ^^■^-^^^ q^g j'qjj écrivit la Vie de saint Germain
d'Auxerre, s'adressa pour cela au prêtre
Constance, et il fallut lui en réitérer plu-
sieurs fois la prière, parce qu'il refusait de
s'engager à un travail, dont son humilité le
faisait croire incapable. Il l'entreprit donc.
Mais après avoir écrit cette Vie, il la tint
quelque temps seci'ète, jusqu'à ce que Cen-
surius, évêque d'Auxerre, qui en avait ouï
1 Lib. III, Epist. 2.
2 Surius, ad diem 31 julii.
3 Isid., de Script, eccles.
parler, l'obligea de la lui envoyer pour la
rendre publique. Nous l'avons encore au-
jourd'hui avec deux lettres de Constance ^,
dont l'une est adressée à saint Patient, et
l'autre à l'évêque Censurius. Constance n'y
prend point d'autre quahté dans l'inscription
que celle de pécheur. Elles sont l'une et l'au-
tre des preuves d'une profonde humilité.
Saint Isidore de Séville ^, en parlant de la Vie
de saint Germain, qualifie Constance évêque.
Mais on croit qu'il y a faute : quoiqu'il ne
soit pas impossible qu'après avoir été prêtre
de Lyon, il n'ait exercé les fonctions d'é-
vêque dans quelques églises que nous ne
connaissons pas.
3. Saint Auspice , que l'on compte pour le saim aus-
cmquieme eveque de Tout et successeur im- ootoui.
médiat de Celsin *, se rendit célèbre parmi
les évêques des Gaules, par son éloquence,
et par son profond savoir; par sa foi, par ses
œuvres, et par toute sorte de mérites. Saint
Sidoine Apollinaire qui était , dans le même
temps, évêque de Clermont en Auvergne,
ayant été prié par le comte Arbogaste de lui
donner quelque explication des livres sacrés,
lui écrivit qu'il ne devait pas chercher d'au-
tres lumières que celles qu'il avait autour de
lui , non-seulement dans Jamblique évêque
de Trêves, homme parfait et qui possédait
toutes les vertus et dans son cœur et dans
l'estime des hommes; mais encore dans saint
Auspice évêque de Toul. Le comte Arbo-
gaste était gouverneur de Trêves. Il avait la
réputation d'un homme juste, chaste, sobre,
illustre en toute sorte de bonnes qualités. Il
était éloquent, et conservait la pureté de la
langue latine; et semblable aux capitaines
l'omains, il savait manier également la plume
et l'épée. Il était bon et civil, et gouvernait
avec beaucoup de sagesse la ville de Trêves.
Il aimait aussi la lecture des livres saints : en
sorte qu'on pouvait dire qu'étant laïque, il
avait le mérite et les qualités d'un évêque.
Mais on craignait qu'il n'eût un peu trop d'at-
tachement pour les richesses, en un temps où
ceux qui étaient les plus avides à en amas-
ser, ne pouvaient à cause des guerres, ni les
garder pour eux, ni les laisser à leurs enfants.
Saint Auspice, qui l'avait vu depuis peu à
Toul ^, lui écrivit quelque temps après son
retour à Trêves, pour l'exhorter à s'examiner
* Sid., lib. IV, Epist. 17.
'■^ Ausp., Epist. ad Arbogast., pag. 218. Ih'st. Tull.
V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
401
rigoureusement lui-même et à arracher jus-
qu'aux moindres racines d'un vice si dange-
reux, s'il s'en reconnaissait coupable. Le re-
mède qu'il lui prescrit pour cela *, est de
s'abstenir tellement du bien d'autrui , qu'il
donnât même le sien pour la nourriture et
l'entretien des saints et des pauvres. C'est
par là qu'il veut que le comte Arbogaste se
prépare à la dignité de l'épiscopat, qu'il dit
lui être destinée. 11 semble même ajouter
qu'elle lui avait été promise publiquement
par une voix venue du ciel. Cettre lettre de
saint Auspice, qui est une espèce de poème,
est le seul monument qui nous reste de sa
science et de son zèle. On l'a imprimée dans
les Annales des Trêves, dans les recueils de
Duchesne, et depuis dans VHistoire ecclésias-
tique et politique de Toul, qui parut en cette
ville en 1707. [On la trouve au tome LXP de
la Patrologie latine, col. 1005.]
CHAPITRE XXni.
Saint Simplice [en 483] et saint Félix [en 492], papes; Acace de
Gonstantinople [en 489], et quelques autres évêques d'Orient.
1. Après la mort du pape saint Hilaire, ar-
rivée en 467. on élut pour lui succéder Sim-
plice de Tibur ou Tivoli, fils de Castin, qui
tint le Saint-Siège pendant quinze ans, un.
mois et sept jours. Tout ce qu'on sait de lui,
à l'exception de ses lettres ^, c'est qu'il dédia
l'église de Saint-Etienne au mont Célius ,
celle de Saint-André au mont Esquilin , une
autre de Saint-Etienne près Saint-Laurent, et
une de Sainte-Bibienne; qu'il établit des prê-
tres semainiers qui fussent toujours à portée
de certaines églises pour administrer le bap-
tême et la pénitence»en cas de nécessité, sa-
voir : à Saint-Paul, pour le premier quartier
de Rome ; à Saint-Laurent, pour le troisième ;
à Saint-Pierre, pour le sixième et le septième.
Il y a apparence que les Goths occupaient
alors les autres quartiers. Le Pontifical ajoute
que ce saint pape fit trois ordinations au mois
de décembre et de février, où il ordonna cin-
quante-buit prêtres, onze diacres et trente-
six évêques en divers lieux.
2. Il nous reste de lui plusieurs lettres ^,
dont la première est adressée à Zenon, évé-
que de Séville. Il le loue de ce que, par la
ferveur du Saint-Esprit, il gouvernait son
Eglise avec tant de zèle, qu'il la préservait
du naufrage au milieu des tempêtes que les
guerres et l'hérésie arienne excitaient alors
dans tout l'Occident. C'est pourquoi il l'éta-
blit par cette lettre son vicaire en Espagne,
pour veiller à la conservation des décrets
apostoliques et des règles des saints Pères.
Cette lettre est sans date.
3. La lettre qu'il écrivit à Jean, évêque
de Ravenne *, est datée du 30 de mai 482.
Celui-ci avait ordonné Grégoire, évêque de
Modène, malgré son opposition, et avec vio-
lence, l'ayant fait traîner par force devant
lui. Ce n'était pas ce qui rendait criminel le
fait de Jean, car l'histoire nous fournit divers
exemples de semblables ordinations qui n'ont
point été désapprouvées ; mais il paraît que
l'intérêt avait été le motif de Jean, et qu'il
n'avait ordonné Grégoire que pour le dépos-
séder d'une terre que le clergé de Ravenne
tenait de lui. Saint Simplice lui écrivit donc
d'une manière très-forte, en le menaçant que
s'il ordonnait à l'avenir quelqu'un de cette
manière, il le priverait du droit d'ordonner
non-seulement dans sa province en qualité de
métropolitain, mais même dans son Eglise.
Le pape l'eût même privé dès-lors de ce
droit, sans une raison qu'il aimait mieux,
dit-il, lui faire dire de bouche, par l'évêque
Projectus. Il ordonne toutefois que Grégoire
LeltreàJean
(le HoTenae.
' Tu quœso, fin unice, sic ab alienis obstiné, ut tua
sanctis tribuns, illudque super omnia memor in corde
rétine, quod te jam sacerdotio prœfirjurutam teneo.
Hanc quœso serva gratiam et illis cresce meritis, ut
prœlocuta populis vox ccclo sacra veniat. Ausp., Epist.
ad Arbog.
2 Lib. Pontifie, tom. IV Concil., pag. 1065.
X.
3 Tom. IV Concil., pag. 1068. [II y en a dis-neuf,
parmi lesquelles il s'en trouve une d'Acace; elles
sont au tome LXIII de la Patrologie latine, col. 31
et suiv. , avec notes et observations d'après Mansi ,
Collect. des Conciles.]
'» Epist. 2, pag. 10G8.
26
402
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
gouvernera l'Eglise de Modène, à la charge
de n'avoir rien à démêler avec Jean , et que
s'il avait quelque affaire en demandant ou
en défendant, il s'adresserait au Saint-Siège :
«et pour le soulager, ajoute le pape, dans la
nécessité où vous l'avez réduit, il aura près
de Bologne une terre de trente sols d'or de
revenu, libre pendant sa vie ; » la propriété
de cette terre était conservée à l'Eglise de
Ravenne, dont elle dépendait apparemment.
LeiireàFio- 4,. La lettre adressée auxévêques Florent,
rent, Severe . ^
et Equice. EquicB ct Scvèrc ', est du 19 novembre
de l'an .475. Ils avaient écrit au pape que
Gaudence, évêque d'Aufînium dansl'Abruzze
ultérieure, avait fait des ordinations illicites,
aliéné des serfs qui appartenaient à son
Eglise, et s'était approprié pendant trois
ans les trois quarts des revenus de l'Eglise,
qui devaient être distribués pour l'entretien
et les réparations des églises, pour les étran-
gers et les pauvres, et pour les ecclésiasti-
ques. Tous les faits dont on accusait Gau-
dence étaient constatés par des procès-ver-
baux qu'on en avait dressés. Saint Simplice
ordonne donc par sa lettre que Gaudence
serait privé à l'avenir du pouvoir d'ordonner,
et que l'évêque Sévère exercerait cette fonc-
tion dans l'Eglise d'Âufinium, s'il en était
besoin ; que ceux que Gaudence avait or-
donnés contre les règles seraient privés du
ministère ecclésiastique; qu'il serait contraint
par Sévère de restituer les biens de l'Eglise
qu'il s'était appropriés sans raison, et les es-
claves qu'il avait vendus ; que dans la suite
il aurait seulement le maniement de la qua-
trième partie des revenus de l'Eglise ^ et
des oblations des fidèles ; que deux autres
portions seraient employées aux réparations
des églises et à l'entretien des étrangers et
des pauvres, et administrées par le prêtre
Onagre, qui serait lui-même puni de dépo-
sition , s'il en abusait ; que la quatrième
partie se distribuerait aux clercs selon leurs
mérites.
Lciireàrom- 5. L'empcrBur Zenon ayant abandonné
non. lâchement l'empire à Basilisque, en 473 ^, ce
prince n'eut pas plutôt commencé à régner,
qu'il se déclara l'ennemi de la foi orthodoxe
et de l'Eglise. Il rappela Timothée Elure,
banni dix-huit ou seize ans auparavant pour
avoir fait tuer saint Protère, évêque d'Ale-
xandrie , et s'être emparé de son siège.
Pierre-le-Foulon, le compagnon des crimes
de Timothée et de sa condamnation, fut aussi
renvoyé à Antioche. Gomme ils étaient l'un
et l'autre ennemis déclarés du concile de
Chalcédoine, ilç persuadèrent à l'empereur
Basilisque de condamner ce concile et la
lettre de saint Léon à Flavien, par une lettre
circulaire adressée à tous les évêques. Timo-
thée et Pierre y souscrivirent les premiers
et furent suivis d'un si grand nombre d'évé-
ques, qu'Acace de Constantiuople fut le seul
des patriarches qui ne se laissa point entraî-
ner à la prévarication. Pour en marquer de
l'horreur et exciter les peuples autant par
ses actions que par ses paroles à la défense
de la foi, il s'habilla de noir et, contre l'usage
des Grecs, couvrit de draps de même cou-
leur le trône épiscopal et l'autel. Quelques
prêtres et quelques abbés et moines de Cons-
tantinopïe, qui avaient du zèle pour la foi
catholique, envoyèrent par un laïque nommé
Epiphane, au pape Simplice, une relation de
ce qui se passait à l'occasion de Timothée
Elure, le priant d'envoyer quelqu'un de sa
part pour défendre l'Eglise. Ce pape ne fut
pas moins touché du renouvellement des
troubles de l'Eglise, que surpris de ce qu'A-
cace ne lui en avait rien écrit. Mais, pour ap-
porter un prompt remède aux maux de l'E-
glise, il écrivit non à Zenon, comme portent
les imprimés, mais à Basilisque même, ainsi
qu'on lit dans un manuscrit cité par le Père
Labbe, et que le demande la suite de l'his-
toire. Dans sa lettre, qui est du 10 janvier de
l'an 476 *, il représente à ce prince les cri-
mes énormes dont Timothée s'était souillé
et le danger qu'il y avait pour les âmes sou-
mises à un pasteur de ce caractère, qui n'a-
vait pas craint de répandre le sang de saint
Protère, évêque d'Alexandrie, pour s'emparer
ensuite de son siège. Il l'exhorte à s'armer
du zèle de Dieu pour reconnaître les bienfaits
qu'il en ^vait reçus ; à ne point souffrir que
l'on donnât atteinte au concile de Chalcédoine
et à la lettre de saint Léon à Flavien, ni à ce
qui avait été fait par le commun consente-
1 Epist. 3, pag. 1069.
2 De redditibus Ecctesiœ vel ohlaiione fidelium, quid
ducat nescienti, nihil licere permittat, sed so/a ex lus
quarta portio remittatur. Duœ ecclesiasticis fabricis
et erogntioni peregrinorum et paupei-um profuturœ ab
Onagro presbytero sub periciilo sut ordinis minislren-
tur : ultima inter se clericis pro singulorum merilis
dividatur. Simplic, Epist. 3 ad Floren., tom. IV
Concit., pag. 1069.
3 Epist. 4, pag. 1070.
'•Tom. IV Concil., pag. 1070.
CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLIGE ET SAINT FÉLIX, ETC.
[\^ SIÈCLE.]
ment des évêques touchant Elure, et à ren-
voyer ce parricide dans le désert où on l'a-
vait confiné avec tant de justice. Il le prie de
jeter les yeux sur les lettres de saint Léon
tant au concile de Chalcëdoine qu'aux empe-
reurs Marcien et Léon ; de suivre les exem-
ples de ces deux princes sous lesquels il avait
été élevé, et de rétablir dans le siège d'Ale-
xandrie l'évêque catholique.
6. Saint Simplice écrivit sur le même sujet
à Acace ', le neuvième du même mois, pour
l'exhorter à travailler avec zèle à la défense
de l'Eglise. 11 le chargea, comme son légat, de
s'unir aux prêtres et aux moines opposés au
parti d'Elure, de faire voir à l'empereur Ba-
silisque les lettres que saint Léon avait écri-
tes au concile de Chalcëdoine et aux empe-
reurs Marcien et Léon; enfin d'empêcher la
tenue d'un nouveau concile que les euty-
chiens demandaient, n'y en ayant aucune né-
cessité; (( car on n'en a jamais tenu, dit-il ^,
que quand il s'est élevé dans l'Eglise quel-
ques nouvelles erreurs on quelque doute
dans les dogmes, afin qu'il fût éclairci par la
commune délibération des évêques, comme
on y avait été obligé lorsqu'on vit paraître
les hérésies d'Arius, de Nestorius, et en der-
nier lieu celle de Dioscore et d'Eutychès.»
7. Quelque temps après, saint Simplice,
averti qu'Oreste, qui régnait en Italie sous le
nom d'Augustule, son fils, envoyait en am-
bassade à Basilisque le patrice Latinus et
une autre personne de condition nommée
Maduse, écrivit par eux une seconde lettre
à Acace ^, où il le priait de faire instance de
sa part auprès de l'empereur, pour empêcher
que l'audace des hérétiques n'entreprit rien
contre le concile de Chalcédoine, et de faire
entendre à ce prince que la conservation de
son autorité et de son royaume dépendait du
soin qu'il prendrait de consei'ver dans sa pu-
reté la foi établie dans ce concile.
8. Le n janvier de la même année 4-76 *,
le pape écrivit aussi aux prêtres et aux abbés
de Constantinoplc, pour les remercier de l'a-
voir informé de l'état de l'Eglise. Il leur té-
moigne sa douleur devoir renaître des trou-
bles qui avaient déjà été dissipés par l'auto-
rité du Siège apostolique et par le jugement
403
des deux conciles généraux d'Ephcse et de
Chalcédoine, qui avaient condamné les hé-
résies de Nestorius et d'Eutychès. Il ajoute
que les princes chrétiens avaient encore con-
tribué à éteindre ces incendies en punissant
de l'exil ceux qui en étaient les auteurs. Il
regarde comme inutile de réfuter leur im-
piété, depuis qu'elle l'a été dans la lettre de
saint Léon à Flavien, répandue par toute la
terre. 11 s'excuse d'envoyer des légats comme
ils lui en avaient demandé, parce qu'il n'était
pas question d'éclaircir aucune difficulté nou-
velle, mais de demeurer fermes dans les vé-
rités établies et de résister avec courage ;\
ceux qui en étaient ennemis. Il les loue de
leur résistance aux entreprises de Timothée
Elure, et de ce que, par leurs moyens, il n'a-
vait pu se faire recevoir dans aucune des
Eglises de Constantinople : et afin qu'ils sus-
sent ce qu'il avait écrit à l'empereur Basilis-
que, pour l'engager à chasser Timothée, il
leur envoya une copie de la lettre qu'il avait
adressée à ce prince, qu'il continue de qua-
lifier très-chrétien, soit qu'il ignorât ce qu'il
avait fait en faveur des ennemis de l'Eglise,
soit qu'il supposât qu'il suivait la foi de Mar-
cien et de Léon, ses prédécesseurs.
9. Des deux partis qui régnaient alors à
Constantinople, chacun voulut avoir pour soi
saint Daniel ^, qui depuis plusieurs années
vivait sur une colonne, près de cette ville.
Acace, de concert avec tous les catholiques,
résolu de l'appeler à leur secours, lui manda
ce que faisait Basilisque. Ce prince en
ayant été averti, lui envoya de son côté
des plaintes contre Acace, l'accusant de sou-
lever la ville et les soldats mêmes contre lui.
Daniel se joignit au parti d'Acace, et répoa-
dit à l'empereur que Dieu détruirait son rè-
gne. A quoi il ajouta des reproches si vio-
lents, que l'envoyé n'osant s'en charger'', le
saint, à sa prière, les écrivit dans une lettre
cachetée, où il traitait Basilisque de nouveau
Dioctétien. Les catholiques ne croyant pas
que cela fût suffisant pour arrêter Basilisque,
et qu'il était nécessaire que Daniel vînt lui-
même au secours de l'Eglise, Acace lui en-
voya par deux fois des évêques pour l'en
prier. Le saint, après avoir fait beaucoup de
Lettre à Zé-
DOn.
' Horlor ut modis omnibus faciendœ synodi perver-
sorum conatibus resisiatur ; quœ non alias semper in-
dicta est, nisi cum aliquid in pravis sensibus novum
aut in assertione dogmatum emersit ambiguum : ut
in commune tractantibus, si quœ esset ohscurilas,
sacerdotalis deliberationis illuminaret aucloritas.
Epist. 5 ad Acac, pag. 1073.— ^ Episi. 5, pag. 1073.
3 Epist. 6, pag. 1074.
'■ Epist. 7, pag. 1077. — 5 Epist. S, pag. 1078.
" Vita S. Daniel., apud Surium/ad diera 11 decomb.,
cap. su, xui et xun.
404
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
difficulté de descendre de sa colonne, en des-
cendit enfin^ et fut reçu àConstantinople avec
une joie incroyal^le , par les évêques et par
le patriarche. Il se trouva dans les assemblées
du peuple, dont il anima tellement le zèle
par ses exhortations, qu'il s'émut jusqu'à
menacer de brûler la ville '. Basilisque ef-
frayé, sortit de Gonstantinople en défendant
à tous les sénateurs de parler à Acace. Da-
niel sachant que ce prince était allé au palais
de l'Hebdomon, l'y suivit, accompagné des
moines et d'une partie du peuple : mais les
gardes l'empêchèrent d'entrer et de parlera
Basilisque. Le saint secoua la poussière de
ses pieds et retourna à Gonstantinople, fai-
sant en chemin divers miracles. L'empereur
l'envoya prier de revenir ; mais voyant qu'il
le refusait avec indignation, il vint lui-même
le trouver, se jeta à ses pieds et lui demanda
pardon. Daniel, peu touché d'une humilité
feinte, qu'il regardait comme un artifice dont
Basilisque couvrait sa cruauté, lui dit : «Vous
vei-rez bientôt le pouvoir de Dieu qui abat les
puissants. » Après quoi il retourna sur sa co-
lonne. Daniel avait vu, étant jeune, saint Si-
méon Stylite sur la sienne , et dès-lors il
s'était proposé d'imiter la vertu d'un si grand
liomme^. Après avoir donc pratiqué dans les
monastères, pendant plusieurs années, les
exercices de la vie religieuse, il se retira vers
Tan 460 ou 461, dans les montagnes voisines
de Gonstantinople, où il commença à vivre
sur une colonne qu'on lui avait donnée.
Avant d'y monter, il adressa à Dieu cette
prière :
« Je vous rends gloire, Jésus-Christ mon
Dieu, de tous les biens dont vous m'avez
comblés et de la grâce que vous m'avez
faite d'embrasser ce genre de vie. Mais vous
savez qu'en montant sur cette colonne, je ne
m'appuie que sur vous seul et que je n'at-
tends que de vous l'heureux succès de mon
entreprise. Agréez donc mon dessein : forti-
fiez-moi pour fournir cette pénible carrière :
donnez-moi la grâce de la terminer sainte-
ment, n Exposé continuellement aux injures
de l'air et toujours debout, ses pieds et ses
jambes devinrent tout enflés et pleins d'ul-
cères : ce qui fut cause que quand il vint à
Gonstantinople pour défendre la foi, il fallut
le porter. Un de ses disciples qui l'avait exa-
miné durant sept jours pour savoir s'il man-
geait et s'il buvait, ne lui ayant rien vu pren-
dre, le pria de lui dire ce qu'il en était. Daniel
l'assura qu'il prenait de la nourriture autant
qu'il en était besoin pour la conservation de
son corps. On remarque qu'il était extrême-
ment réservé à juger des autres et à se mêler
des difficultés touchant la doctrine de l'Eglise.
Sur les plaintes que quelques-uns lui firent
contre des évêques, il répondit : « Si vous
vous plaignez que ces personnes n'ensei-
gnent pas une véritable doctrine, cherchez
ce que les Apôtres et les Pères ont enseigné,
et contentez-vous de cela. Que si vous trou-
vez à redire à leur conduite, laissons-la au
jugement de Dieu et de ceux à qui il a com-
muniqué le soin des affaires de l'Eglise. »
Etant proche de sa mort qu'il avait prédite
auparavant, il fit écrire une petite exhorta-
tion pour ses disciples, en ces termes : «Mes
enfants et mes frères, car vous êtes l'un et
l'autre : mes enfants, parce que je suis votre
père spirituel; et mes frères, parce que Dieu
est notre Père commun à tous. Je m'en vais
à ce Père commun. Je vous aime trop pour
vous laisser orphelins et dans la douleur
d'avoir perdu votre père. Je laisse le soin de
ce qui vous regarde à ce Père céleste, qui
m'a créé comme vous tous. Lui qui a fait
toute chose avec sagesse, qui est descendu
sur la terre, qui est mort et ressuscité pour
nous, lui-même demeurera avec vous. Comme
infiniment sage, il vous préservera du mé-
chant. Comme maître absolu de toutes cho-
ses, il vous conservera selon sa volonté.
Gomme père, il vous redressera avec bonté,
si vous venez à vous égarer, et il vous ten-
dra les bras de sa miséricorde pour vous ra-
mener à lui. Par une suite de la bonté avec
laquelle il s'est livré à la mort pour nous, il
conservera la paix et l'union entre vous, et
fera que vous ne soyez tous qu'un devant
son Père. Embrassez l'humilité, pratiquez
l'obéissance, exercez l'hospitalité, gardez les
jeûnes, observez les veilles, aimez la pau-
vreté, et surtout conservez la charité, qui est
le premier et le plus grand commandement :
tenez-vous fermement attachés à tout ce qui
regarde la piété, é^'itez la zizanie des héréti-
ques. Ne vous séparez jamais de l'Eglise
votre mère : si vous faites toutes ces choses,
votre vertu sera parfaite. »
On met sa mort vers l'an 474, au onzième
de décembre. Cependant Timothée Elure
étant parti de Gonstantinople pour s'en re-
1 Theod. Lect., pag. 556.
2 Surius, ad diem 11 decenib.
[v> SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
403
tourner à Alexandrie ', s'arrêta à Ephèse. Il y
rétablit Paul sur le siège épiscopal de cette
ville, quoique déposé légitimement, et rendit
à cette Eglise le droit de patriarche, que le
concile de Clialcédoine lui avait ôté. Il tint
aussi un concile des évêques d'Asie, qui
étaient de son parti. Le résultat en fut qu'on
présenterait une requête à Basilisque, où il
serait exhorté de ne point révoquer sa lettre
circulaire. D'Ephèse, Timothée vint à Ale-
xandrie. Mais il n'y demeura pas longtemps,
les affaires de l'empire et de l'Eglise ayant
changé de face en 477, environ vingt mois
après la retraite de Zenon. Dès que Basilisque
eut appris que ce prince quittait l'Isaurie et
marchait vers Constantinople, il vint à l'église
avec Zénonide, sa femme, y fît publiquement
des excuses à Acace, au clergé et aux moi-
nes, déclara nul ce qu'il avait fait par sur-
prise sous le nom de lettre circulaire, donna
un édit tout opposé, que l'on appela depuis
anlicirculaire, ordonna que l'ancienne foi de
l'Eglise dans laquelle il avait été baptisé,
subsisterait seule, prononça anathème àNes-
torius, à Eutychès et à tous les autres héré-
tiques, défendit de faire, au sujet de la foi, ni
concile, ni aucun nouvel examen, et rendit
au patriarche Acace le privilège attribué à
son siège par le concile de Chalcédoine, qu'il
avait déclaré nul par sa lettre circulaire. Ze-
non, de retour à Constantinople, Basilisque
vint dans l'église, mit sa couronne sur l'au-
tel et se réfugia dans le baptistère avec sa
femme et son fils Marc 2. Zenon leur promit
de ne leur point faire couper la tête, mais il
les envoya dans un château de Cappadoce,
où ils moururent de faim. Aussitôt que l'on
sut que Zenon était maître de Constantinople,
plusieui's évêques y vinrent l'en complimenter
et l'assurer de la pureté de leur foi. Ce prince
publia aussi une loi pour casser tout ce qui
avait été fait contre la religion et les préro-
gatives de l'Eglise de Constantinople depuis
son départ. Il écrivit même au pape, en lui
témoignant être persuadé qu'il avait fort
souhaité et demandé à Dieu son retour ^. Il
faisait dans la même lettre l'éloge de la fer-
meté avec laquelle Acace s'était opposé à
Basilisque, ajoutant qu'il pensait lui-même à
abolir entièrement l'erreur d'Eutychès, à ex-
terminer ceux qui la suivaient, à faire ob-
server partout les décrets du concile de Chal-
Lnllrc d'A-
cace au papo
cédoine, et à rétablir Solopliaciole sur le
siège d'Alexandrie. Le pape répondit à cette
lettre, le 8 octobre 477, avec de grands té-
moignages de joie sur l'heureux rétablisse-
ment de Zenon. Il l'avertit en même temps
de reconnaître la grâce que Dieu venait de
lui faire en protégeant son Eglise, surtout en
maintenant l'autorité du concile de Chalcé-
doine, en délivrant l'Eglise d'Alexandrie de
l'usurpateur Timothée, en y rétablissant le
pasteur légitime et en ôtant ceux qu'Elure
avait ordonnés, pour rétablir ceux qu'il avait
déposés, ou en substituer d'aptres dont la
foi fût orthodoxe.
10. Il semble que le pape avait déjà écrit
la lettre précédente *, lorsqu'il en reçut une ''j'.j.j'' s'im-
d' Acace, archevêque de Constantinople, dans Héronsedo
laquelle il lui taisait un long détail des maux
que les hérétiques avaient faits en cette ville
et dans tout le reste de l'Orient. Acace en-
voya cette lettre par le diacre Epiphane. Il
demandait en même temps à saint Simplice
quels secours on pourrait apporter aux Egli-
ses que Timothée Elure avait opprimées à la
faveur de la tyrannie de Basilisque. Il lui
conseillait encore d'écrire sur ce sujet à Ze-
non. Nous n'avons plus cette lettre d'Acace.
Le pape en avait écrit une à l'empereur Ze-
non, touchant Elure, l'auteur de tous les
maux. Mais il paraît qu'il lui en écrivit une
seconde à la prière d'Acace, pour demander
à ce prince qu'Elure et ses sectateurs, de
même que Paul d'Ephèse et Pierre-le-Foulon,
fussent bannis à perpétuité, avec tous ceux
qu'ils avaient ordonnés évoques. Le pape ré-
pondit à Acace que c'était de l'empereur,
après Dieu, qu'il fallait attendre le secours de
l'Eglise, et qu'il y avait lieu d'en espérer
d'une âme très-chrétienne, puisqu'il s'agis-
sait de la cause de la religion. 11 ajoute que
ce prince devait publier une ordonnance pour
exiler ceux que Timothée Elure avait ordonnes
évêques, et rétablir dans leurs sièges les évê-
ques catholiques. « Joignez donc, dit-il, à
nos lettres vos instances et celles de tant
d'évêques qui sont venus à Constantinople,
afin que Timothée et ses sectateurs soient
bannis sans retour. » La même loi devait
comprendre Paul d'Ephèse, Pierre d'Antio-
che et tous ceux qu'ils avaient ordonnés
évêques, de même qu'Antoine, qui avait été
le guide de ceux que le tyran avait envoyés
' Evag., lib. III Hist., cap. iv.
2 Theod. Lect., pag. 557.
s Tom. IV ConciL, pag. 1079.
'* Tom. IV ConciL, pag. 1039.
406
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
contre l'Eglise. Quant à Jean autrefois prêtre
de Constantinople, et depuis ordonné évêque
d'Apamée parles hérétiques, le pape dit qu'il
doit être anathémalisé et retranché de la so-
ciété des chrétiens sans espérance de retour,
parce qu'après avoir chassé d'Antioche l'u-
surpateur Pierre, il avait usurpé lui-même
cette Eglise. Il ajoute en parlant des évêques
qui se trouvaient alors à Constantinople, qu'il
ne convenait pas qu'ils y séjournassent long-
temps, soit parce que leurs Eglises avaient
besoin d'eux dans l'agitation où était alors
tout rOrient, soit afin que l'on ne pensât pas
que l'on voulût tenir un nouveau concile, qui
donnât atteinte au concile de Chalcédoine.
« Car on tient, dit-il, par tout le monde pour in-
violable , ce qui a été ordonné par tous les évê-
ques. » Cette lettre est sans date : mais on
croit qu'elle fut écrite sur la fin de l'an 477.
L'empereur Zenon fit ce que le pape souhai-
tait. Pierre fut déposé dans un concile tenu
à Antioche par ordre de ce prince, et on y
rendit une pareille sentence contre Paul
d'Ephèse. Zenon voulait aussi faire sortir
d'Alexandrie Timothée Elure ; mais on lui
représenta qu'étant extrêmement vieux, il ne
pouvait aller loin. En eflfet, il mourut peu de
temps après, s'étant empoisonné lui-même,
dans la crainte d'être chassé. A sa place, les
évêques hérétiques de la province élurent
Pierre, surnommé Mongus ou Monge, c'est-
à-dire bègue, qui fut ordonné de nuit par un
seul évêque. L'empereur en ayant eu avis,
fit chasser Pierre et rétablir dans le siège
d'Alexandrie Timothée Solophaciole.
il. Acace,'qui savait les inquiétudes du
simpiicc. lié- pape sur l'état de l'Eghse d'Alexandrie ', lui
simpiice. manda la mort de Timothée Elure, la fuite
de Pierre Mongus, qu'il dépeint comme un
hérétique, comme un usurpateur et comme
un enfant de ténèbres ; et le rétablissement
de Timothée Solophaciole, dont il loue la
douceur, la patience et le zèle pour l'obser-
vation des canons et des règles des Pères. 11
n'oublia pas d'informer aussi saint Simpiice
des soins que l'empereur et lui se donnaient
Lellre d'A
cace à S'iint
pour maintenir la discipline de l'Eglise. Ti-
mothée Elure laissa quelques écrits en faveur
de ceux de son parti ^, contre le pape saint
Léon et contre le concile de Chalcédoine ^.
Photius, qui les avait lus *, dit qu'on y re-
marquait quelque exactitude et quelque jus-
tesse d'esprit '. Il en avait manqué, ce sem-
ble, en y employant l'autorité d'un nommé
Erechte '', homme sans réputation. Aussi un
de ses prêtres, nommé Cyr, lui écrivit qu'il
fallait corriger cet endroit, puisque personne
n'avait mis au rang des Pères cet Erechte.
La raison que Timothée avait eue de le citer
contre le concile de Chalcédoine, est que cet
écrivain se servait de l'expression d'une seule
nafm^e incarnée du Verbe '. Nous avons deux
passages du même auteur, qui font voir qu'il
était infecté de l'erreur d'Eutychès. Dans
l'un il dit ^ que Jésus-Christ ne nous est pas
consubstantiel selon son humanité. Dans
l'autre ^, il rejette par deux fois la doctrine
des deux natures. Ce dernier est tiré d'une
homélie sur l'Epiphanie , qu'Erechte prêcha
dans l'église de Constantinople sous l'épis-
copat de saint Procle. Le titre de ce passage
qimlifie Erechte, évêque d'Antioche en Pisi-
die. Timothée avait adressé à l'empereur
Léon un écrit que nous n'avons plus. Gen-
nade, qui l'avait traduit en latin '", loue la
manière dont il était composé , mais non pas
la doctrine. Il traite même Elure d'hérésiar-
que. Ou dit " qu'ayant trouvé quelques ou-
vrages de saint Cyrille qui n'avaient pas en-
core été rendus publics, il en falsifia plusieurs
endroits, et les publia ensuite. Le pape, dans
sa réponse '^, qui est du Ici mars 478, témoi-
gna sa joie, et de ce que Dieu, aux prières
ferventes et réitérées des évêques, avait dé-
livré l'Eglise d'Alexandrie, et de ce que So-
lophaciole y était retourné ; mais il cbai-gea
Acace de l'avertir de ne plus réciter à l'autel
le nom de Dioscore ^^. Solophaciole se corri-
gea de cette faute, et il en demanda pardon
au pape par les députés qu'il lui envoya avec
des lettres solennelles pour lui donner part
de son rétablissement, suivant l'ancien usage
1 Tom. IV Concil., pag. 1080.
" Evag., lib. III, cap. xxi.
3 Phot., Cod. 225, pag. 760. — <> Ibid.
^ Le cardinal Mai a publié, tom. V Script. Veter.,
pag. 541, un discours de Timothée Elure, d'après un
manuscrit arabe. Ce discours prêché au jour de la
dédicace du monastère de Saiut-Pacôme, fut traduit
du grec en arabe ; il est donné en latin par Mai. Le
savant éditeur se trompe eu nommant Elure, Timo-
thée III du nom. C'est II qu'il fallait dire. On retrouve
ce discours au tome LXXXVI de la Patrologie grec-
que, col. 269-276. [L'éditeur.)
^ Leont., de Sectis, seot. 8.
' Phot., Cod. 219, pag. 814. — 8 Ibid.
9 Tom. lY Biblioth. Pair., part, n, pag. 1063. Edit.
Paris., an. 1634.
10 Gennad.j cap. lxxu.
" Theoph., in Clironic, pag. 95.
12 Sidon., Epist. 9, pag. 1029.
» Epist. 11, pag. 1030 et 1031.
CHAPITRE XXIIT. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
[V SIÈCLE.]
des Eglises. Il fît rendre à saint Simplice, par
les mêmes députés, la copie de l'abjuration
de ceux qui avaient été séduits par Timothée
Elure et Pierre Mongus, et le pria de deman-
der à l'empereur l'éloignement de ce dernier
qui demeurait caché à Alexandrie, et de re-
mercier en même temps ce prince de l'avoir
rétabli dans sa d ignité . Solophaciale j oignit les
requêtes que divei'ses personnes lui avaient
adressées pour être reçues dans la commu-
nion de l'Eglise, témoignant lui-même être
fort porté à leur accorder leur demande '.
■12. Le pape fit ce que Solopliaciole sou-
haitait 2 : il écrivit par Pierre, intendant de
la princesse Placidie, qui s'en retournait de
Rome en Orient, à Zenon et à Acace pour les
remercier de ce qu'ils avaient déjà fait pour
l'Eglise d'Alexandrie, et pour les exhorter à
la délivrer entièrement de la persécution des
hérétiques, en bannissant Pierre Mongus
bien loin de là. Ces deux lettres sont sans
date. La suivante, qui est encore àZénon, est
du 23 octobre 478. Le pape y prie ce prince
d'accorder sa protection à Solophaciole qu'il
avait rétabli dans son siège, et d'éloigner de
cette ville Pierre Mongus. Sa lettre à Acace,
qui est du 17 du même mois, tend au même
but, savoir, d'obtenir de l'empereur une loi
générale pour le bannissement de tous les
hérétiques, nommément de Mongus et des
autres usurpateurs de l'épiscopat : en sorte
qu'ils fussent bannis hors des bornes mêmes
de l'empire.
13. Quelque temps après saint Simplice
reçut des lettres de l'empereur Zenon et du
patriarche Acace ^, par lesquelles il apprit
qu'Etienne, fait évêque d'Antioche en la place
de Jean d'Apamée, avait été tué dans l'église
à coups de canne par les eutychiens, après
environ un an d'épiscopat. Il y eut à celte
occasion une grande sédition à Antioche.
Les auteurs eu furent punis ; mais les habitants
craignant qu'elle ne se renouvelât à l'élection
d'un évêque, supplièrent l'empereur qu'on
leur en ordonnât un à Constantinople : ce qui
leur fut accordé. Le choix tomba sur un au-
tre Etienne, aussi recommandable par sa
407
vertu que son prédécesseur. Mais son ordi-
nation n'en était pas moins défectueuse, parce
qu'elle aurait dû se faire à Antioche par les
évêques provinciaux de la première Syrie ,
et non à Constantinople. Zenon et Acace
écrivirent donc au pape pour lui marquer
les raisons qu'ils avaient eues de passer pour
cette fois seulement au-dessus de la coutume,
et pour le prier de confirmer l'ordination
d'Etienne comme faite par nécessité et dans
la seule vue du bien de la paix. Le pape ré-
pondit à l'empereur en ces termes : « Si l'on
avait suivi ce que j'avais écrit à mon confrère
Acace, au sujet de Pierre Mongus et des
autres hérétiques, on n'aurait pas eu de tels
crimes à punir. Car j'avais mandé que l'on
vous suppliât de chasser hors des bornes de
votre empire, lui et tous ceux qui avaient
usurpé les Eglises, à l'occasion delà domina-
tion du tyran Basilisque. C'est pourquoi, s'il
s'en trouve quelques restes, faites-les chasser
dans les pays étrangers ; et parce que vous
avez cru ne pouvoir apaiser les séditions
d'Antioche qu'en ordonnant un évêque à
Constantinople, contre l'ordonnance du con-
cile de Nicée, à la charge de réserver à l'a-
venir au concile l'ordination de l'évêque
d'Antioche, l'apôtre saint Pierre conserve
votre promesse et votre serment, afin que ce
que mon frère Acace a fait par votre ordre,
ne soit pas dans la suite tiré en coutume.
Nous ne pouvons donc pas désapprouver ce
que vous avez fait pour le bien de la paix. »
Cette lettre est du 22 juin 479. Celle à Acace
est sans date. Le pape lui témoigne ne pou-
voir désapprouver qu'il eût ordonné l'évê-
que d'Antioche, puisque cela était nécessaire
pour le bien de la paix : mais il lui recom-
mande que cet exemple soit sans consé-
quence.
14. Etienne mourut en 482, après avoir
gouverné l'Eglise d'Antioche pendant deux
ans et quelques mois *. On élut, pour lui
succéder, Calandion, qui se rencontrait alors
à Constantinople. 11 fut ordonné, non en
cette ville, par Acace, mais à Antioche, par
le concile d'Orient. Il fut quelque temps sans
Lellre
Acace,
' Le Cardinal Ma'i a publié dans le tome III du
Spicilége romain, pag. 708, d'après un manuscrit sy-
riaque, le commencement et la fin d'une homélie de
Timothée 11), sur ces paroles de l'Evangile : Jésus
auiem fatigaius ex itinere. Le milieu de cette ho-
mélie est emprunté à une citation de Cosmas, liv. X,
pag. 332. Galland, tom. XI Bihlioth. Vet. Pat., pag.
5G5-566j a donné cinq fragments assez courts d'au-
tres homélies. Toutes ces pièces sont Ireproduites au
tome LXXXVI de la Patrologie grecque, col. 205-276.
Les éditeurs les attribuent à Timothée Elure III, il
fallait dire IL Quelques-uns de ces fragments parais-
sent être de Timothée III , autre hérétique de la
même secte. (L'éditeur.)
2 Episi. 10 et H, pag. 1029 et 1030. — 3 Epist. 14
et 15, pag. 1033 et 1034. — «■ Epist. i6, pag. 1035.
408
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
donner avis de son élection au pape, en étant
empêché par des raisons que nous ne savons
pas, mais enfin il la lui manda en lui faisant
des excuses de ce délai. Le concile d'Orient
la lui manda aussi par une lettre synodale.
Anastase, évêque d'Orient, qui en fut por-
teur, passa à Constantinople, où Acace lui
donna des lettres pour saint Simplice, qui
regardaient apparemment l'ordination de
Calandion. Le pape, qui la savait déjà et de
quelle manière elle s'était faite, répondit à
Acace qu'il recevait les excuses de Calan-
dion, qu'il le reconnaissait pour son collègue
dans l'épiscopat, et qu'il l'admettait dans le
sein et la communion du Saint-Siège. Il ne
se plaint point qu'il y eût aucun défaut dans
son ordination, comme il serait arrivé si elle
eût été faite à Constantinople par Acace ,
comme l'ont dit quelques historiens. Ce qui
fait voir qu'ils se sont trompés et qu'ils ont
confondu l'ordination de Calandion avec celle
d'Etienne. Quelle apparence, en effet, que
Zenon et Acace, qui, peu de temps aupara-
vant, s'étaient engagés par serment à ne
plus se mêler de l'ordination des évêques
d'Antioche, eussent contrevenu à ce serment
sans que le Saint-Siège en eût fait aucune
plainte? Nous n'avons plus les lettres du
pape en réponse à celles de Calandion et du
concile d'Orient qui l'avait ordonné. Celle à
Acace est datée du 15 juillet 482. Pierre-le-
Foulon avait ajouté ces mots au Trisagion ' :
« Qui avez souffert pour nous, n comme s'il
eût voulu faire entendre que toutes les trois
Personnes divines avaient souflfert la mort.
Calandion, qui ne put apparemment abolir
cette addition, en détruisit le sens en y ajou-
tant ces autres paroles : « Christ, notre Roi, »
qui montraient en effet que la mort de la
croix ne pouvait se rapporter qu'à Jésus-
Christ seul.
Anires Ici- l^' Timothéc Solophaciolo, évêque d'A-
trraàAcate. lexaudric ^, se voyant à l'extrémité, écrivit
à l'empereur et lui députa, tant en son nom
qu'au nom de tout son clergé, Jean Talaïa,
prêtre économe, pour le prier d'ordonner
qu'on lui donnât, après sa mort, un succes-
seur catholique et qui fût aussi ordonné par
les catholiques. L'empereur accorda au pa-
triarche et au clergé d'Alexandrie ce qu'ils
demandaient. Il commit même une légion
pour veiller à ce que les eutychiens n'entre-
prissent rien ni du vivant de Solophaciole, ni
après sa mort. Dans la réponse que ce prince
fit au patriarche, il donnait de grandes louan-
ges à Jean Talaïa, en sorte que presque tout
le peuple d'Alexandrie le regardait comme
désigné pour remplir le siège patriarchal
après Timothée, qui mourut peu de temps
après, au plus tard en 482. lj,es évêques, les
clercs et les moines de la communion catho-
lique élurent aussitôt pour lui succéder,
Jean Talaïa, qui, de son côté écrivit, suivant
la coutume, aux évêques des premiers sié^
ges, afin d'en obtenir des lettres de commu-
nion. Il en adressa au pape saint Simplice et
à Calandion, patriarche d'Antioche. Il n'ou-
bha pas d'en adresser une aussi à Acace de
Constantinople; mais, au lieu de la lui faire
passer directement, il l'envoya par un cour-
rier public, à llluce, maître des offices, sur
l'amitié duquel il comptait beaucoup. Un ma-
gistrien fut chargé de cette lettre ainsi que
de celle que Jean écrivit aussi à l'empereur ;
mais n'ayant point trouvé IlIuce à Constanti-
nople, il alla le chei'cher à Antioche, oii il
était en effet. Acace , ayant appris que Jean
était évêque, trouva fort mauvais de ce qu'il
ne lui avait pas envoyé ses lettres synoda-
les. Il se joignit à Gennade d'Hermopole,
qui prétendait avoir des sujets de méconten-
tement contre Jean, et de concert, ils l'accu-
sèrent auprès de l'empereur comme coupa-
ble de parjure et d'autres fautes qui le ren-
daient indigne de l'épiscopat. Acace repré-
senta à Zenon que Pierre Mongus étant
agréable au peuple d'Alexandrie, on pour-
rait, en le maintenant dans ce siège, réunir
les deux partis qui divisaient depuis long-
temps cette Eghse, c'est-à-dire les catholi-
ques et les eutychiens. Mongus, qui savait
ce qui se passait, envoya en même temps
des députés par lesquels il s'oflrait de faire
cette réunion. Acace les reçut et les pré-
senta à l'empereur, qui, en conséquence,
écrivit au pape une lettre où il déclarait
qu'il reconnaissait Jean de Talaïa comme
indigne de l'épiscopat, et que, pour procu-
rer la réunion des Eglises d'Egypte, il lui
paraissait plus à propos de rétablir Mongus
dans le siège d'Alexandrie. Saint Simphce,
qui avait reçu les lettres de Jean et de son
concile, était près de confirmer son ordina-
tion, lorsque la lettre de l'empereur arriva.
Sur ce que Jean y était accusé de parjure,
il ne se hâta point de lui envoyer des lettres
1 Theod. Lect., pag. 566.
2 Epist. 17, 18, pag. 1036 et suiv.
[V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXIH. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
409
de communion; mais il ne voulut pas non
plus consentir au rétablissement de Pierre
sur le siège d'Alexandrie. « Il a été, disait le
pape, complice et même chef des hérétiques,
et j'ai demandé plusieurs fois qu'il fût chassé
d'Alexandrie. La promesse qu'il fait à pré-
sent de professer la vraie foi, peut bien le
faire rentrer dans la communion de l'Eglise,
mais non pas l'élever à la dignité du sacer-
doce, de crainte que, sous prétexte d'une
abjuration feinte, il n'ait la liberté d'ensei-
gner l'erreur. » Telle fut la réponse du pape
saint Simplice à la lettre de l'empereur Ze-
non. Il écrivit dans le même sens à Acace,
le 13 juillet 482, témoignant être extrême-
ment surpris et affligé de ce qu'il ne lui avait
point écrit sur une affaire d'aussi grande
importance. « Vous y étiez, lui dit-il. engagé
et par l'amitié qui nous unit, et par le soin
que votre charge vous obhge de prendre de
ce qui regarde la foi et la vérité. »
Comme il ne soupçonnait encore Acace de
rien, il le pria de travailler sans cesse à
maintenir l'empereur dans la défense de la
vérité et à lui mander ce qu'il apprendrait
touchant cette affaire. Bien que Acace eût
diverses occasions de récrire au pape, il ne
s'en mit point en peine : ce qui obligea saint
Simplice de lui écrire encore le 6 novembre,
pour lui marquer que les efforts que l'on
faisait contre l'Eglise d'Alexandrie ne lui
laissaient pi'endre aucun repos, pensant con-
tinuellement au compte qu'il en devait ren-
dre à Jésus-Christ. Il eût volontiers écrit une
seconde lettre à l'empereur Zenon, mais il
en fut empêché par une longue maladie. Ce
prince, irrité de la lettre du pape, qui lui
avait été rendue par Uranius, écrivit à Par- ■
gamius, duc d'Egypte ', et au gouverneur
Apollonius, de chasser Jean d'Alexandrie et
de mettre Pierre en possession du siège pa-
triarchal de cette ville. Alors Acace, avec le
secours des partisans de Mongus ^, persuada
à Zenon de rédiger le formulaire célèbre ,
nommé en grec Hénoticon, comme devant
servir à réunir tous ceux qui étaient hors de
l'Eglise.
16.11 est adressé, au nom de l'empereur Ze-
non, aux évêques, aux clercs, aux moines et
aux peuples de l'Egypte et de la Libye, qui
étaient séparés de l'Eglise. Ce prince, après
y avoir protesté de son zèle pour la foi et
des soins qu'il s'était donnés pour la réunion
de tous les chrétiens en une même commu-
nion, dit 3 que les abbés et d'autres person-
nes vénérables lui avaient présenté des re-
quêtes pour le supplier de faire de nouveaux
efforts pour la réunion des Eglises et faire
cesser leurs divisions, qui étaient parvenues
à un tel point , que plusieurs personnes
avaient été privées du baptême ou de la
sainte communion, et qu'il s'était commis un
grand nombre de meurtres. Zenon déclare
donc, au nom de toutes les Eglises, qu'il n'y
avait point d'autre symbole, reçu ou à rece-
voir, que celui des trois cent-dix-huit Pèi-es
de Nicée, confirmé par les cent cinquante
Pères de Constantinople, et suivi par ceux
d'Ephèse, qui ont condamné Nestorius et Eu-
tychès ; que si quelqu'un recevait une autre
définition de foi que celle-là, il le regardait
comme séparé et ennemi de l'Eglise. « Nous
recevons aussi, ajoutait-il, les douze chapi-
tres de Cyrille d'heureuse mémoire; nous
L'HÙQOliquc
de ZénoD.
1 Tom. IV Concil., pag. 1032, 1096.
2 Libérât., cap. svii; Evag., lib. III, cap. XIV.
' Allatœ sunt ad nos supplicationes piorum archi-
mundrUarum et eremitarum, aliorum venerabilium
virorum, cum lacrymis supplicantium e( petentium ut
unitas sanctlssimis Ecclesiis restituatur. Contigit enini
ex eo ut innumerœ generationes, quas tôt aimoruni
iempus ex hac vita sustalit, aliœ lavacro generationis
privatœ diseesserint, aliœ communionem non consecutœ
ad inevitabilem mortalium emigrationem ahreptœ sint,
afr/ue mille cœdes temere commissœ et multitiidine
sanguinis non terra modo, sed ipse aer sit infectus.
Quapropfer significare vobis satagimus, quod et nos et
omnes ubique Ecclesiœ aliud symbolum aut niathe-
ma vel definitionem fidei, vel fidem,prœiersanctorum
trecentorum ociodecim l'uirum symbolum, a sanctis
centum quinquaginta Patribus confirmalum, née ha-
buimus, nec habemus, nec habituri sumus.
Quod et sancti Patres Ephesi congregali, secuti
sunt, qui et impium Nestorium et qui postea cum illo
senserunt, deposuerunt : quem Nestorium una cum
Eutyche, contraria Jam dictis sentientes nos quoque
anathemate damnamus, recipientes etiam duodecim
capita a beatœ memoriœ Cyrillo, A lexandrinœ sanclœ
catholicœ Ecclesiœ archiepiscopo, promulgata. Confi-
temur auiem unigenitum Filium Dei et Deum secun-
dum veritatem hominem factum, Donnnum nostrum
Jesum Christum, consubstantialem Patri secundum
diviniiatem, et eumdem consubstantialem nobis secun-
dum humanitatem, descendisse et incarnatum esse ex
Spiriiu Sancto et Maria Virgine Deipara, esseque
illum non duos, sed unum.Etenim unius esse dicimus
et miracula et passiones quas voluntarie sustinuit in
carne. Prorsus enim non recipimus eos qui naturas
Christi vel dividunt vel confundunt, aut phantasiam
introducunt. Quisquis autem aliud vel senserit vel
sentit sive jam sive quandocumque vel in Chalcedo-
nensi vel quacumque alla synodo, illum anathemate
damnamus, prœcipue supradictos Nestorium et Euly-
chen, illorumque sectatores. Itaque Ecclesiœ Malri
vestrœ spiritali coadunamini, eadem nobiscum in illa
divina communione fruentes. Evag., lib. III, cap. siv.
410
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
confessons que Nolre-Seigueur Jésus-Christ
Dieu, Fils unique de Dieu, consubstantiel au
Père selon sa divinité, et consubstantiel à
nous selon son humanité : le même qui est
descendu et s'est incarné du Saint-Esprit et
de la vierge Marie mère de Dieu, est un seul
Fils, et non deux. Nous disons que c'est le
Fils de Dieu qui a fait des miracles et qui a
souffert volontairement en sa chair, et nous
ne recevons point ceux qui divisent ou con-
fondent les natures, ou admettent une sim-
ple apparence d'incarnation. Mais nous ana-
thématisons quicoiTque croit ou a cru autre
chose en quelque temps et en quelque lieu
que ce soit, fût-ce à Chalcédoine ou enquel-
qu'autre concile. »
C'était là visiblement rejeter le concile de
Chalcédoine et lui attribuer même des er-
reurs. h'Hénotique , au lieu de réunir les
Eglises, forma un schisme entre les ortho-
doxes et augmenta les divisions même, des
hérétiques. On l'envoya à Alexandrie avec
des lettres de l'empereur pour le gouverneur
et le duc Pergamius. Le duc étant allé à
Alexandrie, trouva que Jean Talaïa avait pris
la fuite; mais Pierre Mongus, à qui il montra
les ordres de l'empereur, promit aussitôt d'y
satisfaire. Non-seulement il sigï)a.V Hénotiqve
de Zenon, il le fit encore recevoir publique-
ment par ceux du parti de saint Protère avec
lesquels il communiqua '. A ces conditions,
il fut intronisé sur le siège patriarchal d'A-
lexandrie. II s'était encore engagé d'adresser
des lettres synodiques et de communion à
Âcace de Constantinople, au pape saint Sim-
plice et aux autres évêques des premiers
sièges. Après donc qu'il fut établi en la place
de Jean Talaïa, il écrivit h Acace et au pape
Simplice. Celui-là lui fit une réponse con-
forme à sa lettre, s'unissant ainsi de commu-
nion avec un homme qui avait toujours fait
profession ouverte d'hérésie; mais le pape
ne lui en fit aucune. On voit par Evagre ^
que Martyrius, évêque de Jérusalem, adressa
une synodique à Pierre Mongus. S'il n'y a
pas faute dans cet historien, il faut dire que
c'était une réponse à celle que Mongus lui
avait écrite. L'Eglise de Jérusalem était alors,
comme beaucoup d'autres, déchirée par le
schisme des eutychiens et de Géronce. Mar-
1 Evag., lib. III, cap. x, sni ; Libérât, cap. xiv.
2 Et .Vartyrius quoque Bierosolymorum episcopus
synodulibus litteris usas est ad Pelriim. Evag., lib. III
cap. XVI.
3 BoUand., ad diem 20 jan. ^
tyrius envoya, vers l'an 480 ou 481 ', à Ze-
non et à Acace, un diacre nommé Fidus,
avec des lettres pour leur demander leurs
secours pour éteindre le feu de cette faction.
Fidus fut arrêté en chemin i:)ar une tempête
durant laquelle saint Euthyraius lui dit de re-
tourner, et que l'union serait bientôt réta-
blie dans l'Eglise de Jérusalem. La chose
arriva : les schismatiques se soumirent à
Martyrius, qui les reçut avec joie dans sa
communion. Jean Talaïa passa d'Alexandrie
à Antioche, où, suivant les conseils de Ca-
landion *, il appela au pape de ce qui s'était
fait à Alexandrie. Calandion lui donna des
lettres synodiques, par lesquelles il recom-
mandait son affaire à saint Simplice, et il en
écrivit même à l'empereur et au patriarche
de Constantinople ^, contre Pierre Mongus,
qu'il traitait d'adultère pour s'être emparé
d'une Eglise qui ne lui appartenait pas. Jean
Talaïa arrivé à Rome vers le commencement
de l'an 483, y fut reçu par le Saint-Siège
avec beaucoup d'honneur. Saint Simplice
écouta ses plaintes et écrivit pour lui à
Acace ^, on ne sait en quels termes, parce
que cette lettren'estpas venue jusqu'à nous.
Acace J'épondit au pape qu'il ne connaissait
point Jean pour évêque d'Alexandrie; qu'il
avait reçu Pierre à sa communion, sur ce
qu'il avait signé VHénotique de Zenon, et que,
quoiqu'il eût agi en cette rencontre sans
le consentement de Rome, il l'avait fait par
ordre de l'empereur et pour la réunion des
Eglises. Le pape, peu satisfait de ces sortes
de raisons ^, récrivit à Acace qu'ayant l'un
et l'autre condamné Mongus comme héréti-
que, il n'avait pas dû seul lever cette con-
damnation; que d'ailleurs il ne sulfisait pas
à Mongus, pour être admis à la communion
de l'Eglise, d'avoir reçu VHénotique de Ze-
non, s'il ne recevait encore la définition de
foi du concile de Chalcédoine et la lettre de
saint Léon à Flavien. Pendant qu'Acace dé-
libérait sur la réponse qu'il ferait, ou sur le
prétexte qu'il prendrait pour n'en point faire
du tout, le pape saint Simplice mourut et fut
enterré à Saint-Pierre, le 2 mars 483. On
dit ^ que lorsque Jean Talaïa lui lisait, avec
les autres pièces qui concernaient les affaires
d'Orient, la lettre qu'Acace écrivit en 477
'• Libérât., cap. xvm. — ^ Evag., lib. III, cap. xvi.
" Libcrat., cap. xvm. — ' Idem, ibid.
8 Geslu de nomine Acadi, tom. IV Concil., pag.
1082.
t Fé-
, papû
[Y= SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII.
contre Pierre-Ie-Foulon et Jean Codonat, il
fit remarquer qu'Acace avait depuis fait ce
même Jean Codonat évêque de Tyr. Le pape
ne savait pas ces variations d'Acace.
17. JeanTalaïa, qui n'avait pas eu le loisir
de présenter à suint Simplice sa requête
contre Acace, la présenta à Félix III, son
successeur ', dans une assemblée publique^.
Il s'y plaignait non-seulement de ce qu'A-
cace communiquait avec Mongus ^, mais de
ce qu'il faisait encore plusieurs autres choses
contre les canons. Pendant l'intervalle qu'il
y eut entre la mort de saint Simplice et l'é-
lection de Félix, que les uns disent avoir été
de six jours, et d'autres de vingt-six, il se
tint une assemblée du clergé et des magistrats
dans l'église de Saint-Pierre, où le patrice
Basile , préfet du prétoire et tenant la place
du roi Odoacre, dit que le bienheureux pape
Simplice lui avait recommandé de ne point
permettre, quand Dieu l'aurait retiré de ce
monde, qu'on fit l'élection de son successeur
sans le consulter, qu'il s'étonnait que l'on
eût entrepris d'y procéder sans lui, les ma-
gistrats ayant intérêt d'empêcher qu'il n'ar-
rivât de la division dans l'élection des évê-
ques, de peur que le trouble ne passât de
l'Eglise dans l'Etat. 11 proposa ensuite d'or-
donner que ni le pape qu'on allait élire, ni
aucun de ses successeurs, ne pourraient rien
aliéner, soit des fonds, soit des meubles de
l'Eglise, à quelque titre ou sous quelque pré-
texte que ce fût; qu'autrement l'ahénation
serait nulle, sans que l'acquéreur pût se pré-
valoir de la prescription; qu'on pourrait ven-
dre toutefois les meubles peu utiles à l'Eglise,
après une juste estimation, et en employer
le prix en bonnes œuvres. Après ce préam-
bule, on élut pour pape, Félix, natif de
Rome , fils d'un prêtre de même nom et
prêtre lui-même du titre des saints Nérée et
Achillée. L'usage ordinaire est de l'appeler
Félix III , mais c'est en mettant au rang des
papes, celui que les ariens substituèrent au
pape Libère. Ses premiers soins furent de
travailler à rétablir la foi et la paix dans l'O-
rient, surtout dans l'Eglise d'Alexandrie. Ne
SAINT SIMPLICE ET SAINT FELIX, ETC. 411
voyant pas qu'il fût possible de rétablir si
vite Jean Talaïa sur le siège épiscopal de
cette ville, il lui donna l'Eglise de Noie en
Campanie, qu'il gouverna pendant plusieurs
années, et où il mourut en paix. Les lettres
écrites depuis quelques années à Acace et à
l'empereur contre Pierre Mongus, avaient
été inutiles, et la plupart sans réponse. Fé-
lix, obligé de chercher des voies plus fortes,
en délibéra dans un concile qu'il tint dans
l'église de Saint-Pierre, et avec l'Eglise ro-
maine. Le résultat fut que l'on enverrait des
légats à l'empereur, tant pour lui porter des
lettres de l'ordination de Féhx, que pour
travailler auprès de lui à la conservation de
la foi et de la discipline de l'Eglise. Le pape
choisit à cet effet les évêques Vital et Mi-
sône, avec Félix, défenseur de l'Eghsc ro-
maine. Ils étaient chargés de rendre à l'em-
pereur les lettres que le pape lui écrivait sur
sa promotion, mais surtout de lui demander'*
que Pierre Mongus fût chassé d'Alexandrie
comme hérétique, et que l'on maintint l'au-
torité du concile de Chalcédoine; de dénon-
cer à Acace qu'il eût à répondre à la requête
que Jean Talaïa avait présentée au pape
contre lui, et à prononcer auathème contre
Pierre Mongus. Féhx dél'endit à ses légats de
communiquer avec Acace, s'il refusait de
satisfaire à toutes ces demandes.
18. Dans sa lettre à l'empereur, après lui
avoir donné avis de sa promotion^, Félix se
plaint avec douceur de ce que ce prince n'a-
vait point repondu à la lettre du pape Sim-
plice, touchant les moyens de procurer la
paix à l'Eglise d'Alexandrie, et de ce qu'il
semblait vouloir se séparer de la confession
de saint Pierre, et conséquemment de la foi
de l'Eglise universelle. Il lui représente
que, en déchirant l'unité de la foi qui l'avait
rétabh sur le trône, il se mettait en danger
d'en descendre une seconde fois; que n'y
ayant plus que lui qui portât le nom d'em-
pereur, il devait chercher à se rendre Dieu
propice, plutôt que d'attirer son indignation.
« Je crains, lui dit-il, et je tremble de peur
que ce changement de conduite ne fasse
» Tom. IV Concil., pag. 1096, 109S.
2 Les écrits de Félix III, qui nous restent, se trou-
vent dans le tome LYIII de la Puirologie latine,
col. 797 et suiv., d'après Mansi, tome VII. On y trouve
1° une notice par Cave et par Anastase ; 2° les lettres
au nombre de quinze ; mais la troisième, la quatrième
et la cinquième ne sont pas de ce pape, et deux autres
de luij tirées de llalîéi ; 3° les décrets extraits de
Gratien ; 4° un abrégé des Gestes d'Acace ou des Eu-
iychiens, par Sirmond, et quelques autres monuments
concernant cette question. {L'éditeur.)
' Evag., lib. III, cap. xvm.
'* Evag., ubi sup., et Gesta de noniine Acacii, tom.
IV Concil., pag. 1082.
'^ Epist. 2, tom. IV Concil., pag. 1033.
412
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
changer l'événement des choses. Regardez
vos prédécesseurs, Marcien et Léon, d'au-
g'usle mémoire ; suivez la foi de ceux dont
vous êtes le successeur légitime. Suivez celle
que vous avez professée vous-même : faites
chercher dans les archives de votre palais
ce que vous avez écrit à mon prédécesseur,
quand vous êtes remonté sur le trône. Vous
n'y parlez que de conserver le concile de
Clialcédoine et de rappeler Timothée le Ca-
tholique. Que l'on cherche ce que vous lui
avez écrit à lui-même, pour le féliciter de
son retour à Alexandrie, comme en étant le
véritable évêque : d'où il suit que Pierre
Mongus, qui en avait été chassé, était un
faux évêque et un partisan de l'erreur. Enfin
vous avez menacé par vos lettres tous les
évêques et tout le clergé d'Egypte, que si
dans deux mois ils ne revenaient à la com-
munion de Timothée Solophaciole, ils se-
raient déposés et chassés de toute l'Egypte.
Vous avez voulu que ceux qui avaient été
ordonnés par Pierre ou par l'hérétique Ti-
mothée déjà mort, fussent reçus à la com-
munion de Timothée le Catholique, s'ils re-
venaient dans le temps marqué. Mais vous
n'avez point voulu que la cause de Pierre
pût être examinée de nouveau, ni qu'il pré-
tendît jamais gouverner des catholiques. Au
contraire, vous avez déclaré, que si Timo-
thée Solophaciole venait à mourir, vous ne
souffririez point qu'on lui donnât de succes-
seur qui ne fût pris entre les clercs catholi-
ques et consacré par des catholiques. Com-
ment donc soutfrez-vous que le troupeau de
Jésus-Christ soit encore ravagé par ce loup
que vous en avez chassé vous-même?» Le
pape établit ensuite l'autorité du concile de
Chalcédoine, montrant que la doctrine en
est entièrement conforme à celle des divines
Ecritures, des conciles et des Pères, et que
tous les évêques du monde ayant enseigné
de même, il n'est plus permis d'examiner les
erreurs que ce concile a condamnées ', parce
que ce qui a été universehement décidé par
les anciens, n'est point sujet à révision. Re-
venant ensuite à Mongus : « N'est-ce point
lui, dit-il, qui, depuis trente ans, ayant
abandonné l'Eglise catholique , est le secta-
teur et le docteur de ses ennemis et toujours
prêt à répandre le sang? n D'où il conclut
que de lui abandonner l'Eglise d'Alexandrie,
sous prétexte de réunir les esprits, ce ne se-
rait pas rétablir la paix, mais céder la vic-
toire aux hérétiques et causer la perte d'une
infinité d'âmes. Il remet à Zenon devant les
yeux la victoire qu'il avait remportée sur Ba-
silisque, el l'exhorte à déHvrer l'Eglise de
ceux qui enseignent l'hérésie, comme Dieu
avait délivré l'Etat du tyran hérétique, et à
ramener le siège de saint Marc à la commu-
nion de saint Pierre. 11 ne dit rien dans cette
lettre de l'Hénotique de Zenon, apparemment
de crainte d'irriter ce prince; il n'y demande
pas non plus le rétablissement de Jean Ta-
laïa, ce qui aurait pu blesser l'empereur, qui
s'était ouvertement déclaré contre cet évê-
que, et qu'il n'aurait peut-être pas voulu
souffrir alors à Alexandrie, à cause de son
union avec le général lUus.
19. Le pape reprit encore Acace du si- i.etue à
lence obstiné qu'il avait gardé à l'égard de ranÏÏiioilte
son prédécesseur ^, sur une affaire d'aussi tanUMfio°°°"
grande conséquence qu'était celle de l'Eglise
d'Alexandrie, et de l'orgueil qu'il semblait
avoir marqué dans cette occasion. « Si vous
n'aviez pas daigné, lui dit-il, rendre vos res-
pects aux triomphes du bienheureux apô-
tres le seul souvenir de vos obligations de-
vait vous faire élever généreusement pour
maintenir la pureté de la foi catholique, pour
défendre les décrets de nos pères, pour sou-
tenir les décisions du concile de Chalcédoine,
qui approuve entièrement les décisions de
celui de Nicée, et vous montrer un digne
successeur des évêques catholiques de cette
ville, par votre zèle contre les ennemis qui
l'attaquaient : car vous n'avez pas d'autre
moyen de vous faire reconnaître entre les
membres du corps de Jésus-Christ, qu'en
cessant absolument de fomenter les maux
C[ui se sont répandus dans toute la terre. Il est
donc de votre devoir d'aller souvent trouver
l'empereur et de lui représenter que, n'ayant
vaincu son ennemi qu'en prenant la défense
de la vérité, c'est par le mêaie moyen qu'il
doit se procurer le salut et conserver son
empire; de le faire souvenir de ce qu'il a fait
et écrit contre Pierre en faveur de Timothée
le Catholique, chassant celui-là de l'Eglise
d'Alexandrie, pour la rendre à celui-ci, et
menaçant les clercs et les laïques d'Egypte
d'être dépouillés de leurs charges et de leurs
dignités, si dans deux mois ils ne revenaient .
1 Quod semd a veteribus universaliler decisum est
non reiractetm\ Pag. 1056.
2 Epist. l, pag. 1049.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLIGE ET SAINT FÉLIX, ETC.
à la communion de Timothée. » Il ajoute
qu'Acace était d'autant plus en état de faire
toutes ces remontrances à l'empereur, qu'il
avait lui-même eu grande part à tout ce que
ce prince avait fait pour abattre les ennemis
du Saint-Siège et du concile de Chalcédoine,
comme il s'en était fait gloire dans ses lettres
au pape saint Simplice ; qu'il devait faire tous
ses efforts pour empêcher Zenon de relever
l'hérésie qu'il avait abattue, de peur de se
rendre suspect de la favoriser lui-même.
« Car on approuve, dit-il ', l'erreur lorsqu'on,
ne s'y oppose pas; et on est censé opprimer
la vérité quand on n'en prend pas la défense.»
Il presse Acace de se servir de son crédit
auprès de Zenon, pour empêcher que le
troupeau du Seigneur ne soit déchiré et que
l'Eglise ne soit remise en péril, par l'audace
de ceux qui s'élevaient contre le concile de
Chalcédoine.
Il n'est rien dit dans ces deux lettres de
la requête de Jean Talaïa contre Acace : mais
le pape Félix l'envoya séparément, avec un
acte adressé à Acace 2, où il lui dit de se dé-
fendre promptement sur les accusations for-
mées contre lui , devant le siège de saint
Pierre, dans l'assemblée des évêques, afin
que l'on pût juger de son innocence. A cet
acte Félix en joignit un autre, qu'il qualifie
sa plainte. En effet, il s'y plaint à Zenon, à
qui cet acte est adressé ^, de ce que, lors-
qu'on croyait l'Eglise victorieuse de ses en-
nemis, particulièrement de Mongus, on l'a-
vait vu tout d'un coup assis sur le trône de
l'Eglise d'Alexandrie. « Si cela est ainsi, dit-
il, la crainte de Dieu m'oblige de dire avec
liberté à un prince chrétien, qu'il faut expier
par des remèdes salutaires ce que l'on a fait
au mépris de Jésus-Christ. » 11 fait retomber
la faute sur Acace, qu'il dit ne pouvoir se
dispenser, suivant les lois ecclésiastiques et
civiles, de se purger des choses dont il était
accusé dans la requête de Jean Talaïa.
Félix envoya une copie de cette requête à
l'empereur. Les légats furent chargés de
toutes ces pièces et de diverses lettres pour
des catholiques de Constantinople *. Ils
étaient encore en chemin pour se rendre en
413
cette ville, lorsque le pape reçut une lettre
de Cyrille, abbé des Acemètes ^, en plainte
de ce qu'on agissait avec tant de lenteur
contre Acace, tandis qu'on blessait la foi par
tant d'excès. Sur cette lettre, Félix écrivit à
ses légats de ne rien faire qu'ils n'eussent
conféré avec Cyrille et su de lui comment
ils devaient se conduire : mais on ne leur en
donna pas le loisir. Aussitôt qu'ils furent ar-
rivés à Abyde et au détroit des Dardanelles,
on les arrêta par ordre de Zenon et d'Acace,
et on les mit en prison après leur avoir ôté
les papiers et les lettres qu'ils portaient. Pen-
dant leur détention, Zenon les menaça de
mort, s'ils ne consentaient à communiquer
avec Acace et avec Pierre Mongus. Aux me-
naces il ajoutait les caresses, les présents et
même les parjures ^, promettant que lui et
Acace remettraient le jugement de toute l'af-
faire au pape. Les légats cédèrent '', et con-
tre l'ordre de celui qui les avait envoyés, ils
promirent de communiquer avec Acace. Alors
ils sortirent de prison, parurent en public
avec Acace, célébrèrent avec lui les saints
mystères et avec les envoyés de Pierre Mon-
gus, qu'ils reconnurent pour évêque d'Ale-
xandrie, et dont le nom fut nommé tout haut
à la récitation desdyptiques^, au lieu qu'au-
paravant on ne le nommait que tout bas. Les
hérétiques en tirèrent avantage. Ils dirent '
que Rome avait reçu Pierre Mongus, et jetè-
rent ainsi le trouble parmi les fidèles. Les
légats ne se mirent point en peine de les dé-
tromper, et quoiqu'on leur demandât des
éclaircissements sur plusieurs choses, ils
n'en voulurent point donner. Ils ne firent
non plus aucune tentative pour se faire ren-
dre les lettres qu'on leur avait prises; mais
pour mettre le comble à leur confusion, ils
se chargèrent de celles qu'Acace '" et l'em-
pereur écrivirent au pape. Acace donnait
dans la sienne de grandes louanges à Mongus,
soutenant qu'il n'avait jamais été condamné,
et avouant qu'il communiquait avec lui et
avec ceux qui le reconnaissaient pour évê-
que. Il s'y répandait en injures contre Jean
Talaïa, n'osant toutefois entreprendre de ré-
pondre à ses accusations devant le Saint-
1 Error enim cui non resistilur, opprohatur, et ve-
rHas quœ minime defensatur, opprimitur. Félix,
ICpist. 1 ad Acac, pag. 1051.
2 Tom. IV Conci/., pag. 1096.
3 Tom. IV ConciL, pag. 1096.
'■ Libérât., cap. xvm.
^ Evag., lib. III, cap. xix.
6 Tom. IV ConciL, pag. 1201.
' Tom. IV ConciL, pag. 1082 et 1072 ; et Libérât.,
cip. xvm.
8 Evag., lib. III, cap. xx et xxi.
9 Tom. IV ConciL, pag. 108'. ; et Evag., lib. III,
cap. XXI.
*» Tom. IV ConciL, pag. 1125, 1072 et 1083.
Mi.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Siège : et pour mieux cacher les fautes qu'il
avait commises, il en chargeait l'empereur.
Ce prince, au contraire, témoigna dans ses
lettres ' qu'il n'avait rien fait que par le con-
seil d'Acace. Il y parlait encore du prétendu
parjure de Talaïa , assurant le pape ^ qu'on
n'avait reçu Mongus à la communion qu'a-
près avoir signé dans Y Hénotique l'accepta-
tion du concile de Chalcédoine.
i.a concile gQ. Le troisièmc légat, nommé Félix, dé-
ae Rome cou- ° '
d.imno les lé- fenscur de l'Eglise romaine, n'arriva à Cons-
gala, *-■ '
tantinople qu'après que Vital et Misène
avaient été mis hors de prison, étant de-
meuré malade en chemin. On lui ôta aussi
les papiers dont il était chargé ^, on le retint
dans une prison très-rude; et comme il ne
voulut point imiter la lâcheté de ses collè-
gues, Acace refusa même de le voir. Les
deux autres, à leur arrivée à Rome, trouvè-
rent le pape bien informé de leur conduite.
Ils avaient été précédés par Siméon et par
d'autres moines acemètes *, que Cyrille, leur
abbé, et d'autres abbés de Constantinople,
avaient envoyés pour instruire le pape de
tout ce qui s'était passé. Il reçut vers le même
temps une lettre des évéques et des clercs
catholiques d'Egypte, où, en l'assurant de la
pureté de la foi et de la canonicité de l'ordi-
nation de Jean Talaïa, ils lui disaient beau-
coup de choses contre Pierre Mongus et con-
tre ceux qui communiquaient avec lui, nom-
mément contre Acace. Cette lettre, avec celle
des moines acemètes, furent lues dans un
concile que le pape Félix tint dans l'église
de Saint-Pierre, sur la fin de juillet 484. Les
légats voulurent se justifier ^, prétendant
avoir exécuté les ordres dont on les avait
chargés ; mais on leur fit voir par la lettre
même d'Acace qu'ils avaient apportée, qu'ils
étaient coupables d'avoir communiqué avec
cet évêque, n'ayant pu ignorer qu'il ne fût
dans les mêmes sentiments que Mongus. Si-
méon et les autres acemètes leur soutinrent
aussi qu'ils avaient communiqué avec les hé-
rétiques et prononcé à haute voix le nom
de Pierre Mongus dans les sacrés diptyques;
qu'ils n'avaient voulu répondre à aucune des
questions qui leur avaient été proposées par
des catholiques, ni rendre les lettres dont ils
étaient chargés pour eux. On leur confronta
encore le prêtre Silvaiu, qui les avait accom-
pagnés à Constantinople, et qui confirma ce
que les acemètes avaient déposé contre eux.
Les légats se trouvèrent donc réduits à s'ex-
cuser sur la violence qu'ils avaient soufferte
de la part d'Acace; mais cet excuse qui con-
damnait cet évêque, ne les justifiant pas, le
pape se vit contraint de condamner ses pro-
pres légats. Ils furent déposés de l'épisco-
pat et privés de la communion des mystères,
jusqu'à ce que l'Eglise d'Alexandrie eût reçu
un évêque catholique. Ainsi ils seraient de-
meurés excommuniés pendant environ qua-
rante ans. Vital mourut même sans avoir été
relevé de cette excommunication •>, ayant
été emporté par une mort subite. Mais Mi-
sène, touché de frayeur par cet accident, de-
manda et obtint la communion de l'Eglise
dans un concile que le pape Gélase assembla
en 495. Le concile du pape, après avoir rendu
la sentence contre les légats, prononça un
nouvel anathème contre Pierre Mongus et
contre Acace ', de crainte que cet évêque
s'étant souillé par la communion des héréti-
ques ^, le Saint-Siège ne fût souillé par sa
communion. Ce fut là l'origine du schisme
qui divisa pendant trente-cinq ans l'Orient
d'avec l'Occident. Quelques critiques en ont
pris occasion de censurer la conduite des
papes qui ont gouverné le Saint-Siège pen-
dant ces temps de trouble. Ils ont dit que
quand Acace de Constantinople aurait été
plus coupable qu'il n'était, le bien de la paix
demandait que l'on n'agît pas avec tant de
rigueur contre la mémoire d'un évêque dont
les sentiments étaient orthodoxes, et dont
tout le crime était d'avoir encouru la dis-
grâce de l'évêque de Rome et d'avoir donné
trop légèrement dans les volontés de l'em-
pereur Zenon, en appuyant de tout son cré-
» Tom. IV Conc, pag. 1208 et 1083.
2 Evag., lit. m, cap. sx.
3 Libérât., cap. xvm.
' Evag., lib. III, cap. xx.
s Tom. IV ConciL, pag. 1125 ; Libérât., cap. xvm; et
Evag., lib. III, cap. xsi.
6 Tom. IV ConciL, pag. 1270 et 1274.
' Les érudits ne conviennent pas entre eux si Acace
fut condamné une seule fois ou deux fois par le Pon-
tife romain. Les paroles de Félix, Epist. 15 de Iterata
(Acacii) excommunicatione, ont soulevé ce doute ;
mais comme aucun des anciens n'a parlé d'une double
condamnation, comme les paroles du pape admet-
tent facilement une autre explication, et comme
d'ailleurs Félix ou Gélase dit clairement qu'Acace
n'a été condamné qu'une fois, il semble qu'on doit
admettre une seule condamnation, celle qui eut lieu
le 28 juillet de l'an 484, et qui a pu être renouvelée
et confirmée, selon l'usage de l'Eglise des premiers
temps. [L'éditeur.)
s Tom. IV ConciL, pag. 1210 et 1202.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX , ETC.
415
dit son Hénotique ou formule de foi, et en y
souscrivant lui-même des premiers. Mais ce
n'était là qu'une partie des fautes d'Acace;
et quand on les envisagera toutes, l'on con-
viendra avec M. Nicole, dans le chapitre
dixième de son second livre de l'Unité de l'E-
glise, que l'excommunication fulminée par le
pape Félix Ht, contre cet évêque, était de soi
très-juste dans le fond. Acace avait lui-même
écrit au pape Simplice contre Pierre Mon-
gus et l'avait dépeint comme un hérétique,
comme un usurpateui', comme un enfant des
ténèbres, comme un adultère qui avait voulu
usurper le siège d'Alexandrie du vivant du
légitime pasteur, Timothée Solophaciole. Ce
fut même sur cette instruction qu'Acace avait
envoyée au pape Simplice, que ce pape con-
damna Pierre Mongus, dont les crimes étaient
d'ailleurs très-évidents, puisqu'il avait été
l'exécuteur des violences de Dioscore contre
saint Flavien de Constantinople, et de Timo-
thée Elure contre saint Protère d'Alexandrie,
et qu'il était ennemi déclaré du concile de
Ciialcédoine. Cependant Acace, au préjudice
d'une excommunication si juridique, procu-
rée par lui-môme, pour chasser d'Alexandrie
Jean Talaïa, archevêque de cette ville, qui
n'avait pas eu assez d'égards pour lui, ne
laissa pas d'y faire rétablir Pierre Mongus et
de communiquer avec lui, sans la participa-
tion du pape, ce qu'il ne pouvait faire selon
les canons, puisqu'une excommunication lé-
gitime du premier siège, qui est celui de
Rome, ne pouvait être levée par un évoque
inférieur comme Acàce.Il est vrai qu'il exigea
une promesse de Mongus de ne point con-
damner le concile de Chalcédoine ; mais ou-
tre qu'il n'y avait pas lieu de l'en croire à sa
parole, à laquelle il manqua plusieurs fois,
anathématisant ce concile toutes les fois qu'il
le jugeait utile à ses intérêts, il est certain
qu'un hérétique aussi déclaré que Mongus
et signalé par de si grands excès, ne pouvait
être reçu qu'à la communion laïque selon
l'ordre des canons. Ainsi c'était une entre-
prise très-irrègulière à Acace de communi-
quer avec lui, comme avec l'archevêque lé-
gitime d'Alexandrie. Il y avait encore plu-
sieurs autres violements des canons très-
certains dans le procédé d'Acace : surtout
les violences dont il usa envers deux évêques
nonces du pape, étaient entièrement inexcu-
sables, puisqu'il les fit emprisonner et trai-
ter indignement.
21. Le pape Félix en écrivit à Acace même lmit
pour lui marquer les motifs de sa condam-
nation '. « Vous avez, lui dit-il, au mépris
des canons de Nicée, usurpé les droits des
autres provinces, reçu à votre communion
des hérétiques usurpateurs que vous aviez
vous-même condamnés, donné le gouverne-
ment de l'Eglise de Tyr à Jean, que les ca-
tholiques d'Apamée avaient refusé, et qui
avait été cliassé d'Antioche; élevé à la prê-
trise Hymérius, déposé du diaconat et ex-
communié. » Ensuite il lui reproche la pro-
tection qu'il donnait à Pierre Mongns eu le
maintenant dans le siège d'Alexandrie; les
violences qu'il avait exercées contre ses lé-
gats, au mépris du droit des gens; le refus
qu'il faisait de comparaître devant le Saint-
Siège pour répondre aux accusations portées
dans la requête de Jean Talaïa. Après quoi
il conclut ainsi sa "lettre : « Ayez donc part
avec ceux dont vous embrassez si volontiers
les intérêts, et sachez que par la présente
sentence, vous êtes privé de l'honneur du
sacerdoce et de la communion catholique,
étant condamné par le jugement du Saint-
Esprit et l'autorité apostohque, sans pouvoir
être jamais absous de cet anathèine. » Cette
lettre, qui est du 28 juillet 484, fut souscrite
par soixante-sept évêques, non compris le
pape. Il y ajouta - un acte pour être affiché,
où il dit que la sentence du Saint-Siège a
privé Acace du sacerdoce, pour avoir mé-
prisé les deux monilions qu'on lui avait fai-
tes et pour avoir emprisonné le pape en la
personne de ses légats; qu'en conséquence,
il est défendu sous peine d'anathème à tous
évêques, ecclésiastiques, moines ou laïques,
de communiquer avec Acace après la dénon-
ciation de cette sentence.
22. Tutus, défenseur de l'Eglise romaine, , ,,
' ^ ' Letlr
fut chargé d'aller à Constantinople faire à Z""°"-
Acace cette dénonciation ^. Le pape lui donna
aussi deux lettres, l'une pour l'empereur,
l'autre pour le clergé et le peuple. Celle-là
qui est datée du 1" d'août de la même an-
née 484 , est une réponse à celle que l'em-
pereur avait envoyée au pape par ses deux
légats. Le pape s'y plaint de la violence com-
mise envers eux, disant qu'elle lui faisait
craindre autant pour la couronne que pour
1 Epist. 6, pag. 1073.
^ Tom. IV Concil., pag. 1083.
8 Epist. 9, pag. 1083.
416
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
le salut de l'empereur ; qu'au reste cette vio-
lence n'ayant pas été une excuse sufEsante
pour eux, on les avait déposés. 11 déclare à
ce prince que le Saint-Siège ne communi-
quera jamais avec Piei're Mongus, ne fût-ce
que parce qu'il avait été ordonné par des
liérétiques. « Je vous laisse donc, ajoute-t-
il, en parlant à Zenon, à décider laquelle
des deux communions il faut choisir, ou celle
de l'apôtre saint Pierre ou celle de Pierre
Mongus. » Pour faire connaître à l'empereur
comment Mongus avait usurpé l'épiscopat,
il le renvoie aux lettres qu'Acace avait écrites
contre lui à saint Simplice, et dont il joignit
les copies à sa lettre. Il déclare ensuite à
Zenon la sentence portée contre Acace, en
témoignant qu'on espérait qu'il n'empêclie-
rait pas l'exécution des lois sacrées de l'E-
glise ', puisque lui-même voulait bien se
soumettre aux lois civiles de son Etat. Il le
prie de se souvenir que les princes doivent
apprendre des évéques quelle est la volonté
de Dieu, et non les forcer à suivre leur vo-
lonté propre, ajoutant que pour lui il ne
souffrirait pas que personne s'opposât à l'au-
torité et à la liberté de l'Eglise, se souvenant
que Dieu sera un jour le juge des évêques et
des empereurs,
i.ciiro un 23. Félix voulaut aussi lever le scandale
rcÏMe' d" que ses légats avaient donné parleur préva-
&nsia„iiDû- j,jgjj^iQjj 2 ay clergé et au peuple de Gons-
tantinople, leur écrivit que non-seulement il
désavouait ce qu'ils avaient fait, mais qu'il
les avait punis de leur faute, en les dépo-
sant 2 et en les privant de la communion des
divins mystères. Il leur déclara dans la même
lettre la condamnation d'Acace, dont il leur
envoyait la copie * afin qu'ils se séparassent
de sa communion, s'ils ne voulaient encourir
eux-mêmes la sentence d'excommunication :
et parce qu'Acace pour plaire aux hérétiques
avait déposé le prêtre Salomon, le pape veut
qu'on le conserve en son rang de prêtre, et
tous ceux qu'Acace pouvait avoir traités de
même. Le défenseur Tutus, chargé de signi-
fier la sentence de déposition à Acace, n'en
put trouver d'autres moyens que de la faire
attacher par les moines acemètes, au man-
teau de cet évêque, le dimanche, lorsqu'il
était à l'autel ^ on qu'il y entrait pour célé-
brer les divins mystères. Ceux qui environ-
naient Acace, irrités de la hardiesse de ces
moines, en tuèrent quelques-uns, en blessè-
rent d'autres et en mirent plusieurs en pri-
son. Tutus, qui s'était retiré après s'être ac-
quitté de sa commission, se laissa ensuite
gagner ^ par une somme d'argent qu'un
nommé Maronas lui offrit pour l'engager à
communiquer avec Acace. Basile ayant dé-
couvei't une lettre où ce fait était constaté,
alla lui-même la porter au pape, avec une
autre lettre que Rufin et Talassius, prêtres
et abbés de Constantinople, écrivaient an
pape pour l'avertir de ce qui s'était passé.
Tutus, de retour à Rome, fut convaincu en
plein concile, par ses lettres et par son pro-
pre aveu, d'avoir communiqué avec Acace.
Ainsi il fut déposé de la charge de défenseur
et excommunié, comme ayant trahi la foi de
l'Eglise et la fidélité qu'il devait au siège
apostolique '.
24. Félix en donna avis aux abbés Rufin et
Talassius, et aux autres moines de Constan-
tinople et de Bilhynie ^, en les avertissant do
séparer de leur communion ceux d'entre eux
qui aui'aient communiqué volontairement
avec les hérétiques , ou qui y auraient été
engagés par argent. Mais il veut qu'ils agis-
sent avec plus de douceur envers ceux de
leurs frères qui n'auraient cédé qu'à la vio-
lence des tourments. Il dit qu'on peut les
laisser dans leui-s cellules effacer leur faute
par la pénitence, jusqu'à ce que l'Eglise ca-
tholique se trouve délivrée de ses ennemis.
25. Acace, voyant que le pape se séparait
de lui, se sépara aussi du pape et ôta son
LellrcàHu-
fln c L 0 II \
moines il»
CouElanlino-
ple.
Lettre fans-
secient altri-
Ijuée à Piûire
le Foulon.
1 Puio auiem quod pielas tua quœ etiam suis ma-
vult vinci lerjibus, quam reniti, cœlestibus debeat pa-
rère decretis : quœ iia humanarum sibi rerum fasli-
gium noveril esse commissum, ut tamen ea quœ divina
sunt per dispensatores divinitus atlributos percipienda
non ambigat. Félix, Epist. 9 ad Zenon., tom. IV
ConciL, pag. 1084.
2 Epist. 10, pag. 1084.
3 Quos et ordinibus suis et veneranda divini mys-
terii perceptiune privavimus. Epist. 10, pag. 1085.
* lu Breviculo historien eutychianœ, apud Mansi,
tom. VII, col. 1065, et Galland, tom. X, pag. 669; Patro-
logie latine, lom. LVIII, coUect. 928 et seq. {L'éditeur.)
s Libérât., cap. xvm; Niceph., lib. XVI, cap. xvn.
<= Tom. IV ConciL, pag. 1085.
' Maffei a retrouvé tians la bibliothèque du Chapitre
de Vérone une longue et éloquente lettre écrite
entre l'an 487 et 489, aux Orientaux. Le pape Félix
y réfute tout ce qu'on alléguait eu faveur d'Acace, et
prouve qu'ayant été justement et régulièrement con-
damné, il ne peut être rétabli qu'en suivant les ca-
nons. L'éditeur, dans uue savante préface, prouve
l'authenticité de cette lettre, en détermine l'époque
et en fait l'analyse. (L'éditeur.)
8 Epist. 11, pag. 1085.
[V' SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
417
nom des dyptiqnes '. Comme il comptait pour
rien la sentence de Rome, il continua jusqu'à
la mort à ofTinr le saint sacrifice. Le corps de
l'Eglise de Constantinople ^ lui demeura uni,
mais les abbés Rufin, Hilaire et Talassius ^ ai-
mèrent mieux se séparer de cette Eglise que
de celle de Rome. Calandion , évêque d'An-
tioche , qui s'était toujours déclaré contre
Pierre Mongus, fut déposé et chassé de son
église par Zenon, sous prétexte d'avoir favo-
risé le parti d'illus, qui s'était révolté avec
Léonce contre l'empereur, mais en effet parce
qu'il persévérait dans la communion du pape
Félix et de Jean Talaïa. Le lieu de l'exil de
Calandion fut l'Oasis, et Pierre-le-Foulon fut
rétabli sur le siège d'Antioche, avec l'agré-
ment d'Acace et d'un grand nombre des évo-
ques d'Orient. Divers autres évêques catho-
liques * furent déposés sans examen et sans
aucune forme canonique, et envoyés en di-
vers exils. Acace était l'âme des persécutions
qu'on leur faisait souffrir; mais Zenon, qui
l'appuyait de son autorité, n'était pas moins
coupable que lui. Cet évêque ayant voulu
obliger ceux du côté de l'Orient ^ de commu-
niquer avec Pierre Mongus, ils s'adressèrent
à Félix, se plaignant qu'Acace était l'auteur
de tous les maux de l'Eglise. Leur plainte
occasionna un concile en Italie, où les évê-
ques renouvelèrent les anathèmes déjà pro-
noncés par le Saint-Siège ^ contre Acace et
contre Pierre Mongus et Pierre-le-Foulon.
Nous avons plusieurs lettres qu'on' dit avoir
été écrites à Pierre-le-Foulon par le pape
Félix et par divers évêques d'Orient et d'Oc-
cident. Mais on convient aujourd'hui qu'elles
sont toutes supposées '. En effet, Pierre-le-
Foulon ne fut jamais évêque d'Antioche sous
le pontificat de Félix, si ce n'est après la dé-
position d'Acace; or, le pape ne reconnais-
sait alors ni Acace pour évêque, ni Pierre-le-
Foulon : ils n'étaient ni l'un ni l'autre dans
la communion du Saint-Siège. Cependant les
lettres que nous avons sous le nom de Félix
à Pierre-le-Foulon, supposent clairement que
ce dernier était reconnu pour évêque par
Félix , et qu'il lui était , de même qu'Acace,
uni de communion. Pierre-le-Foulon mourut
en 488, n'ayant vécu que trois ans depuis
qu'il avait une seconde fois usurpé le siège
d'Antioche. Il eut pour successeur un héré-
tique comme lui, nommé Pallade, prêtre de
l'église de Sainte -Thècle à Séleucie. Acace
mourut l'année suivante 489. Sa mort fut
semblable à celle de Pierre-le-Foulon, ayant
fini leurs jours l'un et l'autre dans l'anathème
dans lequel ils avaient vécu. Acace avait gou-
verné l'Eglise de Constantinople pendant dix-
sept ans et neuf mois. On mit à sa place Fra-
vita, prêtre de Sainte-Thècle, au faubourg de
Sicques. Il sembla d'abord zélé pour la véri-
table foi, n'ayant pas voulu entrer dans le
siège de Constantinople ^ sans la participa-
tion du pape, à qui il envoya une lettre sy-
nodale. Cette lettre fut portée à Rome , avec
une autre de la part de l'empereur Zenon,
par des moines catholiques de Constantino-
ple, qui étaient toujours demeurés séparés de
la communion d'Acace et de Mongus. Fravita
mandait par la sienne des nouvelles de sa
promotion au pape ^, afin que le consente-
ment qu'il y donnerait affermit entièrement
son épiscopat. Zenon témoignait par sa let-
tre beaucoup d'estime et d'afi'ection pour
Fravita, protestant qu'il n'avait travaillé aie
mettre sur le siège de Constantinople que
parce qu'il l'en croyait digne, et dans la vue
de raffermir l'union des Eglises et l'unité de
la foi. Il y témoignait aussi beaucoup de res-
pect pour le pape et un grand zèle pour la
religion, qui est, dit-il, le fondement des em-
pires et qu'on doit préférer à toute chose '".
26. Félix lut ces deux lettres avec joie *' et
fit lire celle de l'empereur en présence de
ceux qui l'avaient apportée et de tout le
clergé de Rome, qui y applaudit par de fré-
quentes acclamations. Il y avait tout lieu de
croire que Fravita, en chargeant de sa lettre
Lettre
Zéuon.
, 1 Gelas., Epist. ad Dardun.j.pag. 1205 et 1206.
2 Tom. IV ConciL, pag. 1092.
8 Ibid., pag. 1086. — ' Ibid., pag. 1205 et 1206.
i» Theoph., in Chronic, pag. 103.
« Tom. IV ConciL, pag. 1127 et 1211.
■ï Valesius, notis in Evag., pag. 177; et Petav., Dis-
sert, de Trisagio, cap. vil^ pag. 54 et 61.
8 Evag., lib. III, cap. xxiii.
9 Tom. IV ConciL, pag. 1089.
'" Mafféi a trouvé dans la bibliothèque du Chapitre de
Vérone, une lettre de Félix adressée à Succonius ou
X.
Sacconius, évêque d'Uzale, qui, ayant fui la persécution
des ariens d'Afrique, s'était retiré à Constantinople
et avait communiqué imprudemment avec Acace, en
prévarication du concile de Chalcédoine. La fuite des
vingt-huit évêques eut lieu en 484, et la lettre en
question parait écrite peu de temps après. Elle porte
en titre le nom de Gélase, mais elle ne semble point
être de lui, car Félix vécut jusqu'en 482. Le souverain
Pontife rappelle Succonius à de meilleurs sentiments
et le conjure de se corriger. {L'éditeur.)
" Epist. 12, pag. 1086.
27
418
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des ecclésiastiques et des moines unis de
communion avec Je Saint-Siège, voulait aussi
prendre ce parti, et le pape était près d'ac-
corder sa communion aux députés de Fra-
vita, lorsqu'il leur demanda si eux et celui
qui les avait envoyés pi'omettaient de rejeter
les noms d'Acace et de Mongus des sacrés
dyptiques. Sur ce qu'ils lui répondirent qu'ils
n'avaient point reçu d'ordres à cet égard, il
ditîéra de les admettre à sa communion, fai-
sant voir par des écrits qui montraient clai-
rement que Timothée Elure et Pierre Mongus
étant infectés des erreurs d'Eutycliès, ne
pouvaient être jamais reçus dans l'Eglise
cormme évéques. Cependant, comme il dési-
rait ex trêmementl'union et la paix des Eglises,
il se hâta de récrire àl'empereur et àFravila,
afin d'en recevoir des réponses favorables à
ses desseins. Ces deux lettres sont sans date.
Il loue Zenon d'avoir procui-é la promotion
d'un homme tel qu'il avait dépeint Fravita,
et l'assure du désir sincère dans lequel il
était d'être uni de communion avec l'Eglise
de Constantinople. Il ajoute qu'en différant
d'admettre à sa communion les députés de
Fravita jusqu'à ce qu'il fût assuré qu'on re-
jetterait à Constantinople les noms de Mon-
gus et d'Acace, il n'avait point voulu faire
voir son autorité , mais donner des marques
de sa sollicitude pour le salut et la prospé-
rité de l'empereur; qu'il avait confiance que"
comme ce prince ne se refusait point aux de-
mandes mêmes des nations barbares , lors-
qu'il s'agissait de la tranquillité de l'empire,
il écouterait beaucoup plus volontiers celles
du Siège apostolique, qui tendaient au repos
de l'Eglise, rien n'étant plus convenable que
de voir l'ancienne et la nouvelle Rome unies
dans la même foi qui, selon le témoignage de
saint Paul, estprêchée partout le monde, en
sorte que ces deux villes n'aient qu'une même
refigion comme elles n'ont qu'un même nom.
« Croyez-vous, vénérable empereur, dit en-
core le pape, que je ne répande point des
larmes en vous écrivant ceci, etqtiejene me
prosterne pas, en la manière que je puis , aux
pieds de votre piété ? Je n'ai point de peine
à me rabaisser devant les puissances de
l'empire, surtout pour une telle cause, après
que l'apôtre a dit qu'il s'était fait le rebut et
l'opprobre de tous les hommes, n 11 conjure
donc ce prince de faire ôter des dyptiques
les noms d'Acace et de Mongus.
' Epist. 13, pag. 1089.
27. Sa lettre à Fravita roule sur le même Lour
sujet '. Félix l'assure que ce n'était qu'avec '^'■'"■'"'■
peine qu'il avait différé d'admettre à sa com-
munion ses députés, et le prie de croire qu'en
cela il n'avait point agi par opiniâtreté^ mais
par le zèle qu'il était obligé d'avoir pour la
foi et pour la défense des dogmes que les
pères nous ont transmis. « En demandant de
vous que vous ne récitiez plus à l'avenir les
noms d'Acace et de Pierre Mongus, je ne
vous impose point, dit-il, cette loi par un es-
prit d'empii-e et de domination , mais pour
satisfaire à mon devoir et pour décharger ma
conscience. Considérez,- vous tous qui êtes
élevés à la dignité de l'épiscopat, que nous
sommes obligés de vivre et de mourir, s'il
est nécessaire, pour la foi. Considérez aussi
que la durée de cette vie est toujours incer-
taine, et que nous ne pouvons assez craindre
d'être enlevés subitement et présentés au
jugement redoutable de Dieu. » Il témoigne
le désir qu'il avait eu d'absoudre Acace , s'il
l'eût demandé, et dit que si l'on convient de
lui accorder ce qui regardait Acace et Mon-
gus, il sera aisé d'accommoder pour le bien
de la paix ce qui concernait ceux qu' Acace
avait baptisés et ordonnés. C'est qu'ils crai-
gnaient qu'en souscrivant à la condamnation
d'Acace, on ne les obligeât de regarder nuls
les sacrements qu'il avait administrés depuis
que Rome l'avait condamné. Le pape ajoute
qu'il s'était déjà expliqué là-dessus. Nous
n'avons point cette lettre.
28. Il en écrivit une à Thalassius et autres ^ ,.
abbés de Constantinople ^, pour leur défen- Thaïassia
dre, tant à eux qu'à leurs moines, de com-
muniquer avec l'évéque de cette ville, jus-
qu'à ce qu'ils en eussent ordre du Siège
apostolique. Le pape ne nomme pas celui
qui était alors évêque de Constantinople,
mais il y a apparence que c'était Fravita.
Cette lettre, qui est du 1" mai 490, est une
réponse à celle que ces abbés lui avaient
écrite par les députés d'Acace. On ne voit
point qu'ils en aient porté à Rome de la part
de Vétranion. Mais Félix, qui le connaissait
pour un homme de piété et de zèle, capable
de bien défendre la vérité quand il la con-
naissait, lui écrivit pour l'instruire de l'affaire
d'Acace et de Mongus. Après l'avoir fait en
peu de mots, il le prie, en des termes très-
polis, d'abandonner un parti qu'il ne pouvait
plus douter être mauvais, et de faire tous ses
2 Epist. 14, p. 1091, et Epist. 15 ad Veran., pag,
1092.
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXIII. — SAINT SIMPLICE ET SAINT FÉLIX, ETC.
419
efforts pour en retirer les autres, surtout de
porter l'empereur, qu'il appelle le principal
fils de la religion, à permettre qu'on ôtât
des dypliques de l'Eglise de Constanlinople
les noms d'Acace et de Mongus, qui avaient
occasionné toute la tempête qui s'était éle-
vée. Il le conjure d'employer à cet effet les
prières les plus pressantes et de les accom-
pagner même de larmes pour les rendre plus
efficaces. On a joint à cette lettre ' un frag-
ment de celle que le pape écrivit à André de
Thessalonique. Cet évêque avait demandé la
communion du Saint-Siège, mais à d'autres
conditions que le pape prescrivait. « Nous vou-
drions, lui répondit le pape, que le désir que
vous témoignez de rentrer dans la commu-
nion de l'Eglise fût aussi entier que l'intérêt
de la vérité orthodoxe le demande. » Il y a
lieu de croire que cela regardait la commu-
nion d'Acace, et qu'André fît sur ce pointée
que le pape souhaitait, puisqu'en 492 une
lettre de Félix ayant été lue à Thessalonique ^
et dans d'autres églises de Tlllyrie, tout le
monde dit analhème à Acace et à ceux qui
s'étaient engagés dans sa communion.
29. Cependant quelques personnes zélées
pour la foi apportèrent à Rome une copie de
la lettre que Fravita avait écrite à Mongus,
pour lui protester quMl entrait dans sa com-
munion, et même qu'il rejetait celle de Félix.
Le pape, qui en avait reçu une toute con-
traire, voyant la mauvaise foi de Fravita,
renvoya ses députés sans vouloir les enten-
dre davantage. Il ne laissa pas de répondre
à la lettre de cet évêque ^; mais avant que
cette réponse fût arrivée à Constantinople,
Fravita mourut subitement après un épisco-
pat de trois mois et dix-sept jours. La réponse
de Mongus arriva aussi trop tard. Euplié-
miuS;, prêtre catholique, homme de savoir et
de vertu, succéda à Fravita dans le siège de
Constantinople. Ce fut à lui que l'on rendit
les lettres adressées à son prédécesseur. Mais
voyant que Mongus anathématisait dans la
sienne * le concile de Chalcédoine, il en eut
horreur, se sépara de sa communion et effaça
de ses propres mains son nom des dyptiques.
Cette rupture aurait eu de très -fâcheuses
suites, étant tous deux sur le point d'assem-
bler des conciles Tun contre l'autre, si Mon-
gus eût vécu plus longtemps; mais il mourut
la même année 490. Euphémius ne se con-
tenta pas d'effacer son nom des dyptiques,
il y mit celui du pape Félix, à qui il adressa
des lettres synodales suivant la coutume. Le
pape les reçut, mais il refusa sa communion
à Euphémius, jusqu'à ce qu'il eût effacé des
dyptiques les noms d'Acace et de Fravita.
30. L'empereur Zenon étant mort en 491, i.eiiraaux
11- I -1 \ , évêuues (l'A-
après dix-sept ans de règne, eut pour suc- wque. pag.
cesseur Anastase , qui avait auparavant la
qualité de Silentiaire. Il avait un frère infecté
de l'hérésie arienne, nommé Cléarque; il tint
lui-môme pendant quelque temps des assem-
blées à part. Euphémius s'opposa à son élec-
tion, disant qu'étant hérétique il ne méritait
pas.de commander à des chrétiens. Mais
l'impératrice Arienne (ou Ariadne), veuve de
Zenon, ayant épousé Anastase, engagea Eu-
phémius à le couronner, sous la promesse
qu'il fit de donner sa confession de foi par
écrit et de recevoir le concile de Chalcédoine.
A cette condition, Anastase fut couronné em-
pereur le 11 avril 491. Le pape Félix lui écri-
vit aussitôt ^ pour lui témoigner sa joie de le
voir élevé à l'empire. Il ne communiqua pas
toutefois avec lui, mais il ne prononça pas
non plus de condamnation contre lui, suspen-
dant ainsi son jugement jusqu'à ce qu'il fût
pleinement informé de la foi de ce nouvel
empereur.
31. Nous n'avons plus la lettre que Félix LciiroàPé
écrivit à Zenon ^ pour le prier d'agir auprès ''=i"« ^énon.
des Vandales dont il était allié , afin de les
engager à traiter avec plus d'humanité les
catholiques d'Afrique. Mais il nous reste celle
qu'il fit hre dans un concile de Rome, le 13
mars 487. Elle est adressée aux évêques de
toutes les provinces '. Après y avoir marqué
de quelle manière le démon avait sévi en
Afrique contre les chrétiens, et dit que plu-
sieurs même d'entre les prêtres et les évêques
étaient tombés dans cette persécution, jus-
qu'à se laisser rebaptiser, il leur prescrit dif-
férents remèdes que nous rapporterons dans
l'article des Conciles.
32. La lettre à Zenon, évêque de Sévihe ,
le même que samt Simplice avait établi son "»"• ?,^'"'î°°
„ 0 1. ''° Sovillc.
vicaire en Espagne **, est pour lui recomman-
der un homme de qualité nommé Térentien.
Il y en a une du pape Félix à saint Césaire
d'Arles, où il exhorte cet évêque à n'ordonner
' Epist. 15, p. 1094. — 2 Tom. IV Concil., p. 1163.
' Uberat., cap. xvm. — ' Evag., lib. III, cap. sxni.
"i Tom. IV Conoil., pag. 11 G8.
' Tom. IV Concil., pag. 1150 et 1075.
8 Ibid., Epist. 8, pag. 1078.
420
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
des évêques qu'après de longues épreuves,
afin qu'ils fussent fermes dans leur devoir.
Baronius rapporte celte lettre à l'an 488. Mais
on prétend qu'elle est de Félix IV et qu'elle
ne fut point écrite en cette année. On voit
en effet que saint Césaire remplissait le siège
d'Arles en 554. Il ne pouvait donc l'être en
484. Ce qui embarrasse, c'est que Gennade,
dans son livre des Ecrivains ecclésiastiques,
parle de cette lettre ', et il est certain qu'il
composa ce livre avant le pontificat de Fé-
lix IV, puisqu'il le soumit à la censure de
Gélase ^, qui occupa le Saint-Siège avant
Félix IV. On peut répondre que cet endroit
a été ajouté dans le livre de Gennade ', comme
on y avait ajouté les articles qui regardent
Avit, Pomère et Honorât de Marseille.
33. Le pape Félix mourut le 25 février de
l'an 492, après avoir tenu le Saint-Siège huit
ans, onze mois et environ quinze jours. Il est
compté entre les saints. On dit qu'il bâtit une
église de Saint-Agapet, près de celle de Saint-
Laurent , et qu'il fut enterré dans l'église do
Saint-Paul.
CHAPITRE XXIV.
Fauste, abbé de Lérins, et depuis évêque de Riez en Provence.
[Après 493.]
ba nniEsan-
ce, soséturJes.
sa lettre à
A nnstasc :
elle est per-
due.
1. Fauste, né en Bretagne sur la fin du
iv° siècle, étudia de bonne heui'e l'éloquence *
et s'y rendit si habile , qu'au jugement de
saint Sidoine il possédait toutes les règles de
cet art. Il s'appliqua aussi à l'étude de la
philosophie, dont il approfondit tellement les
principes, qu'il savait renverser les stoïciens'',
les cyniques, le péripatéticiens et les héré-
siarques par leurs propres armes. 11 sortit de
son pays pour passer en France, où il se re-
tira dans l'abbaye de Lérins, alors très-
célèbre dans l'Eglise par les vertus de saint
Honorât, de saint Maxime et de plusieurs
autres grands hommes. Il continua , dans sa
retraite, les études qu'il avait cultivées dans
le monde; mais il s'appMqua beaucoup plus
à acquérir l'intelligence des divines Ecritures "
et à se rendre habile dans les sciences ecclé-
siastiques. Ses mœurs étaient pures, prati-
quant avec soin tous les exercices de la vie
monastique. On remarque qu'étant fort âgé,
lorsqu'il venait à Lérins ^ comme pour s'y
reposer des travaux de l'épiscopat, il y ser-
vait les religieux, et que ne doi'mant et ne
mangeant presque pas , il ne s'occupait que
de la prière et du chant des psaumes.
2. L'évêché de Fréjus étant venu à vaquer ii est
vers lan 432, on jeta les yeux sur samt misenis
Maxime, abbé de Lérins, pour remplir ce
siège ; mais ce saint homme, craignant le far- <
deau de l'épiscopat , se sauva. Fauste l'ac-
compagna dans sa retraite ^, où ils demeu-
rèrent trois jours et trois nuits exposés à l'air
et à la pluie. Saint Maxime échappa à ceux
qui le cherchaient, mais peu de temps après
il fut contraint d'accepter le gouvernement
de l'Eglise de Riez. Fauste , établi abbé de
Lérins en sa place, vers l'an 433, s'acquit
beaucoup de réputation ^ par les discours
qu'il faisait de vive voix à ses religieux. Saint
Caprais vivait encore. Saint Hilaire d'Arles
le sachant à l'extrémité, vint lui rendre les
derniers devoirs. Soit qu'il y fût venu avec
Théodore de Fréjus et saint Maxime de Riez,
soit qu'il eût trouvé ces deux évêques à Lé-
rins , il obligea Fauste de s'asseoir entre lui
et ces saints évêques *", comme s'il eût voulu
faire connaître par là qu'il serait aussi un
jour élevé à l'épiscopat.
3. Vers l'an 454^ Fauste eut un différend !
avec Théodore de Fréjus, d'où l'abbaye de vùqMd3
Lérins dépendait alors. Pour le terminer, '"' °°
1 Gennad., de Script. Ecoles., cap. lxsxvi.
2 Ibid., cap. scxix et ex.
3 Labbe et Bin., Episf., pag. 1078.
' SidoD., lib. IX, Episf. 9. — 5 Ibid.
s Gennad., de Script. Eccles., cap. lxxxiii.
' Sidon., lib. IX, Epist. 9 et 3, et Carm. 16.
s Emiss.j Hom. 34. — s Gennad., cap. Lsxsv.
*" Surius, ad diem 5 maii, p. 79.
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
[V SIÈCLE.]
Ravenne,évêque d'Arles, convoquaun concile
où * il assista avec Rustique de Narbomie et
les évêques de la province. L'abbé et les
moines de Lérins y furent admis comme par-
ties intéressées. On y résolut que Théodore
seraitprié de recevoir la satisfactionde Fauste,
d'oublier le passé, de lui rendre son amitié
et de le renvoyer à son monastère ; que cet
évêque continuerait à donner à l'abbaye de
Lérins du secours dans ses besoins, et qu'il
ne s'attribuerait sur cette maison d'autres
droits que ceux que Léonce, son prédéces-
seur, s'était attribués, et qui se réduisaient à
ordonner les clercs et les ministres de l'au-
tel, ou par lui-même ou par d'autres ; de don-
ner le saint chrême et de confirmer les néo-
phytes s'il y en avait. On ajoute que les clercs
étrangei-s ne seraient point reçus dans le mo-
nastère sans son ordre; qu'au surplus, tous
les laïques seraient sous la conduite de l'abbé
qu'ils auraient choisi, sans que Théodore pût
s'y attribuer aucun droit ni en ordonner au-
cim pour clerc, si l'abbé ne l'en priait. Le corps
de la communauté était donc alors composé
de laïques qui se choisissaient un supérieur,
sans que l'évéque diocésain eût part à cette
élection.
4. Après la mort de saint Maxime, arrivée
le 27 novembre de l'an 453, Fauste fut choisi
pour lui succéder dans l'épiscopat de Riez ^
comme il lui avait succédé dans le gouver-
nement de l'abbaye de Lérins. Cette nouvelle
dignité ne changea rien dans sa conduite, et
il observa à Riez la rigueur de la discipline
qu'il avait observée à Lérins. Quelquefois il
se retirait dans les solitudes 3, et quelquefois
il retournait à celle qu'il avait quittée, et tou-
jours pour y pratiquer les exercices de la
pénitence. Mais il n'en veillait pas moins sur
les peuples de son diocèse, les instruisant
assiduement des mystères de la loi de Dieu
et de leurs devoirs, par des discours qu'il leur
faisait de dessus les degrés du saint autel •*,
et qu'ils écoutaient étant debout.
5. En 462, il fut député, avec Auxanius,
évêque d'Aix en Provence, pour aller à Rome
au sujet d'Hermès, qui, après avoir été or-
donné évêque de Rézierspar saint Rustique,
s'était fait pourvoir de l'évêché de Narbonne.
Ils assistèrent l'un et l'autre au concile que
421
le pape y tint dans le mois de novembre de
l'an 462, avec plusieurs évêques qui y étaient
venus pour l'anniversaire de son ordination.
L'affaire d'Hermès ayant été examinée, il fut
arrêté qu'il demeurerait évêque de Narbonne,
mais à condition qu'il n'aurait point le pou-
voir d'ordonner des évêques; que ce droit
serait transféré àConstanlius, évêque d'Uzès,
comme le plus ancien de la province; que
néanmoins, après la mort d'Hermès, le droit
des ordinations serait rendu à l'évéque de
Narbonne. C'est ce que l'on voit par la lettre
du pape , datée du 3 décembre de la même
année et adressée aux évêques de la Vien-
noise et des deux Narbonnaises ^ : Fauste fut
le porteur de cette lettre.
6. En 470^, Fauste se trouva à la dédicace
de l'église que saint Patient de Lyon avait
fait bâtir. Pendant les sept jours que dura
cette solennité, Fauste fit quelques discours
à la prière des évêques présents. Saint Si-
doine, qui n'était encore que laïque , fut un
de ses auditeurs et de ses admii^ateurs. Il lui
adressa vers le même temps un poème '
pour le remercier du soin qu'il avait pris de
l'éducation de son frère et de la manière dont
Fauste l'avait reçu lui-même chez lui, à Riez.
Quelques années après, il fut chargé d'écrire
sur la matière de la prédestination et de la
grâce, contre les erreurs d'un prêtre nommé.
Lucide, accusé d'enseigner que l'homme pou-
vait être sauvé parla seule force de la grâce,
sans qu'il fût obligé d'y coopérer, et de dé-
truire absolument le libre arbitre. Fauste
essaya d'abord de le ramener à la vérité *
dans plusieurs entretiens qu'il eut avec lui;
mais voyant qu'il ne gagnait rien sur l'esprit
de Lucide , il lui adressa un écrit où il mar-
quait en peu de mots ce qu'il pensait qu'on
devait croire ou rejeter sur la grâce pour être
orthodoxe. Cet écrit n'eut pas plus d'effet que
les entretiens de Fauste. Il fallut en venir à.
un concile que Léonce assembla à Arles vers
l'an 480, au plus tard ^. Fauste fut chargé de
recueillir ce que l'on dirait dans cette assem-
blée sur la matière de la prédestination et de
la grâce. Lucide y reconnut ses erreurs, les
condamna et protesta qu'à l'avenir il s'en
tiendrait à ce qui avait été décidé par les évê-
ques sur ce sujet.
Il assiste à
la dé<Hrace de
régliso da
LyOQ.
» Tom. IV ConciL, pag. 1023.
2 Sidon., Carm. 16. — 3 Idem, ibid.
* Seu te conspicuis gradibus venerabilis arœ concio-
lalurum plebs sedula circumsintit, exposita legis bibat
auribus ut medicinam. Sid., Carm. 16, pag. 1267.
s Tom. IV ConciL, pag. 1041.
6 Sidon., lib. IX, Eplst. 3. — ' Idem, Carm. 16.
8 Tom. IV Cû«cî7., pag. 1042 et 1043. — 3 Pag. 1044.
422
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES ÂUTEUHS ECCLÉSIASTIQUES.
Fansie osi 7. Fciuste eut aussi quelque part au traité
i'^q" °8r.°sa de paix qui fut conclu, en 475, entre l'empe-
493'. "^"'^ reur Népos et Euric , roi des Visigolhs. Ce-
lui-ci s'empai'a, vers l'an 481, de ce qui res-
tait à l'empire dans la Pi'ovence, et la ville
de Riez étant aussi tombée entre ses mains,
il en bannit l'évoque. On ne sait pas bien
quelle raison il en eut , mais on croit qu'il y
fut porté par un petit écrit que Fauste avait
fait contre les ariens et les macédoniens *,
pour montrer que toute la Trinité est de même
nature. Fauste trouva dans son exil des per-
sonnes de qualité qui l'assistèrent dans ses
besoins, quoique fort éloignées du lieu où il
était. 11 nomme en particulier Félix et Ru-
rice, avec qui il entretint un commerce de
lettres. Son exil ne fut que d'environ trois
ans, étant retourné à Riez ^ vers l'an 484,
lorsque Dieu eut ôté la vie à Euric et brisé
le sceptre de fer avec lequel ce prince arien
dominait sur ses sujets. Gennade ne dit pas
sous quel empereur Fauste mourut, mais il
semble le supposer encore vivant vers l'an-
née 493, lorsqu'il composait son traité des
Ecrivains ecclésiastiques.
Leiire de 8. Le premier écrit de Faustc^, suivaut l'or-
dre des temps, est sa lettre à Gratus, diacre
de l'Eglise catholique , qui vivait dans la re-
traite, où il pratiquait de grandes austérités,
appliqué sans cesse k la lecture. Ce genre de
vie, en lui affaiblissant l'esprit, lui enfla le
cœur, jusqu'au point qu'il s'imagina avoir eu
des révélations. Il était dans celte illusion
lorsqu'il composa un petit traité dans lequel
il prétendait montrer qu'il n'y avait en Jésus-
Christ Dieu et homme qu'une seule nature,
qui était la divine; d'où il suivait qu'on ne
devait point dire que Dieu fût père de l'homme
ni la femme mère de Dieu. C'était là propre-
ment l'eutychianisme ; et quoique Gratus sût,
par la lecture des ouvrages de saint Augus-
tin, que ce père était dans des principes en-
tièrement opposés, il aima mieux le condam-
ner que de le suivre; mais soit qu'il voulût
avoir l'approbation de Fauste, alors abbé de
Lérins et dans une grande réputation , soit
qu'il s'aperçût lui-même de la nouveauté de
sa doctrine, il envoya son écrit à cet abbé,
le priant de lui en dire son sentiment. Ce qui
donne lieu de croire que la solitude où il vi-
vait était dans la Provence et peu éloignée
de Lérins. Fauste eut d'autant plus de peine
Fauste à Gra-
à s'engager de répondre à Gratus, que son
écrit lui paraissait peu digne d'attention, tant
il était mal rédigé. Il craignait d'ailleurs de
traiter une matière si élevée et si difficile. 11
répondit toutefois, pour ne pas négliger une
personne qui l'avait consulté; mais il retint
l'écrit, jugeant qu'en le publiant il ne pou-
vait que déshonorer Gratus , à cause des er-
reurs qu'il renfermait. S'il tint aussi sa ré-
ponse secrète, ce ne fut que pour quelque
temps, puisqu'elle était déjà rendue publique
lorsque Gennade finissait son Catalogue des
hommes illustres, c'est-à-dire vers l'an 493.
Fauste reproche d'abord à Gratus la liberté
qu'il s'était donnée de condamner la doctrine
de saint Augustin, parce qu'encore, dit-il,
que ce père fût suspect chez de très-savants
hommes sur certaines matières, personne ne
le trouvait répréhensible dans ce qu'il avait
écrit sur les deux natures. Ceux que Fauste
appelle de très-savants hommes étaient les
semi-pélagiens, qui n'approuvaient point le
sentiment de saint Augustin sur la grâce. Il
fait voir ensuite que Gratus, en ne voulant
pas que l'on dît que la femme fût mère de
Dieu , tombait évidemment dans l'hérésie de
Nestorius, qui ne donnait à la sainte Vierge
que la qualité de mère de l'homme ou de
Christ, hérésie condamnée dans toutes les
iles et dans toutes les Eglises. 11 le reprend
de ce qu'il avait dit dans son écrit qu'il n'y a
qu'une nature de Dieu et de l'homme, disant
qu'il est bien vrai qu'en Dieu il n'y a qu'une
nature en trois personnes, mais qu'en Jésus-
Christ il y a deux natures en une seule per-
sonne , et que quiconque dit que Dieu notre
rédempteur est d'une seule nature , nie ou
que l'humanité soit unie à la divinité, ou que
la divinité le soit à l'humanité , l'ouvrage de
notre rédemption ne s'élant point accompli
par une de ces deux natures, mais par toutes
les deux. Ne reconnaître dans le Rédempteur
que la seule nature divine , c'est avouer que
la divinité a souffert dans sa propre substance,
qu'elle est morte, qu'elle a été ensevelie : ce
que Dieu a souffert toutefois, mais dans la
nature humaine et non dans la sienne pro-
pre. Fauste prouve la réalité des deux na-
tures par une hymne de saint Ambroise sur
la fête de Noël et par quelques passages de
l'Evangile, montrant que les ariens n'ont erré
sur la divinité de Jésus-Christ que parce qu'ils
' Geunad., cap. Lxssv. — s Faust,, Ep. ad Ruricium.
' Tom. Vm_Biblioi/i. Pair , pag. 553.
[V" SIÈCLE.] CHAPITRE XXIV.
n'ont ni distingué ni reconnu ces deux na-
tures. « Pour nous, ajoute-t-il, nous croyons
qu'il y a en Jésus-Glirist deux natures unies en
. une personne, et que de même que le corps et
l'âme font l'homme , de même aussi la divi-
nité et l'humanité font un Christ. » 11 allègue
l'endroit d'Isaïe où il est dit qu'un enfant
nous est né et qu'un fils nous a été donné, pour
montrer que le même, qui était Fils de Dieu
de toute éternité , est né d'une vierge dans
les derniers temps , et qu'il est conséquem-
ment Dieu et homme. Puis, s'adressant à
Gratus, il lui conseille de rentrer dans la voie
royale et commune qu'il avait quittée en se
fiant à ses propres lumières, et à cet effet
de changer en une occupation laborieuse ca-
pable de réprimer sa vanité, son application
à l'étude, qui ne faisait que la nourrir; de
quitter la solitude et de tempérer la rigueur
de ses abstinences, qui rendaient son esprit
faible et malade ; de ne se fier Jamais à ses
pensées , de songer plus à lire ce qu'il pour-
rait imiter qu'à écrire ce que d'autres pour-
raient lire ; de se retirer dans quelque monas-
tère pour y vivre sous la discipline de quel-
que abbé sage et expérimenté, et de se sou-
mettre à toutes ses volontés. Fauste ne dit
rien dans cette lettre de l'hérésie d'Euty-
chès, quoiqu'il en eût occasion ; ce qui fait
croire qu'elle fut écrite avant la naissance ou
la condamnation de cette hérésie, c'est-à-dire
avant l'an 449.
9. Quelque temps après ' , Fauste fut con-
sulté par un évêque qu'il ne nomme point,
sur trois articles : le premier, comment on
devait répondre aux ariens lorsqu'ils disaient
que le Fils étant né du Père, il fallait qu'il
fût plus jeune ; le second, en quel sens il était
vrai qu'en Jésus-Christ la substance divine
n'avait rien souffert par un sentiment de dou-
leur, mais seulement par un sentiment de
compassion; le troisième, quelles sont les
créatures corporelles et quelles sont les in-
corporelles. Fauste ne mit pas son nom à la
tête de sa réponse, mais elle ne laissa pas de
se répandre dans le public. Mammert Clau-
dien l'ayant trouvée entre les mains de gens
qui en faisaient cas , la lut et la réfuta dans
un ouvrage divisé en trois livres, que nous
avons encore et dont nous avons parlé dans
ce volume. Il s'arrête .peu aux réponses de
Fauste surles deux premières questions, mais
il s'étend beaucoup sur ce qu'il répond à la
FAUSTE, EVEQUE DE RIEZ. 423
troisième. Ce que Fauste dit en effet sur la
première question est peu considérable, et
on peut dire qu'au lieu d'éclaircir la difSculté,
il l'a rendue plus obscure. Il dit qu'il faut
distinguer entre les noms des choses et la
nature des choses; qa' engendré et non en-
gendré sont des noms de la divinité et
non la divinité même; qu'ils servent à nous
faire connaître que le Père ne tire pas son
origine du Fils, et que le Fils la tire du Père;
en un mot, qu'ils désignent les personnes et
non pas les natures. Pour montrer que le
nom d'engendré ne marque pas dans le Fils
une postériorité de temps , il donne pour
exemple le nom même de Fils, qui, quoique
dérivé de celui de Père, est néanmoins, de
même temps, puisque le Fils n'est pas sans
le Père; de même aussi que le juste n'est
pas sans la justice, le Père n'a pu jamais
être sans le Fils. 11 ajoute que le Fils se di-
sant lui-même , dans Isaïe , le premier et le
dernier, l'alpha et l'oméga, il n'a point de plus
ancien que lui. Ce que Fauste dit sur la se-
conde question, tend à montrer que la divi-
nité est sujette aux passions, et qu'il est vrai
de dire , en un sens , que la colère et le re-
pentir, de même que les sentiments de com-
passion et de reconnaissance, ont lieu dans
Dieu. Il s'explique en disant que la colère de
Dieu est sa justice; que par sa fureur il faut
entendre la rigueur de sa sévérité, et par
son repentir le changement de ses volontés.
Ce n'est pas ainsi qu'Augustin parlait de
Dieu ^. « Vous aimez, lui dit-il, sans passion;
vous êtes jaloux, mais sans trouble; vous
vous repentez, mais votre repentir est sans
douleur et sans tristesse ; vous entrez en co-
lère, mais vous n'en êtes pas plus ému; vous
changez vos opérations, mais jamais vos des-
seins. » Fauste dit, sur la troisième question,
que, suivant la doctrine de l'Ecriture et des
pères. Dieu est seul incorporel et que toutes
les créatures sont corporelles, sans en excep-
ter les anges et l'âme de l'homme. La raison
qu'il ajoute à ces autorités est que toutes les
créatures sont renfermées dans un certain
lieu, et qu'il n'appartient qu'à Dieu, à cause
de son immensité, de n'être enfermé ni borné
par aucun être créé. Cela n'empêche pas que
cet auteur ne convienne qu'il y a des créa-
tures spirituelles, mais en la manière que
l'air est spirituel, c'est-à-dire im corps léger
par opposition aux corps plus épais et plus
Isai. XLin,
10.
Tom. VIII Biblioth. Pair. Paris., p. 548.
2 Voyez tom. IX.
HISTOniE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pesants. On peut voir, dans l'article de Clau-
dien Mammert, la réfutation de ce que Fauste
dit sur cette matière.
LeiireàBc- 10. Il était évêque lorsqu'il fut consulté par
p°g. MO." '"' Benoît Paulin sur diverses difficultés, dont la
première regardait la pénitence à l'article de
la mort. Paulin demandait si, dans le cas où
l'on peut bien se confesser, mais où l'on n'a
pas le loisir de satisfaire pour ses péchés^ la
pénitence d'une personne qui a vécu long-
temps dans le péché et qui en gémit dans ses
derniers moments, peut être regardée comme
bonne. Il demandait, en second lieu, si la
seule croyance du mystère de la Trinité suffi-
sait pour le salut; troisièmement, si les âmes
séparées de leurs corps perdaient le senti-
ment et l'intelligence ; quatrièmement, de
quels maux sont délivrés ou punis après la
Psaim. CXI, mort ceux dont il est écrit : Le désir des pé-
'"• cheurs périra; cinquièmement, ce que l'on
doit penser de la nature de l'âme : si elle est
corporelle ou incorporelle ; sixièmement ,
pourquoi le péclié qui se commet dans le
corps devient commun à l'âme, et si le corps,
comme l'âme, aura part au cbâtiment et à la
récompense ; septièmement, comment l'âme,
qui est immortelle , sera punie pour des pé-
chés qui ne durent qu'un temps; huitième-
ment, si l'âme et l'esprit sont une même
chose. Paulin demandait encore s'il était vrai
que ceux qui avaient perdu la grâce du bap-
tême fussent damnés pour des péchés com-
. mis depuis : car il était persuadé que, quelque
péché que l'on eût fait depuis le baptême,
pourvu qu'on n'eût pas violé les principaux
articles de la foi, on passerait seulement par
quelques peines temporelles, et qu'ensuite
on serait sauvé.
Fauste répondit à la première question,
qu'on ne se moquait pas de Dieu, et que celui-
là se trompe lui-même, qui, après avoir passé
sa vie dans le péché, pense à le quitter lors-
qu'il est déjà à demi-mort, et qui ayant refusé
de recourir au médecin dans le temps qu'il
le pouvait, commence à vouloir le consulter
lorsqu'il ne le peut plus. Il soutient, sur l'au-
■ torité d'un passage de l'Ecriture qu'il allè-
gue, que comme le pécheur doit demander
de bouche la pénitence, il doit aussi l'accom-
plir par ses œuvres : en sorte qu'il ait autant
d'ardeur pour guérir les plaies de son âme,
qu'il en eut pour les former. Cette doctrine
de Fauste, qui condamnait la pratique géné-
rale de l'Eglise, qui a toujours accordé la
pénitence à ceux qui l'ont demandée à la
mort, fut censurée depuis par saint Avite,
évêque de Vienne, comme on le dira ci-
après. Il censura aussi la réponse de Fauste
à la seconde question, parce qu'il y disait,
sans aucune exception, que la foi sans les
œuvres ne suffisait pas pour le salut, y ayant
des cas où ces œuvres sont impossibles,
comme il arrive à celui qui se convertit à
l'article de la mort. Fauste dit sur la troi-
sième, que les âmes séparées des corps con-
servent le sentiment et l'intelligence : ce qu'il
prouve par l'affection que le mauvais riche
témoigna pour ses cinq frères, lorsqu'il était
au milieu des flammes, et par le soin qu'il
prit de leur salut, en demandant à Abraham
d'envoyer quelqu'un d'entre les morts pour
les engager à faire pénitence. Sur la qua-
trième il enseigne que l'ambition et la cu-
pidité des biens de la terre étant détruites
par la mort, les sens ne seront pas pour cela
détruits, mais qu'ils en deviendront d'autant
plus vifs, qu'ils seront dégagés de tout autre
objet que de celui de rendre compte à Dieu, et
de la pensée de l'éternité. En répondant à
la cinquième, il soutient, comme il a déjà
fait dans une autre lettre, qu'il n'y a que
Dieu seul qui soit incorporel. Il y fonde l'im-
mortalité de l'âme, sur ce qu'elle est faite à
l'image de Dieu. Pour répondre à la sixième
question, il en appelle à l'expérience, qui
nous fait connaître à nous-mêmes que notre
âme est dans nous comme la maîtresse qui
commande et qui exerce son empire sur la
cbair, qui lui obéit comme une servante.
L'âme forme le dessein, la chair l'exécute :
si la volonté ne commandait point, la chair
n'obéirait pas. Il infère de là qu'ayant l'une
et l'autre part à l'action, elles en sont punies
ou récompensées dans l'autre vie. Fauste
parle en cet endroit du pécbé originel, qu'il
dit être commun à la nature humaine. Il ré-
pond à la septième que, quoique le péché
prenne fin par la mort, la peine due au pé-
ché sera éternelle; mais il n'en donne au-
cune raison, comptant apparemment celte
vérité suffisamment établie dans l'Evangile.
Il convient, sur la huitième, que l'homme
n'est composé que de deux substances, de
l'âme et du corps; qu'en regardant néan-
moins l'homme sous différents aspects, on
peut distinguer en lui l'âme de l'esprit, en
sorte que le même homme peut être consi-
déré tantôt comme charnel, tantôt comme
spirituel. Ceux-là sont charnels, dont Dieu
dit dans l'Ecriture : Mon esprit ne demeurera oen. mj
[y SIÈCLE.]
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
pas dans ces hommes-là, parce qu'ils sont chair ;
c'est-à-dire, qui s'adonnent aux plaisirs de
la cbair. Mais l'iiomme commence à devenir
spirituel, dès-lors qu'il n'a que des désirs
honnêtes et qu'il ne porte sa vue que vers
. des objets spirituels; qu'il craint Dieu, qu'il
garde la chasteté. C'est de ces sortes de per-
sonnes dont l'apôtre dit : Vous êtes le temple
de Dieu, et son esprit habite en vous. Quant
au doate de Benoît Paulin sur la damnation
de ceux qui avaient commis des péchés con-
sidérables après leur baptême, sans les avoir
eûacés par la pénitence, Fauste fait voir
qu'il est mal fondé, et que celui qui, après
avoir été purifié dans les eaux salutaires du
baptême, vit dans l'impureté ou dans d'au-
tres crimes, sera livré aux flammes destinées
à punir éternellement les crimes capitaux.
On met la lettre à Benoît Paulin vers l'an
470.
11. Environ quatre ans après, c'est-à-dire
vers l'an 474 ou 473, Fauste ayant appris
par le bruit public qu'un prêtre, nommé Lu-
cide, enseignait que l'homme pouvait être
sauvé par la seule force de la grâce, sans
qu'il fût obhgé d'y coopérer, essaya de le
ramener à la saine doctrine dans plusieurs
entretiens qu'il eut exprès avec lui sur cette
luatière. Ces entretiens furent sans succès,
et il était difficile qu'ils en eussent, parce
que Fauste et Lucide pensaient contraire-
ment sur la manière d'agir de la grâce.
Fauste prit un autre parti, qui fut de tâcher
de vaincre Lucide par écrit. Il lui adressa
donc une lettre où il lui proposait six articles
à anathématiser. Il commence sa lettre par
en marquer le motif, disant qu'il l'avait écrite
par un motif de charité, afin de tâcher de
guérir son frère par une voie plus douce que
celle que les évêques étaient prêts de pren-
dre, en l'excommuniant. Il avertit ensuite
425
Lucide du soin que l'on doit avoir de ne
tomber dans aucun excès, lorsqu'on parle de
la grâce et de l'obéissance de l'homme; en
sorte que l'on ne sépare jamais la grâce et
le travail de l'homme, et que l'on déteste
Pelage et tous ceux qui enseignent que la
prédestination se fait à l'exclusion du travail
de l'homme. Après ce préambule il met les
six articles auxquels Lucide devait dire ana-
thème. Le premier est contre Pelage ', qui
croyait que l'homme naît sans péché; qu'il
peut se sauver par son seul travail, et
être délivré sans la grâce de Dieu. Le second
est contre ceux qui disaient qu'un fidèle qui,
après avoir été baptisé et avoir professé publi-
quement la foi et qui continue à la professer,
tombe dans le péché, est damné à cause du
péché originel. Le troisième est contre celui
qui enseigne que l'homme est précipité dans
la mort par la prescience de Dieu. Le qua-
trième contre quiconque dira que celui qui
périt n'a pas le pouvoir de se sauver : ce qui
s'entend d'un baptisé ou d'un païen, en tel âge
qu'il a pu croire et n'a pas voulu. Le cin-
quième est contre celui qui aura dit, qu'un vase
d'ignominie ne peut devenir un vase d'hon-
neur. Le sixième, contre celui qui enseigne
que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous
et qu'il ne veut pas que tous les hommes
soient sauvés. Fauste ajoute que quand Lu-
cide voudra le venir trouver, ou qu'il sera
cité devant les évêques, il lui produira des
témoignages pour prouver les vérités catho-
liques et pour détruire les erreurs, l'assu-
rant, en attendant, que celui qui périt par sa
faute, a pu être sauvé par la grâce ^, s'il y
eût obéi par son travail qui doit suivre la
grâce, et que celui qui est sauvé par la
grâce, a pu tomber par sa négligence ou par
sa faute; qu'ainsi, en suivant un juste milieu,
il faut joindre le travail d'un service volon-
1 Brevifer ergo dkam, quantum cum absente loqui
possum, quid sentire cum cattwlica Ecclesia deheas, id
est : ut cum gratta Domini operationem baptizati fa-
muli semper adjungas , et eum qui prœdestinationem,
excluso labore tiominis, asserit, cum Pelagii dogmaie
detesisris. Anathema ergo illi, qui inter reliquas Pe-
lagii impietaies hominem sine peccato nasci, et per
solum laborem passe saloari, damnanda prœsumplionc
contenderit ; et qui eum sine gratia Dei liberari passe
crediderit. Item anatliema illi, qui hominem cum fideli
confessiotio solcmniter baplizatum, et asserentem ca-
tfiolicam fidem, et postmodum per diversa hujicsmodi
oblectamenta prolapsum, in Adam et originale pecca-
tum periisse asseruerit. Item anathema illi, qui fier
Dei prœscientiam in mortem deprimi hominem dixerif .
Item anathema illi, qui dixerit illum, qui periit,,non
accepisse, ut salvus esse possei, id est, de baplizato,
vel de illius œtatis pagano, qui credere poiuit et no-
luit. Item anathema illi, qui dixerit, quod vas contu-
meliœ non possit assurgere, ut si vas in honorem. Item
anathema illi, qui dixerit quod Chrisius non pro om-
nibus mortuus sit, nec omnes homines salvos esse fecit.
Faust., Epist. ad Lucid., tom. VIII Biblioth. Patr., pag.
524, et tom. I Lection. Canis., pag. 352.
2 Confidenter asserimus et eum qui periit per cul-
pnm, salvum esse potuisse per gratiam, si gratia ipsius.
famulatui laboris oliedientiam non negasiet : et eum
qui per grutiam ad bonœ consuinmaiionis metas ser-
vilio obsequente pervenit, cadere per desidiam et pe-
rire potuisse per culpam. Ibid.
426
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
taire à la grâce, sans laquelle nous ne som-
mes rien , et exclure l'orgueil et la présomp-
tion qu'on pourrait se donner à cause du
travail, sachant qu'il est de notre devoir de
travailler. Il presse Lucide de lui déclarer
nettement s'il recevait ou rejetait cette doc-
trine, protestant de prendre son silence pour
une continuation de son opiniâtreté dans
l'erreur : ce qui l'obligea à le dénoncer et à
le faire connaître tel qu'il est, dans l'assem-
blée des évêques. o Je retiens, ajoute-t-il,
une copie de cette lettre, pour leur en faire
la lecture, s'il est nécessaire; mais si vous
jugez à propos de la recevoir et d'embrasser
la doctrine qu'elle contient, renvoyez-la moi
souscrite de votre propre main : si vous ne
voulez point y acquiescer, mandez -le moi
aussi : que votre réponse soit sans déguise-
ment et sans ambiguïté. » La lettre de Fauste,
dans les collections des Conciles, est signée
de lui, de dix autres évêques et du prêtre
Lucide. Mais on ne peut douter qu'il ne l'ait
écrite seul, et que les différentes souscrip-
tions qu'on y trouve n'y aient été ajoutées
après coup. Si les dix évêques eussent sous-
crit d'abord à cette lettre, elle leur eût été com-
mune avec Fauste, de même que la réponse
de Lucide. Alors quel besoin avait Fauste
de dénoncer Lucide à ces évêques, au cas
qu'il eût refusé de répondre, ou qu'il eût
persisté dans ses erreurs? Aussi dans les ma-
nuscrits sur lesquels cette lettre a été donnée
par Canisius, et depuis par Basnage ' , elle
est sans aucunes souscriptions, seulement
elle porte le nom de Fauste. Gennade ne dit
rien de cette lettre, ni de celle de Lucide :
il ne dit rien non plus des conciles d'Arles
et de Lyon, qui ne sontconnus que par les let-
tres de Fauste; mais ce n'est pas une raison
pour rejeter toutes ces pièces. Quel est l'his-
torien à qui il ne soit rien échappé des choses
qui se sont passées de son temps? Fauste a
parlé de ces deux conciles dans sa lettre à
Léonce, évêque d'Arles ^, et de la difficulté
qui les avait fait tenir. A qui persuadera-
t-on qu'un évêque en réputation de piété et
d'un âge avancé, ait tenté d'en imposer à un
de ses confrères sur la tenue de deux con-
ciles, à l'un desquels il avait présidé en qua-
lité de métropolitain, et à qui l'autre ne pou-
vait être inconnu? Personne ne doute qu'il
ne se soit tenu un concile à Toulouse en
l'an 507 ^. Cependant il n'est connu que par
une lettre de saint Césaire. Mais on ne peut
dissimuler que l'évêque Fauste dit en termes
exprès, dans la lettre qu'il écrivit à Lucide *,
que c'est blesser le respect qu'on doit à Dieu,
de dire qu'il ne veut pas donner le pouvoir
de se sauver à tous ceux à qui il donne l'u-
sage du libre arbitre. Car on ne peut douter
que Fauste ne parle de l'homme en l'état qu'il
est maintenant, c'est-à-dire né dans le péché
originel : Canisius a taxé cette lettre d'er-
ronée ^. Elle n'eut pas plus de force sur l'es-
prit de Lucide que ses entretiens. C'est pour-
quoi Fauste le déféra à un concile de trente
évêques qui s'assembla à Arles, ayant à sa
tête Léonce, évêque de cette ville. Les autres
évêques les plus connus, sont : Euphrone
d'Autun, Mammert de Vienne, Patient de
Lyon, Fauste de Riez, Gratus de Marseille,
Crocus de Nîmes, Basile d'Aix et Jean de
Chalon-sur-Saône. Lucide s'y rendit, rétracta
sa doctrine, embrassa celle de Fauste. Non
content de prononcer les anathèmes portés
dans sa lettre, il en ajouta contre d'autres
propositions que Fauste ne lui avait pas mar-
quées d'abord. 11 adressa sa rétractation à
Léonce, évêque d'Arles, et auxautresévêques
du concile, déclarant que, suivant ce qui avait
été arrêté, il condamnait : 1° celui qui dit ^
qu'il ne faut pas joindre le travail de l'obéis-
1 Caiiis., Lectinn., tom. 1, pag. 352.
'^'In quo quidem opusculo post Arelaiensis concilii
subscriptionem, novis crroribus depreheiisis, aliqua
subjici synodus Lugdunensis exegit. Faust., Epist. ad
Leont., tom. VIII BMioth. Patr., pag. S24.
3 Ibid., pag. 366.
' Gravem namque in auctorem retorquemus invi-
diam, si dicamus quod ei possibilitatem capessendœ
salutis noluerii dare qui jjeriit, ei duntaxat qui ca-
pere jam possit arbitra libcriatem. Faust.. Epist. ibid.,
pag. 524.
i» Hœc verba sunt quibus Faustus subscripsit epis-
tolœ illi suœ erroneœ, quam etiam misit variis episcopis
ut subscriberent. Canis., ibid., pag. 524.
6 Proinde juxia prœdicandi reconiia statuta concilii
damno vobiscum sensum illuin qui dicit, laborem hu-
manœ obedientiœ divinœ gratiœ non esse jungendum.
Qui dicit post primi hominis lapsum ex ioto arbitrium
voluntatis extinctum. Qui dicit quod Christus Dominus
salvator noster mortem non pro omnium sainte sitsce-
perit. Qui dicit quod prœscientia Dei hominem vio-
lenter compellat ad mortem, vel quod Dei pereant
voluntate qui pjereunt. Qui dicit quod post acceptum
légitime baptismum, in Adam moriatur quicumque de-
liquerit. Qui dicit alios députâtes ad mortem, alios
ad vitam prœdestinatos. Qui dicit ab Adam usque ad
Chrislum nullas ex gentibus per primam Dei graliam,
id est per legem naturœ in adventum Christi fuisse
salvatas, eo quod liberum arbitrium ex omnibus in
primo parente perdiderint. Qui dicit pairiarchas ac
prophetas vel summos quosque sanclorum etiam anté
redemptionis tempora in paradisi habitaiione deguisse.
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
427
sance humaine à la grâce de Dieu ; 2° celui
qui enseigne que depuis la chute du premier
homme , le libre arbitre est entièrement
éteint; 3° celui qui assure que Jésus-Christ,
notre Sauveur, n'est pas mort pour tous les
hommes; 4° celui qui ose avancer que la
prescience de Dieu pousse violemment les
hommes à la mort, et que ceux qui périssent,
périssent par la volonté de Dieu; 5° celui
qui dit que ceux qui pèchent après avoir été
légitimement baptisés, meurent en Adam;
6° celui qui veut que les uns soient destinés
à la mort, les autres prédestinés à la vie;
7° celui qui prétend que depuis Adam jus-
qu'à Jésus-Christ, nul d'entre les Gentils es-
pérant en la venue de Jésus-Christ, n'a été
sauvé par la première grâce de Dieu, c'est-
ù-dire par la loi de nature, parce que tous
ont perdu le libre arbitre en Adam; 8° celui
qui croit que les patriarches et les prophètes,
ou quelques-uns des plus grands saints, ont
habité dans le paradis, même avant le temps
de la rédemption par Jésus - Christ. Dans
quelques exemplaires il y a encore un ana-
thème contre ceux qui soutiennent qu'il n'y
a ni feux ni enfers pour punir les coupables
en l'autre vie.
Lucide, après avoir détesté toutes ces pro-
positions comme impies et sacrilèges, en
ajouta de contraires dans lesquelles il dé-
clare : 1° qu'il confesse tellement la grâce
de Dieu, qu'il joint toujours à cette grâce
l'effort et le travail de l'homme ; 2° qu'il re-
connaît que la liberté de la volonté humaine
n'est point éteinte ni détruite, mais seule-
ment affaiblie et diminuée ; en sorte que celui
qui est sauvé a été en danger de périr, et
que celui qui périt a pu être sauvé; 3° que
Jésus-Christ Dieu et notre Sauveur a offert,
en ce qui regarde les richesses de sa bonté,
le prix de sa mort pour tous les hommes ;
4° qu'il ne veut pas que personne périsse,
puisqu'il est le Sauveur de tous, surtout des
fidèles, et qu'il est riche envers tous ceux qui
l'invoquent; 5° que Jésus- Christ est venu
pour le salut des impies et de ceux qui ont
été damnés sans qu'il le voulût; 6° que, par
rapport à l'ordre des siècles sous la loi de
nature que Dieu a gravée dans le cœur de
tous les hommes, il y en a eu de sauvés par
la foi et l'espérance qu'ils ont eue dans l'a-'
vènement de Jésus-Christ; 7° qu'aucun n'a
pu être délivré du péché originel que par le
mérite de son sang précieux. Il ajoute dans
une huitième proposition qu'il croit le feu
de l'enfer et les flammes éternelles préparées
à ceux qui ont persévéré dans des péchés
capitaux. Il finit sa rétractation en ces ter-
mes : « Pères saints et apostoliques, priez
pour moi. Lucide, prêtre, j'ai signé cette let-
tre de ma propre main. Je confesse la doc-
trine qui y est établie, et je condamne celle
qui y est condamnée. » Fauste eut sans
doute beaucoup de part à la rétractation de
Lucide : mais il ne nous a point appris com-
ment elle avait été reçue.
12. Nous savons seulement que Léonce
d'Arles le chargea de recueillir ce qui s'était
fait dans le concile sur la matière de la pré-
destination ', et de le rédiger par écrit, afin
que l'on eût de quoi réfuter l'erreur de ceux
qui tombaient dans des excès sur ce sujet.
Fauste le fit dans deux livres intitulés : De
la Grâce et du libre arbitre, qu'il adressa à
Léonce. Mais, on verra par l'analyse de ces
deux livres, qu'il tomba lui-même dans l'ex-
cès opposé, et qu'en voulant réfuter le sen-
timent de saint Augustin sur la grâce , il
donna dans l'erreur des semi-pélagiens. Il y
avait déjà longtemps qu'il s'était déclaré
contre ce saint docteur, et dès l'an 449, il
avait dit à Gratus que les plus doctes te-
naient pour suspecte la doctrine de ce père
sur la grâce. Il saisit cette occasion pour la
Lcllio tlo
'aufile sur la
race et le
bre arbitre.
Qui dicit ignés et inferna non esse. Hœc onmia quasi
impia et sacrilegiis repleta condemno. Ita autem as-
sero gratiam Dei, ut ad nisuni hominis et conalum
gratiœ semper adjungam : et libertaiem voluniaiis
humanœ non extinctam, sed atlenualam et infirmatam
esse pronuntiem, et periclitari eum qui salmis es/, et
eum qui periit, potuisse salvari. Christum eiiam Deum
ae saluatorem nostrum quantum pertinet ad divitias
bonitatis suœ pretium mortis pro omnibus obtulisse,
et quia nullum perire velit, qui est salvator omnium,
maxime fidelium, dioes in omnibus qui iiivocant illum.
Libens fateor Christum eiiam pro perditis advenisse,
Quia eodam nolente perierunt. Assero etiam pro ra-
tione et ordine sœculorum, alios lege naturœ quam
Deus in omnium cordibus scripsit, in spe adventus
Christi fuisse salvatos. Nulles iamen ex initio mundi
ab originali nexu, nisi intercessione sacri sanguinis
absolutos. Profiteor etiam œternos ignés, et infernales
flammas factis capitalibus prœparalas, quia perseve-
verantes in finem humanas culpas meriio sequitur di--
vina sententia, quam juste incurrunt qui hœc non ioto
corde crediderunt. Orate pro me, domini sancti et
apostolici paires. Lucidus presbyter, hanc episiolam
manu propria subscripsi : et quœ in ea adstruuntur ,
assero, et quœ sun( damnata, damno. Lucid., Epist.
ad Leont., tom. VIII Biblioth. Patrum, pag. 325.
1 Tom. VIII Biblioth. Pair., pag. 525.
428
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Analyse du
premier livre,
pas. l-'b.
combattre, sons le prétexle d'attaquer celle
des prédestinatiens, nom que les semi-péla-
giens donnaient aux disciples de saint Au-
gustin pour les rendre odieux dans le public.
13. Fauste, dès le commencement du pre-
mierlivre, se déclare contrôles blasphèmes de
Pelage, qu'il dit avoir été depuis longtemps
réfutés par les savants, anatbématisés par
l'Eglise et comme foulés par son autorité. Il
relève, entre les autres abominations de son
hérésie, l'article par lequel il enseignait que
le travail de l'homme peut suffire sans la
Cap. I. grâce. C'était une suite de ses principes, que
le libre arbitre est encore dans toute sa force
et qu'il n'a été ni blessé ni affaibli par le pé-
ché. D'autres, au contraire, soutenaient que
le libre arbitre n'a plus aucune force depuis
le péché : ce qui faisait deux sentiments ou
plutôt deux erreurs opposées, les uns soute-
nant avec Pelage que le travail de l'homme
suffît, et d'autres, que la grâce seule opère
dans l'homme. Fauste condamne également
ces deux erreurs, qui, pour être contraires,
n'en sont pas moins impies. Il dit que le li-
bre arbitre, même avant le péché, ne se suf-
fisait pas à lui-même sans le secours de la
grâce, et à plus forte raison depuis le péché.
Il cite à cette occasion ces paroles de Jésus-
Joan.xv. Christ : -Sans moi vous ne pouvez rien faire,
comme propres à rabattre l'orgueil des péla-
giens. Pelage ajoutait qu'Adam avait été
créé mortel, et que, soit qu'il péchât ou qu'il
ne péchât point, il serait mort. Fauste lui op-
pose l'endroit de l'épitre aux Romains où
Rom. T, 12. saint Paul dit que le péché est entré dans le
monde par un seul homme, et la mort par le
péché. Il lui oppose aussi la menace que Dieu
lit à l'homme, de le punir de mort aussitôt
qu'il aurait mangé du fruit défendu. Sur quoi
il fait ce raisonnement : Si Dieu n'avait rien
accordé à l'homme avant son péché, que lui
a-t-il ôté pour le punir de ce péché? Il fait
remarquer que Pelage ne disait l'homme su-
jet à la mort par la nécessité de sa nature,
que parce que, niant le péché originel, il ne
voulait pas reconnaître que la nécessité de
mourir en fût une suite, attribuant cette né-
cessité à la condition de l'homme, et non à
sa prévarication. Or, en niant le péché ori-
ginel, c'était ôter tous les motifs de l'Incar-
nation et anéantir la grâce du Rédempteur.
Car eu supposant, comme le supposait né-
cessairement Pelage, que la justice abondait
sur la terre, il n'était pas besoin que le cé-
leste médecin y descendit, puisque dans ce
cas il n'y avait aucun infirme. Pelage objec-
tait : Si le péché originel est eflfacé par le cap. n.
baptême, celui qui naît de deux parents bap-
tisés, ne contracte point ce péché, puisque
les parents ne peuvent transmettre à leurs
enfants ce qu'ils n'ont pas. Fauste répond
premièrement qu'il est ridicule à Pelage de
prétendre que les parents transmettent les
dons de Dieu à leurs enfants, tandis qu'il
ne veut pas accorder qu'ils leur communi-
quent ce qui est de la nature même. Il ré-
pond en second que les parents engendrent
selon la chair, et non selon l'esprit ou selon
le don qu'ils ont reçu de Dieu, don qui est
étranger à la substance humaine. Il donne
pour certain que le péché originel se trans-
met par l'ardeur du plaisir qui accompagne
l'acte conjugal : ce qu'il prouve, parce que
celui-là seul a été exempt du péché originel,
qui a été conçu du Saint-Esprit, et non par
les voies ordinaires; et encore, parce qu'A-
dam et Eve, formés sans le commerce de
deux personnes, ont été dans leur origine
exempts de péché. A cette objection : de ren-
dre le mariage la cause de la transfusion
du péché originel, c'est rendre le mariage
odieux et le condamner ; il répond : le ma-
riage étant institué de Dieu, n'a rien en
lui-même que de louable, mais ce que
l'homme y a ajouté par sa prévarication, est
digne de reproche. La génération n'aurait
rien eu que de chaste, si la transgression
n'eût pas intervenu. Il en est du mariage m.
comme d'un habit d'une grande blancheur,
sur lequel on jette de l'encre : on ne laisse
pas de se servir de l'habit, mais il n'a plus
sa beauté ni son éclat. Après avoir combattu
Pelage, Fauste attaque ceux qui disent que
l'homme est sauvé par la grâce seule, sans
y coopérer par son travail. Il leur demande
s'il est donc maintenant permis à l'homme
de ne rien faire, à qui Dieu avait même or-
donné le travail dans le paradis terrestre.
Venant ensuite à ceux qui disaient que l'un
est prédestiné à la mort et l'autre à la vie,
il les combat en soutenant que ce sentiment
rendait le secours de la prière inutile à l'un
et à l'autre. « Qu'aura, dit-il ', à espérer ce-
lui que la grâce a adopte? et au contraire,
1 Quid enim ultra speret, quem jam gratta suum
^ecit ? In quo e contrario non desperet, qunm prœfi-
niiio violenta damnavit. In hoc culpa, in illo yratia
locum non habet. Periclitabitur in uiroque justitia.
CHAPITRE XXIV. — FÂUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
[V SIÈCLE.]
comment celui qu'une prédestination fatale
a condamné, ne se désespérerait-il pas?
Dans l'un il n'y a pas de faute; la grâce n'a
pas lieu dans l'autre. Ainsi la justice de Dieu
est en danger dans tous les deux. Celui-ci
sera réprouvé sans avoir commis aucun
crime qui le méritât , et celui-là sera sauvé
sans l'avoir mérité par sa foi : c'est-à-dire,
que l'on donne le salut à celui qui ne le cher-
che pas, et que l'on en prive celui qui tra-
vaille pour l'obtenir. Mais dites-vous, c'est
pour cela qu'il doit prier, parce qu'il ne sait
pas de quel côté on l'a mis, ou des élus ou
des réprouvés? Qui ne pensera, ajoute Fauste,
que ce ne soil là répondre avec prudence et
avec sagesse? Mais, continue-t-il, que ser-
vira à l'homme de prier, puisqu'il est ab-
solument fixé dans l'un ou l'autre de ces
deux états? Car, quoiqu'il ignore auquel des
deux côtés il est destiné , il n'ignore pas
cependant que ces deux côtés sont fixes et
immuables. Que notre adversaire (c'est de
saint Augustin qu'il parle) avoue donc qu'il
est inutile de prier, ou qu'il reconnaisse
qu'il n'y a aucune loi ou décret de Dieu qui
ait arrêté notre perte. En enseignant que
l'un est réprouvé dans son origine, et que
l'autre est élu dans la prédestination, voyez
où cette fausse persuasion le précipite : car
que dit-il autre chose, sinon que ni l'un ni
l'autre n'a besoin de recourir à la prière. En
effet, la prière ne saurait être nécessaire à
ceux qui sont prédestinés à la vie, et elle ne
peut être utile à ceux qui sont destinés à la
mort. A l'égard des prédestinés, la prière
sera superflue, et à l'égard du réprouvé, elle
le sera aussi, puisqu'elle ne pourra le déli-
vrer de son malheur. S'il croit donc (saint
Augustin) que nous devons recourir à la
prière, qu'il comprenne aussi et qu'il ne
429
Marc. \vi;
L II c, X I 1 ;
Mattll. xi II.
doute pas que les décrets qui concernent le
sort des hommes ne sont point immuables.»
Fauste rapporte plusieurs passages de l'E-
criture qui établissent la nécessité de la
prière, ajoutant que si elle n'était pas né-
cessaire, celui-là même que nous devons
prier, n'en aurait pas donné une formule;
enfin que s'il était vrai, comme l'a dit un des
saints (c'est toujours de saint Augustin qu'il
parle), que l'un fût destiné à la perdition et
l'autre à la gloire, nous ne naîtrions pas
pour être jugés, mais nous le serions dès no-
tre naissance. Il prouve que nos bonnes œu-
vres ne sont pas tellement l'ouvrage de la
grâce, qu'elles ne soient aussi le nôtre, et que
si le libre arbitre a été affaibli par le péché, cap.v.vi,
comme un homme est affaibli par une longue S!'
maladie, il n'a point été détruit, en sorte qu'a-
vec le secours de la grâce, il peut passer du
mal au bien, de l'iniquité à la justice, del'im-
pudicité à la chasteté. Il explique ce que dit
saint Paul en parlant de l'élection de Dieu :
Cela ne dépend ni de celui qui veut ni de celui Rom. ix, ic.
qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde,
des œuvres de la loi, ajoutant qu'en cet en-
droit l'apôtre a pour but de réprimer l'or-
gueil des Juifs, qui se flattaient d'être justi-
fiés par l'observation seule de la loi de Moïse.
Pour montrer ensuite que la prédestination
des élus ne se fait pas gratuitement, il s'ar-
rête à ces paroles de l'Evangile : Le Fils de
l'homme viendra dans la gloire de son Père , et
alors il récompensera un chacun selon ses œu-
vres. « Remarquez, dit-il, que quand il dit
ses œuvres ', cela veut dire que l'auteur de la
grâce a rais le salut de l'homme non dans
la prédestination du créateur, mais dans les
œuvres de la créature, et que comme il a
formé dans chaque homme une main droite
avec le pouvoir de l'étendre où il lui plairait.
Remunerab'itur sine fidei merito assumplus ; damna-
bitur sine proprio crimine dcrelictus. Salus illi inge-
renda est non quœrenti, huic auferenda laboranti. Sed
dicis : Ideo orare débet, quia ex qua parte sit nescit.
Quis non putet rationabilHer ae sapienter fuisse res-
ponsum? Sed quid orare honiini proderit in una harum
duarum conditione omnimodis constituio? Nom etsi ad
quam partem defixam esse et immutabilem non igno-
rât... Alierutrum ergo faciat, aut fructum orationis
negef, aut legem statutœ perditionis excludat... Qui
imum in origine perditum, alterum in prœdestinatione
afflrmat eleclum, vide quo improba persuasione de-
clinet. Quid cnim aliud dicit, nisi quod adjutorio
orationis neuter indigeat. Nam jam prœordinaiis ad
vitam necessaria non erit, deputatis ad mortem pro-
desse non poterit. In isto supervacua, in illo infirma
judicabitur... Quod si curam impendendam cestimat
rationi, indubitanter intelligat ea quœ imminent, passe
mutari... Si ergo unus ad vitam, aller ad perditionem
[ut asserunt) depulatus est (sicut quidam sanctorum
dixii) non dijudicandi nascimur, sed judicati. Faust.,
lib. I de Gratia, cap, IV, pag. 527 et 528, tom VIII
Bihlioth. Pair.
1 Adverte quia dum dicit opéra sua, salutem ho-
minis non in prœdestinatione factoris, sed operatione
famulantis largilor gratiœ coUocavit : et sicut dexte-
ram in omni homine ipse formavit, sed et in potestate
hominis posuit, ut eam quo vellet extenderet , et ad
diversa conferret, pari modo sensum rationis et arbi-
frium voluntatis in unamquamque animam inspiravit,
ut si malum depravatus appeteret, in arbiirii libertate
pei'missum sibi sciret. Si autem bonum cuperet, ad
mercedem illius officiosa devotio pertineret. Ibid.,
cap. X.
430
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
même à des objets différents; de même il a
mis dans chaque âme le sens de la raison et
l'arbitre de la volonté, en lui laissant le pou-
voir d'en user soit pour le bien soit pour le
mal : qu'ainsi l'on ne peut pas dire * qu'il
ait donné à l'un de vouloir le bien et la jus-
lice, et qu'il l'ait refusé à l'autre, ayant ac-
cordé à tous les hommes la volonté de se
tourner où bon leur semblerait, comme il a
donné à tous des mains, des yeux, des pieds
pour en user selon leur bon plaisir. » Il com-
pare la justice ou le salut à une fontaine
placée au milieu du monde*, où il est permis
à chacun de venir puiser, comme étant un
bien non personnel, mais général et public.
Celui qui ne vient point y puiser, se rend
coupable envers celui qui a fait sourdre cette
fontaine pour l'usage de tous. Il ajoute que
s'il y a ^, comme le prétendent ses adversai-
res, un décret spécial de Dieu touchant le
salut de l'homme, il ne conçoit pas comment
Dieu pouri'a les juger tous au jour du juge-
ment. Il en donne pour raison l'impossibilité
où seraient les pécheurs de se convertir et
de faire pénitence, si le sort des élus et des
réprouvés était arrêté par la prédestination,
comme le prétend le destructeur du libre ar-
bitre. C'est à saint Augustin qu'il en veut.
Il continue : « Lors donc que le destruc-
teur du libre arbitre assure que toutes .les
choses sont fixées et arrêtées par la prédes-
tination, il anéantit le souverain remède de
la pénitence * : et comment ose-t-il prêcher
la grâce, lui qui nie la miséricorde? Comment
l'Ecriture m'ordonne-t-elle de m'éloigner du
mal et de faire le bien, s'il n'est pas en mon
pouvoir d'éviter le mal? et comment celui
qui a pubhé la loi, m'exhorte-t-il à me chan-
ger moi-même, si le Crénteur m'a lui-même
imposé une loi qu'il m'est impossible d'ob-
server? Que personne donc ne veille, ne
jeûne et ne repousse les attaques de la vo-
lupté par la componction et l'abstinence; ce
sont les conséquences que Fausle tire du
système de la prédestination. Que personne
n'emploie la mortification pour livrer la
gueiTe aux vices extérieurs^ ni l'affliction
salutaire pour remédier aux maux intérieurs.
Que personne ne s'oppose à la cupidité, ne
cherche le travail et les macérations du corps, .
des remèdes aux crimes, et ne se munisse
dos forces de la croix pour repousser l'en-
nemi armé des charmes de la volupté char-
nelle ; mais qu'au contraire, on s'expose à dé-
couvert aux traits enflammés de l'ennemi.
Que personne ne rachète par les aumônes
les dettes qui l'assujettissent à la mort éter-
nelle ; que personne ne s'applique à guérir
ses maladies spirituelles par les œuvres de
miséricorde et de justice, mais qu'il aban-
donne tout pour le jour du jugement. Voilà,
dit Fauste, où conduit le système de celui
qui passait auparavant pour le défenseur de
la grâce, mais qui, présentement, en ôtant
aux hommes le moyen de se sauver, se
trouve être l'ennemi de la grâce par laquelle
on parvient au salut, et il est visible qu'il est
entré dans les conseils du diable, pour pro-
curer avec lui la perle de la plupart des
hommes. »
Pour montrer que le décret de la prédes-
tination n'a point lieu, il dit que, suivant
l'Ecriture, il y en a qui, de vases d'infamie up. i
sont devenus des vases d'honneur, et qui
sont ressuscites à la grâce après y avoir été
morts pendant plusieurs années. Sur quoi il
cite l'exemple de l'enfant prodigue, dont le
père dit qu'il était ressuscité après avoir été
mort. Voici comme il explique cet endroit de
saint Paul : Je ferai miséricorde à qui il me 110111.
plaira. « Je ferai miséricorde à celui que je
connaîtrai être juste ^, dont j'aurai éprouvé
la foi et l'obéissance à mes préceptes et à
ma volonté. » 11 s'objecte : Si le décret de la c»p. 3
prédestination n'a point lieu, pourquoi de
plusieurs enfants, les uns sont-ils baptisés,
pendant que les autres meurent sans bap-
tême? A cela il ne répond que par des inju-
res contre ses adversaires et en disant qu'il
ne nous appartient pas de vouloir approfon-
dir les secrets de Dieu. Il donne pour un
principe certain, que tous ceux qui ont cher-
1 iVon ergo œquum jusiumque uni velle concessit, et
alteri denegavit : sed sicut omni homini manum, ocii-
Imn gressumque donavU, ita similiter omni homini
voluntatem, ut eam in quamlibet partem versaret, in-
duisit. Ibid.
2 Quasi fons quidam in médium mundi hujus ex-
positus et in commune concessus (justitia), ad hau-
riendum universis patet, ut largitori mérita reus sit
qui haurire neglexerit. Ibid.
3 Nam si circa hominis salutem specialis est dispensa-
tio, nescio quomodo generalis poterit esse discussio. Ibid.
' Dion iiberi interemptor arbitrii in alterutram
partem omnia ex prœdestinatione statuta et definita
esse pronuntiat, etiam suprema remédia pœnitentiœ
évacuai. Ibid., cap. H.
s Et ita hœc elocutio intelligenda est : Miserebor
oui voluero, id est, quem justum esse cognovero, cujus
promptam fidem videra, quem prœcepiis mets obedire
perspexero, quem meam facere probavero voluntatem.
Ibid., cap. m.
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
[V« SIÈCLE.]
elle Dieu, l'ont trouvé ', et que ceux qui ont
paru ne l'avoir pas trouvé, ne l'avaient pas
cherché. Personne, dit Jésus-Christ, ne vient
à moi, si mon Père qui m'a envoyé ne l'attire.
Fauste convient qu'on ne peut nier que la
miséricorde de Dieu ne nous attire ; mais il
dit ^ que celui-là est impie, qui refuse de
confesser que celte miséricorde soit donnée
à tous. 11 veut que celte façon de parler dans
le Sauveur, ne soit que pour rabattre l'or-
gueil de celui qui attribue son salut à ses
propres forces et qui présume avec impiété
de son travail; qu'au surplus, la grâce agit
sur un homme, non comme on meut une
pieri'e d'un lieu à un autre, mais comme on
prête la main à un malade ^ qui la demande
pour lui aider à se lever. « La volonté, dit-il,
crie au secours, parce que l'infirmité ne peut,
par elle-même, se relever. C'est ainsi que le
Seigneur invite celui qui veut venir à lui,
qu'il attire celui qui le désire, qu'il lève ce-
lui qui fait ses eflforts pour se lever lui-
même. Mais qu'est-ce encore que d'attirer
Dieu, sinon de prêcher la vérité aux hom-
mes , de les exciter par les consolations
des divines Ecritures, de les effrayer par des
menaces, de leur proposer des choses dési-
rables, de les menacer de supplices et du
jugement dernier, et de leur promettre des
récompenses? Quoique Dieu ait connu * que
tous n'obéiraient pas à sa voix, à ses invita-
tions, il a toutefois donné à tous le pouvoir
d'obéir et de vouloir. Comme donc ^ c'est un
eflfet de la grâce que l'homme soit attiré,
c'est un eûet de son obéissance de ce qu'il
suit la voix de celui qui l'appelle, i)
13. Sur la fin du premier livre, et au com-
mencement du second, Fauste traite de l'en-
durcissement du pécheur, qu'il rejette, non
431
sur Dieu, comme faisaient ses adversaires,
mais sur le pécheur même, disant que de
l'assiduité au péché naît le désespoir, et du
désespoir l'endurcissement. Il ne laisse pas
de dire que la clémence dont Dieu use en-
vers les pécheurs, en les attendant à péni-
tence, leur est une occasion d'endurcisse-
ment. Il le dit expressément de Pharaon,
qui s'endurcissait à mesure que Dieu relâ-
chait la rigueur des peines dont il châtiait
ses crimes. En Dieu la prescience n'impose
à l'homme aucune nécessité de faire le bien
ou le mal. Mais autre chose est la prescience,
et autre la prédestination : la prescience
prévoit les actions, la prédestination prépare
les récompenses. L'une appartient à la puis-
sance de Dieu, l'autre à sa justice. Mais ni
la prescience, ni la prédestination n'ont au-
cune intluence dans l'action prévue. Dieu
prévoit l'homicide : dira-t-on ou qu'il inspire
la volonté de tuer, ou qu'il meut le bras de
celui qui tue? Fauste ne veut pas même que
la mort qui procura aux innocents une vie
bienheureuse, ait été une suite de leur pré-
destination ^ : « Ce n'est pas Dieu, dit-il, qui
disposa de leur mort; elle fut ordonnée par
la puissance de l'ennemi; mais comme il
sait user en bien des maux mêmes, il fit
tourner à la gloire des enfants mis à mort
le crime de leur persécuteur. » Fauste re-
jette avec mépris la doctrine de ceux qui
enseignent que Dieu est miséricordieux en-
vers ceux qu'il délivre, et juste à l'égard de
ceux qu'il laisse dans la masse de perdition.
« S'il est vrai, dit-il, comme on le prétend
avec une impiété pleine de blasphème, que
Dieu, sans avoir égard à la justice, dispose
par sa toute-puissance du fort dé l'homme,
il pourra peut-être arriver que celui qui a
' Deum quolibet (empare gui quœsivit, invertit, et
qui invenisse non visus est, non quœsivit. Ibid., cap.
XVI.
^ Sed ille vere impius est, qui eam misericordiam
non omnibus ingeri, non omnibus iesiaiur impe.ndi...
Hic sermo divinus : Nemo venit ad me, nisi Pater
attraxerit eum, specialiter increpat hominem de pro-
priis sibi viribus arrogantem, et de labori: suo impie
prœsumentem. Lbid., cap. xvii.
^ Numquid velui insensibilis materies de loco ad
tocum movendus est et trafiendus ? Sed vocanti Do-
mino famulus manum fidei qua attrahatur extendit...
et ita se duo ista se conjunguni, quomodo si œger ali-
quis assurgere conetur, et facuttas animum non se-
quatur, et propterea sibi porrigi dexteram deprecetur?
Clamât voluntas, quia sola per se elevari nescit infir-
mitas. Ita Dominus invitât volentetn, attrahit deside-
rantem, erigit adnitentem. Quid est autem attrahere.
nisi prœdicare, nisi Scripturarum consolationibus ex-
citare, increpationibus deterrere, desideranda propo-
nere, intentare metuenda, judicium comminari, prœ-
mium polliceri? Ibid., cap. xvil.
' Licet enim non omîtes obediendam exhibiiuros esse
prœnosceret, omnilms tamen et velte et posse donave-
rat. Ibid.
^ Sicut gratiœ est quod attrahitur, ita obedientiœ
probatur esse quod sequitur. Ibid.
^ Sed dicis : « In Bethléem omnis innocentium po-
pulus tam beatam mortem ex sola Dei prœdestinatioite
consequitur. » Non ita est. ..Non eospvœdestinatio morfi
addixit, sed causœ occasio consecravit. Hanc itaque
parvulorum interfeclionem, non dispositio Dei, sed
impietas ordinavit inimici. Deus autem qui etiam
malis hominum bene iititur, perempti gloriam de
scelere perimentis operatur. Lib. II, cap. m.
432
HJSTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
frappé n'entrera pas, et que celui qui n'aura
pas cherclié sera attiré au salut, et par là la
miséricorde de Dieu ne paraîtra pas à l'égard
de ceux qui seront sauvés, parce qu'ils le se-
ront sans l'avoir mérité; et à l'égard des
damnés, Dieu ne pourra passer pour juste,
parce qu'ils auront été privés de sa miséri-
corde sans l'avoir mérité par aucun crime
qui leur soit propre. Si l'un et l'autre sont
coupables par la nature, la justice disparaît
à l'égard de celui qui est élu en étant indi-
gne et n'ayant rien fait pour le mériter; il
en est de même de la miséricorde : elle ne
subsiste plus par rapport à celui qui est con-
damné à périr sans que l'on ait eu égard à
son péché. Par quelle miséricorde sauve-
t-on l'oisif et le paresseux? Par quelle jus-
tice condamne-t-on l'innocence? Concluons
que ce système aboutit à deux choses : à
ôter d'une part, par une ignorance grossière,
la liberté de l'homme, et de l'autre à porter
l'impiété jusqu'à refuser à Dieu la jastice.
Si vous prétendez, ajoute Fauste, que la mi-
séricorde éclate à l'égard du prédestiné, et
la justice à l'égard du réprouvé, je soutiens
que ces deux vertus s'évanouissent dans l'un
et dans l'autre. Car il n'y a point de justice
à choisir pour le ciel celui qui n'a pas donné
de preuves de son mérite , et il n'y a ni bonté
ni miséricorde à damner celui qui ne Ta pas
méi'ité.» Fauste veut donc qu'en Dieu Ua, mi-
séricorde soit toujours jointe avec la justice,
tant à l'égard des bons que des méchants,
parce qu'il leur a donné indifféremment la
lumière de la raison, qu'il les a créés égale-
ment à son image^ et qu'il les a générale-
ment appelés à la grâce de la rédemption.
On lit dans saint Jean que les Juifs ne
pouvaient croire, parce que, selon qu'il est
jom. XII, <!''' dans Isaïe, Dieu a aveuglé leurs yeux et
'"• *"■ endurci leur cœur. Fauste prétend que l'aveu-
glement et l'endurcissement des Juifs n'a-
vaient d'autre cause que leurs crimes, et que
s'il est dit que Dieu ne voulut point les gué-
rir, c'est comme s'il était dit qu'ils n'en gué-
riraient pas, parce que Dieu ne refuse point
la santé à ceux qui la souhaitent. Il explique ■
des Juifs et des Gentils ce qui est dit de Ja-
cob et d'Esati dans l'épître aux Romains :
Avant qu'ils fussent nés et avant quils eussent ^^m. u, n.
fait aucun bien ni aucun mal, afin que le décret
de Dieu demeurât fei'me selon son élection, non
à cause de leurs œuvres, mais à cause du choix
de Dieu, il fut dit à Rébecca : L'ainé sera assu-
jetti au plus jeune, selon qu'il est écrit : J'ai
aimé Jacob et j'ai haï Esaû; et quoiqu'il con-
vienne de l'obscurité du passage, il s'en tire
aisément en disant que Dieu n'a décidé du
sort de ces peuples ^ qu'après avoir prévu
leurs actions. Il ajoute que ces paroles, non
à cause des ceuvres, mais à cause du choix de
Dieu, ne signifient pas que ces peuples
n'aient fait aucune bonne œuvre , mais seu-
lement qu'ils n'ont point été sauvés par les
œuvres de la loi ^. Ensuite Fauste réfute l'o-
pinion de ceux qui, par la ressemblance à
laquelle le premier homme a été fait, enten-
dait celle de Jésus-Christ qui devait naître
d'une Vierge. Il montre que cette ressem-
blance consiste à être fait à l'image de Dieu,
ainsi qu'il est dit dans l'Ecriture, c'est-à-dire
dans la justice, dans la raison, dans la sa-
gesse et dans l'immortalité : de là il prend
occasion de traiter de la loi de nature, qu'il
appelle la première grâce de Dieu, et de
montrer par divers exemples que les saints
patriarches Abel, Enoch et les autres, sont,
en l'observant, entrés dans le vestibule du
salut, en attendant qu'ils fussent introduits
par Jésus -Christ jusque dans l'intérieur
même de la félicité. Mais en voulant faire
voir, par l'exemple de Job et de quelques au-
tres, que la loi de nature n'était pas éteinte
chez les infidèles, non plus que dans le peu-
ple de Dieu, il avance * que la foi était
jointe à cette loi, et que l'on reproche avec
justice aux infidèles leur incrédulité, parce
qu'il était en leur pouvoir de croire, dès
qu'ils avaient le libre arbitre, qui est la rai-
son de récompenser celui qui croit et de
punir celui qui ne croit pas. Ainsi, selon
Fauste, la foi naît du libre arbitre : il lui at-
1 Nos geminum . hoc in Dei operibus bonum insepara-
bili consertum fatemur amplexu, sicut legimus : Mi-
sericordiam et judicium cantabo tibi. Domine... et
sicut pluit super justos et injustos, ita utrosque indif-
ferenter lumiiie rationis implevil, honore imaginis suœ
induit ad gratiam redemptionis generaliter evocuvit.
Ibid., cap. IV.
^ Quid mirmn signorum actus prœvidit, eorum exi-
ttis prœsignavit? Ibid., cap. VI.
2 Non ex operibus, sed ex vocante dictum est. Non
illos dicit propriis operibus vacuos, sed negat ex ope-
ribus legis fuisse saluo.tos. Ibid.
* Unde hic extra legem positi accusantur increduh-
iatis : nisi quia legem naturœ oui fides juncta est,
servare nolueruni ? Unde objicitur incredulitas, nisi
quia in promptu fuit credendi facultas ? Liberi itaque
arbitra ratio facit, ut remutieretur credens et damne-
tur incredulus. Ibid., cap. viii.
[V SIÈCLE.
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
433
tribue deux fonctions différentes, l'une pour
le salut, et l'autre pour la damnation de
l'homme, et dit qu'il les exerce toutes les
deux, non-seulement dans ceux qui sont ré-
générés par le baptême, mais aussi dans
ceux qui ne le sont pas, parce que le libre
arbitre est un don de la nature, et la régé-
nération un don de la grâce ' ; c'est pour-
quoi il soutient que les infidèles ont connu
Dieu par les seules forces de la raison, sur
quoi il cite la réponse du roi Nabuchodono-
sor à Daniel : Véritablement votive Dieu est
_ le Dieu des dieux, et le Seigneur des rois.
Lsicroài'o- 14. Fauste avait adressé son ouvrage à
;qûe Léon- "
B, pag. 525. Léonco d'Arlos par une lettre en forme de
préface ou d'épître dédicatoire. On l'en a
séparée dans la Bibliothèque des Peines, de
l'édition de Lyon, et on lui a donné le titre
de Profession de foi, je ne sais sur quel fon-
dement : car ce n'est qu'une récapitulation
de ses deux livres de la Grâce et du libre
arbitre ; encore n'en relève-t-il que les prin-
cipes généraux. Il est visible que Fauste ne
l'écrivit qu'après avoir mis la dernière main
à cet écrit et l'avoir augmenté de la réfuta-
tion de quelques nouvelles erreurs ^, qui
avaient paru dans l'intervalle qui s'écoula
entre la tenue du concile d'Arles et de celui
de Lyon. C'est ce qu'il témoigne lui-même
en termes exprès.
db quelle 13. Sou ouvrago n'eut pas l'approbation
niera ]es . ^ . ^ ^ *■
iiiivrcsde quii attendait, et si Ion excepte Gennade
, isLe furent ' ■"-
«sdupu- de Marseille, qui pensait comme lui sur la
grâce et le libre arbitre, il trouva presque
pai'tout des adversaires. Le pape Gélase mit
ses écrits au rang des apocryphes ^. Quoique
1 Scire debemus quia libertas arbitrii dupUci mi-
nisterio prœdita est, mine ad salutem, nunc ad perdi-
tionem sut prompta est. Sed opponis quod voluntatis
libertas solis liberandis competat, et in redemplionis
beneficio constituas. Non ita est : liheratio ad danum
gratiœ pertinet : libertas vero arbitrii non est res
accedentis munificentiœ,sed naturœ. Illa renascentibus
ministratur, ista nascentibus. Ibid., cap. is.
2 In quo quidem opusculo posi Arelatensis concilii
subscriptionem, novis erroribus deprehensis adjici ali-
qua synodus Lugdunensis exegit. Pag. 524.
3 Opuscula Cassiani presbyieri Galliarum apocry-
pha ; opuscula Fausti Regiensis apocrypha. Tom. IV
Concil., pag. 1265.
* Hi vero quos vos de Fausti cujusdam Galli an-
tistitis dictis consuluisse liiteris indicastis, id sibi
responsum habea?it, neque illum, neque quemquam,
quos in uuctoritate Patrum non recipit examen catho-
licœ fidei aut ecclesiaslicœ disciplinœ, ambiguitatem
passe gignere, aut religioni prœjudicium comparare.
De arbitrio tamen libero et gratia Dei, quod Romana,
Hormisdas ne voulût point d'abord se décla-
rer contre Fauste, il l'exclut néanmoins * du
nombre des pères qu'il faut prendre* pour
juges dans les difficultés qui s'élèvent sur la
doctrine. « Nous ne le recevons point, dit-il,
au nombre des Pères, et aucun de ceux que
l'Eglise catholique ne reçoit point entre les
pères , ne peut causer aucune ambiguïté
dans la doctrine, ni porter de préjudice à la
religion. Quant à ce que l'Eglise romaine,
c'est-à-dire l'Eglise catholique, suit touchant
le libre arbitre et la grâce de Dieu, quoiqu'on
le trouve dans les écrits de saint Augustin,
il y en a des articles exprès dans les archi-
ves de l'Eglise, n Les évéques d'Afrique, re-
légués en Sardaigne, ayant été priés par Jean
Maxence d'examiner ^ les livres de Fauste
trouvèrent que l'auteur y attaquait artificieu-
sement la grâce et qu'il y favorisait les péla-
giens d'une manière couverte, affectant d'être
catholique. Saint Fulgence, l'un de ces évé-
ques, réfuta par sept autres livres les deux
de Fauste, pour empêcher que le poison se-
cret qu'ils contenaient, ne se répandît. Saint
Isidore de Séville, qui parle de cet ouvrage
de saint Fulgence, dit qu'il y détruisait, la
subtihté profonde et artificieuse de Fauste ",
dont le but était d'appuyer l'hérésie péla-
gienne. En un mot, son ouvrage fut attaqué
dans tout le monde chrétien. Saint Avite,
évêque de Vienne et saint Césaire d'Ar-
les, tous deux illustres dans les Gaules par
leur savoir et par leur vertu, le réfutèrent
pubfiquement. Le pape Félix, à l'imitation
de ses prédécesseurs, le rejeta : il eut le
même sort en Orient, où il fut condamné de
hoc est, catliolica, seqiiatur et asseveret Ecclesia, lieet
in variis libris beati Augustini, et maxime ad Hila-
rium et Prosperum possit cognosci, tamen in scrinis
ecclesiasticis expressa capitula conti7ientur. HormisdaSj
Epist. 70 ad Possessorem, pag. 1532.
^ Cœierum unus ex riobis illis omnibus quœ memo-
ratos fratres adoersus gratiam et prœdestinationem
intimastis vel sentire vel dicere, tribus libris vestro
nomini dedicatis sufficienii disputatione respondit :
quique adversus duos libi'os Fausti Galli septem libros
edidit. Quos cum recensueritis , agnoscetis protinus,
quemadmodum memorati Fausti commenta veritati
contraria, catholicœ fidei penitus inimica discussio
prodidit. Epist. synodica Afrioanorum ad Scyttias,
tom. oper. Fulgent., pag. 286.
8 Scripsit multa Fulgentius, ex quibus legimus de
Gratia Dei et libero arbitrio libros responsionum
septem, in quibus Fausto Galliœ Regiensis urbis epis-
copo pelagianœ pravitati consentienii respondens, ob-
nititur ejus profundam destruere calliditatem. Isid.,
de Script. Ecoles., cap. xiv.
28
434
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Livre surle
Saint-Kspril.
tous les orthodoxes et réfuté par un prêtre
de l'Eglise d'Antioche *; en sorte qu'il n'y a
pas lieu d'excuser Fauste, ni de justifier sa
doctrine, puisqu'il veut^ que la force, la lu-
mière et la santé du libre ai'bitre viennent
de la nature et non de Jésus -Christ, au lieu
que saint Augustin et tous les catholiques
avec lui enseignent que la force, la lumière et
la santé du libre arbitre viennent de Jésus-
Christ et par Jésus-Christ. Cependant Fauste
est mort dans la paix et la communion de
l'Eglise, et il est honoré comme saint en
quelques endroits. Il sei'ait à souhaiter que
ses apologistes eussent bien prouvé, comme
ils l'ont avancé, que ses écrits ont été altérés
et corrompus.
16. On a cru longtemps que le livre du
Saint-Esprit, cité par Gennade dans le cata-
logue des ouvrages de Fauste, était perdu ^.
Mais il semble qu'on ne peut douter que ce
ne soit celui que l'on a imprimé plusieurs
fois sous le nom de Paschase, diacre de l'E-
glise romaine, comme on le verra dans l'ar-
ticle de Paschase. Gennade attribue encore
à Fauste un petit traité dans lequel il prou-
vait, contre les ariens et les macédoniens,
que la Trinité est consubslantielle *. Il ajoute
qu'il en avait écrit un autre contre ceux qui
disent qu'il y a quelque chose d'incorporel
dans les créatures. Cela peut avoir donné
occasion à quelques savants de dire que ces
deux traités ne sont autre chose que la sei-
zième lettre de Fauste, dont la première par-
tie combat les ennemis de la Trinité, et l'au-
tre est employée à montrer qu'il n'y a rien
d'incorporel dans les créatures, et que cette
qualité appartient à Dieu seul. Mais il est vi-
sible que Gennade dislingue ces deux trai-
tés ^, et on doit l'en croire, puisqu'il dit qu'il
les avait lus : d'ailleurs, il s'agit moins dans
cette lettre d'établir le mystère de la Trinité
contre les ariens et les macédoniens, que de
répondre aux difïïcultés que les premiers
faisaient contre la divinité de Jésus-Christ.
Il vaut donc mieux dire que le petit traité
de Fauste sur la Trinité, est perdu, et qu'ou-
tre la lettre seizième où il établit la foi de la
Trinité, et son sentiment sur la corporéité de
tous les êtres créés, il en avait composé un
autre sur la même matière que nous n'avons
plus. Quelques-uns prétendent retrouver le
traité de Fauste sur la Trinité dans la trente-
troisième homélie de celles qui portent le
nom d'Eusèbe d'Emèse, ou dans un autre
écrit imprimé sous le nom de Fauste ,
à Paris, en l'année 1S86, et intitulés : Bé-
ponses à quelques objections sur la foi. Le
style et les raisonnements favorisent assez
cette opinion. Le sermon deux cent trente-
quatrième, qui est le second sur la foi catho-
lique parmi ceux que l'on a faussement attri-
bués à saint Augustin, n'est qu'un extrait
de ce traité qui, dans l'édition de l'Antidote
contre toutes les hérésies, à Bâle, en 1S28, a
pour titre : Be la raison de la foi.
17. Parmi les lettres de Fauste, Gennade l^,,^^,
en marque une adressée àFélix,patrice,pré- ''"°^"''
fet du prétoire *, fils du consul Magnus, et
qui avait embrassé l'état religieux. Il parle
de cette lettre comme d'une puissante exhor-
tation à la crainte de Dieu, propre pour les
personnes qui embrassent la pénitence avec
une volonté pleine et sincère. On l'a impri-
mée avec les autres écrits de Fauste dans la
Bibliothèque des Peines. Félix était alors au-
près de Léonce, évêque d'Arles, pour y re-
cevoir ses instructions et s'édifier par l'exem-
ple de ses vertus. Quoiqu'il semblât donc
n'avoir pas besoin d'autres avis pour la ma-
nière dont il devait vivre, Fauste ne laissa
pas de lui en donner, parce que Félix l'en
avait prié. Les trois remèdes qu'il lui pres-
1 Non est quidem ut pro Fausto aliqua possit in
ejus defensionem vel excusationem apologia elaborari,
quem constat in diverso orbe catholico impugnatum.
Etenim in Occidente Cœsarius et Avitus, doctissimi
atque sanctissimi in Gallia episcopi, adversariis eum
scriptis exagilaverunt ; sed qui prœsiant his omnibus,
Félix atque Gelasius romani poniifices eadem Fausti
scripta rejecerunt, ut plane universum occidentem or-
bem i?i eosdem Fausti libros insurrexisse, eosdemque
oppugnasse certum sit. In Oriente vero non unus dun-
taxat quem refert Ado, Joannes preibyter Antiochenus
eos Fausti libros refellit, sed orthodoxi fere omnes.
Baron., tom. VI Annal., ad ann. 490.
2 Faustus apud regium Gulliœ episcopus pelagianum
dogma destruere conatus, in errorem labitur : unde
qui ejus sensus in hac parte catholicos prœdicant, si-
cuti Gennadius de illustribus viris scribens, omnino
errant. Ita enim liherum arbitrium tam Augustinus
quam cœieri catholici in Ecclesia Dei docent, ut illu-
minatio, virtus et salus illi a Christo et per Christum
et eum Christo sit : Faustus vero iste ita liberum
christiatium arbitrium docere conatur, ut illuminatio
ejus, virtus et salus non a Christo, sed a natura sit.
Ado Vienn., ia Chron., ad ann. 492.
3 Gennad., de Viris. illust., cap. LXSXV. — * Ibid.
^ Legi ejus et adversus arianos et macedo7iianos
parvum libellum, in quo esseniialem prœdicat Trini-
tatem : et alium adoersus eos qui dieunl esse in crea-
iuris aliquid incorporeum. Gennad., de Viris illustr.,
cap. LXSXV.
« Tom. VIII Biblioth. Pair., pag. 552 et seq.
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
[V° SIKCLE.J
crit pour se garantir du péché, sont l'aveu
de ceux qu'on a déjà commis, la crainte du
jugement dernier et la terreur du feu éter-
nel. 11 lui représente le temps de la nuit
comme le plus propre à l'oraison et à la mé-
ditation; mais il veut qu'après ce temps de
silence, il s'applique à la lecture jusqu'à
l'heure de tierce, et qu'il fasse ses exercices
spirituels avec tant de modération, qu'il
souhaite toujours de les continuer, sans en
être jamais rebuté. Il témoigne souhaiter
que Dieu lui associât deux amis fidèles avec
lesquels il puisse faire les exei'cices du jour
et de la nuit, ou du moins qu'il reçût deux
fois la semaine la visite de quelque personne
qui pût lui donner des consolations spiri-
tuelles. A l'égard des jeûnes, il lui en pres-
crit en hiver de deux jours l'un; mais il lui
fait entendre qu'en se retranchant du boire
et du manger, il doit aussi réprimer les pas-
sions de la chair et la mortifier en ne lui
donnant que le nécessaire. Il lui conseille de
ne pas changer tout à coup la manière ordi-
naire de se vêtir, mais de le faire par degrés,
de crainte que son cœur ne s'élevât d'un
changement si subit, et que l'orgueil ne prit
naissance dans une trop grande humiliation.
Il dit qu'il pourra toutefois surmonter aisé-
ment les tentations de vaine gloire, en je-
tant les yeux sur sa vie passée. Il lui fait en
peu de mots le portrait du saint homme Job,
pour l'engager à l'imiter dans la fuite de
toute sorte de péchés, dans sa simplicité,
dans sa constance, qu'aucun événement de
la vie ne pût ébranler.
Nous avons cinq lettres de Fauste à Ru-
rice, évêque de Limoges * , mais avant qu'il
fût élevé à cette dignité. Elles contiennent
divers avis que Rurice lui avait demandés
sur la conduite qu'il devait garder soit dans
l'usage des biens temporels, soit dans les
exercices de piété. Nous avons donné l'ana-
lyse de ces lettres dans l'article de Rurice.
iVous remarquerons seulement ici que dans
la première, Fauste tire de ces paroles de
l'épitre aux Hébreux : Le Fils est la splendeur
de la gloire de Dieu, un argument pour l'é-
ternité du Verbe : Comme Dieu, dit-il, n'a
jamais été sans splendeur, de même le Père
n'a jamais été sans la majesté du Fils, et que
435
comme les noms du Père et du Fils sont co-
éternels; car si le Fils n'était point né, le
Père ne pourrait pas être appelé Père : de
même l'éternité du Père est une preuve de
l'éternité du Fils. Le Fils est du Père, mais
il n'est point postérieur au Père : comme on
ne peut pas dire que la face de l'homme soit
postérieure à sa tête, parce qu'elle nait de
la tête même. La même comparaison se
trouve dans le chapitre v^ du livre I" sur le
Saint-Esprit : ce qui prouve encore qu'on
doit attribuer ce traité à Fauste plutôt qu'à
Paschase.
18. Il y a plusieurs autres écrits de cet
évêque que l'on a attribués à d'autres qu'à
lui -, et l'on ne peut douter qu'il ne soit au-
teur de la plupart des sermons ou homélies
qui portent ordinairement le nom d'Eusèbe
d'Emèse. Il faut mettre de ce nombre les
deux homélies sur la Nativité de notre Sei-
gneur, la quatrième sur l'Epiphanie ou les Sept
frères Macchabées ; la sixième, la huitième, la
neuvième, la dixième et la onzième sur la
Pâque, sur le Bon lari-on^ ; la seconde sur l'As-
cension, sur la Trinité'^, sur saint Maxime, son
prédécesseur dans l'évêché de Riez et l'ab-
baye de Lérins ; les dix homélies aux Moines,
si l'on en excepte la cinquième , la sixième ,
la neuvième et la dixième, qui se trouvent
parmi celles de saiat Césaire d'Arles et qui
paraissent de son style; l'homélie sur la Fête
des apôtres saint Pierre et saint Paul'^. Toutes
ces homélies sont de même style que les deux
sur le Symbole •', que l'on juge être de Fauste
de Riez , par le rapport sensible qu'elles ont
avec la préface des deux livres du Saint-Esprit,
qui peuvent passer pour être constamment
de cet évêque. On lui attribue encore l'ho-
mélie sur la veuve qui offrit deux oboles '.
Mais il paraît que celui qui en est auteur n'é^
tait qu'un simple prêtre, et qu'il parlait par
l'ordre de son évêque ^ ; si ce n'est que Fauste
l'ait prêchée en présence de son métropoli-
tain et à sa prière. On en a donné une autre,
depuis quelques années, sur la Passion^, où. il
est dit que la passion avait été figurée dans
Abel,Isaac, Jonas et le tombeau d'Elisée. Le
style est plus clair que celui de Fauste, mais
la doctrine sur la grâce en est la même. Cette
homélie porte le nom de Faustin dans le ma-
Sermons de
Fauste.
' Tom. VIII Biblioth. Pair., pag. 554, et tom. 1 Uct.
Canis., pag. 355.
2 Tom. VI Biblioth. Pair., pag. 625.
"- Pag. 625. — * Pag. 637, 644, 646 et 656.
s Pag. 652. — s Pag. 628. — ■» Pag. 675.
8 Quod a summo aniistite imperari mihi video, posse
me credo. Pag. 675.
^ Tom. V Anecd. Marten., pag. 57 et 60.
436
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nuscrit d'où on l'a tirée. Nous en avons une
autre sous le nom de Faustin, dans le Spici-
lége ', qui tend à justifier les jeûnes de suré-
rogation, c'est-à-dire des cinq jours que l'on
ajoutait au carême. Enée, évêque de Paris^,
en rapporte un fragment dans son traité con-
tre les Grecs. Il y en a une troisième sous le
nom de l'évêque Faustin ^, dans la Biblio-
thèque des Pères. C'est une exhortation à user
des biens de ce monde et de la vie même,
pour parvenir à une meilleure. Le nom de
Faustin se lit encore à la tête d'une homélie
contre la Fête des Calendes de janvier. L'au-
teur y fait une description fort pathétique des
indécences qui se commettaient en ce jour,
et exhorte ses auditeurs à en témoigner leur
aversion par leur exactitude à observer le
jeûne que ses prédécesseurs avaient fixé à ce
jour-là même, pour l'opposer aux dissolu-
tions dont la fête des Calendes était accom-
pagnée. Cette homélie se trouve dans le re-
cueil de Bollandus, au premier jour de jan-
vier *.
AuirBs ho- 19. Voici encore d'autres homélies que l'on
biîéés\ Faua" attribue à Fauste : celle sur saint Honorât,
imprimée parmi les discours qui portent le
nom de saint Eucher; une sur le Jour de la
Passion, qui est le cent cinquante -troisième
sermon de l'appendice du tome V^ de saint
Augustin; une sur la Nativité de saint Jean-
Baptiste, qui est le premier sur cette fête dans
le même appendice. Nous en avons quatre
autres dans le recueil des règles fait par saint
Benoit d'Aniane. Le troisième est le même
que le huitième des dix sermons aux Moines,
imprimés dans la Bibliothèque des Pères, parmi
celles que l'on donne ordinairement à Eusèbe
d'Emèse. Le père Sirmond ^ marque un ser-
mon de Fauste sur la Révélation du corps de
saint Etienne; mais il n'en a fait imprimer que
le commencement. On voit, par les lettres de
Sidoine Apollinaire, que Fanste avait assisté
à un sermon prêché à la dédicace de l'église "
que saint Patient, évêque de Lyon, fit bâtir
vers l'an 470. Nous avons trois sermons sur
ce sujet ' parmi ceux d'Eusèbe-le-Gaulois ;
peut-être celui de Fauste en est-il un. Mais
aurait-il oublié d'y marquer qu'il prêchait
devant plusieurs évoques et par leur ordre?
20. Nous ne devons pas nous flatter d'avoir
tous les sermons ni tous les écrits de Fauste,
ni même de pouvoir décider sûrement si tous
ceux qu'on lui attribue sont de lui ou non,
n'y en ayant que très-peu qui portent son nom,
soit dans les manuscrits, soit dans les impri-
més. Gennade ^, qui écrivait en même temps
que Fausle, convient qu'il n'avait pas vu tous
sesouvrages. Aussi ne donne-t-il le catalogue
que d'une partie , c'est-à-dire de ceux qu'il
avait lus lui-même. Nous n'avons pins celui
dont saint Sidoine parle avec éloge ^. Il était
écrit en forme de dialogue et divisé en qua-
tre livres, suivant les différentes matières qui
y étaient traitées. Fauste l'avait envoyé avec
quelques autres de ses écrits aux Bretons, ses
compatriotes. Fauste avait aussi dressé des
mémoires pour servir à l'histoire de l'évêque
Maxime, son prédécesseur. Mais le patrice
Dyname les ayant demandés pour lui aider
à faire lui-même la vie de ce saint évêque,
on les trouva ou rongés des vers ou gâtés de
pourriture *". Ce fait prouve, ce semble, que
l'on prenait peu de soin des écrits de Fauste,
et peut-être aussi que l'on n'en faisait pas
grand cas. On ne sait ce que c'est que le livre
contre les Anthropomorpjhites , que lYithème lui
attribue. Il parait que cet écrivain ne l'avait
pas vu lui-môme ' ' , puisqu 'il n'en rapporte pas
le commencement, comme il fait ordinaire-
ment à l'égard des ouvrages qu'il avait lus.
Canisius a fait imprimer, dans ses Anciennes
Leçons *^, une exhortation qui, dans le manus-
crit d'où il l'a tirée, porte le nom de saint
Fausle. Il croit qu'il faut lire Fausle, quoi-
qu'il n'ose pas assurer que ce soit celui de
Riez. La matière de cette exhortation est
l'obligation où nous sommes de nous prépa-
rer à rendre compte de nos actions lorsque
nous comparaîtrons devant le tribunal de
Jésus-Christ. L'auteur veut que nous nous
préparions à ce compte par l'examen jour-
nalier de nos actions, en nous punissant nous-
mêmes de nos fautes et en examinant non-
seulement en combien de manières nous avons
péché, mais encore si nous avons travaillé à
nous avancer dans la perfection. Le style de
1 Tom. VII, pag. 118. — 2 Ibid., pag. 86 et 87.
3 Tom. VIII, pag. G78.
* Tom. I jan., pag. 2 et 3.
'' Sirm., August., serra. 25, uot., pag.lOC.
6 Sidon., lib. IX, Epist. 3.
'' Tom. VIII Bibliolli. Pair., pag. 557 et seq.
8 Geimad.j de Viris. illustr., cap. T.xxxv.
9 Legimus opus operosissimmn, multiplex, acre, su-
blime, digeslum iitulis exempliscjue congestum, bipar-
titum sub dialogi schemate, sub causarum schemate
quadriparlitum. Sidon., lib. IX, Epist. 9.
" Tom. II Chron. Lirin., pag. 120.
" TriLliem., de Script. Ecoles., cap. cxx.
'2 Ganis., Lection., tom. I, pag. 350.
[v= SIÈCLE.
CHAPITRE XXIV. — FAUSTE, ÉVÊQUE DE RIEZ.
437
cette petite pièce est plus simple et plus po-
pulaire que ne l'est celui de Fauste; elle ap-
proclie beaucoup de celui de saint Césaire
d'Arles ; aussi est-elle comptée pour la trente-
huitième de ce père dans l'appendice du tome
V<^ de saint Augustin.
21. Saint Sidoine Apollinaire, parlant des
écrits de Fauste, dit qu'ils étaient importants
par la diversité des sujets ', par la force et
l'élévation avec laquelle il les traitait et par
l'ordre avec lequel il les avait rangés sous
diflerents titres , et les exemples qu'il y ap-
portait; qu'il traitait gravement les choses
sérieuses et importantes ^; C[u'il examinait
soigneusement celles qui sont obscures et
difficiles ; qu'il appuyait solidement ceUes qui
sont contestées, et qu'il disputait savamment
sur celles qui dépendent toutes du raisonne-
ment; que tantôt son discours paraissait mâle
et vigoureux, tantôt plus doux et plus fleuri;
mais partout édifiant , partout élégant , par-
tout très-éloquent et en même temps très-
solide; en sorte qu'il ne trouvait rien de si
poli dans les écrits de tous ceux qui ont eu
plus d'espi'it et d'éloquence. Mais cet éloge
regarde particulièrement un ouvrage de
Fauste que nous n'avons plus , et qui était,
comme nous venons de le remarquer, fait en
forme de dialogue et divisé en quatre livres.
On ne trouve ni autant d'élégance, ni autant
de solidité , ni autant de politesse dans ceux
qui nous restent, soit que Fauste les ait moins
travaillés, soit que la matière qu'il y traite
ait été moins proportionnée à sa capacité. Sa
lettre à Patrice est ce qu'il y a de mieux. Il
est obscur dans ce qu'il a écrit sur la nature
de l'âme et de la grâce.
22. Ses deux livres su?' la Grâce et le libre
arbitre iaveni imprimés à Râle, en 155o, parmi
les Orthodoxographes, et en 1S69, d'où ils ont
passé dans les Bibliothèques des Pères, avec ses
autres ouvrages, et dans le recueil des anciens
théologiens de France . L'ouvrage sur le Saint-
i Sidon., lib. IX, Epist. 9.
^ Scripseras gravio. mature, profunda sollicite, dii-
bia constanfer, argumentosa disputalorie, quœdam
severe, quœpium blande, cuncta moraliier, lecte, pa-
Esprit fut mis sous presse avec le nom de Pas-
chase, diacre de l'Eglise romaine, à Râle, en
1539; à Helmstad, eu 1613, et depuis à Paris,
à Lj'on et ailleurs avec la Bibliothèque des Pères.
On trouveaussi dans ce recueil les lettresetau-
tres écrits de Fauste, donnés parCanisius, et
depuis par Rasnage^ dans la nouvelle édition
des Lectiones antiquœ de Canisius, à Anvers,
en 1723. [Le tome LVIII de la Patrologie latine
col. 773 et suiv. contient le traité de la Grâce de
Dieu et du libre arbitre, les lettres de Fauste
au nombre de dix-neuf, ses discours au nom-
bre de huit. Le tout précédé de notices tirées
de Reilarmin et de Canisius, de notes critiques
de Rasnage sur la doctrine de Fauste. Les dis-
cours qu'on attribue à cet évêque se trouvent
au tome XXX delà i'a^j'ofog'î'e/a^Mîe. L'ouvrage
sur le Saint-Esprit est reproduit au tomeLXII,
parmi les œuvres de Paschase. Le tome V du
Spicileg. romanum d'Angelo Mai contient trois
nouveaux discours de Fauste. Le premier est
sur la Pentecôte, le deuxième sur la sainte
Trinité, le troisième sur le Saint-Esprit.]
On trouve dans le tome IX^ de la nouvelle
collection de dom Martène, six homélies
sous le nom de Fauste , dont quatre avaient
déjà été imprimées, dans la Bibliothèque des
Pères , parmi celles de saint Césaire d'Arles,
et dans l'appendice du Code des règles. Il n'est
pas sûr qu'aucune des six soit de Fauste. Sa
lettre à Lucide, prêtre, a été imprimée, avec
une traduction française à côté du texte, dans
la seconde partie de l'Histoire de Boëce , par
feu l'abbé Gervaise , mort évêque d'Horen ,
in-12, à Paris, en 1713. Le traducteur et édi-
teur y a joint des éclaircissements sur la doc-
trine de Fauste touchant la grâce, peu con-
formes à ce que nous avons représenté jus-
qu'ici des sentiments de cet évêque sur ces
matières. L'homélie sur saint -Maxime a paru
en latin et eu français, en 1644, in-4''. La tra-
duction est de Louis Doni d'Attichi, évêque
de Riez.
tenter, eloquentissime. Itaque per tanta te gênera nar-
randi toto latissimœ dictutionis campo secutus, nihil
in facuridia cœterorum, nihil in ingeniis facile pers-
pexi juxta potitum. Sidon., lib. IX, Epist. 9.
438
HISTOIRE GENÉUALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XXV.
Saint Perpétue, archevêque de Tours.
[En 491.;
Saint Per-
Iiéluo est fait
û vùq u e (le
Tours eii461.
Ses rr'ncipa-
les actioQs.
1 . Ce saint fut le huitième évêque de Tours
depuis saint Gratien. Il succéda à Eustochius,
prélat illustre par sa naissance et par sa vertu.
Il avait tenu un concile à Angers pour l'ordi-
nation d'un évêque en 4S3. Saint Perpétue,
que l'on choisit pour lui succéder, était son
parent. II avait une sœur nommée Phidia-
Julia Perpétua, et d'aulres parents, du nom-
bre desquels était Volusicn, qui fut son suc-
cesseur dans l'épiscopat de Tours. Mais il
regardait les pauvres comme devant être les
héritiers de tous ses biens. Aussi n'attendit-il
pas à les eu faire jouir après sa mort. On ne
peut douter qu'il n'ait été fait évêque de
Tours dès l'an 461, puisqu'au mois de no-
vembre de celte année ' il y tint un concile
où il présida. Nous parlerons dans la suite
des règlements qui y furent faits pour le ré-
tablissement ou le maintien de la discipline
de l'Eglise. Il présida aussi , selon toutes les
apparences , au concile que l'on assembla à
Vannes, en 465^, à l'occasion de l'ordination
d'un nouvel évêque. On fît encore dans ce
concile divers statuts pour remédier aux abus
que les incursions des Barbares dans les
Gaules y avaient fait naître. Le zèle de saint
Perpétue ne se bornait pas aux règlements
des mœurs ni au soin des pauvres. Il bâtit
plusieurs églises ^ qu'il enrichit de ses biens ;
il en régla l'office et établit un ordre pour la
célébration des veilles des grandes fêtes dans
les églises de la ville de Tours. Il régla aussi
les jours de jeûne, ordonnant qu'on jeûne-
rait le mercredi et le vendredi, depuis la Pen-
tecôte jusqu'au milieu de février. Mais il dis-
pensa de ces jeûnes depuis la fête de saint
Jean jusqu'à la fin du mois d'août, et depuis
Noël jusqu'à la fête de saint Hilaire. Outre le
mercredi et le vendredi , il ordonna un troi-
sième jour de jeûne depuis la Saint-Martin
jusqu'à Noël : ce qui faisait une espèce d'A-
vent. Il donna des marques de sa vigueur
épiscopale en dégradant deux curés dont la
conduite était irrégulière *. Mais en recom-
mandant ;, par son testament , à son succes-
seur de ne les jamais rétablir, il leur assigna
une pension sur ses biens pour toute leur vie.
Il fit ce testament^ quinze on seize ans avant
sa mort, qui arriva le 30 décembre de l'an 491 ,
après trente ans entiers d'épiscopat. 11 fut
entei'ré auprès du tombeau de saint Martin ,
ainsi qu'il l'avait souhaité. On voit par son
épilaphe qu'il avait été l'imitateur des ver-
tus de ce grand évêque , comme son succes-
seur dans le siège épiscopal de Tours.
2. Sachant que Paulin de Périgueux tra-
vaillait à mettre en vers la Vie de saint Mar-
tin, écrite par saint Sulpice Sévère, il lui en-
voya un mémoire ^ de plusieurs miracles dont
il avait été témoin oculaire, afin qu'il les
ajoutât aux autres. Un de ces miracles s'était
fait entre les mains mêmes de saint Perpétue.
Ayant offert de l'huile au tombeau de saint
Martin , afin qu 'elle pût servir à la guérison
de diverses maladies, corpmeil arrivait ordi-
nairement, et ayant jeté dans cette huile
quelques raclures du marbre qui couvrait son
sépulcre '', l'huile se multiplia aussitôt avec
tant d'abondance, qu'elle se répandit sur les
habits du saint, qui toutefois n'en furent pas
tachés. Il avait signé de sa main ce inémoire ^
dont Dieu se servit pour opérer des miracles.
Car, en le mettant sur l'estomac de deux per-
sonnes malades ^, elles furent guéries toutes
deux sur-le-champ. Ce fut à la prière de saint
Perpétue que le même PauHn fit des vers
pour mettre à l'éghse de Saint-Martin, qu'il
voulait dédier. Nous les avons encore "*.
1 Tom. IV'ConciL, pag. 1050.
2 Ibid., pag. 1050.
3 Greg. Turon.j lib. II, cap. iv; lib. X, cap. xxsi.
' Spicileg., tom. V^ pag. 107.
* Spicileg., tom. V, pag. 105.
« Paulin., Vit. S. Martin., Ub. VI, pag. 878.
' Ibid., pag. 880. — 8 Ibid., pag. 882.
3 Ibid., pag. 882 et 883. — i" Ibid.
CHAPITRE XXV. — SAINT PERPÉTUE , ARCHEVEQUE.
[y SIÈCLE.]
3. Nous avons aussi le testament de saint
Perpétue. Il fut d'abord imprimé dans le Spi-
cilège de dom Luc d'Achery ' , en 1661 , puis
dans le recueil des Bollandistes, et ensuite
dans le supplément des Conciles de Lalande
et dans l'appendice des œuvres de saint Gré-
goire de Tours, de l'édition de dom Ruinart.
[On le trouve aussi dans le tome LVIII de la
Patrologie latine, col. 731 et suiv. 11 est pré-
cédé d'une notice par Cave et suivi de l'épita-
plie du saint.] Perpétue dressa lui-même ce
439
testament etle signa le 1" mai, après le con-
sulat du jeune Léon, c'est-à-dire l'an 475. 11
en fit un double, qu'il signa également, et en
laissa un exemplaire entre les mains de Del-
mace, qu'il appelle son fils ; il confia l'autre à
la vierge Dadolène, avec ordre à Delmace de
donner le sien au comte Agillon , pour l'ou-
vrir après sa mort et le lire en présence des
prêtres, des diacres et des clercs de son
Eglise. Il le commence par l'invocation du
saint nom de Jésus ^, et donne pour raison
1 Tom. V Spicileçf., pag. 105.
2 hi nomine Jesu Chrisii,amen. Ego Perpetuics pec-
cator Turonicœ Ecc/esiœ sace7-dos, abire nolui sine
testamento ne fraudentur pauperes Us quœ superna
cjralia mihi non merito liberalitcr et amanter contu-
lit ; et ne, quod ahsit, ad alios quam ad Ecclesiam
transeant sacerdotis l/nna. Presbyteris, diaconibus et
clericis Ecclesiœ meœ pacem Domini Jesu Chrisli, do,
lefjo. Amen. Confirma hoc, Domme, quod operatus
es in nobis, nesciant schismata, stabiles in fide perma-
neant ; quicumque regulam Evangelii fuerit sccutus,
sit benedictus omni benedictione spiriiuali in supernis
per Christum Jesum, amen. Fax Ecc/esiœ, pax po-
pulo, in urbe, in agro a Deo et Pâtre Domini Jesu
Chrisd, amen. Vobis itaque presbyteris, diaconibus et
clericis Ecclesiœ meœ cum consilio Agilonis comilis
sepeliendum cadaver mortis hujus ubicumque elcge-
riiis, permiito. Scio quod Redemptor meus non mori-
iur, et in carne videbo Liberalorem meum, amen. Ta-
men si indigno mihi feceritis misericordiam, quam
supplex postula, optarem ad domini Martini pedes in
diem qiiiescere judicii, videbitis, judicabitis, eligetis;
volo, slutuo, ratum jubeo quod vobis dominis et fra-
tribus mets placuerit. In primis itaque ego Perpetuus,
volo liberos esse Uherasque homines et feminas quot-
qiiot habeo in villa Saponaria, quos emi de mea pe-
cunia, ut et pueros, quos in die discessus mei non ma-
numisero in Ecclesia; ita tamen ut libère servianl,
quamdiu vixerint, Ecclesiœ meœ, sed absque servitute
ad hœredes transmissibili et glebatica. Do eiiam Ec-
clesiœ meœ agrum, quem Aligarius mihi vendidit in
dicta villa Saponaria, cum stagno. Item molendina
supra Carum pjrope dictam villam ; nec non pecuaria
et prata ipsi Ecclesiœ meœ do, lego. Villam de Ber-
tiniaco cum sylva et omni reditu, ea conditione, qua
mihi a Daniele diacono vendita est, Ecclesiœ meœ pa-
riier do, lego. lia tamen ut de eorum proventibus
oleum paretur pro domnî Martini sepulcro indeficien-
ter illustrando : quod si fuerit negleclum, et volunias
mea, quod non spero, cassa, dicta villa de Beriiniaco
cum adjunctis,hœredibus meis mox nominandis cedat,
volo, statua, jubeo. Quidquid et qua in loco, et a qua-
cumque persona fuerit mihi debiium, qua die absces-
sero, debitoribus ipsis do, lego : exigere quod dimitio
nullus prœsumat, volo, statua. Tibi fratri et consacer-
dati dilectissimo Euphronio thecam ex argento de re-
liquiis sanctorum do, lego. Illam inielligo quam dé-
ferre solebam; nam deauratam aliam quœ est in cap-
sario meo, cum duabus calicibus aureis, et cruce si-
militer aurea, quam Mabuinus fecit, Ecclesiœ meœ
do, lego. Simul et omnes libros meos, prœter Evange-
liorum librum, quem scripsit liilarius quondam Picia-
viensis sacerdos, quem tibi Euphronio fratri et consa-
cerdoti dilectissimo cum prcefata theca, do, lego, vola,
statua : memor esta mei, amen. Ecclesiœ sancti Dio-
nysii de Rambasciaca, calicem argenieum et crucem
similiter argenteam, in cujus manubrio est reliquia de
eodem suncto Dionysio, do, lego. Ecclesiœ de Proillio
similiter calicem argenteum et urceas argentées do,
lego. Similiter et Amalario ibidem presbytero capsulam
unam communem de se.rico, item peristerium et co-
lumbam argenteam ad rcpositarium, nisi maluerit
Ecclesia mea illam qua utilur eidem Amalario trans-
mittere, meam retinere : tibi Ecclesiœ meœ eligendum
permitto, vola, statua. Sarori meœ Fidiœ Juliœ Per-
petuœ crucem parvam auream ex emblasmate, in qua
sunt de reliquiis Domini, do, lego. Quam tamen ab-
nixe rogatam velim, ut si forte, jubente Domino, eam
cantingat migrare ante Dadolenam virginem, Ecclesiœ
meœ ei passidendam relinquat. Te etiam rogo, soror
Dadalena, ut mariens eam Ecclesiœ quœ libuerit ad-
dicas, ne veniat ad indignas. Quod si transeat Dado-
lena ante i-e, sit tibi iiberum, carissima soror Fidia
Julia Perpétua, prœdictam crucem cui volueris Eccle-
siœ relinquere, volo, statua. Memor esta mei, dilec-
tissima, amen. Tibi Agiloni, camiti ab egregia tua in
Ecclesiam meam, et pauperes filios meos mérita, et ut
pergas eorum defensianem robuste suscipere sicut cœ-
pisti, equum meum parabilem, et mulum quem elege-
ris, do, lego. Memor esta mei, fili dilectisiime, amen.
Ecclesiœ sancti Pétri pcristramata, quœ ei ad uten-
dum in natali ejusdem sœpe concessi, omnino et abso-
lute do, lego. Tibi fratri et consacerdoti charissirno,
de qua Daminus providebit regendœ past discessum
meum Ecclesiœ nunc meœ, tune tuœ, aut jiatius nec
meœ nec tuœ, sed Christi, do quicquid ad usmn epis-
copalem de rébus meis volueris eligere in caméra et
sacrario vicino. Quod nolueris, hœredum meorum no-
minandorum esta. Presbyierum de Malleia, eumque de
Orbana ad gradus unde merito dejecti sunt, nunquam
restitue. Spartulam tamen habeant quamdiu vixerint
super parte redituum meorum de Preslaio, quod su-
pererit, cum parte illa quamutendam, fruendam illis
concessi, postquam abierint, et tibi utendum, fruendum
relinquo : post discessum tuum Ecclesiœ meœ do, lego. A t
tu, frater et consacerdos charissime, presbyteros, dia-
conos, clericas, virgines, meos, tuas, ama, exempta juva,
benevolentia prœveni ; fac ut sciant se tibi filios, non
servos; te illis patrem, non dominatorem, rogo, volo,
statua. At vos viscera mea, fratres dilectissimi, corona
mea, gaudium meum, domini mei, filii mei, pauperes
Christi, egeni, mendici, œgri, viduœ, orphani, vos,
inquam, hœredes meos, scribo, dico, statua. His quœ
supra detractis, quicquid in bonis habeo, sive in agris,
pascuis, pratis, nemaribus, vincis, mansis, hortis,
aquis, molendinis, sive in aura, argento et vestibus,
440
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
de ce testament, la crainte que les pauvres
ne fussent pas ses héritiers, s'il ne les ins-
tituait lui-même , et que les biens d'un
évêque ne passassent à d'autres qu'à l'E-
glise. Il donne la paix de Jésus -Christ à
son clergé, en priant le Seigneur de conti-
nuer d'y verser ses grâces, d'en éloigner les
schismes, de Fafiermir dans la foi et dans la
pratique de l'Evangile. Il donne encore la
paix à son Eglise et à tout son peuple , tant
de la ville que de la campagne; et quoiqu'il
laisse la liberté à ses prêtres et à ses autres
ecclésiastiques d'enterrer son corps où bon
leur semblerait, néanmoins, de] 'avis du comte
Agillon, il leur témoigne, après avoir déclaré
sa foi sur la résurrection de la chair, qu'il
souhaiterait être enterré aux pieds de saint
Martin; passant ensuite à ses legs pieux, il
déclare qu'il affranchit tous les esclaves,
hommes et femmes, qu'il avait achetés de son
argent à Savonniers, comme aussi les en-
fants qu'ils pourraient avoir lors de son dé-
cès , mais aux conditions que les uns et les
autres serviraient librement l'Eglise pendant
le reste de leur vie , sans aucune charge en-
vers ses héritiers. Il donne à son Eglise un
champ qu'il avait acheté dans ladite terre
de Savonniers, avec un étang d'un nommé
Aligarius; en outre, un moulin sur le Cher,
avec des prés et les troupeaux qu'il avait dans
le voisinage.
Il donne de plus à son Eglise la maison de
campagne qu'il avait à Bertigny, avec les
bois et tous les revenus en dépendant qu'il
avait achetés du diacre Daniel. Mais il charge
ce legs de l'entretien d'une lampe qui devait
être allumée continuellement devant le tom-
beau de saint Martin. Pour le reste de ses
biens, qui consistait en choses dues, il le re-
met à ses débiteurs dès le jour de sa mort,
ne voulant pas qu'il leur en fût rien réclamé.
11 lègue à l'évêque Euphrone une boite d'ar-
gent qui renfermait des reliques des saints,
et qu'il avait coutume de porter sur lui , et
lui donne aussi un livre des Evangiles écrit
de la main de saint Hilaire de Poitiers. Quant
cœterisque rébus, de quibus me disposuisse non cons-
tabit, hœredes esse vos jubeo. Et ut omnia per discre-
tionem administreniur, volo ut dislrahantur quam
primum abiero et fieri poierit, et in peeuniam redi-
gantur, cujus /res partes fiant. Hominibus egenis duœ
distribuantur, ut placuerit Agrario presbytero, et co-
miti Agiloni. Tertia viduis et pauperibus feminis, uti
placuerit virgini Dadolenœ distribuatur, volo, rogo,
statua. Testamentum hoc manu propria scriplum re-
legi et subscripsi, ego Perpetuus, Kalend. Maias post
à une autre boite d'argent doré , il la lègue
à son Eglise avec deux calices, une croix d'or
et tous ses livres. Il laisse aussi à une église
de Saint-Denis un calice d'argent et une croix
de même métal, dans le manche de laquelle
était enfermée une rehque du même saint.
Il donne à celle de Préuilly un calice avec des
burettes d'argent, et à Amalaire, curé du lieu ,
une chasuble de soie et une colombe d'argent
semblable à celle qui était dans l'église de
Tours , pour y conserver apparemment la
sainte eucharistie, comme on fait encore au-
jourd'hui, dans la suspension, en quelques
églises. Il ne donne à sa sœur Julia Perpétua
qu'une petite croix d'or émaillée, où il y avait
des reliques du Seigneur. Il ne dit pas en quoi
ces reliques consistaient, mais il lui recom-
mande de ne laisser cette croix en mourant qu'à
quelque église, de peur qu'elle ne tombât
en des mains indignes. Il suppose que Julia
mourrait après la vierge Dadolène. Mais, au
cas que Dadolène lui survécût, il veut que
cette croix lui soit donnée, pour, après sa
mort, être léguée à quelque église. A l'égard
du comte Agillon, dont il relève l'amour pour
les pauvres et pour l'Eglise , il lui lègue son
cheval de monture et un mulet à choisir, le
priant de continuer à prendre la défense des
pauvres et de se souvenir de lui. Il lègue à
l'église de Saint-Pierre des tapisseries qu'il
lui avait prêtées souvent pour le jour de la
fête du saint. Il lègue à son successeur tout
ce qui lui agréerait des ornements pontifi-
caux de sa chambre et de sa chapelle. 11 le
conjure de ne point rétablir les curés de
Maillé et d'Orbonne qu'il avait dégradés, en
déclarant qu'il leur avait laissé une pension
viagère sur ses biens. « Aimez, ajoute-t-il en
s'adressant à son successeur, les prêtres, les
diacres, les clercs et les vierges de votre
église et de la mienne. Soutenez-les par votre
exemple , prévenez-les de vos bontés , faites
qu'ils sachent qu'ils sont vos enfants et non
vos esclaves, qu'ils vous ont pour père, non
pour dominateur et pour maître. » Il ordonne
ensuite que les pauvres seraient ses héritiers
consulaium Leonis Minoris. At illud tu, Delmati fili,
apud te depositum serva ; et cum alio simili mea pa-
riter manu scriptum et subscriptum, quod apud Dado-
lenam déposai, Agiloni comiti coram fralribus mets
presbyteris, diaconibus et clericis aperiendum et le-
gendum trades, in nomine Domini, volo, rogo, statuo,
fixum ratumque sit. Denedic, Domine : veni, Christe
Jesa. Ego Perpetuus in nomine tuo, amen. Toiu. V
Spicileg., pag. 105.
CHAPITRE XXVI. — PAULIN DE PERIGUEUX, ETC.
Ecrits de
saint Pcrpé-
|V= SIÈCLE.]
de tout ce qu'il avait en meubles et en im-
meubles, à la réserve des legs spécifiés dans
son testament , et qu'à cet effet tous ses biens
seraient vendus aussitôt après sa mort, et que
du prix en provenant, l'on en distribuerait un
tiers aux veuves et aux pauvres femmes, sui-
vant la disposition de la vierge Dadolène , et
les deux autres tiers aux hommes qui seraient
dans la nécessité : ce qu'il réservait au juge-
ment du prêtre Agrarius et du comte Agillon.
Saint Grégoire de Tours, qui parle de ce tes-
tament ', dit que saint Perpétue laissa ce
qu'il possédait à l'Eglise de Tours et à toutes
les autres où il avait du bien; ce qui ne pa-
raît pas exact ni conforme à la teneur de
ce testament. Le même historien dit que ce
saint évêque bâtit plusieurs églises, entre
autres celle de Saint-Pierre, dans laquelle il
fit transporter la voûte de l'ancienne église
de Saint-Martin, ne l'ayant pas voulu laisser
périr, parce qu'elle était bien faite. Cela ne
veut dire autre chose sinon qu'il fit faire une
nouvelle voûte des mêmes pierres qui avaient
servi à celle de Saint-Martin. Celle-ci avait
été bâtie par saint Brice, aussi évêque de
Toui's. Mais comme elle était trop petite, saint
Perpétue en fit construire une plus grande,
où il fit transporter le corps de saint Martin,
auquel elle fut dédiée le 4 juillet de fan 473.
Quelque temps auparavant, il avait demandé
à saint Sidoine des vers pour les y mettre. Il
bâtit encore l'église de Saint-Laurent, à Mont-
louis, à trois lieues environ de Tours, et eut
part à beaucoup d'autres que l'on bâtit de
son temps dans son diocèse.
4. On compte au nombre de ses écrits les
441
règlements qu'il fit tant pour la célébration
du service divin que pour l'ordre des jeûnes
et des stations ou des veilles. Il met par exem-
ple la célébration de l'oflîce, le jour de Noël
et de f Epiphanie, dans l'église cathédrale de
Tours , et celui de la Nativité de saint Jean-
Baptiste dans la basilique de Saint-Martin. Il
marque la fête de la Chaire de saint Pierre
sous le nom de jour natal de fépiscopat de
saint Pieri'e, fête si célèbre dès-lors dans les
Gaules, qu'en comptant les dimanches jus-
qu'au Carême, on disaitle premier, le second,
le troisième après la Chaire de saint Pierre.
11 distingue le jour de la Résurrection, qui se
célébrait, suivant les anciens calendriers, le
27 mars, d'avec le jour de Pâques ^, dont la
célébration se réglait suivant le cours de la
lune. Paulin de Périgueux remarque, dans
le livre VI de la Vie de saint Martin^, que, le
jour de Pâques, f évêque et tout le peuple de
Tours avaient coutume de passer la rivière
en bateau, pour aller à la cellule du saint, à
Marmoutier. Saint Perpétue ne dit rien de
cette station. Celle qu'il met pour le jour de
Pâques se faisait k l'église cathédrale, et celle
de la Résurrection à la basilique de Saint-
Martin. Ce concours du peuple à Marmoulier
n'était donc qu'une simple dévotion sans au-
cun office solennel. Saint Perpétue avait écrit
à saint Sidoine pour le prier de lui envoyer
son discours sur l'élection de saint Simplice,
évêque de Bourges. Nous ne savons de cette
lettre que ce que saint Sidoine en dit dans sa
réponse *. Nous n'avons plus celle qu'il écri-
vit au même évêque ^ pour avoir quelques
vers en l'honneur de saint Martin,
CHAPITRE XXVI.
Paulin de Périgueux, poète chrétien [vers 490]; Benoît Paulin,
et quelques autres écrivains.
1. Paulin, surnommé de Périgueux, lieu
de sa naissance, pour le distinguer de plu-
sieurs écrivains de même nom qui ont vécu
dans le V^ siècle, était lié d'amitié avec saint
Perpétue, archevêque de Tours. Saint Sidoine
parle d'un Paulin, rhéteur à Périgueux, et
il y a toute apparence que celui dont nous
parlons était son fils. Car Paulin le rhéteur
était mort dep^iis assez longtemps lorsque
saint Sidoine écrivait à Lupus, vers fan 379 ••,
1 Greg. Turon., lib. X Hist. Franc, pag. 530, 531
et 532.
^ Sexto calendas aprilis Resurrectione Domini nosiri
Jesu Christi ad basilicam domni Martini, Pasclia in Ec-
clesia. Greg. Turon., lib. X Hisior. Francor., pag. 531.
3 Lib. VI Vit. S. Martin. — ' Sidon., lib. Vil,
Epist. 9. — s Ibid., lib. IV, Epist. 10.
G Sidon., lib. VIII, Epist. 11, pag. 1073.
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
au lieu que Paulin , qui se mêlait de poésie,
vivait encore alors. Saint Perpétue lui avait
demandé, de même qu'à saint Sidoine, vers
l'an 470, des vers pour mettre dans l'église
de Saint-Martin qu'il faisait rebâtir. Sachant
depuis que Paulin travaillait à mettre envers,
en trois livres, la Vie de saint Martin, écrite
par saint Sulpice Sévère , et en deux autres
livres ce que le même Sulpice avait rapporté
de ce saint évêque dans ses Dialogues, il lui
communiqua un mémoire de plusieurs autres
miracles de saint Martin, dont il avait été lui-
même témoin oculaire, afin qu'il les ajoutât
aux autres. Paulin de Périgueux en fit un
sixième livre. Entre les miracles qu'il y rap-
porte, il y en a qui regardent le général Gilles,
qui fut mis à la place de Childéric par les
Français. Ainsi ce sixième livre, où il parle
de ce général comme vivant, doit avoir été
fait avant l'an 464, où il mourut, selon Idace.
Il les envoya à saint Perpétue, qui approuva
l'ouvrage et lui demanda ensuite d'autres vers
qu'il avait faits sur la guérison de son petit-
fils. Paulin le satisfit encore en lui envoyant
ce petit poème, où l'on voit que ce jeune
homme , qui était sur le point de se marier,
étant tombé malade avec la fille qu'il voulait
épouser, ils demandèrent tous deux le mé-
moire des miracles de saint Martin, signé de
la main de saint Perpétue, et furent guéris
aussitôt qu'on eut mis ce mémoire sur leur
estomac. C'est tout ce que l'on sait de Pau-
lin de Périgueux.
Poèmes do 2. Nous avous encore aujourd'hui ses poé-
sies 1. La plus considérable est celle qui ren-
ferme la vie et les miracles de saint Martin
de Toui's : elle est en vers hexamètres et di-
visée en six livres. Ils sont, pour le style,
beaucoup au-dessous de l'élégance de la
prose de Sulpice. Aussi Paulin avoue- t-il
ingénuement qu'il ne se croyait pas capable
de donner quelque chose qui méritât l'estime
des savants ^. Il craignait même que les pa-
roles de saint Sulpice ne perdissent be.au-
coup de leur beauté et de leur énergie en
passant par sa plume ^, et que la langueur
de sa poésie ne ternît en quelque façon l'é-
clat des miracles de saint Martin. Mais le
désir de contribuer à l'édification des fidè-
les *, dont plusieurs ont plus de goût pour
ce qui est écrit en vers que pour la prose, et
la dévotion qu'il avait lui-même pour saint
Martin ^, lui firent surmonter les obstacles
qu'il trouvait dans son peu de talent. Nous
avons aussi le petit poème qu'il composa
pour conserver la mémoire de la guérison
miraculeuse de son petit-fils et de la fille
qu'il devait épouser ''. Ce poème est précédé
d'une lettre adressée à saint Perpétue, dans
laquelle Paulin lui rend i-aison des vers qu'il
lui avait demandés pour orner les murailles
qui environnaient le tombeau de saint Mar-
tin. Il lui envoya ces vers par le diacre Do-
minissime, avec le poème sur la guérison de
son petit-fils ^. Il nous reste une partie de
ces vers, où Ton voit que Paulin rappelait
à ceux qui allaient prier sur le tombeau de
saint Martin, le don continuel et extraordi-
naire des miracles dont Dieu avait favorisé
ce saint évêque; tous ceux qui venaient prier
sur son tombeau, soit aveugles, soit boiteux,
soit malades ou afïïigés de tout autre ma-
nière, s'en retournaient soulagés. Ces vers
sont intitulés : De ceux qui prient.
3. François Juret fit imprimer les poèmes jidiii„„5j,s
de Paulin à Paris, en 1583, sur un manus- ;;"= ^° ^"'-
crit de M. Pithou, avec de longues notes;
mais il les donna sons le nom de PauHn de
Noie : ils passèrent depuis dans les recueils
des Poètes chrétiens, et dans les diverses 5?-
bliothèques des Pères. Daumius les fit imprimer
séparément à Leipsick, avec des notes de sa
façon; celles de Juret et de Gronovius, VEu-
charisticon de Paulin le Pénitent, et quelques
poèmes attribués à TertuUieu. Cette édition,
qui avait été commencée dès l'au 1680, ne
fut achevée qu'en 1686, ayant été interrom-
pue pendant six ans, à cause de la peste dont
la ville de Leipsick fut attaquée. [Les écrits
de Paulin sont reproduits dans la Patrologie
latine, tome LXl, col. 1007 et suiv. Quelques
extraits du poème de la Vie de saint Martin se
lisent en latin dans les Selecta carmina, par
Clément, et en français dans l'ouvrage inti-
tulé : Les Poètes chrétiens, par le même ;
Gaume, 1857, 1 vol. in-8"'.]
' Tom. VI Bihlioth. Pair., pag. 298.
^ Nos gitoque dignum nihil possumus edere doclis :
Turbida non longe purgemus pocula libris.
Lib. IV, pag. 308.
3 Jam longa nimis langueniis pagina libri
Enervât clari tititlos et gesia patroni.
Lib. VI, pag. 316.
'• Hœc paucis ausus propere percurrere verbis,
Signavi indoctus populo relegemla fideli.
Lib. VI, pag. 322.
s Lib. V, pag. 313.
6 Tom. VI Biblioth. Pair., pag. 322.
T Ibid., pag. 328.
CHAPITRE XXVI. — PAULIN DE PÉRIGUEUX, ETC.
[V= SIÈCLE.]
4. Il y avait un autre Paulin dans les Gau-
les^ à peu près dans le même temps que celui
de Périgueux. On le nomme ordinairement
Benoit Paulin. Il était de Bordeaux et en
commerce de lettres avec Fauste, évêque de
Riez. Dans le dessein de s'instruire sur plu-
sieurs points de la religion, il s'adressa à un
saint homme nommé Marin,' qui lui décou-
vrit les erreurs dans lesquelles il était sans
le savoir. Paulin, pour s'éclaircir davantage,
dressa un mémoire contenant plusieurs ques-
tions sur la foi, et l'envoya à Fauste, en le
priant d'y répondre. Il est inutile de répéter
ici ce que nous avons dit de ces questions
dans l'article de Fauste, et des réponses qu'il
y fit. Paulin accompagna son mémoire d'une
lettre à Fauste, que l'on a imprimée dans la
Bibliothèque des Pères, à Paris, en 1644 '.
5. Gennade parle d'un autre Paulin 2, qui
avait composé quelques traités ou homélies
sur le commencement du Carême. Il en avait lu
un pour le jour de Pâques; un autre de l'Obéis-
sance; un sur la Pénitence, et un quatrième
aux Néophites. Il ne nous reste rien de cet
auteur ^.
6. Le même Gennade nous apprend * que
Victorin, rhéteur à Marseille, avait un com-
mentaire sur la Genèse, qui commençait à la
création et finissait à la mort d'Abraham, il
était divisé en trois hvres adressés à Euthé-
rius, son fils. Nous en avons un sous le nom
de Victorin ^, divisé aussi en trois livres, et on
ne doute pas que ce ne soit celui dont parle
Gennade. C'est un poème en vers héroïques
latins, oîi Victorin donne de suite l'histoire
de la création et des principaux événements
rapportés dans la Genèse. Quoique ses vers
soient durs, on les ht avec plaisir, par le tour
naturel qu'il donne à ses pensées et par la
netteté avec laquelle il traite son sujet. Ce
poème est précédé d'une préface dans la-
quelle il s'adresse au Dieu^tout-puissanl, dont
il loue la bonté envers ses créatures, princi-
palement envers l'homme. Il la commence ^
par la confession de la sainte Trinité, recon-
' Tom. m Biblioth. Patr., pag. 37 et 38.
2 Gennad., de Viri.s illast., cap. LXVin.
3 Voyez le volume VIII de celte édition, pag. 432.
(L'édileur.)
* Idem, ibid., cap. ls.
^ D. Ceillier a déjà fait un article sur Victorin ou
Victor, au chapitre xsix du volume VIII, pag. 420
et suiv. [L'éditeur.]
^ In tribus esse Deum, sed très sic credimus unum,
Vnica personas ut très subslantia reddat.
Pag. 308.
443
naissant que, quoiqu'il n'y ait en Dieu qu'une
seule substance, il y a néanmoins trois per-
sonnes. Il ajoute à la fin ^ que ces trois per-
sonnes, qui sont le Père, le Fils et le Saint-
Esprit, ont une même majesté incompréhen-
sible à l'esprit de l'homme. Victorin, dans
quelques manuscrits et dans l'édition de Fa-
bricius, est appelé Claudius Marius Victor.
Quelques-uns lui donnent quatre livres, d'au-
tres seulement trois. Peut-être que par le qua-
trième ils entendent sa lettre à l'abbé Salo-
mon. Gennade ne dit rien de cette lettre :
elle est en vers héroïques, de même que les
trois livres sur la Genèse. Georges Fabricius ^
qui l'attribue sans hésiter à Victorin, l'a fait
imprimer à la suite de ses .commentaires,
dans son recueil des Poètes chrétiens, à Bâle,
chez Oporin, en 1564. On voit par cettG let-
tre que Victorin écrivait sur la fin du règne
de Théodose le Jeune et de Valentinien,
après l'irruption des Barbares en Italie. Il
nomme, entre ces Barbares, les Vandales, les
Sarmates,les Alains, et se plaint de ce qu'a-
près les maux qu'ils avaient faits dans l'em-
pire d'Occident, les peuples, au lieu d'en
prendre sujet de corriger leurs mœurs, en
étaient devenus plus vicieux; qu'ils négli-
geaient la lecture des livres saints pour s'oc-
cuper de Virgile, d'Ovide, de Térence, d'Ho-
race. Il remarque que l'on eut soin de réta-
blir les édifices qui avaient été brûlés dans
ces incursions; mais qu'on ne songea point
à avoir des mœurs plus réglées qu'aupara-
vant, et que ce fut ce qui attira la colère de
Dieu. Sa lettre est intitulée : Des mauvaises
mœurs de son siècle. 11 ne laisse pas de conve-
nir ^ qu'il y avait encore dans l'Eglise, et en
particulier dans les monastères, des gens de
piété qui ne participaient pas aux désordres
communs. Victorin mourut ^^ sous l'empire
de Théodose le Jeune et de Valentinien.
Les poésies de Victorin ont été imprimées
pour la première fois, avec celles de saint
Avit de Vienne, à Lyon, chez Portonaire,
en 1536, par les soins de Jean de Gaigny ; en-
' Per Dominum Chrisium, qui tecum natus eadem
Majesiate viget, pariter qiia Spiritus alnius
liicomprehensa animis sœclorum in sœcula vivit.
Pag. 311.
8 Fabric, Poet. Clirist., pag. 349.
9 Attamen in vestro populo non rara bonorum
Turba viget, multosque pia Ecclesia nuiril.
Sunt plane insontes multi.
Vict., Epist. ad Salom., pag. 351.
1" Gennad., de Viris illust., cap. LS..
444 HISTOIRE GENERALE DES
suite àParis, en 1545, chez Drouart; puis chez
Guillaume Morel, en la même ville, en 1560,
avec le poème su?' la Genèse, attribué à saint
Hilaire de Poitiers, et quelques autres poésies
chrétiennes. On n'y trouve pas la lettre de
Victorin à l'abbé Salomon, non plus que dans
le recueil intitulé : Le chœur des poètes, où l'on
AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
a inséré ses trois livres sur la Genèse. Mais
elle se trouve avec les autres poésies de cet
auteur, dans le recueil des Poètes chrétiens
de Georges Fabricius, à Bâle, en 1564, d'où
elles sont passées dans les diverses Biblio-
thèques des Pèî'es [et dans la Patrologie latine,
tome LXI, col. 935 et suiv.]
CHAPITRE XXVII.
Saint Patrice , apôtre d'Irlande.
Sa naisfian-
ce. Il e?t em-
mené caplif.
1 .'On met la naissance de saint Patrice en
tre les années 395 et 415, dans un village de
la Bretagne nommé Bonaven '. Ce pays était
alors soumis aux Romainsijd'où vient que Pa-
trice se dit lui-même Breton et Romain. Son
père, nommé Calpurnius, était diacre et fils
d'un prêtre qui s'appelait Potitus. On ne sait
point le nom de sa mère. Quoique né de pa-
rents chrétiens, et chrétien lui-même, il dit
qu'à l'âge de seize ans il ignorait encore le
vrai Dieu, c'est-à-dire, apparemment, qu'il ne
le servait point comme il aurait dû. Il fut alors
emmené captif en Hibernie avec plusieurs
milliers d'autres. Il rejette cette infortune
sur ce qu'ils n'avaient pas écouté les minis-
tres du Seigneur; qu'ils n'avaient point ob-
servé ses préceptes, et sur leur désobéis-
sance aux remontrances qui leur avaient été
faites dans leurs dérèglements. Les Barbares
enlevèrent aussi à son père divers esclaves,
dont ils tuèrent une partie. Pour lui, il fut
réduit à garder des bêtes dans les montagnes
et dans les bois, où il eut beaucoup à soutïrir
de la faim, de la nudité et des injures de
l'air. Dans ces humiliations et ces peines, il
eut recours à la prière; et ayant cherché
Dieu sincèrement, il en reçut du secours con-
tre beaucoup de dangers. Après avoir passé
six ans sous un même maître ^, il chercha les
moyens de s'en retourner en son pays; et-
ayant trouvé un vaisseau qui partait, il s'em-
barqua. Au bout de trois joui-s il aborda en
Ecosse, où il fut pendant vingt-sept jours à
errer dans les déserts avec ceux du vaisseau,
ne trouvant ni à boire ni à manger. Ils étaient
< BoUand., ad diem 17 inartii, pag. b33 et 535.
2 Ibid., pag. 535.
tous païens; lorsqu'ils se virent sans vivres,
ils demandèrent à Patrice, qui leur avait ap-
paremment parlé de la toute-puissance de
Dieu, pourquoi il ne le priait pas dans ce be-
soin. Il leur répondit que s'ils voulaient le
prier avec lui, ils en recevraient de la nour-
riture : le jour même ils rencontrèrent un
grand troupeau de porcs qui leur fournit de
quoi vivre jusqu'au soir du vingt-septième
jour. Etant entrés le lendemain dans un pays
habité, un d'eux présenta à Patrice quelque
chose à manger ; mais ayant appris par un
autre de la troupe que ce qu'on lui présen-
tait avait été offert aux idoles, il n'en voulut
point manger ^.
2. De retour chez son père et sa mère, il h est fait
entra dans le clergé, fut fait diacre et ensuite pSe'^e'i i™
eveque. Ce ne tut pas sans de grandes op- biu la w :
, , , A 1 -11 son désintc-
positions de la part même de ses meilleurs icïsemem.
amis et du curé du lieu où il demeurait. Ou-
tre les périls où ils voyaient qu'il serait ex-
posé parmi des ennemis des Romains et des
Bretons, ils prétendaient que Patrice n'avait
pas les qualités nécessaires pour annoncer
l'Evangile dans un pays où il était entière-
ment inconnu. Mais il demeura ferme à vou-
loir passer en Irlande et à y finir ses jours,
suivant l'ordre qu'il croyait en avoir reçu de
Jésus-Christ. Il pouvait avoir alors quarante-
cinq ans. Abandonnant donc toute sa fa-
mille *, il alla en Irlande se consacrer tout
entier pour le salut d'un peuple qui ne con-
naissait point Dieu et ne savait qu'adorer
des idoles. Dieu bénit ses travaux, et il eut
la consolation de faire renaître par le bap-
' Umis illorum dixit : « Hoc immolatum est. »
Exinde nihil gustavt. Ibid. — ' Ibid., pag. 536.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XXVII. — SAINT
tême *, et de confirmer en Jésus-Christ un
nombre infini de personnes. Il ordonna des
clercs pour l'instruction de ces nouveaux
convertis 2. Plusieurs d'entre eux embrassè-
rent la continence. 11 consacra des vierges,
et institua de saints moines, parmi lesquels
il se trouva beaucoup d'enfants des princi-
paux du pays, comme il se trouvait entre les
vierges des filles de rois. Il avait pour
maxime ^ de ne rien prendre de ceux ou
qu'il baptisait ou qu'il ordonnait clercs : sou-
vent même il rendait les petits présents qu'on
lui faisait et que l'on mettait quelquefois sur
l'autel, aimant mieux contrister ceux qui
faisaient ces présents, que de donner aux
ennemis de la foi aucune occasion de la dé-
crier. Dans les visites des provinces, il faisait
de grandes aumônes aux pauvres, étendant
quelquefois sa générosité jusqu'aux rois, ju-
geant que cela était nécessaire pour le pro-
grès de l'Evangile.
3. Dans le temps qu'il était tout occupé à
le faire fructifier, un des princes du pays de
Galles, chrétien de profession, mais non d'es-
prit ni de mœurs, nommé Corotic '', fit une
descente en Irlande vers la fête de Pâques,
et pilla le canton où le saint venait de donner
le saint chrême à un grand nombre de néo-
phites. Corotic, sans avoir égard à la sainteté
des sacrements qu'ils venaient de recevoir,
car ils portaient encore l'habit blanc de leur
baptême, en massacra plusieurs et vendit les
autres aux Pietés et aux Ecossais infidèles.
Dès le lendemain du massacre, saint Patrice
envoya une lettre à Corotic, par un saint prêtre
qu'il avait élevé dès l'enfance, et par quelques
autres ecclésiastiques, pour le prier de rendre
les chrétiens qu'il avait enlevés, et du moins
une partie de ce qu'il avait pillé. Corotic
n'ayant eu aucun égard à ses remontrances,
le saint écrivit de sa main une seconde lettre,
non à ce tyran, mais aux chrétiens qui lui
étaient soumis. Cette lettre, qui était publique
et circulaire, est venue jusqu'à nous. Il s'y
PATRICE, APOTRE D'IRLANDE. 445
qualifie dès le commencement un pécheur et
un ignorant; mais il se déclare en même
temps évêque d'Hibernie, disant avec assu-
rance qu'il avait reçu de Dieu cette qualité.
11 raconte la manière donc Corotic avait mal-
traité les chrétiens, la prière qu'il lui avait
faite de les rendre, le refus injurieux et mo-
queur de ce tyran : après quoi il déclare à
toute l'Eglise que lui et les autres parricides
et fraticides qui ont pris part à son crime,
sont séparés de sa communion '^ et de Jé-
sus-Christ dont il tient la place. Il défend de
manger avec eux et de recevoir même leurs
aumônes ^, jusqu'à ce qu'ils satisfassent à
Dieu par les larmes d'une vraie pénitence
et qu'ils aient rendu la liberté aux serviteurs
et aux servantes de Jésus-Christ. Il proteste
que quiconque communiquera avec eux '' et
les flattera dans leurs péchés, sera jugé et
condamné de Dieu. II invite tous ceux qui
auront connaissance de sa lettre, à la ré-
pandre partout ^, et prie qu'on la lise dans
les assemblées publiques, surtout en pré-
sence de Corotic, et qu'on la fasse voir à ses
soldats, afin que, touchés de douleur de leurs
crimes, ils s'efforcent d'en obtenir le pardon.
Il se réjouit dans la même lettre ' de ce que
ceux qui avaient été tués en cette occasion,
régneraient avec les prophètes, les apôtres
et les martyrs. Elle est sans date; mais il est
visible que saint Patrice ne l'écrivit qu'après
un très-long séjour en Irlande, puisqu'il dit
qu'il avait envoyé par un prêtre qu'il y
avait élevé dès l'enfance '", la lettre qu'il
avait écrite qi;elques temps auparavant à Co-
rotic. Ce prêtre était aussi chargé de rede-
mander les captifs : ce qui suppose que c'é-
tait un homme d'expérience et d'un âge mûr.
En mettant donc l'épiscopat de ce Saint entre
445 et 460, on pourra rapporter ces deux
lettres à l'an 490 : on ne peut du moins les
mettre beaucoup plus tard; car en se plai-
gnant que Corotic , quoique chrétien , eût
vendu des chrétiens à des infidèles, il dit que
1 Bolland., ibid., pag. 538.
2 Ibid., pag. 536. — 3 Ibid., pag. 537.
4 Ibid., pag. 538.
^ Quapropter resciat omnis homo timens Deum,
quod a me alieni sunl et a Christo Deo meo pro quo
lerjatione fungor. Patrie, Epist. ad Christian., pag.
539, tom. II martii Bollaud.
^ Adulari tatibus non licel, nec cibum, nec potum
sumere cum ipsis, nec eleemosynas ipsorum recipere,
donec effusis lacrtjmis pœniteutiam agentes satisfaciant
Deo, et libèrent servos Dei et anr.illas Christi bapti-
zutus. Ibid.
' Qui tecum sentit aut qui comtnunicat verbis alienis
et adulationi, Deus judicabit. Ibid.
8 Nequaquam subtrahantur a nemine ; sed magis
potius legantur coram cunctis plebibus et pressente ipso
Corotico, quod si Deus inspiret illos ut quandocumque
de eo resipiscant, ita ut vel sera pœniteant quod tam
impie gesserunt. Ibid., pag. 54.
^ Vos ergo regnabitis cum apostolis et prophe.tis et
marlyribus, et œterna régna capietis. Ibid., pag. 53S.
*" Supradictis misi epistolam cum presbytero quem
ego in infantia docui. Pag. 539.
HISTOIBE GÉTVERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Confession
tie saint Pa-
trice.
les Romains et les chrétiens des Gaules n'en
usaient pas de même '; qu'au contraire, ils
envoyaient de grandes sommes d'argent
avec des prêtres aux Francs et aux autres
nations étrangères, pour racheter les chré-
tiens captifs. Saint Patrice écrivait donc avant
la conversion, des Francs, ou du moins avant
qu'elle fût connue en Irlande. Or leur con-
version qui commença par celle de Clovis,
n'arriva que vers l'an 496. Il parle dans la
lettre contre Corotic de quelque chose qu'il
avait traduit en latin. Ne serait-ce pas qu'a-
près lui avoir écrit eu hibernois, il aurait
publié en latin, dans une lettre circulaire,
les sujets de plaintes qu'il avait de sa con-
duite? Il finit cette lettre par ces mots : « La
paix au Père, an Fils et au Saint-Esprit. »
4. Se croyant proche de sa mort, saint
Patrice écrivit sa confession ^ , autant pour
rendre gloire à Dieu des grâces qu'il en avait
reçues, que pour assurer les peuples sou-
mis à sa conduite que c'était Dieu même qui
l'avait chargé de leur annoncer l'Evangile. Il
raconte ses fautes avec une grande simplicité,
et loue partout la grandeur de la miséricorde
de Dieu sur lui. 11 y entre aussi dans les dé-
tails de ses disgrâces, des persécutions qu'il
eut à souffrir, de ses travaux pour la conver-
sion des peuples de l'Irlande et des progrès
que l'Evangile fit dans cette île par son mi-
nistère. Il avait été longtemps dans la pensée
de composer cet écrit : mais il en avait tou-
jours différé l'exécution ^, dans la crainte
qu'il ne fût pas bien reçu du public, parce
qu'il n'avait pas appris à écrire avec poli-
tesse; qu'il n'était pas instruit, comme beau-
coup d'autres, des divines Ecritures, et que
ce qu'il avait su de latin s'était corrompu par
le mélange du langage des Irlandais. Mais si
le style de cet ouvrage est barbare et d'un
fort mauvais latin, le Saint y fait paraître
partout beaucoup de bon sens, d'esprit et de
piété, soutenant son caractère sans hauteur,
mais avec toute la fermeté que l'on peut
désirer dans un évêque. L'application qu'il
y fait d'un très-grand nombre de passages
de l'Ecriture, fait voir qu'il la possédait. Il
suit ordinairement l'ancienne version itali-
que, n'ayant pas eu apparemment connais-
sance de celle de saint Jérôme. Bien que
nous ayons diverses Vies de saint Patrice *,
écrites par des auteurs du moyen âge, il nous
a paru plus assuré de tirer de sa confession
même ce que nous en avons dit, cet écrit
étant digne de lui, et ayant toutes les mar-
ques possibles d'authenticité. Il n'y est rien
dit de ses voyages prétendus à Rome ni de
son ordination par le pape saint Célestiu. Il
paraît, au contraire, qu'il fut ordonné dans
la Grande-Bretagne, soit par saint Pallade,
soit par quelque autre évêque, puisqu'il dit
que ceux de son pays même s'opposèrent à
son ordination, sur une faute qu'il avait faite
il y avait trente ans, à l'âge de quinze ans
au plus ^. Cet endroit prouve également qu'il
fut fait évêque à la quarante-cinquième an-
née de son âge. Le Saint explique claire-
ment dans sa confession sa foi sur la Tri-
nité ^. <( Il n'y a point d'autre Dieu, il n'y
en a point eu et il n'y en aura point d'au-
tre que le Seigneur Père non engendré, sans
principe, de qui est tout principe, et par qui
toutes choses ont été faites, les invisibles
comme les visibles ; qui a engendré un Fils
qui lui est consubstantiel , qui s'est fait
homme, et qui, ayant vaincu la mort, a été
reçu dans le ciel par son Père; à qui le Père
a donné toute puissance au-dessus de tous
les noms, dans le ciel, sur la terre et dans
les enfers , afin que toute langue confesse
que le Seigneur Jésus -Christ est dans la
gloire de Dieu son Père. Nous croyons et
' Consueiudo romanorum gallorumque christianorum
est : mitiunt presbyieros sanctos et idoneos ad Fran-
cos et exteras génies cum tôt mlllibus solidorum ad
redimendos captivas bapiizatos : tu omnes interficis et
vendis. Ibid.
2 Tom. H martli, apud BoUand., pag. 533.
3 Olini cogitavi scribere, sed usque nunc hœsitavi :
timui enim ne inciderem in linguam hominum : quia
non legi sicut cœteri, qui opiime sacris Litteris sunt
imbuti; nam sermo et lingua nostra translata est in
linguam alienam. Patr., iu Conf., cap. I, pag. 534.
' Vide tom. H martii, apud Bolland.j ad diem 17
marlii. — ^ Patr., in Confess., cap. iii^ pag. 535.
s Non est alius Deus, née unquam fuit, nec ante, nec
erit post hune, prœter Dominum Patrem ingenitum.
sine prineipio, a quo est omne principium : per ipsum
quippe facla sunt omnia visibilia et invisibilia ; qui
Filium sibi consubsiantialem genuit hominem faelum.
et vida morte in cœlis ad Patrem reeeptum. Et dédit
ille omnem potestatem super omne noynen cœlestium,
terrestrium et infernorum, ut omnis lingua confiteatur,
quia Dominus Jésus Chrisius in gloria est Dei Patris :
quem eredimus, et expectamus adventum ipsius, mox
futurum judicem vivorum atque mortuorum, qui red-
det unicuique seeundum facla sua, et infudit in nobis
abunde Spiritus Sancti donum et pignus immortali-
tatis ; qui facit credentes ac obedienies ut sint fiiii
Dei Patris, quem confitemur et unum Deum adoramus
in Trinitate saerosancti nominis. Patrie. Confess.,
pag. 534.
[v-= SIÈCLE.] CHAPITRE XXVII. — SAINT
nous attendons son avènement dans peu où
il sera juge des vivants el des morts, et ren-
dra à chacun selon ses œuvres. C'est lui qui
a répandu dans nous avec abondance les
dons du Saint-Esprit, qui nous a donné le
gage de l'immortalité, qui fait que nous
croyons et que nous obéissons, afin que nous
soyons les enfants de Dieu le Père, que nous
confessons et que nous adorons un seul Dieu
dans la Trinité du très-saint nom. Saint Pa-
trice parle dans cette confession de plusieurs
visions dans lesquelles Dieu lui faisait con-
naître ce qu'il avait à faire. Ce qui ne doit
point surprendre dans une entreprise toute
apostolique, où le Saint avait à vaincre de
grandes oppositions de la part des hommes,
amis et ennemis. Dieu a conduit ainsi les
prophètes et les apôtres : et nous avons vu
que saint Cyprien avait été conduit par la
même voie. Saint Patrice eut plusieurs de
ces visions par lesquelles ', quelque temps
après son retour chez son père et sa mère,
qui l'avaient reçu avec beaucoup de joie,
Dieu lui fit connaître qu'il le destinait à la
conversion de l'Irlande et qu'il fallait consa-
crer sa vie pour cela, mais qu'il le soutien-
drait de son esprit.
5. On attribue à saint Patrice deux conciles,
dont le premier est intitulé de son nom ^,
avec celui de deux autres évêques, Auxilius
et Jéserninus, qui avaient, à ce qa'on dit, été
ordonnés pour prêcher la foi dans l'Irlande.
Le second ne porte pas le nom de saint Pa-
trice, et on ne voit pas, par ce qui nous en
reste, si c'est en Irlande qu'il s'est tenu. Nous
rapporterons ailleurs les décrets de ces deux
conciles.
6. Il y a des manuscrits où le livre intitulé :
des Trois habitations ^, est attribué à saint Pa-
trice : mais il est trop bien écrit pour être de
lui *. 11 faut dire la même chose du traité qui
a pour titre : des Douze abus du siècle. Ces
deux écrits ont été imprimés dans l'appen-
dice du sixième tome de la nouvelle édition
de saint Augustin. Il ne faut que lire la charte
ou la légation de saint Patrice, pour juger
PATRICE, APOTRE D'IRLANDE. 447
qu'elle n'est point de lui, tant il y a d'absur-
dités. Le commencement seul en prouve la
supposition. Il est conçu en ces termes '^ :
« Moi, Patrice, humble serviteur de Dieu,
l'an 423 de son incarnation. » On n'a daté
ainsi que plusieurs siècles après celui de
saint Patrice. Varée, dans son Recueil des
opuscules, que l'on dit être de ce saint, en
met plusieurs autres dont on n'a point de
preuves certaines qu'ils soient de lui. De ce
nombre est le poème hibernois ^, appelé le
Testament de saint Patrice. Il y aurait plus
d'apparence de lui attribuer quelques-unes
des sentences qui sont citées sous son nom
dans un recueil d'ordonnances ecclésiasti-
ques ', fait en Irlande par un nommé Arbe-
doc, vers le viii" siècle, si dans le même re-
cueil ' on ne trouvait sous son nom quelques
endroits du livre des Douze abus du siècle,
dont il ne peut passer pour auteur. A l'égard
de l'écrit qui traite du purgatoire, de saint
Patrice, c'est une pièce sans autorité, qui n'a
été connue qu'après le milieu du douzième
siècle. On en avait inséré quelque chose dans
le bréviaire romain ', imprimé en 1522; mais
il y eut ordre de l'ôter dans l'impression que
l'on en fit en 1524. [Tous les écrits authenti-
ques ou supposés de saint Patrice, ont été re-
cueillis parGalland au tome Xde la Biblioth.
Veter. Script. ;\'é(iitenr j a joint des prolégo-
mènes. Cette édition est reproduite dans le
t. LUI de la Patrologie latine, col. 789 et suiv.
moins le livre des Douze abus du siècle, inséré
dans le tome XV, col. 869. Les prolégomènes
de Galland sont suivis d'une notice littéraire,
par Schœnemann. Le traité du Purgatoire ne
se trouve point dans ces deux éditions.
Toutes deux sont complétées par une hymne
alphabétique à la louange de saint Patrice
encore vivant, attribué à son neveu, Pévêque
Secimdinus. Dom Pitra, dans le prospectus
qui annonçait le Spicilegium Solesmense, in-
dique un poème ou lettre en vers adoni-
ques comme étant de saint Patrice. Ce poème
n'a pas encore paru.]
' PaXT., Conf., pag. 534.
2 Toin. III Co?tcil., pag. 1477.
s Cav., Hist. litter., pag. 236.
* D. Pitra a retrouvé le prologue du livre desTrois
hiibitaiions. Il porte ce titre ; Commencement ou pro-
logue du livre de saint Patrice, éoèque. Le manuscrit
est de la bibliothèque de Troyes et il a appartenu
autrefois à Claude Bouhier, de Dijon. [L'éditeur.)
^ lîoUand., tom. II martii, pag. 531.
^ Cav., ubi sup., et Bolland., pag. S33.
' Tom. IX Spicileg., pag. 13. — s Ibid., pag. 15.
9 Bollaud., ad diem 17 martii, pag. 588 et 590.
448
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XXYIIl.
Saint Victor, évêque de Vite [481], et saint Eugène,
évêque de Carthage [485].
Victor écrit
la persécution
des V'tndales,
en487ou488.
1 . L'Bistoire de la persécution des Vandales
en Afrique a pour auteur un évêque d'une
grande réputation, nommé Victor. On l'a fait
longtemps évoque d'Utique, ville de la Pro-
consulaire, et cette opinion était la domi-
nante parmi les savants. Mais depuis l'im-
pression de la Notice d'Afrique, qui en ren-
ferme toutes les provinces et toutes les villes
épiscopales, on a remarqué que ce Victor
florissait en Afrique, dans le temps de la
persécution des Vandales, et qu'alors Flo-
rentien, l'un des cinq confesseurs que le roi
Hunéric relégua dans la Corse, était évêque
d'Utique. On pourrait objecter que Florentien
étant mort dans le lieu de son exil, Victor
aurait été mis en sa place sur le siège d'Uti-
que; mais c'est une conjecture qui n'est fon-
dée sur l'autorité d'aucun manuscrit. Il est
d'ailleurs certain que l'on ne remplaça aucun
des évêques ' qui moururent durant les trou-
bles de l'Afrique. Aussi Victor nous assure ^
que lorsqu'il écrivait, il ne restait plus que
trois évêques dans la Proconsulaire, Vincent,
Paulin et Quintien. Il n'y en avait point à
Utique. L'erreur vient, vraisemblablement,
des copistes, ou peut-être de quelques cor-
recteurs qui, connaissant beaucoup plus la
ville d'Utique, qui, en effet, était très-consi-
dérable, que celle de Vite, ont placé l'épis-
copat de Victor dans la première. Au reste',
dans un grand nombre de manuscrits de
YHistoire de la persécution des Vandales, de
même que dans les imprimés, Victor qui en
est auteur, est qualifié évêque de Vite. Tout
ce que nous savons de lui, c'est qu'il avait
vu de ses yeux ou appris par des témoins
oculaires tous les faits qu'il raconte. Il con-
naissait sainte Maxime * et avait su ses com-
bats par son geôlier. Il rapporte, d'après
Fauste de Buron, témoin oculaire, un miracle
fait par l'intercession de saint Martinien. Il
* Victor., lib. I, pag
2 Ibid., pag. 12,
10.
3 Ruinart., pi'cef. in Hist. Vandal.
•• Victor, lib. I Vit., pag. 13, 14, 13 et 17.
avait eu l'honneur de saluer le saint évêque
Valérien, et avait été présent, en 481 ^, à l'é-
lection de saint Eugène de Carthage. Il dit
même qu'il l'eût empêchée, avec quelques
autres ecclésiastiques, si le peuple ne l'eût
demandé pour évêque. Il avait accompagné
saint Félix, évêque d'Abder ^, et un grand
nombre de confesseurs relégués parmi les
Maures, pour les assister et les consoler. Il
donna même de l'argent à leurs gardes, pour
les voir une nuit dans le lieu où ils étaient
renfermés'^. Obligé de les abandonner, il re-
vint à Carthage, et il y était le 19 mai 483,
lorsqu'il y fit la lecture de l'édit ^ par lequel
Hunéric ordonnait une conférence le premier
février 484, entre les catholiques et les ariens.
Enfin il fut témoin ' d'une partie des cruautés
que ces hérétiques exercèrent en cette ville.
De la manière qu'il a écrit l'histoire de ces
persécutions, on voit bien qu'il n'était pas
alors dans l'étendue de la domination des
Vandales. Il écrit avec liberté et sans crain-
dre les ressentiments de ceux dont il rapporte
les excès. Son histoire est adressée à un dis-
ciple de saint Diadoque, évêque de Photice
dans l'ancienne Epire, illustre par sa piété
et par son savoir. Quelques-uns ont cru que
ce disciple était Acace, évêque de Constanti-
nople : mais ce sentiment n'est pas même
vraisemblable, puisque cette Histoire fut
écrite après Tan 487, dans le temps qu'Acace
était séparé de la communion de Rome.
Victor lui eût-il adressé un écrit où il parle
si avantageusement des privilèges et de l'au-
torité des souverains pontifes? D'ailleurs, le
disciple de Diadoque était médecin de pro-
fession et occupé à écrire l'histoire. Tout cela
ne convient point à Acace. Il vaut donc mieux
avouer que l'on ne connaît point celui à qui
Victor a dédié son ouvrage. Il n'a pas jugé à
propos de le nommer : tout ce qu'il en dit,
s Victor., lib. II, pag. 22.
6 Ibid., pag. 36.
' Ibid., pag. 32. — s Ibid., pag. 36.
3 Ibid., lib. V, pag. 84 et suiv.
[v'STÈCLE.] CHAPITRE XXVIII. — SAINT VICTOR, ÉVEQUE DE VITE, ETC.
449
c'est qu'il avait été nourri dès son enfance
dans les saintes Lettres * ; qu'il faisait profes-
sion de la médecine; que ce fut lui qui l'en-
gagea à mettre par écrit ce qui était arrivé
eu Afrique par la cruauté des ariens ; qu'il
avait travaillé lui-même sur l'histoire, et qui,
après avoir composé celle qu'il souhaitait
il la lui envoya pour lui servir de mémoire.
On n'en peut suspecter la fidélité, Victor
l'ayant écrite sur les témoignages de ses
yeux, ou d'auteurs contemporains. Elle est
divisée en cinq livres dans les deux éditions
que nous en avons, l'une du père Chiflet,
imprimée à Dijon en 1664 ; l'autre de dom
Thierry Ruinart, qui parut à Paris en 1694.
2. Victor commence le premier livre par
marquer l'année en laquelle il l'écrivait. « Il
y a, dit-il, soixante ans que les Vandales, ce
peuple cruel et barbare, sont entrés en Afri-
que. 11 écrivait donc en 487 on 488, puisque
ce fut en 428 que Giszéric ou Genséric em-
mena en Afrique les Vandales et les Alains,
ses sujets. Ils y entrèrent au milieu de la
paix et dans le temps que les Romains, oc-
cupés ailleurs, ne se méfiaient de rien. Cette
province, qui était dans l'abondance de toutes
sortes de biens, se trouva bientôt ravagée.
Les Vandales en pillèrent toutes les richesses,
mirent tout à feu et à sang, et s'appliquèrent
surtout à détruire les cimetières, les églises
et les monastères. Ils firent souffrir plusieurs
tourments aux évéques et aux prêtres, pour
les obliger à donner ce qu'ils avaient d'or et
d'argent, soit à eux, soit à l'Eglise; et lors-
que la force des supplices obhgeait ces mi-
nistres des autels de livrer ce qu'ils avaient
en main, les Vandales leur faisaient souffrir
de nouveaux et plus cruels tourments, croyant
qu'ils n'avaient donné qu'une partie de leurs
richesses. Les filles et les femmes, les enfants
et les vieillards, la noblesse même, ne furent
point à couvert de leurs cruautés. Ils rasè-
rent jusqu'aux édifices publics de la ville de
Cartilage, et n'épargnèrent pas le fameux
temple de la déesse Céleste : s'ils ne détrui-
sirent point la basilique où reposaient les
corps de sainte Perpétue et de sainte Féli-
cité, de sainte Célerine et des martyrs Scilli-
tains, ils en mirent en possession ceux de
leur secte, c'est-à-dire les ariens. Ils firent
périr par le feu plusieurs grands évoques.
entre autres Papinien et Mansuète. La ville
de Carthage avait alors un sénat célèbre.
Genséric réduisit en servitude une partie de
ceux dont il était composé. Il ordonna par un
édit public que chacun lui apportât ce qu'il
avait d'or, d'argent, de pierreries et de meu-
bles précieux. Par le moyen des tourments
qu'il mit en œuvre pour se faire obéir, il se
rendit bientôt inaitre de toutes les richesses
que chacun avait reçues de ses ancêtres.
Après avoir pris Carthage, il partagea les
provinces d'Afrique, se réservant la Byza-
cène avec quelques autres, et distribuant à
son armée la Zeugitane et la Proconsulaire.
Ensuite il fit chasser de leurs Eglises les évé-
ques, après les avoir dépouillés de tout. Quod-
Vult-Deus, évêque de Carthage, et un grand
nombre de clercs furent embarqués sur des
vaisseaux rompus; mais Dieu, par un effet
de sa bonté, les fit arriver heureusement à
Naples. Genséric donna à ceux de sa religion
la grande église de Carthage, nommée Resti-
tue, où les évéques de cette ville faisaient
leur demeure ; il ôta aux catholiques toutes
celles qui étaient dans l'enceinte des murail-
les , avec leurs richesses , et leur ordonna
d'enterrer leurs morts en silence, sans chan-
ter des hymnes à l'ordinaire : ce qui leur
causa une douleur insupportable ?.
3. Dans ces extrémités, quelques évéques Dépniaimn
' -L J- ■»■ des c.llioli-
considérables et des laïques illustres, qui res- q?« '«■ g»"-
talent encore dans ces provinces, vinrent
trouver Genséric pour en obtenir quelques
grâces. Us le supplièrent de souÛ'rir au moins
qu'après avoir perdu leurs églises et tous
leurs biens, ils demeurassent dans le pays
sous la domination des Vandales pour con-
soler le peuple de Dieu. « J'ai résolu, leur
répondit ce prince barbare, d'exterminer
votre nom et votre nation ; et vous avez la
hardiesse de me faire une pareille demande.»
11 voulut les faire jeter à l'heure même dans
la mer Malzalite, sur le rivage de laquelle il
se promenait; mais ses gens l'en empêchè-
rent par beaucoup de prières. Les députés
se retirèrent comblés de douleur : et n'ayant
plus d'églises, ils célébrèrent les divins mys-
tères où ils purent et comme ils purent , sa-
chant que Genséric faisait des édits terribles
pour ôter aux catholiques qui se trouvaient
parmi les Vandales des endi'oits pour prier
' Vict., in prolog. Hist. Yancial.
^ Quis vero sustineat atque possit sine lacrymis re-
cofdari, dum prceciperet nnsiroritm corpora defimcto-
X.
7mm, sine solemnitate lujmnorum, cum silentio ad se-
pulturaii) perduci ? Vict., lib. I, pus. S.
29
450
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES»
Exnd.
verset 12.
Mort du
Rfimte Sébas-
Licn, png, 8.
et offrir le sacrifice. Il ne persécutait pas
néanmoins ouvertement l'Eglise dans les pro-
vinces qu'il avait rendues tributaires de sa
couronne : mais, sous différents prétextes, il
en bannissait tantôt un évêque, et tantôt un
autre. S'il arrivait que quelqu'un des catho-
liques nommât dans une prédication, comme
cela se fait d'ordinaire, Pharaon, Nabucho-
donosor, Holopherne, ou quelques tyrans
semblables, on l'accusait aussitôt d'avoir
voulu parler du roi, et on l'envoyait en exil.
Il y eut un grand nombre d'évêques bannis
sous ce prétexte : ce qu'il y avait de plus fâ-
cheux, c'est que lorsqu'un de ces évêques
était mort dans son exil, il n'était plus per-
mis d'en ordonner un autre pour le rempla-
cer. Mais au milieu de tant de persécutions,
le peuple fidèle de l'Afrique s'affermissait de
plus en plus dans la foi. En quoi l'on voyait
l'accomplissement de cette parole de l'Ecri-
ture touchant les Israélites : Plus on les affli-
geait, plus ils augmentaient en force et en
nombre.
II. Le comte Sébastien, gendre du comte
Boniface, se voyant maltraité par les Ro-
mains, quitta l'Espagne pour se réfugier en
Airique. C'était un homme habile pour le
conseil et pour l'exécution, vaillant dans la
guerre, laborieux et vigilant. Genséric, qui
ne pouvait se passer de ses conseils, ne lais-
sait pas de le craindre : en sorte que, son-
geant à le faire mourir, il en cherchait un
prétexte dans la rehgion. Il lui dit donc un
jour en présence de ses évêques et de toute
sa cour : « Je sais que vous avez juré de vous
attacher fidèlement à moi, et vos travaux font
voir la sincérité de votre serment; mais afin
que votre amitié soit perpétuelle, je veux que
vous embrassiez ma religion. » Sébastien
trouvant sur-le-champ une réponse tout-à-
fait ingénieuse et capable de le frapper, de-
manda que l'on apportât un pain blanc, puis
le prenant entre ses mains, il dit : « Pour
rendre ce pain digne de la table du roi, on a
premièrement séparé le son de la farine, et
la pâte a passé par l'eau et par le feu. Ainsi,
dans l'EgUse catholique, j'ai passé par la
meule et par le crible, j'ai été arrosé de l'eau
du baptême et perfectionné par le feu du
Saint-Esprit; qu'on rompe ce pain, qu'on le
trempe dans l'eau, qu'on le repétrisse et
qu'on le remette au four, s'il en devient
meilleur, je ferai ce que vous voulez. » Son
intention, par cette parabole, était de mon-
trer l'inutilité d'un second baptême. Gen-
séric le comprit bien, et ni lui ni ses gens
ne surent qu'y répondre. C'est pourquoi il
chercha un autre prétexte pour faire mourir
ce grand capitaine, dont Idace met la mort
en MO.
5. Après une longue vacance, Genséric
permit, à la prière de Valentinien, qu'on élût
un évêque pour l'EgHse de Carthage. Le
choix tomba sur un saint prêtre nommé Deo-
Gratias. C'était en 454. Quelque temps après,
Genséric, qui avait pillé Rome et fait quantité
de captifs dans la Sicile, la Sardaigne, la
Corse, la Toscane et dans plusieurs autres
endroits, revint en Afrique avec tous ses
captifs. Les Vandaleset les Maures, après se
les être partagés, séparèrent suivant leur
coutume les maris d'avec leurs femmes, et
les enfants d'avec leurs pères. Le saint évê-
que de Carthage, pour empêcher ce désor-
dre, vendit tous les vases d'or et d'argent qui
servaient au ministère des autels , et en em-
ploya le prix à racheter ces captifs : et parce
qu'il n'y avait point de maisons assez grandes
dans la ville pour contenir toute cette multi-
tude, il les logea dans deux grandes églises,
qu'il fit garnir de lits et de paille, prenant un
grand soin de leur fournir à chacun selon
leur besoin. Il visitait lui-même à chaque
moment les malades et leur faisait donner
en sa présence la nourriture que le médecin
leur prescrivait. Sa charité causa de l'envie
aux ariens, qui pensèrent même à le tuer :
mais Dieu le délivra de leurs mains en l'ap-
pelant à lui après un épiscopat d'environ
trois ans. Il y eut en ce temps-là plusieurs
confesseurs et plusieurs martyrs. Victor nous
a conservé l'histoire de quatre frères, qui
étaient esclaves d'un Vandale, avec une fille
nommée Maxime, qui était d'une rare beauté.
Le Vandale, pour s'attacher cette fille à qui il
avait donné le gouvernement de sa maison,
voulut la marier avec l'un des quatre frères,
nommé Martinien, armurier de profession,
dont il était aussi fort satisfait. Martinien
consentit au mariage, n'ayant d'autres pen-
sées que celles qui sont ordinaires aux jeunes
gens du monde. Mais Maxime qui s'était con-
sacrée à Dieu, ne voulait pas d'autre époux.
Quand donc on les eut mis ensemble, elle
déclara son vœu à Martinien et lui persuada
de garder lui-même la continence. Il en fit
voir l'excellence à ses frères, et, de concert
avec Maxime, ils sortirent de nuit et allèrent
à Tabraque, où les quatre frères entrèrent
dans un monastère dont l'abbé se nommait
Drîo-Grati
est nom ir
évêque t
Curlhage.
I
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXVIII. — SAINT VICTOR, ÉVÊQUE DE VITE, ETC. 431
André. Maxime se retira dans une commu-
nauté de vierges qui était proche de là. Le
Vandale les ayant fait ramener chez lui, les mit
aux fers et leur fit endurer divers tourments,
voulant obliger Martinien et Maxime, non-
seulement ti vivre ensemble comme mari et
femme, mais encore à violer la pureté de
leur foi en se faisant rebaptiser. La chose
étant venue à la connaissance du roi Gen-
séric, ce prince ordonna au maître de conti-
nuer à les tourmenter jusqu'à ce qu'ils eus-
sent donné des marques de soumission. Il
les fit donc battre avec de gros bâtons taillés
en forme de scies, qui leur brisaient les os
par leur pesanteur et les mettaient tout en
sang. Mais, après ces horribles tourments, ils
se trouvaient guéi'is le lendemain, sans qu'il
parût sur leurs corps la moindre marque de
leurs blessures. Ce miracle arriva plusieurs
fois. On les mit ensuite dans une rude prison,
avec des entraves aux pieds : mais elles se
rompirent comme un morceau de bois pourri,
en présence d'un grand nombre de serviteurs
de Dieu qui venaient les visiter. Le Vandale
ne cédant point à des miracles si visibles, la
vengeance divine s'étendit sur sa maison. Il
mourut^ lui, ses enfants, ses esclaves et tous
les animaux de prix qu'il avait en sa maison.
Sa veuve, se trouvant réduite à rien, donna
les quatre frères à Sersaon, parent du roi :
ce prince accorda la liberté à Maxime, qui
devint supérieure ' d'une grande commu-
nauté de filles. Elle vivait encore trente ans
après, c'est-à-dire en 487, lorsque Victor, de
qui elle était connue, écrivait VHistoire de la
persécution des Vandales ; mais Sersaon relégua
les quatre frères dans les Etats d'un prince
païen soumis aux Vandales. Tous les habi-
tants du pays n'avaient jamais entendu par-
ler du nom de Jésas-Christ. Les quatre con-
fesseurs commencèrent par leur donner la
connaissance du vrai Dieu ; puis, par leur ma-
nière de vivre, autant que par leurs discours,
ils en convertirent un grand nombre à la foi
de Jésus-Christ. Pour les baptiser, ils eurent
recours à un évêque ^, qui leur envoya des
prêtres et des ministres, qui firent bâtir une
église et baj5tisèrent une grande multitude
de Barbares. Genséric, averti de ce qui se
passait, donna ordre que les quatre frères
fussent attachés par les pieds derrière des
chariots, le visage tourné les uns vers les au-
tres, et qu'on fit courir ces chariots par des
lieux remplis de bois et d'épines, afin que
leurs corps fussent déchirés en pièces. Pen-
dant l'exécution de cet arrêt, les martyrs se
regardant l'un et l'autre, se disaient mutuel-
lement le dernier adieu par ces paroles :
(i Mou frère, priez pour moi : Dieu a accom-
pli notre désir; c'est par ce chemin que l'on
monte au ciel. » Dieu honora leur martyre
par beaucoup de miracles qui se firent à
leurs tombeaux.
6. Genséric, toujours plus irrité contre smie-ioia
l'Eglise, envoya dans la province Zcugitane SfSs'é'dc,
un nommé Proculus, pour obliger tous les ^'^'
évoques à livrer les livres sacrés et les vases
destinés au ministère des autels. Sur le re-
fus qu'ils en firent, les Vandales les prirent
de force, et pillèrent tout jusqu'aux nappes
de l'autel, dont ils se firent des chemises et
des caleçons. Valérien, l'un des évêques qui
refusèrent de livrer les choses saintes, fut
chassé hors de sa ville épiscopale , avec dé-
fense à qui que ce fût de le loger : ce qui le
réduisit à demeurer longtemps étendu sur le
grand chemin, à l'âge de plus de quatre-
vingts ans. A Régia, pendant que les catho-
liques célébraient la fête de Pâques, les
ariens entrèrent l'épée à la main dans l'é-
glise; d'autres montèrent sur le toit, d'où ils
tirèrent des flèches par les fenêtres de l'é-
glise : un lecteur, qui était aloi's au jubé, fut
frappé à la gorge d'une de ces flèches : le
livre lui échappa des mains , et lui-même
tomba mort; beaucoup d'autres furent tués
à coups de flèches et de javelots au pied de
l'autel. Ceux qui échappèrent furent tour-
mentés par ordre du roi, et ensuite mis à
mort. A Tinuzude, les ariens entrant avec
fureur dans l'église pendant que l'on donnait
la communion au peuple ^, répandirent sur
le pavé le corps et le sang de Jésus-Christ,
et le foulèrent aux pieds. Les évêques ariens,
qui avaient sans doute beaucoup de part à
toutes les cruautés de Genséric, lui persua-
dèrent d'ordonner par un édit que les ariens
seuls seraient admis aux charges de sa mai-
' Muximam Christi fanmhim confusus etvictus pro-
priœ voluntali dimisit : rjiiœ nunc superest virgo, ma-
ter mullarum virginum Dei, nobis etiam nequaquam
ignoia. Vict., lib. 1, pag. 15.
- Hogatus episcnpiis, ut presbyterum ac ministros
credcnti populo destinarel, explet cum gaudio quod
petebatur pontifex : Dei construilur Ecclesia, bapti-
zatur simul muUitudo Barbarorum. Ibid.
3 Tinuzudœ tempore qiio sacramenta Dei populo
porrigebantur, infroeimtes cum furore (uriaiii) corpus
Christi et sanguinem pavimenio sparserunt, et illud
pollutis pedibus calcaverunt. Ihid., pag. 17.
452
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
son et de celles de ses enfants. Armogaste ,
qui était au service de Théodoric, fils du roi,
fut non-seulement privé de sa charge, mais
encore tourmenté en différentes manières,
pour l'obliger à abandonner la foi catholi-
que. On lui serra plusieurs fois les jambes et
le front avec des cordes de boyaux; mais dès
qu'il avait levé les yeux au ciel et fait le signe
de la croix, les cordes se rompaient; on en
employa de plus fortes et de chanvre, qui se
rompirent comme les premières. On le pendit
par un pied la tête en bas ; mais en cet état ou
le voyait aussi tranquille que s'il eût été sur
un lit de plume. Le prince Théodoric voulait
lui faire couper la tête; mais Jocundus, prê-
tre arien, lui conseilla de le faire mourir au-
trement, disant : c Si vous lui faites couper
la tête , les Romains l'honoreront comme
martyr. » Il fut donc envoyé dans la Byza-
cène, travailler à creuser la terre, et ensuite
en un lieu proche de Carthage, où, pour lui
faire plus de honte, on le condamna à gar-
der les vaches. Saint Archinime et saint Sa-
ture soutfrirent le martyre dans la même
persécution. Ce dernier était intendant de la
maison d'Hunéric. Un diacre arien l'ayant
dénoncé, on le menaça de lui ôter sa mai-
son, ses biens, ses esclaves, sa femme et ses
enfants, s'il ne renonçait à la foi catholique ;
mais rien ne put le fléchir. On le dépouilla
donc de tout et on lui défendit môme de pa-
raître jamais en public. Après la persécution
que Genséric fit aux officiers de sa maison,
il fit fermer l'église de Carthage, dont il ban-
nit les prêtres et les ministres en divers lieux,
car il n'y avait point d'évêque.
Denxiêmo 7. Gcuséric étant mort après trente-sept
livredelaPer- . , • • i . -rr , ■ r!\
sécution tira ans et trois mois de règne, Huneric, son fus
Vandales, ^,„ .
sousHunéric, amc, tut rccounu roi des Vandales. Il té-
moigna d'abord de la douceur envers tout
le monde, principalement envers les catho-
liques : en sorte qu'ils recommencèrent à
tenir leurs assemblées, même dans les lieux
où cela leur avait été défendu par Genséric.
Il aifecta encore des dehors de piété en fai-
sant rechercher exactement les manichéens,
dont il en fit brûler plusieurs et en envoya
d'autres par mer hors de l'Afrique. Ce qui
l'anima le plus contre eux, c'est qu'il décou-
vrit qu'ils faisaient presque tous profession
de l'arianisme comme lui, et que plusieurs
d'entre eux étaient prêtres ou diacres. Il eut
honte de voir qu'il leur était uni par les hens
d'une même doctrine. 11 se trouva qu'un de
ces manichéens, moine de profession, avait
png. 21.
en écrit sur sa cuisse : « Manès, disciple de
Jésus -Christ. » Cependant l'Eglise de Car-
thage était depuis vingt-quatre ans sans évo-
que. Hunéric, à la prière de l'empereur Ze-
non, dont il avait épousé la sœur, permit aux
catholiques d'en ordonner un pour cette
Eglise. Il envoya, pour assister à cette élec-
tion, Alexandre, ambassadeur de Zenon, et
avec lui un de ses notaires, nommé Vitarit,
qui était chargé d'un édit qu'il devait lire
publiquement. Cet édit portait qu'Hunéric
trouvait bon que les catholiques eussent li-
berté d'ordonner tel évoque qu'il leur plai-
rait, à condition que ceux de l'hérésie arienne
auraient à Constantinople et dans tout l'O-
rient la liberté d'enseigner le peuple en telle
langue qu'ils voudraient, et de faire tous les
exercices de leur religion comme les catho-
hques avaient à Carthage et dans leurs autres
églises d'Afrique la liberté de célébrer les
messes, de prêcher et d'exercer leur religion.
Hunéric ajoutait : «Si cela n'est pas observé,
l'évêque qui sera ordonné ici et les autres
évéques d'Afrique, avec leur clergé, seront
envoyés chez les Maures. » Cet édit fut lu
dans l'église de Carthage, le 18 juin 481. Le
peuple, qui ne voyait point l'artifice avec le-
quel on préparait la persécution, voulait ab-
solument un évêque; mais Victor de Vite et
les autres évêques qui étaient présents,
voyant le piège qu'on leur tendait^ dirent au
commissaire du roi que l'Eglise de Carthage
ne souhaitait point d'évêque à des conditions
si dangereuses, et que Jésus-Christ la gou-
vernerait comme il avait fait jusqu'alors. Le
commissaire ne voulut avoir aucun égard à
cette pi'otestation, et tout le peuple deman-
dant avec de grands cris qu'on procédât à
l'élection d'un évêque, le choix tomba sur
Eugène, qui était un homme de grande vertu
et selon le cœur de Dieu. Mais en même
temps qu'il se gagna le cœur des catholiques
par son humilité et par sa charité, sa répu-
tation lui attira l'envie des évêques ariens.
Ils représentèrent à Hunéric qu'il était dan-
gereux de permettre à Eugène de continuer
de prêcher; ils voulaient même qu'il empê-
chât que ni homme ni femme ne parût dans
l'église en habit de barbare. Mais Eugène
répondit que la maison de Dieu était ouverte
à tout le monde , sans que personne en
pût chasser ceux qui voulaient entrer. Le
roi ayant appris cette réponse , fit mettre
à la porte de l'église des bourreaux, qui, en
voyant un homme ou une femme y entrer
[v^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXVlll. — SAINT
avec l'habit de Vandale, les tiraient avec vio-
lence par la tête avec des bâtons dentelés
dont ils leur entortillaient les cheveux et
leur arrachaient ainsi avec les cheveux la
peau de la tête. Quelques-uns en perdirent
les yeux et d'autres la vie, mais aucun n'en
quitta la vraie religion. Hunéric, pour les y
contraindre, défendit de donner ni gages, ni
vivres, ni quoi que ce fût aux catholiques
qui étaient à sa cour. En même temps il or-
donna de les accabler par des ouvrages pé-
nibles. Un d'entre eux, qui avait depuis plu-
sieurs années une main sèche, représenta
l'impossibilité de faire l'ouvrage qu'on exi-
geait de lui ; mais on l'en pressa encore da-
vantage. Lors donc qu'il fut arrivé avec les
autres catholiques pour couper les blés dans
les plaines d'Utique , ceux qui l'accompa-
gnaient se mirent en prièi-e pour lui, et Dieu,
par sa bonté, le guérit à l'instant. Ce n'était
là que le prélude delà persécution générale.
Elle avait été annoncée à plusieurs saints
catholiques dans des visions, dont Victor ne
rapporte qu'une partie. Hunéric, après avoir
fait mourir ses parents les plus proches, pour
assurer le royaume à ses enfants, fit d'abord
défense expresse à tous ceux qui ne seraient
pas ariens , de servir dans son palais ou
d'exercer des fonctions publiques. Ensuite il
fit ordonner que les biens des évêques catho-
liques seraient appliqués au fisc après leur
mort, et qu'on ne pourrait leur donner de
successeur qu'après avoir payé au même fisc
la somme de cinq cents sols d'or. Cette loi
n'eut pas heu, parce que ses officiers lui re-
montrèrent qu'en la faisant observer, les
évêques ariens seraient traités encore plus
rigoureusement dans la Thrace et dans le
reste de l'Orient. Quelque temps après, ayant
assemblé les vierges sacrées, il les fit visiter
contre toutes les lois de la pudeur, par des
Vandales et des matrones de sa nation, sans
que leurs mères ni aucunes dames catholi-
ques fussent présentes; puis on leur fit souf-
frir de cruels supplices , pour leur faire
avouer que les évêques et les clercs catholi-
ques abusaient d'elles. Il y en eut un grand
nombre qui moururent dans les tourments ;
mais aucune ne donna le moindre prétexte
VICTOR, ÉVEQUE DE VITE, ETC. 453
de calomnier les ministres de Jésus-Christ.
Ainsi Hunéric fut trompé dans son attente,
qui était de trouver parla un moyen de dés-
honorer l'Eglise, et un motif pour colorer
la persécution générale qu'il avait dessein
de lui faire. Il bannit dans les déserts des
évêques, des prêtres, des diacres et d'autres
catholiques, au nombre de quatre mille neuf
cent soixante et seize , dont quelques - uns
étaient accablés de maladie, et d'autres si
avancés en âge, qu'ils en étaient devenus
aveugles. Victor de Vite et plusieurs autres
qui n'étaient pas du nombre des exilés, les
accompagnèrent pour leur rendre tous les
services qui dépendraient d'eux. Les peuples
accouraient de tous côtés, portant des cierges
en leurs mains, et jetant leurs enfants aux
pieds de ces saints confesseurs, ils leur
criaient ' : « A qui nous laissez-vous en cou-
rant au martyre? Qui baptisera ces enfants?
Qui nous donnera la pénitence et la récon-
ciliation? Qui nous enterrera après la mort?
Qui offrira le divin sacrifice avec les cérémo-
nies ordinaires? Que ne nous est-il permis
d'aller avec vous ? » — « Pendant que ces servi-
teurs de Dieu étaient en marche, nous vî-
mes, dit Victor, une femme fort âgée qui,
d'une main, portait un sac, et tenait de l'au-
tre un enfant auquel, pour l'encourager à
marcher, elle disait : « Cours, mon fils, vois-
tu tous ces saints, comme ils se pressent
d'aller recevoir la couronne. » Sur ce que
nous la reprimes de ce qu'elle voulait aller
avec tant d'hommes, car il parait qu'il n'y
avait aucune femme dans ce grand nombre
d'exilés, elle répondit : « Donnez-nous votre
bénédiction, et priez pour moi et pour cet
enfant qui est mon petit-fils ; toute péche-
resse que je suis, j'ai eu pour père le défunt
évêque de Zurite; j'emmène cet enfant, de
crainte que le démon ne le trouvant seul,
ne le fasse sortir du chemin de la vérité pour
le précipiter dans une mort éternelle. » Nous
admirâmes, ajoute Victor, la foi et la cons-
tance de cette généreuse femme, et les yeux
baignés de larmes, nous ne pûmes dire au-
tre chose, sinon : la volonté de Dieu soit
faite. Tous les confesseurs ne purent pas ar-
river au lieu de leur bannissement. Il en
1 Concurrentes turbœ fidelium cereos manibus ges-
tanies, suosque infantulos vestigiis martyrum proji-
cientes, ista voce clamabant : « Quitus nos miseros re-
linquiiis dum pergitis ad coronus? Qui hos baptizaturi
sunt parvulos fontibus aquœ perennis ? Qui nobis pœ-
nitentiœ munus coUaiuri sunt et reconciliationis in-
dulgeniia obstrictos peeoatorum vincidis soluluri? Qui
nos Sùlemnibus orationibus sepuHuri sunt morientes ?
Aut a quibus divinis sacrificiis riius exliihendus est
consueius ? Vobiscum et nos libeat pergere, si liceret.
Vicl., lib. II, pag. 33.
45-4
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
EJil d'Un-
néric , pour
une conféren-
ce, pag. :iîj.
mourut un grand nombre de fatigues et de
mauvais traitements qu'on leur faisait en
chemin. Ceux qui eurent assez de force pour
arriver au désert, y furent nourris avec de
l'orge, comme des chevaux, et on le leur
donnait sans l'avoir fait moudre. Ce lieu
était rempli de serpents et d'autres bêtes ve-
nimeuses; mais, par l'assistance de Jésus-
Christ, elles ne firent mourir aucun des con-
fesseurs.
8. Hunéric, après avoir arraché à l'Eglise
une partie de ses membres, pensa à extermi-
ner de l'Afrique jusqu'au nom des catholi-
ques. A cet effet, le Jour de l'Ascension ,
19 mai de l'an 483, il envoya à Eugène, évê-
que de Garthage, un édit pour le faire lire
dans l'église. 11 était adressé à tous les évo-
ques catholiques, sous le nom à'Homoousiens,
et portait en substance que puisque, contre
ses défenses, ils s'étaient asssemblés dans
les terres dépendantes des Vandales, qu'ils
y avaient célébré des messes au scandale de
ces provinces, ils eussent à se rendre à Gar-
thage pour le 1" février de l'année suivante,
pour disputer de la foi avec les évêques de
sa communion , et prouver leur foi par l'au-
torité des Ecritures. L'évêque Eugène ré-
pondit à Vitarit , porteur de cet édit, que,
puisque cette cause regardait généralement
toutes les Eglises de la communion catholi-
que, il était juste qu'on leur donnât avis de
cette conférence. En attendant, il résolut, de
l'avis de son clergé, de présenter un mémoire
au l'oi pour tâcher d'amollir ce cœur bar-
bare. Eugène protestait dans ce mémoire
que s'il avait dit au commissaire Vitarit que,
s'agissant de la cause commune, il était rai-
sonnable d'appeler les évêques d'outre-mer,
ce n'était point pour éviter la conférence ;
qu'il avait témoigné au contraire qu'il l'ac-
ceptait. La réponse du roi à ce mémoire, fut :
« Soumettez toute la terre à mon empire , et
je ferai tout ce que vous me demandez. »
Eugène représenta que le roi lui demandait
une chose impossible, au lieu d'une très-fa-
cile qu'il lui avait proposée. « J'ai dit, ajouta-
t-il, que si le roi désire de connaître notre
foi, il peut envoyer à ses amis, c'est-à-dire
aux princes catholiques : j'écrirai aussi à
mes confrères, afin qu'ils viennent pour vous
montrer que nous n'avons qu'une même foi,
\UTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et principalement à l'Eglise romaine qui est
le chef de toutes les Eglises '. » Hunéric, au
lieu d'avoir égard aux remontrances d'Eu-
gène, chercha divers prétextes pour mal-
traiter ceux d'entre les évêques catholiques
qu'il savait être les plus habiles. Il défendit
en même temps qu'aucun catholique ne
mangeât avec ceux de sa secte. Pendant que
le feu de la persécution s'allumait ainsi.
Dieu fit un miracle par le ministère d'Eu-
gène. 11 y avait à Garthage un aveugle ap-
pelé Félix, connu de tout le monde. La nuit
de la fête de l'Epiphanie, il entendit en songe
qu'on lui disait : « Lève-toi, va trouver l'é-
vêque Eugène, mon serviteur; dis-lui que je
t'ai envoyé vers lui, et lorsqu'il bénira les
fonts baptismaux, il touchera tes yeux|, et tu
recouvreras la vue. » C'était l'usage en Afri-
que, comme dans quelques autres Eglises,
de donner le baptême solennel le jour de
TEpiphanie, de même qu'à Pâques et à la
Pentecôte. Félix, s'imaginant que ce n'était
qu'un songe ordinaire, ne voulut pas se le-
ver. S'étant rendormi, il entendit la même
chose une seconde fois, et enfin une troi-
sième, avec de grands reproches de son in-
créduhté. Il éveilla le domestique qui avait
coutume de lui donner la main, et s'en alla
en grande diligence à l'église de Fauste-
Après y avoir fait sa prière avec beaucoup
de larmes, il pria un sous-diacre, nommé
Pérégrin, d'avertir l'évêque qu'il avait un
secret à lui dire. L'évêque dit qu'on le fit ve-
nir. Félix lui raconta ce qui s'était passé, en
protestant qu'il ne le quitterait pas qu'il ne
lui eût rendu la vue. « Retirez-vous, mon
frère, lui dit Eugène, je suis un pécheur et
le plus grand de tous les pécheurs, puisque
Dieu m'a laissé vivrejusqu'à ces malheureux
temps. » L'aveugle, au lieu de se retirer,
embrassait les genoux du saint évêque, en
répétant toujours ces mêmes paroles : «Ren-
dez-moi la vue ainsi que Dieu vous l'ordonne.»
Eugène, voyant sa foi, et pressé par l'heure
de l'office, s'en alla aux sacrés fonts, accom-
pagné de ses ecclésiastiques. Il se mit à ge-
noux, et avec de grands soupirs il fit la bé-
nédiction de l'eau; puis, se levant, il dit à
l'aveugle : « Je vous ai déjà dit, mon frère
Féfix, que je suis un pécheur; mais je prie
Dieu, qui a bien voulu vous visiter, de vous
1 Scribam ego et fratribus mais, ut vmiant coepis-
copi met, qui vobis nobiscmn fidem communem nos-
tram valeant demonstrare, et prceeipue Ecclesia ro-
mana quœ caput est omnium Ecclesiarum. Vict., lib. II j
pag. 8.
CHAPITRE XXVIII. — SAINT VICTOR, ÉVÊQUE DE VITE, ETC.
[V SIÈCLE.]
traitei" selon votre foi et de vous rendre l'u-
sage de vos yeux. » En même temps il lit sur
ses yeux le signe de la croix^ et aussitôt il
recouvra la vue. Eugène le retint auprès de
lui jusqu'à ce que tous ceux qui devaient
être baptisés l'eussent été, de peur qu'en le
laissant sortir seul, le peuple ne l'écrasât en
s'empressant pour le voir. On fit ensuite con-
naître le miracle à toute l'Eglise : et lorsque
l'évêque alla, selon la coutume, des fonts
baptismaux à l'autel, Félix l'accompagna et
fît son offrande, qu'Eugène mit sur l'autel.
La nouvelle en étant venue au roi , il inter-
rogea Félix pour savoir de lui la vérité du
miracle. Félix raconta tout de point en point;
mais les .évêques ariens, couverts par là
d'une extrême confusion et ne pouvant obs-
curcir la réalité du miracle, dirent qu'Eu-
gène l'avait fait par maléfice.
9. A l'approche du Jour destiné pour la
conférence, les évêques vinrent non-seule-
ment de toute l'Afrique, mais encore de plu-
sieurs lies soumises aux Vandales. Plusieurs
jours se passèrent depuis le 1" février,
sans que l'on parlât de rien : et durant ce
temps-là Hunéric séparait les plus habiles
des évêques catholiques pour les faire mou-
lir sur diverses calomnies. Il plut aux ariens
de commencer la conférence vers le 5 du
mois, et ils en indiquèrent le lieu. Les catho-
liques, tant pour éviter la confusion, que
pour ôter aux ariens le prétexte de dire qu'ils
les avaient accablés par la multitude, nom-
mèrent seulement dix d'entre eux pour pal-
ier au nom des autres. Cyrila, patriarche des
ariens, s'assit dans l'assemblée sur un trône
élevé et magnifique, au lieu que les catholi-
ques étaient debout. Ils se plaignirent de ce
faste, comme peu convenable à l'égalité qui
devait être outre des personnes qui venaient
pour conférer ensemble. Ensuite ils deman-
dèrent qu'il y eût des commissaires pour
examiner la vérité de ce qui se dirait de part
et d'autre. Un notaire du roi dit que le pa-
triarche Cyrila en ferait les fonctions. Les
catholiques demandèrent par quelle autorité
Cyrila prenait le titre de patriarche? Alors
les ariens commencèrent à faire grand bruit
et à traiter injurieusement les catholiques :
et parce qu'ils avaient demandé qu'au cas
qu'il n'y eût point de commissaires, il fût du
moins permis aux plus sages du peuple d'as-
sister à l'assemblée, il y eut ordre de donner
cent coups de bâtons à tous les laïques ca-
tholiques qui étaient présents. Sur cela l'é-
453
vêqi'.e Eugène s'écria : « Que Dieu voie de
quelle manière on nous opprime et qu'il soit
le juge des violences qu'on nous fait souf-
frir. » Les évêques catholiques dirent à Cy-
rila de proposer ce qu'il voudrait : il répon-
dit qu'il ne savait pas le latin ; les catholi-
ques lui soutinrent qu'il avait toujours parlé
latin ; qu'ainsi il ne devait pas, sous un faux
prétexte, demeurer dans le silence, vu sur-
tout que c'était lui qui était cause de l'in-
cendie. Cyrila voyant bien que les évêques
catholiques étaient mieux préparés à la dis-
pute qu'il ne se l'était imaginé, usa de di-
verses chicanes pour éviter la conférence.
Les catholiques, qui l'avaient prévu, firent
lire publiquement une i^rofession de foi qu'ils
avaient composée avant de se présenter à la
conférence. Il est dit à la fin qu'ils l'envoyè-
rent encore aux ariens, le 24 avril 484, par
Janvier de Zattare et Vidlatie de Cases-
Moyennes, évêques de Numidie, Boniface
de Foratiane et Boniface de Graliane, évêques
de la province de Byzacène. Quelques-uns
l'ont attribuée à Victor de Vite, parce qu'il
en a fait le troisième livre de son Histoire ;
d'autres à saint Eugène de Carthage, sur ce
que Gennade dit de lui ' qu'étant obligé par
Hunéric de rendre raison de la foi catholique,
et principalement du terme de consubsian-
tiel, il fît un livre où il prouvait l'un et l'autre
par des témoignages de l'Ecriture et des pè-
res ; et que son écrit ayant été approuvé de
tous les saints évêques et confesseurs de l'A-
frique, de la Mauritanie, de la Sardaigne et
de la Corse, qui étaient demeurés constants
dans la foi, il fut présenté au roi par quel-
ques-uns des confesseurs. La profession de
foi dont nous parlons, ne renferme que des
témoignages de l'Ecriture : il n'y en a aucun
des pères de l'Eglise, à moins que sous ce
nom l'on n'entende que cette profession de
foi est appuyée sur l'autorité des traditions
apostoliques. On ne peut guère néanmoins
douter que ce ne soit celle de l'évêque de
Carthage. Victor n'était point en cette ville
lors de la conférence , et il parait que cette
profession de foi fut faite quelques jours au-
paravant. Puisque Gennade en attribue une
à saint Eugène, pourquoi ne pas lui donner
celle-ci? Pourquoi en aurait-il fait une deu-
xième ? Il ne manque rien dans celle que
Victor rapporte : elle est ample, bien détail-
lée et bien prouvée. Il est constant d'ailleurs
1 Gennad., ds Script, eçcles., cap. xcvii.
456
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
par l'intitulation , qu'elle fut présentée au
roi. Si l'on n'y trouve pas de passages des
pères, c'est qu'il était inutile d'en alléguer à
des évêques ariens, qui demandaient qu'on
leur prouvât, parl'autorité seule de l'Ecriture,
que l'on devait se servir du terme de con-
substantiel, pour marquer l'unité de subs-
tance dans le Père et le Fils. 11 est fort pos-
sible que les évêques ai'iens ayant objecté
depuis que mille évêques, tant à Rimini qu'à
Séleucie ', ayant rejeté le terme deconsubstan-
tiel, saint Eugène aitréponduàcette objection
par les témoignages des pères qui ont admis
ce terme, et que cette seconde partie de sa
profession de foi se soit perdue depuis le
siècle de Gennade.
Troisième 10. Quoï qu'll BU soit, la profession de foi
"prorlHion présentée à Hunéric, est au nom des évêques
foos'ca'M- catholiques en général. Ils y reconnaissent
Ec"i?' "''''■ " que ce prince l'avait exigée d'eux; qu'en la
faisant, ils se sont moins fondés sur leurs
propres forces que sur le secours de Dieu, et
que ce qu'ils ont à montrer, c'est que le Fils
est de la même substance que le Père, ce
que les Grecs expriment parle terme de con-
substantiel. Ils commencent donc par déclarer
qu'ils confessent en Dieu une unité de subs-
tance ^ dans le Père, le fils et le Saint-Esprit,
mais en telle manière que chacune de ces
trois personnes conserve les propriétés qui
lui sont personnelles ; c'est-à-dire qu'elles
ont chacune leur propre existence qui les
distingue mutuellement ; car le Père n'est
pas le même que le Fils, ni le Fils que le
Saint-Esprit. Le Père n'est pas engendré, le
Fils est engendré du Père, et le Saint-Esprit
procède du Père et du Fils. Toutes ces trois
personnes sont d'une même substance, parce
qu'il n'y a qu'une divinité du Père non en-
gendré, du Fils engendré, et du Saint-Esprit
qui procède ; mais il y a trois propriétés des
personnes, c'est-à-dire trois existences, ou
trois personnes subsistantes. On voit ici que
ces évêques reconnaissent que le Saint-Esprit
procède du Père et du Fils; mais ils ne di-
sent pas la même chose dans la récapitula-
tion qu'ils font à la fin, et il y a des manus-
crits où le terme de Fils ne se lit pas, quoiqu'il
se trouve en beaucoup d'autres.
Ils ajoutent : « Que le Fils soit engendré et
qu'il soit d'une même substance que le Père,
c'est ce que l'Ecriture nous enseigne en beau-
coup d'endroits. Elle enseigne aussi que le
Fils est égal à, son Père, et qu'il est une
même chose avec lui, non-seulement en vo-
lonté, mais en substance. Mais comme nous
confessons qu'il y a deux natures dans le
Fils, c'est-à-dire qu'il est vrai Dieu et vrai
homme, qu'il a un corps et une âme, les
choses admirables que l'Ecriture dit de lui,
doivent se rapporter à sa divinité , et ce
qu'elle en dit d'humiliant, doit s'entendre de
son humanité. Lorsque Jésus-Christ dit lui-
même : Mon Père et moi sommes une même
chose, il parle en Dieu ; lorsqu'il dit : Mon
Dieu, pourquoi m"avez~vous abandonné? il parle
eu homme. Le Père a engendré son Fils de
ce qu'il est lui-même, et il l'a engendré de
toute éternité, d'une manière ineffable, non
en le produisant au dehors, ni en le formant
de rien ou de quelques matières préesisten-
tes. C'est de Dieu qu'il est né. Or celui qui
est né de Dieu, ne peut être autre chose que
ce qu'est le Père : il est donc d'une même
substance, parce que la vérité de sa nais-
sance n'admet point de diversité dans sa na-
ture. Si le Fils était d'une autre substance
que le Père, ou il ne serait pas vraiment
Fils, ou il aurait dégénéi'é en naissant : ce
qui ne se peut dire. Quelqu'un objectera
peut-être qu'il est écrit dans Isaïe : Qui
pourra raconter sa génération? Mais il faut re-
marquer que le prophète parle en cet endroit
de la manière dont le Fils de Dieu est en-
gendré : et nous convenons que l'homme ne
peut la pénétrer. Mais si la généi-ation du
Fils est ineffable, elle n'en est pas moins
vraie, et il ne nous est pas permis de l'igno-
rer, après que le Fils nous a si souvent as-
surés dans l'Ecriture qu'il est né du Père.
Mais, dira-t-on, le Fils étant engendré, et le
Père ne l'étant point, il n'est pas possible
Joaû. VI, i
Joao. X, 51
Psal. XX,
Isai. LUI,
Juan.
18; I, U.
1 Eis videtur esse propositum ut consubstantiale, sicut
moniti erant, ex divinis Sc7'ipturis proprie approba-
rent ; aut cerle quod a mille pontificibits de toto orbe
in Ariminensi conçilio vel apud Seleuciam ampiitatum
est, prœdamnm-ent. Vict., lib. IV, pag. 65.
2 Patrem ergo et Filiurn et Spiritum Soncfum ita
in unitate deitatis profitemur, ut et Patrem in sua
proprietate personœ subsistere, et Filium nihilomimis
in propria extare persona, atque Spiritum Sancium
personœ suce proprielatem retinere fideli confessione
fateamur. Non eumdem asserentes Patrem quem Fi-
lium, neque Filium confitentes qui Pater sit aut Spi-
riius Sanctus ; neque ita Spiritum Sancium accipi-
mus, ut aut Pater sit, aut Filius, sed ingenitum Pa-
trem, et de Pâtre genitum Filium, et de Pâtre et
Filio proeedentem Spiritum Sanctum, unius credimus
esse substantiœ : quia ingeniti Patris et geniti Filii
et procedentis Spiritus Suncti, una est deitas, tre<i
vero personarum proprietates. Victor , lib. III ,
pag. 43.
CHAPITRE XXVIII.
SAINT
Act. V, 4
[X" SIÈCLE.]
qu'ils soient d'une même substance ? II faut
dire, au contraire, que celui qui engendre
est de même nature que celui qui est engen-
dré. Nous faisons profession de croire que le
Fils est Dieu de Dieu, lumière de lumière,
parce qu'effectivement Dieu est lumière. Cela
prouve nettement que le Père et le Fils sont
d'une même substance, puisque la lumière
et la clarté sont d'une même substance : et
de même que la splendeur est inséparable
de la lumière, et qu'elle n'en peut être sé-
parée, de même aussi le Fils qui est la splen-
deur de la gloire du Père , lui est coéternel
et ne peut en être séparé. Le Père a engen-
dré son Fils sans division et sans diminution
de sa substance. Il l'a engendré non dans le
temps, mais dans l'éternité, sans qu'il y eût
aucun intervalle dans la génération da Fils,
comme il n'y en a point entre la production
du feu et de la clarté. A l'égard du Saint-
Esprit, nous croyons qu'il est consubstantiel
au Père et au Fils, égal et coéternel. Car
quoique la vénérable Trinité soit distinguée
par personnes et par noms, ce n'est qu'une
même nature; d'où vient que nous ne souf-
frons pas qu'on dise plusieurs Dieux : sous le
seul nom de Dieu, nous comprenons les trois
personnes. Ce nom marque l'unité de subs-
tance et non de personnes , comme il paraît
dans ces paroles : Faisons l'homme à notre
image et à notre t^essemblance, et ]}av beaucoup
d'autres de l'Ecriture. La création est l'ou-
vrage commun des trois personnes de la Tri-
nité. Le Saint-Esprit y a eu part comme le
Père et le Fils. Il est dit dans l'Ecriture qu'il
connaît les secrètes pensées, et le nom de
Dieu lui est donné dans les Actes des apô-
tres et ailleurs : s'il est appelé notre avocat
ou notre consolateur, il faut se souvenir que
l'Ecriture donne le même titre au Fils et au
Père. N'est-il pas dit dans saint Jean : Si
quelqu'un pèche, nous avons pour avocat auprès
du Père, Jésus- Christ qui est juste; et dans
saint Paul : Béni soit Dieu, Père de notre Sei-
gneur Jésus-Christ, le Dieu de toute consolation.
La forme du baptême est encore une preuve
que la gloire et la puissance des trois per-
sonnes de la Trinité est la même, comme
elles n'ont qu'une opération. »
Après avoir établi par un très-grand nom-
VICTOR, ÉVÊQUE DE VITE, ETC. 457
bre de passages, la divinité des trois person-
nes, les évêques l'établissent encore par di-
vers raisonnements tirés des passages de
l'Ecriture qu'ils avaient allégués. Ils insistent
particulièrement sur la divinité du Saint-Es-
prit, et disent : « S'il procède du Père , s'il
nous délivre de nos péchés, s'il est le Sei-
gneur, s'il donne la vie et la sanctification,
s'il connaît tout, s'il est partout; si c'est lui
qui constitue les prophètes, qui envoie les
apôtres, qui donne des évoques aux Eglises;
si le péché contre lui n'est remis ni en ce
monde ni en l'autre, on ne peut douter qu'il
ne soit Dieu : or l'Ecriture dit de lui toutes
ces choses : n'y aurait-il donc pas de l'in-
gratitude à ne pas lui rendre la même gloire
qu'au Père et au Fils ? Car si je ne lui dois
pas le même honneur, on ne doit pas le
nommer avec le Père et le Fils dans le bap-
tême. Je dois prier celui en qui on m'ordonne
de croire '. Ainsi je dois adorer le Saint-Es-
prit par une et même vénération que le Père
et le Fils. Telle est, disent les évêques ° à la
fin de cette profession de foi, la doctrine dont
nous faisons profession, elle est appuyée sur
l'autorité des évangélistes et des apôlres, et
fondée sur la société de toutes les Eglises du
monde, dans laquelle, par la grâce de Dieu
tout-puissant, nous espérons persévérer jus-
qu'à la fin de cette vie. »
11. A la lecture de cette profession de foi,
les ariens entrèrent en fureur de ce que leurs
adversaires y prenaient le nom de catholi-
ques. Pour s'en venger, ils rapportèrent au
roi qu'ils avaient troublé la conférence par
leur grand bruit, afin d'éviter d'entrer avec
eux en dispute. Hunéric, qui ne cherchait que
l'occasion de publier son édit de la persécu-
tion générale, profita de celle-ci. Il envoya
secrètement par toutes les provinces cet édit,
qui était daté du 6 des calendes de mars,
c'est-à-dire du 24 ou 25 février. Car, en 484,
l'année était bissextile. En vertu de cet édit,
toutes les éghses d'Afrique furent fermées
dans un même jour, et tous leurs biens , de
même que ceux des évêques catholiques, fu-
rent donnés aux ariens. Ce prince supposant
encore que les évêques catholiques avaient
refusé la conférence , ordonna contre eux
toutes les peines portées par les lois des em-
Quatrième
livre, pag. 63.
1 In quem credere jubeor, ci etiani debeo suppli-
care. Adorabo ergo Patrem, adorabo et Filium, ado-
rabo et Spiritum Sanctum, una eademque venera-
tione. Vict., lib. III, pag. 60.
2 Hœe est fides nostra, evangeliçis et apostolicis
traditionibus atque auctorite firmata, et omnium quœ
in mundo sunt catholicarum ecclesiaruni socieiate fun-
data, in qua nos per rjridiam Dei omnipotentis per-
manere usrjue ad /inem vitœ hujus confidimus et spe-
ramus. Ibid., pag. 62.
438
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pereurs contre les hérétiques, voulant qu'ils
fussent chassés des villes, qu'ils ne pussent
faire aucune fonction , non pas même celle de
baptiser, et qu'au cas qu'ils auraient ordonné
quelqu'un, ils paieraient dix livres d'or, de
même que celui qu'ils auraient ordonné ; que
les laïques de leur communion ne pourraient
ni donner ni recevoir quoi que ce soit, soit
entre vifs, soit par testament; qu'ils seraient
dépouillés de leurs charges, condamnés à
diverses amendes, dépouillés de tous leurs
biens, fouettés et bannis eu. cas qu'ils persis-
tassent dans leur religion ; enfin que les livres
qui soutenaient la foi de la consubstantialité
seraient jetés au feu. Hunéric excepta de la
rigueur de cet édit ceux qui abandonneraient
leur croyance avant le 1" Juin de la même
année 484, qui était la huitième de son règne.
Après avoir envoyé son édit dans toutes
les provinces à l'iusu des évêques qui étaient
à Carlhage, il les fit chasser tous hors de la
ville, sans leur laisser ni valet, ni cheval, ni
habit que celui qu'ils avaient sur eux, avec
défense générale à toutes personnes de les
loger ni de leur donner à manger, sous peine
aux contrevenants d'être brûlés avec toute
leur famille. Quoique réduits à aller mendier
leur vie et à demeurer exposés aux injures
de l'air autour des murs de la ville, ils réso-
lurent de ne point s'en éloigner, de crainte
qu'on ne dit qu'ils avaient évité le combat.
Il arriva dans ces circonstances que le roi
sortit pour aller voir des réservoirs : tous les
évêques allèrent au-devant de lui, en disant :
« Qu'avons-nous fait pour être traités ainsi ?
Si l'on nous a assemblés pour une confé-
rence, pourquoi nous dépouiller, nous mal-
traiter, nous priver de nos Eglises et de nos
maisons, nous faire mourir de faim et de
froid, nous chasser de la ville et nous ré-
duire à coucher sur le fumier? » Hunéric les
regardant d'un œil de fureur, et sans écouter
leurs remontrances, commanda à ses gardes
à cheval de courir sur eux. Plusieurs furent
blessés, principalement les vieillards et les
faibles. Ensuite on leur ordonna de se rendre
dans le temple de la Mémoire, où on leur
présenta un papier roulé, en leur disant : « Le
roi, quoique mécontent de votre désobéis-
sance, veut néanmoins, pour vous témoigner
quelque bonté, vous renvoyer dans vos Egfi-
ses et dans vos maisons, si vous jurez de faire
ce qui est contenu dans cet écrit. » Les évo-
ques répondirent qu'ils étaient chrétiens et
évêques, et qu'ils tenaient l'unique et véri-
table foi apostolique. Ceux qui leur parlaient
de la part du roi les ayant pressés de faire
ce serment, Horlulan et Florentien dirent au
nom de tous et avec tous : « Sommes-nous
des bêtes pour jurer ce qui est dans un
écrit, sans savoir ce qu'il contient? » —
« Jurez, leur dirent les officiers, qu'après la
mort du roi, vous souhaitez que son fils Hil-
déric lui succède à la couronne, et qu'aucun
de vous n'enverra des lettres dans les pays
d'outre-mer. Si vous le jurez, le roi vous
rendra vos Eglises. » Il y en eut plusieurs
qui crurent, par simplicité, qu'ils pouvaient
faire ce serment, de crainte de donner sujet
aux fidèles de leur reprocher qu'il n'avait
tenu qu'à eux pour qu'on ne leur restituât
leurs Eglises. Les autres, plus prudents, re-
fusèrent de prêter ce serment, disant qu'il
était défendu dans l'Evangile, où Jésus-Christ
dit : Vous ne jurerez point du tout. Alors les
officiers du roi firent séparer d'avec les au-
tres ceux qui avaient témoigné n'avoir point
de répugnance pour faire ce serment, et les
notaires écrivirent ce que chacun d'eux di-
sait, de quefie ville il était, et quel était son
nom. Cela fait, ils furent envoyés les uns et
les autres dans des prisons séparées. On re-
connut aussitôt quel avait été le dessein
d'Hunéric en proposant aux évêques de ju-
rer. Car on vint dire à ceux qui avaient bien
voulu le faire, que puisque, contre le précepte
de l'Evangile, ils avaient consenti de jurer,
le roi ordonnait qu'ils ne verraient jamais ni
leurs villes ni leurs Eglises, et qu'ils seraient
relégués dans des fermes, où on leur donne-
rait des terres à cultiver, à condition toute-
fois qu'ils ne chanteraient ni ne prieraient
point avec d'autres, qu'ils n'auraient aucun
livre, et qu'ils n'administreraient ni les ordres,
ni le baptême, ni la pénitence. On dit à ceux
qui avaient refusé le serment : «Vous n'avez
pas voulu jurer, parce que vous ne désirez
pas que le fils de notre roi règne après lui.
C'est pourquoi vous serez relégués dans l'île
de Corse, où vous travaillerez à couper des
bois pour la construction des vaisseaux. »
Ce même Hildéric qui servit de prétexte à la
persécution, étant parvenu à la couronne
quarante ans après, rendit la liberté aux
confesseurs,
12. Avant le départ des évêques pour le
lieu de leur exil, Hunéric envoya des boui-
reaux par toute l'Afrique, afin qu'il n'y eût
aucune maison ni aucun lieu qui ne retentît
de cris de plaintes : car on avait donné ordre
CinqDÎè
livre, p
[V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXVIII.
aux bourreaux de n'épargner personne , ni
âge, ni sexe, mais ceux-là seulement qui obéi-
raient à la volonté du l'oi. On faisait mourir les
uns à coups de bâtons, on pendait les autres
ou on les brûlait. On dépouillait les femmes,
surtout les nobles, pour les tourmenter en
public. Une d'entre elles, nommée Denyse,
se voyant entre les mains des bourreaux qui
commençaient à la dépouiller, leur dit, dans
la confiance qu'elle avait en Dieu : « Tour-
mentez-moi comme il vous plaira ; épargnez-
moi seulement la honte de la nudité.» Mais au
lieu de se laisser toucher à ces paroles, ils l'ex-
posèrent dans le lieu de la place le plus élevé,
pour la donner en spectacle à tout le monde.
Tandis qu'ils la fouettaient et que les ruis-
seaux de sang coulaient de son coi'ps, elle
leur disait : « Ministres du démon, ce que
vous faites pour me déshonorer, sera ma
gloire et ma couronne. » Comme elle était
Irès-instruite dans les Ecritures, elle exhor-
tait les autres au martyre, et par son exem-
ple, elle procura le salut presque à toute sa
patrie. Elle avait un fils nommé Majoric,
jeune et d'un tempérament délicat. Voyant
qu'il tremblait par la vue des peines qu'il al-
lait endurer, elle jeta sur lui des regards sé-
vères, et employa pour l'animer à souffrir
toute l'autorité maternelle. Pendant qu'on le
frappait de verges, elle lui disait : « Sou-
viens-toi ', mon fils, que nous avons été bap-
tisés au nom de la Trinité dans l'Eglise ca-
tholique notre Mère.» Le jeune homme, for-
tifié par les discours de sa mère, soufl'rit le
martyre avec beaucoup de constance. En
l'embrassant après sa moii, elle rendit grâ-
ces à Dieu, et ne voulut point l'enterrer ail-
leurs que dans son logis, afin que toutes les
fois qu'elle ofi:rirait sur son tombeau ses
prières à la sainte Trinité, elle eût lieu de se
promettre d'être un jour réunie à lui pour
jamais. Sa sœur Dative et le médecin Emé-
lius, son parent, souffrirent le martyre par
ses exhortations, ainsi qu'un grand nombre
d'autres. Il y en eut à Cluse une multitude
SAINT VICTOR, ÉVÉQUE DE VITE, ETC.
459
innombrable qui répandirent leur sang pour
la foi, entre autres une femme nommée Vic-
toire, que son mari, qui s'était laissé perver-
tir, ne put jamais ébranler. Victorien, pro-
consul de Cartilage, sollicité par le roi de re-
noncer au parti des catholiques, répondit :
« Si je me rends ^, c'est en vain que je suis
baptisé dans l'Eglise catholique. » On lui fit
souffrir de grands tourments, pendant les-
quels il consomma son martyre. A Tambaïe,
les bourreaux, après avoir appliqué beau-
coup de lames ardentes à deux frères et les
avoir déchirés avec les ongles de fer, rebutés
par leur patience, et surtout ^ parce qu'on
ne voyait en eux ni meurtrissures ni autre
vestige de tourments, les chassèrent, en di-
sant : « Tout le monde les imite, et personne
ne se convertit à notre religion. » A Typase,
dans la Mauritanie Césarienne, les ariens
ayant ordonné un évêque de leur secte, les
habitants sortirent de la ville et passèrent en
Espagne, excepté un petit nombre qui ne
trouvèrent pas le moyen de passer la mer.
L'évéque arien usa tantôt de caresses et tan-
tôt de menaces pour les pervertir, mais inuti-
lement. Ils s'assemblèrent dans une maison
particulière, où ils célébrèrent les mystères.
Le roi informé et irrité de leur conduite, leur
fit couper à tous la langue et la main droite :
cela ne les empêcha pas de parler aussi bien
qu'auparavant. Victor de Vite *, témoin du
miracle, dit à ceux qui en douteraient, qu'ils
pouvaient s'en assurer eux-mêmes en allant
à Constantinople, où ils trouveraient un
sous-diacre nommé Réparât, du nombre de
ceux à qui on avait coupé la langue jusqu'à
la racine, qui parlait nettement sans aucune
peine, et qui, par cette raison, était singuliè-
rement honoré de l'empereur Zenon et de
l'impératrice. Enée de Gaze, philosophe pla-
tonicien, qui était alors à Constantinople, dit
dans un dialogue écrit avant l'an 533, qu'il
avait vu lui-même les personnes qui avaient
eu la langue coupée, qu'il les avait ouï parler
distinctement, et que ne pouvant s'en rap-
1 Mémento, fili mi, quia in nomine Trinitatis in
maire Ecclesia bapiizaii sumus... In suadomo maluit
sepelire, ut quoties super sepulcrum ejus preces effun-
dit, alienam se a fitio nunquam esse confidat. Vict.,
lib. V, pag. 73.
2 Si consensero, frustra sum in Ecclesia catholica
baptizatus. Ibid., pag. 73.
^ Istos imitatur universus populus, ut nullus ad
nostram religionem penitus convertatur, et prœcipue
quia nulli livores, nulta pœnarum vestigia in eis pe-
nitus videbaniur. Vict., lib. V, pag. 75.
' QuŒ cum régi innotuisset , prœcepit ut in medio
forn , congregata illuc omni provincia , linguas eis et
manus dexteras radicitus abscidisset. Quod cum fae-
tum fuisset, Spiritu Sancto prastante, ita locuti sunt
et loquuniur, qumnodo ante loquebantur. Sed si quis
incredulus esse voluerit , pergat nunc Consta/itinopo-
lim, et ibi reperiet unum de illis subdiaconum Repa-
raium, sermones politos sine ulla offensione loquenteni.
Ob quam causam , venerabilis nimium in palatio Ze-
nonis imperatoris habeiur, et prœcipue regina mira
eum reverentia veneratur, Viet., lib. V, pag. 76.
460
lIISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
porter à ses oreilles, il leur avait fait ouvrir la
bouche, et avait vu leur langue arrachée jus-
qu'à la racine; il était étonné, non de ce qu'ils
parlaient encore, mais de ce qu'ils n'étaient
pas morts de ce supplice. Procope, qui écri-
vait quelque temps après, dit qu'il en avait
vu se promener à Constantinople, parlant li-
brement sans se sentir de ce supplice ; mais
que deux d'entre eux, ayant eu moins de
courage pour résister aux attraits de la vo-
lupté qu'à la rigueur des tourments , perdi-
rent l'usage de la parole qu'ils avaient re-
couvrée. Un grand nombre de Vandales s'é-
tant convertis, Hunéric les traita avec autant
de rigueur qu'il avait traité les Romains. Il
employa pour les tourmenter, tant de divers
instruments que, selon Victor, il aurait été
difficile d'en faire même le dénombrement.
Mais les effets de sa cruauté demeurèrent
longtemps à Carthage, où l'on voyait les uns
sans mains, les autres sans yeux ou sans nez,
ou sans oreilles, d'autres la tète enfoncée
dans les épaules, pour avoir été suspendus
en l'air par les mains au haut des maisons, où
ils servaient de jouet aux Barbares. Victor
relève le courage de Dagila, femme d'un maî-
tre-d'hôtel du roi , qui avait déjà confessé plu-
sieurs fois Jésus-Christ dans la persécution
de Genséric. Après lui avoir donné tant de
coups de fouets et de bâtons, qu'il ne lui
restait plus de force, on la relégua dans un
désert stérile, où elle ne pouvait recevoir
aucune consolation de personne. Elle y alla
avec joie, laissant sa maison, son mari et ses
enfants. On lui offrit depuis de la transférer
dans une autre solitude moins affreuse et
plus à portée des consolations humaines:
mais elle demanda de rester où elle était.
ci.rcs en- 13. La Hborté et la constance que saint Eu-
p°4'V8° ""' gène fit paraître dans la défense de la foi, lui
Lettre do méritèrent l'exil. Mais voyant qu'onlopressait
de partir sans lui donner le loisir d'exhorter
son peuple à la persévérance, il écrivit aux
fidèles de Carthage une lettre où, avec une
effusion de larmes ', il les conjure, par la
majesté de Dieu, l'avènement de Jésus-Christ
saint Eugène.
et le terrible jour du jugement, de demeurer
fermes dans la foi catholique, en confessant
que le Fils est égal au Père, et que le Saint-
Esprit a la même divinité que le Père et le
Fils. Il les exhorte de conserver aussi la grâce
d'un seul baptême et l'onction du chrême, en
sorte que personne d'entre eux ne souffrît
d'être rebaptisé. Il proteste qu'au cas qu'ils
demeurent fermes dans la foi, l'éloignement
ni la mort ne pourront l'empêcher de leur être
uni ; mais qu'il sera innocent du sang de ceux
qui périront, et que sa lettre sera lue contre
eux devant le tribunal de Jésus -Christ. « Si
je reviens à Carthage, ajoute-t-il, je vous ver-
rai en cette vie ; si je n'y retourne pas, je vous
verrai en l'autre. Priez pour nous et jeûnez,
parce que le jeune et l'aumône ont toujours
fléchi la miséricorde de Dieu. Mais souvenez-
vous surtout qu'il est écrit que nous ne de-
vons pas craindre ceux qui ne peuvent tuer
que le corps. » Cette lettre, que saint Gré-
goire de Tours nous a conservée ^, est la seule
qui nous reste de saint Eugène. Outre la pro-
fession de foi , il avait encore écrit quelques
conférences ^ qu'il avait eues avec les évêques
ariens, et des requêtes en forme d'apologie,
pour obtenir du roi Hunéric la paix de l'Eglise.
Mais ces écrits ne sont point venus jusqu'à
nous *. Saint Eugène était déjà en exil lors-
qu'on bannit aussi toutle clergé de Carthage,
au nombre de plus de cinq cents personnes,
après leur avoir fait souffrir la faim et toutes
sortes d'autres tourments. Un apostat nommé
Elpidifore, qui avait reçu le baptême de la
main des catholiques dans l'église de Fauste,
fut préposé pour les faire tourmenter. Lors-
qu'on vint au diacre Muritta, et que l'on com-
mençait à le dépouiller, il tira tout d'un coup
les linges dont il avait couvert Elpidifore au
sortir des fonts, et les ayant déployés aux
yeux de tout le monde, il dit à cet apostat
qui était assis comme son juge : « Voilà les
linges qui t'accuseront devant Dieu, quand il
viendra juger les hommes. Je les ai gardés
pour servir de témoignage de l'apostasie qui
te précipitera dans l'abîme de soufre. Ces
1 Non sine lacrymis peto, hortor, moneo et obtestor
per Dei majeslalem et pcr tremendum judicii diem ,
atque adventus Christi terribilem claritatein, ut fixius
teneatis catholicam fidem, asserenies Filium Patri
esse œqualem , et Spiritum Sanctum eamdem hahere
cum Pâtre et Filio deitatem. Seruate itaque unici
iaptismatis graiiam , custodientes chrismatis unctio-
nem. Nemo post aquam revertaiur ad aqitam , renahts
ex aqua. Eugen., Epist., apud Greg. Turon., lib. I,
Hisl. Francor., pag. 46. Cette lettre se trouve aussi
dans Y Histoire de la persécution des Vandales, par
Dom Ruinart, pag. 515.
'^ Greg. Turon., lib. Il Hist. Francor., pag. 46.
3 Gennad., de Script. Eccles., cap. scvii.
'• La profession de foi des évéquea catlioliques
d'Afrique, présentée à Hunéric, et la lettre d'Eugène
à ses concitoyens se trouvent au tome LYIII de la Pa-
trologie latine, &yec une notice par Cave. [L'éditeur.)
[v<= SIÈCLE.] CHAPITRE XXVIII. — SAINT VICTOR, ÉVÊQTJE DE VITE, ETC.
linges , qui t'ont environné ' lorsque tu es
sorti pur des eaux du baptême, redoubleront
ton supplice quand tu seras enseveli dans les
flarumes éternelles , parce que tu t'es revêtu
de malédiction en perdant le sacrement du
vrai baptême et de la foi.» Un autre apostat
nommé Theucarius , qui avait été lecteur et
chargé d'enseigner le chant aux enfants 2,
conseilla d'en rappeler douze qu'il savait avoir
meilleure voix et mieux savoir le chant. Ces
enfants, voyant qu'on voulait les séparer des
autres confesseurs, s'attachèrent avec sou-
pirs à leurs genoux, ne voulant point les
quitter; mais les ariens, mettant l'épée à la
main, les en séparèrent et les ramenèrent à
Carthage. On employa d'abord les caresses
pour les gagner, ensuite les menaces, puis
les tourments . Ils demeurèrent inébranlables .
La ville de Carthage les respecta depuis comme
douze apôtres. Ils vivaient encore lorsque
Victor écrivait , demeurant ensemble , man-
geant à une même table et chantant ensem-
ble les louanges de Dieu.
14. Ce n'était pas seulement les ariens laï-
ques qui se prêtaient à la fureur d'Hunéric :
les évêques et les clercs de cette secte per-
sécutaient plus cruellement les cathohques,
surtout ceux du clergé. Ce fut un évêque
appelé Antoine qui fît mettre saint Eugène
en prison; il chercha même plusieurs moyens
de le faire mourir. Ce fut lui encore qui, voyant
qu'il ne pouvait obliger un saint évêque
nommé Habet-Deum à se faire arien, lui fit
lier les pieds et les mains avec de grosses
cordes et fermer la bouche pour l'empêcher
de crier ; puis il répandit de l'eau sur lui,
prétendant par là qu'il l'avait rebaptisé; en-
suite, l'ayant fait délier, il lui dit comme en
triomphant : « Vous voilà maintenant chré-
tien comme nous, mon frère; vous ne sau-
riez donc à l'avenir ne pas vous soumettre à
la volonté du roi. » Le saint évêque répon-
dit : « Pour êti-e coupable d'une semblaljle
impiété ^, il faut que la volonté y consente.
Mais j'ai toujours conservé la même foi; et
tandis que vous me teniez lié et la bouche
fermée, je faisais dans mon cœur une protes-
461
talion que les anges écrivaient pour la pré-
senter à Dieu. )) Non content de cette protes-
tation , il alla à Carthage présenter une re-
quête à Hunéric, où il se plaignait avec force
de la manière basse et indigne dont on trai-
tait des évêques exilés, à qui l'on ne permet-
tait pas de vivre du moins en repos, après
les avoir privés de leurs biens, de leur Eglise,
de leur patrie et de leur maison. Victor, qui
rapporte le précis de cette requête , dit que
le roi répondit à Habet-Deum : « Allez trou-
ver nos évêques et suivez ce qu'ils vous di-
ront , parce qu'ils ont tout pouvoir en cette
matière. » Ces évêques, secondés des Van-
dales, rebaptisaient tous ceux qu'ils pou-
vaient faire arrêter sur les grands chemins.
Ils allaient souvent eux-mêmes, avec des
troupes de gens armés, dans les villes et les
bourgades, enfonçaient les portes, entraient
dans les maisons, portant de l'eau qu'ils ré-
pandaient sur ceux qu'ils trouvaient endor-
mis dans leurs lits, après quoi ils criaient qu'ils
les avaient faits chrétiens. Les plus éclairés
s'en mettaient peu en peine; mais les plus
simples , se croyant souillés par une espèce
de rebaptisation, se couvraient aussitôt la
tête de cendre et le corps de cilice, ou se frot-
taient de boue et déchiraient les linges dont
on les avait couverts. Cyrila, le prétendu pa-
triarche des ariens, fit enlever à Carthage un
enfant de condition, âgé de sept ans; puis,
lui ayant fermé la bouche, il le plongea dans
les fonts. Cet enfant, se voyant enlevé, criait :
(c Je suis chrétien ! » et sa mère, les cheveux
épars , le suivait par toute la ville. Il usa de
la même violence envers les enfants d'un
médecin nommé Libérât, déjà condamné au
bannissement avec toute sa famille. Les ariens
s'étant avisés de séparer ces enfants, Libérât
en témoigna beaucoup de douleur; mais sa
femme arrêta ses larmes en lui représentant
qu'ils étaient à Jésus-Christ. Quelque temps
après, on sépara Libérât de sa femme, et on
fit entendre à celle-ci que son mari avait obéi
aux ordres du roi. Elle demanda à le voir,
et l'ayant trouvé devant le tribunal, enchaîné,
elle lui fit de violents reproches de son apos-
1 HcEC sunt linieamina quœ te accusabunt, cum ma-
jeslas venerit judicanlis. Custodiuniur diligentia mm
ad testimonium tuœ perdilionis. Hœc te immuculatum
cinxerunt de fonte surgentem : hœc te acrius perse-
(juentur, flammantem gehennam cmn cœperis possidere;
quia indiiisti maledictioiiem, scindens atijiie amittens
veri baptismatis et fidei sacramentum. Vict., lib. V.,
pag. 78.
2 De multitudine pergentium confessonim, siigge-
rente quodam ex lectore Theuchario perdito, quos ille
nouerat vocales strenuos atque aptos modulis canii-
lencB designatione sua debere dicit duodecim infan-
tulos separari j quos ipse cum catholicus esset , tune
discipulos habuit. Ibid., pag. 80.
^ Illa est mortis damnatio ubi voluntatis ienetur
assensio. Ibid., pag. 83.
462
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tasie. Son mari, voyant qu'on l'avait trom-
pée, lui répondit : « Que vous a-t-on dit de
moi? Je suis toujours catholique parla grâce
de Dieu, et je ne perdrai jamais la foi. » Il y
eut, dans le même temps, une grande séche-
resse par toute l'Afrique, qui causa la famine
et ensuite la peste. Ces deux fléaux furent re-
gardés comme une punition divine de la per-
sécution que l'on faisait aux catholiques. On
jugea de même de la mort d'Hunéric, arri-
vée par une maladie de corruption , qui fut
telle, que son corps tomba par partie, étant
tout mangé des vers. 11 avait régné sept ans,
dix mois et dix-huit jours ; les uns mettent sa
mort au 6 décembre 484, d'autres le 13 du
même mois. Il eut pour successeur, non pas
son fils Hildéric, quelque eiiort qu'il eût fait
pour lui transmettre la couronne, mais Gon-
tamond , son neveu, fils de Genton, que le
privilège de l'âge appela à la royauté. Victor,
avant de finir son Histoire, fait une prière très-
touchante aux saints patriarches * de la race
desquels était née l'Eglise qui souffrait alors
sur la terre, aux saints prophètes qui avaient
annoncé longtemps auparavant les persécu-
tions qu'elle endurait, aux saints apôtres qui
avaient parcouru toute la terre pour l'établir,
à saint Pierre constitué du Seigneur pour
veiller sur elle, à saint Paul qui avait prêché
l'Evangile depuis Jérusalem jusqu'en lUyrie,
à saint André qui avait combattu pour la foi
avec tant de force et de courage. Il les presse
de présenter à Dieu les misères et les gémis-
sements de l'Afrique, et d'intercéder si puis-
samment pour elle avec tous les saints, qu'ils
obtiennent enfin sa délivrance. « Nous savons,
leur dit-il, qu'il est indigne de vous de prier
pour nous, parce que les maux que nous souf-
frons ne sont point, comme aux saints, des
épreuves, mais des peines dues à nos péchés;
mais priez du moins poui' de mauvais enfants,
puisque Jésus-Christ a prié aussi pour les
Juifs, ses ennemis. Que les maux que l'on
nous a fait souffrir jusqu'ici, et que nous mé-
ritions, suffisent pour la punition de nos cri-
mes ; que le pardon que nous demandons nous
soit accordé, et que le Seigneur veuille bien
dire à l'ange exterminateur : C'est assez, ar-
rêtez votre bi'as. Personne n'ignore que nous
n'ayons été punis de la sorte que pour nous
êti'e éloignés de l'observation des comman-
dements de Dieu et de sa loi. Mais, proster-
nés la face contre terre, nous vous prions de
ne point mépriser de misérables pécheurs qui
ont recours à vous, par celui qui de l'état de
pauvres pécheurs vous a élevés à la gloire
de l'apostolat. »
15. On a mis, à la suite des cinq livres de Actes <i
VHistoire générale de la persécution des Van- Sint I'mt
dales, les Actes du martyre que souffrit à Car- paenonl.p»
thage l'abbé Libérât , avec six de ses reli-
gieux : Boniface, diacre; Servus et Rustique,
sous-diacres; Rogat, Septime et Maxime. Dans
quelques manuscrits, ces actes font partie du
quatrième ou cinquième livre de Victor de
Vite, en sorte qu'il n'y a point de doute que
ceux qui ont écrit ces manuscrits n'aient cru
Victor auteur de ces actes. Ce qui porte en-
core à le croire , c'est qu'il fait une mention
expresse - de ces sept martyrs dans son
livre V"* de VHistoire générale de la persécution,
se réservant, apparemment, de rapporter
ailleurs les actes de leur martyre, qui, étant
assez longs, demandaient d'être rapportés
séparément. Adon etNotkaire, qui écrivaient
l'un et l'autre dans le ix'' siècle, attribuent
ces actes au même auteur ^ qui a écrit l'His-
toire de la persécution des Vandales. On ne peut
donc faire difficulté de les donner à Victor,
ou du moins à quelque autre écrivain du
même temps, qui était parfaitement instruit
des faits qu'il raconte. Il est dit, dans l'ins-
1 Deprccamini, sanctissimi patriarchœ, de quorum
stii-pe generis nata est, guœ nunc luborat in terris-
Orale , sancti prophetœ , cognoscentes affliciam quam
antea vaticinante prœconio cecinistis. Estote , aposioli
suffragaiores ej'us, guam ut aggregareiis , univarsum
orbem, asoendente in vobis Domino, ut equi velocissimi
cursitastis. Prœcipue tu, béate Petre, quare siles pro
ovibus et agnis,a communi ma g no Domino magna tibi
cautela et sollicitudine commendalis ? Tu, sancte Paule,
gentium magister, qui ab Hierusalem usque ad llly-
ricum prœdicasti Evangelium Dei : cognosce quid
Yandali faciunt ariani , et filii tui gemunt lugendo
captivi. Tu Pelri germane , et non in passione dispar,
gloriose Andréa , qui interpretaris virilis , quoniam
virililer certasti, considéra gemitum Africani populi,
et non displiceat tibi, sed interueni pro nobis ad Deum.
Universique , ing émis cite , sancti simul pro nobis apo-
stoli; sed scimus quia indignum est vobis pro nobis
orare : quia ista quœ evenerunt nobis, non ad proba-
tionem quomodo sanctis, sed malis meritis supplicia
debebantur. Sed et pro malis orale jam filiis, quia et
Christus oravit eliam pro inimicis Judœis. Sufficiant
custigationi quœ juste illata sunt nobis, et jam jamque
deiinquentibus venia postutetur , dicaiurque angelo
percutienti : « Sufficit , jam cohibe manum tuam. »
Quis ignorât hœc nobis probrorum nostrorum scelera
procurasse , aberrantibus a mandatis Dei, et in lege
ejus nolentibus ambulare? Sed prostrati rogamus , ut
7ton spernatis vestros miseras peccatores, per cum qui
vos ad apostolicum cul/nen provexit humiles piscatores.
2 Victor, lib. V., pag. 81.
3 Ruinart., pag. 96.
I
[v" SIÈCLE.] CHAPITRE XXVIH. — SAINT
cription de ces actes, que Libérât et ses com-
pagnons souffrirent sous le règne d'Hunéric ,
le 2 juillet; et dans le corps des actes on met
leur martyre pendant la septième année du
règne de ce prince , c'est-à-dire en 483. Li-
bérât était abbé d'un monastère situé dans
le diocèse de Capse, ville de la Byzacène, dont
Tévéque était alors saint Vindémial. Libérât
fnt amené à Carthage avec six de ses moines.
Ou tâcha d'abord de les gagner par des pro-
messes tlatteuses , en leur proposant une
brillante fortune et même la faveur du roi.
Ils repoussèrentces tentations en criant d'une
seule voix : « Une foi, un Seigneur, un bap-
tême. Avec le secours de Dieu, on ne pourra '
jamais nous faire consentir à réitérer en nous
le baptême , que l'Evangile défend de rece-
voir plus d'une fois, parce que celui qui a été
lavé une fois est entièrement pur et n'a pas be-
soin d'être lavé une seconde fois. Faites ce
que vous voudrez de nos corps, et gardez pour
vous les biens que vous nous promettez et avec
lesquels vous périrez bientôt. Il vaut mieux
soulïrir quelque supplice temporel, que d'en
souffrir d'éternels et de perdre des biens
qui dureront toujours. » Les ariens , voyant
leur fermeté dans la foi de la Trinité et d'un
seul baptême, les mirent, chargés de chaînes,
dans un cachot; mais les fidèles ayant gagné
les gardes par des présents, les visitaient
jour et nuit pour apprendre d'eux à souffrir
avec joie pour la vérité. Hunéric l'ayant ap-
pris, fit augmenter le poids de leurs chaînes
et ordonna qu'on leur fît souffrir des tour-
ments inouïs jusqu'alors. Ensuite il com-
manda de les mettre tous liés dans un vais-
seau rempli de menu bois sec, auquel on mil
le feu lorsque le vaisseau fut en pleine mer.
Le feu s'éteignit aussitôt, et quelque efiort
que l'on fit pour le rallumer, on ne put y
réussir. Maxime , l'un des sept confesseurs,
était extrêmement jeune; les ariens, pour le
détacher des autres, lui disaient : «Pourquoi
cours-tu à la mort? Laisse-là tes compa-
gnons; ne vois-tu pas que ce sont des insen-
sés? 1) Mais il leur répondait avec sagesse
que personne ne le séparerait de son père
VICTOR, ÉVÊQUE DE VITE, ETC. 463
Libérât et de ses frères qui l'avaient élevé
dans le monastère. « J'ai vécu avec eux ,
ajoutait-il, dans la crainte de Dieu; je veux
aussi mourir avec eux, parce que j'espère
participer à la même gloire. Le Seigneur qui
a fortifié les sept frères Machabées, ne souf-
frira pas qu'aucun de nous sept manque à son
devoir. » Le roi , confus et irrité de ce que
ces confesseurs n'avaient pu être consumés
par les flammes, leur fît casser la tête à coups
de rames, comme à des chiens. Leurs corps
furent ensuite jetés dans la mer, qui, au lieu
de les retenir, comme il arrive ordinaire-
ment, les repoussa aussitôt au bord. Cet évé-
nement parut miraculeux , même à Huné-
ric ^, qui en fut touché , mais qui ne se con-
vertit pas. Les fidèles qui étaient présents les
ensevelirent honorablement , ayant à leur
tête le clergé de Carthage, entre autres l'ar-
chidiacre Salutaris et le diacre Muritta, qui
avaient l'un et l'autre confessé trois fois Jé-
sus-Christ. Les corps des saints furent enter-
rés, avec les hymnes ordinaires ^, dans le mo-
nastère de Bigua, qui tenait à la basilique de
Célérine.
16. A la suite des actes du martyre de saint
Libéral , on lit , dans deux manuscrits , une
homélie en l'honneur de saint Cyprien , qui
esl ou de Victor ou d'un auteur de même âge,
puisqu'elle fut prononcée dans le temps que
l'église qui portait le nom de ce saint évêque
de Carthage, était en la puissance de Gensé-
lic et de ses successeurs. On voit, parle com-
mencement de cette homélie , que c'était un
tribut annuel que l'auteur rendait à saint Cy-
prien, le jour de sa fête. Il y cite quelques
paroles tirées du livre des Laps, c'est-à-dire
de ceux qui étaient tombés dans la per-
sécution. Il fait espérer à ses auditeurs qu'ils
seront bientôt délivrés de celle qu'ils souf-
fraient de la part des Vandales, en les assu-
rant que le bienheureux martyr intercédera
pour cela auprès de Dieu. Il leur promet en-
core la protection de saint Corneille, disant
qu'ayant souffert le même jour, il s'unira à
lui dans ses demandes, comme il lui a été
uni dans le martyre.
Ilomélio en
rhoQiieur rie
sainiCTprîen
pag. 11)9.
1 Unus Dominus, una fides, unum baptisma. Non
poierit in nobis adjuvante Domino iterari , quod in
sancto Evangelio semel prœceptum est duri : quia gui
semel lotus est, non habet necessitatem iterum lavari,
quia mundus est toius. Libérât., Pass., pag. 103.
2 Sed cum in mari venerabilia corpora jactarentur,
illico, quod contra naturam est œquoris, eadem hora
illœsa corpora pelagus littori reddere inaturavit :
nec ausum fuit, ut moris est , triduana dilatione in
profundo retiner'e. Ad quod miraculi genus et ipse
tyrannus , licet impœnitens , ut feriur, cxpavit. Ibid.,
pag. 106.
3 Huniatœ sunl igitur reliquiœ cum hymnis solem-
nibus in monasterio Biguœ, contiguo basilicœ quce
dicitur Ceterinœ. Ibid.
464
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Chronique,
pag. 12.
Nolico (l'A-
frique, p&g.
123.
17. Suit encore, dans deux manuscrits, une
petite Chronique anonyme, que l'on n'a mise
parmi les pièces appartenant à l'Histoire de
la persécution des Vandales, que parce qu'il y
en est dit quelque chose. L'auteur la conduit
jusqu'à la fin du vi<= siècle, où il vivait, et la
commence à saint Eugène de Cartilage, dont
il parle comme vivant encore , quoiqu'il fût
mort plus de quatre-vingts ans auparavant.
Mais il est à remarquer que cette Chronique
n'est qu'une compilation mal rédigée où l'au-
teur, sans observer aucun ordre de chrono-
logie, a rapporté les faits mot à mot comme
il les a trouvés racontés ailleurs. Son article
de saint Eugène est tiré de Gennade, qui,
étant contemporain de ce saint évêque, pou-
vait en parler comme vivant lorsqu'il écrivait
son livre des Hommes illustres. Il est parlé,
dans cette Chronique , du rappel des évêques
par Hildéric, roi des Vandales, et de la des-
truction de ces Barbares par le patrice Béli-
saire, sous l'empire de Justinien, et de l'in-
vention des reliques de saint Etienne, de celle
du corps de saint Antoine et de sa transla-
tion à Alexandrie, où il fut inhumé dans l'é-
glise de Saint-Jean-Baptiste; de la mort de
saint Benoit, et des éloges qu'en a faits saint
Grégoire-le-Grand dans ses Dialogues.
18. Pour ce qui est de la Notice d'Afrique,
elle se trouve jointe, dans un manuscrit, à la
profession de foi qui fait le livre IIP de l'His-
toire de "Victor de Vite. Elle est encore citée
sous son nom par Ortélius. Mais cela ne pa-
rait pas assez considérable pour la lui attri-
buer. Il ne parle jamais de cette Notice. S'il
l'eût reconnue pour son ouvrage , il l'aurait
marqué en quelque endroit. On ne peut guère
douter, toutefois, qu'il n'en ait eu connais-
sance; mais apparemment il en a usé comme
de beaucoup d'autres pièces qu'il n'a pas rap-
portées, ne les croyant pas essentieUes à son
dessein. On en trouve quelques-unes dans saint
Grégoire de Tours. Quel que soit l'auteur de
cetteTVo^z'ce;, elle n'a été composée qu'après que
les évêques d'Afrique eurent été envoyés en
exil. Elle ne compte, dans le dénombrement,
que quatre cent soixante-ti'ois évêques, tan-
dis qu'à la fin elle en met quatre cent soixante-
six. Ainsi il faut que l'auteur en ait oublié
trois dans le détail , ou que ce détail ne soit
pas venu entier jusqu'à nous. Elle met Victor
de Vite dans le dénombrement des évêques
d'Afrique, quoiqu'il n'ait pas assisté à la con-
férence indiquée à Carthage. Elle comprend
tous les évêques bannis ou fugitifs sous le
titre général de ceux qui étaient demeurés, par
opposition aux quatre-vingt-huit qui avaient
péri. Ce qui fait voir que , par ces évêques
morts, il faut entendre, non ceux qui avaient
péri dans les tourments, mais ceux qui, par
lâcheté, avaientcédé àlaperséculion. Comme
Victor était vraisemblablement du nombre
des vingt-huit évêques qu'il dit avoir évité la
persécution par la fuite, c'est apparemment
pour cela que son nom se trouve dans la No-
tice. On ne sait point ce qu'il devint depuis
sa fuite.
19. A l'égard de saint Eugène de Carthage,
il fut rappelé à son Eglise en 487, par
Gonlamond, en la troisième année de son
règne '. La dixième, ce prince, à la prière
de saint Eugène, ouvrit les églises des ca-
thohques, et rappela d'exil tous les prêtres
du Seigneur. Ainsi les églises furent ouvertes
dix ans et demi depuis qu'elles avaient été
fermées en vertu de l'édit d'Hunéric. Gonta-
mond étant mort en 496, son frère Thrasa-
mond lui succéda. Quoiqu'il fit profession de
chercher la vérité des dogmes dans l'Ecri-
ture, Dieu ne permit point qu'il la trouvât.
Il s'appliqua, pendant son règne, à pervertir
les catholiques, non par la rigueur des sup-
plices, mais en donnant à ceux qui embras-
saient l'arianisme, de l'argent, des honneurs,
des emplois, et en leur accordant l'impunité
de leurs crimes. Mais outre l'artifice et les sé-
ductions, il fit employer aussi par ses minis-
tres, la rigueur des persécutions ^. Ils arrê-
tèrent saint Eugène à Carthage, et le con-
damnèrent à perdre la vie avec saint Vindé-
miane etLongin. Saint Vindémiane, qui était
évêque de Capse en Afrique, mourut par
l'épée : mais le tyi-an enviant la couronne
du martyre à saint Eugène, lui fit demander,
dans le moment qu'il allait être décapité, s'il
était donc résolu de mourir pour la foi ca-
tholique. Le saint évêque répondit qu'il l'é-
tait, et que c'était vivre pour l'éternité, que
de mourir pour la justice. Alors Thrasamond
fit arrêter l'épée, et relégua ce saint à Albi,
* Gunlamondus tertio anno regni sui cœmeierium
sancii martyris Ârjilei apud Cart/iaginem caiholkis
dari prœcepU , Eugenio Cartliagenensi episcopo , jam
de exilio revocato. Decimo aulem anno regni sui ec-
clesias catluiUcorum aperuit, et omnes Dei sacerdotes,
petente Carthaginensi episcopo, de exilio rewcavit.
Tyr., in Chron., tom. I Canis.
' Greg. Turon., de Glor. Confess., cap. xni.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XXVIU. — SAINT VICTOR, ÉVÊQUE DE VITE, ETC.
4.63
dans le Languedoc, province qui obéissait
encore à Alaric, roi des Gotlis, arien de
même que Tlirasamond. Saint Eugène mou-
rut dans son exil, en 503, dans un lieu ap-
pelé Viance, auprès de la ville d'Albi. Saint
Grégoire de Tours rapporte à ce second exil
la lettre que saint Eugène écrivit en chemin
à son peuple, pour l'exhorter à demeurer
ferme dans la foi de la Trinité et à avoir
horreur d'un second baptême. Nous en avons
parlé à l'occasion du premier exil de saint
Eugène, auquel d'autres la rapportent.
20. Béatus Rhénanus est le premier qui
ait fait mettre sous la presse VHistoire de la
persécution des Vandales, à Bâle, en 1333.
Cette Histoire y est attribuée à Victor de Vite,
ce qui fait voir que les manuscrits dont Béa-
tus se servit, portaient Vite et non pas Utique.
Mais Reinbardus Lorichius, au lieu de Vite,
mit Utique, dans l'édition qu'il en fit à Colo-
gne, en 1337. Celle de Béatus vit une se-
conde fois le jour, à Paris, en 1341, chez
Gahot Dupré. La même année, Barthélémy
Westhemer réimprima à Bâle l'édition de
Lorichius : elle parut dans la même ville,
chez Henri Pétri, en 1533, dans le recueil
des Orthodoxographes. En 1369 , François
Baudouin, célèbre jurisconsulte, fit imprimer
de nouveau à Paris les œuvres de Victor de
Vite, qui furent insérées dans la Bibliothèque
des Pères, imprimée dans la même ville en
1576 et 1389. On les trouve aussi dans la Bi-
bliothèque des Pères de Cologne et de Lyon.
Mais dans toutes ces éditions, Victor est ap-
pelé évêque d'Utique^ excepté dans cefie de
Béatus Rhénanus, dont la première est de
Froben, où on lui donne le nom d'évêque
de Vite. Cette dernière leçon a été adoptée
par Pierre Chiiïlet, dans l'édition qu'il fit des
œuvres de ce père, à Dijon, en 1664, avec
les écrits de Vigile de Tapse. C'est aussi le
nom d'évêque de Vite que Victor porte dans
l'édition de ses œuvres, par dom Thierry
Ruinart, à Paris, chez Muguet, en i 694, in-8°.
Cette édition est divisée en deux parties,
dont la première comprend les cinq livres de
VHistoii^e de la persécution des Vandales ; les
actes du martyre de l'abbé Libérât et de six
de ses moines ; une homélie prononcée le
jour de la fête de saint Cyprien, pendant la-
dite persécution; une petite Chronique où il
est parlé de quelques-uns de ceux qui con-
fessèrent la foi; la Notice des provinces et
des villes d'Afrique, avec les noms des évê-
ques catholiques qui se rendirent à Carthage,
par ordre du roi Hunéric, pour donner des
raisons de leur foi touchant la consubstantia-
lité; et des notes très-recherchées sur tou-
tes ces pièces. La seconde partie est un com-
mentaire historique sur la persécution des
Vandales, dont on marque le commence-
ment, les progrès et la fin. On y voit l'irrup-
tion de ces Barbares dans les Gaules, en
Espagne, en Afrique, en Italie et dans la plu-
part des provinces de l'empire romain. Ce
commentaire parle aussi de la persécution
que fit après la mort d'Hunéric, Gontamond,
son successeur, et de celle de Thrasamond.
Il finit à la paix rendue à l'Afrique par la
victoire remportée sur Gélimer, dernier roi
des Vandales, par le patrice Bélisaire, en
334. [Le tome LVIH de la Patrologie, col. 127
et suiv.^ reproduit l'édition de D. Ruinart,
imprimée à Venise , en 1732 , avec une dé-
dicace au cardinal Othobon , par l'éditeur
Bartenelli; des éclaircissements de Chiflet
sur Victor de Vite, une préface de Sirmond
sur la persécution des Vandales; une disser-
tation de D. Liron sur la vie et les écrits
de Victor, en français ; une autre Vie, par
Baillet.] Les exemples de piété et de zèle
dont les écrits de Victor sont remplis, en ont
procuré des éditions en diverses langues.
Nous en avons deux en français, dont la pre-
mière, qui est de Belleforest, fut imprimée à
Pai'is en 1563. L'autre parut en la même
ville en 1664. Efie est d'Arnaud d'Andilly. Il
y en a une en anglais, qui est de 1603.
X.
30
466
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIAS'nQUES.
CHAPITRE XXIX.
Ântonin, évêque de Girthe; Géréal de Gastèle, Victor de Cartenne,
Asclépius, Voconius, Siagrius, Paul, Pasteur, Servus Dei [écrivains
latins de la dernière moitié du V' siècle], Théodule [écrivain grec de
la même époque.]
Lettred'An-
lonin à Arca-
de. I nter
oper. Victor.
vitens.;edil.
Ruiil.;Paris.
1694, p. 433.
i. Genséric, qui dès l'an 438, avciit com-
mencé à persécuter les évéques, essaya quel-
ques temps après d'engager quatre Espa-
gnols catholiques qu'il avait dans sa cour, à
embrasser l'arianisme, se flattant que par ce
changement ils lui seraient encore plus atta-
chés qu'ils ne l'avaient été auparavant. Leurs
noms étaient : Arcade, Probe, Paschase et
Eutique. Les deux derniers étaient frères, et
Arcade engagé dans le mariage. Leur cons-
tance dans la foi irrita tellement ce prince
barbare, qu'il les proscrivit et les bannit. Il
semble même qu'à ces mauvais traitements,
Genséric ait ajouté divers supplices pour les
contraindre de renoncer à la foi catholique,
et qu'il ait prononcé contre eux une sentence
de mort. Honorât Antonin, évêque de Cons-
tantine ou de Cirthe, craignant qu'ils ne suc-
combassent dans le combat, écrivit à Arcade,
le chef de ces confesseurs, une lettre pleine
de charité et de vigueur, pour le fortifier
dans cette carrière où il devait servir d'exem-
ple aux autres. « Courage, lui dit-il, âme fi-
dèle et confesseur de l'unité; réjouissez-vous,
puisque vous avez mérité de souffrir pour le
nom de Jésus-Christ, à l'exemple des apôtres.
Déjà le serpent est sous vos pieds : il a pu
vous attaquer, mais n'ayant pu vous terrasser,
il est tombé lui-même en votre puissance.
Ecrasez sa tête , de peur qu'il ne s'élève
contre vous dans le combat et qu'il ne vous
ôte la couronne du martyre. » Il représente
à Arcade que non-seulement les anges se
réjouissaient de son combat, mais que Jésus-
Christ même en avait de la joie et qu'il en
était spectateur; que les martyrs l'atten-
daient dans le ciel et lui préparaient la cou-
ronne ; que son combat ne durerait qu'un
moment, mais que sa victoire serait récom-
1 Septcm filios Machabœa mater pro Christo misit
ad mortem. Anton., Epist. ad Arcad.
2 Trihulatio, expoUatio , exilium remissionem titii
contulit peccatonim, mors autem aperit tibi régna cœ-
lurum. Qualis eris, cum te cum sancto Stephano vide-
pensée de l'immortahté; qu'il avait com-
mencé à vaincre, et qu'il ne s'agissait plus
que d'achever ce qu'il avait commencé. «On
sait, lui dit-il, pourquoi vous êtes banni : Dieu
sait tout, et vous ne devez point craindre la
nuée dont le diable tâche de couvrir vos souf-
frances, ni douter qu'en mourant vous ne
deveniez un vrai martyr. » 11 l'anime à la
constance dans la foi et dans les tourments
par les exemples de Job et de la mère des
Machabées. Le premier ne fit aucune atten-
tion ni aux remontrances de sa femme, ni à
celles de ses amis, qui voulaient le détourner
de la fidélité qu'il devait à Dieu. La mère
des Machabées, au Ueu de détourner ses en-
fants de mourir pour * Jésus-Christ, les y en-
courageait : elle mourut elle-même avec joie,
après avoir été témoin du triomphe de ses en-
fants. Antonin fait souvenir Arcade que c'est
Dieu qui l'a créé dans le sein de sa mère et
qui veut aussi le recevoir à la mort pour le
rendre parfaitement heureux, s'il persévère
dans la foi : et afin qu'il ne fût retenu par la
considération d'aucune des choses humaines,
il lui dit qu'elles périront toutes, excepté son
âme, qui vivra éternellement pour être heu-
reuse ou malheureuse ; mais qu'U ne pouvait
point douter de son bonheur en persévérant,
puisque, par l'effusion de son sang, tous ses
péchés lui seraient remis. « Alors quelle joie
pour vous, ajoute-t-il, lorsqu'une mort si ho-
norable vous ayant ouvert le royaume des
cieux, vous vous trouverez avec saint Etienne,
et que vous aurez pour amis ^ saint Pierre
et saint Paul, que vous aviez coutume d'in-
voquer comme vos patrons. Dès ce moment
votre âme verra Jésus-Christ, et votre corps
sera dans un lieu de rafraîchissement, afin
que votre chair voie après la résurrection
ris ? Qualis eris cum Petrum et Paulum, quos rogare
solebas ut patronos , hahebis amicos? Christum mox
tau anima videbii ; et corpus tuiim erit in refrigerio
resurreclionis, ut et ipsa caro videat, quod tua anima,
cum exicrit, mox videbit. Anton., Epist. ad Arcad.
[v« SIÈCLE.] CHAPITRE XXIX. — ANTONIN, ÉVÊQUE DE GIRTHE, ETC.
467
ce que votre âme aura vu aussitôt après sa
séparation d'avec son corps. Priez, pleurez,
demandez du secours, et vous recevrez aus-
sitôt de la consolation dans votre âme. Crai-
gnez les peines éternelles où l'on brûle tou-
jours, où l'on est dans de continuelles ténè-
bres et où le corps et l'âme sont tourmentés.
Attachez-vous à Jésus-Christ. Le moment est
arrivé qui va décider de votre vie ou de votre
mort éternelle. Que vous servira-t-il^ pour
conserver la vie de voire corps, de consentir
à ce que le démon vous demande? Ne savez-
vous pas que la vie de votre corps est au
pouvoir de Dieu , qui peut vous l'enlever
dans le moment que vous aurez abandonné
la loi? » Il le fait souvenir d'un miracle cé-
lèbre en Afrique. Un jeune homme nommé
Théodore ayant confessé la foi sous Julien
l'Apostat , fut tourmenté sur le chevalet.
Pendant que les bourreaux le déchiraient,
il vit un ange d'un visage brillant, qui, avec
un linge mouillé, lui rafraîchissait le visage
et l'essuyait ensuite. Cet ange le consolait
de manière que Théodore ne sentait pas les
tourments qu'on lui faisait souffrir, et l'ange
ne le quitta pas jusqu'à ce qu'il eût con-
sommé son martyre. «Les tourments, ajoute
l'évèque Antonin, sont bien moins sensibles
quand on les endure pour Jésus -Christ ,
parce que la force de l'âme est supérieure
aux douleurs temporelles, et la cruauté des
supplices s'adoucit par l'invocation de Dieu. »
Il assure encore une fois Arcade que sa
mort lui sera non-seulement utile, mais en-
core aux autres , et que s'il remporte la vic-
toire^ elle servira au salut de plusieurs. Et
parce que les ariens prétendaient montrer,
par l'incarnation, que le Fils et le Père ne
peuvent être un même Dieu, il lui explique
en peu de mots la doctrine catholique de la
Trinité et de l'Incarnation , montrant que le
Père , le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu'un
seul Dieu \ et que le Fils s'est incarné sans
que le Père et le Saint-Esprit aient été faits
chair, ni que le Fils, en s'incarnant, ait été
séparé du Père et du Saint-Esprit. Il se sert,
pour le montrer, de l'exemple d'un instru-
ment de musique appelé harpe. Pour que
cet instrument rende un son mélodieux, trois
choses doivent y concourir, l'art musical, la
main et la corde. L'art dicte ce qu'il faut tou-
cher; la main touche, la corde rend le son.
Trois opèrent, mais la corde seule rend le
son qui se fait entendre : ce n'est ni l'art ni
la main qui rendent ce son, mais elles le
produisent conjointement avec la corde. Ce
n'est pas non plus le Père ni le Saint-Esprit
qui se sont faits chair, mais ils ont opéré
avec le Fils le mystère de l'Incarnation : et
comme la corde est seule susceptible du son,
Jésus-Christ seul a pris la chair. L'opération
du mystère est l'ouvrage des trois personnes ;
mais comme il appartient à la corde seule
de rendre le son , l'incarnation appartient à
Jésus-Christ seul. Antonin dit h Arcade qu'il
lui écrivait dans une si grande affliction, qu'à
peine pouvait-il trouver des paroles pour
s'exprimer. 11 lui représente les souffrances
de Jésus-Christ sur la croix , disant que le
Sauveur les avait endurées pour le racheter
de ses péchés ; et parce qu'il paraissait crain-
dre qu'il ne pût en obtenir la rémission, il
l'assure qu'il l'obtiendrait par le martyre;
qu'ainsi il n'avait rien à craindre pour ceux
dont il se sentait coupable -. Il l'assure en-
core que toute l'Eglise priait pour lui afin
qu'il remportât la victoire, et qu'elle se faisait
une joie dans l'espérance de l'honoi'er comme
son martyr, de même qu'elle honorait saint
Etienne. Les exhortations d'Antonin eurent
leur effet : Arcade et ses trois compagnons
souffrirent avec constance les supplices les
plus affreux, et remportèrent par une mort
glorieuse la couronne du martyre , l'an 437,
selon la Chronique de saint Prosper. Dans les
éditions que nous avons de Gennade ^, cette
lettre est attribuée à Honorât de Constantine :
mais un manuscrit du même écrivain, ancien
d'environ onze cents ans, donne à l'auteur
de la lettre à Arcade les deux noms d'Hono-
' Deus unus est, Pater et Filius et Spiritus Sanctus,
et tamen ad solum Chrisium periinet caro. Aliud sin-
gulariter agunt, et tamen ab invicem non recedunt.
Sic et Filins suscepit soins carnem , et tamen non
deseruit Patrem, née se divisit a Pâtre... Ad hanc
cijiharam respice : ut musicum melos sonis dulcihus
reddat, tria pariter adesse videnlur, ars , manus et
cliorda. Ars dictât, manus tanyit, resonat chorda; tria
operantur, sed sola chorda resonat quod auditur : nec
ars, nec mnnus sonum reddmit, sed eum cum clioi'da
pariter operantur : sic nec Pater , nec Spiritus Sanc-
tus suscipiunt carnem , sed tamen cum Filio pariter
operantur. Sonum sola chorda exhibet, carnem solus
Christus suscepit. Operutio in tribus constat : sed quo-
modo periinet ad solam chordam sont redditio , sic
pertinet ad solum Christum carnis humanœ susceptio.
Anton., Epist. ad Arcad.
2 Esio securissimus de eorona; non timeas penitus prœ-
terita quœcumque committere poluisti peccata. Ibid.
3 Gennad., de Script. Eccles.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rat el d'Antonin, ce qui lève la difficulté, cet
évêque ayant apparemment eu ces deux
noms. Sa lettre se trouve dans les Annales de
Baronius, sur l'an 437, dans les Bibliothèques
des Peines; dans les Commentaires historiques
de dom Ruinart , sur la persécution des Van-
dales [et dans le tome L de la Patrologie latine,
col. 568-570, avec une notice historique et
littéraire de Schœneman.]
céréai.évs- 2. Gennade, après avoir parlé d'Honorat-
lèleJon'énû Autouin, fait un article séparé de Céréal,
contra Maxi- ^^^.j^ jjj ^^^j^, ^j^ Africain, sans marquer le
siège dont il était évêque. Mais Céréal se
nomme lui-même évêque de Castèle, à la
tête de l'écrit que nous avons de lui '. On
croit que c'est le même qui est nommé évê-
que de Castèle-sur-Rive, dans la Mauritanie
Césarienne, dans les actes de la conférence
tenue à Carthage , en l'an 484. Pendant son
épiscopat , il y eut quelques villes embrasées
dans le voisinage de son diocèse, et il rap-
porte lui-même cet accident comme un efifet
de la vengeance de Dieu irrité contre les
hommes. Etant venu quelques temps après
à Carthage, Genséric, roi des Vandales, qui
y était alors, lui envoya demander si ce que
l'on disait de ces incendies était véritable.
Comme il racontait au roi ce qu'il en savait,
un évêque arien entra et lui dit : « Voilà ce
que font vos péchés et comme ils obligent
Dieu devons abandonner. — N'est-ce pas vous-
même, lui répondit Céréal, que Dieu aban-
donne, vous qui, sous le nom de chrétien,
donnez la mort aux âmes et ne suivez point
la vraie foi. » Maximin lui porta le défi de
produire deux ou trois passages des saintes
Ecritures sur divers articles de la foi catholi-
que. Il lui en marqua dix-neuf ou vingt, qui
regardent toutes les difficultés que les ariens
avaient coutume de proposer contre le mys-
tère de la sainte Trinité, pour montrer ou
que le Fils n'est ni Dieu ni égal à son Père,
et que le Saint-Esprit n'est pas Dieu. Céréal
s'engagea de lui en fournir non deux ou trois,
mais un grand nombre sur chaque article.
Nous avons l'écrit de Céréal dans la Bibliothè-
que des Pères [et dans le tome LVIII, col.
755 et suiv.] \ On y voit d'abord la Hste des
propositions de Maximin; elles sont au nom-
bre de dix-neuf. Mais il faut que la dix-hui-
tième ait été oubliée, puisque l'écrit de Cé-
réal contient vingt articles ou chapitres. Ce
n'est qu'un tissu de passages dont Céréal tire
de temps en temps quelques conséquences
en faveur de la doctrine catholique contre
les ariens. Il ne presse point son adversaire
par de longs raisonnements, voulant appa-
remment s'en tenir à ce que l'évêque arien
lui avait demandé. Les passages qu'il allègue
sont tirés de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment. Céréal témoigne, dans le dernier cha-
pitre, qu'il lui aurait été facile d'en produire
un plus grand nombre, et porte à son tour
le défi de répondre aux preuves qu'il avait
alléguées. Maximin se voyant dans l'impos-
sibihté de le faire, différait de jour en jour
la réponse qu'on exigeait de lui. Céréal s'en
plaignit à une personne avec qui ils étaient
liés l'un et l'autre. Cet ami commun en parla
à Maximin, qui ne lui fit sur cela aucune ré-
ponse ; de sorte qu'il dit à Céréal : « Retour-
nez-vous en à votre Eglise : Maximin ne veut
point vous répondre, ce qui fait voir qu'il ne
le peut pas. Dieu sera le juge de votre diffé-
rend. 1) Saint Augustin réfuta vers l'an 428
ou 429, un Maximin, arien : mais en suppo-
sant que celui dont nous parlons était à la
conférence de Carthage en 484, il n'est guère
possible qu'il ait déjà été évêque en l'an 428 :
au contraire, il paraît qu'il ne fut évêque
que peu avant la conférence, puisqu'il y est
compté pour le cent dix-neuvième évêque
de sa province.
3. II y eut plusieurs autres écrivains qui
se rendirent célèbres en Afrique, dans le
temps de la persécution des Vandales, par
leur zèle à défendre la foi contre les ariens.
Mais leurs ouvrages sont perdus pour la plu-
part, et nous n'en saurions pas même les ti-
tres, si Gennade n'avait pris soin de les mar-
quer. Cet auteur attribue ^ à Victor, évêque
de Cartonne, dans la Mauritanie Césarienne,
un grand ouvrage contre les ariens, qu'il fit,
dit-il, présenter par les siens au roi Gensé-
ric, ainsi qu'il était marqué dans le prologue
de ce livre. Nous ne l'avons plus, et c'est
mal à propos qu'on l'a confondu avec le pro-
fession de foi rapportée par Victor de Vite
dans son troisième livre de l'Histoire de la
persécution des Vandales. Cette profession de
foi fut présentée, non pas à Genséric, comme
il est dit du livre de Victor de Cartonne,
mais à Hunéric, dans le temps de la confé-
rence de Carthage, en 484. Gennade ajoute
' Geunad., de Viris illust., cap. xcvi.
2 Tome VlllBiblioth. Patr., pag. 671.
3 Gennad., de Vms illust., cap. lxxvii.
[V» SIÈCLE.] CHAPITRE XXIX. — ANTONIN
que Victor de Cartenne avait fait un livre de
la Pénitence, où il établissait , par l'autorité
des divines Ecritures, de quelle manière de-
vaient se comporter ceux qui étaient en pé-
nitence publique. On a cru longtemps que
ce traité était le même que nous avons sous
ce titre parmi les ouvrages attribués à saint
Ambroise ; mais on a découvert depuis qu'il
était de Victor de Tunone, dont il porte le
nom dans un manuscrit de Reims. Ce Victor
écrivait après Gennade. Il dit encore que
Victor de Cartenne avait écrit à un nommé
Basile un livre de consolation sur la mort
de son fils, et que cet écrit contenait d'excel-
lentes instructions. Nous avons un écrit en
forme de discours, parmi ceux qu'on a faus-
sement attribués à saint Basile , et qui porte
le titre de la Consolation. Mais il n'y est point
question de consoler un père sur la mort
de son fils. Ce discours est adressé à tous les
malheureux, particulièrement à ceux qui ,
affligés de la lèpre , se laissaient aller à une
espèce de désespoir, dans la croyance que
Dieu les avait abandonnés. Ce discours n'est
donc pas le même que celui de Victor de
Cartenne '. Quant au recueil d'homélies de
Victor de Cartenne, que Gennade dit avoir
vu et qui était entre les mains des serviteurs
de Dieu, zélés pour leur salut, il ne nous en
reste rien. On ne sait point au juste en quelle
année Victor mourut, mais on le met entre
Rustique, qui gouvernait l'Eglise de Cartenne
en 418, et Lucida, qui en était évêque en
l'an 484.
isciiipius. 4_ Asclépius, évéque en Afrique ^, d'un
petit bourg dans le territoire de Bagaïe en
Numidie, avait écrit contre les ariens, et il
écrivait contre les donatistes dans le temps
que Gennade composait son Catalogue des
hommes illustres. Gennade dit d'Asclépius qu'il
était fort estimé pour son talent de faire des
instructions sur le champ. Ses écrits ne sont
pas venus jusqu'à nous.
voMniui. g. 11 ne nous reste rien non plus de l'excel-
lent ouvrage que Voconius, évéque du Châ-
telet dans la Mauritanie, avait fait sur les Sa-
crements, ni de son traité contre les Juifs, contre
les Ariens et les autres Hérétiques 3. Il y a dans
l'appendice du tome VIII° des œuvres de
saint Augustin un long discours fait aux
néophytes le jour de Pâques, dans lequel
l'auteur déclame contre les Juifs, les païens
ÉVÊQUE DE CIRTHE, ETC.
469
et les ariens. Il dit à ceux-ci qu'ils se croient
bien fondés dans leur cause, parce qu'ils dis-
putent sans que personne leur réponde, sans
qu'il y ait de juges constitués pour examiner
ce qu'ils disent, et dans un temps où tout
favorise leurs erreurs. Ce qui semble avoir
rapport à ce qui se passait à la conférence
de 484. On trouve dans le même appendice
un traité intitulé : Des cinq Hérésies, parce
qu'on y combat cinq ennemis de FEglise,
les païens, les juifs, les manichéens, les sa-
belliens et les ariens. Ce traité fut fait dans
le temps que l'Afrique gémissait sous la per-
sécution des Vandales. Mais on n'a aucune
preuve que ce soit le même que Gennade
attribue à Voconius. La différence du style
ne permet pas non plus qu'on le donne à
saint Augustin sous le nom duquel il est cité
quelquefois par les anciens.
6. Siagrius avait écrit un traité intitulé : siragriuB.
De la Foi, dans lequel il réfutait cei'tains hé-
rétiques qui , craignant qu'on ne divisât la
nature de Dieu, ne voulaient pas qu'on ap-
pelât Père la première personne de la Tri-
nité, ni la seconde. Fils, étant impossible
que le Père et le Fils n'eussent chacun une
nature distincte, d'où il suivait, selon eux,
qu'en donnant aussi à la troisième personne
le nom de Saint-Esprit, il y avait trois natu-
res en Dieu distinctes l'une de l'autre. Ils
se fondaient sur ce raisonnement : quicon-
que est une personne distincte du Père , est
aussi une nature distincte de celle du Père.
Nous n'avons plus cet écrit de Siagrius. Gen-
nade, qui en fait mention *, dit que l'on
voyait encore, sous le nom du même auteur,
sept autres livres qui avaient pour titre : De la
Foi et des règles de la Foi; mais il ajoute que
n'étant pas de même style , il ne croyait pas
qu'ils fussent tous de Siagrius.
7. Un évéque, nommé Pasteur, dont nous pasienr.
ne connaissons pas le siège, composa un pe-
tit écrit en forme de symbole ^, où il rappor-
tait par sentence presque tous les articles
de la foi de l'Eglise. Ilyanatbématisait aussi
diverses erreurs, sans en nommer les auteurs,
excepté les priscillianistes à qui il dit ana-
thème, et nommément à Priscillien.
8. Il ne nous reste rien non plus des deux pa„i.
livres du prêtre Paul, dont l'un était intiulé :
De la Garde de la virginité et du mépris du
monde, et l'autre : L'Institution de la vie chré-
' Tome VI, page 329.— ^ Gennad.j de Viris illust.,
cap. Lxxiu. — 8 Vide tom. IX, pag. 369.
* Gennad., de Vir. illust., cap. lxv.
" Ibid., cap. Lssvi.
470
I3IST0IHE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tienne, ou Be la Correction des mœurs. Ils
étaient adressés à une vierge de' qualité,
nommée Constantia. Gennade jugeait par le
style de cet ouvrage * que l'auteur était né
en Pannonie. Sa manière d'écrire n'avait
rien d'élevé, mais il, assaisonnait son dis-
cours d'un sel tout divin. Il faisait mention
dans son ouvrage de l'hérétique Jovinien,
si ennemi de la continence et de la tempé-
rance, et si amateur des plaisirs et des vo-
luptés, qu'il expira dans le temps qu'il s'y
livrait entièrement.
SMïQsDei. 9. Saint Augustin, dans la lettre quatre-
vingt-douzième à Italique, dame romaine ,
réfute ceux qui disaient qu'on pouvait voir
Dieu des yeux du corps, et qui soutenaient
que tous les saints , après la résurrection, et
même les réprouvés, le verraient en cette
manière. Son principe est, que l'œil ne peut
voir que ce qui occupe quelque espace, ce
qui ne peut se dire de Dieu. Sur ce principe,
il soutient que Jésus-Christ n'a pas vu des
yeux du corps la Divinité. Quelques-uns vou-
lant apporter quelque tempérament à cetle
opinion, que ce Père traite de folie , avancè-
rent que Jésus-Christ n'avait point vu son
Père en cette vie des yeux de la chair, mais
seulement après sa résurrection et son as-
cension, quand il fut transféré en la gloire
de son Père, et que le privilège de le voir
des yeux corporels, avait été une récom-
pense de son martyre. Un évêque, nommé
Servus Dei 2, écrivit contre eux et prétendit
faire voir autant par des témoignages de l'E-
criture sainte, que par des preuves tirées de
la raison, que Jésus-Christ avait toujours vu
par les yeux de la chair le Père et le Saint-
Esprit, depuis le moment qu'il eut été conçu
du Saint-Esprit et enfanté d'une Vierge ,
voulant que cette grâce lui eût été accordée
à cause de l'union intime qu'il y a entre la
nature divine et la nature humaine. A pren-
dre à la lettre l'opinion de cet évêque, elle
est insoutenable, à moins que par les yeux
de la chair, il n'entende, avec les théologiens
1 Ibid., cap. Lxsv.
2 Gennad., de Yiris illusf., cap. lxxxvh.
scholastiques, l'entendement humain de Jé-
sus-Christ.
10. De plusieurs ouvrages que Théodule, Théodaiel
prêtre de Célésyrie^ avait composés , Gennade
n'en avait vu qu'un seul, où Théodule faisait
voir l'accord de l'Ancien et du Nouveau Tes-
tament, contre les anciens hérétiques qui,
à cause de la différence des préceptes et des
cérémonies de l'un et de l'autre, soutenaient
que le Dieu de l'Ancien n'était pas le même
que celui du Nouveau. Théodule faisait voir
que c'était par un effet de la Providence que
Dieu avait donné aux Juifs, par le ministère
de Moyse , une loi chargée de cérémonies
et de lois judiciaires; qu'il nous en avait
donné ime autre, par la présence de Jésus-
Christ^ dans les mystères et les promesses
futures ; qu'il ne fallait pas s'imaginer qu'elles
fussent pour cela différentes; que c'était le
même esprit qui les avait dictées et le même
auteur qui les avait établies; enfin, que la
loi ancienne, qui cause la mort quand on
l'observe à la lettre, donne la vie quand on
en prend l'esprit. Nous avons dans la Biblio-
thèque des Pères ^ un commentaire sous son
nom, sur l'E pitre de saint Paul aux Romains.
Gennade n'en dit rien, et ce qui fait voir qu'il
n'est pas^de Théodule, c'est qu'on y cite un
grand nombre de passages tirés des écrits
d'Œcuménius, qui n'a vécu que plusieurs
siècles après, et que Photius, qui écrivait
dans le ix= siècle, y est cité. Ce commentaire
est une espèce de chaîne, composée de di-
vers fragments des ouvrages de saint Denis
d'Alexandrie, de saint Chrysostôme, de saint
Cyrille, de Gennade, de saint Méthode, de
saint Basile, de Sévérieo, de saint Isidore,
de saint Grégoire de Nazianze, de Théodo-
ret , d'CEcuménius et de Photius. Il y avait
trois ans queThéodule était mort, lorsque Gen-
nade parlait de lui dans son traité des Hommes
illustres. 11 est dit qu'il mourut sous l'empire
de Zenon risaurien. Ce prince ayant régné de-
puis l'an 474 jusqu'en 491, il suit de là que
Gennade a écrit ce traité avant la fin de 494.
• Tom. VIII Biblioih. Patr., pag. 547.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XXX. — MUSÉE, PRÊTRE DE MARSEILLE, ETC.
471
CHAPITRE XXX.
Musée, prêtre de Marseille; Vincent, prêtre des Gaules [
Cyrus d'Alexandrie, Jean d'Antioche [écrivains grecs];
Vigile, diacre [écrivains latins.] *
[Dernière moitié du v" siècle.]
écrivains latins];
Philippe, prêtre;
1. Musée, prêtre de l'Eglise de Marseille,
dont Geunade loue la politesse du style ' et
l'habileté dans l'intelligence des divines
Ecritures, était accoutumé à y trouver des
sens nouveaux et des applications très-lieu-
reuses, par un exercice continuel. 11 avait, à
la prière de saint Vénérius, évêque de Mi-
lan, lire des leçons de l'Ecriture, propres
pour tous les jours de fêtes de l'année, avec
des répons et des chapitres extraits des
Psaumes, qui avaient un rapport aux temps
et aux leçons. Cet ouvrage était reconnu gé-
néralement nécessaire par tous les lecteurs,
parce que, lorsqu'ils s'en servaient dans l'E-
glise, ils trouvaient tout d'un coup et sans
aucune peine tout ce qu'ils devaient lire en
certains jours. Il n'était pas moins utile pour
l'instruction des peuples, et il contribuait
beaucoup, par le choix et l'arrangement des
matières, à rendre la cérémonie de la fête
plus auguste. Musée composa aussi et adressa
à Eustathe, successeur de saint Vénérius,
un excellent et assez long traité des Sacre-
ments, divisé, pour la commodité des lec-
teurs, en plusieurs parties, suivant la diffé-
rence des offices, des temps, des leçons et
des psaumes que l'on chantait dans l'église.
Mais il était disposé de manière qu'il tendait
partout à prier Dieu et à le remercier de ses
bienfaits. Cet ouvrage seul faisait connaître
que Musée était un homme d'un grand sens,
et que son discours n'avait pas moins d'a-
grément que d'éloquence. C'est ce que dit
Gennade, qui ajoute que Musée avait aussi
prêché quelques homélies, dont les person-
nes de piété aimaient la lecture. Musée mou-
rut sous les empereurs Léon et Majorien,
c'est-à-dire en 461, au plus tard. Nous n'a-
vons rien de ses ouvrages.
2. Ceux de Vincent, prêtre des Gaules, ne
sont pas non plus venusjusqu'à notre temps.
Il avait composé un commentaire sur les
' Gennad., de Viris illusi., cap. Lxxix.
2 Ibid., cap. Lxxx.
Psaumes ;mdii5 il n'était point encore achevé
lorsque Gennade vit Vincent à Cannate ^. Cet
écrivain lui lut quelque chose de son ou-
vrage en présence d'un serviteur de Dieu,
qu'il ne nomme pas, et Vincent lui promit
que si Dieu lui donnait des forces et la santé,
il expliquerait de même tout le Psautier. 11
était fort versé dans l'Ecriture, et s'était ac-
quis, à force de lire et d'écrire, un style as-
sez poli.
3. Cyrus était d'Alexandrie et médecin de
profession ^. Après avoir mené quelque
temps la vie de philosophe^, il se fit moine.
Comme il savait parfaitement bien écrire, il
composa un traité contre Nestorius, qu'il ré-
futa avec beaucoup de force et d'éloquence,
mais avec trop de cLaleur. Il employait contre
lui plutôt des syllogismes que des passages
de l'Ecriture, et penchait aussi du côté du
sentiment de ïimothée l'eutychien, croyant
que l'on n'était pas obligé de suivre la défi-
nition du Concile de Chalcédoine, qui oblige
de croire qu'il y a deux natures eu Jésus-
Christ après rincarnation.
4. Jean, qui, de grammairien, devint prê-
tre d'une paroisse d'Antioche, écrivit contre
ceux qui refusaient de confesser deux natu-
res en Jésus-Christ, faisant voir par l'auto-
rité des Ecritures qu'il y a en lui une per-
sonne de Dieu et de l'homme, mais deux
natures, celle de la chair et celle du Verbe.
Il combattit aussi quelques façons de parler,
qui étaient échappées à saint Cyrille d'A-
lexandrie, en disputant contre Nestorius, et
qui pouvaient fortifier la doctrine de Timo-
thée Elure et de ses disciples, c'est-à-dire
des eutychiens. Gennade rejette ce que dit
cet auteur sur ce sujet *, prétendant appa-
remment qu'on ne trouvait rien dans les
écrits de saint Cyrille, qui pût favoriser l'hé-
résie eutychienne. Jean vivait encore loi's-
que Gennade écrivait son traité des Hommes
3 Gennad., de Viris illusi., cap. Lxsxi.
'> Gennad., de Script. Ecoles., cap. m.
472
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Phîl ippe,
prùtre.
Vigile, diacre.
illustres , et s'appliquait à la prédication ,
ayant le talent de prêcher sur le champ et
sans préparation.
5. Philippe, prêtre et disciple de saint Jé-
rôme ', avait composé un commentaire fort
simple sur le Livre de Job ^. Il écrivit aussi
quelques lettres familièpes, où il exhortait à
souffrir avec patience les douleurs et la pau-
vreté. Il ne nous reste rien de cet auteur,
qui mourut sous le règne de Marcien [en
l'an 453.]
6. Geunade attribue à Vigile , diacre ^ ,
une règle pour des moines, qu'on lisait, dit-
il, dans leurs assemblées, et qui contenait
en peu de mots et avec beaucoup de netteté,
toute la discipline de la profession monasti-
que. Cela peut convenir à une règle que Luc
Holstérius a insérée dans son recueil, à la
page 89 de la première partie; [elle a été
réimprimée dans le Codex Regularum, donné
à Augsbourg en 1759, six volumes in-folio,
tom. I, pag. 60-64. On la trouve aussi dans
le tome L de la Patrologie latine, avec des
prolégomènes.]
CHAPITRE XXXI.
Vigile, évêque de Tapse en Afrique.
[Après l'an 518.]
Qui élail
Vigile.
1. On a été assez longtemps sans savoir de
quelle ville Vigile était évêque. Théodule
d'Orléans et Enée, -évêque de Paris, qui
écrivaient l'im et l'alitre dans le ix^ siècle,
en citant un endroit de son premier livre
contre l'Hérésie d'Eutychès, ne le citent que
sous le nom de Vigile, évêque africain*;
mais le père ChifSet dit avoir vu dans l'ab-
baye de Saint-Claude un très-ancien manus-
crit de l'ouvrage de Théodulphe, où Vigile
était appelé évêque de Tapse ^. Il semble
que depuis cette découverte, Ton n'ait plus
clouté que l'auteur des cinq livres contre Eu-
tychès ne soit le même Vigile qui, dans la
Notice des évêques qui assistèrent à la con-
férence de l'an 484, est nommé le dernier
enlre les évêques de la Byzacène ^, et qua-
lifié évêque de Tapse. Il fut sans doute banni
comme les autres par Hunéric, ou contraint
de s'enfuir pour éviter la persécution. Théo-
dulphe et Enée de Paris ^ disent que ce fut
à Constantinople qu'il écrivit ses livres contre
l' Hérésie d' Eutychès . Il insinue lui-même qu'il
était alors en Orient, en disant qu'il avait
tâché d'écrire ce traité d'un style simple, afin
qu'on pût le traduire plus facilement en
grec *. C'était une chose nécessaire ou du
moins très-utile dans ces provinces , où l'hé-
résie d'Eutychès avait encore bon nombre
de partisans. Il se plaint dans le premier
livre ^ de ce que les princes n'employaient
point la sévérité des lois pour les obliger à
quitter l'erreur : ce qui fait voir qu'il n'écri-
vait pas sous le règne d'Anastase, qui, favo-
risant les eutychiens, n'aurait pas souffert
qu'on se plaignit ainsi de son gouvernement.
Ainsi il faut dire que Vigile écrivait contre
ces hérétiques ou sous l'empire de Zenon,
qui semblait les condamner, ou sous Justin,
successeur d'Anastase, c'est-à-dire après
l'an S18.
2. La raison qu'il eut d'écrire contre l'hé-
résie d'Eutychès, fat l'impudence avec la-
quelle ses sectateurs la répandaient, sans
être arrêtés par les décrets des conciles et
par l'autorité despères. « Ils nous accusent , dit
Vigile, d'admettre deux Christs, lorsque nous
disons qu'il y a deux natures en Jésus-Christ,
ce qui serait tomber dans l'erreur de Nesto-
rius. Mais leur accusation est sans fondement.
1 Gennad., de Script. Ecoles., cap. LSil.
2 Des e^t^aits de ce commentaire se trouvent parmi
les œuvres de saint Jérôme, au tome XXIII de la Pa-
trologie laiine , col. 1011, avec un avertissement de
Vallarsi. Le tome LUI de la Patrologie renferme une
notice sur Philippe, tirée de Gave. {L'éditeur.)
3 Gennad., de Script. Ecoles., cap. LI.
' ChifQ., not. in Vigil., pag. 26.
s Ibid., pag. 30. — « Notit. Afric, pag. 133.
' Notis in Vigil., pag. 29.
8 Vigil., lib. I cont. Eutych., pag. 13.
9 Idem, lib. I, pag. 1.
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, ÉVÊQUE DE TAPSE. 473
[V« SIÈCLE.]
« Nous confessons qu'il n'y a qu'un Dieu ', et
que le même qui est Fils de Dieu, est aussi
Fils de l'homme : nous n'admettons pas deux
Fils. Nous croyons que le Verbe s'est fait chair
dans le sein de la Vierge, sans que la nature
du Verbe ait été changée en chair. Nous di-
sons de même que la nature de la chair est
tellement passée en la personne du Verbe,
par son union avec celui qiii s'en est revêtu,
qu'elle n'a pas été consumée dans le Verbe.
Les deux natures demeurent celle du Verbe
et celle de la chair, et de toutes les deux qui
subsistent encore aujourd'hui, est un seul
Christ et une seule personne. » Après avoir
établi la foi catholique en des termes si clairs,
Vigile combat l'hérésie d'Eutychès par divers
raisonnements. « S'il n'y a en Jésus-Christ
aujourd'hui qu'une seule nature, il faut que
l'une des deux qu'il a eue au commencement
ait été détruite. Quelle est cette nature ? Si
c'est l'humaine^ il ne reste donc plus que la
nature du Verbe. Il est donc faux de dire,
que Jésus-Christ viendra à la fin des siècles,
dans la même nature qu'on l'a vu monter au
ciel : car il fut revêtu d'un corps et vu par
des yeux corporels. Ne dit-il pas à ses disci-
ples : Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de
ce que je vous ai dit que je m'en vais à mon Père;
et encore : Il vous est utile que je m'en aille :
car si je ne m'en vais point, le Consolateur ne
viendra point à vous? On ne peut douter que
le Verbe de Dieu, sa Vertu et sa Sagesse n'ait
toujours été dans le Père, même lorsqu'il a
conversé parmi nous dans la chair. De quel
endroit, dit-il donc qu'il ira, et oîi ira-t-il?
Comment nous assure-t-il qu'il ira à son
Père, de qui il n'a jamais été séparé? C'était
aller à son Père et s'éloigner de nous, que
d'enlever de ce monde la nature humaine à
laquelle il s'était uni. C'est de la même na-
ture humaine qu'il est dit qu'elle avait été
enlevée de ce monde, et qu'elle nous sera
rendue à la fin des siècles, selon que nous
lisons dans le livre des Actes : Ce Jésus qui,
en vous quittant, s'est élevé dans le ciel, viendra
de la même sorte que vous l'y avez vu monter.
Nous lisons que le Fils de Dieu a été ense-
veli, nous le croyons tous, nous le prêchons,
et aucun chrétien n'ose en douter. Qu'a-t-on
enseveli de Jésus-Christ? Est-ce le Verbe?
Est-ce l'âme ? Est-ce le corps ou le tout en-
semble? Il est absurde de dire que l'on a en-
veloppé de linceuls le Verbe ou l'âme. Reste
donc à dire que c'est le corps séparé de
l'âme, qui a été enseveli et porté au tombeau
par les mains de ceux qui l'avaient enseveli.
Cela fait voir que les deux natures en Jésus-
Christ ont toujours conservé leur propriété,
et que c'est de la chair seule que doivent
s'entendre tous les devoirs de la sépulture,
quoiqu'on puisse dire en un sens qu'ils ont
aussi rapport au Verbe, parce qu'ils convien-
nent à une chair qui était celle du Verbe. Nous
lisons dans l'Evangile que Jésus-Chi-ist crois-
sait en âge, et qu'il est parvenu jusqu'à l'âge
parfait de la jeunesse. Cet accroissement
s'entend-il du Verbe ou de la chair? Si vous
répondez qu'il s'entend de l'un et de l'autre,
vous admettez un changement dans la nature
du Verbe. Cela ne peut donc s'exphquer que
de la chair, comme c'est à la chair qu'il faut
rapporter ce qui est dit dans les Evangiles de
la Circoncision, des souffrances et de la mort
du Sauveur. Le Seigneur avait prédit dans
Osée qu'il serait la mort de la mort même,
c'est-à-dire qu'il détruirait la mort qui était en-
trée dans le monde par le péché; ne pouvant
souffrir dans sa propre nature qui est impas-
sible, il a pris la nature humaine, dans la-
quelle il a vaincu la mort dans ses propres
retranchements. Si les eutychiens craignent
de reconnaître les propriétés des deux na-
tures, de peur qu'ils ne paraissent admettre
deux Christs, n'accuseront-ils pas les catho-
liques d'adorer trois Dieux, parce qu'ils re-
connaissent dans chaque personne de la Tri-
nité, des propriétés qui distinguent l'xme de
l'autre, et qui appartiennent tellement à
chacune en particulier, que celles qui sont
du Père ne peuvent s'attribuer au Fils, ni
celles du Fils au Saint-Esprit. Il en est de
même de l'incarnation, qui appartient au
Fils de manière qu'on ne peut la rapporter
au Père ni au Saint-Esprit. C'est le Fils pro-
prement qui est né de la Vierge, et non pas
le Père ; c'est du Fils seul qu'il est dit : Ce-
lui-ci est mon Fils bien-aimé. C'est le propre
du Père d'engendrer 2, du Fils d'être né, du
Os6e XIII, 14.
Mallli.iii.n
' Nos unum Deum, eumdemquc Filium Dei et ho-
minis Filium , non duos profitemiir : et ita Ver/mm
incarnatum fuisse, ut tamen Verbi natura non muta-
retur in carnem. Itemque carnis naturam ita per sus-
cipientis commixtioncm in Verbi transisse personam,
ut non tamen fuerit in Verbo consumpta. Manet enim
utraque, id est Verbi carnisque natiirn, et ex his
duabus hodieque manentibus unus est Christus, unaque
persona. Vigil., lib. cont. Eutycli., pag. 4.
■'' Propriimi Patris est ijenuisse, et proprium Filii
natum fuisse, proprium vero est Spiritus Sancti pro-
cedere. Nec omnino reciprocat in aliam personam.
474
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ITim. H, 0,
ICof, Jiv, 21.
Rim. I, 3.
Rom IX C.
Saint-Esprit de procéder. Ce qui est propre
à une personne, ne l'est pas à l'autre; il n'y
a point de réciprocité dans les propriétés. Si
ces trois personnes aj'ant chacune une pro-
priété qui la distingue de l'autre, mais qui
ne l'en sépare pas, ne sont qu'un seul Dieu,
comment le Fils ne serait-il pas un seul
Christ, les propriétés des deux natures de-
meurant entières? «Vigile en donne un exem-
ple dans l'homme en qui les cinq sens, la vue,
l'ouïe, le toucher, le goût et l'odorat, quoi-
que distingués et n'ayant rien de commun
ensemble, ne font néanmoins qu'un homme.
A ces raisonnements il ajoute l'autorité
de l'apôtre saint Paul qui, en plusieurs en-
droits de ses épîtres, distingue en Jésus-
Christ les deux natures, et dit toutefois de
lui qu'il est un seul Christ , Dieu et homme
tout ensemble. Saint Paul, dit-il, va plus loin,
et sans craindre la censure des eutychéens ou
des autres ennemis de l'Incarnation, après
avoir dit que le Sauveur est Dieu et homme,
pour marquer qu'il est un en deux natures,
il dit nettement qu'il n'y a en lui qu'une seule
n Cor. II, 10. personne : Si j'use moi-même d'indulgence,
j'en use à cause de vous aie nom et en la per-
sonne de Jésus-Christ. 11 accuse de témérité
les hérétiques de son temps, qui, entendant
les catholiques dire, lorsqu'ils parlaient de
Jésus-Christ, qu'il est Dieu et homme, infé-
raient de la conjonction et, qu'ils admettaient
en lui deux personnes. Cette façon de parler,
leur dit Vigile, est la même que s'ils disaient :
Celui qui est Dieu, s'est aussi fait homme,
non en perdant ce qu'il était, mais en pre-
nant notre nature. Il attribue aux eutychiens,
mais comme n'en étant pas bien assuré,
d'enseigner que jusqu'à la résurrection Jé-
sus-Christ avait eu deux natures, mais que
depuis il n'en avait plus qu'une. Il réfute ces
hérétiques par les endroits de l'Evangile où il
est dit qu'après la résurrection, le Sauveur,
L„„j,v,,i9, pour montrer la vérité de son corps, buvait et
mangeait avec ses disciples, et le leur don-
nait à. toucher. Il ne servirait de rien de ré-
. pondre qu'il ne commença à n'avoir plus
qu'une nature, c'est-à-dire la divine, qu'a-
près qu'il fut monté dans le ciel , puisque
Mar-. Tiii, l'Ecriture répète souvent que le Fils de
rjonn.ii, 1. l'homme viendra au dernier jour dans la
gloire de son Père. Elle dit encore qu'il
nous sert d'avocat auprès de son Père, et
qu'il intercède pour nos péchés. N'est-ce pas
comme homme qu'il remplit ces fonctions , et
non pas comme Dieu ? Vigile remarque que
l'hérésie eutychienne a pris sa source dans
celle d'Apollinaire et ceUe d'Arius. Il exhorte
ceux qui en étaiejit infectés, de l'abandonner
et de faire pénitence de leur égai^ement. Il
s'engage en quelque sorte de prouver la
doctrine catholique par des témoignages
tirés des éci^ts de saint Grégoire de Na-
zianze, de saint Basile, de Théophile, de .
saint Jean Chrysostôme, de saint Cyrille et
d'autres écrivains illustres de l'Eglise, qui ont
tous suivi la doctrine des deux natures.
3. Il suppose, dans le second livre, qu'il deuSe' ?°
avait allégué ces témoignages, mais nous "'-p'^-'!!.
n'en trouvons ni dans le premier ni dans le se- i
cond livre. Voici l'analyse de ce second livre : ■
« Les hérétiques ne sont tombés dans l'er- »
reur que pour avoir mal pris le sens des di-
vines Ecritures et pour les avoir interprétées
selon leur caprice. Aussi ont-ils donné dans
des hérésies opposées et se sont-ils condam-
nés mutuellement. Les sabelhens, qui n'ad-
mettaient qu'une seule personne dans la Tri- ■.•
nité, ont condamné les ariens qui en recon-
naissaient trois, et les ariens, à leur tour, ont
condamné les sabelliens. Leur combat a été
une victoire pour l'Eglise. II en a été de
même des manichéens et des photiniens :
ceux-là voyant les prodiges que Jésus-Christ
avait faits, n'ont pas voulu le reconnaître
pour homme; ceux-ci le voyant sujet aux
infirmités humaines, ont refusé de l'adorer
comme Dieu. C'est une chose merveilleuse ',
que la vérité ait été confirmée par ceux
mêmes qui l'ont attaquée, et qu'ils aient dit
vrai et menti en même temps. Sabellius est
louable de n'avoir admis qu'une nature en
Dieu ; il est blâmable de n'avoir admis qu'une
personne dans celte nature. Arius a dit vrai
en enseignant qu'il y a en Dieu trois per-
sonnes distinctes l'une de l'autre. Il a avancé
faux en soutenant qu'elles n'ont ni une même
nature ni une même puissance. Jésus-Christ
décide la diiiiculté, en disant : Mon Père et ^^^^
moi sommes une même chose. Par ces paroles,
mon Père et moi, il distingue ce que Sabellius
quod est unicuique personœ specialiler pi'oprium. Si
ergo hœ très personœ singulœ propriafutes suas quitus
significantius distinguantur, non quibus separeniur,
unus est Deus ; quomodo Fitius salva utriusqué naturœ
proprietate, non unus est Christus? Ibid., pag. 9.
1 Grande miraculum ut impugnatione sut veritas
cotifirmetur et verum uterque dicat dam uterque men-
titur. Lib. Il cont. Eutyc., pag. 15.
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, ÉVÊQUE DE TAPSE.
[V« SIÈCLE.]
avait confondu; et par ces autres, sommes
une même chose, il unit ce qu'Arius a séparé.
Les termes une même chose, marquent l'unité
de nature : le mot sommes, la distinction des
personnes. Ce qui est confirmé par la forme
du biiptème : Baptisez les nations, au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, l'unité de
nom dans les trois personnes marquant l'u-
nité de leur nature. Manichée dit vrai en as-
surant que Jésus-Christ est Dieu ; il se trompe
en niant que Jésus-Christ soit homme. Photin
en disant que Jésus-Christ est homme, ne dit
rien que de vrai, quoique ce soit à lui une
impiété de nier la divinité du Sauveur. Il y a
aussi du vrai et du faux dans la doctrine de
Nestorius et d'Eutychès, quoiqu'ils raison-
nent l'un et l'autre sur de faux principes,
comme lorsque Nestorius prétend qu'il y a
deux personnes en Jésus-Christ, parce qu'il
y a deux natures, et qu'Eutychès infère l'u-
nité de nature de l'unité de personne. Vigile
établit la doctrine catholique des deux natu-
res, sur les deux naissances diiïérentes que
l'Ecriture reconnaît en Jésus-Christ, l'une
par laquelle il est né du Père sans temps,
c'est-à-dire de toute éternité, et l'autre selon
laquelle il est né de sa mère sans le secours
d'aucun homme. L'apôtre donne à ces deux
naissances le nom de forme, en disant : Soyez
dans le même sentiment ou a été Jésus-Christ
qui, ayant la foi'me et la nature de Dieu, s'est
anéanti lui-même en prenant la forme et la nature
de serviteur. Ces deux formes sont aussi mar-
quées dans le prophète Isaïe et dans le
psaume xliv^.» 11 montre ensuite, par un en-
droit de la seconde Epitre aux Corinthiens,
qu'il avait déjà allégué dans le premier hvre,
qu'il n'y a qu'une personne en Jésus-Christ.
Par le moyen de l'union des deux natures en
une personne, il explique divers endroits de
l'Ecriture qui, sans cela, seraient inintelligi-
bles. «Par exemple, il est dit dans saint Jean
(jue personne n'est monté au ciel, que celui qui
est descendu du ciel, savoir le Fils de l'homme
473
qui est dans le ciel. Ce n'est pas le Fils de
l'homme qui est descendu du ciel, c'est le
Verbe de Dieu ; mais parce que ce Verbe est
uni à la chair ' d'une manière si ineffable,
que le Verbe est appelé chair, et la chair
Dieu ; et que ce qui est propre au Verbe est
commun à la chair, comme ce qui est propre
à la chair est commun au Verbe, parce que
le Verbe et la chair ne font qu'un Christ et
une seule personne ; c'est à raison de celle
communion de propriétés de chaque nature,
qui est produite par leur union en une seule
personne dans Jésus-Christ, qu'il est dit que
le Verbe avec la chair^ c'est-à-dire le Fils de
l'homme, est descendu du ciel^, quoique le
Verbe seul en soit descendu sans la chair, et
qu'il est dit que Dieu a été enseveli pendant
trois jours dans le tombeau, quoique la chair
seule ait été ensevelie. Lors doue que nous
disons que Dieu a souffert et qu'il est mort''',
que cette expression ne fasse pas peur à Nes-
torius : nous ne paiions ainsi qu'à raison de
l'union des deux natures en une personne;
et lorsque nous disons que Dieu n'a pas souf-
fert et qu'il n'est pas mort, étant entièrement
impassible, qu'Eutychès ne s'épouvante pas
de cette façon de parler : nous ne l'employons
que relativement à la propriété de la nature
divine, qui est d'être impassible. «Vigile allè-
gue sur cela plusieurs passages de l'Ecriture
par lesquels on voit d'un côté que le Verbe
est immortel, et de l'autre, que les souffran-
ces appartiennent à la chair ^ selon la nature,
et au Verbe selon la personne, parce que la
personne du Verbe et de la chair est une et
la même ; en sorte que l'on peut dire que
Dieu a souffert, et que Dieu n'a point souf-
fert; il a souffert à raison de l'union de sa
personne avec la nature humaine ; il est im-
passible selon la propriété de sa nature di-
vine. Il est certain que Jésus-Christ fut cru-
cifié le vendredi, que le même jour son âme
descendit aux enfers, qu'il fut mis dans le
tombeau, qu'il dit au larron : Vous serez au-
1 Quia Ve.rhum cum came iia est inexplicahili modo
unitum, ut ipsumVerbum caro dicaiur,' et caro dicatur
Deus , et quidcjuid est proprium Verbi sit commune
cum carne ; et quidquid est proprium carnis commune
cum Verbo sit; quoniam Verbum et caro unus est
Christus et una persona : idcirco propter liane com-
munionem quam salva naturarum proprietate, personœ
unio prœstat, et Verbum cum carne, id est, Filius ho-
minis legitur descendisse de cœlo, cum solum Verbum
sine carne descendent ; et Deus legitur sepultus et in
monumento tribus jacuisse diebus , cum sola caro se-
pulta est. Lib. 11, pag. 19.
2 Cum ergo dicimus Deum passum et mortuum, non
expavescal Nestorius, quia secundum unionem persoiiœ
dicimus. Rursus cum dicimus, Deum nec passum, nec
mortuum, quia est omnino impassibilis, non formidet
Eutyches, quia secundum naturœ proprietatem dicimus.
Ibid.
3 Passio ergo proprie ad carnem pertinet secundum
'naturam, ad Verbum autem secundum personam, quia
et Verbi et carnis una est eadem persona; ac per hoc
Deus et passus est et non est passus : passus secundum
unionem personœ, impassibilis secundum proprietatem
naturœ. Ibid., pag. 20.
476
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
jourd'hui avec moi dans le paradis. Le corps de
Jésus-Christ ne fut pas ce jour-]à dans le ciel,
ni dans les enfers ; il demeura trois jours
mort dans le tombeau; pendant ces trois jours
son âme fut dans les enfers et non pas dans
le tombeau. Nous disons toutefois avec vé-
rité que le Sauveur fut dans le tombeau,
quoiqu'il n'y ait été que dans sa chair; qu'il
a été dans les enfers, mais en son âme seule;
c'est le même Christ qui, quoique partout,
est distribué en divers endroits : dans le tom-
beau selon son corps, dans les eufers selon
son âme. Nous disons de même de Dieu qu'il
a été dans le tombeau, mais dans sa chair
seule, et qu'il est descendu aux enfers, mais
dans son âme seule. Comme on dit d'un
homme qu'il entend la voix, quoiqu'il ne
• l'entende que par ses oreilles; qu'il voit la
lumière, quoiqu'il ne la voie que des yeux ;
on dit de même de Dieu, qu'il a souffert,
mais dans la chair seule ; et qu'il est impas-
sible, mais selon sa divinité seule ; en un
mot. Dieu a soutfert ' à raison de l'union de
sa personne avec la nature humaine ; il est
impassible .selon sa nature divine. La divinité
a souffert les injures de la passion, mais la
chair seule y a été sensible. » Vigile rejette
sur une crainte mal fondée, la diversité de
langage de quelques catholiques, qui néan-
moins pensaient de même. La plupart crai-
gnaient de dire deux natures, pour ne point
paraître donner dans l'erreur de Nestorius,
qui admettait deux personnes : c'est pour-
quoi, lorsqu'ils voulaient expliquer leur doc-
trine sur ce point, ils se servaient de circon-
locutions, n'osant employer le terme de
deux natures ; d'autres, qui ne laissaient pas
de croire qu'il n'y a en Jésus-Christ qu'une
seule personne, et qu'il est vraiment Dieu et
homme, ne voulaient pas dire que le Seigneur
a souffert et qu'il est mort, de peur de passer
pour infectés des erreurs d'Apollinaire et
d'fiulychès. «Pourquoi, leur dit-il, craignez-
vous de dire deux natures, puisque l'apôtre
a dit deux formes : une par laquelle Jésus-
Christ est Dieu, l'autre selon laquelle.il est
homme ? Saint Athanase a dit deux natures,
et tous les pères grecs et latins ont employé
de semblables expressions, entre autres saint
Hilaire, saint Eusèbe (apparemment deVer-
ceil), saint Ambroise, saint Augustin et saint
' Quod brevi sermone concludam. Passus est Deus
in unione personœ , noti est passas in proprietate , si
quidem passionis injurias divinitas pertulit, sed pas-
sionem sola ejus caro persensit. Vigil., lib. cont. Eu-
Jérôme. Pourquoi craignez-vous encore de
dire que Dieu a souffert, puisque les écrits
apostohques tiennent partout ce langage ?
Confessez de bouche ce que vous croyez de
cœur ^, afm que la divine humanité, l'hu-
maine divinité vous soit propice. »
4. Les eutyclîéens disaient non-seulement
qu'il n'y avait qu'une seule nature du Verbe
et de la chair, mais encore que le Verbe
avait apporté cette chair du ciel et ne l'avait
pas prise dans le sacré corps de la vierge Ma-
rie. C'était renouveler l'hérésie deValentin et
de Marcion, qui assuraient que le Verbe fait
chair n'avait rien pris de notre nature dans
le sein de la Vierge, et qu'il était passé dans
elle comme l'eau passe dans un conduit. Vi-
gile réfute cette erreur, premièrement, par
l'autorité du symbole de Nicée, que les eu-
tychéens admettaient; et ensuite par ces pa-
roles de l'ange à Marie : Le Saint-Esprit sur-
viendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous
couvrira de son ombre : c'est pourquoi le fruit
saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de
Bieu.u L'ange ne dit pas : Ce qui naîtra par
vous, comme s'il eût voulu marquer un sim-
ple passage du Verbe par la Vierge; mais ce
qui naîtra de vous, pour mieux marquer la
vérité et la réalité du corps que le Verbe de-
vait prendre dans le sein de Marie. Quelle
raison y avait-il en effet au Verbe de passer
par le sein de la Vierge, s'il n'en devait rien
prendre? Ou comment serait-il vrai que Jé-
sus-Christ est né de la race de David, ainsi
que dit saint Paul, s'il n'avait pris un corps
dans le sein d'une personne qui fût elle-
même descendue de David? Le Fils de Dieu
ne dit-il pas lui-même dans Isaïe qu'il a été
formé dans le sein de sa mère ? Cela ne peut
s'entendre du Verbe; on doit donc l'expli-
quer du corps qu'il s'est formé dans le sein
virginal. » Vigile rapporte ensuite un grand
nombre de prophéties et de figures de l'An-
cien Testament, qui toutes annonçaient le
Messie et marquaient qu'il devait se faire
homme en s'incarnant dans le sein d'une
Vierge.
5 . Vigile entreprend dans le quatrième livre,
de montrer que la lettre de saint Léon à Fla-
vien et les décrets du concile de Cbalcédoiae
n'ont rien qui ne soit conforme à la doctrine
cathoMque et apostolique. Il commence par
iyC; pag. 21. — ^ Futemini igitur et ore quod corde
ieneiis, ut divina humani/as et Iiumana divinitas pro-
pitietur vobis. Ibid., pag. 23.
troisième l{^
vre, pag. 23t.
Rom. i.
Gai. ly, *.
Isai, XLlXf'
Analyse
quatrième
vre.
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, ÉVEQUE DE TAPSE.
[V« SIÈCLE.]
la défense de l'épître de saint Léon, conti'e
laquelle on objectait qu'au lieu de dire
comme il faisait au commencement de sa
profession de foi : ;iTous les fidèles font pro-
fession de croire ea Dieu le Père tout-puis-
sant, et en Jésus-Christ son Fils unique notre
Seigneur, » le pape aurait dû dire, confor-
mément au décret du concile de Nicée : « En
un Dieu Père et en un Jésus-Christ son Fils.»
Vigile répond que le symbole rapporté dans
la lettre de saint Léon , était absolument le
même qui était en usage dans l'Eglise de
Rome, dès avant le concile de Nicée et dès
le temps des apôtres, et que l'on continuait
à l'enseigner aux fidèles dans la même
forme; que les termes ne portaient aucun
préjudice lorsque le sens était catholique , et
que la façon dont la foi est exprimée dans
ce symbole, a beaucoup plus de rapport à
. ces paroles de Jésus-Christ : Vous croyez en
Dieu, aboyez aussi en moi. Il ne dit pas : « Vous
croyez en un Dieu Père, croyez aussi en un
moi-même; » car qui ne sait pas qu'il y a
un Dieu Père et un Jésus-Cbrist son Fils?
Vigile s'étonne que ceux qui faisaient ce re-
proche à saint Léon, n'avaient pas censuré
encore d'autres expressions qui se trouvent
dans sa profession de foi, entre autres celles-
ci : « Qui est né du Saint-Esprit et de Marie
vierge; » puisque ces termes ne se lisent
point dans le symbole de Nicée. Il fait voir
ensuite que le calomniateur attribuait à saint
Léon plusieurs façons de parler dont il n'y
avait aucun vestige dans sa lettre ; et qu'il en
avait détourné d'autres en un sens absolu-
ment faux et contraire à la pensée de ce saint
pape. Il avait dit : « Celui qui est vrai Dieu,
est aussi vrai homme, et il ne peut y avoir
de mensonge dans cette union où l'humilité
de l'homme et la grandeur de la divinité
gardent les opérations qui leur sont propres.»
Le calomniateur faisait entendre que saint
Léon marquait par là deux personnes sépa-
rées, au lieu qu'il voulait dire seulement
que les deux natures demeuraient en Jésus-
Christ après l'union. « Comment^ ajoute Vi-
gile, ce calomniateur n'a-t-il pas encore ac-
cusé saint Paul, pour avoir distingué deux
choses dans l'homme qui ont chacune leurs
opérations propres et même contraires, c'est-
à-dire la chair et l'esprit? La chai?', dit cet
apôtre, a des désirs contraires à ceux de l'es-
prit, et l'esprit en a de contraires à ceux de la
chair, et ils sont opposés l'un à l'autre. De
même donc que l'homme est un, quoiqu'il y
477
ait deux choses en lui qui ont chacune leurs
opérations pi'opres; de même aussi Jésus-
Christ est un, quoiqu'il y ait en lui une nature
sujette aux infirmités, et une autre qui brille
par ses vertus, c'est-à-dire la chair et le
Verbe. L'apôtre a distingué ces deux natures
en Jésus-Christ, lorsqu'il a dit de lui : Encore
qu'il ait été crucifié selon la faiblesse de la chair,
il vit néanmoins maintenant par la vertu de
Dieu. » Vigile montre que son adversaire
avouant que Jésus-Christ était inconvertible-
ment Homme parfait et Dieu tout ensemble,
il reconnaissait conséquemment les deux na-
tures, et qu'en vain il s'était étendu beau-
coup à prouver qu'il n'y a qu'un Christ, puis-
qu'aucun des catholiques ne le contestait;
mais que c'était à lui une impiété, de con-
clure de l'unité de personne à l'unité de na-
ture, sous prétexte que les deux natures sont
désignées dans le Sauveur par un seul nom,
qui est celui de Christ. Vigile fait voir que
le nom de Christ est le nom propre de la
chair et non pas du Verbe , et que Dieu est
le nom propre du Verbe et non pas de la
chair; que toutefois le Verbe à cause de sa
chair, est Homme-Jésus-Christ, comme la
chair, à cause du Verbe est Dieu-Verbe. Le
nom de Christ signifie Oint : et comme l'onc-
tion ne peut s'appliquer qu'à l'humanité, ij
est évident que le terme de Christ lui appar-
tient. Mais depuis l'union des deux natures,
il n'y a qu'un nom de la divinité et de l'hu-
manité, qui est celui de Jésus-Christ, dont
l'apôtre se sert en parlant des deux natures,
dans l'épître aux Pilippiens. C'est pourquoi
nous croyons et nous prêchons avec le même
apôtre : Un Dieu crucifié et mort dans la na-
ture humaine, qui à cause de son union avec
le Verbe, possède le nom de Dieu. Vigile, fait
un reproche à son adversaire d'avoir cor-
rompu le texte de l'Ecriture, qui, en parlant
de la passion de Jésus-Christ, dit : Et il a été
mis entre les méchants; ce qu'il avait rendu
par ces paroles : « Et il a été mis entre les
morts. » Il lui fait voir qu'il ne savait pas
même se soutenir dans ses erreurs : car ne
voulant pas dire que Dieu fût mort, il avouait
toutefois qu'il avait été sujet aux infirmités
de la nature humaine; ce qui prouvait évi-
demment qu'il s'en était revêtu. Il passe à
une autre accusation contre la lettre de saint
Léon, où nous lisons que « c'est le même ■
qui est vrai Fils de Dieu et vrai Fils de
l'homme : » il suffisait de dire , objectait
l'adversaire : n II n'y a qu'un et même Fils
Philipp. II, G-
I Cor. I, 23.
Isai. LUI, 12.
478
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qui ait été inconvertiblement fait homme. »
Vigile soutient que c'est absolument la même
chose de dire que le même qui est Fils de
Dien^ a été fait homme, et de dire qu'il est
Fils de l'homme. Mais parce que ces derniè-
res expressions pouvaient déplaire à son ad-
, versaire, il lui dit de les effacer aussi du livre
Joan, IS, 3d.
Lac. xTiii 8. des Evangiles, oîi on les lit plus d'une fois,
il montre qu'il n'avait pas mieux réussi en
censurant ces autres paroles de la lettre de
saint Léon : « Chacune des deux natures
opère avec la participation de l'antre, ce qui
lui est propre. » — « Vous ne montrerez ja-
mais, lui dit-il, que saint Léon ait écrit qu'un
certain homme a opéré : il se sert toujours
da lerme de nature , en reconnaissant deux
en Jésus -Christ et non pas deux person-
nes. )) Pourquoi donc, ajoutait le calomnia-
teur, ce pape a-t-il dit : « La naissance de
la chair montre la nature humaine : l'enfan-
teiuent d'une vierge montre la puissance di-
vine. C'est un enfant dans le berceau , et
les anges le louent comme le Très-Haut. Hé-
rode veut le tuer, mais les mages viennent
l'adorer. » N'est-ce pas là reconnaître deux
Christs? — « Cela serait vrai, répond Vigile,
si saint Léon avait dit : autre est celui qui
est dans le berceau; autre celui qui est loué
par les anges. Mais ce père dit que c'est le
même qu'Hérode veut tuer, et que les anges
viennent adorer. Toutes ces façons de parler
de saint Léon, sont pour montrer qu'il y
avait en Jésus-Christ deux natures unies à
une seule personne. C'est cette unité de per-
sonne qui lui fait dire que le même qui
est vrai Dieu, est aussi vrai Homme; et que
quoique autre soit le sujet de la souffrance
commune à l'un et à l'autre, et autre le sujet
de la gloire commune, néanmoins ce qui est
propre à la chair, appartient au Verbe, et ce
qui est propre au Verbe, appartient à la
chair, parce que Jésus-Christ est un dans les
deux natures dont il est composé. » Vigile
montre par un exemple que saint Léon a pu
dire de Jésus-Chi-ist qu'il est mort et qu'il
est la vie, quoique ces deux choses soient
entièrement opposées. «N'est-il ])as dit dans
l'Evangile : Ne craignez pas ceux qui tuent le
corps et qui ne peuvent tuer l'âme. Il y a donc
dans chacun de nous une nature mortelle et
une nature immortelle différentes l'une de
l'autre. La chair meurt en nous, mais l'âme
ne meurt pas. Gomme donc ce n'est qu'un
seul homme qui meurt dans une de ses par-
ties et qui ne meurt pas dans l'autre, de
même il n'y a qu'un Christ, qui est mort
dans sa chair et qui n'est pas mort selon la
divinité. Vigile rapporte un assez long pas-
sage du livre que son adversaire avait com-
posé contre le concile de Chalcédoine, et fait
voir que, s'il s'en tenait à cet écrit, on ne
pourrait douter qu'il ne fût dans des senti-
ments catholiques, puisqu'il y reconnaissait
en Jésus - Christ deux natures subsistantes
avec toutes leurs propriétés, sans que l'une
ou l'autre de ces natures ait souffert de
changement dans leur union en une seule
personne ; mais que ce qu'il bâtissait d'une
main, il le détruisait de l'autre; qu'ainsi on
devait conclure que lui et ceux de sa secte
ne cherchaient qu'à obscurcir la vérité par
leurs mensonges, en parlant d'une manière
et en pensant d'une autre; en reconnaissant
dans leurs écrits deux natures en Jésus-
Christ, et en croyant au contraire qu'il n'y
en a qu'une. 11 fait voir même qu'ils n'étaient
pas plus constants dans leurs écrits, et qu'a-
près y avoir établi la vérité en un endroit,
ils la combattaient en d'autres, et qu'ils tom-
baient dans l'hérésie arienne, en niant la
génération éternelle du Verbe et en mettant
le Fils de Dieu au rang des créatures. « Ils
soutenaient que les pères de Nicée n'avaient
point distingué dans Jésus-Christ l'humanité,
selon laquelle il est moindre que son Père,
ni la divinité, selon laqueUe il lui est égal ;
et qu'ils s'étaient contentés de dire qu'il
était de la même substance que son Père;
d'où les eutychéens inféraient qu'il n'y avait
en lui qu'une seule nature. C'était corrompre
visiblement le sens du symbole de Nicée.
Les pères qui le composèrent, y établirent
premièrement la divinité du Fils et sa géné-
ration éternelle; à quoi ils ajoutèrent qu'il
était descendu du ciel et s'était incarné. Us
mirent nettement une distinction entre la
substance du Fils de Dieu et son incarnation.
Ils dirent de sa substance, qu'elle est coéter-
nelle au Père, et de son incarnation, qu'elle
s'est faite dans le temps, distinguant par là
deux natures en Jésus-Christ, une selon la-
quelle il est né du Père avant tous les siècles ,
l'autre selon laquelle il est né de la Vierge -à
la fin des siècles. Selon la première, il est
coéternel à son Père; selon la seconde, il lui
est postérieur. Par quelle autorité , dit Vi-
gile à son adversaire, osez-vous assurer que
l'on ne peut ^trouver dans Jésus-Christ le
grand et le moindre? N'a-t-il pas dit lui-
même en un endroit : Mon Père est plus grand joau.xiv.s
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, EVÊQUE DE TÂPSE.
[V SIÈCLE.]
que moi; et dans un autre : 3Ion Père et moi
sommes une même chose?)) Les eutychéens di-
saient que le Verbe s'était rendu visible aux
bommes dans sa propre nature, et non par
la chair qu'il avait prise dans le sein de Ma-
rie : en quoi ils s'autorisaient de ces paroles
de saint Jean : Nous annonçons la parole de
vie, qui était dès le commencement^ que nous
avons ouïe, que nous avons vue de nos yeux et
que nous avons touchée de nos mains, u Si cela
est, leur demande Vigile, comment sommes-
nous obligés de croire que les apôtres eurent
seuls le privilège de le voir et de le toucher
après sa résurrection, puisque les soldats qui
le crucifièrent le touchèrent et le virent aussi ?
Ils virent même le Père envoyant le Fils,
selon ce que dit le Fils : Qui me voit, voit
aussi mon Père. L'impiété de cette inter-
prétation doit faire donner un autre sens
aux paroles de saint Jean ; il y est ques-
tion non d'une vue et d'un attouchement
corporel, mais de la foi : ce qui parait
clairement par la suite du discours : Nous
savons que lorsque Jésus -Christ se montrera
dans sa gloire, nous soyons semblables à lui,
parce que novs le verrons tel qu'il est. Cet apô-
tre avait touché Jésus-Chi-ist, il l'avait vu.
Comment donc souhaite- t-il de le voir et
comment met-il sa félicité dans cette vision.
Il ne dit pas, nous Tavons vu, mais, nous le
verrons tel qu'il est. Il ne dit pas, il s'est déjà
montré dans sa gloire, mais, il se montrera.
Pourquoi ces façons de parler, sinon que le
Fils ne s'est point encore montré tel qu'il est,
mais tel qu'il a été fait, c'est-à-dire comme
homme; au lieu que dans le siècle futur, on
le verra tel qu'il est, même selon sa divinité ?
C'est donc par la foi et non par les yeux du
corps que saint Jean dit qu'il avait vu la pa-
role de vie, c'est-à-dire le Verbe, qui était dès
le commencement. »
6. Vigile ne doute pas que l'on ne doive
regarder comme hérétiques ceux qui reje-
taient et méprisaient les décrets du saint
concile de Chalcédoine, et qui poussaient
leur témérité jusqu'à accuser les évoques
dont il était composé, d'avoir abandonné la
foi catholique. Les eutychiens qui étaient de
ce nombre, formaient contre ce concile trois
chefs d'accusation: le premier, d'avoir reçu
479
dans cette assemblée des évêques que l'on
en avait chassés auparavant; le second, d'a-
voir ajouté au symbole de Nicée, et le troi-
sième , d'avoir fait un décret louchant les
deux natures. Vigile emploie son cinquième
livre à répondre à ces accusations. Il dit sur
la première qu'il est du chrétien, et même
digne des apôtres, de recevoir pour le bien
de la paix et de la concorde, ceux que l'on
avait contraint de sortir, peut-être à cause de
leur opiniâtreté dans quelque sentiment.
Saint Paul, qui avait refusé de prendre avec
lui Jean-Marc, quoique saint Barnabe l'en
priât, ne le prit-il pas depuis, considérant
qu'il pouvait beaucoup lui servir pour le mi-
nistère de l'Evangile? Sur le second chef
d'accusation. Vigile dit aux eutychiens qu'ils
ne savent point la règle et la coutume des
conciles catholiques ', qui est de faire des
décrets à mesure que la nécessité des nou-
veaux hérétiques les y oblige, mais sans
toucher à ce que des conciles plus anciens
auraient déjà fait contre les hérétiques de
leur temps. Si, après les décrets du concile
de Nicée, il n'est plus permis de rien recevoir,
par quelle autorité osons-nous assurer que
le Saint-Esprit est de la même substance que
le Père, puisqu'il n'en est rien dit dans ce
concile? Saint Athanase, saint Eusèbe de
Verceil et plusieurs autres, assemblés à
Alexandrie au retour de leur exil, n'y com-
posèrent-ils pas une règle de foi où ils éta-
blissaient la divinité du Saint-Esprit contre •
l'hérésie de Macédonius? Vigile allègue en-
core ce qui se fit dans le concile d'Ancyre
contre la formule de Sirmium ; dans celui de
Sardique et dans celui de Sirmium contre
Photin; mais il n'est pas exact dans ce qu'il
rapporte de ces deux derniers conciles. A
l'égard de la question touchant les deux na-
tures, on ne pouvait pas accuser de nou-
veauté les pères de Chalcédoine, pour l'avoir
agitée, mains encore pour en avoir pris la
matière d'un de leurs décrets. La doctrine
de l'Eglise sur ce point se trouve bien éta-
blie, non-seulement dans les saints pères qui
ont précédé ce concile , comme saint Atha-
nase, saint Hilaire, saint Chrysostôme, saint
Ambroise, saint Basile et saint Augustin,
mais encore dans les divines Ecritures. Pour
Act. X7, 37.
IITim. 17,
1 Deinde alia nova quam quœ concilio Nicœno sta-
tula fuerant Chalcedonensem synodum decrevisse cri-
minantur ; nescienies regulam et consuetudinem con-
ciliorum caiholicorum, sic poslerioribus conciliis, proul
nécessitas emergentium hœreticorum exegerii, sandre
décréta : ut lamen invicta maneant quœ dudum anti-
quiorihus conciliis contra veteres hœreticos fuerint
promulgata. Vigil., lib. V, pag. 57.
480
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
renverser la foi de l'Eglise sur ce sujet, les
eutychiens objectaient qu'il n'y avait point
de nature qui n'eût une personne propre, ni
de personne qui n'eût une nature propre. Ils
mettaient cette alternative pour embarras-
ser les catholiques qui, admettant en Jésus-
Christ deux natures, se trouvaient engagés
par ce faux raisonnement à admettre aussi
deux personnes en Jésus-Christ. Vigile leur
demande des exemples de ce qu'ils allé-
guaient, et parce qu'ils n'en pouvaient don-
ner, il les presse de répondre à cette ques-
tion des ariens : si chaque nature a sa pro-
^ pre personne, et chaque personne sa propre
nature, comment n'y a-t-il pas dans la Tri-
nité trois natures comme il y a trois person-
nes? S'il y a trois personnes et une seule na-
ture, ce que disent les eutychiens est donc
faux, que chaque personne doit avoir sa pro-
pre nature. Il n'y a dans l'homme même
qu'une seule et même personne, quoique la
nature de son âme soit autre que la nature
de son corps. L'exemple de l'homme fournit
encore à Vigile une réponse à ceux qui ne
voulaient point reconnaître en Jésus-Christ
la propriété des natures. « Autre est, dit-il,
d'avoir un commencement et de n'en point
avoir, de pouvoir mourir et d'être immortel.
Ces deux choses néanmoins sont propres à
Jésus-Christ, mais à différents égards : il est
mortel à cause de la nature de la chair : il
est immortel à cause de la nature du Verbe.
L'homme, à cause de son corps, peut con-
server les vestiges des coups de fouets, mais
il ne peut les garder dans son âme. Ces deux
choses lui sont propres, mais sous différents
aspects, à cause de la ditïérence des natures
dont il est composé. » Vigile fait voir par un
grand nombre de passages de l'Ecriture, ti-
rés de l'Ancien et du Nouveau Testament ,
l'exrstence des deux natures en Jésus-Christ;
mais il montre en même temps que les pro-
priétés d'une nature ne peuvent point se dire
des propriétés de l'autre, quoiqu'elles se di-
sent toutes de Jésus-Christ, à raison de l'unité
depei'sonne; qu'ainsi Tonne peut point rap-
porter aux propriétés de la nature du Verbe,
les propriétés de la chair, ni aux propriétés
de la chair, celles de la nature du Verbe.
Les eutychiens disaient qu'il n'y avait au-
cun inconvénient que le Fils de Dieu souffrît
dans sa nature divine pour nous racheter.
Vigile leur demande pourquoi donc il a voulu
naître d'une Vierge? « C'est en cela, dit-il,
que sa charité a paru d'autant plus grande,
que sa mort étant nécessaire pour nous ra-
cheter, et ne pouvant la souffrir dans sa pro-
pre nature, il a pris la nôtre pour accomplir
l'ouvrage de notre salut. » Il accorde pour
un moment à ces hérétiques , que le Fils de
Dieu ait pu souffrir dans sa nature; mais il
soutient qu'ils ne pourront inférer de là l'u-
nité de nature en Jésus-Christ. En effet, il
est dit de lui que parce qu'il s'était rabaissé
jusqu'à la mort de la croix, Dieu l'a élevé à
une souveraine grandeur et lui a donné un nom
qui est au-dessus de tous les noms. Ces expres-
sions doivent-elles s'entendre delà nature du
Verbe ? Y a-t-il eu un temps où il n'ait pas
eu un nom au-dessus de tous les noms? A-t-il
pu mériter par ses œuvres une grandeur
qu'il n'aurait pas eue auparavant? Ces paro-
les de l'apôtre ne peuvent s'expliquer que de
Jésus-Christ comme homme. Vigile passe
ensuite à ce que son adversaire objectait
contre le concile de Chalcédoine. Les évo-
ques, après avoir rapporté tout au long le
symbole de Nicée et celui de Constantinople,
ajoutaient : « Ce symbole suffisait pour la
connaissance parfaite de la religion : car il
enseigne tout ce que l'on doit croire tou-
chant le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et
l'incarnation de Notre-Seigueur. » Cet ad-
versaire, voyant que les pères de ce concile,
après avoir pai-lé des trois personnes de la
Trinité, ajoutaient un article touchant l'in-
carnation de Notre -Seigneur, les accusait
d'avoir ajouté comme un quatrième à la Tri-
nité. Il aurait voulu qu'ils se fussent expri-
més ainsi : « Ce symbole enseigne pleine-
ment ce que l'on doit croire du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, de son incarnation. » —
« S'ils eussent parlé de la sorte, répond Vigile,
ils eussent laissé les fidèles incertains sur
laquelle des trois personnes devait tomber
l'incarnation, ou du moins l'on aurait pu
croire qu'elle regardait le Saint-Esprit, qui
est nommé immédiatement avant le terme
d'incarnation. Ce fut donc pour éviter cette
équivoque que les évêques de Chalcédoine,
après avoir parlé des personnes de la Tri-
nité, marquèrent par un article séparé que
c'était le Fils qui s'était incarné. On voit une
semblable précaution dans le commencement
de l'épître aux Romains. Saint Paul, crai-
gnant que ce qu'il y disait de la résurrection,
ne s'entendît du Saint-Esprit, répète le nom
de Jésus-Christ, afin d'ôter toute équivoque.»
Aux passages de l'Ecritm'e qui étabhssent
les deux natures en Jésus-Christ, Vigile en
Rom. I, 1.
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, ÉVÊQUE DE TAPSE.
, p. »4
[V= SIÈCLE.]
ajoute un grand nombre tirés des anciens
pères de l'Eglise, nommément de saint Cy-
rille d'Alexandrie, de saint Léon, de saint
Hiiaire, de saint Chrysostôme, de saint Au-
gustin et de saint Basile. Il finit cet ouvrage
en rendant gloire à Dieu de ce qu'il pouvait
y avoir de bon, et en demandant pardon à
ses lecteurs, des fautes qu'il pouvait y avoir
faites. Il témoigne qu'il ne l'avait entrepris '
qu'à la prière de ses saints frères, et dans la
confiance au secours de Notre-Seigneur Jé-
sus-Christ.
7. On trouve parmi les œuvres faussement
attribuées à saint Athanase, une Dispute sous
son noTa contre Arius . Mais dès 1535, George
Cassandre l'a restituée à Vigile de Tapse
dans l'édition qu'il en fit à Cologne; en quoi
il a été suivi par le père CbiflQet, appuyés
l'un et l'autre sur le témoignage même de
Vigile -, qui, dans son cinquième livre conf?'e
Eutychès, reconnaît qu'il avait composé des
livres contre Sabellius, Photin et Arius, sous
le nom de saint Athanase, et qu'il les avait
écrits en forme de conférence et de dispute,
où Athanase et Arius défendaient chacun la
cause de leur patrie en présence d'un juge
nommé Probe. Nous avons deux exemplaires
ou deux éditions de cet ouvrage, très-diffé-
rentes l'une de l'autre. Dans la première,
Athanase parle seul avec Arius. Dans la se-
conde, Sabelhus y fait aussi son personnage,
et défend les* erreurs de sa- secte. La pre-
mière est précédée d'un prologue, où l'on
voit un précis de ce qui s'est passé dans l'E-
glise au sujet de l'hérésie arienue, sous l'em-
pire de Constantin et de son fils Constance.
On y trouve aussi une lettre qu'on suppose
avoir été écrite par Constantin à Probe pour
juger du difierend entre Athanase et Arius.
A la tête de la seconde sont deux préfaces,
dont l'une est une lettre à Materne qualifié
pape, où l'auteur suppose que la conférence
481
a été véritablement tenue entre Arius et
Athanase. Il reconnaît au contraire dans la
seconde qu'il a feint cette conférence pour
exprimer ses pensées avec plus de netteté
et d'agrément. Outre que cette seconde édi-
tion est beaucoup plus ample que la pre-"
mière, et que Sabellius et Photin y parais-
sent pour la défense de leur doctrine, on y
a joint la sentence prononcée par Probe,
parties ouïes : elle forme un troisième livre ;
les deux autres font la première et seconde
séance de la conférence. Le père ChifElet
conjecture que ces deux éditions sont de Vi-
gile, et qu'il composa la première lorsqu'il
était encore en Afrique, sous la domination
des Vandales, « ce qui l'empêcha, dit-il, de
s'en avouer auteur ; » et qu'il fit la seconde
en Orient, où étant en plus grande liberté, il
retoucha non-seulement la première et l'aug-
menta de beaucoup , mais avoua encore ,
qu'il avait faussement pris dans sa première
le nom d' Athanase, et qu'il avait encore écrit
d'autres livres contre Maribade ou Varibade
et contre Pallade,tous deux partisans de l'a-
rianisme. Mais ce ne sont que des conjectu-
res, et il faut convenir qu'on ne sait pas bien
d'où vient la grande différence qu'il y a en-
tre ces deux éditions. Le plus fort de la dis-
pute entre Athanase et Arius, dans l'une et
dans l'autre de ces éditions, roule sur la nou-
veauté des termes employés dans les profes-
sions de foi, particuhèrement sur le terme
de consubstantiel, inséré dans le symbole de
Nicée. Arius en fait son grand argument,
soutenant que ce terme ne se trouvant pas
dans les divines Ecritures, il ne devait pas
être employé dans une formule de foi. Atha-
nase soutient, au contraire, que la doctrine
que ce mot renferme, étant aussi ancienne
que les apôtres, il ne devait pas paraître
nouveau. Il ajoute qu'il avait toujours été
d'usage dans TEglise ^ de changer les noms
• Quœ quoniam simplicioribus quibusque nonnullum
videntur dubietatis scrupulum excitare ; idcirco ea
hortatu sanctorum fratrum, in adjutorio Domini Dei
nostri , consideranda et refutanda suscepi. Vig. ,
lib. IV, pag. 34.
2 Et quanquam de conciliorum diversis sanotionibus
et nominum religiose addiiis novitatibus , plenissime
in eis libris qiios adversus Sahellium , P/iotinum et
Arianum sub nomine Athanasii, tanquam si prœsenies
cum prœsentibus agerent ; ubi etium cognitoris per-
sona videtur inducla , conscripsimus ; a nobis fuerit
expressum. Vigil., lib. V cont. Eulyc, pag. 58.
3 Ecclesiœ semper morù est disciplinœ , si quando
hœreticorum nova docirina exsurgil,contra insolentes
quœstionum novilates rehus immutabil iter permanen-
tibus nominum vocabula immuiare et significantius
rertim naturas exprimere... In ipso prœdicationis
christianœ religionis initia , omnes qui credebant Do-
mino nostro Jesu Cliristo, non chrisiiani sed discipuli
tantwnmodo nominabantur : et quia multi novorum
dogmatum auctores exstiterunt doctrines obviantes
aposlolicœ, omnesque seciatores suos discipulos nomi-
nabuni ; tune apostoli coywenientes Antiochiam omnes
discipulos novo nomine, id est christianos appellaruni,
discenwntes eos a communi falsorum discipulorum
vocabulo. Hanc ergo ab apostolis traditam in novis
ulendo nominibus formam Ecclesia retinens contra
diverses hœreticos, ut sana fidei ratio postulabat, di-
versas edidit nominum novilates. Vigil., lib. II Dial.
cont. Arian., pag. 94, 96.
31
482
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
et les termes pour mieux exprimer la nature
des choses, lorsque la naissance de quelque
hérésie le demandait, sans toucher néan-
moins aux choses signifiées par ces termes.
» Dans les commencements de l'établissement
de l'Evangile, dit-il, tous ceux qui ci'oyaient
en Notre-Seigneur Jésus-Christ ne se nom-
maient pas chrétiens, on leur donnait le nom
de disciples ; et ce nom était commun tant
aux disciples des apôtres, qu'à ceux qui s'é-
taient attachés à certains novateurs, comme
à Dosithée et à Théodas. Mais lorsque les
apôtres s'assemblèrent à Antioche, ils con-
vinrent entre eux, qu'ils appelleraient à l'a-
venir leurs disciples du nom de chrétiens,
pour les distinguer de ceux qui s'attachaient
à de faux apôtres. L'Eglise a imité la con-
duite des apôtres dans les siècles suivants,
mettant en usage, pour marquer mieux sa
croyance, des termes qui n'y avaient point
encore été. Elle a donné au Père le nouveau
nom à'innascible et de non engendré, pour
s'opposer à l'hérésie de Sabellius, qui avait
avancé que le Père était né de la Vierge :
ces termes néanmoins ne se lisent pas dans
l'Ecrilure. Les ariens eux-mêmes dans leurs
professions de foi, disaient que le Père est
impassible, que le Fils est Dieu de Dieu, lu-
mière de lumière, termes inconnus aux pro-
phètes et aux apôtres, et dont aucun n'est
employé dans le symbole qu'ils nous ont
donné. Les sabelliens et les photiniens qui
trouvaient leur hérésie détruite dans ces for-
mules ariennes, ne pouvaient-ils pas dire à
leurs auteurs, comme ils disaient eux-mê-
mes aux catholiques? Pourquoi vous servez-
vous de termes dont les divines Ecritures ne
se servent pas? Eunomius qui soutenait le
Fils dissemblable au Père, pouvait encore
demander aux ariens^ par quelle autorité ils
avaient dit dans des professions de i'oi faites
en plusieurs de leurs conciles, que le Fils est
semblable au Père , vu que ni le Père ni le
Fils n'ont point usé de ce terme. » La consé-
quence que Vigile tire de ce raisonnement,
est que les ariens ne pouvaient disconvenir
que l'Eglise ne puisse mettre en usage de
nouveaux termes propres , non-seulement
pour exprimer clairement sa doctrine, mais
encore pour éluder tous les subterfuges des
hérétiques, lorsque la nécessité ou l'utilité
de la foi l'exige; qu'ainsi elle a été en pou-
voir d'insérer dans le symbole le mot de cou-
substantiel, pour marquer que le Fils est de
la même substance que le Père.
8. Après la Conférence d'Athanase avec
Arius, Sabellius et Photin, on trouve dans
l'édition du père ChifHet, douze livres sur la
Trinité, qu'il croit être de Vigile de Tapse.
Les huit premiers ont souvent été imprimés
sous le nom de saint Athanase; mais le style
fait voir qu'ils ont été écrits originairement
en latin ; on y voit d'ailleurs un grand nom-
bre de façons de parler, que ce Père n'em-
ploie jamais; ils ne lui sont attribués par au-
cun ancien écrivain, et on ne connaît point
de manuscrits' grecs des œuvres de ce Père,
où il en soit même fait mention. Le neu-
vième livre n'a aucune haison avec les pré-
cédents, c'est une profession de foi qui com-
mence par ces paroles : « Je crois en Dieu
le Père tout-puissant. » Le dixième est une
exposition de la foi catholique. Le onzième
renferme la profession de foi des ariens et
celle de saint Athanase. Le douzième traite
de la Trinité;, et du Saint-Espi'it. Les raisons
du père Chifflet pour donner ces douze livres
à Vigile de Tapse , sont : Premièrement ,
Que dans les manuscrits ils sont joints à la
Conférence ou à la Dispute contre Arius, Sa-
bellius et Photin, qu'on ne doute point être
de Vigile. Deuxièmement , que Vigile, dans
la préface de ses hvres contre Varimade, dit
qu'étant à Naples, dans la Campanie, un
homme de piété lui avait donné quelques
propositions de ce Varimade, et qu'il y avait
répondu par un autre ouvrage sur l'Unité de
la Trinité, divisé en plusieurs livres. La pre-
mière de ces raisons n'est pas convaincante.
On sait que les copistes ont coutume de
joindre dans un même recueil différentes
pièces; qu'ils s'attachent néanmoins à mettre
ensemble celles qui portent le même nom :
ce qui est arrivé en cette occasion : car la
Dispute contre Arius, Sabellius et Photin, avait
en titre le nom de saint Athanase, de même
que les huit livres de la Trinité. La seconde
serait sans réplique, s'il était constant que
les trois livres contre Varimade, fussent de
Vigile de Tapse. Ce qui paraît le prouver,
c'est que Vigile, dans sa Dispute contre Arius,
Sabellius et Photin, dit qu'il avait fait un écrit
contre Maribade, diacre arien, et il en cite un
long passage où il s'en trouve quatre des
Epîtres de saint Paul '. Le père Chifflet
prétend que Maribade et Varimade ne sont
qu'un même nom changé ou par l'erreur des
copistes, ou à dessein par Vigile : cela peut
» VigiL, lib. ir, pag. 183.
Douze 1
vres sur
Tnn'.té, Jitt
buéijs à \
gile.pag. «J
fl
[y SIÈCLE.
CHAPITRE XXXI. — VIGILE, ÉVÈQUE DE ÏAPSE.
483
être, mais on ne trouve point dans les livres
contre Varimade le passage que Vigile ci le
de son écrit contre Maribade. Ce sont donc
deux ouvrages tout différents, et dès lors le
témoignage allégué de la préface des trois
livres contre Varimade, pour donner à Vigile
les douze livres sur la Trinité, n'a plus au-
cune force. Le père Chifflet s'est efforcé de
trouver le passage rapporté dans la Dispute
contre Arius ', dans les livres de la Trinité,
et dans d'autres; mais il n'y a pas réussi, et
d'ailleurs il n'était pas question de cela. 11
fallait le trouver dans les livres contre Vari-
made : ce qu'il n'a pu faire. Il aurait dû s'é-
pargner ce travail inutile, en disant que le
passage cité des livres contre Varimade en a
été retranché. C'est la solution la plus aisée,
elle ne paraîtra pas sans fondement, quand
on se souviendra que l'on a aussi retranché
du premier livre de Vigile contre les Euty-
chéens, plusieurs passages des pères grecs,
qu'il promet à la fin de ce hvre, et qu'il sup-
pose à la fin du second, avoir donnés. Dans
cette supposition, il faut le reconnaître au-
teur des livres szM- fa Trinité, particulièrement
des huit premiers qui font un ouvrage suivi.
Il faudra encore lui attribuer le livre de l'U-
nité de la Trinité contre les ariens, et qui est
en forme de dialogue entre Félicien arien,
et saint Augustin ^. Car il se l'attribue lui-
même dans la préface des livres contre Vari-
made, et on le trouve sous le nom de Vigile
de Tapse, dans un manuscrit de Dijon de
près de huit cents ans ^.
9. Il est vrai que les livres contre Varimade
portent le nom d'Idacius Clarus. On connaît
deux écrivains du nom d'idace : le premier,
qui florissait sous les règnes du Grand Théo-
dose et de Valenlinien, est surnommé Clarus
dans Isidore de Séville, qui lui attribue un
traité en forme d'apologie contre les priscil-
lianistes *. Mais il ne peut être auteur des
trois livres contre Varimade, qui n'ont été
écrits que dans le temps que les ariens met-
taient leur confiance ^, non en la puissance
de Dieu, mais en la force orgueilleuse des
rois infidèles, c'est-à-dire d'Hunéric, qui ne
régna que plus de soixante ans après le
Grand Théodose. L'autre Idace fut fait évê-
que de Chiaves dans la GaHce, vers l'an 427.
Nous avons de lui une Chronique qu'il con-
duit jusqu'à la troisième année d'Anthémius,
qui est la quatre cent soixante-neuvième de
Jésus-Christ. On ne sait point qu'il ait vécu
plus longtemps, et les anciens qui parlent
de lui, ne lui donnent point d'autres ouvra-
ges que sa Chronique. D'ailleurs il n'est sur-
nommé nulle part Clarus. Cela' n'est dit que
de l'ancien Idace, qui écrivait sous ïhéo-
dose-le-Grand. Il ne servirait de rien d'ob-
jecter, que Vigile n'avait ni l'un ni l'autre
de ces noms : c'est une chose convenue,
qu'il avait coutume de cacher son nom et de
prendre ceux des personnes qui avaient vécu
avec réputation de savoir dans l'Eglise. Vi-
gile n'avait d'abord composé qu'un écrit
contre Varimade, s'étant engagé à ce travail
parles instances que lui en avait faites quel-
que personne de piété. Il en fit depuis un
second, où, en faveur des simples fidèles, il
répond aux chicanes des ariens, qui se plai-
gnaient qu'on les attaquait par des paroles
et des raisonnements humains, et qui de-
mandaient qu'on les combattît plutôt par des
passages de l'Ecriture. C'est pour cela que
tout l'ouvrage contre Farwnarfe, n'est presque
qu'un recueil de passages de l'Ecriture, ré-
duits sous certains titres. Ils sont en forme
de demandes et de réponses ; mais c'est tou-
jours l'auteur qui propose les difficultés et
qui y répond : il n'emprunte le personnage
de personne. Dans le premier livre, il pro-
pose et résout les objections de Varimade
contre la Trinité, et surtout contre la divinité
du Verbe. Il fait la même chose dans le se-
cond, par rapport à ce que le même Vari-
made objectait contre la divinité du Saint-
Esprit. Le troisième hvre est employé à
prouver par l'autorité des Ecritures , tous
les articles de la foi catholique sur la Tri-
nité,
10. Vigile, après avoir fait dire, dans la se- r.iïrecontro
conde édition de sa Conférence d'Athanase ^ , ^^aè'qaà J*-
qu'il ne répondait qu'en un mot à Arius, [rfbaéî'àvi-
parce que le bienheureux Ambroise avait '"'°' '"'''• "''
parlé plus amplement de toutes ces choses
dans ses écrits sur la foi , c'est-à-dire dans
les cinq livres qu'il écrivit sur cette matière,
à la prière de l'empereur Gratien, ajoute que
Pallade, évêque de la perfidie arienne, avait
fait un écrit pour réfuter ce saint évêque
« qui, comme je le crois, dit Vigile, était
déjà mort. Pallade, continue cet auteur, avait
prévenu tout ce qu'Arius pourrait objecter
fit seq.
Pliilip. II, 8.
» Chiffl., in not., pag. 66, 67.-2 Vigil., pag. 331.
3 ïom. II, pag. 668. — ' Isid., de Sci-ipt. ecdes.,
cap. II. — 5 Vigil.,
" Vigil., pag. 187.
prœf. in Varim., pag. 358. —
484
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
contre la foi. Et comme j'ai déjà répondu à
Pallade par un livre , il vaut mieux me con-
tenter d'y avoir expliqué, avec le secours de
la grâce, ce que j'omettrai ici, afin qu'Arius
se voie aussi vaincu dans Pallade.» On voit,
par ces paroles , que Vigile avait fait un ou-
vrage pour réfuter celui de Pallade contre
saint Ambroise. Nous n'avons plus cet écrit
de Vigile; mais le père Chifllet prétend, sans
en donner de bonnes raisons, que les actes
du concile d'Aquilée, que nous avons parmi
]es Lettres de saint Ambroise et dans les Col-
lection des conciles, depuis celles de Merlin
en 1S35 et celles de Grabbe en 1538, font une
partie de l'ouvrage de Vigile, et que l'autre
partie est un traité attribué à saint Ambroise
sous le titre : De la Çonsubstantialité et de la
divinité du Verbe. C'est sur ce principe qu'il
a mis cet ouvrage dans le recueil de ceux
qu'il croit être de Vigile. Mais on ne doute
plus que la première partie ne renferme les
vrais actes du concile d'Aquilée en 381 S et
que la seconde ne soit le livre de la Foi de
saint Grégoire d'Elvire, dont on a fait quel-
quefois la quarante-neuvième oraison de saint
Grégoire de Nazianze. Il est du moins certain
que ce traité ne peut être de Vigile ^, puisqu'il
a été cité par saint Augustin 3. Il y a moins
de difficulté à donner à Vigile les solutions de
quelques objections des ariens, que le père
Chifllet a trouvées jointes à la première édi-
tion de sa Conférence contre les ariens , dans
quatre manuscrits; elles sont assez de son
style. On les trouve encore dans une autre
conférence, où l'on introduit saint Augustin
avec Pascentius, arien. Elle est imprimée
dans l'Appendice du 'tome II des œuvres de
ce père , et rejetée comme supposée , parce
qu'on n'y trouve ni la solidité des raisonne-
ments de ce père, ni les emportements de
Pascentius; que d'ailleurs celui-ci ne voulut
jamais permettre que l'on écrivît ce qui se
dirait dans leur conférence; enfin que Pos-
sidius ne parle que d'une conférence avec
Pascentius, au lieu que l'auteur de l'écrit,
dont nous parlons, suppose qu'il y en avait
déjà eu une précédente. Cassiodore attribue
à Vigile, évoque d'Afrique*, un discours fort
ample et très-exact sur les mille ans dont il
est parlé dans l'Apocalypse. C'est tout ce que
nous savons de cet écrit. On attribue aussi
• Tom. V, pag. 658. — '^ Tom. VI, pag. 59.
s Aug., Epist. 148, tom. Il, pag. 500.
' Cassiod., Institut, divin., cap. TX.
communément à Vigile de Tapse le symbole
qui porte le nom de saint Athanase.
11. Les raisons que l'on en donne sont : Losymbuio
Premièrement, que ce symbole a été fait ex- nase varai'i
, . , , . cire de Vi-
pressement contre les ariens , les nestoriens gi'e.
et les eutychéens. Or, Vigile a non-seulement
écrit contre tous ces hérétiques, mais il s'est
encore servi d'expressions qui sont employées
àpeuprèsdanslesmêmestermes dans ce sym-
bole. Pour montrer,- dans son livre cinquième
contre les eutychéens ^, que quoiqu'il y ait
en Jésus-Christ deux natures, elles ne font
néanmoins qu 'un seul Christ, il allègue l'exem-
ple de l'homme qui est un , quoiqu'il soit
composé d'âme et de corps , qui sont deux
natures ditférentes. Le même exemple est
allégué dans ce symbole. Deuxièmement, ce
symbole est postérieur au concile de Chalcé-
doine, et on trouve des manuscrits, qu'on dit
être du vi'' siècle, où on le lit tout entier ou
en partie ^. Vigile a écrit sur la fin du v° siècle
et au commencement duvi"='. Si ce symbole
eût été connu avant l'an 438, saint Léon, qui
dans la lettre qu'il écrivit cette année-là à
l'empereur Léon, emploie toutes sortes de
témoignages pour la confirmation de la doc-
trine cathohque , aurait-il négligé d'en tirer
de ce symbole ? En 670 , le concile d'Autun
ordonna à,,lous les ecclésiastiques ^ de l'ap-
prendre par cœur, sous peine d'être con-
damnés par leurs évêques. Il parait, par le
quatrième concile de Tolède en 633 , qu'il
était connu en Espagne, puisqu'il se sert
d'expressions toutes semblables à celles qu'on
lit dans ce symbole. Troisièmement, il a été
écrit originairement en latin : on ne le trouve
en grec dans aucun manuscrit, quoiqu'il porte
souvent le nom de saint Athanase. Quatriè-
mement, c'était la coutume de Vigile de pu-
blier ses ouvrages sous des noms empruntés,
soit pour leur donner plus de cours, soit pour
quelque autre raison. 11 prenait volontiers ce-
lui de saint Athanase, comme on le voit dans
son Dialogue contre les aj-iens, et c'est le nom de
ce père qui parait ordinairement à la tête de
ce symbole dans les manuscrits et dans les
anciens auteurs qui l'ont cité.
12. Le style de Vigile est grave , simple, jugsnui
clair et naturel, sa doctrine est pure : il l'é- Biiliiaps
-,. - . ... liditions
tabht par des raisonnements solides et par sesécms.
des autorités sans réplique tirées de l'Ecri-
^^ Vigil., Iih.V, cont. Eutyck., pag. 61.
6 Anthelm., Dissert., pag. 21, 24, 26.
' Tom. V, pag. 292. — s Tom. VI, Conc, pag. 536.
[w SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — EUPHÉMIUS DE CONSTANTINOPLE.
ture avec choix, et des écrits des anciens pères
de l'Eglise. Il répond avec force aux héré-
tiques et résout leurs objections avec beau-
coup de facilité, ce qui fait voir qu^il avait
une connaissance exacte et des dogmes de
l'Eglise, et des vaines subtilités des nova-
teurs; mais il n'était pas si au fait de l'his-
toire ecclésiastique. De quelque mérite d'ail-
leurs que soient ses ouvrages, il en a dimi-
nué le prix en empruntant les noms des plus
illustres pères, et on le blâmera toujours d'a-
voir occasionné de la confusion dans les écrits
de ceux qui ont fleuri avant lui. Tous les écrits
de Vigile , de même que ceux qui sont sous
son nom ou qui lui sont attribués , ont été
recueillis en un seul volume in-^", à Dijon,
en 1664, avec les œuvres de Victor de Vite.
Le père ChifQet a enrichi cette édition d'un
grand nombre de notes et d'une espèce de
dissertation où il entreprend de montrer que
les ouvrages qu'il a donnés sous le nom de
Vigile sont de lui. [Cette édition a passé de
là dans les Bibliothèques des Pères et dans la
Patrologie latine, tome LXII. Elle est précé-
dée d'une notice par Cave.]
CHAPITRE XXXn.
Euphémius [505] et Macédonius [515], patriarches de Constantinople.
1. Fravita, qui avait succédé, sur la fin de
l'an 489, à Acace dans le siège patriarcal de
Constantinople , étant mort l'année suivante
dans le courant du mois de mars, après qua-
tre mois seulement d'épiscopat, on élut à sa
place Euphémius, prêtre catholique de cette
ville * et administrateur d'un hôpital. 11 était
savanteltrès-vertueux. Fravita, aussitôtaprès
sonélectionavaitécritau pape FélixetàPierre
Mongus, qui occupait alors le siège d'Alexan-
drie , pour leur demander à l'un et à l'autre
leur communion. Félix le lui promit, à condi-
tion qu'il ôterait des diptyques le nom de Mon-
gus ; mais Mongus le lui accorda volontiers et
sans condition. La lettre de Mongus n'arriva
à Constantinople qu'après la mort de Fravita.
Euphémius la reçut, et voyant que Pierre y
anathématisait le concile de Chalcédoine, il
en fut si irrité qu'il se sépara de sa commu-
nion et effaça de ses propres mains son nom
des diptyques. Il songeait même à assembler
un concile pour le déposer, lorsque Mongus
mourut vers le 29 ou 31 octobre de cette an-
née 490. A la place du nom de Pierre Mon-
gus, il mit dans les sacrés diptyques celui du
pape Félix, à qui il envoya des lettres syno-
dales suivant la coutume. Le pape les reçut,
mais il ne voulut, point accorder sa commu-
nion à Euphémius, parce qu'il n'avait pas
effacé des diptyques les noms d'Acace et de
Fravita. Euphémius assista saint Daniel Sty-
lite à la mort ^, et mit son corps dans le
tombeau.
2. L'empereur Zénonmourut au mois d'avril
de l'an 491, et eut pour successeur Anastase
surnommé Dicorus, qui avait auparavant la
dignité de silentiaire. Quoiqu'il fût très-assidu
à la prière et au jeûne, et très-libéral envers
les pauvres, on ne laissait pas cependant de
le regarder comme hérétique '. Du moins,
les manichéens et les ariens témoignèrent
beaucoup de joie de son élection; mais Eu-
phémius s'y opposa, disant que c'était un hé-
rétique indigne de gouverner des chrétiens.
L'impératrice Ariane, qui le souhaitait parce
qu'elle avait envie d'épouser Anastase, et le
sénat firent tant d'instance près du patriarche,
qu'il promit de couronner Anastase, pourvu
qu'il donnât par écrit sa profession de foi et
une promesse de sa main qu'après qu'il se-
rait élevé à l'empire il conserverait la foi ca-
thohque sans y donner aucune atteinte; qu'il
n'innoverait rien dans l'Eglise et qu'il sui-
vrait comme la règle de la foi les dogmes du
concile de Chalcédoine. Anastase donna cette
promesse, dont il jura l'exécution par les plus
grands serments. Euphémius la remit entre
les mains du prêtre Macédonius *, pour être
mise dans les archives de l'Eglise de Cons-
tantinople.
à l'é I e
d'An3£
oppose
c li on
tasG,
' Evag., lib. III, cap. xxiii.
2 Sur., ad diem 11 decem.
3 Theod. Lect., lib. II, cap. Dccxx.
* Evag., lib. m, cap. xxxii.
486
HISTOIRE GENERALE DES
Il écrit m 3. Sur la fin de la même année 491, ou, se-
papo ease. j^^ (J'autres, le 23 février de l'an 492, le pape
Félix mourut, après avoir tenu le Saint-Siège
environ neuf ans. Gélase Africain, fils de Va-
lère, fut élu pour lui succéder après cinq
jours de vacance. Gélase donna aussitôt avis
de son ordination à l'empereur Anastase ' ;
mais il n'écrivit point à Eupliémius, parce
qu'il le regardait comme n'étant point dans
la communion du Saint-Siège. Euphémius, au
contraire , lui avait écrit pour lui témoigner
sa joie de sa promotion et son désir pour la
paix et la réunion des Eglises; mais voyant
que Gélase ne lui faisait aucune réponse, il
lui écrivit une seconde lettre par le diacre
Syncétius. Nous n'avons ni l'une ni l'autre;
mais on voit, par la réponse de Gélase, qu'Eu-
pliémius félicilait l'Eglise de Rome sur le
choix d'un pontife qui n'avait besoin des lu-
mières de personne , et qui voyait par les
siennes propres tout ce qui était nécessaire
à la réunion des Eglises. Il ajoutait que pour
lui il n'était pas le maître de faire à cet égard
ce qu'il souhaitait; que le peuple de Gons-
tantinople ne pouvait se résoudre à abandon-
ner la communion d'Acace; et que si l'on
persistait à vouloir faire ôter son nom des
diptyques, il serait bon que le pape en écri-
vît au peuple de cette ville , et qu'il envoyât
quelqu'un de sa part pour le disposer à souf-
frir que l'on en vint là; qu'Acace n'avait
jamais rien avancé contre la foi , et que s'il
s'était uni de communion avec Mongus , c'é-
tait après que cet évêque avait rendu compte
de sa foi. Euphémius faisait aussi une décla-
ration de la sienne , dans laquelle il rejetait
Eutychès et protestait qu'il recevait les dé-
crets du concile de Ghalcédoine. Il paraît
qu'Euphémius parlait, dans la même lettre,
de ceux qui avaient été baptisés et ordonnés
par Acace, depuis la sentence rendue à Rome
contre lui, et qu'il représentait au pape l'em-
barras où l'on serait à l'égard de ces per-
sonnes, s'il fallait condamner la mémoire et
le nom d'Acace.
Réponsedu 4. La répouso du pape est sans date. Il con-
pape GelasB, , ^ . ^ ^ , , _
Vient que suivant 1 ancienne règle de 1 Eglise
il aurait dû lui donner avis de son élection
au pontificat ^; mais il dit que cette règle ne
subsistait qu'entre les évêques qui étaient
unis de communion, et non entre ceux qui,
comme Euphémius, avaient préféré une so-
ciété étrangère à celle de saint Pierre. Il
AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
convient encore que dans des troubles sem-
blables à ceux, dont l'Eglise d'Orient était
agitée, il fallait user de condescendance et
se rabaisser à l'exemple du Sauveur, qui est
descendu du ciel pour nous sauver; mais il
soutient qu'en se penchant pour relever ceux
qui sont tombés, on ne doit pas se précipiter
avec eux dans la fosse. Pour marque de sa
condescendance, il déclare qu'il accorde vo-
lontiers à ceux qui avaient été baptisés ou
ordonnés par Acace, le remède prescrit par
la tradition. « Voulez-vous, ajoute-t-il, que
je descende plus bas, que je consente que
l'on récite dans la célébration des mystères,
les noms des hérétiques, de ceux que l'on a
condamnés, et de leurs successeurs? Ce ne
serait pas là se rabaisser pour prêter du se-
cours; mais se précipiter évidemment dans
l'abîme. N'avez-vous pas souvent écrit à
Rome, que vous rejetiez Eutychès avec les
autres hérétiques? Rejetez donc aussi ceux
qui ont communiqué avec les successeurs
d'Eutychès. Acace, dites -vous, n'a rien
avancé contre la foi; mais n'est-ce pas en-
core pis de connaître la vérité et de commu-
niquer avec ses ennemis? Vous demandez
encore en quel temps Acace a été condamné?
mais il ne fallait pas une condamnation par-
ticulière contre lui. Quoique catholique, il
méritait d'être séparé de notre communion,
dès le moment qu'il a communiqué à une
hérésie; et, étant mort dans cette disposition,
nous ne pouvons souffrir que son nom soit
lu parmi ceux des évêques catholiques. Nous
ne sommes pas peu surpris, de ce que, fai-
sant profession de recevoir le concile de
Ghalcédoine, vous ne teniez pas pour con-
damnés en général et en particulier, ceux
qui ont communiqué avec les sectateurs de
ceux qu'il a condamnés. Ce concile n'a-t-il
pas condamné Eutychès et Dioscore? et tou-
tefois Acace a communiqué avec les héréti-
ques eutychéens (ce qu'il entend de Timo-
thée Elure, et de Pierre Mongus). Direz-vous
que Pierre avec qui Acace a communiqué,
ait été justifié? Donnez-en des preuves, mon-
trez comment il s'est purgé de l'hérésie eu-
tychéenne, et comment il s'est défendu d'a-
voir communiqué avec Eutychès. Il a été
évidemment convaincu sur ces deux chefs.
Ainsi ne vous flattez point de la déclaration
que vous faites de tenir la foi catholique, et
d'avoir ôté le nom d'Eutychès des diptyques.
' Tom. IV Conc, pag. 1168, Epist. ad Faustum.
2 Tom. IV Conc, pag. 1157.
[VI' SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — EUPHEMIUS DE CONSTANTINOPLE.
487
Ce n'est pas assez de le dire, vous devez en-
core le montrer par des effets, en renonçant
à la communion des hérétiques, et de ceux
qui ont communiqué avec leurs successeurs.»
Le pape témoigne qu'il avait été affligé en
trouvant dans les lettres d'Eupliémius des
choses contraires à ses propres intérêts et à
la véritable paix, et sur ce qu'Enphémius y
semblait dire, qu'il y avait des gens qui le
contraignaient de faire ce qu'il faisait à l'é-
gard d'Acace et de Mongus, il lui répond :
<( Un évêque ne doit jamais parler ainsi ,
quand il est question de publier la vérité,
pour laquelle , comme ministre de Jésus-
Christ, il doit donner sa vie. » Il se défend
d'envoyer quelqu'un à Constantinople , pour
apaiser le peuple et le dissuader de la com-
munion d'Acace, disant que c'est au pasteur
à conduire le troupeau plutôt que d'en sui-
vre les égarements, et qu'il y avait tout lieu
de croire, qu'étant suspect à ces peuples, il
n'écouterait point ceux qu'il enverrait, vu
qu'il n'écoutait pas même son propre pas-
teur. « Nous viendrons, ajoute-t-il, mon frère
Euphémius, nous viendrons à ce redoutable
tribunal de Jésus-Christ, où les chicanes, les
délais et les subterfuges, ne seront point d'u-
sage. On y verra manifestement si c'est moi
qui suis aigre et dur, comme vous m'en
accusez, ou vous, qui refusez le remède
salutaire, et qui témoignez de l'éloignement
pour les médecins qui veulent vous procu-
rer le remède, et qui voulez même obliger
les médecins à être malades avec vous, plu-
tôt que de recevoir la santé par leur minis-
tère. 1)
Euphémius 5. Euphémius, voulant prévenir les mali-
[ifirme les *■
• creis de cieux desseins d'Anastase contre les défen-
lalcuduine.
seurs du concile de Chalcédoine, assembla
les évoques qui se trouvaient à Constantino-
ple, et confirma avec eux les décrets de ce
concile. Théophane et Victor de Tunes ', rap-
portent cette assemblée à l'an 492. Le Syno-
dique ^ qui la met au commencement de l'é-
piscopat d'Euphémius, dit que les évêques
en envoyèrent les actes à Rome ; que le pape
Féhx et les évêques d'Occident reçurent Eu-
phémius comme un homme orthodoxe; mais
qu'ils ne voulurent pas le reconnaître pour
évêque, parce qu'il n'avait pas voulu ôter
des sacrés diptyques, le nom d'Acace que
Félix avait frappé d'anathème.
6. Cependant Théodoric , étant devenu Enpbémius
y .1 .,, forme lies
maître de lltalie, après trois batadles ga- plaintes con-
^ ^ Irii ILglise
gnées contre Odoacre, envoya en 493, Fauste j°^Jii'!Lac''e''
et Irénée à Anastase, pour lui demander la
paix. Durant leur séjour à Constantinople,
ils apprirent diverses plaintes des Grecs con-
tre l'Eglise romaine^ dont ils firent rapport
au pape Gélase. Il y en avait de la part de
l'empereur et de la part d'Euphémius. Cet
évêque disait, qu'Acace n'avait pu être con-
damné par un seul, regardant le jugement
du pape seul, comme insuffisant, et soute-
nant qu'il fallait un concile général pour con-
damner un patriarche de Constantinople. Le
pape, dans l'instruction qu'il envoya à Fauste
et à Irénée ^, répondit sur cet article, qu'A-
cace avait été condamné en vertu du concile
de Chalcédoine, comme on avait toujours
usé à l'égard de toutes les hérésies; que Fé-
lix, son prédécesseur, n'avait fait qu'exécu-
ter un ancien décret sans rien prononcer de
nouveau ; que non-seulement un pape, mais
tout évêque, pouvait le faire, parce qu'Acace
n'avait pas inventé une nouvelle erreur, pour
avoir besoin d'un nouveau jugement.
7. Il paraît par le commencement du Mé- Ençhémius
moire ou de V Instruction de Gélase *, qu'il
accusait Euphémius d'empêcher la paix d'A-
nastase avec Théodoric, non par un motif de
religion, mais afin de trouver dans la guerre
le moyen de fortifier son parti, au détriment
de la foi catholique. L'accusation formée par
Anastase contre le patriarche, eut des suites
plus fâcheuses. Ce prince , fatigué de la
guerre qu'il avait depuis cinq ans avec les
Isaures, cherchait un moyen honnête de la
finir. Il s'en ouvrit à Euphémius ^, en le priant
d'assembler les évêques qui étaient à Cons-
tantinople, afin qu'ils fissent des prières pour
la paix, et qu'il eût ainsi un prétexte de la
faire. Euphémius communiqua le secret de
son prince au patrice Jean, beau-père d'A-
thénodore, l'un des chefs des Isaures. Jean
rapporta aussitôt à Anastase ce que le pa-
triarche lui avait dit, et ce prince en. fut tel-
lement offensé, qu'il ne cessa depuis de per-
sécuter Euphémius. Il l'accusa de soutenir
les Isaures contre lui, et d'entretenir avec
est déposé et
envoyé en
exil en 495.
1 Vict. Tun., in Chron., pag. 3.
2 Tom. IV Conc, pag. 1154.
3 Tom. IV Conc, pag. 1168, 1169.
' Non jam propier religionis causas siudent dispo-
sitionibus publiais obviare , sed potius per occasionem
legalionis regiœ, catholkam fidem moliuntur evertere,
et iali commenta nitiintur sperala prcestare. Tom. IV
Conc, pag. 1168.
s Theod. Lect., lib. 11^ pag. 720.
/i88
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
eux un commerce de lettres. Ayant quelque
temps après remporté sur eux quelque avan-
tage, il en prit occasion de railler le patriar-
che, en lui faisant dire par Eusèbe, maître
des Offices : vos prières vous ont été imputés
à péché. Il poussa plus loin sa vengeance.
Soit par son ordre, soit dans le dessein de
lui plaire, un assassin gagné pour tué Eu-
phémius, l'ayant rencontré devant la porte
de la sacristie^ tira l'épée pour le frapper ;
mais un défenseur de l'Eglise, nommé Paul,
voulant parer le coup, le reçut lui-même et
en pensa mourir. Un autre ecclésiastique
prenant en même temps le verrou d'une
porte, en frappa si violemment le meurtrier,
qu'il le tua. Anastase voulant user d'autres
voies pour se défaire d'Euphémius, fît as-
sembler les évéques qui étaient à Constanti-
nople, et forma devant eux diverses plaintes
contre ce patriarche. Ceux-ci , sans avoir
aucun égard aux règles de l'Eglise, le décla-
rèrent privé du sacerdoce et de la commu-
nion. L'empereur fit ordonner à sa place
Macédonius, prêtre et trésorier de l'Eglise
de Constantiuople, neveu du patriarche Gen-
nade, le même à qui Euphémius avait confié
la promesse par laquelle Anastase s'était en-
gagé à maintenir la foi de l'Eglise et l'au-
torité du concile de Chalcédoine. Le peuple
ayant appris la déposition de son patriarche,
courut à l'hippodrome en implorant le se-
cours de Dieu, et forma une espèce de sédi-
tion en faveur d'Euphémius; mais il fallut
céder à l'autorité de l'empereur. Euphémius,
craignant pour sa vie, se retira dans le bap-
tistère , d'où il ne voulut point sortir, que
Macédonius ne lui donnât parole au nom de
l'empereur, qu'on n'userait d'aucune vio-
lence envers lui. lorsqu'on le mènerait en
exil auquel il savait que le prince l'avait
condamné. Macédonius, ayant la parole d'A-
nastase, vint trouver Euphémius dans le
baptistère; mais avant d'y entrer, il fit ôter
son palUum par un diacre, n'osant encore le
porter en présence d'Euphémius. Après lui
avoir parlé, il lui donna de l'argent pour sa
dépense et celle de ceux qui devaient l'ac-
compagner. Euphémius fut conduit à Eu-
caïtes, après avoir gouverné l'EgHse de Cons-
tantiuople environ six ans, la cinquième an-
née du règne d' Anastase, c'est-à-dire en 4-95.
Il mourut en S15, à Ancj're, oii on croit que
la crainte des Huns l'avait obligé de se reti-
rer. On l'a toujours regardé en Orient, comme
le défenseur de la foi catholique et du con-
cile de Chalcédoine, et comme un homme
saint et très-orthodoxe. Nous verrons en par-
lant du cinquième concile général, combien
d'instances firent les Grecs ', pour le faire
l'émettre solennellement dans les diptyques
avec Macédonius son successeur.
8. Il avait été élevé dans la piété et la vie
ascétique par Gennade son oncle. L'inno-
cence de sa vie et la pureté de sa foi, le
firent aimer de l'impératrice Ariane, et des
plus grands de la cour, qui engagèrent ap-
paremment l'empereur à le mettre sur le
siège patiiarchal de Constantiuople, pour
rendre moins odieuse la déposition d'Euphé-
mius. Mais on ne conçoit pas bien comment
un homme de cette réputation put accepter
une dignité dont on venait de dépouiller si
injustement son patriarche. Il assembla aus-
sitôt après un concile ^, où il confirma par
écrit le concile de Chalcédoine, et fit toujours
profession ouverte de la foi orthodoxe. Aussi
Elle, patriarche de Jérusalem, qui n'avait
pas voulu approuver la déposition d'Euphé-
mius, s'unit de communion avec Macédonius
en 507. L'empereur Anastase employa toutes
sortes de moyens pour l'obliger à se déclarer
contre le concile de Chalcédoine ; ses efforts
furent inutiles. Macédonius ne se laissa ga-
gner ni par flatteries, ni par menaces. On
aposta un nommé Eucole ^, pour lui ôter la
vie ; le patriarclie évita le coup, et com-
manda depuis qu'on donnât par mois une
certaine quantité de vivres à l'assassin. Le
peuple de Constantiuople n'avait pas moins
de zèle que son évêque, pour le concile de
Chalcédoine. Son zèle à cet égard allait quel-
quefois jusqu'à la sédition. Pour en prévenir
les suites, Anastase ordonna que le préfet de
la ville suivrait dans les processions, et qu'il
se trouverait dans les assemblées de l'Eglise.
En 510, Anastase voulut obliger de nouveau
Macédonius à condamner le concile de Chal-
cédoine. Macédonius lui répondit *, qu'il ne
pouvait rien faire sur cette matière qu'avec
un concile œcuménique auquel le pape pré-
Quî éu
cédoDÎiis
» Tom. V Conc, pag. 182.
2Tom. IVConc, pag. 1413, et Vict. Tim., in Chron.,
pag. 5.
3 Theod. Lcct., pag. 72.
* Imperaior Macedoniuni ursit ut synodum congre-
gant et quartam condenmaret. lUe vero sine univer-
sali synodo cui magnœ Roinœ episcopus prœsideret
nihil se facturum dixit. Idem, ibid.
Ivp SIÈCLE.] CHAPITRE XXXII. — MACÉDONIUS DE CONSTANTINOPLE.
sidât. Anaslase piqué de cette réponse, et
irrité de ce que Macédonius ne voulait point
lui rendre la promesse qu'il avait faite à son
couronnement, de maintenir la foi et i'auto-
rilé du concile de Chalcédoine, chercha les
moyens de le chasser de son siège. 11 lui en-
voyait tantôt les moines et les ecclésiastiques
eutychéens, tantôt les magistrats, pour lui
dire publiquement des injures et lui faire des
outrages. 11 occasionna par là une sédition
parmi le peuple, qui l'obligea de fermer les
portes de son palais, et d'en faire approcher
les vaisseaux pour se sauver si la sédition
augmentait. 11 envoya cependant prier Ma-
cédonius de venir lui parler, quoiqu'il eût
juré quelque temps auparavant qu'il ne vou-
lait plus le voir. Macédonius y alla et lui re-
procha les persécutions qu'il faisait souffrir à
l'Eglise. Anastase feignit de vouloir changer à
cet égard; mais en même temps il tenta pour
une troisième fois de vaincre Macédonius :
Xénaïa, évêque eutychéen,fut un des minis-
tres dont il se servit. Il demanda à Macédo-
nius une déclaration de sa foi par écrit : Ma-
cédonius fit un mémoire adressé à l'empe-
reur ', où il déclarait qu'il ne connaissait pas
d'autre foi que celle des pères de Nicée et
de Constantinople. et qu'il anathématisait Nes-
torius et Eutychès , et ceux qui admettaient
deux Fils ou deux Christs, ou qui divisaient
les deux natures. Son silence sur les con-
ciles d'Ephèse et de Chalcédoine, ofl'ensa
tellement les moines de Constantinople, qu'ils
se séparèrent de sa communion ^. Macédo-
nius pour les désabuser, alla au monastère
de Saint-Dalmace ^, fit devant les moines un
discours où il rendit compte de sa conduite,
protesta qu'il recevait le concile de Chalcé-
doine, et qu'il tenait pour hérétiques tous
ceux qui ne le recevaient pas ; et, après cette
déclaration, il célébra avec eux les saints
mystères.
Xénaïa voyant ses premières tentatives
inutiles, suscita deux infcimes qui, dans une
requête au préfet Marin et à Celer, maître
des Offices *, accusèrent Macédonius d'un
crime énorme, s'en avouant eux-mêmes les
complices. Sur cette accusation, Anastase
ordonna à Celer d'entrer dans la maison
épiscopale, et d'en enlever l'évêque. Macé-
donius protesta tout haut de son innocence,
et il lui fut aisé de la prouver, par sa qualité
d'eunuque qui le rendait incapable du crime
dont on l'avait chargé. On l'accusa ensuite
denestorianisme, et d'avoir falsifié un endroit
des épîtres de saint Paul, pour appuyer l'er-
reur de cette secte ^. Enfin l'empereur lui
ordonna de lui envoyer par le maître des
offices, la copie authentique des actes du
concile de Chalcédoine, signée de la main
des évêques. Macédonius la refusa, mais
l'ayant cachetée, il la mit sous l'autel de la
grande église. Sur ce refus, Anastase le fit
enlever de nuit ^ et mener à Chalcédoine,
pour être conduit de là à Eucaïtes dans le
Pont, avec Euphémius son prédécesseur'.
Dès le lendemain, ce prince, pour empêcher
les suites que pouvait causer dans le peuple
la douleur de l'expulsion de son patriarche,
fit prendre possession de l'Eglise de Cons-
tantinople ^ à Timothée prêtre et trésorier de
la même Eglise, homme sans honn'eur et
sans rehgion. Ensuile pour donner quelque
apparence de formalité à cette expulsion, il
fit assembler un concile ', où les accusateurs
de Macédonius étant ses juges et ses témoins,
le condamnèrent, quoique absent, à être dé-
posé de l'épiscopal. Il n'était encore qu'à
Claudiople dans le Pont, lorsque quelques
évêques et un prêtre de Cyzic '", vinrent lui
signifier sa déposition. Aussitôt qu'il les
aperçut, il leur demanda s'ils recevaient le
concile de Chalcédoine. Comme ils ne vou-
lurent pas s'expliquer là-dessus, il ajouta :
« Si des sabbatiens ou des macédoniens pré-
tendent me déposer, faut-il pour cela que je
me tienne pour déposé ? » Les évêques con-
fus, s'en retournèrent sans lui avoir rien fait
signifier. Pour lui, il continua son chemin
vers Eucaïtes, lieu de son exil. En SIS, le
pape Hormisdas tiavailla au rétablissement
de Macédonius ", qu'il regardait comme dé-
posé injustement; il avait même été stipulé
dans le traité de paix que Vitalien fit avec
Anastase '^, que ce patriarche et tous les évê-
ques déposés seraient rétablis sur leurs sièges .
Mais ce prince n'eut égard à rien de ce qu'il
avait promis. Ainsi Macédonius mourut dans
son exil, non à Eucaïtes, mais à Gangres, où
la crainte des Huns qui ravagèrent toute la
' Evag., lib. III, cap. xssi. — 2 idem, ibid.
^Theoph., in Chron., pag. 106; édit. Ven., an
1729.
* Evag., lib. III, cap. xxxii, et Theopli., ubi sup.
s Libérât., cap. xxxix.— ^ Theoph., ubi sup.
7 Tlieod. Lect., lib. Il, pag. 722.
^ Theopb., ubi sup.
<" Idem, ubi sup., pag. 107.
" Tom. IV Conc, pag. 1428.
^^ Vict. Tun., in Chron., pag. 7.
i Ibid.
490
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Cappadoce, la Galatie et le Pont, l'avait
obligé de se retirer. On dit que sa mort ',
qui arriva vers l'an 517, fut suivie d'un grand
nombre de miracles, par lesqueli Dieu ren-
dit témoignage à la pureté de sa vie et de sa
foi.
9. II y eut sous son pontificat à Constanti-
nople, d'illustres défenseurs du concile de
Clialcédoine, savoir Pompée, neveu d'Anas-
tase ^ ; Anastasie, femme de Pompée; et Ju-
lienne, fille de l'empereur Olybrius, petite-
fille de Valentinien III, et femme d'Aéro-
binde, général de l'Orient^ qui se signala
dans la guerre contre les Perses. Quelques
mauvais traitements que leur fit Anastase, il
ne put jamais diminuer en eux l'amour qu'ils
avaient pour l'Eglise et pour la foi orthodoxe.
Ils eurent soin de fournir à Macédonius dans
son exil toutes les choses dont il avait be-
soin. Nous avons encore les trois lettres ^
qu'ils écrivirent séparément au pape Hor-
misdas sur son élection. Anastasie y parle
de ses enfants qu'elle recommande à ses
prières. Julienne prend dans la sienne le
surnom d'Anicie, parce qu'elle descendait de
l'ancienne maison des Aniciens. Elle conjure
le pape de ne point laisser retourner les lé-
gats qu'il avait envoyés à Constantinople,
qu'auparavant ils n'aient dissipé les restes
de l'erreur et rétabli entièrement l'unité.
Pompée donne à Hormisdas dans l'inscription
de sa lettre, le titre d'archevêque de l'EgUse
universelle *,
CHAPITRE XXXIII.
Enée de Gaze, philosophe chrétien et professeur des sciences
et des belles-lettres.
[Sut la 5n du v= siècle.]
1. Enée de Gaze parlant dans son Dialogue^
de ceux à qui Hunéric avait fait couper la
langue jusqu'à la racine et qui toutefois par-
laient librement, sans se sentir de ce sup-
lice, dit qu'il n'y avait que peu de jours ^
qu'on leur avait fait souffrir ce tourment. Il
écrivait donc sous l'empire de Zenon, vers
l'an 485, ou au plus tard en 491 : car Victor
de Vite remarque ^, que ces confesseurs
étaient très-honorés dans la cour du prince ;
et il est hors d'apparence qu'on les y eut
même soufferts sous Anastase son succes-
seur et partisan des hérétiques. Enée dans
le titre de ce Dialogue, prend la qualité de
sophiste, c'est-à-dire de professeur des
sciences et des belles-lettres. II avait d'abord
suivi la philosophie de Platon, mais il l'avait
abandonné pour embrasser la foi de Jésus-
Christ. Il semble n'avoir fait cet écrit que
pour rendre raison de son changement ou
pour en engager d'autres à changer aussi.
' Theoph., pag. 110.— ^ Ibid., pag. 108.
s Baron., ad an. 519.
' Domino meo beatissiino et aposlolico patri Bor-
misdœ archiepiscopo universalù Ecclesiœ, Pompeius.
Apud Bai'on., ad an. 519.
2. Théophi'aste y prend la défense de la
philosophie platonicienne; Axithée, celle de
la religion chrétienne. Leur dispute roule
sur deux points importants, l'un sur la na-
ture de l'âme, l'autre sur la résurrection des
corps. Aristolaiis rapporte d'abord les diffé-
rentes opinions des philosophes sur la nature
de l'âme. Axithée fait voir que dès lors qu'ils
ne s'accordent pas entre eux ni avec eux-
mêmes, leur doctrine ne vient pas de Dieu,
et qu'ils ne peuvent même passer pour sages,
n'étant pas du fait d'un homme sage de pen-
ser contrairement sur une même matière. Il
descend sur cela dans un fort grand détail,
en faisant voir les défauts des opinions des
philosophes, à mesure que Théoplu'aste les
proposait : après quoi venant au fond de la
question, il prouve que Dieu est immortel, et
que quoiqu'il soit créateur de toutes choses,
il est toujours le même ; comme un archi-
tecte ne perd rien de sa substance ni de son
■> Quod autem heri et quidem paulo ante faclum
est, id opiner ipse quoque vidisti. Tom. VIII Bibliot.
Pat., pag. 664.
e Victor. Vit., lib. V, u. 6.
[V SIÈCLE.]
savoir pour avoir bâti plusieurs beaux édi-
fices. « Les âmes sont de lui, dit-il, de même
que les corps, il les crée à mesure qu'il crée les
corps. Qu'aurait fait une âme sans le corps
pour lequel elle aurait été créée? Quoique
créée dans le temps, semblable à son Créa-
teur en ce qu'elle est raisonnable, elle est
immortelle ; ce qui est semblable à l'immor-
tel devant être immortel, autrement il ne lui
serait pas semblable. Dira-t-on qu'elle a eu un
commencement? Cela est vrai. Mais le père
des dieux ne dit-il pas dans Platon, aux
dieux engendrés de lui : Vous n'êtes pas en-
tièrement immortels, puisque je vous ai
créés : cependant vous ne mourrez point,
parce que telle est ma volonté ? Il en est de
même de l'âme ; elle a tellement été faite
dès le commencement, qu'elle est une subs-
tance raisonnable, toujours en action, mai-
tresse de soi-même, libre, qui a sa vie d'elle-
même, et qui peut la donner au corps. Le
nombre des âmes est connu de Dieu seul,
quoique ce nombre soit limité. Mais quelque
grand qu'il soit, comme elles sont incorpo-
relles, elles ne se trouvent point serrées à la
manière des corps dans un lieu trop étroit
pour les contenir ; et parce qu'elles ne sont
point composées de parties elles ne sont pas
sujettes à la dissolution que les corps éprou-
vent et que le monde même éprouvera. »
Théophraste ayant soubaité de savoir ce
que c'est que le créateur des âmes et de
toutes les autres substances ; Axithée ré-
pond qu'il est le souverain bien, qu'il n'a
pas commencé à opérer seulement lorsqu'il
a créé le monde, mais qu'il a toujours été le
Père du Verbe, l'ayant engendré de toute
éternité, et qu'avec son Fils qui est de même
substance que lui, il a produit le Saint-Es-
prit ; ce qui fait une Trinité de personnes en
en Dieu *, d'une égalité si parfaite, qu'elle
n'admet ni le moindre ni le plus grand.
3. « Les ombres et les spectres que l'on
voit autour des tombeaux prouvent, dit en-
core Théopbraste, que les âmes ont des corps
aériens. Si elles n'en avaient pas comment
pourraient-elles souffrir ? » Axitbée répond :
1 Atque Pater una cum Filio qui naiurœ ejusdem
est, Spiriium Sanctum etiain produxit... atque ejus-
modi est unitas et divina Triniias ; nec maj'us nec
minus quidquam in se recipiens. Tom. VIII Bibliot.
Pat., pag. 660.
2 Ego novi mulla bonorum virorum corpora quœ
eliam phalanges dœmonum tantopere terrèrent ; quan-
topere ipsi vexabant hominem ab se capium atque ob.
sessum : itemque morbos innumeros , quibus curandi
CHAPITRE XXXIIL — ÈNÉE DE GAZE.
491
Ces spectres sont des démons ; en vain
les enchanteurs promettent de faire pa-
raître des hommes morts depuis longtemps ;
ils ne font paraître que des démons sous
une figure humaine, pour tromper ceux qui
ont confiance en leurs enchantements; si
c'était des âmes revêtues d'un corps, ces
spectres ne disparaîtraient pas au lever du
soleil ; l'âme doit souEfrir avec le corps
qu'elle a animé en cette vie, et à cet effet
ce corps ressuscitera avec toutes ses parties,
soit qu'elles aient été réduites en poussière,
soit qu'elles aient été dévorées par les ani-
maux ; Dieu qui les a créés étant assez puis-
sant pour les réunir avec leurs âmes. Il donne
pour preuve de la résurrection, les miracles
qui s'opèrent aux tombeaux des martyrs, et
dit ^ qu'il avait souvent vu leurs corps guérir
facilement des maladies que toute la méde-
cine n'avait pu guérir et faire trembler des
troupes de démons^ comme les démons font
trembler ceux qu'ils se sont assujettis, et
qu'ils obsèdent. Théophraste objecte que si
les corps pour conserver leur union naturelle
avec leurs âmes, deviennent éternels par la
résurrection, cela doit se dire des corps des
animaux comme de ceux des hommes, puis-
qu'ils ont également des âmes. Axithée ré-
pond que les âmes des bêtes étant sans rai-
son et mourant avec les corps, il est inutile
que ces corps ressuscitent, les âmes qui les
ont animés ne subsistant plus; que notre
âme, au contraire, est immortelle ^, et que
par son union avec le corps, elle y répand,
pour ainsi dire, une semence d'immortalité.
Il ajoute en continuant ses preuves de la ré-
surrection, que les païens rapportaient dans
leurs histoires, un grand nombre de morts
ressuscites; que de son temps on voyait tant
en Syrie qu'ailleurs, des hommes qui depuis
leur jeunesse ont vécu jusqu'à une extrême
vieillesse dans une austérité et une absti-
nence continuelles, uniquement occupés des
choses célestes et des louanges de Dieu, sou-
mettant par ces sortes d'exercices, leur corps
à leur esprit; que pour marquer leur union
avec Dieu *, ils l'ont souvent prié de rendre
ars niedica non suffecerat , ipsa facile curarenf, per-
purgarent, omninoque auferrent. Ibid., pag. 6fi3.
3 Nostra vero anima quœ est immortalis ipsa , ubi
in unam cum corpore societatemcoierit, immortalitatis
semen ei quasi quodammodo infudii. Pag. 663.
* Ei quo suam cum Deo cognationem reipsa compro-
barenl pura mente Deum precati , ut mortui remini-
seerent, efflcere. Pag. 664.
492
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
la vie à des morts qu'ils ont en effet ressus-
cites. « Pouvaient - ils , conlinue Axithée ,
donner une preuve plus convaincante de
leur doctrine? Elle ne consiste point en pa-
roles, mais en actions. Ceux qui reçoivent
leurs instructions ', ne sauraient douter de
la vérité de leurs dogmes, en les voyant au-
torisés par de tels miracles. Ce ne sont point
des fables, mais des choses arrivées de nos
jours. Moi-même, j'ai va un saint et extrê-
mement bon vieillard, très-chéri de Dieu,
qu'un paysan simple d'esprit allait voir sou-
vent, en lui menant son fils unique afin d'en
recevoir quelque instruction. 11 avait coutume
de lui porter les prémices de ses fruits dans
sa cellule, qu'il regardait comme un temple
oii il venait les offrir à Dieu. Il arriva quelque
temps après, que cet enfant mourut. Le père
au lien de l'enterrer, le mit dans un panier,
qu'il couvrit de feuilles, et le porta au saint
vieillard. Ayant mis bas son panier, il salua
l'homme de Dieu et après en avoir reçu quel-
ques avis salutaires, il se retira, laissant là
son fils, comme si c'eût été un panier de
raisin. Lorsque le soleil fut couché, le saint
fit sa prière selon sa coutume, ensuite il
voulut prendre des fruits qu'il croyait être
dans le panier. Mais après avoir ôté les
feuilles, il fut fort surpris de trouver non
des raisins, mais un mort. Sa surprise se
changea en admiration, voyant la grandeur
de la foi de ce pauvre paysan ; pour ne pas
tromper son espérance, il eut recours à Dieu,
se coucha sur cet enfant ^, et ne se releva
point que l'enfant ne fût ressuscité. Alors il
le renvoya à son père. Mais pour éviter l'im-
portunité des hommes que l'éclat de ce mi-
racle aurait fait accourir à sa cellule, il la
quitta et se retira ailleurs. » Axithée joint à
ce miracle, celui d'un aveugle guéri. Il se
nommait Malus, et vivait sous la discipline
d'un saint homme, qui étant près de mourir,
lui promit que sept jours après sa mort, il
recouvrerait la vue. Le vieillard mourut, et
sept jours après Malus, qui auparavant avait
besoin d'un homme pour le conduire par la
' Qui miraculi spedator est, is etiam docirinœ mi-
nime dubius aut perplexus auditor abii. Tom. VIII
Bihlioth. Pair., pag. 6G3.
2 Ergo cum animo in Deum inienfo super puerum
incubuisset prius non surrexit quam puerum ressusci-
tasset. Atque sic suscilatum ad pairem misil; ipse vero
in exilium ivit, ne admiratione ejus perciii homines,
nimis molesti deinceps fuissent. Ibid.
s Ego ipse hos viras vidi et loquentes audivi, et vo-
cem adeo articulatam esse posse miratus sum, instru-
main, recouvra si parfaitement la vue, qu'il
lisait publiquement les Ecritures, ayant été
mis au rang des lecteurs. Axithée parle en-
suite de ceux à qui le roi Hunéric avait fait
couper la langue et la main droite en haine
de la foi catholique qu'ils professaient, et
qui, malgré cette opération, articulaient
aussi bien qu'ils faisaient auparavant. « Je
les ai vus moi-même, dit-il ^, et je les ai ouïs
parler, et j'ai admiré comment leur voix
pouvait être si bien articulée. Je cherchais
l'instrument de la parole, et ne croyant pas
à mes oreilles, j'ai voulu en juger par mes
yeux, et leur ayant fait ouvrir la bouche,
j'ai vu la langue arrachée jusqu'à la racine,
et me suis étonné, non de ce qu'ils parlaient,
mais de ce qu'ils vivaient encore. » Con.
vaincu de la résurrection des morts, par
les exemples qu'Axithée en avait rapportés,
et de l'immortalité de l'âme, par les raisons
qu'il en avait données, Théophraste fit d'au-
tant moins de difficultés d'embrasser cette
doctrine, qu'elle était celle de tous ceux en
faveur de qui avaient été opérés tous ces mi-
racles. Il abandonna donc l'académie de
Platon pour suivre Dieu, selon ce que Platon
avait dit qu'il ne voulait pas qu'on le crût,
que jusqu'à ce qu'on eût trouvé quelqu'un
plus sage que lui. Or personne n'est plus
sage que Dieu *. Axithée rendit grâces à
Dieu de ce changement, par une prière qu'il
adressa à la divine Trinité et à sa sainte unité.
4. On trouve le Dialogue d'Enée de Gaze, en | ^m
grec et en latin dans le douzième tome de la '*" """'"^
Bibliothèque des Pères, à Paris, en 1644, et
en latin seulement dans le huitième tome de
celle de Lyon, en 1677. Ambroise le Camal-
dule est le premier qui l'ait traduit en latin.
C'est sur sa traduction qu'il fut imprimé à
Bâle, en 1516, in-4'', et à Gênes, en 1645,
in-4''. Il y en a une autre de Jean Volfius,
qui n'est point estimée, imprimée à Bâle
avec d'autres ouvrages, en 15S8, in-S", et en
1561, in-folio. Gaspard Barthius a traduit le
même ouvrage, et sa traduction a paru avec
le texte et des notes, à Leipsik, en 1655,
mentum vocis inquirebam : et auribus non credens ,
ocu/is judicandi munus remisi, atque ore aperto lin-
guam totam radieitus evulsam vidi , ac stupefactus
mirabar non sane quo pocto vocem conformarent , sed
quomodo conservaii essent. Pag. 665.
'* Valeat Academia, potiusque ad ipsum (Deum) ea-
mus ■ quando etiam ipse Plato eo usque sibi credendtim
dicit , dum quis ipso sapientior adveniat. At Veo sa-
pieniior est nemo. Pag. 665.
[v-^ SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIV. — SAINT GELASE, PAPE
in-i" '. [Gcilland a reproduit le texte du Dia
493
logue avec la version de Wolfius conigée.
Veter. Pair. Bibliot., tom. X, pag. 629-607;
une notice précède. Le tout est reproduit
dans le tome LXXXV de la Patrologie grec-
que, col. 865-1004.]
CHAPITRE XXXIV.
Saint Gélase , pape [496].
\ . Le pape Félix étant mort le 25 février
492, après avoir tenu le Saint-Siège environ
neuf ans, on élut à sa place après cinq jours
de vacance, Gélase africain de naissance, fils
de Valère qui gouverna l'Eglise romaine,
quatre ans huit mois et dix-huit jours. On
croit qu'aussitôt après son élection ^, il écrivit
à l'empereur Anastase, qui ne lui fit pas de
réponse. Au contraire, Euphémius patriarche
de Constantinople, à qui Gélase n'avait point
écrit comme n'étant pas dans la communion
de l'Eglise romaine, lui écrivit deux lettres
pour l'engager à procurer la paix et la réu-
nion des Eglises. Nous avons donné plus
haut le précis des lettres d'Euphémius, et de
la réponse de Gélase ^.
2. Celle qui suit dans le recueil de ses let-
tres est adressée à Laurent évéque de Li-
gnide, en Illyrie *. Laurent avait mandé à
Gélase par une grande lettre, qu'on avait lu
dans l'Eghse de Thessalonique et dans les
autres de la province, la lettre du pape Félix
louchant les excès d'Acace ; qu'ensuite tous
lui avaient dit anathème et s'étaient séparés
de sa communion. 11 avait prié en même
temps le pape, d'envoyer aux évêques d'il-
lyrie une profession de foi qui pût servir
d'antidote contre l'hérésie. Gélase fit dans sa
réponse une déclaration abrégée de sa foi,
reconnaissant que c'était la coutume que
l'évêque nouvellement établi dans l'Eglise
romaine, envoyât aux autres Eglises le for-
mulaire de sa foi. 11 s'y étend particulière-
ment sur le mystère de l'Incarnation, con-
fessant que le Fils de Dieu, né sans commen-
cement du Père selon sa divinité, a été fait
chair dans le sein de la très-sainte Vierge
Marie ; qu'il est homme parfait composé
d'une âme raisonnable et d'un corps ; qu'il
est consubstantiel à son Père selon sa divi-
nité, et à nous selon son humanité. « Car,
ajoule-t-il, l'union des deux natures s'est
faite d'une manière ineffable, en sorte que
nous ne reconnaissons qu'un seul Christ,
le même qui est Fils de Dieu et Fils de
l'homme. » 11 prouve l'existence des deux na-
tures, par l'autorité de l'Ecriture, montrant
que le Verbe n'a pas été changé en chair, ni
la chair en Dieu, même depuis la résurrec-
tion. « Nous avions, ajoute-t-il, résolu de
vous envoyer quelques-uns des nôtres, si
l'élat de nos afiaires nous l'eût permis : mais
nous espérons le faire dans quelque temps,
lorsqu'on nous aura mandé par une députa-
tion solennelle, comme nous nous y atten-
dons, que l'on se sera rangé à son devoir
dans ces quartiers-là. Nous avons aussi con-
fiance en la miséricorde de Dieu, que le
très-pieux et ti'ès-religieux empereur secon-
dera nos travaux par son consentement et
son autorité ; que la foi qui l'anime, le por-
tera à donner ordre qu'on ne mette plus le
trouble dans ces pays, par des questions vai-
nes et inutiles, et que l'on s'en tienne à la
doctrine des pères orthodoxes. » 11 paraît
que cette lettre était circulaire pour tous
' Outre le Dialogue, on a encore d'Enée de Gaze
vingt-cinq leLtres grecques ; elles sont insérées dans
le recueil des lettres d'auteurs grecs publié, par Aide
Manuce, Rome 1499, in-4"'. On les retrouve avec
une version latine dans l'édition qui porte le nom
de Cujas, Genève, 1606, in-fol. (L'éditeur.)
2 Tom. IV Conc, pag. 1160.
2 Le tome LIX de la Patrologie latine , reproduit
les œuvres de Gélase, d'après Mansi. On y trouve :
1" sa Vie par Anastase ; 2° ses lettres au nombre de
quiûze : 3° des fragments de dix autres : 'i° le livre
sur le Lien de l'anathème : 5° l'écrit contre le sé-
nateur Andromaque et quelques autres Romains
qui voulaient continuer à célébrer les Lupercales :
6° deux décrets et une constitution. Viennent ensuite
trois appendices. Le 1" contient six lettres dou-
teuses ; le 2" renferme cinquante-huit décrets qui
lui sont attribués ; le 3' contient le premier concile
romain où se trouvent relatés les livres canoniques
et les apocryphes avec les notes de Mansi et de
Pagi, et le deuxième concile romain. [L'éditeur.)
4 Tom. IV Conc, pag. 1163.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
L"llres ;
('■ V è q u e s
I>ardan;e,
493.
494
les évêques de la Macédoine dont Lignide
faisait partie.
3. Le pape Gélase oîcrivit deux lettres aux
évêques de Dardanie ', la première par un
évêque nommé Ursicin; la seconde, par uu
appelé Tryplion : celle-ci est perdue. U parait
que Gélase les y priait d'exclure de leur
communion, tous ceux qui avaient mis ou qui
mettaient encore les noms d'Acace et de
Pierre dans les diptyques. Les évêques de
Dardanie récrivirent au pape par le même
Tryphon. Ils lui donnent dans l'inscription
de leur lettre, la qualité de Père des Pères,
et déclarent qu'ils veulent en tout obéir à
ses ordres, observer selon qu'ils l'ont appris
de leurs Pères, toutes les ordonnances du
Siège apostolique, et garder la foi orthodoxe
qu'il enseigne. Ils ajoutent qu'avant d'avoir
reçu sa lettre, ils avaient renoncé à la com-
munion d'Eulychès, de Pierre, d'Acace et
de tous leurs sectateurs; qu'à plus forte rai-
son ils s'en abstiendraient depuis qu'ils
avaient reçu sur cela les avertissements du
Saint-Siège, auquel ils voulaient demeurer
inviolablement attachés ^ selon les préceptes
divins et les statuts des pères; faisant pro-
fession de se séparer de communion de tous
ceux qui se seront séparés du Saint-Siège
apostolique. Ils prient Gélase de leur en-
voyer quelques-uns des siens, en présence
de qui ils puissent régler ce qui concerne la
foi catholique et les autres choses que le
pape jugerait à propos qu'ils observassent.
Ils chargèrent verbalement Tryphon, de pro-
poser au pape quelques diiBcultès. Leur let-
tre est souscrite de six évêques, dont Jean
de Scupi, métropolitain, marque seul le lieu
de son évêché. Dans la lettre que Gélase
leur écrivit par l'évêque Ursicin, il donne
avis aux évêques de Dardanie, de son éléva-
tion sur le Saint-Siège, s'excusant de ne l'a-
voir pas fait plus tôt, à cause des troubles cau-
sés par les guerres. Ce qu'il ajoute : que l'héré-
sie d'Eutychès avait commencé depuis envi-
ron quarante-cinq ans, fait voir qu'il écrivait
cette lettre en 493, à compter depuis la con-
damnation de cet hérésiarque au concile de
Constantinople, en 448. Il explique aux évê-
ques de Dardanie en quoi consistait l'hérésie
eutychéenne, et la réfute en peu de mots,
les renvoyant aux écrits de saint Léon sur
ce sujet. 11 se plaint de ceux qui sans avoir
égard aux décrets du concile de Chalcédoine,
communiquaient avec les sectateurs de l'hé-
résie, quoiqu'ils n'osassent pas eux-mêmes
la professer ouvertement. Il les prie d'exclure
de leur communion tous ceux qui mettaient
le nom d'Acace dans les diptyques, et les
avertit, qu'au cas que quelqu'un vînt les sol-
liciter d'entrer dans la communion de ceux
qui demeuraient attachés à cet évêque, d'en
donner aussitôt avis au Saint-Siège, afin que
les évêques pussent s'unir contre les enne-
mis du Seigneur. Il les charge de faire part
de sa lettre aux évêques des provinces voi-
sines.
4. Quoique Laurent de Lignide, eût assuré
le pape Gélase, que dans l'Eglise de Thessa-
lonique comme dans les autres de l'Illyrie,
on avait dit anathème à Acace ^, il se trouva
toutefois que l'évêque de cette ville nommé
André, ne voulut jamais condamner nette-
ment Acace, ni aucun de ceux qui lui étaient
unis de communion. Il semble que le pape
lui fit sur cela diverses instances, et qu'il re-
fusa constamment de changer de conduite :
aussi ne lui accorda-t-il point sa communion.
Il écrivit même à tous les évêques de Dar-
danie, d'agir avec beaucoup de précaution
avec l'évêque de Thessalonique. Sa lettre
qui était circulaire, est datée du 3° d'août
de l'an 494. Les diacres Cyprien et Macaire
en furent porteurs. Le pape y fait l'éloge de
la constance avec laquelle ces évêques de-
meuraient dans la foi et dans la communion
ancienne, sans se laisser entraîner aux mau-
vais exemples de leurs voisins, c'est-à-dire,
de ceux de la Thrace. Il les exhorte à ne
donner aucune entrée dans leur cœur à l'hé-
résie eutychéenne ; et pour en marquer leur
éloignement, de ne recevoir à leur commu-
nion ni ceux qui récitaient à l'autel le nom
d'Acace, ni ceux avec qui ceux-ci étaient liés
de communion : et parce qu'on aurait pu
leur rapporter qu' Acace avait demandé et
obtenu le pardon de sa faute, il les assure
du contraire; et en même temps que la fer-
meté que l'Eglise romaine témoignait contre
lui, n'était point pour se venger du mépris
que cet évêque avait fait d'elle. La raison
qu'il donne de ne point réciter à l'autel les
noms des hérétiques ni de leurs fauteurs, est
Au
1res a
qaes i
> Tom. IV Conc, pag. 1165, 1166.
2 Patrum in omnibus custodientes prœcepta , et in-
violabilia sacrosanclorum canonum instiiuta seclanies
apostolicœ et singulari illi sedi vestrœ commune fide
et devotione parère contendimus. Pag. 1165.
3 Tom. IV Cane, pag. 1196.
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
495
; Dar-
que cela ne peut se faire sans donner lieu
de croire qu'on embrasse aussi leur mauvaise
doctrine. Il dit encore, que l'on ne doit point
accorder à Acace après sa mort, l'absolution
qu'il n'a ni demandée ni méritée étant en
vie , parce que selon la parole de Jésus-
Christ, c'est sur la terre que les prêtres du
Seigneur doivent remettre les péchés, afin
qu'ils soient remis dans le ciel ; que d'ailleurs
il n'est plus permis de juger celui qui a com-
paru au jugement de Dieu. Il témoigne être
prêt à recevoir à bras ouverts, ceux mêmes
qui ont traité le Saint-Siège avec mépris,
s'ils reviennent sincèrement à la communion
catholique, voulant leur donner des preuves
qu'il n'agit dans l'affaire d' Acace par aucun
ressentiment. 11 marque sur la fin de sa let-
tre, qn'il avait écrit aux évêquesdeDalmatie.
Nous n'avons plus cette lettre.
3. Il nous en reste une troisième aux évo-
ques de Dardanie, où il répond aux difficultés
qu'ils lui avaient proposées par Tryphon , tou-
chant Acace. Elle est du 1" février 493. Ces
évêques paraissaient touchés de celte objec-
tion des partisans d'Acace : il n'a pas été lé-
gitimement condamné, disait-on, puisqu'il ne
l'a point été dans un concile tenu exprès, vu
surtout qu'il était l'évêque de la ville impé-
riale. Gélase répond , que suivant l'usage
établi par les apôtres ', l'orsqu'une hérésie
a été condamnée dans un concile, ce qui a
été décidé à cet égard doit demeurer inva-
riable, sans qu'il soit permis de le remettre
en question, parce qu'autrement il n'y aurait
rien de solide dans les jugements de l'Eglise.
Car quelque évidente que soit une vérité,
l'erreur ne manque jamais d'objections, étant
soutenue par l'opiniâtreté k défaut de la rai-
son. Sur ce principe les pères dans chaque
concile ont jugé suffisant de condamner l'hé-
résie avec son auteur, et de déclarer que
quiconque à l'avenir communiquerait à la
même erreur, serait compris dans la pre-
mière condamnation. C'est de cette manière
qu'on a condamné Sabellius, Arius, Euno-
raius, Macédonius et Nestorius. Or, aucun
vrai chrétien ne peut ignorer que c'est prin-
cipalement au premier siège ^ à exécuter les
décrets des conciles, approuvés par le con-
sentement de l'Eglise universelle ; puisque
ce siège confirme les conciles par son auto-
rité et en maintient l'observation en vertu de
sa primauté. Le Saint-Siège quoique assuré
qu'Acace s'était écarté de la communion ca-
tholique, s'est refusé longtemps aux preuves
certaines qu'il en avait, et n'a point cessé de
l'avertir par lettres pendant près de trois ans.
On lui a même envoyé une députation d'é-
vêques, avec des lettres pour l'exhorter ou à
ne pas se séparer de l'unité, et à venir ou
envoyer pour se défendre contre les accusa-
tions graves de Jean d' Alexandrie, qui était
l'évêque du second siège. Le pape ajoute :
« Encore qu'on ne dût point tenir de nouveau
concile ^, il n'y avait point d'évêque qui dût
éviter le jugement du premier siège, à qui
s'était adressé l'évêque du second siège, qui
n'avait point d'autre juge, surtout n'ayant
été mis hors de son siège par aucun concile.
Acace au lieu de satisfaire, a corrompu les
légats du siège apostolique , pour s'efïorcer
d'attirer ce siège dans la communion des
hérétiques; et par ses lettres a déclaré qu'il
communiquait à Pierre d'Alexandrie , le
louant et faisant des reproches contre Jean ,
sans oser venir ni envoyer pour soutenir ce
qu'il avançait. Il a donc été condamné en
vertu du concile de Chalcédoine : et le Saint-
Siège l'a retranché de sa communion pour
ne pas tomber dans celle de Pierre d'Alexan-
drie, avec lequel Acace communiquait. »
Gélase dit, que c'est ainsi que Timothée
Elure et Pierre d'Alexandrie, qui passaient
pour évêques du second siège, ont été con-
1 Percurrere vos oportet ab ipsis beatis apostolis ,
quoniavi Patres noslri calholici doctique poniifices in
unaquaque hœresi quolibet lempore suscilata, quidquid
pro veritate , pro communione calholica atque aposto-
licn, secundum Scripturarum tramitem prœdicalio-
nemque majorum fada semel congregatione sanxeruni;
inconvulsum volueruat deinceps fii'mumque constare,
nec i?i eadem causa denuo quœ prœfixa fuerant reirac-
tari qualibet recenti prœsumptione permiserunt ; sa-
pientissime prœvidentes quoniam si décréta satubriter
cuiquam liceai ilerare, nullum contra singulos quos-
que prorsus errores stabile persisteret Ecdesiœ consti-
tutum , ac seniper iisdem furoribus recidivis omnis
intégra definitio lurbareiur, Toui. IV, Conc. pag. 1199.
2 Quibus convenienier ex paterna traditione perpen-
sis confidimus quod nullus jain veraciter christianus
ignoret uniuscujusque synodi constitutum , quod vni-
versalis Ecclesiœ probavit assensus, non aliquam magis
exequi sedem quam primam , quœ et unamquamque
synodum sua aucioritate confirmât et continuata mo-
deratione custodit, jiro suo scilicet principatu. IbiJ.,
pag. 1200.
2 Licet enim synodus iteranda non esset, tamen cun-
grueret ut cujustibet civitatis episcopus primœ sedis
judicium non vitaret, ad quod convenerat secundœ se-
dis antistes, qui nisi a prima sede non posset audiri ,
prœcipue qui nulla synodo a Grœeis fuisset exciasus.
Ibid., pag. 1202.
496
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
damnés sans nouveaux conciles, par la seule
autorité du Saint-Siège, à la poursuite même
d'Acace, et que c'est aux schisniatiques à
montrer, que Pierre a été justifié depuis.
« Toute TEglise sait, continue le pape ', que
le siège de saint Pierre a droit d'absoudre
des jugements de tous les évêques, et de
juger toute l'Eglise, sans que personne puisse
juger son jugement, puisque les canons veu-
lent que l'on puisse y appeler de toutes les
parties du monde, et qu'il n'est pas permis
d'appeler de lui. Acace n'a donc eu aucun
pouvoir d'absoudre Pierre d'Alexandrie sans
la participation du Saint-Siège, qui l'avait
condamné. Qu'on dise par quel concile il l'a
fait, lui qui n'était qu'un simple évêque, dé-
pendant de la métropole d'Héraclée? Sou-
vent même sans concile précédent, le Saint-
Siège a absous ceux qu'un concile avait con-
damnés injustement, et condamné ceux qui
le méritaient. » Le pape appoi'te les exemples
de saint Athanase, de saint Clir3'S0Stôme et
de saint Flavien, absouts par le Saint-Siège
des jugements prononcés contre eux dans
divers conciles d'Orient; et dit qu'au con-
traire, le même siège apostolique avait con-
damné de sa propre autorité, Dioscore, reçu
dans le même concile qui avait condamné
saint Flavien. En parlant du faux concile
d'Ephèse et de celui de Chalcédoine, il donne
la différence des bons et des mauvais con-
ciles; avançant pour maxime générale^, que
comme un concile que le premier siège a
réprouvé ne peut avoir de force, celui que
ce siège approuve est reçu de toute l'Eglise;
qu'ainsi un concile illégitime est celui qui
fait quelque chose de contraire à l'Ecriture ^,
à la doctrine des pères et aux canons, et qui
pourceteffetestrejetéde toute l'Eglise, prin-
cipalement du Saint-Siège . « Le 1 égitime, dit-il,
est celui qui juge selon l'Ecriture, selon la
tradition des pères, conformément aux lois
ecclésiastiques, et qui est reçu de toute l'E-
glise et approuvé du Saint-Siège. Un concile
qui a toutes ces conditions ne peut être ré-
voqué en aucune manière. Tel est celui de
Chalcédoine, dans lequel Eutychès et ses
adhérents ont été condamnés. On ne peut
dire la même chose du faux concile d'Ephèse,
où tout s'est passé contre les règles de la
foi et de la communion chrétienne et catho-
lique. Il suit de là, qu'il n'est plus besoin
d'autres conciles pour condamner les euty-
chéens et tous ceux qui communiquent avec
eux; qu'il n'est question que d'exécuter les
décrets de Chalcédoine; et c'est ce que le
Saint-Siège a fait à l'égard d'Acace. Par quel
concile cet évêque lui-même a-t-il déposé
Jean de Talaïa, évêque du second siège,
c'est-à-dire, d'Alexandrie, à qui on ne re-
prochait rien contre la foi catholique, pour
mettre à sa place Pierre, hérétique mani-
feste, qu'il avait lui-même condamné? Par
quel concile Acace a-l-il fait chasser Calan-
dion, évêque du troisième siège, c'est-à-dire,
d'Antioche; et dans tout l'Orient, tant d'évê-
ques catholiques et sans reproches, pour
leur substituer des gens chargés de crimes?
Veut-on l'excuser en disant qu'il y avait été
forcé par l'autorité de l'empereur? mais n'a-
vait-il pas résisté en d'autres occasions au
tyran Basilisque et même à l'empereur Ze-
non, pour ne pas communiquer avec Pierre
d'Antioche? Ne pouvait-il pas aussi lui ré-
sister dans le reste? Mais Zenon, au contraire,
déclare dans ses lettres, qu'il a tout fait avec
le conseil d'Acace; et cet évêque l'avoue lui-
même. S'il ne pouvait s'opposer seul à l'em-
pereur, que n'écrivait-il au Saint-Siège, pour
agir de concert et l'amener ce prince à la
raison? )) Le pape Gélase dit encore , qu'Acace
ne pouvait se prévaloir de ce qu'il avait été
évêque de la ville impériale; que cette pré-
rogative ne lui donnait pas plus d'autorité
que n'en avaient les évêques de Ravenne, de
Milan, de Sirmium, de Trêves et des autres
villes où les empereurs avaient fait de longs
séjours; que l'Eghse de Conslantinople n'é-
tait pas même à comparer avec celles d'A-
lexandrie et d'Antioche, puisque non-seule-
I
* Non reticemus autem quod cuncla per mundum
novit Ecclesia , quoniam quorumlibet senientiis ligata
pontificiim, sedes beati Pétri apostoli jus habet resol-
vendi , utpofe quod de omni Ecclesia fas habeat judi-
candi, neque cuiquain liceat de ejus judicare judicio,
siquidem ad illam de qualibet mundi parte canones
appellari voluerint, ab illu auiem nemo sit appellare
permissus. Ibid., pag. 1203.
^ Quoniam sicut id quod jjrima sedes non probaverat
constare non poiuit, sic quod illa censuit fudicandum
Ecclesia Iota suscepit. Ibid., pag. 1203.
s Vbi etiam consequenier ostenditur, quia maie gesta
synodus, id est contra Scripturas sanctas, contra doc-
trinam Patrum , contra ecclesiasticas régulas quant
tota Ecclesia merito non recepit et prœcipue sedes
apostolica non probavit, per bene gestam synodum, id
est, secundum Scripturas, secundum traditionem Pa-
trum , secundum ecclesiasticas régulas pro fide catho-
lica et communione prolatam , quani cuncta recepit
Ecclesia, quam maxime sedes apo':iolica comprobavit,
debuerit et potuerit immutari, bene vero gestam sy-
nodum nova synodo nullaienus immutandam. Ibid.
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
fV SIÈCLE.]
ment elle n'était pas un siège patriarchal,
mais qu'elle n'avait pas même la dignité de
métropole; qu'autre était la puissance de
l'empire séculier, et autre la distribution des
dignités ecclésiastiques; que comme une pe-
tite ville ne diminue point la grandeur du
prince qui s'y trouve ; ainsi la présence de
l'empereur ne change point l'ordre de la re-
ligion; et que cette ville devrait plutôt pro-
fiter d'un semblable avantage, pour conser-
ver la liberté de la religion, en demeurant
tranquillement dans ses bornes. Gélase rap-
porte que l'empereur Marcien, après s'être
donné de grands, mais inutiles mouvements,
pour l'élévation de l'évêque de Constantino-
ple, avait reconnu que saint Léon s'y était
opposé avec raison, et l'avait loué pour avoir
en cette occasion pris la défense des canons;
qu'Anatolius , alors évêque de cette ville ,
avait dit que cette entreprise venait plutôt
du clergé et du peuple de Constantinople,
que de lui, et que saint Léon en confirmant
le concile de Chalcédoine, avait déclaré nul
tout ce qui était contre les canons de Nicée,
et dépassait le pouvoir qu'il avait donné à ses
légats; enfin que sous le pontificat de Sim-
plice, Probus, évêque de Canuse, légat du
Saint-Siège, avait soutenu en présence de
l'empereur Léon, que la prétention des évo-
ques de Constantinople était sans fondement.
Le pape fait voir ensuite, que quand la dé-
position de Jean et de Calandion aurait été
faite par ordre de l'empereur, c'était à Acace
à s'y opposer; et que s'il était vrai que Ca-
landion eût rayé le nom de ce prince, et que
Jean lui eût menti, il ne fallait pas les chasser
de leurs sièges, avant qu'ils fussent convain-
cus et condamnés dans un concile. Pour lever
toute difficulté sur la condamnation d'A-
cace, Gélase ajoute, que la sentence pro-
noncée contre lui, a été rendue dans un con-
cile d'Italie, quoiqu'elle ne porte que le nom
du pape, parce qu'entre autres raisons, elle
devait être envoyée secrètement, à cause des
gardes qu'on avait mis partout : car si elle
eût été au nom du concile, il était dans l'or-
dre de l'envoyer par des évoques, qui eussent
beaucoup risqué en chemin.
Le pape Gélase parle après cela d'un autre
concile tenu à Rome, où la sentence contre
Acace fut confirmée. Il dit que ce concile se
tint après que la plupart des évoques d'O-
rient eurent été chassés de leurs sièges, ou
497
mis hors de liberté de pouvoir s'assembler.
Il veut, sans doute, parler d'un concile tenu
à Rome en 483, où les évêques au nombre
de quarante-deux, renouvelèrent par leurs
signatures les anathèmes déjà prononcés par
le Saint-Siège, contre Acace, contre Pierre
Mongus et contre Pierre-le-Foulon. Gélase
dit que ces évêques ne s'étaient pas assem-
blés contrôle concile de Chalcédoine, ni pour
opposer à son autorité celle d'un nouveau
concile; mais plutôt qu'ils s'étaient joints au
Siège apostolique, pour mettre en exécution
les décrets de ce concile : en sorte qu'il pa-
raissait assez que l'Eglise catholique avec
le Siège apostolique, ne pouvant pas faire
en tout lieu ce qu'ils désiraient, n'avaient
rien omis pour faire, où ils le pouvaient et
avec ceux qu'ils pouvaient, tout ce qui était
capable de rétablir la communion et une paix
sincère et durable entre les enfants de l'E-
glise.
6. Théodoric devenu maître de l'Italie au i„5i,ueiion
commencement de l'an 493, par la prise de îJS.""""
Ravenne, prit le titre de roi, envoya aussitôt
une ambassade à Ajiastase, composée de
Fauste, maître des offices, et d'Irènée, qui
portait de même que Fauste le titre d'Hlustre.
Le pape Gélase ne leur donna point de let-
tre pour l'empereur, ce qui surprit ce prince,
qui ne se souvenait pas apparemment qu'il
avait défendu à ceux qu'il avait envoyés à
Rome de voir le pape et de lui parler : mais
il paraît qu'il leur mit en main diverses ins-
tructions touchant le schisme auquel la con-
damnation d' Acace avait servi de prétexte.
Il nous reste deux grands fragments qui fai-
saient apparemment partie de ces instruc-
tions. A la tète du premier, on lit cette ins-
cription : Traité de Gélase, où après avoir
montré par les lettres du pape Simplice et
de Félix son successeur ', qu'ils ont connu
ou même jugé l'impiété de Timothée Elure
et de Pierre Mongus, il prescrit aux envoyés
la manière dont ils doivent répondre aux
plaintes des Grecs. L'autre faisait, ce semble,
partie d'une lettre à tous les évoques d'O-
rient ^. On y fait voir qu'il n'était pas besoin
d'assembler un nouveau concile pour la con-
damnation d'Acace, lui-même ayant déposé
beaucoup d'évêques orthodoxes et innocents
sans concile, et qu'il n'avait pu, sans l'auto-
rité du Siège apostolique, absoudre Pierre
Mongus. Fauste et Irénée s'employèrent en
> Tom, IV Conc, pag. 1212.
X.
2ïom. IV Concil., pag. 1277.
3^
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vaift pour faire ôter le nom d'Acace des dip-
tyques. Anastase se plaignait de ce que le
pape condamnait la mémoire de cet évêque.
Euphémius, son successeur, soutenait que
Félix, en le condamnant seul, avait agi con-
tre les canons ; d'autres prétendaient qu'A-
cace avait demandé pardon, et que Rome le
lui avait refusé ; d'où ils prenaient occasion
de traiter les Romains de superbes, et d'ac-
cuser Gélase de ne vouloij' point la paix ;
enfin ils menaçaient de se séparer de la com-
munion du pape, s'il persistait à vouloir que
l'on ôtât le nom d'Acace des diptyques. Gé-
lase informé de toutes les plaintes des Grecs,
par une lettre que Fauste lui en écrivit, lui
envoya une Instruction ou mémoire, pour
leur répondre. Il y dit qu'il avait bien com-
pris que les Grecs demeureraient dans leur
obstination, et qu'ils ne chercheraient qu'à
renverser la foi catholique h l'occasion de
l'ambassade du roi; et qu'il ne sait ce que veut
dire l'empereur quand il se plaint qu'il l'a con-
damné puisque Félix son successeur, non-
seulement avait toujours respecté le nom de
ce prince, mais qu'il lui avait encore écrit sur
son avènement à l'empire. « Je lui ai fait aussi,
dit-il, mes compliments par lettre, sans en
avoir jamais reçu de lui. Les Grecs, ajoule-
t-il, demandent qu'on leur pardonne. Qu'on
lise ce qui s'est passé depuis l'établissement
de la religion chrétienne ; y verra-t-on un
exemple que des évêques, que des apôtres,
que le Sauveur même aient pardonné à d'au-
tres qu'à ceux qui se corrigeaient de leurs
fautes? Nous lisons que Jésus-Christ a ressus-
cité des morts, mais nous ne lisons pas qu'il
ait absous des gens morts dans l'erreur. II a
dit à saint Pierre, que ce qu'il délierait sur la
terre serait délié dans le ciel; mais il n'a pas
compris les morts dans le pouvoir qu'il lui a
donné à cet égard. Quant à la menace qu'ils
nous font de se séparer de l'Eglise romaine,
il y a longtemps qu'ils l'ont mise en exécu-
tion. » Euphémius se plaignait avec les au-
tres Grecs, qu'Acace eût été condamné parle
pape seul. Ils disaient qu'il fallait un concile
général pour condamner un patriarche. Gé-
lase répond qu'Acace avait été condamné en
vertu du concile de Chalcédoine ; que non-
seulement le pape, mais tout évêque, pou-
vait l'endre une semblable sentence; qu'A-
cace n'ayant pas inventé une nouvelle er-
reur, il n'était point besoin d'un nouveau
jugement; qu'au surplus, il est prescrit par
les canons *, que les appellations de toutes
les Eglises seront portées au Saint-Siège,
et que l'on ne pourra en appeler nulle part ,
en sorte qu'il jugera de toute l'Eglise sans
être jugé de personne, et que ses jugements
demeureront sans atteinte ; que Timothée
Elure, Pierre-le-Foulon et plusieurs autres
qui se prétendaient évêques, avaient été con-
damnés par l'autorité seule du Saint-Siège,
de l'aveu d'Acace, qui avait même été l'exé-
cuteur de ce jugement. Le pape demande
aux Grecs, en vertu de quel concile Acace
avait chassé Jean de Talaïa et Calandion de
leurs Eglises, sans les avoir convaincus ni
avant, ni après leur déposition. Et parce
qu'ils soutenaient qu'Acace avait demandé
pardon de sa faute, il leur cite le témoignage
d'une personne de la première condition
nommée Andromaque, qui protestait avec
serment, avoir beaucoup travaillé pour faire
rentrer Acace dans la communion du Saint-
Siège, sans avoir pu vaincre son obstination.
Mais en supposant qu'il fallût un nouveau
concile pour juger l'affaire d'Acace, Gélase
demande si les Grecs prétendaient exercer
chez eux le jugement qu'ils proposaient, en
sorte qu'ils fussent les parties, les témoins et
les juges? «Gela n'est pas permis, leur dit-il,
même dans les affaires civiles, à plus forte
raison dans le cas où il s'agit de l'observation
de la loi de Dieu. S'il s'agit de la religion, la
souveraine autorité déjuger n'est due, selon
les canons, qu'au siège apostolique. S'il s'a-
git de la puissance séculière *, elle doit être
jugée par les évêques, et principalement par
le vicaire de saint Pierre. Personne, quelque
puissant qu'il soit dans le siècle, pourvu qu'il
soit chrétien, ne s'attribue le pouvoir de ju-
ger des choses divines, s'il ne persécute la
religion. »
' Ipsi sunt canones qui appellationes totius Ecclesiœ
ad hiijus sedis examen voluere deferri; ab ipsa vero
numquam prorsus appe.Uari debere, sanxerunt, ac
per hoc illam de tota Ecclesia judicat, ipsam ad nul-
lius commeare judicium, nec de ejus unquam proe-
ceperunt judicio judicari ; sententiamque illius consti-
tuerunt non opertere dissolvi , cujus poilus décréta
seqiienda mandarunt. Gelas., Epist. i, pag. 1169.
' Si quantum ad religionem pertinet, nonnisi apos-
tolicœ sedijuxfa canones debetur summajudicii totius:
si quantum ad sœculi potestatem , il/a a ponfificibus
et prœcipue a beatl Peirl vicarlo débet cognosci : nec
slbi ftoc quisquam potentlsslmus sœculi vlndlcare
prœsumlt nlsi religionem persequens dlvlna judicare.
Pag. 1170.
i
[V'' SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
499
[.étires à 7. Les ïnquiétudes, que causait au pape
^n"°li Gélase le schisme des Grecs *, ne l'empê-
chaient pas de veiller sur les autres Eglises.
Informé que l'on semait de nouveau l'hérésie
de Pelage, en Dalmatie, il écrivit à un évê-
que de la province, nommé Honorius, de pré-
cautionner ses confrères contre ceux qui
osaient faire revivre une erreur condamnée
depuis longtemps par le Saint-Siège sous les
pontificats d'Innocent, de Zosime, de Boni-
face, de Célestin, de Sixte et de Léon d'heu-
reuse mémoire; par les lois de l'Eglise catho-
lique, et par les édits des princes de l'empire
romain ^. L'évéque Honorius répondit au
pape par une lettre que nous n'avons plus,
et qu'il envoya par des députés, qu'il s'éton-
nait du soin qu'il prenait des églises de Dal-
matie , ajoutant qu'il avait au surplus tou-
jours eu des sentiments orthodoxes sur cet
article. Mais Gélase lui fit entendre par une
seconde lettre, qu'il ne devait pas être surpris
de sa vigilance pastorale, puisque de tout
temps le Saint-Siège avait pris soin de toutes
les églises du monde ^. Il chargea les députés
d'Honorius des réponses à quelques articles
qu'ils lui avaient apparemment proposés, ou
de la part de cet évoque ou d'eux-mêmes.
Nous n'en avons aucune.
Btiresanx 8. L^hérésie pélaaienne s'était aussi ré-
iMes de la x o
jhed'An- pandue dans la Marche-d'Ancône, où un
Il Vieillard nommé Sénèque, qui en était in-
fecté, enseignait hautement qu'il n'y avait
pas de péché originel, que les enfants morts
sans baptême ne pouvaient être condamnés,
et que l'homme par le bon usage de son libre
arbitre, pouvait demeurer heureux. Passant
de là à la pratique, il permettait aux clercs
et aux moines d'habiter avec les filles consa-
crées à Dieu, comme n'ayant rien à craindre
s'ils ne voulaient pas. Il parlait même en pré-
sence des évêques avec beaucoup de mépris
de saint Jérôme et de saint Augustin, les lu-
mières des maîtres ecclésiastiques *. Il avait
outre cela excommunié un prêtre qui s'op-
posait à ses erreurs. Ce malheureux vieillard
fut amené devant le pape Gélase, qui ne
trouva en lui que de l'entêtement et de l'i-
gnorance; un esprit bas, grossier et si épais,
qu'il ne pût jamais rendre aucune raison de
la doctrine empoisonnée dont il était imbu.
1 Tom. IV Conc, pag. 1172. — 2 ibid., pag. 1173.
^ Miramur dilectionem tuam fuisse miratam curam
Sedis apostoticœ , quœ more majorum cunctis per
mundum debetur Ecclesiis, pi'o vestrœ regionis quoque
Sede fuisse soliicitam. Gelas. Epist. 6, pag. 1173
Le pape ayant essayé inutilement de le con-
vaincre et de le ramener, laissa à Dieu, à qui
tout est possible, d'amollir le cœur de cet
endurci ; mais il écrivit une lettre assez lon-
gue aux évêques de la Marche-d'Ancône, où
il réfutait les erreurs de ce vieillard, et re-
prenait ces évêques de ne s'y être point op-
posés. Cette lettre qui est datée du i" no-
vembre 498, leur fut portée par le diacre
Romulus. Gélase remarque que ces erreurs
étaient les mêmes que l'Eglise et les empe-
reurs chrétiens avaient condamnées dans
Pelage, dans Célestius et dans Julien ; qu'il
y avait entre eux et Sénèque cette différence
qu'ils étaient éloquents, et que, malgré leur
habileté à défendre leurs dogmes, on n'avait
pas laissé de les convaincre; au lieu que Sé-
nèque par sa stupidité ne pouvait, ni se dé-
fendre ni être convaincu. Il entreprend après
cela la réfutation des trois erreurs que ce
vieillard enseignait avec les pélagiens. Ils
disaient que les enfants étaient créés de Dieu
dans le sein de leurs mères, qu'ainsi c'était
rendre Dieu injuste, de dire que les enfants
étaient coupables de péché avant d'être
nés, et qu'ils en eussent pu commettre par
leur propre volonté. Le pape Gélase répond
que, nos premiers pères ayant péché, la na-
ture humaine a péché en eux ; qu'en consé-
quence tout ce qui est d'eux est, à la vérité
l'ouvrage de Dieu selon l'institution de la na-
ture, mais qu'il participe en même temps à
la contagion, qui a été la suite du péché de
nos premiers pères. «Si après avoir été créés
innocents, dit-il, ils ont pu souiller l'œuvre de
Dieu, par le désir d'une présomption déréglée,
y a-t-il heu de s'étonner qu'étant corrompus
par le péché, ils aient engendré des enfants
corrompus? Leshommes quoique créés libres,
ne sont-ils pas réduits la plupart à la servi-
tude parles lois humaines? De même donc
que les enfants d'un esclave naissent escla-
ves, de même l'homme naît pécheur en tirant
son origine d'un pécheur. » Gélase rapporte
divers passages de l'Ecriture, qui prouvent
qu'aucun n'est exempt de péché, pas même
l'enfant qui n'est né que depuis un jour; et
que personne ne peut avoir la vie éternelle,
s'il n'est baptisé et ne mange la chair du Fils
de l'homme. « Etre privé de la vie éternelle,
* Adhuc niajus scelus accrescit ut sub coiispectu et
prœsentia sacerdrAum beaiœ memoriœ Hieronymum
atque Auyustinum ecclesiasticorum. lumina magisiro-
rum lacerare contenderet. Pag. 1180.
500
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
continua-t-il , c'est sans doute devoir être
dans la mortéteruelle. Pourquoi un enfant '
serait-il compris dans une si terrible condam-
nation, s'il n'avait pas péché? Il paraîtrait de
l'injustice en Dieu (ce qu'on ne saurait pen-
ser sans horreur) s'il n'y avait rien à punir
dans celui qui souffre. D'où il suit qu'un en-
fant ne pouvant être coupable des péchés de
sa volonté propre, il a été souillé par une
naissance vicieuse, qui l'empêche de parve-
nir à la vie éternelle, s'il n'est purifié par la
participation du sacrement des chrétiens.
C'est pour cela qu'on souffle sur les enfants
et qu'on les catéchise. Si leur première gé-
nération n'était point viciée, serait-il besoin
d'une seconde ? » Le vieillard Sénèque disait 2,
que les petits enfants ne pouvaient être dam-
nés pour le seul péché originel ; le pape qua-
lifie cette proposition de très-impie et de très-
profane, comme étant opposée à la pratique
de l'Eglise qui reçoit au baptême les enfants
nouvellement nés pour effacer en eux la ta-
che du péché, et pour leur procurer la vie
éternelle. Ainsi, dit-il, c'est en vain que les
pélagiens ^ répondent que les enfants qui
n'ont pas reçu cette nouvelle naissance, sont
exclus du royaume des cieux, mais qu'ils ne
sont pas punis de la mort éternelle, puis-
que sans baptême ils ne peuvent ni manger
ni boire le corps et le sang de Jésus-Christ;
que sans ce corps et ce sang ils ne peuvent
avoir la vie en eux-mêmes ; et que sans la
vie ils ne peuvent que tomber dans la mort.
Qu'ils disent donc, continue le pape, si l'on
ne doit pas regarder comme étant damnés
ceux qui sont dans la mort éternelle? Qu'ils
ôtent celte espèce de troisième demeure
qu'ils ont inventée pour tromper les enfants,
et comme nous hsons qu'il n'y a que la droite
et la gauche, qu'ils ne fassent pas en sorte
que les enfants non baptisés demeurent à la
gauche, mais plutôt qu'ils permettent qu'a-
près avoir reçu le baptême , ils soient
transférés, parla sainte i-égénération, à la
place salutaire de la droite.» Gélase fait voir
que l'homme ayant corrompu, souillé et
perdu son fibre arbitre par le péché *, il
ne peut, par les seules forces de ce libre
arbitre, être heureux, éviter le mal et faire
le bien ; qu'en abusant de sa liberté ^, il
est tombé dans une perpétuelle servitude,
selon ce qui est écrit : Celui qui commet le
péché en devient esclave; que Jésus-Christ seul
est venu chercher et sauver ce qui était péri,
afin de relever et de réparer par sa grâce la
liberté qu'un orgueil téméraire avait renver-
sée et abattue; et que, par une nouvelle ré-
volution, le libre arbitre de la volonté hu-
maine qui s'était attiré une captivité éter-
nelle en suivant le diable, recouvrât la ré-
compense et le salut, en s'attachant à celui
qui répare la liberté. Saint Paul ne dit-il pas
en effet, que c'est Dieu qui opère en nous le phii. h,
vouloir et le faire '', pour produire une bonne
volonté ? Car il parait que c'est en ce sens que
ce pape entend ces dernières paroles, et qu'il
croit qu'elles n'ont été ajoutées par l'apôtre,
qu'afin qu'on ne crût pas que Dieu opère
aussi le vouloir et le faire, quand l'homme
conçoit une mauvaise volonté. Quant à ce
qu'enseignaient les pélagiens, que la grâce
nous est donnée selon nos mérites, GéJase
rejette cette doctrine comme déjà condamnée
et comme contraire à saint Paul, qui dit,
que si c'est par les ceuvres, et non par la grâce, Rom.n,
que nous sommes sauvés, la grâce n'est plus
grâce. « Qui est le chrétien, dit-il, qui ose
dire, qu'il a quelque chose de bien sans la
grâce '? L'apôtre des Gentils ne dit-il pas que
c'est par la grâce qu'il est ce qu'il est ? Dans
1 Cur igitur infans hac sorte concluditur, si nullmn
habet omnino peccahtm ? Magisque videbitur, rjuod
absit, injustus Deus, si illi infligatur pœna ubi nulla
sit culpa. Gelas., Epist. 1, pag. 1177.
2 De parvulis autem quod asserit sine sacro baptis-
male pro solo originali peccato non passe damnari,
salis impia, salis profana propositio est. Gelas., Epist.
1, pag. 1178.
s Nihil est ergo quod dicam : Quod non renati in-
fantes tantummodo in regnmn cœlorum ire non va-
leant : non autem perpétua damnalione puniantur,
dum sine baptistno corpus et sanguinem Christi nec
edere valeant nec potare : sine autem hoc vitam in
semetipsis habere non passent ; sine vita vero non iiisi
niortui futuri sint. Dicantur igitur morte perpétua
constituli, si non œslimentur esse damnati. Tollant
ergo de medio nescio quem ipsi terlium quem deci-
piendis parvulis faciunt locum, et quia non nisi dex-
tram partem legimus et siiiistram , non illos faciant
in sinislra regione sine baptismale remanere, sed
baptizatos sinant ad dexteram salutarem sacra rege-
neratione transferri. Ibid.
* Homo liberum arbitrium corrupit , fœdavit, per-
didit. Pag. 1179.
^ Quo libero arbitrio maie usus in perpetuam recidit
servitutem , sicut scriplum est : Qui facit peocatum ,
servus est pecoati. Ibid.
s Nonne ipse vas electionis dicit : Deus est qui
operatur in nobis, et velle et perficere, pro bona
voluntate, ne etiam in mala voluntate , et velle et
perficere Deus putaretur operari? Ibid.
' Quis autem audeat chrislianus dicere aliquid ha-
bere boni sine gratta t Ibid.
[v' siècle/
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
SOI
la crainte que son cœur ne s'élevât à cause
de ses grands travaux, il dit que ce n'est pas
lui qui a travaillé, mais la grâce de Dieu avec
Mv.io. lui. Il ne dit pas ' : C'est moi et la grâce de
Dieu avec moi ; mais il marque que la grâce
de Dieu l'a précédé dans l'action ; et pour
montrer que l'on ne peut rien avoir sans la
grâce, il ajoute que la foi même est un don
de la grâce de Dieu. » Sur la fin de sa lettre,
le pape Gélase défend de donner retraite à
Sénèque, de lui accorder l'entrée de l'église
et la communion catholique, de même qu'à
tous ceuxqui seront convaincus de participera
ses erreurs, s'ils ne se corrigent et ne se sé-
parent de lui, voulant qu'on les prive du mi-
nistère ecclésiastique, pour intimider les au-
tres par cette punition, et qu'à l'avenir les
évêques de la Marche-d'Ancône, veillent soi-
gneusement à ce que les personnes des deux
sexes qui sont consacrées à Dieu, demeurent
dans des maisons séparées,
iiire à 9. Fauste et Irénée ambassadeurs du roi
ÎS'en Théodoric, étant revenus de Constantinople
■■■ ""■ à Rome, rapportèrent à Gélase, que l'empe-
reur Anastase se plaignait de ce qu'il ne lui
avait point écrit par eux. Le pape pour satis-
faire ce prince sur cela, lui écrivit une grande
lettre qu'il commença en ces termes : « Ce
n'est point, je vous l'avoue, de mon choix
que je ne vous ai point écrit par Fauste et
Irénée ; mais parce que ceux que vous avez
envoyés à Rome, ont dit par toute la ville,
que vos ordres ne leur permettaient pas
même de me voir, j'ai cru devoir m'abstenir
de vous écrire, pour ne pas me rendre im-
portun. » Il fait ensuite remarquer à Anas-
tase qu'il y a deux puissances ^, par les-
quelles ce monde est principalement gou-
verné, l'autorité sacrée des évêques et la
puissance royale. La charge des évêques est
d'autant plus grande, qu'ils doivent rendre
compte des rois mêmes au jugement de Dieu.
« Car vous savez, lui dit Gélase, qu'encore
que votre dignité vous élève au-dessus du
genre humain, vous baissez la tête devant
les prélats, vous recevez d'eux les sacre-
ments, et vous leur êtes soumis dans l'ordre
de la religion ; vous suivez leurs jugements,
et ils ne se i-endent pas à votre volonté. Que
si les évêques obéissent à vos lois, quant à
l'ordre de la police et des choses temporel-
les, sachant que vous avez reçu d'en haut la
puissance, avec quelle affection devez-vous
être soumis à ceux qui sont établis pour dis-
tribuer les sacrements? Comme il y a pour
eux beaucoup de danger lorsqu'ils néghgent
de parler pour la défense du culte de Dieu,
il n'y en a pas moins pour ceux qui obligés
de leur obéir, les méprisent ; et si les fidèles
doivent être soumis généralement à tous les
évêques qui traitent dignement les choses
divines, combien plus doit-on se conformer
au jugement de l'évêque de ce siège, que
Dieu a étabh au-dessus de tous les évêques,
et en qui l'Eglise a toujours reconnu ce de-
gré de prééminence qui ne lui peut être ôtée
par qui que ce soit, étant fondée sur la pa-
role même de Jésus-Christ. » Le pape presse
Anastase, par la piété qu'il avait témoignée
étant simple particulier, et par le désir qu'il
lui connaissait pour les biens éternels, de
prendre la défense de la foi de l'Eglise avec
autant de zèle qu'il défendait les droits de
son royaume ; et de suivre en cela le siège
apostolique qui s'occupait surtout de conser-
ver pur et exempt de toute corruption le dé-
pôt de la foi. Il dit que c'est l'unique moyen
d'avoir une véritable paix, qui ne peut l'être
si elle n'est fondée sur la vraie foi et sur la
charité. 11 ajoute que si l'on veut défendre
l'eutychianisme, on doit le faire ouvertement
et en toutes les manières qu'on le pourra ;
mais que si on le condamne comme il mérite
de l'être, et qu'il l'a été en effet dans le con-
* Non dixit : Ego et gratia Dei mecum, sed : Prœ-
posuit gratiam prœcedentem se. Ibid., pag. 1180.
2 Duo quippe sunt, imperator Auguste, quibus prin-
cipaliter mundus hic regitur : auctorilas sacra ponti-
ficum et regalis potestas. In quibus tanto gravius est
pondus sacei'dotum quanto etiani pro ipsis regibus
Domino in diuino reddituri sunt examine raiionem.
Nosti enim , fili clementissime , quod licet prœsideas
humano generi dignitate , rerum tamen prœsulibus
divinarum devotus colla subtnitlis , atque ab eis cau-
sas tuœ saluiis expetis, inque sumendis cœlestibus sa-
cramentis , eisque, ut competit , disponendis subdi te
debere cognoscis religionis ordine potius quam prœ-
esse. Nosti itaque inter hœc , ex illorum te pendere
judicio, non illos ad tuam redigi velle voluntatem.
Si enim quantum ad ordinem pertinet publicœ disci-
plinée, cognoscentes imperium tibi superna dispositione
collatum, legibus tuis ipsi quoqiie parent religionis
antistiies , quo rogo te decet affectu eis obedire qui
pro erogandis venerabilibus sunt attributi mysteriis ?
Proinde sicut non levé discrimen incumbit pontificibus
siluisse pro divinitatis culiu : ita his, quod absit, non
médiocre periculum est, qui cum parère debeant, des-
piciunt : et si cunctis generaliter sacerdotihus recte
divina tractantibus fidelium convenit corda submitti,
quanto potius sedis illiiis prœsuli consensus est adhi-
bendus quem cunctis sacerdotibus et Divinitas summa
voluit prœmittere et subsequens Ecclesiœ generalis ju-
giter pieias celehramt. Gelas., Epist. 8, pag. 1182.
S02
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
cile de Clialcédoine, il faut rejeter aussi ceux
ou qui sont infectés de celte hérésie, ou qui
communiquent avec eux, et dès-lors efïacer
le nom d'Acace des diptyques, afin de faire
cesser la division des Eglises et de rétablir la
paix sincère et l'unité de la foi. Comme il sa-
vait qu'on objectait la résistance du peuple
de Constantinople, il répond qu'il y avait
lieu d'espérer que ce peuple qui, après avoir
été attaché à Nestorius et à Macédonius ,
les avait rejetés, en userait de même à l'é-
gard d'Acace; que ceux de cette ville qui
avaient reçu le baptême de la main de ces
deux évoques, n'en avaient souffert aucun
reproche de la part des catholiques ; qu'A-
nastase lui-même avait bien su réprimer ce
peuple, quand il avait voulu remuer à l'oc-
casion des jeux publics ; et que si l'on crai-
gnait d'irriter le peuple d'une seule ville au
préjudice de la cause de Dieu, on devait
beaucoup plus appréhender de blesser la foi
de tous les peuples du monde, «qui seraient,
dit le pape, scandalisés de notre prévarica-
tion (si nous consentions à laisser le nom
d'Acace dans les diptyques). »
Laiire aux 10. Sous le poutificat de Gélase, l'Italie se
Inran"'' ""et trouva tellement désolée par la guerre et par
erw^pâg. la famine, qu'en plusieurs endroits l'on man-
quait de clercs pour le service des églises et
l'administration des sacrements. Dans cette
extrémité , on fut souvent obhgé de passer
sur les formantes ordinaires et de dispenser
dé la rigueur des anciens canons. Mais dans
la crainte que cette condescendance ne tour-
nât en abus , le pape , que Jean , évêque de
Ravenne , avait souvent informé de tous ces
troubles, fit divers règlements qu'il adressa
aux évoques delaLucanie et des Brutiens, et
à ceux de Sicile , chez qui le mal était appa-
remment plus grand que dans les autres par-
ties de l'Italie. Il ordonne , premièrement • :
que les anciens canons demeurant en vigueur
dans les lieux où il n'y avait aucune néces-
sité d'en dispenser, il sera permis de faire
prêtre dans un an celui qui sera tiré de la
vie monastique, pourvu qu'il n'y ait aucun
empêchement canonique, qu'il ne soit pas
coupable de grands crimes , qu'il n'ait point
été marié deux fois ni épousé de veuve, qu'il
n'ait point de défaut corporel , qu'il ne soit
point de condition servile ni obligé à quelque
charge pubhque ou particulière , et qu'il ne
soit pas dans l'ignorance des letti-es, car ce-
lui qui ne sait pas lire pourrait à peine être
portier. A ces conditions, le moine qu'on
voudra ordonner sera d'abord lecteur, no-
taire ou défenseur; trois mois après acolyte;
six mois après sous-diacre s'il a l'âge; le neu-
vième mois diacre, s'il s'en rend digne par
sa conduite; et prêtre au bout de l'an. Deu-
xièmement : mais si c'est un laïque ^ que l'on
veut mettre dans le clergé , on doit l'exami-
ner à proportion de la différence qu'il y a
entre la vie mondaine et la vie régulière, de
peur que , sous le prétexte du besoin de mi-
nistres, on ne remplisse le clergé de per-
sonnes vicieuses. Celui donc qui sera ordonné
étant simple laïque , sera éprouvé six mois
davantage, et ne pourra être prêtre qu'après
dix-huit mois. Troisièmement : défense aux
évêques de consacrer de nouvelles églises
sans en avoir les pouvoirs nécessaires^, et de
rien entreprendre sur les clercs d'un autre
diocèse. Quatrièmement : il leur est aussi dé-
fendu * de rien exiger pour le baptême ou
pour la confirmation , ni de rien demander
aux nouveaux baptisés, parce qu'on doit don-
ner gratuitement ce qu'on a reçu gratuite-
ment. Cinquièmement : les prêtres ^ ne doi-
vent point s'élever au-dessus de leur rang.
1 Priscis pro sut revereniia manentibus constitutis ,
quœ ubi nulla vel rerum vel temporum perurget an-
yustia, regulariter convenu custodire, eatenus Ecc le-
nts quœ vel cunctis sunt privatœ ministris , vel suffi-
cientibus usque adeo dispoliatœ serviiiis , ut plebibus
ad se pertinentibus divina munera supplere non va-
leant, tam instiiuendi quam promovendi clericalis
obsequii sic spatia dispensanda concedimus ; ut si guis
etiam de religioso proposito et disciplinis monaste-
rialibus erudiius, ad. cléricale munus accédât, impri-
mis ejus vita prœieritis acta iemporibus inquiratur.
Si in his omnibus quœ sunt prœdicta fuleitur, conti-
nua lecior vel notarius , aut cerie defensor effectus ;
post très menses exsistat acolythus ; maxime si huic
œtas etiam suffragatur, sexto mense subdiaconi no-
men accipiat; ac si modeslœ cotiversationis honestœque
voluntatis exsistit, nono mense diaconus; compkto-
que anno sit presbyter. Gelas., Epist. 9, pag. 1188.
2 Si vere de laicis est quispiam aggregandus officiis,
tanto solliciiius in singulis decet examinari personam,
quantum inter mundanam religiosamque vitam constat
esse discriminis : quia utique convenientia sunt Ec-
clesiœ ministeria reparanda, non inconvenientibus me-
ritis ingerenda... quorum permotionibus super anni
metas sex menses subrogamus. Ibid.
s Basilicas noviter institutas, non pelitis ex more
prœceptionibus, dedicare non audeant; nec ambiant
episcopi sibimet vindicare clericos potestatis alienœ.
Ibid., pag. 1189.
' Baptizandis consignandisque fidelibus sacerdotes
pretia nulla prœfigant, nec illationibus quibuslibet
imposais exagitare cupiant renascenies : quoniam
quod gratis accepimus, gi-aiis dare mandamur. Ibid.
i» Nec minus etiam presbyleros ultra modum suum
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GELASE, PAPE
[V= SIÈCLE.]
ni entreprendre de faire le chrême , de con-
firmer, de faire aucune bénédiction ni fonc-
tion en présence de l'évêque, ni de s'asseoir
ou de célébrer en sa présence sans sa per-
mission. Ils doivent encore se souvenir qu'ils
n'ont pas le pouvoir d'ordonner un sous-
diacre ou un acolyte sans le souverain pon-
tife, ni de faire d'eux-mêmes aucune autre
fonction du ministère épiscopal , sous peine
d'être privés de leur dignité et de la sainte
communion. Sixièmement : les diacres se
tiendront aussi dans les bornes de leur mi-
nistère , sans faire aucune des fonctions qui
n'appartiennent qu'aux prêtres, ni même
baptiser sans le prêtre et sansl'évêque, hors
le cas de nécessité, où on le permet même
souvent aux chrétiens laïques '. Il est encore
défendu aux diacres de se mettre au rang
des prêtres lorsqu'on célèbre les divins mys-
tères, ou dans les assemblées ecclésiastiques,
et de distribuer le corps de Jésus-Christ en
présence de l'évêque ou des prêtres. Sep-
tièmement : défense de ne baptiser en d'au-
tres jours qu'à Pâques et à la Pentecôte, sinon
dans le cas de nécessité, où l'on doit avoir
soin que le malade ne meurre point sans ce
remède salutaire -. Huitièmement : les ordi-
nations ne se doivent faire qu'aux jours solen-
nels 3, c'est-à-dire aux jeûnes des quatrième,
septième et dixième mois, et au commence-
ment du carême, c'est-à-dire aux quatre-
temps, à la mi-carême, le samedi sur le soir,
503
car il n'est pas permis, pour quelque utilité
que ce soit, d'ordonner un prêtre ou un diacre
dans un autre temps. En donnant ce sens au
texte de Gélase, il faut dire que nous ne l'a-
vons pas dans sa pureté : il porte à la lettre
que, pour quelque utilité que ce soit, l'on ne
doit point préférer un prêtre ni un diacre à
ceux qui ont été ordonnés avant eux. Neuviè-
mement : à l'égard des vierges *, on ne doit
leur donner le voile qu'à l'Epiphanie, à Pâ-
ques et aux fêtes des apôtres, si ce n'est qu'é-
tant dangereusement malades, elles deman-
dent de ne pas mourir sans cette consolation.
Dixièmement : mais on ne doit donner aux
veuves ni voile ni bénédiction : il faut seule-
ment les exhorter à demeurer fermes dans
leurs bonnes résolutions. Onzièmement :
comme il est défendu d'ordonner des hommes
de condition servile, il l'est aussi de les re-
cevoir dans les monastères , si ce n'est du
consentement de leurs maîtres qui les aient
afi'ranchis ou cédés par écrit. Treizièmement :
il l'est pareillement aux clercs ^ de faire au-
cun trafic ni de chercher des gains sordides,
et cela sous peine d'être privés des fonctions
de leur ministère , en quelque degré qu'ils
soient constitués. Quatorzièmement : le pape
renouvelle ensuite les anciens canons tou-
chant les quahtés de ceux que l'on peut ad-
mettre dans le clergé. Il veut qu'ils soient
lettrés *, qu'ils n'aient aucun défaut de corps,
qu'ils ne se soient pas mutilés eux-mêmes ',
tendere prohibemus : nec episcopali fastigio débita
sibimet audacter assumere : non conficiendi chrisma-
tis, non comignationis pontificalis adhibendœ sibimet
arripere facultatem ; non prœsente quolibet antistite,
nisi forte jubeaniur, vel orationis, vel aclionis sacrœ
supplendœ sibi prœsumanf esse liceniiam ,■ neque sub
ejus aspectu, nisi jubeaniur aut sedere prœsumant aut
veneranda tractare mysteria. Nec sibi meminerint
ulla ratione consedi , sine summo pontifice, subdiaco-
num aut ocobjtfium jus habere faciendi : nec prorsus
addubilent, si quidquam ad episcopale ministerium
specialiler pertinens suo motu puiaverint exequendum,
continua se presbyierii dignitaie et sacra communions
privari. Ibid.
• Diaconos quoque propriam servare mensuram , nec
ultra tenorem paternis canonihus deputatum quidpiam
tentare permittimus... absque episcopo vel presbytero
hapiizare non audeant, nisi prœdiciis fortasse officiis
longius consiitutis nécessitas exirema compellat. Quod
et laicis christianis facere plerumque conceditur. Non
in presbyterio residere cum divina celebrantur, vel
ecclesiasticus kabelur quicumque tractaius. Sacri cor-
poris prœrogaiionem, sub conspectu pontificis seu pres-
byierii, nisi his abseniibus Jus non àabeant exercendi.
Ibid., pag. 1190.
'■' Baptizandi sibi quisquam passim quocumque tem-
pore nullam credat inesse fiduciam prœter Paschale
feslum et Pentecostes venerabile sacramentum, excepta
duntaxat gravissimi languoris incursu : in que ve-
rendum est 7ie, morbi cresceniepericulO;'remedio salu-
tari foriassis œgrotans exitio prœventus abscedat.
Ibid., pag. 1191.
' Ordinationes etiam presbyterorum et diaconorum
nisi ceriis temporibus et diebus exercere non debent ,
id est, quarli mensis jejmiio, sepiimi et decimi , sed
etiam quadragesintalis initii , ac mediana Quadrage-
simœ die, sabbati jejunio circa vesperam noverint ce-
tebrandas. Nec cujuslibet utilitatis causa seu presby-
terum , seu diaconum his preferre , qui anie ipsos
fuerint ordinati. Ibid.
* Devotis quoque Deo virginibus nisi aut in Epipha-
niurum die aut in Albis paschalibus, aut in apostolo-
rum Nataliiiis sacrum minime velamen imponant ,
nisi forsiian gravi languore correptis, ne sine hoc
munere de sœculo exeant, implorantibus non negetur.
Ibid.
^ Ad nos missa relaiio nuntiavit plurimos clericorum
negotiationibus inhonestis et lucris iurpibiis immi-
nere... proinde hujusmodi aut ab indignis posttiac
quœstihus noverint abstinendum et ab omni cujuslibet
negotiationis ingénia vel cupiditaie cessandum, aut in
quocumque gradu sint positi, mox a clericalibus offi-
ciis abstinere cogantur. Ibid., pag. 1192.
6 Gelas., Epist. 9, cap. svi. — ' Gap. xvil.
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qu'ils n'aient été atteints d'aucun crime ',
qu'ils aient l'esprit sain et n'aient point été
possédés du démon , qu'ils ne se soient pas
mariés deux fois 2. II défend aussi de pi'o-
movoir les clercs déserteurs qui passent
d'une Eglise à l'autre ^. Quinzièmement : il
ordonne de mettre en pénitence publique *
ceux qui auront épousé des vierges consa-
crées à Dieu, en leur accordant toutefois le
viatique à la mort, s'ils ont témoigné du re-
pentir de leur faute ^. Il traite moins sévère-
ment les veuves qui se marient * après avoir
fait profession de garder le célibat; il ne les
condamne pas à la pénitence publique, mais
il veut qu'on se contente de leur remontrer
la faute qu'elles ont faite. Seizièmement : il
déclare que l'on doit chasser du clergé ^ ceux
qui auront été convaincus d'y être entrés
pour de l'argent, la simonie n'étant pas moins
condamnée dans celui qui donne que dans
celui qui reçoit. Quelques femmes s'étaient
ingérées de servir l'autel * et d'y faire des
fonctions qui n'appartiennent qu'aux hom-
mes : le pape défend cet abus. Il se plaint
aussi ^ de ce qu'en quelques endroits on avait
consacré des églises sans la permission du
Saint-Siège, et de ce qu'on leur avait donné
des noms de morts qui n'étaient pas même
du nombre des fidèles. Dix-septièmement :
ensuite il passe à la dispensation des reve-
nus et des oblations de l'Eglise, voulant que
suivant l'ancienne règle '"on en fasse quatre
parts, dont la première soit attribuée à l'é-
vêque, la seconde aux clercs, la troisième
aux pauvres, la quatrième aux fabriques,
c'est-à-dire aux bâtiments. 11 ajoute que cette
distribution doit s'observer si fidèlement que
l'évêque ne s'attribue rien de la part du clergé
ni le clergé rien de la part de l'évêque, et
que celle qui est destinée pour les bâtiments
y soit employée de manière qu'il soit cons-
taté de son emploi, n'étant pas permis à l'é-
vêque de négliger les édifices sacrés pour
tourner à son profit les revenus destinés à
les réparer; qu'à l'égard de la part des pau-
vres, l'évêque doit aussi faire connaître qu'elle
leur est distribuée exactement, quoiqu'il
doive encore en rendre compte à Dieu. Gé-
lase finit sa lettre en chargeant les clercs de
l'avertir des abus qu'ils verront commettre,
soit par l'évêque, soit par les prêtres ou par
les autres ecclésiastiques. Elle est datée du
11 mars 494.
11. Le 15 mai de la même année 494, le
pape Gélase écrivit aux évêques de Sicile
pour leur marquer la distribution qu'ils de-
vaient faire des revenus de l'Eglise. 11 charge
leur part du soulagement des étrangers et
des captifs, et veut que, conformément aux
lois des empereurs, les Egiises jouissent des
biens dont elles sont en possession depuis
trente ans ".
12. La lettre à ^onius, évêque d'Arles, est
du 23 août 494. Le pape Gélase lui écrivit
pour lui donner avis de son élévation au pon-
tificat, et des assurances où il était de vivre
en union et en communion avec les évêques
des Gaules. Le prêtre Euphrone et le moine
Restitut, qui étaient allés en Italie pour pro-
curer quelque subsistance à leur monastère,
furent porteurs de cette lettre.
13. Le cardinal Déus dédit nous a conservé,
dans sa Collection de canons , des fragments
de dix autres lettres du pape Gélase. Dans la
l-ellro
évêques il
cile, en (
pag. 1136
Lellr.
494, p. 1
* Cap. xvm. — 2 Cap. six.
3 Gap. XXII. — * Gap. sxiii.
^ Virginibus autem sacris temere se quosdam sociare
cognovimus et post dicatum Deo propositum incesta
fœdera sacrilegaque miscere. Quos protinus œquum est
a sacra communione detrudi, et nisi per publicam
prohatamque pœnitentiam omnino non recipi; sed ia-
men viaticum de sœculo transeuntibus, si tamen pœni-
iuerini, non negetur. Ibid.^ cap. xXj pag. 1193.
6 Gap. XXI.
■7 Quos vero consiiterit indignas meritis sacram esse
mercatos pretio dignitatem , convictos oporfet arceri :
quia dantem pariter et accipientem damnatio Simonis
involuit. Gap. xxiv.
8 Gap. XXVI. — 9 Gap. xsv.
lo Quatuor autem tam de reditu, quam de oblaiione
fidelium proui cujuslibet Ecclesiœ facultas admitiit,
sicut duduni ratiotiabiliter decreium est, convenit fieri
portiones. Quorum sit una pontificis, altéra clerico-
rum, pauperum tertia, quarta fabricis applicanda : de
quibus sicut sacerdotis inlererit integram ministris
Ecclesiœ memoratam dependere quantitatem : sic clerus
ultra delegatam sibi summam nihil insolenter noverit
expetendum : ea vero quœ ecclesiasticis œdificiis at-
tributa sunt, huic operi veraciter prœrogata, locorum
doceat instauratio manifesta sa'nelorum : quia nefas
est si sacris œdibus desiitutis, in lucrum suum prœsul
his deputata convertat. Ipsam nihilominus adscriptam
pauperibus portionem , quamvis divinis rationibus se
dispensasse monstraturus esse videatur, tamen oportet
etiam prœsenti testificatione prœdicari et bonœ famœ
prœconiis non taceri. Ibid., cap. xxvil, pag. 1195.
11 Illud etiam annecti placuit ut si facultates Eccle-
siœ nec non et diocœses quœ ab aliquibus possidentur
episcopis, jure sibi vindicent quod tricennalis lex con-
clusit, quia et filiorum noslrorum principum ita ema-
navit auctoriias, ut ultra iriginta annos nulli liceat
pro eo appellare quod tegum tempus exclusit. Gelas.,
Epist. iO, pag. 1196.
[V SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
305
première , qui était adressée à l'évêque Cé-
lestin, le pape lui donne commission d'établir
un prêtre dans une nouvelle église bâtie sous
le nom de saint Eleutlière , martyr, et d'éle-
ver à cet effet à la prêtrise le diacre Julien,
pourvu qu'il n'en eût aucun empêchement
canonique. L'évêque Gélestin est appelé visi-
teur dans cette lettre ', parce qu'il ne l'était
que par commission , pour le distinguer de
l'évêque propre ou diocésain, qui y est appelé
évêque-cardinal. Le pape commande, dans
la seconde lettre , à l'évêque Sabin d'or-
donner diacre Quartus, défenseur, pour une
autre église qui le demandait. La troisième,
aux évoques Quinigésius et Constantin, re-
garde l'aËfaii'e des clercs de l'Eglise de Noie,
désobéissants à leur évêque. Ces clercs, nom-
més Félix et Pierre, s'étaient pourvus devant
le roi Théodoric. Sérénus , évêque de Noie,
fit voir à ce prince qu'ils lui avaient exposé
faux : ce qui l'engagea à renvoyer l'afFaire
au pape. La quatrième, à l'évêque Victor, est
pour le charger de rétablir le service divin
dans l'église de Sainte - Agathe , tombée en
ruine par la perte des fonds, mais qui depuis
avait été rétablie par les libérahtés de plu-
sieurs personnes. Le pape charge, dans la
cinquième, les évêques Respectus et Léoni-
nus, de s'informer du mauvais ménage d'un
évêque accusé de s'être approprié les biens
de son Eglise et même ceux que son prédé-
cesseur avait légués pour la subsistance des
clercs. La sixième est une commission aux
évêques Juste et Etienne, de s'informer d'un
meurtre commis en la personne d'un esclave
de l'Eglise, et d'une insulte faite à l'évêque
Proficuus. Le pape veut que, les faits étant
bien et dûment constatés, l'évêque lésé se
pourvoie devant le juge de la province pour
faire punir le coupable. Il donne ordre, dans
la septième, aux évêques Majoric, Sévère et
Jean , de priver de la communion certaines
personnes qui avaient usurpé des biens de
l'Eglise et du patrimoine des pauvres, et
d'employer même contre eux l'autorité des
lois civiles, jusqu'à ce qu'ils aient réparé le
tort. 11 veut aussi qu'on prive de ses fonctions
le prêtre Gélestin qui, depuis la sentence de
l'évêque et contre la défense du Siège apos-
tolique , leur avait administré la sainte com-
munion. Par la huitième, il ordonne à l'évê-
que Jean de restituer à une certaine église
un calice que son prédécesseur lui avait en-
levé. La neuvième est contre les évêques qui
entreprenaient sur les droits de leurs con-
frères; le pape y renouvelle les anciens dé-
crets qui portent que le métropolitain ordon-
nera tous les évêques de sa province, et que
les évêques de la province ordonneront le
méti'opolitain. Cette lettre est adressée à l'é-
vêque Natalis. La dixième, qui est au clergé
et au peuple de Brindes, contient les mêmes
règlements que celle que le pape écrivit aux
évêques de Lucanie, touchant les qualités de
ceux que l'on doit ordonner, les temps de
l'ordination, celui du baptême, et la distii-
bution des revenus et oblations de l'Eglise
en quatre parts. Il y répète que les ordina-
tions doivent se faire le samedi des quatre-
temps, sur le soir.
li. Dom Luc d'Achery et le père Labbe Lettre à
après lui nous ont donné une lettre du pape ""qVJ''"dè
Gélase à Rustique , évêque de Lyon , datée pZg°il49fet
du 22 février 494. C'était pour le prier d'as- 'cu"';pa''B.l'8!:
sister saint Epiphane de Pavie, envoyé dans
les Gaules par le roi Théodoric , pour soula-
ger et racheter les captifs que les Bourgui-
gnons avaient faits dans la Ligurie. Gélase
prie Rustique de faire voir qu'il l'aimait par
la manière dont il recevrait saint Epiphane,
qui, ce semble, fut chargé de cette lettre. Il
mande encore à Rustique que ce saint évêque
lui apprendrait les persécutions qu'il souffrait
par rapport à l'affaire d'Acace de Constanti-
nople , et témoigne souhaiter de savoir ce
que lui et les autres évêques des Gaules pen-
saient sur cela. Nous n'avons aucune connais-
sance de la réponse que Rustique fit à Gélase.
Mais il parait , par la lettre que ce pape lui
écrivit, qu'il en avait reçu une de lui pleine
de charité et de consolation. Ennode ^ de
Pavie parle de celle que saint Epiphane, son
prédécesseur, écrivit au roi Théodoric , tant
pour lui rendre compte de sa légation, que
pour le prier de faire rendre les biens à ceux
à qui il avait procuré la liberté.
15. Le traitéc?erj4wa;/iè»zen'a ni commen- „. ,
Traite de
cément m fin. Il y a peu d'ordre dans le reste : l'Anathème ,
■^ ^ pag. 1227.
de fréquentes et inutiles répétitions, et moins
de noblesse et de force dans le style qu'il
n'en paraît dans les écrits de Gélase. Quoi-
que le but principal de ce traité soit de mon-
trer qu'encore qu'il fût dit, dans la sentence
du pape Félix contre Acace, qu'il ne « serait
' Sciturus eum visitaioris te nomine, non cardinalis
créasse pontifias. Gelas., Epist. ad Cœlest,, pag. 1224.
2 Eanod., Viia Epiphan.
506
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
jamais absous de l'anathème , » cela ne de-
A'ait avoir lieu qu'au cas qu'il ne se corrigeât
pas; on y trouve plusieurs choses qui n'ont
aucun rapport à ce sujet et qui regardent ou
le concile de Chalcédoine ou quelque autre
matière ; ce qui donne lieu de croire que c'est
un composé de diverses pièces sans liaison
et sans suite, tirées des réponses aux objec-
tions des Grecs, et auxquelles le compilateur
aura ajouté du sien. Il se fait d'abord cette
objection : Si l'on reçoit le concile de Chal-
cédoine , on doit le recevoir en tout , et dès-
lors admettre le privilège du second rang
qu'il a accordé à l'évêque de Gonstantinople
par son vingt -huitième canon, A quoi il ré-
pond que toute l'Eglise reçoit sans difficulté
ce que ce concile a décidé conformément à
l'Ecriture , à la tradition et aux canons pour
la foi catholique , le Saint-Siège n'ayant or-
donné la tenue de ce concile que pour ce su-
jet, et ne l'ayant confirmé qu'à cet égard;
mais ce qui a été avancé sans l'autorité et
l'ordre du Saint-Siège, il ne l'a jamais ap-
prouvé, quelque instance que lui en fit l'em-
pereur Marcien. 11 appuie sa réponse par une
comparaison tirée des livres saints. Nous res-
pectons les vérités qu'ils contiennent, mais
nous n'approuvons pas les mauvaises actions
que les historiens sacrés rapportent. Venant
ensuite à l'explication de celte clause de la
sentence de Félix contre Acace, « qu'il ne
devait jamais être absous , » il dit que cette
clause n'ajoute rien à la condamnation, et
qu'elle ne devait avoir lieu que tant qu' Acace
demeurerait obstiné. Il traite , à cette occa-
sion , du péché contre le Saint-Esprit , et dit
que l'Ecriture ne le déclarant irrémissible que
dans les incorrigibles, il en était de même de
la sentence contre Acace, le pape n'ayant pas
dit qu'il ne serait jamais absous quoiqu'il se
corrigeât. Il ajoute qu'Acace ayant devant
les yeux l'exemple des évoques du concilia-
bule d'Ephèse, à qui l'on avait pardonné lors-
qu'ils avaient demandé pardon de leur faute,
il avait lieu d'espérer comme eux le pardon
de la sienne. Voici comme il s'explique sur
la distinction des deux puissances, l'ecclésias-
tique et la séculière : « Je veux croire qu'a-
vant la venue de Jésus-Christ ', quelques-uns
aient été en figure rois et prêtres en même
temps , comme l'Ecriture le dit de Melchisé-
dech, ce que le démon a imité dans les siens,
parmi lesquels les empereurs païens pre-
naient aussi le nom de souverains pontifes.
Mais depuis la venue de celui qui est vérita-
blement Roi et Pontife tout ensemble, l'em- j
pereur n'a plus pris le nom de pontife, et le *
pontife ne s'est plus attribué la dignité royale.
Car, bien que tous les membres de Jésus-
Christ soient nommés une race royale et sa-
cerdotale, néanmoins Dieu, connaissant la
faiblesse humaine et voulant sauver les siens
par l'humilité, a séparé les fonctions de l'une .
et de l'autre puissance, en sorte que les em-
pereurs chrétiens eussent besoin des pontifes
pour la vie éternelle, et que les pontifes sui-
vissent les ordonnances des empereurs pour
le cours des affaires temporelles, afin que
celui qui sert Dieu ne s'embarrassât point du
soin des choses temporelles, et que celui qui
est engagé dans les affaires séculières ne fût
pas chargé du gouvernement des choses di-
vines. De cette manière, l'un et l'autre ordre
est contenu dans la modération, et chaque
profession est appliquée aux actions qui lui
conviennent. Cette distinction des deux puis-
sances établie , il paraît clairement qu'un
évêque ne peut être ni lié ni délié par une
puissance séculière ; qu'ainsi Pierre Mongus
n'a point été légitimement absous, ne l'ayant
pu être par l'autorité de l'empereur Zenon.»
iQ. Quelque temps après que le pape Gé- Traiucon-
lase eut aboli dans Rome les lupercales , un qnV p-'S-
sénateur nommé Andromaque et quelques
1 Fuerint hœc ante adventum Chrisii, ut quidam fi-
guraliter pariter reges existèrent et pariter sacerdotes.
Quod sanctus Melchisedech fuisse saa'a prodit histo-
ria. Quod in suis quoque diabolus imitatus est, utpote
qui semper quce divino cultui convenirent, sibimet ty-
rannico spiritu vendicare coniendit, ut pagani impera-
tores iidem et maximi pontifices dicerenfur. Sed cum
ad verum ventum est, eumdem regem atque poniificem,
ultra sibi nec imperator pontificis nomen imposuit, nec
pontifex regale fasligium vendicavit. Quamvis enim
membra ipsius, id est, veri régis atque pontifiais se-
cundum participationem naturœ, magnifiée utrumque
in sacra generositate sumpsisse dieantur, ut simul re-
gale genus et sacerdotale subsistant : attamen Christus
memor fragilitaiis humanœ, quod suorum saluti con-
grueret dispensatione magnifica tempero.ns , sic actio-
nibus propriis dignitatibusque distinctis officia potes-
tatis utriusque discrevit , suos volens medicinali
humilitate salvari, non humana superbia rursus inter-
cedere , ut et christiani imperatores pro œterna vita
pontificibus indigerent, et pontifices pro temporalium
cursu rerum imperialibus dispositionibus uterentur
quatenus spiritalis actio a carnalibus distaret incur-
sibus : ac vicissim non ille rébus divinis prœsidere
videretur, qui esset negotiis sœcularibus implicatus,
ut et mudestia utriusque ordinis curaretur, ne extol-
leretur uiroque suffulsus et competens qualitatibus
actionum specialiter professio aptaratur. Gelas., de
Anat., pag. 1252.
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GELASE, PAPE.
[V« SIÈCLE.]
autres personnes voulurent les rétablir, sous
le faux prétexte que les maladies dont cette
ville était attaquée venaient de la suppression
de cette fête. Le pape leur fit voir, dans un
discours, qu'ils étaient indignes du nom de
chrétien qu'ils portaient; qu'en voulant allier
avec la profession du christianisme le culte
superstitieux des faux dieux, ils commettaient
un adultère spirituel, et que pour ce crime,
que les évèques avaient droit de punir comme
ils l'ont de punir l'adultère corporel , ils mé-
ritaient, pour les blasphèmes qu'ils avaient
dits en public, d'être séparés du corps de
l'Eglise, ne leur étant pas permis de partici-
per en même temps à la table du Seigneur
et à la table des démons. Il leur fit voir en-
core qu'ils ne savaient pas même ce que c'é-
taient que les lupercales, puisque, selon Tite-
Live, elles avaient été établies non pour dé-
tourner les maladies , mais pour rendre les
femmes fécondes; qu'aussi les maladies n'a-
vaient pas été moins communes dans les temps
qu'on célébrait les lupercales, qu'en d'autres
où on ne les célébrait pas, et que les fléaux
publics dont Rome était affligée, devaient
s'attribuer aux dérèglements des mœurs de
ses habitants. Ne célébrait-on pas les luper-
cales quand les Gaulois prirent Rome? Dans
le temps des guerres civiles? lorsque Alaric,
Anthémius et Ricimer saccagèrent cette ville ?
Andromaque répondit que les papes précé-
dents n'avaient point aboli les lupercales.
Gélase en convient , mais il dit que n'étant
pas possible de guérir en même temps toutes
les parties malades d'un corps, chacun de ses
prédécesseurs avait travaillé à en guérir quel-
qu'une; qu'ils ont peut-être tenté d'abolir les
lupercales sans en être venus à bout , parce
que les princes ne les ont point écoutés, et
que c'est ce qui a fait périr l'empire ; qu'au
surplus, chacun devant rendre compte à Dieu
de son administration, il ne se croit point
permis d'accuser de négligence ses prédé-
cesseurs. « Pour ce qui me regarde, ajoute-
t-il, je défends à aucun homme baptisé, à au-
cun chrétien, de célébrer cette fête; que les
païens seuls pratiquent ces sortes de supers-
titions. Je dois déclarer aux chrétiens qu'elles
leur sont pernicieuses et funestes. J'acquit-
terai ma conscience. C'est à ceux qui n'obéi-
ront pas à mes avis à penser à eux. »
17. Dans son traité contre les Pélagiens, le
507
pape Gélase entreprend de réfuter cette pro- giens, pag.
position : « Que quelqu'un peut passer sa
vie sans commettre aucun péché. Si l'on dit
qu'il le peut sans le secours de la grâce,
c'est une erreur. Si c'est avec ce secours, la
proposition est soutenable, parce que tout
est possible avec la grâce de Dieu. Mais y a-
t-il quelqu'un qui ait effectivement vécu sans
péché? » Le pape répond que comme ce fait
n'est point clairement constaté, il ne veut ni
l'assurer ni le révoquer en doute. Ainsi il
prend le parti de montrer en général, par
un grand nombre de passages de l'Ecriture,
que tous les hommes ont péché, à l'excep-
tion du seul Agneau sans tache par qui les
péchés ont été remis aux autres, soit dans
les temps qui ont précédé la loi de Moïse,
soit sous cette loi, soit sous la loi de l'Evan-
gile. Avant la loi, tous expiaient leurs péchés
par des oblations mystiques : sous la loi, les
prêtres offraient des sacrifices, non -seule-
ment pour l'expiation des péchés du peuple,
mais aussi pour les leurs propres. Les apô-
tres, dans leurs écrits, répètent continuelle-
ment que personne n'est exempt de péché.
L'oraison dominicale le suppose, puisque
nous y demandons et le pardon de nos fau-
tes, et le secours pour n'y plus retomber.
Gélase met le péché des anges dans la com-
plaisance qu'ils ont eue dans la beauté de
leur être, en sorte qu'ils se sont préférés à
Dieu et ont négligé de lui rendre l'honneur
qui lui était dû. Pour montrer la force de la
grâce , ce pape dit * que sans elle l'homme
n'aurait pu persévérer dans l'innocence qu'il
avait reçue dans sa création , et qu'avec elle
l'homme tombé pouvait recouvrer l'inno-
cence qu'il a perdue par le péché. Il donne
pour raison de l'incarnation, la réparation
du genre humain, ajoutant que Jésus-Christ
a non-seulement vaincu le démon qui avait
séduit l'homme, mais qu'il a encore accordé
à l'homme de vaincre par sa grâce et par la
vertu de la foi celui par qui il a été vaincu.
Ensuite il explique en quel sens saint Paul
a dit que les enfants des fidèles sont saints,
et que la femme fidèle sanctifie l'homme infi-
dèle. Les enfants des fidèles sont saints en
comparaison de ceux qui naissent de pa-
rents infidèles. Les parents fidèles procurent
le baptême à leurs enfants; ils les exhortent
à la piétéj; ils prient pour eux, ce sont tout
' Qumilumcumque grutia ista prœvaleat inagis inde
cognoscitur, dum et incoiumis absque eadem slare ne-
quiverit et vateat ad eamdem incolumitatem redire
■post lapsum. Gelas., conir. Pelag., pag. 1246.
308
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Ephes.iv,13.
autant de moyens de sanctification pour
leurs enfants, et c'est là la vraie raison poar-
quoi il est dit que leurs enfants sont saints.
Il en est de même d'un mari infidèle qui
épouse une femme fidèle. Celle-ci peut l'en-
gager par les mêmes moyens à la sanctifica-
tion : et pour preuve que l'alliance d'un in-
fidèle avec une femme fidèle, ne sanctifie
icor.Tii.is. pas seul, saint Paul ajoute : Que si le mari
infidèle se sépare d'avec sa femme qui est fidèle,
quelle le laisse aller. Il explique encore ce que
c'est que de panenir, selon ce même apôtre,
à l'état d'un homme par fait . Il l'entend de l'u-
nion de toute l'Eglise avec Jésus-Christ, qui
en est le chef, la vertu et la perfection. Car
cette Eglise , qui est l'épouse et la chair de
Jésus-Christ, est composée de deux sexes,
qui sont un en lui. Gélase dit dans ce traité
que, quelque désir qu'eût saint Paul d'aller
prêcher en Espagne, la pi'ovidence ne le lui
permit pas *.
18. Le traité le plus considérable du pape
Gélase est celui qu'on lui a disputé avec plus
d'opiniâtreté. Il est intitulé : Des Deux na-
tures en Jésus-Christ, contre Eutychès et Nes-
torius. Quelques-uns l'ont attribué à Gélase
de Césarée ^, dont il est fait mention dans le
Catalogue des écrivains ecclésiastiques de saint
Jérôme; d'auti'es à Gélase de Cysique ^. Mais
ce traité étant cité par des auteurs contem-
porains ou presque contemporains, sous le
nom du pape Gélase, on ne peut, ce semble,
douter qu'il n'en soit auteur, d'autant que,
dans les meilleurs manuscrits, il se trouve
de suite avec les lettres de Gélase. Gennade
de Marseille, qui écrivait en même temps
que ce pape, dit de lui *, dans l'article où il
fait le dénombrement de ses ouvrages, qu'il
en a composé un pour montrer contre Eu-
tychès et Nestorius l'existence des deux na-
tures en Jésus-Christ. Saint Fulgence, qui
fut fait évêque de Ruspe peu d'années après
la mort de Gélase, lui attribue un traité où
il avait fait voir qu'il y a deux natures en
Traits des
Deux natures
en Jésus-
Chrisl. Ce li-
vre est du
pape Gélase.
Jésus-Christ unies sans confusion et insépa-
rables ^; et il en rapporte quatre passages qui
se trouvent en mêmes termes dans le livre
que nous avons aujourd'hui sous le nom de
ce pape. Le même ouvrage lui est attribué
par le pape Jean II ^, et nous y lisons encore
le passage qu'il en cite. Il est vrai qu'en le
citant sous le nom de Gélase, il ne marque
point si ce Gélase était un de ses prédéces-
seurs, ou quelque autre écrivain du même
nom. Mais c'est là même une preuve que,
par le Gélase dont il parle, il entendait celui
qui avait occupé le même siège que lui. Il en
use de même à l'égard de saint Léon, qu'il
ne nomme ni pape ni son prédécesseur. S'il
eût cru que le traité des Deux natures fût de
Gélase de Cysique, auteur grec et presque
inconnu, ne l'eût-il pas fait connaître par le
nom de son évêché? Mais cette précaution
n'était point nécessaire à l'égard du pape
Gélase, connu dans toute l'Eglise et par sa
dignité et par ses écrits. D'ailleurs, à qui per-
suadera-t-on qu'un ouvrage de Gélase de Cy-
sique ait trouvé tant de crédit dans le monde,
qu'on l'ait aussitôt traduit de grec en latin,
et qu'on l'ait fait passer avec une rapidité
incroyable en Afrique, en Italie et dans les
Gaules? On objecte que Gennade, en parlant
de cet ouvrage, l'appelle un grand et excellent
volume; au lieu que celui que nous avons sous
le nom du pape Gélase, ne fait qu'un très-
petit volume '; qu'Eusèbe de Césarée, dont
les écrits sont rejetés comme apocryphes
dans le décret de Gélase, est cité avec
les autres pères dans le traité des Deux na-
tures; que l'auteur n'y rapporte que les té-
moignages des pères grecs, si ce n'est de
saint Ambroise et de Damase, et qu'il se
trompe en faisant le martyr saint Hippolyte,
évêque en Arabie, au lieu qu'il l'était de
Porto. Mais n'est-il pas visible que Gennade
appelle grand le volume de Gélase, par rap-
port au mérite de l'ouvrage, plutôt que par
rapport à sa longueur? Facundus qui le cite.
1 Beatus Pauliis pro devoiione prœdicatioitis in-
Junctœ ad Hispanias se profiietur iturum, quod tamen
certa dispensatioiie deitatis , quod fieret non provenii.
IbW., pag. 1523.
2 Bellarm., de Rom. Poniif., lib. IV, cap. x.
3 Baron., ad an. 496, num. 8; Natal. Alexand., el
alii.
* Gelasius, urbis liomœ episcopus, scripsit advenus
Eutychem et Nestorium grande et py'œclarum vohwien,
et tractatns diversarum Seripturarum et sacramento-
rum. Gennad., de Viris illustr., cap. sciv.
s Hos etiam beatœ memoriœ papa Gelasius... duas
naturas in Christo inconfusas atque inseparabiles esse
confirmât. Fulgent., Epist. 14 ad Ferrand., pag. 243
et 244.
8 Gelasius exllibro adoersus Nestorium et Eutychem.
Propterea quod es te nascetur sanctum , vocabitur
Filius Dei. Ex te nascetur, ait, ut proprietaiem de ma-
ire sumendam nostrœ conditionis exprimeret. His
igitur evidenter ostensum est, illustres et magnifici
filii, quid speraverit imperator, quid romana sequa-
tur et colat Ecclesia. Joau., Epist. 2, pag. 3 ad
Senut.
' Genuad., ubi sup.
[y= siècle.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
S09
en fait le même éloge que Gennade '. Le dé-
cret de Gélase ne censure que l'Histoire ec-
clésiastique d'Eusèbe, et non son commen-
taire sur le Psaume xvii% ni son septième
livre de la Préparation évangélique, qui sont
cités dans le livre des Deux natures. Si le pape
y allègue un plus grand nombre d'auteurs
grecs que de latins, c'est qu'il avait à com-
battre des erreurs qui infectaient les Egli-
ses d'Orient, et il n'est point surprenant qu'il
ait ignoré le siège épiscopal de saint Hippo-
lyte, qu'Eusèbe et saint Jérôme ignoraient
également ^. Eusèbe, sur le témoignage du-
quel l'auteur de l'écrit des Deux natures pa-
raît avoir avancé que saint Hippolyte était
évéque d'une métropole d'Arabie, ne le dit
pas. 11 se contente de le dire évêque d'une
certaine Eglise sans la nommer : mais comme
il avait parlé anpai-avant de Tite, évêque de
Bostre en Arabie, cela a pu occasionner l'er-
reur de ceux qui ont mis dans la même pro-
vince l'évêché de saint Hippolyte , dont il
fait mention au même endroit,
aiysedu 19. Gélase, après avoir dit que le mystère
natu- [ig l'Incarnation ne s'est point accompli en
différents temps, mais qu'il a commencé par
l'union parfaite des deux natures ^, et que
cette union s'est faite dans le même instant,
montre, par les paroles de l'ange à la sainte
Vierge, l'existence de ces deux natures en
Jésus-Christ. C'est de vous-même^ lui dit l'ange,
que naîtra ce Fils : ce qui marque la propriété
de notre nature que ce Fils devait prendre
dans le sein de sa mère : il ajoute que le fruit
qui naîtra d'elle sera saint, pour marquer
qu'il devait être conçu sans la contagion
d'aucune concupiscence charnelle ; entîn ,
qu'il sera appelé le Fils de Dieu, pour faire
connaître le mystère de l'union qui devait
se faire de la nature divine avec la nature hu-
maine, par la conception de ce fruit dans le
sein de Marie, selon qu'il est écrit : Le Verbe
a été fait chair , et il a habité parmi nous. Ce
principe établi, voici comme il raisonne. Quoi-
que notre Seigneur Jésus-Christ soit un; que
Dieu soit homme, et l'homme Dieu; que le
Dieu-Homme s'approprie tout ce qui est de
l'humanité; et que l'Homme-Dieu ait tout ce
qui est de Dieu; néanmoins, pour que cette
union mystérieuse subsiste en son entier, il
faut que l'homme demeure Dieu comme il
l'est par cette union, et que Dieu conserve
aussi tout ce qui est de l'homme. Car, s'il se
faisait quelque séparation en Jésus-Christ de-
là divinité ou de l'humanité, dès-lors le mys-
tère ne subsisterait plus. Il montre, par l'au-
torité de l'Evangile, qu'il subsistait après la
résurrection de Jésus-Christ, lorsqu'il est
monté au ciel, et que selon les écrits des
prophètes et des apôtres, cette union doit
subsister éternellement. Il fait voir que l'er-
reur des eutychéensne combat pas moins ce
mystère que celle des nestoriens, et que
quoiqu'elles semblent opposées, elles revien-
nent au même point, qui est d'anéantir l'in-
carnation, en assurant, comme faisaient les
eutycbéens, que les deux natures qui étaient
distinctes avant l'union, ont été confondues
par l'union. Gélase cite un grand nombre de
passages du Nouveau Testament, qui mar-
quent clairement la distinction des deux na-
tures en Jésus-Christ. Comme Dieu-Homme,
il est mort, il a été enseveli ; comme Homme-
Dieu, il est ressuscité, il est entré les portes
fermées, il est monté au ciel. Il convient que j„j„ ,,„ ,3.
par une façon de parler qui tient de la figure
où l'on prend une partie pour le tout, l'Ecri- R„m. ,^^5.
ture, en parlant de Jésus-Christ , le nomme
tantôt homme, et tantôt Dieu, sans exprimer
dans le même endroit les deux natures. Mais
il soutient que ces sortes de propositions ne
sont point exclusives; que celles qui ne par-
lent point de la divinité n'excluent point l'hu-
manité, et que celles qui ne parlent que de
l'humanité n'excluent point la divinité, parce
qu'elles ne doivent pas se prendre à la ri-
gueur. Il dit aux eutycbéens qu'en disant
une nature incarnée, ils étaient nécessités de
reconnaître deux natures : celle de la divi-
nité qui s'unit à la chair, et celle de la chair
à laquelle la divinité est unie. Ils objectaient
qu'en admettant deux natures, il fallait ad-
mettre deux Christs. Gélase répond que,
quoiqu'il y ait deux natures dans l'homme,
l'âme et le corps, il n'y a toutefois qu'une
personne, et que ces deux natures ne sont
qu'un seul homme; qu'à plus forte raison ,
l'unité de personne se trouve dans une union
aussi ineffable et aussi indivisible que l'est
celle de la divinité et de l'humanité en Jésus-
Christ. Mais l'apôtre ne dit-il pas que les
Juifs ont crucifié le Seigneur de gloire et de ireir. it, 1.
1 Seripsit beatus Gelasius, romanus episcopus, ad-
versus acephalos magnum opus. Faound., lib. contr.
Nocianum., pag. 564.
2 Tom. Il, pag. 317.
3 Tom. VIII Biblioth. Pair.
pag. 700.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
510 _
majesté? Gela est vrai; et il l'est aussi, que
celui qui est appelé le Seigneur de majesté,
est encore appelé Fils de l'homme. Comme
Seigneur de majesté, il est impassible;
comme Fils de l'homme , il a souffert. Saint
Pierre explique toute celte difficulté en di-
sant que Jésus-Christ est mort pour nous en
sa chair. Gélase proteste que c'est là la foi
qu'il a apprise de tous les pères et de tous
les maîtres de l'Eglise cathohque ; et pour en
donner des preuves, il rapporte les propres
paroles d'un grand nombre d'entre eux, sa-
voir : de saint Ignace , martyr ; d'Eustathe
d'Antioche; de saint Hippolyte, martyr; de
saint Athanase, d'Eusèbe de Césarée, de
saint Grégoire de Nazianze, de saint Basile,
de saint Grégoire de Nysse, de saint Amphi-
loque; d'Ântiochus, évêque de Ptolémaïde;
de Sévérien de Cabales, de sainl Ambroise,
de saint Chrysostôme et du pape Damase.
Explication 20. Daus 06 traité le pape Gélase, à l'imi-
d'un passage . . . z-n , a , t m^ f i
sur l'Eachi- tation de samt Chrysostôme et de Theodo-
ret ', se sert de l'exemple de l'Eucharistie
pour expMquer de quelle sorte la nature hu-
maine demeure dans Jésus-Christ sans être
absorbée par la nature divine. « Les sacre-
ments du corps et du sang de Jésus-Christ
que nous recevons, dit-il ^, sont une chose
divine, et ils nous rendent participants de la
nature divine ; néanmoins la substance et la
nature du pain et du vin ne cessent point
d'être. Or, on célèbre dans l'action des mys-
tères, l'image et la ressemblance du corps
et du sang de Jésus-Christ, et cela nous fait
voir avec assez d'évidence que ce que tous
nous croyons, célébrons et prenons dans l'i-
mage de Jésus-Christ, nous le devons croire
en Jésus-Christ même, et que comme par
l'opération du Saint-Esprit, ces choses pas-
sent en cette substance divine, quoique leur
nature conserve ses propriétés, elles nous
marquent aussi que ce mystère principal,
c'est-à-dire l'incarnation, dont elles nous
rendent présentes l'efficacité et la vertu, con-
siste en ce que les deux natures demeurent
proprement, et iln'y a qu'un Christ, qui est un,
» Tom. VIII Bibtioih. Pair., pag. 703.
' Certe sacramenta quœ sumimus corporis et san-
guinis Christi, divina res est. Propter quod et per
eadem dimnœ efficimm- consortes naturœ, et tamen
esse non desinit subslantia vel natura panis et vini :
et certe imago et simiiitudo corporis et sanguinis
Christi in actions mysteriorum celebrantur. Satis ergo
nobis evidenier ostetiditur, hoc nobis in ipso Christo
Dor)iinosentiendum, quod in ejus imagine profitemur.
Celebramus et sumimus, ul sicui in hanc, scilicet, in
parce qu'il est entier et véi'itable. » Ce pas-
sage , qui paraît d'abord embarrassant pour
la transsubstantiation, ne l'est plus si l'on fait
attention que Gélase combat les eutychéens,
qui, enseignant qu'il n'y avait qu'une nature
en Jésus-Christ, en concluaient que la nature
humaine avait perdu toutes ses propriétés,
en sorte qu'elle n'était plus ni visible, ni pal-
pable, ni circonscrite; qu'elle ne conservait
plus son espèce et qu'elle avait été changée
en la nature divine. Ainsi ce que Gélase tâ-
che particulièrement d'établir, est que Jésus-
Christ n'a rien perdu de tout cela, qu'il était
palpable après sa résurrection comme au-
paravant, et qu'il avait toutes les autres qua-
lités du corps humain. Dans ce dessein, il
allègue l'exemple de l'Eucharistie, dans la-
quelle les symboles ne laissent pas d'être
palpables, visibles et figurés comme aupa-
ravant, et retiennent toutes les autres qua-
lités du pain et du vin, pour en conclure que
le corps de Jésus-Christ retenait aussi ces
mêmes qualités. C'est cette même pensée
qu'il exprime, quand il dit que la nature du
pain et du vin ne cesse pas et demeure, puis-
que cet amas de qualités qui demeure dans
l'Eucharistie, s'appelle nature dans le lan-
gage des anciens, comme on l'a fait voir dans
l'article de Théodoret; en un mot, l'argu-
ment de Gélase se réduit à ce raisonnement :
Les symboles dans l'Eucharistie, ne devien-
nent point invisibles, impalpables, sans figure,
sans circonscription : donc le corps de Jésus-
Christ n'est point devenu invisible, sans fi-
gure, sans circonscription et sans les autres
qualités du corps humain. Ainsi il ne faut
pas conclure de ce qu'il reconnaît que la na-
ture commune du pain et du vin, c'est-à-
dire les qualités de ces substances demeu-
rent, que la nature individuelle du pain et
du vin n'est point changée, puisqu'il assure
formellement le contraire en disant, que le
pain et le vin passent en cette divine substance,
c'est-à-dire au corps de Jésus-Christ.
21. Le pape Gélase avait composé des Ecrits a-
hymnes à l'imitation de saint Ambroise ^, sont "perto
Son éloge.
divinam transeant Sancto Spiritu perficiente substan-
tiani, permanente tamen in suœ proprietate naturœ,
sic illud ipsum mysterium principale, cujus nobis effi-
cientiam virtutemque veraciler reprœseniant : ex
quibus proprie constat permanentibus unum Christum,
quia iniegrum verumquc permanere demonstrant.
Gelas., advers. Eutycli. et Nestor., tom. VIII Biblioth.
Pair., pag. 703.
5 Fecit hymnos in similitudinem Ambrosii episcopi.
Gennad., de Yiris illustr., cap. xciv. Scripsit et trac-
|V= SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
Sil
des préfaces et des oraisons pour le saint sa-
crifice et pour Tadministration des sacre-
ments. Il ne nous reste de lui que les lettres
et les traités dont nous avons parlé plus haut.
Sa manière d'écrire est noble et polie, mais
quelquefois obscure et embarrassée. Il était
savant, zélé pour le maintien de l'ordre et de
la discipline , d'une fermeté inébranlable
dans toutes les occasions où il s'agissait de
l'intérêt de la foi ; mais flexible aux besoins
des Eglises, suivant que la nécessité des
temps et des lieux le demandait. Pur dans
ses mœurs, libéral envers les pauvres, so-
bre, mortifié dans sa chair, il fut à toute
l'Eglise un exemple de vertu. Il s'occupait
ou à prier, ou à lire, ou à écrire pour la dé-
fense de la foi et la réformation des abus. Il
aimait les serviteurs de Dieu et se plaisait à
s'entretenir avec eux des choses spirituelles.
Facundus, qui écrivait quelques années après
la mort de Gélase ', en parle comme d'un
homme célèbre partout, autant par la sain-
teté de sa vie, que par son savoir. D'autres
ont loué sa patience et sa prudence ^ dans
les temps difficiles où se rencontra son pon-
tificat, qui finit , selon l'opinion commune,
le 21 novembre de l'an 496. C'est en ce jour
que l'Eglise honore sa mémoire, et que sa
fête est mise dans le Martyt'ologe romain.
22. On attribue au même pape Gélase, le
Sacramentaire de l'Eglise romaine, divisé en
trois livres et imprimé à Rome par les soins
de Joseph-Marie Thomasi, en 1680 ^ Nous
avons remarqué plus haut que, suivant Fau-
teur des Vins des Papes, Gélase avait composé
des oraisons * et des préfaces d'un style aisé.
Valfride Strabon dit aussi de lui ^ qu'il mit
en ordre non-seulement celles qu'il avait
composées lui-même, mais encore celles qui
avaient été faites par ses prédécesseurs.
Jean, diacre, dans la Vie de saint Grégoire-
le-Grand ^, mai-que clairement que le recueil
de Gélase était distribué en plusieurs livres,
que saint Grégoire réduisit en un seul. Il ne
pouvait désigner plus visiblement l'ancien
Sacramentaire romain, donné par Thomasi,
qui est en effet divisé en trois livres, dont le
premier est intitulé : Du Cours de l'année; le
second : Des Fêtes des saints, et le troisième :
Des Dimanches de l'année; surtout depuis la
Pentecôte. Il faut ajouter que, selon une an-
cienne chronique imprimée dans le Spici-
lége de D. Luc d'Achery, Alcuin se servit ',
pour la liturgie qu'il dressa à l'usage des
Eglises de France , des Sacramenfaires com-
posés par saint Gélase et par saint Grégoire.
Il est vrai qu'il y a dans le Sacramentaire de
Gélase des choses qui ne peuvent être de
lui. Saint Grégoire y est nommé dans le ca-
non, et on y ht ces mots : « Disposez de nos
jours dans votre paix, » que ce pape a ajou-
tés au canon. Il y a même un chapitre en-
tier tiré de son registre, parmi les prières de
l'ordination. Mais on doit remarquer que
dans ces sortes de livres, qui sont d'un usage
ordinaire, il s'est fait de fréquentes additions,
suivant les différentes occasions, et qu'elles
ne doivent point être un motif pour regar-
der ces livres comme supposés. Il n'y a per-
sonne aujourd'hui qui ne reconnaisse saint
Grégoire-le-Grand pour auteur du Sacramen-
taire qui porte son nom : néanmoins on y
trouve une messe pour le jour de la Dédi-
cace de Sainte-Marie-aux-Marlyrs , fête qui
n'a été instituée que longtemps après saint
Grégoire, par le pape Boniface IV. Mais ce
qui prouve encore l'antiquité du Sacramen-
taire que nous disons être de Gélase, c'est
qu'il n'y a point d'office pour le jour de la
Commémoration de saint Paul au 30 juin, et
qu'au 29 du même mois il y a deux messes,
l'une pour la fête de saint Pierre, et l'autre
tatus diversarum Scripturarum et\sacramentorum eli-
mato sermone. Ibid. Fecit etiam et sacramentorum
prœfationes et orationes cauto sermone. Lib. Pontif.,
in Gelas.
1 Beatus Gelasius in sanctiiate vitœ atque scientia
per universum mundum celebrioris famœ gloria prœ-
dicatus. Facund., cont. Mocian., pag. 566.
^ Hujus sœculi matos dies ita Domino mitiganie
atque gubernanie transegit, ut universas tentationes
mira prudentia et longanimitate sufferret,delicias Je-
juniis sperneret, superbiam humililate calcaret, tam
misericordia animi alacritate ctaresceret , ut omnes
fere pauperes saiiari inops ipse mereretur. Dionys.
Exig.j Epist. nuncupat. ad Julian.
3 II se trouve aussi dans la Liturgie romaine de
Muratori ; Venise 1748, tome I, pag. 48S-792, et dans
les Œuvres de saint Léon, par les frères Ballerini,
tome LV de la Patrotogie latine. [L'éditeur.)
^ Pontifie, ubi sup.
s Gelasius papa tam a se quam ab aliis compositas
preces dicitur ordinasse. Valf. , de Rébus Ecoles. ,
cap. SXTI.
s Sed et Gelasianum codicem de Missarum solem-
niis multa subtrahens, pauca convertens, nonnulla ad-
jiciens, pro exponendis evangelicis ledionibus in unius
libri volumine coarctavit. Joan., in Vit. Greg.,iib. Il,
cap. xvni.
' Missalis Gregorianus et Gelasianus modernis tem-
poribus ab Albino ordinatus. Tom. IV Spicileg., in
indice librorum, auni 831.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
512
pour la fête de saint Paul en un même jour.
Le poète ' Prudence, qui écrivait sur la fin du
iv= siècle, marque ces deux messes et ces deux
fêtes pour le même jour; l'une de ces messes
se disait dans l'église de Saint-Pierre au Vati-
can, et l'autre dans celle de Saint-Paul, hors
de Rome. Le Microloge dit que ce fut saint
Grégoire qui établit une fête pour la Commé-
moration de saint Paul, au 30 juin, différente
de celle que l'on faisait le 29 du même mois
en l'honneur de saint Pierre. Ce Sacramen-
taire est aussi cité sous le nom de Gélase ^
dans un ancien manuscrit de Toulouse, cité
par le père Morin. Mais il ne faut pas s'ima-
giner, que ce Sacramentaire soit entièrement
du pape Gélase : il y avait longtemps avant
lui un ordre pour la messe, des prières et des
formules pour les sacrements. Cela se voit
par les lettres de saint Innocent 1", de saint
Célestin et de saint Léon : en sorte que Gé-
lase n'a fait que recueiUir et mettre en ordre
toutes ces choses, en y ajoutant quelques
oraisons et quelques préfaces de sa façon.
Le père Thomasi, théatin, et depuis cardinal,
nous a donné ce commentaire sur un ma-
nuscrit de plus de neuf cents ans, que Chris-
tine, reine de Suède, avait apporté à Rome.
[Muratori en a donné une autre édition dans
sa Liturgia romana velus, avec des notes; ou
la trouve dans le tome LXXIV de la Patro-
logie latine, col. 1049 et seq.]
Premier 11- 23. Le promior livre contient, comme nous
menuire?": l'avous déjà dit, l'office du temps. II com-
wed.i.nom,, j^gj^pg ^ Ya, veille de Noël, pour laquelle il
n'y a qu'une messe. Il en met trois pour le
jour de la fête, avec plusieurs oraisons pour
l'office de vêpres ou de matines. Suivent des
messes pour les fêtes de saint Etienne , de
saint Jean l'Evangéhste et des saints Inno-
cents, et pour le jour de l'Octave du Sei-
gneur, au premier jour de janvier. A cette
messe sont jointes trois oraisons, dans les-
quelles on demande à Dieu de détourner les
peuples des superstitions païennes que l'on
pratiquait en ce jour-là. 11 y a une messe
pour l'Epiphanie et une pour la vigile, une
• Aspice per bifidas plebs romiila plaieas :
Lux in duobus fervet una jesiis.
Nos ad uirumque to.men cjressu promeremus incitato :
Et lus et mis perfruamur hymnis.
Ibimus ulterius qua feri via pontis Badriani,
Lœvam deinde fluminis petemus.
Transtyberina prius soiuit sacra pervigil sacerdos
Mox hic recurrit duplicatque vota.
2 Moriu., in Pœnit., pag. 55.
3 Suscipis eum quarta feria mane in capite Qicadra-
pour le dimanche de la Septuagésime et
une pour celui de la Sexagésime. Après
cette dernière on lit plusieurs oraisons que
l'évêque récitait ce jour-là sur les pénitents,
pour marquer qu'on les préparait dès-lors à
l'imposition de la pénitence publique, sui-
vant cette rubrique qui ^ se trouve immédia-
tement après : « Vous recevez le pénitent au
matin du mercredi à l'entrée du carême,
vous le couvrez d'un cilice, vous priez pour
lui et vous l'enfermez jusqu'au jeudi saint : »
auquel jour le pénitent doit être reçu dans
le sein de l'Eghse après que l'évêque aura
prononcé sur lui la prière de la réconcilia-
tion, le pénitent ayant pendant toute cette
prière le corps prosterné contre terre. Le
dimanche de la Quinquagésime a encore une
messe particulière, et il y en a pour tous les
jours de carême excepté pour les jeudis. Au
samedi de la première semaine sont mar-
quées les prières des Quatre-Temps pour le
premier mois : on nommait alors ainsi le
mois de mars. En ces jours on disait douze
leçons; l'office se faisait dans l'église de Saint-
Pierre, et on y célébrait la messe. On y faisait
aussi les ordinations des prêtres, des diacres
et des sous-diacres. L'évêque commençait
par nommer ceux qu'il avait choisis pour ces
divers degrés du ministère ecclésiastique;
après quoi il demandait aux assistants s'ils
n'avaient point de reproches à faire contre
quelques-uns d'entre eux. Les prières de l'or-
dination du prêtre et celles du diacre sont
presque les mêmes que l'on dit encore au-
jourd'liui ; mais on ne voit point qu'on leur
donnât les habits sacrés, ni le livre des évan-
giles ou le calice. C'est en cet endroit qu'on a
trouvé un chapitre tiré du registre de saint
Grégoire-le-Grand. Le troisième dimanche
de carême on commençait à parler de l'exa-
men des catéchumènes choisis pour être bap-
tisés à Pâques. On priait dans le canon * et
pour eux et pour leurs parrains et marraines.
L'évêque ayant interrompu pour un peu
de temps la lecture du canon, on récitait les
noms des hommes et des femmes qui de-
geiimœ, et cooperis eum cilicio, oras pro no et inclau-
dis usqiie ad cœnam Domini. Qui eodemdie in greinio
prœsentatur Ecclesiœ, et prostrato eo omni corpore in
terra, dat orationem pontifex super eum ad reconci-
liandumin quinia feria fiœnœ Domini. Lib. I Sacrum.,
pag. 23.
' Infra canonem uhi dicit : « Mémento, Domine,
etc., » et tacet, et recitantur nomina virorum et mu-
lierum , qui ipsos infantes suscepturi sunt. Ibid. ,
pag. 38.
[V" SIÈCLE. J
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
513
valent servir de parrains et de marraines.
Après quoi l'évêque continuait le canon, et
l'interrompant de nouveau *, on récitait les
noms de ceux qui étaient admis au baptême.
Le -second scrutia ou examen se faisait le
quatrième dimanche de carême, et le cin-
quième on le réitérait. 11 n'est rien dit en ce
jour de la passion. Le lendemain lundi tous
les catéchumènes étant venus à l'église avant
midi, un acolyte écrivait leurs noms^; en-
suite il les appelait l'un après l'autre, selon
l'ordre qu'il avait gardé en écrivant, et on
les rangeait, les garçons à droite et les filles
à gauche; puis on faisait sur eux les prières
et les exorcismes. Avant que de mettre le
sel dans la bouche du catéchumène, on le
bénissait. C'étaient les acolytes qui faisaient
les exorcismes sur les élus, et ils en faisaient
de ditférents pour les garçons et pour les
filles. Après cela on leur expliquait les évan-
giles, ce qu'on appelait leur ouvrir les oreil-
les. Quatre diacres sortaient de la sacristie^,
portant chacun un des quatre évangiles, pré-
cédés de deux chandeliers avec des encen-
soirs. Ils posaient ces livres sur les quatre
coins de l'autel, et avant que les diacres
commençassent à hre, un prêtre instruisait
les catéchumènes, leur apprenant ce que si-
gnlBe le mot à' Evangile; quels sont les évan-
gélistes; pourquoi il y en a quatre, et pour-
quoi on leur a appliqué la figure des quatre
animaux mystérieux dont il est parlé dans
le prophète Ezécliiel. Cette explication finie,
Fun des quatre diacres faisant faire silence,
lisait le commencement de l'évangile selon
saint Matthieu jusqu'à ces paroles : C'est lui
qui sauvera son peuple et qui le déliv7'era de ses
péchés. Un prêtre exphquait ce qu'on avait
lu ; ensuite un autre diacre lisait le commen-
cement de l'évangile selon saint Marc, jus-
qu'à ces paroles : Je vous baptise dans l'eau,
mais il vous baptisera dans le Saint-Esprit. Le
prêtre expliquait en peu de mots cette partie
s II i t R du
pag. i>4.
de l'évangile. Après quoi un troisième dia-
cre lisait le commencement de l'évangile se-
lon saint Luc jusqu'à ce verset : // vient pré-
parer au Seigneur un peuple par fait . Le prêtre
en donnait l'explication ; puis le quatrième
diacre lisait le commencement de l'évangile
selon saint Jean jusqu'à cet endroit, plein de
grâce et de vérité, que le prêtre expliquait
encore.
24. Un autre jour de la semaine, le prêtre
expliquait aux catéchumènes le symbole,
dont il leur donnait d'abord une connais-
sance générale. Ensuite un acolyte prenait
sur son bras gauche un des garçons admis
au baptême *, lui mettant la main droite sur
la tête. Le prêlre demandait à cet acolyte :
« En quelle langue confesse - 1 - il Jésus -
Christ? » L'acolyte répondait : « En grec. » .
Car il y avait toujours grand nombre de
Grecs à Rome. Le prêtre, reprenant la parole,
disait à l'acolyte : « Annoncez leur foi en
la manière qu'ils la conçoivent. » Alors Ta-
colyte prononçait le symbole de Nicée en
grec et en chantant. Il est à remarquer que
dans le symbole tel que Gélase le rapporte,
il est dit seulement que le Saint-Esprit pro-
cède du Père : ce qui est encore une preuve
de l'antiquité de ce Sacramentaire. Pendant
que l'acolyte chantait ce symbole, il tenait
toujours sa main sur la tête de l'enfant. Le
prêtre demandait une seconde fois : « En
quelle langue confesse-t-il Notre-Seigneur
Jésus-Christ? » L'acolyte répondait : « En la-
tin : » et par ordre du prêtre, il récitait le
symbole en latin et en chantant, mettant sa
main sur la tête de l'enfant. Le prêtre expli-
quait l'oraison dominicale avec la même
brièveté qu'il avait expliqué le symbole.
25. Le dimanche des Rameaux est aussi „ .. .
bDite H D
nommé de la Passion. Le jeudi-saint, on ne p"mierii»re
chantait pas =, et l'évêque ne saluait point le
peuple, c'est-à-dire qu'il ne disait pas : Le
. Seigneur soit avec vous. La première des céré-
' Item infra actionem : « Hanc igitur oblationem,»
etc., reciiantur nomina electorum. Sacram., lib. I,
pag. 38.
^ Ut autem veneiint ad ecclesiam , scribuntur 7io-
vivia infantum ab acolytho : et vocantiir in ecclesia
per nomina, siciit scripti sunt : et siutuuntur masculi
in dexteram partein, feminœ in sinistram, et dat ora-
tiunem presbyter super eos. Ibid., pag. 48.
2 Primitus procedunt de sacrario quatuor diaconi
cuia quatuor evangeliis, prœoedentibus duubus cande-
labris cum thuribulis, et ponuntur super quatuor an-
Çjulos altaris. Ibid., pag. 51.
* Post hcec accipiens aco/yllms unum ex ipsis infan-
X.
abus masculum, tenens eum in sinistro brachio, ponens
maniim super caput ejus. Et interrogat eum presbyter:
aQua lingua confitentur Dominum nostrum Jesum Chri-
sfum. » Respondet : « Grœce. » Iterum dicit presbyter :
« Annuntia fidem ipsorum qualiter credunt. » Et dicit
acolythus, Symbolum grœce decantando , tenens ma-
num super caput infantis... Et dicit : « Qua lingua
confitentur Dominum nostrum. » Respondet : « Latine. »
« Annuntia fidem ipsorum qualiter credunt. » Ponens
manum acolythus dicit Symbolum latine, decanta'ido.
Ibid., pag. 54.
^ Eodem die non psallitur, nec salutat, id est, non
dicit ; Domiuus vobiscum. Itiid., pag. 62.
33
514
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEUllS ECCLÉSIASTIQUES.
monies que l'on faisait en ce jour, était la
réconciliation des pénitents; la seconde, la
consécration des saintes huiles. Le pénitent
sortait de l'endroit où on l'avait enfermé pour
faire pénitence ', et se présentait à l'église
prosterné en terre. Alors le diacre s'adres-
sait à révêque, lui représentait que le temps
et le jour de propitiation étaient arrivés, et
que ce pénitent avait pratiqué tous les exer-
cices de pénitence qui lui avaient été pres-
crits pour obtenir la rémission de ses fautes
et la grâce de la réconciliation. L'évèque ou
un prêtre nommé de sa part, avertissait le
pénitent ^ de ne plus retomber dans les pé-
chés qu'il venait d'effacer par la pénitence.
On prononçait sur lui les prières de la ré-
conciliation, et on en disait encore d'autres
après l'avoir réconcilié. Le peuple faisait eu-
suite l'offrande, et l'on célébrait la messe ^
Il y en a trois pour ce jour : une pour la ré-
conciliation des pénitents, une autre pour la
consécration du saint chrême, et une troi-
sième pour l'office du soir ou de la férié. La
bénédiction des saintes huiles était précédée
de la messe, et cette bénédiction se faisait à
peu près en la même manière qu'aujourd'hui,
excepté qu'on n'y saluait point le peuple et
qu'on n'y faisait point de génuflexions. A la
fin de cette bénédiction, qui était suivie de la
communion, on réservait une partie du sa-
crifice *, c'est-à-dire le corps et le sang de
Jésus-Christ, pour la communion du lende-
main. Ce jour-là, qui était le vendredi, ap-
pelé de la Passion du Seigneur =>, tout le
monde venait à l'église à l'heure de none,
et l'on mettait la sainte croix sur l'autel. L'é-
vèque sortait de la sacristie avec les minis-
tres sacrés, en silence, sans rien chanter, et
1 Ordo ageniibus publicam pœnitenfiam. Egreditur
pœnitens de loco ubi pœnitentiam gessit : et in gremio
prœsentaiur ecc/esiœ^ prostrato omni corpore ia terra:
et postulat in his verbis diacoiius : « Adest, o venera-
bilis Pontifex, tempus acceptum, dies propitiationis , »
etc. Sacrament., pag. 63.
2 Post hoc admonetur ab episcopo, sive alio sacer-
dote, ut quod pœnitendo diluit, iterando non revocet,
Ibid., pag. 64.
s Post hœc offert plebs, et cotificiuntur sacramenta.
Pag. 67.
''Réservant de ipso sacrificio in crastinum , iinde
communicent. Pag. 72.
s Hora, nona procédant omnes ad ecclesiam : et po-
nitur sancta crux super altare. Et egreditur sacerdos
de sacrario cum sacris ordinihus cum silentio, nihil
canenies, et veniunt ante altare, postulans sacerdos
pro se orare, et dicit : Oreinus. Et abnuntiat dia-
conus : Flectamus genua, et post pauluhim : Levate.
Pag. 73.
s'approchait de l'autel. L'évèque récitait une
prière; il demandait que l'on priât pour lui.
Le diacre l'annonçait en disant : Fléchissons
les genoux; à quoi l'évèque répondait peu de
temps après : Levez-vous. L'office de ce jour
était le même qu'aujourd'hui, avec cette dif-
férence que, dans la même monition et la
même oraison, on joignait le pape et l'évè-
que, et qu'on fléchissait les genoux avant
l'oraison pour les Juifs, de même qu'avant
les autres. Tous les assistants, après avoir
adoré la croix ^, communiaient de l'eucha-
ristie qui avait été réservée la veiUe. Le sa-
medi-saint, le matin, les catéchumènes ad-
mis au baptême, venaient rendre le symbole
qu'on leur avait appris ''. L'évèque ou le prê-
tre faisait ensuite sur eux le dernier exor-
cisme, en mettant sa main sur leur tète. Puis
il leur touchait de sa salive le nez et les
oreilles en disant : Ephpheta, c'est-à-dire ou-
vrez-vous en odeur de suavité. Après cela il
leur faisait sur la poitrine el; entre les deux
épaules l'onction de l'huile des catéchumè-
nes, et les appelant chacun par leur nom, il
leur faisait faire les renonciations, et disait
sur eux le symbole, mettant sa main sur leur
tête. Après les avoir fait prier les genoux en
terre , l'archidiacre les renvoyait jusqu'à
l'heure du baptême. Au milieu de la hui-
tième heure *, c'est-à-dire à une heure et de-
mie, les ministres de l'autel allaient à l'égMse,
et de là dans la sacristie, où ils s'habillaient
selon la coutume. Cependant le clergé com-
mençait une litanie ; l'évèque sortait de la
sacristie et venait avec ses ministres devant
l'autel, où ils restaient debout, la tête bais-
sée, jusqu'à ces paroles de la litanie : Agneau
de Dieu, qui ûtez les péchés du monde. Alors
6 His omnibus expletis adorant omnes sanctam cru-
cem, et commmiicant. Pag. 76.
' Sabbatnrum die mane reddunt infantes symbolum.
Prias calechizas eos, imposita super capita eorum manu,
inde iangis ei nares et aures de sputo, et dicis ei ad
aurem : Epbpliela, etc. Postea tangis ei peclus et inter
scapulas, de oleo exorcizato, et vocato nomine singulis
dicis : Abrenuntia Satanae, etc. Inde vero dicis Symbo-
lum imposita manu supercapita ipsorum. Ibid., pag. 77.
8 Primitus octava hora diei mediante, procedunt ad
ecclesiam; et ingrediuntur in sacrarium ; et induunt
- se vestimentis sicut mus est. Et incipit clerus litaninm :
et procéda sacerdos de sacrario cum ordinibus sacris.
Veniunt ante altare slantes inclinaio capite usque dum
dicent : Aguus Dei , etc. Deinde surgens sacerdos ab
oralione, vadit rétro altare, sedens in sede sua. Deinde
veaiens archidiaconus ante altare, accipiens de lumine,
quod sexia feria absconsum fuit, faciens crucem super
cereum, et illuminans eum ; et completur ab ipso be-
nediclio cerei. Lib, 1 Sacram., pag. 77.
[V"' SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLÂSE, PAPR.
S15
l'évêque se retirait derrière l'autel, où, étant
assis sur son siège, l'archidiacre qui était
resté devant l'autel, prenait de la lumière
que l'on avait cachée la veille; puis, faisant
une croix sur le cierge pascal et l'allumant,
il en faisait la bénédiction. Cette cérémonie
finie, l'évêque, se levant de sa place, disait
les oraisons de la veille de Pâques , ainsi
qu'elles sont marquées dans le Sacramen-
taire. Ces oraisons étaient précédées de la
lecture des prophéties; ensuite on allait aux
fonts en disant une litanie, pour en faire la
bénédiction et baptiser les élus. L'évêque les
baptisait l'un après l'autre ', chacun en son
rang, après les avoir interrogés sur leur
croyance. Il les plongeait trois fois dans l'eau,
et à mesure qu'ils sortaient des fonts, le prê-
tre leur faisait l'onction du chrême sur la
tête; puis l'évêque leur donnait la confirma-
tion : ce qu'U faisait en leur imposant d'abord
les mains et en demandant pour eux les
sept dons du Saint-Esprit, puis en leur fai-
sant l'onction au front. Tous les ministres
retournaient au sanctuaire ^, et après un pe-
tit intervalle , on commençait la troisième li-
tanie, qui se répétait trois fois, selon le nom-
bre des personnes de la Trinité, et on com-
mençait la messe aussitôt que l'on voyait
paraître une étoile au ciel. Pendant cette
litanie, l'évêque montait sur son siège, et la
litanie achevée, il disait l'hymne angélique :
Gloire à Dieu dans le plus haut des deux. Le
canon de cette messe, ou la préface, com-
mence par ces paroles : Il est juste, équitable
et salutaire, etc. Le Sacramentaire met une
messe pour le jour de Pâques, pour tous les
jours de l'Octave et pour le dimanche qu'ils
appellent Octave de Pâques. Il en met ensuite
une autre intitulée ; De la Pâque annotine,
ainsi nommée à cause de l'anniversaire du
baptême, soit que chacun le célébrât au
même jour qu'il avait reçu le baptême, soit
qu'on le célébrât pour tous ensemble le sa-
medi de l'Oclave de Pâques. Suivent des
oraisons et des prières que l'on devait dire
premier livre.
dans les paroisses, et des messes pour les
six dimanches depuis Pâques jusqu'à l'As-
cension du Seigneur : pendant la messe de
ce jour-là, et un peu avant la fin du canon ^
on bénissait les nouveaux fruits. La bénédic-
tion ne parle que de fèves *. A la suite de la
messe pour le jour de l'Ascension, on en
trouve une autie, et une troisième pour le
dimanche suivant.
26. Les cérémonies du baptême solennel snite du
pour la Pentecôte étaient les mêmes que
pour celui de Pâques. C'est pourquoi le Sa-
cramentaire y renvoie. Mais, à l'occasion du
baptême que l'on conférait solennellement à
la Pentecôte, il prescrit la manière de bapti-
ser un catéchumène malade, un énergumène
et un païen. On commençait par instruire
celui-ci de la religion chrétienne, ensiiite on
le faisait catéchumène, puis on soufflait sur
son visage, on faisait le signe de la croix sur
son front, on lui imposait les mains, on lui
mettait du sel dans la bouche, on l'oignait
d'huile sur la poitrine et sur les épaules, et
après lui avoir fait faire les renonciations et
les demandes ordinaires, on le baptisait, le
plongeant trois fois dans l'eau. Alors le prê-
tre lui faisait l'onction sur la tête, et l'évê-
que le confirmait. On en usait de même à
l'égard d'un malade : après l'avoir baptisé,
on lui donnait la communion, et l'évêque le
confirmait en lui imposant les mains et en
lui faisant l'onction du saint chrême sur le
front. Lorsque le sacrifice de la messe sui-
vait la collation du baptême ^, le nouveau
baptisé y communiait. En d'autres occasions
on lui donnait les sacrements du corps et du
sang de Jésus-Christ, en disant : Que le corps
de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit pour vous
un gage de la vie éternelle. Il n'y a que quatre
prophéties ou leçons pour le sam.edi de la
Pentecôte ; elles sont suivies chacune d'une
oraison. Le Sacramentaire met deux messes
pour cette veille et une pour le jour de la
fête avec les oraisons qui se disaient le soir
pendant l'octave. On trouve après cela la dé-
1 Bénédicte fonte baptizas unumquemque in ordine
suo, sub /lis inlerrogationibus : Gredis in Deum, etc.
Deinde per singulas vices mergis eum tertio in aqiia :
postea cum ascenderit de fonte infans signatur a pres-
bytero in cerebro de chrismate. Deinde ab episcopo
daliir eis Spiritus sepiiformis , ad consignandum im-
ponit eis manum : postea signât eos chrismate. Lib. I
Sacram., pag. 84, 85.
^ Postea ipse sacerdos revertitur cum omnibus ordi-
nibus in sacrarium : et post paululum incipiunt ter-
liam litaniam : et ingrediuntur ad missas in vigilia.
ut Stella in cœlo apparuerit. Et sic tempèrent, ut in
trinitatis numéro ipsœ litaniœ fiant. Ibid., pag. 82.
3 Inde vero modicum ante expletum canonem bene-
dices novas fruges. Ibid., pag. 100.
* Benedic, Domine, et has fruges novas fabœ. Ihid.
^ Postea SI fuerit oblata, agendœ sunt missœ, et
communicat .- sin aulem dabis ei tantum sccramenta
corporis et sanguinis Christi, dicens : Corpus Docnini
nostri Jesu Christi, sit tibi in vitam œternam. Ibid..
pag. 107.
316
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nonciation du jeûne des Quatre-Temps pour
le quatrième, le septième et le dixième mois,
avec l'indication des jours de la semaine où
l'on devait jeûner, c'est-à-dire le mercredi,
le vendredi et le samedi. Suivent les prières
pour la réconciliation des ariens et autres
hérétiques, qui reviennent à l'Eglise catho-
lique, et de ceux qui ont été rebaptisés par
les hérétiques à quelqu'âge que ce soit; puis
la dédicace d'une église nouvelle, la consé-
ci'ation d'un autel, la bénédiction des vête-
ments à l'usage des ministres sacrés, d'un
calice et d'une patène, et des fonts baptis-
maux. 11 y a des prières et des oraisons par-
ticulières pour la dédicace où il y avait au-
paravant une synagogue des Juifs. La rubri-
que qui se lit à Ja tète des oraisons pour les
ordinations sacrées et celles des ministres
inférieurs ', porte en général ce que l'on
doit observer pour chaque degré du minis-
tère. Si celui que l'on veut y élever a donné
son nom dès l'enfance pour être au nom°bre
des ministres de l'Eghse, il fera les fonctions
de lecteur jusqu'à l'âge de vingt ans. S'il
était déjà avancé en âge, mais cependant
baptisé, lorsqu'il s'est présenté pour le saint
ministère, il sera pendant cinq ans parmi les
lecteurs ou les exorcistes, ensuite acolyte ou
sous-diacre pendant quatre, et parviendra
ainsi au diaconat, s'il en est digne. Après y
avoir servi louablement pendant cinq ans, et
avoir donné dans les fonctions de cet ordre
des preuves de sa sagesse et de sa foi, il
pourra être fait prêtre et ensuite évêque. On
n'admettra à aucun de ces degrés ni biga-
mes ni pénitents. Les défenseurs de l'Eglise
qui sont laïques, seront soumis aux mêmes
règles, s'ils entrent dans le clergé. A l'ordi-
nation d'un évêque, deux évêques lui tien-
dront sur la tête le livre des Evaugiles ; un
d'eux prononcera la bénédiction : tous les
autres évêques présents lui toucheront la
tête de leurs mains. Tous les prêtres pré-
sents en useront de même à l'ordination que
l'évêque fera du prêtre; mais, à l'ordination
du diacre, l'évêque seul lui met la main sur
la tête, parce qu'il est consaci'é pour le mi-
nistère, et non pour le sacerdoce. A l'égard
du sous-diacre, parce qu'il ne reçoit pas
l'imposition des mains, il reçoit de la main
de l'évêque la patène et le calice vide, et de
la main de l'archidiacre la burette avec l'eau
et l'essuie-mains. L'acolyte reçoit de l'archi-
diacre le chandelier avec le cierge, et une
burette vide pour mettre le vin pour la con-
sécration de l'eucharistie. L'exorciste reçoit
1 Hœc auiem in singulis gradibus obsermnda sunt
iempora. Si ab infantia ecclesiasticis minislris nomen
dederit, inter ledores usque in vigesimum œtatis an-
num coniinuaia observaiione perduref. Si majori
Œtate jam accesserit , ita tamen ut post baptismum se
divinœ militiœ desiderat mancipari, sive inter ledores,
sive inter exorcistas quinquennio teneatur : et exinde
acolythus vel subdiaconns quatuor annis stet : et sic
ad benedictionem diaconatus, si mereiur, accédât. In
quo ordine quinque unnis , si inculpate se gesserit ,
hœrere débet : ex su/jfragantibus mentis stipendiis
per tôt gradus, datis propriœ fidei documentis , pres-
byierii sacerdotium polerit promereri. De quo loco
si illum exactior ad bonos mores vita perduxerit,
summum pontificatum sperare debebit. Hac tamen lege
servata, ut neque bigamus , neque pœnitens ad hos
gradus possit udmitti. Sane ut etiam defensores Ec-
clesiœ, qui ex laicis fiunt, supradicta observaiione te-
neontur, si meruerint esse in ordirie clericatus. Epi-
scopui cum ordinatur, duo episcopi ponant et teneant
Evangeliorum codicem super caput ejus : et uno super
eum fundente benedictionem, reliqui omnes episcopi,
qui adsunt, manibus suis caput ejus tangimt. Presbyler
cum ordihatur, episcopum eum benedicentem etiam
omnes presbyteri, qui prœsenles sunt. Diaconus cum
ordinatur, solus episcopus, qui eum benedicit, manum
super caput illius portât : reliqui vero sacerdotes juxta
manum episcopi caput illius imponant : quia non ad
sacerdotium, sed ad minisierium consecratur. Subdia-
conus cum ordinatur, quia manuum impositionem non
uccipit, patenam de manu episcopi accipiat vucuam
et calicem vacuum : de manu vero archidiaconi acci-
piat urceolum cum aqua, et aquimunile, ac manuter-
gio. Acolythus cum ordinatur, ab episcopo quidem
doceatur qualiter se in officia suo agere debeat : sed
ab archidiacono accipiat ceroferarium cum cereo; ut
sciât se ad accendenda luminaria ecclesiœ mancipari :
accipiat et urceolum vacuum ad suggerendum vinum
in eucharistia corporis Christi. Exorcista cum ordi-
natur, accipiat de manu episcopi libellum in quo
scripti sunt exorcismi, dicente sibi episcopo : « Accipe
et commenda : et habeto potestatem imponendi manum
super energumenum sive baptizatum , sive catechume-
num. » Lector cum ordinatur, faciat de illo verbum
episcopus ad plebem, indicans ejus fidem atque inge-
nium. Post hœc, speclanie plèbe, tradat ei codicem de
quo lecturus est, dicens ad eum : « Accipe et esta
verbi Dei relator, habiturus , si fideliter et utiliter
impleveris officium, partem cum his, qui verbum Dei
ministraverunt. » Ostiarius cum ordinatur, postquam
ab archidiacono instructus fuerit qualiter in domo
Dei debeat conversari, a suggestione archidiaconi,
tradat ei episcopus claves ecclesiœ de altari dicens
ei : « Sic âge quasi reddiiurns Deo rationem pro his
rébus quœque istis clavihus 7-ecluduntur.» Psalmista,
id est cantor, potest absque scientia episcopi, sola
jussione presbyteri, officium suscipere cantandi, di-
cente sibi presbytère : « Vide ut quod ore cantas,
corde credas : et quod corde credis, operibus probes.»
Sanctiinonialis virgo cum ad consecraiiottem sui epi-
scopi offertur, in talibus vestibus applicetur, qualibus
semper usura est professioni et sanctimoniœ aptis.
[V= SIÈCLE.
CHAPITRE XXXIV. — SAINT GÉLASE, PAPE.
517
des mains de l'arcliidiacre le livre des exor-
cismes; le lecteur, le livre dans lequel il doit
lire devant le peuple; le portier, les clefs de
l'église. L'office de chanlre se pouvait don-
ner indépendamment de l'évêque. Le prêtre
en donnait la commission à qui il voulait, en
recommandant au chantre de croire de cœur
ce qu'il chantait de bouche. Lorsqu'une fille
se présentait à son évéque pour être consa-
crée en qualité de religieuse, elle s'habillait
d'une manière convenable à son état, et
comme elle devait l'être le reste de sa vie.
Le Sacramentaire met des messes propres
pour la consécration de l'évêque, du prêtre
et du diacre, et pour l'anniversaire de leur
ordination. Il marque que la consécration
des vierges doit se faire à l'Epiphanie , le
lundi de Pâques, ou aux fêtes des apôtres,
ijsoda 27 _ Lg second livre du Sacramentaire de
"'-■ Gélase regarde le culte des saints et de leurs
reliques, et les jours auxquels on devait cé-
lébrer leurs fêtes. Il rapporte premièrement
la formule de dénoncer le jour et le lieu ' au-
quel on devait célébrer la fête d'un martyr,
ou auquel on devait transférer ses reliques ^
pour y être exposées à la vénération des fi-
dèles. Gélase ne marque que des fêtes des
martyrs et des apôtres, pour lesquels il y a
toujours des messes. Il en met toutefois une
fiour le jour de l'Invention de la sainte
croix, et une seconde pour le jour de son
Exaltation. Celle que l'on disait le jour
de saint Pierre, le 29 de juin, n'est que
pour ce seul apôtre : on en disait une autre
le même jour, commune à saint Pierre et à
saint Paul. Il y en a une troisième, mais en-
core le même jour, pour saint Paul. On
trouve une messe pour la vigile de la fête de
tous les apôtres en général, une pour le jour
de cette fête, et une troisième pour le jour
de l'Octave des Apôtres. Il y en a une pour la
veille de saint Jean-Baptiste, et une pour le
jour de sa fête; une pour le jour de l'As-
somption de la sainte Vierge, au 13 août;
trois pour les quatre-temps de septembre ;
une pour la fête de l'archange saint Michel;
des messes pour plusieurs Saints en général,
cinq pour le temps de l'Avent, et trois pour
les quatre-temps du dixième mois, c'est-à-
dire de décembre.
28. Le troisième livre met d'abord seize Ansijs.dn
messes pour les dimanches, sans les désigner. lr°e','paE!ijà"
Nous les disons les dimanches qui suivent la
Pentecôte. Ensuite il rapporte le canon, qu'il
commence par ses paroles : Ayez vos cœurs
élevés. Ce canon est le même que le nôtre
d'aujourd'hui^ excepté que, dans quelques
exemplaires postérieurs au temps de Gélase,
on lit les noms de saint Eleulhère, de saint
Denys, de saint Rustique, de saint Hilaire,
de saint Martin, de saint Augustin, de saint
Grégoire, de saint Jérôme et de saint Benoît.
Le canon fini, on annonçait au peuple les
jours du jeûne pour les quatre-temps, les
scrutins ou examens des catéchumènes^ les
prières pour les infirmes et les fêtes des
saints. Après quoi le célébrant communiait
avec les ministres sacrés. Suivent plusieurs
bénédictions sur le peuple après la commu-
nion; six messes pour les jours ordinaires;
plusieurs messes votives, pour les voyageurs,
pour obtenir la charité et l'augmentation des
autres vertus théologales, pour les affligés,
pour la stérélité, pour la mortalité des hom-
mes et des animaux, et pour divers autres
sujets. Il y en a une pour ceux qui font un
agape ou repas de charité; une pour dire
dans un monastère, apparemment lorsque
l'évêque en faisait la visite; une pour les no-
ces avec la bénédiction nuptiale; une pour
le jour delà naissance; une pour les malades,
avec les prières pour les morts devant et
après la sépulture; plusieurs messes pour
eux; une, entre autres, pour un mort nouvel-
lement baptisé; une pour ceux qui ont désiré
la pénitence et qui n'ont pu la recevoir; en-
fin des prières sur ceux qui entrent dans une
nouvelle maison, et pour bénir l'eau dont on
doit l'asperger.
29. Sous le pontificat de Gélase et par son Transiaiion
autorité, le corps de sanil Severm, apo- "i"' séro-
tre de Norique, fut transféré au château de
Lucullone, près de Napies, et l'on y bâtit
un monastère. Le prêtre Eugipius ^, dis-
ciple de saint Sévérin, rapporte, comme té-
moin oculaire , plusieurs miracles qui se
firent à cette translation et dans une autre
que l'on fut obligé de faire quelque temps
après.
* Noverit vesira devoiio, sanctissimi fratres , quod
beati mariyris N. anniversarius dies inirat. Lib. Il,
pag. 142.
2 Hoc prœslitit Dcus mariyribus... ut fidelium votis
eorum prœclaris reliquiis conlocatis iniegritas sancti
corporis esse credatur. Et ideo commonemus dilectio-
nem vestram, quoniam illa feria illn loco reliquiœ
sunt sancti N. mariyris conlocandœ. Ibid.
3 Vita Severini, apud Bollandum, ad diem octavum
januarii; elEugip. ,Epist. ad Pasc.,lomA BoIl.,p.484.
518
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XXXV.
Anastase, pape, [498].
Aoastaseesl
fait pape en
496.
Il députe à
Const^ntino-
ple pour la
réunion de
l'Eglise.
Il écrit à
rem pe rou r
1 . Après la mort de Gélase on choisit pour
lui succéder Anastase, second du nom, Ro-
main de naissance et fils d'un nommé
Pierre '. On ne sait si c'est le même Anas-
tase qui fut chargé de lire les requêtes de
Misène au concile de Rome, en 493, et la
lettre du pape Félix dans le concile de l'an
485. Son élection se fit le 28 novembre 496,
après sept jours d'interrègne. Il ne tint le
Saint-Siège qu'un an onze mois et vingt-
quatre jours, depuis le consulat de Paul jus-
qu'à celui de Pauhn et de Jean le Scythe ^.
2. Ses premiers soins, depuis son élévation
au pontificat, furent de rétablir la paix de
l'Eglise. Il envoya à cet effet des légats à
Constantionople, avec une lettre pour l'em-
pereur Anastase, où, en témoignant un désir
très -ardent pour la réunion, il priait ce
prince avec beaucoup d'instance d'y travail-
ler lui-même. Les légats qu'il choisit, furent
les évêqaes Crescone et Germain, dont les
sièges ne sont point marqués.
3. Toute la difficulté de procurer cette
réunion ^, consistait à obtenir que le nom
d'Acace, évèque de Constanlinople, fût ôté
des sacrés diptyques. Le pape prie donc
l'empereur en des termes très-humbles, de
le faire ôter et de ne pas permettre qu'on
déchirât plus longtemps la robe de Jésus-
Christ pour une chose de si petite importance,
puisqu'elle ne regardait qu'un seul homme
et qui était mort depuis quelque temps. Il
représente à Anastase que le pape Félix, qui
avait prononcé la sentence contre Acace, et
qu'Acace lui-même étaient devant Dieu à qui
rien n'est caché, qu'il fallait réserver à Dieu
le jugement de l'un et de l'autre, et en at-
tendant supprimer le nom d'Acace , pour
éviter le scandale. Il ajoute que, pour ne
point l'ennuyer par un trop long détail de la
conduite qu'Acace avait tenue, il avait chargé
ses légats de l'en instruire pleinement, s'of-
trant de le faire lui-même, si ce prince le
souhaitait, afin de le convaincre que le Saint-
Siège n'avait point agi contre Acace par
quelque mouvement d'orgueil, mais sur des
crimes certains, autant que l'homme peut
les connaître. Il prie l'empereur que quand
il sera bien informé de ce qui regarde l'E-
glise d'Alexandrie, d'employer son pouvoir,
sa sagesse et ses exhortations pour le ra-
mener à la foi véritable et catholique, disant
qu'il était digne de lui de faire servir l'auto-
rité par laquelle il était comme le vicaire de
Dieu sur terre, à empêcher qu'un orgueil
opiniâtre ne résistât aux préceptes de l'E-
vangile et des apôtres : et pour faire obser-
ver, par une humble soumission, des choses
si salutaires et si avantageuses, il s'offre, au
cas qu'il le souhaitât, de l'instruire de toutes
les choses que l'on doit croire dans la reli-
gion catholique, selon les décrets des pères
et la doctrine de tous les saints qui ont fleuri
dans l'Eglise. Ensuite il rassure les Grecs sur
la crainte qu'ils témoignaient avoir pour
ceux qui avaient reçu d'Acace le baptême ou
l'ordination depuis la sentence de déposition
prononcée contre lui. Il déclare qu'il tient
pour valables les baptêmes et les ordinations
conférés par cet évèque, et prouve, par l'au-
torité de l'Ecriture, qu'il a pu leur adminis-
trer ces sacrements sans leur porter aucun
préjudice, parce que c'est Jésus-Christ même
qui les leur a donnés; qu'Acace, en les con-
férant, n'avait nui qu'à lui-même, et non pas
à ceux qu'il avait ou baptisés ou ordonnés.
Pour montrer que l'indignité du ministre ne
nuit point à la vertu des sacrements, et qu'ils
ont tout leur effet * quand ils sont donnés
hors de l'église, soit par un adultère, soit
1 Pontifie, tom. IV Concil., pag. 1276.
2 Les deux lettres d'Anastase qui nous restent se
trouvent dans Mansi, tom. VIII, col. 18S-93. (L'édi-
teur.)
3 Tom. IV Concil., pag. 1278.
'• Nam et baplismum quod procul sit ab ecclesia,
sive ab adultéra, vel a ftire fuerit datum , ad perci-
pientem munus pervertit illibatum : quia vox illu quœ
per columbum sonuit , omnem macutam humanœ pol-
lutionis excliidit, qua declaratur ac dicitur : « Hie
est qui baptizat in Spiritu Sancto. » Nam si visibilis
solis istius radii cum per loca fœdissima iranseunt ,
[V SIÈCLE.]
par un voleur, il allègue premièrement ce
qui est dit de Jésus-Christ dans saint Jean :
join. 1, 33. Celui sw qui vous verrez descendre et demeurer le
Saint-Esprit, est celui qui baptise par le Saint-
Esprit ; ensuite il fait cette comparaison : Si
les rayons de ce .soleil visible pénètrent dans
les lieux les plus sales sans en contracter
aucune tache, à plus forte raison, •celui qui
a fait ce soleil visible, peut-il opérer sans en
être empêché par l'indignité du ministre.
11 dit encore que tous les bienfaits que Judas
a conférés, étant encore parmi les apôtres,
et à raison de sa dignité n'ont souffert au-
cune diminution par ses mauvaises qualités
de voleur et de sacrilège.
RBqoêtes 4 Le bruit s'étant répandu par toute l'E-
s AlfcXiin- ^ ^
raira^e''"'"' o^'^e d'Orient que les légats du pape étaient
venus à Constantinople pour y traiter de la
paix ', deux apocrisiaires de l'Eglise d'A-
lexandrie, Dioscore, prêtre, et Quérémon,
lecteur, leur donnèrent une requête par la-
quelle ils demandaient, au nom de leur Eglise
d'être reçus à la communion du pape. Cette
requête est adressée non-seulement à Cres-
cone et à Germain, légats, mais aussi à Fes-
tus, député par le roi ïhéodoric à l'empe-
reur Anastase, pour quelques affaires civiles.
Les Alexandrins exposent dans leur requête
que l'Eglise de Rome et celle d'Alexandrie
ayant eu un même fondateur, c'est-à-dire
saint Pierre, que saint Marc avait imité en
tout, elles ont toujours eu une même foi et
une même doctrine; et qu'il y a eu entre
elles tant d'union, que lorsqu'il s'est agi de
tenir en Orient des conciles pour décider
quelques difficultés, l'évêque de Rome a
choisi celui d'Alexandrie pour agir en son
nom dans ces assemblées et y tenir sa place;
que la division de ces deux Eglises a élé oc-
casionnée par une mauvaise traduction de
la lettre de saint Léon au concile de Chalcé-
doine, qui rendait cette lettre pleine d'erreurs
nestoriennes. Ils accusent Théodoret et les
autres évêques du parti de Nestorius, d'être
les auteurs de cette mauvaise traduction,
qui avait donné lieu à l'Eglise d'Alexandrie,
de croire que l'Eglise de Rome était dans des
sentiments erronés, et de se séparer de sa
communion. Ils disent que d'un autre côté,
l'évêque de Rome, persuadé que les Alexan-
CHAPITRE XXXV. — AiNASTASE, PAPE,
519
drins combattaient la doctrine des apôtres,
les avaient en conséquence séparés aussi de
sa communion. « Voulant, ajoutent-ils, don-
ner des preuves au Saint-Siège que nous te-
nons la même foi que le prince des apôtres,
son disciple saint Marc et les pères de Nicée
ont tenue, notre Eglise a envoyé des députés
à Rome. Mais un homme chassé de notre
ville pour sa mauvaise doctrine et d'autres
raisons (c'était apparemment Jean Talaïa),
s'étant rencontré alors à Rome, empêcha
qu'on n'écoutât les députés, qui furent obli-
gés de s'en revenir sans avoir pu même être
admis à l'audience du pape. » Ils disent en-
suite que le diacre Photin, qui avait été en-
voyé par l'évêque de ïhessalonique vers le
pape Anastase, étant venu de Rome à Cons-
tantinople, les assura que le pape n'approu-
vait point les changements ni les additions
faites à la lettre de saint Léon. Ils témoi-
gnent souhaiter de conférer avec Crescone
et Germain, sur ce sujet. Les députés y con-
sentirent et les satisfirent à l'égard de la
lettre de saint Léon. C'est pourquoi Dios-
core et Quérémon leur présentèrent une con-
fession de foi, afin que si elle se trouvait con-
forme à celle de l'Eglise de Rome, celle
d'Alexandrie pût s'y réunir. Dans cette con-
fession de foi, ils déclarèrent qu'ils recevaient
le symbole de Nicée, approuvé parles cent
cinquante pères de Constantinople et par le
concile d'Ephèse, sous saint Célestin, comme
la seule vraie règle de la foi : mais ils re-
marquent en même temps que ce concile
d'Ephèse avait défendu d'établir une autre
foi : remarque qu'ils ne faisaient, ce semble,
que pour rejeter le concile de Chalcédoine,
dont en effet ils ne disent pas un mot. Ils dé-
clarent encore qu'ils admettaient aussi les
douze anathèmes de saint Cyrille. Après cette
profession de foi générale, ils en font une
particulière, confessant que Jésus-Christ est
consubstanliel à son Père selon la divinité,
et consubstantiel à nous selon l'humanité;
qu'il est descendu et a élé fait homme du
Saint-Esprit et de Marie Vierge, mère de
Dieu ; qu'il n'y a qu'un seid fils et non pas
deux, les miracles et les souffrances étant d'un
seul et même Fils unique de Dieu. Ils con-
damnent ceux qui introduisent en lui de la
nuUa contactus inquinatione maculantur, multo-
magis illius , r/ui istum visihilem fecit , virlus nulla
ministri indignitaie conslriugiiur. Nam et Judas cum
fuerit sacrilegus aique fur, quidquid egit inter apo-
stolos pro dignitate commissa, bénéficia per indignum
data, nulla ex hoc deirimenta senserunt, Anast.j
Epist. 1, tom. TV Concil., pag. 1280.
1 Ibid., pag. 1-283.
520
HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lettre an
roi Clovis.
division ou de la confusion, ou qui disent
qu'il ne s'est incarné qu'en apparence, parce
que dans l'incarnation il ne s'est pas fait une
augmentation du Fils, et que la trinité des
personnes est demeurée, quoiqu'une de ces
personnes se soit incarnée. Ils disent ana-
thème à Nestorius et à Eutychès, de même
qu'à tous ceux qui ont pensé comme eux, en
quelque lieu et en quelque temps que ce
soit ; mais ils soutiennent que la doctrine
de Dioscore, de Timothée et de Pierre a été
conforme à celle qu'ils viennent d'exposer,
et s'offrent de le justifier. Ils conjurent les
légats, h leur retour à Rome, de présenter
cette confession de foi au pape, afin qu'il
l'approuve et qu'il les reçoive à sa com-
munion. Les légats, sans approuver cette
profession de foi, la reçurent et promirent
de la porter au pape, qui serait, disaient-ils,
toujours prêt à écouter ceux que les Alexan-
drins lui députeraient, et de leur éclaircir
leurs doutes. Ils ajoutèrent qu'on ne les avait
point chargés d'entrer dans la difficulté qu'ils
faisaient au sujet de Dioscore, d'Elure et de
Mongus ; mais que, pour avoir la paix, il fal-
lait que l'Eglise d'Alexandrie ôtât leurs noms
des diptyques. Tel est le contenu de la re-
quête des deux apocrisiaires d'Alexandrie
aux légats du pape : Dioscore et Quérémon
en retinrent une copie pour la présenter, di-
rent-ils, au dernier jugement, en cas que le
Saint-Siège négligeât de contribuer à la paix.
Festus fut aussi chargé, de la part de l'em-
pereur Anastase, de négocier la réunion de
l'Eglise de Constantinople. On dit même qu'il
promit en secret à ce prince d'engager le
pape à souscrire l'Jïénotiquede Zenon; mais,
étant de retour à Rome, il trouva le pape
mort.
5. Dès le commencement de son pontifi-
cat, il écrivit par le prêtre Cumérius au roi
Clovis, pour lui témoigner sa joie de ce qu'il
venait d'embrasser la foi chrétienne '. On
voit par celte lettre combien Anastase avait
d'amour pour l'Eglise. « Consolez votre mère,
ô glorieux et illustre fils de l'Eglise, dit-il à
ce prince, servez-lui d'une colonne de fer.
Car la charité de plusieurs se refroidit, et
notre nacelle est agitée de violentes tempêtes
et battue par les furieuses vagues que les
artifices- trompeurs des méchants poussent
contre elle. Mais nous espérons, contre toute
espérance, et nous louons le Seigneur qui
vous a délivré de la puissance des ténèbres
et qui, pour l'utilité de l'Eglise, a élevé en
votre personne un si grand prince qui puisse
la défendre et prendre le casque du salut,
pour s'opposer aux efforts de ces hommes
dangereux. Continuez vos glorieux desseins,
et que le Seigneur tout-puissant vous ac-
corde et à votre royaume, sa protection cé-
leste ; qu'il ordonne à ses anges de vous gar-
der dans toutes vos voies et vos entreprises,
et qu'il vous accorde la victoire sur tous ses
ennemis. »
6. Ce fut encore dans les commencements
de son pontificat que ce pape écrivit à Ursi-
cin 2, le môme que Gélase, son prédécesseur,
avait envoyé aux évêques de Dardanie pour
leur expliquer la doctrine du Saint-Siège,
touchant les hérésies qui mettaient alors le
trouble dans les Eglises d'Orient. Il ne nous
reste que quelques fragments de cette lettre
que M. Baluze a tirés de deux anciens ma-
nuscrits, l'un de l'Eglise de Beauvais, et l'au-
tre de l'abbaye de Corbie ^. Anastase y. ex-
plique le mystère de l'Incarnation, montrant
que Jésus-Christ est un dans les deux natures,
sans aucun mélange de la nature divine avec
la nature humaine. C'est pourquoi il confesse
que Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils unique
de Dieu *, né du Père avant tous les siècles,
' Anast., Epist. 1, tom. IV ConciL, pag. 1282.
2 Tom. ConciL, Baluz., pag. 1467.
3 Ces trois fragments se lisent mot pour mot dans
l'épitre seconde de saint Gélase à Laurent ; ils ne
sont donc point d' Anastase. (L'édiieur.)
* Cunfitemur errjo Dominum nostrum. Jesum Chris-
tum Filium Dei unigenitum anie omnia quidem sœcula,
sine principio, ex Paire natum secundum deitalem,
novissimis autem diebus de sancia Virgine Maria
eumdem incarnatum, et perfecium hominem ex anima
rationali et corporis susceptione, consubstantialem
Patri secundum divinitatem, et consubstantialem nobis
secundum humanitatem. Duarum enim naturarum
perfectarum unifas fada est ineffabiliter. Propter
quod unum Christum eumdem Filium Dei et kominis ;
unigenitum a Pâtre , primogenitum ex mortuis confi-
temur, scientes quod quidem coœtemo sua Patri se-
cundum divinitatem, secundum qunm opifex est om-
nium, et dignalus est post consensionem sanctœ Vir-
ginis, cum dixit ad Angelum : Ecce ancilla, etc. In-
effabiliter sibi ex ipsa œdificavit templum, et ut sibi
univit quod non coœiernum de sua substantia e cœlo
detulit corpus, sed ex masia nosfrœ substantiœ, hoc
est ex Virgine hoc accipiens et sibi uniens, non Deus
Verbum in carne versus est, neque ut phantasma ap-
parens, sed incommutabililer suam conservavit essen-
iiam, primitias nostrœ naturœ suscipiens sibi univit...
Nunquam autem per resurrectionem unilionis nostrœ
discessit a proprio lenipto, nec discedere potest propter
ineffahilem suam benignilatem. Anast., tom. Concil.
Balus., pag. 1467.
[VP SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXVl.
clément
jtt des
;ges de
et sans commencement selon la divinité, s'est
incarné dans les derniers temps dans le sein
de la vierge Marie; qn'il est homme parfait,
ayant pris un corps et une âme raisonnable ;
qu'il est consubstantiel au Père selon la di-
vinité, et consubstantiel à nous selon l'hu-
manité, parce qu'il s'est fait en lui, d'une
manière ineffable, l'union des deux natures;
qu'il n'y a qu'un Christ, qui est en même
temps Fils de Dieu et Fils de l'homme; Fils
unique du Père et le premier né d'entre les
morts ; coéternel à son Père suivant la divi-
nité selon laquelle il est le créateur de toutes
choses, et né dans le temps selon la chair
qu'il n'a pas apporté du ciel, mais qu'il a
prise de la masse de notre substance, c'est-
à-dire de la sainte Vierge : ce qui s'est fait
de manière que le Verbe n'a point été changé
en chair et n'a point paru comme un fan-
tôme ; mais, conservant immuablement et
inconvertiblement sa propre substance, il
s'est uni à notre nature et ne s'en est jamais
séparé, pas même lorsqu'il est ressuscité
d'entre les morts; il ne peut même jamais
s'en séparer, à cause de sa bonté ineffable
envers nous.
7. Saint Avit , évèque de Vienne, ayant
obtenu du pape Anastase un règlement en-
tre lui et l'évêque d'Arles, qui étendait sa
juridiction sur les évêques voisins, Eonius,
évèque d'Arles, en porta ses plaintes au pape
Symmaque, disant que ce règlement avait
été obtenu subrepticement contre les ca-
nons. Le pape ne voulant décider cette af-
faire qu'avec connaissance de cause, écrivit
SYMIMAQUE, PAPE. 321
le 30 octobre 499, aux deux évêques d'Arles
et de Vienne, d'envoyer h Rome, à jour
nommé, des personnes pour défendre leurs
prétentions respectives. Eonius y envoya le
prêtre Crescence; mais on ne voit pas que
saint Avit ait envoyé quelqu'un de sa part.
Le pape Symmaque, apprenant par le rap-
port de Crescence qu'.\nastase avait mis de
la confusion dans la province d'Arles, en
changeant l'ordre ancien, désapprouva cette
conduite, disant que le sacerdoce étant indivi-
sible, les successeurs ne pouvaient donner
atteinte aux ordonnances de leurs prédéces-
seurs; qu'autrement cette variation ôterait
tout le respect dû au Sainl-Siége. Le pape
ordonna donc à Eonius de s'en tenir à la vé-
nérable antiquité, sans avoir égard au règle-
ment fait par Anastase. Sa lettre est du 29
septembre de l'an SOO. Saint Avit, qui n'avait
eu personne à Rome pour soutenir ses pré-
tentions, se plaignit de ce qu'on l'avait con-
damné sans l'entendre. « Si vous pouvez, lui
répondit Symmaque, le 30 octobre 501, mon-
trer qu'Anastase, mon prédécesseur, a eu
raison de faire ce qu'il a fait, nous serons
ravi qu'il n'ait point contrevenu aux canons.
Car il est quelquefois nécessaire de relâcher
de la rigueur de la loi ', pour un bien que la
loi même aurait ordonné si elle l'avait prévu.»
Le Pontifical marque que le pape Anastase,
dans une ordination au mois de décembre,
ordonna douze prêtres , et pour différents
endroits seize évêques; et orna de quatre-
vingts livres d'argent la confession de saint
Laurent.
CHAPITRE XXXVL
Symmaque, pape 2, [514].
Symmaque ] . Lo patrïarche Festus, qui était venu àl
en (98. ùE- Coustautinople avec Crescone et Germain,
reoi, riDti-
p»po- députes du pape à l'empereur Anastase, et
qui avait été lui-même envoyé vers ce prince
par le roi Théodoric, demeura en cette ville
jusque vers la fin de l'an -498. 11 obtint que
'on y célébrerait à l'avenir avec plus de so-
lennité qu'auparavant, la fête de saint Pierre
et de saint Paul. Avant son départ de Cons-
tantiuople, Festus convint secrètement avec
l'empereur 3, d'engager le pape Anastase de
souscrire à V Hénotique de Zenon. Mais, à son
' Nam gitamvis a Patribus statuta diligevti obser-
vatione et ohservanli diligenlia sint custodienda, nihil-
ominus propter aliquod bonum de rigore legis aliquid
relaxatur, quod et ipsa lex cavisset, si prœvidisset.
Symiiiac.^ Epist. 12 ad Avit., tom. IV Concil., p. 1321.
2 Les écrits de ce pape qui nous restent se trouvent
au tome LXII de la Patrologie latine, col. 39-80, avec
une notice extraite du Pontifical, et une autre par
un scljismatique contemporain de Symmaque. (L'ëdit.)
' Tlieopli., in Chron., pag. 98.
S22
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Il estacrtiEé
devant Théo-
doric.
retour à Rome, il trouva que le pape était
mort le 16 de novembre 498. On élut pour
lui succéder, le diacre Symmaque, fils de
ForLunat et natif de Sardaigne. Mais Festus
pour effectuer ce qu'il avait piomis à l'em-
pereur Anastase, gagna par argent * plu-
sieurs personnes, et fit élire en même temps
l'archiprêtre Laurent ; ce qui occasionna un
schisme dans l'Eglise. Syjnmaque et Laurent
furent ordonnés en un même jour, l'uu dans
la basilique de Constantin, l'autre dans la
basilique de Sainte-Marie. Symmaque avait
pour lui le plus grand noml^re. Le diacre
Paschase, homme de vertu et de savoir, tenait
le parti de Laurent, auquel il demeura atta-
ché jusqu'à la mort. Pour terminer ce schisme,
il fut convenu que Symmaque et Laurent
iraient à Ravenne ^, et qu'ils se rapporte-
raient de la canonicité de leur élection au
jugement du roiThéodoric, quoique ce prince
fût arien. Théodoric décida avec justice que
celui-là demeurerait en possession du Saint-
Siège, qui avait été ordonné le premier, ou
qui avait pour lui le plus grand nombre. Il
se trouva que c'était Symmaque, c'est pour-
quoi il fut reconnu pour pape légitime. Au
commencement de son pontificat, il assembla
à Rome un concile de soixante et douze évê-
ques, dans la vue de chercher les moyens les
plus puissants de retrancher les brigues des
évêques et les tumultes populaires qui s'ex-
citaient ordinairement à leurs élections, et
dont il avait vu un exemple dans la sienne.
Laurent assista à ce concile et en signa les
actes en qualité d'archiprêtre du titre de
saint Praxède. Symmaque, par un motif de
commisération ^, le fit depuis évêque de No-
céra. Quatre années après, quelques-uns du
clergé de Rome, par un mouvement d'envie,
et quelques sénateurs, principalement Festus
et Probin, accusèrent Symmaque de crimes
horribles, subornèrent de faux témoins, qu'ils
envoyèrent à Ravenne au roi Théodoric. En
même temps, ils rappelèrent secrètement
Laurent, et renouvelèrent le schisme. Car
une partie du clergé communiquait avec
Symmaque, une partie avec Laurent.
2. Festus et Probin prièrent Théodoric
• Theopli., in Chron., pag. 98.
2 Tom. IV ConciL, pag. 1286.
s Tom. IV ConciL, pag. 1286. — * Enuod., Apolog.,
pag. 1635. — ^ Ibid.j tom. IV ConciL, pag. 1287.
6 Tom. IV ConciL, pag. 1287.— 'Ibid., pag. 13G2.
8 Siciit suhdilos nos esse terrenis poteslatibus jubet
arhiier cœli; ita non facile duiur iniclligi qua vel
d'envoyer à Rome un évêque visiteur, comme
il était de coutume d'en envoyer aux Eglises
vacantes. Le roi y envoya Pierre, évêque
d'Altino, avec ordre * exprès d'aller d'abord
à la basilique de Saint-Pierre, d'y saluer le
pape Symmaque et de lui demander les es-
claves que l'on voulait produire pour témoins
contre lui, afin qu'ils fussent interrogés par
les évêques, mais sans les mettre à la ques-
tion. L'évêque d'Altino n'ayant aucun égard
à cet ordre, ne voulut ni saluer Sj'mmaque,
ni aller à la basilique de Saint-Pierre, et il
se joignit aux schismatiques. Les catholiques
ne purent voir qu'avec indignation, qu'on
eût envoyé à Rome un évêque visiteur, sou-
tenant que cela était défendu par les canons
et contre l'usage ^.
'6. Sur cette difficulté, le pape Symmaque
convoqua un concile de cent quinze évêques.
C'est ce que dit le Pontifical ^; mais il paraît
que ce concile fut seulement assemblé de
son consentement et parce qu'il l'avait désiré
lui-même. Par la sentence qui intervint, il
fut déchargé des accusations intentées contre
lui, et on exhorta tous Ls fidèles à recevoir
de lui la sainte communion, sous peine d'en
rendre compte au jugement de Dieu. Ce ju-
gement du concile ayant été communiqué
aux évêques des Gaules, ils en furent alarmés
et chargèrent saint Avit, évêque de Vienne',
d'en écrire à Rome au nom de tous. Il se
plaint dans sa lettre qui est adressée à Fauste
et Symmaque, les premiers du sénat, que le
pape étant accusé devant le roi Théodoric,
les évêques se soient mêlés de le juger, au
lieu de le défendre, ce II est vrai, dit-il, que
Dieu nous ordonne d'être soumis aux puis-
sances de la terre ; mais il n'est pas aisé de
comprendre ' comment le supérieur peut
être jugé par ses inférieurs. Si l'apôtre dé-
fend à haute voix de recevoir une accusation
contre un prêtre, sera-t-il permis d'en former
contre celui qui est le chef de toute l'Eglise?»
Saint Avit loue néanmoins le concile d'avoir
réservé au jugement de Dieu celte cause,
dont il s'était chargé avec quelque apparence
de témérité, et d'avoir fait entendre dans les
actes du concile que ni les évêques dont il
ratione, vel lege, ab inferioribus emineniior jucliceiur.
Nam cum celebri prœcepto Apostolus clamet, acciisa-
tionem vel in presbyteritm recipi non debere, quid in
principatum generaiis Ecdesiœ criminat ionibits licere
censendum est ? Avit, Episi. ad Faust., tom. IV Conc,
pag. 13U3.
[VI" SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXVI. — SYMMAQUE, PAPE.
323
était composé, ni le roi Théodoric n'avaient
pas trouvé de preuves des crimes qu'on ob-
jectait au pape Symmaque. Ensuite il con-
jure le sénat de conserver l'honneur de l'E-
glise, de ne pas souffrir que tout l'épiscopat
fût attaqué en la personne du pape, et de ne
pas donner au troupeau l'exemple pernicieux
de s'élever contre leur pasteur.
Leiircs de 4. Saint Avit avait obtenu du pape Anas-
s^aîît Aviî! * '^^^ "" règlement qui étendait sa juridiction
sur les évéques voisins, nommément sur celui
d'Arles '. Eonius, qui en était évêque, s'en
plaignit au pape Symmaque, soutenant que
ce qu'Anastase avait fait en faveur de l'E-
glise de Vienne contre les droits de celle
d'Arles, avait été obtenu subrepticement
contre les canons. Symmaque ne voulant
décider qu'avec connaissance de cause, écri-
vit aux évêques d'Arles et de Vienne, de luj
envoyer à jour nommé, chacun de leur clergé,
une personne instruite des droits do leurs
Eglises, afin qu'il ne parût pas qu'il eût voulu
terminer leur contestation en l'absence et au
préjudice de l'une des parties. Le pape n'é-
crivit point à saint Avit, mais seulement à
Eonius, en le chargeant toutefois d'envoyer
un exprès à l'évêque de Vienne, et de lui
écrire afin qu'il envoyât de son côté une per-
sonne à Rome pour soutenir ses prétentions.
La lettre du pape est du 30 octobre 499. Eo-
nius envoya à Rome le prêtre Crescence,
avec une lettre où il expliquait la difficulté
survenue entre lui et l'évêque de Vienne, à
l'occasion de quelques ordinations que celui-
ci avait faites au préjudice des droits de l'E-
glise d'Arles. Le pape voyant que ces ordi-
nations étaient contre les règles établies de-
puis longtemps, et qu'Anastase, par le règle-
ment fait entre l'évêque de Vienne et l'évê-
que d'Arles, avait mis de la confusion dans
^ la province, le déclara nul, et ordonna à Eo-
■ . nius de s'en tenir au règlement que saint
P Léon avait fait autrefois entre ces deux Egli-
ses. Sa lettre est du 29 de septembre de l'an
300. Saint Avit se plaignit d'avoir été con-
damné sans être entendu, parce qu'appa-
remment il n'avait envoyé personne à Rome
pour défendre sa cause. Mais le pape Sym-
maque lui écrivit qu'il n'avait aucune raison
de se plaindre, et qu'il pouvait encore pro-
poser ses défenses, et que, quoique le pape
Anastase de sainte mémoire, eût mis de la
confusion dans la province, en changeant
l'ordre ancien, il serait bien aise d'apprendre
qu'il avait eu raison de faire ce qu'il avait
fait, et que, par son règlement, il n'avait
point blessé les canons. « Car, ajoute Sym-
maque, encore que l'on doive observer exac-
tement les décrets des pères, il faut quelque-
fois relâcher de la rigueur de la loi pour un
bien que la loi même aurait ordonné, si elle
l'avait prévu. » 11 exhorte donc saint Avit de
lui envoyer les raisons qui avaient pu enga-
ger le pape Anastase à faire ce qu'il avait
fait en faveur de l'Eglise de Vienne. Cette
lettre est du 30 octobre 501. Elle a été don-
née dans le cinquième tome du Spicilége de
dom Luc d'Achery.
5. Le patrice Libère avait écrit à Symma- Relira au
que, pour lui donner avis de l'élection d'un Ej'™° '-'"
évêque d'Aquilée. Ce pape, dans sa réponse^,
approuve cette élection en faisant l'éloge de
l'élu et de ceux qui l'avaient choisi. Cette
lettre est datée du 13 octobre 499. Elle est la
première du cinquième livre de celles d'En-
nodius, parce qu'on a cru qu'il l'avait écrite
au nom du pape Symmaque.
6. La lettre k Laurent, évêque de Milan ^, Lettre à
est une pièce de rhétorique faite par Enno- """''
nodius, et adressée non à Laurent, comme
porte l'inscription dans le recueil des Conci-
les, mais à Maxime, évêque de Pavie, dont
Ennodius fut le successeur immédiat.
7. La lettre à Césaii-e d'Arles* est une ré- i,^,^ j
ponse au mémoire que ce saint évêque avait {^'j'""''"''*'-
présenté au pape Symmaque. Césaire com-
mence son mémoire en disant ^ que comme
l'épiscopat avait pris son origine dans la per-
sonne de saint Pierre, c'était à ses succes-
seurs à faire voir clairement par des décrets
convenables, ce qui se devait observer dans
chaque Eglise. Ensuite il remontre au pape
que dans les Gaules, quelques personnes alié-
naient, sous divers prétextes, les biens de
l'Eglise : d'où il arrivait que l'on diminuait
tous les jours les fonds destinés à secourir
les pauvres. Césaire demande donc que ces
aliénations soient défendues par l'autorité
1 Tom. IV Concil., pag. 1291, 1292 et 1311.
2 Tom. IV Concil., pag. 1292 ; Ennod., lib. V, Epist.
1, pag. 1471.
3 Tom. IV Concil. , pag. 1293, et Ennod. , Dict. 3,
pag. 1736.
* Tom. IV Concil., pag. 1295.
s Sicut a persona beati Pétri apostoli episcopatus
sumit iyiitium, ita necesse est ut disciplinis competen-
tibus sanclitas vestra singulis Ecclesiis, quid observare
debeant evidenter ostendam. César., ad Symmac,
tom. IV Concil., pag.1294.
524
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
du Siège apostolique, à l'exception de ce que
l'on jugera à propos de donner aux monas-
tères par un motit de piété. Il demande, en
second lieu, qu'il ne soit pas permis d'or-
donner les juges et les gouverneurs des pro-
vinces, pour quelque degré que ce soit, que
leur vie n'ait été éprouvée longtemps aupa-
ravant ; en troisième lieu, que l'on défende
d'épouser, soit de gré, soit de force, les veu-
ves qui ont porté longtemps l'habit religieux
et les vierges qui ont vécu pendant plusieurs
années dans les monastères. Césaire supplie
encore d'empêcher qu'on ne fasse des bri-
gues pour parvenir à l'épiscopat, et qu'on ne
donne de l'argent pour gagner des suffrages.
Il demande sur tons ces chefs la vigueur de
l'autorité du Saint-Siège, afin que la disci-
pline, l'amie des bonnes œuvres, soit obser-
vée, autant dans la province des Gaules que
dans l'Eglise romaine. Le pape Symmaque
répondit à Césaire par une lettre décrétale
datée du 6 novembre S13. Elle contient six
articles. Le pape reconnaît d'abord que les
règles ecclésiastiques établies par les anciens
pères, avaient pourvu à presque toutes les
demandes de Césaire; mais, croj'ant qu'il
était bon de les renouveler, il ordonne pre-
mièrement ' que l'on ne pourra aliéner au-
cun des fonds de l'Eglise, sous quelque titre
ou quelque motif que ce soit, si ce n'est qu'on
les donne aux clercs à raison de leurs servi-
ces, aux moines par un motif de religion, ou
aux étrangers pour leurs besoins, mais à con-
dition d'en jouir seulement pendant leur vie.
Voilà l'origine des bénéfices ecclésiastiques.
Auparavant les clercs avaient coutume de
recevoir de l'Eglise, par les mains de l'évê-
que, chaque mois, ce qui leur était dû pour
leur service : mais dans la suite on accorda
à quelques-uns d'entre eux l'usufruit de cer-
tains biens de l'Eglise, durant leur vie seule-
ment; ce qui fut appelé bénéfice, ])a.rce qu'on
n'accordait ces grâces qu'à ceux qu'on croyait
les avoir bien méritées. Symmaque menace
de la rigueur des canons, ceux qui veulent
s'élever au sacerdoce, non par la grâce de
Dieu, mais en promettant les biens de l'E-
glise ; et pour empêcher que les laïques ne
parviennent trop facilement au sacerdoce, il
veut qu'ils observent les interstices et qu'ils
passent par les degrés réglés parles canons,
n'étant pas aisé de ne point faire de faute
dans un ministère auquel on parvient contre
les règles et sans aucune expérience. Il or-
donne ensuite de suspendre de la communion
ceux qui ravissent des veuves ou des vierges
consacrées à Dieu, et qui les épousent, soit
qu'elles le veuillent ou ne le veuillent point.
Il défend aussi aux veuves qui ont vécu long-
temps dans la vie religieuse, de même qu'aux
vierges qui ont passé un temps considérable
dans les monastères, de se marier. 11 ajoute
que si les brigues pour parvenir à l'épiscopat
sont défendues dans les laïques, à plus forte
raison le sont-elles dans les personnes reli-
gieuses et destinées au culte de Dieu. Ainsi
il défend également les brigues et les pro-
messes pour être élevé à l'épiscopat, voulant
que le décret d'élection se fasse en présence
du visiteur, afin que par son témoignage on
puisse constater l'unanimité des suffrages du
clergé et du peuple.
8. Saint Hilaire, obligé par quelques mau-
vais traitements de la part du roi Théodoric,
de passer en Italie, vint jusqu'à Rome. Il
présenta sa requête au pape Symmaque pour
la conservation des privilèges de l'Eglise
d'Arles, apparemment parce que saint Avit
les contestait toujours et qu'il continuait à
vouloir s'en tenir au règlement que le pape
Anastase avait fait entre lui et l'évêque d'Ar-
les, qui était alors Eonius. Le pape, qui avait
déjà annulé ce règlement, mais qui, sur les
plaintes de saint Avit, s'était offert d'exami-
ner une seconde fois les droits respectifs des
Eglises d'Arles et de Vienne, ordonna de
nouveau que l'on s'en tiendrait au règlement
fait par saint Léon, suivant lequel le droit de
l'Eglise de Vienne ne s'étendait que sur les
Eglises de Valence, Tarantaise, Genève et
Grenoble, les autres EgHses dont il était
question devant dépendre de l'évèque d'Ar-
les. Cela paraît par la lettre de Symmaque à
tous les évêques des Gaules, en date du 13
de novembre 313, où il les exhorte à se con-
tenter de leurs droits, sans chercher à les
étendre par le secours de la puissance sécu-
lière. L'abbé Gille et Messien, prêtres et se-
crétaires de saint Césaire, demandèrent en-
core au pape Symmaque la confirmation
Lettres aux
évèqueà des
G.TiiIes, paf.
11109 ; et à
saint Césaire,
pag. 1J10.
1 Possessiones igitur quas unusquisque Ecclesiœ pro-
prio dédit aut reliquit arbiirio, alienari quibuslibet
Utulis atque contractibus , vel sub quocmnqua o.rgu-
mento non palimur : nisi forsUan aut clericis honorum
mentis, aut monasteriis religionis intuitu, aut certe
peregrinis nécessitas largiri suaserit : sic iamen ut
hœc ipsa non perpetuo sed temporaliter donec vixerinf
perfruantur. Symmac, ad Cœsar.
[VP SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXVI. — SYMMAQUE, PAPE.
.^9.T
d'un atilre privilège de l'Eglise d'Arles, selon
lequel l'évêque d'Aix était tenu de venir aux
mandements de l'évoque d'Arles, soit pour
les conciles, soit pour les autres affaires ec-
clésiastiques. Le pape, dans une lettre adres-
sée à saint Césaire, le H juin 514, confirma
les privilèges de l'Eglise d'Arles, et ordonna
que ce saint évêque veillerait sur toutes les
affaires qui surviendraient en matière de re-
ligion, tant dans les Gaules que dans les Es-
pagnes, en conservant toutefois les droits
établis dans chaque Eglise par l'autorité des
pères. 11 ordonna encore qu'il serait au pou-
voir de saint Césaire d'assembler les èvè-
ques de ces provinces, même celui d'Aix,
quand il en serait besoin, et qu'ils ne pour-
raient venir à Rome sans la permission de
celui d'Arles.
9. Quoique l'empereur Anastase n'eût pas
écrit à Symmaque sur sa promotion au pon-
tificat, suivant la coutume ', ce pape ne laissa
pas de lui écrire, mais il lui témoigna en
même temps qu'il ne pouvait avoir de com-
munion avec lui, parce qu'il recevait celle
d'Acace. Il semble même que le pape Sym-
maque engagea le sénat de Rome à faire à
ce prince quelques remontrances pour le
détourner de la communion d'Acace et le
prier de ne point prendre la protection des
hérétiques. L'empereur, piqué contre Sym-
maque, s'emporta contre lui jusqu'à lui dire
des injures et à le traiter de manichéen. Il
lui reprocha encore d'avoir été fait pape
contre l'ordre des canons. Symmaque ne
croyant pas devoir souffrir ces injures, ré-
pondit au libelle d'Anastase par un écrit
adressé à ce prince même, et que l'on inti-
tule Apologétique. Comme il prévoirait que cet
écrit serait plus long que le libelle de l'em-
pereur, il remarque que saint Ambroise n'a-
vait pas cru devoir mesurer la longueur de
sa réponse à l'empereur Gratien, sur celle de
la lettre qu'il en avait reçue, puisqu'il avait
employé huit livres entiers pour répondre à
une simple lettre. 11 remontre ensuite à Anas-
tase qu'il ne doit pas trouver mauvais qu'il
réponde à ses injures : que s'il se considère
en qualité d'empereur romain, il doit écouter
avec bonté les ambassades même des nations
barbares ; et qtie s'il se regarde comme un
prince chrétien, il est de son devoir d'écouter
avec patience la voix de l'évêque du Siège
apostolique ; que pour lui il ne lui est point
permis de dissimuler les calomnies dont on
le chargeait, quoiqu'il dût les souffrir et ren-
dre des bénédictions pour des malédictions ;
qu'il devait même, pour l'intérêt de l'empe-
reur, en faire voir la fausseté, afin de faire
cesser le scandale que son libelle avait causé.
« Vous m'accusez, lui dit-il, d'être mani-
chéen ; mais suis-je donc eutychien ou pro-
tecteur des eutychiens, dont la fureur favo-
rise principalement l'erreur des manichéens?
Rome m'est témoin, et ses archives font foi,
que je ne me suis écarté en aucune sorte de
la foi catholique, que j'ai reçue du Saint-
Siège, en sortant du paganisme. Que l'accu-
sateur se produise et qu'il me convainque :
autrement ce que vous objectez n'est que
des reproches, et non des crimes constatés.
Croyez-vous que parce que vous êtes empe-
reur, il vous est permis de mépriser le juge-
ment de Dieu et de vous élever contre la
puissance de saint Pierre ? Comparons la di-
gnité d'un empereur ^ avec celle d'un évo-
que : il y a autant de différence entre elles,
qu'il y en a entre celui qui a l'administration
des choses de la terre, et celui qui est chargé
d'administrer celles du ciel. Vous, prince,
recevez le baptême de l'évêque et les autres
sacrements; vous lui demandez des prières,
vous attendez sa bénédiction et vous le priez
de vous accorder la pénitence : tandis que
vous n'avez soin que des affaires humaines,
il vous dispense les biens du ciel. Ainsi la
place d'un évêque est du moins égale à la
votre, si toutefois elle n'est pas supérieure.
Voyez donc à quoi vous vous engagez lors-
1 Caiholici principes semper apostolicos prœsu/es
instilutos suis litleris prœvenerunt. Symmac, Apolog.,
tom. IV ConciL, pag. 1299.
2 Conferamus hnnorem imperatoris cum honore pon-
iificis : inter quos tantum dislat, gtianium ille rerum
humanarum curam gerit,isle divinarum. Tu, impera-
tor, a pontifice baptismum accipis, sacramenla sumis,
orationem posais, benediclionem speras, pœnilentinm
rogas, Postremo lu humuna administras, ille tibi di-
vina dispensât. Itaque ut non dicam superior. cerie
œqualis Iwnor est. Videris quid te deceat. Tamen cum
in accusaiionem proruperis, pari mecum sorte consistis ;
in qua cariturus honore summo si fuero (e accusante
coiivictus , amis surus pari ratione, sinon conviceris,
dignitatem... fartasse dicturus es, scripium esse, omni
poiestaii nos subditos esse debere. Nos quidem potes-
tates humanas suo loco suscipimus, donec contra Deum
suas erigunt voluntaies. Cœterum si omnis potestus
a Deo est, magis ergo quœ rébus est prœstituta divinis.
Defer Deo in nobis, et nos deferemus Deo in te. Cœte-
rum si tu Deo non déferas, non potes ejus uti privi-
légia, cujus jura coniemnis. Symmac, Epist. Apolog.,
lom. IV ConciL, pag. 1298.
S26
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
que vous m'accusez ; votre sort est le même
que le mien ; car de même qu'en prouvant
les chefs d'accusation que vous avez formés
contre moi, vous me ferez perdre indubita-
blement ma dignité, vous vous mettez au
hasard de perdre la vôtre, si vous ne pouvez
m'en convaincre. » Il fait souvenir Anastase
qu'étant homme, il ne pourra éviter de ren-
dre compte à Dieu de la manière dont il aura
usé de la puissance qui lui a été donnée d'en
haut. « Si vous dites, ajoute-t-il, que suivant
l'apôtre, nous devons être soumis à toute
puissance, nous ne le nions pas; nous por-
tons au contraire du respect aux puissances
humaines, mais ce n'est que quand elles ne
nous ordonnent rien contre Dieu. Au reste,
si toute puissance vient de Dieu, c'est prin-
cipalement celles qui sont préposées pour la
dispensation des choses divines. Respectez
Dieu en nous, et nous le respecterons en
vous. Mais si vous n'avez point de respect
pour Dieu, vous ne pouvez user du privilège
de celui dont vous méprisez les droits. Vous
dites que j'ai conspiré avec le sénat pour
vous excommunier : je ne le nie point ; mais
je n'ai fait en cela que suivre ce que mes
prédécesseurs ont eu raison de faire. Vous
dites que le sénat vous maltraite. Si nous
vous maltraitons en vous exhortant de vous
séparer de la communion des hérétiques,
nous traitez-vous bien en voulant nous obli-
ger de nous joindre à des hérétiques ? Que
m'importe, dites-vous, ce qu'a fait Acace?
Abandonnez -le donc, pour montrer que
vous n'y prenez point d'intérêt. Si vous ne
vous en séparez pas, nous devons croire que
ce qui le regarde vous intéresse. Ce n'est pas
vous, ô prince, que nous excommunions,
c'est Acace ; séparez-vous de lui : vous vous
retirez aussitôt de son excommunication. Si
vous vous joignez à lui, ce n'est pas nous qui
vous excommunions, c'est vous-même. Il ar-
rivera de là que soit que vous vous sépariez
d'Acace, soit que vous ne vous en sépariez
pas, vous n'aurez point été excommunié de
nous.
Symmaque se plaint ensuite de la persé-
cution qu'Anastase faisait souffrir aux catho-
liques en leur défendant à eux seuls le libre
exercice de leur religion, tandis qu'il le per-
mettait à toutes sortes d'hérétiques, par où
Symmaque entendait les catholiques de Cons-
tantinople qui communiquaient avec Rome.
Il remarque que les princes catholiques, soit
à leur avènement à l'empire, soit à l'élection
d'un nouvel évéque du Siège apostolique ',
avaient coutume de lui faire part de leur élec-
tion ou de les congratuler sur la sienne, pour
montrer qu'ils lui étaient unis de communion,
et que ceux qui manquaient de suivre cet
usage, faisaient dès -lors profession d'être
séparés de sa communion. Symmaque dit
qu'il pourrait le prouver par les écrits mêmes
d'Anastase, s'il ne se croyait obligé d'éviter
tout commerce avec lui, comme avec un en-
nemi de la vérité. Car ce prince passait pour
être favorable à toutes" les hérésies, surtout
à celle des manichéens, que l'erreur d'Eu-
tychès favorisait beaucoup. On croit néan-
moins qu'Anastase n'était pas proprement
eutychien, mais de la secte des acéphales,
nommés aussi hésitants, parce qu'ils n'étaient
d'aucun parti.
10. Vers l'an 512, les évêques d'Orient Lettre aw
1 . T / 1 T 1 1 . Orieutaux, p.
souhaitant d être rétablis dans la communion m\.
du pape, lui écrivirent au nom de l'Eglise
d'Orient, pour lui remontrer qu'ils ne de-
vaient pas être punis pour la faute d'Acace,
puisqu'ils ne prenaient point de part à sa dé-
sobéissance, et qu'ils recevaient la lettre de
saint Léon et le concile de Clialcédoine. Ils
ajoutaient que la pureté de leur foi était telle,
que les eutychiens en prenaient occasion de
les persécuter et de les anathématiser. « Ne
perdez donc pas, disent-ils à Symmaque, le
juste avec l'impie; ne portez pas un même
jugement de l'orthodoxe, et de l'hérétique;
de celui qui anathématise le saint concile, et
de celui qui demande chaque jour de mou-
rir pour la même foi que vous prêchez, n Ces
évêques représentent au pape, que s'il y en
avait quelques-uns d'entr'eux qui communi-
quassent avec leurs adversaires, ce n'était pas
une raison de les retrancher de la commu-
nion de l'Eglise romaine, puisque ceux qui
en agissaient ainsi, ne le faisaient point par
attachement à la vie, mais dans la crainte
qu'étant envoyés en exil, ils ne laissassent
leurs troupeaux en proie aux hérétiques.
«Tous donc, continuent-ils, soit ceux qui sem-
blent communiquer avec eux, soit ceux qui
s'abstiennent de leur communion, attendent
1 Omnes catholici principes sivecum imperii giiber-
nacula susceperunt , sive cum aposiolicœ Sedi novos
agnoverunt prœsutes institutos, ad eam sua protimis
scripta miser-unt, ut se docerent ejus esse consartes,
Ibid., pag. 1300.
[VI" SIÈCLE.]
après Dieu, votre secours. Hâtez-vous donc
d'aider l'Orient, d'où le Sauveur vous a en-
voyé les deux grandes lumières Pierre et
Paul, pour éclairer tout le monde. Rendez à
ces provinces la l'étribution que vous en avez
reçue ; éclairez-les de la lumière de la vraie
foi, comme vous en avez autrefois été éclairé
vous-même. » Ils représentent à Symmaque
que le mal de l'Orient est si grand, qu'ils ne
pouvaient eux-mêmes aller chercher le re-
mède auprès de leur médecin spirituel, et
qu'il fallait qu'il vînt lui-même à eux, sur
quoi ils allèguent l'exemple de saint Léon,
qui ne trouva pas indigne de lui d'aller au-
devant d'Attila, prince barbare, pour empê-
cher que non-seulement les chrétiens, mais
même les Juifs, et vraisemblablement les
païens, ne fassent réduits en captivité. D'où
ils infèrent qu'à plus forte raison le pape de-
vait se bâter pour délivrer l'Orient, non d'une
captivité corporelle qui se fait par la force
des armes, mais d'une captivité qui rendait
les âmes esclaves de l'erreur. Ils le conju-
rent de dissiper les doutes de quelques-uns
d'entre eux, qui ne croyaient pas qu'il y eût
une doctrine mitoyenne entre celle de Nes-
torius et d'Eutychès, et qu'il fallait nécessai-
rement suivre l'une ou l'autre. Mais pour
montrer qu'ils n'étaient pas du nombre de
ceux qui doutaient sur la foi, ils finissent
leur lettre par l'exposition de leur doctrine
sur l'incarnation, où ils condamnent claire-
ment les hérésies de Nestorius et d'Euty-
chès ', reconnaissant en Jésus-Christ deux
natures, l'une visible, palpable et passible;
l'autre invisible, impassible et incompréhen-
sible, c'est-à-dire la divine et l'humaine unies
en une seule personne, du grand Dieu et
notre Sauveur Jésus -Christ, qui, selon la
chair, est né de la substance de sa Mère, et
descend de la race de David, d'Abraham et
d'Adam, et qui, selon la divinité, est né du
sein et de la substance du Père avant l'au-
rore. C'est ce qu'ils enseignent après les an-
ciens pères de l'Eglise, qui, voulant détruire
par avance Terreur de ceux qui ont enseigné
CIIÂPITRE XXXVJ. — SYMMAQUE , PAPE.
527
avec Nestorius deux personnes, deux Fils ou
deux Christs, ont établi une doctrine con-
traire, en disant qu'il y a en Jésus -Christ
deux natures et deux substances unies insé-
parablement en une seule personne. La let-
tre que nous avons du pape Symmaque aux
Orientaux, semble être la réponse à celle-ci,
quoicpi'elle n'en fasse point de mention. Il y
rapporte en peu de mots les ravages que les
hérésies de Nestorius, d'Eutychès et de leurs
sectateurs avaient causés dans les Eglises
d'Orient, et il n'oublie pas les mouvements
qu'Acace se donna sous l'empire de Basili-
que, pour la défense des ennemis de l'Eglise.
Ensuite il console les Orientaux et les exhorte
à s'en tenir constamment à ce qui avait été
décidé une fois contre Eutychès, et à souffrir,
s'il est besoin, l'exil et toutes sortes de mau-
vais traitements pour la défense de la foi. il
leur déclare que tous ceux qui se seront sé-
parés de la communion des eutychéens, ne
doivent douter en aucune manière qu'ils ne
soient rentrés dans celle du Saint-Siège;
mais aussi qu'il n'y a pas d'autre moyen d'y
rentrer, que de condamner ceux qu'il a con-
damnés, c'est-à-dire Eutychès, Dioscore ,
Timothée, Pierre et Acace. Cette lettre est
du 8 octobre de l'an 512.
dl. Nous apprenons de Paul, diacre, que
le pape Symmaque fournissait chaque jour
les aliments nécessaires aux évêques d'Afri-
que ^, que ïrasamond, roi des Vandales,
avait exilés dans l'île de Sardaigne. 11 crut
devoir encore les consoler par lettres, et se
servir à cet effet de la plume d'Ennodius. Il
leur envoya en même temps des reliques de
saint Nazaire et de saint Romain, qu'ils lui
avaient demandées dans leur lettre au dia-
cre Hormisdas. Celle de Symmaque à ces
évêques est la quatorzième du second livre
des lettres d'Ennodius.
12. La lettre à Théodore, évêque de Lau-
rée, est sans date et d'un style tout diffé-
rent de celle de Symmaque. Elle ne se trouve
pas même parmi ses autres lettres dans les
manuscrits, et on ne l'a donnée que sur un
Lettre aux
évêques d'A-
frique, pag.
Lellre à
Tbéodure de
Lnorée, pag.
1311.
1 Ipsi enim (sancti Patres) docuerunt nos divinis
Scripiui-is alteram esse visibiiem, et pulpabilem , et
passibilem carnis nuturam , et alteram invisibilern ,
impassibilem et incomprehensibilem nutinam in una
persona, et substaniia mnçjni Dei et Sa/vatoris nostri
Jesu Christi : alteram de Uatris substantia et naiura
venientem de femine David, Abrahœ, Adœ secundum
carnem natam, alteram vero ex utero ante luciferum
genitam de substaniia et naiura fatris ; sed ne rursus
propier immaculati partus duas nuiuras et subsianiias
occasinnem apprehendentes, qui secundum Nestorium
sapiunt, duas personas , aut duos Filios , aut duos
Christos maie introducant, docuerunt sancti illi et
beati Patres unam scire personam et substnniiarum
inseparabilem unitatem. Orient., Epist. ad Symmac.,
pag. 1308.
2 Ennoil., lib. II, Epist. 14, pag. 1412.
§28
HISTOIRE GÉNÉn ALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Mort de
SymuKtqui; ,
en 514,
monument de peu d'autorité. Elle porte que
Symmaque accorda à Théodore l'usage du
palliiim, auquel il donne une explication
morale, prétendant que la forme de la crois
marquée sur le pallium, doit apprendre à
ceux qui le portent, à compatir avec leurs
frères et à être crucifiés d'affection à toutes
les vanités et aux plaisirs du siècle.
13. Le pape Symmaque tint plusieurs con-
ciles à Rome, dont nous parlerons dans la
suite. Il fit sortir de cette ville tous les ma-
nichéens qu'il y trouva, et brûler leurs livres
et leurs simulacres devant la porte de la ba-
silique Constantine. Fait qui prouve seul le
peu de solidité qu'il y avait dans le repro-
che que lui faisait l'empereur Anastase d'être
manichéen. Ses libéralités continuelles en-
vers les évêques d'Afrique relégués en Sar-
daigne, et l'argent qu'il dépensa pour rache-
ter un grand nombre de captifs de la Ligu-
rie, ne l'empêchèrent pas de bâtir ou de ré-
parer plusieurs églises, et de les orner ma-
gnifiquement. On fait monter jusqu'à qua-
torze cent soixante-dix-neuf livres romaines,
le poids de l'argent qu'il employa à ces di-
vers ornements. Il fit construire l'église de
saint André, apôtre, où il mit un ciboire
d'argent, c'est-à-dire une espèce de taberna-
cle soutenu de plusieurs colonnes aussi d'ar-
gent, qui couvrait l'autel. Il donna à l'ora-
toire de la sainte Croix, une croix d'or pesant
dix livres, et ornée de pierres précieuses,
dans laquelle il enferma du bois de la ci'oix
du Seigneur. Il fit mettre sur le ciboire qu'il
donna à l'église de Saint-Paul, les figures du
Sauveur et des douze apôtres, en argent.
Le Pontifical dit que ce fut lui qui institua
que l'on chanterait chaque dimanche et aux
jours de fêtes des martyrs, l'hymne Gloria in
excekis; qu'il fit quatre ordinations à Rome
au mois de décembre et de février, oîi il or-
donna quatre-vingt-douze prêtres, seize dia-
cres, et cent dix-sept évêques pour divers
endroits. Ce pape mourut le 19 juillet de
l'an 514, et fut enterré dans la basilique de
Saint-Pierre. Il avait tenu le Saint-Siège
quinze ans et environ huit mois. Ses lettres
ont quelque chose de dur dans le style, mais
elles ont de la force et de la dignité.
CHAPITRE XXXVII.
Paschase, diacre de l'Eglise romaine.
paschase.
Sc-3 verlus.
1. Paschase, diacre de l'Eglise romaine
sous le pontificat d'Anastase et de Symma-
que, se rendit recommandable par sa vertu
et par son savoir. Saint Grégoire relève sur-
tout * le soin qu'il prenait des pauvres, et
le mépris qu'il avait de lui-même. Mais il re-
marque qu'ayant pris le parti de l'archiprê-
tre Laurent contre le pape Symmaque, il
persévéra dans le schisme jusqu'à la mort.
Ce qu'il faut entendre des derniers jours de
sa vie, pour concilier ce que dit le même
saint Grégoire, que Paschase , pour expier
la faute qu'il avait commise en s'attachant
au parti de l'anti-pape Laurent, fut envoyé
en purgatoire, d'où il fut tiré par les prières
de saint Germain, évêque de Gapoue.
2. Nous avons sous son nom un traité du
Saint-Esprit ^, divisé en deux livres, que
l'on croit communément être les mêmes dont
saint Grégoire-le-Grand parle , et qu'il dit
être d'une doctrine très-pure ^ et d'un style
clair et net. Us sont néanmoins attribués à
Fauste de Riez dans un manuscrit que Tri-
thème avait vu *, et il y a de très-fortes rai-
1 Greg., lib. IV Dialog., cap. xr,. Vide Baron ad
ann. 498.
2 II est dans le tome LXII de la Patrologie latine,
col. 9-40, avec une notice sur l'auteur extraite de
Cave. (L'éditeur.)
Paschasius, apostoHcœ Sedis diaconus, cujus apud
nos rectissimi et luculenti de Sancto Spiritu libri ex-
tant, mirce sanciitalis vir fuit, eleemosynarum maxime
operibus vacans , culior paiiperum et contemptor sut.
Gregor., lib. IV Dial., cap. XL.
'' De opusculis Fausti feruniur... volmnen de Gratia
Dei, de Spiritus Sancto liber unus, qui incipii : « Fides
caûiolica, etc. » Les deux livres »ûus le nom de
Pasi'.hase, commencent par ce3 mêmes paroles. Trit.
De Script. Ecctes., cap. cxc.
CHAPITRE XXXVJI. — PASCHASE, DIACRE.
IVI" SIECLE.]
sons pour l'en croire auteur. 1° Gennade,
dans le catalogue de ses ouvrages ', niet un
traité du Saint-Esprit, où Fauste, en expli-
quant le symbole , s'étendait particulière-
ment à montrer que le Saint-Esprit est Dieu,
coéternel au Père et au Fils, et de la même
substance. Or c'est la méthode que suit l'au-
teur des deux livres sur le Saint-Esprit, im-
primés sous le nom de Paschase. Il est vrai
que Gennade ne parle que d'un seul livre de
Fauste sur cette matière; mais depuis il a
pu être divisé en deux. Trithème et Gesner
n'avaient qu'un livre dans leurs exemplaires.
Une autre preuve que les livres attribués à
Paschase, sont de Fauste de Riez, c'est que
dans le cinquième chapitre du premier livre,
l'auteur répond à l'objection contre l'éter-
nité du Verbe, de la manière que Fauste y
répond dans sa seizième lettre. Dans l'un et
dans l'autre de ces écrits, pour montrer que
le Fils est coéternel au Père, on se sert de
l'exemple du bras ^, qui, quoique sorti du
corps , est eu même temps que le corps.
Dans le premier chapitre du second livre ^,
de même que dans cette seizième lettre, que
l'on ne conteste pas à Fauste, on soutient
qu'il n'y a que Dieu seul qui soit incorporel,
et que l'âme humaine et les anges mêmes
ont des corps. Il faut ajouter que les deux
livres du Saint-Esprit dont nous parlons, ont
beaucoup de rapport avec les iiomélies sur
le Symbole, sur la Nativité, sur la Pâque, sur
l'Ascension et sur la Trinité, qui sont parmi
celles que l'on attribue à Eusèbe le Gaulois,
et que l'on croit être de Fauste de Riez.
Quelle apparence y a-t-il d'ailleurs que saint
Grégoire-ie-Grand eût appelé exacts et d'une
foi très-pure ces deux livres où l'on établit,
comme nous venons de le dire, la corporéité
de l'âme et des anges? Le traité que ce père
attribue à Paschase, doit donc être regardé
comme perdu. Nous ne laisserons pas d'en
529
donner l'analyse sous le nom de ce diacre,
puisqu'il le porte dans la Bibliothèque des
Pères.
3. Paschase, dans une préface qu'il a mise
à la tête de son ouvrage *, dit que les apô-
tres, après avoir exposé fort au long la foi
catholique dans leurs écrits, nous l'ont don-
née en abrégé dans le symbole qu'ils nous
ont laissé. C'est par l'autorité de ce symbole
qu'il commence à prouver la divinité du
Saint-Esprit, parce qu'il y est dit que l'on
croit en lui comme on croit au Père et au
Fils. Il s'objecte qu'il y est dit de même que
l'on croit en la sainte Eglise catholique. A quoi
il répond que la préposition en, ou doit être
supprimée , ou être prise dans un autre sens ,
en sorte qu'elle ne signifie autre chose, soit
pour l'Eglise, soit pour les autres articles
suivants du symbole, sinon que nous croyons
l'existence de la sainte Eglise catholique, la
communion des saints, la rémission des pé-
chés, la résurrection de la chair, et la vie
éternelle. Il croit même que la préposition
en ne se trouvait point dans l'original du
symbole, et qu'elle y a été ajoutée par l'im-
prudence de quelques-uns ^, qui, la voyant
aux articles de la foi en Dieu le Père, le Fils
et le Saint-Esprit, l'ont mise aussi devant
l'article où il est parlé de l'Eglise catholique ^.
Et en effet, cette préposition ne se lit point
dans les formules du symbole à l'usage de
l'Eglise romaine, de celle d'Aquilée et des
Eglises d'Orient. Paschase fait voir ensuite ,
par l'autorité des divines Ecritures , que le
Saint-Esprit est Dieu comme le Père et le
Fils, et que, quoique nous distinguions en
Dieu trois noms et trois personnes , il n'y a
pas néanmoins trois puissances ni trois subs-
tances. Mais pourquoi, direz-vous, employer
les termes d'unité et de trinité en parlant
de Dieu , puisque ces termes ne se trouvent
point dans les livres canoniques? Il ré-
Analyse àa
premier livre.
^ Fauslus ex traditione symboli occasione accepta
composuit librum do Spiritu Sancto. Gennad., de Viris
illusir., cap. Lxxsv.
2 Sed dicis : « Si ex illo est, Filius junior est Pâtre?
Ecce brachium ex corpore nascitur, nec iamen bra-
chium corpore suo constat esse posterius. n Lib. I de
Spirit. Sancto, cap. v. Dicis forsitan : « Quia ex illo est,
posierior illo est. » Age ad hœc iniellectum nostrum
uliquibus comparationibus nutriamus. Ecce brachium
procéda ex corpore, et iamen brachii œtatem corpus
non prœcedit. Faust., Epist. 16, tom. VIII Biblioth.
Pair., pag. 5^8.
s Itaque substantia animas utpote corporalis maleria,
alii raiionali creaturœ penitus nescit infundi. Lib. II
de Spirit. Sanct., cap. i. Solus Deus simplex, sublilis,
X.
piirus in facturam vel angelicam vel humanam virtute
incorporées divinitatis illabiiur... anima vero animœ
aut angélus angelo conjungi potesf, infundi non po-
iest. Ibid. Licet pronuntiemus nonnullas spirituales
esse nafuras, ut sunt angeli, ipsa quoque anima nostra,
vel cerle aer isie sublilis; Iamen incorporées nullate-
nus œsiimandœ sunt. Habent enim secundmn se corpus
quo subsistu?it, licet multo lenuius quam nostra sunt
corpora. Epist. 16, pag. 549.
* Tom. VIII Biblioth. Pair., pag. 807.
^ Nam nullorum imperitia in prœpositionem hanc
velut de proxima vicinaque senieniia in consoquentem
traxit ac rapuit, et ex super fluo imprudenler apposuit.
Pascb., lib. I, cap. i.
^ Vide tom. I, pag. 295.
34
530
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pond que l'on ne doit point chicanei' sur les
mots, quand ils ont une dérivation toute
naturelle, et qu'il y en a une entre le terme
à'un et celui d'unité, et entre le mot trois et
celui de trinité; qu'au surplus, ces termes ont
été inventés dès le temps de la primitive
Eglise ', qu'elle a eu droit de les employer,
et qu'ils ont prescrit par le laps de plusieurs
siècles. Il pi'ouve la trinité des personnes
en Dieu par les premières paroles du livre
de la Genèse, par celles qui marquent le des-
sein de la formation de l'homme , et par
quelques autres de l'Ancien Testament. Puis,
venant à la personne du Fils et à celle du
Saint-Esprit, il montre que le Fils étant ap-
pelé la face du Père, doit lui être coéternel,
et que le Saint-Esprit étant l'esprit du Père
et son doigt, selon les expressions de l'Ecri-
ture, il s'ensuit qu'il est de la substance du
Père; mais qu'il est en même temps une
personne distincte du Père , puisque le Fils
isaï.xLTin. dit dans Isnïe : Maintenant le Seigneur m'a
envoyé, et son Esprit aussi. Paschase s'objecte
que, puisque le Saint-Esprit est appelé le
doigt de Dieu, il est donc inférieur à Dieu ;
il répond que cette façon de parler marque
dans les Personnes divines l'unité de sub-
stance et leur concorde dans les ouvrages
extérieurs, et non pas une différence de di-
gnité et d'honneur, et que l'Ecriture se sert
souvent du terme de doigt pour marquer la
puissance de Dieu, comme lorsqu'elle dit :
Je vois les cieux qui sont l'ouvrage devos mains.
Il trouve dans l'ordre que Jésus-Christ donna
à ses apôtres, de baptiser toutes les nations
au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
l'unité d'ouvrage et de nom dans les trois
Personnes. Mais pourquoi , demandera quel-
qu'un, le Saint-Esprit n'est-il ni engendré ni
non engendré, s'il est véritablement Dieu?
Paschase répond que l'Ecriture ne dit pas
que le Saint-Esprit soit engendré, de peur
qu'on ne le croie Fils ; elle ne dit pas non
plus qu'il soit non engendré , parce qu'on
pourrait croire qu'il est Père ; mais elle dit
qu'il procède du Père, ce qui ne laisse au-
cun heu de douter qu'il n'ait sa propre per-
sonne. C'est lui qui est le collateur des dons
et des grâces, et qui les perfectionne dans
ceux à qui il les a donnés : car quoique les
1 Quœ vocabula unitatis ac trinitatis a tempore pri-
mitivœ Ecclesiœ aniiquitas invenil, auctorilas protulit,
œtas longa firmavit. Pascb,, lib. I, cap. iv.
5 Mitti a Pâtre et Filio dicitur Spiriius Sanctus, et
deipsoruni substaniia procedere... quid est auiem quod
œuvres soient communes aux trois Person-
nes, l'Ecriture a néanmoins coutume d'attri-
buer à chacune des effets et des opérations
particulières. Paschase dit nettement ^ que
le Saint-Esprit est envoyé du Père et du Fils,
et qu'il procède de la substance de l'un et
de l'autre, il tire même la différence qu'il y
a entre naître et procéder, dans les person-
nes divines, de ce que celui qui naît, tire son
origine d'un seul, et de ce que celui qui pro-
cède, la tire des deux. Rajoute que, le Saint-
Esprit procédant du Père , jouit , par consé-
quent, des trois privilèges de la divinité, c'est-
à-dire qu'il est une personne subsistante, qu'il
est éternel et entièrement de la substance du
Père.
4. Dans le second livre, Paschase continue
A- .^,
ses preuves de la divinité du Saint-Esprit. « Il ^™^'™=
est dit, dans le livre des Actes, que les apô- aci. n, *
très furent tous remplis du Saint-Esprit et
qu'ils prêchaient avec confiance la parole de
Dieu. Or, aucune des créatures raisonnables
ne peut en remphr une autre : cela n'appar-
tient qu'à Dieu, qui seul peut pénétrer la
créature qu'il a formée et entrer jusque dans
la partie la plus secrète de son cœur : le
Saint-Esprit est donc Dieu. Une âme peut
être jointe à une autre âme, un ange à un
ange, mais ni l'une ni l'autre ne peuvent se
remphr mutuellement. Les démons peuvent
aussi entrer dans le corps d'un homme, et
jamais dans l'intérieur de son âme. Mais si
le Saint-Esprit habite dans le corps et dans
l'âme de ceux qui sont rachetés du sang de
Jésus-Christ, ne pourra-t-on pas dire qu'il
s'est lui-même incarné dans le sein de la
Vierge ? Non; car le Saint-Esprit a rempli le
corps de Marie avant la formation du corps
de Jésus-Christ, et au même temps que ce
corps a commencé à être formé, le Fils de la
Vierge a été conçu par l'opération du Saint-
Esprit; en sorte que l'incarnation appartient
spécialement à la personne du Fils. C'est le
Saint-Esprit qui descend dans le sein de la
Vierge, qui la sanctifie : mais c'est le Fils
qui nait d'elle. Quoique dans la Trinité il n'y
ait point de diversité de substance, les opé-
rations n'en sont pas les mêmes : et comme
nous ne pouvons pas dire que le Père soit
descendu en forme de colombe, ni que ce
ex Deo Pâtre nasci Filins dicitur, et Spiriius Sanctus
procedere significatur? Si requiras quid inter nascen-
iem et procedentem distet, euideiiter hoc interest, quia
iste ex uno nascitur, ille ex utroque progreditur.
Pasch., lib. I, i;ap. xil.
VI= SIECLE.!
CHAPITRE XXXVII. — PASCHASE, DIACRE.
5.31
soit le Fils qui ait dit au Père : Celui-ci est
mon Fils : de même nous ne pouvons point
assurer que le Saint-Esprit est né de la
Vierge, ni qu'il a souffert sur la croix. Cela
doit nécessairement se dire de la personne
du Fils. t( Macédonius disait que le Saint-Es-
prit était une créature, mais plus excelfente
que les autres : il s'autorisait d'un endroit
de la prophétie d'Amos, où il est que le ton-
nerre et l'esprit sont des créatures de Dieu.
Paschase répond que, sous le nom d'esprit,
on ne doit point entendre la personne de
TEsprit sanctiûant, à moins que l'Ecriture
n'ajoute que cet esprit est de Dieu, ou que
c'est le Saint-Esprit, ou qu'il souffle partout
où il lui plaît, ou quelque chose de semialable
qui marque la dignité de son nom propre et
de l'opération qui lui convient ; que dans le
prophète Amos, le terme d'esprit est mis
pour l'air ou pour le vent : ce qui parait par
la traduction faite sur l'hébreu, qui, au lieu
d'esprit, met vent. Il montre contre le même
hérésiarque, par la forme du baptême, que
le Saint-Esprit est une personne subsistante
de même que le Père et le Fils, et que comme
il est une personne, il possède avec le Père
et le Fils une même divinité et le même pri-
vilège de la majesté. A cette occasion, il rap-
porte plusieurs passages de l'Ecriture qui
montrent qu'en Jésus-Christ il y a deux na-
tures unies en une seule personne : et parce
qu'il est dit dans l'Evangile que si un homme
ne renaît de l'eau et de l'esprit, il ne peut entrer
dans le royaume de Dieu ; et que Macédonius
en concluait que le Saint-Esprit est une créa-
ture de même que l'eau à qui il est joint en
cet endroit, Paschase fait voir que l'opération
du Saint-Esprit dans le baptême, étant dilfé-
rente de l'etfet que produit l'eau, on ne peut
inférer de cet endroit qu'ils soient l'un et
l'autre de même nature ni de même condi-
tion. On plonge l'homme dans l'eau jusqu'à
trois fois, par imitation des trois jours de la
sépulture du Sauveur ; mais la vie et l'espé-
rance du salut éternel sont conférées par le
Saint-Esprit à cet homme que l'on plonge
dans l'eau. Ensuite il fait voir que le nom de
Saint-Esprit est tellement propre à la troi-
sième personne de la Trinité, qu'on ne le
donne point aux deux autres, de même qu'on
ne donne point celui de Père au Fils. « Lors
donc,njoutc-t-il, que vous dites le Père, le Fils
et le Saint- Esprit', vous exprimezles personnes
de chacun. Si vous ajoutez qu'ils ne font
qu'un seul Dieu, vous marquez que la subs-
tance et la nature, de même que la gloire de '
la Trinité, est une.» Après avoir ensuite rap-
porté un grand nombre de témoignages de
l'Ecriture où nous voyons que le Saint-Esprit
a parlé par les prophètes, et qu'il les a rem-
phs de son esprit, il en rapporte d'autres qui
disent en termes exprès que c'est Dieu qui
a parlé par leur bouche : ce qui forme une
preuve sans réphque de la divinité du Saint-
Esprit. Il en tire une semblable de ces pa-
roles de saint Pierre à Ananie : Comment Aci.T,3ei4.
Satan vous a-t-il tenté de mentir au Saint-Es-
prit, parce que cet apôtre ajouta aussitôt :
C'est à Dieu que vous avez menti et non pas aux
hommes? Enfin il prouve par le même livre
des Actes, et par les épitres de saint Paul,
que la distribution des grâces du Saint-Esprit
étant attribuée à Dieu par le même apôtre,
il suit nécessairement qu'il a reconnu la di-
vinité du Saint-Esprit. Les deux livres de
Paschase furent imprimés à Cologne en
\ 330, d'où ils ont passé dans les Bibliothèques
des Pères.
3. On ne peut, ce semble, douter que le Leurode
même Pascliase ne soit auteur d'une lettre à EÛlippiVs! '
Eugippius, abbé du monastère de Saint-Sé-
vérin 2, sur la fin du cinquième siècle ou au
commencement du sixième. Le nom, le temps,
le lieu et le degré du ministère lui convien-
nent. Voici quelle fut l'occasion de cette let-
tre. Le corps de saint Sévérin, apôtre de No-
rique, ayant été transféré par l'autorité du
pape Gélase, au château de Lucullan, près de
Naples, à la prière d'une dame de cette ville
nommée Barbarie, on y bâtit un monastère
dont Eugippius fut abbé après Marcien. Il
arriva, vers l'an 509, que l'on rendit publique
une lettre d'un laïque de condition, dans la-
quelle celui-ci faisait la vie d'un moineitalien
nommé Basihque. L'abbé Eugippius ayant lu
cette lettre, témoigna de la douleur de ce
que celui qui l'avait écrite, ne s'occupait pas
à écrire aussi la Vie de saint Sévérin, qui avait
été si édifiante et si admirable. Sa plainte
étant parvenue jusqu'à l'auteur de la Vie de
Basilique, qui n'est point nommé dans V His-
toire, il fit savoir à cet abbé qu'il était entiè-
* Cum ergo dixeris, Filius et Spiritus Sanctus, sin-
gulorum personas pariter explicasti : cum dixeris,
uims Deus, communem Trinitatis subslantiam, com-
munem gloriam demonstrasii. Pasch., lib. II, cap. vi,
2 Baron., ad an. 496, et loin. I Bolland. , ad diem
8 januar.
S32
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rement disposé à le satisfaire, s'il voulait lui
fournir des mémoires pour la Vie de saint
Sévérin. Eugippius y travailla aussitôt; mais
ayant quelque regret d'employer un laïque
à une matière si belle, il changea de senti-
ment. Deux ans après, c'est-à-dire en 311, le
diacre Pascliase l'ayant prié de lui commu-
niquer les mémoires qu'il avait faits, il le
pria, en les lui envoyant, d'en composer lui-
même une histoire. Paschase ayant vu ces
mémoires que nous avons encore aujourd'hui,
trouva qu'il n'y avait rien à ajouter ni pour
le style qui est simple et facile, ni pour autre
chose. Il écrivit donc à Eugippius de publier
cette Histoire telle qu'il l'avait faite , disant
qu'ayant été disciple de saint Sévérin, il
était bien plus en état qu'un autre de rap-
porter ce qu'il avait vu des vertus de son
maitre. Pour rengager à ne point refuser ce
service au public, il lai fait remarquer dans
sa lettre l'utilité qu'il y a de connaître les
actions des saints, et quelle ferveur elles
sont capables de répandre dans les cœurs
des fidèles. 11 lui propose l'exemple de saint
Paul qui, dans son épître aux Hébreux, a fait
dans une grande précision le catalogue des
justes de l'Ancien Testament ; il ajoute que
la mort généreuse de Mathathias avait fait
une telle impression sur ses enfants, qu'ils
donnèrent volontiers leur vie pour la défense
de leur loi. Il ne faut pas s'imaginer, conti-
nue-t-il, que la vertu s'avilisse parla multitude
de ceux qui l'ont pratiquée ; au contraire, elle
en prend de nouveaux accroissements. Cette
lettre se trouve dans les Annales de Baronius,
dans le premier tome de janvier de Bollan-
dus [et dans le tome LXH de la Patrologie
latine, col. 39-40.]
CHAPITRE XXXVIlî.
Gélase de Cyzique, [450].
Qui était
Gélasf
ziqne.
iCï-
Jugement
da son Hia-
toiro du con-
cile da Nicée.
1. Gélase, surnommé de Cyzique, à cause
du lieu de sa naissance ', dit qu'il eut pour
père un homme d'assez grande vertu pour
avoir mérité d'être fait prêtre de l'Eglise de
cette ville. Il paraît qu'il était déjà instruit
lorsqu'il fit un voyage dans la Bithynie. C'é-
tait sous l'empire de Basiiisque, vers l'année
476. La protection que ce prince donnait aux
eutychiens les rendait hardis, et ils en pre-
naient occasion de maltraiter les catholiques.
Gélase s'étant trouvé dans une dispute avec
eux, pour le surprendre, ils se vantèrent de
suivre la foi des pères de Nicée ; mais il leur
soutenait qu'ils étaient dans l'erreur à cet
égard, et qu'ils avançaient diverses choses
sans savoir qu'elles fussent vraies. Il leur en
produisit de son côté tirées des actes de ce
concile, qu'ils étaient obligés d'analhémaliser
suivant les principes de leur secte. Cela lui
ayant apparemment réussi dans cette dispute
avec les eutychiens , il résolut de chercher
tout ce qu'il pourrait trouver de ce concile,
et il n'épargna pour cela ni peine ni travail.
2. C'est ce qu'il dit lui-même-, et dès-lors
il rend son témoignage suspect. 11 avait dit
quelques lignes plus haut qu'il avait trouvé
chez son père un livre très-ancien, qui avait
appartenu autrefois à Dalmace, archevêque
de Cyzique, qui soutenait généralement tout
ce qui s'était dit ou fait dans le concile de
Nicée ; et, à l'entendre, ce livre était d'une
grosseur immense, en sorte qu'il le compare
à une mer. S'il avait ce livre en main, qu'é-
tait-il besoin de faire de plus grandes re-
cherches sur les actes du concile de Nicée ?
Car il prétend que ce livre renfermait tout ce
qui s'était passé dans ce concile, mais appa-
remment qu'il ne l'avait pas porté avec lui
en allant en Bithynie. Il eut donc recours à
ceux qui avaient parlé du concile de Nicée,
particulièrement à Eusèbe, évêque de Césa-
rée, et à Rufin, qu'il dit imprudemment avoir
été prêtre de Rome et avoir assisté à ce con-
cile. 11 se servit encore de quelques cahiers
fort anciens d'un prêtre nommé Jean, qu'on
ne connaît point d'ailleurs, et qui, comme
le dit Gélase, avait beaucoup écrit. iVlais tou-
tes ces recherches ne lui donnèrent point le
moyen de composer une histoire suivie du
concile de Nicée, comme le livre qu'il avait
* Tom. II Concil., [lag. 110.
2 Tom. II Concil., pag. lil.
CHAPITRE XXXVIII. — GELASE DE CYZIQUE.
[V SIÈCLE.]
lu à Cyziqiie. Il ne laissa pas d'en former un
corps d'ouvrage, mais avec si peu de choix,
qu'il a mêlé le vrai avec le faux, sans avoir
eu soin de le distinguer. Il dit, par exemple,
dès le commencement de son recueil, que
les ariens du temps de ce concile blasphé-
maient non-seulement contre le Fils de Dieu,
mais encore contre le Saint-Esprit : et dans
la suite il l'apporte plusieurs disputes qu'il y
eut dans ce concile, entre certains philoso-
phes et quelques évêques catholiques, sur la
divinité du Saint-Esprit. Or il est constant,
par saint Epiphane *, que Thérésie de ceux
qui combattaient la divinité du Saint-Esprit
ne s'éleva qu'après le concile de Nicée. Saint
Basile dit de même que l'on n'y parla qu'en
passant du Saint-Esprit, sans examiner la
question qui regarde sa divinité, parce que
personne ne la contestait alors. Quoiqu'il
parle avec admiration d'Eusèbe de Césarée,
il n'a pas cru, néanmoins, devoir le suivi'e
dans ce qu'il rapporte de ce concile, et il fait
faire à Constantin une harangue toute diffé-
rente de celle qui est dans Eusèbe, et beau-
coup plus longue. 11 semble encore qu'il était
bien aise que l'on crût qu'il avait ajouté à
cette harangue, lorsqu'après l'avoir rappor-
tée, il ajoute : <( Ce prince très-sage dit ces
paroles et d'autres semblables ^. n Mais s'il
nous a donné plusieurs monuments et le dé-
tail d'un grand nombre de faits que les an-
ciens qui ont écrit sur ce concile ont ignorés,
il en a supprimé beaucoup d'autres dont ils
ont parlé. Saint Athanase et Théodoret nous
apprennent que l'on fit la lecture des écrits
d'Arius et de la lettre d'Eusèbe de Nicomédie,
Le pape Jules assure que l'on examina les
actes du concile d'Alexandrie au sujet d'A-
rius. Il n'y a rien de tout cela dans l'ouvrage
de Gélase de Cyzique : ce qui prouve son
peu d'exactitude. Il faut ajouter qu'il a sou-
vent transcrit Socrate et Sozomène, sans dire
qu'il se fût servi de leurs Histoires, comme il
avoue qu'il s'est servi de celle d'Eusèbe de
Césarée et de Rufin.
3. Pliotius, qui avait lu l'ouvrage de Gélase^,
dit que le style en est bas et simple, et qu'il
s'y applique à relever les moindres circons-
tances du concile de Nicée .Gélase ne serait que
533
Jouable en cela, s'il l'avait fait avec vérité et
avec plus d'ordre et de suite. Mais outre qu'il
a employé quantité de monuments supposés
ou très-douteux, il ne leur a donné aucune
suite, en sorte que son Histoire n'a ni l'utile
ni l'agréable, parce qu'elle pèche et dans le
style et dans les faits qu'elle raconte comme
vrais, quoiqu'ils ne le soient pas pour la plu-
part. Elle est divisée en trois livres, dont le
premier commence à la guerre de Constantin
contre Maxence, et finit à la victoire que le
même Constantin remporta sur Licinius. Il
donne dans le second, ce qui regarde la nais-
sance et les progrès de l'hérésie arienne, avec
ce qui se passa à son occasion dans le con-
cile de Nicée. C'est dans ce livre qu'il rap-
porte les disputes des philosophes du parti
d'Arius avec les évêques catholiques, sur la
divinité du Saint-Esprit : dispute qtie l'on doit
regarder comme fabuleuse, puisque la ma-
tière n'en fut jamais agitée dans ce concile.
Le troisième ne contient que quelques lettres
détachées de l'empereur Constantin. Photius
avait eu en mains ''un exemplaire de cet ou-
vrage, qui portait le nom de Gélase de Cé-
sarée en Palestine; mais si l'inscription était
différente dans les deux exemplaires de Pho-
tius, l'ouvrage ne l'était pas, puisqu'il com-
mençait par les mêmes mots. Il y a apparence
que celui qui était intitulé du nom de Gélase,
évêque de Césarée, était défectueux. Que se-
rait venu faire un évêque de cette ville dans
la Bithynie, sous le règne de Basilisque ou de
Zenon ? Timothée était évêque de Césarée
vers l'an 484, et non pas Gélase. Il faut donc
laisser cet écrit à Gélase de Cyzique. Il pro-
met à la fin de sa préface ^ l'histoire du
règne de Constance, père du grand Constan-
tin. On ne sait point s'il a exécuté son projet.
Son Histoii^e du concile de Nicée fut impri-
mée à Pai'is en îaî)9 et 1604, par les soins de
Balforéus; mais cette édition ne comprend
que les deux premiers livres. Ils ont tous les
trois été imprimés depuis dans divers re-
cueils des Conciles, [et en particulier dans
Mansi, Ampl. Coll. Conc. gen., tom. Il, p. 753,
d'où elle a passé dans la Patrologie grecque,
tome LXXXV, avec une notice tirée de Fa-
bricius, col. M79-1360.1
1 Epiph., Hœres. 74; Basil., Epist. 78; tom. II
Concil., pag. 104 et seq.
2 Gelas., tom. 11 Concil., pag. 166.
3 Phot., Cod. 88, pag. 208. -
^ Tom. I Concil., pag. 114.
Idom, ibid.
53 î-
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XXXiX.
Saint Denis l'Aréopagite.
[ ARTICLE I".
HISTOIRE DE SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
Hi-.ioireiie I. Saint Paul élant venu, dans l'année SI
de Jésus - Christ , prêcher la foi dans la ville
d'Athènes, fut conduit devant l'Aréopage pour
rendre compte de sa doctrine. C'était à ce
tribunal qu'une ancienne loi déférait les ma-
tières qui appartenaient à la religion, et Pla-
ton lui-même en avait tellement redouté l'exa-
men , qu'il avait dissimulé devant ce redou-
table tribunal ses sentiments sur l'unité de
Dieu et sur plusieurs autres vérités impor-
tantes dont il était cependant profondément
convaincu , surtout depuis ses voyages en
Egypte '. Mais saint Paul ne craignit pas d'ex-
pliquer, en présence des juges de l'Aréopage,
les maximes incompréhensibles et rigou-
reuses du christianisme, et- le fruit de son
éloquent discours fut la conversion du saint
dont nous parlons ici, et qui était un des prin-
cipaux membres de cette illustre cour. Saint
Denis de Corinthe ^ nous apprend que saint
Denis l'Aréopagite devint ensuite évêque
d'.^thènes, et l'auteur des Constitutions apos-
toliques 5 dit qu'il fut placé sur le siège de
cette ville par saint Paul lui-même. C'est un
fait également attesté par Aristide, dans
Usuard et par les anciens auteurs des Marty-
rologes. Les Ménologes des Grecs assurent
qu'il fut brûlé vif à Athènes, et le titre de
martyr lui est donné par saint Sophrone de
Jérusalem et par Aristide. La cathédrale de
Soissons se glorifie de posséder son chef, ap-
porté, en 1205, de Conslantinople en France.
Le pape Innocent III envoya à l'abbaye de
Saint-Denis son corps, qui avait été transféré
de la Grèce à Rome. Ces reliques, placées en
1778 dans une châsse d'argent, furent détruites
pendant la grande révolution de France. Voilà
ce que nous afiirme une première tradition
sur saint Denis l'Aréopagite. Il en est une
autre qui le confond avec saint Denis l'apôtre
des Gaules et premier évêque de Paris. Les
1 Just. Martyr., Cohort. ad Grœc.
2 Apud Euseb. , Bist. eccl., lib. III, cap. IV, et
lib. IV, cap. xxni.
3 Const. Apost., lib. VU, cap. SLvi.
*■ Sandus igitur Dionysius, qui, ut ferunt, a succcs-
soribus aposlolorum (alias, tradente beato Clonente,
partisans de ces deux opinions s'accordent à
mettre la mission de saint Denis dans les
Gaules vers la fin du i" siècle. Leurs argu-
ments sont ainsi développés par un auteur
distingué.
2. <i La vraie et antique tradition de l'E- j*Ji^°"'
glise de Paris et des autres Eglises des Gaules, i;!»'" ^^^^
di t M. Arbellot , dans sa Dissertation sur saint f/;/ 1" g
Martial, c'est que saint Denis a reçu sa mis-
sion du pape saint Clément, vers la fin du
I" siècle. En effet :
1° Les anciens actes de Saint-Denis, — qui
ont été écrits, suivant l'opinion des savants,
antérieurement au règne de Dagobert (621),
et que de Marca avait trouvés, sous le nom
de Fortunat, dans un vieux manuscrit ren-
fermant des Vies de saints écrites par cet
évêque de Poitiers , — les anciens actes de
Saint -Denis disent que saint Denis , fonda-
teur de l'Eglise de Paris, avait été envoyé par
les successeurs des apôtres, et , d'après une va-
riante des manuscrits, par saint Clément, suc-
cesseur de l'apôtre saint Pierre *.
2° Le même Fortunat, dans une hymne en
l'honneur de saint Denis : Forfem fidelem mi-
litem, rend témoignage à la mission que ce
saint évêque a reçue du pape saint Clément.
« Il fut envoyé, dit -il, de la ville de Rome par
le pape Clément, afin que la semence du
verbe divin portât des fruits dans les Gaules :
Clémente Roma prœsule
Ab urbe missus adfuit,
Verbi superni ssminis
Vt fructus esset Galliœ ^. »
Le docteur Launoy a cherché à nier l'au-
thenticité de cette hymne qui portait un coup
terrible à son système. Il suûit de dire, pour
en montrer l'authenticité, que l'abbé Hilduin,
au commencement du ix= siècle, citait sans dif-
culté cette hymne sous le nom de Fortunat ^
3» Thierry IV, roi des Francs, surnommé
de Chelles, dans un diplôme en faveur du mo-
nastère de Saint -Denis, s'exprime eu ces
Pétri apostoli successore) verbi divini mnina geniibus
erognnda siisceperat... Parisios, Domino ducenie, per-
venii, etc.. (Pairolog., tom. LXXXVIIl, col. 580).
6 Pairolog., tom. LXXXVUI, col. 98.
6 Scholastissimus Fortunatus... hymnum rhijlhmicœ
compositionis pulcherrimum de isio gloriosissimo
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
[V= SIÈCLE.]
termes : « Le bienheureux Denis et ses com-
pagnons , Rustique et Eleuthère , arrivèrent
les premiers dans cette province des Gaules,
envoyés par le bienheureux Clément, succes-
seur de l'apôtre saint Pierre '. » Ce diplôme,
publié par Mabillon, est daté de l'an 723.
4° Dans le synode de Paris, tenu l'an 823,
pour le culte des saintes images, les évêques
des Gaules, écrivant au pape Eugène, disaient
que sain t Denis avait reçu sa mission de saint
Clément ^.
S° Hilduin , abbé de Saint-Denis, qui écri-
vit, en l'an 823, sur la demande de l'empereur
Louis-le-Débonnaire, la Vie du premier évê-
que de Paris, soutint non-seulement qu'il avait
été envoyé par saint Clément , mais encore
qu'il était le même que saint Denis l'Aréo-
pagite; il s'attache à réfuter Grégoire de Tours
à l'aide des vieux documents que nous avons
mentionnés ^. On a prétendu à tort qu'Hil-
duin avait inventé l'aréopagitisme de saint
Denis de Paris. Dans le siècle précédent,
saint Eugène de Tolède * et Taraise , arche-
vêque de Constantinople ^ , avaient con-
fondu le premier évêque de Paris et le
premier évêque d'Athènes. Cette confusion ,
quelque erronée qu'on la suppose, ne dé-
truit nullement l'antiquité de la tradition qui
place la mission de saint Denis de Paris sous
le pape saint Clément.
6° Odon de Beauvais (ix« siècle , 860) fait
envoyer saint Denis à Paris sous saint Clé-
ment ^.
7° D'anciens actes de Saint-Denis, conser-
vés à Angoulême et cités en 1031, au second
concile de Limoges, attribuaient au pape saint
Clément la mission du premier évêque de
Paris ^. «
Après des témoignages si anciens, si for-
535
mels et si respectables, il ne faut pas s'éton-
ner que des savants et des critiques de pre-
mier ordre, tels que de Marca, François Pagi
et dom Mabillon, aient adopté la tradition
ancienne et constante qui fixe la mission de
saint Denis au pontificat de saint Clément.
« Je pense, dit de Marca, que c'est une faute
de s'éloigner de cette opinion, qui s'appuie
sur le témoignage de Fortunat et qui a été
adoptée par les évêques des Gaules dans leur
lettre au pape Eugène , rapportée par Baro-
nius ^. n — « Le P. Pagi , dit M. Flaillon , a
montré , avec sa sagacité ordinaire , dans sa
Critique des Annales de Baro7iius, que saint
Grégoire de Tours s'est mépris sur ce point.
Il y prouve que saint Denis fut envoyé dans
les Gaules par le pape saint Clément ; et après
lapubhcation de la Critique, des savants d'un
mérite reconnu ont souscrit à des conclusions
si nettes et si judicieuses ^. » Le savant bé-
nédictin dom Mabillon est du même senti-
ment. Pour nous, nous ne pensons pas qu'une
critique judicieuse puisse arriver à une autre
conclusion.
3. Les actes de saint Fuscien et de saint obieciion
Victoric, publiés par Bosquet, dans son His- sio/ne^wiL
toire de l'Eglise gallicane^", donnent pour com-
pagnons à saint Denis, non-seulement ces deux
apôtres de Thérouanne , mais encore saint
Quentin d'Amiens, saint Piaton de Tournay,
saint Crépin et saint Crépinien de Soissons,
saint Rufin et saint Valère , que leurs actes
respectifs disent n'être venus dans les Gaules
que sous l'empire de Dioclétien , et n'avoir
souffert le martyre que sous le règne de ce
prince, vers la fin du iii^ siècle (288). »
Cette association du nom de saint Denis à
celui des nombreux martyrs du règne de Dio-
clétien, est regardée comme une addition apo-
martyre composuit, in 'juo commémorât eum a saneto
Clémente destinatum, etc. Hilduin, Viia sancti Dio-
nysii, prolegom. Putrolog., tom. GVI.
1 Beaius Dionysius, cum sociis suis Rustico et Eleu-
therio, qui primi post apostolos sub ordinalione heaii
démentis Pétri apostoli successoris, in hanc Gal-
liarum provinciam advenerunt , etc. Mabillon , De
re diplom., pag. 488 Patrolog. , tom. LXXXVIII,
col. 1137.
2 Quod atiinet ad missionem Dionysii per Clemen-
tem... eam agnoverunt gallicanœ Ecclesiœ prœsules...
Cujus rei luculentum liabemus teslimonium Galliœ
episcoporum in frequenii conventu apud Parisios de
cultu sacrarum imaginum, anno 825. Mabillon, Vetera
Analecta, pag. 223.
' Vita sancti Dionysii, prolegomeu. Pairolog.,
tom. CVi.
"> Patrolog., tom. LXXXVII, col. 402.
5 Vita sancti Dionysii, prolegom. Patrolog., tom.
CVI. — Honoré de Sainte-Marie, Réflexions sur les
règles et l'usage de la critique, lom. I, 2" part., pag.
225, 226.
6 Tom. CXXIV Patrolog., col. 1116.
■^ Ibi enim legitur quod Clemens... Dionysio verbi
divini semina gentibus tradidit eroganda , quem in
Galliam misit. Pairolog., tom. CXLII, col. 1366.
s Quam senientiam secuti sunt episcopi Galliarum
in epistola ad Eugenium pupam, scripla anno 824, quœ
kabeiur apud Baronium. A quibus Fortunato teste
adeo locupleti fuistis discedere piaculum esse puto.
Epist. adHenr. Vales., apud Acta Sanctorum. Tom. V
junii, pag. 54.
^ Monuments inédits, tom. U, col. 335.
1» Hist. Eccl. Gall., part. 2. — Longueval, Hist. de
l'Eglise gallicane, lib. I, an 288.
S36
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Cl' y^phe no ii-seulement par les traditionalistes ,
qui rapportent à saint Clément la mission du
premier évêque de Paiis, mais encore par
les grégoriens qui, sur la foi de leur maître,
assignent cette mission à la première année
de l'empire de Dèce (250). En effet, d'après
les actes de saint Fuscien et de saint Victo-
rie, saint Denis ne serait venu dans les Gaules
que plus de trente ans après Dèce, sous Dio-
clélien (286). Les partisans de Grégoire de
Tours ne peuvent se faire une arme contre
nous de cette objection , que l'on peut tour-
ner contre eux-mêmes. — Dès le jx" siècle,
Paschase Ratbert avait signalé cette addition
ou tradition apocryphe , et voici comment il
s'exprime en parlant des martyrs désignés
plus haut : « On dit qu'ils sont venus dans la
Gaule avec saint Denis, qui avait été envoyé
par saint Clément; mais la série des temps
répugne à cette tradition , car saint Denis a
été couronné du martyre sous Domitien, et
les autres n'ont reçu la palme de l'immorta-
lité que sous les empereurs Dioctétien et
Maximien '. Aussi il est à remarquer qu'au
témoignage de Hugues Ménard, les actes
manuscrits de saint Fuscien et de saint Vic-
toric, des bibliothèques de Saint-Germain et
de Corbie , actes transcrits au x^ siècle , ne
mêlaient pas le nom de saint Denis à celui
des autres martyrs déjà mentionnés ^.
Comment expliquer cette addition apo-
cryphe? Cela nous paraît facile. Comme, d'une
part, la légende de saint Lucien fait venir ce
premier évêque de Beauvais en même temps
que saint Denis dans les Gaules; comme,
d'autre part, les actes de saint Quentin font
venir ce saint martyr d'Amiens en même
temps que saint Lucien de Beauvais : quelque
copiste ou écrivain postérieui', peu versé dans
la chronologie , aura conclu maladroitement
que saint Denis avait été compagnon de saint
Quentin et des autres missionnaires de Rome
venus dans les Gaules sous l'empire de Dio-
clétien.
Cette fausse tradition a été reproduite inno-
cemment, au ix= siècle, par Usuard ^, et au
XI" siècle, par Fulbert de Chartres *, qui, en
parlant de saint Platon, le présentent comme
un compagnon de saint Denis de Paris, et qui
n'ont pas remarqué, comme Paschase Rat-
bert , que c'était là un anachronisme.
Evidemment cette addition apocryphe faite
à une ou deux légendes ne peut prévaloir,
pas plus que le passage, réfuté par nous, de
Grégoire de Tours, contre la tradition cons-
tante et immémoriale non-seulement de l'E-
glise de Paris, mais d'un grand nombre d'au-
tres Eglises , tradition dont nous pouvons
fournir des preuves depuis le commencement
du vi« siècle, avant Grégoire de Tours, et de
son temps, et après lui. Nous avons déjà cité ^
en faveur de la mission de saint Denis sous
saint Clément, les anciens actes de Saint-
Denis, du vp siècle ^, que de Marca attribue
à Fortunat de Poitiers, et l'hymne de Fortu-
nat où se trouve ce vers : Clémente Roma
prœsule, et le diplôme de Thierry IV, roi des
Francs, daté de 723, et la lettre des évêques
des Gaules au pape Eugène'', en 824, el Hil-
dius, abbé de Saint-Denis (833) , et Odon de
Beauvais (860) , et d'anciens actes de Saint-
Denis , cités au concile de Limoges et anté-
rieurs au ix'= siècle. Faut-il , vu l'importance
de la question , citer d'antres documents et
donner à notre travail sur ce point des déve-
loppements nouveaux ?
Les érudits n'ignorent pas que les légendes
de nos saints des premiers siècles sont les
monuments littéraires et his'toriques les plus
anciens de Ja Gaule chrétienne, et que c'est
dans ces légendes , composées pour la plu-
part au N" ou au vi" siècle, qu'il faut chercher
1 Fama est !ios cum heaio Dionysio, gui a beaio Cle-
menle, romance sedis poniifice, missus fuerat, Galliœ
fines pénétrasse : sed temporum séries répugnât :
sanctus enim Dionysius, siib Domitiano Ccesare, anno
ejus imperio secundo, marlyrio coronuius est : isti
vero Diochtiano et Maximiano Augustis immortalitatis
gloriam perceperunt. De Passione sancti Rufîui et Va-
lerii; Patrolog., tora. GXX, col. 1494.
5 Apud Bonavent., tom. I, pag. 412.
3 Civitate Tornaco, passio sancti Piatoni presbyteri^
qui cum heo.to Dionysio episcopo ej usque sociis ab urbe
Roma Gulliam prœdicationis causa expetiit. Marty-
rolog. 1 octob.; Patrolog., tom. GXXIV, pag. 525.
* Tornacum versus Piatus se direxit inclytus,
Cum Pnrisios iret beatus Dionysius...
At Cœsar Mnximianus,
Ut Piati hausii famam virulentis auribus,
Comprehendi jussit eum ad necandum protimis.
(Hymnus de sancto Piato; Patrolog, tom. CXLI,
col. 341, 342).
5 Pag. 141 et suiv.
6 Apud D. Féllbien, Bist. de l'abbaye royale de
Saint-Denis, pièces justificatives, 2" part., pag. 164.
' Voici le texte de cette lettre, rapporté par Baro-
nius : « Dum modo linea veritatis quœ ab antiquis
patribus nostris usque ad nos inflexihiliter ducta est,
beato Dionysio scilicet, qui a beato Clémente, qui beati
Pétri apostoli primus successor exstitit , in Gallias
eum duodenario numéro primus prœdicator direcius , »
etc. Apud Baron., tom. IX Natal. Alexand., iu
saeculo, Dissert. IG, tom. 111, pag. 167.
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
[V SIÈCLE.]
les vraies et antiques traditions sur l'origine
de nos Eglises de France. Or :
1° La légende de sainte Geneviève, qui fut
écrite, au dire de l'auteur lui-même, dix-huit
ans après la mort de cette sainte ', c'est-à-
dire l'an 530 2, près d'un demi-siècle avant
Grégoire de Tours, cette légende, composée
par un auteur anonyme dont les savants bé-
nédictins ont dit, dans V Histoire littéraire de
la France, que «c'était un écrivain grave,
judicieux, plein de piété et qui ne manquait
pas d'érudition pour le siècle où il vivait ^ »
la légende de sainte Geneviève rapporte cette
tradition, que saini; Denis avait été consacré
et envoyé dans les Gaules par saint Clément,
disciple de saint Pierre ^.
2° La légende de saint Saintin de Mcaux,
bien antérieure à Hincmar de Reims, qui en
fait mention dans une lettre à Cliarles-le-
Chauve, cette légende, que Hugues Ménard,
au témoignage du P. Bonaventure, a prouvé
être plus ancienne que Grégoire de Tours,
attribue aussi à saint Clément la mission de
saint Denis ^.
3°La légende de saintJulienduMans, écrite
avant 840 , au viP ou au vi= siècle , fait aussi
remonter à saint Clément la mission du pre-
mier évéque de Paris ^.
k" Au ix'' siècle, Raban-Maur, dans son
Martyrologe, fait envoyer par saint Clément
saint Denis et ses deux compagnons, Rustique
et Eleuthère '.
537
Au \v siècle , cette tradition est adoptée,
soutenue, défendue par les hommes les plus
savants et les plus considérables de l'époque ;
elle est crue non-seulement à Paris et dans
les Gaules , mais encore à Rome et à Cons-
tantinople. Nous avons déjà cité , pour ce siè-
cle, Hilduin, abbé de Saint-Denis; Paschase
Ratbert et la lettre des évéques du concile
de Paris, adressée au pape Eugène. Combien
d'autres autoi'ités nous pouvons encore citer !
A la vérité, on croyait, à cette époque, non-
seulement que saint Denis avait été envoyé
par saint Clément, mais encore qu'il était le
même que saint Denis l'Aréopagite. Celle
confusion, si c'en est une, est bien conceva-
ble, quand on songe à l'identité du nom des
deux saints et à la proximité des temps où ils
avaient vécu, cette confusion était bien par-
donnable à l'Eglise de Paris, quand on songe
que, — avant Hilduin, — Méthode, patriar-
che de Constantinople , dans la légende de
saint Denis qu'il a composée et qu'il porta,
en l'an 818, à Rome, où elle fut plus tard
traduite par le bibliothécaire A nastase , avait
enseigné l'unité des deux Denis ^; quand on
songe que, dans le siècle précédent, saint
Eugène de Tolède ^ et Taraise , patriarche de
Constantinople '", avaient fait la même con-
fusion. Siméon Métaphraste et Michel Syn-
celle de Jérusalem " confirmaient cette tradi-
tion de l'Eglise orientale. Aussi Anastase, bi-
bliothécaire de l'Eglise romaine *2, et Hincmar,
' Vost ter senos namque ab obUu ejiis annos, quo
ad describendam ejus viiam animum appiili... Vila
sanctœ Genovefae, cap. x, n. 51 , apud Acla Sanctorum ,
tom. Ijanuar., pag. 143; cf. Surius, 3 januar., edit.
1618, pag. 58.
2 (Cette Vie) fut écrite dis-huit ans après sa mort,
et par conséquent vers l'an 530. Hist. liltér. de la
France, tom. III, pag. 151 ; cf. Longueval, Hist. de
l'Eglise gallic., ans 273 et 508. — 3 Dom Rivet, Hist.
litfe'r. de la France, tom. III, pag. 151.
* Hic vero episcopus [sanctus Dionysius) in sexto a
Parisiis mitliario martyrio vitam finivii, qui a Clémente
episcopo, sancti Pétri discipulo , est in sacerdotium
benedictus, et ab eodem etiam dicitiir in has partes
destinutus. Vitasanctae Genovefa;, cap. iv, n. 4, apud
Acta Sanctorum, tom. I januar., pag. 144; cf. Surius,
3 januar., pag. 56.
5 Apud Bonavent., tom. I, pag. 384.
6 Voir le texte cité plus haut, article saint Julien
du Mans, pag. 166. [Ce texte est tiré des offices pro-
pres de l'Eglise du Mans.]
''InParisio,passioDi07iysiiepiscopietmurlyris,Eleu-
iheri preshyteriet Rusiici diaconi quos referunt a Clé-
mente papa in Galliam ad pjrœdicandum verbum Dei
rniisos et ibidem martyrisatos . Patrolog., t. CX, col.
1172-1173.
8 Beatus quoque hic Dionysius, crucis aratro mare
diffindens, Aihenis Romam a cœlesti'divinaque voliin-
iate per vium deducius venit... Ipse ciim. sancto Lu-
ciano, et sancto Rustico, et sancto Eleutherio, ad urbem
Parisios pro/'ectus est. Apud Natal. Alexand., Hist.
Eccl., in sœc. i. Dissert. 16, tom. III, pag. 166; cf.
Acta Sanctorum, tom. I januar., pag, 461.
^ Areopago Athenœ
Régis sumpsit diadema
Cœlestis, gemmum fulgidam,
Dionysium sophistam, etc.
Clémente Roma prœsule
Jubente, venit Galliam, etc.
[Patrolog., tom. LXXXVII, col. 402).
10 Apud Hilduinum, prolegom. Vilœ sancti Dionysii,
Patrolog., tom. GVI, col. 19. Cf. Honoré de Sainte-
Marie, Réflexions sur les règles et l'usage de la cri-
tique, tom. I, 2« part., pag. 225, 226. — " Apud Natal.
Alexand., lUst. Eccl., in seec. i, Dissert. 16, tom. I,
pag. 16G. [Siméon Métaphraste est plus récent.]
'^ Passionem sancti hieromarlyris Dionysii quondam
Areopagitœ, postque Aihenarum antistiiis, quam Romœ
legi, cum puer esscm, qiiamque a Consiantinopolitanis
legaiis audieram... diu quœsitam, iandemque in ma-
ximo coenobiorum Romœ sitorum repertam... latino
eloquio irudidi... Cesset ergo jam quorumdam opinio
perhibentium non esse Areopagitam Dionysium, eum
qui prope Parisios corpore ac virtutibus rcdolel.
S38
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
archevêque de Reims', dans leurs lettres à
Charles-le-Chauve, adoptaient-ils avec em-
pressement la tradition de l'Eglise grecque
sur ce point. Jean Scot-Erigène, dans sa pré-
face des œuvres de saint Denis l'Aréopagite^,
et dans ses vers '; Francon, archevêque de
Rouen *; Enée, évêque de Paris ^; Wandal-
bert, moine de Prium, dans son Martyrologe
envers^; saint Notker-le-Règue , dans une
séquence en l'honneur de saint Dr;ii3 '; eu
un mot, tous les hommes considérables du
ix« siècle, enseignent que saint Denis l'Aréo-
pagite, premier évêque d'Athènes, étant allé
à Rome sous le pontificat de saint Clément,
fut envoyé par lui dans les Gaules; et les
hommes les plus célèbres du moyen âge, saint
Thomas par exemple*, n'ont pas répudié celte
tradition de leurs devanciers.
On voit que cette tradition de l'aréopagi-
lisme de saint Denis de Paris est appuyée par
d'anciens témoignages et par des autorités
nombreuses et imposantes. La Vie de saint
Denis, écrite par Méthode de Constantinople,
où cette tradition se trouve enseignée , dut
être acceptée avec d'autant plus d'empresse-
ment, qu'ehe donnait à l'Eglise de Paris la plus
noble et la plus illustre origine. Nous devons
reconnaître, toutefois, que les critiques mo-
dernes ont porté à cette tradition des coups
vigoureux, dont elle ne s'est pas encore rele-
vée. Le savant jésuite Sirmond ' et le viru-
lent docteur Launoy *" ont tiré les objections
les plus fortes et les plus écrasantes : 1° de
l'invraisemblance chronologique "; 2» de la
double fête de saint Denis d'Athènes et de
saint Denis de Paris, qu'on trouve , dans les
anciens Martyrologes, le 3 et le 9 octobre '^.
Sans oublier leur argument favori, l'argu-
ment négatif, ils ont fait valoir quelques an-
ciens documents qui font martyriser à A thènes
saint Denis l'Aréopagite , et qui placent son
martyre sous l'empire de Domitien*^; ils n'ont
pas négligé certaines traditions de l'Eglise
grecque , qui s'est crue dépositaire des reli-
ques de saint Denis l'Aréopagite , comme le
montre une lettre du pape Innocent III, qui
fit présent du chef de ce saint , porté de la
Grèce dans le monastère de Saint-Denis , en
France **. Hugues Ménard '^ et Noël Alexan-
dre '® ont répondu, il est vrai, à toutes ces
objections; mais leurs réponses, sur quelques
points, sont très-peu satisfaisantes.
Epist. ad Garol. Calv. ïva^&vsX.Palrolog., iova. GXXIX,
col. 737.
1 Si quœ simt illorum reliquiœ qui negahant...
Dionysium et Âreopayitam et a heato Paido apostolo
baptizatum, ac Atheniensium ordinuium episcopum, et
in Gullias a sancto Clémente direcliim, ex his quœ
grœca testificatio , et Romœ sedis assertio, et gallicana
intima contestatio ratum et in hae recognoscant, quod
inde ante nos dictum est. Hincmar., Epist. 23 ad
Carol. imperat., — De auctoritate Vitœ saneti Dionysii
ab Anaslasio translatée ; Patrolog. , tom. CXXVI ,
col. 154).
2 Vita ejiis a fidelibus viri's tradita tesiatur, tem-
poribus papcB démentis , successoris videlicet Pétri
apostoli, Romam venisse, et ab eo prœdieandi Evan-
gelii gratia in partes Galliarum directum fuisse, et
Parisii mariyrii gloria coronatum fuisse cum heatis-
simis suis consortibus, Rustico scilicet atque Eleutherio.
Tom. CXXlt Patrolog., col. 1032.
s Prœsul ah Athenis Dionysi, Syttimache Pauli,
Inclyte mariyrio, cui servit Gallia tota ;
Prospice cœlestis vitœ de sedibus aliis
Vota tui TïKïou Caroti tua MÏ-^-nva. sancta
Ornantis, etc.
(Vers publiés par Mai, Patrolog., tom. GXXII,
col. 1234.
'' Apud Dudon., de Moribus et actibus Normann.;
Natal. Alexand., in ssec. I , Dissert. 16, tom. III,
pag. 167.
^ JEneas, Parisiensis nrbii episcopus, quo primvs
prœsedit sa?iclus Dionysius, a Paulo apostolo Athe-
niensium consecratur episcopus , sed a sancto Clémente
totius Galliœ constitutus apostolus... Pfcefat. libri
adv. Grœc; Patrolog., tom. GXXIj col. 683.
^ Dionysius, œthereo qui splendet honore,
Gallia doctorem, Paulo instituente, beaium
Quem meruit, gemino comptum junctumque ministro-
{Martyrolog. metric., 9 octob. ; tom. GXXI,
col. 614).
' Hic Athenis quondam philosophus,
Areopagita dictus...
Visitât gentes procul habitantes
Et ferocia régna Galliœ.
(In Natale saneti Dionysii, etc. Patrolog.,
tom. CXXXI, col. 1025, 1026).
8 Sermo de sancto Dionysio apud Natal. Alexand.,
in saec. I, Dissert. 16, tom. III, pag. 168.
s Dissertatio de duobus Dionysiis, 1641, opéra
Sirmondi, edit. 1690, tom. IV, pag. 358.
'" De duobus Dionysiis, etc.
1' Saint Denis l'Aréopagite aurait eu plus de quatre-
vingts ans quand il aurait été envoyé par saint Glé-
meut dans les Gaules (Sirmond, chap. vn). Gela est
possible à la rigueur, mais cela n'est pas vraisem-
blable. Puis, saint Denis l'Aréopagite n'a jamais été
énuméré parmi les évêques qui ont changé de siège
épiscopal.
'2 Le petit Martyrologe romain, qui date, suivant
Sollier, de l'an 740, distingue parfaitement les deux
Denis : celui d'Athènes, martyrisé le 3 octobre et
mentionné par Aristide, et celui de Paris, martyrisé
avec ses deux compagnons, Rustique et Eleuthére, le
9 octobre. Adon et Usuard font la même distinction
en termes encore plus étendus et plus exprès. Pa-
trolog., tom. GXXIII et GXXIV.
13 Sirmond, Dissertation, chap. vi. — "• Sirmond^
ibid. — 1= Dialriba de unico Dionysio, 1643.
^^Hist. Ecoles., in &?Èa.\, Dissert. 16, tom. III,p. 166.
[V« SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
539
Nous ferons remarquer queTaréopagitisme
de saint Denis et sa mission sous saint Clé-
ment sont deux traditions toutes différentes.
Dejouis le yi« siècle jusqu'au ix«, on disait dans
les Gaules que saint Denis avait été envoyé
par saint Clément, quoiqu'on ne prétendit pas
encore qu'il fût le même que saint Denis l'A-
réopagite. Cette seconde tradition, que la
critique moderne a si fortement ébranlée , a
nui, dans l'opinion , à la première tradition,
qui est bien plus ancienne et qui en est tout-
à-fait indépendante. Pour nous, nous aban-
donnons facilement l'aréopagitisme du pre-
mier évêque de Paris; mais nous maintenons
résolument sa mission sous saint Clément
comme une tradition constante, immémoriale
et vraiment historique, et nous sommes per-
suadé que ceux qui prendront la peine de
peser la valeur de nos témoignages se ran-
geront volontiers de notre avis ' .]
ARTICLE II.
DES ÉCRITS ATTAIBUÉS A SAINT DENIS
L'ARÉOPAGITE.
1. La question sur l'auteur des livres qui
portent le nom de saint Denis l'Aréopagite,
peut être mise au nombre de celles qui trou-
veront toujours des partisans pour et contre
parmi les critiques. Comme les preuves que
l'on allègue pour les lui attribuer, ne sont
point démonstratives, celles que l'on oppose
pour montrer qu'ils ne sont point de lui, ne
paraissent pas non plus sans réplique. Pour
ne rien laisser désirer aux lecteurs, nous
donnerons ici les preuves des deux senti-
ments opposés.
2. Ceux qui soutiennent que ces écrits sont
véritablement de saint Denis l'Aréopagite ^,
se fondent : 1° sur le témoignage de saint
Denis d'Alexandrie, qui , suivant le rapport
d'Anastase, surnommé le Sinaïte, patriarche
1 M. Arbellot a publié depuis des documents iné-
dits sur l'apostolat de saint Martial et sur l'antiquité
des Eglises de France. La mission de saint Denis au
1" siècle y est solidement coniirmée. (L'éditeur.)
2 Voyez la dissertation à la fin du volume. [L'édit.)
3 Cum Ecclesia doceat unam esse migelorum sub-
stantiam , divinus et apostolicus Dionysius nommât
supernas virlutes, multas substantias. At magnus Dio-
nysius Alexandrinus , ex rheiorum numéro episcopus
factus , in scholiis quœ scripsit in sibi cognominem
Dionysium hœchaliei ; « Externa philosophia ingenitam
appellare solet omnem naturam inaspeciabilem : simi-
liier et hypostases substantias, » Ex cujus more sanclus
Dionysius his locis est locutus, improprie nimirum lias
voces usurpuns. Anast., i?i Ode., cap. xxii.
d'Antioche en 561; de saint Maxime, martyr,
qui écrivait vers l'an 640; de Nicétas Chonia-
tes, qui vivait vers Tan 1200, et de Jean Cy-
parissiote, à peu près du même temps, avait
fait des scholies sur les livres de saint Denis
l'Aréopagite. Voici comment s'en explique
Anastase ^ : « Le divin et apostolique Denis
(l'Aréopagite) attribue aux anges plusieurs
sortes de substances. Mais le grand saint De-
nis d'Alexandrie, qui de rhéteur fut fait évê-
que de cette ville, dit dans les scholies qu'il
a faites sur saint Denis du même nom que
lui, que la philosophie profane a coutume
de dire que toutes les natures invisibles ne
sont point engendrées, et d'appeler du nom
de substance les hypostases. » C'est cet usage
que saint Denis a suivi, prenant dans un sens
impropre ces mots, no7i engendré et substance,
dans quelques endroits où il s'en sert. Saint
Maxime et Nicétas * s'expliquent à peu près
de même. Mais Jean Cyparissiote remarque^
que saint Denis d'Alexandrie interprétait en
cette manière ce que l'Aréopagite dit dans
son épitre à Tite, que les écrivains sacrés
traitaient des choses divines tantôt mysti-
quement et tantôt philosophiquement : la
manière philosophique, manifeste, persuade
et oblige à croire la vérité, c'est-à-dire qu'elle
met comme un sceau à la vérité des choses
qui sont dites, et qu'elle attache cette vérité
comme avec un lien, et fait que ceux qui l'é-
coutenl croient; la manière mystique nous
élève à Dieu d'une façon que l'homme ne
peut enseigner, faisant que, par le moyen
des créatures, nous soyons élevés aux choses
divines, de telle sorte que nous les expéri-
mentions et ressentions en nous-mêmes. Cy-
parissiote ne dit pas de quel ouvrage de
saint Denis d'Alexandrie, il a tiré ce frag-
ment : mais on croit que c'est de ses scholies.
2° L'auteur des Questions à Antiochus ^, attri-
buées quelquefois à saint Athanase, cite aussi
* Maxim., in scholiis ad cap. v Cœlestis hierarchiœ ■
Nicet., in Thesaur. orthod., lib. II, cap. xv.
^ Dionysius in episiola ad Tiium, sic ait : « Cœle-
runi hoc advertendum est, duplieem esse traditionem
theologorum, unam arcanam et mysticam, alteram
vero philosophicam et demonsiraniem... » Hoc dictum
sanctus Maximus et Dionysius annoiarunt... Dionysius
Alexandrinus : K Theoiogia , inquit , philosophica et
demonslrans fidem facit , et astringit veritatem , id
est, eoriim quœ dicunlur veritatem tanquam sigillo
quodam obsignat et tanquam vinculo colligat et efpcit
ut qui audiunt credani. Altéra vero pars theoloyiœ
quœ symbolica est, per ea quœ fiunt adjungit ad Deum
quodam ipsius rei hubitu et informations. » Cyparis.,
Décade 1, cap. i. — ^ Qusest. 8 ad Antioch.
MO
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
saint Denis l'Aréopagite, pour montrer qu'il
y a neuf ordres d'anges, savoir : les anges,
les archanges, les principautés, les puissan-
ces, les vertus, les dominations, les séra-
phins à six ailes, les chérubins et les trônes.
3° Nous n'avons pins les livres de saint Cy-
rille d'Alexandrie, où il citait saint Denis l'A-
réopagite. Mais Libérât, diacre de l'Eglise de
Cartilage, qui écrivait vers l'an 533, dit que
les témoignages que saint Cyrille en rappor-
tait, étaient ' cités très-fidèlemeut. Juvénal,
patriarche de Jérusalem, dans un discours
fait à l'empereur Marcien et à l'impératrice
Pulchérie ^, allégua, pour autoriser ce qu'il
disait du corps de la sainte Vierge, ce qu'on
en lit dans le livre des Noms divins, de saint
Denis l'Aréopagite. Jean, évêque de Scyto-
ple, qui ne doutait point que les livres qui
portent le nom de saint Denis l'Aréopagite,
ne fussent de ce saint évêque, les a commen-
tés par des scholies, qu'Anastase le Biblio-
thécaire ^ envoya au roi Charles-le-Chauve,
avec celle de saint Maxime sur les mêmes li-
vres. Ils sont cités dans le commentaire
d'André, évêque de Césarée *, sur l'Apoca-
lypse, i» Dans la conférence que l'empereur
Justinien fit tenir à Constanlinople, en 533,
dans le dessein de réunir à l'Eglise catholi-
que les sévériens, qui s'en étaient séparés à
cause du concile de Chalcédoine, ceux-ci
soutinrent que ce concile avait erré, en pu-
bliant qu'il y avait deux natures en Jésus-
Christ après l'union du Verbe avec la nature
humaine : ce qui était, disait-il, contre saint
Cyrille, saint Athanase, saint Jules, saint
Grégoire le Thaumaturge et contre saint De-
nis l'Aréopagite, qui tous déclarent qu'il n'y
a qu'une seule nature de Dieu le Verbe après
l'union. Hypatius, qui parlait pour les catho-
liques et qui était archevêque d'Ephèse, con-
testa l'autorité des livres qu'on citait sous le
nom de saint Cyrille, mais surtout ceux qu'on
disait être de saint Denis l'Aréopagite. « D'où
pouvez-vous montrer ^, demanda Hypatius
aux sévériens, que ces livres sont véritables?
S'ils étaient de saint Denis, ils n'auraient pu
être inconnus à saint Cj^ille, et saint Atha-
nase les eût produits surtout dans le concile
de Nicée, pour défendre la Trinité consubs-
tantielle contre les blasphèmes d'Arius, qui
y mettait une diversité de substance. Que si
pas un ancien n'a fait mention de ces témoi-
gnages, comment pouvez-vons maintenant
montrer qu'ils sont de saint Denis l'Aréopa-
gite? » On ne voit point dans les actes de la
conférence ce que les sévériens répondirent
à l'argument d'Hypatius : mais les défen-
seurs des livres de saint Denis soutiennent
que les catholiques ne contestèrent pas l'au-
torité des livres de saint Denis, mais seule-
ment des passages qui avaient été cités par
les sévériens. Ils donnent pour preuve que
l'on recevait les livres de saint Denis dans
cette conférence, le témoignage unanime des
écrivains contemporains, qui les ont reconnus
pour les ouvrages de cr disciple des apôtres.
C'est sur leur autorité que saint Epbrem, pa-
triarche d'Antioche ^, a déclaré qu'il n'y a
qu'une personne et qu'une hypostase du
Verbe, d'autant que, suivant saint Denis l'A-
réopagite, Jésus est simple. Jovius voulant
expliquer comment Dieu est un et parfait "^ ,
emprunte les termes propres de saint Denis.
Ses livres sont cités par Libérât ^, par Anas-
tase le Sinaïte et par Léonce de Byzance, qui
tous écrivaient dans le même siècle où s'est
tenue la conférence de Constantinople. De-
puis ce temps-là, les livres de saint Denis l'A-
réopagite ont été cités sous son nom dans
les conciles, par les papes et par plusieurs
historiens. Le pape Adrien I" ^ reconnaît
qu'ils avaient déjà été cités avec éloge, comme
1 In quibus sancii Cyrilti libris confinentur incor-
rupta testimonia Dionysii Areopagiiœ. Libéral. , in
Breviario, cap. x.
2 Etsi quœ in sunclœ Dei Genitricis morte conlige-
runt, sacrœ Scriplurce monimentis minime prodita
mnt , tamen ex prisca iradilione hoc accepimus. Ad-
erant cum sanctis aposlotis Timotlieus et Dionysius
Areopagiia, quemadmodura et ipse Dionysius in hœc
vei'ba testatur ; <i Nos quoque, ut nosii , ac pterique
e fratribus , ac corpus illud quod vitam inc/ioaverat
ac Deum susceperat, intuendum conveniinus.» Euthym.,
Hist., lib. m, cap. IV.
^ Paratheses sive scholia in Dionysiiim quœ Con-
stanlinopoli videram, in matins venerc ■■ vestrœque
gloriûsœ supientiœ poiissimum fore mittenda non im-
merito j'udicovi... Joannis Schytopolitani episcopi esse
asseruntur. Anastaa., ad Carol. regem.
'• Andréa Cœsar., in Apocalyps., cap. XLV.
^ llla testimonia quœ vos Dionysii Areopogitœ H-
citis ; iitule poteslis ostendere vera esse sicut suspica-
mini? Si enim ejus erant, non poluissent latere bealum
Cyrillum. Quidaulemde beato Cyrillodico? Quandoet
beatus Athanasius, si pro certo scisset ejus fuisse, ante
omnia in Nicœno concilio de consubstantiali Trinitate
nullus ex antiquis recordaius est ea , unde potestis
nunc ostendere , quia illius sunt, nescio. Acta colla-
tionis, 1533. — « Apud Phot., Cod. 228. — ' Cod. 221 .
8 Libérât., in Breviar., cap. s; Anastas., in Odeg.,
cap. XXIV ; Leont., de Sect., act. 3.
3 Sancfus Dionysius Areopagita, qui et episcopus
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'AREOPAGITE.
[V^ SIÈCLE.]
d'un père et d'un ancien docteur, par saint
Grégoire-Ie-Grand. Ce fut surtout de ces li-
vres que l'on tira des témoignages dans le
concile de Latran, en 649, pour confondre
Cj-rus et les autres monothélites, qui en
avaient falsifié un endroit. Saint Denis avait
dit que l'opération de Jésus -Christ vivant
sur la terre, était nouvelle et Théandrique ou
Dei- virile, c'est-à-dire tout ensemble divine
et humaine. Cyrus lui faisait dire, au con-
traire, que l'opération de Jésus-Christ était
une. Sergius, patriarche de Constantinople,
non-seulement confirmait ce changement :
il ôtait encore du texte de saint Denis le
mot de Dei-virile. Le pape saint Martin, qui
présidait à ce concile ', fit apporter de la
bibliothèque du Vatican, les livres de saint
Denis, et il se trouva qu'il se servait en par-
lant de l'opération de Jésus-Christ, des ter-
mes de Dei-virile et de Théandrique. Sopliro-
nius, évêque de Jérusalem en 633, cite saint
Denis l'Aréopagite, pour autoriser les termes
de Dei-virile et de Théandrique, et on trouve
la même chose dans la lettre du pape Aga-
thon aux empereurs Héraclius et Tibère. Ces
livres sont encore cités par saint Jean Da-
mascène, dans son second discours sur l'As-
somption de la sainte Vierge, et par quantité
d'autres auteurs tant grecs que latins. Sur
quoi ceux qui soutiennent qu'ils sont vérita-
blement de saint Denis l'Aréopagite, font ce
raisonnement, qu'ils appuient sur les règles
établies par TertuUien et par Vincent de Lé-
rins. TertuUien dit - : «Ce qui est le premier
selon l'ordre des temps, est ce qui est vrai ;
et ce qui, selon le même ordre, est posté-
rieur, est ce qui est faux. » Vincent de Lérins
ajoute à cette règle 3, qu'il faut que le senti-
ment des anciens soit de tous, ou presque
de tous les anciens évoques et docteurs qui
ont parlé de la chose dont il s'agit. « Or, par
ces deux règles, il est constant, disent-ils,
que les livres de saint Denis sont de l'Aréo-
pagite , parce qu'il est indubitable que le
sentiment qui tient que ces livres sont de
l'Aréopagite, est le premier selon l'ordre des
temps, puisqu'on le trouve dans le in'= siècle
et dans les suivants : au lieu que l'opinion
contraire n'a commencé que dans les xiv"^ et
XV* siècles. 11 est encore indubitable, ajou-
541
tent-ils, que le sentiment qui veut que ces
livres soient de l'Aréopagite, est le sentiment
de tous, ou presque de tous ceux qui ont eu
occasion d'en parler. C'est ce qui paraît par
les témoignages rapportés ci-dessus. » 5° La
doctrine renfermée dans les livres attribués
à saint Denis, est orthodoxe et conforme en
tout à celle des apôtres. D'ailleurs l'auteur y
est appelé Denis ; il assure qu'il avait été té-
moin de l'éclipsé du soleil qui se fit dans le
temps de la passion de Jésus-Christ; qu'il
s'est converti par la prédication de saint
Paul, autorisée de miracles, et par l'éclipsé
du soleil dont il avait lui-même été témoin;
qu'après saint Paul, il avait eu pour maître
clans la religion chrétienne, saint Jérotée;
qu'il fut élevé à l'épiscopat et consacré évê-
que d'Athènes par saint Paul; enfin, qu'il se
trouva avec saint Pierre et saint Jean aux fu-
nérailles de la sainte Vierge. Toutes ces cir-
constances font voir clairement, dit-on, que
saint Denis l'Aréopagite est l'auteur des livres
qui portent son nom. 6° On fait encore valoir
la censure que la Sorbonne fit, en 1327, de
la proposition qui contestait ces livres à saint
Denis l'Aréopagite.
3. Ceux qui sont d'un sentiment contraire
répondent que Denis, rhétoricien d'Alexan-
drie, n'est pas le célèbre évêque de ce nom
qui vivait au milieu du m* siècle, mais un
autre Denis, qui a écrit dans le vi'^; et qu'A-
nastase Sinaïte et saint Maxime, martyr, qui
ont parlé des scholies sur les livres de saint
Denis l'Aréopagite, les ont mal à propos at-
tribués à l'évêque d'Alexandrie, au lieu d'en
reconnaître pour auteur Denis le rhétoi'icien.
Par cette réponse, ils prétendent faire tom-
ber toutes les preuves que l'on allègue en
faveur de saint Denis l'Aréopagite, le meil-
leur garant de cette opinion étant saint Denis
d'Alexandrie, tant par son antiquité, que
par sa réputation de sainteté et de savoir.
La suite de cette réponse est que ceux qui,
depuis le vr siècle, ont attribué ces livres à
saint Denis l'Aréopagite, l'ont fait sur l'auto-
rité d'An a stase Sinaïte et de saint Maxime,
dont le premier n'ayant vécu que dans le vi°
siècle, et l'autre dans le viP, ont vécu dans
des temps trop éloignés, pour constater des
faits arrivés dans le i" siècle. Comme ils
Réponsft3
Hux preoves.
Atheniensis, valde laudatus est a divo Gregorio papa,
confirmante eum antiquum patrern et doctorem esse.
Atlriau., ad Curol. Magn.
' Acta Concil. Lateran., secret. 5.
'2 Id est verum quodcumque primitm : id est adul-
terum quodcumque posterius. TertuU., lib. cont. Prax.,
cap. n. — ^ In eis quœ ditbia sunt... omnium vel
ccrte pêne omnium sacerdotum pariier et magistrorum
définit iones sententiasque sectemur. 'Vincent. , in Corn-
mon., cap. ni.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Preuvegque
CCS écrits ne
sont pns de
saint Bénis
l'Aréop-igile.
842
contestent le témoignage allégué sons le règne cleTrajan. Saint Maxime, pour résoudre
nom de saint Denis d'Alexandrie, ils contes-
tent aussi ceux que l'on rapporte comme ti-
rés des écrits de saint Cyrille d'Alexandrie
et de saint Grégoire de Nazianze. La censure
de la Sorbonne ne leur parait pas d'un plus
grand poids, parce que le jugement d'une
faculté de théologie sur des faits non révélés,
peut se rectifier dans la suite des temps par
une plus exacte discussion de la question
proposée.
■4. Ils soutiennent donc qu'il n'y a aucune
preuve solide que les ouvrages publiés sous
le nom de saint Denis l'Aréopagite, soient
véritablement de lui, et en donnent plusieurs
pour montrer qu'ils n'en sont pas. 1° Aristi-
des ', qui présenta à Athènes une apologie
pour les chrétiens , à l'empereur Adrien ,
qui se trouvait alors en cette ville, fait l'éloge
de saint Denis comme en ayant été évêque,
et de la constance qu'il avait fait paraître
dans les tourments qu'il souffrit pour Jésus-
Christ : mais il ne dit pas un mot de ses
écrits. Il n'en est rien dit non plus dans la
lettre de saint Denis de Corinthe aux Athé-
niens : et quoiqu'il l'eût écrite principalement
pour ranimer leur foi et pour corriger leurs
mœui's \ il ne les renvoie point aux écries
de leur premier évêque, encore qu'il fasse
mention de lui, de sa conversion à la foi par
saint Paul, et qu'il marque que ce fut le pre-
mier à qui cet apôtre donna le soin de leur
Eghse. Eusèbe et saint Jérôme n'en ont point
parlé, quoique l'un et l'autre aient relevé
une intinité de choses moins importantes.
2° Saint Denis, au chapitre iv du livre des
Noms divins, cite nommément saint Ignace,
et rapporte un passage de l'épître qu'il écri-
vit aux Romains, lorsqu'on le conduisait au
martyre. Or, saint Denis ayant souffert sous
l'empire de Domitien, n'a pu citer une lettre
qui ne fut écrite que la huitième année du
cette difficulté , répond que le passage de
saint Ignace peut avoir été mis par quelqu'un
à la marge du livre de saint Denis, d'où les
copistes l'auront fait passer dans le corps de
l'ouvrage. Mais ce père aurait dû citer quel-
ques exemplaires du livre des Noms divins,
où le passage de saint Ignace ne se trouvât
point dans le corps de l'ouvrage. 3° Il est
parlé dans le livre de la Hiérarchie, de quan.
tité de cérémonies inusitées dans le siècle
de saint Denis. Selon ce hvre, l'évêque, après
avoir fiui sa prière à l'autel ^, commençait
par l'encenser, et faisait le tour de toute l'é-
glise : puis, revenant à l'autel, il commençait
le chant sacré des psaumes, que tous les ec-
clésiastiques chantaient avec lui. Ensuite les
ministres faisaient la lecture des Livres saints.
Après qu'elle était faite, on faisait sortir hors
de l'église les catéchumènes, et après eux les
énergumènes et ceux qui étaient en péni-
tence. Pour les autres, qui étaient dignes de
la vue et de la communie u des choses divi-
nes, ils demeuraient dans l'église. Il parle
des églises comme de bâtiments* magnifi-
ques, qui avaient chacune un sanctuaire dis-
tingué du corps de l'église, dans lequel les
prêtres seuls avec les ministres, avaient droit
d'entrer; des moines, des prières et des cé-
rémonies usitées dans leur consécration^,
et de divers autres usages inconnus dans le
1"' siècle et qui ne furent introduits qu'après
que la paix fut rendue à l'Eghse. Jusqu'alors
les fidèles s'assemblaient dans des maisons
particulières pour y faire la prière et enten-
dre la parole de Dieu : mais on ne laissait
])as de donner à ces lieux d'assemblée le nom
d'église. 4° L'auteur des livres qui portent le
nom de saint Denis, marque assez claire-
ment qu'il n'a écrit que longtemps après les
apôtres, lorsqu'il dit que ceux qui, avant lui,
avaient parlé des choses saintes^, trouvaient
1 Euseb., lib. IV Hist., cap. ni.
» Ibid., cap. xsiii.
3 Pantifex peracto precum sacro ad Dei altare cum
ab eu incendendi odores inilium fecit , sacrum obit
Cocum. Reversus autem ad divinam aram sacros psal-
mos canere incipif, canuntquc cum eo omnes ecclesia-
siici ordines, Deinceps a ministris sancforum librorum
lectio ordine recitatur, et recitata extra ambitum col-
locaniur caiechumeiii, et una cum lis energumeni,
atque il quos superioris vitœ pœnitet. Manent auiem
ii qui divinarum rerum et aspectu digni sunt et com-
munione. Dionys., de Ecclesiast. Hierarch., eap. m.
* Neque simpliciter Sancta Sanctorum ab omnibus
segregaia sunt : verum ad hœc proxime accedit ordo
pontificum, deinceps 4istinctio sacerdotum, qtias dein-
ceps ministrorum gradus sequitur : ordinatis autem
monachis adytorum postes sunt assignatœ, juxta quas
etiam initiantur et adstant, non ad custodiam earum-
dem , sed ut agiioscant tam se quam ordinem suum
magis populo prœ sacerdotibus propinquare. Dionys.,
Epist. 8, pag. 782.
^ ilysterium monasticœ consecrationis. Sacerdos
quidem stat ante altare, monasticam sancte recitans
invocationem. Dionys. De Eocles. Hierarch., cap. yi,
pag. 331.
6 Visum est quibusdam ex nostris, qui de divinis no-
minibus disseruerunt , amoris quam charitatis nomcn
esse diuinius. Dionys., de Divin, nomin., cap. iv, p. 476.
[V SIECLE.
CHAriTRE XXXIX. -^ SAINT DENIS L'AREOP AGITE.
S43
que le nom d'amour est plus divin que celui
de charité. C'est aux défenseurs de ces livres
à montrer que les apôtres ou ceux de leurs
disciples qui ont écrit avant saint Denis, se
sont expliqués de cette manière sur la diffé-
rence des noms d'amour eî de chanté. Sans
quoi il est naturel de conclure qu'en cet en-
droit saint Denis veut parler de quelques au-
teurs ecclésiastiques qui avaient, avant lui,
écrit sur ce sujet. 5° Comment se persuader
que dans le i" siècle, les cérémonies de la
sépulture se fissent avec tout l'éclat et avec
la distinction que l'on marque dans le vii^
chapitre du livre de la Hiérarchie ' ? 6° Cet
auteur cite souvent l'évangiie de saint Jean :
cela se voit surtout dans le ii" chapitre du li-
vre des Noms divins, et dans le iv et le vii"
de la Hiérarchie. Il est toutefois certain que
cet évangile n'a été écrit qu'après la mort
de Domitien, sous le règne duquel on s'ac-
corde à mettre le martyre de saint Denis,
pour le plus tard. 1° Les livres sous le nom
de ce martyr lui ont été contestés aussitôt
qu'ils ont paru. Les catholiques qui contes-
tèrent l'authenticité des témoignages que les
sévériens en produisirent dans la conférence
de 332, à Constantinople, ne dirent jamais
un mot qui pût donner lieu de croire qu'ils re-
cevaient le reste de l'ouvrage. Saint Maxime,
qui en prit la défense dans le siècle suivant^
convient qu'il y en avait qui soutenaient que
les écrits que l'on publiait sous le nom de
l'Aréopagite, n'étaient point de lui, mais
d'un auteur plus récent. Dans le ix^ siècle,
le prêtre Théodore entreprit de montrer qu'ils
étaient véritablement de ce saint martyr.
Mais il paraît par Photius ^ , que ses efforts
furent inutiles, et qu'il ne répondit point ef-
ficacement aux quatre arguments qu'il s'était
proposé de résoudre. Le premier était : Si
ces livres sont de saint Denis, pourquoi au-
cun des pères qui ont vécu après lui, n'en
ont-ils rien cité? Le second : Comment Eu-
sèbe de Césarée, qui a fait l'énumération des
écwts des pères, ne dit-il rien de saint Denis?
Le troisième : 11 est parlé dans ces livres de
certains usages comme venant de la tradi-
tion, et qui, en effet, n'ont pu s'établir dans
l'Eglise que par le laps des temps. Comment
saint Denis, contemporain des apôtres, au-
rait-il parlé de ces usages? Le quatrième :
Pourquoi y cite-t-on l'épîtrede saint Ignace,
qui ne fut écrite que sous Trajan : au lieu
que saint Denis était mort auparavant?
S. Les réponses que l'on fait à ces argu-
ments, se réduisent à dire que, n'étant la plu- se»
part qiie négatives, elles n'ont aucune force P'
contre les témoignages positifs que l'on pro-
duit en faveur de l'opinion qui fait saint Denis
auteur des livres qui sont sous nom ; que
saint Denis de Corinthe, Eusèbe de Césarée,
saint Jérôme et les autres anciens n'ont pas
tout dit ; qu'Eusèbe, en particulier, n'a rien
dit du martyre de saint Laurent, ni de celui
de saint Sébastien, qui ont fait tant d'éclat
dans l'Eglise ; qu'il se pouvait faire que les
livres de saint Denis fussent cachés dans
quelques armoires, lorsque cet historien tra-
vaillait à l'Histoire de l'Eglise ; que saint Jé-
rôme n'a pas connu Athénagore, ni Théo-
gnoste, ni saint Jacques de Nisibe ; qu'au
surplus, nous n'avons pas tous les écrits de
saint Denis de Corinthe; que c'est en vain
C[ue l'on insiste sur le terme de tradition qui
est employé dans les livres de saint Denis ;
que ce terme ne marque pas toujours une
longue distance de temps, comme on le voit
par la seconde épitre de saint Paul aux Thes-
saloniciens, où il les exhorte à garder les
traditions qu'ils avaient reçues de lui, soit de
vive voix, soit par écrit; que les moines dont
il est parlé dans saint Denis, existaient véri-
tablement dès le siècle des apôtres, et que
c'était les thérapeutes, dont il est parlé dans
Phiion; qu'il n'y a pas de raison de contester
les rites qui se faisaient à leur initiation , les
anciens n'ayant point nié que ces rites fus-
sent en usage dès le temps des apôtres ; que
les moines thérapeutes formant un état par-
ticulier distingué des évéques, des prêtres et
des diacres aussi bien que du commun des
fidèles, il était raisonnable qu'il y eût une
initiation propre et spéciale, qui, les soumet-
tant aux évéques, aux prêtres et aux diacres,
les élevât au-dessus du commun des fidèles.
Voilà ce qui nous a paru de plus convain-
quant dans ce que l'on allègue pour et contre
l'auteur des livres attribués à saint Denis l'A-
réopagite. Les derniers qui ont entrepris de
montrer qu'il en est l'auteur, sont dom
Claude David, bénédictin de la congrégation
de Saint-Maur, dans une dissertation impri-
mée à Paris en 1702, et dom Bernard, reli-
gieux de Sept-Fonds, sous le nom du père
Réponses
défen-
's de siiiut
nis l'Aréo-
ile.
1 Pag. 351 et 355.
2 Maxim., proleg. in Oper. Dionys.
8 Phot,, Cod. 1, pag. 3.
su
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Adrien de Sept-Fonds. L'écrit de dom Ber-
nard ne parut qu'en 1708.
Ce qu'on 6. Leur travail n'a pas eu beaucoup de
peut penser t ,, ,. . . , ,
des écrits Je succes, et le sentunent presque gênerai parmi
saint Denis. , ' . ^ ,
les savants, est toujours que les ouvrages
publiés sous le nom de saint Denis l'Aréopa-
gite, lui sont supposés. On ne nie point
qu'il n'y ait eu dès les premiers siècles de
l'Eglise des personnes qui faisaient profes-
sion d'une vie plus pénilente et plus retirée
que les autres ; mais il ne paraît, par aucun
ancien monument, que les moines fissent dès
lors un ordre particulier, qui les mît au-des-
sus des laïques, ni qu'il y eût des cérémonies
et des prières instituées pour leur initia-
tion. Ce n'est que sur la fin du iv siècle,
et depuis que saint Antoine et saint Pacôme
commencèrent à former des monastères, que
l'on trouve quelques règlements toucliant la
réception et l'initiation des moines. Ce ne
fut non plus que dans le iv= siècle que le
terme d'kypostase devint commun dans le
langage ordinaire de l'Eglise, en le prenant
pour celui de personne, et toutefois ce terme
est employé dans les ouvrages de saint Denis
comme étant d'un usage ordinaire. Il est vrai
qu'Eusèbe et saint Jérôme n'ont point fait
mention de tous les écrivains ecclésiastiques ;
mais aussi y en a-t-il peu de considérables
qui leur aient échappé. Ceux d'Athénagore
et de Théognoste avaient peu d'étendue. Il
n'en était pas de même des écrits de saint
Denis l'Aréopagite. Ce ne sont que de très-
longs écrits et très-intéressants, soit par l'im-
portance des matières qui y sont traitées,
soit par le nom de leur auteur, qui était,
comme on le suppose, évéque d'une ville
très-considérable par tout le monde, d'un
martyr, d'un disciple des apôtres, et connu
dans l'Ecriture. A qui persuadera-t-on que
ces écrits aient pu être inconnus pendant
quatre ou cinq cents ans, et qu'Eusèbe et
saint Jérôme , qui se sont appliqués particu-
lièrement à nous faire connaître les écrivains
ecclésiastiques, n'aient pu rien découvrir des
écrits de saint Denis ? Il y en a peu qui
aient fait plus de bruit dans l'Eglise, depuis
qu'ils ont été produits dans la conférence de
S32, entre les catholiques et les sévériens :
auraient-ils été moins célèbres dans les siè-
cles précédents, s'ils avaient existé, y ayant
eu tant d'occasions d'en alléguer les témoi-
gnages dans les disputes qui se sont élevées,
soit contre les ariens, soit contre d'autres
hérétiques ? car cet auteur s'explique avec
tant de précision sur l'incarnation, qu'il y a
tout lieu de croire qu'il avait vu les troubles
excités dans l'Eglise par les hérésies de
Nestorius et d'Eutychès. Ce qu'on lit dans
ses ouvrages touchant l'ordre observé à l'é-
gard des catéchumènes et des pénitents ; les
encensements et plusieurs autres cérémo-
nies, soit dans l'administration des sacre-
ments, soit dans les sépultures des morts, n'a
pu être réglé de la manière qu'il le rapporte,
dans un temps oii les apôtres dispersés s'oc-
cupaient uniquement de la prédication de
l'Evangile. Il a fallu du [temps pour régler
toutes ces choses, et de la tranquilhté :
ce qui ne se trouvait guère dans les trois
premiers siècles, à cause des persécutions
presque continuelles. Nous n'insistons point
sur le style des écrits dont nous par-
lons. Quoiqu'il soit peu naturel, il a pu être
propre à quelqu'un d'un génie et d'un goût
particulier, et qui s'était fait une loi de ne
pas parler comme les autres. Aussi il se sou-
tient partout. Son style est élevé, mais trop
enflé.
7. Le premier ouvrage est intitulé de la Annijsedi
Hiérarchie céleste, et adressé au prêtre Timo- nc"'i'!'''Li;i
thée. Saint Denis remarque d'abord que, chie^'céi'Sîf
quoique l'Ecriture sainte emploie pour notre a.Tdit.'pm
instruction diverses figures et divers sens, ""^ ,' '
comme le littéral, l'allégorique, le moral et
l'analogique, c'est toujours la simple vérité
qu'elle nous enseigne, afin que, par ses lu-
mières, nous nous unissions à Dieu par la foi
et par l'amour. Il dit ensuite que toutes grâ-
ces excellentes et tout don parfait venant
d'en haut, et descendant du père des lu-
mières, c'est de lui que nous obtenons la
connaissance des choses divines par Jésus-
Christ, qui est la lumière du Père; mais que
l'état de cette vie fait que nous avons besoin
des choses sensibles pour nous élever à la
connaissance des invisibles, l'éclat de la lu-
mière sensible nous faisant conjecturer quel
doit être celui de la lumière diviue, le plaisir
que nous trouvons dans les sciences hunmi-
nes, celui que doit nous procurer la connais-
sance des choses divines, et l'ordre que nous
remarquons dans les divers états de ce
monde, pouvant nous faire concevoir l'or-
dre et l'harmonie que les esprits célestes
gardent entre eux dans le ciel. Après ce
préambule, il donne un précis de tout l'ou-
vrage, disant qu'il s'y propose de montrer
quel est le but de la hiérarchie céleste, quels
sont les avantages des esprits qui la compo-
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
[y° siècle.]
sent ; ce qui en est dit dans les divines Ecri-
tures, et ce que signifient pai'ticulièrement
les figures dont elle se sert pour désigner ces
esprits célestes. Il distingue deux sortes de
figures, les unes plus belles et plus excel-
lentes, comme le soleil, la lune elles étoiles;
les autres moins relevées, comme sont les
lions et les autres animaux. Il dit que, quoi-
que ces dernières n'aient aucune proportion
avec les esprits célestes, elles sont néan-
moinsplus propres pour nous instruire, parce
qu'étant avertis intérieurement que des anges
ne pouvant être des choses de cette nature,
elles nous obligent, par la bassesse de leur
être, à élever notre esprit à la signification
mystérieuse des figures sous lesquelles ces
esprits sont représentés. Il passe de là à
la définition de la hiérarchie céleste, qu'il
appelle une principauté sacrée, et qu'il divise
en trois, l'ordre, la science et l'action. L'ordre
marque le degré de puissance dont jouit
chacun des esprits célestes ; la science, la
lumière qui les dirige, et l'action, le minis-
tère dont ils sont chargés. Dieu est la tin de
cette hiérarchie, dont la perfection consiste
à se rendre semblables à Dieu, non-seule-
ment dans la vertu, mais dans l'usage de la
puissance qu'il accorde aux esprits dont cette
hiérarchie est composée. C'est de Dieu que
toutes les créatures reçoivent leur perfection:
celles qui en ont le moins sont le plus éloi-
gnées de Dieu; d'où vient que les esprits cé-
lestes participent davantage à ces perfections,
parce qu'ils sont plus proches de cet être su-
prême. Ils sont appelés anges, c'est-à-dire
messagers, parce qu'ils nous annoncent les
choses qu'ils ont apprises de Dieu, et qu'ils
nous communiquent les lumières qu'ils en
ont reçues. Cela paraît parce que la loi
fut donnée à Moïse par un ange ; et que ce
fut encore par un ange que Dieu fit connaître
sa volonté à Zacharie, père de saint Jean-
Baptiste, à la sainte Vierge Marie, à saint
Joseph, son époux, et à Jésus-Christ même,
quoiqu'il fût le créateur des anges. Quand
l'Ecriture dit que Dieu s'est fait voir à quel-
que saint patriarche, il ne faut pas croire
qu'il se soit fait voir immédiatement à eux,
mais qu'il s'est servi du ministère des anges
dans les visions qu'il a accordées aux hom-
mes pour les élever à la connaissance de la
divinité. Quoique le nom d'ange appartienne
proprement au dernier ordre des esprits cé-
S4S
lestes, on ne laisse pas de leur donner ce
nom à tous, parce qu'ils sont tous messa-
gers, en ce que les esprits du premier ordre
de la hiérarchie découvrent et communi-
quent à ceux du second ordre les lumières
qu'ils reçoivent immédiatement de Dieu ;
ceux du second ordre, aux esprits du troi-
sième ; et ceux-ci, aux hommes. Dieu seul
connaît exactement les perfections de tous
les ordres des anges. Ils sont distribués en
trois ordres ou hiérarchies. La première est
composée des séraphins, des chérubins et
des thrônes ; la seconde, des dominations,
des vertus et des puissances ; la troisième,
des principautés, des archanges et des anges.
Par le nom de séraphins, on entend ceux qui
sont le plus embrasés de l'amour divin, le nom
de séraphins signifie en hébreu, irtt/er. Celui
de chérubins marque l'abondance de lumière
et de connaissance qu'ils ont reçue de Dieu :
d'où vient que dans le premier chapitre d'E-
zcchiel, ils sont représentés comme ayant
des yeux de tous côtés^ pour marquer com-
bien ils sont clairvoyants. On donne le nom
de thrônes aux autres, parce qu'ils sont
comme des sièges éminents sur lesquels Dieu
se repose en quelque manière. La dignité de
ce premier ordre et de celte hiérarchie se
prouve par la sublimité de la place qu'ils oc-
cupent auprès de Dieu, par l'excellente pu-
reté de leur essence, et parce qu'ils reçoi-
vent immédiatement de Dieu leurs lumières
et leurs connaissances. Une de leurs fonc-
tions est de chanter sans cesse : Saint, Saint,
Saint, est le Seigneur Dieu des armées, toute la
terre est remplie de sa gloire. Ce que l'auteur
dit avoir expliqué dans son livre des Hymnes
sacrées, que nous n'avons plus. Les critiques
qui attribuent ces livres à saint Denis l'Aréo-
pagite, disent que saint Grégoire de Nazianze
a cité cet endroit dans sa trente-huitième
oraison *. Mais Elie de Crète soutient que
saint Grégoire l'a cité de saint Athanase, où
il se trouve : car saint Grégoire ne nomme
point l'auteur. «Les noms de dominations, de
vertus, de puissances qui font la seconde
hiérarchie, marquent des esprits qui ont un
pouvoir supérieur, une éminente vertu et
auxquels les puissances ennemies sont sou-
mises, afin qu'elles ne puissent pas nuire
aux hommes, autant qu'elles le désireraient.
Les noms de principautés, d'archanges et
d'anges, qui composent la dernière hiérar-
Cap. VI.
* Voyez tom. V,
X.
pag. 235, et Elie de Crète, sur la
trenle-huitième Oraison de suint Grégoire.
33
546
HISTOIRE GÉNÉRALE DER AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
chie, sont donnés aux esprits célestes. Les
principautés sont ainsi appelées, car elles
président aux archanges et aux anges, et
qu'elles leur prescrivent la manière de rem-
plir leur ministère. C'est à elles qu'appartient
le gouvernement général d'un royaume ou
d'une nation. On donne le nom d'archanges
aux esprits chargés d'annoncer les choses de
grande importance. Ce sont eux aussi dont
. Dieu se sert pour instruire les prophètes. Les
anges sont députés à la garde des hommes,
qu'ils empêchent de tomher et qu'ils relè-
vent après leurs chutes. Si l'on demande
pourquoi, les anges ayant soin du salut des
hommes, la nation des Juifs a été la seule,
jusqu'àla venue de Jésus-Christ, qui ait adoré
le vrai Dieu ; on répond que les anges n'a-
mènent à la connaissance de la vérité que
ceux qui se rendent à leurs inspirations; que
Dieu et les anges ne refusent à personne leur
secours, et que, comme le soleil^ ils répan-
dent leurs rayons sur tous ; qu'ainsi ce sont
les hommes mêmes qui, par leur malice et
par un mauvais usage de leur liberté, sont la
cause de leur perte; qu'au reste, il parait par
l'Ecriture que les anges ont pris soin d'autres
nations que de celle des Juifs : ce qui se voit
particulièrement par Melchisédech, qui a
passé des ténèbres de la gentilité à la lumière
de la vérité ; et par Pharaon et Nabuchodo-
nosor, qui ont été favorisés de visions par le
ministère des anges, et qui en ont reçu l'ex-
plication par Joseph et par Daniel, instruits
Cap. X. eux-mêmes par les anges. Il suit de tout cela
que la première hiérarchie approchant plus
près de Dieu, est la plus pure, la plus éclai-
rée et la plus parfaite, mais aussi qu'elle est
la plus élevée au-dessus de notre esprit, et
conséquemment la moins connue de nous ;
qu'après elle, c'est la seconde qui, étant plus
élevée que la troisième, est encore plus que
celle-ci au-dessus de nos connaissances ; et
que nous connaissons plus la troisième, parce
qu'elle est moins élevée que les deux autres;
enfin que chaque hiérarchie communique ses
lumières à celles qui lui sont inférieures, et
ji. la troisième aux hommes. On donne quel-
quefois le nom de vertus aux esprits célestes
de quelque hiérarchie qu'ils soient. En cela
il n'y a point d'inconvénient, parce que tous
ces esprits ont chacun leur essence, leur vertu
,„. et leur action. Mais les esprits des hiérarchies
ou ordres supérieurs, ont les perfections en-
tières des ordres inférieurs : au lieu que
ceux-ci n'ont qu'une partie des perfections
des hiérarchies supérieures. L'Ecriture donne
quelquefois aux évêques le nom d'anges,
comme on le voit dans Malachie et dans l'A- Mabci., n,
pocalypse. C'est parce qu'il est du devoir Apocai. m.
d'un évêque d'annoncer à ses inférieurs les
volontés du Seigneur, et encore parce que
comme les anges servent Dieu, qu'ils chan-
tent continuellement ses louanges, l'évêque cap. xm.
doit aussi s'occuper du culte de Dieu et de
ses louanges. On demande pourquoi il est dit
. dans Isaïe qu'un séraphin fut envoyé à ce
prophète pour purifier sa bouché, et non pas
un ange î On répond que c'était un ange,
mais que l'Ecriture lui donne le nom de sé-
raphin, qui vient du mot brûler, parce que
cet ange brûla les lèvres et la bouche d'Isaie
pour les lui purifier. D'autres prétendent que
cet esprit n'est appelé séraphin dans l'Ecri-
ture, que parce qu'il avait reçu d'un séra-
phin la vertu de purifier le prophète. » L'au-
teur laisse à Timothée le choix de ces deux
explications, en le priant, s'il en savait quel-
que autre, de la lui communiquer. 11 ensei- ^„,
gne que lorsque l'Ecriture dit, enpai'lantdes
anges, dans le livre de Daniel, qu'ils sont au
nombre de dix mille fois dix milliers, c'est-
à-dire cent miUions, elle ne se sert de cette
façon de parler que pour nous faire enten_
dre que le nombre des anges, quoique limité,
est toutefois si graud que nous ne pouvons
le nombrer; qu'il est connu de Dieu seul ou
de ceux à qui Dieu le veut révéler, et qu'il
surpasse le nombre de toutes les choses cor-
porelles. 11 finit son livre de la Hiérarchie ce- xv.
leste, par l'explication des différentes figures
sous lesquelles ces esprits bienheureux sont
représentés dans les livres saints, comme
sous la figure de feu, de forme humaine, de
lion, de bœuf, d'aigle, de chevaux, etc. Mais
toutes ces explications paraissent arbitraires,
en sorte qu'on peut les recevoir ou les rejeter
sans conséquence.
8. Le livre de la Hiérarchie ecclésiastique Anaii
est encore dédié au prêtre Timothée, à la u''niérart
prière duquel il parait qu'il fut écrit. Comme t^«%ll.\
il n'y a rien dans cette hiérarchie qui ne tende
à nous rendre parfaits, à nous unir à Dieu
et qui ne soit divin, saint Denis lui recom-
mande de tenir secret ce qu'il dira sur ce
sujet, et de n'en rien communiquer qu'aux
chrétiens. Il assure que les mystères de cette
hiérarchie ne sont conférés sous des symbo-
les sensibles, que parce que cela était con-
venable à notre condition, qui est d'être com-
posée de corps et d'âme. Le baptême est le
|"V« SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIX.
SAINT DENIS L'ARÉOPAGÎTE.
547
Cap 1.
premier sacrement sur lequel il s'explique,
comme étant le commencement de l'obser-
vation des divins préceptes, et le sacrement
par lequel nous recevons l'être spirituel et
sommes faits enfants de Dieu. Voici comment
les cérémonies s'en faisaient, lorsqu'on l'ad-
ministrait solennellement dans l'Eglise.
9. (c Quelqu'un touché de la prédication de
l'Evangile, cherchait un parrain qu'il priait
de le conduire à Tévêque, de l'instruire et
de prendre soin de lui. Le parrain, qui devait
être lui-même baptisé et instruit de la reli-
gion, représentait à ce nouveau candidat la
grandeur de l'état qu'il voulait embrasser, et
combien il était au-dessus de la fragilité hu-
maine. Il le recevait toutefois avec bonté, et
pour satisfaire à ses désirs, il le conduisait à
l'évêque. Celui-ci les recevait tous les deux
avec joie, et après avoir rendu grâces à Dieu
et l'avoir adoré, il assemblait tout le clergé
dans l'Eglise, autant pour coopérer ensemble
au salut de cet homme et s'en réjouir, que
pour rendre grâces à la divine bonté. L'évê-
que commençait par chanter avec ses clercs
une hymne ou un cantique de la sainte Ecri-
ture, lequel étant fini, il baisait l'autel, et s'a-
dressant à celui qui demandait le baptême,
il lui disait : « Que demandez- vous? » Après
avoir répondu à cette demande en abjurant
son infidélité et en témoignant son désir
d'être fait participant des divins mystères,
l'évêque l'avertissait de la sainteté et de l'in-
nocence qui conviennent à un chrétien, et
lui demandait s'il était résolu de vivre de la
sorte. Le candidat ayant répondu qu'il y était
résolu, l'évêque lui mettait la main sur la
tête, et faisant sur lui le signe de la croix, il
disait à ses prêtres d'écrire le nom de cet
liomme et de son parrain. Gela fait, l'évêque
faisait une prière avec toute l'assemblée,
après laquelle il déliait les habits du candi-
dat et le faisait déshabiller par les diacres.
Ensuite on le tournait du côté de l'occident,
et les mains tournées du même côté, on lui
ordonnait de souffler trois fois contre Satan,
en prononçant à chaque fois les termes pres-
crits pour ce renoncement qu'on lui suggé-
rait. Puis on le retournait du côté de l'orient,
et lui faisant lever les yeux et les mains vers
le ciel, on lui commandait de se soumettre à
Jésus -Christ et à toutes les Ecritures don-
nées de Dieu. Ces cérémonies achevées, l'é-
vêque lui ordonnait de faire par trois fois la
profession de foi : après quoi il le bénissait,
lui imposait les mains et l'admettait au bap-
tême. Pendant que les diacres le déshabil-
laient, les prêtres apportaient l'huile sainte
avec laquelle l'évêque commençait l'onction
par trois signes de croix : puis il laissait aux
prêtres à oindre le catéchumène par tout le
corps. Pendant ce temps-là l'évêque allait à
la mère de l'adoption, c'est-à-dire aux fonts
baptismaux, dont il bénissait l'eau par de
saintes invocations et en y versant du saint
chrême par trois fois et toujours en forme de
croix, prononçant à chaque infusion une
hymne, apparemment un verset de quelques
cantiques des prophètes, Faisant ensuite
amener le catéchumène, et un prêtre ayant
proclamé son nom et celui de son parrain,
les prêtres le conduisaient dans l'eau vers la
main de l'évêque, qui était en un lieu un peu
élevé. Alors les prêtres qui étaient auprès de
lui, prononçaient à haute voix le nom de celui
qu'on devait baptiser, et l'évêque le plon-
geait trois fois dans l'eau, et l'en retirait
autant de fois, en prononçant sur lui le nom
des trois personnes de la sainte Trinité. Après
cela les prêtres tiraient hors de l'eau le bap-
tisé, le mettaient entre les mains de son par-
rain, qu'ils aidaient à lui mettre la robe qui
convient aux baptisés, c'est-à-dire la robe
blanche. Ils l'amenaient une seconde fois à
l'évêque, qui le signait du saint chrême et le
déclarait capable de recevoir l'eucharistie. »
Saint Denis, après avoir rapporté les cérémo-
nies du baptême, en donne l'explication, à la
fin de laquelle il remarque que l'on donnait
l'eucharistie au nouveau baptisé aussitôt
après son baptême.
10. « L'Eucharistie s'appelait le sacrement
des sacrements, parce qu'elle contient Jésus-
Christ, l'instituteur et le sanctificateur de
tous les sacrements, et de qui les autres sa-
crements ont la vertu de sanctifier. Une au-
tre raison de son excellence est que les évo-
ques, qui sont les princes de la hiérarchie, ne
font presque aucune fonction de leur minis-
tère sans le sacrement de l'Eucharistie. On
lui donne quelquefois le nom de communion
et de synaxe, parce qu'une de ses vertus est
d'unir les fidèles, et qu'elle est une occasion
de les assembler. L'évêque, voulant faire la
consécration, commence par faire une prière
à l'autel, puis il encense l'autel même, et
tournant tout autour du chœur, il l'encense
pareillement. Après quoi, retournant àl'autel,
il entonne des psaumes que les clercs chan-
tent avec lui. Cette mélodie finie, les minis-
tres font la lecture de quelque livre des sain-
Cérémonies
de la messe.
Cap. m, p.
243.
548
HISTOIRE GENERALE DES
tes Ecritures, laquelle étant achevée, on fait
sortir de l'église les catéchumènes, les éner-
gumènes et les pénitents, en sorle qu'il ne
reste à l'église que ceux qui sont dignes de
la vue et de la communion des divins mys-
tères. Entre les ministres de l'Eglise, les uns
se tiennent aux portes après les avoir fer-
mées, et les autres font les fonctions propres
à leur ordre. Ceux qui tiennent le premier
rang parmi ces ministres, c'est-à-dire les dia-
cres, mettent avec les prêtres sur le divin
autel, le pain sacré et le calice de bénédic-
tion : mais ils ne font cela qu'après que toute
l'assemblée a récité une hymne en commun
(par où quelques-uns entendent le symbole
de la foi). L'évéque fait après cela la sainte
prière, et donne la paix à tous. Pendant que
tous se la donnent mutuellement en s'em-
brassant, on lit d'une voix intelligible les sa-
crés volumes ou tablettes, c'est-à-dire les
diptyques. Puis l'évéque et les prêtres s'é-
tant lavés les mains, l'évéque se place au
milieu de l'autel, où les diacres et les prêtres
l'environnent. Après avoir récité l'hymne,
l'évéque consacre les très-divins mystères,
qu'il fait voir ensuite sous les symboles dont
ils sont voilés. 11 y participe lui-même et in-
vite les autres à les venir recevoir : après
quoi il rend des actions de grâces à Dieu.» Le
silence que l'on gardait encore sur la ma-
nière de consacrer l'eucharistie, fait que
l'auteur n'en parle qu'avec beaucoup de pré-
cision et en termes qui n'étaient intelligibles
qu'à ceux qui étaient instruits de ce mystère.
Il donne diverses exphcations de toutes les
choses qui se faisaient dans ce que nous ap-
pelons la messe, et il le fait dans le même
goût que celles qu'il a données sur les céré-
monies du baptême. Il y remarque que l'on
ne lisait les diptyques qu'après que l'évéque
avait donné la paix au peuple, et que ces
diptyques ou tables contenaient un éloge de
ceux qui avaient vécu saintement. 11 dit sur
la communion que l'on divisait en plusieurs
morceaux le pain consacré pour en commu-
nier ceux qui s'en approchaient, et qu'ils
prenaient tous dans un même calice la com-
munion du sang,
consécra- ^^- " ^^^ catéchumènes, les énergumènes
chrtm". ""'" ^^ 'ss pénitents avaient défense de se trouver
dans f église lorsque j'on consacrait le saint
chrême. Mais ils n'en sortaient qu'après que
l'évéque en avait fait le tour en l'encensant,
et que l'on avait tini le chant des psaumes
et la lecture des Livres saints. L'évéque pje-
AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nait le chrême et le meltiiit sur l'autel, qui
était couvert de douze saintes ailes qui l'en-
touraient. Pendant ce temps-là tous les assis-
tants chantaient le sacré cantique que nous
avons des prophètes inspirés de Dieu. L'évé-
que disait une prière destinée à la consécra-
tion du saint chrême, dont il usait ensuite
presque dans toutes les consécrations des
choses saintes, surtout dans la consécra-
tion des ministres de la hiérarchie. L'usage
était de l'appliquer ou de le répandre en
formant le signe de la croix. Le saint chrême
avait encore lieu dans la consécration des
autels. ))
12. (( Comme il y a trois degrés dans la hié- cérémo
rarchie ecclésiastique, l'épiscopat, le près- lioa. "
bytérat et le diaconat, il y a aussi trois fonc- j^'^'p-^-i
tiens distinguées les unes des autres : lapre-.
mière est l'expiation de ceux qui sont initiés,
c'est-à-dire régénérés dans les eaux du bap-
tême; l'illumination des baptisés et leur
perfection. L'expiation se fait par le minis-
tère des diacres, lorsqu'ils catéchisent ceux
que l'on destine au baptême; l'illumination,
par le ministère des prêtres qui les baptisent,
et la perfection, par le ministère de l'évéque
qui les confirme et leur administre l'eucha-
ristie. La consécration de l'évéque se fait en
cette manière. Celui qui se présente pour
éire sacré, fléchit les deux genoux devant
l'autel, ayant sur sa tête le hvre des saints
évangiles. L'évéque qui le sacre lui met
aussi sa main droite sur la tête et le consacre
en disant sur lui de saintes oraisons. A l'é-
gard du prêtre qui doit être ordonné, il flé-
chit les deux genoux devant l'autel, et l'évé-
que, ayant mis la main droite sur sa tête,
prononce sur lui les prières de l'ordination.
Le diacre ne fléchit qu'un genou devant l'au-
tel; mais l'évéque l'ordonne en mettant sa
main droite sur sa tête et en disant sur lui
les oraisons propres à la consécration des
diacres. Dans chacune de ces ordinations,
l'évéque forme le signe de la croix sur celui
qui est ordonné; il déclare qu'il en est digne
et l'embrasse, ce que font aussi tous les ec-
clésiastiques qui sont présents à l'ordination.»
L'auteur explique toutes ces cérémonies, et
il en use toujours de même dans toutes celles
dont il parle.
13. Il distingue trois ordres parmi ceux
qui sont initiés ou qui doivent l'être. «Le pre- s?!» bïjé]
mier comprend ceux qui ont besoin d'expia- moioe.
tion; tels sont les catéchumènes, les pé- 32?!'''"''
cheurs, les énergumènes et les pénitents, à
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
549
qui il n'est pas permis d'être présents à la
célébration des mystères, jusqu'à ce qu'ils
aient été expiés ou purifiés par les diacres,
à qui il appartient de chasser les esprits im-
mondes et de disposer les fidèles à recevoir
dignement les sacrements. Cet ordre est le
plus bas de tous. Le second comprend les
laïques qui sont baptisés et qui vivent dans
la piété. Il leur est permis d'assister et de
participer aux saints mystères. Le troisième,
qui est le plus excellent des ordres inférieurs,
est celui des moines, ainsi appelés à cause
de leur vie retirée et innocente. «Ils sont aussi
nommés Thérapeutes par les anciens, parce
qu'ils sont des serviteurs déclarés de Dieu.
qui ne préfèrent rien à son service. « Celui
qui veut s'engager dans cet ordre, y est ad-
mis, non par l'évêque, mais par un prêtre,
parce qu'il ne doit pas être consacré comme
les ordres supérieurs, mais seulement béni.
Le prêtre, étant debout devant l'autel, ré-
cite la prière propre à cette bénédiction,
pendant laquelle celui que l'on bénit, se tient
debout derrière le prêtre. On ne lui met pas
sur la tête le livre des saintes Ecritures : le
prêtre se contente de dire sui- lui les orai-
sons propres à celte bénédiction. Après qu'il
les a achevées, il lui demande s'il renonce à
toutes les façons de vie des gens du siècle,
et même aux pensées qui peuvent s'en pré-
senter à son esprit. Ensuite il lui explique
en quoi consiste la perfection de l'état qu'il
embrasse , et l'avertit de l'obligation qu'il
contracte de s'élever au-dessus de la vie mé-
diocre. L'initié ayant témoigné qu'il y est
résolu, le prêtre fait sur lui un signe de croix,
lui coupe les cheveux en invoquant les trois
personnes divines, lui ôte son habit et lui en
donne un autre. Après quoi il l'embrasse et
lui donne la sainte communion. Tous ceux
qui sont présents l'embrassent aussi. «On ne
trouve rien de semblable pour la consécra-
tion des Thérapeutes dont parle Philon.
Ainsi c'est inutilement que les aréopagites se
servent de son témoignage , pour montrer
que saint Denis a pu parler des moines et de
leur initiation à l'état monastique.
Cérémonies ^4. « La différence qu'il v a entre la mort
°"- des justes el celle des pécheurs, c'est que
iag.347.^"' ceux-ci la craignent comme devant être sui-
vie des supplices qu'ils ont mérités par leurs
péchés, et que ceux-là la désirent comme la
fin de leurs travaux et le commencement de
leur bonheur. Quand elle est arrivée, les pa-
rents du défunt l'en félicitent, parce qu'il est
parvenu à la couronne et à la récompense
due à ses victoires, et ils en chantent des
cantiques d'actions de grâces à Dieu, souhai-
tant eux-mêmes un pareil sort : ensuite, pre-
nant le corps, ils le portent à l'évêque, qui
assemble son clergé pour les funérailles. Si
le défunt avait été dans les ordres sacrés,
l'évêque met son corps devant l'autel; mais
s'il était moine ou du nombre des fidèles, il
le met dans le vestibule du presbytère, puis
il fait une prière à Dieu en actions de grâces.
Après cela les diacres lisent à haute voix les
endroits des divines Ecritures où sont rap-
portées les promesses certaines de notre ré-
surrection. Ils chantent ensuite les psaumes
qui sont sur le même sujet. Alors l'archidia-
cre renvoie les catéchumènes, parce qu'il ne
leur est pas permis d'assister à aucune par-
tie de nos mystères : puis il nomme les saints
qui sont déjà morts, et nomme après eux le
défunt, comme pour le leur associer, et il
exhorte les assistants à demander pour lui
une fin heureuse en Jésus-Christ. Après quoi
l'évêque s'approche du corps, fait sur le dé-
funt une prière et le salue, ce que tous les
assistants font aussi après lui. Ensuite l'évê-
que verse sur le corps de l'huile sainte, et
après avoir fait une prière, pour toute l'as-
semblée, il met le corps dans un lieu décent,
avec les corps saints des autres qui ont été
de même ordre. La raison de répandre de
l'huile sur le mort, est qu'en ayant été oint
dans le baptême pour le préparer au combat,
on l'en oint après sa mort, pour marquer
qu'il a fini ses combats. «Saint Denis ne rap-
porte aucune des paroles dont on se servait
dans les consécrations, disant qu'il n'était
pas permis de les mettre par écrit, de peur
qu'elles ne devinssent publiques. Les païens
trouvaient mauvais que les chrétiens don-
nassent le sacrement de baptême, et même
la sainte eucharistie aux enfants, incapables
d'entendre les choses divines. Ils tournaient
en dérision l'usage de leur faire renoncer
par d'autres à Satan, et la profession de foi
que doivent faire ceux que Ton baptise.
Saint Denis répond qu'on ne faisait rien à
cet égard dans l'église, que suivant la tradi-
tion primitive, c'est-à-dire celle qui avait
pris naissance dès le temps des apôtres, et
que dès lors on était persuadé que les en-
fants élevés dans la loi sacrée, parviennent
à une sainte habitude, sans tomber dans l'er-
reur et sans courir le risque d'une vie im-
pure; que dans cette pensée ces divins mai-
S50
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Analyse dn
livre (les
Noms divins,
pag. 3i5.
Cap. I .
très avaient jugé qu'il était à propos de re-
cevoir au sacrement de baptême les enfants
en cette sainte manière. Le père et la mère
doivent mettre leurs enfants entre les mains
d'un des fidèles qui, étant bien instruit des
choses divines, les puisse apprendre à l'en-
fant du soin duquel il doit être chargé à l'a-
venir comme son père spirituel. Lors donc
que cet homme présente l'enfant pour le
baptiser, l'évêque, après avoir su de lui qu'il
s'engage d'instruire cet enfant et de le for-
mer à la piété, il exige de lui les renonce-
ments et la profession de foi ordinaire. Le
parrain ne dit pas ; « Je fais pour l'enfant les
renoncements ou les saintes professions; »
mais il assure que l'enfant même les fait, ce
qui est comme s'il disait : a Je promets que
lorsque l'enfant sera en âge d'entendre les
choses saintes, j'aurai soin, par mes instruc-
tions, de le faire renoncer à tout ce qui est
contraire à la sainteté de son état, et de lui
faire accomplir les promesses divines que je
fais maintenant en son nom. n A l'égard de
la sainte eucharistie que Tévêque donne à
l'enfant, c'est pour le nourrir de cette nour-
riture divine, aiin qu'à l'avenir il ne mène
point d'autre vie que celle qui s'occupe de
la contemplation des choses divines, et qu'il
y fasse du progrès sous la discipline de son
parrain.
15. Dans le traité des Noms divins, qui est
encore adressé au prêtre Timothée, saint
Denis déclare qu'il n'avancera rien sur cette
matière que ce qu'il en aura trouvé dans les
divines Ecritures. II enseigne que les noms
absolus qui sont donnés à Dieu, à raison de
sou essence, tels que sont ceux de bon, de
Seigneur, de vivant, de sage, et autres sem-
blables, appartiennent également aux trois
personnes de la sainte Trinité; que ceux qui
ne conviennent qu'à l'une des trois Person-
nes, comme sont les noms de Père, de Fils
et de Saint-Esprit, ne doivent pas se dire de
toutes les personnes, mais seulement de cel-
les à qui ils sont propres. Qu'il en est de
même de la substance humaine de Jésus-
Christ et de tous les mystères qui ont un
rapport essentiel à ces substances; qu'on ne
peut les attribuer ni au Père ni au Saint-Es-
prit, mais au Fils seul à qui l'incarnation est
propre. Jérothée, qu'on suppose avoir été le
précepteur de saint Denis, avait déjà tra-
vaillé sur la même matière, et son disciple
promet de ne point répéter ce qu'il en avait
dit. Il explique de suite tous les noms que
l'Ecriture donne à Dieu, et commence par
celui de bon et de bonté. D'où il prend occa-
sion de traiter de la nature et de l'origine
du mal, montrant que le mal, non-seulement
n'est pas dans Dieu, mais qu'il n'en vient
pas, et que les démons mêmes ne sont pas
mauvais de leur nature. Il réfute les discours
de ceux qui se plaignaient de ce que Dieu,
qui prévoit tout et qui peut tout, permettait
le mal, et de ce qu'il ne nous contraignait
pas à pratiquer la vertu. « El n'est pas, dit-il,
de la divine Providence de violer les lois de
la nature : Dieu gouverne toutes choses de
la manière qu'il convient à chacune d'être
gouvernée. Le nom à-'être lui est donné ,
parce qu'il existe véritablement, et que tous
les autres tiennent de lui leur existence. Il
est appelé vie comme étant la source de
toutes les vies, de celle des anges, de leur
incorruptibilité , de l'immortalité des hom-
mes, de la vie des animaux et des plantes.
On le nomme sagesse, parce qu'il est la sa-
gesse même, la source de toute sagesse et
an-dessus de toutes intelligences. Le nom de
Verbe ou Parole lui est donné, parce que
c'est lui qui donne la parole, l'esprit et la
sagesse, et encore parce qu'il renferme en
lui-même les causes de toutes choses avant
qu'elles existent, et qu'il pénètre partout.
Dieu est aussi appelé jouissance, parce qu'il
contient d'une manière suréminente toutes
puissances, qu'il en est la cause, et qu'il pro-
duit tout avec une puissance infaillible et
infinie. Il est dit juste, comme donnant à
chaque chose ce qui lui convient : ce qu'il
fait avec tant d'équité, que rien ne manque
à aucun être de ce qui lui est dû. » Saint
Denis explique de la même manière les au-
tres noms que l'Ecriture donne à Dieu ,
comme celui de grand, de parfait, d'ancien
des jours. Ce dernier nom est donné à Dieu,
parce qu'encore qu'il soit avant l'âge et le
temps, il est l'âge et le temps de toutes cho-
ses. Il est appelé un, parce qu'il est lui seul
toutes choses, et que c'est de lui que chaque
chose est une. Le terme de trinité marque
ce qu'il y a de fécond en Dieu. L'auteur finit
cet ouvrage en s'excusaut de n'avoir pas
expliqué les noms de Dieu selon leur dignité,
ni avec la même suffisance que d'autres l'a-
vaient fait avant lui, et dit que s'il y a quel-
que chose de bon dans ce qu'il en a dit, on
doit l'attribuer à Dieu, de qui tout bien pro-
cède. 11 promet de traiter de la théologie
mystique.
[V= SIÈCLE.]
CHAPITRE XXXIX. — SAINT DENIS L'ARÉOP AGITE.
551
Cap. I.
■16. Après avoir invoqué dans ce livre le
secours de la sainte Trinité et l'avoir sup-
plié de l'élever à l'émineut degré où Dieu
découvre aux âmes pures ses divins secrets,
il avertit Timothée que ce n'est que par le
dégagement des choses sensibles et de soi-
même, que l'on s'élève à la contemplation
de la divine obscurité, c'est-à-dire de l'in-
compréhensibilité de Dieu. Il le prie de ne
point répandre cette théologie mystique en
présence de ceux qui ne peuvent se persua-
der qu'il y ait quelque chose au-dessus des
êtres naturels et sensibles, ou qui ne croient
point que Dieu soit plus excellent que les fi-
gures sous lesquelles ils le représentent; au
lieu qu'ils devraient reconnaître qu'il est le
principe de toutes choses, avant et au-dessus
d'elles. 11 prétend que c'est ce qu'a voulu
dire le divin Barthélémy, en ces termes :
« La Théologie est copieuse et petite : l'E-
vangile est grand, ample et néanmoins rac-
courci. » Les aréopagites concluent de là
que l'apôtre saint Barthélémy avait composé
quelque ouvrage sur la théologie mystique.
Saint Denis donne pour principe que comme
ceux qui ont une statue, retranchent de la
matière tout ce qui peut empêcher de voir
la figure, nous devons, en nous appliquant
à connaître Dieu, commencer par retrancher
toutes les idées des choses basses, et lui at-
tribuer ensuite les plus excellentes. Il rap-
porte ce qu'il avait dit dans un autre ouvrage
intitulé : Hypolijpose théologique, de l'Unité et
de la Trinité de Dieu; la manière dont il avait
expliqué ses perfections dans le livre des
Noms divins, et ce qu'il avait dit dans celui
de la Théologie symbolique, pour expliquer les
difïéientes figui-es sous lesquelles Dieu nous
est représenté dans l'Ecriture. De ces trois
ouvrages, le premier et le dernier sont per-
dus. Il enseigne que quand ou loue Dieu en
des termes positifs, comme lorsqu'on dit
qu'il est. vie, bonté, esprit, air, etc., il faut
commencer par les choses les plus excellen-
tes, parce qu'elles conviennent plus à Dieu ;
et que quand on le looie en termes négatifs,
on doit commencer par les choses les plus
basses, parce qu'elles lui conviennent moins ;
ainsi l'on dit : Dieu ne s'enivre point, il ne se
fâche point, il n'est point compréhensible. Il
rapporte divers exemples de ces perfections
négatives, et fait voir que Dieu n'est rien de
sensible, ni aucune des choses créées qui
sont spirituelles et intelligibles, mais qu'il
est au-dessus de tout ce que nous connais-
sons en ce genre.
17. Nous avons douze lettres sous le nom Leiire. ho
de saint Denis l'Aréopagite, dont les quatre "a'g.Sei.'""'
premières sont adressées au moine Caïus.
Il montre dans la première que toute la con-
naissance que nous avons de Dieu, nous l'a-
vons par les créatures qui font son ouvrage ,
et que l'on ne peut mieux comprendre Dieu
qu'en comprenant qu'il est incompréhensi-
ble. Il dit dans la seconde que l'on peut dire
que Dieu est tellement au-dessus de toutes
choses, qu'il est au-dessus même du principe
de la divinité, si, par le terme de principe,
on entend le don divin qui divinise en quel-
que sorte les anges et les saints à qui il est
donné. Dans la troisième, il explique ce que
signifie le mot subitement, dont le prophète
Malachie se sert en parlant de 'l'incarnation, Mauc m. i.
et dit qu'il marque, en général, la manière
dont une chose arrive, lorsqu'étant inconnue,
elle parait subitement : mais, à l'égard de
l'incarnation, ce terme pourrait bien signifier
que Dieu, en se faisant chair, a paru comme
un d'entre nous, et que, nonobstant cette ap-
parition, il est toujours caché par rapport à
nous, le mystère de son incarnation étant
ineffable. [1 fait voir dans la quatrième qu'en-
core que Dieu ait pris notre nature, il est
toutefois au-dessus de la nature humaine, et
quoiqu'il soit au-dessus de l'homme, il fait
néanmoins ce qui est propre à l'homme. Cela
paraît par la manière surnaturelle dont il est
né d'une vierge et dont il a marché sur les
eaux. Par une suite d'union des deux natures
en une seule personne, il n'a point, comme
Dieu, opéré les choses divines; ni, comme
homme, les choses humaines : mais étant
Dieu-Homme, l'opération qu'il faisait en vi-
vant avec nous, était une nouvelle opération
qui était théandrique, c'est-à-dire divine et
humaine. Dans la cinquième, qui est au dia-
cre Dorothée, il explique ce que c'est que la
divine obscurité qui rend Dieu invisible : et
prétend qu'il faut entendre par là la lumière
inaccessible où Dieu, selon saint Paul, fait i Tim. vr,
sa demeure. La sixième est au prêtre Sosi-
pater. Il lui dit que la victoire ne consiste pas
à invectiver contre l'opinion de nos adver-
saires, mais à soutenir la vérité par des ar-
guments si solides, qu'on ne puisse les ré-
futer. Il fournit dans la septième, à l'évêque
Polycarpe, divers arguments pour combattre
Apollophanès et l'amener à la connaissance
55â
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSlASTIQUESo
de la vraie religion. Tl tire ces arguments du
prodige qui arriva lorsque Josué fit arrêter
le soleil et la lune un jour entier, ainsi qu'il
est rapporté dans le chapitre x« de Josué ;
et d'un autre, lorsqu'à l'invocation du pro-
Lib. IV Reg. pliète Isaïe, Dieu fit durer un jour autant que
trois autres, comme il est rapporté dans le
Cap. XX. quatrième livre des Rois. Mais parce qu'A-
pollophanès^ qui était païen, aurait pu rejeter
ce que l'Ecriture dit de ces prodiges, saint
Denis rapporte l'éclipsé qui arriva à la pas-
sion de notre Sauveur. « Alors, dit-il, Apol-
lophanès et moi, nous étions ensemble à Hé-
liopolis : nous vîmes la lune se mettre au
devant du soleil; ce que nous n'eussions
jamais cru possible, car ce n'était point le
temps de la conjonction. Ensuite, sur la neu-
vième heure du jour, nous la vîmes d'une
manière surnaturelle, retourner à sa place à
l'opposite du soleil. Qu'ApoUophanès se sou-
vienne d'une autre chose que nous remar-
quâmes dans cette éclipse, qui est que la
lune commença à se mettre au devant du
soleil par le côté oriental du soleil, et conti-
nua de passer devant lui jusqu'à ce qu'elle
fût arrivée au côté occidental : après quoi
elle revint au côté oriental, retournant sur
ses pas pour reprendre la place qu'elle avait
auparavant. Tous ces choses sont surnatu-
relles, et il n'y a que Jésus-Christ, l'auteur de
toutes choses, à qui elles soient possibles. »
Il veut que Polycarpe presse encore Apollo-
phanès, sur ce qu'il avait dit en admirant ce
prodige : « Mû de je ne sais quel esprit, et
devinant ce qui se passait, il prononça ces
mots qui tiennent de l'oracle : Ce sont là des
vicissitudes de choses divines. » La huitième
est écrite au moine Démophile. C'est une
correction que lui fait saint Denis sur la ma-
nière dure dont il avait traité un prêtre et
un pénitent. Démophile ayant trouvé dans le
sanctuaire un laïque qui se confessait à un
prêtre, les en chassa tous les deux après
avoir frappé le pénitent sur la joue et mal-
traité de paroles le prêtre. Saint Denis, après
lui avoir représenté la douceur de Moïse et
des autres anciens patriarches et celle de Jé-
sus-Christ même, lui dit qu'il ne lui avait pas
été permis, n'étant que moine, de corriger
un prêtre, quelque impiété qu'il parût com-
mettre contre les choses divines, les règles
de l'Eglise voulant qu'il y eût de la subordi-
nation dans tous les ordres, en sorte que le
moine convaincu de faute en pût être repris
par un diacre, le diacre par un prêtre, et le
prêtre par l'évêque. Il lui fait voir qu'il n'a-
vait pu, sans une grande inhumanité, chasser
ce pénitent qui confessait ses péchés, et lui
cite sur ce sujet une vision qu'avait eue un
saint homme nommé Carpus, dans laquelle
Jésus- Christ, en lui reprochant sa dureté
envers les pécheurs, l'avait pris par la main
en lui disant, qu'il était prêt à souffrir une
seconde fois la mort pour leur salut. Il re-
marque dans la neuvième, à l'évêque Tite,
que lorsque la sainte Ecriture nous dépeint
Dieu avec des figures terrestres et grossières,
ce n'est que pour cacher aux hommes pro-
fanes les choses saintes dont ils ne sont point
capables, et afin qu'elles ne soient enten-
dues que des personnes spirituelles qui sa-
vent s'élever au-dessus des sens. 11 explique
d'une manière mystique toutes ces figures,
et renvoie à son livre de la Théologie symboli-
que, l'explication que Tite lui avait demandée
de la maison de la sagesse, de sa coupe, de
sa viande et de son breuvage. Dans la
dixième, qui fut écrite à saint Jean lors de
son exil dans l'île de Pathmos, il assure cet
apôtre de la liberté et de son retour en Asie,
pour y servir de modèle de perfection tant à
ceux qui vivaient encore, qu'aux autres qui
devaient venir dans les siècles suivants. A
ces dix lettres on en joint une dans h. Biblio-
thèques des Père de Lyon, que l'on dit avoir
été traduite autrefois par Hilduin, abbé de
Saint-Denis. Mais elle ne se trouve dans au-
cun recueil des livres qui portent le nom de
saint Denis l'Aréopagite. Il paraît aussi que
saint Maxime et PacRymère ne la connais-
saient pas, puisqu'ils ne l'ont point expliquée :
elle est d'ailleurs d'un style tout différent
des dix lettres dont nous venons de parler.
La conversion du philosophe Apollophanès
en fait le sujet. L'auteur le félicite d'avoir
embrassé la foi de Jésus-Christ et lui témoi-
gne être d'autant plus sensible à son chan-
gement, qu'il avait été plus longtemps dans
l'erreur.
18. Outre les livres qui nous restent sous ^^^^^^
le nom de saint Denis , il y en avait d'autres p"''"=-
qui ne sont pas venus jusqu'à nous et qui
sont cités dans ceux que nous avons, savoir :
une Théologie symbolique ' , un traité de l'Ame-,
' Lib. de Cœlest. hierarch., cap. sv.
Lib. de Divin, nominibus, cap. IV.
[VI' SIECLE.]
des Hypotiposes ou Informations * , des Hymnes
divins -, un traité du Juste jugement de Dieu ^,
un traité des Choses qu'on connaît par l'esprit
etpar les sens*, unliyre de la Hiérarchie légale^
et les Actes de saint Eutrope ^, avec une lettre
au pape Clément. Quelques-uns mettent en-
tre les livres perdus un traité des Propriétés
et des Ordres des anges ; mais il parait que l'on
doit entendre par là ce qui en est dit dans le
livre de la Hiérarchie céleste.
19. La plus ancienne édition grecque des
ouvrages attribués à saint Denis, est celle qui
fut faite à Florence en 1516, chez Junte, avec
un glossaire pour l'explication des termes dif-
ficiles ; elle fut suivie de celles de Bâle en 1 539,
de Cologne en 1546, de Paris, en 1565, de Ve-
nise en 1558, de Paris en 1562, chez Morelle;
les éditions latines sont de Paris en 1515, chez
Henri Etienne, de la version d'Ambroise Ca-
maldule , et avec les notes de Lefèvre d'E-
taples, et le commentaire de Clichtou; de
Strasbourg, en 1546, de la version de Clause-
rue; de la même ville, en 1498 et 1502, de
Paris en 1505, d'Alcala en 1504 , de la tra-
duction de Ficin. Jean Scot-Erigène avait tra-
duit, plusieurs siècles auparavant, les ou-
vrages de saint Denis ; sa version, avec celles
de Pierre Sarrasin, d'Ambroise, Camaldule, et
de Ficin, furent imprimées à Cologne en 1546.
Périonius en fit une autre qui fut mise sous
presse à Strasbourg en 1557, et à Lyon en
1585. Le père Lanssélius, jésuite, en fit une
édition grecque et latine, qui vit le jour à
CHAPITRE XL. — SAINT AVIT, ÉVEQUE.
^53
Paris en 1615; nous en avons une autre du
père Cordier, aussi jésuite, à Anvers en \ 633,
et à Paris en 1644, chez Chaudière. [Cette
édition a été réimprimée à Venise en 1755-
56, deux tomes in-fol., par Bern. de Rubéis,
qui ajouta une dissertation préliminaire. Les
tomes m et IV de la Patrologie grecque re-
produisent cette édition.]
Le livre de la Théologie mystique et celui
des Noms divins furent imprimés à Venise
en 1538, traduits et expliqués par Marsile
Ficin, et réimprimés avec ses ouvrages, ci
Bâle en 1576. On imprima en la même ville
le livre de la Hiérarchie ecclésiastique, traduit
enlatinenl539. L'Epitreà Polycarpesetvouve
parmi celles des saints Pères, de l'édition de
Charapérius, en 1516, et avec celles de saint
Ignace, à Anvers en 1 540, et à Venise en 1 546;
les œuvres de saint Denis ont été placées dans
les Bibliothèques des Pères ; dans celle de Co-
logne, on a suivi l'édition de Lanssélius, et
celle du père Cordier dans la Bibliothèque des
Pèi-es de Lyon. Le père Pierre-Joseph Cor-
tasse, jésuite, mort à Lyon en 1740, a traduit
en français le traité des Noms divins, avec des
notes critiques , philosophiques , historiques
et dogmatiques, in-4°, à Lyon en 1739. Dans
sa préface, il s'efforce de prouver que cet
ouvrage est de saint Denis l'Aréopagite. [Les
œuvres de saint Denis ont été traduites du
. grec en français par M. l'abbé Darboy, Paris
1845; elles sont précédées d'une introduction
où l'on discute l'authenticité de ces livres.]
CHAPITRE XL.
Saint Avit, évêque de Vienne
[En 518 ou 523.
1. Avitus , qui se nomme aussi Alcimus et
Ecditius dans une de ses lettres ^, était d'une
famille patricienne d'Auvergne et fils du sé-
nateur Hésychius. Il prend lui-même la qua-
lité de sénateur dans la lettre qu'il écrivit aux
premiers du sénat de Rome ', à l'occasion du
jugement que l'on rendit en cette ville en fa-
veur du pape Symmaque. Sa mère, nommée
Audence, eut de son mariage avec Hésychius
quatre enfants : deux garçons et deux filles.
' Lib. de Divin, nonmiibus, cap. I et ii.
2 Lib. de Cœlest. hierarch., cap. vn.
" De Divin, nominibus, cap. iv.
' Lib. de Ecclei. hierarch., cap. I et Jl.
* Ibid., cap. m. — s Tom. II oper. Dionyg., p. 378.
' Sur saint Avit, voyez Défense de l'Eglise contre
les erreurs historiques, par l'abbé Gorini, tome I.
[L'éditeur.)
8 Apud Ennod., in Vit. Epiph., pag. 1686.
s Avit., Epist. 31.
su
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
evequo en
400.
Avit était le puîné, et Apollinaire l'ainé. Avit
fut régénéré en Jésus-Clirist dans le saint
baptême par saint Mamniert, alors évéque de
Vienne *. Ce saint étant mort, Hésychius, qui
avait embrassé le parti de la continence avec
sa femme , fut choisi pour remplir le siège
épiscopal de Vienne. Il y avait alors en cette
ville un rhéteur célèbre nommé Sapande. Ce
fat sous lui, sans doute, qu'Avit se forma
dans les belles-lettres. Il joignit à l"Iude de
l'éloquence et de la poésie une piété solide,
dont il avait reçu les premiers éléments dans
la maison paternelle.
2. Après la mort d'Hésychius, son père, ar-
rivée en 490, on le choisit pour son succes-
seur. Il porta avec lui sur le siège épiscopal
de Vienne toutes les vertus que saint Paul
demande dans un évêque, et surtout une foi
vive, un zèle ardent pour les intérêts de la
l'eligion et une charité qui le rendit toujours
attentif au salut de ses peuples. Saint Epi-
phane , évêque de Pavie ^, étant venu à la
cour des rois de Bourgogne, en 494, pour
racheter les captifs que les Bourguignons
avaient faits dans la Ligurie, employa à leur
rançon tout l'argent que le roi Théodoric lui
avait fourni ; mais la somme ne suffisant point,
saint Avit suppléa au reste avec une dame
nommée Syagria, qui passait alors pour le
trésor de l'Eglise dans le pays. La réputa-
tion de piété et de savoir que saint Avit s'ac-
quit dans le gouvernement de son Eglise
lui mérita l'estime de Gondebaud , roi des
Bourguignons, quoique arien, et la confiance
de Clovis, roi des Français, avant même que
ce prince eîit embrassé la religion chrétienne.
Gondebaud voulant retirer, ou du moins ga-
rantir l'empereur Anastase de l'erreur d'Eu-
tychès, choisit saint Avit pour tirer de l'Ecri-
ture les preuves les plus convaincantes et les
plus propres pour détruire cette erreur, dans
le dessein de les envoyer en Orient. Il con-
sentit même à une conférence^, qui se tint à
Lyon, en 499, entre les évêques catholiques
et les ariens. Ce fut saint Avit qui porta la
parole , et il le fit avec tant de suffisance, qu'il
réduisit ses adversaires à ne pouvoir répon-
dre que par des clameurs et par des injures.
Il contribua beaucoup, par ses soins et ses
exhortations, à la conversion du roi Sigis-
mond, et ce fut lui qui engagea ce prince à
rétabhr le monastère d'Agaune ou de Saint-
Maurice-en-Valais. Le détail de ses lettres
nous apprendra quelle part il eut aux affaires
de toute TEgiise, et particulièrement à ceUe
des Gaules. Il mourut à l'âge de soixante-
treize ans, le 3 février, jour auquel l'Eglise
célèbre sa mémoire. L^historien de sa vie *
dit qu'il mourut sous l'empire d'Anastase, en
318. D'autres reculent sa mort jusqu'après
cefie de Sigismond, arrivée en 322; mais ils
n'en donnent point de preuves. Sa dernière
lettre, dans l'ordre qu'on nous les a données,
est de 317. Ennode de Pavie le qualifie très-
excellent entre les évêques des Gaules ^. Il
dit de lui que l'érudition semblait l'avoir
choisi pour en faire le liou éclatant de sa de-
meure.
3. Nous avons de lui un grand nombre de
lettres ^, des homélies et des poèmes. Sa pre-
mière lettre est adressée au roi Gondebaud'.
Ce prince lui avait proposé deux questions :
l'une, sur le sens de ces paroles : Si un homme
dit à son père ou à sa mère : Tout don que je
fais à Dieu vous est inutile, il satisfait à la
loi, et vous ne permettez pas qu'il fasse rien da-
vantage pour son père ou pour sa mère ; l'autre,
sur la divinité du Saint-Espi'it. Saint Avit ré-
pond que le terme corban, que nous rendons
en notre langue par don, signifie, dans la
langue hébraïque, le présent que l'on offrait
à Dieu par dévotion , et que la suite du pas-
sage marque que les scribes et les pharisiens
que Jésus-Christ fait parler en cet endroit.
Marc.
Il el 12.
' Avit., de Rogat., pag. 136.
2 Ennod., in Vit. Epiph., pag. 1685, 1986.
s ïom. IV ConciL, pag. 1318.
'■> Bolland., ad diem 5 febr., pag. 668.
^ Dédit eliam prcesiantissimus inier Gnllos Avifus,
Viennensis episcopus, in quo se perifia velut in diver-
sorio lucidœ domus inclusit. Ennod., in Vit. Epiph.,
pag. 1686.
6 L'édition de Sirmond renferme quatre-vingt-huit
épîtres de saint Avit. Baluze en a édité quatre autres
dana ses Miscellanea , Lucques 1761, tome II, page
940. La première de ces quatre est à Gondebaud, qui
avait demandé au saint évêque l'explication des pa-
roles rapportées dans l'Evangile : Ecce nos reliquimus
omnia, et secuii sumus te (Mat. SIX, 27), et ces autres :
Omnis qui religueritdomum,aut fratres, etc. Ibid. 29.
La seconde est adressée à un homme illustre, nommé
Arigius ; saint Avit s'excuse de n'avoir pu assister à
la solennité des apôtres à Vienne. La troisième est
adressée à Févêque Etienne. La quatrième est à l'é-
vèque Grégoire et toutes deux sont très-courtes;
elles sont ti l'occasion des fêtes. Une autre lettre se
trouve à la tête des poèmes sur l'Histoire de Mme
et une autre à la tête du poème à sa sœur. Il y a
enfin la lettre du pape Symmaque, ce qui porte les
lettres à quatre-vingt-quinze. Mais il y en a sept
écrites sous un autre nom. Il ne reste donc que
quatre-vingt-sept lettres du saint è-^è^aa. {L'éditeur.)
i Tom. II oper. Sirmond., pag. 1 edit. 1696.
[Vl= SIÈCLE.]
CHAPITRE XL. — SAINT AVIT, ÉVÊQUE.
enseignaient, par une vue d'intérêt, que lors-
qu'on otîrait à Dieu quelque chose, il n'était
pas besoin de s'inquiéter si ce que l'on offrait
était nécessaire à la subsistance de son père
ou de sa mère; en quoi ils allaient contre le
précepte de Dieu , qui veut que nous hono-
rions nos pères et mères , non-seulement de
paroles, mais d'effet. Saint Avit, faisant allu-
sion au ternie de l'Evangile en cet endroit, y
trouve l'origine de la formule : Ite missa est,
dont il dit que l'on se servait, soit dans les
palais des princes, soit dans les salles de pré-
toire, soit dans les églises pour congédier le
peuple lorsque l'assemblée était finie. Il dit
encore que le terme radia, dont Gondebaud
lui avait apparemment demandé la significa-
tion, veut dire en hébreu, comme en latin et
en grec , vide , et que Dieu défend d'appeler
nos frères de ce nom, parce que c'est un op-
probre d'appeler vide celui qui n'est pas vide
du salut. Sur la seconde question, il répond
que les évêques ariens l'avaient trompé en
lui faisant entendre que Dieu avait soufflé
Tesprit dans l'âme de l'homme; au lieu qu'il
est écrit que Dieu répandit sur le visage de
l'homme , qu'il avait formé du limon de la
terre, un souffle de vie, et que par là l'homme
reçut l'âme et la vie. L'incorporel peut ré-
pandre le souffle de vie, mais souffler ne se dit
que de ce qui est incorporel. Le saint fait donc
voir que l'esprit de vie que Dieu inspira au
premierhommen'étaitpasla substance même
du Saint-Esprit, mais l'âme qui devait animer
le corps de l'homme, et que l'Ecriture appelle
le souffle de vie. Autrement il faudrait dire
que c'est l'Esprit saint qui pèche dans nous,
et que nous demandons pour lui la rémission
de ses péchés, lorsque nous prions pour les
esprits des morts ', ce qui ne peut se dire
sans blasphème. Il dit que jusqu'ici personne
n'a distingué le Saint-Esprit de l'Esprit con-
solateur, et qu'il y a cette différence entre l'es-
prit de l'homme , c'est-à-dire le souffle qui
l'anime et l'Esprit divin, que l'un commence
par la création, et que l'autre s'accorde par
bonté. Il presse le roi de ne plus permettre
aux évêques ariens de prêcher en sa présence,
puisqu'ils refusaient de s'instruire eux-mêmes
de la vérité; de se séparer d'eux, puisqu'ils
ne voulaient point professer la même doc-
' Si prœventus carnalUer peccat spiriius humanus,
Spiriius Sanctus in eo peccare dicendus est : vel cerie
Spirilui Sanclo remissionem dari poscimus , cuni pro
defunciorum spiritibus supplicamus. Avil., Epist. 1
ad Gundobald.
S55
trine que lui et professer ouvertement la foi
catholique.
4. Ce prince aimait en effet la vérité, mais
il n'avait pas le courage d'abandonner ouver-
tement l'arianisme, quoiqu'il se déclarât con-
tre les autres hérésies. Il était lié d'amitié
avec l'empereur Anastase , et , voulant faire
voir qu'il lui était dévoué non-seulement par
rapport aux affaires civiles, mais aussi à l'é-
gard de celles de son salut, il conçut le des-
sein de lui envoyer un écrit où l'hérésie d'Eu-
tychès fût combattue par les preuves les plus
fortes de l'Ecriture. Ce n'est pas qu'il crût
Anastase engagé dans l'erreur; mais il crai-
gnait qu'il ne s'en laissât prévenir et n'y en-
gageât ensuite ses sujets. 11 chargea saint
Avit de composer cet écrit : ce que le saint
accepta avec joie. Nous n'avons de lui, sur
l'incarnation , que deux lettres au roi Gon-
debaud. Saint Grégoire de Tours, qui les avait
lues, dit que, comme elles servirent à acca-
bler l'hérésie, elles ont servi depuis à édifier
l'Eglise ^. Ce qui fait croire qu'il ne connais-
sait point d'autre écrit de saint Avit sur cette
matière. Ce saint raconte en peu de mots la
naissance, les progrès et la condamnation
de l'hérésie eutychéenne, disant qu'Eutychès
ne l'avait inventée qu'afîn de se faire un nom
par ses nouveautés et de parvenir par là à
l'épiscopat, et qu'il avait établi son erreur
moins par des écrits publics^ que dans des
conversations secrètes. Selon lui , Eutychès
niait que le Fils de Dieu se fût fait chair dans
le sein d'une femme, soutenant qu'il avait
apporté un corps du ciel. En conséquence, il
refusait à Marie le titre de Mère de Dieu. Mais
saint Avit se trompe en disant que cet héré-
siarque la reconnaissait pour mère du Christ,
et , par une suite de cette erreur, quoiqu'il
combatte en plusieurs endroits celle d'Euty-
chès, il attaque surtout l'hérésie deNestorius,
montrant, par l'autorité de l'Ecriture, qu'il y
a en Jésus-Christ deux natures unies en une
seule personne, et que. Jésus-Christ était Fils
de Dieu et fils de l'homme, engendré du Père
sans mère, et conçu dans le sein de sa Mère
sans la participation d'aucun homme, enfin
qu'il est Dieu par nature et non par grâce.
5. Dans la troisième lettre, qui est une
suite de la précédente , saint Avit fait aussi
* Rogante Gundobuldo rege contra eos euiychianos
scripsit. Extant exiyide ipsius apud nos epistolœ,
quœ sicut tune hœresim oppresserunt, ita nunc Eccle-
siam Dei œdificant. Gregor. Turou., lib. II Histor,
Francor.
DeaTÎème
lettre à Gon-
debaud , p- G.
debaud , p3g.
16.
S36
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
quelques fautes contre l'histoire d'Orient,
dont il paraît n'avoir pas été bien informé.
Car il dit que l'évéque de Constantinople, pour
avoir retranché du Trisagion ces paroles :
Vous qui avez été crucifié pour nous , ayez ■pitié
de nous, excita dans la ville une sédition qui
l'en fit chasser lui-même; il ajoute que c'é-
tait un ancien usage de chanter le Trisagion
avec cette addition. Cependant il est certain
qu'elle venait de Pierre-le-Foulon, qiù n'était
mort que depuis peu de temps, et que l'évé-
que de Constantinople faisait chanter le Ttn-
sagiun avec l'addition : Crucifié pour nous.
Mais le peuple , indigné de cette addition,
croyant qu'elle affaiblissait la foi de la Tri-
nité, excita, dans la ville de Constantinople,
le tumulte dont parle saint Avit. Comme il
arriva en 311, le 6 novembre, jour auquel on
faisait une procession à cause de la cendre '
qui, tombant du ciel, avait autrefois couvert
tout le pays , il faut mettre la lettre de saint
Avit en 512. Il y combat premièrement l'hé-
résie de Nestorius, montrant que Jésus-Christ
a été Dieu et homme parfait; et ensuite Eu-
tychès, faisant voir que Jésus-Christ nous est
consubstantiel , ayant eu un corps de même
nature que le nôtre, et non pas un corps fan-
tastique. Il allègue pour cela le passage d'I-
isïi. LUI. saïe, où il est dit que le Christ a porté vérita-
blement nos langueurs et nos douleurs, et que
nous avons été guéris par ses meurtrissures ;
joan. I. celui de saint Jean, oii nous lisons que Jésus-
Christ pleura la mort de Lazare avant que de
le ressusciter, pour montrer qu'il était en
même temps Dieu et homme ; celui du même
évangéliste, qui rapporte que Jésus-Christ,
voulant convaincre saint Thomas de sa résur-
joan. IX, 27. rection, dit à cet apôtre : Portez ici votre doigt
et considérez mes mains; approchez aussi votre
main et la mettez dans mon côté ; et ne soyez pas
incrédule, mais fidèle. Cet apôtre cherche avec
son doigt les vestiges de la passion; il les
trouve et s'écrie : Mon Seigneur et mon Dieu.
Le Sauveur ne dit-il pas encore à ses disci-
ples, pour confirmer sa résurrection : Tou-
i.Qc. xxiv,3o. chez-moi, et considérez qu'un esprit n'a ni chair
ni os comme vous voyez que j'en ai? Peut-on rien
de plus positif pour montrer que le corps du
Qnali
lettre à
Sauveur n'était point un corps fantastique?
Saint Avit propose la même vérité par ce qui
est dit au même endroit , que Jésus-Christ ^,
après avoir dit aux apôtres qu'il fallait que
tout ce qui a été écrit de lui dans la loi de
Moïse, dans les Prophètesetdans les Psaumes
fût accompli, les mena dehors jusqu'à Bétha-
nie , et , levant les mains , il les bénit , et en
les bénissant se sépara d'eux et fut enlevé
au ciel.
6. Un écrivain, que l'on nomme ordinaire-
ment Benoît Paulin, avait demandé à Fauste detond
de Riez si la pénitence qu'un homme chargé ^^'
de péchés fait à l'article de la mort était bonne.
Fauste répondit qu'elle était inutile. Le roi
Gondebaud ayant vu la réponse de cet évo-
que, en fut surpris, et pour savoir la vérité,
consulta saint Avit. Il paraît que le roi n'a-
vait pas marqué, dans sa lettre, quel était ce
Fauste. Saint Avit en dislingue deux : Fauste,
évêque manichéen, et Fauste de Riez. Il ne
s'explique pas nettement sur lequel des deux
il faisait tomber la réponse à Paulin , dont il
loue les écrits comme orthodoxes; maison
ne doute point que ce Fauste n'ait été celui
de Riez. Il semble même qu'on peut le tirer
de la lettre de saint Avit, où il est visible qu'il
combat un ennemi de la grâce. Quoi qu'il
en soit, le saint répondit à Gondebaud qu'il
y avait de la dureté ', et que c'était même
contre la vérité de dire que la pénitence mo-
mentanée, c'est-à-dire celle que l'on fait à
l'article de la mort , est inutile et ne profite
de rien à celui qui la fait; que l'humilité de
celui qui , dans ce moment, confesse à Dieu
ses péchés, ne doit point être sans fruit ni
manquer de fléchir la miséricorde de Dieu,
et que l'on doit croire que tous les hommes
devant être jugés selon l'état dans lequel ils
se trouvent à l'heure de la mort, la seule vo-
lonté de se corriger doit être agréable à Dieu,
pourvu qu'elle soit vraie et sincère. Il donne
pour exemples de pénitences momentanées
qui ont fléchi la colère du Seigneur, celle des
Ninivites qui, au bout de trois jours, arrê-
tèrent le glaive vengeur près de les détruire.
D'où il conclut qu'il y a de l'impiété à refuser
la pénitence à ceux qui la demandent avec
1 Marcel., in Chron.,^A ann. 512, etEvag., lib. III,
cap. ult.
2 Ibid., pag. 50, 51.
3 Pœnitentiam quam proprie momentaneam nomi-
nasiis, id est, in œgriludine, quasi sub momenio mor-
tis acceptam, nihil aut nulli prodesse, adversa veritaii
et admodum cruda definiiio est. Apud divinam guippe
misericordiam vel ipsa humilitas confitentis dici non
débet fructu carere. Quia cum legimus, quod qualitate
vilœ anierioris abolUa... in ea guis via judiceiur, qua
ohlilus sui tempore fuerit deprehensus, incunctant.er
credenda est vel ipsa correctionis volunias placere, si
vei-a sii. Avit,, Epist. 4.
VF SIECLE.
CHAPITRE XL. — SAINT AVIT, ÉYÊQOE.
SS7
LeaucGup d'instance et de larmes. Mais il
veut aussi que l'on punisse sévèrement ceux
qui, après l'avoir reçue, retombent dansleurs
péchés, faisant ainsi un abus du remède qu'on
leur a accordé. Il dit qu'on doit les retran-
cher de la communion; mais il excepte de
cette peine ceux qui ne sont pas coupables
de fautes capitales, et ne croit pas qu'on
puisse les obliger à la continence conjugale.
Le roi lui avait aussi demandé s'il était vrai
que la foi seule fût inutile à l'homme. Saint
Avit répond que cette proposition demandait
une explication ; que dans les enfants la foi
seule suiSsait lorsqu'ils mouraient inconti-
nent après le baptême , quand bien même
cet enfant aurait vécu longtemps parmi des
Rom. 1, 10. parents hérétiques; qu'à l'égai'd des adultes,
la foi était inutile sans les bonnes œuvres ',
car encore que les œuvres puissent être sans
la foi , elles ne servent de rien sans la foi,
parce que si l'on croit de cœur pour être jus-
tifié , on doit confesser de bouche pour être
sauvé. 11 prouve, par l'exemple du pharisien
de l'Evangile , l'inutilité des œuvres sans la
foi, et par celui du bon larron, l'utilité de la
foi avec les œuvres; car non-seulement il
crut en Jésus-Christ, mais il confessa encore
de bouche sa divinité, et eflaça, par ce mar-
tyre, toutes les fautes de sa vie passée. Il y
a une cinquième lettre au roi Gondebaud,
par laquelle saint Avit le console de la mort
de sa fille, qui, après avoir été fiancée à un
prince et à la veille de monter sur le trône,
mourut sans avoir consommé son mariage.
11 ne dit point qui était ce prince.
■sijièma 7. Victorius, évêque de Grenoble, avait de-
fs'\li^ai mandé à saint Avit si les catholiques pou-
le-u.° °' valent faire les exercices de la religion dans
des églises ou des oratoires des hérétiques,
en les purifiant par une nouvelle consécra-
tion. Saint Avit répond que non; qu'il est
bien vrai que, par l'imposition des mains de
l'évêque ^, la tache de l'hérésie est ôtée, à
celui qui revient à l'Eglise et qui en professe
la foi, et que la plénitude de la foi lui est
rendue; mais qu'on ne voit pas comment
' Sic fit ut cum opéra sine fide possint esse, fides
sine operibus esse non possit. Quia si coi-de credatur
ad justitiani , et ore fiai confessio ad salutem. Avit.,
ibid.
2 Per impositionem manus sacerdotalis fit pravitatis
amissio, fidei re.dditus plénitude. Res autem insensi-
bilis , quœ primum innovata polluitur, ignorare
me fateor qua deinceps sanctificalione purgetur.
Ibid. 6.
2 Benedictio quœ rébus sensu carentibus ac poUutis
une chose insensible telle qu'est un édifice,
qui après avoir été consacré et devenu souillé
par l'usage qu'en ont fait les hérétiques,
puisse être purifié par une nouvelle consé-
cration; et que si l'on convient une fois, que
l'on peut consacrer un autel souillé par les
hérétiques, il faudra convenir aussi que le
pain qu'ils ont mis sur cet autel, peut être
employé sur les nôtres. Il prétend que la bé-
nédiction des choses insensibles ^ ne peut
ôter l'impureté qu'elles ont contractée, et
qu'il n'appartient qu'à ceux qui ne craignent
pas de rebaptiser *, de réitérer la consécra-
tion d'une église. Il décide de même tou-
chant les calices, les patènes et les autres
vases sacrés, qui ont été à l'usage des héré-
tiques. En quoi il s'autorise de ce qu'on lit
dans le chapitre vi= du Deutéronome, qu'on
ne fit aucun usage des encensoirs de Coré,
de Dathan et d'Abiron, et qu'après que le feu
en eut purifié le métal et les eut changés en
lames, qui ne servirent même que pour
mémoire de la vengeance de Dieu sur ces
séditieux.
8. Dans la lettre à Jean de Cappadoce, ar- Septièmo
^'^ . letlre a Jean
chevêque de Constantinople, samt Avit le Je cappado-
^ ^ ..ce, pag. 16.
congratule de sa réunion et de celle des Egli-
ses d'Orient avec l'Eglise romaine. Ce que
ce patriarche avait fait en déclarant qu'il re-
cevait les quatre conciles, du nombre des-
quels était celui de Chalcédoine, en ôtant le
nom d'Acace des diptyques et en condam-
nant tous ceux qui faisaient difficulté de re-
cevoir ce coQcile. Cette réunion se fit dans
le mois de mars de l'an 519. Ainsi la lettre
de saint Avit à Jean de Cappadoce, ne peut
être mise que sur la fin de la même année.
9. Eustorge, évêque de Milan, avait prié Huiuèir.e
saint Avit de lui aider à racheter le reste des torg°e de mÎ-
captifs que Gondebaud, dans la guerre de '"''''°^'
Ligurie, avait emmenés d'Italie dans les
Gaules. Saint Avit le remercia de ce qu'il
avait bien voulu l'employer à un ministère
de charité, où il avait eu la plus grande part,
en lui envoyant l'argent nécessaire à cet
eflet.
impenditur, nec purgat maculam, nec explicat rugam.
Ibid.
* Nec mirum est, si dedicaiiones geminare audeant,
quia baptismata coti fréquentant. Ibid.
Le concile d'Epaon, où saint Avit présida, décide
dans son trente-cinquième canon, qu'it ne fallait se
servir ni des églises des hérétiques, ni de leurs vases
sacrés. Toutefois, le concile d'Orléans tenu quelques
années auparavant avait décidé que l'on consacrerait
les églises des Gotbs.
S58
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
iO. Un évoque étranger, nommé Maxi-
mien, attaqué d'un mal dans les yeux, fit un
voyage à Arles, espérant y trouver un mé-
decin assez habile pour le guérir. Comme
son chemin élait de passer par Vienne, il pria
saint Avil de lui donner une lettre de recom-
mandation pour saint Césaire, évêque d'Ar-
les, et de lui exphquer dans sa lettre le sujet
de son voyage. Saint A vit fit ce que cet évê-
que lui demandait ; mais en parlant de lui à
saint Césaire, il remarque que l'on ne doit
point regarder comme étranger ' un évêque,
en quelque lieu qu'il soit, pourvu que l'E-
glise catholique s'y trouve aussi. Il marque
deux motifs que cet évêque avait de cher-
cher à guérir ses yeux : l'un, pour faire plai-
sir à ses amis, qui l'en avaient beaucoup
pressé; l'autre, de peur qu'en négligeant sa
santé, il ne se rendit coupable de l'impuis-
sance où il se trouverait de faire ses fonctions
épiscopales.
11. Saint Avit donna une autre lettre de
recommandation à un prêtre de son diocèse,
qui allait en Italie pour racheter la fille d'un
de ses parents et le fils d'un homme de con-
dition. Cette lettre est adressée à Magnus,
successeur d'Eustorge dans le siège de
Milan.
12. Apollinaire, évêque de Valence, frère
aîné de saint Avit, lui écrivit qu'il avait eu en
dormant un songe : la nuit de l'anniversaire
de la mort de sa sœur, il sentit entre ses
mains quelque chose qui l'embarrassait et qui
ensuite, s'étant posé auprès de lui, lui sembla
être une colombe de couleur rouge et ex-
traordinaire qui le tirait ^. A son réveil il se
souvint qu'il n'avait point fait l'anniversaire
de sa sœur et prit ce songe pour un avertisse-
ment qu'elle lui donnait de lui rendre ce de-
voir. Il avertit de tout cela saint Avit, qui lui
fit réponse que l'on avait fait l'anniversaire
de leur sœur à Vienne, qu'au surplus la faute
qu'il avait faite était très-pardonnable, puis-
qu'il s'en accusait. «Vous avez, je l'avoue,
lui dit-il, contrevenu à la coutume ^ : mais,
par une augmentation de piété, souvenez-
vous à l'avenir du jour anniversaii'e de notre
1 Peregrinus sacerdos dici non potesi, uhi caiholica
reperiri Ecclesia potesi. Epist. 9.
2 In ipsa nocte, in visione nescio quid manibus meis
hœserat, quod consedens juxtn me fulgentissima, sed
inusitato colore rubea cnlumba veilebat. Cumque ex-
pergefactus... ipsum ambiguum mœstus mecwn atque
anxius volvo, repente quasi stimulo percussus, illico
sum reliquati fœnoris recordalus. Apollin., Epist. 11,
ad Avit.
sœur. » Il ajoute qu'il regarde ce songe
comme un avertissement que Jésus-Christ lui
avait donné *, de faire ce qui ne lui était
point permis d'oublier.
13. Il parait par la lettre à Contuméliosus,
évêque de Riez , que saint Avit lui avait en-
voyé un de ses ouvrages pour en savoir le
jugement et y corriger ce qu'il jugerait à
propos. Cet évêque était savant, mais ses
mœurs étaient fort suspectes. Le pape Jean,
informé qu'il avait été convaincu de plusieurs
crimes dans un concile des Gaules, ordonna
qu'il serait interdit de toutes ses fonctions
et enfermé dans ua monastère pour y faire
pénitence. Contuméliosus appela de cette
sentence au pape Agapite, successeur de
Jean.
14. Un nommé Vincomalus, du diocèse de
Grenoble, avait épousé la sœur de sa défunte
femme, et vivait avec elle depuis plusieurs
années. Victorius consulta saint Avit, son
métropolitain, sur ce qu'il avait à faire en
cette occasion; quelle pénitence on leur de-
vait imposer et s'il fallait les séparer. Saint
Avit lui répondit qu'il ne devait point souf-
frir ce désordre, mais leur enjoindre de se
séparer, frapper d'anathème cet homme, et
les excommunier l'un et l'autre, jusqu'à ce
qu'ils obéissent et qu'ils fassent pénitence
pubhque de leur faute. Saint Avit reconnaît
que Victorius avait le pouvoir, en sa qualité
d'évêque, de tempérer la rigueur de cette
sentence, et de traiter plus doucement les
coupables, s'ils témoignaient un sincère re-
pentir de leur faute. Vincomalus vint lui-
même trouver saint Avit et tâcha d'excuser
son crime par la longueur du temps qu'il
avait demeuré avec cette femme. Le saint
lui fit connaître que cette circonstance aug-
mentait sa faute au lieu de la diminuer, et
lui fit promettre de se séparer au plus tôt de
celte femme, de faire, à son retour à Greno-
ble, la même promesse à son évêque, et de
lui demander d'êti'e délié de l'excommunica-
tion dont il l'avait lié. Saint Avit écrivit une
seconde lettre àVictorius ^, où, après lui avoir
marqué tout ce qui s'était passé entre lui et
3 Excessisti, fateor,consuetudinem, sed pietatis aug-
menta sempev diei hujus meminisse dignamini. Avit.,
Epist. 12.
* Nam vos excitante Christo non licuit oblivisci.
Ibid.
^ Suasi respondens, ut vobis ista promittere, et facti
pœnitens eo se soloi quo ligatus fuerat postularet.
Tamen quia Jussistis ut quidquid sensui meo videatur
aperiam, sufflciat censurœ vestrœ separatio persona-
Treizîèm
le'tre à Con
tuiLcIiosus ,
pag. «S.
QuiDzièO'
et seizièH'
lellres à Vi
torius deGri
noble, pag.j
et 49.
[VK SIÈCLE.
CHAPITRE XL. — SAINT A VIT, ÉVÊQUE.
559
Vincomaliis, il lui conseillait de modérer la
sentence portée contre ce malheureux, de
se contenter de rompre sou mariage par un
innocent divorce, et de ne le pas punir selon
toute la rigueur des canons, qui voulaient
en pareil cas, que l'on séparât les conjoints
et qu'on les mît en pénitence publique.
Il avertit néanmoins Victorias de ne point
tout à fait se fier à la parole de Vincomalus,
que sa vie précédente rendait peu digne de
foi, et de ne lui pardonner que sous la cau-
tion de ceux qui intercéderaient pour lui. Il
ajoute qu'il doit conseiller à cet homme de
faire pénitence, mais ne la lui pas imposer
malgré lui.
15. Le prêtre Viventiolius, étant venu du
déseit du mont Jura, à Lyon, rendit visite
à Apollinaire, nouvellement fait évoque.
L'ayant trouvé malade, il en écrivit à saint
Avit, son frère, qui lui rendit grâces de son
attention. Dans la même lettre saint Avit l'ex-
horte de prendre soin du monastère du mont
Jura, que nous appelons aujourd'hui Saint-
Claude, et qui portait alors le nom de saint
Eugende, son fondateur. Il souhaite à Viven-
tiolius, une place plus élevée que celle de su-
périeur de ce monastère : et il fut en effet
quelque temps après ordonné évêque de
Lyon. Il manque quelque chose à la fm de
cette lettre et au commencement de la sui-
vante. On croit qu'elle fut adressée au pape
Symmaque, à qui saint Avit ' dit que, quoi-
qu'il ait à Rome des reliques de la sainte
Croix, il doit néanmoins en demander à l'é-
vèque de Jérusalem, qui conservait ce pré-
cieux dépôt dans sa pureté. Il paraît que
saiut Avit en demanda aussi à cet évêque,
et qu'il entremit le pape Symmaque pour en
obtenir. Nous n'avons plus la lettre que saint
Avit écrivit sur ce sujet à l'évêque qui gou-
vernait alors l'Eglise de Jérusalem. On croit
que c'était Jean, et non pas Hélie, son prédé-
cesseur, qui ne fut jamais dans la communion
de l'Eglise de Rome : mais il en reste une dans
laquelle il remercie ce patriarche du mor-
ceau de la vraie Croix qu'il lui avait envoyé.
11 ne trouve point d'expression pour marquer
combien il estimait ce présent, dont il consi-
dérait le prix non par la quantité de la ma-
tière, mais parce qu'il avait servi à notre
rédemption et à notre salut. Les termes par
lesquels il commence sa lettre, sont remar-
quables : « Votre apostolat, lui dit-il, exei'ce
la primauté que Dieu lui a accordée, et
vous vous appliquez à montrer non-seule-
ment par les prérogatives de votre siège,
mais encore par vos mérites, que vous tenez
le premier lieu dans FEglise universelle.»
16. Le l'oi Gondebaud, curieux de savoir
le sens de ces paroles d'isaïe : La loi sortira
de Sion et le Verbe du Seigneur de Jérusalem,
etc. Et de celles-ci du troisième livre des
Rois : Chacun se reposera sans crainte sous sa
vigne et sous son figuier, etc. en écrivit à saint
Avit, qui lui fit réponse que le passage d'i-
saïe regardait l'avènement du Verbe incarné,
et que celui du livre des Rois avait rapport
à ce qui s'était passé sous le règne des prin-
ces des Juifs, qui se trouvaient tantôt dans
la paix et tantôt dans les tribulations, sui-
vant qu'ils étaient, ou prévaricateurs ou re-
pentants de leur faute.
17. On voit par la lettre à Sigismond que
ce prince avait souhaité de savoir de saint
Avit comment s'était terminée la conférence
qu'il avait eue avec les ariens en présence
du roi Gondebaud. Le saint évêque promet
de lui en faire au long le récit, lorsqu'il ira
à la cour : en attendant, il marque à ce prince
comment cette conférence s'était terminée.
18. On croit qu'Apollinaire, à qui les vingt-
deuxième et quarante-cinquième lettres sont
adressées, était fils de saint Sidoine. Saint
Avit témoigne qu'on lui avait fait quelques
aflaires auprès d'Alaric, roi des Visigoths, et
qu'il en sortit heureusement.
19. Il y avait, dans le diocèse de Lyon, un
homme engagé dans le parti des donatistes.
Saint Avit écrivit à Etienne, évêque de cette
ville, de travailler à le convertir, de crainte
qu'il ne répandit son erreur dans les Gaules.
Il marque qu'il devait le recevoir par l'im-
D
x-neuviè-
me
ct viiiK-
lième lftlrL-3
àijo
iidebauil,
pas
5t.
Isai
II, û.
m
21
Iteg. m,
Vingtunîè-
me ietlreà Si-
gisinoad,pa^.
S6.
Viji|;t-
deuxierne et
quaranle-cin-
guiènieli'lires
à Apt'llinaire,
pag. tiSet 89.
Viiigl-flna-
trîôme lettre
à Etienne ,
pag. 59.
fum. Scindatur infelix conjugium innocentiore di-
vortio. Nec sane promissio ejus fideh's putetur, cujus
vita exsiiiit infidelis. Ipsis fîdejiissoribus emendatio
secuiura credatar, quitus intercèdent ibus prior cu/pa
laxabitur. De cœtero autem, guod ad pœniieniiam ex-
pectai, moneatur intérim agere, accipere non cogaiur.
Epist. 16.
' Etiamsi pignus reliquiarum sacrœ crucis putamus
esse vobiscum , a sancto iamen Mliœ urbis aniistite
hanc specialiter munificeniiam credimus expctendam.
Qui rêvera sacrumenti isiius veram et inviolabi/em
puriiatem loci administrât ione conservuns, sic deside-
rabili potens est impertire nos donc, ut ab omni cunc-
tationis absolvat ambiguo. Quapropter de re plurimum
pagina famulante deposco, ut ad prœfatœ Ecclesiœ
sacerdotem litteras apostolatus vester tribuat portiton,
Epist. 18.
S60
HISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Vinet-cîn-
qDième leurs
à l'év èq u e
Apollinaire ,
pag. 61.
Vingt-sixiè-
me lettre à un
évèque, pag.
62.
Vingt-sep-
tième lettre à
Symmaque,
pag. 36.
position des mains, après qu'il serait sincè-
rement converti, puisqu'il avait reçu l'onction
du saint chrême avec le baptême,
20. Il répondit à son frère Apollinaire,
évêque de Valence, qui l'avait invité à la dé-
dicace d'une nouvelle église, qu'il s'y ren-
drait, et qu'apparemment il s'y trouverait
aussi un grand nombre d'étrangers. Mais il le
prie de peu s'embarrasser de la bonne chère :
et faisant allusion au repas que Jésus-Glirist
donna au peuple qui l'avait suivi dans le dé-
sert, il dit que cinq pains et deux poissons
doivent suffire, et que plus il aura de pauvres
à cette cérémonie, plus il aura de corbeilles
remplies de pains.
21. Dans la lettre suivante, il reprend un
évèque, qu'il ne nomme point, de la facilité
avec laquelle il avait révélé nos mystères
aux imparfaits, c'est-à-dire aux hérétiques.
Et sur ce que cet évêque l'avait consulté s'il
était permis d'élever aux premières dignités
de l'Eglise un évèque hérétique, mais qui
avait abandonné l'hérésie, saint Avit ré-
pond qu'on le peut élever à quelque grade
que ce soit du sacerdoce ', pourvu qu'il n'y
ait rien dans sa vie ou dans ses mœurs qui y
mette obstacle. Car pourquoi celui-là ne gou-
vernerait-il pas le troupeau de Jésus-Christ,
qui a reconnu sagement que les ouailles qu'il
avait conduites jusque-là, n'étaient pas des
ouailles de Jésus-Christ? Pourquoi ne serait-
il pas élevé parmi nous au sacerdoce, après
avoir quitté, pour l'amour de la vérité, celui
qu'il avait? Qu'il devienne de laïque un vé-
ritable évêque, lui qui de faux évêque qu'il
était, a bien voulu devenir laïque. Qu'il gou-
verne son peuple dans notre Eglise, lui, qui
dans la sienne, a quitté et méprisé un peuple
étranger.
22. La lettre de Sigismond au pape Sym-
maque,fut écrite par saint Avit. Ce prince.y
prend la qualité de roi : ce qui fait voir qu'il
prenait ce titre du vivant même de son père
Gondebaud, qui ne mourut que deux ans
après Symmaque. Sigismond envoya sa let-
tre par le diacre Julien, qu'il chargea de de-
* Definio ad quemlibet sacerdotii gradum hominem
passe consurgere , si non est aut in ratione conjugitr
aiit in quacumque régula moribusque quod prohibeat
clericaium. Cur enim non pascal Christi gregem, qui
sapienter adoertit oves nos esse quas paverat ? Quare
non fiai in sacerdotio nosiro erectus , qui amore hu-
iniliiatis a suo voluit esse deciduus ? SU verax sacer-
dos ex laico, qui fieri laicus ex fallace sacerdote con-
tenlus est. Teneat in ecclesia nostra plebemsuam, qui
in sua coniempsit alienam, Epist. 2G.
mander au pape de nouvelles reliques ", en
le remerciant de celles qu'il lui avait déjà
envoyées. Il donne à Symmaque le nom d'é-
vêque de l'Eglise universelle.
23. Le diacre Florus, dans son commen-
taire sur les épitres de saint Paul, cite sous
le titre de T7-aité de la divinité, la lettre que
saint Avit écrivit au roi Gondebaud, pour
répondre à la question que ce prince lui
avait faite sur la divinité de Jésus-Christ. Il
souhaitait surtout qu'on lui donnât de bonnes
preuves qu'il était Dieu avant que de se faire
homme. Car il y avait certains hérétiques
qui soutenaient qu'il n'e.xistait point avant
qu'il eût été conçu de Marie. La question de
Gondebaud suppose qu'il y avait alors des
photiniens ou des paulianistes dans les Gau-
les; et l'on voit par le chapitre seizième du
second concile d'4rles, et par la douzième
lettre du livre IV" de saint Sidoine, qu'il y
en avait effectivement. Saint Avit fait donc
voir dans cette lettre, par un grand nombre
de passages de l'Ecriture, tant de l'Ancien
que du Nouveau Testament, la divinité et
l'éternité du Verbe avant qu'il se fit chair
dans le sein de la Vierge. Il est parlé dans
cette lettre d'un concile auquel saint Avit
avait assisté quelque temps auparavant avec
un saint évêque nommé Chartenius. On ne'
sait pas ce qui se passa dans ce concile :
mais comme il est dit qu'il s'était tenu à
Lyon, on peut conjecturer qu'il faut enten-
dre par ce concile la conférence qui se tint
en cette ville, en 499, entre les évêques ca-
tholiques et les ariens, le roi Gondebaud
présent. On croit aussi que Chartenius, dont
le siège n'est pas marqué dans la lettre de
saint Avit, était évêque de Marseille. Il y eut
en eifet un évêque de Marseille à cette con-
férence, dont le nom se terminait comme
celui de Chartenius ^.
24. Il paraît, par les deux lettres à Sigis-
mond^que ce prince, ayant partagé le royaume
avec son père, faisait sa résidence dans la
ville de Genève. Ce fut là que saint Avit les
lui adressa à l'occasion de la fête de saint
- Dum sacra reliquiarum pignora, quibus per me
Gulliam veslram spiritali remuneratione ditastis, ne-
gare pelentibus non prœsumo... Sed destinato ad vos
diaeono portitore, vira venerabili Juliano, ad univer-
salis Ecclesiœ prœsulem concurrimus... et ut spera-
vimus, ambienda nobts venerabilium reliquiarum con-
ferte prœsidia. Epist. 27.
3 Venerunt iiaque de Vienna Avitus, de Arelate
JEonius, de Valentia... de Massilia... ius. Tom. V
Spieil., pag. 110.
Vinel hi
tième lettre
Gondebaud
pag. 6ô.
Vingt-ni
vième et IF'
tième letl
à bigisnioi
pag. 68.
[vP siècle]. chapitre XL.
Pierre, patron de cette ville. Il le prévient
contre les hérétiques qui y allaient en grand
nombre. C'était, comme l'on croit, les ariens
et les photiniens.
25. Les évoques des Gaules, alarmés du
jugement que le concile de Rome avait rendu
dans l'affaire du pape Symmaque, en 501,
chargèrent, les uns de vive voix, les autres
par écrit, saint Avit d'en témoigner leur dou-
leur au nom de tous. 11 adressa sa lettre à
Fauste et à Symmaque, les deux principaux
sénateuis de Rome. Après leur avoir marqué
que le malheur des temps et la division des
royaumes ne permettaient plus aux évêques
des Gaules d'aller hbrement en cette ville,
ni même de s'assembler tous, il se plaint que
le pape étant accusé devant le roi Tliéodo-
ric, les évêques se soient chargés de le juger
au heu de le défendre, vu qu'il n'y a ni loi
ni raison qui autorisent les inférieurs à juger
leur supérieur, et que l'apôtre ne permet-
tant pas de recevoir une accusation contre
un prêtre, on devait à plus forte raison n'en
point recevoir contre le chef do l'Eglise uni-
verselle. 11 ajoute ' que si l'on révoque une
fois en doute la validité de l'ordination du
pape, ce n'est plus l'évêque qui semble être
en péril, mais l'épiscopat. 11 représente à ces
deux sénateurs et au sénat en leur personne,
que dans un temps où l'Eghse était attaquée
par les tempêtes des hérésies, ils devaient
prendre la défense de celui qui tenait le gou-
vernail du vaisseau ; que c'est à celui qui a
la garde du troupeau de Jésus-Christ, à lui
rendre compte de son administration, et non
pas au troupeau à juger leur pasteur. Saint
Avit parle avec le même respect pour le
pape, dans sa lettre au patrice Sénarius, mi-
nistre du roi ïhéodoric *, disant que les lois
des conciles enjoignent aux évêques, lors-
qu'il s'élève quelque doute dans les choses
qui concernent l'état de l'Eglise, d'avoir re-
cours au très-grand évêque de l'Eglise ro-
maine, comme des membres à leur tête, et
que pour cette raison il écrivait lui-même du
consentement des évêques de la province de
SAINT AVIT, ÉVÊQUE. 561
Vienne, au pape Hormisdas, pour savoir le
succès de sa légation en Orient. Il prie Sé-
narius de lui en faire savoir aussi le détail,
persuadé qu'il s'intéressait, comme il le de-
vait, au bien de l'Eglise, auquel non-seule-
ment les évoques ^, mais généralement tous
les fidèles, doivent prendre part. Il demande
la même chose à Pierre, évêque de Ravenne,
au cas que ceux qu'il avait envoyés à Rome
repassassent chez lui. Pierre avait assisté et
souscrit au concile de Rome, nommé la
Palme, où l'affaire de Symmaque fut ter-
minée.
26. Saint Avit ayant retrouvé un de ses
écrits qu'on lui avait volé, pria l'évêque Eu-
frasius de l'offrir à Apolhnaire, fils de saint Si-
doine. Il arriva qu'un esclave s'appropria un
dépôt qu'on lui avait confié . Cet esclave assura
qu'il l'avait fait à la persuasion de saint Avit.
Le saint, qui se sentait innocent, fit transférer
cet homme de l'Eglise de Vienne à celle de
Lyon, où son procès devait être fait. Il écri-
vit en même temps au roi Gondebaud, pour
lui rendre raison de cette translation et pour
se justifier de la faute que cet esclave lui
imputait. 11 témoigne à ce prince, dans la
même lettre, qu'il est prêt de faire tout ce
qu'il jugera à propos. « Tout ce que possède
ma petite église, et même le bien de toutes
nos éghses est à vous ■*; c'est vous qui nous
l'avez donné ou qui nous l'avez conservé. Je
réparerai , suivant mes forces, ce que Dieu
vous aura inspiré d'exiger de moi. »
27. La lettre à Clovis est pour le féliciter
de son baptême, dont saint Avit décrit la so-
lennité et les avantages. Il le congratule sur-
tout de l'avoir reçu le jour de la Nativité du
Seigneur ^, et non pas la veille de Pâques,
comme le dit Hincmar. 11 témoigne souhaiter
que Dieu se servit de ce roi pour amener à
la connaissance de la vraie religion les na-
tions les plus éloignées, qui étaient encore
dans leur ignorance natureUe : il l'exhorte
à leur envoyer des ambassadeurs pour cet
efl'et, disant qu'il doit, par un motif de re-
connaissance , travailler à l'œuvre de Dieu
Trent-'-hui-
tièiiie lellru à
Lurrasius , et
trenle-neuviè-
m e au roi
GoQdebaud ,
pag. 19.
QaarantB-
unième letlie
à Clovis, roi
de FraLce ;
quarante -
deuxième,
quaraii le troi-
sième et qui-
rautc-quatnè-
me, pag. 33,
36 et 37.
1 Si papa urbis vocatur in dul/ium, episcopatus jam
videbilur, non episcopus vacillare. Epist. 31.
2 Scitis synodalium legutn esse ut in rébus quœ ad
Ecclesice statum pertinent, si quid dubitationis fuerit
exovtum, ad romance Ecclesiœ maximum sacerdotem
quasi ad caput nostrum membra sequentia recurra-
mus. Epist. 36. Vide Episl. 93 ud Horin.
' Non ad solos sacerdotes Ecclesice pertinet status :
cunctis fideiibus solticitudo ista communis est. Ibid.
* Quidquid habet ecclesiola mea, imtno omnes ec-
clesiœ noslrœ vestrum est, de substantia quam vel
servastis hactenus vel donastis. Quod inspirante Deo
prœceperitis, in quantum vires habuero, parère cona-
bor. A¥it., Epist. 39.
5 Cujus splendorem congrue Redemptoris nostri na-
tiuitas inciwavit : ut sequenter eo die ad salutem rege-
nerari ex unda vos pareat, quo natum redemptioni
suœ cœli Dominum mundus accepit. Igilur qui celeber
est Natalis Domini, sic et vestri. Epist. 41.
36
562
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEUHS ECCLESIASTIQUES.
Quarant^-
Fcplième let-
tre à Héra-
clins, et (|u.i-
rar:[o-lLuitiù-
rae (l'H é ra-
dius, pag. 92
et 9^.
(JoarartC-
nenv.ème let-
tre à Ansé-
TnuQiius, pa^.
as.
Autres let-
tres do saiut
Avit.
dont il avait reçu tant de bienfaits. Il piule
à Clovis d'un homme de guerre qui élail
captif ou en otage chez le roi Gondebaud.
Son père, souhaitant de le revoir, employa le
crédit de l'empereur Anastase : ce prince
interposa la médiation de Clovis, et Sigis-
mond s'en étant aussi mêlé, Gondebaud ren-
voya ce jeune homme à son père. Toute
cette négociation est détaillée dans les letti-es
à Clovis, au sénateur Vitallien, à Célérus,
aussi sénateur, et au roi Sigismond.
28. Le saint évéque relève, dans sa lettre
à Héraclius, la fermeté avec laquelle cet ora-
teur avait pris la défense de la foi cathohque
en présence du roi Gondebaud. Il le loue de
ce qu'en donnant à ce prince, dans une autre
occasion, de grandes louanges, il avait su
rendre à César ce qui est à César, et à Dieu
ce qui est à Dieu. 11 demande à Dieu, pour
Héraclius, l'honneur de l'épiscopat, dont il
faisait déjà les fonctions par la prédication
de la vérité. Ce fut, ce semble, un présage qui
eut bientôt son etfet : car on trouve un Hé-
raclius dans les conciles de Carpentras, le
second de Vaisou, et le quatrième d'Orléans,
avec le titre d'évèque Tricastin. Héraclius
répondit à saint Avit par une lettre de poli-
tesse, dans laquelle il lui fait honneur de ce
qu'il avait pu dire de bon pour la cause de
la vi-aie religion. Il semble reconnaître par
là qu'il avait été sous sa discipline.
29. Un homme avait abusé d'une fille :
quoique le crime fût connu de tout le monde,
il ne laissa pas de le nier devant saint Avil,
qui se trouvait alors à Lyon; mais, revenu à
lui-même, il employa un homme de qualité
pour en obtenir le pardon. Ansémundus,
c'est ainsi que cet homme de qualité se nom-
mait, en écrivit à saint Avit, qui lui fit ré-
ponse qu'il ne pouvait recevoir le coupable
avant qu'il eût fait pénitence; qu'en vain il
le citerait à Rome et l'accuserait lui-même
d'avoir eu des enfants; que toutes ses me-
naces ne lui feraient rien relâcher de son de-
voir, et qu'au cas que le coupable ne se
corrigeât point par une pénitence volontaire,
il le ferait mettre en prison, pour lui ôter
du moins le moyen de continuer son dé-
sordre.
30. La plupart des autres lettres de saint
Avit n'ont rien de bien remarquable. Ce sont
ou des invitations à des solennités, ou des
compliments au sujet des principales fêtes
de l'année, principalement de la Naissance
et de la Résurrection du Sauveur. Car il était
d'usage alors, que les évéques s'écrivissent
mutuellement en ces sortes de jours, pour
se donner des marques d'amitié et marquer
comment ils avaient célébré ces fêtes. Il y a
plusieurs lettres de ce genre parmi celles de
Tliéodoret. Saint Avit en écrivit une à un
rhéteur nommé Viventiolus, qui l'avait cri-
tiqué de ce que, dans un discours prontoncé
à Lyon pendant la cérémonie de la dédicace
d'une église, il avait fait une faute de quan-
tité, en faisant longue une syllabe qui était
brève '. Viventiolus s'autorisait d'un vers de
Virgile, où ce poète fait cette syllabe brève.
Saint Avit répond que Virgile en a usé ainsi
par une licence poétique, comme il lui est
assez ordinaire : et qu'ailleurs il fait cette
syllabe longue, comme elle l'est en effet.
Nous n'avons plus le discours que saint Avit
prononça en cette occasion. Il avertit l'évê-
que Constantius de ne point priver de la
communion, dans le temps pascal, ceux qui
ne seiont coupables que de fautes légères.
Il parle, dans sa lettre à Maxime, des monas-
tères de Grigny, bâtis auprès de Vienne, et
dans lesquels il avait fait la visite comme
étant sous sa discipline. La lettre à l'empe-
reur Anastase fut écrite par saint Avit au
nom du roi Sigismond, lorsqu'il envoya des
légats en Oi-ient. Sa lettre à son frère Apol-
linaire, est pour le prier de lui procurer un
sceau attaché à un anneau de fer. Il lui mar-
que tous les ornements dont il voulait que
ce sceau fût revêtu, et la matière dont on le
devait composer. Il lui dit de faire graver
dessus un monogramme, qui marquât toutes
les lettres de son nom. On voit de semblables
monogrammes dans les anciens dipltjmes
des rois et dans les monnaies de Charles-le-
Chauve. La lettre adressée à Quinlien, mais
dont l'inscription parait fausse, parce que
cet évêque, qui était de Clermont en Auver-
gne, ne dépendait pas de celui de Vienne,
est une invitation au concile qui devait se
tenir à Epône, le huitième des ides de sep-
tembre. Saint Avit marque dans cette lettre
que le pape s'était plaint à lui de ce qu'on
négligeait la tenue des conciles. Il prie les
évéques qui, pour raison d'infirmités, ne
pourraient y venir, d'y envoyer deux prêtres
de vertu et de savoir, en leur place. Les
deux lettres à l'empereur Anastase au nom
du roi Sigismond, sont de la main de saint
Avit. Dans l'une des deux, Sigismond se
1 Potitur,
Cinqua;.
unièu:e â
veutiulLâ ,
Soîjta
unième 1
à COQ£ta'
Soi
neuvièmt;
tre à A
tase.
Soixa
dix-huit
lettre à /
liuaire.
Qualr
vinçtièm
tre à C
tieu.
Uuatt|
Tingts-ln
me et gel
viogt - il
trièiue IeI
à AuQStal
[■Vl= SIÈCLE.]
plaint du roi d'Italie, qui avait refusé le pas-
sage aux légats qu'il envoyait à Anastase.
Le saiiit ayant appris que le pape Hormisdas
avait envoyé Ennodius en Orient, écrivit à
ce pape, par le prêtre Alexis et le diacre Vé-
nantius, au nom de toute la province de
"Vienne, pour savoir si les Grecs étaient ré-
concilies avec l'Eglise romaine, comme ils
s'en vantaient. Hormisdas répondit que la
légation qu'il avait envoyée n'avait encore
produit aucun eflTet, parce que les Grecs ne
désiraient la paix qu'en paroles. Il parle dans
celte lettre comme il avait déjà fait dans une
précédente, de la conversion des provinces
de Dardanie et d'Illyrie. La lettre de saint
Avit à Hormisdas ne se trouve point dans
les recueils manuscrits de ses lettres, parce
qu'on l'a toujours jointe avec celle du pape
Hormisdas.
31. Saint Avit fit, à la prière de ses amis,
un recueil de ses homélies, ainsi qu'il le té-
moigne lui-même ' dans une de ses lettres à
son frère Apollinaire. Il ne nous reste que
deux de ces homélies, l'une su?' le premier,
l'autre sur le troisième jour des Rogations.
11 marque dans la première que l'institution
des Rogations s'était répandue non-seule-
ment dans toutes les Gaules, mais presque
par toute la terre, qui se purifiait par cette
satisfaction annuelle des désordres qui l'i-
nondaient ^; que celle fête laborieuse et pé-
nible, comme il l'appelle, fut rétablie par
saint Mammert, l'un de ses prédécesseurs;
mais qu'il fallut une extrême nécessité pour
forcer les cœurs inflexibles des Viennois,
pour se soumettre à une telle humiliation,
et que l'Eglise de Vienne, en embrassant la
pénitence des Rogations, ne songea qu'à
trouver un remède nécessaire à ses maux.
Saint Avitdonneledétaildecesmaux : «Grand
nombre d'incendies, de fréquents tremble-
ments de terre, des bruits extraordinaires
que l'on entendait la nuit, on voyait les ani-
maux sauvages entrer dans la ville; soit que
ce fussent de véritables bêtes, ou seulement
des fantômes et des spectres, c'était toujours
un prodige qui jetait la terreur dans les es-
prits. Les impies, dissimulant ce qu'ils en
pensaient, attribuaient ces événements au
hasard ; les plus sages les regardaient comme
CHAPITRE XL. — SAINT AVIT, ÉVÊQUE.
S63
des signes de la colère de Dieu, qui présa-
geaient la ruine totale de leur ville. Ce qui
acheva de les en convaincre, fut l'embrase-
ment qui arriva à l'entrée de la nuit de la
Résurrection du Sauveur. Alors le feu prit à
l'Hôtel-de-Ville, qui était situé dans le lieu
le plus élevé de Vienne. La nouvelle s'en
étant répandue parmi le peuple déjà assem-
blé dans l'église, tous en sortirent pour em-
pêcher leurs maisons et leurs biens d'être en-
veloppés dans cet incendie. Saint Mammert
seul, sans frayeur, demeura devant les saints
autels, où, animant sa foi par l'abondance de
ses larmes, il éteignit le feu par ses prières.
Dans cette même nuit il forma le dessein
d'instituer les Rogations et prescrivit ensuite
les psaumes et les prières qui devaient les
accompagner. Il destina à cette pénitence
les trois jours qui précèdent la fête de l'As-
cension, indiquant diH'érentes églises pour
les processions ou stations de ces jours. Quel-
ques Eglises firent d'abord les Rogations en
des temps difl'érents : mais enfin elles s'ac-
cordèrent à les faire aux trois jours de devant
l'Ascension , quoique ce ne fût pas une chose
fort importante de les faire partout en même
temps. » Saint Avit, qui fait cette remarque,
en fait une autre, dans cette homélie, sur
l'avantage des prières et des bonnes œuvres
qui se font en commun. « Outre que l'union
du peuple dans les exercices de pénitence,
est un grand motif pour y engager ceux mê-
mes qui n'auraient pas voulu se joindre à
tous les autres pour pleurer avec eux leurs
péchés, l'humilité de l'un anime celle de
l'autre, et personne ne rougit de se recon-
naître coupable, lorsque tout le monde con-
fesse qu'il l'est : dans un combat où tous
s'unissent contre un ennemi commun, le plus
lâche est encouragé par la valeur de ses
compagnons. Les forts couvrent les faibles,
qui , par leur union avec eux, ont la gloire
d'être comptés dans l'armée des vaillants et
d'en faire une partie. Il arrive de là que
quand on a remporté la victoire, tous y ont
part, et quoique peu aient combattu, tous
néanmoins participent au triomphe. Quelque
faible que soit donc une personne dans la
vertu, qu'elle ait soin de s'unir aux autres;
ses prières obtiendront ce qu'elles n'eussent
' Nuper paucis homiliarum mearum in unum corpus tummodo , scd pêne per orhem toium Rogatinnalis ob-
rediictis, horlatii amicorum dismmen editionis intravi. servaniiœ flumen irriguum, el infeciam vitiii terram
Epist. ad ApolL, pag. 1686. uberi fluxu annuœ satitfactionis expurgat. Avit., Ho-
' Currit quidem irumile vitali non per Gultias tan- mil. 2 de Rogat.
364
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pas obtenu par elles-mêmes. » Saint Avit ap-
puie cette létlexion de l'exemple des Ninivi-
tes , où les enfants, joints aux vieillards ,
apaisèrent par leurs jeûnes, la colère du
Seigneur. Il explique ensuite l'endroit du
chapitre viii' de saint Matthieu, où il est dit
que le Seigueur ayant commandé aux vents
et à la mer, la tempête qui avait jeté la
frayeur dans les disciples, s'apaisa tout à
coup. Il se sert avec avantage de ce qui ar-
riva alors pour engager son peuple à recou-
rir à Jésus-Glirist et à lui demander avec
instaçce de ne point les abandonner dans le
cours de leur navigation, et de commander
àl a fureur du siècle présent de s'apaiser.
Homélie 3ur 32. La SBCOude homélie qui nous reste de
joar'X's'™- saint Avit est pour le troisième jour des Ro-
gat.oos. gâtions. Elle nous a été donnée en 1717, par
dom Martène, sur un manuscrit de la Grande-
Chartreuse. Saint Avit y remarque, comme
dans la première, que les Rogations avaient
été instituées dans le siècle même où il vivait.
Il remarque encore qu'au troisième jour des
Rogations on lisait, dans divers offices, la
prophétie d'Amos, dont il explique le troi-
sième chapitre en montrant que ce qui y est
dit regarde non pas les juifs, comme ils s'en
flattaient, mais les chrétiens, qui sont le vé-
ritable peuple de Dieu. Dans un ancien lec-
tionnuire à l'usage de l'Eglise gallicane ,
donné par dom Mabillon ', sui' un manuscrit
de l'abbaye de Luxeuil , il est marqué qu'on
lisait, pour le troisième jour des Rogations,
non la prophétie d'Amos , mais , à tierce , la
première épitre de saint Pierre; à sexte, la
première de saint Jean, et à none, le livre de
Judith; ce qui fait voir que les offices divins
ne se célébraient pas d'une manière uniforme
dans toutes les églises de France, et qu'on
n'y suivait pas le même ordre dans la lecture
des Livres saints : chaque évêque réglait ces
choses selon qu'il le trouvait à propos. L'ar-
chevêque Herbert nous apprend que dans la
Normandie ^, lorsqu'aux jours des Rogations
on allait en procession à quelque endroit éloi-
gné, l'usage était qu'après que le clergé avait
chanté quelques hymnes ou répons , les
femmes en chantaient d'autres.
33. Pour ce qui est des autres homélies
df! hoiuéiiM dont samt Avit avait fait un recueil ^, et que
saint Grégoire de Tours avait vu , il ne nous
en reste que les titres ou quelques fragments
dont les plus considérables nous ont été con-
servés par Florus, diacre de l'Eglise de Lyon,
dans son commentaire «wr lesEpîtres de saint
Paul. Un manuscrit de la bibliothèque de
M. de Thou, marque les huit suivantes avec
le commencement de chacune , savoir : une
homélie prononcée à la dédicace de la grande
église, une dans la basilique de Sainte-Marie,
une à la rénovation du baptistère de l'église
de Vienne, une à la dédicace de la basilique
de Genève, une dans une autre dédicace qui
n'est pas nommée , une dans la basilique de
Saint-Pierre, bâtie par l'évêque de Taren-
laise; une dans la basilique des Martyrs d'A-
gaune, lorsqu'on rétablit le monastère de ce
lieu , et une à l'occasion de la conversion de
Sigisric ou Sigismond , le lendemain que sa
sœur eut fait abjuration de l'hérésie arienne.
Nous avons des fragments de sept de ces ho-
mélies , mais il est difficile de dire à quelles
homéUes ces fragments appartiennent. Le
père Sirmond y a joint divers endroits de la
conférence que saint Avit eut avec Gon-
debaud et dans laquelle il pressa inutilement
ce prince de confesser pubhquement la foi
catholique, dont il avait reconnu la vérité après
avoir vu les évéques de son parti, c'est-à-dire
de l'hérésie arienne , réduits au silence par
ceux de la communion catholique. Ces en-
droits sont rapportés, d'après saint Grégoire
de Tours, dans son livre 11^ de V Histoire des
Français. Agobard, évêque de Lyon^ nous a
aussi conservé quelques endroits de cette
conférence. Nous trouvons un beaucoup plus
grand nombre de fragments des homélies et
des traités de saint Avit dans le commentaire
que le diacre Florus a fait sur les épitres de
saint Paul, où il donne moins ses pensées que
celles des anciens pères de l'Eglise qui ont
expliqué quelques endroits des épîlres de cet
apôtre. Il cite nommément saint Cyprien ,
saint Hilaire , saint Ambroise , saint Pacien ,
saint Jérôme , saint Ephi-em , diacre ; saint
Léon, saint Fulgence et saint Avit. Parles
endroits qu'il rapporte de ce dernier, il y en
a qui sont tirés d'une homélie sur la Pâque,
et d'une autre sur le sixième jour d'après
Pâques ; de trois homélies sur les ti'ois jours
des Rogations, différentes de celles que nous
avons en entier; d'une homélie sur la Passion
du Seigneur, d'une sur l'Ascension , d'une
qui était intitulée : De l'Institution de l'Eu-
' Tom. V Thcsuiir. Anecd., pag. 47.
' Herb., lib. 1 Miruciil., cap. xxi, ibiJ.
' Tom. II Oper. Sirmond., pag. 139, 142 et seq.
[VI« SIÈCLE.
charistie , d'une sur la Pentecôte, d'une sur
le Symbole, d'une sur la Dédicace de Saint-
Michel- Archange, d'une sur le roi Ezéchias,
d'une sur l'Enlèvement d'Elie , d'une sur Jo-
uas , et d'une sur l'Ordination d'un évêque.
Florus rapporte aussi divers fragments des
livres de saint Avit contre le Fantôme, c'est-
à-dire contre ceux qui soutenaient que Jésus-
Christ n'avait eu qu'un corps fantastique et
en apparence; de ses livres contre les Ariens,
et des lettres que le mênae évêque avait écrites
contre ces hérétiques, d'un livre sur la Nais-
sance de Jésus -Christ et d'un autre swr sa
Divinité. Adon de Vienne parle d'un dialo-
gue de saint Avit, contre l'Arianisme , comme
d'un ouvrage excellent et où on remarquait
autant d'esprit et d'érudition que d'exacti-
tude '. Ce dialogue était adressé au roi Gon-
debaud. Adon altiibue au même saint deux
traités contre les Hérésies de Nestorius et d'Eu-
tychès; mais il y a apparence qu'il en-
tend par ces traités les deux lettres que saint
Avit écrivit au roi Gondebaud et dans les-
quelles il réfute, à la prière de ce prince, les
hérésies de Nestorius et d'Eutychès. Ces let-
tres sont la seconde et la troisième , suivant
l'ordre de l'impression. Nous apprenons en-
core d'Adon que saint Avit écrivit contre
Fauste de Riez , pour réfuter ses erreurs sur
la grâce. C'est apparemment le même écrit
que Florus cite sous le nom de lettres *. On
ne sait ce que c'est que l'ouvrage que Nol-
ker-le-Bègue cite sous le nom de saint Avit ^.
Il l'intitule : De l'Instruction des hommes. Il y
en a qui comptent parmi les écrits perdus de
saint Avit un livre de la Pénitence momen-
tanée , c'est-à-dire qui se fait à l'article de la
mort; mais il parait qu'il faut entendre par
là la quatrième lettre de saint Avit au roi
Gondebaud, où il traite en effet de cette sorte
de pénitence , et où il en fait voir l'utilité
contre Fauste de Riez. On attribue encoi'e à
saint Avit * un livre sur la Divinité du Saint-
CHAPITRE XL. _ SAINT AVIT, ÉVÊQUE.
365
Esprit; mais les trois fragments qu'on nous
a donnés , avec quatre de ses lettres , pour-
raient bien être tirés de ses livres contre les
Ariens, où , à l'imitation des écrivains plus
anciens que lui, il pouvait avoir établi la di-
vinité du Saint - Esprit en établissant la con-
substantialité du Verbe.
34. On voit, par ce qui nous reste de ces
ouvrages perdus ^, que saint Avit avait eu
souvent occasion de défendre la foi contre
les hérétiques de son temps. Il fait voir, con-
tre les ariens, qu'Abraham, Moïse et les pro-
phètes n'avaient été sauvés que par Jésus-
Christ, et que c'est ce qui leur faisait tant
souhaiter son avènement ; qu'on ne peut dou-
ter qu'ils n'aient cru en lui, puisqu'ils en ont
si souvent parlé et en des termes si clairs et
si précis; que, comme personne ne périt que
par le vieil Adam, personne n'est sauvé que
par le nouveau, qui est Jésus-Christ; qu'il est
Fils de Dieu par nature, et nous par adoption
et par grâce; que si le Seigneur de gloire a
été attaché à la croix ^, la divinité n'en a rien
souffert, mais l'humanité seule : car il y a en
Jésus-Christ ^ deux substances unies en une
seule personne , d'où vient qu'il est Dieu et
homme. Ce ne sont pas deux dieux , mais un
seul et le même qui, étant de deux natures,
est médiateur entre Dieu et les hommes. 11
dit qu'il ne sait pas ce que l'on doit penser
de la fête de la Pentecôte ^ ou de la descente
du Saint-Esprit, si l'on ne croit pas qu'il soit
Dieu. « Quel honneur, en effet, lui rendent en
ee jour les hérétiques qui le mettent au rang
des créatures? L'Eglise ne nous ordonné-t-
elle pas, dans le Symbole ', de croire en lui
comme en une personne de la Trinité? Puis-
que, selon l'apôtre, il pénètre tout, même les
profondeurs de Dieu, c'est-à-dire ce qu'il y a
en Dieu de plus profond etde plus caché; la
profondeur de ses connaissance', est une
preuve de son égalité avec le Père et le Fils "*,
de qui nous disons qu'il procède '. Abraham
le qu'il J
0 an remai-
qii:ihle flinç
ces fragments
et iluns cot
lettres.
* Ado, in Chron., pag. 798, et BoUand., ad diem
5 febr., pag. 667.
2 Sirmond., pag. 176.
s Notk., in Script., cap. vu.
' Baluz., Miscellan. tom. I, pag. 361, 362, et tom.
H Oper. Sirmund., pag. 264.
^ Tom. II Oper. Sirmund., pag. 150 et seq.
6 Pag. 155.
' In Christo Deus et homo, non aller, sed ipae : non
duo ex diversis , sed unus ex utroque mediator. Ge-
mina quidem substantia, sed una persona. Ex libris
contra Ariunos, pag. 173.
• Nisi Deus çrediiur Spiritus Sanctus , ignora quid
de prœsenti festivitate dicatur, aut quid in ejus nd-
ventu honoris hœreticus excolat, quem quantum ad se
est etiam nomine servitutis inclinât. Ex serm. de
Penlec., pag. 167.
9 Quid mine de Spiritu Sancto dicemus, quem cre-
dere conséquente symboli parie in Trinitate prœcipi-
mus? Ex serm. de Symb., pag, 156.
1" Ulrum œqualis sit Palri vel Filio Spiritus Sanc
tus, ex ipsa scicntiœ suœ profunditate perpendiie. Lib
cont. Arian., pag. 156; in I Cor. 2, 10 et 11.
» Nos vero Spiritum Sanctum dicitnus a Filio et
Pâtre procedere. Lib. de Spir. Sanct. divinil., pag,
170.
566
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Gen. XVIII, 1.
étant assis à la porte de son tabernacle, trois
personnes lui apparurent, et, courant au-de-
vant, il les adora et dit : Seigneur, si j'ai
trouvé grâce devant vos yeux, ne passez point
devant la maison de votre serviteur sans y entrer.
Aucun des trois n'était ni mieux habillé ni
d'une figure plus relevée '. Mais ce patriar-
clie , connaissant le mystère de l'indivisilile
Trinité, prie ces trois personnes en un seul
nom, Seigneur, parce qu'il y a trois personnes
dans l'unité de nature, et une seule substance
dans la Trinité. » Saint Avit trouve dans le sang
et l'eau qui sortirent du côté de Jésus-Christ
les deux sources du salut, le baptême et le
martyre, et dit que , dans l'Eglise ^, les uns.
après avoir été régénérés dans cette eau,
finissent par une sainte mort ; les autres trou-
vent leur salut dans le sang qu'ils répandent
avec constance pour la vérité ; les uns sont
sauvés, parce qu'ils meurent pour Jésus-
Chrisi; les autres, parce qu'ils ont vécu pour
Jésus-Christ en suivant ses préceptes. Le Sau-
veur a poussé sa bonté pour nous jusqu'au
point de nous laisser tout entière la subs-
tance qu'il a prise pour nous ^ Les hommes
laissent leurs biens à leurs héritiers : Jésus-
Christ s'est donné lui-même à nous , c'est-à-
dire la chair et le sang de son corps. C'est ce
que dit saint Avit dans un desfragments de son
discours sur V Institution de V eucharistie, où
il explique de quelle manière s'est faite cette
institution. Les quatre lettres que Baluze nous
a données en 1678, dans le tome I" de ses
Miscellanées , avec les fragments qu'il a cru
être tirés d'un livre sur la Divinité du Saint-
Esprit, avaient déjà été imprimées à Châlons-
sur-Saône en 1661, par le père Ferrand, jé-
suite. On les a placées à la fin des œuvres de
saint Avit , dans la dernière édition des ou-
vrages du père Sirmond, en 1696. La pre-
mière de ces lettres est adressée au roi Con-
debaud. Ce prince avait demandé à saint Avit
ce que c'était que le centuple que Dieu pro-
met dans l'autre vie. Le saint évêque répond :
u Ce centuple ne doit point s'entendre à la
lettre, mais dans un sens spirituel; l'on
ne doit pas non plus s'imaginer que Dieu
doive avoii' égard à la quantité de l'aumône,
mais plutôt à la disposition dans laquelle on
la fait; cela paraît évident par l'éloge que
Jésus-Christ a fait de la veuve , qui , encore
qu'elle n'eût donné que deux oboles, méri-
tait plus queceux qui avaient offertde grandes
sommes ; le nombre centenaire se met dans
l'Ecriture pour marquer quelque chose de
parfait; et enfin, quoique l'aumône doive
être bien récompensée, ceux-là recevront une
récompense beaucoup plus grande, qui ont
tout quitté pour Jésus-Christ, que ceux qui
n'ont donné qu'une partie de leurs biens au
nom de Jésus-Christ, parce qu'il est incom-
parablement plus grand de tout quitter que
de donner beaucoup. Ainsi donc , le cen-
tuple promis dans l'Evangile doit s'entendre
du seul martyre, que rien n'égale parmi les
autres œuvres. » Saint Avit le prouve par l'en-
droit de l'Evangile où il est dit que pour re-
cevoir ce centuple, l'homme doit abandonner
non-seulement sa femme, ses enfants ou ses
frères pour Jésus-Christ, lorsqu'il s'agit delà
confession de son nom, mais encore sa pro-
pre vie. Hors ce cas , c'est-à-dire quand
il y a du danger que nos péchés ne nous sé-
parent de l'amour de Jésus-Christ^, la religion
et la raison veulent que nous en conservions
pour nos parents ; c'est ce que prouve ce qui
est dit dans l'Evangile de l'homme et de la
femme : Ce que Dieu a joint , l'homme ne doit
point le séparer. L'apôtre dit encore que celui
qui n'a pas soin des siens, et particulièrement
de ceux de sa maison, renonce à la foi et est
pire qu'un infidèle. Saint Avit dit que, sans
soufl'rir le martyre, il peut arriver que l'on en
reçoive le mérite et la récompense : ce qui
arrive lorsque quelqu'un, se trouvant engagé
dans une religion mauvaise, quitte ses pa-
rents et ses proches pour embrasser la vérité
dans la vue de son salut. Les trois autres
lettres, dont l'une est adressée à un homme
de condition nommé Arigius , la seconde à
l'évêque Etienne , et la troisième à l'évêque
Grégoire , regardent la célébration de quel-
ques fêtes solennelles.
35. U y en a une autre à la tête des poèmes
1 Cerie non in aliquo horum trium aiit cultior ha-
biius, aid eminentior forma prœstabat, et tamen Abra-
ham sacramenium indivisœ Triniiatis inlellii/ens, uno
nomine très precatur, quia irina in unitate persona,
et uiia est in Trinilate substantia. Lib. cont. Ârian.,
pag. 193.
2 Omnis Ecctesia duo sunt gênera hominvm : umim
est quod fideli morte , aliud quod sublimi passione
salvaiur : unum quod pro C/iristo occubuit, aliud
quod Christo vixit. Serm. de Passion., pag. 166.
3 Itaque videmus quod niliil nobis de subslantiœ
■plenitudine minuit , qui quod pro nobis assumpsit lo-
ium nobis reliquit. Alii liœredibus suis sua tribuunf,
ille semetipsum, id est, carnem vel sanguinem corporis
sut. Avit., serm. de Natal. Cali., pag. 180.
[vi«
SIÈCLE.]
CHAPITRE XL. — SAINT A VIT, ÉVÊQUE.
567
de saint Avit, auxquels elle sert de préface.
Elle est adressée à son frère Apollinaire ,
évéque de Valence, qui l'avait prié de re-
cueillir ses poésies en un corps d'ouvrage.
Saint Avit marque qu'il avait déjà fait la
même chose, à la prière de ses amis, à l'égard
de ses homélies. Il reconnaît que ses épi-
grarames étaient en assez grand nombre pour
composer un volume d'une juste grosseur,
mais que ne lui étant pas possible de les re-
couvrer, il se trouvait obligé de ne publier
que le poème qu'il avait fait sur l'Histoire de
Moïse. Il prie, au surplus, ceux qui le liront
d'avoir plus d'égard à son dessein qu'à sa
poésie même, dans laquelle il craignait de
n'avoir pas observé toutes les règles de l'art;
le jugement favorable qu'en avait porté Apol-
linaire, fils de saint Sidoine, ne le rassurait
point, quoiqu'il ne pût douter de l'habileté
et de la pénétration du censeur à qui il avait
soumis cet ouvrage '. 11 est divisé en cinq
livres, dont le premier, qui contient trois cent
vingt -cinq vers, traile de la création du monde
jusqu'à l'endroit de la Genèse où il est dit
que Dieu mit nos premiers pères dans le pa-
radis terrestre. Le second en comprend qua-
tre cent vingt-trois. Il traite de la chute de
l'homme, et, à l'occasion du péché dans le-
quel la première femme engagea son mari,
saint Avit raconte les désordres qui occasion-
nèrent la ruine de Sodome. L'arrêt que Dieu
prononça contre Adam et Eve, et contre le
serpent, fait la matière du troisième livre, qui
est composé de quatre cent vingt-cinq vers.
Pour prouver que Dieu ne laisse point impu-
nie la transgression de ses lois, le saint fait
une paraphrase de la parabole du mauvais
riche et du Lazare, rapportée par saint Luc :
puis il continue de rapporter les suites fâ-
cheuses du péché de nos premiers pères, qu'il
dit être au-dessus de toute expression. Il s'a-
dresse à Jésus-Christ, seul capable de répa-
rer notre perte et de guérir nos langueurs.
Dans le quatrième, qui contient six cent cin-
quante-huit vers, il fait une description du
déluge, de ce qui le précéda et de ses suites.
Le sujet du cinquième est le passage de la
mer Rouge. Ce livre contient sept cent dix-
neuf vers.
36. Le poème de saint Avit, adressé à Fus-
cine, sa sœur, est compté pour un sixième
livre. Apollinaire, son frère, le pria de le
rendre public, et quelques amis se joignirent
' Avit., Epist. 45 ad Âpollin., pag. 80.
à lui pour obtenir cette grâce. Saint Avit ne
l'accorda qu'avec peine et à condition qu'il ne
serait connu que dans sa famille ou de ceux
qui leur étaient unis parles liens d'une même
religion. Il déclare en même temps qu'il re-
nonçait pour toujours à la poésie, à moins
que la nécessité de quelque épigramme ne
l'y engageât. Il regardait cette occupation
au-dessous de son âge et de la dignité épis-
copale , l'un et l'autre demandant un genre
d'écrire plus sérieux et qui fût plus à la por-
tée de ceux qu'il devait instruire. Saint Avit
n'avait d'abord donné à ce poème que le titre
d'épigramme; mais, sur la remontrance de
son frère, il lui donna celui de livre, qui, en
effet, lui convient mieux pour son étendue,
qui est de six cent soixante-six vers hexa-
mètres ou héroïques , comme sont aussi les
vers des poèmes précédents. Celui-ci est in-
titulé : De la louange de la chasteté, pour la
consolation de Fuscine, sa sœur, vierge con-
sacrée à Dieu. 11 commence l'histoire de sa
vie dès son baptême, marquant avec quelle
simplicité et quelle candeur elle vécut jusqu'à
l'âge de douze ans , où elle consacra à Dieu
sa virginité; pure dans ses mœurs, modeste
dans ses habits , elle méprisa tous les orne-
ments du siècle. La suite de sa vie n'eut rien
de différent de son commencement, sinon
qu'elle augmenta en vertu, ne cherchant qu'à
plaire à Jésus-Christ qu'elle avait choisi pour
son époux. Il cite en passant quelque cbose
du poète Prudence, sur la virginité. Parmi les
Livres sacrés qu'il cite pour faire l'éloge de
cette vertu, on voit celui de Job, de Judith ,
de Tobie , d'Esdras et le chapitre de Daniel
où l'histoire de Suzanne est rapportée. Il
compte quatorze épilres de saint Paul, cite
celles de saint Pierre, de saint Jean, de saint
Jude et l'Apocalypse de saint Jean. Il parle
de sainte Eugénie comme étant célèbre dans
tout le monde par ses vertus. Mais lorsqu'il
ajoute que , travestie en homme , elle avait
gouverné longtemps un monastère d'hommes,
il paraît avoir ajouté foi aux actes de cette
sainte , qui , en ce fait comme en beaucoup
d'autres, ne peuvent s'accorder avec l'histoire
de l'Eglise. On met le martyre de sainte En-
génie sous Valérien, c'est-à-dire vers l'an 238
ou 260. Or, en ce temps-là, il n'y avait point
de monastères. Ils n'eurent lieu qu'après Dio-
clétien, c'est-à-dire après l'an 303, que ce
prince céda l'empire à Galère. Outre les six
livres de poésie dont nous venons de parler,
on ne peut douter que saint Avit n'en ait
568
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Jngeme
des écrits <
saiol Avit.
composé d'autres, comme on le voit par sa
lettre à son frère Apollinaire, qui sert de pré-
face au poème sur l'Histoire de Moïse. Mais il
parait que saint Grégoire de Tours et saint
Isidore de Séville n'ont connu que ces six
livres. On trouve, sous le nom de saint Avit,
dans divers manuscrits , des épigrammes ou
plutôt des poèmes entiers sur l'Exode, sur le
Lévitique, sur les Nombres, sur le Deutéronome ,
sur Josué, mais si imparfaits et si remplis de
fautes, qu'il y a tout lieu de croire que ce
saint évêque aima mieux les supprimer que
de les rendre publics, n'ayant pas eu le loi-
sir de les retoucher et de leur donner la der-
nière main. Le premier de ces poèmes con-
tient treize cent vingt-sept vers, le second
trois cent huit , le troisième six cent quatre-
vingt-neuf , le quatrième deux cent quatre-
vingt-sept, le cinquième quatre cent quarante-
deux, et le sixième six cent quatre-vingt-
quinze '.
37. Les écrits de saint Avit seront toujours
des preuves de son esprit, de son savoir et
de son éloquence. Ses vers ont plus de dou-
ceur et de beauté que sa prose. Mais dans
l'un et dans l'autre genre d'écrire, il ne man-
que ni d'agréments, ni de politesse : et par-
tout on aperçoit qu'il pensait noblement. Ses
poèmes plurent aux meilleurs critiques de son
siècle^, et dans le dernier les connaisseurs en
ont loué l'élégance ^. Les explications qu'il a
données de quelques endroits de l'Ecriture,
ont été trouvées bonnes *, et ses lettres aussi
admirables, que propres à confondre les hé-
rétiques qu'il a combattus ^. Cela nous doit
faire regretter ses traités contre les Ariens,
dont nous n'avons que quelques fragments,
n'y ayant aucun lieu de douter qu'il n'y ait
fait paraître autant de force d'esprit et de
solidité de raisonnement, qu'il en montra
dans la conférence de Lyon, où il réduisit
les ennemis de la foi catholique an silence ;
où il parla avec tant de grâces et d'éloquence,
qu'on le prit pour un autre Tullius ^. Le roi
Gondebaud, prince d'esprit et de savoir, ne
put se refuser à l'évidence des preuves que
le saint évêque donna de la vérité de la foi
catholique en cette occasion : et si elles ne
firent pas d'assez profondes impressions sur
son cœur pour la lui faire professer publi-
quement, elles servirent à en convertir sin-
cèrement beaucoup d'autres. Il faut toutefois
convenir qu'il y a de la dureté dans ses ex-
pressions, de l'obscurité dans son style;
mais c'est un défaut commun à beaucoup
d'écrivains du même siècle, ou pour mieux
dire, c'est un défaut du siècle même où l'é-
loquence n'avait plus ses beautés naturelles
et où le goût était beaucoup au-dessous de
celui que l'on avait dans les siècles plus heu-
reux, et qui n'avait pas encore été gâté par
le commerce avec les Barbares. Si nous
avions tous les ouvrages de saint Avit, peut-
être trouverions -nous quelque chose de
mieux que dans ceux qui nous restent : car,
dans une de ses lettres ', il reconnaît qu'il
était plus en état de mieux dire étant jeune,
que dans ses dernières années. 11 savait le
grec, et avait, ce semble, quelque connais-
sance de l'hébreu.
38. Les premiers ouvrages de saint Avit oa^^t^i^^Z
que l'on a mis sous presse, sont ses poésies, =''°''^'"'-
divisées en six livres. Il en parut d'abord
une édition à Strasbourg, chez Mulingius,
1 Dom Pitra a retrouvé ces poèmes, au moins en
partie, dans un meilleur manuscrit, sous le nom de
Juvencus, et il les a publiés dans le tome I du Spid-
legium Solesmence, pag. 173-207. [L'éditeur.)
" Ante aliquot meiises datas ad amkum quemdam
communem magnificentiœ vestrœ litteras, vidi, quitus
scribebatis placuisse vobis libellas quos de spiritalis
historiée gestis etiam lege poematis lusi. Avit., Epist.
45 ad Apoil.
5 Bailiet, Poètes latins, pag. 532.
4 Temporibus Gondobadi régis Burgundionum fuit
in urbe Vienna episcopus , Avitus nomine , fide catho-
licus, eloquentia facundissimus , ingénia acerrimus,
sacrarum titterarum expositar suavissimus, litterarum
etiam sœcularium doctissimus et in metris facillimus
sicut et ejus opéra testnntiir. Agobardus Lugdun., ad-
ve7-siis legem Gondabadi. Quad sacra explicuit série
genealogus olim Alcimus egregio digessit carminé
prœsul. Fortunat. Pictav., lib. I de Vita sancti Mar-
tini.
^ Magnœ facundiœ erat beatiis Avitus, episcopus
Viennensis...extant exinde apiid nos epistolœ admira-
biles : quœ sicut tune hœresim oppresserunt, ita nunc
Ecclesiam Dei œdificant. Greg , lib. II Hist. Franc,
pag. 34.
^ Sed pastquam damnus Avitus proposuit fîdem
nostram cum iestimoniis sacrœ Scripturœ, ut erat al-
ler Tullius, et Dominus inspirabat gratiam omnibus
quœ dicebat ; ianta consiernatio cecidit super arianos,
ut nihil omnino respondere posset Bonifacius ad ra-
tianes damni Avili. Collât, contr. Arian., tom. Il
Oper. Sirmund., pag. 274.
' Audivi quad in homilia quam nuper ad populum
Lugdunensem in dedicaiione basil'icœ videor cancia-
natus, barbarismum me inciirrisse dicatis : palam sci-
licet castigantes quad publica oratiane peccaverim.
Fateor istud potuisse contingere : prœserlim mihi ,
cui si qua in annis viridioribus fuerunt studia litte-
rarum, omnia fert œtas. Avit., Epist. 51 ad Viventiol.
rhetor.
[VI' SIÈCLE.]
CHAPITRE XLI. — SAINT ENNODE, ÉVÊQUE.
en 1507; une antre à Pnris, en 1508, et une
troisième à Cologne, en 1509 : l'année sui-
vante Josse Bade en donna une quatrième,
à la tête de laquelle il mit une épigramme
de Rhingmannus Philésius ; ce qui donne lieu
de croire que ce fut lui qui prit soin de cette
édition. Celle de Lyon, en 1536, chez Vin-
cent Portonaire, est de Jean de Gaigny, qui
ajouta aux précédentes l'homélie de saint
Avit sur les Rogations, les poèmes de Marins
Victor et quelques autres opuscules. Cette
édition fut fort blâmée des savants, parce
que l'éditeur, non content de changer, selon
son caprice, divers endroits des pçèmes de
saint Avit, y ajouta près de cinq cents vers
de sa façon. On ne laissa pas de la publier à
Paris, en 1545. Menrad Molther revit de
nouveau les mêmes écrits de saint Avit, et
les fit imprimer à Bâle, en 1545, avec un
commentaire qu'il avait fait lui-même. Ils
furent insérés depuis dans toutes les Biblio-
thèques des Pères, en commençant par celle
de 1575. Mais dans celle do Paris on oublia
l'homélie sur les Rogations. En 1643, le père
Sirmond fit imprimer les lettres de saint
Avit, avec son homélie sur les Rogations, ses
deux poèmes et quantité de fragments tirés
des ouvrages de ce père qui ne sont pas
venus jusqu'à nous, et enrichit le tout de
notes très-recherchées. C'est sur cette édi-
tion que l'on a mis les ouvrages de saint Avit
dans la Bibliothèque des Pères de Lyon, en
1677. L'éditeur aurait dû y ajouter les quatre
lettres du même père , données par Ferrand
dès l'an 1661. On les trouve dans le second
569
tome des œuvres du père Sirmond, à Paris,
en 1696, non sur l'édition de Ferrand, mais sur
celle de Baluze, en 1678, comme plus cor-
recte. Elles sont suivies de la conférence de
Lyon entre les évêques catholiques et les
ariens, qui avait déjà été imprimée dans le
cinquième tome du Spicilége de dom d'A-
chery, et dans le quatrième tome des Con-
ciles du père Labbe. [L'édition de 1696 a été
réimprimée à Venise, en 1728, et dans Gal-
land, tome X, où l'on trouve aussi le sermon
pour le troisième Jour des Rogations , donné
par dom Martène. Le tome LIX'= de la Patrolo-
gie latine, col. 191 et suiv., reproduit cette
dernière édition.] 11 y a encore une édition
des œuvres de saint Avit, à Leipsick, eu
1604, par les soins de Joachim Zhéner. Li-
poman a donné place dans le second tome
de son recueil au poème de la Virginité,
adressé à Fuscine. Mais il l'a intitulé : Vie de
la bienheuj-euse Fuscine, et l'a divisé en vingt-
quatre chapitres. Il se trouve aussi avec le
poème sur l'Histoire de Moïse, dans le Recueil
des Poètes chrétiens, que Georges Fabricius fit
imprimer à Bâle en 1562; et dans divers
autres recueils des poètes latins, où l'on a
quelquefois confondu saint Avit, évêque de
Vienne, avec le poète Alphius Avilus. [Les
Poètes chrétiens , de Félix Clément , Paris ,
1857, contiennent quelques extraits des poé-
sies de saint Avit, traduits en français.
M. l'abbé Parizet, docteur de l'Université de
Louvain, a fait paraître, en 1859, à Louvain,
une dissertation intéressante sous ce titre :
Saint Avit, évêque de Vienne; sa vie et ses ecînts.]
CHAPITRE XLI.
Saint Ennode, évêque de Pavie, et confesseur.
[En 521.]
1. Magnus Félix Ennodius ' se dit en plu-
sieurs endroits de ses écrits, originaire des
Gaules et né de parents gaulois ^. Il semble
même dire que la ville d'Arles, qu'il appelle
une demeure charmante ^, était le lieu de
sa naissance. Ce ne fut pas néanmoins dans
cette ville qu'il reçut sa première éducation.
mais à Milan où il avait une tante, qui vou-
lut bien se charger de lui *, à cause du dé-
rangement que la domination des Visigoths
avait causé dans les affaires de son neveu.
On met sa naissance vers l'an 473 ; et quoi-
qu'il dise quelquefois dans ses écrits, qu'il
était né d'une famille médiocre, il ne laisse
' Sirmund., not. Episi. 25, lib. IV, et in Vit. Ennod.
* Ennod., lib. Vl, Epist. 24, et lib. IX, Epist. 29.
s Ennod., lib. VII, Epist. 8.
<• Ibid., in Eucharisi., pag. 1706.
570
HISTOIRE GÉNKR/VLE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
pas de compter parmi ses ancêtres, ses pro-
ches ou ses alliés, Faiisîe, Boëce, Aviénus,
qui avaient élé consuls ; Césaire d'Arles et
Aurélien, évoques; Sénarius, Florien, Oly-
brius, Eugénète, et plusieu^-s autres qui
avaient occupé les premières charges de
l'empire. Son père se nommait Camille '. Il
parle d'une veuve de même nom, comme
d'une de ses proches ^.
Ses éludes, 2. A l'âge de seize ans ^ et lo:?. .le l'ar-
lusi fait dia- Yivée du roi Théodoric en Italie, il perdit sa
tante, qui jusque-là avait fourni seule à tous
ses besoins. Réduit par cette mort à man-
quer même du nécessaire, il trouva de la
ressource dans le mariage * qu'il contracta
avec une personne également noble et riche,
dont il eut un enfant. Avant son mariage, il
s'était beaucoup appliqué à l'étude de l'élo-
quence et de la poésie ^. Ses écrits prouvent
qu'il réussit dans l'une et dans l'autre. Mais,
depuis son mariage, l'opulence fut pour lui
une occasion de dissipation et de plaisir. Il
mena pendant quelque temps une vie peu
chrétienne *; mais Dieu, par sa miséiicorde,
lui ayant fait entendre la même voix qu'il
avait fait entendre autrefois à Adam aussitôt
après son péché, la confusion se saisit de
lui, et ouvrant les yeux sur ses égarements
passés et sur l'abime où ils allaient le préci-
piter, il pleura amèrement sur les faux plai-
sirs auxquels il s'était livré jusqu'alors, et
changea de vie. Dieu, pour se l'attacher plus
fortement, permit qu'on le fit entrer dans le
clergé, et qu'on l'ordonnât diacre, lorsqu'il
s'y attendait le moins, et même contre son
gré. Il convient que sa conduite ne répondit
point tout il fait à l'honneur du ministère .
qu'on lui avait confié. Mais ayant demandé
à Dieu avec instance, par l'intercession de
saint Victor en qui il avait une confiance
particulière, la grâce de vivre conformément
à son état, il l'obtint. Il poussa plus loin ses
demandes, et employa encore le crédit de
ce saint auprès de Dieu, pour obtenir que sa
femme choisît avec lui l'état d'une continence
perpétuelle. Elle fit sur cela ce que son mari
souhaitait, et il lui rend la justice qu'elle le
surpassait en vertu. On ne voit rien dans
les écrits d'Ennode touchant le fils qu'il avait
eu de son mariage.
' Ennod., lib. IV, Epist. 25. — s Lib.IX, Epist.<i9.
3 Ibid., in Eucharist., pag. 1705, 170G. — ' Ibid.
s Ibid., pag. 1702. — « Ibid., pag. 1706, 1707 et 1708.
' Brtuî posi Epiphanius ad diaconii evectus infulas,
vicesimum annum œtaiis ascendit. Ennod. , in Vit.
3. Ennode demeurait alors à Pavie, ou du n s'appii
moins dans le territoire qui en dépendait, ies'sdiivcsl
puisque ce fut dans cette Eglise et par saint 'q"".
Epiphane qui en était évêque, qu'il fut or-
donné diacre. Il était encore fort jeune; mais
son âge ne devait pas paraître un obstacle h
son ordination à saint Epiphane ^, qui avait
lui-même été ordonné diacre à l'âge de vingt
ans. Ennode, depuis son ordination, ne se
sent-int que du mépris pour les lettres hu-
maines, se donna tout entier à l'étude de la
science ecclésiastique ^. Il eut pour maître
non-seulement saint Epiphane, son évêque ',
mais encore Servilion '", homme de grande
vertu et d'érudition dans les matières ecclé-
siastiques. Il y avait aussi dans le clergé de
Pavie " d'autres personnes d'un mérite dis-
dingué et d'un savoir peu commun, entre
autres l'archidiacre Silvestre et le prêtre
Bonose, Gaulois de naissance, dont la doc-
trine et le bon exemple furent sans doute
très-utiles à Ennode. On a tout lieu de croire
qu'il accompagna saint Epiphane '* dans le
voyage qu'il fit dans les Gaules, pour soula-
ger et racheter les captifs que les Bourgui-
gnons avaient faits dans la Ligurie : car il
parle, comme témoin oculaire '3, de plusieurs
faits qui se passèrent dans cette occasion.
4. Quelque temps après la mort de saint n est u<
Epiphane, arrivée en l'an 497, Ennode allaà ïrc''."ii%s
Rome, où il se fit estimer par la beauté de orient." i
son esprit, par son éloquence, par sa vertu
et son savoir. Ce fut en celte ville qu'il com-
posa l'apologie du pape Symmaque et du
concile qui l'avait absous. II fut aussi choisi
pour faire le panégyrique de Théodoric, roi
des Ostrogoths, qui entra en Italie après la
défaite d'Odoacre. On ne sait point en quel
lieu il le prononça, si ce fut à Milan ou à Ra-
venne, ou en quelque autre ville d'Italie :
mais il paraît que ce ne fut point à Rome,
dont il parle comme en étant absent. Cette
pièce d'éloquence lui mérita l'estime et la
considération du prince. Le successeur de
saint Eiiiphane dans le siège de Pavie, fut
saint Maxime , qui l'occupa jusque vers l'an
510. Alors Ennode fut choisi pour le remplir :
il le gouverna jusqu'en 521, auquel il mou-
rut, n'étant âgé que de quarante-huit ans.
Le soin de son Eglise ne l'empêcha pas de
Epiph., pag. 1653. — s Idem, lib. IX, Epist. 1 . — s Ibid ,
pag. 1692.
ioidom, lib. V, Epist. 14. — " Ibid., pag. 1655.
12 Tom. IV Concil., pag. 1260.
13 Ennod., in Vit. Epiphan., pag. 1679 et seq.
[VI= SifTXE.]
se prêter au besoin de celles d'Orient. Comme
elles étaient troublées par les eutychéens
et divisées avec celles d'Occident , le pape Hor-
misdas ' le députa deux fois vers l'empereur
Anastase pour rétablir la paix et la commu-
nion entre les Orientaux et l'Eglise romaine.
Mais ces deux légations, dont la première se
fit en 515, et la seconde en 517, furent sans
effet. L'empereur, après avoir essayé en vain
de tromper Ennode et de le corrompre par
argent, le renvoya sur un vaisseau tout fra-
cassé, avec défense d'aborder à aucun port
de la Grèce et d'entrer dans aucune ville.
Il arriva toutefois lieureusement à Pavie,
dont il gouverna l'Eglise encore quelques
années. Les mauvais traitements qu'il souf-
frit ^ pour la cause de la foi et de la religion
de la part des Grecs, lui ont fait donner le
titre de confesseur, par les papes Nicolas P'
et Jean VIIL L'Eglise l'honore en cette qua-
lité, le 17 juillet. Dans l'épitapbe qu'on lit sur
son tombeau ^ d'ans la chapelle de Saint-Mi-
chel, à Pavie, on relève son éloquence et sa
doctrine, sa libéralité et sa sagesse, son zèle
pour la conversion des peuples, son atten-
tion à élever des temples à Dieu, à les déco-
rer avec magnificence, et son travail dans la
composition des hymnes qu'on devait y
chanter en l'honneur du Tout-Puissant.
Ectiisd'Én- 5. Nous avons, sous le nom d'Ennode,
ide. Ses Ut- ' '
es, p. 1366. deux cent qualre-vmgt-dix-sept lettres, y
compris celle d'Euprépice, sa sœur. On les a
distribuées en neuf livres, suivant l'usage
des anciens : mais l'on n'a pas gardé exac-
tement l'ordre chronologique dans cette dis-
tribution. La plupart sont des lettres d'ami-
tié ou de civilité. 11 y en a beaucoup d'autres
qui regardent des faits peu intéressants pour
l'histoire de l'Eglise. Nous nous arrêterons
à celles qui contiennent quelque chose de
remarquable pour la doctrine ou pour la
discipline ecclésiastique. Il parle dans sa let-
tre à Fauste *, des suites fâcheuses qu'occa-
sionna le schisme entre Laurent et Symma-
CHAPITRE XLI. — SAINT ENNODE, KVÈQUE.
571
que, tous deux élus pour remplir le Saint-
Siège. Dans une autre lettre écrite au même^,
il reconnaît que la foi nous oblige d'adorer
une seule nature en Dieu, sous la distinction
de trois personnes égales en dignité. Nous
avons parlé ailleurs de la lettre à Julien Po-
mère °, à qui Ennode demanda quelques-
uns de ses écrits , et de celle qu'il écrivit au
nom du pape Symmaque ', aux évoques
d'Afrique, que le roi Trasamond relégua en
Sardaigne au nombre de deux cent vingt. II
leur dit : « Ne craignez point de ce qu'on
vous a dépouillés des ornements épiscopaux :
vous avez avec vous celui qui est le prêtre
et la victime : il n'a pas coutume de mettre
son plaisir dans les honneurs, mais dans les
cœurs. La récompense attachée à la confes-
sion du martyre, est plus grande que la di-
gnité épiscopale. Souvent la faveur y élève
des personnes d'un mérite fort médiocre;
mais il n'y a que la grâce d'en haut qui
donne la qualité de confesseur, n II parle
dans celle qu'il écrivit à Constance ^ d'un
homme qui avait avancé que nous n'avions
de liberté que pour faire le mal. Il appelle
cette proposition une proposition schismati-
que et qui, aux termes de l'Apocalypse, porte
sur son front le caractère de blasphème. Quelle
liberté serait-ce en effet, de ne vouloir que
ce qui mérite le châtiment? Comment peut-
on dire que l'on a le choix, où il n'y a qu'un
seul parti à prendre? Si le sentiment de cet
homme était véritable, les jugements de Dieu
n'auraient point lieu? Comment nous obli-
gerait-il à faire le bien, s'il nous en avait ôté
le désir? Que veut dire saint Paul dans le té-
moignage qu'il rend à la liberté : J'ai la vo-
lonté de faire le bien, mais je ne trouve point le
moyen de le faire? N'est-ce pas dire : Je peux
choisir le bon chemin ; mais si, lorsque j'y
entre, la grâce ne m'aide, je me lasserai
bientôt? Personne ne doute que l'auteur de
la grâce n'ouvre aux hommes le chemin de
la justice par son secours : cette doctrine est
Rora. Tli, 18,
1 Tom. IV Concil., pag. 1426, 1448.
2 Sicui magnus Cliristi confessor Ennodius, Ticinensis
episcopus , qui ab Hormisda npostolicœ memoriœ Con-
stantinopolim missus, innumeras miserias a Grœcorum
vesonia pro fide Christi et statu Ecclesiœ non semel
pertulit. Nicol. 1, Epist. 8 ad Michael. August. Absit
a piis mentibus quid de roma?ii culminis pontifice si-
nistrum sentire, cum beoto Eimodio confessore, Tici-
nensis urbis antislite , scribente doceanmr, quia Deus
omnipotens aut claros ad ianta fastigiu erigit, aut
certe quos erigit illustrât. Joan. VllI, Epist. ad Ber-
char. Abbat.
' Pollens eloquio, doctrinœ nobilis arte,
Restituit Christo innumeros populos.
Largus vel sapiens, dispensatorque benignus,
Divitias credens quas dédit esse suas.
Tenipla Deo faciens, hymnis decoravit et aura.
Tom. II Oper. Sirmimd., pag. 1364.
* Lib. I, Epjist. 3.
5 Vere grattas Trinitati, quam veneramur et coli-
mus, Deo nostro, quœ sub personarum distinctione et
œqualilate mirabili, nnam nos pie jussit sentire et
adorare substanliam. Ennod., lib. I, Epist. 20.
« Lib. Il, Epist. 6. - "> Epist. 14. — s Epist. 19.
572
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
avouée de tout le monde. La grâce conduit
et précède dans les bonnes actions : c'est
elle qui nous invite au salut, ou plutôt Jésus-
Christ par elle, lorsqu'il nous dit : Venez, mes
enfants, écoutez-moi. Mais si notre volonté, qui
est libre, refuse de se rendre à ses avertis-
sements : si notre travail ne suit ses pré-
ceptes, nous nous précipitons de nous-mê-
mes dans le danger et dans l'enfer, sans y
être contraints par aucune néces'ilé : en
sorte qu'il est vrai de dire que la pratique
des préceptes mérite récompense, et que le
mépris que l'on en fait, est digne de sup-
plice. Nous devons à la grâce notre vocation;
c'est elle qui nous conduit par des voies se-
crètes, et à moins que nous ne lui résistions,
elle répand dans nos cœurs une saveur salu-
taire : mais c'est de notre choix que nous
suivons le bien qui nous est montré. La voix
même du crime ne nous domine pas; elle
est à notre égard comme une servante : d"où
vient qu'il est écrit au sujet des péchés :
Gènes iv, 7. Votrc convoUïse vous sera soumise.
La lettre à Arménius *, est pour le consoler
sur la mort de son fils, en lui représentant
qu'il était passé aune meilleure vie, ayant fait
pénitence en celle-ci. C'est la coutume d'En-
node de donner à l'évêque de Rome le nom
de pape ; il croyait qu'il lui était si particulier,
qu'il adresse à Symmaque une de ses let-
tres ^ sous le nom seul de pape. Les écri-
vains plus anciens n'en usent pas de même :
ils donnent le nom de pape indifféremment
aux évêques des autres sièges comme à celui
de Rome. On remarque qu'il écrivit la plu-
part de ses lettres sous le pontificat de Sym-
maque, et quelques-unes dans le temps que
le schisme de Laurent troublait l'Eglise ro-
maine. Il s'intéresse, dans la lettre à Cons-
tance, pour Vigile , sous-diacre de cet évê-
que, à qui il demande de le promouvoir au
diaconat, dans l'espérance que Vigile s'étant
bien acquitté des fonctions de son ministère,
il pourra demander à Constance de l'élever
à un plus haut degré '. L'abbé Léontius, à
qui Ennode écrivit, est le même, comme l'on
croit, qui l'exhorta à écrire la Vie du bien-
heureux Antoine, moine de Lérins. Ennode
raconte qu'étant parti de Rome pour retour-
ner dans le lieu ordinaire de sa demeure,
apparemment Pavie, il eut une vision au
commencement du jour *, dans laquelle Sy-
négie, femme de Fauste, morte depuis quel-
que temps, lui apparut et lui reprocha de
n'avoir point honoré son tombeau de quel-
ques-uns de ses vers. Il composa donc son
épitaphe, qu'il envoya à Rome au prêtre
Adéodat, pour la faire graver sur le tombeau
de Synégia. Cette épitaphe est différente de
celle qu'il composa pourSynégie, à la prière
de sa sœur Euprépie ^. Sachant que Cons-
tance était allé à Ronae, il lui recommanda
d'ofl'rir à Dieu pour lui des prières au tom-
beau des apôtres ^, afin que , par leur inter-
cession ' , il obtînt de passer le reste de sa
vie dans la pureté et dans l'observation des
divins commandements. Il parle dans sa let-
tre à Laconius, du mariage d'une de ses
nièces avec un de ses parents. Il semble qu'il
y eut d'abord quelque difficulté, mais que,
de l'avis de ceux que l'on consulta, ce ma-
riage ne se trouvait point dans les degrés
défendus. Il dit néanmoins que pour plus
de sûreté , il allait envoyer à Rome pour sa-
voir du pape Sj'mmaque ce qu'il en pensait.
Dans une lettre au prêtre Adéodat s, il
cite sous le nom du docteur des Gentils, ces
paroles de l'épître de saint Jacques : Priez jjc.vi, ic.
les uns pour les autres. Il marque dans celle
qu'il écrivit à Fauste -, son désir de voir finir
le schisme de Laurent, afin qu'il pût faire un
voyage à Rome. Il y avait à Arles une veuve
de ses parents nommée Archotamia, qui vi-
vait dans une si grande piété '", qu'elle pou-
vait servir de modèle à un de ses fils qui
était prêtre et qui, dans le dessein de se per-
fectionner dans la vertu, s'était retiré dans
le désert de Lérins. Ennode écrivit à cette
parente pour lui témoigner combien il sou-
haitait d'avoir une occasion d'aller dans les
Gaules ", afin de lui baiser, avec son fils, les
mains et les yeux. Le diacre Elpidius, à qui
« Lib. If, Epist. 1. — 2 Lib. IV, Episl. 1 et 29.
s Epist. 21.
* Indico ergo non mentiens, nocte tertia a profec-
tione mea, ingratam mihi domnam meam Synegiam
apparuisse in ipso lucis exordio, et multum ah ea me
cuipalum, quare nullis versihus sepulcrum esset hono-
ratum... versus quos direxi, per diem judicii te con-
jura ut in pariete supra ad pedes scribi mox farjas.
Ennod., Epist. ad Adéodat., lib. VU, Epist. 28.
s Lib. V, Epist. 7.
8 Rogo ut pro me apud apostolos Dei preces effundns,
ut eoruni beneficiis morialis angustiœ superetur ob-
scœniias, et de puro mandatorum cœlestium iramite
mens serena gratutetur. Eunod., ad Coiist., lib. V,
Epist. 23.
■J Epist. 24. — « Lib. VI, Epist. 36.
9 Epist. 34. — " Lib. VI, Epist. 24.
«' Lib. VU, Epist. 14.
[VI« SIÈCLE.]
CHAPITRE XLI. — SAINT ENNODE, ÉVÊQUE.
573
Ennode écrmt, était en même temps méde-
cin ' : on croit que c'est le même Elpidius
qui était médecin du roi Théodoric : ce qui
prouve qu'en ces temps-là les clercs exer-
çaient la médecine. Cela paraît encore par
l'épitaplie du diacre Denis ^, qui faisait pro-
fession de médecine dans la ville de Rome,
après qu'elle fut prise par les Golhs. Ennode
s'étant trouvé malade ^, s'adressa à un mé-
decin qui, ayant examiné sa maladie , dit
qu'il n'avait point le remède qu'il fallait y
apporter. Cette réponse fit naître à Ennode
une grande espérance de guérison : car,
voyant que les hommes ne pouvaient lui en
procurer, il s'adressa, les larmes aux yeux,
au Médecin céleste, pour en recevoir du se-
cours. Puis, ayant envoyé chercher de l'huile
que l'on devait, suivant la coutume, brûler
devant le tombeau de saint Victor, martyr
de Milan, il s'en oignit tout le corps pour
dissiper la fièvre qui le tourmentait. Il prend
Dieu à témoin que la guérison qu'il avait de-
mandée par l'intercession de ce saint martyr,
lui fut accordée sur le champ. Arator était
encore jeune, lorsqu'Ennode lui écrivit, et
appliqué à l'élude des belles-lettres, surtout
de la poésie *. Ennode essaya de le détour-
ner de l'amour des sciences profanes; on
croit que c'est le même Arator qui, ayant
tourné sa muse vers des objets plus nobles,
mil en vers les Actes des apôtres, qu'il dédia
au pape Vigile. La lettre qu'Ennode écrivit
à Apodémia ^, était pour la remercier de lui
avoir envoyé une cuculle ou capuce conve-
nable à son état. Il la prie en même temps
de lui envoyer quelques autres vêtements
dont les noms ne sont pas bien connus, mais
que l'on dit être une espèce de chaussure.
Lorsqu'il écrivit sa dernière lettre au pape
Symmaque ^, l'Eglise romaine n'était plus
agitée par les troubles du schisme de Lau-
rent. Ennode parle avantageusement dans
cette lettre du roi Théodoric, à qui il souhaite
que Dieu donne un successeur de sa propre
' Amico et medico indico me gravi corpoi'is inœqua-
litate laborare. Ennod., ad Elpid. diacon., lib. VII[,
EiJisl. 8.
' Hic levita jacet Dionysius , artislhonestœ functus
et officia, quod medecina dédit. Sirinund., tom. II,
pag. 1547.
3 Venit ad me medicus, et dixit se quod faceret non
habere. Hinc mihi major spes, quando homo cessaverit.
Continua me cum lacrymis ad cœlestis Medici auxilia
converti ; et domni Victoris oteo iotum corpus , quod
jam sepulcro parebaiur, contra fehres armavi. Sic
Deus meus mox affuit magni militis imperator, el
race. 11 marque à Aviénus que n'ayant pu
assister à ses noces ', il avait adressé à Dieu
ses prières pour lui et pour sa nouvelle
épouse, afin que leur mariage fût heureux
el que Dieu le comblât de ses bénédictions,
comme il avait fait pour ceux d'Abraham etde
Sara, d'Isaac et de Rebecca, de Jacob et de
Rachel. La lettre àCésaire, évêque d'Arles^,
est en même temps un éloge de ce saint,
qu'il appelle le plus noble des évêques de son
siècle, autant par la sainteté de sa vie, que
par sa doctrine et son éloquence; et un com-
pliment de congratulation sur la manière
dont son innocence avait été reconnue par
le roi Théodoric. Conduit à Ravenne sous
bonne garde, comme s'il eût été coupable de
crimes, il parut devant ce prince avec la sû-
reté que donne l'innocence , el le visage
semblable à celui d'un ange. Théodoric le
reçut non-seulement avec beaucoup d'hu-
manité, mais il lui offrit encore des présents
el le renvoya en liberté.
6. Le roi Théodoric s'étant rendu maître „ . .
ronegyn-
de l'Italie après plusieurs victoires remportées ^.^^^j^Jij "'
sur Odoacre, le pape Symmaque l'envoya
congratuler par le diacre Ennode : ce fut en
cette occasion qu'Ennode prononça lepanégy-
rique de ce prince. On ne sait ni en quel lieu
ni en quelle année il le prononça. Il parait
seulement que ce ne fut pas à Rome, et qu'il
le déclama avant le consulat de Céthégus,
c'est-à-dire avant l'an 504. Il dit assez claire-
ment ^ qu'il l'avait entrepris au nom el
comme député de l'Eglise romaine. Car, en-
core que ce prince fût arien, il ne laissait pas
de favoriser l'Eglise catholique et de la pro-
téger. Ennode commence l'éloge de Théo-
doric dès son enfance, et relève de suite tou-
tes les actions par lesquelles il s'était rendu
recommandable jusqu'après la défaite d'O-
doacre, qui arriva en 493. Il dit nettement '"
que Théodoric demeura victorieux, parce que
Dieu combattit pour lui.
7. Nous ne répéterons pas ici ce que nous
apologie
deSyiïimaqne
quod per testem ejus idoneum popasci incunctanfer
obtinui. Eonod., ad Faust., lib. VIII, Epist. 24.
'• Lih. IX, Epist. 1. — s Epist. 17. — « Epist. 30.
' Epist. 31. — 8 Epist. 33.
9 Vide divitias sœculi tui. Tune vix fora kabuere
perfectas : 7iunc Ecclesia dirigit laudatorem, Ennod.,
in Panegyric. ,ps.g. 1611.
'» Interea dum anceps esset foriuna certaminis...sU'
peravit nostri memoria principis... cœli arbiter Deus.
Munera collata multiplica. Pag. 1609. Agnosce ctc
mentiam Damini tui. Saporem te voluit haurire trium-
pkorum, quam dubia elegit nescirecertaminum. P. 1604,
Sli
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
et»ic!^es»ini avons dit dans l'arlicle de Symmaque, de
i74,,pbaoe, p. l'^puif^g^f, qu'Ennodius composa pour justi-
fier la conduite que le synode de Rome avait
tenue à l'égard de ce pape. Le premier écrit
qui suit cette Apologie dans l'édition dont
nous nous servons, est la Vie de saint Epi-
pliane, évéque de Pavie. Ennode fait profes-
sion de rapporter les vertus et les actions de
ce saint avec autant de sincérité que d'exac-
titude. Personne n'était plus en état de le faire
que lui, puisque non-seulement il avait été
admis dans les degrés de la cléricature par
saint Epiphane, mais qu'il avait encore ap-
pris de sa bouche une partie des choses qu'il
raconte, et que la plupart des autres s'étaient
passées tout récemment, à la vue de tout le
monde. Saint Epiphane n'avait que huit ans
lorsque saint Crispin, alors évêque de Pavie,
le mit au nombre des lecteurs de son Eglise.
Il lui fit apprendre à écrire en notes, et se
servit de lui pour ce ministère en diverses
occasions. A l'âge de dix-huit ans il l'éleva
au sous-diaconat, et deux ans après au dia-
conat, faisant moins attention à la faiblesse
de son âge qu'à la force de sa vertu. Il le
chargea du soin des biens de l'Eglise et des
richesses des pauvres, étant bien aise d'é-
prouver ce jeune homme, qu'il destinait pour
son successeur, et de s'assurer, avant qu'il
fût élevé à l'épiscopat, de la manière dont il
s'y conduirait un jour. Sentant sa fin appro-
cher, il fit un voyage à Milan pour disposer
apparemment son métropolitain à consentir
à l'élection de son élève, dont il rendit un té-
moignage avantageux en présence de beau-
coup de personnes. De retour à Pavie, il y
mourut quelques jours après, et le clergé et
le peuple se conformant au désir de leur
évêque, choisirent d'une voix unanime saint
Epiphane pour lui succéder. Quelque résis-
tance qu'il apportât à son élection, il fallut se
rendre, et on le conduisit à Milan pour y être
consacré. A son retour, il assembla son
clergé pour prier les prêtres et les diacres
de lui aider à porter la charge qu'on lui avait
imposée : ce qu'il fit par un discours qui lui
gagna les cœurs et lui mérita les louanges
de tous ceux qui l'entendirent. Aussitôt après
il dicta les règles de vie qu'il voulait garder
pendant son épiscopat. On voit par ce qu'En-
node nous en a appris, qu'il ne mangeait que
des herbes et des légumes avec un peu de
vin. Il se proposa d'abord de ne point diner;
mais la nécessité de donner quelquefois à
manger aux survenants, l'obligea de changer
de régime. II prit donc le parti de diner, mais
de ne souper jamais. Il se trouvait toujours
le premier à l'office de la nuit, où il assistait
debout pendant tout le temps. 11 fut chargé
de ménager vers l'an 469, la réconciliation
de l'empereur Anthémius avec le général
Ricimer, son gendre, et il y réussit. On le
chargea aussi, sur la fin de l'an 474, de mé-
nager un accord entre Glicer, qui tenait l'em-
pire, et Euric, roi des Visigoths. Ce prince
accorda la paix qu'on lui demandait, avouant
que le discours du saint l'avait désarmé.
Euric le fit prier à manger le lendemain.
Saint Epiphane, qui savait que la table de ce
prince était toujours souillée par la présence
des évêques ariens qui y mangeaient, s'en
excusa, disant qu'il n'avait point coutume de
manger hors de chez lui, et que d'ailleurs il
était sur son départ. Oreste s'étant réfugié
dans Pavie, en 476, pour éviter de tomber
entre les mains d'Odoacre , les soldats de
celui-ci forcèrent. la ville, y brûlèrent deux
églises et firent quantité de prisonniers :
mais saint Epiphane obtint la liberté de
sainte Ilonorate, sa sœur, et de beaucoup
d'autres femmes. L'année suivante il rétablit
les deux églises brûlées, et voulant travailler
aussi au rétablissement de la ville, il obtint
d'Odoacre une exemption d'impôts pour cinq
ans. Théodoric, étant devenu maître de Pavie
et de toute l'Ilahe par la défaite d'Odoacre,
envoya saint Epiphane dans les Gaules, pour
racheter les captifs que les Rourguignons
avaient faits dans la Ligurie. Le roi Gonde-
baud qui, par l'estime qu'il en avait conçue,
le comparait à saint Laurent, l'écouta avec
plaisir, et donna des ordres pour la liberté
de tous les Italiens que la crainte des guer-
res, la famine ou d'autres causes semblables
avaient obligés de se rendre comme captifs ,
voulant que pour ceux qui avaient été pris
comme ennemis dans la guerre, on donnât
quelque peu de chose aux soldats. Le saint
revint en triomphe, accompagné de cette
foule de captifs; mais il ne voulut point aller
à Ravenne trouver Théodoric , de crainte
qu'il ne parût lui demander quelque récom-
pense. 11 se contenta de lui écrire pour lui
rendre compte de sa légation et pour le
prier de faire rendre les biens à ceux à qui
il avait fait rendre la liberté : ce que ce prince
accorda. En 496, il fit un voyage à Ravenne,
pour demander à Théodoric la décharge des
tributs de l'année suivante. Le motif dont il
se servit fut que les richesses des particuliers
CHAPITRE XLl. — SAINT ENNODE, ÉVÉQCE.
EnchartsU-
d'Enno-
[vl" SIÈCLE.]
sont celles des bons princes, à qui rien n'est
plus avantageux que de soulager les peuples
dans leurs besoins et les mettre ainsi en éUit
de continuer à payer les iinpûls qui leur sont
dus. Il obtint les deux tiers de sa demande.
Les mauvais temps qu'il eut à essuyer pen-
dant son voyage, lui causèrent un rhume
fâcheux, dont il mourut à Pavie, quelques
jours après qu'il y fut retourné. C'était dans
la cinquante-huitième année de son âge,
en 493, le 21 janvier auquel on marque sa
fête.
8. Ennode écrivit aussi la Vie du bienheu-
reux Antoine, prêtre et solitaire, mort à Lé-
rins. Il marque que le vénérable abbé Léon-
tius l'avait chargé de cet ouvrage : mais il
ne dit point de quel monastère Léontius était
abbé. On conjecture que c'était de Lérins, où
il est fort posssible qu'Eunode ait passé en
allant dans les Gaules avec saint Epiphane,
son évêque. Ce qui embarrasse, c'est qu'on
ne trouve point le nom de Léontius dans les
catalogues des abbés de Lérins ; mais aussi
l'eu convient que ces catalogues ne sont pas
exacts, et que l'on connaît des abbés de Lé-
rins qui n'y sont point nommés, entre autres
l'abbé Marin, dont il est paiié dans la Vie de
sailli Euyende. Antoine était né dans une
ville de Pannonie ou de Hongrie, nommée
Valérie, aux environs du Danube. 11 eut d'a-
bord pour maitre saint Sévérin, abbé dans la
Norique, ensuite saint Constance, son oncle
paternel, évêque de l'Eglise de l'Orch. Après
avoir passé quelque temps sous sa discipline,
il fit un voyage en Italie, et fixa sa demeure
dans la Valteline, contrée qui est arrosée du
fleuve d'Âde, avant qu'il se jette dans le Pô.
Il eut pour compagnon de ses exercices de
piété, un prêtre nommé iMarius. Après un sé-
jour de quelque temps en cet endroit, il alla
s'établir vers le lac de Corne, dans le Mila-
nais, à quelque distance du tombeau de saint
Félix , martyr. La réputation que ses austé-
rités et ses autres vertus lui attirèrent, l'o-
bligea de changer encore de demeure. Il
passa donc dans llle de Lérins, où, après
avoir vécu pendant deux ans parmi un grand
nombre de saints religieux, il mourut sainte-
ment. Ennode remarque que saint Constance,
son oncle, l'avait mis au nombre des notaires
ecclésiastiques. On lui donne aussi la qualité
de prêtre. Sa fête est marquée dans le Mar-
tyrologe romain au 28 décembre.
9. Ennode, après avoir été guéri miracu-
leusement par l'intercession de saint Victor,
875
évêque de Milan, voulut en rendre grâces
à Dieu par un monument public. 11 com-
posa à cet etïet un petit écrit que l'on a in-
titulé : Eucharisticum, c'ist-à-dire actions
de grâces. Il est sans inscription dans la plu-
part des manuscrits. Dans un, il a pour titre
Histoire de sa vie. C'est eu etTet un abrégé de
la vie d'Ennode, et c'est de là qu'on apprend
l'année de sa naissance. Il y dit qu'il avait
seize ans presque accomplis, lorsque Théo-
doric entra en Italie. Ce fut en 489; ainsi il
faut mettre la naissance d'Ennode en 473. 11
raconte dans le même ouvrage de quelle ma-
nière il se convertit, sa promotion au diaco-
nat et comment il embrassa une continence
pei'pétuelle avec sa femme.
10. L'instruction adressée à Ambroise et à
Béatus, mérite d'être lue des jeunes gens
que l'on veut former à la vertu et dans les
sciences. Ils appartenaient l'un et l'autre à
des personnes de ses amis. Aussi voit-on
dans cette instruction combien il s'intéressait
à leur progrès. Elle est partie en prose et
partie en vers, à la tête desquels Ennode
met le nom de la vertu dont il fait l'éloge. Il
se borne à celui de la pudeur, de la chasteté
et de la foi. Après quoi il fait aussi l'éloge de
la grammaire et de la rhétorique, comme
étant nécessaires pour parvenir aux autres
sciences, c'est-à-dire à la poésie, à la con-
naissance du droit, à la dialectique et à l'a-
rithmétique. Ensuite il donne le catalogue de
ceux qui, dans son siècle, s'étaient rendus
recommandables par ces sortes de sciences.
Ennode envoya un exemplaire de cette ins-
truction au patrice Symmaque, afin qu'il la
corrigeât.
1 1 . L'écrit suivant fut fait en suite du décret
de Rome qui, voulant prévenir des accusa-
tions semblables à celles que l'on avait for-
mées contre le pape Symmaque, enjoignit
aux évêques, aux prêtres et aux diacres, d'a-
voir auprès d'eux une personne de probité
connue, pour être témoin de leurs actions.
L'évêque dont Ennode était diacre, le char-
gea de dresser un semblable décret pour les
prêtres et les diacres de son diocèse, avec
défense de garder dans leurs maisons d'au très
personnes du sexe, que celles qui sont per-
mises par les saints canons, c'est-à-dire la
mère, la tante et la sœur. Ennode ne dit pas
si ce décret avait été fait seulement par le
pape , ou bien par un concile. On appelait
syncelles ces compagnons inséparables. Ils
étaient en usage avant le pontificat de Syra-
Exhortation
à Ainbro'se et
à|:éatus,p3g.
t707.
Ort'onnance
toDcbatit tes
clercs, pag,
1716.
S76
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AtlTEtfRS ECCLÉSIASTIQUES.
maque ; mais on n'avait pas encore fait de
règlement sur ce sujet.
Acie d\!- 12. L'empereur Constantin, dans sa lettre
sJni'ent, pas. à Protogène, évoque de Sardique, avait per-
mis aux maîtres d'affranchir leurs esclaves,
pourvu qu'ils le fissent en présence du peu-
ple et des évêques, et que l'on en dressât un
acte auquel ils signassent comme témoins.
Ennode nous a conservé un de ces actes d'af-
franchissement, qu'il parait avoir composé
lui-même au nom d'Agapite. L'affranchi se
nommait Gérontius.
Bénédiction 13. SuivcHt dcux bénédictions différentes
P«°scaî.'"^ du cierge pascal, qui font voir que l'usage de
bénir solennellement ce cierge, est plus an-
cien que le siècle d'Ennode. Âlcuin et le dia-
cre Amalaire en font auteur le pape Zosime,
qui occupait le Saint-Siège en 417. Mais ils
n'en donnent point de preuves solides. Dans
la bénédiction de ce cierge ', on demandait
à Dieu qu'il pût servir, contre l'impétuosité
des vents et des tempêtes, de garde et de
défense contre les ennemis. Les deux auteurs
que nous venons de citer, disent que c'était
la coutume de distribuer le dimanche d'après
Pâques, en suite de la communion, des mor-
ceaux du cierge que l'on avait béni le samedi
saint, afin que les fidèles en parfumassent
leurs maisons, leurs champs et leurs vignes,
contre les prestiges des démons , contre les
éclairs et le tonnerre. A Rome, au lieu de
cierge pascal, l'archidiacre bénissait de la
cire arrosée d'huile, d'où l'on formait des
morceaux en forme d'agneaux, que l'on dis-
tribuait également au peuple le dimanche
d'après Pâques. De là est venu l'usage qui
s'est introduit dans les siècles suivants, de
former des images de cire avec la figure d'un
agneau, que les papes eux-mêmes fjénissent
solennellement.
DiciioDsou 14. On a mis ensuite les dictions ou dis-
MiSr'^Lno' cours d'Ennode , dont les six premiers sont
"'""'^ ■ sur des sujets de piété : le premier, sur le
jour de l'inauguration de Laurent, évêque
de Milan ; le second, sur la dédicace d'une
église des apôtres, qui avait auparavant servi
de temple aux idoles dans la ville de No-
vare ; le troisième, sur les louanges de Ma-
xime, successeur de saint Epiphane dans le
siège de Pavie ; le quatrième, sur la dédicace
de l'église de Saint-Jean-Baptiste; le cin-'
quième, sur la prise de possession d'un évê-
que; et le sixième, contre les hérétiques
d'Orient et pour la défense de la foi catholi-
que. Quoique tous ces discours soient de la
composition d'Ennode, il ne les prononça
pas lui-même. Il fit le second pour Honorât,
évêque de Novare; il le déclama comme son
propre ouvrage ; et le quatrième, pour Ma-
xime de Pavie, qui le prononça dans la dé-
dicace de l'Eglise. Nous avons vu que Sal-
vien composait aussi des discours pour des
évêques qui n'en avaient pas le talent ou le
loisir. Les autres dictions sont sur des sujets
profanes. Dom Martène nous en a donné un
second ^, pour le jour annuel de l'ordination
de Laurent, évêque de Milan, avec une pe-
tite lettre à Vénantius. Le discours pour un
évêque nouvellement ordonné, est suivi d'une
préface et d'une prière que cet évêque de-
vait réciter avant d'offrir les saints mystères.
15. Les poésies d'Ennode sont divisées en „ , .
deux parties, dont la première contient les ^lEnnoos,
pièces les phis longues, et l'autre les épi-
grammes. Il traite dans les unes et dans les
autres des sujets tout diff'érents. II y en a où
il fait des desciùptions de voyage, d'autres
qui sont des épitalames. Les plus remarqua-
bles sont celles qu'il composa à la louange
de saint Epiphane, la trentième année de
son épiscopat, et en l'honneur de la sainte
Vierge, de saint Cyprien, de saint Etienne,
de saint Denis de Milan, de saint Ambroise,
de sainte Euphémie, de saint Nazaire, de
saint Martin, sur les mystères de la Pen-
tecôte et de l'Ascension. Les vers de cette
première partie sont de différentes mesures.
Ceux de la seconde sont presque tous élégia-
ques, et le plus grand nombre sur des sujets
profanes. Il y en a aussi sur des matières de
piété et de religion, comme sur le serpent
d'airain, sur la construction de diverses égli-
ses et d'un baptistère où l'on avait peint les
images des martyrs ^ dont les reliques repo-
1 In hujus cerei luminis corpore te, Domine, postu-
lamus ut supernœ benedictionis munus accommodes. Et
si quis hinc sumpserit, adversus flabra ventorum ,
adversus spirilus proceltarum tua jussa faciens , sit
illi singulare profugium , sit murus ah hosle fideli-
bus. Ennod., Benedic. cerei, pag. 1724. Sumpiam ex
hoc contra procellas, vel omnes incursus fac dimicare
particuluM. Idem, Bened., 2a.
î Tom. V Anecd., pag. 61 et 62. [Galland ]'a vais
dans la Bibliolh. vet. Patr.]
3 Rapta sepulturis animavit corpora pictor,
Funera viva videns mors eat in tumulos :
Illorum tamen iste locus complectitur artus,
Quos paries facie, mons tenet attu fide.
Eimod., Epigrum. 20, pag. 1850.
CHAPITRE XLI. — SAINT ENNODE, EVÊQUE.
[VI' SIÈCLE.]
saient en ce lieu, sur la pénitence et le par-
don du fils d'Arménias qui avait construit ce
baptistère ; sur les vertus de saint Ambroise,
de saint Simplicien et de Vénérius, tous les
trois évêques de Milan; sur les saints évêques
Martinien, Glycérius, Lazare, Eusèbe, Gé-
ronce. Bénigne, Sénateur et Théodore. On a
joint aux épigrammes d'Ennode une lettre
en vers élégiaques du sous-diacre Arator,
adressée à Parthéuius, patrice et maître des
offices. Cet Arator est le même à qui Ennode
écrivit la lettre qui est la première du neu-
vième livre, pour le détourner de l'étude des
sciences profanes. Parthénius l'avait aussi
engagé à ne plus employer sa muse à des
sujets de cette nature, mais plutôt à des ma-
tières de piété. Arator suivit ce conseil : il
conçut d'abord le dessein de mettre en vers
la Genèse et les Psaumes de David, mais il
se fixa aux Actes des apôtres, et envoya ce
qu'il fit sur ce sujet à Parthénius, pour le
rendre public dans les Gaules. Arator était
alors sous-diacre de l'Eglise romaine. Il dit
assez clairement qu'en entrant dans le clergé,
onlui avait rasé les cheveux du haut de la tête'.
16. Nous ne connaissons point d'autres
ouvrages d'Ennode que ceux que nous avons.
11 ne lui manquait qu'un siècle plus heu-
reux pour être meilleur poète et meilleur
orateur. 11 avait du génie, du feu et de l'ima-
gination. Quoique d'un caractère d'esprit fort
doux, il savait traiter ses adversaires avec
hauteur, quand le bien de sa cause le de-
mandait. Son style est sententieux, ce qui le
rend obscur et difficile : ses écrits peuvent
fournir des lumières à l'histoire des Gaules
et de l'Italie, mais on n'en peut guère tirer
pour l'éclaircissement des difficultés de théo-
logie. La question de la liberté et de la grâce
est la seule sur laquelle il s'explique avec
quelque étendue. Il soutient que nous avons
le libre arbitre pour le bien et pour le mal;
que l'homme ne serait pas digne de supplice
ni de récompense^, s'il était ou nécessité au
mal, ou contraint de faire le bien; mais qu'é-
tant hbre pour l'un et pour l'autre, l'obéis-
S77
sance qu'il rend à la voix de Dieu qui l'ap-
pelle, lui mérite une récompense ; au lieu
que le mépris qu'il fait de cette voix, le rend
digne de supplice. Il enseigne sur la grâce
que c'est à elle que nous devons notre voca-
tion ', et que nous lui devons la saveur de
vie qu'elle répand dans nous par des voies
secrètes, si nous ne lui résistons point : « car
U est de notre choix de suivre le bien qu'elle
nous montre. C'est pour cela * qu'encore que
notre vocation soit l'elfet de la grâce, et
qu'elle produise aussi le consentement que
nous donnons à la voix qui nous appelle,
Dieu ne laisse pas de nous récompenser de
tout cela, comme s'il venait de nous, quoique
ce soit lui qui nous inspire de vouloir le bien
et de l'accomplir. Qu'il veuille donc bien,
ajoute Ennode ^, faire en nous ce qu'il nous
commande : et afin que nous soyons en état
d'accomplir ses commandements, qu'il opère
dans nous ce qu'il nous commande. »
17. Les écrits d'Ennode se trouvent parmi
les orthodoxographes imprimés à Bâle, en
1369. Ils furent imprimés depuis deux fois
en même forme et par deux jésuites : l'une
à Tournai, par André Schottus , en 1610,
in-S", et l'autre à Paris, par les soins du père
Sirmond, in-S", en 1611. C'est sur cette der-
nière édition qu'on leur a donné place dans
la Bibliothèque des Pères de Paris , de Colo-
gne et de Lyon [mais sans les notes], et dans
le recueil des opuscules du père Sirmond, à
Paris, en 1696; [dans Galland, avec les notes.
Le tome LXIII de la Patrologie latine , col. 9
et suivantes, reproduit l'édition de Galland.]
Les poésies d'Ennode tiennent leur rang dans
le Chœur des poètes latins et dans celui des poè-
tes chrétiens, par Georges Fabricius. Mais on
n'y a pris que celles qui ont paru les meil-
leures. Le Panégyrique de Théodoric fut im-
primé dans le recueil des panégyriques des
anciens, et à la suite des ouvrages de Cassio-
dore, à Paris, en 1583, in-4°, en 1589 et
1600, in-folio. Il y en a eu une autre édition à
Lyon, en 1593. Les Bollandistes ont donné
la Vie de saint Epiphane , composée par
Editions
des é'^rits
d'Ennode.
1 Namgue ego romance caulis permixtus amœnis
Ecclesiœ tonso verttce faclus ovis.
Avit., Ejiist. ad Parten. Ibid., pag. 1914.
2 Itaque auc prœmium devotio, aut pœnam contem-
ptus operalur : atioquin non erit jusla retributio quae
aut per supplicia refertur necessitate peccantibus, aut
bonam mercedem offert operi ad quod trahuntur in-
viti. Ennod., lib. II, Epist. 19.
3 Ergo debemus gratiœ quod vocamur : debemus
gratiœ quod occullis itineribus nisi resistamus, sapor
X.
nobis vitalis infunditur : nostrœ lamen eleciionis est,
quod bénéficia demonstrata sequamur. Ibid., pag.
1418.
* Quia cum sit illius quod vocamur, illius quod ve-
ritati acquiescimus, a nobis tamen tanquam sint orta
muneramur , et velle recla et perficere ipse suggerit.
Ennod., in Eucharist., pag. 1705.
5 Sed hœc fuciat in nobis ille quiprœcepit, et ut
pares ejus existimamus imperiis , ipse nobiscum quod
injungit operetur. Ibid., pag. 1707.
37
578
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
elle tient place parmi les Conciles du père
Labbe. [L'hymne du soir et l'hymne pour la
sainte vierge Euphémie sont en français dans
les Poètes chrétiens, par Félix Clément; Paris
1837.1
Ennode, au 21 janvier; nous l'avons en fran-
çais de la traduction de d'Andilly, dans le
premier volume des Vies des saints illustres.
Celle du bienheureux Antoine se lit dans la
Chronologie des abbés et des saints de Lérins
Pour ce qui est de V Apologie de Symmaque,
CHAPITRE XLII.
De quelques Écrivains ecclésiastiques syriens, des V et VI^s siècles.
Isaac 1b
Grand.
Ses écril .
1. Isaac, surnommé le Grand et quelque-
fois l'Ancien, prêtre de l'Eglise d'Anlioche ',
se rendit célèbre sous le règne de ïhéodose
le Jeune et de Marcien. Il avait eu pour maî-
tre Zénobius, disciple de saint Ephrem, et
non saint Ephrem lui-même, mort vers
l'an 379. L'auteur de la Chronique d'Fdesse
donne à Isaac la qualité d'archimandite ou
d'abbé ^, sans marquer de quel monastère.
Il paraît par d'autres monuments syriens,
qu'il était situé à Gabula, dans l'extrémité
de la Comagène, contrée de Syrie près l'Eu-
phrate, ou plutôt à Gabula danslaPhénicie.
On ne peut pas mettre la mort d'isaac avant
l'an 460, puisqu'il a fait un poème sur la
ruine d'Antioche, arrivée en 439. On l'a quel-
quefois confondu ^ avec un autre Isaac, sur-
nommé Ninivite, de qui nous avons des dis-
cours sur le Mépris du monde, dans la Biblio-
thèque des Pères. Mais celui-ci était évêque ;
au lieu qu'Isaac-le-Grand n'eut d'autre qua-
lité dans l'Eglise que celle de prêtre.
2. Isaac composa plusieurs ouvrages en
syriaque, dont les principaux étaient, selon
Gennade *, contre les nestoriens et les euty-
chéens, et un poème où il déplorait la ruine
d'Antioche, comme saint Ephrem avait pleuré
celle de Nicomédie. Il ne reste que quelques
fragments de ses ouvrages polémiques, les
Syriens, qui sont presque tous ou nestoriens
ou eutychéens, ne s'étant point inquiétés de
les conserver. Mais on a dans un manuscrit
de la bibliothèque du Vatican ^ soixante de
ses sermons, et quarante-quatre dans un au-
tre, sur diûërentes matières, dont plusieurs,
qui sont adressés aux moines, traitent de la
perfection à laquelle ils doivent tendre. II
parle dans le septième du culte des reliques
et de l'observation des fêtes , remarquant
qu'outre le dimanche, plusieurs chrétiens
chômaient encore le vendredi en l'honneur
de la Passion ^. Le huitième fut fait à l'occa-
sion d'une comète qui parut en forme de
lance ou de pique. Isaac dit qu'elle était un
signe du tremblement de terre qui arriva
quelque temps après ^. Il combat dans le
neuvième les erreurs de son temps sur le
mystère de l'Incarnation, et il le fait de
manière à sembler quelquefois donner dans
des erreurs opposées. Ses expressions sont
toutefois d'autant plus susceptibles d'un bon
sens, qu'il s'explique nettement ailleurs sur
les deux natures ^ et sur l'unité de personne
en Jésus -Christ. Il établit dans le même dis-
cours ^ la présence réelle de Jésus-Christ
dans l'eucharistie, confessant que le corps
qui paraît mort sur l'autel et dont on donne
à manger aux fidèles, est le corps de Dieu,
et que ce qui est dans le calice, est le sang
de notre Rédempteur. Il enseigne dans le
* Tom. I Bibliiith. Orient., Assem., pag. 207 et seq.
2 Pag. 209. — 3 Pag. 207, 208.
* Gennad., de Viris illusi., cap. Lxvi.
6 Pag. 214. — 6 Pag. 217. — ^ Pag. 219.
8 Si ad naluras accédas geminas esse reperies,
unam sciticet supernam ex alto, et alleram infernam
de terra ; et terrestris quidem nota est ut terrestris ,
superua vero occulta tanquam superna. Âmbœ tamen
una sunt persona cum occulta patenti unila sit.
Pag. 221.
8 Ostendit mi/d corpus interfectum, ex quo in tabiis
mets ponens placide dixit : « Vide quid comedis.» Por-
rexit mihi calumum Spi7-itus, et ut fwc subscriberem
exegii. Accepi, scripsi et confessus sum hoc esse Dei
coi'pus. Item calicem sumens , bibi in ejus convivio,et
ex calice odor corporis ittius quod comederam me
perculit, et quod de corpore dixeram, ipsum nimirum
esse corpus Dei, illud eiiam de calice dixi, nempe
hune esse Redemptoris nostri sanguinem. Pag. 220.
CHAPITRE XLII. — DE QUELQUES ÉCRIVAINS SYRIENS. 379
[V ET Vl^ SIÈCLES.]
dixième que l'on doit baptiser les enfants
dès leur naissance', afin que l'ennemi, voyant
le signe sacré imprimé sur leurs corps , trem-
ble de crainte; que, tandis que l'enfant n'est
pas baptisé, il ne doit point sucer de lait de
sa mère qui est baptisée, ne lui étant pas
permis d'avaler d'un lait qui est formé ou
accru de l'eucharistie; qu'ainsi il faut les
baptiser en sortant du sein de leur mère. Il
montre dans le vingt-troisième ^ que Jésus-
Christ, en tant que Dieu, n'est point sujet
aux soutfrances , mais seulement en tant
qu'homme; dans le vingt-unième, que le dé-
mon n'a de pouvoir sur l'homme qu'autant
que Dieu le lui permet, et que l'homme est
libre de consentir ou non à ses suggestions ^.
11 parait par le trente-sixième, qui est inti-
tulé : Des Itogations, qu'il y avait des jours
institués pour des prières publiques, où l'on
s'efforçait de tléchir la colère de Dieu. Le
calendrier des Maronites en met un dans l'E-
glise d'Antioche au 24 janvier. Les quarante-
cinq et quarante-sixième , sont sur le Jeûne
du carême. 11 y exhorte les vieillards à imi-
ter le jeûne de Moïse; les moines, celui d'E-
lie; les jeunes gens, celui des trois jeunes
hommes et de Daniel; les vierges, celui de
Marie, mère de Dieu; les personnes mariées,
celui d'Esther*.« Si vous n'avez pas, dit-il, les
forces suffisantes pour vous passer de vin ^,
abstenez- vous de l'iniquité et de la rapine :
alors le souverain Juge ne vous condamnera
paspour avoir budu vin.» Dans le cinquante-
troisième, intitulé : JJe la Foi, il établit la con-
substantialité des trois Personnes, qu'il tâche
de rendre croyable par des exemples tirés
des créatures, savoir : du soleil^, de l'âme et
et d'un caillou d'où l'on fait sortir du feu. Le
cinquante-septième est une prière faite à l'oc-
casion de la persécution que Varannes , roi
des Perses, fit souti'rir aux chrétiens en l'an
421 , après son expédition contre les Romains.
11 fait voir dans le cinquante-neuvième, con-
tre les cathares ou novatiens, que l'homme
tombé peut recouvrer son innocence, non-
seulement par le baptême, mais aussi parla
pénitence. Dans le soixante-douzième, il dé-
plore les calamités de son temps, les incur-
sions des Huns et des Arabes ', la famine,
la peste et le tremblement de terre arrivé à
Antioche. 11 avertit les prêtres, dans le
soixante - cinquième , d'user rarement de
l'excommunication envers les pécheurs, mais
de leur imposer souvent des pénitences cor-
porelles. 11 y a six sermons de la Passion,
dans l'un desquels il dit que les sacrements
de l'Eglise sont sortis du côté de Jésus-Christ,
quand il fut percé d'une lance. Le soixante-
treizième est attribué à saint Ephrem, dans
l'office férial des Maronites; mais, dans le
manuscrit du Vatican, il porte le nom d'isaac.
C'est une prière en vers de cinq syllabes : ce
qui fait juger à Assémani qu'elle est plutôt
du syrien Balœus, dont tous les ouvrages
sont en vers de ce genre. 11 remarque que
le quatre-vingt-quatorzième, qui traite de la
Trinité et de l'Incarnation , est sans nom
d'auteur, mais que le style fait voir qu'il est
d'isaac, et que le poème qui est intitulé : Des
Prêtres et des Diacres qui sont morts, autre-
ment, De la Crainte de Dieu et de la mort, est
attribué dans un manuscrit à saint Ephrem :
de même que le cent-unième discours, qui
traite aussi des morts. 11 remarque encore
que les Maronites ont dans leur office pour
le jour du jeudi saint, deux hymnes sous le
nom d'isaac, et que Jean Maro, dans son
traité contre les Euty chiens et les nestoriens,
cite de lui deux discours qui ne se trouvent
point dans les manuscrits du Vatican; que
dans le premier % qui a pour titre : Bu Char
d'Ezechiel, Isaac établissait clairement la
doctrine de deux natures et d'une personne
en Jésus-Christ, et qu'il faisait la même
chose dans le second ^, qui traitait de l'In-
carnation. [Balthazar-Marie Rémondini, mort
à Zante, en 1777, a laissé manuscrite, une
traduction latine des homéhes de saint
Isaac]
3. Cosme '", prêtre de Phanir, bourg dans
Cosrae, prê-
tre syrien.
' Â prima œtate (/régis nostri agni signentur, ut
impressum. corporihus eirum signum videat fur, et
contremiscat. Puer signacuii expers ne sugat lac a
maire baptizaia : non enim fus est coatiium eucha-
ristia lac eurii sorbiliare. In sinu baptismaiis pariter
fitios vestrùs, a ventre ad baptismum ferantur filii
regni. Pag. 221.
2 Pag. 223. — 3 Pag. 224.
' Non suppeiuni tibi vires ut a vino jejunes? Jejuna
ab iniquitate et a rupina , et summusjudex, haud te
condemnabit, quod vinum biberis. Pag. 226.
6 Pag. 228. — 8 Pag. 229. — 1 Pag. 230.
8 Ctirisius is fuit qui in curru mystice apparuii :
divinitas ejus et humanitas in simititudinihus vide-
batur. Duo aspectus, una persona ; duœ naturœ, unus
Salvaior. Pag. 234.
s Cum unicus esset, duo factus est in una persona...
qui in una natura descendit, duabus unitas naturis
ascendit... qui spiritualiter descendit, in corpore ac
spiritu ascendit. Ibid.
10 Assem., tom. 1 Bibliotli. Orient., pag. 235.
580
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
la Gélésyde, écrivit la Vie de saint Siméon
Stylite, à la prière d'Apollonius et de Bara-
chor ; il écrivit même une lettre à ce saint au
nom du clergé et du peuple de Phanir, où il
faisait les fonctions de prêtre. Nous avons
ces deux écrits dans un manuscrit du Vatican,
daté de l'an 474, et que l'on doit par consé-
quent regarder comme l'original , ou du
moins comme une copie tirée sur l'original,
n'étant que d'environ quinze ans après la
mort de saint Siméon Stylite. Dans l'inscrip-
tion de la lettre, Gosme, suivant l'usage des
Syriens et des Arabes, donne à ce saint un
grand nombre d'épitbètes, le comparant aux
prophètes et aux apôtres, et l'appelant le
rempart du pays. Il se recommande et toute
FEglise de Phanir à ses prières, et l'assure
qu'ils observaient fidèlement tous les pré-
ceptes qu'ils avaient reçus de sa part : par
l'énumération qu'il en fait, on voit que saint
Siméon leur avait ordonné de sanctifier les
jours du vendredi et du dimanche ' ; de n'a-
voir pas deux mesures, mais une seule qui
fût bonne et selon l'équité; de se contenir
dans leurs bornes, sans empiéter sur celles
d'autrui ; de ne point refuser le salaire au
mercenaire; de réduire à moitié le prix or-
dinaire du prêt à intérêt, ou plutôt de l'ôter
entièrement, comme on lit dans sa Vie ; de
rendre la promesse à celui qui en paie le
contenu; de rendre également la justice aux
petits comme aux grands; de ne donner rien
à personne contre la justice, et de ne se pas
laisser prévenir par des présents ; de ne pas
s'accuser Tun l'autre; de ne communiquer
ni avec les voleurs ni avec les maléflciers ;
de punir les transgresseurs de la loi; d'aller
souvent à l'Eglise prier pour le salut des
âmes. « Si quelqu'un, ajoutait Gosme, viole
aucun de ces préceptes et ose prendre le
bien d'autrui, ou opprimer quelqu'un, ou
suborner un juge, ou prendre quelque chose
à l'orphelin, à la veuve, au pauvre, ou d'u-
ser de violence envers une femme pour l'en-
lever, qu'il soit anathème. Gar nous voulons
observer exactement tout ce que vous nous
avez commandé. Nous le jurons par Dieu,
par son Christ, par son Saint-Esprit et par
la victoire de nos seigneurs les empereurs ;
nous disons anathème de votre part à qui-
conque fera le contraire ; nous le punirons,
nous nous séparerons de lui; son otfrande
ne sera point reçue à l'église, et nous ne
prendrons pas soin de lui après sa mort. A
l'égard de celui qui dit : Je ne prêterai pas
sans intérêt, parce qu'il est peu considéra-
ble, il entendra ce que vous avez prononcé,
et il doit tenir pour certain, qu'il lui est plus
avantageux de tirer légitimement la moitié
de l'intérêt que d'exiger le tout injustement.
Priez pour nous, mon Seigneur, juste, pur
et fidèle, afin que nous exécutions constam-
ment ce que vous nous avez commandé. »
Gosme se recommande jusqu'à trois fois, dans
cette lettre, aux prières de saint Siméon.
4. ïhéodoret ^, comme on l'a dit ailleurs, _
écrivit la Vie de ce saint. Elle futaussi écrite %^;fi''
par un de ses disciples, nommé Antoine ^. "''■
Gosme en composa une troisième pour les
peuples de la Gélésyrie. On ne peut douter
qu'elle ne soit digue de foi, puisqu'il té-
moigne avoir été témoin de ce qu'il raconte,
ou du moins de la plus grande partie. Cette
Vie se trouve entière dans les manuscrits du
- Vatican. Assémani, qui n'en a donné que
quelques fragments*, remarque qu'elle ren-
ferme quelques particularités qui ont échappé
à Théodoret et à Antoine. Ces deux histo-
riens ne disent rien de Semsus , frère aine
de saint Siméon. Gosme seul en parle et dit
* Tenuitas nostra iuœ magniludini significat de
prœceplo quod a te abjectioni nostrœ impositum est ,
cui omnes subscribimus : et primum quidem feriam
sextam et dominicam diem sancte et pure observari
oporlere ; nefas esse duas mensuras facere, sed unam
reclam et œquam : neminem limites suos transgredi
debere : operariis mercedem non esse denegandam :
medietatem fœnoris leteris ac nooi taxandam : c/iiro-
grapha solventibus restituenda : et rectam pusillis at-
que majoribus ferendam sententiam : nec ulli prœter
jus deferendum, aut munus contra aliquem admitten^
dum : nec alterutrum accusare oportere, aut furiOus
et maleficis communicure ; sed prœuaricatores et legis
t'-ansgressores corripere, et Ecclesiam pro salute ani-
marum nostrarum nos frequentare debere. Si quis
uutem hujusmodi mandata violare prœsumpserit, aut
rapere , aut opprimere , aut judicem subornare , aut
orphano, viduœ vel pauperi , quidquam au ferre, aut
mulierem vi abducere, anathema sit. Sed omnia caute
custodienda esse quœ prœcepisti : ea itaque libenter
suscepimus et in veritute exequimur. Atque ita per
Deum furamus et per Christum efus, perque vivum et
Sanctum Spirituni , et per victoriam dominorum nos-
trarum imperalorum. Si quis autem hœc violare prœ-
sumpserit, anathema sit, ex verbo tua, Domine, et
segregabimus a nobis, nec ejus oblatio suscipietur in
Ecclesia, nec mortuos ipsius prosequemur. Qui vero
dicit : Non mutuum dabo cum fœnus sit exiguum, is
audiet quœ dilectio tua protulit ; et pro certo habeat
satius ipsi esse medietatem licite tollere , quam ioturti
illicite iiubere. Pag. 237. — 2 'fheod., in Phiiot. — s Bol-
land., ad diem hjanuar. — * 11 l'a publié depuis en en.
i\Nàmi%\exec,\in\à.es, Actes des martyrs d'Orienieid' Oc-
cident. Voyez notre tome III, p. 353 et suiv. [L'éditeur).
[v ET vi= SIÈCLES.] CHAPITRE XLII. — DE
que, s'étant fait tonsurer par Mara, évêque
de Cabales, il embrassa la vie monastique à
Télède, dans le monastère de Sainte-Eusé-
bone, et qu'il y mourut, saint Siméon lui
ayant prédit sa mort trois mois avant qu'elle
arrivât. Cosme dit encore qu'Hésycliius, père
de saint Siméon, et Mathanaam, sa mère,
moururent avant qu'il se fit moine ; qu'ayant
laissé de grands biens à leurs enfants, saint
Siméon abandonna tous les fonds de terre à
son frère Semsus, et vendit les meubles dont
il donna le prix aux pauvres et aux monas-
tères, particulièrement à celui de Sainte-Eu-
sébone, où il avait un cousin germain et où
il embrassa lui-même la profession monas-
tique. Assémani rapporte aussi quelques
circonstances miraculeuses de la vie de saint
Siméon dont les antres historiens n'ont point
parlé. Les centuriateurs de Magdebourg ont
censuré ces paroles du saint rapportées par
Antoine : Ne mentez jamais et ne jurez point
par le nom de Dieu; mais s'il vous est nécessaire
de jurer, jiirez par moi, soit sérieusement, soit
faussement '. On ne lit rien de semblable dans
sa Vie telle que Cosme l'a écrite.
5. 11 nous a conservé la lettre que ce saint
écrivit à Théodose-le-Jeune, pour le détour-
ner de rendre aux Juifs les synagogues qu'on
leur avait ôtées depuis longtemps ^. Cette let-
tre est conçue en ces termes : « Parce que
votre cœur s'est élevé, que vous avez oublié
le Seigneur votre Dieu^ qui vous a donné la
couronne et le trône de l'empire, et que vous
êtes devenu l'ami et le protecteur des Juifs,
voilà que la justice de Dieu va sévir contre
vous et contre tous ceux qui pensent comme
vous dans l'affaire des synagogues : alors
vous lèverez les mains au ciel, et dans la
presse où vous vous trouverez, vous direz :
Cette tribulation m'est arrivée, parce que
j'ai menti au Seigneur mon Dieu, d Le même
saint écrivit deux lettres pour la défense du
concile de Chaleédoine : l'une à l'empereur
Léon; l'autre à Basile, évêque d'Antiocbe. Il
en est fait mention dans Evagre '. Nicépliore
en cite une troisième à l'impératrice Eudo-
xie *, sur le même sujet, et il en rapporte
quelques fragments. On trouve dans le sep-
tième tome de la Bibliothèque des Pères, un
QUELQUES ÉCRIVAINS SYRIENS. 381
discours sous le nom de saint Siméon Stylite
qui a pour titre : De la S'-paration de l'âme d'a-
vec le corps. Il est aussi attribué à saint Ma-
caire d'Egypte, et dans quelques manuscrits
à saint Ephrem. Mais il parait d'un auteur
grec, et on le croit de Théophile d'Alexan-
drie, parce qu'on y trouve quelque chose de
semblable à ce qu'il dit en mourant. Ce dis-
cours fait la vingt-deuxième homélie parmi
les cinquante que nous avons sous le nom
de Macaire. A l'égard de la profession de foi
que Léon Allatius attribue à saint Siméon
Stylite, sur le témoignage d'Euloge d'Ale-
xandrie , cité dans Photius , ce n'est autre
chose que sa lettre à Basile d'Antiocbe, où il
proteste, comme il avait déjà fait à l'em-
pereur Léon, qu'il persistait dans la foi
qui avait été révélée par le Saint-Esprit ^,
et qui était celle des Pères du concile de
Chaleédoine. Au reste , il ne faut pas confon-
dre saint Siméon Stylite avec un saint du
même nom qui passa une partie de sa vie
sur une montagne nommée i^dmirable. Ce-
lui-ci vivait sous l'empereur Maurice : Alla-
tius parle de ses ouvrages, dont on trouve
une grande partie écrits en arabe dans la bi-
bliothèque du Vatican.
6. L'empereur Léon écrivit non-seulement
aux évêques de tout l'empire romain, pour
savoir d'eux ce qu'ils pensaient du concile de
Chaleédoine et de l'ordination de Timothée
Elure,mais aussi aux plus illustres solitaires.
Evagre met de ce nombre Siméon, Baradate
et Jacques, syriens, dont nous avons les Vies
dans Théodoret. Nous avons parmi les ré-
ponses à la lettre circulaire de l'empereur,
celle de Baradate, datée de la seconde année
du règne de Léon «, c'est-à-dire de l'an 458.
Elle est pleine d'éloge du zèle que ce prince
témoignait pour la cause de l'Eglise. Bara-
date y désapprouve la conduite de ceux qui,
ne voulant reconnaître d'autre concile que
celui de Nicée , rejetaient les décrets de
Chaleédoine. Il fait voir que la foi établie
dans ce concile, est fondée sur les divines
Ecritures : en faisant allusion au charbon
ardent que l'ange ne put prendre sur l'autel
qu'avec des pinces de fer, il dit que dans la
loi nouvelle il est accordé aux prêtres du
Saint Bara-
(Jale et saint
Jncqaes. pag.
1 Pag. 245.
2 Tom. I Bihlioth. Orient., pag. 254.
s Evag., lib. II, cap. x.
* Niceph., lib. XV, cap. xix.
s Animi mei sententiam imperiali majestati signifi-
cavi de fide sexcentorum triginia sanctorum Palrum,
qui Chalcedone congregaii sunt, persistons et fundatus
in ea fide quœ a Suncto Spiritu revelata est. Siméon.,
Epist. ad Basil., apud Evag., lib. II, cap. x.
6 Tom. IV Concil., pag. 976.
582
HISTOffiE GÉNÉRALE DES AUTETJRS ECCLÉSIASTIQUES.
Seigneur ' de tenir entre leurs mains le corps
sacré du Fils de Dieu, figuré par ce charbon,
sans en être brûlé, quand ils font part aux
hommes d'une nourriture éternelle. Cette
lettre est au nom de Baradate seul. La date
porte qu'elle fut écrite la seconde année de
Léon, indiction dixième. Il faut lire, indiction
onzième. Nous n'avons pas la réponse de Jac-
ques , mais on ne peut douter qu'il n'en ait
fait une. Saint Euloge le suppose clairement,
puisqu'après avoir rapporté ce que saint Si-
méon et Baradate firent en cette occasion, il
ajoute ^ qu'ils furent suivis de ceux qui me-
naient la même vie qu'eux. Il y a même lieu
de croire que Jacques se rendit célèbre par
d'autres écrits. Car Théodoret dit de lui ^
qu'il surpassa par ses travaux saint Maron
qu'il avait eu pour maître dans les sciences
divines.
qu'^ÏAmfdt," 7. Nous avons aussi la réponse de Maras,
p»f-256. évêque d'Amida, à la lettre circulaire de
l'empereur Léon. Neuf évéques souscrivirent
après Maras, tous de la même province;
c'était l'Amidène ou la Mésopotamie. Ces
évêques reconnaissent dans cette lettre *
que Timothée Elure est indigne de l'épisco-
pat, et que le concile de Cbalcédoine n'a rien
décidé que conformément aux divines Ecri-
tures et à la tradition des pères.
Nonnns, g. Nonuus, évéque d'Edesse, fit une ré-
éveqae o E- ' ^ '
desse. ponse à peu près semblable, qui fut signée
de quatre autres évêques de la province
d'Osroène ^. Il avait été mis sur le siège épis-
copal d'Edesse par le conciliabule. d'Ephèse,
en 449, après la déposition d'ibas, et tiré à
cet effet du monastère de Tabenne, où il vi-
vait avec beaucoup d'édification. Mais Ibas
ayant été rétabli dans le concile de Cbalcé-
doine, Nonnus eut, ce semble, le gouverne-
ment de l'Eglise d'Héliopolis, ville du Liban,
où il convertit un grand nombre de païens.
Ibas étant mort en 457, Nonnus retourna à
Edesse. La Chronique de cette ville marque
qu'il fit bâtir des églises en l'honneur de
saint Jean-Baptiste, de saint Côme et de
saint Damien ; un hôpital pour les pauvres
invalides, plusieurs monastères, des tours et
des ponts, et qu'il aplanit les chemins pu-
blics. Sa lettre à l'empereur Léon est datée
de l'an 457.
9. Jacques, diacre de la même Eglise d'E- ^i^Vrê'^
desse sous Nonnus, écrivit la Vie de sainte "''"'•
Pélagie d'Antioche. Elle est rapportée par
Surius au huitième jour d'octobre. Dans une
note qui est à la tête du prologue de cette
Vie, Jacques est appelé diacre d'Héliopolis.
C'est une faute qui vient apparemment de ce
que l'auteur de cette Vie appelle plus d'une
fois Nonnus son évêque, et qu'il y est dit que
Nonnus avait ou gouverné cette Eglise, ou
qu'il y avait baptisé un grand nombre d'infi-
dèles. On trouve un diacre nommé Jacques,
dans la requête que le clergé d'Edesse pré-
senta à Photius et à Eustathe en faveur
d'ibas, en 449, et on ne doute pas que ce ne
soit le même qui a écrit la Vie de sainte Pé-
lagie d'Antioche.
10. 11 n'est fait mention deMochimus dans ^,f°f';^.\
aucun écrivain syrien ni grec : mais Gennade 2?g'''' ^'
nous apprend ^ qu'il était de Mésopotamie,
qu'il fut prêtre d'Antioche, et qu'il composa
un excellent traité contre Eutychès. 11 ajoute
qu'on lui attribuait encore d'autres ouvrages
qu'il n'avait pas lus.
dl. C'est de lui seul aussi que nous savons ^ v^mi-
^ aessc, p. 2;
que Pierre, prêtre de l'Eglise d'Edesse, cé-
lèbre déclamateur ', écrivit des traités sur
différents sujets, et qu'il composa des psau-
mes en vers, à l'imitation de saint Ephrem,
. diacre, c'est-à-dire des hymnes dont les vers
étaient de sept syllabes.
12. On dit, c'est encore Gennade ^ qui p.l.rV
parle ici , que Samuel, prêtre de la même =""=«■?■=*■
Eglise d'Edesse, a écrit plusieurs ouvrages
en syriaque, contre les ennemis de l'Eglise,
surtout contre les nestoriens et les éuty-
chéens, et contre les timothéens, c'est-à-dire
contre ceux du parti de Timothée Elure ;
qu'il dépeint ces trois sortes d'hérétiques
comme une bête à trois têtes, et qu'il les ré-
fute par la doctrine de l'Eglise et par l'auto-
rité de la sainte Ecriture, montrant, contre
les nestoriens, que le Verbe est un Dieu-
Homme et non pas un pur homme, né d'une
vierge; contre les eutychéens, que Dieu a
pris une vraie chair dans le sein de la Vierge,
1 Et tune datum est sanctis sacerdoiibus Dei tenere
corpus sanctum Filii Dei, et non comburuntur commu-
nicantes hominibus cihum œternum. Barad., Epist. 61
ad Léon., tom. IV Concil., pag. 977.
2 Eulog., apud Phot., Cod. 230 , pag. 879.
3 Cum simul cum inclyto illo Marone esset versatus
et ejus divinœ fuisset doctrinœ particeps, obscuravit
prceceptorem majoribus laboribus.TheoàoT., in Philot.,
cap. XXVII.
' Tom. IV Concil., pag. 918.
8 Tom. IV Concil.
8 Germad., de Viris illustr., cap. LXXI.
' Idem, cap. lxxiv. — ' Gennad., cap. Lxxxii.
[v= ET vi» SIÈCLES.] CHAPITRE XLII. — DE QUELQUES ÉCRIVAINS SYRIENS. 583
qu'il ne l'a point eue du ciel, et que sa chair
n'a point été formée d'un air épaissi; et
contre les timolhéens, que le Verbe s'est tel-
lement fait chair, que, demeurant dans sa
substance, aussi bien que l'humanité dans
sa nature, il s'est fait une seule personne par
l'union et non point par le mélange des deux
natures. Gennade ajoute qu'on disait que
Samuel était encore à Constantinople, et que
c'était au commencement de l'empire d'An-
thémius qu'il avait appris de ses nouvelles et
ouï parler de ses ouvrages. Or Anthémius
commença à régner en 467. Samuel écrivait
donc dès lors, et la réputation que ses ou-
vrages lui avaient acquise, avait déjà passé
dans les Gaules. Le premier d'entre les ac-
cusateurs d'Ibas d'Edesse, était un Samuel,
prêtre de cette Eglise. Le temps, le lieu, la
dignité, le savoir, font juger que c'était le
même Samuel dont nous parlons, qui, après
la mort d'Ibas, avec qui il s'était réconcilié,
serait passé à Constantinople, où il aurait
combattu les erreurs des hérétiques de son
temps.
13. Josué, surnommé Stylite, se rendit cé-
lèbre sur la fin du v« siècle. Il était syrien
d'origine et né à Edesse. Le désir de son sa-
lut le porta à s'engager dans l'état monasti-
que. 11 choisit pour cela un monastère près
de la ville d'Amida, nommé Zuénin, dans la
Mésopotamie. Après y avoij' passé quelque
temps, il résolut, à l'imitation de saint Si-
méon, de vivre le reste de ses jours sur une
colonne, d'où lui est venu le nom de Stylite.
Il écrivit l'histoire de son temps en vingt-
deux feuilles ou cahiers. Le dernier s'étant
égaré, le moine Elisée, qui vivait dans le
même monastère de Zuénin, y suppléa. Elle
a pour titre : Histoire des calamités arrivées à
Edesse, à Amida et dam toute la Mésopotamie.
Josué la commence à l'an de Jésus-Christ
495, et la conduit jusqu'en 507. Ainsi elle
renferme ce qui s'est passé sous le règne de
l'empereur Anastase, et de Cavadès, roi de
Perse, et les fâcheux événements qui occa-
sionnèrent la guerre qu'il y eut alors en Mé-
sopotamie entre les Romains et les Perses.
14. II parait, par le commencement de la
préface, que Josué entreprit ce travail à la
prière de l'abbé Sergius, à qui il le dédia :
« J'ai reçu, lui dit-il, les lettres de votre sain-
teté, par lesquelles vous m'ordonnez de met-
tre par écrit en quel temps les sauterelles ont
couvert la terre, quand le soleil s'est obs-
curci et en quel temps sont arrivés les trem-
blements de terre, la famine et la peste, et
sous quel règne la guerre a été allumée entre
les Romains et les Perses. » Josué rejette
modestement dans cette préface les louanges
que le prêtre et abbé Sergius lui avait don-
nées dans sa lettre ; il fait au contraire un
grand éloge de cet abbé. Il dit ensuite que
les péchés des hommes sont la seule cause
des calamités qu'il va décrire, et qu'encore
que toute la Mésopotamie ait été ravagée
par tous ces fléaux, ils ont néanmoins épar-
gné la ville d'Edesse, suivant cette promesse
de Jésus-Christ au roi Abgare ' : Votre ville
sera bénie, de façon que jamais l'ennemi n'aura
d'empire sur elle. Ces paroles ne se lisent pas
dans la lettre de Jésus-Christ à Abgare, rap-
portée par Eusèbe de Césarée : et ce qui
prouve la fausseté de cette prétendue pro-
messe, c'est que cette ville et ses habitants
furent réduits sous la domination des Perses
sous Chosroës-le-Jeune, en 605. Josué rap-
porte plusieurs causes de la guerre entre les
Romains et les Perses. La principale est que
les Romains, qui avaient rétabli et fortifié Ni-
sibe, en 298, sous l'empire de Dioctétien et
de Maximien, la cédèrent pour cent vingt
ans aux Perses après la mort de Julien l'A-
postat, à condition que ce terme expiré, elle
leur serait rendue. Les cent vingt ans se
trouvant écoulés en 483, la dixième année
de l'empire de Zenon, les Romains deman-
dèrent qu'on leur rendît Nisibe : ce que les
Perses refusèrent. On ne lit rien dans les au-
tres historiens de cette cession de Nisibe aux
Perses pour cent vingt ans. Josué composa
son Histoire, partie sur les mémoires de ceux
qui avaient été envoyés en ambassade chez
les rois des Romains et des Perses, partie
sur le rapport de ceux qui avaient eu part
aux affaires, et partie sur ce qui s'était passé
de son temps dans le pays même où il de-
meurait.
15. Les événements sont placés suivant
l'ordre chronologique. En 496, le 17 mai, le
soir du vendredi au samedi, les habitants
d'Edesse ayant allumé des flambeaux de cire
sur les deux rives du fleuve, donnèrent des
spectacles nouveaux et inusités jusqu'alors
sur l'Orcheste, appelé Trimarion. Dans le
même temps qu'ils les représentaient, le la-
barum de la croix que le bienheureux Cons-
tantin avait établi, sortit du lieu où il était
et s'en éloigna tout-à-coup d'une coudée
• Voyez tom. I, pag. 268 et suiv.
rRm.tii|u:>bles
dans celle
clirorique, p.
267.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
584
comme pour marquer son horreur des excès
honteux qui se commettaient dans ces spec-
tacles. Mais, après avoir demeuré ainsi pen-
dant toute la journée du samedi, il retourna
de lui-même dans l'endroit où il était aupa-
ravant. Ce prodige n'effraya point les Edes-
séniens : ils en devinrent, au contraire, plus
débauchés. Dieu les punit d'une maladie
contagieuse, où plusieurs perdirent la vue.
Cyrus était alors évêque de cette ville. Il in-
diqua une collecte dans l'église, dans la vue
de faire des vases d'argent dont on userait
dans les solennités des martyrs. Chaque fi-
dèle y contribua selon son pouvoir. C'était
en 497. Sur la fin de la même année, Ale-
xandre, préfet de la ville, y établit une nou-
velle forme de justice. 11 se trouvait chaque
vendredi dans l'église de Saint-Jean-Baptiste,
où il terminait toutes les affaires qu'on por-
tait par devant lui : il en termina même plu-
sieurs que l'on avait en vain essayé de finir
depuis cinquante ans. Il fit aussi construire
des greniers publics, et ordonna à tous les
ouvriers d'attacher chaque dimanche au-de-
hors de leur boutique l'image de la croix, et
d'allumer autour cinq lampes. En 498, on cé-
lébra dans la même ville des spectacles avec
encore plus de pompe et de dissolution que
les précédents. Cependant personne n'invec-
tivait contre ces désordres : Xénaïas, évêque
de Mabuge, qui se trouvait alors à Edesse,
fut obligé d'en reprendre publiquement le
peuple dans un discours. La même année,
deux églises de cette ville et le bain d'été
s'éboulèrent : personne ne fut enveloppé
sous leurs ruines, sauf deux individus qui,
disputant à qui sortirait le premier, furent
écrasés par la chute de ces édifices. Cyrus,
leur évêque, étant mort, Pierre lui succéda.
Cet évêque ' ajouta aux autres fêtes de l'an-
née, celle des Hosanna, c'est-à-dire du di-
manche des Rameaux. Il établit aussi la bé-
nédiction de l'eau dans la nuit de l'Epipha-
nie, et consacra le saint chrême le jour du
jeudi-saint en présence de tout le peuple. En
499, dans le mois de mai, la terre fut cou-
verte de sauterelles qui étaient venues du
midi : mais elles ne firent pas beaucoup de
mal dans la Mésopotamie. Au mois d'août de
< Decessif Cyrus episcopus pro quo Pet rus Edesse-
nam ienuit Ecclesiam. Hic prœter consuetas anni fes-
tivUaies solemnitatem quoque Hosannarum indixit. Ri-
tum etiam insiiluil benedictionis aquœ in nocle Epipha-
niœ. Chrisma denique universo populo spectante feria
quintamysteriorum in Ccena Domini consecravit. P. 269.
la même année, on publia un édit dans tou-
tes les villes de l'empire romain, qui défen-
dait les chasses et les combats des bêtes avec
les hommes. Le mois suivant, qui était celui
de septembre, plusieurs villes furent ruinées
par des tremblements de terre. La fontaine
du bain des Ibériens sécha le même jour, et
l'Euphrate se trouva réduit à sec, ses eaux
s'étant écoulées par des ouvertures que les
tremblements avaient produites dans son lit.
Deux personnes qui étaient sorties de Nico-
ple la veille du tremblement de terre, y
étant rentrées le lendemain, en trouvèrent
les maisons renversées et la ville retentis-
sante des cris de ceux qui étaient envelop-
pés sous ses ruines. Quelques-ims des lieux
voisins accoururent et leur aidèrent à retirer
l'évêque de Nicople du milieu des pierres qui
le couvraient. Il se trouva par hasard im
voyageur ^ qui portait avec lui quelque peu
de pain et de vin. Il les donna à l'évêque, qui
offrit aussitôt le sacrifice, et donna ensuite
l'eucharistie à tous ceux qui étaient pré-
sents, comme un sacrement de ■\ne. L'histo-
rien remarque que cela se passa le matin qui
suivit la ruine de Nicople. Il ajoute que le
même jour une église des martyrs fut ren-
versée, et qu'elle enveloppa sous ses ruines
un grand nombre de personnes qui étaient
venues assister aux prières de la nuit.
15. En 500, un jour de samedi, qui était le
23 octobre, le soleil s'obscurcit depuis son
lever jusqu'à la huitième heure, et dans les
endroits qui étaient éclairés de ses rayons, la
terre paraissait couverte de soufre. Le même
jour une grande partie des murailles de la
ville d'Edesse fut renversée. L'évêque Pierre
ordonna des prières dans toutes les églises
de la ville ; tout le monde y accourut, les
clercs à la tête portant une croix et chantant
des psaumes : ils étaient habillés de noir à
cet effet. Les moines et les religieuses de
tout le pays redoublèrent leurs prières en
cette occasion. Josué raconte que dans le
mois de novembre suivant, on vit plusieurs
signes dans le ciel, de différentes figures, et
qu'il en parut encore un dans le mois de dé-
cembre qui ressemblait à un javelot. Ces si-
gnes furent regardés comme les avant-cou-
^ Post hœc forte adfuit bonus quidam viaior, qui
modica panis frusta et parum vini ei episcopo dédit.
Ai ille oblaiionem obtulit, oravit, et circumstanti-
bus eucharistiam in sacramentum vitœ purrexit.
Josuej pag. 270.
[ye ET vi" SIÈCLES.] CHAPITRE XLII. — DE QUELQUES ÉCRIVAINS SYRIENS. 385
reurs des fléaux qui devaient suivre. Au mois
de mars de l'année suivante 501, une nuée de
sauterelles couvrit l'Arabie et plusieurs au-
tres provinces jusqu'aux confins de l'Assyrie
et de la mer occidentale, mangeant partout
ce qu'elles trouvaient. La famine fut si vio-
lente au mois d'avril, que quatre mesures de
blé et six d'orge se vendaient un denier ; le
demi-boisseau de pois, cinq cents écus; celui
de fèves, quatre cents, et celui de lentilles,
trois cent soixante. Dans celte calamité, il y
en eut qui, pressés de faim *, entrèrent de
force dans les éelises et mandèrent la sninte
eucharistie comme si c'eût été un pain com-
mun. D'autres, ouvrant les tombeaux, man-
gèrent les chairs qui étaient restées après
les cadavres. La peste suivit la famine dans le
mois de novembre. Elle attaqua d'abord les
étrangers qui étaient dans Edesse, puis les
habitants de la ville. Le préfet Démosthènes
ayant obtenu de l'empereur Anastase une
grande quantité d'or pour le soulagement des
pauvres, les assembla et fit donner par jour
une livre de pain à tous ceux à qui il mit une
marque de plomb pendue au col. Il survint
dans le cours du mois de décembre un froid
insupportable, qui fit périr le petit peuple.
Les économes de l'église firent bûtir des lo-
gements tout autour pour y retirer les pau-
vres, et parce que ces logements ne suffi-
saient pas, on leur ouvrit les basiliques qui
étaient auprès du bain d'hiver, où on leur
dressa des lits avec de la paille et des nattes
étendues par terre. Il mourait par jour, dans
Edesse, cent personnes, quelquefois cent
vingt, et souvent cent trente. Les économes
de l'église prenaient eux-mêmes soin de la
sépulture des morts, qui se faisait solen-
nellement suivant la coutume ^. Les hom-
mes et les femmes, en grand nombre, précé-
daient le convoi funèbre, qui était suivi du
préfet, des principaux de la ville et de l'é-
véque.
17. En 502, au mois de mai, les spectacles
furent défendus par un édit de l'empereur
Anastase, et aussitôt les vivres, contre toute
espérance , diminuèrent de prix. Le 22 du
mois d'août, qui était un vendredi, on vit dès
le matin, vers le septentrion, un globe de feu
qui disparut sur la fin de la nuit. Le même
jour, les villes de Ptolémaïde , de Tyr et de
Sidon souffrirent de grandes secousses par
des tremblements de terre. A Béryte , la sy-
nagogue des juifs en fut renversée. Les habi-
tants de Nicomédie furent infestés par de
mauvais esprits; mais ils en furent délivrés
après s'être imposé des jeûnes et avoir fait
des prièrespubliques.Cavadès, roi des Perses,
fit une irruption dans les terres septentrio-
nales des Romains, et mit le feu à Théodo-
siopolis, ville d'Arménie, après s'en être em-
paré par la trahison de Constantin qui en
était préfet. Ils assiégèrent Amida en 533.
Anastase l'ayant appris, fit offrir une somme
d'or au roi de Perse , pour l'engager à sortir
des terres des Romains; mais ce prince fit
mettre en prison Rufin , porteur de ceUe
somme, continua le siège d'Amida et fit de
grands ravages avec les Arabes dans quel-
ques autres provinces de la dépendance d'A-
naslase. Les Syriens qui habitaient la partie
orientale de l'Euphrate, épouvantés, songè-
rent à se retirer à la partie occidentale du
même fleuve, lorsque saiutJacques de Saruge
leur écrivit pour les détourner de la fuite. Ce
saint donna , en plusieurs rencontres , des
marques de son zèle pendant les calamités
dont la Mésopotamie fut affligée. Il composa
diverses homélies sur l'Ecriture sainte, des
cantiques, des hymnes et des vers sur les
nuées de sauterelles qui avaient couvert la
terre. Après que le roi des Perses se fut em-
paré d'Amida , il mit en liberté Rufin , pour
aller annoncer à Anastase les calamités dont
il avait été témoin. Il répéta aussi à ce prince
l'argent qu'il lui avait promis. Mais Anastase,
au lieu de le lui envoyer, mit sur pied trois
armées pour allercombattre contre les Perses.
Celle que commandait Aréobinde eut d'abord
de grands avantages et poursuivit les Perses
jusqu'à Nisibe , mais ce général fut ensuite
repoussé et contraint de se retirer sur le ter-
ritoire d'Edesse. Cavadès le suivit dans le
dessein de faire le siège de cette ville; mais
il attaqua auparavant celle deTéla. Les juifs
avaient formé la résolution de la livrer aux
Perses, ce qui ayant été découvei't par les
habitants de Téla, ils punirent les coupables
et se fortifièrent du mieux qu'il leur fut pos-
sible. L'évêque du lieu, nommé Barhadadès,
' Famés auiem adeo crevit, ut quidam in ecclesias
irruperitit, et sanctam eucharistiam ceu panem coin-
munem absumpserint ; alii cadavera effoderint et in
cibum verterint. Pag. 271.
» Funus autem eorum solemni cum pompa ex Eccle-
siœ more eurabant. Nonnus , Xenodochi et œconomi
ecclesiœ , nimirum prœeiinte frequenti virorum ac
mutierum turba, ipso urbis prœfecto una cum optima-
tibus, ac Petrolepiscopo prosequentibus . Pag. 272.
586
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
fut des premiers à témoigner son zèle pour
la défense de cette ville ; il faisait exactement
le tour des murailles, exhortait les gardes à
faire leur devoir ', jetait sur eux de l'eau bé-
nite dans le baptême et administrait l'eucha-
ristie sur les lieux mêmes oil ils étaient en
faction, à tous ceux qui la lui demandaient,
afin qu'aucun ne quittât son poste sous pré-
texte de recourir à ce sacrement. Il sortit en-
suite de la ville et persuada au roi des Perses
de lever le siège. Ce prince fit marcher son ar-
mée vers Edesse; mais, après en avoir fait le
siège quelque temps , il le leva , craignant
une mort semblable à celle dont avait été
frappé le roi des Arabes, pour avoir méprisé
l'avis qu'un de ses généraux lui avait donné
de ne pas attaquer Edesse, parce que Jésus-
Christ avait promis à Abgare d'en prendre la
défense. Quelques jours après , Cavadès fît
une seconde fois le siège d'Edesse; les habi-
tants en ouvrirent les portes, et aucun des
Perses n'osa y entrer. Aréobinde envoya dire
à Cavadès qu'il ne devait plus douter que
cette ville ne fût imprenable, par la bénédic-
tion que Jésus-Christ lui avait donnée : ce
prince consentit à lever encore le siège sous
de certaines conditions, dont une était qu'on
lui donnerait une certainequantité d'hommes.
Le roi de Perse l'ayant répétée avant le jour
qu'on était convenu de la délivrer, les habi-
tants d'Edesse lui firent savoir qu'ils étaient
prêts à se défendre. Cavadès assiégea donc
pour une troisième fois cette ville, mais inu-
tilement. Il fut repoussé avec perte, sans
qu'aucun des Edessiens pérît dans cette oc-
casion.
sniie Heia 18. Lo 25 décembrc de l'an 504, l'empe-
jos'u°é.''"° ° reur Anastase donna un édit par lequel il dé-
livrait des tributs tous les habitants de la Mé-
sopotamie. Le 19 mars de la même année,
un jour de vendredi, dans le bourg de Zeug-
ma, une cane ^ fit un œuf sur lequel étaient
imprimées deux croix, et où on lisait ces pa-
roles en grec et en latin : Les croix triomphent.
leshabitantsdeZeugmal'envoyèrentàEdesse
avec une lettre pour Aréobinde, qui reçut cet
œuf. Le roi des Perses ayant éprouvé , pen-
dant son séjour à Amida , l'utilité des bains,
ordonna, après son retour dans ses états, que
l'on en construirait dans toutes les villes de
la Perse. En 505, la ville d'Amida souffrit une
grande famine; l'empereur Anastase et Fla-
vien d'Antioche envoyèrent de grandes som-
mes d'or pour la nourriture des pauvres.
Urbicius fit aussi beaucoup de largesses aux
Eglises et aux pauvres de Jérusalem , de
même qu'à ceux d'Edesse. La même année,
un grand nombre de bêtes féroces, accoutu-
mées à se nourrir des cadavres des soldats
tués dans la guerre précédente , attaquaient
les passants sur les grands chemins, et se
répandaient non-seulement dans les villages,
mais encore dans les villes, en sorte que l'on
fut contraint d'entreprendre une nouvelle
guerre contre les animaux et de les obliger
de se retirer à force d'armes. En 506, Celer,
préfet de la milice et général des troupes
d'Anastase, vint à Edesse pour y confirmer
l'alliance avec les Perses. Cela ne se fit que
l'année suivante 507, l'ambassadeur du roi
de Perse ayant différé pendant cinq mois de
se rendre à Edesse au temps marqué. Pen-
dant ce délai, Celer fit, en 507, un voyage à
Daram , ville située sur les confins de l'em-
pire romain et fortifiée depuis peu par Anas-
tase. Celer fut reçu, à son retour à Edesse,
avec pompe par les grands de la ville , les
clercs et les moines. Josué finit sa Chronique
en remarquant, comme ont fait aussi quelques
autres historiens , que l'empereur Anastase
prit, sur la fin de sa vie, le parti des ennemis
du concile de Chalcédoine. Josué taxe cette
démarche de folie, ce qui fait voir qu'il était
un des défenseurs de ce concile. 11 en donne
encore une preuve dans l'éloge qu'il fait de
Flavien, patriarche d'Antioche, qui était aussi
très-attaché à la foi orthodoxe.
' Barsadades urliis episcopus strenue intérim muros
circum ire, custodes adhortari, aqua in baptismo l/e-
nedicta eos aspergere, et ibidem eucharisiiam peten-
tibus administrare , ne guis ejusdem sumendœ prœ-
textu stationem desereret. Josue, pag. 277.
* 19 martii feria sexia in Zeugmatensium vico pe-
perit an'is ovum geminis crucibus hinc inde signatum
cum littei'is grœcis ac latinis in hcec verba : Trium-
phant oruces. Ovum ipsum accepit Areohendus Edes-
sam missum cum epistola Zeugmatensium. Ibid.,
pag. 278.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XLIII. — EUTROPE, DRAGONCE , THÉODORE.
587
CHAPITRE XLIII.
Eutrope, Draconce, [écrivains latins]; Théodore, prêtre d'Antioche,
[écrivain grec]
[■?" siècle.]
i . Le prêtre Eutrope écrivit deux lettres à
deux sœurs, servantes de Jésus-Christ \ qui
avaient été déshéritées par leurs parents à
cause de l'amour qu'elles avaient pour la re-
ligion et de leur attachement à la pudicité.
Ces deux lettres étaient écrites avec beaucoup
de netteté et d'élégance. Eutrope y employait
pour les consoler non-seulement des raisons,
mais encore des témoignages de l'Ecriture.
Nous n'avons plus ces lettres. Il ne faut pas
confondre cet Eutrope avec l'écrivain de
même nom qui a fait l'abrégé de l'histoire
romaine , en la commençant à la fondation
de Rome et en la conduisant jusqu'au règne
de Valens, à qui cet abrégé est dédié.
2. Draconce, prêtre espagnol, écrivait sous
l'empire du jeune Théodose. Nous avons de
lui un poème en vers hexamètres, sur les six
jours de la création , et une élégie à l'empe-
reur. Ce poème n'a rien de remarquable 2.
Draconce le finit par une prière très-humble
à Dieu. Georges Fabricius l'a inséré dans son
Recueil des poètes chrétiens , imprimé à Bâle
en 1567. On le trouve aussi dans la Biblio-
thèque des Pères et à la fin des œuvres d'Eu-
gène de Tolède , données par le père Sir-
mond, en 1619, avec l'élégie à l'empereur.
[Arévalo a donné ces écrits avec une épltre
dédicatoire et des prolégomènes, Rome, sous
Pie VI. Le tout est reproduit au tome LX de
la Patrologie latine, col. 593-932.]
3. Théodore, prêtre de l'Eghse d'Antioche,
' Gennad., de Viris illusir., cap. XLIX.
2 Arévalo n'est pas de cet avis ; il prouve au reste
que le but de Draconce dans son poème n'est pas
l'œuvre de la création^ mais la louange de la majesté
qui , selon Gennade ', joignait à une science
exacte le don de parler avec politesse et en
bons termes , avait écrit quinze livres contre
les Apollinaristes et les Eunomiens , touchant
l'incarnation du Seigneur. Il y prouvait, par
des raisons très-claires et par des témoignages
tirés de l'Ecriture , que comme Jésus-Christ
avait la plénitude de la divinité, il avait aussi
la plénitude de l'humanité, en sorte qu'il était
Dieu parfait et homme parfait. 11 y enseignait
encore que l'homme est composé de deux
substances, c'est-à-dire de l'âme et du corps ;
que le sens et l'esprit ne sont point une subs-
tance différente de l'âme, mais des fonctions
de sa nature , par lesquelles elle est raison-
nable et rend le corps sensible. Dans le qua-
torzième livre , il traitait de la nature de la
très-sainte Trinité, qu'il disait être seule in-
créée et incorporelle, et de la nature des êtres
créés , appuyant tout ce qu'il en disait de
l'autorité des divines Ecritures. Le quinzième
livre était employé à confirmer la doctrine
des livres précédents par les traditions des
Pères, c'est-à-dive par des passages tirés de
leurs écrits. Il ne nous reste rien des ouvrages
de Théodore. Quelques-uns l'ont confondu
avec un écrivain de même nom qui vivait dans
le monastère de Raitha, dans la Palestine, et
dont nous avons un petit traité sur l'Incar-
nation *. Mais ce dernier n'ayant vécu que
dans le vii= siècle, n'a pu être connu de Gen-
nade de Marseille.
divine par les choses créées. [Védiieur.) — s Gennad.,
de Viris illustr., cap. xii.
4 Tom. VIII Biblioth. Pair., pag. 334.
588
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
CHAPITRE XLIV.
Julien Pomère, prêtre et abbé, [écrivain latin.]
[En 498.]
Jalien Po-
mère : ce
qu'on en fiait.
Ecrils
Pomète.
1. Pomère, à qui l'on donne aussi le nom
de Julien ' , était africain et né en Mauritanie.
Il passa de son pays dans les Gaules, où il
fut ordonné prêtre ^. Mais il ne quitta pas
pour cela les exercices de la vie monastique
dont il faisait profession. Saint Rurice , évê-
que de Limoges, lui donne dans ses lettres la
qualité d'abbé ^, mais sans dire de quel mo-
nastère. Sa piété et son savoir le firent con-
sidérer de cet évéque et de plusieurs autres
grands hommes. Car il était également ins-
truit dans les sciences divines et humaines,
ainsi que le dit saint Ennode de Pavie * dans
l'éloge qu'il fait de ses vertus. Il semble que
saint Rurice ait voulu l'attirer à Limoges,
avec la permission d'^one, évêque d'Arles,
où Pomère demeurait. Voici comme il s'en
explique dans une lettre à .iEone : « Ne croyez
pas que Pomère , en venant auprès de moi ,
se sépare de vous; vous devez vous assurer
qu'il trouvera en moi un autre vous-même,
comme je compte moi-même que vous ne le
laisserez pas venir sans l'accompagner de
cœur et d'esprit. Ce sera d'ailleurs pour vous
un vrai sujet de mérite, si son savoir peut
m'aider à m'instruire dans la crainte du Sei-
gneur. »
2. Gennade et saint Isidore disent que Ju-
lien Pomère avait composé, à la manière des
dialecticiens, un traité en forme de dialogue
entre l'évêque Julien et le prêtre Vérus , in-
titulé : De la Nature de l'âme et de ses qualités,
divisé en huit livres; que dans le premier,
Julien Pomère expliquait ce que c'est que
l'âme, et en quel sens il est dit qu'elle a été
faite à l'image de Dieu; qu'il examinait dans
le second si elle est corporelle ou incorpo-
relle; que dans le troisième, il demandait
comment l'âme du premier homme a été
faite; qu'il agitait dans le quatrième cette
question : si l'âme, qui doit être mise dans le
corps, est créée de nouveau et sans péché, ou
si elle est produite par l'âme des parents, et
si, venant ainsi par propagation de l'âme du
premier homme , elle en tire le péché origi-
nel; que le cinquième livre contenait une ré-
capitulation du quatrième , avec des ques-
tions et des distinctions, savoir : ce qu'elle
est, sa faculté ou son pouvoir, et si ce pou-
voir dépend uniquement de la volonté; qu'il
expliquait dans le sixième d'où vient le com-
bat de la chair et de l'esprit, dont i! est parlé
dans saint Paul ; que le septième était sur la
différence de la vie et de la mort, de la résur-
rection de la chair et de celle de l'âme; que
dans le huitième, il donnait l'explication des
choses qui doivent arriver à la fin du monde,
et qu'il y éclaircissait des questions que l'on
propose sur la résurrection ou sur la fin der-
nière des bons et des méchants. Isidore de
Séville remarque que Julien, dans le second
deses livres, enseignait, aprèsTertullien, que
l'âme est corporelle, et qu'il tâchait d'établir
cette opinion par divers sophismes. Nous
n'avons plus ce traité de Julien ni celui qu'il
avait fait sur le mépris des choses du monde,
et adressé à un nommé Principius. Il en avait
fait un autre, qui n'est pas non plus venu
jusqu'à nous, qui avait pour titre : Des Vertus
et des vices, et un quatrième intitulé : De l'Ins-
titution des vierges.
3. Comme il écrivait encore dans le temps
que Gennade parlait de lui dans son traité
des Hommes illustres , il n'est pas surprenant
que cet auteur n'ait pas mis dans son cata-
logue les trois livres de la Vie contemplative,
qui paraissent être les derniers écrits de Ju-
lien Pomère. Ils ont été attribués à saint Pros-
per pendant plusieurs siècles. Chrodogang,
évéque de Metz, qui écrivait dans le viii« siè-
cle, les cite sous son nom, de même que Jo-
uas, évêque d'Orléans, le concile d'Aix-Ia-
1 Isidor., de Script. Ecoles., cap. xii.
» Gennad., de Viris illusir., cap. cvur
3 Ruric, lib. Il, Epist. 8.
» Ennod., lib. II, Epist. 6.
CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE, PRÊTRE ET ABRÉ.
[V« SIÈCLE.]
Chapelle, tenu en 818, sons le règne de Louis-
le-Pieux, et un grand nombre d'écriviuiis des
siècles postérieurs. Mais on convient unani-
mement aujourd'liui qu'ils sont de Julien Po-
mère. Outre la ditïérence du style des écrits
de saint Prosper d'avec celui des livres de la
Vie contemplative , on ne voit pas bien com-
ment saint Prosper, dont on met la mort ou
en 4o7 ou en 463, aurait fait, dans le second
livre de cet ouvrage, l'éloge de saint Hilaire
d'Arles comme d'un homme mort depuis
longtemps, puisque ce saint évêque ne mou-
rut qu'en 449; d'ailleurs, saint Isidore de Sé-
ville, en faisant le catalogue des ouvrages de
Julien Pomère , met en termes exprès trois
livres de la Vie contemplative et active, avec un
traité des Vertus et des vices, distribution qui
renferme tout ce qui est dit dans les trois
livres dont nous parlons. Ou les trouve sous
le nom de Julien Pomère dans plusieurs an-
ciens manuscrits, nommément dans celui de
Montchal, archevêque de Toulouse; dans un
autre manuscrit d'Angers , qui contient une
collection d'anciens canons , et dans un de
l'abbaye de la Trappe. On eu cite un qua-
trième de la bibliothèque du Chapitre de Beau-
vais, où ces livres portent le nom de Julien
Pomère comme de leur véritable auteur. Ils
sont adressés à un évêque nommé Julien, qui
peut être le même qui souscrivit, eu 517, au
concile d'Epaone , en qualité d'évêque de Car-
pentras. Cet évêque avait souvent pressé Po-
mère de travailler sur cette matière, et il
paraît que ce fut aussi par son ordre qu'il
composa le traité de la Nature de rame, où il
introduit l'évêque Julien disputant sur ce su-
jet avec le prêtre Vérus. Quoi qu'il en soit,
Julien Pomère fut longtemps sans vouloir
écrire sur une matière qui lui paraissait au-
dessus de ses forces. Mais enfin l'obéissance
l'emporta sur sa répugnance , craignant que
le silence qu'il voulait garder par un senti-
ment d'humilité, ne fût imputé à orgueil. 11
trouva aussi qu'en s'exerçant sur des ma-
tières difficiles, il serait obligé de recourir au
Père des lumières pour obtenir l'intelligence
des vérités qu'il n'entendrait pa s de lui-même,
et que , l'ayant obtenue , il ne pourrait s'en
glorifier que dans le Seigneur de qui il l'au-
rait reçue. C'est de cette manière qu'il s'ex-
plique dans le prologue qu'il a mis à la tête
de ses trois livres de la Vie contemplative.
Il y rapporte aussi les dix questions que
589
l'évêque Julien lui avait ordonné d'éclaircir,
et qui se réduisent à celles-ci : « Celui à qui le
soin de l'Eglise est commis peut-il s'appliquer
à la vie contemplative? Doit-on supporter avec
tranquillité ceux qui foulent aux pieds les
préceptes divins, ou doit-on user envers eux
de la sévérité de la discipline ecclésiastique
à proportion de la grandeur de leurs péchés?
Est-il expédient de mettre en réserve les biens
de l'Eglise pour en nourrir les pauvres ou
réunir les frères, et ne vaut-il pas mieux mé-
priser ces biens par amour de la perfection?
En quoi doit-on faire consister la perfection
de l'abstinence : n'est -elle nécessaire qu'au
corps et ne doit-on point la regarder aussi
comme nécessaire à l'âme ? Combien les ver-
tus feintes sont-elles éloignées des véritables?
Quelles sont les causes précédentes des vices
et par quels moyens s'augmentent-ils; quels
remèdesfaut-il apporter pour, avec le secours
du Seigneur, les diminuer ou les guérir? En
combien de manières ou par combien de de-
grés peut-on parvenir à la perfection de cha-
que vertu? Les philosophes ont-ils dit vrai,
quand ils ont enseigné qu'il y avait quatre
vertus principales qui étaient comme les
sources de toutes les autres vertus, et qu'il y
avait aussi quatre vices qui étaient l'oi'igine
de tous les vices ? »
4. Julien Pomère définit la vie contempla-
, , . n ni Analyse da
tive, celle ou la créature mtellectuelle ', pu- premier livra
* ie la Vie coQ-
rifiee de tous péchés et guérie parfaitement 'empiatiTs.
de toutes ses faiblesses, doit voir son Créa- '^'^'''
teur. « Cette vie ne peut être la présente, qui
est remplie de misères et d'erreurs, et où il
ne nous est pas possible de voir Dieu comme
il est. La vie contemplative doit donc s'en-
tendre de la vie future, où les saints verront
Dieu éternellement en récompense des vertus
qu'ils ont pratiquées en celle-ci, qui est un
lieu de combat continuel, et où la tentation
ne finit qu'avec nous. Quoiqu'il soit difficile
d'expliquer en quoi consiste cette vie future,
on peut dire que les saints y seront éternel-
lement heureux, dans une sécurité accom-
pagnée de plaisirs, où l'amour sera parfait,
d'où la crainte sera bannie, dont les bien-
heureux ne pourront être privés, et où les
malheureux, c'est-à-dire les pécheurs, ne
seront point admis. Car il se fera par le juste ^ _
jugement de Dieu, un discernement des bons
et des mauvais, qui sera suivi d'une sépa-
ration locale des uns et des autres. Les justes
' Tom. oper. Prosper., part. % pag. î edit. Paris., 1711.
590
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Cap. IV.
comme les méchants recevront l'immortalité
dans leurs corps, afin que ceux-ci subissent
éternellement les supplices, sans en être con-
sumés : et ceux-là, afin que leurs corps par-
ticipent à la gloire éternelle, dont Dieu les
fera jouir. Le jugement qui interviendra
entre les justes et les pécheurs a déjà été
rendu entre les saint anges et les esprits im-
mondes. Créés les uns et les autres * sans
péché et pour servir leur créateur, quelques-
uns d'entre eux sont déchus volontairement
de l'état de félicité où ils avaient été formés :
s'étant révoltés par un sentiment d'orgueil
contre leur Créateur, ils ont été chassés de
la région supérieure du ciel par un jugement
irrévocable, ayant perdu et la volonté et le
pouvoir de rentrer dans leur premier état.
Les bons anges, au contraire, demeurant fi-
dèles à Dieu, ont persévéré dans leur di-
gnité, d'où il est arrivé, par un divin et juste
jugement, que la volonté qu'ils ont eue de
demeurer inviolablement attachés à Dieu ,
est devenue une hçureuse nécessité d'y de-
meurer attachés : en sorte que, parce qu'ils
n'ont jamais péché, ils ne peuvent plus pé-
cher. La vie contemplative dont ils jouissent,
c'est-à-dire le bonheur qu'ils ont de voir in-
satiablement l'auteur de leur béatitude, est le
même dont jouiront ceux qui le mériteront
par la pratique des bonnes œuvres. Ils ver-
ront dans l'autre vie ce qui en celle-ci a fait
l'objet de leur foi. Un des privilèges de cette
heureuse demeure, c'est que les saints y
connaîtront mutuellement leurs pensées, de
même qu'en cette vie les visages des autres
nous sont connus, et qu'ils connaissent le
nom les uns des autres. La charité y sera
sans dissimulation, et la vie sans aucune
crainte de la mort. Un autre avantage est,
qu'encore que les mérites des saints soient
différents, tous néanmoins seront parfaite-
ment heureux, et chacun coulent de la ré-
compense qui lui sera accordée. » Juhen Po-
mère fait voir que, dès cette vie, ceux qui
en méprisent les plaisirs et les avantages,
peuvent s'occuper agréablement des biens
qu'ils espèrent dans la vie future; mais qu'en
II Cor. V, ■;
quelque degré que puisse parvenir la vie
contemplative dont nous pouvons jouir ici-
bas, elle n'est point comparable à celle dont
nous jouirons dans le ciel, parce que, selon
l'apôtre, nous marchons en cette vie par la
foi, et nous ne jouissons pas encore de Dieu cap. ti,
par la vue claire et intuitive. « D'où il suit que
les saints ne peuvent ici-bas voir Dieu part
faitcment, et qu'ils ne le verront ainsi que
lorsqu'ils seront parvenus à la béatitude de
la vie future. Si la fragilité humaine était y,,,
capable de voir parfaitement la substance de
Dieu, le saint évangéliste n'aurait pas dit :
Personne n'a jamais vu Dieu : mais ce qu'il
refuse alors dans le temps, il le lui promet
dans l'éternité, en disant : Bienheureux ceux
qui ont le cœur pur, parce quils ver7^ont Dieu.))
Julien fait consister la vie contemplative v,,,.
dont l'homme est capable en cette vie, dans
la méditation des divines Ecritures et des
mystères qu'elles renferment et dans la pra-
tique des vertus. Il veut que celui qui a des-
sein de s'occuper de ce genre de vie, s'a-
dresse souvent à son créateur, pour en re-
cevoir des lumières; qu'il soit enflammé du
désir de le posséder, et que rien ne le dé-
tourne de l'amour qu'il lui doit; que Dieu
soit l'objet de toutes ses espérances, et qu'ap.
profondissant les mystères cachés dans les
livres divins, il s'assure, par l'accomphsse-
ment des choses qui sont prédites, que celles
qui ne sont point encore accomphes le se-
ront un jour. Il dit qu'il y a autant de diffé- ^^
rence entre la perfection de cette vie et celle
de l'autre, qu'il y en a entre des hommes
parfaits qui ne veulent point pécher, et ceux
qui ne peuvent plus pécher. Quelques degrés
de sainteté que l'on ait en cette vie, on est
toujours en danger de tomber, et cette in-
quiétude est un obstacle à la parfaite béati-
tude. Mais, dans l'autre vie, la félicité n'aura
aucune imperfection : les bienheureux se-
ront attachés à Dieu, de manière qu'il ne
manquera rien à leur bonheur. 11 enseigne
que les justes, dont il est dit dans l'Ancien
Testament, qu'ils ont vu Dieu, ne l'ont vu que
sous quelque forme d'un être créé, par la-
1 Nam cum essent utrique angeli sine peccaio creaii
et ad serviendum Deo suo féliciter instiiuti , eorum
quidam voluntafe propria depravaii noluerunt perma-
nere quod facti sunt ; et cum se contra creatorem
suum typho superbiœ lethalis hostililer extulissent)
de superna cœli regione projecii sunt. Quos divina
sententia eo supplicia condemnauit, ut quia noluerunt
perseverare cum passent, ne vetint reparari nec pas-
sint... e contrario valuntaiis sanclorum angelorum
fuit quod malis spante cadentibus ipsi in sua digni-
tate manserunt, et divina justoque judicia actum est,
ut quœ fuit cum Deo suo manendi voluntai, fieret
permanendi valuntaria felixque nécessitas. Et ideo
quia nec peccaverunt iinquam, nec peccare j'um possunt.
Julian., lib. l, cap. m.
[v- SIÈCLE.] CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE, PRÊTRE ET ABBÉ.
S91
Cap. XI. quelle Dieu s'est montré à eux ; que les corps
des bienheureux ne laisseront pas de garder
la ditlerence de sexe après la résurrection ,
mais qu'ils seront exempts de toutes les fai-
ïii. blesses de la nature , parce que dans le ciel,
la charité de tous sera parfaite, et que la cu-
pidité n'y aura point de lieu. Après avoir
marqué ce qu'il entend par la vie contem-
plative, Julien dit que la vie active consiste à
soumettre le corps à l'empire de la raison,
à dompter ses passions, à résister aux atta-
ques du démon, à vaincre toutes ses cupi-
dités par la pratique des vertus. Ce qui mon-
tre que la vie active est accompagnée de
travaux et de sollicitude, au lieu que la con-
templative jouit d'une joie éternelle. Dans la
vie active, on acquiert un royaume, la con-
templative en procure la possession.
jj,j S. En prenant la vie contemplative dans
le second sens, Julien Pomère dit que les
princes de l'Eglise (c'est ainsi qu'il appelle
les évoques), peuvent et même doivent mener
cette sorte de vie , qui n'est autre chose
que de s'appliquer à approfondir ce qu'il
y a de mystérieux dans les divines Ecri-
tures, et à s'éloiguer de toutes les occupa-
tions mondaines pour ne s'appliquer qu'à la
pratique de la vertu et à y engager les au-
tres en leur prêchant infatigablement la pa-
j^_ rôle de Dieu . 11 prend de là occasion d'invec-
tiver contre les évêques qui néglig'eant le soin
des peuples qui leur sont confiés, négligent
encore leur propre salut, s'occupent plus des
biens présents que des futurs, et ne pensent
qu'à augmenter leurs biens et leurs dignités,
mettant leur unique bonheur dans la jouis-
sance des biens de ce monde, et cherchant
leur gloire plutôt que celle de Jésus-Christ.
^^, Il fait voir à quel danger s'exposent ceux qui
pensent à abandonner le gouvernement de
leur Eglise, dans le désespoir de ne pouvoir
la secourir au milieu des troubles; ou qui
n'apportent pas tous les soins nécessaires
pour la sauver des tempêtes dont elle est ac-
cueillie; que bien moins un évêque peut la
quitter pour vivre plus en repos et en plus
grande liberté. Il dit aux évêques qui pen-
sent à abandonner leur troupeau dans la
crainte de ne pouvoir le conduire avec suc-
cès, et qui d'un autre côté croient ne pou-
voir l'abandonner sans péché, qu'ils doivent
s'appliquer à en devenir l'exemple par leurs
mœurs, et prier assiduementpour ceux dont
le soin leur est confié, l'exemple et la prière
pouvant suppléer de leur part aux défauts
d'instructions, et les fidèles catholiques se
laissant ordinairement plutôt persuader par
les bons exemples que par des discours élo-
quents. Mais, à l'égard de ceux qui ont le ta- cap.ivm
lent de la parole, il leur dit qu'ils ne rempli-
raient pas leur ministère, s'ils se contentaient
de pratiquer la vertu sans exhorter les autres
à la pratiquer, puisque, selon l'Apôtre , un
évêque doit non-seulement être le modèle et
la forme de son peuple, mais qu'il doit en-
core lui prêcher la vérité et lui apprendre ce
que la foi nous enseigne sur les mystères de
la Trinité, de l'Incarnation, et sur tous les
autres qui en dépendent, comme sont la pas-
sion de Jésus-Christ, sa résurrection et son
ascension au ciel. Julien, après avoir dit à xu.
cette occasion que le Père n'est point en-
gendré, que le Fils est engendré du Père,
dit nettement ' que le Saint-Esprit procède
du Père et du Fils. Ensuite il montre qu'il
ne suffit pas d'avoir la foi, si on ne l'anime
par les bonnes œuvres, et que, quelque édi-
fiante que soit la vie d'un évêque, il ne sera
point utile à son peuple, s'il ne reprend sé-
vèrement les pécheurs et s'il ne les corrige, ,„,
sans avoir égard à leur puissance et à leurs
richesses. Il représente avec des couleurs
très-vives la conduite des mauvais prêtres de
son temps. « Attachés aux choses présentes,
uniquement occupés de ce qui pouvait en
cette vie leur être ou plus commode ou plus
honorable, ils se hâtaient de s'élever au-des-
sus des autres, non pour être meilleurs ou
plus sages, mais plus riches; non pour être
plus saints, mais plus honorés. Ils ne s'occu-
paient pas tant du troupeau du Seigneur,
dont la défense et la nourriture leur étaient
confiées, que de leurs plaisirs et de la domi-
nation qu'ils exerçaient sur le troupeau ,
aussi bien que des autres agréments qu'ils
songeaient à se procurer. Us voulaient qu'on
les appelât pasteurs ; mais ils ne se souciaient
pas de l'être en effet, désirant très-fort l'hon-
neur attaché à ce titre, mais évitant le tra-
vail qui en devrait être également insépara-
ble. Nullement en peine d'éloigner du trou-
peau les bêtes immondes qui le ravagaient,
' Fidèles qui nobis divinitus instituendi commissi
sunt, instruere debemus de Pâtre, quomodo solus acci-
piatur, ingenitus; de Filio, quomodo ex ipso sii geni-
tus ; de Spiriiu SanctO) quomodo ex Pâtre et Filto
procedens. Julian., lib. 1, cap. xvui.
Ezech.xLiv
et 5uir.
Cap. XXII.
S92 HISTOIRE GÉNÉRALE DES
ils perdaient eux-mêmes ce qu'elles avaient
épargné. Au lieu de i-eprendre les désordres
des riches et des personnes puissantes, ils
les traitaient avec honneur, de crainte qu'of-
fensés par leur réprimande, ils ne fussent
privés des grâces que ces personnes leur ac-
cordaient et des services qu'elles leur ren-
daient. 1) Il applique à ces pasteurs ce que le
prophète Ezéchiel dit des mauvais pasteurs
d'Israël, qui songeaient plutôt à se nourrir
eux-mêmes qu'à procurer à leur troupeau
de bons pâturages. « Ils tirent, dit-il, le lait
et la laine des brebis de Jésus-Christ, c'est-
à-dire, les oblations quotidiennes et les
dîmes des fidèles dont ils s'enrichissent ' :
mais ils se déchargent du soin de nourrir et
d'entretenir un troupeau dont, par un ren-
versement de l'ordre, ils veulent être noun-is
eux-mêmes. Enfin ils n'ont de l'autorité et
de la puissance que pour exercer sur ceux
qui leur sont soumis, une domination de ty-
ranSj au lieu de s'en servir à défendre les
affligés de la cruauté des hommes puissants,
qui dévorent les faibles comme des bêtes
carnassières. « Juhen rapporte le passage
d'Ezéchiel, oii ce prophète, en faisant enten-
dre qu'il n'est pas permis aux prêtres de se
taire, soit que les auditeurs profitent de leurs
discours, soit qu'ils n'en profitent pas, dé-
clare que ceux qui périssent pour n'avoir
pas écouté les avertissements de ceux qui les
gouvernent, périssent par leur faute, sans
qu'on puisse la jeter en aucune façon sur
leurs pasteurs.
6. Julien veut que la vie d'un prédicateur de
Jésus-Christ réponde à sa doctrine; qu'il prê-
che par ses mœurs de même que par ses
paroles, qu'il n'atïecte point de paraître élo-
quent ni de donner du tour à ses expres-
sions, mais qu'il cherche plutôt à toucher et
à convertir les peuples, qu'à leur plaire et à
s'attirer leurs applaudissements; qu'il pleure
lui-même avant de faire pleurer ses audi-
teurs^ et qu'il fasse passer dans leur cœur la
componction dont le sien doit être pénétré.
Un discours saint, grave et facile, quoique
moins latin et moins étudié, fera plus d'etiet
dans la bouche d'un évéque, qu'un discours
bien orné, et sera reçu avec plaisir de tous les
auditeurs. Voici la différence qu'il met entre
un déclamateur et un prédicateur : « Le
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
premier emploie toutes les forces de son élo-
quence pour se faire un nom dans le monde :
le second cherche la gloire de Jésus-Christ
en expliquant sa doctrine dans un langage
commun et ordinaire. Le déclamateur relève
de petites choses par des termes rares et
pompeux : le prédicateur ne se sert que de
termes saints pour annoncer de grandes vé-
rités, relevant son discours par la noblesse
des pensées. Le déclamateur cherche à ca-
cher la bassesse de ses sentiments sous de
beaux discours : le prédicateur adoucit la
grossièreté de ses expressions par la magni-
ficence de ses pensées. Celui-là met toute sa
gloire dans les applaudissements du peuple;
celui-ci dans la vertu de Dieu. Le déclama-
teur plaît, mais il ne fait aucun fruit sur l'es-
prit de ceux qui l'écoutent : celui-ci, par un
discours ordinaire, excite à la vertu, parce
qu'il ne corrompt pas ses raisons par une
affectation d'éloquence. Juhen finit son pre-
mier livre par le portrait d'un évéque tel que
la doctrine apostolique le demande. C'est
celui qui convertit les pécheurs à Dieu par
l'exemple de sa bonne vie et par ses prédi-
cations; qui fait tout avec humilité, et rien
avec empire; qui traite tous les membres de
son troupeau avec une charité égale; qui
guérit les plaies de ceux qui sont malades
avec des remèdes doux et salutaires, souf-
frant avec patience ceux qu'il croit incura-
bles; qui, dans ses prédications, ne cherche
point sa propre gloire, mais celle de Jésus-
Christ; qui, dans ses discours et dans ses ac-
tions, ne songe point à acquérir la faveur
des hommes, mais qui restitue à Dieu tout
l'honneur qu'on lui rend, parce qu'il vit et
prêche en évéque; qui fuit les honneurs et
les louanges; qui console les affligés, nourrit
les pauvres, revêt les nus, rachète les captifs,
loge les étrangers, redresse ceux qui s'éga-
rent, promet le salut à ceux qui tombent
dans le désespoir, augmente l'amour de ceux
qui marchent déjà dans le bon chemin,
presse ceux qui s'arrêtent, et qui s'acquitte
de toutes les autres fonctions de son minis-
tère. C'est là, dit Julien, un vrai successeur
des apôtres, qui, doué lui-même des vertus
apostoliques, gouverne d'une manière admi-
rable les Eghses qu'ils ont fondées; c'est là
un oracle du Saint-Esprit et un homme pro-
' Lac et lanas ovium Christi oblationibus quotidia-
nis ac decimis fidelium gaudentes accipimus, et curant
pascendorum gregum ac reficiendorum, a quibus per-
verse ordine volumus pasci, deponimus. Julian., lib. I,
cap. XXI.
CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE , PRÊTRE ET ABBÉ.
nalyse du
xièmo li-
pag. 22.
Cap. I.
fV SIÈCLE.]
pre à apaiser la colère de Dieu contre son
peuple, à défendre la foi de l'Eglise de vive
voix et par écrit, et prêt de la sceller de son
sang.
7. Dans le second livre, Julien Pomère
traite de la vie active, donnant des règles,
tant pour les supérieurs que pour ceux qui
sont soumis à leur conduite. 11 enseigne que
les péchés venant de diverses causes, on
doit les guérir par différents remèdes ; que
l'on doit traiter autrement ceux qui trouvent
un plaisir dans l'habitude du péché ; autre-
ment ceux à qui l'appas d'un gain temporel
est une occasion de péché; autrement ceux
qui tombent par faiblesse, et autrement ceux
qui; faute de connaître ce qu'il faut faire,
pèchent ou en ne faisant pas le bien qu'ils
doivent, ou font le mal qu'ils ne connaissent
pas. C'est principalement aux évêques qui,
par leur ministère, sont chargés du gouver-
nement des âmes, à savoir comment appli-
quer ces remèdes différents. Ils doivent con-
firmer dans le bien les personnes vertueuses
en les honorant; reprendre et corriger cel-
les qui sont vicieuses, et les supporter au
cas qu'elles ne veuillent pas se corriger, sa-
chant qu'ils seront récompensés et de la sé-
vérité de leur correction, et de leur patience
envers les incorrigibles. Il donne deux rai-
sons pour lesquelles les évêques doivent
quelquefois souffrir les méchants: l'une, que
S93
les réprimandes et les châtiments ne feraient
que les endurcir; l'autre, que leurs péchés
sont parfois cachés. « Il y a en effet, dit-il, des
personnes qui, privées de la communion de
l'Eghse à cause de leur incorrigibilité, se
laissent accabler par le poids de la tristesse,
et qui évitent la présence des saints qui
pourraient les réconcilier à Dieu. Souvent
même dans le cliagrin que leur cause la ri- cap. vu.
gueur dont on a usé envers eux, ils s'aban-
donnent à toute sorte de péchés et commet-
tent en public tous les excès qu'ils ne com-
mettaient auparavant qu'en secret. A l'égard
de ceux ' qui viennent d'eux-mêmes décou-
vrir leurs péchés aux prêtres, ainsi que les
malades montrent leurs plaies aux médecins,
on doit faire en sorte qu'avec le secours de
Dieu, ils soient bientôt guéris, de peur qu'en
ne leur donnant point les remèdes néces-
saires, ils ne tombent dans un état pire que
celui où ils étaient auparavant; mais quant
à ceux dont les crimes viennent à la connais-
sance du public, sans qu'ils les veuillent con-
fesser, si on ne peut les guérir par le doux
remède de la patience, il faut y apphquer le
feu d'une pieuse réprimande; si elle ne sert
de rien et qu'ils persévèrent dans leurs dé-
sordres, après les avoir supportés longtemps
et les avoir repris par des avertissements sa-
lutaires, on doit les retrancher de l'Eglise
par le glaive de l'excommunication, comme
' Cvm vero nobis fratres quilibet nostri peccata
sua, lanquam medicis, vulnem quitus iirgeniur, ape-
riunt ; operam dure debemus ut quantocius ad sani-
iatem, Deo auclore, perveniant , ne in pejus dissimu-
lata curaiione proficiant. Ea autem crimina quorum-
libet si ipsis criminosis confiteri noluntibus undecumque
claruerint , quœcumque non fuerint patientiœ leni
medicamento sanafa, velut igni quodam piœ increpa-
tionis urenda sunt, et curanda. Quod si nec sic quidevi
œquanimiier suslinentis , ac pie increpantis medela
profecerii in eis, qui diu poriati, et salubriter objur-
gati, corrigi noluerunt; lanquam putres corporis par-
tes debent ferro excommunicationis o.bscidi : ne sicut
caro morbis emorlua, si abscisa non fuerit, salutem,
reliquœ carnis puiredinis suœ contagione corrumpit ;
lia isti qui emendari despiciunt, et in suo morbo per-
stsiunt, si moribus depravatis in sanctorum socieiate
permamerint, eos exemplo suœ perditionis inficiant.
Porro illi, quorum peccata humanam notitiam latent,
nec ab ipsis confessa, nec ab aliis publicata ; si ea
confiteri, aut emendare noluerint, Deum quem habent
testem ipsum hubiiuri sunt et ullorem. Et quid eis
prodest humanum vitare judicium , cum , si in malo
suo permanserint, ituri sint in œternum , Deo retri-
buente, suppliciuni ? Quod si ipsi sibi judices fiant, et
veluti suœ iniquitatis ultores hic in se voluntariam
pœnam severissimœ animadversionis exerceant : tem-
poralibus pœnis mutabunt œlerna supplicia , et lacnj-
mis ex vera cordis compunctione fluentibus restinguenl
œterni ignis incendia. At hi qui in aliquo gradu ec-
clesiaslico constitua aliquod occulte crimen admit-
tunt, ipsi se vana persuasione decipiunt, si eis videtur
propterea communicare, et offlcium suum implere de-
bere, quod homines occultatione sui criminis fallunt.
Exceptis enim peccatis, qiiœ tam parva sunt, ut caveri
non possint, pro quibus expiandis quotidie Deo cta-
mamus et dicinms : Dimitte nobis débita nostra, sicut
et nos dimittimus debitoribus nostris, illa crimina
caveantur, quœ publicata suos auclore? humano faciunt
damnuri judicio. Qui autem ea commiserint,el ideo pro-
dere metuunl, ne sentenliam fusfœ excotnmunicalionis
accipiant, sine causa communicant ; immo vero dupli-
citer contra se iram divinœ indignalionis exagérant;
quod et hominibus innocenliam fingunt, et contempla Dei
judicio, abstinere se ab altari propter liominei eru-
bescunt. Quapropter Deum sibi facilius placabunl illi,
qui non humano convicti judicio, sed ultro crimen
agnoscunt : qui aut propriis illud confessionibus pro-
dunt , aul nescientibus aliis quales occulli sunl, ipsi
in se voluntariœ excommunicationis sentenliam feninl;
et ab altari cui ministrabant , non animo, sed officio
separati, vitam suam tanquam mortuam plangunt,
certi quod reconciiialo sibi efficacis pœnilentiœ fruc-
tibus Deo, non solum amissa recipiant, sed eliam cives
supernœ civitatis cffecti, ad gaudia sempiterna perve-
niant,
38
594
HISTOffiE GÉNÉRALE DES
des membres pourris, de crainte qu'ils ne
corrompent les autres par leurs mauvais
exemples, si on les laissait vivre dans la so-
ciété des saints : car il en est de ces pécheurs
endurcis comme d'une chair morte en quel-
que partie du corps; si on ne l'en retranche,
elle corrompt par son infection toutes les au-
tres parties de ce corps. Pour ce qui est de
ceux dont les péchés sont cacliés aux yeux
des hommes, ou parce qu'ils ne les ont pas
confessés eux-mêmes, ou parce qu'ils n'ont
point été publiés par d'autres, ils éprouve-
ront pour juges et pour vengeurs de leurs
crimes. Dieu qui en a élé le témoin, s'ils re-
fusent de les confesser et de s'en corriger.
Que leur serl-il donc d'éviter le jugement des
hommes, puisqu'ils seront condamnés ù un
supphce éternel, par un effet de la justice de
Dieu , s'ils demeurent dans leur mauvais
état : au conlraire, s'ils se jugent eux-mêmes
et vengent sur eux leurs péchés par une pu-
nition très-sévère, alors ils changeront en
des peines temporelles les supplices éter-
nels qu'ils méritaient, et éteindront par des
larmes qu'une sincère douleur de leurs fautes
fera couler, les embrasements du feu qui ne
s'éteindra jamais. Mais pour ceux qui, étant
constitués dans quelque degré du ministère
ecclésiastique, commettent en secret quel-
que crime, ils se trompent, s'ils s'imaginent
qu'ils peuvent communier et exercer leurs
fonctions, parce que leur péché n'est point
connu des hommes. Car, excepté les péchés
légers qu'on ne peut éviter, et pour l'expia-
tion desquels nous crions tous les jours à
Dieu en lui disant : Remettez-nous nos dettes,
comme nous les remettons à nos débiteurs, on
doit être exempt des crimes qui, étant deve-
nus publics, font condamner dans les tribu-
naux ceux qui les ont commis. S'ils refusent
de les confesser dans la crainte d'être juste-
ment excommuniés, ils font une grande faute
en communiant, parce qu'ils feignent devant
les hommes d'être innocents, et que par un
mépris du jugement de Dieu, ils rougissent
par des considérations humaines , de s'éloi-
gner de l'autel. Ceux-là, au contraire, apai-
seront plus facilement la colère de Dieu, qui,
n'étant point convaincus par le témoignage
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
des hommes, reconnaissent leurs péchés et
les confessent eux-mêmes ; ou du moins qui,
sans les faire connaître à personne, se pri-
vent volontairement de la communion et s'é-
loignent de l'aulel non de cœur, mais d'of-
fice, en n'y faisant plus de fonction, et pleu-
rant leur vie passée comme une vie de mort,
assurés que s'étant réconciliés avec Dieu par
les fruits d'une pénitence efficace, ils recou-
vreront les pertes passées, qu'ils deviendront
même les citoyens de la cité céleste, et
qu'ils y jouiront de la béatitude éternelle. »
Venant après cela au détachement que les cap. n.
évêques doivent avoir pour les biens tem-
porels, Julien enseigne que ceux qui s'enga-
gent dans le ministère ecclésiastique, doivent
renoncer à leurs propres biens, les vendre
pour en distribuer le prix aux pauvres, et se
contenter des revenus de l'Eglise; qu'il ne
leur est pas permis néanmoins de se les ap-
proprier, parce qu'ils n'en sont que les ad-
ministrateurs, et qu'ils doivent en rendre
compte à Dieu. 11 cite sur cela l'exemple de
saint Paulin, évêque de Noie, et de saint Hi-
lan-e, évoque d'Arles, et infère tant de leur
exemple que des principes qu'il avait avan-
cés, que l'on doit être persuadé avec ces
grands évêques, que les biens de l'Eglise ne
sont autre chose ' que les vœux desiidèles,
la rançon des péchés et le patrimoine des
pauvres, et que c'est dans ce principe que
saint Paulin et saint Hilaire , ainsi qu'un
grand nombre d'autres saints évêques, ne
disposaient point en maîtres des biens de
l'Eglise, mais ils les distribuaient aux pau-
vres comme des dispensateurs fidèles. Julien
enseigne encore que les ministres de l'Eglise
n'en possèdent les biens qu'à titre de pau-
vreté, que s'ils sont riches d'ailleurs et qu'ils
vivent des revenus de l'Eglise pour ménager
leur patrimoine, ils prennent le bien des
pauvres; que ceux qui servent l'Eglise^ et
qui s'imaginent qu'on doit les en récompen-
ser par une portion de ses revenus, qu'ils
reçoivent en etïet, quoiqu'ils n'en aient pas
besoin, se trompent et pensent d'une ma-
nière trop charnelle, en attendant des ré-
compenses temporelles d'un service qui en
mérite d'éternelles. Car il n'en est pas de la
1 ScUnks nihil aliud esse res Ecclcsiœ , nisi vota
fidetium pretia peccaiorum et putrimonia pauperuni,
non eas oindicaverunt in usus suos, ui proprius, sed
ut commendatas pauperibiis diviserunt. Jul, cap. ix.
2 Qui Ecclesiœ serviunt et labori suo, veiut débita
reddi oporlere credenfes, ea (/uilms opus non habeitt,
aut acdpiunt libenter aut exiyunt : nimis carnaliter
sapiunt, si putant qmd Ecclesiœ fideliter servientes
stipendia terrena, ac non potixis prœmia celerna per^
cipiant. Sœcularis quippe militia quia cœtestia non
habet, terrena stremte miliianlibtis prœstat. Julian.,
lib. II, cap. X.
CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE, PRÊTRE ET ABBÉ.
[V SIÈCLE.]
milice spirituelle comme de la séculière :
celle-ci accorde des récompenses temporel-
les à ceux qui combattent avec générosité,
parce qu'elle n'en a point de célestes à leur
donner. « J'avoue , dit Julien ' , que ces
maximes sont dures; mais elles ne le sont
qu'à ceux qui ne veulent pas les mettre en
pratique. Qu'on les y mette; dès lors elles
deviendront faciles. Quelle difficulté y a-t-il
qu'un liomme qui n'a pas besoin, ne reçoive
rien de l'Eglise, ou qu'il se défasse de son
propre bien quand l'Eglise lui fournit de
quoi vivre? Si cet homme ne veut pas quitter
ce qu'il a, parce qu'il veut avoir de quoi
vivre, pourquoi reçoit- il des revenus dout il
doit rendre compte? Pourquoi multiplier ses
péchés par ceux d'autrui? n Julien ne doute
pas que ceux-là ne soient en droit de vivre
aux dépens de l'Eglise qui, en entrant dans
le ministère, ont abandonné tous leurs biens
à leurs parents, ou les ont distribués aux
pauvres, ou donnés à l'Eglise par amour de
la pauvreté : de même que ceux que leur
condition ou leur naissance rend pauvres,
parce qu'alors c'est la nécessité de vivre et
non le désir d'avoir, qui les engage à rece-
voir quelque chose des biens de l'Eglise. On
dira peut-être que le Seigneur a ordonné à
ceux qui annoncent l' Evangile, de vivre de l'E-
vangile? Cela est vrai. Mais qu'est-ce que vi-
vre de l'Evangile, sinon tirer de son travail
les choses nécessaires à la vie? Saint Paul,
qui avait droit comme les autres de vivre de
l'Evangile, ne travaillait-il pas de ses mains
pour avoir de quoi se sustenter, aimant
mieux se réserver la récompense dans l'au-
tre vie, que de la recevoir en celle-ci. S'il en
a agi ainsi, plutôt que de souifrir que quel-
qu'un, en lui donnant, lui fit perdre la gloire
qui lui revenait de la prédication de l'Evan-
Éi gile; que dira-t-on des ministres de l'Eglise,
' qui non-seulement ne veulent point quitter
leurs propres biens auxquels ils tiennent par
cupidité et non par nécessité, mais qui en
exigent encore de l'Eglise, non pour avoir
395
de quoi vivre, mais pour augmenter leurs
revenus par des voies illicites? n Julien fait
voir à quel excès la cupidité pousse un ec- cap xr.
clésiastique, quand une fois elle s'est empa-
rée de son cœur : possédé entièrement du
désir des richesses temporelles, il ne pense
à autre chose, jusqu'à mépriser ou du moins
ne tenir presque aucun compte de ce qui re-
garde le service de Dieu. 11 lui oppose celui
qui, renonçant de tout son cœur à toutes les
possessions de la terre, se trouve dégagé
d'une infinité de soins et de procès, et vit
dans l'espérance d'avoir Dieu même pour
partage, l'ayant pour débiteur, puisque c'est
pour l'amour de lui qu'il a distribué ses biens
aux pauvres. «Un ecclésiastique dégagé ainsi „,.
du soin des biens de la terre, se trouve dans
l'ordre où Dieu veut que soient ceux qui le
servent. En eti'et le Seigneur n'ordonna dans
l'ancienue loi les décimes et les prémices des
fruits et certaines autres oblations pour l'en-
tretien des prêtres, qu'afin que tandis que le
peuple leur fournissait les choses nécessaires
à la vie, ils servissent aux autels avec un
esprit libre de tout autre soin. Maintenant
les prêtres occupés à gouverner les revenus
de l'Eglise, sont censés servir Dieu quand ils
remplissent cette fonction, non dans un es-
prit de cupidité, mais dans l'intention de les
dispenser iidèlement. C'est pour cela que les
possessions qu'ils reçoivent '^, lorsqu'elles
leur sont oli'ertes de la part du peuple, ne
doivent plus être legardées comme faisant
partie des choses du monde, mais comme
appartenant à Dieu. Car si dans la loi de
Moyse, on appelait saints les ornements, les
vases et généralement tout ce qui servait
dans le tabernacle pour les fonctions saintes,
et si on ne pouvait employer pour les be-
soins ordinaires de la vie, ce qui avait été
une fois consacré pour le ministère divin :
comment peut-on ne pas regarder comme
saints les biens qui ne sont donnés à l'Eglise
qu'afin que les prêtres en usent saintement
dans la nécessité, comme de choses consa-
' Du)-a sunt quœ dico, nec ego difflleor. Dura sunt,
sed observare nolenlibus. Cœterum si fiant isia, quœ
difficilia non fucienlibus sunt , statini facilia facien-
tibus fiunt... Nom quœro quid sit eorum quœ dixi
difficile? Ut liomo id quod opus non habet, ah Ecclesia
non accijjiat, an ut quod habet sine causa contemnat?
Si propter hoc non vutt sua relinquere, ut habeat unde
vivat ; ut quid accipit unde rationem reddat? Ut quid
de peccatis alienis sua multiplicat? Ibid.
" Quapropler possessiones quas oblatns a populo
swscipiunt sacerdotes, non sunt inter res mundi depu-
tari credendœ, sed Dei : quoniam si vestes, ac vasa
cœtera quœ in socris usui nnnistrantibus erani, sancta
vocabantur, nec in usus humanos revocari jum poie-
rant , divinis semel ministeriis consecrala ; quomodo
non ea quœ conferuniur Ecclesiœ, sacra sunt ; quibus
non ut sœculi rébus luxuriose, sed sancle, ut Deo
consecraiis, utuntur ad necessaria sacerdotes ? Jnlian.,
lib. II, cap. XVI.
395
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
crées à Dieu, loin de les dissiper pour la va-
nité ou pour le plaisir, comme font les gens
du monde? »
8. Julien traite ensuite de l'abstinence et
de la tempérance nécessaires aux ministres
des autels. 11 fait consister celte abstinence,
non-seulement dans la privation volontaire
des mets délicats, mais encore dans la fuite
du péché, cette dernière sorte d'abstinence
étant surtout nécessaire à ceux dont le cœur
doit être embrasé du feu de la charité. 11
met dans cette abstinence le renoncement à
sa propre volonté, disant qu'en la conser-
vant, il leur sei'virait peu de renoncer à tou-
tes leurs richesses. Pour montrer l'avantage
de l'abstinence, il entre dans le détail des
maux dont le péclié du premier homme fut
suivi. «Tandis qu'il s'abstint du fruit défendu,
rien de plus heureux que lui. Dieu lui appa-
raissait, tout le monde lui était soumis, per-
sonne ne l'otfensait, son esprit était libre, il
ne craignait point la mort, son corps était
sain, et il avait aisément de quoi le nourrir.
A peine a-t-il mangé du fruit qu'on lui avait
défendu, qu'il perd tous ces avantages. Il est
chassé du paradis, et tous ses descendants
se trouvent renfermés dans la sentence qui
le condamne à l'exil de cette vie pénible. Il
devient sujet à toute sorte de passions, et
son corps contracte par son péché une qua-
lité mortelle. Mais si notre premier père '
nous a communiqué tous ses maux par son
propre péché, Jésus-Christ nous en a déli-
vrés par sa grâce. Adam nous a transmis son
péché et la peine : Jésus-Christ l'a eflacé et
nous a en même temps déchargés de la peine
que ce péché méritait. En un mot, Adam
nous a fermé la porte du paradis terrestre,
Jésus-Christ nous a ouvert celle du ciel. Ju-
lien dit encore que de même qu'étant tous
renfermés dans Adam '^, nous sommes tous
tombés de sa chute; de même, étant mainte-
nant en Jésus-Christ qui a bien voulu mourir
pour nous, nous devons mourir avec lui à
nos péchés, et ressusciter avec lui d'une ré-
surrection spirituelle. Ceux-là, ajoute cet
auteur, ressuscitent avec Jésus -Christ qui
meurent au péché comme Jésus-Christ y est
mort. Mais qu'est-ce que mourir au péché,
si ce n'est renoncer à toutes œuvres mauvai-
ses et dignes de condamnation, et ne rien
désirer ni rechercher selon les impressions
de la chair? en sorte que de même que celui
qui est mort selon la chair, ne dit plus de
mal du prochain, ne méprise plus personne,
n'attente plus à la pureté de qui que ce soit,
n'exerce plus de violence, ne calomnie plus
et n'opprime plus le prochain, ne porte plus
envie à ceux qui sont heureux, et n'insulte
plus aux misérables, ne s'abandonne plus
aux plaisirs de la chair ou de la table, ne
sème plus de haine, ne flatte plus indigne-
ment les riches et les puissants du ciel, n'est
plus livré à une vaine curiosité qui l'agitait
sans cesse, ne prend plus de part aux défé-
rences et aux honneurs que lui rendent ses
amis, ni aux insultes que lui peuvent faire
des hommes orgueilleux et superbes, n'est
plus ni arrogant, ni injuste, ni cruel, ni in-
constant, ni obstiné dans ses résolutions, ni
emporté, ni homme de bonne chère, ni vain,
ni perfide; mais qu'au contraire, il ne prend
plus de part à tous les plaisirs du siècle, aux
impuretés, aux inimitiés, aux rapines, aux
mensonges, aux parjures; en un mot, qu'il
est éloigné de se souiller de toutes ces sortes
de vices, que ceux qui vivent selon chair
commettent contre Dieu, mais auxquels ceux
qui sont morts au péché ne s'abandonnent
jamais. De_ même, dit Julien, que l'homme
mort selon la chair, ne peut plus ni commet-
tre ni souflrir aucune de ces choses; ainsi
ceux qui ne vivent plus que pour Dieu, ont
crucifié leur chair avec tous ses vices et tou-
tes ses concupiscences, ne se souillent plus
de tous ces vices et n'en commettent au-
cun. »
9. Pomère donne ensuite des règles pour
l'usage des aliments à ceux qui veulent vivre
dans la tempérance, voulant qu'ils n'en pren-
nent, soit pour le boire, soit pour le manger,
qu'autant qu'il est nécessaire pour vivre. Il
ne défend point le vin, mais l'excès du vin,
et dit que ceux-là ne font rien contre la tem-
pérance, qui ne boivent de vin qu'à raison
de l'infirmité de leur corps, et pour en réta-
blir la santé. Il conseille hors ce cas de s'abs-
tenir de vin, disant qu'il y a du danger que
' Adam nos obnoxiavit malis omnibus propriam
culpam, a quibus nos liberavit advenlus Christi pcr
gratium, llle in nos culpam siiam transmisil et pce-
nam : hic culpam noslram simul abolevit et pœnani :
et ut totum dicam , Adam nobis eripuit paradisum,
Cliristus donavit cœlum. Julian., lib. ll,cap. xx.
' Sicut quando in Adam fuimus omnes, ipso cadenle
cecidimus ; ita quia in Christo Jam esse cœpimus,
qui pro nobis omnibus dignatus est mori; et nos pec-
catis nostris illi commortui, cum illo spiritualiter re-
surgamus. Ibid.
[v SIÈCLE.] CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE , PRÊTRE ET ARRÉ.
597
cette liqueur, qui est propre pour rétablir la
santé ou du moins soutenir celui qui n'en
jouit pas, ne mette le feu dans le corps de
celui qui se porte bien. Il trouve que ceux
qui s'abstiennent de manger de la viande
des animaux à quatre pieds et ne font point
difficulté de se nourrir de ce qu'il y a de plus
délicat dans les volailles ou dans les poissons,
ne retranchent point les plaisirs du corps,
qu'ils ne font que les changer. Il raisonne de
la même manière à l'égard de ceux qui s'in-
terdisent l'usage du vin et se remplissent
d'autres liqueurs exquises et délicieuses. Au
reste, il ne veut pas que l'on se fasse une loi
si rigoureuse de l'abstinence et du jeûne, que
l'on ne puisse se dispenser de l'un et de
l'autre par un motif de charité. «Si je donne,
dit-il, à manger aux étrangers, et que pour
eux' j'interrompe mon jeune, alors je ne viole
pas la loi du jeûne que je me suis imposée;
mais je remplis le devoir de la charité. Donc
si je m'aperçois que les frères spirituels qui
viennent me voir s'attristent de ce que je ne
romps pas le jeûne avec eux, alors mon abs-
tinence n'est point une vertu , mais un vice ,
parce que l'abstinence et la continuation des
jeûnes ne servent qu'à enfler d'orgueil celui
qui les pratique, s'il ne sait pas les inter-
rompre lorsque la charité fraternelle le de-
mande. »
10. Le troisième livre traite des vices et
des vertus. Julien le commence par l'examen
de la distinction qu'il y a entre les vertus ap-
parentes et les véritables. Il pose pour prin-
cipe qu'elles sont autant différentes entre
elles, que le mensonge l'est de la vérité.
« L'âme, continue Julien, peut être coupable
en deux manières ^, ou en ne faisant point
le bien qui serve à sa nourriture spirituelle,
ou en affectant l'apparence du bien pour se
cacher sous cette apparence de bien et vivre
mal. C'est ainsi que l'orgueilleux veut passer
pour constant, le prodigue pour libéral, l'a-
vare pour soigneux, le téméraire pour géné-
reux, et ainsi des autres. L'impudence même
se donne le nom de confiance, et la curiosité
cache sa passion sous le désir de savoir.
Quoique ces choses puissent être discernées
par la seule force de l'esprit humain, on ne
peut néanmoins, sans le don et le secours de
Dieu, avoir ou désirer les véritables vertus,
ni même éviter les vertus apparentes, puis-
que ce sont de véritables vices qui se ca-
chent sous le masque de la vertu. Je suis
donc persuadé, continue Julien, qu'il n'a
servi de rien aux infidèles d'avoir pratiqué
dans leurs corps quelques vertus, parce
qu'ils n'ont pas regardé Dieu comme l'au-
teur de ces vertus, et qu'ils ne les ont pas
rapportées à celui qui est la fin de toutes
choses. Mais que dis-je, elles ne leur ont
servi de rien? Il y a plus, elles leur ont été
nuisibles, l'apôtre nous enseignant que tout
ce qui ne vient point de la foi est péché.
Saint Paul ne dit pas que tout ce qui ne vient
point de la foi n'est rien, mais en disant que
tout ce qui ne vient pas de la foi est péché,
il nous a déclaré que tous les biens ou vien-
nent de la foi, et alors ce sont des vertus qui
justifient ; ou s'ils ne viennent pas de la foi,
alors loin d'être regardés comme des biens,
on doit les regarder comme des vices qui, au
lieu d'être de quelque secours à ceux qui les
font, servent de fondement à leur condam-
1 Sî enim quoslibet advenientes, jejunio intermisso,
reficio, non solvo jejunium, sed impleo caritatis offi-
cium. Cceterum si propfer abstinentiam spirituales
fndres quos novi mea remissione deleciari, contristo;
abstinentia mea non est virtus dicenda, sed vitium.
Julian., lib. Il, cap. xxiv.
2 liaque dupliciter rea est anima , si et bonum non
facial unde spiriiualiter vivat, et appelât similitudi-
nem boni, sub qua maie vivat et lateat. Superbus viilt
se credi conslanlem, prodigus liberalem, avarus dili-
geniem, temerarius fortem : impudentia fiduciœ no-
men sibi ndscribit, et curiositatis malum sub siudii
spiritualis colore delitescit. Hœc etsi possunt ingénia
humano discerni , tamen sine dono Dei quantum miki
videtur, nec virtutes possunt appeti vel haberi ; nec
earum simililudines, quœ sunt vitia, virtutes imitantia
declinari , in tantum ut infidelibus nihil profuisse
credamus , etiamsi sunt aliquas per corpus operati
virtutes, quod eas nec a Deo suo se accepisse credide-
runt, nec ad eum qui est finis bonorum omnium re-
ferre voluerunt. Et quid dico, nihil eis profuerunt ?
Immo efiam nocuerunt, dicente Aposiolo : Omne quod
non est ex fide, peccatum est. Non dixit : Omne
quod non est ex fide, nihil est : sed dicendo : Omne
quod non est ex fide, peccatum est, declaravit quod
omnia bona aut ex fide gesta virtutes sunt, quœ pro-
fecto justificant ; aut si fuerint sine fide, non sunt
aliqua bona credenda, sed vitia, quœ non j'uvant suos
operarios, sed condemnant, inflalosque prœcipitant,
atque a finibus œternœ saluiis éliminant, sed quid ego
hœc de infidelibus, unde nullus ambiyere videtur, ex-
aggero? cum sanctus Apostolus etiam fidèles quosdam,
qui credentes in Deum, non secundum Deum, sed se-
cundum hominem vivunl, carnales nominal, dicens :
Non vobis potui loqui quasi spiritualibus, sed quasi
carnalibus : nondum enim poteratis, sed nec adbuc
quidem potestis ; adbue enim estis carnales. Et tan-
quam qucereremus quid cai'nales velit inielligi, seculus
adjunxit : Cum enim sit inter vos zclus et contenlio,
nonne carnales estis, et secundum hominem ambu-
lalisî Julian., lib. III, cap. i.
HlSTOffiE GÉNÉRALE DES AtJTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nation, les précipitent dans l'abîme en les
enflant d'orgueil, et les éloignent du salut.
Mais pourquoi m'arrêter à prouver cela des
infidèles, personne ne doutant de la vérité
de ce que j'avance, n Julien en disant que
l'orgueil qui anime les actions des infidèles
sert de fondement à leur condamnation ,
marque assez clairement qu'il ne croyail
point que leurs actions fussent mauvaises
d'elles-mêmes, mais seulement parce qu'ils
les faisaient par un mauvais motif, et qu'ils
ne les rapportaient pas à Dieu qui doit être
la fin de toutes nos œuvres. Il s'explique en-
core plus nettement dans la suite, lorsqu'il
rapporte les reproches que saint Paul fait aux
Corinthiens dans sa première épîfre. Je n'ai
il Cor. m. pu^ leur dit cet apôtre, vous parler comme à
des hommes spirituels, mais comme à des per-
sonnes qui sont encore charnelles, parce que vous
nen étiez pas alors capables, et à présent même
vous ne l'êtes pas encore, parce que vous êtes en-
core charnels. Car puisqu'il y a parmi vous des
jalousies et des disputes, n'est-il pas visible que
vous êtes charnels, et que votre conduite est en-
core bien humaine? n Les reproches de cet apô-
tre sont fondés sur ce que, parmi les Corin-
thiens, il y en avait qui disaient : Je suis à
Paul ; et d'autres : Je suis à Apollon. C'est
ce qu'il appelle en eux vivre charnellement,
parce qu'au lieu de s'attacher à Dieu en qui
ils avaient cru, ils s'attachaient à ses minis-
tres : ce qui causait entre eux des disputes
et des jalousies, non que l'amour qu'ils
avaient pour Paul ou pour Apollon fût mau-
vais en lui-même : mais il était mal réglé,
parce qu'ils se cherchaient eux-mêmes et
non pas Dieu dans l'attachement qu'ilsavaient
pour ces apôtres. Celui-là vit spirituellement
selon Dieu, qui lui attribue ce qu'il fait de
bien, parce que pour le faire il est aidé de
Dieu. Celui, au contraire qui attribue à ses
propres forces le bien qu'il fait, comme s'il
le pouvait faire sans le secours de Dieu, vit
Ctp. ... charnellement selon l'homme.» Julien montre
ensuite que l'orgueil est la cause de tous les
maux; qu'il a fait que certains anges sont
devenus des démons, et que l'homme, tom-
bant de l'état d'innocence dans la corruption,
,„, a enveloppé dans sa chute tous ses descen-
dants ; mais que comme l'orgueil a changé
les anges en démons, l'humilité rend les
hommes semblables aux anges; que la cupi-
dité est tellement mêlée avec l'orgueil, qu'il
n'y a aucun péché qui ne vienne de l'un et
de l'autre. D'où vient que l'Ecriture dit en (^'p- "^
un endroit que l'orgueil estle commencement E«ies. \.
de tout péché, et en un autre, que la eu- iiim.
pidité est la racine de tous les maux. Il entre
dans le détail des péchés que l'on commet
par les sens lorsque l'ûme y consent, et fai-
sant remarquer les dangers que court la pu-
reté, soit dans les conversations, soit dans
les lectures qui peuvent en occasionner la cap. v
perte, il dit que les anciens ont défendu aux
jeunes gens * la lecture du livre de la Ge-
nèse, d'une partie de la prophétie d'Ezéchiel,
du Cantique des Cantiques, et de quelques
autres endroits de l'Ecriture oîi il est parlé
de génération et des actions de femmes. 11 t...
enseigne que ceux qui, par état, sont con-
traints de garder la chasteté, parviennent
enfin à l'amour de cette vertu, lorsqu'ils se
font une habitude de la mettre en pratique.
Il rapporte les indices par lesquels l'orgueil '''"■
se fait connaître dans ceux qui en sont pos-
sédés, et dans ceux-là mêmes qui affectent de
la cacher. Il fait la même chose à l'égard des
envieux et de ceux dont le cœur est rempli
de vanité. 11 montre que la crainte des peines .xeix
dues au péché est un moyen pour arrêter
les péclieurs, et qu'il leur est utile de faire
souvent réflexion, pour s'empêcher de tom- xi.
ber dans le crime, aux supplices qui en sont
la suite inévitable. Il veut encore qu'ils pen- x...
sent sérieusement au jugement futur, où
non-seulement ils ne pourront tromper le
souverain Juge, en lui cachant les maux
qu'ils auront faits en cette vie, mais où ils
n'auront aucun moyen de se défendre ni d'é-
viter les peines auxquelles ils seront con-
damnés. Après cela il traite de la charité et
des quatre vertus principales : la prudence,
la tempérance, la force et la justice.
Julien finit son ouvrage en priant ses lec- xxuv.
teurs de lui attribuer tout ce qu'ils y auront
trouvé de défectueux, et à Dieu ce qu'il pou-
rait y avoir établi de vrai conformément à la
foi catholique. 11 témoigne s'être peu embar-
rassé d'orner son discours et de le relever
par la noblesse de ses expressions, content
' Nnuerit pi-opter hoc forte ah antiquis fuisse decre-
tum, ne qui adolescentium legcrenl Geneseos librum,
ac paitem pariter Ezecldelis prophetœ, vcl Canticum
Canticorum, et caetera lalia, in quitus generationes et
actus et nomina quarumdam scripla sunt mulierum.
Quas licet secundum historiam fuiise credamus, ea-
rum tamen nominil/us virtides figuratas accipimus.
Ibid., cap. VI.
CHAPITRE XLIV. — JULIEN POMÈRE, PRÊTRE ET ABBÉ.
[V= SIÈCLE.]
d'exprimer ses pensées avec netteté et pré-
cision, sans chercher à flatter l'oreille par
des tours étudiés. La raison qu'il en donne
est que les choses n'ont point été établies
pour les termes, mais les termes pour ex-
pliquer les choses. Son style, toutefois, ne
manque point de vivacité, ses pensées sont
justes, et ses maximes solides.
Nous avons une édition de ses trois livres
de la Vie contemplative, sous le nom de saint
Prosper, en 1487, sans nom d'imprimeur, ni
du lieu où elle fut publiée. Il y en a une au-
tre de Cologne, en 1536, chez Jean Gymnicus,
avec quelques opuscules d'Grisiesis et de
Pierre Damien. On en fit une troisième en
la même ville en 1635, sous le titre : De la
Vie contemplative des prêtres. Jean Bouillon
ayant traduit cet ouvrage en français, le fit
imprimer en cette langue à Paris, chez Sé-
bastien Nivelle, en 1576, avec le traité de la
Vie éternelle, par François Sonnius, premier
évéque d'Anvers. La dernière édition est de
1711, à Paris, chez Desprez. Elle fait partie
de l'appendice des écrits de saint Prosper,
imprimés en la même ville la même année.
L'éditeur en a rendu le prologue complet par
le fragment qu'en a recouvré dom Luc d'A-
chery, et qu'il a fait imprimer dans le trei-
zième tome de son Spicilége, avec la remar-
que que ce fragment manquait dans les édi-
tions de saint Prosper, à Louvain, en 1S65,
et à Lyon, en 1539, où les livres de la Vie
contemplative sont imprimés sous le nom de
ce père. [On trouve encore ces livres dans
l'édition de saint Prosper, Venise, 1744, in-
folio, et 1782, in-4'', dans le tome LIX de la
Patrologie latine., avec une notice par Cave.]
scriis 11. Saint Rurice, évêque de Limoges ',
MB? ^ écrivit deux lettres à Julien Pomère, pour
lui donner des marques de son amitié et de
399
son estime. Saint Ennode évêque de Pavie*,
lui écrivit aussi, mais dans le temps qu'il
n'était que diacre de celte Eglise, pour l'en-
gager à faire passer quelques-uns de ses
écrits des Gaules en Italie. Il donne dans
cette lettre de grands éloges au génie, au
savoir et à la vertu de Poinère, en le priant
de lui faire part de quelques-uns de ses écrits
qui fussent sur des matières convenables à
un ecclésiastique. Il le prie de lui envoyer
entre autres des éclaircissements sur les pa-
rents de Melchisédech ^, sur la structure de
l'arche, le sacrement de la circoncision, et
sur quelques autres mystères de l'Ecriture.
Saint Ennode l'appelle dans cette lettre,
nourrisson du Rhône, parce que, suivant l'o-
pinion la plus commune *, Julien avait fixé
sa demeure à Arles, qui est arrosée par ce
fleuve, et qu'il y enseignait les belles-lettres
avec réputation. Nous ne savons pas s'il ré-
pondit aux lettres de saint Rurice et de saint
Ennode, Gennade ne disant rien de ces let-
tres, et aucune n'étant venue jusqu'à nous.
Mais Julien pouvait ne les avoir reçues que
depuis que Gennade eut fini son livre des
Hommes illustt^es^ , où il dit que Pomère écri-
vait encore alors, menant une vie conforme
à l'état qu'il avait embrassé, et à la dignité
de prêtre dont il était honoré. Hariulfe, moine
de Saint-Riquier, marque parmi les livres de
son monastère, l'exposition et les pronostics
de Julien Pomère ^. Ils étaient divisés en
trois livres, et ainsi différents de ceux que
Julien, évêque de Tolède, écrivit sons un
semblable titre. On ne sait ce que c'est que
les sermons que Gresner dit avoir été impri-
més à Cologne, sous le nom de Pomère ^,
mais qui auparavant étaient attribués à Pon-
sérius.
< Ruric, lib. I, Epist. 17, et lib. II, Epist. 9.
2 Ennod., lib. II, Epist. 6.
' Nunc va/e, mi domine, et circa me ecclesiasticœ
mugis disciplinœ exerce fauiorem. Scribe vel nvinda
Melchisédech parentes guos habuerit, explanatianem
arcœ, circumcisionis secretum, ei quœ propheticis
mysteriis includunlur. Ennod., lib. II, Epist. 6.
' Erat autem il lis odmodum familiaris Pomerius
quidam, professione rhetor, Afer génère; quem ipsis
singulariter carum, grammaiicœ artis docirina red-
debat. Cypriaa., in Vit. Cœsar. Arelat., lib. J, num. 7.
5 Dicitur et adhiic scribere, quœ ad meam noiitiam
non venerunt. Vivit usque hodie conversatione Dca
digna, apta professione et gradu. Gennad., de Viris
illustr., cap. XCVIII.
6 Tom. IV Spicil., pag. 486.
' Grener., Biblioth., pag. 568.
600
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XLV.
Saint Honorât, évêque de Marseille, et Gennade, prêtre
de la même Église.
[Fin du V" siècle.!
Saint Ho-
norât évêque
de Mirscillo:
ses écrits.
1. Dans quelques éditions du livre des
Hommes illustres, écrit par Gennade ', saint
Honorât, évêque de Marseille, est placé im-
médiatement après Julien Pomère : mais en
d'autres il ne se trouve point du tout , et on
remarque que le style de cet article est en-
tièrement différent des autres. II y est dit que
ce saint évêque était éloquent et qu'il avait
beaucoup de facilité à faire un discours sans
s'y être préparé, parce qu'ayant été élevé
dans la crainte du Seigneur et employé dans
les affaires ecclésiastiques, aussitôt qu'il ou-
vrait la bouche, il en sortait, comme d'une
armoire ou d'un magasin, des instructions
toutes divines. Ses discours étaient ordinai-
rement en forme d'homélie, dans lesquels il
s'appliquait à expliquer les mystères de la
religion et à réfuter les opinions contraires
des hérétiques. On trouvait tant de plaisir à
l'entendre, que les peuples et les ecclésiasti-
ques du voisinage venaient à Marseille pour
assister à ses sermons, et lorsque ses affaires
l'obligeaient de sortir de son diocèse, les
évêques étrangers le priaient avec instance
de prêcher dans leurs églises. Le pape Gé-
lase, dans une lettre qu'il lui écrivit, recon-
nut la sincérité de sa foi et lui donna des
marques particulières de son estime. Ainsi
l'on doit dire que saint Honorât vécut jusque
sous le pontificat de ce saint pape, dont on
met le commencement en 492, et la fin en
496. Nous avons montré ailleurs que ce fut
saint Honorât qui composa la Vie de saint
Hilaire d'Arles, à qui il était redevable de
son éducation. C'est le seul monument de sa
piété et de son savoir qui soit venu jusqu'à
nous. Il avait composé plusieurs autres Vies
des saints pères pour l'édification des fidèles :
nous ne les avons plus. Vivant dans un
temps de calamité, il célébrait souvent des
litanies avec son peuple pour implorer la mi-
séricorde de Dieu.
2. Gennade prêtre de la même EgHse, pa-
raît avoir été un homme d'un grand travail
et de beaucoup d'érudition. Outre la langue
latine, il possédait assez bien la langue grec-
que pour traduire plusieurs écrits des au-
teurs grecs. Il écrivit lui-même un grand
nombre d'ouvrages dont il nous a laissé le
catalogue, savoir : huit livres contre toutes les
Hérésies, six livres contre Nestorius, trois li-
vres contre Pelage, un traité des Mille ans et
de l'Apocalypse de saint Jean, un traité de sa
doctrine, adressé au pape Gélase, et le hvre
des Ecrivains ecclésiastiques.
3. De tous ces ouvrages, il ne nous en
reste que deux, dont le plus célèbre est celui
qu'il composa vers l'an 494, pour donner la
suite des hommes illustres ou écrivains ecclé-
siastiques, depuis saint Jérôme jusqu'à son
temps. II le commence dans les éditions or-
dinaires par saint Jacques évêque deNisibe,
mort sous l'empereur Constance, fils du
grand Constantin ; il met ensuite le pape
Jules, qui gouvernait l'Eglise romaine avant
l'an 332. Mais, dans un exemplaire que Not-
ker ^, écrivain du ix' siècle, avait vu, Gen-
nade commençait par l'article de saint Am-
broise, évêque de Milan, dont saint Jérôme
n'avait pas jugé à propos de parler dans son
Catalogue des écrivains ecclésiastiques. Mais cet
article ne se trouve dans aucun des impri-
més, et on ne cite aucun manuscrit où il soit.
Cela peut nous faire croire que le livre de
Gennade n'est pas venu entier jusqu'à nous,
et que l'on s'est donné la liberté d'en retran-
cher, comme il est certain que l'on y a
ajouté ; car nous trouvons aujourd'hui saint
Césaire, évêque d'Arles, qui n'écrivait que
plusieurs années après le mort de Gennade.
L'édition que l'on fit de son livre des Hommes
illustres, à Bâle, en 1497, parmi les ouvrages
de saint Jérôme, ne contient que quatre-
vingt-dix chapitres, finissant à Jean d'Antio-
prêtre
Marseille.
Livre
écriT.iins
déàiastiga
1 Gennad.j de Viris illustr., cap. xcix. — ^Motker, de Interpret. Script., cap. viij torn. I Anecd. Pezii,
[V siKCLE.J CHAPITRE XLV. — GENNADE , PRÊTRE DE MARSEILLE.
che, au lieu qu'il en contient cent dans les
éditions postérieures. Il y a des exemplaires,
comme celui de Gorbie, où saint Jérôme est
placé dans ce catalogue, et d'autres où il
n'en est rien dit du tout. Ce traité est écrit
d'un style simple, et renferme plusieurs
traits historiques touchant les écrivains dont
il y est parlé et que l'on chercherait en vain
dans les autres écrivains du même siècle.
Gennade y donne aussi le détail d'un très-
grand nombre d'ouvrages dont il ne nous
reste que les titres, et que nous ne connaî-
trions pas même, s'il ne se fût donné la peine
de nous les conserver. Cassiodore parle de
ce traité ' comme l'ayant joint avec celui que
saint Jérôme a composé sur le même sujet.
Ils sont joints aussi dans le manuscrit de
Corbie, qui, selon la remarque de dom Ma-
billou, passe neuf cents ans. C'est de ce ma-
nuscrit qu'il a tiré l'article premier- où Gen-
nade parle de saint Jérôme, et qu'il a inséré
dans ses Analectes. Il est peu d'éditions de
saint Jérôme où ce traité ne se trouve.
Erasme, qui l'avait omis dans l'édition qu'il
donna à Bâie en 1516, l'inséra dans^l'éditicn
de Paris, en 1546. Torin fit imprimer le livre
de Gennade avec le Catalogue de saint Jé-
rôme, à Bâle, en 1529, avec les Vies des Pro-
phètes, par saint Epiphane, et quelques au-
tres opuscules de Sophrone et de saint Gré-
goire de Nazianze. Ils furent réimprimés l'un
et l'autre avec les traités des Ecrivains ecclé-
siastiques de saint Isidore de Séville, d'Hono-
rius d'Autun, de Sigebert de Gemblours et
de Henri de Gand, à Cologne, en 1583. Jean
de Fucbte en donna une nouvelle édition à
Helmstadt, en 1612. II en parut une autre à
Anvers, en 1639, par Aubert le Mire, qui joi-
gnit au traité de Gennade imprimé séparé-
ment dans l'édition précédente, ceux de saint
Jérôme, de saint Isidore, de saint Hilde-
phonse de Tolède, d'Honorius d'Autun, de
Sigebert et de Henri de Gand avec des notes
de sa façon sur tous les écrivains dont il est
fait mention dans tous ces traités. L'édition
de Salomon Ernest Cyprien, en 1703, à Gê-
nes, ne renferme que le traité de Gennade
el celui de saint Jérôme; mais ou Ire les notes
d' Aubert le Mire, il y en a ajouté plusieurs
de lui-même, qui sont courtes. Dom Jean
Martianai l'ayant revu sur le manuscrit de
601
Corbie, le fit imprimer en 1706, à la tête du
cinquième volume des œuvres de saint Jé-
rôme, avec les différentes leçons qui se trou-
vaient dans cet ancien manuscrit. C'est cette
édition que Fabricius a suivie dans le recueil
qu'il a fait des divers catalogues ou traités
des Hommes illustres, imprimé à Hamboui-g
en 1718, in-folio. [Le tome LXVIII de la Pa-
troloyie latine , col. 979 et suiv., reproduit le
traité des Dogmes ecclésiastiques, di'a.]}ves\'éà\-
tion de Hambourg, 1614, in-4<', avec les notes
de G. Elmenhorst, et le traité des Ecrivains
ecclésiastiques, d'après l'édition de Fabricius.
Le tout est précédé d'une notice par Caye.]
4. L'autre traité qui nous reste de Gennade
de Marseille, est celui qui est intitulé : Des
Dogmes ecclésiastiques^; il est attribué à saint
Augustin dans un grand nombre de manus-
crits, et il est quelquefois cité sous son nom
par le Maître des Sentences. Trithème le
donne à Alcuin. Ratramne, moine de Corbie,
croyant que l'auteur était grec, le cite sous
le nom de Gennade, évêque de Constanlino-
ple. Mais la plupart des anciens disent qu'il
est de Gennade de Marseille, et il y a plu-
sieurs anciens manuscrits qui le lui attri-
buent *. Adrien I", dans sa lettj'e à Charle-
magne, voulant prouver le culte des images
et des reliques des saints par le témoignage
des anciens Pères, cite sous le nom de Gen-
nade de Marseille ce qui en est dit dans le traité
dont nous parlons. Toutes ces autorités ont
réuni les suffrages en faveur de Gennade,
en sorte que l'on ne doute presque plus au-
jourd'hui que le traité des Dogmes ecclésiasti-
ques ne soit de lui, et qu'il ne l'ait voulu
marquer lui-même par le traité de sa Doc-
trine, qu'il dit avoir adressé au pape saint
Gélase, en forme de lettre. C'est eu elFet un
abrégé des principaux dogmes de la religion.
On l'a réduit dans les dernières éditions à
cinquante-cinq articles : mais il en contenait
auparavant un plus grand nombre, parce
qu'on y en avait inséré plusieurs tirés de la
lettre de saint Célestin aux évêques des
Gaules, et des conciles de Milève, de Car-
thage et du second d'Orange.
5. Ce traité est en forme de confession de
foi. Gennade y réfute nommément tous ceux
qui ont erré ^ soit sur les mystères de la
Trinité et de l'Incarnation, soit sur les autres
Trailé rfes
nogmpsenulû-
siaEtiques.
Analyse de
' Cassiod., InstU., cap. xvn.
"^ Mabill., Analect., pag. 97, edit. 1723.
3 Voyez l'appendice du tome VIII de saiut Augustin,
pag. 75. — 4 Mabill., Analecl., pag. 492. — STom. VIII
oper. sancti August., in append., pag. 75.
602
HISTOffiE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dogmes de la religion sur lesquels il marque
sa créance. Il reconnaît ' qu'il n'y a qu'un
seul Dieu Père, Fils et Saint-Esprit; que le
Père est appelé ainsi, parce qu'il a un Fils ;
le Fils, parce qu'il a un Père ; et le Saint-Es-
prit, parce qu'il est du Père et du Fils. C'est
le Fils qui s'est incarné, afin que celui qui
était Fils de Dieu, devint aussi fils de l'homme .
Il n'y a pas néanmoins deux Fils; c'est le
même Fils qui est Dieu et Homme en deux
substances unies sans confusion et sans mé-
lange. Le Fils de Dieu est né de l'homme et
non par l'homme, c'est-à-dire par les voies
ordinaires : il a pris chair dans le sein d'une
vierge, et ne l'a point apportée du ciel : en
sorte que comme il est vrai Dieu, parce qu'il
est né de Dieu, il est aussi- vrai homme,
parce qu'il est né de l'homme. En prenant
la chair avec tous ses sens, par lesquels il
pût souffrir véritablement, il a pris aussi une
âme raisonnable. Comme le Fils et le Saint-
Esprit sont consubstantiels au Père selon la
divinité, de même le Fils nous est consubs-
tantiel selon son humanité. Gennade, après
s'être expliqué sur ces mystères, dit qu'on
ne doit reconnaître qu'une seule résurrection
de tous les morts, et qu'elle se fera en même
temps dans la même chair qui aura souffert
la mort; que cette chair sera véritable, quoi-
que incorruptible, et que la résurrection de-
vant être générale tant pour les justes que
pour les injustes, la chair dans les uns pourra
être récompensée de la gloire éternelle pour
leurs mérites, comme elle pourra souffrir les
supplices dans les autres pour leurs péchés.
Il croit néanmoins que l'on peut dire de ceux
qui seront en vie à l'avènement du Seigneur,
qu'ils ne mourront point, mais qu'ils seront
seulement changés de mortels en immortels,
ce qui leur tiendra lieu de résurrection, sans
avoir subi la loi de la mort. Mais il soutient
qu'ils seront jugés alors comme tous les au-
tres hommes, soit justes, soit pécheurs. 11
rejette l'opinion qui veut que les démons et
les impies, après avoir été purifiés par les
supplices, seront rétablis, ceux-là dans leurs
dignités, et ceux-ci dans la société des justes,
comme s'il était de la piété de Dieu de ne
point permeltre qu'aucune des créatures rai-
sonnables périt pour toujours. Il ajoute que
l'on doit en croire au juge de toutes les
créatures, qui a prononcé que les impies
iront aux supplices éternels, et que les justes
seront récompensés d'une félicité qui n'aura
point de fin. D'après Gennade , Dieu avait
déjà créé le ciel et la terre, lorsqu'il donna
l'être aux auges et à toutes les autres vertus
célestes; .il n'y a que Dieu qui soit incor-
porel et invisible de sa nature , et toutes
les créatures, même les anges et lesvertus
célestes, sont corporelles, puisqu'elles sont
dans un lieu, comme l'âme humaine est ren-
fermée dans la chair ; toutefois les na-
tures intellectuelles sont immortelles, parce
qu'elles n'ont point de chair qui les rende
sujeltes à la mort ; les âmes des hom-
mes n'ont point été créées dès le commen-
cement avec les autres natures intellectuel-
les ; elles ne sont pas non plus produites
par propugation ; mais Lieu les crée et les
met en même temps dans le corps, lorsque
ce corps est formé, afin que l'homme com-
posé d'âme et de corps dans le sein de sa
mère, il en sorte vivant et homme parfait.
L'homme seul a une âme qui subsiste sé-
parément du corps, lorsqu'elle en est désu-
nie : au contraire , l'âme des bêtes meurt
avec leur corps; l'homme n'est composé
que de deux substances, l'âme et le corps,
et il n'y en a point une troisième en lui,
l'Apôtre entendant par l'esprit qu'il joint à
l'âme et au corps, la grâce du Saint-Esprit
dont nous avons besoin pour vivre sainte-
ment. L'homme ayant été créé libre, il
a perdu par son péché ^ la vigueur de son
libre arbitre; mais il n'a pas perdu pour
cela le pouvoir de choisir le bien et de fuir
le mal, ni de chercher son salut, puisque
Dieu l'avertit, l'excite et l'invite à faire et à
choisir ce qui est nécessaire pour l'acquérir.
i
1 Credimus unum esse Deum, Palrem et Filium et
Spiritum Sanctum : Patt-em eo quod Filium habeat ;
Filium eo quod Patrem habeat; Spiritum Sanctum, eo
quod sit ex Pâtre et Filio. Pag. 75.
2 Libertati arbitrii sut commissus est homo statim
in prima conditione... Postquam vero cecidit , natures
bonum perd i dit , pariler et vigorem arbitrii : non ta-
men electionem... Manet itaque ad quœrendam salutem
arbitrii libertas, id est, rationalis voluntas , sed ad-
monente prius Deo et invitante ad salutem , vel ut
eligat, vel sequatur, vel agat occasione salutis, hoc
est inspiratione Dei. Ut autem consequatur quod eli-
git , vel quod sequitur, vel quod occasione agit , Dei
esse libère confilemur. Initium ergo salutis nostrœ
Deo miserante habemus : ut adquiescamus salutiferœ
inspirationi , nostrœ potestatis est; ut adipiscamur
quod udquiescendo admonitioni cupimus , divini est
muneris ; ut non labamur ab indempio salutis munere,
sollicitudinis nostrœ est et cœlestis pariter adjutorii ;
ut labamur , potestatis nostrœ est et ignaviœ. Gennad.,
de Dogm. Eccles.. art. 21.
[v= SIÈCLE.] CHAPITRE XLV. — GENNADE, PRÊTRE DE MARSEILLE.
le.pag 78.
Le commencement de notre salut nous
vient de la miséricorde de Dieu, mais il
est en notre pouvoir d'acquiescer à ses salu-
taires inspirations; acquérir ce que nous
souhaitons en nous rendant à ses avertisse-
ments, c'est un don de Dieu; ne pas dé-
choir de l'état de salut que nous avons une
fois obtenu, c'est l'etïet de notre travail
et du secours de Dieu, comme nous devons
attribuer noire chute à noire négligence et
à notre mauvaise volonté.
6. « Il n'y a, continue Gennade, qu'un
seul baptême ', mais dans l'Eglise où la foi
est une et où l'on baptise au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit. C'est pourquoi si
quelqu'un de ceux qui ont été baptisés parmi
les hérétiques, qui baptisent dans la confes-
sion de la .sainte Trinité, viennent à nous, on
les reçoit comme baptisés, de peur d'anuu-
1er Finvocation de la sainte Trinité : mais,
avant de les recevoir, on les instruit de la
manière dont l'Eglise croit ce mystère : et
s'ils témoignent le croire de même, alors
comme purgés par l'intégrité de la foi, on se
contente de les confirmer par l'imposition
des mains. Mais si ce sont des enfants on des
idiots incapables d'être instruits sur cette
matière, il faut que ceux qui les présentent,
comme on fait ordinairement au baptême,
répondent pour eux : après quoi on leur im-
pose les mains , on les oint du chrême et
on les admet aux mystères de l'Eucharistie.
Quant à ceux qui n'ont point été baptisés
chez les hérétiques par l'invocation de la
sainte Trinité, on doit les baptiser et non pas
les rebaptiser, parce que l'on ne doit pas
603
croire qu'ils aient été baptisés, ne l'ayant
pas été au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit, suivant la règle établie par Notre-
Seigneur. Je ne loue ni ne blâme ^ l'usage
de recevoir tous les jours l'Eucharistie. J'ex-
horte et je conseille de communier tous les
dimanches, pourvu que l'on ne soit point
dans l'affection du péché. Car je suis per-
suadé que celui qui a encore la volonté de
pécher, se rend plutôt coupable en recevant
l'Eucharistie, qu'il n'en est purifié. Mais à
l'égard de celui qui a commis un péché et
qui n'est plus dans la volonté d'en commet-
tre à l'avenir, si, dans le dessein de commu-
nier, il satisfait pour ses péchés par ses lar-
mes et ses prières, je dis qu'il peut s'appro-
cher de l'Eucharistie sans crainte , en se
confiant à la miséricorde du Seigneur, qui a
coutume de pardonner les péchés ci quicon-
que s'en accuse humblement. Ce que j'en-
tends de celui qui ne se sent coupable d'au-
cun péché capital et mortel : car pour celui
qui, depuis son baptême, a commis des pé-
chés mortels, je l'exhorte d'en faire aupara-
vant une pénitence publique et de n'ap-
procher de la communion qu'après qu'il aura
été réconcilié par la sentence du prêtre, s'il
ne veut pas recevoir dans l'Eucharistie sa
condamnation et son jugement. Nous ne
nions pas toutefois que les péchés mortels ne
puissent être remis par une satisfaction se-
ci ète : mais il faut auparavant que le cou-
pable change d'habit séculier, qu'il corrige
sa vie passée, qu'il confesse et pleure conti-
nuellement ses péchés, et qu'il fasse des ac-
tions toutes contraires à celles dont il se re-
' Boptisma unum est, sed in Ecclesia, ubi una fides
es>, ubi in nomim Patris, et Filii, et Spiritus Sancii
datitr. Et ideo si qui apud illos hœrelicos bupiizali
sunt, qui in sanctœ Trinitatis confessione /japtizaut, et
veniunt ad nos, recipiantur quidem baptizati, ne
sanctœ Trinitatis invocatio vel confessio annulletur :
sed docenntur unie et instruantur quo sensu sanctœ
Trinitatis mysterium in Ecclesia teneatur, et si con-
senliuitt credere vel adquiescunt confiteri, purgaii
jam fidei integrilate confirmentur manus impositione.
Si vero parvuli sunt et hebetes, qui doctiinam non ca-
ptant, respondeant pro illis qui eos offerunt juxta
morem baptizandi : et sic manus impositione et chris-
male communiti, Eucharistiœ mysteriis adrtiittantur.
Illos autem qui non in sanctœ Trinitatis invocatione
apud hœreticos baptizati sunt et veniunt ad nos, bap-
tizari debere pronuntiamus , non rebaptizari. Neque
enim credenduni est Deo fuisse baptizatos, qui non in
nomine Patris, et Filii et Spiritus Saticti jvxta regu-
lum a Domino positam tincti sunt. Ibid.^ art. 22.
2 Quotidie Eucharistiœ communionem percipere nec
laudo, nec vitupéra. Omnibus (amen dominicis diebus
communicandum suadeo et horfor, si lumen mens in
affe.ctu peccandi non sit. Nam habenleni adhuc volun-
tatem peccandi, gravnri tnagis dico Eucharistiœ per-
ceptione quam purificari. Et ideo quamvis quis peccato
mordeatur, peccandi non habeat de cœtero voluntalem,
et communicaturus satisfaciat lucrymis et orationibus,
et confidens de Domini miseralione, qui peccata piœ
confessioni donare consuevitj accédât ad Eucharistiam
intrepidus et securus. Sed hoc de illo dico quem copi-
talia et mortalia peccata non gravant : nam quem
mortalia crimina post baptismum commissu prémuni,
hortor prius publica pœnitentia satis/'acere, et ita sa-
ce.rdotis judicio reconciliatum cornmunioni sociari, si
vult non ad judicium et condemnationem sai Eucha-
ristiam percipere. Sed et sécréta satisfactione solvi
mortalia crimina non negamus ; sed mutato prius sœ-
culari habitu, et confessio religionis studio per vitœ
correctionem et jugi, immo perpétua luctu, miserante
Deo, ita dmitaxal vl contraria pro ils quœ pœnitet
agat, et Eucharistiam omnibus dominicis diebus sup-
plex et submissus usque ad mortem percipiat. Ibid.,
art. 23.
604
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pent : alors il pourra s'approcher de l'Eu-
charistie en suppliant et avec humilité, tous
les dimanches jusqu'à la mort. La vraie pé-
nitence est de ne plus commettre les péchés
dont on doit se repentir et de pleurer ceux
que l'on a commis. La satisfaction consiste
à retrancher les causes des péchés et à ne
pas donner lieu aux tentations.» Cette défini-
tion n'est pas exacte; mais il s'était expliqué
plus haut sur la manière de satisfaire pour
ses péchés.
7. Il rejette l'opinion des millénaires, soit
dans le sens de Papias, soit dans celui de
Cérinthe. Il croit que personne ne parvient au
salut qu'il n'y soit invité de Dieu ', et que ce-
lui-là même qui y est invité de Dieu, n'opère
point son salut sans le secours de Dieu ; que
personne ne mérite ce secours qu'en le de-
mandant ; que Dieu ne veut point que per-
sonne périsse, mais qu'il le permet pour ne
point blesser la liberté de l'homme, afin que
le pouvoir du choix qui lui a été une fois ac-
cordé, ne dégénère point en une nécessité
servile. Il ajoute que le mal n'a point été
créé de Dieu, mais inventé par le diable, qui
lui-même a été créé bon et qui, étant devenu
mauvais par son propre libre arbitre, a, par
un mouvement d'envie, persuadé aux autres
de l'être; qu'il paraît par là qu'il n'y a rien
d'immuable par nature, que Dieu le Père, le
Fils et le Saint-Esprit, qui est tellement bon
de sa nature, qu'il ne peut être autre chose ;
que les saints anges ont persévéré volontai-
rement dans l'état de félicité et dans la fidé-
lité qu'ils devaient à Dieu, tandis que les
mauvais anges se sont éloignés de l'un et de
l'autre par leur libre arbitre; que l'usage du
mariage est bon, quand il a pour but la gé-
nération des enfants ou d'éviter la fornica-
tion; que, quoique la continence soit meil-
leure, elle ne suffit pas néanmoins pour la
béatitude, si on ne la garde que par l'amour
seul de la pureté, et non pas dans la vue de
servir Dieu avec plus d'affection et de li-
berté; que la virginité est un bien au-dessus
du mariage et de la simple continence, parce
qu'elle surmonte la nature et qu'elle rem-
porte la victoire dans le combat; que tout ce
que Dieu nous a donné à manger est bon,
quand on le prend avec action de grâces;
que ce n'est pas néanmoins un mal de s'abs-
tenir de quelques aliments, pourvu qu'on ne
les regarde pas comme mauvais, mais seu-
ment comme non nécessaires; et que c'est
le propre des chrétiens d'en user avec mo-
dération selon le temps et la nécessité. Il
condamne les hérétiques qui disaient que le
mariage était mauvais, ou qui l'égalaient à
la virginité consacrée à Dieu. Il dit qu'il est
de la foi que la bienheureuse Marie, mère
de Dieu a conçu et engendré étant vierge ^,
qu'elle est demeurée vierge après son enfan-
tement. 11 ne croit pas qu'au jour du juge-
ment les éléments doivent être détruits parle
feu, mais seulement changés en mieux. Il ex-
clut de la cléricature, celui qui, depuis son
baptême, a eu deux femmes, ou qui a épousé
une concubine, ou une veuve, ou une femme
répudiée, ou une personne publique. Il en ex-
clut aussi ceux qui se sont mutilés eux-mêmes
en quelque partie du corps que ce soit, les
usuriers, ceux qui ont joué sur le théâtre ou
qui ont fait pénitence publique pour des pé-
chés mortels, ceux qui ont été quelquefois
transportés de fureur jusqu'à être insensés,
ou qui ont été possédés du démon, ou qui,
par ambition, ont otïert de l'argent pour être
admis à la cléricature. « Nous croyons en-
core, dit Gennade, que l'on doit honorer sin-
cèrement les corps des saints ^, et surtout les
reliques des martyrs , comme les membres
de Jésus-Christ, et qu'il est de la piété d'aller
prier dans les basiliques qui portent leurs
noms, comme dans des lieux destinés au
culte divin; que le chemin du salut n'est que
pour les baptisés *; que les catéchumènes,
1 Nullum credimus ad salutem nisi Deo invitante
ventre. Nullum invitatum salutem suam nisi Deo
auxiliante operari. Nullum nisi orante auxilium pro-
mereri. Nullum Dei vohintate perire, sed permissu,
pro electione arhiirii , ne ingenuHas potestatis semel
hominihus aitributa ad so-vilem cogatur necessitalem.
Art. 26.
2 Integra fide credendum est beatam Mariam Dei
Chrisli matrem et virginem concepisse, et virginem
genuisse, et post parfum virginem permansisse. Art. 36.
3 Sanctorum corpora, et prœcipue heatorum marty-
rum religuias ac si Christi membra sincerissime ho-
noranda, et basilicas eorum nominibus appellaias ve-
lut loca divino cultui mancipata, affectu piissimo et
devotione- fidelissima adeundas credimus. Art. 40.
'• Baptizatis tanium iter esse salutis credimus. Nul-
lum catechumenum , quamvis in bonis operibus de-
funclum, vitam œternam habere credamus, excepta
rnartyrio, ubi Iota baptismi sacramenta complenlur.
Baplizandus confitetur fidem suam coram sacerdote,
et i7iterrogatus respondet ; hoc et martyr coram per-
secuiore facit, qui et confitetur fidem suam et inler-
rogatus respondet. Ille post confessionem vel aquu
aspergiiur vel intingitur : et hic vel adspergitur san-
guine vel intingitur igné. Ille manus impositione
pontificis accipit Spiritum Sanctum ." hic loeutorium
[V SIÈCLE.] CHAPITRE XLV. — GENNADE, PRÊTRE DE MARSEILLE.
605
quoique morts dans la pratique des bonnes
œuvres, sont exclus de le vie éternelle, ex-
cepté ceux qui finissent leur vie par le mar-
tyre, dans lequel s'accomplissent tous les
mystères du baptême. Celui qu'on doit bapti-
ser fait profession de sa foi devant l'évèque, et
répond lorsqu'on l'interroge : le martyr con-
fesse sa foi devant le persécuteur, et répond
aux demandes qu'il lui fait. Celui-là, après sa
confession de foi, est plongé dans l'eau ou il
en est aspergé : celui-ci est ou aspergé de
son sang ou jeté dans le feu. Le baptisé reçoit
le Saint-Esprit par l'imposition des mains :
le martyr devient l'instrument du Saint-Es-
prit, puisque ce n'est pas lui qui parle^ mais
l'esprit du Père qui parle en lui. Le baptisé
participe à l'eucharistie en mémoire de la
mort du Seigneur : le martyr meurt avec
Jésus-Christ même. L'un fait profession de
renoncer à tous les actes du monde : l'autre
renonce même' à la vie ; tous les péchés sont
remis à celui-là par le baptême : ils sont
éteints dans celui-ci par le martyre. »
8. « On ne doit point offrir de l'eau pure
dans l'eucharistie ', mais du vin mêlé avec
de l'eau, parce que le vin est entré dans l'é-
conomie du mystère de notre Rédemption,
selon que dit Jésus-Christ : Je ne boirai plus
de ce fruit de vigne, et que c'était l'ordinaire
de le donner mêlé d'eau après le repas.
L'eau qui sortit avec le sang de son côté lors-
qu'on le perça d'une lance, fait encore voir
que le vin a été tiré avec l'eau de sa chair,
qui est représentée jiar la vigne. Gennade
enseigne que la chair de l'homme est bonne,
ayant pour auteur un Dieu bon, mais qu'elle
devient mauvaise ou conserve sa bonté selon
que notre âme en use par son libre arbitre;
qu'à la résurrection, la dilïérence des sexes
ne sera point ôtée, parce qu'autrement ce ne
serait pas une véritable résurrection; que
les âmes des justes, avant la passion du Sau-
veur, étaient détenues dans les enfers en
vertu de la dette contractée par la prévari-
cation d'Adam, et qu'elles ont été transpor-
tées au ciel avec Jésus-Christ, après son as-
cension, où elles attendent la résurrection
de leurs corps pour jouir ensemble de la
béatitude éternelle, de même que les âmes
des pécheurs sont détenues dans l'enfer, at-
tendant avec crainte la résurrection de leurs
corps avec qui elles seront livrées à des sup-
plices éternels; que les péchés sont remis
, par la pénitence, quand même on ne la fe-
rait qu'au dernier soupir de la vie, le décret
de Dieu par lequel il a résolu de sauver tous
les hommes étant immuable; que le diable
ne connaît point toutes les secrètes pensées
de l'homme, qu'il les conjecture seulement
parles mouvements du corps; que nos mau-
vaises pensées ne viennent pas non plus tou-
jours du diable, mais quelquefois de notre
libre arbitre; mais que les bonnes ont tou-
jours Dieu pour auteur^; que le diable, lors-
qu'il opère en nous, n'entre pas dans notre
âme, mais qu'il s'y unit et s'y joint; que les
signes et les prodiges que les pécheurs font
quelquefois au nom de Jésus-Christ, ne les
rendent pas meilleurs : qu'ils en deviennent,
au contraire, plus méchants lorsqu'ils en ti-
rent vanité; qu'il n'y a aucun saint ni juste
exempt de péché, mais qu'ils ne cessent pas
pour cela d'être saints et justes par le désir
qu'ils ont de la sainteté; que nous n'acqué-
rons point par les forces de la nature, mais
par le secours de Dieu; qu'ainsi tous les
saints peuvent dire véi'itablement qu'ils sont
pécheurs, parce qu'ils ont toujours de quoi
pleurer, ne fut-ce que l'inconstance de leur
nature portée au péché, quand même leur
conscience ne leur reprocherait rien ; qu'on ne
peut pas célébrer la fête de Pâques avant que
l'équinoxe du printemps soit passé, et que
le quatorzième de la lune née dans le même
mois ne soit expiré.
9. Tel est le traité des Dogmes ecclésiastiques,
par Gennade. L'auteur aurait dû y apporter
plus d'ordre et plus d'exactitude, surtout,
s'il est vrai, comme on le croit communé-
ment, que ce soit la confession de foi qu'il
adressa au pape saint Gélase. Les matières
y sont mal distribuées, et Gennade y donne
pour dogme de l'Eglise, ou de simples opi-
nions, ou des sentiments que l'Eghse ne
Jugement
des écrits de
Genoade.
efficitur Spiritus Sancti, dum non est ipse qui loquitur,
sed Spii'itus Putris qui loquitur in ilio. llle commu-
nicat eucharistiœ in commemoraiione morlis Domini :
hic ipsi Christo commoriiur, llle confitetur se mundi
actibus renuntiuturum : hic ipsi vitœ renuntiat. Uli
peccula oinnia dimittunlur : in isto extinguuntur.
Art. 41.
' In eucharislia non débet pura aqua offerri^ sed
vinum cum aqua mixtum , quia et vinum fuit in re-
demptionis nostrœ mysterio, cum dixit : Non bibam
amodo de hoc genimine vitis ; et aqua mixtum quod
post cœnam dabatur : sed et de latere ejus quod lan'
cea perfossum est aqua cum sanguine egressa, vinum
de vera ejus carnis vite cum aqua expressum ostendit.
Art. 42.
2 Bonœ cogitutiones semper a Deo sunl. Arl. 4^.
606
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
reçoit point, c'est ce qu'on voit en particuliei*
dans ce qu'il dit touchant les anges, les au-
tres vertus célestes et l'âme de l'homme,
qu'il dit avec assurance être corporels, sen-
timent qu'il parait avoir pris de Fauste de
Riez, dont il loue beaucoup les ouvrages ',
nommément celui quecetévéque a composé «
contre ceux qui disent qu'il a quelque chose
d'incorporel parmi les créatures, et où il
soutient que nous ne devons rien croire d'in-
corporel que Dieu seul. Gennade fait aussi
l'éloge de l'ouvrage de Fauste, intitulé : De
la Grâce de Dieu. Aussi suit-il les opinions de
cet auteur sur la grâce et sur le libre arbi-
tre. Il parle, au contraire, d'une manière
désavantageuse de saint Augustin 2, en lui
l'rov 1, 19. appliquant ces paroles de Salomon : Vous
n éviterez point le péché en parlant beaucoup.
Mais il peut y avoir faute en cet endroit; car
on ne trouve rien de semblable dans le ma-
nuscrit de Corbie. Gennade y dit au con-
traire que saint Augustin s'était rendu illus-
tre dans tout l'univers ^, que sa foi était
saine, sa vie pure, et qu'il avait tant écrit
qu'il était difficile d'avoir tous ses ouvrages.
Il n'est pas si aisé de justifier Gennade sur
ce qu'il dit du livre de Pelage, intitulé : Eu-
logies, c'est-à-dire : Recueil des sentences choi-
sies de l'Ecriture. 11 semble dire que ce livre
est nécessaire aux personnes studieuses ^,
de même que ceux que Pelage avait com-
posé sur la Trinité, et qu'il avait écrits avant
de tomber dans l'erreur. Néanmoins ce livre
avait déjà été condamné par saint Jérôme,
dans son premier traité contre les Pélagiens.
Mais soit que ce qui nous parait défectueux
dans les écrits de Gennade soit susceptible de
bon sens, soit que l'on ait cru dans la suite qu'il
n'avait proposé ses sentiments que comme
de simples opinions, il a été regardé comme
un homme respectable et mis au nombre
des plus saints personnages ^, par le pape
Adrien 1", dans sa lettre à l'empereur Char-
lemagne.
10. ^ Honorius d'Autun et Trithème ' mar- Aoiresétriu
quent dans le catalogue des ouvrages de Jugcmeni d,
Gennade onze livres contre Eutyches. Il ne E'iiiiti"s-
nous en reste rien; mais à la suite du livre
des Hérésies, composé par saint Augustin, on
trouve dans un manuscrit de la bibliothèque
de Saint-Victor, sous le nom de Gennade,
une description assez courte de l'hérésie des
prédestinatiens , des nesloriens , des euty-
chéens et des timothéens. Le nom de Gen-
nade ne se lit point dans les autres manus-
crits °, et il n'y est rien dit non plus des ]
prédestinatiens, mais seulement des timo-
théens, des nestoriens et des eutychéens.
Hincmar cite cet écrit sous le nom de Gen- j
nade ^. Cet auteur avait traduit le livre d'E-
vagre du Pont sur les Huit vices capitaux , et
il témoigue qu'en le traduisant en latin '", il
avait gardé la même simplicité qu'il avait
trouvée dans l'original grec. Il traduisit du
même Evagre le traité intitulé : Des cent et
des cinquante sentences, de même que les pe-
tites sentences, qu'il dit être très-obscures.
Le premier de ces ouvrages avait déjà été
traduit en latin, mais peu fidèlement : ce qui
obUgea Gennade d'en donner une autre tra-
duction. Ses frères le prièrent de traduire
encore *' l'ouvrage de Timothée Elure ,
adressé à l'empereur Léon, contre le concile
de Chalcédoine. Gennade , en mettant cet
écrit en latin, eut soin d'en faire remarquer
les erreurs. Son style est simple, net et con-
cis. Nous ne connaissons que deux éditions
particulières de son traité des Dogmes ecclé-
siastiques ; l'une et l'autre à Hambourg, sa-
voir en 1594 et 1614. On trouve dans celle-ci
les lettres qui portent le nom de saint Mar-
tial, évêque de Limoges, et une homélie d'un
ancien théologien. Géverhart Helmenhors-
tius a pris soin de ces édilious.
1 Gennad., de Viris illustr., cap. LSXXV,
= Idem, ibid., cap. xsxvm.
3 Augustinus universo orbe clarus, fide integer, vita
purus , scripsit quanta nec inveniri possunl. Mabill.,
Analect., pag. 198.
' Gennad., de Viris illusir., cap. XLii.
" In sacris prœdictis conciliis prœdecessm'umZjneO'
rum pontificum, hœc oblata stint testimonia, id est,
sancti Gennadii Massiliensis, qualiter veneranda sint
corpora vel reliquiœ sanctorum. Mabill., Analect.,
cap. SL, pag. 492.
'' Dom Pitra, dans le prospectus du Spiciîeyium
solemnense , annonce un livre sur le iliilenarium
ou Commentaire sur l'Apocalypse mentionné par Gen-
nade lui-même dans l'énumération de ses œuvres en
son Catalogue des Ecrivains eixlésiasiiques ; cet écrit
n'a point encore paru. [L'éditeur.)
' Honor., de Script. Eccles., lib. II, cap. xcvii, et
Trithem., cap. clxxxvui.
8 Vide tom. VIII de sancto August., pag. 27.
s Ibid.
" Gennad., ibid., cap. xi. — " Ibid., cap. Lxxn.
[Vl' SIÈCLE,]
CHAPITllE XLVI. — SAINT RURICE, ÉVÉQUE.
607
CHAPITRE XLVI.
Saint Rurice, évêque de Limoges.
[Après l'an 506.]
1. Saint Rurice, que l'on nommait ordinai-
rement l'Ancien, pour le distinguer de son
petit-fils qui portait le même nom et qui fut
comme lui évêque de Limoges ', était d'une
famille illustre des Gaules -, alliée à celle des
Anices de Rome. Il s'allia avec une famille
patricienne, en épousant Ibérie, fille d'Om-
mace. L'épithalame dont saint Sidoine ho-
nora son mariage, fait voir qu'il n'était pas
encore détaché lui-même entièrement des
plaisirs du monde ^. Ainsi il faut mettre le
mariage de Rurice avant Fan 471, qui fut le
premier de l'épiscopat de saint Sidoine. Ru-
rice eut d'Ibérie un fils, qui fut père d'un
autre Rurice, évêque de Limoges, après son
aïeul. Après avoir vécu quelques années en-
semble , Rurice et Ibérie embrassèrent la
continence d'un commun consentement *, et
vécurent l'un et l'autre dans la pratique de
toutes les bonnes œuvres, uniquement occu-
pés de leur salut. Rurice fit son étude des
Livres saints et des écrits des Pères, et pour
ne point marcher sans guide dans cette nou-
velle voie, il se mit sous la discipline de Té-
vêque Sidoine ^ et de Fauste de Riez '', dont
il connaissait le savoir , par la lecture de
quelques-uns de ses ouvrages. 11 entretint
aussi un commerce de lettres avec saint Loup
de Troyes et Léonce d'Arles. Saint Sidoine
l'ayant prié un jour ' de retirer de ce dei--
nier un de ses ouvrages pour le lui renvoyer,
Rurice le trouva si beau, qu'il en fit tirer
une copie, dont il s'accusa comme d'un vol.
Mais saint Sidoine le trouva bon ^, et dans
une autre occasion, il permit à Rurice de
faire copier dans sa bibliothèqua les sept
* Forlun., lib. IV, cap. iv.
2 Sidon., Carm. 10, 11, pag. 1238.
s Faust., Epist. & et 1 ad Ruric, tom. I Lect. ,
Canis,, edit. Antuerp., an. 1725, pag. 356, 358.
* Ruric, Episl. 8, 9, 16; ibid., pag 37G et seq.
' Idem, Epist. 1, 2. — «Ruric, Epùt. 8.
' Sidon., lib. IV, Epist. 16.
' Lib. VII, Epist. 15.
^ Nobis aucloritatem damere non débet urbis humi-
iitas, Siquidem multo melius mulioque eminentius est
premiers livres de l'Ecriture et le volume
des prophètes.
2. Fauste , évêque de Riez , ayant été
banni par Euric, roi des Visigoths, fut par-
ticulièrement assisté dans ses besoins par
Félix, fils du consul Magnus, et par Rurice.
Son exil dura environ quatre ans, c'est-à-dire
depuis l'an 480, jusqu'en 484, auquel Alaric,
qui avait succédé à son père, le rappela. De
retour à Riez, il écrivit à Rurice pour le re-
mercier, et en même temps pour lui témoi-
gner sa joie de son élévation à l'épiscopat.
L'Eglise de Limoges étant vacante dès l'an
474, Rurice fut choisi dix ans après pour
la remplir. Quoiqu'elle n'eût rien alors de
relevant, R,urice ne s'en croyait pas moins
d'autorité, puisque, comme il le dit '^, ce n'est
point la ville qui donne du rehef à l'évêque,
c'est l'évêque qui en donne à la ville. Sa
mauvaise tante ne lui permit point de rem-
plir par lui-même toutes les fonctions de son
ministère. Elle était très-chancelante en été,
un peu moins en hiver. Ce lui fut une raison
de ne point aller au concile d'Agde, auquel
saint Césaire d'Arles présida en 506. Nous n'a-
vons aucun monument qui puisse nous aider à
fixer le temps de sa mort. Fortunat, évêque
de Poitiers, qui a fait son épitaphe conjoin-
tement avec celui de Rurice, son petit-fils, dit
de l'un et l'autre '•>, que leur réputation s'est
étendue par toute la terre; que l'un bâtit à
Limoges une église en l'honneur de saint
Augustin; l'autre, sous le nom de Saint-
Pierre.
3. Nous n'avons d'autres écrits de Rurice,
que des lettres " que l'on a distribuées en
civitatem de sacerdote, quarn sacerdutem de civiiaie
noscere. Ruric, lib. II, Epist. 32.
1" Hic sacra pontificum iuto radiantia mundo,
Membra, sepulchra iegunt...
Tempore quisque suo fundans pia templa patroni)
Iste Augustini, condidit ille Pétri.
Fortun., lib. IV, cap. iV.
11 On les trouve dans le tome LVllI de la Palrologie
latine, col. 125 et suiv., d'après Canisius. Il y a une
préface de Basnage, {L'éditeur.)
Rar-ce est
U\\, évêque du
I.iiDogeâ ea
608
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
deux livres '. Il y en a dix-huit dans le pre-
mier, et soixante dans le second. Elles ont
toute la politesse que le siècle où elles ont
été écrites, permettait. Comme il en sentait
le défaut, pour le corriger, Rubrice avait lu
les meilleurs auteurs des siècles précédents,
surtout les lettres de Sulpice Sévère. Les
siennes ont peu de chose pour l'éclaircisse-
ment des dogmes de la religion, ou pour
l'histoire du temps. Ce sont, pour la plupart,
ou des exhortations à la vertu et à la fuite
des vanités du siècle, ou des lettres de poli-
tesse et d'amitié 2. Dans la première, qui est
à Fauste de Riez, il lui dit qu'il le voyait de-
puis longtemps des yeux de l'esprit, mais
qn'i[ souhaitait de le voir des yeux du corps
et d'aller se désaltérer dans la source même
d'où étaient sortis les écrits qu'il avait vus
de lui et qui avaient animé et échauffé sa
froideur ^. Il le prie, avec beaucoup d'humi-
lité, de lui écrire souvent, non des lettres
de douceur, mais des exhortations vives et
fortes, capables d'ouvrir ses ulcères et de
lui en faire sentir la puanteur, pour l'enga-
ger à les guérir. Dans la seconde, il confesse
ses péchés, ne trouvant point de meilleur
moyen d'en obtenir pardon, que de les ac-
cuser. Il montre, par l'exemple de l'enfant
prodigue, que la conversion du cœur, quand
elle est sincère, efface tous les péchés passés.
Il paraît, par la troisième *, qu'il avait donné
une de ses tilles en mariage à Hespérius,
poète célèbre de son temps, que saint Si-
doine appelle ^ la perle des lettres et des
amis. Il fait dans la sixième ^ l'éloge des ou-
vrages de saint Hilaire de Poitiers, dont le
prêtre Népotien lui avait envoyé deux volu-
mes. 11 en renvoya un et retint l'autre, avec
la permission de Népotien, afin de pouvoir
en copier les plus beaux endroits , ne se
trouvant pas assez de mémoire pour les re-
tenir après les avoir lus. L'évêque Bassule
prêtait aussi des livres à Rurice ', et les ac-
compagnait ordinairement de quelques re-
montrances sur les devoirs de la religion.
La dixième lettre, adressée à saint Loup de
Troyes ^, regarde le commerce de lettres
qu'ils souhaitaient entretenir. La quinzième
est un compliment de condoléance " sur la
mort de Léonce, évêque d'Arles, et de con-
gratulation à Conius, qu'on avait choisi pour
lui succéder.
4. La quatrième du second livre àNamace
et à Céraunia, sa femme'", est aussi pour les
consoler de la mort de leur fille. Les motifs
qu'il emploie sont les mêmes que ceux dont
l'Apôtre se sert dans sa première épître aux
Thcssaloniciens. Il y ajoute cette réflexion
sur la résurrection et la récompense de l'au-
tre vie : (( Comme les choses qui sont futures
par rapport à nous, sont déjà arrivées à l'é-
gard de Dieu, la foi du fidèle catholique doit
lui faire regarder comme présentes les ré-
compenses célestes, qu'il espère posséder
en son temps, après les avoir méritées par
ses œuvres. » Il explique dans la dixième "
comment les fidèles sont les cohéritiers de
Jésus-Christ et les enfants de Dieu par adop-
tion; au lieu que Jésus-Christ est seul Fils
de Dieu par nature. Il marque dans la dou-
zième '- que le cinquantième psaume de
David, était consacré â la pénitence et au
pardon, parce qu'en même temps que le pé-
cheur y pleure ses péchés, il y témoigne en
espérer le pardon de la bonté de Dieu. La
treizième '^ est adressée à deux prêtres du
diocèse de Limoges, avec qui Rurice avait
eu un procès. Il fit la démarche de leur
écrire le premier, pour leur faciliter le moyen
de se réunir avec leur évêque. On voit, par
la quatorzième, qu'il faisait travailler à di-
verses peintures. Céraunia, femme de Na-
mace, lui demanda son peintre. Quelque be-
soin que Rurice en eût alors, il l'envoya avec
une lettre pour Céi'aunia '*, dans laquelle il
l'exhorte à orner son âme d'autant de vertus
que le peintre employait de couleurs à pein-
dre les murailles. Dans la seizième '^, il prie
Turencius de lui envoyer l'ouvrage de saint
Augustin, intitulé : De la Cité de Dieu. La
lettre dix-septième et la dix-huitième, sont
à Sédatus, évêque de Nimes "', qui s'était
plaint de n'en recevoir aucune de Rurice. Il
s'en excuse sur son peu de facilité à expri-
mer les sentiments de son cœur : toutefois,
pour donner à cet évêque des preuves de sa
soumission , il lui écrivit deux lettres en
même temps, l'une en prose et l'autre en
vers. Nous avons trois lettres de Sédatus à
Rurice, qui ne sont que des billets d'amitié.
■ • Tom. 1 Ledion. Ganis., lib. I, pag. 373.
2 Lib. 1, Epist. 1. — 3 Epist. 2. — * Epist. 3.
6 Sidon., lib. IV, Epist. 22.
« Epist. 6. — ' Episl. 7. -- 8 Epist. 10.
8 Epist. 15. — io Epist. 4.
1' Nos filii per adoptione/n ; ille solus Filius par
naturam. Ruric, lib. II, Epist. 10.
<2 Epist. 12. — " Epist. 13. — '* Epist. 14.
'ii Epiât. 16. — 16 Epist. 17, 18.
«
CHAPITRE XLVI. — SAINT RURICE, ÉVEQUE.
[VP SIÈCLE.]
On voit, par la trente-quatrième lettre, que
Rurice avait envoyé un cheval à Sédatus :
par la description qu'il en t'ait, c'était un
cheval sans défaut dans la taille et dans l'al-
lure. Sédatus l'ayant monté ', trouva que
l'éloge qu'on lui en avait fait était beaucoup
au-dessus de la valeur du cheval; qu'il était
beau et bon dans la lettre de Rurice, et très-
mauvais en campagne. Rurice fait une sem-
blable peinture du cheval qu'il avait envoyé
à Celse, qui peut-être - ne se trouva pas
meilleur qae celui de Sédatus. 11 intercède
dans la dix-neuvième ^ pour des coupables
qui s'étaient réfugiés dans son église afin
d'éviter les poursuites du juge. Il conjure
Rustique de leur pardonner, autant pour lui
éviter la confusion de les voir condamner,
que pour se mériter à lui-mième, par ce par-
don, une récompense de la part de Dieu.
Dans la vingt-troisième * il ordonne à un
nommé Constantlus , homme débauché et
qui ne venait point à jeun à l'église les jours
de fêtes, de s'y trouver à jeun le mercredi
suivant. Ce Gonstantius ne peut donc être le
prélre de Lyon, célèbre par sou savoir et sa
vertu, qui écrivit la Vie de saint Germain
d'Auxerre. 11 était si lié d'amitié avec Hurice,
qu'ils se faisaient mutuellement de temps à
autres de petits présents, comme on le voit
par la lettre quarante-deuxième ^, où Rurice
lui donne le titre de Vénérable. 11 dit dans
la vingt-cinquième '' à Apollinaire, fils de
saint Sidoine, qu'il l'attendait pour lire avec
lui les ouvrages de son père, atin qu'il les lui
expliquât : car ils étaient quelquefois obscurs
et ditliciles à entendre. 11 s'excuse dans la
trente-deuxième à saint Césaire d'Arles ', de
ce que sa santé ne lui avait pas permis d'as-
sister au concile d'Agde, assemblé de tous
les évêques qui étaient sous la domination
des Goths. 11 fait la même chose daus sa lettre
à Sédatus. Dans la cinquante-septième, il
loue la fermeté de l'évêque Aprunculus ^,
qui, pour corriger un pécheur, l'avait re-
tranché de la communion. 11 dit que ces sor-
tes de châtiments sont utiles, parce que plu-
sieurs de ceux qui dans l'Eghse ne se corri-
G09
genl point par les remontrances, se corrigent
par l'exemple ^, c'est-à-dire par la crainte
des peines dont ils voient qu'on punit ceux
qui, comme eux, sont incorrigibles.
S. Rurice étant encore dans les embarras
du mariage et du monde, et vivant toutefois
avec sa femme dans les jeûnes , daus les
prières et dans les aumônes '", consulta
Fauste de Riez, sur celui de ces trois partis qui
était le meilleur, ou de se défaire absolument
de son bien ", ou d'en confier le soin à un
autre, ou de s'en réserver l'administration.
Fauste lui répondit que le meilleur était
d'imiter Jésus-Christ pauvre, par une entière
pauvreté, pourvu qu'on pîit ensuite entrer
dans quelque monastère considérable, ou se
retirer dans l'Ile de Lérins, pour y vivre
dans la congrégation angélique qui y était
établie : « car, ajoute-t-il, c'est une entre-
prise bien généreuse, mais bien difficile, de
mener une vie d'ermite au milieu du siècle.»
Il regarde comme un grand soulagement à un
père de se pouvoir décharger de la conduite
de son bien sur un fils, pourvu qu'il eût des
enfants qui fussent capables d'une chose si
difficile ; ou sur un intendant qui en fit au
maître une pension réglée. Mais il est d'avis
de donner plutôt â l'Eglise et aux pauvres
la propriété de son bien, en s'en réservant
l'usufruit, que l'on distribuerait soi-même
selon les règles de l'Eglise, en n'en prenant
que très-peu pour soi. Dans une seconde
lettre à Rurice ''^, Fauste dit qu'il y a deux
sortes d'abstinence, dont l'une consiste à
s'abstenir des plaisirs du corps, l'autre à ré-
primer les désirs et les mouvements déré-
glés. 11 y explique le premier chapitre du
premier livre des Rois dans un sens moral,
mais qui paiait forcé. 11 ne réussit pas mieux
lorsqu'il dit que, de même qu'Abraham vain-
quit cinq rois par la vertu de la croix figurée
par les trois cent dix-huit domestiques qu'il
avait avec lui, parce qu'en efi'et, les deux
premières leitres grecques qui marquent ce
nombre , sont les deux premières du nom
de Jésus, et que la troisième représente la
figure de la croix, de même aussi nous de-
T^eltres
écriles à Hu-
rice,
' Sedat., Epist., tom. I Leclion. Canis., pag. 367.
2 Lib. I, liput. 14.
2 Qui me apud vos omnia passe confidunl, ad eccle-
siolam nosiram pro sua securitale confugiunt... Qua-
propter pro Baxone qui ad ecctesiœ viscera confugit,
mtercessor accedo ; sperans ut primum pro Dei timoré,
deiude pro nostra intercessione ipsi parcere digneris :
cujus absoluiione et in noijis tollere confusionem et
X.
vobis polestis comparare mercedem. Ruric. , lib. II,
Epist. 19 ad Rustic.
' Epist. 23.-5 }j:pist. 42. — 6 Epist. 25.
' Epist. 32. — 8 Epist. 57.
8 Multi in Ecclesia qui curari nequeunt verbo, sa-
nantur exempta. Ibid., Epist. 17 ad Apruncul.
1° Tom. I Lection. Canis., pag. 255.
" Faust., Epist. 5 ad Ruric. — '^ Epist. 6.
39
610
HISTOIRE GÉNÉRALE DES
vous, par le signe de la croix et le sacré nom
de Jésus, combattre les passions de nos cinq
sens. Fauste fait dans la troisième ' l'éloge
de la vie retirée de Rurice et de sa femme,
et les remercie de l'accueil qu'ils avaient fait
à quelques-uns de ses diacres. 11 dit quelque
chose des yeux intérieurs dont les amis se
voient mutuellement, quoique éloignés de
corps. 11 recommande à Rurice dans la qua-
trième un pauvre homme qui s'était retiré
avec peine de Lyon ^, où il était captif et où sa
femme et ses enfants étaient encore détenus.
Un prêtre , nommé Florent, avait aussi une
sœur réduite à la captivité. Fauste lui donna
une lettre pour Rui-ice, dans laquelle il le
prie d'aider ce prêtre de ses libéralités, afin
qu'il put délivrer sa sœur. C'est la cinquième
lettre ^. Celle de Greecus, évêque de Mar-
seille, à Rurice *, est un éloge de sa piété, de
ses aumônes et de sa compassion pour les
misérables. L'évêqueVicturinus, dont on ne
sait pas le siège, lui connaissant tant de qua-
lités bienfaisantes, lui écrivit pour l'engager
à secourir un homme qui , après avoir eu
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
beaucoup de peine de délivrer sa femme de
captivité, venait de la perdre et travaillait
encore pour procurer la liberté à sa fille '.
Il parait, par la lettre de Turentius, que Ru-
rice lui en avait écrit une où il l'instruisait
sur divers sujets, et qu'il l'avait chargé en
même temps des ouvrages de saint Augustin.
Turentius le remercia de ses instructions et
lui envoya un recueil des opuscules de ce
Père ", écrits sur du papier et non sur du
parchemin. 11 prie Rurice de le lui renvoyer
après l'avoir lu ou transcrit, afin qu'il le lût
lui-même. Nous avons parlé plus haut des
lettres de Sédatus, évêque de Nîmes, à Ru-
rice. Celle d'Enfraise ^ n'est qu'un compli-
ment d'amitié. Saint Cés:iire d'Arles lui en
écrivit une pour lui marquer que, sachant
qu'il n'avait pu venir au concile d'Agde *,
quelque désir qu'il en eût eu, il avait fait
agréer ses raisons à l'assemblée, et pour lui
faire savoir aussi que l'évêque Eudomius
espérait, avec l'aide de Jésus-Christ, assem-
bler l'année suivante un concile à Toulouse
et y inviter les évoques d'Espagne ^.
CHAPiTRE XLVII.
Saint Eugende, abbé de Condatiscone ou Condat; Auteur anonyme
de la Vie de saint Venance.
[Vers l'aa 510.]
Origine dn
moDaslôre de
CODdat.
1. Saint Romain et saint Lupicin, frères,
nés l'un et l'auti-e dans la province des Sé-
quanais, s'y rendirent célèbres par leur piété.
Le premier, à l'âge de trente-cinq ans, em-
brassa la vie solitaire '" et choisit à cet eil'et
les forêts du mont Jura, qui sépare la Fran-
che-Comté de la Suisse. Il s'établit dans une
vallée nommée Condatiscone ou Condates.
autant incommode pour le chaud que pour
le froid, située entre des montagnes pleines
de rochers, extrêmement serrée et stérile.
Après y avoir passé beaucoup de temps sans
autre couvert que des branches d'un sapin et
sans autre nouurriture que de l'eau de quel-
ques fruits sauvages et de ce que la terre
qu'il cultivait de ses mains lui produisait,
Lupicin, son frère, vint l'y trouver. 11 fut suivi
de deux jeunes ecclésiastiques, puis de beau-
coup d'autres dont il se forma un monastère
du nom de Condatiscone, aujourd'hui Saint-
Claude. Saint Romain qui, avant sa retraite,
avait vécu quelque temps dans le monastère
de Fabbé Sabin, ou dans celui de l'Ue-Barbe,
près de Lyon, y avait lemarqué entre autres
choses que les moines y vivaient du travail
de leurs mains. Il en avait aussi emporté un
livre des Vies des Pères et des Institutions de
Cassien. Avec tous ces secours^ il établit di-
vers règlements, tant pour son propre mo-
nastère que pour ceux que le grand nombre
1 Faust., Epist. 7. — ^ Episl. 8.
3 Epist. 9. — ' Epist. 10. — ^ Epist. li.
« Epist. 12. — 1 Epist. 13, 14 et 19. — 8 Epist. 1G.
0 Faust., Episl. 18.
10 Bollaud., ad diem 28 februar.
[Vl= SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVII. — SAINT EUGENDE, ABBE.
Gll
de ses disciples l'obligea de former dans dif-
férents endroits de la Séquanaise. L'usage
était de s'y abstenir ' de la chair de tous les
animaux, même des oiseaux : mais on y man-
geait du lait, des œufs et du poisson. Ces
moines sortaient quelquefois tous pour les
travaux de la campagne. Un d'eux prenait
soin du m.oulin, mais il n'était pas dispensé
pour cela d'assister à toutes les heures de
l'ofSce, même de la nuit. Us mangeaient en-
semble, mais ils avaient chacun leur cellule
comme les anachorètes ^. Saint Romain étant
mort vers l'an 460, son frère Lupicin lai suc-
céda dans le gouvernement du monastère de
Condaliscoue. Le troisième abbé fut Néman-
sius, et le quatrième saint Eugende.
2. Son père, que son mérite avait fait éle-
ver à la dignité du sacerdoce, le mit, à l'âge
de sept ans, sous la discipline de saint Ro-
main et de saint Lupicin. Ils le formèrent
non-seulement dans la piété, mais encore
dans les lettres humaines, lui permettant la
lecture des auteurs grecs et latins ^, dans les
temps qui n'étaient point remplis par quel-
ques devoirs de piété. Jamais il n'eut deux
tuniques à la fois. Il ne quittait celle qu'il
portait que quand elle était absolument usée.
En été, il avait un scapulaire de gros camelot,
dont Leunius, abbé de Vienne, lui avait fait
présent. Il avait des sandales pour chaussure
et couchait sur la paille. Lorsque les moines
mangeaient deux fois le jour, il se contentait
d'un repas, qu'il prenait tantôt à midi, tantôt
le soir, n'usant d'autres aliments que de ceux
que l'on servait à la communauté. Il préve-
nait les autres aux offices de la nuit, et pas-
sait beaucoup de temps à prier dans l'ora-
toire.
3. Némansius, successeur de saint Romain
et de saint Lupicin, ne se sentant point assez
de force pour remplir toutes les fonctions
d'abbé *, se déchargea d'une partie de ses
obligations sur saint Eugende, en le choisis-
sant pour son coadjuteur. Il voulut en même
temps l'élever au sacerdoce, mais saint Eu-
gende s'en défendit constamment à l'exemple
de saint Lupicin. Il ne lui fut pas aussi facile
de refuser la charge d'abbé. On le contrai-
gnit de l'accepter après la mort de Néman-
sius. Sa conduite servit de modèle h ses dis-
ciples, et jamais il ne leur prescrivit rien
qu'il ne fît le premier ^. Pour les avoir tou-
jours sous ses yeux, il fit abattre les cellules
où ils demeuraient séparément, et leur pra-
tiqua un dortoir où ils couchaient tous. Il
avait son lit dans le même lieu : la nuit on y
allumait une lampe, de même que dans l'o-
ratoire. Ses moines ne possédaient rien en
propre. S'il arrivait qu'on leur donnât quel-
que chose, ils le portaient aussitôt à l'abbé
ou à l'économe du monastère, qui en dispo-
sait pour le bien de la communauté. Les ou-
tils mêmes dont ils se servaient à ditierents
usages étaient en commun : ce qu'ils avaient
en leur disposition , était de prier ou de lire
hors les temps des exercices pubhcs. Saint
Eugende établit dans son monastère la cou-
tume de lire pendant le repas ^. A l'égard
des autres règlements qu'il lit pour ses moi-
nes, il s'accommoda à la nature et à la fai-
blesse des Gaulois, les traitant avec plus de
douceur, surtout les commençants, que l'on
ne faisait dans le; monastères où l'on suivait
les règles de saint Basile, de saint Pacôme,
de Cassien et de Lérins.
4. Saint Eugende mourut vers l'an 510,
âgé de soixante ans et six mois, après s'être
fait oindre la poitrine, selon la coutume'', la
veille de sa mort, par l'un de ses religieux, à
qui il avait donné le soin doindre les infir-
mes. Il y eut quelques troubles dans son mo-
nastère au sujet de son successeur. Saint
Avit de Vienne n'ayant trouvé personne plus
propre à les apaiser que le prêtre Viventio-
lus, le pria d'y donner ses soins. 11 n'en fut
pas toutefois élu abbé ; mais, après y avoir
enseigné les lettres pendant quelques années,
il en fut retiré pour gouverner l'Eglise de
Lyon 8. Ce fut plus tard, en 313, puisqu'en
celte année il assista à la dédicace de l'église
d'Agaune ".
5. Les vertus et les miracles de saint Eu- ^ . ^
Ecrits de
gende lui avaient acquis une si grande repu- s^jm Eugou-
tation, que les personnes les plus puissantes
du siècle, et les évoques mêmes s'empres-
saient de le voir, de lui parler et de recevoir
de ses lettres, les regardant comme des sour-
ces de bénédiction ^^ et des moyens de se
II mean à
l'âge de 6[) ans
six mois, vers
l'au SIO.
1 BoUand., ad diem 21 mart., pag. 263, et ad diem
8 februar., pag. 747.
2 BoUand., ad diem 1 januar., pag. 52.
2 Ibid.j pag. 50. — * Ibid., pag., 51.
6 Ibid , pag. 52. — « Ibid.j pag. 54.
' Vocuto uno od se de fralritms, cui cum liberiaie
peculiari olim eiiani perungendi infirmas opus injun-
xerat, secretissitne quoque sibi pectusmhmi peliit ut
moris est, perungi. BoIIand., pag. 54.
8 Avit., Epist. 17, tom. Il oper. Sirmund., pag. 53.
9 MabilL, Annal. Benedict., lib. ï, pag. 27,
10 BoUaud., pag. 51.
612
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
rendre Dieu propice. Il n'en est toutefois
venu aucune jusqu'à nous, si ce n'est un
billet qu'il écrivit pour délivrer une jeune
fille possédée du démon. Les livres des exor-
cismes qu'on lui avait mis sur la tête ne pro-
duisirent aucun etfet. Mais le billet que les
parents de la fille obtinrent du saint, la gué-
rit parfaitement, avant même qu'on le lui eût
fait toucher. 11 était conçu en ces termes, à
l'imitation de celui que saint Grégoire Thau-
maturge avait écrit autrefois an démon ',
mais dans un sens différent : « Eugende,
serviteur de Jésus-Christ, au nom de notre
Seigneur Jésus-Christ, du Père et du Saint-
Esprit, je te commande, esprit de gourman-
dise, de colère, de fornication et d'amour,
par cette lettre, de sortir de la personne
qui la porte avec foi. Je t'en conjure par le
vrai Fils du Dieu vivant, sors -en prompte-
ment et n'y rentre plus, n Saint Eugende ^
avait aussi recueilli et mis en ordre les rè-
glements que saint Romain avait établis dans
le monastère de Condatiscone. Us étaient
autrefois insérés tout entiers dans la Vie de
saint Eugende. Nous n'y avons plus qu'une
espèce de préface que l'auteur de cette Vie
avait mise à la tête de ces règlements. Il re-
marque ^ que ce saint avait rédigé par écrit
dans un autre ouvrage, à la prière du prêtre
Marin, abbé de Lérins, les statuts du monas-
tère d'Agaune ou de Saint-Maurice : ce qui
fait voir qu'encore que le monastère d'A-
gaune fût une fille de celui de Condatiscone,
on n'y observait pas néanmoins les mêmes
règlements.
6. Nous avons dans la chronologie des
grands hommes de l'abbaye de Lérins * et
dans le recueil des Bollandistes, l'éloge de
saint Venance, frère de saint Honorât, pre-
mier abbé de ce monastère. L'auteur, qui ne
se nomme point, mais qui paraît avoir été
moine de Lérins, dit qu'il avait tiré de divers
monuments ce qu'il rapporte de saint Ve-
nance : ce qui doit s'entendre surtout de la
Vie de saint Honorât par saint Hilaire d'Ar-
les, dont le deuxième chapitre contient les
voyages de saint Honorât et de saint Venance
avec Ja mort de ce dernier. L'anonyme com-
posa cet éloge pour êtte lu annuellement au
jour de la fête de saint Venance. Il le com-
mence par une réflexion sur la faibles.se de
la nature humaine, et sur la force et la né-
cessité de la grâce, disant que l'homme
tombe par lui-même dans le vice, mais qu'il
ne s'élève point aux mérites salutaires des
vertus, s'il n'est soutenu de la main toute-
puissante de Dieu ^.
CHAPITRE XLVIII.
Hormisdas , pape, [en 523].
HormijdaB !• SymmaquB étant passé de cette vie à la
élu ipape en gloire étemelle, après un pontificat de quinze
ans et près de huit mois, on élut sept jours
après sa mort, c'est-à-dire le 26 juillet 514,
le diacre Hormisdas pour lui succéder. 11 était
fils de Juste, né à Frusinone, en Campanie,
et tint Je Saint-Siège pendant neuf ans. Son
élection ayant été notifiée dans toutes les
provinces s, le roi Clovis fut le premier à lui
en témoigner sa joie, et, de l'avis de saint
Remy, il envoya au pape une couronne d'or
enrichie de pierres précieuses, comme un
présent qu'il faisait à saint Pierre.
2. Saint Remy écrivit aussi à Hormisdas, sur
son élection au pontificat '. Le pape, après
l'en avoir remercié dans sa réponse, et l'a-
voir congratulé sur la conversion du roi et
de la nation française, le constitue son vi-
caire dans tous les Etats de ce prince, en le
chargeant de veiller à l'exécution des canons,
de convoquer des conciles de tous les évê-
ques du royaume, lorsque les affaires de la
LeIU
saint Kef
i
» Gregor. Nyssen., in Vita Thaumat., pag. 549;
Gregor., Satanœ inira.
^ Bolland., ad diem 28 februar., pag. 74fi.
aibid.
* Baral., loin. I, pag. 187; Bolland., ad diem 30
maii, pag. 593.
5 Nuiura humana per semelipsam labitur ad vilia,
sed ad salutaria virtutum mérita nuHatenus assurgit
nisi potenlis manus Dei fueril uuxilio suhlevala.
Pag. 593.
0 Tom. IV Concil., pag. 1418.
' Ibid., pag. 1412.
[VI' SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVIII. — HORMISDAS, PAPE.
613
l.eltre à
mpereur
lastase.
religion le demanderont ; de terminer les
différends qui pourraient s'élever entre les
évêques, et de lui rendre compte de ce qu'il
aurait fait pour le maintien de la foi et de la
vérité, soit de lui-même, soit par autorité
apostolique. Cette lettre est sans date, mais
on ne peut douter qu'elle n'ait suivi de près
l'élection d'Hormisdas '.
3. En l'an 515, l'empereur Anastase eut
recours à lui ^ pour apaiser les troubles qui
s'étaient élevés du côté de la Scythie, c'est-
à-dire la révolte de Vitalien, général de la
cavalerie, que les catholiques de Scythie et
de Mésie avaient excitée contre ce prince,
dont ils ne pouvaient plus souffrir les persé-
cutions. Cette lettre, qui est du 12 janvier, fut
rendue à Hormisdas le 27 mars, par Patrice.
L'empereur lui dit que la dureté des papes
précédents l'avait empêché de leur écrire,
mais que la réputation de sa bonlé^l'enga-
geait à recourir au siège de saint Pierre. Il
prie donc Hormisdas de se rendre médiateur
entre lui et Vitalien, marquant qu'il pré-
voyait que les mouvements de Scythie ne
pourraient s'apaiser qu'en assemblant un
concile, parce qu'en effet Vitalien avait pris
la religion pour prétexte de sa révolte, et
déclaré qu'il avait pris les armes pour pro-
téger les catholiques et faire rétablir Macé-
donius sur le siège de Constantinople. Par
une seconde lettre datée du lA mai 515 ^,
Anastase marquait au pape que ce concile se
tiendrait à Héraclée en Europe, c'est-à-dire
en Thrace, et il le priait de s'y rendre le 1"
juillet de la même année. Le pape, en répon-
dant à la première de ses lettres, rend grâ-
ces à Dieu * de ce qu'il avait inspiré à l'em-
pereur de rompre le silence. 11 justifie ses
prédécesseurs, dont il dit que l'intention a
toujours été de procurer la paix et l'unité,
ajoutant qu'il se ri'jouit lui-même de les voir
bientôt rétablies, et promettant à ce prince
de lui répondre plus au long, quand il aurait
appris le sujet de la convocation du concile.
La lettre du pape est du 4 avril 515. Par une
autre, qui est du 8 juillet ^, il promet à Anas-
tase de lui envoyer dans peu des évêques
chargés de ses ordres. Sou dessein n'était
pas qu'ils assistassent au concile indiqué par
' Pagi, Crit., ad an. 514, révoque en doute cette
épître. Fesseier, Instit. Pair., tom. II, pag. 964, fait
de même. La quatre-vingt-unième lettre est la même
que cette première. [L'éditeur.)
2 Tom. IV Concil., pag. 1420.
' Ibid., pag. 1425. — Ibid., pag. 1422.
l'empereur, mais qu'ils examinassent à quelle
intention ce prince avait demandé qu'il se
tînt ; s'il était dans la résolution sincère de
professer la vraie foi, de recevoir la lettre de
saint Léon et d'anathématiser les hérétiques.
Toutes ces précautions étaient nécessaires
pour empêcher qu'Anasfase ne trompât le
Saint-Siège, en recourant à son secours non
pour la défense de la foi, mais pour s'affer-
mir dans ses Etats et pour en éloigner Vita-
lien. Car ce général avait déjà conquis toute
la Thrace *, la Scythie et la Mésie. Il était
même venu jusqu'aux portes de Constanti-
nople. Cependant, sur la promesse que lui fit
Anastase de rappeler les évêques exilés, de
rétablir Macédonius sur le siège de Constan-
tinople ', et Flavien sur celui d'Antioche, il
envoya aussi des députés au pape touchant
le concile que l'on était convenu d'assembler
pour examiner les excès dont les catholiques
se plaignaient.
4. Le pape, quoique invité à cette assem- instruciion
blée 8, ne voulut point y aller, ni y envoyer st lég^T"''
de légats. Mais, par délibération d'un concile,
et de l'avis du roi Thèodoric, il députa
en Orient Ennode de Pavie, un autre évêque,
nommé Fortunat ; Venance , prêtre ; Vital ,
diacre, et Hilarus, notaire, qu'il chargea d'un
mémoire instructif, qui commence ainsi :
« Lorsque vous arriverez en Grèce, si les
évêques viennent au-devant de vous, rece-
vez-les avec le respect convenable, s'ils vous
préparent un logement, ne le refusez pas, de
peur qu'il ne paraisse aux laïques que vous
ne voulez point de réunion ; s'ils vous invi-
tent à manger, excusez-vous-en honnête-
ment, en disant : « Priez Dieu que nous com-
muniquions auparavant à la table mystique,
et alors celle-ci nous sera plus agréable. »
Ne recevez pas les autres choses qu'ils pour-
ront vous offrir, si ce n'est les voitures en
cas de besoin. Dites que vous ne manquez
de rien, et que vous espérez qu'ils vous don-
neront même leurs coeurs. Lorsque vous se-
l'ez à Constantinople, prenez le logement que
l'empereur aura ordonné, et avant de le voir
ne recevez personne que ceux qui seront zé-
lés pour l'union , mais avec précaution et
pour vous instruire de ce qui se passe. Etant
5 Ibid., pag. 1425.
^ Marcell., in Chron., ad ann. 514.
7 Tom. IV Concil., pag. 122G.
8 Tom. IV Concil., pag. 1426, et lib. Pont., pag.
1416; Ibid.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
61i
présentés à l'empereur, rendez-lui nos let-
tres, en disant : « Votre Père vous salue,
priant Dieu tous les jours pour la prospérité
de votre règne, par les intercessions de saint
Pierre et de saint Paul, afin que, coname il
vous a donné le désir de le consulter pour
l'unité de l'Eglise, il vous en donne la vo-
lonté parfaite. » Ne lui parlez de rien avant
qu'il ait reçu nos lettres ; et après qu'elles
auront été reçues et lues, ajoutez : «Le pape
a aussi écrit à votre serviteur Vitalien, qui
lui a envoyé des gens de sa part, avec votre
permission, à ce qu'il a écrit;» mais le pape
a ordonné que les lettres que nous lui por-
tons ne lui soient rendues que par votre' or-
dre. Si l'empereur demande les lettres que
nous envoyons à Vitalien, il faut répondre :
« Le pape ne nous l'a pas ordonné; mais afin
que vous connaissiez la simplicité de ces let-
tres et qu'elles ne tendent qu'à vous porter
à la réunion de l'Eglise, envoyez quelqu'un
avec nous en présence de qui on les lise. »
S'il dit : «Vous pouvez encore avoir d'autres
ordres. » Vous répondrez : « Dieu nous en
garde, ce n'est pas notre coutume. Nous ve-
nons pour la cause de Dieu, et nous ofifense-
rions Dieu ; le pape agit simplement et ne
demande autre chose, sinon que l'on n'altère
pas les constitutions des Pères, et que l'on
chasse de l'Eglise les hérétiques : notre com-
mission ne contient rien de plus. »
l'in^iSon! ^- " ^' l'empereur dit : « C'est pour cela
p,g. U27. que j'ai invité le pape au concile, afin que,
s'il y a quelque difficulté, elle soit terminée ; »
il faut répondre : « Nous en rendons grâces
à Dieu : mais le moyen de rétablir l'union
entre les Eglises, c'est que vous observiez ce
que vos prédécesseurs Marcien et Léon ont
observé. » S'il demande ce que c'est , vous
direz : « Que l'on ne donne point d'atteinte
au concile de Chalcédoine et à la lettre du
pape saint Léon. » S'il dit : « Nous recevons
le concile de Chalcédoine et les lettres du
pape Léon. » Vous lui rendrez grâces et lui
baiserez la poitrine, en disant : « Nous voyons
maintenant que Dieu vous favorise. C'est la
foi catholique, sans laquelle on ne peut être
orthodoxe. » S'il dit : « Les évêques sont ca-
tholiques et ne s'écartent point des maximes
des Pères. » Vous répondrez : « Pourquoi
donc y a-t-il tant de division entre les Eglises
de ces quartiers ? » S'il dit : « Les évêques
étaient en repos, c'est le prédécesseur du
pape qui les a troublés par ses lettres. «Vous
direz : « Nous avons en main les lettres de
Symmaque ; si elles ne contiennent autre
chose que ce dont vous convenez, le concile
de Chalcédoine, la lettre de saint Léon, et des
exhortations pour les observer, que pent-on
y trouver à reprendre ? » Ajoutez à ces dis-
cours des prières et des larmes, en disant :
« Seigneur, regardez Dieu, mettez devant
vos yeux son jugement. Les Pères qui ont
fait ces décisions, ont suivi la foi de saint
Pierre, par laquelle l'Eglise a été bâtie. » Si
l'empereur dit : « Communiquez donc avec
moi, puisque je reçois le concile de Chalcé-
doine et les lettres du pape Léon ; » vous ré-
pondrez : « Nous nous en réjouissons, et
nous vous prions de réunir l'Eglise ; que tous
les évêques sachent votre intention et que
vous observez le concile et les lettres du pape
Léon. 1) S'il demande en quel ordre cela se
doit faire, vous répondrez avec humilité :
« Le pape a écrit aux évêques en général :
joignez-y vos lettres, déclarant que vous sou-
tenez ce qu'enseigne le Siège apostolique :
alors on connaîtra ceux qui sont orthodoxes,
et ceux qui ne le sont pas. Les choses étant
ainsi réglées, le pape sera prêt de venir en
personne s'il est besoin, et ne refusera rien
pour la réunion de l'Eglise. » Si l'empereur
dit : « Cela va bien, cependant recevez l'é-
vêque de cette ville. » Vous lui direz hum-
blement : « Seigneur, il s'agit de deux per-
sonnes, c'est-à-dire de Macédonius et de Ti-
mothée, c'est une affaire particulière : il faut
auparavant régler le général des évêques et
rétablir une commmunion universelle ; en-
suite on pourra mieux examiner l'affaire
de ceux-ci ou des autres qui sont hors de
leurs Eglises. » Si l'empereur dit : « Vous
parlez de Macédonius, j'entends votre finesse ;
c'est un hérétique, il ne peut être rappelé en
aucune manière ; « vous répondrez : « Nous
ne marquons personne en particulier, nous
parlons pour l'intérêt de votre conscience et
de votre réputation, afin que si Macédonius
est hérétique, on le connaisse et qu'on ne
dise pas qu'il est opprimé injustement. » Si
l'empereur dit : « L'évêque de cette ville re-
çoit le concile de Chalcédoine et les lettres
du pape Léon; n vous répondrez : «Sa cause
en sera plus favorable : mais puisque vous
avez permis à Vitahen d'examiner ses affai-
res devant le pape, laissez-les en leur en-
tier. » Si l'empereur dit : « Ma ville sera-t-
elle sans évêque ? » Il faut répondre : « H y
a plusieurs remèdes pour faire que vous ne
soyez pas sans communion, en conservant la
[VI= SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVIII. — HORMISDAS , PAPE.
6Io
forme des jugements. On peut tenir en sus-
pens ia cause des autres évêques, et cepen-
dant, par provision, laisser en la place d'évê-
que de Constantinople, celui qui s'accordera
à votre confession de foi et aux décrets du
Saint-Siège.»
6. Si l'on vous donne des requêtes contre
d'autres évêques, principalement contre ceux
qui anathématisent le concile de Chalcédoine
et rejettent les lettres de saint Léon, recevez
les requêtes, mais réservez la cause au juge-
ment du Saint-Siège. Si l'empereur vous pro-
met tout, pourvu que nous venions en per-
sonne, il faut absolument envcîyer aupara-
vant sa lettre par les provinces, et qu'un des
vôtres accompagne ceux qu'il enverra, afin
que tout le monde connaisse qu'il reçoit le
concile de Chalcédoine et les lettres de saint
Léon ; alors vous nous manderez de venir.
De plus ', c'est la coutume que tous les évê-
ques sont présentés à l'empereur par l'évèque
de Constantinople. S'ils veulent s'en préva-
loir pour vous obliger à voir ïimothée, et que
vous le puissiez prévoir, vous direz : « Les
ordres que le pape nous a donnés portent que
nous voyions votre clémence, sans aucun
évoque , et vous tiendrez fei'mes jusqu'à ce
qu'il renonce à cette coutume. » S'il ne veut
pas, ou si par adresse on vous fait voir Timo-
thée devant l'empereur, vous direz : « Que
voire piété nous fasse mettre en particulier
pour exposer notre charge. »S'il ordonne de
le dire devant lui, vous répondrez : «Nous ne
prétendons pas l'offenser, mais nous avons
des ordres qui le regardent lui-même, et nous
ne pouvons parler en sa présence. » Enfin,
ne proposez rien devant lui, en quelque ma-
nière que ce soit; mais, après qu'il sera sorti,
vousferez voir la tenue de votre délégation. »
7. Telle est l'instruction du pape Hormisdas
à ses légats , la plus ancienne pièce de ce
genre qui nous reste -, où la prudence et la
charité reluisent également. Au reste , il ne
faut pas s'étonner que le pape prévoie si bien
les réponses et les objections de l'empereur :
il pouvait en être bien instruit par Patrice,
envoyé d'Anastase , et par ceux de Vitalien.
Cette instruction est suivie de quelques articles
qui devaient entrer dans la déclaration que
l'empereur et les évêques de valent faire dans
l'église en présence du peuple, pour marque
de leur réunion. Elle porte , en substance,
qu'ils reçoivent le concile de Chalcédoine et
les lettres de saint Léon contre Neslorius,
Eutychès, Dioscore et leurs sectateurs, Timo-
thée Elure, Pierre et ceux qui sont en la
même cause, et qu'ils anathématisent Acace,
autrefois évêque de Constantinople, et Pierre
d'Antioche, avec leurs compagnons. Ils de-
vaient écrire cette déclaration de leurs mains,
en présence de personnes choisies, suivant
le formulaire tiré des archives de l'Eglise ro-
maine, dont le notaire Hilarus avait le pro-
tocole. Le pape veut qu'avant toutes choses
l'on rappelle les évêques chassés de leurs
Eglises, lorsqu'ils étaient en communion avec
le Saint-Siège ; qu'on fasse venir à Rome ceux
qui ont été relégués pour quelque cause ec-
clésiastique, afin qu'ils y soient examinés, et
que s'il arrive que quelqu'un donne des re-
quêtes contre les évêques qui ont persécuté
les catholiques, le jugement en soit aussi ré-
servé au Siège apostolique.
8. Outre l'instruction que le pape avait
donnée à ses légats, il les avait chargés d'une
lettre pour l'empereur, dans laquelle il lui
témoigne que, quoiqu'il fût sans exemple que
l'évèque de Rome se fût trouvé à un concile
hors de sa ville, il irait néanmoins à celui que
ce prince avait indiqué , pourvu qu'avant de
le tenir, on approuvât le concile de Chalcé-
doine et la lettre de saint Léon ; qu'on ana-
thématisât Nestorius , Eutychès et leurs sec-
tateurs, et que l'on ôtât des diptyques les
noms de Dioscore , de Timothée Elure , de
Pierre et d'Acace. Il combat en peu de mots
les hérésies de Nestorius et d'Eutychès, mon-
trant, contre le premier, par les paroles de
l'ange à Marie ^, que ce qui est né d'elle est
vraiment Fils de Dieu; et, contre le second,
que les deux natures * subsistent en Jésus-
Christ, dans lequel elles sont unies en une
seule personne, en sorte que Dieu et l'homme
ne sont qu'un seul Fils de Dieu, Jésus-
Christ notre Seigneur. Cette lettre est du
li août 315.
9. Celle que l'empereur écrivit au pape en
renvoyant ses légats, est de l'an 516. Il fait
d'eux un grand éloge , disant qu'ils avaient
rempli parfaitement leur ministère; et pour
l'cmi ereiir ,
pag. UJO.
Lettre à
l'empereur ,
pag. 1436.
' Est consuetudo per episcopum Constantinopolita-
num omnes imperotori episcopos prœsentari. Pag. 1429.
" Fleury, liv. XXXI, Hist. ecclés., pag. 192.
' Oblitus Nestorius angelicœ annuntiationis per
quant mundo innotuit, quia quod ex Maria nasceretur
vocandum esset Sanctum Filius Dei. Pag. 1431.
* In una eademque persona persistit utraque natura,
utDeits atque homo unus Dei Filius Jésus Chrisius ap-
pareat. Ibid.
616
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
convaincre Hormisdas de la pureté de sa foi,
il prouve , par divers passages de l'Ecriture,
que Marie est mère de Dieu, et que son Fils
est consubstantiel à Dieu le Père et au Saint-
Esprit, et né de la race de David selon la
cliair. Il déclare qa'il reçoit le concile de Chal-
cédoine et qu'il condamne Nestorius et Eu-
tycliès. A l'égard de l'anatlième prononcé
contre Acace, il dit qu'on le doit supprimer,
si l'on veut rétablir la paix et l'union entre
les Eglises d'Orient et d'Occident, ajoutant
qu'il lui paraissait dur de chasser de l'Eglise
les vivants à cause des morts ; qu'on ne pour-
rait pas même le faire sans effusion de sang;
que tout se fera mieux par le concile, et qu'il
enverra des ambassadeurs au pape pour lui
faire connaître la droiture de ses intentions.
Mais son vrai but n'était que de gagner du
temps et de se mettre en état de ne plus
craindre Vitalien, en se réconciliant les peu-
ples par la profession ouverte de la foi ortho-
doxe. Il ne sut pas néanmoins se soutenir,
car au lieu d'envoj'er des évéques, comme il
l'avait promis à Ennode de Pavie, l'un des
légats *, il n'envoya que des laïques, savoir :
Théopompe, comte des domestiques, et Sévé-
rien, comte du Consistoire, tous deux défen-
seurs de l'hérésie eutychienne. Il les chargea
de deux lettres : l'une pour le pape , l'autre
pour le sénat de Rome. Dans la première,
qui est du 16 juillet 516, il témoigne un désir
sincère de procurer la paix de l'Eglise. Il prie,
dans la seconde, datée du 29 du même mois,
le sénat de la ville de Rome de disposer l'es-
prit du roi Théodoric et du pape à la réunion.
Hormisdas se plaignit doucement du délai que
l'empereur avait apporté à l'envoi de ses dé-
putés ^ , et lui témoigna que loin d'avoir be-
soin d'être exhorté par le sénat de travailler
à la paix de l'Eglise , il se jetait lui-même à
ses pieds pourles intérêts de l'Eglise univer-
selle, le conjurant, au nom de Jésus-Christ,
de ne point permettre que ses membres fus-
sent dévorés par les mauvais chiens. Il ne lui
parla point d'Acace, mais le sénat répondit
qu'il ne pouvait y avoir de paix ^ tant que
l'on respecterait le nom de cet évêque.
r.eiire à dû. Dorothéc, évêque de Thessalonique,
Doroltno de , . . . • , tt .1 ,
issaioni- écrivit auss la Hormisdas pour 1 exhorter à
'■'■ "''■ travailler à la paix de l'Eglise. Il lui témoigne
un grand respect pour le Saint-Siège et son
désir de voir rendre partout à ce Siège l'hon-
Tbessaloi
que,
neur qui lui est dû, et les hérésies de Nesto-
rius et d'Eutychès condamnées avec leurs
auteurs et leurs sectateurs. Sa lettre fut por-
tée à Rome par Patrice. Elle est du 28 avril
315. Le pape, dans sa réponse , qui est sans
date, loue le zèle de Dorothée et l'exhorte à
contribuer de son côté à la réunion des
Eglises.
H. Plusieurs évêques catholiques d'Uly-
rie s'étaient trouvés à Constantinople dans
le temps qu'Ennode de Pavie et les autres
légats du Saint-Siège y étaient, l'empereur
y retint les quatre principaux d'entre eux.
Alcyson , évêque de Nicopolis , fut de ce
nombre. Son zèle pour la foi catholique nous
est connu par la lettre * que les moines ca-
tholiques de Palestine lui écrivirent touchant
les troubles de l'Eglise d'Orient. Il mourut à
Constantinople et eut pour successeur Jean,
qui fut o'rdonné évêque de Nicopolis par les
évêques de la province. Nous avons encore
la lettre qu'ils écrivirent au pape pour lui
donner avis de l'élection de Jean. Ils y font
son éloge, témoignant de leur côté une en-
tière soumission pour les volontés du Saint-
Siège. Leur lettre, qui est souscrite par huit
évêques, fut portée par le diacre Rufin. Jean
en écrivit une en particulier où , après avoir
reconnu que le Siège apostolique est chargé
du soin de toutes les Eglises, il déclare qu'il
reçoit les quatre conciles généraux de Nicée,
de Constantinople, d'Ephèse et de Chalcé-
doine ; qu'il tient la foi du Saint-Siège, à
l'exemple d'Alcyson, son prédécesseur; qu'il
anathèmatise Dioscore , Timothée Elure ,
Pierre Mongus , Acace, Pierre-le-Foulon, et
qu'il admet les lettres de saint Léon. Il prie
Hormisdas de l'instruire plus amplement de
ce qu'il doit observer et de ce dont il doit
s'abstenir. Le pape répondit à Jean de Nico-
polis et à son concile par deux lettres diffé-
rentes, l'une du 15 et l'autre du 19 novembre
517, qu'il fallait que ceux qui voulaient reve-
nir à l'unité de l'Eglise condamnassent nom-
mément Nestorius, Eutychès et Acace, et gé-
néralement tous ceux que l'Eglise romaine
condamne. A ces deux lettres il en joignit
une troisième adressée à Jean, avec un mé-
moire qu'il lui envoya et à son concile , par
PoUion, sous-diacre, afin qu'ils y souscrivis-
sent ^, comme avaient fait tous ceux qui, dans
ces cantons, s'étaient réunis à l'Eglise ro-
1 Ilonnisd., Epist. 88
oper. Sirmund. — ^ Pag
ad Avil., pag. 13 , toni. II * Evag., lib. III, cap. X.XX1.
, 1435. — 3 Pag. 1437. s Tom. IV ConciL, pag. 1443, 1444.
\ 1VI<^ SIÈCLE.]
1 maine. Le pape donna cette instruction à Pol-
lion : « Quand vous serez arrivé k Nicopolis
et que l'évêque aura reçu nos lettres , faites
qu'il assemble les évèques de sa province et
leur fasse souscrire le libelle joint à ces let-
tres. S'il dit qu'il est difficile de les assem-
bler, qu'il envoie avec vous des personnes t'i
chaque évêque, afin qu'ils souscrivent en vo-
tre présence. Vous devez faire lire publique-
ment nos lettres , ou , si les évêques n'osent
le faire , qu'ils les lisent du moins à leur
clergé. Laissez-leur-en le choix, et rapportez-
nous leurs souscriptions, et de Jean, leur mé-
tropolitain, sans vous arrêtef ensuite sur les
lieux, à cause des artifices des ennemis.» Le
mémoire ou libelle que Pollion fut chargé de
faire souscrire aux évêques, porte en subs-
tance : que la foi ayant toujours été conser-
vée pure dans le Siège apostolique, ceux qui
souhaitent ne point s'éloigner de cette foi et
de suivre en tout les décrets des Pères, doi-
vent anathémaliser tous les hérétiques, prin-
cipalement Nestorius, Eutj^chès, Dioscore, et
recevoir le concile de Chalcédoine, où ces hé-
rétiques ont été condamnés; ils doivent en
outre analhématiser Timothée EIure,le meur-
trier de saint Protère ; Pierre Mongus, son
disciple, et Acace qui est demeuré dans leur
communion, et Pierre d'Antioche ; promettre
de ne plus réciter dans les mystères les noms
de ceux qui sont séparés de la communion de
FEglise catholique, c'est-à-dire ceux qui ne
sont point d'accord avec le Siège apostolique,
et souscrire de leur main propre cette pro-
fession.
,m"'Lh *^' ^''^ ^'^^ ^^^' '^ P^l-*^ ^^^'^^ ^*^^''*' ^ ^'''"'^
'™,,r B~ ^^''^ évêque de Vienne, pour lui apprendre
'•«• ' ° la conversion des provinces de Dardanie ,
d'illyrie et de Thrace, et pour le précaution-
ner contre les artifices des schismatiques, qui
étaient en grand nombre , non- seulement à
Constantinople , mais aussi à Antioche et à
Alexandrie. Ce saint évêque était encore in-
formé que le pape avait envoyé Ennode de
Pavie en Orient, et croyait que cette pre-
mière légation ayant été sans succès, il yen
avait eu une seconde , parce qu'en effet on
se disposait à Rome d'envoyer une seconde
fois des légats à Constantinople. Dans le désir
de savoir s'ils avaient réussi à rétablir la paix
des Eghses, saint Avit députa au pape le
prêtre Alexis et le diacre Vénance , au nom
de toute la province de Vienne , parce que
les Grecs se vantaient d'être réconciliés avec
l'Eglise romaine. Hormisdas ayant reçu cette
CHAPITRE XLVm. — HORMISDAS , PAPE.
617
lettre le 30 janvier 517, fit réponse qu'il n'a-
vait encore envoyé qu'une légation, et que
si elle eût été heureuse, il n'eût pas manqué
de lui en faire part; qu'au reste, les Grecs ne
désiraient la paix qu'en paroles ; qu'ils pro-
posaient des choses justes, et ne les exécu-
taient pas; qu'ils détruisaient par leursactions
ce qu'ils se vantaient de vouloir; qu'ils né-
gligeaient d'accomplir ce qu'ils avaient pro-
mis, et suivaient ce qu'ils avaient condamné.
« Voilà, dit le pape, la cause de mon silence
à vôtre égard; qii'aurais-je pu vous mander,
voyant qu'ils persévèrent dans leur obstina-
tion? » Il donne pour preuve de leur peu de
disposition à la paix, de ce qu'au lieu d'en-
voyer des évêques en dcputation à Rome,
comme ils l'avaient promis à Ennode , ils
n'avaient envoyé que des laïques, comme
pour une affaire de peu d'importance. «C'est
pourquoi, ajoute le pape, je vous avertis, et
par vous, tous les évêques des Gaules, de
demeurer fermes dans la foi et vous garder
des artifices des séducteurs; mais, afin que
vous sachiez la disposition de ces quartiers-
là^ plusieurs des Thraces, quoique persécu-
tés, demeurèrent dans notre communion. La
Dardanie et l'Illyrie, voisine de la Pannonie,
nous ont demandé qu'on leur ordonnât des
évêques, et nous l'avons fait où il a été né-
cessaire. L'évêque de Nicopolis, métropoli-
tain d'Epire , s'est joint à notre communion
avec son concile. Ce que nous vous mandons
afin que, comme il nous convient de plaindre
le sort de ceux qui périssent, nous nous ré-
jouissions du salut de ceux qui retournent à
l'unité. Nous vous sommes obligés d'envoyer
une seconde légation pour ôter toute excuse
aiix schismatiques. Joignez vos prières aux
nôtres afin que, par la miséricorde de Dieu,
nous nous unissions avec eux, s'ils se corri-
gent, ou que nous méritions d'être préservés
du poison de leurs erreurs. Nous vous en-
voyons les pièces qui vous instruiront de la
manière dont ceux de Nicopolis et de Darda-
nie se sont réunis.» Cette lettre est du 15 fé-
vrier 317.
13. Quelque temps après, le pape fit partir ^ ^^^^^
la faconde légation dont il chargea encore lompcreur
Ennode de Pavie avec Péréerin de Misène. i.'.i«,Màpin-
^ suurs .lUtree.
Il leur donna six lettres avec le formulaire de
réunion, et dix-neuf copies de la protestation
qu'ils devaient répandre par les villes, au
cas qu'on ne reçût pas leurs lettres. Dans la
première, qui est adressée à l'empereur Anas-
tase , il exhorte ce prince à exécuter sa pro-
618
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES,
messe , lui faisant entendre que les démarches
qu'il avait faites jusque-là pour l'utilité de
l'Eglise ne lui serviraient de rien, s'il ne finis-
sait l'œuvre qu'il avait commencée. Il le loue
de s'être déclaré contre Nestorius et Euty-
chès, de même que contre ceux qui suivaient
leurs erreurs; mais il dit que ce n'est point
assez et qu'il doit encore condamner Acace ,
infecté non-seulement de la mauvaise doc-
trine de Pierre Mongus, de Dioscoro i.'t d'Eu-
tychès, par la communion qu'il entretient
avec eux, mais comme étant la cause que le
ferment de l'erreur a vieilli dans les Eglises
d'Orient , et que celle d'Alexandrie demeure
dans le schisme, où elle avait d'abord été
seule , mais qui depuis s'est répandu dans
le reste de l'Orient. Il presse Anastase de
prendre vivement la défense de la foi, de faire
cesser les pleurs que l'Eglise répand sur la
division de ses membres et de lever l'éten-
dard du salut , comme un autre Ezéchias ,
pour éloigner l'erreur du peuple d'Israël. Il
lui représente les inquiétudes des évêques des
Gaules au sujet de la première légation, et
le désir qu'ils avaient qu'elle eiit eu le succès
qu'on disait, le priant de faire en sorte qu'En-
node , qui lui avait déjà donné un commen-
cement de bonne espérance , lui rapporte
que, avec l'aide de Uieu , l'ouvrage de la réu-
nion a été consommé. Cette lettre est du
3 avril 317 '. La seconde est à Timothée,
évêque de Constantinople. Quoique le pape
"le regardât comme intrus et excommunié, il
ne laisse pas de lui donner le titre d'évêque.
Il l'exhorte à effacer ses fautes passées en
revenant à l'unité et en travaillant à y rame-
nerlespeuples. Supposant, dansla troisième-,
qui est aux évêques schismatiques d'Orient,
que plusieurs d'entre eux étaient dans la vraie
foi , il leur représente la nécessité de se dé-
clarer et de la professer courageusement,
Dieu leur commandant, comme autrefois aux
pasteurs d'Israël, d'élever leur voix sans au-
cune crainte pour faire entendre aux peuples
la doctrine de la vérité , leur disant , avec
l'Apôtre, que par ce moyen ils se sauveront
eux-mêmes et ceux qui sont commis à leurs
soins. La quatrième , adressée aux évêques
orthodoxes, est pour les consoler de leurs
souffrances. Le pape loue leur constance dans
la foi, en leur faisant part de sa seconde lé-
gation dont le but, dit-il, était de ramener à
la vérité ceux qui s'en écartaient, ou du moins
de faire voir au monde que le Saint-Siège
n'avait rien négligé pour les y ramener, et
qu'ils étaient eux-mêmes la cause de leur
perte. Hormisdas écrivit en particulier à un
évêque d'Afrique, nommé Possessor ^, qui,
ayant été banni pour la foi par les ariens,
s'était retiré à Constantinople, d'où il avait
envoyé à Rome sa profession de foi par les
premiers légats. Comme il avait continué
depuis à défendre la vérité , au grand avan-
tage des catholiques, le pape loue son zèle
et sa fermeté, l'exhortant de persévérer dans
de si bonnes dispositions , et même de les
augmenter, parce que la bonne œuvre, sur-
tout en ce qui regarde la doctrine de la foi,
semble diminuer, si on ne l'augmente tou-
jours. La sixième est au peuple et aux moines
de Constantinople *. Le pape les console dans
leurs souffrances et les exhorte tant à la per-
sévérance dans la vraie foi , qu'à s'abstenir
de tout commerce avec les hérétiques. Ces
cinq dernières lettres sont de même date que
la première, c'est-à-dire du 3 avril S17.
14. Aussitôt après le départ des légats, LetircàRn
un diacre de Nicopolis, qui les avait rencon- )'^e..i«ïai,p ,
très en chemin, arriva à Rome, portant une
lettre de Jean, évêque de Nicopolis, et de son
concile, par laquelle ils se plaignaient que
Dorothée, évêque de Thessalonique, soule-
vait contre Jean les juges ordinaires et les
officiers de l'empereur, et l'accablait de con-
fusion et de frais, pour se venger de ce qu'il
ne lui avait pas donné avis de son ordination,
suivant l'usage ancien. Comme Dorothée
était schismatique, les évêques du concile,
qui étaient catholiques, ne voulaient pas le
reconnaître ; mais ils demandèrent au pape
la permission de lui écrire en cette occasion,
pour se délivrer de ses mauvais traitements.
Le pape, après avoir examiné l'affaire, en-
voya à ses légats Ennode etPérégiin, quatre
lettres, avec cette instruction : « Quand vous
serez arrivés à Thessalonique, rendez nos
lettres à l'évêque, observant, dans la ma-
nière de le saluer, ce que nous vous avons
prescrit touchant ceux qui ne communiquent
point avec le Saint-Siège, c'est-à-dire avec
l'Eglise catholique. Après lui avoir rendu
nos lettres, vous le presserez fortement de
faire cesser ses persécutions contre l'Eglise
de Nicopolis, lui représentant que l'évêque
étant revenu à la communion de l'Eglise, n'a
pu communiquer avec ceux qui n'y sont pas,
» Tom. IV Concil., pag. 1450. — ^ibid., pag. UU. ^ Tom. IV ConciL, pag. 1454. — * Ibid.
[vP SIÈCLE.] CHAPITRE XLVIIl. -
et que si Dorotliée veut y entrer, loin de ré-
voquer ses privilèges, nous en poursuivrons
avec lui la conservation. Si, avec l'aide de
Dieu, vous pouvez terminer l'affaire à Thes-
salonique, donnez-en avis à l'évêque de Ni-
copolis par lettre. Si Dorothée demeure
obstiné, vous poursuivrez cette affaire au-
près de l'empereur, suivant les lettres que
nous lui en écrirons, et vous lui direz : «Al-
cyson , évéque de Nicopolis , a satisfait à
l'Eglise catholique, qui, en conséquence, l'a
reçu à sa communion ; Jean, son successeur,
a suivi son exemple. Présentement, l'évêque
de Thessalonique le persécute : si vous n'ar-
rêtez cette vexation, il semblera que Jean
la souffre pour être rentré dans la commu-
nion du Saint-Siège, et ceux qui s'attendent
que vous procurerez l'union, commenceront
à en dou'er. » Le pape ordonne ensuite à ses
légats de publier en divers lieux ses lettres
cl Dorothée, surtout à Thessalonique, dans
l'espérance d'arrêter ses persécutions et de
le corriger lui-même. Des quatre lettres que
le pape envoya à ses légats, la première est
à l'empereur Anastase ', qu'il prie de ne
plus persécuter Jean delNicopolis, afin qu'en
accordant sa protection à ceux qui se sont
convertis, il encourage les autres à se réu-
nir. Dans la seconde -, qui est à Jean de Ni-
copolis et aux évèques de son concile, il les
reprend de la permission qu'ils lui avaient
demandée d'écrire à l'évêque de Thessaloni-
que, disant qu'il ne pouvait leur accorder
une chose qu'il ne pourrait s'empêcher de
blâmer, s'ils l'eussent fait à son insu , puis-
qu'on se soumettant à ce schismaiique, c'é-
tait rentrer dans le schisme qu'ils venaient
de quitter, et y engager même le pape qui
communiquait avec eux. Il leur cite sur cela
un endroit de la seconde épitre de saint
Pierre, où nous lisons qu'il vaudrait mieux
n'avoir point connu le chemin de la justice, que
de retourner en arrière après y avoir marché.
Le pape écrivit en particulier à Jean de Ni-
copolis, pour l'exhorter à souffrir avec pa-
tience et à confirmer dans la foi orthodoxe
les évêques de sa province qui avaient quitté
le schisme. 11 marque qu'il avait reçu une
de ses lettres par le sous-diacre Pollion ^.
La quatrième est à Dorothée de Thessaloni-
que *. Après lui avoir fait part des plaintes
des évêques de l'ancien Epire, il avoue qu'il
- HORMISDAS, PAPE. 019
aurait sujet de se plaindre de Jean de Nico-
polis, s'ils avaient été l'un et l'autre unis
par la charité; mais que ne l'étant pas, Jean
n'avait point négligé l'ancienne coutume,
qui donnait à l'évêque de Thessalonique la
juridiction sur toute FIllyrie occidentale ,
comme vicaire du Saint-Siège , mais qu'il
avait évité le schisme. « De quel front, lui
dit ensuite le pape, prétendez-vous conser-
ver les privilèges que vous ont accordés ceux
dont vous n'observez point les ordres? Com-
ment osez-vous exiger une soumission que
vous ne rendez pas vous-même à la foi? Ob-
servez ce qui est dû à Dieu, et vous obtien-
drez facilement des hommes ce que vous en
exigez. Prenez soin de votre salut, et cessez
de persécuter ceux qui reviennent àl'Eglise,
de peur que vous ne soyez compris dans le
nombre de ceux qui sont nommément con-
damnés par sentence apostolique. » Il y a
trois de ces lettres qui sont datées du 12
avril 517, et une du 3 mars de la même an-
née.
15. L'empereur Anastase ayant refusé le
formulaire que les légats lui présentèrent,
rendit la seconde légation aussi inutile que
la première. 11 essaya même de les corrom-
pre par argent ; mais n'y ayant point réussi,
il les renvoya, avec défense à ceux qui les
conduisaient, de les laisser entrer en aucune
vifie. En partant, ils confièrent leurs dix-neuf
protestations à des moines qui les exposè-
rent dans toutes les villes. Les évêques du
parti d'Ânastase lui ayant envoyé celles
qu'ils avaient reçues, ce prince en prit occa-
sion d'écrire au pape une lettre fort courte,
où, après avoir relevé la douceur, l'humilité
et les bienfaits de Jésus-Christ envers les
hommes, il conclut en disant qu'il pouvait
souffrir les injures, et les mépris, mais non
pas les commandements. Sa lettre est du 11
juillet 317.
16. Vers le même temps, les archimandri-
tes et les moines de la seconde Syrie ^ ,
adressèrent une requête au pape Hormisdas
par laquelle ils se plaignaient des persécu-
tions que Sévère , patriarche d'Antioche ,
chef des eutychéens, leur faisait souffjir à
cause de leur attachement à la foi catholi-
que. Ils en avaient déjà porté leurs plaintes
à l'empereur Anastase, qui n'y avait eu au-
cun égard, ce qui les avait obligés de cou-
Letlre do
l'empertur.Ta
paiie, p. 1460
ot 1416.
Lettre aux
archimanfiri -
tes de Syrie,
pi.g. UÙ et
!'.C5.
1 Tom. IV Concil., pag. 1457.— « Ibid., pag. 1458.
3 Ibid., pag. 1457. — * Ubid., pag. 1459.
^ Tom. V Concil-, pag. 143,
620
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rir au pape, comme au père commun. Ils
disent, dans leur requête, qu'allant un jour
au monastère de saint Siméon Stylite pour
la cause de l'Eglise, les eiitycliéens, qui s'é-
taient mis en embuscade sur le chemin, fon-
dirent sur eux, en tuèrent trois cents, et en
blessèrent plusieurs; qu'ils tuèrent même
près des autels ceux qui s'y étaient réfugiés,
et qu'ayant envoyé de nuit des séditieux
dans les monastères, ils les brûlèiml après
en avoir enlevé le peu qu'il y avait. Jean et
Sergius, chargés de la requête, avaient avec
eux des mémoires pour constater et détailler
tous ces faits. Les archimandrites prient donc
le pape de compatir non-seulement aux bles-
sures du corps de l'Eglise, en sa qualité de
chef, mais aussi de venger le mépris, de la
foi, des canons et du concile de Chalcédoine,
que les eutychéens anathématisaient chaque
jour, et pour faire voir à Hormisdas qu'ils
disaient anathème à tous ceux que le Siège
apostolique avait chassés ou excommimiés,
ils concluent en anathématisant nommément
Nestorius, Eutychès, Dioscore, Pierre Mon-
gus, Pierre-le-Foulon , Acace qui avait com-
muniqué avec eux, et généralement tous
ceux qui prenaient la défense de quelques-
uns de ces hérétiques. La requête est sous-
crite de plus de deux cents, tant abbés que
prêtres et diacres. Le pape leur répondit par
une lettre du 10 février 518. Nousl'avons en
grec et en latin dans la cinquième action du
concile de Constantinople , sous Memnas.
Elle est adressée tant aux archimandrites de
la seconde Syrie, qu'aux catholiques de tout
l'Orient. Le pape , pour les consoler dans
leur afQiction , leur représente qu'il est -d'u-
sage aux serviteurs de Dieu, de sauver leurs
âmes par la mort de leurs corps; que tandis
qu'ils perdent les choses périssables, ils en
gagnent d'éternelles; que si les persécutions
ouvrent la porte aux épreuves, les épreuves
donnent lieu au mérite, et que l'espérance
de la récompense doit relever le courage de
ceux qui combattent. Il leur met devant les
yeux les éloges que les Machabées ont mé-
rités par leur constance à souffrir pour la
défense de la loi de Dieu, et les presse de
conserver leur foi si pure, qu'elle ne soit
souillée par aucun mélange de société avec
les hérétiques; de s'en tenir aux décrets du
1 Hoc ita fiet, si non sacerdotii gradus , saltu quo-
dam passiin laids transferantur. Pag. 1467.
2 Sed nec de pœnitentibus quisguam ad hujusmodi
concile de Chalcédoine, et aux lettres de
saint Léon; de n'avoir pas moins de zèle
pour la défense de la vérité, que les héréti-
ques en faisaient paraître pour défendre
leurs erreurs; de condamner non-seulement
les inventeurs des hérésies, mais aussi ceux
qui les ont embrassées, et enfin de rejeter
toute doctrine contraire à celle des Pères ,
quelque explication que l'on donne à ces
nouveautés pour les faire valoir.
17. Les deux lettres à Jean de Tarragone j^^l^i^Ta
et à tous les évêques d'Espagne sont datées, r4^rjd"È
dans quelques exemplaires, de l'an 541, et K ".Vi »&
dans 'd'autres de l'an 521. La fausseté de la dfswilë'!
première date paraît en ce qu'Hormisdas "°^'
n'occupa le Saint-Siège que neuf ans, et il
faudrait qu'il l'eût occupé plus de vingt, s'il
eût écrit en l'an 541. La seconde pourrait en
quelque sorte se soutenir, puisqu'elle est du
consulat d'Agapit, qui était en effet consul
extraordinaire en 521 . Mais Julien et Valère
»yant été consuls ordinaires en cette année,
il y a apparence que le pape data ses lettres
de leur consulat, plutôt que de celui d'Aga-
pit. Il faut donc les renvoyer à l'an 517, où
Agapit était consul ordinaire. Jean, évêqùe
de Tarragone, étant venu en Italie dans le
dessein de demander quelques règlements
pur les Eglises d'Espagne, écrivit à cet effet
aupapepar le diacre Cassien. Hormisdas au-
rait fort souhaité de parler à Jean et de le
voir; mais ne l'ayant pu, il lui envoya des
règlements généraux qui prescrivaient ce
qu'il fallait observer conformément aux ca-
nons, et quelle précaution il fallait prendre
contre les ecclésiastiques qui venaient des
Eglises grecques. Le pape déclara en même
temps Jean son vicaire en Espagne, pour y
faire exécuter les canons et faire son rapport
au Saint-Siège des affaires ecclésiastiques de
ce royaume , sans toutefois déroger aux
droits des métropolitains. Ces règlements
sont contenus dans une lettre circulaire
adressée aux évêques d'Espagne. Le pre-
mier porte que l'on n'ordonnera point évê-
ques des laïques, sans les avoir fait passer
par les degrés du ministère ecclésiastique '
et sans avoir éprouvé leurs mœurs pendant
un long temps , celui-là devant être d'une
conduite plus réglée que le peuple, qui doit
prier pour le peuple. 11 défend aussi ^d'élever
gradum adspiret. Qua conscientia absolvai, reum qui
se peccuta sua populo scit leste confessum ? Ibid.
[VP SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVIII. —
■M au sacerdoce ceux qui sont en pénitence,
^ étant juste qu'ils se contentent du pardon
qu'on leur accorde : car avec quelle con-
science pourraient-ils se charger d'absoudre
les coupables, qui ne peuvent ignorer qu'ils
ont confessé eux-mêmes leurs péchés devant
le peuple. Respecteront-ils, comme évêque,
celui qu'ils ont vu peu de temps auparavant
prosterné comme pénitent? Il est dit dans le
second que Ton n'achètera ni ne vendra les
ordinations, soit è prix d'argent, soit autre-
ment ', comme en rendant ou en exigeant
des services équivalents à l'argent. Le troi-
sième veut que l'on tienne chaque année
deux conciles provinciaux, ou du moins un,
si les circonstances des temps ne permettent
pas d'en tenir deux ^. Le motif de ces assem-
blées est que les évéques traitent librement
entre eux des aûaires de leurs Eglises, et
qu'au cas que tout y fût bien réglé, ils en
louent Dieu ensemble. Le pape Hormisdas
établit aussi son vicaire, pour la Bétique et
la Lusitanie, Salluste, évêque de Séville ,
avec le pouvoir de convoquer les évéques de
ces provinces, quand il serait nécessaire; de
juger leurs dilierends, et de veiller à l'ob-
servation des canons, à la charge de lui ren-
dre compte de tout ce qui se serait passé de
sa part, tant à l'égard du maintien de la foi
el des décrets des anciens, que des affaires
particulières.
Leiires à 18. AnastasB étant mort subitemcnt la uuit
Z&''l"l du 10 de juillet de l'an S18 , âgé de quatre-
\ jei'n'dB vingt-huit ans, après en avoir régné sept ,
!, p.'h°2' Justin, qui de simple soldat était devenu ca-
pitaine des gardes du palais, fut reconnu
empereur le même jour, à l'âge de soixante-
huit ans. Quoiqu'il fût sans lettres, jusqu'à
ne savoir pas même lire, il était bon catho-
lique, et ce fut sous son règne que la paix
fut rendue à l'Eglise. Il écrivit au pape Hor-
misdas, le 1" août de cette année 518, pour
lui donner avis de son élection; et par une
autre lettre du 7 de septembre , il le pria de
concourir aux désirs de Jean de Gonstanti-
nople et des autres évéques d'Orient, qui
souhaitaient ardemment de se réunir avec
l'Occident et d'envoyer des évéques capa-
HORMISDAS, PAPE. 621
blés de procurer cette réunion. Le patriarche
Jean écrivit lui-même au pape, pour lui mar-
quer combien il la souhaitait ; el afin que
l'on n'eût aucun soupçon sur la pureté de sa
foi , il déclara dans sa lettre qu'il professait
la doctrine des saints apôlres, telle que les
saints Pères nous l'ont transmise par tradi-
tion, rendant honneur à la très-sainte et con-
substantielle Trinité, conformément aux dé-
cisions des conciles de Nicée, de Constanti-
nople, d'Ephèse et de Chalcédoine; qu'il
récitait les noms de saint Léon et d'Hor-
niisdas, dans le temps de la consécration, et
qu'il avait ordonné qu'ils fussent insérés dans
les diptyques. Le comte Justinien voulut
aussi avoir part à l'affaire de la réunion. Il
manda au pape qu'avec le secours de Dieu ,
les disputes sur la foi étaient presque entiè-
rement finies; qu'il n'y avait plus de difS-
culté sur le nom d'Acace, et que l'empereur
souhaitait ardemment que le pape lui-même
vînt pour cet effet à Constantinople, le plus
tôt qu'il le pourrait, ou qu'il envoyât des évé-
ques capables de travailler efficacement à la
réunion, le consentement que tout l'Orient
avait donné ne pouvant souffrir de délai.
Ces lettres ayant été apportées à Rome le
20 décembre de l'an 318 ^, par Gradus, comte
du consistoire, Hormisdas alla à Ravenne
trouver le roi Théodoric, et par son conseil,
il envoya une troisième légation à Constanti-
nople, composée de cinq personnes : Ger-
main, évêque de Capoue ; Jean, évêque d'une
autre Eglise qui n'est pas nommée; Blandus,
prêtre, Félix et Dioscore, diacres. Le pape
les chargea de plusieurs lettres, tant pour
l'empereur que pour diverses autres person-
nes. Il en avait auparavant écrit une à ce
prince *, dans laquelle il lui marquait qu'il
n'y avait point de doute que Dieu ne l'eût
élevé à l'empire, afin que sous son règne les
troubles de l'Eglise d'Orient fussent dissipés;
qu'en lui donnant avis de son élection, il
avait, à l'imitation de ses prédécesseurs ^,
donné les prémices de son empire à saint
Pierre, et qu'il espérait qu'ayant été choisi
de Dieu, il emploierait le pouvoir qu'il en
avait reçu, à soulager l'Eglise dans ses pei-
* Nec electio prœsulis empta datur pretiis, el nec
obnequentis sit quœsiia operibus. Ibid., pag. 1468.
■- De conveniendo bis in anno , notum est canones
sanctos constituisse : sed si aut temporum nécessitâtes
aut émergentes causée hoc non patiuntur impleri, se-
mel saltem sine ulla excusatione prœcipimus conve-
nire. Ibid,
3 Lib. Poniif., tom. IV Concil., pag. 1417.
* Ibid., pag. 1470 et 1471.
' Débitas beato Petro apostolo imperii vestri prinii-
lias reddidistis, quas hac ratione devoti suscipimus ,
quia ecclesiarum proxime per nos futuram credimui
sine dubitatione concordiam. Pag. 1470.
622
HlSTOlIlE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
nés, et à rendre inutiles les efforts de ceux
qui s'opposaient au rétablissement de la
paix. Dans sa seconde lettre, il loue le zèle
que Justin témoignait pour la réunion, ei. i:s
vœux que les évèques d'Orient faisaient pour
le même sujet, disant qu'ils en trouveraient
les conditions dans le libelle ou formulaire
dont il avait chargé ses légats. L'une était
qu'on ôteraitle nom d'Acace de la liste des
évèques catholiques, il s'expliqua pins au
long sur cet article, daus sa lettre à Jean de
Constantinople, à qui il dit qu'en recevant,
comme il faisait, le concile de Chalcédoine,
et en continuant de réciter le nom d'Acace
dans les diptyques, c'était soutenir deux
choses incompatibles , puisque l'on ne pou-
vait condamner Eutychès et Dioscore, et dé-
clarer Acace innocent; ni fuir la communion
de Timothée Elure et de Pierre-le-Foulon,
et la conserver avec Acace, qui embrassa la
leur. Il lui ordonne donc, avant de le recevoir
à la communion du Saint-Siège, de souscrire
au formulaire envoyé en Orient, et d'en en-
voyer une copie à Rome, signée de sa main.
Le pape insiste sur cet article, dans la plu-
part des lettres dont il chargea ses légats. 11
dit ' que l'obstination de l'Orient à mettre
le nom d'Acace parmi celui des évèques ca-
tholiques, est l'obstacle à l'unité de l'Eglise;
qu'il fallait se défier ^ de ceux qui, recevant
le concile de Chalcédoine, refusaient de con-
damner Acace, ne faisant point de difficulté
d'être en union avec un homme qu'ils sa-
vaient être condamné par sentence du Siège
apostolique, il témoigne à l'impératrice Eu-
phémie ^ que la piété dont elle avait fait
profession dans sa vie privée *, lui était un
gage des mouvements qu'elle se donnerait
depuis qu'elle était parvenue au trône, pour
procurer la paix ci l'Eghse, lui faisant envi-
sager qu'une si sainte œuvre ne lui sera pas
moins glorieuse qu'à sainte Hélène d'avoir,
pur ses soins, recouvré le bois sacré de la
croix ^; qui est en vénération dans tout l'u-
nivers. La lettre à Jean de Constantinople ^,
est pour l'exhorter à condamner tous ceux
que le Saint-Siège condamnait, c'est-à-dire
Acace et ses adhérents. Il lui représente que
professant, comme il faisait, la foi orthodoxe,
il devait s'appliquer à rendre la paix aux
Eglises ', qui était le motif qui l'avait engagé
à envoyer une troisième légation en Orient.
Il dit la même chose dans sa lettre à l'archi-
diacre et au clergé de Constantinople *. Dans
celle qu'il écrivit au comte Justinien ', il le
remercie des présents qu'il avait envoyés à
l'Eglise de Saint-Pierre, le priant de conti-
nuer à travailler à la réunion. 11 écrivit en-
core à Celer et à Patrice, deux des principaux
de la cour, pour les prier d'aider ses légats
à réussir dans leurs fonctions. Comme ils
devaient passer à Thessalonique , le pape
écrivit au préfet du prétoire, qui y résidait,
pour l'engager à concourir à l'ouvrage de la
paix. Il recommanda aussi ses légats à deux
dames illustres "^, Anastasie et Palraatia. Le
titre de sa lettre porte qu'elles étaient de-
meurées fermes et inébranlables dans la foi
catholique, durant la persécution de l'empe-
reur Anastase. Hormisdas donna à ses légats
une instruction qui portait en substance "
qu'ils recevraient à leur communion les évo-
ques d'Orient qui souscriraient au formu-
laire, mais qu'ils ne mangeraient et ne re-
cevraient point de vivres de ceux qui ne
voudraient point y souscrire, leur permettant
toutefois de loger chez eux en voyage, et
d'user de leurs voitures, s'il en était besoin,
afin de leur marquer qu'on n'avait point de
mépris pour eux; qu'étant arrivés à Cons-
tantinople, ils logeraient dans la maison que
l'empereur aurait ordonné, et qu'ils ne ver-
raient personne avant de le voir lui-même,
excepté ceux qui leur viendraient de sa pai't,
ou qu'ils sauraient être dans la communion
du Saint-Siège; qu'étant présentés à l'em-
pereur, ils lui donneraient les lettres qui lui
étaient adressées; et qu'au cas que ce prince
les invitât à voir l'évèque de Constantinople,
ils n'y consentiraient point qu'auparavant
cet évéque n'eût souscrit au formulaire dont
ils étaient chargés. C'était celui dont nous
avons parlé plus haut, dont les premiers
mots sont : « Le commencement du salut est
de garder la règle de la foi '^. » Nestorius,
Eutychès et tous leurs sectateurs, et Acace
nommément, y sont anathématisés. Les lé-
gats avaient ordre de montrer ce formulaire
« Pag. U76. — 2 Pag. 1477. — 3 Pag. 1479.
* Pag. 1480.
^ Magna sexu veslro parafa est laiidis occasio, si
Vobis instantibus Ecclesiœ suce Christus, quœ divisa
fuerint membra conjungat. Nec efus mnjor est gloria,
quœ huiiianœ salutis lignum scrutata est, et sola cru-
cem quam omnis veneraiur mundus invenit, Hormisd.,
Epist. 33 ad Euph., pag. 148.
6 Pag. 1481. — ' Pag. 1492. — s Pag. 1482.
3 Pag. 1483. — 10 Pag. 1484. - " Pag. 1476.
" Pag. 1444.
[vi= SIÈCLE.] CHAPITRE XLVIII. -
à l'empereur, s'il le demandait, et de faire
lire devant le peuple, ou du moins dans la
sacristie, en présence des clercs et des ar-
chimandrites, l'acte d'acceptation, soit de
l'évéque de Constantinople, soit de quelque
autre évoque, qui, dans le dessein de se
réunir, aurait souscrit à ce formulaire, dont
il leur était défendu de rien retrancher. Mais
ils avaient pouvoir de consentir que les noms
des successeurs d'Acace, dout quelques-uns
avaient été exilés pour la défense du concile
de Chalcédoine, restassent dans les dipty-
ques, pourvu que l'on consentît à l'anathème
d'Acace, et que l'oneûaçât des diptyques les
noms de ses prédécesseurs, sans toutefois
leur dire anathème. Après tous ces prélimi-
naires arrêtés, les légats étaient chargés de
prier l'empereur d'envoyer ses lettres aux
métropolitains, avec celle de l'évéque de
Constantinople, pour leur faire savoir que
cet évêque ayant fait la profession de foi en-
voyée par le Saint-Siège, avait été reçu à sa
communion , et les exhorter à en faire au-
tant ; le pape ajouta que si l'empereur trouvait
quelque difficulté dans cet arrangement, l'é-
véque de Constantinople enverrait des ordres
à ses comprovinciaux et aux autres métropo-
litains, pour leur déclarer ce qu'il aurait fait,
en présence de personnes envoyées par les
'" légats.
Voyage des 19. Ou a iuséré parmi les lettres d'Hor-
•rwéekcôn'. mlsdas la relation du voyage de ceux qu'il
"?Î8°°sug- avait députés à Constantinople. Au sortir
d'Italie, ils arrivèrent d'abord à Aulone, au-
jourd'hui la Valone, qui est le premier port
de Macédoine; l'évéque de ce lieu leur pro-
mit de faire avec son métropolitain, le hbelle
qu'ils demandaient. Ils arrivèrent de là à
Scampis : l'évéque, nommé Toïus, alla au-
devant d'eux avec son clergé et son peuple,
presque tous, tant hommes que femmes,
portant des cierges, et les soldats des croix.
Oii s'assembla ensuite dans l'église de Saint-
Pierre. L'évéque souscrivit le formulaire en-
voyé par le pape, en présence du clergé de
Scampis, des plus nobles de la ville et des
légats, qui le firent lire publiquement par
Pierre, notaire de l'Eglise romaine. Le peu-
ple passa ce jour-là en actions de grâces à
Dieu et dans la joie. L'évéque Germain, l'un
des légats, célébra la messe : on lut dans les
diptyques le nom d'Hormisdas; mais aucun
HORMISDAS, PAPE. 623
nom suspect n'y fut récité, et on promit de
n'y plus faii'e mention que de ceux qui se-
raient unis de communion avec le Saint-
Siège. A l'heure du souper, les légats reçu-
rent la visite de deux comtes, Etienne et
Léonce, que l'empereur envoyait au-devant
d'eux. Ils avaient ordre de passer jusqu'en
Italie, ce prince ne sachant pas que les lé-
gats fussent en chemin. De Scampis ils pas-
sèrent à Lychnide, où ils furent reçus avec
les mêmes démonstrations de joie '. L'évé-
que Théodoret fit tout ce que le pape deman-
dait de lui. Il souscrivit au formulaire qui fut
lu dans l'église. Les légats donnèrent avis
de ces heureux commencements, par une
lettre datée du 7 mars S19. André, évêque
de Prévahtan, manda au pape la même
chose 2, en ajoutant que l'anathème que les
évêques de la nouvelle Epire, assemblés en
concile, avaient dit aux ennemis de la foi,
n'avait été que simulé; mais que ceux de
Constantinople avaient sincèrement anathé-
matisé Acace, et célébré en paix la fête de
Pâques. Jean de Constantinople lui écrivit ^,
pour l'assurer de la pureté de sa foi, recon-
naissant qu'il n'en avait point d'autre que
celle qui avait été confirmée dans les quatre
conciles de Nicée, de Constantinople, d'E-
phèse et de Chalcédoine, que les Pères nous
ont transmise, et que l'Eglise romaine a tou-
jours gardée inviolablement ; qu'en consé-
quence il anathématisait Nestorius,Eutychès,
Dioscore, Timothée Elure, Pierre Mongus
et Acace, et tous ceux qui leur étaient unis
de communion ou qui soutenaient leurs er-
reurs ; qu'il recevait les lettres de saint Léon
et tous les décrets du siège apostolique ; pro-
mettant de ne plus réciter à l'avenir dans les
diptyques les noms de ceux qui seraient sé-
parés de la communion de l'Eghse catholi-
que , c'est-à-dire de coux qui ne s'accorde-
raient pas en tout avec le Siège apostolique.
Cette lettre était la réponse à celle que Jean
avait reçue du pape par ses légats. Us certi-
fièrent eux-mêmes à Hormisdas, tous les faits
énoncés dans la lettre de Jean, sa souscrip-
tion au formulaire * et l'anathème prononcé
par lui à Acace et à tous les partisans des
hérétiques et de leurs erreurs, faisant en
même temps le détail de tout ce qui s'était
passé à leur arrivée à Constantinople. Lors-
qu'ils étaient encore à dix milles de la ville,
1 Pag. 1485, Suggest. 3.
8 Ibid., pag. 1486. — 3 Pag. 1480.
i Pag. 1487, Suggest. German., et Suggest Dioscor.,
pag, 1488.
&u
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
plasieiiis personnes de la première distinc-
tion vinrent an-devant d'eux, entre autres
Vitalien, maître de la milice; Pompée, Jus-
tinien, et un grand nombre de sénateurs,
qui témoignaient tous beaucoup d'ardeur
pour la p;iix de l'Eglise. A leur entrée dans
Constantinople, les peuples portant des cier-
ges , firent retentir l'air de cris de joie et
d'acclamations au pape. C'était un lundi, 25
mars 519. Le lendemain les légats eurent
audience de l'empereur Justin, en présence
de tout le sénat et de quatre évoques dé-
putés par le patriarche de Constantinople.
L'empereur reçut avec beaucoup de respect
les lettres du pape; ensuite il dit au.x légats
de voir l'évêque de la ville. Ils répondirent
qu'ils n'avaient point d'ordre de disputer,
mais qu'ils avaient en main un formulaire
reçu par tous les évêques qui s'étaient ré-
concliés avec le Saint-Siège; qu'ils priaient
l'empereur d'en ordonner la lecture, et que
si l'on y trouvait quelque difficulté, ils y ré-
pondraient. Le formulaire fut lu en présence
de ce prince et du sénat : ensuite les légats
ayant demandé que les quatre évêques qui
étaient là de la part de Jean de Constantino-
ple, déclarassent si le contenu du formulaire
ne se trouvait pas dans les actes ecclésias-
tiques, les quatre évêques dirent que tout y
était. Sur quoi l'empereur leur dit : n Si cela
est vrai, que ne le faites-vous? » Quelques
sénateurs ajoutèrent : « Nous sommes des
laïques : vous dites que cela est vrai, exécu-
tez-le, et nous vous imiterons. » Le 28 de
mars, qui était le jeudi-saint, Jean de Cons-
tantinople reçut le formulaire des légats, le
souscrivit; et y ayant mis une préface en
forme de lettre, l'adressa au pape Hormis-
das '. Les légats en envoyèrent deux exem-
plaires à Rome, un grec et un latin. Tous
les évêques qui se rencontrèrent à Constan-
tinople, suivirent l'exemple du patriarche.
Les abbés ou archimandrites en firent de
même. On effaça des diptyques le nom d'A-
cace et ceux de Fravita, d'Euphémius, de
Macédonius et de Timothée, de même que
les noms des empereurs Zenon et Anastase.
Après quoi on alla du palais à l'église, où le
peuple communia en si grand nombre, que
les ecclésiastiques de Constantinople di-
saient, en rendant grâces à Dieu, qu'ils ne
se souvenaient pas qu'une si gi'ande multi-
tude de peuple eût communié. Les légats fi-
rent leur rapport au pape par le diacre Pul-
lion, en lui marquant qu'il n'y avait plus que
l'Eglise d'Antioche à réunir : car ils ne dou-
taient pas que celle de Thessalonique n'ac-
ceptât les conditions de la paix. Dorothée,
évêque de cette ville, après beaucoup de ré-
sistance, s'était rendu à leurs raisons, et il
avait promis de souscrire au formulaire avec
les évêques de sa dépendance, en présence
d'un des légats, lorsqu'il se serait assemblé
avec eux, en concile, après les fêtes de Pâ-
ques.
20. Le schisme de Constantinople ainsi
terminé au bout de trente-cinq ans, l'empe-
reur Justin écrivit au pape que Jean de Cons-
tantinople avait embrassé la foi catholique,
anathématisé les hérétiques et avait consenti
que les noms d'Acace et des autres schisma-
tiques ^ fussent effacés des diptyques. Jean
donna lui-même avis de la réunion à Hoi'-
misdas ^, attribuant à ses prières et à celles
des saints apôtres de ce que l'empire avait
pour chef un prince aussi religieux que Jus-
lin. Le comte Justinien et le sénateur Pom-
pée * congratulèrent le pape sur la paix de
l'Orient. Julienne, fille de l'empereur Oly-
brius, extrêmement zélée pour la foi catho-
lique, lui écrivit pour le prier de ne point
permettre que ses légats, dont la présence
avait mis fin aux troubles de l'Eglise, s'en
retournassent en Occident, avant que la paix
fût bien affermie. Anastasie , qui n'avait pas
moins d'amour pour l'Eghse ^ et qui savait
combien l'empereur Justin avait travaillé à
lui procurer la tranquillité, pria le pape par
lettre de s'intéresser auprès de Dieu, pour
obtenir à ce prince non-seulement un règne
heureux, mais aussi la béatitude dans la "vie
future. Elle lui recommanda aussi ses pro-
pres enfants. La lettre de Théodoret, évêque
de Lychnide à Hormisdas ^ est encore un
compliment de congratulation sur la réunion
des Eglises. Le diacre PuUion, chargé de
toutes ces lettres, arriva à Rome le 19 juin
519. Le pape, avant de les recevoir, en avait
écrit trois à ses légats ', pour savoir et des
nouvelles de leur santé, et du train que les
aifiiires dont ils étaient chargés, prenaient
en Orient. L'ayant appris, il en témoigna sa
joie à tous ceux qui lui avaient écrit sur la
réunion, à l'empereur Justin, à Jean de Cons-
1 Ëpist. Joan., pag. 1486.
B Ibid., pag. 14S1. — 3 Ibid., pag. 14
* Efiisl. Joau., pag. 1493. -^ s ibid.j pag. 1494i
6 Ibid. — ' Ibid., pag. 1493.
[VI' SIÈCLE.]
tantinople, au comte Jiistinien, à Pompée, à
Julienne et à Anaslasie. Les six lettres sout
du 9 juillet 31 9. Il exhorte l'empereur à faire
pour l'Eglise d'Antioche et d'Alexandrie ce
qu'il avait fait pour celle de Constantinople *,
afin que ses légats ne retournent à Rome
qu'avec des nouvelles de la pacification gé-
nérale de toutes les Eglises. Il presse aussi
Jean de Constantinople de s'employer pour
la réunion des Eglises d'Antioche et d'A-
lexandrie ^, et lui donne de grands éloges
pour être lui-même revenu à l'unité. Il en
donne aussi au comte Justinien, qui avait
travaillé avec zèle auprès de l'empereur pour
la paix. Les lettres à Pompée, à Julienne et
à Anastasie, sont sur le même sujet. Celle à
Gratus est pour lui demander des nouvelles
de sa santé ^. Le pape écrivit encore aux
évêques d'Espagne *, pour leur apprendre
ce qui venait de se passer à Constantinople;
sous quelles conditions les évêques de Thrace,
d'illyrie, de Scylhie, de Syrie et de l'an-
cienne Epire, avaient été admis à la commu-
nion du Saint-Siège. Il leur envoya les actes
de tout cela, avec la copie du formulaire de
la réunion, auquel Jean de Constantinople
et les autres évêques avaient souscrit, afin
qu'ils sussent comment ils devaient se com-
porter envers les Orientaux qui demande-
raient de communiquer avec eux.
21. Le pape, dans les instructions données
à ses légats ', ne leur avait rien prescrit tou-
chant la manière dont on devait recevoir
ceux qui avaient condamné par écrit le con-
cile de Chalcédoine : il chargea donc Dios-
core, l'un des légats, d'examiner s'il suffirait
de les obliger à souscrire au formulaire gé-
néral ^, ou d'exiger d'eux quelque chose de
plus. II lui recommanda aussi trois évêques
chassés de leurs sièges, pour s'être réunis
les premiers. Elle, évéque de Césarée, Tho-
mas etNicostrate, disant qu'il écrirait à l'em-
pereur pour leur rétablissement. Il leur mar-
qua à eux-mêmes la part qu'il prenait à
leurs afflictions ^, et à Jean de Constantino-
ple, son chagrin de ce qu'on ne les avait pas
reçus en cette ville suivant leurs mérites. 11
représenta à l'empereur * que l'injure faite
à ces trois évêques rejaillissait sur le Saint-
Siège, et qu'on ne pouvait se dispenser de
les rétablir dans leurs évèchés ' sans un
CHAPITRE XLVIll. — HORMISDAS, PAPE.
625
mépris formel des saints canons. Le pape
écrivit la même chose à l'impératrice Euphé-
mie '", au comte Justinien et à Germain, du
rang des illustres : et afin que ces trois évê-
ques sussent les mouvements qu'il se donnait
pour leur rétablissement, il leur adressa une
lettre en commun, où il leur marquait ce
qu'il avait fait jusque-là pour eux.
22. Ayant appris par d'autres que ses lé- uiiresda
gats, ce que les eutychiens avaient tait a g»!?.
Thessalonique ", il écrivit à Germain, à Jean
et à Dioscore, de l'en informer eux-mêmes,
et de faire en sorte que Dorothée, évoque,
et le prêtre Aristide, qu'on faisait auteurs de
la sédition, vinssent à Rome rendre compte
de leur foi et de leur conduite, et apprendre
du Saint-Siège la résolution de leurs doutes.
Cette lettre est du 13 octobre 319. Les légats
répondirent au pape que Dorothée , évêque
de Thessalonique '-, avait, selon sa promesse,
assemblé son concile; qu'on y avait fait des
libelles de réunion, et qu'on les avait sous-
crits en présence du comte Licinius, envoyé
à Thessalonique pour une autre afi'aire; que
Licinius avait mis lui-même son sceau aux
libelles, et qu'étant de retour à Constantino-
ple, il leur avait raconté ce qui s'était passé.
Il ajoutèrent : « Un apocrisiaire de Dorothée
nous dit d'envoyer quelqu'un pour recevoir
les liljelles. Après en avoir délibéré, nous
destinâmes, pour ce voyage, l'évêque Jean
(l'un d'entre nous), avec un prêtre nommé
Epiphane; et à notre prière, l'empereur a
renvoyé avec eux le comte Licinius. A leur
arrivée à Thessalonique, le comte en avertit
Dorothée, qui envoya un prêtre nommé
Aristide aux deux évêques, les seuls opposés
à la réunion. Ils voulurent d'abord disputer
avec nos envoyés, en disant qu'il y avait des
articles à corriger : les nôtres répondirent :
« Cela n'est pas en notre pouvoir : si vous
voulez faire la réunion, Dieu en soit loué :
sinon nous vous avons salués, nous passe-
rons outre. » Ils se séparèrent, et revinrent
le lendemain tenir le même langage. Avant
que nos envoyés eussent répondu, ou que
l'on fût entré en dispute, le peuple en furie
se jeta sur l'évêque Jean, notre collègue. On
tua deux de ses domestiques, on le blessa
lui-même à la tête en deux endroits et aux
reins; et ils auraient été tous tués, s'ils ne
1 Epist. Joan., pag. 1496. — ^ Ibid., pag. 1497.
s Ibid., pag. 1500. — * Ibid., pag. 1501.
^ Ibid., pag. 1502. — ^ Ibid., pag. 1503.
7 Epist. Joan., pag. 1504. — 8 Ibid., pag. 1505.
9 Ibid., pag. 1506. — " Ibid., pag. 1507.
" Ibid., pag. 1508. — " Ibid., pag. 1509.
40
626
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
se fussent sauvés dans le baptistère de l'é-
glise de Saint-Marc, et s'ils n'avaient été se-
courus par la puissance publique qui survint.
Le peuple tua néanmoins et mit en pièces
un catholique nommé Jean, qui nous avait
reçus dans sa maison à notre arrivée , et qui
avait toujours été séparé de la communion
de Dorothée, son évèque, à cause du concile
de Chalcédoine. » Les légats attribuent tous
ces crimes à Dorothée, parce qu'il avait ex-
cité le peuple en faisant entendre que l'E-
glise allait être persécutée; puis ils ajoutent :
« Deux jours avant l'arrivée des nôtres à Thes-
salonique, il baptisa plus de deux mille per-
sonnes ' , et il fit distribuer au peuple l'Eu-
charistie à pleines corbeilles, en si grande
quantité qu'ils avaient de quoi communier
longtemps : ce qui fait voir qu'il était encore
d'usage que les laïques emportassent l'eu-
charistie dans leurs maisons, pour se com-
munier eux-mêmes dans le cas de nécessité.
Dorothée, après avoir fait maltraiter les nô-
tres, déchira le libelle de réunion qu'il avait
fait avec les évêques, en disant devant le
peuple : « Je n'en ferai rien tant que je vi-
vrai^ et ne consentirai point qu'on le fasse.»
Le bruit de ses violences étant parvenu jus-
qu'à Constantinople , tous les catholiques en
furent extrêmement affligés; l'empereur pro-
mit d'en faire justice et de citer Dorotliée à
son tribunal. Cette lettre ayant été reçue à
Rome, le 28 novembre, le pape en écrivit
une à ses légats le 3 décembre suivant, dans
laquelle, après avoir témoigné sa douleur de
la mort de Jean, il dit avoir appris que l'em-
pereur avait fait venir Dorothée à Constanti-
nople. Il leur recommande de s'employer
auprès de ce prince, non-seulement pour
empêcher Dorothée de retourner à Thes-
salonique, mais encore pour le faire déposer
de l'épiscopat et empêcher que l'on ne mit
à sa place le prêtre Aristide, le complice et
l'auteur de tout le mal. Il leur recommande
aussi de travailler au rétablissement des évê-
ques Thomas et Nicostrate.
Lciirejdu 23. Il cnvoya à Jean, évêque de Militane,
deMiirnioe" le libelle que Jean de Constantinople avait
d'Esp'sne"" signé, ensemble les lettres de l'empereur
Justin sur la réunion, le chargeant d'en faire
part aux évêques de son voisinage, afin
qu'ils rendissent grâces à Dieu d'un si grand
bien. Cette lettre est sans date ^, de même
que celle qu'il écrivit aux évêques d'Espagne
dans la Bétique, pour leur donner avis de
la paix d'Orient.
24. Dès le mois de décembre de l'an 519, i.c
le pape Hormisdas avait appris par les lettres %°'
du comte Justinien qu'il s'était élevé à Cons-
tantinople quelques disputes sur la Trinité ^.
Ses légats lui exposèrent la chose avec plus
d'étendue, en remarquant que cette dispute
avait apporté quelque délai à la réunion des
Eglises et à l'arrangement de celle d'Antio-
che, dont un nommé Paul, prêtre de Cons-
tantinople, venait d'être ordonné évêque.
L'empereur avait d'abord jeté les yeux sur
le légat Dioscore ; mais comme il était Ale-
xandrin, le pape crut qu'il serait plus utile
de l'élire évêque d'Alexandrie. La raison de
choisir Paul, fut qu'étant à Antioche, il avait
résisté pendant deux ans à Sévère. Son or-
dination se fit, non à Constantinople, ainsi
que le désirait l'empereur, mais à Antioche,
suivant l'ancienne coutume, qui voulait que
l'évêque fût ordonné sur les lieux. Cette pro-
position : « Un de la Trinité a été crucifié, »
faisait le fond de la dispute. Ceux qui la sou-
tenaient étaient des moines de la Scythie,
protégés par le comte Vitalien, maître de la
milice : l'un d'eux, nommé Léonce, se disait
son parent. Comme ces moines étaient partis
pour Rome dans l'espérance de faire entrer le
pape dans leur sentiment, les légats lui re-
présentèrent qu'une proposition de cette na-
ture, qui n'était appuyée ni des décrets des
conciles, ni de l'autorité des pères, et qui fa-
vorisait l'hérésie d'Eutychès, ne pouvait que
causer de grands troubles et beaucoup de
scandales dans l'Eglise. Us le priaient donc
de ne leur donner d'autre réponse, sinon que
le concile de Chalcédoine avait suffisamment
éclairci tout ce qui regardait la foi sur la
Trinité et l'Incarnation. Ces moines, comme
on le voit par une seconde lettre des légats*,
accusaient plusieurs évêques de leur pro-
vince, d'errer dans la foi ; entre autres. Pa-
terne, évêque de Tomi : mais l'empereur,
dans une assemblée publique où se trouvè-
rent les légats, réconcilia Paterne avec Vita-
lien, et obligea ses accusateurs de lui de-
mander pardon comme à leur évêque. Ce
prince voulut, dans la même assemblée, ra-
1 Ante biduum qtiam pervenirent nostri Thessalo-
nicam super duo millia Oaptizavit, sacramen(a tania
erogavil in populo quœ possint ipsis ad tempara suffi.-
cere, significans plebi quia fides recta mutatur. P. ISIO.
2 Pag. 1511, 1512. — 3 Pag. 1511, 1512 et seq.
' Pag. 1514.
[yl« SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVIII. — HORMISDAS, PAPE.
627
mener les moines à la paix ; mais ils se sau-
vèrent de Conslanlinople et parfirent pour
Rome. Les légats insistent dans cette lettre
comme dans la précédente, qui sont l'une et
l'autre du 29 juin 519, sur la nécessité de re-
jeter une proposition qui ne se trouve ni
dans les conciles, ni dans les lettres de saint
Léon, ni dans l'usage de l'Eglise, et qui avait
autrefois été proposée par les eutychiens au
concile de Chalcédoine. Us font entendre au
pape que les moines de Scythie ne la propo-
saient de nouveau que par artifice et dans le
dessein de renverser, par une nouvelle dis-
pute, ce qui avait été fait jusque-là pour la
réunion des Eglises ; à quoi ils ajoutent que
ces moines avaient de plus traversé l'élection
d'un évéque d'Antioche à la place de Sévère.
Far une troisième lettre, datée du même jour,
les légats marquèrent au pape que le comte
Justinieu souhaitait des reliques des apôtres
et de saint Laurent, pour mettre dans une
église des apôtres qu'il avait fait bâtir. « 11 a
fait, ajoutent-ils, cette demande suivant la
coutume des Grecs, qui ne faisaient point de
dilliculté ' de transférer et de partager les
reliques, ce qui ne se faisait pus à Rome :
mais nous lui avons expliqué la coutume du
Saint-Siège, et il a entendu nos raisons. C'est
pourquoi ordonnez, si vous jugez à propos
de satisfaire sa dévotion, qu'on lui envoie
des sanctuaires de saint Pierre et de saint
Paul, même de la seconde cataracte ^, c'est-
à-dire des linges qui eussent touché au plus
près du corps des saints. » 11 demande aussi
des chaînes des apôtres et du gril de saint
Laurent. <i C'est pour avoir ces reliques de la
source , qu'il a envoyé à Rome Euloge , ma-
gistrien. » Pour engager le pape à accorder
cette grâce au comte Justinien, ils font l'é-
loge de sa piété et de son zèle pour la foi ca-
tholique. Ils disent encore qu'il avait eu des-
seiu de faire travailler à des châsses d'ai-gent
et de les envoyer à Rome pour y mettre ces
rehques, mais qu'y ayant depuis fait rélle-
xion, il avait mieux aimé les recevoir en pré-
sent du Saint-Siège apostolique. Ils témoi-
gnent au pape qu'il conviendrait d'envoyer
autant de châsses qu'il y aura de reliques
particulières. Le comte Justinien écrivit lui-
même à Hormisdas , pour lui demander des
reliques des apôtres ; de son côté ^, il envoya
deux manteaux de soie pour l'autel dédié sous
leur nom. Il parle des moines de Scythie qui
étaient allés à Rome, comme de gens qui ne
cherchaient qu'à brouiller. Il en compte qua-
tre : Achille, Léonce, Jean et Maxence. II le
prie, dans une seconde lettre *, de renvoyer
au plus tôt Jean et Léonce, et dans une troi-
sième, il lui demande ce que l'on doit penser
sur la proposition que ces moines soute-
naient ^ : « Un de la Trinité a été crucifié, a
Il lui réitère sa prière de les renvoyer en
Orient avec des lettres de sa part, dont il le
prie de donner des copies signées à Euloge,
afin d'éviter toute surprise. Le pape envoya
des sanctuaires de saint Pierre et de saint
Paul au comte Justinien '' : mais il ne voulut
point laisser partir les moines de Scythie
avant le retour des légats , disant que ces
moines l'avaient assuré par serment qu'il y
avait du danger pourtour vie de retourner à
Constantinople. C'est ce qu'il écrivit par deux
fois au comte Justinien, en lui témoignant
qu€ sans cela il aurait renvoyé ces moines
sur-le-champ. Comme ils accusaient le diacre
Victor d'erreur dans la foi, Hormisdas de-
mande dans la seconde lettre au comte que
l'empereur envoie Victor à Rome, et tous
ceux qui faisaient des questions dangereuses.
Il écrivit toutefois à ses légats ' qu'il avait
trouvé bon de déléguer cette cause à l'évè-
que de Constantinople, afin qu'il entendît les
parties. Dioscore, l'un des légats, répondit au
pape que la protestation de ces moines était
vaine ; qu'il ne savait qui étaient ceux qu'ils
nommaient hérétiques, sinon ceux qui rece-
1 Pag. 1515.
2 Filias vesler Justinianus res convenientes fidei
suœ faciens, busilioam sanctorum aposlolorum in qua
desiderat et bcati Laurentii reliqmas esse, constUuit,
sperat per parvitalem nostram ut prœdictorum sanc-
torum reiiquias celeriter concedulis. Habuit quidem
petitio pradicli viii secundum mûrem Grœcorum , et
nos contra consuetudmem Sedis apostolicœ exposui-
mus. Accepit rationem... unde si et beatitudini veslrœ
videretur, sunctuaria beatorum apostolorum Pétri et
Puuli secundum morem ei largiri prœcipiie ; et si
fieri polest ad secundam cataractam ipsa sanctuaria
depnnere, vestrum est deliberare. Petit et de catenis
sanctorum apostolorum, si possibile est, et de craticula
beati Laurentii marlyris... hic voluerunt capsellas ar-
genteas faccre et dirigere ; sed postea cogitaverunt :
ut et hoc quoque a vestra Sede pro benedictione susci-
piat. Tom. IV Concil., pag. 1515.
3 Duo pallia serica ad ornamentum altaris aposto-
lorum sanctorum direximus. Ibid., jjag. 1516.
* Pag. 1517.— » Ibid.
6 Beatissimorum apostolorum Pétri et Pauli sanc-
tuaria sicut religiosissime quœsitis affectu, per harum
portitorem sub omni veneratione transmisimus. Ibid.,
pag. 1518.
' Pag. 1519,
628
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
vaient le concile de Chalcédoine, et qui
étaient de vrais catlioliqnes. Il prend de là
occasion de raconter au pape ce qui s'était
passé à Constantinople entre les moines
de Scythie et le diacre Victor. Cela se réduit
à dire que l'évêque de Constantinople ayant
dit dans une assemblée oîi l'on voulait accor-
der les parties, que quiconque reçoit les dé-
crets du concile de Chalcédoine peut être re-
connu pour catholique , Victor déclara qu'il
les recevait et aussi les lettres de saint Léon
et les synodiques de saint Cyrille ; qu'il sous-
crirait cette déclaration et la confirmerait
par serment, sans rien enseigner ni recevoir
de contraire. Les moines scythes voulurent
que l'on ajoutât : « Un de la Trinité a été
crucifié, » ce qui déplut à l'assemblée. Il y
en eut une seconde où VitaUen et l'évêque
de Constantinople firent venir Victor. Le lé-
gat avoue qu'il ignore ce qui s'y passa, mais
qu'il sait que les moines scytlies traitent de
nestoriens tous ceux qui reçoivent le concile
de Chalcédoine, et qu'ils disent que ce con-
cile ne suffit pas contre Nestorius, si on ne
le reçoit avec leur explication. Il fait une dé-
claration de sa foi sur la Trinité et l'Incarna-
tion, où il donne à la sainte Vierge le titre
de Èlère de Dieu, reconnaissant que la divi-
nité et l'humanité ont été unies en une seule
personne dans le sein de la Vierge dès le
moment où l'ange la salua pleine de grâce. Il
parle de Maxence et d'Achille, qui étaient
allés à Rome, comme de gens peu connus
et qui ne savaient eux-mêmes qui ils étaient.
L'empei-eur Justin fit quelque temps après '
savoir au pape qu'on lui avait adressé plu-
sieurs requêtes sur les matières agitées alors;
qu'il les avait montrées au légat Dioscore,
qui n'en avait pas été content , et qu'il était
dans le dessein de les envoyer à Rome pour
apprendre du Saint-Siège ce qu'il fallait faire
pour terminer les disputes. Cette lettre est du
19 janvier 520 ^. Le même jour Jean de Cons-
tantinople écrivit au pape que la fête de Pâ-
ques de cette année 320, sur laquelle il était
en doute, se ferait le 13 des calendes de
mai, c'est-à-dire le 19 avril. Les légats lui
écrivirent la même chose, remarquant que
le calcul des Orientaux s'accordait pour cette
solennité avec celui de Rome ^. Ils marquè-
rent aussi au pape que Dorothée, évéque de
Thessalonique, avait été mené à Héraclée
par ordre de l'empereur, en attendant que son
affaire fût jugée ; et qu'ayant demandé qu'il
fût conduit à Rome avec le prêtre Aristide,
pour y être instruit de la doctrine catholique,
ce prince leur avait répondu qu'il n'était pas
raisonnable de les y envoyer, parce que leurs
accusateurs n'y étant pas, il leur serait plus
aisé de se retirer d'affaire ; que comme on
en était là, Dorothée avait été tout à coup
renvoyé d'Héraclée, sans qu'on sût comment.
L'évêque Jean et le prêtre Epiphane, qui
étaient restés à Thessalonique depuis que
Dorothée en était sorti, envoyèrent aux lé-
gats, à Constantinople *, un mémoire où ils
disaient qu'il y avait à craindre que Doro-
thée et les autres évêques sortis de Thessa-
lonique ne vinssent à bout, à force d'argent,
de se faire rétablir dans leurs sièges ; « car
ils en ont, disent-ils, emporté une si grande
quantité, qu'ils peuvent aveugler non pas les
hommes, mais les anges. Afin donc de dissi-
per leurs mauvais desseins, faites en sorte
que, s'il est nécessaire d'en venir à une au-
dience, nous y soyons tous présents, étant
en état de les convaincre d'hérésie devant le
sénat. )) Ils parlent dans le même mémoire du
baptême conféré par Dorothée après la fête
de Pâques ^, comme d'une action irrégu-
lière, et ils lui reprochent encore d'avoir fait
distribuer au peuple l'eucharistie à pleines
corbeilles.
23. Jean, évêque de Constantinople, étant l»
mort après avoir rempli ce siège près de <i'bii
trois ans, le prêtre Epiphane, son syncelle, sni»-
fut choisi le 23 février 320, pour lui succé-
der. Le légat Dioscore en informa le pape
par une lettre datée du 7 avril, dans laquelle
il fait l'éloge de Jean, et donne de bonnes
espérances au sujet du gouvernement d'Epi-
phane, qui témoignait vouloir se conformer
en tout aux règles des pères, et cimenter la
paix et l'unité ^. Les évêques qui avaient as-
sisté à son ordination, firent aussi l'éloge de
l'un et de l'autre dans la lettre synodique
qu'ils écrivirent au pape ; ils y rendent grâ-
ces à Dieu du rétablissement de la paix dont
ils se reconnaissent redevables à Dieu, à l'in-
tercession de la sainte Vierge, aux soins
1 Pag. 1520. — 2 Pag. 1521.
3 Pag. 1522.— * Pag. 1522.
s Tune valut ad ailerurn Pascha tantos baptizave-
runt, ut CMisuetam feslivitaiem sujierareut... .si liœre-
tici non sunt quomodo tanta sacvamenta conftcenint,
ut canistra plena omnibus erogarent ne imminente, si'
eut dicebant , perseeutione communicare non passent.
Ibid., pag. 1523.
6 Pag. 1524.
[w SIÈCLE.] CHAPITRE XLVIII. —
d'Hormisdas, et à la piété de Tempereur et de
rimpératrice. Théophile, métropolitain d'Hé-
raclée, souscrivit le premier à cette lettre,
qui est sans date. Le pape ayant appris l'or-
dination d'Epiphane ', se plaignit à lui de ce
qu'il négligeait de lui en écrire et de lui en-
voyer des députés selon la coutume. Il lui
témoigna en même temps qu'il n'exigeait de
lui cette députation, qu'afin de lui donner à
son tour des marques de son affection et de
sa joie de le voir élevé sur le trône épisco-
pal de Constantinople, et de le remercier du
zèle qu'il faisait paraître pour le maintien de
l'unité, et pour y ramener ceux qui ne l'a-
vaient pas encore embrassée, ainsi qu'il l'a-
vait appris par ses légats. Epiphane écrivit
au pape pour lui faire part de son élection ^,
disant qu'elle avait été faite par le choix de
l'empereur et de l'impératrice, du consen-
tement des évêques, des moines et du peu-
ple. Il pi'ie Hormisdas de regarder sa lettre
comme un témoignage du désir qu'il avait
d'être uni au Saint-Siège et de suivre la foi
et la doctrine que ce Siège avait reçue des
saints disciples et apôtres, nommément de
saint Pierre, dans laquelle il avait lui-même
été élevé dès son enfance, et qu'il avait en-
suite enseignée à ceux qui se présentaient
pour recevoir le baptême, dans le temps
qu'il était chargé de leur instruction. Des-
cendant dans le détail, il déclare qu'il adore
et qu'il prêche la foi contenue dans le sym-
bole de Nicée et dans les décrets des conci-
les de Constanlinople, d'Ephèse et de Chal-
cédoine ; qu'il embrasse la communion de
tous ceux qui reçoivent ces conciles ; qu'il
rejette comme indignes de l'assemblée des
orthodoxes, ceux qui tiennent une doctrine
contraire ; qu'il reçoit les lettres que saint
Léon a écrites pour la défense de la foi , et
qu'il ne permet point de réciter dans la célé-
bration des mystères les noms de ceux que
le Saint-Siège a condamnés et défendu de
nommer dans les diptyques. Il prend à té-
moin de toutes ces choses, les légats Ger-
main, Jean, Dioscore et Blandus. Sa lettre
fut reçue à Rome le 17 septembre 520. Il en
écrivit une seconde ^, qui y fut reçue le 30
novembre de la même année. 11 l'accompa-
HORMISDAS, PAPE. 629
gna d'un calice d'or entouré de pierres pré-
cieuses, avec une patène de même métal '',
d'un autre calice d'argent et de deux voiles
de soie, dont il lit présent à l'Eglise de Rome.
Il assure le pape du zèle de l'empereur et de
l'impératrice pour la conservation de la réu-
nion, de la paix de l'Eglise de Constantinople,
et de l'usage où l'on persévérait de ne point
réciter dans les diptyques les noms de ceux
que le Siège apostolique regardait comme pro-
fanes. Il ajoute que le nombre des prêtres et
des peuples qui se réunissaient, allait en aug-
mentant ; qu'il y avait néanmoins plusieurs
Eglises attachées à conserver dans leurs dip-
tyques les noms de leurs anciens évêques ;
qu'il l'exhortait à n'en point exiger la sup-
pression avec trop do rigueur, et qu'il se re-
mettait à ce que lui en diraient ses trois dé-
putés, Jean, évêque de Claudiopolis en Isau-
rie ; le prêtre Héraclien, son syncelle, et le
diacre Constantin.
Outre les deux lettres d'Epiphane, ces dé-
putés portèrent à Rome celle des évêques
qui l'avaient ordonné patriarche de Constan-
tinople^. Il paraît qu'ils portèrent aussi celle
du comte Justinien, dans laquelle il mandait
au pape que , par la suppression du nom
d'Acace, la paix et l'unité avaient été réta-
blies dans l'Eglise de Constantinople et dans
beaucoup d'autres; mais qu'une grande par-
tie des Orientaux ne pouvait se résoudre à
condamner les noms de leurs évêques morts
depuis Acace, et qu'ils étaient prêts, pour
les maintenir, à souffrir toutes sortes d'ex-
trémités. Il priait donc le pape d'avoir égard
au temps et de finir cette dispute, en con-
damnant les auteurs de l'erreur, sans parler
des autres, de peur qu'en voulant gagner les
âmes , on ne perdît les corps et les âmes
de plusieurs. Il lui citait l'exemple de ses
prédécesseurs, qui avaient dit qu'ils se con-
tenteraient de la condamnation d'Acace, de
Pierre Mongus, de Timothée Elure, de Dios-
core et de Pierre-le-Foulon. Le comte Justi-
nien avait pris d'abord parti contre les moines
de Scythie, apparemment par opposition à
Vitalien qui les protégeait et qu'il regardait
comme son compétiteur. Dans cette lettre il
semble favorable à leur proposition : « Un
1 Decuerat te legatos ad aposiolicam Sedem inter
ipsa fui pontifîcatus initia destinasse, ut et quem tibi
debeamus affectum bene cognosceres et veluslœ consue-
tudinis fùrmnm rite compleres. Pag. 1533.
' Pag. 1534. — 3 Pag. 1537.
* Sanctce et apostolicœ vestrœ Ecclesiœ, calicem au-
reum gemmis circumdatum, patenam auream et aliuni
calicem argenteum, vêla serica duo, deslinavimus,
quœ siimpere vestram beatudinem supplicamus. Pag.
1539.
5 Pag. 1536, 1541 et 1527.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
630
de la Trinité a été crucifié, » jusqu'à l'ap-
puyer de l'autorité de saint Augustin. Il s'en
remet toutefois à la décision du pape, qui
reçut vers le même temps une lettre de l'em-
pereur Justin, où ce prince lui faisait des re-
montrances sur l'attachement que certaines
Eglises dans le Pont, dans l'Asie,' et surtout
en Orient, avaient aux noms de leurs évê-
ques. «Le clergé et le peuple de ces Eglises,
dit l'empereur, ne peut être fléchi ni par rai-
sons, ni par menaces, pour abolir les noms
des évêques qui ont été en réputation chez
eux, et ils aiment mieux mourir que de les
condamner morts. Nous croyons qu'il faut
les traiter avec douceur, d'autant plus que
notre prédécesseur Anastase a déclaré qu'il
suffisait à ceux qui désiraient la paix, de sup-
primer le nom d'Acace '. »
Justin joignit à sa lettre une requête qui
lui avait été présentée par les clercs, les
abbés et les principaux laïques de Jérusa-
lem, d'Antioche et de la seconde Syrie, pour
le prier de procurer l'union entière des Egli-
ses. Ils y protestaient qu'ils ne s'étaient ja-
mais écartés de la doctrine qui leur avait
été transmise par les apôtres et dans les dé-
crets des quatre conciles; qu'ils avaient éga-
lement en horreur Eutychès et Nestorius, ainsi
que leurs sectateurs; qu'ils croyaient sur la
Trinité et sur l'Incarnation, ce qui en était
dit dans le symbole des pères et dans le con-
cile de Chalcédoine, reconnaissant que la
sainte Vierge est véritablement Mère de
Dieu, et qu'il y a en Jésus-Christ deux natu-
res parfaites unies en une seule personne,
sans mélange et sans confusion; en sorte
que depuis l'union, chaque nature conserve
toutes ses propriétés. Mais ils avancent qu'un
de la sainte Trinité s'est incarné ^ : et ce fut
apparemment à cause de cette proposition,
que leur requête déplut au légat Dioscore, à
qui l'empereur la montra avant de l'envoyer
à Rome. Les députés de ce prince et de l'é-
vêque Epiphane ne sortirent de cette ville
que vers la fin du mois de mars de l'an 521.
Ils rapportèrent deux lettres du pape pour
Epiphane : dans l'une, qui est datée du 25
mars, Hormisdas le congratule sur la canoni-
cité de son élection ^, et lui marque qu'il
avait reçu ses présents. L'autre, qui est du 26
du même mois, est une réponse à ce que cet
évêque lui avait écrit de l'attachement de
certaines Eglises aux noms de leurs évêques.
Nous l'avons en grec et en latin dans les ac-
tes du concile de Constantinople, sous Men-
nas *. Le pape, comptant sur la prudence et
l'expérience d'Epiphane, le charge de toute
cette atfaire, en lui prescrivant les moyens
de la finir. « Vous nous déclarei'ez, lui dit-ii,
par vos lettres, ceux qui vous seront unis de
communion, et par vous au Saint-Siège, y
insérant la teneur des libelles qu'ils auront
donnés. De cette manière Sévère, ses com-
plices et leurs semblables pourront être ab-
sous de leurs erreurs, et nous ne souffrirons
point la perte de ceux qui pourront être sau-
vés. Mais en procurant des remèdes aux ma-
lades qui souhaitent d'être guéris, usez d'au-
torité envers les autres; et usez tellement
d'humanité à l'égard de ceux qui se soumet-
tent, que vous rejetiez ceux qui demeurent
dans l'hérésie ou qui feignent d'être catho-
liques, et ne sont d'accord avec nous que de
paroles, n'étant pas expédient de relâcher la
rigueur des censures ecclésiastiques envers
ces sortes de gens-là. Pour ce qui est de ceux
de Jérusalem dont la profession de foi nous
a été envoyée, ils doivent s'en tenir à ce que
les pères ont défini, parlicnlièrement au
concile de Chalcédoine, qui n'a l'ien omis
d'utile. 1) Le pape fait voir par les décrets de
ce concile contre Nestorius et Eutychès ,
qu'on n'y a fait qu'établir dans un plus grand
jour les dogmes que l'on croyait duns les
siècles précédents; puis il ajoute, parlant
toujours de ceux de Jérusalem : « S'ils dési-
rent d'être unis de communion avec le Saint-
Siège, qu'ils nous envoient la profession de
foi qu'ils ont présentée à nos légats à Cons-
tantinople, ou qu'ils vous la donnent pour
nous la faire tenir. » Le même jour, 26 de
mars, il écrivit à l'empereur ^ qu'il appelle
l'Ezéchias de son siècle, qu'il fallait se don-
ner de garde de la subtihté de ceux qui ne
font les difficiles que pour donner atteinte à
ce qui est rétabli ; qu'au reste, il avait marqué
à Epiphane de recevoir ceux qu'il jugerait
dignes d'être reçus, suivant la formule qu'il
lui avait envoyée. Dans une autre lettre de
même date ^ le pape explique à ce prince
les mystères de la Trinité et de l'Incarnation,
pour répondre aux requêtes qui lui avaient
> Pag. 1542.
2 Unus ex sancta unius esscnlia Triniiatis incarna-
tus. Pag. 1543.
3 Pag. 1545. — * Ton). V ConciL, pag. 151.
5 Pas. 1550. — 6 Pag. 1552.
[VI' SIÈCLE.]
été envoyées. Il fait voir que ceux qui avan-
çaient cette proposition : « Un de la Trinité
s'est incarné, » attaquaient la Trinité en ne
voulant point reconnaître ce qui est propre
au Fils : et parce que ces deux mystères
étaient bien établis dans les décrets du con-
cile de Clialcédoine et dans les lettres de
saint Léon qui se trouvaient entre les mains
de tout le monde, il s'étend peu sur cette
matière, se contentant de marquer ce que
l'on en doit croire. « Nous adorons, dit-il *,
le Père, le Fils et le Saint-Esprit : Trinité in-
divisible à raison de sa substance, qui est
incompréhensible et ineffable : car, encore
que le nombre y ait lieu à cause des person-
nes, l'unité ne souffre point de division ni
de séparation de l'essence. Conservons donc
à la nature divine ce qui lui est propre, mais
gardons aussi à chaque personne ce qui lui
est particulier. Quelque grand et quelque
profond que soit ce mystère, il est néanmoins
connu qu'il est propre au Père d'engendrer
son Fils, au Fils de Dieu de naifre du Père
et d'être égal au Père, et au Saint-Esprit de
procéder du Père et du Fils, sous une même
substance de la divinité. C'est encore le pro-
pre du Fils d'avoir été fait chair dans les
derniers temps et d'avoir habité parmi nous,
les deux natures aj'ant été unies sans au-
cune confusion dans le sein de la sainte
Vierge Marie, Mère de Dieu; en sorte que le
Fils de Dieu, qui était avant tous les temps,
fut fait Fils de l'Homme. » Le pape fait voir
ensuite les propriétés de chaque nature en
Jésus-Christ. Comme homme, il a souffert,
il est mort, il a été enseveli; comme Dieu,
il est ressuscité et ressuscite les morts. 11
prouve la divinité de Jésus-Christ par la con-
fession qu'en fit saint Pierre et saint Tho-
mas, après avoir vérifié par lui-même sa ré-
surrection, dont il avait douté auparavant. Il
remarque que Dieu permit ce doute dans un
de ses disciples, afin que la preuve qu'il eut
ensuite de la vérité, fût une instruction pour
la postérité. La réponse qu'Hormisda ^ fit
CHAPITRE XLVIII. — HORMISDAS , PAPE.
631
aux évêques qui avaient ordonné Epiphane,
est un compliment de congratulation sur leur
bon choix.
26. Elle, patriarche de Jérusalem, avait ^^Js'^p'Tô'e.
été chassé de son siège par l'empereur |ts'iégats'',''p^
Anastase, pour avoir refusé la communion ^'''
de Sévère, faux patriarche d'Antioche, et
l'on avait mis en sa place Jean, fils de Mar-
cien, qui avait promis d'embrasser la com-
munion de Sévère. Le pape s'était souvent
intéressé pour le rétablissement d'Elie et des
deux autres évêques, Thomas et Nicostrate.
Le comte Justinien lui écrivit, le 7 juin de
l'an 520, que la circonstance des temps ne
permettait point que l'on pressât le retour
d'Elie à Jérusalem, et qu'il fallait attendre la
mort de celui qu'on lui avait substitué; qu'à
l'égard de Thomas et de Nicostrate, ils se-
raient rétablis après que les autres Eglises
seraient réunies. Les quatre lettres suivan-
tes de Justin, d'Euphémie, de Celer et de
Julienne, font honneur au pape et à ses lé-
gats, des soins qu'ils se sont donnés pour le
rétablissement de la paix et la réunion des
Eglises. Les deux du pape à ses légats, sont
pour savoir des nouvelles de leur sanié et
les presser de lui marquer la cause de leur
silence, et ce qui se passait en Orient tou-
chant la foi et la réunion.
27. L'écrit de Fauste de Riez sur la grâce, J-»»™ »
" ' Pûssisaor, p.
ayant ete porté à Constantinople, y excita de '»="■
grandes disputes. Maxence et les moines de
Scythie qui étaient de retour, le combatti-
rent fortement; mais il trouva aussi des dé-
fenseurs dans cette ville. Possessor, évêque
d'Afrique, qui était alors à Constantinople,
fut consulté là-dessus : il se contenta de ré.
poudre que les écrits des évêques ne de-
vaient pas avoir force de loi comme les écri-
tures canoniques ou les décrets des conciles;
mais qu'on devait les estimer ce qu'ils va-
laient, sans préjudice de la foi. Sa réponse
n'ayant satisfait personne, il consulta lui-
même le pape Hormisdas , disant ^ que quand
il s'agissait de la santé des membres, il fal-
' Adoremus Patrem et FHium et Spiritum Sanclum,
indivisam distincte incomprehensibilem et inenarrabi-
lem subsiantiam Triniiatis ; uhi etsi admittit numerum
ratio personarum, unitas tamen non admittit essentiœ
sepaiationem ; ita tamen ut servemus divinœ propria
naturœ, servemus propria unicuique perscnœ... Ma-
gnum est sanclœ et incomprehensibile mysterium Tri-
nitatis, Deus Paler, Deus Filius, Deus Spiritus Sanctus,
tamen notum est, quia proprium est Patris et generare
Filium; proprium Filii Dei , ut ex Pâtre Patrinasce-
reiur cequaiis ; proprium Spiritus Sancti ut de Paire
et Filio procederet sub una substantia deitatis. Pro-
prium quoque Filii, ut j'uxta id quod scriptum est, in
novissimis temporibus Verbum caro fieret et habitarel
in nobis. [ta inira viscera sanctœ Mariœ Virginis ge-
nitricis Dei unitis sine aliqua confusione naturis , ut-
qui ante tempora erat Filius Dei, fieret Filius hominis.
Pag. 1553.
2 Pag. 1544.
' Decet et expedit ad capitis reeurrere medicamen-
lum, quoties agitur de sanitate membrorum. Posaess.,
Epist. ad Hormisd., tom. IV Concil,, pag. 1529.
632
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
lait recourir au chef. Il le pria donc, par une
lettre qu'il lui envoya par le diacre Justin , de
déclarer par l'autorité du Siège apostolique,
ce qu'il pensait des écrits de cet auteur. Il
ajouta que Vitalien, maître de la milice, et
le comte Justinien désiraient aussi d'être
instruits par sa réponse : car les premiers
de la cour avaient pris part aux disputes sur
la grâce. La lettre de Possessor fut rendue à
Rome le 18 juillet 520. Le pape y répondit
le 13 août suivant. Avant que de s'expliquer
sur le livre de Fauste de Riez, il parle des
moines de Scythie qui étaient demeurés
plus d'un an à Rome. Il les traite de faux
rnoines, qui, sous prétexte de religion, ne
cherchaient qu'à satisfaire leur haine parti-
culière; de gens accoutumés aux disputes,
trop amateurs des nouveautés et trop atta-
chés à leurs opinions; qui ne comptaient
point pour catholiques ceux qui suivaient la
tradition des pères; accoutumés à calomnier,
à médire et à exciter des séditions. « Nous
n'avons pu, dit-il, les retenir, ni par les aver-
tissements, ni par la douceur, ni'par l'auto-
rité. Ils se sont présentés jusque dans l'as-
semblée du peuple, criant auprès des statues
des empereurs; et si le peuple fidèle ne leur
eût résisté, ils y auraient excité de la divi-
sion. Mais, avec l'aide de Dieu, il les a chas-
sés. )) Il leur applique ce que saint Paul dit
dans la seconde épîlre à Timothée, de ces
hommes amoureux d'eux-mêmes qui n'ont
que les dehors de la piété sans la pratiquer
véritablement; et il ajoute : «Nous vous écri-
vons ceci par occasion, de peur que, de re-
tour à Gonstantinople, ils ne trompent ceux
qui ne savent pas comment ils se sont con-
duits à Rome. Quant à ceux qui vous ont
consulté sur les écrits d'im certain Fauste,
évêque gaulois, nous leur répondons que
nous ne le recevons point, et qu'aucun de ceux
que l'Eglise catholique ne reçoit point entre
les pères, ne peut causer de l'ambiguité dans
la discipline, ni porter préjudice à la reli-
gion. Les pères ont déterminé ce que les fi-
dèles doivent croire. Tout ce qui s'accorde
avec la vraie foi doit être reçu; et on doit re-
jeter tout ce qui y est contraire, soit que cela
se trouve dans des discours à l'édification du
peuple, soit dans tout autre écrit. » Le pape
ne blâme point ceux qui hsent des livres où
il y a quelque chose à reprendre, mais ceux
qui en suivent les erreurs ' , n'étant point
défendu de connaître ce que l'on doit éviter,
autrement le Docteur des nations n'aurait
pas dit aux fidèles : Eprouvez tout, et approu-
vez ce qui est bon. « Pour ce qui est de la doc-
trine de l'Eglise romaine touchant le libre
arbitre ^ et la grâce de Dieu, quoiqu'on la
puisse voir en divers écrits de saint Augustin,
et surtout dans ceux qu'il a adressés à Hi-
laire et à Prosper, il y a néanmoins des ar-
ticles exprès dans les archives de l'Eglise,
que je vous enverrai , si vous ne les avez pas
et si vous les croyez nécessaires. Mais, en
examinant avec soin la doctrine de saint Paul
sur ces articles, il est aisé de savoir à quoi
l'on doit s'en tenir. » Le pape ne dit rien
d'un commentaire sur les Epîtres de saint
Paul, que Possessor lui avait envoyé; peut-
être ne l'avait-il pas reçu, car il paraît que
cet évêque l'avait déjà envoyé à Rome lors-
qu'il écrivit la lettre dont nous venons de
parler.
28. Dorothée, obligé par l'empereur d'en-
voyer à Rome des députés au nom de l'Eglise
de Thessalonique, pour faire satisfaction au
pape, lui écrivit une lettre très-flatteuse, où,
sans répondre aux accusations formées con-
tre lui, il soutient qu'il a exposé sa vie pour
l'évêque Jean, et que ce fait a été constaté
par des informations faites en son absence.
L'évêque Jean était un des légats du Saint-
Siège. Etant allé à Thessalonique pour tra-
vailler à la réunion, le peuple se jeta sur lui
et le blessa. Dorothée était accusé d'avoir
excité le peuple à cette occasion, et c'est sur
quoi il devait se justifier. Le pape, dans sa
réponse datée du 29 octobre 520, lui dit qu'il
n'était pas le seul qui eût ouï parler de l'at-
tentat qu'il avait commis sur son légat; que
le crime était connu partout; que toutes les
Lellre
r o t liée
nique.p
el lôlU.
1 JVec vitio daripotest nosse gtiod fugias, atque ideo
non legenies incongma in culpam veniunt, sed segmentes.
Quod se non Ua essef, nunqvam Bocior ille gentium ac-
quievisset nuntiare fidelibus:Omm&'pTobate, quod bo-
num est tenete. Hormisd., Epist. 70 ad Possessor.,
pag. 1532. [On suppose ici qu'il n'y a pas de défense
faite par l'Eglise de lire les livres suspects, ou qu'il n'y
a point de péril à les lire , quand ils ne sont pas dé-
fendus ; car, en cas de défense, il n'est point permis de
les lire sans autorisation , et on ne peut jamais les lire
quand il y a péril.] — ^ De arbitrio lamen libero et gra-
tia Dei, quidromana, hocest cathnlica.sequaturet as-
severet Ecclesin, licet in variis lihrisbcati Augusiini, el
maxime ad Hilarium et Prosperum possit cognosci, ta-
men in scriniis ecclesiasiicis expressa capitula conti-
nentur, quœ si iibi désuni, el necessaria creditis, des-
tinabimus; quanqiiam qui diligenter apostoli dicta con-
sidérai, guid sequi debeai evidenter cognoscet. Ibid.
[VI' SIÈCLE.]
CHAPITRE XLVUI. —
Eglises catholiques en gémissaienl; qu'il fal-
lait donc qu'il s'en justifiât, et qu'il n'en
avait pas d'autre moyen qu'en revenant ,
comme les autres, à l'unité de l'Eglise. Il ren-
voya l'examen de cette affaire à l'évêque de
Constantinople ', en le chargeant de la ter-
miner, si ceux de Thessalonique exécutaient
ce crue l'on demanderait d'eux.
LeUres a t^i t r r i,i.i
omisiias.p. 29, Paul, ordonne eveque d Antioche, en
T^ui"'! '''■ pl^ce de Sévère, que l'empereur avait
jM''d'e'''=es chassé de son siège, se rendit par sa con-
"ir<i^HwI duite odieux au clergé et au peuple. Sachant
'"""■^ donc qu'on pressait ce prince de permettre
que l'on informât contre lui, et craignant les
preuves juridiques, il donna sa requête, par
laquelle il demandait qu'il lui fût libre de
renoncer aux fonctions de l'épiscopat et de
se retirer en un lieu où il pût vivre en repos.
L'empereur et Epiphane, évéque de Cons-
tantinople, en écrivirent au pape Hormisdas,
pour avoir son avis là-dessus. Ils ne marquent
point en quoi consistaient les accusations
formées contre Paul : et Epiphane parle de
cet évéque comme d'un homme de probité,
k insinuant que ses accusations agissaient par
~ un esprit de parti, sans qu'il leur en eût
donné occasion par une conduite peu régu-
K lière. Les lettres de l'empereur et de l'évê-
K que de Constantinople sont du \ " mai 321 .
Wf Nous n'avons point les réponses du pape sur
cette atlaire. Paul mourut quelque temps
après, n'ayant tenu le siège d'Antioche qu'en-
viron deux ans.
Le pontificat d'Hormisdas fut de près de
neuf ans; il mourut le 6 août S23. On lui
attribue quatre décrets dont il n'est rien dit
dans les lettres que nous avons de lui. Le
premier porte ^ que l'on n'ordonnera pas
prêtre, celui qui aura été renfermé dans
un monastère pour y faire pénitence. Le se-
cond défend aux fidèles les mariages clan-
destins, et veut qu'ils se marient publique-
HORMISDAS, PAPE. 633
ment en recevant la bénédiction du prêtre.
11 est dit dans le troisième qu'un père ne
peut engager dans le mariage son fils mal-
gré lui, lorsqu'il est adulte; mais qu'il le
peut, lorsqu'il n'est pas adulte ; en sorte que
ce fils est obligé, étant parvenu à un âge
mûr, de tenir les engagements que son père
a contractés pour lui. Il est défendu dans le
quatrième, à un prêtre, sous peine de dégra-
dation, d'ériger un autel sans la permission
de l'évêque, dans une église consacrée; on
menace d'anathème le laïque qui contrevien-
dra à celte ordonnance. Il y a des manuscrits
qui donnent à Hormisdas le décret touchant
les livres sacrés et ceux qui sont apocryphes;
mais l'opinion commune et la plus autorisée
parmi les anciens, l'attribue au pape Gélase,
sous le nom duquel il est imprimé dans le
tome IV" des Conciles. C'est aussi sous son
nom qu'il est cité par le pape Nicolas I" ^
dans sa lettre quarante-deuxième à tous les
évêques des Gaules.
Leslettres d'Hormisdas ma rquentbeaucoup
de prudence, de politique et de fermeté. Mais
on y voit aussi qu'il savait plier quand la
cause de l'Eglise le demandait : et si elles se
ressentent de la barbarie de son siècle par
rapport au style et au langage, les pensées
n'en sont pas moins nobles ni moins solides.
[Les lettres et les décrets d'Hormisdas se trou-
vent dans les collections des conciles et dans
laPatrologie latine, tome LXIII, d'après Mansi,
qui les donne au tome VIII de son édition
des Conciles. On y lit aussi une notice par
Anastase ; des lettres au nombre de quatre-
vingt-une, parmi lesquelles se trouvent un
grand nombie de lettres des empereurs
Anastase et Justin, et la relation de plusieurs
conciles tenus contre les eutychéens. Vien-
nent ensuite les décrets d'après Gratien ; ils
sont suivis d'un appendice contenant trois
lettres apocryphes.]
1 Tom. V Concil., pag. 1555. _
î Pag. 1556. — s Pag. 12C0, 1261.
634
HISTOmE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CHAPITRE XLIX.
Jean Maxence et Trifolius. [Le premier a écrit originairement en latin;
ses écrits existent en grec. Le second a écrit en latin.]
[Vers 520.]
Jenn
MaxencGccrit
contre 1.1 let-
tre du pipe
Hormisflas, à
Pussessor,
i. Le pripe Hormisdas voyant l'opiniâtreté
des moines de Scytliie * à. soutenir leurs er-
reurs, les avait obligés à quitter Rome, après
un séjour de plus d'un an. Dans sa lettre à
Possessor, il les avai t dépeints comme de vrais
hypocrites qui n'avaient que le nom et l'ha-
bit de moines, comme des gens amateurs de
nouveautés , toujours prêts à calomnier et à
exciter des séditions. Jean Maxence , l'un
d'entre eux , composa divers écrits pour se
justifier et pour défendre ceux de son parti.
On les Iroave dans les Bibliothèques des Pères.
Le plus remarquable est celui qui est inti-
tulé : Réponse à la lettre d' Hormisdas . Maxence,
pour ne pas paraître écrire contre le pape
même , soutient que la lettre qui porte son
nom 2, et qui est adressée à Possessor, est
l'ouvrage de quelque ennemi des moines de
Scythie , n'y ayant aucune apparence d'at-
tribuer au pasteur de l'Eglise une lettre dont
la vérité et la saine doctrine sont bannies et
qui renferme des contrariétés évidentes. Il va
plus loin et dit hardiment que l'auteur de
cette lettre est hérétique; que le légat Dios-
core et l'évêque Possessor, à qui elle est
adressée, le sont aussi, parce qu'ils neveulent
pas admettre cette proposition : « Un de la
Trinité a souffert, » qui est reçue si unani-
mement dans toute l'Eglise catholique , que
si le pape défendait de l'avancer, étant pré-
sent à Constantinople . loin de le respecter
comme un évêque catholique , cette ville l'au-
rait en exécration comme un hérétique, parce
que quiconque ne confesse pas « qu'un delà
Trinité a souffert, » est infecté de l'erreur de
Nestorius. « Mais à Dieu ne plaise, ajoute-t-il,
que l'on accuse l'évêque de Rome d'être con-
traire à la vérité. Il a su que les moines de
Scythie enseignaient cette doctrine et de vive
voix et par écrit , et toutefois il les a tenus
dans sa communion pendant quatorze mois
qu'ils ont demeuré à Rome par ses ordres. Il
a fait plus : sachant que son légat Dioscore
soutenait l'erreur, il a fait prier l'empereur,
par le maître de la milice, de le faire jeter
dans la mer, s'il refusait de confesser que
Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui a souffert pour
nous dans la chair, est un de la sainte Tri-
nité. » Maxence prétend qu'il y avait de l'ar-
tifice de la part de ceux qui voulaient qu'on
ajoutât à celte proposition le nom de personne
et qu'on dit : « Une personne de la 'Trinité a
souffert. » — « Qui est, dit-il, assez insensé
pour dire que Paul est une personne des
apôtres, au lieu de dire qu'il est un des
apôtres?» Il se récrie coutre ce que l'auteur
de la lettre à Possessor dit des moines de
Scythie , qu'ils étaient amateurs des nou-
veautés et qu'ils se plaisaient à exciter des
séditions, et dit que si le pape ne leur voulut
point donner de réponse, c'est qu'il avait été
prévenu contre eux par son légat Dioscore,
et que, le voyant prêt à revenir, il avait cru
devoir lui épargner la confusion d'être publi-
quement convaincu d'hérésie par ces moines;
que ce fut là la raison pourquoi il envoya les
défenseurs de l'Eglise pour les chasser de
Rome avec violence , ce qui les obligea de
protester devant le peuple en des lieux pu-
blics, afin qu'on ne les accusât point de s'être
retirés secrètement. Il regarde comme su-
perflu ce que la lettre ajoutait touchant l'ou-
vrage de Fauste de Riez, dont il dit que Pos-
sessor était le principal défenseur. Il se plaint
de ce que l'on permettait à Rome la lecture
de cet écrit, et, pour montrer que Fauste
pensait sur la grâce contrairement à saint
Augustin , il oppose divers passages du livre
de Fauste à d'autres de ce saint docteur. C'est
ce qu'il y a de plus solide dans la lettre de
Maxence; car, pour les raisons qu'il allègue
de la supposition de celle d'Hormisdas à Pos-
sessor, elles n'ont aucune force. Cette lettre
se trouve dans les manuscrits avec les autres
1 Hormisd., Epist. 70, pag. 1530.
î Tom. IX Bibliotk. Patr., Lugd. 1677, pag. 539.
[vp SIÈCLE.] CHAPITRE XLIX. — JEAN MAXENCE ET TRIFOLIUS.
633
lettres de ce pape ; elle est de son style, et
ce qu'elle contient a une liaison toute natu-
relle avec les clioses qui se passèrent sous
son pontificat.
Reqiiéis Je 2. Un second écrit de Jean Maxence est la
ans lésais du reouete raisonnee que lui et les moines de
pape, p. 5ii4. -*■
Scytliie présentèrent aux légats du pape à
Constantinople. Elle tend à les décharger du
reproche qu'on leur faisait d'ajouter quelque
chose au symbole de la foi, parce qu'en effet
ils autorisaient la définition du concile de
Chalcédoine par divers passages des pères.
Us conviennent qu'il n'est point permis d'a-
jouter à la foi catholique, qui, étant parfaite
en tout, ne peut recevoir d'accroissement.
Mais ils prétendent qu'il n'est point défendu
de l'expliquer et de l'éclaircir par des termes
dont les saints pères se sont servis. Ils en don-
nent pour exemple saint Cyrille d'Alexandrie
et saint Léon : le premier a employé l'au-
torité des pères pour montrer l'équilé de la
sentence du concile d'Ephèse contre Nesto-
rius, et le second a été obligé, depuis le
concile de Chalcédoine, d'en défendre les
décrets en montrant , par une longue suite
de passages des anciens écrivains ecclésias-
tiques, que la foi établie à Chalcédoine était la
même que l'on avait toujours professée dans
l'Eglise. Ils ajoutent que ce n'est pas mettre
de nouveau en question ce qui a été décidé en
ce concile , quand on ne dit rien contre ses
décisions et qu'on ne fait que les appuyer,
et qu'étant eux-mêmes dans ce cas, on doit
les regarder comme les défenseurs et non pas
comme les ennemis du concile ; qu'en vain on
leur objecte qu'on ne doit point dire ce que
le concile n'a pas dit, puisqu'il est quelque-
fois nécessaire, pour plus grand éclaircisse-
ment, d'employer certains termes inusités
dans les divines Ecritures et dans les con-
ciles , tels que ceux de Trinité et de non en-
gendré. Cette requête est suivie de leur pro-
fession de foi sur les mystères de l'incarnation
et de la grâce ; ils soumettent ce qu'ils diront
sur ces matières à la censure des légats.
I Prorcss'on 3. Hs déclareut quc, sulvau t CH tout la fol dcs
IfaxMc'èi'do" saints pères , ils confessent un et môme Fils
Vîi'Lie.Vç! de Dieu , notre Seigneur Jésus -Christ , Diea
parfait et homme parfait , vrai Dieu et vrai
homme, composé d'une âme raisonnable et
■ d'un corps; consubstantiel au Père selon la
divinité, consubstantiel à nous selon l'huma-
nité, et en tout semblable à nous, excepté
le péché; qu'il est né du Père avant tous les
siècles, selon la divinité, et né pour nous,
dans les derniers temps , de la sainte Vierge
Marie, mère de Dieu selon l'humanité; qu'il
y a en Jésus -Christ un et même Fils unique
de Dieu , deux natures unies sans confusion,
indivisiblement et inséparablement en une
seule personne et une seule subsistance, cha-
que nature conservant ses propriétés. Us ap-
puient cette doctrine de deux passages : l'un
de saint Athanase , l'autre de saint Cyrille,
après quoi ils disent anathème à l'hérésie de
Nestorius et à tous ceux qui ne reconnaissent
pas en Jésus-Christ une union substantielle
qui consiste en ce que les deux natures, la
divine et l'humaine , sont unies dans lui en
une seule personne. Us ne rejettent point la
proposition qui dit : « Une nature du Verbe
incarné , » disant qu'elle ne signifie autre
chose sinon une substance ou personne dans
deux natures unies. Us condamnent en pas-
sant Théodore de Mopsueste, qu'ils mettent
au nombre des sectateurs de Nestorius. En-
suite ils tâchent de faire voir que l'on doit
dire « qu'un de la Trinité a souffert ; » sur
quoi ils rapportent quelques passages de
saint Augustin qui ne le prouvent point ; mais
ils en allèguent un de !a lettre de saint Pro-
cle de Constantinople aux Arméniens, qui
paraît assez formel '. Us confessent que la
sainte Vierge Marie est véritablement et pro-
prement mère de Dieu, parce que celui qui
est né d'elle est Dieu par nature, et que c'est
par lui que toutes choses ont été faites, et ils
adoptent ce que le pape saint Léon a dit du
mystère de l'incarnation dans sa lettre àFra-
vita ; puis, passant à l'article de la grâce, ils
font profession de croire qu'Adam a été créé
homme parfait; qu'il n'était ni mortel ni im-
mortel, mais capable de devenir l'un ou l'au-
tre; qu'il avait dans la faculté de son libre
arbitre de vouloir et de pouvoir tout, c'est-à-
dire le bien ou le mal , mais qu'étant tombé
volontairement dansle péché, quoique tnmipé
par la ruse du serpent , il avait perdu la vie
de l'âme de même que celle du corps, et que
son péché, avec sa peine, était passé dans
tout le genre humain; que c'est pour effacer
ce péché, et en général tous les péchés, que
' Quœro : unûs ex Triniiate est qui cruxifixus est,
an alius alir/uis extra Trinilatem? et si guidem unus,
solutum est jurgium. Si autem alius aliquis prœter
Trinilatem quartus est, sine dubio Dominus gloriœ, et
ab illa glorificatione qua Seraphim glorificant,existit
eviraneus. Pag. 535.
636
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Capitules
oa analliqtna-
tismes des
moines tl c
Scylbie, png.
Ë39.
l'on baptise les enfants, et non pas seulement
pour les rendre enfants adoptifs de Dieu et
dignes du royaume des cieux , comme l'en-
seignent les disciples de Pelage et de Céles-
tius, ou de Théodore de Mopsueste, qui disent
que le péché naturel et originel sont une
même chose; que nul, depuis Adam jusqu'à
nous , n'a été sauvé par les forces seules de
la nature, mais seulement parle don du Saint-
Esprit et par la foi en Jésus-Christ, n'y ayant
point d'autre nom sous le ciel par qui nous
puissions être sauvés; que, depuis le péché
d'Adam , le libre arbitre n'a de lui-même
d'autre pouvoir que celui de choisir entre les
biens et les désirs charnels, et qu'il ne peut
ni désirer ni rien faire pour les biens éternels,
ni même y penser, que par l'opération du
Saint-Esprit; qu'en conséquence ils disent
anathème à ceux qui enseignent que le pé-
ché est naturel ou qu'il est une substance, et
qu'ils ont en horreur ceux qui, contre la pa-
role de l'apôtre, osent dire que c'est à nous à
vouloir et à Dieu à parfaire, le même docteur
assurant que le vouloir et le parfaire sont un
don de Dieu.
4. Quoiqu'il n'y eût rien dans cette expo-
sition de foi qui ne fût catholique ou du moins
qu'on ne pût expliquer en un sens catholique,
les légats , qui ne voulaient point se charger
d'autres afifaires que de celles de leur léga-
tion, ne répondirent point favorablement. Ils
consentirent néanmoins à se trouver à une
assemblée qui se tint chez Jean, patriarche
de Constantinople, où se trouvèrent aussi les
moines de Scythie; mais, quelque instance
que ceux-cileur fissent de permettre que l'on
ajoutât à la décision de Chalcédoine : « Un
de la Trinité a souffert, » ils ne le voulurent
point, disant qu'ils ne pouvaient ajouter ce
qui n'était point défini dans les quatre con-
dles et dans les lettres de saint Léon. Ces
moines, n'ayant pas trouvé à Rome le pape
Hormisdas plus porté à confirmer leur pro-
position, sortirent secrètement de cette ville,
après y avoir alfiché un placard qui conte-
nait douze anathématismes contre les nesto-
riens. Ils y renferment en substance la doc-
trine contenue dans la profession de foi qu'ils
avaient présentée aux légats avant de partir
pour Rome; seulement, dans le douzième
anathématisme , après avoir condamné en
tout sens la doctrine de Pelage, de Céleslius
et de leurs sectateurs, ils ajoutent qu'ils re-
çoivent tout ce qui a été fait contre eux en
divers conciles , et tous les écrits des papes
Innocent, Boniface, Zosime, Célestin, Léon,
comme aussi ceux d'Attique de Constanti-
nople, de saint Augustin etdes autres évêques
d'Afrique, contre l'hérésie pélagienne.
5 . Jean Maxence composa une seconde pro-
fession de foi, où il ne s'explique que sur la
Trinité et l'Incarnation, et toujours dans le
dessein d'établir sa proposition : « Un de la
Trinité a souffert. «Il joignit à cette profession
de foi une explication fort courte de la ma-
nière dont les deux natures sont unies dans
la personne de Jésus-Christ, disant que le
Fils de Dieu ne s'est pas uni à un corps déjà
formé dans le sein de la Vierge, mais qu'il se
l'est formé lui-même de la propre substance
de Marie ; en sorte que son union avec la
chair est naturelle, lui ayant été uni dès le
moment même qu'il l'a formé.
6. Ce fut après avoir publié ces deux pro-
fessions de foi, que Jean Maxence écrivit
contre le- acéphales, qui enseignaient qu'il
n'y avait qu'une nature en Jésus-Christ après
l'union. Leur grand argument était : « La
nature n'est point sans la personne. Il n'y a
qu'une personne en Ji.'eus-Christ après l'u-
nion. Il n'y a donc qu'une seule nature après
l'union. » Maxence leur demande si l'union
s'est faite delà nature humaineavec la divine,
ou non? Si elle ne s'est pas faite, à quoi bon
parler d'union ? Si elle s'est faite, les deux
natures subsistent donc depuis leur union :
que si l'on dit qu'après l'union, la divinité
seule demeure en Jésus-Christ, ilfaut donc dire
aussi que la divinité n'est plus une nature
simple, mais composée et passible. Car tout
ce qui subsiste par l'union de plusieurs, est
composé et non pas simple. D'ailleurs, s'il
n'y a point de nature sans personne, à plus
forte raison n'y a-t-il point de personne sans
nature : et dès lors il faut admettre trois na-
tures en Dieu, puisqu'il y a trois personnes.
Il faudra encore que les acéphales avouent
qu'avant l'union il y avait deux personnes en
Jésus-Christ, puisqu'il y avait deux natures, et
que, selon eux, la nature ne peut être sans
la personne : ce qui revient à l'hérésie de
Nestorius, qu'ils ne laissent pas de condam-
ner. Enfin ils doivent dire de ces deux cho-
ses l'une, ou qu'après l'union du Verbe et
de la chair, il y a en Jésus-Christ deux na-
tures, ou qu'elles n'y sont pas. S'ils nient
que la nature du Verbe soit en Jésus- Christ,
ils tombent dans le judaïsme, qui le regarde
comme un pur homme ; s'ils disent, au con-
traire, qu'il n'y a en lui que la divinité, ils
[VI' SIÈCLE.] CHAPITRE XLIX. — JEAN MAXENCE ET TRIFOLIUS.
637
Letire des
moines d ii
Seytbie nox
évoques reié-
goés eo Sar-
ani^ae.
Nous avons encore un autre ouvrage de
donnent dans le manichéisme, qui nie la vé-
rité de la chair dans Jésus -Christ. S'ils
avouent que le Verbe et la chair sont en Jé-
sus-Christ, ils reconnaissent donc en lui deux
natures différentes, puisque les uoms de
verbe et de chair ne signifient pas une même
chose. Comme les acéphales pouvaient ob-
jecter que de même que la nature humaine,
quoique composée d'une âme et d'un corps,
n'est qu'une nature, de même la nature de
Jésus-Christ est une, quoique composée de
la divinité et de l'humanité. Maxence répond
que si, par la nature de Jésus-Christ, ils en-
tendent la nature du Verbe incarné, ils sont
par là nécessités d'admettre deux natures en
Jésus-Christ, même après l'union, l'une du
Verbe qui s'est incarné, l'autre de la chair à
laquelle elle s'est unie.
7
Jean Maxence, écrit en forme de dialogue et
divisé en deux livres, adressés l'un et l'autre
à Théophile. Dans le premier, il combat les
nestoriens, dont l'hérésie, quoique souvent
condamnée par l'Eglise, commençait à se
répandre de nouveau, soutenue de certains
raisonnements subtils, dont la fausseté ne se
laissait apercevoir qu'aux plus instruits. Les
nestoriens consentaient que l'on donnât à la
sainte Vierge le titre de Mère de Dieu, parce
que, disaient-ils, elle a engendré un homme
uni à Dieu. Maxence soutient que ce n'est
pas en ce sens qu'elle est Mère de Dieu, mais
parce que Dieu le Verbe fait homme est né
d'elle et de sa propre substance. Ce principe
posé, il répond aisément à toutes les objec-
tions de ces hérétiques. Dans le second dia-
logue, il combat ceux qui ne voulaient point
qu'on pût dire : « Un de la Trinité a souf-
fert. 1) 11 presse vivement sur la nécessité de
recevoir cette proposition, si l'on veut par-
venir à détruire entièrement les hérésies de
Nestorius et d'Eutychès.
8. 11 faut encore attribuer à Jean Maxence
la lettre aux évêques relégués en Sardaigne'.
Elle porte en tête le nom de Pierre, diacre,
et de ses confrères envoyés d'Orient à Rome
pour les questions de la foi, et est souscrite
de quatre : Pierre, diacre; Jean et Léonce,
moines, et Jean, lecteur. Voyant que le pape
n'était nullement disposé à confirmer leur
proposition : « Un de la Trinité a souffert, »
ils essayèrent de la faire approuver par les
évêques exilés en Sardaigne ; par Trasamond
roi des Vandales. Cette lettre, qu'on met vers
l'an 521, est divisée en deux parties. Dans la
première, les moines de Scythie exposent
leur foi sur l'Incarnation, et dans la seconde
leur sentiment sur la grâce. Ils demandent
sur l'un ei sur l'autre de ces articles, l'avis
de ces évêques, afin de confirmer par leur
approbation les catholiques d'Orient, et de
fermer la bouche à ceux qui les accusaient
d'erreur dans la doctrine. Sur l'Incarnation
ils enseignent, conformément à la tradition
des pères, qu'il y a en Jésus-Christ deux na-
tures unies en une seule personne ou subsis-
tance, sans confusion et sans mélange, reje-
tant l'opinion de ceux qui, faisant profession
de croire une nature du Verbe incarné, re-
fusent de se soumettre aux décisions du con-
cile de Clialcédoine ; ou qui, admettant deux
natures, ne veulent pas confesser une nature
du Verbe incarné, dans la croyance que
cela est conlraire à la doctrine des deux na.
tures. Ils ajoutent que la sainte Vierge est
Mère de Dieu, parce qu'elle a véritablement
et réellement enfanté le Verbe de Dieu fait
chair, et uni essentiellement et naturelle-
ment à la chair ; que cette union est essen-
tielle et naturelle, et que la personne de Jé-
sus-Christ est composée des deux natures, de
la divinité et de l'humanité, sans qu'il soit
arrivé aucun changement à ces natures ;
qu'ainsi la Trinité est demeurée Trinité ,
parce qu'encore que ce soit une personne de
la Trinité qui s'est incarnée, la chair n'est
pas pour cela devenue partie de la Trinité,
mais seulement la chair d'une personne de
la Trinité. D'où vient qu'on peut dire : « Un
de la Trinité a souffert » et a été crucifié en
sa chair, et non pas en sa divinité ; que c'est
Dieu qui s'est fait homme, et non pas l'homme
qui s'est fait Dieu. Ils confirment cette doc-
trine par plusieurs passages des Ecritures et
des pères, en déclarant qu'ils reçoivent les
quatre conciles généraux et les lettres de saint
Léon, et en outre qu'ils anathématisent tous
ceux qui enseignent des dogmes contraires
à la foi de l'EgHse, nommément les écrits de
Théodore de Mopsueste et de Nestorius, son
disciple; Eutychès, Dioscore, avec leurs sec-
tateurs, et généralement ceux que le Siège
apostolique a condamnés avec équité et dans
les règles. Ils suivent sur la grâce les princi-
pes de saint Augustin, en reconnaissant que
le premier homme a été créé bon sans
' Tom. oper. Fulgent., Epist. 16, pag. 277; [tome LXV de \s, Patrologie latine, col. 442.]
638
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCEESIASTIQUES.
aucune révolte de la chair, et avec une si
grande liberté, qu'il avait en son propre
pouvoir de faire le bien et le mal lorsqu'il
voulait : en sorte que la mort et l'immor-
talité étaient en quelque sorte entre ses
mains; que par sa chute dans le péché, il
a été condamné à mort par un juste juge-
ment de Dieu; qu'il a été changé en mal se-
lon le corps et l'âme; qu'il a perdu sa propre
liberté, et qu'il est devenu esclave du péché;
que depuis ce temps il n'est aucun homme
qui ne naisse lié par le lien de ce péché, ex-
cepté Jésus-Christ dont la naissance n'a rien
de com.mun avec celle des autres hommes.
Car que pouvait naître d'un esclave, sinon
un esclave, Adam n'ayant engendré que de-
puis qu'il fût devenu esclave du péché. Nul
n'est délivré de cette mort que par la grâce
du Rédempteur; sans elle nous ne pouvons
penser ni désirer aucun bien spirituel, dont
le premier et le fondement de tous les au-
tres est de croire en Jésus-Christ crucifié.
La grâce nous fait faire le bien non par une
nécessité de violence, mais par une douce
inspiration du Saint-Esprit. C'est donc en
vain que quelques-uns disent : « C'est à moi
de croire et à la grâce de Dieu de m'aider, »
puisque de croire et de donner son consen-
tement à la vérité, est un don de Dieu, ainsi
phiiipp.i.sD. "î^e l'apôtre le dit aux Philippiens. Qu'on
n'objecte point contre cette doctrine ce que
iTim.n.i. dit l6 même apôtre : Que Dieu veut sauver
tous les Aowjnes; qu'ainsi il ne tient qu'à nous
d'être sauvés. Si cela était de cette sorte, il
ne serait pas besoin de recourir aux juge-
ments impénétrables de Dieu pour expliquer
pourquoi l'un est appelé et tiré de la masse
de perdition, et l'autre ne l'est pas. Si Dieu
voulait efl'ectivement sauver tous les hom-
mes, il aurait dû faire dans Tyr et dans Sidon
les miracles qu'il faisait dans Corozaïn et dans
Bellisaïda, puisqu'il savait qu'en les faisant
dans ces deux premières villes, les habitants
se seraient convertis. Les jugements de Dieu
étant donc impénétrables à cet égard, il faut
les adorer, sans vouloir approfondir pourquoi
Dieu sauve les uns et laisse les autres dans
la masse de perdition, et s'écrier avec l'apô-
Rom 1 33 ^^® • 0 profondew des richesses de la sagesse et
de la science de Dieu/Nous devons dire avec le
même apôtre que les commencements des
bonnes pensées, le consentement que nous y
donnons et la volonté de faire le bien nous
viennent de Dieu, qui par l'infusion et l'opé-
ration intérieure du Saint-Esprit, corrige nos
mauvaises volontés et rompt les liens qui les
tenaient attachées aux choses de la terre ;
ainsi qu'il est écrit : C'est le Seigneur qui pré-
pare la volonté. Ils appuient cette doctrine sur
une oraison composée des paroles de saint
Basile, que l'on récitait à l'autel dans presque
toutes les Eglises d'Orient, et sur des passa-
ges tirés des lettres de saint Innocent, de
saint Célestin et des conciles d'Afrique ; après
quoi ils disent analhème à Pelage, à Céles-
tius , à Julien d'Eclane et aux écrits de
Fauste de Riez, comme contenant sur la
prédestination et sur la grâce une doctiine
contraire à celle de tous ces pères et même
de l'apôtre. Il est visible que cette lettre a été
écrite originairement en latin; et il en est de
même de tous les ouvrages que nous avons
de 'Jean Maxence ; ce qui prouve qu'il était
né en Occident, ou du moins qu'il y avait été
élevé avec beaucoup de soin, car son style
est assez pur. Il avait l'esprit vif et ardent :
quoiqu'il se donnât le nom d'abbé, il ne put
jamais persuader à ses adversaires qu'il le
fût en effet : et on ne voit pas qu'il se soit
mis en état de les détromper, en leur nom-
mant quelque monastère dont il eût le gou-
vernement. Les évêques d'Afrique relégués
en Sardaigne, confirmèrent, dans leur ré-
ponse, ce que les moines de Scythie avaient
écrit touchant l'Incarnation et la grâce ; mais
au lieu d'adopter leur proposition : « Un de
la Trinité a souffert, » ils substituèrent celle-
ci : « Une personne de la Trinité a été cru-
cifiée ' . » [Les écrits de Maxence sont au tome
LXXXVI de la Patrologie grecque, col. 74-168,
avec plusieurs notices sur cet auteur.]
9. Pendant que ces moines étaient à Rome TriWms:
et qu'ils s'eû'orçaient d'y faire confirmer leur f^ç'^e"'™:
proposition 2, un sénateur, nommé Fauste, ='«'''=?"''''•
consulta le prêtre Trifolius sur ce que l'on
devait penser de leur doctrine ^. Trifolius,
qui n'est point connu d'aiUeurs, répondit que
la doctrine renfermée dans cette proposition :
« Un de la Trinité a été crucifié,» descendait
originairement de l'hérésie d'Arius, et qu'elle
convenait à toutes les hérésies, conseillant à
Fauste de ne recevoir aucune expression qui
1 Fulgent., Epist, 17, pâg. 266,
e Tom. IV Concil., pag. 1590.
B Celte lettre se trouve au tome LXIÎI de la Pa-
tfologie latine, avec une notice par Cave et lea ob-
servations de Pagi. [L'éditeur.)
[VI" SIÈCLE.]
n'eût été employée dans les définitions de
foi des quatre conciles généraux, ou dans les
écrits des saints pères approuvés par ces
quatre conciles, comme la lettre de saint
Athanase à Epictète, les lettres de saint Cy-
rille, de Jean d'Anlioche et celles de saint
Léon, pour faire voir en qaoi l'on ne doit
point dire avec les moines de Scythie : « Un
de la Trinité a souffert. » Il en donne pour
raison que Dieu le Père, le Fils et le Saint-
Esprit n'étant pas trois, mais un seul Dieu en
trois personnes, lorsqu'on dit : « Un de la Tri-
nité,» il semble qu'on dise un des trois dieux.
11 convient que Carose et Dorothée avancè-
rent dans le concile de Chalcédoine une pro-
position semblable à celle des moines de
Scythie; mais il soutient qu'elle fut rejetée
CHAPITRE L. — SAINT JACQUES, KVÊQUR.
639
comme renfermant l'hérésie d'Eulychès. A
l'égard de la lettre de saint Procle de Cons-
tantinople, où cette proposition se lisait, il
dit que les hérétiques ayant corrompu celles
de faint Atiianase, de saint Cyrille et de saint
Léon, il n'est point surprenant qu'ils aient
aussi corrompu celle de cet évêque. A quoi
il ajoute que c'est l'usage des hérétiques,
d'altérer les écrits des pères, pour s'appuyer
de leur autorité. Ce qu'il prouve par des té-
moignages de saint Cyrille et de saint Léon.
Entin il dit que le Siège apostolique n'a ja-
mais permis d'ajouter une seule syllabe à la
définition de foi de Chalcédoine, ni d'en rien
retrancher. Parlant du Saint-Esprit, il en-
seigne qu'il procède du Père et du Fils, et
non de la Trinité '.
CHAPITRE L.
Saint Jacques, évêque de Batna en Mésopotamie, [en 521]; [Jean,
évêque de Téla en Mésopotamie, au commencement du VI^ siècle.]
1. La réputationquesaint Jacques s'acquit
par sa doctrine et par sa piété, lui a mérité
chez les Syriens, tant orthodoxes qu'héréti-
ques, les honneurs que l'on rend aux saints.
Les maronites en font la fête le 5 avril et les
jacobites le 29 octobre. Ils en font aussi une
mention particulière dans la célébration des
mystères, le qualifiant, avec saint Ephrem,
de bouche éloquente et de colonne de leur
sainte Eglise - : car on ne peut entendre ces
paroles de saint Jacques de Nisibe, précep-
teur de saint Ephrem, puisqu'il n'a rien écrit
ou que très-peu de choses, et que dans cet
endroit de la liturgie, il est question de ceux
qui ont illustré l'Eglise de Syrie par leurs
écrits. Saint Jacques naquit dans un village
nommé Curtani, sur les bords de l'Euphrate ^,
de parents chrétiens, mais qui, après une
longue stérilité, Tobtinrent de Dieu par un
vœu qu'ils lui firent. Sa mère l'ayant mené,
à l'âge de trois ans, pour assister à la célé-
bration des divins mystères^ en un jour de
dimanche, lorsque l'oblation fut achevée et
' Spiriius Suncius non de Trinitate procedit, sed de
Paire et Filio. Trifolius, Episl. ad Faust., tom. IV
Concil,, pag, 1591.
que l'Esprit saint se fut répandu sur les
sacrements, il s'échappa des mains de sa
laère, et fendant la foule du peuple, il courut
à la table de vie pour y participer. Il n'avait
que vingt-deux ans quand les évoques de la
province, voulant éprouver si ce qu'on leur
avait dit de son savoir était vrai, l'obligèrent
de faire un discours sur le char d'Ezéchiel.
Jacques obéit : et après qu'il eut prononcé
de vive voix son discours, les mêmes évêques
lui ordonnèrent de le laisser par écrit à l'E-
glise. Il en composa plusieurs autres, qu'il ré-
cita de même dans les assemblées. On l'éleva
au sacerdoce, et ce fut pendant qu'il en faisait
les fonctions, qu'il écrivit plusieurs lettres
d'exhortation aux Euphratésiens ; il en est
parlé dans la Chronique Ae Josué, surnommé
le Stylite. A l'âge de soixante-sept ans et
demi, il fut choisi évêque de Batna, ville qui
faisait partie de la Mésopotamie. Son épis-
copat ne fut que de deux ans et demi, étant
mort le 29 novembre S2I. Sa vie fut en tout
de soixante et dix ans *, étant né en 452. On
2 Assem., tom. I Biblioth., cap. xxvn, pag. 283,
8 Ibid., pag. 286, — » Ibid., pag. 289.
640
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
met sa prêtrise en 303, et son épiscopat en
319.
iiiiomours 2. Après les témoigna2;es avantageux qxie
professe u foi . . , t '>" -i ■
catholique. iBS Hnciens ont rendus a sa doctrine, on ne
peut douter qu'elle n'ait été orthodoxe. Jean
Maron, dans son traité contre les Nestoriens et
les Monophysites ,c' e?,i-k-àire\esea[jch\e.ns,c\ie
un endroit de ses écrits où il reconnaît nette-
ment qu'il y a deux natures unies en Jésus-
Christ dans une seule personne; ce qui sufBt
pour constater la catholicité de saint Jacques,
puisque de son temps il n'y avait pas d'au-
tres disputes entre les catholiques et les hé-
rétiques, que sur l'incarnation du Verbe di-
vin. Il ne s'explique pas moins clairement
dans un de ses discours, qui esi sur le Lazare,
mort depuis quatre jours. Là, faisant parler
Marie-Magdeleine avec Jésus-Christ, il lui
fait dire, entré autres choses : «Je crois, Sei-
gneur ', que vous êtes de deux natures, l'une
d'en haut, l'autre qui tire son origine de
l'homme. La nature spirituelle vous vient du
Père ; la corporelle, de la fille de David ;
celle-là du Père, celle-ci de Marie, sans au-
cune division. » Et dans un sermon intitulé :
De l'Eglise et de ceux qui approfondissent les
choses divines, il fait parler l'Eglise en cette
sorte sur l'incarnation du Verbe : « J'ensei-
gne qu'il y a deux notions dans Emmanuel -,
c'est-à-dire qu'il est vrai Dieu et vrai homme,
ainsi que le marque le mot Emmanuel, qui
est comme si l'on disait Nomme- Dieu, non
que les deux natures soient mêlées, mais
parce qu'il est parfait dans toutes les deux.»
On pourrait encore apporter d'autres passa-
ges de ses discours où il s'explique avec la
même précision : mais il suffit d'ajouter que
les écrivains syriens catholiques qui ont écrit
dans le même siècle que lui ^, l'ont qualiiié
vénérable, entre autres, Josué Stylite et Isaac
de Ninive. Timothée, prêtre de Constantino-
pie, le même qui fut mis en la place de Ma-
cédonius, patriarche de cette Eglise, dans
son livre de la Réception des hérétiques, adressé
au prêtre Jean, nomme aussi Jacques de
Batna, orthodoxe *, le distinguant nommé-
< Credo, Domine, duas libi inesse naturas, alteram
supernam, ex humnna stirpe alteram : et spiritalis
quidem naiurs. esc Paire tibi est ; corporalis vero ex
filia David, llla a Paire, hœc ex Maria, ahsque divi-
sione. Jacob. , serm. de Lazar. , tom. I Biblioth.
Orient., pag. 291.
' Duas notiones in Emmanuele prœdico : eum nempe
et Deum verum esse, et hominem verum. Nam per
amam [nobiscum] significatur natura quœ ex nobis est :
per et {Deus) vero, divinités absque divisione. Idem
ment d'un autre évêque du même nom, qui
avait embrassé le parti des eutychiens.
3. C'est donc à tort que dans ces derniers objecu,
temps, quelques-uns ont accuse derreurno- iboiicité
Ire saint, et qu'ils ont voulu le faire passer
pour un des chefs de l'hérésie eutychéenne.
Les raisons qu'ils en donnent, sont que saint
Jacques est compté parmi les docteurs de
l'Eglise jacobite ou eutychéenne ^, dans la
confession de foi que l'on fait faire à ceux
qui doivent être ordonnés; que l'on trouve
plusieurs passages de ses écrits dans le traité
intitulé : De la Foi des Pères, et que les écri-
vains de l'histoire nestorienne mettent Jac-
ques de Batna de pair avec Acace, ajoutant
qu'il avait étudié les lettres saintes dans l'é-
cole d'Edesse, qui, après avoir suivi d'abord
l'hérésie de Nestorius , prit la défense de
celle d'Eutychès. Mais il est aisé de détruire
toutes ces raisons. On ne disconvient pas
que le nom de saint Jacques de Batna ne se
trouve dans la confession de foi des jacobites.
Est-ce une suite qu'il ait défendu leurs er-
reurs? Non. On y nomme aussi saint Atha-
nase, saint Cyrille et saint Ephrem, que per-
sonne ne dira avoir favorisé l'hérésie euty-
chéenne. On y nomme encore dans quelques
manuscrits, saint Grégoire de Nazianze, saint
Basile, Théophile d'Alexandrie, saint Epi-
phane et saint Chrysostôme, dont on produi-
sit les témoignages contre cette hérésie dans
le concile de Chalcédoine. Il faut dire la
même chose du traité de la Foi des Pères, où
les jacobites citent bien plus souvent saint
Cyrille, saint Athanase, saint Grégoire de
Nazianze et les autres pères catholiques, que
saint Jacques de Batna. A l'égard de ceux
qui ont écrit l'histoire des nestoriens, comme
ils n'ont vécu qu'après le x= siècle, leur té-
moignage ne peut être d'un grand poids en
ce qui regarde saint Jacques de Batna, qui
vivait dans le iV et le v«. 11 parait d'ailleurs
qu'ils étaient peu au fait des affaires de Sy-
rie, dans ce qu'ils disent de l'école d'Edesse.
Ils supposent visiblement qu'il n'y avait en
cette ville qu'une seule école où les Mésopo-
est Emmanuel si quis dicat , Homo Deus : non qucd
commislus sit, sed in utroque perfeclus. Idem, serm.
de Eceles. Ibid.
3 Ibid., pas. 291.
'> Eutychianistœ , eorumque sodalis Dioscorus , ac
deinde Severus, et Jacobus, non ille Batnarum crtho-
doxus, sed alius hœrelicus, cœterique acephali. Ibid.,
pag. 292, et tom. III Monum. Ecoles. Grœcœ Cotel.,
pag. 396.
1 Reuaud., tom. II Liturg. Orient., pag. 367.
[VP SIÈCLE.] CHAPITRE L. — SAINT
tamiens s'assemblaient indistinctement avec
les Assyriens et avec les Perses, ce qui est
détruit par le témoignage de Théodore Lec-
teur, qui mai-que clairement plusieurs écoles
dans la ville d'Edesse et une particulière
pour les Perses ', où en eflfetceux qui prési-
daient, enseignaient les erreurs de Nestorius
et de Théodore. Le même historien ajoute
que l'empereur Zenon, informé de la mau-
vaise doctrine que l'on enseignait dans cette
école, la détruisit. On objecte encore que
saint Jacques de Batna, en parlant du con-
cile de Chaicédoine dans un de ses discours,
dit qu'il fut assemblé par les mauvais anges,
et qu'ils en furent les conseillers; que dans
une lettre à Samuel, abbé du monastère de
Saint-îsaac à Gabula ^, il nie que les deux
natures et leurs propriétés soient demeurées
en Jésus - Christ après l'union hypostatique,
ce qui est l'hérésie des jacobites, c'est-à-dire
des eutychéens, et qu'il enseigne la même
doctrine dans un autre discours intitulé : De
la Vierge Mère de Dieu. Avant de répondre à
cette objection, il est bon d'avertir que pres-
que aussitôt que le concile de Chaicédoine
eut condamné l'hérésie d'Eulychès, ceux qui
en étaient sectateurs, commencèrent à cor-
rompre les écrits des saints pères, et qu'ils
en attribuèrent plusieurs à saint Athanase,
à saint Grégoire Thaumaturge et au pape
Jules , qui étaient véritablement d'Apolli-
naire, et cela dans la vue d'engager, par ces
autorités respectables, le peuple dans l'er-
reur. C'est ce que témoignent les moines de
Palestine, dans le troisième livre de V Histoire
d'Evagre ^. A l'égard du premier sermon
objecté sous le nom de saint Jacques de
Batna, nous répondons qu'il lui est fausse-
ment attribué; que, dans le manuscrit sur
lequel on le cite, il porte simplement le nom
de Jacques, sans dire qui il était; qu'ainsi il
peut être d'un tout autre Jacques que de
l'évêque dont nous parlons; que le style en
est si bas et si peu châtié, qu'on ne peut le
regarder que comme indigne d'un si habile
homme, et qu'il paraît, parle commencement
JACQUES?, ÉVÊQUE. U\
de ce discours, que l'auteur vivait sous l'es-
clavage des mahométans, ce qui ne peut se
dire de saint Jacques de Batna, mort avant
que Mahomet eût rien entrepris. On pourrait
répondre à l'objection tirée de la lettre à Sa-
muel, qu'elle a été corrompue par les jaco-
bites; mais, sans avoirrecours à cette solution,
on peut dire que cet évêque ne nie point
qu'il y ait deux natures en Jésus -Christ, ,
mais seulement qu'elles subsistent en deux
personnes distinguées réellement l'une de
l'autre. C'est ce qu'il marque lorsqu'il con-
damne Nestorius * pour avoir soutenu qu'il
y avait en Jésus-Christ, même depuis l'u-
nion, deux natures distinctes et séparées, et
que chaque nature avait sa pei'sonne qui
subsistait séparément par elle-même. S'il
s'exprime moins nettement dans cette lettre
sur l'existence des deux natures même après
l'union , il le fait ailleurs en des termes plus
expressifs. Nous les avons rapportés plus
haut, et ils sufiisent pour montrer la fausseté
de ce que ditDenys, patriarche des jacobites,
dans sa Chronique, que Jacques de Sarug,
comme il l'appeUe, se sépara de la commu-
nion de Paul d'Antioche, parce que celui-ci
confessait deux natures en Jésus-Christ.
4. Saint Jacques composa un grand nom- sas écrits,
bre d'écrits , partie en prose et partie en
vers ^. Us sont en manuscrits dans la biblio-
thèque du Vatican, et il n'y en a encore au-
cun qui ait été mis sous presse, si l'on en
excepte sa Liturgie, qui a été donnée en la-
tin par M. Renaudot, dans le second tome
des Liturgies orientales. 11 est aussi auteur
des rits du baptême usités dans l'Eglise des
Syriens. Outre la lettre à l'abbé Samuel, dans
laquelle il combat la plupart des hérésies
qui se sont élevées sur les mystères de la
Trinité et de l'Incarnation, et où il fait voir
contre les eutychéens, qu'il y a deux natu-
res en Jésus-Christ unies en une seule per-
sonne, il y en a une autre à Etienne Barsu-
daih d'Edesse, où il montre, par l'autorité de
l'Ecriture, l'éternité du paradis et des sup-
plices que les méchants souffriront dans l'en-
1 In urbe Edessa erat schota christiana fersicœ
geniis, ut aiunt , ex quo factura est, ut Persœ nesto-
rianam hœvesim sequerentur, cum quidam qui Nesto-
rii ac T/ieodori dogmata amplectebanlur, ei sclwlœ
prœfuissent , et doctrinam quœ ipsis placebat Persis
tradidissent... Zeno imperator selwtam, quœ Persarum
vocabatur,in urbe Edessa siiam, sustulitalque avertit,
utpote quœ Nestoriiel Theodori doctrinam auditoribus
insinuaret. Theod. Lect., lib. II Hist.]
X.
2 Tom. I Biblioth. Asseman., pag. 294.
3 Evag., lib. III, cap. xxxi.
4 Ausus est Nestorius statuere duas naturas expresse
et distincte in Cfiristo etiam post unionem numerandas
esse, et unicuique naturœ suam inesse personam, quœ
distincte per se subsistât. Tom. 1 Bihliolli. Orient.,
pag. 297.
s Tom. I Biblioth. Orient., pag. 299 et seq.
41
642
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Jo^n. V, 16.
Poésies do
saint J a c-
f er ; une troisième à Jacques, abbé d'un mo-
nastère d'Edesse, appelé de l'Ame, dans la-
quelle il donne l'explication de deux passa-
ges de la première épître de saint Jean, et
de ce que dit saint Paul dans Fépilre aux
Hébreux : Si nous péchons volontairement après
avoir repu la connaissance de la vérité, il n'y a
plus à l'avenir d'hostie pour les péchés; une
quatrième qui contient l'éloge de l'humilité
et de l'amour divin, et qui enseigne à éviter
les pièges que le monde tend à la vertu ; et
une sixième où saint Jacques déplore le mal-
heureux état de notre nature qui est entraî-
née aux vices, quoiqu'elle aime la vertu. On
trouve dans les mêmes manuscrits plusieurs
homélies, savoir : sur la Naissance du Sau-
veur, la Fête de l'Epiphanie, le Jeûne du Ca-
rême, le Dimanche des Hameaux, le Vendredi
de la Passion, et sur le Dimanche de la Résur-
rection. Toutes ces homélies sont en prose.
5. Mais les mêmes manuscrits contiennent
deux cent trenle-un discours en vers de dif-
férentes mesures et sur différents sujets '.
Le premier est celui qu'il composa étant
jeune, sur le Char d'Ezéchiel, par ordre des
évêques. Il y en a plusieurs sur l'Eglise et
sur la sainte Vierge, qu'il qualifie toujours
Mère de Dieu. Ce qu'il dit de l'Incarnation,
dans le vingt-deuxième, est une preuve sans
réplique qu'il pensait sainement sur ce mys-
tère. « Ne comptez pas, dit-il, deux fils ^,
l'un Dieu et l'autre homme. Il n'y a qu'un
Christ, qui est Fils de l'homme et Dieu; à lui
et dans lui est la divinité et l'humanité ; les
premiei's et les derniers lui appartiennent,
mais il n'est pas divisé en plusieurs parties
ou en nombre : car il est Fils unique et un
en tout, si vous le connaissez bien. Le Père
n'en a pas engendré une partie, et Marie
l'autre : il est tout engendré du Père et tout
de la fille de l'homme. » Dans le vingt-troi-
sième, il combat un anonyme, qui avouait
bien que Marie avait été vierge avant son
enfantement, mais qui soutenait qu'elle avait
depuis perdu sa virginité. Le vingt-septième
est un éloge de l'empereur Constantin et des
pères du concile de Nicée, avec une explica-
tion de leur symbole. Le centième est sur
l'apôtre Thadée et sur Abgar, roid'Edesse. Saint
Jacques y parle de la lettre et de la députa-
tion de ce prince à Jésus-Christ, et de la ré-
ponse qu'il en reçut. Dans le cent soixante-
dix-huitième, qui traite de l'eucharistie ou de
la manière de s'approcher des sacrements , il
enseigne que nous voyons, sous le pain et le
vin posés sur l'autel ^, celui-là même qui
donne l'être à ces corps de feu qui sont pla-
cés dans la subhme région, et que celui qui
s'approche de ce sacrement avec un cœur
rempli d'envie et de fraude contre son pro-
chain, imite Judas, à qui le Seigneur ne donna
point son corps *. Il le rompit toutefois, et
distribuant son corps et son sang sur la ta-
ble, il le donna aux onze disciples, afin qu'ils
en mangeassent saintement. Mais parce que
Judas, méditant de la fraude dans son cœury
n'était pas digne de le recevoir avec les dis-
ciples, le Sauveur l'empêcha d'y participer.
Les commentateurs syriens ^ citent souvent
ce passage de saint Jacques; mais ils pré-
tendent qu'il n'a voulu dire autre chose par
ces paroles , sinon que Judas n'avait pas
reçu l'effet de l'eucharistie, qui consiste dans
la rémission des péchés. Il décrit, dans le
cent quatre-vingt-huitième ^ , l'histoire de
l'invention de la croix par sainte Hélène, à
peu près en la manière qu'elle est rapportée
dans les Actes fabuleux que nous en avons
et qui sont nommés après les Actes de saint
Sylvestre dans le concile de Rome sous Gé-
lase. Il suit aussi les faux Actes de saint Syl-
vestre dans ce qu'il raconte de la lèpre de
l'empereur Constantin ', et de ce que ce
prince aurait fait pour s'en guérir, s'il n'en
eût été détourné par ce saint pape. Il mar-
que dans le cent quatre-vingt-douzième, qui
est en l'honneur de saint Abibus, diacre,
martyrisé à Edesse, que les païens lui re-
prochant qu'il adorait un homme, il répon-
dit : « Ce n'est point un homme que j'adore,
1 Tom. I Biblioth. Orient., pag. 303.
* Noli duos numerare, alterum Deum et hominem
alterum : unus est enim Christus , Filius hominis
idemque Deus. Ipsi et in ipso inest divinitas atque
humanitas, ejusque sunt tum prima tum novissima,
nec in partes aut numéros dividitur : unigenitus enim
est, totusque unus, si ipsum bene noveris. Non partem
ejus genuit Pater, et partem Maria : sed totus a Pâtre,
totusque a filia hominis genilus est. Jacob., Serm. 22
de Sanct. Virg., pag. 311.
3 Qui igneos in sublimi regione sua inflammat, eum
sub pane et vino super mensam intueris. Idem., Serm,
178, pag. 326.
^ Qui invidia et fraude in proximum suum plenus
est, Judam imitatur, cui corpus suum Dominus nequa.
quum tradidit. Fregit enim ille, corpusque et sangui-
nem suum super mensam dis tribuens, porrexit iindecim
discipulis ut ex eo sancte manducarent : et quia Judas
fraudem animo meditubatur, a sancto eum prohibuit
quod sumere illud eum discipulis haudquaquam di.
gnus erat. Ibid., pag. 326. — '^ Ibid., pag. 327.
6 Ibid., pag, 327. — ' Ibid., Serm, 189.
[VI*' SIÈCLE.]
mais Dieu qui a pris un corps et qui s'est fait
homme. Je l'adore parce qu'il est Dieu avec
son Père. » 11 y a plusieurs autres discours
manuscrits sous le nom de saint Jacques de
Batna, dans la bibliothèque du Vatican. Mais
ou ils ne sont point entiers, ou ils sont d'un
style différent du sien. Etienne d'Eden dans
son Apologie pour les Maronites , cite un
passage d'un sermon intitulé : De l'utilité
que les morts retirent en l'autre vie des sacri-
fices que les vivants font offrir pour eux en
cette vie.
6. Georges, qui avait été le disciple de
saint Jacques de Batna, fit son éloge après
sa mort '. On ne l'a pas encore rendu public,
et l'on ne sait point que ce Georges ait com-
posé d'autres écrits. [Autant qu'on en peut
juger par les fragments imprimés, saint Jac-
ques est quelquefois plus élevé que saint
Ephrem; mais, comme tous les poètes syria-
ques , il tombe subitement à plat ou s'étend
d'une manière fatigante. Dans les Accords de
la lyre du Liban, publiés par Zingerlé, Ins-
pruck, 1840, chez Ranch , et dans les Cou-
ronnes des jardins du Liban, Villingen, 1846,
on trouve un grand nombre des plus beaux
poèmes et des plus belles prières de ce saint
poète syriaque. L'apologie du grand stylite
Siméon est au II'' volume des Acta martyr.
Orient. d'Etienne Evode Assémani. Le mètre
de prédilection de ce poète était le mètre de
quatre syllabes trois fois répété ^.
7. M. Lamy, professeur à l'université de
Louvain, a publié en syriaque et en latin les
Résolutions canoniques de Jean , évêque de
ïéla en Mésopotamie, dans l'ouvrage inti-
tulé : Disscrtatio de Syrorum fide et disciplina
CHAPITRE LI. — SIMÉON, ÉVÊQUE.
643
in re eucharistica, Lovanii apud Valinthout,
année 1859. Jean vivait au commencement
du vi° siècle ; il appartenait à la secte des
eutychéens ou monophysites. Son écrit était
entièrement inédit ; le docteur de Louvain
l'a copié dans un des plus précieux manus-
crits syriaques de l'ancien fonds Saint-Ger-
main, à la Bibliothèque impériale de Paris.
Le même manuscrit contient d'autres Réso-
lutions canoniques de Jacques d'Edesse.
M. Lamy les a publiées pareillement dans le
même ouvrage ; nous en parlerons plus tard
au viii" siècle. Une traduction latine littérale
et pourtant d'une élégante clarté, est jointe
au texte. Des notes sur les mots d'un usage
rare ou d'une signification incertaine, sont
consignées çà et là par le savant éditeur, au
bas des pages ; il renvoie à la fin dû volume
des notices plus étendues, où il développe
non-seulement les croyances et les pratiques
de l'Eglise de Syrie par rapport à l'eucharis-
tie, mais encore les points de doctrine, de
liturgie et de discipline dont il est question
incidemment dans les deux traités. Des ré-
ponses faites par l'auteur à un prêtre qui est
censé son interlocuteur, font la matière de
ces deux traités. Jean de Téla répond à qua-
rante-huit questions qui lui sont posées par
un prêtre du nom de Sergius. Ces Résolutions
embrassent la croyance à la présence réelle
et les pratiques admises de temps immémo-
rial en Syrie, relativement à la matière, à la
confection, à la distribution de l'eucharistie,
aux dispositions requises dans les personnes
qui reçoivent ce sacrement ; elles renferment
en outre des détails précis sur les vases sa-
crés, les autels et le plan des églises.]
CHAPITRE LI.
Siméon, évêque de Beth-Arsam.
[En 525.]
1. Siméon, surnommé Sophiste Persan,
fut fait évêque de l'Eglise de Beth-Arsam, ou,
selon d'autres, de la ville d'Arsam dans la
Perse ^, vers l'an 310. Pendant qu'il gouver-
nait cette Eglise, il convertit trois des prin-
cipaux de la secte des mages, et les baptisa
après les avoir instruits de la religion chré-
tienne. Ceux de cette secte en ayant été in-
formés, les déférèrent au roi, qui ordonna
qu'ils seraient mis à mort, s'ils n'abjuraient
la foi de Jésus -Christ. Soutenus par les
exhortations de l'évêque Siméon, ils résistè-
l'ent courageusement aux menaces. Le roi
les voyant fermes dans la confession de leur
foi, leur fit trancher la tête le dixième jour
depuis leur baptême.
2. Ce ne fut pas seulement de vive voix
que Siméon fit voir son zèle pour l'Eglise
5es écrils.
' Jacob, Serm. 189, p. 340. — ^ Zingerlé, Did. ency- clopédique. (Véditevr.) — ^ ÀBsem., tom. I, pag. 341,
644
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
catholique, il en défendit la doctrine par ses
écrits contre les nestoriens, qui s'efforçaient
d'infecter la Perse de leurs erreurs. 11 est
vrai qu'il donna lui-même quelque lieu de
le suspecter dans la foi, en recevant VHénoti-
que de Zenon ; mais il ne fut pas le seul des
évêques catholiques qui , par je ne sais quel
motif de crainte, firent ce que l'empereur
demandait d'eux à cet égard. Flavien, pa-
triarche d'Antioche, et Elie, évêque de Jé-
rusalem, que l'on n'accuse point d'hérésie,
souscrivirent aussi VHénotique. Il faut ajouter
que, dans les deux lettres qui nous restent
de Siméon, il ne dit Jamais rien contre le
concile de Chalcédoine; qu'au contraire, il y
approuve la foi des évêques catholiques '
qui, au nombre de plus de cinq cents, écri-
virent à l'empereur Léon , pour l'assurer
qu'ils recevaient le concile de Chalcédoine.
Nous avons dans le second tome des Litur-
gies orientales ^, celle que Siméon composa
pour les Eglises de Perse. On l'a quelquefois
attribuée à Philoxène, mais par une erreur
visible. Celle de Philoxène se trouve dans le
même recueil et commence différemment
de celle de Siméon.
Sa lettre 3" ^'^ lettre sur Barsauma, évêque de Ni-
s°°'"'nem- sibe, et contre l'hérésie nestorienne ^, n'a
Tienne. point d'iuscription dans le manuscrit d'où ou
l'a tirée, et on n'y lit point le nom de la per-
sonne à qui il l'adressa. On conjecture que
ce fut à Siméon, abbé de Gabula, à qui il
écrivit une autre lettre dont nous parlerons
ci-après, et dans laquelle on voit que Siméon
avait coutume de donner avis à cet abbé de
tout ce qui se passait à l'égard de la reli-
gion chrétienne, tant dans la Perse que dans
les environs. Il marque dans cette lettre les
commencements et les progrès de l'hérésie
nestorienne, montrant qu'ils l'ont puisée
dans les erreurs des Juifs, des ébionites, de
Paul de Samosate et de plusieurs autres hé-
rétiques qui ont vécu dans les premiers siè-
cles ; que Nestorius en avait été particuhè-
rement infecté par Théodore de Mopsueste,
qui l'avait lui-même reçue de Diodore de
Tarse. Il accuse de la même erreur Théodo-
ret, Ibas, Maris, et un nommé Elita, prêtre
d'Edesse, qui enseignait dans l'école des
Perses étabhe en cette ville. Pour donner
autorité à cette doctrine, les Perses assem-
blèrent plusieurs synodes, tant dans leur
province que dans quelques villes d'Assyrie,
nommément à Séleucie, à Ctésiphon, où ils
la confirmèrent par de nouvelles formules,
dont la foi était tout opposée à celle qui
nous est venue des apôtres, à celle des con-
ciles de Nicée sous le grand Constantin, de
Constantinople sous Théodose-l'Ancien, et
d'Ephèse sous Théodose-le-Jeune; à celle
des quatre cent quatre-vingt-quinze évêques
qui écrivirent à l'empereur Léon , et à celle
d'un grand nombre d'autres évêques catholi-
ques assemblés à Séleucie et à Ctésiphon,
la onzième année du règne d'Isdegerde avec
Marutlias. Siméon ajoute que tous ces évo-
ques, chacun dans leur temps, dirent ana-
thème à tous ceux qui faisaient profession du
nestorianisme; que la foi orthodoxe fut main-
tenue dans toute la Perse jusqu'à la vingt-
septième année du roi Phérozès ; mais que
les évêques de ce royaume ayant abandonne
la vérité, lui et beaucoup d'autres s'étaient
séparés de leur communion, en leur disant
anathème, de même qu'à Eutychès et à tous
les autres qui pensaient comme eux sur le
mystère de l'Incarnation, et qui ne recon-
naissaient pas que Marie fût véritablement
Mère de Dieu *.
4. La seconde lettre de Siméon, qui est Lei
adressée à l'abbé de Gabula, renferme l'his-
toire de plusieurs martyrs des Homérites inéor
dans les Indes. Ces peuples avaient depuis
longtemps embrassé la foi cathoUque '", et le
roi d'Ethiopie leur avait donné un chef qui
professait la même religion qu'eux ; mais
celui-ci étant mort, Dunaan, homme impie et
cruel, qui professait le judaïsme, s'empara
du gouvernement. Siméon marque, au com-
mencement de cette lettre, qu'il en avait
écrit une autre à l'abbé de Gabula, dans la-
quelle il lui faisait part de ce qui se passait
dans la Perse et dans l'Arabie. Nous ne l'a-
vons plus. Il rapporte dans celle-ci la ma-
nière dont Dunaan persécuta les Homérites
pour les contraindre à embrasser le judaïsme,
particulièrement ce qu'il fit souû'rir à Aré-
thas, prince de la ville de Nagran, pour l'o-
bliger à renoncer à la foi catholique. Aréthas
était un vieillard vénérable, âgé d'environ
' Sose a vera sanctorum Patrum fide segregarunt,
guarn ipsi a .lanciis apnstolis trudilam acceperunt...
quam secuti sunt confirmaruntque 'juadringeati nona-
yinta et quinque epi.icopi Alexandriœ magiiœ, Antio-
chiœ in Syria, Cuppadociœ el Ga/aliœ. Ibid., pay. 355.
2 Renaud,, tom. II Liturg., pag. 301.
3 Assem., tom., pag. 346.
' Quisquis non confiielur Mariam Dei geniirkein
esse, anathema sit. Ibid., pag. 356,
5 Ibid., pag. 364.
[vi« siècle] .
CHAPITRE LU. — BOECE, SÉNATEUR ROMAIN.
645
quatre-vingt-quinze ans. Il parla avec force
au tyran, lui protestant qu'il ne changerait
jamais la foi qu'il avait donnée à Jésus-Clirist.
Il exhorta les chrétiens qui l'accompagnaient
ordinairement ', à persévérer aussi dans la
foi : et tous ayant répondu qu'ils ne l'aban-
donneraient point, et qu'ils étaient prêts à
mourir avec lui pour Jésus-Christ, ils allè-
rent en effet avec une ardeur incroyable su-
bir la sentence de mort que Dunaan pro.
nonça contre eux. Ils se donnèrent mutuel-
lement le baiser de paix; puis Aréthas ayant
fait sur tous le signe de la croix, il présenta
sa tête au bourreau, qui la lui trancha. Les
autres chrétiens souffrirent le même sup-
plice. Il y avait parmi eux un enfant de cinq
ans, que sa mère menait avec elle par la
main. Le roi fit son possible pour le détour-
ner de la suivre, mais inutilement ^. On fit
mourir la mère, et l'enfant voyant qu'on l'a-
vait jetée dans un bûcher pour être consu-
mée par les flammes, y sauta de lui-même
et reçut avec les autres la couronne du mar-
tyre; d'autres disent qu'il fut élevé à la cour
et envoyé depuis à l'empereur Justinien. Sur
la fin de sa lettre, Siméon prie l'abbé de Ga-
bula de donner avis du martyre d'Aréthas,
aux abbés des autres monastères et aux évo-
ques, particulièrement à celui d'Alexandrie,
afin qu'ils écrivissent au roi d'Ethiopie pour
l'engager à donner du secours aux Homéri-
tes, et de s'employer aussi auprès des pon-
tifes des Juifs qui demeuraient à Tibériade,
afin qu'ils écrivissent eux-mêmes à ce roi juif,
pour faire cesser la persécution qu'il faisait
aux Homérites. C'est tout ce que nous sa-
vons de l'évèque Siméon, dont on met la moil
en 523.
CBâ PITRE LIL
Boëce, sénateur romain.
[En 623.]
ARTICLE I".
HISTOIRE DE SA VIE.
1. Boèce, connu dans l'antiquité sous les
noms d'Anitus, Manlius, Torquatus, Sévéri-
nus, Boétius, naquit à Rome l'an 470. L'em-
pire d'Occident se trouvait alors désolé par
les ravages que les Barbares avaientfaits dans
ses plus belles provinces, qu'ils s'étaient par-
tagées après avoir i-enversé les plus anciens
monuments de la puissance romaine. Ils s'é-
taient rendus maîtres de Rome et de toute
l'Italie ; et comme ils faisaient profession de
l'arianisme, cette hérésie, qui y était presque
éteinte, y reprit de nouvelles forces. Ce fut
dans ce temps malheureux que Dieu fit naî-
tre Boëce pour être un jour le défenseur de
la vérité.
2. Flavius Boëce, son père, ayant reconnu
en lui, dès ses premières années, d'iieureuses
dispositions pour les sciences et pour la vertu,
n'omit rien de ce qui pouvait les faire croître.
Mais Rome, dans l'état où elle était réduite,
n'était plus un lieu propre à former un jeune
homme. Il l'envoya donc à Athènes, après
» Ibid., pag. 375, 376.
^ Asscm., tom., pag. 378 ; in notis, pag. 380.
avoir pris là-dessus le conseil du pape Sim-
plice. Boëce n'avait alors que dix ans. Il ne
trouva point à Athènes ce que l'on avait es-
péré, les écoles de cette ville n'étant plus,
comme autrefois, celles de la sagesse, ni le
séjour des beaux arts. Après les avoir fré-
quentées pendant un an ou deux, il s'en dé-
goûta; mais, par respect pour son père, il y
continua ses études, et passant d'une science
à une autre ^, il rassembla en lui par ses pro-
pres tiavaux ce que l'on avait le plus admiré
dans tous les maîtres de la Grèce. Il lutteurs
ouvrages, et traduisit même en sa langue ce
qu'ils avaient écrit de mieux, savoir : la Mu-
sique de Pyllieigore,!' Astronomie de Ptolémée,
l'Arithmétique de Nicomaque, la Géométrie
d'Euclides, la Théologie de Platon, la Logique
d'Aristote et les Mécaniques d'Archimède.
Cassiodore, qui avait lu ces traductions*, les
trouvait si parfaites, qu'il n'a pas craint de
les préférer aux originaux.
3. La mort de Flavius Boëce, son père, ar-
rivée en 490, trois ans après son dernier con-
sulat, l'obligea de revenir à Rome. Il y fut
quelque temps après déclaré patrice. Mais il
» Gaâsiod., lib. I, Epist. 4b et Hist. de Boëce, h Paris,
en 1715. — * Gassiod., ibid.
II est fait
palrice, et se
646
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Il entre dniis
les bonnes
grâces da rui
l'héodûric.
fallut faire violence à sa modestie pour le
contraindre d'accepter cette dignité dans un
âge si peu avancé ; car il n'avait pas encore
trente ans. 11 n'y eut que la vue du bien pu-
blic qui la lui fit accepter '. Ce fut aussi par
considération pour sa famille, qu'il s'engagea
dans le mariage. Il épousa la fille de Festus,
nommée Elpis, autant recommandable par sa
piété et les agréments de son esprit, que par
la beauté de son corps. Elle ne lui donna
point d'enfants, étant morte à Pavie quelque
temps après son mariage. C'est à Elpis que
l'on attribue les hymnes ^ que l'Eglise chante
encore le jour de la fête de saint Pierre et
saint Paul. Boëce prit en secondes noces
Rusticienne, fille de Symmaque, sénateur ro-
main. Dieu bénit ce mariage par une nom-
breuse postérité.
4. Le roi Théodoric s'étant présenté pour
entrer dans Rome, sur la fin de l'an 500, le
sénat alla fort loin à sa rencontre , et Boëce,
comme le plus éloquent des sénateurs, porta
la parole ; ce qu'il fit avec tant de dignité,
qu'il plut également au roi, aux Goths et aux
Romains. C'était un ancien usage que les
conquérants et les empereurs, lorsqu'on leur
décernait les honneurs du triomphe, faisaient
au peuple et à toute l'armée un magnifique
festin : soit que Théodoric ne fût pas au fait
de la coutume des Romains à cet égard, soit
pour quelque autre raison, il n'avait donné
aucun ordre de régaler le peuple ni ses sol-
dats. Boëce s'en étant aperçu, fit à l'instant
dresser des tables partout, qui furent servies
avec autant de somptuosité que d'abondance.
Mais, pour en laisser toute la gloire au sénat,
il engagea les consuls ordinaires à s'en faire
les honneurs, se contentant de les suivre
partout où il croyait sa présence nécessaire.
Le roi connaissant qu'on était redevable à
Boëce de tout ce qui s'était passé en cette
occasion, conçut de lui une haute estime, lu;
donna place dans son conseil, et le fit maître
du palais et des offices, les deux charges de
la cour qui donnaient le plus de crédit et d'au-
torité dans l'Etat et le plus d'accès auprès du
prince. La sagesse de Boëce, sa pénétration
dans les affaires, sa droiture et son désinté-
ressement le firent goûter de plus en plus
par Théodoric ; et ce prince, à mesure qu'il
l'employait dans le ministère, s'applaudissait
de son clioix. Boëce, de son côté, se livrait
tellement aux aû'aires publiques, qu'il ne né-
gligeait pas l'étude des sciences divines et
humaines. Il se dérobait à cet efifet tous les
moments qu'il aurait pu donner à ses plai-
sirs. Jamais on ne le vit au cirque, ni au
théâtre, ni au bain, ni à aucune de ces assem-
blées de plaisir qui étaient si fort en usage
dans Rome ; souvent même il prenait sur son
repos. Par ce moyen, il se trouva en état de
composer un grand nombre d'ouvrages, dont
la plupart sont venus jusqu'à nous.
5. Quelques évêques d'Orient s'étant plaint
au pape Symmaque des progrès que l'hérésie
eutychienne continuait à faire dans leurs dio-
cèses, et des mouvements que les partisans
de l'erreur se donnaient pour éluder les déci-
sions du concile de Chalcédoine, ce pape as-
sembla les évêques qui se trouvaient alors à
Rome, les principaux de son clergé et les
personnes les plus instruites du sénat et du
peuple, pour leur faire part de la lettre des
évêques d'Orient et savoir ce qu'ils en pen-
saient. La lettre fut lue en pleine assemblée;
mais Boëce. qui y avait été invité, ne croyant
pas devoir s'expliquer avant d'avoir exa-
miné avec soin la question, remit à son pre-
mier loisir de réfuter les erreurs d'Euty-
chès et de Nestorius. Nous avons encore le
traité qu'il fit en cette occasion, pour mon-
trer qu'il y a deux natures unies en une per-
sonne en Jésus-Christ. 11 est adressé à Jean,
archidiacre de Rome, qui avait aussi assisté
à la conférence.
6. Pendant que Boëce était occupé à défen-
dre la vérité de la religion, les officiers et les
soldats de la garde de Théodoric vinrent se
plaindre à ce prince que la monnaie dont
on les payait était altérée et d'un moindre
poids qu'elle ne devait être. Le roi, qui était
alors à Ravenne ^, écrivit à Boëce pour le
charger de réformer toutes les monnaies qui
avaient cours dans l'empire, de donner à
chacune le poids et la valeur qu'elles avaient
eus autrefois, et de régler les poids et les
mesures, de manière que la livre fût toujours
de douze onces. Boëce s'acquitta de la com-
mission ; l'ordre fut rétaWi dans le commerce,
et le murmure des troupes cessa.
7. Clovis, roi des Goths, informé de la ma-
gnificence de la cour de Théodoric et de sa
table, le pria de lui envoyer un musicien qui
sût parfaitement chanter et toucher les ins-
truments. Boëce, à qui Théodoric en écrivit,
trouva un musicien tel que Clovis le souhai-
' Boet.j lib. il de Consolât. — ^ Idem, ibid.
s Gassiod., Ub. I, Epist. 10.
[VV SIÈCLE.]
CHAPITRE LU. — BOECE , SÉNATEUR ROMAIN.
647
tait, et l'envoya avec les deux ambassadeurs
de ce prince. Il fut encore chargé d'envoyer
k Gondebaud, roi des Bourguignons, des ca-
drans solaires et des hydrauliques. Il fît faire
des cadrans solaires pour tous les différents
aspects du soleil, et des hydrauliques qui
marquaient exactement le cours du soleil, de
la lune et de tous les astres ; il y travailla
lui-même avec les plus habiles maîtres qu'il
avait fait venir de tous côtés. Ces hydrauli-
cfues, quoique sans roues, sans poids et sans
ressort, marquaient le cours des astres, par
la vertu d'une certaine quantité d'eau enfer-
mée dans un vase d'étain en forme de boule,
qui tournait sans cesse entraînée par sa pro-
pre pesanteur. Les Bourguignons ne pouvant
comprendre comment ces machines mar-
quaient si exactement toutes les heures du
jour et de la nuit sans être déplacées ou sans
qu'on avançât le style, firent longtemps la
garde pour s'assurer que personne n'y tou-
chait. Ils reconnurent enfin la vérité du fait;
mais, ne pouvant en comprendre la raison,
ils s'imaginèrent que quelques divinités ani-
maient intérieurement ces machines et leur
donnaient le mouvement. Le plus grand
avantage que Boëce retira de ces curiosités,
fut que les Bourguignons, attirés en Italie par
le désir d'en voir d'autres, il se servit de cette
occasion pour insinuer dans leurs cœurs les
vérités et les maximes de l'Evangile. Ses re-
lations dans le royaume de Bourgogne lui
donnèrent aussi lieu de lier amitié avec les
évèques catholiques qui y étaient, particu-
lièrement avec saint Avit, évêque de Vienne,
son proche parent,
zèle 8. Il y avait deux choses à Rome qui dés-
honoraient extrêmement cette grande ville,
depuis que les nations barbares s'étaient em-
parées du gouvernement; l'une venait des ma-
nichéens qui s'y étaient établis en grand
nombre et qui séduisaient tous les jours plu-
sieurs fidèles par leurs adresses; l'autre, des
magiciens qui avaient déjà engagé dans
leurs superstitions plusieurs personnes de
qualité el même des sénateurs. Boëce, après
avoir gémi longtemps dans le secret de son
cœur, crut devoir faire là-dessus des remon-
trances au pape Symmaque. Après lui avoir
fait connaître la grandeur du mal, il lui parla
du remède ', disant qu'il en fallait bien d'au-
tres que ceux dont on s'était servi jusqu'alors.
« Une maladie désespérée, ajouta-t-il, ne peut
se guérir que par des remèdes extrêmes. Si
nous avions affaire à des gens raisonnables,
on pourrait espérer de les réduire par la rai-
son. Vos exhortations paternelles, vos re-
montrances charitables, le zèle de vos prédi-
cateurs, les disputes de vos théologiens,
pourraient lever le bandeau que cette secte
abominable porte sur les yeux, et lui faire
apercevoir la vérité. Mais que peut la raison
contre des gens qui n'en ont plus et qui ne
débitent que des extravagances? Si leur im-
piété n'était pas montée à son comble et ne
les eût pas rendus indignes de la miséricorde
de Dieu, nous nous flatterions encore que l'ar-
deur de vos prières et les gémissements de
tant de bonnes âmes qui s'intéressent à leur
conversion, feraient violence au ciel en leur
faveur, et fléchiraient peut-être la divine jus-
tice irritée contre leurs désordres. Mais le
mélange monstrueux qu'ils font du christia-
nisme avec l'idolâtrie, de Jésus-Christ avec
Bélial, du souverain Etre avec le démon, à
qui ils donnent plus de pouvoir qu'à Dieu
même, ne nous permet plus d'espérer leur
changement. Tout ce que l'indulgence et la
charité ont pu inspirer jusqu'à présent pour
les faire rentrer en eux-mêmes a été inutile :
le mal, au lieu de diminuer, croît de jour en
jour : l'erreur se sentant appuyée de l'au-
torité humaine, triomphe insolemment; les
ménagements sont donc maintenant hors de
saison ; il faut le fer et le feu pour extirper
un si grand mal. » Le pape en convint, mais
craignant qu'un moyen prompt et décisif ne
donnât lieu à quelques séditions dans la ville,
Boëce lui dit qu'il fallait chasser tous les ma-
nichéens de Rome, y brûler leurs idoles et
leurs écrits, afin qu'il ne restât rien de leur
impiété. Soit que Boëce eût communiqué sa
pensée au roi Théodoric, qu'il savait avoir
en horreur les manichéens, et qu'il eût reçu
de ce prince un ordre secret de les chasser ;
soit qu'il se fondât sur les anciennes lois des
empereurs chrétiens, renouvelées par Théo-
doric, qui défendaient à tous les sujets de
l'empire d'exercer aucun art magique, il fit
en sorte que l'on chassât de la ville les ma-
nichéens et les magiciens, dans le temps
qu'ils s'y attendaient le moins. On se saisit
de leurs livres et de leurs simulacres ^, que
l'on jeta dans un bûcher dressé devant la
' Anonym. Valesii et Hist. de Boëce, à Paris, en
1715.
' Baron., ad ann. 503.
648
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Il rit Tait
consul en l'an
eio.
porte delà basilique de Saint-Jean-de-Latran.
Il fallut plus de précautions pour punir ceux
d'entre les magiciens qui occupaient dans
Rome quelque place d'honneur. Roëce en
parla au roi Tliéodoric ', qui, surpris d'en-
tendre que des membres du sénat se fus-
sent souillés par ces abominations , se fit
informer exactement du fait par Argolicus
préfet de Rome. Rasile et Prétextât furent
accusés et saisis. C'était au sénat à les juger;
mais, pour éviter qu'ils ne fussent pas jugés
aussi sévèrement qu'ils le. devaient, le roi
choisit dans le sénat six personnes d'une
probité reconnue pour faire leur procès et les
juger en dernier ressort selon la rigueur des
lois. Les coupables, connaissant à la qualité
des juges qu'il n'y avait point de grâce à
espérer, cherchèrent leur salut dans la fuite.
Théodoric donna ordre de les chercher par-
tout, mais inutilement ^. Prétextât se cacha
si bien , qu'on ne put le trouver. Longtemps
après Basile fut découvert et puni. Le zèle
que les Romains firent paraître contre les
magiciens en cette occasion , les effraya de
façon qu'on n'en vit plus dans Rome.
9. Roëce, croyant avoir trouvé la source de
ces désordres dans l'ignorance où la plupart
des Romains étaient ensevelis, forma le des-
sein de donner au pubhc une philosophie
complète, afin d'ouvrir l'esprit aux jeunes
gens et de les former par la connaissance des
effets de la nature, qui élèvent l'homme jus-
qu'à celle de son Créateur. Pendant qu'il tra-
vaillait à cet ouvrage 3, il fut nommé consul
par une délibération commune du roi et du
sénat, en SIO. La joie qu'on eut de son élé-
vation, fut générale dans Rome et dans les
provinces les plus éloignées. Les évoques
comme les autres y prirent part. Ennode de
Pavie l'en félicita en ces termes * : « Je me
réjouis de Thonneur qui vous a été déféré,
et j'en rends grâces à Dieu, non parce qu'il
vous élève au-dessus des autres, mais parce
que vous en êtes véritablement digne. Ce
n'est pas ici un consulat donné à une illustre
naissance, sans autre mérite; quiconque l'ob-
tient par cet endroit est indigne de succéder
au grand Scipion : il est la récompense de la
vertu de ses aïeux, et non pas de la sienne.
Le vôtre était bien dû à la noblesse de votre
extraction, mais il l'était encore davantage à
votre vertu et à tant de rares et éminentes
qualités qui brillent en vous. On ne voit pas
de sang répandu, pas de provinces subju-
guées, pas de peuples asservis ni attachés à
votre char, comme on en voyait autrefois à
l'entrée de ceux qu'on élevait à celte haute
dignité ; triste prélude d'une charge qui doit
être tout entière pour la conservation des
peuples, et non pas pour leur destruction. A
présent que Rome jouit d'une paix profonde
et qu'elle est devenue elle-même le prix et la
récompense du courage de nos vainqueurs,
on demande des vertus d'une autre nature
dans les consuls. Ces vertus guerrières ne
sont plus de saison. On n'en veut que de pa-
cifiques. Ce n'est pas que votre' consulat soit
destitué de cet avantage : on y trouve des com-
bats et des batailles gagnées en très-grand
nombre, puisque toute votre vie, jusqu'à pré-
sent, n'a été qu'un combat continuel et tissu
de victoires remportées sur l'erreur, sur le
vice et sur l'ignorance, monstres infiniment
plus dangereux et plus à craindre que tous
les Barbares qui menaçaient alors l'empire.»
Cette lettre d'Ennode, qui est de SIO, aide à
fixer l'époque du consulat de Roëce, que
quelques-uns ont placé mal à propos en 487,
temps auquel Ennode n'était point encore
évêque de Pavie. Boëce répondit parfaite-
ment aux espérances de ceux qui l'avaient
élevé ; il fit paraître en toute occasion uue
intégrité inviolable, uue capacité profonde
dans les affaires et une sagesse à l'épreuve
de la surprise et de la corruption. R s'éleva
avec fermeté contre deux seigneurs de la
cour de Théodoric , Conigaste et Triguilie,
tous deux Goths de nation, qui avaient acquis
des biens immenses en dévorant la substance
du peuple et en se nourrissant du sang des
malheureux. Théodoric ouvrit les yeux sur
la conduite de ces deux ministres : mais ne
voulant pas perdre des personnes à qui il
avait donné sa confiance, il laissa leurs cri-
mes impunis. Ce qui distingua Boëce dans le
consulat, c'est qu'il l'exerça seul : ce qui était
en môme temps une marque d'honneur, une
preuve de sa capacité el un témoignage non
équivoque de l'estime que le prince et le sé-
nat faisaient de lui.
10. Théodoric étant passé de Rome à Ra-
venne, Boëce eut ordre de l'y suivre. U y
était à peine ariivé, qu'on y amena saint Cé-
saire, évêque d'Arles, accusé auprès du roi
» Cassiod., lU). IV, Episl. 22.
2 Ibid., Epist. 23.
3 Boet., Prœfat. in Hb. U Prœdkal. Aristot.
« Ennod., lib. VllI, EpistA.
[VI<^ SIÈCLE.]
CHAPITRE LU. — BOECE, SÈNA.TRUR ROMAIN.
619
d'un crime de félonie. Boëce prit sa défense,
et le saint fut renvoyé avec honneur. II eut
beaucoup de part aux démarches que le roi
fit faire au pape Hormisdas pour la réunion
des Orientaux avec l'Eglise d'Occident : et
croyant qu'il était nécessaire, dans ces temps
de schisme et de troubles, d'édifier les fidè-
les par une profession publique de sa foi, il
le fit par un petit traité que nous avons en-
core. Le pape Hormisdas l'invita aux confé-
rences qui se tinrent à Rome, dans l'affaire
des moines de Scythie. On y admira son éru-
dition et son éloquence; et les assistants ne
purent disconvenir qu'il ne possédât mieux
les matières de théologie, que la plupart de
ceux qui en font une étude particulière.
oniJioffro \{. Boëcc avait deux fils de Rusticienne,
]0 SCCODcId '
1= |« ™"='j; fille de Symmaque ; le premier, nommé Quin-
Mfih ïn ^^^ ALurélius Anicius Symmachus; le second,
2- ' Anicius ManliusSeverinus Boetius. Théodoric
lui offrit une seconde fois le consulat, en l'an
522. Mais Boëce pria ce prince et le sénat de
le déférer à ses deux enfants, ce qui lui fut
accordé. On n'avait point vu jusque-là, dans
aucune famille patricienne, deux frères dans
un âge si peu avancé, désignés consuls dans
une même année. C'était un privilège réservé
à celle des empereurs. Cette année-là même,
Boëce prononça un panégyrique à la louange
de Théodoric, en présence des deux nou-
veaux consuls. Son discours fini ', on le con-
duisit au milieu d'eux dans le cirque, où,
suivant l'usage, il donna des jeux et des spec-
tacles au peuple, et lui fit des largesses qui
égalaient la magnificence d'un souverain. La
joie de l'élévation de ses enfants fut bientôt
troublée par les nouvelles que l'on reçut à
Rome, des violentes persécutions que l'impie
Dounoas, dit le fléau des chrétiens, leur fai-
sait souffrir, avec le secours d'une troupe
it d'Arabes et de Juifs qu'il commandait. Boëce,
~ prosterné au pied des autels, demandait à
Dieu, ou de mettre fin à ces maux, ou de le
retirer de ce monde, pour ne point voir son
Eglise en proie aux ennemis de son saint
nom. :( Ce ne sont pas là. Seigneur, lui di-
sait-il ^, les promesses que vous nous avez
faites, ni ce que vos prophètes ont prédit des
Juifs perfides, qulls seraient dispersés par
toute la terre, traités comme des esclaves,
sans roi, sans état, sans prêtres, sans autels,
' Boet., lib. II de Consolai, philosoph.
' Baron., ad ann. 522. — ^ liist. de Boèce,pa.g.i9S.
* Ecce Boetius adest in cœlo magnus et omni
Pe7-spcclus mundo, mirus habendus homo.
en punition de l'horrible déicide qu'ils ont
commis. Les voici maîtres d'un royaume
d'une vaste étendue ; ils ont un roi de leur
nation, assis sur le trône, armé de pouvoir
et menaçant de détruire bientôt l'empire de
votre Fils Jésus-Christ. » L'année 522 n'était
pas encore finie, qu'Elesbaon, roi d'Auxume
en Ethiopie, soutenu des forces d'Egypte et
d'Orient, attaqua le tyran, le vainquit, le fil
prisonnier et lui ôta la vie.
12. En 523, Boëce eut la joie de voir mon- Mmi ja
ter sur le Saint-Siège, Jean, diacre de l'E- ^îî!" ""
glise de Rome, avec qui il avait lié depuis
longtemps une amitié très-étroite. Les mou-
vements qu'ils se donnèrent l'un et l'autre
auprès de l'empereur Justin pour la défense
de la foi catholique, irritèrent Théodoric. Ce
prince obligea le pape d'aller à Constantino-
ple pour faire révoquer l'édit par lequel
l'empereur voulait obliger les ariens à se
convertir et à faire consacrer leurs égfises à
l'usage des catholiques. Peu de temps après
jl fit arrêter Boëce et Symmaque, son beau-
père, et les fit mettre en prison, comme ac-
cusés de crimes d'Etat. Les accusateurs de
Boëce étaient Conigaste et Triguille, deux
officiers de la cour dont il avait réprimé l'a-
varice, en 510, lorsqu'il était consul. Le roi,
sans approfondir les chefs d'accusation, fit
mourir Symmaque à Pavie, en 524, et Boëce
l'année suivante 525, dans un château situé
au territoire de Calvance, au milieu d'un dé-
sert également éloigné de Rome et de Pavie.
Avant de le faire mourir, on le mit à la tor-
ture, par le moyen d'une roue qui se tour-
nait avec une manivelle ^. On y attacha une
corde dont on ceignit sa tête, en sorte qu'à
mesure que la roue tournait la corde le ser-
rait davantage. Ce supplice lui fit sortir les
yeux de la tête, mais il ne put tirer aucune
plainte de sa bouche. Ensuite on l'étendit
sur une poutre, où deux bourreaux le frap-
pèrent longtemps avec des bâtons sur toutes
les parties du corps, depuis le col jusqu'à la
plante des pieds. Mais il parait qu'il n'expira
point dans ce toui-ment, et qu'il finit sa vie
par la hache ou par l'épée. C'est au moins
ce qui est marqué dans diverses épitapbes
que l'on a faites de lui. Celle que l'on grava
sur son tombeau, contient en peu de mots
l'éloge de son savoir et de sa vertu *. Elle
Qui Theodorir.o régi delatus inique,
Ticini senium duxit in exilio;
In qua se mœstum solans dédit urbe liùellum,
l'ost ictus gladio exiit e medio.
650
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Traité des
Deux naiuros
en Jésus*
Christ.
parle de l'accusation formée contre lui au-
près du roi Théodoric, de son exil à Pavie,
des livres qu'il composa pour se consoler
dans ses afflictions, et du genre de sa mort.
L'auteur de cette épitaplie ne doutait pas que
Boëce n'eût déjà reçu dans le ciel la récom-
pense due à sa piété, à son zèle pour la foi,
à ses souffrances pour la justice. Boëce mou-
rut dans sa cinquante-cinquième année, le
23 octobre 525. Les catholiques em ni itèrent
son corps, qu'ils inhumèrent auprès de celui
d'Elpis, sa première femme. Il fut transporté
environ deux cents ans après dans l'église
de Saint- Augustin, de la même ville, par
Luitprand, roi des Lombards, qui lui fit
dresser un mausolée que Ton voit encore à
présent. Il est placé au pied des degrés du
grand autel, et posé sur quatre colonnes,
avec une inscription de la façon de Balthasar
Taconus *, où il rend témoignage à l'érudi-
tion, à la probité et à la grande réputation
de Boëce. L'empereur Othon III lui fit élever
un autre mausolée de marbre, sur lequel il
mit son éloge en vers héroïques ^, composés
par Gerbert, qui fut depuis pape, sous le
nom de Sylvestre II. Boëce y est appelé le
père et la lumière de la patrie, et représenté
comme allant de pair avec les plus beaux
génies de la Grèce, comme capable de con-
tenir les empires dans leurs bornes et de
maintenir la liberté romaine.
ARTICLE II.
DES ÉCRITS DE BOECE.
§1".
Du traité des Deux natures et d'une personne
en Jésus-Christ.
1. Tous les ouvrages de Boëce ne sont pas
d'une grande importance pour l'Eglise. Il y
en a qui sont purement philosophiques;
d'autres qui traitent des matières les plus
essentielles de la religion. Ceux-ci sont en
plus petit nombre : mais parce qu'ils appar-
tiennent plus particulièrement à notre sujet,
1 Mœnia et latia lingua clarissinms et qui
Consul eram, hic perii, missus in exilium,
Et rjuid mors rapuit, probiias me venit ad auras,
Et nunc fama viget maxima, vivit opus.
2 Romn potens dum jura suo déclarât in orbe.
Tu pater et patriœ lumen, Séverine Boethi,
Consulis officio rerum disponis habenas,
Infundis lumen studiis, et cedere nescis
Grœcorum ingeniis : sed mens divina coercet
Imperium mundi. Gladio bacchante Gothorum,
nous en traiterons avec plus d'étendue, et
nous nous contenterons de donner des autres
une légère idée. Le premier traité théologi-
que de Boëce, selon l'ordre des temps, est
celui qui a pour titre : Des Deux natures et
d'une personne en Jésus-Christ, contre les er- '
reurs d'Eutychès et de Nestor ius. Il le com-
posa vers l'an 513, à l'occasion d'une lettre
que les Orientaux avaient écrite en cette an-
née au pape Symmaque, oîi ils le conju-
raient d'une manière très-touchante ^ de les
rétablir dans sa communion, sans être punis
pour la désobéissance et la prévarication
d'Acace, puisqu'ils n'y prenaient point de
part, et qu'ils recevaient la lettre de saint
Léon et le concile de Chalcédoine, et qu'ils
condamnaient Nestorius. Ils se plaignaient
encore dans cette letti'e que les eutychéens
les attaquaient tous les jours et leur disaient
anathème, parce qu'ils soutenaient les deux
natures, ajoutant qu'il leur était d'autant
plus ditBcile de se défendre de ces anathè-
mes, que beaucoup de personnes ne pou-
vaient distinguer la vérité d'avec les deux
erreurs opposées de NesLurius et d'Eutychès,
s'imaginaient que dès lors qu'on n'était pas
eutychien on était nestorien. Ils demandaient
donc au pape de leur marquer en des termes
les plus précis, de quelle manière ils devaient
s'expliquer sur les deux natures, et répondre
aux eutychiens, qui, pour couvrir leurs er-
reurs et éluder les décisions du concile de
Chalcédoine, avouaient que Jésus-Christ est
de deux natures, mais niaient qu'il subsistât
en deux natures. Symmaque assembla les
évêques qui se trouvaient alors à Rome, avec
les principaux du clergé et du sénat. Boëce
fut du nombre *, avec Jean, archidiacre de
Rome, qui fut depuis pape. La lettre des
évêques d'Orient fut lue dans le concile ^, et
la proposition des eutychiens débattue avec
beaucoup de bruit : Boëce, ne croyant pas
devoir se commettre dans ce tumulte, prit le
parti de se taire, résolu d'examiner cette
proposition à loisir. II communiqua son des-
sein à l'archidiacre Jean, le priant de venir
Libnrtas romana périt : tu consul et exsul.
Insignes iitulos prœclara morte relinquis.
Nunc decus imperii summas gui prœgravat auras
Tertius Otto sua dignum te judicat aula.
JEtei'mimque tui statuit monumenta laboris.
Et bene promeritum meritis exornat honestis.
Hist. de Boëce, pag. 304, 305 et 306.
8 Tom. IV Concil., pag. 1304 et seq.
' Boet., de Duabus naturis, tom. II, pag. 1203.
« Ibid.
fvi' SIÈCLE.] CHAPITRE LU. — BOECE
le voir le lendemain, pour l'examiner en-
semble. Jean n'en ayant pas eu le temps,
Boëce travailla seul sur cette matière, et,
ayant mis par écrit ce qu'il en pensait, il
l'envoya à l'archidiacre, pour en retrancher,
y ajouter ou changer ce qu'il jugerait à
propos.
2. Avant d'entrer en matière, Boëce fait
diverses remarques sur les termes de personne
et de natures ', pour en fixer le sens et la
signification, prétendant que la division des
esprits sur l'Incarnation, n'est venue que da
défaut de connaissance de ces deux termes,
ou parce qu'on n'en avait pas fixé la valeur
dans tous les pays où il s'est élevé des con-
testations sur ce mystère. Il fait voir qu'il y
a de la différence entre la signification du
terme de nature, d'essence ou substance, et
celle de personne; et que la source de l'erreur
de Nestorius vient de ce que, ne pouvant
croire qu'il y eût des natures sans personne,
il a confondu la nature avec la personne, et
enseigné conséquemment qu'y ayant deux
natures en Jésus-Christ, il y avait aussi deux
personnes , la nature divine et la nature hu-
maine étant dans lui avec toutes leurs pro-
priétés. La nature, selon Boëce ^, est une
propriété spécifique de chaque substance :
la personne est une subsistance individuelle
de la nature raisonnable. Les Grecs et les
Latins ne s'accordaient pas dans les termes ,
mais ils pensaient de même quant au fond.
Il veut qu'on laisse les Eglises dans l'usage
des termes qu'elles employaient ^, puis-
qu'elles convenaient dans la doctrine : et il
ne s'étend sur la signification des termes de
nature et de personne, que pour en faire voir
la ditférence, qu'il dit être exprimée claire-
ment par les définitions qu'il en donne.
3. Après quoi il prouve qu'il n'y a qu'une
personne en Jésus-Christ, parce que s'il y en
avait deux comme il y a deux natures, il n'y
aurait point d'union véritable; Jésus-Christ
ne serait pas un : il en faudrait admettre
deux : ou si l'on n'en admettait qu'un, il n'y
aurait pas plus de raison de donner cette
qualité à une des deux personnes qu'à l'au-
tre. Car ou c'est la nature divine que Nesto-
rius appelle Jésus-Christ, ou c'est seulement
la nature humaine, ou toutes les deux en-
semble. Ce nom ne peut convenir à toutes
, SÉNATEUR ROMAIN. 631
les deux ensemble, parce que deux natures
aussi dissemblables que sont la divine et
l'humaine, deux natures qui ne conviennent
en quoi que ce soit, et qui, selon lui, ne sont
pas jointes par une union personnelle et hy-
postatique, ne peuvent pas avoir un même
nom ni une même définition : s'il dit que la
nature divine est ce que l'on appelle Jésus-
Christ, dès lors Jésus-Christ est seulement
Dieu et non pas homme. Si, au contraire, il
soutient que le nom de Jésus-Christ appar-
tient seulement à la nature humaine, il faut
donc qu'il convienne aussi que Jésus-Christ
est seulement homme et non pas Dieu. Nes-
torius répondra peut-être que Jésus-Christ,
c'est-à-dire la personne de l'homme, a été
appelée Christ, parce que la divinité a opéré
par elle un grand nombre de miracles. Si
cela est ainsi, pourquoi ne pas donner aussi
ce nom aux éléments dont Dieu se sert tous
les jours pour opérer des merveilles? S'il dit
que cela ne se peut, parce que les éléments
ne sont pas des créatures raisonnables, il
faudra néanmoins qu'il convienne qu'on
ne peut refuser la qualité de Christ à plu-
sieurs saints personnages, par qui Dieu a
opéré de très-grands prodiges. Ajoutons que
si chaque nature dans Jésus-Christ conserve
sa personne, il y aura moins d'union entre
la nature divine et la nature humaine, qu'il
n'y en a enti-e un homme et une bête, qui
conviennent au moins ensemble dans le de-
gré d'animafité. La conséquence que Boëce
tire des faux principes de Nestorius, est que
le genre humain n'a donc point encore été
racheté; que la naissance de Jésus- Christ,
qui n'a rien eu que de commun, ne nous a
point procuré le salut, et que les prophètes
nous ont fait illusion , en nous promettant
que le monde serait sauvé par la naissance
du Christ.
4. Boëce fait voir ensuite qu'Eutychès s'est
égaré par un principe semblable à celui qui
a jeté Nestorius dans l'erreur, et qu'ils n'ont
erré l'un et l'autre, que parce qu'ils se sont
imaginé faussement qu'il ne pouvait y avoir
de nature existante sans qu'elle subsistât
dans une personne. « Il y a, disait Nestorius,
deux natures en Jésus-Christ, la divine et
l'humaine : donc il y a aussi une personne
divine et une personne humaine. » Eutychès,
Lc6 deux
naUirfis res-
tent il p r è s
l'union.
1 Boet., tom. II, pag. 1203.
2 Natura est cujuslibet substantice specificaia pro-
prietas. Persona vero rationabilis nalurce individua
subsistantia. Boet , de Duabus naiuris, tom. II, p. 1208.
3 Sed quo vero nomine unumquodque oporieat ap-
pellari, ccctesiasticce sit locutionis arbitrium. Ibid.
632
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
par un semblable raisonnement, disait : « Il
n'y a qu'une personne en Jésus-Christ : il n'y
a donc aussi qu'une nature. On lui répondait
qu'il n'était pas possible que la nature divine
fût la nature humaine, ni que la nature hu-
maine fût la nature divine : et il en était
convaincu par l'évidence même de la chose,
étant évident qu'autre est la nature de Dieu,
et autre la nature de l'homme; c'est pour-
quoi il répondait qu'avant l'union liyposta-
tique ou personnelle, la nature humaine de
Jésus-Christ était ditïerente de la nature di-
vine ; qu'il y avait en lui deux natures avant
l'union : mais que, depuis cette union, les
deux natures n'en faisaient plus qu'une. C'est
sur cela que Boëce lui demande en quel
temps s'est faite cette union ou plutôt cette
confusion de natures : si c'est dans l'instant
de la conception de Jésus-Christ, ou au mo-
ment de sa résurrection. Si c'est, continuait
Boëce, dans l'instant de sa conception, il suit
de là que celui qui, dans la suite, a porté le
nom de Jésus-Christ, était homme avant que
d'être conçu dans le sein de Marie, et que la
nature humaine qui allait se joindre à la di-
vine, existait déjà, puisque, selon Eutychès,
avant l'union, c'étaient deux natures dis-
tinctes : il suit aussi que Marie n'est point la
Mère de Jésus- Christ, et conséquemment,
que toutes les promesses faites à Abraham
et à David, que le Christ naîtrait de leur
race, ont été vaines; que Jésus-Christ même
s'est rendu coupable de mensonge en s'ap-
pelant le Fils de l'homme, puisque,'pour être
Fils de l'homme, il aurait fallu qu'il tirât sa
chair de l'homme. Si c'est après sa résurrec-
tion que les deux natures ont été confon-
dues, l'homme n'a donc point été racheté, le
péché d'Adam subsiste encore, la passion de
Jésus-Christ est inutile, puisqu'il n'a pu sa-
tisfaire à la justice de Dieu, ni donner un
mérite infini à ses souffrances, qu'étant Fils
de Dieu et Fils de l'homme. Boëce ajoute
que le mélange des deux natures n'a pu se
faire qu'en trois manières, ou par la trans-
formation de la nature divine en la nature
humaine, ou par le changement de la nature
humaine en la divine, ou en faisant des deux
natures une troisième, qui ne fût propre-
ment ni l'une ni l'autre. Le premier de ces
changements n'estpoint possible, puisqu'il ne
l'est pas que la nature divine, qui est essen-
tiellement immuable et impassible, devienne
passible et sujette au changement. Le second
n'est pas même proposable , puisqu'on ne
peut concevoir qu'une nature corporelle de-
vienne une nature purement spirituelle ,
qu'un corps devienne esprit, ou qu'un esprit
devienne corps. Les substances même spiri-
tuelles ne peuvent se changer l'une en l'au-
tre, et il en est de même des corporelles, lors-
qu'elles n'ont point un sujet ou une matière
qui leur soit commune. Par cette raison, le
cuivre ne peut être changé en pierre, ni une
pierre devenir une plante.
5. Les eutychiens disaient que Jésus-Christ i.^^f™"™,
était de deux natures, mais qu'il ne subsistait {H,^^"^ '
pas en deux natures. Le but de ces hérétiques
était de marquer sous ces expressions, que
de la nature divine et de la nature humaine, il
s'en étaitforméune troisième. Boëce soutient
que ce changement n'est pas plus possible
que les deux qu'il vient de montrer ne pou-
vaient se faire. En effet, ces deux propositions,
que Jésus est de deux natures, mais qu'il ne
subsiste pas en deux natures, renferment
une contradiction , ne se pouvant qu'une
chose soit composée de deux natures, lors-
que ces deux natures ne subsistent plus. Il
établit ensuite la foi de l'Eglise catholique,
qui enseigne que Jésus-Christ est non-seu-
lement composé de deux natures ', mais
qu'il subsiste en deux natures. Il dit qu'une
chose peut être de deux natures, ou lorsque
ces deux natures sont mêlées ensemble,
comme l'eau avec le miel, et c'est ainsi qu'Eu-
tychès disait que Jésus-Christ était composé
de deux natures; ou lorsque les deux na-
tures dont une chose est composée, demeu-
rent tellement, qu'elles ne sont point mêlées
l'une dans l'autre, comme il arrive dans une
couronne composée d'or et de perles, où l'or
n'est point changé en perles, ni les perles en
or; l'un et l'autre conservant la nature qui
lui est propre, il résulte de leur union un
tout qui fait la couronne. L'or et les perles
peuvent subsister séparément, n'étant plus
unis : mais en tant qu'elles font une cou-
ronne, elles n'ont qu'une existence qui est
celle du tout et de la couronne. C'est de cette
sorte que l'Eglise enseigne que les deux na-
tures ^ demeurent entières et parfaites en
1 Restai ut quemadmodum catholicae fids dicat, et in
uirisque naturis Christum, et ex utri<:qiie consistere
doceamus. Boet., de Duabus naturis, pag. 1215.
' Cum igitur utrasque manere naturas in Christo
fides catliolicu conftleatw; perfectasque easdem per-
sistere , nec alteram in alteram iransmutari : jure
[W SIÈCLE.]
CHAPITRE LU. — BOECE, SENATEUR ROMAIN.
653
Jésus-Clirist, qu'il subsiste dans deux natures,
et qu'il en est composé ; qu'il subsiste dans
deux natures, parce qu'elles demeurent ef-
fectivement; et qu'il est composé de ces deux
natures, parce que de l'union de ces deux
natures subsistantes, résulte la personne de
Jésus-Christ. Il restait à Boëce d'expliquer la
communication des propriétés de ces deux
natures, et à montrer de quelle manière Dieu
s'est fait homme et l'homme est devenu
Diea; comment le même Jésus -Christ, qui
est Homme, est Dieu, Fils de Dieu et en
même temps Fils de l'Homme. C'est ce qu'il
fait en rapportant le tout à la personnalité,
qui, faisant subsister ces deux natures, leur
rend communes toutes leurs propriétés, par
une appropriation que nous appelons en
théologie communication d'idiomes. Encore
donc que l'humanité seule ait souffert, nous
ne laissons pas de dire que Dieu a souffert,
non que la divinité soit changée en l'huma-
nité, mais parce que la divinité s'est unie à
l'humanité. De même celui qui est homme
est appelé Fils de Dieu, à cause de l'union
naturelle de son humanité avec la divinité.
iMais soit que l'on distingue les propriétés de
chaque nature, soit qu'on les confonde, en
disant de la nature divine ce qui appartient
à la nature humaine, ou de la nature hu-
maine ce qui appartient à la divine, c'est
néanmoins l'humaine qui est homme parfait
et Dieu parfait, à raison de l'union de ces
deux natures en une seule personne.
6. Il y en avait, qui, pour montrer que la
chair de Jésus-Christ n'a point été formée
dans le sein de Marie, employaient ce rai-
sonnement des valentiuieus contre la vérité
de la chair de Jésus-Christ: « Notre cliair ne
peut être considérée qu'en deux manières :
ou dans l'état de l'innocence d'Adam, ou
dans celui où le péché d'Adam l'a réduite.
Jésus-Christ n'a point pris celle d'Adam in-
nocent; s'il l'avait prise, comme ce n'est pas
la nôtre , il ne nous aurait pas rachetés ,
parce qu'il n'a racheté que ce qui en avait
besoin. Adam, dans Fétat d'innocence, ne fut
souillé d'aucun péché; mais il avait le pou-
voir de pécher. Au contraire, Jésus-Christ n'a
jamais péché et n'en a pas même eu le pou-
voir; il n'a donc pas pris la cliair d'Adam
considérée avant sa chute. Une autre preuve,
c'est que Jésus-Christ a été assujetti à la
mort , au lieu qu'Adam n'a subi celte loi
qu'en punition de son péché. On ne peut pas
dire non plus que Jésus-Christ ait pris la
chair d'Adam criminel et coupable : cette
chair est non-seulement infectée d'une cor-
ruption générale répandue sur tous les des-
cendants du premier homme, elle a encore
une pente naturelle au péché, qui est une
peine du péché d'Adam. Or il n'y a jamais
eu dans Jésus-Christ de pente au péché : ce
n'est donc pas la chair ci-iminelle d'Adam
qu'il a prise, et puisqu'il n'a pris ni celle
d'Adam innocent, ni celle d'Adam coupable,
c'est une suite nécessaire qu'il n'a pas pris
la nôtre. » Pour répondre à cette objection,
Boëce considère la nature humaine sous trois
différents aspects : avant le péché d'Adam,
dans la supposition qu'Adam n'eût point pé-
ché, et après son péché. Le premier état est
réel. L'homme alors n'était souillé d'aucun
péché, il ne mourait pas non plus; mais il
pouvait pécher et mourir. Le second état est
hypothétique. Si Adam fût demeuré soumis
aux ordres de Dieu, non-seulement il n'au-
rait pas péché, mais il n'aurait pu pécher,
parce qu'il aurait été confirmé dans la grâce.
Dans le troisième état , qui est le nôtre ,
l'homme peut pécher et mourir, et il pèche
et meurt effectivement. Ces deux derniers
états sont comme les deux extrémités de la
nature humaine. L'un aurait été la récom-
pense de la soumission d'Adam aux ordres
de son créateur; l'autre est la peine de sa
révolte; il est suivi de la pente au mal, de
l'impuissance de se relever de sa chute par
ses propres forces, et de la mort. Le premier
état tient un milieu : on n'y voit ni mort ni
péché, mais seulement le pouvoir de pécher
et de mourir. Jésus - Christ , pour sauver
l'homme, a pris de ces trois états ce qui
pouvait convenir à son humanité par rap-
port à l'opération de notre salut. Il a pris du
troisième état, l'assujettissement à la mort;
du premier , l'impeccabilité à laquelle se-
rait parvenu l'homme, s'il eût été fidèle ù
Dieu, et du second, les fonctions propres à
l'homme, comme de boire, manger et dor-
mir. D'où Boëce conclut que ce n'est pas
seulement la chair d'Adam pécheur que Jé-
sus-Christ a prise; mais celle d'Adam inno-
cent, ce qu'il a été en effet, et Adam impec-
cable, ce qu'il aurait dû être, s'il eût de-
dicit et in utrisque naturis Christum , et ex utrisque
consistere, lit utrisque quidem, quia rnunent utrœque ;
ex utrisque vero, quia utrarumque adunaiione manen-
tium una persona sit Christi, Ibid.
654
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
meure dans l'obéissance qu'il devait à Dieu.
Tel est l'ouvrage de Boëce, intitulé : Des
Deux natures. Le style en est extrêmement
concis, ce qui le rend très-obscur. Gilbert de
la Porrée, évéque de Poitiers, a essayé de
l'expliquer par un très-long commentaire;-
mais ses recherches n'ont servi qu'à rendre
le texte de Boëce encore plus obscur. Ce
commentaire se trouve à la suite du traité
des Deux natures, dans l'édition de Bâle en
l'an 1570. Boëce donne à la fin de ce traité
des marques de sa modestie et de son humi-
lité, en reconnaissant d'un côté, que d'autres
peuvent avoir traité la matière mieux que
lui, et en témoignant être disposé de préfé-
rer le sentiment des autres au sien, s'il se
trouvait qu'il se fût égaré; et en confessant
de l'antre, que tout ce qu'il pouvait y avoir
de bon et de bien dit dans cet écrit, ne ve-
nait pas de lui, mais de Dieu qui est la plé-
nitude de tout bien , et la source d'où il dé-
coule sur nous.
§n.
Du livre de l'Unité de Dieu, et du livre inti-
tulé : Si le Père, le Fils et le Saint-Esprit
peuvent être affirmés substantiellement de la
divinité, et du traité qui a pour titre : Si
tout ce qui est, est bon.
Livre do 1. Les difScultés qui s'élevaient de iouren
l'Unité de -,■,•■, ,
Tiieu. jour sur la religion ', et surtout à 1 égard de
certains termes que l'on inventait pour rap-
procher notre foi des idées ordinaires et de
la portée commune des hommes, engagèrent
Boëce à composer deux autres traités, dont
l'un a pour but de montrer comment la tri-
nité est un seul Dieu, et non pas trois dieux,
et l'autre, que l'on ne pouvait dire que la di-
vinité était substantiellement le Père, le Fils
et le Saint-Esprit. Il adressa le premier à
Symmaque, voulant qu'il en fût le juge et le
censeur : protestant qu'il l'avait entrepris ,
non pour donner plus de poids ni d'autorité
à la foi, qui n'en peut recevoir par aucune
raison humaine, mais pour appuyer par la
raison ce que la foi enseigne, et montrer que
si elle s'élève au-dessus de la raison, elle ne
la détruit pas et ne propose rien qui lui soit
contraire. Ce traité est conçu en des termes
très-abstraits, qui marquent combien Boëce
était versé dans les subtilités de la philoso-
phie péripatéticienne. Il déclare assez nette-
* Tom. n, pag. 1120.
ment, dans son prologue, qu'il avait choisi
cette manière d'écrire tout exprès pour ne
se rendre intelligible qu'à un certain nombre
de personnes à qui les termes nouveaux
qu'il emploie étaient connus, et que c'est
dans le même dessein qu'il a affecté un style
très-concis. Dès le commencement de cet
ouvrage, il remarque que plusieurs sectes
ont usurpé le nom de Chrétien, mais qu'il
n'appartient proprement qu'à l'Eglise, qui est
nommée Catholique, tant parce qu'elle est
répandue partout jusqu'aux extrémités de
l'univers, que parce que ses dogmes et ses
lois s'étendent généralement à tous les hom-
mes qui font profession de sa foi. Il enseigne
que celte foi consiste à reconnaître et à ado-
rer un Dieu Père, un Dieu Fils et un Dieu
Saint-Esprit; mais de manière que ces trois
personnes ne font qu'un seul Dieu et non pas
trois dieux. 11 prouve l'unité de Dieu par la
raison qu'il ne peut y avoir de diversité dans
la nature divine, à cause qu'on n'y trouve
ni genre, ni espèce, ni accident, qui sont les
seules sources de la diversité. Il fait voir que
les ariens, en attribuant au Père des perfec-
tions qu'ils disaient ne pas convenir au Fils,
étaient nécessités de dire que le Fils est au-
tre chose que le Père, et conséquemment
qu'il y avait de la diversité dans la nature
divine; mais que les catholiques ne tom-
baient point dans cette erreur, n'admettant
aucune qualilé, aucune perfection dans le
Père, qui ne fût dans le Fils et dans le Saint-
Esprit. 11 ajoute que, ne pouvant y avoir de
diflerence ni générique, ni spécifique, ni nu-
mérale dans les trois Personnes divines, elles
conservaient entr'elles une parfaite unité de
substance, et une entière égalité dans les
perfections. Si l'on répète trois fois le nom
de Dieu lorsque l'on nomme le Père, le Fils
et le Saint-Esprit, ces trois unités ne font pas
une pluralité de nombres, ce n'est qu'une
répétition de l'unité.
2. Boëce reconnaît que la trinilé de per- j,,|s„„
sonnes en un seul Dieu est un mystère in- p°ého'ns"S
compréhensible. La raison qu'il en donne, jlTrïS''
c'est quô la nature divine étant une forme
très-simple qui ne peut fournir aucune image
à notre imagination, notre entendement dont
toutes les connaissances, dans l'état de la vie
présente, dépendent de l'imagination et des
sens, demeure dans l'inaction quand il s'agit
d'approfondir ce mystère qui est au-dessus
de sa portée. Venant au fond du mystère,
il fait voir que l'idée la plus parfaite de Dieu,
CHAPITRE LU. — BÔEGE, SÉNATEUR ROMAIN.
[VI' SliCLE.]
est celle qu'il nous a donnée lui-même, lors-
qu'il a dit : Je suis celui qui est : termes qui
nous font comprendre que Dieu est une forme
très-simple, sans aucune partie, et consé-
quemment qu'il est indivisible, parce qu'il
n'y a que la forme qui donne l'être. Par
exemple une statue, soit de bronze, soit de
pierre, n'est point une statue par la matière
dont elle est composée, mais par la forme et
la figure empreinte sur cette matière. De
plus, si c'est la forme et non pas la matière
qui donne l'être, c'est une conséquence né-
cessaire que Dieu n'ait point de matière et
qu'il soit tout esprit, puisqu'il est tout être.
On ne peut pas dire la même chose des créa-
tures, parce qu'il n'y en a aucune qui soit
ce qu'elle est, puisqu'elle n'est telle que par
les parties dont elle est composée, et non
par elle-même, et que les parties qui la com-
posent étant unies ensemble , déterminent
son être. Ainsi le corps et l'âme constituent
l'homme, et l'homme n'est ni son corps ni
son âme : son essence consiste dans l'union
de ces deux parties. De la simplicité de la
forme de Dieu découlent tous les attributs et
toutes les prérogatives de la divinité; son
indépendance, puisqu'elle subsiste par elle-
même ; sa toute-puissance , puisqu'elle ne
tire son pouvoir d'aucun être qui soit diffé-
rent d'elle-même, et son unité indivisible,
puisqu'elle n'est composée d'aucunes parties
qui puissent être les membres de la divinité
et donner lieu à la pluralité. Dans les créa-
tures, soit corporelles, soit spirituelles, les
accidents sont reçus dans le sujet, les acci-
dents corporels dans la matière, les acci-
dents spirituels dans l'être spirituel. Mais
dans Dieu il n'y a aucun accident, et dès
lors il est immuable, par conséquent éter-
nel.
3. Mais s'il est un et indivisible, et qu'il ne
puisse y avoir en lui ni nombre ni pluralité,
pourquoi répétons-nous trois fois le nom de
Dieu en disant : « Le Père est Dieu, le Fils
655
est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ? » L'unité
répétée plusieurs fois ne fait -elle pas un
nombre, et, par une suite nécessaire, plura-
lité? Boëce, pour répondre à cette objection,
distingue deux sortes d'unité ', l'une numé-
rale, et l'autre numérante, comme s'il disait
que pour faire nombre, il ne suffit pas de
mullipher l'unité qui compte, qu'il faut en-
core multiplier l'unité de la chose qui est
comptée. En ce sens l'unité numérale répé-
tée plusieurs fois, fait nombre, et l'unité- nu-
mérante, quoique répétée, ne fait pas nom-
bre. Il s'explique par cet exemple : « Quand
je dirais trois fois : Soleil, soleil, soleil,» cela
ne ferait pas trois soleils, ce ne serait qu'une
répétition de la même chose. De même, lors-
que je dis : « Le Père est Dieu, le Fils est
Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, » cela ne fait
pas trois dieux ; c'est une répétition de la
même divinité attribuée au Père, au Fils et
au Saint-Esprit. Néanmoins les termes de
Père, de Fils et de Saint-Esprit, ne peuvent
être regardés comme synonymes, ainsi que
le sont les termes d'épée, de glaive et de
coutelas : la raison en est que l'épée, le
glaive et le coutelas sont non-seulement une
même chose, mais que l'un est encore l'au-
tre; au lieu que dans Dieu, quoique le
Père, le Fils et le Saint-Esprit soient une
même chose, l'un n'est cependant pas l'au-
tre, parce que dans les termes relatifs, quoi-
que l'un ne puisse être sans l'autre, il est
impossible que l'un soit l'autre. Il n'y a point
de Père sans Fils, mais il ne se peut que le
Père soit Fils, ou que le Fils soit Père. »
Boëce montre que les attributs de Dieu ,
comme sa justice, sa puissance, sa bonté,
n'étant autre que Dieu même, conviennent
également aux trois personnes, et qu'ils en
sont inséparables : au lieu que ce ne sont
que des accidents dans les créatures ,
l'homme pouvant être homme sans être
grand ou juste. Il ajoute qu'on ne peut dire ^
qu'il est arrivé quelque chose à Dieu qui l'a
1 Numerus duplex est : unus quidem quo numera-
mus; alter vero qui in rébus numeralibus constat...
in numéro quo numeramus , repefitio uniiatum facit
pluralitatem ; in rerum vero numéro, non facit plura-
litatem uniiatum repetitio. Boet., lib. I, pag. 1123.
2 Neque accessisse dici potest aliquid Deo ut Pater
fieret. Non enim cœpit esse unquam Pater, eo quod
substantiulis quidem ei est productio Fitii , relaiiva
vero prœdicaiio Patris. At si meminimus omnium in
prioribus de Deo senlentiarum , ita cogitemus proces-
sisse quidem ex Deo Pâtre Filium Demn, et ex uiris-
que Spiritum Sancium ; hos, quoniam incorporâtes
sunt, minime tocis dislare. Quoniam vero Pater Deus,
et Filius Deus , et Spiritus Sanctus Deus , Deus vero
quoniam nullas differentias habet , quibus différât a
Deo, a nullo eorum differt. Differentiœ vero ubi sunt;
abest pluralitas, et ubi abest pluralitas, adest unitas.
Nihil aliud gigni potuil ex Deo nisi Deus : et in rébus
numerabilibus repetitio unitatum, non facit modis
omnibus pluralitatem. Trium igitur idonee constiluta
est unitas : sed quoniam nulla relatio ad seipsum re-
ferri potest, idcirco, quod ea secundum seipsum est
prœdicaiio, quœ relations caret. Facta quidem est
Trinitatis numerositas, in eo quod est prœdicaiio relw
6:iQ
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
rendu Père, parce qu'il n'a jamais commencé
d'être Père, la production de son Fils éma-
nant de sa substance, et la qualité de Père
étant purement relative. Donc le Fils est
Dieu, étant émané de la substance du Père,
et le Saint-Esprit est Dieu, étant aussi émané
du Père et du Fils. Le Père est Dieu, le Fils
est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu , parce qu'en
Dieu il ne se trouve aucune différence par
laquelle Dieu puisse différer de Dieu , et
c'est pour cela que toutes les trois personnes
ne sont qu'un même Dieu. Car il n'y a point
de diversité où il n'y a point de pluralité,
et où il n'y a point de pluralité, se trouve
une parfaite unité : rien n'a pu être engen-
dré de Dieu, que Dieu. Comme dans les cho-
ses qui se comptent, la répétition des unités
ne fait point leur pluralité; l'unité des trois
personnes demeure toujours incontestable-
ment établie , et parce qu'aucune relation
n'est relation à elle-même, et doit nécessai-
rement se rapporter à une autre; c'est ce qui
donne lieu à la pluralité des personnes. La
trinité se compte donc , et elle est de plu-
sieurs par rapport à la relation; mais l'uniié
demeure toujours la même quant à la subs-
tance, parce qu'il ne se trouve aucune diffé-
rence dans la substance ni dans l'opération.
La substance divine contient donc l'unité, et
la relation des personnes fait la trinité. C'est
pourquoi nous nommons séparément les
trois Personnes divines : car celui qui est le
Père n'est pas le Fils, et ni l'un ni l'autre ne
sont pas le Saint-Esprit. Cependant le même
Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit; le même
est juste, grand, tout-puissant, et sa justice
et sa toute-puissance sont son être : il se
trouve toujours le même en tout ce qui peut
être énoncé de Dieu substantiellement. Or il
est bon de savoir que, comme pour établir
une parfaite relation, il n'est pas nécessaire
que les deux termes de la relation soient
différents l'un de l'autre, tels que le sont par
exemple, le maître et le serviteur, le Père
et le Fils dans la nature humaine, parce que
la relation se trouve même dans deux cho-
tionis : servula vero imitas in eo quod est indiffèrent ia,
vel substaniiœ , vel operationis , omnino ejus , quœ se-
cundum se diciiur prœdicaiionis . Ita igitur substantia
continet unilatem : relatio vero multiplicat trinita-
tem : atque ideo sola sigillatim proferuntur atque se-
paratim , quœ relationis sunt. Nam idem Pater qui
Filivs non est : nec idem uterque, qui Spiritus Sanctiis.
Idem tamen Deus est Paier, et Filius et Spiritus
Saucius. Idem justus, idem bomis, idem magnus. Idem
ses égales, qui sont égales à une troisième,
par le rapport que leur égalité leur donne,
selon cet axiome : « Tout égal est égal à un
égal, » il n'est pas non plus nécessaire que les
termes des relations divines, pour fonder i:nc
parfaite relation, soient différents substan-
tiellement l'un de l'autre, et la relation qui
se trouve entr'elles, est celle d'un égal à un
égal. Gilbert de la Porrée a aussi commenté
ce traité, et c'est dans ce commentaire qu'il
a avancé plusieurs propositions que l'on a
taxées d'erreurs : celle, entr'autres, où il a
donné à Dieu une forme qui n'est pas Dieu
même, mais par laquelle il est Dieu, et que
ce théologien appelle déifé. Il est à remar-
quer que Boëce, pour exprimer la généra-
tion du Fils et la spiration du Saint-Esprit,
se sert également du terme àe. procession.
4. Dans le traité suivant, qui est adressé à Tniié,s
Jean , diacre de l'Eglise romaine , Boëce Irii \1
examine si l'on peut dire, comme le disaient reTam?
quelques-uns, que le Père, le Fils elle Saint- ucMemVni
Esprit peuvent être affirmés substantielle- ' """°"
ment de la divinité '. Ce traité est en forme
de lettre : Boëce, après s'y être expliqué sur
cette proposition de la manière qu'il croyait
la plus conforme aux principes de la foi, prie
Jean de lui marquer ce qu'il en pensait, de
lui apprendre ce qu'il devait croire pour
être bon catholique, et de soutenir le dogme
par des raisonnements humains, afin que la
foi et la raison se prêtant mutuellement du
secours, la vérité s'affermit davantage. Ce
petit traité roule sur ce principe, que les
attributs absolus se peuvent affirmer de
Dieu substantiellement, et conséquemment
de toutes les Personnes divines, parce que,
possédant toutes les trois toute la divinité
en substance et toutes les perfections de
cette nature, il faut que tout ce qui se dit
substantiellement de la nature divine , se
puisse affirmer de chaque personne en par-
ticulier. Mais il n'en est pas ainsi des attri-
buts relatifs. On ne peut pas dire du Fils
qu'il est le Père, ni du Saiut-Esprit qu'il est
le Père ou le Fils, ni conséquemment que
omnia quœ secundum se poterunt prœdicari : sane
sciendum est non semper talem esse relativam prœ-
dicationem , ut semper ad differens prœdicelur :
est servus ad dominum, differunt enim. Nam sequale
omni œquali œquale est : et similis relatio est in
Trinitate Patris ad Filium, et utrimque ad Spiritum
Sanctum : ut ejus quod est idem ad id quod est idem.
Boet., lib. I, pag. 1127.
1 Tom. II, pag. 1171.
CHAPITRE Lit. — BOECE, SÉNATEUR ROMAIN.
[Vl" SIÈCLE.]
la divinité soit le Père, le Fils ou le Saint-
Esprit, quoiqu'elle soit renfermée dans ces
trois personnes. Au contraire, on dit bien
de chacune des trois personnes qu'elle est
la sagesse, la vérité, la bonté et la justice,
parce que ces termes marquant des attributs
absolus, c'est-à-dire sans dépendance, sans
relation et sans rapport à aucune autre, ils
peuvent être affirmés substantiellement de
la divinité, comme convenant tous à chaque
personne divine, au Père comme au Fils, et
au Fils comme au Saint-Esprit. Ce principe
posé, Boëce s'explique en ces termes sur la
proposition qui fait la matière de son. traité :
« La Trinité consiste dans la plurahté des
personnes ', et l'unité dans la simplicité de
la substance. Que si les personnes sont divi-
sées, et la substance indivisible, il est néces-
saire que le terme qui tire son origine des
personnes, ne se rapporte point à la subs-
tance : or la divei'sité ou distinction des per-
sonnes constitue la Trinité : donc la Trinité
ne peut s'afBrmer de la substance ou de la
nature divine. D'où vient que ni le Père, ni
le .Fils, ni le Saint-Esprit, ni la Trinité ne
peuvent s'affirmer substantiellement de Dieu,
parce que, comme on l'a dit, ce sont là des
termes relatifs. Mais ceux de Dieu, de vérité,
de justice, de bonté, de toute-puissance, de
substance, d'immutabilité, de vertu, de sa-
gesse et autres semblables, peuvent se dire
substantiellement de la divinité, parce que
ce sont des termes absolus qui marquent des
perfections communes à chaque personne
divine.
5. Ce fut encore au diacre Jean que Boëce
adressa le traité où il examine si tout ce qui
existe est bon. Jean l'avait prié d'écrire sur
cette matière ^, s'étant trouvé embarrassé
dans une question où un philosophe mani-
chéen lui avait demandé comment il était
possible que tout être fût bon, et que la bonté,
qui n'est point un être substantiel, pût con-
venir à toutes les substances en vertu de leur
être. Boëce, pour résoudre cette question,
pose divers principes, dont l'un est qu'il faut
mettre une différence entre la substance et
657
l'accident; et l'autre, que l'essence des cho-
ses est d'elle-même si simple, qu'elle ne
souffre point de composition. Ensu?te il fait
voir que les créatures n'étant bonnes que
par participation de la bonté même de l'être
qui les a créées, tous les êtres sont à cet
égard essentiellement bons ; que, toutefois,
leur bonté est bien différente de celle de
Dieu, non-seulement parce que celle de Dieu
est immense et sans bornes, qualités qui ne
conviennent point à la bonté des créatures,
mais encore parce que l'on ne peut concevoir
que la nature de Dieu ne soit point la bonté
même : au lieu que la nature des êtres créés
n'est bonne que par participation de la bonté
incréée. On pourrait objecter qu'il est donc
aussi nécessaire que tous les êtres créés
soient justes, parce que celui-là est juste qui
a voulu qu'ils existassent. Mais il y a cette
différence, que la bonté de l'être appartient
à son essence, et que la justice est l'effet de
son action; tous les êtres sont donc bons es-
sentiellement, ou par rapport à leur nature
et à leur essence : mais tous ne sont pas jus-
tes, parce que tous ne travaillent pas à ac-
quérir la justice.
§m.
De la Profession de foi de Boëce.
1. René Vallin a fait imprimer à Leyde en
1656, une Profession de foi ', qui, dans trois
anciens manuscrits, l'un de Saint-Mam^-des-
Fossés, l'autre de la bibliothèque du roi, et
le troisième de l'abbaye de Saint-Victor,
porte le nom de Boëce. Le style fait aussi
connaître qu'elle est de lui ; et l'on ne peut
douter que ce ne soit cette Pi^ofession de foi
que Trithème marque parmi les œuvres de
ce philosophe chrétien *, sousle titre de livre
de la Foi. Boëce le composa dans un temps
où l'Eglise, déchirée par les schismes et les
hérésies, semblait demander de lui qu'il fit
connaître publiquement qu'il ne professait
d'autre foi que celle qu'il avait reçue dans le
sein de l'Eghse catholique, où il avait été
instruit et baptisé.
IJoëcB est
auteur de la
Profestioa da
foi qui porte
sou nom.
* Sed trinitas quidem in personarum pluralitate
consistit, unilas vero in subslanliœ simplicitate. Quod
si personœ divisœ sunt , substantia vero indivisa sU ,
necesse esl vocabulum, quod ex personis originem ca-
pit, id ad substanliam non pertinere : at trinilatem
personarum diuersilas facit. Trinitas igilur non per-
tinet ad subitantium. Quo fit, ut neque Pater, neque
Fitius, neque Spiritus Sanclus, nec Trinitas, de Deo
X.
substantialiter prœdicentur. Sed, ut dictum est, ad
aliquid. Deus vero, veritas, justitia, bonilas, omnipo-
tentia, substantia, immutaOilitas, virtus, sopientia, et
quidquid hujusmodi excogitari potest, substantialiter
de divinitate dicitur. Boet., lib. II, pag. 1172.
2 Tom. II, pag. 1181.
3 Vallin., in uotis, pag. 98.
* Trithem., de Script. Eccles., pag. 223.
42
658
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
AnaiTse de 2. Cette foi, comme il le remarque d'a-
b'o« ■fe'iT. bord, est établie sur l'autorité des deux Tes-
^?."l6b^!^p.' taments, de l'Ancien et du Nouveau : mais
elle ne s'est répandue dans toute la terre
que depuis l'avènement de Jésus-Christ. D'où
vient qu'on lui donne les titres de foi ou de
religion chrétienne et catholique. Elle con-
siste à croire que la substance ou la nature
divine du Père, du Fils et du Saint-Esprit,
est de toute éternité et avant tous les temps;
que le Père est Dieu ', que le Fils est Dieu,
que le Saint-Esprit est Dieu, que ce ne sont
pas néanmoins trois dieux, mais un seul; que
le Père a un Fils engendré de sa propre
substance et qui lui est coéternel, mais qui
n'est pas le même que le Père ; que le Père
n'a jamais été Fils ; ni le Fils, Père ; que le
Saint-Esprit n'est ni Père, ni Fils, n'étant ni
engendrant, ni engendré; mais qu'il procède
du Père et du Fils, sans que nous puissions
expliquer clairement la manière de celte
procession, non plus que la manière dont le
Fils est engendré de la substance du Père.
Cette foi est appuyée sur les divines Ecritu-
res, dont les hérétiques ne comprenant pas
bien le sens, sont tombés en diverses erreurs.
Boëce rapporte celles des sabelliens, des
ariens et des manichéens, et il ajoute que
«Dieu, sans souffrir aucun changement dans
sa nature, a volontairement créé le monde,
non de sa substance, de peur qu'on ne le
crût divin, ni d'une matière préexistante,
afin qu'on ne crût pas qu'il y eût quelque
chose avant le monde qui existât contre la
volonté de Dieu, mais de rien, par sa seule
parole ; c'est de cette sorte qu'il a créé les
anges, divisés en divers ordres pour habiter
le ciel, et les hommes pour habiter la terre ;
une partie de ces anges, pour avoir voulu
s'élever au-dessus des prérogatives de leur
nature, a été précipitée de la place qu'elle
occupait dans le ciel, et pour remplir leur
nombre, qui se trouvait diminué par leur
chute, Dieu a créé l'homme doué de la raison
et du libre arbitre, pour l'associer à la com-
pagnie des anges, au cas qu'il vécût sans
péché dans le paradis de délices où il le mit
aussitôt après l'avoir formé du limon de la
terre. Le démon, cet auteur de l'envie,
ne pouvant souffrir que l'homme montât où
il n'avait pu demeurer lui-même, l'engagea,
en le tentant, lui et sa femme que Dieu lui
avait donnée pour compagne, dans les sup-
plices de sa désobéissance ; et ils déchurent
l'un et l'autre de leur état, en aspii-ant par
orgueil à la divinité que le tentateur leur
avait fait espérer. C'est par la révélation de
Dieu, dit Boëce ^, que Moïse a appris toutes
ces choses, de même que ce qui regarde la
condition et l'origine du genre humain,
comme le témoignent les livres qu'il a écrits.
3. L'homme, chassé du paradis pour avoir p^„ ^
transgressé le précepte de son Créateur, fut
réduit à cultiver la terre : banni du lieu où
il avait été mis avant son péché, il transporta
ses descendants dans des pays inconnus,
après leur avoir transmis par la génération la
peine dont il avait été châtié lui-même pour
son péché. Cette prévarication a causé la
corruption des âmes et des corps, et enfin la
mort. Adam en eut l'expérience dans le
meurtre d'Abel, son fils. Dieu ayant permis
qu'il survécût à ce fils afin qu'il vît par lui-
même, de quelle peine sa désobéissance mé-
ritait d'être punie, et qu'il fût aussi plus tour-
menté par l'attente d'un semblable sort. Pe-
lage, qui n'admettait point le mal de la pré-
varication ^, que le premier homme avait
transmis naturellement à sa postérité, est
tombé dans une hérésie qui l'a fait exclure de
la société de l'Eglise catholique.» Boëce décrit
en peu de mots les suitesfâcheuses du péché
d'Adam : les dissensions, les guerres, les dé-
règlements des hommes, que Dieu punit par
un déluge, dont le juste Noé fut seul délivré
avec ses enfants. Les hommes ayant depuis
' Hœc autem religio nosira, quœ vocafur chrisiiana
atquecatholica, his fundameniis niiiiur asserens : Ex
œierno, id est , unie mundi conslUutionem , divinam
Patris, ae Fitii et Spiritus Sancti exstitisse suhslan-
tiam : ut Deum dicat Patron, Deum Filium, Deum
Spiritum Sanctum, non larnen très Deos, sed unum.
Patrem itaque habere Filium ex substantia sua geni-
ium, et sibi coœiernum, quem Filium ealenus confi-
tetur fides, ut non sit idem qui Pater, neque Patrem
aliquando fuisse Filium... Sanctum vero Spiritum
neque Patrem esse, nequc Filium ; atque ideo nulla
nalura, neque genilum, neque generantem, sed a Paire
quoque procedentem et Filio. Quis sit tanlum proces-
sionis isiiiis modussita non possumus evidenter dicere,
quemadmodum generutionem Filiiex paierna substan-
tia non potest humanus animus œslimare. Boet., Cou-
fess. fidei, pag. 17-2.
2 Hœc autem révélante Deo Moysi famulo suo com-
perfa sunt, cui etiam humani generis conditionem
atque originem voluit innotescere , iicut ab eo libri
prolati testantur. Ibid., pag. 175.
' Hoc autem prœvaricationis malum quod in posteras
naluraliter primus homo transmisit, quidam Pelagius
non udmitlens , proprii nominis hœresim dedicovit;
quam calholica fides a consoriio suo mox repulisse
probatur. Ibid., pag. 176.
CHAPITRE LU. — I30ECE, SENATEUR ROMAIN.
[VI" SIÈCLE.]
recommencé à se multiplier, les vices s'aug-
mentèrent avec eux. Dieu, qui ne voulait plus
les punir par un nouveau déluge, aima mieux
choisir quelqu'un d'entre eux, pour en faire
naître son propre Fils selon la chair. Il choisit
la race d'Abraham.
178. 4. Boëce en fait succinctement la généa-
logie, raconte le séjour desdescendants de ce
patriarche en Egypte, leur sortie miraculeuse
de ce pays, le passage de la mer Rouge, la
promulgation de la loi donnée à Moïse sur le
mont Sinaï, les victoires des Israélites sur les
nations infidèles, leur établissement dans la
terre promise, les diverses formes de leur
gouvernement, dont la dernière fut par des
rois, qui tous furent tirés de la tribu de Juda,
jusqu'à Hérode qui était étranger. «Ce fut sous
son règne que vécut la bienheureuse Vierge
Marie : issue de la race de David, qui était la
famille royale, ce fut d'elle que le Créateur
du monde voulut naître. Jusque-là Dieu avait
envoyé à son peuple des prophètes et d'au-
tres saints personnages pour les conduire
dansles voies du salut; mais ce peuple indo-
cile mit à mort la plupart de ceux qui s'etfor-
çaient de le retirer de ses dérèglements. »
,;5, 5. «Dieu donc, dansles derniers temps', en-
voya son Fils unique, qu'il fit naître d'une
Vierge, afin que le salut du genre humain,
qui était péri par la désobéissance du premier
homme, fût rétabli par un Homme-Dieu ; et
parce qu'une femme avait causé la mort au
premier homme en lui persuadant la déso-
béissance aux ordres du Créateur, une autre
femme apportât aux hommes la source de la
vie. On ne doit pas regarder comme vile la
naissance du Fils de Dieu, parce qu'il est né
d'une Vierge. Sa conception et sa naissance
sont au-dessus de l'ordinaire de la nature.
C'est par l'opéj'ation du Saint-Esprit que
cette Vierge a conçu le Fils de Dieu : elle l'a
639
enfanté vierge, et elle est demeurée vierge
après son enfantement. Le Fils qu'elle a en-
gendré ^, est en même temps Fils de Dieu et
Fils de l'homme ; en sorte qu'on voyait
rayonner en lui la splendeur de la nature
divine, et qu'on y voyait aussi les faiblesses
de la nature humaine. Quelque vraie que
fût cette doctrine, il s'est trouvé des hommes
qui l'ont combattue, entre autres Neslorius et
Eutychès. C'est selon la chair que Jésus-
Christ a cru : il a été baptisé, voulant prati-
quer le premier ce qu'il enseignait, et se sou-
mettre à une loi dont il devait lui-même donner
la forme aux autres. Après son baptême, il se
choisit douze disciples, dont un le livra aux
Juifs, qui lui firent souffrir le supplice de la
croix. Il demeura trois jours et trois nuits
dans le tombeau, puis il ressuscita d'entre
les morts, et monta au ciel, laissant k ses
disciples la forme du baptême qu'ils de-
vaient administrer, les instructions néces-
saires et le pouvoir de faire des miracles,
pour leur faciliter le progrès de l'Evangile,
qu'il les chargea d'annoncer à toute la terre.
Avec le baptême, il institua d'autres sacre-
ments 3, comme des remèdes certains aux
plaies que le péché avait faites à la nature
humaine, particulièrement à celles que lui
avait causées le péché du premier homme.
Blessée de la sorte, elle ne devait s'attendre
qu'à des supplices éternels, n'étant pas ca-
pable de se procurer le salut. Ainsi les bien-
faits de Jésus-Christ l'ont mise en état de re-
connaître que, par sa nature, elle n'était digne
que de la peine, et que ce n'est que par la
grâce du Sauveur qu'elle en est délivrée :
grâce qui ne peut être attribuée à aucun mé-
rite qui soit dans l'homme, puisque, si elle
était due à ses mérites, elle ne serait plus
appelée grâce. »
6. «La doctrine céleste de l'Evangile s'étant p^j. ui.
1 Atque jam in uliionis iemporibus non propheias,
neque altos sibi placiios, sed ipsum unigenitum sumn
Deus per virginem nasoi constitua, ut humaiia salus
quœ per primi hominis inobelientiam deperierat, per
hominem Deum rursus repararetur. Et quia exstiteral
mulier, quœ causam mortis primo vira suaserat,esset
hœc secunda mulier, quœ vitce causam humants visce-
ribus adporiaret : nec vile videatur quod Dei Fiiius
ex Virgine natus est, quoniam prœter naiurœ modum
conceptus et editm est. Virgo itaque de Spiritu Sancto
incarnatum Dei Filium concepit , virgo peperit, post
ejus editionem virgo permansit. Ibid., pag. 179.
^ Atque hominis factus est idemque Dei Fitius ; ita
ut in eo divinœ naturœ radiaret splendor, et humunœ
fragilitatis appareret assumptio. Sed huic tam sanœ
utque veracissimœ fidei exsliterant muUi qui diversa
garrirent : et prœter alios, Ncstorius et Eutychès re-
pertores hœreseos cxstiierunt . Ibid., pag. 180.
3 Dat ergo formam discipulis suis baptizandi, do-
cendi salutaria , efficienliam guoque miraculorum ,
atque in universum mundum ad vitam prœcipit in-
troire... et quoniam humanum genus naiurœ mérita
quam ex primo prœvaricatore contraxerat, œternœ
pœnœ jaculis fuerat vulneratum , nec saluti suœ erat
idoiieum, quod eam in parente perdiderat, medicinalia
quœdam tribuit sacramenta : ut agnnsceret aliud sibi
deberi per nuturœ meritum, aliud p/er gratiœ donum.
Ut natura nihil aliud nisi pœnœ submitteret, grutia
vero quœ nullis meriiis attributa est, quia nec gratia
diceretur, si meriiis iribuercfur, totum quod est salutis
suœ afferret. Ibid., pag. 181,
660
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
répandue dans tout l'univers, il s'est fait une
union des peuples qui l'ont embrassée : on a
établi des Eglises, et il s'est formé un corps
qui a rempli toute la terre. Le chef de ce
corps est Jésus-Clirist, qui est monté au ciel
pour y être suivi de ses membres, mais de
ceux-là seulement qui, avec son secours, au-
ront bien vécu sur la terre. Car c'est là le
principal point de notre religion *, de croire
que non-seulement nos âmes ne périssent
point, mais que nos corps mêmes, que la
mort paraissait avoir dissous, ressusciteront
dans leur ancien état, pour jouir de la gloire.»
pjg. 181,182. 7. Boëce dit qu'on peut établir en trois
manières la catholicité "- ou l'universalité de
l'Eglise répandue par tout le monde. Il sem-
ble qu'il veuille parler de sa doctrine, car il
ajoute que ce qu'elle enseigne est fondé, ou
sur l'autorité des Ecritures, ou sur une tra-
dition universelle, ou sur les traditions parti-
culières et propres à chaque Eglise : mais il
met celte différence, que tout le corps de
l'Eglise est astreint à suivre ce qui est ensei-
gné dans les Ecritures, et par une tradition
universelle ; au lieu que les Eglises particu-
lières peuvent avoir des usages propres à la
situation des lieux, ou de la volonté de ceux
qui les gouvernent. 11 parle du compte que
chaque homme rendra à Dieu après la mort,
de la résurrection générale, de la résuri'ec-
tion particulière des justes pour la vie bien-
heureuse et éternelle, de la destruction gé-
nérale qui se fera de tout ce qui est corrup-
tible ; de la récompense due aux mérites des
hommes, et finit en disant^ que la béatitude
consistera dans la vision de Dieu, que les
saints connaîtront autant qu'une créature en
est capable; que, réparant la perte des anges,
ils rempliront la cité céleste, dont le Fils de
la Vierge est le roi, où la joie sera éternelle,
et où les louanges continuelles du Créateur
feront tout le plaisir, la nourriture et l'occu-
pation des bienheureux.
' Et hoc est principale religionis noslrœ, ut creda-
mus non soliim animas non perire, sed ipsa quoque
corpora, quœ mortis udventus resolverai. in stutum
pristinum futwa beatiludine reparari. Ibid.
2 Hœc ergo Ecclesia catholica per orbem diffusa
tribus modis probatur existera. Quidquid in ea tenetur,
aul auctoriius ed Scriplururum, aut tradilio univer-
salis, aul cerie propria et particularis instruclio. Sed
aucloritate Iota constringitur, uniuersali iraditione
majorum nihilominus tota, privalis vero constitutio-
nibus et propriis informationibus unaquœque vel pro
locorum varietate , vel proui cuique bene visum est ,
ubsistit et reyiiur. Ibid., pag. 182.
8. Voilà ce que contient en substance la
Confession ou plutôt l'Exposition de foi de
Boëce, qui est appelée par Vallin un livre
d'or, parce qu'en effet elle est une des plus
suivies, des plus exactes et des plus complè-
tes que nous ayons dans l'antiquité. 11 est
surprenant que depuis l'an 1656, auquel cet
éditeur l'a rendue publique, on ne l'ait point
réimprimée dans tant de recueils, où l'on a
inséré un grand nombre de pièces qui avaient
déjà vu le jour, et dont le mérite est beau-
coup au-dessous de celle-ci.
§iv.
Des cinq livres de la Consolation de la
philosophie,
\ . Avant Henri Lorit *, connu sous le nom }^
de Glareanus, on ne s'était point avisé de lioi"'
contester à Boëce les cinq livres de la Conso-
lation de la fjhilosophie. Tout le monde les lui
attribuait sans diflBculté ^; on y reconnaissait
son style etson génie. Mais Glareanus, comp-
tant pour rien toutes ces raisons, les a reje-
tées, par cela seul qu'on ne lit pas une seule
fois dans ces livres le nom de Jésus-Christ,
que Boëce aurait sans doute invoqué dans la
malheureuse situation où il se trouvait, dans
l'attente continuelle de l'exécution de l'arrêt
de mort prononcé contre lui par Théodoric.
Mais il est à remarquer que ce fut aussi dans
la prison que Boëce composa son traité de la
Trinité ^, et qu'on n'y remarque pas une
seule fois le nom de Jésus-Christ. Ainsi l'ar-
gument de Glareanus tombe de lui-même.
Aussi a-t-on continué depuis à regarder le?
livres de la Consolation comme étant indubita^
blement de Boëce. Si l'on n'y lit pas le nom
de Jésus-Christ, on y trouve les sentiments
d'un parfait chrétien.
2. Us sont en forme de dialogue, que Boëce
feint d'avoir avec la Sagesse incréée, qu'il
cache sous le nom de Philosophie. Cet ou-
* Sola ergo nunc est fidelium expectatio, qua cre-
dimus omnia eorruptibilia transitura , recepturos pro
meritis singulos, solumque esse prœmium beatitudinis^
contemplatio7iem conditoris; tantatji duntaxat, qunnia
a creatura ad Crealorem fieri potest. Ut ex eis, repa-
ralo angelico numéro, superna illa civiias implealur,
ubi rex est Virginis Filius; eritque gaudium sempi-
ternum,delectatio, cibus,opus, laus perpétua Creatoris,
Ibid., pag. 182.
' Glaroan., Prœfat. ad o;:er. Boel.
» Honor.August. lib. IUrfeScr//j;. Eccles. ,càp. xxii;
Sigebert. Geinbl., de Script. Ecoles., cap. xxxvn,
^ Sigebert., ibid.
Ce
eoDti
[VP SIÈCLE.
CHAPITRE LU. — BOECE, SÉNATEUR ROMAIN.
661
vrage est partie en prose et partie en vers de
différentes mesures '. II est divisé en cinq li-
vres. Boëce commence le premier par des
vers élégiaques, où, après avoir exprimé les
motifs de sa douleur, il dit qu'il n'y a rien en
ce monde sur quoi l'on doive faire moins de
fond que sur le brillant de la forlune et sur
les applaudissements des hommes, ajoutant
que celui-là n'était pas solidement établi, qui
n'a pu éviter de tomber. Il raconte ensuite,
mais en prose, comment, s'entretenant de ces
tristes pensées, appuyé sur son lit, la Sagesse
lui apparut sous la figure d'une vierge, d'une
beauté admirable, qui portait sur le bas de sa
robe trois caractèresgrecs,dontrun exprimait
la philosophie pratique, et l'autre la spécula-
tive; comment, s'étant approchée de lui, elle
avait essuyé ses larmes et dissipé Jes ténè-
bres dont son esprit était alors offusqué. 11
rapporte au long les discours que la Sagesse
lui tint, et de quelle manière il lui avait lui-
même exposé les occasions de sa disgrâce,
disant que tout sou crime était d'avoir voulu
conserver la vie et l'honneur du sénat.
3. Le livre 11= renferme les motifs que
la Sagesse emploie pour le consoler, en lui
faisant voir d'un côté qu'il ne lui était rien
arrivé qui n'eût coutume d'arriver à tous les
hommes, puisque la nature de la fortune est
d'être changeante ; et , de l'autre , que s'il
avait sujet de se plaindre d'elle, elle pour-
rait à son tour lui reprocher avec justice son
ingratitude, puisqu'elle l'avait jusque-là com-
blé debiens et d'honneurs. Elle en tirait cette
conséquence , que les douceurs de la félicité
humaine étant toujours mêlées d'amertume
et sans aucune stabilité , l'homme devait sa-
voir que son bonheur ne pouvait consister
dans ce qui est caduc et périssable , et qu'il
n'y avait que le souverain bien qui pût faire
sa véritable félicité.
4 . La Sagesse continue, dans le livre IIP, à
montrer en quoi consiste la véritable béati-
tude, qu'elle définit un état parfait et perma-
nent où tous les biens se trouvent réunis.
Puis, parcourant les différentes opinions des
anciens philosophes touchant la vraie félicité,
elle fait voir le néant de toutes les créatures
dans lesquelles ils l'ont fait consister, mon-
trant que la souveraineté même n'est pas
exempte de vide, puisqu'elle seule ne se suf-
< Tom. II, lib. I, pag. 902.
2 Nullane animarum supplicia post defunctum morte
corpus relinquis? Sapientia : ut magna quidem quo-
rum alla pœnali acerbitate , alia vero purgatoria
fit pas, et que pour la soutenir, la défendre et
la conserver, les rois, sur leurs trônes, ont
plus besoin des secours étrangers que dans
toute autre condition où l'homme se trouve.
4. Elle prouve, dans le hvre IV«, que les rj^e iv
gens de bien, même dans ce monde, sont P's'oes.
toujours en honneur et en crédit , et que les
méchants y sont toujours faibles, impuissants
et méprisés; que le crime n'est jamais sans
punition ni la vertu sans récompense. Elle
convient que les méchants ne laissent pas de
faire ce qu'ils veulent lorsqu'ils sont en au-
torité, mais elle soutient qu'avec cela ils sont
impuissants, parce qu'ils ne font pas ce qu'ils
désirent. Ils désirent malgré eux d'être heu-
reux , et ils ne peuvent le devenir par leurs
actions. Elle donne pour exemple ces maîtres
du monde dont les cœurs sont déchirés par
mille différentes passions , tandis qu'ils sont
assis sur des trônes tout éclatants d'or et de
pourpre, et qu'ils sont environnés de gens
armés prêts à leur obéir. Il n'en est pas ainsi
des hommes vertueux : les méchants ont beau
attaquer leur vertu; une malice étrangère ne
ternira jamais la gloire qui leur est propre
et ne leur enlèvera pas la possession du sou-
verain bien qui sera la récompense de leurs
grandes actions. Boëce demande si Dieu,
ayant puni dans ce monde les crimes des
méchants ^, ou ayant différé de les punir, ils
n'avaient plus rien à craindre après leur
mort, et en général, si les âmes des défunts
étaient exemptes de toutes sortes de sup-
plices. Il en reste de très-grands, répondit la
Sagnsse : les uns sont exercés avec sé-
vérité , d'autres par une clémence purgative
qui, en faisant expier le péché, purifie en
même temps le pécheur. Sans s'étendre sur
la nature ni la durée de ces peines , la Sa-
gesse fit voir à Boëce que celui qui fait Fin-
juslice est plus malheureux que celui qui la
souffre, parce qu'il n'y a que le péché qui
rende véritablement l'homme malheureux.
Elle en infère que l'homme sage ne hait per-
sonne : ni les bons, puisqu'il n'y a qu'un fou
qui puisse leshaïr ; ni les méchants, parce qu'il
sait que la malice est à l'âme ce que la ma-
ladie est au corps. « Voulez- vous donc, ajoutâ-
t-elle, rendre avec justice ce que vous lui
devez selon son mérite ? Aimez par justice
les gens de bien ^, et ayez compassion des
clementia exerceri puio. Boet., lib. IV de Confess.,
pag. 1079.
2 Dilige jure bonos, et miserescœ malts, Ibid., pag.
1081.
662
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
L'vrc
pag. 1096.
méchants. » — « Mais pourquoi , demande
encore Boëce , voit- on les gens de bien ex-
posés aux supplices que les lois n'ont ordon-
nés que contre les criminels, et les méchants
emporter le prix qui n'est destiné qu'à la
vertu? » La Sagesse répond qu'encore que la
raison d'une disposition si extraordinaire soit
inconnue aux hommes, ils ne doivent pas
douter qu'elle ne soit juste, puisque c'est Dieu
lui-même qui l'ordonne. Elle prend occasion
de la demande de Boëce, d'expliquer ce que
c'est que la providence et ce que c'est que le
destin : la providence est cette divine raison
qui réside dans le premier principe de toutes
choses et qui ordonne tout; le destin est la
disposition inhérente aux causes secondes,
par laquelle la providence a hé chaque chose,
chaque événement par l'enchamement etpar
l'ordre qu'elle y a mis. La providence embrasse
toutes choses en général; le destin regarde
les choses particulières. Quoique ces deux
choses soient difTérentes , l'une dépend de
l'autre, et l'ordre du destin coule nécessaire-
ment de la providence de Dieu. D'où vient
que tontes les choses qui sont soumises au
destin le sont aussi à la providence à qui le
destin est soumis. La Sagesse fait voir que la
providence donne à chacun ce qu'elle sait
lui convenir. Si Dieu, par exemple, permet-
tait qu'un homme réglé dans ses mœurs,
njais qui n'a pas assez de force d'esprit pour
supporter l'adversité, fût affligé, peut-être
s'écarterait -il de la vertu. Dieu l'épargne
parce qu'il prévoit qu'il deviendrait mauvais
par l'adversité. 11 en fait passer d'autres qui
ont besoin d'être affermis dans la vertu par
de rudes épreuves, permettant qu'ils soient
exercés par de continuelles tj-ibulations. Les
uns se laissent abattre trop aisément par la
crainte , les autres présument de leurs pro-
pres forces; la providence règle à leur égard
les biens et les maux selon leurs besoins.
6. Le livre V'' traite du hasard, de la liberté
et de la manière de l'accorder avec la pres-
cience de Dieu. Le hasard, selon la définition
des philosophes, est un événement auquel on
ne s'attendait pas , et qui arrive par le con-
cours des causes secondes. Un homrrite va la-
bourer dans son champ, il y trouve un tré-
sor; voilà le hasard. Mais cet événement a
ses causes : si quelqu'un n'avait pas caché
de l'argent dans ce champ-là, et si un homme
n'y était pas allé labourer, le trésor ne s'y
serait pas trouvé. Boëce ne disconvenait pas
de l'enchaînement admirable qui se remarque
dans le concours des causes secondes , mais
croyant que la volonté des hommes y était
infailliblement assujettie de même que toutes
les autres créatures , il en concluait qu'elle
n'avait plus de liberté. « Il n'y a, lui répond
la Sagesse, aucune créature raisonnable sans
liberté, parce qu'elle n'est raisonnable qu'au-
tant qu'elle peut se servir de sa raison natu-
relle. Elle fait consister la liberté à vouloir
Gune vouloir pas, àvouloircette chose ouune
autre, ajoutant que cette liberté est propor-
tionnée aux différentes natures i-aisonnables,
en sorte que dans les anges et les saints il se
trouve une facilité prompte et une puissance
absolue pour faire tout ce qu'ils souhaitent ,
et que dans ce monde ceux-là jouissent d'une
plus grande liberté qui sont les plus détachés
des choses sensibles et terrestres , les affec-
tions déréglées des passions jetant le trouble
et causant de l'ignorance dans l'esprit de
ceux qui s'attachent aux choses matérielles
et sensibles. Dieu , qui de toute éternité voit
toutes ces choses ' , en dispose et les règle
selon 4fu'il les a prédestinées par rapport à
leursmérites.»—<( Comment sepeut-il, objecte
Boëce, que Dieu, connaissant toute chose de
toute éternité, l'homme demeure toujours
libre? Il paraît en cela de la contradiction.
Si Dieu voit tout de toute éternité et s'il est
infaillible dans sa connaissance, il est néces-
saire que ce qu'il a connu devoir être un
jour arrive; dès-lors, non-seulement les ac-
tions des hommes, mais encore leurs des-
seins, leurs volontés étant connus de Dieu, il
ne peut leur rester la liberté d'agir autrement
que Dieu l'a prévu , ou il ne serait point in-
faillible dans sa prescience, ce qui ne peut se
dire. » — « Nous ne prétendons point, ré-
pond la Sagesse , que les choses que Dieu a
prévues devoir arriver puissent ne pas arri-
ver ; nous convenons , au contraire , qu'elles
arriveront infailliblement, mais nous disons
que la prescience de Dieu ne leur impose au-
cune nécessité. Ne voyons-nous pas plusieurs
choses qui se passent sous nos yeux sans que
notre connaissance les rende nécessaires?
Si donc la connaissance des choses présentes
ne leur impose aucune nécessité pour être,
pourquoi la prescience des choses futures en
' Quœ tamen ille ab œtarno cuucla praspiciens, pro-
videniiœ cernit inluitus, et suis quœque meritis prœ-
desiinata disponit. Boet., lib. V, pag. 1100.
|vi« SIÈCLE.] CHAPITRE LU. — BOECE , SÉNATEUR ROMAIN.
663
Dieu en imposerait -elle aucune à celles qui
doivent être? » Pour mettre cette vérité dans
tout son jour, elle fait ce raisonnement : Dieu
est éternel'; or l'éternité est la possession
entière, simultanée et parfaite d'une vie sans
fin et sans terme. Dans cette éternité , il n'y
a rien de passé, rien de futur, mais tout est
toujours présent toutà la fois. Ainsi, commela
connaissance que Fon a des choses présentes
ne leur impose aucune nécessité, de même
la divine providence, en regardant les choses
futures qui lui sont présentes, ne leur impose
aucune nécessité, et la manière dont elle les
connaît dans son éternité, n'intlue pas davan-
tage sur les créatures que notre manière de
les connaître dans le temps. Vous répondrez
peut-être que Dieu ne peut prévoir les choses
futures, puisqu'il les connaît toutes comme
présentes ? A cela je vous répondrai que nous
ne laissons pas d'appeler prescience cette
connaissance de Dieu, parce que les choses
qui lui sont continuellement présentes sont
futures à notre égard. Toutes les choses que
Dieu a prévues arrivent donc infailliblement ;
mais les unes arrivent parce qu'elles partent
de la liberté de l'homme, sans rien perdre de
leur propre nature , puisqu'avant que d'arri-
ver elles auraient pu ne pas arriver, et les
autres arrivent par une nécessité absolue et
inévitable, parce qu'elles ne dépendent point
de la liberté de l'homme. Telle est la néces-
sité de mourir imposée à tous les hommes,
tel est encore le cours des astres qui dépen-
dent uniquement de la volonté du Créateur.
S'il dépend de moi , direz-vous , de changer
le décret de Dieu, je pourrais donc rendre
vaine sa prescience ? Non, répond la Sagesse ;
vous pouvez bien changer de dessein et de
résolution, mais d'autant que la divine pro-
vidence sait et a connu que vous en avez le
pouvoir, et si vous le ferez ou ne le ferez pas;
elle ne peut ignorer le parti que vous pren-
drez. Ainsi vous ne pourrez jamais rendre
vaine sa prescience, comme vous ne pouvez
éviter le regard d'un œil vif et clairvoyant fixé
sur vous, quoique vous vous portiez à diffé-
rentes actions par votre propre liberté. La
science divine n'est point changée par le
changement de vos dispositions, parce que
l'œil de Dieu voit tout, le futur comme le pré-
sent, et d'un clin d'œil; demeurant toujours
le même, il connaît tous vos changements, et
cette manière de connaître ne vient point de
l'événement des choses futures, mais de la
simplicité de la connaissance et de la nature
de Dieu, ce qui fait qu'on ne peut pas dire
que les choses futures soient la cause de sa
prescience, puisqu'elle ne tient rien du futur.
§V.
Des Dialogues sur la philosophie de Porphyre
et des autres ouvrages de Boëce.
1. De tous les autres écrits de Boëce qui
sont venus jusqu'à nous, il n'y en a aucun
qui ait rapport à la religion ^. Il y traite ou
de la philosophie, ou des beaux-arts. Victorin,
célèbre pour avoir enseigné longtemps la
rhétorique à Rome avec applaudissement,
avait traduit en latin l'introduction de Por-
phyre à la philosophie d'Aristote. Boëce ayant
remarqué que cette traduction n'était point
littérale et qu'on s'y était peu attaché aux
termes de Porphyre , en donna une plus fi-
dèle , après avoir parcouru , avec un de ses
amis nommé Fabius, tous les endroits défec-
tueux de celle de Victorin , dans deux con-
versations qu'il a rapportées lui-même sous
le nom de Dialogues. 11 ajoute à cette traduc-
tion un commentaire divisé en cinq livres,
que nous avons encore.
2. Nous avons aussi les quatre livres de l'In-
terprétation d'Aristote ^, dans lesquels il
éclaircit les termes des Catégories de ce phi-
losophe , qui signifient quelque chose par
eux-mêmes , comme est celui d'homme. Il y
ajoute deux sortes de commentaires : l'un,
qu'il appelle de la première édition , et qui
est très -succinct , se contentant presque d'y
rendre mot à mot le sens littéral du texte
d'Aristote, parce qu'il n'avait en vue que
d'instruire les commençants; l'autre, de la
seconde édition, qui est beaucoup plus long,
parce qu'il y explique les difficultés d'une
manière qui convient à ceux qui sont plus
avancés. Les deux ouvrages suivants * ne sont
qu'une traduction latine des quatre livres des
Analytiques d'Aristote, divisés chacun en deux
livres, dont les deux premiers sont intitulés :
Prieurs , et les deux derniers : Postérieurs.
Boëce ne fit point de commentaire sur les
Analytiques, mais il traita à fond du syllo-
gisme, de la définition et de la division, dans
un ouvrage qu'il fit exprès et qui est divisé
Kcrits de
Roëce sur
Por[JÎiyre.
Sur Ariatoie.
• JEternitas est interminabilis vitœ toia simul et
perfecta possessio. Boet., lib. V, pag. 1H3.
î Tom. I, pag. 1 et seq.
''Pag. 468.
— ' Pag. 112 et seq.
664
HISTOIRE GÉNÉllALE DES AUTEUllS ECCLÉSIASTIQUES.
Ëur Cicéron,
Traité de
l'Un Et de
rUnilê.
La Disci-
pline des élu-
des Matliéin a'
tiques.
eu sept livres. Il est précédé d'une introduc-
tion aux syllogismes *, où il donne les pre-
miers éléments de l'art de raisonner. Cette
introduction est comptée pour le septième
livre. Boëce traduisit aussi les -huit livres
d'Aristote, intitulés : Topiques ^, parce qu'ils
traitent des arguments tirés des circonstances
du fait , et ses deux livres des Sophismes ou
des Arguments captieux. Il ne commenta pas
ces livres.
3. Mais il commenta ceux que Cicéron avait
faits sur la même matière ^ et qui portaient
aussi le titre de Topiques. Il fit de plus un
ouvrage distribué en quatre livres, pour mon-
trer la différence qu'il y a entre les Topiques
d'Aristole et ceux de Cicéron*. Son but était
de faire voir quelles sont les sources d'où un
philosophe doit tirer ses arguments probables
et celles où un orateur peut puiser les siens.
4. Il montre, dans le petit traité de l'Un et
de l'Unité'^, que chaque chose est une partie
de l'unité , comme le blanc est blanc par la
blancheur.
5. Le traité qui suit immédiatement a pour
titre : De la Discipline des Etudiants ^. C'est
une pièce mal écrite, indigne de Boëce. Ce
que l'auteur y dit de l'Université de Paris
fait voir qu'il écrivait longtemps après ce phi-
losophe. Quelques-uns ont attribué cet écrit
à Denis le Chartreux ; mais comme il ne pou-
vait pas lui faire beaucoup d'honneur, d'au-
tres ont prétendu qu'il était d'un professeur
en droit de l'Univei'sité de Douai, nommé
Boëce Epo, qui vivait dans le xvi' siècle. On
confirme ce sentiment en ce que ce traité ne
se trouve point dans le recueil des œuvres
du sénateur Boëce , avant l'édition que Ton
en fit à Bâle en 1346.
6. Boëce avait traité les quatre parties des
mathématiques , savoir : l'arithmétique ', la
musique, la géométrie et l'astronomie. Cette
dernière partie n'est pas venue jusqu'à nous.
Mais nous avons de lui deux livres de l'Arith-
métique, cinq de la Musique et deux de la
Géométrie. Il remarque au commencement
du hvre 1" de la Musique, qu'elle a fait les
délices de toutes les nations, même les plus
Pag. 737.
1174. — 6 Pag. 1276.
» Pag. 558. — 2 Pag. 662.
* Pag. 857. — 6Tom. Il, pag.
' Pag. 1371.
8 Trilliem., de Script. Ecoles., cap. cci.
9 Baron., ad ann. 510.
1" Quascumque disciplinai vel artes fœcunda Grœcia
per singulos viros edidit , te uno aiiciore, paihico ser-
monc Roma suscepit. Quos tanla verborum tuculentia
riddidisti claros, tanta linguœ proprieiate conspicuos.
barbares , et rapporte divers exemples de
son efficacité pour calmer les passions les
plus violentes, reconnaissant en même temps
qu'elle peut aussi les allumer, et que c'est
ce qui a porté plusieurs républiques à bannir
les symphonies molles et efféminées.
7. L'abbé Trithème ^ fait mention d'un re-
cueil de lettres que Boëce avait écrites à di-
verses personnes. Nous ne l'avons plus. Il
parait que Baronius ^ avait vu de lui un livre
des commentaires sur l'Enoncialion. On ne
l'a pas encore rendu pubhc.Murmelhus, après
avoir fait le dénombrement des écrits de
Boëce qui sont venus jusqu'à nous, ajoute
que cet auteur en avait composé plusieurs
autres tant en vers qu'en prose, qui sont per-
dus, ou du moins que l'on n'a pas recou-
vrés jusqu'à présent.
8. Ceux que nous avons sont si châtiés et
si élégants, que l'on en trouve peu dans les
siècles précédents qui leur soient préférables,
soit pour la pureté du style, soit pour la no-
blesse des pensées, soit pour la douceur des
expressions. On y voit que Boëce s'était
rendu également habile dans les sciences sa-
crées et profanes; qu'il était bon orateur,
excellent poète, profond théologien, et d'un
esprit si déhé et si pénétrant, qu'il concevait
avec une facilité surprenante, les matières
les plus abstraites et les plus difficiles en tout
genre. La netteté et l'exactitude de ses tra-
ductions, a fait dire à Cassiodore '" qu'il y
avait lieu de douter si les auteurs grecs qu'il
a rendus en latin, ne les préféreraient pas à
leurs propres ouvrages, s'ils vivaient encore
et s'ils possédaient la langue latine aussi
parfaitement que la grecque. S'il y a moins
de clarté dans les traités de théologie qu'il a
faits lui-même, cela vient non-seulement de
la sublimité de la matière, mais aussi de ce
qu'il s''est servi de certains termes usités dans
l'école d'Aristote, qui ne sont entendus que
de ceux qui y ont étudié. Il ne dissimule pas
même qu'il avait employé ce genre d'écrire,
en parlant de nos mystères, afin que ce qu'il
en disait ne fût pas connu de tout le monde ",
mais seulement de Symmaque pour qui il
ut poiuissent et illi opus tnum prœferre, si utrumgue
didicissent. Cassiud., Epist. ib, lib. I.
" Idoirco slylum brevitate contrako, et ex intimis
sumpta philosophiœ disciplinis novorum verborum si-
gnificdiionibus, vélo : ut hœc mihi tantum vobisque, si
quando ad ea converlitis oculos, collocantur. Caleras
vero ita submovemus, ut qui capere vitellectu nequi-
verint, ad ea etiam legenda videantur indigni. Boet.,
Prolog, ad Symmach., tom. Il, pag. 1120.
[Vl= SIÈCLE.]
CHAPITRE LU. — BOEGE, SÉNATEUR ROMAIN.
écrivait, et qui était, comme lui, fort au fait
de ces sortes d'expressions.
9. On imprima séparément les cinq livres
de lo Consolation, à Lyon, en 1487, i490 et
1302, avec les notes de Badins^ et en 1S14,
avec les commentaires de saint Thomas d'A-
quin, ou plutôt d'un Anglais nommé Tho-
mas; à Louvain, en 1484, 1487, 1495 et 1499,
avec les mêmes commentaires; à Bâle, en
1S36, avec les commentaires de Jean Mur-
mellius; .'i Nuremberg, en 1473 , 1476 et en
1495 ; à Cologne, en 1481 ; à Anvers, en 1607,
avec ceux de Bennartius; à Leyde, en 1633,
avec les notes de Bertius. René Vallin les fit
mettre de nouveau sous presse en la même
ville, en 1636 et 1668, avec la confession ou
exposition de foi de Boëce, qui n'avait pas
encore été imprimée, et avec ses opuscules
théologiques. Il y en a aussi deux éditions
faites à Amsterdam, l'une en 1644, l'autre
en 1668, avec la préface de Bertius, qui se
trouve aussi dans l'édition de Leyde, en 1671 ,
avec les notes de Vallin, de Bennartius et de
Citzman. Cette édition renferme les œuvres
théologiques de Boëce : elles furent impri-
mées séparément à Louvain, en 1633, in-8°,
avant toutes ces éditions particulières, il y
en avait eu une générale, à Venise, en 1491 ;
on en fit une autre à Bâle, en 1546, et une
troisième en 1370, 2 vol. in-folio. C'est dans
celle-ci que l'on trouve des commentaires
de Gilbert de la Porrée sur les traités théo-
logiques de Boëce. L'édition de Brème, en
1672, ne comprend que les livres de la Con-
solation. Lambert Roulland en donna une
édition à Paris, en 1680, in-4°, avec les notes
de Pierre Callieu, à l'usage du Dauphin. 11
s'en est fait beaucoup d'autres dont on peut
voir le catalogue au tome III de la Bibliothè-
que latine, de Fabricius. [En 184.3- Obbarius
a publié à îéna les livres de la Consolation.
Les tomes LXIII et LXIV de la Patrologie la-
tine comprennent les oeuvres de Boëce ,
d'après l'édition de Glaréanus , de 1577 ; le
663
livre de la Consolation est reproduit d'après
l'édition donnée par Helfieclit, en 1799. Le
tome LXIV^ renferme en outre les commen-
taires de Gilbert de la Porrée sur les traités
théologiques, et un appendice où l'on donne
l'histoire de Boëce , en français , par l'abbé
Gervaise, avec l'analyse de ses ouvrages, les
notes et les dissertations. Parmi les ouvrages
philosophiques contenus dans ce même vo-
lume, se trouvent deux ouvrages nouveaux
et un commentaire édités par Ang. Mai, dans
les Classici auctores, tom. III, pag. 315-345,
savoir un traité intitulé : Speculatio de rheto-
ricœ cognitione ; un autre intitulé : Locornm
rhetoricorum distinctio; le commentaire est
sur le livre de la Consolation.] Nous ajoute-
rons seulement que les livres de la Consola-
tion, ont été traduits en plusieurs langues :
en français, par Jean de Meun, dit Clopinel,
dont la traduction a paru à Lyon, en 1483,
avec l'Enéide de Virgile, in-folio, et séparé-
ment, in-8"; une autre à Paris, en 1494, in-
folio, chez Antoine Véraid; une par Nicolas
Régnier, chanoine régulier de Sainte-Gene-
viève, en prose et en vers, à Paris, en 1676,
in-12; nouvelle traduction eu prose et en
vers du même livre, avec des remarques,
par M. de Francheville, conseiller du roi de
Prusse, à La Haye, en 1744, 2 volumes in-S".
[Une autre a été donnée par Colesse, Paris,
1770.] Il y en a eu une édition italienne, à
Florence, en 1331; une flamande, à Gand,
en 1483; à Dordrecht, en 1634; à Amster-
dam, en 1703; une espagnole, à ValladoHd,
en 1598 et 1604; une allemande, à Nurem-
berg, en 1660; à Sultzbac, en 1667, et à Lu-
nebourg, en 1697. L'abbé Gervaise, prévôt
de Saint-Martin de Tours, mort évêque d'Ho-
ren, a donné en 1715, à Paris, la Vie de
Boëce, avec l'analyse de ses ouvrages, des
notes et des dissertations, qui sont d'une
grande utilité pour l'intelligence du texte de
cet auteur.
666
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
CHAPITRE LUI.
Des Conciles des V^ et VI^ siècles.
ARTICLE I".
DES CONCILES d'ÉPHÈSE [4:34 61444], DE CONS-
TANTINOPLE [M4], D'ANTIOCHE [443], DE
ROME [443 OU 444], d'hiéraple [444], d'as-
TORGA [443 ou 446], des gaules, d'angle-
terre, D'ANTIOCHE [448], DE CONSTANTINOPLE
[4i8], DE TOLÈDE [447], DE GALiciE [vers
l'an 447.]
çonciied'E- 1. Dans la requête ' de Bassien à l'empe-
^bT *3/,"'« reur Marcien, il est fait mention d'un concile
dè'ionJ'unii- tenu à Ephèse, dont Bassien nous apprend
Dopieeu 4.4. ].Qggj,gjQjj g[ ^g résultat. Consacré dès sa jeu-
nesse au service des pauvres, il leur avait
bâti à Ephèse un hôpital de soixante-dix lits,
où il recevait les malades et les blessés. Il
s'acquit par ces œuvres de charité une si
grande amitié de la part du peuple, que
Memnon en conçut de la jalousie. Cet évêque,
pour se défaire de lui, résolut de le faire
évêque d'Evazes, en la place d'Eutrope, qui
avait assisté au concile d'Ephèse. Mais quoi-
qu'il tînt Bassien à l'autel depuis neuf heu-
l'es jusqu'à midi, il ne put le faire consentir
à son ordination, ni l'obliger à aller à Evazes
prendre soin de l'Eglise pour laquelle il l'a-
vait ordonné. Memnon étant mort, Basile,
son successeur, assembla le concile de sa
province pour délibérer sur cette affaire; et
sachant comment s'était faite l'ordination de
Bassien, il le déchargea de l'Eglise d'Evazes,
y mit un autre évêque et laissa à Bassien les
honneurs de l'épiscopat. Après la mort de
Basile, le clergé d'Ephèse écrivit à Olympius
de Théodosiople, en Asie, pour le prier de
venir leur donner un évêque. Olympius vint.
Mais dans le temps qu'il attendait d'autres
évêques pour procéder avec lui à cette ordi-
nation, on le porta de force à l'église, où on
le fit asseoir avec Bassien dans le siège épis-
copal. Celui-ci raconte la chose différemment
dans sa requête. 11 prétend que le peuple, le
clergé d'Ephèse et les évêques lui firent vio-
lence, et qu'ils l'intronisèrent malgré lui. On
ne l'en crut point sur sa parole dans le con-
cile de Chalcédoine, et les faits qu'Olympius
y avança furent admis comme constants.
Saint Procle de Constantinople , qui préten-
dait avoir droit d'ordonner les évêques d'E-
phèse, refusa d'abord de confirmer l'introni-
sation de Bassien. Mais celui-ci ayant gagné
l'empereur Théodose, ce prince le rendit
ami de saint Procle, qui le reçut à sa com-
munion et mit son nom dans les diptyques.
Avant d'en venir là, il assembla les évêques
qui étaient à Constantinople, et de leur con-
sentement, il écrivit en faveur de Bassien,
tant au peuple et au clergé d'Ephèse, qu'aux
évêques de l'Asie. C'est ce qui fait que ces
lettres sont appelées synodiques, comme
étant au nom de ce concile.
2. On met en 443, au plus lard, le concile
d'Antioche, où Domnug, évêque de cette
ville, jugea *, avec vingt-huit autres évêques,
la cause d'Athanase de Perrha, dans l'Eu-
phratésienne. 11 l'avait renvoyée auparavant
à Panolbius, évêque de Hiéraple, son métro-
politaifi. Mais Athanase n'avait point osé la
soutenir devant lui, quoiqu'il le reconnût
pour son ami, parce qu'en effet il se sentait
coupable, et qu'il n'avait pas heu de deman-
der de rentrer dans son évêché, à celui de-
vant qui il y avait renoncé par un acte dont
il savait que l'on conservait l'original. Il avait
donc pris le parti de se retirer chez lui, dans
le territoire de Samosate. Domnus, qui n'a-
vait reçu cette affaire qu'à la prière de saint
Procle et de saint Cyrille, à qui Athanase
avait fait entendre qu'il avait été chassé de
son Eglise par ses propres clercs, lui écrivit
de se rendre au concile d'Antioche. Atha-
nase, quoique cité par trois fois, ne voulut
pas comparaître. Sur cela les évêques ayant
lu les plaintes formées contre lui et les pièces,
qui prouvaient sa contumace, le déclarèrent
déchu du sacerdoce, et enjoignirent à Jean,
successeur de Panolbius dans le siège épis-
copal de Hiéraple, d'ordonner au plus tôt,
un évêque de Perrha. Domnus eut peine de
consentir à cette sentence ; mais il fut obligé
' Tom. IV Concil., pag. 687.
» Tom. IV Concil., pag. 728, 729, 736.
[v« ET vv SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES D'ÉPHÈSE , ETC.
667
de joindre son sentiment à celui du plus
grand nombre. Les actes de ce concile sont
insérés dans celui de Chalcédoiue, du moins
en partie; car il y manque plusieurs pièces.
On n'en a pas même la date.
da 3. Sur la fin de l'an 443 ou au commence-
e rs
»» ment de l'an 4M, saint Léon jugeant ' qu'il
était de l'utilité publique de l'Eglise qu'on
eût horreur des abominations qu'il avait dé-
couvertes parmi les manichéens qui étaient
à Rome, y assembla beaucoup d'évéques et
de prêtres, avec ceux qui tenaient les pre-
mières dignités de l'empire, et une grande
partie du sénat et même du peuple; il fit
amener en leur présence les élus de cette
secte, c'est-à-dire ceux qui participaient aux
mystères des manichéens. Après avoir con-
fessé plusieurs impiétés de leurs dogmes et
diverses superstitions de leurs fêtes, il dé-
couvrirent des crimes que la pudeur ordonne
de taire. Leur évêque confessa lui-même
toutes ces abominations, dont il donna, ce
semble, un aveu par écrit; après quoi on brû-
la tous les livres que l'on avait trouvés chez
eux; et il y en avait une très-grande quan-
tité. Pour laisser à la postérité la mémoire
de tout ce qui s'était passé dans cette assem-
blée, saint Léon en fit dresser des actes et
des procès- verbaux, qu'il eut soin d'envoyer
de tous côtés.
iio 4. Jean de Hiéraple n'ayant pas eu le
°"" temps de pourvoir l'Eghse de Perrba d'un
évêque, en la place d'Athanase, déposé par
le concile d'Antioche, Etienne, son succes-
seur ^, ayant assemblé les évêques de sa
province, alla avec eux prendre Sabinien,
dans le monastère dont il était abbé, et l'or-
donna évêque de celte Eglise vacante. Sabi-
nien la gouverna jusqu'en 449, qu'il fut dé-
posé par Dioscore, dans le taux concile
d'Ephèse, sans avoir été ni entendu ni même
appelé. Il avait été élevé dès l'enfance dans
le monastère d'où on le tira, et n'avait fait
aucune démarche pour parvenir à l'épis-
copat.
iio 5. Les actes que saint Léon avait faitdres-
6. ser contre les manichéens étant passes jus-
qu'en Espagne, les évêques travaillèrent, à
son exemple, à découvrir ceux de cette secte
qui y demeuraient cachés. On en trouva '
plusieurs dans la ville d'Astorga, qui furent
poursuivis devant Idace etTuiibius. Ces deux
évêques les ayant examinés et convaincus,
en envoyèrent les procès-verbaux à Antonin,
évêque de Mérida. Il avait déjà fait arrêter
Pascentius, l'un des manichéens qui s'étaient
sauvés de Rome. Antonin le fit chasser de
la Lusitanie, vers l'an 447. On ne peut guère
douter qu'il n'ait aussi chassé et banni les
autres manichéens qui avaient comparu de-
vant Idace et Turibius. Idace appelle Gestes
épiscopaux contre les manichéens, ce que l'on
fit contre eux à Astorga. D'où l'on a conjec-
turé qu'il s'était tenu alors un concile en
cette vîlle.
6. On en met un dans les Gaules sous l'é- condicse
.1 • , r, -1)1 !.«■ • franco et e
piscopat de saint Germain d Auxerre. Mais Angiat m.
ce que l'on dit sur le temps et le lieu où il fut
assemblé, n'est fondé que sur de faibles con-
jectures. L'erreur des pélagiens ayant in-
fecté l'Angleterre, les catholiques de cette
grande île députèrent aux évêques des Gau-
les pour leur représenter le besoin pressant
de secourir la foi orthodoxe. Il se tint sur
cela un concile, où saint Germain, évêque
d'Auxerre, et saint Loup, évêque deTroyes,
furent priés d'aller prendre la défense de la
doctrine * de l'Eglise sur la grâce de Jésus-
Christ. Le pape saint Céleslin appuya cette
mission de son autorité. Les deux évêques
de France arrivèrent en Angleterre, y as-
semblèrent un concile nombreux à Saint-Al-
bans, ville célèbre par le martyre du saint
dont elle porte le nom, et y condamnèrent ^
d'un consentement unanime Pelage et Agri-
cola, l'un de ses disciples, qui avait infecté
des erreurs de son maître la foi des Anglais.
7. Nous ne répéterons point ici ce que concu
nous avons dit du concile d'Antioche, dans f Aniiochsc:
l'article d'ibas d'Edesse. Il se tint après Pâ- -i'^ i:"nsi»';'i
ques * de l'an 448. Deux des accusateurs
d'ibas, savoir Samuel et Cyrus, j furent dé-
posés. Cet évêque, au contraire, y fut absous
par la sentence du concile. Samuel et Cyrus
voyant qu'Ibas s'en retournait victorieux à
Edesse, portèrent leurs plaintes à l'empe-
reur, non-seulement contre Ibas, mais en-
core contre Daniel de Carrhes et contre
Jean de Théodosiople. Jls les portèrent aussi
à saint Flavien de Conslantinople et à son
1 Léo, Epist. 8, Serm. 33, 15, et Epist. 15.
2 Tom. IV Concil., pag. 719^ 722.
' Idac, in Chroiiic, pag. 26.
^ Surius , ad diem 29 julii , et ad diem 31 julii ;
Prosper., ia Chrome. , ad ann. 429.
5 Beda,lib. I Hisl., cap. ivn; Mattliseus Urast.
Monast., ad ann. 446 ; Spelman., Concil. Brit., tom. I,
pag. 47.
8 Tom. IV Concil., pag. 625, 642 et seq.
668
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEfJRS ECCLÉSIASTIQUES.
Concilfl
To I èd e
447.
- synode. Ce dernier, à qui l'empereur Thco-
dose avait renvoyé la requête de Samuel et
de Cyrus, ne faisant pas attention au canon
du second concile général, qui défend aux
évêques d'un département de se rendre
juges des affaires nées dans un autre, leva
la sentence de déposition que le concile
d'Antioche avait prononcée contre ces deux
prêtres, ce qui causa un grand scandale.
Domnus d'Antioche , qui avait présidé au
concile qui avait déposé Samuel et Cyrus,
écrivit à saint Flavien les raisons qu'on avait
eues de les déposer, et de séparer de la
communion les autres accusateurs d'Ibas.
Saint Flavien , ne voulant plus se mêler
d'une affaire qui n'était pas de son ressort,
laissa agir l'empereur, qui nomma des com-
missaires pour examiner les accusations for-
mées contre Ibas, Daniel et Jean. Les com-
missaires, qui étaient évêques et au nombre
de trois, Photius, Eustathe et Uranius, exa-
minèrent l'affaire à Béryte, et n'ayant rien
trouvé qui pût justifier qu'Ibasfùt coupable,
ils le renvoyèrent absous, après avoir exigé
de lui sa confession de foi par écrit. Les par-
ties étant venues de Béryte à Tyr, se pro-
mirent mutuellement, à la prière d'Eustathe
et de Photius, d'oublier le passé; l'on en
dressa un acte daté du 23 février 449, et
signé d'Eustathe, de Photius et des quatre
prêtres accusateurs d'Ibas; après quoi Ibas
et les quatre prêtres participèrent aux dons
sacrés dans la maison de l'évêque de Tyr.
Quant à Daniel et Jean accusés avec Ibas,
on ne sait point ce qui en arriva.
jj 8. Les priscillianistes continuant à infecter
"" l'Espagne, principalement la Galice, Dieu
leur opposa Turibius, évêque d'Astorga dans
la même province. Il les combattit dans un
écrit qu'il envoya depuis aux évêques Idace
et Céponius, avec une lettre, où il leur ren-
dait compte de son travail, en les priant de
défendre dans leurs diocèses la lecture des
livres des priscillianistes. Il communiqua
aussi son ouvrage au pape saint Léon et lui
envoya seize chapitres qui contenaient plu-
sieurs chefs d'erreurs déjà condamnées dans
ces hérétiques. Nous en avons parlé sur saint
Léon, dont le sentiment ' fut qu'il fallait te-
nir un concile de tous les évêques d'Espagne,
ou du moins uu provincial des évêques de
la Galice, si l'on ne pouvait en tenir un gé-
néral. 11 commit les évêques Idace et Cépo-
nius avec Turibius pour en presser la con-
vocation, afin que l'on remédiât au plus tôt
à des maux dont les suites pouvaient être si
fâcheuses. Les Suèves occupaient alors la
Galice avec une partie de la Lusitanie; le
reste appartenait partie aux Goths, partie
aux Romains. Cette diversité de maîtres dans
l'Espagne ayant empêché la tenue d'un con-
cile général, il s'en tint un de diverses pro-
vinces à Tolède, en 447, où l'on examina
d'abord ce qui avait été fait contre les pris-
cillianistes dans celui de 400, sous le consu-
lat de Stilicon. Il paraît qu'on fit même un
extrait des actes de ce concile. Du moins ne
peut-on pas l'attribuer au concile de l'an
400, puisque Symposius et Dictinius qui ont
survécu à ce concile, sont appelés de sainte
mémoire ^ dans cet extrait. Quoi qu'il en soit,
on ne peut contester au concile de Tolède
de l'an 447 la confession de foi, qui se trouve
parmi les actes de celui de l'an 400 : car le
titre de cette confession porte expressément
qu'elle fut faite par les évêques de la Tarra-
gonaise, de la Carthaginoise, de la Lusitanie
et de la Bétique, et envoyée ^ par ordre du
pape saint Léon à Balcone, évêque de Bra-
gue, ce qui est confirmé par le témoignage
qu'en rendit Lucrèce *, évêque de la même
ville, dans un concile qui y fut tenu en 563.
Cet évêque ajoute qu'on envoya aussi à Bal-
cone, les dix-huit anathèmes joints à celte
profession de foi ; on l'a quelquefois attribuée
à saint Augustin, sous le nom duquel elle
est citée par le Maître des Sentences ^. Mais
elle ne le porte dans aucun manuscrit, et on
ne la trouve dans aucune collection des œu-
vres de ce Père; il y a même diverses expres-
' Léo, Epi'st. 15; Idac, ad ann. 446.
' Professiones sanctce memoriœ episcoporum domini
Symphosii et domini Dictinii. Tom. Il CoJicil., pag.
1229.
3 [ncipit régula fidei catholicœ contra omnes hœ-
reses, et quam maxime contra priscillianos , quam
episcopi Tarraconenses , Carthaginenses , Lusitani et
Bœtici feeerunt, et cum prœcepto papœ urbis Romœ
Leonis ad Baleonium episcopum Galliciœ transmise-
runt. Tom. II ConciL, pag. 1227.
* Credo autem vestrœ beatitudinis fraternitaiem
nasse, quia ex tempore, quo in his regionibus nefun-
dissima priscillianœ sectœ venena serpebant, beatissi-
mus papa urbis Romœ Léo ad synodum Galliciœ
scripta sua divenit. Cujus etiam prœcepto Tarraco-
nenses et Carthaginenses episcopi , Lusitani quoque et
Bœtici , facto inter se concilia, regulam fidei contra
priscillianam hœresim cum aliquibus capitulis con-
scribentes ad Baleonium tune hujus Bracarerisis Eccle-
siœ prœsidem divenerunt. Lucret.j ïnConcil. Bracar.l,
aun. 563.
» Masist. Sentent. 3, distinct. 21.
[V' ET vi= SIÈCLES.] CHAPITRE un. — CONCILES DE CONSÏANTINOPLE.
669
G de
vers
sions dans cette formule, dont on ne trouve
point d'exemples dans ses écrits. Telle est
celle de Pai'aclet, pour marquer le Saint-Es-
prit; d'où vient que dans la nouvelle édition
de ses œuvres, on l'a mise parmi les sermons
qui lui sont supposés. Il est dit ' dans cette
profession de foi que le Saint-Esprit procède
du Père et du Fils; mais dans le code ancien
de l'Eglise romaine, où elle est rapportée,
on lit seulement qu'il procède du Père. On
y établit clairement la réalité des deux na-
tures et leur union en une même personne
dans Jésus-Cbrist, et que l'âme de l'homme
n'est ni une substance divine, ni égale à
celle de Dieu; mais qu'elle est une nature
créée par la volonté de Dieu. Ce qu'il y a de
plus remarquable dans les dix-huit anathè-
mes , est que nous devons croire que le
monde est créé de Dieu; que le Père, le Fils
et le Saint-Esprit sont trois personnes diffé-
rentes; que le Fils, se faisant homme, a pris
un corps et une âme humaine; que l'ancienne
et la nouvelle loi sont d'un même Dieu; qu'il
n'y a pas d'autres Ecritures canoniques que
celles qui sont reçues par l'Eghse; que l'as-
trologie judiciaire est une science vaine ; que
les mariages qui se font conformément à la
loi de Dieu, sont permis et légitimes, et que
quoique l'on puisse s'abstenir, par mortifica-
tion, de manger de la viande des oiseaux ou
des animaux grossiers, on ne doit pas l'avoir
eu exécration.
9. Lucrèce ^ parle aussi d'un concile des
évêqaes de Galice, à qui saint Léon envoya
ses écrits, c'est-à-dire apparemment sa lettre
à Turibius ; mais il parait, par Idace, qu'elle
ne fut point approuvée généralement, et que
l'hérésie de Priscillien subsista encore quel-
que temps dans cette province.
ARTICLE II.
DES CONCILES DE CONSTANTINOPLE, [448, 449].
1. Un différend survenu entre Florent,
évêque de Sardes, métropolitain de Lydie,
et deux évéques de la même province, donna
occasion à saint Flavien, à qui ils avaient cha-
cun envoyé leurs raisons, d'assembler un
concile pour les examiner. Il n'y appela, se-
lon toutes les apparences, que les évoques
qui étaient à Gonstantinople pour diverses
affaires; encore n'y assistèrent-ils pas tous
d'abord, les uns pour raison de maladie, les
autres parce qu'ils n'avaient pas été invités
de s'y rendre. Los plus connus soni Saturnin
de Marcianople, Basile deSéleucie, Séleucus
d'Amasée, et Julien de Cos.
2. Le concile s'assembla le lundi 8 novem- Promiire
bre, dans la salle du conseil de l'Eglise ca- iv cÙhcm.'.
thédrale de Gonstantinople. Après qu'on eut ^^i'-
lu les pièces de Florent et des deux évéques,
ses suffragants, et terminé leur différend ,
Eusèbe de Dorylée, l'un des évéques du con-
cile, se leva, présenta une requête contre
Eutychès, et pressa tant, qu'elle fut lue, et
ensuite insérée aux Actes par ordre de saint
Flavien, qui présidait à celte assemblée. La
requête portait qu'Eutychès ne cessait de
proférer des blasphèmes contre Jésus-Christ;
qu'il parlait des clercs avec mépris, et accu-
sait Eusèbe lui-même d'être hérétique; c'est
pourquoi il priait le concile de faire venir
Eutychès pour répondre aux chefs d'accusa-
tions qu'il formait contre lui, protestant de
son côté, de suivre tous les sentiments du
concile d'Ephèse, de saint Cyrille, de saint
Athanase, d'Atticus, de saint Procle et des
trois Grégoire, de Néocésarée, de Nazianze
et de Nysse. Flavien pria par deux fois Eu-
sèbe de voir et d'entretenir Eutychès, pour
s'assurer s'il était dans les sentiments qu'il
lui imputait, eu lui représentant le danger
où le jetait une accusation de cette impor-
tance, qui pouvait exciter de nouveaux trou-
bles dans l'Eglise. Eusèbe répondit qu'étant
auparavant l'ami d'Eutychès, il l'avait sou-
vent averti de se corriger des erreurs dans
lesquelles il était tombé depuis, et que, ne
lui étant pas possible d'entendre davantage
ses blasphèmes , il persistait à demander
qu'on le fît venir. Le concile ordonna donc
qu'Eutychès serait appelé par Jean, prêtre
et défenseur de l'Eglise de Gonstantinople,
et par André, diacre, qui lui feraient lecture
de la requête présentée contre lui, et l'aver-
tiraient de venir se justifier à la pi'ochaine
session.
3. Elle se tint le vendredi 12 novembre, neu^ièma
six jours après la première, et il s'y trouva |v"'°(':onc°ir
dix-huit évéques, y compris Eusèbe. On la i'"°- '"•
commença, sur la demande d'Eusèbe,paf la
lecture de la 'seconde lettre de saint Cyrille
1 Credimus... Spiriium quoque pnracletum esse, qui
nec Pater ipse sit , nec Filius , sed a Paire Filiuque
procedens. Tom. II Concil., pag. 1227.
' Lucret., in Concil. Bracar., ubi supra, et Iflac,
ad ann. 446.
670
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSÎ ASTIQUES.
à NesLorins, approuvée par le concile d'E-
plièse, et par celle que le même pape écrivit
en i'dS, à Jean d'Antioclie, sur la réunion;
après quoi Eusèbe déclara qu'elles conte-
naient l'une et l'autre sa créance sur le
mystère de l'Incarnation; que c'était aussi
la foi de toutes les Eglises, et que c'était par
ces deux lettres qu'il prétendait convaincre
Pag. 175. ses adversaires. Flavien témoigna qu'il rece-
vait ces lettres comme des paroles du Saint-
Esprit, et comme une explication fidèle de
la foi deNicée; mais voulant expliquer lui-
même sa doctrine, il dit que Jésus-Christ est
Dieu parfait et homme parfait , composé
d'une âme raisonnable et d'un corps, con-
substantiel à son Père selon la divinité, et k
sa mère selon l'humanité, et que des deux
natures unies en une hypostase et une per-
sonne, il résulte après l'incarnation un seul
18S. Jésus ■■Christ : « Que si quelqu'un, ajoula-t-
il, est dans une doctrine contraire, nous le
séparons de l'assemblée des rainisires de
l'autel et du corps de l'Eglise. » Tous les
évêques, excepté Eusèbe, opinèrent ensuite
et confirmèrent ce qu'avait dit Flavien et la
foi expliquée dans les lettres de saint Cyrille.
in. Ensuite Eusèbe demanda que l'on avertit les
évêques qui, pour causé de maladie, ou pour
n'avoir pas su la convocation , ne s'étaient
pas trouvés à cette session. Flavien l'ordonna
ainsi.
Troisième ^- Jeaw, prêtre, et André, diacre, chargés,
sKsioi., pas. ^^g j^ première session tenue le 8 nowmbre,
d'aller citer Eutychès, s'étaient acquittés de
leur commission, en lui parlant à lui-même
dans son monastère. Ils lui avaient lu la re-
quête ou libelle d'Eusèbe, et lui en avaient
donné copie ; ils lui avaient aussi déclaré l'ac-
cusateur, et dénoncé la citation par-devant
le concile, pour se défendre ; mais Eutychès
l'avait refusé, disant que, dès le commence-
ment, il s'était fait une loi de ne point sortir
de son monastère et d'y demeurer comme
dans une espèce de sépulcre; que l'on ne de-
vait point avoir d'égard aux accusations d'Eu-
sèbe, qui était son ennemi depuis longtemps;
qu'il était prêt de souscrire aux expositions de
foi des Pères de Nicée et d'Ephèse ; mais que
si ces Pères s'étaient trompés en quelqu'ex-
pression , il ne prétendait point ni la repren-
dre, ni la recevoir; qu'il n'étudiait que les
Ecritures comme plus sûres que l'exposition
des Pères; qu'après l'incarnation, il adorait
une seule nature de Dieu incarné. Eutychès
s'autorisait beaucoup d'un livre ou d'un mé-
moire qu'il leur lisait. On ne sait point ce
que c'était. Puis il ajoutait : « On m'a calom-
nié, en me faisant dire que le Verbe a ap-
porté sa chair du ciel. J'en suis innocent.
Mais que Notre-Seigneur soit fait de deux paj. io4.
natures unies selon l'hypostase, je ne l'ai
point appris dans les expositions des Pères,
et je ne le reçois point, quand même on me
lirait quelque chose de semblable, parce que
les saintes Ecritures valent mieux que la
doctrine des Pèi'es : cependant je confesse
que celui qui est né de la Vierge Marie, est
Dieu parfait et homme paifait, mais non pas
qu'il ait une chair consubstantielle à la nô-
tre. » Le prêtre Jean et le diacre André, qui
étaient présents à cette Iroisièiue session,
déclarèrent qu'ils avaient ouï tout cela de
la bouche d'Eutychès, en quoi ils furent ap-
puyés de l'attestation d'un nommé Athanase,
diacre de Basile de Séleucie, qui avait aussi
été témoin de la conversation qu'ils avaient
eue avec cet hérésiarque. Jean écrivit même 2S8.
un mémoire de ce qui s'y passa. Nous l'a-
vons encore ; mais ayant oublié d'y mettre
qu'Eutychès lui avait dit que la chair de Jé-
sus-Christ n'est pas consubstantielle à la nô-
tre, il protesta depuis qu'il était prêt d'affir-
mer qu'il lui avait dit en particulier, sans
être entendu des autres, que Jésus-Christ a 253,263.
une chair consubstantielle à sa mère, mais
non à nous.. A quoi il ajoute qu'ayant de-
mandé à Eutychès s'il croyait Jésus-Christ
consubstantiel à son Père selon sa divinité,
et à nous selon son humanité, Eutychès lui
demanda à lui-même ce que portait le sym-
bole. Jean lui répondit qu'il est consubstan-
tiel au Père. « C'est à quoi je me tiens, lui
répliqua Eutychès, et vous ferez bien de
n'aller pas aussi plus loin. »
Jean, André et Athanase ayant certifié tous ijj.
ces faits dans la troisième session qui se tint
le lundi 13 novembre, les évêques comprirent
qu'Eutychès était non- seulement dans l'er-
reur, mais qu'il y persistait. Eusèbe demanda
qu'il fût cité une seconde fois. Flavien nomma
pour cela les prêtresMamas et Théophile, aux-
quels on donna une lettre de citation où il était
marqué que c'était la seconde. La lettre fut
lue dans le concile et enregistrée aux Actes.
En attendant le retour des deux prêtres, le ,93.
concile fit lire les expositions de foi faites par
les saints Pères. On parla aussi d'un tome
qu'Eutychès avait envoyé dans les monas-
tères pour soulever les moines en sa faveur,
et on vérifia qu'il l'avait envoyé au menas-
CHAPITRE Lin. — CONCILES DE CONSTÂNTINOPLE.
fye ET VI° SIÈCLES.]
tère de l'abLé Manuel pour y être signé. Fla-
vien , à la prière d'Eusèbe , envoj'a clans les
autres monastères de Conslantiiiople et dans
ceux de Chalcédoine, pour savoir siEulycliès
y avait fait passer ce tome et s'il avait de-
mandé qu'on y souscrivît. Tandis que Flavien
donnait ses ordres pour cette perquisition ,
les prêtres Mamas et Théophile revinrent.
Flavien leur ayant ordonné de faire leur rap-
poft, Mamas dit : « Etant arrivés au monas-
tère d'Eutycliès, nous avons trouvé des moines
devant la porte, auxquels nous avons dit d'a-
vertir Eutychès, parce que nous avions à lui
parler de la part de l'archevêque et de tout
le concile. Ils nous ont répondu qu'il était
malade et qu'on ne pouvait le voir. Nous leur
avons dit que nous étions envoyés à lai-
même avec une citation par écrit que nous
avions en main. S'il ne veut pas nous rece-
voir, dites-le nous. Entendant parler d'une
citation par écrit, ils nous ont fait entrer, et
nous l'avons donnée à Eutychès. 11 l'a fait
lire devant nous, puis il a dit : Je me suis
fait une loi de ne point sortir du monastère,
si la mort ne m'y contraint. L'archevêque et
le concile, voyant que je suis vieux et cassé,
peuvent faire ce qu'il leur plaira. Je les prie
seulement que personne ne se donne la peine
de venir pour une troisième citation; je la
tiens pour faite. Il nous a pressés de nous
charger d'un papier, mais nous l'avons refusé
en disant ; Si vous avez quelque chose à dire ,
venez le dire vous-même. Nous n'avons pas
même voulu en entendre la lecture. 11 l'a
souscrit , et , comme nous sortions , il a dit
qu'il l'enverrait au concile. »
Le prêtre Théophile ayant confirmé le rap-
port de Mamas, le concile, sur les remon-
trances d'Eusèbe, que le prétexte d'Eutychès
était tout-à-fait déraisonnable, ordonna qu'il
serait cité pour la troisième fois par Memnon,
prêtre et trésorier ; par Epiphane et Germain,
diacres. Le billet de citation dont on les char-
gea, portait que si Eutychès ne se rendait au
concile dans quatre jours, c'est-à-dire le mer-
credi 17 novembre , il serait traité selon la
rigueur des canons.
I 5. Eutychès , sans attendre qu'on lui fit la
dernière citation , pria l'abbé Abraham , qui
était prêtre, d'aller déclarer de sa part au
concile qu'il acceptait tout ce qui avait été
décidé par les Pères des conciles de Nicée et
d'Ephèse, et tout ce que saint Cyrille avait
écrit. Abraham se présenta au concile le 16
novembre, jour auquel se tenait la quatrième
671
session. Ayant eu la permission d'entrer, il
dit qu'Eutychès, étant malade, l'avait envoyé
pour faire ses excuses. « llm'a chargé, ajoute- Pa^. aoc
t-il, de quelqu'autre chose, si vous m'inter-
rogez. » — (( Comment se peut-il faire, lui
répondit Flavien, qu'un homme étant accusé,
un autre parle pour lui? Nous ne le pressons
pas. S'il vient ici, il trouvera des pères et des
frères. Il ne nous est pas inconnu. Nous con-
servons encore de l'amitié pour lui. S'il est
venu autrefois soutenir la vérité contre Nes-
torius , combien plutôt doit-il la venir défen-
dre pour lui-même ? Nous sommes hommes.
Plusieurs grands personnages se sont trom-
pés. Il n'y a point de honte à se repentir, mais
à demeurer dans son péché. Qu'il vienne ici
et qu'il confesse sa faute, nous lui pardonne-
rons le passé, et qu'il nous assure, pour l'a-
venir, de se conformer aux expositions des
Pères et de ne plus dogmatiser. » Flavien
ajouta, après qu'on, se fut levé : « Vous con-
naissez le zèle de l'accusateur; le feu même
lui paraît froid. Dieu sait combien je l'ai prié
de se modérer. Je ne l'ai pas persuadé. Que
puis-je faire ? Veux-je votre perte ? Dieu m'en
garde ! »
6. Les députés pour la troisième citation
qui en avaient porté l'acle à Eutychès pen-
dant qu'Abraham venait de sa part au con-
cile, firentleur rapportle lendemain, qui était
le 17 novembre. Il contenait qu'Eutychès avait
envoyé Abraham pour consentir, en son nom,
à tout ce qui avait été déclaré par les Pères
de Nicée, d'Ephèse et par saint Cyrille, et
qu'il viendrait lui-même le lundi suivant, 22
novembre, se justifier en personne. Eusèbe
de Dorylée, qui craignait de passer pour ca-
lomniateur si le concile se contentait d'une
semblable déclaration , dit qu'il n'avait pas
accusé Eutychès de l'avenir, mais du passé;
que si l'on se contentait de dire aux voleurs qui
sont en prison : ne volez plus, ils le promet- p^„ ^^g_
traient tous; qu'il ne prétendait donc pas
avoir perdu sa cause si Eutychès, pour céder
au temps , ou par quelqu'autre motif , rece-
vait une profession de foi catholique. « Per-
sonne, lui répondit Flavien, ne vous permet
devons désister de votre accusation, nia
Eutychès de ne pas se défendre du passé.
Quand Eutychès aurait promis mille fois de
souscrire aux expositions des Pères, cela ne
vous fait point de préjudice , parce qu'il faut,
comme nous l'avons dit souvent, qu'il soit
d'abord convaincu du passé, et qu'à l'avenir
il satisfasse. « Eusèbe , continuant donc son
Cinquième
lejsion, pag,
206, 2U7.
672
HISTOIRE GENERALE DES
Si %
session ,
214.
Pig. 210,211. instance, fit voir, par le témoignage du prê-
tre Pierre et de Patrice, diacre, envoyés pour
s'informer du tome d'Eutychès, que ce tome
avait été porté , de sa part , dans les monas-
tères de l'abbé Martin et dans celui de Fauste,
pour y être souscrit; qu'Eutycliès étant donc
convaincu, d'un côté, de troubler l'Eglise, et
de l'autre, d'enseigner des hérésies, on de-
vait le traiter suivant la sévérité des canons,
sans aucun égard au délai qu'il avait de-
mandé. Flavien en convint; néanmoins il
voulut, pour plus grande sûreté, qu'on atten-
dît jusqu'au lundi 22 novembre, afin de con-
vaincre le coupable en sa présence.
7. Dans la sixième session, que l'on tint le
20 du même mois , on accorda à Eusèbe
que l'on appellerait diverses personnes qu'il
croyait nécessaires pour poursuivre son ac-
cusation, savoir : Narsès, prêtre et syncelle
d'Eutychès; Maxime, ai'cbimandrite , son
ami; Constantius, diacre, son apocrysiaire,
et Eleusiiiius, autre diacre de sou monastère.
Ce fut encore à la réquisition d'Eusèbe que
Tiiéophile, qui avait été envoyé avec Marnas
pour faire la première citation à Eulychès,
fut obligé de rapporter certaines choses qu'il
avait tues dans son premier rapport, parce
qu'il les regardait comme étrangères à sa
commission. Interrogé là-dessus, il dit : « En-
tychès nous demanda, au prêtre Marnas et à
moi, en présence du prêtre Narsès, de l'abbé
Maxime et de quelques autres moines, en
quelle Ecriture on trouvai! deux natures, et
ensuite, qui des Pères a dit que le Verbe ait
deux natures. Nous lui répondîmes : Mon-
trez-nous aussi en quelle Ecriture on trouve
le consubstantielt E,u tychès répondit : Il n'est
pas dans l'Ecriture, mais dans l'exposition
des Pères. Marnas répondit : Il en de même
des deux natures. J'ajoutai , dit Théophile :
Le Verbe est -il Dieu parfait ou non ? Euty-
chès dit : Il est parfait. J'ajoutai ; Etant in-
carné , est-il homme parfait ou non? 11 dit :
Il est parfait. Je repris : Donc , si ces deux
parfaits , le Dieu parfait et l'homme parfait ,
composent un seul Fils , qui nous empêche
de dire qu'il est de deux natures î Eulychès
dit : Dieu me garde de dire que Jésus-Christ
est de deux natures ou de raisonner de la na-
ture de mon Dieu. Qu'ils fassent contre moi
ce qu'ils voudront. Je veux mourir dans la
foi que j'ai reçue. » Flavien demanda à Théo-
phile pourquoi il n'avait rien dit de cela la
première fois. «C'est, répondit Théophile,
que n'ayant été envoyés que pour citer Eu-
P.ig.21B, 218
AUTEURS ECCLESIASTIQUKS.
tychès, nous avons cru inutile de parler d'au-
tre chose. » Mamas, qui était absent lorsque
Théophile racontait ces choses, vint; on lui
lut la déposition de Théophile , après quoi il
dit : « Lorsque nous fûmes envoyés à Euly-
chès, nous ne voulions parler de lùen; mais
il entra en dispute , parlant de son dogme.
Nous le reprenions doucement. Il disait que
le Verbe incarné est venu relever la nature
qui était tombée. Je repris aussitôt : Quelle
nature? Il répéta : La nature humaine. Je lui
dis : Par quelle nature a-t-elle été relevée ?
Il dit : Je n'ai point appris dans l'Ecriture
qu'il y ait deux natures. Je repris : Nous n'a-
vons point non plus appris dans l'Ecriture
le consubstantiel, mais des pères, qui l'ont
bien entendu et fidèlement expliqué. Il dit :
Je ne raisonne point sur la nature de la divi-
nité et je ne dis point deux natures. Dieu m'en
garde ! Me voici. Si je suis déposé, le monas-
tère sera mon tombeau. »
8. Le lundi 22 novembre, les évêques s'é- s
11/ 1 T • n 3PSSÎ0D, I
tant assembles au nombre de vmgt- neuf ou 248.
de trente-deux, et même plus, selon Théo-
phane ', Eulychès, que l'on avait envoyé
chercher en plusieurs endroits inutilement,
arriva, escorté d'une troupe de soldats, de
moines et d'officiers du prétoire. Suivit de pag. su.
près le silentiaire Magnus, qui demanda à
entrer comme envoyé de l'empereur. Flavien
le lui permit et à Eutychès. Magnus lut un
ordre de ce prince, qui portait que le patrice
Florent entrerait aussi, pour la conservation
de la paix et de la foi. Quand il fut enti'é,
Flavien fit lire les actes des sessions précé-
dentes, afin que l'on vit ce qu'il y avait à
faire dans celle-ci. Comme on lisait la lettre
de saint Cyrille aux Orientaux, qui avait déjà
été lue dans la seconde session, Eusèbe de
Dorylée en interrompit la lecture à l'endroit
où ce Père marque la distinction des deux
natures, et dit, en parlant d'Eutychès : « Ce-
lui-ci n'en convient pas; il enseigne le con-
traire. » Florent, au lieu de laisser achever
la lecture des actes , comme Eusèbe le de-
mandait, voulut qu'on interrogeât Eutychès
sur cet article. Flavien lui dit donc : c Vous
avez ouï votre accusateur. Dites si vous con- 333
fessez l'union des deux natures? n Eutychès
répondit : « Oui, de deux natures. » Eusèbe
dit : « Confessez -vous deux natures après
l'incarnation, et que Jésus-Christ nous est
consubstantiel selon la chair, ou non? Euty-
' Tlieopli., in Chron.. pag. 86.
CHAPITRE LUI. — CONCILES DE CONSTANïlNOPLE.
[V^ ET VI" SIÈCLES.]
chès, ciu lieu de répondre à Eusèbe, adressa
la parole à Flavien et dit : « Je ne suis pas
venu pour disputer, mais pour déclarer à
votre Sainteté ce que je pense. 11 est écrit
dans ce papier; faites-le lire. » Flavien lui
dit de le lire lui-même, ce qu'il refusa. Api'ès
quelques contestations sur ce sujet, Eutychès
expliqua sa foi en ces termes : « J'adore le
Père avec le Fils , et le Fils avec le Père , et
le Saint-Esprit avec le Père et le Fils. Je con-
fesse son avènement dans la chair, prise de
la chair de la sainte Vierge, et qu'il s'est fait
homme parfait pour notre salut. Je le con-
fesse ainsi en présence du Père , du Fils , du
Saint-Esprit et de votre Sainteté. » Flavien,
voulant quelque chose de plus précis, lui de-
manda s'il croyait que Jésus -Christ tut con-
substantiel à sa mère et à nous , selon son
humanité, et qu'il fut de deux natures. Basile
de Séleucie le pressa sur la même matière ;
le patrice Florent en fit autant. Eutychès ré-
pondit que jusque-là il n'avait point dit que
Jésus-Christ fût consubstanliel ans hommes
selon la chair, mais qu'il était prêt de le dire,
puisqu'on le jugeait à propos. Flavien reprit :
« C'est donc par nécessité et non pas selon
votre pensée que vous confessez la foi ? » Eu-
tychès dit : « C'est ma disposition présente.
Jusqu'à cette heure je craignais de le dire;
connaissant que le Seigneur est notre Dieu,
je ne me permettais pas de raisonner sur
sa nature ; mais puisque votre Sainteté me
le permet et me l'enseigne , je le dis. n
— « Nous n'innovons rien, lui dit Flavien;
nous suivons seulement la foi de nos pères.»
Le patrice Florent demanda à Eutychès s'il
confessait que Jésus -Christ, notre Sauveur,
est de deux natures après l'incarnation. Il ré-
pondit : « Je confesse qu'il a été de deux
nalures avant l'union , mais après l'union je
ne confesse qu'une nature. » Pressé ensuite
par le concile d'anathématiser clairement
toute doctrine contraire à celle des lettres de
saint Cyrille, il le refusa, disant : « Si je pro-
nonce cet anathème, malheur à moi; car
j'anathématise mes pères. » Sur cela, les
évéques se levèrent et s'écrièrent en disant :
« Qu'il soit anathème ! » On l'interrogea en-
core une fois sur les deux natures; à quoi il
répondit: » J'ai lu, dans saint Cyrille et saint
Athanase, que Jésus- Christ est de deux na-
tures avant l'union ; mais, après l'union , ils
ne disent plus deux natures, mais une. » —
« En ne disant pas deux natures après l'u-
nion, vous admettez, lui dit Basile de Séleu-
X.
673
cie, un mélange et une confusion.» Le patrice
Florent ajouta : « Qui ne dit pas de deux na-
tures , et deux natures , ne croit pas bien. »
Eutychès neréponditrien. Le concile seleva en
s'écriant que la foi ne pouvant être forcée,
c'était en vain qu'on exhortait cet obstiné.
9. Flavien prononça donc contre lui la sen-
tence en ces termes : « Eutychès, jadis prê-
tre et archimandrite , esc pleinement con-
vaincu , et par ses actions passées et par ses
déclarations présentes , d'être dans l'erreur
de Valentin et d'Apolhnaire, et de suivre opi-
niâtrement leurs blasphèmes, d'autant plus
qu'il n'a pas même eu égard à nos avis et à
nos instructions pour recevoir la saine doc-
trine. C'est pourquoi, pleurant et gémissant
sur sa perte totale, nous déclarons, de la part
de Jésus-Christ, qu'il a blasphémé, qu'il est
privé de tout rang sacerdotal, de notre com-
munion et du gouvernement de son monas-
tère, faisant savoir à tous ceux qui lui parle-
ront ou le fréquenteront ci-après, qu'ils seront
eux-mêmes soumis à l'excommunication. »
Après la lecture de cette sentence, qui fut
souscrite par trente-deux évêques, le concile
se sépara. Eutychès dit tout bas au patrice
Florent qu'il appelait aux conciles de Rome,
d'Egypte et de Jérusalem , de tout ce qu'on
venait de faire contre lui. Florent, croyant
qu'il devait en avertir Flavien , le joignit tan-
dis qu'il montait à son appartement, et lui
dit qu'Eutychès avait appelé de la sentence.
Celan'empêchapasFlaviendelamettre à exé-
cution. Il envoya le prêtre ïhéodose et quel-
ques autres ecclésiastiques ordonner aux
moines d'Eutychès de se séparer de leur
abbé, menaçant de séparer de la communion
des sain ts mystères ceux quin'obéiraient point
à cet ordre. Us demeurèrent unis à Eutychès.
Flavien, en conséquence, les priva des sacre-
ments pendant près de neuf mois , en sorte
qu'on n'ottrit point le sacrifice sur l'autel de
leur monastère, ni à Noël , ni à l'Epiphanie,
ni à Pâques. Quelques-uns d'entre eux mou-
rurent, pendant cet intervalle, dans les Hens
de l'excommunication. Flavien fit aussi pu-
blier la sentence contre Eutychès dans les
éghses de Constantinople, et la fit signer dans
les monastères. Trente-deux abbés y sous-
crivirent; on a mis leurs souscriptions à la
suite de celles des évêques dans les actes du
conciledeConstantinople.Eutychès se voyant
condamné, s'en plaignit au pape saint Léon,
disant qu'on n'avait voulu ni recevoir la re-
quête qui contenait sa profession de foi , ni
43
Senlenca
contre i-uty-
chè?, p. 22H.
Pag. 277.
S3S, S32.
674
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Lupus, pag.
333.
Liber.! t.,
cap. XI, tom.
IV toncll.,
pg. 1«.
Libarst.,
eap. xt.
Antre con-
cile de Cons-
taiitinoplc, on
«43.
Tom. iV
Concil., pae.
144.
Tom. IV
CuDcil.,pag.
la lire, quoiqu'il y suivît en tout la foi de
Nicée confirmée à Ephèse. Il fit aussi des
protestations publiques contre le refus qu'on
avait fait de recevoir son appel, et, prenant
prétexte de cet appel , il demanda à l'empe-
reur Théodose la convocation d'un concile
général où il pût être jugé par des personnes
de vertu et éloignées de toute injustice. Il
écrivit en même temps aux principaux évé-
ques, pour les prévenir contre les évoques
du concile de Constantinople, nommément
contre Flavien. Dans sa lettre à Dioscore , il
témoignait combien il serait ravi de l'avoir
pour juge, et le priait de se joindre à lui pour
obtenir de Théodose la tenue d'un concile
universel. L'eunuque Chrysaphe, ennemi de
Flavien , se mit du côté d'Eutychès , et l'on
croit que ce fut lui qui obtint de ce prince la
convocation du concile d'Ephèse. La lettre
de convocation à Dioscore, évoque d'Alexan-
drie, est du 30 mars 449.
10. Aussitôt qu'elle eut été envoyée tant à
Dioscore, qu'aux autres évéques des six dio-
cèses soumis à l'empire d'Orient, savoir :
l'Egypte, l'Orient, l'Asie, le Pont, la ïhrace
et i'Ilfyrie; Eutychès, dans le dessein de faci-
liter son rétablissement, soutint que, depuis
la sentence prononcée contre lui, on avait
falsifié les actes du concile de Constantinople,
en y changeant plusieurs choses , tant de lui
que des antres, et en ôtant ce qui servait de
preuve à la pureté de sa foi. C'était ' Flavien
qu'il accusait de cette falsification. Jl présenta
donc une requête à l'empereur Théodose, où
il demandait que les évéques et les témoins
qui avaient eu part à sa condamnation, de
même que les notaires qui en avaient rédigé
les actes par écrit, fussent appelés devant
Thalassius, évêque de Césarée, pour recon-
naître la vérité. Sa requête^ fut décrétée sui-
vant ses désirs, et le mercredi 13 avril 449,
les évéques, au nombre de trente, dont il y
en avait quinze du concile précédent, s'as-
semblèrent dans le baptistère de l'église de
Constantinople. Thalassius présidait à cette
assemblée ; le patrice Florent réglait tout, et
Macédonius, tribun et notaire, instruisait la
procédure. Eutychès n'y vint pas en per-
sonne, étant déposé et excommunié ; mais il
y envoya Eleusinius et Constance, tous deux
diacres et moines de son monastère. Eusèbe
de Dorylée dit que si l'on permettait à Euty-
chès de se défendre par procureur, il se reti-
rerait et l'accuserait de même. Méliphton-
' Evagr., lib. I, cap. IX.
gue, évêque de Juliopolis, s'opposa aussi à
l'entrée des députés d'Eutychès; mais le pa-
trice Florent ayant fait déclarer parle tribun
Macédonius, que la volonté de l'empereur
était, qu'ils entrassent, cela leur fut accordé.
Macédonius voulut obliger les évéques de
jurer qu'ils diraient la vérité sur les actes en
question, disant qu'il y avait ordre de ce p»!
prince d'exiger d'eux ce serment; sur quoi
Basile de Séleucie dit : « Jusqu'ici nous ne
savons point que le serment ait été ordonné
aux évéques; » et on n'insista pas à l'exiger.
Flavien représenta les notaires qui avaient 2«
rédigé les actes du concile. Ils en produisi-
rent les originaux, et Constance, l'un des en-
voyés d'Eutychès, en apporta une copie. 11
ne se trouva aucune ditierence pour les deux
premières sessions; mais on chicana beau- ai?
coup sur la manière dont les députés du
concile avaient rapporté les réponses d'Eu-
tychès, et sur l'anathème prononcé contre
lui par les évéques. Constance prétendit que, ses.
lorsqu'on lisait la sentence de déposition,
Eutychès en avait appelé aux conciles des
évéques de Rome, d'Alexandrie et de Jéru- 241.
salem, et qu'il avait même donné un acte
par écrit de cet appel, qu'on n'avait pas voulu
recevoir ; mais Flavien, le patrice Florent,
Basile de Séleucie et tous les autres évéques
déclarèrent qu'il n'avait pas ouï un seul mot
de cet appel, pendant les séances du concile.
Le patrice convint qu'Eulychès lui avait dit
tout bas à l'oreille, mais après le concile fini,
qu'il aj)pelait de la sentence. Il conclut l'as- 255.
semblée en déclarant qu'il porterait à l'em-
pereur les actes de ce qui s'y était passé. On
n'y avait pas examiné s'il était vrai, comme
le disait Eutychès, que sa sentence avait été
dressée dès avant qu'il comparût ; c'est pour- 2;8,
quoi il donna sa requête àThéodose, deman-
dant que le silentiaire Magnus fût entendu
sur ce fait : cela lui fut accordé, et ce prince
commit pour l'entendre Ariobende, maître
des offices. Magnus comparut le 27 avril de
la même année 449, et déclara qu'on lui
avait montré la sentence de condamnation
d'Eutychès tout écrite avant le concile. Le
notaire Macédonius déclara aussi que le prê-
tre Astérius l'avait averti que les autres no-
taires avaient falsifié les actes. Cette dernière
procédure fut faite connue la première, aux
instances de Constance, l'un des agents d'Eu-
tychès. Flavien 3, obligé par ordre de l'empe-
reur de donner sa confession de foi, déclara
' Libérât., cap. si. — ^ Libérât., cap. si.
[v^ETvi'STÈCLES.J CHAPITRE LUI. — DU FAUX CONCILE D'ÉPHÈSE, ETC.
qu'il suivait la doctrine des conciles de Nicée,
de ConsLautinople et d'Ephèse; qu'il recon-
naissait en Jésus-Christ deux natures après
l'incarnation, en une hypostase ou personne;
qu'il ne refusait pas même de dire une na-
ture du Verbe divin, pourvu que l'on ajoutât
incarnée et humanisée. Enfin il analliématisa
tous ceux qui divisaient Jésus-Christ en deux,
nommément Neslorius.
67S
ARTICLE m.
DU FAUX CONCILE D'ÉPHÈSE [449],
CONCILE DE HOME [449].
ET DU
1. La profession de foi de Flavien ne dis-
sipa point les fâcheux préjugés que les euty-
chiens avaient inspirés à l'empereur contre
lui. Ce prince continua à l'accuser d'avoir
excité les contestations qui troublaient l'E-
glise, d'être le premier auteur des maux et
de n'avoir jamais voulu céder aux fréquentes
instances qu'il lui avait faites pour le récon-
cilier avec Eutychès, et finir par là les divi-
sions et les troubles. C'est dans ces termes
qu'il parlait de son archevêque dans sa lettre
au faux concile d'Ephèse ; Théodose le con-
voqua à la prière de Dioscore, qui s'était fait
appuyer dans sa demande par les sofiicita-
tions d'Eudoxie et de l'eunuque Chrysaphe.
La lettre de convocation, qui est du 30 mars
449, porte que l'exarque ou patriarche pren-
dra avec lui dix métropolitains de sa dépen-
dance, et dix autres évéques pour se trouver à
Ephèse le 1"' août prochain ; qu'à l'égard de
Théodoret, il ne lui sera pas permis d'y venir
jusqu'à ce que le concUe assemblé le juge à
propos. L'empereur ordonna aussi à l'abbé
Ëarsumas de se rendre à Ephèse au nom de
tous les abbés ou archimandrites de l'Orient,
pour y prendre séance avec les évèques. On
n'avait point encore vu d'abbé prendre le
rang de juge dans un concile général : mais
Barsumas étant ami d'Eutyches et de Dios-
core, ils lui avaient procuré cet honneur pour
exclure du concile les autres abbés dont ils
n'avaient rien à espérer. Saint Léon fut aussi
invité au concile par l'empereur, qui, selon
la remarque de ce saint pape, respectait trop
les ordres de Dieu ' pour entreprendre une
chose de cette importance, sans y taire inter-
venir l'autorité du Siège aposlohque; mais la
lettre de convocation n'étant arrivée à Rome
' Religioj,issirna clementissimi principis fides sciens
ad suam glorium maxime periinerc , si inlra catholi-
cam Ecclesiam nullius erroris germen exurgeret, hanc
que le 13 mai, à peine saint Léon eut-il assez
de temps pour envoyer des légats au concile.
Il choisit pour cette fonction Jules, évêque de
PouzoUes, dans la Campanie ; René, prêtre
du titre de saint Clément, qui mourut en
chemin, et Hilaire diacre, avec Dulcitius no-
taire, qui portaient tous en eux-mêmes un
esprit de justice ^ pour faire condamner l'er-
reur, de douceur pour faire accorder le par-
don au coupable , s'il s'en rendait digne. Théo,
dose voulut que les évêques qui avaient con-
damné Eutychès, assistassent au concile
mais non en qualité de juges, parce qu'il s'a-
gissait d'examiner leur sentence. Afin d'em-
pêcher qu'il n'arrivât du tumulte, il envoya
à Ephèse Elpide, comte du consistoire, c'est-
à-dire conseiller d'Etat, et Euloge, tribun et
notaire, avec pouvoir de prendre les archers
du proconsul d'Asie et d'y ajouter des mili-
ces de l'empire, afin que ces deux commis-
saires fussent en état d'exécuter les ordres
qu'il leur donnerait. Ce prince écrivit au con-
cile pour marquer que son intention était
que l'on n'y traitât d'aucune accusafion per-
sonnelle, jusqu'à ce qu'on eût décidé ce qui
appartenait à la foi , et que l'on chassât des
Eglises tous ceux qui tenaient ouftivorisaient
l'erreur de Nestorius. Il écrivit encore à Dios-
core, évêque d'Alexandrie, à qui il disait que,
pour suivre l'ordre des canons, il lui donnait
l'uUendance et la prinaauté dans toutes les
affaires qui devaient se traiter dans le con-
cile, ne doutant pas que les saints archevê-
ques Juvéual de Jérusalem, Thalassius de
Cesarée et tous les zélés cathohques ne fus-
sent d'accord avec lui. Sa lettre à Juvénal
était dans les mêmes termes; d'où vient que
Dioscore prétendit dans la suite que Juvéual
et Thalassius avaient été étabhs avec lui les
chefs du concile, et qu'ils devaient répondre
comme lui, de tout ce qui s'y était passé.
2. Il se tint le premier jour d'août, dans le
même lieu où s'était tenu le premier concile
d'Ephèse, c'est-à-dire dans l'Eglise que l'on
nommait Marie. Il y eut environ cent trente
ou cent Irente-cinq évêques des provinces
d'Egypte, d'Orient, d'Asie, du Pont et de la
Thrace. Le commencement des actes n'en
met que cent vingt-six ; mais, dans la der-
nière signature, il s'y en trouve treize de
plus. Suivantl'ordre de l'empereur Théodose,
Dioscore d'Alexandrie tint la première place;
revereniiam divinis ddulit insiiluiis , ut ad sancta
disposiiionis effeclum auctoriiatem opostolicœ Sedis
adliiberet. Leo^ fc>'-?<. 29. ~ 2 Idem., Epist. 26.
Pag- 107,
Ouverture
du cou ci I s
d'EplièsB.
676
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
elle lui était due d'ailleurs par la dignité de
son siège, l'évèque de Rome étant absent '. Il
paraît par Libérât - que les légats du pape
voulurent lui disputer la présidence du con-
cile ; mais ou le fait n'est pas vrai, ou les lé-
gats ne réussirent point dans leurs préten-
tions, puisque Jules de PouzoUes, le premier
des légats de saint Léon, n'est nommé qu'a-
près Dioscore; on lit ensuite les noms de Ju-
Tom. IV vénal de Jérusalem, de Domnus d'Antioche
115. et de fiavien. Apres ces cmq patriarches dont
celui de Constantinople ne tient que la cin-
quième place, comme étant le plus nouveau,
sont nommés les exarques et les métropoli-
tains, ou leurs vicaires, savoir : Etienne d'E-
plièse, Thalassius de Césarée en Cappadoce,
Eusèbe d'Ancyre en Galalie, Jean de Sébaste
en Arménie, Cyrus d'Aphrodisiade en Carie,
Erasistrate de Corinthe , Quintillus d'Héra-
clée à la place d'Anastase de Thessalonique,
Pag. in. Mélèce de Larysse en Syrie, qui tenait aussi
la place de Domnus d'Apamée, et les autres
qui sont marqués chacun en leur rang dans
les actes. Suivent les prêtres députés des
évoques absents, et à leur tête, l'abbé Bar-
sumas, puis le diacre Hilaire, légat da pape,
avec le notaire Dulcitius. Quoiqu'Eusèbe de
Dorylée fût venu à Ephèse, il ne fut point
lis. nommé entre les évêques du concile, on ne
voulut pas même lui permettre d'y assister,
sous prétexte que l'empereur l'avait défendu.
La plupart des évêques avaient des notaires
128, 129. pour écrire ce qui se disait. Dioscore chassa
non - seulement ceux d'Etienne d'Ephèse ,
mais tous les autres, à la réserve des siens,
de ceux de Juvënal et d'Erasistrate, dont il
113. était apparemment assuré. Jean, prêtre et
primicier des notaires d'Alexandrie, fit les
fonctions de promoteur. II proposa en peu
122. de mots les raisons que les empereurs avaient
eues d'assembler le concile; après quoi il lut
la lettre de convocation. Les légats du pape
dirent que saint Léon en avait reçu une en
même forme, et qu'il n'aurait pas manqué
de se trouver au concile , s'il y en avait quel-
que exemple; « mais vous savez, dit le diacre
Hilaire, que le pape n'a assisté ni au concile
de Nicée, ni a celui d'Ephèse, ni à aucun
autre semblable; c'est pourquoi il nous a en-
voyés ici pour le représenter, et nous a char-
1 Libérât de Garthage dit formellement que les lé-
gats du pape Léon ne voulurent point siéger avec
les autres au concile d'Eplièse, parce que la préséance
n'avait pas été donnée au Saint-Siège. Il parait, en
outre, par les actes du concile de Glialcédoine, que
gés de lettres pour vous, que nous vous
prions de faire lire. » Les légats parlèrent en
latin, et Florent, évoque de Lydes, leur ser-
vait d'interprète. Le prêtre Jean, au lieu de
faire lire la lettre de saint Léon au concile,
proposa de lire celle de l'empereur à Dios-
core; on la lut par ordre de Javénal de Je- p^j.
rusalem ; elle portait que Barsumas assiste-
rait au concile. Juvénal dit qu'il en avait reçu
une pareille, et opina que la volonté de l'em-
pereur serait exécutée. Le comte Elpide lut ,2,
ensuite la commission de l'empereur pour lui
et pour le tribun Euloge, puis la lettre de ce
prince au concile, dans laquelle il accusait
Flavien d'avoir excité des disputes sur la foi
contre Eutychès. Alors Thalassius de Césarée
proposa de commencer par la question de la
foi, selon l'intention de l'empereur. Dioscore
fut d'un sentiment contraire. 11 dit que la foi
établie par les pères n'étant pas une chose
que l'on dût mettre en question, le concile
n'était assemblé que pour examiner si les
nouvelles opinions étaient conformes aux dé-
cisions anciennes. « Voudriez-vous, ajoute-
t-il, changer la foi des pères ? » Le concile
dit : «Si quelqu'un la change, qu'il soit ana-
thème. Si quelqu'un y ajoute, qu'il soit ana- oi.
thème. Gardons la foi de nos pères, n Le but
de Dioscore était de faire examiner l'aHaire
d'Eutychès avant que l'on traitât de la foi.
Le comte Elpide, donnant dans ses vues, de-
manda qu'on fit entrer Eutychès. Juvénal
de Jérusalem et tout le concile y con-
sentit.
3. Eutychès prit les évêques à témoin de n*
la foi pour laquelle il avait combattu avec
eux dans le premier concile d'Ephèse ; puis
il leur présenta un libelle de sa foi, deman-
dant qu'on le fit lire. 11 y disait qu'il se tenait Pat- 1
heureux de voir le jour auquel la vraie foi
recouvrait sa liberté, ce qui lui faisait naitre
l'espérance de quelques soulagements dans
les persécutions qu'on lui faisait soutfrir pour
n'avoir point d'autre créance que celle de
Nicée. Il en rapportait ensuite le symbole
avec une protestation de vivre et mourir sui-
vant cette foi, sans en ôter ni ajouter quoi
que ce fût, conformément à ce qui avait été
ordonné dans le précédent concile d'Ephèse,
et d'anathématiser Manès, Valeutin, Apolli- m.
les légats, n'aj'ant pas été admis au premier raug,
qui leur appartenait de droit, y assistèrent , l'un comme
simple évêque et l'autre comme diacre. (L'éditeur.)
2 Libérât., cap. xn.
CHAPITRE Lin. — DU FAUX CONCILE D'ÉPHÈSE, ETC.
[VET VI' SIÈCLES.]
naire, Nestorius et tous les autres hérétiques
jusqu'à Simon le Magicien, nommément ceux
qui disaient que la chair de Jésus-Christ est
descendue du ciel. Diogène de Cyzique et Ba-
sile de Séleucie lui demandèrent comment
donc il croyait que Jésus-Christ s'était in-
carné et d'où venait sa chair? Eutychès ne
jugeant pas à propos de leur répondre, on
continua la lecture de sa requête, où il rap-
portait à sa façon le jugement rendu contre
lui à Constantinople. « Vivant, dit-il, suivant
cette foi, j'ai été accusé par Eusèbe de Do-
rylée, qui a donné contre moi des libelles où
il me nommait hérétique, sans spécifier au-
cune hérésie, afin qu'étant surpris et troublé
dans l'examen de ma cause, il m'échappât
de dire quelque nouveauté. L'évéque Flavien
m'ordonna de comparaître, lui qui était pres-
que toujours avec mon accusateur, croyant,
parce que j'avais accoutumé de ne pas sortir
du monastère, que je ne me présenterais
point, et qu'il me déposerait comme défail-
lant. En effet, lorsque je venais du monastère
à Constantinople, le silentiaire Magnus, que
l'empereur m'avait donné pour ma sûreté,
me dit que ma présence était à l'avenir inu-
tile, et que j'étais déjà condamné avant d'être
ouï. Sa déposition le fait voir. Quand je me
présentai à l'assemblée, on refusa de recevoir
et de faire lire ma profession de foi, et quand
j'eus déclaré de vive voix que ma créance
était conforme à la décision de Nicée confir-
mée à Ephèse, on voulut m'y faire ajouter
quelque parole. Craignant de contrevenir à
l'ordonnance du premier concile d'Ephcse et
de celui de Nicée, je demandai que votre
saint concile en fût informé, étant prêt de me
soumettre à ce que vousapprouveriez. Comme
je parlais ainsi, on fit lire la sentence de dé-
position que Flavien avait dressée contre moi
longtemps auparavant, comme il avait voulu,
et l'on changea plusieurs choses aux actes,
comme il a été -vérifié depuis à ma requête
par ordre de l'empereur. Car l'évéque Fla-
vien n'a eu aucun égard à mon appel inter-
jeté vers vous, ni aucun respect pour mes
cheveux blancs et les combats que j'ai sou-
tenus contre les hérétiques; mais il m'a con-
damné d'autorité absolue. Il m'a livré pour
être mis en pièces comme hérétique, par la
multitude amassée exprès dans la cathédrale
et dans la place, si la Providence ne m'avait
conservé. Il a fait lire en diverses Eglises la
sentence prononcée contre moi, et a fait
couscrire les monastères ; ce qui ne s'est ja-
677
mais fait, comme vous savez, même contre
les hérétiques. Il l'a envoyée en Orient et l'a
fait souscrire en plusieurs endroits par les
évêques et les moines, qui n'avaient pas été
juges, quoiqu'il eût dû commencer par l'en-
voyer aux évêques à qui j'avais appelé. C'est
ce qui m'a obligé d'avoir recours à vous et à
l'empereur, afin que vous soyez juges de la
sentence rendue contre moi. » Flavien, qui
jusque-là était demeuré dans le silence, de-
manda qu'on fit entrer Eusèbe de Dorylée,
accusateur d'Eutychès. Le comte Elpide s'y
opposa, disant que l'accusateur avait rempli p^g. i4c.
sa fonction et gagné tout ce qu'il pouvait
prétendre, en faisant condamner Eutychès ;
c'était maintenant au juge à répondre de son
jugement, comme cela se pratiquait dans les
tribunaux séculiers. Il proposa donc de con-
tinuer la lecture des actes de la cause d'Eu-
tychès, à quoi Dioscore et les autres évêques
consentirent. Les légats du pape voulaient
qu'on lût auparavant les lettres de saint Léon
qu'il n'avait écrites, disaient-ils, qu'après s'ê-
tre fait lire des actes dont on demandait la lec-
ture. Mais Eutychès dit : « Les envoyés du
très-saint archevêque de Rome, Léon, me
sont devenus suspects , car ils logent chez
l'évéque Flavien ; ils ont dîné chez lui, et il
leur a rendu toutes sortes de services. Je
vous prie donc que ce qu'ils pourraient faire
contre moi ne me porte aucun préjudice, n
Dioscore dit qu'il était dans l'ordre de lire
d'abord les actes du concile de Constantino-
ple, qu'ensuite on lirait les lettres du très-
pieux évêque de Rome ; ce qu'il disait pour
éluder la lecture de ces lettres, qui, en effet,
ne furent point lues dans ce concile. On lut
donc les actes de celui de Constantinople.
Quand on eut lu les deux lettres de saint Cy-
rille où il insiste sur la distinction des deux
natures, Eustathe de Béryte,pour empêcher
qu'on n'en tirât avantage pour saint Flavien,
dit que saint Cyrille, en d'autres lettres, „,
comme dans celle qui est à Successus, évê-
que de Diocésarée , enseigne qu'il n'y a
qu'une nature du Verbe incarné. On ne
trouva rien à redire à ce que Flavien avait dit
pour l'exposition de sa foi; mais lorsqu'on
vint à l'endroit de la dernière session, où Eu-
sèbe de Dorylée exigeait d'Eutychès qu'il
confessât deux natures, et que Jésus-Christ j^s.
nous est consubstantiel selon la chair, le
concile s'écria : « Otez, brûlez Eusèbe ; qu'il
soit brûlé vif; qu'il soit mis en deux; comme
il a divisé, qu'on le divise. » ioscore ne se
678
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
contentant pas de ces cris, demanda qu'on dît
anathème à quiconque dit deux natures après
l'incarnation, et que ceux qui ne pourraient
pas faire entendre leur voix, levassent les
mains pour montrer qu'ils consentaient à
l'anathème des deux natures ; et aussitôt
chacun, levant la main, dit anathème à qui
admet deux natures ; qu'on chasse , qu'on
massacre, qu'on déchire ceux qui veulent
deux natures. On lut ensuite la déclaration
qu'Eutychès avait faite de sa foi en présence
de saint Flavien. Elle était conçue de ma-
nière qu'elle n'exprimait ni la vérité, ni l'hé-
résie. Néanmoins Dioscore et tous les autres
après lui déclarèrent que c'était là leur
créance et qu'ils rejetaient la foi de l'impie
Eusèbe. Ils ajoutèrent qu'ils ne croyaient
qu'une nature avec Eutychès. Après qu'on
eut lu les actes du concile de Constantinople,
on lut aussi ceux de l'assemblée du 8 avril
de l'an M4, où l'on fit la révision de ces actes ;
et l'information faite le 27 du même mois
par devant Ariobinde, maître des offices.
est '^déciâfé •*• Dioscore ayant trouvé le moyen d'abat-
ub°"' " "' tre par ces cris tumultueux le courage des
évêques qui, dans la crainte d'être condam-
nés comme Nestorius, favorisèrent l'hérésie
d'Eutyehès, ne songea plus qu'au rétablisse-
Pag. 256. ment de cet hérésiarque. Il demanda aux
évêques de quelle façon il le fallait traiter.
Ju vénal de Jérusalem, prenant le premier la
parole, dit qu'Eutychès ayant toujours dé-
claré qu'il suivait l'exposition de foi de Ni-
cée, et ce qui avait été fait au premier con-
cile d'Ephèse, il le trouvait orthodoxe, digne
de gouverner son monastère et de tenir le
rang de prêtre dans l'Eghse. Le concile dit :
2". « Ce jugement est juste, n Domnus d'Antio-
che reconnut que sur la lettre qui lui avait
été écrite par le concile de Constantinople,
au sujet d'Eutyehès, il avait souscrit à sa
condamnation; mais qu'ayant déclaré dans
sa requête qu'il suivait la foi de Nicée et
d'Ephèse, il consentait à son rétablissement,
tant dans sa dignité de prêtre, que dans la
conduite de son monastère. Etienne d'E-
phèse, Thalassius de Césarée et tous les au-
tres évêques du concile, à l'exception des
légats du pape, opinèrent comme avaient
276. fait Juvénal et Domnus. L'abbé Barsumas
voulant comme un fils suivre la foi de ses
pères les évêques, témoigna sa joie de ce
qu'ils reconnaissaient tous la pureté de la foi
d'Eutyehès; et ce consentement unanime fut
confirmé par le suffrage de Dioscore, qui
Co
lifiii
conclut, comme les autres, à ce qu'Eutychès
fût conservé dans les degrés d'honneur dont
il jouissait avant la sentence prononcée con-
tre lui, par Flavien. Après quoi Jean, primi-
cier des notaires, lut une requête présentée
par les moines d'Eutyehès, où ils exposaient
au concile qu'ils étaient persécutés injuste-
ment par leur propre évéque, à cause de
l'amour qu'ils avaient pour la vérité, et pri-
vés depuis neuf mois de la participation des
divins mystères, en observant toutefois le
reste de la vie monastique; ils suppliaient
qu'on leur rendit l'usage des sacrements, et
concluaient en demandant que Flavien reçût
la peine que méritaient ses injustices. Cette
requête, signée de plus de trente moines,
fut lue dans le concile, sans que Dioscore
demandât à Flavien raison de sa conduite à
l'égard de ces moines; et sur l'aveu qu'ils fi-
rent de suivre la même foi que les conciles
de Nicée et d'Ephèse, Juvénal et les autres
évêques les rétablirent dans la communion
de l'Eglise et dans les fonctions de leurs or-
dres ; car il y avait parmi eux un prêtre, dix
diacres et trois sous-diacres.
5. Eutychès et ses moines absous, Dios-
core proposa de faire lire ce qui avait été
fait sur la foi dans le premier concile d'E-
phèse. Domnus d'Anlioche parut n'en être
pas d'avis; mais les autres évêques ayant Pa;
approuvé la proposition, on lut la sixième
session de ce concile, où se trouvent le sym-
bole de Nicée, le passage des pères sur l'in-
carnation, la requête deCharisius, la confes-
sion de foi attribuée à Théodore de Mopsueste
et les extraits des livres de Nestorius. La
lecture de toutes ces pièces étant achevée;
comme on lisait le décret du premier concile 252.
d'Ephèse, qui défend sous peine de déposi-
tion et d'anathème de composer ou d'em-
ployer aucune autre formule de foi que celle
de Nicée, Onésiphore d'Icône dit aux évê-
ques qui étaient assis près de lui : « On ne
nous lit ceci que pour déposer Flavien. »
Epipliane de Perge qui l'entendit, répondit :
« La chose pourrait bien arriver à l'égard
d'Eusèbe de Dorylée ; mais personne ne sera
assez fou pour aller jusqu'à Flavien. » Ce
qu'avait prévu Onésiphore arriva dans le
moment. Dioscore ayant repris en peu de 300.
paroles la défense que le concile d'Ephèse
avait faite de se servir d'autre symbole que
de celui de Nicée, fit entendre que le sens
de ce décret était qu'on ne devait rien dire,
ni penser, ni rien discuter que dans les ter-
[ v ET vr SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — DU FAUX CONCILE D'ÉPHÈSE, ETC.
679
mes mêmes de ce symbole ; sur quoi il pria
tous les évêques de donner chacun leur avis
par écrit. Thalassius de Césarée dit qu'il dé-
testait tous ceux qui pensaient contrairement
à ce décret; en quoi il fut suivi de tous les
autres évêques. Jules, légat du pape, déclara
que c'était le sentiment du Siège apostoli-
que, et le diacre Hilaire ajouta que ce décret
était conforme aux lettres de saint Léon au
concile, et demanda qu'on en fit la lecture.
Dioscore, sans avoir égard à sa demande,
conclut que, puisque Flavien et Eusèbe de
Dorylée avaient contrevenu à la défense de
rien dire et de rien rechercher sur la foi hors
des termes du symbole de Nicée, et qu'en
violant cette défense ils avaient tout ren-
versé, causé du scandale dans toutes les Egli-
ses, ils s'étaient eux-mêmes soumis aux pei-
nes ordonnées par les pères du premier
concile. « C'est pourquoi, ajoute-t-il, en con-
firmant leurs décisions, nous avons jugé que
les susdits Flavien et Eusèbe seront privés
de toute dignité sacerdotale et épiscopale. «
Il demanda l'avis des évêques, mais en les
avertissant que l'empereur serait informé de
tout. Flavien dit : (^ Je vous récuse,» ou, se-
lon le texte latin : « J'appelle de vous. » Hi-
laire, diacre, l'un des légats, dit : « On s'y
oppose. I) Quelques évêques se levèrent et
s'allèrent jeter aux genoux de Dioscore, pour
l'empêcher de déposer Flavien. Basile de
Séleucie lui représenta que c'était condam-
ner le sentiment de toute la terre. Rien ne
put le fléchir; et voyant que le nombre des
opposants à la condamnation de Flavien se
multipliait, il appela à son secours les com-
tes Elpide et Euloge. Aussitôt ils firent en-
ti-er dans le lieu de l'assemblée le proconsul
avec des chaînes, et un grand nombre de
personnes armées de bâtons et d'épées. On
ne parlait que de déposer ou d'exiler ceux
qui refuseraient d'obéir à Dioscore. Il se leva
lui-même sur son trône, et faisant signe de
la main, il dit : « Si quelqu'un ne veut pas si-
gner, c'est à moi qu'il a atiaire, prenez-y
garde. » La vue des soldats, les menaces des
moines qui environnaient Barsumas, et des
parabolants de Dioscore, la crainte de la dé-
position ou de l'exil intimidèrent tellement
les évêques qu'on avait retenus jusqu'au soir
enfermés dans l'église, sans leur donner de
repos, qu'ils souscrivirent à la déposition de
Flavien et d'Eusèlie, sur un papier blanc.
Juvénal de Jérusalem souscrivit le premier,
ensuite Domnus d'Antioche, puis Thalassius
de Césarée, Eusèbe d'Ancyi'e, Etienne d'E-
phèse et tous les autres. Barsumas prononça
aussi comme juge, immédiatement après les
évêques, et avant Longin, Anthémius, Aris-
ton et Olympius, prêtres, qui signèrent pour
Dorothée^ évêque de Néocésarée ; pour Pa-
trice, évêque de Thyanas; pour Eunomius,
évêque de Nicomédie, et pour Caloger, évê-
que de Claudiopolis dans le Pont. Presque
toutes les souscriptions sont conçues en ces
termes : «J'ai jugé et souscrit.» Il n'y eut que
les légats du pape qui refusèrent de céder à
la violence et à l'injustice. Dioscore fit tout
son possible pour engager le diacre Hilaire
à se trouver à une seconde séance, dans le
dessein ou de l'engager à souscrire comme
les autres à la condamnation de Flavien, ou
de le retenir par force au cas qu'il ne voulût
point se rendre. Mais Hilaire voyant qu'il
avait tout à craindre, s'échappa d'Ephèse et
s'en retourna à Rome, par des chemins dé-
tournés. Ou ne marque pas ce que devint
Jules, évêque de Pouzolles. Pour ce qui est
de René, le troisième légat, il était mort en
venant au concile. Outre Flavien et Eusèbe
de Dorylée, il y eut encore d'autres ' évê-
ques déposés dans ce concile, dont les actes
qui nous restent ne font point mention, sa-
voir : Théodoret, Ibas d'Edesse, Sabinien de
Perrha et Domnus d'Autioche, pour avoir ré-
tracté leurs souscriptions forcées à la déposi-
tion de Flavien. Evagre ajoute Daniel de Car-
rhes, Irénée de Tyr, et Aquiiin de Biblos en
Phénicie. La déposition de Domnus ne se fit
point dans la même séance que celle de Fla-
vien , mais trois jours après. Il avait écrit à
Dioscore ^ quelques lettres où il blâmait les
anathématismes de saint Cyrille. Celui-ci en
prit occasion de l'accuser de nestorianisme,
et le fit condamner, quoiqu'absent et malade.
Tous les évêques déposés dans ce concile fu-
rent rétabUs dans celui de Chalcédoine, à
l'exception de Domnus, soit qu'il n'ait pas
demandé son rétablissement, soit pour le
punir de la lâcheté qu'il avait fait paraître
en souscrivant à la condamnation de Flavien,
Il fut mené en exil avec les autres que l'on
avait déposés. Maxime, qui fut mis en sa
place, pria le concile de Chalcédoine de lui
assigner une pension sur les revenus de l'E-
glise d'Antioche, ce que le concile laissa à
' Evagr., lib. I, cap. x.
» Tom. IV Concil. Binii, pag. 1080.
680
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Horr
qnel'Eg
Êunriece
cils.
Tom
Concil.,
381.
Pag. 866,
Ccncili
Rome en
la discrétion de Maxime. A l'égard de saint
Flavien, il mourut quelques jours après le
concile, à Hypepe, en Lydie, des coups de
pieds et des autres mauvais traitements qu'il
avait reçus soit de Dioscore lui-même, soit
de Barsumas et de ses moines. Sa mémoire
est en vénération dans l'Eglise.
6. Nous n'avons de ce concile que ce qui
cou' s'y passa le premier Jour, c'est-à-dire le
lundi 8 août. Ce fut sans doute Dioscore qui
en lit dresser les actes, du moins fut-il ac-
IV cusé dans la suite d'y avoir mis des choses
'"^' qui n'avaient point été dites dans ce concile.
On peut encore lui attribuer la loi de Théo-
dose, où ce prince en loue les décrets, en
particulier ce que l'on avait fait contre Fla-
vien, Eusèbe de Dorylée, Domnus et Théo-
807. doret; mais Marcien cassa cette loi par une
autre, datée du 6 juillet 452. On n'appela
même dans la suite cette assemblée qu'un
brigandage ' et un détestable conciliabule,
parce que Dioscore et ceux de son parti s'y
comportèrent plus en brigands qu'en évo-
ques; qu'ils osèrent attenter aux fondements
de la foi, en condamnant des expressions ca-
tholiques et nécessaires alors contre l'héré-
sie d'Eutychès; et qu'ils condamnèrent de
saints évêques sans les avoir ouïs, contre
l'usage de tous les tribunaux, même civils,
dans des affaires de moindre importance.
, jj 7. Saint Léon, informé par son diacre du
"'• malheureux succès du faux concile d'E-
phèse, en fut pénétré ^ de douleur. Mais éle-
vant son esprit vers le Seigneur, et espérant
tout de la vérité qu'il suivait, il attendit avec
confiance qu'elle répandît ses rayons de tous
côtés et qu'elle dissipât les ténèbres de la
perfidie et de l'erreur. 11 assembla néan-
moins un concile nombreux des évêques
d'Occident, avec qui il écrivit plusieurs let-
tres 3, datées du i3 et du 15 octobre. Les
unes * sont en son nom seul, les autres ^
au nom du concile de Rome. Dans celle qui
est à Flavien, dont il ignorait la mort, il lui
promettait de s'employer de toutes ses foi--
ces, soit à son soulagement, soit au rétablis-
sement de la cause commune. Celle qu'il
écrivit à l'empereur Théodose ^ est une
plainte amère de la violence de Dioscore et
de l'irrégulcirité du concile d'Ephèse. « Nous
avons appris, dit-il à ce prince, que tous
' Léo, Fpist. HO, 65, 41. — ' Léo, Epist. 44.
5 Léo, Epist. 40, 45, 47. — » Léo, Epist. 42, 44.
» Léo, Epist. 40, 41, 45, 47.
ceux qui étaient venus au concile, n'ont pas
assisté au jugement. On a rejeté les uns et
introduit les autres, qui ont livré leurs mains
captives pour faire , au gré de Dioscore , ces
souscriptions impies, sachant qu'ils per-
draient leur dignité s'ils n'obéissaient. Nos
légats y ont résisté constamment, parce que,
en effet, tout le mystère de la foi est dé-
truit, si l'on n'efface pas ce crime, qui sur-
passe tous les sacrilèges. Nous vous conju-
rons donc, mes confrères et moi, devant l'in-
séparable Trinité et devant les saints anges,
d'ordonner que toutes choses demeurent au
même état où elles étaient avant tous ces ju-
gements, jusqu'à ce que l'on assemble de
tout le monde un plus grand nombre d'évê-
ques. 1) Il donne pour motifs de la tenue d'un
concile général, la réclamation de ses légats
contre ce qui s'était passé à Kphèse, l'appel-
lation interjetée par Flavien, et la nécessité
de lever tous les doutes sur la foi et toutes
les divisions qui blessaient la charité. Dans
une autre lettre à sainte Pulchérie ', il se
plaint que sa lettre à Flavien n'avait point
été lue à Ephèse, et déclare que tous les
évêques d'Occident demeurent unis de com-
munion avec Flavien. Il dit dans celle qui
est au magistrat et au peuple de Constanti-
nople, que quiconque osera usurper le siège
de Flavien de son vivant, ne pourra espérer
d'être dans la communion de l'Eglise ro-
maine, ni d'être mis au rang des évêques.
ARTICLE IV.
DES CONCILES DE CONSTANTINOPLE [450] , DE MILAN
ET DES GAULES [451].
1. L'empereur Théodose, en répondant à poi
la lettre synodale de saint Léon, le priait '^'ân
d'approuver l'ordination d'Anatohus, évêque
de Constantinople , à la place de Flavien.
Anatolius lui écrivit lui-même pour deman-
der la communion du Saint-Siège ; mais saint
Léon, à qui l'ordination de cet évêque élait
suspecte, à cause que ceux qui l'avaient faite
étaient du parti de Dioscore, ne voulut ni lui
accorder ni lui refuser sa communion, jus-
qu'à ce qu'il fût mieux informé de sa foi. Il
envoya des légats à Théodose, avec une let-
tre ^ à ce prince, où il lui disait qu'il confir-
merait l'ordination d'Anatolius, s'il faisait
s Léo, Epist. 40.
« Léo, Epist. 52.
' Léo, Epist. 41.
CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
[VET VP SIÈCLES.]
une profession publique devant le clergé et
devant le peuple de Conslantinople, de la
doctrine contenue dans sa lettre à Flavien,
dans la seconde de saint Cyrille à Nestorius
et dans les passages des pères insérés aux
actes du concile d'Epbèse, et s'il en donnait
une déclaration signée de sa main, qui pût
être publiée dans toutes les Eglises. Les lé-
gats, qui n'étaient partis de Rome que sur la
fin de juillet de l'an 450, n'arrivèrent à Cons-
lantinople qu'après la mort de Théodose,
qu'on met au 28 du même mois. Marcien,
son successeur, reçut favorablement les lé-
gats; c'étaient les évêques Abundius et As-
térius, elles prêtres Basile et Sénateur. Aus-
sitôt après leur arrivée, Anatolius assembla '
un concile des évêques qui se trouvaient en
cette ville, avec les abbés, les prêtres et les
diacres. Abundius présenta la lettre de saint
Léon à Flavien , avec les passages des pères
grecs et latins qui en appuyaient la doctrine ;
on la lut publiquement, et elle fut trouvée
conforme aux sentiments des pères, dont on
lut aussi les témoignages; après quoi Anato-
lius y souscrivit, disant anatbème à Nestorius
et à Eutychès, à leurs dogmes et à leurs sec-
tateurs. Tous les évêques présents, les prê-
tres, les abbés, les diacres y souscrivirent de
même, excepté les abbés Carose, Dorothée,
Maxime et quelques autres eutychiens que
l'on ne put fléchir. On dressa un acte de ces
signatures en présence des légats, qui l'en-
voyèrent au pape ^ avec la relation de tout
ce qu'ils avaient fait. Les évêques du concile
de Conslantinople envoyèrent ', de leur côté,
la lettre de saint Léon à Flavien pour la si-
gner, et Anatolius * mit le nom de son pré-
décesseur dans les diptyques.
2. Après qu'Abundius, évêque de Côme,
et Sénateur, prêtre de Milan, l'un et l'autre
légats du pape, lui eurent rendu compte du
succès de leur légation, il les chargea, lors-
qu'ils s'en retournèrent dans leurs Eglises,
d'une lettre pour Eusèbe, évêque de Milan,
par laquelle il le priait d'assembler les évo-
ques dépendants de sa métropole, et de faire
lire en leur présence sa lettre à Flavien, afin
qu'ils y donnassent leur approbation et qu'ils
anathémalisassent les hérésies qui atta-
quaient le mystère de l'incarnation. Eusèbe
fit ce que saint Léon souhaitait. On ne mar-
681
Tora.Ioper.
-32.
que pas en quel lieu les évêques s'assemblè-
rent; mais il y a apparence que ce fut à
Milan ; ils s'y trouvèrent au nombre de vingt,
en y comprenant Asinion, évêque de Coire,
pour qui Abundius porta la parole, et Eu-
thasius, évêque d'Aoste, qui envoya un de
ses prêtres pour tenir sa place. On commença
la séance par la lecture de la lettre de saint
Léon à Eusèbe, et après qu'Abundius et Sé-
nateur eurent fait le rapport de ce qu'ils
avaient fait et vu dans l'Orient, on lut la let-
tre de ce pape à Flavien, qui fut unanime-
ment approuvée, comme conforme à la doc-
trine de l'Evangile et des pères. Les évêques
anathématisèrent ensuite tous ceux qui sui-
vaient une doctrine impie sur l'Incarnation.
La lettre synodale qu'ils écrivirent à saint
Léon ^ se trouve parmi celles de ce père;
elle ne porte en tête que le nom d'Eusèbe;
mais tous les évêques y souscrivirent pour
témoigner qu'ils en approuvaient le contenu.
Cyriaque, évêque de Lodi,fut choisi pour en
être le porteur.
3. Ingénuus d'Embrun porta celle que les
évêques des Gaules adressèrent à saint Léon,
pour marquer l'approbation qu'ils donnaient
à sa lettre à Flavien; elle est signée de qua-
rante-quatre évêques, dont Ravenne d'Arles J,=°°' '^.^^^^
est le premier; ce qui donne lieu de croire
qu'ils s'assemblèrent dans cette ville. Il y eut
encore une assemblée des évêques de la pro-
vince de Vienne, pour l'élection de Ravenne
à la place de saint Hilaire. Nous avons parlé
dans l'article des lettres de saint Léon, de
celle qu'ils lui écrivirent pour lui donner
avis de cette élection.
ARTICLE V.
DU CONCJLE DE CHALCÉDOINE [431].
l. Saint Léon, regardant la tenue d'un con-
't ' ' t I -, . . n ftoncile de
cile gênerai comme la suite nécessaire do chai:édoine
1» , . . , • , ni ■ en 43 . II est
1 appel mterjete par samt Flavien et comme i'-J'iné par
1 , ., , I , , . , , . . . Mnrci'Ml. qui
le véritable remède aux troubles qui agitaient "". écrit à
l'Eglise, l'avait fait demander à l'empereur
Théodose par Valentinien III et par les impé-
ratrices Placidie etEudoxie.Les évêques dé-
posés dans le conciliabule d'Ephèse le deman-
dèrent avec instance à Marcien, successeur
de Théodose, et ils employèrent pour l'obte-
nir les personnes les plus puissantes de la
Concilo des
î n 11 1 e s en
Tom . I oper.
post.
10.
P..g. 270,
' BoUand., ad dlem 2 april., pag. 92, et tom.
Concil., pag. 531, et Léo, Epist. 68.
' Léo, Epist. 60, 61.
IV 3 Tom. IV Concil., pag. 546.
' Mem. 3 jul., pag. 26.
* Léo, post. Epist. 77, pag. Î91.
682
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
cour. Soit que Marcien eût égard à leurs re-
montrances, soit qu'il jugeât lui-mênae qu'un
concile général était le seul moyen de faire
cesser les maux de l'Eglise, il forma le des-
sein d'en assembler un presqu'aussitôt qu'il
fut parvenu à l'empire. 11 en écrivit ' à saint
Léon, en lui faisant part de son élection, et
l'impératrice Pulcliérie, sa femme, pria aussi
ce saint pape de contribuer de son côté à la
convocation de ce concile. Par uno Féconde
lettre^ du 22 novembre de l'an 4S0, Marcien
invita saint Léon à venir lui-même en Orient
pour y tenir le concile. « Que si ce n'est pas,
ajoutait-il, votre commodité, faites-le nous sa-
voir par vos lettres, afin que nous envoyions
les nôtres dans tout l'Orient, la Thrace et
rillyrie, pour convoquer tous les évêques en
un lieu certain, tel qu'il nous plaira, et régler
ce qui regarde la paix de l'Eglise et la foi ca-
tholique , comme vous l'avez défini suivant
les canons. » Saint Léon répondit à l'empe-
reur, par une lettre ^ du 7 juin 451 , qu'il avait
lui-même demandé ce concile , mais que l'é-
tat présent des affaires ne permettait point
d'assembler les évêques de toutes les pro-
vinces, parce que celles d'où l'on devait prin-
cipalement les appeler , c'est-à-dire celles
d'Occident, étaient tellement troublées par
les guerres, qu'ils ne pouvaient quitter leurs
leurs Eglises; il priait donc ce prince de re-
mettre le concile à un temps plus propre,
quand, par la miséricorde de Dieu, la sûreté
publique serait rétablie. Dans une autre let-
tre * du 19 juillet, il témoignait souhaiter
que ce concile se tint en Ilalie, afin que tous
les évêques d'Occident pussent s'y trouver.
Mais l'empereur, persistant dans la résolu-
tion de convoquer au plus tôt un concile qu'il
regardait comme également nécessaire au
bien de l'Eglise et de l'Etat , et de le convo-
quer même en Orient, adressa à Ânatolius et
à tous les métropolitains une lettre ^ du 17
mai 451, où, après leur avoir témoigné sa
douleur de voir l'Eglise agitée de divers trou-
bles, il. leur déclarait que son intention était
qu'ils se rendissent à Nicée en Bithynie ,
avec autant d'évêques de leur dépendance
qu'ils jugeraient à propos, pour le 1" sep-
tembre, afin d'y terminer tous ces troubles.
Ce prince promettait, dans la même lettre.
de se trouver en personne au concile , si les
affaires de l'empire le lui permettaient. Saint
Léon, qui ne voyait rien que de louable dans
le dessein de Marcien , crut qu'il devait le
seconder. C'est pourquoi, outre Lucentius,
évêque d'Ascoli, et Basile, prêtre, qu'il avait
envoyés depuis peu pour travailler avec Ana-
tolius à la réunion et à la paix, il choisit en-
core deux autres légats , Paschasin , évêque
de Lilybée , et Boniface , prêtre de l'Eglise
romaine. Il chargea ce dernier^ d'un mémoire
instructif, qui réglait la manière dont ses lé-
gats se devaient conduire dans le concile, et
envoya ' à Paschasin la lettre à Flavien, avec
quelques passages choisis des pères sur le
mystère de l'incarnation , dont ses premiers
légats à Constantinople avaient déjà fait
usage. Les lettres de la légation sont datées
du 26 juin 451. Il y en a deux à l'empereur
Marcien , une à Anatolius et une quatrième
au concile. Il recommanda à ses légats de se
comporter avec tant de sagesse et de pru-
dence, que la paix fût rétablie ^ dans les
Eglises d'Orient, toutes les disputes sur la foi
assoupies, et les erreurs de Nestorius et d'Eu-
tychès entièrement détruites; d'admettre à
la réconciliation ' tous ceux qui la demande-
raient sincèrement; de condamner et de dé-
poser '" ceux qui s'obstineraient dans l'hé-
résie; de s'opposer à l'ambition de ceux qui,
s'appuyant sur les privilèges de leurs villes,
voudraient s'attribuer de nouveaux droits;
de demander *' le rétablissement des évêques
chassés de leurs sièges pour la foi catho-
lique, et de ne point souft'rir que Dioscore
parût '^ dans le concile comme juge, mais
seulement comme accusé. Saint Léon voulut
aussi que ses légats présidassent au concile
en son nom, particulièrement Paschasin.
11 écrivit '^ sur ce sujet à l'empereur, le 26
juin , une lettre différente de celles dont il
chargea , le même jour , le prêtre Boniface,
apparemment par quelqu'un qui devait arri-
ver avant lui à Constantinople. Comme Julien
de Cos était depuis longtemps en Orient, qu'il
avait assisté au concile d'Ephèse et qu'il était
très-instruit de l'affaire qu'on devait traiter
dans celui de Chalcédoine, saint Léon le joi-
gnit à ses autres légats , afin de les aider de
ses conseils. Julien n'eut pas, néanmoins, le
' Tom. IV Concil., pag. 62 et 66.
5 Ibid., pag. 63. — 3 Léo, Epist. 62.
* Léo, Epist. 74. — * Tom. IV Concil., pag. 66.
« Tom. IV Concil., pag. 810. — ' Léo, Episi. 68.
8 Léo, Epist. 69. — ' Léo, Epist. 74.
"> Léo, Epist. 75. — " Léo, Epist. 72.
12 Tom. IV Concil., pag. 93, 96.
" Léo, Epist. 69.
[v= ET vp SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
683
même rang que les légats; on se contenta '
de le placer entre les premiers mélropoli-
tains , et il n'est nommé qu'après le prêtre
Boniface.
ttsévcqiies 2. Pendant que les évêques s'assemblaient
l 'cht'icédïi- ^ Nicée, suivant l'ordre de l'empereur, l'Il-
"'■ lyrie se trouva ^ agitée de divers troubles qui
obligèrent ce prince à se donner les soins né-
cessaires pour les faire cesser, en sorte que,
ne pouvant se rendre à Nicée au temps mar-
qué pour le concile, c'est-à-dire au 1" sep-
tembre, il écrivit 3 aux évêques qui y étaient
déjà invités pour les prier de l'attendre. Ce
délai leur causa de l'ennui , et il y en eut
plusieurs qui tombèrent malades; ils écri-
virent * à Marcien , qui leur répondit que les
légats du pape jugeaient sa présence si né-
cessaire au concile, qu'ils ne voulaient point
s'y trouver en son absence; que d'ailleurs la
situation des affaires de l'Etat ne lui permet-
tait point de s'éloigner du lieu où il était;
mais comme il souhaitait, autant que les évê-
ques, que le concile se tint au plus tôt, il les
pria de passer à Chalcédoine, disant qu'il lui
serait plus facile d'y venir de Conslantinople,
qui n'en est séparé que par le Bosphore,
large, en cet^endroit, d'un mille, et qu'eux-
mêmes seraient beaucoup mieux à Chalcé-
doine qu'à Nicée, ville trop petite pour un si
grand nombre d'évêques. Ils eurent peine à
se rendre aux raisons de l'empereur; c'est
pourquoi ils lui députèrent ^ Atticus , archi-
diacre de Constantinople, pour lui représen-
ter que Chalcédoine étant si proche de Cons-
tantinople , ils craignaient que ce ne fût aux
eutychéens ou à d'autres une occasion d'ex-
citer du trouble. Marcien, par une troisième^
lettre, datée d'Héraclée le 22 septembre, leur
manda de ne rien craindre et de venir sans
délai à Chalcédoine , afin qu'après avoir ter-
miné les affaires de l'Eglise, ils pussent s'en
retourner dans leurs villes épiscopales, et
qu'il pût aussi aller lui-même où les besoins
de l'empire l'appelleraient. Ce prince , pour
prévenir tous les troubles , avait donné une
loi, datée '' du 13 de juillet, portant défense
d'exciter aucun trouble dans les églises par
des acclamations ou par un concours affecté,
et de faire aucune assemblée ou conventi-
cule à Constantinople, sous peine du dernier
supplice contre les séditieux. L'impératrice
Pulcbérie ^ avait aussi ordonné an gouver-
neur de Bitbynie de chasser de Nicée et des
environs les moines, les laïques et même les
ecclésiastiques que rien n'obligeait d'être au
concile.
3. Les évêques vinrent donc de Nicée à , ouvcriuro
^ du concile de
Chalcédoine sur la fin de septembre, et ils '■taicé,ioine.
i ' Première ses-
s'y trouvèrent ' en plus grand nombre que -'""'•
dans ancun concile précédent. Selon la lettre
du concile à saint Léon, ils étaient cinq cent
vingt. Lucentius dit'", dans le concile même,
qu'il y en avait six cents, et saint Léon met
ce nombre " dans sa lettre aux évêques des
Gaules. Tous les évêques du concile étaient
de l'empire d'Orient , excepté les légats du
Saint-Siège et deux évêques d'Afrique : Au-
rèle d'Adrumet et Resticien ou Rufin, dont
le siège épiscopal n'est pas marqué. Ces deux
évêques souscrivirent les derniers dans la
première session ; elle se tint dans l'église de
Sainte-Euphémie, martyre, située hors de la
ville de Chalcédoine , à cent cinquante pas
du Bosphore, le 8 octobre 4f51 '-. U y avait
dix-neuf des premiers officiers de l'empire,
savoir : Anafolius, maître de la milice; Pal-
lade , préfet du Prétoire ; Tatien , préfet de
Constantinople; Dincomale , maître des offices;
Sporatius, comte des gardes; Genethélius,
intendant du domaine du prince, et plusieurs
autres qui, après avoir rempli les premières
dignités de l'empire, composaient alors le
sénat. Il n'est pas dit que l'empereur se soit
iiouvé au commencement de cette première
session, mais on ne peut douter qu'il n'ait
été présent aux délibérations qui la précé-
dèrent, puisqu'il est '^ marqué que Théodoret
lui présenta une requête sur les injustices et
les violences qu'il avait souffertes, et que ce
prince ordonna qu'il assisterait au concile. 11
paraît même qu'il était présent lorsqu'on lut
la remontrance d'Eusfatbe de Béryte. Nous
verrons , dans la suite , qu'il assista à la
sixième session. Les évêques nommés dans
les actes de la première sont au nombre de
cent soixante, dont les premiers sont les lé-
gats du pape , Pascbasin , Lucentius et le
prêtre Boniface; ensuite Anatolius de Cons-
tantinople , Dioscore d'Alexandrie , Maxime
d'Antioche et Juvénal de Jérusalem. Eusèbe
1 Tom. IV ConciL, pag. 621.
2 Tom. IV ConciL, pag. 73.
s Ibid., pag. 69, 70. — * Ibid., pag. 73.
5 Tom. IV ConciL, pag, 76. — « Ibid., pag
' Lit). V, cap. de his qui ad Eccles. conf.
75.
8 Tom. IV ConciL, pag. 69.
^ Facund., lib. Il, cap. vl.
1» Tom. IV ConciL, pag. 516. — " Léo, Epist. 77.
" Tom. IV ConciL, pag. 78 et seq.
1^ Tom. IV ConciL, pag. 102.
684
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de Dorylée y est nommé parmi les évêques, '
sans qu'on voie qu'il ait été rétabli dans le
concile ; il y paraît même comme accusateur
de Dioscore. Pent-élre avait-il obtenu son
rétablissement dans les conférences prélimi-
naires entre les évéques et l'empereur. Il fut
réglé qu'avant les séances les diacres ' Dom-
nin et Cyriaque iraient avertir les évéques de
se trouver au concile. Les officiers de l'em-
pereur se placèrent au milieu de ré'.;lise, de-
vant la balustrade de l'autel , ayant à leur
gauche les légats du pape, puis Anatolius de
Constantinople, Maxime d'Antioche, Thalas-
sius de Césarée, Etienne d'Ephèse et les au-
tres évéques des diocèses de l'Orient, du
Pont, de l'Asie et de la Tlirace , à la réserve
de ceux de la Palestine; à la droite étaient
assis Dioscore d'Alexandrie, Juvénal de Jé-
rusalem, Quintillus d'Héraclée en Macédoine,
qui tenait la place d'Anastase de Thessalo-
nique, et les autres évéques de l'Egypte, de
la Palestine et de l'Illyrie. On eut égard, dans
cette disposition, à la différence des senti-
ments; le parti de Dioscore , comme suspect
d'erreur, eut le côté qui était le moins hono-
rable. Le saint Evangile ^ fut placé au milieu
de l'assemblée ; mais il semble qu'on ne l'y
mettaitpastoujours, puisque dans une séance
il fut apporté, à la demande des magistrats.
Outre les évéques, il y avait plusieurs autres
ecclésiastiques, parmi lesquels l'archidiacre
Aétius parut avec éclat; il y avait aussi des
notaires,
nioscoreest 4. Tous les évêqucs s'étant assis, Pascha-
""■10°^ IV ^'° ' l^gat du pape , se leva , et , s'avançant
coi.cii.,'pag. vers le milieu , dit aux magistrats que lui et
les autres légats avaient ordre du bienheu-
reux évêque de Rome, chef de toutes les
Eglises, de ne point rester dans le concile, si
l'on n'en faisait sortir Dioscore. Paschasin
parla en latin, et son discours fut expliqué
par Béronicien, secrétaire du consistoire. Les
magistrats demandèrent s'il y avait quelque
plainte particulière contre Dioscore. «Il doit,
répondirent les légats , rendre raison du ju-
gement qu'il a prononcé à Ephèse, où il a
usurpé la qualité de juge et osé tenir un con-
cile 3 sans l'autorité du Saint-Siège , ce qui
ne s'est jamais fait et n'est pas permis.» Pas-
chasin ajouta : « Nous ne pouvons contreve-
nir aux ordres du pape ni aux canons de
l'Eglise. » Les magistrats , après quelques
contestations , ordonnèrent à Dioscore de
s'asseoir au milieu en qualité d'accusé. Alors
Eusèbe de Dorylée s'avançant, demanda qu'on
lût la requête qu'il avait présentée à l'empe-
reur contre Dioscore. Ce prince l'avait ren-
voyée au concile. Les magistrats en ordon-
nèrent la lecture et firent asseoir Eusèbe au
milieu de l'assemblée, avec Dioscore. Cette
requête chargeait Dioscore d'avoir violé la
foi pour établir l'hérésie d'Eutychès, et d'a-
voir condamné Eusèbe injustement. Celui-ci
demanda, pour le prouver, qu'on lût les actes
du faux concile d'Ephèse , ce que Dioscore
demanda aussi. Mais quand les magistrats en
eurent ordonné la lecture, Dioscore s'y op-
posa , demandant qu'on traitât d'abord la
question de la foi. Les magistrats, sans avoir
égard à sa demande, tirent lire les actes. On
en commença la lecture parla lettre de l'em-
pereur Théodose pour la convocation du con-
cile. Comme il y était fait défense à Théo-
doret de s'y trouver, les magistrats le firent
entrer, suivant l'ordre de l'empereur Mar-
cien. Aussitôt qu'il parut dans l'assemblée,
les Egyptiens et tous ceux qui étaient du côté
de Dioscore crièrent que c'était violer les ca-
nons, renverser la foi, chasser saint Cyrille ;
qu'il fallait mettre Théodoret dehors. Les
évéques de l'autre côté criaient au contraire
qu'il fallait chasser Dioscore avec tous ses
homicides et ses manichéens, comme étant
tous ennemis de la foi et de Flavien. Les ma-
gistrats , ne voulant point forcer la répu-
gnance du parti de Dioscore, demandèrent
que Théodoret demeurât en qualité d'accu-
sateur, disant que sa présence ne porterait
aucun préjudice aux droits des parties. Théo-
doret prit donc place au milieu des évéques
avec Eusèbe de Dorylée. Il se fit des clameurs
des deux côtés : les Orientaux s'écriant que
Théodoret était digne de s'asseoir parmi eux,
qu'il était orthodoxe; les Egyptiens ne vou-
lant pas le reconnaître pour évêque, en criant
qu'il fallait le chasser comme l'ennemi de
Dieu. Les magistrats ayant fait sentir aux
évéques l'indécence de ces sortes de cris po-
pulaires, firent continuer la lecture des actes
du faux concile d'Ephèse. Dioscore fit remar- pa-. m.
quer, sur la lettre de convocation, que le ju-
gement prononcé dans ce concile lui était
commu-n avec Juvénal de Jérusalem et Tha-
lassius de Césarée, à qui l'empereur avait
' Tom. IV Concil., pag. 381. — » Ibid., pag. 94.
' Synodum ausus est facere sine auctoritate Sedis
apostolicœ, quod nunquam licuit, nunquam faclum
est. Pag. 95.
[VET VI» SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALGÉDOlNE.
68S
écrit comme à lui. Les Orientaux . peu eu .
peine de le réfuter sur cela, ne se plaignirent
que des ■violences qu'ils avaient souffertes.
« On nous a, disaient-ils, forcés; on nous a
frappés; nous avons souscrit sur un papier
blanc. Ou nous a menacés d'exil ; des soldats
nous ont pressés avec des bâtons et des
épées : les soldats ont déposé Flavien. »
Etienne d'Ephèse se plaignit que tout s'était
passé par force et par violence à Ephèse, et
qu'on ne l'avait pas laissé sortir de l'église
qu'il n'eût souscrit à la sentence rendue par
Dioscore, Juvénul et Thalassius, et par les
autres évoques à qui les lettres de l'empe-
Pag. 114, reur étaient adressées. Théodore de Claudio-
polis ajouta que ces mêmes évêques avaient
concerté entre eux pour l'engager, lui et les
autres qui n'étaient point de leur parti , à si-
gner sans connaissance de cause. Tous les
Orientaux ayant dit la même chose qu'Etienne
et Théodore, Dioscore leur dit, comme eu se
raillant, qu'ils ne devaient pas souscrire sans
être bien informés de ce qu'avait fait le con-
113. cile. Les Oiientaux se plaignirent ensuite
qu'on avait chassé du concile Jules de Pou-
122. zolles, légat du pape; qu'on n'y avait donné
à Flavien que la cinquième place; qu'on n'y
avait pas lu la lettre de saint Léon au con-
cile, et que Dioscore l'avait retenue sans la
faire lire , quoiqu'il eût juré sept fois devant
tout le monde qu'il en ferait faire la lecture.
123. Les magistrats, après avoir examiné pour-
quoi on n'avait point lu les lettres de saint
Léon, trouvèrent que Dioscore ne l'avait pas
voulu, quoiqu'il l'eût promis plusieurs fois
ne, avec serment. Eusèbe de Dorylée se plaignit
en particulier de ce qu'étant accusateur
d'Eutychès, ou lui avait refusé l'entrée dans le
concile, quoique Flavien l'eût demandé. Dios-
core, interrogé sur ce fait par les magistrats,
s'excusa sur le comte Elpide, qui avait empê-
ché, par ordre de l'empereur, de laisser en-
trer Eusèbe. Cette excuse leur parut insuffi-
sante, parce qu'il s'agissait de la foi. Dios-
core reprocha aux magistrats qu'ils avaient
violé eux-mêmes les canons en faisant entrer
Théodoret. Ils répondirent : « L'évêque Eu-
sèbe et l'évêque Théodoret sont assis au rang
136, 138. des accusés. » Il y eut des contestations sur
la manière dont la profession de foi qu'Euty-
chès présenta à Ephèse était con{^,ue et sur
ce qu'il avait dit, dans sa requête, que le
concile œcuménique d'Ephèse défendait de
rien ajouter au symbole de Nicée. Nous en
avons parlé ailleurs-
5. Après la lecture faite des actes du faux saim ru-
concile d'Ephèse, on lut ceux du concile de J'^""""'"'"-
Constantinople. Quand on eut lu la seconde
lettre de saint Cyrille à Nestorius, et celle
qu'il avait écrite aux Orientaux, tous les évê- pag. m.
ques en général s'écrièrent : « Anathème à
qui ne croit pas ainsi ! » Théodoret dit en
particulier : « Anathème à qui reconnaît deux
Fils : nous n'en adorons qu'un, Notre-Sei-
gneur Jésus -Christ le Fils unique. » Les
Orientaux ajoutèrent : « Flavien croyait
ainsi. C'est ce qu'il a défendu; c'est pour cela
qu'il a été déposé. » Les Egyptiens se trou-
vant d'accord sur la foi contenue dans ces
lettres avec les Orientaux, les magistrats di-
rent aux premiers : « Comment donc avez
vous reçu Eulychès, qui dis.iit le contraire,
et déposé Flavien et Eusèbe qui soutenaient t74.
cette vérité? » Dioscore dit : « Les actes le
feront voir, n On lut la remontrance d'Eus-
tathe , évêque de Béryte, où il disait qu'on
ne doit point croire deux natures en Jésus-
Christ, mais une seule nature incarnée. Tout
le concile s'écria qu'Eutychès et Dioscore te-
naient ce langage. Les magistrats deman-
dèrent si cette doctrine était conforme aux
lettres de saint Cyrille qu'on avait lues. Eus-
tathe prévint la réponse du concile, en lisant
dans un livre de saint Cyrille les paroles
dont il s'était servi ; puis il ajouta : « Ana- ,,,
thème à qui dit une nature, pour nier que
la chair de Jésus-Christ nous soit consubs-
tantielle ; et anathème à qui dit deux natures,
pour diviser le Fils de Dieu. » Il prétendit
que Flavien avait parlé comme lui. « Pour-
quoi donc, lui dirent les magistrats, avez-
vous déposé Flavien? » Eustathe répondit :
« J'ai failh. » Ou fît la lecture de la déclara-
tion que Flavien avait faite de la foi dans
le concile de Constantinople. Les magistrats
demandèrent aux évêques ce qu'ils en pen-
saient, si Flavien paraissait catholique ou
non? Le légat Paschasin dit : « Il a exposé
la foi purement et entièrement, et cette ex-
position est d'accord avec la lettre de l'évê.
que de Rome. » Anatolius , Lucentius ,
Maxime d'Antioche, Thalassius de Césarée,
Eustathe de Béryte et Eusèbe d'Ancyre dé-
clarèrent tous la doctrine de Flavien ortho-
doxe et parfaitement conforme aux règles
de la foi et aux lettres de saint Cyrille. Les
Orientaux en dirent autant, et Juvénal de
Jérusalem ayant opiné de même, passa du
côté droit où élait Dioscore, au côté gauche
où étaient les légats du pape et les Orien-
686
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
pjj 119. taux, qui le reçurent avec joie. Pierre, évê-
que de Corinthe, avec les évêques de l'A-
chaïe, de la Macédoine, de l'ancienne Epire,
et un grand nombre d'autres passèrent aussi
du côté des Orientaux; de sorte que Dioscore
se trouvant seul de son parti, se plaignit
qu'on le chassait avec les pères; il voulait
182. dire saint Athanase, saint Grégoire et saint
Cyrille, qui ont, dit-il, enseigné qu'il ne faut
pas dire après l'union deux natures, mais
une nature incarnée du Verbe. La suite des
actes du faux concile d'Ephèse fit voir clai-
rement de quelle violence Dioscore s'était
servi pour établir le dogme d'Eutychès et
321. pour déposer saint Flavien. Les magistrats
croyant donc avoir suffisamment vérifié l'in-
nocence de ce saintmartyr et celle d'Eusèbe,
remirent au lendemain à examiner ce qui
regai-dait la foi, en priant les évêques de
mettre chacun leur croyance par écrit, et
leur déclarant que l'empereur était résolu
de ne se séparer jamais de celle qui est con-
tenue dans les symboles de Nicée, de Cons-
tanlinople et dans les écrits des saints Pères
de l'Eglise, Grégoire, Basile, Atlianase, Hi-
323 laire, Ambroise, Cyrille. Ils ajoutèrent que
puisque, par la lecture des actes et l'aveu de
quelques-uns des chefs du concile, il parais-
sait que Flavien de sainte mémoire et le très-
pieux évêque Eusèbe avaient été injuste-
ment condamnés, il était juste que sous le
bon plaisir de Dieu et de l'empereur, l'évê-
que d'Alexandrie, Juvénal de Jérusalem,
Thalassius de Césarée, Eusèbe d'Ancyre,
Eustathe de Réryte et Basile de Séleucie,
qui présidaient à ce concile, subissent la
même peine et fussent privés de la dignité
épiscopale , selon les canons , à la charge
néanmoins que tout ce qui s'était passé se-
rait rapporté à l'empereur. Les Orientaux
s'écrièrent : « Ce jugement est juste : Jésus-
Christ a déposé Dioscore, il a déposé l'homi-
cide. 1) Mais il ne dit rien des autres. Les II-
lyriens demandèrent qu'ayant tous failli, il
fallait que le pardon fût général. Tous les
évêques souhaitèrent de longues années au
sénat et mêlèrent à leurs acclamations la
Irisagion. Ensuite l'archidiacre Aétius ayant
déclaré que la séance était finie, chacun se
retira, parce qu'il était tard.
DemièTe 6. La SBCOude session se tint le mercredi
'"°°' 10 octobre, dans l'église de Saint-Euphémie.
On ne voit point que Dioscore, Juvénal-, Tha-
lassius, Eusèbe d'Ancyre et Basile de Séleu-
cie y aient assisté. Les magistrats, après
avoir répété en peu de mots ce qui s'était pag. 32s.
passé dans la première, au sujet de la justi-
fication de saint Flavien et d'Eusèbe de Do-
rylée, proposèrent aux évêques d'établir la
vérité de la foi. Les évêques répondirent
qu'elle l'était suffisamment par les exposi-
tions de foi des pères de Nicée, qu'il fallait
s'en tenir à ce qu'eux et les autres pères en
avaient dit; que s'il y avait quelque chose à
éclaircir au sujet de l'hérésie d'Eutychès,
l'archevêque de Rome l'avait fait dans sa 337.
lettre à Flavien, à laquelle ils avaient tous
souscrit, et qu'il ne leur était pas permis de
faire de nouvelles expositions de foi. Gécro- 3io.
plus, évêque de Sébastopolis, fut celui qui
s'opposa le plus à une nouvelle formule de
foi; mais il demanda qu'on lût le symbole
de Nicée, et les écrits des saints pères Atha-
nase, Cyrille, Célestin, Hilaire, Basile, Gré-
goire et la lettre de saint Léon. Eunomius,
évêque de Nicomédie, lut le symbole de Ni-
cée, l'archidiacre Aétius, celui de Cons-
tantinople et les deux lettres de saint Cy-
rille, l'une à Nestorius, l'autre aux Orien-
taux; et le secrétaire Béronicien lut la lettre
de saint Léon à Flavien, traduite en grec,
avec les passages des pères qui y étaient
joints. Les évêques, après la lecture de cha-
cune de ces pièces, témoignèrent à haute
voix qu'ils croyaient ainsi. Il n'y eut que
ceux de Palestine et d'Illyrie qui trouvèrent ^cs
quelque difficulté sur trois endroits de la let-
tre de saint Léon : mais Aétius et Théodoret
ayant justifié tous ces endroits par des pas-
sages tout semblables de saint Cyrille, ils en
parurent satisfaits, de sorte que tous les ,^^
évêques s'écrièrent : « C'est la foi des pères
et des apôtres; nous croyons ainsi. Ana-
thème à qui ne le croit pas. Pierre a parlé
ainsi par Léon; les apôtres ont ainsi ensei-
gné. La doctrine de Léon est sainte et vraie;
Cyrille a ainsi enseigné. » Aétius de Nicopo-
lis qui trouvait apparemment de la difficulté
dans la troisième lettre de saint Cyrille, qui
contient douze anathématismes, demanda du
temps pour l'examiner. Tous les évêques
ayant appuyé sa demande, les magistrats
ditlerèrent de cinq jours la session suivante;
en même temps ils ordonnèrent qu'Anatolius
choisirait entre les évêques qui avaient sous-
crit, ceux qu'il croirait les plus propres pour
instruire ceux à qui il restait quelque doute,
et qu'il s'assemblerait avec eux. Les évêques
d'Illyrie et de Palestine demandèrent avec
instance qu'on pardonnât aux chefs du faux
fVETvi'siÈcus.l CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALGÉDOINE.
687
concile cTEphèse, et qu'on leur permit de
venir au concile. Les magistrats ne répondi-
rent autre chose, sinon que ce qui avait été
réglé pour les cinq jours de délai et les con-
férences chez Anatolius serait exécuté.
Troisième 7. La troisième session fut tenue le samedi
î,Mon. Ilios-
re rei cité ^3 octoûre, trois lours avant le terme mar-
coiicile et ** ,
ndaiiiiié. que parles magistrats; aussi n'y assisterent-
Iils point, et on ne la tint que pour juger l'af-
faire de Dioscore, ce qui n'était pas de leur
ressort, n'étant point convenable que des
*paE. 372. laïques jugeassent des crimes canoniques.
Aétius, qui y faisait les fondions de promo-
^teur, remontra qu'Eusèbe de Dorylée avait
présenté une requête au concile contre Dios-
core. Eusèbe y parlait aussi pour l'intérêt
de la foi catholique, pour la défense de Fla-
vien et pour la sienne propre, r^aschasin de
Lilybée, président du concile à la place de
saint Léon, ordonna de la lire. Elle tendait
à faire casser tout ce qui avait été fait contre
^ lui et contre Flavien, dans le faux concile
d'Ephèse; à faire confirmer la véritable doc-
trine; à faire anathématiser l'hérésie d'Eu-
tychés, et à faire souffrir à Dioscore la juste
punition des crimes dont il avait été con-
vaincu par la lecture des actes de ce conci-
liabule. Après qu'on eut lu sa requête, Eu-
sèbe demanda que Dioscore fût appelé pour
lui répondre en sa présence. Paschasin l'or-
3gj donna ainsi. Epiphane et Elpide, prêtres,
chargés de le chercher dans les environs de
l'Eglise, déclarèrent qu'ils ne l'avaient pas
trouvé. On députa trois évêques pour aller à
son logis, Constantin de Bostres, Acace d'A-
riaralhie et Aclicus de Zèle, avec Himérius,
lecteur et notaire, lis avaient un ordre par
écrit. Dioscore s'excusa de venir au concile,
I sur ce qu'il était gardé par les magistrats.
Eleusinius qui était, ce semble, commandant
de ces gardes, dit à Dioscore qu'il pouvait
aller au concile. IVIais il s'en défendit, disant
3SB. • '
que les officiers de l'empereur n étant pomt
à cette séance, il ne pouvait y assister, s'ils
n'y venaient eux-mêmes ; à quoi il ajouta
qu'il demandait que la requête présentée
contre lui par Eusèbe, fût examinée devant
les magistrats et le sénat. Le notaire Himé-
rius dressa un acte de ce qui se passa dans
cette première citation, dont il fit lecture
dans le concile, au retour des députés. Am-
philoque, évêque de Side en Pamphylie, au-
rait souhaité qu'on différât d'un jour ou deux
la seconde citation. Un autre évêque s'y op-
posa, disant qu'on ne devait pas demeurer à
Chalcédoine trois mois poifi' un seul homme
qui avait troublé toute la terre. Ainsi l'on
envoya pour faire la seconde citation, Per-
gamius, métropolitain d'Antioche de Pisidie,
Cécropius de Sébastopolis et liufin de Samo-
sate, avec Hypatius, lecteur et notaire. Dios- pjï 389.
core répondit qu'il avait déjà fait déclarer au
concile, qu'il était retenu dans sa maison par
maladie, qu'au surplus il demandait que les
magistrats fussent présents à l'audience. Il
demanda aux députés si Juvénal et les au-
tres évêques que l'on avait exclus avec lui
étaient au concile. Pergamius lui dit qu'il
n'était point chargé de la part du concile de
lui répondre sur cette question, mais que la
requête d'Eusèbe étant contre lui seul, il ne
pouvait, sans trahir sa cause et contrevenir
aux canons, manquer de comparaître. Le
notaire Hypatius ayant lu dans le concile le
procès-verbal qu'il avait fait de cette seconde
citation, Eusèbe de Dorylée déclara qu'il ne
se plaignait que de Dioscore, et non des au-
tres qui ne lui avaient fait aucun tort, et
conclut à ce qu'il fût cité pour une troisième
fois.
On en était là lorsque plusieurs clercs et 393.
laïques d'Alexandrie donnèrent des requêtes
au concile contre Dioscore. Dans l'une Théo-
dore, diacre de celte Eglise, se plaignait
qu'après l'avoir servi louablement pendant
quinze ans, Dioscore l'avait chassé du clergé,
sans qu'il eût contre lui ni accusation ni 396.
plainte, et uniquement pour l'amour qu'il
portait à saint Cyrille, et fait retomber en-
suite sa haine sur ses parents et ses amis,
jusqu'à vouloir attenter à leur vie, comme
étant ennemis de la doctrine. Il disait encore 39,,
dans sa requête que Dioscore avait commis
des homicides, coupé des arbres, brûlé et
abattu des maisons, et mené habituellement
une vie infâme. Il s'offrait de vérifier tous ces
faits par cinq témoins, priant qu'on les mît
en sûreté. Ischirion, diacre de la même jf„
Eglise, accusait Dioscore de n'avoir pas per-
mis aux évêques de recevoir le blé que les
empereurs fournissaient aux Eglises de
Libye, tant pour le sacrifice non sanglant,
que pour les étrangers et les pauvres, et de
l'avoir acheté pour le revendre bien cher en
temps de disette, en sorte que depuis on n'a-
vait plus offert le terrible sacrifice, ni sou-
lagé les pauvres du pays, ni les étrangers;
de s'être lait donner et d'avoir distribué à
des danseuses et à d'autres gens de théâtre,
une grande quantité d'or qu'une dame de
688
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Pag. 40S
4t2, M3,4l6,
piété avait laissée par sou testament, pour
être distribuée aux pauvres et aux hôpitaux;
d'admettre continuellement dans son évêehé
et dans son bain des i'emmes déslionnêtes,
nommément Punsopliie, surnommée la Mon-
tagnarde; de l'avoir, lui Iscbirion, réduit à
la mendicité, en lui faisant brûler ses mai-
sons et ravager ses héritages; de l'avoir en-
suite enfermé dans un hôpital d'estropiés,
où, par les ordres de Dioscore, on avait at-
tenté à sa vie. Il citait pour témoins de la
plupart de ces faits, des domestiques de
Dioscore même. La troisième requête était
d'Athanase, prêtre d'Alexandrie, neveu de
saint Cyrille. Il y disait : « Dioscore, dès le
commencement de son épiscopat, nous me-
naça de mort, mon frère et moi^ et nous fit
quitter Alexandrie pour venir à Constantino-
ple, où nous espérions trouver de la protec-
tion; mais il écrivit à Chrysaphe et àNomus,
qui gouvernaient alors toutes les affaires de
l'empire, de nous faire périr. Ou nous mit
en prison et on nous maltraita jusqu'à ce que
nous eussions donné tous nos meubles; il
nous fallut même emprunter de grosses som-
mes à usure. Mon frère est mort dans ces
mauvais traitements, laissant une femme et
des enfants chargés de ses dettes; et afin
qu'il ne nous restât aucun lieu de retraite,
Dioscore a fait convertir nos maisons en
églises; il m'a de plus déposé de la prêtrise
sans aucun sujet, sans me permettre de de-
meurer dans aucune église ou dans quelque
monastère, en sorte que je suis réduit à
mendier mon pain. » Sophronius, laïque, en
présenta une quatrième où il accusait Dios-
core de blasphèmes contre la Trinité, d'a-
dultères et d'entreprises contre le service de
l'empereur.
Ces quatre requêtes ayant été lues et insé-
rées aux actes, le concile fit citer Dioscore
pour la troisième fois, non pas pour répon-
dre à Eusèbe seul, mais aux quatre accusa-
teurs qui venaient de se déclarer contre lui.
Les députés pour cette dernière citation, fu-
rent Francien, évêque de Philippopohs, Lu-
cien de Dize, et Jean de Germanicie, avec
Pallade, diacre et notaire. Par le billet dont
ils étaient chargés, le concile déclarait à
Dioscore qu'il ne recevait point ses excuses;
que s'il eût demandé à l'empereur que Ju-
vénal et les autres évêques de son parti fus-
sent présents, ce prince le lui aurait refusé,
puisqu'illaissait au concile une liberté entière
de décider celte affaire; qu'ainsi il ne pou-
vait refuser de venir se défendre sans s'expo-
ser, après cette dernière citation, à être jugé
par contumace. Toute la réponse que les dé-
putés pui-ent tirer de lui, fut qu'il n'avait
rien à ajouter à celles qu'il avait déjà laites.
Sur le rapport que l'on en fit au concile, Pas-
chasin demanda plusieurs fois aux évêques
ce qu'il y avait à faire. Tous ayant répondu
que Dioscore témoignant un si grand mépris
pour les canons, il méritait d'en éprouver la
rigueur, les trois légats Paschasin, Lucentius
et Boniface, prononcèrent la sentence en ces
termes : « Les excès commis contre les ca- ,
nous par Dioscore, ci-devant évêque d'A-
lexandrie, sont manifestes, tant par la séance
précédente que par celle-ci. Il a reçu à sa
communion Eutychès, condamné par son
évêque. 11 persiste à soutenir ce qu'il a fait à ^
Ephese, dont il devrait demander pardon
comme les autres. Il n'a pas permis de lire
la letlre du pape Léon à Fiavien; il a môme
excommunié le pape. On a présenté contre
lui plusieurs plaintes au concile; lia été cité
jusqu'à trois fois et n'a pas voulu obéir; c'est
pourquoi le très-saint archevêque de Rome
Léon, par nous et par le présent concile,
avec i'apôlre saint Pierre qui est la pierre et
la base de TËghse catholique et de la foi or-
thodoxe, l'a dépouillé de la dignité épisco-
pale et de tout ministère sacerdotal. » Ana-
tolius de Gonstantinople, Maxime d'Antioche,
Etienne d'Ephèse et les autres évêques con-
sentirent au jugement rendu par les légats
et y souscrivirent, les trois légats les pre-
miers, puis -Anatolius et les autres au nom-
bre de trois cents. 11 y eut un évêque de
Perse qui souscrivit en persien. Le concile
fit ensuite un acte adressé à Dioscore pour
lui signifier sa sentence. Il portait qu'on l'a-
vait déposé pour ses crimes et pour sa déso-
béissance formelle aux trois citations que le
concile lui avait fait faire. On la signifia aussi
le dimanche 14 octobre, à Charmosine, prê-
tre et économe; à Euthalius, archidiacre, et
aux autres clercs d'Alexandrie, qui se trou-
vaient à Chalcédoine, en leur recommandant
de conserver avec sqin les biens de l'Egfise,
pour en rendre compte à celui qui en serait
choisi évêque par l'ordre de Dieu et avec le
consentement de l'empereur. Afin que le ju-
gement du concile ne fut ignoré de personne,
on le pubfia par une affiche adressée à tout
le peuple de Constantinople et de Chalcé-
doine, où il était dit qu'il ne restait à Dios-
core aucune espérance d'être rétabli, comme
Pjg. 411.
420, 421.
[v^EïVi= SIÈCLES.] Ci-IAPIÏRE LUI. — CONCILE DE GHALCÉDOINE.
689
il en faisait courir le bruit; il fut relégué à
Gangi'es en Paplilagonie , oii il mourut en
454. Le concile écrivit à l'empereur Marcien
les raisons qu'on avait eues de déposer Dios-
core, en priant ce prince d'agréer cette dé-
position et en le remerciant du soin qu'il
prenait des intérêts de l'Eglise. Il écrivit
aussi à l'impératrice Pulchérie, sur le même
sujet. Nous avons encore ces deux lettres,
mais seulement en latin; tous les évêques
souscrivirent à la première.
8. Les magistrats assistèrent à la qua-
trième session, tenue le 17 octobre : on la
commença par la lecture de la conclusion de
la seconde session, où ils avaient donné aux
évêques un délai de cinq jours pour l'examen
de la question de la foi ; ensuite ils prièrent
les Içgals de dire ce que l'on avait résolu sur
cette matière dans le concile. Paschasin dit
que le concile suivait le symbole de Nicée et
celui de Constantinople, avec l'exposition de
foi donnée à lîpbèse par saint Cyrille, et les
écrits de saint Léon contre l'hérésie de Nes-
torius et d'Eutychès, c'est-à-dire sa lettre à
Fiavien, sans vouloir en retrancher, ni y
ajouter quoique ce fut. La déclaration de
Paschasin ayant été expliquée en grec, les
évêques dirent à haute voix qu'Us étaient
dans les mêmes sentiments; en sorte que les
magistrats voyant qu'ils persistaient à ne pas
vouloir de nouvelles expositions de foi, se
contentèrent de leur demander s'ils recon-
naissaient que la lettre de saint Léon à Fia-
vien fût conforme aux symboles de Nicée et
de Constantinople. Anatolius, et après lui
tous les évêques du concile déclarèrent qu'ils
recevaient cette lettre comme conforme aux
décrets de ces deux conciles et à la foi des
pères. Cent cinquante évêques lirentleur dé-
claration par écrit, les autres la firent de vive
voix. Cette unanimité de sentiments leur
donna lieu de croire qu ils pouvaient obtenir
le rétablissement de Juvéual de Jérusalem,
de ïhalassius de Césarée, d'Ëusèbe d'An-
cyre, de Basile de Séleucie et d'Eustathe de
fiéryte, qui avaient été les chefs du concile
d'Ephèse avec Lioscore, et jugés dignes de
déposition dans la première session de celui
de Chalcédoiue. Les magistrats leur répon-
dirent qu'ils en avaient fait leur rapport à
l'empereur, et qu'ils attendaient sa réponse.
« Au reste, ajoutèrent -ils, vous rendrez
compte à Dieu d'avoir déposé Dioscore à
l'insu de l'empereur et de nous, de ces cinq
évêques dont vous demandez le rétablisse-
X.
ment, et de tout ce qui s'est passé dans le
concile. » Les évêques s'écrièrent que Dios-
core avait été justement déposé. L'empereur pjg. sio.
leur fit savoir qu'il laissait à leur jugement
ce qui regardait ces cinq évêques, sur quoi
ils prièrent les magistrats de leur accorder
l'entrée dans le concile; ils l'accordèrent, et
alors on les fit asseoir au rang des évêques
et on les déclara orthodoxes. Us firent aussi
entrer treize évêques qui avaient présenté
uue requête à l'empereur, dans laquelle ils
disaient au nom de tous les évêques d'Egypte,
qu'ils suivaient la foi cathohque et qu'ils con-
damnaient tous les hérétiques, particulière-
ment ceux qui enseignent que la chair de
notre Seigneur est venue du ciel, et non de
la sainte Vierge. Les évêques du concile à ►,,,.
qui Marcien avait renvoyé cette requête, re-
marquèrent qu'on n'y condamnait point Eu-
tychès, ni l'erreur d'une seule nature, ce qui
leur lit dire que ceux qui l'avaient présentée
étaient des imposteurs. On voulut les obliger
de condamner Eutychès et son erreur, et de
souscrire à la lettre de saint Léon à Fiavien,
mais ils répondirent qu'ils ne le pouvaient
jusqu'à ce qu'ils eussent un patriarche, sans
lequel il ne leur était pas permis de faire
quoi que ce fût. Ils prirent Analolius à témoin
que tel était l'ordre de leur province, et que
s'ils faisaient le contraire, les autres évêques
les chasseraient de leur pays. Us alléguèrent g,.,,,
encore l'autorité du concile de Nicée, qu'ils
n'entendaient pas. Mais on n'eut aucun égard
à leurs raisons, et on leur fit sentir le ridicule
qu'il y avait que des évêques, dont plusieurs
étaient avancés en âge, ne sussent pas encore
la croyance catholique, et attendissent le
sentiment d'un autre. On les pressa donc de
nouveau de dire anathème à Eutychès et à
ses sectateurs, et de signer la lettre de saint
Léon. Ils consentirent à prononcer cet ana-
thème, mais fis ne purent se résoudre à sous-
crire à la lettre de saint Léon, ni à la dépo-
sition de Dioscore. Les magistrats obtinrent ^^^
qu'on les laisserait en l'état où ils étaient à
Constantinople, d'où toutefois ils ne sorti-
raient pas jusqu'à ce qu'on eût ordonné un
évèque d'Alexandrie. En etfet, ils ne retour-
nèrent en Egypte qu'après que saint Proté-
rius eut été ordonné ' à la place de Dioscore,
par les quatre évêques, dont celui-ci avait été
abandonné dès le commencement du concile.
Ainsi fi y a toute apparence que ces treize
1 Libérât., cap. xiv, pag. 97.
44
690
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
Requête (les
abbés scbis-
évêques ne firent plus de difficulté de sous-
crire à la lettre de saint Léon à Flavien et à
la déposition de Dioscore ; il paraît même,
par une letîre de saint Léon * à Prolérius,
que ce dernier faisait lire publiquement dans
les églises la lettre à Flavien ^.
9. On fit ensuite entrer dans le concile des
moines d'Egypte, dont quelques-uns étaient
abbés, d'autres de simples gardiens d'églises
de martyrs, et d'autres que Ton ne connais-
sait pas; ils étaient dix-huit en tout. Parmi
eux étaient Barsumas le Syrien et l'évéque
Calépodius. On leur fit reconnaître la requête
qu'ils avaient d'abord présentée à l'empe-
reur, puis on en fit la lecture ; on lut aussi
une autre requête qu'ils adressaient au con-
Paj.Bsi. cile. Dans la première, ils demandaient à
l'empereur sa protection contre la persécu-
tion des clercs, qui voulaient exiger d'eux des
souscriptions forcées et les chasser de leurs
monastères et des autres églises où ils de-
523 mouraient. Dans la seconde, ils priaient que
Dioscore et les évêques venus avec lui d'E-
gypte fussent présents au concile. A ces pa-
roles, les évêques s'écrièrent : « Anathème
à Dioscore ; » et demandèrent qu'on chassât
52J ces moines. Comme leur requête tendait piin-
cipalement au rétablissement de Dioscore,
qu'ils appelaient le conservateur de la foi de
Nicée, et qu'ils protestaient renoncer à la
communion du concile, si on leur refusait
leur demande, l'archidiacre Aétiuslut le cin-
quième canon d'Antioche, qui ordonne que
le prêtre ou le diacre qui se sépare de la
communion de son évêque pour tenir à part
des assemblées, doit être déposé et ensuite
chassé comme séditieux par la puissance sé-
culière, s'il persiste dans son schisme. Les
évêques dirent : « Le canon est juste. » Les
magistrats demandèrent à ces moines s'ils
se soumettaient aux décisions du concile 2 Ils
répondirent qu'ils connaissaient la foi de Ni-
cée, dans laquelle ils avaient été baptisés.
5:3. Aétius les pressa, de la part du concile, de
condamner Eutychès; ils le refusèrent, di-
Maiih. Tii. sant que l'Evangile leur défendait de juger.
L'un d'eux, nommé Dorothée, voulut môme
soutenir qu'Eutychès était catholique, et qu'il
suffisait de dire que celui qui a souÛert est
Pag. M2. de la Trinité. Les évêques voulurent les obli-
ger de souscrire à la lettre de saint Léon à
Flavien; ils répondirent qu'ils n'en feraient
rien. Les magistrats prièrent qu'on leur don-
nât un délai de deux ou trois jours. Dorothée
et Carose répondirent qu'ils n'en avaient pas
besoin, et que le concile pouvait dès lors or-
donner ce qu'il voudrait ; que pour eux,
ils ne changeraient pas de sentiment. Mais
leur affaire fut renvoyée à la session suivante;
elle n'est pas marquée dans les anciens exem-
plaires, et on ne la regarde aujourd'hui que
comme une suite de la précédente, quoiqu'elle
se soit tenue trois jours après, c'est-à-dire le
20 octobre. On y accorda à Dorothée et aux
autres un mois de délai pour se déterminer
à obéir au concile, avec menace d'être privés,
eux et leurs moines, de toutes les fonctions
et de toutes les dignités ecclésiastiques, de la
conduite de leurs monastères et de la com-
munion de l'Eglise, si dans ce temps ils ne
se soumettaient au concile. On ajouta qu'en
cas d'opiniâtreté de leur part, le concile de-
manderait le secours de l'autorité séculière,
pour exécuter ce qui aurait été statué contre
eux, et que cela regarderait aussi ceux qui,
pour ne pas obéir, auraient pris la fuite. Le
même jour, le concile jugea le différend qui
était entre Photius de Tyr et Eustalhe de Bé-
ryte. Photius qui prétendait être seul métro-
pohtain de la première Phénicie, se plaignait
qu'Eustathe, par le crédit qu'il avait sous le
pontificat de Dioscore, avait obtenu de Théo-
dose II une loi pour ériger Béryte en métro-
pole, et qu'en conséquence, il s'attribuait la
juridiction et les ordinations sur les Eglises
de Bibles, de Botrys, de Tripoli, d'Orthosiade,
d'Arcas et d'Antarade, qui appartenaient au-
paravant à la métropole de Tyr. L'empereur
Théodose, dans sa loi, n'avait point parlé de
ce démembrement ; il avait été fait par les
évêques du concile de Constantinople en 449.
Eustathe, voulant éloigner le jugement de
cette affaire , représenta qu'il fallait, avant
toutes choses, signer la définition de foi dont
nous parlerons dans la suite. 11 ajouta néan-
moins qu'il était prêt à répondre. Après que
l'on eut lu la requête de Photius, Eustathe
lui demanda comment il voulait que leur dif-
férend fut jugé, selon les canons, ou selon
les lois impériales ? « Selon les canons, » dit
P«6.
1 Léo, Epist. 103.
* Eustatlie de Béryte prit plus tard la défense de
la lettre de saint Léon contre TimotUée Elure. Ou
trouve un fragment de l'Apologie qu'il composa à
cet effet dius Possevin, Apparatus sncri, tom. 1; dans
Canisius, Lcctiones aniiq., tom. II, pag. 257, et dans
la Patrologie grecque-latme , tom. LXXXV, col.
1803-1804, avec une notice sur Eustathe, par Lequien.
[L'éditeur.)
[v« ET TP SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
m
Photius. Les mngistrats déclarèrent que l'em-
pereur Marcien voulait qu'ils servissent de
règle dans les affaires des évoques, sans
avoir aucun égard aux rescrits de la cour.
Euslatlie ne pouvait alléguer en sa faveur
que le décret du concile de Constantinople
de 449 ; voyant qu'il n'avait pas assez d'au-
torité, il avoua que les plaintes de Photius
étaient fondées. Seulement il pria les évéques
de ne pas croire qu^il eût sollicité le démem-
brement qu'on avait fait de sa métropole de
Tyr. On lut le quatrième canon de Nicée, qui
donne au métropolitain les ordinations avec
les évéques de la province : sur quoi les ma-
gistrats demandèrent s'il pouvait y avoir deux
métropolitains dans une même province. Le
concile ayant répondu négativement, ils dé-
clarèrent que, suivant les canons de Nicée et
le jugement du concile, Photius aurait tout le
pouvoir d'ordonner dans toutes les villes de
la province de la première Phénicie, et que
l'évêqueEustathe n'aurait rien en vertu delà
loi de Théodose, au-dessus des autres évéques
de la province. Ce jugement fut approuvé
unanimement. Quant aux évéques ordonnés
par Photius et déposés par Eustathe, il fut
décidé qu'ils seraient rétablis dans leur di-
gnité et même dans leurs sièges, comme
ayant élé ordonnés légitimement par le mé-
tropolitain. On ne parla point des évéques or-
donnés par Eustathe. Cécropius de Sébasto-
polis demanda qu'on fit un règlement pour
faire observer partout les canons, sans avoir
égard aux lois impériales ; et il fut ainsi or-
donné, de l'avis du concile. Evagre et Libérât
ne disent rien de ces deux affaires, ni des
sessions particulières où elles furent réglées,
parce qu'elles ne sont pas décrites dans plu-
sieurs exemplaires du concile ; mais il est
parlé de celle de Photius dans la dixième
session.
10. Celle que l'on compte pour la cin-
quième est du 22 octobre. On y lut, à la re-
quête des magistrats, une définition de foi
dressée par les principaux évéques du con-
cile. Elle avait déjà été lue le 21, qui élait
un dimanche, devant les évéques qui l'a-
vaient approuvée. Mais, dans le concile, elle
souffrit des difficultés, surtout de la part des
légats, parce qu'elle disait seulement que Jé-
, sus-Christ est de deux natures, et non en deux
natures, comme saint Léon l'avait dit dans sa
lettre à Flavien. Ils demandèrent que l'on
s'arrêtât uniquement à la lettre de ce saint
pape, ou qu'on leur fit donner un rescrit pour
s'en retourner et pour célébrer un concile en
Occident. Il était connu que Dioscore n'avait P'fS"-
condamné Flavien que parce que ce saint
évêque disait qu'il y a deux natures en Jé-
sus-Christ. Ainsi c'aurait été autoriser la con-
damnation de saint Flavien, de ne se pas
servir de ce terme, d'autant que Dioscore le
rejetait, et qu'il admettait au contraire celui
de deux natures. Il s'éleva là-dessus de grands
débats entre les évéques. Pour les terminer,
les magistrats proposèrent d'assembler six
évéques d'Orient, trois d'Asie, trois du Pont,
trois d'Illyrie et trois de Thrace, l'archevêque
Anatolius et les Romains, dans l'oratoire de
l'église, pour convenir d'une définition de foi
qui plût à tout le monde. L'empereur ordonna seo.
que la proposition serait exécutée, ou que
le concile se tiendrait en Occident. Après
quelque résistance, les évéques convinrent
que la chose se traiterait par commissaires.
On les choisit au nombre de vingt-deux ;
mais on n'en prit pas des évéques d'Egypte,
peut-être parce qu'on craignait qu'ils fus-
sent trop favorables à Dioscore. Les vingt-
deux commissaires étant entrés avec les ma-
gistrats dans la chapelle de sainte Euphémie,
examinèrent le décret de la foi qui avait d'a-
bord été proposé, et le mirent en la forme
que nous l'avons aujourd'hui. C'est le seul
qui fut inséré aux actes, après qu'Aétius en
eut fait la lecture en présence du concile.
C'est plutôt un discours qu'un symbole. Celui
de Nicée et celui de Constantinople y sont su,m.
rapportés tout au long; puis on ajoute : «Ce
symbole suffisait pour la connaissance par-
faite de la religion ; mais les ennemis de la
vérité ont inventé de nouvelles expressions,
les uns voulant anéantir le mystère de l'In-
carnation, et refusant à la Vierge le titre de
Mère de Dieu ; les autres introduisant une
confusion et un mélange, et forgeant une
opinion insensée et monstrueuse, qu'il n'y a
qu'une nature de la chair et de la divinité,
et que la nature divine du Fils est passible :
c'est pourquoi le saint concile œcuménique
voulant obvier à toutes leurs entreprises et
montrer que la doctrine de l'Eglise est tou-
jours inébranlable, a défini, premièrement
que la foi des trois cent dix-huit pères de-
meurera inviolable. De plus, il confirme la
doctrine que les cent cinquante pères assem-
blés à Constantinople ont enseignée touchant
la substance du Saint-Esprit, à cause de ceux
qui l'attaquaient , non qu'ils crussent que
quelque chose manquât à l'exposition précé-
692
HISTOIRE GÉNÉRALE DES ADTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dente ; et à cause de ceux qui veulent dé-
truire le mystère de rincarnation, le concile
reçoit les lettres synodales du bienheureux
Cyrille, tant à Nestorius qu'aux Orientaux,
comme propres à réfuter l'erreur de Nesto-
rius et à expliquer les sens du symbole. Le
concile y joint avec raison la lettre du très-
saint archevêque Léon à Flavien, contre l'er-
reur d'Eutycbès, comme conforme à la con-
fession de saint Pierre et également propre
à détruire les erreurs et à affermir la vérité,
pjg. 568, Suivant ' donc les saints pères, noas décla-
rons tout d'une voix que l'on doit confesser
un seul et même Jésus-Christ Notre Seisrneur
le même parfait dans la divinité, et par-
fait dans l'humanité; vraiment Dieu et vrai-
ment homme; le même composé d'une âme
raisonnable et d'un corps ; consubstantiel
au Père selon la divinité, et consubstantiel
à nous selon l'iiumanité ; en tout sembla-
ble à nous, hormis le péché; engendré du
Père avant les siècles selon la divinité ; dans
les derniers temps, né de la Vierge Marie
mère de Dieu selon l'humanité, pour nous et
pour notre salut ; un seul et même Jésus-
Christ Fils unique, Seigneur en deux natu-
res, sans confusion, sans changement, sans
division, sans séparation ; sans que l'union
ôte la ditlerence des natures ; au contraire,
la propriété de chacune est conservée et
concourt en une seule personne et une seule
hypostase ; en sorte qu'il n'est pas divisé ou
séparé en deux personnes , mais que c'est un
seul et même Fils unique, Dieu Verbe notre
Seigneur Jésus-Christ. Le concile défend à
qui que ce soit d'enseigner ou de penser au-
trement, sous peine, aux évêques et aux
clercs, de déposition; aux moines et aux laï-
ques, d'anathème. 11 défend encore de com-
poser ni de suivre aucune autre foi ni aucun
autre symbole que celui de Nicée. » Ce dé-
cret fut lu, et ensuite approuvé de tous les
évêques. Le texte grec, au heu de dire que
Jésus-Christ est en deux natures, lit de deux
natures. IMais on ne peut douter que ce ne
soit une faute, sans que l'on puisse dire de
quelle manière elle s'est ghssée dans le texte.
Evagre ^, qui le rapporte entier, lit en deux
natures. On convint ^ dans la dispute, entre
les catholiques et les sévériens, en 533, que
le concile avait mis en deux natures. On lit
de même dans Euthymius et * dans Léon ^
de Byzance. Ce dernier assure même que le
concile de Chalcédoine ne parla point du
terme de deux natw^es, parce qu'il ne voulait
ni le rejeter ni s'en contenter; aussi les an-
ciennes versions latines lisent sans variation,
en deux natures.
a. Le 25 octobre les évêques étant assem-
blés, l'empereur Marcien vint au concile ac-
compagné des magistrats qui avaient cou-
tume de s'y trouver, et de plusieurs autres
officiers. Il harangua les évêques en latin,
qui était la langue de l'empire, puis en grec,
pour leur témoigner que son intention en Jcs
convoquant, avait été de conserver la pureté
de la foi altérée depuis quelque temps par
l'avarice et l'ambition de quelques personnes.
Il ajouta que l'on ne devait tenir d'autre doc-
trine sur Je mystère de l'Incarnation, que
celle que les pères de Nicée ont enseignée
dans leur symbole, et saint Léon dans sa
lettre à Flavien; que s'il avait voulu k l'exem-
ple de Constantin, assister au concile, ce n'é-
tait que pour confirmer la foi, et non pour
exercer sa puissance. Son discours fini, on
fit les acclamations ordinaires; après quoi on
lut par ordre de ce prince la définition de foi
faite le jour précédent. Elle fut souscrite
par trois cent cinquante évêques, les légats
en tête. Diogène de Cyzique et quatorze au-
tres métropohtains souscrivirent pour ceux
de leurs sutfragants qui étaient absents. Mar-
cien demanda si la confession de foi qu'on
1 Sequenfes igitur sanctos Patres, unum ewmdemque
confileri Filium et Dominum nostrum Jesum Christum
cunsonunter omnes doceinus , eumdem perfectum m
deitale, et eumdem perfectum in humaniiale, Deum
verum et hominem verum, eumdem ex anima rationali
et corpore, consubstnntialem Pairi secindum deitatem,
consubstantialem nobis eumdem secundum humanita-
tem , per omnia n'^bis similem absque peccato : ante
sœcula quidem. genitum de Pâtre sacundum deitatem,
in 7iovissimis autem diebus eumdem propter nos et
propter nostram salutem ex Maria Virgine Dei géni-
trice sccundum humanilatem, unum cumdemque Chri-
stum Filium Dominum unigeaitum in duabus naturis
inconfuse, immutabiliter, indivise, inseparubiliter
agnosoendum ; nusquam sublata naturaram diffèrentia
propter unitionem, magisque salva utriusque proprie-
tate natures, et in unam personam alque subsislenfiam
concurrente ; non in duas personas pariitum aut divi-
sum, sed nnum eumdemque Filium et unigerdtum
Deum Verbum Dominum Jesum Christum. Definivit
sancta et universalis synodus alteram. fidem nulli
licere proferre , aut conscribere aut componere , aut
sentire, aut alios docere. . Hos si episcopi fuerint aut
clerici, aliénas esse episcopos ab episcopatu ; et clericos
a clero : si vero monachi fuerint autjaici anathema-
iisai-i eos. Pag. 568.
2 Evagr., lib. II, cap. iv.
s Tom. V Concil., pag. 1766, 1770.
* Ânalecta Grœca, pag. 56, 57.
B Tom. II Biblioth. Patr., pag. 5H, S29.
[V» ET vi<^ SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
693
venait de signer avait été faite d'un consen-
tement unanime. Tous les évéques répondi-
rent qu'ils l'avaient signée, parce qu'ils y re-
connaissaient la foi des apôtres ; ce qu'ils
accompagnèrent de grands éloges pour l'em-
pereur et pour l'impératrice Pulchérie. Mar-
ig. 608. cien dit ensuite : « Pour ôter à l'avenir tout
prétexte de division, quiconque fera du tu-
■ mnlte en public, en parlant de la foi , sera
K banni de Constantinople , au cas qu'il soit
■ simple particulier ; mais, s'il est offlcier, il
sera cassé, et déposé, s'il est clerc. » Tout le
coj. concile fut de cet avis. L'empereur déclara
qu'il avait quelques articles à proposer, et
I qu'il souhaitait être réglés plutôt par l'auto-
rité de l'Eglise que par la sienne; le premier,
que personne ne bâtirait un monastère sans
le consentement de l'évêque de la ville et
du propriétaire de la terre ; que les moines
tant des ailles que de la campagne seraient
soumis à l'évêque, qu'ils vivraient en repos,
ne s'appliquant qu'au jeûne et à la prière,
sans s'embarrasser d'affaires ecclésiastiques
ou séculières, s'ils n'en étaient chargés par
l'évêque pour quelque nécessité, et qu'ils ne
pourraient recevoir dans leurs monastères
des esclaves sans la volonté de leurs maîtres.
Le second, qu'il serait défendu aux clercs do
prendre à ferme des terres, ou de se charger
de quelque intendance et recette, si ce n'est
des biens de l'Eglise, et par commission de
l'évêque, sous peine aux contrevenants d'être
dépouillés de leur dignité, en cas d'opiniâ-
treté. Le troisième, que les clercs qui ser-
vent une Eglise ne pourront être envoyés à
l'Eglise d'une antre ville, mais qu'ils se con-
tenteront de celle à laquelle ils ont été pre-
mièrement destinés, hormis ceux qui, étant
chassés de leur pays, ont passé dans une
autre Eglise par nécessité. Il devait y avoir
peine d'excommunication, tant pour le clerc
qui passait d'une Eglise à une autre, que
pour celui qui l'y recevait. Ces trois articles
ayant été lus par le secrétaire Béronicien,
l'empereur les donna à Anatolius, et on en
fit ensuite le trois, le quatre, le cinq et le
vingtième canon, en y changeant quelque
chose. Ce prince ordonna, avec l'approbation
du concile, que la ville de Chalcédoine, en
considération, tant de sainte Euphémie, que
parce que le concile y avait été assemblé,
aurait à l'avenir les privilèges de métropole,
mais pour le nom seulement, sauf la dignité
de la métropole de Nicomédie. Les évêques
le supplièrent de leur permettre de retourner
à leurs Eglises; mais Marcien les supplia de
patienter encore trois ou quatre jours pour
terminer, en présence des magistrats, les af-
faires dont ou leur demandait la décision.
C'est ainsi que finit la sixième session, que
quelques-uns ont regardé comme la dernière
du concile, parce qu'on y acheva de régler
ce qui regardait la foi et les affaires géné-
rales de l'Eglise. On remarque ' que beau-
coup d'Eglises n'avaient dans leurs copies
que six sessions avec les canons, que ^ le
pape Pelage considérait comme faisant par-
tie de la sixième session. Evagre^qui s'étend
beaucoup sur les six premières, passe légè-
rement sur les suivantes: ce qui n'empêche
pas qu'on ne doive regarder les choses qui
y furent traitées, comme appartenant au
concile.
12. La septième, la huitième et la neu- sepiièmo,
vième session sont datées du 26 octobre, Se°„'vème%'t
parce qu'elles furent tenues toutes les trois sÎmT"
dans ce jour. Dans la septième, le concile
confirma l'accord fait entre Maxime d'Antio-
che et Juvénal de Jérusalem, par lequel la t-..o. iv
Pbénicie et l'Arabie demeurèrent sous la ju- m"'''' '"'^'
ridiction de l'Eglise d'Antioche, et les trois
Palestine sous la juridiction de l'Eglise de
Jérusalem. On traita dans la huitième l'af-
faire de Théodoret. Il avait déjà été rétabli
dans son siège par le pape saint Léon. Il
anathématisa, en présence du concile, Nesto-
rins et quiconque ne disait pas que la Vierge
est Mère de Dieu, et quiconque divisait en
deux le Fils unique. Il souscrivit à la défini-
tion de foi qui y fut dressée ; il y avait dès
auparavant souscrit à la lettre de saint Léon
à Flavien. Les magistrats ne trouvant donc
aucune difiiculté sur son rétablissement ,
demandèrent qu'il rentrât dans son siège,
comme saint Léon l'avait jugé ; ce que tous
les évêques accordèrent. Ibas demanda dans p^g. 621,621.
la neuvième session que l'on cessât tout ce
qui avait été fait à Ephèse en son absence,
et qu'on le rendît à son Eglise. On lut d'à- 62s.
bord la sentence arbitrale de Photius de Tyr
et d'Eustathe de Béryte, rendue à Tyr le 23
février 448, par laquelle il paraissait qu'Ibas
avait déclaré sa foi et pardonné à ses accu-
sateurs ; et comme il y avait beaucoup d'au-
1 Lupus, Concii., tom. l, pag. 647.
2 Pelag. Epist. 11 ad Episcopos Istriœ ,
tom. V
Concii., pag. 629, 630. — 3 Evagr.. lib. II, cap. Xvill.
694
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
1res pièces à lire, on remit l'all'uire à la ses-
pag. CJ5. sion suivante, qui se tint le leiidemain 27 oc-
tobre. On y lut les actes du synode tenu à
Béryte le i " septembre 448, où Ibas avait été
633. renvoyé absous. Les magistrats proposèrent
ensuite la lecture de ce qui avait été fait con-
tre lui dans le faux concile d'Ephèse. Mais les
673. légats s'y opposèrent, disant que l'évêque de
Rome avait rejeté et déclaré nul tout ce qui
avait été fait dans ce concile, excepté l'ordi-
nation de Maxime d'Antioche, que ce pape
avait reçu à sa communion, et qu'il fallait
demander une loi à l'empereur qui défendît
même de donner le nom de concile à cette
assemblée. Sans faire donc lecture des actes
d'Ephèse, Paschasin et les autres légats opi-
nèrent que, suivant les pièces qui avaient été
lues, Ibas devait être reconnu pour ortho-
doxe et recouvrer Fhonneur de l'épiscopat,
et son Eglise dont il avait été injustement
chassé ; qu'à l'égard de Nonnus, ordonné
évoque d'Edesse à la place d'ibas, c'était à
l'évêque d'Antioche de statuer ce qu'il juge-
rait plus à propos. L'avis d'Ibas fut que Non-
nus conserverait les honneurs de l'épiscopat
jusqu'à ce qu'on eût examiné son ordination
dans une assemblée des évêques de la pro-
vince. Ce qui fut approuvé du concile et des
cgi. magistrats. On demanda seulement qu'Ibas
anathématisât NestoriusetEulychès; ce qu'il
fit à l'instant. Dans la même session Maxime,
qui avait été élu évêque d'Antioche en la
la place de Domnus, déposé dans le faux con-
cile d'Ephèse, demanda que l'on accordât à
son prédécesseur une pension sur les revenus
de l'Eglise d'Antioche ; les magistrats et les
évêques du concile y consentirent, mais en
laissant à la discrétion de Maxime la quan-
tité de la pension.
ODïiômeei 13. Lcs onzièms et douzième sessions,
douzième £êp- . , t r»-. . . ■ i , i
sioM, quoique tenues en diuerents jours, 1 une le
29 octobre, l'autre le 30 du même mois, ne
traitèrent que d'une seule afi'aire, qui était
celle de Bassien et d'Etienne d'Ephèse. Bas-
Tom. IV sien, ordonné par force évêque d'Evazes,
taT''" '"^' ville de la province d'Asie, ne voulut pas al-
ler à l'Eghse pour laquelle on l'avait ordonné;
mais celle d'Ephèse étant devenue vacante
par la mort de Basile en 444, Bassien en prit
le gouvernement, contraint, disait-il, de l'ac-
cepter, par les évêques, le clergé et le peu-
ple. Il fut maintenu dans ce siège par l'em-
pereur Théodose II et par saint Procle, qui
n'avait pas d'abord approuvé son intronisa-
tion. Après quatre ans d'épiscopat, c'est-à-
dire en l'an 448, comme il offrait le sacrifice
avec tout son peuple et son clergé, ceux qui
avaient accoutumé de recevoir de sa main
les saints mystères, se saisirent de lui, lui p>e-6
arrachèrent son habit sacerdotal, et le traî-
nèrent en prison, où ils le retinrent pendant
trois mois. Durant ce temps-là, les mêmes
évêques qui avaient ordonné Bassien, or-
donnèrent à sa place Etienne, prêtre d'E-
phèse, qui en fut évêque jusqu'en 451, que
Bassien demanda à être rétabli dans son
siège. A cet effet, il présenta sa requête dans ms.
la session du 29 octobre. Il l'avait présentée
auparavant à l'empereur Marcien, et ce
prince l'avait renvoyée au concile. Elle y fut
lue. Comme Bassien se plaignait qu'Etienne,
alors évêque d'Ephèse, lui retenait son siège
et son bien, les magistrats ordonnèrent à
Etienne de répondre. Etienne dit que Bas-
sien n'avait point été ordonné évêque d'E-
phèse, mais que celte Eghse étant vacante,
il y était entré de force et s'y était assis à la
faveur d'une troupe de gladiateurs et d'au-
tres gens armés; qu'après qu'on l'en avait
chassé suivant les canons, quarante évoques
d'Asie l'avaient ordonné à la place de Bas-
sien, par le suffrage des nobles, du peuple,
du clergé et de la ville, dont il était bien
connu, puisqu'il y avait quarante ans qu'il
était dans le clergé d'Ephèse. Bassien, de
son côté, fit au concile le détail de ses bon-
nes œuvres depuis sa jeunesse, disant qu'il
avait fait bâtir un hôpital, où il avait mis
soixante-dix lits ; qu'il y recevait tous les ma-
lades et les étrangers ; que l'évêque Memnon ,
jaloux de sa vertu, l'avait ordonné malgré
lui évêque d'Evazes, pour l'obliger par là à
sortir d'Ephèse; que Basile, successeur de
Memnon, étant mort, on lui fit violence pour 68d.
le mettre lui-même sur le siège d'Ephèse ;
que son intronisation fut confirmée par l'em-
pereur Théodose , et par saint Procle de
Constantinople ; qu'il était demeuré paisible
dans cette Eglise pendant quatre ans , en
sorte qu'il avait ordonné dix évêques et plu-
sieurs clercs. Il déclara ensuite de quelle
manière on l'avait maltraité, en lui ôtant ses
habits sacerdotaux, en l'enfermant en prison
et en lui prenant tout son bien : il rejeta
toutes ces violences en partie sur Etienne.
Après quelques autres contestations de part
et d'autre, les magistrats voyant qu'aucun
des deux n'avait été ordonné par le concile
de la province, qu'au contraire ils avaient
été l'un et l'autre faits évêques par violence,
[v«ETVP SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
693
opinèrent qu'il fallait les déposer tous deu.v,
et élire un autre évêque d'Epbèse. Ce juge-
ment parut juste. Mais, sur la remontrance
des évêques d'Asie, on suspendit pour quel-
que temps cette nouvelle élection, dans la
crainte que si l'on envoyait à Eplièse un évê-
que élu à Chalcédoine,"Cela n'occasionnât
quelque sédition. Cette affaire fut encore dis-
cutée dans la douzième session, qui se tint le
lendemain. On convint qu'Etienne et Bassien
seraient déposés, et qu'on élirait un autre
évêque à leur place; mais qu'ils garderaient
l'un et l'autre la dignité d'évêque, avec une
pension de deux cents pièces d'or par an sur
les revenus de l'Eglise d'Eplièse. On accorda
encore à Bassien la permission de poursui-
vre, suivant les formes des lois,' Etienne ou
tout autre qu'il voudrait, pour se faire ren-
dre ce qu'on lui avait enlevé de son bien.
14. La treizième session fut tenue le même
jour que la précédente, 30 octobre. Euno-
mius de Nicomédle y présenta une requête
en plainte de ce qu'Anastase de Nicée, entre-
prenant sur les droits de métropolitain, avait
excommunié des clercs de l'Eglise de Basili-
nople, qui était de la dépendance de Nico-
médie. Anastase soutenait au contraire que
Basilinople ayant été autrefois tirée de l'E-
glise de Nicée par Julien, qui en fit une ville
à qui il donna le nom de sa mère Basiline,
elle devait dépendre de Nicée, et la recon-
naître comme sa métropole. Les parties allé-
guèrent diverses raisons pour appuyer leurs
prétentions. Mais îes magistrats voulant aller
au fond de l'affaire, demandèrent ce que
portaient les canons. On lut le quatrième de
Nicée où il est dit que les ordinations de
chaque province se doivent faire par l'auto-
rité du métropolitain. Anastase répondit que
l'empereur Valens avait, par une loi, attri-
bué à Nicée le droit de métropole. Eunomius
cita une loi de Valentinien, postérieure à la
précédente, qui portait que le titre de mé-
tropole donné par honneur à Nicée, ne pré-
judicierait en rien aux privilèges de Nicomé-
die. Sur quoi les magistrats, de l'avis de tout
le concile, déclarèrent que le canon de Ni-
cée ne voulant qu'un métropolitain dans
chaque province, l'évêque de Nicomédie, qui
était de toute antiquité métropolitain dans la
Bithynie, serait reconnu en cette qualité, par
l'évêque de Basilinople, et même par celui
de Nicée, qui conserverait toutefois le titre de
métropolitain, par honneur seulement. Aé-
tius, archidiacre de Constantinople , préten-
dit que l'évêque de cette ville était en pos-
session d'ordonner celui de Basilinople, et
demanda que ce droit lui fût conservé. Le
concile répondit qu'il fallait s'en tenir aux pis-"7.
canons. A quoi les magistrats ajoutèrent que
l'évêque de Nicomédie devait être métropo-
litain de toute la province, et qu'à l'égard
des privilèges de l'Eglise de Constantinople,
on les examinerait en un autre temps.
13. Dans la quatorzième session, qui se Uo'torzième
tint le 31 octobre, on lut deux requêtes de
Sabinien, évêque de Perrha en Syrie, l'une
adressée à l'empereur, l'autre aux archevê-
ques Léon, Anatolius et Maxime, portant p^b- '20,121.
qu'ayant été ordonné évêque de Perrha par
les évêques de la province, à la place d'A-
thanase chassé de son siège, parce qu'accusé
de crimes atroces, il n'avait pas voulu com-
paraître, néanmoins le concile d'Ephèse sous
Dioscore avait renvoyé Athanase à Perrha,
et l'en avait chassé lui-même , contre le gré
des habitants de celte ville. Athanase se dé-
fendit en disant que sa cause avait été jugée
par saint Cyrille et saint Procle; mais qu'a-
près la mort de saint Cyrille, Domnus d'An-
tioche l'ayant fait citer en jugement, il lui
avait répondu que si l'on voulait s'en tenir
aux lettres de saint Cyrille et de saint Procle,
il était prêt ii comparaître et à répondre à
la citation. Il demanda qu'on lût ces lettres.
Elles portaient qu'Athanase s'était plaint à
un concile de Constantinople de quelques-
uns de ses ecclésiastiques qui avaient voulu
mettre les économes de l'Eglise à leur choix,
et ôter son nom des diptyques. Sur quoi saint
Cyrille et saint Procle avaient prié Domnus
d'Antioche de nommer des commissaires
pour juger Athanase sur les lieux, s'il ne
pouvait y aller lui-même, à cause que cette
ville était trop éloignée d'Antioche. Suivant
les canons, c'était au métropolitain d'Atha-
nase à le juger ; mais il l'avait récusé comme
suspect. Domnus nomma pour commissaire,
Panolbius, évêque d'Hiéraple, ami d' Atha-
nase. Néanmoins celui-ci ne voulut pas com-
paraître. Il offrit même de se défaire de son
évêché. Jean, successeur de Panolbius, cita
aussi Athanase, et enfin Domnus le cita à son
concile. Athanase fit défaut partout. Aucon- 728,720,735.
traire , les clercs de Perrha ayant comparu
pour l'accuser, les évêques du concile d'An-
tioche le condamnèrent comme ayant exposé
faux à saint Cyrille et à saint Procle. Sabi-
nien demanda qu'on lût les actes de ce con-
cile. Après qu'on en eut fait la lecture, les
696
HISTOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
733.
'^-- magistrats demandèrent si quelques-uns de
. ceux qui avaient déposé Athanase avec Dom-
nus étaient présents au concile. Théodore
de Damas et six autres évéques s'étant avan-
cés, dirent que les clercs de Perrha avaient
formé des plaintes contre Athanase ; qu'étant
appelés jusqu'à trois fois, et ne s'étant pas
présenté, on avait prononcé contre lui la
sentence de déposition. Les mao^istrats de-
mandèrent à Athanase pourquoi il n'avait
pas comparu au concile d'Antioche; il ré-
pondit : « Parce que l'évêque d'Antioche qui
y présidait, était mon ennemi. » Les magis-
trats jugèrent qu'Athanase ayant été déposé
pour sa contumace, Sabinien devait demeu-
rer possesseur de l'Eglise de Perrha, puis-
qu'il avait été ordonné par le concile de la
province. Ils déclarèrent qu'Athanase avait
été mal rétabli par Dioscore, dans le faux
concile d'Ephèse, et Sabinien mal déposé;
que toutefois Maxime d'Antioche, avec son
concile, prendrait connaissance de l'affaire,
en sorte qu'elle fût terminée dans huit mois;
que si Athanase se trouvait convaincu, ne
fût-ce que d'un seul crime digne de déposi-
tion, il serait non-seulement déchu de l'épis-
copat, mais encore soumis aux peines des
lois, et que si dans cet espace de temps il
n'était ni poursuivi ni convaincu, on le re-
mettrait dans son siège, dont Sabinien serait
coadjnteur avec une pension proportionnée
aux revenus de l'Eglise de Perrha. Le con-
cile approuva ce jugement.
16. Le même jour, 31 octobre, après que
l'on eût réglé toutes les affaires particulières
png. 706. portées au concile, l'archidiacre Aétius re-
présenta qu'il y en avait aussi à régler pour
l'Eglise de Constantinople. Il avait proposé
la même chose la veille, et les magistrats en
avaient renvoyé l'examen à un autre temps.
Il pria donc les légats et les magistrats d'être
présents aux délibérations qu'il demandait
que l'on fit sur cela. Les légats le refusèrent,
-Quinziènie
session.
disant qu'ils n'avaient point d'ordre du pape ;
les mngistrats s'en excusèrent aussi d'en
connaître, et dirent que le concile pouvait
examiner la chose sans qu'ils fussent pré-
sents. Les légats s'étant retirés avec les ma-
gistrats, les évoques d'Orient, qui compo-
saient le reste du concile, firent un canon
en faveur de l'Eglise de Constantinople; il
portait que l'évêque de cette ville, appelée la
nouvelle Rome, aurait une préférence d'hon-
neur sur tous les autres évêques, après celui
de l'ancienne Rome ' Ce canon est compté
pour le vingt-huitième parmi ceux du con-
cile de Chalcédoine, que nous allons rappor-
ter de suite.
17. Le premier ^ confirme en général tous
les canons qui avaient été faits jusque-là par
les saints pères en divers conciles; ce que
l'on entend vraisemblablement du Code de
l'Eglise grecque, donné par Justel, qui con-
tient cent soixante-dix canons tirés des con-
ciles de Nicée, d'Ancyre, de Néocésarée, de
Gangres , d'Antioche , de Laodicée et de
Constantinople : car il y avait dès lors un re-
cueil de canons, comme on le voit par divers
endroits des actes du concile de Chalcédoine.
Il est attribué, dans un ancien manuscrit, à
Etienne d'Ephèse; mais peut-être n'y ajouta-
t-il que les canons des conciles d'Ephèse et
de Chalcédoine. Le second porte ^ que si un
évéque a mis en commerce la grâce, qui
n'est point vénale, et ordonné pour de l'ar-
gent un évêque, un chorévêque, un prêtre,
un diacre, ou quelqu'autre clerc, ou s'il a
étabh pour de l'argent un économe, un dé-
fenseur, un concierge, ou quelqu'autre de
ceux qui sont dans le canon , l'ordinateur
sera en danger de perdre son rang, et celui
qui sera ordonné ou pourvu ne profitera pas
de la place qu'il aura voulu acheter : l'entre-
metteur même de cet infernal trafic, s'il est
clerc, sera déposé; s'il est laïque ou moine,
il sera anathématisé. Parle troisième canon,
1 Un auteur fçrec anonyme, dans un fragment cité
par Ang. Mai, Spicileg. rom., tome VIII, pag. 24-26,
en grec et en latin, reconnaît que ce canon ne fut
jamais reçu, le pape saint Léon l'ayant rejeté aussitôt
qu'il fut porté. Le même synodique fournit un autre
témoignage sur la primauté générale et perpétuelle
du Pontife romain. Ibid., pag. 20, 29. (L'éditeur.)
2 Qui a sanctis Patrilms in unaquaque synodo hue
usque expositi sunt , observari canones œquum cen-
suimus.
^ Si quis episcopus, propter pecunias ordinafionem
fecerit , et non venalem yratiam in venditionem de-
duxerit , et propter pecunias ordinaoerit episcopum,
vel chorepiscopum, vel presbyterum, vel diaeonum, vel
aliquem eorum qui in clero annumerantur,vel propter
pecunias promoverit œconomum, vel defensorcm, vel
paratnonarium, vel omnino aliquem ex canone, turpis
quœsfus gratta : qui hoc tentasse convictus fuerit , de
proprio gradu in periculum veniat, et qui est ordi-
natus, ex ordinatione vel promotione quœ instar mer-
catoruin vcnundatur, nihil juuetur, sed sit a dignilate
vel curatione alienus quam pecuniis adeptus est. Si
guis autem sequester et intercessor adeo iurpibus et
nefariis lucris apparuit ; hic quoque, si sit quidem
clericus, proprio gradu excidat ; si sit autem laicus
vel monachus, anathematizetur.
CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
[V' ET VI» SIECLES-
il est défendu ' aux évêques, aux clercs et
aux moines de prendre à ferme des terres,
ou de se charger des affaires temporelles, si
ce n'est que les lois les appellent à une tu-
telle dont ils ne puissent s-'excuser ; ou que
révêque les charge du soin des affaires de
l'Eglise, ou de personnes misérables, comme
les veuves et les orphelins. Les tutelles
étaient défendues aux ecclésiastiques dès le
temps de saint Cyprien. Dans la suite des
temps les clercs et même les moines en ont
été déchargés par les empereurs. Le qua-
trième veut que l'on honore ceux ^ d'entre
les moines qui vivaient d'une manière con-
forme à leur profession; mais parce qu'il y
en avait qui troublaient l'Eglise et l'Etat, ce
canon ordonne que personne ne bâtisse un
monastère sans le consentement de l'évêque
de la ville et du propriétaire de la terre, et
que les moines tant des villes que de la cam-
pagne soient soumis à l'évêque et vivent en
repos, ne s'appliquant qu'au jeûne et à la
prière, sans s'embarrasser d'affaires séculiè-
res, s'ils n'en sont chargés par l'évêque pour
quelque nécessité. Il leur défend en même
temps de recevoir des esclaves dans leurs
(i97
monastères sans la volonté des maîtres. I! est
dit dans le cinquième ^ que les anciens en- cao. s.
nous seront observés à l'égard des évêques
et des clercs qui passent de ville en ville. Le
sixième * défend d'ordonner aucun ecclésias- e,
tique, soit prêtre, soit diacre, sans l'attaclier
à une Eglise de la ville ou de la campagne,
ou à un monastère; et déclare nulles les or-
dinations absolues, en défendant à ceux qui
les ont reçues, d'en faire aucune fonction, à
la honte de ceux qui les auront ordonnés.
18. Le septième canon défend ^, sous peine 7.
d'anathème , à ceux qui sont entrés une fois
dans le clergé ou dans l'état monastique, de
quitter l'un et l'autre de ces états, qu'ils ont
embrassé à cause de Dieu , pour s'engager
dans la milice ou dans une dignité séculière.
Il est ordonné par le huitième ^ que tous les j
clercs des hôpitaux et des monastères, de
même que tous ceux qui demeurent en ces
lieux, seront sous la puissance de l'évêque de
chaque ville , suivant la tradition des pères,
sous peine de correction canonique pour les
clercs et d'excommunication pour les moines
et les laïques. Le neuvième ordonne ' que si ,
un clerc a une affaire contre un autre cleic .
• Pervertit ad sanctam synodttm , quod eoriim qui in
clerum cooptali suni , quidam propter turpe hicnim
aliénas possessiones conducunf, et secularia negotia
exercent, divinum ministerium négligentes, sœcularium
vero domos subeuntes, et eorum facultatum iractatio-
nem ac curationem propter avaritiam suscipientes.
Defîniit ergo sancta synodus , neminem de inceps , nec
episcopum, nec elericum , nec monachum , vel posses-
siones conducere, vel sœcularibus possessionum admi-
nistrationitms seipsum ingercre. Nisi utique ex lege ad
inexcusabilem impuberum tutelam vocetur, vel civi-
tatis episcopus eum rerum ecclesiasticaritm curam
gerere permittat, vel orphanorum, vel viduarum quibus
provideri non potest, et personarum quœ ecclesiastico
auxilio maxime indigent, propter timorem Domini.
Si quis autem quœ staluta sunt, deinceps transgredi
aggressus fuerit, is pœnis ecclesiasticis subjiciatur.
2 Qui vere et sincère monasticam vitam aggrediun-
tur, digni convenienti honore habeantnr. Quoniam
autem nonnulli monachico prœtextu utentes, et Ecclé-
sias, et negotia civilia perturbant , et iemere , citra
ullam discriminis rationem, in urbibus circumcur-
santes, quin etiam monasieria sibi constituere studente^,
visum est , nullum vsquam cedificare nec construere
passe monasterium, vel oratoriam domum prœter sen-
tentiam ipsius civitatis episcopi : monachos autem,
qui sunt in unaquaque regione, et civitate, episcopo
subjectos esse , et quietem amplecti, et soli jejvnio et
orationi vacare, in quibus ordinati sunt locis fortiler
persévérantes , nec ecclesiasticis, nec sœcularibus nego-
tiis se ingerere, vel communicare, propria relinquentes
monasteria , nisi quandoque a civitatis episcopo eis
permissum fuerit : nullum autem in monasteriis ser-
vum recipi, ad hoc ut sit monachus, prœter volunta-
tem sui Domini. Eum autem qui hune nostram defini-
tionem transgreditur, definimus esse excommunicatum '•
ne nomen Dei blasphemetur : civitatis autem episco-
pum oportel eam quam par est monasteriorum curam
gerere.
3 De episcopis, vel clericis, qui a civitate in civita-
tem transeunt , placuil eos qui editi sunt a sanctis
Patribus canones, vires obtinere.
4 Nullum absolute ordinuri, nec presbytertim, nec
diaconum, nec omnino aliquem eorum qui sunt in or-
dine ecclesiastico, nisi specialiter in ecclesia civitatis,
vel pagi, vel mariyrio, vel monasterio is qui ordi-
netur, designetur. Eos autem qui absolute ordinantur,
decrevit sancta synodus irritam ac invalidam habere
ejusmodi manuum impositionem, et nusquam exercere
ac operari passe, ad ejus qui ordinavit injuriam.
s Eas qui in clero semel ordinati sunt , et iiidem
monachos slatuimus nec ad militarem expeditionem ^
nec ad iœeularem dignitatem passe ventre. Qui autem
hoc audent , et non pœnitentia ducti ad id rever-
tuntur, quod propter Deum prius elegerant , anathe-
matizari.
6 Clerici ptochotraphiorum, monasteriorum et tem-
plorum martyrum, sub potestate episcoparum qui sunt
in unaquaque civitate, ex sanctorum Patrum tradi-
tiane, perrnaneant, et non per arrogantiam se a pro-
prio episcopo, imperium ejus delrcctantes, subducant.
Qui hanc autem constitutionem evertere ausi fuerint,
si S'Ut quidem clerici, canonum pœnis subjiciantur ;
si autem monachi, vel laici, sinl excommunicati.
' Si quis clericus habet eum clerico [item aut ne-
gotium,proprium episcopum ne relinquat, et ad sœcu-
luria judicia ne excurrat; sed causam prius apud
proprium episcopum agat : vel de episcopi sententia.
698
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
il ne doit point quitter son évêque pour s'adres-
ser aux tribunaux séculiers, mais qu'il pour-
suivra sa cause premièrement devant son
évêque, ou, par son ordre, devant celui dont
les parties seront convenues, le tout sous les
peines canoniques. Le canon ajoute que les
difTérends que les clercs auront avec leurs
évéques seront jugés par le concile de la pro-
vince; mais que si un évêque ou un clerc a
une affaire avec le métropolitain , elle sera
jugée par l'exarque du département ou par
l'évêquedeConslantinople avec son concile,
can. 10. Selon le dixième ', un clerc ne peut en même
temps être compté dans le clergé de deux
villes, savoir : de celle où il a été ordonné
d'abord, et de celle où il a passé, comme plus
grande, par ambition. Ceux qui l'auront fait
seront rendus à la première Eglise. Que si
quelqu'un est déjà transféré à une autre
Eglise, il n'aura plus aucune part aux affaires
de la première, ou des oratoires, ou des hô-
pitaux qui en dépendent , le tout sous peine
de déposition pour ceux qui à l'avenir re-
„_ tomberont dans cette faute. Le onzième ca-
non^ veut que l'on ne donne que des letlres
de paix et de communion aux pauvres qui
voyagent, si l'on sait qu'ils sont effectivement
catholiques , afin de leur procurer, par ces
lettres, les secours dont ils ont besoin; il ré-
serve les lettres de recommandation pour les
personnes d'une condition plus relevée, parce
qu'on les accompagnait ordinairement de
quelques éloges de la piété et de la vertu de
ceux qui en étaient les porteurs.
Le douzième canon fut fait à l'occasion des can. \i.
différends entre les évêques de Tyr et de Bé-
ryte, de Nicomédie et de Nicée. Il porte ^ que
les évêques ne pourront, sous peine de dépo-
sition, s'adresser aux puissances ni obtenir
des lettres du prince pour diviser une pro-
vince en deux et y faire deux métropolitains,
et que, quant aux villes qui ont déjà été ho-
norées du nom de métropoles, elles n'en joui-
ront que de l'honneur, sans préjudice des
droits de la véritable métropole. Le treizième 13.
défend * aux clercs étrangers et inconnus
d'exercer aucune fonction dans une autre
ville, sans lettres de recommandation de leur
évêque. Dans quelques provinces, il était
permis ^ aux lecteurs et aux chantres de se
marier. C'est pourquoi le canon quatorzième u.
leur défend seulement de prendre des femmes
qui ne soient point catholiques ou de faire
baptiser leurs enfants chez les hérétiques. Il
ne veut pas non plus qu'ils les marient à des
hérétiques, à des juifs ou à des païens, s'ils
ne promettent de se convertir; et, à l'égard
de ceux qui avaient reçu le baptême chez les
hérétiques, il ordonne à leurs pères de les
faire entrer dans la communion de l'Eglise.
Le quinzième défend d'ordonner ^, par l'im- 15.
position des mains , une diaconesse , qu'elle
apud eos quos utraque pars elegeril, judichim agiletur.
Si quis autem prœfer hœc fecerit, canonkis pœnis
subjiciatur. Si clericus autem cum proprio vel etiam
alio episcopo, negotium aut litem habeat, a provinciœ
synodo judiceiur. Si aulem cum ipsius provinciœ me-
iropolitano episcopus vel clericus controversiam habeat,
diœcesis exarchum adeat vel imperialis urbis Con-
stantinopolis thronum, et apud eum litiget.
1 Non licere clerico in duarum civitatum ecclesiis
eodem tempore in catalogum referri ; et in ea in gua
a principio ordinatus est, et in ea, in quant, tatiquam
ad majorem, confugit, propier inanis gloriœ cupidi-
taiem : eos autem qui hoc faciunt, propriœ Ecclesiœ
restiiui, in qua ab initio ordinati sunt, ut illic solum
ministrent ; sed si jam quispiam ex alla in aliam
Ecclesiam iranslatus est, nihil prioris Ecclesiœ vel
eorum quœ sub ea sunt marli/riorum, vel ptochoiro-
phiorum, vel xenodochiorum rébus communicare. Eos
autem qui ausi fuerint post magnœ hujus et univer-
salis synodi definitionem, aliquid eorum quœ sunt
prohibita , facere , statuit sancta synodus eos proprio
gradu excidere.
2 Omnes puuperes, et qui auxilio indigent, cum exa-
minatione , cum epislotis seu pacificis ecclesiasticis
solis viam ingredi statuimus, et non cum commenda-
titiis : quonium liiteras commendatitias iis solis per-
sonis quœ sunt suspectœ, prœberi oportet.
s Pervenit ad nos, quod quidam, cum prœter ritus
ecclesiasticos ad potentatus accessissent , per pragma-
iicas unam provinciam in duas diviserunt, ut ex eo
duo eisent metropolitani in eadem provincia. Statuit
ergo sacra synodus, ne episcopus deinceps taie quid
audeat : quoniam is qui hoc aggrediiur, a suo gradu
excidit. Quœcumque autem civitates per litteras impe-
ratorias metropolis nomine honoratœ sunt, solo honore
fruantur,et qui ej us Ecclesiam administrai episcopus,
servalo scilicet verœ metropoli suo jure.
' Externos clericos et ignotos in alla civitate sine
proprii episcopi commendatitiis litleris nusquam ullo
modo ministrare.
s Quoniam in nonnuïlis provinciis concessum est
lectoribus et cantoribus uxores ducere, decrevit sancta
synodus nulli eorum licere diversœ a recta opinionis
uxoreni ducere : eos autem qui ex ejusniodi matrimo-
nio liljeros susceperunt, si eos quidem baptizare apud
hœreticos prœcenerint, ad catholicœ Ecclesiœ commu-
nionem adducere : si autem non baptizaverint , non
passe eos apud hœreticos baptizare. Sed neque hœre-
tico, vel pagano, vel judœo matrimonio conjungere,
nisi utique persona, quœ orthodoxœ conjungitur, sed
ad orihodoxam fidem convertendam spondeat. Si quis
autem hoc sanctœ synodi decretum transgressus fuerii,
canonicis pœnis subjiciatur.
5 Diaconissam non esse mulierem ordinandam ante
annum quudrugesimum, et eam cum accurata exami-
natione. Si autem postquam ordinatione suscepta, mi-
CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALGEDOINE.
[V ET VI" SIÈCLES.]
n'ait l'âge de quarante ans et qu'on ne l'ait
beaucoup éprouvée; que si, après l'imposi-
tion des mains et après avoir passé quelque
temps dans le service, elle vient à se marier,
au mépris de la grâce de Dieu, elle sera ana-
thématisée avec son mari. Le seizième ' dé-
fend aussi aux vierges consacrées à Dieu et
aux moines de se marier, sous peine d'être
privés de la communion pendant autant de
temps qu'il plaira à l'évêque.
19. Dans le dix -septième ^ , on adjuge les
paroisses de la campagne aux évêques qui
en sont en possession paisible depuis trente
ans; mais on ajoute que si dans les trente
ans il se forme quelque difficulté, elle pourra
être poursuivie au concile de la province;
que si le métropolitain est partie, on ira à
l'exarque du département ou à l'évêque de
Constantinople ; et que si quelque nouvelle
ville est établie par la puissance de l'empe-
reur , l'ordre des paroisses ecclésiastiques
suivra la forme du gouvernement politique.
Le dix-huitième ^ punit de déposition et d'ex-
communication les ecclésiastiques et les moi-
nes qui font des conjurations et des cabales
699
contre leurs évêques ou leurs confrères, ce
crime étant défendu , même par les lois ci-
viles. Il est ordonné par le dix-neuvième * can. 19.
que, pour obvier au préjudice que causait
aux affaires de l'Eglise le défaut des conciles,
on en assemblerait deux chaque année , sui-
vant les décrets de Nicée , au lieu choisi par
le métropolitain , et que les évêques qui man-
queront de s'y trouver, sans empêchement
légitime, en seront repris par leurs confrères.
Il est dit dans le vingtième ^ que si un évê- 20.
que reçoit un clerc d'un autre évêque, lui et
le clerc seront séparés de la communion jus-
qu'à ce que le clerc soit retourné à son évê-
que, si ce n'est que ce clerc soit contraint de
changer d'Eglise à cause de la ruine de son
pays. On défend, dans le vingt-unième ^, d'ad- 21.
mettre inditféremment les clercs ou laïques
à accuser des évêques ou des clercs sans avoir
auparavant examiné leur repu talion . Le vingt- 22.
deuxième' défend, sous peine de déposition,
aux ecclésiastiques de piller les biens de leur
évêque après sa mort. Cela avait déjà été dé-
fendu par les anciens canons. Il est ordonné
par le vingt-troisième ^, au défenseur de l'E-
nislerio aliquo tempore permansit, seipsam matrimonio
tradiderit , Dci gralics injuriant faciens, ea unu cum
itlo qui ei conjunctus est, analhematizeiur.
' Vircjinem, quœ se Domino Deo dedicauit, similiier
et monachos non licere matrimonio conjungi; siii au-
tem hoc fecisse inventi fuerint, sint excommunicati ,
Ostendendœ auiem in eos humanitatis auctoritatem
habere stutuimus cpiscopum ejus loci.
2 Quœ sunt unaquaque provincia, rurales vicinasque
parochius, firmas et inconcussas munere apud eos qui
nias tenent episcopos, et maxime si tricenorum anno-
rum tempore eas sine vi detinentes administraverint.
Sin autem inlra tricenos annos fuit aliqua vel fuerit
de lis controversia , licere iis qui infuriam sibi fieri
dicunt, de iis litem movere apud synodum provinciœ.
Si quis autem injuria afficiaiur a proprio metropoli-
tano, apud exarchum diœcesis, vel Constantinopolita-
nam sedem litiyet ; sicut prius dictum est. Sin auiem
etiam civitas aliqua ab imperatoria auctoritate inno-
vata est , vel deinceps innovata fuerit , civiles et pu-
blicas formas ecclesiaslicarum quoque parochiarum
ordo consequatur.
3 Conjurationis vel sodalitaiis crimen ah extemis
etiam legibus est omnino prohibitum : multo magis
hoc autem in Dei Ecclesia fieri prohibere oportet. Si
qui ergo clerici vel monachi inventi fuerint, vel se
jactantes , vel sodalitates comparantes, vel aliquid
struentes ac molienles adversus episcopos ac clericos,
proprio gradu omnino excident.
* Pervenit ad aures nostras, quod in provinciis, ca-
nonibus constitues episcopum synodi non fiant, et ex eo
multa ecclesiastica neyliguntur quœ correctione indi-
gent : statuit ergo sancta synodus seciindum sanctorum
Patrum canones , ut bis in anno eumdem in locum
conveniant uniuscujusque provinciœ episcopi, ut me-
tropolitanus melius esse perspexerit, et singula emer-
gentia corrigant : episcopi autem, qui non conveniunt,
si in eadem metropoli verseniur, atque adeo sani sint
et ah omni inexcusahili et necessario negotio liberi,
fraterna reprehendantur.
<> Clericos in ecclesiis ministerio fungentes, quem-
admodum jam statuimus, non licere in alius civitatis
ecclesia ordinari : sed illa esse contentas , in qua ab
initio ut ministrarent, digni liabili sunt '. prœter illos
qui amissa s^ua patria, in aliam ecclesiam necessario
transierunt. Si qui auiem episcopi post hoc decretum,
clericum qui ad alium episcopum pertinet, suscepe-
rint, placuit esse excommunicaios, eumque qui suscep-
tus est, ei eum qui suscepit, donec clericus qui mi-
gravit, in suam Ecclesiam redeat.
6 Clericos, vel laicos , episcopos aul clericos accu-
santes, non indiscriminatim , nec dira inquisitiotiem ,
admittere ad accusationem , nisi eorum existimatio
prius examinata fuerit.
' Non licere clericis, post mortem proprii episcopi,
res quœ ad ipsum pertinent, rapere, quemadmodum e^
iis qui adsumunt, prohibitum est : eos autem qui fa-
ciunt, de proprio gradu in periculum venire.
8 Pervenit ad aures sanctœ synodi quod clerici qui-
dam et monachi , quibus nihil a proprio episcopo
mandatum est , et sunt etiam nonnunquam ab ipso
communione segregati, ad imperatoriam Constantino-
polis urbem se conferunt; et in ea diu morantur,
turbas excitantes, et statum ecclesiaslicum pertur-
bantes, aliquorum domos subvertunt. Statuit ergo
sancta synodus, ut ii prius a sanctissimœ Constanti-
nopolitunœ Ecclesiœ defensore admoneantur, ut im-
peratoria urbe excédant : si autem in iisdem negotiis
impudenter persévèrent, ut per proprium defensorem
ejiciantur, et in propria loca revertaniur.
700
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
glise de Constantinoplede chasser de la ville
les clercs et les moines étrangers qui y ve-
naient sans y être envoyés par leur évêque
et y troublaient souvent le repos de l'Eglise
et des maisons particulières. Le vingt-qua-
csD. 24. trième ' porte que les monastères , une fois
consacrés par l'autorité de l'évéque, et les
biens qui leur appartiennent, ne changeront
point d'état, en sorte qu'il ne soit plus permis
d'en faire des habitations séculières , ni d'u-
surper les biens qui leur appartiennent. Il est
25- dit dans le vingt- cinquième ^ que les ordi-
nations des évêques se feront dans trois mois,
s'il n'y a une nécessité absolue qui oblige le
métropolitain à différer, et que le revenu de
l'Eglise vacante sera conservé par l'économe.
Car chaque église cathédrale devait, suivant
56. le vingt-sixième canon ^, avoir un économe
pris du corps de son clergé , pour administrer
ses biens suivant l'ordre de l'évéque, afin
que l'on vît clair en cette administration et
que les biens de l'Eglise ne fussent pas dis-
sipés ni le sacerdoce décrié. Le vingt-sep-
s'. tième anathématise '' celui qui enlève une
femme, même sous prétexte de mariage, ses
complices et ses fauteurs; si c'est un clerc,
il doit être déposé.
20. Le vingt-huitième accorde le second ^"°
rang à l'Eglise de Constantinople, en ces
termes : « Les pères ^ ont eu raison de donner
au Siège de l'ancienne Rome ses privilèges,
parce qu'elle était la ville régnante, et, parle
même motif, les cent cinquante évêques du
concile de Constantinople ont jugé que la
nouvelle Rome , qui est honorée de l'empire
et du sénat , doit avoir les mêmes avantages
dans l'ordre ecclésiastique et être la seconde
après, en sorte que les métropolitains des
trois départements du Pont, de la Thrace, et
les évêques en dépendant qui sont chez les
Barbares, soient ordonnés par l'évéque de
Constantinople, après qu'ils auront été élus
canoniquement dans leurs Eglises. Mais cha-
cun de ces métropolitains ordonnera les évê-
ques de sa province , assisté de ses suffra-
gants, selon les canons.» Le vingt-neuvième ^ 2'-
déclare qu'un évêque ne doit Jamais être ré-
duit au rang des prêtres. Le trentième ' ac- ^<'-
' Quœ semel voluntate episcopi consecrata sunt ma-
nasteria, perpeluo manere monasteria, et res quœ ad
ea pertinent servari, eoque non amplius jieri sœcularia
habilacula. Eos autem gui hoc fieri permittunt, cano-
num poenis subjici.
2 Quoniam nonnulli metropolitani, ut sœpe a nolis
auditum est, et grèges sihi commissos negligunt , et
episcoporum nrdinationcs differunt , sanctœ synodo
placuit ut intra très menses episcoporum ordinaliones
fiant, nisi inexorahilis utique nécessitas effecerit , ut
dilationis tempus prorogetur. Si autem hoc non fece-
rinf, eos ecclesiasticœ pœnœ subjici. Viduœ vero Ec-
clesiœ reditum apud ecclesiœ œconomum salvum cus-
todiri.
3 Quoniam in nonnullis Ecelesiis, ut sœpe a nobis
auditum est , episcopi absque œconomo tractant res
ecclesiasticas , placuit omnem Ecclesiam episcopum
hahentem ex proprio clero œconomum habere , ut nec
sine lestihus sit Ecclesiœ administratio, nec ideo res
ejus dissipenlur et prohrum ac dedecus sacerdoiio
inuratur. Si autem hoc non fecerit, eum divinis etium
canonibus subjici.
''Eos qui nomine conjugii mulieres rapiunt , vel
opem ferunt, ac consentiunt iis qui rapiunt, statuit
synodus, si sint quidem clerici, proprio gradu exci-
dere ; sin autem laici, anathematizari.
5 Sanctorum Patrum 'décréta ubique sequentes, et
canonem qui nuper lectus est,centum et guinquaginia
Dei amantissimorum episcoporum agnoscentes , eadem
quoque et nos decernimus ac statuimus de privilegiis
sanctissimœ Ecclesiœ Consiantinopolis novœ Romœ.
Etenim antiquœ Romœ throno , quod urbs illa impe-
raret, jure Patres privilégia tribuerunt. Et eadem
consideratione moti centum guinquaginta Dei aman-
tissimi episcopi, sanctissimo novœ Romœ throno œqua-
lia privilégia tribuerunt, recte judicantes, urbem quœ
et imperio et senatu honorata sit, et œqualibus cum
antiquissima regina Roma privilegiis fruatur, et jam
in rébus ecclesiasiicis , non secus ac illani extolli ac
magnifieri , secundam post illam exislentem , ut et
Ponticœ et Asianœ et Thracice diœcesis metropolitani
soli, prœterea episcopi prœdictarum diœcesum quœ
sunt inier Barbaros, a prœdicto throno sanctissimœ
Constantinopolitanœ Ecclesiœ ordinentur ; unoquogue
scilicet prœdictarum diœcesum metropolitano cum
provinciœ episco'pis , provinciœ episcopos ordinante ,
quemadmodum divinis canonibus est traditum. Ordi-
nari autem, sicut dictum est, prœdictarum diœcesum
metropolilanos a Constant inopolitano archiepiscopo ,
convenientibus de more factis electionibus, et ad ipsiim
relaiis.
s Episcopum in presbyterum gradum deducere , est
sacrilegium. Si qua autem justa causa illos ab epis-
copali actione removet , nec presbyteri dcbent locum
obtinere. Sin autem absque ullo crimine dignitnie
moti sunt, ad episcopalem dignitatem redibunt. Ana-
ioliiis, religiosissimus Constantinopolitanus archiepis-
copus, dixit : li qui dicunfur ab episcopali dignitate
ad presbyteri orditiem descendisse, si justis quidem de
causis condemnantur, jure nec presbyteri honore digni
sunt. Sin autem sine aliqua probabili causa ad infe-
riorem gradum depressi sunt , jure, si quidem nulli
sunt culpœ affines, episcopaius' auctoritatem et sacer-
dolium récipient.
' Quoniam religiosissimi episcopi Aigypti, non ut
catholicœ fidei adversantes , sanctissif?n archiepiscopi
Leonis epislolœ subscribere distulerunt, sed dicenles in
Aigyptiaca diœcesi hanc esse consueiudinem,ut prœler
voluntalem et mandatum episcopi nihil taie faciant,
et petunt concedi sibi dilationem usque ad ordinatio-
nem futuri niagnœ civitatis Alexandrinorum archi-
episcopi ; justuni nobis et humanum visum est , ut
ipsis in proprio habitu in imperiali urbe manentibus
remissio concedatur, donec ordinatus fuerit Ahxan-
CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
[V^ET VI' SIÈCLES.]
corde un délai aux évêques d'Egypte pour
souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien,
jusqu'à l'élection d'un évéque d'Alexandrie
à la place de Uioscore. Ces deux derniers
canons ne sont point dans l'ancien Code de
l'Eglise romaine , ni dans la collection de
Denis-le-Petit,
21. Libérât ' dit que ces canons ne furent
faits que dans la session du 31 octobre, après
qu'on eut fini l'affaire de Sabinien, évêque
de Perrha, et en l'absence des légats et du
pape. Ils sont en effet joints au décret des
pères sur cette affaire, dans les collections
des conciles; mais Evagre^ paraît dire qu'on
les fit après la sixième session, et il y a des
manuscrits ^ latins qui en font la septième
session. Dans la treizième, où l'on régla le
différend entre Eunomius de Nicomédie et
Anastase de Nicée, au sujet de Basilinople,
on ne cita point le douzième canon qui déci-
dait nettement cette difficulté; ce qui fait voir
ou que ce canon n'était pas encore fait, ou
qu'il n'était pas autorisé par le concile. On
cite * des manuscrits où les légats souscrivi-
rent aux vingt-sept premiers; et il n'est
guère vraisemblable qu'on les ait faits sans
leurs avis. Saint Léon n'en contesta jamais
l'autorité; ils sont reçus généralement par
toute l'Eglise. Il n'y a que le vingt-huitième
qui ait trouvé de l'opposition. Non-seulement
il fut fait en l'absence des légats, ils refusè-
rent même de prendre part aux délibérations
qui précédèrent. Saint Léon fit voir dans une
de ses lettres à l'empereur Marcien, que le
motif qu'on avait eu de faire ce canon, était
sans fondement; qu'une chose ^ purement
ecclésiastique, comme l'épiscopat, ne se de-
vait point régler sur la dignité des villes;
que l'élévation de l'Eglise romaine ne venait
point de ce qu'elle était la ville régnante,
mais de la pierre sur laquelle Jésus-Christ
l'avait fondée; que la ville de Gonstantino-
ple avait ses avantages, mais qu'ils n'étaient
que temporels; qu'elle était ville royale,
mais qu'elle ne pouvait devenir Siège apos-
tolique; qu'on ne pouvait donner atteinte
701
Tum, IV
Concil., pag.
800 et 813.
Seizième
session, pag
193.
aux privilèges des Eglises établis par les ca-
nons de Nicée; que l'agrandissement de l'E-
glise de Constantinople était un effet visible
de l'ambition, et qu'il pouvait causer des di-
visions et des troubles dans l'Eglise. Ce ca-
non passa toutefois dans le concile, avec le
consentement des principaux évêques d'Asie,
et fut signé par un très-grand nombre d'é-
vêques, parmi lesquels on n'en trouve point
d'IUyrie.
22. Les légats informés que dans la quin-
zième session il s'était fait quelque chose
contre les canons, s'en plaignirent dans la
session suivante, qui fut tenue le 1" novem-
bre, les magistrats présents. « Nous vous
prions, leur dit Paschasin, de faire lire ce
qu'on a fait écrire, afin que tous nos frères
voient s'il est juste ou non. » On lut le ca- Pjs. '»
non vingt-huitième avec les signatures des
évêques. Lucentius, l'un des légats, dit qu'on
avait surpris les évêques et qu'on les avait sos.
contraints de signer avant qu'on eût écrit les
canons. Sur ce reproche, les évêques s'é-
crièrent qu'on n'avait contraint personne.
Comme les légats continuaient de s'opposer
au vingt-huitième canon, Aétius, archidiacre
de Constantinople, demanda s'ils en avaient
reçu quelque ordre du pape Léon. Le prêtre
Boniface qui l'avait par écrit, le lut en ces
termes : « Ne souffrez point que l'ordon- 812.
nance des pères soit enfreinte ou diminuée
par aucune entreprise : gardez en tout la di-
gnité de notre personne que vous représen-
tez; et si quelques-uns, se confiant en la
splendeur de leurs villes, veulent s'attribuer
quelque chose, repoussez-les avec fermeté. »
Paschasin lut ensuite le sixième canon du
concile de Nicée, qui conserve les privilèges
de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche, et les
droits des métropolitains. Il lut ce canon avec
les paroles célèbres qui en font le commen-
cement, mais qui ne se lisent point dans le
grec : « L'Eglise romaine a toujours eu la
primauté. » Le secrétaire Constantin fit lec-
ture du même canon, comme il est dit dans
les originaux grecs, et du canon du concile
drinus archiepiscopus. Unde in proprio habitu ma-
nentes, vel fidejussores dabunt, si hoc ab eis fieri
polest, vel eorum jurijurando fides habebiiur.
1 Libérât., cap. xm, pag. 93.
2 Evagr., lib. II, cap. xvni.
■ 3 Append. Concil. Balus., pag. 1346.
* Justel., Cod. can., pag. 300, tom. I.
s Haheat, sicui opiamus, Con^taniinopolilana civitas
gloriam suam... alia tamen ratio est rerum sœcula-
rium,alia divinarum : nec prœler illam petram, quam
Dominus in fundamenio mire posiiit, sfabilis crit ulla
constructio ; sed propria perdit, qui indebita concu-
piscit... non dedignetur regiam civiiaiem, quam apo^-
tûlicam non poiest facere sedem ; nec ullo speret tnodo,
quod per aliorum possit offensiones augeri. Privilégia
enim Ecclesiarum ,sanctorum Puirum canonibus insti-
tula et venerahilis Niceneœ synodi fixa decretis, nulla
possunt improbitate convelli , nulla novitate violari.
Léo, Epist. 78 ad Marcian., pag. 290.
702
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
de Constantinople, toucliant la hiérarchie,
où il est dit que l'évêque de cette ville aura
la prérogative d'honneur après l'évêque de
Rome. Les magistrats, sans demander de plus
grands éclaircissements, conclurent, après
avoir su des évêques qu'ils avaient souscrit
volontairement, que le vingt-huitième canon
de Chalcédoine aurait son exécution, avec
Pi .813. cette réserve, que quand un des métropoli-
tains des départements d'Asie, de Pont et de
Thrace, serait élu, et qu'on aurait apporté à
Constantinople le décret de son élection, il
serait au choix de l'évêque de Constantino-
817, pie d'y faire venir l'élu, pour l'ordonner; ou
de donner la permission pour le faire ordon-
ner dans la province. Les évêques déclarè-
rent que tel était leur sentiment, et deman-
dèrent qu'on leur permît de s'en retourner.
Mais les légats ne pouvant souffrir que le
Siège apostolique fût abaissé en leur pré-
sence, demandèrent ou que l'on révoquât
tout ce qui s'était fait la veille au préjudice
520. des canons, ou que leur opposition fût in-
sérée dans les actes, afin que le pape pût
porter son jugement sur le mépris de son
siège et le renversement des canons. Leur
remontrance fut sans effet. Les magistrats
finirent la session en disant que le concile
avait approuvé tout ce qu'ils avaient proposé.
Différence 23. Cette scssion, qui est la dernière, est
î«rc™coi: marquée pour la seizième dans les collec-
'"'■ lions des conciles. Libérât ' la compte pour
la douzième; d'autres, pour la treizième.
Evagre ^ en met seize. Mais plusieurs Egli-
ses 3 n'avaient dans leurs copies que six ses-
sions, avec les canons. Cette variété vient *
de ce que, dans les conciles généraux, les
évêques des grands sièges avaient chacun
leurs notaires, par lesquels ils faisaient ré-
diger ou copier les actes, suivant le besoin
qu'ils en avaient. Tous étaient soigneux
d'emporter avec eux et de publier dans leurs
provinces ce qui regardait la foi de l'Eglise,
c'est-à-dire les définitions de la foi et les ca-
nons. Mais pour les actes touchant les af-
faires particulières, ceux qui n'y étaient pas
intéressés, n'en prenaient pas le même soin.
Les uns les négligeaient tout à fait, d'autres
en recueillaient une partie, et laissaient l'au-
tre; et ceux qui les recueillaient, les pla-
çaient différemment, suivant l'ordre des da-
tes ou le mérite des matières.
24. Les évêques, avant de se séparer, adres- Discont.
seront un discours à l'empereur Marcien. Le vtmfmat.
titre l'attribue à tout le concile, qui y est
qualifié saint et universel. Mais on croit qu'il
fut composé par ses légats; ce qui parait lom. r
non-seulement en ce que le style du texte 820
latin est plus élégant et plus naturel que le
grec, mais surtout parce que ce discours est
uniquement pour justifier la lettre de saint
Léon à Flavien : ce qui regardait particuliè-
rement les légats. Ils y font voir que saint
Léon, dont ils relèvent le zèle, la foi et le
savoir, n'avait point contrevenu, en écrivant
cette lettre, au décret du concile d'Ephèse,
qui semble défendre d'écrire sur la foi et de
proposer d'autre règle sur celte matière,
que le symbole de Nicée, puisque cette dé-
fense n'a été faite que pour ceux qui com-
battent la foi, et non pour ceux qui en pren-
nent la défense; qu'il est bien vrai que nous
devons reconnaître pour unique symbole de
notre foi celui de Nicée, qu'on n'en doit pas
proposer d'autre à ceux que l'on admet au
baptême, et qu'il contient tout ce que doi-
vent croire ceux qui reçoivent avec simpli-
cité et avec soumission tout ce que l'Eglise
leur enseigne; mais qu'àl'égardde ceux qui,
abandonnant cette simplicité, ont inventé de
nouvelles erreurs et combattu les vérités de
la foi par des raisonnements captieux, c'a
toujours été l'usage, même depuis le concile
de Nicée, de les réfuter par des écrits plus
étendus, et de se servir même contre eux de
nouvelles expressions qui, n'exprimant que
les vérités contenues dans le sj'mbole de ce
concile, les mettaient néanmoins dans un
plus grand jour, et ôtaient toutes les équivo-
ques dont les hérétiques couvraient leurs
mauvais sentiments. C'était assez pour dé-
truire l'hérésie arienne, dans l'esprit des
vrais fidèles, de déclarer que le Fils est con-
substantiel au Père; mais parce que Photin
et Marcel d'Ancyre ont avancé que les trois
personnes de la Trinité n'étaient distinguées
que de nom, les pères qui ont combattu les
hérétiques ont été obligés d'établir la foi de
trois subsistances, ou de personnes réelle-
ment distinctes l'une de l'autre. On s'était
contenté de dire dans le symbole de Nicée :
Je crois au Saint-Esprit; et c'était assez pour
marquer aux fidèles qu'il est véritablement
Dieu , puisqu'on ne peut croire au Saint-Es-
1 Libérât., pag. 93, cap. xiH.
» Evagr., lib. II Hist., cap. xvni.
3 Lup., ConciU, tom. I, pag. 647.
* Fleury, liv. XXVHI Hist. ecclés,, pag. 462.
CHAPITRE LUI. — CONCILE DE CHALCÉDOINE.
[ye ET VI» siècles]
prit comme au Père et au Fils, qu'en les
supposant d'une même nature. Mais la né-
cessité où Ton s'est vu dans la suite de com-
battre ceux qui ont nié la divinité du Saint-
Esprit, a obligé les évêques du concile de
Constantiuople d'ajouter au symbole, que le
Saint-Esprit procède du Père. Le symbole de
Nicée avait suffisamment établi la foi de l'in-
carnation en disant que le Fils de Dieu est
descendu du ciel et qu'il s'est fait chair. Mais
les hérétiques qui ont attaqué la vérité de
ce mystère, soit en refusant à la sainte
Vierge le titre de Mère de Dieu, soit en niant
que le Fils de Dieu ait pris une âme raison-
nable, soit en confondant les deux natures
en Jésus-Christ, soit en distinguant en lui
le Fils de Dieu d'avec le Fils de l'Homme,
ont engagé les docteurs de l'Eglise à montrer
qu'il est Dieu parfait et homme parfait ; qu'en
lui les deux natures, la divine et l'humaine,
sont unies en une seule personne, sans con-
fusion; et qu'en conséquence on peut dire
de lui qu'il est né dans le temps, qu'il est de
toute éternité; qu'il est consubstantiel au
Père selon sa divinité, et consubstantiel à sa
Mère selon son humanité, et qu'à ces deux
égards il est passible et impassible; impassi-
ble en tant que Dieu, passible en tant
qu'homme. La fin de toute cette discussion
est de montrer que ce que saint Basile, le pape
Damase et plusieurs autres ont fait autrefois
contre les ariens, les macédoniens et les
apollinaristes, saint Léon a été contraint de le
faire contre les nouvelles erreurs d'Eutychès.
Sur la lin du discours le concile l'adresse aux
deux empereurs Marcien et Valentiuien ,
quoiqu'il n'y ait que le premier de nommé
dans le titre; et pour prouver que l'on ne
pouvait accuser de nouveauté la doctrine que
saint Léon établit dans sa lettre à Flavien, le
concile joint à son discours divers passages
tirés des écrits de saint Basile, de saint Am-
broise, de saint Grégoire de Nazianze, de
saint Athanase, de saint Amphiloque, d'An-
tiochus de Ptolémaïde, de saint Flavien
d'Antioche, de saint Chrysostôme, d'Alticus,
de saint Procle et de saint Cyrille , qui ont
tous cru que Jésus-Christ a deux natures, et
qu'étant consubstantiel au Père selon sa di-
vinité, il s'est fait consubstantiel à nous se-
lon son humanité.
25. Les évêques du concile, en envoyant
703
au pape les actes de tout ce qui s'était passé,
lui écrivirent une lettre synodale par laquelle
ils le reconnaissent pour l'interprète de saint
Pierre, pour leur chef et leur guide, et pour
celui à qui le soin de la vigne du Seigneur,
qui est son Eglise, a été confié par lui-même.
Ils lui donnent avis qu'ils ont retranché de l'E-
glise Dioscore, qui, outre la protection qu'il
avait donnée à Eutychès, avait osé condam-
ner et déposer saint Flavien et Eusèbe de pag. 833.
Dorylée, contre les canons. Ensuite ils prient
saint Léon d'approuver et de confirmer la
sentence synodale par laquelle ils avaient
maintenu l'Eglise de Constantinople dans
l'ancien usage d'ordonner les métropolitains
des départements d'Asie, de Pont et de
Thrace, moins pour l'avantage du siège de
Constantinople, que pour le repos des mé- 837.
tropoles, où il arrivait souvent du tumulte
parmi le clergé et le peuple après la mort de
l'évêque, parce qu'ils étaient sans chef. Ils
conviennent que les légats s'étaient opposés
fortement à ce décret; « mais ils ont voulu
sans doute, ajoutent les évêques, vous en
laisser l'honneur, afin que l'on vous attribue
la conservation de la paix, comme de la foi.
En honorant notre jugement par votre suf-
frage, vous ferez plaisir aux empereurs, et
le siège de Constantinople vous en témoi-
gnera une reconnaissance éternelle en toute
occasion, par son union et par son zèle. »
Cette lettre était souscrite des évêques du
concile, qui se disent au nombre de cinq
cent vingt. On n'y lit point ce que dit saint
Grégoire-le-Grand ', que le concile offrit au
pape le litre d'évêque œcuménique ou uni-
versel. Saint Léon, peu sensible à nn titre
que ses successeurs ^ ont regardé comme
profane et téméraire, approuva tout ce qui
s'était fait dans le concile de Chalcédoine
pour la cause de la foi; mais il s'opposa ^
avec vigueur au vingt-huitième canon, qui
regarde les prérogatives de l'Eglise de Cons-
tantinople, disant que ce canon était con-
traire à ceux de Nicée. Il chargea * Julien
de Cos de faire traduire en latin les actes du
concile de Chalcédoine et d'en réunir toutes
les sessions en un seul corps. On croit que
c'est cette traduction que nous avons au-
jourd'hui.
26. L'empereur Marcien qui , dans la
sixième session , avait promis d'empêcher à
Lois pour
l'ob.-ervalion
desdécrotsda
concile.
» Gregor., lib. IV, Epist. 36, et lib. VII, Epist. 30.
! Ibid., lib. IV, Epist. 32.
5 Léo, Epist. 87 et 92. — * Léo, Epist. 86.
704
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
l'avenir les disputes sur la religion, qu'on
savait avoir été la cause de l'origine et du
co»dî'"'pilJ. progrès des hérésies, s'acquitta de sa pro-
™8- messe par un édit donné à Constantinople,
le 7 février 452, et adressé au peuple de cette
ibiti 840. ville. Il y confirme par son autorité tous les
décrets du concile de Chalcédoine, avec or-
dre à tout le monde de les observer, et dé-
fense de disputer publiquement sur la reli-
gion, sous peine aux clercs de déposition,
aux officiers de privation de leurs charges,
aux autres d'être chassés de Constantinople
et punis suivant leur mérite. Il est visible que
cet édit ne regardait que les discours qui se
faisaient dans les places piibliques et indiffé-
remment devant toutes sortes de personnes,
puisque ce prince donne pour motif de la
défense qu'il faisait de disputer sur la reli-
gion, que c'était profaner nos mystères en
les découvrant aux juifs et aux païens. Il
donne pour une seconde raison de cette dé-
fense, qu'il fallait être un impie et un sacri-
lège pour aimer mieux chercher la vérité par
ses propres lumières, que de suivre le senti-
ment et les décisions d'un si grand nombre
d'évéques, et pour espérer de découvrir ce
que tant de grands hommes n'eussent pas
découvert; enfin que c'était faire injure aux
évéques du concile d'examiner de nouveau
ce qu'ils avaient examiné. L'édit de Marcien
n'eut pas le succès qu'il en attendait. On
,ji continua dans Constantinople et ailleurs, de
disputer pubhquement des mystères, en pré-
sence de toutes sortes de personnes, sans dis-
J4I tinction de rehgion. Ce qui obligea l'empe-
reur de renouveler son édit par un second,
da 13 mars de la même année, adressé aux
préfets d'Orient, d'Illyrie et de Constantino-
8J8. pic, et au maître des offices. Ce prince donna
le 6 juillet un rescrit adressé aux mêmes of-
ficiers, portant révocation de la loi que Théo-
dose II avait faite contre Flavien, Théodoret
et Eusèbe de Dorylée en faveur d'Eulychès,
et en confirmation du faux concile d'Ephèse.
Le 28 du même mois il adressa encore aux
mêmes officiers une loi très-sévère, où, après
avoir ordonné l'observation des décrets du
concile de Chalcédoine, il défend aux secta-
teurs d'Eutychès, nommément aux moines,
d'avoir ni prêtres, ni clercs; de s'assembler
ou de bâtir des monastères; de recevoir
quoi que ce soit par testament; d'exercer au-
8GD.
cuiie charge, et de demeurer à Constantino-
ple ou dans aucune métropole. Il veut de p.is. 872.
plus que les livres de cette secte soient brû-
lés, que ceux qui en enseigneront la doc-
trine soient punis du dernier supplice, et
leurs disciples d'une amende de dix livres
d'or.
ARTICLE VI.
DES CONCILES ATTRIBUÉS A SAINT PATRICE.
1. On nous a donné sous le nom de saint Premier
Patrice deux conciles, dont le premier pa- saînVkin
raît en elïet avoir été en Irlande et dans le
temps que ce saint en était évêque '; car on
voit qu'il fut assemblé hors de l'empire ro-
main, dans le voisinage des Bretons, en un
temps et dans un pays où le paganisme n'é-
tait pas entièrement détruit. Tout cela con-
vient à saint Patrice, qui trouva l'Irlande
remplie de païens lorsqu'il y alla prêcher
l'Evangile. La défense qui y est faite de re-
cevoir les aumônes des excommuniés ^, est
encore conforme à ce que saint Patrice fit à
l'égard de Corotic et de ses gens, dont il dé-
fendit de recevoir les aumônes, jusqu'à ce
qu'ils eussent satisfait à Dieu par une sincère
pénitence, et rendu la liberté à ceux qui
avaient été emmenés captifs. Il faut ajouter
que la plupart des ciinons de ce concile ^
sont cités sous le nom de saint Patrice, par
Arbedoc, écrivain du viii° siècle. Il est vrai
que le vingt-cinquième canon traite de cou-
tume ancienne, un usage qu'on ne voit pas
avoir été bien établi dans les autres Egfi-
ses, même au v'= siècle : c'était de réserver à
l'évêque, ou pour ses besoins ou pour ceux
des pauvres, ce que les fidèles offraient pen-
dant le temps qu'il séjournait dans les diffé-
rentes Eglises de son diocèse. On ne voit
pas bien non plus comment, dans une Eghse
naissante, on se serait relâché jusqu'à n'or-
donner qu'un an de pénitence pour un ho-
micide, pour unfornicateur et pour ceux qui
consultent les aruspices; et six mois pour un
voleur, ainsi qu'on le lit dans les quatorzième
et quinzième canons. Cela fait naître un doute
s"'ils sont tous de saint Patrice, ou s'il n'y en
pas quelques-uns des conciles postérieurs.
Peut-être aussi donne-t-il le nom d'ancien à
l'usage qu'il avait d'abord établi en Irlande ,
et qu'il n'avait pas jugé à propos d'observer
» Tom. 111 Concil., pag. 1478 et 1481.
s Bolland,, ad diern 17 martii, pag. 539.
s Tom. IX. Spkileçj,, pag. 13.
CHAPITRE LUI.
[V^ ET VI"^ SIECLES
la rigueur des anciens canons dans ceux qu'il
fit dans ce concile.
2. Ces canons sont au nombre de trente-
quatre, dont la plupart règlent la conduite
des clercs. Il semble par le quatrième qu'on
leur permettait de quêter pour leurs propres
besoins '; mais qu'ils ne devaient demander
qu'à proportion de leur indigence. Aussi le
cinquième ordonne - que s'il leur reste quel-
que chose, ils le mettront sur l'autel de l'évê-
que, qui le donnera à un autre pauvre. Il
est ordonné dans le sixième ^ que les clercs
qui ne seront pas vêtus d'une manière mo-
deste, et qui n'auront pas les cheveux courts
comme les Romains, seront séparés de l'E-
glise. La même peine est ordonnée contre les
Jemmes des portiers et des autres clercs in-
férieurs, qui paraîtront sans être voilées. Le
septième veut que tous les clercs *, à la ré-
serve de ceux qui seront esclaves, assistent
à l'office du soir et du matin. Il est dit dans
le huitième ^ que si un clerc s'est rendu cau-
tion de quelque somme que ce soit pour un
, païen, et que ce païen, ayant de quoi payer,
cache son bien pour ne pas acquitter lui-
même sa dette. Je clerc donnera la somme
dont il a répondu ; et que si, pour s'en dis-
penser, il s'engage à un duel avec ce païen,
il sera exclu de l'Eglise. Le neuvième ^dé-
fend toute fréquentation suspecte entre les
moines et les vierges, ne voulant pas qu'ils
séjournent ensemble dans une hôtellerie, ni
qu'ils courent la campagne dans un même
chariot. Le dixième est contre les clercs né-
gligents à s'acquitter de l'office divin ', et
contre ceux qui nourrissaient leurs chevaux.
Dans le onzième ^, on punit d'excommuni-
cation celui qui reçoit uu clerc excommunié.
Le douzième ' défend de recevoir l'aumône
d'un chrétien excommunié. La même chose
est ordonnée dans le treizième '", à l'égard
' Si guis permissionem acceperit, et coUectum sii
pretium,non p/us exiijal qiiam quocl nécessitas poscit.
Can. 4j tom. 111 Cuncil., pag. 1478.
''■ Si quid supra manserit, ponat super altare ponti-
ficis, ut detur aiii indigenti. Can. 5.
5 Quicumque clericus ub ostiario usque ad sacerdo-
tem sine tunica visus fuerit , et si non more romano
capilli ejus tunsi sunl, et uxor ejus^ si 7ion velato ca-
pite ambuluverit, ab Ecclesiu separentur. Can. C.
' Quicumque clericus negliyentiœ causa, ad col-
lectas rnane vel vespere non occurrerit, alienus ha-
beatur, nisi forte jugo servitutis sit detentus. Can. 7.
^ Clericus si pro gentiti homine fideijussor fuerit
in quacumque quanlitute, et si cuntigerit, quod mirum
non potest, per astutiam aliquam geniitis ille clerico
futtat rébus suis f clericus ille solvat debitum; nam
X.
CONCILES ATTRIBUÉS A SAINT PATRICE. 703
des païens qui voudraient offrir quelque
chose à l'église. Le quatorzième " ordonne
un an de pénitence pour les crimes d'homi-
cide, de foi'uication, et autant pour ceux qui
consultent les aruspices. Le quinzième*^ n'or-
donne que six mois de pénitence pour un
voleur, dont il devait Jeûner vingt jours en
ne mangeant que du pain. Il permet, après le
temps de sa pénitence écoulé, de le recevoir
dans l'Eglise, mais en l'obligeant, s'il est
possible, de rendre le vol. Le seizième veut
qu'on anathématise un chrétien'^ qui croit
être sorcier ou qui affecte de l'être, et dé-
fend de le recevoir dans l'Egljse, jusqu'à ce
qu'il ait fait pénitence. Le dix-septième ex-
communie les vierges '* qui se sont mariées
après avoir fait à Dieu vœu de virginité ;
mais il leur accorde la pénitence à condition
qu'elles se sépareront de leur adultère, et
qu'à l'avenir elles ne demeureront plus avec
lui dans une même maison ou une même
métairie. Le dix-huitième refuse l'entrée de
l'église '^, même la nuit de Pâques, à un ex-
communié, jusqu'à ce qu'il soit admis à la
pénitence. Le dix-neuf et le vingt-deuxième*^
déclarent excommuniée une femme qui quitte
son mari pour en épouser un autre, et son
père même, s'il a consenti à cet adultère. Le
vingtième " prive de la communion le chré-
tien qui refuse de payer ce qu'il doit, jusqu'à
ce qu'il ait satisfait. 11 est dit dans le vingt-
unième '** que si un chrétien ayant un procès
contre un autre chrétien, il l'appelle devant
les juges civils, au lieu de remettre l'examen de
sa cause à l'Eglise, il sera séparé de la com-
munion. Le vingt-troisième porte '^ que si un
prêtre bâtit une église, il ne pourra y otl'rir
le sacrifice qu'après avoir appelé l'évêque
pour la consacrer.
Le vingt-quatrième défend à un étranger
qui vient s'établir dans un lieu, de baptiser,
si armis compugnaverii cum illo, merito extra Eccle-
siam computetur. Can. 8,
0 Cau. 9. — ■> Can. 10.
s Quicumque clericus ab aliquo excommunicatus
fuerit : et alius eum susceperit, coœquali pœnitentia
utantur. Can. 11. — ^ Can. 12. — " Can. 13.
" Can. 14. — 12 Can. 15. — i' Can. 16.
1* Virgo quœ voveril Deo,etpostea nupserit,excom-
munionis sit donec convertutur : si conversa fuerit, et
dimiserit adulterium, pœniletitiam agat, et postea non
in una domo, nec in ulla villa habitent. Can. 17.
15 Can. 18. — 18 Can. 19 et 22. — " Can. 20.
18 Can. 21.
13 Si quis presbyterorum eccleiiam œdificaverit,non
offerat antequam adducat suum pontificem, ut eum
consecretf quia sic decet. Can. 23,
45
706
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
d'offrir ', de consacrer et même de bâtir une
église avec la permission du prince païen,
sans avoir auparavant reçu celle de l'évêque.
Le vingt-cinquième marque ^ que l'évêque
allait passer quelque temps en chaque Eglise
de son diocèse. C'est pourquoi il ordonne
que ce que les fidèles auront donné durant
ce lemps-là appartiendra, suivant l'usage
ancien, à l'évêque, ou pour ses propres be-
soins, ou pour ceux des pauvres, suivant
qu'il le jugera à propos. Le vingt-sixième
ajoute 3 que si un clerc se les approprie,
c'est-à-dire apparemment le curé, il sera sé-
paré de FEglise comme amateur d'un gain
sordide. Le vingt -septième défend à un
clerc *, sous peine d'être privé de la corumu-
nion , de faire aucune fonction dans le lieu
où il vient s'établir, s'il n'en a auparavant
obtenu la permission de l'évêque. Le vingt-
huitième déclare ^ que les clercs qui seront
séparés de la communion, prieront chez eux
en particulier et non avec d'autres, et qu'ils
ne pourront ni offrir ni consacrer jusqu'à ce
qu'ils aient satisfait par la pénitence. Le
vingt-neuvième ^ ordonne un jeûne de qua-
rante jours pour tous ceux qui demanderont
le baptême, et ne veut pas qu'on le leur ad-
ministre avant ce temps. Le trentième per-
met à un évêque ' d'offrir le sacrifice le jour
du dimanche, lorsqu'en ce jour il se trouvera
hors de son diocèse : mais il lui défend de
faire aucune ordination sans la permission
du diocésain. Le trente-unième ^ veut que
l'on regarde comme homicide et comme ex-
communié un clerc qui en emploie un autre
pour tuer son ennemi. Il est ordonné par le
trente-deuxième ^ que si un ecclésiastique
veut racheter des captifs, il le fera avec son
propre argent, et ne les enlèvera pas pour
les faire échapper : ce qui faisait passer les
clercs pour des voleurs et déshonorait l'E-
glise. Le trente-troisième *" défend à ceux qui
» Can. 24.
' Si quœ a religiosis hominibus donata fuerint,
diebus illis quibus pontifex in singu/is habiiaverit
ecclesils, pontificalia doua, sicut mos antiquus ordi-
nare, ad episcopum pertine'mnt, sive ad usum necessa-
rium, sive egentibus distribuendum prout ipse episco-
pus moderavit. Can. 25.
3 Can. 26. — "- Can. 27. — « Can. 28.
^ Si quis fratrum exoijiore gratiam Dei voluerit ,
non ante baptizetur quant ut quadragentesimum agat.
Can. 29. — ' Can. 30. — « Cau. 31. — s Can. 32.
"> Clericus qui de Britannis ad nos verdi sine epis-
tola , et si habitet in plelie , non licitum niinisirare.
Can. 33.
" Diaconus nobiscum similiter, qui inconsulto sua
viendront de la Grande-Bretagne de s'habi-
tuer dans le pays, d'exei'cer leurs fonctions
sans une lettre de leur évêque. 11 est porté
dans le trente-quatrième " que si un diacre
quitte son abbé pour s'en aller en une autre
paroisse, il n'y pourra servir à l'autel ; mais
que son curé ou son abbé (car il parait que
c'était la même chose) l'obligera de revenir
à son Eghse. On ordonne le même traitement
pour un moine sorti de son monastère sans
la permission de son abbé. Les canons de ce
concile sont adressés aux prêtres, aux dia-
cres et à tout le clergé. Ils ne portent en tête
que les noms de saint Patrice et de deux au-
tres évêques, l'un nommé Auxilius, et l'autre
Jéserninus.
3. Le second concile que l'on attribue à
saint Patrice '^, ne porte en tête ni son nom,
ni celui d'aucun autre évêque. Il y a même
un canon dont le prescrit est conti'aire à la
conduite que ce saint évoque gardait envers
les filles qui voulaient consacrer à Dieu leur
virginité. Il les recevait malgré leurs pa-
rents '3 : au lieu que le canon qui est le
vingt-septième '*, demande en termes exprès
le consentement du père pour recevoir une
vierge. On ne peut donc rien décider sur le
lieu ni sur le temps de ce concile. Mais on ne
peut douter qu'il ne soit très-ancien, puisque
les païens étaient encore communs dans le
pays, comme on le voit par le second canon.
4. H y en a trente et un en tout. La plu-
part paraissent être des réponses sur diverses
difficultés que l'on avait proposées aux évê-
ques assemblés en ce concile. Le premier
défend toute communication avec les pé-
cheurs '^, c'est-à-dire apparemment avec ceux
qui étaient excommuniés pour des crimes. Le
second '^ dit que l'on doit se contenter, dans
la nécessité, de recevoir des païens la nour-
riture et le vêtement, comme la mèche de la
lampe ne prend de l'huile qu'autant qu'il en
abbale sine litteris in aliam parochiam assentiai, nec
cibum ministrare decet, et a suo presbytero quem
contempsit per pœniientium vindicetur, et monachus
inconsulto abbate vagulus decet vindicari. Can. 34.
1^ Tom. III Concil., pag. 1481.
'3 Avidissime arripuit illud, quod etiam omnes vir-
gines Dei similiter faciunt; non voluntate patrum
suorum; immo persecutiones patiuntur et impropena
falsa a parentibus suis, et nihilominus plus augelur
numerus. Patrie, in Confession., cap. iv, pag. 536.
1* Quod vult pater facial virgo, quia capiit mulierii
vir. Sed requirenda est a pâtre loluntas virginis,dum
Deus reliquit liominem in manu consitii sui. Can. 27,
tom. m Concil., pag. 1493.
15 Can. 1, ibid. — '6 can. 2;
[V^ ET vie SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES ATTRIBUÉS A SAINT PATRICE. 707
est besoin pour l'entretenir. Il est dit dans le
troisième ' que l'abbé doit examiner soi-
gneusement à qui il donne le pouvoir de lier
et de délier. Il préfère une pénitence moins
longue^ mais accompagnée des marques d'un
sincère repentir, à une plus longue, mais
plus tiède et plus languissante. Le quatrième
porte que l'on ne doit point donner de malé-
diction à un excommunié, mais l'éloigner de
la communion, de la table, de la messe et du
baiser de paix, et l'éviter après une correc-
tion, si c'est un hérétique. Pour montrer que
l'on ne doit juger de personne avant le jour
du jugement, le cinquième propose l'exemple
de Judas, qui fut condamné après avoir été
admis à la table du Sauveur, et celui du bon
larron reçu dans le paradis après le supplice
de la croix. Le septième ^ défend de rebap-
tiser ceux qui ont reçu le symbole, de qui
que ce soit qu'ils l'aient reçu, de même que
la semence n'est point souillée par l'impureté
de celui qui sème. Mais il déclare que ce
n'est point les rebaptiser que de leur donner
ce sacrement quand ils n'ont point reçu ce
symbole; qu'à l'égard des apostats, il faut les
recevoir par l'imposition des mains. Ce canon
rappelle les anciennes ordonnances de l'E-
glise sur ce sujet. Il est remarqué dans le
liuitiôme ^que l'Eglise n'est pas établie pour
défendre les coupables : mais qu'il est bon
de persuader aux magistrats de se contenler
de faire mourir par l'épée de la pénitence
ceux qui se rofugient.dans le sein de l'Eglise.
Le neuvième *, en laissant espérer le pardon
aux ministres de l'Eglise qui sont tombés
dans quelque péché canonique, leur ôte toute
espérance de faire à l'avenir les fonctions de
leur ministère : mais il consent qu'ils en con-
servent le titre.
Le texte des autres canons est si corrompu
par la négligence des copistes, qu'on a peine
à en prendre le sens. Le onzième regarde
comme essentiel à la pénitence ^ de cesser
d'aimer le péché. On déclare dans le dou-
zième " que ceux qui, pendant leur vie, ne se
sont pas rendus dignes de participer au sacri-
fice, n'y pourront trouver de secours après
leur mort. Le quatorzième dit "^ que les no-
valiens s'abstenaient pendant toute l'année,
mais que les chrétiens ne jeûnaient qu'en
certains temps. Selon le quinzième ^ on doit,
à l'exemple du Sauveur, instruire le peuple
auquel on est envoyé ; mais le quitter, si on
lui devient inutile, étant permis en ce cas de
se taire et de se cacher. Au contraire, si l'on
peut faire du fruit, il faut se montrer et ins-
truire le peuple, quelque danger qu'il y ail.
Le canon se fonde dans ces deux maximes
opposées sur l'exemple de Jésus-Christ, qui
ordonna à un de ses disciples de le suivre,
et à un autre de s'en retourner en sa maison.
Le seizième ^déclare nulles les ordinations des
évêques, qui ne sont point faites conformé-
ment à ce que l'Apôtre prescrit sur ce sujet.
Il est ordonné dans le dix-septième '"que les
moines vivront dans la solitude sans richesses
temporelles sous la puissance de l'évêque ou
de l'abbé, et qu'ils éviteront en toutes choses
ce qui est au delà du nécessaire, étant appe-
lés à souffrir le froid, la nudité, la faim, la
soif, les veilles, les jeûnes. Il semble fixer
l'âge de la profession à vhigt ans, afin qu'on
s'engage à une vie parfaite en un âge parfait.
Le dix-huitième " établit la différence des de-
grés de mérites dans les clercs, dans les
moines, dans les vierges, dans les veuves,
dans les laïques fidèles. Le dix-neuvième '^
prescrit huit jours pour le catéchuménat, au
bout desquels les catéchumènes doivent re-
cevoir le baptême aux solennités de Pâques,
de la Pentecôte et de l'Epiphanie. Le vingt-
deuxième dit '^ que celui-là ne peut être re-
gardé comme fidèle, qui ne communie pas
la nuit de Pâques. Le vingt-troisième '* parait
défendre le serment par tout autre nom que
celui de Dieu. Le vingt-cinquième '^ défend
1 Can. 3 jusqu'au 7.
2 Staluunt ne baptizati sint qui symboli traditionem
a quocumque acceperunt , quia non inficit semen semi-
nantis iniquilas. Sin vero , non est rebapiizare , sed
baptizare, non abluendos auiem lapsos a fide creda-
mus, nisi per impositionem manus episcopi accipi.
Can. 7.
8 Non ad reorum defensionem fada est Ecclesia,
sed judicibus persuadendum est, ut spiritali morte eos
occiderent, qui ad sinum matris Ecclesiœ confugiunt.
Can. 8, ibid.
' Qui cum gradu cecidit, sine gradu surgaf, contentas
nomine tantum amiitat ministerium. Can, 9. r
'^ Can. 11. ■
6 Qui in vita sua non merebitur sacrifidum acci'
père, quomodo post moriem illi poterit adjuvare?
Can. 12.
1 Can. 14 — 8 Can. 15. — » Can. 16.
1» Can. 17. — 11 Can. 18.
12 Octam die catechumeni sunt, postea solemniiatibus
Domini haplizanlw, id est, Pascha et Pentecoste et
lipiphania. Can. 19.
13 Cau. 22. — 1* Can. 23.
15 Frater thorum defuncti fratris non ascendat. Do-
mino dicenle : Eruut duo in carne una. Ergo uxor
at ' is tui soror tua est. Can. 25.
708
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
d'épouser la femme de son frère ; la raison
qu'il en donne, c'est que celte femme n'a;yant
été qu'une seule chair avec son mari, elle est
la sœur du frère de ce mari. Le vingt-sixième '
et le vingt-huitième^ semblent permettre un
second mariage aux personnes séparées pour
cause d'adultère, et regarder le premier ma-
riage dissous par ce crime comme il l'est par
la mort.
ARTICLE VII.
DES CONCILES d'aeles [452], d'angers [453],
D'AELES [455], DE CONSTANTINOPLE [4o9],
DE TOUflS [461] ET DE VANNES [4B5].
Concile 1- Après les actes du concile de Chalcé-
raVtbi'. "" doine, on a mis dans les collections ordinai-
res ceux du second concile d'Arles, qui, se-
lon l'opinion la plus commune, s'est tenu
vers l'an 452, sous l'évêque Ravenne. Nous
avons de ce concile cinquante-six canons,
qai sont presque tous tirés du premier con-
cile d'Arles, en 413, et de ceux de Nicée,
d'Orange et de Vaison. Ce dernier concile y
est cité en termes exprès ^ : ce qui est une
preuve que le second concile d'Arles n'a pu
se tenir, au plus tôt, qu'en 443, celui deTai-
son étant de 442. Parmi ces canons, on
peut remarquer le dixième *, qui ordonne
sept ans de pénitence à ceux qui étaient tom-
bés dans la persécution. Ce concile prétend
qu'il en avait été ordonné ainsi dans celui
de Nicée, qui néanmoins impose douze ans
de pénitence à ceux qui avaient renoncé vo-
lontairement la foi. Mais les évêques d'Arles
citaient les canons de Nicée, suivant ce que
Rufm en avait rapporté dans^on Histoire 5,
oii il met sept ans au lieu de douze. Il ne
doit pas paraître surprenant que l'on ait été
obligé, en 452, de régler la pénitence des
apostats. Tout l'Occident était alors rempli
de Barbares, les uns ariens, et les autres
païens, qui tous ravageaient l'empire. Il y
avait même en ce temps-là chez les Gaulois,
des restes d'idolâtrie, comme on le voit par
le vingt-troisième canon, où il est dit " que
si, dans le territoire de quelque évêque, les
infidèles allument des flambeaux, ou révè-
rent des arbres, des fontaines ou des pierres,
l'évêque qui néglige d'abolir cet abus, com-
met un sacrilège; et que si le maître ou celui
qui le fait faire, ne se corrige, il sera soumis
à l'excommunication. Le vingt -deuxième '
défend de ne donrier la pénitence aux gens
mariés que de leur consentement, c'est-à-dire
à l'un des deux, du consentement de l'autre.
La raison était que l'état de pénitent enga-
geait à la continence, comme on le voit par
le vingt-unième ^, qui l'ordonne, soit aux
hommes soit aux femmes, dans le temps
qu'ils sont en pénitence. C'est pourquoi il
est défendu aux veuves mises en pénitence,
de se marier avant que de l'avoir accomplie :
si elles le faisaient, on leur interdisait à
elles et à leurs maris l'entrée de l'église. Il
en était de même des hommes veufs qui se
mariaient pendant le cours de leur pénitence.
Cela s'entendait ^ de la pénitence publique.
Le cinquante-quatrième '" prescrit la forme
de l'élection des évêques. Il veut qu'en pre-
mier lieu on en bannisse toute vue d'intérêt
et d'ambition : ensuite que les évêques de la
province proposent trois sujets dignes de i'é-
piscopat, et qu'il soit au pouvoir du clergé
et du peuple de choisir l'un des trois.
2. Sous le consulat d'Opihon, c'est-à-dire &
en 453, il se tint un concile à Angers, le 4 «a"
octobre, où assistèrent sept évêques. Ils
étaient venus en cette ville pour l'ordination
de Thalassius. C'était à Eustochius de Tours
de présider cette assemblée; mais il déféra
cet honneur à Léon de Bourges, qu'il avait
invité de s'y rendre. Thalassius est nommé
' Non licet viro dimittere nisi ob causam fornica-
tionis, et si dicat ob haiic causam : imde si ducat al-
teram velut post mortem prioris non vêtant. Gan. 2G.
^ Eadem ratione observanda sunt prima conjugia ,
aut secundis prima non sint irrita, nisi fuerint adul-
terata. Can. 28.
s Can. 47.
' De /lis qui in persecutione prœvaricati sunt, si vo-
limiarie fidem nerjaverint, hoc de eis Nicœna synodus
statuit, ut quinque annos inler catechumenos exigant,
et duos inter communicantes. Concil. Arelat., eau. 10,
tom. IV Concil., pag. 1012.
^ Rufin., lib. U Hist., cap. vi.
6 Si in aiicujus episcopi terrilorio infidèles aut fa-
culas accendunt , aut arbores, fontes, vel saxa vene-
rentur, si hoc eruere neglexerit , sacrilegii reum se
esse cognoscat. Dominus aut ordinaior rei ipsius , si
admonitus emendare noluerit, communione privetur.
Can. 23, pag. 1013.
' Pœniientiam conjugatis nonnisi ex consensu dan-
dam. Can. 22, ibid.
8 Pœnitens quœcumque defuncto viro alii nubere
prœsumpserit, cum eodem ab ecclesiœ liminibus ar-
ceatur. Hoc etiam de viro in pœnitentia posito placuit
oliservari. Can. 21, ibid.
^ Sirmiuid., not. iu bunc locum, pag. 1814.
"> Placuit in ordinatione episcopi hune ordinem
custodiri, ut primo loco venalitate vel ambitione sub-
mota, très ab episcopis nominentur de quibus clerici
vel cives erga unum habeant eligendi potestuiem.
Gan. S4.
[V» ET VI" SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES D'ARLES, D'ANGERS, ETC.
709
le dernier, apparemment comme étant le
plus jeune. Ces évêques, avant que de se
séparer, firent quelques règlements pour le
rétablissement de la discipline de l'Eglise.
Le premier défend * aux clercs de plaider
devant les juges séculiers sans le consente-
ment de leurs évêques, comme aussi de
voyager et de passer d'un lieu à un autre
sans permission et sans des lettres de re-
commandation de leur part. Ce canon 2,
quant à sa première partie, n'est que l'a-
brégé d'une lettre que les évêques Léon de
Bourges, Victoire du Mans et Eustochius de
Tours avaient écrite quelque temps aupara-
vant à Sarmation, à Cari;itton et à Didier,
évêques, et aux prêtres de la troisième
Lyonnaise, c'est-à-dire, de la province de
Tours. Quoique cette lettre ne fût sous-
crite que de trois évêques, elle avait néan-
moins été composée de l'avis de plusieurs
autres. Il paraît même, par un manuscrit
de Reims , que les souscriptions étaient
plus nombreuses, et que c'était le résultat
de quelque concile des Gaules dont nous ne
savons pas le lieu. On lit, à la fin de cette
lettre, que les ecclésiastiques qui, dans leurs
différends, s'adrefseront au juge laïque sans
le consentement de leurs évêques, seront
■privés de leurs grades et de leurs olïïces, et
que, lors même qu'ils auront quelque diffi-
culté avec les laïques, ils demanderont d'a-
bord d'être jugés par leurs évêques; mais
que si leur partie veut aller devant le juge
séculier, alors l'évêque permettra aux clercs
de comparaître devant ce tribunal.
Le second canon du concile d'Angers ^
avertit les diacres de déférer aux prêtres
avec toute sorte d'humilité. Le troisième dé-
fend * les violences et les mutilations de
membres. Par le quatrième ^ il est défendu,
sous peine d'interdit, aux ecclésiastiques, de
fréquenter des femmes étrangères, c'est-à-
dire, comme il l'explique, toutes celles qui
sont au-dessous des tantes. On y déclare en-
core excommuniés ceux qui auront aidé à
livrer ou à prendre des villes; en sorte qu'ils
ne pourront ni participer aux sacrements, ni
même être admis à manger avec les autres
fidèles dans les repas ordinaires. Le cin-
quième * soumet à la même peine les péni-
tents qui abandonnent la pénitence , et les
vierges consacrées à Dieu, qui sont volon-
tairement tombées dans le crime. Il est dit
dans la sixième ' que tous ceux-là seront
privés de la communion, qui épousent des
femmes dont le mari est encore vivant, les
séparations les plus légitimes ne donnant
point la liberté de contracter de nouveaux
mariages. Il semble que le septième ^sépare
de l'Eglise les clercs qui quittent leur état
pour passer à la milice séculière, ou pour
vivre en laïques. Le huitième ^ regarde les
moines vagabonds, c'est-à-dire, ceux qui
après s'être consacrés à Dieu dans un mo-
nastère, en sortaient pour aller courir parmi
les provinces, sans y être obligés par au-
cune affaire ni aucune nécessité, et sans
être munis de lettres qui les autorisent à ces
voyages. Au cas qu'ils ne se corrigent point
après avoir été avertis, le concile veut qu'ils
soient privés de la communion. Le neuvième '"
défend aux évêques d'ordonner des clercs
d'un autre diocèse, sans le consentement de
l'évêque diocésain. Le dixième '* excommu-
• Primum ut contra episcopale judicium dericis
non liceat prosilire , neque inconsultis sacerdoiibus
suis sœcularia judieia expetere : sed nec de loco ad
locum sine episcopi permissione transira , nec sine
commendaliis sncerdotum suorum litieris commeare.
Can. 1, pag. 1020. — 2Tom. inCo«c!7.,pag.l507, 1508.
' Ut diaconi presbyteris noverint omni humilitaie
deferendum. Can. 2, pag. 1021.
'< Vt a violentia et crimine perputationis abstineatur.
Can. 3, ibid.
' Familiaritatem extranearum fixminarum noverint
esse vifandam. Sed si qui sunt cœlibes, nonnisi a
so^oribus aut amitis suis, aut a matribus consolen-
tur... Si guis post hoc interdictum a prœdictis fami-
liaritatibus se revocare noluerit , nequaquam gradu
altiore donabitur : et si jam ordinatus fuerit, non
nnnisiret. Tum si qui tradendis civitatibus juerint
interfuisse detecti, vel capiendis, non solum a commu-
nions habeuntur alieni , sed nec conviviorum quidem
admittantur esse participes. Can. 4, ibid.
' Quod etiam de his accepta pœniientia resilierint
débita severitale servabitur. Quce forma etiam circa
eas quœ de virginitate sanctimoniali crimine proprio
deciderunt; statuto rigore permanent. Can, 5.
' Hi quoque qui alienis uxoribus , supersiitibus ip-
sarum maritis, nomine conjugii abutuniur, a commu-
nione liabeantur extranei. Can. 6.
8 Clerici quoque, qui relicto clerc se ad sœcularem
militinm, et ad laicos coniulerint, non injuste ab Ec-
clesia quam reliquerunt, amovcntur. Can. 7.
3 Monachi quoque qui cœptam obseruutionis viam
relinquunt, et absque epistolis, et absque certis nego-
tiis, vel necessitatibus per regiones vagantur aliénas,
cognita districtione, si se non emend averint , ab abba-
tibus suis, vel a sacerdotibus ad communionem non
recipiantur. Can. 8.
1" Aliis quoque episcopis aliorum dericis gradum
augere non liceat. Can. 9.
'1 Quicumque autem vel de laicis vel de clero mi-
nistri fuerint ordinati, et observare noluerint ; si
laicus, communicare non liceat, nisi forte reprobave-
rint criminosos. Can. 10.
710
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
nie tous les clercs qui refusent de s'acquitter
des fonctions de leur ordre, à moins qu'ils
ne prouvent que l'on n'a pas été en droit de
les ordonner. Le texte de ce canon est fort
embarrassé : le père Sirmond croit que la
dernière partie doit s'entendre en ce sens,
que l'on ne doit excommunier personne
qu'après l'avoir bien convaincu du crime qui
mérite l'excommunication. Il est ordonné
dans le onzième ' qu'entre les personnes
mariées que l'on admet à la prêtrise ou au
diaconat, on ne prendra que ceux qui n'ont
eu qu'une femme et qui l'ont épousée vierge-
Le douzième ^ accorde la pénitence et le
pardon à tous ceux qui ont confessé leurs
fautes et qui se sont convertis, remettant
néanmoins ce pardon à la prudence de l'é-
vêque, qui le leur accordera après qu'ils au-
ront fait pénitence. Le concile ajoute que
ceux qui négligeront d'observer ces ordon-
nances, en seront punis, et qu'il sera permis
à leurs confrères de s'élever contre eux.
dArfcT,' ?ers 3. Nous avous déjà remarqué que l'ab-
baye de Lérins dépendait de l'évèché de
Fréjus. Léonce, pendant tout le temps qu'il
fut évêque de cette ville ^, eut toujours au-
torité sur tous les ecclésiastiques qui demeu-
raient à Lérins : aucun d'eux ne fut ordonné
que par lui ou par ceux qu'il commit à cet
effet. S'il en venait quelqu'un dans cette ab-
baye qui fût d'un autre diocèse, il ne faisait
les fonctions de son ordre qu'avec son agré-
ment. C'était à Fréjus que l'on envoyait de-
mander le saint chrême , et l'évêque confir-
mait les néophytes de Lérins, quand il y en
avait. Mais, à l'égard des laïques du monas-
tère, ils dépendaient uniquement de l'abbé;
en sorte que l'évêque de Fiôjus n'en ordon-
nait point qu'à la prière de l'abbé. Léonce
étant mort, Théodore fut choisi pour lui
succéder. Comme il voulut pousser plus loin
que n'avait fait son prédécesseur ses droits
sur l'abbaye de Lérins, Fauste qui la gou-
vernait alors, s'y opposa fortement ; ce qui
causa un grand scandale. Ravenne, alors
évêque d'Arles, voulant y remédier, assem-
bla un concile ovi il invita saint Rustique de
Narbonne, dont la réputation était grande,
et onze autres évêques, dont la plupart
avaient été moines à Lérins. Ils se trouvè-
rent donc treize en tout; et quoique saint
Rustique fût plus ancien métropolitain que
Ravenne, il ne voulut tenir que le second
rang. L'assemblée se fit le 30 décembre,
dans le chœur de l'église d'Arles. C'était en
453 ou en 461, au plus tard. Personne n'y
fut admis, excepté les parties intéressées.
Après avoir adressé à Dieu leurs prières, les
évêques s'étant assis, examinèrent soigneu-
sement tout ce qui s'était passé. Théodore
se plaignit de la manière dont Fauste le trai-
tait. Les évêques le prièrent d'agréer la sa-
tisfaction et les excuses de cet abbé, de lui
rendre son amitié et de le renvoyer à son
monastère, sans se souvenir jamais des su-
jets de plainte qu'il croyait en avoir reçus ;
au contraire, de continuer à donner à cette
maison les consolations et les secours dont
elle avait besoin. Les évêques du concile dé-
clarèrent, au surplus, que Théodore et ses
successeurs dans l'évèché de Fréjus ne s'at-
tribueraient sur l'abbaye de Lérins d'autres
droits que ceux que Léonce y avait exercés.
Telle fut la décision de cette affaire. Les évê-
ques qui en furent les juges, disent avec
confiance qu'ils n'ont suivi dans leur juge-
ment que les liunières du Saint-Esprit. Nous
avons encore la lettre * que Ravenne écrivit
à ses collègues pour les inviter à cette as-
semblée. Il les conjure de s'y rendre par la
charité que les membres d'un même corps se
doivent les uns aux autres. Elle est suivie,
dans le recueil des conciles, de la lettre sy-
nodique où l'affaire qu'ils avaient à examiner
est rapportée en abrégé.
4. On n'a rien de bien assuré sur l'année ' con.
Constai
du concile que Gennade, patriarche de Cens- r^a.vt
tantinople, tint en cette ville, avec quatre-
vingt-un évêques de diverses provinces,
mais qui paraissent s'être rencontrés à la
cour sans qu'on les eût convoqués exprès.
Comme la plupart étaient d'Egypte et avaient
signé la requête présentée à l'empereur
Léon, en 457, contre Timothée Elure, qui
les avait chassés de leur pays, il est vraisem-
blable que ce concile se tint vers l'an 459,
où les évêques d'Egypte se trouvaient à
Constantinople. II ne nous reste de ce concile^
que la lettre circulaire du patriarche Gen-
nade, contre la simonie. Tous les évêques y
• Nonnisi unius uxoris viri, iidemque virginibus
copukUt, diaconi vel presbyteri ordinentur. Caii. 11.
2 Pœnitentiœ sane locus omnibus paleal,qu! conversi
errorem suum voluerint confiteri. Quibus perspectu
qualilate pp.ccati,secmidum episcopi œstimationem erit
venia largimda. Can. 12, pas. 102S.
3 Tom. IV ConciL, pag. 1024. — * Ibid., pag. 1023.
« Tom. IV OmciL, pag. 1025.
i'e do
nl'an
[V» ET VI' SIÈCLES.] CHAPITRE LUI.
souscrivirent; après quoi il l'envoya au pape
afin qu'il l'approuvât, et à tous les métropo-
litains de l'Orient, afin qu'ils en envoyassent
des copies à leurs sufïragants, et que tous
les fidèles s'unissent en un même esprit pour
combattre un vice si dangereux et si désho-
norant pour l'Eglise. Le concile de Chalcé-
doine ' avait déjà condamné la simonie par
un canon exprès : Gennade et son concile
renouvelèrent cette défense ^, ajoutant l'a-
nathème à la déposition, pour empêcher que
personne n'osât corrompre par des interpré-
tations et des sophismes la pureté et la sim-
plicité de l'Evangile et de l'Eglise. Ils décla-
rèrent donc déposés et excommuniés ^, sans
aucune exception, tous clercs ou laïques qui
auraient voulu acheter ou vendre le minis-
tère ecclésiastique, disant qu'il fallait que la
grâce fût toujours grâce, et qu'elle ne s'a-
chetât point par l'argent. Balsamon a placé
cette lettre dans le corps des lois ecclésias.
tiques.
3. 11 y eut à Tours un concile le 18 novem-
bre 461 *, environ deux mois après que saint
Perpétue en avait été faitévêque. L'occasion
de ce concile fut la solennité de saint Martin,
H novembre. Les évêques qui s'y trouvèrent
étaient au nombre de huit, dont les plus con-
nus sont saint Victoire du Mans et Léon de
Bourges. On ne connaît point d'où Vénérand
était évèque. On sait seulement qu'étant
aveugle, il signa aux décrets du concile par
les mains de Jucondin, son prêtre. Ces dé-
crets sont au nombre de treize, dont le pre-
CONCILES D'ARLES, D'ANGERS, ETC.
711
mier est une exhortation aux prêtres et aux
diacres, de vivre dans la sainteté et la pureté
de corps et d'esprit que demandent leur di-
gnité et les fonctions sacrées. « Si la conti-
nence, disent les évêques, est commandée
aux laïques, afin qu'ils puissent vaquer à
l'oraison et se faire exaucer de Dieu, com-
bien l'est-elle plus aux prêtres et aux diacres,
qui doivent en tout temps être prêts ou d'of-
frir le sacrifice ^ ou de baptiser, s'il en est
besoin. » Les anciens canons privaient de la
communion les prêtres et les diacres mariés,
qui depuis leur ordination continuaient d'a-
voir commerce avec leurs femmes. Le se-
cond de Tours * modère cette rigueur, en
leur laissant la communion, mais il les prive
de leurs fonctions, avec défense de monter à
nn degré supérieur. Il les exhorte, et en gé-
néral tous les ecclésiastiques, d'éviter les
excès du vin, qu'il appelle le foyer de tous
les vices. Le troisième canon ' leur défend
la fréquentation des femmes étrangères,
comme des sources d'incontinence, et les
prive de la communion, si, après avoir été
avertis par l'évêque, ils ne se corrigent pas.
Le quatrième ' réduit au rang des portiers
les clercs inférieurs à qui le mariage est per-
mis, s'ils épousent des veuves. On excommu-
nie dans le cinquième ^ les clercs qui aban-
donnent leur ministère pour embrasser la
milice ou pour vivre en laïques. Le sixième "*
soumet à la même peine ceux qui abandon-
nent la profession religieuse, ou qui épou-
sent des vierges consacrées à Dieu, jusqu'à
1 Tom. IV Concii., pag. 755.
" Tom. IV Concii., pag. 1026 et 1030.
3 Quicumgue hujus convictus fuerit episcopus vel
coepiscopus, vel viator, vel presbyter, vel diaconus,
vel quivis alius ex canone vel ex laicis, communi an-
tislitum décréta condemnaius est. Oportet enim gru-
tiam semper esse gratiam , et argentum apud eam
nequaquam intercedere. SU ergo et ab omni sacerdo-
tali dignitate et minisierio alienus et anathematis
loco subjectus, qui et se per pecunias acquirere exis-
timat. Tom. IV Concii., pag. 1028.
"• Tom. IV Concii., pag. 1050.
5 Cum ergo laico absiinentia imperetur ut possit
orationi vacans et Deum deprecans exaudiri : quanto
magis sacerdotibus vel levitis, qui omni momento pa-
rati Deo esse debent in omni munditia et puritate
securi, ne aut sacrificinm offerre, aut baptizare, si id
iemporis nécessitas poposcerit, cogantur. Gan. 1, tom.
IV Concii., pag. 1050.
* Et licet a patribus nostris fuerit constitutum ut
quicumque sacerdos vel levila filiorum procreationi
operam dare faisset convictus , a communione domi-
nica ubslinerelur : nos tamen huic dislrictioni mode-
rationem adhibentes et justam constilutionem molien-
ies, id decrevimus, ut sacerdos vel /évita conjugali
concupiscentia inhœrens, vel a filiorum procreatione
non desinens, ad altiorem gradum non ascendat, neque
sacrificium Deo offerre, vel plebi ministrare prœsumat.
Sufficiut his tantum ut a communione non efficiantur
alieni... Si quis vero in omni officia clericali Deo mi-
litans ab ebrietate se non abstinuerit, secundum status
sui ordinem competens in eum vindicta tribuatur.
Can. 2, pag. 1051.
7 Si quis vero clericiis post interdictum episcopi
sui illicitis familiaritatibus extranearum fœminarum
voluerit inhœrere, a communione habeatur alienus.
Gan. 3, ibid.
8 Ut clericus cui nubendi datur licentia, inter nup-
tam non excipiat uxorem. Quod si fecerit , uliimum
in officia clericali teneat locum. Gan. 4.
3 Si quis vero relicto officii sui ordine clericus lai-
cam voluerit ayere vitam, vel se militice tradiderit,
excommunicationis pœna feriatur. Can. 5.
"> Qui vero se sacratis virginibus per conjunctionem
nefandam miscuerint, vel propositum professai re.li
gionis dereliquerint , uirique a connyiunione habean-
iur alieni, donec ad auxilium pœnitentice revertantur.
Can. 6.
712
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ce qu'ils fossent pénitence et se retirent du
précipice où le démon les a jetés. Il est dé-
fendu, par le septième ', d'avoir aucune com-
munication avec les homicides, jusqu'à ce
qu'ils aient effacé leur crime par la péni-
tence. Le huitième ^ défend de manger avec
ceux qui, après avoir reçu la pénitence, en
abandonnaient les exercices pour se livrer
de nouveau aux plaisirs du siècle, particu-
lièrement à ceux que l'on défendait aux pé-
nitents. Les pères du concile donnent pour
raison de cette peine, la honte et la confu-
sion qui reviendra aa coupable de se voir sé-
paré des tables communes : et la crainte que
ce châtiment imprimera aux autres. Us ajou-
tent, que si on ne le punit pas en cette sorte,
on pourra le priver de la communion de l'E-
glise. Le neuvième ^ regarde la juridiction
des évèques. Il prive de la communion de
leurs confrères, les évêques qui s'attribue-
raient des peuples ou des ecclésiastiques
d'un autre diocèse. Le dixième et le onzième *
sont sur la même matière. Ils séparent de la
communion de l'Eglise les clercs qui quit-
taient leur évéque pour se donner à un au-
tre, et veulent ^ que , s'ils sont élevés à un
degré supérieur par cet évêque étranger,
leur ordination soit nulle, à moins que leur
évéque légitime n'y donne son consentement.
Le douzième '' leur défend encore d'aller en
voyage hors de leur diocèse, sans avoir des
lettres de recommandation de leur évêque.
Le treizième ^ leur permet quelque trafic,
pourvu qu'ils l'exercent sans usure, puis-
qu'elle est défendue par les commandements
de Dieu, et qu'il est évident que ceux qui les
violent, ne peuvent parvenir à la gloire éter-
^Hom icidispenitusnon communicandum donecper con-
fessionempœniteniiœipsorumcriminadiluantur.Qia.Ti.1.
2 Si quis post acceptam pœniteniiam ad sceculares
illecebras, derelicta quam professus est pœnitentia ,
fuerit reversus, a communione Ecclesiœ, vel a convivio
fiddium exlrancus hubeatur ; guo /acilius et ipse
compunctionem per liane confusionem accipiat, et alii
ejus terreantur exemplo. Can. 8.
3 Placuit observari ut si quis episeopus in jus fra-
trii sui suam conatus fuerit inserere potestatem , ut
aut diocœses aliénas , transgrediendo terminas a pa-
tribus constilutos, pervadat, aut clericos ab aliis ordi-
natos promovere prœsumat, ali universorum fratrum
et consacerdotmn suorum communione se alienum effi-
ciendmn non dubitet. Can. 9.
' Si quis vero clericus absque episcopi sui permissu
derelicta Ecclesia sua ad alium se transferre voluerit
locum, alienus a communione habealur. Can. 10, 11.
!> Ordinationes vero illicitas in irritum devocamus,
nisi salis factio7ie quœ ad pacem pertinent componan-
tur. Can. 10.
nelle. En finissant ces décrets, les évèques .
du concile ' disent qu'ils espèrent de la mi-
séricorde de Dieu, par l'intercession de saint
Martin, qu'on les observera, et que leurs
confrères absents voudront bien les agréer
et les confirmer, vu qu'ils ne contiennent
rien qui ne soit conforme à la doctrine des
pères. Thalassius, évêque d'Angers, à qui ils
furent envoyés, y souscrivit et permit de les
observer.
6. Nous mettrons de suite le concile que cote
saint Perpétue assembla à Vannes en Breta- ra'n"' '
gne, à l'occasion de l'ordination de Paterne,
évêque de cette ville. On ne sait point en
quelle année ce concile se tint; mais on le
met ordinairement vers l'an 465. Il s'y trouva
quatre autre évêques, savoir : Athénius de
Rennes, Nunéchius de Nantes, Albin et Li-
béralis, en sorte qu'ils étaient six en tout, en
y comptant saint Perpétue de Tours, et le
nouvel évêque de Vannes. Saint Victoire du
Mans et Thalassius d'Angers n'y assistèrent
pas, en ayant été empêchés par quelques
nécessités. Mais les autres évêques leur en-
voyèrent des copies de divers règlements
qu'ils firent ensemble pour réformer certains
abus qui s'étaient glissés dans la discipline,
ou pour régler des choses qui ne l'avaient pas
encore été. Leur lettre à ces deux évêques
absents, se lit à la tête de seize canons, dont
quelques-uns sont assez semblables à ceux
du concile de Tours. Le premier ^ sépare de
la communion ecclésiastique , les homicides
et les faux témoins, jusqu'à ce qu'ils aient
effacé leurs crimes par la satisfaction de la
pénitence. Le second '" use de la même
peine envers ceux quij répudiant leurs fem-
6 Et ut clerici non absque sacerdotum suorum
commendatione ad alias provincias, sive civitates am-
bulare disponant. Can. 12.
' Itlud etiam secundum Scripturarum auctoritalem
vel Patrum constiiutionem addendum credidimus, ut
ne quis clericus qui negotiandi sludium habere volue-
rit, usuras accipiat... Manifestum est enim beatitudinis
non passe consequi gloriam qui a prœceptis divinis
deviaverit. Can. 13.
8 Et ut humilitatis nostrœ constitutio, adjuvante
Bomini misericordia , valeat custodiri, sancti ac bea-
tissimi sacerdotis domini Martini , quœ Deo accepta
est obtinebit intercessio. Confidimus enim sacerdotum
Domini consensu definitionem nostram firmandam ,
quœ cum Patrum nostrorum auctoritate concordat.
Ibid., pag. 1052.
3 llaque censuimus homicidas et falsos testes a com-
munione ecclesiastica submovendos, nisi pœniteniiœ
satisfactione crimina admissa diluerint. Can. 1.
"> Eos quoque qui, relictis uxoribus suis, sicut in
Evangelio dicitur, excepta causa fornicationis , sine
[ye ET vi« SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES D'ARLES
mes comme adultères, sans avoir prouvé
qu'elles le fussent, en épousaient d'autres.
On prive par le troisième ', non-seulement
de la communion des sacrements, mais en-
core de la table commune des fidèles , ceux
qui, après s'être soumis à la pénitence, en
interrompent les exercices pour se livrer de
nouveau à leurs anciennes habitudes et à
une vie toute séculière. Le quatrième ^ sé-
pare de la communion et met au rang des
adultères celles qui, après avoir fait profes-
sion de virginité et reçu en conséquence la
bénédiction par l'imposition des mains, sont
trouvés coupables d'adultères. Il ordonne la
même peine contre ceux avec qui elles l'au-
ront commis. C'est encore ce qu'ordonne le
cinquième canon ^ contre les clercs qui cou-
rent les provinces sans lettres de recomman-
dation de leur évêque. Le sixième * étend
cette peine aux moines qui voyageront sans
de pareilles lettres, et ordonne qu'on les pu-
nisse corporellement, si les paroles ne sufE-
sent pas pour les corriger. Le septième '' leur
défend d'avoir des cellules particulières, si
ce n'est dans l'enceinte du monastère et avec
la permission de l'abbé. Encore le concile
restreint cette permission à ceux qu'une
longue expérience fait juger capables d'une
plus grande solitude, ou à ceux qui, à cause
D'ANGERS, ETC. 7J3
de leurs infirmités, ne peuvent pas garder
la règle ordinaire. Le huitième ^ défend à un
abbé d'avoir plusieurs monastères, ou diver-
ses demeures; sinon des retraites dans les
villes pour se mettre à couvert des incur-
sions de l'ennemi. Dans le neuvième ^ il est
défendu aux clercs, sous peine d'excommu-
nication, de s'adresser aux tribunaux sécu-
liers, sans permission de leur évêque. Mais
il ajoute, que si l'évêque leur est suspect, ou
si c'est contre lui-même qu'ils ont affaire,
ils s'adresseront aux autres évêques. Le
dixième * ordonne que, pour le maintien de
la charité fraternelle, un évêque ne pourra
promouvoir à un degré supérieur un clerc
ordonné par un autre évêque, sans la per-
mission de celui-ci. Le onzième ^ porte que
les clercs à qui le mariage est interdit, c'est-
à-dire les prêtres, les diacres et les sous-
diacres, ne pourront point assister au festin
des noces, ni aux assemblées dans lesquelles
on chante des chansons déshonnêtes et où
l'on fait des danses, afin de ne pas salir leurs
yeux et leurs oreilles destinés aux sacrés
mystères. Le douzième '"leur défend de man-
ger chez les Juifs, et de les inviter à manger
chez eux, parce qu'ils ne mangent pas de
toutes les viandes que nous croyons permi-
ses. Le treizième est contre l'ivrognerie. Le
adultéra probatione alias duxerint, slatuimus a coni-
munione similiter arcendos : ne per indulgentiam
nostram prœiermissa peccaia, alios ad licentiam er-
roris invitent. Cau. 2.
^ Pœnitenies quoque, qui suscepiam publics pœni-
ienfiam intermisennt , et ad prioris erroris consuetu-
dinem revoluii , viiœ se sœculari conversationique
reddiderint, non solum a communione dominicorum
sacrameniorum, sed eiiam a conviviis fidelium sub-
movendos. Can. 3.
' Eas etiam quœ virginitatem professes, et benedic-
tionem fuerint per nlanus impositionem siib contesla-
tione hujus proposai consecutœ,si fuerint inadulterio
deprehensœ, cum adulieris ipsarum arcendas a com-
munione censemus. Can. 4.
' Clericis sine commendalitiis epistolis episcopi sui
licentia non paieat evagandi ; et in omni loco , ad
quem sine epistolis episcopi sui, ut dictum est, vene-
rint, a communione habeantur alieni. Can. 5.
' In monachis quoque per sententiœ forma servetur :
quo si verborum increpatio non emendaverit, etiam
verberibus statuimus coerceri. Can. 6.
5 Servandum quoque de monachis, ne eis ad soliia-
rias cellulas liçeat a congregatione discedere , nisi
forte prohatis post emeritos labores, aut propier infir-
mitatis necessitatem asperior ab abbatibus régula re-
mittatur. Quod ita demum fiel, ut inira eadem
monasterii septa manenles, tamen sub abbaiis potestate
separalas habere cellulas permittaniur. Can. 7.
^ Abbatibus quoque singulis diversas cellas, aut
plura monasteria habere non liceai; nisi ianium prop-
ier incursum hosiilitatis intra muros receptacula
collocare. Can. 8.
' Clericis nisi ex permissu episcoporum suorum, sœ-
cularia judicia adiré non liceaÇ Sed si guis fartasse
episcopi sui judicium cœperit hubere suspectum, aut
ipsi de proprietaie aliqua adversus ipsum episcopum
fuerit nata contentio, aliorum episcoporum audientiam,
non sœcularium potesiatum, debebit ambire. Aliter a
communione habeaiur alienus. Can. 9.
* Episcopi quoque ab aliis episcopis ordinatos cle-
ricos, sine permissu eorum a quibus fuerint ordinati
promovere ad superiorem ordinem non prœsumant,
ne concordiam fraternam injuria illata contaminet.
Can. 10.
3 Presbyteri, diaconi atque subdiaconi, vel deinceps
quibus ducendi uxores licentia non est , eiiam aliena-
rum nuptiarum évitent convivia, nec iis cœlibus ud-
misceantur, ubi amatoria cantanlur, et turpia aut
obscœni motus corporum choris et saltibus efferuntur :
ne auditus et obtutus sacris mysteriis deputatus, tur-
pium spectaculorum atque verborum contagio polluatur.
Can. 11.
i" Omnes deinceps clerici Judœorum convivia évitent,
nec eus ad convivium quisqunm excipiat, quia cum
apud christianos ci/ns communibus non utantur, indi-
gnum est atque sacrilegum eorum cibos a christianis
sumi : cum ea quœ Aposiolo permittente nos sumimus,
ab illis judicentur immunda, ac si inferiores incipiant
esse clerici quam Judœi, si nos quœ ab illis apponun-
iur, uiamur, illi a nobis ubluta contemnanl. Can. 12.
714
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
clerc qui se sera enivré ', doit être séparé
de la communion pendant trente jours, ou
puni corporellement. Il est remarqué dans
ce canon, que le mal que fait un homme ivre,
sans le savoir, ne laisse pas de le rendre cou-
pable, parce que son ignorance est l'efTet
d'une aliénation d'esprit volontaire. Il est dit
dans le quatorzième ^, qu'un clerc qui, étant
dans la ville et n'étant pas malade , aura
manqué d'assister à l'office de Laudi's, c'est-
à-dire aux prières du matin, sera privé du-
rant sept jours de la communion. Le quin-
zième 2 veut que l'ordre des sacrées cérémo-
nies, et l'usage de la psalmodie soit le même
dans toute la province. Il s'était introduit,
parmi les ecclésiastiques qui faisaient pro-
fession de deviner l'avenir, un usage supers-
titieux à cet égard. Ils prétendaient connaî-
tre ce qui devait arriver en ouvrant quelques
livres de l'Ecriture, et ils appelaient cette
sorte de divination, les sorts des Saints. Le
seizième * canon défend cet abus , sous
peine d'excommunication , le regardant
comme particulièrement opposé à la piété et
à la foi.
7. Nous avons l'avis qu'un évèque, appelé
Véran, proposa touchant la continence des
prêtres. Le père Sirmond^ avait cru d'abord
que c'était dans un concile tenu à Cavaillon;
mais il a depuis changé de sentiment, et cru
que le concile ovi Véran proposa de faire
quelques règlements touchant la continence
des prêtres, s'était tenu à Lyon vers l'an 460.
On trouve un Véran dans les catalogues des
• Ante omnia a clerids vitetur ebrieias , quœ om-
nium viiiovum fomes ac nutrix est; nec guis potest
liherurn corporis sui uc nient is habere yudicium, cum
captus vino a sensu probetur alienus, et proclivis ad
vilium mente labefacta ducatur, ac plerumque possit
peccatum aut ciimen , datum tiescit , incurrere. Sed
ignoraniia talis non potest non subjacere pœnœ, quam
ex voîuntaria amentia manasse constiterit. Itaqve
eum, quem ebrium fuisse constiterit, ut ordo patitur,
aut trirjinta dierum spatio a communione statuimus
submovendum, aut corporali subdendum esse suppli-
cia. Can. 13.
2 Clericus quem intra muros civitatis suce manere
constiterit, et a matutinis hymnis sine probabili ex-
cusatione œgritudinis inventas fuerit defuisse, septem
diebus a communione habeatur extraneus : quia mi-
nistrum sacrorum eo tempore , quo non potest ab
officia sua ulla hanesta nécessitas occupare , fas non
est a salubri demtione cessare. Can. 14.
5 Rectum quoque daximus ut vel intra prouinciam
nostrani sacrorum ordo et psallendi una sil consue-
tudo : et sicut mmm cum Trinitatis confessione fidem
tenemus , unam et officiorum régulant teneamus : ne
variata observaiione in aliquo devotio naîtra discre-
pare credatur. Cau. 15.
évêques de Lyon, donnés par le père Chif-
flet °. Mais si ce Véran était le fils do saint
Eucher, il faudrait dire qu'il avait été trans-
féré à Lyon : car il était évêque du vivant
même de son père. D'autres mettent un Vé-
ran entre les évêques de Lyon, et différent
du fils de saint Eucher. On compte encore
un évêque de ce nom parmi ceux de Cavail-
lon. Mais on n'a rien de décisif pour attri-
buer plutôt à l'un qu'à l'autre le fragment
dont nous parlons. Véran, quel qu'il soit,
appuie son sentiment touchant la continence
des ministres de l'autel, premièrement sur
la pureté que la loi ancienne exigeait de
ceux qui mangeaient les pains de proposi-
tion; secondement, sur les dispositions que
saint Paul demande dans ceux qui reçoivent
le corps de Jésus-Christ. De ces principes il
conclut ' que personne ne doit oser consa-
crer la chair de l'Agneau sans tache, immo-
lée pour le salut du monde , après s'être
souillé en satisfaisant aux passions charnel-
les. Comme on aurait pu lui objecter la dif-
ficulté de trouver des ministres de l'autel
qui voulussent vivre suivant les lois de la
continence qui leur est imposée par les ca-
nons, il répond que, dans les lieux voisins de
la ville ^, où se tenait le concile, il y avait
plusieurs monastères considérables d'où l'on
pouvait tirer des personnes de probité pour
les employer aux fonctions ecclésiastiques ;
en un mot, qu'il était plus honorable et plus
avantageux pour l'Eglise, d'avoir un petit
nombre de bons ministres, que d'en avoir
* Ac ne id fortasse videatur omissum, quod maxime
fidem catholicœ religionis infestât, quod aliquanti
clerici student auguriis, et sub nomine fictœ religionis,
quas Sanctorum sortes vocant , divinationis scienùam
profitentur, uut quarumcumque Scripturarum inspec-
tione futura promittunt : hoc quicumque clericus de-
tectus fuerit vel consulere, vel docere, ab Ecclesia
habeatur extraneus, incolumem coronam vestram Ec-
clesiœ suce Deus protegat Domini fratres. Can. 16.
s Tom. IV Concil., m append., pag. 1820.
6 Chiffl., Paul. Illustr., pag. 82.
' Quis iinmaculatas agni carnes ad salutem mundi
prœstitas post passionum inqninamenta, vel etiam
audeat consecrare ? Veran., tom. 111 Concil. Harduin,
pag. 458.
8 Notum vobis est circa locabeatitudinis veslrœ, sub
magnorum Patrum disciplina, monachorum congre-
galiones esse non parvas, unde ad supplenda clerico-
rum officia in promptu est viros bonos assumi. Vtilior
est enim in Ecclesia paucorum bonorum electa pro-
batio, quam erraticœ multiiudinis prœsentia conglo-
bata : ac plus œdificationis afferunt rara virtutis
exempta, quam popularis licentiœ abundans et incor-
recta prœsumptio. Ibid.
[ye ET vx' SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES DE ROME, ETC
beaucoup dont les mœurs ne fussent point
édifiantes.
ARTICLE VIII.
DES CONCILES DE ROME [442], DES GAULES [463],
d'espagne [464], DE ROME [46SJ, d'angle-
terre [465], DE CHALONS [470], DE BOURGES
[475],d'antioche [477],d'arles [475ou477],
DE LYON [vers le même temps], d'antioche,
de laodicée [479], de rome [484].
1 1. Les habitants de la ville de Béziers
n'ayant point voulu recevoir Hermès *, ar-
chidiacre de Narbonne, que saint Rustique
leur avait donné pour évêque, il ne voulut
ni se venger de cette injure, ni les contrain-
dre à le recevoir malgré eux; mais le siège
de Narbonne étant venu à vaquer par la mort
de saint Rustique, il trouva moyen de s'en
faire recevoir évêque. Le prince Frédéric,
frère de Théodoric, roi des Goths, qui appa-
remment n'aimait pas Hermès, se plaignit h
Rome de ce qu'il s'était emparé du siège de
Narbonne par usurpation. Le bruit public
confirmait la plainte de ce prince. Toutefois
le pape Hilaire, qui ne voulait rien précipi-
ter, écrivit à Léonce d'Arles, de lui envoyer
au plus tôt une relation du fait signé de lui
et des évêques les plus voisins. A peine cette
lettre était-elle sortie de Rome, que les évê-
ques, Fauste de Riez et Auxanius d'Aix en
Provence, y arrivèrent, députés par les évê-
ques des Gaules pour l'éclaircissement de
cette affaire. Comme il y avait alors plusieurs
évêques à Rome, venus de diverses provin-
ces pour célébrer avec le pape l'anniversaire
de son ordination qui tombait le 19 novem-
bre 462, saint Hilaire tint un concile où l'af-
faire de l'Eglise de Narbonne fut examinée.
On ordonna que, pour le bien de la paix,
Hermès en demeurerait évêque; mais qu'a-
fin que cette affaire ne tirât pas à consé-
quence, il serait privé du droit de métropo-
litain pour l'ordination des évêques , qui ,
pendant son vivant, serait dévolu à Constan-
tius d'Uzès, ou à celui des évêques qui se
trouverait le plus ancien. Saint Hilaire écri-
vit le résultat du concile aux évêques des
Gaules, par une lettre du 3 décembre 462,
où il rend un témoignage avantageux à Her-
mès, quoiqu'il blâme la manière dont il avait
été fait évêque de Narbonne. Cette lettre
contient plusieurs ordonnances pour le main-
tien de la discipline, et l'on ne peut guère
.713
douter qu'elles n'aient été faites dans le
même concile. 11 y est dit qu'on en assem-
blerait un tous les ans d'autant de provinces
qu'on le pourrait, et que les décrets en se-
raient inviolablement observés; qu'on y exa-
minerait les mœurs et les ordiualions des
évêques et les ecclésiastiques, et qu'au cas -
qu'il se rencontrât quelque affaire de plus
grande importance que l'on n'y pourrait ter-
miner, on en consulterait le Saint-Siège. Il
y est encore ordonné que les ecclésiastiques
ne pourront sortir de leur diocèse sans lettre
de leur évêque, ni les évêques aller hors de
leur province sans lettre de leur métropoh-
tain; qu'il ne sera point permis d'aliéner les
terres de l'Eglise sans l'approbation du con-
cile provincial ou national, si ce n'est des
terres désertes ou onéreuses. Cette lettre fut
apportée aux évêques des Gaules, par Fauste
et .Auxanius.
2. Saint Léon avait ordonné, en 450, que
la province de Vienne serait divisée, en sorte
que Valence , Tarentaise , Genève et Gi-eno-
ble demeureraient seules sous la métro-
pole de Vienne, et que les autres Eglises re-
connaîtraient l'évèque d'Arles pour leur mé-
tropolitain. Sans avoir égard à. ce règlement,
saint Mamert, archevêque de Vienne, ordonna
en 463 un évêque à Die, quoique cette ville
fût, suivantla disposition de saint Léon, sou-
mise à Arles. Gondiac, roi des Bourguignons,
à qui appartenait alors la ville de Die, de
même que celle de Vienne, se plaignit au
pape du procédé de saint Mamert ^ préten-
dant qu'il s'était rendu maître de la ville par
violence , et qu'il avait donné à ceux de Die
un évêque malgré eux. Saint Hilaire se plai-
gnit à Léonce d'Arles de ce qu'il ne lui avait
rien mandé de l'entreprise de l'archevêque
de Vienne , et le chaigea de lui faire rendre
compte de sa conduite dans le concile qui se
devait assembler tous les ans, et de l'ins-
truire de toute cette affaire par une lettre
commune. La lettre du pape était du 10 oc-
tobre 463. Léonce lui envoya une relation
bien circonstanciée de toute l'affaire, et quel-
que temps après , vingt évêques des Gaules
lui écrivirent sur le même sujet, par Antoine,
leur collègue et leur député, après s'être as-
semblés en concile , suivant les désirs du
pape. Dans la réponse qu'il leur fit le 24 fé-
vrier 464, il dit que l'évèque de Vienne aurait
dû être déposé avec celui de Die, qu'il avait
Concile des
Gaules à Ar-
les, co 463.
1 Tom. IV Concil.j pag. 1024.
2 Tom. IV ConciL, pag. 1043. — s ibid.; pag. 1043
•716
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ordonné contre les règles; mais que, pour
conserver la paix des Eglises, il chargeait
l'évêque Véron, l'un d'entre eux. comme dé-
légué du Saint-Siège, d'aller trouver Mamert
devienne pour l'admonester de ne plus rien
entreprendre de semblable, sous peine d'être
privé de la juridiction sur les quatre églises
laissées à Vienne par saint Léon, et qui dès
lors seraient soumises à la juridiction d'Arles.
• Il veut, au surplus, que l'ordination de l'évê-
que de Die soit confirmée par Léonce d'Arles,
au cas qu'il le juge à propos.
Concile 3. Sylvain , évêque de Calahorra , à l'ex-
en 'mTi de trémité de la Gastille , y ordonnait divers
éveques à 1 msu et sans 1 agrément d Asca-
gne de Tarragone, son métropolitain. Dès
l'an 437, il avait ordonné un évêque que le
peuple ne demandait point , et avait pris un
curé d'un autre diocèse pour le faire évêque
malgré lui. Ascagne, averti de ce désordre
par l'évêque de Saragosse, assembla , pour
y remédier ' , tous les évêques de sa province,
vers l'an 464. Soit qu'ils ne se crussent pas
en état de contenir Sylvain , qui , averti déjà
plusieurs fois, n'en était devenu que plus in-
solent; soit qu'il fût soutenu par quelques
personnes puissantes, ils trouvèrent à propos
de prier le pape de leur prescrire ce qu'ils
devaient ordonner touchant cet évêque dans
leur concile. Ils demandaient encore, dans
leur lettre au pape , qu'il voulût bien confir-
mer la translation de l'évêque Irénée à Bar-
celonne, disant que Nundinaire, qui en était
évêque , avait déclaré en mourant qu'il sou-
haitait avoir pour successeur Irénée , et que
les évêques de la province ayant égard à la
volonté du défunt et au désir du peuple et du
clergé de Barcelonne, avaient consenti à la
translation d'Irénée. Ces deux affaires furent
examinées dans un concile que le pape tint
à Rome , le 19 novembre 463 , dans la basi-
lique de Sainte-Marie, à l'occasion de l'anni-
versaire de son ordination. Il s'y trouva qua-
rante-huit évêques ^ , dont deux étaient des
Gaules , Ingénuus d'Embrun et Saturne d'A-
vignon ; saint Maxime de Turin est nommé le
premier après le pape. On fît dans ce concile
quelques règlements que saint Hilaire pro-
nonça et qui furent approuvés par les accla-
mations des autres évêques , sans qu'on les
eût obligés de donner auparavant leurs avis
en particulier. Le pape dit d'abord ^ que sa
qualité de principal évêque l'obligeait à pren-
dre plus de soin qu'aucun autre de la disci- .
pline de l'Eglise; que sans cela il se rendrait
d'autant plus coupable, qu'il était plus élevé
en dignité. Il avertit ensuite qu'on ne devait
point élever aux ordres sacrés * tous ceux
qui auraient été mariés à d'autres qu'à des
vierges, ou qui l'auraient été deux fois. Il
ajouta s qu'on devait encore exclure de ces
ordres ceux qui ne savaient pas les lettres ou
à qui l'on avait coupé quelques membres, ou
qui avaient fait pénitence publique. Il dit en-
core qu'un évêque " doit condamner de lui-
même ce que lui ou ses prédécesseurs ont
fait contre les règles de l'Eglise; qu'autre-
ment il en sera châtié. Le dernier règlement '
défend aux évêques do désigner en mou-
rant leurs successeurs. Cela regardait ce qui
était arrivé à Barcelonne. Afin que les évêques
fussent témoins de ce que ceux d'Espagne
avaient écrit sur ce sujet, le pape fil lire leurs
lettres , dont les évêques présents interrom-
pirent deux fois la lecture en se récriant con-
tre l'abus de donner les évêchés comme par
testament. Il fît lire aussi la lettre touchant
les entreprises de Sylvain, et, après quelques
acclamations, ayant demandé les avis, saint
Maxime de Turin , et les autres évêques du
concile après lui , protestèrent qu'ils ne fe-
raient jamais rien de ce qui était défendu par
les canons. Saint Hilaiie conclut en décla-
rant que les actes de ce qui s'était passé se-
raient écrits et publiés par des notaires, afin
d'en informer toutes les Eglises.
4. On met au nombre des conciles l'assem- r,or
blée que firent les Bretons dans la province vet°°
» Tom. IV Concil., pag. 1033, 1035. — 2 Pag. 106.
3 Quia nos qui potissimi sacerdotis adniinistramus of-
ficia, talium transgressionum culparespiciet, si in causis
Dei desides fuerimus inventi. Siquidem reatu majore
delinquii, gui potiori honore perfruitur : et graviora
facit vitia peccatorum, sublimitas dignitutum. Can. 1,
Tom. IV, Concil. pag. 1060.
* Cavendum imprimis est ne ad sacratos gradus quis-
quam, qui uxorem non virginem duxit, aspiret. Repel-
lendus est etiam quisque qui in secundœ uxoris nupiias
contra apostolica prœcepta convenit. Can. 2^ ibid.
' Iiiscii quoque litterarum. necnon et aliqua membro-
rum damna perpessi, et hi qui ex pœnitentibus sunt, ad
sacros ordines aspirare non audeant. Can. 3, ibid.
6 Sed et quod quis commisit illicite, aut a decessori-
bus suis invenit admissum, si proprium periculum vult
vitare, damnabit. Can. 4, ibid.
' Plerique sacerdotes in mortis confînio constitufi, in
lûcum suum feruntur alios designatis nominibus subro-
gare : ut scilicet non expectetur légitima eleciio, sed de-
functi gratificatio propopuli habeatur assensu. Siplacet
etiam hanc licentiam generaliter de Eccelsiis auferamus,
ne homini quisquam putet deberi quod Dei est. Can. 5,
ibid.
[¥= ET VF SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES DE ROME, ETC.
717
de Galles en Angleterre, pour l'élection d'un
roi '. Le choix tomba sur Ambroise Aurélien,
homme sage et modeste ^, et le seul Romain
qui restât dans l'île. Il succéda, dans la
royauté, à Vertigerne ^, que l'on dépeint
comme un homme superbe et tyran. Am-
broise s'efforça de réparer tous les maux que
l'Angleterre avait soufTerts sous le règne de
son prédécesseur; il rebûtit les églises et fit
refleurir la religion. Les Bretons ayant repris
sous lui un peu courage et demandé à Dieu
de les aider, ils attaquèrent les Saxons et
remportèrent sur eux la victoire.
5. La mort de Paul , évêque de Châlons *,
qui arriva vers l'an 470, occasionna beaucoup
de désordre dans cette Eglise. Saint Patient,
archevêque de Lyon, à qui il appartenait en
qualité de métropolitain , de pourvoir à un
successeur, vint en cette ville avec saint Eu-
phroné, évêque d'Autun, et les autres évo-
ques de la province. Ils la trouvèrent parta-
gée ^ en diverses factions par les brigues de
trois compétiteurs, dont aucun n'avait les
qualités nécessaires à un évêque. Saint Pa-
tient et saint Euphrone, qui ne cherchaient
que le bien de l'Eglise, ne s'embq^rassèrent,
en cette occasion, ni de la haine ni des bonnes
grâces des hommes , et , ne cherchant qu'à
remplir leur devoir, ils jetèrent les yeux sur
un saint prêtre nommé Jean , qui ne pensait
à rien moins qu'à l'épiscopat et qui ne le dé-
sirait en aucune façon. Leur dessein ayant
été approuvé des autres évêques de l'assem-
blée, ils lui imposèrent les mains. Jean avait
été lecteur dès son enfance et avait passé par
tous les degrés du ministère ecclésiastique
avant de parvenir à celui de la prêtrise, qu'il
honorait par la sagesse de sa conduite , par
sa charité et par sa douceur. Son ordination
fit beaucoup de bruit parmi le peuple; les
factieux en demeurèrent comme interdits, les
méchants en rougirent, mais les bons en mar-
quèrent leur joie et leur approbation par des
acclamations réitérées. La conduite de Jean
dans l'épiscopat confirma le jugement que
saint Patient et les autres évêques de la pro-
vince en avaient fait. Il est honoré publique-
ment dans son Eghse le 30 avril.
6. Il n'y eut pas moins de factions dans
l'élection qui se fit à Bourges, vers l'an 472.
» Tom. IV Concil, pag. 1059.
2 Gild., de Excid. Britan., cap. xxv.
3 Ibid. cap. xsui.
* Tom. IV Concil., append. pag, 1820.
' Sidon., lib. IV, Eptst. 25.
Plusieurs demandaient ouvertement l'épis-
copat, jusqu'à offrir de l'argent pour y par-
venir; mais nul d'entre eux n'en était jugé
digne par aucun autre. Saint Sidoine, ordonné
depuis peu évêque de Glermontdans la même
province, futa'ppelépar un décretdescitoyens
et suivant l'ordre des canons ", de venir à
Bourges pour l'élection d'un nouvel évêque.
Informé des brigues du grand nombre et de
l'impudence des prétendants , il écrivit à
Agrécius de Sens, métropolitain de la pro-
vince voisine, pour le prier de venir présider
à cette élection avec les évêques ses sufïra-
gants. Il écrivit encore à saint Euphrone d'Au-
tun '. Mais la présence de ces évêques n'ayant
pas eu la force de faire tomber les brigues,
le peuple de Bourges ne consentit à se dépar-
tir du droit d'élire que pour se rapporter de
l'élection à saint Sidoine seul. On fit donc un
décret * par lequel on lui donnait en parti-
culier le pouvoir de nommer un évêque, avec
promesse de s'en tenir à son choix. Saint Si-
doine accepta la commission , et , après en
avoir délibéré avec les autres évêques, il con-
vint de faire le lendemain un discours au
peuple , dans lequel il déclarerait celui qu'il
jugeait digne de l'épiscopat. 11 nomma Sim-
phce, homme d'un âge mûr, d'esprit et de
savoir, qui joignait à beaucoup d'humanité
et de charité pour les pauvres une grande
fermeté et une grande modestie. Simplice fut
donc reçu et ordonné évêque de Bourges, et
il n'y a aucun doute qu'il ne se soit acquitté
dignement de son ministère, puisque l'Eglise
de ces deux villes lui donne le nom de saint.
7. Pierre-le-Foulon, qui s'était emparé du
siège d'Antioche après la retraite de Marty-
rius 5 , ayant été obligé de le quitter par or-
dre de l'empereur Léon , en 471, y retourna
quelque temps après par ordre de Basilisque,
cette Eglise étant devenue vacante par la
mort de Julien , évêque catholique de cette
ville. Son séjour à Antioche ne fut pas de
longue durée. Zenon, qui avait repris les
rênes de l'empire, fit déposer Pierre-le-Foulon
par un concile d'Orient, qui mit à sa place
Etienne et confirma le concile de Chalcédoine.
8. Dans les Gaules, un prêtre de Provence,
nommé Lucide, répandait diverses erreurs
sur la prédestination et sur la grâce. Fauste,
6 Sidon., lib. VII, Epist. S. — ' Ibid., EpisU 8.
8 Ibid., Epist 9.
9 Brenic. Eutich. hœres., tom. IV Concil., pag. 1082,
Libérât., cap. xvui, et tom. IV Concil., pag. 1151.
Conci!e
d'A n 1 1 ocha
vers l'an A'?.
CoDciIca
d'Arles, Tera
l'an 475 ou
'(77 et de Lyon
Ters le même
temps.
718
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
alors évêque de Riez, fit tous ses efforts pour
le ramener à la vérité. Outre plusieurs en-
tretiens dans lesquels il agit avec lui avec
beaucoup de bonté et de douceur pour le ga-
gner plus aisément, il lui adressa un écrit où
il lui marquait en peu de mots ce que Ton
doit croire ou rejeter sur ces matières. Fauste
n'ayant point réussi , et Lucide continuant à
répandre ses erreurs, cette affaire fut portée
à un concile de trente évéques assemblés à
Ai'les par l'évêque Léonce '. On le met ordi-
nairement en Tannée 475, mais rien n'em-
pêche qu'on ne le diffère de quelques années,
puisque Léonce remplit le siège d'Arles de-
puis l'an 461 jusque vei-s l'an 484. Il s'y trouva
trente évéques, entre autres saint Euphrone
d'Autun , saint Patient de Lyon , Fauste de
Riez et saint Mamert de Vienne. Tout ce que
nous savons de ce concile, c'est qu'on y parla
beaucoup de la prédestination et que les er-
reurs que Lucide avait avancées sur cette
matière y furent condamnées. Lucide se ré-
tracta par un écrit qu'il adressa aux pères
du concile. Les propositions qu'il condamne
ne sont pas tout à fait les mêmes que celles
dont Fauste avait exigé de lui la condamna-
tion , mais on voit bien que la doctrine qu'il
promet de tenir tend à croire que Jésus-Christ
est mort pour tous les hommes; que Dieu ne
prédestine personne à la damnation ; que le
libre arbitre n'a point péri en Adam et que
la grâce de Dieu n'exclut point la coopéra-
tion de l'homme. Léonce d'Arles avait donné
à Fauste le soin de recueillir ce qui s'était dit
dans le concile sur les matières de la prédes-
tination et de la grâce. Fauste satisfit à ce
que l'on demandait de lui; mais il n'avait pas
encore achevé cet ouvrage, ou du moins il
ne l'avait pas rendu public , lorsqu'un nou-
veau concile ^, qui se tint à Lyon au sujet de
quelques erreurs qui se répandaient appa-
remment encore sur les mêmes matières,
chargea Fauste d'ajouter certaines choses à
son ouvrage. C'est tout ce qu'on sait de ce
concile de Lyon , qui vraisemblablement se
tint sous saint Patient, qui en fut évêque
jusque vers l'an 480. Ussérius ^ rapporte à
ce concile ce qu'on lit dans un manuscrit *,
que saint Patient produisit le livre des Dogmes
ecclésiastiques. On ne sait ce que c'était que
ce hvre , mais ce ne pouvait être celui que
Gennade, prêtre de Marseille, composa sous
ce titre après l'an 492 , longtemps après la
mort de saint Patient.
9. ïhéophanes dit qu'Etienne ayant été
ordonné évêque d'Antioche, dans un concile
tenu en cette ville , il envoya à Acace sa let-
tre synodique , dans laquelle il lui donnait
avis de son ordination et de la condamnation^
de Pierre-le-Foulon et de Jean d'Apamée.
Acace en assembla un lui-même à Constan-
tinople^, où il les condamna tous deux. Après
la mort d'Etienne, évêque d'Antioche, on
élut pour lui succéder un second Etienne. Il
semble que c'est de celui-ci que le Synodique
dit ^ qu'il éprouva, aussitôt après son oi'dina-
tion, la fureur des hérétiques. Les partisans
de Pierre-le-Foulon le voulurent faire passer
pour nestorien; ils l'en accusèrent devant
l'empereur Zenon , de qui ils obtinrent la
tenue d'un concile d'Orient à Laodicée en
Syrie. L'atiaire y fut examinée; mais le con-
cile, voyant que les accusateurs d'Etienne
étaient tous gens reprochables , ne voulut
point admettre leur témoignage; il le déclara
innocent et le l'établit dans son siège. La sen-
tence du concile de Laodicée n'arrêta pas les
accusateurs d'Etienne. Toujours animés con-
tre lui, ils l'attaquèrent dans l'église de Saint-
Barlaam martyr et le massacrèrent aux pieds
des autels , se servant à cet effet de roseaux
■ pointus comme des traits, après quoi ils traî-
nèrent son corps et le jetèrent dans la rivière
d'Oronte. Mais Evagre applique ^ à Etienne,
qui occupa le siège d'Antioche immédiate-
ment après Pierre-le-Foulon, tout ce que nous
venons de dire de la fureur des eutycliiens.
Cet historien fait Calandion successeur d'E-
tienne. Quelque temps après son ordination,
Calandion en donna avis au pape, en lui fai-
sant excuse de ne la lui avoir pas mandée
plus tôt, et sou concile la fit avec lui. C'était
sans doute un concile d'Antioche. Il s'en tint
un à Alexandrie, pour l'élection de JeanTa-
laïa, vers l'an 48i. Taiaïa, suivant la cou-
tume, envoya sa lettre synodique au pape
Simplice et à Calandion d'Antioche; mais
celle qu'il avait adressée à Acace de Cons-
tantinople ne lui ayant pas été rendue, cet
évêque se piqua et irrita l'empereur Zenon
contre Taiaïa. Il conçut même le dessein de
le chasser de son siège. A cet etlet, il en
J'Ai.t
(le [,i<,
eo 470.
» Tom. IV Concil., pag. 1041 et 1044. — 2 Ibid.,
pag. 1041. — ' Usser., Ecoles. Britan., pag. 427.
* ïom. II Concil. Harduin., pag. 810.
s Tom. II Concil. Harduin., in indice., ad an. 478.
6 Liber., cap. xxvm. — '' Tom. IV ConaV.^ pag. 1132.
i" Evagr., lib. III, cap. x.
CHAPITRE LUI. — CONCILES DE ROME ET DE CARTHAGE.
[V^ ET VP SIÈCLES.]
écrivit au pape, qui s'y opposa inutilement.
Talaïa fut chassé d'Alexandrie et Pierre Mon-
gus rétabli en sa place. Talaïa appela de la
sentence au pape, alla à Rome pour solliciter
son rétablissement, et mourut en paix à Noie
en Campanie , dont Simplice lui avait donné
l'Eglise à gouverner.
10. Les évêques Vital et Misène, que le pape
Félix avait envoyés à Constantinople en 484,
étant de retour à Rome, il se tint un concile '
où on les obligea de rendre compte de leur
conduite. C'était sur la fin de juillet de la
même année. Il s'y trouva soixante-sept évê-
ques, en présence desquels les légats furent
convaincus, tant par la lettre d'Acace, qu'ils
avaient apportée avec eux, que par les témoi-
gnages de Siméon et des autres acémètes, et
par celui du prêtre Sylvain, de s'être unis de
communion avec Acace et Pierre Mongus 2.
Après que le concile en eut dressé des actes,
il rendit une sentence par laquelle Vital et
Misène furent privés de la dignité épiscopale
et même de la participation des mystères.
Ensuite il prononça un nouvel anathème
contre Pierre Mongus ', en protestant que
jamais l'Eglise romaine ne l'avait reconnu
pour évêque, et qu'elle ne le recevrait jamais,
en étant indigne. Acace, qui ne pouvait dou-
ter que Mongus ne fût un usurpateur et qu'il
n'eût même été ordonné par un seul évêque,
contre les règles de l'Eglise, n'avait pas laissé
de communiquer avec lui. Il n'avait pas voulu
se séparer de sa communion , quoique Sim-
plice et Félix l'en eussent averti. Cité de se
justifier devant le pape, il l'avait refusé. Tous
ces faits ayant été bien constatés *, le concile
jugea qu'il ne fallait point différer de le con-
damner, de peur que, comme il s'était souillé
par la communion des hérétiques, le Saint-
Siège ne fût aussi souiUé en demeurant dans
sa communion. La sentence ne porte que le
nom de Célius Félix ^, évêque de la sainte
Eglise catholique de Rome, quoiqu'elle eût
été signée par tous les évêques du concile,
au nombre de soixante-sept. Car il était d'u-
sage, dans les conciles d'Italie , où l'on trai-
tait de la foi, que les décisions ne portassent
que le nom du pape. Nous avons une lettre
synodale ^ d'un concile de Rome , tenu l'an-
née suivante, 485, adressée aux clercs et aux
719
moines d'Orient, auxquels il déclare qu'il a
ratifié de nouveau la condamnation d'Acace.
Cette lettre est souscrite de Candide, de Ti-
voli et de quarante-deux autres évêques. Il
paraît que le concile ' en écrivit une sem-
blable à l'empereur, pour se plaindre de ce
qu'Acace ne discontinuait point ses violences
et sa tyrannie, de ce qu'il ne tenait aucun
compte de son excommunication et de ce qu'il
avait chassé Calandion du siège d'Antioche.
Elle n'est pas venue jusqu'à nous, non plus
que celles qu'ils écrivirent, ce semble, au
clergé, au sénat et au peuple de Constanti-
nople.
ARTICLE IX.
CONCILES BE ROME [487], ET DE CARTHAGE [484].
1. Les Eglises d'Afrique qui avaient en
vain cherché de la consolation dans l'Orient,
en trouvèrent en Occident. Félix, informé
des maux qu'elles souffraient, écrivit pour
tâcher d'y remédier, aux légats qu'il avait
envoyés à l'empereur Zenon, afin d'engager
ce prince à faire cesser la persécution qu'Hu-
néric faisait aux catholiques d'Afrique. Nous
n'avons plus cette lettre du pape, et nous
n'en savons que ce qu'en rapporte Evagre ^
dans le troisième livre de son Histoire ecclé-
siastique. Mais il y a apparence que ce fut
en conséquence de cette lettre que l'empe-
reur Zenon envoya Uranius à Hunéric, en
484. Uranius dit en effet, selon le rapport
de Victor de Vite '', qu'il était venu en Afri-
que pour la défense des Eglises catholiques.
La légation d'Uranius ne produisit aucun ef-
fet. Hunéric, pour lui montrer qu'il ne crai-
gnait personne, disposa plusieurs bourreaux
et les plus cruels dans les rues et dans les
places par où cet ambassadeur devait passer
en allant au palais et en s'en retournant.
C'était faire une étrange injui'e à l'empire
romain, et insulter à sa faiblesse : mais la
révolte d'IUus contre Zenon était un motif à
Hunéric de ne le pas craindre. Gontamond,
son successeur, ayant rappelé d'exil saint
Eugène, évêque de Cartbage, en 487, rendit
aux catholiques de la même ville, le cime-
tière de Saint-Agilée. Mais il ne rappela les
évêques et ne se fit ouvrir les égUses qu'en
494. Les évêques d'Afrique ne pouvant donc
CoQcile da
Rome, on t'a»
«87.
1 Tom. IV ConcU., pag, 1124, 1125 et seq.
''■ Voyez l'article d'Acace de Goustantinople, num.
19, 20 et 21.
8 Evagr., lib 111, oap. xxi.
* Evagr., 1201, 1202 et pag. 1083 1072.
s Tom. IV Cowi/., pag. 1073. — ^ Ibid., pag. 1124.
' Ibid., pag. 1126. — * Evagr., lib. 111, cap. sx.
9 Vict., lib. V, pag. 77.
720
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
s'assembler pour remédier aux maux que la
persécution avait causés dans leur province,
le pape Félix fit voir encore en cette ren-
contre combien il avait à cœur l'intérêt des
Eglises d'Afrique. Il assembla un concile à
Rome, dans la basilique de Constantin, le 14
mars, sous le consulat de Roëce, c'est-à-dire,
en 487. Il s'y trouva quarante évéques d'Ita-
lie, quatre évêques d'Afrique, Victor, Donat,
Rustique et Pardale, envoyés peut-être de
la. part de leurs collègues, comme saint Cy-
prien en avait envoyé autrefois consulter le
Saint-Siège, sur la manière dont ils devaient
se conduire dans la réconciliation de ceux
qui étaient tombés dans la persécution. 11 y
eut dans ce concile soixante-seize prêtres qui
sont tous nommés dans les actes du concile.
Le pape y marqua d'abord combien il était
affligé de la désolation des Eglises d'Afrique,
où non-seulement le simple peuple et les
clercs inférieurs, mais les diacres, les prêtres
et les évêques s'étaient laissés rebaptiser. Il
y a apparence qu'il fit lire dans cette assem-
blée des mémoires qu'on lui avait communi-
qués sur toutes ces choses; et que le concile
ayant réglé ce qu'il y avait à faire en cette
rencontre, le pape en forma une lettre qu'il
fit lire ensuite par le diacre Anastase. Elle
est adressée à tous les évêques des diffé-
rentes provinces et contient le résultat du
concile.
Décrets du 2. Celle que nous avons n'est datée que
d'un an après la tenue du concile, savoir le
i 5 mars 488, sous le consulat de Dynamius
et de Siphidius : ce qui fait croire que le
pape en envoya des copies originales en di-
vers endroits, selon les besoins, et qu'il da-
tait ces copies du temps qu'il les envoyait. Il
marque aux évêques que l'on doit appliquer
à ceux qui sont tombés dans la persécution,
des remèdes propres à leurs plaies ', de peur
que, si on les voulait fermer avant le temps.
concile de
Rome.
non-seulement cela ne servît de rien à des
personnes attaquées d'une peste mortelle,
mais encore que les médecins ne se rendis-
sent aussi coupables que les malades, pour
avoir traité trop superficiellement un mal si
pernicieux. 11 veut d'abord ^ que l'on distin-
gue la personne et la condition des tombés
qui demandent indulgence; que l'on examine
s'il est vraiment pénitent, dans le désir de
satisfaire à Dieu, s'il a une vraie douleur de
s'êlre laissé rebaptiser; et s'il a commis ce
crime par contrainte : parce que la condition
de celui qui a été forcé, doit être dilïérente
de celui qui s'y est laissé aller volontaire-
ment, et que l'on doit traiter plus sévère-
ment celui qui s'est laissé engager par ar-
gent. Ensuite il ordonne de punir leur faute
par les moyens ordinaires; en sorte que,
renonçant à toute honte et à toute délica-
tesse ^, ils embrassent les jeûnes, les gémis-
sements et les autres pratiques salutaires,
dans le temps où elles leur seront imposées,
et pour tout le temps qu'on leur prescrira,
la grâce n'étant accordée qu'aux humbles et
non pas aux superbes. Descendant ensuite
dans le particulier ^, il ordonne que les évê-
ques, les prêtres et les diacres qui auront
consenti à êti"e rebaptisés, ou qui auront été
contraints par la violence des tourments, se-
ront soumis à la pénitence jusqu'à la mort,
sans assister, même aux prières, non-seule-
ment des fidèles, mais encore des catéchu-
mènes. Il leur accorde néanmoins à tous la
communion laïque à la mort, après qu'une
personne habile aura examiné avec soin leur
disposition.
Pour les ecclésiastiques, les moines, les
religieuses et les séculiers qui, étant tombés
sans y avoir été contraints, témoigneront un
véritable désir de se relever, il veut que, con-
formément à la règle établie dans le concile
de Nicée ^, ils passent trois ans dans le rang
' Competens adhibenda est talibus medicina vulneri-
bus, ne immatura curandi facilitas morlifera captis peste
nihil prosii, sed segnius tracta pernicies, reatu non li-
gitimœ curationis involvat pariter saucios et medentes,
Félix., Epist. 1, tom. IV Concil., pag. 107S.
2 In primis itaque venientis ad vos et remedium pos-
tulantis, sollicite discutienda est professio et persona
decepti, ut modela possit congruens exhiberi, et qui sa-
tisfaciurus Deo, per pœniteniiam se rabaptizatum légi-
time dolueiit; iitrum ad hoc facinus concurrent, an
impulsus accesserit, requiratur; aliter nccessitatis , ali-
ter tractanda est ratio voluntatis. Deterior est autem
causa illius qui forte pretio soUicitatus est ut periret.
Ibid.
' Nec pudeat, aut pigeât indictis jejuniorum, gemi-
tuumque temporibus obedire, aut aliis observantiœ salu-
brioris obtemperare prœceptis : quia humilibus datur
gratiu, non superbis. Ibid.
* Ut ergo ab Ecclesiœ sUmmitatibus inchoemus eos quos
episcopos, presbyteros, vel diaconos fuisse constiterit et,
seu optantes forsitan, seu coactos lavacri illius unici sa-
lutarisque claruerit fecisse jacturam... in pœnitentia
si resipiscunt, Jacere conveniet : nec orationi non modo
fidelium, sed ne catechumenorum omnimodis interesse,
quibus communio laica iantum in morte reddenda est.
Quam rem diligentius explorare vel facere probatissi-
mi saccrdotis cura debebit. Félix, Epist. 7, pag. 1076.
^ De clericis autem et monachis aut puellis, aut sœcu-
r
[V= ET YI= SIÈCLES.] CHAPITRE LUI.
des catéchumènes, sept ans dans celui des
prosterués ou pénitents, et deux ans assis-
tants à l'oraison avec les fidèles laïques, sans
néanmoins otfrir aucunes oblations. 11 ajoute
que si les mêmes personnes sont tombées
par la violence des tourments, on les admet-
tra à la participation du sacrement , par
l'imposition des mains, après une pénitence
de trois ans. A l'égard des enfants clercs ou
laïques ', le pape ordonne qu'ils seront te-
nus quelque temps sous l'imposition des
mains, et qu'après cela on leur rendra la
communion, de crainte qu'ils ne tombent
dans de nouvelles fautes pendant le temps
de lem' pénitence; mais que ni eux ni aucun
de ceux - qui auront été baptisés ou rebap-
tisés hors de l'Eglise catholique, ne pourra
jamais être aJmis au ministère ecclésiasti-
que, et que ceux qu'on y aura élevés par
surprise, seront déposés; que les catéchu-
mènes de l'Eglise qui auront j'eçu le baptême
des ariens, seront trois ans entre les audi-
teurs 3, puis entre les catéchumènes, parmi
lesquels ils auront permission de prier jus-
qu'à ce qu'ils reçoivent avec eux la grâce de
la communion catholique, par l'imposition
des mains. C'était un usage général dans
l'Eglise *, de donner l'Eucharistie aux péni-
tents^ lorsqu'ils la demandaient à la mort.
C'est pourquoi Félix ordonne que si quel-
qu'un de ceux qui ont été mis en pénitence
se trouve à l'extrémité, il recevra le viatique,
soit du même évêque qui lui aura imposé
laribus, servari prœcipimus hune ienorem quein Nicœna
synodus circaeos qui tapsisunt, vel fuerint, servandum
esse cotistituit, ut scilicet, qui nulla necessilate, nullius
rei timoré ut periculo, se ut rebapiiientur hœreticis
impie dediderunt, si tamen eos ex corde pœnitet, tribus
annis inter audientes sint : septem autem annis subja-
ceant inter pcenitentes manibus sacerdotum : duobus au-
tem annis oblationes modis omnibus non sinantur offer-
re, sed lantummodo sœcularibus in oratione socientur.
ll)id.
' Pueris autem seu clericis sive laicis, aut etiam si-
milibus puellis, quibus ignoraniia suffragaiur œiatis,
aliquandiu sub manus impositione detentis, reddenda
communio est : nec eorum expedanda pœnilentia, quos
excipit a coercilione censura. Ibid.
^ Illo per omnia cusiodire, ne ex eis unquam qui in
qualibet œtate alibi quam in Ecclesia cathoiica aut bap-
tizati, aut rebaptizaii sunt ad ecclesiaslicam militiam
prorsus non permittantur accedere. De suo ordine et
communione videbitur ferre judicium quisquis hoc vio-
laverit institutum, vel qui non remooerit eum quem ex
eis ad ministerium cléricale obrepsisse cognoverit. Ibid.,
pag. 1077.
» Nec catechumenos nosiros qui sub tidi professione
baptizaii sunt prœlermiltimus.... tribus annis inter au-
dientii sint, et posiea cum catechumenis per manus im-
CONCILES DE ROME ET DE CARTHAGE.
721
X,
la pénitence, soit de tout autre ou même de
tout prêtre, après s'être assuré néanmoins
que cette personne avait été admise à la pé-
nitence. Le pape défend au surplus aux évê-
ques et aux prêtres ^, de recevoir dans leurs
villes le pénitent d'un autre évêque, sans
son attestation par écrit, soit que ce pénitent
s'avoue être lié, soit qu'il prétende être dé-
lié. 11 ajoute que s'il arrive quelque cas im-
prévu, on en demandera la solution au Saint-
Siège. On ne doit pas oublier que le pape,
après avoir ordonné d'accorder la commu-
nion à ceux qui, avant que d'avoir accompli
le temps de leur pénitence , se trouvent à
l'article de la mort «, veut que s'ils revien-
nent eu sauté, ils ne communiquent qu'à la
prière seulement, jusqu'à ce qu'ils aient
achevé le temps prescrit pour leur pénitence,
selon qu'il avait déjà été ordonné par le con-
cile de Nicée.
3. Il ne faut pas être surpris que le concile
donne généralement aux évèques le pouvoir
d'absoudre ceux qui étaient tombés dans la
persécution; les pénitents n'en auraient point
trouvé en Afrique de qui ils eussent pu re-
cevoir l'absolution, Hunéric ayant défendu
aux évèques qui y étaient restés ', de récon-
cilier personne. Car ils n'étaient pas venus
tous à la conférence de Carthage, en ayant
apparemment été empêchés par maladie.
Tous les évèques nommés dans la ISotice
d'Afrique, ne sont que quatre cent soixante-
trois. On n'y en voit point d'Hippone ni d'A-
positionem communionis catholicœ graiiam percepturi,
Ibid.
* Quod si ut pote morlales, [intra metas prœscripti
temporis cœperit vitœ finis urgere, subveniendum est
imploranti, et seu ab episcopo qui pœnitentiam dederit,
seu ab alio qui tamen datam esse probauerii; similiter
a presbytero viaticum abeunii de sœculo non negetur.
Ibid., pag. 1076.
s Cavendum ero maxime ne quis fratrum coepiscopo-
rumque nostrorum, aut etiam presbyterorum, in alterius
cioitale, vel diœcesi pœnitentem, vel sub manu positum
sacerdotis, aut eum qui reconciliatum se esse dixerit,
sine episcopi vel presbyteri testimonio et litteris, ad cu-
jus pertinet parochium, presbyter aut episcopus in civi-
tate suscipiat. Ibid., pag. 1077.
6 Quod est nobis provide constitutum, ne hi quibus in
terrent labe contagii plus minusve restât ad vitam, dam
adhuc pœnitentia sunt, pœnitenda committant. Quod si
anle prœfmiium pœnitentiœ tempus desperalus a medi-
cis, aut evidentibus morlis pressus indiciis, recepta quis-
quam communionis gratta convalescit ; servemusidquod
Nicœni canones obseruaverunt, ut habeatur inter eos,
qui in oratione sala communicant, donec impleatur spa-
tium temporis eidem prœstiiuium. Ibid.
■î Vict.Vit., lib. IV, pag.71, et tom. IV Co«ci/.,pag,
1127.
4G
AssemLléâ
lie («artbage,
eu 4V4,
722
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
driimet, ni de plusieurs autres Eglises d'A-
frique. La conférence avait été indiquée par
Hunéric, pour le 1" février de l'an 484 ',
avec ordre aux évêques catholiques d'y dis-
puter de la foi avec les évêques ariens, et de
prouver par les Ecritures leur créance tou-
chant la consubstantialité des personnes di-
vines. L'édit qui porte cette convocation, est
du 20 mai 483. 11 vint à Garthage des évê-
ques, non-seulement de toute l'Afrique, mais
encore des lies qui étaient sous la domina-
tion des Vandales. Hunéric fit séparer ceux
qu'il savait être les plus habiles d'entre les
évêques catholiques, et les persécuta sous
divers prétextes. Les autres s'étant assem-
blés au lieu marqué pour la dispute, choisi-
rent dix d'entre eux qui devaient répondre
pour tous, afin que les ariens ne les accusas-
sent point d'avoir voulu les accabler par leur
grand nombre. Cyrila, qui prenait la qualité
de patriarche des ariens, vint à l'assemblée
accompagné de ses évêques et, ce semble,
des soldats d'Hunéric. Il s'assit en un lieu
élevé sur un trône magnifique, pendant que
les évêques cathohques étaient debout.
Comme il semblait par là vouloir se déclarer
juge et ai-bitre de la conférence, les catholi-
ques, après s'être plaints de ce faste et avoir
dit que l'on devi'ait garder l'égalité dans une
dispute, demandèrent qu'il y eût des com-
missaires pour juger de ce qui se dirait de
part et d'autre, ou du moins les plus sages
du peuple , pour être spectateurs. Pendant
que Ton disputait là-dessus, un secrétaire
d'Hunéric prenant la parole, dit : « Le pa-
triarche Cyrila. » Les cathohques l'interrom-
pirent en demandant qu'on leur montrât
par quelle autorité Cyrila prenait ce titre.
Alors les ariens firent grand bruit, et leurs
soldats se jetant sur les catholiques qui
étaient présents, ils les maltraitèrent à coups
de bâton. Sur quoi saiut Eugène, évêque de
Garthage, s'écria : « Que Dieu voie de quelle
manière on nous opprime, et qu'il soit le juge
des violences qu'on nous fait. » Le tumulte
apaisé, les évêques catholiques dirent à Cy-
rila de proposer ce qu'il voudrait. Il répon-
dit : « Je ne sais pas le latin. » — « Nous
savons, dirent les catholiques, que vous avez
toujours parlé latin : ainsi vous ne devez pas
demeurer dans le silence, vu surtout que
» Vict. Vit., ibid., pag. 36.
2 Vict. Vit., lib. 111, pag. 42.
3 Vict. Tuu., in Chron., pag. 3. — * Idem, ibid.
c'est vous qui avez excité tout cet orage. »
On dit quelque chose du terme de consubs-
tantiel : mais Cyrila, voyant les évêques ca-
tholiques mieux préparés au combat qu'il
n'avait cru, chercha divers prétextes de dis-
soudre l'assemblée. Les catholiques qui l'a-
vaient prévu, avaient dressé une profession
de foi où ils s'expliquaient avec beaucoup
de netteté et d'étendue sur la divinité du
Verbe et du Saint-Esprit. Us la présentèrent
au roi et aux évêques ariens, en disant à
ceux-ci ^ : « Si vous voulez savoir quelle est
notre foi, elle est exprimée dans cet écrit. »
Il est marqué, à la fin de cette profession,
que les évêques catholiques l'envoyèrent
encore aux ariens, le 18 février. Nous en
avons donné le précis dans l'article de Victor
de Vite.
ARTICLE X.
CONCILES DE CONSTANTINOPLE [492, 496].
1. Sous le consulat d'Anastase et de Rufus, (.„,
c'est-à-dire en 492, Euphémius, patriarche p"""''^
de Constantinople, voulant prévenir les ma- "
licieux artifices de l'empereur Anastase, en-
tièrement dévoué aux ennemis du concile de
Ghalcédoine, assembla les évêques qui étaient
à Constantinople ^, et confirma avec eux les
décrets de ce concile. Anastase, de son côté,
en assembla un en 496, où par le ministère
des évêques qu'il trouva à Constantinople *
il fit déposer Euphémius et confirmer l'/Zeno-
tique de Zenon. La même année, Macédo-
nius confirma dans un concile les décrets du
concile de Ghalcédoine ; mais il n'y dit rien
de VHénotique de Zenon, par crainte d*Anas«
tase. C'est ce que nous lisons dans le Syno-
dique ^. On lit le contraire dans Victor de
Tunes, qui dit ^ que Macédonius condamna
dans un concile ceux qui recevaient les dé-
crets de Ghalcédoine, et ceux qui soutenaient
les erreurs de Nestorius et d'Eutychès. Mais
il est visible qu'il y a faute en cet endroit, el
qu'au lieu de suspiciunt il faut lire despiciunt,
puisque Victor de Tunes reconnaît un peu
plus bas ', que l'empereur Anastase fit dé-
poser et envoyer en exil Macédonius avec
plusieurs ecclésiastiques, parce qu'il ne vou-
lait point condamner le concile de Ghalcé-
doine.
5 Tom. IV Concil., pag. 1414.
« Vict. Tun., iu Chron., pag. 5.
Ibid.. Pag. G.
[VKTvPSiÈCLES.] CHAPITRE LUT. — CONCILES DE ROiME
ARTICLE XI.
723
loticile âù
leeu 404.
DES CONCILES DE ROME [494, 495, 499, 302,
503, 504].
1. Dans les collections des conciles ', on
en trouve un tenu à Rome sous le consulat
d'Astérius et de Présidius, l'an 494, et com-
posé de soixante-dix évêques. Il y est dit que
ce fut avec eux que le pape Gélase dressa un
catalogue des livres de l'Ancien et du Nou-
veau Testament que la sainte et catholique
Eglise romaine reçoit avec vénération. Mais
il y a de la variété à cet égard dans quelques
anciens exemplaires qui attribuent ce cata-
logue, non à un concile de Rome auquel Gé-
lase avait présidé, mais à Gélase seul ^. Ils ne
s'accordent point non' plus sur le contenu de
ce catalogue, qui est plus nombreux dans
quelques-uns et moins dans d'autres; en
sorte que l'on ne peut douter qu'on n'y ait
ajouté. Mais ce qui le prouve encore mieux,
c'est la contrariété qui se rencontre dans le
jugement qu'on y porte de certains livres.
En un endroit ^, on reçoit l'Histoire d'Eusèbe^
à cause des choses importantes qu'elle ren-
ferme : en un autre, on la déclare apocryphe
sans exception *. On y cite la Chronique du
comte MarceUin ^, qui ne fut rendue publi-
que qu'après la mort de Gélase, et au plus
tôt en 366. Je ne sais même si en 494, où
l'on met l'époque de ce catalogue, on pouvait
dire du Poènie pascal de Sédulius, qu'il était
en grande estime dans le monde ^, puisque
ce ne fut qu'en cette année qu'Astérius le
découvrit tout brouiUé parmi les papiers de
ce poète chrétien, et qu'il en ht faire des copies
bien nettes. Gennade, en parlant des ouvrages
» Tom.IV Concil., pag. 1260.— ^ Labbe, not., ibid.
' Item Chronica Eusebii Cœsariensis et ejusdem Ec-
clesiasticœ HistoricE libres. .. Propier noiitiam siagula-
rem quœ ad instructionem pertinent usquequaque non
dicimus 7-enuendos. Ibid., pag. 1263.
* Historia Eusebii apoorypba. Ibid., pag. 1265.
5 "Voyez tom. X, pag. 632.
s liem venerabilis Sedulii Paschale opus insigni laude
prœferi?nus. Ibid., pag. 1264.
' Genuad., de Viris illust., cap. xciv.
8 Nihil in Ecctesia légère permistt Ansehnus prœter
orthodoxorum Patrum scripturas; apocrypha omnia si-
eut beatixsimus papa Léo constituit, in Ecclesiœ non re-
cepii officia. Bard. Vit. Anselm., pag. 3.
" Item epistolam beali Leonis papœ ad Flavianum.
Tom. IV Concil., pag. 1263.
^^ Gelasii papœ de libris recipiendis et non recipiendis.
Tom. IV Spicileg., pag. 484.
^' In eodem volumine décréta Gelasii papœ de libris
recipiendis et non recipiendis. Tom. III Spicileg., pag.
240.
de Gélase^ ne dit rien du décret touchant les
livres apocryphes, et je ne crois point qu'il
ait voulu le comprendre sous le terme gé-
néral de divers autres traités ', qu'il lui attri-
bue. Quelques-uns l'ont donné à saint Léon
sur l'autorité de Bardus, qui a écrit la Vie de
saint Anselme de Lucques : mais outre que
Bardus ne dit autre chose, sinon que ce saint
rejeta de l'office de l'Eglise ^ les livres apo-
cryphes comme saint Léon l'avait ordonné,
et qu'il ne permit pas qu'on lût dans l'Eglise
d'autres ouvrages que ceux des pères ortho-
doxes , quelle apparence d'attribuer à ce pape
un écrit où il est parlé de lui comme mort ^ ?
Il vaut mieux le laisser au pape Gélase qui
en est en possession depuis tant de siècles ;
et dire qu'on y a ajouté. Il est cité sous son
nom dans un acte de l'abbaye de Saint-Ri-
quier, en 432 '", par Anségise, abbé de Fon-
tenehe",mort en 833; par saint Loup '^ abbé
de Ferrières, et par Hincraar '3, qui écrivaient
tous deux dans le ix'' siècle. Le décret de
Gélase contient premièrement le catalogue
des livres canoniques de l'Ancien et du Nou-
veau Testament, semblable à celui du con-
cile de Trente ; si ce n'est que celui de Gé-
lase ne compte qu'un livre des Machabées,
au heu que nous en comptons deux. Mais nos
deux dans la plupart des anciens exemplaires
n'en font qu'un. Du reste il met au rang des
divines Ecritures, les livres de la Sagesse, de
l'Ecclésiaste, de Job, de Tobie, de Judith,
d'Esdras, l'Apocalypse de saint Jean, et les
sept Epîtres canoniques. C'est sur les écrits
des prophètes, des Evangiles et des apôtres,
que l'Eglise catholique a été fondée '*. Mais
quoique toutes les églises catholiques répan-
ds Doc/ms papa Gelasius cum septuaginta episcopis qui
scriptores essent recipiendi , Fausti Regiensis scripta
exauctoravil liis verbis, opuscula Fausti apocrypha.hup.
Ferrar., Episi ad Carol. Reg.
'2 Gelasius Hilarium sicut et sanctum Augustinum in
catalogo scriptorum ecclesiasiicorum afque illuslrium
computat. Hincm., de Prœdesiinat., cap. III, pag. 23.
!♦ Post proplieiicas , evangelicas atque apostolicas
Scriptu)-as quibus Ecclesia caiholica per gratiam Dei
fundata est, illudeliam iniimandumputamusquodquam-
vis universœ per orbem caiholicœ Ecclesiœ unus thala-
mus Chrisii sit, sancia (amen romona caiholica et apos-
folica Ecclesia nullis synodicis constituas cœteris Eccle-
siis prœlata est, sed evangelica voce Domini et Saloato-
ris nostri primatum oblinuit : Tu es Pelrus et super
banc potram, etc. Oui data est etiam societas beatissi-
mi Pauli vasis electionis, qui non diveiso sicut hœretici
garriunt, sed uno tempore, uno eodemque die, gloriosa
morte cum Petro in urbe Roma sub Cϔare Nerone ago-
nisans coronatus est ; et pariier supradictam sanctam..
Ecclesiam romanam Christo Domino consecrarunt, ta-
724
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Préémitieuce
de rii^glisero-
maine.
Cor.cilesrc-
çus dans l'Ë-
plise romai-
ne.
dues dans toute la terre, ne fassent qu'une
épouse de Jésus-Christ, néanmoins l'Eglise
romaine a été préférée à toutes les autres,
non par aucun décret de concile, mais parla
parole de notre Seigneur Jésus-Christ, quand
il a dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâ-
tirai mon Eglise. A saint Pierre a été associé
le bienheureux Paul, qui a souffert comme
lui le martyre à Rome sous Néron, le même
jour, et non pas en un autre temps comme
disent les hérétiques. C'est par leur mort
glorieuse qu'ils ont l'un et l'autre consacré
l'Eglise romaine à Jésus-Christ, et qu'ils lui
ont donné par leur présence et par le triom-
phe de leur martyre la prééminence sur
toutes les autres Eglises.
2. Ainsi le premier siège de l'apôtre saint
Pierre est l'Eglise romaine, «qui n'a ni tache,
ni ride, ni rien de semblable. » Le second
siège a été établi à Alexandrie, au nom de
saint Pierre par Marc, son disciple ; envoyé
en Egypte par cet apôtre, il y a prêché l'E-
vangile et fini sa vie par un glorieux mar-
tyre. Le troisième siège établi à Antioche,
porte aussi le nom de saint Pierre ; parce
qu'il y a demeuré avant que de venir à
Rome; et que c'est là que le nom de chrétien
a commencé.
3. Quoique personne ne puisse poser d'au-
tre fondement que celui qui est posé, c'est-
à-dire Jésus-Christ, toutefois pour notre édi-
fication, l'Eglise romaine, après les Ecritures
de l'Ancien et du Nouveau Testament, reçoit
aussi les quatre conciles de Nicée, de Cons-
tantinople, d'Ephèse et de Chalcédoine, et
les autres conciles autorisés des pères. Dans
celui de Nicèe, trois cent dix-huit évêques,
par l'entremise du grand Constantin, con-
damnèrent l'hérétique Arius. Macédonius
reçut la sentence de condamnation qu'il mé-
ritait dans celui de Constantinople, sous
Théodose l'Ancien. Le concile d'Ephèse avec
le consentement du bienheureux pape Cè-
lestin, et par le ministère de saint Cyrille et
d'Arcade députés de l'Italie, condamna Nes-
torius. Son hérésie avec celle d'Eutychès fut
encore condamnée dans le concile de Chal-
cédoine parles soins de l'empereur Marcien,
et d'Anatolius évêque de Constantinople.
4. Après cette déclaration le concile de
Rome marque en détail les ouvrages des
pères dont l'Eglise romaine admet l'autorité.
De ce nombre sont les écrits de saint Cy-
prien, de saint Grégoire de Nazianze, de
saint Basile de Cappadoce, de saint Anastase,
de saint Cyrille, de saint Chrysostome, de
Théophile d'Alexandrie, de saint Hilaire de
Poitiers, de saint Ambroise, de saint Augus-
tin, de saint Jérôme, de saint Prosper, la
letti-e de saint Léon à Flavien sans en retran-
cher un seul mot ; les ouvrages de tous les
autres pères qui sont morts dans la commu-
nion de l'Eglise romaine ; les décrétales des
papes, et les actes des martyrs. Le concile
ajoute qu'encore que l'on ne doute point
qu'il n'y en ait de véritables, l'ancienne
coutume de l'Eglise romaine est de ne les
point lire par précaution, parce que les noms
de ceux qui les ont écrits sont entièrement
inconnus, et qu'ils ont été altérés par des in-
fidèles ou par des ignorants : comme ceux
de saint Cyzique, de sainte Julitte, de saint
Georges, et de plusieurs autres composés
par des hérétiques : que pour éviter donc la
moindre raillerie, on ne les lit point dans
l'Eglise romaine, quoiqu'elle honore avec
une entière dévotion tous les martyrs et leurs
combats plus connus à Dieu qu'aux hommes.
Mais le concile reçoit avec honneur les Vies
, des pères, savoir : de saint Paul, de saint
Antoine, de saint Hilarion, et les autres écri-
tes par saint Jérôme. Il permet la lecture des
actes de saint Sylvestre, ceux de l'Invention
de la Croix, et les nouvelles relations de
l'Invention du chef de saint Jean-Baptiste;
mais avec la précaution que prescrit saint
Paul aux Thessaloniciens : Eprouvez tout, et
approuvez ce qui est bon. Il permet encore de
lii'O les ouvrages de Rufin et d'Origène ,
pourvu qu'on ne s'écarte point du jugement
qu'en a porté saint Jérôme ; et l'Histoire
d'Eusèbe de Césarée avec sa Chronique, à
cause des faits importants que cette Histoù'e
contient ; mais le concile condamne les
louanges que cet historien a données à Ori-
gène. Il approuve sans réserve l'Histoire
d'Orose, et les poèmes de Sédulius et de Ju-
vencus.
des I
ÇI15 ■
IThel
lemque omnibus urbibus in universo mundo sua prceseyi-
tia atque venerando triumpho prœtulerunt. Est ergo pri-
ma Pétri sedes romana Ecclesia, non habens maculam
negue rugam. Secmida autem sedes apud Alexandriam
beati Pétri nomine a Marco ejus et discipulo et evange-
lista consecrata est. Ipseque a Petro apostolo in .Hgyp-
tum directus verbum verilatis prœdicavit, et gloriosum
consummavit martyrium. Tertio vero sedes apud Aniio-
chiam ejusdem Pétri apostoU nomine habetur honorcbilis,
eo quod illic priusquam Romam venisset, habiiavii. Tom.
JV Concil., pag. 1261.
[V ET TI^ SIÈCLES.]
5. Le concile déclare ensuite que l'Eglise
catholique ne reçoit pas les livres composés
par les hérétiques ou par les schismatiques.
Il défend en particulier de lire les suivants :
le concile de Rimini assemblé par l'empereur
Constance, V Itinéraire de saint Pierre sous
le nom de saint Clément ; les actes de saint
André, de saint Thomas, de saint Pierre, de
saint Philippe ; les Evangiles de saint Thadée,
de saint Mathias, de saint Pierre, de saint
Jacques, de saint Barnabe, de saint Thomas,
de saint Barthélémy, de saint André ; ceux
que Lucien et Hésychius avaient falsifiés ; le
livre de l'Enfance du Sauveur ; le livre de la
Nativité du Sauveur, de Marie et de la Sage-
Femme; le livre du Pasteur; tous les livres
de Leucius ; le livre intitulé : du Fondement,
un autre appelé le Trésor ; le livre de la Gé-
nération des filles d'Adam, les C entons de Jé-
sus-Christ, composés des vers de Virgile, les
actes de sainte Thècle et de l'apôtre saint
Paul ; un livre appelé Népos, un des Proverbes
composé par les hérétiques sous le nom de
Sixte ; les Révélations de saint Paul, de saint
Thomas, de saint Etienne; le Passage ou l'As-
somption de sainte Marie; la Pénitence d'Adam,
le Livre d'Og le Géant, qui portait qu'il avait
combattu avec un serpent après le déluge ;
le Testament de Job, la Pénitence d'Origène, de
saint Cyprien, de Jannès et Mambi'ès; les Sorts
des Apôtres ; l'éloge des apôtres, les canons
des apôtres; le Philosophique, sous le nom de
saint Ambroise. Aux livres apocryphes, le
concile ajoute ceux qui ont été composés par
quelques hérétiques, ou même par des ca-
tholiques qui se sont écartés en quelque
point des sentiments de l'Eglise catholique,
savoir : TertuUien, Eusèbe de Césarée, Lac-
tance, Africain, Posthumien, Gallus, Montan,
Priscille, Maximille, Fauste le Manichéen,
Commodien, Clément d'Alexandrie^, Tatius,
Cyprien, Arnobe, Tychonius^ Cassien, Victo-
rin, Fauste de Riez, Frumentius l'Aveugle.
La lettre d'Abgare à Jésus-Christ, celle de
Jésus-Christ à Abgare sont mises entre les
apocryphes, de même que les actes du mar-
tyre de saint Quiric, de sainte Julitte, de
saint Georges, et le livre qu'on appelle la
Contradiction de Salomon. Enfin le concile
condamne tous les caractères ou billets pré-
servatifs qui portent le nom des auges, et en
généra] tous les écrits des hérétiques et des
schismatiques ou de leurs adhérents dont il
' Voyez tom. H Concil., pag. 314.
CHAPITRE LUI. — CONCILES DE ROME.
723
marque les noms, depuis Simon le Magicien
jusqu'à Acace de Conslantinople, et leur dit
à tous anathème. Il est aisé de voir par la
liste des ouvrages déclarés apocryphes dans
ce concile, qu'ils ne sont pas tous condamnés
également, et que quelques-uns ne le sont
qu'à certains égards; par e\em^le,l' Histoire
d'Eusèbe, à cause des louanges qu'il y donne
à Origène, les écrits de saint Clément d'A-
lexandrie, à cause des erreurs dont les héré-
tiques avaient rempli ses livres des Hypoty-
poses, ceux de Cassien, parce que dans la trei-
zième conférence, il favorise les semi-péla-
giens ; ceux de saint Cyprien, parce qu'il y
prend la défense de la rebaptisation contre
le pape saint Etienne.
6. Le pape Gélase tint un second concile à
Rome, le 13 mai 495, où se trouvèrent qua-
rante-cinq évêques, qui sont tous nommés à
la tête des actes du concile. Il s'y trouva
aussi cinquante-huit prêtres, deux magistrats
séculiers. Amandica et Diogénien, avec des
diacres dont le nombre n'est pas marqué.
Misène, l'un des évêques légats qui avaient
trahi la cause de l'Eglise à Conslantinople en
483, présenta une requête au concile datée
du 8 du même mois, mais adressée nommé-
ment au pape à qui il demandait grâce en
des termes très-soumis. Elle fut lue le même
jour en plein concile. Mais, soit qu'on n'eût
pas le loisir de l'examiner, soit qu'on eût
renvoyé l'affaire aune seconde délibération,
le pape, dans la séance du 13 mai, fit relire
la requête de Misène par le diacre Anastase.
Il lui permit ensuite d'entrer lui-même. Mi-
sène se prosterna et demeurant à terre, il
présenta une seconde requête datée du 13
mai, où il rejetait, condamnait, anathémati-
sait l'hérésie et la personne d'Eutychès avec
tous ses sectateurs, nommément Dioscore,
Timolhée Elure, les deux Pierre Foulon et
Mongus, et Acaçe, avec tous leurs complices
et ceux qui communiquaient avec eux. Après
qu'on eut fait la lecture de cette seconde re-
quête, Gélase demanda l'avis des évêques,
qui, se levant avec les prêtres, le prièrent
avec de grands cris, d'user de la puissance
que Dieu lui avait donnée, et d'accorder l'in-
dulgence qu'on lui demandait. Les évêques
et les prêtres s'étant rassis, le pape fit un
assez long discours, où après avoir montré
que les Grecs qui voulaient que l'on pardon-
nât à Acace, même après sa mort, ne pour-
raient pas trouver mauvais qu'on eût accordé
le pardon à Misène, dit que le Saint-Siège en
Concilo do
Rome en 495,
ing. 1269.
726
HISTOIRE GÉNÉRA.LE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
CoQCilo rio
Rome en 499>
le condamnant avec Vital, ne leur avait pas
ôté l'espérance du pardon, que Vital qui
avait été enlevé par une mort précipitée sans
avoir pu être rétabli dans la communion,
quelque efifort qu'on eût fait pour le secourir,
avait subi le jugement de Dieu ; mais qu'on
ne devait point différer de recevoir Misène
tandis qu'il était encore en vie; et que son
avis était qu'il rentrât dans la communion de
TEglise et dans la dignité sacerdotale, puis-
qu'il avait dit anathème contre Eutycbès, les
deux Pierre et Acace. Les évèques et les prê-
tres se levèrent et confirmèrent par leurs ac-
clamations ce que le pape avait dit, le recon-
naissant pour vicaire de Jésus-Christ ', et lui
souhaitant les années de saint Pierre. Sixte,
notaire de Rome, dressa par ordre de Gélase
les actes de tout ce qui s'était fait dans ce
concile. On les trouve dans Baronius, dans
le quatrième tome de la collection du père
Labbe, et ailleurs. Misène assista à un con-
cile de Rome en 499 ^, en qualité d'évêque
de Gumes, sous le pontificat de Symmaque.
7. Ce concile se tint le 1=' mars après le
consulat de Paulin ^, c'est-à-dire en 499,
dans la basilique de Saint-Pierre. Le pape
Symmaque, qui l'avait convoqué pour remé-
dier aux émotions populaires, comme il s'en
était faites à son ordination, y présida. Il s'y
trouva soixante-douze évèques, soixante-sept
prêtres, et cinq diacres. L'archidiacre Ful-
gence ouvrit la séance, en priant le pape de
régler avec les évèques assemblés, ce qui
regardait la sûreté et la paix de l'Eglise : et
après quelques exclamations de la part des
assistants, le pape exposa en peu de mots les
motifs de la convocation du concile, et de-
manda que l'on prescrivit ce qui se devait
observer dans l'ordination de l'évêque de
Rome. Tous les évèques et les prêtres ré-
pondirent : « Nous prions qu'on le fasse,
qu'on retranche les scandales, qu'on éteigne
les brigues. » On fit donc trois canons que le
pape fit lire par le notaire Emilien. Il est dit
dans le premier que si quelque prêtre *, dia-
cre ou clerc, du vivant du pape et sans sa
participation, est convaincu d'avoir donné ou
promis son suffrage pour la papauté à quel-
qu'un, il sera .déposé, soit qu'il ait promis
son suffrage par billet ou par serment. La
même peine est décernée contre ceux qui
auraient délibéré sur le même sujet en quel-
ques assemblées particulières. Outre la dé-
position, on les menace encore d'excommu-
nication. Le second porte que, si le pape
meurt subitement ^ sans avoir pu pourvoir à
l'élection de son successeur, celui-là sera
consacré évêque qui aura les suffrages de
tout le clergé ; et que, s'il y arrive du partage
dans les suffrages, on aura égard au plus
grand nombre. Le troisième ordonne que,
lorsque quelqu'un découvrira les brigues
que l'on aura faites ^, et en donnera des
preuves, non-seulement il sera absous, s'il
est. complice, mais encore récompensé con-
venablement. Le pape souscrivit à ces dé-
crets, et après lui tous les évèques, les prê-
tres et les diacres présents, l'archiprêtre Lau-
rent à la tête des prêtres.
8. Laurent avait été élu pape par la fac-
tion du patrice Festus, le même jour que
Symmaque ' : mais les deux contondants
s'étant rendus à Ravenne pour subir le juge-
ment que le roi Théodoric porterait de leur
élection, ce prince décida en faveur de Sym-
maque, parce qu'il avait été ordonné le pre-
mier, et qu'il avait pour lui le plus grand
nombre des suffrages. Quelques années après
ceux du parti de Laïu-ent formèrent contre
le pape Symmaque des accusations atroces,
et subornèrent à cet effet des faux témoins
qu'ils envoyèrent au roi Théodoric, en même
temps ils rappelèrent secrètement l'archi-
prêtre Laurent. On assembla un concile par
l'autorité du roi, mais du consentement du
pape Symmaque, pour juger des accusations
' Vicarium Christi te videmus, cujus sedem et annos.
Tom. IV Concil., pag. 1273. — 2 Ibid., pag. 1315.
3 Ibid., pag. 1312.
' Constitua sancta synodus ut si presbyter, aut dia-
conus, aut clericus papa incolumi et eo inconsulto, aut
subscriptionem pro romano pontificoiu commodare aut
pittacia committcre, aut sacramentum pi-œhere tentave-
rit, aut aliquod certe suffragium poUiceri, vel de hac
causa privaiis conventiculis factis deliberare atque de-
certiere, loci sut dignitate atque communione privetur.
Tom. IV Concil., pag, 1313.
^ Si, quod absit, transitus papœ inopinatus evenerit,
ut de sui electione successoris non possit atite decernere.
si quidem in unum totius inclinaverit ecclesiastici ordi-
nis electio, consecretur electus episcopus. Si autem stu-
dia cœperint esse diversa eorum, de quibus certamen
emerscrit, vincat sententia plurimorum. Ibid. pag. 1314.
' Propter occultas autem fraudes et conjurationum
sécrétas insidias guas huj'us sententia discretionis
consequitur ; si quis ad ecclesiasticam pertulit notitiam
consilia eorum qui contra hanc synodum de pontificali
egerint ambitu, et rationabili probatione convicerit,par-
ticeps actionis hujusmcdi non solum purgatus ab omni
culpa sit, sed eliam rémunérations, quœ non indigna
s'il, sublevetur. Ibid.
' Tom. IV Concil., pag, 1323.
[VET «"EIKCLIS.]
CHAPITRE LUI. — CONCILES DE ROME.
727
formées contre lui. Les évèques de Ligurie,
d'Emilie et de Vénétie passèrent à Ravenne,
en allant au concile. Le roi, à qui ils deman-
dèrent le sujet de cette assemblée, leur ré-
pondit que c'était pour examiner les crimes
dont le pape Symmaque était accusé. Les
é'vêques dirent ' que c'était au pape lui-
même à convoquer le concile ; que le Saint-
Siège avait ce droit, autant par sa primauté
tirée de saint Pierre, que par l'autorité de con-
ciles, et que l'on ne trouvait aucun exemple
qu'il eût été soumis au jugement de ses in-
férieurs. Théodoric dit que la convocation du
concile s'était faite du consentement de Sym-
maque, et fit donner à ces évèques les let-
tres que le pape avait écrites sur ce sujet.
Les évèques d'Italie, arrivés à Rome, ne cru-
rent point devoir aller saluer le pape Sym-
maque, dans la crainte de se rendre suspects ;
mais ils firent toujours mémoire de lui au
saint sacrifice, pour montrer qu'ils lui étaient
unis de communion. La première séance du
concile se tint dans la basilique de Jules, au
mois de juillet de l'an 501. Les évèques qui
avaient passé par Ravenne, firent le récit de
ce qu'ils avaient dit au roi. Ensuite, comme
ils voulaient commencer à traiter l'affaire
principale, le pape Symmaque témoigna sa
reconnaissance envers le roi pour la convo-
cation du concile, déclarant qu'il l'avait dé-
siré lui-même ^. Alors les évèques n'eurent
plus aucune peine sur ce sujet. Mais le pape
témoigna qu'il espérait qu'avant toutes cho-
ses l'on ferait retirer le visiteur envoyé par
le roi et qui avait été demandé, contre les
règles des anciens et contre la religion, par
une partie du clergé et par quelques laïques ,
et qu'on lui restituerait tout ce qu'il avait
perdu par les intrigues de ses ennemis ;
après quoi il répondrait aux accusations
qu'ils avaient formées contre lui, si on le ju-
geait à propos. La demande parut juste à la
• Cum ex diversis provinciis ad urbem Romam con-
venire sacerdotes regia prœcepisset aucloritas, ut de his
quœ venerabili papœ Symmacho ab adversariis ipsius
dicehantur impingi, sanctum concilium judicaret légiti-
me, Liguriœ, Emilice, vel Venetiarum episcopis consulen-
di regern incuhuit nécessitas, qua hos voluisset œtate
fractos congregari. Respondit prœfatus rex piissimus
bonœ conversationis ajfectu, plura ad se papœ Symma-
chi actibus horrenda fuisse perlata, et in synodo opor-
tere, si vera esset inimicorum ejus objedio, judieatione
constare. Memorati pontifices, quibus allegandi immi-
nebai occasio suggesserunt, ipsum qui dicebatur impeti-
tus, debuisse synodum convocare, scientes quia ejus Se-
di primum Pétri apostoli meritum vel principatus ,
deinde secuta jussione Domini conciliarum venerando-
plus grande partie des évèques : néanmoins
le concile n'osa rien ordonner sans avoir au-
paravant consulté le roi, à qui l'on envoya
des députés à cet effet. Leur négligence à
s'acquitter de leur commission, fut cause
que la réponse de Théodoric ne fut point fa-
vorable. 11 ordonna que Symmaque répon-
drait à ses accusateurs avant la restitution
de son patrimoine et des églises qu'on lui
avyil ôtées ; sur quoi le pape ne voulut pas
contester davantage.
9. Le concile tint sa seconde séance le 1"
septembre dans l'église de Sainte-Croix dite
de Jérusalem, autrement la basilique du pa-
lais de Sessorius. Le roi avait marqué le jour
dans sa lettre au concile. Quelques évèques
furent d'avis de recevoir le libelle des accu-
sateurs; mais on y remarqua deux défauts :
l'un, qu'ils disaient que les crimes de Sym-
maque avaient été prouvés devant le roi, ce
que le pape soutint être faux. En effet, ce
prince n'eût pas renvoyé la cause aux évè-
ques comme entière ^, si l'accusé eût déjà
été convaincu et qu'il ne se fût plus agi que
de prononcer sa sentence. L'autre défaut
était que les accusateurs prétendaient con-
vaincre Symmaque par ses propres esclaves,
et demandaient qu'il les liviât pour cet effet,
ce qui était contraire aux lois civiles et aux
canons de l'Eglise, qui défendaient de rece-
voir en jugement ceux à qui les lois civiles
ne permettaient pas de former d'accusations
contre personne. Pendant que l'on disputait
sur ce qu'il y avait à faire, le pape venait
au concile, suivi d'un grand peuple de l'un
et de l'autre sexe, qui témoignait son affec-
tion par ses larmes. Mais il fut attaqué en
chemin par une troupe de ses ennemis, à
coup de pierres *, dont plusieurs prêtres qui
l'accompagnaient furent blessés. On les au-
rait même tués sans trois officiers du roi,
qui arrêtèrent ces schismatiques et recon-
rum audoritas ei singularem in Ecclesiis tradidit potes-
tatem, nec ante dictœ Sedis antistitem minorum subjo.-
cuisse judido , in propositione simili fadle forma aliqua
testaretur ; sed poteniissimus princeps, ipsum quoque
papam in colligenda synodo voluniatem suam litteris
demonstrasse sighificavit : unde a mansuetudine ejus
paginœ postulatœ sunt, quas ab eo diredas constabat,
hasque dari sacerdotibus sine tarditate constHuit. Tom.
IV Condl., pag. 1323.
2 Sijmmachus basilicam Julii, in qua poniificum erat
congregatio, ingressus est et de evocatione synodali cle-
mentissimo régi gratias retulit, et rem desiderii sui eve-
nisse testatus est. Pag. 1323.
3 Tom. IV Conc.il., pag. 1328.
» Ennod., Apolog., pag. 1630, 1631.
;essioa.
728
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
flnipirent le pape à Saint-Pierre, d'où il était
parti. Ces officiers étaient le comte Aligerne,
Gudila e1 Bédulfe, maires de la maison du
roi, qui avaient apporté an concile un ordre
de finir cette affaire *. Les évêques envoyè-
rent au roi une relation de ce qui s'était
passé, où ils disaient : « Nous avons envoyé
au pape, jusqu'à quatre fois, des évêques
pour lui demander s'il voulait encore se pré-
senter au jugement du concile. Il a répondu
par eux que le désir de se justifier l'avait fait
relâclier de son droit et de sa dignité ; mais
qu'après un tel danger, où il avait pensé pé-
rir, le roi ferait ce qu'il lui plairait, que pour
lui on ne pouvait le contraindre par les ca-
nons ^. Ils ajoutaient qu'ils ne pouvaient
prononcer contre un absent, ni accuser de
contumace celui qui avait voulu se présen-
ter. » Le roi Théodoric répondit. Dieu l'ins-
pirant à cet effet ^, qu'il était au pouvoir du
concile d'agir dans une affaire de si grande
importance, comme il jugerait à propos ; que
ce n'était point à lui de traiter les affaires
ecclésiastiques, et qu'il laissait la liberté aux
évêques d'examiner la cause de Symmaque
ou de ne la point examiner, pourvu que, par
la médiation du vénérable concile, la paix fût
rétablie dans Rome. La relation des évêques
au roi, est sans date. La réponse du roi est
du premier jour d'octobre. Les évêques du
concile l'ayant reçue, envoyèrent des dépu-
tés au sénat pour lui déclarer que les cau-
ses de Dieu devaient être laissées au juge-
ment de Dieu, à qui rien n'est caché, princi-
palement dans le cas présent où il s'agissait
du successeur de saint Pierre; que presque
. tout le peuple communiquait avec Symma-
que, et qu'il était besoin de remédier promp-
tement au mal que pouvait causer la divi-
sion. Ils firent plusieurs fois de semblables
remontrances au sénat, l'exhortant à se ren-
dre, comme il convenait à des enfants de
l'Eglise, à ce qui avait été fait dans le concile
selon l'inspiration de Dieu.
Troisième 10. Daus la troisième et dernière séance
'"°°- qui fut tenue le 23 octobre, le concile, après
avoir rapporté tout ce qui s'était passé tant
à Ravenne entre les évêques d'Italie et le roi
Théodoric, qu'à Rome dans les basiliques de
Jules et de Sainte-Croix, prononça la sen-
1 Tom. IV ConciL, pag. 1329.
2 Syomiachus respondit , Dominum regem habere
i/uod vellct jus faciendi, sed intérim justitiœ reniten-
tern staluiis canonibus non passe compelli. Pag. 1324.
3 Tom. IV Concil., pag. 1330.
terce en ces termes : « Nous déclarons le
pape Symmaque *, évêque du siège aposto-
lique, quant aux hommes, déchargé des ac-
cusations formées contre lui, laissant le tout
au jugement de Dieu. Nous ordonnons qu'il
administrera les divins mystères dans toutes
les Eglises qui sont du ressort de son siège.
Nous lui rendons, en vertu des ordres du
prince qui nous en donne le pouvoir, tout ce
qui appartient à son Eglise, soit au dedans
soit au dehors de Rome, c'est-à-dire le tem-
porel que les schismatiques avaient usurpé.
Nous exhortons tous les fidèles à recevoir de
lui la sainte communion, sous peine d'en
rendre compte au jugement de Dieu. Quant
aux clercs du même pape, qui se sont sépa-
rés de lui avant un certain temps contre les
règles, et ont fait shisme, nous ordonnons
qu'en lui faisant satisfaction, ils obtiendront
le pardon et seront rétablis dans les fonc-
tions du ministère ecclésiastique. Mais qui-
conque des clercs, après ce jugement, osera
célébrer des messes en quelqu'un des lieux
consacrés à Dieu de l'Eglise romaine, sans
le consentement du pape Symmaque, tandis
qu'il vivra, celui-là sera puni canoniquement
comme schismatique. » Cette sentence fut
souscrite par soixante-seize évêques , dont
les deux premiers sont Laurent de Milan et
Pierre de Ravenne. Cette dernière session,
que l'on compte quelquefois pour la qua-
trième, en mettant pour la première l'en-
trevue des évêques d'Italie à Ravenne avec
le roi Théodoric, est appelée le synode de
Palme , tenu sous le pape Symmaque en
l'an 503, peut-être à cause du lieu où elle
fut tenue.
11. En 502, sous le consulat d'Aviénus le comiii
Jeune, le 6 de novembre, il se tint un autre ''°'°"
concile à Rome, dans la basilique de Saint-
Pierre, où le pape Symmaque présida. Il s'y
trouva quatre-vingts évêques, trente -sept
prêtres , et quatre diacres , dont l'un était
Hormisdas, qui fut depuis pape. On y exa-
mina un statut fait sous le pontifical de saint
Simplice par Basile, préfet du prétoire, qui
représentait aussi Odoacre, roi d'Italie. Ce
statut portait que l'on n'élirait point d'évê-
que de Rome sans le consentement et la
participation du roi d'Italie ; qu'il serait dé-
* Symmachus papa Sedis aposiolicœ prœsul et hu-
jusmodi pi'opositionibus impetilus , quantum ad ho-
mines respicit, sit immunis et liber... toiam causam
Dei judicio reservantes. Pag. 1325.
[V« ET VP SIÈCLES.]
CHAPITRE Lin. — CONCILES DE ROME.
729
fendu, sous peiiie d'anafhème, aux évêques
de Rome, de rien aliéner des biens de l'E-
glise, et qu'au cas qu'il fût fait quelque alié-
nation, elle serait de nulle valeur; que les
meubles précieux et les ornements superflus
des églises seraient vendus^ et que le prix en
serait distribué aux pauvres. Le pape Sym-
maque, après avoir remercié les évêques du
concile de ce qu'ils voulaient tirer avantage
du statut dont nous venons de parler, sous
prétexte de la conservation des biens de l'E-
glise, il fut ordonné qu'on ferait la lecture
du statut fait sous le roi Odoacre en 483. Le
diacre Hormisdas le lut : après quoi Laurent,
évêqae de Milan, qui occupait la première
place après le pape, dit que cet écrit n'avait
pu obliger aucun évêque de Rome, parce
qu'un laïque n'avait pas eu le pouvoir d'or-
donner quelque chose dans l'Eglise, où il
doit plutôt obéir que commander, vu princi-
palement que le pape n'avait point souscrit
à ce statut, ni aucun métropolitain. Pierre,
évêque de Ravenne, ajouta que ce décret,
étant contre les canons, fait par un laïque
en l'absence de l'évéque du siège apostoli-
que, il ne pouvait avoir aucune vigueur. Eu-
lalius de Syracuse dit qu'il n'était pas per-
mis aux personnes laïques, quoique de piété,
de disposer en aucune manière des biens
ecclésiastiques, les canons ne leur donnant
aucun pouvoir à cet égard, et que si les évê-
ques, dans le concile même de la province,
ne pouvaient rien sans l'autorité du métro-
politain, à plus forte raison les évêques qui
avaient consenti au statut fait par le patrice
Basile, ne l'avaient-ils pu faire au préjudice
du pape , le Saint-Siège étant vacant , lui
qui, par une prérogative qui lui est accordée
par les mérites de saint Pierre, a la primauté
dans toutes les Eglises du monde, et qui a
coutume de donner de l'autorité aux statuts
synodaux. Tous les autres évêques ayant
opiné que le statut de Basile ne méritait au-
cun égard, le pape Symmaque voulant pour-
voir à l'avenir aux abus que ce statut avait
prétendu réformer, ordonna ' qu'il ne serait
permis à aucun pape d'aliéner à perpétuité,
ni échanger aucun héritage de la campagne,
de quelque étendue qu'il fût, ni de le donner
en usufruit, si ce n'était aux clercs, aux cap-
tifs et aux étrangers; que les maisons des
villes qui ne pourraient être entretenues
qu'à grands frais, pourraient être laissées à
bail portant rente; que les prêtres des titres
de la ville de Rome, seraient tenus à la même
loi, de même que tous les autres clercs, n'é-
tant pas permis de dire que celui qui ne tient
que le second rang dans l'Eglise, ne sera
pas soumis à une loi à laquelle le souverain
Pontife s'est asti'cint lui-même par la charité
de Jésus-Christ. La peine portée contre ceux
qui vendent ou aliènent ou donnent les biens
de l'Eglise^ est la déposition ; mais on frappe
d'anathème ceux qui reçoivent la chose alié-
née, de même que ceux qui souscrivent au
contrat d'aliénation ou de donation. Le con-
cile permet à tout ecclésiastique de répéter
les choses aliénées avec les fruits; mais il
déclare que cette ordonnance n'est que
pour le Saint-Siège, laissant à chaque évê-
que dans les provinces, de suivre, selon sa
conscience, la coutume de son Eglise.
12. Après le consulat d'Aviénus -, c'est-à-
dire en 503, sous le règne de Théodoric, le
pape Symmaque tint encore un concile à
Rome, où il se trouva deux cent dix-huit
évêques, selon qu'il paraît par les souscrip-
tions. Mais on croit qu'il y a lieu de les sus-
pecter, et que la plupart y ont été ajoutées,
ou qu'elles appartiennent à quelques autres
conciles, parce qu'on y trouve plusieurs évê-
ques qui, cinquante-deux ans auparavant,
avaient assisté au concile de Chalcédoine, et
dont il n'est plus fait mention dans l'histoire.
rioncile de
Jîomu en 503.
' His ergo perpnsis, sancimus ut nulli apostolicœ
Sedis prœsuli, a prœsenti die liceat prœdium rusticum
quaniœcumque fuerit vel magniludinis, vel exiguiiaiis,
sub perpétua alienatione vel commulatione ad cujus-
libei jura transferre : sed nec in usufrucluario jure
aliquibus dare liceat, prœter clericos et captivas al-
gue peregrinos. Sane tantum domus in quibuslihet
urbibus constilutœ, quorum statum necesse est expensa
non modica sustentari, acceptis sub justa existimatione
reditibus, commodentur. Pari etiam Ecclesiarum per
omnes romance civitatis titulos, qui sunt presbyteri^
■ vel quicumque fuerint, astringi volumus lege custodes,
quia nefas dictu est, obligatione qua se per charitatem
Christi connectit summus Pontifex, ea hominem se-
cundi in Ecclesia ordinis non ieneri... Donator, alie-
nator ac venditor honoris sui amissione mulctetur.
Prœterea qui petierit, aut acceperit, vel qui presbyte-
rorum, aut diaconorum , seu defensorum danti sub-
scripserit, analhemate feriatur... sed liceat quibus-
cumque ecclesiasticis personis vocem contradiction! s
afferre et ecclesiastica auctoritate fulciri. Ha ut cum
fructibus possit alienata reposcere... Hujus autem
constituiionis legem in apostolica tantum volumus
Sede servari, in universis Ecclesiis per provincias se-
cundum animarum considerationem, qiiem proposito
religionis convenire redores earum viderint,more ser-
vato. Tom. IV Concil., pag, 1337.
2 Tom. IV Concil., pag. 1364.
730
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
dix ans après la tenue de ce concile. Les
évêques étant assis devant la confession de
saint Pierre, le pape ordonna que l'on pro-
duisit l'écrit composé par Ennode contre ceux
qui avaient osé attaquer la session du concile
de Rome tenu à la Palme, et qu'on en fit
lecture en présence de l'assemblée. Nous
avons encore cette apologie. Ennode la com-
posa pour répondre à un écrit publié par les
schismaliques sous ce titre : Contre le Synode
de l'absolution irrégulière.
Apoiogiede 13. Les scbismatiques alléguaient un grand
par Enuoiie. nombre de raisons pour combattre l'autorité
du concile de la Palme ', où le pape Sj'm-
maqae avait été déclaré innocent. Us disaient
en premier lieu, que le roi Tbéodoric n'avait
pas fait venir à ce concile tous les évêques,
et que ceux qui y étaient venus, n'avaient
pas tous consenti à l'absolution de ce pape;
que l'on en avait exclu ses accusateurs ,
que l'on avait refusé de les entendre, et que
ceux qui s'étaient trouvés à ce synode ,
étaient convenus qu'ils étaient vieux et im-
béciles. Ennode répond qu'il avait été inutile
de convoquer tous les évêques à cette as-
semblée, et qu'il n'était pas vrai que ceux
qui ne s'y étaient point rendus, fussent en-
nemis du pape Symmaque; qu'il était ridi-
cule de faire passer pour des insensés, ceux
qui avaient dit qu'ils étaient faibles de corps;
que la ville de Rome pouvait rendre témoi-
gnage que tous les évêques du concile n'é-
taient ni vieux tous, ni malades, et que si
l'on avait refusé d'entendre les accusateurs
de Symmaque, c'est que les personnes que
l'on avait produites, étaient incapables, sui-
vant les canons, d'être ouïes en témoignage
contre des évêques. Les scbismatiques ob-
jectaient ensuite que les évêques du concile
n'avaient pas suivi l'intention du roi, et qu'ils
s'étaient rendus coupables d'une espèce de
sacrilège, en lui contestant le droit de con-
voquer les conciles pour l'attribuer au pape
Symmaque. Ennode répond que les évêques
n'avaient en cela rien fait que de légitime;
qu'ils avaient eu raison de remontrer au roi
que c'était, non pas à lui, mais au pape, à
convoquer le concile, parce qu'en effet il en
avait le droit, et que Tbéodoric l'avait re-
connu en demandant au pape son consente-
ment pour la convocation du concile. Leur
troisième objection était, qu'en disant que
le pape ne pouvait être jugé, on semblait
dire que saint Pierre et ses successeurs
avaient reçu de Dieu, avec les prérogatives
de leur siège, la licence de pécher. Ennode
nie cette conséquence, et dit, en parlant de
saint Pierre : « Il a transmis à ses succes-
seurs ^ un avantage ou une espèce de dot
perpétuelle de mérites avec l'héritage de
l'innocence : ce qui lui a été accordé pour
la gloire de ses actions, s'étend à ceux dont
la vie ne brille pas moins. Car qui peut dou-
ter que celui-là ne soit saint, qui est élevé à
une si haute dignité? S'il manque des avan-
tages acquis par son mérite, ceux de son
prédécesseur lui suffisent. Jésus-Christ élève
des hommes illustres à celte place si émi-
neute, ou rend illustres ceux qu'il y élève;
lui sur qui l'Eglise est appuyée, prévoit ce
qui est propre à lui servir de fondement. »
S'il n'était pas permis d'entendre l'accusé,
et si le pape ne pouvait être jugé par ses in-
férieurs, il était inutile, disaient les scbisma-
tiques, d'aller consulter le roi sur cette af-
faire, et d'assembler un concile; les évêques
même ne devaient citer le pape , ni faire ve-
nir ses accusateurs, et le pape devait s'abs-
tenir de se présenter et d'approuver la con-
vocation de cette assemblée, comme il avait
fait. Du moins, ajoutaient-ils, après s'être
présenté de lui-même pour être jugé, devait-
il se représenter de nouveau, lorsqu'il fut
cité jusqu'à quatre fois? Pouvait-on l'absou-
dre sans qu'il eût répondu aux accusations
intentées contre lui ? Ennode répond que le
pape s'y était présenté par humilité; qu'il
ne s'était absenté de l'assemblée que parce
qu'il en avait été empêché par les violences
de ses ennemis, qui, dans le temps qu'il ve-
nait au concile pour s'y justifier, l'avaient
attaqué en lui jetant une grêle de pieri'es,
dont plusieurs des prêtres qui l'accompa-
gnaient furent blessés; qu'au reste, il était
tellement disposé à répondre aux accusations
intentées contre lui, que, quoiqu'il eût de-
1 Ennod., lom. IV Concil., pag. 1340.
' Non nos beatum Petrum, sicut a Domino cuni Se-
dis privilegiis, vel successores ejus, peccundi judica-
mus licentium susccpisse. llle per meritorum dolem
cum hœrediiate innocentiœ misit ad posteras : quod
illi concessum est pro actuum luce, ad illos pertinet,
quos par conversationis splendor illuminât. Quis enim
sanctum esse dubitet, quem apex tantœ dignitaiis at-
tollit, in quo si desint bona acquisita per meriium,
sufficlunt quœ a loci decessore prœstantur? Aut enim
claros ad hœc fusiigia erigit, aut qui erigunlur illu-
strai. Prœnoscit enim quid Ecclesiarum fundamento
sit habile , super quem ipsa moles innititur. Ennod.,
pag. 12'i3.
[V= ET VI= SIÈCLES.]
CHAPITRE Lin. — CONCILES DE ROME.
731
mandé au concile que le visiteur envoyé
par le roi se retirât, et qu'on lui restituât
tous les biens dont on l'avait dépouillé, et
qu'après cela il répondrait à ses accusateurs,
sachant néanmoins que la volonté du roi
était qu'il se justifiât avant la restitution de
ses biens, il ne s'y opposa point, par un sen-
timent d'humilité. Si le pape Symmaque
n'eût pas été coupable des crimes dont on
l'accusait, pourquoi, disaient les schismali-
ques, les évêques Laurent de Milan et Pierre
de Ravenne, étant arrivés à Rome, s'abstin-
rent-ils de le voir? Ennode répond qu'ils n'en
agirent ainsi que pour ne pas se rendre sus-
pects; mais qu'ils firent toujours mention de
Symmaque au saint sacrifice, pour montrer
qu'ils étaient dans sa communion. Ils insis-
taient que le concile avait avancé une fausse
proposition, en soutenant que les conciles
devaient être assemblés par le pape, parce
que, si cela était, les conciles provinciaux qui
se tiennent tous les ans, n'auraient aucune
force, la convocation s'en faisant sans que
le pape y ait part. Ennode ne prétend point
que les conciles provinciaux devaient être
convoqués par l'autorité ni avec la participa-
tion du pape ; mais il soutient que, dans les
causes majeures, on a toujours eu recours
au Saint-Siège; il cite sur cela le troisième
canon du concile de Sardique, où il est dit
qu'un évêque déposé dans un concile pro-
vincial ', pourra en appeler au pape, qui
sera en droit de donner des juges, s'il trouve
à propos de renouveler le jugement. Pour-
quoi, objectaient les schismatiques, le pape
Symmaque a-t-il refusé de recevoir un évê-
que visiteur, comme il en donnait lui-même
aux autres Eglises? N'a-t-il pas en cela con-
trevenu aux règles ecclésiastiques? Ennode
nie que Symmaque ait rien fait, par ce refus,
contre les lois de l'Eglise, et qu'étant à la
liberté d'un législateur de s'astreindre ou non
à la rigueur de ses propres lois, ce pape a
pu donner des visiteurs aux autres évêques
sans en recevoir lui-même. Il ajoute que
Dieu a voulu - peut-être terminer par des
hommes les causes des autres hommes, mais
qu'il a réservé à son jugement Tévêque de
ce siège , et que les successeurs de saint
Pierre n'eussent à prouver leur innocence
qu'au ciel, devant celui qui peut en connaî-
tre parfaitement. « Si vous dites, continue-t-
il, que toutes les âmes sont sujettes égale-
ment à ce jugement, je répondrai qu'il n'a
été dit qu'à un seul : Tu es Pien^e, et sur cette
pierre je bâtirai mon Eglise. » Il allègue en-
core, pour marquer la dignité des évêques de
Rome et pour montrer que tous les fidèles
doivent leur être soumis, comme étant le
chef du corps de l'Eglise, ces paroles du pro-
phète Isaïe : Dans le jour de l'affliction, à qui
aurez-vous recours, et où laisserez-vous votre
gloire? Il ne s'arrête point aux autres objec-
tions des schismatiques; mais il introduit
saint Pierre pour les exhorter de cesser leurs
poursuites contre Symmaque et de rentrer
dans la concoi'de et la paix, les assurant que
l'Eglise est toute prête à leur ouvrir son
sein. II rappelle les maux que l'Eglise ro-
maine soutint du schisme qui s'éleva en elle
après la mort du pape Zosime, par l'élection
de deux contendants au pontificat, savoir
Eulalius et Boniface. Il fait aussi parler saint
Paul, et rapporte plusieurs endroits de l'épî-
tre aux Romains, qui défend de juger per-
sonne, surtout les élus de Dieu. Enfin il fait
intercéder la ville de Rome, la maîtresse du
monde et leur patrie, en faveur de Symma-
que et pour la paix de l'Eglise. Il remarque,
en passant, que de son temps les consuls,
en commençant les fonctions de leurs em-
plois, avaient coutume de faire de grandes
largesses aux pauvres, et qu'en cela leurs
libéralités étaient plus louables que celle des
anciens consuls, qui, lorsqu'ils paraissaient
en public, faisaient jeter de l'argent au peu-
ple : coutume qui fut abolie par Martien.
14. Après que l'on eut achevé la lecture de
l'écrit d'Ennode dans le concile de Rome, les
évêques l'approuvèrent d'une voix unanime
et dirent qu'il devait être reçu de tout le
monde et transmis à la postérité entre les
actes du concile, comme ayaiit été composé
et confirmé par son autorité. Le pape Sym-
maque, de l'avis de tous, ordonna qu'il fût
mis au nombre des décrets apostoliques. Après
quoi les évêques demandèrent à haute voix,
tous sans exception, de même que les prêtres
^aie.x. 3.
Snîlo do
concile en
bOJ, p. 1354.
» Vide tom. IV, pag. 684.
^ Dico tamen latorem juris definitionis suœ, nisi
velit, lerminis non includi... aliorum forte hominum
causas Deus voluerit per homines ierminare : Sedis
istius prœsulem suo, sine guœstione, reservavit arhi-
trio.Yoluit beaii Pétri apostoli successores cœlo iantum
debere innocentiam et subiilissimi discussoris indagini
inviotatam exhibere conscieniiam... Dicas forsitan,
omnium animarum iaiis erit in illa disceptatione
condilio. Replicabo mii dictum : Tu es Petrus^- etc,
Tom. IV Concil., pag. 1352,
732
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
qui étaient présents, que l'on condamnât ceux
qui avaient accusé le pape et parlé ou écrit
contre le concile. Mais le pape demanda, au
contraire , que ses persécuteurs fussent trai-
tés avec plus de douceur, déclarant qu'il leur
pardonnait. Néanmoins , pour prévenir de
semblables accusations, il voulut que l'on
renouvelât les anciens canons qui défendent
aux ouailles d'accuser leur pasteur, si ce n'est
quand il erre contre la foi, ou qu'il leur a fait
tort en particulier ', parce qu'encore que l'on
croie les actions des pasteurs répréhensibles,
onnedoilpasenmal parler. Ildemandade plus
qu'il fût ordonné que l'évéque dépouillé de
son bien ou chassé de son siège, serait réin-
tégré, et que toutes choses seraient rétablies
en leur entier avant qu'il pût être appelé en
jugement. Le concile confirma tous ces sta-
tuts, voulant qu'ils fussent observés, sous
peine de déposition pour les clercs et de pri-
vation de la communion pour les moines et
les laïques , avec menace d'être frappés d'a-
nathème en cas d'incorrigibilité , ce qui fait
voir que l'excommunication était une moin-
dre peine que l'anathème. Ennode marque
assez clairement ^ que le pape Symmaque
avait été accusé d'adultère par les schisma-
tiques, et l'on croit que celte calomnie lui
donna occasion de faire une ordonnance qui
porte que les évêques, les prêtres et les dia-
cres 2 seront obligés d'avoir toujours auprès
d'eux une personne de probité connue pour
témoin de leurs actions, et que ceux qui n'au-
ront point assez de bien pour entretenir une
personne de cette sorEe, serviront de compa-
gnons à d'autres, afin que la vie des clercs
fût à couvert non-seulement du mal, mais du
soupçon. Ces compagnons s'appelaient syn-
celles. Ce qui arriva à Symmaque était arrivé
à Sixte III, qui, environ soixante-dix ans au-
paravant, fut accusé d'un crime d'impureté
par Bassus , qui avait été consul. Mais ces
deux papes se lavèrent l'un et l'autre d'une
tache si infâme dans les conciles , au juge-
ment desquels ils avaient bien voulu se sou- ^Ê
mettre. ■^
15. Le dernier concile de Rome, sous le conciks
pontificat de Symmaque, se tint le 1" octo- R""""'^'
bre de l'an 504, dans l'église de Saint-Pierre.
Le pape , qui l'avait convoqué , en exposa le
motif aux évêques assemblés. C'était de re-
médier aux maux que les Eglises souffraient
de la part de ceux qui s'emparaient des biens
temporels, soit meubles, soit immeubles, que
les fidèles avaient donnés ou laissés par tes-
tament aux Eglises pour la rémission de leurs
péchés et pour acquérir la vie éternelle. Les
conciles précédents avaient déjà fait divers
règlements sur ce sujet; mais le pape Sym-
maque, de l'avis des évêques, crut qu'il fal-
lait les renouveler pour tâcher de déraciner
les abus qui se multipliaient par l'invasion
des biens de l'Eglise. Il fut donc résolu de
traiter comme les hérétiques manifestes les
usurpateurs de ces biens, et de les analhéma-
tiser, s'ils refusaient de les restituer, et l'on
défendit de les admettre à la communion de
l'Eglise jusqu'à ce qu'ils eussent satisfait par
une entière restitution. Le concile rapporte
deux décrets de celui de Gangres, qui défend,
sous peine d'anathème, de recevoir ou de
donner, à l'insu de l'évéque ou de l'adminis-
trateur des biens de l'Eglise, les oblations des
fidèles. Après quoi il décide que c'est donc
un grand sacrilège * à ceux à qui il convien-
drait de veiller à la conservation de ces biens,
c'est-à-dire aux chrétiens qui craignent Dieu,
et principalement aux princes et aux pre-
miers des provinces , de lui ôter ce que les
fidèles lui ont donné pour la rémission de
leurs péchés et leur salut ou repos de leur
âme, et de convertir ces oblations en d'autres
usages, ou d'en accorder la possession à des
étrangers au préjudice de l'Eglise. C'est pour-
quoi , ajoute le concile , quiconque deman-
dera, ou recevra, ou possédera, ou retiendra.
1 De ccetero ne unquam ialia non solum in aposto-
licœ Sedis prœsulem a quocumque prœsummitur, sed
nec in ullo chrisHanorum episcopo usurpentur : non
necesse est super his nova credere, sed vetera recitare
utque firinare. Est enim a multis antecessoribus nostris
synodulHer decreium aique firmatum, ut oves , quœ
paslori suo commissœ fuerint, eum nec reprehendere,
nisi a recta fide exorbitaverit , prœsunmnt : nec uUa-
tenus pro quacumque alia re nisi pro sua injustilia
accusare audeant : quonium pastorum actus gludio
oris non sunt feriendi, quanqunm rite reprehendi œsti-
mentur. Totn. IV Concil., pag. 1355.
2 Ibid., pag. 1342.
3 Baron., ad an. 502, num. 32 ; Labb., in not., pag.
1260, tom. IV Concil.
* Ergo ingens saerilegium est, ut quœcumque vel
pro remedio peccatorum , vel salute vel requie anima-
rum suarum unusquisque venerabili Ecclesiœ contule-
rit, aut certe reliquerit, ab his quibus hœc maxime
servari convenii, id est, christianis et Deum timentibus
hominibus, et super omniu a principilms et primis re-
gionum, in aliud transferri vel converti. Propterea
qui aliter quam scriptum est prœdia Ecclesiis trudita
petierit , vel acceperit , aut possederit, vel injuste de-
fenderit, aut retinuerit nisi cito se correxerit, anathe-
mate feriatur. Tom. IV Concil., pag. 1373.
[V= ET Vl" SIÈCLES.]
OU contestera injustement les fonds de terre
donnés ou laissés à l'Eglise, s'il ne les resti-
tue au plus tôt, qu'il soit frappé d'anathème.
Le concile prononça la même sentence con-
tre ceux qui se seraient mis en possession des
biens de l'Eglise ' , sous prétexte qu'ils leur
auraient été donnés par la libéralité ou par
l'ordje des princes ou des puissants du siècle,
ou parce qu'ils les auraient envahis eux-
mêmes, ou retenus par une puissance tyran-
nique. Il leur défend, sous la même peine,
de laisser ces biens à leurs enfants ou à leurs
héritiers par forme de succession, s'ils ne
restituent au plus tôt les choses de Dieu , en
étant avertis par l'évêque, et après qu'il leur
aura fait connaître la vérité des choses. Le
roi Théodoric eut égard aux décrets de ce
concile; car ayant su, par la requête d'Eus-
torge le Jeune ^ , évêque de Milan , que l'on
avait enlevé à cette Eglise des biens et des
droits dans la Sicile, il ordonna qu'ils lui se-
raient rendus, avec défense de les usurper à
l'avenir. Cent quatre évoques souscrivirent à
ce concile. Mais il s'en trouve un plus grand
nombre dans Justel que dans le père Labbe,
qui remarque qu'il y a une si grande altéra-
tion dans les souscriptions , soit par rapport
aux noms des évoques , soit par rapport à
celui de leurs Eghses , qu'il est presque im-
possible de les rétablir. Anastase lait men-
tion d'un concile de Rome sous Symmaque ,
où il dit que ce pape fut absout par cent
quinze évêques , et Pierre d'Allino nommé
visiteur par ïhéodoric, condamné avec Lau-
rent, compétiteur de Symmaque; mais En-
node n'en parle pas dans son Apologétique,
ni Symmaque dans le sien. Auraient-ils ou-
blié l'un et l'autre un jugement qui ne pou-
vait que fortifier leur cause ?
*
ARTICLE XII.
CONFÉRENCE DE LÏON AVEC LES ARIENS
[VERS L'AN 300.]
1 . Dieu , par une providence particulière
sur son EgMse, ayant inspiré ^, pour le salut
de toute la nation des Français , à l'évêque
saint Remy de détruire partout les autels des
idoles , il lui accorda en même temps le don
des miracles pour étendre la foi avec plus de
CHAPITRE LUI. — CONFÉRENCE DE LYON.
733
facilité. Les fréquentes conversions que Dieu
opéra par son ministère excitèrent plusieurs
évêques à s'assembler pour travailler à la
réunion des ariens. Le roi Gondebaud ne
s'opposa point à leur dessein. Néanmoins,
afin qu'il n'y parût point d'afi'ecta lion et que
que l'on crût au contraire que cela était ar-
rivé par occasion, Etienne, évêque de Lyon,
écrivit à plusieurs pour les inviter à la fête
de saint Juste , qui était proche , et où il se
faisait ordinairement un grand concours de
peuples à cause des iniracles qui s'opéraient
au tombeau du martyr. Entre autres évêques
qui se rendirent à cette cérémonie, les actes
marquent Avit de Vienne, son frère Apolli-
naire, évêque de Valence, et Conius d'Arles.
Tous ceux qui s'y trouvèrent étaient catho-
liques et d'une vie exemplaire. Ils allèrent
ensemble saluer le roi Gondebaud, qui faisait
sa résidence à Savigny. Les évêques ariens
qui s'y rencontrèrent auraient bien souhaité
de les empêcher d'avoir audience, mais leurs
efforts furent inutiles, et, avec le secours de
Dieu, le roi la leur accorda. Après avoir salué
ce prince , saint Avit , quoiqu'il ne fût ni le
plus ancien, ni le premier en dignité , mais
par une déférence des autres évêques, porta
la parole et demanda au roi la conférence
pour la paix, disant que lui et les autres
évêques catholiques qui l'accompagnaient
étaient prêts de montrer clairement qu'ils
n'avaient d'autre foi que celle de l'Evangile
et des apôtres; qu'au contraire, celle des
ariens n'était pas selon Dieu et l'Eglise. II
ajouta qu'il y avait sur les lieux des évêques
de cette secte instruits dans toutes les sciences,
et demanda qu'il lui plût de leur ordonner
d'accepter la conférence. Le roi répondit :
« Si votre foi est véritable, pourquoi vos évê-
ques n'empêchent-ils pas le roi des Français
de me faire la guerre et de se joindre à mes
ennemis pour me détruire ? La vraie foi n'est
point où on est avide du bien d'autrui et où on
est altéré du sang des peuples : qu'il montre
sa foi par ses œuvres.» — « Seigneur, répon-
dit saint Avit, dont le visage et le langage
avaient quelque chose d'angélique,nousne sa-
vons pas quels sont les motifs du roi des Fran-
çais pour faire ce que vous dites qu'il fait,
mais l'Ecriture nous apprend que souvent les
' Similiier et hi qui res Ecclesiœ jussu vel largi-
tione principum , vet quorumdam poientum, aut qita-
dam invasiune, aut tyrannica poiestate i-etmuerint, et
filiis vel hœredibus suis quasi liœreditarias relique-
rint, nisi ciio res Dei, admonili a poniifice, agnita
veritaie, reddiderint, perpétua anathemale feriantur.
Pag. 1374.
2 Cassiod., lib. II, Epist. 29.
3 Tom. IV Concil., pag. 1318.
734
mSTOIUE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
royaumes sont renversés par le mépris de la
religion , et que c'est la vraie cause pour la-
quelle Dieu suscite de toute part des enne-
mis à ceux qui se déclarent contre Dieu. Re-
venez, avec votre peuple, à la loi de Dieu, eh
il établira la paix dans vos Etats ; si vous l'a-
vez avec lui, vous l'aurez avec tout le monde,
et vos ennemis ne pourront prévaloir sur
vous. » — « Est-ce donc, répliqua le roi, que
je ne professe pas la loi de Dieu ? Parce que
je ne veux pas reconnaître trois dieux, vous
dites que je m'éloigne de la loi du Seigneur.
Je n'ai pas lu, dans l'Ecriture, qu'il y ait
plusieurs dieux, mais un seul. » — « A Dieu
ne plaise ', dit saint Avit, que nous adorions
plusieurs dieux : il n'y en a qu'un seul; mais
ce Dieu un en essence, est en Irois personnes ;
le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas d'autres
dieux , mais un seul Dieu, dont la première
personne est le Père, la seconde le Fils, la
troisième le Saint-Esprit; la substance du
Père n'est pas autre que celle du Fils, et
celle du Saint-Esprit n'est pas autre que celle
du Père et du Fils. Le même Dieu qui a parlé
autrefois par les prophètes nous a parlé nou-
vellement dans son Fils et il nous parle tous
les jours dans le Saint-Esprit. Quoiqu'il nous
ait parlé autrefois par les prophètes, dans les
derniers temps par son Fils, et maintenant
par le Saint-Esprit, c'est un et le même Dieu
qui parle, mais il est appelé ainsi pour la dis-
tinction des personnes qui sont en effet co-
éternelles et consubstantielles. Yoiià ce que
nous professons et ce que nous sommes prêts
de prouver, n Saint Avite, voyant que le roi
l'écoulait paisiblement, continua son discours
et dit : « Si vous vouliez, seigneur, connaître
par vos lumières le solide de notre foi, il vous
«n reviendrait un grand bien et à votre peu-
ple; la gloire céleste ne vous manquerait
point, la paix et l'abondance se répandraient
dans vos Etats. Mais les vôtres s'étant décla-
rés ennemis de Jésus -Christ, ils attirent sur
vous la colère de Dieu, ce qui, ainsi que nous
l'espérons; cessera d'arriver, si vous voulez
nous écouter et commander à vos évêquesde
conférer publiquement avec nous sur les ma-
tières de la foi qui nous séparent. » Ayant
ainsi parlé, il se jeta aux pieds du roi, et, les
embrassant, il pleurait amèrement. Tous les
évêques se prosternèrent avec lui. Le roi,
sensiblement ému , se baissa pour les relever,
et leur dit amiablement qu'il leur ferait ré-
ponse; ce qu'il fit en effet.
2. Dès le lendemain, étant retourné à Lyon
par la Saône ^, il envoya chercher Etienne
et Avit, et leur dit : « Vous avez ce que vous
demandez; mes évêques sont prêts de vous
montrer que personne ne peut être co-éternel
et consubstantiel à Dieu. Mais je ne veux pas
que ce soit devant tout le peuple, de peur
qu'il n'y ait du tumulte; ce sera devant mes
sénateurs et les autres que je choisirai, comme
de votre côté, vous choisirez qui il vous plaira
des vôtres, pourvu que ce ne soit pas en grand
nombre , et la conférence se fera demain en
ce lieu, n Les évêques, après avoir salué le
roi, se retirèrent pour faire savoir ses inten-
tions aux autres évêques. C'était la veille de
la solennité de saint Juste. Quoiqu'ils eussent
fort souhaité remettre la conférence au len-
demain de la fête, ils ne voulurent pas diffé-
rer pour un si grand bien. Seulement ils ré-
solurent, d'un consentement unanime, de
passer la nuit auprès du tombeau du saint,
pour obtenir de Dieu, par ses prières, ce qu'ils
souhaitaient. Il arriva que, pendantcette nuit,
on lut à l'office quatre leçons , suivant l'usage
du temps; deux de l'ancien Testament, dont
l'une était tirée de l'Exode et l'autre du pro- Eioâ.n.
phète Isaïe; deux du nouveau, savoir del'é- j^y,^_^,_
vangile selon saint Matthieu et de l'épître aux „^„^ ^,
Romains, et que dans les quatre leçons il se p„„ „
trouva des passages qui parlaient de l'endur-
cissement des cœurs. Lesévêquesquile remar-
quèrenl, crurent que Dieu leur montrait l'en-
durcissement du cœur du roi. C'est pourquoi
ils passèrent la nuit dans la tristesse e t dans les
larmes; mais ils n'abandonnèrent pas pour
cela la résolution où ils étaient de défendre
la vérité de notre religion contre les ariens.
Au temps que le roi avait marqué , tous les
évêques assemblés se rendirent au palais,
accompagnés de plusieurs prêtres , de plu-
1 Âbsit, 0 ReX) ut ptures deos colamus : Udus est
l)eus tuus, 0 Israël, sed ille uniis Deus in esseniia
est trinus in personis ; et Filius et Spiritus Suncius
non sunt alii dit, sed unus Deus cujus prima persona
est Pater, secunda Filius, tertia Spiritus Sanctus !
sed Patri non est alia substantia quam Filio, et Spi-
fitui Sancto non est alia quam Pairi et Filin; et ille
Deus qui olim locutus est per prophetas, novissime
locutus est in Filio , et adhuc loquitur quotidie in
Spiritu Sancto. Et quamvis olim per prophetas, mox
per Filium , nunc per Spiritum Sanctum , unus idem-
que Deus loquitur ; sed sic dicitur ad disiinctionem
personarum cum rêvera sint coœternœ et cotisubstan-
tiales. Hoc profitemur. Tom. IV Concil., pag. 1319,
ï Tom. IV Concit., p.v. 1319.
[V ET VI« SIÈCLES.]
sieurs diacres et de quelques laïques catho-
liques, entre autres Placide et Lucain, deux
des principaux officiers des troupes du roi.
Les ariens vinrent aussi avec ceux de leur
secte , et , après qu'ils se furent assis , le roi
présent, saint Avit parla pour les catlioliques
et Boniface pour les ariens. Saint Avit pro-
posa notre foi en l'appuyant des témoignages
de la sainte Ecriture avec autant d'éloquence
que TuUius Cicéron , et le Seigneur donnait
de la grâce à tout ce qu'il disait. Les ariens,
l'entendant parler , en furent consternés , et
Boniface, qui l'avait écoulé paisiblement, ne
put jamais rien répondre aux raisons que ce
saint évêque avait apportées. Quand son tour
vint de parler, il proposa des questions diffi-
ciles, par lesquelles il paraissait n'avoir d'au-
tre intention que de fatiguer le roi. Saint
Avit pressa beaucoup Boniface de répondre,
mais il n'en fit rien, et ne trouvant pas moyen
de défendre sa cause, il se répandit en in-
jures, traitant les catlioliques d'enchanteurs
et d'adorateurs de plusieurs dieux. Le roi,
voyant que Boniface ne disait autre chose et
sa secte couverte de confusion, se leva de son
siège et dit que Boniface répondrait le len-
demain. Tous les évêques se retirèrent, et,
comme il faisait encore jour, ils allèrent, avec
les autres évêques catholiques , à l'église de
Saint-Juste louer le Seigneur et lui rendre
grâces de la victoire qu'il leur avait donnée
sur ses ennemis.
3. Le lendemain les évêques retournèrent
à la cour avec tous ceux qui les avaient ac-
compagnés le jour précédent. Ils trouvèrent
en entrant, Arédius, homme illustre et habile,
qui, quoique catholique de profession, favo-
risait les ariens, pour faire sa cour au roi,
qui lui témoignait beaucoup de coutiance. Il
voulut leur persuader de s'en retourner, di-'
sant que ces disputes n'aboutissaient qu'à
aigrir les esprits de la multitude, et qu'il
n'en pouvait arriveraucun avantage. Etienne,
évêque de Lyon, qui connaissait le caractère
d'Arédius, lui répondit que rien n'était plus
propre à réunir les esprits dans une sainte
amitié, que de connaître de quel côté se ren-
contre la vérité, parce qu'étant aimable par-
tout où elle se trouve, elle rend aimables
ceux qui la suivent. 11 ajouta qu'ils étaient
tous venus par ordre du roi : après quoi Aré-
dius n'osa plus résister. Ils entrèrent donc,
et aussitôt que le roi les aperçut, il se leva
pour aller au-devant d'eux : et se tenant
entre Etienne et Avit, il leur parla encore
CHAPITRE LUI. — CONFERENCE DE LYON. 735
contre le roi des Français, disant qu'il sollici-
tait contre lui son frère Godégisille, qui ré-
gnait alors sur une partie de la Bourgogne *
et faisait sa l'ésidence à Genève. C'était, au
contraire, Godégisille qui avait sollicité Clo-
vis de faire la guerre à Gondebaud : ce que
ce prince ne savait pas. Les évêques lui ré-
pondirent qu'il n'y avait pas de meilleur
moyen de faire la paix, que de s'accorder
sur la foi, et lui offrirent leur médiation pour
traiter la paix, s'il l'avait agréable. Après
quoi chacun prit sa place dans le même or-
dre que le jour précédent. Saint Avit, pour
répondre aux reproches de Boniface, fit voir
si clairement que les catholiques n'adoraient
point plusieurs Dieux, qu'il se fit admirer
même des ariens. Boniface ne lui répondit
que par des injures, comme il l'avait fait la
veille, et s'enroua tellement à force de crier,
qu'il ne pouvait plus parler. Le roi le voyant
en cet état, attendit assez longtemps, et se
leva ensuite, montrant sur son visage son
indignation contre Boniface. Alors saint Avit
pria ce prince d'ordonner aux ariens de ré-
pondre à ses propositions, afin qu'il pût con-
naître la foi qu'il devait suivre : mais le roi
et les ariens qui étaient avec lui, n'ayant
rien répondu, le saint évêque ajouta, ens'a-
dressant toujours au roi : ;( Si les vôtres ne
peuvent nous répondre, qui empêche que
nous ne convenions tous d'une même foi? »
Comme ils en murmuraient, saint Avit dit,
plein de confiance dans le Seigneur : « Si
nos raisons ne peuvent les convaincre, je ne
doute point que Dieu ne confirme notre foi
par un miracle. Ordonnez que nous allions
tous au tombeau de saint Juste, que nous
l'interrogions sur notre foi, et Boniface sur
la sienne : Dieu prononcera ce qu'il approuve
par la bouche de son serviteur. » Le roi,
étonné, semblait y consentir; mais les ariens
se récrièrent et dirent que, pour faire con-
naître leur foi, ils ne voulaient point faire
comme Saiil, qui s'était attiré la malédiction,
ayant recours à des enchantements et à des
voies illicites ; qu'ils se contentaient d'avoir
l'Ecritui-e, plus forte que tous les prestiges.
Ils répétèrent la même chose plusieurs fois
avec de grands cris. Le roi, qui s'était déjà
levé, prenant par la main Etienne et Avit, les
mena jusqu'à sa chambre, les embrassa et
leur dit de prier pour lui. Les deux évêques
connurent aisément la perplexité et les em-
1 Greg. Turou., lib. II liisi., cap. SXSII,
736
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
barras du roi : mais parce que Dieu le Père
lie l'avait point atliré, il ne put encore alors
venir au Fils, afin que cette vérité fût ac-
complie : Qu'il ne dépend point de celui qui
veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui
fait misér'icorde. Depuis ce Jour, plusieurs
ariens se convertirent et furent baptisés quel-
ques jours après. Ce fut de cette manière
que Dieu fit éclater la vérité de notre foi, en
présence de tout le monde, par l'interces-
sion de saint Juste. Quant au roi Gondebaud,
après qu'il eut terminé la guerre contre Clo-
vis, il demanda à saint Avit de lui donner en
secret l'onction du saint chrême ', confessant
que le Fils de Dieu et le Saint-Esprit sont
égaux au Père; mais le saint évêque lui
ayant représenté qu'il devait, suivant le
précepte du Seigneur, le confesser devant
les hommes, il n'eut jamais le courage de
faire publiquement profession de la foi ca-
tholique. On met la conférence de Lyon vers
l'an 500.
ARTICLE XIII.
CONCILE d'agde [506].
condia 1. Pendant que Trasamond, roi des Van-
B06.^ ° °° dales, persécutait vivement les catholiques
en Afrique, Alaric, roi des Visigoths, en Es-
pagne, quoique arien comme lui, les traitait
avec beaucoup d'humanité. Il fit pour les
Romains, ses sujets, dont la plupart profes-
saient la foi catholique, un recueil du Code
théodosien et de plusieurs autres livres de
l'ancien droit, et le fit autoriser du consen-
tement des évêques et des personnes les plus
distinguées de chaque province. Anien, son
chancelier, le publia à Aire, ville de cette
partie des Gaules que l'on nommait Aqui-
taine, et dont Alaric était maitre, la 22= an-
née de son règne, 506 de Jésus-Christ. La
même année il permit aux évêques catholi-
ques de ses Etats, de s'assembler en la ville
d'Agde, située dans le Languedoc : ils s'y
trouvèrent au nombre de quatre-vingt-qua-
tre, de diverses provinces qui étaient sous la
domination de ce prince. Saint Césaire, évê-
que d'Arles, présida à cette assemblée. Les
autres évêques les plus connus, sont : Cy-
prien de Bordeaux, Tétradius de Bourges,
Héraclien de Toulouse, Sophfonius d'Agde
et Quinfien de Rodés. Dix évêques n'ayant
pu s'y rendre, envoyèrent des députés, dont
quelques-uns étaient prêtres et les autres
diacres. Ils s'assemblèrent le H septembre
de l'an 506, dans l'église de Saint-André, où
l'on conservait des rehques de cet apôtre.
Leur première attention fut de faire à ge-
noux des prières pour la longue vie du roi
Alaric, la prospérité de son règne et pour
tout le peuple, voulant, par cet acte public,
témoigner leur reconnaissance envers ce
prince, de ce qu'il leur avait permis de s'as-
sembler. Puis s'étant assis ils firent j)lusieurs
canons pour le maintien de la discipline.
Laurent Surius, dans l'édition qu'il en a don-
née sur un manuscrit de Gemblours, remar-
que qu'il n'y en avait que quarante-huit. Le
père Sirmond n'en a pas trouvé davantage
daas les manuscrits de Lyon, de Reims, de
Corbie et dans la plupart des autres qu'il a
eus eu main : d'où il conjecture avec beau-
coup de raison que le concile d'Agde n'en
fit pas davantage, et que les vingt-cinq ca-
nons qui se trouvent au-delà, ont été ajou-
tés depuis et tirés de quelques autres con-
ciles postérieurs, nommément de celui d'E-
paone.
2. Avant que de faire aucun canon ^. les
évêques firent lire par ordre ceux qui avaient ^,'^ j°°
été faits dans les conciles précédents. Après
quoi ils ordonnèrent que les bigames ^, ou
ceux qui avaient épousé des veuves, soit
qu'ils fussent prêtres ou diacres, conserve- ■
raient le nom de leur ordre, sans pouvoir
toutefois en faire les fonctions, le concile
voulant bien, par commisération, les laisser
jouir du degré d'honneur qu'ils avaient alors,
et dérogeant à tout ce que les autres conci-
les pouvaient avoir décrété de contraire sur
ce sujet. Ils ordonnèrent ensuite ■* que les
clercs désobéissants seraient punis par l'évê-
que, et que s'il s'en trouvait qui, entlés d'or-
^ Greg. Turon., lib. Il Hist., cap. sxxiv.
2 Labb., toin. IV ConciL, pag. 1383.
" Placuit de bigamis aut inten-iiptarum maritis,
quanquam aliud Patrum slututa decreverint, ut qui
hue usque ordinati sunt , habita miseraiione, presby~
ierii vel diaeunatus nomen tantum obtineant, offieium
vero presbyteri, consecrandi, et ministrandi hujus-
modi diacones non prœsumanl. Can. l, pag. 1383.
* Contumaces vero clerici, prout dignitatis ordo
permiserit, ab episcopis corrigantur : et si qui prioris
gradus elali superbia , communionem fartasse con-
tempserinl, aut ecclesiam frequentare, vel offieium
suum implere neglexerint , peregrina eis communio
tribuatur ; ita ut cum eos pœnitentia correxerit, re-
scripti in matricula gradum suiun dignitatemque reci-
piant. Can. 2, ibid. Vide Disse^'lat. Jacobi Dominici.
de Commun, peregrin-
[V ET VI'= SIÈCLES.]
CHAPITRE LUI. — CONCILE Û'AGDE.
737
gueil, méprisassent la communion, négligeas-
sent d'assister à l'église et d'y faire leurs
fonctions, ils seraient elfacés de la matricule
et réduits à la communion étrangère, c'est-
à-dire des clercs étrangers, à qui l'on accor-
dait un rang au-dessus des laïques, mais au-
dessous des clercs de l'Eglise, qui étaient
dans le même rang qu'eux. Les pères ajou-
tèrent que s'ils venaient à se corriger et à
faire pénitence de leurs fautes, ils seraient
remis dans la matricule de l'Eglise et rétablis
dans leurs grades. Il fut ordonné que si les
évêques, ne gardant aucune modération ',
avaient excommunié des personnes innocen-
tes ou seulement coupables de quelques fau-
tes légères, et ne voulaient pas les recevoir,
quoique ces personnes le demandassent avec
instance, ils seraient avertis de le faire par
les évêques voisins, qui, en cas de refus, se-
raient autorisés à accorder la communion
aux excommuniés, jusqu'à la tenue d'un
concile, de peur que venant à mourir, ils
n'augmentassent le péché de celui qui les
avait excommuniés. Le concile appelle meur-
triers des pauvres -, ceux qui retiennent les
donations faites aux églises et aux monastè-
res par leurs parents, soit par testament ou
autrement, et il veut qu'ils soient exclus de
l'Eglise jusqu'à ce qu'ils le rendent. 11 veut
encore que l'on réduise à la communion
étrangère ^ un clerc qui aura pris quelque
chose à l'Eglise. Il déclare que les oblations
faites aux évêques par des étrangers *, doi-
vent être regardées comme appartenant à
l'Eglise, étant à présumer que ceux qui don-
nent, le font pour le salut de leur âme; et
parce qu'il est juste que, comme l'évèque
jouit de ce que l'on donne à l'Eglise, de
même ce qui est donné à l'évèque appar-
tient à l'Eglise. Il en excepte les choses
données en fidéicommis, soit à l'évèque,
soit à l'Eglise. Le même concile défend aux
évêques ^ d'aliéner les maisons, les esclaves
et les vases de l'église, si ce n'est que le
besoin ou l'utilité de l'Eglise oblige de les
vendre ou de les donner en usufruit : ce qui
sera prouvé en présence de deux ou trois
évêques voisins et attesté par leur souscrip-
tion. Il estpermis toutefois à l'évèque d'affran-
chir les esclaves qui ont bien servi l'Egiise,
sans que ses successeurs puissent les remettre
en esclavage , et de leur donner quelque
chose en les affranchissant, pourvu que la
valeur n'excède pas la somme de vingt sols
d'or, soit terre, vigne ou maison. S'il arrive
que l'évèque donne davantage à celui qu'il
affranchit, l'excédant retournera à l'Eglise
après la mort de l'affranchi. Quant aux cho-
ses de petit revenu et peu utiles à l'Eglise,
le concile laisse au pouvoir de l'évèque d'en
disposer en faveur des étrangers ou des
clercs. Il ordonne * que si un clerc aban-
' Eiiiscopi vero , si sacerdoiali moderatione postpo-
sita, innocentes aui minimis cousis culpabites cxcom-
municure prœsumpserint et ad gratium fesiinuntes
recipere nolmrint, a vicinis episcopis cujuslibet pro^
vinciœ tilteris moneantur ; et si parère noluerint,
communia illis nuque ud lempus synodi a retiquis
episcopis non negetur : ne fortasse ad excommunica-
toris peccatum excommunicaii longo tempore morte
prœveniuntur . Gan. 3, ibid.
^ Clerici eliam, vel sœculares, gui oblaiiones paren-
tum, uut donatas, aut testamentis relictas, retinere
perstiterinl, aut id quod ipsi donacerint ecclesiis, vel
monasteriis , crediderint auferendum , sicui synodus
sancla constitua, velut necatores puuperum , quousque
reddant, ab ecclesiis excludantur. Cau. 4, ibid.
2 Si quis clericus furtum ecciesiœ fecerit, peregrina
ei communio tribuaiur, Cau. b, ibid.
' Pontifices vero, quibus in summo saccrdolio con-
stilutis, ab extraneis duntaxat , aliquid, aut cuni Ec-
clesia, aut sequestratim, uut dimittiiur, aut donatur,
quia hoc ille qui donat pro redempiione animœ suce,
non pro commodo sacerdolis probatur offerre, non
quasi suum proprium, sed quasi dimissztm Ecciesiœ,
inter facullates Ecciesiœ contputabunt : quia juslum
est, ut sicut sacerdos habet quod Ecciesiœ dimissum
est, ila et Ecclesia liabeal quod relinquitur sacerdoti.
Sane quidquid per fidei coinmissum , aut sacerdotis
nomine, aut Ecciesiœ, fortasse dimittiiur , cuicumqua
X.
alii postmodum profuiurum ; id inter facullates suas
Ecclesia computare, aut retinere non poterit. Cau. 6,
ibid.
' Casellas vero, vel mancipiola Ecciesiœ, episcopi,
sicut prisca canonum prœcepit aucloritas, vel vasa
minisierii, quasi commendata, fideii proposito integro
Ecciesiœ jure possideant : id est, ut neque vendere,
neque per quoscumque conlractus res, unde pauperes
vivunt, alienare prœsumant. Quod si nécessitas certa
compulerit, ut pro Ecciesiœ aut necessifate, aut uti-
lilate, vel in usufructu , vel indirecta vinditione ali-
quid distraliatur, apud duos vel très comprovinciales,
vel vicinos episcopos, causa, qua necesse sit vendi,
primitus comprobetur : et habita discwsione sacerdo.
lali, eorunt subscriplione quœ facta fuerit venditio
rohoretur. Allier facta venditio, vertransaclio, non
valebit. Sane si quos de servis Ecciesiœ bene meritos
sibi episcopus liberiate donaverit, collatam libertatem
a successoribus plaçait custodiri, cum hoc quod eis
manumissor in liberiate contulerit. Quod iamen jubé-
mus vigmti solidorum numerum et modum in ierrula,
vineola, vel hospiliolo tenere. Quod amplius datum
fuerit, post munutnissoris mortem Ecclesia revocabit.
Minusculas vero res, uut Ecciesiœ minus utiles, pero-
grinis vel clericis, salvo jure Ecciesiœ, in usum prœ-
slari permiltimus. Gan. 7, pug. 1384.
6 M eliam plucuit, ut clericus, si relicto officia suo
propter disirictionem, ad sœculurem judicem fortasse
47
738
HISTOIRE GENERALE DES
donne ses fonctions et se retire auprès d'un
juge séculier pour éviter la sévérité de la
discipline, il soit excommunié avec celui qui
lui aura accordé sa protection, et que les
lois établies par les papes Sirice et Innocent '
soient observées à l'égard des prêtres et des
diacres qui retournent avec leurs femmes, 11
rapporte à cette occasion les lettres de ces
deux papes, qui regardent le célibat des mi-
nistres de l'autel. Il interdit également aux
clercs 2 de recevoir chez eus des femmes
étrangères ou de les aller voir fréquemment
dans leurs maisons, leur accordant seule-
ment de demeurer avec leur mère, leur
sœur, leur fille et leur nièce, comme ne pou-
vant être suspectes. Il leur défend encore ^
de garder chez eux les filles esclaves ou af-
franchies, pour les servir à titre de dépen-
sières.
3. Comme il y avait des Eglises où l'on ne
jeûnait point le samedi *, il est ordonné que
tous les enfants de l'Eglise jeûneront le Ca-
rême entier, excepté les jours de dimanche,
et que dans toutes les églises^ on expliquera
le symbole aux compétents en un même
jour, c'est-à-dire huit jours avant Pâques.
Dans la consécration des autels ^, l'onction
du chrême ne suffit pas, il faut encore la bé-
nédiction sacerdotale. Il est enjoint aux péni-
AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
tents^, dans le temps qu'ils demandent la pé-
nitence, de recevoir l'imposition des mains
de l'évêque, et de recevoir aussi de leur
main un cilice sur la tête, suivant la coutume
générale. Après quoi l'on ajoute, qu'au cas
où les pénitents refusent de couper leurs
cheveux^ de changer d'habits et de faire de
dignes fruits de pénitence, ils seront rejetés
du nombre des pénitents. Pour ce qui est des
jeunes gens, le concile ne veut pas qu'on leur
accorde aisément la pénitence, à cause de la
fragilité de leur âge ; mais il veut qu'on ac-
corde le viatique à tous ceux qui se trouvent
en danger de mort, c'est-à-dire l'absolution,
et il défend de tenir pour catholiques ^ les
laïques qui ne communient point à Noël,
à Pâques et à la Pentecôte. On ne doit or-
donner les diacres ^ qu'à vingt-cinq ans. Si,
étant jeunes et engagés dans le mariage, ils
consentent d'être ordonnés, il faut aupara-
vant s'assurer que leurs femmes sont aussi
dans la résolution de vivre en continence,
en sorte que depuis leur ordination ils n'ha-
bitent plus dans la même cliambre. L'ordina-
tion des prêtres et des évêques est fixée à
trente ans '", que l'on regarde comme l'âge
de l'homme parfait. A l'égard des religieu-
ses ", on ne doit point leur donner le voile
avant l'âge de quarante ans, quelque éprou-
confugerit ; et [is ad quem recurrit) solatium ei de-
fensionis impenderit, cum eadem de Ecclesiœ commu-
nione peltalur. Gaii. 8, pag. 1384.
' Placuit etiam, ut si diacones aut presbyteri conju-
gati ad torum uxorum suarum redire voluerird, papœ
Innocenta ordinaiio , et Siricii episcopi auctoritas ,
quœ est his canonibus inseria , consei'vetur. Gan. 9,
ibid.
2 M eiiam ad custodiendam vitam et famam spe-
ciali oi-dinatione prœcipimus , ut nuilus clericorum
extraneœ mulieri qualibet consolaiione, aut /'amiiia-
ritate jungatur ; et non solum in donio illius exlranea
mulier non accédât; sed nec ipse frequentandi ad ex-
traneam mulierem habeat potestatem ; sed cum matre
tantum, sorore, filia et nepte, si habuerit, aut vo-
luerit, Vivendi habeat potestatem. De quibus nefas
est aliud, quam natura consliluit, suspicari. Gan. 10^
pag. 1385.
s Ancillas vel libertas a cellario, vel a secreto ini-
nisterio, et ab eadem mansiune, in qua ciericus manet,
placuit removeri. Gan. 1], ibid.
* Placuit etiam, ut omnes Ecclesiœ filii, exceptis
diebus dominicis, in Quadragesimu, etiam die sub-
bato , sacerdotali ordinatione, et disirictionis commi-
natione jejunent. Gan. 12, ibid.
' Symbolum etiam placuit ab omnibus Ecclesiis una
die, id est, ante octo dies dominicœ Resurrectionis,
publiée in ecclesia competentibus tradi. Gan. 13 ,
ibid.
* Altaria placuit non solum unctione chrismatis
sed etiam sacerdotali benedictione sacrari. Can. 14
ibid.
' Pœni tentes tempore quo pœnitentiam petunt, impo-
silionem manuum et cilicium super caput a sacerdote,
sicut ubique conslitutum est, consequantur. Si autem
comas non deposuerint, aut vestimenta non mutaverint,
abjiciantur : et nisi digne pœnituerint, non recipian-
tur. Juvenibus etiam pœnitentia non facile commii-
tenda est propter œtatis fragilitatem. Viaiicum iamen
omnibus in morte positis non negandum. Gan. 15,
ibid.
* Sœculares , qui Natale Domini , Pascha et Pente-
coste non communicaverint, catholici non credantur,
nec inter catholicos habeantur. Can. 18, pag. 138G.
8 Episcopus benedictionem diaconatus minoribus
quam viginti quinque annorum penitiis non committat.
Sane si conjugati juvenes consenserint ardinari ,
etiam uxorum voluntas ita requirenda est, ut seque-
strato munsionis cubiculo, religione prœmissa, postea-
quam pariter conuersi fuerint, ordinentur. Can. 16,
ibid.
10 Presbyterum vero vel episcopum, ante iriginta an-
nos, id est, antequum ad viri perfecti œtaiem venial,
nuilus metropolitanorum ordinare prœsumat, ne per
œtaiem, quod aliquoties evenit, aliquo errore culpen-
tur. Gan. 17, ibid.
" Sanctimoniales , quamlibet vita earum et mores
probati sint , ante annum œtatis suœ quudragesimum
non velentur. Can. 19,
[V° ET VI' SIÈCLES.]
CHAPITRE LUI, — CONCILE D'AGDE.
739
vées que soient leurs mœurs. Si des clercs
portent de longs cheveux ', l'archidiacre les
leur coupera malgré eux : leurs habits et
leurs chaussures seront aussi convenables à
leur état. Ce canon fut fait à l'occasion des
Barbares qui dominaient alors dans les Gau-
les et qui portaient de grands cheveux. On
peut permettre des oratoires ou chapelles à
la campagne 2, à ceux qui sont éloignés des
paroisses, et d'y faire dire l'office pour la
commodité de leur famille, à l'exception des
fêtes de Pâques, de Noël, de l'Epiphanie, de
l'Ascension, de la Pentecôte et des autres
grandes fêtes auxquelles ces particuliers doi-
vent passer ces jours solennels dans la ville
ou venir à la paroisse. Les clercs qui ces
jours-là oseront célébrer la messe dans les
oratoires de la campagne, sans la permission
de l'évêque, seront excommuniés. Les an-
ciens canons avaient défendu l'aHénation des
biens de l'Eglise : le concile renouvelle cette
défense ^, voulant que les curés et les autres
ecclésiastiques usent des biens de l'Eglise en
la manière que l'évêque l'aura permis, sauf
le droit de l'Eglise, sans pouvoir les vendre
ni les donner à personne. On déclare nulle
la vente ou donation qu'ils en auraient faite,
on les oblige d'indemniser l'Eglise de leurs
propres biens, s'ils en ont, et on les prive de
la communion. 11 est ordonné à l'évêque de
faire observer le rang d'antiquité entre les
clercs *, si ce n'est que quelqu'un d'entre
eux mérite d'être humilié pour sa désobéis-
sance aux ordres de l'évêque. On lui laisse
toutefois le pouvoir de choisir pour archidia- .
cre celui qu'il en trouvera le plus capable,
supposé que le plus ancien des clercs ne soit
pas en état de remplir les devoirs de cet
office. Le concile de Vaison avait fait un dé-
cret touchant les enfants : celui d'Agde le
renouvelle ^. Il excommunie les personnes
mariées ^ qui se sont séparées sans avoir au-
paravant prouvé en présence de l'évêque de
la province, qu'elles ont des raisons légitimes
de rompre leurs mariages. On leur interdit
les assemblées du peuple fidèle pour avoir
manqué à la foi du mariage et l'avoir souillé
par des alliances illicites avec d'autres per-
sonnes.Les clercs convaincus d'avoir détourné
les titres de l'Eglise', de les avoir supprimés
ou livrés entre les mains de ses adversaires,
devaient l'indemniser à leurs dépens €t être
excommuniés avec ceux qui auraient reçu
ces titres. Le concile défend de fonder un
nouveau monastère sans la permission de
l'évêque ^, et d'ordonner les moines vaga-
1 Clerici qui comam nutriunt , ab archidiacono ,
etiam si noluerint, inviti delondeantur . Vestimenta
vel calceamenta etiam eis, nisi quœ religiotiem de-
ceant) uti vel habere non liceat. Can. 20, ibid.
2 Si quis etiam extra parochias, in quitus legitimus
est ordinariusque convenlus, oraiorium in agro habere
voluerit , reliquis festivitatibus , ut ibi missas teneut
propter faligationem farniliœ , jusla ordinatione per-
miltimus : Pascha vero, Natale Domini, Epiphania,
Ascensionem Domini, Pentecostem, et Natalem sancti
Joannis Baptistœ, vel si qui maximi dies in festivita-
tibus habentur, non nisi in civitatibus aut in parochiis
ieneant. Clerici vero, si qui in festivitatibus quas su-
pra diximus, in oratoriis, nisi jubente aut pcrmittente
episcopo , missas facere aut tenere voluerint , a com-
munione pellaniur. Gan. 21.
^ Et licet superfluum sit de re nota et antiquis ca-
nonibus prohibita, iterato aliquid definire ; uttamen
quo fucilius cupidilas, aut iniprobitas reprimatur^ id
slatuimus, quod omnes canones jubent, ut civitatenses
sive diœcesani prcsbyteri , vel clerici, saluo jure Ec-
clesiœ , rem Ecclesiœ , sicut permiserint episcopi , te-
neant ; vendere autem, aut donare, penitus non prœ-
sumant : quod si fecerinl , et facta venditio non
valebit, et de facultatibus , si quas habent proprius,
indemnem Ecclesiam reddant, et communione priven-
tur. Can. 22, ibid.
* Episcopus etiam , quorum vita non reprehenditur,
posteriorem priori nullum prœponat : nisi fartasse
elatus superbia, quod pro necessitate Ecclesiœ episcopus
jusserit, implere contemnat. Sane si officium archi-
diaconatus propter simpliciorem naturam implere aut
expedire nequiverit, il le loci sui nomen teneat, et or-
dinationi Ecclesiœ quem elegerit episcopus prœponatur.
Gan. 23, pag. 1387.
^ De expositis id observandum, quod jum dudum
synodus snncta constiluit. Can. 24, ibid.
' Hi vero sœculares qui conjugale consortium culpa
graviore dimittunt, vel etiam dimiserunt , et nullas
causas dissidii probabiliter proponentes, propterea sua
matrimonia dimittunt, ut aut illicita, aut aliéna
prœsumant ; si antequam apud episcopos comprovin-
ciales dissidii causas dixerint, et prius uxores, quam
judicio damnentur, abjecerint, a communione Ecclesiœ,
et sancto populi cœiu, pro eo quod fidem et conjugia
maculant, excludaniur. Gan. 25, ibid.
' Si quis de clericis documenta, quibus Ecclesiœ
possessio firmalur, aut supprimere, aut negare, adver-
sariis fartasse tradere damnabili et punienda obsti-
natione prœsmnpserit , quidquid per absentiam docu-
mentorum damni Ecclesiœ illalum est de propriis
facultatibus reddat , et communione privetur. Hi
etiam qui in damno Ecclesiœ, instrumenta Ecclesiœ,
impie sollicitatis traditoribus, susceperint, pari sen-
tentia feriantur. Gan. 26, ibid.
8 Monasterium novum, nisi episcopo aut permittente,
aut probante, nullus incipere, aut fundare prœsumat.
Monachi etiam vagantes ad officium clericatus , nisi
eis testimonium abbas suus dederit, nec in civitatibus,
nec in parœciis ordinentur. Monachum nisi abbaiis
sui aut permissu, aut voluntate, ad alterum monaste-
rium commigraniem nullus abbas suscipere aut reti-
nere prœsumat : sed ubicumque fuerit , abbati suo
aucioritate canonum reuoceiur. Si necesse fuerit de-
740
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
bonds dans les villes ou dans les paroisses
de la campagne, excepté ceux à qui l'abbé
aura -rendu un témoignage avantageux ; il
défend aussi à un abbé de recevoir un moine
d'un autre monastère sans la permission de
son supérieur, voulant que ce moine soit
renvoyé au monastère d'où il est sorti. Il
ajoute que s'il est nécessaire d'élever un
moine à la cléricature,révèque ne pourra le
faire que du consentement de l'abbé. Il or-
donne d'éloigner les monastères de filles de
ceux des hommes ', non-seulement pour
éviter les tentations du démon, mais aussi les
mauvais discours des hommes.
4. 11 est du devoir de l'Eglise ^ de prendre
sous sa protection ceux qui ont été mis en li-
berté par leurs maîtres, et d'excommunier
ceux qui oseront ou s'en emparer ou les dé-
pouiller avant que d'avoir montré qu'ils
étaient en droit de le faire. Le concile voulant
que l'on observât partout le même ordre
dans l'office divin ^, ordonne qu'après les
antiennes, c'est-à-dire les psaumes chantés à
deux chœurs, les prêtres et les évêques di-
ront des collectes, que l'on chantera tous les
jours les hymnes du matin et du soir; qu'à
la fin des offices, après les hymnes, on dira
des capitules tirés des Psaumes, et qu'après
la collecte ou la prière du soir, le peuple
sera renvoyé avec la bénédiction de l'évêque.
C'est aux évêques à s'employer * à la récon-
cihation de ceux qui sont en inimitié ou eu
procès depuis longtemps : que si, après les
avoir repris, ils continuent leur haine, les
évêques doivent les chasser de l'Eglise par
une très-juste excommunication. Il n'est pas
permis aux clercs d'appeler personne devant
un juge séculier ^, sans la permission de l'é-
vêque, surtout en matière criminelle : mais
il doit répondre, s'il est appelé lui-même.
Lorsqu'un séculier aura fait un mauvais pro-
cès à l'Eglise ou à un clerc, et l'aura perdu,
il sera chassé de l'Eglise et de la communion
des catholiques, s'il ne fait pénitence. Si l'é-
vêque, n'ayant ni enfant, ni neveu ^, fait hé-
ritier de ses biens un autre que l'Eghse, on
doit reprendre tout ce qu'il a ahéné du bien
qui provenait de l'Eglise. S'il a des enfants,
ils indemniseront l'Eglise sur le bien qu'il
leur a laissé, du tort qu'il lui a fait. Il arrivait
souvent que les juifs convertis retournaient
à leur vomissement : c'est pourquoi le con-
cile ordonne " qu'ils seront huit mois caté-
chumènes avant de recevoir le baptême ,
afin que l'on puisse pendant ce temps exa-
miner si c'est avec sincérité qu'ils le deman-
dent; mais, en cas de danger de mort, on les
baptisera avant même l'écoulement des huit
mois. Tous les évêques de la province sont
tenus de se trouver pour l'ordination d'un
évéque ^, ou pour assister au synode, lors-
qu'ils seront mandés par leur métropolitain,
ricum de monachis ordinari , cum consensu et volun-
iate abbatis prœsumat episcopus. Can. 27, ibid.
' Monasteria puetlarum longius a monasteriis mo-
nachorum, aut propter insidias diaboli , aut propter
olitoculiones hominum collocentur. Can. 28, pag. 1388.
2 Libertos légitime a dominis suis fados Ecclesia,
si nécessitas exegerit tuealur, guos si guis anle au-
dientiam, aut pervadere, aut expoliare prœsumpserit,
ab Ecclesia repellatur. Can. 29^ ibid.
^ Et quia convenit ordinem Ecclesiœ ab omnibus
œqualiler custodiri , siudendum est, ut sicut ubique
fit, et post Anliphonus collectiones per ordinem ab
episcopis vel presbyteris dicantur, et liymni matulini
vel vespertini diebus omnibus decanlenlur, et in con-
clusione matutinarum vel veipeiiinurum missaruni ,
post hymnos capitella de Psalmis dicantur, et plebs
collecta oratione ad vesperam ab episcopo cum bene-
dictione dirnitiulur. Can. 30, ibid.
* Placuit etiam, ut sicut plerumqiie fil , guiçumrjue
odio aut longinqua inter se liie dissenserint, et ad pa-
cem revocari diutina intentione nequiverint, a civitutis
primitus sacerdotibus arguantur. Qui si inimicitias
deponere perniciosa intentione noluerint, de Ecclesice
cœtu Justissinia excommunicatione pellantur. Cau. 31,
ibid.
i» Clericus ne quemquam prœsumat apud sœcularem
judiccm, episcopo non permittente , pulsare : sed si
pulsalus fucrit, respondeut, nec audeat criminole ne-
gotium i/i judicio saculari proponere. Si guis vero sœ-
cularium per calumniam Ecctesiam , aut clericum ,
fatigare tentaverit, et victus fuerit, ab ecclesiœ limi-
nibus,et a catholicorum communione, nisi digne pœni-
tuerit, arceatur. Can. 32, ibid.
^ Episcopus, gui filios aut nepotes non habens, alium
quam Ecclesiam relinguit hœredem , si quid de Ec-
clesia, non in Ecclesiœ causa aut necessitute prœ-
sumpsit, guod disiraxit, aut donavit, irriium habeaiur :
qui vero filios habet, de bonis quœ relinguit, ab hœ-
redibus ej'us indcmnitutibus Ecclesiœ cûnsulatur. Can.
33j ibid.
■' Judœi, guorum perfidia freguenter ad vomitum
redit, si ad legem catholicam ventre voluerint , octo
measibus inter catechumenos ecclesiœ limen introeant :
et si pura fide venire noscuntur, tum demum baplis-
maiis gratiam mereantur. Qiiod si casu aliquo pericu-
Imn infirmitatis intra prœscriptum tempus incurrerint^
et deiperati fuerint, baptizentur. Can. 34, pag. 1389.
^ Si metropolitanus episcopus ad comprovinciales
epistolus direxerit , in quibiis eos ad ordinationem
summi Poniificis, oui ad iynoduvi inviiet, posipositis
omnibus, excepta gravi infirmitate corporis, aut prœ-
ceptione reyia, ad conslilutam diem adesse non diffé-
rant. Quod si de fuerint , sicut prisca canonum prœ.
cipitaucioritas, usque ad proximam synodum cliaritate
fratrutn et Ecclesiœ communione priventur. Cau. 35,
pag. 1389.
[VET VI« SIÈCLES.]
si ce n'est qu'ils soient empêchés par mala-
die, ou retenus par ordre du prince. Les con-
trevenants seront, suivant les anciens canons,
privés de la communion de leurs frères et
de l'Eglise jusqu'au concile suivant. 11 est
ordonné que tous les clercs ' qui servent
fidèlement l'Eglise, recevront des gages à
proportion de leurs services. C'était l'ancien
usage ; mais on commençait dès lors à don-
ner à quelques clercs des fonds en usufruit,
comme on le voit par le vingt-deuxième ca-
non de ce concile. 11 ordonne la peine d'ex-
communication 2 contre les homicides et les
faux témoins, à moins qu'ils ne fassent péni-
tence de leurs crimes. Il défend aux clercs
de sortir sans lettres de recommandation de
leur évêque ^, et aux moines sans la permis-
sion de leur abbé , les menaçant de châti-
ments corporels, s'ils ne se rendent point à
ces décrets. 11 leur défend encore de quitter
leur monastère, pour aller dans le désert
habiter des cellules particulières, si ce n'est
qu'ils soient d'une vertu connue et éprouvée
par de longs travaux, ou obligés, à cause de
leurs infirmités, de diminuer de la rigueur
ordinaire de leur règle avec l'agrément de
leur abbé. En ce cas leurs cellules doivent
être dans l'enceinte du monastère. Il ne veut
pas non plus que les abbés aient plusieurs
cellules ou plusieurs monastères, excepté
dans les incursions des ennemis, où ils pour-
ront se faire des hospices dans l'intérieur des
villes murées. Comme il n'était point permis
CHAPITRE LUI. — CONCILE D'AGDE.
741
aux prêtres, ni aux diacres, ni aux sous-dia-
cres.de se marier*, le concile leur défend de
se trouver aux festins des noces, où il se
commet plusieurs choses indignes d'être vues
et ouïes des ministres de l'autel. Il défend à
tous les clercs et même aux laïques '', de
manger chez les juifs et de les inviter à man-
ger. La raison qu'il en donne est que les juifs
n'usant point des viandes dont les chrétiens
usent ordinairement, il est indigne, et c'est
même un sacrilège aux chrétiens de manger
des viandes qui leur sont offertes par les
juifs.
5. Il recommande aux clercs^ de se garder
de l'ivrognerie, qu'il appelle le foyer et la
nourrice de tous les vices, et il condamne le
clerc qui se sera enivré à s'abstenir de la
communion pendant trente jours, ou à quel-
ques punitions corporelles. Il y avait des laï-
ques ' et même des clercs qui s'appliquaient
aux augures, et surtout à une espèce de di-
vination que l'on appelait les sorts des saints.
Cet usage qui s'insinuait sous prétexte de re-
ligion, consistait à ouvrir quelques livres de
l'Ecriture , et à prendre pour présage de
l'avenir les premières paroles que l'on ren-
contrerait à l'ouverture du livre. Cette su-
perstition est condamnée sous peine d'ex-
communication. Ce qui a été ordonné par
nos saints pères dans les conciles, touchant
ceux qui ont été mis en pénitence, doit être
observé ^, savoir, qu'aucun ne sera élevé à la
cléricature, et que l'on privera des fonctions
' Clerici etiam omnes qui Ecclesiœ fideliter vigi-
ianterque deserviunt , stipendia sanctis laboribus de-
hita, secundurn serviiii sui meritum, vel ordinaiionem
canonum, a mcerdotibiis consequantur. Can. 36, ibid.
^ Ilaque censuimus homicidas et fahos testes a
communione ecclesiasticu submovendos, nisi pœnifentiœ
satisfactione crimina udmissa diluerint. Can. 37, ibid.
s Clericis sine cnmmendalitiis episiolis episcopi sui
licentia non pateat evagandi. In monachis quoque par
sententiœ forma servetur. Quos si verborum increpaiio
non emendaverit, etiam verberibus statuimus coerceri.
Servandum quoque de monachis, ne eis ad solitarias
cellulas liceat a congregatione discedere, nisi forte
probatis post emeritos labores, aut propter infirmitatis
necessitatem, asperior ab abbatibus régula remittatur.
Quod ita demum fiet , ut intra eadem nionasterii
septa manentes, tamen sub abbatis potestate separaias
habere cellulas permittaniur. Abbatibus quoque sin-
gulis diversas cellulas, aut plura monasteria habere
non liceat, nisi tantum propter incursum hostilitatis
intra muros receptacula collocare. Can. 38, ibid.
' Presbyteri , diacones , subdiacones , vel deinceps ,
quibus ducendi uxores licentia non est , etiam aliena-
rum nuptiarum évitent convivia, nec his cœtibus ad-
miscenntur ubi amatoria cantantur et turpia , aut
obscœni motus cm"porum choris et saltibus efferuntur :
ne audilu et obtutu sacris mysteriis deputati turpium
spectaculorum alque verborum contagione polluantur.
Can. 39, ibid.
5 Omnes deinceps clerici , sive laici, judœorum con-
vivia évitent ; nec eos ad convivium quisquam excipint.
Quia cum apud christianos cibis communibus non
utantur, indignum est atque sacrilegum, eorum cibos
a christianis sumi. Can. 40, pag. 1390.
^ Ante omnia clericis viietur ebrietas, quœ omnium
viliorum fomes ac nutrix est. Ilaque eum quem ebrium
fuisse constiterit, ut ordo patitur, aut triginta dierum
spaiio a communione statuimus submovendum , aut
corporoli subdendum supplicio. Can. 41, pag. 1390.
' Ac ne id fortasse videalur omissum, quod maxime
fidem caiholicœ religionis infestât , quod aliquanli
clerici, sive laici student auguriis, et sub nomine
ficiœ religionis, per eas quas sanclorum sortes vacant,
divinalionis seientiam profitentur. aut quarumcumque
Scripturarum inspectione futura promittunt ; hoc qui-
cumque clericus vel laicus detectus fuerit vel consu-
lere , vel docere , ab Ecclesia habeatur extraneus.
Can. 42, ibid.
8 De pœnitentibus id placuit observare, quod sancti
Patres nostri synodali sententia censuerunf, ut nullus
de his clericus ordinetur, et qui jam sunt per igno-
rantiam ordinati. Can. 43, ibid.
742
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ceux qui y ont été élevés par ignorance. II est
ordonné aux séculiers * d'assister les diman-
ches à la messe entière, et de ne point sortir
de l'église avant la bénédiction de l'évéque;
car il n'était pas permis aux prêtres de la
donner, ni même de bénir un pénitent dans
l'église ^. Cette bénédiction s'entendait de la
solennelle qui se donne encore dans quel-
ques Eglises les jours de grandes fêtes avant
la communion. La peine dont on punissait
les contrevenants était une réprimande pu-
blique que l'évéque leur faisait. On permet à
l'évéque, lorsqu'il y aura nécessité ^, d'alié-
ner, sans assembler ses confrères, de petites
pièces de terre ou de vigne qui ne sont pas
de grand revenu ou qui sont fort éloignées. Il
peut aussi vendre les esclaves fugitifs * qui
abandonnent leur propre maison ou leurs fa-
milles, et qu'on a peine à garder. Le dernier
canon ordonne la tenue annuelle des conci-
les 5, et les évêques y rendent grâces à Dieu
et au roi de ce qu'ils s'étaient assemblés
cette année en paix, priant la divine bonté
de leur accorder la même grâce pendant
plusieurs années. Avant ce canon il y en
avait vingt-cinq autres qui sont cités par
Gratien comme étant du concile d'Agde.
Mais nous avons déjà remarqué que ces ca-
nons sont presque tous tirés du concile d'E-
paone, et qu'ils ne se trouvent point dans les
plus anciens manuscrits avec ceux du concile
d'Agde. On les a imprimés dans les Conciles
d'Espagne, après le dix-septième concile de
Tolède.
Le premier permet à l'évéque de laisser à
ses héritiers ses propres fonds , mais non
pas ceux de l'Eglise, pas même les fruits ni
les oblations. Le second défend la même
chose aux prêtres et aux diacres à l'égard
des paroisses qui leur sont confiées. Il est dit
dans le troisième qu'un évêque, un prêtre ou
un diacre convaincu d'un crime capital, sera
déposé et renfermé dans un monastère, où
il ne recevra que la communion laïque le
reste de ses jours. Le quatrième déclare nul
le testament par lequel un évêque aurait dis-
posé des biens de l'Eglise , à moins qu'il
n'y eût suppléé par des biens qui lui soient
propres. On défend, dans le cinquième, de
donner la communion à un prêtre, à un dia-
cre ou à tout autre clerc qui voyage sans des
lettres de son évêque. Le sixième casse le
traité de vente que le prêtre d'une paroisse
pourrait avoir fait des biens de l'Eglise. Le
septième veut qu'un prêtre qui a acheté
quelque chose au nom de l'Eglise, en dresse
un acte par écrit. Le huitième défend aux
évêques, aux prêtres et aux diacres, sous
peine d'être privés de la communion pen-
dant un certain temps, d'avoir des chiens
de chasse et des oiseaux. Par le neuvième,
il est permis à l'évéque d'annuler les ventes
faites par les abbés sans sa permission ,
et il est défendu à ceux-ci de mettre en li-
berté les esclaves donnés au monastère. Le
dixième leur défend de gouverner en même
temps deux monastères ; et le onzième d'en
ériger de nouveaux sans la permission de
l'évéque. Il paraît par le douzième qu'on ac-
cordait quelquefois aux clercs la jouissance
des fonds de l'Eglise par précaire : mais il
leur est défendu de se les approprier à titre
de prescription ou de laps de temps. Le trei-
zième réduit à deux ans la pénitence des ca-
tholiques qui, après être tombés dans l'hé-
résie revenaient à l'Eglise. Le quatorzième
défend de recevoir à la pénitence ceux qui
auront contracté des mariages incestueux,
s'ils ne se séparent. Il déclare tels les ma-
riages avec la belle-sœur, la belle-mère, la
belle-fiUe, la veuve de l'oncle, la cousine-
germaine ou issue de germaine. Le quin-
zième prescrit la peine d'excommunication
ou deux ans de pénitence à celui qui aura
tué son propre esclave sans la connaissance
du juge. Le seizième sépare de la commu-
nion de l'Eglise, pour trois ans, les citoyens
qui n'auront pas célébré la fête de Pâques,
de Noël et delà Pentecôte avec leur évêque.
Le dix-septième ordonne.la même peine con-
^Missasdie dominico a sœcularibus Mas teneri speciali
ordinutione prœcipimus : ita ut ante benedictionem sn-
cerdotis egredi populus non prœsumat. Qui si fecerint,
ah episcopo publiée eonfundantur. Can. 47, pag. 1391.
2 Benedictionem super plebem in ecclesia fundere,
aut pœnitentem in ecclesia benedicere presbytero pe-
nitus non licebit. Can. 44, pay. 1390.
3 Terrulas aut vineolas exiguns, et Ecclesiœ mi-
nus utiles, aut longe positas parvas, episcopus sine
concilio fi-atrum, si nécessitas fueiit , distrahendi
habeat potestaiem. Can. 45, ibid.
* Fugitivi etiam domus suas, aut familias deseren-
tes , qui etiamsi revncati fuerint, teneri non possunt ,
simili ratione ab episcopo, si voluerit , aut si ita illi
meruerint, dislrahantur. Can. 46, pag. 1391.
s Synodum etiam secundum constituta Patrum an-
nis singulis placuit congregari. Et quia in nomine
Domini omnibus salubriter constitulis synodus cum
pace dimittitur, grattas Deo primitus , et Domino
nostro régi agamus , orantes divinam clementiam, ut
hœc eadem facere et docere per mullos annos in ho-
norem Domini possimus. Can. 71, pag. 1794,
[V" ET VI» SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES DE TOULOUSE, ETC.
743
tre les clercs qui se seraient absentés en ces
jours-là. Le dix-huitième défend à un diacre
de s'asseoir en présence du prêtre, et aux
ministres inférieurs d'en faire de même en
présence du diacre. 11 est défendu, dans le
dix-neuvième, aux ministres qui ne sont pas
dans les ordres sacrés, d'entrer dans la dia-
conie et de toucher les vases du Seigneur. Le
vingtième ne veut point que les catholiques
donnent leurs enfants en mariage aux héré-
tiques : il leur permet toutefois d'accepter
pour leurs enfants ceux des hérétiques, s'ils
promettent de se faire catholiques. Le vingt-
unième défend aux clercs toute sorte de
magie et d'enchantement, sous peine d'être
chassés de l'Eglise. Le vingt-deuxième exclut
des ordres ecclésiastiques les séditieux, les
usuriers et ceux qui ont vengé leur propre
injure. Le vingt-troisième ordonne d'ôter de
son office un clerc qui fera le métier de bouf-
fon. Des deux canons suivants, Gratien en a
fait trois, dont l'un défend à l'évêque de
frapper personne , l'autre explique en quoi
consiste l'usure, et le troisième règle la ma-
nière dont un clerc doit se justifier lorsqu'il
est accusé sans avoir été convaincu.
ARTICLE XIV.
CONCILES DE TOULOUSE [507], D'OKLÉANS [oH],
ET d'agaune [315].
1. En conséquence du dernier concile
d'Agde, il se tint à Toulouse une assemblée
d'évêques où se devaient trouver ceux d'Es-
pagne, comme on le voit par la lettre de
saint Césaire d'Arles ' à saint Rurice, évê-
que de Limoges. C'est tout ce que nous sa-
vons de ce concile dont les actes ne sont pas
venus jusqu'à nous.
2. Le roi Clovis en fit assembler un des
évêques de ses Etats, en 511, le 10 du mois
de juillet. 11 s'y trouva cinq métropohtains,
savoir : Cyprien de Bordeaux, Tétradius de
Bourges, Licinius de Tours, Léonce d'Eause
et Gildarde de Rouen, avec plusieurs évo-
ques, trente-deux en tout, dont quelques-
uns avaient assisté au concile d'Agde, parce
qu'apparemment leurs diocèses étaient pas-
sés de la domination d'Alaric sous celle de
Clovis, depuis la victoire remportée sur ce
roi des Yisigoths. 11 nous reste trenle-un ca-
nons de ce concile, que l'on compte pour le
premier d'Orléans. Ils sont précédés d'une
petite préface oij les évêques reconnaissent
que c'est par l'autorité du roi Clovis qu'ils se
sont assemblés, et d'une lettre où, après
avoir loué la piété de ce prince et son zèle
pour la foi catholique, ils le prient de con-
firmer ou plutôt d'appuyer de son autorité
les décrets qu'ils avaient faits en réponse à
divers articles sur lesquels il lés avait con-
sultés.
3. Le premier ^ est pour maintenir le droit
d'asile que les canons et les lois romaines '""^
avaient accordé aux églises et aux maisons
des évêques. Il y est défendu d'enlever les
homicides, les adultères et les voleurs, de l'é-
glise, et même du parvis et de la maison de
l'évêque. On ne doit point les rendre avant
d'avoir exigé le serment de ne leur faire souf-
frir ni mutilation, ni autre peine, mais à la
charge aussi que le coupable satisfera à la
partie, et que celui qui aura violé son ser-
ment, sera excommunié. Que si la partie in-
téressée ne veut pas recevoir la composition,
et que le coupable s'enfuie par un motif de
crainte , on ne pourra le redemander aux
clercs. Le second ^ apporte une modification
à ce canon à l'égard des ravisseurs qui se
sauvent dans l'église avec les filles qu'ils ont
enlevées. Si c'est par force et contre leur
gré qu'ils les ont, ravies, et que le fait soit
constaté, la fille enlevée sera mise en liberté,
et le ravisseur sera fait esclave ou obligé de
Canons du
concile d'Or-
1 (ïaesar., tom. I Lect. Canis., pag. 366.
2 De homicidis, âdulteris et furibus, si ad eccle-
siam confugerint, id conslituimus observandum , quod
ecclesiustici canones decreverunt , et lex romana con-
stituit , ut ah ecclesiœ airiis , vel domo episcopi , eos
abstrahi omnino non liceot, sed nec aliter consignari,
nisi ad evangelia datis sacramentis de morte, de de-
bilitate, et omtii pœnarum génère sini necuri, ita ut
ei , oui reus fuerit criminosus , de satisfactione conve-
niat. Quod si sacramenta sua quis convictus fuerit
violasse, reus perjurii non solum a communione Ec-
clesiœ, vel omnium clericorum, verum etiam et a ca-
iholicorum convtvio separetur. Quod si is, cui reus
est, noluerii sibi intentione faciente componi, et ipse
reus de ecclesia coaclus timoré discesserit, ab Ecc/esiœ
clericis non quœratur. Labb., tom. IV Concit., can. i,
pag. 1404.
3 Deraptoribus auiem eustodiendum esse censuimus,
ut si ad ecclesiam raptor cum ropta con/ugerit, et
fasminam ipsam violentiam pertulisse constiteril, sta-
tim liberetur de poteslate raptoris , et raptor, mortis
vel pœnarum. impwiitaie concessa , aut scrviendi con-
ditioni snbjectus sit, aut redimendi se liheram habeat
fucultatem. Si vero quœ rapitur patrem habere con-
stilerit, et puella rapiori, aut rapienda , aut rapta,
consenserit , potestati patris excusala reddatur, et
raptor a pâtre superioris conditionis satisfactione te-
neatur obnoxius. Can. 2j pag. 1405.
744
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLESIASTIQUES.
se racheter. Mais si la fille a consenti à son
enlèvement et qu'elle ait encore son pèi-e,
elle lui sera rendue sans que le père puisse
exiger aucune autre satisfaction du ravis-
seur. Le troisième est sur la même matière '.
II porte que si un esclave coupable de quel-
ques fautes, s'est réfugié dans l'église , il
sera rendu à son maître, qui prêtera ser-
ment de ne lui faire aucun mal pour sa sor-
tie; mais si, contre son serment, il est
convaincu de l'avoir maltraité, il sera séparé
de la eoraniunion et de la table des catlioli-
ques. Que si, au contraire, l'esclave refuse
de sortir, quoique son maître ait fait ser-
ment, à la demande des clercs, de ne lui pas
faire de mal, il pourra le tirer par force de
l'église. II est défendu, par le quatrième ^,
d'ordonner aucun séculier sans le comman-
dement du roi ou le consentement du juge :
on en excepte ceux dont les pères et les an-
cêtres auraient été dans le clergé , parce
qu'ils devaient demeurer sous la puissance
des évêques. Le cinquième ^ ordonne que
les fruits des terres que les Eglises tiennent
par donation du roi, avec exemption de char-
ges , seront employés aux réparations des
églises, à la nourriture des prêtres et des
pauvres, et à la rédemption des captifs, avec
ordre aux évêques d'en avoir soin, et avec
menace de priver les négligents de la com-
munion de leurs frères. Il est dit dans le
sixième * que l'on ne doit pas communier
un laïque qui forme quelque demande con-
tre son évêque , en lui répétant quelque
chose de son propre bien ou de l'Eglise ,
pourvu qu'il n'ait point accompagné sa de-
mande de reproches ou de quelque accusa-
tion criminelle. Le septième ^ défend, sous
peine de privation de l'honneur de leurs
qualités, aux abbés, aux prêtres, aux clercs
et aux religieux, d'alleV demander des grâ-
ces au prince, sans la permission de l'évê-
que, qui, toutefois, pourra les rétablir lors-
.qu'ils auront satisfait pleinement pour cette
faute. Le huitième ^ porte que si un évêque
ordonne un esclave diacre ou prêtre à l'insu
de son maître, mais bien informé lui-même
de sa servitude, l'esclave demeurera clerc;
mais que l'évêque ou celui qu'il l'a fait or-
donner en paiera le prix au double; que si
l'évêque ne l'a pas su, on s'en prendra à ce-
lui qui l'aura présenté pour l'ordination. Le
neuvième ' impose la peine de déposition et
d'excommunication à un prêtre ou à un dia-
cre coupable d'un crime capital. Le dixième^
consent que l'on admette les clercs héréti-
1 Servus qui ad ecclesiam pro gualibet culpa con-
fugerit , si a domino pro admissa culpa sacramenta
susceperit, statim ad servitium domini sui redire co-
gatur ; sed posteaquam dalis a domino soo'amentis
fuerit consignatus, si aliquid pœnœ pro eadem culpa
gua excusalur probaius fuerit perfulisse, pro contemptu
Ezclesiœ , et prœvaricatione fidei , a communione Do-
mini et convivio catholicorum exlraneus habeatur. Sin
vero servus pro culpa sua ab Ecclesia defensatus sa-
cramenta domini, clericis exigentibus , de impunitaie
perceperit, exire nolentem a domino liceat occupari.
Cau. 3, ibid.
^ De ordinationibus clericorum id observandum esse
decrevimus , ut nullus sœcularium ad clericatus offi-
cium prœsumatur, nisi aut cum régis jussione , aut
cum judicis voluntate : ita ut filii clericorum, id est,
patrum , avorum , ac proavorum , quos supradicto
ordine parenium constat observationi subjunclos , in
episcoporum potestate ac districtione consistant. Gan. 4,
ibid.
3 De oblationibus vel agris, quos domnus nosler rex
Ecclesiis suo miinere conferre dignatus est, vel adhuc
non habentibus Deo itispirante contulerit , ipsorum
agrorum vel clericorum immunitate concessa, id esse
justissimum definimus, ut in reparationibus ecclesia-
rum, alimoniis sacerdotum, et pauperum, vel redemp-
tionibus captivorum, quidquid Deus in fructihus dure
dignatus fuerit expendatur, et clerici in adjutorium
eccl-esiastici operis constri7igantur. Quod si aliquis
sacerdotum ad hanc curam minus sollicitas ac dévolus
exstiterit , publiée a comprovincialibus episcopis con-
fundatur. Quod si nec sub tali confusione correxerit.
donec emendet errorem, communione fratrum habeatur
indignus. Can. 5j ibid.
'* Si quis ab episcopo, vel de Ecctesiœ vel de proprio
jure crediderit aliquid repetendum , si nihil convicii
aut criminationis objecerit, eum pro sola conventione
a communione Ecclesiœ non liceat submoveri. Can. 6,
pag. 1406.
5 Abbatibus, presbyteris omnique clero, vel in reli-
gionis professione viventibus , sine discussione vel
commeiidatione episcoporurn , pro pelendis beneficiis ,
ad domnos venire non liceat. Quod si quisquam prœ-
sumpserit, tamdiu loci sui honore et communione pri-
vetur, donec per pœniientiam plénum ejus satisfactio-
nem sacerdos accipiat. Gan. 7, ibid.
s Si servus, absente aut nesciente domino, et episcopo
sciente quod servus sit , aut diaconus presbyter fuerit
ordinatus, ipso in clericatus officia permanente, epi-
scopus eum domino duplici salis factione compense!.
Si vero episcopus eum servum esse nescierit, qui tes-
timonium perhibent, aut eum supplicaverint ordinari,
simili redhibitione teneayitur obnoxii. Can. 8, ibid.
' ft diaconus aut presbyter crimen capitale com-
miserit,simul et officia et communione pellatur. Can. 9,
ibid.
8 De hœrelicis clericis qui ad fidem catholicam
plena fuie ac voluntate venerint , vel de basilicis quas
in perversitate sua Gothi Imctenus habuerunt, id cen-
suimus observari, ut si clerici fideliter converiunlur,
et fidem catholicam intègre confitentur, vel ita dignam
vitam morum et acluum prointate custodiunf , offi-
cium, quo cos episcopus dignos esse censuerit, cum
impositœ manus benedictione suscipiat ; et Ecclesias
[v<^ETVP SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES DE TOULOUSE, ETC.
ques bien convertis aux fonctions dont l'é-
vêque les jugera dignes, en leur donnant
toutefois auparavant la bénédiction de l'im-
position des mains. Il consent aussi que les
églises des Goths soient réconciliées avec les
mêmes cérémonies que celles des catholi-
ques. Le onzième * interdit non-seulement
la communion, mais encore la table des ca-
tholiques , aux pénitents qui abandonnent
leur état pour retourner aux actions du siè-
cle, défendant à qui que ce soit de manger
avec eux depuis leur interdit , sous peine
d'être aussi privé de la communion. Le dou-
zième ^ accorde à un prêtre ou à un diacre
qui se sont éloignés de l'autel pour faire
pénitence de quelque faute, la permission
de donner le baptême en cas de nécessité,
et supposé qu'il ne se trouve point d'autre
ministre de l'Eglise pour le conférer. Le trei-
zième ^ dit que si la veuve d'un prêtre ou
d'un diacre se remarie, et ne veut pas quit-
ter son second mari, ils seront tous deux
excommuniés. Les trois canons suivants re-
gardent la dispensation des revenus de l'E-
glise. Il y est dit * que l'évêque aura l'admi-
nistration de tous les fonds appartenant à
l'Eglise, soit qu'on les ait donnés à l'église
matrice ou aux paroisses; mais qu'à l'égard
des oblations qui se font à l'autel ^, dans
l'église cathédrale, il en aura la moitié, et le
74S
simili, quo noîirœ innovari soient, placuit ordine
consecrari. Can. 10, ibid.
' De his gui suscepta pœniieniia religionem suœ
professionis obliti ad sœcularia relabuniur, placuit eos
et a commuiiione suspendi, et ab omnium catliolico-
rum conviviû separari. Quod si post interdictum cum
eis quisquam prœsumpserit manducare , et ipse com-
munione pi-iveiur. Can. 11, ibid.
- Si diaconus aut presbyter, pro reaiu suo se ab
altaris communione sub pœnitentis professione sub-
moverit, sic quoque, si alii defuerint, et causa certœ
necessitatis exoritur, posceniem baptismum liceat
hapiizare. Can. 13, pag. 1407.
3 Si se euicumque mulier duplici conjugio, presby-
ieri vel diaconi, relicta, conjunxerii, aut castigati se-
pareniur, aut certe, si in criminum intentione persii-
terint , pari excommunicatione plectantur. Can. 13,
ibid.
' Antiques canones relegeutes priera staluta credi-
dimus renovanda, ut de his quœ in aliario oblatione
fidelium conferuntur, medietatem dispensandam sibi
secundum gradus clerus accipiat , prœdiis de omni
commoditate in episcoporum potesiaie durantibus.
Can. 14, pag. 1407.
5 De las quœ parochiis in terris, vineis, mancipiis,
atque peculiis quicumque fidèles obtuleriyit, antiquo-
rurn staluta serventur, ut omnia in episcopi potestate
consistant. De his tamen quœ in aliario accesserint,
tertia fideliier episcopis deferatur. Can. 15, ibid.
« Episcopus pauperibus, vel infirmis, qui debilitate
clergé l'autre; mais seulement le tiers dans
les paroisses; que l'évêque donnera, autant
qu'il le pourra ^, le snvre et le vêtement aux
pauvres et aux invalides qui ne peuvent tra-
vailler. Le dix-septième ' déclare que, sui-
vant l'ancien droit, l'évêque aura la juridic-
tion sur toutes les nouvelles églises que l'on
bâtit dans son diocèse. Il est défendu, dans
le dix-huitième 5, d'épouser sa belle-sœur,
ou la veuve du frère, ou la sœur de la dé-
funte femme.
4. Par le dix-neuvième ^, les abbés sont
soumis aux évêques, qui doivent les corriger,
s'ils manquent contre la règle, et les assem-
bler une fois l'an. Les moines doivent obéir
aux abbés, quileur ôterontce qu'ils auraient
en propre, mettront en prison les vagabonds
avec le secours de l'évêque, pour les punir
selon la règle. L'abbé lui-même se rendra
coupable, s'il néglige de punir les moines
défaillants, ou s'il en reçoit d'un autre mo-
nastère. On ne sait quelle était la règle dont
il est ici fait mention, et l'on ne voit pas
qu'il y en eût alors dans les Gaules de com-
mune à tous les monastères. Le vingtième '"
défend aux moines de se servir, dans le mo-
nastère, de linge pour s'essuyer le visage et
de porter des chaussures. 11 est dit dans le
vingt-unième " que celui qui , après être
entré dans un monastère et y avoir pris l'ha-
faciente non possunt suis manibus laborare, victum et
vestitum, in quantum possibilitus habuerit, largiatur.
Can. 16, ibid.
' Omnes autem basiiicœ, quoi per diversa locu con-
structœ sunt, vel quotidie construuntur, placuit secun-
dum priorum canonum rcgulam, ut i7i ejus episcopi,
in cujus territorio sitœ sunt, potestate consistant.
Can. 17, ibid.
8 Ne supersies frater torum defuncti fratris ascen-
dat , neve se quisquam amissœ uxoris soror audeai
sociare. Quod si fecerint, ecclesiastica disirictione fe-
rianiur. Can. 18, ibid.
3 Abbaies pro humilitate religionis in episcoporum
potestate consistant ; et si quid extra regulam fece-
rint, ab episcopis corrigantur : qui semel in onno, in
loco ubi episcopus elegerit , accepta vocatione conve-
niant. Monachi autem abbatibus omni se obedientiœ
devotione subjiciant. Quod si quis per contximaciam
exstiferit indevotus , aut per loca aliqua eoagari, aut
peculiare aliquid habere prœsumpserit ; omnia quœ
acquisierit ab abbatibus auferantur, secundum regulam
monasierio prufutura. Ipsi autem qui fuerint perva-
gati, ubi inventi fuerint, cum auxilio episcopi, tun-
quam fugaces, sub cuslodia revocentur. Et reum se
ilte abbas futurum esse cognoscat , qui in hujusmodi
personas non regulari animadversiotie distrinxerii ,
vel qui monachum susceperit alienum. Can. 19, ibid.
'" Monaclio uti orario in monasierio, vel zanchas
habere non liceat. Can. 20, pag. 1408.
" Monachus si in monasierio conversus, vel pallium
746
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
bit, se sera marié, ne pourra jamais, en pu-
nition d'un tel crime , être admis dans le
clergé; et, dans le vingt- deuxième ', qu'un
moine qui, par ambition, aura quitté son
monastère, ne pourra, sans la permission de
l'évêque ou de l'abbé, bâtir une cellule ail-
leurs pour vivre séparément. On lit dans le
vingt-troisième ^ que si l'évêque, par bonté,
donne des terres de l'Eglise 'à des clercs ou
à des moines pour cultiver ou en jniiir pour
un temps, ils ne pourront les retenir au pré-
judice de l'Eglise, ni acquérir contre elle
aucune prescription en vertu des lois civiles.
Le vingt-quatrième ^ fixe le jeûne du carême
à quarante jours, défendant, ce semble, de
le continuer pendant cinquante. Le vingt-
cinquième * déclare qu'aucun des citoyens
ne pourra, si ce n'est à raison d'infirmité,
célébrer à la campagne les fêtes de Pâques,
de Noël et de la Pentecôte. Le vingt-sixième
ajoute ^ que personne ne sortira de la messe
avant qu'elle soit achevée et que l'évêque
ait donné la bénédiction. Il est ordonné dans
le vingt-septième * que toutes les Eglises
célébreront les Rogations ; que le jeûne qui
se pratiquera en ces trois jours, finira à la
fête de l'Ascension, qu'on usera en ces jours
de jeûne, de viandes de carême, et que,
pendant ces trois jours, les esclaves et les
servantes seront exempts de travail. Le vingt-
huitième ' porte que les clercs qui néglige-
ront de participer à une œuvre si sainte, se-
ront punis suivant la volonté de l'évêque.
On renouvelle dans le vingt-neuvième ^ les
anciens canons qui défendent tant aux évê-
ques qu'aux prêtres et aux diacres, toute
familiarité avec des femmes étrangères. On
prive de la communion de l'Eglise, par le
trentième ^, ceux qui observent les divina-
tions, les augures ou les sorts appelés faus-
sement des saints. Le trente-unième '" veut
que l'évêque assiste le dimanche à l'olBce
de l'église la plus proche du lieu où il se
trouvera, s'il n'en est empêché par quelque
infirmité.
5. SaintSigismond.filsduroiGondebaud'*, condie j
ayant abjuré l'hérésie arienne dont les Bour- ='s-
guignons faisaient profession, entreprit, pour
donner des marques de sa piété, de bâtir à
Agaune ou Saint -Maurice en Valais, une
église plus magnifique que celle où repo-
saient déjà les reliques des saints martyrs
d'Agaune. Il augmenta aussi le monastère,
dans le dessein d'y mettre un plus grand
nombre de moines. L'église se trouvant ache-
vée sous le consulat de Florent etd'Ânthème,
c'est-à-dire en 513, ce prince assembla, pour
en faire la dédicace, soixante évêques et au-
tant de comtes ou grands seigneurs pour y
assister. Saint Avit, évéque de Vienne, y
prononça un discours dont il ne nous reste
que le titre. Des autres évêques qui s'y trou-
vèrent, nous ne connaissons que saint Vi-
ventiole de Lyon, Maxime de Genève, Théo-
dore de Sion et Victor de Grenoble. Quoi-
qu'il soit certain que saint Avit de Vienne
ait prêché dans cette cérémonie, son nom
ne se trouve pas néanmoins dans l'acte ou
relation de ce qui se passa dans le concile
qui la suivit; mais cette omission doit être
comprobatus fuerit accepisse, et postea uxori fuerit
socialm, taniœ prœvaricalionis reus nunquam eccle-
siaslici gradus officium soriialur. Can. 21, ibid.
' Nullus monachus, congreyatirme monasierii dere-
licta , ambitionis et vanitatis impulsu , cellulam con-
struere sine episcopi permisnone , vel abbatis sui vo-
luntate prœsumat. Can. %%, ibid.
2 Si episcopus humanitatis intuitu vineolas , vel
terrulas, clericis vel monachis prœstiterit excolendas,
vel pro tempore tenendas, etiamsi longa t7'ansisse an-
norum spatia comprobentur, nullum Ecctesia prœju-
dicium patiatur, nec sœculari lege prœscriptio quœ
Ecclesiœ aliquid impediat opponatur. Can. 23, ibid.
^ Id a sacerdotibus omnibus decretum est, id ante
Paschœ solemniiatem , non guinquagesima, sed quadra-
gesima teneatur. Can. 24, ibid.
* Ut nulli civium Paschœ , Natalis Domini , vel
Quinquagesimœ solemnitatem in villa licent celebrare,
nisi quem infirmitas probabitur tenuisse. Can. 25, ibid.
5 Cum ad celebrandas missas in Dei nomine conve-
nitur, populus non ante discedat, quam missœ soleni-
nitas complealur, et nbi episcopus fuerit, benedictionem
accipiat sacerdotis. Can. 26, ibid.
^ Rogationes , id est, litanias ante Ascensiones Do-
mini , ab omnibus Ecclesiis placuit celebrari ; ita ut
prœmissum triduunum. jejunium in dominicœ Ascen-
sionis festivitate solvatur : per quod triduitm servi et
ancillœ ab omni opère relaxentur, quo magis plebs
universa conveniat. Quo triduo omnes ahstineant , et
quadragesimalibus cibis utantur. Can. 27, ibid.
' Clerici vero qui ad hoc opus sanctum adesse con-
tempserint , secundum arbitrium episcopi Ecclesiœ
suscipiant disciplinam. Can. 28, pag. 1409.
8 De familiaritnte extranearum mulierum, tam
episcopi quam presbyteri, vel diaconi, prœteritorum
canommi stuiuta custodiant. Can. 29, ibid.
9 Si quis clericus, monachus, sœcularis, divinationem
vel auguria crediderit servanda, vel sortes quas men-
tiuntur esse sanctorum, quibuscumque putaverini inti-
mandas , cum his qui eis crediderint ab Ecclesiœ
communione pellantur. Can. 30, ibid.
'0 Episcopus si infirmitate non fuerit impeditus, ec-
clesiœ cui proximus fuerit die dominico déesse non
liceat. Can. 31, ibid.
'1 Tom. IV Concil., pag. 1557, 1828.
CHAPITRE LUI. — CONCILES DE TARRAGONE, ETC.
[VET VI' SIÈCLES.]
rejetée sur la faute des copistes, qui n'en
ont fait que trop de semblables '. On dira
peut-être qu'il n'était pas possible au roi
Sigismond d'assembler soixante évêques à
Agaune , puisqu'alors il n'y avait dans le
royaume de Bourgogne que vingt- sept évê-
chés. Mais ce prince ne pouvait-il pas en
avoir invité des provinces voisines? Et n'y a-
t-il pas lieu de croire qu'il s'en trouvait à sa
cour un très-grand nombre qui venaient le
féliciter sur sa conversion à la foi catholique?
L'assemblée dura seize jours, depuis le 30
avril jusqu'au 15 mai, pendant lesquels on
fit divers règlements pour la disposition du
monastère. Le plus remarquable fut qu'il y
aurait une psalmodie perpétuelle, et qu'à
cet effet neuf bandes de moines se succéde-
raient l'une à l'autre pour chanter les offices
de la nuit et du jour. C'est pourquoi on les
dispense du travail des mains qui était en
usage dans tous les autres monastères. Ceux
qui contestent l'authenticité de l'acte de ce
qui se passa dans ce concile, allèguent pour
preuve de sa fausseté, ce qui y est dit de
cette psalmodie pei'pétuelle, soutenant que
l'usage n'en était point établi en Occident,
et qu'il n'avait lieu qu'en Orient dans les
monastères des acémètes. Mais on voit, par
plusieurs monuments anciens, que la psal-
modie perpétuelle prit son commencement
en Occident, par le monastère d' Agaune ; que
ce fut à l'imitation de ce qui s'y pratiquait à
cet égard, que sainte Salaberge ordonna que
dans le monastère de filles qu'elle fonda à
Laon ^, il y aurait environ trois cents reli-
gieuses qui, distribuées par bandes, cbante-
raient jour et nuit des louanges de Dieu ; que
saint Amet, qui avait été tiré du monastère
d'Agaune, établit aussi sept bandes de vier-
ges dans le monastère de saint Remarie ,
pour y chanter sans discontinuation l'office
di-vin jour et nuit; et que Dagobert institua
la même pratique dans la basilique de Saint-
Denis, et cela à l'exemple du monastère d'A-
gaune , ainsi que le rapporte Frédégaire.
747
Dans la même assemblée, Hymnémond fut
élu abbé d'Agaune, et il fut arrêté que lui et
ses successeurs s'instruiraient avec soin de
la science des Livres saints, et qu'ils en fe-
raient faire des copies pour l'instruction des
moines. Il fut dit encore qu'au cas qu'à l'a-
venir quelqu'un entreprit de donner atteinte
aux règiemenls de l'assemblée ^ , l'abbé
pourrait se pourvoir au Saint - Siège. On
trouve à la fin des actes de ce concile, qui
ont été donnés dans le quatrième tome de
la Gaule chrétienne, dans les Conciles du père
Labbe * et dans l'écrit intitulé : Les Maswes
de l'Ile-Barbe, la donation que le roi Sigis-
mond fît au monastère d'Agaune, pour four-
nir à leur subsistance, l'entretien des lumi-
naires et autres besoins de l'église et de la
maison. Les moines d'Agaune avaient un
même réfectoire, un même dortoir, un même
cbauiïoir. Leui's revenus et leur nourriture
étaient laissés à la prudence et à la discré-
tion de l'abbé.
ARTICLE XV.
CONCILES DE TARRAGONE [316], ET DE
GIRONE [317].
1. La sixième année du règne de Théodo-
ric, sous le consulat de Pierre, c'est-à-dire
l'an 516, le 6 novembre, il se tint en Espa-
gne, dans la ville de Tarragone, un concile
de dix évêques, dont le premier était Jean
de Tarragone , métropolitain. Ils y firent
treize canons, tant pour maintenir l'ancienne
discipline, que pour prévenir certains abus.
Le premier ^ contient l'ordonnance suivante :
les ecclésiastiques ou les moines à qui l'on
permet d'assister leurs parents, leur four-
niront le nécessaire; ils pourront les aUer
voir, mais ils ne feront pas une longue de-
meure chez eux, et ils mèneront avec eux
une personne d'âge et d'une probité con-
nue, pour être témoin de leurs actions; si
quelqu'un contrevient à ce règlement, si c'est
un clerc, il sera privé de sa dignité ; si c'est
Concile da
Tarragone,
en SI6.
1 Mabill., Mb. I Annal., pag. 28.
* Idem, ibid., pag. 29.
3 Si' iempus advenerit quod divulsione aui discepta-
fione conlra luec agere tentaverit tune abbas prœdicii
monasterii concursionem ad Sedem aposiolicam ha-
beat, et inde ad causant suam revertatur. Tom. IV
ConciL, pag. 1560.
'• Tom. IV ConciL, pag. 1561.
^ De his, quibus cura pro parent elœ proximitate
kaberi permittitur , ut cautela eorum nécessitâtes sus-
tentent, pietatis bénéficia, quœ eis sunt necessaria,
prœbeant : ipsi vero pro visendis eis, cum ingressi
fuerint, céleri salutatione recurrant, nec inibi faciant
mansionem : qui tamen , cum ad carum visitalionem
pergunt, teslem solatii sui , fide et œtate probatum
adhibeant secum. Si guis hœc a nobis statuta con-
tempserit ; si clericus est, loci sui digniiate privetur;
si vero retigiosus vel jnonac/ius, ii cella monasterii
reclvsus pœnitentiœ lamentis imcumbat , ubi singulari
affliclione, panis et aquœ victum ex abbatis ordina-
tione percipiat. Tom. IV ConciL, Can. 1, pag. 15C3.
748
HISÏOIBE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
un moine, il sera renfermé dans une cellule
du monastère, où il sera mis en pénitence
au pain et à l'eau en la manière que l'abbé
l'ordonnera. Le second ' défend aux clercs
d'acheter à trop vil prix, ou de vendi'e trop
cher, voulant que ceux qui se mêleront de
semblable commerce, en soient empêchés
par le clergé. Il est dit dans le troisième -
qu'un clerc qui aura prêté de l'argent à un
homme dans sa nécessité, pourra prendre
pour sou argent du vin et du blé dans le
temps, au prix qu'il vaudra; mais que si
celui à qui il a prêté, n'a ni l'une ni l'autre
de ces espèces, le clerc se contentera de re-
cevoir de lui la même somme, sans aucune
augmentation. Par le quatrième ^, il est dé-
fendu aux évêques et à tous les autres clercs
d'exercer aucun jugement le dimanche, ce
jour devant être occupé au service de Dieu.
Ils pourront néanmoins rendre des juge-
ments tous les jours, mais jamais en matière
criminelle. Le cinquième * porte qu'un évê-
que qui n'a pas été ordonné par le métropo-
litain même, quoique avec sa permission,
doit se présenter dans deux mois au métro-
politain, pour recevoir de lui les instructions
et les avis nécessaires. S'il est empêché par
quelque infirmité, il en avertira par lettre le
métropolitain. Mais s'il néglige de le faire ou
de se présenter, il en sera repris par les au-
tres évêques au premier synode. Le sixième ^
prive de la communion de ses frères jusqu'au
futur concile, l'évêque qui ne s'est pas trouvé
à celui qui avait été indiqué, supposé qu'il
n'ait pas été retenu par quelque maladie. Le
septième " est un règlement pour les parois-
ses de la campagne. Lorsqu'elles étaient des-
servies par un prêtre et un diacre, ils y de-
meuraient tour à tour chacun leur semaine.
Le samedi, tout le clergé de ces églises se
tenait prêt pour y faire l'office le dimanche :
mais chaque jour on disait dans ces parois-
ses les matines et les vêpres. Ceux qui man-
quaient de se trouver aux offices, devaient
en être punis selon la rigueur des canons.
On voit, par celui-ci, qu'il ari'ivait quelque-
fois par la négligence des clercs que l'on ne
fournissait pas même des lampes pour l'u-
sage des églises. Il s'en trouvait aussi plu-
sieurs à la campagne qui étaient comme
abandonnées : c'est pourquoi le huitième ca-
non ' ordonne aux évêques de les visiter
tous les ans, et de faire faire dans ces églises
les réparations nécespnires sur le tiers de
tous les fruits qui lui est attribué, suivant
l'ancienne tradition. Le neuvième * ordonne
de chasser du clergé un lecteur ou un portier
qui voudra se marier ou demeurer avec une
' Sicut cononum statutis firmatum {est , quicumque
in clero esse voliierit ; emencli vilius, vel vendendi ca-
rius studio uiatur, certe si voluerii hœc exercere,
cohibcaiur a clero. Can. 2, ibld.
2 Si guis vero clericus solidum in necessitate per-
stiterit , ut hoc de vino vel frumento accipiat quod
mercandi causa tempore statuto deci'ttum fuerit ve-
numdari : cœterum si speciem non habuerit necessa-
riam, ipsicm quod dédit sine ullo augmenta recipiat.
Can. 3, ibid.
' Ut nul/us epiiscoporum aut presbytcrorum , vel
clericorv.m die dominico propositunt cujuscumquc
causœ negotium audeat judicare ; nisi ut hoc tantum,
ut Deo statuta solemnia peragani. Cœieris vero diebus
convenieniihus personis , illa quœ justa sunt habeant
licentium judicandi , exceptis criminalibus negotiis.
Can. 4, pag. 15G4
' Si quis in metropolitana civitate non fuerit epi-
scopus ordinatus , poslea cuin susceperit benedictio-
nem , per metropolitani lilteras honorem fuerit epi-
scopatus adeptus, id optimum esse decrevimus, ut post
modiim statuto tempore , id est , impletis duobus
mensibus, se metropolitani sui reprœsenlet aspectibus,
ut ab illo monitis ecclesiasticis instructus , plenius
quod observare debeat recognoscal. Quod si forte hœc
implere neglexerit , in synodo increpatus a fratribus
covrigalur. Quod si forte infwmitate aliqua , ne hoc
impleat, fuerit prinpeditus, hoc suis litteris metropo-
litano indicare procuret. Cau. 5.
s Si quis episcopus commonitus a metropolitana ad
synodum, nulla gravi intercedente necessitate corpo-
rali venire contempserit , sicut statuta Patrum cen-
suerunt , iisque ad futurum concilium cunctorum
episcoporum charitatis communione privetur. Can. 6,
ibid.
s De dicecesanis Ecclesiis vel clero id placuit defi-
niri, ut presbyteri, vel diaconi, qui inibi constiluti
sunt, cum clericis, septimanas observent ■• id est, ut
presbyter unam facial heljdomadam; qua expleta suc-
cédât ei diaconus similiter : ea scilicet conditione
servata, ut omnis clericus die sabbato ad vesperam sit
paratus, quo facilius die dominico solemnitas cum
omnium prœsentia celebretur : ita tamen ut omnibus
diebus vesperas ut matutinas célèbrent : quia desistenfe
clero {quod est pessimum) comperimus in basiUcis nec
luminaria ministrari. Si qui sane negligentiœ vitio
hœc implere noluerint , noverint se secundum statuta
canonum pro modo personarum canonicœ disciplinœ
subdendos. Can. 7, ibid.
■' Multorum casuum experienlia magisl'rante, repe-
rimus nonnuUas diœcesanas esse Ecclesias destitutas ;
ob quam rem, id hac constitutione decrevimus, ut
antiquœ consuetudinis ordo servetur, et annuis vicibus
ah episcopo diœcesano visitentur ; et si qua forte basi-
lica reperta fuerit destituta, ordinatione ipsius repa-
retur : quia tertia ex omnibus per antiquam tradilio-
nem, ut accipiatur ab episcopis, novimus staiutum.
Can. 8, pag. 15C5.
8 Si quis lectorum adulterœ mulieri voluerit misce-
ri, vel adiiœrere consortio ; aut relinquat adulteram,
aut a clero habeaiur extraneus. Similis sententia,
ostiariorum manebit scholam. Can. 9^ ibid.
à
[V" ET vi« SIÈCLES.] CHAPITRE LUI. — CONCILES DE TARRAGONE, ETC.
749
femme adultère. Par le dixième ', il est dé-
fendu aux clercs de prendre aucun salaire à
la manière des juges séculiers, pour avoir
procuré la justice, si ce n'est qu'on leur fasse
des offrandes gratuites dans l'église, sans
rapport aux services qu'ils auront rendus.
Ceux qui feront le contraire, doivent être dé-
gradés comme le seraient des usuriers. Le
onzième ^ défend aux moines qui vont de-
hors, de s'employer au ministère ecclésiasti-
que, s'ils n'en reçoivent l'ordre de leur abbé ;
sans son commandement ils ne doivent pas
non plus se mêler des affaires séculières,
à moins que l'utilité du monastère ne le de-
mande et en gardant avant toute chose les
canons des Eglises des Gaules touchant les
moines. Il est ordonné dans le douzième ^
qu'après la mort de l'évêque qui n'aura pas
fait son testament, les prêtres et les diacres
feront un inventaire de tous les biens , et
que s'il se trouve quelqu'un qui en ait pris
quelque chose, on l'oblige de restituer. Sui-
vant le treizième *, il est du devoir du mé-
tropolitain d'appeler au concile, non-seule-
ment les prêtres de la cathédrale, mais aussi
ceux de la campagne, avec quelques sécu-
liers du nombre des enfants de l'Eglise. II
semble que ce canon ne parle que du con-
cile que l'on assemblait ordinairement pour
l'ordination d'un évëque. Gratien rapporte
un fragment du concile de Tarragone, où il
est dit que, comme il n'est pas permis de
réitérer le baptême, on ne doit non plus
conférer qu'une fois la confirmation.
2. L'année suivante 517, qui était la 1" de
Théodoric, sous le consulat d'Agapit, il
s'assembla un concile à Girone, le 18 juin.
Il était composé du métropolitain de Tarra-
gone qui y présida, et de six évêques de la
même province. On n'y fit que dix canons,
par lesquels il est ordonné que, dans la cé-
lébration de la messe et de l'office divin ^,
toute la province suivra le rit de la métro-
pole; que l'on fera chaque année deux lita-
nies ou rogations de trois jours chacune,
avec abstinence de chair et de vin : la pre-
mière, dans la semaine d'après la Pentecôte '',
depuis le 6 juillet jusqu'au samedi inclusive-
ment; la seconde ', le premier jour de no-
vembre, à condition que si c'est un jour de
dimanche, on renverra cette litanie au jeudi
suivant, pour finir le samedi ; que le baptême
solennel ne s'administrera qu'à Pâques et à
la Pentecôte, et que dans les autres fêtes de
l'année on baptisera seulement les malades
auxquels il n'est pas permis de refuser le
baptême, en quelque temps que ce soit *;
que les enfants étant ordinairement mala-
des ^, lorsqu'ils viennent au monde , on les
baptisera aussitôt, particulièrement s'ils sont
réellement malades et si l'on i-emarque qu'ils
ne demandent pas à téter; que les clercs qui
Concile de
jiione, en
1 Observandum quoque decreuimus, ne guis sacer.
dotum, vel clericorum, more sœcularium, judicium
audeat accipere pro impensis palrcciniis munera, nisi
forie in ecclesia oblata gratuiia , quœ non favore
muneris videattir accepta, sed collatione devofionis
illala. Quia si qui ista probaniur accipere, veluii
exaciores fœnoris , aut usurarum possessoi es , secun-
dum slatuta Patrum senoverini degradandos. Gan. 10,
ibid.
"^ Monachi a monasterio foras egredientes , tie ali-
quod ministerium ecclesiastinmi prœsumant agcre ,
pruhibemus, nisi forie cum ubbatis iniperio. Simiiiler
ut nullus eorum [id est inonachorum) forensis negotii
susceptor vel executur existât, nisi id quod monasie.
rii cxposcit ulilitas; abbaie sibi nihilominus inopé-
rante, canonnm ante omnia gallicanorum de eis con-
stitutione servata. Cau. H, ibid.
3 Sic ubi defanctus fuerit episcopus inlestatus, post
depositionem ejus, a presbyteris et diaconibus de rébus
ipsius brève fideliter conscribatiir, a minimo usque
ad maximuno, id est, de utensilibus, vel omni supel-
leclile : iia tamen, ut si quit exiixde vel prœsumpsisse ,
vel occulte fuerit iulisse convictus, secuhdum furii
tencrem restituât universa. Gan. 12, ibid.
* Epistolœ taies per fratres a metropolitano sunt
dirigendœ, ut non solum a caihedralibus ecclesiis
presbyleri, verum etiam de diœcesanis ad concilium
traitant, et aliquos de filiisEcclesice sfBcularibus secum
udducere debeant. Gan. 13, ibid.
2 De institutione missarum, ut quomodo in metro-
polilana ecclesia fuerit, ita Dei nomine in omni Tar-
raconensi provincia , tam ipsius missce ordo , quam
psallendi, vel ministrandi consuetudo servetur. Tom.
IV ConciL, can. l, pag. 1568.
^ De liiania, ut expteia solemniiate Pentecosies, se.
quens sepiimana, a quinta feria usque ad sabbalum
per hoc iriduum abstinentia celebretur. Can. 2, ibid.
' Item secundœ litaniœ faciendœ sunt kalendis novcm-
bris, ea tamen conditione servata, ut si iisdem diebus
dominica iniercesseril, in alla hebdomada, secundum
prioris abstineniiœ observantiam, a quinta feria inci-
piantur et in sabbato vespere missa facta finianlur. Qui-
bus tamen diebus a carnibus ut a vino abslinendum de-
crevimus. Can 3 ibid.
8 De catechuminis baptizandis id statuium est, ut in
Paschœ solemniiate , vel Pentecostes, quanto mujoris
celebritatis major celebritas est, tanlo magis ad bapti-
zandum veniant : cœteris soiemnitatibus infirmi tanium-
modo debeant bapiizari : quibus quocumque tenipore
convenu baptismum non negari. Cau. 4, ibid.
^ De parvulis vero qui nuper materna utero ediii sunt,
placuit constitui, ut si infirmi, ut assolet, fucrint, et
lac maternum ?ion appetunt, etiam eadem die qua nati
sunt {si oblati fuerint), baptizentur. Can 3, ibid,
730
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ont été ordonnés étant mariés ', à commen-
cer par les évèques jusqu'aux sous-diacres,
habiteront séparés de leurs femmes, ou qu'ils
auront avec eux, s'ils ne logent pas à part,
un de leurs confrères pour être témoin de
leur vie ; que les clercs qui ont été ordonnés
dans le célibat ^ n'auront point de femmes
pour conduire leur ménage, si ce n'est leur
mère ou leur sœur; que l'on n'admettra pas
dans le clergé^les laïques qui, après la mort
de leur femme, auront eu un commerce
charnel avec une autre ; que l'on pourra ad-
mettre dans le clergé * une personne qui,
étant tombée malade, a demandé et reçu la
bénédiction de la pénitence appelée viati-
que, et qui se donne par la communion,
pourvu qu'étant revenue en santé, elle n'ait
pas été soumise à la pénitence publique, ni
convaincue de crimes qui y sont soumis, et
que l'évêque ou le prêtre prononcera tous
les jours l'Oraison dominicale après matines
et vêpres ^.
ARTICLE XVI. '
DU CONCILE DE SIDON [512].
1. Le comte Marcellin, après avoir parlé
sidon vers gur l'an 312, de la sédition qui arrivS à Cons-
tantinople au sujet du Tinsagion que les euty-
chiens chantaient avec l'addition des mots :
Il Qui a été crucifié pour nous, » dit quelque
chose d'une assemblée tenue à Sidon, lais-
sant lieu de penser qu'elle se tint la même
année 312. Théophane la met en 311 ^, et
d'autres encore plus tôt. L'empereur Anas-
tase y fit venir quatre-vingts évêques, et
' De conversione vitœ id statuere placuit a poniifice
usque ad subdiaconum, post suscepti honoris officium,
si qui ex conjunctis fuerint ordinati, ut sine conjuge
habitent : quod si habitare noluerint, alierius fratris uta-
tur auxilio, cujus testimonio vita ejus debeat clarior
apparere. Can. 6, ibid.
"^ De his vero qui sine conj'ugibus ordinantur, et fa-
milias dumi liabeni , habHo secum , pro vitœ conver-
salione, ficaire in iestimonium non per quamcumque
feminei sexus penonam ejus substaniia qubernetur ;
nisi aut per pueruin, aut per amicum, suam domum
débet ordinare. Si vero matrem in donio habuerit,
aut sorurem secundum priorum canonum statuta , per
earum personas ejus débet contutari substantia. Caa. 7,
ibid.
Concilo de
voulut que Sotéric, évêque de Césarée en
Cappadoce, et Xénaia, intrus à Hiéraple, et
connu par les troubles qu'il avait déjà exci-
tés dans l'Eglise, y présidassent. Le dessein
de ce prince était de détruire l'autorité du
concile de Ghalcédoine; mais Elle de Jérusa-
lem et Flavien d'Antioche, qui se trouvèrent
à ce concile avec Jean de Palte, empêchè-
rent qu'on n'y anathématisât celui de Ghal-
cédoine. La vigueur qu'ils témoignèrent en
cette occasion, leur procura l'honneur de
l'exil. Flavien fut envoyé par ordre de l'em-
pereur au château de Pétra, à l'extrémité de
la Palestine, où il se reposa avec Jésus-
Christ, sans avoir été rétabli dans sa dignité,
dont il avait été privé par les eutychiens.
Jean de Palte fut banni au même lieu, où il
demeura jusqu'au règne de Justin, qui le
rappela et le rétablit dans son évêché de
Palte. A l'égard d'EHe de Jérusalem ', saint
Sabas, qu'il avait envoyé à Constantinople,
fit si bien auprès d'Anastase, que ce prince
révoqua l'ordre qu'il avait donné pour le
chasser de son siège et mettre une autre
personne à sa place. C'est tout ce que l'on
sait de l'assemblée de Sidon, qui, selon l'idée
que nous en donne le comte Marcellin, ne
mérite pas le nom de concile, mais plutôt de
conciliabule, puisqu'il l'appelle une infâme
et misérable assemblée, et qu'il traite les
évêques qui le composaient de perfides et
de traîtres à la vérité. Théophane dit ^ qu'on
y forma des décrets dont on se servait pour
tourmenter les catholiques.
3 Si quis vero de laids post uxorem aliam cujus-
cumque conditionis cognoverit mulierem in clero nul-
lalenus admiitatur. Can. 8, pag. 1569.
* /î vero qui œgritudinis ianguore pressus pœniten-
tiœ benedictionem [quam viaticum deputamus) per
communionem acceperit , et posimodum reconvalescens
caput pœniteniicE in ecctesia publiée non subdiderit,
si prohibais vitiis non detinetur obnoxius, admitiatur
ad clerum. Can. 9, ibid.
5 [la nobis placuit, ut omnibus diebiis, post maticti-
nas et vespertinas , oratio dominiea a sacerdole pro-
feratur. Can. 10, ibid.
6 Marcellin. Cornes., in Chronic, ad an. 512.
' Cote!., tom. III Monument., pag. 297 et seq.
8 ïlieoph., ad ann. 51i.
SUPPLÉMENT
AUTHENTICITE DES ŒUVRES DE SAINT DENIS L'AREOPAGITE.
Douze siècles (de 300 à 1 500) reconnaissent
l'authenticité des livres de saint Denis, ut si
d'obscures contradictions sefonteuLendre un
instant (vers 400 et 900), la croyance générale
passe en les couvrant de son harmonieuse
voix. Depuis trois cents ans (de doOO à 1800)
l'uniformité est rompue. A des critiques d'un
catholicisme douteux, ont succédé les pro-
testants ; qu'aurait fait la pi'étendue réforme
des expressions si précises et si nettes de
saint Denis touchant les mystères et les rites
catholiques ? Les jansénistes sont venus en-
suite. Enfin, certains gdUicans rédigèrent
l'histoire ; et tout n'est pas dit sur les asser-
tions passionnées et gravement partiales des
Fleury, des Buillet, des Tillemont, des Du-
pin et des Launoy. Saint Denis fut enveloppé
dans la disgrâce injuste qui atteignit plusieurs
réputations jusqu'alors respectées. L'abbé
Darboy l'en relève en révisant un procès
jugé sous l'empire de préventions fausses et
peut-être même avec une partialité prémé-
ditée.
En premier lieu, il établit qu'il existe une
parfaite analogie entre les doctrines exposées
dans ces livres et celles que saint Denis dut
professer : « Philosophe distingué, pieux et
savant évêque, appelé à justifier les dogmes
du christianisme devant les nombreux secta-
teurs de Platon, d'Aristote et de Zenon, saint
Denis aborda sans doute les plus hautes
questions qui tourmentaient la philosophie
et leur donna une solution scientifique. La
direction jusque-là imprimée à son génie et
l'empire des circonstances le jetaient néces-
sairement dans cette voie. Si donc il a laissé
quelques écrits, on devra y trouver le double
caractère que revêtirent ses enseignements,
les conceptions du philosophe et la foi pure
du théologien. Or il sulfit de lire quelques-
unes des pages qui suivent pour se convain-
cre que l'auteur de ces œuvres était égale-
ment façonné aux spéculations philosophi-
ques et versé dans la science de la religion.
11 disserte avec justesse et profondeur sur les
plus incompréhensibles attributs de Dieu. La
création, l'origine et la nature du mal sont
admirablement expliquées. La hiérarchie des
esprits célestes est représentée comme un
refiet de la Trinité et comme le type de notre
Eghse terrestre. Les sacrements, canaux de
la grâce, nous transmettent la charité, fleuve
de feu qui jaillit du trône de TEternel, tra-
verse tous les ordres des choses créées et
remonte à sa source, emportant vers leur
principe tous les cœurs qu'a touchés le céleste
incendie. Le monde naturel et surnaturel
sont décrits, leur dilférence établie, leui-s
rapports constatés, et emportée sur les ailes
de la foi, la raison de Técri vain franchit d'un
vol tranquille et assuré des régions que nul
regard n'a jamais contemplées qu'en trem-
blant. Au surplus, des hommes qui portent
un beau nom dans la science et la rehgion,
732
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
ont donné à saint Denis un brevet authenti-
que de philosophie et de théologie. Nul ou-
vrage de l'antiquité ecclésiastique ne fut si
fréquemment traduit ou commenté que les
écrits de notre Aréopagile. Scot Erigène en
offrit une version latine aux Français du
temps de Charles-le-Chauve. Le moyen âge
en lit ses délices, et ils conquirent l'estime
des plus renommés docteurs, Hugues de
Saint-Victor, Albert-le-Grand, Alexandre de
Halès, saint Thomas, Marsile Ficin, que la
Renaissance appelait l'âme de Platon, enri-
chit de notes savantes plusieurs des ti'aités
de saint Denis. Enfin Bossuet leur emprunte
parfois ces puissantes idées par lesquelles
son génie élargit et illumine les questions.
Puisqu'il a été prouvé, d'un côté, que saint
Denis fut versé dans la science de la philo-
sophie et du christianisme, et que d'autre
part ses livres rappellent à la fois le philoso-
phe et le docteur de l'Eglise, on doit con-
clure qu'ils ont ce signe intrinsèque d'au-
thenticité que nous avons indiqué en premier
lieu '. »
En second lieu, le style des écrits dont il
s'agit, aussi bien que le fond des choses, rap-
pelle les études et la position d'ailleurs con-
nue de saint Denis : « En lisant ces livres, on
y reconnaît sans peine la philosophie accom-
modant à la pensée chrétienne les formules
du platonisme antique, le néophyte essayant
de traduire le sentiment religieux dont il est
obsédé, le docteur des temps primitifs se dé-
battant dans les entraves d'une langue inha-
bile encore à exprimer des idées nouvelles,
et enfin l'écrivain d'un siècle où le goût n'é-
tait pas sans pureté, ni la littérature sans
gloire ^...
» Mais ne serait-ce point une preuve de
supposition, que l'obscurité et la magnifi-
cence, deux caractères si marqués du style
de saint Denis, et que ne présentent nulle-
ment les autres écrits de nos premiers doc-
teurs, et en particulier des apôtres ?...
» D'abord, en ce qui concerne l'obscurité
alléguée, la remarque qu'on nous oppose
est fondée sur une ignorance totale de l'an-
tiquité, soit profane, soit ecclésiastique.
Tout le monde sait avec quelle réserve la
philosophie païenne distribuait ses oracles,
et qu'elle professait deux doctrines, l'une
exotérique, à l'usage de la foule; l'autre éso-
térique, réservée aux disciples d'élite... L'E-
giise a pratiqué dans les premiers siècles
cette même doctrine du secret. C'était con-
forme aux exemples et aux enseignements du
Seigneur; car il s'exprimait en figures et en
paraboles ^, et il recommandait formellement
à ses disciples une sage discrétion*. Aussi
les premiers apologistes du christianisme,
Tertullien ^, Origène '', Athénagore ^, saint
Justin *, Clément d'Alexandrie ', n'ont point
cru devoir faire, à la nécessité de venger la
religion, le sacrifice du silence prescrit, ni
décourager la calomnie par la divulgation po-
sitive des saints mystères. Il y a plus; les
pasteurs des peuples, dans leurs instructions
aux catéchumènes, respectaient les limites
posées par la tradition, et cette sorle d'in-
terdit jeté sur les vérités les plus augustes
de l'Evangile, ne se levait qu'en faveur
des initiés, comme nous l'apprennent saint
Ambroise'", saint Cyrille de Jérusalem**, saint
Basile *^, saint Grégoire de Nazianze *^, saint
Jean Cbrysostôme ** et saint Augustin *5. Et,
en cela, la philosophie et surtout l'Eglise
avaient de graves raisons, qui subsistent en
tout état de choses et qu'on pourrait se rap-
peler utilement plus d'une fois dans la vie.
Il y a tels esprits qui blasphèment ce qu'ils
ne comprennent pas ; il y a tels cœurs qui
ne battent jamais que pour ce qui est igno-
ble ; il y a tels gens que vous faites rire,
quand vous leur parlez le langage d'une con-
viction ardente et profonde. C'est ce qu'ob-
servent et développent les auteurs cités plus
haut. C'est ce que comprit saint Denis, élève
à la fois de la philosophie et du christianisme.
11 pratique sans doute le commandement
qu'il l'ait à Timothée "'; et, pour employer son
langage, ou plutôt celui de la Bible, il se
garda de jeter aux pieds des pourceaux la
beauté des perles spirituelles. Il dut donc
songer à dissimuler, surtout dans un écrit
que des circonstances qu'il était permis d'ap-
préhender amèneraient sous les yeux des
* Introduction aux œuvres de saint Denys l'Aréo-
Iiagite, pag. 10.
- Introduction aux œuvres de saint Denys l'Aréo-
pagile, pag. id.
3 Matth., xm, XTV, XV, 21; Marc, ni; 13. Luc, vin,
xn, XIV, xvin.
* Mattli. vu, C, — ii Apologet. 7.
8 Conlra Celsum, lib. I, cap. vi.
■? Legaiio pro christianis. — 3 Apologia 1 et 2.
9 Stromai., lib.I, cap. i. — ^o De mysteriis, et alibi.
11 Calèches. 6. — »2 De Spirifu Sancto.
13 Oratio. 33 et 42. — i* Hom. 18 in II ad Cor.
is In Joan., tract. 2, et alibi,
is jiccl. Hierarch, cap. 1.
AUTHENTICITÉ DES ŒUVRES DE SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
733
païens : il s'enveloppa d'une obscurité pré-
méditée, laissant au voile assez de transpa-
rence pour rédilîcation des intelligences tidè-
les, et assez d'épaisseur pour que les pro-
fanes ne pussent devenir indiscrets. C'est
pourquoi ses livres rappellent en certains
endroits ces passages énigmatiques des an-
ciens philosophes, qui n'invitaient pas indis-
tinctement tous les hommes au banquet de
leur doctrine, et ces religieux discours de
nos docteurs, où la vérité, comme si elle
craignait le regard irrespectueux d'un esprit
mal préparé, se réfugie avec ses splendeurs
dans une sorte de ténébreux sanctuaire. Loin
donc qu'il y ait une preuve de supposition
dans cette obscurité mystérieuse, on y doit
voir au contraire une maniteslatiou, preuve
de haute antiquité , la discipline du secret
ayant existé dans l'Eglise dès le principe, et
même les raisons de la pratiquer étant beau-
coup plus fortes pour les premiers siècles
que pour les temps postérieurs.
« On ne peut, non plus, rien inférer contre
nous de la magnificence du style qu'emploije
saint Denis. Quand même son éloquence se-
rait ornée avec ce luxe asiatique que lui re-
prochent les protestants illyriens et Scultet,
que s'ensuivrait-il ? Qu'un auteur des temps
apostoliques a manqué de goût : conclusion
qui, dans l'espèce, est parfaitement insigni-
fiante et laisse intacte la question de l'au-
thenticité... Des critiques ont voulu voir une
trace de supposition dans les expressions "'"«.
enfant, que saintDenis adresse àTimotliée son
collègue dans le sacerdoce, et u-nin^ai;, par
laquelle il désigne la personnalité en Dieu.
Or, dans la primitive Eglise, tous les chré-
tiens étaient appelés enfants, à raison de
Fingénuité et de la douceur de leurs mœurs;
et pour la même raison, les évèques et les
autres ministres de l'autel recevaient le titre
d'enfants sacrés, inûiii i^f oi. , . On pourrait ajou-
ter que mot d'hypostase se trouve dans
l'exemplaire grec de l'épitre aux Hébreux,
;tapîiKT«f. Tif woi7Tâirï»t, que la Vulgate rend, il
est vrai, par substance *, mais que les anciens
traduisaient ^a.v personne ^. D'ailleurs, il faut
bien admettre que quelqu'un se servit le pre-
mier de ce terme, et lui donna la valeur qui
lui est restée. Pourquoi veut-on que le philo-
sophe Denis, n'ait pu le connaître et l'em-
ployer aussi bien que tout autre, même avant
tout autre ? »
En troisième lieu, « l'auteur rappelle la
part qu'il a prise à des événements contem-
porains ; il cite les hommes de son époque et
les relations qui l'attachaient à eux, tellement
que ces indications sont en rapport parfait
avec ce que nous savons d'ailleurs de saint
Denis l'Aréopagite ^. Ainsi il se nomme disci-
ple de saint Paul , ce qui est facilement ad-
missible, d'après ce qu'on lit dans les Actes
des Apôtres *. Il observe, dit-il ^, l'éclipsé du
soleil qui eut lieu à la mort du Sauveur, phé-
nomène miraculeux dont nous trouvons la
preuve dans les Evangiles ^, dans Phlégon,
cité par Eusèbe ', dans Eusèbe lui-même ^,
et dans l'historien Thallus, cité par Jules
Africain '. Il assista au trépas de la Vierge
Mai'ie avec Pierre, Jacques, frère du Sei-
gneur, et Hiérothée, son maître après saint
Paul *"; ce qu'aucun fait ni aucun témoignage
ne contredit. Il mentionne l'hospitalité qu'il
trouva chez Carpus ", le même qui est cité
par l'apôtre '-. Il rappelle que Timothée reçut
avec lui les leçons de saint Paul '^, et que c'est
à la prière de cet ami qu'il composa les deux
livres de la Hiérarchie ecclésiastique et des Noms
divins '*. Or le premier fait a quelque rapport
avec ce que les écrits inspirés nous appren-
nent de Timothée '^ ; et, en soi, le second est
parfaitement croyable. Il écrit au disciple
bien-aimé exilé dans Pathmos '^ ; à Tite, élève
de saint Paul; à Polycarpe, évêque de
Smyrne "; à Caïus dont il est question plu-
sieurs fois dans les saintes lettres ** : trois
personnages évidemment contemporains.
Les témoignages divers qu'il invoque en ces
œuvres, sont de même empruntés aux hom-
mes de son temps ; Paul de Hiérothée que
l'on connaît peu du reste '', de saint Barthé-
lémy -", de saint Ignace -*, du philosophe Clé-
ment, soit qu'il désigne le platonicien Aétius
démens à qui Phne le Jeune adresse une de
ses lettres soit qu'il désigne au contraire
saint Clément Romain, troisième pape ^*.
' Hebr. 1, 3.
s Basil., Epist. 38, apud Collect. Pair., tom. XLV.
^ De Divin, nomin., cap. lii^ 2. — * Act. svii, 34.
>• Epist. 7 ad Polycarp.
6 Matth. xxvii, 45; Marc, xv, 23; Luc. xxni, 44.
' Chron., ad an. Domini 33. — 8 ibid,
' Jnlii Afric. Chronog.
1° De Divin, nomin., cap. m, 2. — '• Epist. 3, 6.
12 II Timoth. IV, 13. — 13 Dg Divin, nom., cap. IV.
1* Ibid., cap. n. — '^ Epist. 10. — '^ Epist. 9.
" Epist. 7. — 18 Act. apost. six, 29; 111 Joan.
19 In oper. sancti Dionysii, passirn.
20 De mystic. ilieol., cap. 1. — -i De Divin, nomin,)
cap, IV. — 22 Baron., Annal., ad ann. 109, n. 53.
754
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
Enfin, ce que dit l'auteur du chant dans les
églises' est une nouvelle preuve de sa liante
antiquité; car on voit, d'après ce passage,
qu'en ce temps n'existait pas encore l'alter-
nation des chœurs, qui cependant prit nais-
sance à Antioche sous l'inspiration de saint
Ignace, son contemporain, se répandit bien-
tôt parmi les chrétientés de l'Asie occiden-
tale, et fut universellement adoptée par Cons-
tantin^. Si donc il faut croire la parole de
notre écrivain, il n'y a pas le moindre doute
à conserver sur l'authenticité des œuvres que
nous examinons...
« L'auteur, dit-on, se trahit manifeste-
ment... lorsqu'en parlant des morts ', il dé-
crit des rites qu'on n'a jamais pratiqués dans
l'Eglise; lorsqu'ailleurs *, il cite une foule de
cérémonies auxquelles il n'est pas croyable
qu'on se soit exercé dès le temps des apô-
tres, et qu'enfin il raconte la consécration
des moines qui n'existèrent que longtemps
après lui ^...
n Doit-on penser que toutes les cérémonies
que décrit saint Denis aient été en usage dès
les premiers temps ? Les courses laborieuses
des apôtres et leur rapide séparation parmi
les chrétientés naissantes pouvaient-ils per-
mettre une aussi complète organisation du
culte divin? Et, quand même ils eussent laissé
aux Eglises un rituel aussi détaillé, est-il
croyable qu'on l'eût suivi si ponctuellement
sous l'œil inquisiteur des païens et sous le
glaive des persécutions? Car saint Denis cite
une foule de pratiques touchant la célébra-
tion et l'administration des sacrements, et en
pariiculier touchant les devoirs funèbres ren-
dus aux chrétiens ''. En premier lieu, il est
facile d'apprendre en quelques courtes joui--
nées, les rites sacrés dont saint Denis fait
l'exposition. EfFectivement si du livre de la
Hiérarchie ecclésiastique, on retranche les no-
tions dogmatiques et les considérations pieu-
ses, il restera tout au plus cinq ou six pages
composant le rituel de notre auteur. Or il y
a plus que de l'inconvenance à baser une
objection sur l'énorme amphtude de ces do-
cuments. Puis, quelque peu de temps que
les destructeurs rapides du paganisme aient
dû mettre à fonder les diverses Eglises d'Asie,
d'Afrique et d'Europe, il faut cependant con-
1 Pachymer., ia Paraphras., ad huno locum.— 2 De
Erxles. hierarch., cap. m. — s De Divm. nomin.,
cap. IV. — •> Passim. — 6 jje Ecoles, hierarch., cap. vi.
* De Ecoles, hierarch,, passim.
' Annal. Barou., ad aun. 194. — 8 Apolog, 1.
venir qu'ils ont établi et réglé parmi les
fidèles la forme du culte public. Car quelle
était leur mission, sinon d'apprendre aux
Juifs et aux Gentils, la doctrine et la pratique
des sacrements, par où l'on reçoit, on main-
tient et l'on recouvre la vie spirituelle, sinon
d'annoncer le vrai Dieu et la manière de l'a-
dorer ? Il est donc impossible qu'ils n'aient
pas laissé sur ce point capital des instructions
positives qui pouvaient, sans exagération,
former la matière de six pages. De plus, ce
n'est pas sérieusement sans doute que l'on
cherche dans l'idée de la persécution alors
déchaînée, le moyen d'exagérer la difficulté.
Personne n'ignore que les orages qui accueil-
lirent le christianisme naissant, n'empêchè-
rent pas les fidèles de prier et de sacrifier en
commun. Entre autres preuves de ce fait,
nous pouvons citer la lettre de Pline le Jeune
au persécuteur Trajan ^. Si donc l'autorité
publique connut ces réunions et les toléra,
les rites innocents du peuple chrétien
purent s'exécuter sans peine. Si, au con-
traire, elle ne les connut pas, il était tou-
jours aussi facile de l'aire des génuflexions
que d'opérer des rassemblements à son insu.
Enfin, quand il serait impossible d'expliquer
comment on eut, dès les premiers siècles, un
cérémonial complet, si pourtant le fait est
constaté, personne ne devra nous opposer
une fin de non-recevoir. Or l'origine reculée,
l'apostolicité de la hturgie est un point hors
de toute controverse. L'observation que nous
ne possédons aucun rituel rédigé par les
apôtres ou leurs successeurs, et qu'ainsi, ce
qu'on sait aujourd'hui des rites antiques, ne
nous vient que par tradition, ne fait difficulté
que pour les protestants. Les catholiques sa-
vent et prouvent que la discipline du secret n'a
pas permis aux docteurs des temps primitifs
de nous laisser par écrit toutes les régies de
liturgie : ils savent et prouvent que la tradi-
tion est un moyen que Dieu daigne adopter,
aussi bien que l'Ecriture pour nous faire
parvenir ses volontés saintes. C'est pourquoi
lis lisent sans étounement dans saint Justin **,
TertuUien ^, Origène '", saint Cyrille de Jéru-
salem ", saint Cyprien '', saint Basile '^ saint
Jean Chrysostôme '* et saint Augustin "*, les
mêmes rites et les cérémonies que décrit
* De Corona, u. 3. — " Homil. 12 in Numeroe.
11 In Prœfat. ud Caiech. et Calèches, i et 129.
'2 Episl. 76 ud mugn. — '^ De Spirilu Sunolo.
14 Homil. 21 ad popul. Antioch. et liomil. 6, ûd
Coioss. — '■> Lib. 1 de Symb., serm. 206.
AUTHENTICITÉ DES ŒUVRES
saint Denis. C'est pourquoi ils acceptent et
suivent volontiers ces diverses pratiques,
quoique fondées à l'origine sur un enseigne-
ment purement traditionnel '. En ce qui con-
cerne spécialement les cérémonies usitées
dans les funérailles..,, on ne peut qu'être
édifié de ce que nous transmet saint Den^'s...
Les Juifs avaient coutume d'oiudre et d'em-
baumer les morts, en quelques circonstances
du moins - : qu'y a-t-il d'étonnant que les
premiers chrétiens Israélites convertis, aient
gardé cette religieuse pratique, et que les
gentils l'aient adoptée en embrassant la foi ?
Marie - Madeleine est louée de l'attention
qu'elle eut d'acheter des parfums et de venir
embaumer le corps de Jésus, dont elle igno-
rait la résurrection ^ : pourquoi les pieux
fidèles n'auraient-ils pas continué envers les
membres ce que la sainte femme avait fait
pour le chef? Pourquoi n'aurait-on pas com-
mis au prêtre ou même à l'évêque, le soin
mystérieux de verser l'huile sainte sur les
morts, d'autant plus, comme l'observe saint
Denys,que cette onction signifiait que le dé-
funt était glorieusement sorti des combals
auxquels on l'avait voué catéchumène *?
Quant à la prière pour les morts, nier qu'elle
ait été en usage dès l'origine du christia-
nisme, c'est abolir la valeur de tout témoi-
gnage, et introduire le scepticisme le plus
complet dans l'histoire. Tous les controver-
sistes catholiques depuis trois siècles, ont
tellement mis ce fait en lumière, qu'il est
inutile de s'y arrêter ici. Nous dirons seule-
ment que Tertullien ^, saint Cyrille de Jéru-
salem*, saint Chrysostome '', saint Augustin ^
pensaient sur ce point comme les catholiques
d'aujourd'hui, et comme les contemporains
de saint Denis l'Aréopagite. On ne voit donc
pas bien comment les détails, peu compliqués
d'ailleurs, dans lesquels entre le rituel de
saint Denis, font échec à notre sentiment.
« Enfin Joseph Scaliger se félicite d'avoir
découvert une preuve irréfragable de suppo-
sition, dans ce que notre auteur raconte de
la consécration et de la vie des moines ^.
Plusieurs critiques, séduits sans doute par
' Quas (ohservationes) sine ullius Scripturœ insiru-
mento, solius traditionis iitulo, exinde consueludinis
patrocinio vindicamus... Harum et aliarum ejusmodj
disciplinarum si legem expostules Scripturarum, nul-
lam invenies, traditio tibi prœlendetur aucirix, con-
sueiudo confirma tt-io: , et fides observatrix. Rationem
traditioni, et cnnsuetudini et fidei patrocinaturum et
ipse perspicies, aut ab aliquo, qui perspexerit disces.
(Tertul., rfe Corona, u. 3 et 4).
DE SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE. 7SS
le nom du célèbre philologue, se sont rangés
à son avis. Donc, d'après eux, l'état monas-
tique ne fut institué que longtemps après
saint Denis, les Paul, les Antoine et les Pa-
come; les cérémonies de la profession et de
l'habit monacal ne sont mentionnées dans
l'histoire ecclésiastique, qu'au v° siècle, d'oui
il suivrait que le traité de la Hiérarchie ecclé-
siastique ne remonte qu'à cette époque '", sous
une apparence peut-être spécieuse, cette
objection cache une faiblesse réelle. Pour en
convaincre, nous remarquerons que les dis-
ciples des Antoine et desPacome, ou, si l'on
veut, les moines du v siècle, se nommaient
et devaient se nommer spécialement er-
mites, parce qu'ils habitaient le désert, et
cénobites, parce qu'ils vivaient en commun.
Or saint Denis s'abstient précisément de dé-
signer ainsi ceux dont il parle. Il les appelle
constamment moines et thérapeutes ; et l'é-
tymologie et l'application qu'il donne de ces
mots, si elles s'appliquent avec justesse aux
ascètes des temps postérieurs, pouvaient
très-bien caractériser aussi quelques chré-
tiens de la primitive Eglise, qui avaient em-
brassé un genre de vie plus parfait. Car il
enseigne que le nom des moines indique des
hommes, non point ensevelis dans une soli-
tude matérielle, mais se créant au fond de
leur conscience, une sorte d'isolement mys-
tique, et se dégageant autant que possible
des soucis mondains, pour s'unir plus inti-
mement à Dieu. Il enseigne encore que le
nom de thérapeutes indique des hommes
voués au culte spécial et au service plus pur
de la divinité. Or, que des néophytes géné-
reux, dès l'origine du christianisme, aient
fait profession publique de se donner à Dieu
et scellé leur promesse par une cérémonie
religieuse, qui est-ce qui veut le nier? Et que
veut-on nier, le droit ou le fait? Mais, d'a-
bord, qu'il soit possible, qu'il soit même pro-
bable que l'Eglise naissante ait enfanté de
telles âmes, c'est ce qu'on ne doit contester.
Pourquoi les conseils de Jésus-Christ " et de
saint Paul '^, touchant la pauvreté, la chas-
teté et la perfection, seraient-ils demeurés
- Lamy, Introduction à l'Ecrit, sainte, cap. xvii.
Fleury, Mœurs des Israélites, a. 19.
3 Marc xvij 1. Luc xxiv, 1. Joan. xx, ).
* De Ecoles, hierarch., cap. vu, part. III, n. 8.
5 De Coron., cap. 3 ; C3'pr., Epist. 6G.
' Catech. 5, mystag. — ' In Epist. ad Philip.
' Confessiones. — ^ De Ecoles, hierarch., cap. vi.
"Scalig., Elenchus trihœres ; Nie. Seraii.
n Matth. XIX, SI. — " I Cor. vu, SS.
756
HISTOIRE GENERALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
plus stériles que les autres oracles de l'Evan-
gile? Et pourquoi n'aurait-on pas compris
et accepté cette vie intérieure et sans par-
tage, qui constitue proprement le moine,
comme dit saint Denis? Ensuite, que cette
discipline salutaire ait été suivie par des
personnes de l'un et de l'autre sexe, c'est ce
qu'insinue le passage cité de saint Paul;
c'est ce que prouve ce mot de saint Ignace,
dans sa lettre aux Philippiens : Je salue le
collège des vierges. Il y a plus : Philon nous a
laissé un petit traité de la Vie contemplative,
où il décrit les mœurs d'une classe d'hom-
mes et de femmes, qui s'appliquaient à ho-
norer Dieu par les pratiques d'une religion
plus soutenue : sur quoi il faut observer,
1° que ces vrais philosophes sont appelés
thérapeutes par Philon, aussi bien que par
saint Denis, et pour la même raison ';
2° qu'Eusèbe ^ et saint Jérôme ^ croient que
c'étaient des chrétiens façonnés par saint
Marc, à cette exemplaire piété. Il est vrai
que cette opinion n'a pas été partagée par
le savant Valois * : mais, outre qu'Eusèbe et
saint Jérôme étaient plus près que lui des
lieux et des événements, et qu'ainsi leur té-
moignage l'emporte sur sa négation, ses
preuves ne sont pas préremptoires, et de ju-
dicieux critiques les ont rejetées 5. Quoi qu'il
en soit, si le paganisme ou le judaïsme a pu
former des thérapeutes, pourquoi, dans sa
fécondité divine, l'Eglise catholique n'aurait-
elle pas produit un tel miracle? Donc il a
pu exister des moines ou thérapeutes à Athè-
nes, comme dans les villes d'Egypte; et
parce que Philon parle de ceux-ci sans qu'il
cesse d'appartenir au i" siècle, saint Denis
a le droit de parler de ceux-là, sans qu'on
l'accuse d'avoir appartenu au v' siècle. On a
également tort de prétendre que la coupe
des cheveux et la forme exceptionnelle de
l'habit monacal, désignaient les moines aux
fureurs de la persécution, et que la légitime
appréhension de ce danger devait empêcher
l'introduction de ces pratiques. C'est là
créer des fantômes pour se donner le plaisir
de les combattre. Rien absolument de ce
qu'affirme saint Denis ne force à croire que
l'habit donné aux moines, dans la cérémonie
de leur consécration, eût eu une forme inu-
sitée, étrange, ni qu'ils dussent le porter en
public et hors des cérémonies religieuses.
Or il faudrait que ces deux choses fussent
démontrées, pour qu'il existât une difficulté
réelle. Saint Denis ne parle pas non plus
de la tonsure, telle qu'on l'a portée quand
l'Eglise eut acquis une existence légalement
reconnue. Ce qu'il dit signifie simplement
que le chrétien déposait le luxe de sa cheve-
lure mondaine, et la réduisait aux propor-
tions modestes que semble avoir conseillées
saint Paul ^. C'était là , du reste, un usage
ancien parmi quelques serviteurs de Dieu ',
et plein de hautes instructions ^. »
En quatrième lieu, « en accusant de faux
l'auteur de ces livres, ils deviennent totale-
ment inexplicables, et la parole d'un homme
en aucune circonstance possible ne sera une
garantie de vérité... Il est absolument im-
possible d'assigner un motif quelconque, à
la fraude qu'on suppose à notre auteur...
Car, que voulait-il en écrivant? Prétendait-il
recommander de fausses doctrines, et cher-
cher pour sa secte un glorieux et puissant
patronage, dans le nom de saint Denis? Mais
ses livres sont purs de toute erreur. Il sonde,
d'un sage et hardi regard, les dogmes les plus
redoutables, et pénètre jusqu'aux régions ha-
bitées par les anges. Nous lui devons d'heu-
reuses explications des oracles de nos Ecri-
tures, et des aperçus profonds sur le sens
caché des sacrements. Il parle de Dieu, de
sa natare, de ses attributs, avec une éléva-
tion et une exactitude, que peut-être aucun
docteur n'atteignit; car il surpasse, au dire
de plusieurs, saint Grégoire de Nazianze et
saint Augustin, par la splendeur de sa doc-
trine et la majesté de son élocution. Les plus
renommés théologiens ont loué son ortho-
doxie irréprochable. Il ne fut donc pas prédi-
cateur de l'hérésie... Mais, soldat de la vérité,
n'a-t-il pas voulu la servir par le mensonge?
Nous répondons que les faits combattent
cette supposition, et que la saine logique ne
l'autorise pas. En fait, comment les choses
se sont-elles passées? Qui est-ce qui a pro-
duit ces livres au grand jour de la pubHcité?
Ce ne sont pas les orthodoxes, mais les hé-
rétiques sévériens ^... Etrange apôtre, qui
écrit laborieusement pour la défense de la
I
1 De vita contempl., init.
3 De Script. Ecoles.
* In notis ad Hist. Ecoles. Eusebii.
" Baronius, ad ann. 64. — "^ I Cor. u
' Num. VI, 14.
2 Hist., lib. II, cap. svn. s Dionys., de Ecoles, hierarch., cap. VI.
9 Collât, cathol. eum Severianis, Mansi, tom. VIII.
Le premier écrit authentique où il en soit fait
mention est la conférence qui se tint, l'an 532, dans
le palais de l'empereur Juslinien, entre les catlio-
AUTHENTICITE DES œuVRES DE SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
757
vérité et attend d'un zèle impie, la propaga-
tion de son œuvre. Mais veut-on répondre
que les livres devenus publics seulement en
532, existaient depuis longtemps déjà; que
l'auteur, sincèrement orthodoxe, s'était en-
veloppé de mystère et avait habilement
placé sa foi sous la garde d'un nom révéré?,..
Gomment cet homme qui, tout en dissimu-
lant sa personnalité, voulait cependant le
triomphe de ses doctrines, ne les a-t-il pas
publiquement soutenues? L'occasion, certes,
n'a pas manqué, depuis l'an 300 jusqu'en
330; les hérésies d'Arius, de Macédonius,
de Nestorius et d'Eutychès, désolaient assez
l'Eglise, pour qu'un zèle, qui recourait à l'i-
gnominie du mensonge, essayât de la libre
vérité et de la discussion permise. S'il s'est
en etfet mêlé à la controverse, comment n'a-
t-il pas invoqué l'autorité de saint Denis,
qu'il venait d'imaginer tout exprès ? S'il l'a
invoquée, comment ne l'a-t-on tenue ni pour
suspecte, ni pour vraie, ni pour fausse? Et
si l'on a exprimé un doute, une acceptation
ou un refus, comment se fait-il que personne
n'en ait jamais rien entendu dire? Dans no-
tre opinion, l'obscurité où fat laissé saint
Denis se comprend sans peine; mais, dans
le sentiment opposé, c'est un mystère inex-
plicable...
» On a vu que les doctrines, le style, les
assertions, le caractère des livres attribués
à saint Denis, prouvent assez bien qu'ils ne
sont pas apocryphes. Tels sont donc les titres
d'origine que ce monument porte en lui-
même... »
« Un livre est-il ou n'est-il pas de tel au-
teur? C'est là une question de fait. Par suite
elle peut et doit se résoudre comme toutes
les questions de fait, par le témoignage...
Or trois choses donnent surtout du poids
aux témoignages : la valeur intellectuelle
et morale de ceux qui prononcent , le nom-
bre des dispositions et la contenance avec
laquelle les siècles réclament contre quelques
rares contradicteurs...
» Aucun texte ne se rencontre dans les
écrits des anciens Pères, qui établisse positi-
vement et péremptoirement l'authenticité
des livres attribués à saint Denis l'Aréopa-
gite. Cependant, Guillaume Budé... pensait
que saint Ignace ', saint Grégoire de Na-
zianze -, saint Jérôme ^ avaient eu quelque
réminiscence des doctrines de saint Denis.
Effectivement, ces docteurs parlent des hié-
rarchies célestes dans les mêmes termes que
notre auteur. Or, comme celui-ci traite au
long cette matière, que ceux-là se bornent à
effleurer, il est probable qu'il n'a pas été le
copiste, mais que l'initiative lui appartient.
Ce qui appuierait cette conclusion, c'est que
saint Grégoire ajoute, à sa citation, ce mot
révélateur : Quemadmodum quispiam alius
mnjorum et "pulcherrime philosophatus est et
sublirnissime : et qu'une foule de passages
montrent clairement qu'il lisait et imitait
saint Denis. Au reste, c'est le sentiment de
son savant traducteur, de Billy, dont le tra-
vail fut loué par Huet.
» On trouve parmi les oeuvres d'Origène,
une homélie où il nomme saint Denis l'A-
réopagite, et lui emprunte un passage que
nous lisons effectivement au livre de la Hié-
rarchie céleste *. Il est juste de dire que cer-
tains critiques ne croient pas que ce discours
soit d'Origène. Toutefois, il faut admettre
que Rufin, ou du moins quelqu'auteur du
IV^ siècle, l'a traduit comme authentique.
On s'est trompé, soit! Mais l'erreur n'a été
possible que parce que la date précise de
cette homélie commençait à se voiler et à
prendre un air antique; et il n'est guère per-
mis de la regarder comme postérieure à Ori-
gène : ce qui prouverait, en tous cas, que le
in'' siècle a professé notre opinion. Au reste,
on ne prétendra pas, sans doute, que cette
citation ait été intercalée : la vérité qu'il s'a-
gissait d'établir est assez nettement expri-
mée dans les Ecritures, et assez sensible à
la raison, pour qu'on n'ait pas songé à l'ap-
puyer par une interpellation.
» Au temps d'Origène, florissait Denis,
évêque d'Alexandrie. Or il écrivit des notes
pour servir à l'intelligence de son illustre
homonyme. Ce fait nous est attesté par Anas-
tase, patriarche d'Antioche, personnage re-
nommé par sa sainteté, son zèle pour la foi
et sa doctrine ^, et par saint Maxime, philo-
sophe et martyr, dont on n'a pas le droit de
tiques et les sévériens : ceux-ci le citèrent en leur
faveur : les catholiques en soutinrent l'orthodoxie :
et depuis ce temps-là plusieurs Pères de l'Eglise en
ont allégué l'autorité.
' Epist. ad Trallens.
2 Orat. 38 apud Collcct. sélect. Patrum, tom. I.
s Lib. II adv. Jovin.
<> In ipso enim, ut os loquHur divinum, vivimus^
movemur et sumus, et, ut ait nwgnus Dionysius Areo-
pagitu, esse omnium est super essentia et divinitas.
(Inler. oper. Orig., homil. 1, in quœdam Novi Testa-
menti loca). — ^ Anast. in Odego.
758
HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS ECCLÉSIASTIQUES.
révoquer en doute la véracité '. Comme
donc ceux-ci croyaient à l'authenticité des
œuvres attribuées à notre Aréopagite, si De-
nis Alexandrin eût professé une autre opi-
nion , ils l'auraient signalée au moins pour
la combattre. D'ailleurs, l'évêque égyptien
ne pouvait, en l'an 2S0, rédiger un commen-
taire, que pour des livres qui fussent au
moins des premières années du ii= siècle; ce
n'est pas aujourd'hui, et ce fut moins encore
en ce temps-là, l'usage d'annoter les auteurs
vivants.
» Saint Jean Chrysostôme place aussi le
nom de saint Denis, parmi tous les grands ■
noms de l'antiquité chrétienne; et, admirant
sa doctrine et comment son essort le porte
jusqu'au sein de la divinité, il l'appelle un
aigle céleste ^. Que ce sermon soit de saint
Chrysostôme, c'est ce qu'on doit penser,
d'après l'autorité d'Anastase le Bibliothé-
caire ', du cardinal du Perron, de Baronius *,
du P. Halloix ^; c'est ce que l'on peut con-
clure de l'air de famille qui le distingue, et
de ce que l'auteur ne nomme pas saint Chry-
sostôme entre les grands hommes du catho-
licisme, entre saint Basile et les deux saints
Grégoire. Or tout le monde sentira que cette
omission ne peut être expliquée que par la
modestie et non par l'oubli.
» Saint Cyrille d'Alexandrie, qui appar-
tient aux premières années du v" siècle, in-
voque, entre autres témoignages, celui de
saint Denis l'Aréopagite, contre les héréti-
ques qui niaient le dogme catholique de l'In-
carnation ''. A la véritéi Libérât dit que Denis
l'Aréopagite fut évèque de Corinthe; mais
cette assertion, qu'il est facile de réfuter,
importe peu dans la question présente. Ce
qui reste acquis, d'après Libérât lui-même,
c'est que, dès l'an 400, notre écrivain fut cité
avec honneur et entre deux autorités qui re-
montaient au milieu du in" siècle.
)) Enfin Juvénal de Jérusalem, écrivant à
Marcien et à Pulchérie, touchant le trépas
de la sainte Vierge, cite comme une tradi-
tion de l'Eglise, le récit même de notre Aréo-
pagite, sur ce sujet, sans rien omettre abso-
lument qui ressemble à un doute : Il y avait
là, dit-il, avec les apôtres, Timothée, pre-
mier évèque d'Ephèse, et Denis l'Aréopagite,
comme il nous l'apprend lui-même, en son
livre da Noms divins, chap. m. « C'est l'his-
torien Nicéphore qui nous a transmis ce té-
moignage '.
1) A partir de cette époque et en descen-
dant le cours des temps, nous rencontrons
une foule d'écrivains qui confirment notre
sentiment par des témoignages précis et
d'une autorité universellement avouée. »
L'abbé Darboy les cite : « non pas pour
marquer qu'alors et depuis, les œuvres dont
il s'agit furent connues et jouirent d'une
éclatante publicité, ce que personne ne songe
à combattre; mais, pour montrer que des
hommes de science et de vertu distinguées
les attribuent à saint Denis l'Aréopagite, ce
que plusieurs critiques n'ont pas assez con-
venablement apprécié. » Il conchit : « Au
point de vue intellectuel l'avantage est pour
nos patrons. Quand même il faudrait du gé-
nie pour étudier et résoudre cette question,
nous opposerions avec uiio sainte et légitime
fierté, les noms de nos docteurs, de nos pa-
pes et de nos glorieux conciles, aux noms de
quelques moines apostats dont l'audace fai-
sait bien la moitié du talent, et aux noms
des critiques français des xvii" et xviir siè-
cles, et de ces démolisseurs de réputations
que produit l'.^llemagne. Mais il suffit d'un
peu de sens et de quelque rectitude de juge-
ment pour vider ce débat, qui porte sur un
fait. Le fait, ne pouvant être prouvé par les
contemporains dont le témoignage man-
que, sera plus facilement et plus sûrement
éclairci par ceux qui se rapprochent de la
date et du théâtre de l'événement, que par
ceux qui se trouvent placés à une énorme
distance de l'un et de l'autre. Et les der-
niers, malgré leur génie supposé, auront
toujours une supériorité à laquelle échoppe-
ront les premiers, malgré leur médiocrité
prétendue. Or notre opinion est appuyée
précisément par tous ceux qui, plus voisins
du fait en question, pouvaient le constater
' Maxim., in cap. v, Cœlest. hierarch.
2 Vbi Evodius ille bonus odor Ecclesiœ, et sancto-
rum. apostnlorum successor? Ubi Ignatius Dei domi-
cilium ? Ubi Dimysius Areupagiia volucris cœli.
Sermo de Pseudo propheiis, circa médium.
^ Epist. ad Carol, Calvum.
' Ad aun. Domini 109.
s De vila et uperibus Dionys., qusest. 2.
^ Cyrillus quatuor libroi scripsit. Ires advenus
Theodorum et Diodorum quasi Nestorinm dogmalis
auctores, et alium de Incarnationc librum. In quihus
continentur antiqvorum Pairum incarrupta lesiimonio,
Felicis papœ romani, Dionysii Areopagiiœ, et Gregorii
mirabilis Thaumaturgi cognominati. Libérât, iu Bre-
viar. de causa Nestor, et Èutych.. cap. x.
' Hisf. Eccles., lib. XV, cap. xi.
AUTHENTICITE DES ŒUVRES DE SAINT DENIS L'ARÉOPAGITE.
739
avec plus d'exactitude, et nous n'avons pour
contradicteurs que ceux qui, venus plus tard,
ne sauraient contrôler aussi heureusemenl.
les preuves qu'on leur administre, et courent
risque de prononcer d'une manière fautive.
Ainsi, à un double titre par la supériorité du
talent, et parce qu'ils sont plus rapprochés
du point en litige, nos patrons, mieux infor-
més, ont pu donner une décision plus juste. , .
» Ainsi semble établie par les preuves ex-
trinsèques, comme par les preuves intrinsè-
ques, notre opinion touchant l'authenticité
des livres attribués à saint Denis '. »
' Histoire ecclésiastique, par M. Henrion, tom. IX,
pag. 650. On peut aussi consulter une dissertation
intéressante sur les ouvraaes de saiut Denis l'Aréo-
pagite, publiée par le marquis de Fortia, dans le
XVI' vol. de ses Annales du Hainaut. (L'éditeur.)
FIN DU TOME DIXIÈME.
TABLE ilAlïTlOUE
DES
MATIÈRES CONTENUES DANS CE DIXIÈME VOLUME.
A.
ABA obtient sa guérison par rintercessioii de
sainte Tliècle, p. 168.
ABBES scliismatiques. Leur requête au concile de
Chalcédoine, p. 690.
ABBES , soumis aux évêques qui doivent les cor-
riger s'ils manquent contre la règle, p. 745.
ABD.^S, évoque en Perse, abat un temple consa-
cré en l'honneur du feu, p. 49; refuse de le relever
et est mis à mort, ibid.
ABIB, ecclésiastique d'Edesse, se rend accusa-
teur d'Ibas , p. 145. Ses chefs d'accusation, ibid.
ABRAH.\M , prêtre et chorévêque (ou coévèque,
comme écrit D. Ceillier). Théodoret l'envoie à Rome,
p. 23 et 74.
ABRAHAM, abbé de Clermont, p. 393.
ABRAHAM, patriarche. Pourquoi Dieu l'a tenté
pendant trois jours, p. 28. II n'a point été justifié
par la circoncision, mais par la foi, p. 122. Elle ne
lui a été donnée que comme le signe et le sceau de
sa foi, ibid.
ABRAHAM s'oppose au rétablissement d'Ibas ,
p. 147.
ABRAHAM, abbé et prêtre de Constantinople.
Commission que lui donne Eutychès , p. 671.
ABRAHAM, solitaire. Saint Marcien l'engage à cé-
lébrer la fête de Pâques suivant la discipline établie
dans le concile de Nicée, p. 53.
ABRAH.'^M, solitaire, ayant opéré quantité de mer-
veilles pendant sa vie , en opère encore après sa
mort, p. 54.
ABRAHAM (saint) , solitaire. Il tâche de conver-
tir les habitants de Lybanc , p. 58. Il est maltraité,
ibid. Ceux de Ljbane l'élisent pour leur pasteur,
ibid. Il retourne dans la solitude, ibid. Il est appelé
à l'cpiscopat de Carres , ibid. Sa conduite pendant
son épiscopat, ibid.. Son corps est porté à Antioche,
et delà à Carres, ibid.
ABRAHAM commet beaucoup de violences et de
pillages ; reconnaît publiquement sa faute, p. 65.
ABSTINENCE. L'Eglise laisse la liberté d'user de
la chair et du vin, ou de s'en abstenir, p. 136, Elle
étouffe les désirs de la chair , p. 194. Elle est un
moyen propre à détruire les vices, p. 271.
ABUNDlUS, évêque de Côme. Lettre que lui écrit
Théodoret, p. 79. Légat de saint Léon à l'empereur
Théodose, p. 219. L'empereur Marcien le reçoit fa-
vorablement, ibid., Abundius rend compte de sa
légation au pape. 11 est chargé d'une lettre pour Eu-
sèbe de Milan , p.68l .11 assiste en 451 au concile
teim en celte ville , ibid. Fait le rapport de ce
qu'il a vu et fait dans l'Orient, ibid.
ACACE , évoque d'Amida , se rend célèbre vers
l'an 420 ou 422 par ses vertus , p. 142. Le roi de
Perse souhaite le voir, ibid. Ses écrits, p. 143.
ACACE, évêque de Bérée, ordonne évêque un bi-
game, p. 23 ; il prie saint Jacques de Nisibe d'aller
à Antioche , p. 51 . Il visite saint Marcien , p. 52.
Saint Cyrille lui écrit pour se justifier , p. 103. Il
envoie cette lettre à Théodoret qui lui écrit, ibid.
ACACE, évêque de Mélitine , écrit aux évêques
d'Arménie, p. 143. Firmus lui écrit, p. 151.
ACACE, patriarche de Constantinople. Sa douleur
au sujet de la lettre de l'empereur Basilisque qui
condamnait le concile do Chalcédoine et la lettre de
saint Léon à Flavien, p. 402. Lettre que lui écrit le
pape Simplice qui le charge , comme son légat , de
48*
762
TABLE ANALYTIQUE.
s'opposer à Timolhée Elure, p. 403 et suiv. Il con-
sulte le pape sur différents objets après le rétablis-
sement de l'empereur Zenon. Réponse du Pape, p. 405.
Autre lettre écrite au pape et réponse du pape, p.
406 et 407. Différentes lettres que lui écrit le pape,
p. iOQ et 408. Cboqué de ce que Jean Talaïa, évoque
d'Alexandrie, ne lui avait pas fait part de son élec-
tion, il se déclare pour Pierre .Mougus, p. 408,409. Il
persuade à l'empereur de donner son Hénoticon, p.
409. Sa conduite à l'égard du pape, p. 41 1. Repro-
ches que lui fait le pape Félix III , p. 412, 413.
Acace force les légats à communiquer avec lui et
avec Pierre Mongus, p. 418 et 414. Il est analhéma-
tisé dans un concile de Rome , ce qui donne lieu à
un schisme entre l'Eglise d'Orient et celle d'Occi-
dent, p. 414. La conduite du pape justifiée, ibid et
p. 415. Lettre que le pape écrit à Acace pour lui
marquer les motifs de sa condamnation , p. 415. Sa
condamnation notifiée à l'empereur, au clergé et au
peuple de Constantinople et signifiée à lui-même, p.
415 , 416. Il se sépare de la communion du pape
Félix m et retranche son nom des diptyques , p.
416, 417. Sa mort, p. 417. Gélase justifie la con-
duite de l'Eglise romaine contre Acace, p. 485. Ce
que disait Euphémius en faveur d'Acace. Réponse
de Gélase, p. 486. Son nom est effacé des diptyques,
p. 624.
ACEPESI.M (saint), reclus dans le diocèse de Cyr.
passe soixante ans dans une cellule sans voir ni par-
ler à personne, p. 57. Son évéque vient le visiter et
l'ordonne prêtre, p. 58.
ACHILLES, gouverneur du Pont. Firmus lui écrit,
p. 150.
ADAM ne pouvait distinguer le bien et le mal sans
manger du fruit défendu, p. 27. Comment ses yeux
furent ouverts , ibid.
ADELPHIUS, chef de la secte des messaliens , p.
47, ne veut pas se séparer de la communion de l'E-
glise, ibid. Il est chassé de Syrie, ibid.
ADEODAT , sous-diacre de l'Eglise romaine , p.
235.
^ONIUS , évêque d'Arles. Le pape saint Gélase
lui écrit, p. 504 et 505.
AÉRIUS, homme de lettres. Théodoretlui recom-
mande le sénateur Célestiaque et une dame de Car-
tilage, p. 66. Il l'invite à une dédicace , ibid. et p.
68.
AETIUS , archidiacre de Constantinople, très-zélé
pour la foi catholique, p. 225. Pourquoi Anatolius
l'ôte de sa place et lui en substitue un autre , ibid.
Quelles étaient ses fonctions. Saint Léon écrit en sa
faveur, p. 226. Il est rétabli, ibid. et p. 231, Lettre
que lui écrit le pape , p. 233. Aétius présente une
requête au concile de Chalcédoine, p. 17. 11 y paraît
avec éclat; représente au concile qu'il y a quelque
chose à régler pour l'église de Constantinople, p. 696.
AETIUS, patrice et général des armées de l'em-
pire. Son différend avec Albin , p. 169. Saint Léon
va le trouver pour le réconcilier , ibid. L'empereur
Valenlinien lui adresse un rescrit contre saint Hi-
laire d'Arle.s, p. 204. Aétius songe plus à abandon-
ner l'Italie qu'à la défendre, p. 175. Ses gens tuent
Valenlinien, p. 176.
AFRIQUE , ravagée par les Vandales , p. 449.
Comment partagée par Genséric, ibid.
AGAPE, disciple de saint Marcien. Il établit un
monastère à Apamée, p. 52.
AGAUNE. Le roi Sigismond rétabhl le monastère
d'Agaune, p. 554.
AGGAR. Saint Léon fait informer sur son ordina-
tion, p. 199.
AGILON , comte. Saint Perpétue le fait exécuteur
de son testament, p. 439.
AGRÈCE ou AGRÉCIUS, évêque de Sens. Saint
Sidoine iui écrit pour le prier de venir présider à
l'élection d'un évéque de Rourges, p. 381 et 391.
AGRICE, évêque d'Antibe, assiste en 506 au con-
cile d'Agde, p. 376.
AGIUCOL.V , beau-frère de saint Sidoine , le prie
de lui faire le portrait de Théodoric, roi des Visi-
goths, p. 383. Il invite sahit Sidoine à venir prê-
cher avec lui, p. 385.
AGRICOLA , disciple de Pelage , infecte de ses
erreurs la foi des Anglais , est condamné dans un
concile, p. 667.
AGRIPPA se met sous la conduite de saint Eu-
sèbe, qui l'établit supérieur, p. 53. Il est obligé de
prendre soin du monastère où il a été élevé , ibid.
AGRIPPIN, comte. Saint Euphrone, évêque d'Au-
tun, lui écrit, p. 358.
ALAINS ravagent l'Espagne vers l'an 409. Paul
Orose adoucit leur cruauté, p. 2.
ALARIC, roi des Visigoths , quoique arien , traite
les catholiques avec beaucoup d'humanité, p. 736.
ALBIN, général des Piomains. Son différend avec
Aétius, p. 169. Saint Léon va les trouver pour les
réconcilier , ibid.
ALBISON , évêque, porte une lettre de saint Eu-
phrone à saint Sidoine, p. 394.
ALCIME, fille de saint Sidoine, p. 379.
ALEXANDRA, dame. Théodoret lui écrit, p. 72.
ALEXANDRE, ouvrier en cuivre , se signale dans
le monde par ses impiétés, p. 79.
ALEXANDRE, ambassadeur de l'empereur Zenon,
assiste à l'élection de l'évêque de Cartilage, p. 452.
ALEXANDRE (saint) , évêque d'Antioche. Saint
Zenon le pris de distribuer une partie do son bien
aux pauvres, p. 56.
ALEXANDRE (saint), évêque de Constantinople,
p. 42.
ALEXANDRE, évêque d'Hiéraple. Théodoret parle
pour lui, p. 21. Il ne veut point se réunir, ibid.
Lettre que lui écrit Théodoret, p. 102.
ALEXANDRIE. Arius y jette les semences do sa
doctrine , p. 43. Cruautés que Grégoire exerce sur
l'église de cette ville , p. 45. Persécutions que lui
font les ariens après la mort de saint Athanase , p.
47. Lettre de saint Léon au clergé d'Alexandrie, p.
238. Il est d'usage que l'évêque règle le jour de la
Pàque et qu'il le fasse connaître au pape, p. 270.
ALIÉNATION des terres de l'Eglise défendue ,
p. 337.
TABLE ANALYTIQUE
ALTICUS, évêque. Firmus lui ér.rit , p. 150.
ALTINO, vill« de la province de Vénétie, p. 203.
ALYPIUS, chorévcque, adoucit Firmus irrité con-
tre lui, p. 150; avertissement que celui-ci lui donne,
ibid.
ALYPIUS, neveu de saint Marcien et exarque des
moines de Cyr , porte une lettre de Théodoret au
pape saint Léon , p. 23, 24 et 74. Bâtit un oratoire
dans ia ville de Cyr, pour y mettre le corps de son
oncle, p. 53 et 133.
ALYPIUS, consul, p 210.
AMALAIRE , curé. Saint Perpétue lui lègue une
cliasuble de soie et une colombe d'argent, p. 440.
AMBROISE Aurélien est élu roi des Bretons ,
p. 617.
AMBROISE (saint), choisi évêque de Milan, p. 47.
L'empereur approuve son élection , ibid. Il n'omet
rien pour faire rentrer le jeune Valentinien dans la
doctrine de l'Eglise, p. 49. 11 n'est point ébranlé par
les menaces de ce prince, ibid.
AMBROISE , évêque , à qui Sidoine adresse une
de ses lettres, p. 395.
AME de l'homme. Pourquoi elle sera réunie à son
corps à la résurrection future, p. 89. Mammert Clau-
dien compose un traité delà Nature de l'âme contre . de sa place l'archidiacre Aétius pour lui substituer
763
pape Anastase au sujet des privilèges de l'Eglise de
Vienne, p. 521. Lettre à Ursicin où le pape explique
le mystère de l'Incarnation, ibid. et p. 521.
ANASTASE, évêque de Thessalonique. Sixte III
le commet pour agir en son nom dans toutes les
Eglises de l'Illyrie orienl^ile, p. 202. Saint Léon lui
accorde le même pouvoir , ibid. Anastase en abuse,
p. 205. Lettres que lui écrit saint Léon, p. 205, 206
et 216.
ANASTASIE , femme de Pompée, se déclare ou-
vertement pour le concile de Chalcédoine , p. 490.
ANATHEME. Traité del' Analhème attribué au pape
Gélase, p. E05 et 506.
ANATOLE , ecclésiastique d'Edesse. Ses accusa-
tions contre Ibas, p. 145-
ANATOLIUS , évêque de Constantinople , est fait
évêque de cette ville en la place de Flavien, p. 218.
Il fait part de son élection à saint Léon et demande
la communion du Saint-Siège, ibid. et p. 680. Son
élection est suspecte au pape, p. 680. Anatolius lui
écrit pour rendre témoignage de sa foi et lui envoie
des députés. Réponse de saint Léon, p. 220. Ce pape
lui recommande Eusèbe de Dorylée , ibid. Autres
lettres de saint Léon, p. 221 et 222. Anatolius ôte
Fauste de Riez, p. 348 et suiv. Autre écrit du mê-
me Mammert sur la Différence entre les êtres spi-
rituels et les êtres corporels , p. 354. Sentiment de
saint Hilairesur la nature de l'âme expliqué, p. 352.
Traité d'Enée de Gaze sur la Nature de l'âme, p. 490
et 491.
AMIDA, ville de Mésopotamie, p. 142 et 585.
AMIEN (saint) , établit une école de vertu et de
piété, p. 53. Il presse saint Eusèbe de prendre en sa
place la conduite de ce monastère, ibid.
AMMON, supérieur de la congrégation de Tabène,
p. 160. Saint Pétrone le visite, ibid.
AMMONIUS , surnommé Saccas. Plotin et Origène
prennent des leçons de lui, p. 94.
ANACHORETES. Leurs mortifications ordinaires,
p. 55, 56.
ANASTASE , évêque de Nicée. Requête qu'Euno-
mius de Nicomédie présente au concile de Chalcé-
doine en plainte contre cet évêque, p. 695.
ANASTASE , surnommé Dicorus , succède à l'em-
pereur Zenon , mort en 491 , p. 485. Euphémius,
patriarche de Constantinople , s'oppose à son élec-
tion. Il n'y consent qu'après avoir exigé un écrit où
Anastase promet qu'il conservera la foi catholique,
ibid. Le pape Gélase lui donne avis de son ordina-
tion, p. 486. Il lui écrit en 494, p. 501. Anastase
délivre des tributs tous les habitants de la Mésopo-
tamie, p. 586.11 fait déposer Euphémius et Macédo-
nius patriarches de Constantinople , p, 488 et suiv.
ANASTASE II est élu pape en 496 comme succes-
seur de saint Gélase, p 518. Il envoie des députés à
Constantinople pour la réunion de l'Eglise. Il écrit à
l'empereur Anastase, p. 518, 5l9. Requête des
Alexandrins au pape Anastase, p. 519. Sa lettre au
roi Clovis pour lui témoigner sa joie de ce qu'il a
embrassé la foi catholique , p. 520. Règlement du
un nommé André , p. 225. Il ordonne prêtre celui-
ci , lui donne le soin d'une église et d'un cimetière
hors de la ville de Constantinople, p. 226. Pourquoi
il traite ainsi Aétius. Lettres de saint Léon contre
lui, ibid. Anatolius le rétablit et dépose André, p.
231. Sa lettre au pape , ibid. L'empereur Théodose
prie saint Léon d'approuver l'ordination d'Anatolius,
p. 680. Le pape engage cet évêque à travailler avec
zèle à la destruction des restes de l'hérésie de Nes-
torius et d'Eutychès, p. 233. Anatolius avertit saint
Léon des violences commises à Alexandrie par Elure,
ibid. Saint Léon l'en remercie , ibid. Le pape se
plaint de ce qu'Anatolius n'a pas encore corrigé ni
puni ceux de ses clercs qui prennent le parti de
l'eutycbianisme , p. 234. Anatolius ne trouve pas
bon que saint Léon prenne soin du clergé de
Constantinople, p. 23."'. Réponse de saint Léon ,
ibid. Anatolius rassemlile un concile des évêques
qui se trouvent à Constantinople, p. 681. Il y sous-
crit à la lettre de saint Léon à Flavien, ibid. 11 dit
anathème à Nestorius et à Eutychès, à leurs dogmes
et à leurs sectateurs, ibid. Il met le nom de son
prédécesseur dans les diptyques, ibid. L'empereur
Marcien lui adresse la lettre de convocation pour le
concile de Chalcédoine, p. 174 et 682. Anatolius
souscrit h la condamnation de Dioscore, p. 688. Il
meurt en 458, p. 344.
ANATOLIUS , ou Anatole, patrice. Théodoret se
plaint à lui, p. 22, etlui écrit, p. 24, 67, 68 et 72.
Cet évêque le prie de lui obtenir de l'empereur la
liberté d'aller en Occident, p. 74.
ANATOLIUS , préfet de la milice. Il commande
une châsse d'argent pour y mettre le corps de saint
Thomas, p. 144. Il assiste au concile de Chalcédoine,
p. 683.
ANDIBÈRE. Théodoret lui écrit, p. 74.
764
TABLE ANALYTIQUE.
ANDRÉ (saint) , apôtre. Les manichéens ont des
actes prétendus sous son nom , composés par Leu-
cius, p. 507.
ANDRE, ami d'Entychès , est substitué à la place
d'Aétius , p. 225. Analolius l'ordonne prêtre et lui
donne le soip d'une église, ibid. Il est déposé, p.
231. Saint Léon permet qu'on l'ordonne prêtre,
pourvu qu'il condamne par écrit les hérésies de
Nestorius et d'Eutychès, ibid.
ANDRE, diacre, est chargé par le concile de
Constantinople d'avertir Eutychès de venir se justi-
fier, p. 669. Il rend compte au concile de sa com-
mission, p. 670.
ANDRÉ , évêque de Samosate. Ses écrits contre
les Anathématismes de saint Cyrille sont anathéma-
tisés par Rabulas , p. 14-3. 11 en fait des reproches
à cet évêque, ibid. Il est consulté par des personnes
d'Edesse, ibid. Il écrit à Alexandre d'Hiéraple,
ibid.
ANDRE , moine de Constantinople. Théodoret lui
écrit, p. 77.
ANDROMAQUE, sénateur romain, veut rétablir les
Lupercalel. Le pape Gélase s'y oppose. Il fait un
traité contre lui, p. 506 et 507.
ANGES. Les poètes et les philosophes de la Grèce
en admettent, mais ils en font des dieux, p. 85.
Les fonctions des anges , ibid. Ils ont conservé la
beauté de leur nature par leur fidélité à Dieu, p. 86.
Pourquoi Moïse n'en dit rien, p; i]l. Ils ont été
créés en même temps que le monde , ibid. Leur mi-
nistère, p. 118. L'abus de les adorer subsiste long-
temps dans la Phrygie et la Pisidie , idib. Raisons
qu'ont eues lus auteursde ce culte , ibid. Sentiment
de l'auteur des livres attribués à saint Denis l'Aréo-
pagite sur les anges, p. 454; de Faiiste de Riez, p.
349, de Mammert Claudien, p. 353; le pape Gélase
met le péché des anges dans la complaisance qu'ils
ont eue en la beauté de leur être, p. 507.
ANIEN, chancelier d'Alaric, roides Visigoths, pu-
blia le code Théodosien, p. 736.
ANNONIUS, évêque de Sehennyte, quitte le parti
de Dioscore, même avant sa condamnation, p. 230.
Il ordonne saint Protère, ibid.
ANTECHRIST, précédera la venue du second avè-
nement du Sauveur, p. 87. Il s'asseyera dans le tem-
ple de Dieu , ibid. Pourquoi Dieu permettra sa ve-
nue, ibid.
ANTHÉMIUS , prêtre , souscrit à la déposition de
Flavien et d'Eusèbe pour Patrice deThyanas, p. 679.
ANTHEMIUS, fils de Procope, est reconnu empe-
reur d'Occident, il amène avec lui un hérétique ma-
cédonien, p. 339. Saint Sidoine fait le panégyrique
d'Anthémius, p. 396.
ANTHIME, évêque, adopte un jeune homme pour
son fils, p. 150. Firmus lui écrit, ibid.
ANTHIME pratique les exercices de piété avec
saint Auxent et saint Marcien , p. 345. Il compose
des cantiques pour les catholiques, ibid.
ANTIOCHE. On y fait des réjouissances à la mort
de Julien l'Apostat, p. 46. Contestation dans cette
ville, p. 49.
ANTIOCHUS s'oppose au rétablissement d'ihas,
p, ià"^.
ANTIOCHUS , métropolitain de l'IUyrie orientale,
écrit à saint Léon qui lui répond, p. 206.
ANTIOQUE (saint), solitaire, vit d'une manière
très-austère, p. 60.
ANTOINE est zélé pour le soutien de la foi chan-
celante des fidèles, p. 47.
ANTOINE, disciple de saint Siméon Stylite, écrit
la vie de son maître, p. 63.
ANTOINE, évêque arien, fait mettre saint Eugène
en prison, veut rebaptiser Habet-Deum, évêque ca-
tholique, p. 461.
ANTOINE , évêque de Mérida , p. 342. Il fait ar-
rêter Pascentius, manichéen, et le fait chasser de la
Lusitanie, vers l'an 447, p. 667. Idace et Turribius
lui envoient les procès-verbaux contre les mani-
chéens, ibid.
ANTONIN (saint) , solitaire, vit d'une manière
austère, p. 60.
ANTONIN, évêque de Cirthe, encourage par lettre
Arcade et ses compagnons, confesseurs sous Gensé-
ric, p. 466, 467. Editions de celte lettre, p. 468.
.\NYSIUS , évêque de Thessalonique. Saint Sirice
le commet pour agir en son nom dans toutes les
églises de l'IUyrie, p. 202.
'APELLATIONS AU saint-siège, p. 493 et 497.
APELLION. Théodoret lui recommande le séna-
teur Célestiaque et une dame de Carlhage, p. 66.
APER, à qui Salvien écrit, p. 388. Saint Sidoine
l'invite à venir aux Rogalions à Clermont , p. 389.
APHRAATE ou APHRATES (saint) , Persan, va à
Edesse, s'y renferme dans une petite maison pour ne
penser qu'à son salut, p. 54; il passe de là à An-
tioche. Sa manière de vivre, ibid. L'empereur Valens
trouve mauvais qu'il quitte sa cellule pour aller dans
des assemblées publiques, p. 48 et 54. Sa réponse à
ce prince, ibid. Châtiment d'un valet de chambre
qui avait menacé ce saint, ibid. Aphraate fait cesser
une dissension entre une dame et son mari, p. 54.
Il chasse une quantité de sauterelles, ibid.
APHTONE succède à saint Publie dans le gouver-
nement de son monastère, p. 53. Il est fait évêque,
ne veut point quitter son habit de solitaire , ibid. Il
combat pour la foi, p. 75. Théodoret lui écrit, ibid.
APOCRYPHES. Catalogue des livres apocryphes
rejetés par l'Eglise romaine, p. 725.
APOLLON (saint) , gouverne cinq cents solitaires
près de la grande Hermopole, p. 160. il reçoit saint
Pétrone, ibid.
APOLLON PYTHIEN. Les reliques de saint Babylas
l'empêchent de rendre des oracles à Daphné, p. 46.
L'incendie de son temple fait découvrir l'imposture
do l'oracle, ibid.
APOLLONE (saint), souffre le martyre dans la
persécution de Dioclélien, p. 161.
APOLLINAIRE , évêque de Laodicée, se fait chef
d'un parti dans Antioche.p. 48. On reconnaît que sa
doctrine est erronée. En quoi elle consiste , ibid.
APOLLINAIRE, hérésiarque. Son hérésie est com-
me la racine de celle d'Arius, p. 48, et de plusieurs
TABLE ANALYTIQUE.
765
autres, ibid, Elle est condamnée à Constanlinople et
par le pape Damase, ibid. Quoique favorable à l'Iié-
résie d'Eutychès , Apollinaire enseigne que le Verbe
s'est fait chair sans que sa divinité en souffre aucune
altération, et qu'il est véritablement né de la Vierge,
p. 81.
APOLLINAIRE, aïeul de saint Sidoine, qui lui fait
une épitaphe, p. 386.
APOLLINAIRE, fils de saint Sidoine, p. 379, 386.
APOLLINAIRE , sénateur , ami de saint Sidoine,
p. 384.
APOLLINAIRE, autre ami de samt Sidoine, qui lui
écrit, p. 3S7.
APOLLINAIRE, autre ami de saint Sidoine, p.
389.
APOLLINAIRE, évêque de Valence, frère aîné de
saint Avit, p. 554.
APOLLINARISTES. Saint Marcien n'a que de l'é-
loignemcnt pour eux, p. 53.
APOTRES. Ils avaient tous l'honneur de l'aposto-
lat, mais il a été donné à un seul d'avoir la préémi-
nence sur tous les autres , p. 262 et 263.
APPELLE, Théodoret lui écrit, p. 74.
AQUILÉE. Lettre de saint Léon à l'évêque de cette
ville, p. 203.
ARANEOLE , femme de Polémius. Saint Sidoine
fait son épithalame , p. 397.
ARATOR, évèque, oncle de saint Rustique de Nar-
bonne, p. 199.
ARBITRE (libue). Dieu n'impose pas aux uns la
nécessité de pratiquer la vertu , ni aux autres celle
de vivre dans le vice, p. 119. Juste comme il est, il
se contente d'exhorter au bien et de défendie le mal,
ibid. En quel sens il est dit que Dieu a endurci le
cœur de Pharaon, ibid. La grâce ne mine point le
libre arbitre, p. 288, 289.
ARBOGASTE (comte) consulte saint Sidoine sur
quelques difficultés de l'Ecriture, etc., p. 388. Saint
Auspice, évèque de Toul, lui écrit, p. 400.
ARCADE (SAINT), martyr sous Genscric, p. 466 et
suiv.
APiCADE , empereur , est successeur de la puis-
sance de Théodose et imitateur de sa piété , p. 49.
ARCADE, évèque des Gaules. Saint Célestin, pape,
lui écrit en faveur de saint Augustin , p. 277.
ARCHEVÊQUE. Le titre d'Archevêque de l'Eglise
universelle donné au Pape, p. 490.
ARCHINIME, martyr sous Genséric , p. 452.
ARCOME, sous-diacre, envoyé par Thalasse, évè-
que d'Angers, à saint Euphrone d'Autun, p. 357.
ARDABURE, consul, p. 210.
AREDIUS, fauteur des ariens, quoique catholique,
p. 735.
ARÉOBINDE, général de l'Orient, se signale dans
la guerre contre les Perses, p. 490.
ARETUSE. Supplices que les habitants de cette
ville font souffrir à l'évêque Marc, p. 46; ils ap-
prennent de lui les premiers principes de la religion
chrétienne, ibid.
ARIANE, impératrice, engage Euphémius, patriar-
che de Constantinople, à couronner Anastase, p. 485.
ARIENS. Victorin écrit contre eux , p. 443. Us
mettent l'empereur Constance dans leur parti. Ce
qui se passe parmi eux sous le règne de ce prince,
p. 45 ; ils font étrangler à Cucuse Paul de Constan-
tinople, ibid.; ils mettent Georges sur le siège d'A-
lexandrie en la place de saint Athanase, ibid. ; ils
tiennent un concile à Milan contre ce saint évèque,
ibid. ; ils ôtent de )a professiop de foi de Nicée les
termes de substance et de consubslantialité , pour y
mettre celui de semblable, ibid. Différends survenus
entre eux et les partisans d'Eunomius , ibid. ; ils
persécutent l'Eglise d'Alexandrie après la mort de
saint Athanase, p. 48 ; ils font périr sur mer quel-
ques prêtres catholiques, ibid. ; ils sont chassés de
l'Eglise sous Gralien , p. 48. Ce qu'ils enseignent
sur l'Incarnation, p. 72 et 207. Pourquoi ils rejet-
tent l'Epître aux Hébreux, p. HO.
ARIOBENDE , maître des offices. L'empereur
Théodose le commet pour entendre le silentiaire
Magnus, p. 674.
ARISTON, prêtre, souscrit à la déposition de Fla-
vien et d:Eusèbe pour Eunorains de Nicomédie,
p. 679.
AKISTOTE. En quoi il met le bonheur de l'hom-
me, p. 97.
ARIUS, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie, est chargé
d'expliquer an peuple l'Ecriture sainte , p. 43. Il
jette dans cette ville les semences d'une fausse doc-
trine, ibid. ; son erreur cause du trouble dans l'E-
glise ; il est condamné dans le concile de Nicée, p.
44. 11 change la doxologie parmi ceux de sa secte ;
p. 113. Il n'ose changer la forme du baptême, mais
il en ruine le sens , p. 122. Dispute de Vigile de
Tapse contre Arius, p. 481 et suiv.
ARLES. Lettre des évèques de cette métropole à
saint Léon, p. 218. Réponse du Pape, ibid.
ARMÉNIE. Rabulas d'Edesse écrit avec Acace do
Mélitine aux évèques de celle province , p. 143.
ARMENTARIUS, évèque d'Embrun, est déposé au
concile de Riez, p. 200.
ARMOGASTE (saint), officier de Théodoric, fils
de Genséric , confesseur, p. 452.
ARNOBE L'ANCIEN fleurit sous l'empire de Dio-
clétien, p. 330. Il écrit contre les Gentils, ibid.
ARNOBE , surnommé le Jeune. Qui il était , p.
330. Son commentaire sjir les Psaumes , ibid. Ar-
•nobe paraît avoir été semi-pélagien , ibid. et 331,
332. Il traite les disciples de saint Augustin depré-
destinatiens, p. 331. Editions de son Commentaire,
p. 332 Annotations sur les Evangiles, ibid. Dialogue
entre lui et Sèrapion , ibid. ; ce que c'est que ce
dialogue, p. 333. L'auteur du livre intitulé Prœdes-
tinaius n'est pas connu, ibid.ei 334. Editions de ce
livre, p. 334. Ouvrage d'Arnobe qui est perdu ,
p. 335. Traduction d'une épître pascale de saint
Cyrille par Arnobe, ibid.
ARVANDE, préfet des Gaules , accusé de péculat.
Saint Sidoine lui obtient la vie, p. 383.
ASCAGNE, évêque de Tarragone, se plaint au pape
saint Hilaire des entreprises de Sylvain , son suf-
fragant, p. 338,
766
TABLE ANALYTIQUE.
ASCALON, ville de la Palestine, p. 46.
ASCLÉPIADE, diacre de Constantinople. député à
Rome par Anatolius, p. 220.
ASCLÉPIE (saint), embrasse la même manière de
■vivre que saint Polychrone, p. 61.
ASCLÉPIUS , évêque en Afrique , écrit contre les
ariens et les donatistes, p. 469.
ASILE. Droit d'asile dans les églises et dans les
maisons des évèqucs , confirmé avec modification,
p. 743.
ASINION, évêque de Coire, assiste au concile de
Milan de 451, p. 671. Abundius y porto la parole
pour lui, ibid.
ASPAR, consul et patrice. Théodoret lui écrit,
p. 77. Léon est élevé à la dignité d'empereur par
son autorité, p. 233.
ASTÈRE, grand sophiste, passe du côté des héré-
tiques qui l'établissent évêque de Cyr , p. 52. Il est
attaqué d'une maladie qui le met au tombeau, ibid.
ASTÈRE, consul en 449, p. 379.
ASTÈRE , solitaire. Saint Jacques de Nisibe lui
sauve la vie quand il était près de mourir de faim,
p. 51.
ASTÉRIUS, évêque de Lugo en 433, p. 341.
ASTÉRIUS , évêque , légat de saint Léon à Cons-
tantinople, p. 219 et 681. Il n'y arrive qu'après la
mort de Théodose , p. 681. L'empereur Marcien le
reçoit favorablement, p. 219 et 681.
ASTÉRIUS, prêtre, avertit le tribun Macédonius
que les notaires ont falsifié des actes du concile de
Constantinople , p. 674.
ASTORGA, ville delà province de Galice, p. 206
ATHANASE (saint) , est exilé et ensuite rappelé,
p. 45; Eusèbe de Nicomédie s'oppose à son rappel,
ibid.; il est exilé une seconde fois, ibid. ; on ordonne
un évêque en sa place, ibid. Concile de Sardique en
ce qui regarde la cause de ce saint, ibid.; Constance
le rappelle dans son église, ibid.; ce prince lui donne
un nouvel ordre de sortir d'Alexandrie, ibid. Concile
tenu à Milan contre lui, ibid. ; il n'a que du mépris
pour tout ce qui se fait à Rimini, ibid. ; Julien l'A-
postat le condamne à un quatrième exil , p. 46; il
est rappelé sous Jovien, p. 47; il écrit à ce prince,
ibid. ; il est informé de l'ardeur que les Indiens té-
moignent pour la religion chrétienne, p. 138. Il con-
fère la grâce du sacerdoce à Frumentius, et l'envoie
dans les Indes, ibid. Ouvrages écrits sous le nom de
saint Alhanase par Vigile de Tapse, savoir : Dispute
contre les ariens, p. 481 , et le Symbole des apôtres.
p. 484.
ATHANASE, évêque de Busiris, quitte le parti de
Dioscore, même avant sa condamnation, p. 230. 11
ordonne saint Protère, ibid.
ATHANASE, diacre de Basile de Séleucie , est té-
moin de la conversation des députés du concile de
Constantinople avec Eutychès, p. 670.
ATHAl^ASE , évêque de Perrha , s'empare de cet
évêché, p. 75; Domnus d'Anliocbe le renvoie à son
métropolitain, p. 675; il lui écrit de se rendre au con-
cile d'Antioche. On ordonne un évêque à sa place,
ibid. Requête que Sabinien présente contre lui au con-
cile de Chalcédoine, ibid. Jugement de ce concile,
p. 696.
ATHANASE, prêtre de l'église de Constantinople,
neveu de saint Cyrille , accuse dans le concile de
Chalcédoine, Dioscore, son évêque, p. 688.
ATTICUS, archidiacre de Constantinople, est dé-
puté à l'empereur Marcien par les évêques assemblés
à Nicée, p. 683.
ATTICUS, évêque de Nicople et métropolitain de
l'Epire, p. 205 ; il est appelé au concile de Thessa-
lonique ibid. ; il y est amené de force ; il mande à
saint Léon ce qui s'y est passé, ibid.; il va lui-même
à Rome porter ses plaintes, ibid.
ATTILA, roi des Huns , descend en Italie, y met
tout â feu et à sang, p. 174. Les siens le détournent
de venir fondre sur Rome, ibid. et 175 ; Valentinien
lui envoie demander la paix , p. 175. Il témoigne
beaucoup de joie de voir saint Léon et lui accorde
ses demandes , ibid. Après s'être rendu maîti-e de
Milan, il jette l'effroi dans tout le reste de la Ligu-
rie, p. 323. Respect de ce prince cruel pour saint
Loup de Troyes, p. 357.
ATTIQUE, prêtre de Constantinople, prêche con-
tre la foi catholique et le concile de Chalcédoine, p.
235 ; saint Léon demande qu'on l'excommunie , s'il
ne se rétracte, ibid. Atticus envoie au pape un écrit
où il proteste qu'il n'a que de l'aversion pour Eu-
tychès, ibid. Ce que saint Léon demande encore de
lui, ibid.
AUDÉE , natif de Syrie et chef de la secte des
audiens, p. 47.
AUDIENS. Quelle est leur hérésie, p. 47. Pour-
quoi ils fuient la communion des catholiques, p. 121.
Leur pratique pour recevoir les pécheurs à la péni-
tence, p. 123.
AUGUSTIN (SAINT), Oroseva le consulter, p. 2; il
conseille à celui-ci d'aller trouver saint Jérôme, ibid.
Les évêques Paul et Eutrope donnent à ce saint évê-
que un mémoire touchant quelques hérésies , ihid.
Orose lui adresse son Histoire du Monde, p. 3. Ses
livres contre les pélagicns font naître quelques diffi-
cultés parmi plusieurs fidèles de Marseille, p. 276 ;
Hilaire et Prosper en entreprennent la défense, ibid.
Ils écrivent à ce sujet au saint Docteur qui leur en-
voie ses livres de la Prédestination des Saints et du
Don de la Persévérance, ibid. Saint Célestin écrit
en sa faveur aux évêques des Gaules, p. 277.Fausle
de Riez se déclare contre lui, p. 422, et en voulant
réfuter son sentiment sur la grâce , il donne dans
l'erreur des senii-pélagiens, p. 427. Le pape Gélase
appelle saint Augustin et saint Jérôme, les lumières
des maîtres ecclésiastiques, p. 499.
AUMONE. Ses grands avantages, p.' 181. Elle est
une espèce de baptême, en a l'efficace, ibid., 272 et
322. Avantages qu'elle a sur le baptême, p. 323.
Elle doit être jointe au jeiine, p. 194.
AURÈLE (saint), évêque de Carthage, dédie à
Jésus-Christ le fameux temple de la déesse Cé-
leste, p. 315. Inscription qu'il met sur le frontis-
pice, ibid.
AUSON, prêtre. Firmus lui écrit, p. 150.
TABLE ANALYTIQUE.
767
AUSPICE (saint) , évêque de Toul. Ce qu'on en
dit, p. 400 61401.
AUSPICIOLE, fille de Salvien, p. 360.
AUTELS. Dans la consécration des autels , l'onc-
tion du saint chrême ne suffit pas , il faut encore la
bénédiction sacerdotale , p. 738.
AUXAiNlUS, évèque d'Aixen Provence, p. 337; il
va à Rome au sujet d'Hermès, p. 421.
AUXENIE, abbé, p. 393.
AUXlLlUSj évêque d'Irlande, assiste à un concile,
p. 447.
AUXONCE, évêque de Milan, p. 47.
AUXONE , évèque des Gaules. Le pape saint Cé-
lestin lui écrit en faveur de saint Augustin, p. 277.
AVENTITIUS (saint), martyr, répand son sang à
Turin pour la foi de Jésus-Christ, p. 3"22.
AVIENUS , consulaire. L'empereur l'envoie de-
mander la paix à Attila, p. 175.
AVIT (saint). Sa naissance, son éducation, p. 553;
il est fait évèque de Vienne en 490, p. 554. Ses let-
tres au roiGondebaud, ibid.; à Victorius, évêque de
Grenoble, à Jean de Cappadoce , à Eustorge de Mi-
lan, à saint Césaire, à Magnus de Milan , p. 557 ; à
Apollinaire, à Contumeliosus , à Victorius de Gre-
noble, p. 558; à Viventius, à Symmaque, à Jean, évê-
que de Jérusalem ; à Gondebaud , à Sigismond ; à
Apollinaire, à Etienne , p. 559; à un évêque qu'il
ne nomme point; à Symmaque, à Gondebaud,
à Sigismond, p. 560; à Fausle , à Symmaque , au
patrice Sénarius , à Pierre de Ravenne , p. 561 ; à
Eufrasius, au roi Gondebaud, à Clovis roi de France,
ibid. ; à Héraclius, à Ansémundus. Autres lettres de
saint Avit, p. 562. Lettre à Viventiolus, à Constance,
à Maxime, à Apollinaire, à Quintien, à Anastase,
p. 562; à Hormisdas, p. 563. Homélies de saint Avit
sur les Rogations , ibid. Fragments de ses autres
homélies, p. 564. Ce qu'il y a de remarquable dans
ces fragments et dans ces lettres , p. 565. Poëmes
de saint Avit ^ p. 566. Jugement de ses écrits,
p. 568. Editions qu'on en a faites, ibid.
AXITIIEE , personnage qui soutient la religion
chrétienne dans le Dialogue d'Enée de Gaze, p. 490
et suiv.
B.
BABYLAS (saint) , martyr. La présence de ses
reliques empêche Apollon de rendre ses oracles,
p. 46; Julien l'Apostat ordonne aux chrétiens de
transporter ces reliques, ibid.
BACILLUS , évêque , est porteur d'une lettre de
saint Léon aux évêques de Sicile, p. 209.
BALCONE , évêque de Brague. On lui envoie une
confession de foi à laquelle on joint dix-huit ana-
thèmes, p. 668.
BAPTEME. Les messaliens soutiennent qu'il ne
sert de rien , p. 47. Le baptême tient lieu des as-
persions de la Loi à ceux qui le reçoivent. Ses pro-
priétés , p. 86, 87. Nous recevons dans ce sacre-
ment un gage de la résurrection des corps, ibid.; un
gage d'immortalité, p. H9. Le baptême n'est pas éta-
bli seulement pour remettre les péchés passés, mais
aussi pour nous faire espérer les biens promis ,
p. 122. Comment on reçoit ceux qui viennent au bap-
tême, ibid. C'est de la mort et de la résurrection de
Jésus-Christ qu'il tire sa vertu, p. 209. C'est le sa-
crement qui représente le plus expressément l'une et
l'autre, ibid. Jésus-Christ a reçu celui de saint Jean
pour accomplir toute justice et montrer l'exemple,
p. 209. Le baptême sous condition n'est pas encore
en usage du temps de saint Léon, p. 237. Cette ré-
serve est toujours sous-entendue, dans l'esprit et
dans la doctrine de l'Eglise, ihid. C'est l'usage dans
toutes les églises du monde de faire réciter le Sym-
bole des apôtres à ceux que l'on prépare à ce sa-
crement, p. 250. Il est le principal entre les sa-
crements de l'Eglise , p. 257. Jésus-Christ l'a ins-
titué à sa mort, p. 258. Usage de conférer en même
temps les sacrementS' de baptême, de confirmation
et d'Eucharistie, p. 259. On donnait le baptême
aux enfants, p. 453; il n'est pas permis de le réité-
rer, p. 707. Les ariens rebaptisent par force les ca-
tholiques, p. 461 et 462. Baptême donné au nom de
la Trinité dans l'Eglise catholique , p. 459. Baptême
solennel donné aux catéchumènes aux fêtes de Pâques,
de la Pentecôte et de l'Epiphanie, p. 454. Clovis, roi
de France, le reçoit le jour de la Nativité du Seigneur,
p. 561. Les évêques de Sicile le donnent non-seu-
lement à Pâques et à la Pentecôte , mais encore à
l'Epiphanie, p. 209. Il en était de même en Afrique,
p. 454. Saint Léon fixe le baptême solennel aux
jours de Pâques et delà Pentecôte, ibid. et 237. Le
pape saint Gélase défend de baptiser en d'autres
jours qu'à Pâques et à la Pentecôte hors le cas de
nécessité, p. 503. Qui sont ceux à qui on peut l'ac-
corder en d'autres temps, ibid. et 258. La coutume
de donner le baptême solennel à la fête de Pâques
est de tradition apostolique , p. 248. Pourquoi on
l'administre à Pâques, p. 257. Pourquoi on y ajoute
le jour de la Pentecôte, ibid. Qui sont ceux qu'on
baptise ces jours-là, ibid. et 258. Les prêtres ou les
diacres qui se sont éloignés de l'autel pour quelque
faute, peuvent donner le baptême en cas de néces-
sité, p. 745. Promesses du baptême. On y proteste
que l'on renonce au démon , à ses pompes et à ses
œuvres, p. 374. Cérémonies du baptême suivant le
Sacramentaire du pape saint Gélase, p, 512 et suiv.;
selon l'auteur des livres attribués à saint Denis l'A-
réopagite, p. 546. Défense aux évêques de rien exi-
ger pour le baptême ou la confirmation , p. 502.
Bénédiction des fonts baptismaux , p. 454. Pour-
quoi l'on plonge trois fois dans l'eau celui que l'on
baptise, p. 192.
BARADATE (saint), engage Théodoret à la paix.
168
Table analytique.
p. 21 ; sa lettre à l'empereur Léon , p. 235 ; il vit
longtemps sur le haut d'un rocher , p. 63. Il quitte
cette demeure, ibid.
BARDESANE ne reconnaît Jésus-Christ queconi-
me Dieu, ne lui attribue l'humanité qu'en apparence,
p. 72.
BARSUMAS, abbé. L'empereur lui ordonne de se
rendre à Ephèse pour y prendre séance avec les
évoques au nom de tous les abbés et archimandrites
de l'Orient, p. 675. Raisons que Dioscore etEutychès
ont de lui procurer cet honneur, ibid. ; il consent au
rétablissement d'Eutychès, p. 678 ; il prononce com-
me juge, immédiatement après les évêques, dans la
déposition de Flavien et d'Euscbe, p. 679.
BASILE. Théodoret écrit par son conseil aux évê-
ques des deux Cilicies , p. 70; et il a recours à lui
dans la persécution que^ Dioscore lui suscite, mais
inutilement, ibid. On croit que ce Basile est le mê-
me que celui de Séleucie , ibid. Lettres de Théodo-
ret, ibid. et p. 72.
BASILE, diacre. Julien de Cos écrit par lui à saint
Léon, p. 213; il est chargé de plusieurs lettres pour
ce saint pape, ibid.
BASILE , évêque d'Antioche , succède à Maxime
dans le siège de cette ville , p. 223. Il n'a pas soia
d'écrire au pape sur son ordination selon la coutu-
me de l'Eglise, ibid.; saint Léon lui en fait des re-
proches , ibid. L'empereur Marcien lui rend un té-
moignage avantageux, ibid.
BASILE, évoque d'Ephèse, succède à Memnon, p.
666 ; il assemble le concile do sa province pour dé-
libérer sur l'affaire de Bassien; décharge celui-ci de
l'église d'Evazes et lui laisse les honneurs de l'épis-
copat, ibid.
BASILE , évêque de Séleucie, p. 162. Il est fait
évêque vers l'an 432, ibid. ; il assiste aux conciles
de Constantinople de 448, 449, ibid. et 669. Discours
qu'il tient à Eulychès, p. ■162; condamne la personne
de celui-ci et sa doctrine, ibid.; il refuse le serment
que l'empereur exige des évêques, p. 163; il assiste
au faux concile d'Ephèse en 449 , ibid. et 675 ; il
tâche d'y déguiser ses sentiments, p. 163; il déclare
Eutychès absous*et consent à son rétablissement,
ibid.; il s'oppose à la condamnation de Flavien; y
consent ensuite, ibid. ; il assiste en 451 au concile
de Chalcédoine, ibid. ; il s'y plaint que Dioscore l'a
forcé à signer la condamnation de Flavien , en de-
mande pardon au concile, ibid., qui le déclare or-
thodoxe, p. 164 et 689. L'empereur lui envoie une
lettre circulaire, p. 164. Sa réponse, ibid. Sa
mort vers l'an 458 , ibid. On lui donne le titre de
bienheureux, ibid. et suiv. Ses discours : jugement
sur ses discours, p. 167. Lettre à l'empereur Léon,
ibid. Vie de sainte Thècle , ibid. et 168. Editions
de ses ouvrages p. 168, 169.
BASILE, prêtre de l'Eglise de Constantinople,
vient à Rome chercher la paix et une doctrine as-
surée, p. 221. Saint Léon lui fait donner une décla-
ration de sa foi, ibid.
BASILE, prêtre, légat de saint Léon à Constanti-
nople, p. 219. Ordres que le pape lui donne, p. 221.
Basile n'arrive à Constantinople qu'après la mort de
Théodose, p. 681. L'empereur Marcien le reçoit fa-
vorablement , ibid. Le pape le joint aux autres lé-
gats pour le concile de Chalcédoine , p. 221 et 682.
BASILIDE, ne reconnaît Jésus-Christ que comme
Dieu, ne lui attribuant l'humanité qu'en apparence,
p. 72.
BASILISQUE, empereur, se déclare l'ennemi de la
foi orthodoxe , etc. Le pape Simplice lui écrit, p.
402. Saint Daniel Stylite traite Basilisque de nou-
veau Dioclétien, p. 404. Lettre circulaire de Basi-
lisque, sa mort, p. 405.
BASSIEN , évêque d'Ephèse , se consacre dès sa
jeunesse au service des pauvres, leur bâtit un hôpi-
tal, p. 666. Memnon le fait évêque d'Evazes par
force, ibid. ; ne veut pas aller à l'église pour la-
quelle on l'a ordonné , ibid. On l'en décharge en
lui conservant les honneurs de l'épiscopat, ibid. ; il
prend le gouvernement de celle d'Ephèse , ibid.
11 est maintenu dans ce siège par l'empereur Théo-
dose et par saint Procle, ibid. ; il est mis en prison ;
on ordonne un évêque à sa place, p. 694. Il pré-
sente une requête au concile de Chalcédoine pour
être rétabli, ibid. ; il est déposé, p. 695. On lui con-
serve la dignité d'évêque avec une pension sur les
revenus d'Ephèse, ibid.
BASSUS, est initié dans le sacerdoce et chargé de
la conduite de plusieurs prêtres , p. 61. Saint Si-
méon Stylite lui fait part de son dessein de passer
le carême entier sans boire ni manger, ibid.; fait ce
qu'il peut pour l'en détourner , ibid. ; il donne la
communion sacrée à ce saint solitaire, ibid.
BÉATITUDE. Degré pour y monter, p. 195.
BÉLISAIRE , patrice, remporte une victoire sur
Gélimer, roi des Vandales, p. 465.
BÉNÉFICES. Origine des bénéfices ecclésiastiques,
p. 524.
BENJAMIN, diacre, souffre dans la persécution de
Perse, p. 49.
BÉREE. Théodoret écrit au clergé de cette ville,
p. 68.
BÉRONICIEN, secrétaire du consistoire, explique
en grec les discours de Paschasin au concile de
Chalcédoine, p. 684.
BIGAMES. Exemples de plusieurs bigames faits
évêques , p. 23. Ils doivent êt.-e exclus de l'épisco-
pat, de la prêtrise et même du diaconat, p. 261. On
comprend aussi sous ce nom ceux qui ont épousé
des veuves, ibid.
BIENS de l'Eglise. L'évêque a l'administration de
tous les fonds qui appartiennent à l'Eglise, p. 745.
BOECE (FLAVIUS), père de Boëce , p. 645. 11
meurt en 490, ibid.
BOECE, sénateur romain. Sa naissance en 470, p.
6i5 ; il va étudier à Athènes en 480 , il est fait pa-
trice, se marie, ibid. 11 entre dans les bonnes grâ-
ces du roi Théodoric ; il assiste à une conférence
sur les erreurs d'Eulychès, écrit contre lui, réforme
les poids et les mesures par ordre di Théodoric, p.
646. 11 envoie un musicien à Clovis. Zèle de Boëce
pour la religion, p. 647. Il est fait consul en 810,
TABLE ANALYTIQUE.
7é9
p. 648. 11 va à Ravenne prendre la défense de saint
Césaire , ibid. On lui offre une seconde' fois le con-
sulat ; il est accordé à ses deux fils, p. 649. Mort de
Boëce , ibid. Ses écrits : Traité des Deux natures
en Jésus-Christ , p. 650. Analyse de ce traité, p.
651. Traité de l'Unité de Dieu, p. 654. Traité inti-
tulé : Si le Père , le Fils et le Saint-Esprit peuvent
être affirmés substantietkmenl de la divinité, p. 656.
Autre traité intitulé : Si tout ce qui est, est bon, p.
65/. Profession de foi de Boëce , ibid. Cinq
livres de la Consolation de lu philosophie, p. 660.
Ecrits sur Porphyre, sur Aristote, p. 663 ; sur Gicé-
ron. Traité de l'Un et de l'Unité, p. 665. Le traité
de la Discipline des étudiants est indigne de Boëce,
ibid. Les livres des Mathématiques sont de lui ,
ibid. Ecrits qui sont perdus, p. 664. Jugement de
ces écrits, ibid. Editions qu'on en a faites, p. 665.
BOi'ilFACE (saint), souffre le martyre sous Huile-
rie, p. 462 et 463.
BONIFAGE, évèque arien , parle pour ceux de sa
secle dans la conférence de Lyon, est confondu à
deux différentes fois, p. 554.
BONIFACK, prêtre de l'Eglise romaine. Saint Léon
l'envoie présider en son nom le concile de Clialcé-
doine, p. 174, 220 et 582; le charge d'un mémoire
instructif, p. 682; ses plaintes au concile, p. 688.
BONOSE, évêque, père de saint Rustique de Nar-
bonne, p. 199.
BOOZ, second mari de Ruth ; éloge qu'en fait Théo-
doret, p. 32.
BOUCS. Les deux boucs que le grand-prêtre de-
vait présenter devant le Seigneur à l'entrée du ta-
bernacle étaient visiblement la figure de Jésus-Christ,
p. 30.
BOURGUIGNON, jeune homme. Saint Sidoine lui
explique quelques questions sur la grammaire, p.
195.
BOURGUIGNONS. Saint Sidoine fait d'eux une
description pleine de railleries , p. 397.
BRAGUE, ville en Lusitanie, p. 3.
BRICE (saint) , évêque de Tours , fait bâtir l'é-
glise de St-Marlin, p. 441.
BYTIEN, général, se rend célèbre sous le règne de
Théodose II , par la victoire qu'il remporte sur les
Perses, p. 167.
CAIUMAS, ecclésiastique d'Edesse, se rend accu-
sateur d'ibas, p. 245. Ses chefs d'accusation , ibid.
CALANDION est fait évêque d'Antioche, p. 7l8.
CALENDES de janvier. Saint Maxime invective
contre les débauches de ce jour et contre les étren-
nes qui se donnent dès le matin, p. 323.
CALIMINIUS, ami de saint Sidoine , porte les ar-
mes contre l'Auvergne , sa patrie, p. 389.
CALPURNIUS, père de saint Patrice, p. 444.
Camille, prêtre de Gènes, envoie à saint Pros-
per quelques propositions pour le prier de lui en
donner le vrai sens, p. 300. Réponse de saint Pros-
per après l'an 430, ibid.
CAWPANIE. Saint Léon écrit aux évèques de
cette province , p. 202 ; ils donnent le baptême en
des jours de fêles des martyrs sans nécessité et sans
y apporter les préparations nécessaires, p. 237. Le
Pape leur défend de l'administrer en d'autres jours
qu'à Pâques et à la Pentecôte , ibid. ; il les biàiiie
aussi de ce qu'ils font réciter publiquement aux pé-
cheurs les crimes qu'ils ont commis, ibid.
CANDIDE, prêtre et abbé. Théodorel lui écrit, p. 75.
CANDIDIEN , ami de saint Sidoine, écrit à ce
saint évèque et le congratule, p. 383. Cantique des
cantiques : sentiment de Théodore de Mopsueste sur
ce livre, p. 37. Dans quel sens on doit Tinterpréter,
ibid, et suiv. Les Juifs n'en permettent la lecture
qu'à ceux qui ont atteint l'âge de l'homme parfait,
p. 112; il est besoin d'une prière fervente avant
d'en commencer la lecture, ibid.
CAPITOLIN , gouverneur de Thrace sous JuUen
l'Apostat, p. 46 ; il fait brûler vif Eniilien, ibid,
X.
CARÊME. Pourquoi les démons font en ce temps-
là sur nous de plus grands efforts , p. 186. C'est un
temps propre à la sanctification , p. 187. Il est une
préparation à la fête de Pâques , ibid. ; ce que les
apôtres ont eu en vue en l'instituant, ibid. L'Eglise
prescrit la pratique de ce jeûne sans exception , p.
249. Tous les enfants de l'EgUse doivent jeûner le
carême entier, excepté le dimanche, p. 249 et 738.
CAlilOBAUDUS , abbé. Saint Sidoine lui envoie
une coule, p. 393.
CARISIUS, clerc déréglé, est puni de mort subite,
p. 344.
CAROSE, métropohlain de l'IUyrie orientale, écrit
à saint Léon qui lui répond, p. 206.
CAROSE, abbé eutychien. L'empereur Marcien Is
met en un lieu où il ne peut nuire à personne , p.
233. Il quitte l'eutychianisme , ibid. ; il refuse de
souscrire à la lettre de saint Léon à Flavien, p. 216.
CARTHAGE prise par les Vandales, p, 449.
CASSIEN est le seul qui ait rendu publiques les
erreurs qui lui sont communes avec les prêtres de
Marseille, p. 277 ; saint Prosper fait un écrit pour le
réfuter, ibid.
CASTÉRIUS , prêtre de Constantinople , député
par Anatolius à Rome, p. 220.
CASTIN, père de saint Simplice, pape, p. 401.
CATÉCHUMÈNES. 11 est défendu de les admettre
à l'épiscopat, p. 205.
CATTURE, vierge, à qui Salvien écrit , p. 376.
CECROPIUS , évêque de Sébastopolis , s'oppose à
ce qu'on fasse dans le concile de Chalcédoine une
nouvelle formule de foi, p. 686; demande un règle-
49
770
TABLE ANALYTIQUE.
ment pour faire observer partout les canons , sans
aucun égard aux lois impériales, p. 691.
CÉLÉRINE, dame. Théodoret lui écrit, p. 72.
CELESTE, déesse des Carthaginois, p. iVd.
CELESÏIAQUE, sénateur de Carlhage, est chassé
de celte ville par les Vandales , p. 65. Théodoret le
recommande à l'évêque Irénée, ihid.\ à Domnus et à
quelques autres , p. 66. La disgrâce do Célestiaque
est un effet de la miséricorde de Dieu sur lui, p. 66
et 67.
CELESTIN (saint), pape. Hilaire et saint Prospcr
vont lui porter leurs plaintes contre les ennemis de
saint Augustin , p. 277; il écrit en leur faveur aux
évoques des Gaules , ibid. ; sa lettre n'apaise point
les troubles, ibid.
CÉLIBAT. Vojez Clercs.
CELSIN, évêque de Toul, p. 400.
CEWELE, aujourd'hui Cimiez, ville autrefois con-
sidérable, p. 154; a le titre de cité et un siège épis-
copal dépendant de la métropole d'Embrun, ii/d.;
saint Léon l'unit à celui deNice on Provence, ibid.;
il ne reste plus de cette ville qu'une église et quel-
ques débris de son ancienne splendeur , ibid.
CENSURIUS, évèque d'Auxerre. Constance, prê-
tre de Lyon, lui écrit, p. 400.
CÉPONIUS, évêque. Turibius lui envoie la réfuta-
tion des blasphèmes des priscillianistes avec une
lettre, p. 206.
CEREAL, évêque de Castel sur Rive dans la Mau-
ritanie, p. 466.
CERINTHE, hérésiarque. En quoi il fait consister
le bonheur des saints, p. 87.
CESARIENNE , écrit contre Maximien , évêque
arien, p. 468.
CÉSAIRE (saint), évêque d'Arles, est accusé au-
près du roi Théodoric. Boëce , sénateur romain,
prend sa défense, p. 649.
CHALCEDOINE. Le pape saint Léon et l'empe-
reur Marcien y rassemblent un concile général , p.
222. Lettre de saint Léon aux Pères de ce concile,
ibid. et p. 226. Ils lui envoient les actes avec une
lettre pour le prier de les confirmer , p. 224. Eu-
phémius, patriarche de Constanlinople, confirme les
décrets du concile de Chalcédoine, p. 484. L'empe-
reur Anastase veut obliger Macédonius , évêque de
Constanlinople, à condanmer le concile, p. 488.
CHANTRES. Il leur est permis dans quelques pro-
vinces de se marier ; ils ne peuvent point prendre de
femmes qui ne soient point catholiques , ni faire
baptiser leurs enfants chez les hérétiques, p. 698.
CHAPJTE. Elle est plus agréable que le jeûne, p.
52 ; les autres vertus sans elle ne peuvent servir de
rien, p. 179 et 180 ; si elle soutient la foi, la foi ré-
ciproquement la fortifie , p. 250; si on ne possède
pas ces deux vertus à la fois on n'en possède au-
cune, ibid.
CHARMOSINE, prêtre et économe de l'Eglise d'A-
lexandrie. On lui signifie la senlence conlro Dios-
core, p. 519.
CHARTENIUS , évêque de Marseille, assiste à la
conférence de Lyon, en 499, p. 560.
CHOSES. Dans les choses douteuses ou obscures
on doit toujours prendre un parti qui ne soit pas
contraire à la doctrine des saints Pères , p. 274.
CHREME. Sa consécration suivant l'auteur des li-
vres attribués à saint Denis l'Aréopagyte , p. 548.
Les prêtres ne doivent point entreprendre de faire le
chrême ni de confirmer, p. 502 et 503. Gondebaud,
roi des Bourguignons , demande à saint Avit de lui
donner en secret l'onction du saint chrême, p. 564.
CHRETIENS. Julien l'Apostat semble les favori-
ser, p. 46; ils sont persécutés cruellement sous les
yeux de ce prince par les païens, ibid. ; lois contre
eux, ibid.\ ils sont persécutés en Perse , p. 49 ; ils
tirent le nom qu'ils portent de celui du Christ , p.
153. Qui sont ceux qui sont vérUablement chrétiens,
ibid. ; superstition introduite parmi eux contre la-
quelle saint Léon s'élève fortement , p. 183. Quoi-
qu'ils puissent combattre en particulier leurs enne-
mis, il est plus expédient pour eux de le faire en pu-
blic, p. 273. Comment ils doivent passer la journée,
p. 322.
CHPiONIQUE anonyme placée avec les pièces qui
appartiennent à l'histoire de la persécution des
Vandales, p. 464.
CHRYSAPHE ou CRYSAPHIUS , eunuque, entre-
tient le jeune Théodore dans rattachement au schis-
me de Dioscore , p. 75. Il est protecteur d'Euty-
chès, p. 210. On croit que c'est lui qui a obtenu la
convocation du faux concile d'Ephèse, p. 675. Il est
disgracié bientôt. après la mort de Théodose, p. 75,
et est mis à mort par le conseil de l'impératrice
Pulchérie, ibid.
CHRYSOLOGUE. Ce que signifie ce mot, p. 6.
CILICIE. Théodore! écrit aux évêques des deux
provinces de la Cilicie, p. 70.
CITTE, bourg du diocèse de Cyr, p. 20.
CLAPHIUS fait bâLir un village. Saint Sidoine
promet d'en faire la dédicace, p. 388.
CLAUDIEN. Voy. Mammert.
CLERCS. Règlement sur les clercs. Il leur est dé-
fendu de sortir sans des lettres de recommandation,
p. 715; de se trouver au festin des noces, de man-
ger chez les Juifs et de les inviter à manger. Ils
doivent éviter l'ivrognerie. Pénilence imposée à
un clerc qui se sera enivré , ibid. Il leur est
défendu de porter de longs cheveux; ils doivent
être vêtus modestement, p. 705. L'évêque doit
faire observer le droit d'antiquité entre les clercs,
p. 739. Il leur est défendu de plaider devant
des juges séculiers sans le consentement de leurs
évêques, p. 709; de faire aucun trafic, p. 503.
Les clercs ne passent ordinairement d'église en
église que par ambition ou par intérêt, p. 203.
Saint Léon ordonne de séparer de la communion
tous ceux qui , après être passé à une autre feront ,
difficulté de retourner à la première , ibid. Défense
de recevoir un clerc étranger sans le consentement
de son évêque, p. 206. Saint Maxime prêche contre
ceux qui trafiquent, p. 324. Quel trafic il leur per-
met, ibid. Défense aussi à eux de prendre à ferme
des terres ou de se charger des affaires temporelles^
TABLE ANALYTIQUE.
771
p. 697. Si un clerc a une affaire contre un autre
clerc , il ne doit point quitter son évèque pour s'a-
dresser aux tribunjiix séculiers, ibid. Célibat des
clercs. Sentiment d'un évèque nommé Véran sur le
célibat des clercs, p. 714. Règlement du concile de
Girone sur ce sujet, p. 749. Ordonnance de saint
Ennode de Pavie touchant les clercs, p. 575. Quels
sont ceux qui doivent être exclus de la cléricature
selon Gennade de Marseille , p. 604. Plusieurs or-
donnances du concile de Chalcédoine concernant les
clercs, p. 696 et suiv. Canons attribués à saint Pa-
trice qui règlent leur conduite, p. 705. Canons du
concile de Tours à leur égard, p. 711 et 712 ; du
concile de Vannes, p. 713 et 714 ; du concile d'Agde,
p. 741 ; du concile de Tarragone, p. 747 et suiv.
CLERMONT, en Auvergne , tombe sous la domi-
nation des Visigoths, p. 381.
CLOVIS , roi des Francs. Le pape Anastase lui
écrit sur sa conversion, p. 520. Saint Avit lui écrit
sur son baptême dont il décrit la solennité, p. 561.
Clovis demande un musicien au roi Tliéodoric , p.
646.
CODE THÉODOSIEN. Anien, chancelier d'Alaric,
le publie en 506, p. 736.
COLOSSIEN. Firmus lui écrit, p. 151.
COLLECTES. On en fait pour les pauvres dans les
diverses églises de Rome, p. 179. Eu quels jours on
les fait, ibid. ; sermons de saint Léon sur ce sujet,
ibid. et suiv. Il attribue l'institution des collectes
aux apôtres et aux saints pères, p. 180. Leur usage
a été très utile à l'augmentation de l'Eglise, p. 273.
COMÈTE suivie d'un tremblement de terre , p.
585.
COMMANDEMENTS DE DIEU. On doit beaucoup
plus les estimer que les austérités elles travaux, p.
52 et 53.
COMMUNION ordonnée trois fois l'année , à
Noël, à Pâques, à la Pentecôte, p. 738. Celui-là ne
peut être regardé comme fidèle qui ne communie
pas la nuit de Pâques, p. 707.
CONCILES. Le pape saint Hilaire ordonne aux
évoques des Gaules de tenir tous les ans un concile
des provinces qui pourront y prendre part, p. 337.
La règle et la coutume des conciles catholiques est
de faire des décrets à mesure que la nécessité des
nouveaux hérétiques les y oblige etc., p. 479. Lors-
qu'un hérétique a été condamné dans un concile, ce
qui a été décidé à cet égard doit demeurer inviola-
ble, etc., p. 495. Différence des bons et des mauvais
conciles , selon le pape saint Gélase , p. 496. Les
papes n'ont point assisté aux conciles tenus en Orient,
p. 335. Conciles reçus dans l'Eglise romaine, p. 724.
Respect de saint Léon pour les décrets des conciles
généraux, p. 268; il regarde ceux doNicée et de Chal-
cédoine, comme des oracles du Saint-Esprit ibid^
Conditions essentielles à un concile général, ibid. Ils
sont les vrais remèdes aux maux de l'Eglise, p. 269.
Les matières de la foi en doivent être le sujet prin-
cipal, ibid. Les choses do discipline peuvent se trai-
ter dans les conciles provinciaux ou nationaux, ibid.
Il leur appartient de statuer sur ces sortes de ma-
tières, et de faire, pour l'utilité de l'Eglise ce que le
Saint-Esprit inspire à ceux qui les composent, ibid.
Il n'est au pouvoir de personne d'affaiblir ou de cas-
ser une sentence prononcée dans un concile, même
provincial , contre les hérétiques , ibid. [Cela sans
doute doit s'entendre d'un concile approuvé par le
pape.] Les conciles môme généraux devaient être
confirmés par le pape , p. 269. Concile d'Ephèse
entre l'an 434 et 444, p. 666. Quelle en fut l'occa-
sion, ibid.; — de Constantinople, en 444, touchant
l'intronisation de Bassien, ibid.; — d'Antioche, vers
l'an 413, au sujet d'Athanase dePerrlia, ibid.; — de
Rome, vers l'an 443 ou 444, contre les manichéens,
p. 667; — d'Hiéraple, en 444, ibid. ; — d'Astorga,
en 445 ou 446, contre les manichéens, ièî'd. — Con-
ciles en France et en Angleterre,touchant l'erreur des
pélagiens , ibid. ; — d'Antioche, en 448, ibid.; —
de Constantinople, en 448, p. 668 ; — de Tolède en
447, contre les priscillianistes , ibid. ; — de Galice,
vers 447, p. 669; — de Constantinople en 448,
louchant le différend entre Florent de Sardes, métro-
politain de Lydie et deux évèques de la même pro-
vince, p. 669. Première session, ibid.; seconde ses-
sion, i'èi'rf. ; troisième session , p. 670; quatrième
session, p. 671; cinquième et sixième sessions , p.
671 et 672; septième session, p. 672. Sentence contre
Eutychès, p. 673 ; — conciles de Constantinople en
449, p. 674 ; — de Rome en 449 ; — de Constantinople
en 450, p. 680 ; — de Mdan en 451 , p. 671 ; — des
Gaules en 451 , ibid. ; — de Chalcédoine en 451 : il
est indiqué par l'empereur Marcien qui en écrit à
saint Léon, p. 682 : les évèques s'assemblent à Nicée,
puis à Chalcédoine , ibid. Ouverture de ce concile,
première session, ibid. Dioscore est accusé, p. 684.
Saint Flavien est justifié , p. 685 ; seconde session,
p. 686 ; troisième session ; Dioscore est cité au con-
cile et condamné, p. 687. Quatrième session, p. 689.
Requête drs abbés schismatiques, p. 690. Cinquième
session, p. 691 ; sixième session, p. 692; septième,
huitième, neuvième et dixième sessions , p. 693 ;
onzième et douzième sessions, p. 694; treizième et
quatorzième sessions, p. 695; quinzième session;
canons de ce concile , p. 696. Autorité de ces ca-
nons, p. 701. Seizième session, ibid. Différence des
exemplaires de ce concile, p. 702. Discours du con-
cile à l'empereur , ibid. Lettre au pape saint Léon,
p. 703. Lois sur l'observation des décrets de ce con-
cile, ibid.— Conciles attribués à saint Patrice, p. 704
et suiv. — Conciles d'Arles vers l'an 452, p. 708 ; —
dAngers en 453, ibid. ; — d'Arles vers l'an 455, p.
7lO ; — de Constantinople vers l'an 459, ibid. ; —
de Tours on 461 , p. 711 ; — de Vannes vers l'an 465,
p. 712; — de Rome en 462 , p. 716. — Conciles
des Gaules à Ailes en 463, ibid., — d'Espagne en 464;
— de Rome en 465, p. 716 ; — d'Angleterre vers
l'an 4.65, ibid. ; — de Châlons vers l'an 470, p. 717;
— de Bourges vers 472, ibid. ; — d'Antioche vers
"an 477, ibid. ; — d'Arles vers l'an 475 ou 477, et
de Lyon vers le mârae temps, ibid. ; — d'Antioche
et de Laodicée en 479, p. 718 ; — de Rome en 484
et en 487, p. 719; — de Carthage en 487, p. 721 ;
772
TABLE ANALYTIQUE.
— de Constantinople en 492 et 496 , p. 722 ; — de
Rome en 494, 495, 499, 502 , 503, 504, p. 723 et
suiv. — Conférence des catholiques avec les ariens
à Lyon, vers l'an 500, p. 733. — Concile d'Agde en
506, p. 736; — de Toulouse en 507, p. 743; —
d'Orléans en 5il, p. 743; — d'Agaune en 515, p.
746; — de Tarragone en 516, p. 747 ; — de Girone
en 517, p. 749; — de Sidon en 512, p. 750.
CONCILIABULE d'Ephèse en 449. Le pape et ses
évêques y sont invilés , p. 675. Ouverture de ce
concile, ibid. Requête d'Eulychès, p. 676. Eutychès
est déclaré absous et est rétabli, p. 678. Condam-
nation de Fiavien, ibid. Horreur de l'Eglise pour ce
concile, p. 680. -
CONCORDE , diacre à l'Eglise d'Arles , assiste à
l'élection du pape saint Hilaire, p. 336.
CONFERENCE ordonnée par Hunéric, roi do? Van-
dales, p. 454. Les catholiques s'y rendent, p. 455.
Elle est interrompue , ibid. et 457. Conférence de
Lyon en 499, sous Gondebaud entre les évêques ca-
tholiques et les ariens, p. 554 et 733.
CONFIRMATION. Ceux qui n'ont été baptisés
qu'une fois , mais par les hérétiques , doivent être
seulement confirmés par l'imposition des mains de
l'évêque et par l'invocation du Saint-Esprit, p. 258,
259 ; usage de la conférer en même temps que le
baptême et l'eucharistie, p. 259.
CONIGIATE , seigneur de la cour de Théodoric
accusé par Boëce, p. 648.
CONSENTIUS , homme de lettres. Saint Sidoine
loge chez lui à Narbonne, et fait son éloge, p. 397.
CONSTANCE , prêtre de Lyon , engage saint Si-
doine à publier ses lettres, p. 382 et 383. Il vient à
Clermont, y réunit les esprits et leur persuade de se
réunir pour leur commune défense contre les Visi-
goths, p. 385 et 399. Lettre que lui écrit saint Si-
doine pour l'en remercier , p. 385 et 400. Autres
lettres qu'il lui écrit au sujet du recueil de ses let-
tres, p. 393, 394. Ce qu'on sait des circonstances
de sa vie, p. 399, 400. Ses écrits, p. 400. Saint Pa-
tient de Lyon l'engage à écrire la Vie de saint Ger-
main d'Auxerre , ibid. Saint Isidore de SéviUe le
qualifie évêque ; il y a lieu de croire qu'il y a là
faute, ibid.
CONSTANCE, préfet. Théodoret lui écrit, p. 67.
CONSTANT, lecteur de l'église de Clermont, porte
une lettre de saint Sidoine, p. 354.
CONSTANTIN, empereur, défend de sacrifier aux
idoles et permet de bâtir des églises, p. 43 ; il donne
le gouvernement des provinces à des chrétiens, ibid.
Il travaille avec zèle à la destruction du paganisme
et à l'établissement de l'Eglise, ibid. et 44. Sa lettre
à saint Macaire de Jérusalem, p. 133; ordre qu'il don-
ne à DraciUen , ibid. Il exile saint Athanase, p. 44.
Il donne l'ordre de rappeler ce grand évêque, ibid.
Théodoret tâche d'excuser ce prince, p. 44. Con.slan-
tin envoie un évêque d'une vertu exemplaire dans
ribérie, p. 138.
CONSTANTINOPLE. Théodose y assemble les évê-
ques de son obéissance , p. 48 ; la doctrine de Ni-
cée est confirmée dans cette assemblée et toutes les
hérésies y sont condamnées , ibid. Lettre de Théo-
doret aux moines de Constantinople, p. 78, et à ceux
qui soutiennent le parti de Nestorius, p. lOi. Let-
tre de saint Léon aux archimandrites, p. 214, 216,
217 ; au clergé cl au peuple, p. 216; au clergé,
p. 236.
CONSTANTIUS, évêque d'Uzès, p. 337.
CONST.'VNTIUS, diacre et apocrysiaire d'Eulychès,
est appelé au concile de Constantinople de 448,
p. 672. Eutychès l'envoie à celui de 449, p. 674.
CONSTANTIUS ou CONSTANCE , empereur ,
exile saint Athanase, p. 45; il rappelle ce saint évê-
que et l'exile une seconde fois, ibid. Conférence de
ce prince avec le pape Libère , qu'il exile, ibid. ; il
fait déposer Eunomius du sacerdoce, p. 45; il fait
la guerre avec Sapor, roi de Perse, p. 46; il assem-
ble les évêques i Aiilioche et veut les obliger à re-
jeter les termes de consubsianliel et de même subs-
tance, p. 46 ; il veut que Eusèbe de Samosate lui
rende le décret de l'élection de Mélèce, ibid.
CONSUBSTANTIÀLITÉ. Les évêques du concile de
Nicée approuvent ce terme d'un commun consente-
ment, D. 44.
CONSUBSTANTIEL. Ce terme n'est pas nouvelle- |
ment inventé p-ir les Pères de Nicée, p, 44. Les pè- I
res l'avaient fait passer depuis longtem.ps à leurs
enfants, ibid. Les ariens l'ôtent de la profession de
foi de Nicée pour y mettre celui de semblable, p. 45.
Constance veut obliger les évêques assemblés à An-
tioche à rejeter le terme de consubstanlid, p. 46.
CONTUMÉLIOSUS, convaincu de plusieurs crimes
dans un concile des Gaules, p. 558.
COPRÉS (saint), prêtre. Saint Pétrone le visite et
est témoin de plusieurs de ses miracles, p. 160.
CORNEILLE. Saint Pierre Chrysologue est élevé
sous lui dans la pratique dos exercices de la vie
monastique; p. 6.
COROTIC, prince de Galles, excommunié par saint
Patrice, p. 445.
CORPS. Sa nature consiste dans la longueur , la
largeur et la profondeur, p. 354.
COSME , prêtre de Phanir , bourg de la Célésyrie,
écrit la vie de saint Siméon Stylite, p. 580.
CRIME. La distinction du crime avec le péché, p. 5.
Deux raisons pourquoi Dieu en diffère la punition,
p. 153 ; il y a un certain nombre de crimes que les
pécheurs ne passent point sans en recevoir la peine,
ibid.
CRISPIN, père du pape saint Hibirc, p. 335.
CRITOPHAGE , c'est-à-dire qui ne mange que de
l'orge, p. 57.
CROIX. Invention de la croix du Sauveur par
sainte Hélène. Comment elle se fit, p. 44 ; moyens
qu'on trouva pour la distinguer de celles des deux
larrons , ibid. Guérison à cette occasion , ibid. La
croix nous est comme un sacrement et comme un
modèle, p. 193.
CROIX (signe de la croix), est en grande vé-
nération chez tous ceux qui confessent que Jésus-
Christ crucifié est Dieu , p. 134. Julien l'Apostat
chasse les démons par le signe de la croix, ibid.
TABLE ANALYTIQUE.
Saint anachorète guéri par le signe de la croix, îT/k/. va de même
Les chrétiens font le signe de la croix sur leur verre Thècle, ibid.
avant de boire, ibid. Nous devons à chaque action le CYRÎAQUE
faire sur nous, p. 322.
CRONE, disciple de saint Antoine. Saint Pétrone
le visite, p. 161.
CUMÉRIUS , prêtre , porte à Clovis une lettre du
pape Anastase, p. 520.
CYCLE. Rome et Alexandrie ont chacun le leur,
p. 170. En Orient on suit toujours celui d'Alexan-
drie; en Occident celui de Rome n'a pas toujours eu
le même crédit, ibid. Différence de ces deux cycles
pour le jour de Pâques en Ui et 445, ibid. et 176.
Cycle de Victorius, p. 176.
CYNÉGIUS (comte). Firmus lui écrit , p. 150.
CYPRIEN (saint). Homélie en son honneur,
attribuée à saint Victor de Vite, p. 463.
CYPRIEN, évêque de Bordeaux , assiste au con-
cile d'Agde, en 506, p. 736.
CYPRIEN, évêque, chassé d'Afrique, p. 67; il
porte à Théodoret des lettres de recommandation de
la part d'Eusèbe d'Ancyre, ibid.
CYR. Scandale arrivé en cette ville, p. 79.
CYR, prêtre de Timoihée Elure, p. 406.
CYRE (saintk), se renferme dans un lieu proche
de la ville de Bérée avec sainte Marane , p. 63; sa
vie austère et son respect pour le sacerdoce , ibid.
Elle fait le voyage de Jérusalem à jeun, p, 64. Elle
773'
en Isaurie visiter l'église de Sainte-
diacre. Est chargé d'avertir les évê-
ques de se trouver au concile de Chalcédoine, p. 684.
CYRIAQUE, évêque de Lodi, assiste au concile de
Milan de 451, p,681 ; est porteur de la lettre syno-
dale de ce concile au pape saint Léon, ibid.
CYRIAQUE (saint). Monastère à Constantinople
du nom de ce saini fondé par Gratissimus , grand
chambellan , p. 245
CYRILLA , patriarche des ariens , monte sur un
trône élevé pour la conférence de 484 où il refuse
de parler, p. 455. Il fait enlever un enfant de condi-
tion pour le rebaptiser, p. 261 .
CYRILLE (saint) , patriarche d'Alexandrie. Firmus
lui écrit, p. 151, 152. Gennade de Constantinople
fait un écrit injurieux contre ce saint évêque, p. 343
et 345.
CYRILLE, diacre, brise quantité d'idoles, p. 46;
il est tué sous Julien l'Apostat par les païens, ibid.
CYRUS, prêtre d'Edesse , accuse Ibas son évêque
auprès de saint Procle, p. 144, et de Domnus d'An-
lioche, ibid. Il se retire à Constantinople, ibid. Sa
réconciliation avec Ibas, p. 145. Il recommence la
procédure. Ses chefs d'accusation, p. 14''.
CYRUS d'Alexandrie, médecin de profession , se
fait moine et compose un traité contre Nestorius,
p. 471.
D.
DADOLÈNE , vierge, à qui saint Perpétue confie
un exemplaire de son testament, p. 439.
DAGILA, femme du maître d'hôtel d'Hunéric, con-
fesse plusieurs fois Jésus-Christ dans la persécution
de Gensérie, p. 460.
DANIEL (saint) Stylite. Gennade, patriarche de
Constantinople, l'ordonne prêtre malgré lui, p. 344;
Daniel vient à Constantinople pour soutenir la foi,
p. 404 et 405. Eu|ihémius , évêque de Constantino-
ple, assiste à sa mort, p. 485.
DANIEL , évêques de Carrhes , est accusé avec
Ibas, son oncle, p. 145.
DARDANIE. Lettre du pape Gélase aux évêques
de Dardanie, p. 494.
DAVID a écrit les psaumes par l'opération du
Saint-Esprit, p. 108.
DAVID , diacre d'Edesse. On le nomme pour té-
moin contre Ibas qui le récuse, p. 146.
DAVID, évêque, porte une lettre de saint Léon aux
évêques de la Mauritanie Césarienne, p. 199.
DEDICACE d'une église. On en joint quelquefois
la fête avec celle d'un martyr, p. 273.
DELMACE. Saint Perpétue, évêque de Tours, lui
confie un exemplaire de son testament , p. 439.
DEMETKIADE , vierge. L'autoiu- du livre Ue la
Vocation des Gentils lui écrit, p. 246.
DÉMOCRITE. En quoi il met le bonheur de
l'homme, p. 97.
DEMON ou diable. 11 n'est mauvais que par sa
volonté, p. 1 18. Il n'est déchu de l'état de gloire où
il a été créé que par l'orgueil et l'amour de l'indé-
pendance, ibid. Pourquoi le Sauveur lui a permis de
le tenter , p. 186. Il met sa joie dans la chute des
saints, p. 283.
DÉMONS. Les rnessaliens disaient que l'assiduité
seule à la prière les chasse, p. 47; que le Saint-Es-
prit vient à leur place, ibid. ; ils ne sont mauvais que
par leur volonté, p. 118. Les démons ne sont déchus
de l'état de gloire que par l'orgueil et l'amour de l'in-
dépendance, ibid. ; quoiqu'incorporels ils trompent
les hommes en se montrant à eux sous différentes
formes, ibid. Doctrine de Théodoret, p. 118; de
saint Léon, p. 186. Témoignage d'Isaac-le-Grand,
p. 579.
DENIS (saint) , l'Aréopagite. Histoire de sa vie,
p. 534. D'après une tradition, il serait le même que
saint Denis de Paris, ibid. Mission de celui-ci dans
les Gaules au I^r siècle, ibid. et suiv. Preuves que
saint Denis est l'auteur des livres qui portent son
nom, p. 539 et 751. Réponse des contradicteurs,
p. 541 et 542. Preuves que ces écrits ne sont pas de
saint Denis, p. 542 et 543. Réponses des défenseurs
774
TABLE ANALYTIQUE.
de saint Denis , p. 543. Ce qu'on peut penser des
écrits de saint Denis, p. 544. Analyse du livre de,
la Hiérarchie céleste , ibid. ; du livre de la Hiérar-
chie ecclésiastique, p. 546; du livre (to Noms Divins,
p. 550 ; du livre de la Théologie mystique , p. 551.
Lettres de saint Denis, ibid. Ouvrages perdus, p. 552.
Editions de ses œuvres, p. 553. Voyez Supplément.
DENIS (duc), oblige Timothée Elure de sortir
d'Alexandrie, p. 176.
DENIS, patriarche des Jacobites, p. 142.
DENISE (sainte) , confesse la foi sous Hunéric
avec son fils Majoric, martyr, p. 459.
DEOGRATIAS est élu évêque de Carthage en 454 ;
sa charité, p. 450.
DÉSIRÉ. Saint Sidoine lui donne avis de la mort
d'une dame nommée Philimacie, p. 384.
DÉVOTION (la) est plus efficace et plus agréable
à Dieu lorsque tous les fidèles sont unis par les mê-
mes sentiments et les mêmes affections dans la pra-
tique des œuvres de piété , p. '273.
DEXIEN , métropolitain de Séleucie , assiste au
concile d'Ephèse avec Jean d'Antioche, p. 162.
DIACRES. Théodoret se sert de leurs mains au
lieu d'autel pour offrir le divin sacrifice , p. 59 ; il
est contre la coutume de leur imposer la pénitence
publique, p. 200 et 261 . En quels Jours doit se faire
leur ordination, p. 203; on doit exclure les bigames
du diaconat, p. 261. Il faut qu'Usaient exercé long-
temps les fonctions du diaconat pour être promus au
sacerdoce , p. 200; ils sont tenus à la continence,
p. 261 ; ils doivent déférer aux prêtres avec toute
sorte d'humilité, p. 709 ; il leur est défendu de s'as-
seoir en présence des prêtres, p. 743.
DIADOQUE, évêque de Pholice en Epire, p. 448.
DIAPSALMA. Diverses interprétations qu'on donne
à ce mol , p. 35.
DICTINIUS s'engage dans l'erreur def priscillia-
nistes, p. 208 ; saint Léon défend la lecture de ses
sermons et de ses écrits, ibid. ; il abjure le priscil-
lianisme au concile de Tolède en 400 et est fait évê-
que d'Astorga, ibid.
DIEU. Pourquoi Dieu commande aux Juifs de l'a-
dorer en un seul lieu, p- 32 ; il lui était facile de
procurer le salut des hommes sans se faire homme
lui-ffiême, p. 94 ; il pouvait parler aux hommes du
haut du ciel, ibid. ; pourquoi il ne l'a pas fait, ibid.
C'est lui qui fait vouloir les uns et ne fait pas vou-
loir les autres, p. 301.
DIMANCHE. L'évêque doit assister le dimanche à
l'office de l'église la plus proche du lieu où il se
trouvera, p. 706; il est défendu à tous les clercs
d'exercer aucun jugement le dimanche, p. 748. La
coutume de faire les ordinations ce jour-là est de
tradition apostolique, p. 248; le dimanche commence
dès le soir du samedi, ibid.
DINCOMALE , maître des offices , assiste au con-
cile de Chalcédoine, p. 683.
DIODORE, évêque de Tarse. Saint Cyrille écrit
contre lui, p. 22. Théodoret prend sa défense, ibid.
Diodore prend soin de l'Eglise d'Antioche en la place
de Mélèce, p. 47.
DIODORE , prêtre d'Antioche vers l'an 350. On
dit qu'il est le premier qui ait fait chanter les Psau-
mes de David à deux chœurs, p. 137.
DIOGÈNE est fait évêque quoique bigame, p.
23.
DIOGÈNE, évêque de Cyzique, assiste au faux con-
cile d'Ephèse , p. 677 ; il souscrit à la définition de
foi de Chalcédoine pour ceux de ses suffragants qui
sont absents, p. 692.
DIOSCORE, archidiacre d'Alexandrie, est élu évê-
que de cette ville après la mort de saint Cyrille ,
p. 204. Il donne avis de son ordination à saint Léon
qui lui écrit, ibid. et 205. Il est le défenseur de
l'hérésie d'Eutychès, p. 17. Théodoret lui est odieux,
p 22. Dioscore lui suscite des ennemis, l'anathéma-
tise , et envoie des évèques à Constantinople pour
l'accuser, ibid. et 70; il est déposé , p. 23. Il de-
mande un concile à l'empereur , p. 173; on lui en-
voie la lettre de convocation pour le faux concile
d'Ephèse en 349 , p. 675. Il procure à l'abbé Barsu-
mas le rang de juge dans ce concile , ibid. L'empe-
reur lui donne l'intendance et la primauté dans
les affaires qui doivent s'y traiter, ibid. Dioscore y
tient la première place, p. 676 ; chasse tous les no-
taires à la réserve des siens, de ceux de Juvénal et
d'Eristrate, ibid. ; ne veut pas qu'on commence par
la question de la foi, ibid. Quel est son but , ibid ;
il demande qu'on anathématise quiconque dit deux
natures après l'incarnation, p. 678; absout et réta-
blit Eutychès, ibid. ; propose de faire lire ce qui a
été fait sur la foi dans le premier concile d'Ephèse,
ibid. ; il dépose Théodoret qu'il avait exclu de ce
concile comme chef d'hérésie, p. 23 et 73 ; il con-
damne Flavien et Eusèbe, p. 678. Quelques évêques
se jettent à ses genoux pour l'empêcher de déposer
Flavien, p. 679 ; il appelle à son secours les officiers
de l'empereur, et intimide tellement les évêques,
qu'ils souscrivent à la condamnation de Flavien et
d'Eusèbe sur un papier blanc, ibid. Son parti, comme
suspect d'erreur , a le côté le moins honorable dans
le concile de Chalcédoine, p. 684. Les légats deman-
dent qu'on fasse sortir Dioscore, iM. On lui ordonne
de s'asseoir au milieu comme accusé , ibid. ; il de-
mande qu'on lui lise les actes du faux concile d'E-
phèse ; il s'y oppose ensuite et demande qu'on traite
d'abord la question de la foi , ibid. ; ceux de son
parti crient qu'on mette Théodoret dehors du con-
cile, ibid. Il est cité plusieurs fois au concile, p. 687.
Requêtes que plusieurs clercs et laïques d'Alexan-
drie présentent contre lui , ibid. ; il est cité pour la
troisième fois ; sentence prononcée contre lui ,
p. 688. Elle lui est signifiée, ibid.; il est relégué à
Gangres , en Paphiagonie , où il meurt en 454 ,
p. 689. Timothée Elure met son nom dans les dyp-
tiques, p. 177.
DIOSCORE, prêtre d'Alexandrie, présente une re-
quête aux légats du pape Anastase, p. 519.
DIVINITÉ (LA) est unie en Jésus-Christ avec la
nature humaine sans aucune confusion dans l'une ou
dans l'autre, p. 81 ; cette union s'est faite dans le
moment même que la sainte Vierge a conçu, ibid. La
TABLE ANALYTIQUE.
77S
divinité est impassible de sa nature, ibid. Son abais-
sement nous a élevés, p. 253.
DOLIQUE, ville de Syrie, p. 76.
DOMIÏIEN , évèque. Saint Léon le choisit pour
son légat en Orient, p. 236.
DO.MITIUS, professeur de rhétorique dans la ville
de Clermont, p. 384 et 398.
DOMNIN, diacre, est chargé d'avertir les évêques
de se trouver au concile de Cbalcédoine, p. 684.
DOMNIN, fait évèque de Césarée quoique bigame,
p. 23.
DOMNINE (sainte). Son genre de vie, p. 64.
DOMNITIUS. Saint Sidoine lui décrit l'entrée de
Sigismer à Lyon, p. 388.
DOMNULUS , homme de piété, se retire souvent
dans le monastère du mont Jura. Saint Sidoine lui
marque l'élection de Jean de Chàlons , p. 389.
DOMNUS, évèque d'Antioche, neveu et successeur
de Jean d'Antioche, p. 17. Il est ordonné diacre
par Juvénal de Jérusalem, ibid. Il envoie des évêques
à Constantinople pour la défense de Théodoret et
des Orientaux, p. 22. Théodoret lui écrit, p. 23, et
le porte à la compassion envers le sénateur Célestia-
que et une dame de Carlhage , p. 66. Domnus fait
part à Théodoret de la lettre de Dioscore, p. 70. Les
accusateurs d'ibas lui donnent leurs libelles, p. 144;
il assemble un concile nombreux, p. 145. Il est sus-
pect aux accusateurs qui demandent d'autres juges,
ibid. Il renvoie la cause d'Athanase de Perrha à Pa-
nolbius son métropolitain, p. 666; écrit à Athanase
de se rendre au concile d'Antioche, ibid., est obligé
de joindre son sentiment à celui du plus grand nom-
bre, p. 667, consent au rétablissement d'Eutychès,
p. 678. Il souscrit à la condamnation de Flavien et
d'Eusèbe, p. 679; est déposé dans le même concile,
ibid.
DOMNUS, évèque d'Apamée. Théodoret lui écrit ,
p. 71.
DONAT, évèque de Salicine, se convertit avec son
peuple de l'hérésie des novatiens, p. 199; il avait
été ordonné évèque sans passer par les divers de-
grés du ministère ecclésiastique, ibid.
DONAT d'Afrique, assiste en 487 à un concile de
Rome. p. 720.
DONIDE. Saint Sidoine lui écrit, p. 384, et lui fait
acheter la moitié de la terre d'Ebreville, p. 385.
DOROSTOLE, ville de la Thrace, p. 46.
DOROTHÉE, abbé eutychien. L'empereur le met
en un lieu où il ne peut nuire à personne , p. 233.
Il refuse de souscrire à la lettre de saint Léon à Fla-
vien , p. 690.11 soutient qu'Eutychès est catholique et
qu'il suffit de dire que celui qui a souffert est de la
Trinité , ibid.
DORUS, évèque de Hénévent , ordonne prêtre un
nommé Epicarpe et le met à la tète de tous ses prê-
tres, p. 210. Saint Léon le reprend très sévèrement,
ibid.
DORYLÉE, ville de Phrygie, p. 23.
DOSITHÉE, novateur, p. 482.
DRACILIEN, vicaire des préfets du prétoire et
gouverneur do la Palestine, p. 133. Ordre que lui
donne l'empereur Constantin, ibid.
DRACONCE, prêtre espagnol. Ses écrits, p. 587.
DIÎLCITIUS , notaire de l'Eglise romaine et légat
du pape saint Léon au faux concile d'Ephèse, p. 173
et 335.
E.
ECDITIUS ou EGDITIUS, beau-frère de saint Si-
doine qui lui fait une relation des violences que Sé-
ronate exerçait dans l'Auvergne, p. 384; il défend
la ville do Clermont et chasse les Golhs de l'Auver-
gne , p. 385. L'empereur Népos le fait patrice ,
p. 389. Saint Sidoine lui adresse un poème, p. 397.
ECCLÉSIASTIQUES. Défense de les recevoir dans
un autre diocèse sans le témoignage de leur évèque,
p. 337. Les tutelles leur sont défendues dès le temps
dcsaint Cyprien,p. 697. On n'en doit ordonner aucun
sans l'attacher à quelque église, ibid. Voyez Clercs.
ECLIPSE de lune. Abus qui régnait dans le peuple
de Turin, quand il en arrivait une, p. 323.
ECRITURE SAINTE. Vectius, laïque delà pre-
mière qualité , lisait assidûment l'Ecriture sainte et
se la faisait lire durant le repas , p. 387. Usage de
la lire le samedi saint, p. 192. Règle pour expliquer
ce qui y est dit en général du salut de tous les hom-
mes, p. 242 et 244. Les livres historiques ne sont
pas moins l'ouvrage du Saint-Esprit que les prophé-
tiques, ji. 108 ; ils sont les fontaines du Sauveur,
p. 112. Doctrine de saint Pierre Chrysologue, p. 9;
de Théodoret, p. 108 et suiv. ; du pape saint Léon,
p. 247. Livres de l'Ecriture sainte admis par le dé-
cret du pape saint Gélase, p. 723.
EDÉSIUS, jeune homme, fait le voyage des Indes,
est pris par les barbares, p. 138. Le roi le fait inten-
dant de sa maison , ibid. Des marchands chrétiens
lui proposent de s'assembler et de célébrer ensem-
ble les saints mystères, ibid. Il s'en retourne en sa
patrie et informe saint Athanase de l'ardeur que les
Indiens témoignent pour la religion chrétienne,
ibid.
EGES, ville de la Cilicie, p. 67.
EGLISE CATHOLIQUE. Constantin lui procure la
paix qui est bientôt troublée par une nouvelle er-
reur, p. 43. Elle retentit des louanges de la croix
à la mort de Julien l'Apostat, p. 46. Elle a reçu des
apôtres la pratique où elle est encore aujourd'hui de
glorifier le Père, le Fils et le Saint-Esprit, p. 113. Il
n'y en a qu'une dans tout le monde, parce que toutes
les Eglises s'accordent dans la profession des mêmes
dogmes, p. 120. Elle est appelée par saint Paul,
l'assemblée des fidèles, et hors d'elle il n'y a point de
776
TABLE ANALYTIQUE.
salut, p. 121 et 266. Pourquoi elle attribue aux
personnes divines des propriétés particulières , p.
194. Quel est le motif qui l'a obligée de retenir les
jeûnes de l'Ancien Testament, p. 249. Les proprié-
tés de sa foi, ihid. et 250. Les dons de toutes les
vertus lui ont été donnés par le Saint-Esprit, p. 266.
Elle a pris naissance avec Jésus-Christ , ihid. En
quoi consiste la force de sa foi , ibid. Elle est l'é-
pouse d'un seul homme, Jésus-Christ, p. 267. Les
églises particulières ont des privilèges, ibid. La paix
et la tranquillité de l'Eglise dépendent de l'observa-
tion des canons du concile de Nicée, p. 268. Doctrine
de Théodoret sur l'Eglise, p. 120; de saint Léon,
p. 266.
EGLISE ROM.\INE. Sa prééminence, p. 121, 266
et 724. Elle est le chef de toutes les Eglises du monde,
p. 454. Elle possède les sépulcres de saint Pierre et
de saint Paul, les pères et les maîtres communs de
la vérité , p. 121. Ce sont eux qui ont rendu cette
Eglise si illustre et si vénérable, ibid. Témoignage
de saint Eugène de Carthage rapporté par saint
Victor de Vite, p. 454.
EGLISES. L'évêque a la juridiction sur toutes les
églises que l'on bâtit dans son diocèse, p. 745. Dé-
fense aux évêques de consacrer de nonvelles églises
sans les pouvoirs nécessaires, p. 502. Les églises des
Goths doivent être réconciliées avec les mêmes cé-
rémonies que celles des catholiques, p. 745. Etat des
églises dans les Gaules au temps de saint Sidoine,
p"". 391 et 392.
EGYPTE. Timothée Elure y commet toute sorte
de violences pour y établir l'eutychianisme, p. 176
Les évêques se sauvent à Constantinople où ils pré-
sentent une requête à l'empereur, p. 177 et 234.
Saint Léon leur écrit pour les consoler, p. 235. Il
leur fait part des soins qu'il s'est donnés pour eux au-
près de l'empereur, ibid.
ELAPHE , bâtit une église. Saint Sidoine en fait
la dédicace, p. 382.
ELEUSINIUS , diacre du monastère d'Eutychès,
est appelé au concile de Constantinople de 448 , p.
672 ; il est député par son abbé à l'assemblée de 449,
p. 674.
ELEUTHERE , évêque. Saint Sidoine lui recom-
mande un Juif, p. 390.
ELIE , prophète , bâtit un autel sur le mont Car-
mel et y offre un sacrifice, p. 33. Dieu se servira de
son ministère pour le prochain avènement du Sau-
veur, p. 87.
ELIE , prêtre et abbé de Constantinople. Saint
Léon lui écrit, p. 217.
ELIE, solitaire de la Thébaïde. Saint Pétrone le
visite, p. 160.
ELIE de Jérusalem , s'unit de communion avec
Macédonius de Constantinople, p. 488.
ELPIDE , comte du consistoire. L'empereur l'en-
voie à Ephèse , pour empêcher qu'il n'arrive du tu-
multe, p. 675. Pouvoir qu'il lui donne, p. ibid. Il lit la
commission de l'empereur, p. 676. Il demande que,
l'on fasse entrer Eutychès , idib. Dioscore l'appelle
à son secours, p. 679. Il (ait venir le proconsul avec
des chaînes et un grand nombre de personnes ar-
mées, ihid.
EMILIEN, défenseur intrépide de la foi chrétienne,
est brûlé vif à Dorostole. p. 46.
EMMANUEL , prêtre et abbé de Constantinople
SaintLéon lui écrit, p. 214.
ENCRATITES, hérétiques, enseignent que le ma-
riage vient de Satan, p. 131. Ils s'abstiennent de la
chair et du vin , p. 130. Ils n'offrent que de l'eau
dansleurs mystères, d'où leur vient le nom d'hydro-
parastates ou aquariens, ihid. ■
ENDURCISSEMENT. Gomment on peut dire que
Dieu endurcit quelqu'un, p. 28.
ENÉE, évêque de Paris 3U ixo siècle, atteste que
Vigile de Tapse écrivit à Constantinople ses livres
contre Eutychès, p. 472.
ENÉE de Gaze , philosophe chrétien au commen-
cement du VF siècle. Son dialogue sur l'Immortalité
de l'âme et sur la Résurrection des corps, p. 490 et
suiv. Analyse de ce dialogue, ibid. Editions de ce
dialogue, p. 492 et 493. Enée de Gaze voit des
confesseurs de Jésus -Christ parler sans langue,
p. 459.
ENFANTS DE DIEU. Ce que l'Ecriture entend par
là, p. 118. Sentiment de quelques anciens qui croient
que ce sont les anges, ibid.
ENNODE (saint) , évêque de Pavie et confesseur.
Sa naissance vers l'an 473. Ses études, p. 569. Son
mariage, 570. Il est fait diacre, s'applique à l'étude
des sciences ecclésiastiques , ibid. Il est fait évêque
de Pavie, est député en Orient et meurt en 521, ibid.
Ecrits d'Ennode. Lettres , p. 571. Panégyrique du
roiThéodoric, p. 573. Apologie deSymmaque, ibid.
Vie de saint Epiphane, évêque de Pavie, p. 574. Vie du
bienheureux Antoine. Eucharislicon, p. 575. Exhor-
tation à Ambroise et Béatus. Ordonnance touchant
les clercs , ibid. Acte d'affranchissement ; bénédic-
tion du cierge pascal, dictions ou discours, p. 576.
Poésies, ihid. Jugement des écrits d'Ennode. Edi-
tions qu'on en a faites, p. 577.
ENTIOLE, évêque, recommande son frère Rémi à
saint Sidoine, p. 394.
EPARCHIUS, évêque de Clermont en Auvergne.
Saint Sidoine est élu malgré lui pour lui succéder,
p. 380.
EPHÈSE. Lettre de saint Léon au concile tenu en
449 à Ephèse, p. 214.
EPIIREM d'Anlioche dit qu'aucun saint avant saint
Léon, n'a donné à Marie le titre de Mère de Dieu,
p. 230, [mais il a tort.]
EPICARPE est ordonné prêtre de Bénévent et
mis à la tête de tous les prêtres contre l'ordre de la
discipline, p. 210.
EPICURE. En quoi il met le bonheur de l'homme,
p. 97.
EPIPHANE (saint), évêque de Pavie, p. 574. Il
est envoyé dans les Gaules par Théodoric pour ra-
cheter dos captifs, ibid. Saint Ennode écrit la vie de
saint Epiphane, ibid.
EPIPHANE , diacre de Constantinople, est député
au pape Siniplice par Acace, p. 131. Est chargé de
TABLE ANALYTIQUE.
777
citer Eutychès, p. 671. Il fait son rapport au concile,
ibid.
EPIPHANE, laïque, député au pape Simplice par
ceux de Constantinople, p. iOS.
EPIPHANIE. Différence de la veille de celle fote
avec celle de Pâques, p. 359.
EPISCOPAT. Qui sont ceux qu'on ne doit point y
adraetlre, p. 205, 261, 262. Le clergé et le peuple
doivenl avoir part à l'élection de ceux qu'on élève à
celte dignité, p. 262.
EQUICE , évêque , écrit au pape Simplice contre
Gaudence, évêque d'Ausinium, p. 4.02.
ERANISTE, c'est-à-dire quêteur, p. 79; ouvrage
de Tliéodoret ainsi intitulé , ibid. A quelle occasion
il a été fait, ihid.
ERASISTRATE, évêque de Corintiie et métropo-
litain de l'Acliaïe, ne veut point se soumettre à l'au-
torilé d'Anastase de Thessalonique, p. 206. 11 ordonne
un évêque à Tespie malgré la résistance et l'opposi-
tion du peuple, ibid.
ERECTHE , homme sans réputation cité par Ti-
mothée Elure. Il était évêque d'Antioche en Pisidie,
p. 406. Ses écrits, ibid.
ERIPHIUS, à qui saint Sidoine écrit sur la fêle de
saint Just, p. 389.
ERREUR. On l'approuve quand on ne s'y oppose
pas, p. Erreurs qui tirent leur origine de l'hérésie
d'Apollinaire, p. 48.
ESCL.WES. Pour les ordonner il faut qu'ils soient
mis auparavant en liberté par leur maîlre, p. 262.
ESDRAS. Théodoret croit qu'il a rétabli tous les
Livres saints parla seule inspiration du Saint-Esprit,
p. 37.
ESPAGNE (l') est exposée vers l'an 409 en proie
aux Vandales et aux Alains, p. 448.
ESPRIT-SAINT (l') est Dieu , égal au Père et au
Fils de qui il procède, p. 655 et suiv. Sa majesté
n'a jamais été séparée de la toute-puissance du Père
et du Fils, p. 251. Les macédoniens le croyaient
d'une nature inférieure au Père et au Fils , ibid. Il
doit être adoré par ime et même vénération que le
Père et le Fils, p. 457. Il a la même divinité que le
Père et le Fils , p. 460. Preuves de la divinité du
Saint-Esprit, p. 530,531. Profession de foi des
évêques catholiques d'Afrique sur le Saint-Esprit, p.
456, 457. Péché contre le Saint-Esprit : l'Ecriture
ne le déclare irrémissible que dans les incorrigibles,
p, 506. Doctrine de saint Léon sur le Saint-Esprit,
pag. 250 et 251. Sermon sur le Saint-Esprit, attri-
bué à Salvien, mais qu'on convient être d'Arnaud de
Donneval, p. 377. Témoignages sur le Saint-Espiit
dans la profession de foi des évêques catholiques
d'Afrique, p. 456. Témoignage de saint Eugène,
p. 460. Livre de Fauste de Riez sur le Saint-Esprit,
cité par Gennade, p. 434. Editions qu'on en a faites
sous le nom de Paschase, p. 437. Raisons pour l'at-
tribuer à Fauste de Riez, p. 528 et 529. Analyse des
deux livres qui le composent, p. 529 et suiv. Témoi-
gnage de saint Avit de Vienne sur la divinité du
Saint-Esprit, p. 555 et 565.
ETIENNE , évêque arien d'Antioche , successeur
de Jean d'Aparaée, p. 407; est déposé, p. 45; com-
met des injustices et des impiétés en cette ville,
ibid.
ETIENNE , autre évêque d'Antioche , recomman-
dable par sa vertu; sa mort en 482, p. 407.
ETIENNE, évêque d'Ephèse. Consent au rétablis-
sement d'Eutychès, p. 678. Souscrit à la condamna-
tion de Flavien et d'Eusèbe, p. 679. Se plaint dans le
concile de Chalcédoine, que touts'esl passé à Ephèse
par force et par violence, p. 685. Souscrit à la con-
damnation de Dioscore, p. 688. Bascien présente au
concile une requête contre lui, p. 694. On lui or-
donne de répondre, ihid. \ il est déposé, p. 695;
conserve la dignité d'évêque avec une pension sur
les revenus de l'Eglise d'Ephèse, ibid.
ETIENNE , évêque d'Hicraple , assemble les évê-
ques de sa province et ordonne Sabinien évêque de
Perrha, p. 667.
EUCHARISTIE. Sentiment de saint Jacques, évê-
que de Batna , sur ce mystère, p. 642. Explication
d'un passage du pape Gélase sur l'Eucharistie ,
p. 510. Tous ceux qui ont reçu ce baptême ont le
même droit que les prêtres de participer à la table
mystique du Sauveur , p. 124. Les fidèles n'entrent
dans le ciel qu'après avoir participé à la chair du
Sauveur et mangé son sacré corps, ibid. Ce que si-
gnifient ces paroles de saint Paul : Quiconque man-
gera ce pain, etc., ihid. Pourquoi certains hérétiques
du temps de saint Ignace ne la recevaient pas, ibid.
On ne doit la recevoir que dans l'Eglise catholique,
ibid. Les fidèles la reçoivent dans la main , ibid.
et 125. Dispositions nécessaires pour s'en appro-
cher, ibid. et 259. Usage de la conférer en même
temps que le baptême et la confirmation, p. 124 et
259. L'Eucharistie est une preuve de l'Incarnation ;
son effet , p. 259. On donnait l'Eucharistie aux pé-
nitents lorsqu'ils la demandaient à la mort, p. 721.
Eucharistie profanée. Les ariens répandent sur le
pavé le corps et le sang de Jésus-Christ et le foulent
aux pieds, p. 451 . Doctrine de saint Pierre Chryso-
logue sur l'Eucharistie, p. 13; de Théodoret, p. 124
et suiv. Solution des objections faites par les sacra-
mentaires contre quelques passages do Théodoret,
p. 125 et suiv. Doctrine du pape saint Léon, p. 259.
Doctrine de Gennade de Marseille, p. 605.
EUCHER (saint), évêque de Lyon, confie à Salvien
le soin de ses deux enfants, Salone et Véran, p. 359.
Lettres de Salvien à Saint Eucher, p. 376.
EUCHER. Saint Sidoine fait l'éloge de sa valeur
et de sa noblesse, p. 386.
EUCHITES. Sous un habit religieux, ils sont in-
fectés de l'hérésie des manichéens, p. 53. Saint
Marcien a un grand éloignement pour eux, ibid.
EUCOLE, veut assassiner Macédonius patriarche
de Constantinople, p. 488.
EUDOXE, évêque de Germanicie, s'empare du
siège épiscopal d'Antioche, après la mort de Léonce,
p. 45 ; avertit Eunomius de cacher ses sentiments,
ibid. On lui défère celui-ci, ibid. L'empereur lui
commande de le déposer du sacerdoce, ibid. 11 écrit
à Eunomius, ibid.
778
TABLE ANALYTIQUE.
EUDOXIA , veuve de l'empereur Valentinien.
Maxime la conlraiiit de l'épouser, p. 176. Elle invite
Genséric à venir se rendre maître de Rome, ibid.
EUDOXIE, femme de Valentinien et fille de Théo-
dose, vient à Rome visiter les églises de cette ville,
p. 217. Saint Léon la conjure d'écrire à l'empereur
Théodose, ibid. Sa lettre à ce prince, ibid. Elle se
laisse entraîner dans le schisme, p. 228. Lettre de
saint Léon à cette princesse, ibid.
EUGENDE (saint) , ahbé de Condatiscone ou Condat,
aujourd'hui Saint-Claude : son éducation, si-s vertus,
p. 610. Il est fait évèque de Condatiscone. Sa con-
duite, p. 611. Il meurt vers l'an 510, ses écrits.
ibid.
EUGÈNE (saint), évêque de Carthage, p. 452. Il
présente un mémoire au roi Hunéric, il guérit un
aveugle, p. 454, 455. Il est envoyé en exil. Il écrit
aux fidèles de Carthage, p. 460, 461. 11 est rappelé
en son Eglise en 484, par Gontamond, p. 464. Il est
relégué par Trasamond à Albi dans le Languedoc,
ibid, et 465. Sa mort en 505, p. 465.
EUGÉNlE(SAlNTE), martyre sous Valérien. Ce que
saint Avit dit de cette sainte, ne peut s'accorder
avec l'histoire de l'Église, p. 567.
EUGIPIUS, disciple de saint Séverin, p. 517.
EUGRAPHIE, Théodoret lui écrit une lettre de
consolation sur la mort de son mari, p. 65.
EULALIUS, évêqued'Arménie. Théodoret lui écrit,
p. 68.
EULOGE prêtre, du clergé d'Edesse, accuse Ibas,
son évèque, auprès de saint Proele, p. 144. Il donne
son libelle à Domnus d'Antioche, ibid. Il va à Cons-
tantinople demander à l'empereur d'autres juges que
Domnus, ibid. Sa réconciliation avec Ibas, p. 145.
Il recommence la procédure ; ses chefs d'accusa-
tion, ibid.
EULOGE, prêtre, saint Pétrone le visite, p. 160.
Dieu lui accorde le don de connaître ceux qui se pré-
sentaient à la sainte table, ibid.
EULOGE, tribun et notaire. L'empereur l'envoie
à Ephèse. Pouvoir que lui donne ce prince, p. 675.
Dioscore l'appelle à son secours; Euloge fait entrer
le proconsul avec des chaînes, et un grand nombre
de personnes armées, p. 679.
EUNOMIENS. Leur manière de baptiser les néo-
phytes, p. 122.
EULOGIES. Usage d'en bénir à Pâques en l'hon-
neur de Dieu, p. 181.
EUNOMIUS, usurpe le siège de Cyzique, p. 45.
Eudoxe l'avertit de cacher ses sentiments, ibid. Il est
déféré à celui-ci et ensuite à l'empereur, ibid. Eu-
doxe lui écrit de quitter l'épiscopat, ibid. II se rend
chef d'une secte particulière, ibid. 11 ôte la triple
immersion et l'invocation de la Trinité dans le bap-
tême, p. 122. Raison qu'il a d'en agir ainsi, ibid,
EUNOMIUS, évêque de Nicomédie , présente au
concile de Chalcédoine une requête en plainte con-
tre Anastase de Nicée, p. 695.
EUPHÉMIUS (saint), évêque de Constanlinople en
490, s'oppose à l'élection d'Anastase, p. 485. 11 écrit
au pape Gélase, p. 486. Réponse du pape, ibid. et
487. Euphémius confirme les décrets du concile de
Chalcédoine, p. 487. Il se sépare de la communion
de Mongus, et efface de ses propres mains son nom
des diptyques, p. 485. Il est déposé et envoyé en
exil, p. 487 et 488. Sa mort, p. 488.
EUPHRASIUS s'oppose au rétablissement d'ibas,
p. 147.
EUPHRATAS, accusateur de saint Flavien, p. 176.
EUPHRONE (saint), évêque d'Autun. Ce qu'on
en sait, p. 358. Il répond avec saint Loup, évêque
de Troycs , aux difficultés de Thalase , évêque
d'Angers, p. 357, 358. Sa lettre au comte Agrippin
n'est pas venue jusqu'à nous, p. 358. Euphrone as-
siste au concile de Châlons, en 470, p. 717.
EUPNIUS. Firmuslui recommande d'examiner avec
soin une affaire portée à son tribunal, p. 152.
EUPSIQUE, homme de qualité. Saint Léon le
charge d'une lettre pour Flavien, p. 23 et 24.
EUPJC, roi des Visigoths, envoie saint Sidoine
prisonnier au château de Liviane, p. 381. Il fait la
paix avec l'empereur Népos, p. 422.
EUSTATHE, évêque de Marseille après saint Vé-
nérius, p. 471 .
EUSTOCHIUS évêque d'Arménie. Théodoret lui
écrit, p 68.
EUSTOCHIUS, évèque de Tours, p. 438. Il assiste
au concile d'Angers en 453, p. 708.
EUSÈBE (SAINT), évêque de Milan. Saint Léon lui
écrit pour faire approuver sa lettre à Flavien, p. 223,
et saint Eusèbe assemble un concile à ce sujet et en
451, p. 224, 319 et 320.
EUSÈRE (SAINT), Ses austérités, p. 58; il ne veut
recevoir de visite que de Théodoret, ibid.
EUSÈBE avocat. Théodoret lui écrit, p. 66,
EUSÈRE, évêque d'Ancyre. Plaintes que lui adresse
Théodoret, p. 22. Il donne des lettres de recom-
mandation à l'évêque Cyprien, p. 67. Théodoret lui
écrit, p. 69 et 72. Eusèbe souscrit à la condamna-
tion d'Eusèbe deDorylée et de Flavien, p. 679; il est
déclaré orthodoxe à Chalcédoine, p. 686.
EUSÈBE, évèque de Chalcide, va voir saint Mar-
cien, p. 52.
EUSÈBE, évêque de Césarée, écrit ce qui est ar-
rivé de plus considérable dans l'Église depuis le
temps des apôtres jusqu'au règne de Constantin, p.
43. 11 assiste au concile de Nicée, p. 44. Théodoret
se sert de son témoignage contre les ariens, ibid.
EUSÈBE, évèque de Dorylée, essaie de ramener
Entichés à la saine doctrine, p. 23. Il avertit saint
Flavien de l'opiniâtreté d'Eutychès. Il assiste au
concile de Constantinople de 448, p. 669. 11 présente
une requête contre Eutychès, ibid. Flavien le prie
de voir et d'entretenir Eutychès , ibid. Il demande
qu'on avertisse les évoques qui ne s'étaient pas trou-
vés à la première session, p. 670. Craignant dépas-
ser pour un calomniateur, il continue ses instances,
p. 671; ne veut point qu'on permette à Eutcyhès de
se défendre par procureur, p. 672. On no veut pas
qu'il assiste au fiux concile d'Ephèse, p. 676. Flavien
demande qu'on le fasse entrer. Eusèbe est analhé-
matisé par ce concile et privé de toute dignité épis-
I
TABLE ANALYTIQUE.
779
copale et sacerdotale, p. 677.11 paraît au concile do
Clialcédoine comme accusateur du Dioscore, p.68i;
dsmande qu'on lise sa requête à l'empereur contre
Dioscore, ibtd. On le fait asseoir au milieu de l'as-
semblée avec lui, ibid. Il demande qu'on lise les
actes du faux concile d'Ephèse, tbid. 11 est juslifié.
p. 685.
EUSÈBE, évèque de Péluse, hérétique et déposé,
ordonne Timothée Elure évèque d'Alexandrie, p. 176.
EUSÈBE, évèque d'Arménie. Théodoret lui écrit,
p. 68.
EUSÈBE, évèque d'Emèse. Théodoret se sert de
son témoignage, pour montrer que la divinité est
impassible de sa nature, p. 81
EUSÈBE , évèque de Nicoraédie , protecteur de
l'arianisme, p. ii. Théodoret le blâme d'avoir quitté
son Eglise pour s'emparer de celle de Conslantino-
ple, ibid. Eusèbe avait déjà abandonné l'Eglise de
Béryte pour passer à celle de Nicomédie, ibid. Il
s'oppose au rappel de saint Athanase, p. 45.
EUSÈBE , évèque de Samosate , refuse de rendre
le décret touchant l'élection do Mélèce, p. 46.
EUSÈBE (saint), évèque de Verceil. Homélies que
saint Maxime prononce à sa louange, p. 322.
EUSÈBE , disciple de saint Marcien. Il se charge
de la conduite de plusieurs religieux, p. 52. Ser-
ment que son maître exige de lui, p. 53.
EUSÈBE (saint), solitaire. Saint Ammien le presse
de quitter sa solitude pour prendre la conduite
de son monastère, p. 53. Il explique à celui-ci les
passages les plus difficiles de l'Evangile, ibid. Eu-
sèbe enseigne la philosophie à saint Sidoine, p. 379.
Ses mortifications, ibid.
EUSTATHE , évèque de Béryte. L'empereur le
commet pour l'affaire d'ibas, p. 144. Il quitte le
parti de juge pour prendre celui d'arbitre et fait con-
venir les partis d'un acte , ibid. Le clergé d'Edesse
lui adresse une letlre, p. 145. On lit sa remontrance
au concile de Chalcédoine, p. 685 ; il est déclaré or-
thodoxe, ibid. Son différend avec Photius est Jugé,
p. 690.
EUSTATHE, évèque d'Egès. Théodoret lui recom-
mande une dame de Carthage, p. 167.
EUSTATHE , évèque de Marseille après saint Vé-
nérius, p. 470.
EUSTOCHIUS, évèque de Tours, p. 438. 11 as-
siste .au concile d'Angers, en 452, p. 708.
EUSTRATE (comte). Firmus lui écrit, p. 152.
EUTHALIUS, archidiacre d'Alexandrie. On lui si-
gnifie la sentence contre Dioscore, p. 688.
EUTHASIUS , évèque d'Aoste , envoie un de ses
prêtres tenir sa place au concile de Milan de l'an
451, p. 681.
EUTHÉRIUS , évèque de Thyanes, est déposé en
432 par Maximien de Constantiuople, p. 149.
EUTHÉRIUS. Firmus lui écrit, p. 151.
EUTHIMIUS (saint) , convertit un grand nombre
de Sarrasins dans la Palestine, p. 17. Juvénal de Jé-
rusalem dédie l'église de sa Laure , ibid.
EUTIQUE (saint) , martyr sous Genséric , p. 466
et 467.
EUTROPE , évèque , donne à s;unt Augustin un
mémoire touchant quelques hérésies , p. 383.
EUTROPE, à qui saint Sidoine écrit, p. 383.
EUTROPE, évèque d'Orange, p. 390.
EUTROPE, prêtre, écrit deux lettres à deux ser-
vantes de Jésus-Christ, p. 587.
EUTYCHÈS, archimandrite de Constantinople, en-
voie à saint Pierre Chrysologue une lettre circulaire,
p. 7. Lettre de ce saint , ibid. Eusèbe de Dorylée
tâche de ramener Eutychès à la same doclrine, p. 23.
11 s'opiniâlre, ibid. Quel est le principal point de son
hérésie, p. 80. Avant de la publier il écrit à saint'Léon,
p. 210. Saint Prosper combat ses erreurs, p. 304. Re-
quête contre lui au concile de Constantinople de
448, p. 669. Ce concile ordonne qu'il sera appelé,
ibid. Est cité plusieurs fois. Ses réponses, p. 670.
Il envoie un tome dans les monastères pour soulever
les moines en sa faveur, ibid. Arrive au concile es-
corté d'une troupe de soldats , de moines et d'offi-
ciers du prétoire, p. 672. Est interrogé; ses ré-
ponses, ibid. Sentence contre lui, p. 673. Il se plaint
à saint Léon de cette sentence , ibid. ; demande à
l'empereur un concile général , p. 674. Ecrit aux
principaux évêques pour les prévenir contre le con-
cile de Constantinople. Ce que contient celle à Dios-
core, ibid. Il accuse Flavien d'avoir falsifié les actes,
ibid. Sa requête à l'empereur, ibid. Procure à l'ab-
bé Barsumas le rang de juge dans le faux concile
d'Ephèse , p. 675. On fait entrer Eutychès dans ce
concile. Sa requête , p. 676. Il ne veut point ré-
pondre aux demandes qu'on lui fait , dit que les
légats du pape lui sont suspects, p. 667. Est déclaré
absous et rétabli , p. 678. Ses moines y sont aussi
rétablis dans la communion de l'Eglise et dans les
fonctions de leurs ordres, ibid. Vigile de Tapse com-
bat son hérésie, p. 472 et suiv. Traité de Boëce
contre les erreurs d'Eutychès et de Nestorius , p.
650 et suiv.
EUTYCHIENS. Ils soulèvent la Palestine et atten-
tent à la vie de Juvénal de Jérusalem, p. 1 8 ; ils font
ordonner évèque de cette ville le moine Théodose,
ibid. La mort de l'empereur Marcien leur donne lieu
de se relever à Alexandrie , p. 176. Cruautés qu'ils
exercent sur plusieurs évèques d'Egypte et sur leur
clergé, p. 234. Voyant qu'ils ne peuvent obtenir un
concile général, ils se réduisent à demander une con-
férence, p. 236.
EUXITHÉE, évèque de Thessalonique , p. 253.
Saint Léon lui écrit, p. 234.
EVANDRE, évèque. Firmus lui écrit, p. 152.
EVANGILE (L'), n'est que l'accomplissement des
prophéties faites longtemps avant la venue du Sau-
veur, p. 95. Livre des Evangiles écrit de la main c'a
saint Hilaire de Poitiers, p. 440.
EVAZE, ville de la province d'Asie, p. 694.
EVÊQUES (Les) , sont tenus à la continence, p.
261. La clergé et le peuple doivent avoir part à leur
élection, p. 708. Lesdeux qualités les plus essentielles
à un évèque , p. 199 et 262. En quel jour on doit
faire leur ordination. Ce qui s'y observe, ibid. Ils ont
coutume de célébrer annuellement le jour de leur
780
TABLE ANALYTIQUE.
exaltation au pontificat, ibid. Le nom de prêtre et
d'évêque leur était commun du temps des apôtres ,
p. 130. Les évoques étaient distingués par le nom
d'apôtres, ibid. Leurs devoirs, p. 262. Il leur est dé-
fendu d'ordonner pour de l'argent, p. 696; de pren-
dre à ferme des terres ou de se charger des affaires
temporelles, p. 697. Ils ne peuvent sous peine de dé-
position s'adresser aux puissances , ni obtenir des
lettres du prince pour diviser une province en deux
et y faire deux métropolitains, p. 698. Leur ordination
doit se faire dans trois mois, p. 700. Ils no doivent
jamaisètre réduits aurang des prêtres, ibtd. L'évêque
nepeutêtreliéoudéliéparurie puissance séculière, p.
506. Il est défendu aux évêquos de sortir de leur pro-
vince sans la lettre de leur métropolitain, p. 665.
Pensée de Théodore! sur les devoirs des évêques,
p. 21. Témoignage du même auteur sur les évêques,
p. 120. Au temps de Théodoret, une des plus
grandes et des plus pénibles occupations des évêques
était de terminer les procès de leurs peuples, p. 137.
Ce que dit le pape saint Léon sur les qualités , les
devoirs, les fonctions elles prérogatives des évêques,
p. 179, 261 et suiv. Canons du concile de Chalcé-
doine qui les concernent, p. 696. Témoignage du
pape saint Gélase, p. 502. Invective de Julien Po-
mère contre les évêques de son siècle, p. 591. Ca-
nons du concile de Tarragone qui concernent les
évêques, p. 748.
EVODIUS, prie saint Sidoine de lui faire une épi-
gramme, p. 397.
EXCOMMUNICATION. Le diable s'empare de ceux
qui sont excommunies et séparés du corps de l'E-
glise , p. 123, 125. L'empereur Théodose ne veut
recevoir l'absolution que de celui-là même qui l'a
excommunié, p. 125. Celui qui reçoit un clerc ex-
communié, est puni d'excommunication, p. 705.
Défense de recevoir l'aumône d'un chrétien excom-
munié, ibid.
EXPLITIUS, à qui saint Sidoine écrit, p. 384.
F.
FASTIDIUS, évèque des Bretons. Ce qu'on sait de
lui, p. 152. Ses écrits, p. 153. Analyse du traité de
la Vie chrétienne, ibid. et 154. Jugement de cet écrit,
p. 154.
FAT.\LE. Règle que prescrit Fastidius à Fatale pour
se conduire dignement dans la viduité, p. 153.
FAUSTE, abbé de Lérins. Son différend avec Théo-
dose de Fréjus, p. 201.
FAUSTE, archimandrite de Constantinople, sous-
crit à la condamnation d'Eutychès , p. 214. Saint
Léon lui écrit, ibid. , 216 et 219. Eutychès envoie
son tome dans son monastère pour y être souscrit,
p. 672.
FAUSTE , abbé de Lérins et depuis évêque de
Riez, en Provence. Sa naissance, ses études, p. 420.
Sa retraite à Lérins : il en est fait aiibé en 432, ibid.
Son différend avec Théodore, évêque de Fréjus, ibid.
et 421 . Il est fait évêque vers l'an 456, ibid. et 422.
Il va à Rome en 462 , ihid. ; il assiste à la dédicace
de l'église de Lyon, ibid. 11 est chargé d'écrire contre
Lucide ibid. ; est banni vers l'an 481 ; pourquoi, p.
422. Il meurt après l'an 493, ibid. Ses écrits : sa
lettre à Gratus, diacre, ifeîd. ; son traité conù-e /es ^r/ens
et les Macédoniens, p. 423 , 424. Sa lettre à Benoît
Paulin, p. 424, 425; sa lettre au prêtre Lucide, p.
425 et suiv. Son traité sut la Grâce et le libre arbitre,
divisé en deux livres , p. 424. Analyse du Lr livre,
p. 428 et suiv. ; du 11'^ , p. 431 et suiv. Lettre de
Fausle à Léonce en lui adressant son ouvrage , p.
433. De quelle manière les livres de Fauste furent
reçus du public, ibid. Son livre du Saint-Esprit, p.
434. Ses lettres, ibid. et 435. Ses sermons, p. 435,
436. Homélies qui lui sont attribuées , p. 436. Ou-
vrages de Fauste qui sont perdus, ibid. Jugement do
ses écrits, p. 437. Editions qu'on en a faites, ibid.
Fauste est accusé de semi-pélagianisme , p. 332; il
est réfuté par Mammert CLiulien, p. 348. Saint Si-
doine adresse un poème à Fauste, p. 397. Ce qu'il
nous apprend de Fauste, p. 391, 394, 395. Fauste
est assisté dans son exil par saint Rurice, évèque de
Limoges, p. 607. Lettre que lui écrit Rurice, p.
609. Lettre qu'il écrit à Rurice, ibid. Lettre du
pape Hormisdas à Possessor au sujet de l'écrit de
Fauste sur la grâce, p. 631.
FAUSTE de Buron, rapporte un miracle, p. 448.
FAUSTE, maître des offices, député par Théodo-
ric à l'empereur Anastase p. 497.
FAUSTE , sénateur , consulte le prêtre Trifolius,
p. 638.
FÉLIX (saint), évêque de Boulogne, p. 161.
FÉLIX, archevêque de Ravenne, vers l'an 708, re-
cueille et met en ordre les sermons de saint Pierre
Chrysologue, p. 8.
FÉLIX, diacre de l'église de Rome , est ordonné
évêque do Rome en la place de Libère, p. 45. Il
quille Rome et se retire dans une autre ville , ibid.
FÉLIX, grand trésorier de l'état. Ses paroles en
admirant la magnificence des vases sacrés de l'église
de Constantinople, p. 137.
FÉLIX III (saint), pape, succède à saint Simplice, en
483, p. 411. Ses soins pour rétablir la paix dans les
Eglises d'Orient, p. 412 et suiv Sa lettre à l'empe-
reur Zenon sur ce sujet, p. 412; à Acace, pour lui
reprocher son silence, p. 412. Ses légats sont arrê-
tés : leur prévarication, p. 412 et suiv. Ils sont dé-
posés dans un concile de Rome, p. 414 et 719. Acace
y est excommunié, p, 414. Justification de la con-
duite du pape , ibid. et 415. Le pape écrit à Acace
les motifs do sa condamnation , p. 415. Sa lettre à
l'empereur Zenon, ibid. et 416. Sa lettre au clergé
TABLE ANALYTIQUE.
781
et au peuple de Constantinople , p. 416. Sa lellre
à Rufin et aux moines de Constantinople, ihid. Let-
tres attribuées à Pierre le Foulon, elles sont toutes
supposées, p. 4-17. Lettre à Zenon, ibid. et 418 ; à
Fravita, p. 418 ; à Thalassius et aux autres abbés de
Constantinople, ibid. et 419; à Fravita , p. 419; à
l'empereur Anastase , ibid. ; à Zenon , évêque ; aux
évèques d'Afrique, ibid.\ à Zenon, évêque de Sévillo,
ibid. et 420; à saint Césaire d'Arles, p. 420. Cette
dernière doit être de Félix IV. Mort du pape Félix IH,
ibid. Il est compté au nombre des saints , ibid.
Euphémius, patriarche de Constantinople, lui écrit,
p. 485.
FÉLIX, légat du pape saint Félix à Constantino-
ple, p. 411. Sa fermeté, p. 414.
FÉLIX (saint), évêque d'Abder, banni par Hunéric ,
p. 448.
FÉLIX, patrice et fils de Magnus, consul en 460.
Saint Sidoine fait son éloge, p. 397.
FÉLIX, bourgeois de Carlhage, recouvre la vue
par miracle, p. 454.
FEM.MES. Les païens sous Julien l'Aposlat persé-
cutent cruellement celles qui s'étaient consacrées
à Dieu, p. 46. Pourquoi Dieu en formant la fem-
me en a pris la matière de l'homme même, p.
94. Elles doivent comme les hommes être instrui-
tes des divins mystères, y participer et fréquenter les
églises, ibid. Elles sont quelquefois d'un bon con-
seil à leurs maris, ibid. Dieu n'en a pas défendu la
plurahté aux anciens et pourquoi, p. 131. Elles
étaient communes parmi les nicolaïtes, ibid.
FERRÉOL (saint), martyr à Vienne. Saint Mam-
mert transfère ses reliques, p. 391.
FERRÉOL, préfet des Gaules, donne l'hospitalité
à saint Sidoine, p. 384. Saint Sidoine lui écrit,
p. 392.
FESTUS, père d'Elpis, première femme de Boëce,
p. 39-2 et 393.
FÊTES. Quelle a été l'intention de Dieu en les
prescrivant, p. 95.
FIDUS, diacre de Jérusalem, envoyé à Zenon et à
Acace par Martyrius, p. 410.
FILLES, punies pour impudence, p. 51.
FILS DE DIEU. Comment il est dit dans l'Ecriture
qu'il a souffert, p. 81. Les blessures de l'homme ne
pouvaient se guérir que par lui fait homme, p. 253.
Quoique toutes les opérations soient covnmunes dans
l'ineffable unité de la Trinité, c'est proprement la
personne du Fils qui s'est chargée de la rédemption
du genre humain, ibid. Il a été annoncé par plusieurs
signes et promis par les prophètes, ihid. Lui seul est
né exempt dépêché en naissant de la vierge Maria, ibid.
FILTÉRIUS, évêque des Gaules. Saint Célestin lui
écrit en faveur de saint Augustin, p. 277.
FIRMIN d'Arles. Saint Sidoine publie à sa prière le
neuvième livre de ses lettres, p. 394.
FIRMIJS, archevêque de Césarée Histoire de son
épiscopat, p. 149. Jean veut l'indisposer contre saint
Cyrille et le rendre favorable à Nestorius, mais il ne
réussit pas, ibid. Il assiste en 431 au concile d'Éphèse
et y approuve la lettre de saint Cyrille à iNestorius et
y souscrit à la condamnation de ce dernier, ibid. Il
est du nombre des évêques députés à l'empereur de
la part du concile. Il assemble les évêques de la Cap-
padoce avec lesquels il ordonne un laïque pour évê-
que de Ttiyanes, ibid. Il est toujours attaché au con-
cile d'Ephèse et à saint Cyrille, ibid. Ce saint le con-
sulte, ibid. Sa mort en 439, ibid. Ses quarante-cinq
lettres, p. 150 et 151. Editions de ces lettres, p. 152.
FLACCILLE, évêque arien d'Antioche. Ses injusti-
ces et ses impiétés en cette ville, p. 45.
FLAVIEN, évêque d'Antioche, va voir saint Marcien,
p. 52. Il assiste au concile de Sidon en 512, p. 750.
11 est envoyé en exil à Pétra, ibid.
FLAVIEN (saint) évêque de Constantinople. Euty-
chès se plaint de lui à saint Pierre Chrysologue, p. 7.
Eusèbe de Dorylée avertit Flavien des erreurs d'Eu-
tychès, p. 23. Il est exilé par l'empereur Théodose
rappelé par Marcien, ibid. Lettres de Théodoiet à ce
saint, p. 65, 71, 72. Lettres du pape saint Léon, p.
172, 210, 211, 214, 216. Assemble en 448 un con-
cile à Constantinople, p. 669. Fait insérer aux actes
la requête d'Eusèbe de Dorylée, ibid. Prie cet évê-
que de voir et d'entretenir Eutychès qu'il fait citer
plusieurs fois, ibid. Reçoit les lettres de saint Cyrille
à Nestorius et à Jean d'Antioche, p. 670. Ordonne
qu'on avertisse les évêques qui n'étaient pas à la
première session ; envoie citer Eutychès pour
une troisième fois ; ordonne à ceux qu'il a en-
voyés de faire leur rapport, ibid. Fait informer
dans les monastères de Constantinople et de Chal-
cédoine si Eutychès y a fait passer son Tome,
p. 671. Interroge celui-ci, p. 672. Prononce la sen-
tence contre lui, p. 673. Ordonne à ses moines de
se séparer de lui, ibid. ; ils ne veulent pas obéir ; les
prive des sacrements, ibid. Fait publier la sentence
contre Eutychès dans les églises de Constantinople et
la fait signer dans les monastères, ibid. Eutychès
l'accuse d'avoir falsifié les actes du concile, p. 674.
Représente les notaires qui les avaient rédigés, ibid.
L'empereur l'oblige de donner sa profession de foi
p. 675. Elle ne dissipe point les préjugés que les
eutychiens avaient inspirés à ce prince contre lui,
ibid. Théodoret continue à l'attaquer et à l'accuser
d'avoir excité les contestalions qui troublent l'Eglise,
ibid. Flavien assiste au faux concile d'Ephèse, p. 676.
Demande qu'on fasse entrer Eusèbe de Dorylée ac-
cusateur d'Eutychès, p. 677. Est privé de toute digni-
té épiscopale et sacerdotale, p. 678. Meurt quelques
jours après à Hypépe en Lydie, p. 680. Sa mémoire
en vénération dans l'Eglise, ibid. Il est justifié dans
le concile de Chalcédoine, p. 685.
FLAVIEN, évêque de Pliilippcs, se donne à Ephèso
la qualité de subdélégué de Rufus de Thessalonique,
p. 103.
FLAVIEN, prêtre d'Antioche, vers l'an 350. On lui
attribue d'avoir le premier fait chanter les Psaumes
à deux chœurs, p. 137.
FLAVIEN prend soin de l'église d'Antioche, en la
place de Mélèce, p. 47.
FLORENT, évêque de Lyddes, sert d'interprète
aux légats dans le faux concile d'Ephèse, p. 676,
782
TABLE ANALYTIQUE.
FLORENT, évêque de Sardes et mélropolilain de
Lydie. Son différend avec deux évèques de la pro-
vince donne occasion à saint Flavien de Constanti-
nople d'assembler un concile, p. 669.
FLORENT, évêque, écrit au pape Simplice contre
Gaudence, évêque d'Ausiniumdans Fabruzze, p. 402.
FLORENT, palrice, est envoyé de l'empereur au
concile de Constantinoplede l'an 4i8, p. 672. Veut
qu'on interroge Eutychès, ibid. L'interroge lui-même
p. 673. Eutychès lui dit qu'il appelle de la sentence
contre lui, p. 673. En avertit Flavien, ibid. Règle
tout dans l'assemblée de 449, p. 674. Y fait décla-
rer la volonté de l'empereur, ibid. Convient qu'Euty-
chès lui a dit tout bas qu'il appelait de la sentence,
ibid. Conclut l'assemblée, ibid.
FLORENT, préfet d'Orient en 436, autorise le rè-
glement fait par le préfet du prétoire, p. 67.
FLORENT. Firraus lui écrit et lui envoie des eu-
logies, p. 151.
FLORENTIEN, évêque d'Ulique, confesseur sous le
roi Hunéric, p 448.
FLORENTIN. Saint Sidoine lui écrit et va le voir,
p. 388.
FLORENTIUS, évêque. Théodoretlui écrit, p. 74.
FOI. Quoiqu'elle précède la connaisance, elle n'en
peut être séparée, p. 91. Elle est comme la base de
la science, et un préalable nécessaire pour l'acquérir,
ibid. Elle est le fondement des choses que l'on es-
père et une preuve certaine de ce qui ne se voit pas,
p. 192. Elle n'est susceptible d'aucune nouveauté,
est incapable d'aucun changement, et simple de sa
nature, p. 249. Elle est celle que nous avons reçue
des apôtres avec le secours du Saint-Esprit, ibid.
Elle est la seule qui sauve le genre humain et lui
donne la vie, ibid. Celle en la venue du Messie, qui
ne sauvait qu'un petit nombre de fidèles, en sauve
beaucoup plus dans l'accomplissement de ce mys-
tère, p. 250. Sans elle, il n'y a rien de saint, rien de
chaste, rien qui ait vie , ibid. En quoi consiste l'ex-
cellence et le mérite de la foi, ibid. La foi ne fait
pas à elle seule le vrai évêque, il faut qu'elle
soit accompagnée des bonnes œuvres , p. 262. Elle
est la première grâce, p. 287. Dans son commen-
cement elle est un don de Dieu comme dans sa per-
fection, p. 301.
FONTS BAPTISMAUX. Chaque année des fonts
baptismaux se remplissent miraculeusement d'eux-
mêmes la nuit de Pâques dans une petite paroisse
de Sicile, p. 202 et 270. Miracle arrivé en 417, ibid.
FONTÉIUS , évêque de Vaison. Saint Sidoine lui
demande le secours de ses prières, p. 390.
FORTUNAT , évêque. Primace lui dédie un écrit,
p. 333.
FRAVITA, succède à Acace dans le siège de Cons-
tanlmople, p. 485. Le pape saint Félix lui écrit,
p. 418 et 419.
FRÉDÉRIC, frère de Théodoric, roi des Goths, dé-
pute au pape saint Hilaire contre Hermès, évêque de
Narbonne, p. 337.
FRUMENTIUS , jeune homme , fait le voyage des
Indes; est pris par les barbares, p. 138. Le roi le
fait intendant de sa maison , ibid. Des marchands
chrétiens lui proposent de s'assembler et do célé-
brer ensemble les saints mystères , ibid. Il s'en re-
tourne en sa patrie, et informe Athanase de l'ardeur
que les Indiens témoignent pour la religion chré-
tienne, ibid. Il prêche l'évangile à ces peuples , et
Dieu confirme sa doctrine par des miracles, ibid.
FULGENCE (saint) , réfute par sept livres les
deux livres de Fauste, évêque de Riez, p. 433.
FUSCINE , sœur de saint Avit , consacre à Dieu se
virginité. Son éloge, p. 567.
G.
GAIANISTËS ou CAlANISTES avaient supposé un
évangile sous le nom de Judas Iscariote, p. 110.
GALICE , province d'Espagne. Les prisoillianistes
continuent de l'infecter, p. 206 et suiv.
GALLUS quitte sa femme ; saint Loup de Troyes
les réunit, p, 357.
CATIEN (saint), évêque de Tours, p. 428.
GAUDENCE, évêque d'Ausinium dans l'Abruzze,
fait des ordinations illicites, etc., p. 402.
GAUDENCE s'élève à la dignité de vicaire du
préfet, p. 383.
GAULES. Saint Léon envoie aux évêques sa lettre
à Flavien afin qu'ils y souscrivent, p. 223; ils s'as-
semblent pour donner leur approbation. Leur lettre
synodale, ibid. Autres lettres de saint Léon à ces
évêques, ibid., 225, 232. Quelques prêtres conti-
nuent à y décrier la doctrine de saint Augustin,
p. 276, 277. Réponses de saint Prosper à leurs ob-
jections , p. 277 et suiv. Ils l'attaquent lui-même
personnellement, p. 238.
GAZA, ville de Palestine, p. 46.
GÉLASE , évêque de Césarée en Palestine. Théo-
doret se sert de son témoignage pour montrer que
la Divinité est impassible de sa nature, p. 81.
GÉLASE (saint), succède, en 492 , au pape saint
Félix, p. 493. Ses lettres à Anastase et à Euphémius
ibid. ; à Laurent, évêque de Lignide, en lui envoyant
le formulaire de sa foi, p. 494; aux évoques de Dar-
danie, ibid.\ deux autres lettres aux mêmes au sujet
d'Acace, ibid. et suiv. Son instruction à Fauste et à
Irénée , ambassadeurs du roi Théodoric, p. 497,
498. Ses lettres à Honorius, évêque en Dalmatie, au
sujet de l'hérésie de Pelage qui se répandait de nou-
veau dans le pays, p. 499; aux évêques de la Mar-
che d'Ancône sur le même sujet , ibid. et suiv. ; à
l'empereur Anastase, p. 501 et 502 ; aux évêques de
Lucanie et des Brutiens , p. 502 et suiv. ; aux évê-
ques de Sicile et à^Enonius, évêque d'Arles, p. 504.
Fragments de diverses lettres du pape Gélase, insérés
par le cardinal Deusdedit dans sa collection des ca-
TABLE ANALYTIQUE.
783
nons , p. 504 et 505. Leltre à Rustique, évêque ùe
Lyon, p. 505. Traité de l'Aiiathème, ibid. et 506.
Traité contre Andronomaque , sénateur, qui voulait
rélablir à Rome les Lupercales, p. 506 et 507. Traité
contre les Pélarjiens , p. 506 , 508. Traité des Deux
natures; il est du pape Gélase, p. 508 et 509. Ana-
lyse de ce traité , p. 509 et suiv. Explication d'un
passage sur l'Eucharistie, p. 510. Jugement de sa
manière d'écrire, p. 511. Temps de sa mort, ihid.
Ecrits de Gélase qui sont perdus. Son Sacramentaire,
ibid. Analyse du premier livre, p. 512 ; du deuxième,
p. 517; du troisième, ibid. Gélase met Fauste de
Riez au rang des apocryphes, p. 725. Concile de Rome
sous le pape Gélase, p. 723. Décret qu'il y publia,
ibid. Ce que contient ce décret , ibid. Livres ca-
noniques de l'Ancien et du Nouveau Testament ,
t'ii'rf. Prééminence del'Eglise romaine, p. 724. Ouvra-
ges des Pères dont elle admet l'authenticité, ibid.
Livres qu'elle rejette et regarde comme apocryphes,
p. 720. Le décret attribué au pape Hormisdas appar-
tient au pape saint Gélase, p. G33. Autre concile de
Rome, sous le pape Gélase, p. 725.
GÉLASE de Cyzique. Ce qu'on en dit , p. 532,
533. Jugement de son Hist. du concilede Nicée, p . 533 .
GÉLASE, ami de saint Sidoine qui lui envoie des
vers, p. 395.
GÉLIMER, dernier roi des Vandales, p. 466.
GÉMIiNlEN, évêque. Saint Léon le choisit pour
son légat en Orient, p. 236.
GÉNÉTHÉLIUS, intendant du domaine du prince,
assiste au concile de Chalcédoine, p. 683.
GENSRADE (saint). Eloge qu'en ont fait les an-
ciens, p. 343. Il se déclare avec beaucoup de viva-
cité contre Cyrille d'Alexandrie , ibid. et 345. Il se
réunit ensuite à lui , p. 342. Son zèle pour la foi
catholique et le maintien de la discipline, ibid. Est
élu évêque de Constantinople, en 458 , p. 443. Sa
conduite pendant son épiscopat, p. 344. Il tient un
concile à Constantinople vers l'an 460. Sa mort, l'an
471, p. 345. Ses écrits, ibid. Lettre que lui écrit
saint Léon au sujet de Timothée Elure, reçu à Cons-
tantinople, p. 238.
GENNADE, prêtre de Marseille. Ses écrits : son
livre des Ecrivains ecclésiastiques. Analyse de ce
traité , p. 600. Jugement des écrits de Gennade,
p. 605. Autres ouvrages qui lui sont attribués, p. 606.
GENSÉRIC , roi des Vandales, prend Carthage. Il
fait prendre la fuite à plusieurs personnes de consi-
dération ou les réduit en servitude, p. 56. il persé-
cute les catholiques, p. 449 et suiv. Il ravage la Si-
cile, en 440, p. 170. Eudoxie l'invite à se rendre
maître de Rome, p. 176. Saint Léon obtient de lui
qu'il s'abstiendra des incendies, des meurtres et des
supplices, ibid. Il pille Rome, ibid. Il fait mourir
le comte Sébastien, p. 450. Sa mort, p. 452.
GENTILS. L'auteur du livre de la Vocation des
Gentils est mconnu, p. 240. Analyse de ce livre,
p. 241 et suiv.
GEORGE est ordonné évêque d'Alexandrie par les
ariens pendant l'exil de saint Athanase, p. 45. Cruau-
tés qu'il exerce sur cette Église, ibid.
GEORGE, moine, trouble la Cappadoce par ses
écrits et ses prédications, p. 227.
GEORGE , disciple de saint Jacques , évêque de
Balna, fait son éloge après sa mort, p. 643.
GERMAIN (saint) , évêque d'Auxerre, entreprend
le voyage de Ravenne ; il y est reçu avec beaucoup
d'affection et de respect par saint Pierre Chrysolo-
gue, p. 7. Il est prié d'aller en Angleterre prendre
la défense de îa doctrine de l'Eglise sur la grâce de
Jésus-Christ. 11 y assemble un concile où il condamne
Pelage et Agricola, p. 356. Il guérit une fille aveugle,
p. 357. Constance, prêtre de Lyon , écrit la vie de
saint Germain, p. 400.
GERMANIQUE, fils et père d'évêque, homme peu
chrétien, p. 388.
GERVAIS (saint). Saint Arabroise en trouve les
reliques, p. 391.
GERONCE, prêtre de l'église de Césarée. Firmus,
son évêque, lui écrit, p. 150.
GIBULE , roi des Allemands. Saint Euphrone,
évêque d'Auiun, lui écrit pour demander la liberté de
plusieurs captifs, p. 359.
GILBERT DE LA PORÉE, évêque de Poitiers. Sur
un traité de Boëce, p. 665.
GIRONE. On y tient un concile , en 5l7, p. 749.
GODEGISILLE, frère de Gondebaud, roi des Bour-
guignons, p. 735.
GONDEB.AUD , roi des Bourguignons, consulte
saint Avit sur plusieurs questions , p. 554 et suiv.
GONDIAC , roi des Bourguignons, se plaint au
pape saint Hilaire de l'ordination de saint Marcel,
évêque de Die, p. 338.
GONTAMOND, neveu d'Huncric , roi des Vanda-
les, lui succède, p. 462. Il rappelle saint Eugène de
Carthage et tous les catholiques, p. 464.
GORORANES.roi de Perse, continue la persécution
contre les chrétiens, commencée par son père, p, 49.
GOUTER le péché. Ce que Théodore! entend par
le terme de goûter, p. 87.
GRACE. Il y en a de deux sortes, p. 242. En quoi
la grâce consiste selon les pélagiens , p. 280; selon
les semi-pélagiens la volonté la prévient. Suite de
cette erreur , p. 287 , 288. Sans la grâce l'homme
n'aurait pu persévérer dans l'innocence qu'il avait
reçue dans sa création , p. 507. Sentiment du pape
Gélase sur la grâce, p. 499 et suiv.; de Fauste de
.Riez, p. 427 et suiv.
GRATIEN, empereur, succède à Valens, son oncle,
p. 48; il rappelle les évêques exilés et fait chasser
de lEglise les sectateurs d'Arius , ibid. Il associe
Théodose à l'empire, p. 48.
GRATISSIMUS , grand chambellan , fonde le mo-
nastère de Saint-Cyriaque, à Constantinople, p. 345.
GRATUS , diacre , compose un écrit que Fausta
de Riez réfute, p. 422.
GRECS. Leurs différentes opinions sur le bon-
heur de l'homme, p. 97.
GREGOIRE, ordonné malgré lui évêque de Mo-
dène, p. 401.
GRIGNY , monastère au diocèse de Vienne,
p, 393, 562.
•784
TABLE AKALYTIQTJE.
H.
HABET-DEUM, évoque d'Afrique. Antoine, évêque
arien, veut le baptiser, p, 461.
HÉLÈNE (sainte) , va à Jérusalem, p. 44; elle
fait démolir le temple bâti sur le tombeau du Sau-
veur; on y trouve trois croix, ibid. Comment elle
reconnaît la vraie croix du Sauveur , ibid. Usage
qu'elle fait de cette croix et des clous, ibid.
HÉLIE, avocat. Théodoretlui écrit, p. 65.
HÉLIOPOLIS, ville voisine du mont Liban, p. 46.
HELLADE, évêque. Firmus lui écrit, p. 151.
HELLADE. Firmus lui représente les besoins de
la Cappadoce , et le conjure de diminuer les contri-
butions, p. 160.
HELLADE, supérieur du monastère de Sainl-Théo-
dose, p. 56.
HENOTIQUE ou formulaire pour la réunion fait
par l'empereur Zenon, p, 409 et suiv.
HÉRÉTIQUES. On ne doit point rebaptiser ceux qui
ont été baptisés par eux, p. 258 , 259. On peut ad-
mettre aux ordres sacrés ceux qui se convertissent,
p. 273. Les clercs bien convertis peuvent être ad-
mis aux fonctions dont l'évêque les jugera dignes,
p. 745. Les hérétiques sont moins criminels que les
catholiques en comraettantles mêmes crimes, p. 373.
Leurs noms n'étaient pas récités dans la célébration
des mystères, p. 480.
HERMAS, chef de la secte des messallens, p. 47 ;
ne veut point se séparer de la communion de l'E-
glise, ibid. II est chassé de la Syrie, ibid.
HERMÈS , archidiacre de l'église de Narbonne,
est porteur d'une lettre de saint Léon à Rustique,
son évêque, p. 199.
HERMÈS , ordonné pour Béziers , est fait évêque
de Narbonne, p. 337 et 441 .
HÉRONS. Saint Sidoine lui écrit, p. 383.
HÉSICHIUS , prêtre , assiste à la dédicace de la
Laure de saint Euthymius, p. 17.
HESICHIUS, père de saint Avit, évêque de Vienne,
p. 553.
HESPER, prie saintSidoine d'écrire l'histoire d'At-
tila, de la part de Léon, ministre d'Euric, p. 384 et 385.
HIERARCHIE. Livres de la Hiérarchie céleste et
ecclésiastique, attribués à saint Denis l'Aréopagite,
p. 544 et suiv.
HILAIRE (saint), évêque de Poitiers. Saint Per-
pétue lègue à l'évêque Euphrone un livre des Evan-
giles écrit de la main de saint Hilaire, p. 440.
HILAIRE (saint), archevêque d'Arles, va à Rome,
en 444, p. 203. Il se sauve de cette ville, ibid. Saint
Léon écrit contre lui aux évêqueo des Gaules , ibid.
et 204. 11 est condamné à Rome , ibid. Rescrit de
l'empoiour Valentinien centre cet évêque, ibid. Sa
mort f . 215. Termes iionorables qu'emploie saint
Léon en parlant de lui, p. 215.
HILAIRE, entreprend la défense de saint Augus-
tin, p. 276. 11 écrit à ce saint Docteur qui lui en-
voie les livres de la Prédestination des saints et du
Don de la Persévérance , ibid. Il va à Rome avec
saint Prosper, p. 277.
HILAIRE ou HILARIUS , HILARUS , archidiacre
de Rome. Théodoret lui écrit, p. 24. Il prie Victo-
rius de composer un cycle pascal, p. 176. I! est dé-
puté par saint Léon au faux concile d'Ephèse ,
p. 173, 333 et 675 ; il s'oppose à h condamnation de
Flavien et d'Eusèbe, p. 679. Dioscore fait tout son
possible pour l'engager à se trouver à une seconde
séance, ibid. ; il s'échappe d'Éphèse et s'en retourne
à Rome, ibid. Il instruit saint Léon du malheureux
succès du faux concile d'Éphèse, p. 173 et 680. Sa
lettre à l'impératrice Pulchérie , p. 335. Sa lettre à
Viciorius, ibid. Il succède à saint Léon , en 461 ,
p. 178. Il tient, en 465, un concile à Rome, p. 320 et
716. Ses lettres aux évêques d'Orient vers l'an 462;
à Léonce , évêque d'Arles. Lettre de Léonce à saint
Hilaire, p. 335 et 336. Autres lettres de saint Hi-
laire à Léonce, p. 337 ; aux évêques des Gaules, ibid.;
à Léonce, à Véran età VicturuSjîfcî'rf. et 338; à Léonce
et aux évêques des Gaules, p. 338, 339. Lettres des
évêques d Espagne à saint Hilaire , p. 338 et 339.
Lettre de saint Hilaire aux évêques d'Espagne et à
Ascagne , p. 339. Saint Hilaire s'oppose à l'hérésie
de M;icédonius, p. 339, 340. Sa mort, p. 340.
HILDÉRIC . fils d'Hunéric , roi des Vandales,
p. 458, 462.
HIMÉRIUS, disciple de saint Loup , évêque de
Troyes. Saint Sidoine fait son éloge, p. 393.
HIMÉRIUS , évêque de Nicomédie. Théodoret lui
écrit, p. 104. Alypius l'emploie pour adoucir Fir-
mus irrité contre lui, p. 150.
HOÉNUS, poète, instruit saintSidoine Apollinaire,
p. 379.
HOMMAGE , beau-père de Rurice. Saint Sidoine
lui adresse un poème, p. 397.
HOMME. Ce nom est commun à toute la nature
humaine, p. 80. Il est de l'usage commun de don-
ner le nom de l'homme à ses parties , p. 81. Les
malheurs auxquels il peut être sujet ont leur utilité
et leur avantage, p. 90. Il est libre de sa nature,
p. 118. D'où vient que tant qu'il est sur la terre il
fait des chutes continuelles, p. 282. En quel sens
Dieu veut sauver tous les hommes, p. 282, 286.
HONORAT (saint), évêque de Marseille. Ses écrits,
p. 600.
HONORIUS , empereur , défend les combats des
gladiateurs, p. 139 ; il met le solitaire Télémaque au
nombre des martyrs, ibid.
HONORIUS , évêque de Dalmatie. Le pape Gé-
lase lui écrit sur l'hérésie de Pelage, p. 499.
HOR , abbé de plusieurs monastères. Saint Pé-
trone le visite, p. 160.
TABLE ANALYTIQUE.
783
HORMISDAS. Le roi de Perse ne pouvant ébranler
la fermeté d'Hormisdas dans la foi, par la privation
de son bien et de ses charges , l'exile tout nu de son
royaume, p. 49. Hormisdas est élu pape, en 514,
p. 612. Sa lettre à saint Remy, ibid. ; lettre à l'eaipe-
■reur Anastase, p. 613 ; instruction à ses légats, ibid.;
ses lellres à l'empereur, p. 615; à Dorothée de'fhes-
salonique; aux é\èquesde l'ancien Epirè ; à Jean de
Nicopolis, p. 616; à saint Avit , évèque de Vienne;
à l'empereur Anastase et à plusieurs autres, p. 617;
à Ennode de Pavie, p. 618. Lettre de l'empereur au
pape, p. 619. Lettres d'Hormisdas aux archiman-
drites de Syrie, ibid. ; à Jean deXarragone ; aux évè-
ques d'Espagne; à Salluste, évêque de Séville, p.
620 ; à l'empereur Justin ; à Jean de Constantinople,
p. 621. Voyage des légats du pape Hormisdas : leur
arrivée à Constantinople , p. 623. Lettres au pape et
du pape pour la réunion, p. 624; lettres du pape
aux légats, p. 625; à Jean de Militane et aux évê-
ques d'Espagne, p. 626. Lettre touchant les moines
de Scytliie, ibid. Lettres sur l'ordination d'Epiphane
et sur la réunion , p. 628. Lettres au pape et du
pape à ses légats, p. 631 ; lettres d'Hormisdas à Pos-
sessor , ibid. ; à Dorothée de Thessalonique, p. 632;
lettre au pape Hormisdas. Décrets qu'on lui attribue,
p. 633. Le pape Hormisdas exclut Fauste de Riez du
nombre des Pères qu'il faut prendre pour juges dans
les difficultés qui s'élèvent sur la doctrine, p. 433.
HORTULAN, évêque , refuse de jurer un écrit pré-
senté par Hunéric, p. 458.
HUMILITÉ. Son éloge, p. 158; l'humilité est essen-
tielle aux vierges ; en quoi elle consiste, p. 246.
HUNÉRIC, fils de Genséric, fait mourir plusieurs
manichéens, p. 452. Il persécute les catholiques d'A-
frique, ibid. et suiv. Il envoie à Eugène , évèque de
Carthage , un écrit pour une conférence, p. 454.
Il publie son édit de persécution générale contre les
catholiques, p. 457; cruauté avec laquelle s'exerce
cette persécution, ibid. et suiv. Mort extraordinaire
d'Hunéric , p. 462; son neveu Gontamond lui suc-
cède, ibid.
HUNS (Les) font plusieurs ravages sous Attila ,
p. 235.
HYMNEMOND, élu abbé d'Agaunedans l'assemblée
qui s'y tint, p. 747.
HYMNES de Mammert Claudien, p. 355. Le pape
Gélase avait composé des hymnes à l'imitation de saint
Ambroise, p. 510.
HYPACE. Théodoret entreprend à sa prière l'ex-
plication de l'OclateLique, p. 26.
HYPACE , heau-père de Salvien , s'offense de sa
conversion, p. 360.
HYPACE à qui saint Sidoine écrit en faveur de
Donide, p. 385.
HYPATIUS, prêtre et chorévêque. Théodoret l'en-
voie à Rome, p. 23 et 74.
I.
IRAS , évêque d'Edesse , succède à Rabulas , p.
144. n est accusé auprès de l'empereur et de saint
Procle, ibid. ; il est absous à Antioche , ibid. ; et à
Tyr, ibid. ; il est accusé de nouveau, p. 145; il est
renvoyé absous, ibid. et suiv. ; il est déposé dans le
faux concile d'Ephèse, p. 146 ; il est reconnu pour
orthodoxe dans celui de Chalcédoine et recouvre les
honneurs de l'épiscopat , ibid. et 147. Sa mort en
457, p. 147. Sa leitre à Maris, ibid.
IBÉRIE, femme de Rurice. Saint Isidore fait son
épithalame, p. 397.
IBÉRIENS, se convertissent à la foi de Jésus-Christ
sous le grand Constantin, p. 44. Comment s'est faite
cette conversion, p. 138.
IDACE, évêque de Chiaves, sa patrie. Il est élevé
à l'épiscopat, p. 34i; il est envoyé en députalion
dans les Gaules, iiî'rf.; il examine les priscillianistes,
ibid. et 342; les convainc, p. 341; fait des extraits
de leurs blasphèmes, p. 206; Turribius lui envoie sa
réfutation, ibid.; les manichéens sont poursuivis de-
vant lui, p. 3i6; il envoie les procès-verbaux à An-
tonin de Mérida, p. 342; il est emmené captif, ibid.;
sa mort, ibid.; sa Chronique, ibid.; ses Fastes con-
sulaires, ibid.; éditions de sa Chronique, p. 342 et
343; il n'a pas fait de livre contre l'arien Varimade,
p. 483.
IDAGE, surnommé Clarus, différent de l'évêque de
X.
Chiaves, p. 483. Il a fait un traité contre les pris-
cillianistes, ibid.
IDOLATRIE. Restes d'idolâtrie dans les Gaules,
p. 708.
IGNACE (saint), martyr et évêque d'Antioche. On
lui attribue l'établissement dans son Eglise du chant
des Psaumes à deux chœurs, p. 137.
ILLYRIE ORIENTALE. Saint Léon écrit, en 444,
aux mélropolilains de cette province, p. 202 et 206.
IMAGES. A Rome, les artisans mettent l'image de
saint Siméon Slylite sur l'entrée de leurs boutiques,
p. 133. Le second concile de Nicée se sert de ce fait
pour autoriser le culte des images, ibid.
IMMUABLE. Ce terme est commun aux trois per-
sonnes de la Trinité, p. 80.
INACHIUS. Firmus lui écrit, p. 152.
INCARNATION. Détail des différentes hérésies sur
ce mystère, p. 72. Pourquoi elle a été diff'érée si
longtemps, p. 94 et 95. Erreurs faussement attri-
buées à Théodoret sur l'incarnation, p. 114 et suiv.
Motifs de l'incarnation, p. 117. Doctrine du pape
Anastase sur ce mystère, p. 519 et suiv.; de Mam.
mert Claudien, p. 349 ; de Vigile de Tapse , p. 472
et suiv.; du pape Gélase, p. 493; de saint Avit de
Vienne, p. 555; des moines de Scythie, p. 626; de
saint Jacques, évêque de Ratna , p. 640. Erreur du
diacre Gratus sur l'incarnation, réfutée par Fauste
so
786
TABLE ANALYTIQUE.
de Riez, p. 422. Traité, du pape Gélase, contre Euty-
chès et Nestorius, sur l'incarnation, p. 508.
INGENUUS, évêque d'Embrun, assiste au concile
de Rome en 465, p. 681.
INDIENS (les) se convertissent à la foi de Jésus-
Christ sous Constantin le Grand, p. 44; quelle en
est l'occasion, p. 138.
INDUSTRlUSj ami de saint Sidoine, qui décrit la
vie de Vectius, p. 387.
INFIDÈLES. Remarque sur leurs actions, p. 291.
INJURES. 11 ne faut y répondre que par le silence,
p. 156.
INNOCENT, évêque , est commis pour porter la
lettre de saint Léon aux évèques de Campanie, et
est chargé d'en faire exécuter les décrets, p. 202.
INSOLENCE de la bouche, p. 156.
INTERCESSION des saints, p. 463.
INVOCATION des saints. Saint Victor de Vite in-
voque les patriarches, les saints, les prophètes, les
apôtres, etc., p. 462.
IRÉNÉE, évêque de Tyr. L'empereur donne ordre
de le déposer et de le chasser de son Eglise, p. 23;
il est soupçonné de nestorianisme, ibid. Théodore!
défend son ordination, ibid. On ordonne un évêque
en sa place, ibid.
IRÉNÉE, évêque de Césarée en Palestine, souscrit
à la lettre synodale de Juvénal do Jérusalem, p. 18.
IRÉNÉE, évêque d'une ville voisine de Barcelone,
est désiré par cette dernière pour y remplir les
mêmes fonctions. Le pape saint Hilaire s'oppose
à cette translation, p. 339.
ISAAC , surnommé le Grand, prêtre d'Anlioche,
p. 578; ses écrits, ibid.
ISAAC, solitaire, prédit à Valens qu'il périra dans
la bataille, p. 48.
ISCHIRION , diacre de l'Eglise d'Alexandrie. Ses
accusations contre Dioscore dans le concile de Chal-
cédoine, p. 687.
ISDEGÈRDE, roi de Perse, persécute les chrétiens
et renverse toutes leurs églises, p. 49; il fait mourir
l'évèque Abdas, ibid.
ISIDORE , évêque de Cyr , va voir saint Marcien ,
p. 52.
ISIDORE, préfet d'Orient en 435 , autorise le rè-
glement fait par le préfet du prétoire, p. 67.
ISOCASIUS, sophiste, embrasse la religion chré-
tienne après l'an 431, p. 167.
ISRAÉLITES (les) font alliance, contre les ordres
du Seigneur, avec les habitants de Chanaan, p. 31.
Pourquoi Dieu n'a pas voulu les exterminer, p. 32.
ITALIE. Lettre de saint Léon aux évêques de cette
province, p. 203.
ITALIQUE, dame romaine, à qui saint Augustin
écrit, p. 470.
ITE MISSA EST. Origine de cette formule , p. 555.
IVROGNERIE. Elle est la source des vices , p. 156.
J.
JACOB n'a pas menti quand il s'est donné pour
Esaii, p. 110.
LACQUES (saint) , disciple de saint Maron. Ses
austérités surpassent celles de son maître, p. 59; il
donne quelq'ie relâche à son corps à la prière de
Théodoret, ibid ; ses miracles, ibid.
JACQUES (saint), évêque de Nisibe, engage Théo-
dore! à la paix, p. 21; il relève, par la force de ses
prières, le courage des soldats et des habitants de
Nisibe, p. 46; il rétablit les murailles de la ville, ibid.;
il va en Perse visiter les chrétiens ; miracles qu'il y
opère, p. 51.
JACQUES (saint), solitaire, p. 581.
JACQUES (saint), évêque de Batna en Mésopota-
mie , né en 452 , est fait prêtre en 503 , évêque en
519, meurt en 521, p. 639. 11 a toujours professé la
foi catholique, p. 640. Objections contre sa catholi-
cité , ibid. Ses écrits , p. 641 ; ses poésies , p. 642 ;
son éloge, par Georges, son disciple, p. 643.
JACQUES (saint), solitaire, aide Théodoret à con-
vertir divers hérétiques, p. 20.
JACQUES LE PERSAN se met sous la conduite
de saint Eusèbe, p. 53; il est établi supérieur; se dé-
met de cette charge, ibid.
JAMBLIQUE , évêque de Trêves , fort vertueux ,
p. 400.
JANVIER, évêque d'Aquilée. Lettres de saint Léon
à cet évêque, p. 206.
JANVIER, évêque de Zattare, p. 455.
JEAN (saint) , apôtre. Lucius compose des Actes
sous son nom, p. 207.
JEAN-BAPTISTE (saint). Les païens brûlent ses
ossements sous Julien l'Apostat, et en jettent les
cendres au vent, p. 46. Pourquoi l'on fait, dans toutes
les églises du monde, la fête de sa naissance, p. 321
et 322.
JEAN (saint), vit d'une manière très -austère,
p. 60.
JEAN , évêque d'Anlioche , est lié d'amitié avec
Théodoret , qui réfute , à sa prière , les anathéma-
lismes de saint Cyrille, p. 21 et 99. Le pape Céles-
tin et saint Cyrille lui écrivent contre Nestorius; il
écrit à ce dernier, ibid.; il se sépare du concile d'E-
phèse, qui le retranche de la communion ecclésias-
tique. Firmus écrit contre lui et contre ceux de son
parti, p. 149. Rabulas se sépare de sa communion,
p. 143. Jean assemble quelques évêques avec les-
quels il écrit à ceux de l'Osrohène, ibid.; il se récon-
cilie avec Rabulas, ibid.
JEAN, évêque de Batne, est accusé avec Ibas,
p. 145.
JEAN , évêque de Germanicie. Théodoret compose,
TABLE ANALYTIQUE.
787
à sa prière , son commentaire sur le Cantique des
Cantiques, p. 37 ; et lui écrit, p. 76 et 99.
JEAN , évêqne d'Hiéraple , succède à Panolbius,
p. 666. Le concile d'Anlioche lui enjoint d'ordonner
au plus tôt un évêque pour Perrlia, à la place d'A-
thanase, ibid.
JEAN (saint) de Lycopole, donne â saint Pétrone
diverses instructions, et guérit un de ses compa-
gnons, p. 160.
JEAN, abbé. Théodoret lui écrit, p. 76.
JEAN, économe de l'Eglise de Cyr. Théodoret lui
écrit, p. 79.
JEAN , prêtre de l'Eglise de Constantinople , va à
Rome chercher la paix et une doctrine assurée,
p. 221. Saint Léon lui fait donner une déclaration
de sa foi, ibid.
JEAN, ecclésiastique d'Edesse, se rend accusateur
d'Ibas, p. 145; ses chefs d'accusation, ibid.
JEAN, prêtre et défenseur de l'Eglise de Constan-
tinople , est chargé d'appeler Eulychès , p. 670;
il rend compte de sa mission et écrit ce qui s'est
passé dans la conversation qu'il a eue avec lui, ibid.
JEAN, prêtre et primicier des notaires d'Alexan-
drie, fait les fonctions de promoteur dans le faux
concile d'Ephèse, p. 676; il lit la requête présentée
par les moines d'Eutychès, p. 678.
JEAN, diacre, député au pape saint Hilaire contre
Hermès de NarLonne, p. 337.
JEAN, évêque de Ravenne, ordonne Grégoire
évêque de Modéne, p. 401.
JEAN de Cappadoce, archevêque de Constantino-
ple. Saint Avit le congratule de sa réunion et de
celle des Eglises d'Orient avec l'Eglise romaine,
p. 557.
JEAN, évêque de Palte, assiste au concile de Si-
don; est banni, etc., p. 750.
JEAN, évêque de Chàlons, p. 717.
JEAN, évêque de Téla. Ses Résolutions canoniques,
p. 643.
JEAN TALAIA est fait évêque d'Alexandrie après
la mort de Timothée Solofaciole, p. 408. L'empe-
reur Zenon, prévenu contre lui, ordonne de le chas-
ser, p. 409. Jean s'enfuit et Pierre Mongus est intro-
nisé à sa place, p. 410. Jean appelle au p3pe et se
rend à Rome , p. 410; il présente sa requête à Fé-
lix 111, p. 4H; il est fait évêque de Noie, ibid.; sa
mort, ibid.
JEAN MAXENCE, moine de Scythie, écrit contre
la lettre du pape Hormisdas à Possessor, p. 634; il
présente une requête aux légats du pape, p. 635.
Profession de foi de Jean Maxence et des moines de
Scythie, ibid. Capitules ou anathématismes des
moines de Scythie, p. 636. Autre profession de foi
deJean Maxence; son écrit contre les acéphales, î'iid.;
son dialogue contre les nestoriens, p. 637. Lettre
des moines de Scythie aux évêques relégués en Sar-
daigne , ibid. Trifolius écrit contre les moines de
Scythie, p. 638.
JEAN, prêtre de Constantinople, ordonné évêque
d'Apamée par les hérétiques, usurpe le siège d'An-
tioche, p. 406.
JEAN , professeur de belles-lettres. Saint Sidoine
lui écrit, p. 393.
JEAN , grammairien et prêtre d'Antioche , écrit
contre ceux qui refusaient de confesser deux natures
en Jésus-Christ, p. 471.
JEROME (saint). Orose se retire auprès de lui à
Bethléem, p 2. Saint Jérôme le charge de quelques
écrits pour saint Augustin, p. 3. Sa lettre à Rus-
tique, p. 199.
JÉSERNIUS, évêque d'Irlande, p. 447.
JÉSUS-CHRIST. Selon Fausle de Riez, la divinité
a souffert en Jésus-Christ , non en sa nature , mais
par un sentiment de compassion, p. 349. Mammert
Claudien réfute cette opinion, ibid. Pourquoi il s'ap-
pelle lui-même Fils de l'homme, p. 98, et pourquoi
il a abrégé, autant qu'il a pu, l'espace de trois jours
qu'il devait demeurer dans le tombeau, p. 192; il
est mort pour tous les hommes , p. 257 ; sa mort
est exprimée dans le sacrement de baptême, ibid.
JEUNE (le), est moins agréable à Dieu que la
charité, p. 52; l'Eglise en a assigné à toutes les sai-
sons de l'année, par l'inspiration du Saint-Esprit,
p. 80. Celui du dixième mois est établi par la tra-
dition des apôtres, ibid., et p. 249; ses propriétés,
p. 180; il doit être accompagné des œuvres de la
loi et de la charité, p. 187. Pourquoi les jeûnes
sont établis après les fêtes, p. 194; degré pour
jeûner utilement, ibid. L'Eglise prescrit celui du
carême à tous les fidèles, sans aucune exception,
p. 249. Saint Perpétue, évêque de Tours, règle
les jours des jeûnes, p. 438. Jeûne des Rogations,
p. 347.
JOBIUS. Théodoret lui écrit, p. 75.
JONAS a fait d'autres prophéties que celles qui
portent son nom, p. 109.
JONATHAS. Pourquoi, en voulant fondre sur ses
ennemis, il donne certains signes à son écuyer, p. 33.
JOSUÉ STYLITE, auteur syrien , p. 583. Sa Chro-
nique; ce qu'elle contient de remarquable, iiid. et suiv.
JOSUE. Théodoret fait un parallèle entre Josué
et Jésus-Christ, p. 31.
JOVIEN , empereur, rappelle les évêques exilés
sous Julien , p. 47. Plusieurs évêques lui écrivent,
ibid. Jovien ordonne de fournir aux Eglises le blé
que Constantin avait accordé et que Jovien avait re-
tranché, ibid. Sa mort est regrettée, ibid.
JUDAS. S'il avait voulu faire pénitence de son
crime, il en aurait obtenu le pardon, p. 188.
JUGE persan, rend une sentence injuste; et épou-
vanté, en rend une tout opposée, p. 51.
JUIFS. H est défendu à tous les clercs et même
aux laïques, de manger chez eux et de les inviter à
manger, p. 713.
JULES, évêque de Pouzzole, légat du pape saint
Léon au faux concile d'Ephèse, p. 325 et 675; il
refuse de souscrire à la déposition de Flavien et
d'Eutychès, p. 679.
JULIEN (saint), de Brioude. Son chef retrouvé
avec le corps de saint Ferréol , par saint Mammert,
p. 391.
JULIEN est élu évêque d'Antioche, p. 345.
788
TABLE ANALYTIQUE.
JULIEN, diacre de Carthage, presse Orose d'en-
trepreiidre l'Histoire du monde, p. 3.
JULIEN l'Apostat, rappelle les évêques que
Constance avait chassés de leurs Eglises, p. 46; lois
de ce prince contre les chrétiens, ibid.; il les fait
chasser des armées, ibid.; il ordonne de transporter
les reliques du martyr saint Babjlas, ibid.; il s'ef-
force en vain de rétalilir le temple de Jérusalem ,
ibid.; il perd la vie dans son expédition contre les
Perses, ibid.; réjouissances à sa mort, ibid.
JULIEN, évoque de Cos. Saint Léon l'établit son
nonce à Constantinople , p. 175. Julien écrit à ce
pape, touchant l'erreur d'Eutychès, p. 213. Répon-
ses qu'il en reçoit, ibid. Autres lettres de saint
Léon, p. 2i6, 220, 226, 228 et 229. Ce saint pape
l'engage à travailler avec ses légats, à l'extirpation
des restes de l'hérésie d'Eutychès, p. 221; il le
commet pour présider en son nom au concile géné-
ral, p. 222. Julien prie saint Léon de confirmer le
vingt-huitième canon du concile de Chalcédoine,
p. 224; il est le premier qui ait la commission
d'apocrysiaire ou de correspondant à Constantinople,
de la part du pape, p. 226. Avertissement que lui
donne saint Léon, ibid. Julien prie ce pape d'écrire
à Anatolius; réponse qu'il en recuit, ibid. Le pape
le charge de l'informer exactement quel jour on doit
faire la Pâque en 455, p. 228, 229, et de fùre une
nouvelle traduction grecque de sa lettre à Flavien,
p. 229. L'empereur Léon lui demande son avis sur
le concile de Chalcédoine et sur Timothée Elure,
p. 238. Réponse de Julien, ibid.
JULIEN, évêque d'Eclane. L'hérésie de Pelage
essaie de reprendre naissance par son ministère,
p. 292; il est condamné deux fois, ibid.; il tâche,
par toutes sortes d'artifices, de rentrer dans la com-
munion de l'Eglise romaine, p. •169. Le pape Sixte 111
rejette sa fausse pénitence, ibid.
JULIEN , évêque de Sardique, assiste au concile
d'Ephèse, p. 103.
JULIEN POMERE est auteur du livre de la Vie
contemplative , p. 314 et 315; ce qu'on sait de Ju-
lien, p. 588; ses écrits, ses trois livres de la Vie
contemplative, ihid. Analyse du premier livre, p.
589; du deuxième, p. 593; du troisième, p. 597.
Autres écrits attribués à Julien Pomère, p. 599.
JULIEN SABAS (saint) établit sa demeure dans le
désert de l'Osrhoène, p. 51; [sa manière de vivre,
ibid.; règle qu'il donne à ses disciples, ibid.; il fait
mourir un dragon par le signe de la croix, ibid.; il
a une révélation de la mort de Julien l'Apostat,
ibid.; il va à Antioche, ibid.; miracle qu'il fait en
chemin, ibid.; il tombe malade à Antioche, ibid.;
il recouvre la santé, p. 52; il guérit plusieurs per-
sonnes affligées de diverses maladies, p. 52.
JULIENNE , petite fille de l'empereur Valenli-
nien III et femme d'Aréobinde, se déclare pour le
concile de Chalcédoine, p. 490.
JUSTE (s.mnt), évêque de Lyon. Sa fête célébrée
tous les ans, p. 379, 389 et 390.
JUSTICE DIVINE. Elle éclate sur les païens, sous
Julien l'Apostat, p. 46.
JUSTINE , femme de l'empereur Valentinien, infec-
tée de l'erreur arienne, en prend la défense, p. 49;
elle communique ce poison au jeune Valentinien,
son fils, ibid.
JUVÉNAL, évêque et premier patriarche de Jéru-
salem, est fait évêque vers l'an 424, p. 17. Saint
Célestin lui écrit contre les erreurs de Nestorius,
ibid. Juvénal assiste, en 431, au faux concile d'E-
phèse, ibid., il prétend s'y attribuer la primauté de
la Palestine, ibid. et p. 343. Saint Cyrille s'y op-
pose, p. 17. Juvénal est un des députés du concile
à l'empereur et de ceux qui ordonnèrent Maximien,
ibid.; il assiste au concile de Chalcédoine, ibid.; i]
est obligé de sortir de son Eglise, en 452; il y re-
vient l'année suivante, p. 18; il tient un concile à
Jérusalem, ibid.; sa mort, en 458, ihid.
laïques. Il est défendu de les admettre à l'épis-
copat et à la prêtrise, p. 205, 261 ; quelque savoir qu'ils
aient, il ne leur est pas permis de prêcher, p. 262.
LAMPRIDIUS , ami de saint Sidoine , qui lui en-
voie un petit poème, p. 393.
LANGUE maligne. Les fâcheux effets qu'elle pro-
duit, p. 156. Langues coupées aux confesseurs
d'Afrique, qui ne laissent pas de parler, p. 263 et 492.
LARRON. Pourquoi le bon larron a reçu si tôt le
pardon de ses crimes, p. 32.
LATISCON, montagne du diocèse de Troyes, où
saint Loup se retire durant deux ans, p. 357.
LAURENT, évêque de Lignide en lllyrie. Le pape
Gélase lui écrit, p. 493.
LAUSUS. Pallade lui dédie son Histoire lausiaque,
p. 151. Firnius lui écrit, ibid.
LÉANDRE (saint), évêque de Séville, est auteur
d'un discours en l'honneur de saint Vincent , mar-
tyr, attribué à saint Léon, p. 198.
LECTEURS (les) sont marqués entre les ministres
de l'Eglise, p. 130; ils peuvent se marier et avoir
des enfants, p. 261 ; il leur est défendu de prendre
des femmes qui ne soient point catholiques ou
de faire baptiser leurs enfants chez les hérétiques,
p. 698. Les enfants des confesseurs sous Hunéric,
sont faits lecteurs, p. 461.
LÉGISLATEURS. Comparaison des législateurs
grecs et romains avec les apôtres, p. 96.
LÉGITIMUS, évêque, est commis pour porter la
lettre de saint Léon aux évêques de Cnmpanie, et il
est chargé d'en faire exécuter les décrets, p. 302.
LÉON, empereur, est élevé à celte dignité, en
TABLE ANALYTIQUE.
789
457, par rautorité du patrice Asper, p. 233; son
règne est moins favorable à l'Eglise que celui de
Marcien, ibid. Léon écrit à Juvénal de Jérusalem,
p. 18. Saint Léon le félicite sur son élection, p.
233. Autre lettre du pape, ibid. Anatolius informe
saint Léon des bonnes dispositions de ce primée,
pour la défense des décrets du concile de Chalcé-
doine, p. 234. Lettre du pape, ibid. Léon reçoit
charitablement les évêques d'Egypte, qui lui font
récit des persécutions de Timothée Elure, ibid.;
saint Léon lui écrit en faveur de ces évêques, ibid.
Autre lettre du pape, p. 236, qui lui écrivait une
ample exposition de la foi sur le mystère de l'Incar-
nation et de la Rédemption, ibid. et 237. Léon fait
chasser Timothée Elure d'Alexandrie, p. 238. Le
pape l'en remercie au nom de toutes les Eglises,
ibid. Léon écrit une lettre circulaire à tous les
évêq\ies, pour avoir leur avis sur le concile de Chal-
cédoine et de Timothée Elure, ibid. Réponse de Ju-
lien de Cos, ibid.
LÉON (saint), pape, surnommé le Grand, docteur
de l'Eglise. Histoire de sa vie, p. 169 et suiv.; sa
naissance, et ce qu'il a fait jusqu'à son épiscopat,
p. 169; il va dans les Gaules, ibid.; il est élu pape
en 450, ibid.; sa conduite pendant son épiscopat,
ibid.; il fait régler la fête de Pâques pour l'an 447,
p. 170; ses lettres sur ce sujet à saint Cyrille d'A-
lexandrie et à Paschasin, ibid.; son zèle contre les
manichéens; il les fait chasser de Rome, p. 171 ; il
combat les pélagiens, p. 171 et 172 ; son différend
avec saint Hilaire d'Arles, en 445, p. 172; il écrit
au sujet d'Eutychès, ibid.; il envoie en 449, ses
légats à Ephèse, p. 173; ses plaintes sur l'irrégu-
larité de ce concile, ibid.; il rétablit Théodoret,
déposé, p. 172; il demande la tenue d'un concile
général, ibid.; il envoie ses légats au concile de
Chalcédoine, en 451, ibid. Le concile lui envoie les
actes de tout ce qui s'est passé. En quoi il réduit
son approbation, ibid.; il s'oppose au vingt-huitième
canon qui donne le second rang à l'Eglise de Cons-
tantinople, ibid.; il arrête Attila, en 452, p 174 et
175; il confirme le concile de Chalcédoine, par une
lettre circulaire, p. 375; il établit Julien de Cos son
nonce à Constantinople, ibid.; règle la fête de Pâ-
ques de 455, ibid.; il se réunit avec Anatolius de
Constantinople; se réjouit de la paix de Palestine,
p. 176; il empêche l'incendie de Rome par Gensé-
ric, ibid. Il s'oppose à l'intrusion de Timothée Elure,
ibid. et 177; sa mort en 461, p. 177. Ses écrits,
p. 178; ses sermons sur son ordination, ibid. et
179; sur les Collectes, p. 179 et 180; sur le Jeûne
du dixième mois, p. 180 et 181; sur la Nativité
de Jésus-Christ, p. 181 et suiv.; sur l'Epiphanie,
p. 184 et suiv. Sermons pour le xarême, p. 186 et
187; sur la Passion du Sauveur, p. 187 et suiv.; sur
la Résurrection, p. 192 et 193; pour l'Ascension,
p. 193; pour la Pentecôte, ibid. et 194; sur le
Jeûne de la Pentecôte, p. 194. Sermons sur les apô-
tres saint Pierre et saint Paul, p. 195; sur les Ma-
chabées, ibid.; sur saint Laurent, ibid.; pour le
jeûne du septième mois, ibid. et suiv. Sermons contre
Eutychès, p. 197; sur la Transfiguration, ibid.; sur
les degrés de la béatitude, ibid. et 198; sur la
Chaire de saint Pierre, p. 198. Prières attribuées à
saint Léon. Discours faussement attribués à saint
Léon, ibid. Ses lettres, p. 198 et suiv. Lettre aux
évêques de i\Iauritanie, p. 198 et 199; à saint Rus-
tique de Narbonne, p. 199 et suiv. Lettre de Pas-
chasien à saint Léon, p. 201 et 202. Lettres aux
évêques de la Campanie, p. 202; à Anastase de
Thessalonique et aux métropolitains de l'Illyrie
orientale, p. 202 et 203; à l'évêque d'Aquilée et à
celui d'Altino, p. 203; aux évêques d'Italie, ibid.;
aux évêques des Gaules, au sujet de saint Hilaire
d'Arles, ibid. et 204; à Dioscore d'Alexandrie, p.
204 et 205; à Anastase de Thessalonique, p. 205 et
206; aux métropolitains de l'Illyrie, p. 206; à Jan-
vier d'Aquilée, ibid. ; à Turribius, évêque d'Astorga
en Galicie, ibid. et suiv. ; aux évêques de Sicile,
p. 209; aux mêmes, p. 210; à Dorus, évêque de
Rénévent, ibid.; à Eutychès, ibid.; à Flavien, ibid.;
à Théodose, ibid. et 211 ; à Flavien, ibid.; à Théo-
dose, ibid. Grande lettre de saint Léon à Flavien,
contre l'erreur d'Eutychès, p. 211 et suiv. Autres
lettres de saint Léon à Julien de Cos, p. 213 ; à
Théodose, ibid.; à Pnlchérie, ibid. et 214; aux ar-
chimandrites de Constantinople, p. 314; au concile
d'Ephèse, ibid.; à Pulchérie, ibid.; à Théodose,
ibid.; à Flavien, ibid ; au sujet de l'élection du prê-
tre Ravenne pour succéder à saint Hilaire d'Arles,
ibid, et 215; à Théodose, p. 215 et 216; à Pulché-
rie, 216; à Flavien, à Anastase et à Julien, ibid.;
au peuple et au clergé de Constantinople, ibid.; aux
abbés de Constantinople, ibid. et 217; à Théodose
et à Pulchérie, p. 217; à Pulchérie et aux abbés de
Constantinople, ibid.; aux évêques de la métropole
d'Arles et à Ravenne, évêque d'Arles, p. 217 et
218; à Théodose, p. 218, 219; aux abbés de Cons-
tantinople et à Pulchérie, p. 219; au prêtre Martin,
ibid.; à Fauste et à Martin, ibid.; à Fauste, ibid.; à
Marcien et à Pulchérie, p. 219; à Anatolius, p. 220;
à Julien, ibid.; à Marcien, ibid. et 221 ; à Pulchérie,
à Anatolius, p. 221 ; à Paschasin, ibid.; à Marcien,
à Anatolius, à Julien, au concile de Chalcédoine,
à Marcien, ibid. et 222; à Marcien et à Pulchérie,
p. 222; à Ravenne, aux évêques des Gaules, p. 223
et 224; à Marcien, à Pulchérie, à Anatolius, à Ju-
lien de Cos, p. 224 et 225; aux évêques des Gaules,
p. 225; à Théodore de Fréjus, ibid.; à Marcien, à
Pulchérie, à Julien de Cos, ibid. et 226; aux évê-
ques du concile do Chalcédoine, p. 226; à Julien de
Cos, ibid.; à Marcien, à Pulchérie, à Julien, ibid. et
227; à Maxime d'Antioche et à Théodoret, p. 227
et 228; à Marcien et à Julien, p. 228/ à Eudoxie,
aux moines de Palestine, à Julien, p. 228 et 229 ; à
Marcien, à Julien, aux mêmes, p. 229; à saint Pro-
tère, p. 230. Lettre de saint Protère, ibid. Ré-
ponse de saint Léon, ibid. et 231. Lettre à l'em-
pereur Marcien, p. 231; à Anatolius, ibid. et 232 i
aux évêques des Gaules, p. 232; à Juvénal de Jé-
rusalem, ibid.; à Julien, à Marcien, à Julien, à Ana-
tolius, ibid. et 233; à l'empereur Léon, p. 333; à
790
TABLE ANALYTIQUE.
Anatolius, ibid.; à Julien, ibid.; à Basile d'Ancyre,
ibid.; à Euxithée de Thessalonique et à Juvénal de
Jérusalem, ibid.; à Julien, à Aétius, à Léon, ibid.
et 234; aux évèques d'Egypte, à Anatolius, p. 234 ;
à Léon, à Anatolius, aux évêques d'Egypte, ibid. et
235; à Anatolius, p. 235; à Nicétas, évêque d'A-
quilée, p. 235; aux évêques d'Egypte persécutés,
au clergé de Constantinople, p. 236; à Léon, ibid.
et 237 ; à Néonas, évêque de Ravenne, p. 237; aux
évêques de la Campanie, ibid. et 238 ; à saint Léon,
ibid.; à Gennade de Constantinople, ibid.; à Timo-
thée Solofaciole, évêque d'Alexandrie, ibid.; au
clergé d'Alexandrie, ibid. Fragments de quelques
autres lettres de saint Léon, ibid. Lettres suppo-
sées, p. 239. Lettres de saint Léon attribuées à
Prosper, ibid. Livres de la Vocation des Gentils,
)). 24-0 et suiv. L'auteur des livres de laVocation des
Gentils, et que quelques savants attribuent à saint
Léon, est inconnu, p. 240 et 241. Analyse du pre-
mier livre, p. 241 et suiv. Analyse du deuxième li-
vre, p. 244 et suiv. Lettre à la vierge Démétriade,
qu'on attribue aussi à saint Léon, p. 246 et 247.
Doctrine de saint Léon, p. 247 et suiv.; sur l'E-
criture sainte, p. 247 et 248; sur la tradition,
p. 248 et 249; sur la foi , p. 249 et 250; sur la
Trinité, p. 250 et suiv.; sur le péché originel,
p. 252 et 253; sur l'Incarnation , sur la distinction
des deux natures et des deux volontés en l'unité de
personne, p. 253 et suiv.; sur l'universalité du sa-
crifice en Jésus-Christ, p. 256 et 257; sur le
baptême et ses cérémonies, p. 257 et 258 ; sur la
confirmation, p. 258; sur l'Eucharistie, p. 259 ; sur
la pénitence, ibid. et suiv. ; sur l'ordre , p. 261 et
suiv.; sur le mariage, p. 264; sur la grâce et sur
le libre arbitre, ibid. et suiv ; sur l'Eglise, p. 266
et suiv.; sur les conciles, p. 268 et 269; sur l'au-
torité du pape, p. 2G9 et 270; sur le culte des
saints et sur le culte de leurs reliques, p. 270 et
271 ; sur le jeûne, l'aumône, la prière, les collec-
tes et les bonnes œuvres faites en commun, p. 271
et suiv.; sur quelques points de discipline, p. 273.
Jugement des écrits de saint Léon, p. 274. Edi-
tions qu'on en a faites, ibid. et suiv.
LÉON, évêque de Bourges, préside au concile
d'Angers, p. 708.
LÉON, ministre d'Euric, roi des Visigoths, prie
saint Sidoine de lui envoyer la copie de la Vie d'A-
pollonius de Tiiyanes, p. 381 ; d'écrire l'histoire de
son temps, p. 382 ; il lui fait rendre la liberté, p. 381 .
LÉON, ami de saint Sidoine, p. 397.
LÉON , prêtre de l'Eglise de Narbonne, en pour-
suivant la punition d'un adultère, va trop loin,
p. 200. (îité devant une assemblée d'évêques et des
laïques qualifiés, il est condamné, ibid.
LÉONCE, évêque de Fréjus. Le pape Célestin lui
écrit en faveur de saint Augustin, p. 277.
LÉONCE, évêque. Arnobe lui dédie son commen-
taire sur les Psaumes, p, 330.
LÉONCE, diacre. Saint Prosper écrit par lui à
saint Augustin, p. 278.
LÉONCE est élevé sur le siège épiscopal d'Antio-
che contre la disposition du concile de Nicée, p. 45.
Ses injustices et ses impiétés, ibid. Firmus lui écrit,
p. 151.
LEONCE, évêque d'Arles. Son union avec le pape
saint Hilaire, p. 336; qui était Léonce, ibid.; sa
lettre à saint Hilaire, ibid. Lettre de saint Hilaire à
Léonce, p. 337 et 838. Saint Sidoine lui écrit, p. 390.
LEONTIUS PONTIUS, sénateur. Saint Sidoine loge
chez lui à Bordeaux et lui adresse un poème, p. 397.
LETTRES. Leur décadence dans les Gaules,
p. 355.
LEUCIUS, manichéen, compose des Actes sous le
nom de saint Jean et de saint André, p. 207.
LIBERAT (saint), médecin, confesse Jésus-Christ
sous Hunéric, p. 461 et 462.
LIBÉRÂT (saint) , abbé , confesse Jésus-Christ
sous Hunéric, p. 462 et 463.
LIBÈRE , patrice , écrit au pape Symmaque pour
lui donner avis de l'élection d'un évêque d'Aquilée,
p. 523.
LIBÈRE (saint), pape. Sa conférence avec l'em-
pereur Constance, p. 45; il insiste sur le rappel des
évêques exilés, ibid. ; il ordonne un évêque en sa
place, ibid.; il est rappelé, ibid.
LIBRE ARBITRE. Avant le péché il ne suffisait
pas à lui-même sans le secours de la grâce et à plus
forte raison depuis le péché, p. 428; il n'est pas en-
tièrement éteint depuis le péché, p. 427.
LIMÉNIUS , à qui Salvien écrit, p. 377.
LIMÉRIUS, questeur, p. 338; il est chargé de mé-
nager un traité avec les Visigoths, ibid. et 391.
LINIUS, ami de saint Sidoine, p. 397.
LIVIANNE, lieu d'exil de saint Sidoine, p. 381.
LIVRES. Catalogue des livres canoniques de l'An-
cien et du Nouveau Testament, p. 723.
L(>IS. Il est quelquefois nécessaire de se relâcher
de la rigueur de la loi pouf un bien que la loi même
aurait ordonné, si elle l'avait prévu, p. 521.
LONGIN , abbé de Dolique , en Syrie. Théodoret
lui écrit, p. 76.
LONGIN, prêtre, souscrit à la déposition de Fla-
vien et d'Eusèbe pour Dorothée de Néocésarée ,
p. 679.
LOUP (saint), né à Toul en Lorraine, se retire à
Lérins, p. 436; il est fait évêque deTroyes vers l'an
426, p. 356; il est envoyé en Bretagne contre les
pélagiens, ibid. ; il y assemble un concile où il con-
damne Pelage et Agricola, p. 667; ses miracles,
p. 356 et 357; sa conduite pendant son épiscopat,
p. 357 ; il déhvre la ville de Troyes des ravages d'At-
tila, en 451, ibid. ; lettre de saint Loup et de saint
Euphrone d'Autun , ibid. ; à Thalasse d'Angers sur
différents points de discipline, ibid. et 358; lettre
de saint Loup perdue, p. 358 ; sa lettre à saint Si-
doine pour le congratuler son élévation à l'épisco-
pat, ibid. et 359. Saint Sidoine lui répond, p. 390.
Autres lettres perdues, p. 359.
LUC , métropolitain de l'IUyrie orientale , écrit à
saint Léon qui lui répond, p. 206.
LUCENTIUS. évêque d'Ascoli. Saint Léon l'envoie
à Constantinople pour travailler avec Anatolius à la
TABLE ANALYTIQUE.
791
paix et à la réunion , p. 682; il le joint à ses légats
pour le concile de Chalcédoine , ibid. et p. 220; il
se plaint du concile, p. 701.
LUCIDE, prêtre. Ses erreurs sur la grâce, p. 425.
Faustede Riez lui écrit, ibid. Edition qu'on a faite de
cette lettre avec une traduction, p. 437. Lucide donne
sa rétractation, p. 426, 427.
LUCIEN, évèque, est chargé de plusieurs lettres
pour saint Léon, p. 224.
LUCONCE souhaite d'avoir quelque pièce de saint
Sidoine, p. 388.
LUITPRAND , roi des Lombards , fait dresser à
Boëce un niausoléeque l'on voit encore aujourd'hui,
p. 650.
LUPERCALES. Le pape Gélase les abolit dans
Rome, p. 507.
LUPUS demande des vers à saint Sidoine, p. 394.
LYMNÉE (saint) , disciple de saint Thalasse , qui
lui donne pour leçon d'observer le silence , p. 60 ;
ilsemet aussisous la conduite de saint Maron, ibid.; il
fixe sa demeure sur le sommet d'une montagne, ibid. ;
il a recours dans ses maladies à la prière, au signe
de la croix et au nom de Jésus-Christ, ibid.; il se
guérit par ce remède salutaire de la morsure d'une
vipère , ibid. ; il rassemble auprès de lui des aveu-
gles et des pauvres, ibid.
LYMPIDIUS, ami de saint Sidoine, p. 397.
M.
MACAIRE, évèque de Cabases, quitte le parti de
Dioscore même avant sa condamnation, p. 230; or-
donne saint Protère, ibid.
MACAIRE , évèque de Jérusalem. Comment il
reconnaît la croix du Sauveur, p. 44.
MACÉDONIENS, croient que le Saint-Esprit est
d'une nature inférieure au Père et au Fils, p. 252.
MACÉDONIUS (saint) , anachorète, se rend illus-
tre par ses vertus et ses miracles, p. 57. La mère de
Théodoret fournit à sa subsistance , ibid. Flavien
l'ordonne prêtre malgré lui, ibid. Ses exhortations à
Théodoret, ibid. ; il est enterré à Antioche, ibid.
MACEDONIUS, hérésiarque, intrus sur le siège de
Constantinople , p. 45. Ce qu'il pense sur le Saint-
Esprit, ibid. Son hérésie est comme la racine de
celle d'Arius, p. 48. Elle est condamnée à Constan-
tinople et par le pape Damase, p. 48.
MACEDONIUS, tribun etnotaire, instruit dans l'as-
semblée de 449 , à Constantinople , la procédure
contre Eutychès , p. 674; veut obliger les évêques
de jurer qu'ils diront la vérité , ibid. ; il déclare
qu'on l'a averti que les autres notaires avaient falsi-
fié les actes du concile de Constantinople de 448,
ibid.
MACÉDONIUS II (SAINT), patriarche de Constanti-
nople après Euphémius, p. 488, confirme le concile de
Chalcédoine, p. 488. Son attachement à la foi ortho-
doxe le rend odieux à l'empereur; il lui résiste, ibid.
et 489; il est accusé d'un crime infâme et de nesto-
rianisme, p. 489; il est envoyé en exil oîi il meurt
à Gangres, en 517, ibid. et 490.
MAGES. On a vu en eux l'efficacité de la grâce de
notre Créateur, p. 264. Elle a conduit leur entreprise,
ibid.
MAGICIENS chassés de Rome , p. 647. Quelques
sénateurs accusés de magie, arrêtés, p. 648.
MAGIE. Toute sorte de magie et d'enchantement
est défendu aux clercs sous peine d'être chassés de
l'Eglise, p. 705 et 746.
MAGNUS , évèque de Milan. Saint Avit lui écrit,
p. 558.
MAGNUS, prêtre et abbé de Constantinople. Théo-
doret et saint Léon lui écrivent, p. 75 , 2l4, 219.
MAGNUS , silentiaire , envoyé de l'empereur au
concile de Constantinople de 448, demande à entrer,
p. 672; il lit l'ordre du prince, ibid.; il déclare
dans l'assemblée de l'année suivante qu'on lui a
montré la condamnation d'Eutychès tout écrite avant
le concile, p. 674.
MAGNUS, ami de saint Sidoine, p. 397.
MAJORIC (saint), martyr sous Hunéric, p. 459.
MAJORIEN, empereur , donne une loi contre les
parents qui contraignent leurs filles à se consacrer à
Dieu , p. 237 ; saint Sidoine prononce son panégy-
rique en vers, p. 379 et 396. Majorien est tué le 7
août de l'an 461, p. 336.
MALADES (les) sont capables d'un certain jeûne,
p. 187. En quoi il consiste, ibid.
MALÉDICTIONS. Pourquoi le nombre des malé-
dictions qui sont dans le Deutéronome surpasse ce-
lui des bénédictions, p. 31.
MAMAS, prêtre, est nommé pour citer Eutychès,
p. 670. On lui ordonne de faire son rapport, p. 671.
MAMMERT (saint), évèque de Vienne, institue les
Rogations : quelle en fut l'occasion , p. 347. Il or-
donne saint Marcel, évèque de Die, ce que le pape
saint Ililaire improuve, p. 338.
MAMMERT CLAUDIEN, prêtre de l'Eglise de
Vienne; son éducation, p. 346; il est fait prêtre,
ibid. ; il contribue à l'institution des Rogations ,
p. 347 ; il répond aux questionsd'un grand nombre de
personnes , ibid. et 348; ses charités , p. 348; sa
mort en 473 ou 474 , ibid. ; ses écrits : son traité
de la Nature del'âme contre Fauste de Riez, divisé
on trois livres, p. 348; analyse du premier livre ,
p. 349 et suiv.; du second livre, p. 351,352; du
troisième livre, p. 352, 353. Ce qu'on doit conclure
de la doctrine établie dans ces livres, p. 353, 354;
lettre de Mamraert à Sidoine sur la différence entre les
êtres spirituels et les êtres corporels, p. 354; juge-
ment des livres sur la Nature de l'âme, p. 359 ; édi-
tions qu'on en a faites , ibid. Lettre de Mammert
792
TABLE ANALYTIQUE.
Claudien à Sapande, p. 355. Hymnes qui lui sont
altribuées, ibid.
MANES ou MANICHÉE. Quelques-unes de ses ex-
travagances, p. 47; il dit que jusqu'à son temps
l'Eglise a été privée du Saint-Espril , p. 194. Saint
Léon réfute son erreur, ibid. ; il ne reconnaît Jé-
sus-Christ que comme Dieu, ne lui atlribuanl l'hu-
manité qu'en apparence, p. 72 et 475 ; il était es-
clave par sa condition, p. 80.
IMANICHÉEMS (les), sont obligés de sortir despro-
vinces oùilsfontleur demeure p. 171; ils font profes-
sion à Rome d'être calholiques , ibid. Manichéens
chassés de Rome, ibid. Leurs livres et leurs simulacres
brûlés publiquement , ibid. Saint Léon reçoit ceux
qui témoignent se repentir de leurs infamies et chasse
ceux qui persistent dans leurs erreurs , ibid. Ceux
qui ne sont point pris se retirent de Rome , ibid.
L'empereur Valentinien renouvelle les lois faites
contre eux, /A/rf.; conciles tenus contre ces hérétiques,
ibid.; ils baptisent avec l'huile et jeiînent le jour de
la Nativité de Jésus-Christ et le jour de dimanche
p. 207 , 208. Leurs erreurs , ibid. Manichéens en
Afrique. Hunéric , roi des Vandales, en fait brûler
plusieurs, p. 452.
MANUEL, abbé. Eutychès envoie un tome au mo-
nastère de Manuel pour y être signé, p. 671.
MARANE (sainte), est d'une naissance considé-
rable, p. 63; elle se retire avec sainte Cyre, ibid. ;
sa vie austère et son respect pour le sacerdoce, ibid.;
ses voyages, p. 64.
MARANE, avocat, ce que Théodoret lui prédit,
p. 75.
MARAS , diacre d'Edesse. On le cite pour témoin
contre Ihas qui le récuse , p. 146; il était déjà ex-
communié par son archidiacre, ibid.
MARAS , prêtre d'Edesse , accuse son évêque au-
près de saint Procle , p. 144; il donne son libelle
d'accusation à Domnus d'Anlioche, ibid. ; sa récon-
ciUation avecibas, p. 145. Il recommence la procé-
dure; ses chefs d'accusation, p. 145.
MARC, évêque d'Arétuse. Supplices que les habi-
tants de cette ville lui font souffrir sous Julien l'A-
postat, p. 46; il les vainc par sa patience et leur ap-
prend les premiers principes de la religion, ibid.
MARCEL (saint), évêque de Die, p. 338.
MARCEL, abbé d'Acémètes, près de Constantino-
ple. Théodoret lui écrit, p. 77.
MARCEL, évêque d'Ancyre. Ce qu'il enseigne sur
l'incarnation, p. 72.
MARCEL , évêque d'Apamée , est le premier qui
mit en exécution l'ordre d'abolir les temples des
idoles, p. 138.
MARCEL , préfet des Gaules , donne du secours à
saint Rustique pour élabhr l'Eglise de Narbonne,
p. 201.
MARCELLIN, ami de saint Sidoine, p. 397.
MARCIEN , empereur, fait chasser de Jérusalem
le moine Théodose, p. 18; il rappelle les évêques
exilés, p. 24; il charge saint Protère d'examiner
le cycle de Théophile, p. 175; il donne avis
de son élection à saint Léon , p. 220. Réponse du
pape, ibid. Marcien prie ce saint d'écrire à Eudoxie et
de la retirer du schisme, p. 228; il rétablit Jiivénal
de Jérusalem dans son siège et dissipe les troubles
de la Palestine, p. 229. Saint Léon lui fait remettre
sa lettre à Flavien, ibid. Lettres du pape à ce prince,
p. 229 , 231 , 232 ; il envoie en Egypte le décurion
Jean et le charge d'une lettre aux moines de cette
province, p. 233; il fait une loi contre les euty-
chiens, ibid. Les évêques déposés à Ephèse lui de-
mandent un concile, p. 681 ; il forme le dessein d'en
assembler un, et en écrit à saint Léon qu'il invile à
venir lui-même en Orient pour l'y tenir, p. 682;
il écrit à tous les métropolitains de se rendre à
Nicée, ibid. ; il transfère les évêques à Chalcédoine,
p. 683; il défend de faire aucune assemblée ou con-
venticuleà Constantinople, ibid. Le concile lui mande
les raisons qu'il a eues de déposer Dioscore, p. 686.
Marcien vient au concile et y harangue les évêques,
p. 692; il propose quelques articles à régler, p'. 693;
il ordonne, avec l'approbation du concile, que la ville
de Chalcédoine aura à l'avenir les privilèges de mé-
tropole, mais pour le nom seulement, ibid. Les évê-
ques lui demandent la permission de s'en retourner
à leurs Eglises, p. 693. Discours qu'ils lui adressent
avant de se séparer, p. 702. Ses lois pour l'observa-
tion des décrets de ce concile, p. 703.
MARCIEN (saint), solitaire. Sa naissance, p. 52;
il se retire dans le désert, ibid.; sa manière de vivre,
ibid.; ses disciples, ibid. Plusieurs évêques, accom-
pagnés^de quelques magistrats, viennent le voir, ibid.;
ils engagent un autre solitaire à célébrer la fête de
Pâques suivant la décision du concile de Nicée,
p. 53; il a un grand éloignement pour les héré-
tiques, ibid.; serment qu'il exige d'un de ses disci-
ples , ibid. Plusieurs personnes font construire des
oratoires pour mettre son corps après sa mort, p. 1 33.
MARCIEN passe de';la secte des novatiens à l'Eglise
catholique; Gennade le fait économe des biens de
l'Eglise, p. 344.
MARCION ne connaît Jésus-Christ que comme
Dieu et ne lui attribue l'humanité qu'en apparence,
p. 72.
MARIAGE. Quelle en est la fin, p. 88. Ce que
Dieu demande dans cet état , ibid. Comment saint
Paul l'appelle un don de Dieu; il n'est point mau-
vais, p. 231 . But que les patriarches s'y proposaient,
p. 88 et 231. Quel est le mariage que l'on doit re-
garder comme légitime, p. 264. Son lien est indis-
soluble, ibid. Défense à un homme d'épouser la
femme de son frère, p. 708. Règlements du concile
d'Orléans sur le mariage, p. 745.
MARIAGE des clercs inférieurs. S'il était permis
d'en ordonner qui fussent bigaînes, p. 357 et 358.
MARIBADE, arien, le même que Varimade, p. 482
et 483.
MARIE, fille de qualité. Théodoret la recommande
à Domnus d'Antioche et à quelques autres, p. 66;
elle est réduite en servitude dans la ruine de (]ar-
thage et vendue à des marchands d'Orient, qui la
revendent, p. 67; elle est mise en liberté. Théodo-
ret prend soin de son entretien, ibid.
TABLE ANALYTIQUE.
t93
MARIN, évêque des Gaules. Saint Céleslin lui écrit
en faveur de saint Augustin, p. 277.
MARIN, ami de saint Sidoine, p. 397.
MARIS, Persan, est, à ce que l'on croit, le même
qui a écrit la fameuse lettre à Ibas d'Edesse, p. 143;
il fait un commentaire sur les lettres de saint Acace,
ibid. Lettre qu'lbas lui écrit, p. U7 et U8.
MARMOUTIER. Le jour de la fête de Pâques, l'é-
vêque et tout le peuple de Tours allaient à la cellule
de saint Martin, à liarmoutier, p. 441.
MARON (saint), solitaire, p. 58. Résolu à passer
sa vie à découvert, il se loge sur le haut d'une mon-
tagne , ibid.; son corps est enlevé après sa mort et
on lui bâtit une église, ibid.
MARONAS corrompt , par argent , Tutus , défen-
seur de l'Eglise romaine, p. 416.
MARSEILLE. Troubles de plusieurs fidèles de
cette ville au sujet des matières de la grâce et du
libre arbitre, p. 278.
MARTIN (S.4INT), évêque de Tours. Miracles opé-
rés à son tombeau, p. 438.
MARTIN, archimandrite de Constantinoplo, sous-
crit à la condanmation d'Eulychès, p. 214. Saint
Léon lui écrit, ibid. et 216; il écrit à ce pape, qui
lui répond, p. 2I7. Autres lettres de saint Léon,
p. 219. Eutychès envoie son tome dans son monas-
tère pour y être souscrit, p. 67 i.
MARTINIEN (saint), esclave, martyr sous Gensé-
ric, p. 451 et 452.
MARTYRE. Ses avantages, p. 158 et 159.
MARTYRIUS d'Antioche abandonne son évèché,
p. 345.
MARTYRS. Les gentils tournent en ridicule le
culte qu'on leur rend , p. 95. Les chrétiens ne les
regardent que comme intercesseurs auprès de Dieu,
p. 96; ils ne sont point, pour la plupart, d'une nais-
sance illustre , ibid.; ils ont soin , après leur mort,
des affaires des hommes, p. 132. Saint Sidoine
éprouve le pouvoir et l'assistance des martyrs dans
ses adversités , p. 395 et 396. Miracles opérés aux
tombeaux des martyrs, p. 491.
M.^TTIIIEIJ (saint). Pourquoi, en écrivant la gé-
néalogie de Jésus-Christ, il a passé sous silence plu-
sieurs femmes illustres, p. 32.
MAURITANIE CÉSARIENNE. Saint Léon écrit aux
évêques de cette province, p. 198.
MAXIME, évêque d'.Antioche, s'accorde avec Ju-
vénal de Jérusalem, p. 17 ; il se repent de sa tran-
saction, ibid.; il écrit à saint Léon qui l'exhorte à
s'opposer aux nestoriens et aux eutychiens, p. 227;
est chargé de veiller sur toutes les Eglises de l'em-
pire d'Orient, ibid. Poursuites contre lui. On n'en
sait point le sujet, p. 233. Maxime souscrit la con-
damnation de Dioscore, p. 688; demande que l'on
accorde à Domnus, son prédécesseur, une pension
sur les revenus de l'Eglise d'Antioche, p. 694.
MAXIME (saint), évêque de Turin , assiste à un
concile de Milan, p. 319; au concile de Rome, en
465, où il est nommé le premier après le pape,
p. 320. Il est loué pour son talent à parler sans pré-
paration, ibid. Temps où il florissait, selon Gennade,
ibid. On a lieu de croire qu'il est de Verceil ,
p. 525. Ses homélies, p. 320 et suiv., sur la nais-
sance de Jésus-Christ, ibid. et 321 ; pour les dimanches
de carême, ibid.; sur la Passion, ibid.; sur la fête
de Pâques et sur celle de la Pentecôte, p. 321.
Homélies à la louange des saints, ibid. et 322. Ho-
mélies sur divers points de morale, p. 322 et 323.
Autres qui se trouvent dans le sixième volume de
saint Ambroise, appendice, p. 323. Autres homélies
retrouvées par D. Mabillon, ibid. D. Martène en a
pubhé six, note 1, p. 324. Analyse des homélies pu-
bliées par Muratori, p. 324 et 325. Livre du Bap-
tême , que Gennade attribue à Maxime de Turin ,
p. 3^5. Edition des œuvres de saint Maxime, publiées
par le père Bruno-Rruni, p. 325 et 326; elle est
reproduite dans la Pairologie latine, p. 326. Homé-
lies et sermons contenus dans cette édition , p. 326
et 327. Cinq traités attribués à saint Maxime, p.
327; les deux contre les Païens et les Juifs, ne pa-
raissent pas être de saint Maxime, ibid. Il en est de
même des Expositions sur les Evangiles, ibid. Juge-
ment des œuvres de saint Maxime de Turin, p. 328.
Doctrine de saint Maxime, ibid. et 329.
MAXl.ME (saint), moine, martyr sous Hunéric,
p. 462 et 463.
MAXIME (saint), abbé de Lérins, puis évêque de
Riez. Eauste l'accompagne tandis qu'il fuit l'épisco-
pat, p. 420.
MAXIME, évêque de Genève, assiste au concile
d'Agaune, p. 746.
MAXIME , évêque donatiste, se convertit, p. 199.
Saint Léon demande sa confession de foi par écrit,
ibid.
MAXIME , évêque de Constantinople, écrit contre
Jean d'Antioche et les autres Orientaux, p. 149; il
dépose Euthérius de Thyanes, ibid.
MAXIME, prêtre. Saint Sidoine obtient de lui
une remise pour Turpion, son débiteur, p. 388 et
389.
MAXIME (sainte), p. 448. Elle convertit quatre
frères esclaves avec elle; elle souffre beaucoup dans
la persécution de Genséric, p. 450 et 451.
MAXIMIEN , évêque de Constantinople, écrit con-
tre Jean d'Antioche, p. 149; dépose Euthérius de
Thy.Mes, ibid.
MAXIMIN, évêque d'Anazarbes , se réunit avec
saint Cyrille et Jean d'Antioche, p. 60; il refuse de
répondre aux lettres que Firmus lui écrit, p. 149.
MAXIMIN (saint), évêque de Turin, souscrit à la
lettre synodale du concile de Milan, p. 3l9. On a
de lui plusieurs homélies, p. 320 et suiv.
MAYSIME (saint), solitaire, est chargé de la di-
rection d'une église dans le diocèse de Cyr, p. 57;
est longtemps sans avoir d'habit, ibid.; il guérit
par ses prières un enfant, ibid.
MECHANTS. Pourquoi Dieu les enlève de bonne
heure, p. 153.
MECIMAS, prêtre et abbé, vient de fort loin trou-
ver Théodoret, p. 75.
MEGETIUS, ecclésiastique de Soissons. Principe,
son évêque, le recommande à saint Sidoine, p. 394.
50*
794
TABLE ANALYTIQUE.
MÉGÉTIUS, évêque de Belley, demande à saint
Sidoine des Contestations ou Préfaces de la messe,
p 398.
MELECE, évêque d'Antioche, défend la foi or-
thodoxe, p. i6; il a un parti dans cette ville,
p. 48.
MELÉCE, évêque de Larisse, tient la place de
Donmus d'Apamée, dans le faux concile d'Ephèse,
p. 676.
MELlPHTONGUEj évêque de Juliopolis, assiste à
rassemblée de Constantinople, de 449, p. 674;
s'oppose à l'entrée des députés d'Eutychès, ibid.
MELÏINE, petite paroisse de Sicile. Chaque an-
née les fonts baptismaux s'y remplissent miraculeu-
sement d'eux-mêmes, h nuit de Pâques, p. 202 et
270; miracle arrivé en 417, ibid.
MEMNON, évêque d'Ephèse , conçoit de la jalou-
sie contre Bassien , p. 666; pour se défaire de lui,
résout de le faire évêque d'Evazes, ibid.
MEMNON, prêtre et trésorier de l'église de Cons-
tantinople, est chargé de citer Eulychès, p. 671 ; fait
son rapport au concile, ibid.
MESSALIE.NS. En quoi consiste leur doctrine,
p. 47 ; leur sentiment sur le baplème, p. 87. Tliéo-
doret les réfute , ibid. Dans quels sentiments ils le
reçoivent, p 125.
MESSE. Cérémonies de la messe selon l'auteur des
livres attribués à saint Denis l'Aréopagite, p. 517.
Personne ne doit sortir de la messe avant qu'elle
soit achevée et que l'évèque ail donné la bénédiction,
p. 746.
MESSIEN , prêtre et secrétaire de saint Césaire
d'Arles, p. 524.
MIL.\N. Les ariens tiennent un concile en cette
ville contre saint Athanase, p. 45.
MINISTRES DE L'ÉGLISE. Qui sont ceux qui
sont exclus, p. 202.
MISENE, légat du pape Félix III , à Constantino-
ple, p. 411. Sa prévarication , p. 413. 11 est excom-
munié, puis absous, p. 415.
MlSÉPilCORDE. Avantages des œuvres de miséri-
corde, p. 156 et 157; ses principaux degrés, p. 157.
MOCHl.MUS, prêtre d'Antioche. Son traité cunlre
Eulychés, p. 582.
MŒURS. La correction des mœurs est un don de
Dieu, p. "lëo.
MUlNES. Leurs différentes manières de vivre, p.
136; diverses prédictions faites par de saints moines,
ibid. ; devenus évêques ils gardent leur ancien insti-
tut dans l'épiscopat, p. 137 ; il ne leur est pas per-
mis de prêcher, quelque savoir qu'ils aient, p. 263.
Quelle est l'occasion de l'erreur de ceux de la Pa-
lestine, p. 228 ; saint Léon leur écrit, ibid. Il leur est
défendu de prendre à ferme des terres ou de se
charger des affaires temporelles , p. 697. On doit
honorer ceux qui vivent d'une manière conforme à
leur profession, ibid. Ceux tant de la ville que de la
campagne, doivent être soumis à l'évèque et vivre en
repos, ibid. Cérémonie de la bénédiction d'un moine,
selon l'auteur des livres attribués à saint Denis l'A-
réopagite, p. 548. Les moines doivent obéir à leurs
abbés, p. 7 45; ils ne doivent point sortir sans leur
permission, p. 741. Il leur est défendu de se servir
dans le monastère de hnge pour s'essuyer le visage
et de porter des chaussures, p. 745. Moines haïs à Car-
thage, p. 375 et 376.
MOÏSE (saint), solilaire, p. 60.
MONASTERES. Il est défendu de fonder un nou-
veau monastère sans la permission de l'évèque, p.
693. Les monastères desfiiles doivent être éloignés
de ceux des hommes, p. 740.
MOINTIUS, ami de saint Sidoine, lui demande une
satire, p. 38 i-,
MORIS (saint) , solitaire. La beauté de son âme,
p. 59. Son vêtement, ibid.
MURITTE , diacre de Carthage , confesse Jésus-
Christ sous Hunéric, p. 463.
MUSÉE, prêtre de Marseille. Ses écrits, p. 471. Il
ne nous en reste plus rien, ibid. ; sa mort, ibid.
MYRON, ami de saint Sidoine , p. 397.
N.
NAMASE, célèbre dans les Gaules pour son esprit
et son éloquence. Saint Sidoine lui envoie les
ouvrages de Varron et la Chroniqut d'Eusèbe ,
p. .393.
NaRSÉS, prêtre et syncelle d'Eutychès, est appelé
au concile de Constanlinople, p. 672.
N.iTURE DIVINE (la) , est commune aux trois
personnes de la sainte Trinité et est de soi invisi-
ble, p. 251. Elle s'estmanifestéele jour de la Pente-
côte d'une manière conforme à ce qu'elle voulait
opérer, ibid.
NATURES EN JÈsus-CHRiST. Boëce compose un
traité des Deux Natures et d'une personne en Jésus-
Christ, p. 650. Analyse de ce traité, p. 651 .
NAZAIRE (saint). Le pape Symmaque envoie aux
évêques exilés en Sardaigne des reliques de saint
Nazaire et de saint Romain, p. 527.
NAZARÉENS (les) , se servent de l'évangile apo-
cryphe de saint Pierre, p. 110.
NEONAS , successeur de saint Pierre Chrysologue
dans l'archevêché de Ravenne ; lettre circulaire que
lui envoie saint Léon, p. 237.
NEOPHYTES. Il n'est pas permis de les élever à
la prêtrise, p. 261.
NEPOS , empereur, fait en 475 un traité de paix
avec Euric, roi des Visigolhs, p. 336.
NESTORIUS , évêque de Constanlinople, est lié
d'amitié avec Théodoret qui le défend contre saint
Cyrille et le concile d'Ephèse en 430 et 431, p. 21,
et qui ne peut résoudre à l'abandonner, ibid.
TABLE ANALYTIQUE.
NESTORIUS , évêque de Pharagonée , quitte la
parti de Dioscorp, même avant sa condamnation ,
p. 230; il ordonne saint Protère, ibid.
NICÉTAS, évêque d'Aquilée. propose diverses dif-
ficultés à saint Léon, p. 235. Il charge de ses doutes
un sous-diacre de l'Eglise romaine , ibid. Réponse
du pape , ibid.
NiCOLAlTES , hérétiques des premiers siècles ;
les femmes sont communes parmi eux, p. 131. Ils
donnent à leur secte le nom de Nicolas, un des sept
premiers diacres de Jérusalem, ibid.
NICOLAS, prêtre de l'église de Thessalonique. 11
est député à saint Léon, p. 203; ce pape le charge
d'une lettre aux métropolitains d'IUyrie, ibid.
NICOLAS, un des sept premiers diacres de l'église
de Jérusalem, p. 131 ; son action envers sa femme,
sert de prétexte à quelques-uns pour mépriser les
lois du mariage, ibid. il était très -sage et Irès-
chaste, ibid.
NISIBE. Sapor, roi de Perse, assiège cette ville,
p. 4.5.
NOCES. Les secondes noces sont condamnées par
lesnovatiens, p. 131 ; saint Paul les approuve, ibid.
L'usage de l'église d'Autun était que les secondes
noces fussent interdites même aux portiers, p. 358.
Le concile d'Agde défend aux clercs de se trouver
aux festins des noces, p. 741 .
793
NOËL. Différence de la veille de celte fête avec la
veille de Pâques, p. 357.
NOMUS, consul. Thécdoret se plaint à lui, p. 69.
NONCES APOSTOLIQUES. Leur pouvoir ne porte
aucun préjudice à la juridiction ordinaire des évo-
ques, p. 270; ils sont seulement chargés de veiller
sur la pureté de la foi, ibid.
NONNÉCHIUS. Saint Sidoine lui recommande
Promolus. Juif converti, p. 394.
NONNUS combat pour la foi, p. 75; Théodorel lui
écrit, ibid.
NONNUS , évêque d'Edesse. Sa lettre à l'empe-
reur Léon , signée de quatre autres évêques d'Os-
roène, p. 582.
NOTICE d'Afrique, n'est pas de Victor de Vite,
p. 46 i- et 465.
NOVATIENS (les) ne faisaient point l'onction à
ceux qu'ils baptisaient , p. 122. On ordonne qu'ils
seront oints quand i!s reviendront à l'Eglise, ibid. ■
ils condamnent les secondes noces et excluent des
saints mystères ceux qui se marient une seconde
fois, p. 131 .
NUNDINAIRE , évêque de Barcelone , demande
Irénée pour successeur, p. 339.
NYMPHIDIUS. Saint Sidoine lui fait l'éloge de
Mammert Claudien et de son ouvrage sur la Nature
de l'âme, p. 389.
0.
OBLATION mystique. Ce que représente celle qui
se fait par les prêtres sur les saints autels, p. 81 .
OBLATIONS. L'évêque a la moitié des oblations
qui se font â l'autel de l'église cathédrale et le clergé
a l'autre moitié , p. 745. Les oblations faites aux
évêques par des étrangers doivent être regardées
comme appartenant à l'Eglise, p. 737.
OCTAVIUS (saint), martyr , répand son sang à
Turin pour la foi de Jésus-Christ, p. 322.
ŒUVRES. Les justes et les pécheurs ont égale-
ment besoin de finir leur vie par de bonnes œuvres,
p. 367. Les œuvres de piété publiques sont préfé-
rables aux particulières : avantages qu'on en retire,
p. 273.
OFFICE DIVIN. Ordre de l'office divin suivant le
concile d'Agde, p. 740. Dans la célébration de la
messe et de l'office divin on doit suivre le rit de la
métropole , p. 749. On doit y réciter tous les jours
l'Oraison dominicale, p. 750.
OFFICE du temps, àans \e Sacramentaire du pape
saint Célase, p. 512 etsuiv.
OLYMPIUS , évêque de Théodosiople. Le clergé
d'Ephèse le prie de venir donner un évêque à cette
ville, p. 666. On le porte de force à l'Eglise et on
le fait asseoir avec Bassien dans le siège épiscopal,
ibid.
OLYMPIUS, prêtre, souscrit à la déposition de Fla-
vien et d'Eus èbe pour Caloger de Claudiopolis, p. 672.
OMMACE. Voyez Hommace.
OPTANTIUS, homme de condition, p. 334.
ORACLES. Fausseté des oracles des Grecs et vé-
rité de ceux dos Juifs, p. 97.
ORATOIRES à la campagne permis et à quelles
conditions, p. 739.
ORDINATION. Règlement du pape saint Gélase,
p. 702 et suiv. Elle se fait par l'imposition des
mains , p. 130; cérémonies de l'ordination suivant
le Sacramenlaire de saint Gélase, p. 516 et 5i7;
selon l'auteur des livres attribués à saint Denis l'A-
réopagite , p. 548. Temps de l'ordinatiim , p. 503.
Les diacres ne doivent être ordonnés qu'à vingt-cinq
ans et les prêtres à trente , p. 728. Il est défendu
d'ordonner aucun séculier sans le consentement du
roi, p. 744. 11 n'est pas permis d'ordonner ceux qui
ont été mis en pénitence. Les séditieux, les usuriers
et ceux qui ont vengé leur propre injure sont exclus
des ordres ecclésiastiques, p. 743. En Orient on or-
donne quelquefois des bigames, p. 131. Défense
à un évêque qui est hors de son diocèse de faire
aucuue ordination sans la permission du diocésain,
p. 709. Ordination forcée, p. 401.
ORDRE. Le nom d'évêque et de prêtre est com-
mun aux évêques du temps des apôtres, p. 130. On
distinguait dès lors trois degrés dans la hiérarchie
de l'Eglise, p. 130. Les évêques distingués des prê-
tres parle nom d'apôtres. Ils leur sont supérieurs
796
TAlîLE ANALITIQUE.
en dignité, ibid. On doit examiner la vie de celui que
l'on veut ordonner , ibid. Ceux qui donnent l'Ordre
de même que ceux qui le reçoivent doivent être à
jeun, p. 262.
ORÉSIUS à qui saint Sidoine écrit, p. 393.
ORIENTAUX. Ils s'assemblent à Antioche et sous-
crivent à la lettre de saint Procle aux Arméniens,
p. 22 ; ils refusent de condamner les propositions
jointes à cette lettre, ibid.
ORIGÈNE, disciple de saint Antoine. Saint Pé-
trone le visite, p. 161.
OROSE (Paul), prêtre et historien, natif de Tar-
ragone en Espagne, p. i; ses qualités, ibid.; sa con-
duite envers les Rarbares qui envahissent l'Espagne,
ibid. Dans le désir de se rendre capable de combat-
tre les erreurs répandues dans son pays, il passe en
Afrique pour s'instruire auprès de saint Augustin,
ibid. Ecrit que lui adresse samt Augustin, p. 2; il
va en Palestine et se retire auprès de saint Jérôme,
ibid.; il assiste à la conférence tenue à Jérusalem
contre les pélagiens, ibid.; il est accusé de blas-
phèmes ; il se justifie, ibid. et 3 ; il revient en Afrique.
Différentes commissions dont il était chargé, p. 3;
il tente de retourner en Espagne et revient en Afri-
que où il compose VHistoire générale du monde par
le conseil de saint Augustin, ibid.; sa mort, ibid.;
ses écrits, ibid. et 4. Analyse de son Histoire, p. 4
et 5. Apologie d'Orose contre Pelage, p. 5. Analyse
de cette apologie, ibid. et 6. Lettre à saint Augus-
tin, p. 6. Ouvrages supposés, ibid. Editions de ses
écrits, ibid.
OZEE, généreux défenseur de la vérité, p. 76; il
est porteur d'une lettre de Théodoret à Ibas, ibid.
P.
PAGANISME (le) est dans la tristesse et la cons-
ternation sous le règne de Constantin, p. 43.
PAINS de proposition. Il n'est permis qu'aux prê-
tres de les manger, p. 33; ils sont une figure de la
table sacrée et mystique à laquelle toutes les per-
sonnes de piété paiticipent dans la loi nouvelle, ibid.
PAIX. Son bien et moyen de la conserver, p. 158.
PALCONIUS, évêque de Brague. Avitus lui écrit et
lui envoie la relation de l'invention des reliques de
saint Etienne, p. 3.
PALESTINE. Lettre de saint Léon aux moines de
cette province, p. 228.
PALLADE , préfet du'prétoire, assiste au concile
de Chalcédoine, p. 683.
PALLADE, hérétique eutychien, prêtre de l'Eglise
de Sainte-Thècle , à Séleucie , est fait évêque d'An-
tioche, p. 417.
PALLADIE, femme de Salvien, embrasse avec lui
la continence, p. 360.
PANOLBIUS, évêque d'Hiéraple. Domnus lui ren-
voie la cause d'Athanase de Perrha, p. 666.
PAPE. La primauté au-dessus de toutes les Eglises
lui a été accordée par l'antiquité, p. 269; il a tou-
jours eu la liberté de juger de la foi et des évêques,
ibid.; il se réserve la connaissance des causes ma-
jeures dans les lieux oîi il établit des vicaires apos-
toliques, p. 270; il envoyait sa confession de foi aux
évêques, p. 4-93; il ne doit pas être jugé par ses in-
férieurs, p. 727. Règlements pour l'élection du pape,
p. 726; si elle peut être faite sans le consentement
du roi, p. 728 et 729.
PAPIANILLE , fille de l'empereur Avitus , femme
de saint Sidoine, p. 379, qui lui écrit, p. 389.
PAPINIEN, évêque d'Afrique. Les Vandales le font
périr par le feu, p. 449.
PAQUES. Pourquoi ce temps a été choisi pour
la passion du Sauveur, p. 189. La coutume de
ne donner le baptême solennel que dans cette fête
est de tradition apostohque, p. 248. Usage de l'évê-
que d'Alexandrie de régler la Pàque et de la faire
connaître au pape, p. 270. Miracle qui se fait annuel-
lement ce jour-là dans une paroisse, ibid. Difficul-
tés sur le jour de cette fête en 444, p. !70, et en
455, p. 175 et 176. Coutumes des évêques d'Alexan-
drie de faire un discours chaque année sur la fête de
Pâques et d'écrire une lettre circulaire. Différence
de la veille de cette fête et des autres veilles de fêtes,
p. 357 et 358.
PARDALE, évêque d'Afrique, assiste au concile de
Rome en 487, p. 720.
PAROISSES. 11 y en a d'établies dans les quartiers
de la ville de Rome où chacun porte ses aumônes le
samedi pour le soulagement des pauvres, p. 263.
PAROLES oiseuses. Ce qu'on entend par là,
p. 156.
PASCASIN , évêque de Lilybée. Saint Léon lui
communique ses difficultés sur la fête de Pâques de
444, p. 170, et joint à sa lettre des billots pour tou-
cher de l'argent, ibid. Le pape le charge d'une let-
tre aux évêques de Sicile, p. 209. Pascasin est
chargé de faire calculer, par des gens habiles, le jour
de Pâques de l'an 455, p. 221; il est choisi légat
pour le concile de Chalcédoine, p. 682. Saint Léon
lui envoie sa lettre à Flavien et quelques passages
des Pères sur le mystère de l'incarnation, ibid. Pas-
casin préside en son nom au concile, ibid.; ses
plaintes contre ce concile, p. 701.
PASCENTIUS, manichéen, se sauve de Rome,
p. 667. Antoine de Mérida le fait arrêter et chasser
de la Lusitanien ibid.
PASCHASE (SA.1NT), martyr sous Genséric, p. 466
et 467.
PASCHASE , diacre de l'Eglise romaine. Ses ver-
tus, p. 528; son attachement au parti de l'antipape
Laurent, p. 522 et 528; s'il est auteur d'un traité
du Saint-Esprit, divisé en deux livres, ibid. et p. 529.
TABLE ANALYTIQUE.
797
Analyse de ces deux livres, p. 529 et suiv. Lettre
de Paschase à Eugippius pour l'engager à publier
ses mémoires sur l'histoire de saint Séverin, apôtre
de Norique, p. 531 et 532. Editions de celte lettre,
p. 532.
PASSARION , supérieur d'un monastère de Jéru-
salem ou des environs , p. 17 ; il assiste à la dédi-
cace de l'église de la Laure de saint Euthymius, ibid.
PASSION de Jésus-Christ. Qui sont ceux qui l'ho-
norent dignement, p. 192. Fruit que nous en devons
retirer, ibid. On en lit publiquement l'histoire le di-
manche des Rameaux et le mercredi suivant, p. 273.
PASTEUR, évêque, compose un petit écrit en
forme de symbole, p. 469.
PATIENT (saint), évêque de Lyon. Saint Sidoine
fait l'éloge de ses vertus, p. 390. Saint Patient fait
bâtir une église. Fauste de Riez assiste à la dédicace
de celte église , p. 421 ; il préside à l'élection d'un
évêque de Châlons-sur-Saône, p. 389.
PATRIARCHES. Leur but dans leur polygamie.
p. 88. Théodoret les justifie sur ce point, ibid.
PATRICE (saint), apôtre d'Irlande. Sa naissance;
il est emmené captif, p. 444; il est fait évêque, va
prêcher en Irlande et y établit la foi. Son désinté-
ressement, ibid.; il excommunie Corotic, p. 445.
Lettres de saint Patrice au sujet des captifs faits par
Corotic, p. 446 ; sa confession de foi, p. 446, 447;
les conciles écrits qui lui sont attribués, p. 447
et 704.
PATRICE, comte. Théodoret lui écrit, p. 66.
PATRICE, diacre de Constantinople, est député à
Rome par Anatolius, p. 220; il est envoyé pour s'in-
former du tome d'Eutychès, p. 671.
PATRIPASSIENS, disciples des sabelliens. Pour-
quoi ils sont ainsi nommés, p. 207.
PAUL, évêque, donne à saint Augustin un mé-
moire touchant quelques hérésies, p. 2.
PAUL , évêque de Châlons-sur-Saône , meurt en
470, p. 358.
PAUL, évêque d'Ephèse, déposé et rétabli par
Timothée Elure, p. 404.
PAUL , prêtre. Ses écrits , p. 469. Il ne nous en
reste rien, ibid.
PAUL OROSE. Voyez Orose.
PAUL, prêtre de l'Eglise de Bénévent. Ses plaintes
à saint Léon contre son évêque, p. 210.
PAULIN BENOIT, qui vivait dans le même temps
que Paulin de Périgueux, était de Bordeaux, p. 443.
Ce qu'on sait de lui , ibid. Mémoire qu'il adresse à
Paul de Riez pour le consulter sur différentes diffi-
cultés. Réponse de Fauste, p. 424.
PAULIN , dont parle Gennade. Il ne nous reste
rien de ses ouvrages, p. 424.
PAUL. Ordre secret que lui donne l'empereur
Marcien, p. 228.
PAULIN de Périgueux, poète chrétien. Ce qu'on
en sait, p. 441 et 442. Lieu de sa naissance, p. 441.
Saint Perpétue, évêque de Tours, lui demande des
vers pour la nouvelle église de Saint-Martin, qu'il
avait fait bâtir, p. 442; il met en vers ce que Sulpice
Sévère avait écrit de saint Martin de Tours, ibid.
Saint Perpétue lui envoie un mémoire des miracles
de saint Martin, p. 438 et 442; il est guéri d'une
maladie par l'attouchement de ce mémoire, ibid. Ce
qui nous reste de ces poésies, p. 442 ; éditions qu'on
en a faites, p. 443.
PAULIN a un parti dans Antioche, p. 48.
PAULIN (saint), évêque de Noie, auteur du poème
contre les poètes profanes, p. 356.
PAUSICACUS recouvre la vue par les bienfaits de
sairtle Thècle, p. 168.
PAUVRETÉ. Ce qu'elle paraît aux impies, p. 89;
preuve du contraire, ibid.
PAÏENS. Persécutions qu'ils font souffrir aux chré-
tiens sous Julien l'Apostat, p. 46; la justice divine
éclate sur eux, ibid.;ih font diverses railleries de l;i
religion catholique, p. 90. Théodoret les réfute de
vive voix et par écrit, ibid. Leur dessein de combler
la grotte du Sauveur, et de bâtir dessus un temple
de Vénus, p. 133.
PECHE. Pourquoi celui contre le Saint-Esprit
n'est pas rémissible, p. 506. Sa distinction d'avec
le crime, p. 5. La mort du péché est la vie de celui
qui renaît, p. 192; il suffit que les péchés soient
confessés premièrement à Dieu et ensuite au prêtre,
qui priera pour les péchés des pénitents, p. 237 et
238. Ni l'orgueil ni les personnes ne sont un obsta-
cle à la justification, p. 252 et 253. Le Fils de Dieu
est né seul exempt de péché en naissant de la vierge
Marie, p. 253. Deux moyens d'effacer les péchés,
p. 259. Si quelqu'un peut passer sa vie sans com-
mettre aucun péché, p. 507.
PECHEURS. Quelques évêques leur font réciter
publiquement les crimes qu'ils ont commis, p. 237;
quel est le moven de les attirer à la pénitence ,
p. 238.
PEGASE. Saint Sidoine lui écrit, p. 384.
PELAGE. Son hérésie fait beaucoup de bruit dans
la Palestine, p. 2. En quoi elle consiste, p. 277. 11
nie le péché originel, p. 428. Fauste de Riez le
réfute, ibid. Sa condamnation par toute l'Eglise,
p. 278, et dans le concile d'Angleterre, p. 667. Un
vieillard nommé Sénèque renouvelle ses erreurs dans
la Marche d'Ancône, p. 499. Le pape Gélase les com-
bat, ibid. et 500.
PELAGIENS. Us sont reçus dans les églises de
Venétie. p. 171; ils se répandent dans différents
diocèses, p. 172. Saint Léon les combat, p. 171 et
172; ils reprennent vigueur quelque temps après,
dans Rome même, p. 172. En quoi consiste la grâce
selon eux, p. 277 et 278. Les pères ont condamné
leur doctrine, p. 2i78. Les pélagiens corrompent les
Eglises de la Grande-Bretagne, p. 667. Traité
du pape saint Gélase contre les pélagiens, p. 507
et 508.
PELERINAGES. Divers «xemples de pèlerinages,
p. 135.
PÉMÉNIOLE, sœur de saint Hilaire d'Arles,
épouse de saint Loup de Troyes, p. 356.
PENITENCE , est un remède pour les plaies que
l'on reçoit après le baptême, p. 123. Quelles sont
les règles de l'Eglise touchant la pénitence, ibid.
79S
TABLE ANALYTIQUE.
Comment on reçoit ceux qui sont tombés durant la
persécution, ibid. et 721 . Pénitence à l'article de la
mort, sentiment de Fauste de Riez à ce sujet, p.
42i et 425. Règlement du concile d'Arles sur la péni-
tence, p. 708; du concile d'Agde, p. 738.
PÉNITENT. Il ne doit ni se marier ni avoir de
commerce suspect, p. 201.
PÉNITENTS. Doivent s'abstenir de plusieurs cho-
ses permises, p. 201 ; il ne leur est point permis de
rentrer dans la milice séculière, ni de se marier,
ibid. En quel cas ils peuvent le faire, ibid Cérémo-
nies de la réconciliation des pénitents qui se faisait
le jeudi saint, p. 514 et 515.
PENTECOTE. Le jeûne de cette fête est de tradi-
tion apostolique, p. 248 et 249. La sainte Trinité
s'est manifestée ce jour-là d'une manière conforme
à ce qu'elle voulait opérer, p. 251.
PÉONE , préfet des Gaules, accuse saint Sidoine
d'avoir fait une satire contre lui, p. 384.
PERGAJIUS, chorévêque. Firmus approuve l'in-
dulgence dont il avait usé envers un vieillard cou-
pable de quelques fautes, p. 152.
PERGAMIUS , duc d'Egypte, p. 409.
PERPÉTUA JULIA , sœur de saint Perpétue, évê-
que de Tours, p. 438; il lui lègue une croix d'or
émaillée, p. 440.
PERPÉTUE (saint), huitième évêque de Tours,
succède à Eustochius, p. 438; il préside à plusieurs
conciles, ibid.; il bâtit plusieurs églises, ibid. et
p. 441 ; il établit le jeûne du mercredi et du ven-
dredi, p. 438; sa mort, /t/d.; son mémoire touchant
les miracles de saint Martin, ibid.; son testament,
p. 439 et suiv.; ses règlements pour la célébration
du service divin, pour les jeûnes et pour les sta-
tions, p. 441. Ses deux lettres à saint Sidoine Apol-
linaire, ibid. Saint Perpétue donne par testament à
saint Euphrone d'Autun, un livre des Evangiles écrit
par saint Hilaire de Poitiers, p. 4i0; il demande à
saint Sidoine le discours qu'il avait prononcé dans
l'église de Bourges, le jour de l'élection de saint
Simplice : saint Sidoine le lui envoie en lui écrivant
une lettre, p. 392. Saint Perpétue préside au concile
de Tours, p. 711 ; à celui de Vannes en Bretagne,
p. 712.
PERVINCUS, diacre de l'Eglise d'Astorga. Turi-
bius. son évêque, l'envoie vers saint Léon, p. 207.
PÉTRA, métropole de la Palestine, p. 18.
PÉTRÉE, neveu de .Mammerl Claudien. Saint Si-
doine lui envoie l'épitaphe de son oncle, p. 348 et
387.
PÉTRONE (saint), évêque de Bologne, pratique
la vie monastique dès sa jeunesse, p. 160; ses voya-
ges, ibid. et suiv.; il est choisi évêque de Belogne,
p. 161 ; sa mort, ibid. ; ses ouvrages, ibid. et 163.
PÉTRONE, prêtre, est député à Rome par les
évêques de la province d'Arles, p. 218.
PÉTRONE engage saint Sidoine à publier le hui-
tième livre de ses lettres, p. 393. Saint Sidoine lui
écrit, p. 384.
PÉTRONE, préfet du prétoire, et père de saint
Pétrone de Bologne, p. 160. On croit qu'il a été
élevé à l'épiscopat et qu'il est auteur du traité de
l'Ordinntion des évêqurs, p. 162.
PHANIR, ville de Célésyrie, p. 579.
PHARAON. Son endurcissement vient de lui-même,
p. 29. En quel sens il est dit que Dieu a endurci
son cœur, p. 119.
PHILA.MICIE, dame dont saint Sidoine fait l'épi-
taphe. p. 384.
PlllLIMAClUS, ami de saint Sidoine, p. 383.
PHILIPPE, prêtre et disciple de saint Jérôme. Ses
secrets, p. 472; il avait commencé un ciimmentaire
sur Job, ibid.; il ne nous reste rien de cet auteur,
ibid.
PHILOSOPHES. Leurs contrariétés sur la cause
des différents événements humains, p. 94.
PHILOTHÉE, hérétique macédonien, appuyé par
Anthémius, veut introduire à Rome diverses sectes.
Le pnpe saint Hilaire s'y oppose, p. 339.
PHOTIN. Ce qu'il enseigne sur l'Incarnation, p.
72 et 207.
PHOTIUS est nommé évêque de Tyr en la place
d'irénée, p. 23. L'empereur le commet pour juger
l'aifaire d'ibas, p. 144. Photius quitte le personnage
de juge pour prendre celui d'arbitre, il fait convenir
les parties d'un acte, ibid. et p. 145. Lettre que lui
adresse le clergé d'Edesse, p. 146. Le concile de
Ghalcédoine juge son différend avec Eusthate de Bé-
ryte, p. 690.
PILATE fait une relation à Tibère des miracles
opérés par Jésus-Christ, p. 5.
PIERRE (saint), apôtre. Sa primauté, p. 121.
Dieu permet qu'il tombe et le relève ensuite, ibid.
Ce qu'il veut nous faire entendre par là, ibid. Son
éloge par saint Léon, p. 179. Saint Pierre devait
être la règle et le modèle des autres prélats de l'E-
glise, p. 20. Saint Pierre et saint Paul ont souffert
le martyre à Rome, sous Néron, le même jour. p. 5.
Quoique mort depuis plusieurs siècles, saint Pierre
est regardé comme présidant toujours à l'Eglise,
p. 271. Sa fête est précédée d'une veille, ibid.
PIERRE, avocat. Théodoret lui écrit, p. 67.
PIERRE CHRYSOLOGUE (saint), archevêque do
Ravenne. Son éducation, p. 0. D'où lui vient le sur-
nom de Chrysologue, ibid, 11 est fait évêque, ihid.;
ses vertus, ibid. et p. 7; il consacre en qualité de
métropolitain, Projectus évêque d'imola, p. 7; il
reçoit saint Germain d'Auxerre, ibid. Analyse de sa
lettre à Eutychès, ibid.; sa mort après 479. Discus-
sion sur l'année à laquelle elle doit être rapportée,
p. 8. Recueils de ses sermons, p. 8. S'ils sont tous
de lui, ibid. Ce qu'il y a de remarquable sur l'Ecri-
ture sainte, p. 9; sur la Trinité, p. 10; sur l'Incar-
nation, ibid.; sur le péché originel, ibid.; sur les
deux natures en Jésus-Christ, p 11 ; sur les sacre-
ments, p. 12 et 13; sur la prière, p. 13; sur le
jeûne, p. 14; sur l'aumône, ibid. et p. 15; sur les
fêtes (le l'Eglise, p. 15. Discours qui lui sont attri-
bués, ibid. Editions de ses sermons, ibid.
PIERRE (saint), solitaire, sort dès l'âge de sept
ans de la maison de son père, p. 55, il s'exerce
d'abord en Galatie dans les combats d'une vie toute
TABLE ANALYTIQUE.
799
spirituelle, ibid. De là, il passe en Palestine et en-
suite à Antioclie, o\x il choisit pour demeure un sé-
pulcre , ibid. Sa nourriture, ibid. Sa réputation lui
attire plusieurs malados ou possédés qu'il guérit par
ses prières, ibid. Discours qu'il tient à la mère de
Théodoret, ibid.
PIERRE, évêque des Sarrasins dans la Palestine,
p. 17.
PIERRE MONGUS, diacre de l'Eglise d'Alexandrie,
condamné dans un concile de toute l'Egypte, p. 230.
PIERRE, prèlre el abbé de Constantinople. Saint
Léon lui écrit, p. 214, 217 et 219.
PIERRE, prêtre et médecin. Théodoret écrit pour
lui, p. 74.
PIERRE , prêtre, est envoyé pour s'informer du
tome d'Eutychès, p. 672.
PIERRE, évêque de Ravenne, p. 561.
PIERRE-LE-FOULON, hérétique eutychien, s'em-
pare du siège d'Anlioche , il est envoyé en exil, p.
345.
PIERRE, prêtre de l'Eglise d'Edesse, p. 582. Ses
écrits, ibid.
PIERRE, secrétaire de Majorien, p. 396.
PIERRES. Celles qui sont mises dans le camp deg
Israélites, sont la ligure de l'établissement de l'E-
glise, p. 31.
PITVRION, disciple de saint Antoine. Saint Pé-
trone le visite, p. lôO.
PLACIDE, ami de saint Sidoine, p. 386.
PLACIDIE, veuve de l'empereur Constantin, p.
169; elle gouverne l'empire avec son fils Valenti-
nien, ibid.; elle vient de Ravenne à Rome, visiter
les églises, p. 5!17. Saint Léon la conjure d'écrire à
Théudose. Sa lettre à ce prince, ibid.
PLATON est celui d'entre les philosophes païens
qui a écrit avec plus de politesse, p. 91 ; il a puisé
dans l'Ecriture ce qu'il a dit de vrai sur la divinité
et la Trinité des personnes, p. 92 ; il parle le plus
raisonnablement de tous sur la nature du monde,
p. 93; il l'a puisé dans l'Ecriture, p. 94; en quoi il
met le bonheur de l'homme, ibid.
PLOTIN , philosophe païen, tire de nos saintes
Ecritures ce qu'il dit de la providence, p. 94; il
avait pris des leçons du fameux Ammonius, ibid.
POLEME, préfet des Gaules. Saint Sidoine lui
écrit, p. 388.
POLÊMIUS, mari d'Araucole. Saint Sidoine fai'
eur épilhalame, p. 397.
POLYCHRONE (saint), disciple de saint Zébin,
p. 60.
POMI'EE, neveu d'Anastase, empereur, illustre dé-
fenseur du concile de Chalcédoine, p. 490.
POMPÉIEN, évêque d'Emèse. Théodoret l'engage
à soulager ceux qui ont souffert par la prise de Car-
thage, p. 66.
PONS (SAINT). Actes de son martyre, p. 159.
PORC. Pourquoi Dieu a défendu aux Israélites
d'en manger, p. 95.
POSSIDONIUS, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie,
p. 204. Dioscore l'envoie à Rome, ibid. Possidonius
y assiste aux ordinations et aux processions, p. 205.
POTENTIUS, évêque de la Mauritanie Césarienne,
envoie à saint Léon une ample relation de l'état des
Eglises de cette province, p. 198 et 199.
POTITUS, prêtre, grand-père de saint Patrice,
p. 444.
PRAGMACE, évêque peut-être de Bourges, à qui
saint Sidoine écrit, p. .390.
PRAYLE, évêque de Jérusalem, ordonne un bi-
game, p. 23.
PRÉDESTINATIENS, nom que les semi-pélagiens
donnaient aux disciples de saint Augustin, p. 427.
PRÉDESTINATION. Ne saurait être sans la pres-
cience, p. 296. Quel est son objet, ibid. Ce que
c'est que la prédestination, p. 302. Si on la doit
prêcher publiquement, ibid. Fauste de Riez, est
chargé d'écrire sur la prédestination et sur la grâce,
p. 421 ; son sentiment sur la prédestination, p. 429
et suiv.
PRÊTRES. Constantin veut qu'on les honore,
p. 43. C'est l'usage de leur faire des largesses aux
grandes solennités, p. 150. 11 est contre la coutume
de leur imposer une pénitence publique, p. 200.
Leur ordination ne doit se faire que le dimanche
ou la nuit du samedi au dimanche, p. 203. Le mi-
nistère de la parole leur est réservé, p. 227. Jésus-
Christ leur a donné le pouvoir d'admettre à la péni-
tence ceux qui confessent leurs péchés, p. 259.
Sont tenus à la continence, p. 261. Ils ont rang
dans l'église selon le temps de leur ordination, ibid.
PRÊTRISE. Les néophytes, les laïques et las bi-
games en sont exclus, p. 261 .
PRIÈRE, accompagnée du jeûne et de l'aumône,
est très efficace pour obtenir le pardon des péchés
qu'on a commis, p. 272; ce que saint Maxime pres-
crit pour celle du soir, p. 322.
PRINCIPE , évêque, recommande à saint Sidoine
un de ses ecclésiastiques, p. 394. Saint Sidoine lui
écrit, ibid.
PRIMaSE, disciple de saint Augustin, compose un
écrit qu'il dédie à l'évêque Fortunat, p. 333. On lu'
attribue le Prœdestinalus, ibid.
PRIMATIE. En Afrique on l'attribue non à un
certain siège, mais au plus ancien évêque, p. 204.
Saint Léon veut introduire cette discipline dans les
Gaules, ibid.
PRINCIPE de l'univers. Ce qu'en ont pensé les
philosophes payens, p. 92.
PRISQUE VALERIEN. Saint Sidoine lui adresse
une épigramme, p. 396.
PRISCILLIANISTES en Espagne, p. 341.
PROBE, martyr, sous Genséric, p. 466 et 467.
PROBUS , mari de la cousine germaine de saint Si-
doine qui lui écrit, p. 386.
PROCULE à qui saint Sidoine écrit pour le récon-
cilier avec son fils, p. 388.
PROlULUS, diacre, porte une lettre de saint Eu-
phrone à saint Sidoine, p. 391.
PUOCUI.US, officier de Genséric, veut obliger les
évèques catholiques à livrer les livres sacrés, p. 45l.
PROFESSION de foi de Nicée. Les ariens en ôtent
les termes de substance et de consubstantiel pour
800
TABLÉ ANALYTIQUE.
y mettre celui in semblable , p. 45. Quelques évoques
signent cette profession à Rimini, ibicl. Elle est dés-
approuvée par tous les défenseurs de la vérité, ibid.
PROJECTUS , évèque de la province de Vienne,
se plaint au pape saint Léon de saint Hilaire d'Arles,
p. 204.
PROMOTUS, juif converti. Saint Sidoine le recom-
mande à Nonnéchius, p. 39^1.
PROPHETES. Quel est le propre des prophètes, p.
109. Ils sont antérieurs aux philosophes payens, p.
ilO.
PROSPER (saint) , surnommé d'Aquitaine , dé-
fenseur de la grâce de Jésus-Christ. Histoire de sa
vie, p. 276 et suiv. Il défend la doctrine de la grâce
en 428 ou 4-29 , p. 276 ; il écrit à Rufin touchant
saint Augustin, p. 277 ; il va à Rome vers l'an 431,
ibid. 11 retourne dans les Gaules; écrit contre le Col-
lateur vers l'an 432 , ibid. 11 retourne à Rome avec
saint Léon en 448, ibid. Sa mort vers 463, p. 278.
Ses écrits, p. 278 et suiv. Lettres de saint Prosper :
lettre à saint Augustin, p. 278, 279 ; lettre à Rufin,
p. 279 et suiv. Du poème contre les Ingrats; ce poème
a été fait vers l'an 430. Division et dessein de cet
ouvrage, p. 284; analyse delà première partie, iftît/.
et 285 ; analyse de la deuxième partie , p. 285 et
suiv. ; analyse de la troisième partie, p. 288, 289 ;
analyse de la quatrième partie, p. 289 et suiv. Epi-
grammes de saint Prosper, p. 291 , 292. Réponses
aux objections des Gaulois vers l'an 431, p. 292 et
suiv. Analyse de ces réponses, ibid. Quinze objec-
tions y sont résolues, ibid. et suiv. Réponses à Vin-
cent, à quelle occasion , p. 298. Seize oLjcctions y
sont résolues , ibid. et suiv. Réponses aux prêtres
de Gênes après l'an 430. A quelle occasion, p. 300.
Analyse de ces réponses , ibid. et suiv. Livre de la
Grâce et du Libre arbitre contre le CoUateur oul'au-
teur des Conférences, p. 303 et suiv. Cet écrit a été
composé vers l'an 432, p. 303. Quelle en a été l'oc-
casion, ibid. et 304. Analyse du livre contre le Col-
lateur , p. 304 et suiv. Première et deuxième pro-
positions, p. 304 et 305; quatrième et cinquième
propositions , p. 305, 306; sixième proposition , p.
306; septième proposition, ibid. et 307; huitième
proposition, p. 307; neuvième proposition, p. 308
dixième proposition, ibid. et 309 ; onzième proposi-
tion, p. 309; douzième proposition, ibid. et 310
Récapitulation du livre contre le CoUateur , p. 310
Commentaire sur les Psaumes écrit vers l'an 434
p. 310, 311. Livre des Sentences fait vers l'an 451
p. 311. Epigrammes de saint Prosper, vers l'an 451
p. 312. Chronique de saint Prosper; elle est de lui
p. 312 ; ce qu'elle contient, ibid. et 3l3. Autre Chro-
nique attribuée à saint Prosper, p. 313. Cycle attri-
bué à saint Prosper, ibid. Ouvrages faussement at-
tribués à saint Prosper ou qu'on doute être de lui,
p. 313 et suiv., savoir: Confession de saint Prosper
d'Aquitaine , p. 313. Poème d'un mari à sa femme,
ibid. et 314. Poème de la Providence divine, p. 314.
Autres écrits attribués à saint Prosper, savoir : livre
des Prédictions et des promesses : p. 314, 3 15. Ce
que contient ce livre, p. 315, première partie, ibid.
et 316; 2=, 3^ et 4o parties, p. 316, 317 ; 5« par-
lie, p, 317. Jugement de cet écrit , ibid. Jugement
des écrits de saint Prosper , p. 317, 318. Editions
particulières des écrits de saint Prosper , p. 318;
éditions générales, ibid. et 319. Traductions fran-
çaises de ces écrits, p. 319.
PROSPER (saint), évêque d'Orléans, prie saint Si-
doine d'écrire l'histoire de la guerre d'Attila, p. 382.
PROTAIS (saint). Saint Ambroise en trouve les
reliques, p. 391.
PROTERE (saint), disciple de Dioscore qui le fait
archiprètre et lui confie le soin de son église, p.
229. 230. Il est élu évèque d'Alexandrie, p. 230. Té-
moignage avantageux que lui rend l'empereur War-
cien, ibid. Il assemble un concile de toute l'Egypte,
ibid. Il fait part à saint Léon de son élection et de
ce qui s'est passé dans son concile, ibid. Autre let-
tre qu'il écrit au pape, ibid. Les eulychéens exercent
leur cruauté sur lui et sur ses parents, p. 234.
PROVIDENCE. Marque sensible de son effet dans
toutes les parties du monde , p. 89. Traité de Sal-
vien sur la Providence, p. 368 et suiv.
PSALMODIE perpétuelle établie dans le monas-
tère d'Ag.iune, p. 747.
PSAUMES (les), ont tous été écrits par l'inspira-
tion du Saint-Esprit , p. 109 ; les titres mêmes en
sont inspirés, ihid. Origine du chant des psaumes à
deux chœurs. Mammert Claudien enseigne aux ecclé-
siastiques le chant des psaumes, p. 137 et 3-16.
PUBLIE (saint), fonde un monastère double pour
les Grecs et les Syriens, p. 53.
PRUDENT, marchand, achète une femme à Cler-
mont, p. 390.
PUDENT, maître d'un esclave, p. 390.
PUISSANCE. Distinction des deux puissances ,
l'ecclésiastique et la séculière, p. 501 et 506.
PULCHÉRIE , impératrice. Théodoret s'emploie
auprès d'elle pour le soulagement de son diocèse,
p. 20. Lettre de cet évêque à Pulchérie, p. 67; Pul-
chérie conseille de mettre à mort Chrysaphe, p. 75.
Hilaire, archidiacre de Rome, lui écrit, p. 335. Let-
tres que lui écrit saint Léon , p. 213 , 214 et 216.
L'impératrice Placidie l'engage à la défense de la foi,
p. 2l7. Réponse de saint Léon, ibid. Pulchérie fait
rapporter le corps de saint Flavien à Constantinople,
p. 2i9. Lettres de saint Léon, ibid et 221. Pulché-
rie témoigne à ce pape ne pas approuver la rigueur
dont il use envers les auteurs de l'hérésie. Réponse
de saint Léon, p. 222. Le concile de Chalcédoine lui
mande les raisons qu'il a eues de déposer Dioscore,
p. 689.
PURGATOIRE. Paschase, diacre de l'Eglise ro-
maine , est envoyé en purgatoire pour avoir pris le parti
de l'antipape Laurent , p. 528.
PYTHAGORE, philosophe payen, reçoit la circon-
cision en Egypte, p. 91 ; en quoi il met la félicité de
l'homme, p. 97.
TABLE ANALYTIQUE.
801
Q.
QUÉLIDOINE , archevêque de Besançon, est dé-
posé par saint Hilaire, p. 1 72 ; il porte ses plaintes à
saint Léon, qui le rétablit, ibid. Sainte Hilaire refuse
de communiquer avec lui, ibid.
QUÉRÉMON, lecteur d'Alexandrie , présente une
requête aux légats du pape Anastase, p. 519.
QUIETE, belle-mère de Salvien , p. 360.
QUIENTIE, évêque de Rodez, assiste au concile
d'Agde, en 506, p. 736.
QUINTILLUS, évêque d'Hcraclée , assiste au faux
concile d'Ephèse en la place d'.^thanase de Thessa-
loniquc, p. 676, et à celui de Chalcédoine, p. 684.
QUODVULTDEUS, évêque deCarthage, banni par
Genséric, p. 449.
R.
RABULAS , évêque d'Edesse , est fait évêque en
412, p. 143 ; il souscrit au concile d'Ephèse, ibid. Il
est quelque temps uni avec ,Tean d'Antioche et les
autres Orientaux , ibid. Il se déclare pour saint Cy-
rille contre Nestorius, ibid. Il assemble un concile à
Edesse où il se sépare de la communion de tous les
Orientaux, ibid. Accusations que quelques-uns d'E-
desse forment contre lui, ibid. et 144. 11 a part aux
disputes qui s'élèvent vers l'an 436 au sujet des
écrits de Théodore de Mopsueste et de Diodore de
Tarse, ibid. Il écrit aux évêques d'Arménie, ihid. ;
se réconcilie avant sa mort avec Jean d'Antioche et
les autres Orientaux, p. 143. Sa mort en 435,
ibid.
RACHEL. Quel était son but en emportant les
idoles de son père, p. 28.
RAGNAHILDA , reine des Goths et femme d'Eu-
ric, p. 387.
RAHAB , avant sa conversion , était comme la fi-
gure de l'Eglise des gentils, p. 31.
RAVENNE , évêque d'Arles , succède à saint Hi-
laire, p. 215. Saint Léon lui écrit et confirme son
élection , ibid. Plaintes de l'Eglise de Vienne contre
lui, p. 218. Lettres de saint Léon, ibid. et 223. Il
assemble un concile en 455, p. 708.
REBAPTISATION. Voyez Baptême.
RÉCONCILIATION. Comment on doit l'accorder
à ceux qui la demandent, p. 260. En quel temps se
fait ordinairement la réconciliation solennelle , ibid.
REGIA en Afrique : plusieurs catholiques y souf-
frent le martyre, p. 451.
REGULUS , diacre , est député à Rome par les
évêques de la province d'Arles, p. 2l8.
RELIGIEUSES. Comment on doit se comporter
envers celles qui souffrent violence pendant la per-
sécution des Vandales, p. 199.
RELIQUES. Celles du martyr Babylas empêchent
l'oracle d'Apollon de parler, p. 134.
REftlY (SAINT). Le pape Hormisdas lui écrit, p. 612.
RENE, prêtre de l'Eglise romaine, du titre de
Saint-Clément. Théodoret lai écrit, p. 74. Saint Léon
le choisit pour son légat au faux concile d'Ephèse,
p. 173. René meurt en chemin, p. 675.
REPARAT, sous-diacre , a la langue coupée sous
Hunéric, et parle nettement et sans peine, p. 459.
RESTICIEN ou Rufin, assiste au concile de Chal-
cédoine, p. 683.
RÉSURRECTION. Elle sera commune aux infidèles
et aux fidèles, aux impies et aux justes, p. 87; tous
y rendront compte de leurs actions, ibid. Théodoret
établit la résurrection, p. 90.
RÉSURRECTION d'un enfant, p. 492.
REVENUS ecclésiastiques. Usage qu'on doit en
faire, p. 744 et 7i5. Distribution des revenus des
oblations de l'Eglise, p. 745.
RICHES. Ils sont obligés de faire part de leurs
biens aux pauvres, p. 181.
RICHESSES. Elles ne sont pas mauvaises par
elles-mêmes , on ne doit blâmer que l'abus qu'on en
fait, p. 89. Le défaut est tout dans l'homme qui en
use mal , p. 363. Elles ne sont données à l'homme
que comme des instruments pour travailler à son sa-
lut, p. 89. Elles sont de deux sortes, p. 157.
RICIMER, patrice, épouse la fille de l'empereur
Anthémius, p. 383.
RIMINI. Ce qui se passe en cette ville de la part
des ariens, p. 45.
RIOCAT, évêque, envoyé par Fauste de Riez aux
Bretons, passe par Clermont, p. 395.
RIODANE va à Constantinople et porte un billet
de saint Léon à Flavien, p. 211.
RIOTHAMUS , roi des Bretons. Saint Sidoine lui
écrit, p. 386.
ROGAT (saint;, moine, martyr sous Hunéric,
p. 462 et 463.
ROGATIONS. Leur institution à Vienne en 468,
p. 346 et 347. Comment on les célébrait, p. 347,
381 et 391. Homélies de saint Avit sur les Roga-
tions, p. 563. Leur établissement passe de l'Eglise
de Vienne dans celle d'Auvergne et dans un grand
nombre d'autres EgUses, p. 347.
ROMAIN (saint), solitaire, établit sa demeure près
d'Antioche, p. 13; sa manière de vivre, ibid.; ses
exhortations à ceux qui viennent le voir, ibid.
ROME. Combien la gloire de cette ville s'est aug-
mentée par la religion et par le ministère des apô-
51
802
TABLE ANALYTIQUE.
très, p. i9i. Pourquoi le premier siège de l'Eglise
y est établi, ibid.
ROMULUS, évêque, écrit à Théodoret, qui lui ré-
pond, p. 76.
ROMULUS , supérieur du monastère de Saint-
Théodose, p. 13.
ROMULUS, diacre, porte une lettre du pape saint
Gélase aux évêques de la Marche d'Ancône, p. 499.
ROSCIA, fille de saint Sidoine, p. 379; i) la voit
à Lyon en 474, p. 389.
RUFIN, ami de saint Prosper, ayant ouï parler des
mauvais sentiments qu'on attribue à ce saint, lui en
écrit, p. 279. Saint Prosper le satisfait pleinement,
ibid. et 280.
RUFIN, abbé de Constantinople , écrit au pape
saint Félix III contre Tutus , défenseur de l'Eglise
romaine, p. 415 et 416.
RUFUS, comte. Ordres qu'on lui envoie contre
Théodoret, p. 22.
RUFUS , évoque de Thessalonique. Théodoret et
tes autres Orientaux veulent l'attirer dans leur parti
et le prévenir contre le concile d'Ephèse , p. 103.
Lettres qu'ils lui écrivent à ce sujet, ibid.
RURICE (saint), évêque de Limoges. Sa naissance,
son mariage , p. 607 ; il est fait évêque de Limoges
en 484, ibid.; ses lettres, ibid. Lettres écrites à Ru-
rice, p. 609. Fauste de Riez lui en écrit plusieurs,
p. 435. Rurice prend un écrit de saint Sidoine et lui
écrit, p. 388; il fait tirer une copie d'un des ou-
vrages de saint Sidoine, p. 389. Lettres que saint
Sidoine lui écrit, p. 390 et 393.
RUSTICIENNE , fille de Symmaque, sénateur ro-
main, seconde femme de Roëce, p. 646.
RUSTIQUE , évêque. Arnobe lui dédie son com-
mentaire sur les Psaumes, p. 330.
RUSTIÛUE (saint), évêque de Narbonne, ordonne
pour évêque de Réziers Hermès, son archidiacre,
p. 337 ; il assiste au concile d'Arles en 455, p. 708.
RUSTIQUE (saint) , sous-diacre , moine et mar-
tyr sous Hunéric, p. 460.
RUSTIQUE, évêque d'Afrique, assiste, en 487, à
un concile de Rome, p. 719.
RUSTIQUE, évêque de Cartène, en 418, p. 469.
RUSTIQUE, évêque de Lyon. Le pape saint Gélase
lui écrit en 494, p. 505.
RUSTIQUE, de Rordeaux, recommande une affaire
à saint Isidore , qui lui écrit , p. 385. Ce Rustique,
ou un autre du même nom , avait demandé à saint
Eucher ses deux livres sur l'Ecriture, ibid.
S.
SABAS (saint). Elle de Jérusalem le députe, en
512, à l'empereur Anastase, p. 488.
SABAS, chef de la secte des messaliens, p. 47; il
ne veut point se séparer de la communion de l'Eglise,
ibid.; il est chassé de Syrie, ibid.
SABELLIENS. Saint Marcien n'a que de l'éloigne-
ment pour eux, p. 53; ils enseignent que le Père, le
Fils et le Saint-Esprit ne font qu'une seule personne,
p. 207. Pourquoi leurs disciples sont nommés patri-
passiens, ibid.
SABINIEN, évêque de Perrha, est contraint, par
violence, d'abandonner son Eglise, p. 75; il s'adresse,
pour procurer son rétablissement, à ceux mêmes qui
l'ont chassé , ibid. Théodoret lui écrit sur cette dé-
marche, ibid. Dioscore le dépose dans le faux con-
cile d'Ephèse, p. 679. Sabinien présente au concile
de Chalcédoine deux requêtes contre Athanase,
p. 695. Jugement de ce concile, p. 696.
SABINIEN, prêtre de l'Eglise de Narbonne, pour-
suit la punition d'un adultère, p. 200; il est cité de-
vant une assemblée d'évêques et de laïques, et con-
damné, ibid.
SACERDOCE. On ne permet pas d'élever à un plus
haut degré des gens de condition servile ou qui ne
sont pas de bonnes mœurs, p. 261.
SACRIFICE divin, p. 453, offert sur les mains des
diacres , p. 59; on l'offre quelquefois dans des mai-
sons particulières, p. 125. Choses remarquables que
Théodoret raconte sur ce sujet , ibid. Coutume de
Rome de le réitérer autant de fois que l'Eglise dans
laquelle on l'offre est remplie dépeuple, p. 215. On
ne l'offre, soit à Rome, soit à Alexandrie, que dans
une seule égUse, même dans les plus grandes solen-
nités, ibid. Le sacrifice d'Abraham est la figure du
double sacrifice de Jésus-Christ, p. 3S1 .
SAGESSE. La vraie sagesse ne consiste pas dans
l'éloquence, mais dans la connaissance de la vérité,
p. 91.
SAINTS. En quoi consistera leur récompense à la
résurrection future; quel sera leur bonheur, p. 87.
SALANAN (saint), p. 58. Sa manière de vivre,
ibid. L' évêque diocésain veut le faire prêtre , ibid.
S,\LOMON. En quel sens on peut dire qu'il a parlé
de tous les bois, p. 33.
SALONE, évêque de Genève. Salvien lui adresse
son traité sur la Providence, p. 368.
SALUSTE , gouverneur , pour la seconde fois , de
la province Euphratésienne, p. 66. Théodoret lui
envoie un diacre et lui recommande les intérêts de
la ville de Cyr, ibid.
SALVIEN, prêtre de Marseille. Sa naissance, son
mariage; il embrasse la continence, p. 359 et 360;
sa lettre à Hypace, son beau-père, p. 360; il est fait
prêtre, p. 361; ses écrits : ses quatre livres de
l'Eglise catholique, ibid.; sa lettre à l'évêque Salone
sur cet ouvrage , p. 362. Analyse du premier livre
du traité de l'Eylise catholique, p. 362 et suiv.; du
deuxième livre, p. 365; du troisième, ibid. et suiv.;
du quatrième, p. 367 et 368. Livres de Salvien sur
la Providence, divisés on huit livres, p. 368. Ana-
TABLE ANALYTIQUE.
803
lyse du premier livre, p. 368 et suiv.; ilu deuxième,
p. 370; du troisième, p. 371; du quatrième, ibid.
et suiv.; du cinquième, p. 373; du sixième, ibid. et
suiv.; du septième, p. 375; du huitième, ibid. et 376
Lettres de Salvien aux serviteurs de Dieu, p. 376; à
saint Eucher, ibid.; à l'évêque Agrice, ibid.; à Hy-
pace, ibid.; à Catture, ibid. et 377; à Liménius, à
Aper et à Vérus , p. 377; à Salone, ibid. Livres de
Salvien qui sont perdus, ibid. Jugement de ses écrits,
ibid. et 378; éditions qu'on en a faites, p. 378.
SALUTARIS , archidiacre de Carthage, confesse
Jésus-Christ sous Hunéric, p. 463.
SAMUEL , prêtre du clergé d'Edesse , accuse son
évêque auprès de saint Procle, p. 144; son libelle
contre lui à Doranus d'Antioche , ibid. ; il se retire
à Constantinople et demande à l'empereur d'autres
juges, ibid.; il recommence sa procédure contre cet
évêque et en accuse deux autres avec lui, p. 145 ;
ses chefs d'accusation, ibid.; ses écrits, p. 582.
SAPANDE ou SAPAUDE, professeur de rhétorique
à Vienne, p. 359. Maramert Claudien lui écrit,
p. 359. Lettre de saint Sidoine à Sapande, p. 389.
SAPOR, roi de Perse, assiège Nisibe, p. 44; épou-
vanté par une vision , il prend le parti de lever le
siège, p. 45.
SATISFACTION. On doit l'accorder à tous ceux
qui la demandent, même dans le péril et à l'extré-
mité de la vie, pourvu que la conversion soit véri-
table, p. 260.
SATURE (saint), intendant de la maison d'Hunê-
ric, confesse la foi, p. 452.
SATURNIN, évêque deMarcinople, assiste, en 448,
au concile de Constantinople, p. 669; il est ordonné
en la place de Dorothée, p.
SATURNIN, hérésiarque, est le premier qui a dit
que le mariage vient de satan, p. 131.
SAXONS. Leur portrait selon Salvien, p. 375.
SCYTHOPLE, métropole de la Palestine, p. 18.
SÉDASTIEN, comte, gendre du comte Roniface,
p. 450. Genséric le fait mourir, ibid.
SECONDIN. Saint Sidoine approuve les vers sy-
riaques qu'il avait faits, p. 389.
SECONDIN, neveu de saint Sidoine, p. 386.
SEGETIUS , évêque , est commis pour porter la
lettre de saint Léon aux évêques de Campanie, et
chargé d'en faire exécuter les décrets, p. 202.
SÉLEUQUE , évêque d'Amasée , se sert de la
même expression que Rasile de Séleucie sur l'Incar-
nation, p. 163; il rétracte ce qu'il a dit au concile
de Constantinople en 448, ibid.
SEMRLADLE. Les ariens mettent ce terme dans
la profession de foi de Nicée, en la place de ceux de
substance et de consubstantiel, p. 45.
SEMI-PÉLAGIENS. Autorités de l'Ecriture dont
ils abusent, p. 280. Objection qu'ils tirent de l'exem-
ple de Corneille, p. 281 ; d'où vient leur erreur, p.
282. Réponses à leurs objections, p. 283; l'hérésie
semi-pélagienne s'efforce de faire renaître la péla-
gienne, p. 285 ; sentiments qu'ils reconnaissent avoir
été condamnés dans les pélagiens, ibid. et 286; sui-
vant eux la volonté prévient la grâce, suite de cette
erreur, p. 287, 288; parallèle de leurs erreurs avec
l'hérésie pélagienne, p. 289 et suiv.
SEMSUS, frère aîné de saint Sirnéon Slylite, p. 60.
SENAT de Rome. Tibère lui propose de niellre
Jésus-Christ au rang des dieux, p. 5. Il le refuse et
donne un édit contre les chrétiens, ibid.
SÉNATEUR, patrice. Théodore! lui écrit, p. 67.
SENATEUR, prêtre de Milan, légat de saint Léon
à l'empereur Théodose , p. 219; n'arrive à Rome
qu'après la mort de ce prince , ibid L'emjiereur
Marcicn le reçoit favorablement , p. 220. Sénateur
rend compte du succès de sa légation au pape, p. 68 ;
qui le charge d'une lettre pour Eusèbe de Milan.
ibid. ; assiste au concile de Milan en 451 , où il fait
le rapport de ce qu'il a fait et vu dans l'Orient, ibid.
SENECION , métropolitain de l'Illyrie orientale,
écrit à saint Léon, qui lui répond, p. 206.
SENEQUE , vieillard pélagien , réfuté par le pape
saint Gélase, p. 499 et suiv. Le pape défend de lui
donner retraite, de lui accorder l'entrée de l'Eglise,
p. 501.
SEPTIANE (saint), moine et martyr sous Huné-
ric, p. 462 et 463.
SEPTIMIUS, qualifié évêque d'Altino, écrit à saint
■Léon, touchant les pélagiens, p. 172. Saint Léon lui
écrit, ibid. et 203.
SEPULTURE. Cérémonies de la sépulture des
morts suivant l'auteur des livres attribués à saint
Denis l'Aréopagite, p. 549. Genséric ordonne aux
catholiques d'enterrer eurs morts sans chanter des
hymnes, p. 449. Les corps des martyrs enterrés en
chantant des hymnes, p. 463.
SÉRONATE. Saint Sidoine lui écrit sur Maxime,
p. 384.
SERRAN. Saint Sidoine lui écrit sur Maxime , p.
385.
SERSAON, parent du roi Genséric, p. 517.
SEPiVUS (saint) , sous-diacre, moine et martyr,
sous Hunéric, p. 462 et 463.
SERVUSDEI , auteur ecclésiastique dont parle
Gennade, p. 470.
SEVERE , évêque , écrit au pape Simplice contre
Gaudence, évêque d'Ausinium, p. 402.
SEVERE, empereur, empoisonné dans son palais,
le 15 août de l'an 466, p. 339.
SÉVÉRIN (saint), apôtre de Norique. Son corps
est transféré au château de Lucullone , près de Na-
ples, p. 517.
SÉVERIENNE, fille de saint Sidoine , va prendre
l'air à la campagne après une maladie, p. 385.
SERVITUDE. Elle ne porte aucun préjudice à la
vertu, p. 89. Un serviteur peut vivre dans la piété
sous un mauvais maître, ibid.
SIAGRIUS, ecclésiastique dont Gennade fait men-
tion, p. 469.
SIAGRIUS, fils du général Gille , p. 384. Saint
Sidoine lui écrit, p. 389.
SICILE. Lettre de saint Léon aux évêques de cette
province, p. 209.
SIDOINE APOLLINAIRE (saint), évêque de Cler-
mont, en Auvergne : son origine, temps de sa nais-
804
TABLE ANALYTIQUE.
sance, p. 379 ; ses études , ibid. ; il épouse Papia-
nille, fille d'Avitus , ibid. Ses enfants , ibid. L'em-
pereur Marnien l'élève à la dignité de comte, p. 379,
380. Anthémius le fait chef du sénat de Rome et
préfet de la ville, ensuite patrice, p. 380 ; il est élu
évêque de Clermont après la mort d'Eparchius , p.
380; sa conduite dans l'épiscopat, ibid. Lettre que
lui écrit saint Loup, évèque de Troyes, à l'occasion
de son élection , ibid. Il fait élire saint Simplice,
évêque de Bourges , ibid. et 381 ; il établit les Ro-
gations dans son Eglise ; à quelle occasion , p. 381 .
Euric, roi des Visigoths.le fait enfermer au château
de Liviane , ibid. Sidoine obtient sa liberté par le
crédit du ministre Léon, pour lequel il fait une co-
pie de la vie d'Apollonius, ibid. et 382; il fait la ré-
vision de ses lettres et les donne au public, p. 382.
Sollicité par Léon de continuer l'histoire d'Attila et
du siège d'Orléans, il s'en excuse, p 382. Deux de
ses prêtres se soulèvent contre lui ; ils en sont pu-
nis de Dieu, ibid.; temps de la mort de saint Si-
doine, ibid.; ses ouvrages, ibid.; idée du recueil de
ses lettres, ibid. et 383 ; analyse des neuf livres qui
le composent, p. 383 et suiv. ; analyse du premier
livre, p. 383, 384 ; du deuxième, p. 384, 385; du
troisième , p. 385, 386 ; du quatrième , p. 387 et
suiv. ; du cinquième, p. 389, 390; du sixième, p.
390, 391 ; du septième, p. 391 et suiv. ; du huitième,
p. 393, 394 ; du neavième, p. 394 , 395. Circons-
tances remarquables de sa vie rapportées dans ses
lettres, p. 383, 384, 386, 387, 389, 393. Poésies
de saint Sidoine, p. 396 Panégyrique d'Anthémius,
ibid. ; de Majorien, ibid. ; d'Avitus , ibid. Poème à
Félix, ibid. et 397. Epithalame de Ruricius, p. 397.
Poème à Fauste de Riez , ibid. ; à Hommace, ibid.
Autres poèmes, ibid Poème à son recueil de poésies,
ibid. et 398. Ecrits de saint Sidoine que nous n'a-
vons plus, p. 398. Jugement des écrits de saint Si-
doine, ibid. Différentes éditions qu'on' en a faites,
p. 399. Lettres que lui écrit saint Perpétue, évèque
de Tours, p. 441 . Lettre que lui adresse Mamraert
Claudien sur la différence entre les êtres spirituels
et les corporels, p. 354. Autre lettre de civilité , p.
355. Lettre que lui écrit saint Loup , évêque de
Troyes, sur son élévation à l'épiscopat , p. 358. Sa
réponse, ibid.
SIÈGE (saint) , ou Siège apostolique. Ses préro-
gatives , p. 498, 4-99. Il a la principauté sur toutes
les Eglises du monde, p. 121. C'est de lui que tou-
tes les Eglises blessées doivent recevoir les remèdes
nécessaires, p. 73.
SIGISMER, épouse la fille du roi des Visigoths,
p. 388.
SIGISMOND , fils du roi Gondebaud , abjure l'hé-
résie arienne, p. 554. Il rétablit le monastère d'A-
gaune, ibid.
SILVAIN , évêque de Calahorra , fait des évêques
sans autorité et contre les canons, p 338. Les évê-
ques d'Espagne l'avertissent sans succès, ibid.; ils
s'en plaignent au pape saint Hilaire, p. 339.
SILVAIN , prêtre , accompagne les légats à Gons-
tantinople, p. 414. Il leur est confronté, ibid.
SILVAIN , diacre de Palerme , est porteur d'une
lettre de saint Léon à Pasoasin, p. 202.
SIMÉON (SAINT) Stylite, p. 579. Cosme, prêtre
de Phanir, écrit sa vie, p. 580. Lettres de saint Si-
rnéon, p. 581 .
SIMEON (saint) l'ancien. Ce que Théodoret en
raconte, p. 54.
SIMÉON BARSABÉE , évêque de Séleucie , écrit
quelques lettres sur des matières ecclésiastiques,
p. 143.
SIMÉON, de la secte des messaliens, ne veut point
se séparer de la communion de l'Eglise, p. 47 ; est
chassé de Syrie, ibid.
SIMÉON STYLITE (saint), engage Théodoret à la
paix, p. 21. Sa première occupation, p. 60 ; il prend
la résolution de se retirer dans un monastère, ibid.; il
surpasse ses compagnons en austérité, ibid. et p. 61 ;
ses supérieurs l'en reprennent comme d'un excès ,
ibid. On le fait sortir du monastère, ibid.; il prend le
chemin du lieu le plus désert de la montagne, ibid.
11 passe le carême entier sans boire ni manger, ibid.
Il se retire sur le sommet d'une montagne , ibid. ;
ses austérités, ibid. ; sa réputation se répand partout,
ibid.; il fait de grands miracles, ibid. et 62.
SIMONIE , condamnée par le concile de Chalcé-
doine, p. 696 ; par saint Gennade de Constantino-
ple, p. 711 ; par le pape saint Gélase, p. 504.
SIMPLICE (saint), pape, son origine; ce qu'on
sait de son pontificat, p. 401. Sa lettre à Zenon,
évêque de Séville, qu'il établit son vicaire en Espa-
gne, ibid. ; à Jean de Ravenne au sujet de l'ordina-
tion de Grégoire pour l'évêché de Modène , ibid. et
402; à Florent, Equice et Sévère, au sujet de Gau-
dence , évêque d'Ausinium , p. 402; à l'empereur
Basilisque qui avait abandonné le concile de Chalcé-
doine, ibid. et 403; àAcace de Constantinople pour
l'exhorter à travailler à la défense de l'Eglise , p.
403 ; aux abbés de Constantinople sur le même su-
jet, ibid.; à l'empereur Zenon sur son rétabUsse-
ment , ibid. et suiv. Lettre d'Acace à Simplice et
réponse de Simplice, p. 405 et 406. Lettre de Sim-
plice à Zenon et à Acace au sujet de l'Eglise de
la paix rétablie à Alexandrie, p. 407 ; aux mêmes au
sujet de l'Eglise d'Antioche , ibid. et 408. Autres
lettres d'Acace , p. 408, 409, 410. Mort du pape
saint Simplice, p. 410. Saint Féhx III lui succède,
p. 411.
SIMPLICE , ami de saint Sidoine qui lui écrit, p.
388.
SIMPLICE .est élu évêque de Bourges, p. 380 et
381. Saint Sidoine lui écrit, p. 386.
SIMPLICIEN (saint) , évêque de Milan , consulte
saint Augustin sur l'élection de Jacob et la réproba-
tion d'Esau, p, 300.
SIXTE III (saint), pape. Il rejette la fausse pé-
nitence de Julien le pélagien, p. 169; il commet
Anastase de Thessalonique pour agir en son nom
dans les églises d'IUyrie, p. 202.
SOCRATE, philosophe païen, ne rougit point de
se mettre quelque temps sous la discipline de deux
femmes, p. 91. Il était tailleur de pierres de profes
TABLE ANALYTIQUE.
803
sion, ibid. Lbs Grecs l'on regardé comme le premier
de leurs philosophes, ibid. En quoi il met le bon-
heur des hommes, p. 97.
SOLITAIRES. Histoire de ceux qui ont brillé dans
le comté d'Orient, p. 50.
SOLUTOR (saint) , martyr, répand son sang à
Turin pour la foi de Jésus-Christ, p. 322.
SONGES. Les messaliens prennent les leurs pour
des prophéties, p. 47.
SOPHRONE , évêque de Constantinople. Théodo-
ret lui écrit, p. 67; il est le même que celui qui as-
siste au concile d'Antioche, en 445, et à celui de
Chalcédoine, en 451; comme évêque de Syrie, ibid.
SOPHRONIUS, laïque, accuse Dioscore dans le
concile de Chalcédoine, p. 688.
SOPHRONIUS, évêque d'Agde, p. 736.
SORT des saints défendu, p. 741.
SOTERIE, évêque de Césarée en Cappadoce, pré-
side au concile de Sidon, en 512, p. 750.
SOUS-DIACRES. Saint Loup et saiut Euphrone en
ordonnaient de mariés, p. 358. Saint Léon ne les
regarde que comme ministres de l'autel, p. 261 ;
ils doivent observer la continence, ibid.
SPECTACLES. Salvien écrit contre les spectacles,
p. 374.
SPORACE, consul en 452, p. 83. Théodore! com-
pose à sa prière, son ouvrage sur les Hérésies, ibid.,
et lui écrit contre Nestorius, p. 99.
SPORATIUS, comte des gardes, assiste au concile
de Chalcédoine, p. 683.
STASIME. Théodoret lui écrit pour l'engager à
soulager ceux qui ont souffert par la prise de Car-
thage, p. 66.
STRaTEGIUS, consulaire de la Bythinie, a ordre
de chasser de Nicée tous les clercs, les moines et les
laïques étrangers, p. 683.
STUDIUS , bâtit l'église de Saint-Jean . avec un
monastère où il met des moines acémètes, p. 345.
SUANEZ, homme riche, souffre persécution en
Perse, p. 49.
SUBSTANCE. Les ariens ôtent ce terme dans la
profession de Nicée, pour mettre celui de semblable,
p. 45. Constance veut obliger les évêques assemblés
à Antioche à le rejeter, p. 46. Ce mot est commun
aux personnes de la Trinité, p. 80.
SUÉVES. Ils occupent la Galicie et une partie de
la Lusitanie, p. 209.
SUPPLÉMENT. Authenticité des œuvres de saint
Denisl'Aréopagite, p. 751 . Preuves intrinsèques, ibid.
Preuves extrinsèque, p. 757.
SUSANNE. Son histoire citée comme Ecriture
sainte, par saint Avit, p. 567.
SY.MBOLE des apôtres, est la règle de notre foi
p. 250; il suffit pour détruire toutes les hérésies^
ibid. ; il est d'usage, dans toutes les Eglises du
monde, de le faire réciter à ceux qu'on prépare au
baptême, ibid.; ils le récitent en présence de té-
moins, lorsqu'ils reçoivent ce sacrement, ibid. Nous
y apprenons ce que nous devons croire des trois per-
sonnes de la sainte Trinité, ibid. Le concile d'Autun
de l'an 670, ordonne à tous les ecclésiastiques de
l'apprendre par cœur, p. 484. Le Symbole des apô-
tres paraît être de Vigile de Tapse, ibid.
SYMMAQUE est élu pape en 498. Laurent est élu
anli-pape, p. 522. Symmaque est accusé devant
Théodoric, assemble un concile, ibid.; ses lettres à
Aconius et à saint Avit, p. 523 ; au patrice Libère, à
Laurent, à Césaire d'Arles, ibid.; aux évêques des
Gaules et à Césaire, p. 524. Soii Apologie, p. 525;
sa lettre aux Orientaux, p. 526; ses lettres aux évê-
ques d'Afrique, p. 527, et à Théodore de Laurée,
ibid.; ses libéralités, p. 528; sa mort, en 514, ibid.
SYMPHORIEN (saint). Saint Euphrone d'Autun
bâtit une église sous son nom, p, 358.
SYNCÉTIUS, diacre, porte une lettre d'Euphé-
mius au pape Gélase, p. 486.
TATIEN, martyr en Phrygie, sous Julien l'Apos-
tat, p. 46.
TATIEN , préfet de Constantinople, rend à saint
Léon une lettre de l'empereur .Marcien, p. 220; il
assiste au concile de Chalcédoine, p. 683
TATIEN, hérésiarque, supprime dans sa concorde
évangélique, tous les endroits contraires à ses er-
reurs, p. 20.
TERENCE , général , remporte la victoire sur les
ennemis de l'empire, p. 47; présente une requête
à Valens, qui la déchire, ibid. et 48; ce qu'il dit à
ce prince, ibid.
TETRADIUS, évêque de Bourges, assiste au con-
cile d'Agde, en 506, p. 736.
TETRADIUS, apparemment avocat. Saint Sidoine
lui recommande le soin d'une affaire, p. 386.
THALASSE, solitaire. Sa simphcité et sa mo-
destie , p. 59 et 60; il a pour disciple Lymnée, p.
60.
THALASSE , préfet du prétoire d'Olyrie , succède
à Fii'tnus dans l'évêché de Césarée, p. 149.
THALASSE, évêque d'Angers, consulte saint Eu-
phrone , évêque d'Autun , et saint Loup de Troyes
sur plusieurs points de discipline, p. 357. Réponse
de ces évêques, ibid.
THALASSIUS, évêque de Césaire. Eutychès de-
mande que ceux qui ont eu part à sa condamnation,
soient appelés devant cet évêque pour reconnaître
la vérité, p. 674. Thalassius préside à l'assemblée
tenue dans le baptistaire de Constantinople, en 449,
ibid.; assiste au concile de Chalcédoine, ibid.
THALASSIUS , abbé de Constantinople. Le pape
saint Félix lui écrit, p.
THALELÉE, Cilicien de naissance, p. 63; il se
806
TABLE ANALYTIQUE.
bâtit une cellule dans le territoire de Cabale, ibid.
Les démons tâchent en vain de l'épouvanter, ibid.
Ses miracles et ses instructions engagent les iiabi-
tants du voisinage à passer à k lumière de l'Evan-
gile, ibid. Se pratique une espèce d'estrade sus-
pendue, sur laquelle il demeure, ibid. Théodoret
demande la cause d'une vie si nouvelle. Sa réponse,
ibid.
THÉANDRIQUE. Théodoret se sert de ce terme
dans son penialogue , pour marquer les actions que
Jésus-Christ fait comme Dieu et homme tout en-
semble, p. 102.
THÈCLE (sainte). Se Vie attribuée à Basile de
Séleucie, p. 167.
THÉLÉMAQUE (saint), solitaire. Son désir de tra-
vailler à abolir les spectacles des gladiateurs, p. 139;
il est tué à coups de pierres, ibid. Honorius le met
an nombre des saints martyrs, ibid.
THÉOCTÈNE, successeur de saint Publie dans le
gouvernement de son monastère, p. 53.
THÉOCTISÏE , évèque de Bérée. Théodoret l'ex-
horte à soulager ceux qui ont souffert par la prise
de Carthage, p. 66; abandonne lâchement la vérité.
Théodoret lui en fait des reproches, p. 76.
THÉOCTISTE, magistrien, est porteur d'une let-
tre de saint Léon à l'empereur Marcien, p. 222.
THÉODAS, novateur p. 482.
THÉODORE, diacre de l'Eglise d'Alexandrie,
donne une requête au concile de Chalcédoine contre
Dioscore, son évèque, p. 687.
THÉODORE, évèque de Claudiopolis , se plaint
dans le concile de Chalcédoine des violences com-
mises à Ephèse, p. 685.
THÉODORE, évèque de Mopsueste. Saint Cyrille
presse les Orientaux de le condamner et écrit même
contre lui, p. 22. Théodoret prend sa défense, ibid.
son sentiment sur le Cantique des Cantiques, p. 36.
Rabulas l'anathématise en pleine église, p. 143; il
écrit contre lui, ibid.
THÉODORE, évèque de Fréjus, est en différend
avec Fauste, abbé de Lérins, p. 207, et propose
quelques difficultés à saint Léon, p. 225. Réponse
de ce pape, ibid.
THÉODORE, évèque de Laurée. Le pape Symma-
que lui accorde l'usage du pallium, p. 527.
THÉODORE, évèque de Sion , assiste au concile
d'Agaune, p. 746.
THÉODORE, prêtre d'Antioche, écrit quinze li-
vres contre les apoUinaristes et les eunoméens, p.
587.
THÉODORE, martyr sous Julien l'Apostat, p. 46.
THÉODORE, prêtre de Gènes, envoie à saint
Prosper quelques propositions pour le prier de lui
en donner le vrai sens, p. 300. Réponse de ce saint,
après l'an 430. Analyse de ces réponses, p. 302.
THÉODORET (le bienheureux), évèque de Cyr,
docteur de l'Eglise et confesseur. Sa naissance, vers
l'an 387, p. 19; il se relire dans un monastère et
donne son bien aux pauvres, ibid.; il est fait évèque
de Cyr en 423, ibid.; sa conduite dans l'épiscopat,
ibid. et 20, 21; il défend Nestorius coutre saint Cy-
rille et contre le concile d'Ephèse en 430 et 431 ,
p. 21 ; il est député à l'empereur en 431 , ibid.; il se
réunit avec saint Cyrille, ibid.; il écrit pour Théo-
dore de Mopsueste contre ce saint évèque, p. 22; il
combat l'hérésie d'Eutychès, ibid.; il lui est défendu
de sortir de Cyr, ibid.; il s'en plaint à diverses per-
sonnes, ibid.; ses occupations pendant cette retraite,
ibid. Dioscore prononce anathème contre lui, ibid.;
il est exclu du faux concile d'Ephèse, p. 23; il sort
de Cyr en 450, ibid.; il est rappelé à son évêché,
p. 24; il est admis au concile de Chalcédoine, ibid.;
il y souscrit comme évèque de Cyr, ibid. Saint Léon
lui écrit, ibid. Sa mort, p. 25; son éloge, ibid. Ca-
talogues des écrits de Théodoret , p. 25 et 26 ; ses
écrits, p. 26 et suiv. Commentaire siir l' Odaieuque,
ibid. Ce que c'est que ce commentaire, ibid. Ques-
tions sur la Genèse, ibid. et suiv. Questions sur
l'Exode, p. 28 et 29; sur le Lévitique et les Nombres.
p. 30 et 31 ; sur Josué, les Juges el Rulh, p. 31 et 32,
Questions sur le Livre des Rois et des Paralipoménes,
p. 32 et suiv. Théodoret y explique le sens littéral
et historique, ibid. — Commentaire sur les Psaumes,
p. 34 et 35. Ces commentaires ont été écrits avant
l'an 448. Quelle en est la méthode, p. 34. Diverses
remarques sur les Psaumes, ibid. et 35. — Com-
mentaire ««r /e Coniî'gue d(5 Cantiques, p. 35 et suiv.;
il est de Théodoret , ibid. Dans quel sens on doit
interpréter le Cantique des Cantiques, p. 37 et suiv.
— Commentaires sur les Prophètes, p. 39 et suiv.;
sur Isaïe , p. 39 ; sur Jérémie , ibid.; sur Ezéchiel,
ibid. et 40; sur Daniel, p. 40 et 41 ; sur les Douze
piitits Prophètes, p. 41. — Commentaires «<r /es
Epîtres de saint Paul, p. 41 et 42. — Histoire ec-
c/Mias(îç!ie de Théodoret , p. 42 et suiv. Pourquoi
Théodoret a écrit son Histoire, p. 42. Fautes dans
YHisioire de Théodoret, ibid. Estime qu'on a faite
de cette Histoire, ibid. et 43. En quel temps il a fait
cette Histoire , p. 43. Ce que contient le premier
livre, ibid. et suiv.; ce que contient le second livre,
p. 45 et 46; ce que contient le troisième livre, p. 46
et suiv.; ce que contient le quatrième livre, ibid.; ce
que contient le cinquième livre, p. 48 et 49. Cata-
logue des évêques des grands sièges depuis la fin des
persécutions, p. 49. — Histoire des Solitaires, p. 50
et suiv. En quel temps cette Histoire a été écrite,
p. 50. But de cet ouvrage, ibid. Estime qu'on en
fait, ibid. Saint Jacques de Nisibe, p. 51; saint Ju-
lien Sabas , ibid. et 52; saint Marcien, p. 52 et 53;
saint Eusèbe, p. 53; saint Publie, ibid.; saint Siméon-
l'Ancien, p. 54; saint Pallade, ibid.; saint Aphraate,
persan, ibid.; saint Pierre, p. 55; saint Théodose,
abbé, ibid. et 56; saint Romain, p. 56; saint Léon,
p. 56; saint Macédonius, p. 57; saint Maysime, ibid.;
saint Acépésim, ibid. et 58; saint Maron , p. 58;
saint Abraham, ibid.; saint Eusèbe, ibid.; saint Sa-
lanan, ibid. et 59; saint Moris, p. 59; saint Jacques,
ibid.; saint Thalasse et saint Lymnée, ibid. et 60;
saint Jean, saint Moïse, saint Zébin, saint Polycrate,
p. 60; saint Asclépie , ibid.; saint Siméon Stylite,
ibid. et suiv.; saint Baradate, p. 63; sainte Maranne,
sainte Cyre et sainte Domnine, ibid. et 64. — Lettres
TABLE ANALYTIQUE.
807
de Théodoret : lettres une et deux à un ami, p. 64;
lettre à Irénée, ibid. et 65; lettres festales, p. 65;
lettres à Théonille et à Eugraphie , ibid.; à un ami,
ibid.; à Hélie, avocat, ibid.; à Flavieu, ibid.; à Iré-
née, ibid. et 66; à Eusèbe, avocat, p. 66; au patrice
Aréovinde, ibid.; à Apellion, à Aérius, à Domnus, à
Théocliste, à Strasime, au comte Patrice, âTévêque
Irénée , à Pompéien , p. 66; à Saluste, ibid. et 67.
Lettres festales, p. 67; lettre à Herraésigène , à Ur-
bain, au préfet Constance, à l'impératrice Pulchérie,
aux patrices Sénateur et Anatole , à l'avocat Pierre ,
à saint Procle, évêque de Constantinople , p. 67; à
Ibas, à Sophrone de Constantine, à Eusthate, évêque
d'Egès, ibid. et 68; à Dioscore d'Alexandrie, p. 68;
à Aérius, à Maran, à Epiphane, au clergé de Bérée,
à Eulalius, à Eusèbe, p. 68; au patrice Anatole, ibid.;
au préfet Eutréchius, p. 69; à Nomus, ibid.; à Eu-
sèbe d'Ancyre, ibid.; à Dioscore, p. 70; aux évèques
de Cilicie, ibid.; à Basile, évêque de Séleucie, ibid.
et 71; à saint Flavien de Constantinople, p. 71; à
Domnus, évêque d'Apamée, ibid. Autres lettres, ibid.
à un grand nombre de personnes de considération,
p. 72; aux dames Alexandra et Célérine, ibid.; à
Flavien de Constantinople, à Basile de Séleucie, à
Eusèbe d'Ancyre, ibid.; à Domnus, évêque d'Antio-
che, ibid.; au patrice Anatole, ibid.; à Domnus,
p. 73; à saint Léon, pape, p. 73 et 74; à René, prê-
tre; à Florent, évêque, p. 74; à Hilarus, archidiacre;
au patrice Anatole, à Andibère et à Appelle, ibid.;
h Uranius, évêque d'Emèse, ibid. et 75; à l'avocat
Marane, à Aphtone, Nomus et autres d'entre les prin-
cipaux de Zeugma, p. 75; à Sabinien, ibid.; à Jobius,
à Candide et à Magnus, prêtres et abbés, ibid.; à
Tiraothée, évêque, ibid. et 76; à Longin, à Jean de
Germanicie, à Marcel, p. 76; à Ibas, ibid.; à Romu-
lus, évêque, ibid.; à l'abbé Jean, ibid,; au patrice
Anatole, ibid.; à Aspar et à Vimomale, à Marcel, à
André, p. 77; à quelques personnes, sur une diffi-
culté soulevée par les eutychiens , ibid. et 78 ; aux
moines de Constantinople, à Jean, économe de l'E-
glise de Cyr, p. 79; à Abundius, ibid. — Ouvrage
intitulé Eraniste ou Polymorphe, p. 79 et suivantes.
A quelle occasion cet ouvrage a été fait, p. 79 et 80;
il a été écrit vers l'an 447; sa méthode, p. 80; il est
divisé en trois dialogues , ibid. Premier dialogue,
ibid.; deuxième dialogue, ibid. et 81; troisième
dialogue, p. 81 et 82. — Démonstration par syllo-
gisme, p. 82 et 83. — Ouvrages sur les Hérésies,
p. 83 et suiv.; il a été écrit en 452, p. 83; il est di-
visé en cinq livres : ce que contiennent les trois pre-
miers, ibid. et 84; le quatrième, p. 84 et 85; le cin-
quième, p. 85. C'est un abrégé de la doctrine de
l'Eglise, p. 85 et suiv. — Sermons de Théodoret,
p. 88 et suiv. Dix sermons sur la Providence, ibid.;
ce qu'ils contiennent, 88 et suiv. — Douze discours
contre les Païens, p. 90 et suiv. Premier discours,
p. 91 ; deuxième discours, p. 92; troisième discours,
ibid. et 93; quatrième discours, p. 93; cinquième
discours, ibid. et 94; sixième discours, p. 94 et 95;
septième discours , p. 95 ; huitième discours, ibid.
et 96; neuvième discours, p. 96 et 97; dixième dis-
cours, p. 97; onzième discours, p. 97 et 98. — Ou-
vrages mis dans l'appendice, p. 98 et suiv. Discours
sur la Charité, p. 98 et 99. Lettres à Sporace, à
Jean de Germanicie, p. 99. Livre contre les Euty-
chiens, ibid. Ecrits de Théodoret contre les douze
anathématismes de saint Cyrille, p. 99 et 100. —
Divers ouvrages attribués à Théodoret, savoir : com-
mentaires sur les Psaumes , p. 100; sur l'Evangile
de saint Luc, discours en l'honneur de saint Jean,
ibid. et tOl ; autres discours de Théodoret, p. iOt
et 102; Pentalogue, p. 102. — ■ Lettres de Théodo-
ret à Jean d'Anlioche, à Nestorius, à André de Sa-
mosate, à Alexandre d'Hiéraple, ibid. et 103; à Ru-
fin de Thessalonique, p. 103. Autres lettres de Théo-
doret à Acace de Bérée, p. 103 et 104; à Jean d'An-
tioche, à Nestorius, à André de Samosate, à Himé-
rius de Nicomédie, p. 104. Lettre faussement attri-
buée à Théodoret et adressée à Jean d'Antioche,
ibid. et 105. — Autre lettre de Théodoret à Dios-
core,,p. 105. — Les sept dialogues sur la Trinité.
Raisons pour et contre , p. 105 et 106 ; ils ne sont
pas de Théodoret, p. 106. Autres lettres de Théo-
doret à André de Samosate, à Alexandre d'Hiéraple,
au peuple de Constantinople, à Hellade de Tarse, à
Himérius de Nicomédie, à Jean d'Antioche, à Thes-
sébie, à Nestorius , à Mélèce, maître de la milice;
aux impératrices Pulchérie et Marine , à Dorothée ,
métropolitain de Mésie, p. 106. — Ouvrages de
Théodoret qui sont perdus , savoir : ouvrage mys-
tique divisé en douze livres, Traité de Théologie ou
de la Divine incarnation, écrits contre EuLychès et
Dioscore, apologie de Théodore de Mopsueste, Pen-
taloge, deux discours dont l'un sur les causes du
schisme et l'autre sur le dogme, autre discours contre
les eunomiens et les ariens, p. 107; il est publié par
Manri, note 1, ibid. Trois livres de Théodoret con-
tre les Macédoniens, p. 108. Ouvrages attribués à
Théodoret, ibid. — Doctrine de Théodoret sur l'E-
criture sainte, p. 108 et suiv.; sur les versions de
l'Ecriture, p. 112 suiv.; sur la lecture de l'Ecri-
ture sainte, ibid.; sur la Trinité, p. H2 et suiv.;
sur l'hicarnation. Erreurs sur ce mystère, p. 114.
Erreurs faussement attribuées à Théodoret, ibid.
et suiv. Motif de l'incarnation, p. 117. — Doc-
trine de Théodoret sur les anges et les démons,
p. 117 et 118; sur la loi, p. 118 et 119; sur le libre
arbitre, p. H9 et 120; sur la grâce, p. 120; sur
l'Eglise, p. 120 et 121 ; sur la primauté de saint
Pierre et sur l'Eglise romaine, p. 121 ; sur l'obéis-
sance due aux puissances, p. 121 et 122; sur la cir-
concision et le baptême, p. 122 et 123; sur la péni-
tence, p. 123; sur l'excommunication, ibid. et l24;
sur l'eucharistie, p. 124 et 125; sur le sacrifice,
p. 125; réponses aux objections, p. 125 et suiv.;
sur l'ordre, p. 130 et 131 ; sur le mariage, p. 131
et 132; sur les martyrs, p. 132 et 133; sur l'inven-
tion de le sainte croix, p. 133 et 134 ; sur le signe
de la croix, p. 134; sur les reliques, ibid. et 135;
sur les images, p. 135, sur les pèlerinages, ibid.;
sur le jeûne, ibid. et 136; sur l'abstinence des
viandes, p. 136; sur les moines, ibid.; sur quelques
808
TABLE ANALYTIQUE.
points de discipline, ibid. et 137; sur l'histoire,
p. 137 et suiv. Jugement des écrits de Théodoret,
p. 139 et 140; éditions qu'on en a faites, p. 140 et
suivantes.
THEODORIC, second roi des Visigoths. Saint Si-
doine en fait le portrait, p. 383.
THEODORIC, fils du roi Genséric, p. 452.
THEODOSE, abbé. Ses mortifications et ses occu-
pations, p. 55; on lui persuade de se retirer à An-
tioche, p. 56; Dieu lui fait la même grâce qu'à Moïse,
ibid.; après sa mort, son corps est mis dans le même
cercueil que saint Aphraate, ibid.
THEODOSE, moine entychien. Convaincu de crimes
par son évêque, il est chassé de son monastère,
p. 18; il est ordonné évêque de Jérusalem et chassé,
ibid.; il ordonne des évêques pour plusieurs villes
de la Palestine , ibid. ; il entraîne l'impératrice Eu-
doxie dans le schisme, p. 228.
THÉODOSE-LE-JEUNE ordonne qu'on lui députe
des évêques, p. 21; ses instances pour obliger les
Orientaux à s'accorder avec saint Cyrille, ibid.; il
donne des ordres pour chasser de leurs Eglises ceux
qui refusent de se réunir, ibid.; il ordonne à Théo-
doret de se retirer dans son diocèse et lui défend
d'en sortir, p. 22; il donne ordre de déposer Irénée,
évêque de Tyr, et de le chasser de son Eglise, p. 23.
Raisons principales de cette expulsion, ibid.; il prend
les armes et rétablit le jeune Valentinien dans ses
états, ibid.; il permet à Théodoret de se retirer dans
son monastère , près d'Apamée , avec défense d'en
sortir, p. 74; Chrysaphe l'entretient dans l'attache-
ment au schisme de Dioscore, ibid.
THÉODOSE invite saint Léon à se trouver au con-
cile d'Ephèse, en 449, p. 172; réponse de ce pape,
ibid. Saint Léon demande à l'empereur la tenue
d'un concile général , p. 174; Eutychès présente à
Théodose une requête, p. 674. Théodose la décrète,
ibid. ; commet Ariobende pour entendre Magnus sur
la sentence contre Eutychès, ibid. ; oblige Flavien
de donner sa confession de foi, p. 675 ;. continue
d'accuser cet évêque d'avoir excité les contestations
qui troublaient l'Eglise , ibid. ; convoque le faux
concile d'Ephèse à la prière de Dioscore, ibid. Ce
que porte la lettre de convocation , ibid. Théodose
ordonne à l'abbé Barsumas de se rendre à Ephèse
au nom de tous les abbés et archimandrites d'O-
rient pour y prendre séance avec les évêques, ibid.;
y invite aussi saint Léon , ibid. ; veut que les évê-
ques qui ont condamné Eutychès y assistent en qua-
lité de juges , ibid. Ceux qu'il y envoie pour empê-
cher qu'il n'arrive du trouble, ibid. Théodose marque
son intention au concile, ibid. Il écrit à Dioscore, à
qui il donne l'intendance et la primauté dans toutes
les affaires qui doivent s'y traiter, ibid. Lettre à Ju-
vénal de Jérusalem dans les mêmes termes , ibid.
Théodose prie saint Léon d'approuver l'ordination
d'Anatolius, p. 218. Sous quelles conditions ce pape
consent à la confirmer, ibid. Sa mort sur la fin de
juillet de l'an 450, p. 219. Eutychès obtient une
lettre de lui à saint Léon, p. 216. Réponse de ce
pape, ibid. Théodose convoque en 449 un concile;
y invite saint Léon avec les évêques d'Occident, p.
2H. Le pape prie ce prince d'en ordonner la tenue
en Italie, ibid. Autres lettres de saint Léon à Théo-
dose , p. 213, 214, 215, 217. L'empereur Valenti-
nien lui écrit, p. 217. Les deux impératrices Placidie
et Eudoxie font la môme chose , ibid. Théodose ré-
pond à toutes ces lettres, ibid. 11 écrit à saint Léon
qui lui répond, p. 218.
THÉODULE , métropolitain de l'IUyrie orientale,
écrit à saint Léon qui lui rend réponse, p. 206.
THEODULE , prêtre de Célésyrie. Ses éci'its , p.
470.
THÉODULPHE , évêque d'Orléans , au IX» siècle,
p. 472.
THEONILLE, femme de grande condition et de
piété. Théodoret lui écrit sur la mort de son mari,
p. 65.
THEOPHILE , diacre , s'oppose au rétablissement
d'Ibas, p. 147.
THÉOPHILE, évêque d'Alexandrie, fait abattre
les statues des idoles dans cette ville, p. 138. Il en-
tre dans le temple de Sérapis, fait frapper cette idole
d'un coup de cognée, ibid.
THEOPHILE, prêtre, est nommé par le concile de
Constanlinople pour citer Eutychès, p. 670.
THEOPHRASTE, personnage qui prend la défense
de la philosophie platonicienne dans le dialogue
d'Enée de Gaze, p. 498 et suiv.
THESSALONIQUE , ville de Macédoine , p. 48.
Massacre en cette ville par ordre de Théodose, ibid.
THEUCARIUS , apostat , veut séduire douze lec-
teurs enfants, p. 461.
TIBÈRE , empereur , propose au sénat de mettre
Jésus-Christ au rang des dieux, p. 5.
TIBÉRIEN. Saint Léon fait informer s'il est vrai
qu'il a été ordonné avec des séditions violentes, p.
199.
TICHONIUS, célèbre donatiste , p. 315.
TIMOCLE compose des cantiques pour les euty-
chiens, p. 345.
TIMOTHÉE II ELURE, intrus sur le siège d'Ale-
xandrie, p. 164, y rétablit l'eutychianisme, p. 176.
L'empereur demande l'avis des évêques sur l'intru-
sion d'Elure , p. 164. Timothée s'empare de la
grande église et se fait ordonner évêque. Il se sé-
pare des catholiques après le concile de Chalcédoine,
p. 176; analhématise ce concile et ceux qui le re-
çoivent, p. 177; commet toutes sortes de violences
dans toute l'Egypte, ibid. ; envoie des députés à
Constantinople , ibid. ; il est obligé de sortir d'A-
lexandrie, ibid ; il est rélégué dans la Chersonèse,
p. 344. Il est condamné dans un concile de toute
l'Egypte, p. 230. Il est rappelé par l'empereur Ba-
silisque à qui il persuade de condamner le concile
de Chalcédoine et la lettre de saint Léon à Flavien,
p. 402; il s'arrête à Ephèse où il tient un concile,
puis il se rend à Alexandrie, p. 404 , 405 : il s'em-
poisonne lui-même, p. 406. Ecrits qu'il a laissés en
faveur de son parti, ibid.
TIMOTHÉE III SOLOFACIOLE ou le blanc , élu
évêque d'Alexandrie à la place de Timothée Elure,
TABLE ANALYTIQUE.
809
p. 238 ; il fait part de son élection à saint Léon,
p. 238, qui l'en congratule, ibid. 11 est chassé sous
le règne de Basilisque, p. 402, puis rétabli, p. 406.
Il instruit le pape de son rétablissement, ibid. et 407.
Sa mort, p. 408.
TIMOTHÉE, prêtre et trésorier de l'Eglise de
Constantinople , intrus en la place de Macédonius^
p. 489.
TITIEN , préfet de Constantinople , rend à saint
Léon une lettre de l'empereur Marcien, p. 220.
TONANCE. Saint Sidoine lui écrit et lui envoie
des vers, p. 395.
TRADITION. C'est par elle que les évèques doi-
vent convaincre leurs peuples de la pureté de leur
doctrine et fermer la bouche aux novateurs, p. 248.
C'est aussi de la tradition apostolique que nous avons
reçu les coutumes établies dans l'Eglise, ihid. et
249.
TRAJAN ARINTE , maître de la milice , reproche
hautement à l'empereur Valens son impiété, p. 48.
TRANSLATIONS des évèques et des prêtres d'une
église à une autre sont contraires aux canons , p.
Id7.
TRASAMOND, roi des Vandales, persécute les ca-
tholiques, p. 464.
TRAVAIL. 11 n'est pas à mépriser en lui-même ,
p. 89. Exemple des anciens, ibid. et 90.
TRIFOLIUS écrit contre les moines de Scythie, p.
638.
TRIGUILLE, seigneur de la cour de Théodoric, est
accusé par Boëce, p. 648.
TRINITE. Son nombre n'a point été augmenté
par l'incarnation du Fils de Dieu, elle est demeurée
Trinité même après l'incarnation du Fils unique de
Dieu, p. 113. Ce qu'en dit saint Léon, p. 250, 251.
Si le Père , le Fils et le Saint-Esprit sont affirmés
substantiellement de la divinité. Traité de Boëce sur
cette question , p. 654. Profession de foi de saint
Patrice sur la Trinité , p. 4i6. Les évèques catho-
liques présentent une profession de foi à Hunéric,
roi des Vandales, p. 456. Doctrine catholique sur la
Trinité et l'Incarnation^ p. 467. Sentiment d'Enée
de Gaze sur la Trinité, p. 491.
TRiSAGION. Pierre-Le-Foulon y ajoute ces paro-
les : « Vous qui avez été crucifié pour nous , ayez
pitié de nous , » p. 556.
ÏRYPHON porte une lettre du pape saint Gélase
aux évèques de Dardanie, p. 494.
TURIN. Les habitants de cette ville se répandent
en cris lamentables lorsqu'il arrive une éclipse de
lune, p. 323. Saint Maxime les reprend souvent sans
qu'ils se corrigent, ibid. Effrayés à l'approche des
barbares, ils songent à s'enfuir, ibid. Saint Maxime
les détourne de ce dessein, ihid.
TURIBIUS, évêque d'Astorga, en Galice, découvre
dans cette ville plusieurs priscillianistes, p. 341 ; il
les convainc juridiquement, p. 206. Il réduit leurs so-
phismes sous seize titres ou chapitres et en fait une
réfutation qu'il envoie à Idace et à Léponius, ibid.
Sa lettre à ces deux évèques , p. 207. Sa lettre à
saint Léon avec la réponse, ibid. et suiv.
TURPION obtient par l'entremise de saint Sidoine
la remise d'une grosse somme de Maxime, évêque,
p. 388 et 389.
TUTUS, défenseur de l'Eglise romaine, p. 415. Il
est chargé de signifier à Acace sa déposition , se
laisse gagner, ibid. et 416. 11 est déposé de sa
charge de défenseur de l'Eglise romaine et excom-
munié, p. 416. '
u.
URANIUS, évêque d'Emèse. Ses réponses à Théo- URBAIN. Théodoret lui écrit, p. 67.
doret, p. 74. URSE (saint) , évêque de Troyes , meurt le 25
URANIUS, porteur d'une lettre du pape à Zenon, juillet de l'an 426, p. 357.
p. 409.
VALENS, empereur, tombe dans l'hérésie arienne,
p. 47. 11 exile un grand nombre de saints évèques,
et méprise la prédiction du solitaire Isaac , p. 48.
Son dialogue avec Aphraale, ibid.
VALENTINIEN, empereur. Ses qualités, p. 47. Il
assemble les évèques. Discours qu'il leur fait, ibid.;
il est supplié de nommer lui-même un évêque à
Milan , ibid. Sa réponse , ibid. Il ordonne la tenue
d'un concile en lllyrie, ihid.
VALENTINIEN le jeune, empereur, s'engage dans
l'erreur arienne. Saint Ambroise n'omet rien pour
X.
le faire rentrer dans la doctrine de l'Eglise, p. 49.
Maxime prend les armes contre lui, ibid. Il se sauve
en lllyrie et implore la protection de Théodore, ibid;
il est rétabli dans ses états après s'être retiré de
l'erreur , ibid. il renouvelle toutes les lois faites
contre les manichéens , p. 171, il demeure renfer-
mé dans Ravenne , p. 175; il envoie demander la
paix à Attila , ibid. ; saint Léon obtient de lui un
rescrit contre saint Hilaire , p. 204; Valenlinien
vient de Ravenne à Rome visiter les églises, p. 217.
Saint Léon le conjure d'écrire à l'empereur Théo-
51*
810
TABLE ANALYTIQUE.
dose, ibid. Lettre de Valentinien à ce prince , ibid.
11 est tué par les gens d'Aëtius, p. 176.
VALENTINIEN , hérétique , ne reconnaît Jésus-
Christ que comme Dieu, p. 72.
VALERE, père du pape saint Gélase, p. 493.
VALERIEN , évèque d'Afrique , confesseur sous
Genséric, p. 451.
VALÈRE, femme. Firmus lui écrit, p. 152.
VANDALES, ravagent l'Espagne vers l'an 409,
Paul Orose adoucit leur cruauté , p. 1 . Histoire de
leurs persécutions en Afrique, p. 448 et suiv.
VARIMADE , arien , contre qui Vigile de Tapse
écrit, p. 483.
VASES SACRÉS. Deogratias, évèque de Carthage,
vend tous les vases d'or et d'argent qui servaient au
ministère des autels, pour racheter des captifs , p.
450. Il est défendu aux ministres qui ne sont pas
dans les ordres sacrés de toucher les vases du Sei-
gneur, p. 743.
VANiNES. On y assemble un concile, en 465. Saint
Perpétue, archevêque de Tours, y préside, p. 438 et
712.
VECTIUS , laïque de la première qualité. Sa vie
exemplaire, p. 387 et 388.
VENANOE (saint) , frère de saint Honorât d'Ar-
les. Sa vie écrite par un anonyme, p. 612. Véné-
rand, évèque, assiste au coneile de Tours, eu 461,
p. 711.
VÉNÉRIUS (saint), évèque de Marseille, p. 277.
Saint Célestin lui écrit en faveur de saint Augustin,
ibid. 11 a pour successeur Eustathe, p. 471.
VENUS. Les payens lui bâtissent un temple sur
la grotte du Saint-Sépulcre, p. 133.
VERBE DIVIN. 11 s'est fait homme pour renouve-
ler la nature humaine corrompue par le péché, p. 86;
il n'a rien perdu de sa majesté en se faisant homme,
p. 187.
VÉTRANION, évèque de toute la Scythie , p. 48.
Il reprend publiquement l'empereur Valens, ibid.
VERUS à qui Salvien écrit, p. 377.
VEUVES. Il y en a de trois sortes, p. 153; il est
défendu de leur donner le voile et la bénédiction,
p. 503.
VIATIQUE accordé aux pénitents à la mort, p. 721.
VICTOR (SAINT), évèque de VUe, auteur de la Per-
sécution des Vandales, p. 448. On a cru longtemps
qu'il avait été évèque d'Utique. Réfutation de cette
erreur, ibid. et 449. Ce qu'on sait des circonstances
de sa vie, ibid. Analyse des cinq livres de YHisioire
de la Persécution des Vandales, ibid. et suiv.; édi-
tions qu'on en a faites , p. 464 et 465. •— Actes du
martyre de saint Libérât et de ses compagnons,
p. 462 et 463. Homélie en l'honneur de samt Cy-
prien, p. 463. Chronique, p. 464. Notice d'Afrique,
ibid.
VICTOR , évèque de Cartène dans la Mauritanie-
Césarienne, fait composer divers écrits pour la foi,
p. 468 et 469.
VICTOR, évèque d'Afrique, assiste, en 487, à un
concile de Rome, p. 719.
VICTOR, poète, questeur sous Anlhémius, p. 379.
VICTOR, maître de milice, reproche hautement à
l'empereur Valens son impiété, p. 48.
VICTOIRE (saint) , évèque du Mans , assiste au
concile de Tours en 461, p. 711 .
VICTOIRE (sainte) , martyre sous Hunéric, p. 459
et 460.
VICTORIEN (saint), proconsul d'Afrique et mar-
tyr sous Hunéric, p. 459.
VICTORIN, célèbre rhéteur à Milan et à Marseille.
Ses écrits, p. 443; son commentaire en vers sur la
Genèse, ibid.; sa lettre à l'abbé Salomon, ibid.; dif-
férentes éditions qu'on a faites de l'un et de l'autre,
ibid. et 444. (Voyez aussi le tome VIII, p. 420 et
suiv.) ; il écrit contre les ariens, ibid.
VICTORIUS, évèque de Grenoble, consulte saint
Avit de Vienne, p. 558; il assiste au concile d'A-
gaune en 5l5, p. 746.
ViCTORlUS compose un cycle pascal, p. 176 et
340; sa patrie, p. 340; il publie son cycle à la solli-
citation d'Hilaire, archidiacre de Rome, p. 335 et
340. Le concile d'Orléans, en 551, ordonne que tous
les évêques se serviront du cycle de Victorius pour
régler la fête de Pâques, etc., p. 340.
VICTORIUS , comte , fait les funérailles de saint
Abraham, abbé de Clermont, p. 393.
VIENNE soumise à Arles par saint Léon , p. 338.
VIDLaTIE, évèque des Cases-Moyennes, p. 455.
VIERGES. Il y en a de deux sortes, p. 201; l'hu-
milité leur est essentielle, p. 246. Hunéric fait visi-
ter les vierges, contre toutes les lois de la pudeur,
par des Vandales et des matrones de sa nation,
p. 453. Les vierges qui se sont mariées après avoir
fait vœu de virginité sont excommuniées, p. 705.
Ceux qui épousent des vierges consacrées à Dieu sont
mis en pénitence publique, p. 504. La consécration
des vierges doit se faire à l'Epiphanie , le lundi de
Pâques et aux fêtes des apôtres, p. 503.
VIGILANCE , métropolitain de l'Illyrie orientale,
écrit à saint Léon qui lui répond, p. 206.
VIGILE, diacre, compose une règle pour des
moines, p. 472.
VIGILE , évèque de Tapse en Afrique. Ce qu'on
dit de lui, p. 472. Analyse de ses cinq livres contre
Eutychès, ibid. et suiv. Dispute de Vigile contre
Arius, p. 481 et 482. Douze livres sur la Trinité,
qui lui sont attribués, p. 482 et 483. Les livres
contre Varimade sont de lui, p. 483. Livre contre
Pallade, arien, et quelques autres écrits qui lui sont
attribués, p. 483 et 484. Le Symbole de saint Atha-
nase paraît être de lui, p. 484. Jugement du style
de Vigile de Tapse, ibid. et 485. Editions de ses
écrits, p. 485.
VINCENT de Lérins. Quelques-uns croient qu'il
est cet inconnu que saint Prosper attaque, p. 291.
VINCENT, prêtre gaulois, compose un commen-
taire sur les Psaumes, p. 471.
VINCENT, prêtre et gaulois, débile des proposi-
tions insoutenables comme les véritables sentiments
de saint Prosper, p. 298. Quelques-uns le confon-
dent avec Vincent de Lérins, ibid. Réponses de saint
Prosper à ce prêtre, ibid. et suiv.
TABLE ANALYTIQUE.
811
VINCOMALE. Théodoret lui écrit, p. 77.
VINDÉMIAL (saint), évêque de Capse en Afrique,
souffre le martyre, p. 464.
VISIGOTHS (les) font des ravages dans l'Auver-
gne, se rendent maîtres de Clermonf, p. 413.
VITAL, légat du pape Félix III à Constanti-
Bople; sa prévarication, p. 413; il meurt excom-
munié, p. 414.
VITALIEN fait un traite de paix avec Anastase,
demande le rétablissement des évoques déposés ,
p. 489.
VITARIT, notaire d'Hunéric, p. 452, porte un
édit à saint Eugène de Cartilage, p. 454.
VOCONIUS, évêque de Castel dans la Mauritanie.
Ses écrits, p. 469.
VOLONTÉ. On en distingue trois sortes, p. 241.
VOLUSIEN, parent de saint Perpétue, lui suecède,
p. 438.
X.
XÉNAIA, intrus à Hiéraple, préside au concile de Sidon, p. 750.
ZÉBIN (saint), solitaire. Sa grande assiduité à la
prière, p. 60. Après sa mort, on bâtit une église où
l'on met son cercueil, ibid.
ZÉNOBIANNE bâtit un oratoire pour y mettre le
corps de saint Marcien, p. 133.
ZÉNGiN (saint), solitaire, quitte la cour et s'en-
ferme dans un sépulcre, p. 56; sa pauvreté, ibid.
Théodoret va le voir, ibid. Zenon vend son bien, en
donne une partie aux pauvres et prie son évêque de
distribuer l'autre, ibid.
ZENON , évêque de Séville , loué par saint Sim-
plice qui l'établit son vicaire en Espagne, p. 401.
Lettre que saint Félix III lui adresse, p. 419 et 420.
ZENON, empereur de Constantinople , abandoime
l'empire à Basilisque, p. '402; il est rétabli, p. 404
et 405; il révoque ce que Basilisque avait fait con-
tre la religion, p. 405; il écrit au pape saint Sim-
plice. Réponse du pape , p. 405. Différentes lettres
que lui écrit le pape pour l'engager à chasser les
hérétiques, p. 407. Prévenu par Acace contre Jean
Talaïa , élu évêque d'Alexandrie , il fait établir à sa
place Pierre Mongus et publie son Hénotique. p. 409
et 410. Lettre que lui écrit le pape Félix III contre
Pierre Mongus, p. 411 . .Plainte qui lui est adressée
par le même pape, p. 413. Autre lettre où le pape
se plaint de la violence faite à ses légats , et notifie
la sentence portée contre Acace, p. 415 et 416.
Lettre que Zenon écrit au pape au sujet de Fravita ;
réponse du pape, p. 417 et 418. Sa mort , en 491 ,
p. 419 et 485. Anastase lui succède, p. 419.
ZENONIDE , femme de l'empereur Basilisque ,
p. 405.
ZEUGMA, ville dans l'Euphratésienne, p. 75.
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
TABLE
DES ADDITIONS PRINCIPALES FAITES PAR L'ÉDITEUR.
D.
DENIS L'ARÉOPAGIÏE (saint). Histoire de saiut
Denis l'Aréopagite, p. 534. Saint Denis de Paris
a-t-il été envoyé dans les Gaules au i'' sièelej ibid.
et suiv.
GENNADE (saint), patriarche de Constanlinople. Fragments nouveaux, p. 346.
E.
EDITIONS d'Orose, p. 6; de saint Pierre Chry-
sologue, p. 16; de ïhéodoret, p. 142; de Firmus,
p. 152; de Fastidius, p. lo4; de Basile de Séleu-
cie, p. 169; de saint Léon, p. 275 et 276; de saint
Prosper, p. 318 et 319; de saint Maxime de Turin,
p. 325; d'Idace, p. 343; de saint Gennade de Cons-
tanlinople, p. 345 et 346. Editions et ti'aduction
de Mammert Claudien, p. 355 et 356; éditions de
saint Loud de Troyes, p. 359; éditions et traduc-
tions de Salvien, p. 378; de saint Sidoine, p. 399;
éditions de Fauste de Riez, p. 437; de Paulin de
Périgueux, p. 442; de Victorin de Marseille, p. 444;
de saint Patrice, p. 447; de saint Victor, évèque de
Vite, p. 465; d'Antonin de Céréal, p. 468; de Vi-
gile, diacre, p. 472; de Vigile de Tapse , p. 485;
d'Enée de Gaze, p. 493 ; du Sacramentaire du pape
saint Gélase, p. 512; des écrits de Gélase de Cysi-
que, p. 533. Editions et traduction des écrits de
saint Denis l'Aréopagite, p. 553; de saint Avit, p.
569. Editions d'Ennode, p. 577 et 578. Traduction
latine des homélies d'Isaac-le-Grand, p. 579. Edi-
tions des écrits de Draconce, p. 587; de Julien
Pomère, p. 599; de Gennade de Marseille, p. 601 ;
des lettres et décrets du pape saint Hormisdas, p.
633; de Jean Maxence, de saint Jacques de Batna
p. 642; de Boëce, p. 666.
JACQUES DE BATNA (saint). Jugement de ses JEAN , évèque de Téla. Ses Résolutions canoni-
écrits, p. 642. ques, p. 642.
JACQUES D'EDESSE. Ses /ÎMo/M«îonscano»tçMe«,
p. 642.
M.
MAXIME (saint), évèque de Turin. Edition de des ouvrages nouveaux qu'elle contient, p. 32.'j et
ses œuvres publiée par le P. Bruno-Bruni. Analyse suiv.
SUPPLÉMENT. Authenticité des œuvres de saint Denis l'Aréopagite, p. 731.
TABLE
DES NOTES PRINCIPALES AJOUTÉES PAR L'ÉDITEUR.
CHAPITRE IV.
THÉODORETj ÉVÈQUE DE CTR.
Pag. 25, not. 9. Ecrits de Théodoret condamnés
par le V concile général.
Pag. 26, not. 1. Additions, variantes et fragments
nouveaus des commentaires sur l'Octateuque, sur les
Rois et les Paralipomènes.
Pag. 42, not. 1. Commentaires sur les Epîlres de
saint Paul.
Pag. 102, not. 1. Sur le Pentalogue.
Pag. 107, not. 3. Sur l'Apologie de Théodore de
Mopsueste.
Pag. 107, not. 7. Sur le discours contre les Eutio-
miens.
Pag. 108, not. 2. Sur le livre de la Trinité.
CHAPITRE VIII.
SAINT VALÉRIENj ÉVÊQUE DE CIMÊLK.
Pag. 155j not. 6. Editions de ses discours.
CHAPITRE XI.
SAINT LÉON LE GRAND, PAPE, DOCTEUR DE L'ÉGLÎSE.
Pag. i78, not. 3. Fragment inédit en grec, de saint
Léon sur la Procession du Saint-Esprit.
Pag. 198, not. 1. Sur le sermon de la Chaire de
saint Pierre.
Pag. 198, not. 3. Sur le sermon pour la fête de
saint Pierre et de saint Paul.
Pag. 198, not. 4. Nombre des lettres de saint Léon.
Pag. 199, not. 1 . Sur les appellations à Rome.
Pag. 210, not. 1. Sur la lettre de saint Léon aux
évêques de Sicile.
Pag. 215, not. 1, et pag. 218, not. 1. Dom Ceillier
repris.
CHAPITRE XIII.
SAINT MAXIME, ÉVÈQUE DE TURIN.
Pag. 327, not. 7. Sur ses Expositions des Evangiles
et sur le treiité des Noms des douze Apôtres.
CHAPITRE XV.
SAINT HILAIRE D' ARLES.
Pag. 340, not. 3. Ses écrits et sa vie dans la Pa-
trologie.
CHAPITRE XXIII.
SAINT SIMPLICE, SAINT FÉLIX III, PAPES.
Pag. 401, not. 3. Lettres de saint Simplice, leur
reproduction dans la Patrologie.
Pag. 402, not. 5. Discours de Timothée Elure.
Pag. 407, not. 1. Homélie de Timothée HI.
Pag. 411, not. 2. Edition des écrits de saint
Félix m.
Pag. 414, not. 7. Sur la condamnation d'Acace.
Pag. 417, not. 10. Lettre du pape saint Félix III,
adressée à Succonius, évêque d'Uzale.
CHAPITRE XXVI.
PAULIN DE PÉRIGUEUX, VICTORIN DE MARSEILLE.
Pag. 443, not. 5. Sur Victorin de Marseille.
CHAPITRE XXX.
MUSÉE ETC.; PHILIPPE, PRÊTRE.
Pag. 472, not. 2. Sur le commentaire d« Philippe
sur Job.
CHAPITRE XXXIU.
ÉNÉE DE GAZE.
Pag. 493, not. 1. Lettres d'Enée de Gaze.
CHAPITRE XXXIV.
SAINT GÉLASE, PAPE.
Pag. 493, not. 3. Edition des écrits de saint Gélase
dans la Patrologie.
Pag. 511 , not. 3. Editions du Sacramentaire de
saint Gélase.
816
NOTES PRINCIPALES AJOUTÉES PAR L'ÉDITEUR.
CHAPITRE XXXV.
SAINT ANASTASE, PAP£.
Pag. bl8, not. 2. Editions de ses lettres dans Mansi,
Pag. 520, not. 3. Trois fragments publiés par Ba-
luze, ne sont pas de saint Anastase.
CHAPITRE XXXVl.
SAINT SYMMAQUE, PAPE.
Pag. 521, not. 2. Edition des écrits de saint Sym-
niaque.
CHAPITRE XXXVII.
PASCHASE, DIACRE.
Pag. 528, not. 2. Edition de son traité du Saint-
Esprit.
CHAPITRE XL.
SAINT AVIT, ÉVÊQUE.
Pag. 554, not. 6. Quatre lettres de saint Avit édi-
tées par Baluze.
CHAPITRE XLIII.
DRACONCE.
Pag. 887, not. 2. Jugement d'Arévalo sur Draeonce.
• CHAPITRE XLV.
GENNADE DE MARSEILLE.
Pag. 606, not. 6. D. Pitra annonce la publication
d'un commentaire de Gennade sur l'Apocalypse.
CHAPITRE XLVI.
RURICE DE LIMOGES.
Pag. 607, not. 11. Editions de ses lettres.
CHAPITRE XLVIII.
SAINT HORMISDAS, PAPE.
Pag. 632, not. 1. Sur la lecture des livres qui con-
tiennent des erreurs.
CHAPITRE XLIX.
TRIFOLIUS.
Pag. 638, not. 3. Edition de la lettre de Trifolius.
CHAPITRE LUI.
CONCILES.
Pag. 676, not. 1. Sur la préséance refusée h tort
aux légats du pape au faux concile d'Ephèse.
Pag. 690, not. 2. Sur Eustatbe de Béryte.
Pag. 696, not. 1. Sur le vingt-huitième canon du
concile de Chalcédoine, et sur la primauté du pape.
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