HISTOIRE
GENERALE
DE LANGUEDOC
■ ÉDITION
ACCOMPAGNEE
DE DISSERTATIONS & NOTES NOUVELLES
CONTENANT
LE RECUEIL DES INSCRIPTIONS ANTIQ.UES DE LA PROVINCE
VV^- IM ANCHi:S IH- MKDAU.l.ES, DK SCEAUX, DES CARTES GÈOGR APH I aU ES , ETC.
ANNOTEE PAR
M. Charles ROBERT
Mt:,MRKE DE l/iNSTITUT
M. Paul MEYER
PROFESSEUR AU COLLEGE HE FRANCE
M. Anatole de BARTHELEMY
MF.MBRE ni." COMIT; I>ES TRAVAUX HISTORIQLES
M. Auguste MOLINIER
ANCIEN ÉLÈVE DE L 'ÉCOLE DES CHARTES
M. GERMER-DURAND
BIBLIOTHÉCAIRE DE LA VILLE DE NIMES
M. ZOTENBERG
BIBLIOTUtCAIRE AUX MAXUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQ.LE NATIOSALE
PUBLIEE PAR
M. Edouard DULAURIER
KEMBRE DE L INSTITUT
CONTINUÉE JUSaUES EN 1790
PAR
M. Ernest ROSCHACH
CORRESrONUANT OU MINISTÈRE l>E l'inSTRIICTION PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES
'fous droits réservés pour ce qui concerne la nouvelle rédaction,
même partiellement.
HISTOIRE
GENERALE
DE LANGUEDOC
A\'EC DES NOTES ET LES PIECES JUSTIFICATIVES
nOM CI.. DEVIC & DOM J. VAISSETE
hi
RELIGIEUX BÉNÉDICTINS DE lA CONGRÉGATION DE SAINT-MAÛR
TOME SIXIEME
TOULOUSE
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PRÉFACE
DANS le tome III de VHistoïre de Languedoc, dont le texte remplit
le tome VI de la présente édition, les Bénédictins avaient raconté les
événements compris entre les années ii6ô Se 1271. Les faits qui se
passèrent en Languedoc durant cette courte période appartiennent presque
tous à l'histoire générale, Si. leur influence sur les destinées ultérieures du
midi de la France a été si grande, qu'on ne saurait accuser dom Vaissete
de n'avoir pas gardé une juste proportion entre les différentes parties de
son œuvre, en consacrant un volume entier à cette période, qui fut décisive
pour l'avenir de la Province.
En 1 165, quand se tient à Lombers le premier concile contre les hérétiques
albigeois, le Languedoc est à peu près indépendant; l'action des Capétiens
s'y fait à peine sentir; la langue, les mœurs, les institutions, le droit, tout
concourt à séparer entièrement la France du Midi de la France du Nord.
Au contraire, en 1271, quand meurt Alfonse de Poitiers, dernier comte
indépendant de Toulouse, le Languedoc tout entier passe sous l'autorité
directe du roi. Depuis longtemps d'ailleurs l'administration royale, établie
dans le pays dès 122g, a commencé ce travail de transformation 8v d'assi-
milation qui se poursuivra pendant des siècles, 5t duquel sortira l'unité
VI. -,
vj PREFACE.
territoriale Se politique de la France. L'hérésie albigeoise se meurt; l'Eglise
romaine est plus puissante que jamais dans la Province, Se un tribunal
exceptionnel, l'Inquisition, travaille à ramener à l'unité les dernières com-
munautés hérétiques, que la guerre a laissé subsister.
Tout, avant la guerre des albigeois, séparait le Nord St le Midi. Les races
qui habitaient les bassins de la Garonne & du Rhône, celles qui vivaient au
nord de la Loire, n'étaient pas les mêmes, S<. la Narbonnaise, plus qu'aucune
autre partie de la Gaule, avait reçu après la conquête romaine l'empreinte du
génie latin. Avec le temps, ces dissemblances n'avaient tait cjue s'accentuer.
Tandis que la noblesse féodale du Nord gardait sa puissance S<. ses privi-
lèges, dans le Midi, au contraire, les classes tendaient à se rapprocher. Les
chevaliers devenaient volontiers bourgeois des grandes républiques langue-
dociennes; le commerce, plus étendu S<. plus actif, enrichissait les classes
moyennes de la société; la condition des serts s'améliorait. La langue était
plus cultivée; le droit, issu du droit romain, plus parfait S<. plus philoso-
phique. Ajoutons-y la tolérance religieuse, qui avait gagné les hautes
classes; elles n'avaient pas cessé de croire, mais elles voyaient sans indigna-
tion leurs parents, leurs amis pratiquer une autre religion.
Tel était, en résumé, l'état moral Se social du Midi vers la fin du douzième
siècle. Séparé du Nord à tant d'égards, il devait avoir à compter avec lui,
le jour où les Capétiens essayeraient d'établir leur pouvoir dans le sud de
l'ancienne Gaule. La guerre des albigeois précipita le cours des événements,
8c le choc se produisit dans les premières années du treizième siècle. Le Midi
fut vaincu; nous le répétons, il était plus civilisé que le Nord ; les vices de
son organisation politique causèrent seuls sa défaite.
La féodalité était née du besoin de protection qui s'était imposé à tous en
France, au neuvième siècle, lors des invasions des Normands Si des longues
guerres civiles qui amenèrent le partage de l'empire de Charlemagne;
impuissant à protéger les hommes libres, qui dépendaient de lui, le roi
ou l'empereur n'avait pu les empêcher de se choisir un maître plus actif Se
PRÉFACE. vij
surtout plus voisin. Alors se multiplièrent les associations entre vassaux 8c
seigneurs, qui s'unirent aux grands officiers, devenus indépendants, &, sous
cette domination rude mais nécessaire, la France entière put se reconstituer
Se refaire sa force militaire. Mais ce mouvement ne s'arrêta pas aux anciens
comtés de Charlemagne 8c de Louis le Pieux. Si le roi de Laon ou de Paris
était impuissant à Toulouse, le comte de Toulouse ne l'était guère moins à
Nimes ou à Albi j il dut déléguer ses fonctions, se choisir des lieutenants
pour chacune des villes cjui composaient son duché, devenu héréditaire.
Ces lieutenants, à leur tour, fixèrent leurs dignités S<. leurs titres dans leur
famille & purent braver leur ancien seigneur, se liguer contre lui, lui faire
la guerre Se s'approprier les droits régaliens. Cela dura en Languedoc jusque
vers le milieu du onzième siècle. Mais, à cette époque, une réaction se pro-
duisit presque partout en France. Dans chaque province, le suzerain nominal
essava de rendre son pouvoir plus effectif, 8c ce que les rois de France firent
dans leurs États, les ducs de Normandie dans leurs domaines, les comtes de
Toulouse le tentèrent en Languedoc.
Aucun prince français ne portait de titres plus pompeux que les Raimond;
ducs de Narbonne, comtes de Toulouse 8c marquis, de Provence, ils étaient
suzerains de tout le pays qui s'étend des sources de la Durance aux confins
de la Gascogne, des frontières de l'Auvergne, de la Marche 8c du Dauphiné
aux Pyrénées, au Roussillon 8c à la mer. Mais cette puissance était plus
apparente que réelle. De tous les pays dont la souveraineté leur appartenait,
deux seulement dépendaient d'eux : le marquisat de Provence Se le comté
de Toulouse. Le reste du Languedoc était possédé par quatre ou cinq princes
assez puissants pour faire respecter leur indépendance. Se sachant, au besoin,
se liguer contre leur suzerain. Le comte de Toulouse était duc de Narbonne,
mais ce titre ne lui donnait aucun droit sur la ville de ce nom, que les
descendants des anciens vicomtes, dès le milieu du dixième siècle, possédè-
rent librement. Alfonse Jourdain essaya, lors de l'avènement de la célèbre
Ermengarde, de s'emparer de cette ville; il ne put s'y maintenir. Se tous ses
vassaux se coalisèrent pour s'opposer a un. accroissement aussi démesuré de
sa puissance. Sauf vSaint-Gilles, sur le Rhône, les comtes de Toulouse ne
possédaient rien à l'est de l'Aude; en Provence, ils avaient à lutter contre les
viij PRÉFACE.
comtes de Forcalquier, dépouillés par le traité de iiiS. Dans le Rouergue,
ils ne tenaient que le plat pays; la capitale du comté, un grand nombre de
chàteaux-forts appartenaient à révêc[ue & au comte. En Albigeois, à partir
de 1164, leur pouvoir devint purement nominal; le vicomte les remplaça à
Albi Jk le sud du pays resta seul dans leur dépendance. Les comtes de Foix
& de Comminges ne leur rendaient l'hommage que pour une partie de leurs
domaines. A vrai dire, les comtes de Toulouse ne possédaient en propre que
le Toulousain, v compris le Lauragais, la Gascogne toulousaine S<. le Querci
jusqu'aux, confins de la Marche, principauté étendue, pays riche Se fertile,
mais qui ne pouvaient fournir à leur maître ni assez d'argent ni assez de
soldats pour soumettre ses turbulents vassaux.
Plusieurs familles se partageaient le reste du Languedoc. Les vicomtes de
Carcassonne, maîtres du Razès, du Biterrois 8c de l'Albigeois, furent, durant
tout le douzième siècle, les chefs des coalitions contre les comtes de Toulouse.
Moins puissants qu'eux, les vicomtes de Narbonne, les comtes de Foix, les
comtes de Melgueil, les vicomtes de Nimes & les seigneurs de Montpellier
surent également faire respecter leur indépendance. Ce n'est pas qu'im-
puissants à les soumettre de vive force, les Raimond n'aient essayé de la
politique; par des mariages, ils tentèrent de se concilier quelques-uns de
leurs barons; par des achats, ils cherchèrent à arrondir leurs domaines. Le
premier moyen leur réussit peu, S<. le gendre de Raimond V, Roger II de
Carcassonne, passa sa vie à combattre son beau-père; le second fut, au
contraire, plus fructueux. Un mariage politique avait valu à Raimond' VI le
comté de Melgueil; Raimond V acquit Agde 8< Nimes; tout le pays entre
l'Hérault & le Rhône finit ainsi par appartenir aux comtes de Toulouse. Si
le Languedoc avait pu rester isolé, nul doute que ces princes n'v eussent
fondé une sorte de monarchie féodale; malheureusement pour eux, cette
province avait des voisins puissants & actifs, par suite dangereux.
Quatre princes pouvaient menacer l'indépendance du I anguedoc : l'em-
pereur d'Allemagne 8c les rois d'Angleterre, de France 8c d'Aragon. L-'empereur
était le moins à craindre; le comte de Toulouse, il est vrai, tenait de lui le
marquisat de Provence, 8c sa suzeraineté s'étendait sur le Vivarais; du moins
PREFACE. ix
telle était la prétention de la chancellerie impériale; mais Conrad, Frédéric
BarberoLisse, Henri \'I Se Frédéric II étaient trop loin 8<. trop occupés pour
se créer en France de nouveaux embarras, S; la lutte contre le Saint-Siège
suffisait largement à occuper leur activité.
Le roi d'Angleterre, Henri H, était plus dangereux. Voisin immédiat du
comte de Toulouse, actif, habile, il avait en outre des prétentions sur ce
comté; sa femme, Eléonore de Guyenne, était fille de ce Guillaume X qui
à deux reprises avait occupé Toulouse, pendant la minorité d'Alfonse-Jour-
dain, S< de Philippine, fille unique de Guillaume IV, comte de Toulouse.
Henri H épousa les querelles de sa temme, S<. Louis VII dut venir défendre
contre lui son nouveau beau-h'ère, Raimond \. Trop fidèle à ses amitiés de
jeunesse, le fils de celui-ci, R.aimond V'I, resta l'allié de Richard Cœur-dc-
Lion, devenu roi d'Angleterre, épousa sa sœur, c[ui lui apporta, en dot, le
diocèse d'.Agen, abandonnant pour un faible avantage la maison de France,
alliée traditionnelle, protectrice constante de sa famille. C'était une lourde
faute qu'il expia cruellement, quinze ans plus tard.
Soutenu par le roi de France, le comte de Toulouse n'avait rien à craindre
du roi d'Angleterre; le roi d'Aragon étai< pour lui un ennemi beaucoup plus
redoutable. Avant même cju'un mariage heureux eût réuni l'Aragon S< la
Catalogne, les comtes de Barcelone étaient pour ceux de Toulouse des rivaux
k craindre. De tout temps, ils avaient été en relation avec la Septimanie;
alliés à la plupart des familles princièies de ce pays, ils y trouvaient des recrues
toujours prêtes pour la guerre sainte contre les Maures, qu'ils poursuivaient
sans relâche. Raimond le Vieux, comte de Barcelone, en achetant, vers 1070,
les droits, plus ou moins légitimes, du vicomte & de la vicomtesse de Bézicrs
sur les comtés de Carcassonnc Se de Razès, fournit h ses successeurs iin
prétexte tout trouvé pour intervenir continuellement dans les affaires du
Languedoc. Les comtes de Barcelone, bientôt rois d'Aragon, resteront fidèles
à cette politique, & les vassaux des comtes de Toulouse, révoltés contre leur
suzerain, pourront toujours compter sur leur appui. F.n même temps, les
domaines de la maison d'Aragon s'étendent. En 1174, la mort du dernier
comte de Roussillon leur donne ce comté £<, celui de Cerdagne; en 11 25, le
comté de Provence est devenu un apanage de leur famille. Au nord, maitres
X PRÉFACE.
des vicomtes de Millau &. de Cariât, ils font sentir leur inikicnce jusqu'aux
portes de Rodez. La plupart des seigneurs du Languedoc sont leurs vassaux;
les vicomtes de Béziers tiennent d'eux Carcassonne & le Razès; les comtes
de Foix, ceux de Comminges, leur rendent hommage pour leurs possessions
d'Espagne. Narbonne, après la mort tle la vicomtesse Ermengarde, appartient
k la famille espagnole de Lara; enfin, les seigneurs de Montpellier ont de
tout temps entretenu avec les comtes de Barcelone des rapports suivis.
Tout d'ailleurs contribue à rendre plus sûrs les progrès de leur influence.
Entre la C'atalogne & la Septimanie, les relations sont journalières, les
intérêts, la langue, la littérature des deux pays sont les mêmes. Aussi la
population n'a-t-elle pas, pour la domination des rois d'Aragon, l'aversion
(lu'elle montrera plus tard ])our celle des Français. I^e Languedoc tout
entier hésite entre les comtes de Toulouse S<. les rois d'Aragon, comme s'il
prévoyait que le jour est proche où les armes devront décider entre eux, 8<.
ces deux maisons ennemies s'allient par des mariages répétés, mariages aussi
inutiles que le seront plus tard les mariages espagnols du seizième & du
dix-septième siècle. La guerre des albigeois vint dénouer la situation;
l'abaissement de la maison de Toulouse semblait devoir faciliter l'accomplis-
sement des projets ambitieux des princes d'Aragon. Quand don Pèdre se
décida à secourir R^aimond \T, en I2i3, il ne vint j^as relever la fortune de
son rival, mais établir définitivement sa suprématie, en écrasant Simon de
Montfort. Ses desseins n'étaient secrets pour personne; protecteur déclaré
des comtes de Foix £<. de Comminges, il plaidait leur cause devant le concile
de Lavaur 8<. les réclamait pour ses vassaux; il traitait le comte de Toulouse
non en allié, mais en inférieur. Se ses procédés outrageants pour celui-ci
furent en partie cause de la perte de la bataille de Muret. Mais, pour arriver
à ses fins, don Pèdre devait vaincre; général inhabile, il ne sut que se faire
tuer bravement St sa défaite entraîna la perte du Midi. Ni le nouveau roi,
don Jacme, tout jeune encore, ni les grands Aragonais, qui lui servaient
de tuteurs, ne pouvaient reprendre les projets de don Pèdre. Cependant les
années se passaient, Pvaimond VI reprenait un instant l'avantage, & un
adversaire bien plus redoutable, le roi de France, remplaçait les Montfort.
Les rois d'Aragon ne retrouveront plus l'occasion perdue, malgré les sympa-
thies des seip-neurs Se des bourp-eois du I/ana;uedoc.
PREFACK. xj
Jamais, même à l'époque de sa plus grande faiblesse, la royauté capétienne
n'avait cessé d'entretenir quelques relations avec les princes du Midi. La
chose, certaine pour Hugues Capet S< Robert, l'est moins pour Henri I £<
Philippe I; mais ces rapports ayant toujours été de courte durée, les rois
n'ayant jamais cherché à établir leur autorité dans le Midi, il n'est pas éton-
nant que les chroni((ues du temps ne mentionnent pas des faits qui, pour les
contemporains, n'avaient aucune importance. Il n'en faut pas moins supposer
que jamais ces |Minces ne perdirent le Midi de vue pour expliquer pourquoi
le jour où, sous Louis \'I, la royauté commença à prouver sa force, ce pa>s
devint sur-le-champ l'objet de son attention. Ce roi est le premier des
Capétiens auquel les églises du Languedoc soient venues demander la confir-
mation de leurs anciens privilèges. Il a avec les seigneurs du Languedoc des
rapports suivis, 8< grâce à ses soins, son jeune fils épouse l'héritière du
duché d'Aquitaine. En divorçant avec Éiéonore, Louis VII perdit, il est vrai,
une partie des avantages qu'avait obtenus son père, mais il répara en partie
sa faute, en soutenant R.aimond V, comte de Toulouse, contre Henri II, &
en excitant les fils de son rival contre leur père. Sous son règne, l'influence
royale se développe; lui-même vient, à plusieurs reprises, dans le Midi; il
entretient, avec les barons, avec les villes de la Province, une correspondance
assez active; le nombre des diplômes accordés par lui aux églises du pavs
montre (|ue les actes royaux ont repris une certaine autorité. En même
temps, SCS expéditions en Auvergne &<. jusqu'aux frontières du Vêlai prouvent
aux méridionaux que le roi de France est déjà assez fort pour tenir cam-
pagne 8c dompter les plus puissants rebelles. Avec Philippe- Auguste, la
politique traditionnelle de la royauté se développe Se s'affirme. Comme son
père Se son aïeul, ce prince protège les églises du Languedoc, mais, malgré
ses efforts, il ne peut retenir dans son alliance Raimond \'I, prince versatile
Se politique imprudent. Aussi le pouvoir royal était- il encore assez faible,
dans le Midi, au commencement du treizième siècle, Se un événement
comme la croisade des albigeois pouvait seul lui permettre d'y devenir pré-
pondérant.
La guerre des albigeois éclata en 1:09; mais, depuis longues années, on
pouvait prévoir qu'un jour ou l'autre le Midi hérétic[ue aurait à compter avec
xij PREFACE.
l'Eglise. Que le Languedoc fût tout entier acquis à l'hérésie, c'est ce qu'on
ne pourrait soutenir; au contraire, en dépit des invectives des auteurs du
temps tk de leurs exagérations, il est certain que les partisans des croyances
albigeoises n'y formaient cju'une minorité iniinie. Les princes méridionaux
dont aucun n'était hérétique, quoi qu'en ait dit le fougueux Pierre de Vaux-
Cernay, ne comprirent pas ([uel danger les menaçait; ils ne surent pas
voir qu'en présence d'un adversaire tel qu'Innocent III, il fallait oublier
les vieilles querelles S<. former un seul corps. S'ils l'eussent fait, la croisade
échouait, car la première armée de i:>o9 n'eût pu vaincre le Midi coalisé.
Mais le comte de Toulouse donna le signal de la défection; il ne rougit pas
de conduire les troupes étrangères qui allaient combattre son propre neveu,
Raimond-Roger. Le sac de Béziers, la prise de Carcassonne donnèrent aux
envahisseurs un point d'appui, !k la croisade trouva dans Simon de Montfort
le chef dont elle avait besoin.
Nous n'avons pas à refaire ici cette lamentable histoire; dom Vaissete
a raconté dans le détail les massacres, les fautes, les revers, qui signalèrent
ces quinze années. Rappelons seulement que la politique du roi de France
semble avoir été assez énigmatique Philippe-Auguste refuse son appui à
Pvaimond VI, cjui n'a rien fait jusque-là pour se concilier ses bonnes grâces,
mais il décline les oftres du pape, ([ui voudrait faire de lui le chef de la
croisade; ni en 1209, après le meurtre de Pierre de Castelnau, ni en 1:218,
après la mort de Simon de Montfort, ni en 1221, lors des premiers revers
d'Amauri, il ne consent à intervenir. Réservant, dès les premiers jours,
ses droits de suzeraineté sur le Midi, déniant au pape le droit de disposer des
domaines de Pvaiinond VT, Philippe-Auguste reste spectateur de la lutte, se
contentant d'en accepter les résultats, d'agréer, par exemple, l'hommage de
Simon de Montfort pour sa nouvelle principauté. Faut-il voir dans cette
conduite une preuve nouvelle de la perspicacité bien connue de ce prince,
le désir de laisser les deux partis s'épuiser mutuellement, en se réservant
d'intervenir au moment opportun? Faut-il, au contraire, attribuer cette
réserve prudente aux affaires de tout genre qui occupaient Philippe Se l'em-
pêchaient de s'occuper de provinces éloignées, comme le Midi? Les deux
opinions peuvent être soutenues, mais la seconde a pour elle plus de proba-
bilités.
PREFACE. xiij
Quoi ([u'il en soit, quand Honorius III, continuateur zélé de la politique
de son prédécesseur, vit, en 1228, Amauri de Montfort réduit à la dernière
extrémité, ce fut à Louis VIII, qui venait de remplacer Philippe-Auguste sur
le trône de France, qu'il s'adressa pour une nouvelle croisade. Une première
fois, les deux, parties ne purent s'entendre sur les conditions de l'accord à
intervenir, Si. tandis que le roi déclarait publiquement renoncer à l'entre-
prise, un moment projetée, le pape cherchait à se rapprocher de Raimond VII;
mais la mort de l'archevêque de Narbonne, auquel semble devoir revenir
l'honneur de cet essai de réconciliation, arrêta les négociations, S< en 12 20,
Honorius III dut recourir de nouveau à Louis VJII & accepter ses conditions,
assez dures, il faut le reconnaître. Le roi prenait la conduite de la croisade,
mais les avantages de l'entreprise devaient lui rester, les conquêtes futures
appartenir au royaume de France; l'Église de France payait les frais de
l'expédition. Honorius III accepta tout, 8(, Louis VIII put se mettre en cam-
pagne. Mal conduites, les opérations militaires réussirent cependant, grâce à
la crainte ([u'inspirait le pouvoir royal, & à l'épuisement du Languedoc.
Le pays presque entier fut soumis, & Raimond VII, en prolongeant la
résistance, ne put que retarder de trois ans sa défaite définitive. Le traité
de i2 2i_) consacra l'abandon du Languedoc oriental S< assura à la famille
royale la propriété du reste de la Province, dont Raimond ne conserva que
l'usufruit. Dès lors, l'indépendance du Midi fut perdue.
Les vingt années qui suivirent ce traité célèbre turent tristes pour le
pays. Mal administré par les officiers royaux, le Languedoc oriental eut à
souffrir de leurs exactions. Le comté de Toulouse, gouverné d'une manière
plus équitable, ne fut guère plus heureux. L'établissement de l'Inquisition
y entretint des divisions continuelles; la guerre de 1242 l'épuisa d'hommes
Se d'argent. Vaincus deux fois, en 1240 & en 1242, les Languedociens durent
subir les dures conditions de la paix de Lorris Se supporter les dépossessions,
les violences qui suivirent ces deux grandes prises d'armes.
Heureusement qu'un gouvernement plus intelligent allait réparer en partie
ces injustices Se rendre aux vaincus la résignation plus facile. En 1247, com-
mence pour le Languedoc le règne personnel de saint Louis. Ses cnc|uc-
teurs parcourent le pays, réparant les injustices des anciens sénéchaux Se de
xiv PREFACE.
leurs subordonnés, restituant les amendes mal acquises, rendant les biens
confisqués sans droit. En 1254, à son retour de la Terre Sainte, le roi
publie ses célèbres statuts, & depuis lors, jusqu'à sa mort, il ne cesse de
veillera la réparation des maux causés par ces longues guerres. De son coté, le
comté de Toulouse a changé de maître; à Raimond VII, en 1249, succède
Alfonse de Poitiers, dont le gouvernement rappelle celui de son frère, malgré
des dittérences sensibles. Il est moins aimé de ses sujets cjue Raimond VII,
mais son gouvernement n'en est pas moins meilleur que celui de ce dernier,
il cherche à assurer la bonne administration de la justice, à prévenir les
abus. Aussi, grâce aux efforts de ces deux princes, la masse de la population
finit-elle par se faire au nouvel état de choses, 8(. c'est à Louis IX 84 à
Alfonse que la couronne fut redevable de la conquête définitive de ce beau
pays.
Ce n'est pas que l'administration de ces deux princes n'ait profondément
modifié l'état ancien du Languedoc. Ils portèrent les premiers coups à
l'indépendance de ces grandes républiques municipales qui peuplaient la
Province & achevèrent de ruiner la féodalité méridionale; en soutenant
l'Inquisition, Alfonse Se Louis IX consommèrent la destruction des croyances
albigeoises, jusque-là répandues dans une partie du pavs.
On a le droit de regretter les anciennes franchises que Louis IX 8< Alfonse
furent les premiers à diminuer; mais, il faut le reconnaître, le L,anguedoc
ne devint français au treizième siècle que grâce à l'impéritie de ses princes,
ik aux divisions intestines des villes.
Ce sont là les principaux événements qui se passèrent dans cette Province
tic ii65 à 1271. Pour la plupart, ils n'intéressent pas seulement le Langue-
doc, mais la France entière. Aussi avons-nous cru nécessaire de donner, ])our
ainsi dire, la trame de l'histoire de la Province pendant ces cent années,
Dom Vaissete, préoccupé avant tout de raconter les faits dans leur ordre
chronologique, n'avait pas cherché à montrer leur suite & leur enchaîne-
ment; beaucoup d'ailleurs, qui aujourd'hui nous paraissent caractéristiques,
restaient forcément inaperçus pour le savant bénédictin; d'autres même, dont
PREFACE. XV
peut-être, en sa qualité de méridional, il sentait l'importance, étaient de
ceux qu'il n'eût point été prudent de trop mettre en lumière à son épo((ue.
Sans vouloir retaire son œuvre, c(ui restera longtemps le répertoire le plus
précieux 8c le plus exact pour tous ceux qui voudront étudier l'histoire du
Languedoc, au treizième siècle, nous n'avions pas les mêmes raisons que lui
pour ne pas insister sur ces côtés de notre histoire.
Au texte des Bénédictins, nous avons ajouté un grand nombre de notes;
ces notes sont de deux espèces : les unes rectifient des assertions erronées,
complètent certaines parties du récit primitif; les autres traitent quelques
points négligés par dom Vaissete. Les premières sont en grand nombre,
sans que nous ayons cherché à redresser toutes les erreurs peu importantes
commises par notre savant prédécesseur; ces erreurs de détail ne sont pas
telles qu'elles puissent modifier le fond du récit; elles portent le plus souvent
sur des noms de lieux mal orthographiés, Se les fautes de cet ordre sont
corrigées dans la, table des matières qui termine le volume. Nous avons mul-
tiplié, au contraire, les notes qui complètent le récit de dom Vaissete,
indiqué des faits oubliés par lui & traité des jioints importants d'histoire
S<. d'administration, qu'il avait absolument négligés. Partout où le récit de
l'Anonyme provençal connu par lui différait du poëme original de Guillem
de Tudèle & de son continuateur, nous avons rétabli en note la version de
ces derniers. Nous avons tait un travail analogue pour les bulles des papes,
en renvoyant toujours aux Regesta Pontificnm de Potthast, ik pour les faits
relatifs à saint Louis, que nous citons d'après sa vie par Le Nain de Tillemont,
aujourd'luii publiée. En outre, nous avons employé différentes sources que
dom Vaissete avait trop négligées. Le Trésor des Chartes, la collection Doat,
les cartulaires de Raimond VU, la correspondance d'Alfonse de Poitiers nous
ont fourni la matière d'un grand nombre de notes. Ajoutons-y beaucoup de
renseignements Se de rectifications, que nous avons empruntés aux principaux
ouvrages publiés depuis dom Vaissete sur l'histoire de Languedoc.
Le système d'annotation sutvi par nous pourra donner lieu à des repro-
ches, au-devant desquels nous croyons devoir aller. Certains trouveront
quelc|ues-unes de nos notes un peu longues, d'autres pourront remarquer
xvj PRÉFACE.
qu'elles ne sont pas répandues d'une façon égale dans tout le volume. C'est
ainsi qu'aucune note n'a été ajoutée au long récit, donné par le savant
bénédictin, des guerres entre Henri d'Angleterre & ses fils. Nous croyons
cependant pouvoir répondre à ces objections. Les parties du récit de dom
Vaissete que nous n'avons pas annotées, ne se rapportent d'ordinaire qu'indi-
rectement à l'histoire du Languedoc. C'est ainsi cjue, pour prendre comme
exemple le cas cité plus haut, tous ces événements, sur lesquels dom Vaissete
s'est si longuement étendu, ne rentrent qu'à peine dans cette histoire 5 ils
n'ont pas été sans influence sur le sort du pajs, mais cette influence a été si
lointaine & si faible, que le récit des Bénédictins peut paraître aujourd'hui
trop long. Aussi, avons-nous cru pouvoir laisser subsister tel quel le texte de
dom Vaissete; il est bien évident que les historiens d'Aquitaine ou d'Angle-
terre auraient tort de consulter, sur ce point particulier, l'ouvrage du savant
bénédictin. Nous pourrions, croyons-nous, expliquer de même toutes les
lacunes apparentes que l'on pourra signaler dans notre annotation. Quant
à la longueur inusitée de quelques notes, elle tient tantôt à l'abondance des
renseignements nouveaux réunis par nous, tantôt au grand iiombre d'inexac-
titudes commises par notre savant prédécesseur.
Nos notes sont tellement étendues, que des erreurs s'y sont certainement
glissées. Nous espérons que le lecteur nous les pardonnera, &. que malgré
ces taches, nos additions ne laisseront pas detre utiles aux futurs historiens
du Languedoc.
A. MOLINIER.
Paris, 1" mars 1880.
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AVERTISSEM-ENT
DU TOME III DE L'ÉDITION ORIGINALE
LES événemens arrivés dans le Languedoc depuis le milieu du douzième siècle
jusques vers la fin du suivant sont si abondans, qu'ils fournissent la matière de
ce troisième volume, qui commence à la condamnation des hérétiques lienriciens
au concile de Lombers en ii65, & finit à la réunion du comté deToulouse à la couronne
en 1271. Entre ces événemens, les plus importans sont l'hérésie & la guerre des albi-
geois, qui sont la principale partie du volume, & dont on rapporte l'origine, le progrès
& la fin : morceau aussi intéressant pour l'histoire de l'Église que pour celle du royaume.
Comme la Province a été le premier & le principal théâtre de l'une & de l'autre, nous
n'avons rien négligé pour les mettre dans tout leur jour & pour en décrire fidèlement
les circonstances. Nous avons entrepris ce travail d'autant plus volontiers, qu'on ne
trouve aucun historien parmi les anciens & les modernes qui l'ait exécuté, quoique
plusieurs l'aient tenté, mais sans succès, soit à cause de leurs préventions, soit par le
défaut des mémoires.
Le plus célèbre parmi les anciens est Pierre, moine de l'abbaye de Vaux-Cernay, au
diocèse de Paris, auteur contemporain & témoin oculaire de la plupart des faits qu'il
rapporte : il a écrit VHistoire d'Albij^eois, depuis la légation de frère Pierre de Casteluau
& de frère Raoul en i2o3 jusqu'à la mort de Simon de Montfort, arrivée en 1218, his-
torien véritablement estimable en bien des choses; mais si passionné pour Simon de
Montfort, dont il est admirateur perpétuel, & si déclaré contre les ennemis de ce
général de la croisade, qu'il est difficile d'en soutenir patiemment la lecture.
Guillaume de Puylaurens, auteur moins partial, mort vers la fin du treizième siècle,
nous a donné dans .^a Chionique, qu'il finit à l'an 1272, plusi'.urs circonstances intéres-
£;intcs touchant l'hérésie & la guerre des albigeois; & ([uoiciii'il ne soit pas tout à fait
xviij AVERTISSEMENT DU TOME 111 DE' L'ÉDITION ORIGINALE.
contemporain, il pouvait en être très-bien instruit; tant parce qu'il étoit du pays, qu'à
cause qu'il fut aumônier de Raimond VII, comte de Toulouse. Nous avons collationné
l'édition qui a déjà été donnée de cette Chronique sur un manuscrit de plus de quatre
cents ans, qui étoit le 261 de la bibliothèque de feu M. Baluze, & qui est aujourd'hui à
la bibliothèque du roi. Nous avons fait usage des variantes de ce manuscrit, qui est fort
bon, pour corriger plusieurs fautes, entre autres dans les noms propres, & pour remplir
quelques lacunes. Nous avions même dessein de donner une nouvelle édition de cette
Chronique; mais de crainte de trop grossir nos Preuves, nous avons cru devoir la laisser
pour la Collection des historiens de France, que dom Martin Bouquet fait imprimer
actuellement.
Enfin, nous trouvons un détail fort circonstancié d'une partie de la guerre contre les
albigeois, dans un Anonyme qui en a écrit l'histoire en langage du pays, depuis l'an 1202
jusqu'en 1219. Nous avons cru devoir donner son ouvrage parmi nos Preuves, parce
qu'il renferme plusieurs choses qu'on ne trouve pas ailleurs, & qu'il paroît que cet
auteur, quoique postérieur, étoit bien informé, & qu'il a puisé dans de bonnes sources.
Cet Anonyme a été connu de Catel', qui rapporte quelques fragmens de son ouvrage,
dont il avoit vu deux manuscrits défectueux au commencement & à la fin. Il le cite sous
le nom de YHistorien. du comte de Toulouse, à cause que l'Anonyme paroît fort porté
pour ce prince, & il en fait cas, de même que M. de Marca". Mais quoique cet historien
paroisse favorable en effet à Raimond VI, comte de Toulouse, il est faux cependant
qu'il soit suspect d'hérésie, ainsi que quelques modernes l'ont prétendu; car il donne
en divers endroits des témoignages non suspects de son zèle pour la foi catholique, &
de sa haine contre les hérétiques.
Comme le langage dont il se sert est à peu près semblable à celui qu'on parle encore
aujourd'hui à Toulouse & dans le reste do la Province, & que d'ailleurs la plupart des
mots sont les mêmes que ceux de la langue françoise, à la terminaison près, nous avons
jugé inutile d'ajouter une traduction françoise à cause du texte languedocieii, & jumis
avons cru qu'il suffisoit, par rapport aux étrangers, de mettre à la fin un glossaire pour
les termes les plus difficiles. Quant aux temps où l'auteur a vécu, nous ne trouvons rien
dans son ouvrage qui puisse le déterminer d'une manière bien précise. Tout ce qu'on
peut conjecturer, c'est qu'il vivoit après le treizième siècle, & qu'il écrivoit au plus tôt
vers le milieu du suivant. Deux raisons nous le persuadent ; la première est qu'il se
sert^ du terme de Languedoc, qui n'a été en usage que vers le commencement du qua-
torzième siècle; la seconde, que dans l'extrait'' du traité de paix de l'an 1229 qui est à la
fin de l'ouvrage (supposé qu'il soit du même auteur, comme il ])aroît par le style), il est
parlé du grand-maître de Rhodes. Or, cette île ne fut prise qu'en 1809 sur les infidèles
par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui y établirent alors leur principale
résidence. Il semble de plus supposer dans un endroit' qu'il y avoit un évêque dans la
ville de Castres, qui ne fut érigée en évêché qu'en iSiy. On peut ajouter que nous ne
connoissons aucun manuscrit bien ancien de cet ouvrage, car les deux dont nous nous
■ Catel, Histoire des comtes de Toulouse, p. 25î. ■* Voyez tome VIII, Chroniques, c. 196.
* Marca, Htstotre du Bèarn, p. 737. ^ Ihid, c. 77.
' Voyez tome VIII, Chroniques, c. 3.
AVERTISSEMENT DU TOME III DE L'EDITION ORIGINALE. xix
sommes servis n'ont pas deux cents ans d'antiquité. Il paroît qu'Us ont été copiés l'un
sur l'autre. Ils renferment, en effet, la même lacune touchant les circonstances de la
mort de Simon de Montfort, & on n'y trouve que celle-là qui est assez longue. Nous
avons suivi l'orthographe de ces manuscrits, qui n'est pas uniforme, suivant la copie
que M. le Fournier religieux de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, nous a envoyée,
& qu'il a transcrite sur celui qui a a])partenu à feu M. de Peiresc, & qui paroît le plus
ancien. Nous l'avons collationnée avec un autre manuscrit de la bibliothèque du roi,
& nous avons trouvé fort peu de variantes. Au reste, quoique cet historien anonyme
mérite beaucoup d'attention, nous ne prétendons pas cependant nous rendre garans de
tous les faits qu'il avance & de leurs circonstances. Il paroît, en effet, qu'il s'est trompé
en certains endroits, & qu'il a renversé en d'autres l'ordre des faits; mais Pierre do
Vaux-Cernay lui-même, quoique contemporain, n'a pas évité quelques fautes sem-
blables.
Ce sont là les historiens sur lesquels nous nous sommes le plus appuyés pour l'histoire
de l'hérésie & de la guerre des albigeois; ce qui joint au secours que nous avons tiré de
quelques autres auteurs ou chroniques du temps, & à un grand nombre de monumens
ou d'actes authentiques, nous a procuré une abondante matière. Nous n'entrerons pas
ici dans le détail des différentes bibliothèques ou archives d'où nous avons tiré ces
titres : nous avons eu soin d'en indiquer les sources à la marge des Preuves ou du corps
de l'ouvrage; nous nous contenterons d'observer que trois registres ou cartulaires nous
ont fourni entre autres de grandes lumières.
Le premier est le registre intitulé : Reglstrum curiae Francîae. Il fut compilé vers la
fin du treizième siècle, & l'original en est conservé dans le Trésor des chartes du roi.
On en trouve deux copies écrites à peu près vers le même temps parmi les manuscrits de
Colbert, qui appartiennent aujourd'iiui au roi. Ce registre contient la plupart des actes
de Simon & d'Amauri de Montfort, dans bs temps qu'ils dominèrent sur une grande
partie de la Province, pendant & après la conquête des croisés, & ensuite de rois
Louis VIII & Louis IX, qui entrèrent dans leurs droits touchant la même conquête.
Les actes originaux sont aussi dans ce Trésor, & nous en avons eu communication. Le
second registre est le Carttilaire de Raimond VII, comte de Toulouse, qu'on voit
aujourd'hui dans la bibliothèque de M. le chancelier d'Aguesseau, ik dont on trouve
une copie moderne parmi les même manuscrits de Colbert, n" 1067. Enfin, le troisième
est le Cartulaire d'Alfonse, comte de Poitiers & de Toulouse, frère du roi saint Louis,
qui est aux archives du collège des jésuites de Toulouse, & dont on trouve aussi la copie
parmi les manuscrits de Colbert.
Quant aux modernes, plusieurs catholiques ou protestans ont entrepris d'écrire en
particulier l'histoire de la croisade contre les albigeois. Entre les catholiques sont les
PP. Benoît & Percin, jacobins, & le P. Langlois, jésuite. Le P. Percin a écrit en latin,
& son ouvrage a paru en 1693 avec son histoire du couvent de Toulouse de son ordre.
Les ouvrages des deux autres sont en françois. Celui du P. Benoît fut imprimé en 1691
en deux volumes in-12; il est intitulé : Histoire des albigeois &■ des vaudois. Le P. Lan-
glois fit [imprimer le sien à Rouen en 1703, sous le titre d'Histoire des croisades contre
les albigeois : il contient un volume in-12. Les uns & les autres n'étoient pas assez au
fait : ils ont commis un grand nombre de fautes; & si on peut accuser les protestans,
XX AVERTISSEMENT DU TOME III DE L'ÉDITION ORIGINALE.
qui ont écrit sur la même matière, d'une partialité outrée pour leur secte, on ne sauroit
excuser les catholiques de n'avoir pas été assez en garde contre Pierre de Vaux-Cernay,
& d'avoir épousé trop aveuglément sa passion pour Simon de Montfort, & sa haine
contre le comte de Toulouse & ses alliésj en sorte qu'ils sont, surtout le P. Langlois,
des déclamateurs plutôt que des historiens. Pour nous, nous nous sommes efforcés de
tenir un juste milieu, &., laissant les réflexions aux lecteurs, nous nous sommes attachés
simplement à rapporter les faits & à ne rien avancer que sur do bons garants.
On trouvera peut-être que nous nous sommes trop étendus; mais comme on ne
cherche, dans les histoires des provinces, que le détail qui manque dans l'histoire
générale du royaume, nous avons cru devoir donner une certaine étendue à la narra-
tion. La matière est si vaste que nous avons été obligés de supprimer plusieurs faits
moins importans, diverses circonstances, & une partie des actes que nous avions
préparés pour les preuves, pour ne pas trop grossir le volume; aussi nous nous sommes
contentés souvent de citera la marge les chartes, les archives & les manuscrits. Il est
vrai que plusieurs personnes de lettres, qui font beaucoup de cas de ces sortes de
monumens, auroient souhaité c,ue nous les eussions donnés, & ils nous ont pressés de
n'y pas manquer; mais comme le plus grand nombre des lecteurs prend peu d'intérêt à
ces sortes de recueils, & qu'accoutumés ou aux fictions poétiques ou à ces petits
romans qui inondent le public depuis un certain temps, ils ne lisent que pour s'amuser,
sans s'embarrasser de la vérité des faits & de remonter aux sources, nous avons cru
devoir user de réserve, & nous en userons encore davantage dans la suite. Au reste,
nous avons eu principalement en vue, dans les monumens que nous donnons, ceux
qui intéressent l'ancienne noblesse de la Province.
On sait que l'usage du royaume, aux douzième & treizième siècles, étolt de com-
mencer l'année à Pâques, & que les trois premiers mois de notre année étoicnt alors
les derniers; cet usage n'étoit pas cependant universellement observé, ni dans les
chartes, ni par les Auteurs'; & pour nous renfermer dans la Province, il y avoil
quelques pays, comme le diocèse de Narbonne, le comté de Foix, &c., où ondatoit
plus communément de la Nativité que de l'Incarnation. Dans d'autres cantons, on se
servoit indifféremment des deux dates, quoique celle de l'Incarnation y fût plus usitée.
Enfin on trouve quelques dates de l'Incarnation qui doivent être comptées depuis la
Nativité, & quelques autres de la Nativité qui doivent être prises depuis l'Incarnation.
Nous avons fait remarquer en quelques endroits cette variété de calcul; mais il eût été
trop long & trop ennuyeux de l'observer toutes les fois; il suffit d'avertir ici, en
général, que nous avons toujours adapté, autant qu'il nous a été possible, l'ancienne
chronologie à la nouvelle, en commençant l'année au premier de janvier.
Nous croyons devoir observer aussi que dans le style du treizième siècle & du précé-
dent on entendoit par le mot château (castrum) quelque chose de plus qu'une simple
forteresse. Les auteurs & les monumens du temps donnent, en effet, ce nom à tous les
bourgs fortifiés ou accompagnés d'une espèce de citadelle, parce qu'ils n'appeloient
cités (ou villes) que les villes épiscopales. Par le mot de château, dont nous nous
sommes servis, à leur exemple, on doit donc entendre une petite ville ou un gros bourg.
' Bollandistes, août, t. i, p. 480 & sec[, ,
AVERTISSEMENT DU TOME III DE L'ÉDITION ORIGINALE. xxj
Nous nous sommes un peu étendus sur la vie de divers poètes provençaux natifs de
la Province, qui ont vécu à la fin du douzième siècle ou au commencement du suivant.
Ces vies se trouvent, avec celles de plusieurs autres poètes provençaux, dans deux
manuscrits de la bibliothèque du roi. Nous avons cru qu'on nous pardonneroit d'autant
plus ce détail que ce que Jean de Nostradamus nous a donné, touchant les mêmes
poètes, est mêlé de beaucoup de fables. Nous avons négligé, d'un autre côté, d'entrer
dans de longues discussions, pour examiner & rectifier la suite & la succession des
évèques & des abbés du pays; ce travail appartient d'ailleurs plus particulièrement à
nos confrères qui donnent actuellement la nouvelle édition du GaJlia Christiana. Ils
vont faire paroître incessamment le sixième tome de ce grand ouvrage, qui contiendra
la métropole de Narbonne, & on peut assurer par avance qu'ils n'ont rien laissé a
désirer, soit pour l'étendue, soit pour l'exactitude de leurs recherches.
Nous avions projeté d'abord d'insérer dans ce volume la carte géographique de
l'ancien Languedoc, divisé par sénéchaussées & par vigueries ; mais comme les trois
anciennes sénéchaussées de cette Province n'ont été entièrement réunies à la couronne
qu'en 1271, nous avons jugé que cette carte seroit mieux placée à la tête du volume
suivant. Quant à la carte de la Province divisée par diocèses, suivant son état présent,
nous la donnerons avec la description du Languedoc; nous espérons rendre cette
dernière carte d'autant plus exacte qu'on pourra profiter des opérations de Messieurs
de l'Académie des sciences de Montpellier, qui ont entre])ris depuis longtemps, sous
les ordres de Nosseigneurs des F2tats, de lever sur les lieux le plan de tous les diocèses
particuliers du pays, & dont le travail est fort avancé. Enfin nous réservons pour le
volume suivant les sceaux de l'ancienne noblesse de la Province, qui feront une suite
de plusieurs planches".
Nous avons déjà averti que nous mettrions, dans le dernier volume, des additions &
des corrections pour tout l'ouvrage. Nous y discuterons entre autres de nouveau
l'époque de la translation du siège épiscojjal du Vêlai dans la ville du Puy. Un cha-
noine du Puy, qui prétend que cette translation est de la fin du troisième siècle, nous
a adressé un long mémoire, où il soutient son sentiment & réfute, avec beaucoup de
feu, la note que nous avons mise à ce sujet dans le premier volume. Nous déclarons
d'abord, par avance, que nous n'avons jamais prétendu donner nos conjectures sur
cette matière & sur toutes les autres que nous avons examinées comme des décisions
irréformables ; que nous respectons les anciennes traditions des Eglises, quand elles
ont quelque fondement solide; & qu'il n'y a que l'intérêt de la vérité qui nous a
engagés à dire librement notre pensée sur certains faits. Nous rapporterons donc fidè-
lement & dans toute leur force les raisons dont cet ecclésiastique se sert pour appuyer
son opinion; mais il nous permettra d'y joindre les raisons contraires : le public en
sera le juge.
Au reste, nous avons corrigé, dans ce volume, à mesure que nous avons eu occasion
de discuter la suite des faits, quelques fautes qui nous avoient échappé dans le second,
touchant la généalogie des comtes de Toulouse, des vicomtes de Béziers & de Carcas-
' Ces cirtes & les planches de sceaux seront insérées dans l'Album, qui paraîtra avec le dernier
volume de cette édition,
VJ. b
xxij AVERTISSEMENT DU TOME III DE L'ÉDITION ORIGINALE.
sonne, des seigneurs de Montpellier, &c., que nous avions donnée par avance. C'est à
quoi nous prions de faire attention.
Cet ouvrage a fait une perte considérable, j)ar la mort de dom CLAUDE DE Vjc,
mon collègue, décédé à Paris, dans l'abbaye de Saint-Gerniaiu des Prés, le 23 janvier
1784, peu de temps après la publication du second volume. Cette perte m'a été d'autant
plus sensible qu'ayant été associés pour le' même travail, depuis l'an 1715, nous avions
toujours vécu dans la plus parfaite union. Nous avions partagé les recherches, & il
m'avoit été d'un grand secours pour la composition des deux premiers volumes. Sa
mémoire, qui me sera toujours très-précieuse, demanderoit ici que je rendisse justice à
ses talens, & que je fisse l'éloge de ses qualités de cœur &: d'esprit, qui le rendoient
infiniment estimable, si je n'en avois déjà fait l'essai dans un mémoire, qui a paru
dans le Mercure de France du mois de mars de l'an 1734, & qui a passé dans le nouveau
Supplément de Moreri,
TABLE ANALYTIQUE
ADDITIONS ET CORRECTIONS MISES AU BAS DES PAGES
PAR LES NOUVEAUX ÉDITEURS
Abneville (traité dit d'); ses suites pour le
Midi. page 802
Agde; accord entre l'évêque & le chapitre
catliédral pour le partage du domaine de
cette ville. pp. 698-699
Agde (évêque d') ; poursuivi canonique-
ment en i2o5. p. 238
— Louis IX lui inféode l'île de Cette, p. 794
Agen; chartes de Raimond VU en faveur
de cette ville, de l'an 1221. pp. 543-544
— (Soumission d') à Alfonse en 1249.
p. 8i3
— (Sénéchal d'); démêlés entre lui & le
roi d'Angleterre en 1268. p. 904
Agenaisj expédition des croisés en Agenais
eu 1209. p. 287
Aigues-niortes; demandes adressées au roi
Louis IX par les habitants de cette ville;
analyse des privilèges que ce prince leur
• accorde en 1246, pp. 782-783
Alain de Lille & Alain du Puij note sur
ces auteurs. p. 2o5
Alais (enquête faite par les clercs du roi à)
en 1247. p. 793
Albano (cardinal d'); son intervention dans
le Venaissin en 1249. pp. 813-814
AIbi; accord p.TSsé en 1194, entre le vicomte
& l'évêque d'Albi. pp. 149-150
— (Charte de privilèges d') de 1220. p. 539
— (Évèque d'); obtient d'Alfonse un man-
dement pour la restitution des dîmes in-
féodées, pp. 916-917
— Se fait rendre hommage par Alfonse
po\ir le château de Castelnau de Bona-
fous, & adjuger les encours pour hérésie
des lieux dc< Montirat & Monestiés.
p. 909
Albigeois (les) ; origine orientale de leurs
doctrines. pp. 1-2
Albios (château </'); note sur ce lieu. p. 343
Alet (abbaye d'); rendue aux bénédictins
par ordre de Grégoire IX en 1232. p. 670
Alfonse de Poitiers; fête célébrée à Saumur
en 1241, à l'occasion de sa chevalerie.
p. 730
— Prend possession du comté de Toulouse
eu vertu du traité de Paris, pp. 810-811
— sa captivité en Egypte. pp. 814-815
— (Maladie d') en i252; lettre que lui écrit
le seigneur de Lunel. p. 829
— Est régent du royaume après la mort de
la reine Blanche & pendant l'absence de
Louis IX. p. 83o
— (Analyse d'un mémoire adressé par) au
roi, son frère, vers I256. p. 85 1
xxiv TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS.
Alfonse do Poitiers (démêlés des officiers
d') avec l'abbaye de Boulboniie. g
pp. 852-853
— Refuse de secourir son frère, Charles „ ... , , , ^ , v. . i.Aif„,„„
d'Anjou, dans son expédition de Sicile. Baihes (nombre des) des Etats d Alfonse.
' p. 876 P- 930
— Refuse, malgré les instances de sa belle- Eardin (Guillaume); critique d'une asser-
sœur, la reine Marguerite, de secourir 'lO" àe ce chroniqueur. p. 816
Henri III d'Angleterre dans sa lutte con- Bar le Duc (comte de); prend part à la
tre les barons anglais. p- 874 croisade en 12 1 1 . p. 362
— (Date & lieu de la mort d'). pp. 927-928 Bastide (la); lieu pris par Montfort eu
— Exécution de son testament. P- 9^9 1217. p. 304
Alos (/o coms d') ; note sur ce perso.uiage. Baudouin, frère de Raimond VI ; histoire
' p. 366 de sa trahison. pp. 36o-36i-J62
Ananclet (château d'); note rectificative à — Sa mort. p. 433
ce sujet. p. 388 Baux (Barrai des); actes de la soumission de
Anduze (Pierre Bermond, seigneur d'); as- ce seigneur à Alfonse de Poitiers, p. 83i
sise que lui accorde le roi Louis IX en Beaucaire (siège de); récit de cette affaire
1243. p. 755 par le poëte anonyme, pp. 488, 491-492
Aragon (roi d') ; son intervention pendant — (Foire de); note à son sujet. p. 5o3
le siège de Carcassonne. p. 293 _ (Pi;ii„,es des habitants de), en 1247;
— Ses droits sur le Narbonnais. p. 5o analyse de ce document; Louis IX fait
— (Droits du roi d') sur Béziers & Mont- J.'oit -' quelques-unes de leurs rédama-
pellier. p- I7:>
lions en 1234. pp. 835-836
-Réclame les vicomtes de Millau & de Beaumont (Jean de), lieutenant de Louis IX
Gévaudan en i225. p. 622 J-ins le Midi; ses titres. p. 721
Aragon (Infants d") ; époque de leur tenta- Belleperche (abbé de); s'accorde avec Al-
tive d'invasion en France; elle doit être *o'ise au sujet des legs faits a son abbaye
placée vers 1263 & non en 1257. par Raimond VII. p. 821
pp. 853-854 & 875 Bérenger, archevèc[iie de Narbonne; date
Arles (concile d') de 121 1 ; note à son su- ''e sa mort. p. 379
jet; conditions imposées par les évéques Bernard Aton, dernier vicomte d'Agde; de-
au comte de Toulouse. pp. 347-348 vient chanoine de l'église cathédrale de
Armagnac (comte d'), guerre entre ce sei- cette ville. p. 121
gneur & Raimond VII en 1245. p. 774 Bertrand, évéque de Béziers, passe un ac-
Arnaud Amauri, légat du pape, archevêque cord avec Simon de Montfort le 1" mai
de Narbonne. p. :33 I2i3. pp. 418-419
Note sur sa conduite lors du siège de Béziers (prise de), en 1209; récit de Gui!-
Béziers. p. 289 lem de Tudéle. P- 289
Assemblées des trois états des sénéchaus- —Privilèges accordés à ses habitants en
sées de Carcassonne & de Bc-aucaire; ii85. ]ip. Ii5-ii6
note sur leur pouvoir. pp. 912-913 — (AffaiblissemcMit du pouvoir seigneurial
Aubenas (entrevue d'); sa date; ses résul- à), après 1194. p. i58
tats. pp. 268-269 — (Notariat de) au douzième siècle.
Aumônes faites à des établissements reli- pp. 40-41
gieux par Alfonse. p. 9o5 — (Évéques de); leur suite de 1240 à 1247.
— annuelles du même prince. p. 929 \i. 7*6
Avignonet (inquisiteurs tués à); note rec- — (Évéques & évéché de); actes ((ui leur
tificative. pp. 740-741 sont relatifs. pp. 99-100
Avignon; causes probables de la résistance — (Note sur la famille dite de). p. 58
de cette ville à Louis VIII. p. 607 —(Localités du diocèse de) qui embras-
— (Soumission d') à Alfonse de Poitiers & sent le parti de Raimond VII en 1242.
Charles d'Anjou en i25i. pp. 818-819 p. 743
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS. xxv
Bézicrs (vicomte de), Roger II; note sur Castellarii ; s?iis exnct île co terme clans les
la date de son alliance avec Ricliard canons du concile de Toulouse, de 1 229,
d'Aquitaine. p. 114 P- 940
Bézicrs Cviconife de), Raimond-Roger; son Castelnau (Pierre de); épo |ue de sa mis-
entrevue avec le légat en 1209. p. 236 sion, p. 229
— Opinions diverses sur les causes de sa — Rcn;arc[ue sur les circonstances de sa
mort. p. 3i3 mort. p. 263
Blanche, femme de Guillem de Minerve; Castelnaudary (siège de), en 1211. p. 374
donation que lui fait Louis IX. p. 840 Casteharrnsin (habitants de); renoncent à
Bonafous; construction du ch.àtcau de ce leur consulat en faveur de Raimond VII.
nom, & coutumes que Sicard Alaman P- 774
accorde à ses habitants. p. 727 Catalogne; troubles dans ce pays en 1217;
Bordeaux (concile provincial tenu à) en le roi Jacme prend la direction des af-
1 264; Alfonse proteste contre une de SOS laires. p. 5i2
décisions. p. 876 Catel; note sur une chronique citée par
Boulbonne; charte de Simon de Monifort
cet auteur. p. 5i
en faveur de cette abbaye. p. 3o2 Cannes (réclamations de l'abbaye de), en
c I • . • 1. 1 I u • 1262; salin de cette ville. pp. 871-872
— Se plaint au roi d un vassal de Rai- ^ ' M' ' ' '
moud VII. P- 778 Oaiix (seigneurs de); leurs droits sur la
H- ,„• , 1 ■!• 1 . dépouille des curés du village de ce nom.
istoirc de ses démêles avec les comtes ' '^
de Toulouse, le sire de Mirepoix 8; l'ab- ''" '"'
baye de Paniiers. pp. 852-853 Cécile, nièce de Raimond VII; épouse
.^méJée, comte de Savoie. p. 771
Cervaria (Guillem de), seigneur du Carcas-
p ses, jure fidélité à Louis VIII, en 1226.
p. 601
^ , , , ,., .,,,.,, Cette (ile dp); prétentions des chanoines
C..-.1iors (comté de); s il avait été a lene par ,,e Saint-Ruf sur cette île; conduite de
les comtes de loulouse au douziCMue Louis IX en cette occasion. p. 794
siècle. p. 36:>
, , . . , , . Chartres (Rainaud de), inriuisileur eu
Campagnoles ^commandene de); donation Toulousain; fa lettre h Alfonse.
faite à cette maison, en 1190, par le vi- Sj8-85o
comte de Bézicrs. p. i35 _, ,. , . .. ,. , . ' ' " ,?
Chevaliers du Midi, que Louis IX prend a
Candeil (abbaye de); remarque sur une sa solde lors de la croisade de Tunis.
charte de Richard d'Aquitaine en sa fa- p, qi5
P' ' Cîteaux (abbaye de); accord entre elle &
— S'accorde avec Alfonse touchant les legs Alfonse de Poitiers, au sujet des dettes
à elle faits par Raimond VII. de Raimond VII. p. 823
pp. 21- 22 C.larin, chancelier de Simon de Monifort.
Carcassoiine (prise de), en 1209; circons- p. 392
tances qui l'accompagnèrent. p. 296 Copiminges (comte de); combat entre lui
— Note sur la reconstruction de cette & le français Jori. p. 522
ville en 1247. pp. 785-786 _ Guerre entre lui & le comte de Foix.
— (Couvents de); leur reconstruction en p. 902
'^47' p. 7°6 Condom ; soumission de cette ville .à Al-
— (Première charte de coutume de), p. 112 fonse en 1249. p. 8i3
— (Coutumes de); note à leur sujet, p. 216 — (Habitants de); guerre entre eux & Gé-
— (Vicomtes de); note sur leur prétendue ""'' d"Armagnac. p. 900
descendance. P- 79« Conrad, légat apostolique en Languedoc;
— (Seigneurs terriers chargés de la garde date de sa mission. ' p. 537
de); \es mortes payes. p. 905 — Lettresque lui écrit Houorius III. p. 538
— (Localités du diocèse de), qui prirent le Consuls de mer, institués à Montpellier.
parti de Raimond VII, en 1242. p. 742 p. 945
xxvj TABLE ANALYTIQUE DFS ADDITIONS ET CORRECTIONS.
Corbeil (traité de), eu 1258. p. 86i Foix (château de), remis, eu i2i7,aucomfG
Cordes; fondation de cette ville en 12..3 par l'abbé de Saint-Thibéry. p. 5io
par le comte de Toulouse. p. 56o — (Habitants de); privilège de Jacme I,
Croisade; subside levé pour la croisade roi d'Aragon, en leur faveur, p. 889
dans les Etats de Rainiond VII en 1247 — (Comté de); ancien document sur sa
& 1248. p. 787 géographie. p. 886
— de 1270; note sur les dépenses qu'elle Foix (comte de); ses démêlés avec Simon
impose à Alfonse. pp. 907-908 de Montfort en 1216. p. 499
— contre les albigeois; sa prédication en — La paix de Lorris réserva-t-elle au suc-
France, p. 267 cesseur de Kaimond VII l'hommage du
Croisés contre les albigeois; note sur leur comte de Foix. p. ■jj'i
nationalité. p. 267 — Ses démêlés avec l'abbaye de Lézat; in-
— Leur nombre eu 1209. p. 284 tervention d'Alfonse, p. 917
Fontfroide (abbaye de); elle se fait rendre
par le roi la grange de Parahou. p. 849
L' — . Terres qu'elle achète d'Olivier de Ter-
mes, p. 857
Daumazanès (le); Indication bibliographi- pouage levé dans ses Éiats'par Rai-
que sur les coutumes de ce pays. p. 12a „,p,jj yn, lors de sa croisade, p. 788
Diego, évèque d'Osma ; date de sa mort._ _ alfonse ne leva pas de fouage en i 252 ;
P' ■^•^^ rectification d'une assertion de dom Vaiî-
sete. p. 829
E — Levé par Alfonse dans le Midi de 1261
à 1269; note à ce sujet. p. 901
Encapuchonnés (association des); son his- Foucois (Gui); note sur une édition de ses
toire. pp. 108-109 Quaestiones. P'9i'
Enquêteurs royaux dans le Midi ; objet de Franquevaux (abbaye de); remarque sur
leur mission ; ses résultats, pp. 793-794 un accord entre elle 8c Raimond V,'
— Leurs travaux dans le Midi en 1247 & comte de Toulouse. p. 124
1248; l'administration royale d'après
leurs registres. pp. 793-794
— Plaintes reçues par eux à Alais. p. 793 G
— Leurs assises dans la sénéchaussée de
Nimes de 1254 h 1257. p. 849 Gaillac; privilèges accordés à cette' ville,
— Leurs travaux de 125931262; note à en i 221, par Raimond VII. p. 542
ce sujet. p. 872 — (Troubles à) eu 1269; Alfonse infcr-
— Leurs assises de 1259 à 1262; indication vient en faveur de l'abbé. p. 914
de quelques-unes des restitutions faites Gascogne; guerres privées sur les confins
par eux. p. 870 de ce pays & du Toulousain en 1255.
— Leurs travaux en 1270. p. 916 P- 844
Enquêteurs d'Alfonse dans le Languedoc GaufrldusVosknsis; valeur du témoignage
en 1267 8i 1268; leurs décisions, p. 899 àe cet écrivain; état du texte de sa chro-
Êpaves (droit d'), à Toulouse; règlement
nique. p. 61
de 1192. p. 145 Génois; charte de Raimond VI en leur
•n • •• i-rii 1 • faveur. p. 61
Excommunication; diiterend a ce propos '
entre le sénéchal de Carcassonne & les Grandchamp (abbaye de), dans l'Ile-dc-
prélats de la Province. p. 843 France; charte fausse d'Amauri de Mont-
fort en sa faveur. p. 704
Grandsclve (al)bé de); s'accorde avec Al-
F fonse au sujet des legs faits à son cou-
vent par Raimond VII. p. 821
Foix (ville de); privilèges accordés à cette Grasse (abbaye de la); charte du roi d'Ara-
ville, en 1245, par le comte Roger, p. 774 gon en sa faveur. p. 92
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS. xxvij
Grasse (abbaye de la); accords, eu I2i5,
entre cotte abbaye & Simon de Mont-
fort, Gui de Lévis & Alain de Rouci_.
pp. 463-466
— Hommage que lui rend Amauri de
Montfort, eu 1219. P- ''^^^
— Vente faite, eu 1217, par Simon de
Montfort à cette abbaye. p. Soi
Grégoire IX; lettre écrite par ce pape à
Raimond VII, eu i235, au sujet de l'in-
quisition de Toulouse. pp. 698, 696
— Lettres écrites par lui en 1238, & rela-
tives à Raimond VII. p. 70?
Guerres privées dans la Province; mémoire
des agents d'Alfonse à ce sujet. p. 904
— Eu 1267. p- 90^
— En 1268; efforts d'Alfonse pour les ar-
rêter. * p. 9°4
Gui, fondateur de l'hôpital du Saint-Es-
prit de Montpellier; son origine, p. 72
Guidage (droits de); chartes relatives à
leur perception. P- 89
Guillem VIII, seigneur de Montpellier;
privilèges que lui accorde Célestiu III.
p. i38
— Remarques sur son testament. p. 202
— Poursuit les hérétiques & est protégé
par Innocent III. p. 224
Guillem Pierre, évéque d'Albi ; lettres du
pape Honorius III à sou sujet. p. 5i'j
Guillem Pelhisse, inquisiteur; analyse du
récit fait par lui de la révolte des habi»
tauts de Toulouse contre l'inquisition.
p. 691
H
Hérésie albigeoise; note sur ses progrès
eu Europe pendant les dixième & dou-
zième siècles. p. 221
Hérétiques; poursuites exercées contre
eux par Alfonse, de 1252 à I2")4.
p. 832
Hommages reçus par Alfonse à son retour
en Europe eu iiSo. p. 816
Honorius III; lettres écrites par lui aux
seigneurs & habitants du Languedoc en
faveur de Simon de Montfort. p. 714
— Lettres du même pour la croisade con-
tre les albigeois. p. "146
— Lettres du même en faveur d'Aniauri de
Montfort, écrites eu 1223. p. 072
Honorius III; lettres écrites ]5ar lui en
1224 pour l'affaire d'Albigeois. p. 5So
— Lettres écrites par lui en i225 pour l'af-
faire d'Albigeois. pp. 591-592
Hugues IV, comte de Rodez, rachète sou
voeu de croisade en 1247. p. 780
I
Innocent III ; note sur sa politique envers
Raimond VI en 1210. p. 320
Innocent IV; se plaint à Louis IX des vexa-
tions infligées par le sénéchal de Beati-
caire à des marchands génois. p. 763
Inquisition; ce que c'est à vrai dire. p. 223
— Date d'un acte d'inquisition publié par
dom Vaisséte.
p. 674
— (Prisons do 1') à Carcassonne & à Bé-
ziers. p. 779
Isle-Jourdain (seigneurs de 1'); se fout la
guerre en 1268 & 1269. p. 9o5
J
Jacme I, roi d'Aragon; guerre entre ce
prince & ses grands vassaux d'Aragon.
p. 882
— Pourquoi il ne prit aucune part h la se-
conde croisade de Louis IX, p. 915
Jeanne, comtesse de Toulouse; note sur
certains articles du testament de cette
princesse. p. 919
Juifs; leur état social dans le Languedoc.
p. 944
— de la sénéchaussée de Carcassonne; per-
sécutions dont ils sont l'objet eu 1246.
p. 783
— des états d'Alfonse; subside extraordi-
naire que ce prince leur fait payer.
P-
906
L
37J
61
La Grave (révolte de) en 1211.
Larzac (hospice du).
— (Précepteur du) ; lettre que
Raimond VII.
Latran (concile de) de I2l5; récit de la
chanson; sa valeur, pp. 473-474
Lattes (port d; ). p. loi
lui écrit
p. 802
xxviij TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS.
Lattes (mailles de), droit de leude rendu à
la commune de Montpellier par Jacme I.
p. 862
Lautrec (vicomtes de); s'ils descendent du
comte Baudouin, frère de Rainiond VI ?
p. 438
— Guerre entre eux & Philippe de Mont-
fort en 1267. P- 902
Légats en Languedoc; étendue de leur
pouvoir. P- ^32
Lenaiii de Tillemont; cité à propos de
l'annulation du testament du comte Rai-
mondVlI. p. 821
Lévis (famille de); remarque sur le titre de
maréchal, porté par les membres de cette
famille. P- 656
Lézat (abbé de); accord entre lui & le
comte de Poix en 1241, & construction
de Sauveterre Saint-YlDars. pp. 732-733
Lézignan; accord relatif à ce château entre
Amauri de Montfort & le vicomte de
Narbonne. p- 533
Limoges; époque du passage de Louis de
France dans cette ville en 1219.
pp. 53o-53i
Limoux (ville de); réclamations de ses ha-
bitants en 1259. p. 871
Lodève (église de); diplôme de Philippe
Auguste en sa faveur. p. 119
Lomagne (vicomte de); ses démêlés avec
Raimond VII. p. 802
— Paix entre lui & Alfonse de Poitiers.
p. 822
Lorris (paix de) en 1242; note à ce sujet.
p. 750
— Serments prêtés par les seigneurs du
Midi en vertu de ce traité. p. 755
Louis, fils de Philippe-Auguste ; date de
son expédition de 1219. p. 628
— Craintes que son expédition inspire aux
Anglais. p. 529
Louis VIII, roi de France; conditions
qu'il propose au pape en 1224, en s'en-
gageant à continuer la guerre contre
Raimond VII; pourquoi le pape les re-
jetta, p. 578
— Son itinéraire en 1226, après la soumis-
sion du Languedoc. p. 619
Louis IX; s'il fit un voyage dans le midi de
la France en 1243. p. 759
— (Date du voyage de) dans le Midi en
1262. p. 873
Lourdes (château de); noms de ses défen-
seurs en 1216. p. 499
M
Maguelonne (chapitre cathédral de'i; que-
relles entre les chanoines vers 1 186-1 187.
p. 119
Marc (Pierre); sa mission dans le Langue-
doc en 121 2. p- 392
Marche (révolte du comte de la) en 1241;
dénoncée à la reine Blanche par un ha-
bitant de la Rochelle. p. 7^6
Marie de Moiil])eHier; démêlés entre elle
& son mari, Pierre d'Aragon. p. 241
Marmande (siège de) en 1219; sa date.
p. 53d
.Marseille; date de l'expédition faite par
Raimond VII pour secourir cette ville.
p. 664
Mathieu Paris; rectification d'une asser-
tion de ce chroniqueur. p. 804
Mathilde, fille de Constance, comtesse de
Toulouse ? p. 60
Medullum, identifié avec Me'^^oah, lieu de
l'Hérault. p. 62
Mehun (Robert de), évèque du Puy; pu-
nition de ses assassins. p. 527
Melgneil (comté de); cédé aux évéques de
Maguelonne par le pape; note sur le
prix payé par les acquéreurs, pp. 456-457
— Ils ont peine à y établir leur autorité.
p. 703
Millau (ville de); sa charte de coutume de
ii85. pp. 123-124
— Privilèges accordés aux habitants de
cette ville en 1229 par Louis IX. p. 637
— Tentative du roi d'Aragon sur Millau
en 1237. pp. 705-706
— (Comté de); Tendu par le pape au roi
d'Aragon en 1217. p. 5:2
Minerve (siège de), par Simon de Mont-
fort; dates extrêmes de cette affaire.
p. 33ï
— (Guillem de); donation de Louis IX à
ce seigneur. p. 840
Mirepoix (coutumes de); leur rédaction
en 1207. p. 253
— (seigneur de) ; se fait restituer le droit
de faire brûler les hérétiques de ses do-
maines, p. 913
— Démêlés de ce seigneur avec des sujets
du comte Alfonse. pp. 913-914
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS,
XXIX
Moissac; coutumes de 1197. p. 179
■ — (Siège de) en 1212; note à ce sujet.
p. 391
— (Abbé de); se plaint à Philippe-Auguste
des croisés & du comte de Toulouse.
p. 392
' — (Accord de 12*12 entre l'abbé de) & Si-
mon de Moutfort. p. 391
Monnaies émises parAlfonse. pp. 946-947
— épiscopales du Languedoc. p. 897
Monnaie de Toulouse; son histoire au
temps d'Alfonse. p. 833
Monsjovîs, lieu d'un engagement entre les
croisés & le comte de Foix; note à ce
sujet. Voye^ Montgey. p. 355
Montaigut (château de), en Albigeois; note
sur son emplacement. p. 793
Montauban (Siège de), en 1212; causes de
son abandon, p. 393
Montfort (Amauri de); n'a jamais repris
après 1226 le titre de comte de Toulouse ;
erreur de dom Vaissefe à ce sujet.
p. 704
Montfort (Philippe de), seigneur de Cas-
tres; guerre entre lui & le vicomte de
Lautrec; intervention de Louis IX & du
sénéchal de Carcassonne. p. 849
— Époque d'une guerre entre ce seigneur
& le vicomte de Lautrec. p. 834
— Guerre entre lui & Sicard Alaman en
1267. p. 902
Montfort (Simon de); son histoire avant
la croisade des albigeois. p. 298
— Ses opérations militaires pendant la fin
de l'année 1209. p. 3i8
— S'il parcourt l'Agenais vers mai 1 210 ?
p. 327
— Lacunes dans son itinéraire après la
prise de Termes (novembre-décembre
1210). p. 343
— Recrutement de ses soldats. p. 377
— Ses expéditions dans le pays de Foix en
1212. p. 393
— Ses donations à des chevaliers français.
p. 398
— Achète dans le Rouergue les châtea.ix
de Saint-Geniés & de la Roque de Bal-
zergue. p. 4J0
— Son itinéraire en juin I2i5. p. 463
— Troupes qu'il employa dans ses guerres.
p. 487
Montfort (Simon de); rectification tou-
chant deux actes de ce prince en faveur
des habitants de Nimes. p. 492
— Châtiment qu'il inflige auxToulousains
en 12 16. pp. 493, 495, 498, 499
— Circonstances de sa mort. p. 5i7
— Son tombeau à Carcassonne,
pp. 519-620
— Ses fondations dans l'église de Carcas-
sonne. p. 520
Montgey (bataille de) en 1211; note à es
sujet; circonstances de cette affaire ; au-
teurs qui en ont parlé. pp. 354-355
Montgrenier (château de), près de Foix.
p. 5oo
Montpellier (coutumes de) ; leurs éditions,
leur caractère. pp. 2i5-2i6
— (Traité de commerce entre le seigneur
de) & les vicomte & évêque d'Agde (i i85).
p. 116
— Charte de Louis VIII en faveur des mar-
chands de cette ville. p. 609
— (Soumission de) au roi Jacme en 1239.
p. 712
— (Droits réels & prétentions de Louis IX
& de ses successeurs sur la ville de).
pp. 881-832
— (Habitants de); traité entre eux & les
Génois (i 201). p. 195
— Leur alliance avec Nugnez Sanche, sei-
gneur du Roussillon. p. 663
— Guerre entre eux & les Marseillais;
terminée grâce à l'intervention du comte
de Provence, Charles d'Anjou. p, 847
Montréal (réclamations des habitants de)
en 1262, p. 871
Mouskcs (Philippe); rectification d'une
assertion de ce chroniqueur. p. 752
N
Najac; révolte de cette ville après la mort
de Raimond VII; répression de celte
tentative. pp. 809-810
Narbonne (remarque sur un traité entre)
& la ville de Pise. pp. 17-18
— Traité de commerce conclu entre celle
ville 8c celle de Gênes en 1224. p. 590
— ■ (Lettre de Grégoire IX en faveur des
habitants de). p. 633
XXX
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS,
Narboiine (lettre écrite par les consuls de Orzals (mine d), c-n Rouerguc ; disputée à
la cité de), l'archevêque, le vicomte & Alfonse par le comte de Rodez. p. »7^
l'abbé de Saint-Paul, touchant l'exercice Othon, évêque de Carcassonne; dates de
de l'inquisition. P- ^86 jqjj épiscopat. P- ^^4
(Lettre des consuls du bourg de) à ceux
de Niraes, touchant l'inquisition, p. 685
— (Coutumes de), rédigées en 1232. p. 673 p
(Vicomtes de); leurs possessions dans
le diocèse de Béziers. p- '-•■^ Pamiers; privilèges accordés à cette ville
(Démêlés entre l'archevêque & le vi- eu 1227 & 1232. pp. 616, 937
comte de) en 1247 & i 248; intervention _ (.Q,,gj.elles entre les habitants de) & Si-
d'Innocent IV & de Louis IX. p. l'i^ ^^.^^ jg Montant. p- 847
_ (Concile de) de 1244; analyse de quel- _ ^Q^jg^elles entre l'abbé de) & le comte
ques-uns des canons qui y sont promut- ^^ p^j^ ^^^^^ j^ souveraineté de cette
gués. PP* 764-70^ ville; intervention du roi de France.
(Duché de) ; contestation à ce sujet en- pp. 888-889
,re Simon de Montfort & l'archevêque ^^^.^ ^^ originaux de cet
Arnaud Amaiiri. P- J03 ^^^^ p. 532
Nimes (ville de); Raimond V confirme ses _ ; ,^^^^^.^.^.^^ „,ii ■ , ,, R.i.
privilèges en ii8o. p. 123 ^^^^^^^^ p. 662
— Charte de privilèges de 1194. p. IJ9 , .
^, ^ wi .• j „ Parlement d'Alfonse; note a son sujet.
_ (Règlement de 1199 pour 1 élection des p_ 3^5
consuls de;. p- i 9 ^^^^^^^ (seigneurs de); accord entre eux &
_ (Révolte de) en 1207, pp. 274-27J Alfonse. p- 822
-Complot tramé à Nimes contre les con- p^jj .^ ,,,3. remarque sur un di-
suls de cette ville en 1210. p. 02^ 1^1^ ^^^h^^^ ^^^^ ^^ p_t._^^^^ ^^^ ^^gg^ .^
— (Habitants de); alliance entre eux le {-église de Lodève. p. 119
ceux d'Aries en I2i3. p. 4>9 _^^XelUe au pape touchant l'affaire d'Aï-
— Date de la révolte de cette ville contre bigrois. P- ^61
Simon de Montfort. _ p-S.-; _ g^^ réponse au pape après le meurtre de
— (Ordonnance rendue par Louis IX en Piene de Casteluau. p. 205
i;')/i en faveur des habitants de), p. 807 . , 1 rr ■ 1
I2J4, en iavi,u f — Intervient dans les affaires de succes-
— (Note sur la suite des évêques de). ^ ^j^^^ jg |^ seigneurie de Montpellier.
p. 412
p. 87
Niort (seigneurs de); notes à leur sujet. ^ p^j^ d'une lettre de ce prince à Thi
pp. 700-701, 723 iiauâ, comte de Champagne. p. 647
— (Raimond de); note à son sujet, p. 7^3 j^^ légua jioint une somme d'argent à
Nobles de la province qui prennent part Amauri de Montfort, quoi qu'en aient
aux croisades de Louis IX. p. S29 dit quelques auteurs. pp. 568-569
Noms de lieux; corrections au texte de dom Pierre de Bénéveut, légat en Languedoc;
Vaissete. - pp. 791, 85i , &c. sa conduite; exagérations de Pierre de
NugnezSanche; époque de sa mort. Vaux Cernay. P- 444
P- 714 Pierre de Vaux Cernay; note sur la valeur
de son témoignage en certains cas.
p. 161
O •
Pierre, roi d'Aragon; privilèges que lui ac-
corde le pape Innocent III. p. 239
Orb (péage de 1'). p. 100 „ ... _ ^/- ^,
^1 '' . , T • i,r — Sa politique en I2i3. pp. 406-407
Ordonnance de I2J4; articles que Louis IX . ■ x/i .
fit aiouter p. 841 — Circonstances de sa mort a Muret, p. 427
OrLnnance de réformation, publiée par - Appréciation de son caractère, p. 430
les procureurs du comte Alfonse en 1270. Pont-Saint-Esprit (entrevue du), en 1217;
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS.
XXXI
Prélats de la Province; différends entre
eux & le sénéchal de Carcassonne en
13 55. pp. 842-843
Privilèges accordés par le Saint-Siège à
Alfonse; énumération & analyse de ces
actes. pp. 831-832
Procureurs fondés établis par Alfonse en
1270; lettres d'institution, noms, gages
& attributions de ces officiers.
pp. 921-922
Puisserguier (Bérenger de); plaintes de ce
seigneur contre le sire de Lévis. p. 872
Pujol (prise du); récit de cette affaire; re-
marque à ce sujet. p. 420
Puy (église du); lettres de Philippe-Au-
guste en sa faveur, en 1219. p. 527
— (Affaire de la régale du), sous Louis IX;
analyse des documents originaux.
pp. 838-839
Q
Quarantaine le roi; note à ce sujet, p. 941
Quatre cas (règle des); note à ce sujet.
p. 939
Querci ; une partie seulement de ce pays
appartenait à Raimond VII. p. 807
Queribus (siège de); époque de cette af-
faire, p. 843
R
Rabasiens (charte de privilèges pour), de
l'an 121 1. p. 846
— Autre charte de Raimond VII en faveur
des habitants de cette ville. p. 627
Rachat des biens confisqués sur les héré-
tiques; note à ce sujet. p. 832
Raimond du Fauga, évoque de Toulouse;
causes probables du procès qui lui fut
fait. p. 879
Raimond VI, comte de Toulouse; ne prit
pas la croix en 12 10. p. 28a
— Circonstances de son retour .i Toulouse
en 12 17. p. 507
— Etendue de ses Étals. p. 554
— Appréciation de son caractère.
pp. 555-556
Raimond VII; ses démêlés avec Frédéric H
en I 225. p. 592
— Sa guerre avec le comte de Provence;
intervention du pape Grégoire IX. p. 7c 5
Raimond VII; situation pécuniaire de ce
prince en 1239. p. 709
— Crée, eii 1240, un nouveau péage à
Marmande. pp. 723-724
— (Rapports de) avec le roi en 1240 Si
1242. pp. 724-725, 729
— Alliance entre ce prince & Jacme d'Ara-
gon en 1241. p. 726
— Excommunié, le 6 juin 1242, par frère
Ferrier, inc[uisiteur; note sur cet acte.
p. 74"
— Ses conquêtes dans les diocèses de Bé-
ziers & de Carcassonne. pp. 742-743
— Note sur la date de son absolution en
1244. p. 762
— Itinéraire de ce prince en janvier 1245.
pp. 772-773
— Son divorce avec Marguerite de la
Marche. p. 776
— Itinéraire de ce prince en avril 1246.
p. 778
— Résidait à la cour de France en février
1247. p. 786
— Promesses que le roi lui fait à l'occasion
de son projet de croisade. p. 7S7
— Itinéraire de ce prince en octobre 1 24S.
P- 799
— (Démêlés de) avec le comte de Leices-
ter, gouverneur de Gascogne, & avec le
vicomte de Lomagne. p. 802
— Rédaction de son testament. p. 8o3
— Son caractère; ses acquisitions; ses
États. i)p. 806-807
— Son testament est déclaré nul, à la de-
mande d'Alfonse de Poitiers. p. 820
Raimond Trencavel ; note sur les causes
de sa mort en 1167. p. 29
Raimondine (monnaie); note à son sujet.
p. 917
Rainier, évéque de Maguelonnej meurt
empoisonné. p. 796
Recettes & dépenses d'Alfonsej note à ce
sujet. p. 930
Rieunette (abbaye de). p. 224
Rodez (bourg de); coutume de 1196,
p. 178
— Nouvelles coutumes de 1201. p, 195
— (Comte & évéque de); leurs rapports.
p. 178
— (Evéque de); réclamalion adressée par
ce prélat à Alfonse de Poitiers. p. 904
xxxij TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS.
Roger Bernard, comte de Foix; histoire Sénéchaux établis dans le Midi par Simon
de ses démêlés avec les inquisiteurs. de Montfort. P- 4^J
p. 7o3 Service militaire; les prélats de la Province
Roger de Comminges, comte de Pailhas; refusent de s'en acquitter. p. 843
note sur ce personnage. pp. 125-126 Statuts de Simon de Montfort en 1212;
Rouergue; expédition de Raimond VII leur caractère. p- 397
dans ce pays en i238. p- l^o
Roujan (réclamations des habitants de) en
1262. P-Syi T
Tarascon-sur-Ariége (privilèges de); charte
j^ de 12 16. p. 499
Temple; privilèges accordés à l'ordre du
Sabathier de la Bourgade (chronique dite Temple par le vicomte de Béziers en
de); sa valeur. p. 698 1201. p. I94
Lcr- Ml 1 ^ 1, . i„ „r1„; Termes (hahilants de); s'ils étaient tous
Sajnt-Affr.que (v.Ue de ; charte de prm- ^.^.,^.' ^., ,,,„. 3
léges de Raimond VU, en i2Ja. p. 700 ^ r >
c • . A . • , • A^^ ^„ ,0,^. nr,tP Termes (Olivier de); sa soumission en
Saint-Antonin (prise de), en 1212; note ^ _
r •. n ^8(^ 1244. P- 72J
sur ce fait. P- ^°° ^^ . „-
, , , 1 „ ]„. „.,K. rolntif.: — Vend u ue partie d C SCS d Omai ues. p. bS?
— Analyse de quelques documents reiatits f r
à cette ville. p. 786 Toulousains; tentent d'arrêter la marche
Saint-Gaudens; rectification d'une asser- '^^^ croisés en 1 2.1, en négociant.
tion de dom Vaissete touchant cette
p. 363
yjUe. P- 886 Toulouse (privilèges des habitants de).
Saint-Gilles (abbaye de); note sur quel- P" '°°
ques circonstances de ses démêlés avec — (Révolte de), en 1189. p. l3l
le comte de Toulouse, rapportées par _ ,p^^i,-3 j^ -^ ^^^^e les habitants de
Gervais de Tilbury. p. lOi ^^^^^ ^.j,^ g^ j^^ seigneurs du voisinage.
Accord entre cette abbaye & le comte p. icj-j
deToulouse, en 1209. ' p. 281 _ ^p^emier siège de), en 121 1 ; circonstan-
— (Changeurs de); acte de Raimond V en (-es de cette affaire. pp. 365-366
leur faveur. p. Sa _ ^ç^^^^^.^^^^^^^^ ^j^,^ gimon de Montfort in-
Saint-Girons; rectification d'une assertion fligg h), en 1216. pp. 498-499
de dom Vaissete relative à cette ville. ' , >, 1 . u • 1 \7t
gg^ — (Rentrée a) du comte Raimond VI, en
1217. p. 507
Saint-Marcel (siège de), en 1212; sa date. ^. , , , o
*' ' p. 378 — (Siège de), en 1217-1218; commence-
ment du siège; première tentative de
Saint-Pons (ville de); époque de sa sou- Montfort. pp. 5o8-5o9
mission à Louis VIII. p. 606 „ , , . 00
— Causes de sa résistance en 121 7 & 121b;
Saint-Salvi; date exacte de la réforme de ressources financières que les consuls
cette collégiale par l'évêque d'Albi, Guil- se procurent; renforts qu'ils reçoivent.
lem Pierre. p. 626 p. 5ii
Sarlat (abbé de); inféode à Raimond VII le -i- Seconde partie du siège; récit du poëme.
château de Beynac. p. 709 p. 5l5
Saverdun (hommage de); note sur les faus- — Nouvelle tentative des croisés, après^la
ses lettres attribuées à Raimond VII par mort de Simon de Montfort. p. 5i8
le comte de Foix. pp. 773-774 — Défenseurs de Toulouse en 1219. p. 532
Sénéchal de Simon de Montfort à Tou- — (Révolte des habitants de) contre l'iii-
louse; jugement rendu par lui en 1217. quisition en 1235. p. 691
p. joo — (Consuls & habitants de); leurs diffé-
Séiiéchaussées des domaines d'Alfonse dans rends avec Alfonse de Poitiers en i255.
le Midi. p. 823 pp. 845-846
TABLE ANALYTIQUE DES ADDITIONS ET CORRECTIONS. xxxiij,
Toulouse (Raimond VH reconnaît aux ha- Trencavel, dernier vicomte de Carcas-
bitants de) le droit d'éliie leurs consuls. sonne; valeur du revenu à lui accordé
p. 846 par le roi après sa soumission; remarque
— (Note sur le louage payé à Alfonse par ^ ^e sujet. p. yçjS
la ville de). p. i.'93 — Sou expédition de 1240. pp. 718-719
— (Les habitants de) obtiennent d'Alfonsc, — (Histoire des archives de), après 1247.
eu 1266, la confirmation de plusieurs de * p. 792
leurs privilèges. pp. 894-89J Turenne (vicomte de); rend hommage à
— (Confrérie du Carmel, à). p. 903 Raimoud VII, en 1286; remarque à ce
— (Habitants de); obtiennent d'Alfonse, ^"J"^'' P- %
en 1268, la confuiuatioii de certains
de leurs privilèges. pp. 908-909
— (Consuls de); leur règlement touchant U
le droit d'épaves (1192). p. 145
— (Règlement du vigiiier & des consuls Urbain IV; analyse d'une bulle de ce pape
de) sur les poids Si mesures publics. relative à l'inquisition. p. 876
P' '70 Usures (poursuites dirigées contre les juifs
— (Consuls de); leur règlement touchant pour la restitution des). p. 906
les dettes, en 1197. p. 181 _ (Ordonnance d'Alfou$e pour la restitu-
— (Règlement des consuls de), touchant tien des). pp. 919-920
les ennemis de la communauté, les prêts,
les courtisanes. p. 192
— P'ont une enquête sur les péages perçus V
aux environs de Toulouse. p. 209
— (Règlement fait, en I2c5, par les con- ,71 ^r- i- j s r- /
11, • 1 ! 1 1 ' •>/• Valence (Eglise de), en Espagne; son ré-
su s de), touchant les auberges, p. 2i6 . ,!• '^ » . n„ '1 r !• 1.
" *• ' tablissement en 12.39; '^^ Eglises du
— (Enquête sur les lieux de péage des en- Languedoc y contribuent pécuniaire-
viroiis de). P- ^37 ment. P'7i2
— (Acte relatif aux moulins du Bazacle à), Venaissin; prise de ]iossession de ce pays
p. ICI par les ofhciers d'Alfonse, en 1249. p. 8i3
— (Bouchers de); leurs statuts. p. iio Vigan (hôjntal du), près d'Albi; charte de
— (Boucheries & moulins de). p. 139 l'évèque de cette ville en sa faveur, p. 140
_ (Comtes de) ; noms de leurs alliés & de Villemur; note sur sa coutume, rédigée en
leurs ennemis en Provence. p. 486 1175. p. 80
_ (Prise de possession du comté de), au Villeneuve-le-Roi (Assemblée de); note à
nom d'Alfonse, par les commissaires ^°" 5U)et, p. 273
envoyés par la reine Blanche. Vivnrais; si ce pays faisait partie de l'Ein-
•rp. 3i2-8i3 pire, pp. 74-75
SOMMAIRES DES CHAPITRES
CONTENUS DANS CE VOLUME
LIVRE DIX-NEUVIEME
I. Origine & progrès de l'iiérésie dans la Province.
II. Concile de Lombers.
III. Concile de Cnpesiang.
IV. Ces hérciiqiies nommés albigeois. — Origine
de ce nom. — Leurs nouveaux progrès.
V. Raimond, comte de Toulouse, se sépare de
Constance, sa femme.
VI. Expédition du roi Louis le Jeune en Auvergne
contre les comtes d'Auvergne & du Puy, & le
vicomte de Polignac.
VII. Union du comté de Vêlai au domaine des
évètjues du Puy.
VIII. Origine de l'abbaye de Douhc, en Velai, Si
& de celle de la Capelle, au diocèse de Tou-
louse.
IX. Confirmation des privilèges de l'église de Nar-
bonne.
X. Constance, comtesse de Toulouse, se retire à \i\
cour du roi Louis le Jeune, son frère.
XI. Retour du pape Alexandre 111 à Montpellier.
— Son départ pour l'Italie. — Comtes de Rous-
tillon.
XII. Bataille entre les Pisans & les Génois à Sain t-
Cilles. — Le comte de Toulouse & le vicou.ic
Trencavel favorisent les premiers.
XIII. Alliance enrce les villes de Cènes 8c de Nar-
bonne. — La première fait la guerre à celle de
Montpellier.
XIV. Traité & alliance entre les comtes de Tou-
louse & de Provence.
XV. Le comte de Toulouse se déclare pour l'anii-
pape, à la sollicitation de l'empereur.
XVI. Le pape Alexandre III jette l'interdit sur le
comté de Toulouse, & le lève dans la suite.
XVII. Mort de Raimond-Bérengcr, comte de Pro-
vence, vicomte de Gévaudan, Sec.
XVIII. Le comte de Toulouse se saisit de la Pro-
vence, répudie Constance, sa femme, 8c épouse
Richilde, veuve du comte de Provence.
XIX. Alfonse, roi d'Atagon, dispute la succssMcn
de Provence à Raimond C^ hii dklare la g;. erre.
XX. Entrevue entre le roi d'Angleterre &, le comte
de Toulouse.
XXI. Suite de la guerre entre le roi d'Aragon 8c
le comte de Toulouse. — Le comte de Rodez
embrasse le parti du premier.
XXII. Fondation des abbayes de Bonnecombe, de
Feuillans & d'Eaunes. — Seigneurs d'Uzès.
XXin. Guerre & paix entre les comtes de Tou-
louse- Se de Savoie.
XXIV. Mort tragique de Raimond-Trencavel, vi-
comte de Béziers, Carcassonne, 8cc.
XXV. Enf.ins de Trencavel. — I^oger, son fils
aîné, lui succède & se ligue avec le roi d'Aragcn
contre le comte de Toulouse.
XXVI. Union du comte de Toulouse avec celui
de Forcalquier.
XX\ II. Siège de Béziers par le roi d'.\ragon.
XXVIII. Le roi d'Aragon cède la Provence à
Pierre, son frère, qui prend le nom de Rai-
iiiond-Eérenger & qui lui cède à son tour le
comté de Carcassonne, &c.
XXIX. Le vicomte Roger, paisible possesseur de
ses domaines sous l'autorité du roi d'Aragon.
XXX. Négociations avec le roi d'Angleterre tou-
chant le cgmté de Toulouse.
XXXI. Nouvelle expédition du roi Louis le Jeune
contre le vicomte de Polignac.
XXXII. Ce vicomte termine ses différends avec
l'évèque du Puy.
XXXIII. Nouvelle conférence du comte de Tou-
louse avec le roi d'Angleterre.
XXXIV. Surprise de Béziers par les troupes du
roi d'Aragon. — Massacre des habitans de cette
ville.
XXXV. Kvêques de Béziers. — Templiers 8i hos-
pitaliers de cette ville.
XXXVI. Voyage du roi d'Angleterre en Qucrci.
— Evêques de Viviers.
î;xx\T
SOMMAIRFS DES CHAPITRES.
XXXVII. Légation du cardin.il Hyacliulie dans In
Province. — Démêlés du vicomte Roger avec
l'abbaye de Saint-Pons.
XXXVIII. Raimond, comte de Toulouse, confirme
les privilèges des églises de CavaUlon & d'Albi.
— Sceau de ce prince.
VXXIX. Paix entre le comte de Toulouse & le vi-
comte Roger, à qui il donne sa fille en mariage.
XL. Paix entre le vicomte Roger &. la vicomtesse
de Narbonne.
XLI. Mort de Bernard Pelet , seigneur d'Alais,
mari de Béatrix, comtesse de Melgueil, — Ber-
trand, leur fils, prétend à ce cornié.
XLII. Béatrix dispose du comté de Melgueil en
faveur du comte de Toulouse.
XLIII. Testament & mort de Guillaume VII, sei-
gneur de Montpellier. — Guillaume VIII, son
fils, lui succède.
XLIV. Mariage de Raimond, fils du comte de
Toulouse, avec Erraessinde de Pelet, comtesse de
Melgueil.
XLV. Bertrand Pelet se met sous la protection du
roi d'Ar.»gon.
XLVI. Union du Roussillon au domaine des
comtes de Barcelone 8c rois d'Aragon.
XLVII. La guerre se renouvelle entre le roi d'An-
pleterre & le comte de Toulouse.
XLVIII. Entrevue 8t paix entre ces deux princes.
— Raimond se rend vassal de Henri pour le
comté de Toulouse.
XLIX. Le comte de Toulouse se ligue avec le roi
d'Angleterre contre les fils rebelles de ce prince.
L. Le roi prend l'église d'Agde sous sa protection.
LI. Vicomtes de Fenouillèdes, de Minerve, &c.
LU. Traité entre les villes de Narbonne Se de Pise,
LUI. Suite du divorce entre le comte de Toulouse
£•, Constance, sa femme.
LIV. Cour plénière tenue à Beaucaire par le comte
de ToLiloLise.
LV. Entrevue entre le roi d'Aragon & le comte de
Toulouse à Meuillon.
LVI. Mariage de Guillaume VIII, seigneur de
Montpellier, avec Eudoxe Comnène.
LVII. Seigneurs d'Anduze, d'Uzès, de Lunel, Gcc.
LVIII. Bernard-Aton , vicomte de Nimes, prend
l'administration de ses domaines. — Roger II,
vicomte de Carcassonne, s'occupe du gouverne-
ment des siens.
LIX. Assemblée de divers seigneurs de la Province.
LX. Différends entre le comte de Rodez, comme
vicomte de Lodève, & l'évéque do cette dernière
ville.
LXÎ. Le vicomte de Carcassonne acquiert la vi-
comte de Sault Se reçoit divers hommages.
LXII. Le comte de Toulouse confisque la vicomte
de Montclar.
LXIII. Paix entre le roi d'Aragon & le comte de
Toulouse.
LXIV. Mort d'Ermessinde de Pelet, comtesse de
Melgueil. — Raimond, fils du comte de Tou-
louse, son mari, hérite de ce comté.
LXV. Les vicomtes de Nitnes & de Carcassonne,
la vicomtesse de Narbonne & les seigneurs de
Montpellier se liguent avec le roi d'Aiagon
contre le comte de Touloiise.
LXVI. Mort de Guy Guerrejat de Montpellier.
LXVII. Fondation de l'hôpital & de l'ordre dci
hospitaliers du Saini-Esprit de Montpellier.
LX^TII. Le comte de Toulouse accorde divers pri-
vilèges aux hospitaliers de Saint-Gilles.
LXIX. L'empereur Frédéric accorde divers privi-
lèges aux évéques & aux habltans de Viviers.
LXX. Princes d'Orange. — Accord du comte de
Toulouse avec l'archevêque d'Arles. — Comtes
de Valentinois, &c.
LXXI. Saint Bénézet bâtit le pont d'Avignon.
LXXII. Progrès des hérétiques dans la Province.
LXXIII. Le cardinal de Salnt-Chrysogcnie est en-
voyé légat à Toulouse, avec plusieurs évéques,
pour y combattre les hérétiques. — Succès de sa
mission.
LXXIV. Le légat envoie l'évéque de Bath & l'abbé
de Clairvaux en Albigeois. — Le vicomte Roger
est excommunié.
LXXV. Fin de la mission du cardinal de Saint-
Chrysogone & de ses collègues.
LXXVI. Évéques de Toulouse. — Condamnation
des hérétiques au concile de Latran. — L'arche-
vêque de Narbonne les excommunie.
liXXVII. Le comte de Toulouse se ligue avec di-
vers seigneurs. — Evéques de Nimes & d'L'zès.
—.Maison d'Uzès.
LXXVIII. Le roi d'Aragon vient dans la Province.
— Le vicomte de Nimes se soumet à sa suzerai-
neté.
LXXIX. Tour Magne de Nimes.
LXXX. Suite du voyage du roi d'Aragon & du
comte de Provence, son frère, dans la Province.
— Le vicomte Roger reconiîoît leur suzeraineté
8c leur fait hommage.
LXXXI. Couronnement de Philippe-Auguste qui
succède au roi Louis le Jeune, son père.— Juifs
de Toulouse.
LXXXII. Suite de la guerre entre le roi d'.Aragon
& le comte de Toulouse. — Mort de Raimond-
Bérenger, comte de Provence, vicomte de Gévau-
dan, &c. — Sanche, son frère, lui succède.
LXXXIII. Le roi d'Aragon ravage le Toulousain.
LXXXIV. Expédition du cardinal-légat Henri,
évêque d'Albano, dans la Province, contre les
hérétiques du haut Languedoc. — Siège Se piii;
de Lavaur.
LXXXV. Déposition de Pons d'Arsac, archevèqua
de Narbonne. — Bernard-Gaucelin lui succède.
LXXXVI. Concile du Puy. — Vicomtes de Poli-
gnac.
LXXXVII. Les vicomtes de Carcassonne & ce
Nimes continuent la guerre contre le comte de
Toulouse, qui fait des règlemens de police pour
cette ville.
LXXXVIII. Mort de Guy Burgundion de Mont-
pellier.
LXXXIX. Le bienheureux Eeiaard.
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
XXXV ij
XC. Le roi d'Aragon & l;i viconitesse de Narbonne
se lignent nvec Henri II, roi d'Angleterre, contre
le jeune roi, son fils, qui appelle le comte de
Toulouse à son secours.
XCI. Mort d'Albéric, fils puîné de Raimond V,
comte de Toulouse. — Béatrix, héritière du
Daupliiné, sa veuve, épouse le duc de Bour-
gogne.
XCII. Association faite au Puy pour le rétablisse-
ment de la paix.
XCIII. Le comte de Toulouse continue la guerre
& fait sa paix avec le seigneur de Montpellier.
XCIV. Le comte de Toulouse convient d'un traité
avec le roi d'Aragon.
XCV. Le comte iv Toulouse accorde divers privi-
lèges aux habitons de Nimes.
XC\ I. Roger, vicomte de Carcassonne, reçoit quel-
ques hommages. — Pont de cette ville sur r.\ude.
LIVRE VINGTIEME
I. Le roi d'Aragon échange le comté de Provence
& les vicomtes de Millau 8c de Gévaudan avec
Sanche, son frère, pour le comté de RoussiUon.
— Il rompt la paix avec le comte de Toulouse.
II. Le vicomte Roger adopte Alfonse, infant d'A-
rag'on. — Droits de l'évéque & du vicomte sur
la ville de Béziers.
III. Le roi d'Aragon & le duc d'Aquitaine font la
guerre au comte de Toulouse, qui lève le siège
de Carcassonne.
IV. Le seigneur de Montpellier répudie Eudoxc
Comnène & épouse Agnès.
V. Evéques de Lodèvc & de Maguelcnnc.
VI. Berna rd-Aton , vicomte de Nimes & d'Agde,
dispose de cette dernière vicomte en faveur de
l'église d'Agde.
VII. Raimond de Montpellier, évêque d'Agde.
VIII. Sœurs de Raimond V, comte de Toulouse.
— Comtes de Comminges.
IX. Mort de Roger-Bernard I, comte de Foix. —
Son fils Raimond-Rogsr lui succède.
X. Richard, duc d'Aquitaine, porte la guerre dans
les États du comte de Toulouse & s'empare de
diverses places.
XI. Le roi Philippe-Auguste fait diversion en fa-
veur du comte de Toulouse.
XII. Voyage de Philippe-Auguste au Puy. — Le
Vivarais est soumis à sa domination.
XIII. Le duc d'Aquitaine se réconcilie avec le roi
& demeure en possession des places qu'il avoit
enlevées au comte de Toulouse.
XIV. Révolte d'une partie des Toulousains contre
leur comte.
XV. Richard succède à Henri II, roi d'.Angleterre,
son père, & conserve les places qu'il avoit con-
quises sur le comte de Toulouse.
XVI. Voyage du comte de Toulouse vers le Rhône.
— Il donne en fief le comté de Diois à Aymar
de Poitiers, comte de V'alentinois.
XVII. Dép.irt du roi Philippe-Auguste pour la
Terre-Sainte. — Le comte de Foix prend part
i cette expédition.
XVIII. Le vicomte Roger engage une partie de ses
domaines.
XIX. Hommage du seigneur de Montpellier à
Raimond, comte de Melgueil, fils du comte de
Toulouse.
XX. Réunion de la baronnie d'Omelas au do-
maine des seigneurs de Montpellier.
XXI. Liaison du seigneur de Montpellier avec le
pape Célestin III.
XXII. Archevêques de Narbonne.
XXIII. Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, se
démet de cette vicomte en faveur du comte de
Pierre de Lara, son neveu.
XXIV. Le vicomte Roger fait sa paix avec le comte
de Toulouse. — Ils établissent la paix en .albi-
geois de concert avec l'évéque d'Albi.
XXV. Privilèges de l'abbaye de Candeil. — Vi-
comtes de Saint-Anionin.
XXVI. Précautions du vicomte Roger pour assurer
sa succession à son fils.
XXVII. Ce vicomte tient un plaid à Carcassonne.
XXV'III. Différend entre le comte de Comminges
& le seigneur de l'Isle-Jourdain. — Vicomtes de
Gimoez. *
XXIX. Régale du Puy.
XXX.' Renouvellement de la guerre entre Richird,
roi d'.'Vnglcierre, & le comte de Toulouse.
XXXI. Le jeune Raimond de Toulouse répudie
Bé.itrix de Béziers pour épouser Boiirguigne de
Chypre.
XXXII. Le comte de Toulouse termine ses diffé-
rends avec les évéqucs de Viviers.
XXXIII. Différends entre les comtes de Toulouse
& les évéqucs de Vaison.
XXXIV. Richard, roi d'Angleterre, sort de pri-
son. — L'empereur lui donne le royaume de
Provence.
XXXV. La guerre se renouvelle entre le roi d'Ara-
gon & le comte de Toulouse. — Le premier dis-
pose du comté de Fenouillèdes, &c., en faveur
du comte de Foix.
XXXVI. Le comte Pierre de Lara se démet de la
vicomte de Narbonne en faveur d'Aymeri III,
son fils. — Mort d'Krmengarde, vicomtesse de
cette ville.
XXX\'II. Dernières dispositions de Roger II, vi-
comte de Béziers, Carcassonne, &c. — Sa mort.
XXXVIII. Raimond-Roger succède à Roger II,
son père. — Mort d'Adélaïde de Toulouse,
femme de ce dernier,
XXXIX. Hérétiques chassés de Béziers. — Troubit»
dans l'abbaye d'Alet.
XL. Accord entre le comte de Toulouse & le sei-
gneur de Montpeillier. — Murailles de Nimts.
XLI. Mort de Raimond V, comte de Toulouse. —
Son éloge.
XLII. Poètes provençaux célèbres.
XLIII. Enfans de Raimond V, comte de Tou-
louse.
XLIV. Raimond VI, son fils aîné, lui succède it
prend possession du comté de Toulouse.
XLV. Le roi Philippe- Auguste do me à P..:i-
VI
xxxvnj
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
XLVI. Traité entre les comies de Toulouse 8<. de
Forcalquier.
XLVII. Ruiinoiid VI est excommunié pour c|ucl-
<]ues entreprises sur l'abbaye de Saint-Gilics.
XLVIII. Troisième concile de Montpellier. —
Evêques de Lodève.
XLIX. Paix entre Richard, roi d'Angleterre, &
RaimondVT, qui épouse Jeanne, sœur de ce
prince, après avoir répudié Bourguigne de
Chypre.
L. Mort d'Alfonse II, roi d'Aragon. — Partage
de ses domaines entre ses fils.
LI. Comtes de Rodez.
LU. RaimondVI rentre en possession du Querci.
— Coutumes de Moissac.
LUI. Raimond confirme les privilèges de l'église
de Nimes. — Naissance de Raimond Vil, son
fils.
LIV. Mariage de Marie de Montpellier, veuve de
Barrai, vicomte de Marseille, avec Bernard V,
comte de Comminges.
LV. Guerre entre les comtes de Comminges & de
Foix, & entre ce dernier &. le comte d'Crgel. —
Union de l'abbaye de Vajal à celle de Eoul-
bonne. — Fondation de celle de Valnègre.
LVI. Le comte de Toulouse se ligue avec le roi
d'Angleterre contre le roi de France.
LVII. Accord entre le comte de Toulouse & l'évê-
que de Viviers. — Maison d'Anduze.
LVIII. Le comte de Toulouse est relevé de son^
excommunication. — Le pape Innocent III le
presse d'aller au secours de la Terre-Sainte.
LIX. Nouvelles plaintes de l'abbé de Saint-Gillcs
contre le comte.
LX. Consuls de Nimes. — Jeanne, comtesse de
Toulouse, fait le siège du château de Caser.
LXI. Mort de Jeanne, comtesse de Toulouse.
LXII. Le comte de Toulouse épouse Eléonore d'A-
ragon. — Il fait hommage pour l'Agenois & le
Querci K Jean, roi d'Angleterre.
LXIII. Seigneurs de l'Isle-Jourdain, vicomtes de
Gimoez.
LXIV. Connétables du comte de Toulouse. — Le
vicomte de Béziers appelle le comte de Foix à
sa succession & se ligue avec lui contre ce
prince.. — Kvéques de Ëéziers.
LXV. Différend des comtes de Toulouse & de Foix
au sujet du château de Saverdun.
LXVl. Le vicomte de Béziers engage une partie
de ses domaines.
LXVII. Accord entre le comte de Toulouse &
l'abbé de Cluny, touchant le lieu de Saint-
Saturnin du Port.
LXVIII. Guerre entre les habitans de Toulouse Si.
ceux de Rabastens, en Albigeois, &l entre les
premiers & le vicomte de Lomagne.
LXIX. Le comte de Foix marie son fils avec l'hé-
ritière de Casielbon. — Le comte d'Urgel le fait
prisonnier.
LXX. Paix entre les comtes de Provence & de For-
calquier.
LXXI. Accord entre le comte de Toulouse & l'évê-
que d; Saint-Paul-Trois-Chiteaux.
LXXII. Vains efforts de Guillaume VIII, seigneur
de Montpellier, pour faire légitimer ses enfans
du second lit.
LXXIII. Testament de Guillaume VIII, seigneur
de Montpellier.
LXXIV. Mort de Guillaume VIII, seigneur de
Montpellier. — Son éloge.
LXXV. Fondation des chartreuses de Bonnefoy 8c
de Valbonne. — Seigneurs &i évéques d't'ïès. —
Maison de Sabran.
LXXVI. Le vicomte Raimond-Roger épouse Agnès
de Montpellier; il engage une partie de son
domaine à l'évéque de Béziers.
LXXVII. Consuls de Toulouse. — Chartes de Rai-
mond ^'I, comte de cette ville,
LXXVIII. Indie, sœur naturelle de Raimond VI,
comte de Toulouse, épouse GuiUabert de Lau-
trec.
LXXIX. Mort du comte Pierre de Lara, vicomte
de Narbonne. — Aymeri III, son fils aîné 8c
son successeur, fait hommage de sa vicomte au
comte de Toulouse.
LXXX. Le roi d'Aragon engage les vicomtes de
Millau & de Gévaudan au comte de Toulouse.
— Troubles dans ce dernier pays. — Evéques
de Mende.
LXXXI. Le comte de Comminges répudie Marie
de Montpellier.
LXXXII. Pierre, roi d'Aragon, c'pouse Marie, 8c
unit par là la seigneurie de Montpellier à son
domaine.
LXXXIII. Pierre Si. Marie font rédiger les cou-
tumes de Montpellier & les confirment.
LXXXIV. Voyage du roi d'Aragon à Rome où il
est couronné par le pape.
LIVRE VINGT ET UNIÈME
î. Progrès de l'hérésie dans la Province.
II. Erreurs des vaudois & des autres hérétiques.
— Assemblée ou concile de Narbonne. — Ori-
gine de l'abbaye de Fontcaude.
in. Le pape Innocent III nomme des commis-
saires contre les sectaires.
IV. Origine de l'inquisition.
V. Légation de frère Raynier & de frère Gui. —
Evcques de Carcassonnè.
VI. Légation du cardinal de Sainte-Prisqut.
Vil. Troubles de l'église de Toulouse. — Evcques
de cette ville.
VIII. Diverses sectes d'hérétiques dans la Pro-
vince. — Leurs mœurs, leur croyance, leurs rits.
IX. Frère Pierre de Castelnau Se frère Raoul, reli-
gieux de Fontfroide, légats dans la Province,
font abjurer l'erreur aux Toulousains.
X. Saint Dominique passe à Toulouse.
XI. Le roi d'Aragon condamne les héréiiques dans
une conférence tenue à Carcassonnè en présence
des légats.
XII. Le pape dépouille les évéques de leur juri-
diction ordinaire pour la donner à ses légats.
— Brouilleries entre l'archevêque de Narbonne
& ces derniers à cette occasion.
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
XXXli
XIII. Aninud, abbé de Cîteaux, associé aux deux
autres légats.
XIV, L'archevêque de Narbonnc appelle au pape
des procédures des légats.
XV'. Suite de l'afTiire de l'archevêque de Nar-
bonne. — Les légats suspendent l'évèque de Bc-
ziers.
XV'I. Le comte de Toulouse promet aux légats de
chasser les hérétiques. — Déposition de Rai-
mond de Rabastens, évcque de celte ville.
XVII. Monnoie de Toulouse.
XVIII. Li; pape fait grâce à l'archevêque de Nar-
bonne.
XIX. Voyage du roi d'Aragon à Montpellier; ii
prend le château -de l'Escure sur les hérétiques,
& promet Sancie, sa fille, en mariage à Rai-
mond, fils du comte de Toulouse.
XX. Les légats déposent l'évcquc de Viviers.
XXI. Élection de Foulques de Marseille, poète
provençal, à l'évéché de Toulouse.
XXII. L'évèque d'Osma & saint Dominique se
joignent aux légats pour faire la mission coniic
les liéréiiqucs.
XXIII. Guerre entre le roi d'Aragon & les habi-
tans de Montpellier.
XXIV. La paix est faite entre le roi d'Aragon îk
les habitans de Montpellier.
XXV. Le roi d'.Arag&n cherche à répudier la reine
Marie de Montpellier, sa femme.
XXVI. Paix entre les comtes de Foix & d'Urgel.
XXVII. Le légat Pierre de Castelnau excommunie
le comte de Toulouse.
XXVIII. Conférence de Montréal.
XXIX. Douze abbés de Cîteaux se joignent aux
missionnaires. — Conférence de Pamiers.
XXX. L'institut de la Soclclc Acs pauvres cjlholi-
tjuei s'établit dans la Province.
XXXI. Mort de l'évèque d'Osma & de frère Raoul.
— Saint Dominique fonde le monastère de
Prouille.
XXXII. L'archevêque de Karbonne se réconcilie
avec le pape.
XXXIII. Le pape écrit au comte de Toulouse.
XXXIV. Indie, sœur naturelle du comte de Tou-
louse, épouse en secondes noces le seigneur de
risle-Jourdain.
XXXV. Le comte de Toulouse se rend aux volon-
tés du légat.
XXXVI. Marie, reine d'Aragon, accouche à Mont-
pellier de Jacques, son fils.
XXXVII. Évêques du Puy.
XXXVIII. Le pape exhorte le roi de France & les
principaux vassaux du royaume K prendre les
armes pour exterminer les hérétiques de la Pro-
vince.
XXXIX. Meurtre du légat Pierre de Castelnau.
XL. Le pape exhorte le roi, les évêques & les ba-
rons de France à tirer vengeance du meurtre de
Pierre de Castelnau & i envahir les domaines
du comte de Toulouse.
XLI. Publication de la eroisade contre les albi-
geois.
XLII. Les évêques de la Province députent au
pape d'un côté, 8c le comte de Toulouse de
l'a utre.
XLIII. Comtes de Rodez. — Projet de ma riage d ti
fils du comte de Toulouse avec la fille du comte
d'Auvergne.
XLIV. Le comte de Toulouse indispose contre lui
le roi Philippe-Auguste.
XLV. Le pape permet à ce comte de se justifier
& sollicite de nouveau la croisade contre les
albigeois.
XLVI, Innocent III donne ses instructions à ses
légats touchant le comte de Toulouse & envoie
Milon, son notaire, avec l'autorité de légat a
latcre .
XLVII. Le comte de Toulouse rend ses bonnes
grâces aux habitans de Nimes qui s'étoient ré-
voltés.
XLVIII. Arrivée de Milon en France. — Il as-
semble un concile à Montélimar Se cite à ^'a-
lence le comte de Toulouse qui se soumet à ses
ordres St lui remet sept de ses places fortes.
XLIX. Concile de Saint-Gilles. — Le comte de
Toulouse y reçoit l'absolution après avoir fait
serment, avec ses barons, d'observer tout ce que
le légat leur prcscriroit.
L. Le légat impose de nouvelles lois au comte de
Toulouse. — Il reçoit le serment des villes
d'Avignon, de Nimes & de Saint-Gilles & divers
châteaux en gage de la part des barons.
LI. Raimond, comte de Toulouse, prend la croix
contre les albigeois.
LU. Statuts du concile de Saint-Gilles, — Le pape
écrit au comte de Toulouse sur son absohiiiou
& impose le dixième en France pour les frais
de la croisade.
LUI. Milon va au devant de l'armée des croisés
assemblée à Lyon.
LIV, Le comte de Toulouse va à la rencontre des
croisés & s'accorde avec l'évèque d'Uzès.
LV. Milon Se l'abbé de Cîteaux font passer le
Rhône à l'armée & arrivent à Montpellier. —
Le vicomte de Béziers tente ini.iilcment de faire
sa paix avec eux.
LVI, Les croisés se joignent devant Béziers.
LVII. Siégt, prise & sac de Béziers,
LVIII, Accord entre l'archevêque, le vicomte 8t
les habitans de Narbonne, & les croisés,
LIX. Siège de Carcassonne.
LX. Le roi d'Aragon vient au camp des croisés &
tente inutilement de moyenner la paix entre
eux 8c le vicomte.
LXl, Prise de Carcassonne, — Le vicomte Rai-
mond-Rogerest enfermé dans une étroite prison.
LXII. Simon de Monifort est élu pour seigneur
de tous les domaines du vicomte Raimond-
Roger.
LXIII. Simon témoigne sa reconnoissancc envers
l'abbé de Cîteaux, & établit un cens annuel en
faveur de l'Eglise romaine dans tous les pays.
LXIV, Départ d'une partie des croisés,
LXV. Le comte Raimond se brouille avec le légat
& Simon de Montfort. — Le premier excom-
iiuiiiio les Toulousains,
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
LXVI. Divers cliàicniix des eiivirons de Carcas-
sonnc & une partie de l'Albigeois se soumettent
à Simon.
LXV'II. Le duc de Bourgogne & la plupart des
croisés se retirent. — Concile d'Avigncn.
LXVIII. Les légats écrivent au pape contre le
comte de Toulouse.
LXIX. Mort dWlfonse II, comte de Provence.
LXX. K.Timond, comte de Toulouse, fait son tes-
tament, va à la cour de France & part ensuite
pour Rome.
LXXI. L'abbé de Pamiers livre cette ville à Simon
de Montfort. — Ses griefs contre le comte de
Foix.
LXXII. Simon de Montfort soumet le château de
Mirepoix & prend possession de Pamiers.
LXXIII. Les châteaux de Saverdun & de Lombers,
la ville d'Albi &. une grande partie de l'Albi-
geois se soumettent à Simon.
LXXIV. Les légats & Simon rendent compte de
leurs conquêtes au pape & lui demandent de
confirmer le dernier dans la possession du pays.
LXXV, Mort de Raimond-Roger, vicomte de Eé-
ziers. — Ses enfans.
LXXVI. Le comte de Foix donne son fils en otage
à Simon de Montfort. — Le roi d'Aragon refuse
de recevoir son hommage pour Carcassonne.
LXXVII. Simon s'accorde avec Agnès de Mont-
pellier, veuve du vicomte Raimond-Roger.
LXXVIII. Simon perd une partie de ses conquéies.
LXXIX. Le pape confirme Simon dans la posses-
sion de ses conquêtes & tâche de lui procurer
de nouveaux secours.
LXXX. Simon fait de nouvelles pertes. — Le comte
de Foix l'abandonne.
LXXXI. Succès du voyage de Raimond, comte de
Toulouse, à Rome.
LXXXII. Les Toulousains sont absous de l'excom-
munication.
LXXXIII. Le comte de Toulouse va à la cour de
l'empereur & à celle du roi de France.
LXXXIV. Assemblée de Saint-Thibéry. — Abju-
ration d'Ktienne de Servian.
LXXXV. Suite des expéditions de Simon. — Con-
férence de Pamiers.
LXXXV'I. Démarches inutiles du comte de Tou-
louse auprès du légat pour parvenir à sa justi-
fication.
LXXXVII. Siège & prise de Minerve.
LXXXVIII. Le pape confirme Simon dans la pos-
session de la ville d'Albi, & fait lever de nou-
veaux subsides pour la croisade.
LXXXIX. Suite des expéditions de Simon, — Ar-
rivée de nouveaux croisés.
XC. Accord entre le comte de Toulouse & Bertrar.d
de Baux, pilnce d'Orange. — Raimond Pelet,
seigneur d'Alais, rend hommage au premier.
XCI. Accord entre Raimond, comte de Toulouse,
& l'évêque de Viviers.
XCII. Concile de Saint-Gilles; on y refuse au
comte de Toulouse de se purger du crime d'hé-
résie Se de la mort du légat Pierre de Castelnai!.
XCIII. Siège & prise du château de Termes par
Simon de Montfort. — Maison de Termes.
XCIV. — Simon soumet plusieurs places & va en
Albigeois, où il a une entrevue avec le comie
de To»Jou»e.
XC\'. Conférence de Narbonne. — Le roi d'Ara-
gon reçoit l'hommage de Simon de Montfoit
pour Carcassonne.
XCVI. Conférence ou concile de Montpellier. —
Le roi d'Aragon donne son fils a Simon de
Montfort. — Mariage du fils du comte de Tou-
louse avec la sœur de ce roi.
XCVn. Seigneurs de Rabastens.
XCV'IIl. Concile d'Arles. — Le cointe de Toulouse
y est excommunié.
XCIX. Le pape fait saisir le comté de Melgueil
sur le comte de Toulouse & déposer divers
évêques.
C. Le comte de Toulouse se met en état de dé-
fense.
CI. Un nouveau corps de croisés va joindre Simon
qui reçoit la soumission du château de Cabaret.
CXI. Siège de Lavaur.
cm. Cinq mille Toulousains se croisent & vont
au secours de Simon au siège de Lavaur.
CIV. Roger de Comminges, seigneur de Savez, fait
sa paix avec Simon de Montfort.
CV. Le comte de Toulouse se rend au siège de
Lavaur & se brouille entièrement avec Simon.
CVI. Défaite de six mille croisés allemands par
le comte de Foix.
CVII. Le comte de Toulouse chasse l'èvèque de
cette ville.
CVIII. Prise de Lavaur.
CIX. Prise de Puylaurens.
LIVRE VINGT-DEUXIEME
I. Simon de Montfort déclare la guerre nu comte
de Toulouse Se. prend sur lui diverses places.
II. Siège & prise de Montferrand par Simon. —
Baudouin, frère du comte de Toulouse, se tourne
contre lui.
III. Suite des expéditions de Montfort contie le
comte de Toulouse. — Il entreprend le siège de
cette ville.
IV. L'évêque de Cahors fait hommage du comté
de cette ville à Simon de Montfoit.
V. Simon lève le siège de Toulouse. — Il fait des
courses dans le pays de Foix.
VI. Simon s'empare de Cahors & continue la
guerre.
VII. Le comte de Toulouse recouvre diverses pla^
ces & assiège Simon dans Castelnaudai v .
VIII. Divers corps de croisés marchent au secours
de Simon. — IJataille de Castelnaudaiy.
IX. Le comte de Toulouse lève le siège de Cas-
telnau.
X. Rannond VI remet diverses pinces sous son
obéissance.
XI. Le comte de Foix défie Montfcrt.
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
xlj
Xn. Le roi se plaint des conquêtes de Simon au
pape, qui se saisit du comté de Melgueil.
XIII. Simon reçoit un nouveati renfort de croisés
& continue ses expéditions.
XIV. Gui de Moiufort vient au secours de Simon,
son frère.
XV. Simon est obligé de lever le siège de Saint-
M.Trcel en Albigeois.
XVI. Kvèques de Carcassonne. — Arnaud, abbé
de Citeaux, est élu archevêque de Narbonne; il
s'értge en duc de cette ville.
XVII. livéques de Nimes, Béziers, Lodève, &c.
XVIII. Le pape ordonne de nouveau à ses légats
de recevoir la justification du comte de Tou-
louse, & refuse d'accorder ses domaines à d'. lu-
ttes.
XIX. Guillaume dispute la seigneurie de Mont-
pellier à la reine d'Aragon, sa sœur.
XX. Le roi d'Aragon fait un voyage à Toulouse.
— Arnaud, archevêque de Nnrbonne, va servir
en Fspagne contre les Sarrasiiis.
XXI. Simon assiège & prend le château d'Haut-
poul.
\XII. Kmeute de Narbonne contre Gui & Amauri
de Montfort.
XXIII. Simon reçoit un nouveau secours de croisés
Si reprend diverses places sur le comte de Tou-
louse.
XXIV. Simon de Montfort assiège & prend Saint-
An ton in.
XXV. Simon de Mo.itfort soumet l'Agenois, où il
assiège & prend 1; château de Penne.
XXVI. Montfort prend Marmande Si Biron, pu-
nit la défection d; M^irtin d'Algais, & traite
avec le vicomte de Bcarn.
XXVII. Montfort assiège Moissac, le prend, &
soumet diverses places des environs.
XX^'III. Simon fait présent au pape de mille
r-.ircs d'argent.
XXIX. Simon porte la guerre dans le pays de
Foix. — Il soumet Muret & une partie du comté
de Comminges.
XXX. Le comte de Toulouse implore la protection
du roi d'Aragon, qui envoie des ambassadeurs
i: Rome pour se plaindre de la conduite de
S:mon. ••
XXXI. Prétentions de Pierre-BermonJ de Sauve
sur la succession du comte de Toulouse, scn
beau-pére.
XXXII. Seigneurs de Sauve & d'Anduze.
XXXIÎI. Le comte de Foix continue la gue.re
contre les croisés.
XXXIV. Simon convoque une assemblée générale
à Pamicrs 8t y établit des coutumes pour le gou-
vernement du pays conquis.
XXXV. Terres inféodées à divers chevaliers fran-
çois. — Evêques de Béziers.
XXXVI. Le pape écoute les pliintes du roi d'Ara-
gon en faveur des comtes de Toulouse, de Foix
£c de Comminges, & du vicomte de Béarn.
XXXVII. Le pape suspend la croisade contre les
hérétiques de la Province.
XXX^'III. Pie re, roi d'Aragon, se rend à Tou-
louse & négocie avec les évêques assemblés au
concile de Lavaur en faveur des comtes, ses al-
li.-s.
XXXIX. Le concile de Lavaur rejette les proposi-
tions du roi d'Aragon 8c refuse de recevoir le
comte de Toulouse à se justifier.
XL. Le roi d'Aragon appelle au pape du refus du
concile de Lavaur, °< se déclare ouvertement
pour le comte de Toulouse.
XLI. Le concile de Lavaur députe au pape pour
faire l'apologie de sa conduite à l'cga rd du
comte de Toulouse 5.' ses alliés.
XLII. Le comte de Toulouse fait de nouveaux
efforts, mais en vain, pour être reçu à se justi-
fier.
XLIII. Plusieurs évêques écrivent au pape contre
le comte & les kabitans de Toulouse.
XLIV. Le roi d',\ragon tâche de gagner le pape 8c
le roi Philippe-.Auguste en faveur du comte de
Toulouse.
XLV. Le roi d'Aragon donne la ville de Mont-
pellier à Guillaume, son beau-frèie. — Le pape
confirme le mariage de ce prince avec Marie.
— Sort des frères de cette princesse du second lit.
XL\'I. Marie porte ses plaintes au pape contre
les li.ibitans de Montpellier.
XL^ II. Marie meurt à Rome en odeur de sainteté.
XLVIII. Louis, fils du roi Philippe-Auguste, se
croise contre les albigeois, 8v puis abandonne
son dessein.
XLIX. Simon de Montfort Se Pierre, roi d'Ara-
goii , :e défient.
L. Pierre termine les différends qui s'étciciit èlî-
vés entre l'évêque de Viviers 8c le comte de Va-
leitinois.
l.I. Les déput.'s du concile de Lavaur prévien-
nent le pap? contre le comte £c les habitans de
Toulouse 8t leurs alliés.
LI'. Simon de Montfort reçoit un nouveau ren-
fort rie croisés, £c continue ses expéditions.
LUI. Amauri, fils de Simon, reçoit la ceinture
militaire. — La noblesse de Gascogne le rcccn-
noif pour son seigneur.
LIV. Le comte de Toulouse pren:! le château de
Pujol.
L^'. L: roi d'Aragon joint les ccTites dcTo^loi Lcr
de Foix & de Comminges j ils vent assiéger
Muret.
L'.'I. Siège 8c bataille de Muret. — Picric. rci
d'Aragon, y est tué.
L^'^. K.loge de Pierre II, roi d'Aragon. — Jac-
ques I, son fils unique Su son successeur, de-
meure au pouvoir de Simon de Montfcrt.
LVIII. Les Toulousains font des démarches peur
se soumettre.
LIX. Simon profite de fa victoire. Se porte ses
armes du coté du Rhône.
LX. Simon conclut le mariage d'Ainauri, son fils,
avec l'héritière du Dauphiné, S< soumet le coin ta
de Valcntinois.
LX'. L'^s Aragonois Se les Catalans font la guerre
à Simon qui refusoit de leur remettre leur rou
«lij
SOMMAIRES DES CUAPITRFS.
LXII. Arrivée du cartîînal cîe Piéncvent, nouveau
iég.it, dans la Province.
LXIII. Simon est enfin obligé de rendre le jeune
roi d'Aragon à ses sujets.
LXIV. Mort tragique de Baudouin, frère de Rai-
mond V'I, comte de Toulouse. — Sa postérité.
LXV. Aymeri, vicomte de Narbonne, déclare la
guerre à Simon de Montfort.
LXVI. Le cardinal de Bénévent, légat dans la
Province, suspend les hostilités. — Simon re-
met Moissac à son obéissance & lève le siège du
Mas d'Agenois.
LX\'II. Les Aragonois vont recevoir leur roi a
Narbonne.
LXVIII. La ville de Montpellier refuse de le te-
connoître.
LXIX. Le comte & les habitans de Toulouse, les
comtes de Foix, de Comminges Se de Roussillon,
le vicomte & les habitans de Narbonne se sou-
mettent au légat.
LXX. Simon achève d'envahir les domaines du
comte de Toulouse 8c se fait donner les vicomtes
de Nîmes & d'Agde par Bernard-Aton, ancien
vicomte.
J..XXI. Amauri de Montfort épouse l'héritière du
Dauphiné. — Conquête d'une parue du Roner-
gue & du Querci par les croisés au nom de
Simon.
LXXII. Simon remet l'Agenois sous son obéissance.
LXXIII. Simon assiège & prend Casseneuil. — Le
cardinal de Corçon dispose en sa faveur de
toutes les conquêtes faites sur les hérétiques dans
les pays de sa légation.
LXXIV. Simon s'empare de divers châteaux dans
le Périgord.
LXXV. Simon repasse en Querci &. en Rouergue,
& reçoit l'hommage du comte de Rodez.
LXXVI. Simon termine la campagne par la prise
du château de Sévérac.
LXXVII. Concile de Montpellier. — Il dispose
provisionnellement en faveur de Simon des do-
maines du comte de Toulouse & de tous les
pays conquis par les croisés.
LXXVIII. Le légat fait prendre possession, au
nom de l'Eglise romaine, de Toulouse & du
château de Foix.
LXXIX. L'archevêque d'Arles donne en fief Beaii-
caire & la terre d'Argence à Simon.
LXXX. Libéralités de Simon envers l'église d'Uzès
LXXXI. Louis, fils aîné du roi Philippe-Auguste,
se croise 8c vient dans la Province.
LXXXII. Le pape donne provisionnellement le
comté de Toulouse, 8<.c., à Simon.
LXXXIII. Le pape donne en fief le comté de Mel-
gueil aux évêques de Maguelonne.
LXXXIV. Seigneurs de Lunel. — Evêques de Ma-
guelonne.
LXXXV. Le comte de Toulouse se retire avec son
fils à la cour d'Angleterre.
LXXXVI. Suite du voyage du prince Louis. — Il
fait démanteler les villes de Narbonne, de Tou-
louse, 8cc. — Différends entre l'archevêque de
Narbonne 8c Simon de Montfort touchant le
duché de Narbonne.
LXXX'» H. Simo^i pien.l possession du château
de Foix, & do la vill!: ï< du comté de Toulouse.
LXXX^'IIÎ. Le p:ince Louis finit sa qua raiiiaine
a Toulouse.
LXXXIX. Le omtc d'Armagnac fait hommage à
Simon. — L'évcque de ^^lvier5 investit ce der-
nier de divers domaines.
XC. Origine des sénéchaussées de Eeai:caire, de
Carcassonne, 8cc.
XCI. Simon s'applique au gouvernement de ses
domaines, 8c fait raser les murs de Toulouse. —
Evêques d'Agde.
XCII. Concile de Latran. — Vaines prétentions
des archevêques de Tolède pour la jirimatie sur
la province de Narbonne.
XCIII. Evêques du Puy. — Vicomtes de Poli^nac.
XCIV. Saint Dominique fonde son ordre à Tou-
louse.
XCV. Le concile de Latran décerne diverses peines
contre les hérétiques albigeois.
XCVI. Le comte de Toulouse 8c son fils, avec les
comtes de Foix 8c de Comminges, vont au con-
cile de Latran pour demander la restitution de
leurs domaines.
XCVII. Décret du concile touchant les domaines
du comte de Toulouse. — Il adjuge le comté de
ce nom à Simon de Montfort &. réserve le reste
au jeune Raimond.
XCVIII. Décret touchant les comtes de Foix 8c de
Comminges.
XCIX. Départ du comte de Toulouse de Rome.
Le comte de Foix obtient des commissaires pour
la restitution de ses domaines.
C. Le jeune Raimond part de Rome 8e va joindre
à Gênes le comte de Toulouse, son père.
CI. Simon de Montfort prend possession du du-
ché de Narbonne, malgré l'archevêque qui l'ex-
communie. — Evêques de Eéziers.
Cil. Simon de Montfort prend une nouvelle pos-
session du comté de Toulouse Se tâche de se
conserver la possession de cette ville.
cm. Simon va à la cour du roi Philippe-Au-
guste, qui reçoit son hommage pour le duché
de Narbonne, le comté de Toulouse, Sec.
LIVRE VINGT-TROISIÈME
I. Une partie de la Provence se déclare en faveur
du comte de Toulouse 8c de son fils.
II. Le comte de Toulouse assemble une armée à
Avignon, en confie le commandeinent à son fils,
8c part pour l'Aragon.
III. Beaucaire se soumet au jeune comte Raimond,
qui fait le siège du château.
l'V . Simon de Montfort marche au secours du
château de Beaucaire.
V. Suite du siège du château de Beaucaire.
VI. Simon se retire de devant Beaucaire, dont il
cède le château au jeune Raimond par un tral;é.
VII. Simon se retire à Nîmes. — Privilèges de
cette ville. — Il marche vers Toulouse.
VIII. Simon cherche querelle au comte de Fois,
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
xl'iii
IX. Simon cause une émotion dans Toulouse &
punit les Toulousains.
X. Gui de Montfort, fils puîné ie Simon, épou:e
riiéritière ds Bigorre.
XI. Simon lève le siège du cliâtcnu de Lourdes.
Xn. Snnon porte la guerre dans le pays de Foix
XIII.' Simon assiège le châte.iu de Montgrenier Ce
traverse la réconciliation du comte de Foix avec
l'Église.
XIV. Le cardinal Bertrand légat dans la Pro-
vince.
XV. Simon s'accorde avec l'évéque d'Agen. — Il
soumet dii'ers châteaux dans le Termenois.
XVI. Simon porte la guerre aux environs du
Rhône.
XVII. Simon attaque le comte de Valentinois &
fait la paix avec lui.
XVIII. Les Toulousains rappellent le comte Rai-
mond & le reçoivent dans leur ville.
XIX. Vains efforts des seigneurs de la maison de
Montfort pour chasser de Toulouse le comie
Raimond.
XX. Simon envoie demander du secours en France,
& assiège Toulouse.
XXI. Montauhan tente inutilement de secouer le
joug de Simon.
XXII. Suite du siège de Toulouse par Simon de
M o n i fo r t .
XXIII. Le pape, ? la sollicitation de Simon, tâ-
che de détacher Jacques, roi d'Aiagon, de son
son alli.Tncc avec le comte de Toulouse.
KXIV. La ville de Montpellier se remet sous
l'obéissance de Jacques.
XXV Saint Pierre Nolasquc.
XX'» I. Le pape écrit diverse, lettres en faveur de
Snnor. de Montfort, entre autres au îcunc Uai-
mond.
XXVII. Simon reçoit divers renforts £< continue
le siège de Toulouse.
XX\III. Mort de Simon de Montfort.
XXIX. KIoge de Simon de Montfort. — - Son fils
aîné '\iTiatiri lui succède & continue le siège.
XXX. Amauri de Montfort lève le siège de Tou-
louse Si emporte à Carcassonne le corps de son
père.
XXXI. Ar.iT.;ri d; Montfort se tient sur la défen-
siv; & se fait reconnoïtre dans ses nouveaux
coir.aines.
XXXn. Raimond VI, comte de Toulouse, fait ses
ilcriiieres dispositions.
XXXIII. Le jeune Raimond recouvre une partie
de l'Agenois, & le comtt de Comminges ses do-
maines.
XXXIV. Le pape s'intéresse en faveur dAmanri.
— Les Avignonois font mourir Guilla une de
B.1UX, prince d'Orange.
XXXV. Amauri parcourt ses domaine-.
XXXVI. Accord du comte Je Toulouse avec le sei-
gneur de Sauve, son petit-fits.auquel il tci!t ses
droits sur les vicomtes de M'iu & i-: Gév.iu-
ian
XXX\'II. L,i ville de Nimes Se une partie du
Ronerguc & du Querci rentrent sous l'obéis-
sance des comtes de Toulou:e.
XXXVilL DifTérer.d entre l'évéque & les habitans
du Puy & quelques seigneurs du Vclai.
XXXIX. Evéques du Puy. — ^'icomtcs de Polignac.
XL. Le prince Louis marche au secours d'Ainauri,
qui assiège Marmande.
XLI. B.Tiaille de Bazi-je. *
XLII. Louis joint Amaini devant Marmande 8c
force cette place à se rendre.
XLIII. Louis met le siéfre dcv.mt Toulouse & est
obligé de le lever. — Con: i de Rodez.
XL1\'. Privilèges de Toulouse & de Nimes.
XLV. Accord entre Amauri de Montfort & l'évé-
que d'Agde.
XLVI. Désordres des croisés. — Amauri dispose
d'Alais. — Maison d'Anduze.
XLN'II. Naissance de Jeanne, fille de Raimond le
Jeune, qui soumet Lavaur, Puylaurens, Mon-
tauhan & Castelnaudary.
XL\'III. Siège de Castelnaudary par Amauri de
Montfort. — Mort du comte Gui, son frère.
XLIX. Conrad, évéque de Porto, nouveau légat
dans la Province, chassé de Béziers. — Il ré-
forme les écoles de médecine de Montpellier.
L. Le pape exhorte le jeune Raimond & ses par-
tisans à mettre bas les armes.
LI. Amauri lève le siège de Castelnaudary.
LU. Ordre de la milice de la Foi de Jésus-Christ.
LUI. Siège St prise de Montréal sur Amauri.
LI\'. Amauri fait solliciter le prince Louis de
venir à son secours.
LV. Le jeune Raimond récompense les habitans
d'Avignon. — Il confirme la donation de la
ville de Montauhan en faveur du comte de Foix.
LVI. Amauri porte la guerre dans l'Agenois. —
La ville d'Agen se soumet au jeune Raimond.
LVII. Privilèges de Montauhan. — Le pape rend
une sentence d'txhérédation contre le jeune
Raimond. — Assemblée des hérétiques à Picus-
san.
LVIll. Consuls de Toulouse. — Moi5s.:c se soun-.ei
au jeune Raimond. — Vicomtes de Lomagne.
LIX. Sécularisation de la cathédrale de Vlcnd,-. —
Une partie des diocèses de Béziers & N.nbonnc
excommuniée.
LX. Amauri offre ses conquêtes au roi Philippe-
Auguste.
LXI. Rair.iond le Jeune_prie le roi de prccurcr sa
réconciliation avec l'Kglise.
LXII. Mort de Raimond VI, comte de Toulouse.
LXIII. Caractère de Raimond VI, ses bonnes qua-
lités 8c ses défauts.
LXI\'. Etendue des domaines de Raimond VI; ses
femmes, ses enfaiis.
LX^'. Poêles provençaux.
LXVI. Raimond VU, comte de Toulouse, accorde
divers privilèges aux hospitaliers.
LXVIT. Concile du Puy. — Union de l'abbaye
d'Alet à la cathédrale de Narbonne.
xliv
SOMMAIRES DES CiiAf-iTilES.
LXVni. Amauri offre do nouveau au roi de lui
céder les conquêtes des croisés.
LXIX. Différends entre le monastère de Prouille
& l'iibb.iyc de Saint-Hilaire.
LXX. Mort de Raiinond-Roger, comte de Foix. —
Ses enfans. — Son fils aîné Rojcr-Dernard II
lui succède.
LXXI. Le comte de Toulouse assiège Penne, en
Agenois, & Verdun sur la Garonne.
LXXII. Évêques de Mende. — Fondation de l'ab-
baye de Mercolre.
LXXI II. Trêve entre le comte de Toulouse Ci
Amauri de Montfort.
LXXIV. Conférences de Saint-Flour & de Sens, —
Evéqucs des hérétiques albigeois.
LXXV. Mort du roi Philippe-Auguste, — Le car-
dinal Conrad sollicite Louis VIII, son Sis Z<.
son successeur, de faire la guerre aux albigeois.
LXXVI. Le légat s'en retourne à Rome. — Mai-
son d'Anduze. — Evéques de Viviers.
LXXVII. La guerre se renouvelle entre le comte
de Toulouse & Amauri de Montfort. — Siège
de Carcassonne.
LXXVIII. Amauri est abandonné de res troupes.
LXXIX. Raimond soumet le comté de Melgueil.
LXXX. Le pape sollicite le roi de marcher en per-
sonne au secours d 'Amauri.
LXXXI. Amauri convient d'un traité avec les
comtes de Toulouse & de Foix, & quitte le pays
pour toujours.
LXXXII. Le jeune Trencavel rentre en possession
de Carcassonne & des autres domaines de sa
maison.
LXXXIII. Évcques de Carcassonne. — La ville
d'Albi & le Querci se soumettent au comte Rai-
mond.
LXXXIV, Amauri cède sous condition ses droits
sur les conquête des croisés au roi Louis VllI.
LXXXV. Le roi fait diverses demandes au pape
pour se charger de l'expédition d'Albigeois.
LXXXVI. Le roi écrit aux hïjbitans de Narbonne.
LXXXVII. Le comte de Toulouse envoie des am-
bassadeurs au pape & demande son absolution.
LXXXVIII. — Le pape écoute favorablement Rai-
mond VII & suspend la croisade contre lui &
ses alliés.
LXXXIX. Raimond s'assure de la ville d'Agde.
XC. Le roi abandonne le dessein de son expédi-
tion contre le comte de Totilouse.
XCI. Première conférence ou concile de Montpel-
lier pour la conclusion de la paix de Raimond
?i de ses alliés avec l'Eglise.
XCII. Raimond rend la ville & la vicomte d'Agde
à l'évéque.
XCIII. Seconde conférence ou concile de Mont-
pellier pour la conclusion de la paix du comte
de Toulouse & de ses alliés avec l'Eglise.
XCIV. Raimond, comte de Toulouse, rend les do-
maines usurpés sur diverses églises.
XCV, Raimond envoie des ambassadeurs au pape,
de concert avec l'archevêque de Narbonne & le
concile de Montpellier, pour terminer sa récon-
ciliation.
XCVI. M.iri.ige de licrtrand, frère naturel du
comte de Toulouse.
XCVII. Le comte de Foix, gardien du vicom:»
Trencavel.
LIVRE VINGT-QUATRIEME
I. La réconciliation de Raimond avec l'Eglise c»t
traversée.
II. Légation de Romain^ cardinal de S.unt-.^nge.
— Ligue du roi d'Angleterre avec le comte Rai-
mond.
IIÏ, Concile de Bourges ; le légat élude la récon-
ciliation de Raimond avec l'Eglise.
IV Pairie des comtes de Toulouse. — Archevêques
de Narbonne.
V. Le roi Louis VIII se charge de faire la guerre
en son nom au comte Raimond & à ses alliés.
VI, Le légat excommunie le comte Raimond Si ses
alliés, iait prêcher la croisade contre eux &
donne la croix au roi & aux barons du royaume,
's'il. Le légat accorde les décimes au roi, pendant
cinq ans pour les frais de la guerre.
VIII. Le roi fixe le jour de son départ,
IX. Le roi reçoit par avance la soumission des
villes de Saint-Antonin, de Béziers & de divers
seigneurs du pays.
X. Le pape écrit au roi d'Angleterre pour l'em-
pêcher de secourir le comte de Toulouse.
XI. Raimond tâche de se concilier la bienveillance
de ses alliés S.< de ses sujets. — Comtes de Com-
minges.
XII. Le roi Louis se met en marche.
XIII. Les villes de Niires, Puylaurens, Castres, &c.,
& divers seigneurs de la Province se soumettent
au roi.
XIV. Le roi arrive à .Avignon dont il entreprend
le siège. — Le lérat excommunie de nouveau
le comte de To;iicu:c,
XV. Carcassonne, Albi 2; une grande partie de la
Province envoient faire leurs srumissions au roi,
— Eencit, abbé ce ia Grasse,
X'v'I, Le coint: de Com:r,!ng:s f.iit sa p:iix.
X^'n, Suite dt: siégc ù'Avignon, cette ville est
enfin obligée de ;e rendre.
XVIII. Le roi établit i.n sénéchal à Beaucaire.
XIX. Le roi passe le Rhône, & toute la Province
se soumet à lui jusqu'à quatre lieues de Tou-
louse.
XX. Seigneurs de l'Islc-Jouidain.
XXI. Evêques de Carcassonne. — Le roi établit un
sénéchal dans cette ville.
XXII. Le roi tient une assemblée à Pamiers.
XXIII. Les comtes de Toulouse & de Foix renou-
vellent leur ligue.
XXIV. Le roi reçoit à Pamiers le serment de fidé-
lité des évêques de la Province & s'accorde avec
eux touchant le domaine de leurs églises.
XXV. Union de la vicomte de Fenouillèdes au do-
maine de Nugnez Sanche, comte de Uous»illon,
£t ensuite à celui de la couronne.
SOMMAillES DES CHAPITRES.
xlv
XX\). Le roi s'iiccordc avec .\gnc5, vicomtesse
douairière de Bézicrs, & établit Imbcrt de Beaii-
'•eu pour gouverneur de la Province.
X;-V1I. Mort du roi Louis VIII. — Soi:u Louis,
son fils, lui succède.
XXVIII. L"empereur demande au pape la restitu-
tion d'Avignon.
XXIX. Le lég.-.t impose des lois aux habitans d'A-
vig:ion.
XXX. Le comte de Toulouse se met en campagne
& preiid le château d'Auterive.
XXXI. Le roi donne à vie la vicomte de Gévaudan
& fut valoir ses prétentions sur le comté de
Melsfueil.
XXXII. Concile de Narbonnc. — Le vicomte Tren-
cavel recouvre Limoux & une partie de ses au-
tres doma mes.
XXXIII. BrouiUerics dans léglise de France à
l'occasion de la levée des décimes contre les albi-
geois.
XXXIV. Humbert de Beaujeu continue la guerre
contre le comte de Toulouse; l'évëque d'Albi,
le vicomte de Lautrec, &c., se liguent contre ce
comte.
XXXV. ÉvéTue; d'Albi.
XXXVI. L; comte Raimond prend divers dià-
teaux. — Mort de Gui de Montfort, frère de
Simon.
XXXVII. Siège Si prise de Casielsarrasin par Rai-
mond. — Beaujeu prend Montech & est battu.
XXXVIâl. Les François r.nvagent les environs de
Toulouse.
XXXIX. Le pape proroge la légation du cardinal
de Saint-Ange & lui ordonne de travailler i> la
paix du comte de Toulouse.
XL. Paix des seigneurs de Termes avec le roi &
l'Église.
XLI. L'abbé de Grandselve fait des propositions
au comte Raymond qui les accepte & convient
d'un projet de paix.
XLII. Conférence de Meaux pour la conclusion
de la paix. — Raimond jure de l'observer de-
vant la porte de la cathédrale de Paris.
XLMI. Articles de la paix.
XLIV. Le légat donne l'absolution au comte Rai-
mond.
^V. Amauri de Montfort ronfirme la cession
qu'il avoit déjà faite de ses droits en faveur du
roi sur les Ktats de Raimond, &c. — Fin d'A-
mauri.
XLVI. Ktendue des dom.'iines cédés par Raimond
au roi & à l'Eglise romaine. — Ancien ressort
des sénéchaussées de Beaucai re & de Ca rcassonne.
XLV'II. Etendue des domaines qui restèrent i Rai-
mond.
XLVIII. Le roi d'Angleterre traverse inutilement
le traité de paix.
XLIX. Vaines prétentions du roi d'Aragon sur les
domaines cédés par le comte de Toulouse.
L. Les coutumes de Paris restreintes aux terres
possédées par des chevaliers françois dans la
sénéchaussée de Ca rcassonne.
I.I. Origine de l'université de Toulouse.
LU. R.;imond rend hommage au roi & se rcirct
en prison jusqu'après l'exécution de tiuelques
articles du traité.
Lin. Ordonnance de saint Louis contre les héré-
tiques de la Province.
LIV. Origine de la seigneurie & comté de Castres.
— Seigneurs de Castres de la maison de Mont-
fort.
LV. Le comte Raimond exhorte le comte de Foix
à faire sa paix.
LVl. Le comte d'Astarac & le vicomte de Nar-
bonne font la paix avec le roi.
LN'II. Mathieu de Marly, lieutenant du roi dans
la Province, & Pierre de Colmieu, vice-légat, y
reçoivent le serment des peuples.
LVIII. Le comte Raimond sort de prison. — Le
roi le fait chevalier, lui rend la vicomte de
Millau & les autres fiefs du Rouergue.
LIX. Mariage de Jeanne, fille de Raimond, avec
Alfonse, frère de saint Louis.
LX. Raimond donne au roi la ville de Saint-
Antonin en échange. — Fin des vicomtes de
Saint-Antonin.
LXI. Roger-Bernard, comte de Foix, fait sa paix.
— Mort d'Ermessinde de Castelbon, sa femme.
LXII. Le comte Raimond revient à Toulouse, oii
il renouvelle ses promesses devant le légat.
LXIII. Concile de Toulouse. — Il établit l'inqui-
sition dans le pays.
LXI^^ Le cardinal légat parcourt la Province avec
Adam de Milli, que le roi y avoit établi pour
son lieutenant.
LX\'. Gui de Lévis, seigneur de Mirepoix, maré-
chal de France.
LXVI. Concile d'Orange. — Le cardinal de Saint-
Ange donne au roi la garde du inarquisat de
Provence, & part pour Rome.
LXVII. Accord entre le roi & l'évéque de Bézieis
touchant la justice & le domaine de cette ville
& du diocèse.
LX\'ni Nouveaux troubles dans le Toulousain.
LXIX. Le roi ordonne qu'on rende à Raimond les
biens usurpés sur lui. — Ce comte fait un voy.Tge
à la Cour. — Kvcques du Puy.
LXX. Université de Montpellier. — Dédicace de
I église de Notre-Dame de cette ville. — Evé-
ques de Maguelonne. — Fondation de l'abbaye
de Gigean.
LXXI. Pierre de Colmieu légat dans la Province.
— Le pape accorde un délai à Raimond pour
son pass.igc d'outre-mer.
LXXII. Divorce entre le comte de Toulouse &
Sancie d'Aragon, sa femme. — Le pape' écrit
diverses lettres en faveur de ce prince.
LXXIII. Raimond rend divers châteaux en fief au
comte d'Astarac.
LXXIV. L'empereur donne .i Raimond le comte
de Forcalquier — La ville de Marseille se sou-
met à ce comte, qui déclare la guerre »u comte
de Provence.
LXXV. Gautier, évéque de Tournai, légat dans la
Province.
XI VI
SOMMAIRES DES CHAPITRïïS.
LXXVI. Rainond continue la guerre Ae Provence.
— Il prend soin de 5cs domiiines & trnnsige avec
les abbés de Gnillnc & de Montnuban.
LXXVII. Seigneurs du pnys de S.ivez.
LXXVIII. Coutumes de Montolicu. — Asslgnnt
de Pierre de Voisins.
LXXIX. Le roi d'Ar.ngon va n Montpellier, après
la conquête de Majorque sur les Maures.
LXXX. Mort de Foulques, évèque de Toulouse.
LXXXI. Raiinond s"einploie à la recherche des
hérétiques. — Le pape arrête les entreprises des
ecclésiastiques contre lut ; mais il diffère de lui
rendre le marquisat de Provence.
LXXXII. Le comte accorde des privilèges aux ha-
bitnns de Montaiiban. — Maison de Varagne.
■ — Il s'accommode avec l'évêque d"Albi.
LXXXIII. Raimond s'abouche avec le roi d'An-
gleterre.
LXXXIV. Suite de la léjaticn de l'évoque de
Tournai.
LXXXV. Paix entre l'archevêque & le vicomte de
Narbonne. — Le comte cle Foix épouse la fiilf:
de ce dernier.
I.XXXVI. Coutumes des nobles & des habitans de
Narbonne & du Narbonnois.
LXXXV'II. L'Inquisition confiée aux frères prê-
cheurs, qui l'érigent en tribunal ordinaire.
LXXXVIII. Les papes Grégoire IX & Innocent IV
confirment l'établissement de l'université de
Toulouse.
LXXXIX. Assemblée de Melun.
XC. L'archevêque de Vienne succède à l'évêque de
Tournai dans sa légation.
XCI. Edit du comte de To'.ilouse contre les héré-
tiques.
XCII. Eudes le Queux, sénéchal de Carcassonne,
lieutenant du roi dans la Province.
XCIII. Vicomtes de Lautrec.
XCIV. Raimond fait un "Oyage à la Cour & com-
promet entre les mains du roi, de ses différends
avec le comte de Provence. — Jacques, roi d'.\-
ragon, va à Montpellier.
XCV. Raimond se plaint au roi des ecclésiasti-
ques de la Province, 3c eux se plaignent a leur
tour au pape des officiers du roi. — Evêqucs
d'Agde.
XCVI. Raimond rentre dans la possession du
marquisat de Provence.
LIVRE VINGT-CINQUIÈME
I. Concile de Béziers.
II. Troubles arrivés à Narbonue. — Les habitans
de la cité & ceux du bourg se font la guîrre.
m. Les hérétiques chassés de la Province passent
en Espagne & y sont défaits.
IV. Soulèvement en Albigeois contre les inquisi-
teurs de la foi.
V. Les inquisiteurs sont chassés de Toulouse avec
l'cvêque de cette ville & hs frères prêcheurs.
VI. Raimond, comte de Toulous;, revient d'Ita-
lie; il va 3 la Cour de France & ensuite i celle
de rF.mpereur — Evéques de Viviers.
VII. Les frères prêcheurs chassés de Narbonne. —
Le comte Raimond est excommunié par diverses
sentences.
VIII. Lettre du pape à Raimond qui rétablit les
frères prêcheurs dans le couvent de Toulouic,
IX. Raimond va à la cour de l'Empereur. — Le
vicomte de Tiirenne lui rend hommage.
X. Jacques, roi d'Aragon, fait hommage pour
Montpellier à l'évêque de Maguelonne. — Mai-
son de Montlaur.
XI. Trencavel se retire à la cour du roi d'Aragon,
qui s'accorde avec Nugnez-Sanche , comte de
Rotissiilon, son cousin.
XII. JDifl'érends entre Nugnex & le comte de Foix,
touchant le pays de Donazan, 8ic.
XIII. Le pape se radoucit à l'égard du comte de
Toulouse & ordonne au légat de modérer le zèle
des inquisiteurs.
XIV. Procédures des inquisiteurs.
XV. L'exercice de l'inquisition est suspendu pour
quelques années.
XVI. Roger-Bernard, comte de Foix, rechercha
par l'inquisition d'Aragcn.
XVII. Amauri de Montfort reprend ie titre de
duc de Narbonne, ik fait quelques entreprises
sur le comté de Melgueil.
XVIII. Raimond reprend la guerre centre le comte
de Provence.
XIX. Plaintes du pape contre Raimond.
XX. Le comte de Toulouse suspend la guerre de
Provence & envoie une amb.issadc à Rnnc.
XXI. Origine de la ville & des seigneu rs de Ricux.
XXII. L'évêque de Mr^guelonne donne en fief à
Raimond la ville de Montpellier.
XXIII. Plaintes des ecclésiastiques de la Province
contre l;s officiers du roi.
XXIV. Raimond demande diverses choses au pape,
qui lui accorde l'absolution, le dispense de pas-
ser outre-mer, 8ïc.
XXV. Gui, évèque de Sora, & Jacques, évèque d«
Palestrine, successivement légats dans la Pro-
vince.
XXVI. Aymar II, comte de Vnlentinois, se rend
vassal de Raimond pour divers fiefs du Vivarais.
XXVII. Raimond reçoit l'hommage de l'évêque
de Carpentras, s'accorde avec le comte de Ro-
dez, &r. — Seigneurs d'.Vnduze.
XXVIIÏ. Kvêques de Lodève.
XXIX. Entrevue 3 Montpellier entre le roi d'Ara-
gon Si le comte Raimond. — Le premier pacifie
celte ville.
XXX. Mort de Nugnez Sanche, comte de Rous-
siUon.
XXXI. Vicomtes de Narbonne.
XXXII. Le comte Raimond reprend la guerre con-
tre le comte de Provence.
XXXni. Rcgcr-Bcrnard, comte de Foix, reconnu
pour bon cnîholiqtie.
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
XlV!)
XXXIV. Le cointe Rnlmond bat les François,
nssiége la ville d'Arles & ravage la Camargue.
XXXV. Rannond pacifie les troubles d'Avignon &
retourne à Toulouse.
XXXVI. Trencavcl, à la tête de divers seigneurs,
reprend sur le roi une partie des anciens do-
maines de sa maison.
XXXVII. Raimond refuse de secourir le sénéchal
de Carcassonne contre Trencavel. ^ Seigneurs
de Savez.
XXXVIII. Trencavel se rend maître du bourg de
Carcassonne & assiég; la cité.
XXXIX. L« roi envoie une armée contre Trenca-
vel, & le pays rentre dans l'obéissance.
XL. Les seigneurs d'Aniort se soumettent au roi,
qui unit par là au domaine une partie du pays
de Sault.
XLI. Le comte Raimond fait un voyage a la Cour,
& traite avec le pape contre l'Empereur.
XLII. Raimond fan la paix avec le comte de Pro-
vente.
XLIII. Le vicomte de Nnrbonne 8c divers seigneurs
se soumettent au roi.
XLIV. Ligue entre le roi d'Aragon 8c le comte de
Toulouse. — Kvéc(ues de Béziers. — Baronnie de
Castclr.au de Bonafo'is. — Monnoie d'Albi.
XLV. Divers prélats de la Province tombent entre
les main» de l'Empereur. — Evéques de Nîmes.
XLVI. Le comte Raimond fait hommage de Beau-
caire à l'archevêque d'Arles.
XLVII. Nouveau traité entre Raimond, le roi
d'Aragon 8c le comte de Provence. — Le premier
répudie Sancie d'Aragon, sa femme, pour épou-
ser Sancie, fille du dernier.
XLVIII. Le roi dispose du Poitou, des pays d'Al-
bigeois, Sec, en faveur d'Alfonse, son frère,
après l'avoir fait chevalier.
XLIX. .Mort de Roger-Bernard H, comte de Foix.
— Roger IV, son fils, lui si.ccèd».
L. Rfgcr fait hommage, à Lunel, au comte de
Toulouse.
II. Raimond envoie demander au pape la dis-
pense pour son mariage avec Sancie de P:o-
vence. — Ce mariage se rompt.
LII. Raimond retourne à Toulouse, se ligue avec
le comte de la Marche, Se fait un voyage en
Catalogne. — Seigneurs de l'Isb-Jourdain. —
Vicomtes de Gimoëz.
LUI. Comtes de Comminges.
LIV. Raimond tombe dangereusement malade Se
reçoit rab'olution de diverses sentences d'cx-
communication dont il avcit été frap-é.
LV. Raimond prend les armes contre le roi 8c
entraîne divers comtes, vicomtes & seigneurs
dans sa révolte.
LVI. Le comte de Toulouse s'>!liciie U-s évéques de
ses Etats it aijir par tim-méiii-s centre les héré-
tiques, 8c appelle au piipe des procédures des
inquisiteurs.
LVII. Mnssacre des inqunite. rs à Avignonet.
LVIII. Henri, roi d'Angleterre, Tient au secours
des comtes de la Marche 8c de Toulouse, 8c est
défait par le roi.
LIX. Raimond 8c ses alliés s'emparent de divers
pays, entre autres de la ville de Narboniie d'oti
Us chassent l'art hevêque, qui les excommunie.
LX. Raimond reprend le titre de duc de Nar-
bonne.
LXI. R.iiinond va joindre à Goidcaux le roi d'An-
gleterre 8c se ligue avec lui.
LXII. Raimond assiégé le château de Penne, en
Agenois. — Le comte de Foix l'abandonne 8c
fait sa paix avec le roi.
LXIII. Concile de Montpellier. — Réponse de
Raimond au comte de Foix.
LXIV. Raimond fait au roi des propositions de
paix qui sont re)ciées. — Il se soumet sans ré-
serve à la volonté de re prince.
LXV. Le roi ordonne l.i p.iix au comte de Tou-
louse 8c envoie des coiniiiissaires sur les lieux
pour recevoir sa soumission 8t celle de ses alliés.
LX^'I. Le comte Raimoni, le vicomte de Nar-
bonne 8c divers seigneurs se rendent à la Cour,
8c y terminent leur paix.
LXVII. Le comte de Foix se rend aussi à la Cour
8t le roi le reçoit à l'hommage comme son vas-
sal immédiat.
LXVIII. Raimond, de retour dans ses États, punit
les auteurs du massacre des inquisiicurs, 8c fait
prêter un nouveau serment entre les mains des
commissaires du roi par ses vassaux Se princi-
paux sujets.
LIX. Le roi confisque les domaines de Pierre-B.-r-
mond, seigneur d'Alais, Anduze, Sauve 8c Soiii-
inièrcs.
LXX. Le roi d'Angleterre se plaint h l'Empereur
du comte de Toulouse 8c conclut une trêve avec
la Fr.'ir.te.
LXXT.'Raiinon.l fi.mce Marguerite de la Marche.
LXXII. Seigneuis de Savez.
LXXIl!. Concile de Biziers. — Plaintes de Rai-
mond contre les inquisiteiuj.
LXXU'. Lettre de Raimond au roi touchant le
château de Penne, en Albigeois.
LXX\'. Le vicomte de Narbonne se soumet à l'.ir-
c h évoque.
LXXVI. Entrevue des rois de France 8c d'Aragon
au Puy. — Jacques, roi de Majorque, naît à
Montpellier. — Trêve entre les comtes de Tou-
louse 8c de Provence,
LXXV'II. Brouilleries entre le comte de Foix £< Icj
sujets du comte de Toulouse.
LXX\III. Le comte Raimond passe au-delà des
Alpes Se va à la cour de lempircur.
LXXIX. Raimond obtient son absolution du pape
& prolonge la trêve avec 1; comte de Provenc.-.
LXXX. Le pape ordonne aux inquisiteur» de con-
tinuer leurs procédures, g* mcdère leur autorité.
LXXXT. Concile de Naibonne — On y règle la
procédure des inqui!iiei;rs.
LXXXII. Nouvelle leclurthc c'es hérétiques dan»
la Prc.vinie. — Le pipe modère encore l'auto-
rité dei in-j uisiietirs.
LXXXllI. Si'jc ;?: pris; du château de Montségur
iur les héréiiqucs.
'")
SOMMAIRES DES CHAPITRES,
LXXXIV. Le comlc RaimonJ, principal plénipo-
tentiaire de rcmpereur Frédéric, négocie la paix
de ce prince avec le pape,
LXXXV. Frédéric punit la défection de l'évéquc
de Viviers & de la ville d'Avignon.
LXXXVI. Raimond repasse les Alpes & reçoit
l'hommage des comtes d'Astarac & de Commin-
ges pour ces comtés.
LXXXVII, Raimond reçoit à Toulouse les ambas-
sadeurs du comte de Savoie, auquel il donne
Cécile de Baux, sa petite-nièce, en mariage.
LXXXVIII. Raimond crée deux cents chevaliers
dans une cour qu'il tient à Toulouse.
l.XXXIX. Raimond va à la cour de France & à la
cour romaine, Se fait sommer le comte de Foix
de lui remettre le pays situé en deçà du Pas de
la Barre.
y.G Raimond assiste au concile de Lyon. — Evê-
ques de Maguelonne, — Archevêques de Nar-
bonne.
XCI, Raimond fait casser son mariage avec Mar-
guerite de la Marche, & projette d'épouser Béa-
trix, fille de R. Bérenger, comte de Provence.
XCII. Raimond échoue dans son dessein.
>I cm. La comtesse d'Astarac & le vicomte de Lo-
magne cèdent au comte de Toulouse leur droit
au comté de Fezensac,
ÎICIV. Raimond fait un pèlerinage à Saint-Jac-
ques, en Galice.
XCV. Conciles de Montpellier & de Béziers. —
On fait dans ce dernier de nouveaux règlemens
pour la procédure de l'inquisition.
> ?VI. Fondation de la ville & du port d'Aignes-
mortes.
XCV'II. Trencavel se soumet au roi & lui cède
tous ses droits sur les vicomtes de Béziers, Car-
cassonne, 8cc.
XCVIII. Construction de la ville basse de Carcas-
sonne. — Olivier de Termes prend la croix.
XCIX. Le comte Raimond va i la Cour 8c y prend
la croix.
C. Raimond engage une partie de ses sujets à se
croiser avec lui & tente inutilement de procurer
la sépulture ecclésiastique au comte, son père.
CI. Kvêques du Puy. — Raimond protège les in-
quisiteurs 8t fait un voyage en Espagne.
eu. Trencavel conclut la paix avec le roi & prend
In croix. — Sa postérité.
cm. Le roi envoie des commissaires dans la Pro-
vince pour y recevoir les plaintes contre ses
officiers, & restituer les biens qu'il "avoit mal
acquis.
CIV. Consuls de Toulouse. — Suite des affaires
de l'inquisition. — Juifs de la Province.
CV. Evéques de Maguelonne.
CVI Le roi saint Louis arrive dans la Province
pour aller s'embarquer à Aigues-mortes. — Fou*
dation de l'abbaye de Netloc. — Evéques de Car-
cassonne.
CVll. Raimond va joindre le roi à Aigues-mortes.
— Origine de la ville de l'Isle d'Albigeois. —
Départ du roi pour la Terre-Sainte.
C'\ in. Vicomtes de Polignac,
CIX. Le comte de Toulouse difTerc son dép,-.rt pour
Il Terre-Sainte.
ex. Concile de Valence. — Le pape change les
p-nitences des hérétiques condamnés en des
iiinendes pécuniaires.
CXI. Raimond parcourt ses domaines. — Il passe
en Espagne & confère avec l'infant de Castille.
— Vicomtes de Gimoëz.
CXII. Différends de Raimond avec le vicomte de
Loinagne.
CXÎII. Hérétiques brûlés à Agen. — Raimond va
joindre sa fille & son gendre à Aigues-moi tes.
CXIV. Testament & mort de Raimond VU, der-
nier comte de Toulouse de sa race. — Son ca-
ractère, étendue de ses domaines, &c.
LIVRE VINGT-SIXIEME
I. La reine mère envoie des commissaires ponr
prendre possession des Etats du comte R.iimond,
au nom d'Alfonse, son fils.
U. Les commissaires reçoivent le serment de fidé-
lité des seigneurs & des peuples.
m. Le roi d'Angleterre demande en vain la resti-
tution de l'Agenois,
IV. Rostaing de Sabran donne des sûretés. — Bar-
rai de Baux s'engage à soumettre la ville d'.Avi-
gnon à Alfonse.
V. Alfonse est fait prisonnier en Egypte & déli-
vré avec le roi, son frère. — Divers seigneurs
de la Province se distinguent dans cette expé-
dition.
VI. Alfonse & Jeanne reviennent en France, &
reçoivent à Eeaucaire les hommages de leurs
vassaux.
VII. Duel du seigneur de Lunel. — Saint-Géri.
VIII. Sicard d'Alaman, lieutenant général d'Al-
fonse dans le comté de Toulouse.
IX. Alfonse & Jeanne viennent dans leur trarqui-
sat de Provence. — La ville d'Avignon se sou-
met à ce prince & au comte de Provcr.ce, son
frère.
X. Alfonse & Jeanne font lfrrcn;r-ie d;.nsTcu-
loiise & y reçoivent le serment d; fidrlitc des
habitans. — Ils consultent jrour f.iirc c.Tsicr Je
testament du feu comte Raison '.
XI. Alfonse & Jeanne, ja fciv.r.'e, s'accoir.ir.ot'ent
avec les légataires de Raimord.
XII. Alfonse & Jeanne p.nrccurtiit le reste de
1. iirs domaines.
XIIJ. l.c comte & la comtesse de Toulouse retcur-
n.-.'t en France & y font leur séjour ordinaire.
— - Administration de leurs domaines.
XIV. Brouilleries entre l'archevêque & le vicomte
de Narbonne.
XV. Démêlés des ecclésiastique» de la Province
avec les officiers du roi.
XVI. Alfonse envoie des commissaires réforir.ô-
teurs dans ses Etats.
XVII. Le comte de Toulouse tombe danjeicuse-
ment malade, prend de nouveau la croix & en-
voie divers chevaliers à la Terre-Sainte.
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
xlix
XVIII. Maison d'Anduze.
XIX. Alfonse reçoit la soumission de Barrai de
Baux.
XX. Alfonse se prépare à partir pour la Terre-
Sainte.
XXI. Le comte de Toulouse a des sujets de que-
relle avec le roi d'Angleterre.
XXII. Le roi revient en France avec divers che-
valiers de la Province qui l'avoient suivi à la
Terre-Sainte. — Seigneurs de Castres & de Lom-
bers.
XXIII. Le roi arrive à Beaucnire & parcourt une
partie du Languedoc. — Origine de l'assemblée
des trois Etats de la Province.
XXIV. Seigneurs & évéques d'Uzès. — Abbaye de
Fonts, prés d'Alais. — Dilférend des évéqt es
du Puy avec le roi pour la régale.
XXV. Le roi envoie des commissaires dans les sé-
néchaussées de Beaucaire & de Carcassonne. —
Concile & évéques d'Albi.
XXVI. Fin des vicomtes de Minerve.
XXVII. Le roi publie une ordonnance pour les
sénéchaussées de Beaucaire & de Carcassonne.
XXVIII. Alfonse publie une ordonnance sem-
blable pour ses domaines. — Concile ou assem-
blée de Béziers
XXIX. Siège & prise du château de Quéribus,
dans le Fenouillédes. — Les évéques de la Pro-
vince prétendent s'exempter du droit de che-
va uchée.
XXX. Différends d'Alfonse, comte de Toulouse,
avec les habitans de cetce ville.
XXXI. Les habitans de Montpellier lâchent de se
rendre indépendans. — Ils font la guerre aux
Marseillois.
XXXII. Les rois de France 8c d'Aragon compro-
mettent de leurs différends. — Le dernier tente
de soumettre la ville de Montpellier,
XXXIII. Procédures des commissaires du roi pour
les restitutions.
XXXIV. Alfonse se dispose à passer dans la Terre-
Sainte. — Monnoie de Toulouse.
XXXV. Le vicomte de Narbonne défie le roi d'Ara-
go„. — Évéques de Maguelonne,
XXX\'I. ^'icomtes de Lautrec, — Seigneurs de
Castres.
XXXVII, Olivier de Termes revient de la Terre-
Sainte. — Suite de sa vie,
XXXVIII, Archevêques de Narbonne. — Évéques
du Puy.
XXXIX, Inquisiteurs de la foi de Toulouse & de
Carcassonne.
XL. Traités entre les rois de France & d'Aragon
touchant la souveraineté sur la Catalogne, les
comtés de Carcassonne & de Razès, &c.
XLI. Le roi d'Aragon va à Montpellier & par-
donne aux habitans qui se soumettent.
XLIl. Concile de Montpellier.
XLIII. Traiié entre la France & l'Angleterre.
XLU'. Régale du Puy. — Évéques de Mende.
XLV. Différends entre les officiers du roi & les
évéques d'Albi.
XLVI. Ordonnance du roi pour la restitution des
biens de la Province mal acquis au domaine.
XL^'II. Accord entre le roi & l'archevêque d'Arles
touchant Beaucaire & la terre d'Argence.
XL\'III. Archevêques de Narbonne. — Evéques
du Puy, de Lodève & de Maguelonne, — Sei-
gneurs de Lunel.
XLIX. Suite des procédures des commissaires du
roi pour la restitution des biens mal acquis au
domaine dans la Province.
L. Le roi unit la ville de Pézenas au domaine,
— Seignturs de Mirepoix,
LI. Voyage de Jacques, roi d'Aragon, en deçà des
Pyrénées & à Montpellier.
LU, Origine du parlement de Languedoc.
LUI. Alfonse se prépare à retourner à la Terre-
Sainte; il met le comte d'Armagnac, son vassal,
à la raison.
LIV. Procès fait à Raimond de Felgar, évèque de
Toulouse, par les commiss.'iires du pape.
LV. Alfonse prétend exercer les droits de régale
dans l'église de Toulouse. — Evtques de cette
ville.
LVI. Le roi d'Aragon dispute au roi la souverai-
neté sur Montpellier.
L^'II. Voyage du cardinal Fulcodi en France; est
élu pape sous le nom de Clément IV. — Évèque
de Béziers.
L^'III. Mort de Roger IV, comte de Foix. —
Roger-Bernard III, son fils, lui succède.
LIX. Construction du pont Saint-Esprit.
LX. Divers seigneurs de la Province vont servir
en Italie sous Charles d'Anjou.
LXI. Alfonse, comte de Toulouse, se prépare à
son expédition dans la Terre-Sainte, — Il de-
mande un don gratuit à ses sujets.
LXII. Le pape écrit au roi touchant le comté de
Melgueil.
LXIII. Nouveaux différends entre l'archevêque &
le vicomte de Narbonne. — Monnoie de Nar-
bonne & de Mende.
LXIV. Alfonse, comte de Toulouse, convoque son
parlement. — Michel de Toulouse, vice-chan-
celier de l'Eglise romaine.
LXV. Voyage du roi d'Aragon à Montpellier.
LXVI. Le comte Alfonse impose un subside sur
ses sujets pour la croisade.
LXVII. Vicomtes de Lautrec,
LXVIII. Alfonse donne divers ordres pour le gou-
vernement de ses États. — Comtes de Rodez.
LXIX. Alfonse tient un nouveau parlement & se
prépare à son départ pour la Terre-Sainte.
LXX. Alfonse lève une imposition sur les juifs &
accorde quelques privilèges aux habitans de
Toulouse.
LXXI. Faculté de droit civil établie dans l'uni-
versité de Montpellier.
LXXII. V.iins efforts de l'église de Viviers pour
se soustraire à l'autorité du roi, sous prétexte
qu'elle étoit soumise à l'empire.
LXXIII. Mort du pape Clément IV. — Ses ou-
1
SOMMAIRES DES CHAPITRES.
LXXIV. Le roi lève des subsides pour son passage
d'ovure-mer. — Assemblée des trois états de la
sénéchaussée de Carcassonne.
LXX\'. Seigneurs de Mirepoix. — Évéques de Car-
cassonne.
LXXV'I. Jacques, roi d'Aragon, se met en mer
pour la Terre-Sainte. — 11 relâche à Aigues-
mortes & abandonne le dessein de ce voyage.
LXXVII. Arrivée du roi saint Louis à Aigiies-mor-
tes ; il y st journe deux mois ou dans le voisinage.
LXXVIII. Alfo ise, comte de Toulouse, & Jeanne,
sa femme, arrivent à Aymargues & s'y arrêtent.
LXXIX. Alfonse & Jeanne font leur testament à
Aymargues.
LXXX. La ville de Toulouse fait un don gratuit
à Alfonse.
LXXXL Départ du roi pour la croisade. — No-
blesse de la Province qui l'accompagne.
LXXXII. Alfonse & Jeanne s'embarquent .nprès
avoir mis ordre au gouvernement de leurs Etats.
LXXXin. Les croisés débarquent sur les côtes
d'Afrique. — Olivier de Termes s'y rend. —
Mort du roi saint Louis
LXXXIV. Vicomtes de Narbonne.
LXXXV, Seigneurs de Castres.
LXXXVL Les peuples de la sénéchaussée de Car-
cassonne prêtent serment de fidélité au roi. —
Assemblée des trois états de celte sénéchaussée.
LXXXVII. Nouvelle assemblée des trois états i'»»
la sénéchaussée de Carcassonne.
LXXXVIII. Mort d'Alfonse &. de la comtesse
Jeanne, sa femme. — Le roi Philippe III unit
leurs Etats à son domaine.
LXXXIX. Mœurs & coutumes des peuples durant
le treizième siècle. — Religion. — Clergé.
XC. Autorité du roi dans la Province & des grands
vassaux.
XCI. Justice, sénéchaux, viguiers, baillis, &c.
XCII. La Province comprise dans la Provence
prise en général. — Langue provençale.
XCIII. Loi romaine. — Coutumes particulières.
— Duel, épreuve du fer chaud, &c.
XCI'i^. Punition des crimes. — Adultère. — Droit
d'asile.
XCV. Bourgeois, tiers état, assemblées provincia-
les, tailles & autres subsides.
XCV'I. Noblesse, chevalerie, guerres particulières,
châteaux, nouvelles bastides.
XCVII. Serfs, affranchissemens.
XCVIII. Franc-alleu. — Juifs.
XCIX. Commerce. — Monnoies royales & sei-
gneuriales de la Province.
C. Études, universités, poésie provençale.
CI. Habits, noces, funérailles.
en. Notaires publics. — Chronoloeie.
JL '
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC
HISTOIRE
GENERALE
DE LANGUEDOC
/««.■iÇ^*'t*ï.«f^«'t^'«-^Ç^Ï^'S-«^««^îî«^*'t!iÇ«t.^^
LIVRE DIX-NEUVIEME
1. — Origine £• progrès de l'hérésie dans lu Province.
LF.S hérétiques qui donnèrent occasion, en ii65, à la célébration du
concile de Lomhers, en Albigeois, tiroient leur origine' des mani-
chéens d'Arménie qui, cherchant à faire des prosélytes, pervertirent,
vers la fin du neuvième siècle, une partie des Bulgares nouvellement con-
vertis à la foi chrétienne*. Quelques-uns d'entre ces derniers passèrent dans
• Bossnet, Hi noire des var'ratloni,l. il. — Fleury, des patriarches grecs de Constantinople, les églises
Uiitoire ecclésiaiti<juc, 1. 32, n. |8. slaves, formées dans le courant du neuvième siè-
' L'origine orientale de la secte albigeoise est cle, furent en proie à de grandes dissensions. Do-
un fait absolument certain, & tous les auteurs tées par les papes du privilège si envié de garder
modernes s'accordent pour faire naître ces doc- une liturgie particulière & d'officier dans la lan-
trines dans les couvents gréco-slaves du bassin du gue nationale, elles ne purent en user, & de là
Danube. Un auteur de notre temps, dont nous une guerre sourde entre les partisans delà litur-
aurons plus d'une fois occasion de citer les tra- gie latine & ceux des rites nationaux. Mêlées
Taux, le docteur Schmidt [Histoire & doctrine de la d'ailleurs aux populations païennes, encore nom-
secie des cathares & des albigeois, deux vol. in-8", breuses dans cette partie de l'Europe, & dont la
Paris & Genève, 1849), a essayé de préciser cette conversion fut assez longue, ces nations subirent
origine, & les conclusions auxquelles il est arrivé l'influence de leurs dogmes polythéistes, en même
offrent assez de vraisemblance pour que nous de- temps que de l'empire byzantin leur venaient
vions en donner un court résumé. toutes les hérésies dont fourmillaient les couvents
M. Schmidt rattache les hérétiques cathares, grecs. Au nombre de ces hérésies était le mani-
albigeois, &c. de l'Occident aux sectes dissidentes chéisme que les pauliciens d'Arménie avaient ap-
qui s'étaient formées dans le bassin inférieur du porté en Macédoine, & qui fit de rapides progrès
Danube. Placées entre l'influence des p.ipes & celle dans tout l'empire grec. Tiaisportcci au dixièiv.c
Éd.origin.
i. ni, p. 1.
An 1 i6fi
Ail I \6b
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
la suite en Italie où ils portèrent leurs erreurs. D'Italie cette hérésie vint en
France au onzième siècle, sous le règne du roi Henri I, qui fit brûler à
Orléans plusieurs de ces manichéens. Us eurent le même sort dans le Tou-
lousain 8t dans les autres provinces où ils s'étoient répandus. Leur secte y
demeura depuis, sinon éteinte du moins cachée, jusqu'à ce que Pierre de
Bruis 8c Henri, son disciple, l'ayant renouvelée vers le commencement du
siècle suivant, dogmatisèrent publiquement. On a rapporté ailleurs' de quelle
manière ce dernier séduisit une partie des peuples du Toulousain Si des
environs, & les travaux ilu cardinal Albéric, légat du pape Eugène HI, & de
Kd.origin. 52i„t Bernard, qui £rent un voyage sur les lieux pour extirper ses erreurs.
Par malheur, malgré tous les soins de ces hommes apostoliques, les hérétiques
se conservèrent dans le pays; ils y prirent bientôt après de nouvelles forces
& s'étendirent sous différens noms, non-seulement dans les provinces voi-
sines, mais encore dans presque toute l'Europe.
Un ancien auteur^ rapporte que les disciples d'Henri, faisant de grands
progrès en ii5i, surtout en Gascogne, Dieu suscita une jeune fille qui dis-
puta contre eux & en ramena plusieurs à la foi catholique. Leurs erreurs
passèrent, avant^ l'an 1160, de Gascogne dans toute la Gaule, l'Espagne,
l'Italie 8t l'Allemagne, £<. jusque dans les îles Britanniques où elles furent
condamnées la même année dans un concile tenu à Oxford. Celui de Tours'*,
de l'an ii63, auquel assistèrent dix-sept cardinaux, cent vingt-quatre évo-
ques & plus de quatre cens abbés, avec le pape Alexandre III qui y présida,
dressa en ces termes son quatrième canon contre les mêmes hérétiques :
« Une damnable hérésie s'est élevée depuis longtemps dans le pays de Tou-
« louse d'où elle a gagné peu à peu la Gascogne & les autres provinces, Si
« a infecté plusieurs personnes. C'est pourquoi nous ordonnons, sous peine
« d'excommunication, aux évcques 8c aux ecclésiastiques du pays d'y apporter
« toute leur attention Se d'empêcher qu'on ne donne retraite aux hérétiques
« Si qu'on n'ait commerce avec eux, soit pour vendre, soit pour acheter. » Il
est ordonné ensuite aux princes catholiques d'emprisonner ceux de ces sec-
taires qu'on découvriroit 8c de confisquer leurs biens; « 8c parce que, est-il
siècle dans la Dalmatie, ces doctrines hétérodoxes tie sur l'interprétation personnelle des Écritures
ne tardèrent pas à passer en Italie & de là en par les fidèles, cette liberté laissée à l'action indi-
France. viduelle dut amener de grandes divergencss entre
Ce fut une femme italienne qui les fit connaître les opinions, de même qu'au seizième siècle, du
»ux hérétiques brûlés à Orléans en 1022. jour où Luther eut remis la Bible entre les mains
Au onzième siècle le manichéisme avait gagné de tous, chacun put se créer une doc- trine pnrii-
toute la Lombardie, que les guerres civiles cnlc- culière. [A, M.]
vaient à la surveillance des papes. En même temps 'Voyez tome III de cette édition, 1. XVII,
d'autres missionnaires hérétiques allaient par l'Ai- n. lxxiv, p. 741 & suiv.
leraagne & les bords du Rhin gagner à leur foi la ' Math. Parisiensis, nd ann. i i5i.
Flandre, les Pays-Bas & le centre de la France. ' Cuillelmus Neubrigensis, Rerum An^llc^rum,
C'est sans doute à ces origines diverses qu'il faut 1. 2, c. i3.
attribuer en partie la confusion qui régnait dans ■* Le P. Labbc, Conciliorum colhetlo, &.c. t. 10,
toutes ces doctrines, la plupart fort incohérentes. c. i^ip.
Ajoutons que la doctrine cathare reposant en par-
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 3
« ajouté dans le canon, ils se rassemblent souvent de divers endroits, on fera
<c un& recherche exacte de leurs conventicules, qu'on détendra sévèrement, n
Le sommaire de ce canon est ainsi conçu ; Que tous évitent le commerce des
hérétiques albigeois. Cela prouveroit que le nom d'albigeois étoit déjà alors
en usage pour désigner ces hérétiques, s'il ne paroissoit d'ailleurs que ce
sommaire a été dressé longtemps après. En eftet, le nom d'albigeois n'est'
employé dans ce sens que dans des monumens bien postérieurs.
Enfin ces mêmes hérétiques avoient fait, en ii63, de grands progrès dans
le Périgord, suivant le témoignage d'un auteur contemporain^ qui décrit
leurs mœurs de la manière suivante : « Ces faux prophètes prétendent mener
« une vie apostolique 8< imiter les apôtres. Ils prêchent sans cesse, marchent
« nu-pieds, prient à genoux sept fois par jour & autant pendant la nuit;
« ils ne veulent recevoir d'argent de personne, ne mangent point de viande
Il & ne boivent pas de vin, & se contentent de recevoir leur simple nourri-
ce ture; ils disent que l'aumône ne vaut rien, parce que personne ne doit
« rien posséder; ils refusent de participer à la sainte communion, prétendent
« que la messe est inutile. Se déclarent qu'ils sont prêts à mourir 6c à souffrir
« le dernier supplice pour leur croyance. Ils font semblant d'opérer des pro-
K diges, &c. Ils sont au nombre de douze principaux, sous la conduite d'un
Il chef nommé Pons. » C'est de ce nombre de douze que ces imposteurs se
firent appeler apostoliques.
II. — Concile de Lomhers.
Les évêqucs & les seigneurs de la Province voulant arrêter les progrès de
l'erreur, conformément au ^ concile de Tours, s'assemblèrent vers le mois de
mai"* de l'an ii65, à Lombers, petite ville du diocèse d'Albi, dont les habi-
tans, entre lesquels il y avoit plusieurs chevaliers, protégeoient les hérétiques.
Il paroît que Guillaume, évêque d'Albi, procura la tenue de cette assemblée
à laquelle se trouvèrent^ avec lui Pons d'Arsac, archevêque de Narbonne, les
évêques Aldebert de Nimes, Gaucelin de Lodève, Gérard de Toulouse, S<
Guillaume d'Agde ; & huit abbés dont quatre étoient du diocèse d'Albi,
savoir : Roger de Castres, Henri de Gaillac, Pierre d'Ardorel, £< celui de
Candeil dont on ne marque pas le nom. Les quatre autres abbés étoient
Raimond de Saint-Pons S< Alphonse de Fontfroide, au diocèse de Narbonne,
Raimond de Saint-Guillem, dans celui de Lodève, S< Pierre de Cendras,
dans celui de Nimes. Les prévôts des cathédrales de Toulouse £<. d'Albi, avec
les archidiacres de Narbonne 6c d'Agde, 8i plusieurs autres ecclésiastiques v
assistèrent aussi. Quant aux seigneurs séculiers, Constance, sœur du roi
Louis le Jeune, Se femme de Raimond V, comte de Toulouse, s'y trouva avec
■ Voyez tome VII, Uote XIII, p. 3.'5. ' Le P. Labbe, Concillorum cotlcctio, &c. t. lo,
'Annal, abhat, Mjrgar. — M.ibillon , Vctcru c. 1470.
analecta, t. 3, p. 4')-/. — Pngi , ann. 11 63, n. 3 * Voyez tome VII, Note I, p. 1,
& seq. 5 nu.
An 1 165
An I lOJ
4 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
T\enca.vQ\, vicomte (& non pas comte comme quelques ' modeines l'ont avancé)
uuriil'I d'Albi, de Béziers, de Carcassonne St de Razès; Sicard, vicomte de Lautrec,
8<, Isarn de Dourgne. Ce dernier prenoit son surnom d'un château situé
dans l'ancien Toulousain, & aujourd'hui dans le diocèse de Lavaur, Il en
partageoit la seigneurie avec ses frères j ils en avoient hérité de Pons, leur
aïeul.
Une foule de peuple accourut de tous les environs à cette assemblée. Elle
nomma d'abord^ des députés ou commissaires pour disputer contre les héré-
tiques qui se faisoient appeler hons-liommes ik qui avoient à leur tête un
nommé. Olivier. On choisit pour cela les évêques d'Albi & de Lodève, les
abbés de Castres, d'Ardorel & de Candeil, &. un ecclésiastique nommé
Arnaud de Beben. L'évêque de Lodève interrogea ensuite les hérétiques au
nom de l'évêque d'Albi qui, comme diocésain, avoit la principale autorité sur
eux, & leur demanda s'ils recevoient la loi de Moïse &. les autres livres de
l'Ancien Testament : ils répondirent qu'ils n'admettoient que le Nouveau.
Puis il les interrogea sur divers articles de la foi; mais ils s'excusèrent de
répondre, à moins qu'ils n'y fussent contraints, ou s'expliquèrent d'une
manière ambiguë. Enfin l'assemblée ayant écouté tout ce qui fut dit de part
8c d'autre, on fit silence 8c l'évêque de Lodève prononça le jugement au nom
de l'évêque d'Albi 8c de ses assesseurs. Il déclara que ceux qui se faisoient
appeler bons-hommes étoient hérétiques. « Je condamne, ajouta-t-il, la secte
« d'Olivier 8c de ses associés, qui tiennent le sentiment des hérétiques de
« Lombers, quelque part qu'ils soient, suivant l'autorité des écritures. » Il
rapporta ensuite plusieurs passages du texte sacré pour réfuter les erreurs des
sectaires, qu'il partagea en six articles. Les hérétiques se récrièrent beaucoup
contre cette sentence : ils prétendirent qu'elle étoit injuste 8c qu'ils ne pou-
voient être jugés par l'évêque de Lodève qui étoit, disoient-il's, leur ennemi,
un hérétique, un faux pasteur 8c un hypocrite. C'est la raison pour laquelle,
ajoutèrent-ils, nous n'avons pas voulu lui rendre compte de notre foi; mais
nous offrons de prouver, par les évangiles 6* les épitres, qu'il n'est pas un
pasteur légitime, non plus que les autres prêtres 8c évêques, 8c qu'ils sont
tous des mercenaires : a Ma sentence est juridique, répliqua ce prélat; je suis
« prêt de la soutenir en la cour du pape Alexandre, en celle de Louis, roi
« de France, en celle de Raimond, comte de Toulouse, ou de sa femme qui
K est ici présente, 8c enfin en celle de Trencavel qui est aussi présent. » Ce
dernier, en qualité de vicomte d'Albi, avoit la principale autorité temporelle
clans le pays, après le comte de Toulouse qui en possédoit le comté.
Les hérétiques se tournant alors vers le peuple : Écoute-^, dirent-ils, gens
de bien, notre profession de Jbi. Ils parlèrent ensuite sur les articles contestés,
comme les catholiques; mais l'évêque de Lodève leur ayant proposé de faire
serment qu'ils croyoient de cœur ce qu'ils venoient de confesser de bouche,
■ Langlois, Histoire Jes croisades contre les a.lii- ' Le P. L;il)be, Concilicrum coUcctio, S<.c. t. lo,
geois, l. I, p. 32. c. H70.
HISTOIRE, GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 5 ~~ ~~
An iiCo
ils le lefuscrent, sous prétexte qu'il n'étoit pas permis de faire serment, sui-
vant levangile 6- les épitres, en quoi ils erroient manifestejnent. Aussi
furent-ils condamnés de nouveau par l'évêque de Lodève qui prouva par
divers passages du Nouveau Testament que le serment étoit permis, &,
qu'étant notés d'hérésie, ils dévoient s'en purger par serment.
Ces prétendus bons hommes, se voyant convaincus sur ce point, s'excu-
sèrent de faire le serment qu'on leur demandoit, sous prétexte que l'évêque
d'Albi leur avoit promis de les en dispenser. Ce prélat se leva aussitôt 8c,
leur ayant donné un démenti formel, il confirma par son suffrage la sen-
tence prononcée contre eux par l'évêque de Lodève, & défendit aux cheva-
liers de Lombers, en vertu de l'engagement qu'ils avoient pris avec lui, de
protéger les sectaires. Les abbés de Castres, d'Ardorel & de Candeil, 8c
Arnaud de Beben, commissaires, confirmèrent ensuite la sentence; elle fut
souscrite après eux, en présence de tout le peuple, par l'archevêque de Nar-
bonne, les autres évêques, abbés 8c ecclésiastiques; par le vicomte Trencavel;
par Constance, qui se qualifie sœur du roi de France 6- femme de Raimond,
comte de Toulouse, 8c qui souscrivit immédiatement après Trencavel ; par
Sicard,. vicomte de Lautrec, 8c enfin par Isarn de Dourgne.
C'est ainsi que les hérétiques henriciens, connus alors sous le nom de
hons-hommes, furent condamnés en ii65, dans le concile de Lombers, petite Éd.crisin.
• . . 't. lu, p, .1,
ville située à deux lieues d'Albi, vers le midi Se les frontières du diocèse de
Castres, 8c non à Lombez sur la Save, dans le Toulousain, comme quelques-
uns de nos critiques' les plus célèbres l'ont cru. La plupart des modernes se
sont trompés' aussi en rapportant ce concile à l'an 1176. Un des plus habiles
d'entre eux^ remarque à cette occasion que les originaux du concile de Lom-
bers prouvent que les hérétiques qui y furent condamnés étoient des mani-
chéens, puisqu'ils rejetoient l'Ancien Testament 8c condamnoient le mariage.
Du reste, nous n'entrerons pas ici dans le détail des autres erreurs qu'ils sou-
tenoient ou que différents auteurs leur attribuent, il nous suffira de dire en
général qu'ils étoient presque tous extrêmement ignorans Se qu'ils n'avoient
pas proprement de système uniforme, quoique le fond de leurs erreurs fût le
pur manichéisme.
IlL — Concile de Capestang,
Il paroît que Pons, archevêque de Narbonne, confirma, au mois de juillet
de l'an 1166, à Capestang, petite ville de son diocèse, la condamnation qu'il
avoit déjà faite des hérétiques au concile de Lombers. Nous savons du moins
que ce prélat, Pons, évêque de Carcassonne, Guillaume, évêque d'Agde,
Jean, évêque de Maguelonne, 8c plusieurs abbés 8c ecclésiastiques du second
ordre s'assemblèrent "* alors dans ce lieu où Bérenger de Sallèles ratifia en
■ Bossuet, Histoire Jes variations, 1. il, — Pngi, ' FIciiry, Histoire ecclhlaslique, 1. 62, n, 61.
ad ann. 1 176, n, 1. * Archives de l'église dt Narbonne.
' Voyez tome VII, Noff T, p. i.
Au II 65
6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
leur présence une donation que son aïeul 8t son père avoient faite aux reli-
gieux du prieuré de Sallèles, dépendant de l'abbaye de Moissac.
IV. — Ces hérétiques nommés albigeois. — Origine de ce nom. — Leurs
nouveaux progrès.
Quant au nom d'albigeois, qui fut donné aux hérétiques condamnés au
concile de Lombers, quelques auteurs croient que ce fut à cause qu'ils étoient
. en plus grand nombre dans le diocèse d'Albi que partout ailleurs'. Mais il
est certain qu'on ne commença à leur donner ce nom qu'en 1208 8<. dans le
temps de la croisade qu'on publia contre eux. Or, comme ils étoient alors
pour le moins aussi nombreux dans le Toulousain, les diocèses de Carcas-
sonne 8c de Béziers & divers pays de l'Aquitaine, que dans l'Albigeois pro-
prement dit; il nous paroît qu'on les appela albigeois parce qu'ils avoient été
d'abord condamnés dans le diocèse d'Albi. Aussi nommoit-on, au treizième
siècle, parties d'Albigeois presque tout le haut Languedoc & les pays voisins,
à cause que ces sectaires y étoient également répandus. D'autres entre les-
quels* est le célèbre M. de Thou, prétendent que ce n'est pas du pays d'Al-
bigeois, en Aquitaine, mais du Vivarais, dont l'ancienne capitale s'appelloit
Albe, que ces hérétiques prirent leur nom; mais ce sentiment ne paroît^
avoir aucun fondement solide.
La condamnation de ces sectaires au concile de Lombers n'empêcha pas
leurs progrès, tant dans la Province que dans les pays étrangers'*, 8c ils
s'étendirent surtout en Bourgogne 8c en Flandres, sous le nom de poplicains.
Quelques-uns d'entre eux ayant été pris à Vézelai, en 1167, les archevêques
de Lyon 8c de Narbonne, l'évêque de Nevers Se plusieurs abbés s'assemblèrent
dans cette abbaye 8c les convainquirent de n'admettre que la seule essence
divine ; c'est de là sans doute que divers anciens les appellent ariens. Ils
furent convaincus aussi de rejeter le baptême des enfans, l'eucharistie 8c le
jnariage, 8c de plusieurs autres erreurs : les uns se convertirent, les autres
refusèrent de faire abjuration 8c furent brûlés 5 vifs.
On assure<5, sur l'autorité d'un monument qu'on prétend ancien, que les
hérétiques s'étant accrus extrêmement dans le Toulousain ils tinrent en 1167
un conciliabule général de leur secte à Saint-Félix de Caraman, à cinq lieues
de Toulouse, que leur prétendu pape, appelé Niquinta, présida à l'assemblée
' Voyez tome vu , Kote XllI , p. 33. — Re- e'iîegSum, t. 3, p. 644. — Diicliesne, Hlstônac Franc.
marquons pourtant que le sommaire du concile de SS, t. 4, p. 720.
Tours de 1162 (Voyez plus haut, n. i) porte les ^ Le P. Labbc, BlbUothcci nova monuscnftorum,
hérétiques albigeois. Il est vrai que dom Vaissete t. i, p. Sny.
dit que ce sommaire a été rédigé postérieurement. « Besse, Histoire des ducs, marquis & comtes de
Nous ignorons sur quoi il se fonde pour parler Narhonne, pp. 042 & 4S3. — Percin, Notae in
ainsi. [A. M.] haereScm Aliigcnsium, part. I. — Voyez tome VII,
' Voyez tome VII, Note XIII, p. 33. Note I, n. 4. —Voyez la remarque que nous avons
3 rt ■ j . , * ^
•"'"'• ajoutée à ce que dom Vaissete dit de ce concile,
' D'Achéry, Historii Fir^ehcensis, dans le Spi- tome VII, p. 4, c. 2.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. X!X.
An Ii6j
t. m, p. 5.
à laquelle se trouvèrent les députés des hérétiques de France, de Loinbardie,
de l'Albigeois, du Toulousain, de Carcassonne 8<. de la vallée d'Aran, en
Gascogne; que ce prétendu pontife consacra alors un évêque, nommé Bernard-
Raimond, pour ceux du Tioulousain ; qu'il en ordonna d'autres pour les
églises de Carcassonne, d'Aran, d'Albigeois, de France & de Lombardie, &
qu'il déclara que ces évêques seroient indépendans les uns des autres. Ensuite
les églises de Toulouse 8c de Carcassonne choisirent, dit-on, chacune huit
commissaires pour régler les limites de leurs diocèses; celui de Toulouse eut
la même étendue que le diocèse catholique de cette ville, qui comprenoit
alors tout ce qui est renfermé aujourd'hui dans la province ecclésiastique de ûâ. oiigin.
Toulouse, 8c on assigna au diocèse de Carcassonne tout le reste de la pro-
vince de Narbonne.
V. — Raîmond, comte de Toulouse, se sépare de Constance, sa femme.
Constance fit un voyage k la cour du roi Louis le Jeune, son frère, peu
de temps après avoir assisté au concile de Lombers. Il paroît' qu'elle se sépara
alors entièrement de Raimond V, comte de Toulouse, son mari, de qui elle
avoit reçu divers sujets de mécontentement Se qui ctoit alors en Provence, 8c
qu'elle ne le rejoignit plus le reste de ses jours. Elle se plaignoit de ce que
ce prince n'avoit pas pour elle tous les égards qui lui étoient dus 8c de ce
qu'il avoit des maîtresses. C'est ce que nous voyons par divers monumens,
entre autres par les lettres qu'elle écrivit au roi Louis le Jeune, son frère.
Dans l'une*, elle le prie très-î'nstammcnt de la secourir au plus tôt, ne pou-
vant plus supporter son malheur; elle lui recommande un chevalier, nommé
Gui, « qui est parfaitement instruit, ajoute-t-elle, de tous mes secrets 8c qui
(( vous fera part de la nécessité où je me trouve. » Dans une autre ^ lettre
elle se réjouit d'en avoir reçu une de ce prince. « Si vos promesses, lui dit-
ti elle, sont bientôt accomplies, elles me rendront heureuse, de malheureuse
<| que je suis depuis longtemps. J'appréhende cependant que vos envoyés 8c
« les miens ne me trompent, 8<, pour dissiper entièrement ma crainte, je
« vous supplie de ne pas oublier votre infortunée sœur. » Enfin elle lui
écrivit la lettre suivante* : « A son très-cher père 8c vénérable seigneur, Se
« son très-cher frère Louis, par la grâce de Dieu roi des François, Cons-
« tance, comtesse de Saint-Gilles, salut, mais surtout affection. Je vous fais
« savoir, comme à celui en qui je mets toute mon espérance après Dieu, que
« le même jour que Simon, notre domestique, est parti d'auprès de moi, j'ai
« quitté l'hôtel 8c me suis rendue dans un village, en la maison d'un certain
« chevalier, car je n'avois ni de quoi manger, ni de quoi donner à mes ser-
« viteurs. Le comte n'a aucun soin de moi 8c ne me fournit rien de son
K domaine pour mes besoins. C'est pourquoi je supplie votre altesse, si les
' Voyez tome Vil, Vole II, p. 5. • Diichesrte, Hiit. Franc, f. 4, p, jiô, ep. ^5o.
' Duchcsn», fiistoriac Franc, t. 4, p. 712. * IbiA. ep. 44'j.
— 8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 165
« ambassadeurs qui vont à la Cour vous disent que je suis ijien, de n'y pas
« ajouter foi; la chose est telle que je vous la mande, 8t si j'avois osé vous
« écrire, je vous aurois fait un plus long récit de mes malheurs; adieu. »
Constance alla peut-être joindre le roi, son frère, en Auvergne, dans le temps
que ce prince fut occupé, en' ii65, dans cette province, à une expédition
contre les comtes du pays 8i le vicomte de Polignac.
VI. — Expédition du roi Louis le Jeune en Auvergne contre les comtes
d'Auvergne i- du Puy, 6- le vicomte de Polignac,
Guillaume VI, comte d'Auvergne, descendoit des^ anciens vicomtes de Cler-
mont, à qui les comtes de Toulouse, ducs d'Aquitaine, avoient inféodé les
comtés d'Auvergne & de Vêlai, & qui depuis avoient pris le titre de comte.
Il eut deux fils, Robert III, qui lui succéda dans le comté d'Auvergne, &
Guillaume VHP. Pvobert III fut père de Guillaume VII, qui devoit natu-
rellement lui succéder; mais Guillaume VIII, oncle paternel de ce dernier,
lui disputa la succession, s'empara de l'Auvergne, prit le titre de comte du
pays, & ne laissa qu'une partie du domaine de sa maison à Guillaume VII,
qui la posséda sous le nom de comte du Puy^^ parce que les biens qui lui
furent laissés étoient situés en partie dans le Vêlai, qui étoit encore alors uni
avec le comté d'Auvergne.
Guillaume VII Si Guillaume VIII, qui sont qualifiés assez souvent tous
deux ensemble comtes d'Auvergne dans les monumens^ du temps, s'étant
unis, après avoir pacifié leurs querelles domestkjues, commirent une infinité
de brigandages'' dans les domaines des églises de l'Auvergne & du Vêlai;
tandis que d'un autre côté Pons, vicomte de Polignac, ayant enfreint'' la
paix qu'il avoit conclue en 1162, à Souvigni, en présence du roi, avec
l'évêque du Puy, vexoit ce prélat^, l'abbaye de la Chaise-Dieu Si les autres
églises du pays. Si continuoit d'exiger les péages à la levée desquels lui Si
son père avoient si souvent Si si solennellement renoncé.
La crainte des foudres de l'Eglise avoit engagé Guillaume VIII, lorsque le
pape Alexandre III passa à Clermont', de s'accommoder avec l'évêque de
cette ville. Le pape confirma alors cet accord par une bulle datée de la même
ville, le 19 d'août; ainsi cette bulle appartient à l'an 1162 81 non pas à
î'\n"o'"6 ''^^ 'i65, comme un moderne '° l'a avancé. Alexandre n'eut pas plutôt quitté
l'Auvergne que Guillaume VIII, son fils Robert Si le comte du Puy, son
neveu, recommencèrent leurs courses. Ils ravagèrent entre autres la ville de
' Voyez tome VII, Note III, p. 8. " Duchesne, ffislori.:e Franc, t. 4, pp. 417, rtop,
* Voyez tome II, ?/ote XVII, p. 42. 631,671,631,689.
^ Baluze, Histoire généalogique lie Ici maison d'Au- ' IhiJ. p. 417. — B.nluze, Histoire généalogique
fergne, t. 1, p. 59 & suiv. rfe la maison d'Auvergne, t. 2, p. 66.
* Duchesne, Historiae Franï. t. 4, p. 417. — * Duchesne, Historiac Franc, p. 682.
Voyez tome II, Note XVII, p. 42. » Baliize, Histoire généalogique de la maison d'Ju-
' Duchesne, Historiae Franc, t. 4, pp, 608, 63 1, vergne, t. 2, p. 65.
675 & suiy. '" Ibid.t. \, ip. 60.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 9 ^^ ,,^5
Brioude 8c les domaines' de l'abbaye de ce nom avec Pons, vicomte de Poli-
gnac, le comte de Rodez & divers autres seigneurs 8c chevaliers qu'ils s'étoient
associés 8c dont ils avoient formé une petite armée. Ces nouveaux désordres
excitèrent de nouvelles plaintes de la part de l'évêque de Clermont &c de
l'église de Brioude; 5c s'étant adressés au pape, le pontife excommunia^ les
deux comtes d'Auvergne 8c le vicomte de Polignac par une bulle datée de
Paris, le 20 de mars de l'an ii63. Guillaume VIII chercha alors à faire sa
paix, £c, étant allé trouver le pape Alexandre III à Tours, il fit tant par ses
promesses qu'il obtint son absolution^, vers le commencement du mois de
juin suivant. Comme sa pénitence n'étoit que feinte, il renouvela bientôt
après avec le comte du Puy, son neveu, 8c Pons, vicomte de Polignac, leurs
anciens brigandages dans les domaines des évêques de Clermont 8c du Puy,
Se des abbes du pays qui, ne trouvanf* aucun remède à leurs maux, firent
un voyage à la Cour pour exposer au roi Louis le Jeune leur triste situa-
tion. Ils sollicitèrent ce prince avec tant d'instance de venir à leur secours
que Louis, se laissant toucher par leurs prières, les prit sous sa protection,
se mit à la tête d'une armée, s'avança vers l'Auvergne 8c arriva enfin à
Biioudc''.
Les deux comtes 8c le vicomte de Polignac eurent la témérité de prendre
les'^ armes 8c de résister au roi; mais ce prince les eut bientôt défaits, '
8c, après les avoir fait prisonniers, il les emmena avec lui Se les tint en
prison.
Les comtes d'Auvergne, pour en sortir, eurent recours k Henri II, roi
d'Angleterre, dont ils se prétendoient vassaux Se qui les réclama' en cette
qualité; mais Louis les retint toujours jusqu'à ce qu'ayant donné des marques
suffisantes de repentir, Se promis solennellement de ne plus vexer les églises
du pays, il leur rendit la liberté^. Les deux comtes Se le vicomte de Polignac,
leur associé, gardèrent fort mal leurs promesses Se ne demeurèrent pas long-
temps sans commettre de nouvelles hostilités contre les églises de l'Auvergne
Se du Vêlai.
VII. — Union du comté de Vêlai au domaine des évêques du Puy.
Guillaume VIII se brouilla cependant de nouveau avec Guillaume Vil,
son neveu, au sujet du comté d'Auvergne qu'il avoit usurpé sur lui. Leur
querelle engagea le roi d'Angleterre' à venir en Auvergne, en 1167, à la
tête d'une armée, pour les mettre d'accord comme leur suzerain; mais Guil-
laume VIII manqua de se trouver au rendez-vous qu'on lui avoit marqué 8c se
mit sous la protection du roi Louis le Jeune, tandis que le comte du Puy, son
' Duchesne, Hlstorlae Franc, p. tfo8 & seq., • Diichesne, Hiitcrtete Franc, p. 653.
p 58i. ^ liid. p. 417,
' nu. p. 608. ' liid. p. 731.
' liij. p. 619. • tbiJ. pp. 671, 675 & suiv.
* Ihid. p. 415. ^ Robcrtus de Monte, Chronicon, p. j66.
10 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 166
neveu, demeura sous celle du roi d'Angleterre '. Le premier se maintint par là
dans la paisible possession du comté d'Auvergne qu'il transmit à ses descen-
dants; il paroît que le roi confisqua alors le comté du Puy ou de Vêlai sur
l'autre & l'unit^ au domaine des évêques du Puy. Ces deux comtes s'accom-
modèrent3 dans la suite, 6< Guillaume VIII céda enfin à Guillaume VII, son
neveu, une partie de l'Auvergne, que ses successeurs possédèrent sous le nom
de dauphiné d'Auvergne ou de comté de Clermont.
VIII. — Origine de l'abbaye de Douhe, en Velal, b de celle de la Capelle,
au diocèse de Toulouse.
Pierre, évêque du Puy, profita de la prison des comtes d'Auvergne 8c du
vicomte de Polignac pour travailler à la réformation des églises de son dio-
cèse. L'abbaye de Saint-Jacques de Douhe, qui étoit alors habitée par des
chanoines réguliers & dont on rapporte "* l'origine à l'an ii38, en avoit entre
autres un extrême besoin. Pierre voulant y établir la réforme de Saint-Victor
de Paris l'offrit^, vers l'an 1 165, à Etienne, abbé de Saint-Euverte d'Orléans,
connu sous le nom d'Etienne de Tournay, parce qu'il fut évêque de cette
ville. On ne voit pas que ce dessein ait été exécuté; mais cela prouve que
l'ordre de Prémontré n'étoit pas encore alors établi dans l'abbaye de Douhe.
Il V fut introduit bientôt après par le même évêque du Puy, & on prétend
que le pape Alexandre III confirma"^ cette introduction par une bulle datée
de Viterhe au mois de janvier de la quatrième année de son pontificat ; on n'a
pas fait attention que ce pape passa toute la quatrième année de son ponti-
ficat en France, Se que les lettres d'Etienne de Tournay, où il est parlé du
projet de cette réforme dans l'abbaye de Douhe, sont postérieures à cette
ncj.origin. tiate. H paroît donc que les Prémontrés ne furent introduits dans l'abbaye de
Douhe qu'après l'an ii65, & que ce fut seulement le i5 de juillet de l'an 1167,
car on voit'' que Pierre, évêque du Puy, établit, cette dernière année, les
chanoines réguliers dans cette abbaye. Au reste, c'est une des plus anciennes
de l'ordre de Prémontré en Languedoc; elle est encore gouvernée par un
abbé régulier. Si située sur une éminence qui domine le bord de la Loire, à
une lieue du Puy, vers le sud-est. Elle a cinq pj'ieurés en Vêlai ou en Viva-
rais sous sa dépendance, 8t l'abbé, entre autres privilèges, a celui de siéger
dans la cathédrale du Puy, après les quatre premières dignités.
L'abbaye de la Capelle, au diocèse de^ Toulouse, du même ordre de Pré-
montré, qui fut fondée en 1143 par Bernard Jourdain, seigneur de l'Isle, est
par conséquent plus ancienne que celle de Douhe. Jourdain de l'Isle, fils du
' EaUize, Histoire généalogique Je la maison tl'Aù- ' Stepliamis Torilacensis, ep. 19 & îo, p. 287.
vergne, t. 1, p. 66 & siiiv. — . Mnrténe, Veterum SS. amplissima colhclio, t. 6,
' Voyez tome IV, Note XVII, pp. 89, 90. p. 237.
' Baluze, Histoire généalogique de la maison il'Ju- ^ Gallia Christiana, nov. éd. t. 2, p. 770;
vergne, t. i, p. 66 & siiiv. ' Ibid. p. 706.
< GMia Christiana, ilOY. cd, t. 2, p, 769 & suiv. » Archives de l'abbaye de la Capellej
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. ii
fondateur, y fit beaucoup de bien en it6i & ii63; elle subsiste sur la
Garonne, à la gauche de ce fleuve, à une lieue au-dessus de Grenade, dans
le domaine des anciens seigneurs de l'Isle-Jourdain.
IX. — Confirmation des privilèges de l'église de Narbonne.
Le roi Louis le Jeune, en allant à son expédition contre les comtes d'Au-
vergne Se le vicomte de Polignac, ou à son retour', passa à Souvigni, en
Bourbonnois, où il donna ^ en faveur de Pons, archevêque de Narbonne, un
diplôme qui est daté de l'an ii65. Ce prélat lui avoit écrit^ peu de' temps
auparavant pour lui marquer qu'il avoit un extrême désir de l'aller joindre;
mais que ne le pouvant alors, il lui envoyoit Bertrand, chantre de son église,
& le supplioit de renouveler en sa faveur le diplôme qu'il avoit accordé autre-
fois à son prédécesseur. En conséquence Louis fit expédier cette charte par"*
laquelle il confirma, en faveur de Pons, tous les droits que les rois ses prédé-
cesseurs avoient accordés à l'église de Narbonne, avec la justice & le domaine
tant sur le bourg de Narbonne que sur divers châteaux du pays.
X. — Constance, comtesse de Toulouse, se retire à la cour du roi Louis le Jeune,
son frère. '
On doit rapporter'' au même temps une lettre "^ que le commun conseil de
la ville S< du faubourg de Toulouse écrivit à ce prince, 8< dont voici le sujet.
Louis avoit envoyé quelques seigneurs dans cette ville pour y prendre la
comtesse Constance, sa sœur. Si l'amènera la Cour. Les Toulousains la firent
accompagner par quatre de leurs députés & les chargèrent de la lettre dont
on vient de parler, dans laquelle ils prient le roi d'avoir soin de cette prin-
cesse, de la protéger avec ses enfans 8< la ville de Toulouse, &t de la leur
renvoyer le plus tôt qu'il seroit possible : « Parce que, ajoutent-ils, c'est en
« elle & avec elle que nous mattons toute notre joie & toute notre force. »
On voit par là que ces peuples avoient beaucoup d'affection pour Constance,
nonobstant ses différends avec leur comte, son mari.
Louis, après avoir heureusement terminé son expédition dans l'Auvergne
Se le Vêlai, revint à Paris pour assister aux couches de la reine Alix de
Champagne, sa troisième femme, qui accoucha'^, le samedi dans l'octave do
l'Assomption de l'an ii65, d'un fils qui fut nommé Philippe & qui régna
dans la suite sous le nom de Philippe IL Constance, comtesse de Toulouse^
qui étoit alors arrivée à la Cour, fut une des marraines de ce jeune prince, son
neveu, dont la naissance causa une joie universelle dans le royaume, parce
que Louis n'avoit pas encore eu d'enfans mâles; les Toulousains en eurent
' Voyez tome VII, Ka'.c III, n. li * D'Achéry, SpiàUgiam, t. i3, p. 3iîi
* D'Achéry, Spicilegium, t. l3, p. 3i5. — [V'oyeï ' Voyez tome IV, Note II, n. i.
to-r.e V, Cl i56û, n. i3i.] ' Duchesne, Histeriac franc, t. 4, p. 7201
' Duchesne, Histdriae Franc, t. 4, p. 647. ' Util. p. 419;
An 1 itô
An II 65
12 IIISTOIllE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
surtout un fort grand plaisir ; ils écrivirent au roi, à cette occasion, une nou-
velle lettre' dans laquelle ils lui témoignent que le clergé Se le peuple du
pavs, après avoir rendu à Dieu des actions de grâces solennelles de cette
naissance, ne cessent de prier pour la conservation du jeune Philippe. « Nous
« vous envoyons, ajoutent-ils, comme vous nous l'avez ordonné par vos
« envoyés, quatre députés de notre chapitre {de capitulo nostro), savoir : trois
« séculiers dont ils marquent le nom, & le curé de Saint-Pierre des Cuisines,
« 8<. deux de notre conseil. « Ils chargèrent ces députés de poursuivre à la
Cour quelques affaires importantes qui regardoient la ville de Toulouse, 8c
leur firent prêter serment, avant leur départ, d'en soutenir les intérêts :
Sauf la fidélité qui est due, disent-ils dans leur lettre, à notre seigneur le
comte Se à la sérénissime dame notre comtesse. Enfin, ils supplient le roi
d'accorder sa protection à ses neveux, leurs seigneurs, & de leur renvoyer
incessamment sa sœur, leur dame. Il paroit que, malgré les vœux des Toulou-
Pùrp'b sains. Constance ne rejoignit plus le comte Raimond, son mari, & qu'ils
firent alors l'un 8<. l'autre divorce ensemble pour le reste de leur vie. Il est
certain du moins que Pvaimond répudia Constance^, comme nous le dirons
bientôt.
XI. — Retour du pape Alexandre III à Montpellier. — Son départ pour
l'Italie. — Comtes de Ronssillon.
Cependant le pape Alexandre III résolut de retourner en Italie après avoir
fait un séjour de plus de trois ans en France. 11 célébra à Sens la fête de
Pâques de^ l'an ii6j, puis il alla à Paris 8< à Bourges, ,& arriva au Puy
d'où il écrivit au roi"^, le 3o de juin; il partit ensuite pour Montpellier, où il
fit un assez long séjour, en attendant le temps de s'embarquer, parce qu'il
vouloit faire le voyage par mer. Durant^ cet intervalle, l'empereur Frédéric
fit tout son possible, soit par présens, soit par promesses, pour engager Guil-
laume, seigneur de Montpellier, à s'assurer de la personne d'Alexandre & à
le lui remettre entre les mains. Mais ce seigneur, avant horreur d'une telle
proposition, la rejeta avec indignation & crut au contraire qu'il étoit de son
devoir de faire toute sorte d'accueil au pontife.
Alexandre étoit déjà arrivé à Montpellier le :i de juillet de l'an ii65; il
y donna alors deux bulles, Vuns^ en faveur de l'abbaye de Calers, au diocèse
de Toulouse, & l'autre pour'' celle de fjonnefont, au diocèse de Comminges,
La dernière de ces bulles, dans laquelle le pape se sert du calcul pisan dans
la date, est souscrite par douze cardinaux qui étoient à sa suite. Pendant son
séjour à Montpellier il donna commission, le i" d'août, aux évêques ds
' Duchesne, Hislor'iae Franc, t. 4, p. 714. ' Giiillelmus Neubrigensis , Rerum Angllcaruni,
' Voyez tome VII, Note II. 1. 2, c. 16.
' Bnroniiis, Jeta Alexanâri III, nnn. ii65. ^ Archives de l'abbaye de Calers.
■• Le P. Lnbbe, Conc'diorum coUectlo, &c. t. 10, ' GallU C/iristiana, noy . eà. t. \ , Instruitt . p. iSa
c. i335. & seq.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. i3
Rodez 8c de Cahors pour' terminer le différend qui s'étoit élevé entre l'église
d'Albi & l'abbaye d'Aurillac au sujet de l'église de Vieux. Six jours après, i!
écrivit^ au roi, &, le dimanche 8 de ce mois^, il sacra archevêque de Lyon
Guichard, abbé de Pontigni. Enfin il écrivit de Montpellier, le 19 d'août,
diverses lettres'* : entre autres deux^* en faveur de Guinard ou Gérard, comte
de Roussillon.
Guinard étoit fils de Gausfred, comte de Roussillon, mort le mardi^ 24 de
février de l'an 11 63 (1164), & d'Ermengarde ou Trencavelle de Béziers, sa
première femme. Gausfred l'avoit répudiée de son autorité, vers l'an 1145,
pour en épouser une seconde dont il avoit eu des enfans; mais les papes '^
Eugène III & Adrien IV avoient déclaré nul ce second mariage & les enfans
illégitimes. Alexandre III confirma leur sentence par les deux lettres dont on
vient de parler. Il adressa ^ la première à Gérard & lui confirma, en considé-
ration de son dévouement envers le Saint-Siège & à la prière de Trencavel,
son oncle, les domaines qui lui appartenoient par droit héréditaire & dont
il déclara déchus tant la femme adultère que son père avoit épousée après
avoir répudié la légitime, que le fils qu'il en avoit eu. Par l'autre il chargea
Pons, archevêque de Narbonne, Hugues, archevêque de Tarragone, 8c les
évêques d'Elne 8c de Girone de protéger le comte Gérard dans la succession
de son père, conformément à la décision du pape Eugène III, son prédéces-
seur. Outre la nullité manifeste du second mariage de Gausfred, Guinard
ou Gérard, son fils, pouvoit d'ailleurs se fonder tant sur la donation que son
père lui avoit faite du comté de Roussillon, en ii5i, que'-' sur la confirma-
tion qu'il avoit faite de cette disposition peu de temps avant sa mort.
Enfin le pape Alexandre, ayant tout disposé pour son départ, se rendit le
22 du mois d'août de l'an ii65, au grau de Mauguio ou de Melgueil, lieu
situé à deux lieues de Montpellier, sur l'étang de Maguelonne qui commu-
nique avec la mer, 8c non pas à, l'embouchure du Rhône, comme un histo-
rien'" moderne l'a avancé. Il écrivit de là une nouvelle lettre " au roi Louis
le Jeune, 8c alla le même'^ jour par bateau dans l'île de Maguelonne, où les
cardinaux s'embarquèrent sur un vaisseau des hospitaliers de Saint-Jean de
Jérusalem qui devoit porter à la Terre-Sainte divers chevaliers, lesquels v
alloient en pèlerinage. Ce vaisseau ayant mis à la voile jeta l'ancre dès qu'il
fut un peu éloigné de l'île de Maguelonne, pour attendre le pape qui devoit
s'y embarquer. Le pontite s'étoit mis pour cela sur une galère de Narbonne
avec quelques cardinaux qui étoient restés auprès de lui, 8c il se préparoit à
' Baluzc, Mlseellanea, i. 4, p. 466. • Baluze, MiiceUanea, t. 2, p. 227,
' Le P. Labbe, Coneillorum colUctio, &c, t. 10, ' Marca Hispanica, c. 5oS.
c. Ii36. '" Fleury, Hiiloire ecclciiasti(jue, I. 71, n. 19.
' Duchesne, Historiae Franc, t. 4, p. 633. "Le P. Labbe, ConcUiorum coUcctio, &c. t. 10,
* Le P. Labbe, ConcUiorum coUectio, &c. t. 10, c. 1198.
c. 1347. " Baroniiis, Acta Alexandri Ht, ann. 1 iCH, —
' Baluze, MlscelLnea, t. 2, p. 227. Guillelmus Neubrigensis, Rerum AngUcarum, 1, 2,
' Marca Hispanica, ce. 5o8 & 1399. c, 16,
' Voyez tome III, 1. XVUI, n. xviii, pp. 787-89.
An I i6i
"- 7~ 14 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LÎV. XIX.
passer dans le vaisseau, quand on vit paroître plusieurs galères de la répu-
blique de Pise, qui s'étoient tenues cachées jusqu'alors Si que l'empereur Fré-
déric avoit envoyées pour lui dresser des embûches & tâcher de se saisir de
^lîd.orighi. 33 personne. Alexandre, s'étant aperçu du piège, revint sur ses pas Se retourna
aussitôt à Maguelonne. La flotte pisane s'approcha cependant du vaisseau
où étoient les cardinaux; mais voyant que le pape n'y étoit pas, elle passa
outre; le vaisseau craignant de recevoir quelque insulte de la part des Pisans,
81 étant hors d'état de leur résister, prit le large & fit voile vers la Sicile.
Ainsi le pape fut obligé d'attendre encore quelques jours à Maguelonne pour
plus grande sûreté. Il se rembarqua enfin dans le port de cette île sur un
petit vaisseau qui le conduisit heureusement à Messine. Après son retour en
Italie, il confirma ', à Anagni, le 25 d'août de l'année suivante, les privilèges
qu'Arnaud, archevêque de Narbonne, avoit accordés aux chevaliers du
Temple, du conseil & du consentement des hommes illustres de bonne
mémoire, Alphonse, comte de Toulouse, Hugues, comte de Rodez, Roger,
vicomte de Béziers, & de plusieurs autres nobles du pays.
XII. — Bataille entre les Pisans b les Génois à Saint-Gilles. — Le comte
de Toulouse 6" le vicomte Trencavel javorisent les premiers.
Les galères de Pise, qui cherchèrent à s'emparer de la personne dû pape
Alexandre III, croisoient^ sur la côte de la Province depuis le mois de juillet
précédent. Les Pisans les avoient fait équiper au nombre de six, &, comme
ils étoient alors en guerre avec les Génois, ils enlevèrent quelques bâtimens
de Gênes qui étoient sur cette côte. Les Génois, voulant avoir leur revanche,
armèrent quatorze galères Se les envoyèrent en course contre la flotte pisane,
sous le commandement d'Amicus Grille. Ce général s'étant mis en mer donna
la chasse sur la côte de Montpellier h. de Marseille aux galères de Pise qui
tâchèrent de se réfugier, en remontant le Rhône, dans le port de Saint-
Gilles. Les Génois, résolus de les aller attaquer jusque dans ce port, remon-
tèrent de leur côté le fleuve par l'embouchure opposée, située vers Marseille,
&, faisant le tour de l'île de Camargue, ils descendirent ensuite vers Saint-
Gilles. Les Pisans, avertis de leur approche, prirent bientôt la fuite par !a-
même embouchure où ils étoient entrés, & qu'on appeloit alors le grau de Li
Chèvre. Les Génois les poursuivirent &, ayant rencontré en cet endroit cinq
vaisseaux pisans qu'on avoit abandonnés, ils les brûlèrent; ils firent ensuite
route vers Montpellier, mais ayant trouvé le vent contraire, ils revinrent à
Saint-Gilles par le grau de la Chèvre & demandèrent des vivres aux habi-
tans ; ceux-ci leur en ayant refusé, ils eurent recours à ceux d'Arles qui
leur en fournirent & qui se liguèrent même avec eux, après quoi ils se
remirent en mer.
' Archives de l'église de Nartonne. licanim, t. 6. — Voyez tome V, chronique n. V,
' Chronicon Pisanv.m, p. 177 & sctj. — Chronicon c. 3o.
Genueitse, p. jo5 &■ seq. dans Scrifiçrçs rçrum iu;-
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. i5
An 1 lOj
Cependant les Pisans, ayant armé une trentaine de galères pour faire
diversion, assiégèrent Si prirent, le 21 d'août, la ville d'Albenga, & ravagèrent
toute la côte de Gênes. Ils se rendirent de Jà au grau de Melgueil où ils
mirent le feu à cinq bâtimens génois qu'ils trouvèrent vides; ils vinrent
ensuite au grau de la Chèvre Si, remontant le Rhône, ils arrivèrent k Saint-
Gilles, le 1" de septembre, jour de la fête du saint, dans le temps qu'on y
tenoit une foire, à laquelle un grand nombre d'étrangers de toutes les nations
s'étoient rendus.
Les Génois, au désespoir de la prise d'Albenga, armèrent trente-cinq nou-
velles galères S<. les joignirent à celles qu'ils avoient déjà équipées. Ils firent
partir cette flotte, composée de cinquante bâtimens, sous la conduite du
même Amicus Grille, leur consul, pour aller attaquer celle de Pise qui étoit
à Saint-Gilles. Les Génois, après avoir remonté le Rhône par la grande
embouchure, passèrent devant Arles Si, ayant ensuite descendu le fleuve, ils
arrivèrent, la nuit du 3 de septembre, entre Fourques & le port de Saint-
Gilles, à deux milles de ce port; ils furent obligés de s'arrêter en cet endroit
à cause que la plupart des galères ne trouvant pas assez d'eau s'engravèrent.
Le lendemain 4 de septembre les consuls de Saint-Gilles vinrent prier celui
de Gênes de ne leur pas faire cet affront que d'attaquer les Pisans qui s'étoient
mis sous leur protection, avec promesse d'empêcher ces derniers de commettre
de leur côté aucune hostilité. « Je suis surpris d'une pareille proposition,
« répondit le consul Grille aux députés de Saint-Gilles; vous m'avez déjà
« traité comme ennemi, & vous m'avez refusé des vivres lorsque j'ai été chez
<i vous en dernier lieu. Si vous êtes donc de nos amis, fournissez-nous tout
« ce dont nous avons besoin, comme vous le faites à l'égard des Pisans; à
V ces conditions nous vous promettons de nous tenir éloignés de leur flotte, t.'nitpfro,
« Il ne nous convient pas, répliquèrent les consuls de Saint-Gilles, de favo-
« riser nos ennemis, 8c il paroîtroit par là que nous souhaiterions qu'il arrivât
« du mal entre vous 8c les Pisans, à qui nous avons donné notre foi dans le
« temps que nous ignorions votre arrivée. Le consul génois répondit : Si ma
« proposition ne vous plaît pas, obligez les Pisans de sortir de votre port, 8c
« nous vous promettons de ne les attaquer que lorsqu'ils en seront éloignés
« de six milles 8c hors de votre district. — Nous n'en ferons rien, dirent ceux
« de Saint-Gilles, parce que, si quelque malheur leur arrivoit, nous serions
Il couverts d'infamie; ainsi, si vous voulez les attaquer, nous les aiderons de
« toutes nos forces. »
Les Génois, après avoir entendu ces envoyés, députèrent â Raimond, comte
de Saint-Gilles ou de Toulouse, qui se trouvoit alors à Beaucairc. Les députés
de Gênes saluèrent ce prince 8c lui dirent : » Seigneur comte, la ville de
« Gênes a toujours témoigné jusqu'ici de l'amitié à votre père, à vous 6c aux
« vôtres, elle a toujours pris leurs intérêts comme les siens propres. On nous
« a envoyés pour savoir si vous voudriez nous rendre la pareille 8c nous
« accorder votre secours contre lès Pisans. » Le comte Raimond répondit :
« Ce que vous venez de dire, hommes prudens, est très-vrai, Se je souhaite
•- — i6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An I lou
« d'aimer 8<. d'Honorer votre ville comme mes prédéœsseurs l'ont fait. Je vous
« aiderai & je combattrai volontiers les Pisans si vous voulez me donner satis-
u faction, & à ma cour, comme il conviendra. » Lk-dessus les Génois nom-
mèrent des plénipotentiaires pour négocier avec le comte, & on convint que
le consul Grille, au nom de la république de Gênes, lui payeroit avant son
départ la somme de i3oo marcs d'argent, à condition que Raimond se décla-
reroit pour les Génois contre les Pisans ou qu'il ne prendroit pas la défense
de ces derniers, ou qu'il livreroit aux Génois les galères pisanes sans les per-
sonnes, ou enfin qu'il les laisseroit combattre sans donner aucun secours aux
uns ou aux autres S<. qu'il demeureroit dans une exacte neutralité. Pvaimond
fit serment, à Beaucaire, d'observer fidèlement ces articles en présence de
Corso, de Sigismond & des autres nobles Génois qui avoient été envoyés
pour négocier avec lui.
Ce prince se mit aussitôt en état d'exécuter sa promesse. 11 s'avança à la
tête de ses troupes vers les Génois qui, après avoir débarqué, s'étoient campés
sur le rivage du Rhône, à deux milles du camp des Pisans qui en avoient
fait autant. Ceux-ci, avertis que le comte étoit parti de Beaucaire 8c qu'il
étoit en marche, lui envoyèrent des ambassadeurs, & prièrent l'abbé de Saint-
Gilles de les accompagner pour le supplier de ne pas se déclarer contre eux.
Raimond continua cependant sa marche, & le général génois étant allé aussi
à sa rencontre pour le recevoir à la tête des archers Se des arbalétriers de son
armée, il campa entre les deux armées, mais plus près des Génois que des
Pisans. Il manda alors les principaux de Gênes pour lui faire serment de
tenir leurs conventions 8i de lui payer la somme qu'ils avoient promise.
Soixante-quinze Génois, entre ceux qui avoient été nommés tant par le
consul que par le comte, avoient déjà fait ce serment, quand il se répandit
un bruit parmi eux qu'ils ne pouvoient se fiera ce prince, attendu que l'abbé
de Saint-Gilles 8c d'autres religieux l'avoient dispensé du serment qu'il leur
avoit fait 8c en avoient chargé leur conscience. Les Génois se séparèrent alors
de Raimond sans rien conclure 8c, le soir même i3 de septembre, le combat
s'engagea entre eux 8c les Pisans, 8c dura jusqu'à la nuit qui les sépara.
L'action fut sanglante Se très-funeste pour les Génois qui eurent un très-
grand nombre des leurs tués ou faits prisonniers. Ils délibérèrent pendant
la nuit sur ce qu'ils avoient à faire : ayant appris qu'ils n'avoient rien à
espérer du comte Raimond qui, avec Trencavel, avoit promis son secours aux
Pisans, moyennant une somme plus considérable que celle qu'ils lui avoient
offerte, ils résolurent de décamper 8c de ne pas éprouver davantage le sort
des armes dans une terre étrangère dont les seigneurs favorisoient leurs
ennemis, 8c contre une armée supérieure. Pour faciliter leur embarquement
tAufp:'"'i. ^'^ ^^ mirent sous la protection des seigneurs de Baux, qui la leur vendirent
bien cher, Se étant enfin remontés sur leurs galères ils abandonnèrent leur
camp aux Pisans qui y mirent le feu.
Les Génois remontèrent le Rhône jusqu'à Arles 8c furent fort surpris de
trouver qu'on avoit jeté, depuis cette ville jusqu'au faubouro- de Trindue-
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XlX. 17
taille, un pont sur le fleuve, qui leur barroit le passage & qui étoit ganlé par
un corjjs de troupes. Le consul Grille dépêcha aussitôt au comte de Melgtieil,
c'est-à-dire à Raimond-Bérenger, comte de Provence, qui prenoit aussi le
titre de comte de Melgueil, parce qu'il étoit fils de Béatrix, héritière de ce
comté, pour savoir si on avoit jeté ce pont pour les empêcher de passer; 8<,
en cas que cela tût, pour lui déclarer qu'ils alloient assiéger Arles. Le comte
ne donna pas aux députes le temps de lui parler; il les prévint 8c leur dit :
« Allez dire au consul de Gênes 8c aux capitaines des galères que j'étois
« absent lorsqu'on a jeté ce pont 8c que je suis fâché de ce qu'il en agit
« envers moi plutôt en ennemi qu'en ami; je veux honorer 8c servir les
« Génois comme l'a toujours t'ait le comte de Barcelone, mon oncle paternel,
« Je]vais incessamment faire abattre le pont, 8c vous trouverez un asile assuré
» dans Arles. » La flotte génoise y fut reçue en effet, 8c elle demeura pen-
dant vingt jours entre cette ville 8c Trinquetaille. Pendant ce temps-là les
Génois firent tous leurs efforts auprès du comte de Provence pour l'engager
à se joindre à eux 8c aller ensemble combattre les Pisans. Ils lui offrirent
pour cela une somme très-considérable; mais ce prince les refusa absolument,
disant qu'il étoit uni très-étro'itement avec le comte de Saint-Gilles, qu'il
ne convenait pas qu'il allât faire la guerre sur ses terres. Il se contenta de
conclure un traité avec eux par lequel il s'engagea, moyennant la somme de
quatre mille sols melgoriens qu'ils lui payèrent, de ne pas souffrir pendant
un certain temps qu'aucun vaisseau pisan abordât sur les côtes de son domaine.
Tel est le récit de cette guerre rapportée par deux anciens liistoriens, l'un
pisan 8c l'autre génois; celui-ci sous l'an ii65, 8c l'autre sous l'an 1166, en
quoi il n'y a aucune contrariété, parce que le Pisan suit la chronologie
observée alors dans sa république, suivant laquelle on comptoit les années
depuis l'Annonciation jusqu'à la fin de décembre, en devançant d'un an l'ère
An ii6j
vuiganc.
Xin. — Alliance entre les villes de Gênes £• de Narbonne. — La première
fait la guerre à celle de Montpellier.
Les républiques de Pise Se de Gênes, également puissantes Se jalouses l'une
de l'autre, continuèrent à se faire la guerre. La dernière, pour se dédom-
mager de la protection du comte de Toulouse qu'elle avoit perdue 8c se faire
un appui pour son commerce le long des côtes de la [Province, rechercha
l'alliance de Pons, archevêque, d'Ermengarde, vicomtesse, 8c du peuple de
Narbonne. Ils convinrent par des députés de part Se d'autre', le 12 de no-
vembre de l'année suivante, d'un traité suivant lequel ils dévoient se secourir
mutuellement pendant cinq ans, surtout pour le commerce maritime d'une
ville-à l'autre*. Ils s'engagèrent de plus réciproquement, tant que la guerre
' Voyez tome VIII, Charte n. i, c. i63 & suiv. faitement juste. On peut aussi y remarquer plu-
' Ce que Jom Vnisîcte dit de ce traita est par- sieurs autres clauses non moins intéressantes. Telle
VI. 1
An 1 165
i8
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
Éd. origin.
t. III, p. 12.
dureroît entre les Pisans Si les Génois, de ne recevoir aucun étranger sut
leurs bâtimens, excepté les pèlerins, & ils convinrent de refuser même
ceux-ci, s'ils étoïent de Montpellier ou de Saint-Gilles, ou depuis le Rhône
jusqu'à Nice; preuve que les Génois regardoient alors le comte de Toulouse
& le seigneur de Montpellier comme leurs ennemis; aussi voit-on qu'ils fai-
soient dans ce temps-là une cruelle guerre' aux habitans de cette dernière
ville, & ils désolèrent toutes les côtes du domaine de Guillaume VII, seigneur
de Montpellie^.
On prétend que ce* seigneur leur écrivit par deux fois pour les engager à
discontinuer leurs pirateries, & que l'abbé d'Aniane, son frère, alla à la cour
d'Alexandre III pour l'engager à prendre la protection des habitans de Mont-
pellier contre les Génois. Nous avons en effet^ deux lettres de ce pape, datées
d'Anagni, le ii d'octobre de la dixième année de son pontificat ou de
l'an 1168 : l'une est adressée à l'évêque de Gênes 8c l'autre aux consuls 8c au
peuple de cette ville. Alexandre leur fait part des griefs qu'avoit contre eux
Guillaume de Montpellier, qui se plaignoit entre autres de leurs fréquentes
incursions dans son port où ils brûloient les vaisseaux, pilloient 8c rançon-
noient les marchands. Sec, il leur déclare qu'il est obligé de prendre la
défense de ce seigneur, tant à cause de son affection envers le Saint-Siège
que de celle de son père, 8c leur enjoint de mettre fin à ces vexations, avec
ordre à l'évêque de Gênes, en cas de refus de leur part', de les punir par
l'autorité apostolique. On assure '^ que ces lettres n'eurent aucun effet; que,
malgré les ordres du pape, les Génois continuèrent d'exercer leurs brigan-
dages sur la côté de Montpellier, qu'ils menacèrent même d'assiéger cette
ville, 8c que ces menaces obligèrent le seigneur de Montpellier &c l'évêque de
Maguelonne à se liguer avec les Pisans pour se mettre à l'abri de leurs entre-
prises^.
est celle qui se rapporte au Jrolt Je naufrage ou
d'épave (t. VIII, c. 164); ce droit avait bien été
aboli en iiiî par l'archevêque Richard & le vi-
comte Aimeri (t. V, ce. 829, 83d) ; mais il est pro-
bable que cette renonciation n'avait pas eu tout
l'effet voulu. Remarquons aussi les clauses rela-
tives à la juridiction commerciale; la cour de la
vicomtesse de Narbonne juge les contestations en-
tre Génois & Narbonnais, & la cour des consuls
de Gênes celles qui peuvent s'élever entre Narbon-
nais Se Génois. [A. M.]
' Gariel, Séries praesulumMagalonenslum, p.zTp
& seq.
' lèU.
' liid. p. 220 & seq.
^ Ihid. p. 219.
' M. Germain, Commerce de Montpellier, t. i,
p. XXXVI, donne à ces événements la date de 1 169,
& fait à ce propos l'histoire de l'alliance & des
rivalités entre Montpellier & Gênes. Tous les
griefs des habitants de Montpellier contre les
Génois sont exposés dans un acte du Mémorial det
Nohles (p. i3). Ces différends amenèrent une al-
liance entre le seigneur de Montpellier & le comts
de Toulouse, & ils donnèrent même lieu, en 1 169,
entre Montpellier & Pise, ennemie de Gênes, s
une convention particulière que l'on peut voir
dans le livre de M. Germain [Commerce de Mont-
pellier, t. I, pp. 180, 181), pour la restitution de
leurs marchandises que les habitants de Montpel-
lier prétendaient leur avoir été enlevées. Cet acte
indique un rapprochement sensible entre les deux
villes. [A. M.]
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
19
An ii65
XIV. — Traité &■ alliance entre les comtes de Toulouse & de Provence,
On vient de voir que Raimoncl V, comte de Toulouse, & Raimond-
Bérenger, comte de Provence, vivoient en l}onne intelligence au mois d'août
de l'an 11 65. Ces deux princes", pour cimenter davantage leur amitié, eurent
une entrevue^ à Beaucaire, au mois d'octobre suivant, & formèrent ensemble
une ligue contre le comte de Forcalquier que le dernier avoit résolu de sou-
mettre, conformément au traité qu'il avoit fait avec l'empereur Frédéric. Les
comtes de Toulouse 8<. de Provence convinrent encore par le même traité de
s'entr'aider envers tous & contre tous, excepté le roi de France j de partager
entre eux le comté de Forcalquier, lorsqu'ils en auroient fait la conquête,
ainsi que les autres acquisitions que feroit le comte de Toulouse, à la réserve
des domaines que le dauphin occupait dans le temps de sa mort. Ils conclurent
enfin le mariage du fils aîné du comte de Toulouse, qui n'avoit alors que
neuf ans, avec Douce, fille unique du comte de Provence, qui lui assura
pour sa dot la moitié des comtés de Forcalquier & de Melgueil avec la partie
de la ville d'Avignon qui appartenoit aux comtes de Forcalquier. L'arche-
vêque de Tarragone & les é\ièques d'Ausone Si de Girone furent présents à ce
traité. Nous comprenons par là que le comte de Provence prétendoit que la
moitié du comté de Melgueil lui appartenoit, quoique la comtesse Béatrix,
sa mère, qui en étoit héritière, vécût encore alors. Cette moitié lui avoit été
donnée peut-être par le contrat de mariage passé entre le comte Bérenger-
Raimond, son père, 8c cette comtesse.
XV. — Le comte de Toulouse se déclare pour l'antipape, à la sollicitation
de Vempereur.
L'union qui se forma entre le comte de Toulouse 81 celui de Prevencc
engagea le premier à ménager beaucoup l'empereur Frédéric, à cause que
l'autre avoit embrassé le parti de ce prince en faveur de l'antipape. Rai-
mond, comte de Toulouse, y avoit d'ailleurs un intérêt particulier par rap-
port aux grands domaines qu'il possédoit dans le royaume d'Arles ou de
Provence uni alors k l'empire. Frédéric, de son côté, ne négligea rien pour
exciter le comte à abandonner le pape Alexandre III Se à se déclarer pour
l'antipape Pascal III, que les schismatiqucs avoient élu en 1164, après la
mort de Victor. Enfin ^ Frédéric fit tant par ses prières & ses promesses que
Pvaimond, qui d'ailleurs n'étoit plus si lié avec le roi Louis le Jeune depuis
qu'il s'étoit séparé de Constance, sa femme, sœur de ce roi, se rendit à la
volonté de l'empereur 8< ordonna à tous les ecclésiastiques, ses sujets, qui ne
voudroient pas reconnaître l'antipape, de sortir incessamment de ses Etats,
' ïsindi , A miel de la corona de Aragon, 1. 2,c. î"). ' Martène, Veterum SS. ampUssima colUctio, t. 2,
' Bouche, Chorographie ou description de la Pro- c. f'ii.
ycnce, t. I, p. l36.
Au 1 1 j j
:o HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
tant de ceux qui étoient dans l'étendue de l'empire que de ceux qui dépen-
doient du royaume de France.
Raimond étoit maître du Uauphiné depuis l'an ii63, à cause du mariage
projeté entre son fils puîné £< Bcatrix, héritière de ce pays. Lorsque le pape
Alexandre 111 monta sur la chaire de Saint-Pierre, l'évêque de Grenoble se
déclara contre lui & embrassa avec beaucoup de chaleur le parti de l'antipape.
Alexandre, ayant reçu la soumission du comte de Toulouse, chassa ce prélat
schismatique de son siège &< consacra en sa place Jean, religieux de la grande
Chartreuse, qui fut reconnu par la faveur & l'autorité du comte; mais Rai-
mond ayant pris les engagemens dont on vient de parler avec l'empereur, les
religieux de cette chartreuse, craignant que l'évêque de Grenoble ne fût
chassé, eurent recours à la protection du roi Louis le Jeune, à qui' ils écri-
virent : « Comme nous croyons, disent-ils à ce prince dans leur lettre, que
« c'est par une disposition de la Providence que le pays & le comté de Gre-
V. noble doit venir à votre neveu, il nous paroît, & à plusieurs autres, que
« vous devez en procurer la paix 8<, la tranquillité. C'est pourquoi nous prions
« très-instamment votre excellence d'écrire là-dessus au comte de Saint-Gilles
l'M.oiiRin. (( 5<^ Je lui représenter avec prudence l'oblic'ation où il est de protéger cet
« évêque & son église. » Cette lettre fut écrite vers la fin de lan ii65, car
les religieux de la Chartreuse y félicitent le roi Louis le Jeune sur la nais-
sance du prince Philippe, son fils.
Nous ne savons pas si le roi eut égard à cette prière; mais il est certain
que^ Raimond chassa enfin l'évêque de Grenoble de son siège à la sollicita-
tion de l'empereur. Le pape n'en fut pas plutôt informé, 8< des autres démar-
ches du comte en faveur de l'antipape, qu'il écrivit du palais de Latran, le
An 1166 29 d'avril de l'an 1166, à Henri, archevêque de Reims, pour le prier d'en-
gager le roi, son frère, à agir tant par ses lettres que par ses ambassadeurs
auprès de Raimond, pour le détourner de favoriser ce parti. 11 prie par la
même lettre ce prélat de s'employer auprès du comte pour le porter à rétablir
au plus tôt l'évêque de Grenoble dans son siège.
XVI. — Le pape Alexandre III jette l'interdît sur le comté de Toulouse,
6- le lève dans la suite.
Tous les soins d'Alexandre furent inutiles : Raimond demeura toujours
uni avec l'empereur en faveur de l'antipape, & s'attira ainsi l'interdit sur
tous ses domaines de la part du premier. C'est ce qu'on voit par une lettre
que le roi Louis le Jeune écrivit à ce pape en ces termes ; « Au^ très-saint
« père 8c seigneur Alexandre, par la grâce de Dieu souverain pontife, Louis,
« par la même grâce roi des François, salut & respect tel qu'il est dû. Votre
Cl Altesse n'ignore pas combien nous vous avons aimé, £<. les services que
■ Diichesne, ^i:r;;>«orfî, t. 4, p. 686. 'Catcl, Mémoires de l'histoire du Languedoc,
' M.irttnc, yeicrum SS, ampUssima ccUcctio,\, 2, p. 83,ï,
ç, 73;,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
21
« nous Si notre royaume vous avons rendus comme à notre père. La ville de
« Toulouse est de notre royaume : nous l'aimons spécialement, de même
« que les citoyens que vous avez soumis à l'interdit, quoique la faute pour
« laquelle vous l'avez jeté ait été commise dans l'empire & non pas dans le
« royaume. Cette ville n'est point coupable, elle obéit à votre sainteté, & son
« évêque a été consacré par l'archevêque de Narbonne; c'est pourquoi nous
« vous prions de lever cet interdit & de daigner écouter là-dessus nos prières.
« Il y va de notre honneur, & nous vous en aurons de grandes obligations.
« Adieu. » Le pape écouta favorablement la prière du roi &, par une bulle'
qui est datée de Bénévent, le 12 mars de l'an 1168, 8c qu'il adressa à Géraud,
évêque, aux consuls, à tout le clergé 81 au peuple de Toulouse, il déclare
« qu'en considération de leur dévouement pour l'Eglise romaine, 8<. pour sa
« personne en particulier, de l'affection singulière que le roi Louis avoit
« pour eux, & des prières de ce prince, il lève l'interdit qu'il avoit jeté sur
« leur ville, à cause du forfait du comte de Toulouse, Se leur permet de célé-
« brer l'office divin dans les églises de la ville 8c du faubourg en l'absence du
« même comte. Il les exhorte enfin à lui demeurer plus fidèles en recon-
« noissance de cette grâce. » Nous comprenons par là que le comte de Tou-
louse favorisoit encore les schismatiques, au commencement de l'an 1168.
XVII. — i\Iort de Raimond-Bérenger, comte de Provence, vicomte
de Gévaudan, iyc.
Raimond-Bérenger, comte de Provence, ayant résolu de faire la guerre au
comte de Forcalquier, fit ses préparatifs 8c entreprit cependant un voyage en
R.ouergue. Nous avons, en effet, un hommage rendu dans ce pays, au mois
de mars de l'an 1166^, par Raimond de Vigoron à Raimond-Bérenger, fils de
la comtesse Béatrix, comte de Provence &• vicomte de I\Iillau, pour la moil?é
des châteaux de Vigoron 8c de Caylus. Ce prince retourna bientôt après en
Provence 8c, s'étant mis en campagne, iP assiégea la ville de Nice sur le
comte de Forcalquier. Durant le siège, s'étant un jour trop avancé, il fut
atteint d'un coup de flèche qui l'étenilit mort sur la place. La mort de Rai-
mond-Bérenger arriva en 1166; on n'en marque pas l'époque précise, mais
elle doit être placée entre les mois de mars 8c de novembre de cette année. Il
ne laissa de Pvichilde, sa femme, qu'une fille unique en bas âge, nommée
Douce, qu'il avoit promise en mariage à Raimond, fils aîné du comte de
Toulouse, 8c qui devoit être héritière de tous ses Ltats. lis consistoient dans
le comté de Provence, situé entre les Alpes, la Durance, le Rhône 8c la mer,
les vicomtes de Millau 8c de Gévaudan, une portion de la vicomte de Carlad,
en Auvergne, 8c la moitié du comté de Melgueil ou de Substantion, dont
Béatrix, sa mère, qui lui survécut, avoit disposé en sa faveur.
' Catel, Mim. delh'ut. Ja Languedoc, p. 886. ' Gcsta comhum Barcinoncnsium , c, 22, ap.
' Trésor de» chartes de Toulouse, sac 7, 11. 5. Marca Hiipinia.
[J.3,4.]
An 1 166
-> 1
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC, LIV. XIX.
XVIII. — Le comte de Toulouse se saisit de la Provence, répudie Constance,
sa femme, ^ épouse RiclùLle, veuve du comte de Provence.
Nous ignorons si Raimond, comte de Toulouse, joignit ses armes à celles
de Raimond-Bérenger contre le comte de Forcalquier, ainsi qu'ils en étoient
t"^!!!"' '°'i"' convenus, & s'il se trouva au siège de Nice. Ce qu'il y a de certain, est qu'il
passa une partie de cette année aux environs du Rhône. Il confirma' à Saint-
Gilles, au mois de juin, en faveur du chapitre de Nimes, la donation ou la
vente qu'il lui avoit faite des marais de Fontcouverte, en présence d'Aldebert,
évêque de Nimes, Bermond d'Uzès & Guillaume de Sabran; nous apprenons
d'ailleurs^ qu'il étoit dans son palais de Saint-Gilles au mois de décembre
suivant. Il paroît aussi que ce fut sous son autorité que les chevaliers (y les
bourgeois de Nimes s'accordèrent la mêiije année, comme il est marqué dans
une ancienne^ chronique. Enfin, nous savons que Raimond s'assura de la
Provence aussitôt après la mort du comte Raimond-Bérenger; car il dominoif*
le long de la côte de cette province, depuis Nice jusqu'à l'embouchure du
Rhône, dans le temps que les villes de Gènes & de Narbonne conclurent
leur traité de commerce, le 12 de novembre de l'an 1166.
Raimond se saisit de la Provence en vertu du traité^ qu'il avoit conclu
avec Raimond-Bérenger, suivant lequel Raimond, son fils, devoit épouser
Douce, fille unique S< héritière de ce prince. Pour affermir davantage ses
droits sur cette succession il épousa*' quelque temps après Richilde, sa veuve,
mère de Douce & nièce de l'empereur Frédéric. Ce fut peut-être dans la vue
de ce mariage qu'il répudia solennellement Constance, sa femme, sœur du
roi Louis le Jeune, de laquelle il étoit déjà séparé; &, comme il avoit
embrassé le parti de l'empereur Frédéric 81 de l'antipape, il y a lieu de croire
que l'un 81 l'autre favorisèrent sa nouvelle alliance; le premier en lui don-
nant sa nièce pour femme, & l'autre en cassant le mariage qu'il avoit con-
tracté avec Constance. Quoi qu'il en soit, on ne sauroit douter' que Raimond
n'ait épousé Richilde en secondes noces, car, outre que ce fait est appuyé sur
le témoignage de quelques historiens St qu'il est certain qu'il répudia Cons-
tance, nous voyons qu'après la mort de Richilde il prétendit hériter de son
douaire.
Constance se voyant répudiée, & n'ayant pas de quoi soutenir son rang,
fit solliciter^ le pape Alexandre III de lui faire restituer le comté de Bologne
qu'Eustache, son premier mari, fils du roi d'Angleterre, lui avoit constitué
pour son douaire, & dont Mathieu, frère de Philippe, comte de Flandres,
' Archives de l'église de Niitles. ^ Voyez tome VII, Note II, n. i & suiv.
' Archives du domaine de Mon«pellier,'titrcs de ' /iiV.
Saint-Gilles, n. lo. ' Martène, Vcterum SS. amplissima collectio, t. î,
^ Voyez tome V, c. 3o. c. ySS. — Le P. Anselme, Histoire généalogique des
■• Voyez tome VIII, c. 245. pairs de France, t. 2, p. 7221
' Marca Hispanica, c. i36p.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 23 ~ ~
An 1 1 66
s'étoit cmpaio, sous prétexte des droits de Marie, sœur du même Eustache, sa
femme, qu'il avoit épousée, après l'avoir enlevée d'un monastère d'Angleterre
où elle étoit abbesse. Le pape prit avec chaleur les intérêts de Constance. Il
écrivit, le 27 août de l'an 1168, de Bénévent où il étoit alors, aux évêques de
Soissons, d'Amiens Se de Laon, 81 leur ordonna de faire tous leurs efforts
auprès de Mathieu 8c de Marie, sa femme, pour les engager à rendre le comté
de Bologne à cette comtesse, & de les excommunier de nouveau, en cas de
refus, pour cette usurpation, quoiqu'ils les eussent déjà excommuniés pour
avoir contracté un mariage si illicite. Il écrivit d'un autre côté à Henri, arche-
vêque de Reiras, frère de Constance, qui l'avoit sollicité en faveur de cette
princesse, 8c il lui manda de ne rien négliger pour obliger les témoins qui
avoient été présens à la constitution de son douaire, à rendre témoignage à
la vérité. Mathieu se maintint toutefois dans la possession du comté de
Bologne qu'il transmit à ses descendans, malgré les menaces 8c les anathèmes
d'Alexandre.
Le nouveau mariage de Raimond, comte de Toulouse, avec Richilde,
veuve du comte de Provence, ne lui fut pas aussi favorable qu'il l'avoit espéré,
pour se maintenir dans la succession de ce prince. Il rencontra un dange-
reux concurrent en la personne du jeune Alphonse, roi d'Aragon 8c comte
de Barcelone, qui la lui disputa 8c qui le chassa enfin de la Provence.
XIX. — Alphonse, roi d'Aragon, dispute la succession de Provence à Raimond
ô" lui déclare la guerre.
Alphonse étoit à Girone lorsqu'il ' apprit la mort du comte Raimond-
Bérenger, son cousin-germain. Comme il prétendoit avoir droit au comté de
Provence, en vertu de l'intéodation que l'empereur Frédéric en avoit faite*
en 1162, tant en faveur de ce comte que du feu comte de Barcelone, son
père, il prit d'abord le titre de marquis de Provence, de l'avis des principaux
de ses Etats. Il chercha ensuite à amuser le comte de Toulouse, qui s'étoit
emparé du pays, en attendant l'occasion de l'en déposséder. 11 lui fit dire
qu'il consentoit volontiers au mariage du jeune Raimond, son fils, avec
Douce, 8c lui fit espérer qu'il donneroit aussi son consentement au sien avec tu.orî
Richilde; mais sous ces apparences d'amitié, il passa bientôt après les Pyré-
nées à la tête d'un corps d'armée Se s'avança vers le Rhône. Le comte de
Toulouse, averti 3 de sa marche, se mit de son côté en état de lui disputer
l'entrée de la Provence. Si l'on en croit un des derniers historiens d'Espagne'^,
il alla même à sa rencontre, 8c il se donna alors une sanglante bataille entre
ces deux princes, sans qu'on sache lequel des deux remporta la victoire. Mais
on n'a rien de certain là-dessus. Ce qu'il y a de vrai est que, malgré tous
les soins de Raimond pour empêcher Alphonse de pénétrer en Provence, ce
' Zat'tta, Anales delà eorona Je Aragon, l. t,e.z5. ' Gestn comltam Sarcinonensium , c. 2i , apiid
' Voyez au tom« III <i« c«tt« édition, 1. XVIII, Marca Hispanica, c. Sâo.
n. Lii, p. 827. ^ Fcrrara», ann. 1167, n. 3.
m.
t. 111, p'.'ii.
An 1166
24 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
tleinier'se saisit' du château d'AIbaion, situé dans l'île de Camargue, sur le
bras du Rhône qui est du coté de Languedoc, & qu'il y entra suivi d'Hugues,
archevêque de Tarragone, de Pierre, évêque d'Ausone, & de divers seigneurs
aragonois & catalans. Le comte assiégea aussitôt ce château 8t il l'emporta
d'assaut; mais le roi eut le bonheur de se sauver, grâce à la vigilance de
Bertrand de Baux, qui avoit embrassé son parti après avoir abandonné celui
de Raimond & qui, l'ayant fait monter à cheval, lui fit traverser à la nage
l'autre bras du R,hône &. le conduisit ainsi sain &. sauf dans Arles, où il fut
reçu aux acclamations du peuple.
Alphonse étoitdcjà arrivé en Provence avant la fin de l'an 1166, comme il
paroît par une charte^ où il se qualifie roi d'Aragon, duc de Provence ô-
comte de Barcelone, & par laquelle il exempte de péage les religieux de Sau-
vecane, au diocèse d'Aix, en présence des archevêques d'Arles 8c d'Aix, d'Hu-
gues Si de Bertrand de Baux frères, de Guillaume de Montpellier, 8<c. Ce
dernier, qui s'étoit déclaré en faveur d'Alphonse, non content de lui avoir
donné passage sur ses terres, l'accompagna dans son expédition de Provence
contre le comte de Toulouse. Guillaume disputa cependant à ce prince la
tutelle de la jeune Douce, fille du feu comte Raimond-Bérenger; mais ils
s'accordèrent^ enfin par l'entremise de Jean de Montlaur, évêque de Mague-
lonne. La plupart des autres grands vassaux du comté de Provence prirent
y^„ ,,g le parti d'Alphonse qui, après s'être assuré la possession du pays, s'en qualifia
depuis indifféremment marquis & comte.
Raimond se voyant chassé de ce pays fit tous ses efforts pour le reprendre
Se ne cessa, dans cette vue, de faire la guerre au roi d'Aragon; mais les diffé-
rends qu'il avoit en même temps avec celui d'Angleterre l'obligèrent souvent
d'interrompre le cours de cette expédition : diversion dont Alphonse profita
pour affermir de plus en plus son autorité au delà du Pvhône.
XX. — Entrevue entre le roi d'Angleterre 6- le comte de Toulouse.
On a dit ailleurs que Raimond Si Henri, roi d'Angleterre, étoient con-
venus d'une trêve en 1162, qu'elle fut mal observée 8<, que la guerre se
renouvela entre eux les années suivantes. Enfin ces deux princes cherchèrent
k feire la paix, & ils eurent là-dessus une'* entrevue dans l'abbaye de Grand-
mont, en Limousin, durant le carême de l'an 1 167. Nous ignorons le résultat
de leur conférence; mais nous apprenons d'un historien ^ du temps que la
« guerre s'étant renouvelée la même année entre les rois de France & d'An-
gleterre, à cause du comté de Toulouse, ils convinrent au mois d'août d'une
trêve qui devoit durer jusques à Pâques de l'année suivante. On peut inférer
de là qu'il ne fut rien conclu dans l'entrevue de Grandmont entre le comte
' Gâta comhiim Barcinoncnsium , c, 22, ap. ' Gallia Chriitiana, pr. ei. t. 3, c. yyS.
Marca Hispanica, c. 503. < Robertiis de Monte, Chronicon, p. 786.
' Bouche, Ckorographie ou description de la Pro- ' Gervasius Dorobernensis, Chronicon, p. i^si.
vence, t. 2, p. loji.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 2 5 ^„ ,,g
de Toulouse S<. le roi d'Angleterre, qu'ils continuèrent les hostilités 8c qu'enfin
le premier fut compris dans la trêve que l'autre conclut au mois d'août avec
le roi de France.
XXI. — Suite de la guerre entre le roi d'Aragon iS- le comte de Toulouse.
Le comte de Rodej embrasse le parti du premier.
Raimond profita' de cette trêve pour aller reprendre son expédition de
Provence contre Alphonse, roi d'Aragon j on ne dit pas si le succès répondit
à son attente; il paroit seulement qu'Alphonse se maintint dans la possession
(lu comté de Provence : il résidoit ^ en effet à Arles, au mois d'août de
l'an 1167, 8< il y conclut la même année un traité avec Hugues II, comte de
ITodez, qu'on qualifie •* mal à propos d'Hugues III.
Hugues étoit vassal de Raimond pour son comté de Rodez, 8c en état par
lui-même de faire pencher la balance en faveur de ce prince dans la guerre
de Provence, s'il l'avoit secouru comme il y étoit obligé; mais il lui manqua
au besoin Se tourna même ses armes contre lui. Alphonse trouva moyen de
le débaucher par l'entremise d'Hugues, évêque de Rodez, frère de ce comte, ,'^n"'''''",-
£< de Guillaume VII, seigneur de Montpellier, Se ils conclurent ensemble un
traité'' suivant lequel Hugues, du conseil d'Aldebert d'Estaing Se de plu-
sieurs autres de ses principaux vassaux, donna à Alphonse la moitié du Car-
ladès qui étoit échu en partage à Richard, son aïeul, Se Alphonse le lui rendit
ensuite en fief avec l'autre moitié de cette vicomte dont le comte Gilbert, son
bisaïeul, avoit hérité, 8c qui avoit appartenu au teu comte de Provence.
Ainsi Alphonse, pour s'assurer du comte de Rodez contre le comte de Tou-
louse Se le détacher des intérêts de ce prince, lui céda en fief toute la portion
du Carladès dont le feu comte de Provence avoit joui Se qui devoit appartenir
à Douce, sa fille. Hugues fit ensuite hommage au roi d'Aragon pour tout le
Carladès, Se lui promit par serment de le défendre envers tous Se contre tous
pour les domaines que ce roi possédoit dans les diocèses de Rodej £,• de Mende,
c'est-à-dire pour les vicomtes de Millau Se de Gévaudan Se pour le reste de
ses domaines. L'acte est souscrit par Alphonse, qui se qualifie roi d'Aragon,
comte de Barcelone 6* duc de Provence, Hugues, comte de Rodez, Hugues,
évêque de cette ville, son frère, Guillaume de Montpellier, l'archevêque de
Tarragone, les évêques d'Ausone, de Saragosse Se de Barcelone, Hugues de
Baux, Bertrand, son frère, Gui de Séverac, Sec. On voit par là : 1° Que le
roi d'Aragon, voulant se mettre en possession des vicomtes de Millau Se de
Gévaudan, dépendantes de la succession du feu comte de Provence, se ligua
avec le comte de Rodci Se plusieurs autres seigneurs de Rouerguc, ((ui
ctoient en état de le favoriser dans cette entreprise Se qui abandonnèrent
' Gesti comitum Btrcinonenilum, c, il. ' Le P. Anselme, Histoiic gèiti'alcgi^ue Aa pairs
' Ztiritn, AaaUi de la corona Je Aragon, I. 2, Je France, t. 2, p. 697.
t. 25. — Bouche, Choro^rapliie ou Jcicriplion Je la ^ D'Achéry, Spicilcglum, t. 10, p. l63,
Provence, t. 1, p. tj^-j. ^
An 1 167
26 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
alors les intérêts du comte de Toulouse, leur seigneur, pour embrasser les
siens; 1° qu'il débaucha aussi les seigneurs de Baux, qui avoient été aupa-
ravant si unis avec Raimond & que ce comte avoit soutenus si constamment
dans leurs guerres précédentes contre la maison de Barcelone. Comme ces
seigneurs s'étoient alliés alors' avec celle de Montpellier, il y a lieu de croire
que Guillaume VII, seigneur de cette ville, qui fut toujours très-zélé parti-
san, de même que ses ancêtres, des comtes de Barcelone, servit beaucoup à
les détacher du comte de Toulouse pour les mettre dans le parti du roi
d'Aragon.
XXII. — Fondation des ahhayes de Bonnecomhe, de Feuillans i^ d'Eniines;
Seigneurs d'U-^ès.
Quant à la maison de Rodez, il paroît qu'elle étoit unie peu de temps
auparavant avec Raimond, comte de Toulouse; car Hugues, évêque de Rodez,
frère du comte Hugues, fonda ^ au commencement de l'an 11 66, conjointe-
ment avec ce prince, l'abbaye de Bonnecombe, en Rouergue, sous la filia-
tion de celle de Candeil, en Albigeois. Gauzbert, abbé de cette dernière,
mena une colonie de ses religieux à Bonnecombe, y célébra la première
messe, le 12 de janvier de l'an 1166, 8c y établit Matfred pour premier abbé.
D'autres^ rapportent cette fondation à l'an 1162; mais Hugues, évêque de
Rodez, qui y eut beaucoup de part, ne possédoit pas encore alors cet évêché.
Raimond V, comte de Toulouse, peut avoir cependant jeté dès lors les fon-
demens de l'abbaye de Bonnecombe, qui est située à trois lieues de Rodez,
vers le midi. Bermond, seigneur d'U-^ès & de Posquières, fut un des princi-
paux bienfaiteurs de ce monastère '^ auquel il fit une donation considérable
en 1168, en présence d'Aldebert, évêque de Nimes, Si de Raimond, évêque
d'Uzès, ses frères. Le même Bermond d'U-^és fut présent^ avec ses deux fils
Éléazar 8c Raimond, à une donation qui fut faite à Beaucaîre durant la
foire, au mois de mai de l'an 1168, par un seigneur du pays, en faveur de
l'abbaye de Franquevaux.
R.aimond V, comte de Toulouse, eut part aussi sans doute à la fondation
de l'abbaye de Feuillans, de l'ordre de Cîteaux, dans le diocèse de Toulouse,
dont les*5 uns mettent l'époque à l'an 1169, 8c les'' autres quelques années
auparavant. Elle fut fondée sous le nom de Notre-Dame de la Clarté-Dieu,
dans la forêt de Feuillans, par les religieux de la Creste, au diocèse de Lan-
gresç mais à cause de son trop grand éloignement, elle tut soumise dans la
suite à l'abbé de Bonnefont, dans le Comminge, sous la filiation de Mori-
mond. Enfin, il est vraisemblable que Raimond favorisa la fondation de
l'abbaye d'Eaunes, du même ordre, dans le Toulousain, qui subsistoit déjà
' Voyez tome IV, Note XXXVII, n. lo, p. i83. < Arcliives de l'abbaye de BortrlccombSi
* Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. zri ' Mss. d'Auhays, n. 77.
Et suiv. '' Manriqiie, ann. 1 169, 1; 7, n. 9*
' Gallia Christiana, nov. éd. t. I, C. iSl. ' Gallia Cliristiana, t. 4.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 21 ~ ~
' An I 167
en 1184, & dont on prétend que les seigneurs de Montaut furent les prin-
cipaux bienfaiteurs. Elle dépend encore aujourd'hui du diocèse de Tou-
louse, £< est située à deux lieues au midi de cette, ville, dans un vallon
agréable, au voisinage de Muret. Les calvinistes la renversèrent de fond en
comble au seizième siècle. Quand à celle de Feuillans, elle est présente-
ment du diocèse de Rieux 8c chef d'une congrégation réformée de l'ordre
de Cîteaux; elle est à la gauche de la Garonne, auprès de la petite rivière de
Louge.
XXIII. — Guerre £• paix entre les comtes de Toulouse ^ de Savoie.
Alphonse, roi d'Aragon, ne se contenta pas d'affaiblir le comte Raimond,
en lui débauchant une partie de ses vassaux, il paroît qu'il lui suscita un
puissant ennemi en la personne du comte de Savoie, qui attaqua ses Etats du
côté du Dauphiné, pays que Raimond possédoit, commeon l'a déjà remarqué,
au nom d'Albéric Taillefer, son fils puîné, qui en devoit épouser l'héritière.
Il est certain du moins que Humbert, comte' de Savoie, entreprit la guerre
vers l'an 1167 contre le comte de Toulouse qui, étant occupé ailleurs, donna
le soin de la soutenir à Alphonse, son frère; que cette guerre dura assez long-
temps; qu'elle fut suivie de beaucoup d'incendies & de meurtres, & qu'enfin
elle fut terminée par un traité que saint Pierre, archevêque de Tarentaise,
nloyenna, suivant l'auteur contemporain de la vie de ce prélat.
XXIV. — Mort trafique de Raimond-Trencavel, vicomte de Béliers,
Carcassonne, &c.
Il y a lieu de croire que Raimond-Trencavel, vicomte de Béziers & de
Carcassonne, rompit de son côté la paix qu'il avoit conclue avec Raimond,
comte de Toulouse, son seigneur, pour se tourner du côté du roi d'Aragon,
son ancien allié. Ce vicomte, après avoir servi en ii65 sous les enseignes de
R.aimond, durant la guerre des Génois contre les Pisans, étant de retour de
cette expédition, permit avec Roger, son fils, au mois d'août de l'an 1166^,
de construire un château au lieu de Cambons, en Albigeois. Il tint un^
plaid à Albi, au mois de février de l'année suivante, la dixième de l'épiscopat
de Guillaume, évêque de cette ville, S<. il condamna les clercs de Sainte-Mar-
tiane à donner, le jour de la fête de cette sainte, le repas ordinaire à ceux de
Saint-Salvi. Enfin Raimond-TrencaveM 81 son fils Roger engagèrent le der-
nier de juillet de la même année 1167, à Miron de Tonnens, pour la somme
de onze mille sols melgoriens, dont cinquante valoient un marc d'argent, le
château de Balaguer, dans le Toulousain, & tout le reste du pays de Cheir-
' Vha. S. Pétri Tarcatasiens'is, ap. AA. Sancto- ' Archives de Saint-Salvi d'Albi. — [Voyez
rum, mai, t. ï, c. 33o. — Voyez tome IV, Note L, tome V, c. 408. J
n. ifi, pp. Z24 à 226. ' Voyez tome VIII, Preuves, n. 4, ce, 271, 272.
' Archives du chapitre de Foix.
An 1 167
28 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV, XlX.
corb. Ce pays étoit composé de quatorze villages, entre autres de ceux de
Clialabre & de Sainte-Colombe, & nous comprenons par là qu'il s'étendoit
dans la partie méridionale du diocèse moderne de Mirepoix'.
Raimond-Trencavel ne survécut pas longtemps à cet engagement : il
mourut quelques mois après d'une mort funeste, dont un auteur contempo-
rain^ rapporte les circonstances suivantes : « Trencavel, dit cet auteur, après
« avoir servi le roi d'Angleterre dans son expédition de Toulouse, étoit en paix
« lorsqu'il se présenta une occasion d'aller au secours de son neveu attaqué
« par ses ennemis. Il prit les devans avec une partie de ses troupes & donna
« ordre au reste de son armée de le suivre. Les villes de Béziers & de Car-
« cassonne, qui lui étoient soumises, lui fournirent entre autres une nom-
« breuse 8<. vaillante jeunesse. Durant la marche, un bourgeois de Béziers
« prit querelle avec un chevalier & lui enleva un cheval de charge. Le chc-
(( valier, irrité de cette action & animé par tous les autres chevaliers, en porta
« ses plaintes à Trencavel & demanda qu'il lui fît faire léparation de l'injure.
« Le vicomte pour contenter les chevaliers, qui menaçoient de l'abandonner
« s'il ne rendoit justice à leur collègue, leur livra le bourgeois & leur permit
« d'en disposer à leur volonté. Ils le punirent aussitôt d'une peine légère à la
« vérité, mais qui le déshonoroit pour le reste de ses jours. Tous les bourgeois
« de Béziers conçurent un vif ressentiment de cette punition Si résolurent
tt d'en tirer vengeance. Dès que la campagne fut finie & que Trencavel fut
« de retour dans cette ville, ils le supplièrent instamment de leur faire justice
« Sv. de réparer la honte qui rejaillissoit sur tous leurs compatriotes. Le
« vicomte, qui étoit naturellement honnête & civil, leur répondit avec beau-
« coiipde douceur qu'il prendroit là-dessus le conseil des principaux habitans
« èi. qu'il répareroit volontiers un certain jour qu'il leur marqua, ce que la
ivj oriRin. „ nécessité oîi il s'éloit trouvé d'apaiser les chevaliers de son armée l'avoit
I.UliP. tû. ^ ir. •! •••1
« obligé de faire; Si ils parurent satisfaits de cette réponse. Le jour étant
<( venu, le vicomte se rendit dans la cathédrale suivi de sa cour. Il y attendoit
« avec l'évèque les principaux habitans, lorsque ceux-ci parurent armés de
« cuirasses Si de poignards cachés sous leurs habits. Celui qui se prétendoit
« offensé s'avança le premier Si dit à Trencavel : Voici ce malheureux qui est
(1 ennuyé de vivre, parce qu'il ne peut le faire qu'avec honte; dites-nous
« maintenant, mon seigneur, s'il vous plaît, si vous voulez réparer le mal
(I qu'on m'a fait. Le vicomte répondit fort honnêtement 81 plus même que
« sa dignité ne le demandoit : .le suis prêt de m'en tenir là-dessus au conseil
« des seigneurs qui sont ici présens Si à l'arbitrage des citoyens, ainsi que je
« l'ai déjà promis. Vous diriez fort bien, répliqua l'offensé, si notre honte
« pouvoit recevoir quelque réparation; mais comme cela est impossible, elle
« ne peut être lavée que dans votre sang. Aussitôt les conjurés tirent leurs
« armes de dessous leurs habits, se jettent avec fureur sur leur seigneur,
« quelque effort que fît l'évèque pour les en empêcher, 81 l'assassinent cruel-
' Et en pnrtie d'AIet. [A. M.] • Giii!lcliiius Neubrigensis, 1. î, c. ii.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 29
« lement devant l'autel avec ses amis 8< ses barons'. » Tel est le récit de cet
horrible attentat commis sur la personne de Pvaimond-Trencavel, vicomte de
Béziers, de Carcassonne, de Razès 8c d'Albi, par ses propres sujets. On peut
ajouter plusieurs circonstances omises par l'historien.
1° Nous apprenons de divers monumens l'époque certaine de cet assassinat.
Trencavel, dit une ancienne chronique^ de Nimes,///f tué un dimanche dt
l'an 1167, dans l'église de la Magdeleine de Bé-^iers. On lit les paroles sui-
vantes dans un ancien nécrologe de l'église de Carcassonne : Z? 14^ d'octobn
de l'an 1 167, le martyre de Trencavel, vicomte de Bé-^iers, 6- de ses compagnons
dans l'église de Saint e-Marie-Magdeleine de Bé-^iers. Ainsi ce vicomte fut tué
dans l'église de la Magdeleine de cette ville & non pas dans la cathédrale,
comme l'a avancé l'auteur de qui nous tenons le détail de sa mort. Quant au
jour, il est certain que ce fut le i5 d'octobre Se non pas le 14, ainsi qu'il est
dit dans le nécrologe de Carcassonne, car la mort de ce vicomte est marquée
le i5 d'octobre dans celui de Cassan, au diocèse de Béziers, & cela convient
très-bien avec la chronique de Nimes où il est rapporté qu'il fut tué un
dimanche. Il s'en suit de là qu'on doit rejeter le témoignage d'un autre his-
torien'^, quoique contemporain, qui assure que Trencavel fut assassiné un
dimanche de carême. Du reste, cet auteur confirme que l'attentat fut commis
dans l'église de la Magdeleine de Béziers, en présence de Bernard, évêque
de cette ville, 8c que le vicomte y périt avec plusieurs autres. Il ajoute que
les bourgeois de Béziers avoient fait serment au comte de Toulouse de se
saisir de Trencavel Se de le lui remettre parce qu'il les opprimoit; mais que
ce comte, dans son traité avec eux, n'avoit nullement fait mention de le faire
mourir : circonstance qui prouve que Raimond, comte de Toulouse, 8c ce
vicomte étoient alors ennemis, à cause sans doute que ce dernier s'étoii
déclaré en faveur du roi d'Aragon durant la guerre de Provence. Enfin on
doit aussi rejeter le témoignage de Catel"' qui dit"^ : que Trencavel j'ut tué h
jour de la Magdeleine ; on a, en effet, une charte de ce vicomte datée du
dernier^ de juillet de l'an 1167.
2° Suivant un historien du treizième siècle 8, les habitans de Béziers cas-
sèrent les dents à l'évêque dans cette occasion, parce qu'il voulut les empê-
cher de se jeter sur le vicomte.
3° On ne dit pas le nom du neveu de Trencavel en faveur duquel ce
' Le récit de Guillaume de Neubrige, historien ' Voyez tome V, c. 3o.
contemporain, il est vrai, mais éloigné du théâtre ' Ihid. c. 36.
des événements, présente certains faits peu cxpli- * Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon,
cables. On ne comprend pas trop l'animosité des ' Calel, Mémoires de l histoire du Languedoc
bourgeois contre le vicomte pour une affaire aussi p. 63ç,
légère, & il est probable qu'il faut donner à cet ' ' Ceci est évidemment une faute d'attention di
assassinat une cause beaucoup plus importante. Catel, qui a mal lu la phrase de la chronique dj
Nous sommes sans doute là en présence d'un épi- Nlnies. [A. M.]
sodé des luttes communales qui ensanglantèrent la ' Voyez tome VIII, Preuves, c. 171.
plupart des villes du Languedoc au douzième sic- ' Pierre de Vaux-Cernay, Historiti JUigcnslut»,
de. Voir notamment plus bas ce que rapporte dom c. 16,
V'aissete d'apù* Geoffroy de Vigeois. [A. M.]
An 1 1^7
3o HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANCjUEDOC. LIV. XIX.
vicomte avoit entrepris l'expédition qui donna occasion à sa mort. Il avoit
alors deux neveux qui pouvoient l'avoir appelé à leur secours, savoir : Ber-
.nard-Aton, vicomte de Nimes & d'Agde, fils de son frère Bernard-Aton, &
Gérard ou Guinard, comte de Roussillon, fils de sa sœur Ermengarde. Ce
dernier implora peut-être sa protection contre les enfans que Gausfred, son
père, avoit eus d'un mariage illégitime, St qui lui disputèrent la succession;
mais il est plus vraisemblable que Trencavel fut joindre, en 1167, avec ses
troupes Bernard-Aton, vicomte de Nimes, qui s'étoit engagé sans doute dans
la guerre de Provence en faveur du roi d'Aragon contre le comte de Toulouse.
tî'nitpf'l'à. 4° Enfin un auteur' du temps assure qu'un jeune fils de Trencavel, dont
il ne dit pas le nom, fut assassiné avec lui^.
XXV. — Enfans de Trencavel. — Roger, son fils aîné, lui succède i- se ligue
avec le roi d' Aragon contre le comte de Toulouse.
Trencavel laissa deux autres fils de la comtesse Saure, sa seconde femme.
L'aîné', nommé Roger, qu'un •'' historien moderne suppose mal à propos avoir
été son frère, lui succéda dans tous ses domaines. L'autre, appelé Raimond-
Trencave], ne prit jamais le titre de vicomte, &. il fut simplement apanage.
Il vivoit encore en iiçS"* & 121 15 mais nous ignorons s'il eut des enfans. Le
vicomte Raimond-Trencavel laissa outre cela trois filles, savoir : Cécile qui
avoit épousé depuis l'an ii5i Roger-Bernard, comte de Foix, 8c qu'il avoit
eue d'Adélaïde, sa première femme; Adélaïde & Béatrix qu'il eut de Saure,
la seconde. Adélaïde étoit déjà^ mariée en 1176 avec Sicard, vicomte de Lau-
trec; le vicomte Roger, son frère, lui paya cette année trois mille sols mel-
goriens en déduction de la somme de huit^ mille sols melgoriens qu'il lui
avoit promise. Béatrix se maria aussi dans la suite, &. elle épousa Raimond VI,
comte de Toulouse.
Nous avons parlé ailleurs du testament'^ que Trencavel fit en 11 54, il en fi^
un autre ^, ou plutôt une déclaration verbale durant une maladie qu'il eut peu
de temps avant sa mort. Par cet acte, qui fut rédigé par écrit trois années après,
il institua son fils Roger son héritier universel, & établit Guillaume-Pierre de
Bérens son sénéchal en Albigeois, avec pouvoir de gouverner tout le domaine
qu'il avoit dans le pays, dont il lui donna une partie en fict, entre autres le
lieu de Janes qui lui étoit demeuré de la succession du vicomte de Monclar'^.
■ Lo fait est peu vraisemblable; il n'est indi- ' Voyez tome VIII, ce. 3o8, Sop.
que que par Robert du Mont, & Raimond Tren- <^ Ih'td. c. 3i2.
cavel devait, en i 167, avoir plus de soixante-dix ' Voyez tome III, 1. XXVIII, ri. xxii, p. 792 8c
ans. En outre, tous les actes ne donnent que deux suiv.; tomeV, Chartes & Diplômes, n. CCCCXCIII,
enfants mâles à ce vicomte. Roger II & Raimond c. 1171 & suiv.
Trencavel. [A. M.] s Voyez tome VIII, Chartes, n. II, ce. i66,
' Robertus de Monte, Chronicon, ad ann. 1169. 267.
' Histoire de Béarn, p. 722. '' Ce n'est pas un fief proprement dit; ce n'est à
♦Voyez tome VIII, Chartes, ce. 421,422, & vrai dire que l'attribution temporaire à ce fonc-
ée. 609, 61 I, tionnaire d'une partie des revenus domaniaux de ■
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 3i "T ~~
An 1 167
Roger avoit environ dix-huit ans lorsqu'il succéda dans les vicomtes de
Béziers, Carcassonne, Albi Se Raz.es, à Raimond-Trencavel, son père. Il
résolut' aussitôt de venger sa mort : il trouva tous les princes voisins égale-
ment indignés de l'assassinat de Trencavel disposés à le seconder, & le pape
déclara les assassins excommuniés. Il implora entre autres le secours d'Al-
phonse, roi d'Aragon; mais comme pour l'obtenir il reconnut ce prince pour
son seigneur, au préjudice de la foi qu'il devoit à Raimond, comte de Tou-
louse, ce dernier, extrêmement irrité de sa démarche, le priva de tous^ ses
domaines 8<. en disposa, le 4 de décembre de l'an 1167, en faveur de Roger-
Bernard, comte de Foix, & de sa femme Cécile, fille de Trencavel , qu'il
reconnut pour seuls héritiers légitimes de ce vicomte. Raimond leur donna en
fief tous les domaines que Roger, frère aîné de Trencavel, possédoit dans le
temps de sa mort, savoir : la ville de Carcassonne & le Carcasses, la ville 81 le
pays de Razès, tout ce qu'il avoit en Albigeois, excepté le château vieux 8c
le faubourg d'Albi, 8c toutes les terres dont il jouissoit dans le Toulousain;
il s'engagea de plus à ne faire ni paix, ni trêve avec Roger 8c les autres fils
de Trencavel, sans la participation 8c le consentement de Cécile, du comte
de Foix, son mari. Se de leurs enfans. Le comte de Foix lui fit ensuite hom-
mage pour tous ces domaines, avec promesse de l'aider contre Roger 8c les
autres enfans de Trencavel, envers tous 8c contre tous, excepté ses propres
vassaux, dont il s'engagea de lui faire justice. Le comte de Toulouse aug-
menta en même temps le Jief de Roger-Bernard 8c lui donna les châteaux
de Parèle 8c d'Alsen, la terre d'Olmes 8c les autres domaines du comté de
Foix, à condition que Roger, fils de ce comte, lui feroit un semblable ser-
ment lorsqu'il en seroit requis. Le traité fut conclu en présence d'Ermen-
garde, vicomtesse de Narbonne, 8c d'Jymeri, son neveu, qui jurèrent au nom
du comte de Toulouse, que ce prince en observeroit fidèlement tous les
articles. On voit par là que si le seigneur de Montpellier 8c le vicomte de
Béziers, embrassèrent le parti du roi d'Aragon, le comte de Foix, la vicom-
tesse de Narbonne 8c Ayraeri , son neveu, demeurèrent dans la fidélité 8c
l'alliance du comte de Toulouse. Cet Aymeri étoit fils aîné^ d'Ermessinde de
Narbonne 8c d'Amalric de Lara, comte de Molina, en Espagne : Ermengarde,
vicomtesse de Narbonne, sa tante, sœur d'Ermessinde, l'avoit adopté 8c le
regardoit comme son héritier présomptif, parce qu'elle n'avoit pas d'enfans,
ni espérance d'en avoir.
Depuis le traité dont nous venons de parler, Roger-Bernard, comte de
Foix, fut étroitement uni avec Raimond, comte de Toulouse; il accorda avec t^iii°''^'"o
Cécile, sa femme, 8c Roger, leur fils'*, divers privilèges en 11 67 à ceux qui
viendroient habiter le bourg de Foix, 8c partagea du conseil de plusieurs de
l'Albigeois. Parmi ces revenus figurent notamment 'Voyez tome VIII, Chartes, n. V, ce. 273,
les leudes & les cautions de la rille d'Albi. 275.
[A. M.] ' Voyez tome VII, Note VI, p. i5.
' Guillelmus Neubrigensis, Rcrum Anglicarum, ^ Archives de l'abbaye de Foix.
I. 2, C. II.
An ii63
32 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
ses barons, au mois d'août de l'année suivante, avec Pierre, abbé de Saint-
Vohisien, les droits domaniaux de la ville de Foixj ce pariage subsista depuis
entre leurs successeurs.
XXVI. — Union du comte de Toulouse avec celui de Forcalquier.
Le comte de Toulouse pour fortifier sa ligue contre le roi d'Aragon se
réconcilia & s'unit avec Bertrand, comte de Forcalquier. Leur union paroît
par la donation que le dernier fit à Saint-Gilles en 1 168, étant dans la maison
des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, & auprès de l'église de Saint-
Jean-Baptiste, de la ville de Manosque Se de plusieurs autres biens, en faveur
de ces hospitaliers 6c de Gaufred de Brésis, prieur de la maison de l'Hôpital
de Saint-Gilles. Le comte Bertrand marque dans cet acte' que, supposé que
Guillaume de Sabran (son^ neveu), auquel il lègue tout le reste de ses
domaines, ne fût pas content de cette disposition & qu'il vînt à la contredire,
il donne la moitié de ces domaines à Raimond, comte de Toulouse, 8c l'autre
moitié à un autre Guillaume de Sabran, son cousin, &. aux frères de ce der-
nier. Du reste, nous ignorons quelles furent les circonstances de la guerre
de Provence durant l'an 1 1685 on voit seulement que le comte Raimond étoit
dans le Toulousain, au commencement de novembre de cette année, 8c que
s'étant rendu le jour de la Toussaint dans le chapitre de l'abbaye de Grand-
selve, il y confirma^, en présence de toute la communauté, les privilèges que
ses prédécesseurs avoient accordés à ce monastère.
XXVII. — Siège de Bé-^iers par le roi d'Aragon,
Enfin Roger, vicomte de Béziers, ayant disposé toutes choses pour venger
sur les habitans de cette ville la mort de son père, alla à la rencontre"* d'Al-
phonse, roi d'Aragon, qui, dans le dessein de l'aider à tirer cette vengeance,
s'avança dans le pays en 1168 à la tête d'une armée. Après leur jonction ils
mirent le siège devant Béziers. Les habitans, dans la juste crainte qu'on ne
leur fit subir tôt ou tard la peine de leur crime, avoient eu soin de se forti-
fier 8c ils ne négligèrent rien pour faire une vigoureuse défense; en sorte que
le siège traînant en longueur, le roi d'Aragon Se le vicomte Roger, qui déses-
péroient de prendre la place, furent enfin obligés de composer avec eux.
Suivant le traité, le vicomte leur pardonna à certaines conditions qu'il leur
imposa. Cela fait, le roi d'Aragon leva le siège Se se retira^.
' Bouche, Li chorographie ou description ie la 1. 2, c. ii. — Gaufritlus, prior Vosiensis, Chro-
Provence, X. 2, p. 161. nicon, p, jd5.
' Ruffi, Dissertations historiques sur l'origine îles ' Bouche, La chorographie ou description de la
comtes de Forcalquier, &c. Provence, t. 2, p. Io56 & suiv. — Ge:ta comilur.i
' Archives de l'abbaye de Grandselve. Barcinonensiutn, c. 22.
* GuillelinuJ Neubrigensis, Rerum Anglicarum,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 33
XXVIII. — Le roi d'Aragon cède la Provence à Pierre, son frère, qui prend
le nom de Raimond-Bèrenger £■ qni lui cède à son tour le comté de Car~
cassonnCf (/c
Le roi d'Aragon voulant retourner dans ses Etats pourvut, avant son
départ, au mois de décembre de la même année, au gouvernement de Pro-
vence, qu'il confia à R.aimond-Bérenger, son frère, auquel il donna le comté
de ce pays en commende pour le tenir sous ses ordres, à son service, 8v sous sa
fidélité, tant qu'il jugeroit à propos, & à condition de le lui rendre lorsqu'il
en seroit requis. II ajouta dans l'acte que si Raimond-Bérenger se trouvoit
forcé de faire hommage de ce comté à l'empereur Frédéric, il ne le possédc-
roit pas néanmoins héréditairement & qu'après sa mort il lui reviendroit ou
à celui de ses fils qui auroit le comté de Barcelone. Alphonse se réserva en
même temps le domaine direct des châteaux de Tarascon S<. d'Albaron, Se la
moitié de la monnoie de Provence, avec le pouvoir 8i l'autorité, lorsqu'il seroit
en personne dans la province, d'y commander absolument comme seigneur.
11 donna sous les mêmes conditions au même Raimond-Bérenger, son frère,
les comtés de Rode-{ (y de Cévaudan pour les posséder & les tenir de lui
pendant sa vie, supposé que ce prince fît hommage à l'empereur pour le
comté de Provence; en ce cas il se réserve la ville de Millau 8c la même
autorité, lorsqu'il seroit présent, qu'il s'étoit réservée sur la Provence. Rai-
mond-Bérenger fît ensuite hommage S< prêta serment de fidélité au roi, son
frère, pour tous ces domaines, 6- lui céda en échange, tant qu'il posséderait le
comté de Provence, tout son héritage 6- tous les biens qui lui étaient échus en
partage, quelque part qu'ils fussent situés.
On pourroit objecter contre cet acte qu'il ne paroît pas que Raimond-
Bérenger quatrième du nom, comte de Barcelone, & père d'Alphonse, roi
d'Aragon, ait eu un fîls nommé Raimond-Bérenger, car il ne fait mention
dans sa dernière disposition ' que de Pierre Se de Sanche, ses fils puînés, dont
le premier eut en partage le comté de Carcassonne &. les autres domaines
qu'il prétendoit en Languedoc. Mais on ne sauroit douter qu'Alphonse*, roi Éd. nrigin.
d'Aragon, n'ait eu un frère appelé Raimond-Bérenger, qui se qualifia comte
ou marquis de Provence jusqu'à sa mort, arrivée en ii8i. Ainsi Pierre, fils
puîné de Pvaimond-Bérenger IV, comte de Barcelone, aura changé^ son nom
Se pris celui de Raimond-Bérenger, après la mort de Raimond-Bérenger, son
cousin, comte de Provence, à l'exemple du^ roi, son frère, qui quitta le nom
de Raimond qu'il avoit reçu au baptême pour prendre celui d'Alphonse. Il
s'ensuit de là : i" Que Pierre ou Raimond-Bérenger céda, en ii68, au roi
Alphonse, son frère, en échange du comté de Provence, ceux de Cerdagne
■ Voy«z tome III, I.XVIII, n. LUI, p. 828 & suiv. 'Bouche, La chorograpltic ou Hecriptloa Je la
' Marca Hiipanica, c. 5l5. — Ruffi, Comtes Je Provence, pp. |3| & 149.
Provence, p. 5z. — Bouche, La chorégraphie ou ' Voyez tome III, I, XVIII, n. lui, p. 8:8 Si
Hes.riflion .le If. Provence, p. iSl, juiv.
t. m. p.
An 11 53
34 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
& de Carcassonne &t les autres domaines de Languedoc que le comte, leur
père, lui avoit donnés en partage. 2° Que le même Alphonse acquit par cet
échange la suzeraineté que sa maison prétendoit sur les pays de Carcassonne
& de Razès, & non par la mort de Pierre, son frère, ainsi que le suppose
un historien' d'Aragon, qui a ignoré que Pierre, frère d'Alphonse, est le
même que Raimond-Bérenger, à qui ce prince céda le comté de Provence en
échange de ces domaines.
XXIX. — Le vicomte Roger, paisible possesseur de ses domaines sous l'autorité
du roi d'Aragon.
Alphonse, roi d'Aragon, fut depuis étroitement uni avec Pv.oger, vicomte de
Béziers 5c de Carcassonne, qui, sous sa protection, jouit paisiblement des
domaines qui avoient appartenu au vicomte Raimond-Trencavel, son père,
nonobstant la donation que Raimond V, comte de Toulouse, en avoit faite
à Roger-Bernard, comte de Foix, Le vicomte de Béziers^ reçut en effet, au
mois de mars de l'an 1168, l'hommage du seigneur du château de Vinassan,
au diocèse de Narbonne, Jk l'année suivante celui des seigneurs de Clermont,
dans le Lauragais. Il possédoit vers le même temps avec Pierre, vicomte de
Minerve, le château de Peyriac, dans le Minervois. L'on voit encore une
charte 3 du 17 de novembre de l'an 1168, dans la date de laquelle il est
marqué que Roger de Bé-^lers dominoit sur la ville de Carcassonne, Roger
Pelapoul, qui étoit malade, se donna par cette charte pour frère vivant 6*
mort à l'abbaye de Fontfroide, avec la moitié des biens dont il avoit hérité
de Guillaume, son frère.
XXX. — Négociations avec le roi d'Angleterre touchant le comté de Toulouse,
Pendant la trêve qui avoit été conclue entre les rois de France 8c d'Anole-
terre, 8c dont le terme devoit expirer à la fête de Pâques de l'an 1 168, Henri"*,
comte de Champagne 8c Philippe, comte de Flandres, négocièrent la paix à
Soissons entre ces deux princes. Il fut arrêté que le roi d'Angleterre donne-
roit le duché de Guienne à Richard, son second fils, 8c que ce jeune prince
épouseroit une fille du roi de France; mais on ne fit aucune mention ^ du
comté de Toulouse. Peut-être que le roi d'Angleterre fit traiter séparément
sa paix avec le comte Raimond par Jean de Salisbery, qui fit un vovao-e à
Saint-Gilles, à la mi-carême de l'an 1168. Quoi qu'il en soit, ce projet n'eut
pas lieu, parce que le roi d'Angleterre ayant recommencé les hostilités avant
l'expiration de la trêve, celui de France ne voulut plus entendre parler de
paix. Les comtes de Champagne &c de Flandres renouèrent cependant la négo-
ciation pendant l'octave de Pâques; 8c Henri II, roi d'Angleterre, offrit d'ac-
■ Zurita, jinales delà corona de jinigon,!. 2, c. 25. ^ Joliannes Saiis'uerier.sis, EpUtoUe, n. 284.
' Cartulaire du château de Foix. Robortus de Monte, Chronlcon, ad ann. 1 iC3.
' Archives de l'abinyo de Fontfroide, » Joh.innes Sarisb»r!cn«is, ut supra.
An 1 169
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 33 "~ ~7
An I io3
cepter les articles arrêtés à Soissons. Les grands du royaume de France lui
déclarèrent alors que le roi ne vouloir plus consentir au mariage proposé
entre sa fille & le prince Richard 8c que si ce dernier, à qui le roi Henri, son
père, devoit donner le duché de Guienne en partage, vouloit faire valoir ses
prétentions sur le comté de Toulouse, le roi de France en seroit le juge avec
sa cour. On convint que les deux rois auroient là-dessus une entrevue le
dimanche d'après l'Ascension; mais Henri ayant continué les hostilités, il n'y
eut encore rien de fait. Ces deux princes convinrent ensuite d'une trêve jus-
qu'à la Saint-Jean-Baptiste, & ils eurent ce jour-là une conférence à la Ferté-
Bernard j mais ils se séparèrent de nouveau sans rien conclure, & on reprit les
armes de part 8c d'autre. Les négociations recommencèrent pendant l'Avent
8c on convint enfin de la paix à l'Epiphanie ' de l'année suivante. Richard fit
alors hommage au roi pour le duché de Guienne.
XXXL — Nouvelle expédition du roi Louis le Jeune contre le vicomte
de Polignac.
Après la conclusion de cette paix, le roi Louis le Jeune retourna en Au-
vergne 8c en Vêlai ^, afin de punir la témérité de quelques seigneurs, entre
autres de Pons, vicomte de Polignac qui, malgré les promesses les plus solen-
nelles, vexoit toujours l'église du Puy 8c les autres églises de l'Auvergne 8c
du Vêlai. Louis assiéçrea d'abord sur ce vicomte le château de Nonnette, place i^d-orifiin.
• 1 T • ¥1 • • • t. m, p. 2 2,
forte située aux environs de Brioude. Il poussoit vivement le siège de ce châ-
teau lorsque Pons, se voyant hors d'état de résister, vint se jeter ^ à ses pieds
avec son fils Héracle, 8c lui déclarer qu'ils s'en rapportoient entièrement à sa
décision 8c à celle de sa cour touchant leurs différends avec l'évêque du Puy,
avec offre pour la sûreté de leurs promesses de se remettre prisonniers entre
ses mains. Ce prélat, nommé Pierre, qui étoit présent, ayant consenti de son
côté à la médiation du roi, ce prince leva le siège 8c alla au"* Puy, où il fit
ses dévotions dans l'église de Notre-Dame. Il passa à son retour par Mont-
brison, en Forez, avec Pons, vicomte de Polignac, 8c Héracle, son fils, qu'il
emmena prisonniers à Paris.
XXXII. — Ce vicomte termine ses différends avec l'évêque du Puy,
Pierre, évêque du Puy, s'étant rendu ensuite à la Cour, se présenta devant
le roi, 8c là, en présence du vicomte de Polignac qui fut appelé au conseil, il
proposa '' au nom de son église tous les griefs qu'il avoit contre ce vicomte, 8c
en demanda la réparation. Pons n'osa nier les faits, 8c le roi ayant pris l'avis
de son conseil, Thibaud, comte de Blois, prononça la sentence. Il condamna
' Robertiis de Monte, Chronicon, ad ann i iû8. * Pérard, Recueil d'actes^ p. 586. — Voyez t. VII,
' Voyez tome VII, Note III, p. 8. Note III, p. 8.
' Baluze, Histoire généalogique Je U maison i'Au- '' Baluze, Histoire généalogique Je la maison J'Au-
vergn-, t. 2, p. 6'). vergne, t. 2, p. 66.
An I ^(l)
36 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
le vicomte à réparer tous les dommages qu'il avoit causés à l'église du Puy 8<
à subir les peines auxquelles il s'étoit soumis par les dittérens traités que lui
8< son père avoient conclus auparavant avec les èvêques du Puy, en cas qu'il
vînt à les violer & dont il n'avoit gardé aucun. 11 le condamna de plus à
restituera l'évêque tout ce que lui 8c ses gens avoient levé du péage depuis
l'accord qu'ils avoient fait à Souvigni, en présence & par la médiation du roi.
L'évêque fut chargé de son coté de dédommager tous les particuliers qui
avoient payé injustement le péage. Quant à l'oftense que le vicomte avoit
faite au roi par sa conduite, il tut dit que tous ses fiets demeureroient confis-
qués au profit de ce prince. Enfin on donna ordre au vicomte Pons de
demeurer au pouvoir du roi jusqu'à ce qu'il eût satisfait à tous ces articles.
Il paroît que ce prince lui accorda quelque temps après la liberté pour lui
donner moyen de remplir ses engagemens, car nous avons une lettre' de
Pons, vicomte de Polignac, au roi Louis le Jeune, qu'il appelle son père &
son seigneur, dans laquelle il lui marque qu'il avoit fait tout son possible
pour satisfaire aux articles qu'il lui avoit promis d'exécuter, de même qu'au
comte Raimond S<. au comte Thibaud, qu'il avoit remis sept chevaliers en
otage entre les mains de l'abbé de Seguret, ainsi qu'il le lui avoit ordonné;
mais qu'il ne lui avoit pas été possible de remettre les six fils de gentils-
hommes, parce qu'ils avoient été nommés par le conseil de ses ennemis; que
lieux d'entre eux, qui étoient ses parens, n'étoient pas ses vassaux; que deux
autres étoient au berceau Se que les deux derniers étant prêts à partir, les
ecclésiastiques du Puy, ses ennemis, avoient détourné leurs parens de les
laisser aller, sous prétexte qu'ils ne les reverroient plus. Enfin le vicomte
Pons prie le roi de l'excuser là-dessus, avec promesse cependant de se repré-
senter au jour marqué & d'amener avec lui tous ces jeunes gentilshommes
ou d'autres en leur place. Il paroît par cette lettre que Pvaimond, comte de
Toulouse, étoit alors à la cour du roi Louis le Jeune & qu'il fut un des juges
du différend entre l'évêque du Puy & le vicomte de Polignac.
Ce vicomte- n'ayant pu satisfaire à tous ses engagemens se remit en prison
8c y demeura longtemps avec son fils Héracle; ils ne recouvrèrent en effet
leur liberté qu'en 1171, après être convenus à Paris d'un nouvel accord avec
l'évêque du Puy, par la médiation de Thibaud, comte de Blois, & de Mau-
rice, évêque de Paris. Par ce traité l'évêque du Puy se désista d'une partie des
articles qui lui avoient été adjugés par la sentence définitive de l'an 1169. Le
vicomte & son fils promirent de leur côté de ne plus exiger aucun péage sur
les grands chemins Si remirent à l'évêque l(5ut le droit qu'ils avoient sur ki
monnoie du Puy, la leitde S<. les autres droits qu'ils levoient dans cette ville.
Ils lui remirent de plus tout le domaine qu'ils avoient à Saint-Paulhan avec
permission à ce prélat d'en rebâtir le château, de même que ceux de Cas-
telnau 81 de Chamel, qui avoient été détruits durant la guerre. Ms cédèrent
' Diichesne, Tl'tstoriae Frtincortim Script, t. 4, ' ia]uzf. Histoire généalogique i!el.t maison J'Aa-
p. 716. vcrgne, t. 2, p. 67 & Siiiv,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 87 "777^
encore à l'évêque les quatre châteaux de Ceissac, d'Ainac, de Saint-Quentin
S< de Senculh, Sv quelques autres domaines. Ils promirent de ne faire jamais (''',''i-,'"''^'r3_
aucune acquisition dans les domaines de l'église du Puy, de ne plus rien
exio-er que de juste Se de légitime sur les terres de cette église & de taire
observer dans le diocèse la paix que l'évêque y établiroit. Ils renoncèrent à
l'hommage qu'ils avoient exigé des vassaux de l'église du Puy, entre autres
de Guillaume-Jourdain & de Guillaume de Saint-Didier, & s'engagèrent k
réparer les dommages que le prévôt de Brioude, le frère du vicomte, Pons de
Arlenc, son neveu, & leurs associés avoient causés à l'évêque. Le vicomte
Pons fit serment sur les saintes reliques d'observer ces articles, & son fils
Héracle fit un pareil serment devant le roi, qui voulut bien se rendre garant
envers l'évêque. Il s'engagea enfin de faire approuver ce traité par le pape 8<.
de donner pour ses cautions le comte de Saint-Gilles ou de Toulouse, les
comtes d'Auvergne, l'évêque de Clermont Se ses chevaliers 8c vassaux.
Pons, se voyant dépouillé de la plupart de ses domaines par ce traité, en
traîna l'exécution en longueur; en sorte que Pierre, évêque du Puy, pré-
vovant qu'il n'auroit jamais la paix avec lui s'il ne se relâchoit d'une partie
de ses prétentions, consentit à une nouvelle transaction qui tut moyennée
par Robert, évêque de Viviers, élu archevêque de Vienne, & Pierre, évêque
de Clermont. Ces deux prélats rendirent, en iiyS, une sentence arbitrale'
qui contient les articles suivans ; 1° L'évêque du Puy est condamné à rendre
{k à donner en fief à Pons, vicomte de Polignac, la moitié de la monnoie, de
l.i leude Se des autres domaines de la ville du Puy, qu'il avoit obtenus par
la sentence précédente de l'an 1171, l'autre moitié doit demeurer à l'évêque.
2° Ce dernier est aussi condamné à rendre au vicomte S<. à lui donner en fiet
deux des quatre châteaux qui lui avoient été adjugés par la même sentence,
savoir : ceux de Ceissac 8< d'.Ainac, & de lui rendre les deux autres châteaux
de Saint-Quentin S< de Seneulh, sans aucune condition. 3° 11 est dit t|ue le
vicomte restituera tout ce qu'il avoit acquis dans le domaine de Beaumont.
40 Que l'évêque S<. le vicomte ne pourront acquérir dans la suite aucune sei-
gneurie dans les châteaux, dont chacun d'eux possédoit déjà une partie; qu'ils
ne pourront non plus bâtir aucune forteresse, ni exiger aucuns droits dans
les domaines l'un de l'autre; il leur est permis cependant de rebâtir le châ-
teau de Saint-Paulhan S< les autres qui avoient été détruits durant la guerre.
5° Enfin il est ordonné que sur treize deniers de péage qu'on levoit par {de
trosello) trousseau dans la ville du Puy, l'évêque en auroit cinq, son chapitre
trois. Se que le vicomte tiendroit les autres cinq en fief de l'évêque. On régla
ensuite la manière de lever ce péage, dont les bourgeois du Puy étoient
exempts, Si on fit défense d'en lever d'autres dans les limites prescrites dans
l'acte. Le vicomte Pons^ jura l'observation de ce nouvel accord avec ses trois
fils, Héracle, Etienne de Pvochesavine 8< Hugues, chanoine de Brioude, Se
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XVI, c. 296. ' Baliize, Hntoire ginéaU^iiluc AcU mai.'vn d'Aw
vcrgne, t, 2, p. 63.
'- — 38 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An ) i6p ^
un grand nombre de chevaliers; & le roi Louis le Jeune l'autorisa la même
année iiyS par une charte datée de Fontainebleau : ainsi la tranquillité fut
enfin rendue au Vêlai après une longue suite de guerres qui l'avoient entiè-
rement désolé.
XXXÎII. — Nouvelle conférence du comte de Toulouse avec le roi d'Angleterre.
La paix qui avoit été conclue entre le roi Louis le Jeune Si Henri, roi
d'Angleterre, ne termina pas les différends de ce dernier avec Raimond,
comte de Toulouse. Mais les deux rois ayant eu' une nouvelle conférence à
Saint-Denis, le i6 de novembre de l'an 1169, Henri, qui avoit besoin de
Louis pour sa réconciliation avec Thomas, archevêque de Cantorbéri, promit
à ce prince, qui prenoit beaucoup de part à ces différends, de lui donner son
fils Riclïard pour le faire élever à sa cour, & d'entrer incessamment en confé-
rence à Tours avec Raimond pour moyenner la paix de ce comte avec Richard,
nouveau duc d'Aquitaine, au sujet du comté de Toulouse. Ceci est rapporté-
dans une lettre qui fut écrite alors à l'archevêque de Cantorbéri, où l'on
marque à ce prélat que, comme il n'y avoit aucun fond à faire sur les pro-
messes du roi d'Angleterre, il étoit fort douteux si cette conférence de Tours
se tiendroit. Nous n'avons d'ailleurs aucune preuve qu'elle ait été tenue;
mais quoique la paix entre le roi d'Angleterre & le comte de Toulouse n'ait
été conclue que quelques années après, il paroît qu'ils suspendirent jus-
qu'alors les hostilités de part & d'autre.
^Ed.orighi. Raimond fit cependant un voyage dans le bas Languedoc en 1169 8v reçut
alors, à Uzès^, l'hommage de Galburge &. de Hugues d'Ussel, son fils, pour
les châteaux d'Ussel, de Saint-Laurent 8c de la Roche, en présence de Rai-
mond, évêque d'Uzès 6- de Bermond d'U-^ès, son frère. 11 profita de la sus-
pension d'armes avec l'Angleterre pour punir la félonie de Roger, vicomte
de Carcassonne & de Béziers, son vassal, à qui il déclara la guerre, comme il
paroît par le récit qu'un ancien historien'* nous a laissé, de la manière dont
ce vicomte se vengea sur les habitans de Béziers de la mort de Trencavel,
son père.
XXXIV. — Surprise de Bé-^ïcrs par les troupes du roï d'Aragon. — Massacre
des hahitans de cette ville,
Roger fui excité à tirer vengeance de cette mort par le reproche que lui fit
un jour un de ses courtisans d'avoir vendu le sang de son père à ces habi-
tans. Il résolut aussitôt de les punir d'ime manière éclatante Se, quoi qu'il
leur eût déjà pardonné, il crut n'être pas obligé de garder sa parole à des
' Epist. S, Thomae Cantuarlcnsis, 1. 3, cp'ist. J. 3i4) origin. Voir Teiilet, Layettes, t. i, p. çd
<Ji. L'acte est de janvier i 170 (v. st.).]
thU. ■• GiiilIeliTius Neubrigentis, Rerum Angllc.:rum,
^ Trésor desChartes; Toulouse, sac 7, n. 6. [Auj. 1. 2, c.
I I.
niSTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 3ç, ^_^^_^^
perfides. Il eut recours au roi d'Aragon qui lui fournit un corps considérable
de troupes, sous prétexte de la guerre que le vicomte avoït à soutenir contre
le comte de Toulouse. Pour ne pas donner toutefois de l'ombrage aux habi-
tans de Béziers, Roger fit courir le bruit qu'étant informé que ce comte médi-
toit une prochaine irruption dans ses domaines, il étoit obligé de s'appuyer
de la protection du roi d'Aragon. Il se rendit ensuite à Béziers vers la fin ' de
l'an 1169 5c pria les habitans de loger en passant les Aragonois qui^venoient
à son service & de leur fournir des vivres. Les Aragonois de leur côté, pour
ôtcr tout soupçon, se partagèrent par bandes S< arrivèrent ainsi successivement
à Béziers, où ils logèrent chez les bourgeois. Dès qu'ils se virent assez forts
dans la ville, ils prennent tous les armes à un certain signal dont ils étoient
convenus, font main basse sur une partie des habitans, pendent les autres à
des potences, & leur font payer ainsi la juste peine de leur crime. On ne fit
quartier qu'aux juifs, qui apparemment n'avoient pas trempé leurs mains
dans le sang de Trencavel, aux femmes Si aux filles, que les soldats du roi
d'.\ragon épousèrent ensuite pour repeupler la ville. Il est fait mention de
cet événement tragique dans un^ acte de l'an 11 70, suivant lequel « le i^n\\-jo
« vicomte Roger, peu de temps après qu'il eut recouvré par le secours du
« roi d'Aragon la ville de Béziers, que les meurtriers de son père avoient
« occupée pendant longtemps, 8t qu'il y eut fait son entrée avec Bernard qui
« en étoit évêque, imposa avec ce prélat sur tous les nouveaux habitans, une
« redevance annuelle de trois livres de poivre par famille pour se dédom-
« mager des grandes dépenses qu'ils avoient faite-s pour la recouvrer.
XXX.V. — Évêques de Bé-^iers. — Templiers i- hospitaliers de cette ville.
Bernard, évêque de Béziers, assembla ■♦ quelque temps après le vicomte
Roger 8c les chevaliers du pays. Pour concourir, autant qu'il étoit en lui, ?.u
rétablissement de la tranquillité publique, après les guerres &» les périls qu'on
venoit d'essuyét, il leur fit jurer d'olîserver la paix, surtout à l'égard des reli-
gieux, des clercs, des paysans, des pêcheurs, des chasseurs, des malades, des
voyageurs, de ceux qui marclioient sans armes, 8cc. jusques au prochain
dimanche avant l'Ascension. Il enjoignit à son archidiacre de faire publier
cette ordonnance &c défendit de célébrer l'office divin dans les paroisses des
seigneurs qui refuseroient de s'y soumettre. Il confirma enfin la trêve de
Dieu en faveur de tous ceux qui scroicnt trouvés sans armes depuis le jeudi
au soleil couchant, jusqu'au soleil levant du lundi suivant. Ce prélat^, qu'on
dit de la maison de Lunel 8c fils d'une Guillelmette de Montpellier, avoit
succédé, dès l'an 1167, à Guillaume. Il fut arbitre'' en 1170, avec Gaucclin,
' Rotertiis de Monte, Chron'uon. p. 6S & suiv. — GalUd Ch/nùsnii, t. 2, p. -|i'^.
' GuilUlmus Neubrigensis, Rcrum Anglicarum, '' Voyez tome VIIT, Chartes, n. VI, c. a/fj.
1.2, cil. — Gaiifridus, prier Vosicnsis, C/ironi- 'Andoqiie, Calcxlcç^us des cyèijucs du Ili\i:rs,
con, p. 3i5. • p. 63 & suiv. — Gallia Chr'istiana, t. 2, p. 416.
' Andoque, Catalogue des évi^ucs de Béi'icrs, « Archives du château de Foix, caisse 12.
An
1 170
40
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
évêque de Lodève, Guillaume de Poitiers, Bernard-Rainiond de Capendu
8i Piene-Raiinond de Montpeyroux, des différends qui s'étoient élevés entre
Pierre-Raimond, fils de Bérenger de Béziers, & Ermessinde de Vias, sa mère,
touchant les châteaux de Vias au diocèse d'Agde, Si de Villeneuve au diocèse
de Béziers.
Il est fait mention du même Bernard, évcque de Béziers, en divers monu-
mens de son église, dans laquelle il établit' un trentin pour tous les cha-
noines qui viendroient à décéder. Arnaud^ de Maureillan engagea au mois
d'avril de l'an 1174 entre ses mains, pour mille sols melgoriens, dont qua-
rante-huit valoient un marc, à Bernard de Narbonne, camérier de la cathé-
drale de Béziers, en présence de Guillaume-Bernard, abbé de Saint-Jacques,
t.''ui?nf"\ '•''^ Bérenger de Béziers, Sic, tous les droits qu'il avoit au faubourg de cette
ville, 81 qu'il tenoit en fief du même camérier : « à la réserve du loyer 81 de
« l'acapte des maisons qui lui étoient échues par la trahison de Béziers. »
On voit encore par une autre charte^ de la même année que les biens de
ceux qui avoient pris part au meurtre du vicomte Trencavel avoient été con-
fisqués par un décret du vicomte Roger, son fils. Ce prélat 81 les chanoines
de son église s'accordèrent '* en 1180 avec Guillaume-Raimond, prieur de
l'hôpital de Jérusalem de Béziers, Pierre-Bernard, Jean de Rossignol Si. les
autres frères du même hôpital, par l'entremise de Raimond-l'Écrivain, prieur
de l'hôpital de Capestang, 81 de Bernard de Calvet, prieur de l'hôpital de
Goudargues, en présence d'Alfaric de Saint-Nazaire 81 de Jarenton de Balfre,
frères de l'hôpital de Jérusalem, Il donna'' la même année, avec ses chanoines,
aux frères de la milice du temple de Jérusalem, de la maison de Sainte-pAi-
lalie de Béziers, 81 k frère Bernard d'Escafré, procureur de cette milice,
l'église paroissiale de Saint-Martin de Ubertas, en présence de Guiraud de
Salivo, commandeur de Pézénas, d'Artaud de l'Espinace, commandeur de
Peyriès, au diocèse de Narbonne, de Pierre de Firac, d'Etienne 81 de Pierre
de Rodez, S< de quelques autres frères de la même milice. Enfin il vécut en
bonne intelligence avec le vicomte Roger, 81 ils donnèrent de concert en fief,
en 1170*^, 1174^ 81 1180, le tabellionage de Béziers, avec pouvoir à celui qui
le prit d'écrire tous les actes publics.
' Cartulnire de la cathédrale de Béziers.
' Martènc, Tkaanrus anecdolorum, t. i , p. otj.
'Andoque, Catalogue des crépues ,{c Bè:^'tcrs ,
p. 69.
■• Cartulaire de la cathédrale de Béziers.
' Ibii. [Voir t. V, c. i^lo, n"- 82, 8?..]
" Andoque, Catalogue des évé(jues de Béliers,
p. r>8. — Voyez toms VIII, Chartes, n. XXXIII,
c. 348.
' On peut voir cette charte au to:r,e VITI de la
présente cdiiion, c. jci, n. 18. La charge de no-
taire de Béziers y est traitée coinme une censivcj
le tenancier paye un acapte de cent sous & doit
donner annuellement à l'évéque six livres de poi-
vre à la Noël. Cette inféodation tut .ipprouvé»
par le vicomte Roger qui servit de témoin. Remar-
quons en passant que l'évéque de Béziers Bernard
& le vicomte Roger II ne vécurent pas toujours
en aussi bonne intelligence que le suppose dom
Vaissete. En avril 1 180 ce dernier renonça à tou-
tes les prétentions qu'il élevait sur le notariat de
cette ville (t. A'III, n. .Ip, c. 347); il reconnut
qu'il ne pouvait seul disposer de cet office & que
le consentement de l'évéque lui était nécessaire.
Quant à la seconde concession du tabellionat
faite en 1180 à Bernard Cota, & rapportée par
dom Vaisseie (t. VIII, n. 40, ce. 348 à 3.5o}, elle
fut un résultat de la grande révolte de 1167;
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 41 . . ,
' An I I y O
r
I
XXXVI. — Voyage dit roi d'Angleterre en Qtiercî. — Evêques de Viviers.
Quoique Raimond, comte de Toulouse, & Henri, roi d'Angleterre, eussent
suspendu les hostilités, ils se tenoient cependant en garde l'un contre l'autre.
En effet, le dernier ayant entrepris, vers la fin de l'an 1170, un voyage h
Notre-Dame de Rocamadour, en Querci, dans le domaine de l'autre, il fit
ce pèlerinage en corps d'armée & prêt à combattre, parce qu'il étoit au voi-
sinage du pays de ses ennemis , suivant le témoignage d'un historien ' du
temps. Cet auteur ajoute qu'Henri ne causa cependant aucun dommage dans
le Querci; qu'il témoigna au contraire beaucoup de bienveillance aux habi-
ta ns, & qu'il distribua de grandes aumônes aux pauvres.
Raimond, étant toujours uni avec l'empereur Frédéric, l'alla joindre
en II 70 aux environs du Rhône, & ce fut en sa présence que ce prince con-
firma*, par un diplôme, une donation qui avoit été faite à l'hôpital de Saint-
Jean de Jérusalem, du consentement de Raimond, évêque de Viviers. Cc^
prélat, qui éioit de la maison d'Uzès, mourut peu de temps après; car Robert,
surnommé d'Albert, son successeur, étoit dans la première année de son épis-
copat, le 2 de novembre de l'an 1171. Robert passa bientôt après à l'arche- "71717-7
vêché devienne, dont il étoit déjà"* élu archevêque en 1173. Nicolas lui
succéda dans l'évêchc de Viviers.
XXXVn. — Légation du cardinal Hyacinthe dans la Province. — Démêlés
du vicomte Roger avec l'abhaye de Saint-Pons.
L'union du comte de Toulouse avec l'empereur est une preuve que le pre-
mier étoit toujours favorable à l'antipape 8c au schisme. Ce fut peut-être pour
le ramener à son obédience que le pape Alexandre HI envoya le cardinal
Hvacinthe, son légat, dans la Province. Nous savons du moins que ce car-
dinal exerçoit cettP '^-gation à Montpellier en 1171 Se qu'il"' fut présent avec
Raimond des Arènes, aussi cardinal, Pons, archevêque de Narbonnc, Ber-
nard, évê([ue de Béziers, 8< Guillaume, abbé de Saint-Thibéry, à la décision
d'un différend qu'avoit alors Bernard, abbé de Saint-Guillcm du Désert. 11
est encore fait mention dans un autre monument'' du cardinal Hvacinthe
soupçonné de trahison, le not.iire a perdu sa ' Baluze, portefeuille de Viviers, n. 3. [-^rnio;Vir/,
ch.irge qui .1 fté donné» à un .lutre; elle lui est v. 19.]
rendue, & la concession de 1174, faite à Bernard ' Columbi, Vivariemes cplscopi, p. 2ir & se^.
de Canssinojouls, est annulée. Seulement cette * B;i\\ize, Histoire généalogique dr la maison J'Àu-
restitution coûte à Bernard Cota mille sous de vergne, t. 2, p. 68. — Voyez tome VIII, Chartes,
Melgi:eil, que le vicomte reçoit à cause de ses be- n. XVI, c. 297.
soins d'argent, mais qui ne lui sont point dus ' Gallia Chriitiana, nov. ei.t, 6, Imtrum. p. i83.
(c. 349). Cette concession nouvelle fut approuvée ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXV, c. 435.
à son tour par l'évéque, qui scella l'acte en même — C'est un acte de 1 19,5 par lequel les seigneurs
temps que le vicomte. [A. M.] de Sallèles réclament un jardin engagé par eux à
' Robertus de Monte, Chronicon, p. 790 & seq. l'église de ce village. [A. M.]
*- 42 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. YAX.
An 1171 '
qui, étant à Naibonne, avoit fait un décret pour défendre aux églises d'en-
gager leurs biens à des étrangers.
L'archevêque de Narbonne, l'évêque de Béziers, Guillaume', évèque d'Albi,
les archidiacres de Narbonne 8<. de Carcassonne, & huit chevaliers ou sei-
gneurs séculiers, terminèrent en qualité d'arbitres, au commencement de
l'an 1171, un autre différend qui s'étoit élevé entre Roger, vicomte de Béziers
Si de Carcassonne, & Raimond, abbé de Saint-Pons de Thomières. Cet abbé
se plaignoit de ce que le vicomte avoit détruit & pillé son monastère durant
la guerre, 8<. de ce qu'il en avoit exigé la somme de trente mille sols m^elgo-
riens. Le vicomte se plaignoit de son côté de ce que l'abbé avoit fait cons-
truire le château de la Salvetat au voisinage de ses terres, sans son consente-
uiiup!"'6. ment & contre la volonté de son père. Suivant la sentence arbitrale, ils se
pardonnèrent réciproquement, &i le vicomte consentit que l'abbaye de Saint-
Pons jouît à l'avenir sans contradiction du château de la Salvetat, qu'il promit
de prendre sous sa protection, à condition que l'abbé lui feroit tous les ans,
8< à ses successeurs, une albergue de cinquante chevaliers, ou lui donneroit à
son choix cinquante sols melgoriens. L'abbé donna de plus au vicomte la
somme de deux mille sols melgoriens & lui céda les autres fiefs qu'il possédoit
dans le domaine de l'abbaye. Enfin le vicomte consentit qu'on rétablît le
monastère de Saint-Pons^ & qu'on l'enfermât de murailles. On trouve ici l'ori-
gine de la ville de Saint-Pons &; de celle de la Salvetat, située aujourd'hui
dans le même, diocèse, sur la rivière d'Agout, vers les frontières du diocèse de
Castres. L'acte est daté du lundi quatrième de janvier de l'an 1171, & prouve
qu'on ne comptoit pas toujours alors également le commencement de l'année
depuis Pâques.
XXXVIIT. — Raimond, comte de Toulouse, confirme les privilèges des églises
de Cavaillon C" d'Àlhi. — Sceau de ce prince.
Le comte de Toulouse passa une grande partie de cette année aux environs
du Pvhône, peut-être pour y continuer la guerre contre le roi d'Aragon. Il
confirma à Cavaillon'', au mois de mai, par son autorité présidiale ou comtale,
k l'évêque & à l'église de cette ville, la possession des moulins qu'ils avoient
sur la Durance, avec permission d'en construire de nouveaux St de détourner
même cette rivière par divers canaux, depuis le château de la Roche jusques
au territoire de Caumont; il leur donna de plus le péage sur la Durance.
Géraud d'Ami, Pierre de Caderousse & plusieurs autres seigneurs provençaux,
ses vassaux, furent présens à cette concession, qui fut traduite par Raoul,
avocat &• chancelier du comte, & scellée d'un sceau de plomb où on voyoit
' Gallia Christiana, nov; éd. t. 6, tnstrum. p. 283. peut dire c'est que l'atte de 1 171 est l'un des prc-
' L'expression de dom Vaissete est trop affir- iniers qui prouvent que cette localité eût déjà une
tiative. La ville de Saint-Pons a existé dès l'épo- certaine importance. [A. M.]
que où le monastère de ce nom a groupe autour ' Bouche, La chorographie ou description Je la
de ses bâtiments quelques maisons. Tout ce qu'on Provence, t. 2, p. loCtç Sa suiv.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 48
d'un' coté une croix, & de l'autre le comte à cheval avec ces mots tout autour :
S. Raymundi comitis. C'est là le plus ancien sceau que nous connoissions
où l'on voie les armes du comte de Toulouse.
XXXIX. — Paix entre le comte de Toulouse i- le v'icoTnte Roger, à qui
il donne sa fille en mariage.
Le comte se rendit ensuite à Saint-Gilles où il conclut, au mois de
novembre suivant, la paix avec le vicomte Roger auquel il fit serment^ de
conserver la vie, les membres 8c les domaines envers tous &. contre tous.
Pons, archevêque de Narbonne, Guillaume, évêque d'Albi, Ermengardc,
vicomtesse de Narbonne, Odon, vicomte de Lomagne, Alphonse, frère du
comte de Toulouse, Guillaume de Sabran, son connétable, Raoul, son chan-
celier, Géraud d'Ami, Eléazar d'Uzès 8c plusieurs autres seigneurs de marque
furent présens à cette paix, après laquelle R.aimond conclut le mariage d'Adé-
laïde, sa fille, qu'il avoit eue de Constance de France, avec Roger. Le comte
donna en dot à Adélaïde cinq cents marcs d'argent fin, 8c Roger lui assigna
pour douaire le château 6" tout le comté de Ra-^ès, le château de Balaguier,
le bourg de Limoux avec leurs dépendances, le château de Coufoulens, dans
le comté de Carcassonne, Stc. L'archevêque 8c la vicomtesse de Narbonne
furent aussi présens à cet acte avec Bernard, évêque de Béziers, Guillaume,
abbé de Saint-Thibéry, Guillaume de Sabran, 8cc. Le roi Louis le Jeune,
oncle d'Adélaïtle , prit part à cette alliance. Il écrivit^ une lettre pleine
d'amitié à Roger Se lui donna, en considération de son mariage avec sa nièce,
le château de Minerve avec ordre à ceux qui le posséderoient d'en faire
hommage à ce vicomte. « Vous le tiendrez, ajoute-t-il, de nous, 81 quand
« nous irons dans vos quartiers, vous nous en ferez hommage j soyez assuré
« que nous faisons aujourd'hui pour vous ce que nous n'avons jamais voulu
« faire pour aucun de vos prédécesseurs. » Ainsi Roger fut le premier vicomte
de Béziers 8c de Carcassonne vassal immédiat de la couronne. Au reste, ce
vicomte ne put faire sa paix avec le comte de Toulouse sans se brouiller avec
Alphonse, roi d'Aragon, qu'il avoit reconnu pour son seigneur. Aussi Alphonse
lui déclara-t-il'* bientôt après la guerre 8c, pour soutenir ses prétentions sur
les domaines de Roger, il fit faire ' vers le même temps une recherche des
actes qui pouvoient lui être favorables*^.
' Bouche, La chorographie ou description Je la une sorte de mémoire sur la manière dont leâ
Provence, t. 2, p. io5p & suiv. comtés de Carcassonne & de Razés furent acquis
' Voyez tome VIII, Chartes, n. VII, c. 276. par la maison de Barcelone. L'acte du reste abonde
' liiJ. n. IX, c. 279. en noms estropiés ou changés, en erreurs de faits
* Marca Hispanica, c. 1371. & de dates. On ne peut guère s'y fier pour les dé-
' Voyez tome V, Chartes, n. VI, c. 3i. tails. [A. M.J
' Voir tome V de cette édition, ce. 3i à 33. C'est
An 1171
An I 171
44 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
XL. — Paix entre le vicomte Roger (5^ la vicomtesse de Narhonne.
Ermengarcle, vicomtesse de Narbonne, c[ui s'ctoit liguée avec le comte de
Toulouse contre Roger, ht bientôt après sa paix avec ce vicomte : l'acte en
fut signé à Lésignan ', à la fin de l'an 1 17 i, & ils se firent un serment réci-
proque de s'aider envers tous & contre tous, excepté le comte de Toulouse. Ils
êîn'l^'l'-î. s'accordèrent dans la suite toucbant le château de Villcmagne qu'ils convin-
rent de démolir. Roger vécut depuis en bonne intelligence avec le comte de
Toulouse, son beau-père. Il tint sa cour^ à Limoux, au mois de juillet de
l'année suivante, Si y reçut le serment de quatre gentilshommes qui jurèrent
de garder fidèlement le château de Coustausa jusqu'à ce que Pierre de Vilar
fut fait chevalier. Il donna en fief, au mois d'août suivant, une maison du
faubourg de Saint-Vincent de Carcassonne, située dans le domaine comtal,
en présence de Mo'ise Cnravite, haile de ce domaine. Il reçut en 1172 l'hom-
mage pour le château de P'erens, en Albigeois, Si confirma^ au mois de mars
de l'année suivante les donations que le vicomte R.oger, son oncle, S<. le
vicomte Raimond-Trencavel, son père, avoient faites à l'abbaye de Salvanez,
en R.ouergue. Les seigneurs de Fournès, de Cueil, de PU)laurens Si d'Ala-
gnan lui firenf* hommage quelque temps après pour ces châteaux. Le der-
nier, situé dans le Razès, appartenoit à Guillaume d'Alagnan, vicomte de
Sault, qui. au mois de mai de l'an iiyS, reconnut le tenir de Roger par un
acte daté de Fanjaux, en présence du comte de Foix. Ce comte £< le vicomte
Roger, son beau-frère, étoient donc alors réconciliés : ainsi le comte Rai-
mond, en faisant la paix avec ce dernier, avoit révoqué la donation (|u'il avoit
faite à l'autre des domaines de ce vicomte.
XLI. — Mort de Bernard Pelet, seigneur d'Àlais, mari de Béatrix, comtesse
de Melgueil. — Bertrand, leur fils, prétend à ce'comté,
Raimond fit valoir ses prétentions sur le comté de Melgueil après la mort
de Bernard Pelet, seigneur d'Alais, arrivée vers la fin de l'année 1170 ou au
commencement de la suivante. Bernard avoit pris la qualité de comte de
Melgueil, depuis son mariage avec Béatrix, héritière de ce comté, dont il eut
un fils nommé Bertrand, Si une fille appelée Ermessinde, qui avoit épousé
Pierre-Bermond de Sauve, de la maison d'Anduze. Bertrand Pelet prit aussi
le titre de comte de Melgueil, aussitôt après la mort de Bernard, son père; il
prétendit à ce comté, quoique Béatrix, sa mère, à qui il appartenoit, vécût
encore alors Si que Douce, sa nièce, petite-fille de la même Béatrix par Rai-
mond-Bérenger, comte de Provence, qui avoit été promise en mariage au fils
du comte de Toulouse, eût des prétentions sur le même comté. Bertrand,
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XI, ce. 281 à 184. ' Archives de l'abbaye de Salvanez.
' Cartulaire du châtsau de Foix. — Tome VIII, < Cartulaire du château de Foix.
c. ;85.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 40 ""[
^ An 1171
pour s'assurer de cette succession, malgré Béatrix, sa mère, s'unit étroitement
avec Guillaume VII, seigneur de Montpellier, qui avoit beaucoup d'autorité
dans le pays, Si, pour obtenir son secours, il lui donna par un acte' du mois
de juin de l'an 1171, le village de Grabels. Il donna^ en même temps en
fief à Gui, frère de Guillaume, L' fils de feu Guillaume, seigneur de Montpel-
lier, i^ ensuite religieux, tout ce que le comte Bernard, son aïeul, Se Béatrix,
sa mère, possédoient à Castclnau, à Subsiantion, à Saint-Martin de Crez S<.
dans plusieurs autres dépendances du comté de Melgueil. Bertrand se qua-
lifie-' encore par la grâce de Dieu comte de Melgueil, dans une exemption
de péao'e qu'il accorda, au mois de décembre de la même année, aux religieux
de l'abbaye de Franc[ucvaux, pour la ville d'Alais dont il étoit seigneur S;
qu'il tenoit de la succession de son père. Enfin il se dit Bertrand, comte, fils
de Béatrix, comtesse de Melgueil, dans une donation qu'il fit à l'abbaye de
Bonneval, en Rouergue; donation qu'on a datée"* mal à propos de l'an ii6j,
mais qui doit être postérieure à l'an 1170.
XLII. — Béatrix dispose du comté de Melgueil enfiiveur du comte de Toulouse.
Béatrix, mécontente de la conduite de son fils Bertrand, le déshérita^, le y;„ i,,^
I" d'avril de l'an 1171, S<. déclara en même temps pour ses héritières Ermes-
sijide, sa fille, 6" Douce, sa petite-fille, fille de feu Raimond, comte de Pro-
vence, son fils, qui étoient présentes. Elle leur donna entre-vifs le château S<.
le comté de Melgueil avec toutes leurs dépendances, spécialement la monnoie
de Melgueil, Se les investit de ce comté. Elle en céda généralement tous les
droits tant à Raimond, comte de Toulouse, au nom de Douce, sa petite-fille,
que le comte de Provence , père de cette dernière, avoit destinée pour épouse
au fils du même comte de Toulouse, qu'à Pierre- Bermond de Sauve, son
gendre, comme mari d'Ermessinde, sa fille, pour en jouir par égales portions;
à condition cependant qu'Ermessinde Si son mari tiendroient leur part en
fief du comte de Toulouse. Ce prince S< Picrre-Bermond de Sauve, (|ui
étoient aussi présens, acceptèrent la donation qui fut passée au palais de
Melgueil, en présence de Guillaume, comte de Forcal([uier, de Raimond de
Baux, Guillaume de Sabran, Géraud d'Ami, Bermond de Sauve, Sec. Cet acte
nous donne occasion d'ajouter ici deux réflexions. La première, que Douce M;,°"^'"i,
^ ' ^ 1 ' 1 t. m, p. 20.
de Provence devoit s'être retirée, après la mort de son père, auprès de Béatrix,
comtesse de Melgueil, son aïeule. Se que son mariage avec le fils du comte
de Toulouse, quoiqu'il ne fût encore que projeté, n'étoit pas rompu. La
seconde, que les seigneurs de la maison de Baux étoient alors partagés d'in-
térêts; que les uns, comme Raimond, suivoient le parti du comte de Tou-
louse; Si les autres, savoir : Hugues 6<. Bertrand, celui du roi d'Aragon. Les
deux derniers accordèrent, au mois de juin de l'an 1171, à Bertrand, abbé
' Voyez tome VIII, Chnrtcs, n. X, ce. 179, 280. ' Voyez tome VIII, Chnrtcs, n. X, c. 18a.
' G:iT\'i\, Séries pradulum Magalo!icnS:Um . p. 2 I j ^ GjUia Christiana, n. cd. t. 1 , p. î'iS.
Çi sî:j. ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XV, ce. Kj'i à 296.
An 1 172
46 rnSTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
de Francjuevaux, 8c à son monastère, l'exemption ' de péage aux ports de
Saint-Gilles, du Pvhône 6c de Trinquetaille.
XLIII. — Testament ô- lyiort de Guillaume VII, seigneur de Montpellier,
Guillaume VIII, son fils, lui succède.
Guillaume VII, seigneur de -Montpellier, abandonna bientôt les intérêts
de Bertrand Pelet, 8c se raccommoda avec le comte de Toulouse qu'il recon-
nut^ pour comte de Melgueil par un acte du mois de juin de l'an 1172; il
avoua en même temps tenir de lui, à cause de ce comté, trois deniers par
livre sur le profit de la monnoie de Melgueil, conformément aux conventions
faites entre ses ancêtres 8c les anciens comtes de Melgueil. Il lui en fit hom-
mage ainsi que des autres droits 8c domaines qu'il tenoit de ces comtes.
Guillaume changea néanmoins peu de temps après Se se déclara de nouveau,
en faveur du roi d'Aragon, ennemi du comte de Toulouse, comme il paroît
par son testament^ daté du dernier de septembre de la même année. Par
cet acte il choisit sa sépulture dans le monastère de Grandselve, où son père
étoit mort l'eligieux, 8c veut que son fils Raimond y embrasse l'état religieux
avec mille sols melgoriens. Entre les legs pieux il fonde un anniversaire
dans la cathédrale de Maguelonne; il ordonne qu'on paye les dettes de feue
Mathilde de Bourgogne, sa femme. Se fait son héritier Guillaume, son fils
aîné, avec ordre de pourvoir à l'entretien de Guillaume, son second fils, 8c de
lui donner pour son partage une pension annuelle 8c viagère de vingt marcs
d'argent ou mille sols melgoriens. Il veut que Gui, son troisième fils, soit
élevé pendant six ans parmi les chevaliers du Temple 8c qu'il prenne leur
habit, si dans cet intervalle l'un ou l'autre de ses deux aînés n'étoit pas
décédé. Il confirme la donation qu'il avoit faite à Sibylle, sa fille, en la
mariant à Raimond Gaucehn, savoir : de cent marcs, de deux tasses d'argent
du poids de six marcs chacune, des habits nuptiaux, 5cc. Il lègue les mêmes
choses à Guillelmette, Adélaïde Se Marie, ses autres filles. Il fait mention
d'une cinquième de ses filles, qui étoit religieuse Se à laquelle il avoit donné
vingt marcs d'argent. Il veut que ces filles se marient par le conseil de Gui,
son frère, 8c substitue ses fils l'un à l'autre. A leur défaut, il appelle Gui,
son frère, à sa succession, 8c ensuite l'aînée de ses filles. Se successivement
Guillelmette, sa sœur, Bernard-Aton, vicomte de Nimes, fils de cette der-
nière, Adélaïde, son autre sœur, Se en dernier lieu Etienne-de Servian, son
neveu, à condition que la ville de Montpellier ne seroit jamais partagée Se
qu'elle appartiendroit toujours à un seul seigneur. Il met tous ses enfans sous
la garde 8c le gouvernement, de Jean, évêque de Maguelonne, qu'il fait son
exécuteur testamentaire, 8c de Gui, son frère, auxquels il laisse l'administra-
tion de ses biens, jusqu'à ce que son fils aîné ait atteint l'âge de vingt ans,
■ Mis. d'Auhays, n. 77. ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XIV, ce. 287
' Gnriel, liée de la viUc de MonlpclVicr, p. 117, :i 252.
An 1 172
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 47
avec défense qu'aucun juif soit jamais haile de Montpellier ou de son domaine.
Enfin il met l'évêque de Maguelonne, Gui, son frère, ses vassaux 8t tous ses ;
domaines sous la garde 8c la protection à' Alphonse, roi d'Aragon, son seigneur. ^
Tel est le testament de Guillaume VII, seigneur de Montpellier, d'où nous . \
apprenons qu'il laissa de Mathilde de Bourgogne, sa femme, quatre fils 6c \
cinq filles, dont il n'y avoit que l'aînée, nommée Sibylle, qui fût alors mariée. \
Elle.avoit épousé, comme on vient de le voir, Raimond Gaucelin, seigneur 1
de Lunel, au diocèse de Maguelonne. Guillaume' avoit promis en mariage, 1
au mois de novembre de l'an 1169, Guillelmette la seconde, avec cent marcs ^
d'argent fin de dot, à Raimond, fils de Bertrand d'Anduze, Se d'Adélaïde de i
R.oquefeuil , sa femme, héritière de sa maison. Raimond l'épousa dans la
suite, & prit le surnom de Roquefeuil. Bertrand d'Anduze & Adélaïde, sa
femme, promirent de donner, en contemplation de ce mariage, tous leurs
domaines au même Raimond, leur filsj ils assignèrent à Guillelmette, pour =
la sûreté de sa dot, le château de Breissac, au diocèse de Maguelonne, avec t^r"^!"'""
toutes leurs terres situées depuis l'église de Sainte-Marie de Sumène jusqu'à
la mer, 8c pour son douaire, tout ce qu'ils possédoient à Valeraugues 6c dans '
diverses autres paroisses, avec promesse de donner vingt chevaliers de leurs '
terres pour cautions. Ils fournirent seize otages pour la sûreté de cette pro- '
messe, entre lesquels étoieut Raimond de Mandagot, Bermond de Sauve,
Bernard de Sauve, Hugues de R.abastens, Pons de Montlaur, Pierre de Ber- -i
mond, 6cc. Guillaume VII, seigneur de Montpellier, donna de son côté neuf {
otages pour caution du payement de la dot, entre autres Pierre de Bermond, 1
Raimond-Gaucelin, seigneur de Lunel, Pons-Gaucelin de Lunel, 8cc. L'acte i
fut passé à Montpellier, dans la maison de la milice du Temple, en présence :
de Jean, évêque de Maguelonne. Marie, quatrième fille de Guillaume VII,
épousa, au mois de novembre- de l'an 1 182, Aymeri, seigneur de Clerniont, )
au diocèse de Lodève. Guillaume VIII, son frère, qui la maria avec ce sei- ]
gneur, lui donna alors cent marcs à' argent fin en dot. Aimeri lui assigna de '■
son côté, pour son douaire, le château de Puylacher, celui de Saint-Pierre de \
Amelariis, Sec. Enfin nous apprenons d'ailleurs que Guillaume VII laissa \
une autre fille, nommée Clémence, qui épousa en^ 1199 Rostaing de Sabran, '
8c à laquelle Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, sonfière, donna cinq \
mille sols melgoriens en dot. Cette Clémence n'est peut-être pas différente '
d'une des cinq filles de Guillaume VII, dont il fait mention dans son testa- \
ment. Se elle peut avoir changé de nom. C'est ainsi que Guillelmette, fille
du même Guillaume VII Se femme de Raimond de Roquefeuil, prit le nom \
de Marquise, comme il paroît par la quittance que ce dernier 8c la même
Guillelmette firenf* en 1200 à Guillaume VIII de la somme de cinq mille
sols melgoriens qu'elle avoit reçus en dot. i
■ D'Achéry, Spicileglum, t. 8, p. i65 & seq. — » Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXII, c. 4^0.
Voyez tome IV, ?/o/e XXVII, n. IX, p. 143. ^ liU. c. 281. ■ ■ i
' Archives du domaine de Carcassonne transfé-
rées à Montpellier. \
-; 48 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 172 ~
On prétend ' que Guillaume VII, seigneur de Montpellier, vécut encore
quelques années après avoir fait ce testament; mais il est certain qu'il mourut
peu de temps après Si, à ce qu'il paroît, avant la fin de la même année 1 172.
Il étoit du moins décédé en 11 78 lorsque Guillaume^ VIII, seigneur de
Montpellier, jî/j de Mathilde, & Gui, son oncle paternel & son tuteur, déc\a.~
rèrent que le mont Saint-Bausile appartenoit aux chanoines de Maguelonne.
On assure^ que le corps de Guillaume VII, après avoir été embaumé, fut
apporté par les principaux de Montpellier dans l'abbaye de Grandselve où il
fut inhumé auprès de son père, dans un tombeau que les consuls de Mont-
pellier firent construire. On'* prétend encore que Raimond, son fils, après
avoir professé la vie monastique dans cette abbaye, devint dans la suite évêque
de Lodève; mais on se trompe : Raimond ^ de Montpellier, fils de Guil-
laume VII &t religieux de Cîteaux, fut évêque d'Agde Sv non de Lodèvc.
Quant à Gui, quatrième fils de Guillaume VII, il prit le surnom de Bur-
gundion, à cause de Mathilde de Bourgogne, sa mère, pour se distinguer de
Gui, son oncle, qui de son coté avoit pris celui de Guerrejat.
Ce dernier étoit'' au mois d'octobre de l'année suivante à Lérida, à la cour
du roi d'Aragon, comme on voit par la charte que ce prince donna alors en
faveur du monastère de Sainte-Croix de Volvestre de l'ordre de Fontevrault,
dans le Toulousain, & de Marie de Béarn, qui en étoit prieure. Gui Guer-
rejat fit, en 1174, une donation'' à l'abbaye de Valmagne, en qualité de sei-
gneur du château de Paulham, dans le diocèse de Béziers.
XLIV. — Mariage de Raimond, fils du comte de Toulouse, avec Ermessinde
de Felet, comtesse de Melgueil,
Après la mort de Guillaume VII, la comtesse Béatrix projeta de faire passer
entièrement le comté de Melgueil dans la maison de Toulouse, en mariant
Ermessinde, sa fille, qui étoit devenue veuve vers le même temps de Pierre-
Bermond de Sauve, dont elle avoit un fils, avec le jeune Raimond, fils du
comte de Toulouse. L'exécution de ce projet suivit de près, & Béatrix con-
firma, le 12 de décembre de l'an 1172^, en faveur de Raimond, comte de
Toulouse, la donation qu'elle lui avoit déjà faite de tout le comté de Mel-
gueil, « avec ordre à tous ceux qui le posséderoient dans la suite, de le tenir
« en fief de ce comte ou de son successeur qui auroit le comté de Saint-
« Gilles, » Par là elle rendit son comté mouvant de celui de Saint-Gilles,
sans aucun égard à la donation que ses prédécesseurs en avoient faite à l'Eglise
lid.origin. romaine. Béatrix donna en même temps en mariage Ermessinde, sa fille, avec
t. lil, p. iO. I 1 M
le comté de Melgueil pour dot, au fils du comte de Toulouse, avec clause
' Gariel, Séries praesuîum Magalonensiuni, -p. ii6. ' Esùennot, AntijuUates BeneJiciinae Vasconiae,
' liiJ. p. 226 & seq. t. 2, p. 421.
> nid. . ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XIX, c. 3o3.
< nid. ' » Jiid. n. XV, c. 293 & siav.
' Ç(iUi.-i Cliri:li,ii;<ij nov. éd. t. 6,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 40 —
^7 An 1 172
expresse que, quand même Ermessinde viendioit à décéder sans enfans de ce
mariage, la moitié du comté demeureroit au coitite de Toulouse pour les
dépenses qu'il y avoit taites ou qu'il y feroit dans la suite, & l'autre moitié
seroit à la disposition de sa fille, qui pourrait la donner ou au fils qu'elle
avoit de Pierre-Bermond de Sauve ou à ceux qu'elle auroit du fils du comte
de Toulouse. « Que si, ajoute Béatrix, le fils de Pierre-Bermond de Sauve
« étoit alors décédé, elle ne pourra en disposer qu'en faveur des enfans de
(i son second mariage. En tout événement, dit-elle ensuite, adressant la parole
i( au comte de Toulouse, vous retiendrez toujours la moitié du comté de
« Melgueil pour vos frais; à moins que Douce, ma petite-fille, fille de feu
Il mon fils Raimond, comte de Provence, ne survive & qu'elle ne vous épouse
i< ou votre fils; car je veux qu'elle ait alors la moitié du comté de Melgueil.
« Mais supposé qu'elle meure avant son mariage ou qu'elle épouse quelque
« autre, elle n'aura rien sur ce comté. C'est ainsi que je révoque, de votre
« consentement, la donation que j'avois faite à ma petite-fille. » Dans la
suite de l'acte, Ermessinde de Pelet prend le fils du comte de Toulouse pour
son mari 8c lui fait donation de tous les droits qu'elle avoit sur la succession
du comte Bernard Pelet, son père, pour en disposer quand môme elle mour-
roit sans enfans. Le comte de Toulouse assigna de son côté, au nom de Rai-
mond, son fils, pour le douaire d'Ermessinde, le comté d'U-^ès, dont il excepte
la moitié du péage de Valiiguière & de Saint-Saturnin du Port. Cet accord
fut passé en présence de Bermond de Sauve, de Raimond de Vézénobre,
d'Éizéar d'Uzès, de son frère Rainon, Sec; il fut dicté par Raoul, juriscon-
sulte £<. chancelier du comte de Toulouse. Le mariage d'Ermessinde avec
Pv.aimond, fils de ce comte, âgé alors de dix-sept ans, s'accomplit dans peu :
ainsi celui qui avoit été projeté en ii65, entre ce jeune prince 8c Douce de
Provence, fut rompu par Béatrix, aïeule de cette dernière, qui lui préféra sa
fille. Au reste, comme il n'est plus parlé de Douce, il est probable qu'elle
mourut bientôt après 8c qu'elle fit Béatrix, son aïeule, ou Ermessinde, sa
tante, ou enfin le comte de Toulouse ses héritiers, puisque ce comte fit valoir
dans la suite ses prétentions sur la Provence, comme étant aux droits de Douce.
Ce prince se qualifia depuis comte de Melgueil, comme il paroît entre autres
par une de ses chartes' de l'an 1174, suivant laquelle il restitua à l'église de
Maguelonne la dîme du sel qui se recueilloit entre l'étang 8c la mer, depuis
le lieu appelé Porcherïa jusqu'à Maguelonne, avec réserve de ses droits.
XLV. — Bertrand Pelet se met sous la protection du roi d'Aragon,
Ce mariage 8c l'union de Raimond, comte de Toulouse, avec la comtesse
Béatrix firent ombrage à Alphonse, roi d'Aragon, qui tâcha de les traverser,
8c qui étoit actuellement à Montpellier, dont le seigneur lui étoit entière-
ment dévoué^. Alphonse, pour faire de la peine à Raimond, se déclara le
' Cax\t\,Scr\cs praesulum Magalonensium, p. 217. ' Marca Hispaniea, c. |358 & seq.
VI. 4
'~. 5o HISTOIRE GÉNÉrxALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 172
protecteur de Bertrand Pelet qui, de son côté, lui fit donation du comté de
Melgueil, & aux comtes de Barcelone, ses successeurs. Alphonse donna
ensuite ce comté en fief à Bertrand, sauf les domaines du seigneur de Mont-
pellier, avec tous les droits qu'il y avoit, tant pour raison des dépenses que
son père &; son oncle paternel y avoient faites que pour tout autre titre. Rai-
mond-Gaucelin de Lunel, beau-frère du seigneur de Montpellier & plusieurs
autres seigneurs, la plupart Catalans, furent présens à cet acte; mais, malgré
la protection du roi d'Aragon, Bertrand Pelet fut obligé bientôt après d'aban-
donner ses prétentions sur le comté de Melgueil.
11 paroît qu'Alphonse chercha en même temps à étendre sa domination sur
la vicomte de Narbonne, car nous avons une de ses chartes", datée du 21 de
juillet de l'an 1172, régnant Louis, roi de France, par laquelle il prend sous
sa protection l'abbaye de Fontfroide, au diocèse de cette ville, lui confirme
tous ses domaines, entre autres ce qu'elle possédoit par la donation d'Aymeri,
vicomte de Narbonne, £- d'Ermengarde, sa fille, St lui accorde divers privilèges
avec l'exemption de leude & de péage dans ses Etats ^.
XLVI. — Union du Roussillon au domaine des comtes de Barcelone &• rois
d'Aragon.
Alphonse se qualifie dans cet acte roi d'Aragon, comte de Barcelone, mar-
quis de Provence &• comte de Roussillon : preuve que Guinard ou Gérard,
^Éd.^origm. [lernier comte de ce pays, étoit alors décédé, 8<. que son testament est du 4 de
juillet de l'an 11 72, ainsi qu'il est daté dans une édition^ qui en a été
donnée, 8c non pas de l'an iiyS, comme le suppose un moderne"* qui, sans
aucune autorité, ne fait mourir^ ce comte qu'au mois de juin de l'an 11 78,
tandis qu'il rapporte lui-môme une charte^ datée de Perpignan, le 12 mai
de l'an 11 73, dans laquelle Alphonse, roi d'Aragon, se qualifie comte de
Roussillon.
Guinard, par ce testament'^, se donne pendant sa vie & après sa mort à
l'abbaye de Fontfroide, dans le diocèse de Narbonne, avec promesse, s'il venoit
à quitter le siècle, de s'y faire religieux pauvre chevalier de Jésus-Christ. Il
y choisit sa sépulture, supposé qu'il vienne à décéder en deçà de la mer, &
lègue onze cens marabotins d'or à ce monastère pour lequel il avoit toujours
eu beaucoup d'affection; il lui avoit accordé^ le droit de pacage dans toutes ses
terres en 1166, 8< y avoit fondé une lampe. Il fait par son testament' divers
■ Voyez tome VIII, Chartes, n. XIII, c. 285. ' Caseneuve, Catalonia Fran. p. 202.
' Cette charte ne prouve pas que le roi d'Aragon * Baluze, Marca Hispan'tca, c. |362.
se soit attribué un pouvoir quelconque sur le ^ liid. e. 5i3.
Narbonnais. Il ne faut pas oublier que depuis ^ lild. c. iSâp.
fort longtemps les vicomtes de Narbonne possé- ' Caseneuve, Catalonia Fran. p. 20J. — Marca
daient des terres dans la Marche d'Espagne. C'est Hispanica, c. i3rto & seq.
sans doute de l'une de ces terres, données à l'ab- * Archives de l'abbaye de Fontfroide.
baye par le vicomte Aimeri & sa fille Ermengaide, 'Caseneuve, Catalonia Fran. p. 203. Marca
que le roi Alfonse aura voulu parler. [A. M.] Hispanica, c. i36o & seq.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LTV. XIX. 5i
autres legs pieux, & laisse à Béatrix, sa cousine, le château de Mèze en alleu.
Cette Béatrix est la même que la sœur de Roger, vicomte de Béziers & de
Carcassonne, qui épousa dans la suite Raimond VI, comte de Toulouse. Enfin
Guinard, supposé qu'il mourût sans enfans légitimes, donne tout son domaine,
savoir : le comté de Roussillon 8c le droit qu'il avoit sur ceux de Pierrelate &
d'Ampurias, par les conventions qu'il avoit faites avec le comte d'Ampurias,
au roi d'Aragon, son seigneur, & à ses successeurs, & le charge par l'amitié
qu'il lui témoignoit par cette donation, à laquelle ce prince n'avoit aucun
droit, de prendre soin de ses amis. Vital, abbé de Fontfroide, Raimond de
Canet, Se Raimond de la Redorte furent témoins à ce testament. Guinard
mourut sans enfans peu de jours après, Se on a déjà vu que le roi d'Aragon
lui avoit succédé le 21 du même mois. Au reste, si ce comte eût choisi son
plus proche parent pour lui succéder, Roger, vicomte de Béziers 8t de Car-
cassonne, son cousin germain, auroit recueilli sa succession.
Guinard fut le dernier comte de Roussillon de sa race. Après sa mort,
Alphonse, roi d'Aragon, Se ses successeurs unirent ce comté à leur domaine 8c
le possédèrent, sous la souveraineté' de nos rois, jusques au milieu du trei-
zième siècle, qu'ils se tirèrent de cette dépendance par un traité^ dont on
parlera dans la suite. L'évêché d'Elne continua cependant d'être toujours
soumis à la métropole de Narbonne, même après ce traité; car c'est contre
toute vérité qu'un moderne^ a avancé « que l'évêque d'Elne ou de Perpignan
« est naturellement suffragant de l'archevêché de Tarragone; mais que depuis
K l'union du Roussillon à la France, il a été Uni par raison de politique 8c
« par emprunt seulernent à l'archevêché de Narbonne. »
XLVII. — La guerre se renouvelle entre le roi d'Angleterre ô* le comte
de Toulouse.
Suivant l'auteur'* d'une chronique écrite vers le commencement du trei-
zième siècle, la guerre se renouvela en 1172 entre Henri II, roi d'Angleterre,
6c Raimond V, comte de Toulouse. Cet auteur rapporte « que Henri, en
« qualité de duc d'Aquitaine, a}ant dernandé cette année l'hommage pour le
« comté de Toulouse k Raimond, qui le refusa, vint mettre le siège devant
« cette ville ; qu'il défendit cependant à ses troupes de causer aucun dom-
« mage aux habitans Se leur donna ordre de payer comptant tout ce dont ils
« auroient besoin. Le comte Raimond 8c les Toulousains, ajoute cet auteur,
■ Duchesne, Histortae Francorum SS., t. 4, Nous croyons que les deux opinions de Catel &
pp. 648, 780, &c. de dom Vaissete se peuvent concilier. L'auteur
' Voyez dans ce volume, 1. XXVI, n. XLV. écrivant longtettips après les événements aura
' Boulainvilliers, £fat rfc îa /"rance, t. 1, p. 3o5. confondu le siège de Toulouse de iiSp, levé
* Caxe\, ffistolre des comtes de Tolose, p. 2o5. — grâce à l'intervention du roi Louis Vil & l'al-
Nous n'avons pu retrouver à quelle chronique ap- liance de 1168-70, qui fit momentanément de
partenait le passage latin cité par Catel. Il dit Raimond V U vassal & l'allié de Henri II : le»
seulement qu'elle lui a été envoyée par un con- autres circonstances de son récit semblent controu-
seiller de France & qu'elle va jusqu'à l'an 1220. vées. [A. M.]
A» 117:;
Ail I I7i
52 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
« eurent alors recours au roi Louis le Jeune pour obliger l'Anglois à lever le
« siège. Enfin l'affaire fut terminée par négociation ; il fut convenu que le
« roi d'Angleterre feroit arborer son étendard sur la tour du cbâteau Narbon-
« nois, & que le comte lui prêteroit serment de fidélité, sauf celle qu'il devoit
« au roi de France; après quoi le siège ayant été levé, le roi de France s'en
K retourna chez lui. » L'on doit conclure de là que Henri II, roi d'Angle-
terre, assiégea de nouveau la ville de Toulouse en 1172, & que le roi Louis
le Jeune marcha une seconde fois au secours de cette ville; mais cette der-
nière circonstance est rapportée un peu diftéremment dans un manuscrit de
la même ' chronique, où il est marqué seulement que le siège de Toulouse
ayant été levé après la négociation, le roi s'en retourna chez lui : ainsi cela
doit s'entendre du roi d'Angleterre. Mais comme tous les auteurs contempo-
rains gardent un profond silence sur ce nouveau siège de Toulouse entrepris
t'ilTl^'^ P^' Henri II, roi d'Angleterre, l'auteur de la chronique pourroit bien avoir
voulu parler de celui que le même prince mit devant cette ville en iiSç, Ce
An 1173 qu'il y a de certain c'est que Henri II, en 1172, bornoit à la suzeraineté, en
qualité de duc d'Aquitaine, toutes ses prétentions sur le comté de Toulouse,
& que le comte Raimond ayant eu une entrevue avec lui, au commence-
ment de l'année suivante, il le reconnut pour suzerain, & fit enfin la paix
avec lui.
XLVIII. — Entrevue £,• païx entre ces deux princes. — Raimond se rend
vassal de Henri pour le comté de Toulouse.
Divers historiens du temps parlent de cette entrevue 8c en rapportent les
circonstances; mais pour les mieux entendre il faut reprendre la chose de plus
haut. Henri II, roi d'Angleterre, avoit quatre fils d'Élèonor, héritière d'Aqui-
taine, sa femme : Henri, né en ii55, Richard, en iiSy, Geoffroy, en ii58,
Se Jean, en 1168; il associa le prçmier au trône en 11 70, Se le maria en
même temps avec Marguerite, fille du roi Louis le Jeune & de Constance de
Castille. Le jeune Henri étoit un prince plein d'ambition qui, nonobstant
son âge peu avancé, prètendoit avoir part au gouvernement. Mais ne trou-
vant pas le roi, son père, disposé à cela, il se retira à la cour du roi de F'rance,
son beau-père, c(ui, cherchant une occasion d'abaisser la trop grande puis-
sance de Henri II, lui donna retraite, fomenta son mécontentement Sv lui
promit sa protection.
Durant ces brouilleries, le roi Henri & la reine, sa femme, ayant fait
en 1172 un voyage à Limoges, ils^ y disposèrent du duché d'Aquitaine en
faveur de Richard, leur fils puîné, & conclurent vers le même temps le
mariage de Geohroy, leur troisième fils, avec Constance, fille 8<. héritière de
Conan, duc ou comte de Bretagne. Ils firent ensuite un voyage en Anjou 8<
' Mss. de b bibliothèque Coislin. & seq. — Rogeriiis de Hoveden, Chron'icon, p. 3o5.
' Gaiifridus, prior Vosieiisis, Chron'icon, p. ji8 — Radiilphiis de Diceto, Ymtr/jines hittoriarum ,
&. Sîc[. — Kobçrtiij de Mo:KC, C/ironicon, p. cfii p. :>.') i . -, Jonnneô Bronipton, Ch'onicon, p. loji,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 53
célébrèrent la tête de Noël à Chinon, où le jeune Henri, leur fils, vint les
joindre. Ils se rendirent ensemble, à la Purification de l'année suivante, à
Montferrand, en Auvergne, où ils eurent une entrevue, le 12 de février,
comme ils en étoient convenus, avec Alphonse, roi d'Aragon, Raimond V,
comte de Toulouse, Girard, comte de Vienne, & Humbert, comte de Mau-
rienne. Les deux rois d'Angleterre régalèrent magnifiquement tous ces princes,
St on conclut le mariage de Jean, quatrième fils de Henri H, âgé à peine
alors de six ans, avec la fille unique du comte de Maurienne. Les princes se
rendirent après cela médiateurs du différend de Henri & de Raimond, comte
de Toulouse, dont ils renvoyèrent la discussion à Limoges où ils se rendirent
tous. Enfin on y convint d'un traité, suivant lequel le comte Raimond :
1° Promit solennellement de faire hommage du comté de Toulouse au roi
Henri S<. à Richard, son fils, comme ducs d'Aquitaine. 2° Il déclara, tant
pour lui que pour les comtes de Toulouse, ses successeurs, que ce comté seroit
à l'avenir mouvant du duché d'Aquitaine par droit de fief. 3° Il ^e soumit au
service militaire à la tête de cent chevaliers pendant quarante jours, & à ses
frais, lorsqu'il en seroit requis, & ensuite durant quarante autres jours aux
dépens de Henri & de P».ichard quand ils le souhaiteroient. 4° Enfin il promit
de leur donner tous les ans, en signe de redevance, dix chevaux de prix ou
cent marcs d'argent, à leur choix. La plupart des anciens historiens ajoutent
([ue Pvaimond rendit en conséquence hommage de son comté de Toulouse à
Henri II, le premier' dimanche de carême, iS fivrier. Un auteur du temps ^
assure, toutefois, « que le jeune Richard, duc d'Aquitaine, à qui le comte de
« Toulouse devoit taire cet hommage, étant absent, on différa de terminer
« entièrement cette affaire jusqu'à l'octave de la Pentecôte suivante. » Quoi
qu'il en soit, Raimond vécut depuis en bonne intelligence avec le roi
d'Angleterre; quelques historiens^ prétendent même que Henri moyenna
alors la paix de ce prince avec le roi d'Aragon; mais il paroît que cette paix
ne fut pas si tôt conclue. C'est ainsi que Raimond, obligé de céder au
temps, reconnut enfin le roi d'Angleterre pour son suzerain, sauf cependant"^
la fidélité qu'il devoit à Louis, roi de France : vasselage qui ne fut pas de
longue durée.
XLIX. — Le comte de Toulouse se ligue avec le roi d'Angleterre contre les fils
rebelles de ce prince.
Raimond, après s'être réconcilié avec le roi d'Angleterre, crut devoir lui
révéler'', soit en qualité de vassal, soit pour s'insinuer davantage dans sa
bienveillance, la conspiration que le jeune roi, son fils, avoit formée contre
lui Si dont il étoit pleinement informé. Il lui en apprit le détail Si l'instruisit
' Gaiifridiis, prior Vosiensis, Chron'non, p. 3j8 * Rndulphiis de Diccto, Ymagines historiaram.
& seq. ' Gaufridus pfior Vosiertsis, Chroiikoii, p. 3i8
' Radiilphus de Diceto, Ymagincs historinrum, & seq.
• Joannes Brompion, Chror.icon, p. ic8i.
An 1 lyj
-~: ~r~ 54 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 173 T
des engagemens que la reine Eléonore, sa femme, & les princes Richard 8c
Éd.^OTigin^ Geoffroy, leurs fils, cjui étoient entrés dans le complot, avoient pris pour
faire soulever ses sujets. Il conseilla à Henri de prendre ses sûretés, & ils
sortirent ensemble de Limoges sous prétexte d'une partie de chasse 5 mais en
effet pour donner ordre à la garde des places. Henri en renforça les garni-
sons, &, ayant pris toutes ses précautions, il revint à Limoges par l'abbaye
de Vigeois, avec le comte de Toulouse, rejoindre les princes. Ils se séparèrent
enfin, le mercredi 28 de février, après avoir demeuré ensemble à Limoges
durant sept jours. Le comte de Toulouse retourna, à ce qu'il paroît, dans
cette ville où il donna en fief, au mois d'août de la même' année, le château
de Gemeil, en présence de Pierre de Toulouse, prieur Si maître de la maison
du Temple, &c.
Henri II prit de son côté la route de Normandie avec la reine Eléonore,
sa femme, 8c le jeune Henri, leur fils, qui, s'étant aperçu durant le voyage
que le roi, son père, étoit averti de ses desseins, s'évada secrètement^ d'Ar-
gentan, la nuit du 23 de mars, se réfugia à la cour du roi de France, son
beau-père, & leva l'étendard de la révolte. La reine Eléonore, sa mère, qui
étoit d'intelligence avec lui, fit soulever en même temps les princes Richard
& Geoffroy, ses fils, 8<. la plupart des seigneurs françois, sujets de l'Angle-
terre, que le jeune roi avoit déjà gagnés; ayant pris aussitôt les armes en sa
faveur, il commença les hostilités après Pâques.
Le cointe de Toulouse demeura toujours uni avec Henri II durant cette
guerre; il paroît même par la suite qu'il marcha à son secours ou qu'il permit
du moins à ses sujets de le servir; d'un autre côté, le roi^ Louis le Jeune 8c
le comte de Flandres, s'étant déclarés en faveur du jeune roi, le parti de ce
dernier^fut en peu si puissant qu'il devint très-formidable. Henri II fit cepen-
dant tous ses efforts pour détourner le roi de France de protéger ses fils
rebelles; mais les divers ambassadeurs qu'il'* lui envoya clans cette vue
n'avancèrent rien. Louis leur déclara nettement qu'il ne reconnoissoit pour
roi d'Angleterre que le jeune Henri, son gendre. Entre ces ambassadeurs
furent Rotrou, archevêque^ de Rouen, 8c Arnoul, évêque de Lisieux. Le roi
leur fit des plaintes amères de la mauvaise foi de Henri qui lui avoit souvent
jnanqué de parole. Il ajouta qu'il avoit déjà résolu de lui déclarer la guerre
avant que le jeune roi eût pris les armes : 1° Parce qu'il ne vouloit pas per-
mettre à la reine d'Angleterre, sa bru, d'aller joindre le jeune roi, son mari,
&c qu'il refusoit de lui rendre sa dot. 2° A cause qu'il soulevoit contre lui ses
sujets depuis les montagnes d'Auvergne jusqu'au Rhône. 3° Parce qu'il avoit
reçu l'hommage lige du comte de Toulouse au préjudice des droits de la cou-
ronne de France. Enfin Louis assura par serment aux deux prélats qu'il ne
' Trésor des chartes de Toulouse, sac 19, n. i. = Radulphus de Diceto, Chronkon.
[Auji J. 328; il y a ici une erreur matérielle corn- ' Robertus de Monte, Chronicon.
mise par don Vaissete. L'acte ne renferme pas le ■• Guillelmus Neubrigensis, 1. 2, c. 27.
nom de Limoges & paraît avoir été donné dans le = Petrus Blesensis, Epist. làî.
tnidi. Voir Teulet, Layettes, t. 1, p. 104.]
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 55 ~ 7"
An 1 17J
feroit jamais aucun traité avec Henri que du consentement de la reine Éléo-
nore Si de ses fils.
On vient de voir que le roi d'Angleterre sollicita le secours des peuples
depuis l'Auvergne jusqu'au Rhône. Il s'adressa par conséquent aux sujets du
comte de Toulouse : c'est ce qui paroît d'ailleurs par les lettres' que Pons,
archevêque de Narbonne, 8c Ermengarde, vicomtesse de cette ville, écrivirent
vers le même temps au roi Louis le Jeune. Le premier implore la protection
de ce prince au milieu des calamités dont il étoit environné, « entre les-
(I quelles, dit-il, celle qui nous touche le plus est les grandes pertes que la
c< foi catholique fait tous les jours dans notre diocèse où la nacelle de Saint-
« Pierre est tellement agitée par les entreprises des hérétiques qu'elle est sur
(I le point d'être submergée. Armez-vous donc du bouclier de la foi & des
Il armes de la justice, 8i venez au nom du Seigneur extirper l'hérésie de ce
(I pays. Nous avons encore, ajoute ce prélat, beaucoup d'inquiétude au sujet
I' des mouvemens que le duc de Normandie (c'est ainsi qu'il appelle Henri H
(I que Louis ne vouloit pas reconnoître pour roi d'Angleterre) se donne pour
" S^S"^*^ '^^ peuples à force d'argent, & pour s'emparer des extrémités de
I' votre royaume, sous prétexte de Toulouse ; espérant de conserver la tête par
« le moyen de la queue. Nous vous supplions de ne pas vous endormir
« là-dessus. Si vous venez dans le pavs, vous pourrez remédiera ces désordres,
(I rendre la paix à l'Église St conserver votre royaume. » L'archevêque de
Narbonne fait ensuite au roi des offres de service 8t lui donne des assurances
de sa fidélité. Il le remet pour le reste à ce que lui diroit de sa part maître iJJorigin.
Raoul « qui, ajoute-t-ii , a partaitement bien rempli les fonctions de votre
« envoyé auprès de tous ceux avec lesquels il a eu à négocier. » Le roi avoit
sans doute donné commission à Raoul de détourner les seigneurs 6c les peu-
ples de la Province de se déclarer en faveur de Henri II.
La vicomtesse Ermengarde, par sa^ lettre, dans l'adresse de laquelle elle
souhaite à Louis la magnanimité du roi Charles, remercie ce prince de celle
qu'il lui avoit écrite par le même maître Raoul, qui avoit été la visiter de sa
part. K Quant à ce que vous me marquez, dit-elle, de rompre tout commerce
« avec vos ennemis £c de persévérer dans votre amitié, comme j'ai déjà com-
(i mencé, vous pouvez être assuré que je n'ai fait aucun traité 8c que je n'en-
(I tretiendrai aucune liaison avec eux, n'ayant rien tant à cœur que de vous
(I donner dans toutes les occasions des preuves de mon obéissance. Je désire
u de protéger l'affaire de Toulouse, 8c je ne manquerai pas de me rendre à
« vos prières lorsqu'il sera nécessaire; mais si vous venez vous-même au
B secours de cette ville, je marcherai plus volontiers sous vos ordres. J'ai une
« grande douleur, 8c tous nos compatriotes sont également affligés de voir
Il notre province, que les rois de France ont honorée de tant de marques de
« leur bienveillance, Se à laquelle ils ont accordé tant de liberté, se soumettre
■ Duchesne, ffiîMriae fruncorjim 55i, t. 4, p. Ô74 ' Duchesnc, Historiae Fnncorum, t. 4, p. 574
Ei seq. & seq.
An 1 173
56 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
« aujourd'hui à ui;e domination étrangère j & cela à votre défaut, pour ne
« pas dire par votre faute. Que Votre Altesse ne se fâche pas si je lui parle si
« hardiment, parce qu'autant que je suis attachée à votre couronne comme sa
« vassale spéciale, autant j'ai de chagrin de la voir déchoir du faîte de sa
V grandeur. Car vos ennemis ne prétendent pas seulement s'emparer de Tou-
(( louse, mais encore, comme ils s'en vantent, de tous les pays situés depuis
« la Garonne jusqu'au Rhône. Ils avancent dans leur dessein afin d'attaquer
« plus facilement la tête après avoir subjugué les membres. Prenez donc les
(c armes, Si venez au plus tôt dans nos cantons avec des forces suffisantes, tant
« pour réprimer l'audace de vos adversaires que pour consoler vos amis. C'est
« ainsi que nos prélats & nos princes, qui, s'ils osoient se déclarer, ne deman-
« dent qu'à vous servir, défendront la ville de Toulouse avec vous, 8< sous
« votre autorité, & s'efforceront de rétablir les choses dans l'ancien état. Je
(i vous prie donc, 8c tous les autres en font de même, de ne pas vous arrêter
« à la dépense que cela pourra vous causer ; pour un marc d'argent qu'il
« vous en coûtera, vous en recouvrerez cent, 8(. vous exalterez par là votre
« nom dont la gloire est obscurcie parmi nous. Nous omettons une partie
« des choses que nous aurions à vous dire, mais maître Raoul, qui connoît
« très-bien 8c nos intérêts 8c ceux du pays, aura soin de vous en informer. »
C'est ainsi que la vicomtesse de Narbonne, après avoir reproché au roi la
faute qu'il avoit faite de permettre que le comte de Toulouse devînt vassal du
roi d'Angleterre, nous apprend les desseins qu'avoit alors ce dernier prince
d'établir sous ce prétexte sa domination dans toute la Province Se de s'en
servir pour faire diversion contre ses fils rebelles 8< le roi Louis le Jeune, leur
protecteur. Du reste, nous ignorons quelles furent les suites des desseins du
roi d'Angleterre sur le Languedoc; Se nous ne savons pas mieux quelle part
(1 eut le comte de Toulouse dans toute cette affaire, quoi qu'il paroisse qu'il
« fût toujours lié avec Henri II depuis le traité de Limoges.
L. — Le rot prend l'église d'Agde sous sa protection,
Louis continua cependant d'exercer son autorité dans la Province, 8c il
accorda, la même année iiyS, un diplôme en faveur de Guillaume, évêque
d'Agde, dans le préambule duquel' il marque combien il étoit jaloux de ses
droits. Il y rend grâces à Dieu de ce qu'il y avoit établi les rois de France
les vicaires de sa puissance, pour protéger les églises, conserver leur dignité
Se réprimer l'impiété des tyrans. Il confirme par cette charte l'église d'Agde
dans la possession de ses domaines, entre autres de la troisième partie de la
ville d'Agde 8< des droits domaniaux du comté, conjormément au diplôme de
Charlemagne; il la confirme aussi dans la possession du faubourg £c de l'ab-
baye de Saint-Sever, avec permission à l'évêque de fortifier la ville, à cause
des fréquentes incursions des méchans Se de crainte des Sarrasins. Il accorde
' Gallia Christlunn, ilov. ci, t. 6, Iiatrum. c. 3i6 & ssq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 5? "; T"
' An 1 173
enfin à l'évêque la justice civile & criminelle sur les vassaux 8<. les chanoines
de son église. Le nombre de ces derniers avoit été jusqu'alors indéterminé; t.'ui^pf'j'i.
Guillaume' les réduisit à douze la même année & leur assigna certains biens
pour leur mense.
LI. — Vicomtes de Fenouîllèdes, de Minerve, i-c.
L'archevêque 8t la vicomtesse de Narbonne, loin d'imiter leurs prédéces-
seurs, dont les différends avoient causé tant de troubles dans le pays, vivoient
alors de bonne amitié. Ils reçurent conjointement*, le i3 d'octobre de
l'an 1173, la déposition de Bertrand d'Auriac, de Pierre- Olivier de Termes.,
son jrère, & des autres témoins qui avoient été présens au testament d'Arnaud,
vicomte de Fenouillèdes, lequel étant malade à La Grasse y avoit fait ce tes-
tament, le matin du 29 septembre précédent, & y étoit mort l'après-midi.
Suivant cet acte, Arnaud choisit sa sépulture dans l'abbaye de La Grasse 8<.
fait divers legs pieux, tant à ce monastère qu'à celui de Fontfroide, aux hos-
pitaliers Si aux templiers. II donne mille marabotins à sa femme, dont il ne
dit pas le nom, sur les revenus du château de Fenouillet fit ses dépendances;
&, supposé qu'elle fût enceinte, il fait héritier son fils ou sa fille posthume;
sinon il donne à Bérenger de Pierrepertuse, son neveu, le château de
Fenouillet avec ses dépendances, sauj la fidélité qu'il devait à la vicomtesse
Ermengarde. Il donne au même Bérenger la moitié de plusieurs villages du
pays de Fenouillèdes, la moitié du droit qu'il avoit sur le prieuré 5c le domaine
de Saint-Paul de Fenouillèdes, Se la moitié de tous les chevaliers Si de leurs
fiefs, qu'il avoit à cause du château de Fenouillet 61 de ses dépendances, 8<
du château de Saint-Etienne de Balérac. Il laisse l'autre moitié, par égales
portions, à Bertrand d'Auriac 8t à Pierre-Olivier de Termes, son frère, ses
proches parens, en considération des services ([u'ils lui avoient rendus. Il
donne enfin le reste de ses domaines, pour les partager également, à ses
quatre sœurs. Aide, Brunissende, Deude Se Alamande. Arnaud mourut sans
postérité masculine^ Si en lui finit la première race des vicomtes héréditaires
de Fenouillèdes. Il eut une fille posthume, nommée Ave, qui lui succéda
suivant son testament 8c qui porta la vicomte de Fenouillèdes dans la maison
de Saissac.
Pierre Raynard de Béziers, l'un des principaux seigneurs de la Province,
mourut aussi en 11 73. Il choisit sa sépulture par son testament'* dans le
monastère deCassan, où il fonda un anniversaire de même que dans ceux de
Salvanez Se de Valmagne. Il partagea ses biens à ses sœurs, en cas qu'il ne
laissât pas d'en fans de sa femme. L'une de ces sœurs avoit épousé Bernard-
Raimond de Capendu, S<. une autre Aymeri de Pont. 11 donna le château
■ Caniilaire de l'église d'Agde. — Gall'ia Chris- > Voyez tome VU, Not<- XXVII, ii. vil & se<l.
tiana, no», éd. t. 6, Instrum. c. 326 & seq. pp. 86, 87.
* Mnrtène, Thcmurus Anecdoiorum, t. 1, p. Ô74 ^ Cartiilaire du château de Foix, caisse i5.
& :en.
An 1 173
58
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
d'Oveillaii a une troisième nommée Cécile, qui, étant veuve de Pierre-Ermen-
gaud, avoit épousé Pierre de Minerve. Il déclara que Roger, vicomte de Car-
cassonne, lui devoit quatre mille sols melgoriens pour les dommages qu'il
avoit causés au même château d'Oveillan durant la guerre Se à ses vassaux.
Il donna à une quatrième sœur, femme de Guillaume de Poitiers, tout le
domaine qu'il avoit dans la ville de Béziers, au château de Villeneuve & par-
tout ailleurs, à condition de donner mille sols melgoriens à une autre de
leurs sœurs, nommée Adélaïde, & autant à une sixième,' appelée Fine, pour
être religieuses. Bernard, évêque de Béziers, fut témoin de ce testament dont
l'ouverture fut faite dans l'église de Saint-Sernin de cette ville, en présence
de l'archevêque de Narbonne. Pierre Raynard avoit pris le surnom de Béziers,
soit parce qu'il descendoit des anciens vicomtes de cette ville, soit parce qu'il
en possédoit une partie du domaine, à l'exemple de plusieurs autres anciennes
familles de la Province qui prirent leur dénomination, lors de l'institution
des noms propres, des villes où elles avoient des fiefs'. Pierre de Minerve,
beau-frère de ce seigneur, ne lui survécut pas longtemps, comme il paroît
par un^ acte de vente fait au mois de mars de l'an iiyô, à l'abbaye de Font-
froide, de la moitié de quelques terres situées à Védeillan, par Bernard de
Minerve, du conseil de la vicomtesse Ermengarde, de qui il les tenoit en
fief. Bernard marque dans cet acte que la moitié de ces biens appartenoit à
ses cousins, fils de Pierre Minerve. Guillaume de Minerve, frère de Bernard,
ratifia cette vente qui fut faite à Narbonne dans le palais d'Ermengarde, 81
avec l'approbation d'Aymeri de Narbonne, son neveu.
LU. — Traité entre les villes de Narbonne £• de Pise,
Éd. origin. La vicomtcssc Ermengarde^, Aymeri, son neveu, les consuls & les autres
t. m, p. 30. ti 7 ^ ' p
prud'hommes de Narbonne conclurent, le 4 de mars de la même année,
indiction Vil, par leur ambassadeur, avec la ville de Pise, en Italie, un traité
' L'origine de ces seigneurs est en effet extrê-
mement obscure, bien que pendant tout le dou-
zième siècle ils aient joué un grand rôle dans le
Midi. C'est ainsi qu'en ilo5, un Arnaud de Bé-
ziers épouse Matheline, fille du vicomte Bernard-
Aton (t. V, c. 794), & leur nom reparaît dans
tous les actes un peu importants de l'époque. Un
seul fait pourrait nous guider dans cette recher-
che; ce nom de Rainardj peu commun dans le
pays & que portait le seigneur dont le testament
est analysé par dom Vaissete. En io5âj l'évéque de
Béziers, Bernard, inféoda le bourg de Béziers &
la plus grande partie des droits & revenus qu'il
possédait dans cette ville à un certain Raina rd
Salomon (t. V, c. 486). Un peu plus tard, en 1 1 1 2
& 1122, nous trouvons un certain Pierre Rainard
(t. V, ce. 827 & 9o3). On pourrait faire d'Elisia-
rius, père d'enfants déjà âgés en 1 io5, le fils de ce
Rainard Salomon de io55, son petit-fils tout au
plus, & ce Pierre Rainard de 1112 serait le père
de celui de 1 173. On pourrait donc dresser de cett«
famille le petit tableau généalogique suivant :
[ Elisiarius
Rainard Salomon ) épouse
vers 10 56
Pierre I Pierre
On pourrait rattacher à cette famille une bonne
partie des individus qualifiés Je Biterri dans les
textes du douzième siècle (Voir au tome V VIndex
onomasticui). Parmi ces personnages, on peut re-
marquer ViW Guiîlelmus Arnaîdi de Biterri, qui
possédait le hurgus vicecomitalis, vendu en 1122
au vicomte Bernard-Aton. Il était peut-être père
d'Elisinrius. [A. M.]
" Tome VIII, Chartes, n. XXÏI, ce. 317, 3 18.
^ Archives de l'hôtel de ville de Narbonne.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 5q "~; 7
y An 1 173
dans lequel il est dit : 1° Que les Pisans jouiioient d'une entière sûreté
dans les ports du territoire de Narbonne. 2° Que, sur les plaintes de la
communauté de Pise, la vicomtesse feroit rendre justice dans l'espace de
quarante jours après qu'elle en seroit avertie à tous les Pisans qui auroient
reçu quelque dommage, soit à Narbonne, soit dans la vicomte. Enfin Ermen-
garde accorde aux Pisans les mêmes privilèges qu'elle avoit accordés aux
Génois par le traité' qu^elle avoit fait en ii66 avec ces derniers.
LUI. — Suite du divorce entre le comte de Toulouse £■ Constance, sa femme.
Le divorce qui duroit toujours entre Raimond, comte de Toulouse, Si.
Constance, sa femme, fut cause sans doute que ce prince se mit peu en peine
de conserver son ancienne union avec le roi Louis le Jeune, son beau-frère,
Se qu'il prit parti contre lui dans la guerre que les princes d'Angleterre firent
au roi Henri II, leur père. Constance, après sa séparation avec Raimond,
passa dans la Terre-Sainte 8<. s'établit dans une maison qu'elle avoit acquise
dans la plaine d'Ascalon. Cette princesse s'étant ensuite rendue^, en 11 78, à
Jérusalem, dans le chapitre des frères de l'Hôpital, elle leur fit donation de
cette maison, se donna pour leur sœur, entre les mains de Raimond de Mou-
lins, qui avoit alors la maîtrise de cet hôpital, 81 choisit sa sépulture dans
leur cimetière : elle fit cette donation à condition que l'hôpital de Jérusalem
lui payeroit tous les ans une pension viagère de cinq cents besans, tant qu'elle
demeureroit en Orient, ou de soixante-deux marcs & demi d'argent si elle
repassoit la mer.
Il paroît que Constance prit bientôt après ce dernier parti, par une lettre^
que le pape Alexandre III écrivit l'année suivante à Henri, archevêque de
Reims, frère de cette princesse. « Notre chère fille en J.-C, dit le pape dans
« cette lettre, la noble dame Constance, comtesse de Toulouse, votre sœur,
« nous ayant représenté qu'elle étoit résolue de garder la chasteté, parce que
K le comte de Toulouse, son mari, ne lui est pas fidèle Si qu'il entretient des
u concubines, nous l'avons exhortée à retourner avec lui. Toutefois, comme
(I elle refuse de se rendre à nos exhortations, jusqu'à ce que le comte ait
(1 renoncé à ses débauches, nous lui avons écrit pour l'engager à changer de
« conduite, 81 nous lui avons envoyé une ambassade solennelle pour le presser
« de rappeler la comtesse, sa femme, comme il convient, après avoir donné
« caution qu'il la traiteroit honnêtement 8t honorablement, St ainsi qu'il
« convient à une si grande Se si noble dame. Nous avons aussi ordonné à nos
<i vénérables frères l'archevêque de Narbonne & l'évêque de Nimes, 8; à notre
« cher fils Raimond, cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie in via lata, de
« s'employer auprès du comte de Toulouse pour le porter à faire ce que nous
« souhaitons de lui, St'de nous faire savoir, 8t à vous aussi, le succès de leur
' Voyez ci-dessus, n. xiii, p. 17 & suit. ' Martine, Veterum SS. amplissima collection t. i,
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XVII, ce. 299 à c. ioo3.
Soi.
An 1 174
~ 60 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 174
» négociation. C'est pourquoi nous vous prions, supposé que le comte juge à
« propos de rappeler honorablement la comtesse auprès de lui, d'exhorter
« celle-ci à y retourner, parce qu'il ne convient pas à une femme de vivre
« ainsi séparée de son mari; pourvu qu'il la traite avec honneur 8<. qu'elle
« n'ait pas un juste sujet de s'en séparer. »
Cette lettre est datée d'Anagni, le Il\ de février, &c elle appartient par con-
séquent à l'an 1174, car Alexandre III demeuroit alors dans cette ville, &
Henri, archevêque de Reims, mourut en iiyS. Elle prouve que le comte de
Toulouse avoit abandonné en 1174 les intérêts de l'antipape St s'étoit remis
sous l'obéissance d'Alexandre III. Quant à la réconciliation de ce comte avec
Constance, nous ne voyons pas qu'elle ait été faite, malgré tous les soins du
pontife, & il n'est plus fait mention de cette princesse dans la suite. On'
croit qu'elle se retira dans le monastère de Notre-Dame de Soissons, auprès
de Mathilde, sa fille, qui, dit-on, en étoit abbesse, qu'elle y prit l'habit reli-
gieux Se qu'elle y finit ses jours. Mais cela n'est fondé que sur la supposition
que Mathilde^, abbesse de Notre-Dame de Soissons, étoit sa fille; ce qui est
faux. Cette abbesse étoit fille d'une autre Constance, sœur du roi Louis le
Gros & tante de Constance, comtesse de Toulouse ■>.
LIV. — Cour plénîère tenue à Beaucalre par le comte de Toulouse.
t'^nr'p"'"- La guerre continua en 1174 avec divers succès de part &. d'autre entre les
princes d'Angleterre, soutenus par le roi Louis le Jeune, & le roi Henri II,
leur père'*, jusques à la fin de septembre qu'ils firent la paix. Nous ne savons
pas quelle fut la conduite de Raimond, comte de Toulouse, durant la suite
de cette guerre, & si le roi d'Angleterre exécuta le projet qu'il avoit formé de
faire soulever toute la Province en sa faveur. Ce qu'il y a de vrai, c'est que
le roi Henri II 8t le comte Raimond demeurèrent toujours unis, & que le
premier s'employa pour moyenner la paix entre Raimond & le roi d'Aragon.
Elle devoit être traitée durant une grande assemblée ou cour plénière que
Raimond tint cette année à Beaucaire, & dont un auteur du temps ^ nous a
laissé les circonstances suivantes. « Les princes & les seigneurs provençaux,
« dit cet historien, qui s'étoient rendus en grand nombre pendant l'été au
« château de Beaucaire, y célébrèrent diverses têtes. Le roi d'Angleterre avoit
« indiqué cette assemblée pour y négocier la réconciliation de Raimond, duc
u de Narbonne, avec Alphonse, roi d'Aragon; mais les deux rois ne s'y trou-
' Mnrtène, Voyage littéraire ie deux religieux Sura suivi de trop près. Peut-être faut-il admettre
icnéAictinS, p. 23. deux Mathildes, abbesses de Notre-Dame de Sois»
' Voyez tome VII, Note II, n. v, pp. 6, 7. sons, dont la seconde serait en effet fille de Cons-
' On peut se reporter ;i la note do dom Vaissete tance, sœur de Louis VII. [A. M.]
(t. VII, pp. 6, 7); mais il faut tenir compte de ^ Robertus de Monte, Chronicon. — Gervasius,
notre remarque [ibid. p. 7, col. 1, n. .'5). Le té- monachus Dorobernensis, Chronica rie temporc rc-
moignage de Suger nous paraît, à vrai dire, déci- gum Angliae Stcphani, Henrici II & Kicardi I.
sif. Il doit y avoir là une erreur de Dormay dans ^ Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. 3ii
sou Histoire de Soisson'^ que le Gallia C/irtstiana 8c seq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
6i
An 1 174
« vèrent pas pour certaines raisons; en sorte que tout cet appareil ne servit
u de rien. Le comte de Toulouse y donna cent mille sols' à Raimond
« d'Agout, chevalier, qui, étant fort libéral, les distribua aussitôt à environ
« dix mille chevaliers qui assistèrent à cette cour. Bertrand Raimbaud fit
« labourer tous les environs du château St y fit semer jusques à trente mille
« sols en deniers. On rapporte que Guillaume-Gros de Martel, qui avoit
« trois cens chevaliers à sa suite, fit apprêter tous les mets dans sa cuisine
« avec des flambeaux de cire. La comtesse d'Urgel y envoya une couronne
« estimée quarante mille sols : on avoit résolu d'y établir pour roi de tous les
« bateleurs un nommé Guillaume Mite, s'il ne se fût absenté. Raimond de
« Venous fit brûler par ostentation trente de ses chevaux devant toute l'assem-
K blée'. »
LV. — Entrevue entre le rot d'Aragon le comte de Toulouse à Meuillon
Le roi d'Aragon eut cependant une entrevue cette année avec le comte de
Toulouse, comme il paroît par une charte ^ de ce roi, donnée à Perpignan,
au mois de novembre de l'an 1174, lorsqu'il étoit parti du pays d'Aragon
pour se rendre à la confirence qu'il devoit avoir avec le comte Raimond. Il
unit par cette charte l'hôpital de Larsac, situé en Rouergue, dans la vicomte
de Millau, sur les frontières du Gévaudan, au monastère de Notre-Dame de
Cassan, dans le diocèse de Béziers.
Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, souscrivit à cette charte avec
plusieurs autres seigneurs. Or, comme il se trouva'* au mois de décembre
suivant avec le comte de Toulouse k une assemblée qui fut tenue à Meuillon
{ile Medullo)^, lieu situé alors dans le marquisat de Provence, & aujourd'hui
' cinquante sols raloient alors un marc d'argent
fin. [Note ici Binii\ct.\. — Le texte de Geoffroi de
Vigeois est altéré & aurait teUement besoin d'une
révision attentive que nous n'admettrons que sous
toutes réserves les chiffres véritablement fantasti-
ques, pour l'époque, qu'il indique. Tous les ma-
nuscrits s'accorderaient pour les donner, qu'il
faudrait encore compter avec la manie d'exagérer
dont sont possédés la plupart des chroniqueurs de
ce temps. [A. M.]
' A cette année i 174 se rapporte une chart» fort
importante de Raimond V en faveur des Ggnois.
(Voir M. Germain, Commerce de Montpellier, t. 1,
p. 98 & suiv.). Par cette charte, renouvelant la
concession de son oncle Bertrand de 1 109 (t. V,
ce. 809, 810), il en étend singulièrement les ter-
mes j les Génois obtiennent entie autres un fonJego
» Saint-Gilles, le monopole du commerce dans les
ports de la Méditerranée soumis au comte; les sa-
lins de Bouc, le rocher de Monaco (pour y cons-
truire une forteresse), une partie de la ville de
Nice, Marseille & Hyères. Le comte les exempte
encore de tout droit de péage dans ses domaines
& de la justice ordinaire, sauf les crimes entraî-
nant la peine capitale. Tous ces privilèges excessifs
avaient pour objet de gagner à Raimond l'alliance
de la puissante république contre son ennemi,
Alfonse d'Ar.igon. (Voir pour ce dernier point
l'ouvrage de M. Germain, plus haut cité.) L'acte
a été publié dans les Historiae patriae monumcnla,
Liier jurium reipuHicae Gcnuensis, t. I , p. 296.
[A. M.]
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XIII, c. î8d
— Cet hôpital du Larzac n'appartint pas long-
temps à Cassan; du moins dès 1202 on trouve an
même lieu un hôpital de Saint-Michel qui dépen-
dait de l'hôpital mage de Millau. En i3o4, on
en rebâtissait les bâtiments, & l'évêque de Rodez
faisait faire à cet effet une quête dans son diocèse.
(De Gaujal, Etudes sur le Rouergue, t. 2, pp. 1^4
& 148.) [A. M.]
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XVIII, c. 3o2.
' La présence à l'acte en question (t. VIII,
c, 302) de plusieurs prélots 8( seignsu-: du baj
*- 02 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 174
dans le Dauphiné, auprès du mont Ventoux; nous inférons de là que la con-
férence entre le roi d'Aragon & le comte se tint en cet endroit; mais nous
ignorons ce qui y fut conclu entre ces deux princes. Un historien de Pro-
vence' prétend qu'ils continuèrent à se faire la guerre jusqu'en 1176. II se
fonde sur une charte dans laquelle le comte de Toulouse accorde aux Génois
la liberté du commerce, l'exemption de toute sorte de droits 8c divers autres
privilèges dans tous les ports situés depuis Arles jusques à la Turbie, près de
Mourgues ou Monaco, & depuis la Turbie jusques à Narbonne : privilèges
dont Guillaume de Sabran, connétable de ce prince, alla jurer en son nom
l'observation à Gênes, au mois d'août de l'an 11 74. Cet auteur conclut de là
que Raimond prétendoit dominer alors sur toute la Provence, au préjudice
du roi d'Aragon; mais l'entrevue de ces deux princes à Meuillon étant pos-
térieure, cela ne prouve rien; &. ils peuvent avoir fait quelque traité de
paix ou de trêve dans cette assemblée à laquelle assistèrent le seigneur de
Montpellier, Pons, archevêque de Narbonne^, Jean évêque de Maguelonne,
Raimond-Guillaume de Montpellier, abbé d'Aniane, Bernard d'Anduze, Ber-
mond d'Uzès, Raimond-Gaucelin de Lunel, Guillaume de Sabran, Raimond-
Rascas d'Uzès, Bermond de Sommières, Guy Guerrejat de Montpellier,
Guillaume d'Arses & plusieurs autres seigneurs de marque. Le comte de
Toulouse promit alors par serment au seigneur de Montpellier de lui con-
server la vie & les domaines. Aifisi^ ils firent sans doute la paix ensemble.
LVI. — Mariage de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, avec Eudoxe
Comnène,
ÉJ.origin. Guillaume VIII avoit épousé depuis peu Eudoxe, fille de Manuel Com-
«•ill,p.38. ^ - j /^ - • 1 T T • JM -£11
nene, empereur cie (^onstantinople.- Jacques J, roi ci Aragon, petit-nls de
Guillaume & d'Eudoxe, rapporte les circonstances suivantes de leur mariage.
« C'est une chose certaine, dit ce roi dans les mémoires"* qu'il nous a laissés
« de sa vie en langue provençale, que le roi Alfonse, notre aïeul, fit de-
« mander à Emmanuel, empereur de Constantinople, sa fille en mariage.
« Pendant qu'on négocioit cette alliance, &, après qu'elle eut été arrêtée de
« part Se d'autre, notre aïeul épousa Sancie, fille de l'empereur de Castille.
« L'empereur de Constantinople, qui ignoroit le mariage d'Alfonse, envoya
« sa fille à ce prince, qui étoit comte de Barcelone &C marquis de Provence,
c( Se il la fit accompagner par un évêque & deux seigneurs de sa cour. Lors-
« qu'ils furent arrivés à Montpellier, ils apprirent que le roi Alfonse avoit
»
Langiiecloc, prouve que ce Mft/u/Zam doit être cher- avait sans doute de ce côté une maison de plai-
ché du côté de Montpellier. Il s'agit évidemment sance. [A. M.]
de Mej^ottls, écart de la commune de Maiiguio ' Bouche, Z.a chorographlt: ou description de Ij.
(anc. Melgue'd), que les textes appellent Me^ol, Provence, t. i, ■p. |8.
Medol, Medullum. (Voir Thomas, Dictionnaire Je ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XVIII, c. 3o2.
l'Hérault, p. I r4, c. 2.) Le comte de Toulouse, qui ^ Gariel, Séries praesulum Magulonensium, p. 227.
dès cette époque possédait le comté de Melgueil, ^ Chronica commentari del rey Jacme, c. 1.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 63
« épousé Sancie de Castille; cela les mit dans un grand embarras : ils deman-
« dèrent conseil à Guillaume de Montpellier sur ce qu'ils avoient à faire. Ce
K seigneur, avant que de répondre, consulta les principaux de son conseil,
K qui furent tous d'avis qu'il épousât lui-même cette princesse. Il la demanda
« en mariage aux envoyés de Constantinople : ces ambassadeurs firent
« d'abord difficulté de la lui accorder, parce qu'il n'étoit ni roi, ni empe-
« reur, & ils le prièrent instamment de leur permettre de s'en retourner, à
« cause qu'ils avoient promis à l'empereur de lui ramener sa fille, si son
« mariage avec le roi d'Aragon ne s'accomplissoit pas. Guillaume ne se rebuta
« pas de ce refus, Se il fit de si grandes instances que les ambassadeurs de
« l'empereur consentirent enfin k sa demande, à condition que l'enfant qui
« naîtroit de ce mariage, soit mâle, soit femelle, hériteroit de la seigneurie
« de Montpellier. Ils exigèrent en même temps que tous les habitans de
« Montpellier au-dessus de dix ans fissent serment d'observer cette condi-
« tion : cela fait, les noces furent célébrées. » Jacques I, roi d'Aragon, ne
marque pas dans ce récit le nom de la princesse grecque, son aïeule; mais
nous apprenons d'ailleurs' qu'elle s'appeloit Eudoxe, St qu'elle porta le titre
iV impératrice après avoir épousé Guillaume. Quant à l'époque de ce mariage,
on peut la fixer à peu près par celui d'Alfonse II, roi d'Aragon, avec Sancie,
fille d'Alfonse VII, roi de Castille, qui fut célébré^ le 18 de janvier de
l'an 1174.
LVII. — Seigneurs d'Andu-^e, d'U-^ès, de Lunel, ^c.
Raimond V, comte de Toulouse, passa la plus grande partie de cette année
aux environs du Rhùne; il fut^ présent à Saint-Gilles, au mois d'août,
lorsque « Bernard d'Anduze 81 Bertrand, fils de feu Bernard Pelet, étant
« dans la maison des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de cette ville,
« donnèrent en fief, à Guy de Séverac, le château de Peyrelade, dans le
<i comté &i. l'évêché de Rodez. » Cet acte, qui fut passé en présence de Ber-
mond d'Uzès, de Guillaume de Sabran, de Raoul, avocat 8c chancelier de
Raimond, 8cc., prouve que Bertrand Pelet avoit fait alors sa paix avec ce
prince, 5c qu'il lui avoit abandonné ses droits sur le comté de Melgueil.
Le même Bernard, seigneur d'Anduze, qui fut le sixième de ce nom,
accorda cette année l'exemption d'usage 6* de leude dans ses terres à l'abbaye
de Franquevaux, 8t fit hommage à Aldebert, évêque de Nimes, pour les châ-
teaux de Montpezat, de Lecques, de Saint-Bonnet, 6<.c. Il fit diverses dona-
tions, en 118 1 8c 1184, à l'abbaye de Bonneval, en Rouergue. On lui donne+
pour sœur Eustorge, fille de Bernard d'Andu-^e d'Alais, laquelle épousa ^
Boson II, vicomte de Turenne; mais comme il est certain que cette vicom-
'Git\t\,ScrieiprcLesulum Magaîonensium,-p, 279, ' Le Laboureur, Histoire généalogique de la mai-
2' éd. son d'Anduze.
' Zurita, Anales de la corena de Aragon, 1. 2, * liid.
c. 33. ' Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. 290.
An 1 174
-; 64 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIX. XIX.
An I I 7/j '
tesse étoit' veuve en 1143, & qu'elle avoit été mariée longtemps auparavant,
elledevoit être plutôt tante de Bernard VI, seigneur d'Anduze, que sa sœur.
Bertrand, abbé de Franquevaux, termina d'un autre côté, en 1174, les
différends qu'il avoit avec Raimond du Caylar & ses frères, en présence de
Raimond-Gaucelin, seigneur de Lunel , Ëc de Pons-Gaucelin, son frère.
Bermond, par la grâce de Dieu seigneur d'U-^ès £,• de Posquières, accorda la
même année à ce monastère, avec Eléazar Se Raimond, ses fils, le droit de
pacage dans toutes ses terres, 8c lui donna quelques domaines, en présence de
Pierre d'Ui^ès, abbé de Psalmodi.
LVIII. — Bernard-Aton, vicomte de Nîmes, prend V administration de ses
domaines. — Roger II, vicomte de Carcassonne, s'occupe du gouvernement
des siens.
Durant le séjour du comte de Toulouse à Saint-Gilles, Bernard-Aton,
vicomte de Nimes 8<. d'Agdc, se rendit à sa cour, S<. ils se promirent par un
Éd. orisin. scmient réciproque^ de s'entr'aider. Ce vicomte avoit atteint alors l'âee de
t. 111, P- 39. ' ' , . , . 1 • A
majorité, & il gouverna depuis ses domaines par lui-même, comme il paroît
par l'hommage qu'il reçut ■*, au mois de septembre de la même année, du sei-
gneur de Pouls, dans le diocèse de Nimes. 11 donna'* en fief, deux ans après,
le droit de criée de la ville de Nimes, par un acte qui fut confirmé d'abord
par la vicomtesse Garsinde & ensuite par la vicomtesse Guillelmette. Celle-ci,
qui étoit de la maison de Montpellier, étoit sa mère; l'autre, dont nous
ignorons la maison , étoit sa femme. La première prenoit encore quelque
part, en 11 79, au gouvernement des domaines de Bernard-Aton, son fils;
car ce vicomte confirma-' alors du conseil de Guillelmette, sa mère, l'abbave de
Valmagne, au diocèse d'Agde, dans la possession de ce qu'elle avoit au Heu
de Tortoirera, où elle avoit été fondée.
Roger, vicomte de Carcassonne &. de Béziers, s'appliqua de son côté au
gouvernement de ses domaines. Il accorda, au mois d'août de l'an ^ ii74) en
présence d'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, à Isarn Jourdain 8c Ber-
nard de Saissac, ses vassaux, une colline pour y construire un château qui
seroit appelé Mont-Revel. Ce château pourroit bien avoir donné l'oricrine à
la petite ville de Revel, en Lauragais. Il y avoit une autre branche de la
maison de Saissac dont étoit Bertrand, fils de Hugues de Saissac qui, en 1 168,
donna' une partie du bois de Boulbonne à l'abbaye de ce nom. Le même
Roger, qui se qualifie par la grâce de Dieu proconsul (ou vicomte) de Béjiers,
vendit^, le 16 de novembre de l'an 1174, à Sicard, abbé de Montolieu, 8c à
■ Baliize, Historia ecchsUe TuteUnsls, 1. 2, c. 17. ■• Domaine de Montpellier; Nimes, sac i, n. 2,
' Voyez [omeVin, Chartes, n.XX, ce. 3o6, Soy. ' Archives de l'abbaye de Valmagne.
^ Trésor des chartes; Toulouse, sac 7, n, 63. — * Voyez tome VIII, Chartes, n. XXI, c. 307.
[Voyez cet acte dans Teiilet, Layettes, t. i, p. 107. ' Archives du château de Foix.
Ce lieu est aujourd'hui Poulx (Gard), canton de ' Hiil. caisse 22.
Marguerittes.J
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 65
ses religieux, la moitié des lods Se ventes {Joris capiorum) qu'il avoit au châ-
teau £<. au bourg de Montolieu; Guillaume de Miraval lui céda ', au mois de
décembre suivant, les domaines qu'il possédoit à Castres & aux environs, en
dédommagement de la guerre qu'il avoit faite & des brigandages^ qu'il avoit
exercés. Enfin Roger reçut, l'année suivante, l'hommage pour les châteaux
de Rieux & de la Livinière, dans le Minervois.
LIX. — Assemhlée de divers seigneurs de la Province.
Le comte de Toulouse se rendit ^ médiateur, le 26 de mai de l'an iiyj,
d'un différend qu'avoit ce vicomte avec Guillaume, seigneur de Lunas, dans
le diocèse de Béziers, 8c rendit un jugement du conseil de Pons, archevêque
de Narbonne, Gaucelin, évêque de Lodève, Hugues, comte de Rodez, Ermen-
garde, vicomtesse de Narbonne, de l'archidiacre de cette ville, de Pierre-
Raimond d'Hautpoul, Pierre-Raimond de Montpeyroux, 6c Hugues de
Romegous, viguier de Carcassonne, qui lui servoient (ïassesseurs, en présence
de l'évêque de Béziers. Le vicomte donna en fief à Guillaume le château de
Lunas } 8t ce seigneur lui céda de son côté le lieu de Casteinau, dans le dio-
cèse d'Agde, tout ce qu'Astorg de Lunas, son aïeul, avoit possédé dans la
ville de Saint-Thibéry, 8c le château de Corver qu'il reprit en fief du vicomte,
lequel lui donna la somme de trente mille sols melgoriens pour racheter le
lieu de Casteinau.
LX. — Différends entre le comte de Rode-^, comme vicomte de Lodève,
6- l'évêque de cette dernière ville.
Gaucelin de Montpeyroux, évêque de Lodève, 8c Hugues, comte de Rodez,
qui se trouvèrent à ces assises, y terminèrent peut-être leurs différends au
sujet du château de Montbrun, dont ils partageoient le domaine. On a
remarqué ailleurs'* que ce comte descendoit par femmes des anciens vicomtes
de Lodève, dont ses ancêtres avoient hérité. Hugues, qui avoit eu^ cette
vicomte dans son partage, transigea <5 en 1167 avec Gaucelin, 8c ils con-
vinrent qu'ils domineroient chacun pendant six mois de l'année dans ce châ-
teau. Six ans après, ce comte emprunta dix-huit mille sols melgoriens de
l'évêque, des chanoines 8c des habitans de Lodève, avec promesse qu'il ne
feroit valoir, soit par les armes, soit en justice, les droits qu'il prétendoit avoir
sur eux, qu'après quarante jours, depuis qu'il leur auroit restitué cette somme.
11 donna Guillaume de Lunas pour caution, 8c ordonna aux troupes qu'il
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXI, ce. 3o8, ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXI, ce. 3o<j,
309. — [Il avait surtout donné asile à un certain 3io.
Arnaud de Monteassen, qui avait dépouillé plu- ■* Voyez tome IV, Note XXV, p, iip,
sieurs marchands de leurs marchandises, malgré ' liiJ.
le saufconduit du prince.] * Plantavit de la Pause, Chrcnologia pmcsulimt
' Aicliivei du château de Foix, caisse 12. LoAovensium, p. 91 & seq.
VI. c
An 1 174
An 1 170
An 1 1 75
Kd. origin.
t. IJl. p. 40.
6G HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
avoit mises en garnison à Lodève de défendre & de protéger l'évêque, même
contre sa propre personne, s'il venoit à l'attaquer & à enfreindre sa promesse.
Nonobstant un traité si solennel, Hugues fit de nouvelles entreprises à
Lodève; en sorte que l'évêque fut obligé d'avoir recours à l'autorité du pape
Alexandre III qui écrivit, en iiyS, à l'archevêque de Narbonne pour lui
ordonner d'avertir ce comte d'observer ses promesses & de ne pas molester ce
prélat; sinon de l'excommunier & de jeter l'interdit sur toutes ses terres
jusqu'à ce qu'il se fût soumis. Nous ignorons la suite de cette affaire; nous
savons seulement que Raimond', successeur de Gaucelin dans l'évêché de
Lodève, acheta, en 1188, du même comte de Rodez, pour la somme de
soixante &c six mille sols melgoriens, tout ce que ce dernier possédoit dans le
château de Montbrun &i dans le Lodévois, 8c que le comte promit en même
temps, tant pour lui que pour ses successeurs, de ne faire aucune acquisition
dans le pays, sans l'exprès consentement des évêques. Raimond V, comte de
Toulouse, ratifia^ cette vente quelque temps après, en qualité de comte par-
ticulier de Lodève 8i de suzerain du pays, Bidonna à l'évêque Raimond tout
ce qu'il possédoit lui-môme dans le Lodévois. Les évêques de Lodève éten-
dirent par là considérablement leur domaine dans le pays 3, sur lequel ils
dominèrent enfin entièrement; en sorte que tous les seigneurs du diocèse
devinrent"* leurs vassaux, entre autres Bérenger & Aymeri, seigneurs de
Clermont, qui rendirent, à ce qu'on prétend, en 1172 8<, 1184, leur horajnage
à Gaucelin, évêque de Lodève^.
LXI. — Le vicomte de Carcassonne acquiert la vicomte de Sault ^ reçoit
divers hommages.
Roger, vicomte de Béziers & de Carcassonne, termina amiablement, au
mois de mai de l'an iiyâ, un différend^ qu'il avoit avec Pons d'Olargues,
au sujet de la paroisse de Murasson, en Rouergue^. Il acquit, au mois de
juillet suivant, de Rose de Combret, une partie du château de ce nom, situé
en Rouergue, & de celui de La Caune, en Albigeois. Il donna vers le même
temps à Hugues de Romegous, son viguier de Carcassonne, les domaines
qu'il avoit confisqués sur un criminel, à condition qu'il seroit garde dans
cette ville pendant deux mois de l'année, &. permit aux habitans de Mous-
soulens de transférer leur village sur une élévation 8<. d'y construire une for-
An 1176 teresse. Il donna en engagement, au mois de février de l'année suivante, à
' Plantnvit de la Pause, ChronologU praestdum "Voir cet acte, tome VIII, c. 3i3 & suiv. Il
LoJovens'ium, p. 96 & seq, s'agissait d'un engagement; le vicomte niait que
" liH. p. 98. 1,1 paroisse de Murasson y fi'it comprise. Le vassal
' Voyez tome IV, iVore XXV, p. 129. dut réduire sa créance de mille sous, soit plus du
■* Plantavit de la Pause, Chronologin praeiulum tiers. [A. M.]
Lo.lovcns'ium, p. 98. ' Cartulaire du châtenu cie Foix. — Tome Vlil,
' Voir plus bas, à l'an 1210, ce que nous disons C lia r tes, n. XXI. ce. 'iii , izi.
du diplôme de Philippe-Auguste, octroyé par lui
à l'évêque de Lodève. [A. M.]
An 1 176
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 67
Elzéar de Castries, le péage depuis Béziers jusqu'à Montpellier, 8v régla les
droits que ce seigneur pourroit lever en conséquence, tant sur les voyageurs
que sur les marchandises, à condition de veiller à la sûreté des chemins. Il
donna aussi en fief, la même année, le guidage du chemin qui passoit par le
château de Rieux, dans le Minervois, aux seigneurs 8< chevaliers de ce châ-
teau". Pierre Roger de Mirepoix lui céda, au mois de septembre suivant,
tous les droits qu'il prétendoit à la succession de Guillaume d'Alanian,
vicomte de Sault. Il se rendit ensuite, au mois d'octobre, à l'abbaye de Notre-
Dame d'Alet, Se donna en alleu à ce monastère un emplacement dans la ville
de Limoux. Il acquit, au mois de décembre, le village de Favers, & reçut,
la même année, les hommages des seigneurs des châteaux de la Livinière,
d'Olonsac, Vinassan & Pépieux, dans le Minervois & le diocèse de Narbonne;
de Mèze, dans celui d'Agde; 8<. d'Aniort, de Belfort & de Castelpor, dans le
pays de Sault. Il paroît, par un acte de l'an 11 78, que les trois derniers châ-
teaux étoient tenus en arrière-fief de Guillaume d'Aniort.
LXII. — Le comte de Toulouse confisque la vicomte de Montclar.
Le comte de Toulouse fit un voyage dans son comté de Querci, au com-
mencement de l'an 1 176, 8c s'étant rendu ^ dans le chapitre du monastère de
Cayrac, le vendredi 6 de février, Pierre, abbé d'Aurillac, qui s'y trouvoit Se
de qui ce monastère dépendoit, l'appela en pariage pour la ville de Cayrac,
en présence de l'évêque de Cahors, des abbés de Figeac 8< de Maurs, de Ber-
trand &c de Guillaume de Cardaillac, Sic. L'abbé d'Aurillac fit cette associa-
tion, à condition que le comte seroit le défenseur du monastère 81 de la ville
de Cayrac, qu'il n'y^ feroit aucune nouvelle exaction, 8< qu'il ne pourroit
les aliéner de son domaine. Ce prince alla ensuite à Saint-Antonin, sur les
frontières de ses comtés de Rouergue Se d'Albigeois; 8< il y donna ■* en fief,
le 1" d'avril de cette année, les châteaux de Montclar Se de Montpezat, à
Arnaud de Montpezat, à Bertrand, son frère, 8<. à B. de Villemur, leur beau-
frère, au nom de leur sœur, femme de ce dernier. Ces seigneurs donnèrent
en même temps au comte, en pleine propriété t* droit d'alleu, le château
de Caylus,8c s'engagèrent réciproquement avec lui de n'avoir aucune amitié,
ni liaison avec Pons de Toulouse, sans le consentement les uns des autres.
On a dif* ailleurs que ce Pons de Toulouse descendoit des anciens vicomtes
de cette ville Se de Bruniquel, 8< que Raimond confisqua alors sur lui la
vicomte de Montclar en Querci. Ce prince revint peu de temps après du côté i^a. oiigin.
de Toulouse 8c accorda^, le 5 d'avril de la même année, une exemption de
péage dans toutes ses terres à l'abbaye de Boulbonne. Il se rendit enfin vers
le Rhône où il s'aboucha, le 18 d'avril suivant, avec Alfonse II, roi d'Aragon.
■ Voir tome VIII, ce. 32i, 322. Colbcrt , n. 1069 [Lat. 6009], p. 569. — Voyez
* Trésor des chartes du roi, reg. 176, n. 197. — tome IV, J/or<r XXXIII, p. 170.
Lacroix, de Episcopis CaJurcensihus, p. 7781 seq. * Voyez tome IV, Note XXXIII, n. vi, p. 170.
' Cartulaire des comtes de Toulouse, Mss. Ac ' Archives de l'abbaye de Boulbonne,
An 1 1 76
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
LXIII. — Paix entre le roi d'Aragon b le comte de Toulouse,
Cette entrevue se fit dans l'île de Gernica, située entre Beaucaire & Taras-
con, & ils y ' conclurent enfin la paix par l'entremise d'Hugues-Gaufied
(des vicomtes) de Marseille, maître de la milice (du Temple), assisté, au nom
du roi, de Raimond de Moncade, de Guy Guerrejat de Montpellier, & d'Ar-
naud de Villademolsj 8c, au nom du comte, d'Ermengarde, vicomtesse de
Narbonne, d'Ismidon de Faute & de Guillaume de Sabran, connétable de ce
prince. Suivant le jugement de ces sept arbitres : 1° Raimond céda à Alfonse,
moyennant la somme de trois mille cent marcs d'argent, tous les droits qu'il
prétendoit sur le comté d'Arles ou de Provence, de la manière qu'il étoit
écbu à Raimond-Bérenger IV, comte de Barcelone, par le partage de tout
l'ancien comté de Provence, réglé entre ce comte d'un côté & Alfonse, comte
de Toulouse, de l'autre ; & sur les vicomtes de Millau, de Gévaudan 81 de
Carlad • droits qu'il prétendoit tant au nom de Douce, fille de Raimond-
Bérenger, comte de Provence, laquelle avoit été promise en mariage à son
fils Raimond, qu'à cause du douaire de l'impératrice Richilde, mère de cette
princesse. 2° Le roi & le comte promirent de se rendre justice sur la vicomte
de Gévaudan, possédée par le premier, 81 sur le comté de Melgueil &. le châ-
teau d'Albaron , possédés par l'autre; en sorte que leurs différends sur ces
domaines demeurèrent indécis, & que chacun resta en possession de ce qu'il
avoit. 3° Le roi engagea au comte le château d'Albaron avec ses dépendances,
l'île de Camargue & quelques autres îles du Pvhône, jusqu'à ce qu'il lui eût
payé les trois mille cent marcs d'argent dont on vient de parler. 4° Le comte
promit de tenir compte, sur cette somme, de celle de quinze mille sols mel-
goriens pour la rançon d'Hugues-Gaufred, vicomte de Marseille. 5° Enfin ces
deux princes se pardonnèrent réciproquement tout le mal qu'ils s'étoient fait
durant la guerre, & promirent de vivre dans la suite, eux S<. leurs vassaux en
bonne amitié. Ce traité fut conclu en présence de Pierre (ou plutôt de Pons),
archevêque de Narbonne, Robert, archevêque de Vienne, Aldebert, évêque
de Nimes, des abbés de Psalmodi 81 de Saint-Thibéry, de Roger, vicomte de
Béziers Se de Carcassonne, de Raimond-Gaucelin & Pierre-Gaucelin, son
frère, seigneurs de Lunel, d'Elzéar de Castries 8<. de plusieurs autres sei-
gneurs ecclésiastiques 8c séculiers de la cour du comte de Toulouse, de Pvai-
nîond, archevêque d'Arles, de Pierre, évêque de Saragosse, Pvoger-Bernard,
comte de Foix, Gui de Sévérac, Bernard 8c Raimond de Baux, Sec, de la
cour du roi d'Aragon. Tel fut ce traité de paix, dont plusieurs modernes
ont parlé Se auquel ils ont ajouté quelques^ circonstances qui ne sont pas
exactes.
• Marca Hispantca, c. i368 & seq. ' Voyez tome VII, Note IV, pp. lo, ii.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 6g ~ T
/ An 1 170
LXIV. — I\Iort d'Er messin de de Pelet , comtesse de Melgueil. — Ra'imond,
fils du comte de Toulouse, son mari, hérite de ce comté.
Le roi d'Aragon , suivi de ses deux frères : Raimond-Bérenger, à qui il
avoit donné le comté de Provence pour le posséder sous son autorité, &
Sanche, marcha', au mois de juin suivant, contre la ville de Nice pour venger
sur ses habitans la mort de Raimond-Bérenger, comte de Provence, son
cousin. Quant au comte Raimond, il s'arrêta aux environs du Rhône, 8c
nous avons lieu de croire qu'il étoit à Malaucène, dans le diocèse de Vaison,
lorsque Ermessinde de Pelet, comtesse de Melgueil, sa belle-iille, femme de
Raimond, son fils, mourut dans ce château au mois de septembre de l'an 1 176.
Cette princesse, peu de temps avant sa mort, fit un testament^ nuncupatif,
suivant lequel elle lègue deux mille sols de rente viagère à la comtesse
Béatrix, sa mère, dispose de mille sols en œuvres pies, & donne le comté de
Melgueil 8c le reste de ses domaines au comte de Toulouse Se à Raimond,
son mari, fils de ce prince. Ermessinde étant morte peu de temps après, les
témoins qui avoient été présens au testament furent ouïs, le 3 de novembre
suivant, devant Raimond des Arènes, cardinal-diacre, 8c Aldebert, évêque de
Nimes, qui le publièrent avec la donation que la même Béatrix 8c Ermes-
sinde, sa fille, avoient faite quatre ans auparavant du comté de Melgueil au
comte de Toulouse 8c à son fils. Bernard-Aton, vicomte de Nimes 8c d'Agde, t.''nit'p'!"i2
Èlzéar, seigneur d'Uzès, Raimond dit Rascas, son frère, Raoul, chancelier
du comte de Toulouse, Guy Guerrejat de Montpellier, Pons-Gaucelin de
Lunel, Guy de Séverac 8c plusieurs autres seigneurs furent présens à cette
puljlication. Par là le comte de Toulouse 8c son fils acquirent un nouveau
droit sur le comté de Melgueil. Du reste, il ne paroît pas que ce dernier, qui
se remaria quelque temps après avec Béatrix de Béziers, sœur de Roger III,
vicomte de Béziers, ait eu des enfans d'Ermessinde de Pelet. Le cardinal
Raimond des Arènes étoit sans doute légat dans la Province, Se appartenoit
peut-être à une maison de ce nom établie, à Nimes, qui avoit pris son nom
des Arènes ou de l'amphithéâtre de cette ville. Il étoit dans^ le pays en 1171,
Se il fut présent à l'acte'* par lequel Raimond, comte de Toulouse, promit
en 1174, au vicomte Bernard-Aton, de lui conserver ses domaines.
LXV. — Les vicomtes de 'Nimes &■ de Carcassonne, la vicomtesse de Narhonnc
(S- les seigneurs de Montpellier se liguent avec le roi d'Aragon contre le
comte de Toulouse.
Bernard-Aton, Guy Guerrejat de Montpellier, son oncle (maternel), Guil-
laume VIII, seigneur de Montpellier, Se Burgundion, son hère, neveux du
' Bouche, La chorographie, &c. t. 2, p. io")3. ' Gallia Christiana, nov. éd. t. 6, InsZrum. c. 2S3.
' Voyez tome VllI, Chartes, n°' XV & XXIII, ' Voyez tome VIII, Chartes, n, XX, c. Soy.
ce. 193, 296, & îzB, 32.},
~ 70 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 177 '
même Guy, se liguèrent' l'année suivanle contre le comte de Toulouse, &
attirèrent dans leur ligue Roger, vicomte de Béziers & de Carcassonne. Ils
promirent tous cinq par serment ; 1° De s'entr'aider de tout leur pouvoir
« contre le comte de Toulouse 8< ses fils, durant la guerre cju'ils leur feroient.
« 2° De ne conclure aucune paix sans le consentement les uns des autres.
« 3° De ne pas permettre que le comte de Toulouse & ses fils acquissent la
« ville de Narbonne 61 les domaines de la vicomtesse Ermengarde; &., supposé
<i que ce comte &. son fils se rendissent maîtres de cette ville, de leur faire la
« guerre jusqu'à ce que quelque parent d'Aymeri de Narbonne ou le roi
« d'Aragon l'eussent recouvrée avec ses dépendances. « Le vicomte de Car-
cassonne donna au vicomte de Nimes, son cousin, 8c aux seigneurs de Mont-
pellier, Raimond de Tarrassone Se son fils, Pierre-Raimond d'Hautpoul 81
Guillaume de Saint-Paul pour garants de sa promesse.
Nous inférons de là que le comte de Toulouse vouloit s'assurer alors de
Narbonne; qu'Ermengarde, vicomtesse de cette ville, pour l'en empêcher, eut
recours à la protection du roi d'Aragon, des vicomtes de Carcassonne 8c de
Nimes, Se des seigneurs de Montpellier; 8c que ce fut le principal motif de
leur ligue contre ce prince. Quant au motif qui peut avoir engagé le comte
de Toulouse à faire quelque entreprise sur Narbonne, voici ce qui nous paroît
de plus vraisemblable. On a remarqué que la vicomtesse Ermengarde, se
voyant sans espérance de laisser postérité, avoit attiré à sa cour, dès l'an 1168,
Aymeri de Lara, son neveu, fils de sa sœur Ermessinde, 8c qu'elle l'avoit
adopté. Aymeri avoit, en effet, quitté le nom de sa maison pour prendre
celui de Narbonne, Se il administroit, en 1176, les domaines d'Ermengarde
comme s'il en eût été le maître. C'est ce qu'on voit par un acte^, du 26 jan-
vier de cette année, suivant lequel il se donne pendant sa vie 8c après sa
mort à l'abbaye de Fontfroide, s'engage d'y embrasser l'état religieux, sup-
posé qu'il renonce au monde, choisit sa sépulture dans ce monastère, le con-
firme dans la possession en franc-alleu de tous les biens qui lui avoient été
donnés dans la vicomte de Narbonne, Se se déclare son défenseur. On voit
encore que le même Aymeri jouissoit, en^ ii77> '^^ guidage 8c du péage sur
le chemin de Salses, dans la même vicomte. Se qu'il donna alors ces droits en
engagement. Or, comme Aymeri mouruf* la même année sans enfans, c'est
sans doute ce qui porta le comte de Toulouse à prendre des mesures pour
s'assurer de la vicomte de Narbonne, en qualité de suzerain, afin d'empêcher
Ermengarde d'en disposer en faveur de quelque autre de ses neveux sans son
consentement.
Nous ignorons le succès 8e les suites de cette ligue; il paroît seulement que
le comte de Toulouse étoit maître de Narbonne à la fin de l'année. Se qu'Er-
mengarde avoit appelé auprès d'elle, dès l'an 1179, ^^ comte^ Pierre de Lara,
son autre neveu, frère puînéi^ d'Aymeri. Quant aux vicomtes de Nimes Se
' Tome VIII, Chartes, n. XXIV, ce. 325, 3j6. ■• Voyez tome VU, Note VI, n. ÏV, pp. ifi, 17.
' Gallia Cliristiana, iiov. éd. t. 6, p. 4,5 & seq. ' Cartiiîaire du château ce Foix.
^ Tome VIII, Chartes, n. XXII, ce. 3i8, 3i(;. ' Voyez tome VII, ut supra.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 71 "T
' An 1 177
de Carcassonne, voici ce que les monumens nous apprennent d'evix pendant
l'année 1177. L/C premier' étant à Nimes, au mois de mai de cette année,
accorda divers privilèges à l'abbaye de Franquevaux, lui permit de posséder
en alleu les biens qu'elle avoit acquis dans ses domaines, où il lui accorda le
droit de pacage, s'en déclara le protecteur Se y choisit sa sépulture. Il étoit t!'n]°'p^'4i.
encore dans cette ville au mois de juin suivant, & il y vendit alors au prévôt
S<. aux chanoines de la cathédrale, du conseil de Guy, son oncle, deux sols de
cens qu'ils lui dévoient, 8t ratifia un accord que la vicomtesse Guillelmette,
sa mère, avoit fait auparavant avec eux, de l'avis de Guillaume de Montpel-
lier, son tuteur. Guillelmette approuva cette ratification.
Roger, vicomte de Béziers Se de Carcassonne, reçut ^ de son coté, au mois
d'avril de l'an 1177, l'hommage pour le château vieux d'Albi, 8t les forte-
resses de Tarsac, Abirac 8t Marsac. Il engagea, au mois d'août suivant, à
Roger de Durfort, l'albergue qu'il avoit à Malvers; Se k Hugues de Pvome-
gous, son viguier de Carcassonne, pour vingt-huit mille sols melgoriens, ses
domaines de Coutoulens, Capendu, Sec. Il reçut enfin, au mois de décemljre
suivant Seau commencement de l'an 1178, l'hommage pour le faubourg du
château de Lombers, en Albigeois, Se pour les châteaux de Pépieux Se de
Clermont.
LXVI. — Mort de Guy Guerre jat de Montpellier.
Guy Guerrejat de Montpellier ne survécut pas longtemps à la ligue qu'il
avoit formée avec ces deux vicomtes contre le com^ de Toulouse. Il tomba
malade à Aymargues, au diocèse de Nimes, y fit son testament^, le 7 de février
de l'an 11 77 (1178), Se mourut peu de temps après. Il choisit sa sépulture
dans l'abbaye de Valmagne, au diocèse d'Agde, à laquelle il donna les mou-
lins de son château de Paulhan Se divers autres domaines. Il légua à Guil- f
laume VIII, seigneur de Montpellier, son neveu, le lieu de Castelnau Se les
villagcsde Substantion Se de Crez; à condition qu'il payeroit vingt mille sols
de ses dettes. Il donna à Burgundion, son autre neveu, frère de ce dernier,
les châteaux de Paulhan Se du Pouget, au diocèse de Béziers, où il faisoit
ordinairement'* son séjour. Se quelques autres biens; aux fils de Raimond de
Castries ce qu'il possédoit aux châteaux de Saint-Pons Se de Loupian, au
diocèse d'Agde;- à Matthie, sa femme, la moitié du domaine de Sauzet, qu'il
substitua en entier à son neveu Burgundion, Sec. Il nomma pour ses exécu-
teurs testamentaires Jean, abbé de Valmagne, Rostaing d'Aiguillon Se Guil-
laume d'Aubeterre, Se institua héritier l'enfant dont sa femme pouvoit être
grosse; mais comme elle ne l'étoit pas, il mourut sans postérité. Guillaume,
seigneur de Montpellier, Se Burgundion, son frère, s'engagèrent k exécuter
' Voyez tome VIII , Chartes, n. XXV, ce. ^^6, par Compayré (ÉtuJcs hhtonques sur lAîbincols,
328. pp. 1.^0, 1^1.) La charte est d'avril i I77. (A. M.J
' Carfulaire du château de Foix. — Cet acte ' D'AcUéry, Spicilcgium, p. i5i & scq.
a, été depuis publié d'après une copie moderne ^ Cinulairc de l'abb;iye de Vahn,ignc.
•"I ' — 7 2 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 177 '
ce testament au mois de mais suivant, par un acte daté du château de Mont-
pellier, en présence de Jean de Montlaur, évêque de Maguelonne, de Ber-
nard d'Anduze & de Raimond, abbé d'Aniane. Ce dernier, qui fut ensuite
évêque de Lodève, se qualifioit', au mois d'août suivant, oncle paternel de
Guillaume, seigneur de Montpellier, & ayant l'administration de cette ville,
dans un acte d'échange que le même seigneur de Montpellier ratifia au mois
de novembre suivant.
LXVII. — Fondation de l'hôpital &• de l'ordre des hospitaliers du Saint-Esprit
de Montpellier.
Quelques auteurs^ ont avancé que Guy Guerrejat, dont nous venons de
parler, & qui étoit fils de Guillaume VI, seigneur de Montpellier, & de
Sibylle, est le même que Guy qui fonda, vers la fin du douzième siècle,
l'hôpital 8c l'ordre des hospitaliers du Saint-Esprit de Montpellier; mais la
date assurée de la mort de Guy Guerrejat fait assez voir qu'ils se trompent.
11 est certain d'ailleurs que cet instituteur n'étoit pas de la maison de Mont-
pellier. Tout ce qu'on peut dire sur son origine, qu'on ne connoît pas, est
■qu'il paroît qu'il étoit de cette ville ou des environs^.
Frère Guy ou maître Guy, car c'est ainsi qu'il est nommé simplement dans
tous les anciens monumens, fonda"* cet hôpital auprès de Montpellier, sous
l'invocation du Saint-Esprit, hors la porte de Saint-Gilles, vers la fin du dou-
zième siècle. Il en est en effet qualifié procureur ^fondateur dans une^
donation qui y fut faite en 1197. Il s'y dévoua au service des pauvres; 8t
ayant associé avec lui diverses personnes de piété, il leur dressa des règles 8c
établit un nouvel ordre d'hospitaliers dont il fut le premier chef £< le maître.
Il fit peu de temps après des fondations semblables dans diverses villes de
France, 8c il avoit déjà établi son iristitut dans deux hôpitaux de Rome,
lorsque le pape Innocent III le confirma, le 23 d'avril de l'an 1198. Ce pon-
tife fit venir Guy à Rome en 1204, avec quelques-uns de ses religieux, 8c leur
donna l'administration de l'ancien hôpital de Sainte-Marie, en Saxe, qu'il
utujf'll avoit fait rebâtir. Il unit cet hôpital à celui du Saint-Esprit de Montpellier
pour être gouverné par un même maître, sans préjudice de la juridiction de
V évêque de Maguelonne sur celui de Montpellier. Comme il n'y avoit encore
que des frères laïques parmi les hospitaliers du Saint-Esprit, Innocent
ordonna en même temps qu'il y auroit parmi eux un certain nombre de
clercs. Les premiers, qui ne faisoient que des vœux simples, s'érigèrent dans
' Mis. dAuhays, n. 82. blisseinent était de la part d«s seigneurs de Mont-
* Voyez tome VII, Note VIIT, pp. 10, 21. pellier l'objet d'une faveur toute marquée. Peut-
' M. Germain dans ses études sur la Charité a être aussi frère Gui était-il bâtard de l'un des ;ei-
Montpcllier (p. ?-ï du tirage à part), sans se pro- gneurs de Montpellier au douzième siècle. [A. M.]
nonccr, penche pourtant pour l'affirmative; il ■• Innocent III, 1. 1, Epist. 9:) & 97. — Gariel,
fait remarquer ce fait d'un legs exceptionnel fait Séries prticsulum Magaloncnsium, p. 260. — Héliot,
à l'hôpital du Saint-Esprit par Guillaume VIII Histoire des ordres monasti<jues, t. 2, cii. 3o Siiuiy,
en 1202, ce qui semblerait indiquer que cet éta- ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXV, c. ^Sû. ,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. vS . , „
la suite en chevaliers militaires 'j les autres firent des vœux solennels, 8c le
pape Eugène IV ajouta, en 1446, à la règle que frère Guy, leur instituteur,
leur avoit donnée, celle de Saint-Augustin 5 en sorte qu'ils se qualifièrent
depuis chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin. Les chevaliers de
l'ordre du Saint-Esprit de Montpellier furent entièrement supprimés en 1459
par le pape Pie II, & il n'y eut plus depuis que des religieux clercs dans
l'ordre; car c'est sans aucun titre légitime qu'on a voulu rétablir dans la
suite cette chevalerie.
Guy décéda^ à Rome en 1208. Après sa mort les religieux de l'hôpital du
Saint-Esprit de Montpellier députèrent quelques-uns d'entre eux à Rome,
& ces députés s'étant joints à ceux de l'hôpital du Saint-Esprit, en Saxe, ils
allèrent ensemble trouver le pape Innocent III, à Anagni, pour faire, en sa
présence Si de son consentement, l'élection d'un maître ou recteur de leur
ordre. Le pape jugeant qu'il étoit plus convenable que le recteur de l'hôpital
de Rome eût le gouvernement de tous les autres hôpitaux de l'ordre, lequel
s'étoit déjà étendu en diverses provinces, engagea les députés de Montpellier
à y consentir. Il fit ensuite élire en sa présence, le 6 de juin, un recteur
pour l'hôpital de Rome, & ordonna que celui de l'hôpital de Montpellier
seroit élu à l'avenir du consentement de celui-là. Honoré III changea^ ce
règlement & ordonna, en 1217, que ces deux maisons n'auroient dans la
suite rien de commun; que celle de Rome seroit chef de tous les hôpitaux
de l'ordre du Saint-Esprit en Italie, en Sicile, en Hongrie 8v en Angleterre;
& que l'hôpital de Montpellier auroit sous son autorité tous les hôpitaux du
Saint-Esprit dans les autres provinces de la chrétienté, sans aucune dépen-
dance l'un de l'autre. Grégoire X remit le maître de l'hôpital du Saint-Esprit
de Montpellier sous l'obéissance de celui de Rome; mais, en 1617, Paul V
rendit le généralat au commandeur de Montpellier, sous la dépendance cepen-
dant de celui de Rome, avec toute l'autorité que ses prédécesseurs avoicnt
exercée sur les provinces qui leur avoient été anciennement soumises : Gré-
goire XV confirma ce décret en 162 1. Enfin Urbain VIII ôta cette dépen-
dance en 1625. L'hôpital du Saint-Esprit de Montpellier, qui avoit été
entièrement ruiné durant les guerres de la religion, ne subsistoit plus alors,
Se cet ordre étoit presque anéanti en France. On travailla depuis à son réta-
blissement, & il fut déclaré en 1700, par un arrêt du conseil, purement reli-
gieux & hospitalier. Le roi confirma cet arrêt en 1708 & ordonna « que
« l'hospitalité seroit rétablie & observée dans la commandcrie générale, grande
« maîtrise régulière de l'ordre du Saint-Esprit de Montpellier, par le com-
« mandeur général, grand-maître régulier, qui y seroit incessamment établi. »
Le roi Louis XV a nommé en conséquence, le 3 de novembre de l'an 1716,
Melchior, cardinal de Polignac, à la grande commanderïe générale & chej de
l'ordre régulier hospitalier du Saint-Esprit de Montpellier de deçà les monts.
' Héliot, u( supra, t. 2, ch. 3o & sulv. ' Héliot, Histoire des ordres monasti<jue5, t. 2,
' Innocent III, I. i i, Epist. 104. — Gariîl, ch. jo & suiv.
Séries praesulum Magatonemium, p. i'>'>.
'- 74 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 177 ' T
Ce cardinal en exerce aujourd'hui les fonctions & emploie avec succès les
talens supérieurs qu'on lui connoît pour le rétablissement de l'ordre du Saint-
Esprit, tant au spirituel qu'au temporel; mais l'hôpital de Montpellier, qui
en est le chef, est encore enseveli sous ses ruines.
LXVIII. — Le comte de Toulouse accorde divers privilèges aux hospitaliers
de Saint-Gilles,
Raimond, comte de Toulouse, s'étoit déjà assuré de Narbonne' sur la
vicomtesse Ermengarde, au mois de décembre de l'an 1177, lorsqu'il donna
aux hospitaliers de Saint-Gilles de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem le droit
de pacage Si l'exemption de péage dans toutes ses terres, avec divers autres
privilèges, par une charte datée de Narbonne^. Il leur avoit accordé, au mois
de novembre précédent, à peu près les mêmes prérogatives. Pons^, arche-
vêque de Narbonne, fit donation la même année, à l'hôpital de Saint-Gilles,
de diverses églises de son diocèse entre les mains de Pierre Galterii, comman-
deur, 8c de Bernard de Lac, procureur du même hôpital dans le Narbonnois
i:d orî^in 5^ le Minervois. Raimond date l'une de ces deux chartes du règne de Louis
t. Ul, p. 4.-'. _ ...
de France, & de Frédéric, empereur des Romains. Il fait mention de ce der-
nier prince parce qu'il possédoit le marquisat de Provence 8c le Dauphiné
dans l'étendue de sa domination.
LXIX. — L'empereur Frédéric accorde divers privilèges aux évêques
(S" aux hahitans de Viviers.
Frédéric avoit fait sa paix au mois de juillet précédent avec le pape
Alexandre III. Durant son séjour en Italie, il y donna un diplôme"*, le 16 de
mars de l'an 1177, à la sollicitation de Nicolas, évêque de Viviers, qui lui
avoit envoyé des députés pour le prier de renouveler en sa faveur la charte
qu'il avoit accordée à Raimond, son prédécesseur. L'empereur déclare dans
le nouveau diplôme que l'église de Viviers n'est soumise qu'à l'Empire, Se il
la confirme dans la possession de ses domaines, entre autres de la monnoie,
du péage, 8c des autres droits régaliens, sauf la justice impériale. Il ajoute
qu'il prend sous sa protection l'évêque 8c les habitans de Viviers avec tout ce
qu'ils possédoient au dedans 8c au dehors de la ville; en sorte qu'il semble
par là s'arroger la souveraineté sur le Vivarais; entreprise manifestement con-
traire aux droits de nos rois, qui^ avoient dominé sur ce pays jusques au
règne de l'empereur Conrad \\l^. Ce prince fut le premier, en eiiei., qui
' Tome VIII, Chartes, n. XXVI, ce. SzS, Szp. ^ Archives de l'église de Narhojine.
' Ces divers autres privilèges sont l'exemption ^ Voyez tome VIII, Chartes, n. XXVII, ce. 33|
de toutes taxes à payer dans les foires & marchés & à .33.'?.
le droit d'acquérir & de recevoir; le comte excepte ' Voyez tome IV, IJotc I, p. i. — Columbi, De
pourtant de cette dernière concession les châteaux rchui geUis cphcoporum Dicnsiuni.
forts (co^/ïa cnstcZ/oram) & les hautes justices; il ré- ^ Dom Vaissete raisonne ici, d'après cette hy-
serve aussi ses droits d'est & de chevauchée. [A. M.) pothèse, qti'au dixième siècle le \'ivarais serait
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. yS
' An 1 177
accorda', en 1140, un privilège en faveur de Guillaume, évêque de Viviers,
son parent; mais il paroît que ce prélat se contenta d'abord d'un vain titre
jusqu'à ce qu'enfin Raimond Se Nicolas, ses successeurs, ayant obtenu la con-
firmation de ce diplôme de l'empereur Frédéric I, le dernier tenta sous ce
prétexte d'étendre son autorité sur tout le Vivarais. Il rencontra divers^
obstacles de la part des comtes de Toulouse, qui possédoient le comté de
Vivarais sous l'autorité de nos rois 8c qui eurent avec lui ou avec ses succes-
seurs de grands démêlés dont on parlera dans la suite. Au reste, ce prélat ^
donna, au mois de février de l'an 1186, l'église de Saint-Pierre de Bannes Se
quelques autres de son diocèse à la commanderie de Jallès, dans le Vêlai, k
laquelle Arnaud de Bannes 8c ses enfans avoient donné, au mois d'août de
l'an 1181, tous les droits qu'ils avoient sur cette église. Hugues de Bannes
lui donna, en i2o3, toutes les dîmes qu'il avoit droit de prendre dans la
même paroisse"*.
LXX. — Princes d'Orange. — accord du comte de Toulouse avec l'archevêque
d'Arles. — Comtes de Valentinoïs, i-c.
L'empereur Frédéric vint en 1178 à Arles, où il se fit couronner roi de "xiTiT^
Provence^, dans la cathédrale de cette ville, le dimanche 3o de juillet, avec
l'impératrice, sa femme, 8c son fils Philippe. On prétend<5 qu'il accorda, vers
ce temps-là, à Bertrand de Baux, qui fut présent à la cérémonie, le droit de
se qualifier prince d'Orange avec la couronne de souveraineté. Il est vrai f[ue
les comtes ou seigneurs d'Orange prirent le titre de prince depuis la fin du
douzième siècle; mais il est certain aussi qu'ils ne cessèrent pas pour cela de
reconnoître la suzeraineté des comtes de Toulouse, comme marquis de Pro-
vence. Tiburge de Montpellier-Orange, femme ^ de Bertrand de Baux, avoit
hérité alors du comté d'Orange, par la mort de Raimbaud, son frère, décédé
sans enfans. Le même Bertrand, qui résidoit, au mois de décembre de
passé sous la suzeraineté des comtes de Toulouse &, le diocèse de Béziers d'une coutume singulière : de
par conséquent, des rois de France. Cette affirma- temps immémorial, les seigneurs de Caux s'arro-
tion du savant historien a été mise en doute par geaient le droit de piller les eflets du curé de cette
plusieurs historiens modernes. Ceux-ci supposent paroisse, après sa mort. Déjà en 1172 (Voir t. V,
au contraire que vers «jSS le Vivarais fut cédé par c. 1428, n. 69) Bérenger de Caux avait fait une
Hugues de Provence a Rodolphe, roi de Eoiirgo- première renonciation. En 1177 (lilj. c. 1419,
gne; à ce compte ce pays aurait été véritablement n. 74) Bernard de Caux la renouvelle, en son nom
terre d'Empire, Si Conrad III, Frédéric I & Frédé- & au nom de ses successeurs & héritiers. Au cas
rie II n'auraient fait qu'y exercer des droits incon- où l'un d'eux oserait exercer cette coutume, U
tcstables. (Vo\r ffiitoin- liaVlvarais, par M. l'abbé chapitre de Saint-Nazaire pourrait s'approprier
Rouchier, & les positions d'une thèse manuscrite les dîmes de Sallèles. [A. M.]
présentée à l'EcoIedesCliartes en I 87Ô, parM. Pon- '' Pagi, ad ann. 1178, n. 5. — Gallia Christiana,
tal ; Paris, 1876, in-8'', p. 16. [A. M.] nov. éd. t. i, Instram. p. 99 & seq.
' Voyez tome III, 1. XVIIl, n. 11, p. 772. • La Pisc, Tailcau de l'histoire & de la princi^
' Columbi, De rehus gestis cpiscoporum Vivarien- pttuté des princes d'Orange, p. 70. • — Bouche, La
Stum. ckorographie ou dcscript. delà Provence, t. 2, p. 1(55.
' Archives de l'église de Viviers. " Voyez tome III, 1. XVIII, n. xxvii, p. 797;
^ A cette année 1 1 77 se rapporte l'abolition dans & tome IV, Note XXXVII, n. x, p. i83.
■- ~ 76 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 178 '
l'an 1 178', à Courtheson, dans la principauté d'Orange, y fit alors une dona-
tion, du consentement de Tihurge, sa femme, b de ses fils, à l'abbaye de
Franquevaux, dans le diocèse de Nimes.
Il V a lieu de croire que Raimond, comte de Toulouse, se trouva à Arles
au couronnement de Frédéric. Deux raisons nous le persuadent : la première
est qu'il étoit dans cette ville au mois d'août de la même année, 8c qu'il
reconnut^ alors tenir en fief le château de Beaucaire & la terre d'Argence de
l'archevêque & de l'église d'Arles. Ce prélat, en reconnoissance, donna en fief
au comte les châteaux de Mornas 8c de Montdragon ; la seconde raison est
que l'empereur Frédéric fit expédier dans son palais, à Arles, le jour de son
couronnejnent dans cette ville-', un diplôme suivant lequel « il accorda à
« Guillaume de Pelteus, comte de Valentinois, Se au comte Dauphin le péage
« qu'on exigeoit sur le chemin le long du Rhône, depuis Valence jusqu'à
« Montélimar, à condition que tous les émolumens appartiendroient au comte
« de Valentinois, qui le tiendroit en fief du comte Dauphin. « Or, comme
ce dernier n'est pas différent* d'Albéric Taillefer, fils puîné de Raimond V,
comte de Toulouse, il est fort vraisemblable que celui-ci étoit alors à Arles.
Éd.OTig;ii._ Nous avons parlé ailleurs ^ de l'origine de Guillaume de Poitiers, qui fut
le premier comte de Valentinois de sa maison, par son mariage avec l'héri-
tière de ce comté Se de celui de Diois, 8c qui possédoit divers domaines dans
le diocèse de Narbonne. Il est encore fait mention de lui dans une donation^
faite à l'abbaye de Fontfroide, le 2 de mai de l'an 1 177, par Pons d'OIargues,
« du consentement d'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, Se en présence
« de Guillaume de Peiteus, de Pierre-Raimond de Narbonne, de Guillaume
« de la Pv.edorte, de Guillaume Faidit, 8cc. » On peut avoir remarqué ^ qu'il
étoit actuellement marié, en 1173, avec une sœur de Pierre-Pvaynard de
Béziers. Ainsi il aura épousé l'héritière de Valentinois en premières ou en
secondes noces.
LXXI. — Saint Bénè-^et hâtit le pont d'Avignon.
Dans le temps que l'empereur Frédéric se fit couronner roi de Provence à
Arles, on travailloit à un pont de pierre sur le Rhône, qui avoit été com-
mencé dès l'année précédente, vis-à-vis de la ville d'Avignon. Un jeune 8
berger, nommé Benoît ou Bénézet en langage du pays, entreprit un ouvrage
aussi hardi. On prétend qu'il eut une révélation en gardant son troupeau,
qu'ayant passé le Rhône il s'adressa à l'évêque Se au peuple d'Avignon; qu'il
leur fit entendre que Dieu lui ordonnoit de bâtir ce pont. Se qu'il prouva sa
mission par divers prodiges. Ce trait de la vie de Bénézet, que le peuple
■ Mis. d'Auhays, n. 77. ' Voyez tome III, p. 800.
• Voyez tome VIII, Chartes, n. XXVIII, ce. 333 « Archives de l'abbnye de Fontfiolde.
à 335. ' Voyez ci-dessus, n. li, p. 07 & siiiv.
' Portefeuille de M. Lancelot. » BoUandistes, ^ctu Sanctorum, 14 avril. — Hc-
' Voyez tome IV, Note L, n. XVt, p. 124. liot. Histoire des ordres monastiques, t. 2, ch. 42.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 77
reconnoît pour saint, est une preuve qu'il étoit de' Languedoc. Le pont,
composé de dix-huit arches Se long de cent trente-quatre pas, fut achevé en
onze^ ans. Raimond V, comte de Toulouse, en favorisa la construction. On
bâtit auprès, du côté d'Avignon, un hôpital pour recevoir les pèlerins, 8c
saint Bénézet y établit une communauté de religieux, dont l'institut étoit de
veiller à la fabrique St à la conservation du pont, de recevoir St de servir les
pèlerins dans cet hôpital. C'est ce qui fit donner le nom de pontifes ou de
frères du pont à ces religieux hospitaliers, que Raimond VI, comte de Tou-
louse, prit sous sa protection en i2o3. Il leur accorda divers privilèges dans
l'étendue de ses Etats, & leur donna avec le comte de Forcalquier le droit de
passage qu'ils avoient sur le Rhône. Raimond VII, son fils, confirma cette
concession en 1287. Cette communauté fut supprimée en iSzi & unie à la
collégiale de Saint-Agricole d'Avignon, avec la chapelle qu'on avoit bâtie sur
la pile de la troisième arche du pont, Se dans laquelle saint Bénézet, mort
en 1184, avoit été inhumé. Ce pont est entièrement ruiné depuis le com-
mencement du dernier siècle.
LXXII. — Progrès des hérétiques dans la Province.
Le comte de Toulouse, peu de temps après le couronnement de l'empereur
Frédéric à Arles, fut obligé de se rendre dans sa capitale pour y recevoir
divers prélats qui y allèrent combattre les hcnriciens dont les erreurs s'étoient
renouvelées dans le pays S<. qui y taisoient beaucoup de ravages. C'est ce
qu'il nous faut reprendre de plus haut.
Ces sectaires, nonobstant leur condamnation au concile de Lombers,
en ii65, se perpétuèrent dans la Province, principalement dans les environs
de Toulouse, y firent de nouveaux prosélytes 81 ^ s'étendirent dans les pays
voisins. Enfin l'erreur fit des progrès si étonnans qu'elle gagna la plupart
des ecclésiastiques Se de la noblesse du haut Languedoc Se d'une partie du
bas. Raimond, comte de Toulouse, prince zélé pour la foi, résolut de remé-
dier à un si grand mal ; Se comme il n'ignoroit pas les services importans
que saint Bernard, abbé de Clairvaux, &. ses religieux avoient rendus trente
ans auparavant au comte Alfonse, son père, pour ramener ceux de ses sujets
qui s'étoient laissés séduire, il crut ne pouvoir mieux faire que de s'adresser
au chapitre général de Cîteaux, assemblé au mois de septembre de l'an 1177.
11 écrivit pour cela une lettre dans lacjuelle il expose les efforts que faisoient
les hérétiques dans ses États pour détruire la religion, Se prie les religieux
de cet ordre de venir promptement à son secours. « Cette hérésie a tellement
« prévalu, ajoute-t-il, qu'elle a mis la division entre le mari Se la femme, le
« père Se le fils, la belle-mère Se la belle-fille. Ceux qui sont revêtus du
« sacerdoce se sont laissés corromprej les églises sont abandonnées S< tombent
' BoUandistes, 14 avril, p. iC>-j. 'Gervasiiis Dorobeinensis, Chroiiuoit, ad ann.
' Bouche, La chorogr^phic ou description Je la 1177, p- 1441 & seq.
Provence, t. 2, p. i63.
An 1 178
■" r- 78 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1178 '
« en ruine; on refuse d'administrer le baptême; l'eucharistie est en exécra-
t. H°'pf.'i7, « tion Si. la pénitence méprisée. On ne veut pas croire la création de l'homme
« & la résurrection de la chair; en un mot tous les sacremens sont anéantis,
« S' on introduit deux principes. Pour moi, continue-t-il, qui suis armé des
« deux glaives, & qui fais gloire d'être établi en cela le vengeur & le ministre
« de la colère de Dieu, je cherche en vain le moyen de mettre fin à de si
« grands maux, & je reconnois que je ne suis pas assez fort pour y réussir,
« parce que les plus notables de mes sujets ont été séduits & ont entraîné
« avec eux une grande partie du peuple; en sorte que je n'ose ni ne puis
« rien entreprendre. J'implore donc avec humilité votre secours, vos conseils
« Si vos prières pour extirper cette hérésie. Son venin est si violent, & l'en-
« durcissement de ceux qui sont séduits est si grand, qu'il n'y a que Dieu
« qui puisse le vaincre par la force de son bras. Comme le glaive spirituel
« est absolument inutile, il est nécessaire d'employer le matériel ; c'est pour-
« quoi j'agis auprès du roi de France pour l'engager à venir sur les lieux,
« persuadé que sa présence pourra contribuer beaucoup à déraciner l'hérésie.
« Dès qu'il sera arrivé, je le conduirai moi-même dans les villes, les châteaux
« Se les villages; je lui ferai connoître les hérétiques. Se je le seconderai de
« toutes mes forces, jusqu'à l'effusion de mon propre sang, pour exterminer
(c les ennemis de Jésus-Christ. » Ainsi parloit ce prince que quelques auteurs
passionnés ou mal informés ont accusé d'avoir manqué de zèle contre les
hérétiques.
LXXIII. — Le cardinal de Saint-Chrysogone est envoyé légat à Toulouse,
avec plusieurs évêques, pour y combattre les hérétiques. — Succès de sa
mission.
Il paroît que le comte de Toulouse implora aussi le secours de Henri, roi
d'Angleterre, pour réprimer ceux de ses sujets qui avoient embrassé l'erreur.
Nous savons' du moins que les rois d'Angleterre Se de France, après avoir
fait la paix, résolurent de venir en personne à Toulouse, en 11 78, pour en
chasser les sectaires ; mais ayant réfléchi ^ qu'ils feroient beaucoup plus utile-
ment d'envoyer sur les lieux des personnes savantes pour instruire & ramener
les peuples, 8t ayant communiqué leur dessein au pape Alexandre III, qui
l'approuva, ils chargèrent de cette commission Pierre, cardinal-prêtre du titre
de Saint-Chrysogone, légat en France, Guarin, archevêque de Bourges,
auparavant religieux de Citeaux 8c abbé de Pontigni, Réginald, évêque de
Bath, en Angleterre, Jean de Belles-Mains, évêque de Poitiers, Henri, abbé
lie Clairvaux, 8c plusieurs autres ecclésiastiques de mérite; avec ordre d'excom-
munier tous ceux qui ne voudroient pas se rendre à leurs exhortations. Nous
verrons dans la suite que Géraud de la Barthe, archevêque d'Auch, Géraud,
' Kogeni\s de Eoveien,Anr.alcs Anglicani, p. ^2j ° Voyez tome VII, Wore V, pp. ii 314.
& Deq. — Hobertus de Monte, Chronicon.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 70 -~ T
/ V An 1 178
évêqiie de Cahors, Se Gosselin', évêque de Toulouse, se joignirent à ces pré-
lats, soit qu'ils l'aient fait par zèle £t de leur propre mouvement, soit qu'ils
eussent été nommés par les deux rois. Ces princes enjoignirent en même*
temps à Raimond, comte de Toulouse, à Raimond, vicomte de Turenne, à
Raimond de Castelnau Si à divers seigneurs de donner main-forte Si tous les
secours nécessaires au légat & à ses associés, 81 de chasser du pays tous les
hérétiques.
Ces prélats se rendirent d'abord à 1 oulouse, ville extrêmement peuplée,
ajoute l'historien 3 du temps qui nous a laissé le détail de cette mission, 81
qu'on disoit l'asile & le centre de l'hérésie. Ils trouvèrent en arrivant que ce
bruit n'étoit que trop bien tonde, & que le clergé Se le peuple étoient égale-
ment infectés. Ils l'éprouvèrent surtout dans leur entrée, car ils furent reçus
avec de grandes huéesj 8c par toutes les rues 8<. les places où ils passèrent on
les montroit au doigt 81 on les appeloit hautement apostats, hypocrites ,
hérétiques, &c. Le légat 8c ses associés se reposèrent pendant quelques jours,
ensuite l'un d'entre eux prêcha publiquement 8c établit si solidement dans
son discours les articles de la foi catholique, que les hérétiques, ou n'osèrent
plus paroître, ou dissimulant leurs erreurs, se vantèrent de croire tous ces
articles. Le légat, voyant qu'il ne pouvoit engager les sectaires à se montrer
pour les convaincre en public, prit le parti d'en faire une recherche afin de
les obliger par force à se représenter &. à abjurer leurs erreurs. Il fit pro-
mettre par serment à l'évêqile de Toulouse, à une partie du clergé, aux con-
suls, 8c à tous les citoyens dont la foi n'étoit pas suspecte, de lui déclarer par
écrit tous les hérétiques 8c leurs fauteurs dont ils avoient connoissance. Entre
ceux qui furent dénoncés étoit un laïque des plus notables de la ville, nommé
Pierre Mauran, qu'on regardoit comme le chef de la secte. C'étoit un homme '^'^•oriRin.
riche, accrédité 8c avancé en âge, 8c si extravagant qu'il se disoit saint Jean
l'Évangéliste. Il possédoit entre autres deux châteaux, l'un dans la ville 8c
l'autre au dehors : il y tenoit des assemblées nocturnes, où il prêchoit, revêtu
d'une espèce de dalmatique. Son autorité étoit si grande qu'il avoit entraîné
dans l'hérésie une grande partie du peuple. Il divulguoit hautement ses
erreurs avant l'arrivée des commissaires; mais à peine furent-ils dans le pavs
qu'il feignit d'être bon catholique. Le légat, qui le regardoit comme l'arc-
boutantdes sectaires, résolut de commencer par lui; 8c le comte de Toulouse,
qui donna toute sorte de secours aux missionnaires, le fit citer par des appa-
riteurs. Cet homme, enlié de ses richesses, 8c comptant d'ailleurs les princi-
paux de la ville pour ses parens ou ses amis, refusa de comparoître. Le len-
demain le comte l'ayant mandé l'engagea, partie par caresses, partie par
menaces, à se représenter 8c l'amena lui-même devant le légat 8c ses collè-
gues. L'un d'eux l'interrogea Se lui dit : Pierre, vos concitoyens vous accusent
d'avoir abandonné la vraie foi pour embrasser l'hérésie arienne, 8c d'être
' Voyez tome VII, Note I, p. 2, 3. ' Roger! us deHoveden, Annales Anglican!, -p. izy
' Rogeriusde Hoyeien, Annales Anglicani, p. 827 & seq.
& seq.
An 1178
80 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
tombé ou d'avoir entraîné les autres clans une infinité d'erreurs. Mauran,
jetant alors un profond soupir, soutint que cela étoit faux. On le pressa de
l'affirmer par serment, mais il le refusa, sous prétexte qu'il étoit homme
d'honneur 8t de considération 81 qu'on devoit s'en rapporter à sa seule parole.
Les commissaires persistèrent néanmoins à demander son serment, 8<. il
promit enfin de le donner, de crainte de passer pour hérétique s'il le refu-
soit ; car ces sectaires condamnoient le serment. On apporta aussitôt les
saintes reliques avec cérémonie, & on entonna l'hymne du Saint-Esprit.
Mauran pâlit alors & devint tout interdit : il jura cependant & promit de
répondre sur tous les articles de la foi. On l'interrogea ensuite sur le sacre-
ment de l'autel, & on lui demanda ce qu'il croyoit là-dessus. Il déclara que
le pain consacré par le ministère du prêtre n'étoit pas le corps de Jésus-Christ.
Les missionnaires n'en demandèrent pas davantage : ils se levèrent & ne
purent s'empêcher de répandre des larmes, tant de lui avoir entendu proférer
ce blasphème que par compassion pour lui; Si, après l'avoir déclaré héré-
tique, ils le livrèrent au comte qui le fit renfermer dans les prisons publiques,
sous la caution de ses parens : ses biens furent confisqués & on ordonna de
démolir ses châteaux.
Le bruit de cette condamnation s'étant répandu dans Toulouse, toute la
ville changea bientôt de face, & les catholiques encouragés reprirent le dessus.
Pierre, se voyant de son côté à la veille d'une mort prochaine & dépouillé
de tous ses domaines, rentra en lui-même, demanda à faire satisfaction 81
promit de se convertir. Il se présenta nu, en caleçon, devant tout le peuple,
Si, s'étant prosterné aux pieds du légat & de ses collègues, il leur demanda
pardon, reconnut ses erreurs, les abjura, embrassa la foi catholique & promit
par serment, sous caution, au comte, aux chevaliers & aux principaux habi-
tans de Toulouse, qu'il se soumettroit à tous les ordres du légat & qu'il les
exécuteroit fidèlement. On avertit ensuite le peuple de se rendre le lende-
main dans l'église de Saint-Sernin pour y être témoin de la pénitence de
Pierre Mauran. Le concours fut si grand dans cette église que ce ne fut pas
sans peine que le légat trouva place pour célébrer la messe. Pierre y entra
par la grande porte, nu &c sans chaussure, conduit d'un côté par l'évêque de
Toulouse, Se de l'autre par l'abbé de Saint-Sernin, qui avoient été le prendre
clans la prison, 81 qui ne cessèrent de le fustiger avec une poignée de verges
dans les rues Si les places publiques, jusques aux degrés de l'autel. Il lui
fallut percer, pour y arriver, une foule de peuple. Il se prosterna aussitôt
aux pieds du légat 81, ayant demandé pardon, il abjura de nouveau ses
erreurs 81 se soumit à la pénitence qu'on lui imposa. On confisqua ses biens,
81 on lui ordonna de partir dans quarante jours pour Jérusalem S<. d'v
demeurer pendant trois ans au service des pauvres, avec promesse, s'il reve-
noit après ce terme, de lui rendre ses biens, excepté les châteaux qu'on
ordonna de raser en mémoire de sa prévarication. En attendant son départ
il fut condamné à visiter tous les jours diverses églises de Toulouse, nu-pieds,
&i en prenant la discipline sur les épaules nues. Il fut condamné de plus à
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 8i
An 1178
une amende de cinq cents livres pesant d arp-cnt envers le comte de Tou- bj.onaiii.
, • - • 11- 1 • 1- .-, . . , '• ii'.p- !<)•
louse, son seigneur, a restituer les biens des églises quil avoit usurpes, a
tendre les usures qu'il avoit exigées Se à réparer les dommages qu'il avoit
causés aux pauvres : il promit par serment d'exécuter toutes ces choses.
LXXIV. - — Le légat envole l'évéque de Bath iS- l'ahlé de Claïrvaux
en Albigeois, — Le vicomte Roger est excommunié.
Le légat résolut ensuite d'excommunier tous les hérétiques qui avoient été
dénoncés & ceux qui étoient soupçonnés de les favoriser. L'abbé de Clairvaux
lui demanda alors permission de se retirer pour se rendre au chapitre général
de son ordre qui devoit se tenir au mois de septembre : le légat la lui accorda,
à condition qu'il iroit auparavant en Albigeois, avec l'évéque de Bath, pour
exhorter Roger de Béjiers, prince du pays', à rendre la liberté à l'évéque
d'Albi, qu'il avoit mis en prison sous la garde des hérétiques. Si pour lui
enjoindre de chasser ces sectaires de ses domaines, conformément à ses ordres.
L'évéque de Bath 8c l'abbé de Clairvaux, suivis du vicomte de Turenne £<
de Raimond de Castelnau, qui leur prêtoient main-forte, se rendirent peu
de temps après en Albigeois, où l'hérésie avoit un de ses principaux sièges.
Roger, informé de leurs approches, se retira à l'extrémité du pays, dans des
lieux inaccessibles, de crainte d'être obligé d'entrer en conférence Se de suc-
comber. Les deux prélats arrivèrent cependant à Castres^, l'une des plus
fortes places du pays, où la femme de R.oger avoit établi sa demeure avec ses
domestiques Se un corps de troupes pour la garder. Quoique tous les habitai'iS
de cette ville S<. des environs eussent embrassé l'hérésie ou la favorisassent,
ils n'osèrent pas toutefois contredire les deux missionnaires, qui combattirent
publiquement leurs erreurs S< déclarèrent Roger traître, héréti([ue Se par-
jure pour avoir violé la sûreté qu'il avoit promise à l'évéque d'Albi. Ces pré-
lats excommunièrent ensuite ce vicomte &• le déférent, au nom de Jésus-
Christ, de la part du pape Se des rois de Fiance 8e d'Angleterre, en présence
de sa femme Se de ses chevaliers; c'est-k-dire qu'ils lui déclarèrent la guerre.
On voit par ce récit, que nous avons rapporté fidèlement d'après les actes ^
des missionnaires mêmes, que Roger II, vicomte de Béziers, de Carcassonne,
d'Albi Se de Razès, favorisoit alors ouvertement les hérétiques, s'il n'avoic
embrassé leurs erreurs; mais il paroît qu'on pourroit le justifier, du moins
sur ce dernier article. En effet, ces sectaires se faisoient un point capital de
ne jamais jurer, Se ils avoient conçu une haine si implacable contre les ecclé-
siastiques ([u'ils ne faisoient aucun scrupule de les noircir par les calomnies
les plus atroces &. d'usurper leurs domaines. Or nous avons divers monu-
inens, depuis l'an iiyo jusqu'en 1182, de la libéralité de Roger envers les
église»; Se ils prouvent en même temps qu'il ne taisoit aucune difficulté de
' Voyez tome \'II, Note V, n. i, p. i i. 'Rogerius de Ucviden, Annale; Ar.gîi.-.-.nl, p. lay
» lia. p. li. Z<. se!).
VI, c
~ ~ 82 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
n 1 1 t 1 7 o
jurer. 11 donna', au mois de juin de l'an 11 70, la permission à la cathédrale de
Carcassonnc d'avoir un four dans le faubourg de Saint-Vincent de cette ville
£< défendit qu'il y en eût un autre dans ce faubourg, excepté celui de Ber-'
nard de Canet. Il marc|ua qu'il faisoit cette concession pour l'amour du Dieu
tout-puissant, £• de la bienheureuse vierge Marie, sa mère, pour les âmes du
seigneur R. Trencavel, son père, de Roger de Béjiers, son oncle, 6- de tous
les fidèles trépassés, 6- pour la rémission de ses péchés. Il confirma cet acte
Cil II 77, S<. fit une donation, au mois de juin^ de l'an 1170, au monastère
de Saint-Sauveur de Carcassonne. 11 accorda^, le 29 décembre suivant, à
l'abbaye de Grandselve, une exemption de leude & de péage dans toutes ses
terres, tant pour son âme que pour celle de Raimond-Trencavel, son père. Il
confirma'*, en 1172, les donations que ce dernier & Roger, son oncle, avoient
faites en faveur de l'abbaye de Salvanez, en Pvouergue. Enfin, sans parler
ici de plusieurs autres actes, Adélaïde, sa femme, laquelle avoit fait une
donation en ^ iiya à cette même abbaye, promit de la protéger, par serment
prêté sur les saints Evangiles, à^ Burlas, en Albigeois, le jour de la nativité
de la Vierge de l'an 1180. Elle confirma en même temps toutes les dona-
tions que Roger, vicomte de Bé-^iers, son mari, avoit faites à ce monastère, St
les conventions de ce vicomte avec Raimond, abbé de Salvanez, qu'il avoit
juré d'observer. Adélaïde se qualifie comtesse dans cette charte, de même que
dans plusieurs autres monumens, quoique Roger, son époux, ne prît que la
Éd. origin. qualité de vicomte, à cause qu'elle étoit de race comtale Se fille de Rai-
mond V, comte de Toulouse, 5c de Constance, sœur du roi Louis le Jeune.
F.lie suivoit en cela l'usage de son siècle. Enfin « Roger, vicomte de Béziers,
(( 5c Raimond-Trencavel, son frère, permirent '^ au mois de novembre de
(1 l'an 1182, à la cathédrale de Béziers Se à Bernard, évêque de cette ville,
« pour la rémission de leurs péchés Se pour l'âme de Raimond-Trencavel,
(i leur père, de faire toute sorte d'acquisitions de leurs feudataires dans tout
« l'évêché de Béziers, £<c. »
LXXV. — Fin de la mission du cardinal de S aint-Chrysogone
6* de ses collègues.
L'évêque^ de Bath, durant sa mission en Albigeois, y rencontra Raimond
de Baimiac 6c Bernard Raimundi, deux chefs des hérétiques, qui s'y étoient
réfugiés, disoient-ils, pour éviter les mauvais traitemens du comte de Tou-
louse (S- des autres barons. Ces deux sectaires, qui avoient fait un grand
nombre de prosélytes dans le pays, demandèrent un sauf-conduit Se offrirent
à ce prélat Se au vicomte de Turenne, si on le leur accordoit, de se repré-
' Mss. Colhert, n. 2275. [Lat. 9996.] ' Gall'it Chrlstiana, nov. éd. t. i, p. 288.
° De Vie, Chronicon episcoporum Carccaoncnsium, " Archives de l'abbaye de Salvanez.
^. 77. ' Archives de l'évêché de Béziers.
' Cartiilaire de l'abbnye de Grandselve. " Rogerius iiV.oyii.iin, Annales Angliccini.-ç.'ii-;
* Gallia Christiana, nov . éd. t. I, p. 288. & sea.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 83
senter devant le légat pour y défendre leur foi. Levêque 8i le viconite, pour
ne pas donner occasion de scandale aux toibles, si on refusoit d'entendre cco
deux prédicans, leur accordèrent ce sauf-conduit, tant au nom du légat que
du comte de Toulouse; à condition néanmoins que s'ils ne se convertissoient
]5as ils n'auroient que huit jours pour se retirer, après quoi ils seroient
chassés du pays par l'autorité séculière, conformément à Védit que ce comte
£• les autres seigneurs avaient jait publier. Le légat ayant ratifié cette per-
mission, les deux chefs se rendirent à Toulouse Si comparurent dans la cathé-
drale de Saint-Etienne, où le cardinal légat, l'évêque de Poitiers, aussi légat
du Saint-Siège, l'évêque de Toulouse, les autres commissaires & environ trois
cens ecclésiastiques ou laïques étoient assemblés pour les entendre. Ils pré-
sentèrent d'abord leur profession de foi écrite fort au long en langage du
pays. Le légat, s'apercevant qu'il y avoit des termes ambigus qui pouvaient
cacher le venin de l'hérésie, leur dit de s'expliquer en latin, tant parce qu'il
n'entendoit pas bien leur langage, que parce qu'ils ne s'appuyoient que sur
les Epîtres & les Evangiles dont le texte est en latin. Mais Raimond & Ber-
nard ignoroient cette langue. Se on fut obligé, par condescendance, de les
entendre dans la leur. Cela parut absurde au légat, qui s'en explique ainsi
dans la relation' de cette conférence qu'il nous a laissée. Raimond & son
collègue déclarèrent publiquement qu'ils ne reconnoissoient pas deux prin-
cipes. Se établirent l'unité d'un Dieu créateur de toutes choses; ils confes-
sèrent ensuite que les prêtres catholiques, bons ou mauvais, pouvoient con-
sacrer également le corps 8c le sang de Jésus-Christ. Ils déclarèrent qu'ils
croyoient la transsubstantiation du pain Se du vin dans le corps 8t le sang de
Jésus-Christ, le salut des enfans St des adultes par le baptême, sans lequel
personne ne pouvoit être sauvé, 8<. enfin tous les autres articles de la foi sur
lesquels on les accusoit d'errer.
Les commissaires, après avoir entendu cette profession de foi, l'approu-
vèrent : ils conduisirent ensuite Raimond Se Bernard dans l'église de Saint-
Jacques, où ils eu firent la lecture devant une foule de peuple qui s'y étoit
rassemblé. Le légat 8c ses associés leur demandèrent alors s'ils croyoient de
cœur ce qu'ils venoient de confesser de bouche? Nous n'avons jamais rien
enseigné de contraire, répondirent-ils. Se notre croyance a toujours été la
même. Le comte de Toulouse Se quelques ecclésiastiques 8c séculiers qui
étoient présens ne purent s'empêcher de leur donner un démenti, 8c ils les
convainquirent aisément d'imposture. Il se présenta en même temps plu-
sieurs témoins qui leur soutinrent en face qu'ils leur avoient ouï enseigner
les deux principes, l'un bon 8c l'autre mauvais, 8c débiter les autres erreurs
de leur secte. Raimond 8c Bernard prétendirent de leur coté que tous ceux
qui déposoient contre eux étoient de faux témoins. On les pressa alors de
confirmer par serment leur profession de foi; mais ils refusèrent, sous pré-
texte que Notre-Seigneur, dans l'Evangile, défend de jurer; ils ne faisoient
' Rigerivis de HoveJen, Annales An^licani, p. 327 & set].
An 1173
Au 1 1-:^
84 rnSTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LlV. XVÂ.
pas attention qu'ils avoient fait un serment clans leur acte où iis avoient pris
Dieu à témoin qu'ils cioyoient ainsi. On leur cita diverses autorités de l'Ecri-
ture sainte pour leur persuader qu'il est permis de jurer. Enfin le légat,
voulant user de clémence à leur égard, quoiqu'ils tussent suffisamment con-
vaincus par une nuée de témoins, les exhorta à renoncer k leurs erreurs £< à
É.i.orisin. se faire relever de l'excommunication lancée contre eux, tant par le pape que
t. mp, ^), ^iii»
par lui-même, par les archevêques de Bourges Se de Narbonne, Se l'évêque
de Toulouse; mais ils n'en voulurent rien faire Se demeurèrent dans leur
endurcissement. Le cardinal de Saint-Chrysogone, l'évêque de Poitiers, sou
collègue, Se tous les autres prélats Se ecclésiastiques prirent enfin le parti de
les dénoncer excommuniés à cierges éteints, eux Se leurs complices, en pré-
sence de tout le peuple, avec ordre à tous les fidèles de les éviter, de n'avoir
aucun commerce avec eux Se de les chasser du pays. Le comte de Toulouse
Se les autres grands de la Province firent ensuite serment devant toute l'as-
semblée, de ne favoriser en aucune manière les hérétiques. C'est ainsi que
finit cette mission dont un historien contemporain nous a laissé' la relation.
Cet auteur rapporte la lettre que Pierre, cardinal de Saint-Chrysogone,
léo'at, adressa en conséquence à tous les fidèles pour leur enjoindre de n'avoir
aucune communication avec Raimond Se Bernard; Se celle que Henri, abbé
de Clairvaux, écrivit sur la même affaire. Cet abbé remarque, à la fin de la
sienne, « que tous les princes chrétiens avoient occasion d'exercer leur zèle
(i pour la foi, en venant embrasser dans le pays la querelle de Jésus-Christ,
(1 Se afin, ajoute-t-il, qu'ils ne s'excusent pas sur le peu de fruit qu'il y auroit
<i à faire, qu'ils sachent que c'étoit l'opinion commune à Toulouse, que si
<i nous eussions seulement différé trois ans à taire cet acte de visite, à peine
(( V auroit-on trouvé quelqu'un qui eût invoqué le nom de Jésus-Christ. »
Nous verrons dans la suite que Raimond Se Bernard se réfugièrent à Lavaur,
dans le domaine du vicomte Pvoger.
Henri, abbé de Clairvaux, dans une seconde lettre = qu'il écrivit trois ans
après, nous a laissé quelques autres circonstances de cette mission. Il assure
que les principaux sectaires avouèrent, lorsqu'on leur eut accordé une cniicre
liberté, par le conseil des prélats Se des seigneurs, qu'ils prêchoient à la vérité
1 Évangile aux simples, mais que ce n'étoit que pour les séduire plus aisé-
ment; qu'ils ne croyoient pas que Jésus-Christ eût été vrai homme, qu'il eût
véritablement bu Se mangé, qu'il eût souffert la passion, qu'il fût ressus-
cité. Sec; mais que toutes ses actions rapportées par les évangélistes ne s'étoient
passées qu'en apparence; qu'ils rejetoient Se condamnoient le sacrifice de la
messe, le baptême des enfans, le mariage, les autres sacremens Se les offices
divins reçus dans l'Eglise catholique; qu'ils croyoient que Lucifer, le grand
satan, étoit le créateur des anges, du ciel, de la terre Se de toutes choses
visibles Se invisibles; qu'il étoit aussi le créateur Se le principe des mauvais
' Hogerius de Hovedcn. ' C-iufridiis, prior ^'oîlensis, Chrùr.'.con. p ^>i5
Ç.i. SCT, — V0YC2 toinj "l'U, -Viic I, n. 11, p. :,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 85
anges; qu'il étoit Dieu; que e'étoit lui qui avoit donné la loi à iMoïse; Se
que l'union des deux sexes, soit entre païens ou non, étoit également crimi-
nelle. Henri, qui avoit été promu k l'évêché d'Albano quand il écrivit cette
lettre, dit ensuite que les femmes des hérétiques, qui étoient grosses, fai-
soient périr leur fruit. Il ajoute enfin : « Les hérétiques ont contessé autrc-
<i fois, publiquement (c'est-à-dire pendant la mission' dont on vient de
« parler), toutes ces choses Se plusieurs autres devant nous 8c devant nos
« vénérables frères Géraud, archevêque d'Auch, Géraud, évêque de Cahors,
« 8< Gosselin, évêque de Toulouse. Vierne, femme de Sicard de Boysse de
« Graulhet, qui, ayant été séduite par les sectaires, avoit quitté son mari
« pour les suivre, sous prétexte de mener une vie plus parfaite, confessa,
« entre autres à feu Guérin, archevêque de Bourges, qui prêchoit durant
« cette mission, qu'elle avoit commis des infamies horribles avec les plus
« reliùeux d'entre eux. »
LXXVI. — Evêques de Toulouse. — Condamnation des hérétiques au concile
de Latran. — L'archevêque de Narbonne les excommunie.
L'abbé de Clairvaux s'acquit une si grande estime par sa conduite & par
ses vertus, parmi les Toulousains, que le siège épiscopal de leur ville étant
venu à vaquer vers la fin de cette année, par la mort de Gosselin^, il fut
élu' unanimement pour le remplir. Mais sa modestie le lui fit refuser, &
Fulcrand fut élu k sa place. Cet abbé fut promu au cardinalat £< k l'évêché
d'Albano durant le concile de Latran, tenu au mois de mars de l'an 1179. H
revint dans la Province trois ans après en qualité de légat, & il exerça aiori
de nouveau son zèle contre les hérétiques; car la mission de l'an 11 78 ne
produisit pas tout l'effet que les évêques en atiendoient; 8c un auteur con-
temj)orain assure qu'elle ne servif* de rien. En effet, l'hérésie au lieu de
s'aïfoiblir y prit de nouvelles forces par la sévérité dont on usa envers ceux
qui avoient eu le malheur de l'embrasser. Au reste, le comte Raimond
demeura encore quelque temps à Toulouse après le départ du légat -^ Se de ses
' Voyez tome VU, Note I, n. ii, p. î. change avec les pèlerins (romci). Les fraudes cotn-
* Petriis Cellensis, 1. 8, Epist. 8, — Manrique, mises par un membre de la corporaiion furent
Annales Cistercienses, ann. i lyS, n. i . soumises au jugement des consuls de la ville ; ne
' Voyez tome VII, J/ore I, n. it. fut pas réputée fraude l'erreur qui ne dépassait
* Robertus de Monie, Chronicon, ann, i lyâ. pas un denier. Les boutiques de change pour les
'Trésor des Chartes j Toulouse, tac 2, n. 16. pèlerins ne purent être établies qu'à trois endroits
— Dom Vaissete fait ici une pjtite confusion, de la ville, savoir : l'Hôpital de Jérusalem, le
L'acte dont il parle & qu'on peut voir dans Te.iiet Temple & le cloître Saint-Gilles. Les aubergistes
[Layettes iiu Trésor des Chartes, t. 1, p. 119). ne de la ville s'engagèrent de leur coié à ne point
concerne pas les changeurs de Toulouse, mais ceux conduire ailleurs les pèlerins qui auraient à
de Saint-Cilles, & le comte Raimond V n'y païaît changer quelques espèces. Les changeurs de Saint-
mème pas. L'acte est donné au nom de son viguicr Gilles & leurs apprentis (iliscipuli) jurèrent sur les
de Saint-Gilles, Bertrand Ripert, & des consuls & évangiles d'observer cette ordonnance; leurs noms
conseillers de Saint-Gilles, Les changeurs de Saint- sont énoncés dans l'acte j ils sont au nombre
Gilles obtinrent pour cinq ans le monopole du d'environ cent trente-cinq. [A. M.]
An 1173
L'd. origîn.
;. Ul, p. i2
An 1 178
86
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 \-j()
associés, comme il paroît par les statuts qu'il donna aux cliangeurs de cette
ville au mois d'octobre de l'an 11 78'.
Le mêine ^ historien contemporain appelle agenois {^heret'ici quos Age-
nenses vacant) les hérétiques que le cardinal Pierre de Saint-Chrysogone &
ses collègues allèrent combattre à Toulouse; 8< on peut remarquer dans les
actes originaux qui nous restent de cette mission qu'on ne leur donne nulle
part le nom d'albigeois, dont les auteurs postérieurs se sont servis pour les
désigner. On ne leur donne pas non plus ce nom dans les actes du concile
de Latran de l'an 1 17g, dont le dernier canon fut dressé contre eux, Si auquel
se trouvèrent, parmi les évêques de la Province, Pons-* de Narbonne, Jean de
Maguclonne, Pvaimond d'Uzès, Bernard de Béziers &. Othon de Carcas-
sonne. Ce canon est conçu en ces termes : « Quoique l'Eglise"*, ainsi que
<( dit saint Léon, se contente d'un jugement sacerdotal, & qu'elle n'emploie
« pas les exécutions sanglantes; elle est cependant aidée par les lois des
(( princes afin que la crainte d'un supplice temporel oblige les hommes de
« recourir au remède spirituel. Comme donc les hérétiques, que les uns
« nomment cathares, les autres patarins 8c les autres poblicains, ont fait de
« grands progrès dans la Gascogne, l'Albigeois, le pays de Toulouse &
(c ailleurs; qu'ils y enseignent publiquement leurs erreurs & tâchent de per-
« vertir les foibles, nous les anathématisons avec leurs protecteurs & recé-
tc leurs, &. défendons à toute sorte de personnes d'avoir aucun commerce avec
(i eux : s'ils meurent dans leur péché, on ne fera aucune oblation pour eux,
» Se on ne leur donnera pas la sépulture parmi les chrétiens. »
En conséquence de ce canon, Pons d'Arsac, archevêque de Narbonne,
étant de retour dans son diocèse, dressa une lettre^, l'envoya à ses suffragans,
aux abbés & aux autres prélats de la Province, leur ordonna d'excommunier
les hérétiques, les fauteurs & défenseurs, les Brabançons, Aragonois, Coste-
reaux, 8c ceux qui les prenoient à leur service; accorda des indulgences a.
ceux qui s'élèveroient contre eux Se décerna diverses peines, par ordre du pape
8c du concile, contre les réfractaires.
' A cette même année 1178 se rapporte une
charte de coutume fort intéressante que Aom Vais-
sete ne paraît pas avoir connue, & que l'on trouve
dans Teulet, Layettes du. Trésor des Chartes, t. 1 ,
p. 120 (d'après J. 3o3, n. 46). Elle concerne la
petite ville de Villeraur, en Toulousain. Les prin-
cipales libertés concédées par le seigneur & les
chevaliers du château sont les suivantes : défense
d'arrêter ou de taxer arbitrairement aucun habi-
tant de Villemur. — Liberté à tous de quitter la
ville, en payant les dettes; le partant devra seu-
lement abandonner les terres qu'il t'ent du sei-
gneur ou en aliéner la jouissance avec l'aveu du
seigneur féodal. — Permission à tous de venir ré-
sider à ^'illemur en jouissant de toutes les libertés
des habitants de la ville. — Suppression de la
main-morte : la succession de l'habitant de Vil-
lemur, mort ab intestat, est recueillie par ses en-
fants; le seigneur n'hérite qu'à défaut de proches
parents. [A. M.]
' Robertus de Monte, Ckronicon, ad ann. 1178.
^ Concilia, t. ic, c. l53o.
* Ibid. c. 1 022.
= Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXI, ce. ?,j^\
à 344.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 87 ~~:
' An 1 179
LXXVII. — Le comte de Toulouse se ligue avec divers seigneurs. — Évcques
de Nimes &- d'U-^ès. — Maison d'Ujés.
Cependant Raimond, comte de Toulouse, pour se mettre en état de résister
au roi d'Aragon, aux vicomtes de Béziers & de Nimes, 8< à la vicomtesse de
Narbonne, qui s'étoient ligués contre lui, s'unit avec divers seigneurs du bas
Languedoc, S< il conclut avec eux' un traité, le 28 d'avril de l'an 1179. Sui-
vant cet acte Raimond d'Uzès, Pons-Gaucelin de Lunel & Pierre de Bernis
reçurent en fiet de Raimond tous les domaines qu'ils possédoient dans la
vicomte de Nimes, savoir : Raimond d'Uzès, le château d'Aymargues, Pons-
Gaucelin, celui de Cauvisson , Se Pierre de Bernis, le château de ce nom,
avec promesse de l'aider contre le vicomte de Nimes, soit durant la guerre
présente, soit dans toutes celles ((u'il auroit dans la suite contre ce vicomte,
& de ne faire ni paix, ni trêve avec lui que d'un consentement mutuel. Rai-
mond donna de plus en fief à Pierre de Bernis tout le domaine que le
vicomte de Nimes avoit dans le château de Bernis, qu'il avoit par conséquent
confisqué sur lui en qualité de suzerain. Il lui donna aussi en fief le château
de Beauvoisin à condition de le rebâtir. Aldebert, évêque de Nimes, & Rai-
mond, évêque d'Uzès, l'un &. l'autre de la maison d'Uzès & oncles du comte
Raimond^, furent présens à cet acte.
Le nom d'Aldebert n'y est marqué à la vérité que par la lettre initiale de
ce nom 5 mais nous apprenons d'ailleurs^ que ce prélat vivoit encore en 1180.
Ainsi ceux"* qui mettent, en 11 77, sur le siège épiscopal de Nimes un pré-
tendu Ainard de Montredon se trompent. Aldebert fut présent^ à une dona-
tion faite en 1175, à l'abbaye de la Font de Nimes, soumise à sa juridiction,
dans laquelle le pape Eugène III & le roi Louis le Jeune le confirmèrent'',
de même que dans l'abbaye de Cendras. Le pape Innocent II lui avoit donné
l'inspection sur cette dernière lorsqu'il l'avoit confirmé à Rome; en sorte qu'il
posséda, du moins pendant trente-neuf ans, l'évêché de Nimes. Guillaume
d'U-(ès, qui étoit vraisemblablement son neveu, lui avoit déjà^ succédé dès
l'an ii83. Quant à Raimond, évêque d'Uzès, frère d'Aldebert, Bertrand lui û. oripi 1.
avoit succédé^ en ii83, & un autre Raimond à celui-ci en iiSS'-*. Le der- ' ''"""
nier Raimond fonda pour des filles une abbaye de l'ordre de Cîteaux dans
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXIX, c. 33j. Vaissefe a été admise par le nouveau Gallta Chns-
— Par cet acte, ces seigneurs rompirent le con- tiana & par M. Mabille (t. IV, p. 278). Seule,
trat féodal qui les unissait au vicomte de Nîmes elle est admissible. Aldebert est indiqué notam-
dont tous trois étaient vassaux. [A. M.] ment comme évêque de Nîmes dans une charte de
' Voyez tome IV, Note LU, p. ziy. 1 17^. (Teulet, Layettes du. Trésor des Chartes, t. 1,
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIII, c. 3ôo. p. 1 19 A.) [A. M.]
" Gallia Christiana, t. 3, p. 778. — Ménard, ' Voyez tome VIII, charte XXII, c. 3.8.
dans son Histoire Je Nimes, a repris cette opi- ^ Voyez tome V, Chroniques, n. V, c. 29.
nion, en soutenant seulement que Ainard de " Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIII, c. 3ô5.
Montredon, qu'il appelle Arnaud, commença par ' Gallia Christiana, nov. éd. t. 6.
itre coadjuteur d'Aldebert. L'opinion de dom ' Mss. d'Auiays, n, 88, p. 75.
An 1 179
88 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
son diocèse, au lieu dit aux Augustins. Au reste, R,aimond, seigneur d'Uzès,
qui fit le traité dont on vient de parler avec le comte de Toulouse, prit le
surnom de R.ascas; il étoit' fils de Bermond I, seigneur d'Uzès Se de Pos-
quières, qui, à ce qu'il jjaroît, vivoit^ encore alors, & dont il hérita de la
moitié de la seigneurie d'Uzès.
LXXVIII. — Le rot d'Aragon vient dans la Province. — Le vicomte de Nimes
se soumet à sa su-^eraineté.
Nous ignorons les circonstances de la guerre que le comte de Toulouse eut
à soutenir, en 1179, contre Alfonse, roi d'Aragon, & ses alliés. Nous appre-
nons seulement de divers monumens que ce roi !k R.aimond-Bérenger, comte
de Provence, son frère, vinrent cette année en personne dans le pa^s; que
le premier étoit à Béziers-^, au mois d'octobre, & que le vicomte Bernard-
Aton lui donna alors la ville de Nimes avec ses dépendances, la forteresse des
Arènes, située auprès de la même ville, le château nommé la tour Magne,
ceux de Marguerittes, Caissargues, Bernis, Beauvoisin, Candiac, Posquières,
du Caviar, d'Aimargues, Avibays, Aujargues, Cauvisson 8<. Clarensac, 8c les
reprit ensuite de lui en fiet, avec promesse de les remettre en paix 6- eu
guerre {iratus &- pacatus) aux comtes de Barcelone, ses successeurs, toutes les
fois que lui 8< les siens en seroient requis; de le servir envers tous 8t contre
tous, de môme que Raimond-Bérenger, comte de Provence, son frère, &; tous
ceux qui tiendroient le comté de Provence des comtes de Barcelone; de tenir
ces domaines en fief des comtes de Provence, & en arrière-fiet des comtes
de Barcelone, tant que le comté de Provence demeureroit dans leur maison;
Si enfin de lui faire prêter serment de fidélité par tous les habitans de
Nimes & des châteaux ci-dessus nommés. Bérenger, archevêque de Tarra-
gone, Arnaud 8<. Raimond de Villa-de-Muls, Pons de Mataplane, Guy de
Séverac, 8t plusieurs autres barons de la cour du roi d'Aragon, turent présens
à cet acte & à l'hommage que le vicomte de Nimes fit en conséquence à ce
jirince.
Un historien d'Aragon'^, qui rapporte mal à propos cet accord à l'an 1180,
prétend que Bernard-Aton, vicomte de Nimes, étoit auparavant vassal des
comtes de Barcelone, Se, qu'ayant refusé de rendre hommage k Alfonse, ce
prince lui fit la guerre & le força k le reconnoître pour son suzerain. 11 ajoute
qu'Alfonse s'étoit mis aussi alors en armes pour ])unir la félonie du vicomte
de Carcassonne, qui s'étoit auparavant reconnu vassal du comte de Toulouse,
St que ce vicomte s'étant soumis, il reçut le roi dans Carcassonne, le 2 de
novembre suivant. A'iais il est certain : 1° Que les vicomtes de Nimes
n'avoient jamais été jusqu'alors hommagers des comtes de Barcelone, Se qu'on
n'a aucun monument qui le prouve. 2° Que le vicomte Bernard-Aton ne se
' Voyez tome IV, VotchW, p. I17. * Ziiriia, Anales i!e la corcna Je Aragon, 1. i,
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIII, c. 35i. C. 33.
' D'Achéry, Spicilegium, t. lo, p. 174 8c scq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV, XIX. 80 — [
' An 1 179
soumit à la suzeraineté d'Altonse S<. du comte de Provence, son frère, que
parce ([u'il setoit ligué avec eux, S< dans le dessein d'obtenir leur protection
contre Pvaifuond, comte de Toulouse, son seigneur naturel. « 3° Que le roi
d'Aragon ne fit pas alors la guerre au vicomte de Nimes, ni à celui de Car-
cassonne, puisqu'ils étoient déjà ligués depuis longtemps avec lui contre
Raimond, à la suzeraineté duquel ils entreprirent de se soustraire pour se
soumettre à la sienne,
LXXIX. — Tour Magne de Nhnes.
Nous observons, à l'occasion de ce traité, que c'est là le plus ancien monu-
ment que nous connoissons où il soit tait mention de la tour Magne de
Nimes, qui servoit alors de forteresse à la ville, de même que l'ancien amphi-
théâtre ou les Arènes. Nous joignons ici le plan de ce qui reste de cette tour,
qui est regardée avec justice par les connoisseurs comme un précieux morceau
de l'antiquité. Elle étoit bâtie sur la plus haute des collines qui environ-
noient la ville riçNimesS* qui se joignoient à ses murs. Plusieurs modernes'
ont parlé de ctr ancien édifice, qui est aujourd'hui à demi ruiné £<. qui n'a
plus que neuf toises S< deux pieds de hauteur, sans qu'on sache l'époque
précise de sa destruction. On peut voir dans leurs ouvrages la description
qu'ils en font. On ne convient pas si c'est aux Gaulois ou aux Romains
qu'on doit en attribuer la construction. On croit que cette tour étoit destinée,
du temps des derniers, pour garder les finances de l'empire. On l'appeloit
tour Magne, parce qu'elle étoit la plus grande, la mieux bâtie 5c la plus (''f,',''"*''!'-
élevée de celles qu'on avoit construito3 d'espace en espace autour des murailles
de Nimes.
I.XXX. — Suite du voyage du roi d'Aragon &• du comte de Provence, son
frère, dans la Province. — Le vicomte Roger reconno'tt leur sujeraineté 6"
leur fait hommage.
Ennengarde, vicomtesse de Narbonne, 8c le comte Pierre de Lara, son «
i.eveu Se son héritier j)résomptif, allies du roi d'Aragon, l'accompagnèrent
dans le voyage que ce prince fit dans la Province en 1179. N'ous avons, en
effet, un acte^ du 17 octobre de cette année, suivant lequel le vicomte Roger
augmenta les droits que Bcrenger de Puiserguier avoit coutume de pcrc.evoir
pour le guidage sur le chemin depuis Béziers jusqu'à Narbonne, Se depuis
' C.T.ui;r, A.it'ï^u'it's Je K'imcs, i». 32 & sulv, — sourgiiier une c«rt,iina somme à prélsver sur I«
MontUucoi^, Antiquité cxpU^uée, supplément, t. ^, péage de Saint-Thibsry à Marseillan, que pej -
? 1^') & suiv. cevait alors un certain Cuiliem- Arnaud. Par le
• Cliitenu de Foix, carlulaire, caisse i">. — Voir second, le Ticotnie autorisa la mém» scigilciir à
cet acte au toir.e VIII, c. 337 8c suiv. Il y eut faire payer le pc^ige de Biziers à Narbonne en
dîiix actes pour cette affaire. Par le premier, Ro- monnaie de Melgueil au lieu de monnaie de Ec-
g;r de BOzicrs donna en fief à Bérenger de Puis- zicrs. [A. M.l
An 1 179
90
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
Saint-Thibéry jusqu'à Marseillan, 6t les lui donna en fief « en présence du
« vénérable seigneur Alfonse, par la grâce de Dieu, roi d'Aragon, comte de
<( Barcelone & marquis de Provence, de dame Ermengarde de Narbonne &
(t du comte Pierre, qui, par ordre du seigneur Roger, furent témoins avec
« Pierre-Raimond de Hautpoul, &.C. » Bérenger de Puiserguier fit son testa-
<t ment' trois ans après.
Le roi d'Aragon Se le comte de Provence, son frère, se rendirent de Béziers
à Carcassonne, où le vicomte Roger fit, le 2 novembre de l'an 1179, la décla-
ration suivante^ en faveur du premier : « Moi, Roger, vicomte de Béziers,
« fils de dame Saura, reconnois devant vovis, mon seigneur Alfonse, par la
<i grâce de Dieu roi d'Aragon, comte de Barcelone, marquis de Provence,
« qu'étant encore enfant, & séduit par le conseil de quelques-uns de mes
« courtisans, je me suis déclaré vassal du comte de Toulouse pour Carcas-
« sonne 8c mes autres domaines, que je dois tenir, à l'exemple de mes prédé-
« cesseurs, de vous, à qui de plus j'ai fait la guerre & que j'ai irrité par cette
« conduite. Me reconnoissant coupable, je vous en demande pardon 81 je
<i me remets en votre pouvoir, avec promesse d'observer fidèlement à l'avenir
(( tous les traités dont nos pères sont convenus 8< d'en faire jurer l'observa-
» tion par les babitans de Carcassonne S< de Limoux, 8c par les grands de
« mon domaine. Je déclare aussi que, si je viens à mourir sans enfans, Rai-
« mond-Trencavel, mon frère, en me succédant, sera tenu aux mêmes obli-
« gâtions envers vous, tant pour le Carcasses, le Razès 8c le Lauragais que
« pour les autres pays que je tiens en fief; 8c qu'en cas que le même Rai-
« mond meure avant moi 8c que je décède sans postérité légitime, vous 8c vos
« successeurs disposerez entièrement de tous ces dojnaines en faveur de celui
(( de mes parens que vous voudrez cboisir. » L'auteur qui rapporte^ cet acte
prétend que le vicomte y fit donation de tous les domaines au roi d'Aragon,
en cas qu'il vînt à décéder sans enfans, 8c il a été suivi en dernier lieu par
un bistorien'^ d'Espagne; mais cela n'est pas marqué &c il y est dit tout le
contraire.
Nous avons plusieurs autres actes passés entre Alfonse II, roi d'Aragon, &
le vicomte de Carcassonne, durant le séjour que le premier fit en cette ville,
au mois de novembre de l'an 11 79 : 1° Roger, qui se qualifie vicomte de
Béjiers & de Carcassonne, donne-'* à ce prince, en propre & en franc-alleu,
le château &c la ville de Minerve avec tout ce qu'il possédoit dans le Miner-
vois ou qu'il y posséderoit dans la suite ; donation qu'il fit au préjudice de
l'autorité^ du roi Louis le Jeune, qui lui avoit accordé la suzeraineté sur ce
pays. 2° Le roi d'Aragon donna'' à son tour, au vicomte Roger, la ville de
Carcassonne 8c le Carcasses avec ses dépendances, le château de Laurac Se le
Lauragais, la ville 8c tout le pays de Razès avec ses dépendances, 8c nommé-
' Cartulaire de l'abbaye d'Aniane.
' Mnrca Hispanica, c. iSyi.
3 IbU. c. 5i3.
' Ferr»ras, ad ann. 1179, n, .f.
^ Murex H'ispanica, c. 13721
^ Voyez tome VIII, Cluirtes, n, IX, c. îyp.
' Marco. Hiffin'ica, c, l'i-ji,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 91
ment la ville de Limoux, le pays de Sault, le château de Termes & le pays
de Termenois, & enfin le château de Minerve 6c. le Minervois, à condition
qu'il les tiendroit en fiet sous sa suzeraineté 8c celle des rois, ses successeurs.
Le vicomte accepta cette donation avec promesse d'être fidèle à AU'onse pour
tous ces pays S<. pour tous ses autres domaines, envers tous 8<. contre tous, &
de ne faire la guerre contre le comte de Toulouse &■ de Saint-Gilles, ou la
paix avec ce prince que par son ordre 8<. des comtes de Barcelone, ses succes-
seurs. 3" Roger' prêta en conséquence serment de fidélité au roi d'Aragon
pour tous ces pays, en présence de Pierre-Raimond de Hautpoul, de Guil-
laume de Saint-Paul Se de plusieurs autres de ses barons. 4° Le roi fit faire ^
serment en son nom par Raimond de Villa-de-Muls, Bernard d'Alion, Dal-
mace de Creixel & deux autres de ses barons, au vicomte, qu'il n'entrepren-
droit rien contre sa personne & qu'il lui conserveroit ses domaines. Le roi
ordonna ensuite à celui qui lui succèderoit dans le comté de Barcelone, soit
mâle, soit femelle, de prêter un pareil serment au vicomte & à ses successeurs
mâles ou j'emelles qui hériteroient de Carcassonne; « à moins, ajoute-t-il,
tt que celui ou celle qui me succédera dans le comté de Barcelone ne fût roi
« ou reine d'Aragon ; car alors il fera prêter ces sermens par les barons de sa
(i cour. 0° Enfin AU'onse &c Roger promirent^ de s'entr'aider dans la guerre
<i qu'ils avoient actuellement l'un 8c l'autre contre Raimond, comte de Tou-
(i louse & de Saint-Gilles, 8v dans celles qu'ils auroient dans la suite avec
(1 lui ou avec ses successeurs, 8v de ne taire aucun traité avec eux l'un sans
« l'autre; avec ordre à leurs successeurs de se lier par une semblable pro-
<■ messe. » Le roi fit jurer celle qu'il fit, 6- qu'il promit d'observer sur sa foi
6» sa croyance, au lieu de serment, par les mêmes barons qui avoient fait
serment dans l'acte précédent; 8<. le vicomte promit d'obsen'er cet accord sur
les saints Evangiles : nouvelle preuve que Roger n'étoit pas hérétique sur
l'article du serment^.
Ce vicomte se rendit^ en même temps vassal de Raimond-Bérenger, comte
de Provence, vicomte de Millau 8< de Gévaudan S<. frère du roi d'Aragon,
pour les châteaux de Brusque, Delpont Se de Murasson, en Rp^ergue; « qu'il
(I lui donna en propre 6- en j'ranc- alleu, Sv qu'il reprit ensuite de lui en fief.
!■ Il lui en fit hommage avec promesse de les tenir de lui en fief S< des comtes
K de Provence, ses successeurs, qui posséderoient la comté (ou plutôt la
» vicomte) de Millau. Roger ajouta ([ue, supposé que les comtés de Pro-
« vence 8; de Millau appartinssent dans la Suite à d'autres qu'au comte do
« Barcelone, lui S<. ses successeurs ne tiendroient ces trois châteaux que de
« ces derniers. » Le roi d'Aragon, durant son séjour k Carcassonne, y donna
' Marea Hlipan'iea, c. li-j'i. des Chartet, t. i , pp. t2j, 114, & dans les Mémoires
* liij. c. 1374. de la Société des lettfes & arts de Carcassonne, t. t,
• Hid, c. 1375. pp. 2^4 à 23j (article de M. Cros-M.-iyrevielle).
' Un serment analogue fut prêté en même temps [A. M.]
par les notables bourgeois de Carcassonne. On ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXX, ce. ijy,
trojvira cet act» dan» Teiilct, /.o/ftte; du Trésor 340.
An 1 179
KJ.oiigin.
t. 111, p. 55,
~; ni HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XI'/.
An 1 179 ■'
un diplôme en faveur de l'abbaye de La Grasse', c[u'il prit souî sa prolection
avec Arnaud, son abbé, S<. tous les domaines qu'elle possédoit dans l'étendue
de ses États; il leur permit de faire construire partout où ils voudroient des
châteaux Se des forteresses.
LXXXI. — Couronnement de Philippe-Auguste qui succède au roi Louis le
Jeune, son père. — Juifs de Toulouse.
Il paroît que la guerre que le comte de Toulouse eut à soutenir en 1179
contre ce prince S<. ses alliés, l'empêcha de se trouver au couronnement de
Philippe, son neveu, que le roi Louis le Jeune, père de ce jeune prince,
associa au trône, & qui fut couronné à Reims, le i" de novembre de la
même année. Les anciens historiens^ assurent cependant que Louis délibéra
là-dessus, à Paris, avec tous les archevêques , les évêques, les allés L- les
barons de tout le royaume; que cette cérémonie fut fixée au i5 d'août, mais
qu'elle fut différée ensuite au 1" de novembre, à cause d'un accident qui
arriva h. Philippe; & qu'enfin ce prince fut couronné à Reims, en présence
des archevêques, des évêques 6- de tous les princes du royaume, que le roi
Louis y avoit assemblés. On ajoute que c'est là la^ première cérém.onie où
on ait vu avec ordre i' détail les pairs de France. En effet, le roi Louis le
Jeune la rét^la lui-même- & ordonna qu'à l'avenir ce cérémonial seroit observé
au couronnement des rois de France; mais aucun auteur ne fait mention en
particulier du comte de Toulouse, & nous n'avons aucun monument qui
prouve qu'il ait assisté au sacre de Philippe-Auguste. Quoi qu'il en soit, ce
jeune roi, qui n'avoit alors que quatorze ans, succéda à la couronne après la
mort du roi Louis le Jeune, son père, arrivée le 18 de septembre de l'année
suivante. On a déjà remarqué que ce dernier, qu'on loue beaucoup pour sa
piété, fut le premier de nos rois de la troisième race qui fit valoir son auto-
rité dans la Province.
Philippe, au commencement de son règne, chassa tous les juifs du domaine
royal; mais ces peuples se maintinrent dans les villes soumises aux grands
vassaux de la couronne, entre autres à Toulouse, comme il paroît par une
sentence'* rendue, au mois de mai de l'an 1181, par Fulcrand, évêque de
cette ville, Se divers ecclésiastiques, ses assesseurs, au sujet du différend qui
s'étoit élevé entre le sacristain de l'église de Saint-Etienne Si les juifs de
Toulouse, touchant les quarante-quatre livres de cire qu'ils étoient tenus de
' Archives de l'abbaye de La Grasse. — Dom Se l'exempte d'une partie des leiides que l'on per-
Vaissetc a confondu deux actes différents de ce cevait dans ses Etats. [A. M.]
prince. On peut les voir dans Maliul [Cartulctire Je ' Rigord, Gesta Phillppi Àugusti, p. 4 & seq —
C.Trcassonne, t. 2, pp. 206, 2.')7), & tome V, ce. 1662, Rogerius de Ilovsden, Annales An^licani, ad ann.
l6!;.3. Par le premier, du i3 octobre 1172, le roi 1179.
d'Aragon permit à La Grasse de faire fortifier la ' Histoire gcncalogijue des grands officiers, t. 5,
ville de KivesalteSj par le tecond , qui est daté p. ?t.
de novembre 1 179, & donné a Pirpisnan (8t non à ' Catel , Mhnoires is l'histoire du Ldngucdoe,
Carcasscnnc;, il prend l'abbaye sous :a protection p. 893 & si;!v.
An 1 180
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. q3
" An I i3o
lui fournir tous les ans le vendredi -saint. Le sacristain assuroit que ces
livres dévoient être du poids commun de Toulouse f £<. les juifs qui furent
condamnés prétendoient au contraire qu'elles dévoient être seulement du
poids de vingt sols la livre, qu'on appeloit livre prime.
LXXXII. — Suite de la guerre entre le roi d'Aragon 6- le comte de Tou-
louse. — Mort de Raimond-Bérenger, comte de Provence j vicomte de
Gévaudan, Oc, — S anche, son frère, lui succède,
La guerre continua dans la Province pendant les années 1180 & 1181 .''-;',-,°'''f^'!V:
r^ * , t. iU , p. 3^
entre Raimond, comte de Toulouse, d'un côté, & Alfonse, roi d'Aragon, &
ses alliés de l'autre, sans que nous en sachions le détail; sinon qu'Alfonse
assiégea' le château de Fourques, situé sur le Rhône, à deux lieues au-des-
sous de Beaucaire, qui appartenoit au comte. Raimond étoit, à ce qu'il paroît,
dans le pays au mois d'août de l'an 1180, & il confirma^ alors, en faveur de
l'abbaye de Saint-André sur le Rhône, la donation d'une partie du château
de Pujault, que Isnard de Gargaia avoit faite à ce monastère en y prenant
l'h.abit religieux. Le roi d'Aragon & le comte de Provence portèrent peut-
être, en 1180, leurs armes dans le Rouergue; car le comte de Toulouse
passa un accord-', le i^"' d'octobre de cette année, avec l'abbé d'Aurillac, aa
camp devant Capdenac, lieu situé sur les frontières du Rouergue & du
Querci.
Cette guerre fut funeste à Raimond-Bérenger, comte ou marquis de Pro-
vence. Adémar'', fils de Sicard, seigneur de Murviel, qui tenoit sans doute le
parti du comte de Toulouse, ayant marché en 1181 à la tête d'un certain An 1181
nombre de chevaliers, se mit en embuscade, le surprit aux environs de Mont-
pellier 81 le tua, le jour de Pâques 5 d'avril, avec Gui de Séverac qui l'accom-
pagnoit.
On prétend' que celui-ci étoit parent du comte de Provence, sous prétexte
qu'il est marqué dans un ancien auteur*^ que Gilbert, beau-père de Rai-
mond-Bérenger III, comte de Barcelone, eut sept filles, dont chacune épousa
divers seigneurs, entre autres le vicomte de Fcnouillèdes, Hugues de Baux,
Gui de Séverac, &c. On suppose'' en môme temps que ces filles de Gilbert
étoient nées d'une même femme qu'il avoit épousée, dit-on, avant son mariage
avec Gerberge, héritière de Provence, 8c qu'il ne se maria avec cette dernière
qu'en secondes noces; mais l'auteur sur lequel on se fonde ne le dit pas; il
met au contraire au nombre de ces filles Étiennette, femme d'Hugues de
Baux, laquelle étoit née certainement du mariage de Gilbert avec l'héritière
'TomeVni, Chartes, n. XXVIII, c. 333 à 335. ' ^:t\nze. Histoire gènéalogi<iue de la maison d'An.
' D'Achéry, Spicilegium, t. 8, p. i jp. vergne, t. i , p. 194.
' GaUia Christiana, t. 2, p. 9Ô.J. " Gaufridus, prior V'osiensis, p. 3^4.
* G;iiifridiis, prior Vosiensis, Labbe, p. 32^. — ' Baliize, Histoire gcnéulo^ijue df la maison d'Av.-
Chronicon Massiliense, danshabbs, Biiliolhcca nova vergne, t. 1 , p. 194,
mss. t. I, p. 341.
An 1 1 8 1
94 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
de Provence. Il n'y a d'ailleurs aucun fond à taire sur cet auteur' qui
donne pour grand-pcrc paternel à ce Gilbert un prétendu Raimond, sur-
nommé Tête-d'Etoupes, vicomte de Carlad, Si qui confond la généalogie des
comtes de Barcelone avec celle des vicomtes de Millau- dont étoit Gilbert;
en sorte qu'il fait descendre par mâles Alfonse II, roi d'Aragon, de ce pré-
tendu Raimond Tête-d'Etoupes, vicomte de Carlad.
Raimond-Bérenger, comte de Provence^, fut apporté après sa mort dans
l'Ile de Maguelonne &. inhumé dans la cathédrale de Saint-Pierre. Ce prince,
dont on fait un grand éloge S< qu'on nous représente comme extrêmement
aimable, étant décédé sans enfans, Alfonse, son frère, roi d'Aragon, lui suc-
céda dans le comté de Provence Se dans les vicomtes de Millau & de
Gévaudan qu'il lui avoit donnés en apanage pour ^ les posséder sous sa suze-
raineté. Alfonse en disposa peu de temps après en faveur de Sanche, son
autre frère, qui se qualifia depuis comte de Provence, comme il paroît par
divers monumens"^. Au reste, nous ne relèverons pas ici l'erreur de quelques
modernes qui ont prétendu que ce fut Bertrand de Baux qui fut tué le jour
de Pâques de l'an ii8i par [Adémar fils de] Sicard de Murviel : d'autres^
l'ont fait avant nous.
LXXXIII. — Le roi d'Aragon ravage le Toulousain,
Le roi d'Aragon, irrité au dernier point de la mort tragique du comte Rai-
mond-Bérenger, son frère<^, résolut d'en tirer vengeance. Ce prince, qui
étoit '^ à Montpellier avec le comte Sanche, son frère, au mois de juin de
cette année, alla assiéger le château de Murviel, situé dans le diocèse de
Béziers, le prit, le rasa Se fit main basse sur tous ceux des habitans qui eurent
le malheur de tomber entre ses mains. Il s'avança^ ensuite dans le Toulou-
sain à la tête de ses trou]ies, prit divers châteaux, vint camper sous les murs
de Toulouse, sans que le comte Raimond osât se montrer; fit le dégât dans
tous les environs St passa de là en Aquitaine, où il alla conférer avec le roi
d'Angleterre, son allié.
LXXXIV. — Expédition du cardinal-légat Henri, évêque d'Alhano, dans la
Province, contre les hérétiques du haut Languedoc. — Siège 6- prise de
Lavaur.
Les troubles que cette guerre causa dans la Province donnèrent occasion
aux hérétiques de s'y fortifier sous la protection du vicomte Roger qui les
■ Gaiifiidus, prior Vosiensis, p. 3^4. ' Bahize, Marca H'upnnica, c. 5i5.
' Ibid. p. 326. — Chronkon M.^ssilie:i!e, ut s:i- " Gaufndiis, prior Vosiensis. — Chronieon Massi-
pra. Uense. — Gc^ta coniitum Barctnonensium , c. 22.
' Gêna comitum Barcinoncnsium, c. 22. " Bouche, Chorographie ou description de h Pio-
* Bouche, Chorographie ou description de In Pro- vence, t. 2, p. 1 ")3 & suiv,
vcnce, t. 2, p. 153 & suiv. ' Gcsta comitum Rcircinor.eiisium , c. 2;.
An I I 8i
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. çS
favorisa, à ce qu'il paroît, plus par politique que par inclination pour leurs
erreurs, dans le dessein de s'en servir contre le comte de Toulouse, leur l'j orifiin.
ennemi 8t le sien. Ces sectaires se fortifièrent dans divers châteaux de son
domaine d'où ils répandoient leur venin dans toute la Province. Le pape
Alexandre III, informé de leurs progrès, résolut d'envoyer un légat dans le
pays. Il choisit après le concile de Latran, pour cette commission, Henri,
abbé de Clairvaux, qu'il venoit d'élever au cardinalat S<. à l'évêché d'Albano,
8<. qui avoit donné des preuves de ses talens 5c de sa capacité dans la mission
qu'il avoit faite à Toulouse, deux ans auparavant, avec le cardinal de Saint-
Chrysogone. Henri' se rendit bientôt après dans la Province, Se nous avons
des preuves^ qu'il exerçoit sa légation dans le bas Languedoc, dès l'an 1180.
Il persuada par la force^ de son éloquence à un grand nombre de catholiques
de prendre les armes & de le suivre 5 & ayant formé un petit corps d'armée
il s'avança vers les domaines du vicomte Roger. Étant arrivé dans le pays, il
y donna audience dans le château de Lescure, le l'^de juillet de l'an iiSi'*,
à l'abbé de Sainte-Croix de Bordeaux, qu'il y avoit ajourné avec l'abbé de
Saint-Sever-Cap, pour les entendre sur les prétentions réciproques qu'ils
avoient sur le monastère de Souillac.
Un historien du temps"' donne en cet endroit le nom d'albigeois aux héré-
tiques que le cardinal Henri alla combattre; & c'est là le plus ancien monu-
ment que nous trouvons où on ait qualiiié ainsi les sectaires qui causèrent
tant de ravages dans la Province à la fin du douzième siècle Si au commen-
cement du suivant : mais il paroît que cet auteur ne leur donne ce nom,
qui 'ne fut commun* à tous que longtemps après, qu'à cause que le légat
Henri commença sa mission par ceux qui étoient répandus dans le pays
d'Albigeois où ils se maintenoient sous la protection du vicomte Roger. On
ne marque pas les circonstances de l'expédition que le légat entreprit dans
ce pays, 81 on se contente de nous apprendre qu'il alla^ quelque temps après
mettre le siège devant le château de Lavaur, l'une des principales places de
ce vicomte.
Raimond de Baimiac Se Bernard Raimundi, ces deux chefs des hérétiques
qui, après avoir été excommuniés à Toulouse, en 1178, par le cardinal de
Saint-Chrysogone, s'étoient réfugiés dans ce château, y avoient établi le
principal siège de l'hérésie. Le cardinal Henri, après l'avoir investi, l'attaqua
vivement. Les assiégés s'opposèrent de leur côté avec beaucoup de vigueur à
tous ses efforts; mais enfin Adélaïde de Toulouse, femme du vicomte, livra
elle-même la place à ce prélat, qui s'en rendit maître, à ce qu'on assure^,
par une espèce de miracle. On ne parle que d'un chevalier, nommé Raimond
' Manriqiie, Clstercicmes annales, aJ ann. 1 182, ^ Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. 3i6. ^
c. 2. Voyez lome VII, Note XIII, p. B.i.
" Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIII, c. 35o. ' Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. ^26.
' Robert II s Ahissiodorensis.C/ironicon, ann. 1181. — Guillehnus de Podio Laiireniii, Chronicon, c. z.
— Gnufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. Szô. ' Manriqiie, Cislercienset annales, ad ann. 1 182,
■• Tome Vin, Chartes, n. XXXV, c. Syi à SyS. c. 2.
An 1 i3i
Ed. ori^in.
t. 111. p. ii
96 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
de Venoul, qui fut tué à cette expédition, après laquelle le vicomte Roger
se soumit 8i promit avec les principaux du pays de renoncer entièrement à
l'erreur. Henri l'obligea en même temps à lui remettre les hérétiques qui
étoient à Lavaur dont les deux principaux chefs Raimond de Baimiac 8c
Bernard Raimvmdi se convertirent Se embrassèrent l'institut des chanoines
réguliers; ce dernier dans la cathédrale de Toulouse, & l'autre dans l'église
de Saint-Sernin. On ajoute' que le légat persuada aux autres d'abjurer leurs
erreurs api^s les leur avoir fait connoître publiquement. Mais la conversion
de ceux-ci ne fut qu'apparente, & il est certain^ que l'hérésie, au lieu de
s'affoiblir, prit de nouvelles forces dans le pavs.
Quelques historiens^ font entendre que le cardinal Henri étendit en nSi
sa légation dans la Gascogne, & qu'il réduisit les hérétiques autant par la
force de sa prédication que parcelle de ses armes. Nous apprenons d'ailleurs,
d'une lettre'* d'Etienne de Tournay, abbé de Sainte-Geneviève de Paris, qui
l'alla^ joindre alors dans la Province pour quelque commission dont le roi
Philippe-Auguste l'avoit chargé, que ce légat s'avança au delà de Tculouse,
Jusque vers les frontières d'Espagne, ha. description que fait Etienne danj
cette lettre du triste état où il trouva le pavs prouve que la guerre qui \-
étoit allumée entre le roi d'Aragon & ses alliés d'un coté, &<. le comte de
Toulouse de l'autre, 8c qui y avoit attiré une foule de brigands, l'avoit mis
dans une extrême désolation. « La crainte du danger éminent où je me
« trouve exposé, dit l'al^lié de Sainte-Geneviève, par les courses des voleurs,
« des Cotereaux, des Basques Se des Aragonois, tait que je supporte avec
« moins de peine les fatigues du long & pénible voyage que j'ai entrepris.
« Je suis l'évêque d'Albano par les montagnes Se les vallées Se au milieu c'cs
« déserts. Je ne trouve partout que des villes consumées par le feu ou des
« maisons ruinées; les périls qui m'environnent me rendent l'image de !a
a mort toujours présente; on m'assure que je trouverai ce prélat au delà de
i<. Toulouse, près des Espagnols, Sic. »
LXXXV, — Déposition de Pons d'Arsac, archevêque de Narhonne,
Bernard- Gaucelin lui succède.
Etienne de Tournay parle encore, dans un autre endroit^, de l'état déj>îo-
rable où étoit alors la Province. C'est dans une lettre qu'il adressa à Jean de
Belles-Mains, évêque de Poitiers Se légat du Saint-Siège, pour le féliciter
« de ce qu'ayant été nommé à l'archevêché de Narbonne il avoit été promu
« bientôt après à celui de Lyon, Se de ce qu'il étoit exempt par là de pani-
u ciper à la barbarie des Goths, à la légèreté des Gascons Se aux mœurs
' Mnnriqtie, ad nnn. i i8i, c. 2. ■* StcphariDS Tornacensis, Epht. 73.
• G.uifridus, ptior V'osiensis. — Hugo Aiitissio- ^ Voyez tome VII, NoieV, n. vu, pp rrj, 20.
dorensis. " Sto^îhaniiS Torn.iteiisis, Epi;t. ■:).
' Robertus de Mont.", Chror.'icon, ;id nn:i. iioi.
— Giiilhiiiir.s de N,i!is;is, Cltrçniccn, ad ann. 1 iSi,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 07 -" ~
7/ An 1181
« féroces des peuples de la Septimanie, où régnent, ajoute-t-il, plus qu'on ne
« sauroit croire, l'infidélité, la feinte, la tromperie Se la douleur. J'ai eu en
« dernier lieu, en passant dans le pays, dit-il ensuite, lorsque le roi m'en-
« voyoit à Toulouse, une image de la mort la plus terrible toujours présente
« devant mes yeux; j'y ai vu les églises brûlées ou presque détruites, 61 les
« lieux qui servoient auparavant d'habitation aux hommes devenus la retraite
(i des bêtes. J'avoue que j'ai été affligé en apprenant que vous étiez destiné
« pour un pays où vous pouviez espérer difficilement de faire quelque fruit;
« mais j'ai été rempli de joie quand j'ai su que vous étiez appelé à Lyon. »
Un historien contemporain' fait mention, sous l'an ii8i,de la promotion
de l'évêque de Poitiers à ces deux archevêchés de la manière suivante : « Jean,
« évêque de Poitiers, dit cet auteur, personnage recommandable par son
« érudition & son éloquence, ayant été élu à l'archevêché de Narbonne, 8c
« ayant entrepris le voyage de Rome pour aller recevoir sa confirmation, fut
« élu par le clergé de l'église de Lyon, du consentement du pape Luce. »
Enfin nous apprenons d'un ancien monument^ que les archevêchés de Nar-
bonne ik de Lyon étoient alors vacans par la déposition des deux arche-
vêques qui les remplissoient auparavant, « & que le cardinal Henri déposa
« ces deux prélats dans un esprit véhément, parce qu'ils ne faisoient aucun
« fruit, 8c qu'ils étoient répréhensibles. » On ignore le nom de l'archevêque
de Lyon qui fut alors déposé de son siège ; mais il n'y a pas^ lieu de douter
que l'archevêque de Narbonne qui subit un semblable sort, ne soit Pons
d'Arsac, qui possédoit cet archevêché depuis l'an 1162. Il paroît que les deux
archevêques ne furent pas déposés en même temps, mais en différens conciles
que le légat Henri aura tenus pour cela en 1181. On vient de voir, en effet,
que l'évêque de Poitiers avoit été élu à l'archevêché de Narbonne avant le
siège du château de Lavaur, qui fut entrepris au mois de juillet de cette
année, £c qu'il ne fut promu à l'archevêché de Lyon que sous le pontificat
à\x pape Luce 111, élu le 29 d'août suivant. Bernard-Gaucelin, de la maison
des seigneurs de Lunel, évêque de Béziers, fut élu archevêque de Narbonne,
après la promotion de l'évêque de Poitiers à l'archevêché de Lyon'*, 8c il con-
serva l'administration^ de lévêchè de Béziers jusqu'en 1184, que Geofroy fut
élu à cet évêché : ce dernier étoit de la maison des vicomtes de Marseille 8c
auparavant religieux dans l'abbaye de Saint-Victor de cette ville.
LXXXVL — Concile du Puy. — Vicomtes de Polignac,
Le cardinal Henri, après avoir terminé son expédition contre les hérétiques,
prit la route du Vêlai 8c tint^ au Puy, le i5 de septembre de l'an 1181, un
■ Robtrtiis de Monte, p. 806. — Pagi, ann. * Le sicge de Narlionne vaquait le 16 mai 1182,
1 181 , n. 6. date d'une bulle de Luce III (Gall'ia Christ iana, t. 6,
' Tabula. sepuUhralis ClaraevalUns'ium , apud Instr. c. 46; voir tome V, ce. t^66, iHCy). [A. M.)
Manrique. ' GaWa Christiana, nov. éd. t. 6,
> Voyez tome VII, Hôte VII, pp. 19, ïo. "= Tome VIII, Chartes, n. XXXV, ce. 371 à 373.
VI, - ,
t. m, p. 59.
"~ ;; — n8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1181 /
concile auquel les évêques de Poitiers, du Puy, de Maguelonne &. de Lodève
se trouvèrent. Il se rendit de là à Cîteaux, où il assista au chapitre général '
de son ordre. Étant retourné en Gascogne, il tint à Bazas le concile de la
province d'Auch, le 8 de décembre suivant, 8c présida à celui des deux pro-
vinces de Bourges & de Bordeaux, lequel fut assemblé à Limoges, le troisième
dimanche du carême de l'année suivante.
Quelques jours avant ce concile du Puy, Héracle, vicomte de Polignac, se
rendit^ dans cette ville, & là, touché du repentir, il promit, du conseil de
son père, à Géraud, évêque de Cahors, & à quelques autres chanoines de
Rrioude, de réparer le dommage qu'il leur avoit causé pour la somme de plus
de deux mille marcs d'argent lorsque, s'étant associé deux ans auparavant
avec des étrangers (c'est-à-dire sans doute avec les routiers qui causoient des
Kd. oiigin. ravages infinis dans tout le royaume), il avoit attaqué, pillé Se brûlé la ville
de Brioudc & le village de Saint-Germain. Héracle, fidèle à sa promesse, se
rendit à Brioude, au commencement du inois de septembre, & fit la satisfac-
tion suivante, de l'avis du vicomte, son père, de Guillaume, comte de Mont-
ferrand, son beau-père, &t de plusieurs personnes de distinction. 11 entra
dans la ville nu-pieds, 6t, étant arrivé à la porte de l'église de Saint-Julien,
il se soumit à la pénitence. Il alla ensuite à l'autel du saint martyr Se se
rendit enfin au chapitre, où il se remit à la discrétion des chanoines, auxquels
il céda le château de Cusse avec ses dépendances & quelques autres domaines
qu'ils lui rendirent ensuite pour les tenir d'eux en fief, à condition qu'aucun
des vicomtes de Polignac, ses successeurs, ne pourroit aliéner ce château.
Héracle accorda en même temps divers privilèges aux chanoines 8c aux habi-
tans de Brioude.
Héracle fut le troisième vicomte de Polignac de son nom. Il étoit fils de
Pons II, lequel vivoit alors. On vient de voir qu'il avoit épousé la fille du
comte de Montferrand, c'est-à-dire de Guillaume VII, comte d'Auvergne,
lequel se qualifia^ comte de Clermont & de Montferrand, 8c dont les descen-
dans prirent le titre dauphins d'Auvergne. On assin-e"^ que cette fille s'ap-
peloit Belissende, Se c'est sans doute la même qu'Assalide, fille du même
comte, qu'on donne pour femme à Béraud^, sire de Mercœur, sur l'autorité
d'un moderne^ qui est fort sujet h caution. Mais si cette Assalide ou Belis-
sende épousa le seigneur de Mercœur, ce fut en secondes noces. Quoi qu'il
en soit, il est du moins certain qu'Héracle III, vicomte de Polignac, épousa
une fille de Guillaume VII, comte d'Auvergne; car, outre le témoignage que
nous venons de rapporter, 8c qui le prouve manifestement, nous voyons que
Dauphin, comte de Clermont 8c de Montferrand, fils de ce comte, en faisant
■ Manrique, ad ann. 1 182, c. 2. ' Baluze, Histoire géncalogi^tte de la maison d'Au-
^"Z^xXuzGy Hisloire généalogique delamaison d' Au- veriync, t. 2, p. 65,
vergne, t. 2, p. (53 & siiiv. ' >'o5trnci;imus, Fie des poètes proyençauXj p. 3i
' Ihid. t. 2, p. 61 &. suiv. & >!:iï.
■' Chabron, Histoire ms. de la maison de Poli-
gnr.c, 1. 7, c. 9.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 99
mention de' Pons III, vicomte de Polignac, fils d'Héracle III, l'appelle son
neveu; en sorte que ce Pons étoit fils de la sœur de Dauphin, St non pas de
la sœur de la comtesse de Montferrand, sa femme, comme on le prétend^ sur
l'autorité d'un monument^ qui ne le dit pas. Pons III, vicomte de Polignac,
avoit déjà succédé, en 1198, à Héracle III, son père, comme il paroît par la
donation que Dauphin, comte de Clermont, son oncle, lui"* fit alors du châ-
teau de Salazuit, au diocèse de Clermont. Le même Dauphin, comte d'Au-
vergne, accorda, au mois de juillet de l'an 1201^, le vicomte Pons, après la
mort du vicomte Héracle, son père, avec les chanoines de Brioude, touchant
l'exécution de la cession du château de Cusse, que ce dernier leur avoit faite
en n8i, & qui a donné lieu à cet article. Héracle III fonda "^ le prieuré de
Viage, de l'ordre de Grandmont, auprès de la Voulte-sur-Loire, en Vêlai.
LXXXVII. — Les vicomtes de Carcassonne & de Nîmes continuent la
guerre contre le comte de Toulouse, qui fait des règlemens de police pour
cette ville.
Roger, vicomte de Béziers 8c de Carcassonne, après l'expédition du cardinal
Henri, reprit les armes contre le comte de Toulouse, à qui il continua de
faire la guerre. 11 se rendit au château^ de Combret, en Rouergue, au mois
d'août suivant. Se y reçut l'hommage des seigneurs de ce château. Il passa de
là à Albi, où les chevaliers du cliâteau vieux de cette ville lui firent ^ ser-
ment, le dernier jour du même mois, « de l'aider dans toutes les guerres
« qu'il avoit ou qu'il auroit dans la suite avec le comte de Toulouse & ses
K enfans. « Il fit un accord avec Sicard, vicomte de Lautrec, son beau-frère,
qui renonça au serment que les seigneurs 8c les chevaliers du château de
Montredon lui avoient fait de le secourir durant les guerres présentes que
Roger avoit avec le comte de Toulouse. Sicard remit en même temps à Roger la
dot que ce dernier avoit donnée à Adélaïde, sa sœur^' en la mariant avec lui.
Enfin nous trouvons que le vicomte Roger 8<. Raimond-Trencavel, son frère "^,
permirent conjointement, au mois d'avril de l'an 1182, de rebâtir le château
de Belcastel, dans le comté de Razès. Il paroît, d'un autre côté, que Bcrnard-
Aton, vicomte de Nimes, afin de fournir aux frais de la guerre qu'il avoit
entreprise contre le comte de Toulouse, engagea", au mois d'août de l'an 1181)
pour treize mille sols melgoriens, à Pierre-Raimond, évêque d'Agde, tout ce
qu'il possédoit dans cette ville '^.
■ Baluze, Histoire généalogique de la maison d'Au- ' Voyez tomeVIII, Chartes, n. XXXIII, ce. 35i
vergne, t. i, p. zôi. £' ^^>••
' Ihid. p. 182 & suiv. ' Voyez tome VII, î/clc XVIII, n. iv, pp.56, Sy.
' Ibid. t. I, p. 258. '° Cartulaire du château de Foix.
* Ihid. p. 2ÔI. " Gallia Christiana, nOT. éd. t. 6, in episcopis
'' Ihid. pp. 64 & 65. Agathensihus.
* Chabron, Histoire mss. de la maison de Poli- '' A cette même année 1181 se rapporte une pro-
gnac, 1. 7, c. Q, messe faite par le vicomte de Béziers à l'évêque de
* Cartulaire du château de Foix. cette ville (tome VIII, ce. 358, Sjp); le vicomte
An 1181
An 1 1 iJ 1
Cd. origin.
t. 111, p. 00.
lOO
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An ii8i
Quant au comte de Toulouse, il iit un voyage en Queici, au commence-
ment du mois d'août de l'an ii8i, Si il donna alors' à l'abbaye de la Garde-
Dieu, située dans ce pays, par le conseil de Guillaume de Melle, son viguier,
diverses terres qu'il avoit acquises de l'abbaye d'Aurillac, Sec, en présence de
Géraud, évêque de Cabors, Raimond, vicomte de Turenne, Guillaume de
Balaguier, abbé de Figeac, &C. Ce prince revint peu de temps après à Tou-
louse St il y tit dresser, au mois^ d'août, des règlemens de police, de l'avis
du chapitre {capituli) & du commun conseil de la ville & du faubourg. Il fit
quelques^ autres statuts semblables, au mois de mars de l'an ii8i (1182), 8c
il accorda divers privilèges à l'abbaye de Grandselve'', qu'il exempta entre
autres de leude ou de péage dans toutes ses terres, en présence de Pierre de
Saint-André, prieur de l'Hôpital, dans le Toulousain.
LXXXVIII. — Mort de Guy Burgundion de Montpellier.
Le comte de Toulouse fut délivré, au mois de décembre suivant, d'un de
ses ennemis en la personne de Burgundion de Montpellier, qui fit son testa-
ment'^ au mois de novembre de la même année. Burgundion légua par cet
acte tous les domaines qu'il possédoit dans le diocèse de Maguelonne à Guil-
laume VIII, seigneur de Montpellier, son frère, excepté quelques biens qu'il
destina pour certains legs & le payement de ses dettes. Il fit liéritière Bur-
gundiose, sa fille unique, qu'il mit sous l'administration d'Adélaïde de
Cognas, sa femme, tant que celle-ci vivroit en viduité : sinon il lui donna
s'engage par cet acte à ne point laisser rentrer
dans la ville un certain Pierre Vairat le Gros &
sa famille, qu'il qualifie de traîtres. L'évêque &
l'église de Saint-Nazaire purent confisquer les
terres que ces faidits tenaient d'eux. Il s'agit pro-
bablement ici de quelqu'un des chefs de la grande
révolte de 1167, révolte dirigée contre le pouvoir
de l'évêque aussi bien que contre celui du vicomte.
— Mentionnons encore un autre acte de cette an-
née, qui se rapporte aussi à l'évêché de Béziers
(tome VIII, c. 3;j9), C'est l'aliénation par l'évêque
Bernard Gaucelin, moyennant la somme de mille
sous de Melgueil, de sa part de la leude sur le bois,
les bateaux 8c les marchandises transportées par
eau. Le tiers de cette leude appartenait à l'évêque,
le reste au vicomte. D'après une clause du contrat,
relative à la mort de l'acheteur dans les cinq ans,
il semble que la part annuelle moyenne de l'évê-
que ait été de deux cents sous (de Melgueil), ce
qui porte le rendement annuel de cette leude à
six cents sous, somme assez forte pour l'époque.
En effet, d'après le tableau de M. Germain {Etudes
sur les monnaies seigneuriales Je Melgueil, p. 207),
de I 174 à 1 ii5, le sou de Melgueil valut 0,99 c.
de notre monnaie. Pour avoir la valeur relative,
jl faut au moinç sextupler cet!« valeur intrinsèque,
& l'on arrive à un total voisin de trois mille six
cents francs par an, dont le vicomte touchait deux
mille quatre cents francs & l'évêq^ie mille deux
cents. Remarquons que ce péage se levait unique-
ment sur le flottage de l'Orb, qui ne pouvait être
bien considérable. [A. M.]
' Gallia Christianay nov. éd. t. 1, ïnstrum. p. 47.
' Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. 204
& suiv. — On peut voir cet acte d'août 1181,
tome VIII, c. 370. Il confirme aux habitants de la
ville & du bourg le droit de marque ou de repré-
sailles. On y ajouta encore des règlements sur le
métier des forgerons & des charpentiers, sur la
vente du poisson au détail, sur le prix de la
viande, le commerce du bois de construction & en
général de tous les objets de bois {arcae, vasa,
circuit, latae, scamna, lecti). Quant aux règlements
de mars 1182, que Catel a aussi publiés, & dont
notre auteur va parler tout à l'heure, on les trou-
vera au tome VIII, ce. 364, 365. Ils ont trait au
prix des poissons, & fixent le tarif que les ven-
deurs au détail devront observer. [A. M.]
^ Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. 216.
^ Archives de l'abbaye de Grandselve.
= Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIV, ce. 345
à 313.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC, LIV. XIX. loi
la jouissance de la moitié du château de Paulhan &. des autres domaines
dont leur lille devoit hériter. Burgundiose ne survécut pas longtemps à son
père, 8c elle décéda avant que d'avoir atteint lage de puherté. Guillaume,
seigneur de Montpellier, son oncle, prétendit lui succéder dans les châteaux
de Paulhan & du Pouget, situés dans le diocèse de Béziers Se dans ses autres
domaines, comme substitué à ces biens par Guy Guerrejat, son oncle paternel.
Adélaïde de Cognas, mère de Burgundiose, lui disputa la succession. Ils ter-
minèrent enhn leur différend par une sentence arbitrale, datée du mois de
février de l'an ii83. Guillaume VIII réunit par là ces deux châteaux à son
domaine; Se c'est en qualité de seigneur de Paulhan qu'il confirma', en ii85,
les donations que Guy Guerrejat, son oncle, avoit faites à l'abbaye de Val-
magne, à laquelle il donna d'autres domaines. Jean de Montlaur, évêque de
Maguelonne, fut le principal exécuteur testamentaire de Burgundion de
Montpellier^.
LXXXIX. — Le hîenhetireux Bernard.
Ce prélat' imposa, en 1170, une pénitence publique de sept ans à un de
ses diocésains nommé Bernard, homme de condition, qui lui avoit confessé
ses péchés. 11 lui ordonna entre autres de marcher toujours nu-pieds, de ne
point porter de linge, de jeûner ou de faire abstinence fort souvent. Sec. On
croit que Bernard étoit complice de l'assassinat de son seigneur dont on ne
dit pas le nom. Après avoir reçu les lettres de pénitence de son évêque, qu'il
fit confirmer par l'archevêque de Narbonne, son métropolitain, il entreprit
de longs pèlerinages, entre autres celui de Jérusalem; parcourut toutes les
parties du monde & voyagea jusqu'aux Indes. Il se fixa enfin à Saint-Omer,
en Artois, près de l'abbaye de Saint-Bertin, où il continua de vivre dans une
pénitence beaucoup plus rigoureuse que celle que son évêque lui avoit
imposée. 11 mourut enfin dans cette abbaye en 1182, après y avoir été revêtu
de l'habit monastique. La vie extrêmement mortifiée qu'il avoit menée, le
grand nombre de miracles que Dieu opéra par son ministère durant sa vie 8c
après sa mort par son intercession lui ont fait donner le titre de bienheureux
avec celui de pénitent"*,
■ Archives de l'abbaye de Vnlmagne. moulins du Bazacle (tome MTI, ce. Scç, 3i r). Un
' Un peu auparavant, en avril i i 8 i , le seigneur certain Raimond Gautier empêchait le prieur de
de Montpellier avait autorisé uns partie des habi- la Daurade & Raimond Besant d'attacher leurs
tanis de Lattes à établir dans leur ville un port moulins à la rive du fleuve & leur interdisait
& UP entrepôt de commerce («Viicar^are & ejt/vflre 6- l'approche des bords de celui-ci, sous prétexte
mittcrc pcnes vos averum suum). Voir ÎA. Cerm3in, que les rives de la Garonne lui appartenaient.
Commerce Je Montpellier, t. i, p. 187. [A. M.j Les demandeurs niaient le fait & ils eurent défi-
' Acta Sanctorum, avril, t. 2, p. 675 & seq. nitivement gain de cause, leur partie n'ayant pu
* A cette année Ii8j. (mars) appartient un eu- prouver ses dires [A. M.]
rieux règlement des consuls de Toulouse pour les
An 1 182
-: : — 102 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 102
•XC. — Le roi d'Aragon i- la vicomtesse de Narhonne se liguent avec Henri II,
roi d'Angleterre, contre le jeune roi, son fils, qui appelle le comte de Tou-
louse à son secours.
La guerre & les dissensions qui s'étoient élevées' entre Alfonse II, roi
d'Aragon, & ses alliés d'un côté, Se le comte de Toulouse de l'autre, conti-
nuèrent cependant en 1182. C'est ce que nous avons lieu d'inférer d'un acte
par lequel Alfonse, étant à Aix, en Provence, au mois de décembre de cette
année, confirma les donations des moulins de Paulhan que Guy Guerrejat
de Montpellier & son neveu Burgundion avoient faites à l'abbaye de Val-
magne; car c'est une preuve que ce prince se regardoit alors comme suzerain
dans les diocèses de Béziers & d'Agde, au préjudice du comte de Toulouse.
On voit d'ailleurs entre les hommages^ que Pvoger II, vicomte de Béziers &
~ ~! de Carcassonne, reçut en ii83 de plusieurs de ses vassaux, celui d'Aymeric
An ii83 ' ' 1 1) • I 1 1
de Roquefort, qui promet de 1 aider dans toutes ses guerres contre le comte
de Toulouse &• ses autres ennemis. Enfin ce comte 81 le roi d'Aragon prirent
ÉJ-origin. cette année deux partis opposés, & marchèrent en Aquitaine à la tête de
leurs troupes ; le dernier au secours de Henri II, roi d'Angleterre, Se l'autre
pour soutenir le jeune Henri, fils de ce prince; ce qu'il faut reprendre de
plus haut.
Le jeune Henri, toujours mécontent de ce que le roi, son père, l'ayant
associé au trône, ne lui donnoit aucune part au gouvernement, tandis que
Richard & Geoffroy, ses frères puînés, administroient l'un le duché d'Aqui-
taine &. l'autre la Bretagne, fit tous^ ses efforts, en 1182, pour obtenir le
duché de Normandie; mais n'ayant pu réussir il vint en Aquitaine où le duc
Richard, son frère, étoit en guerre avec les grands du pays qui s'étoient
révoltés contre lui, à cause de ses vexations & de son extrême cruauté. Le roi
Henri II & Geoffroi, comte de Bretagne, son fils, ayant marché aussi au
secours de Richard, ils agirent tous quatre dé concert contre les rebelles.
Alfonse '^ II, roi d'Aragon, 8c Ennengarde, vicomtesse de Narbonne, ame-
nèrent des troupes à ce prince 81 le joignirent à Périgueux. Ils assiégèrent
ensuite, vers la fin du mois de juin, le Puy ou château de Saint-Front, prin-
cipale forteresse de la ville de Périgueux, sur Talayrand, comte de Périgord,
qui favorisoit les ennemis de Richard. Ce duc fit peu de temps après la paix
avec les rebelles; mais elle ne fut pas de longues durée. La guerre recom-
mença ; elle continua avec divers succès de part 8<. d'autre jusqu'à la fin de
Tannée que la division se mit parmi les trois princes d'Angleterre, fils de
Henri II. Le jeune roi & Geoffroy, comte de Bretagne, se liguèrent contre
le duc d'Aquitaine, leur frère, avec les deux comtes d'Angoulême, Adhémar,
■ Voyez tome VIII, Chartes, il. XXXIV, c. 367. Dicato. — Gervasius, monachus Doioberiiensis.
' Cartiilaire du château de Foix. — Robertus de Monte, ann. i i83.
' Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. 33o * Le P. Labbe, BïHiotlicca nova manuscriptorum,
& seq. — Rogerius de Hoveden. — Radulfus An t. 2, p. ySp,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. io3
An iiS.î
vicomte de Limoges, Raimond, vicomte de Tuienne, Pierre, vicomte de
Castiiion, £< plusieurs autres barons. Le roi Henri II, voulant mettre la paix
parmi ses fils, s'approcha de Limoges; mais les habitans donnèrent sur ses
troupes 8c prêtèrent serment de fidélité au roi, son fils, qui se révolta alors
ouvertement contre lui. Ce jeune prince, pour se soutenir, appela à son
secours le roi Philippe-Auguste, son beau-frère, Hugues, duc de Bourgogne,
Raimond, comte de Toulouse, 8c plusieurs autres princes, qui s'empressèrent
de le secourir, parce qu'il étoit autant aimé pour ses excellentes qualités que
le duc d'Aquitaine, son frère, étoit détesté pour ses vices. Le duc de Bour-
gogne 8c le comte de Toulouse l'allèrent joindre en personne ; mais le roi
Philippe-Auguste se contenta de lui envoyer un corps d'aventuriers nommés
paillais (palearios), lesquels faisoient partie de ces brigands qui, sous diffé-
rens noms, désoloient alors le royaume. Le jeune Henri les prit à sa solde
8c dépouilla les églises du Limousin 8c leurs trésors pour avoir de quoi les
entretenir.
Le roi d'Angleterre, résolu de punir la révolte de son fils, implora de son
côté le secours du roi d'Aragon, son allié, 8c de plusieurs autres princes de
deçà la mer, qui vinrent le joindre dans le Limousin. Après leur arrivée, il
s'empara de Limoges 8c assiégea ensuite, le i" de mars de Tan ii83, le châ-
teau de cette ville dont le jeune roi prit la défense. Les pluies abondantes
qui survinrent obligèrent, au bout de quinze jours, la plupart des troupes
qui formulent le siège à se retirer. Henri H le continua cependant comme il
put, 8c il célébra la fête de Pâques à Limoges, où le jeune roi, son fils, qui
étoit sorti du château 8c s'étoit emparé d'Angoulême, vint pour l'assiéger;
mais les habitans le repoussèrent avec tant de force qu'il fut obligé de se
retirer. Le jeune roi se dédommagea par la prise du château d'Aix, situé aux
environs. Il se rendit ensuite à l'abbaye de Grandmont dont il enleva le
trésor de l'église, 8c en fit autant dans celle de la Couronne où le duc de
Bourgogne le joignit. De là ils allèrent à Uzerche à la rencontre du comte
de Toulouse, qui y arriva le jour de l'Ascension, :6 de mai. Le jeune roi se
sentit alors incommodé; mais cela ne l'empêcha pas d'aller le lendemain à
Donzenac, 5c le lundi suivant à Martel, château de la vicomte de Turenne,
situé sur les frontières du Limousin. Enfin, après avoir été en pèlerinage à
Notre-Dame de Rocamadour, il revint à Martel, où sa maladie augmenta si
considérablement que, se voyant sans ressource, il demanda les derniers sacre-
mens. Les évêques de Cahors 8c d'Agen, l'abbé de Dalon 8c plusieurs autres
ecclésiastiques les lui administrèrent, 8<. il les reçut avec de grands sentimens
de componction, en présence du duc de Bourgogne 8c du comte de Toulouse,
qui ne le quittèrent jamais. 11 témoigna surtout beaucoup de regret de la ^%°"^'"j,
guerre qu'il avoit entreprise contre le roi, son père, £c il écrivit à ce prince
pour lui demander pardon 8c le prier de traiter plus humainement la reine
Eléonore, sa mère, qu'il tenoit prisonnière depuis plus de sept ans dans le
château de Salisbury. 11 mourut peu de temps après à Martel, le jour de
Saint-Barnabe, ii de juin de l'an ii83.
An 1 1 83
104 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XIX.
Aymar, vicomte de Limoges, conduisit ' son corps jusqu'à l'abbaye de
Grandraont où on célébra ses obsèques &. où on inhuma ses entrailles. Son
corps fut porté ensuite au Mans S<. enterré dans l'église de Saint-Julien; mais
comme il avoit choisi sa sépulture dans la cathédrale de Rouen, le clergé &
les habitans de cette ville demandèrent au pape que la volonté de ce prince
fût exécutée. Le duc de Bourgogne, le comte de Toulouse & l'évêque d'Agen,
qui avoient assisté à sa mort, se mêlèrent dans cette querelle, & ils écrivirent
tous trois au pape^ pour lui rendre témoignage « qu'ils avoient fait tout leur
« possible pour persuader au jeune Henri de se faire inhumer à Grandmont,
(' à cause de l'éloignement de la cathédrale de Rouen & de la difficulté des
Cl chemins, mais qu'il avoit toujours persisté à vouloir être enterré dans cette
Cl cathédrale auprès de Guillaume, son oncle, » Ainsi on fut obligé de l'y
transférer après l'avoir exhumé. La suscription de la lettre du comte de Tou-
louse est conçue en ces termes : ci Au très-révérend père en Jésus-Christ ik
V seigneur, Luce, par la grâce de Dieu pontife des R.omains, Raimond, par
« la même grâce duc de Narbonne, comte de Toulouse, marquis de Pro-
II vence : salut. Sec. «
Ce comte Se le duc de Bourgogne, principaux^ protecteurs du jeune Henri,
se retirèrent aussitôt après la mort de ce prince. Le vicomte de Limoges, des-
titué d'un si grand appui, remit, le 24 de juin suivant, le château de cette
ville au roi d'Angleterre qui, suivi du duc Richard, son fils, 8c du roi
d'Aragon, alla assiéger six jours après le château de Hautefort, dont il se
rendit maître le i" de juillet. Après la prise de cette place, le roi d'Aragon
retourna dans ses Etats.
Il est parlé du siège du château de Hautefort dans la Vie'* de Bertrand de
Born, poète provençal, dans la([uelle on trouve quelques circonstances de la
ruerre du jeune Henri, roi d'Angleterre, contre le roi son père, « Bertrand
n de Born, châtelain 8<. seigneur de Hautefort, en Périgord, dit l'auteur de
K cette Vie, vivoit du temps que Richard étoit comte de Poitiers : il fut tou-
« jours ennemi de ce prince, & se ligua contre lui avec le comte de Périgord
Cl Si Aymar, vicomte de Limoges. Il embrassa ensuite les intérêts du jeune
Cl Henri, roi d'Angleterre, au parti duquel il attira contre le roi d'Angleterre,
« son père. Se Richard, son frère, Aymar, vicomte de Limoges, le vicomte de
« Ventadour, le comte de Périgord Se son frère, le comte d'Angoulême Se ses
« deux frères, le comte Raimond de Toulouse, le comte de Flandres, le comte
(i de Barcelone^, Centulle d'Astarac, Gaston de Béarn, comte de Bigorre, le
Il comte de Dijon, Sec, Ces princes firent quelque temps après leur paix avec
Cl le roi d'Angleterre qui, suivi de son fils Richard S< du roi d'Aragon, vint
V assiéger le château de Hautefort Se obligea enfin Bertrand de Born à se
' Gniifridiis, prior Vosiensis. — Radiilfiis de ^ Mss. de la Bibliothèque du roi, n. 722.5.
Diceto. — RobertuS de Monte, ad ann. 11 83. ' L'auteur se trompe par rapport au comte de
' IA:irtene, Feteruni SS. ampîissima coUectio, l. 1, Barcelone ou roi d'Aragon, qui piit le parti de
c. 9,51 & seq. Richard, [Note de dom yaisscte.]
' Gaufridus, prior Vosiensis,
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. io5
An 1 183
« rendre. Ce seigneur, prétendant que le roi d'Aragon l'avoit trahi, composa
« pour se venger un sirvente contre ce prince où il lui reproche : i° l'ori-
« gine de sa naissance, qu'il fait venir d'une pauvre famille du château de
« Carlad, dans la seigneurie du comte de Rodez; 2° la conduite qu'il avoit
» tenue à l'égard de la fille de l'empereur Comnène; 3° le parjure du prince
« Sanche, son frère, qui avoit abandonné les intérêts du comte de Toulouse
« pour se liguer avec le roi d'Angleterre, lequel lui avoit donné pour cela
« quelques domaines. »
Bertrand de Born pouvoit être fondé sur les deux derniers articles; mais il
est certain que ce poëte & l'auteur de sa vie se trompent en faisant descendre
Alfonse II, roi d'Aragon, en ligne masculine des vicomtes de Carlad, & en
quelques autres faits qu'ils ont avancés sur la généalogie de ce prince ; à
moins que Bertrand, par une licence poétique, n'ait cru pouvoir, en usant de
fiction, satisfaire son animosité Se sa vengeance.
Ce poëte fit encore un autre sirvente contre le roi d'Aragon à l'occasion ^:n\'\f(,'i.
suivante : « lorsque ce prince, dit l'auteur de la Vie de Bertrand, vint au
« secours de Henri, roi d'Angleterre, le comte de Toulouse alla au devant de
<i lui en Gascogne, l'attaqua, le battit Si fit prisonniers cinquante chevaliers de
« son armée. Le roi d'Angleterre, voulant racheter ces prisonniers, remit l'ar-
« gent de leur rançon au roi d'Aragon qui l'emporta avec lui 81 laissa en prison
« ces chevaliers, qui furent obligés de se racheter à leurs propres dépens. »
Bertrand de Born chanta les guerres que Henri II, roi d'Angleterre, eut
avec le roi Philippe-Auguste. Il rapporte dans les chansons qu'il fit sur ce
sujet les motifs de cette guerre, 5c on y trouve diverses circonstances histo-
riques sur lesquelles on peut se fonder jusqu'à un certain point. L'auteur de
sa Vie dit que ce seigneur aima Meuta ou Mathilde de Montagnac, dame *
d'une rare beauté, 8t femme de Talayran de Périgord, seigneur de Monta-
gnac, frère du comte de Périgord. Il ajoute que Bertrand eut pour rivaux
Richard, comte de Poitiers, Geoffroy de Bretagne, frère de ce prince,
Alfonse II, roi d'Aragon, & Raimond, comte de Toulouse; mais que Mathilde
préféra Bertrand à tous ces princes. Le même auteur parle de Constantin',
frère de Bertrand de Born, qui mourut dans l'ordre de Cîteaux.
XCI. — Mort d'Albérïcy fils puîné de Raimond V, comte de Toulouse,
Béatrïx, héritière du Dauphiné, sa veuve, épouse le duc de Bourgogne,
Hugues III, duc de Bourgogne, £<. Raimond V, comte de Toulouse, s'uni-
rent encore plus étroitement par le mariage de Béatrix, héritière du Dau-
phiné & veuve d'Albéric^ Taillefer, fils puîné du comte, laquelle épousa ce
duc à Saint-Gilles, en ii83, suivant le témoignage d'un historien'' du temps.
Le lieu où les noces furent célébrées &i les liaisons qui régnoient déjà entre
■ Mss. de la Bibliothèque du roi, n. 7698. ' Chron. Divioncnse, npud Labbe, Bibliothect
' Voyez tome IV, Note L, n. xvi, pp. 224, 225. nova manuscrlptorum, t. 1, p. 2J5.
An II 83
io6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
le comte de Toulouse & le duc de Bourgogne, nous donnent lieu de croire
que le premier, après avoir perdu son fils Albéric, qui décéda sans enfans,
négocia lui-même le mariage de sa veuve avec l'autre pour ne pas laisser
passer le Dauphiné, dont il avoit joui au nom de ce fils depuis l'an' ii63,
dans les mains de quelque autre prince qui ne fût pas de ses amis. Hugues,
pour pouvoir contracter une alliance qui lui étoit si avantageuse, répudia
Alice de Lorraine, sa femme, dont il avoit deux fils. Un autre historien^
rapporte ce mariage sous l'an 1184, & il en parle en ces termes : « La même
« année Albéric Taillefer, comte de Saint-Gilles, étant décédé, le duc de
« Bourgogne répudia Alice, sa femme, dont il avoit eu deux fils, Eudes &
« Alexandre, 81 épousa la veuve d'Albéric, qui étoit fille de l'ancien dauphin
« 8<, dont il eut le jeune dauphin. Le désir de posséder les grands domaines
« qui avoient appartenu à cet ancien dauphin engagea le duc de Bourgogne
« à toutes ces choses. » Enfin un moderne ^ prétend que le fils puîné du
comte de Toulouse, qu'il appelle Guillaume Taillefer, décéda en 1181; mais
il ne donne aucune preuve ni du nom de ce prince, ni de l'époque de sa
mort. 11 ajoute que Taillefer fut cher aux peuples du Dauphiné, ses sujets,
81 que les princes ses voisins estimèrent sa vertu & redoutèrent son courage.
Il avoit donné, continue-t-il , en 11 76, divers domaines du Dauphiné au
prieuré de Saint-Amédée; 8c quoiqu'il n'eût que l'usufruit du pays durant la
vie de sa femme, 8c non pas la propriété, cette donation fut néanmoins auto-
risée après sa mort. Albéric pouvoit avoir tout au plus vingt-six à vingt-sept
ans lorsqu'il décéda en ii83 ou 1184. Le duc de Bourgogne eut de Béatrix
un fils, nommé André, qui prit le surnom de Guigues 8c qui fut le chef de
la seconde race des dauphins 8c comtes de Viennois, d'Albon 8c de Graisi-
vaudan. Béatrix se remaria"* en troisièmes noces avec Hugues, seigneur de
Coligny-le-Neuf , après la mort du duc de Bourgogne, son second niari,
arrivée en iigi, 8c elle eut des enfans de ce troisième mariage.
XCII. — Association faite au Piiy pour le rétablissement de la paix.
Le comte de Toulouse fit enfin sa paix avec le roi d'Aragon dans le temps
qu'ils paroissoient les plus irréconciliables. L'événement suivant, au rapport
de divers auteurs du temps^, donna lieu a leur réconciliation. Un charpen-
tier de la ville du Puy, que les uns nomment Pierre 8c les autres Durand,
homme simple 8c pieux, alla trouver l'évêque de cette ville, vers la fête de
Saint-André de l'an 1182, &c l'assura que Dieu lui avoit ordonné de rétablir
la paix dans le royaume, qu'une infinité de brigands qui couroient de toutes
parts Se la guerre que se faisoient divers princes avoient mis dans la dernière
' Voyez tome IV, Note L, n. xvi , p. 2i5 & < Histoire gSnêalog'ijue Jes pairs Je France, t. i,
Euiv. pp. 5^5, 563.
' Albericus, Chronicon, ann. i 184. 5 Gaufridiis, prier Vosiensis, Chronlcon, p. SSç.
' Chorier, Histoire générale du Dauphiné, t. 2, — Continuatio chron. Roberti de Monte. — Ri-
p. 72 & suiv. gordiis, De gestis Philippl Augusti, p. 12.
Au 1 183
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. 107
désolation. II lui présenta un papier qu'il prétendoit avoir reçu du ciel &
sur lequel étoit peinte l'image de la Vierge, qui tenoit entre ses bras l'enfant Éd-o,igin.
Jésus, avec cette inscription autour : Agniis Dei, qui îollis peccata mundï,
dona nohis pacem, 8c l'exhorta de concourir de toutes ses forces à l'établisse-
ment de cette paix. L'évêque du Puy ne fit d'abord aucun cas de cette pré-
tendue révélation, & tout le peuple de la ville regarda cet homme comme un
visionnaire. Il se trouva cependant dans la suite quelques citoyens qui se
laissèrent persuader & qui formèrent, après Noël, une espèce d'association
ou de confrérie pour travailler de concert au rétablissement de la paix : leur
nombre augmenta peu à peu, & enfin ils dressèrent les statuts suivants.
On convint : i^ que ceux qui s'engageroient dans cette association porte-
roient un capuchon de toile blanche fait en forme de scapulaire, comme le
portoient les religieux de Cîteaux & à peu près comme le pallium des arche-
vêques, 8c qu'on y attacheroit du côté de la poitrine une plaque d'étain ou
de plomb sur laquelle seroit une image de la Vierge, telle qu'on l'a décrite,
avec ces mots : Agnus Del, Sec; 2° que ceux qui seroient reçus dans la con-
frérie confesseroient leurs péchés, donneroient six deniers tous les ans &c
iroient à la guerre avec leurs confrères toutes les fois qu'ils seroient com-
mandés, excepté les ecclésiastiques séculiers 8c réguliers qui, au lieu de porter
les armes, prieroient Dieu pour la paix.
La dévotion qu'on avoit à la Vierge, honorée dans l'église du Puy, ame-
noit ordinairement tous les ans dans cette ville un grand nombre de pèlerins
le jour de l'Assomption ; mais le bruit que fit cette confrérie y attira, en 1 183,
un concours encore plus grand; 8c plusieurs princes, évêques, abbés, cha-
noines Se autres ecclésiastiques s'y rendirent. L'évêque du Puy, qui avoit
changé de sentiment à l'égard du charpentier, le fit venir dans la cathédrale
le jour de la fête, 8c, l'ayant fait monter sur un échafaud qu'il avoit fait
dresser exprès, il lui fit exposer devant tout le peuple assemblé de quelle
manière il avoit reçu l'ordre de Dieu pour établir la paix : cet homme pour
preuve de sa mission montra l'image qu'il prétendoit avoir reçue du ciel.
L'évêque parla ensuite avec tant de force que tous ses auditeurs, fondant en
larmes, promirent par serment de garder la paix 8c dejnandèrent d'être
agrégés à la confrérie. Ils se revêtirent tous d'un capuchon fait comme on l'a
déjà dit, 8c le gardèrent toujours depuis pour marque de leur confédération.
Un des historiens' de qui nous avons pris ce détail observe que ceux qui
portoient le capuchon avec l'image de la Vierge, marchoient avec tant de
sûreté que si quelqu'un d'entre eux, après avoir commis un homicide, venoit
ti rencontrer le frère de celui qu'il avoit tué, ce frère oublioit aussitôt tout
ressentiment de vengeance, donnoit le baiser de paix au meurtrier, le con-
duisoit jusque dans sa maison 8c lui fournissoit toutes les choses nécessaires à
la vie. Un autre ^ ajoute que la paix fut ainsi rétablie dans toute la Gothie,
8c qu'elle y fut observée pendant quelque temps.
' Cniifridus, pr'ior Vosiensi». ' Rigordus, De gcstis Philipp! Augusti, p. 12.
io8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
An 1 1 83
Un troisième ' historien du temps, mais étranger, rapporte l'histoire de cet
événement d'une manière un peu différente. Il assure que cette société, qu'il
appelle la secte des capuchons, commença d'abord en 1182 par douze citoyens
du Puy que l'évêque, qui fit le treizième, confédéra pour le rétablissement
de la paix, après que le charpentier lui eut fait part de la révélation qu'il
prétendoit avoir eue; que dans peu toute la ville du Puy & les pays circon-
voisins suivirent leur exemple j que des évêques, des abbés, des religieux &
des gens de toute condition embrassèrent l'institut, & firent serment de ne
causer aucun dommage à personne; mais de poursuivre de concert jusqu'à la
mort ceux qui leur feroient quelque injure. Il étoit permis, ajoute-t-il, aux
laïques de contracter un mariage légitime, à moins qu'ils n'aimassent mieux
demeurer dans le célibat. Ils portoient pour marque de leur secte 6" de leur
ordre un capuchon de toile sur lequel étoit appliquée, du côté de la poitrine,
une image de la Vierge d'étain ou de plomb; mais ils ne la mettoient que
quand ils alloient à l'armée. Cet historien dit enfin que ces associés, s'étant
extrêmement multipliés, ils exterminèrent presque entièrement, quelques
années après, les Brabançons, qui causoient des ravages infinis dans le
royaume.
Plusieurs auteurs postérieurs^ rapportent encore différemment l'origine &
t'^m*'"^65 '*^ progrès de cette association. Quelques-uns prétendent que ce tut une
supercherie de la part d'un chanoine du Puy, qui, voyant que le pèlerinage
de Notre-Dame étoit interrompu par les courses continuelles des routiers, S<.
par la guerre qui régnoit alors entre divers princes, aposta un jeune homme
qu'il déguisa en Vierge &< qui, s'étant montré au charpentier, homme simple
£c crédule, lui persuada tout ce qu'il voulut. Quoi qu'il en soit, il est cer-
tain du moins que cette apparition, vraie ou fausse, fit une si forte impres-
sion qu'elle donna occasion au rétablissement de la paix, à la destruction des
routiers qui désoloicnt les provinces Sv. à la cessation des hostilités entre
divers princes qui se taisoient la guerre; Se cet événement tut si célèbre dans
le temps qu'on le marqua dans la date des chartes. Telle est une donation ^
que Bernard d'Anduze fit, en ii83, à la confrérie de Sommières, Philippe,
roi des François, régnant, Guillaume d'Ujès étant évêque de Nimes, la
même année que la paix de la bienheureuse Marie commença iy qu'elle Jut
divulguée. Au reste, aucun de ces historiens ne marque le nom de l'évêque
du Puy qui procura cette paix. Ce fut Pierre'*, quatrième du nom, cjui pos-
séda cet évêché depuis l'an iiSg jusques en ii8g. Le pape Luce III lui
défendit^ d'empêcher à l'avenir le légitime mariage des veuves, & d'exiger
de l'argent contre les canons de celles qui se marioient ou qui se taisoient
enterrer "5.
' Gervasius, inonachus Dorolîcrnensis, Chron'tca, ' Innocent III, 1. lo, Ejrist. 85.
ad <inn. 1182. * Cette association des Encapuchonncs fut toute
* Gissey, 1. 3, ch. 6, — Théodore, Histoire de populaire & naquit pour amsi dire spontanément.
Vôtre-Dame du Puy, 1. 2, c. 3. La diversité des témoignages des auteurs contem-
3 Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXIII, c. 355. porains qui cherchent à expliquer cet événement
^ Gallia Chriitiana, nov. éd. t. 2, p. 2o5 & seq. étrange suffit à prouver cette assertion. Les rava-
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
109
Ces mêmes historiens ne marquent pas non plus le nom des princes 8< des
grands seigneurs qui se trouvèrent au Puy à la fête de l'Assomption de
l'an ii83 Se qui jurèrent d'observer la paix. L'un' d'entre eux fait entendre
que le comte de Toulouse 8< le roi d'Aragon furent de ce nombre; car il inti-
tule le chapitre où il rapporte cet événement ; de la réformation miraculeuse
de la paix entre Raimond, comte de Saint-Gilles, iS- le roi d'Aragon. Mais
ces deux princes ne la conclurent que longtemps après.
XCIII. — Le comte de Toulouse continue la guerre contre le roi d'Angleterre
6" fait sa paix avec le seigneur de Montpellier.
Cependant les routiers Se les autres brigands que le jeune roi d'Angleterre
avoit appelés à son secours, achevèrent de désoler le Limousin 8<. étendirent
An ii83
ges des routiers, employés par les princes anglais
& les seigneurs méridionaux dans leurs guerres
continuelles, avaient réduit les populations du
centre de la France à l'état le plus précaire. On
peut voir dans un travail reinarcjuable de feu Gé-
raud, de l'École des Chartes, des détails intéressants
à ce sujet [Biillothi^uc de l'Ecole des Chartes, t. III,
p. iiî'i mais ces détails ne se rapportent pas assez
au Midi pour trouver place dans cette noie; d'au-
tres faits, mentionnés notamment dans le recueil
des miracles de Rocamadour (Voir dans la même
collection, t. 18, un article de M. Servois, pp. 2'!6
& 237), nous prouvent que le Midi eut sa large
part des malheurs de cette triste époque. Extorsions
& abus de pouvoir des petits seigneurs, ravages
& pillages des bandes armées qui parcouraient le
pays, tout s'unissait pour rendre la condition des
paysans déplorable. Tant de calamités surexcitè-
rent l'imagination populaire, & le recueil des mi-
r.icles de Rocamadour prouve qu'elles donnèrent
naissance à une recrudescence de dévotion à la
Vierge. Les pèlerinages, les vœux se multiplièrent,
& de ce grand mouvement des esprits sortit une
tentative des opprimés pour mettre fin au joug
qui pesait sur eux. Ce mouvement n'était ni sans
exemple, ni sans précédents. Dès le onzième siè-
cle, vers io3i, au rapport d'un contemporain,
André de Fleury (de Certain, Miracles de saint Be-
noît, pp. \i)2 & 193), les paysans du Berry, con-
duits par leurs prêtres & soulevés par l'archevêque
Aimon, avaient pris les armes pour faire respecter
la paix aux petits tyrans des environs. Inutile
d'ajouter que bien souvent la direction de ces
bandes échappa au clergé, & que ces révoltes dé-
générèrent en vraies jacqueries que les seigneurs
eurent d'autant moins de peine à réprimer que les
rebelles commettaient plus d'excès. — Comme en
io38, ce fut le clergé du Vêlai qui souleva le pays
en ii83 contre les oppresseurs. Le pèlerinage de
Kotre-Dame du Puy, très-fréquenfé à cette époque,
réunissait chaque année dans cette ville, au mois
d'août, un grand nombre de fidèles, & entretenait
dans toute la contrée une grande ferveur reli-
gieuse, & d'augre part le Vêlai avait eu à souffrir
plus que tous les diocèses voisins des luttes conti-
nuelles qui divisaient les seigneurs; rappelons
notamment l'hostilité permanente des vicomtes de
Polignac & des évêques du Puy. Aussi l'association
qui se forma fut-elle exclusivement religieuse, &
se plaça-t-elle sous la protection immédiate de la
Vierge; la règle que les confrères s'imposèrent fut
presque monastique (défense de jurer, de fréquen-
ter les tavernes, de porter des habits luxueux').
Cette institution eut d'abord des résultats excel-
lents; elle s'étendit dans tout lemidi de la France,
dans la Provence, l'Auxerrois & l'Orléanais, 8c
plusieurs défaites infligées aux routiers vinrent
prouver qu'elle avait bien son utilité. Mais elle
ne tarda pas à devenir un danger terrible pour
la société, telle qu'elle existait alors; de religieuse
& de pacifique, la confrérie devint une associa-
tion toute politique, & voulut obtenir des liber-
tés & des franchises. Dès lors abandonnée par
le clergé, elle cessa bientôt de compter; chassés
du diocèse d'Auxerre & du nord de la France'
les confrères essuyèrent plusieurs défaites & fini-
rent par disparaître entièrement. Les maux qu'ils
avaient essayé d'adoucir ne cessèrent pas de se faire
sentir, mais une nouvelle institution, \e commun
de la paix, les atténua dans une certaine mesure
& une fois l'autorité royale fermement établie
dans le Midi, & organisée par le sage & clair-
voyant Louis IX, les guerres privées devinrent de
plus en plus rares. (Voyez à ce sujet Bouiaric,
Institutions militaires, pp. 171-17.}.] [A. M.)
' Rigord.
■ Voir la firavure de la médaille qu'ils portaient dans
F. .Maiidel, Histoire dit Vflai, t, 2, p. 19?,
An ii83
An I iti/}
iio HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX.
leurs courses' jusque dans le bas Languedoc; ils passèrent^ dans l'Auvergne,
au. commencement de l'an 1184, & mirent l'abbaye d'Aurillac à contribu-
tion. Raimond, fils du comte de Toulouse, étoit alors à leur tête, suivant le
témoifniage d'un auteur-* du temps, qui marque « que ce prince repassa avec
« eux dans le Limousin, qu'ils assiégèrent le château de Payrac, le 7 de
« février. Se qu'ils ravagèrent tous les pays voisins soumis au roi d'Angle-
n terre. » Nous comprenons par là que Raimond, comte de Toulouse, con-
tinua la guerre contre le roi d'Angleterre &c Richard, duc d'Aquitaine, son
fils; mais il paraît qu'il fit bientôt après sa paix avec le seigneur de Mont-
pellier.
On rapporte"*, en effet, que « Guillaume, seigneur de Montpellier, rendit
« hommage à Raimond, comte de Toulouse, le 9 de mai de l'an 1184, en
« présence de Jean de Montlaur, évêque de Maguelonne; qu'il lui soumit,
« étant à genoux 8c les mains jointes, la ville de Montpellier, le château de
u Lattes &. le lieu de Castelnau ; qu'il renonça volontairement à toutes ses
« prétentions sur le territoire de Substantion, où il ne se réserva que les
« anciens usages, & qu'en un mot il assujettit tous ses domaines à l'autorité
« de ce prince^. »
XCIV. — Le comte de Toulouse convient d'un traité avec le roi d'Arason.
Enfin Raimond, comte de Toulouse, Se Alfonse, roi d'Aragon, terminèrent
entièrement leurs différends par un traité solennel dont ils convinrent<5 au
mois de février de l'an ii85. Leur entrevue se fit aux environs du Rhône 8c,
vraisemblablement dans l'île de Gernica, entre Beaucaire 8c Tarascon, sur
les confins de leurs Etats ; 1° Ils confirmèrent 8c renouvelèrent l'accord qu'ils
avoient conclu neuf ans auparavant dans cette île; en sorte qu'ils promirent
réciproquement de se faire droit les uns aux autres, par l'arbitrage de leurs
vassaux, touchant les prétentions que le roi avoit sur le comté de Melgueil
8c le château d'Albaron possédés par le comte, 8c celles que le comte avoit sur
les domaines du Rouergue 8c du Gévaudan possédés par le roi. 2° Ils pro-
mirent de vivre dans la suite en bonne intelligence 8c de s'aider mutuelle-
ment contre leurs ennemis communs, depuis le port ou le col de Cluse
jusques au mont Cenis, dans tous les comtés de Toulouse 8c de Querci, 8c
dans la Provence. 3° Ils convinrent d'obliger leurs sujets qui auroient quelque
t^liri^'cû <-lifférend avec l'un des deux à lui faire satisfaction. 4° Ils s'engagèrent à
s'entr'aider dans les prétentions qui leur étoient communes sur la ville
' Gariel, Scries praesulum Magaïonemium, p. 233. peut voir tome VIII, ce. SyS, 374. Ils ont pour but
' GaufridiiS, prier Vosiensis, Chronicon, p. 3^o de fixer le mode de possession des étaux dw i-.iar-
& seq. elle & le prix des viandes débitées sur lesdits étaux.
' Gaufridus, prior Vosiensis, Chronicon, p. 342. [A. M.1
^ Gariel, Séries praesulum Magalonensium, -p. 1^3. " Mjrca Hispanica , c. iSyS & seq. — Voyez
^ De cette année 1184 datent des statuts pour tome VII, Note IV, pp. 10 & ti.
la corporation des bouchers de Toulouse que l'on
An ii85
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XIX. m
d'Avignon. 5" lis exceptèrent de la promesse réciproque qu'ils se firent de se
secourir contre tous ceux qui les attaqueroient, le roi de France, le roi de
Compostelle (ou de Léon) S< le comte de Forcalquier. 6° Ils choisirent pour
arbitres, en cas qu'il s'élevât dans la suite quelque différend entre eux,
Bérenger, archevêque de Tarragone, Gaucerand de Pins, Guillaume de
Saliran 5c Raimond d'Agout, juge du palais; ou à leur défaut un pareil
nombre de leurs vassaux. Le traité fut passé en présence de l'archevêque de
Tarragone, de ces trois seigneurs, de Bernard, archevêque de Narbonne,
Bernard, évêque de Barcelone, Guillaume Pétri, prévôt de l'église d'Albi,
lequel parvint, la même année', à l'évêché de cette ville, & d'Ermengarde,
vicomtesse de Narbonne. Il parok par là que cette vicomtesse, alliée du roi
d'Aragon, s'étoit aussi réconciliée alors avec le comte de Toulouse.
XCV. — Le comte de Toulouse accorde divers privilèges aux hahîtans
de Ni me s.
Ce comte alla ensuite à ^ Nîmes, où il accorda, le i" de mars suivant, divers
privilèges aux habitans qui demeuroient dans l'enceinte des fisses dont on
venoit de renfermer cette ville. Il les exempta, entre autres, de tolte 6- de
queste, conformément à l'exemption que le vicomte Bernard-Aton, ses frères,
leur père Se leur mère leur avoient accordée. L'acte fut passé en présence de
Raimond Rascas, seigneur d'Uzès, & de plusieurs gentilshommes des envi-
rons. Il ne paroît pas que le vicomte Bernard-Aton fût alors à Nimes; mais
il y a lieu de croire qu'il fit sa paix avec le coipte Raimond en même temps
que le roi d'Aragon dont il étoit allié. Raimond se qualifie comte de Toulouse
&» de Nimes dans cette cliarte.
XCVI. — Roger, vicomte de Carcassonne, reçoit quelques hommages.
Pont de cette ville sur l'Aude.
Roger II, vicomte de Carcassonne, de Béziers, d'Albi & de Razès, autre
allié du roi d'Aragon, fit aussi sans doute sa paix avec le comte de Toulouse
vers le même temps; mais il paroît qu'ils n'étoient pas encore réconciliés au
mois de juin de l'an 1184, lorsque Raimond Vassadel de Puiserguier fit
hommage^ à ce vicomte & promît de le servir contre le seigneur de Toulouse
6" le seigneur de Narbonne pour un certain droit que Roger lui permit de
lever, à cause du guidage du chemin depuis Béziers jusqu'à Narbonne, &
qu'il lui avoit donné en fief. Aymerî de Clermont donna alors à Roger la
moitié du droit qu'il avoit sur les mines dans le territoire du château de
Cabrières. Ce vicomte accorda'* divers privilèges, au mois d'avril de la même
année, aux habitans de Carcassonne, entre autres la liberté de construire un
' GM\(i Christlana, nov. éd. t. i , p. |6. ' Cartiilaire du château de Foix.
' Voyez tome VIII, Ch.irtes, n. XXXVII, ce. 33o ■• Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXVI.
& 33i. [Voir nu livre XX, an i 187. J
An 11 85
An ii8j
I 13
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LTV. XIX.
pont sur l'Aude'. Udalger de Poncian, par son testament^, suivant lequel il
se donna pour chanoine à la cathédrale de Carcassonne, le mercredi i" de mars
de l'an ii83 (1184), rit ce vicomte son exécuteur testamentaire St lui légua
tous les châteaux & domaines qu'il possédoit dans le comté de Razès Et le
diocèse de Toulouse, afin que son fils Udalger les tînt de lui en fief.
■ On peut voir cette charte complète, tome VIII,
ce. 374 à 376. C'est la première charte de coutume
de la ville de Carcassonne. Outre le droit de cons-
truire un pont sur l'Aude, elle accorde aux habi-
tants rafiVanchissement du droit de mainmorte &
les autorise à disposer de leurs biens par testa-
ment. Permission à tous de venir résider en toute
sûreté à Carcassonne; exemption du guidage & du
sur-guidage; fixation des droits sur l.i vente du
blé & du poisson; fixation du prix du sel au sa-
lin vicomtal. — A propos de ce pont, remarquons
que ce n'est pas du pont actuel de Carcassonne,
dit le Vieux-Pont, qu'il est question, mais d'un
autre qui a du précéder celui qui existe actuelle-»
ment. Ce dernier date de la fin du treizième siè-
cle. (Voir t. IV, p. 847, c. I, note.] [A. M.]
' Archives de la cathédrale de Carcassonne. —
De Vie, Histoire de Carcassonne, p. yS. — GalUa
Christiana, t. 6, Instium. c. 44t. — [Voye^ tome V,
c. •4(>'), n, 32.]
LIVRE VINGTIEME
I. — Le roi d'Aragon échange le comté de Provence £• les vicomtes de Millau
6* de Géwiudan avec Sanche, son frère, pour le comté de Rouss'tllon. — H
rompt la paix avec le comte de Toulouse.
LE roi d'Aragon, après la conclusion de sa paix avec le comte de Ton- ^-^{{"'^'l'
louse, fit quelque séjour aux environs du Rhône. Étant au mois de ,
mars suivant au château d'Albaron, dans l'île de Camargue, il fit une An uss
donation ' à l'abbaye de Franquevaux, dans le diocèse de Nimes, « pour la
« dédommager des pertes qu'il lui avoit causées, lorsqu'il avoit assiégé le chà-
« teau de Fourques. » Ce prince tint*, le même mois, k Aix, une assemblée
des principaux du pays. Il donna alors une charte, en faveur de la cathédrale
de cette ville, dans laquelle il se qualifie, par la grâce de Dieu roi d'Aragon,
comte de Barcelone 6* prince de Provence, & qu'il date ainsi : « Donné à
« Aix, lorsque nous avons repris la Provence des mains de Sanche, notre
« frère, en présence du comte de Foix, que nous avons établi alors baile
« (ou gouverneur) de Provence, de Bertrand de Baux, de Guillaume de
« Sabran, &c. »
On voit par là que le roi d'Aragon, qui avoit donné en 1181, après la mort
de Raimond-Bérenger, son frère, le comté de Provence 8c les vicomtes de i^m^'^p^'ûs.
Millau 8c de Gévaudan à Sanche, son autre frère, pour les posséder sous son
autorité comme une espèce d'apanage, les retira des mains de ce prince, au
mois de mars de l'an ii85, après qu'il eut fait sa paix avec le comte de Tou-
louse. En effet, Sanche se qualifioit encore comte de Provence au mois d'août
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXVIII, ' Bouche, Histoire de Provence, t. z, p. 170 8c
c. 332. siiiv.
VI. 8
~, ~ 114 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XX.
de l'an ii85. Un moderne' prouve fort bien que ce roi, en retirant la Pro-
vence des mains de Sanche, lui donna en échange les comtés de Roussillor
£<. de Cerdaene : ainsi l'ancien- auteur des Gestes des comtes de Barcelone
se trompe lorsqu'il assure « que Sanche n'eut aucune part dans les domaines
« du roi Alfonse, son frère, & que ce dernier ne voulut jamais lui en rien
<( donner. » Au reste, le roi d'Aragon fit cet échange avec Sanche, son frère,
dans la vue de disposer, comme il le fit en effet, du comté de Provence &
des vicomtes de Millau & de Gévaudan en faveur d'Alfonse, son fils puîné.
On voit encore par la donation que le roi d'Aragon fit, en ii85, en faveur
de l'église d'Aix, que ce prince, après avoir repris le comté de Provence, en
confia le gouvernement à Roger-Bernard, comte de Foix, son cousin, qui
s'étoit sans doute ligué avec lui contre le comte de Toulouse.
La paix entre ces deux princes ne fut pas de longue durée. En effet, le
roi d'Aragon étant allé, au mois d'avril suivant, à Najac, en Rouergue, où
Richard, duc d'Aquitaine, ennemi du comte de Toulouse, lui avoit donné
rendez- vous, ils formèrent ensemble une nouvelle ligue 3. Par le traité
Richard céda à Alfonse « les domaines que Roger, vicomte de Béziers, &
« Trencavel, son frère, avoient tenus de lui en fief, & s'engagea : i° De faire
« restituer à ce prince le château d'Hariza que le roi de Castille lui détenoit
« avec quelques autres châteaux qui étoient au pouvoir du roi de Navarre.
« 2° En cas qu'il n'exécutât pas fidèlement cette promesse, de se remettre en
« otage dans une place d'Alfonse, quarante jours après que ce dernier l'auroit
« sommé de l'exécution. « Nous comprenons par Ik que le vicomte Pvoger H
s'étoit soumis à la suzeraineté du duc d'Aquitaine pour la vicomte de Car-
cassonne, & qu'il l'avoit reconnu pour seigneur dominant dans le comté de
II. — Le vicomte Roger adopte Alfonse, infant d'Aragon. — Droits
de Vévêque iy du vicomte sur la ville de Bé-^iers.
Le roi d'Aragon, après ce traité, en conclut un autre avec le même Roger,
qui s'exprime ainsi dans l'acte : « Moi, seigneur-^ Roger, vicomte de Béziers;
« de Carcassonne, de Razès 8c d'Albi, confesse & reconnois de bonne foi que
' Bouche, Histoire de Provence, t. 2, p. 170, une critique générnlement si perspicace que l'on
' Marca Hispanica, c. 55i. peut ajouter foi à son témoignage. Le Trencavel,
^ Zurita, Anales de la corona de Aragon, 1. 2, frère de Roger II, qui figure dans cet acte, est le
c. 40. Raimond-Trencavel qui paraît dans plusieurs actes
^ Cette alliance entre le duc d'Aquitaine &■ le conjointement avec lui (Voir notamment tome V,
vicomte de Béziers, car ce n'est pas autre chose, c. 1430, n. 84) &. qui, jusqu'en ii85, date de la
malgré cette forme de recommandation & d'iiom- naissance de Raimond-Roger, fut l'héritier pré-
mage que demandaient les mœurs du temps, dut somptif de Roger II. Il vivait encore en 1211; à
se couclure vers 1177, moment où Roger II avait cette date il céda à Simon de Montfort ses droits
guerre avec le comte de Toulouse (t. VIII, c. 325). sur les domaines de son feu neveu. (Voir t. VIII,
Remarquons que seul Zurita mentionne ce fait; il c. 609 & suiv.) [A. M.]
est vrai que cet auteur a eu entre les mains une ' Voyez tome VIÎI, Chartes, n. XXXIX, ce. 383,
telle masse de documents £t les a employés avec 384.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. n5
An H 85
« VOUS mon seigneur Alfonse, par la grâce de Dieu roi des Aragonois, comte
« de Barcelone, marquis de Provence, m'avez défendu Si protégé contre tous
« mes ennemis. Je reconnois véritablement que j'aurois été dépouillé de tous
« mes domaines, si vous ne m'aviez secouru avec vos vassaux. Vous m'avez
« comblé de biens, aussi bien que mes sujets, dans tous nos besoins; vous
(c avez toujours fait la guerre pour moi, 8c vous avez regardé mes querelles
« comme les vôtres. Enfin, je vous suis entièrement redevable de la conser-
« tion de mon patrimoine : c'est pourquoi je donne à votre fils Alfonse ou à
K son défaut à tout autre de vos fils, que j'adopte pour mon fils, toutes mes
« terres, cités, villes, bourgs, châteaux, villages, hommes, femmes, évêchés,
« abbayes, prieurés 8c, en un mot, tous mes biens quels qu'ils soient, avec
« tout ce qui doit me revenir de la succession de mes proches; à condition
« que ce fils héritera de tout ce que vous avez en Provence 8c à Millau, de
« tout le comté de ce nom Se de tout ce que vous possédez dans les pays de
« Gévaudan 8c de Rouergue. » Le roi d'Aragon, de son côté, donna par le
même acte à son fils Altonse toute la terre de Provence Se Millau, avec ce
qu'il possédoit dans le comté de ce nom 8c dans le Gévaudan 8c le Rouergue,
ou à un autre de ses fils au défaut d'Alfonse. Bérenger, 'archevêque deTarra-
gone, Se plusieurs seigneurs séculiers furent présens à ce traité, qui fut passé
à Béziers,
Geofroy, élu* évêque, 8c les abbés de cette ville, Guillaume de Montpel-
lier, plusieurs autres barons du pays Se tout le peuple se rendirent ensuite
dans la cathédrale de Saint-Nazaire pour fixer les droits qui appartenoient à
l'évêque Se au vicomte, tant sur la ville de Béziers que sur les faubourgs. Se
savoir au juste en quoi consistoit le domaine de Roger sur cette ville, 8e ce
que le roi d'Aragon pourroit prétendre en vertu de cette donation. L'enquête éj. orign.
fut dressée, du consentement de l'évêque, de son chapitre, de Roger 6- de sa
cour, sur le témoignage de trois principaux bourgeois. On convint que le
vicomte n'avoit aucun droit de tolte, de queste 6" d'albergue sur les habi-
tans vassaux de l'église 8c sur les siens; qu'il n'avoit aucune justice sur
ceux-là, excepté les cas d'homicide Se d'adultère; Se que l'évêque Se le vicomte
avoient chacun droit de chevauchée sur leurs vassaux, mais pour les faire
servir seulement dans l'étendue du diocèse. On vérifia quelques autres articles
touchant l'administration de la justice. Se on reconnut que les églises Se les
hôpitaux de Béziers étoient des lieux d'asile. Il est marqué enfin que le
vicomte Roger avoit accordé que tous ceux qui viendroient s'établir à Béziers,
dans quelque quartier de la ville que ce fût, seraient libres Se indépendans,
tant de lui-même que de tout autre seigneur Se exempts de toute servitude,
comme l'étoient les autres habitans de la ville, que ce vicomte exempta de
payer la leude à Saint-Thibéry^.
' Catel , Mémoires ie l'histoire du Languedoc, fée, nous croyons devoir la compléter sur certains
p. 644. — [Gallia Christiana, nov. etl. t. 6, Instrum. points. — Même en cas d'adultère ou d'homicide,
ce. 142, I4-J.J commis p.ir un homme de l'église c.ithéJralc ou
' L'analyse de dom Vaissetc éwnt un peu ècour- des églises abbatiales de Saint- Aphrodise & de
t. 111, p. or
An 1 1 8 j
Ji6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
On ne sauroit se persuader que le vicomte Roger ait voulu par cet acte
faire une donation absolue de tous ses domain^^s à Alfonse, fils puîné du roi
d'Aragon, car la vicomtesse Adélaïde de Toulouse, sa femme, accoucha', vers
Pâques de la même année, de Raimond-R.oger, leur fils; il avoit par consé-
quent alors une espérance certaine de laisser un héritier. Ainsi il aura voulu
seulement se rendre vassal du jeune prince d'Aragon, comme successeur du
roi, son père, dans le comté de Provence Se les vicomtes de Millau Se de
Gévaudan. On voit, d'ailleurs, que Raimond- Roger hérita de tous les
domaines de Roger, son père, sans aucune difficulté de la part de la maison
d'Aragon. Au reste, comme cette donation fut faite au préjudice des droits
de suzeraineté que le comte de Toulouse avoit sur tous les domaines de
Roger, c'est une preuve que ce vicomte Se le roi d'Aragon qui la reçut
étoient alors ennemis de ce prince. Si qu'ils s'étoient ligués de nouveau
contre Jui^.
Roger se rendit, au mois de juillet^ suivant, à La Caune, en Albigeois, 8c
là, étant dans le cimetière de Sainte-Marie, il confirma avec la vicomtesse, sa
femme, par une charte qu'ils firent sceller de leur sceau, en faveur de Guil-
laume de Rocozel, prévôt de Notre-Dame de Beaumont, en Rouergue, toutes
les donations que ses ancêtres, fondateurs de cette église, y avoient faites.
Roger permit'^, au mois de février de l'année suivante, de bâtir le château
d'Escoussens. Il confirma', deux mois après, en présence de Guillaume Pétri,
évêque d'Albi, d'Isarn, abbé de Valseguier ou de Montolieu, de Bernard,
abbé de Caunes, Sec, une donation qu'un bourgeois de Carcassonne avoit
faite à l'abbaye de Fontfroide, & donna en fief, au mois d'août, ce qu'il avoit
au château de Ra-^ès^,
S.'iliit-Jîicqiies, le vicomte ne peut juger le criminel Béziers meurt intestat, ses biens restent un an St
qu en présence de l'évéque ou des nbbés. Le vicomte un jour dans une église ou entre des mains- fidè-
applique la punition corporelle, en cas de con- lesj si, au bout de ce temps, il ne s'est présenté
fiscation , l'église cathédrale eu abbatiale reçoit aucun héritier, ils appartiennent au seigneur dans
les biens. Si c'est une femme qui a été convaincue le bourg duquel il est mort. [A. M.]
d'adultère, elle subit la punition corporelle, mais ' Voyez tome V, Chroniques, c. 33, & tome VII,
le mari n'a point à supporter l'amende. Outre ces Note XXXIX, n. vi, p. 114.
deux cas, le vicomte connaît encore de la blessure ' Le raisonnement de dom Vaissete est parfaite-
avec effusion de sang quand la mort s'en est sui- ment juste, & les prétentions des écrivains espa-
vie. — Les deux coseigneurs ne peuvent l'un sans gnols, qu'il réfute dans la note plus haut citée,
l'autre exiger le sacramentum des habitants de Bé- ne sont nullement fondées. [A. M.]
ziers. — En cas de plainte par-devant le vicomte, ^ Voyez tome VIII, Chartes, n. XL, c. 385.
les habitants de Béziers n'ont à payer aucun droit * Cartulaire du château de Foix.
de Arudaria à la vicomtesse. — Le témoignage des ' Archives de l'abbaye de Fontfroide.
bailes du vicomte ou de l'évèque ne suffit pas en ' A cette année 1 i85 appartient un traité de
justice; il faut celui des probi homines qui ont commerce conclu entre le seigneur de Montpellier,
assisté à la capture du coupable. Le plaignant n'a l'évèque & le vicomte d'Agde. (Voir M. Germain,
point à fournir caution à la cour; celle-ci, toute- Commune de Montpellier, t. 2, pp. 420 à 422.) Par
fois, peut le retenir en otage dans l'intérieur de ce traité conclu pour dix ans, l'évèque & le vicomte
la ville; &, s'il en sort sans l'aveu du tribunal, s'engagèrent à protéger & à ne point molester
ce dernier peut le faire saisir partout où on le Guillaume de Montpellier & ses hommes, non
trouvera. — La partie gagnante dans un procès plus que les marchands venant au port d'Agde,
n'a à payer que les dépens; la partie perdante que ces marchands fussent chrétiens, sarrasins ou
pnye l'amendi; £< les dépens, — Si un habitant de juifs; leurs biens, leurs vaisseaux n'auront rien à
An 1 1 85
An 1 i8â
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 117
III. — Le roi d'Aragon &- le duc d'Aquitaine font la guerre au comte
de Toulouse, qui lève le siège de Carcassonne.
Il est marqué, dit-on', clans les anciens martyrologes de la cathédrale de
Carcassonne « que cette ville tut assiégée en 1180, & que l'armée qui avoit
« formé le siège tut défaite le 4 des nones de février. » Un moderne^ assure,
sur cette autorité, que Raimond, comte de Toulouse, ayant assiégé alors Car-
cassonne sur le vicomte Roger, le roi d'Aragon vint au secours de ce dernier,
défît l'armée du comte & l'obligea à lever le siège.
Cet événement, qui appartient à l'an 11 86, suivant notre manière de
commencer l'année, détermina peut-être Richard, duc d'Aquitaine, allié du
roi d'Aragon, à attaquer de son côté le comte de Toulouse. Nous savons en
effet que Richard^, ayant assemblé en 1186 une armée considérable, entra
dans les terres de ce prince, ravagea plusieurs villages 8c lui enleva divers
châteaux, soit par la ruse, soit par la torce. On peut rapporter au temps de
cette expédition des lettres de Richard données"* à Agen , en présence de
Guillaume, seigneur de Montpellier, par lesquelles il prend l'abbaye de Can-
deil, en Albigeois, sous sa sauvegarde; elles nous donnent lieu de croire :
1° que ce duc étendit alors ses courses jusque dans l'Albigeois; 2° que le
même Guillaume étoit ligué avec lui.
IV. — Le seigneur de Montpellier répudie Eudoxe Comnène 6- épouse Agnès,
Ce seigneur répudia, en 1187, Eudoxe Comnène, sa femme, pour épouser
Agnès dont nous ne connoissons pas la maison, mais qui étoit proche parente
du roi d'Aragon. On ' prétend « qu'un des principaux motifs de ce divorce
« fut le mépris qu'Eudoxe, tîère de la grandeur de sa naissance, conçut de ^'{■,°'','6'i'-
(! Guillaume, qu'elle avoit épousé comme par force. On ajoute que ce sei-
(' gneur, indigné du procédé de sa femme, eut recours au roi d'Aragon, son
<■ protecteur, qui lui conseilla de la répudier & lui donna en mariage Agnès,
« sa parente, qu'il avoit tait élever dans son palais; que Guillaume, qui
« n'avoit qu'une iille d'Eudoxe dont il n'espéroit plus d'enfans &c qui souhai-
crnin<Jre de leur part, & ils ne pourront détenir cet événement au i février 1186 (v. st.). [A. M.]
soit leurs biens, soit leurs personnes, à moins de ' Besse, H'tnoire Jes ducs, marquis & comtes Je
faute bien certaine inculpa certa). Les obligations S^rhonne, p. 332.
du seigneur de Montpellier sont analogues, & ' GervasiusDorobernensls, CAronicon.ann. 1 1 86.
chacune des parties contractantes fit jurer en même ^ Voyez tome VIII, Chartes, n. XLI , c. 388.
temps qu'elle trois de ses amis. [A. M.] — Dora Vaissete tire de ce petit acte une conclu-
' Besse, Histoire des ducs de Narhonne, p. 332. sion trop précise. Il prouve seulement que l'ab-
On ne trouve rien de semblable dans les nécro- baye de Candeil ayant des relations commerciales
loges publiés par M. Cros-MayrcvicUe, en appen- ou autres dans les Etats du duc d'Aquitaine avait
dice i son Histoire de Carcassonne, p. 83 & sniv. besoin de sa protection. La pièce est d'ailleurs
Mais Besse avait sans doute connu les quelques donnée à Agen. [A. M.]
mots que dom Vaissete lui-même a édités ;^'oyez ^GaneX, Séries pracsulum Magalonensium, ^.iji,
tome V, c, 3.0); remarquons qu'il faut rapporter
An
An 1 187
118 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XX.
« toit extrêmement d'avoir un mâle pour successeur, employa le crédit de
« l'archevêque d'Arles pour obtenir du pape la permission de la répudier S<
« de convoler en secondes noces; & que, sur le refus du pontite, il passa
« outre & épousa solennellement Agnès, dont il eut plusieurs enfans. » Mais
la plupart de ces faits ne sont appuyés que sur l'autorité particulière d'un
historien moderne, qui ne se pique pas d'une exactitude trop scrupuleuse.
Ce qu'il y a de certain c'est que Guillaume, au mois d'avril de l'an 1187,
répudia Eudoxe dont il n'avoit qu'une fille, nommée Marie, pour contracter
un nouveau mariage avec Agnès, à laquelle il donna' pour douaire la moitié
de ses biens meubles Sv. immeubles"; & que cette dame étoit parente du roi
d'Aragon, comme il paroît par une donation^ que ce prince lui fit & au sei-
gneur de Montpellier, son mari, du château & du domaine de Prats pour en
jouir pendant leur vie. Cette donation du roi Alfonse est datée du mois
d'avril de l'an 1187, en présence de l'archevêque de Tarragone & de l'évêque
de Lérida, 8c il paroît par là que Guillaume épousa Agnès en Aragon, 8t
qu'Alfonse assista à cette cérémonie.
Eudoxe^, au désespoir de se voir répudiée, moins par amour pour le sei-
gneur de Montpellier, son mari, qu'elle ne pouvoit souffrir, que par les inté-
rêts de Marie, leur fille, eut recours à l'autorité de Jean de Montlaur, évêque
de Maguelonne, qui, conjointement avec l'archevêque de Narbonne, frappa
Guillaume d'anathème & jeta l'interdit sur tous ses domaines; mais, ajoute-
t-on, le roi d'Aragon, qui s'intrigua beaucoup dans cette affaire, engagea
bientôt après le pape à lever l'un Se l'autre. Eudoxe fut ainsi obligée de
quitter Montpellier : elle se retira dans l'abbaye d'Aniane, auprès de Rai-
raond-Guillaume, oncle paternel du seigneur de Montpellier qui en étoit
abbé, où elle mourut saintement.
V. — Evêques de Lodève & de Maguelonne.
Ce Raimond-Guillaume avoit été destiné, en 1146, par le testament de
Guillaume VI, seigneur de Montpellier, son père, à être religieux de Cluny.
Après avoir fait profession dans cet ordre, il avoit été élu abbé d'Aniane
en 1 162, & il succéda enfin à Gaucelin de Montpeyroux, évêque de Lodève,
décédé'^ le 7 de juillet de l'an 1187. Raimond-Guillaume de Montpellier,
qu'on surnomme de Madières, on ne sait sur quel fondement, acheva presque
entièrement, sous son épiscopat, ce que les évêques de Lodève, ses prédéces-
seurs, avoient commencé, 8c unit au domaine de son église la comté Se la
vicomte de Lodève avec le château de Montbrun qui en étoit le chef-lieu.
En effet^, Hugues, comte de Rodez, lui vendit en 1188, pour soixante mille
sols melgoriens, tout ce qu'il possédoit dans ce château 8<. dans tout le Lodé-
■ D'Achcry, Spicilegium, t, lo, p. 641. Lodovensium, p. 94. — Gallia C/iristiana, iiov.ed.
• Voyez tome VIII, charte XLII, ce. 388, SSp. t. 6.
' Gnriel, Scries praesulum Magaloncnsium. ^ Voyez plus linut livre XIX, n. LX, pp. 6"), 66,
* Plantavit de la Pause, Clironologia praesulum »— Voyeis tome IV, A/ote XXV, n, iv, p. l3o.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
I K
An 1 187
vois, avec promesse de ne rien acquérir clans le pays sans le consentement
de l'évêque. Pierre de Lara, vicomte de Narbonne, son cousin, lui donna
d'un autre côté, en 1192, divers domaines du même pays; &<. Raimond V,
comte de Toulouse, lui céda peu de temps avant sa mort tout ce qu'il possé-
doit dans le diocèse de Lodève, 8c confirma en sa faveur la vente que le
comte de Rodez lui avoit faite des domaines du I,odévois, qu'il tenait en fief
des comtes de Toulouse. Ce prélat obtint en 1188 un diplôme du roi Phi-
lippe-Auguste, qui confirma les privilèges 8c les chartes que les rois de France
avoient accordés à l'église de Lodève, entre autres le droit sur les juifs du
Lodévois 8c celui de faire battre monnoie. 11 usa de ce dernier privilège Se il
nomma, en 1189, un essayeur de la monnoie'. Il tonda, en 1190, un prieuré
de filles de l'ordre de Cîteaux, à Notre-Dame de Corneille, dans son diocèse,
sous la dépendance de l'abbaye de Nonnenque, 6c termina la même année,
par l'arbitrage de Bernard, archevêque de Narbonne, un grand procès qu'il
avoit avec l'abbaye de Fontfroide, à laquelle Gaucelin de Montpeyroux, son
prédécesseur, avoit donné tous ses biens par son testament du 3o décembre
de l'an 1186. Enfin, « il céda^, au mois de novembre de l'an 1199, à Guil-
« laume, seigneur de Montpellier, son neveu, tant en son nom qu'en celui
V de son église, 8c comme donataire de Gaucelin, son prédécesseur, tout ce
« que le même seigneur de Montpellier pouvoir prétendre sur ses biens. »
Raimond-Guillaume mourut^ en 1201.
On assure'* que Guillaume, qui succéda en 1190 à Jean de Montlaur,
évêque de Maguelonne, 8c qui avoit été auparavant chanoine de cette église,
étoit aussi de la maison de Montpellier; mais on se trompe. Cette maison
donna cependant un autre évêque à l'Eglise, à la fin du douzième siècle, en
la personne de Raimond, évêque d'Agde, qui succéda à Pierre 3.
Éd. origin.
t. 111, p. 71.
■ KouJ ayons publia {Bihliothi^ut ie l'Ecole iei
Chartes, t. 37, p. SSz) cet acte de Philippe-Au-
guste d'après une copie du treizième siècle des ar-
chives nationales ( J. 895); dom Vaissete avait
probablement connu ce diplôme par Plantavit de
la Pause. Il est certain que cet acte a dû exister,
puisqu'un diplôme du même roi, de 1210 (voir
L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe-Auguste j
n. 1 198), le mentionne; mais la copie du Trésor
des chartes présente certaines anomalies : un
préambule pompeux & incorrect, & l'addition à
la fin, hors du corps de l'acte d'un» clause impor-
tante. Pourtant nous croyons cet acte authenti-
que, 8c nous expliquons ces singularités par le
fait de l'éloignement de Paris où le roi avait dii
laisser sa chancellerie; l'acte est daté du Puy, où
Philippe-Auguste alla résider quelque temps à te
moment même. (Voir Delisle, ut supra, n"' iiy &
120.) [A. M.)
• Mis. d'Auhays, n. 82. — Gariel, Idée de la
ville de Montpellier, p, 137.
' Catel, Mém. de l'histoire du Languedoc, p. 297.
■• Voyez tome VII, Vofir VIII, n. vt, p. 21.
' Vers cette époque il y eut d'assez graves démê-
lés dans le sein du chapitre cathédral de Mague-
lonne, démêlés qui amenèrent l'intervention du
seigneur de Montpellier & du fils du comte de
Toulouse, puis du pape Urbain III. Le prévôt, en
l'absence de l'évêque, avait nommé un certain
Gui sacristain du chapitre. Protestation de l'évê-
que, qui s'en rapporte à l'arbitrage de l'archevêque
de Narbonne; Gui en appelle au pape; mais, pour
se fortifier, il demande l'appui du seigneur de
Montpellier & du jeune comte de Toulouse, qui
viennent ainsi s'entremettre dsuc l'administration
intérieure du chapitre & menacent l'évêque. Ce-
lui-ci & le chapitre, indignés, excommunient
Gui & ses complices & se plaignent au pape.
L'affaire fut confiée par Urbain III à l'évêque de
Kimes & à l'abbé de Saint-Gilles (Cf. M. Ger-
main, Maguclone sous ses êvêijues, pp. Sy, (S3,
184). La bulle est du 18 décembre 1 186 ou 1187.
|A. M.J
An 1 187
120 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
VI. — Bernard-Aton, vicomte de Nîmes &• d'Agde, dispose de cette dernière
vicomte en faveur de l'église d'Agde.
Sous l'épiscopat de ce dernier, « Bernard-Aton', vicomte d'Agde, fils de la
« vicomtesse Guillelmette, voulant pourvoir au salut de son âme 8c de ses
« parens, se donna pour chanoine à l'église de Saint-t,tienne du siège d'Agde,
« à Pierre, évêque du même siège, & à ses successeurs, avec tout ce qu'il
« possédoit dans le diocèse, savoir : la ville d'Agde, ses dépendances, tout ce
« que lui 5c son père avoient possédé dans le même diocèse. Se enfin tous les
« domaines cf^ la vicomte. » Bernard-Aton fit cette donation, au mois de juin
de l'an 1187, devant l'autel de l'église de Notre-Dame du Grau, située à un
quart de lieue de la ville.
Comme ce vicomte tenoit en fief la vicomte d'Agde de Raimond, comte de
Toulouse, l'évêque Pierre eut recours à l'autorité de ce prince pour obtenir
la confirmation de cette donation. Raimond lui accorda volontiers sa demande,
par une charte datée du cloître de Saint-Jacques de Melgueil, un mercredi
du mois de juillet de l'an 1187. « Il donna à ce prélat & à ses successeurs
« tonte l'entière vicomte ou comté d'Agde, comme Bernard-Aton, qui en étoit
« alors vicomte, son père Bernard-Aton &c les seigneurs d'Anduze l'avoient
« possédée, nonobstant les conventions qu'il avoit faites avec ce vicomte; à
« condition que l'évêque Pierre 8c ses successeurs tiendroient en fief cette
« vicomte de lui 8c de ses descendans. » Ce prélat promit d'être fidèle au
comte Raimond 8c à ses successeurs envers tous &c contre tous, 8c ils firent
sceller l'un 8c l'autre la charte de leurs sceaux.
Le 17 de juillet suivant « Bernard-Aton, vicomte d'Agde, fils de la vicom-
« tesse Guillelmette, étant dans cette ville, dans la chambre de l'évêque, animé
« de l'esprit de Dieu, se donna pour chanoine d'Agde à l'évêque Pierre 8c à
c( l'église cathédrale de Saint-Etienne, 8c leur donna avec sa personne toute
(( la vicomte ou comté d'Agde &c toutes ses dépendances, entre autres la ville
« d'Agde, les châteaux de Marseillan &c de Loupian, les fiefs, les mines d'ar-
<( gent, la justice civile 8c criminelle, 8cc., en un mot, tous les droits que le
« vicomte Bernard-Aton, son père, &c lui avoient possédés, justement ou injus-
« tement, dans le diocèse d'Agde. II déclara ensuite qu'il faisoit cette dona-
« tion du consentement 8c de la volonté de Raimond, comte de Toulouse,
« de qui il tenoit toutes ces choses en fief, 8c qu'il approuvoit la donation
« que le même très-glorieux comte Raimond avoit faite depuis peu étant à
« Melgueil, de toute la vicomte ou comté d'Agde en faveur de l'évêque Pierre
« 8c de son église dont ce comte lui avoit envoyé les lettres patentes, scellées
« de son sceau, pour le prier de les ratifier. II abandonna aux chanoines de
« l'église d'Agde tous les droits que lui &c ses prédécesseurs exerçoient juste-
' Catel, Mémoires de l'histoire du Linguedoc, p. 971 & siiiv. — Gallia Christiana, t. 1, p. 6oj nov.
C;l. t. 6, Instrum. c. 329 & seq.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 121 — —
An 1 187
« ment ou injustement sur les vassaux & les clercs de l'église d'Agde 8<. sur
« leur famille. Il confirma enfin tous les privilèges que les rois de France &
« les papes avoient accordés à Tévêque & aux chanoines de cette église. »
Au mois d'août suivant, le vicomte' monta sur la tour appelée de Mirabel
accompagné de l'évêque, des chanoines Si des principaux de la ville, 8c de là,
montrant de la main l'étendue de la vicomte d'Agde, il en mit ce prélat en
possession Se l'investit vers le même temps du château de Marseillan. Ce
sont là les circonstances de l'union de la vicomte d'Agde au domaine de
l'évêché de cette ville; sur quoi nous ajouterons quelques réflexions :
1° Le vicomte Bernard-Aton, qui fit cette donation, se sert du terme de
vicomte ou de comté d'Agde, de même que le comte de Toulouse qui la con-
firma ; mais ce ne fut proprement que la vicomte qui fut unie à l'évêché, car
Bernard-Aton ne pouvoit donner que ce qu'il possédoit: or ni lui ni ses lîJ. oriRin.
prédécesseurs n'avoient jamais joui que de la vicomte d'Agde; 8c le comté de
cette ville étoit alors uni depuis très-longtemps au domaine des comtes de
Toulouse. De là vient que Raimond V, en confirmant cette donation, se
réserva l'hommage de la part des évêques pour cette même vicomte. Les
évêques d'Agde se sont qualifiés toutefois depuis comtes de cette ville : ils se
sont fondés sans doute sur les actes où les termes de vicomte 8c de comté sont
confondus.
2° Bernard-Aton donna cette vicomte comme elle avoit été possédée tant
par lui que par son père. Or elle avoit été cédée' à ce dernier en ii5o par
Raimond-Trencavel, vicomte de Béziers 8c de Carcassonne, son frère, qui
lui avoit donné la ville d'Agde avec la partie du diocèse de cette ville située
à la gauche de l'Hérault. La vicomte d'Agde ne s'étendoit donc en 1187 que
jusqu'à ce fleuve. Le reste du diocèse appartenoit à Roger II, vicomte de
Ijéziers 8c de Carcassonne, fils de Raimond-Trencavel 8c cousin germain cle
Bernard-Aton.
3° Catel-^ prétend « que le vicomte Bernard-Aton quitta son comté pour
(1 être chanoine 8c passer le reste de ses jours au service de Dieu en l'église
« de Saint-Etienne d'Agde. » Il paroît, en effet, par l'acte de donation dont
on vient de parler, qu'il avoit alors dessein d'embrasser l'état ecclésiastique.
Messieurs de Sainte-Marthe'* vont plus loin : ils assurent que Bernard-Aton,
avant été reçu chanoine de la cathédrale d'Agde, y passa le reste de ses jours.
Mais nous avons lieu de douter si ce vicomte embrassa l'état ecclésiastique 8c
' Catel, Mémoires Je l'histoire Jtt Languedoc , Saint-Étienne, & lui concède ses domaines de
p. 972. Marseillan & de Loupinn (Cf. t. V, c. iSzo, n. 60)}
* Voyez tome III, 1. XVIII, n. xi, p. 781. la vente de la vicomte eut lieu le 17 juillet; cet
'Catel, Mémoires de l histoire Au Languedoc, acte de donation est du 26 du même mois. Rien
p. 972. ne prouve d'ailleurs, comme le dit dom Vaissete,
* C allia Chrisliana, t. 2, p. 60. — Les auteurs c]ue Bernard-Aton ait embrassé l'état ecclésiastique;
du premier Gallia Christiana avaient raison; du il est seulement probable qu'il ne se maria jamais
moins les éditeurs du nouveau Gallia ont publié & qu'il devint ainsi une sorte d'associé laïque de
(t. 6, Instrum. c. 329) un acte par lequel Bernard- la congrégation. [A. M.J
Aton se donne pour chanoine à la cathédrale de
~; ^ — 122 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 187
si, en se donnant pour chanoine à l'église d'Agde-, il n'entencloit pas seule-
ment qu'il pariiciperoit aux prières des chanoines & qu'il seroit inhuiiié
parmi eux après sa mort en habit de chanoine, comme c'étoit alors une dévo-
tion assez ordinaire parmi les plus grands seigneurs, lesquels, suivant plu-
sieurs monumens qui nous restent, se donnoient avant leur mort pour reli-
gieux en quelque monastère, sans embrasser la profession monastique. Nous
avons, en effet, divers actes de Bernard-Aton, depuis l'an 1187 jusqu'en 12 14,
Se on ne voit dans aucun qu'il se soit qualifié chanoine ou qu'il ait embrassé
l'état ecclésiastique. Nous trouvons, au contraire, qu'il se qualifia toujours
vicomte d'Agde dans ces actes. Tel est l'engagement qu'il' fit, en 1189, en
faveur de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, & d'Agnès, sa femme,
pour dix mille sols raelgoriens, du château de Loupian, engagement pour
la sûreté duquel il hypothéqua le château de Marseillan. Il se qualifie aussi
vicomte d'Agde dans une donation^ entre-vifs qu'il fit, au mois de janvier de
l'an 1191, en faveur du même seigneur de Montpellier, d'Agnès, sa femme,
St de leurs enfans, du même château de Loupian dont il se réserva l'usufruit
pendant sa vie. Comme ce château dépendoit de la vicomte d'Agde, de même
que celui de Marseillan, cela pourroit faire croire que Bernard-Aton révoqua
la donation qu'il avoit faite à l'église d'Agde. Nous voyons d'ailleurs qu'il
engagea^ de nouveau pour dix ans, au mois de janvier de l'an 1194 (1195),
au seigneur de Montpellier & à Agnès, sa femme, le château de I,oupian,
avec clause expresse que ce château leur demeuréroit obligé pour la somme
de vingt mille sols melgoriens, dont cinquante-deux valoient un marc d'ar-
gent. Bernard-Aton se qualifie encore vicomte d'Agde dans cet acte qu'il fit,
sauf la donation de ce château au même seigneur, laquelle seroit valable,
soit pendant l'engagement, soit après le payement. On voit une semblable
clause dans un acte par lequeH Guillaume, seigneur de Montpellier, &. sa
femme, reconnoissent qu'ils ne sont tenus de payer à Bernard-Aton, vicomte
d'Agde, que quatorze mille sols melgoriens pour l'engagement du château de
Loupian, quoiqu'il paroisse par l'acte précédent qu'il étoit engagé pour !a
somme de vingt mille. Enfin on trouve dans les archives de l'évêché d'Agde''
un acte par lequel Bernard-Aton, vicomte de cette ville, donna en fief, au
mois d'août de l'an iigS, divers domaines de la vicomte d'Agde à Bérenger
de Sales, Bérenger de Thésan, &C.
4° Bernard-Aton possédoit aussi la vicomte de Nimes dont il fut le sixième
vicomte de son nom &. de sa race. Il étoit né posthume vers l'an 1109 S;
avoit succédé dans ces deux vicomtes à Bernard-Aton V, son père, sous ia
Éd.oiigin. tutelle de Guillelmette de Montpellier, sa mère. Dans la suite il épousa
t. ni, p. 73. ^ . , , . , . ' . . ,., . ' ,
Garsinde dont on ignore la maison; mais on ne voit pas quil en ait eu des
enfans. Il avoit déjà disposé, en effet, de la vicomte de Nimes en faveur du
' Voyez tome Vm, Chartes, n. XLVII, ce. Spy, < Voyez tome VIII, Chartes, n. XLVII, ce. 3-9,
398. 400.
' Ib'ii. c. 398. ' Archives de l'évêché d'Agde, n. 21. — Voyea
' Ihii. ce. 398, 399. terne V, c. i32o, n. 64.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XX. izZ
comte de Toulouse lorsqu'il fit donation, en 1187, de celle d'Agde à l'église
de cette ville j en voici la preuve : Bernard-Aton vécut au moins jusc{u'en 1 2 14;
or, dans tout cet intervalle, nous n'avons aucun monument qui prouve qu'il
ait exercé quelque autorité dans le diocèse de Ninies, &. qu'il se soit qualifié
vicomte de cette ville. De plus, il est certain que depuis l'an 1 187 ' les comtes
de Toulouse dominèrent absolument à Nimes & dans le diocèse, & qu'ils
réunirent en leur personne toute l'autorité temporelle sur ce pays, comme il
paroît entre autres par une charte^, suivant laquelle Raimond VI, comte de
Toulouse, confirma en 1197, en faveur de l'église de Nimes, un accord que
Guillelmette, mère de Bernard-Aton, aiurejois vicomte, avoit fait avec les
chanoines de la cathédrale. Enfin on a vu plus haut que Raimond V, comte
de Toulouse, confirma la donation de la vicomte d'Agde faite par Bernard-
Aton à l'église de cette ville, nonobstant les conventions qu^il avoit passées
avec lui. Or ces conventions supposoient sans doute que ce vicomte lui avoit
cédé tous ses domaines.
5° Il est vrai que Bernard-Aton donna ^, en 1:14, les vicomtes de Nimes
Si d'Agde à Simon de Montfort; mais outre qu'il ne se qualifie dans l'acte
que Bernard-Aton, fils de feu Bernard-Aton, vicomte de Nimes 6* d'Agde, i-
de Guillelmette, sa femme, il marque expressément qu'il fait cette donation
(I à cause de la substitution qui avoit été faite entre ses prédécesseurs d'un
(I cùté 8c les vicomtes de Béziers de l'autre, pour se succéder les uns aux
<( autres par défaut de descendans. » Cela prouve donc seulement que Simon
de Montfort, s'étant emparé de tous les domaines des maisons de Toulouse 8c
de Béziers, il engagea, pour s'en assurer la possession, Bernard-Aton à la lui
confirmer; mais ce n'est pas une preuve que ce dernier fût alors propriétaire
des vicomtes de Nimes 8c d'Agde.
6° Il semble que Bernard-Aton, suivant cette substitution, ne pouvoit pas
disposer de la vicomte d'Agde, en faveur de l'église de cette ville, sans le
consentement de Roger II, alors vicomte de Béziers 8c de Carcassonne, son
cousin germain, qui lui étoit substitué : or il ne paroît pas que Roger ait
donné ce consentement. Bernard-Aton crut peut-être pouvoir s'en passer,
après avoir obtenu celui du comte de Toulouse, son seigneur dominant, dont
il avoit abandonné les intérêts en 11 79 pour embrasser ceux du roi d'Aragon,
8c avec lequel il s'étoit par conséquent alors réconcilié'*.
■ Dom Vaissele aurait pu dire, depuis m85. En ' Voyez tome VIII, Chartes, n. CXIII, ce. (55i
effet, le 6 mars 1184 (v. st.), le comte Raimond V à 6J3.
confirma les libertés & franchises des habitants de '' La ville de Millau, en Rouergue, obtint ver»
Nimes, telles que les leur avaient concédées les cette époque des privilèges du roi d'Aragon, Ai-
anciens vicomies) liberté des personnes & des fonse. Ces privilèges, datés du 1" avril 1187, ont
biens, exemption des toltes & quêtes; concession été publiés par de Gaujal {Etudes sur le Rouerguet
des anciens communaux (devesiae). Raimond, t. 1, p. 283 Sisuiv.)) l'original existe à Paris, à
dans cet acte, s'intitule comte de Nimes. On le l.i Bibliothèque nationale [Collect. de Languedoc^
trouvera dans Ménard, Histoire de Nimes, t. 1, v. 1 96). Ces coutumes portent exemption de quête,
preuves, p. 40. — Voir plus haut, p. 111. [A. M.] tolte,&c. — Les frais de justice pour chaque affaire
' Voyez tome VIII, Chartes, n, LXVIII,cc. 442 seront réglés par les consuls, de concert avec le
à 445. juge de la cour & les conciliatorcs (^assesseurs). — »
An 1 187
An 1187
1:4
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
VII. — Ralmond de Montpellier, évêque d'Agde.
Pierre, évêque d'Agde, survécut longtemps à la donation que le vicomte
Bernard-Aton lui avoit faite & à son église de la vicomte d'Agde. Raimond',
fils de Guillaume VII, seigneur de Montpellier, 8c de Mathilde de Bour-
gogne, lui succéda en 1192, Il avoit embrassé la profession religieuse dans
l'abbaye de Grandselve, au diocèse de Toulouse, conformément au testament^
de son père. On voit, en effet, parmi les témoins qui furent présens à une
donation 3 que Vivien, vicomte d'Hautvillar, fit à la fin de l'an 1186 à cette
abbaye, Raimond de Montpellier, prêtre 6- moine de Grandselve. Raimond V,
comte de Toulouse, qui étoit peut-être parrain de Raimond de Montpellier,
favorisa sans doute son élection à l'évêché d'Agde dont il ne prenoit encore
que le titre d'évêque élu'' au mois de juillet de l'an 1194. Raimond VI,
comte de Toulouse, le fit' son chancelier; & ce prélat exerçoit les fonctions
de cette charge en 1198, i2o3 8<. i2o5. Il fit son testament au mois de
novembre de l'an I2i3, légua^ sa bibliothèque à sa cathédrale, & donna à
l'abbaye de Valmagne, dans son diocèse, un psautier qu'il avoit composé en
l'honneur de Dieu 6- de la Vierge.
fich-Br
t. III, p. 74.
origin.
VIII. — Sœurs de Raimond V, comte de Toulouse, — Comtes de Comminges.
Raimond V, comte de Toulouse, après avoir confirmé à Melgueil, au mois
de juillet de l'an 1187, la donation du vicomte Bernard-Aton en faveur de
l'église d'Agde, se rendit vers le Rhône où il donna '^, au mois d'août suivant,
à l'abbaye de F'ranquevaux ce qu'il possédoit dans le territoire de Fourques
de la succession de feue Agnès, sa sœur, avec réserve de l'usufruit. Guillaume
de Sabran, Raimond Rascas, seigneur d'Uzès, El-^éar d'Ujès, son frère, Pierre
Tout accusateiir est astreint au serinent ie calum-
7iia; l'accusé subit l'épreuve de l'eau froide. — Les
droits de mouture dans les inouhns banaux sont
réglés à tant par setier; le meunier qui falsifiera
la farine pour en augmenter la quantité, payera
cinq sous d'amende & restituera le double de la
farine gâtée. — La mesure employée est celle de
Montpellier. — Celui qui meurt après testament
fait, son testament est exécuté, qu'il ait ou n'ait
pas d'héritier naturel. S'il n'a pas d'héritier &
meurt intestat, ses biens sont confisqués, & le sei-
gneur paye les frais des funérailles; s'il meurt in-
testat, ayant héritiers naturels, ceux-ci succèdent
librement. — L'adultère pris en flagrant délit com-
mis de jour, ne pourra racheter sa peine à prix
d'argent. Défense de punir le mari innocent pour
la faute de sa femme, & réciproquement. —Sauf-
conduit & sauvegarde pour les routes, les foires &
les marchés. — Etablissement du consulat; con-
cession d'un sceau commun & désarmes du prince
[vexillum). Les consuls ont droit d'arbitrage dans
toutes les questions intéressant le commun. [A, M.]
' Gaîlia Christiana, nov, éd. t. 6.
' l'oyez tome VIII, Chartes, n. XIV, c. 287.
' Archives de l'abbaye de Grandselve.
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXI, c. 428.
' Voyez tome VII, Note XLV, n. m, p. 129.
'' Catel , Mémoires de l'histoire du Languedoc ,
p. 973.
' Gaîlia Christiana, nov. éd. t. 6, Instrum, c. 197,
— [Ménard, Histoire de Nirres, t. 1, p. 247.] —
Remarquons que le comte se réserva l'usufruit de
ce domaine. Mais comme il devait à l'abbaye
quatre mille quatre cents sous raimondins, il lui
rétrocéda la inoitié de cet usufruit pour en perce-
voir les revenus jusqu'à payement intégral de cette
somme. Cet acte est un exemple curieux des
transactions financières compliquées auxquelles
en étaient réduits les plus grands seigneurs de
cette époque. [A. M.]
HISTOIRE GENEllALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. laS
Fulcodii, juge S<. chancelier du comte, Se divers autres seigneurs furent pré-
sens à cette donation. Le même Elzéar d'Uzès, en qualité de seigneur de
Posquières, confirma', l'année suivante, cette abbaye dans la possession de
toutes les terres dont elle jouissoit dans ses domaines.
Agnès, sœur de Raimond V, comte de Toulouse, ne nous est connue que
par ce seul monument. Elle mourut sans enfans, supposé qu'elle eût été
mariée, puisque le comte, son frère, recueillit sa succession. Il paroît par là
qu'elle est dittérente d'une autre sœur de ce prince, mère de Bernard, comte
de Comminges, lequel, en^ 1191 & 1 196, se quaWiie Jils de la sœur du comte
de Toulouse. Ce Bernard, qui tut^ le sixième comte de Comminges de son
nom, étoit fils de Dodon , petit-fils de Bernard V, aussi comtes de Com-
minges, St arrière petit-fils de Roger de Comminges, suivant une* enquête
qui fut faite en 1197 pour prouver sa parenté avec Comtoresse de la Barthe,
sa femme, dont il se sépara. Roger de Comminges, bisaïeul de Bernard VI,
étoit frère puîné de Bernard IV, dont nous avons parlé'' ailleurs. Ainsi Ber-
nard V n'étoit pas fils de Bernard IV, comme nous l'avions cru d'abord.
Quant au comte Dodon, fils de Bernard V, il épousa par conséquent une
fille d'Alfonse-Jourdain, comte de Toulouse, dont on ignore le nom. Quel-
ques-uns qui la tout mal à propos fille de Raimond V, comte de Toulouse'^,
l'appellent Laurence. Du reste on assure'' que Dodon prit l'habit monas-
tique en 1181, dans l'abbaye des Feuillans 81 qu'il y fut inhumé. On lui
donne trois fils de la princesse de Toulouse, sa femme, savoir : Bernard VI,
Guy, qui fut seigneur d'Aure par sa femme, & un autre Bernard qu'on fait
seigneur du pays de Savez, portion du Toulousain. D'autres ^ prétendent
que le comte de Comminges eut de la sœur de Raimond V, comte de Tou-
louse, Bernard VI, qui lui succéda, Roger, comte de Pailhas', duquel on fait
descendre les vicomtes de Conserans 5c Arnaud, seigneur de Dalmazan '°, pays
qui anciennement faisoit partie du comté de Foix 8c qui étoit entré dans la
maison de Comminges par quelque alliance avec celle de Foix. Bernard VI,
comte de Comminges, épousa en premières noces Etiennette, nommée aussi
Béatrix, fille Se héritière de Centulle, comte de Bigorre, dont il n'eut qu'une
fille, nommée Pétronille, dont nous aurons occasion de parler dans la suite.
' Mss. d'Aahays, n. 77. de Montfort (t. VIII, c. 608), nous TOyons pa-
' Voyez lome VIII, Chartes, n. LI, c. 408. raître un Roger, comte de Comminges, qui n'est
' Voyez tome III, 1. XVIII, n. xii, pp. 781 , 782. autre que le comte de Pailbas dont il est ici ques-
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXIX, ce. 448, tion. Pierre de Vaux-Cernay (c. 53) l'appelle un
449. nobilis homo, de partîhus Vascon'tae ; le comte de
> Voyez tome IV, Noie XXII, pp. 1 i3 & 126, & Comminges s'appelant alors Bernard, il faut tra-
tome III, ut suprd. duire dans l'acte de 1211, Roger Je Comminges,
" Le P. Anselme, Histoire généalogique des grands comte. (A. M.]
officiers, t. 2, p. 63o. '•' Le Daumazanès appartenait encore au comte
' liid. de Foix en i2i8j voir aux archives départeraen-
' Oïhenart, Notitia Vasconiae, p. 322. taies de l'Ariége une copie du quinzième siècle de
' Ce qui donne une certaine consistance à cette la charte de coutume concédée à cette date par le
généalogie est le fait que dans plusieurs actes, comte Roger-Bern:ird aux habitants de Dauma-
notamment dans un hommage de 1211, à Simon zan. [A. M]
An 1 187
An 1 li
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
IX. — Mort de Roger-Bernard 1, comte de Foïx. — Son fils Raimond-Roger
lui succède.
On a dit ailleurs qu'Alfonse, roi d'Aragon, confia en ii85 le gouvernement
de Provence à Roger-Bernard, comte de Foix, son cousin germain. Roger-
Bernard ne jouit pas longtemps de cette dignité : étant de retour dans ses
domaines, il y mourut' au mois de novembre de l'an 1188 & fut inhumé
dans l'abbaye de Boulbonne, de l'ordre de Cîteaux, située dans son comté de
Foix, qu'il avoit enrichie^ par ses libéralités. Il laissa de Cécile de Béziers,
fille du vicomte Raimond-Trencavel, qu'il avoit épousée en ii5i, un fils,
nommé Raimond-Roger, qui lui succéda dans ses domaines. 11 avoit eu un
autre fils, appelé Roger, qui étoit l'aîné & son héritier présomptif, dont il
est fait mention en divers actes^, depuis l'an ii65 jusqu'en 1174; mais nous
ne trouvons plus rien de lui après cette dernière année, 81 il étoit déjà
décédé en 1182, lorsque Roger-Bernard, comte de Foix, &> Raimond-Roger,
son fils, donnèrent en fief"^ les domaines de Quier. Roger-Bernard laissa de
plus deux filles^, dont l'une, nommée Esclarmonde, épousa Jourdain II, sei-
gneur de risle-Jourdain. On ignore le nom de l'autre, qui fut mariée avec
Roger de Comminges, vicomte de Conserans, & fut mère d'un autre ^ Roger
de Comminges, seigneur du pays de Savez, qualifié, en 1212, neveu"! du
comte de Foix^. Nous avons parlé en un autre ^ endroit d'une troisième fille
de Roger-Bernard, dont on ignore aussi le nom, & qui étoit sans doute
l'aînée, laquelle épousa en 1 162 Guillaume-Arnaud de Marquefave. On assure
que Roger-Bernard '° avoit épousé en premières noces une prétendue Cécile
de Barcelone dont il n'eut pas d'enfans; mais ce fait est avancé sans preuve,
8<. il est certain que Pvoger-Bernard n'eut jamais d'autre femme que Cécile
de Béziers, 81 qu'on l'a confondu " avec Roger III, son père, qui épousa en
effet une fille du comte de Barcelone. On aura cru qu'il eut pour femme
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XLIV, ce. 391, ce personnage fût seigneur du Savès; dom Vais-
392. sete a mal saisi la suite des événements. Simon de
" Voyez tome III, 1. XVII, n. lxxvii, p. ySo. — Montfort est allé à Saint-Gaudens recevoir les
De Marca, Histoire de Biarn, p. 722. hommnges des seigneurs du Conserans & du Com-
' Voyez tome VIII, Chartes, n. V, ce. 27!! à 276. minges (haute Garonne & Ariége) ; de là il va dans
* Château de Foix, caisse 14. les montagnes vers Foix [apui fuxum) & ravage
' Petrus Vallis Cernaii, Historia Alhigensium, en grande partie la terre de ce Roger de Commin-
c, 6. ges. Le Savès est de l'autre côté, vers la Gascogne,
"Le P. Anselme, Histoire généalogique des grands tandis que, d'après les paroles mêmes du chroni-
o/ficiers, t. 2, p. 344. queur, la terre de Roger de Comminges était située
' Petrus Vallis Cernaii, Historia Alhigensium, vers l'Espagne; c'était donc le comté de Pailhas.
c. 64. [A. M.]
' Ce Roger de Comminges est certainement le -' Voyez tome III, 1. XVIII, n. lvi, p. 836.
même que celui que nous avons vu plus haut s'ap- '" Le P. Anselme, Histoire généalogique des grands
peler de Comminges en 121 1; au chapitre 53 de officiers, t. 2, p. 344. — De Marca, Histoire de
son histoire, Pierre de Vaux-Cernay le dit con- Bcarn, p. 721.
languineus; au chapitre 64 nepos comitis Fuxensis. " De Marca, ibid. p. 721.
En tout cas, ce dernier auteur ne dit pas que
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XX. 127 ""; TT
I An i 188
une sœur d'Altbnse II, roi d'Aragon & comte de Barcelone, sur ce que ce
prince appelle' Raimond-Roger, comte de Foix, son neveu ^ mais Raimond-
Roger n'étoit neveu du roi d'Aragon qu'à la mode de Bretagne, par Ximène t''fi-,'"'S'";
de Barcelone, tante de ce roi, laquelle avoit épousé Roger III, comte de
Foix, son aïeul. Au reste. Barrai, vicomte de Marseille, succéda au comte
Roger-Bernard dans le gouvernement du comté de Provence, & il le possé-
doit^ en 1190.
Raimond-Roger confirma, à^ la fin de l'an 1188, avec Raimond, abbé de
Saint-Antonin de Pamiers, le pariage que le comte, son père, avoit fait
en 1149 ^'^^'^ '-^ monastère; il se dit fils de Roger-Bernard 6- de Cécile dans
l'acte passé en présence d'Arnaud de Castelverdun 8<. de plusieurs autres de
ses vassaux. Il confirma*^ aussi, au mois de mars de l'année suivante, avec
Pierre, abbé de Saint-Volusien de Foix, du conseil de ses barons, savoir :
de Pv.aimond de Gilabert, d'Aton de Raimond, de Guillaume-Bernard d'As-
nave, de R. de Cher ou de Quier, d'Arnaud-Guillaume de Lordat & d'Ar-
naud du Puy, son baile, le pariage que le comte, son père, avoit fait en 1168
avec cette abbaye. Il se maria^, la même année 1189, avec Philippe, qu'on^
dit de la maison de Moncade, en Catalogne; de quoi nous ne trouvons
aucune preuve.
X. — Richard, duc d'Aquitaine, porte la guerre dans les Etats du comte
de Toulouse &- s'empare de diverses places.
La guerre qui s'étoit élevée entre Richard, duc d'Aquitaine, 81 Raimond V,
comte de Toulouse, paroissoit^ ralentie, lorsqu'elle se renouvela avec beau-
coup de vivacité. Raimond s'étant ligué contre Richard avec le comte d'An-
goulême, Gaufred de Lézignem & plusieurs autres des principaux d'Aqui-
taine, fit arrêter, par le conseil de Pierre Saissun, son domestique, divers
marchands aquitains qui commerçoient dans ses Etats. Il se mit ensuite en
campagne 81 ravagea les terres du duc, qui trouva moyen de s'assurer de la
personne de ce domestique. Richard le fit enfermer dans une étroite prison
8c le traita avec la dernière rigueur pour le punir du conseil qu'il avoit
donné à son maître. En vain Raimond fit ses efforts pour en obtenir le
rachat : tous ses soins furent inutiles. Il usa enfin de représailles & fit arrêter
deux chevaliers de la famille du roi d'Angleterre qui revenoient de Saint-
Jacques, en Galice, 8c passoient dans ses États; avec menace de les faire
mourir si Richard ne lui rendoit son prisonnier. Le duc d'Aquitaine, informé
de la détention de ces chevaliers, ne s'en mit pas beaucoup en peine, comp-
' Voyez fome VIII, Chartes, n. LIX, c. ^îS. '' Chronique manuscrite des comtes de Foix,
* Bouche, Li chorographlc ou deicription Je Id Baliize, mss. n. 419, — 0e Marca, Histoire Hu
Provence, t. 1, p. 172. Séarn, p. 753.
'Château de Foix, caisses 4 & 5. — Voyez " he P. Amelme, Histoire gcnéalogiijue des granit!
tome V, ce. 1116, 1616, n. X. officiers, t. i, p. 34.').
■* Archives de l'abbaye de Foix. 'Rogerde Hoyeisn, Annales Anglicani, an, 1 188,
1 Z~ 128 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIX. XX.
An I I 00
tant que le respect qu'on avoit pour les pèlerinages empêcheroit le comte de
Toulouse de rien entreprendre contre eux. Raimond fut en effet obligé de
les relâcher à la prière du roi de France, qui les lui demanda par un motif
de religion, après en avoir retiré cependant une grosse rançon. Pv.ichard,
outré de dépit, résolut de pousser à bout le comte de Toulouse. Il prit' à sa
solde un corps de ces brigands qu'on appeloit Brabançons, 81, les ayant
joints à ses propres troupes, il fit une \£ruption, au printemps de l'an 1188,
dans les États de Raimond où il porta le fer £<. le feu. Il se rendit maître de
dix-sept châteaux, situés la plupart en Querci, entre autres de celui de
Moissac &, à ce qu'il paroît^, de la ville de Cahors. Il s'approcha ensuite de
Toulouse, dont il ravagea tous les environs, & se proposa d'en faire le siège.
XI. — Le roi Philippe-Auguste /ait diversion en faveur du comte de Toulouse,
Le comte, déconcerté par la rapidité de ces conquêtes, eut recours au roi
Philippe-Auguste, son souverain & son allié. Il représenta à ce prince que
les hostilités de Richard étoient une infraction manifeste de la trêve conclue
au mois de janvier précédent entre les deux rois lorsqu'ils avoient pris la
croix l'un Se l'autre pour aller secourir la Terre-Sainte 8c arrêter les progrès
du sultan Saladin. Les rois de France 8^ d'Angleterre étoient convenus en
effet alors que toutes leurs querelles cesseroient Se que les hostilités seroient
suspendues de part 8c d'autre depuis leur entrevue jusqu'après leur retour du
voyage d'outre-mer. Les Toulousains implorèrent de leur côté la protection
du roi, qui prit hautement leur défense avec celle de leur comte. Philippe
envoya des ambassadeurs à Henri, roi d'Angleterre, pour se plaindre de ce
que le duc Richard, son fils, avoit porté la guerre dans le royaume sans
aucune déclaration préalable 8c sans l'avoir auparavant défié : il lui fit
demander si c'étoit par son ordre que Richard avoit exercé ces ravages, 8c le
somma d'en faire réparation. Henri répondit que son fils avoit entrepris cette
expédition sans l'avoir consulté, 8c qu'il s'étoit contenté de lui faire savoir
par l'archevêque de Dublin qu'il n'avoit agi en tout cela que par l'avis du
roi de France.
^ Éd.oriBin. Philippe, peu content d'une pareille défaite, assembla ses troupes 8c
attaqua les Etats du roi d'Angleterre. Il entra d'abord dans le Berry, prit
Châteauroux, Argenton Se plusieurs autres châteaux, soumit à son obéissance
presque tout le pays avec une partie de la Touraine 8c s'avança jusque dans
le Bourbonnois où il s'empara de Montluçon 8c de quelques autres places.
Un historien du temps ^ prétend même que Philippe poussa jusque dans le
Querci où il soumit, dit-il, cinq comtés sur le roi d'Angleterre; c'est-à-dire
sans doute qu'il reprit cinq des châteaux que Richard avoit enlevés dans ce
"■ ' Roger de Hoveden, ad an. 1188. — Rigord, ' Voyez tome VII, Note IX, pp. 22 à 24.
De gestis Phdippi Augusti, p. 27. — Giiillelmus ' Radiilphus, Coggeshalae abbas, Chronicon An-
Armoricus. — Radiilphiis de Diceto. — Geivasius glicif,
Oorobernensis, ad an. 1188.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 129
pays au comte de Toulouse. Quoi qu'il en soit, il est certain que la diver-
sion de Philippe en faveur de Raimond arrêta les entreprises de Richard,
qui fut obligé de marcher au secours du Berry.
Henri n'eut pas été plutôt informé de l'entrée de Philippe dans ses États,
qu'il envoya à ce prince l'archevêque de Cantorbéri pour l'apaiser; mais ce
prélat n'ayant pu rien gagner, il se détermina à passer la mer, débarqua en
Normandie, vers la mi-juilIet", Si se rendit à Alençon, où il assembla son
armée. Philippe quitta alors le Berry pour revenir en France s'opposer aux
desseins du roi d'Angleterre. Richard tenta vainement, après le départ de
Philippe, de reprendre Châteauroux, il fut obligé de se retirer. Il alla ensuite
en Normandie joindre le roi, son père, qui envoya de nouveaux ambassa-
deurs à Philippe pour lui demander la paix, avec offre de réparer les dom-
mages qu'il lui avoit causés. Philippe répondit fièrement qu'il n'abandonne-
roit son entreprise qu'après avoir entièrement soumis à son obéissance le
Berry ik le Vexin normand. Sur cela Henri Si Richard, son fils, se mirent
en marche Si s'avancèrent jusqu'à Mantes, où ils firent quelque dégât. Phi-
lippe, qui s'étoit avancé de son côté, leur fit proposer une conférence qu'ils
acceptèrent Si qui se tint, le 16 du mois d'août, entre Gisors Si Trie : elle
dura trois jours, sans que les deux rois pussent convenir d'aucun article. Après
leur séparation, ils eurent de nouveau recours aux armes : ils convinrent
cependant d'une nouvelle entrevue qui se fit le 7 du mois d'octobre. Phi-
lippe offrit alors à Henri de lui restituer toutes les places qu'il avoit sou-
mises, à condition que Richard rendroit de son côté au comte de Toulouse
toutes celles qu'il lui avoit enlevées; Si, comme il ne se fioit pas à Richard,
il demanda au roi Henri qu'il remît en otage le château de Pacy, en Nor-
mandie. Henri refusa de le iaire, Si les deux rois se retirèrent aussi ennemis
qu'auparavant.
XII. — Voyage de Philippe- Auguste au Pi/y, — Le Vïvaraïs est soumis
à sa domination.
Philippe prit la route du Berry 81 soumit en passant le château de Palud.
11 prit ii Châteauroux un corps de Brabançons qu'il conduisit jusqu'à Bourges;
mais les désordres que commettoient ces brigands l'obligèrent à les congédier,
après leur avoir enlevé leurs armes, leurs chevaux 81 tout le butin dont ils
s'étoient enrichis dans leurs courses. Il alla ensuite en Auvergne^ où il
soumit diverses places sur le roi d'Angleterre, qui étoit reconnu pour suze-
rain dans une partie du pays, Si s'avança jusqu'au Puy, en Vêlai. Il étoit
dans cette ville^, vers la fin du mois d'octobre ou le commencement de
novembre. Si il y donna alors deux chartes. Par la première il confirma, à
la prière de Pierre, évêque du Puy, les privilèges que le roi Louis le Jeune,
' Voyez tome VII, Note IX, pp. zz à 24. ' Voyez tome VII, Note IX, pp. 22 à 2.;.
* na.
VI.
An ii83
~ 77~ i3o HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV, XX.
An 1100
son père, avoit accordés k l'église de cette ville, entre autres la permission
d'y lever un péage de treize deniers du Ptiy pour chaque charge qui entroit
dans la ville, savoir : cinq deniers pour l'évêque, trois deniers pour l'église
du Puy 8t cinq deniers pour le vicomte de Polignac, qui les tenoit en fief
de la même église. Par l'autre charte' Philippe reçut l'hommage lige d'Odon,
seigneur de Tournon, pour le château de ce nom, situé en Vivarais, sur les
bords du Rhône^. Philippe-Auguste étendoit donc sa domination jusqu'à ce
fleuve, 8i le Vivarais lui étoit soumis. Il paroît, au reste, que ce prince entre-
prit le voyage du Puy par un mouvement de dévotion envers la sainte Vierge
honorée dans l'église de cette ville, & pour implorer son secours avant que
d'entreprendre le voyage de Terre-Sainte, à l'exemple du roi Louis VII qui
en avoit fait autant dans un cas semblable^.
XIII. — Le duc d'Aquitaine se réconcilie avec le roi, t- demeure en possession
des places qu'il avoit enlevées au comte de Toulouse.
Cependant le duc Richard, craignant que le roi d'Angleterre, son père, qui
Éi. origin. avoit divcrs suiets de mécontentement contre lui, ne le déshéritât & ne fit
1. 111. p. 77. ^
passer la couronne sur la tête de Jean, son frère puîné, chercha'* à se récon-
cilier avec le roi Philippe; il fit ce prince l'arbitre de ses différends avec le
comte de Toulouse, & offrit de s'en rapporter au jugement de sa cour, Phi-
lippe accepta la médiation, se réconcilia secrètement avec Richard 81 promit
de le protéger contre le roi, son père. Celui-ci, qui ignoroit tout leur manège,
convint, à la sollicitation de Richard, qui avoit ses vues en cela, d'avoir une
nouvelle conférence pour la paix avec Philippe. Elle se tint k Bonmoulins'',
le jeudi 18 de novembre, jour de l'octave de Saint-Martin, & dura trois jours.
Pendant la conférence, les deux rois, le duc Richard &. l'archevêque de
Reims occupèrent le milieu du lieu de l'assemblée, & ils étoient environnés
des grands &c des troupes des deux nations. On parla le premier jour avec
assez de tranquillité; la conférence s'échauffa le second, &. il se dit des
paroles si vives de part St d'autre le troisième, qu'on en vint réciproquement
aux menaces; en sorte que les troupes, s'étant mises en ordre de bataille,
n'attendoient plus de part &<. d'autre que le signal pour donner. Philippe
proposa d'abord à Henri de se rendre mutuellement toutes les places qu'ils
avoient conquises l'un sur l'autre depuis qu'ils avoient pris la croix. Se de
s'en tenir à la trêve qu'ils avoient conclue alors, jusqu'après leur retour de la
Terre-Sainte. Henri déclara qu'il aimeroit mieux convenir entièrement de
la paix par l'avis du clergé & des barons. Richard s'y opposa pour n'être pas
' Mss, Colhert, n. i66ç. Auguste que se rapporte l'acte pour l'église de
' Voyez l'indication de ces deux actes dans De- Lodève plus haut indiqué. [A. M.]
lisle. Catalogue des actes de Philippe- Auguste, ■* Roger de Hoveden, p, 36o. — Radulphus de
n°* 219, 220, p. 53. [A. M.] Diceto, p. 682. — Gervasius Dorobernensis ,
^ Dom Vaissete emprunte le fait de ce pèleri- an. 1188.
nage à Bochart de Sarron, Histoire de Notre-Dame ' Voyez tome VII, Note IX, pp. 22 à 24.
du Puy, p. 265. C'est à ce voyage de Philippe-
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i3i
obligé de restituer le Querci qu'il avoit envahi sur le comte de Toulouse, 8c
dont il tiroit plus de mille marcs d'argent de revenu annuel; au lieu que
Chàteauroux, Issoudun & les autres places qui dévoient lui être rendues
appartenoient à des seigneurs particuliers, lesquels étoient seulement tenus
de lui en faire hommage. Philippe offrit ensuite à Henri de lui restituer
toutes les places qu'il avoit conquises pendant la guerre; à condition qu'il
ne retarderoit plus le mariage de la princesse Alice, sa sœur, avec Richard,
& qu'il feroit reconnoître ce prince par tous ses vassaux comme héritier du
trône d'Angleterre. Henri, qui n'avoit pas oublié les chagrins que lui avoit
causés Henri, son fils aîné, après qu'il l'eut déclaré son successeur, & qui
avoit tout à craindre du mauvais naturel de Richard, rejeta cette proposi-
tion. Richard, voyant que Philippe ne pouvoit rien gagner sur cet article,
manifesta alors les liaisons secrètes qu'il avoit prises avec ce prince, & dit au
roi, son père : « Je vois clairement aujourd'hui ce que j'avois de la peine à
croire; » puis, se tournant du côté du roi de France, il quitte son épée, étend
ses mains, lui rend hommage pour tout ce que la couronne d'Angleterre pos-
sédoit en deçà de la mer, 8<. lui prête serment de fidélité envers tous 8c contre
tous, sauf celle qu'il devoit au roi, son père. Philippe déclara alors à Richard
qu'il lui rendoit Chàteauroux, Issoudun 8c tout le reste du Berry. Henri,
qui ne s'attendoit pas à être spectateur d'une pareille démarche, en fut
extrêmement irrité; mais il jugea à propos de dissimuler, 8c se sépara de
Philippe après être convenus ensemble d'une trêve jusqu'au jour de Saint-
Hilaire, 14 de janvier suivant. Il s'achemina aussitôt en Aquitaine, 8c donna
ordre à son chancelier de se rendre en Anjou 8c de s'y mettre en état de
défense contre les entreprises de Philippe 8c de Richard qui furent depuis
très-unis. Le dernier demeura par là en possession des places qu'il avoit enle-
vées à Raimond, comte de Toulouse, qui fut obligé malgré lui de céder à la
force. Ce comte fit un voyage dans le bas Languedoc, au mois d'août de
cette année, 8c confirma alors, à Nimes', les privilèges des maçons de cette
ville, privilèges qu'il leur avoit donnés en fief %o\i% certaines corvées.
XIV. — Révolte d'une partie des Toulousains contre leur comte.
Il paroît que Richard avoit des intelligences dans Toulouse 8c qu'il sou-
leva, vers la fin de cette année, une partie des habitans contre le comte Rai-
mond, leur seigneur. Il est certain du moins qu'il s'éleva alors une grande
sédition dans cette ville, comme nous l'apprenons de deux* actes datés du
■ Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXVII, ce. 38i, pose dom Vaissete, que la révolte des Toulou-
382. — [Cette charte est donnée à Carnas, Gard, s.uns, qui y est mentionnée, fut due à une inter-
arrondissement du Vigan, & non pas i Nîmes. vention étrangère. On peut n'y voir qu'une des
Cf. Ménard, Histoire de Nimes, t. 1, p. 148.] fréquentes séditions, inévitables dans ces sortes
' Catel, Histoire des comtes Je Tolose, p. 216 8c de républiques municipales, où le seigneur re-
suiv. — Voir cet acte au tome VIII, c. 392 & suiv. nonçait toujours difficilement i sa suprématie.
Rien dans cette charte ne prouve, comme le sup- [A. M.]
An II
An 1 189
An 1 189
t. 111, p. 78.
i32 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
vendredi, jour de l'Epiphanie de l'an 1188 (1189). Par le premier, le comte
Raimond déclare, dans une assemblée de tout le peuple de Toulouse qu'il
avoit convoquée dans l'église de Saint-Pierre de Cuisines, « que tous les
« hommes 8<. toutes les femmes de la ville Si du faubourg pouvoient se fier
« entièrement à lui comme à leur bon seigneur. Il fait ensuite détense à
<c toute sorte de personnes de tuer aucun des habitans, de les insulter, de
t*'m°'^,l*^'";i " s'élever contre eux £<. de leur causer le moindre dommage, avec promesse
« de ne leur faire aucun mal, de leur rendre justice suivant le jugement des
V. consuls, &c à leur défaut des prud'hommes de Toulouse, 8c d'exécuter fidè-
« lement ce que l'évêque, les consuls, Toset de Toulouse & Aymeri de Cas-
« telnau décideroient pour la punition de ceux qui avoient excité la sédi-
tt tion. » Ce prince ajoute les paroles suivantes : « Moi, Raimond, comte,
« je jure sur les saints évangiles, de ma propre volonté. Si pour l'amour des
« Toulousains, d'observer toutes ces choses (quoique je ne sois tenu de le
« faire que parce que je le veux), sauf Si réservé tous mes droits Si domaines,
a comme je les ai Si les dois avoir. » Enfin les consuls de la ville 81 du tau-
bourg avec les principaux habitans lui prêtèrent serment de fidélité, Si à
ceux à qui il confieroit le gouvernement de Toulouse, sauf leurs droits, cou-
tumes 81 franchises.
Il est marqué dans le second acte' : « que lorsque le comte Raimond fit
« serment, le vendredi jour de l'Epiphanie de l'an 1188, à tout le peuple de
« la ville Si du faubourg de Toulouse, assemblé dans l'église de Saint-Pierre
« de Cuisines, ce prince se désista de tout ce qu'il pouvoit exiger à l'occasion
« des querelles 8c des séditions qui s'étoient élevées dans cette ville contre
u ceux qui y avoient pris part; que l'évêque Fulcrand Si les consuls de la ville
« Si du faubourg déclarèrent après, en jugeant, que les sermens Se les asso-
« dations, qui avoient été faits auparavant entre les habitants, étoient nuls,
« de même que ceux que le comte pourroit avoir faits; avec ordre d'apporter
« dans trois jours tous les originaux de ces actes, sous peine d'excommunica-
K tion de la part de l'évêque, contre tous ceux qui les retiendroient. »
XV. — Richard succède à Henri II, roi d'Angleterre, son père, &• conserve
les places qu'il avoit conquises sur le comte de Toulouse.
Après la Saint-Hilaire^, terme fixé pour la fin de la trêve entre les rois de
France 81 d'Angleterre, la guerre recommença entre ces deux princes. Le
cardinal d'Agnani, alors légat en France, s'entremit bientôt pour les accom-
moder 81 il les fit convenir enfin de prolonger la trêve jusqu'à la Purifica-
tion 81 ensuite jusqu'à Pâques. Durant cet intervalle, Henri fit tout son
possible pour détacher son fils de l'étroite union qu'il avoit contractée avec
le roi Philippe; mais tous ses soins furent inutiles. Cependant le légat fit
• Catel, Histoire des comtes Je Tolose, p. ii6 ° Roger de Hoveden. — Radulphus de Diceto.—
g; 5iiiv, Gervasiiis Dorobernensis, itn. 1189.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i33 ~~; 7~
An 1109
consentir les deux rois à une entrevue à la Ferté-Bernard, dans le Maine,
oi.1 ils se rendirent au commencement de juin. Philippe & Richard persis-
tèrent dans la demande qu'ils avoient déjà faite dans l'assemblée de Bon-
moulins, S< Henri continua de son côté à la leur retuser ; ainsi on reprit les
armes. Philippe 8<. Richard se rendirent dans peu maîtres de diverses places,
entre autres du Mans 5c de Tours, & poursuivirent de château en château
le roi Henri, qui, n'étant pas en état de se défendre, fut enfin obligé d'ac-
cepter tout ce que Philippe Se Richard voulurent dans une nouvelle entrevue
qu'ils eurent ensemble la veille de Saint-Pierre', à la Colombière, entre
Tours 8< Amboise.
Henri ne survécut pas longtemps à ce traité : il mourut à Chinon, le jeudi
6 de juillet suivant. Richard, son fils & son successeur, après l'avoir fait
inhumer dans l'abbaye de Fontevrault, prit possession de la Normandie, &.
s'aboucha, le 22 du même mois, entre Trie & Chaumont, avec le roi Phi-
lippe qui le pressa de lui rendre le Vexin. Richard, qui n'avoit aucune envie
de faire cette restitution, oftrit en échange à Philippe de lui payer quatre
mille marcs d'argent, outre les vingt mille que le roi, son père, s'étoit engagé
de lui donner par le dernier traité pour le dédommager des frais de son
armement. Quelques historiens assurent que Philippe rendit ensuite à
Richard toutes les places qu'il avoit conquises durant la guerre; d'autres*
disent au contraire que les deux princes ayant confirmé dans cette confé-
rence le traité qu'ils avoient conclu du vivant du roi Henri, ils convinrent
que Philippe garderoit toutes ces places 8< qu'ils se mettroient en marche
pour la Terre-Sainte au carême suivant. Quoi qu'il en soit, il est certain ^
que Richard conserva les conquêtes qu'il avoit faites en Querci surRaimond,
comte de Toulouse, au commencement de cette guerre, & que, content
d'avoir fait le roi l'arbitre de ses différends avec ce prince, ils demeurèrent
toujours ennemis, parce que le voyage d'outre-mer 81 divers autres obstacles
qui survinrent empêchèrent Philippe de juger cette affaire.
XVI. — Voyage du comte de Toulouse vers le Rhône. — // donne en fief
le comté de Diois à Aymar de Poitiers^ comte de Valentinoîs.
Durant ces diverses négociations, Raimond fit un vovage du côté du Rhône ÉJon^in.
,, ' t> t. m, p. 79
Se confirma à Saint-Gilles'*, au mois de juin de l'an 1189, en faveur de
Guillaume, abbé de Saint-André d'Avignon, en présence de Raimond d'Uzès,
de Guillaume & Gauzhert de Servian, de Pierre Fulcodii, &c., la donation
d'une partie du château de Pujault que Bertrand-Jourdain avoit faite à ce
monastère en y prenant l'habit monasticiue. Il accorda sa protection ^ la
même année à Bernard-Gaucelin, archevêque de Narbonne, à qui Gauce-
rand , seigneur de Capestang, 8< les habiians de ce château faisoient la
' Guillelmus Armoricus, p. ■]'), * D'Achéry, SplciUgium, t. 8, p. 204.
' Gervasius Dorobernensis, p. \'n''>. '• Gallia Christiana, t. I, p. 377 & scq. — Catil,
' Voyez tome VII, ffote IX, 11. v, pp. 2'i, 24. Mhiioires Je l'/iistoirc du Languedoc, p. 790.
~ : — i34 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 189 ~
guerre. Enfin Raimond étant, au mois' de juin de l'an ii8g, à Saint-
Saturnin, aujourd'hui le Pont-Saint-Esprit, sur le Rliône, il y donna tout le
droit le domaine qu'il possédait, soit par lui-même, soit par ses vassaux,
dans le comté de Diois, à Aymar de Poitiers, qui lui en fit hommage. Aymar
avoit succédé alors depuis peu à Guillaume, son père, dans les comtés de
Valentinois & de Diois. Il confirma, trois ^ ans après, les donations que le
même comte de Toulouse avoit faites à l'abbaye de Léoncel, de certains
domaines situés dans le Valentinois.
XVII. — Départ du roi Philippe-Auguste pour la Terre-Sainte, — Le comte
de Foix prend part à cette expédition.
Les rois de France Se d'Angleterre, ayant fait leurs préparatifs pour le
voyage de la Terre-Sainte, convinrent que si leurs Etats étoient attaqués
pendant leur absence, ils prendroient mutuellement la défense l'un de l'autre.
Les comtes 8c les barons des deux royaumes firent serment en même temps
de n'exciter aucune guerre durant ce temps-là; Se les deux rois partirent
ensuite, au mois de juin de l'an 1190. Après ce traité il ne fut pas possible
au comte de Toulouse de tirer raison du roi d'Angleterre & de reprendre les
places que ce prince lui détenoit. Le roi de France étant parti de Vézelai,
le 4 de juillet, se rendit à Gênes dans le dessein de s'embarquer au port de
cette ville. Il avoit écrit"', le 4 de mai précédent, à Raimond-Roger, comte de
Foix, pour l'inviter à prendre part à son expédition, le prier de lui amener
autant de troupes qu'il en pourroit rassembler, 8t lui donner rendez-vous
dans ce port. Le comte de Foix se rendit à l'invitation du roi S<. alla rejoindre
ce prince suivi de ses principaux vassaux, entre lesquels étoit Arnaud-Rai-
mond d'Aspel, qui engagea"* une partie de ses biens pour fournir aux frais
du voyage. On prétend ^ que Pons, vicomte de Polignac, accompagna aussi
le roi Philippe-Auguste à la Terre-Sainte.
Les deux rois débarquèrent en Sicile où ils passèrent l'hiver. Ils y con-
vinrent, au mois de mars suivant, d'un nouveau <5 traité, suivant lequel !
1° Richard céda, entre autres, à Philippe toutes ses prétentions sur l'Au-
vergne; & Philippe céda à son tour, à Richard, la ville de Cahors &. tout le
Querci avec ses dépendances; excepté les deux abbayes de Figeac 8< de
Souillac qu'il se réserva, 6- qui, étant royales, lui appartenaient. 2° Richard
s'obligea envers Philippe de ne faire plus à l'avenir aucune conquête sur le
comte de Saint-Gilles ou de Toulouse, tant que ce comte voudrait ou pour^
roit s'en rapporter à la justice de la cour du roi. 3° Philippe déclara « que si
« le comte de Saint-Gilles étoit condamné par sa cour, il n'exerceroit aucune
« hostilité contre le roi d'Angleterre pour la défense de ce comte, à moins
■ Tome VIII, Chartes, n. XLV, ce. SpS, Spfi. ' De Marca, Histoire du Bt-arn, 1. 8, ch. 1 3.
* Duchesne, Généalogie de la maison de Valenti- ■* Château de Foix, caisse r i.
nois. Preuves, p. 4. — Le P. Anselme, Histoire ^ Chabron, Histoire mss. de Polignac, I. r, c. id.
généalogique des grands officiers, t. 2, p. 1S7. " Rymer, f'ocdcra, t. 1 , p. 69.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i35 ~T 7~
An 1 1 Bp
« qu'il ne jugeât à propos de le secourir de sa propre volonté. » Par celte
clause Richard s'assura de la possession provisionnelle du Querci.
XVIII. — Le vicomte Roger engage une partie de ses domaines.
Il ne paroît pas qvie le roi d'Aragon & Roger, vicomte de Béziers & de
Carcassonne, alliés de Richard, l'aient secouru durant la guerre qu'il entre-
prit en 1188 contre le comte de Toulouse; on sait seulement que le premier
étoit en armes l'année suivante du côté de la Provence; car on voit une de
ses chartes' datée du siège du château de Castellane, au mois de septembre
de l'an 1189. Quant au vicomte Roger, nous n'avons de lui, durant les
années 1188 8c 1189, que quelques hommages^ qui lui furent rendus, 8c
quel([ues permissions qu'il accorda de construire diverses forteresses dans ses
domaines. 11 engagea'', au mois d'août de cette dernière année, pour vingt-
cinq mille sols melgoriens, à Bertrand de Saissac, les biens c]u il possédoit à
cause de l'abbaye de Caunes, c'est-à-dire les domaines que ce monastère lui
avoit cédés pour l'avouerie. L'année suivante, il donna en engagement, pour
trois mille sols raimondins, la leude qu'il levoit sur la boucherie d'Albi, 61
reçut plusieurs hommages de ses vassaux. Il se rendit à la fin de juillet avec
Adélaïde de Toulouse, sa femme, à Beauniont, en Rouergue, où ils accor- t' ji,°''^'J'j;
dèrent divers privilèges à cette église'*.
XIX. — Hommage du seigneur de Montpellier à Raimond, comte de Melgueil,
fils du comte de Toulouse.
Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, étoit alors en paix avec la
maison de Toulouse. Il reconnut^, en etfet, au mois de mars de cette année,
Raimond, fils de Raimond V, pour comte de Melgueil, Se lui fit hommage
en cette qualité pour les châteaux de Castries 8c de Castelnau, pour le village
de Centrai rargues 8c pour tout ce qu'il possédoit aux châteaux du Pouget 8c
de Pignan, dans le temps d'un accord précédent qu'ils avoient fait au prieuré
de Monterbedon, situé à une lieue de Montpellier. Guillaume déclara en
même temps qu'il reconnoissoit tenir de Raimond tous ces domaines en fief
franc 6- honoré, en sorte qu'il n étoit pas obligé de les lui rendre, ni à aucun
comte de Melgueil. Il reconnut de plus tenir du comte le chemin, depuis le
lieu de Malevieille jusqu'à la rivière de Vidourle, 8c depuis Montpellier
jusqu'à l'Hérault, trois deniers pour livre sur la monnoie de Melgueil, qu'il
' Archives Je l'abbaye de Graniselve. l'ordre de Saint-Jean, au diocèse de Béziers. Cène
' Cartulaire & archives dvi châte.iu (!e Foix. donation comprit le château de Campagnoles loiit
' Voyez tome VIII, Chartes, n. XLVI, ce. 396, entier avec les droits de justice & autres qui s'y
397. rapportaient, y compris les albcigi^es que le vi-
* Ajoutons à ces actes du vicomte de Béziers de comte y prenait sur plusieurs chevaliers (Vcit
l'année 1 190, une donation importante du même t. VIII, n. 70, c. 4o3). [A. M.J
seigneur à la commanderie de Campagnoles, de ' Voyez tome VIII, Chartes, n. XLVIII, c. 4-0.
An 1 190
An 1 190
In 1191
i36 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
promit de ne pas contrefaire, & divers autres droits. Jean de Montlaur,
évêque de Maguelonne, Raimond Rascas, seigneur d'Uzès, Se plusieurs autres
seigneurs turent présens à cet hommage ou serment de fidélité.
XX. — Réunion de la baronnie d'Omelas au domaine des seigneurs
de Montpellier,
Le seigneur de Montpellier réunit quelques années après à son 'domaine
la baronnie d'Omelas & diverses autres terres considérables qui en avoient été
séparées en faveur de Guillaume, fils puîné de Guillaume V, son bisaïeul.
On a dit ailleurs' que ce fils puîné de Guillaume V prit le surnom d'Omelas,
parce qu'il eut la baronnie de ce nom en partage; qu'il épousa Tiburge,
héritière du comté d'Orange, dont il eut un fils, nommé Raimbaud, qui
quitta le surnom d'Omelas pour prendre celui d'Orange; & que Raimbaud
étant mort sans postérité, il fit héritière pour la baronnie d'Omelas 8c tous les
autres domaines qu'il avoit en deçà du Rhône, Tiburge, sa sœur, femme
d'Avmar, seigneur de Murviel, au diocèse de Béziers. Cette Tiburge fit héri-
tier k son tour Raimond-Aton de Murviel, son fils, & celui-ci donna ^, au
mois de juillet de l'an 1187, à Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, son
cousin, &. à ses successeurs les châteaux d'Omelas & du Pouget, &c tous les
autres domaines qu'il possédoit depuis la rivière d'Hérault jusqu'à celle de
la Mousson, Se depuis le pont de Saint-Guillem jusqu'à la mer. Le seigneur
de Montpellier lui rendit ensuite ces domaines en fief avec quelques autres
dont il disposa en sa faveur.
Raimond-Aton de Murviel mourut^ quelque temps après, & ne laissa que
deux filles, Tiburge S<, Sibylle, qui demeurèrent sous la tutelle d'Aymar de
Murviel, leur aïeul paternel. Comme ces deux filles étoient fort riches, le
seigneur de Montpellier résolut de conclure le m.ariage de l'aînée avec Guil-
laume, son fils, &. d'Agnès, sa seconde femme. Dans ce dessein il eut une
entrevue à Maguelonne, au mois de juin de l'an 1191, avec Aymar de Mur-
viel, & ils convinrent des articles suivans : 1° Aymar promit de donner en
mariage à Guillaume, fils du seigneur de Montpellier, Tiburge, sa petite-
fille, & de lui assigner en dot tout ce que Raimond d'Orange &> Guillaume
d'Omelas, son père, avoient possédé dans les diocèses de Béziers, Lodève,
Agde & Maguelonne, savoir ; le château d'Omelas avec ses dépendances, &.
tout ce qu'ils avoient eu aux châteaux de Popian, Mazernes, Saint-Pons de
Mauchiens, Pouget, Mont-Arnaud, Pignan, Cornonsec, Montbazin £c Fron-
tignan; dans le village de Murviel, S(.c. 2° Il fut dit que si Tiburge venoit à
mourir avant la consommation de son mariage, le fils du seigneur de Mont-
pellier épouseroit Sibylle, sa sœur; 8< que si au contraire le fils du seigneur
de Montpellier venoit à mourir avant son mariage, son frère puîné épouse-
' Voyez tome IV, Vote XXXVII, pp. i83, 184. ' D'Achéry, Spicilcg'ium, t. 8, p. zoî & seq.
* Tome VIII, Chartes, n. XLII, ce. SSç, 3po.
An 1191
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LAKGUEDOC. LIV. XX. iSy
roit Tiburge, ou à son défaut Sibylle. 3° Le seigneur de Montpellier & Aymar
de Murviel s'engagèrent réciproquement de payer cliacun.dix mille sols mel-
goriens de dédit, en cas que ce mariage ne s'accomplît pas par la faute de
l'un ou de l'autre. 4° Aymar s'obligea à faire ratifier ces conventions par
Sibylle lorsqu'elle seroit parvenue à l'âge de puberté. 5° Il est marqué que
Tiburge ou Sibylle, quand l'une ou l'autre épouseroit le fils du seigneur de
Montpellier, auroit pour douaire (Jure sponsalitiae largitatis) le lieu de Cas-
telnau 6 les bains de Montpellier. 6° Aymar donna de plus en dot le château
de Paulhan à celle de ses petites-filles qui épouseroit le fils du seigneur de Éd «ligin.
^ * » o t. m, p. 81.
Montpellier. 7° Enfin ce seigneur 8c Aymar promirent par serment d'observer
tous ces articles sous la caution de divers seigneurs, savoir : de la part
d'Aymar, d'Etienne de Servian & de Bernard de Minerve, ses petits-fils
(^nepotes), de Guillaume-Ermengaud de Fossillon, Pierre-Raimond de Sau-
vian & Aymar de Montmerle, & de la part du seigneur de Montpellier, de
Guillaume de Mèze, Ermengaud Se Raimond de Pignan, &c. Le nom de la
mère de Tiburge 8t de Sibylle de Murviel n'est pas marqué dans l'acte; nous
apprenons', d'ailleurs, qu'elle s'appeloit Foy, qu'elle étoit fille de Pierre
d'Albaron, seigneur provençal, & qu'elle avoit eu en dot sept mille sols mel-
goriens, qui lui furent rendus en 1196.
Le mariage du fils aîné de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, avec
une des filles de Raimond-Aton de Murviel, ne s'accomplit pas, à cause qu'ils
étoient parens au troisième degré. C'est du moins la raison dont Tiburge,
qui étoit majeure en 1197, se sert dans un acte du mois d'août de cette
année, par lequel* elle délivre de leur serment ceux qui avoient juré de pro-
curer la célébration de ce mariage &. les dispense de toutes les obligations
qu'ils avoient contractées à cette occasion. Elle fit cette déclaration dans une
assemblée tenue sur la rive de l'Hérault, en présence de Gausfred, évêque de
Béziers, de Raimond, évêque d'Agde, & de plusieurs ecclésiastiques &. che-
valiers.
Le seigneur de Montpellier ne laissa pas de réunir k son domaine la
baronnie d'Omelas 8<. les autres domaines qui avoient été promis en dot à
Tiburge de Murviel. Elle 8c sa sœur Sibylle déclarèrent, en effet, par un
autre acte^ passé dans la même assemblée, « qu'étant parvenues à l'âge de
Il majorité elles choisissoient pour maris, de l'avis de leurs amis Se parens.
Il entre autres d'Etienne de Servian, leur cousin, 8c de Raimond, leur oncle,
<c Pons 8<. Frotard, fils de Pons d'Olargues; Se comme, ajoutent-elles, nous
!• souhaitons d'avoir de l'argent comptant en dot, nous vendons, tant pour
» cette raison que pour avoir de quoi payer les dettes Se les charges de l'héré-
« dite de Raimond-Aton, notre père, Se de Foy, notre mère, à vous Guil-
(' laume, seigneur de Montpellier, le château d'Omelas, avec les autres
«. domaines énoncés ci-dessus 8c situés dans les diocèses de Maguelonne,
' Voytz tome VIII, Chartes, n. LXV, ce. ^Ij, ' D'Achéry, Spicilegium, t. 8, p. iry.
,j35.. ' Mis. d'Auhayi, n. 82.
~ i38 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An I 191
« d'Agde, de Béziers S<. de Lodève pour soixante-dix-sept mille sols melgo-
« riens dont nous .vous marquerons l'emploi. » Files se réservèrent seulement
par cette vente le château de Murviel &. tous les autres biens qui avoient
appartenu à Aymar de Murviel leur aïeul ; en sorte que Tiburge n'eut de
cette somme que vingt mille sols, que Frotard d'Olargues, son mari, reconnut
avoir reçus.
XXI. — Liaison du seigneur de Montpellier avec le pape Célestin III.
On voit par ces actes que Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, avoit
extrêmement à cœur l'avantage de Guillaume, son fils aîné, & d'Agnès, qu'il
avoit épousée du vivant d'Eudoxe Comnène, sa femme légitime. Comme il
avoit beaucoup à craindre cependant que les enfans de ce second lit ne fussent
déclarés bâtards, il ménagea extrêmement le pape 81 s'attira sa bienveillance
par toute sorte de moyens. C'est dans cette vue qu'ayant appris l'élection à
la papauté du cardinal Hyacinthe, qui prit le nom de Célestin III 8c qui,
lorsqu'il avoit été légat dans la Province, avoit été lié d'une étroite amitié
avec Guillaume VII, son père, il lui écrivit' pour mettre sa personne, jo/z jî//
Guillaume, Si ses domaines sous sa protection. Célestin lui répondit, le 24 de
décembre de l'an 1191, il lui marque que, faisant attention aux services que
Guillaume, son père, d'illustre mémoire, 8<. lui-même avoient rendus à l'Eglise
romaine & espérant qu'il marcheroit sur ses traces, il lui accorde sa demande
8c le met lui, son fils Guillaume &c ses biens sous la protection du Saint-
Siège. Il confirme en même temps en sa faveur le privilège que le pape
Alexandre III avoit accordé au même Guillaume VII de ne pouvoir être
excommunié que par le pape ou par celui à qui le pape en auroit donné
une commission spéciale, ou enfin par un légat à latere ; à moins qu'il n'eût
commis un genre de délit qui portât l'excommunication par lui-même, comme
d'avoir frappé un clerc ou un religieux &c d'être incendiaire^. Célestin défendit
Éa.origin. aussi d'interdire les chapelles que Guillaume avoit dans ses châteaux de
Montpellier 8c de La Palu ou de Lates, Se dont chacune devoit un écu d'or
de redevance au palais de Latran.
XXII. — Archevêques de Narbonne.
Célestin III confirma^, au mois de juillet de l'an iigi, l'élection que le
clergé de Narbonne avoit faite de Bérenger, évêque de Lérida, pour arche-
vêque de cette ville. Bernard-Gaucelin, prédécesseur de Bérenger, étoit donc
' Gar'ie\,Serieipraesalum Magalonen.sium,-p, î^o. valent désarmés contre lui. Malgré son amitié
' Cette tulle mettait en partie le seigneur de pour Guillaume VIII, Célestin III n'en fut pas
Montpellier à l'abri des conséquences canoniques moins sévère &, en 1194, il déclara nul ce m.i-
que pouvait entraîner son second mariage, si Scan- riage adultérin. (Voir M. Germain, Commune Je
Qaleux. Le pape seul pouvant l'excommunier, les MontpeUier, t. 1, p. XLix.) [A. M.]
évéques & archevêques de la Province se trou- ^ Baluze, Mïsccllanea, t. 2, p. 241.
t. IJI, p. 82.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 189 ~~[^
décédé avant le 2 d'octobre de la même année, &. par consé(|uent le nécro-
loge ' de l'église de Narbonne, qui rapporte sa mort sous cette époque, est
fautif. Le seigneur de Saint-Nazaire, dans le diocèse de Narbonne, préten-
doit^ alors que le service Se la dépouille de la table de l'archevêque, avec le
cheval que ce prélat montoit le jour de son entrée dans cette ville après sa
conéscration, dévoient lui appartenir. Guillaume-Alfaric, seigneur de Saint-
Nazaire, s'accommoda là-dessus en 1188 avec l'archevêque Bernard-Gaucelin,
moyennant deux marcs d'argent ouvré, à quoi le tout fut évalué.
Bérenger, nouvel archevêque de Narbonne, étoit^ oncle de Pierre, roi
d'Aragon &t fils naturel de R.aimond-Bérenger, comte de Barcelone, aïeul de
ce prince. Avant sa promotion à l'épiscopat il avoit été abbé'* du Mont-
Aragon, dans la province de Tarragone. Le pape Célestin III, en confirmant
son élection à l'archevêché de Narbonne, déclare « qu'elle avoit souffert
« d'abord quelque contradiction, mais qu'il croyoit n'y devoir pas faire atten-
« tion, tant à cause du mérite de ce prélat que pour l'utilité de l'église de
« cette ville S< la nécessité des temps, le pays étant infecté de diverses erreurs
Il & agité par le fléau de la guerre. » Il ajoute à la fin de la bulle que
Bérenger s'étoit comporté avec beaucoup de sagesse, d'abord dans le gouver-
nement d'un monastère & ensuite dans celui d'un évêché, 8< qu'il y avoit
tout lieu d'espérer que l'église de Narbonne augmenteroit en biens spirituels
& en temporels sous son épiscopat; mais nous verrons dans la suite que les
successeurs de Célestin ne jugèrent pas si favorablement f'" ce prélat, qui
termina'', en iiyS, par un accommodement la guerre que Gaucerand, sei-
gneur de Capestang, 8i les habitans de ce château avoient entreprise contre
son prédécesseur 81 continuée contre lui.
XXIII. — Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, se démet de cette vicomte
en faveur du comte de Pierre de Lara, son neveu.
Le crédit qu'Alfonse II, roi d'Aragon, avoit à Narbonne, contribua sans
doute beaucoup à placer Bérenger, son oncle, sur le siège métropolitain de
cette ville. Le comte Pierre de Lara, que la vicomtesse Ermengarde, sa tante,
avoit appelé depuis longtemps auprès d'elle St en faveur duquel elle se démit
entièrement peu de temps après de la vicomte de Narbonne, étoit en effet
lié très-étroitement"^ avec ce prince. Ermengarde fit cette démission^ vers la
fin de l'an 1192, 8<. on voit qu'elle lui avoit déjà fait part, dès l'an 1188, du
gouvernement de ses domaines par un acte de cetre année, dans letiuel
« Ermengarde, par la grâce de Dieu vicomtesse de Narbonne, 81 Pierre,
' Gallia Chriitiana, t. 3, p. 378. ' Catel, Mémoires Je l'histoire du Languedoc ,
' Catel, Mémoires Je l'histoire Ju Languedoc, p. 790.
p. 790. •• Voyez tome VIII, Chartes, n. LIX , ce. 425,
' Gallia Christiant, t. 3, p. 378. — Zurita, Ana- 426.
Us Je la corona Je Aragon, c. 25. ' Voyez tome VII, Note VI, n. vr, p. 17.
■* Marca Hispanica^ c. ;jo6.
T; 140 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
fln 1 içji '
« comte par la même grâce, confirmèrent', pour eux & pour leurs successeurs,
« la vente du lieu du Terrail que Bernard, archevêque de Narbonne, avoit
« faite à Bernard, abbé de Fonthoide. » Cette vicomtesse confirma^, au mois
de septembre de l'année suivante, l'union du monastère de Sainte-Eugénie,
situé auprès de Narbonne, à la même abbaye, avec «toutes les donations
qu'elle y avoit faites. Il ne restoit plus alors dans le monastère de Sainte-
F.ugénie, qui avoit eu titre d'abbaye^ dans le neuvième siècle &. qui n'étoit
depuis longtemps qu'un prieuré conventuel, que cinq à six religieux iors([ue,
conjointement avec Guillaume du Lac, leur prieur, ils se donnèrent d'un
commun accord pour jrères à Bernard, abbé, êk. à l'abbaye de Fontfroide avec
tous leurs biensj tant à cause que leur maison étoit située dans un mauvais
air que par le désir d'une plus grande perfection; à condition qu'on entre-
tiendroità Sainte-Eugénie deux clercs, dont l'un seroit prêtre, pour y faire le
service divin. Les sœurs £,• les conjrères du monastère de Sainte-Eugénie con-
sentirent à l'union, de même que l'archevêque de Narbonne.
XXIV. — Le vicomte Roger fait sa paix avec le comte de Toulouse. — Ils
établissent la paix en Albigeois de concert avec l'évéque d'Albi.
Il paroît que Roger, vicomte de Béziers 8c de Carcassonne, étoit encore en
guerre avec le comte de Toulouse en 1190; mais qu'ils avoient fait leur paix
l'année suivante, c'est ce que nous inférons : 1° d'une permission"* que
Guillaume-Petri, évêque d'Albi, accorda en 1190 avec le consentement de
son clergé, aux recteurs & aux frères de l'hôpital du Vigan, situé hors la
Éd. origirr. ville, de faire construire une chapelle & d'avoir un prêtre pour leur célébrer
t. m, p. 83. ' ,. ' . .1 ' ., ....
la messe, « attendu quils ne pouvoient pas assister aux offices divins dans
« les églises de la ville, dont on tenoit les portes fermées depuis vêpres jus-
« qu'au lendemain quand toutes les messes étoient dites, à cause du passage
« des troupes qui mettoient le pa}S dans une désolation continuelle^. »
2° Des statuts que ce prélat & Raimond, comte de Toulouse, dressèrent
en 1191, du conseil de Roger, vicomte de Béjiers, le Sicard, vicomte de I.au-
trec, & des barons &. notables d'Albigeois, pour faire observer la paix dans
le pays.
' Catel, Mémoires Je l'histoire iu. LangueJoc , concéder à cette petite église du Vigan les droits
p. 594. pnroissinux. On ne put ni y baptiser, ni y dire
" Archives de l'archevêché de Narbonne & de des messes de relevailles, sinon pour les pauvres
l'abbaye de Fonifroide. — Gallia Chnsticna, nov. femmes qui auraient accouché dans l'hôpi'.al
éd. t. 6, même; ni y bénir de mariage, ni y donner la s?-
^ Voyez tome I, 1. IX, n. i.\x\v, p. 949. pulture excepté aux pauvres morts dans Ihosj-ic?,
* Voyez tome VHI, Chartes, n. L, ce. 40Û à & aux frères ayant vécu à la table commune. Le
v(o3. dimanche, les jours de fcte & pendant le carême,
'' Nous avons complété cet acte intéressant, d'à- le recteur doit exclure de l'église tout individu
prcs la copie fournie par Doat, Il fallait que les appartenant à une paroisse connue. Les chape-
gens de guerre fussent bien nombreux pour qu'une lains chargés de célébrer le culte sont nommés &
' ville comme Albi ne fut pas à l'abri de leurs institués par l'évéque. [A. M.J
incursions. L'évéque du reste se garda bien de
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 141
Par ces statuts' : 1° Les églises, les monastères, les lieux saints, les clercs,
les marchands, les chasseurs, les pêcheurs, les chevaliers, les bourgeois, les
paysans St généralement tous les habitans du diocèse d'Albi avec tous leurs
biens sont compris dans la paix, & tenus de la garder entre eux. 2° Le
comte Raimond donne saut-conduit contre les entreprises des gens de guerre
aux laboureurs & à toutes les bêtes de labourage ou de charge qui porte-
roient le signe de la paix : il les met tous sous sa sauvegarde. 3° On défend
à tous les chevaliers 8c habitans du diocèse d'Albi de causer aucun dommage
dans le Rouergue, le Toulousain Se les autres diocèses voisins. 4° On ordonne
à tous les seigneurs particuliers de faire observer fidèlement cette paix par
leurs vassaux. 5° Les traîtres, les infracteurs de la paix Se tous ceux qui,
après qu'elle aura été établie, seront cités au tribunal du comte 8<. de l'évêque
8< qui refuseront de comparoître pour répondre sur les plaintes qu'on aura
portées contre eux, n'auront aucune sûreté. 6° Les prêtres 8t les curés aver-
tiront leurs paroissiens d'observer cette paix pendant cinq ans; ils leur en
feront prêter serment sur les saints évangiles & déclareront excommuniés
ceux qui refuseront d'en garder les conditions. 7° On payera au comte & à
l'évêque pour le soutien de cette paix, un setier de grain par charrue, dix
deniers, monnoie d'Albi, pour chaque bête de charge, 81 six deniers pour
chaque âne ou ânesse. 8° Enfin il est défendu de saisir, sous quelque pré-
texte que ce soit, les animaux qui porteroient le signe de la paix. Ces statuts
ont donné l'origine au droit de pesade [pacata ou passata) dont les comtes
de Toulouse 8c les évêques d'Albi partagèrent les émolumens. Se qu'on con-
tinue encore de lever en Albigeois, quoique le motif qui l'a fait établir ait
cessé depuis bien longtemps. Il n'y a que quelques villes, le clergé 81 la
noblesse du pays qui en soient exempts^.
XXV, — Privilèges de l'abbaye de Candeil. — Vicomtes de Saint-Antonin.
Le comte de Toulouse, l'évêque d'Albi Se le vicomte Roger accordèrent^ de
concert, vers le même temps, de l'avis de plusieurs personnes notables du
pays, aux religieux de l'abbaye de Candeil, le privilège d'être crus en justice
dans toutes leurs affaires sur leur simple serment, jusqu'à la somme de deux
cents sols, soit en demandant, soit en défendant, sans qu'on pût leur opposer
ni témoins, ni titres. Isarn, vicomte de Saint-Antonin, fut présent à cette
concession. Il étoit frère de Frotard, aussi vicomte de Saint-Antonin, avec
lequel iH vendit, en 1197, aux habitans de Saint-Antonin, le pré de la
ville pour mille sols de Cahors. Frotard vendit de son côté^, en 1198, à
Ratier de Caussade, ce qu'il avoit à Caussade 8e à Saint-Cyr. Ils avoienf^ un
■ GaUii Chnit'iana, nov. eJ. t. i, append. p. 6. * Archives de l'hôtel de ville de Saint-Antonin.
' Sur cette pesade, qui semble originaire du • Trésor des chartes de Toulouse, sac 19, n. 3
Rouergue, on peut voir au tome VII la A^olc XLVI, [Auj. J. 328. — Cf. Teulet, Layettes du Trésor,
n. II. [A. M.] t. I, p. 19(3.]
» Tome VIII, Chartes, n. XLIX, ce. .403, 406. « IhU.
An 1 1 pi
1 111, p. 84.
' 142 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 191 '
troisième frère, nommé Sicard. Frotarcl eut un fils, nommé Isarn, qui con-
tinua la postérité '.
XXVI. — Précautions du vicomte Roger pour assurer sa succession à son fils.
Le vicomte Roger, en faisant sa paix avec le comte de Toulouse, le reconnut
sans doute pour son suzerain dans tous ses domaines & se délia en même
temps des engagemens qu'il avoit pris avec le roi d'Aragon, qu'il avoit déclaré
son héritier en 11 79. Mais comme il craignoit que cette déclaration ne
donnât lieu quelque jour à AUonse de chercher querelle à Raimond-Roger,
son fils, il crut devoir prendre ses précautions pour assurer sa succession à ce
fils. Dans cette vue il assembla^, au mois de mai de l'an iigi, ses principaux
vassaux. Trente d'entre eux, s'étant rendus par son ordre à Sausens, dans le
diocèse de Carcassonne, « promirent amour, confiance 8c fidélité à Raimond-
« Roger, fils de ce vicomte & d'Adélaïde, sa légitime épouse, & firent ser-
« ment de le maintenir de tout leur pouvoir, après la mort de son père, dans
« la possession de tous ses domaines. » Trente-trois autres chevaliers, vassaux
de Pvoger, prêtèrent un semblable serment dans le château de Carcassonne,
Éd. origin. sous l'ormcau. Ce vicomte^ se rendit, au mois d'octobre suivant, à Béziers
où il reçut l'hommage de Guillaume de Faugères pour le château de Lunas.
Il fit alors un accord'* avec l'évêque, suivant lequel ils promirent de s'en-
tr'aider St partagèrent la justice de la ville, à l'exception des cas d'homicide
& d'adultère dont la connoissance fut réservée au vicomte.
XXVII. — Ce vicomte tient un plaid à Carcassonne.
Roger retourna'' à Carcassonne, au mois de novembre, & y tint ses assises
pour juger un grand différend qui s'étoit élevé entre les chanoines de la
cathédrale & plusieurs habitans de la ville. Les premiers ne pouvant obliger
les autres à leur payer la dîme des jardins Se des champs semés de fourrage
[Jèrragines^), malgré l'excommunication dont ils les avoient frappés Se l'offre
qu'ils leur faisoient de mettre cette affaire en arbitrage, eurent enfin recours
à l'autorité de Roger, vicomte de Carcassonne, Béliers, Albi 6" Rajès, 6- de
sa cour; « non pas, ajoutent-t-ils dans l'acte, que ce vicomte ait quelque
K droit sur les dîmes &. les prémices, mais afin d'obtenir par un jugement
« porté par celui qui a le pouvoir de le rendre (Judicio potestativo), ce qu'il
« ne nous est pas possible d'avoir, ni par sentence arbitrale, ni par censures
« ecclésiastiques. » Le vicomte, après avoir pris cinq de ses vassaux pour
' En mai i 191, le comte de Toulouse concède à ' Cartulaire du château de Foix.
Hugues, évéque de Rodez, la dîme du revenu de ' Cntel, Mémoires de l'histoire du Languedoc ^
toutes les mines d'argent du diocèse de Rodez. Voir p. 64S.
Teulet, Layettes du Trésor, t. 1, p. 166 & suiv., ' Ihid. p. 640.
d'après J. 464, n. 3. [A. M.] " Du Cange, Glossaire.
■' Voyez to^ne VIII, Chartes, n. LU, ce. 41 1 , 412.
FIISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 148 ~:
T An 1 1 9 1
assesseurs & écouté les raisons des parties, rendit un jugement dans son palais
de Carcassonne, en présence d'Othon, évêque de cette ville, de l'archidiacre,
neveu de ce prélat, S<. de divers seigneurs, entre autres d'Hugues de Rome-
gous, préfet (c'est-à-dire viguier) du Razès. Il conJamna les habitansà payer
cette dîme, & fit publier sa sentence à son de trompe avec ordre de s'y sou-
mettre. 11 est marqué dans l'acte que Roger suivit en cela l'exemple de Rai-
mond-Trencavel, son père, qui, en pareil cas, avoit rendu une semblable
ordonnance. Ce vicomte termina, vers le même temps, par l'arbitrage de
Bertrand' de Saissac, un différend qu'il avoit lui-même avec Pierre Olivier ^
de Terines, Raimond, son frère, 8< Rixovende, leur sœur, femme de Guil-
laume de Minerve, au sujet des mines du Termenois.
XXVIH. — DiJJèrend entre le comte de Comm'mges €• le seigneur
de l'Isle-Jourdain, — Vicomtes de Gimoe-^.
Bernard^, comte de Comminges, fils de la sœur du comte de Toulouse,
avoit alors un différend bien plus considérable avec Jourdain III, seigneur
de risle-Jourdain, à qui il demandoit les châteaux de Castera, de la Serre &
de Monfiel, avec le droit de guidage sur le chemin de Saint-Jacques, depuis
Toulouse jusqu'à Auch. Jourdain prétendoit de son coté que le château de
Saint-Thomas, possédé par le comte de Comminges, devoit lui appartenir.
Leur querelle alla si loin qu'ils se firent une guerre implacable. Enfin Rai-
mond, comte de Toulouse, qui était seigneur de l'un 6" de l'autre, voulant
pacifier cette querelle, leur ordonna de mettre bas les armes; Se les ayant
assemblés à Verdun sur la Garonne, au mois de janvier de l'an 1191, il les
fit désister de leurs demandes réciproques. Tous les châteaux dont nous
venons de parler sont situés dans la partie du Toulousain qui esta la gauche
de la Garonne, où le comte de Comminges possédoit divers autres domaines,
pour lesquels il étoit hommager du comte de Toulouse.
Quant à Jourdain, seigneur de Lille, il confirma^ avec Escaronne, sa
mère, après la mort de Bernard-Jourdain, son père, les coutumes que ce der-
nier avoit données à la ville de l'Isle-Jourdain. II acquit, au mois de mars de
l'an 1195 (1196), d'Arnaud de Montaigu, son cousin, la moitié de la vicomte
de Gimoez, située des deux côtés de la rivière de Gimone, dans le Toulou-
sain. Cet Arnaud de Montaigu étoit fils puîné d'Arnaud, vicomte de Terride
ou de Gimoez, & seigneur de Verdun sur la Garonne, qui mourut en ii63,
dans l'abbaye de Grandselve. Arnaud partagea ses domaines à ses trois fils,
Bernard, Arnaud St Guillaume; il donna à Bernard Si à Arnaud, dont le
premier prit le surnom d'Astafort, 8<. l'autre celui de Montaigu, la moitié de
la vicomte de Gimoez, Si la seigneurie de Verdun au troisième qui prit le
surnom de Verdun.
' Voyez loine VIII, Chartes, n. LUI, ce. 412 i ' Cartiilaire Je l'Isle-Jourdain, aux archives du
/,I4. doinaine de Montpellier. —Tome VII, .Volf XLII,
' /iiV. pp. 118, 119.
~r IJA HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An I 1 1; 1 > •
XXIX. — Régale du Puy.
Il y a lieu de croire que le comte de Toulouse observa religieusement la
suspension d'armes avec l'Angleterre tant que les rois Richard & Philippe-
Auguste furent occupés à leur expédition d'Orient, quoique les différends
qui s'élevèrent alors entre les deux rois eussent pu lui fournir un prétexte
plausible de reprendre les armes pour recouvrer les places que le premier lui
0- avoit enlevées. La mauvaise santé de Philippe l'ayant obligé d'interrompre
son expédition Se de repasser la mer, il arriva en France à la fin de l'an 1191.
t iii°'^^f'85. Ainard ou Aymard, nouvel évêque du Puy, s'étant rendu peu de temps après
— ^_ à sa cour' & lui ayant prêté serment de fidélité, il accorda alors à ce prélat
An 1192 ]g liberté de percevoir les revenus de l'évêché qu'il avoit saisis sous sa main.
C'est ici le plus ancien monument que nous ayons pour la régale de l'évêché
du Puy, à prendre ce terme pour le droit qu'ont nos rois de jouir des fruits
des évêchés, Se d'en conférer les bénéfices durant la vacance. On ne trouve",
en effet, aucun témoignage précis de ce droit avant le règne de Philippe-
Auguste, 8c il n'est fait aucune mention de la régale du roi de France avant
celui du roi Louis le Jeune, son père. Il paroît cependant que Philippe avoit
saisi les revenus de l'évêché du Puy pour un autre motif que celui de la
régale; car par une charte^, datée du mois de juin de l'an 1192, il donna
mainlevée à Aymard, évêque du Puy, des terres de son église qu'il avoit
saisies à cause de la rébellion de ce prélat, avec ordre aux habitans de cette
ville de lui rendre l'honneur qui lui étoit dû. Le roi, par une autre charte
donnée à Lauriac, la même année, ordonna au vicomte de Polignac d'ob-
server les accords que lui ou ses prédécesseurs avoient faits avec les évêques
du Puy, St confirma le diplôme du roi Louis le Jeune, son père, au sujet du
droit de leude qui devoit être levé dans la ville du Puy par l'évêque, le cha-
pitre St le vicomte.
XXX. — Renouvellement de la guerre entre Richard, roi d'Angleterre,
6- le comte de Toulouse.
Richard, roi d'Angleterre, demeura dans la Palestine après le départ de
Philippe, 8t il y fut'' atteint de la peste. Aussitôt qu'il fut guéri, il s'em-
barqua au port d'Acre & partit pour s'en retourner dans ses États au mois
d'octobre de l'an 1192; mais à peine fut-il en mer, qu'une violente tempête
qui s'éleva dispersa tous les vaisseaux de sa flotte & le porta malgré lui vers
' Gallia Christ'uina, nov. éd. t. 2, p. 709. une lettre de juin 1 192, ordonnant aux bourgeois
" Fleury, Histoire ecclésiastique , I. 70, n. $4; du Puy de rendre à leur évêque les honneurs qui
1. 74, n. 25, lui sont dus, qui se rapporte certainement à la
' Archives de l'église du Puy. — Gallia Chris- même affaire. [A. M.]
tiana, nov. éd. t. 2, p. 709. — M. Delisle n'a pas < Rogerivis de Hoveden. — Radulphus, Cogges-
connii cet actej il indique toutefois, dans son Ca- haine abbas, Chronicon Angliae, p. 829 & seq. dans
talogue des actes Je Philippe-Auguste, p. 91, n. 377, la Collectio amplissima de Martène, t. 5.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 145
les côtes de Barbarie. Se voyant à trois journées de mer de Marseille, il
étoit tenté de venir débarquer dans le port de cette ville lorsque, taisant
réflexion que le comte de Saint-Gilles ou de Toulouse S<. les autres princes sur
les terres desquels il devoit passer avoient conspiré contre lui 8< lui avoient
dressé des embûches, il rit route vers Corfou &. prit terre sur les côtes de
Dalmatie, après six semaines d'une navigation très-périlleuse. Il tomba cepen-
dant dans les pièges qu'il vouloit éviter; 8< ayant été reconnu en passant à
Vienne, en Autriche, le duc Léopold le fit arrêter, vers la fin de décembre,
&C le remit ensuite entre les mains de l'empereur Henri VI, son ennemi.
Un moderne' prétend que Raimond, comte de Toulouse, attaqua la Gas-
cogne en 1192 Se porta la guerre dans les Etats de Richard pendant l'absence
de ce prince; mais l'auteur contemporain qu'il cite parle différemment de
cette guerre. « La même' année (1192), dit ce dernier historien, tandis que
« le sénéchal de Gascogne étoit malade, le comte de Périgord, le vicomte de
« la Marche Se presque tous les barons de Gascogne ravagèrent les terres du
» roi d'Angleterre. Le sénéchal demanda plusieurs fois la paix, ou du moins
<> une trêve, sans pouvoir obtenir ni l'une ni l'autre. Ayant enfin rétabli sa
« santé, il se mit en campagne, prit les châteaux & les forteresses du comte
(( qu'il munit ou qu'il rasa entièrement. Il s'empara également de toutes les
« places du vicomte 8t unit pour jamais son domaine {comitatum) à celui du
« roi. Le fils du roi de Navarre vint ensuite au secours du sénéchal avec
<( huit cents chevaliers, S< étant entrés ensemble dans les Etats du comte de
« Toulouse, ils prirent divers châteaux aux environs de cette ville, forti-
« fièrent les uns pour le sei-vice du roi, détruisirent les autres, étendirent
« leurs courses jusqu'aux portes de la même ville Se passèrent une nuit
(' presque sous ses murailles. « On voit par là que si la guerre se ralluma
en 119:, entre le roi d'Angleterre S< le comte de Toulouse, durant l'absence
ou la prison du premier, ce ne fut pas l'autre qui fut l'agresseur; à moins
qu il ne se tût joint auparavant avec le comte de Périgord & le vicomte de la
Marche; ce t(ue l'historien anglois, que nous venons de citer, ne marque pas"'.
XXXI. — Le jeune Raimond de Toulouse répudie Béatrix de Bé-tiers
pour épouser Bourguigne de Chypre,
Le comte Raimond, au lieu de se venger de ces actes d'hostilité, en usa
avec beaucoup de générosité & de politesse envers Bérengère de Navarre,
' Ferreras, Synopsis historica chronotogica de Es- sieurs moulins situés en amont. Ce Raimond re-
fffrtii, ann. 1192, n. 3. fus.i de rendre ces épaves & prétendit qu'elles lui
' Rogerius de Hoveden, Annales, p. 410. appartenaient de par un droit immémorial. L'af-
' A l'année 1192 se rapporte un curieux régie- faire fut portée devant les consuls deToulouse, qui,
ment des consuls de Toulouse touchant le droit malgré les raisons de droit invoqués par le défen-
d'épaves (tome vin, c. 414 81 suiv.). A la suite de deur, décidèrent qu'en pareil cas les épaves se-
grandes inondations de la Garonne, le fleuve avait raient rendues à leurs propriétaires respectifs, à
déposé sur les propriétés d'un certain Rnimond charge pour eux de réparer le dommage causé au
Caulisr des haicaux & du bois provenant de plu- domaine sur lequel on Icj retrouverait. [A. M.l
VI. ,0
An 1 192
"7777^ '4^ HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
femme du roi Richard, & Jeanne, sœur de ce prince, veuve de Guillaume II,
roi de Sicile, qui traversèrent la Province Tannée suivante. C'est ce que
nous apprenons des anciens historiens anglois mêmes. Les deux princesses,
uîiup.'m. disent ces historiens, après avoir' suivi Pv^ichard dans la Terre-Sainte & s'être
remharquées avec lui, abordèrent en Italie avec la fille du roi de Chypre, &
demeurèrent pendant six mois à Rome, n'osant s'exposer à continuer leur
voyage de crainte de l'empereur. Le pape Célestin III leur fit l'accueil le
plus favorable Se les mit enfin sous la conduite d'un cardinal, qui les mena
par Pise Si Gênes jusqu'à Marseille. Le roi d'Aragon, qui étoit alors dans
son comté de Provence, les reçut dans cette dernière ville, les traita avec
beaucoup d'honneur & de respect, & les accompagna jusqu'aux frontières
de ses domaines. Raimond V, comte de Toulouse, 8< le jeune Raimond, son
fils, prirent ces trois princesses aux bords du Rhône 8< les conduisirent dans
leurs Etats, où le dernier épousa^ la princesse de Chypre, après avoir répudié
Béatrix de Béziers, sa femme. Tel est le récit de ces historiens.
Un autre auteur contemporain ^ marque les circonstances suivantes de cette
répudiation : « Le jeune Raimond, dégoûté de Béatrix, sœur du vicomte de
« Béziers, fit tout son possible pour lui persuader de se faire religieuse. La
« jeune comtesse, connoissant le dessein du prince, son mari, lui demanda
« s'il souhaitoit qu'elle entrât dans l'ordre de Cîteaux ou dans celui de Fon-
« tevrault? Non, répondit le jeune comte, je souhaite seulement que vous
« vous fassiez ermite, 8c j'auroi soin de pourvoir à tous vos besoins. Sur
« cette réponse, Béatrix exécuta la volonté de Pvaimond, qui, l'ayant répudiée,
(' épousa la fille du duc de Chypre. » Il y a lieu de croire'* que cette répu-
diation étoit déjà faite au commencement de l'an iigS^, lorsque Roger,
vicomte de Béziers, donna à Béatrix, sa sœur, la seigneurie & les revenus du
château de Mèzc, dans le diocèse d'Agde, pour en jouir tant qu'elle vivroit.
Nous observerons encore qu'un moderne '^ n'a pas entendu deux anciens
historiens qu'il cite, lorsqu'il assure, sur leur témoignage, que Roger remaria
sa sœur avec Pierre-Bermond de Sauve. Nous n'avons, d'ailleurs, aucune
preuve que Béatrix se soit remariée.
Le jeune Raimond, se croyant libre de se marier à une autre femme par
cette séparation, épousa la princesse de Chypre & célébra sans doute ses
noces avec elle lorsqu'elle traversa la Province, en iigS, avec les reines
d'Angleterre 8c de Sicile. Cette princesse, nommée'^ Bourguigne, étoit fille
d'Amauri de Lézignan, qui étoit alors duc de Chypre 8c qui en fut roi après
la mort de Gui, roi de Jérusalem, son frère, arrivée en 1194, 8c d'Esquive
' Radiilplms, Coggeshalae abbas, Chronnon An- ^ Voyez tome VII, Note X, n. m, pp. 20, 26.
g?/ae, p. 83o & seq. — Rogerius de Hoveden, An- '' Voyez tome VIII, Chartes, n. LVI , ce. 421,
nales, p. 417. 422.
■ Voyez tome VII, Note X, n. m, pp. 25, 26. * Besse, Histoire des ducs, mar<juls & comtes de
' Pierre de Vaux- Ceriiay, c. 4. [Remarquons Narionne, p. 33 1 .
que cet auteur, qui ne vint pns dnns la Province ' Le P. Anselme, Histoire généalogique des grands
avant 1210, ne parle ici que par ouï-dire.] officiers, t. 2, p. 689; t. 3, p. S3.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 147
d'Ybelin. Elle étoit parente du jeune Raimond, du quatrième au cinquième
degré, & cette parenté servit de prétexte à ce prince quelque temps après
pour la répudier. Au reste, le comte de Toulouse conduisit lui-même les
reines d'Angleterre & de Sicile jusque sur les frontières de ses États, & elles
arrivèrent à Poitiers en toute sûreté.
XXXII. — Le comte de Toulouse termine ses dîjjèrends avec les évêques
de Viviers.
Ce prince fit un assez long séjour aux environs du Rhône, en iiçS, 8c
termina alors les différends qu'il avoit depuis longtemps avec Nicolas, évêque
de Viviers. Il prétendoit que ce prélat, sous prétexte du diplôme qu'il avoit
obtenu en 11 77 de l'empereur Frédéric I, s'arrogeoit, à son préjudice, une
trop grande autorité dans le pays dont les comtes de Toulouse, ses prédéces-
seurs, lui avoient transmis le comté. Enfin ils s'en rapportèrent à l'arbitrage
de Robert, archevêque de Vienne, qui, s'étant rendu' avec eux entre le
bourg de Saint-Andéol & le château de la Palu, les fit convenir des articles
suivans : t° Raimond renonça, tant pour lui que pour ses successeurs, en
faveur de l'évêque 8c de son église, à tous les droits qu'il prétendoit sur la
ville de Viviers. 2° Il promit de ne faire aucune acquisition de droit ou de
jÇf/'dans les domaines de l'église de Viviers, sans le consentement de l'évêque
8c de son clergé. 3» Ce prélat céda de son côté au comte le droit que l'église
de Viviers avoit sur le château de la Gorepière L- son mandement (ou district),
excepté les églises 8c leurs dépendances, 8c sur le château d'Aiguèse, dans le
diocèse d'Uzès 8c son mandement; il lui donna de plus cent marcs d'argent.
4° Le comte promit k l'évêque de lui faire justice avant la Pentecôte au
sujet du village de Saint-Marcel d'Ardèche, 8cc.
L'archevêque de Vienne termina^ vers le même temps, par son arbitrage,
quelques autres différends qui s'étoient élevés entre le même comte de Tou-
louse 8c divers seigneurs du Vivarais, entre autres celui du château de Ségue-
lières, qui a pris depuis le nom de l'Argentière, au sujet des mines d'argent
trouvées dans leurs domaines. Le comte renonça à tous les droits qu'il pré-
tendoit sur ces mines avec promesse de n'y rien acquérir du fief de l'église
de Viviers, moyennant six deniers pogeses que l'évêque de Viviers 8c ces sei-
gneurs lui permirent de lever sur chaque marc d'argent qu'on en tireroit. A
cette condition, le comte Raimond promit de défendre 8c de protéger les
ouvriers 8c les propriétaires.
XXXIII. — DïJJerends entre les comtes de Toulouse &- les évêques de Vaison.
Raimond avoit alors, depuis longtemps, avec les évêques de Vaison un
autre différend qui ne fut pas sitôt terminé. Ce prince, après avoir chassé
' Coliimbi, Vivar'ienscs episcopi, p. 212. ' Coliimbi, fivaricnses cphcopi, p. 219.
An 1 1 f)3
KJ origin.
t. Ili, p. 87.
An 1 ip3
148 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
de' Vaison, vers l'an 1160% l'évèque Béienger de Mornas 8<. s'être saisi du
domaine épiscopal, le garda jusqu'à la mort de ce prélat, arrivée vers l'an 1 178.
Bertrand de Lambesc, successeur de Kérenger, voyant que le comte étoit en
possession du palais épiscopal, des châteaux de Crestet S< de Pvâteau, &i du
reste du domaine de l'évêché, eut recours à la force, Se recouvra enfin toutes
ces choses dont il jouit jusqu'à sa mort, arrivée vers l'an ii85. Bérenger de
Reillane lui ayant succédé, le comte somma ce dernier de lui remettre le
palais épiscopal de Vaison comme à son seigneur. Je n'en ferai rien, répondit
Bérenger; je ne tiens pas ce palais de vous, 8c je le tiens seulement de Dieu
& de la Vierge. Sur cette réponse, Raimond, voulant forcer l'évèque à obéir,
fit préparer une grande quantité de matériaux pour construire une forteresse
de charpente sur la montagne voisine de la ville. Bérenger défendit, sous
peine d'excommunication, aux ouvriers de continuer leur travail, S< a^ant
fait apporter tous ces matériaux dans son palais, il y fit mettre le feu. Le
comte ne garda plus alors aucune mesure avec ce prélat : il le chassa de la
ville dont il s'empara de même que de tous les domaines de l'évêché. Bérenger
se retira au château d'Entrechaux, Se là, ayant assemblé ses chanoines Si
tout son clergé, il excommunia P^aimond avec tous ses adhérens, S< jeta
l'interdit sur tout le domaine que ce prince possédoit dans le diocèse. Cette
excommunication n'empêcha pas le comte de garder les domaines saisis
jusque vers l'an 1188. Guillaume de Laudun, d'une ancienne maison du
bas Languedoc, ayant été élu alors évêque de Vaison, il les lui rendit; mais
cette paix ne dura pas longtemps, 8<. il s'éleva de nouveaux troubles dans le
diocèse, vers l'an iig3, après la mort de Guillaume de Laudun. Les gens du
comte s'assurèrent, en effet, du palais épiscopal dans le temps que le convoi
étoit en marche pour aller inhumer ce prélat dans sa cathédrale; ils se sai-
sirent en même temps des revenus de l'évêché. Se renforcèrent la garnison
du château de Vaison dont ils augmentèrent les fortifications. Ces difféiends
duroient encore en 121 1, lorsque Raimond, évêque d'Uzès, légat du Saint-
Siège, fit faire une enquête touchant les dommages causés aux évêques de
Vaison par les comtes de Toulouse'^ : Si c'est de cet acte que nous avons tiré
les faits que nous venons de rapporter. On n'y marque pas d'une manière
précise le sujet de ces différends; mais on voit assez par la déposition des
témoins que l'évèque de Vaison administra au légat, qu'il s'agissoit d'une
partie de la seigneurie de la ville que ce prélat prétendoit posséder sans
aucune dépendance du comte de Toulouse; Si que ce prince, en qualité de
marquis de Provence, croyoit être en droit de son côté de dominer dans
Vaison.
' Columbi, Je Episecpis Vasionens'ihus, p. 386 & 'Voyez tome III, 1. XVIII, n. x\xix, p. S12.
seq. — Boyer, Histoire de Vaison, p. 1 o3 & suiv. ' Columbi, de Efiscopis Vasioncnsihus , p. SSy
— Gallia Chrislianaj nOY. éd. t. 1 , p 927. 8t scq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. ïAq — T
^ -' An 1 ipj
XXXIV, — Richard, roi d'Angleterre, sort de prison, — L'empereur lui donne
le royaume de Provence.
Cependant Richard, roi d'Angleterre, ayant négocié sa rançon avec l'em-
pereur Henri VI, ces deux princes conclurent un ' traité, au mois de septembre
de l'an 1193. Ils convinrent qu'Henri donneroit le royaume de Provence à
Richard, avec permission de s'en faire couronner roi le dimanche d'après le
jour de sa délivrance, qui fut fixé au 18 de janvier suivant. On assure que
l'empereur, par cette donation, « céda à Richard la Provence propre, le Vien-
« nois, les villes de Marseille, de Narbonne, d'Arles & de Lyon, jusqu'aux
« Alpes, avec ce qu'il possédoit en Bourgogne, l'hommage du roi d'Aragon,
B celui du comte de Die'^ 8c enfin celui du comte de Saint-Gilles; 8c que
a tous ces pays comprenoient cinq archevêchés & trente-trois évêchés. d Mais
on convient « qu'Henri n'avait jamais pu s'y faire reconnoître pour roi. Si
Il qu'aucun des princes du pays n'avoit jamais voulu se soumettre à ceux qu'il
« avoit présentés pour régner sur eux. i> On voit par là : 1° Qu'Henri VI,
qui succéda en 1190 à l'empereur Frédéric I, son père, n'avoit pu encore /m""^!,^'»;;
]}arvenir, trois ans après, à se faire reconnoître pour roi de Provence. 2° Que
le refus que divers princes, qui possédoient le domaine utile ou immédiat de
ce royaume, firent de se soumettre à sa souveraineté, l'engagèrent à le céder
au roi d'Angleterre. 3° Enfin qu'il prétendoit étendre son autorité sur la
métropole de Narbonne 8<, par conséquent, sur les pars situés en deçà du
P\.hône. Il ne pouvoit se fonder pour cela que sur des droits imaginaires; car
la province ecclésiastique de Narbonne n'avoit point fait partie du royaume
de Provence, cédé par Hugues, roi d'Italie, aux rois de Bourgogne, qui
l'avoicnt transmis aux empereurs d'Allemagne. Quant à l'hommage du comte
de Saint-Gilles, qu'Henri céda à Pvichard, on peut entendre par là seule-
ment c|u'il lui céda la souveraineté sur le m.arquisat de Provence possédé par
les comtes de Toulouse, (|ue les historiens anglois du douzième siècle ne
qualifient jamais que comtes de Saint-Gilles. Quoi qu'il en soit, il ne paroît
pas que Richard se soit fait couronner roi de Provence après qu'il fut sorti
de prison; ce c|ui n'arriva que le 4 de février de l'an 1194, Se on ne voit pas
non plus que ni lui, ni ses successeurs aient jamais exercé aucune autorité
sur ce pays, dont les empereurs d'Allemagne continuèrent de se regarder
comme souverains. Un historien ^ moderne prétend que Richard refusa le
royaume de Provence'*.
' Rogeriiis de HoveJen, Annales, p. 416. rcnt pour arbitres Sicard, vicomte de Laiitrec,
• Il y a DlsJen danj Roger de Hoveien, ce qui Frotard de Brens, B. de Boisseson & Dont Alaman.
ne signifie rien. [Note de dom Vaisicte.} — Les fiefs de chevaliers, possédés par l'cvêque,
' Le P. Oan\t\, H'titoire de France, i. i,p. i.)35. furent tenus par lui du vicomte, & il dut rendre
* En l'année i 194, le 3 mars, furent rôglces de à celui-ci les devoirs auquels étaient astreints les
longues contestations qui divisaient depuis Icng- anciens possesseurs. Dans le Castelviel, le vicomi*
temps l'évéque &. le vicomte d'Albi au sujet de la est seul seigneur; de la ville même, l'évéque n
Sîigneurie de cette ville. Les deux parties choisi- les deux tiers, le vicomte un tiers seulement. -»-
An 1 ip^
i5o HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
XXXV. — La guerre se renouvelle entre le roi d'Jragon & le comte de Tou-
louse. — Le premier dispose du comté de Fenouillèdes, &c., en faveur du
comte de Faix.
Raimond-Roger, comte de Foix, revint sans doute de la Terre-Sainte avec
le roi Philippe-Auguste. Il étoit, en effet' , au mois de juin de l'an i içS, à la
cour d'AIfonse II, roi d'Aragon, son oncle à la mode de Bretagne, qui, à
cause de l'amitié ou de la parenté qui étoit entre eux & des services que ce
comte lui avoit rendus, fit expédier en sa faveur une charte dont il est hon
de rapporter les termes. « J'approuve &: je confirme, dit Alfonse dans ce
« diplôme, toutes les conventions que le comte Pierre a faites avec vous, tant
« par la donation de la vicomte de Narhonne que des autres choses; & je
« vous donne & vous confirme tout ce que le comte Pierre ou tout autre
« vicomte de Narbonne, quel qu'il soit, tient Se doit tenir de moi & de mes
M ancêtres dans la vicomte, la ville & tout le pays de Narbonne. Je vous
« donne encore & je vous confirme le château & le pays de Fenouillèdes, le
« château & le pays de Pierre-Pertuse; à condition que vous tiendrez toutes
a ces choses de moi & de mes successeurs, que vous me serez toujours fidèle,
« que vous me servirez en paix Se en guerre, de même que mes successeurs,
« pour tous ces domaines, & que vous ferez la guerre au comte Rainiond ou
« à celui qui sera seigneur de Toulouse & de Saint-Gilles. Que si vous
« mourez sans enfans légitimes, tout cela me reviendra & à mes successeurs.
« Entre ces domaines, vous me donnerez /johvozV sur les châteaux & les pays
« de Fenouillèdes & de Pierre-Pertuse, aussitôt que vous en serez le maître,
« & vous ne pourrez vous dessaisir de ces pays ou d'une partie qu'en ma
« faveur Si de mes successeurs. Et moi je vous promets de vous être, bon
« seigneur, de vous protéger dans toutes vos affaires £< de vous secourir dans
« la susdite guerre. » L'acte est daté d'Huesca, en Aragon, en présence de
Bérenger, archevêque de Narbonne, qui l'approuva, sauf son droit.
Nous comprenons par là : i" Que la guerre se renouvela en iigS entre !e
roi d'Aragon Si le comte de Toulouse, & que le comte de Foix & le vicomte
de Narbonne, qui reconnoissoient la suzeraineté du premier, se liguèrent
alors avec lui contre l'autre, leur ancien seigneur. 2° Que le comte Pierre de
Lara, en faveur duquel Erinengarde, vicomtesse de Narbonne, sa tante.
Le même acte fixe les redevances ducs aux deux voirs jusqu'à l'arrivée des officiers royaux. Ceux-ci
seigneurs parles marchands de la ville; ce sont conclurent, en i 229 (t. VIII, ad ann.), avec l'évé-
soit des redevances en deniers, soit des redevances que un accord très-avantageux à celui-ci; accord
en naturej les leudes sont partagées de la même qui fut rompu à la suite de discussions orageuses,
façon; les deux tiers à l'évéque, le reste au vicomte. 8t remplacé en 1264 par une nouvelle convention
La leude du pont appartient au vicomte, qui doit plus équitable & plus conforme à l'ancien état
entretenir le pont à ses frais. Voir dans Com- des choses. (Voir plus bas aux années 1229 £4
payré. Etudes sur l'Albigeois, p. 141 & sulv. une 1164.) [A. M.]
ancienne traduction de cet acte en langue vul- ' Voyez tome VIII , Chartes, n. LIX, ce. 425,
galre.— 'Cet acte régit les rapports des deux pou- 4261
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i5r
s'étoit alors démise entièrement depuis' peu de cette Vicomte, pour se sou-
tenir contre Raimond, comte de Toulouse, qui n'approuvoit pas cette démis-
sion, s'unit étroitement avec le comte de Foix & l'appela^ à sa succession en
cas qu'il mourût sans enfans, tant pour la vicomte de Narbonne que poin^ la
suzeraineté sur les pays de Fenouil lèdes £v de Pierre-Pertuse, que les comtes
de Barcelone avoient donnés à ses ancêtres dès le commencement du dou-
zième siècle. 3° Enfin qu'Alfonse, roi d'Aragon, qui prétendoit dominer sur
tous ces pays, approuva la disposition du comte Pierre de Lara.
XXXVT. — Le comte Pierre de Lara se démet de la vicomte de Narbonne en
faveur d'Aymeri 111, son fils. — Mort d'Ermen garde, vicomtesse de cette
ville.
Pierre s'étant assuré jiar cette ligue la possession des domaines qui avoient
appartenu à la vicomtesse Emiengarde, sa tante, prit l'année suivante des
mesures pour les transmettre à sa postérité. Dans cette vue, « il fit donation,
« à cause de mort, le 28 du mois^ d'avril de l'an 1194, & donna par préciput
« sur tous ses autres enfans à Aymeri, son fils, à ses enfans 8<. à ses descen-
<( dans la ville & la vicomte de Narbonne, le pays de Béziers Sv tous les
« autres lieux qui appartenoient à la seigneurie de Narbonne; excepté le
« château de Montpezat qu'il déclara cependant devoir toujours être un fief
« mouvant de la vicomte de Narbonne. »
Cette disposition St quelques autres actes dans lesquels Pierre de Lara se
qualifie vicomte de Narbonne depuis l'an 1192 ont donné lieu à un généalo-
giste* espagnol, d'assurer qu'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne étoit déjà
morte cette dernière année; mais il est certain qu'elle vécut longtemps après
& qu'elle ne mourut au plus tôt qu'au mois d'avril^ de l'an 1194.
Ermengarde mourut à Perpignan, dans les États d'Alfonse II, roi d'Aragon,
où elle se retira'' lorsqu'elle se démit, vers la fin de l'an 1192, de la vicomte
de Narbonne, en faveur du comte Pierre de Lara, son neveu. Les liaisons
étroites qu'elle avoit toujours entretenues avec Alfonse, l'engagèrent sans
doute à fixer sa résidence dans cette ville & à y finir ses jours. Elle admi-
nistra pendant plus de cinquante ans, avec beaucoup de prudence & de
dextérité, la vicomte de Narbonne dans des temps difficiles, Se ne se distingua
pas moins par les vertus viriles que par celles qui sont propres à son sexe, 8c
par la sagesse de son gouvernement; en sorte qu'elle s'acquit une très-grande
réputation avec l'estime & la considération des plus grands princes de son
temps, entre autres du roi Louis le Jeune. E'ile prit part, en effet, à la tête
' Voyez tome VII, jVofc VI, n. iv & suiv. p. 10 ■* Salaz.ir y C.istro, fiistoria gcnealo^ica du U casa
Se siiiv. de Lara, t. ) , p. lâo.
• Ihii. Note XXVII, n. m, p. 84. ' ^'oyez toins VU, Note VI, n. vu, p. i8.
'Voyez tome VIII; Chartet, n. XXXIV. [Le "Catel, Mémoires de fliisloire du Languedoc,
renvoi de dom Vaissete est fautif j il n'a pas publié p. :'j.")3, & Histoire des comtes de Tolose, i'' jait.
celte pièce dant les Pz-CHvfJ du tome II.] p. 16 J.
An 1 193
Au
'94
Éd. oiii^in.
t. 111, p. 8<).
An 1 ip^
102 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
de ses vassaux, à diverses expéditions militaires; S^ elle fut souvent l'arbitre
des différends qui s'élevèrent entre "les princes & les grands seigneurs. Elle
s'appliqua surtout à rendre elle-même la justice à ses sujets, prérogative dont
elle fut fort jalouse; & elle présida' à divers plaids assistée de ses principaux
vassaux. Enfin, ses rares qualités la mirent beaucoup au-dessus des personnes
de son sexe. Ayant succédé fort jeune au vicomte Aymeri II, son père, elle
eut d'abord beaucoup à craindre de l'ambition d'Alfonse-Jourdain, comte de
Toulouse, qui vouloit envahir la vicomte de Narbonne, sous prétexte d'en
prendre soin pendant sa minorité, en qualité de suzerain; mais son courage
&• sa fermeté la mirent à l'abri des entreprises de ce prince & de celles de
Raimond V, son fils; & elle se maintint dans la possession de tous les
domaines de ses ancêtres, sous la protection des comtes de Barcelone Si des
rois d'Aragon, ses parens, avec lesquels elle demeura toujours très-unie, &
qu'elle reconnut pour ses seigneurs, non par devoir, mais par amitié 8<. par
reconnoissance. Elle donna des marques de sa' religion, tant par les services
importans qu'elle rendit au pape Alexandre III que par ses libéralités envers
les églises. Elle combla entre autres de ses bienfaits l'abbaye de FDntfroide*
dont elle est regardée comme la principale fondatrice & où elle choisit sa
sépulture. Elle fit aussi beaucoup de bien au monastère de Quarante qu'elle
confirma-^, en 1182, dans la possession de tous les fiefs qu'il avoit acquis dans
ses domaines, & ne se réserva que la justice criminelle pour l'etfusion de
sang & l'adultère. Elle y fonda en même temps à perpétuité une messe pour
elle & pour ses parens, en présence de Frotard, Guillaume & Bérenger de
Villes-Passans, d'Ermengaud de Ville-Flairan, maître de la milice de Peiriez,
Pierre de Maillac, Pierre de Saint-Félix Sx. diverses autres personnes de con-
dition. Elle rendit à l'église de Narbonne son ancienne liberté par la renon-
ciation qu'elle fit à la dépouille des archevêques après leur mort. Elle. eut
cependant quelque différend avec l'archevêque Pons, qui se plaignif* au
pape Alexandre III de ce qu'elle s'attribuoit une trop grande autorité sur
l'abbaye de Saint-Paul; ce qui engagea le pape à permettre à ce prélat de
prendre par lui-même l'administration St le gouvernement de cette abbaye :
le pape Honoré III confirma cette permission en faveur des successeurs de
Pons. Enfin la cour d'Ermengarde fut une des plus brillantes de la Province;
& elle y fit un accueil favorable aux-"» principaux poètes provençaux de son
temps; on prétend '^ même qu'elle tenoit cour d'amour dans son palais. Entre
ces poètes elle protégea'^ singulièrement Saill de Scola, fils d'un marchand
i^d.onsiii. de Bergerac, en Périgord, lequel demeura toujours auprès d'elle, & ne la
quitta qu'après sa mort. Saill, dit-on, étoit jongleur, & ne faisoit que de
petites chansons; mais elles étoient fort estimées. Ermengarde fut la der-
' Voyez tome VIII, Clinrte;, n. XLIII, ce. 390, ■* Catel, Mémo'res de l'/iistD-rc Ju Lan^ucjcef
Spi . p. 3;i & siiiv.
' Catel, Mémoires de ihiitorre Jtl Lun^ueJac , ^ Voyez tome III, 1. XVIII, n. lvxx, p. 870,
p. 391 & suiv. " Cazeneuve, Jeux Floraux, p. ^.'1 & suiv.
' Archives de l'iibbnyc de Quar.inte. ' Bibliothc.-,ue du roi, mss. 722J.
t. 111, p. yo.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i53
nière de sa race, & elle transmit tous ses domaines à la maison de l^ara, en
Espagne.
Le comte Pierre, chef de cette maison, son neveu, qui lui avoit déjà suc-
cédé quelques années avant sa mort, quitta le nom de Lara pour prendre
celui de Narbonne, aussitôt qu'il fut établi en France. Il y a lieu de croire
qu'il fit une démission absolue de la vicomte de Narbonne en faveur de son
fils Aymeri, peu de temps après qu'il lui en eut tait donation à cause de
mort. Nous ne voyons pas, en effet, qu'il se soit qualifié depuis vicomte
de Narbonne; nous trouvons, au' contraire, qu'il passa le reste de ses jours
à la cour d'Espagne, où il possédoit de grandes dignités, & que son fils
Avmeri prit de son vivant le titre de vicomte^ de Narbonne par la grâce
de Dieu,
Pierre, dans la donation dont on vient de parler, disposa aussi du pays de
Bé-^iers en faveur d'Aymeri, son fils. Cette clause pourroit faire croire que le
roi d'Aragon lui avoit donné la vicomte de Béziers St qu'il l'avoit confisquée
sur le vicomte Pvoger, pour le punir d'avoir fait sa paix avec le comte de Tou-
louse; mais on peut entendre aussi par le pays de Bé-^îers énoncé dans cette
donation, les domaines que les vicomtes de Narbonne possédoient de leur
chef dans l'étendue du diocèse de Béziers ■*. Quoi qu'il en soit, il paroît que
PvOger, après avoir fait sa paix avec le comte de Toulouse, vécut en paix avec
lui jusqu'à sa mort.
XXXVIL — Dernières dispositions de Roger II, vicomte de Bè-:^lers,
Carcassonne, (St. — Sa mort.
•
Pv.oger ordonna^, au mois de décembre de l'an iigS, que les juifs de
Limoux & d'Alet contribueroient à l'avenir, avec ceux de Carcassonne, aux
tailles 6- aux questes qu'il imposoit sur eux, ainsi que cela avoit été pratiqué
du temps de ses prédécesseurs. Il donna des'' lettres de sauvegarde, au mois
de janvier suivant, en faveur de Pons de Bram, abbé de Saint-Hilaire, Se des
domaines de cette abbaye situés dans le Carcasses 8c le Razès, S< termina "^
ensuite, le 3 du mois de mars, par l'arbitrage de Sicard, vicomte de Lautrec,
de Frotard-Pierre de Bérens, de Bernard de Boisseson & de Doat d'Alaman,
les différends qu'il avoit avec l'évêque d'Albi touchant la seigneurie de cette
ville & de ses dépendances.
Roger ne survécut pas longtemps à ce jugement; il fit un codicille, le
' ^i)l^Z3r y Castro, Historia gcnealogica Je la casa l'Argentiére & les locnlités environnantes. C'est
ife Lara, t. i, 1. 3, c. 3. — Voyez tome V'II, ce territoire que le testament de la vicomtesse Adé-
?/o(e VI, pp. i8, ip. — Archives de la vicomte de laïde, en 966, appelle Nchoiioncnse, & que dom
N.irbonne. ^'ai5scte a pris pour le Nébouzan. (Voyez tome III,
' S.ilazary Castro, Historia gencalngica Je la casa pp. 162, i63, & tome V, c. i.'j.'i.) [A. M.]
Je Lara, t. 4, p. 18. < \'oyez tome V'III , Chartes, n. LX , ce. ^26,
* Ces possessions étaient principalement situcss 427.
dans le nord de l'arrondissement actuel de Bcziers ' Archives de l'abbaye de Saint-Hilaire.
£< d I-.15 celui de Saint-Pons ; c'étaient Vjllemagne- ' Archives du domains de Carcassonne.
An 1194
An I ip4
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
jeudi 17 de^ mars de l'an iir)3 de la nativité de Jésus-Christ, qu'on doit
compter cependant de l'Incarnation; ainsi le codicille appartient à l'an 1194.
. Il confirme par cet acte le testament qu'il avoit fait quelques années aupara-
vant entre les mains de Bernard, archevêque de Narbonne, & de Gaufred,
évêque de Béziers. Il choisit sa sépulture dans le monastère de Notre-Dame
de Cassan, au diocèse de Béziers, auquel il lègue sa table d'or ornée de
pierres précieuses, cinq mille sols melgoriens, h.c. Il fait d'autres legs pieux
en faveur des abbayes de Villelongue, de Caunes & de Saint-Hilaire; il
supprime le droit qu'il faisoit lever sur le pont de Carcassonne, 8t ordonne à
ses héritiers de réparer le tort qu'il avoit fait à la cathédrale de Saint-Nazaire
& à l'église de Sainte-Marie de cette ville; il fait quelques libéralités à plu-
sieurs de ses domestiques, entre autres à Bernard, son notaire ou secrétaire;
il veut que Raimond-Trencavel, son frère, soit entretenu pour la nourriture,
le vêtement & les équipages, tant qu'il demeurera à la cour de son héritier,
& il confirme le legs qu'il lui avoit fait dans son testament. Il institue pour
son héritier universel, ainsi qu'il l'avoit tait dans cet acte, Raimond-Roger,
son fils, qu'il avoit d' Adélaïde, sa femme légitime, fille du seigneur Raimond,
comte de Toulouse, & confirme les substitutions qu'il avoit faites dans ce
testament. Il établit Bertrand de Saissac, à la foi, à la protection & au con-
seil duquel il avoit déjà remis la personne Se les biens de ce fils, pour son
tuteur 6- haile {bajulum) pendant cinq ans, à compter depuis la prochaine
fête de Pâques. Il le charge de régir les domaines des diocèses de Béziers 6i
d'Agde pour l'utilité de cet enfant, avec le conseil de l'évêque de Béziers,
d'Etienne de Servian, d'EIzéar de Castries & Déodat de Boussagues. Il le
charge aussi d'administrer ses domaines d'Albigeois, de Rouergue £< du Tou-
lousain, avec le conseil de l'évêque d'Albi, de Guillaume de Vassal, de
Bérenger de Bonfils de Lavaur & de Guillaume de Saint-Paul. Quant au
,-^jj<"''S'^j Carcasses, au Razès, au Lauragais & au Termenès, Roger chargea Bertrand
de Saissac de gouverner ces pays par l'avis de ses viguiers, savoir : Arnaud de
Raimond, viguier de Carcassonne, & Guillaume d'Assalit, viguier de Razès,
Il nomma pour ses exécuteurs testamentaires le même Bertrand de Saissac,
les évêques 6- les chevaliers dont on vient de parler, 8<. il leur ordonna de
payer toutes ses dettes, suivant la décision d'Othon, évêque de Carcassonne,
de l'archidiacre Bérenger, de Guillaume Amelii & de maître Bertrand. Il
laissa Raimond-Roger, son fils £< son héritier, avec ses tuteurs, viguiers,
conseillers, balles, 8c tous ses domaines à la garde 8<. sous la protection &
administration de Raimond, fils du comte de Toulouse. Il révoque l'ancien
comte de cette ville {comitem Tolosanum maj'orem) Si tous ceux, de quelque
sexe qu'ils fussent , c[u'il avoit nommés dans son testament pour gérer la
tutelle & être bailes de son fils, excepté ceux qu'il établit dans son codicille,
parce qu'il tient les autres pour suspects. Enfin ce vicomte déclare, par ser-
' Bnluze, Hiitoirc gincalo^'ique de la malien d'Auvergne, t. 2, p. joo & siiiv. ^- Martine, T/iemurut
anccdotorum, t. 1 , c. 97.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i55
ment prêté sur les saints évangiles, qu'il avoit ordonné toutes ces choses pour
plus grande sûreté, & qu'il faisoit sceller ce codicille de son sceau S<. de celui
de l'évêque de Carcassonne. Ce prélat, les viguiers de Carcassonne 8c de
Razès, & quelques autres y souscrivirent; Bernard de Canet, notaire de
Roger, l'écrivit & le scella, 8c trente-cinq des principaux vassaux de ce
vicomte s'engagèrent en même temps, par serment, de tenir la main à l'ob-
servation de tous ces articles. Bertrand de Saissac, les deux viguiers de Car-
cassonne Si de R.azès, Guillaume-Hugues, sous-viguier, Amblard 8c Guillaume
de Pelapoul, Guillaume du Puy, Pierre-Roger 8c Jourdain de Cabaret,
Pierre-Roger de Mirepoix, Guillaume 8c Jourdain de Saint-Félix, Raimond-
Trencavel, Guillaume de Roquefort, Bernard, Pons, Roger 8c Guillaume
Ferrol, Pierre de la Tour, Pierre de Penautier, Guillaume de Gordon,
Arnaud de Morlane, Sec, furent de ce nombre.
Telle est la dernière disposition de ce vicomte; mais nous n'avons plus le
testament dont il y fait mention. Il mourut' trois jours après 8c fut inhumé
comme il l'avoit ordonné au monastère des chanoines réguliers de Cassan,
au diocèse de Béziers, dans le nécrologe duquel on lit les paroles suivantes :
le 20 de mars mourut Roger, vicomte de Béliers, notre frère. Il avoit changé
de disposition par rapport à sa sépulture, car dans un codicille^ qu'il avoit
fait en 1179 il l'avoit choisie dans la chapelle de Saint-Martin de l'abbaNC
de Valmagne, au diocèse d'Agde, fondée par Trencavel, son père. Se il fit par
le même acte des biens considérables à ce monastère.
Ainsi finit ses jours Roger II, vicomte de Béziers, de Carcassonne, de
Razès 8c d'Albi, à l'âge d'environ cinquante ans, après avoir possédé pendant
vingt-sept ans, ces quatre vicomtes, avec les pays de Lauragais, de Miner-
vois, de Termenès 8c plusieurs autres domaines que Raimond-Trencavel, son
père, lui avoit transmis, 8c avoir passé une grande partie de sa vie à faire la
guerre à Raimond V, comte de Toulouse, son beau-père 8c son seigneur, de
concert avec le roi d'Aragon avec lequel il se ligua contre lui. Du reste 3,
nous trouvons ici une nouvelle preuve que ce vicomte avoit fait sa paix avec
Raimond dès l'an H91, car il révoque dans ce codicille la tutelle de son fils
qu'il avoit confiée à ce prince par son testament. Or cet acte est du moins de
l'an 1 191 puisqu'il déclare qu'il l'avoit fait entre les mains de Bernard, arche-
vêque de Narbonne, qui mourut cette même année. Roger étoit donc alors
en paix avec le comte de Toulouse, son beau-père. 11 paroît qu'il y eut
depuis quelque rehoidissement entre eux, puisqu'il le regardoit comme sus'
pect dans le temps de son codicille; mais ayant laissé par le même acte le
jeune comte de Toulouse, son beau-trère, pour tuteur de son fils, c'est une
preuve que cette nouvelle brouillcrie n'eût point de suites.
Pvoger II est encore plus connu dans l'histoire de l'Église par son attache-
ment à la secte des albigeois que dans celle de la Province par ses exploits
■ Voyez tome V, ce. 33 & 36. ' Voyez ci-dessus, n. XXIV, pp. 1^0-1411
' ArchiY«s de l'abbaye de Valmagne.
An
'94
~ i:")6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XX.
An ii94
miliiaircs. On a parlé ailleurs' de l'accusation (ju'on forme contre lui d'avoir
embrassé les erreurs de ces sectaires; mais supposé qu'il ait eu le malheur de
les suivre pendant quelque temps, il est du moins certain qu'il les avoit
abandonnées sur la fin de ses jours 8t qu'il mourut catholique. Outre le ser-
Mi'rp*'"- r'^ent &c les legs pie.ux qu'il fait dans son codicille, on voit par cet acte qu'il
étoit alors très-uni avec tous les évoques de ses domaines; & on a déjà
remarqué que les chanoines réguliers du monastère de Cassan, où il tut
inhumé, !e qualifient leur frère,
XXXVIII. — Raïmond-Roger succède à Roger H, son père. — Mort
d'Adélaïde de Toulouse^ jemme de ce dernier,
Pvoger II ne laissa d'Adélaïde de Toulouse, sa femme, que P\.aimond-
Pvoger, son fils 8<. son héritier, qui demeura sous la tutelle de Bertrand de
Saissac 8< de ses autres tuteurs, jusqu'à ce qu'il eût quatorze ans accomplis;
ce qui arriva^ à Pâques de l'an 1199. Il gouverna ensuite ses domaines par
lui-même, mais cependant avec le conseil de sa mère, de Bernard de Pela-
poul, viguier de Béziers, &. des autres grands {p alïorum procerum meorum)
de sa cour, comme on voit dans un acte^ du mois d'août de l'an 1199. Ainsi
Adélaïde ne prit part qu'après la majorité de son fils à l'administration de ses
domaines; car elle avoit été exclue de sa tutelle dont il paroît que le vicomte,
son mari, l'avoit d'abord chargée par son testament, conjointement avec l'an-
cien comte de Toulouse, son l^eau-père; elle est en effet désignée assez clai-
rement dans la clause du codicille par laquelle Roger révoque tous les
tuteurs, de quelque sexe qu'ils fiissent, c[u'il avoit établis par ce testament,
parce qu'il les tenait pour suspects. Adélaïde ne mourut pas par conséquent
en 1193, comme un moderne"* l'a avancé sur l'autorité d'un ancien auteur
qui n'en dit rien. Nous ignorons cependant l'époque précise de sa mort; tout
ce que nous savons c'est qu'elle étoit déjà décédéc au mois d'avril de l'an 1201,
& qu'il est marqué dans le nécrologe du monastère de Cassan^, où elle fut
apparemment inhumée avec le vicomte, son mari, qvi'yidêla'ide, comtesse de
Béliers, mourut le 20 de décembre. Elle décéda donc ou à la fin de l'an 1199
ou à la fin de l'année suivante. On a dit ailleurs la raison pour laquelle elle
se qualifioit comtesse, tandis que son époux ne prenoit que la qualité de
vicomte, car c'est mal à propos que quelques auteurs^ donnent à ce dernier
le titre de comte qu'il ne prit jamais.
Nous apprenons quelques particularités d'Adélaïde de Toulouse, femme du
vicomte Roger II, dans la vie d'Arnaud de Marvoill ou Marviell, poète pro-
vençal, laquelle se trouve en langage du pays dans deux manuscrits de la
' N'oycz ci-dessus, liv. XIX, n. l.vxiv, pp. 8i, ^ Le ?, Anselme, Histo'nc gcticalog':(juc .les grjn.ls
C2. officiers, t. 2, p. 688.
' Voyez tome VII, Note XXXIX, n. vi, p. i 14. ^ Voyez tome V, Chroniques, c. 37.
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXI, ce. ^t>?>, ' Catel, Mémoires Je l'histoire du LungncJoc,
/Ji^. p. 64 & suiv.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. iS? "";
' An n 54
bibliothèque du roi. « Arnaud de Marvoill, dit l'auteur' de cette Vie, étoit
« né de basse extraction dans un château de ce nom en Périgord. Il se fit
« clerc; mais ne pouvant vivre il alla chercher fortune parmi le monde. Le
« sort le conduisit à la cour de la comtesse de Burlats, fille du preux comte
« Raimond Si femme du vicomte de Béziers, lequel avoit nom Tailleferj
« comme Arnaud faisoit bien des chansons & lisoit des romans, cela plut à
« la comtesse, qui lui fit beaucoup de bien. Il en devint amoureux & il fit
« des chansons en son honneur, sans oser toutefois s'en déclarer auteur. Enfin
« il fit une chanson qui commence par ces mots : La jranca captenen-^a, dans
« laquelle il découvrit sa passion. La comtesse ne la désapprouva pas, Se elle
« le combla de bienfaits. Cela l'encouragea à faire de nouvelles chansons
« qui témoignent qu'il avoit de grandes qualités 8<. de grands défauts. » On
ajoute dans l'autre manuscrit^ « que la comtesse de Béziers, dont Arnaud de
(( Marviell devint amoureux, étoit fille du bon Raimond, comte de Toulouse,
« &t mère du vicomte de Béziers que les François firent mourir lorsqu'ils
« l'eurent pris à Carcassonne; qu'on appeloit cette vicomtesse comtesse de
i( Burlats, parce qu'elle étoit née dans ce château (situé en Albigeois sur
« l'Agout, à une lieue au-dessus de Castres); que le roi Alfonse, qui étoit
« amoureux de la comtesse, s'apercevant de la passion qu'Arnaud avoit pour
« elle, en fut jaloux S<. qu'il l'obligea à le congédier; qu'Arnaud au désespoir
« se retira à la cour de Guillaume de Montpellier, qui étoit son ami & son
« seigneur, 8<. qu'il y pleura longtemps dans ses chansons la perte qu'il avoit
« faite. » La chanson d'Arnaud de Marviell qui commence par ces mots : La
franca captenen-^a, est dans le premier des deux manuscrits^, mais non pas
le sonnet dont parle Nostradamus"*, S;, qui commençoit par ces mots : Anas
vous. Cet auteur, qui tait Arnaud de Meyrveilh, gentilhomme provençal St
seigneur en partie du lieu de Meyrveilh, près d'Aix, en Provence, lui attribue
un traité intitulé : Las recasteiuis de sa comtessa. 11 se trompe également sur
le nom de la comtesse de Burlats, qu'il appelle Aléarde, au lieu d'Adélaïde.
Il fait mourir Arnaud en i2;o.
XXXIX, — Hérétiques chassés de Bé-^iers, — Troubles dans l'abbaye d'Alet.
Bertrand de Saissac prit la tutelle de Raimond-Roger aussitôt après la td.origin.
i oit. iii^ p. q3,
mort de Roger II & s'engagea'', le 4 du mois d'août suivant, en qualité de
tuteur du jeune vicomie, tant en son nom qu'en celui de son pupille, envers
Gaufred, évêque de Béziers, 8c Etienne de Servian : 1° A ne faire rien de
conséquence, sans les avoir consultés, dans la ville de Béziers & son diocèse,
8t dans celui d'Agde, tant que cette tutelle dureroit. 2° A les protéger l'un 8<.
l'autre avec leurs vassaux Si leurs biens, les églises £< les clercs. 3° A n'intro-
' Bibliothèque du roi, m». 7 225. — Rochegude, ^ Nostradamus, Vie ,!es anciens postes proveni^aux,
Parnasse, p. i5, & Mahn, p. 147 & siiiv. p. 6^> & siiiv.
" Bibliothèque du roi, ms. 7698. '' Tome VIII, Chartes, n. LXII, ce. 429 ?. 4"!! .
' liid, ms. 7 22:>.
An
'94
i58 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
*
duire aucun hérétique ou vaudois clans la ville 8c le diocèse de Béziers ; à
chasser ceux qui pourroient y être St à donner une entière liberté à ce prélat
pour les expulser. 4° Enfin à n'établir avicun autre viguier à Béziers que
celui qu'ils approuveroient. L'évêque 8t Etienne de Servian promirent de
leur côté par serment, qui fut prêté au nom de ce prélat par Bérenger de
Lignan, à Bertrand de Saissac Se au vicomte, son pupille, de les conseiller
fidèlement dans toutes leurs affaires des diocèses de Béziers & d'Agde, 8c de
les aider contre tous, à l'exception du comte de Toulouse, de la part de
l'évêque, auquel, ajoute-t-il, je suis tenu de garder la fidélité. Le tuteur du
jeune vicomte 8c l'évêque de Béziers se promirent ensuite par un serment
réciproque de ne pas s'ôter la ville de Béziers 8c leurs domaines, 8c de s'aider
l'un 8c l'autre envers tous 8c contre tous, à l'exception du comte de Toulouse
de la part du prélat. Enfin Bertrand de Saissac, étant dans le palais vicomtal
de Bé-^iers, confirma' comme tuteur du vicomte R.aimond-Pv.oger, en présence
de la comtesse Adélaïde, de Bérenger de Thésan 8c de divers autres seigneurs,
le dénombrement qui avoit été fait quelques années auparavant des droits
que l'évêque 8c le vicomte avoient à Béziers^.
Bertrand de Saissac n'usa pas toujours de modération dans le gouverne-
ment des domaines du vicomte Raimond-Roger, 8c on lui reproche d'avoir
exercé de grandes violences dans l'abbaye d'Alet à l'occasion suivante. Pons
Amelii^, abbé de ce monastère, étant mort en 1197, après avoir fait clore de
murs la ville d'Alet 8c l'avoir environnée de fossés, de même que les princi-
paux lieux de ses dépendances, les religieux élurent dans les formes cano-
niques pour lui succéder Bernard de Saint-Ferréol, abbé de Saint-Polycarpe.
Cette élection déplut à Bertrand, qui avoit la principale autorité dans le
pavs en qualité de tuteur du jeune vicomte. Il se rendit à Alet, à main
armée, arracha le nouvel abbé de son siège avec effusion de sang, le fit ren-
fermer dans une étroite prison 8c l'y retint durant trois jours. Il fit mettre
cependant le cadavre de Pons Amelii dans la chaire abbatiale, 8c fit procéder
à une nouvelle élection par quelques religieux qu'il gagna, après avoir obligé
les autres à prendre la fuite. Les factieux élurent Bozon, qui, appuyé du
crédit de ce seigneur, disputa l'abbaye à Bernard de Saint-Ferréol. Leur
querelle fut d'abord portée devant Bérenger, évêque de Carcassonne, qui,
convaincu de l'intrusion de Bozon, mais craignant d'encourir la disgrâce du
vicomte, n'osa juger cette affaire 8c la renvoya à Bérenger, archevêque de
Narbonne, son métropolitain. On prétend que ce dernier, gagné par une
■ Catel, Mémoires de l'histoire du Languedoc, conséquence directe de l'une des clauses du testa-
p. 644 & suiv. ment de Roger II, qui instituait dans chacune de
* L'acte que dom Vaissete vient d'analyser est ses vicomtes un conseil de régence; Bertrand de
en somme une renonciation à peu près complète Saissac n'était pas assez fort pour faire prévaloir
du vicomte & de son tuteur à leurs droits de sou- son autorité à Béziers. Cet affaiblissement du pou-
veraineté. La ville de Béziers paraît dès lors s'être voir vicomtal fut peut-être l'une des causes du
eouvernée d'une manière presque indépendante, facile triomphe des croisés en 1209. [A. M.]
8c le pouvoir de l'évêque y devint d'autant plus ' Archives de l'abbaye d'Alet.
grand. Remarquons d'ailleurs que cet acte est la
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i5n -~
1 An I 194
somme considérable que Bozon lui compta, bénit cet intrus, qui, peu de
temps après, engagea la plupart des domaines de son abbaye pour subvenir
aux dépenses qu'il avoit faites en l'achetant [pro mercatits abhatiae). 11 l'en-
detta si considérablement qu'à peine au bout d'une année y avoit-il de quoi
entretenir quelques religieux. Enfin il tint une conduite très-peu régulière
Se favorisa ouvertement les hérétiques du pays.
XL. — Accord entre le comte de Toulouse 6" le seigneur de Montpellier.
——'■'*" Murailles de Nimes.
Raimond V, comte de Toulouse, ne survécut pas longtemps au vicomte
Roger, son beau-fils. Il donna' en fief, en qualité de comte de Melgueil,
le 29 de mai de l'an 1194, le château de Frontignan à Guillaume VIII, sei-
gneur de Montpellier, qui lui en fit hommage, avec promesse de le servir
contre tous, depuis le Rhône jusqu'à l'Hérault. Il céda en mênie temps à
Guillaume tous les droits qu'il pouvoit avoir sur le château d'Omelas & sur
ses dépendances. Les évêques de Lodève, d'Agde & de Maguelonne, Ber-
nard, seigneur d'Anduze, Etienne de Servian, Guillaume de Sabran, Ros-
taing, son fils, Raimond Rascas, seigneur d'Uzès, &C., furent présens à cet
acte. Guillaume de Montpellier promit de son côté^, par serment, au comte
de Toulouse, de n'exiger à l'avenir aucun nouvel usage, péage, ni guidage éJ origin.
dans tout le pays de Substantion; & le comte jura d'observer toutes les pro-
messes qu'il avoit faites à ce seigneur.
Raimond se rendit ensuite à Nimes, où il accorda aux habitans de cette
ville, le 14-* de septembre suivant, la permission de la clore de murs 8<. de
fossés, avec la jouissance des mêmes immunités pour les frais de justice dont
jouissoient ceux du château des Arènes. On prétend '* que Nimes étoit demeuré
sans murailles depuis que Charles Martel les avoit fait abattre. Quoi qu'il en
soit, celles qui environnent aujourd'hui cette ville furent construites après
la concession de Raimond V, comte de Toulouse, dont nous venons de
parler^.
' Tome V'III, Chnrteâ, n. LXI, ce. 418, 429. Bernard-Arnaud un local, situé près de l'église de
' D'Achéry, Spic'ilegium, t. lo, p. 172 & seq. la Dalbade, à Toulouse, pour y établir un marché
' Archives de l'hôtel de ville de Nimes. de viande de boucherie. Le comte se réserva un
* Gautier, jinlK/uités de Nimes. — Voyez cet cens annuel de douze deniers toulousains sur cha-
acte dans Ménard, Histoire de Nimes, t. I, pr. que étal & un arrière-acapte de six deniers fCf.
p. 40 & suiv.j & ihid. 1. ?>, p. 248 & suiv. Ces Teulet, Layettes du Trésor, t. i, p. 176; d'après
murs furent construits en grande partie sur l'em- J. 33o, n"' 6 & 40). — Un an auparavant, en
placement des anciens murs romains. — Par la décembre 1192, le même avait autorisé la cons-
mêrae charte, le comte accorda aux habitants la truction de seize moulins sur les bords de la
jouissance des privilèges possédés par les bourgeois Garonne, moyennant un cens annuel de douze
des Arènes, notamment pour les frais de justice, deniers & quelques légères prestations. Le comte
dont ils furent ext :'.;->is dans tous leurs procès, s'engagea à ne point laisser construire d'autres
tant avec les chevaliers des Arènes qu'avec les cha- moulins sur la Garonne, depuis Portet jusqu'à
noines de la cathédrale. [A. M.] Blagnac (Teulet, ut supra, p. 169, d'après J. 33o,
' Vn peu auparavant, le lû février 1194, le n. ;). Voir ihid. p. 177, un acte du i,5 mai 1194
même seigneur avait concédé en fief à un certain relatif à cette dernière affaire). [A. M.]
An 1 iy4
i6o HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
XLI. — Mort de Raimond V, comte de Toulouse, — Son éloge.
RaimondV mourut' à Nimes, âgé de soixante ans, vers la fin de l'année, Se
fut inhumé dans le cloître de la cathédrale où on voyoit autrefois son tom-
beau; mais il n'en reste plus aucun vestige depuis la destruction de cette
église par les prétendus réformés. On y voit seulement l'épi taphe de Pons^,
frère naturel de ce prince, qui y fut inhumé en i2o3. C'est tout ce que nous
savons des circonstances de la mort de Pvaimond V, duc de Narbonne, comte
de Toulouse & marquis de Provence. Il étoit alors de retour d'un pèlerinage,
si on peut s'en rapporter^ à Aymeric de Peyrat, abbé de Moissac, qui a écrit
vers la fin du quatorzième siècle la chronique de son monastère. « 11 est à
« savoir, dit cet auteur, que le seigneur de Monte incensi, abbé-chevalier de
« Moissac, voulant aller visiter la Terre-Sainte, engagea, étant à Montcuq,
« en Querci, pour un certain prix, l'abbaye militaire à Raimond, comte de
« Toulouse, fils d'Alfonse. Bernard n'étant pas revenu d'Orient, le comte
« Raimond fut le premier abbé-chevalier de Moissac, à cause de cet engage-
« ment. Ce prince avoit épousé madame Constance, fille du roi de France,
« Se il fut inhumé dans la ville des Arènes de Nimes, à son retour de son
(1 pèlerinage. Il mourut, ajoute-t-il, en iiqS. » Mais cet auteur se trompe sur
cet article, car Raimond décéda certainement en 1194.
Un ancien historien"* fait un grand éloge de ce comte, qu'il représente
comme un prince qui s'acquit une grande réputation de bravoure. « Rai-
« mond, dit un autre auteur du temps^, petit-fils par Alfonse, son père, du
« très-illustre Raimond de Toulouse, que le vulgaire appelle comte de Saint-
« Gilles, étoit aussi recommandable par ses exploits militaires que par sa
a prudence, son affabilité 8c sa grandeur d'âme : égal aux rois, S<. supérieur
« aux ducs 8c aux comtes, il soutint pendant très-longtemps la guerre contre
« Henri II, dit le Vieux, roi d'Angleterre, 8t contre Raimond-Bérenger,
« comte de Barcelone, qui ne cessèrent de le harceler. Il fut toujours vain-
« quetir de ces princes, parce qu'il prévint si bien par sa sagesse les desseins
« qu'on formoit contre lui qu'il les fit tous échouer. Dans le temps même
K qu'il paroissoit devoir succomber 81 être hors d'état de résistera ses ennemis
11 qui étoient les plus forts, il leur enlevoit la victoire par son génie 8c sa
K dextérité. » Cet auteur ajoute « que Raimond, ayant un jour épuisé sls
ic finances pour soutenir le poids de la guerre, 8c n'ayant plus de quoi sou-
ci doyer ses troupes, s'empara de l'abbaye de Saint-Gilles 8c du trésor de
' Rigord, de Gestis Philippi Augusù,^. 38. — ' Msj. de Colhert, n. 2 835, f 167. [Aiij. Int.
Guillelmus de Podio Laurentio, c. 5. — Chroiticon .J991A.J — Baliize, Historia ccclaiae Tutclcm:.',
anonymum, apud Catel, Histoire des comtes de To- p. 5o.
lose, p. 160. [C'est la Chronique dite de Saint- ' Guillelmus de Podio Laurentio, C/irom'con, c. 5.
Sernin, publiée par M. Em. Mabille, tome V, '^ Gervasius Tilberiensis, Otia impcrialia , dans
c, 5o.] Leibniiz, Rerum Brunsvicensium , t. i, p. 999;
' Voyez tome VU, Note XI, pp. 28, 29. t. 2, p. 7?3.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i6l
An 1194
i< l'église, qui ctoit fort riche à cause des grandes offrandes des pèlerins qui
Il visitoient ce monastère. Le comte, continue-t-il, fut aussitôt excommunié
u pour cette entreprise. Hugues, abbé de Bonneval, dans le diocèse de
Il Vienne, de l'ordre de Cîteaux, religieux d'une vie exemplaire, se rendit
u alors à Saint-Gilles pour le reprendre de son action & le porter à la péni-
II tence. Le saint abbé célébra la messe &, après qu'il l'eut finie, il s'avança
Il revêtu des habits sacerdotaux jusque sur le seuil de la porte de l'église, où
« le comte s'assit à ses pieds, environné de tous les grands de 'sa cour &
« d'une foule de peuple. Hugues, ayant fait silence de la main, prêcha sur
« la communion des saints avec beaucoup de force 8c d'éloquence. Pour
« donner des preuves de la vérité de la communion ecclésiastique & de la
« peine de l'excommunication, il fit apporter un pain tout chaud, qu'il prit,
<i qu'il montra à ses auditeurs Se dont il leur fit admirer la blancheur. Il
« excommunia ensuite ce pain avec les cérémonies ordinaires 8c le rompit j
« mais aussitôt il exhala une odeur insupportable 8c se réduisit en pourri-
« ture. Il prend après le même pain, l'absout 8c lève l'excommunication, 8c hj- ongm,
<i dans l'instant le pain reprend la blancheur 8c la saveur qu'il avoit aupa-
II ravant. Le comte, surpris d'un tel miracle, se jette aux pieds du vénérable
Il abbé fondant en larmes, reconnoît sa faute, restitue à l'abbaye de Saint-
« Gilles ce qu'il avoit enlevé, se soumet à la pénitence qu'il lui impose St
(i est rétabli dans la communion de l'Eglise par ce saint personnage'. »
Quoi c[u'il en soit de la vérité de ce prodige, on voit du moins par là que
si Raimond ne fut pas exempt de fautes, il fut docile à les réparer, 8c qu'il
écoutoit volontiers ceux qui l'en reprenoient. On ne sauroit disconvenir, en
effet, que ce prince n'ait mêlé quelques défauts à de très-grandes qualités j 8c
on peut lui reprocher entre autres la répudiation de la princesse ou, comme
on l'appeloit alors, de la reine Constance, sa femme, 8c peut-être aussi un
penchant trop fort pour l'autre' sexe. Quant au progrès que les hérétiques
firent de son temps dans la Province, les guerres continuelles qui l'occu-
pèrent presque depuis son enfance 8c qui l'engagèrent à appeler un grand
nombre de routiers d'Espagne dans la Province où ils portèrent la désolation,
ne lui permirent pas^ d'y apporter tout le remède convenable, soit pour le
bien de l'Eglise en général, soit pour ses propres intérêts 8c ceux de ses suc-
cesseurs en particulier. On a vu cependant qu'il témoigna un grand zèle
' Dom Vaissete aurait pu laisser cette anecdote tés contribuèrent à irriter Innocent III contre le
dans l'ouvrage de Gervais de Tilbury; elle n'est comte, dont les entreprises étaient parfois quelque
point déplacée au milieu de toutes les historiettes pfti téméraires. [A. M.J
qui remplissent cet ouvrage, d'ailleurs si curieux. ' Pierre de Vaux-Cernay, c. 4. — II faut se
Le fait est qu'avant l'an 1196 on ne voit pas que tenir en garde contre cet auteur, qui est trop en-
l'abbé de Saint-Gilles ait eu à se plaindre du nemi du comte de Toulouse & trop violent pour
comte de Toulouse (t. V, c. 171g, n. 77, & plus n'avoir jamais dit que la stricte vérité. Remar-
bas, n. 78), & a celte date le comte de Toulouse quons en outre que, dans le cas présent, il ne
était Raimond VI. On peut voir dans cette Ion- parle que par ouï-dire. [A. M.]
gue lutte entre les papes 8t ce dernier prince pour ' Guillelmus de Podio Laurentii, Chronicon,
i'abbaye de Saint-Gilles une des causes indirectes c. 6.
de la guerre des albigeois; du moins ces difficul-
VI. H
A-.1
194
102 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
pour la conversion de ces sectaires, &. qu'il ne négligea rien entre autres
pour favoriser la mission que le cardinal de Saint-Chrysogone entreprit à
Toulouse en 1178. Nous savons' de plus c[u'il publia une ordonnance très-
sévère contre eux, par laquelle il condamna également au supplice tous ceux
qui seroient troitvés dans Toulouse Si ceux qui les auroient reçus chez eux,
& confisqua les biens des uns Si des autres, en sorte que plusieurs furent
brûlés viîs. Nous avons enfin divers monumens de la piété de Raimond :
outre les donations qu'il fit k l'abbaye de Bonnecombe, en Rouergue, qui le
regarde comme son fondateur, il exerça de grandes libéralités^ envers celle
t> f i CD
de la Garde-Dieu, en Querci, accorda divers privilèges à plusieurs autres
61 confirma-*, sous le règne de Louis le Jeune, la donation que le comte,
son père, avoit faite à la cathédrale d'Albi, de l'église de Vieux, en Albi-
geois.
La ville de Toulouse a des obligations singulières à Raimond V qui lui
accorda de grands privilèges 81 rendit plusieurs ordonnances pour le règle-
ment de sa police. Les autres villes de ses domaines, en particulier celle de
Nimes, lui furent également redevables : tout cela prouve la douceur de son
gouvernement. Un moderne"* prétend que le roi Louis le Jeune, en mariant
Constance, sa sœur unique, avec ce prince, l'honora de la dignité de pair de
France : il seroit à souhaiter que cet auteur eût donné des preuves d'une
pareille concession. Ce qu'il y a de vrai, c'est que les comtes de Toulouse ne
parvinrent ni plus tôt ni plus tard à la dignité de pair de France que les
autres cinq princes laïques qui en turent revêtus comme eux. Nous parlerons
ailleurs^ de cette matière.
XLIL — Poètes provençaux célèbres.
Jamais la poésie provençale ne fut en si grand honneur que du vivant de
R.aimond V, Si jamais aucun prince ne favorisa tant que lui ceux qui la
cultivoient. Il est aisé de s'en convaincre par deux '^ anciens manuscrits de la
Bibliothèque du roi qui renferment la vie 81 les ouvrages des poètes proven-
çaux, Si où il est très-souvent parlé ^ du bon Raimond, comte de Toulouse,
qui est notre Raimond V. PLntre les poètes qui vécurent de son temps, les
plus célèbres furent Bernard de Ventadour, Pierre-Roger, Pierre Vidais ^
Pierre-Raimond Si. Hugues Brunens. Nous avons déjà parlé ailleurs des deux
premiers; nous rapporterons ici les principales circonstances de la vie des
trois autres, Si nous ne ferons que traduire le texte de l'auteur provençal.
' Voyez tome VIII, Chartes, n. CV, c. 6i3. nous discutons la question à nouveau. Rappelons
' G allia Christiana , ncv. edlt. t. i, p. |85, que le comte de Toulouse ne paraît comme pair du
Instrum. p. 47. royaume que dans des auteurs peu surs ou posté-
' Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. 10. rieurs, & que dom Vaissete donne à cette question
■*Besse, Histoire des ducs, mart/uis & comtes de une importance qu'il nous est impossible de lui
Narbonne, p. Siy. reconnaître. [A. M.]
' Voyez tome VII, Note XXVI, p. 74 & suiv., " Bibliothèque du roi, mss. 7225 & 7698.
& surtout ÏA Note additionnelle, p. 78 & suiv. où ' Voyez tome III, 1. XVIII, n. lxxx, p. i(><).
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i63
An 1 194
« Pierre Vidal ou Vidais naquit à Toulouse d'un marchand pelletier. Il '
se distingua autant par sa voix, qui étoit des plus belles, que par ses extra-
vagances. Il faisoit des vers avec beaucoup de facilité 5 mais il étoit extrê-
mement médisant. Un chevalier de Saint-Gilles, de la femme duquel il avoit
fait entendre qu'il étoit amoureux, lui rit couper la langue. Hugues de
Baux eut soin de le faire panser; & ayant été guéri il alla outre-mer, d'où
il amena une grecque qu'il avoit épousée en Chypre. On lui fit accroire
que cette femme étoit nièce de l'empereur de Constantinople Se que l'em-
pire d'Orient lui appartenoit. Il se persuada si bien ces chimères qu'il ,^i'ii°''|f'gû.
employa tout son bien à équiper quelques barques pour aller conquérir cet
empire, & qu'il eut la folie de prendre les armes impériales ik de se faire
appeler empereur 8c sa femme impératrice. Une autre de ses folies étoit de
se croire bienvenu de toutes les dames qui, pour se divertir, faisoient sem-
blant d'avoir de l'amitié pour lui. 11 se croyoit être le meilleur chevalier
du monde, & il ne marchoit qu'à la tête d'une quadrille impériale. Il
demeura quelque temps à Marseille où il devint amoureux d'Adélaïde,
femme de Barrai, seigneur de cette ville, laquelle se rit longtemps de son
extravagance. Il se rendit ensuite à Gênes, d'où il passa la mer avec
Richard, roi d'Angleterre, qu'il suivit à son expédition d'Orient, sur
laquelle il fît plusieurs chansons. Il revint à Marseille, où il apprit la mort
du bon comte Raimond de Toulouse ; il en fut si affligé qu'il fît couper les
oreilles Se la queue à tous ses chevaux. Si raser la tête à tous ses domes-
tiques qui laissèrent croître la barbe 8t les ongles. Il vivoit dans ce deuil
extraordinaire lorsque le roi d'Aragon arriva en Provence accompagné de
ses barons, entre lesquels étoit Arnaud de Castelbon. Ce prince obligea
Pierre Vidais à quitter le deuil, à se réjouir Se à taire de nouvelles chan-
sons. Le poète obéit 8c fît la cour à deux dames, savoir : à Raimonde de
Bioil, femme de Guillaume Pvostaing, seigneur de Bioil, en Provence, 8c
à Étiennette, femme du seigneur de Penautier, dans le Carcasses, qu'on
nommoit la Louve de Penautier, 8c qui étoit née en Cerdagne. Pierre,
pour l'amour de cette dernière, prit le nom de Loup, mit un loup dans ses
armes, se revêtit d'une peau de loup 8c se fit chasser comme un loup dans
la montagne de Cabarets, par les bergers, les mâtins 8c les lévriers, qui le
poursuivirent un jour si vivement qu'on fut obligé de l'emporter à demi-
mort dans la maison de la Louve de Penautier. Cette dame 8c son mari se
réjouirent beaucoup de cette aventure : ils firent cependant traiter Pierre
Vidais qui, étant rétabli, se mit au service du roi d'Aragon, lequel prit
soin de lui'. » On trouve dans les manuscrits dont on a déjà parlé une
vingtaine de chansons ou pièces de vers de la façon de ce poète qui y fait
mention d'Altonse, roi d'Aragon, de Rainier de Marseille, d'Aymeri, roi de
Hongrie, du comte de Poitiers, « qui avoit recouvré, dit-on, les domaines
' [Rochegude, Parnasse, pp. 178, 180, 8c Mahn, pp. ii6 à 219. Ce dernier a publié vingt-trois
pièces ii c; poêle.]
An 1 194
iGa histoire générale de LANGUEDOC. LIV. XX.
« que ses prédécesseurs avoient perdus; » de Pvichard, roi d'Angleterre, de
Pierre, roi d'Aragon, de la guerre des Pisans contre les Génois, & de la
victoire que les premiers avoient remportée sur les autres. Il se qualifie, dans
ces ouvrages, chevalier d'Alfonse, roi de Castille. Jean de Nostradamus'
a écrit sa vie parmi celles des poètes provençaux qu'il a données. Il lui
attribue un traité intitulé ; La maneyra de retirar sa lengita. Il prétend,
sans preuve, qu'il fit son voyage d'outre-mer en 1227 8<. qu'il mourut deux
ans après.
« Pierre-Raimond, fils d'un bourgeois de Toulouse, étoit fort sage & spi-
« rituel. Il se fit jongleur, sut très-bien trouver 81 chanter. Si fit de très-
« bonnes chansons. Il passa la plus grande partie de sa vie à la cour d'Al-
« fonse II, roi d'Aragon, ou à celle du bon comte Raimond, ou enfin auprès
« de Guillaume de Montpellier : il se maria à la fin de ses jours à Pamiers^,
« où il mourut-'. «
Jean de Nostradamus"* parle d'un poëte de même nom, natif de Toulouse :
il le surnomme lou Proux ou le Vaillant, 8c prétend qu'il se rendit aussi
recommandable par ses exploits que par ses vers : « Il fut, dit-il, à la guerre
« de Syrie contre les infidèles avec l'empereur Frédéric, où il composa 81 dicta
« plusieurs belles chansons qu'il adressa à Jausserande del Puech, de noble
« 81 ancienne maison de Toulouse. » Il ajoute, sur l'autorité du Mongé des
îles d'Or, que Pierre-P».aimond fit plusievirs chansons en rime provençale
qu'il adressa à une dame de la maison de Codollet, au retour de la guerre.
Ce poëte, dit-il, écrivit un traité contra l'errour dels arrians, c'est-à-dire
contre les hérétiques albigeois, « 81 un autre contre la tyrannie des princes,
« 81 même de ce que les rois de France Se les empereurs se sont laissés assu-
« jettir aux curés; il fleurissoit du temps dudit Frédéric empereur. Se enfin
« il mourut, vers l'an 1225, à la guerre qui étoit alors entre les comtes de
« Provence & de Toulouse. » On croiroit sur ce témoignage que Pierre-
iid.origin. Raimond, dont il est parlé dans la Vie manuscrite des poètes provençaux,
est le même que celui dont Nostradamus fait mention; mais il y a lieu d'en
douter, car, de treize chansons de la façon de ce poëte, rapportées dans le
manuscrit, il n'y en a aucune qui commence par les mêmes mots que celles
qui lui sont attribuées par Nostradamus, lequel en rapporte les premières
strophes.
« Hugues Brunencs, natif de Rodez, dans la seigneurie du comte de Tou-
« louse, embrassa l'état ecclésiastique & s'appliqua aux belles-lettres. Il se
« fit jongleur 8< se rendit très-habile à trouver ; mais il ne composa pas le
« chant de ses chansons. Il vécut avec le roi d'Aragon, le comte de Toulouse,
« le comte de Rodez, son seigneur, Bernard d'Anduze Se le dauphin d'Au-
« vergne. Il devint amoureux d'une bourgeoise d'Aurillac, nommée madomna
« Galiène, qui méprisa sa passion. Le comte de Rodez le congédia, 8e il en
' Nostradamus, PoSles provençaux, p. 97 & suir. ' [Rochegude, Parnasse, p. 19, & Mahn.p. i33,
° Il y a Pomlers dans le manuscrit. [Note Je Ce dernier donne quatorze pièces de cet auteur.]
dom Faissete,] ■* Nostradamus, Poètes provençaux, p. 75,&suiv,
ÎHSTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i65
« fut si chagrin c[u'il se fit religieux dans l'ordre (ou le monastère) de
« Strozza. » Nostradamus rapporte un peu différemment la vie de ce poëte.
Parmi les autres poètes provençaux qui se rendirent célèbres du temps de
Raymond V, comte de Toulouse, & dont il est parlé dans les anciens manus-
crits que nous avons cités, on trouve :
1° Pierre d'Auvergne', né dans le diocèse de Clermont, du vivant du
dauphin d'Auvergne : il fut réputé le meilleur troubadour jusqu'à Guiraud
de Borneil.
2° Arnaud d'Aniels, gentilhomme de Ribeyrac, en Périgord, qui aban-
donna les lettres pour se faire jongleur. Nostradamus* a écrit sa vie au long.
3° Peyrols, né dans un château de ce nom^, en Auvergne, dans le pays
du dauphin, auprès de Rocafort. C'étoit un pauvre chevalier qui se fit jon-
gleur, {k devint amoureux de Sail de Claustra, femme de Béraud de Mer-
cœur'*, sœur du dauphin d'Auvergne^. Il se maria à Montpellier Si y mourut.
4" « Pons de Capdueil, natif du Vêlai, riche, bien fait, bon chevalier
<( d'armes, beau parleur, galant & sachant également bien trouver, v'wloner
« 6- chanter. Il s'attacha à Adélaïde, femme de Noisil de Mercœur 8< fille de
(I Bernard d'Anduze, qui étoit un honnête baron de la Marche de Provence,
« Il fit plusieurs chansons en l'honneur de cette dame; & leur amour fut
« célébré dans le pays par plusieurs belles courts 5c diverses joutes. 11 la
(1 quitta pour aller en Provence à la cour de Naudiats, femme du seigneur
« de Marseille. Il voulut ensuite retourner auprès de la dame de Mercœur,
<i mais elle refusa ses services. Cela l'engagea à aller à la cour |de madame
(i Marie de Ventadour Se à celles de la comtesse de Montferrand, & de la
« vicomtesse d'Aubusson. Il revint enfin auprès de la dame de Mercœur qu'il
« ne quitta plus. Après la mort de cette dame, il se croisa & alla outre-mer
« où il mourut. » On trouve dans les manuscrits de la Bibliothèque du roi
quinze poèmes ou chansons de sa façon, entre lesquelles il y en a une qui
est fort pieuse, & qu'il composa lorsqu'il étoit à la guerre contre les Sarra-
sins. Il est représenté, dans la vignette du manuscrit, à cheval, armé d'un
bouclier !k d'une lance. Le bouclier, qui est fait en triangle, arrondi par les
deux côtés d'en bas, est un champ d'argent chargé d'un écu de gueules''.
5° " Guillaume de Saint-Leidier ou Dizier, natif aussi de Vêlai, S< châte-
<■ lain de Veillac ou Noaillac, dans le même pays, se fit généralement
« honorer, aimer 8< estimer. Il étoit bon chevalier d'armes, libéral, bien ins-
« truit, poli, civil Se galant. 11 fit la cour à Marquise, temme du vicomte de
« Polignac, 8<. sœur du dauphin d'Auvergne Se d'Adélaïde (ou Sail) de Claustre
« (femme de Béraud de Mercœur). Guillaume, pour cacher sa passion pour
■ Nostradamus, Poètes proverx^aux , p. i6î. — ' Nostradamus, Poëtes proven<;aux, f. 41.
(Rochegude, Parnane, p. i3."); Mahii, p. 89. Ce ^ Balnze, H'utoire gcncalogi<jue Je la maison d'Au-
dernier publie neuf pièces de lui] vergnc, t. 1 , p. 177. — [Rochegude, p. 88.]
' Nostradamus, Poites provenc^aux, p. 41 & suiv. ' [Rochegude, Parnasse, p. 10, & Mahn, p. .337.
* Baiuze, Histoire généalogique de la maison d'Au- Ce dernier donne dix-neuf pièces dt ce poëte, dont
vergne, t. 2, p. 253. la chanson pour la croisade, pp. 3.^4 à 355.]
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166 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
« la vicomtesse de Polignac, lui donnoit le nom de Bertran dans ses chan-
« sons. Hugues le Maréchal, compagnon de Guillaume, que ce dernier avoit
« mis dans sa confidence, 8c qu'il appeloit aussi du nom de Bertran, étoit le
« seul qui connût le mystère; en sorte qu'ils s'appeloient tous trois de ce
»c nom dans les conversations familières qu'ils avoient ensemble. Guillaume
« de Saint-Dizier fit aussi des chansons en l'honneur de la comtesse de Rous-
« sillon en Viennois, dame de beaucoup de mérite. La vicomtesse de Poli-
« gnac en eut de la jalousie, & elle se vengea. Guillaume fut trahi d'un
« autre côté par Hugues le Maréchal, qui révéla ses amours avec cette vicom-
tf|i|°p°'"y « tessej de quoi il eut un extrême chagrin. » Il nous reste neuf de ses chan-
sons adressées à la fin à Bertran, il y parle honorablement du comte Rai-
mond. 11 est peint à cheval dans la lettre grise du manuscrit, tenant dans sa
main la lance & un écu de gueules chargé de trois tourteaux d'argent, joints
par une barre qui traverse & une autre qui descend en forme de T'.
6° Deusde ou Deusdedit de Prades, ainsi nommé d'un village de Rouergue,
situé à quatre lieues de Rodez. Il fut chanoine de Maguelonne, cultiva
beaucoup les lettres S<. fut très-habile à trouver; il fit plusieurs chansons;
mais comme il n'y parloit pas d'amour elles ne furent pas du goût du public,
& on ne les chanta pas. Il parle cependant d'amour dans neuf de ses chan-
sons qui nous restent^.
'^° Bérenger de Palazol, chevalier du pays de Pv.oussillon; il fit des chan-
sons en l'honneur d'Ermessinde, femme d'Arnaud d'Avignon, fils de Marie
de Pierrelatte^.
8° Guillaume Rainols, docte chevalier de la Cioutat, au comté de Forcal-
quier. Il fit des sirventes sur les différends qui s'étoient élevés en Provence
entre le roi d'Aragon & le comte de Toulouse'^.
g° Guérin le Brun, châtelain de Veillac, dans le diocèse du Puy. Il étoit
bon troubadour, quoiqu'il n'ait fait que des tensons\
10° Le dauphin d'Auvergne*', qu'on loue fort pour sa libéralité, & qui
m.ourut fort âgé vers l'an 1234^.
11° Raimond de Durfort Si Turc Malec, chevaliers du Querci^.
12° Albertats (ou Albert) Cailla, jongleur d'Albigeois; il ne sortit jamais
de son pays où il étoit fort aimé; il y a un sirvente de sa façon dans l'un
des manuscrits de la Bibliothèque du roi 9. Il est différent d'un autre poëte,
nommé Albertès, dont Nostradamus fait mention S<. qu'il fait natif de Sis-
teron, mais qui étoit du Gapençois, suivant le manuscrit de la Bibliothèque
du roi.
i3o Pierre de Bargeac, chevalier, compagnon de Guillaume de Balaun. Il
' Rochegude, Parnasse, pp. 281 à l83. " Baliize, Histoire généalogique tie la maison d'Au-
' Ibid. p. 86. ycrgnc, t. i , p. K)5>; t. 2, p. 25l.
' Hid. p. 117 & siiiv. " Rochegude, Parnasse, p. 84.
' Ihld. p. 72. * liiJ. p. 73.
' Voir une pièce de lui dans Rochegude, p. 367 ° IHd, p. 304 & suiv.
& suiv.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX, 167
fut fort adroit & poli, Se devint amoureux de la femme d'un vavasseur du
château de Javiac. On a un sirvente de lui 5 il porte pour armes, d'azur
bandé d'or, dans la lettre grise du manuscrit'.
14° Pierre de Botignac, clerc gentilhomme du château de Hautefort, &
contemporain de Bertrand de Born, dont nous avons parlé ailleurs^.
ij° Tomiers en Palazis, qui fit des sirventes sur le roi d'Aragon, les comtes
de Provence 8c de Toulouse, 8c le seigneur de Baux^.
16" Guiraud de Salaignac, bon jongleur du château de ce nom en Querci'^.
17" Guillaume de Balaun-''.
18" Enfin Foulques de Marseille, Bernard de Miraval 8c quelques autres
dont nous parierons ailleurs.
An 1 194
XLIII. — Ënfans de Raimond V, comte de Toulouse.
Les anciens auteurs'' donnent trois fils à Raimond V, comte de Toulouse,
de Constance de France, sa femme, savoir : Raimond, Taillefer Se Baudouin.
Le premier, qui étoit né en 1106 8c qui, par conséquent, avoit trente-huit
ans dans le temps de la mort du comte, son père, lui succéda dans tous ses
domaines. Nous avons parlé ailleurs du second, qui s'appeloit Albéric de son
nom de baptême 8c qui mourut sans postérité vers l'an 1184, après avoir
épousé Bcatrix, héritière du Dauphiné. Baudouin, le troisième, survécut
longtemps à son père, 8c nous aurons souvent occasion de parler de lui dans
la suite. Il naquit'^ en France durant le séjour de Constance, sa mère, à la
cour, 8c il y fut élevé auprès du roi I>ouis le Jeune, son oncle, frère de cette
princesse. Après la mort du comte Raimond V, son père, il vint pour la pre-
mière fois dans la Province; mais Raimond VI fit difficulté de le reconnoître
pour son frère. Baudouin ayant été obligé de retourner en France, les prélats
ce les barons du pays, qui étoient parfaitement instruits de sa naissance 8c
de son éducation, lui donnèrent des lettres testimoniales par lesquelles ils
certifioient qu'il étoit fils de Constance, mère du comte de Toulouse S; sœur
du roi Louis le Jeune. Baudouin étant revenu en province avec ces attesta-
tions, 8c le comte Pvaimond, son fière, voyant qu'il ne pouvoit le mécon-
noître, il le retint auprès de lui; mais il ne lui donna qu'un apanage fort
médiocre. Raimond le fit cependant général de ses troupes dans la guerre
qu'il eut à soutenir en Provence contre les seigneurs de la maison de Baux;
Baudouin s'y comporta avec tant de valeur qu'il remporta sur eux une vic-
toire signalée dans une bataille qu'il leur livra. Mais ses exploits militaires
affoiblirent extrêmement sa santé 8c lui causèrent un crachement de sang,
sans que des services si importans fussent capables d'engager son frère à
t. 111, p. yo.
' Rochegude, Parnasse, p. 3^.
' liid. p. 1<)2; lisc^ de Boussignnc.
' liiJ. p. 273.
■• nu. p. 373.
' liid. pp. 3o, 3l.
* GuilUImus de Podio Laiirentii, Chronicon ,
c. 5. — Bernardus Gtiidonis, de Comit, Tolos.
' Guillclmus de Podio Laurentii, Chronicon,
c. 12.
~ i68 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 194
augmenter ses revenus 8c à lui assigner quelque terre considérable, Rai-
mond V eut un autre lîls, nommé Pierre-Pvaimond ; mais celui-ci n'étoit pas
légitime '.
Ce prince eut encore de Constance, sa femme, une fille nommée Adélaïde,
dont on a parlé ailleurs, 8c qui épousa Roger II, vicomte de Béziers 8< de
Carcassonne. Il paroît^ aussi qu'il eut de Constance une autre fille légitime
dont on ne sait pas le nom, qui épousa un des frères de Dodon, comte de
Comminges. Il laissa enfin une fille naturelle, nommée Indie, qui se maria
en i2o3 avec Guillabert de Lautrec, 5i épousa en secondes noces, en 1206,
Bernard Jourdain, seigneur de l'Isle-Jourdain. On donne quelques autres
filles à ce prince, mais c'est par erreur ^ ou sans aucun fondement solide.
XLIV. — Ra'imond VI, son fils aîné, lui succède &> prend possession du comté
de Toulouse,
. Raimond VI, fils aîné 8c successeur de Raimond V, prit possession'* de la
An I ipa ' _ .... tA .
ville &c du comté de Toulouse, un vendredi du mois de janvier, jour de l'Epi-
phanie de l'an 1194, ou de l'an iigS suivant notre manière de commencer
l'année : preuve qvic R.aimond V étoit alors décédé depuis peu, ce qu'on
peut encore confirmer par le témoignage d'un historien du temps^, qui ne
parle de la mort de ce prince qu'à la fin de l'an 1194. Raimond VI, ayant
convoqué^ alors les consuls Se les principaux habitans de la ville 8c du fau-
bourg de Toulouse dans l'église de Saint-Pierre de Cuisines, reçut le ser-
. ment de fidélité qu'ils lui prêtèrent sauj' leurs droits, usages, coutumes 6*
Jranchises. Le comte jura d'observer de son côté ces coutumes 8c les confirma,
ainsi que les établissemens 8c statuts que Raimond, son père, 8c AUonsc,
son aïeul, avoient fait dresser en faveur des mêmes habitans, avec réserv-e de
ses propres droits. Il confirma^ aussi la sauvegarde que le comte Altonse,
son aïeul, avoit accordée à tous ceux qui demeuroient dans les limites de la
ville, ainsi qu'il les avoit prescrites, &c marqua en quoi consistoient les
privilèges de cette sauvegarde, qui portoit exemption de leude Se 'de péage
pour tous les habitans de Toulouse, 8c régloit les frais 8c les amendes de la
justice criminelle, excepté les hoinicides, les traîtres, les voleurs 8c les adul-
tères qu'il se réserva de punir à sa volonté, Sec.
' Voyez tome VU, ^ote II, n. vi, pp. 7, 8. ' Rigord, Gesta P/nlippi Augasi!.
' Ihii. — Voyez ;uissi, p. 7, la note 1 de la co- ^ Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. 22I.
lonne 2. Le texte que cite dom Vaissete est assez ' Ihid. p. 194. — A'oir cet acte, tome \'1II,
postérievir. [A. M.] ce. 419 3421; nous l'avons daté à tort de t i 94
' Voyez tome VU, Vofc 11, n. vi, pp. 7, 8. (n. 5t.)j c'est 1 195 (n. st.). Le manuscrit que nous
^ Cntcl, Histoire des comtes de Tolose, p. 221 & avons suivi portait 1 lyj. [A. M.]
SUIV.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i6q "- T
' An 1 i(j5
XLV. — Le roi Philippe-Auguste donne à Ralmond VI la garde
de Figeac.
Le roi Philippe-Auguste, cousin germain de Raimond VT, lui donna des
niartiues de sa bienveillance aussitôt après la mort de Raimond V par une
charte' dans laquelle il déclare « que pour l'amour qu'il portoit envers son
V très-cher ^ fiai cousin Raimond, illustre comte de Saint-Gilles, & pour le
« désir qu'il avoit de son agrandissement, il lui donne & à ses héritiers, en
<i augmentation de fief £<. d'hommage, la garde de Figeac avec tout le droit,
« le domaine 8<. la puissance qu'il y avoit ou qu'il devoit y avoir. » Pour
entendre cette concession, qui est datée du mois de février de l'an 1 194 (i igS)
St non de l'an 1190, comme un moderne* l'a avancé, il faut se rappeler que
Richard, roi d'Angleterre, avoit enlevé le Querci à Raimond V, comte de
Toulouse, & que par le traité que le roi Philippe-Auguste avoit fait en Sicile
avec lui, au mois de mars de l'an i igi, il lui avoit laissé ce pavs, à la réserve
des abba\es de Figeac 8c de Souillac, parce qu'elles étoient royales. Ainsi
Philippe remit par là Raimond VI en possession d'une partie du Querci, en
attendant que ce comte pût recouvrer le reste sur Richard, qui le lui déte-
noit toujours.
XLVI. — Traité entre les comtes de Toulouse &< de Forcalquîer.
Raimond VI, après avoir pris possession de la ville de Toulouse, fit un
voyage dans le bas Languedoc & en Provence. C'est ce qui paroît : i° par
les privilèges^ qu'il accorda à Nimes, au mois de mai de l'an iiço, aux habi-
tans de cette ville de ne pouvoir être arrêtés dans leurs maisons, &C.; 2° par
le bail à fief qu'il fît^ vers le même temps, comme comte de Melgueil, en
faveur de Raimond de Lambert, du lieu de Boutonnet, auprès de Montpel-
lier; 3° enfin par le traité qu'il conclut la même année avec Guillaume,
comte de Forcalquier, ([u'on^ qualifie Guillaume IV.
Ce traité'' renferme deux articles réciproques entre les deux comtes. Par
le premier, ils se promettent par serment un secours mutuel envers tous &c Kf ongin.
I ' r_ I _ t. Ul, p. 100,
contre tous Se de veiller k la conservation de leurs domaines. Dans le second,
Guillaume remet à Raimond la donation que le père de ce dernier lui avoit
faite de son comté, & toutes les acquisitions qu'il pouvoit y avoir faites, pro-
mettant par serment de n'en plus faire de nouvelles, sans son consentement,
dans les limites de ce comté, savoir : depuis le mont d'Alverne, près de
Cavaillon, jusques au Rhône, à la Durance 6- à l'Isère, ainsi que ces limites
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXIII, c. ^'ii. ^ Ganel, Séries ptaesulum Mttgaloncmium, p. 244.
' Brussel, Usage îles fiefs , t. 1, p. |35; t. 1, ' Ruffi, Dissertations historiques sur l'origine Jes
p. 38o. comtes de Forcalquier, 8vC.
' Hôtel de ville de Nimes. — [Méiiard, Histoire "^ Voyez tome VIII, Chnrtes, n. LXIV, ce. 4.32
Je Nimes, t. 1 , p. 249, & Preuves, p. 41.] à 4^4.
"T ~ 170 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX,
An 1 19J '
étaient marquées dans les anciennes chartes ^ il lui cède enfin la moi lié de
risle & d'Avignon. Raimond, de son côté, renonce en faveur de Guillaume à
la donation que ce dernier avoit faite à Raimond V, son père, du comté de
Forcalqtiier, & lui cède toutes les acquisitions qu'il y avoit faites, avec pro-
messe de n'en pas faire de nouvelles, sans son agrément, dans l'étendue de
ce comté, qui étoit limité dans les anciennes chartes par le mont d'Alverne
jusques à Pont-Haut «S- le col de Câpre. Il lui cède aussi la moitié de l'Isle &
d'Avignon, & la jouissance pendant sa vie du village de Germain. L'évêque
de Cavaillon, Guillaume d'Ami, Pv.aimond-Rascas, seigneur d'Uzès, £<. plu-
sieurs autres seigneurs du bas Languedoc & de Provence furent présens a
ce traité, dont un historien' moderne rapporte le précis, mais qu'il date mal
à propos de l'an iigi.
Cet auteur est en peine de savoir le droit qu'avoient les comtes de Tou-
louse sur le comté de Forcalquier; mais il est aisé d'inférer de cet acte que
Raimond V, comte de Toulouse, ik Guillaume IV, comte de Forcalquier,
s'étoient appelés mutuellement^ à la succession l'un de l'autre, s'ils venoient
à mourir sans postérité masculine, savoir : dé la part de Raimond, du mar-
quisat de Provence, dont les bornes sont ici marquées; Se de la part de Guil-
laume, du comté de Forcalquier. Or, comme Guillaume IV n'eut qu'une
fille, qui épousa P\.ainon de Sabran, dont elle eut une fille, nommée Gar-
sinde, que le même Guillaume, son aïeul maternel, avoit donnée deux ans
auparavant en mariage à Alfonse, fils puîné d'Alfonse II, roi d'Aragon, avec
son comté de Forcalquier; Raimond VI, comte de Toulouse, avoit lieu d'es-
pérer de succéder un jour à ce comté & pouvoit le disputer au prince d'Aragon,
C'est ce qui engagea sans doute Guillaume IV, pour favoriser Alfonse, à
rompre ces conventions Se à faire un nouveau traité avec le comte de Tou-
louse, suivant lequel ils se remirent leurs prétentions réciproques sur le mar-
quisat de Provence &c le comté de Forcalquier, Au reste, ce traité nous donne
occasion d'ajouter ici deux réflexions, La première, que le marquisat de Pro-
vence comprenoit les pays situés entre la Durance & l'Isère & par consé-
quent la mouvance sur les comtés de Valentinois & de Diois, La seconde,
que le domaine de la ville d'Avignon étoit alors partagé entre les comtes de
Toulouse & de Forcalquier : nouvelle preuve que le comte de Barcelone,
après avoir partagé l'ancien comté de Provence, en 11 25, avec le comte de
Toulouse, avoit rendu aux comtes de Forcalquier la moitié d'Avignon^, qu'il
s'étoit réservée par ce partage, Guillaume IV fut le dernier comte de Forcal-
quier de la maison d'Urgel, On remarque "* que ces comtes portoient les armes
de Toulouse en 1168, 1174 S<. 1180, & on ignore le motif pour lequel ils les
avoient prises. Nous croyons qu'il n'en faut pas chercher d'autre que l'asso-
ciation mutuelle faite entre eux Se les comtes de Toulouse, pour se succéder
les uns aux autres par défaut de mâles,
• Columbi, Opéra, ei. \668, p. 90. '' Colinnbi , Opcra, éd. 1668, p. 90. — Ruffi,
' Voyez ci-dessus, 1. XIX, n. xxvi, p. 32. Dissertations historiques sur l'origine des comtes de
' Voyez tome IV, Note XV, n. m, pp. 76, 77. Forcalquier, &c.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 171
XLVII. — Raimond VI est excommunié pour quelques entreprises sur
l'abbaye de Saint-Gilles,
Durant le séjour de Raimond VI aux environs du Rhône, en iigS, il fit
sur l'abbaye de Saint-Gilles quelques entreprises qui lui attirèrent de sanglans
reproches de la part du pape Célestin III. Ce pontife lui écrivit', en effet,
le i^'de mars suivant, une lettre dans laquelle il lui déclare : « Qu'il étoit
« dans la disposition de lui donner des marques de l'attection sincère qu'il
« avoit témoignée avant son élection au pontificat, au comte, son père, d'ho-
« norable mémoire; mais que ses actions l'avoient fait différer, & qu'il ne
« devoit pas compter sur son amitié, à moins qu'il ne fît une satisfaction
Il convenable des excès téméraires dont il s'étoit rendu coupable. » Entre ces
excès, Célestin reproche à Raimond d'avoir détruit plusieurs églises dépen-
dantes de l'abbaye de Saint-Gilles, d'avoir pillé les domaines de ce monas-
tère & fait construire une forteresse dans ses dépendances contre la teneur de
son serment. Il lui ordonne de raser incessamment ce château, de réparer
tous les dommages & de maintenir l'abbaye dans ses droits. « Sinon, ajoute-il.
Il sachez que nous avons donné ordre aux archevêques de Bourges, de Nar-
II bonne, d'Arles St d'Aix, 8t à leurs suffragans de vous excommunier avec
(I tous vos officiers & vos fauteurs; de jeter l'interdit sur vos États j de
Il faire renouveler tous les dimanches l'anathème avec les cierges allumés &
r, au son des cloches dans toutes les églises de leurs diocèses; & de défendre
Il de célébrer les offices divins dans tous les lieux où vous vous trouverez,
« jusqu'à ce que vous ayez pleinement satisfait. Enfin vous devez tenir pour
<i certain que si vous persévérez dans votre malice, nous avons absous tous
Il vos sujets du serment de fidélité qu'ils vous ont prêté. » Nous apprenons
d'un autre monument^ que Raimond donna le nom de Mirapetra au châ-
teau qu'il avoit fait construire dans le territoire de l'abbaye de Saint-Gilles,
Se qui donna principalement occasion à une lettre si fulminante. Nous savons
enfin que le comte n'eut aucun égard aux remontrances du pape & qu'il fut
bientôt après excommunié. Il paroit qu'il avoit fait quelque temps aupara-
vant un traité avec l'abbc de .Saint-Gilles & qu'il l'avoit rompu dans la suite :
c'est ce que nous inférons du premier canon du troisième concile de Mont-
pellier.
XLVIlI. — Troisième concile de Montpellier. — Èvêques de Lodève.
Ce concile se tint^ au mois de décembre de l'an iigS. Il fut composé des
évêques de la province de Narbonne, & il y a lieu de croire qu'ils s'y trou-
vèrent tous; car il est marqué dans le quatorzième canon que le concile étoit
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXVI, ce. 436 ' Baluze, Concilia Galliae Narioncnsis, p. 28 &
à 43s. «UIT.
' Gallia Chrlstlana, t. 6.
An 1 19a
Kd. oiisiii.
t. ni, p. 101,
"T ~ 172 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 190 '
plénier. Maître Michel, légat du pape, y présida £<. on y dressa vingt canons.
Le premier ordonne l'observation exacte de la paix dans toute la Province,
« ainsi qu'on avoit déjà fait serment de l'observer, de la volonté du seigneur,
(( comte de Toulouse, Si qu'elle avoit été confirmée ensuite à Saint-Gilles,
« en présence du même légat, par les évêques d'Uzès Si de Nimes, tant pour
<( eux que pour toutes leurs terres. » Le légat déclare excommuniés, du con-
« sentement du concile, tous ceux qui violeroient cette paix, met leurs terres
en interdit &. délie leurs vassaux, dans le second canon, du serment de fidé-
lité. Le troisième canon anathématise tous les hérétiques, les Aragonois (ou
brigands), leurs compagnies qu'on appeloit mainades, & ceux qui tournis-
snient des armes aux Sarrasins. Il déclare aussi excommuniés les princes
séculiers qui, en étant avertis par l'Eglise, ne les punissoient pas conformé-
ment au concile de Latran 6- à celui que le pape Alexandre III avoit tenu
à Montpellier. Les canons suivans regardent l'usure, la trêve de Dieu 8c
l'établissement des nouveaux péages. Le neuvième défend aux juifs & aux
Sarrasins d'avoir des domestiques chrétiens S<. d'exercer quelque autorité sur
eux. On donne par les deux canons suivans divers privilèges aux juih Si aux
païens qui se convertissoient au christianisme. Les autres canons sont contre
les usuriers, pour ordonner la décence des habits des ecclésiastiques 8t des
laïques, 81 retrancher la somptuosité des repas de ces derniers. Le quinzième
défend aux religieux de professer le droit St la médecine, à peine de puni-
tion, suivant le décret du même concile tenu à Montpellier par Alexandre IIL
Le dix-neuvième confirme la sentence d'excommunication portée contre les
habitans de Capestang, dans le diocèse de Narbonne, qui, ayant fait prison-
nier l'évoque de Lodève, l'avoient fort maltraité 8<. obligé de payer sa rançon;
il soumet leur territoire à l'interdit, jusqu'à ce qu'ils aient fait une satisfac-
tion convenable. Enfin le vingtième ordonne, qu'à cause qu'il y avoit .plu-
sieurs hérétiques dans la province de Narbonne, l'archevêque & les évêques
aviseroient entre eux sur la manière dont ils feroient publier l'interdit contre
les infracteurs des décrets du concile; « de crainte, ajoute le canon, que ces
(i sectaires ne se servent de l'occasion d'un interdit général Se de trop longue
« durée pour surprendre la simplicité des fidèles. «
L'évêque de Lodève qui avoit été pris Si maltraité par les habitans de
Capestang, on ne sait pour quel motif, est le même (jue Rairaond, oncle
paternel de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier. Il m.ourut en 1197 8(.
eut pour successeur Pierre Frotier, qu'on fait' de la maison des comtes de
Périgord, sans en donner la preuve. Ce dernier transféra en 1198 le corps
de saint Fulcrand Se eut de grands différends avec les habitans de sa ville
ild orisin^ cpiscopale, qui se saisirent du palais épiscopal, le mirent au pillage 8< obli-
gèrent ce prélat, aussi bien que les chanoines, à faire serment d'observer cer-
tains statuts.
On croit que maître Michel, qui présida au concile de Montpellier en
' Plantavit de la Panse, C/ironohgin pracsulum LoAovens'nim, p. ico & Sîo.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. lyS
qualité de légat du pape Célestin III, ne faisoit alors que passer dans la Pro-
vince pour aller en Espagne au secours des chrétiens consternés du progrès
que les Maures avoient fait depuis peu dans ce royaume'. En effet, le sixième
canon du concile accorde divers privilèges à ceux qui serviroient en Espagne.
Nous inférons de là que les peuples de la Province s'armèrent & passèrent
les Pyrénées pour aller combattre les Sarrasins. On voit du moins par le ser-
ment* de fidélité que Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, prêta en 1193
à l'évèque de Maguelonne, que Grégoire, cardinal de Saint-Ange étoit alors
légat ordinaire dans la Province.
XLIX. — Paix entre Richard, roi d'Angleterre 6- Ralmond VI, qui épouse
Jeanne, sœur de ce prince, après avoir répudié Bourguigne de Chypre.
Le comte de Toulouse se rendit sur les frontières du Querci, vers l'automne
de l'an iiçS, pour résister à Richard, roi d'Angleterre, qui s'étoit avancé avec
un corps d'armée & qui prit quelques places sur lui. Cela paroît par le traité de
paix qui fut projeté, le 7 de décembre de cette année, entre ce roi &. Philippe-
Auguste, mais qui ne fut entièrement conclu que le i5 de janvier suivant,
dans une nouvelle entrevue qu'eurent ces deux princes auprès de Gaillon,
en Normandie. Par ce traité ^ Richard céda à Philippe tout ce qu'il avoit en
Auvergne, 8c Philippe rendit à Richard Issoudun, Grassay, &c., dans le
Berrv; Souillac, dans le Querci, avec ses dépendances, « excepté ce que le
<i comte de Saint-Gilles & les siens, ou le vicomte de Turenne & les siens y
« possédoient la veille de Saint-Michel précédente. » Après cet article on lit
le suivant : « Le comte de Saint-Gilles 8c moi, dit Richard, conserverons
« réciproquement tous les domaines que nous possédions la veille de Saint-
« Nicolas; je fortifierai toutes les places que je jugerai à propos dans ces
« domaines, comme dans ceux qui m'appartiennent en propre; 8c le comte
« de Saint-Gilles pourra faire la même chose dans les siens. Si le comte ne
« veut pas être compris dans cette paix, le roi de France ne le secourra pas
« contre moi : il me sera permis de lui faire tout le mal que je pourrai 8c de
«i ravager ses Etats. Que si je voulois, au contraire, retenir les conquêtes que
u j'ai faites, tandis que le comte de Saint-Gilles voudra faire la paix, je serai
« obligé de lui rendre tout ce que j'ai pris sur lui depuis la veille de Saint-
<i Michel, 6- il en sera de même de ce comte. Si enfin ce prince refuse la
<( paix, je ne ferai aucune entreprise contre lui, tant qu'il voudra s'en rap-
t porter au jugement du roi de France. »
Cet article ne plut pas au comte Raimond qui refusa de l'accepter; 8c la
paix n'ayant duré que quelques mois entre les deux rois, ils reprirent bientôt
les armes. Cependant Raimond, lassé enfin de cette guerre, eut recours à la
négociation 5c envoya en ambassade Guillabert, abbé de Castres, pour faire
' Ralaze, Concilia Galliae Narioncmh. 'Du Chesne, ffislor, Ncrm. SS. p. io5j. — ■
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LVII, c. 41?!. Rigord, p. 3.p.
An 1 193
An I 106
"1 T 174 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An I ipo ' ~
des propositions à Richard, qui les approuva' : ainsi la paix fut conclue entre
le roi d'Angleterre &. le comte Raimond aux conditions suivantes : 1° Richard
renonça^ à toutes ses prétentions sur le comté de Toulouse en qualité d'héri-
tier de la maison de Poitiers. 2° Il restitua à Raimond le Querci qu'il avoit
V envahi sur lui depuis l'an^ 1188. 3° Il lui donna'' en mariage Jeanne, sa
sœur, veuve de Guillaume II, roi de Sicile, avec l'Agenois qu'il constitua en
dot à cette princesse; à condition que Raimond 8c les enfans qui naîtroient
de ce mariage tiendroient ce pays en fief des rois d'Angleterre comme ducs
d'Aquitaine, &. qu'ils les serviroient avec cinq cents hommes d'armes pendant
un mois à leurs dépens, lorsque l'Anglois feroit la guerre en Gascogne. Un
moderne^ prétend que Pv.ichard donna aussi en dot à Jeanne, sa sœur, en la
mariant à Raimond, le Rouergue & le Querci; mais il n'y a aucune preuve
que le Rouergue ait jamais appartenu à Richard, ni qu'il en eût dépouillé le
comte de Toulouse : ainsi il ne peut l'avoir donné en dot à sa sœur. Pour le
Querci on peut croire que Richard, en le restituant à ce prince, le fit en
quelque manière dépendre de la dot^ de Jeanne, & qu'il s'y réserva l'hom-
mage en qualité de duc d'Aquitaine. Enfin un ancien auteur' nous apprend
que Richard vendit en cette occasion à Tancrède, roi de Sicile, le douaire
t.'ia°"^'oï "-P^ ^^^ Guillaume II, roi de Sicile, avoit assigné à la même Jeanne, sa
femme, dans le temps de leur mariage, Se que Tancrède le paya en argent
comptant.
Raimond, pour pouvoir épouser Jeanne d'Angleterre, répudia^ Bourguigne
de Lézignan ou de Chypre, sa troisième femme; sous prétexte qu'ils étoient
parens du quatrième au cinquième degré. Bourguigne, après sa répudiation,
se retira à Marseille^, où elle fixa son séjour en attendant quelque occasion
favorable pour repasser en Orient. Elle étoit encore en cette ville vers
l'an 1204, lorsque plusieurs chevaliers françois qui s'étoient croisés pour la
Terre-Sainte y débarquèrent. Gaucher de Montbelliard, l'un d'entre eux,
parent de Baudouin, comte de Flandres, l'épousa alors, la ramena en Orient
& en eut des enfans; mais, à ce qu'il paroît, cette princesse n'en donna aucun
au comte de Toulouse.
Pvaimond, étant libre parce divorce, épousa la reine Jeanne'° au mois
d'octobre de l'an 1196. Il y a lieu de croire qu'il se rendit pour cela à la
cour d'Angleterre, & que leurs noces y furent célébrées. Jeanne n'avoit alors
■ D'Achéry, Spicilegium, t. 7, p. 34.3. ' Guillaiiine de Tyr. Contin. ap. Martène, Co!-
' Catel, Histoire des comtes de Tolose, p. 208. — lectio amplissima, t, 5, c. 682. — [Ernoul & Ber-
Rapin Thoiras, Histoire d'Angleterre, 1. 7, nard le Trésorier, édit. de Mas-Latrie, p. 269.]
^ Voyez tome VII, Note IX, n. v, pp. 23, 24. ' Voyez tome VII, NoteX, n. m & suiv. pp. 25
■• Rogerius de Hoveden, p. 436. — Guillelmus à 27.
de Podio Laiirentii, c. 5. — Chronicon aiionymum, ^ Guillaume de Tyr, Contin. ap, Martène,
ap. Catel, p. 160. — [Voyez tome V, c. 5i.] — CoUectio amplissima, t. 5, c. 667. — [Ernoul, édi-
Pierre de Vaux-Cernay, c. 63. — Du TiUet, Tra/ïc tion de Mas-Latrie, p. 3â2 & suiv.; tome VII,
de 1269 entre la France & l'Angleterre. p. 25.]
^ Langlois, Histoire des croisades contre les alhi- '" Chronicon anonvmum, apud Catel, p. i6o. —
geois. 1. 2, p. 58. [Voyez tome V, c. 54.]
" D'Achéry, SpiciUgium, t. 7, p. 348.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. ijo
que trente 8c un ansj car elle étoit' née au mois d'octobre de l'an ii65. Elle
avoit épousé^ en 1177 Guillaume II, roi de Sicile, dont elle étoit veuve
depuis plusieurs années; c'est pour cela qu'elle garda le titre de reine, même
après son second mariage.
Suivant un ancien monument, <( le comte de Toulouse, après^ avoir épousé
« Jeanne, sœur du roi d'Angleterre, se rendit, le 12 de novembre de l'an 1 196,
« dans le cloître de Notre-Dame (de la Daurade) de Toulouse, dans la salle
« du prieur, 8c là il reconnut 8c accorda, en présence des consuls, au nombre
« de ciix-huit, du conseil de la ville Se du faubourg, 8c des principaux liabi-
« tans, qu'il n'avoit sur eux aucun droit de quête, de tolte, d'albergue 8c de
« prêt, à moins qu'ils ne le lui permissent volontairement. » Il confirma en
même temps les libertés, coutumes, usages 8c privilèges de" la ville de Tou-
louse, ainsi que le comte Alfonse, son aïeul, Se le comte, son père, les
avoient accordés 8c approuvés'*.
L. — Mort d' Alfonse II , roi d'Aragon. — Partage de ses domaines
entre ses fils.
Raimond VI, par le traité qu'il conclut avec Ricbard, roi d'Angleterre,
recouvra non-seulement ses anciens Etats que ce prince lui détenoit depuis
longtemps, mais il y ajouta encore l'Agenois, situé des deux côtés de la
Garonne, Il se vit délivré la môme année d'un voisin formidable, ancien
ennemi de sa maison, en la personne d'Altonse II, roi d'Aragon, qui mourut
à Perpignan, le^ 25 d'avril de l'an 1196, 8c fut inhumé dans l'abbaye de
Poblet.
Les historiens"^ font un grand éloge d'Alfonse II. L'un d'entre eux^ assure
que ce prince étoit reconnu pour souverain, dans le temps de sa mort, en
divers pays situés en deçà des Pyrénées, « entre autres dans le Béarn, la
« Gascogne, le Bigorre, le Comminges, à Carcassonne, à Béziers 8c à Mont-
ci pellier. » Mais : 1° l'on ne sauroit dire qu'Alfonse fût proprement souve-
rain d'aucun pays situé en France, car nos rois dominoient alors non seule-
ment sur tous ceux dont on vient de parler, mais encore sur toute la Catalogne.
2° Il s'en faut bien que ce prince fût maître, dans le temps de sa mort, de tous
ces pays; il est vrai qu'il prétendoit la suzeraineté sur Carcassonne, Béziers
' Robertus Je Monte, Chronieon. ziers, on sait (juellej relations étroites existèrent
' Rogerius de Hoyeden , p. 3i5. — Martène, entre ces princes & les rois d'Aragon aux doii-
Velerum SS. amplissima collectio, t. 3, c. 898. zième & treizième siècle. [A. M.]
' Catel, Histoire des comtes de Tolosc, p. 216. — ' Thalamus de Montpellier, [édition de la Société
[Voyez tome VIII, c. 439 & «iiiv. on nous pu- archéologique de Montpellier, p. 22 j même texte
blions à nouveau cet acte d'après JJ. xxi.] latin dans la Chronique de Saint-Sernin, tome V,
* Dom Vaissete n'a ici qu'à demi-raison. Il est c. 5o.]
bien certain que le roi d'Aragon, Alfonse, n'avait ' Gesta comitum Barcinonensium, c. 22 &$eq..—
aucun droit sur Montpellier & Béziers; mais il Zurita, Anales de la corona de Aragon, 1. 2, c. 47.
n'en était pas moins le suzerain des seigneurs de — Bouche, La chorographie de la Provence, p. 17;^
Montpellier, qui tenaient de lui des terres dans & suiv.
la Marche d'Espagre Quant aux vicomtes de Bc- ' Zuritn, Anales delà corona de Aragon, 1. 2, c. 47.
An
An 1 19!)
15j. orisin.
l. 111, p. lo.t.
176 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
& Montpellier; mais, outre qu'il n'en jouissoit pas alors, les prétentions qu'il
pouvoit avoir sur ces deux dernières villes n'étoient appuyées que sur de^
fondemens chimériques'.
Alfonse laissa trois fils & quatre filles de Sancie de Castille, sa femme.
Pierre, l'aîné, lui succéda dans le royaume d'Aragon, la principauté de Cata-
logne & les comtés de Roussillon, de Pailhas, de Besalu 6<. de Cerdagne,
qu'il gouverna jusqu'à l'âge de vingt ans sous la tutelle de la reine, sa mère.
On ajoute^ que le roi, son père, disposa aussi en sa faveur de tous les droits
qu'il avoit depuis la ville de Béziers jusqu'au port d'Aspe; c'est-à-dire qu'Al-
fonse le fit son héritier pour les comtés de Carcassonne & de Razès, ou.
plutôt pour les prétentions qu'il avoit sur ces deux comtés; car le vicomte
Pvaimond-Roger, qui en possédoit le domaine utile, reconnoissoit alors pour
suzerain le comte de Toulouse, son oncle, son seigneur naturel. On doit
encore remarquer qu'il y avoit quelques comtés dépendans de l'Aragon ou de
la Catalogne sur lescjucls le roi Alfonse II ne dominoit que médiatemcnt
dans le temps de sa mort; tels que ceux de Besalu & de Cerdagne dont il
avoit disposé en faveur du prince Sanche, son oncle, qui lui survécut; celui
de Pailhas qui avoit encore alors ses comtes particuliers, £\c.
Alfonse, fils puîné d'Alfonse II, eut pour son partage le comté de Pro-
vence dont il fut le second comte de son nom. On prétend^ que le roi, son
père, disposa aussi en sa faveur des vicomtes de Millau & de Gévaudan, Se
du droit qu'il avoit sur Montpellier dont le seigneur lui avoit, dit-on, fait
hommage. On a vu cependant que Guillaume VIII, seigneur de Montpel-
lier, qui possédoit cette ville sous l'hommage de l'évêque de Maguelonne,
ifconnoissoit alors pour son suzerain dans le reste de ses domaines le comte
de Toulouse Si de Melgueil. Quant aux vicomtes de Millau & de Gévaudan,
il paroît que Pierre, roi d'Aragon, les eut dans son lot, puisqu'il les engagea,
en"* 1204, à Pvaimond VI, comte de Toulouse; peut-être que ces deux
vicomtes échurent d'abord à Alfonse II, comte de Provence, & que les deux
frères les échangèrent quelque temps après. Quoi qu'il en soit, le même
Alfonse II, fils du roi d'Aragon, unit^ le comté de Forcalquier au comté de
Provence par le mariage qu'il avoit contracté, en iigS, avec Garsinde de
Sabran, à laquelle Guillaume IV, comte de Forcalquier, son aïeul maternel,
donna alors ce comté en dot. Enfin Alfonse II, roi d'Aragon, eut un troi-
' Peu après, en avril 1197, le vigiiier de Tou- cien privilège, avaient le droit d'employer telle
louse, Pierre-Roger, fit, de concert avec les con- mesure qu'il leur convenait. Ce furent seulement
suis, un règlement sur les poids & mesures publics. des mesures publiques destinées à contrôler les
Cet acte nous apprend qu'il y avait des mesures en fraudes. (Cf. t. VIII, c. 440 & suiv.) [A. M.]
pierre à Saint-Pierre-des-Cuisines, à Saint-Géraud ' Gesta comitum Barcinonensium, q. 22 & seq. —
& à Saint-Sernin ; elles avaient même capacité Zurita , Anales de lu corona de Aragon, 1, 2, c. 47.
que deux autres mesures en cuivre (servant d'éta- * Zurita, Anales de la. corona de Aragon, 1. 2,
lonsi"), placées à Saint-Sernin & à Saint-Etienne. c. 47.
La quartière est fixée par cet acte à la moitié d'une ''Voyez tome VIII , Chartes, n. LXXX, c. 5i8
émine, & le carton vaut huit quartières. L'usage 8t suiv.
de ces mesures ne fut pas du reste obligatoire pour ^ Bouche, La chorographie ou description de la
içs habitants de Toulouse qui, en vertu d'un an- Provence^ t. 2, p. 173 & suiv.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 177 — T
' ' Au 1 1()6
sièine fils, nommé ' Ferdinand, qui kit religieux de l'ordre de Cîteaux 8c
ensuite abbé de Mont-Aragon. Entre les hiles de ce roi, la seconde Se la
troisième, nommées Éléonore 8c Sancie, épousèrent dans^ la suite, l'une
Raimond VI, dit le Vieux, comte de Toulouse, 5c l'autre Raimond VII,
surnommé le Jeune, fils de ce prince.
Le roi Alfonse se rendit recommandable par ses exploits 8c ses excellentes
qualités. Il protégea ceux qui cultivoient de son temps la poésie provençale
8c ne dédaigna pas lui-même de taire des vers en cette languej ce qui l'a fait
mettre au nombre des poètes provençaux sous le nom à'Aljbnse, roi d'Aragon,
celui qui trouva, pour le distinguer du roi Alfonse I. On voit un poëme ou,
comme on disoit alors, une chanson de sa façon dans un des manuscrits^ de
la Bibliothèque du roi. Il est représenté à cheval, dans la lettre grise, armé
de toutes pièces; le caparaçon de son cheval chargé des armes d'Aragon, paie
d'or Se de gueules. Il est, d'ailleurs, fait mention de lui dans les anciennes"*
vies des poètes provençaux, St en particulier dans celles de Bertrand de lîorn
ou d'Hautefort, d'Arnaud de Marviel, de Pierre Rogier, de Pierre Vidal, du
Moine de Montaudon, de Foulques de Marseille, 8cc.
LI. — Comtes de Rode-^,
II est parlé dans ces vies du comte de Rode-:^ comme d'un des seigneurs de
son temps qui favorisèrent le plus la poésie provençale. Ce comte, qui se
nommoit Hugues 8c qui tut le second comte de Rodez de son nom, avoit
succédé, avant l'an iiôg, à Hugues I, son père. Il établit^, vers l'an 1161,
conjointement avec Hugues, évêque de Rodez, son frère, la paix dans le
diocèse de Rodez, dont il régla les conditions, du conseil des abbés, des pré-
vôts, des archidiacres Se des barons du pays; Se c'est ce qui a donné l'origine
au droit de commun de paix qu'on lève encore dans le Rouergue. Il épousa"^
Agnès, fille de Guillaume VIII, comte d'Auvergne, 8c en eut cinq fils, comme
il paroît par son testament^, daté du 8 d'octobre de l'an 1 176. Par cet acte il
choisit sa sépulture dans l'abbaye de Bonneval, en Rouergue. Il donne le
comté de Rodez 8c tous ses domaines jusqu'au Tarn, à Hugues, son fils aîné.
Il lègue à Gilbert, son second fils, le pays ou vicomte de Creissel 8c tous ses
biens situés au delà du Tarn, à condition qu'il tiendroit le tout en fief de
son aîné, avec substitution de l'un à l'autre. Il destine deux autres de ses fils
à l'état religieux, savoir : Bernard, le troisième, dans l'abbaye de Loc-Dieu
de l'ordre de Cîteaux, 8c Henri, le quatrième, dans celle de Conques. Il confie
le cinquième, nommé Guillaume, aux soins du prévôt, oncle de ce dernier,
avec cinq cents sols de pension annuelle sur le Carladois, 8c ordonne qu'en
* Zii t iï.i, A iiaUs Je la corons Je Aragon, l. 2, c. 47. * GaUia Chnstiana , nov. éd. t. 1 , Instrum. p. 5l .
* Vo/cï tDir.o VU, iVelf X, n"' V & vi, pp. 26,27. ' Voyez tome ^U, Note XII, pp. 3j à 33.
' Ms». n. 7 22j. ' Mariène, Vcterum SS. ampliaima colUclie, t. I,
* liid. 81 n. 769J. — [Roch:gude, Parnasse, ç. 897 & sc<j.
pp. 3j & ^i; Mjhn, p, ui & Juiv.]
VI. „
An 1 lyô
178 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
cas ([ue ce prévôt, dont il ne dit pas le nom, mais qui est le même' que
Guillaume, alors prévôt de l'abbaye de Brioude £<. fils puîné de Guil-
laume VIII, comte d'Auvergne, ne voulût pas se charger de son éducation,
ce cinquième fils seroit religieux de Saint-Victor de Marseille avec deux mille
sols de Rode^. Il donna pour tuteurs & défenseurs à ses fils Hugues, évêque
de Pvodez, & Richard, ses frères. Enfin il ordonna de rendre à (Agnès d'Au-
vergne^) sa femme quatre mille sols du Puy Sv vingt-cinq marcs d'argent sur
le château d'Entraigues, qu'il avoit reçus pour sa dot, &t lui donna de plus
voitr son douaire {in sponsalitium) l'usufruit de la moitié du Carladois ou de
cette partie du même pays qui avoit appartenu à Richard, son aïeul, avec
réserve de la propriété pour son fils.
Richard , frère de Hugues II , fut présent à cet acte avec la mère & la
femme de ce dernier. R.ichard s'y qualifie comte, de même que dans un titre ^
de l'an 1195. Il avoit eu pour son partage la vicomte de Lodève avec la
moitié du Carladois, mais il n'eut sans doute ces domaines qu'en apanage,
car nous venons de voir que le comte Hugues II, son frère, disposa de ce
dernier pays en 1176 Sn. qu'il vendit la vicomte de Lodève aux évêques de
cette ville. On ne trouve plus rien de Richard après l'an 1195. Il mourut, à
ce qu'il paroît, sans postérité; ses biens furent du moins réunis au comté de
Rodez.
Hugues, comte de'* Rode-^, &• Hugues, son fils &• de la comtesse Agnès,
firent une donation, en iiçS, à l'abbaye de Conques. Hugues II se démit
entièrement de son comté, au mois de' mai de la même année, en faveur
d'Hugues, son fils; cela causa quelque contestation entre le comte & l'évêque
de R.odez, son frère; elle'' fut terminée bientôt après par la médiation de
l'iibbé d'Aurillac &. du comte R.ichard , leurs frères. Donat, viguier (en
R.ouergue) pour Raimond, comte de Toulouse, dont le comte de Rodez étuit
vassal, fut présent à cet accord. Hugues III jouit depuis du comté de Rodez,
mais ce ne fut pas pour longtemps, car il mourut sans postérité''', en 1196.
Hugues II, son père, qui lui survécut, disposa du comté de R.odez en faveur
de Guillaume, son cinquième fils, & cela nous donne lieu de croire que
Gilbert, son second fils, qu'il avoit substitué à Hugues, son aîné, étoit alors
décédé. Raimond £<. Henri avoient embrassé l'état monastique, conformément
au testament de Hugues II, leur père. Ce dernier avoit déjà donné, en 1199,
' Voyez tome VII, Uotc XII, pp. 3d n 33. sion (Cf. de Gaujal, EtuJes sur le Rouergue, t. 2,
' IhiJ. p. 8i. Voir dans le même auteur, ibiJ. pp. Si à
' G allia ChrUùana, nov. cd. t. i , /is!''"'". p. 5i . 83, le cérémonial de ce couronnement; quoi qu'en
* Biiluzc. Histoire gLnt'c:log':<jue de h ni-iison d'Au~ disent cet auteur St Bonal, dans son Histoire des
vcrrne, t. 2, p. 761. comtes de Rode^, c'était bien un hommage que
■' Archives du domaine de Rodez. prêtait le comte). — A l'occasion de cette investi-
'• Gallia Christiana, nov. e;l. t. \,lnstrum. p.5r. turc, les deux comtes accordèrent aux habitants
Ces contestations provenaient de ce que l'évêque du bourg de Rodez des privilèges dont le texte est
prétendait qu'avant d'être couronné, le nouve.iu perdu ; ils ;ont rappelés dans une diarte dj i,-!ci
comte lui devait l'hommage; les arbitres choisis (Voir plus bas, & de Gaujal, ut suprj, t. 1, p. 29J
lui donnèrent raison, & les deuK comtes, dont il ■ & suiv. Si. t. ;, p. 83). [A. M.)
était le fièrc !k l'oiule, se sojmiient à leur décl- - Voyez tone ^'11, No:c XII, pp. 3o à 33.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 170 "";; "T
' I An 1 iç6
le comté de Rodez à Guillaume, son fils, qui en jouit absolument pendant
la vie de son père, lequel vécut jusqu'en 1:08. Guillaume conliima' en qua-
lité de comte de Rode-^, au mois d'avril de l'an 1204, la vente que son père
5v son frère avoient faite, sei^^^e années auparavant, en faveur de Raimond,
évêque de Lodève, de tout ce qu'ils possédoient dans le Lodévois.
LU. — Raimond VI rentre en possession du Çuerci. — Coutumes de Moîssac,
Raimond VI, comte de Toulouse, après avoir fait sa paix avec Richard, ^n 1 197
roi d'Angleterre, rentra en possession du Querci. Il se rendit, le 20 d'avril de
l'an 1197, à Moissac, où il déclara par un^ acte authentique, qu'ayant
recouvré cette ville, il promettoit une entière sûreté aux habitans & recon-
noissoit que lorsqu'il recevroit pour la première fois leur serment de fidélité
en qualité de seigneur, il devoit jurer de les protéger, avec dix de ses barons,
Raimond reçut ensuite dans le cloître de l'abbaye de Saint-Pierre le serment
de fidélité des mêmes habitans 81 autorisa-*, vers ce temps-là, les coutumes
du bourg de Moissac, après qu'elles eurent été rédigées par Bertrand, abbé
régulier du monastère, Bertrand de Fumel & les principaux habitans. Sui-
vant ces coutumes, Raimond se disoit seigneur de Moissac en qualité de
comte de Querci &c d'abbé-cAfVrt/zVr du monastère de ce nom. Elles sont
écrites en langage du pays St renferment les articles suivans.
1° L'abbé-chevalier, le jour de son entrée dans Moissac, fera serment aux
habitans de les défendre ik de les protéger, de n'imposer sur eux aucunes
mauvaises coutumes ou maltotes, Stc. Il fera prêter le même serment par dix
de ses barons, ensuite tous les habitans de Moissac au-dessus de douze ans
lui jureront fidélité.
2° Les différends qui pourront s'élever entre l'abbé-chevalier 8c sa famille
d'un côté 8<. l'abbé religieux 81 sa communauté de l'autre, seront terminés
par les prud'hommes de Moissac, sans qu'il soit permis de recourir à aucun
étranger} 8t, en cas que ces prud'hommes ne puissent s'accorder, les sei-
gneurs de Durfort, de Montesquieu Si de Malause seront seuls juges du
différend.
3° Le seigneur ou son viguier 81 les habitans de Moissac ne doivent pas
non plus recourir à des étrangers pour juger leurs différends.
40 Les habitans de Moissac paveront tous les ans, en carême, au seigneur ûJ.origin.
abbé-chevalier cinq cents sols de C.ahors pour tout droit de chevauchée 81 de
queste} 8t ils ne doivent personnellement aucune chevauchée, à moins qu'il
' Plantavit de la Pause, Chrono'.og'ia praeiulum bert de Fuinel d'environ iiîo. Quelques articles
Lodoveniiuin, p. io5 & scq. pourtant en furent supprimés, notamment celui
' Tome VIII, Chartes, n. LXVII, ce. 441, 442. qui établissait l'égalité judiciaire entre les bour-
' Titres de l'abbaye & de la ville de Moissac. geois & les chevaliers, & un autre qui déclarait
ATis. Colhcrt. [Au). Doat, 117, f" 1.] — Voyez les moines de l'abbaye justiciables des prud'hom-
Lngrèze-Fossat, Etudes sur Moissac, t. 1, p. 63 & mes. (Voyez ut supra, p. 112 à 114.) En somme, •
sutv. — Ces coutumes ne sont que la reproduction cette charte restreignait dans une certaine mesure
à peu près intégrale de la grande charte de C.a'.iz- les privilège; des habitants. [A. M.]
An 1 197
180 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
n'y eût J5;ucrre pour le Jhit de JMoïssac; dans ce cas là ils seront ternis de
suivie !e seigneur en aimes, pourvu qu'ils puissent être de retour à Moissac
le jour même.
5° Les adultères pris en flagrant délit ne seront punis d'aucune peine
afflictive ; leur honneur 8< leurs biens seront mis seulement à la discrétion
du seigneur. Quant au vol & à l'homicide, le seigneur fera telle punition
corporelle des coupables que les prud'hommes de Moissac le jugeront à propos;
&C après la réparation des dommages, tous les biens seront confisqués au profit
du même seigneur.
60 Celui qui surprend un homme qui dérobe Si le tue n'est sujet à aucune
peine.
70 II n'y aura que l'abbaye de Moissac qui puisse servir d'asile aux malfai-
teurs, &C.
LUI. — Raimond confirme les privilèges de l'église de Nimes, — Naissance
de Raimond VU, son fils.
Le comte Raimond fit', vers le même temps, un voyage à l'abbaye de
Grandselve, où il confirma, en présence de Guillaume, seigneur de Montpel-
lier, les privilèges que le comte, son père, avoit accordés à ce monastère. 11
alla ensuite dans le bas Languedoc, où il exempta, au mois^ de juin de
l'an 1194, les chanoines de la cathédrale de Nimes de tous frais de justice
lorsqu'ils plaideroient devant lui & devant ses viguiers (y ses barons, confor-
mément au privilège que le comte, son père, leur avoit accordé. Il les con-
firma en même temps dans la possession des étaux que le feu vicomte Ber-
nard-Aton, fils de Cécile, &c ensuite Bernard-Aton, son fils, & Guillelmette,
mère de ce dernier, leur avoicnt donnés 81 des nouveaux étaux qu'ils avoient
acquis par l'accord qu'ils avoient fait avec le vicomte & l'évêque. Il ajoute :
(( J'accorde semblablement aux savetiers 8t aux tanneurs la permission de
« débiter leurs marchandises dans les autres étaux, c(ui, en vertu de cet
<( accord, sont échus dans mon partage 8c dans celui de l'évêque. » Il con-
firma aussi le traité que Guillelmette, mère de Bernard-Aton, autrefois vicomte,
avoit fait avec les chanoines &<. avec l'évêque au sujet des nouveaux étaux,
&c la permission que le même Bernard-Aton, autrefois vicomte de Nimes 6-
d'Agde, leur avoit accordée de construire un four. Nous comprenons par cette
clause que les comtes de Toulouse avoient succédé à ce vicomte dans la
vicomte de Nimes, comme nous l'avons observé ailleurs^. Enfin Raimond
reconnoît que lui 8< ses prédécesseurs n'ont jamais eu aucun droit d'albergue
sur l'église de Nimes. Il se qualifie comte de Toulouse &- de Nimes dans cet
acte, qui est daté du château de Beauvoisin, dans la vigne de l'église, durant
le siège de ce château'^.
' Archives de l'iihb.iye do Grandselve, ' Voyez ci-dessiis, n. vi, ].p. 120 à iî3.
• Voyez t9m« VIII, Chiutes, n. liXVIII, çc. .^^3 ' Min.ird, Histoire de Nimes, t. 1, p. 2ji, con-
à ^^i' jîçturc ^ue «e siège avait pont objci d« çhiisser
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i8
i»i
Ail 1 lyy
Cette date prouve que Raimond VJ, comte de Toulouse, ctoit alors en
armes du coté du Rhône; mais nous ignorons le motit qui l'avoit engagé à
les prendre & à assiéger le château de Beauvoisin, situé à deux lieues de
Nimes vers le sud-est. La comtesse ou la reine Jeanne, sa femme, étoit en
même temps à Beaucaire', où elle accoucha, au mois de juillet suivant, d'un
iîls qui fut nommé Raimond.
11 V a lieu de croire que le comte de Toulouse passa le reste de l'année
auK environs du Rhône, & qu'il étoit ahsent de sa capitale lorsque son
viguier^ y Ht une ordonnance, au mois de novembre, de l'avis des consuls (S-
du commun conseil de lu ville 6- des faubourgs, touchant les moyens que les
créanciers dévoient employer pour se faire payer de leurs débiteurs. Nous
apprenons d'ailleurs que le comte de Toulouse étoit à Montpellier à la fin
de l'an 1197, 6t qu'il favorisa le mariage ([ui fut célébré alors entre Marie,
fille de Guillaume VIII , seigneur de cette ville, & Bernard VI, comte de
Comminges.
LIV. — Mariage de Marie de Montpellier, veuve de Barrai, vicomte
de Marseille, avec Bernard V , comte de Comminges.
Marie avoit épousé^ en premières noces, dans un âge où elle étoit à peine
nubile. Barrai, vicomte de Marseille, dont elle devint veuve en 1192, peu
de temps après son mariage. Son père, qui vouloit la déshériter pour avan-
tager les enfans qu'il avoit d'Agnès, sa seconde femme, ne lui constitua que
cent marcs d'argent en dot, en la promettant à Barrai, Se l'obligea de renoncer
à sa succession. Ce vicomte, par son testament, outre la restitution de ces
cent marcs, légua à Marie quatre cents autres marcs avec ses robes, bagues,
jo\aux Sv meubles de chambre. Geoffroy, évêque de Béziers, Si Rousselin,
frères de-Barral Se ses exécuteurs testamentaires, firent difficulté d'acquitter
ce legs; mais le pape Célestin 111, sur les plaintes de Marie, ayant ordonné
en 1194 aux archevêques de Narbonne & d'Arles de les v contraindre jiar
censures ecclésiastiques, ils furent obligés de la satisfaire. On prétend '•que
quelques routiers qui se sernient emparés du chji- débiteur passe d< l'un à l'autre jusqu'à ce qu'il
leiii. [A. M.| s'en trouve un qui consente à le retenir en pri-
' \'oyez tome V, c. 3.^. — Rogerius de Hovt- son. .— Si le débiteur s'échappe & se réfugie dans
den. Annales Anglicani, p. ^ÎS. — Guilleltnus de le cloître (de Saint-Sernin?), 1« créancier peut l'y
Podio Laurentii, c. 5. — Chronique anonyme d^m poursuivre & l'y faire détçnir. — Si un créan-
Catel, p. lôo. [Voyez tome V, c. Si.] cier laisse aller librement un débiteur, un autre
' Caiel, Hhtoire des comtes Je ToUie, p. 2:7 & créancier peut le saisir, & les droits du premier
tuiv. — N'oyez tome VUI, ce, j^^f) à 448. Après sont annulés. [A. M.]
plainte faite au viguier, le débiteur est enfermé ' C3t\<:\, Séries pracsulum Magalonemium , z'' ei.
huit jours au château Narbonnais; le neuvième p. 24^1 & seq. — Ruffi, Histoire Je Ma'seille,
jour, le créancier doit prouver que le débiteur a 2'' éd. t. 1 , p. 7.Î & suiv. — Chronicon Massi-
de quoi le payer; sinon on lui livre celui-ci, & licnsc, dans Labb:, Bihliotheca nov. manuscript,
il peut le tenir chez lui, aux fers, au pain & à t. 1, p. '{4.
l'e.iu, jusqu'à ce que les consuls aient examiné * Ruffi, Histoire Je Marseille, z' éd. t. 1 , p. fj
l'alTaire. — Quand il y a plusieurs créanciers, le & suiv.
I"d. Giipin.
. 1:1, p. 107.
An 1 ly/
182 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
Banale, fille du même Banal, vicomte de Marseille, !ac(Ufcllc cpousr^ Hugues
de Baux, prince d'Orange, étoit née du mariage de ce vicomte avec Marie
de Montpellier, Se on s'appuie pour le pjrouver sur quelc|ues conjectures;
mais elles n'ont aucune vraisemblance, tant à cause de la parenté qui étoit
entre Hugues de Baux ik Marie, que parce que cette dernière n'avoit, en 1 197,
guères plus de quinze ans, comme nous le verrons bientôt; & qu'enfin en
parlant de tous ses enfans, dans son testament de l'an I2i3, elle ne dit rien
de Barrale. Ainsi Barrai aura eu cette fille d'Adélaïde de Roque-Martine, sa
])remièrc femme, doiu il est fait mention dans la Vie' de Foulques de Mar-
seille ik de queltjues autres anciens poëtcs provençaux.
La mort de ce vicomte a\ant rompu toutes les mesures du seigneur de
Montpellier, celui-ci chercha à remarier Marie, sa fille, &< à l'engager par de
nouveaux, liens à renoncer à sa succession. 11 jeta les yeux sur Bernard,
comte de Comminges, quoique ce comte eût actuellement deux femmes
vivantes. La première étoit Béatrix, comtesse de Bigorre, qu'il avoit répudiée
sans aucune forme de procès, sous prétexte de parenté, après en avoir eu
une fille, pour épouser Comtois de la Barthe. Bernard, voulant répudier
aussi cette dernière^, prétendit que son mariage avec elle ne pouvoit sub-
sister, à cause de la parenté qui étoit entre eux; Se s'étant rendu avec elle
dans l'église, au mois de novembre de l'an 1197, il se présenta à Raimond,
évoque de Comminges, & prouva devant ce prélat qu'il étoit parent de Com-
tors du quatrième au cinquième degré. Cette dame convint du tait en pré-
sence de tous ses parcns qui l'accompagnoient, des abbés, de tout le clergé
fk du peuple; &<, ayant donné son consentement à la dissolution de son
mariage, l'évêque prononça la sentence de séparation que l'archevêque d'Auch,
métropolitain de la Province, confirma sur-le-champ. Il est marqué dans
l'acte qui en fut dressé que le mariage du comte de Comminges avec Comtors
avoit duré peu de temps; preuve, ou que les deux fils &c la fille qu'on leur
donne -^j n'étoient pas tous nés pendant ce mariage, ou que Bernard les eut
d'une autre femme.
Ce comte, se voyant ainsi entièrement libre, se rendit k Montpellier, au
mois de décembre suivant, avec le comte de Toulouse, son cousin germain,
l'arclicvêque d'Auch, l'évêque de Comminges, Fulcrand, évêque de Tou-
louse, Raimon.d, évêque d'Agde, frère du seigneur de Montpellier, & plu-
sieurs seigneurs séculiers; St là il épousa Marie de Montpellier. Suivant le
contrat^ de mariage, Guillaume, seigneur de Montpellier, Jili de /eue ALi-
thilde (de Bourgogne), duchesse, déclare que, voulant marier Marie, sa fille,
avec le comte de Comminges, il lui donne en dot deux cents marcs d'argent
£< les habits de noces. Bernard assigne de son côté pour le douaire de Marie,
qu'il prend pour épouse, la jouissance pendant sa vie du château de Muret S<
de ses dépendances, qu'il lui hypothèque de plus pour sa dot; avec clause
' Mss. de !a Bibliothèque du roi, n'" 7 22;j & ' Le P. Ansclint, Histoire gcncalogi^ue Jts gr.tiuU
7698. tifficiers, &c. t. 2, p.63i.
' Tome Vin, Chartes, -.i. LXIX, ce. .}.)8, 449, ■• D'Achéry, Spiùh-gium, t. 1 1 , p. 35-.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i83
expresse que !e fils c|ui viendra c'c ce mariage succédera au comte, son père,
dans tous ses domaines, £< (jue s'il n'y a qu'une hlle elle recueillera égale-
ment sa succession, excepté du pays de Comminges; en sorte que Bernard
ne se réserva que quatre châteaux pour en disposer en faveur de Bernard,
son jils , & de Comtors , fille d' Arnaud-Guillaume de la Barthe, lequel ne
pourroit prétendre autre chose. Marie de Montpellier se réserva de son côté
les droits Si les actions qu'elle avoit sur les biens St les héritiers de Jeu
Barrai, son mari, jusqu'à la somme de trois cents marcs d'argent; reconnois-
sant que celle de deux cents marcs que son père lui donnoit en dot, lui
avoit été payée en déduction des cincj cents marcs que le même Barrai lui
avoit légués par son testament, & que dans ces deux cents marcs étolent
compris les cent marcs qu'elle avoit eus en dot en se mariant avec Barrai.
Raimond, comte de Toulouse, Vijal de Montaigu 8c quatre autres seigneurs
promirent par serment, au nom du comte de Comminges, qu'il ohserveroit
toutes ces choses; & l'archevêque d'Auch, les évêques de Comminges 8t de
Toulouse promirent de leur côté, de l'aveu du même comte, de l'excommu-
nier Si de jeter l'interdit sur toutes ses terres, en cas d'infraction de sa part.
Bernard fit le comte de Toulouse donnèrent de plus, pour garans du traité,
Guillaume de Baux, Hugues, son frère, S< Bernard d'Anduze, avec promesse
de la part du comte de Toulouse, si le comte de Comminges ne l'accomplis-
soit pas iîdèlement, de lui faire la guerre à la tête de tous ses vassaux. L'acte
qui est daté de Montpellier, dans la chambre de Guillaume, seigneur de
cette ville, fut passé en présence de Raimond, évêque d'Agde, du prévôt de
Maguelonne Se de plusieurs seigneurs de la Province ou du diocèse.
Le même jour, Guillaume, seigneur de Montpellier, fit faire à Marie, sa
fille, un acte' dans lequel elle s'exprime de la manière suivante : « Il est
« notoire à tous ceux qui savent la morale fi< le droit que les femmes ne
c. peuvent être juges, ni avoir part à l'examen des procès Se à la pronon-
« dation des sentences; que c'est une coutume établie de tout temps dans
<i la seigneurie de Montpellier Se dans ses dépendances, que le domaine, la
tlomination, la puissance, la juridiction Se l'empire ne peuvent jamais être
I' transmis aux filles, tant tju'il y a des mâles; Se que les lois impériales
« interdisent aux femmes la possession des royaumes, duchés, principautés,
Il comtés, mar(|uisais Se juridictions quelconques. C'est pourquoi, moi, Marie,
'< fille de Guillaume de Montpellier, instruite du fait Se du droit, Se recon-
(1 noissant que je suis âgée de quinze ans Se plus, j'abandonne entièrement,
Il tant pour moi que pour mes héritiers Se successeurs, à vous, Guillaume,
« mon père, Se à vous, Guillaume, son fils Se de madame Agnès, m.on frère,
« toute la ville de Montpellier avec tout ce qui en dépend; le bourg de
« Latcs, ceux de Montferrier Se de Castelnau; les châteaux de Castries,
» dOmclas, du Fouget Se de Paulhan; les lieux de Cornon-Sec, de Mont-
' G,i ri el , 5crifi praesulum Magaloncnstum, 2' éd. p. î.ï^ & suiv. — Lice de Montpellier, i'' pnrt.
18:1 Si siiiv.
An II y7
l-'d. origin.
t. Ul, p. lui.
■~ J84 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1 ip7 ^
« bazin & de Mont-Arnaud, les cliâteaux de Pignan, de Frontignan, de
« Loupian, £cc. & tous les droits que je pourrois avoir à cause de la suc-
« cession de mon père & de ma mère; &, en toutes ces choses, je renonce
« expressément à tout droit écrit S<. non écrit, parce qu'on dit que Guil-
« laume, mon frère, fils d'Agnès, est né du vivant de ma mère 5 Se je renonce
« de la même façon en faveur de tous les mâles qui naîtront d'eux par degrés.
« Que si, ce qu'à Dieu ne plaise, Guillaume mon frère, fils de madame
« Agnès, vient à mourir contre notre espérance, je fais les mêmes renoncia-
« tions en faveur de Guillaume de Tortose, fils de madame Agnès, &. de tous
« les fils qu'elle aura de monseigneur Guillaume, mon père. Il est à savoir,
« cependant, que si monseigneur Guillaume, mon père, décède sans enfans
<i mâles, son héritage m'appartient, comme à la fille aînée, par le droit accou-
« tumé de Montpellier. » Marie fait ensuite serment d'observer fidèlement
tous ces articles. Bernard, comte de Comminges, son mari, en fit autant &
donna pour ses garans Raimond, comte de Toulouse, Vital de Montaigu &
les autres qu'il avoit donnés pour cautions dans son contrat de mariage, avec
une égale promesse de la part de l'archevêque d'Auch Se des évêques de Com-
minges Si de Toulouse, de l'excommunier en cas d'infraction. Mais toutes ces
précautions de Guillaume de Montpellier, pour assurer sa succession à ses fils
du second lit, furent inutiles.
LV. — Guerre entre les comtes de Commînires 6 de Foîx, b entre ce dernier
if le comte d'Urgel. — Union de l'abbaye de Vajal à celle de Boulbonne.
Fondation de celle de Valnègre.
Le comte de Comminges eut un différend l'année suivante avec Raimond*
Pvoger, comte de Foix, son voisin, qui se ligua' contre lui, au mois de
novembre, avec les seigneurs de Ganag. Le comte de Foix étoit en guerre
en même temps avec le comte d'Urgel, au delà des Pvrénées. On prétend^
que leur querelle s'éleva à l'occasion des limites de leurs Etats j qu'elle par-
tagea toute la Catalogne, & que le comte de Foix a\ant assiégé, en 1198,
la ville d'Urgel, il l'emporta de force, la mit au pillage avec la cathédrale,
fit les chanoines prisonniers, exigea d'eux une grosse rançon 8v désola tout
le pays.
Raimond-Roger étoit en deçà des Pyrénées, au mois de mars de la même
année, 8<. fut présent à-' la consécration de l'église de l'abbaye de Boulbonne,
qui fut faite le dimanche i5 de mars, l'an de l'Incarnation 119H, Philippe
étant roi de France, 6* Raimond comte de Toulouse : preuve certaine (|ue,
quoique l'acte .de cette consécration soit daté de l'Incarnation, on y com-
l'd.oiisin. mencc cependant l'année à la Nativité. Le comte de Foix accorda à cette
I. ni , p. lot). * «M 1 j 1 1 I 1 n
occasion divers privilèges à ! abbaye de boulbonne, en présence de Fulcrand,
' Voyez tome VMI, Chartes, n. LXXI, ce. /jô-, c. i 8. — Fcrrerns, Chronicoit, ad ann. moj. — De
A^,\, Mnrc.'i, fJhtoirc de Béarti, p. yij.
' Ziirita, Anales Ac h corona Je Aragon, I. 2, ' Voyei to:nc ^'I1T, Charte;, n. LXXI, c. ^ii.
An I 198
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. i85
évêque de Toulouse, de Laurent, cvêque de Conserans, d'Esclarmonde, sa
sœur, Stc. '
L'abbaye de Boulbonne étoit devenue alors très-considérable, soit par les
libéralités qu'elle avoit reçues des comtes de Foix, qui y avoient leur sépul-
ture, & de divers seigneurs des environs, soit par l'union qui y avoit été
faite depuis peu de deux autres monastères du voisinage, savoir : de ceux de
Vaïal ou Vajal & de Notre-Dame de Garnicia. Le premier*, qu'on appeloit
aussi la maison d'Aymeri [domus Aymerici)^ suivoit l'institut du bienheureux
Gérard de Sales, & dépendoit de l'abbaye de Tenaille, en Saintonge. Il étoit
situé auprès de la rivière de l'Hers, Se étoit déjà fondé en ii25, lorsque Ber-
trand de Beaupuy, l'un des principaux seigneurs du pays, fit une donation
à Aymeri S< aux frères de la maison de Vajal. Elle fut depuis gouvernée par
des abbés soumis à ceux de Tenaille jusqu'au mois d'avril de l'an iig5 que
Gautier, abbé de ce dernier monastère, & ses religieux ayant consenti à son
union avec celui de Boulbonne, de l'ordre de Cîteaux, trois moines St huit
convérs de Vajal firent profession entre les mains d'Odon , abbé de Boul-
bonne, qui se chargea de faire desservir l'église de Vajal •*.
L'abbaye de Boulbonne donna l'origine, d'un autre côté, à la fin du dou-
zième siècle ou au commencement du suivant, à divers monastères, entre
autres à l'abbaye de Valnègre ou Valnave, fondée pour des filles de l'ordre
de Citeaux, près du lieu de Lissac, dans le comté de Foix, &. aujourd'hui
dans le diocèse de Rieux. Guillaume de Lissac, chevalier, en fut le principal
bienfaiteur en 1209. L'abbaye de Valnègre fut unie, en 1442, à celle de
Boulbonne, dont elle avoit toujours dépendu. Elle étoit alors tombée dans
la décadence à cause des guerres "♦.
LVL — Le comte de Toulouse se ligue avec le roi d'Angleterre contre le roi
de France.
Le comte de Toulouse St Jeanne d'Angleterre, sa femme, allèrent en i igS^
à la cour du roi Richard, frère de cette princesse, & ils célébrèrent avec lui,
au Mans, la fête de Pâques qui tomboit, cette année, le 29 de mars. La
guerre s'étoit renouvelée alors entre ce roi & Philippe-Auguste, St Richard
faisoit tous ses efforts pour débaucher les grands vassaux de ce prince. Il
réussit en partie 8t trouva moyen de se liguer contre lui avec Baudouin,
' Ail mois d'octobre de la même annéis 1198 le * Voyez tome IV, p. 8Ô1 & siiiv.; l'union à
comte Raimond-Roger donnn à la colUgiale de l'abbnye de Boulbonne fut décidée en iv]3.', mais
Saint- Anionin de Pamiers la forteresse du Caylar, elle ne s'accomplit pas avant 144^. Il y eut pro-
constniite dans ladite ville à conJitlon de ne la babUment des démêles à ce sujet entre les deux
livrera aacun de ses ennemis. Voyez tome V, parties, démêlés dont nous ne connaissons qu'im-
c. i'i6,n. II. [A. M] parfaitement l'histoire. [A. M.]
' Archives de l'abbaye de Boulbonne. • Rojerius de Hoveden, Annula Ang!lc.:ni, p. 442
' Voyez sur cette abbaye de Vajal, tome IV, & ^^^. — Radulphus, abbas Coggcslial.ie, Chro-
p. fti."!, où nous indiquons Its quatre abbés de nicon Anglicum , ap. tilartinc, l'dcrum SS. r-mplis-
cette abbaye que l'on con laisse. [A. M.j sima collcctio, t. 5, c. 844.
An 1 198
'a„ ,,ç3 iS6 histoire générale de LANGUEDOC. LIV. XX,
comte de Flandres, Raimoiid, comte de Toulouse, les comtes de L,ouvain,
de Braine, de Guines, de Boulogne, du Perche, de Blois, de Bretagne. S<c.,
qui lui promirent tous par serment de ne faire la paix avec Philippe c[ue
d'un commun accord'. Nous n'entrerons pas dans le détail de cette guerre, qui
eut diftérens succès, parce qu'elle n'est pas de notre sujet 8< que, d'ailleurs,
les historiens ne marquent pas si le comte de Toulouse se mit en campagne,
ni s'il exerça quelque hostilité contre Philippe. Nous nous contenterons de
remarquer que Raimond étoit, au mois de juillet de la même année, dans le
Vivarais, où il lit un traité avec Nicolas, évoque de Viviers, au sujet des diffé-
rends qui s'étoient renouvelés entre eux touchant le domaine Si la juridiction
sur ce pays.
LVII. — Accord entre le comte de Toulouse b Vévêque de Viviers.
Maison d' yindu-^e .
Raimond ' prétendoit entre autres que le château de Ségaulières ou de
Largentière, avec quelques autres du voisinage, £c toutes les mines d'argent
(|u'on avoit ouvertes dans leur territoire, lui appartenoient. L'évoque de
Viviers", Aymar de Poitiers, comte de Valentinois, & Bernard d'Anduze, qui
possédoient divers domaines aux environs, soutenoient le contraire. Eniîn,
après avoir disputé pendant longtemps sur leurs droits réciproques, ils s'assem-
blèrent tous quatre dans la place publique d'Aubenas, au mois de juillet de
l'an 1198, & là ils convinrent des articles suivans : 1° L'évêque de Viviers,
le comte de \'^aIentinois Si Bernard d'Anduze déclarèrent nulles toutes les
conventions qu'ils avoient faites précédemment entre eux sur ce sujet.
2° L'évêque, du consentement des deux autres 81 de son chapitre, donna en
fief au comte de Toulouse 81 à ses successeurs la moitié du château de. Lar-
gentière, Si des droits justes ou injustes qu'on levoit sur les mines qui avoient
été découvertes ou qu'on découvriroit dans la suite depuis la rivière de Lande
jusqu'à Taurians, Si depuis le ruisseau de Brez jusqu'à Chassiers, excepté la
dtme de la dîme de ces mines, qu'il se réserva Si à son église. 3^ Le comte de
'jJj o''=si"- Toulouse prêta serment de fidélité en conséquence à l'église de Viviers, avec
promesse, tant pour lui que pour ses successeurs, de la défendre Si de la pro-
téger; de ne rien acquérir dans ses mouvances sans le consentement de
l'évêque 81 de ses chanoines, 81 de remettre le château de Largentière à chaque
mutation d'évêc|ue Si de comte. 4° L'évêque donna en fief, de la même
manière, un tiers de l'autre moitié du château de Largentière Si des droits
des mines à Aymar de Poitiers, 81 un autre tiers à Bernard d'Anduze, Si se
réserva l'autre. 5° On convint qu'indépendamment de ce que l'cvêcjue vcnoit
d'accorder au comte de Toulouse, ce prince continueroit de percevoir les
deniers qti'il levoit sur chaque marc d'argent qu'on tiroit des mines. 6" Enfin
on arrêta quelques autres articles de moindre importance. Peu de jours apiès,
' CoUimbi, De rehus gat'n episcoparum Flyariensium, p. ii3 & seq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 187 ~~; T
' An 1 153
le comte Raimoncl s'étant rendu dans la cathédrale de Viviers, v fit hommage
à saint Vincent, qui en est le patron, sur l'autel qui lui est dédié, pour le
iief qu'il venoit de recevoir de l'évêque en vertu de leur traité. Il est marqué
dans l'acte que tandis que Raimond haisoït l'autel, l'évêque tenait la chaîne
qui était pendue au col de ce prince. Cet hommage fut rendu en présence de
Bertrand, évêque de Saint-Paul-Trois-Châteaux, de Guérin de Randon, de
plusieurs autres chevaliers 8i de tout le peuple de Viviers. La dime sur les
mines d'argent, que l'évêque de Viviers se réserva par cet acte, étoit commune
entre ce prélat, qui en avoit les deux tiers, 8(. son chapitre auquel le reste
appartenoit, suivant un accord' qu'ils avoient fait là-dessus l'année précé-
dente. Au reste, Bernard d'Anduze, dont nous venons de parler 8t qu'on ^
appelle mal à propos Bermond, fut^ le septième seigneur d'Anduze de son
nom. Il étoit fils de Bernard VI & d'Eustorge, £< avoit succédé à son père
dans cette seigneurie 8t dans celle de Portes, au diocèse d'Uzès. Il confirma'^,
au mois de septembre de l'an 1 2o3, l'hommage que Bernard d'Anduze l'Ancien^
son aïeul, avoit rendu au monastère de Sauve pour la viguerie de Portes.
LVIII. — Le comte de Toulouse est relevé de son excommunication. — Le
pape Innocent 111 le presse d'aller au secours de la Terre-Sainte.
Il y avoit déjà trois ans que Raimond VI, comte de Toulouse, étoit excom-
munié à cause de ses entreprises sur l'abbaye de Saint-Gilles, lorsque le pape
Innocent III, qui avoit succédé à Célestin III, le 12 de janvier de l'an 1198,
écrivit % le 22 d'avril suivant, à frère Raynier, son légat dans la Province,
qu'il pouvoit lever l'excommunication dont ce prince avoit été frappé; à con-
dition qu'il feroit satisfaction 8< qu'il donneroit pour cela une caution suffi-
sante. Raimond promit sans doute d'accomplir tout ce que le légat demanda,
car l'excommunication fut levée, comme nous l'apprenons d'une lettre^ qu'In-
nocent écrivit à ce prince le 4 de novembre de la même année. « Avant été
<( réconcilié à l'unité ecclésiastique dont vous aviez été séparé par la multi-
11 tude de vos excès, lui dit le pape dans cette lettre, vous devez tâcher
« d'effacer par une pénitence proportionnée le grand nombre de vos péchés
(I passés. » Il l'exhorte ensuite à emplover ses armes pour le service de Dieu;
à marclier sur les traces du feu comte Alfonsc, son aïeul, S<. à s'acquérir
une gloire immortelle en allant, à son exemple, combattre les infidèles en
Orient. Il l'invite à entreprendre cette expédition, tant pour obtenir la pro-
tection du Saint-Siège que pour mériter une couronne éternelle, & lui
enjoint, pour la rémission de ses péchés 81 l'expiation de ses crimes, de
' Columbi, De reius gestis episcaperum Vivarien- ' Gall'ia ChristUna, nov. éd. t. 6.
sium, p. 2i3 & seq. '' Innocent III, 1. i, Eptst. 397. — Conférez
' /ii.^. Potthast, Rcgcsta, t. I, n. 407. Peu auparavant,
' Le Laboureur, Histoire généalogique Je la mai- le i5aoùt i ic)S {itiJ. n. .')47), Innocent III avait
son d'Anduie. " écrit à Bcrenger, archevêque de Narbonnc, pour
' Mis. d'Auhays, ni 25. le même sujet. [A. M.]
'"; ~ i88 flISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIX. XX.
An I I p8
prendre la croix pour aller défendre l'héritage de Jésus-Christ dans la Terre-
Sainte; il lui fait espérer, de la part de Dieu, s'il entreprend ce pèlerinage
dans des sentimens d'humilité Si de componction, de remporter sur les
ennemis de la foi la même victoire que son aïeul avoit remportée sur eux, &
d'avoir les mêmes succès que ce dernier avoit eus dans une pareille occasion.
Enfin il lui marque que s'il ne peut passer lui-même en personne dans le
pays d'outre-mer, il y envoie du moins un nombre de ses gens d'armes, sui-
vant l'étendue de ses domaines.
Innocent avoit alors fort à cœur de procurer un prompt secours à la Terre-
Sainte, où les infidèles faisoient tous les jours de nouveaux progrès. C'est ce
qui paroît d'ailleurs par une lettre circulaire' qu'il écrivit, le i5 d'août de
cette année, aux évoques, aux abbés & aux autres prélats, aux comtes, aux
barons. Se à tout le peuple des provinces de Narbonne, Lyon & Vienne,
pour les exhortera se croiser en personne ou à envoyer à leurs dépens des
troupes qui fussent prêtes à marcher pour l'Orient au mois de mars suivant,
lid.oiiBin. ^vec ordre d'v servir pendant deux ans. Pour les engarer à cette entreprise, i|
t- 111,1'- l'I. , , ' I ■ M. ~ • 1 • . "^ '
accorde de grands privilèges a tous ceux qui y prenciroient part, soit en per-
sonne, soit en y contribuant de leurs biens. Il commet à la fin de sa lettre
le soin de prêcher la croisade dans ces provinces, à l'archevêque de Narbonne
8< aux évêques de Nimes& d'Orange, Se leur enjoint de s'associer chacun un
frère templier 8c un frère hospitalier.
LIX. — Nouvelles plaintes de l'abbé de Saint-Gilles contre le comte.
Il ne paroît pas que le comte de Toulouse ait fait beaucoup d'attention
aux exhortations d'Innocent. En etkt, ce prince, après avoir reçu labsolu-
tion de son excommunication, en agit comme auparavant avec l'abbé 6< les
religieux de Saint-Gilles, qui portèrent^ contre lui de nouvelles plaintes au
pape. Ils se plaignirent surtout de ce qu'au lieu de détruire, comme Céles-
tin 111 le lui avoit ordonné, le château nommé Mirapetra, il en avoit au
contraire augmenté les fortifications. Innocent, indigné du procédé du comte,
ordonna, le i3 de juillet de l'année suivante, à l'archevêque d'Arles Si à
frère Ravnier, légat du Saint-Siège, de l'obliger à détruire ce château, con-
foVmément au décret de son prédécesseur.
Cet archevêque s'appeloit-* Imbert de Àquaria, Le pape Célestin III l'ho-
nora de diverses commissions Se le chargea entre autres de terminer un grand
différend (jui s'étoit élevé entre les templiers de Montpellier Se le chapitre de
la cathédrale de Maguelonne. Imbert rendit là-dessus une sentence** arbi-
trale à laquelle frère Déodat de Breisac, maître des maisons du Temple dans
les provinces de Narbonne Se d'Arles Se en d'autres, trère Pierre de Cabres-
pine, commandeur de la maison de Montpellier, 8\ frère Guillaume de Solaris,
'♦ ' IiinoceiK 111, 1. 1, Ep'iit. 335. ' GallU Chn^tiana, t. I, p. 564 & seq.
' GaUia C/instiana, nov, éd. t. 6. * Innocent III, 1. 1, Epist. ôsy.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 189
commandeur d'Arles, acquiescèrent, du consentement de frère Pons de
Rigaud, maître en deçà de la mer.
LX. — Consuls de Nimes. — Jeanne, comtesse de Toulouse, fait le sîége
du château de Caser.
Le comte de Toulouse étant à Nimes, au mois de décembre de l'an 1198,
fit expédier dans le palais de l'évêque une ordonnance' pour régler l'élection
des quatre consuls de cette ville, en présence de ce prélat, de Guillaume de
Sabran, son connétable, d'Elzéar d'Aubays, son viguier, de Raimond-Guil-
laume, son juge S< son chancelier, Stc. Il s'éleva vers le même temps quelques
différends entre ce prince St divers de ses vassaux du haut Languedoc qui
l'avoient offensé 8c auxquels il fut obligé de faire la guerre. Jeanne d'Angle-
terre, sa femme, princesse également douée de prudence & de courage, prit*
sur elle le soin de le venger des rebelles, 8c, s'étant mise à la tête d'un corps
d'armée, elle entreprit sur les seigneurs de Saint-Félix le siège du château
de Caser, qu'on prétend •* être les Cassez dans le Lauragais. Par malheur ses
propres gens la trahirent S< fournirent des armes 8c des vivres aux assiégés,
en sorte que, malgré tous ses efforts, elle fut obligée de lever le siège. En
décampant elle eut encore le chagrin de se voir exposée à une nouvelle
trahison, car les siens mirent le feu au camp, d'où elle eut toutes les peines
du monde à se sauver. Cette princesse, outrée de douleur, partit aussitôt pour
se rendre à la cour de Richard, roi d'Angleterre, son frère, afin de l'animer
à tirer vengeance d'une pareille insulte; mais, s'étant mise en chemin, elle
apprit bientôt la mort de ce prince qui fut tué, le 7 d'avril de l'an 1199, au
siège du château de Chalus, en Limousin, qu'il avoit entrepris sur Avmar,
vicomte de Limoges.
LXL — Mort de Jeanne, comtesse de Toulouse,
Jeanne, accablée de tristesse par la mort de Richard, continua néanmoins
ca route 8c se retira"* à l'abbaye de Fontevrault, où elle avoit été élevée dans
sa jeunesse. Après y avoir passé quelques mois, elle se rendit à Rouen pour v
communiquer certaines affaires à Jean, surnommé Sans-Terre, son frère, qui
avoit succédé à Richard. Elle y tomba malade 8c, se voyant sans espérance
de guérison, elle témoigna, quoique mariée &c grosse, qu'elle souhaitoit de
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXX, ce. 449, ville & du seigneur dans leur administration,
j^h->. — Voici l'analyse de cet acte : Le peuple ou ta C'est en somme une élection à deux degrés,
majeure partie est convoquée par le cricur public [A. M.]
ou à son de trompe [luka], sous la présidence du ' Guillelmus de Podio Laurcntio, Chronicon ,
viguier du seigneur. — Chacun d«s quatre quar- c. 3.
tiers de la ville élit cinq prud'hommes, qui jurent ' Besse, Histoire des dues, marquis & comtes de
de nommer quatre consuls suivant leur conscience, Nurionne, p, 341.
— Les quatre consuls, ainsi élus, prêtent serment * Clypeui nas^entis f^nti ir-tldcitiis crjinis, (, î,
de toujours prendre conseil des intérêts dç lu p. lôo & se<j.
An I 193
An 1 ipç)
An 1 ipp
190 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
nreiulrc l'habit rclipieux. Dans ce dessein, elle cnvo\a à Fontevrault cher-
cher la prieure du monastère; mais comme le temps pressoit & qu'elle com-
prit que cette prieure arriveroit trop tard, elle pria instamment l'archevêque
de Cantorl)éri, ([ui étoit présent, de la consacrer à Dieu en lui donnant ic
voile. Ce prélat fit d'abord beaucoup de difficulté de se rendre à cette
demande. 11 représenta à la comtesse de Toulouse qu'il ne lui étoit pas
permis de se faire religieuse du vivant de son mari; mais elle persista avec
i';j. on;;in. taiit de zèle Se de ferveur que l'archevêcrue de Cantorbéri, la crovant inspirée
t. H!, p. 1 1 j. _ . . . ' ,
du ciel, l'offrit à Dieu & à l'ordre de Fontevrault, en présence de la reine
Éléonore d'Aquitaine, sa mère, de l'abbé de Turpenay S; de plusieurs reli-
gieuses.
On a une donation' faite « par Jeanne d'Angleterre, ci-devant reine de
(i Sicile & alors comtesse de Toulouse, duchesse de Narbonne Si marquise de
« Provence, de mille sols angevins de rente sur les salines d'Agen, en faveur
<( des religieuses de Fontevrault, pour l'usage de leur cuisine, en présence de
« la reine Éléonore, sa mère, d'Hubert, archevêque de Cantorbéri, de Wau-
« tier, archevêque de Rouen, 8<.c. ; » & il y a lieu de croire que Jeanne fit
cette donation dans le temps qu'elle étoit malade à Rouen. Quoi qu'il en
soit, cette princesse ayant obtenu la grâce qu'elle avoit demandée avec tant
d'instance, mourut- bientôt après, le 24 de septembre de l'an 1199, 8i,
comme elle étoit avancée dans sa grossesse, on l'ouvrit dès qu'elle fut morte.
On lui tira un enfant qui eut le temps de recevoir le baptême 61 qui, étant
décédé presque aussitôt, fut inhumé dans l'église de Notre-Dame de Rouen,
Quant au corps de la comtesse, la prieure de Fontevrault l'apporta avec elle
dans cette abbaye, où il fut inhumé aux pieds du roi Henri H, père de cette
princesse, & à côté du roi R^ichard, son frère. Nous avons pris toutes ces cir-
coîistances de l'ancien nécrologe de Fontevrault où on fait un grand éloge de
Jeanne, qu'on y qualifie reine de Sicile £■ duchesse de Narbonne. Cette prin-
cesse S<. R,aimond VI, comte de Toulouse, furent mariés pendant trente-cinq
mois. Il ne paroît pas^ qu'ils aient eu d'autres enfans de leur mariage, que
Raiiuond le Jeune qui succéda dans la suite au comte, son père. Si le pos-
thume qui mourut S<. fut enterré à Rouen.
LXII. — Le comte de Toulouse épouse Éléonore d'Aragon. — Il fait hommage
pour VÂgenois le Querci à Jean, roi d'Angleterre.
L'année suivante, le comte Raimond contracta'* une nouvelle alliance à
Perpignan avec Eléonore, sœur de Pierre H, roi d'Aragon, qu'il ' n'épousa
solennellement que trois ou quatre ans après, à cause de sa jeunesse. 11 eut
■ Livre rouge de la chnmbre des co:np!es. — Ba- ' Vùyes torae VU, Noie X, n. iv, pp. id à 28.
luze, Mss. n. 4ti. ■* Giiillclmiis de Podio Laurentii, Chror.icon ,
'* Clypeus nasccntis Fcn'.chml.h nst^ or.lînis, t. 2, c. .^t.
p. 160 & seq. — Rog-'.ius d; HovîJ;;.! , Ar.:iah> '' Wy.-: ioi-.e'>'li, Sj:-. X. u. v, p. ;3.
Anat!c.:n'r . p, -î"»--
An 12
HISTOIRE GÉNÉ1U1.E DE LANGUEDOC. LIV. XX. ini ""
^ An i;
une entrevue' la même année avec Jean Sans-Terre, roi d'Angleterre, son
beau-frère, qui se rendit en Aquitaine tant pour }• recevoir les hommages de
ses vassaux, que pour pacifier quelques troubles qui s'y étoient élevés, Pvai-
mond rit alors hommage à ce prince pour les terres Jk les châteaux que le
feu roi Richard lui avoit donnés pour la dot de la reine Jeanne, sa sœur. Il
fut stipulé dans l'acte qui en fut dressé, que lorsque le jeune Raimond seroit
parvenu à 1 âge île majorité, il posséderoit tous ces domaines, & en feroit
hommage au roi Jean, son oncle j que s'il venoit à mourir sans enfans, ces
mêmes domaines reviendroient au comte de Toulouse, son père. Se à ses suc-
cesseurs, qui les tiendroient par droit héréditaire des comtes de Poitiers, ducs
d'Aquitainej qu'ils seroient obligés de servir ces princes avec cinq cents che-
valiers pendant un mois à leurs dépens, toutes les fois que ces derniers
auroient guerre en Gascogne, £<. que si les comtes de Poitiers demandoient
un plus long service, ils seroient obligés de soudoyer ces troupes. On ne dit
pas le nom des domaines pour lesquels le comte de Toulouse fit alors hom-
mage au roi d'Angleterre; mais nous apprenons d'ailleurs que ce fut j^ur
l'Agenois & le Querci, qui avoient été donnés en dot à Jeanne, lorsqu'elle
épousa le comte Raimond; en sorte que ce dernier pays, qui n'avoit été que
restitué à Raimond VI S\ qui n'avoit jamais été de la mouvance du duché
d'Aquitaine possédé par les comtes de Poitiers, fut soumis désormais à leur
suzeraineté.
LXIII. — Seigneurs de l'Isle-Jourdain, vicomtes de Gimoe-^.
Raimond Vl autorisa par sa présence, au mois de septembre de l'an 1200,
le testament- de Jourdain H, seigneur de l'Isle-Jourdain, son vassal. Suivant
cet acte, Jourdain avoit trois fils 8c trois filles d'Esclarmonde (de Foix), sa
femme, à laquelle il donna entre autres deux mille sols morlanois sur le châ-
teau de Til. Il institua ses héritiers ces trois fils, nommés Bernard-Jourdain,
Jourdain 8< Othon-Pjernard ; il donna la ville de l'Isle-Jourdain avec le châ-
teau de Castera au premier, quatre châteaux au second, 8c deux au troi-
sième, en faveur duquel il disposa de la moitié de toute l'acquisition du
Crlmoe-{. Il donna l'autre moitié à ses deux aînés. Pour entendre cette clause
il faut savoir-* que Jourdain II avoit acquis, en 1195, la moitié de la vicomte
de Gimoe-^, d'Arnaud de Montaigu, son cousin germain, issu des anciens
vicomtes de Terride ou de Gimoez. Ainsi il donna le quart de cette vicomte
à son troisième fils Se l'autre quart aux deux autres. 11 ordonna que les filles Éviongin.
de sa maison n'héritassent jamais d'aucune de ses terres; mais qu'on leur
payât leur dot en argent comptant. Il n'est fait aucune mention dans cet
acte de Bertrand de l'Isle-Jourdain, évêque de Toulouse, qu'on lui donne
pour fils, mais qui n'étoit'* (juc son petit-fils. On se trompe aussi en le fai-
' Rogerliis de Hovcden, y/i:rt3/ts .■//;ç.'/cii«i,p. 4.')7 ■ Voyez tome VU, Note XLII, p. i i 8 t'c s:ir.-.
& S''q. ' IhiA. n. I, p. I |8.
' To••le^■IlI, Chnrtes. il. t..XXU, ce. ^f.r , a,<'I.
t. 111, p.'u.'i.
"7 103 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV, XX.
sant le troisième seigneur de Tlsle-Jourclain de son nom, car il n'est pas
dihérent de celui c[ui ' vivoit en 1191, Se qu'on a mal à propos distingue; en
sorte que d'un seul seigneur de l'Isle-Jourdain on en a fait deux. Les trois
iils de Jourdain II formèrent chacun une branche : Bernard-Jourdain II con-
tinua celle des seigneurs de l'Isle-Jourdain Se épousa^, en 1206, Indie, fille
naturelle'^ de Raimond V, comte de Toulouse, alors veuve de Guillabert de
Lautrec; Jourdain fit la branche des seigneurs de Launac; 8<. c'est sans doute
le même que Jourdain de l'isle dont il est fait mention dans la restitution'*
de dot que Guillaume-Pierre de Caraman fit, en 1202, à Constance, sa femme.
Enfin Othon-Bernard laissa aussi postérité. Il paroît qu'Esclarmonde, veuve
de Jourdain II, se retira, après la mort de ce seigneur, auprès de Raimond-
Roger, comte tic Foix, son trère, qui kit ])résent au testament du même
Jourdain II & fut garant^, au mois de mars de l'année suivante, de la vente
qu'Esclarmonde fit d'une vigne, en faveur de l'abbaye de Boulbonne, pour
cinquante sols toulousains. Nous aurons occasion de parler ailleurs de cette
dame qui eut le malheur de se laisser séduire par les^ hérétiques.
LXIV. — Connétables du comte de Toulouse. — Le vicomte de Bé-^lers
appelle le comte de Foix à sa succession (y se ligue avec lui contre ce
prince. — Evéques de Bé-^iers,
Raimond, comte de Toulouse, reçut à Carpentras, au mois de janvier' de
l'an I2CO (1201), l'hommage de Guillaume-Pierre de Bedoin, en présence
de Pv.ostaing de Sabran, son connétable, & de divers seigneurs; l'acte est
souscrit par Aldebert de Novis, son juge £■ son chancelier^. Rostaing avoit
succédé depuis peu dans la dignité de connétable du comte à Guillaume de
Sabran, son père, avec lequel il la possédoit conjointement, en 1 199, comme
■ Voyez ci-dessus, n. xxviii, p. i^S. tutelle (iaiVia); tout prêt fait dans ces conditions
>• Voyez tomcVIII, Chartes, n. LXXVlII, ce, 498, & non approuvé parle père ou parle tuteur est
4P9; l'acte est de 1107. nul. Si un pupille emprunte de l'argent par né-
' Voyez tome VII, Note X, n. 11, p. 24. cessité hors de Toulouse, le cas est soumis aux
^Trésor des chartes; Toulouse, sac iS, n. oz. consuls qui décident s'il y a lieu de reconnaître la
fAuj. J. Szz, copie ancienne. Teulei, Layettes, dette. — Peu de temps «iprès, en aoiit iioi, à
t. I, p. jSy. L'acte est d'aoiit 1202.] la requête de certains prud'hommes que gênait
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXI, ce. 404, & scandalisait la présence de courtisanes habi-
.5-,. tant la rue de Comminges, on remit en vigueur
^ Voyez tome VIII, Chartes, n, CCLXIII. un ancien statut qui expulsait de l'enceinte de la
' A ces années 1200-1201, appartiennent deux ville toutes les femmes de mauvaise vie. Ce sta-
rèelements des consuls de Toulouse que l'on peut tut portait qu'en pareil cas, le viguier devait se
voir au tome VllI, c. 463 & suiv. Par le premier rendre immédiatemment à la requête des voisins
K's consuls de Toulouse, de concert avec le comte & expulser les courtisanes qui lui seraient slgna-
Raimond, défendirent à tous les habitants de la lées, sant quoi les bourgeois pourront procéder
ville d'entretenir des relations avec les ennemis de eux-mêmes à cette expulsion. Ce règlement se re-
l'un des bourgeois, sous peine d'être responsable trouve dans la plupart des villes du midi de la
envers cîux auxquels il doit ou auxquels il a France, & de lit la nécessité pour les courtisanes
donni caution. — Le second règlement est relatif d'exercer leur métier hot>5 de l'enceinte & souvent
ai,x prêts d'argent, t^u'il est détendu de faire à dans les foisé», [A. M.]
tO'.n homme vivant en puissance pntern«Ue ou «n * Archives de l'abbaye de Saint-André,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC, LIV. XX. io3 "
' An 1201
il paroît' par une donation qu'ils iîrent alors au prieuré de Montesargues, de
l'ordre de Grandmont, situé auprès de R.ocheFort, dans la partie du diocèse
d'Avignon qui est en deçà du Rhône. Raimond se rendit à Narbonne quelque
temps après, 8< il y iit une donation^, vers la fin du carême, de la justice
haute if basse du lieu des Catalans, en faveur de l'abbaye de Moissac. Il se
brouilla vers le même temps avec le comte de Foix & Raimond-Roger,
vicomte de Béziers & de Carcassonne.
Ce dernier, qui étoit parvenu à l'âge de majorité depuis le printemps de
l'an 1199, donna, au^ mois d'août de cette année, « du conseil Si de la
« volonté de dame Adélaïde, sa mère, de ses viguiers de Béziers 8<. de Carcas-
« sonne, Si des autres grands de sa cour (6* aliorum procerum meorum), à
« Etienne de Servian, lé Pui ou la Garde de Vébrun. » Il est marqué dans
l'acte que ce vicomte 5c Guillaume, évêque de Béziers, le confirmèrent avec
leur sceau. Ce prélat "* étoit auparavant abbé de Saint-Aphrodise de Béziers
£<. avoit alors succédé dans l'évêché de cette ville à Gautrid de Marseille,
mort au mois de mai précédent.
Raimond-Roger ayant perdu quelque temps après Adélaïde de Toulouse,
sa mère, s'unit ' au mois de mars de l'an 1201 avec Raimond-Roger, comte
de Foix, son cousin, qui le prit sous sa protection & lui promit, par serment,
de l'aider contre le comte de Toulouse, Se contre tous les autres. Le vicomte
fit un pareil serment au comte de Foix, qu'il appela à sa succession, supposé
qu'il vînt à décéder sans enfans, S<. lui donna pour garants du traité Guil-
laume Pétri, évêque d'Albi, Boson, abbé d'Alet, Se trente-trois de ses princi-
paux vassaux. Le comte de Foix donna de son côté pour ses cautions huit
seigneurs, parmi lesquels étoit Roger de Comminges. Nous ignorons le motif
qui engagea le vicomte de Béziers Se le comte de Foix à se liguer contre le
comte de Toulouse. Un diUérend qu'eurent vers le même temps les deux
comtes au sujet du château de Saverdun, donna peut-être occasion à cette
ligue.
LXV. — Différend des comtes de Toulouse (S- de Foix au sujet du château
de Saverdun,
Nous savons, en effet, que le comte de Foix refusa de rendre au comte de
Toulouse, pour ce château, l'hommage que ses prédécesseurs avoient rendu
à ceux de ce prince. Le comte de Toulouse, sur ce refus, reçut'', au mois de
juillet de l'an 1201, pour le même château, l'hommage d'Arnaud de Vil-
" Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXII, c. 460. ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXIII, ce. 473
* Gaîlta Chriit'iana t nov. éd. t. i , Inszrum , p. 4 I . à 475.
' Voyez toine VIH, Chartes, n. LXXI, ce. 4J3, " Trésor des chartes; Toulouse, sac 5, n. 2.
454. — [Doin Vaissete se trompe sur ce nom de — Aiij. J. 309, orig. scellé. Teulet, Layettes, t. 1,
lieu; c'est .lujourd'hui Valros Hérault), canton p. 22J. Le comte de Toulouse, par cet acte, s'en-
de Servian. gageait à ne jamais rendre au comte de Foix le
^ GdUia Christiaiin, nov. éd. t. 2, p. 418 & seq. domaine direct du thâte.iu de Saverdun. [A. M.]
VI. 1 3
A:i 120I
194 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
lemui", qui n'étoit que son arrière-vassal sous la mouvance du comte de Foix,
t. iii,°p!"ri4. Se ((ui lui promit de le lui rendre, toutes les fois qu'il en seroit requis. Il
paroît par là que le comte de Toulouse, sur le refus que fit le comte de Foix
de lui rendre cet hommage, s'empara du château de Saverdun. Quoi qu'il
en soit, les deux comtes s'accordèrent' là-dessus dans la suite par l'entremise
de Bernard, comte de Comminges, 8c d'une quinzaine de gentilshommes ou
de jurisconsultes qui s'assemblèrent pour cela à Toulouse. Raimond VI deman-
doit que le comte de Foix fût obligé de réparer les fortifications de ce châ-
teau, qu'il lui en fit hommage & qu'il fût condamné à le renouveler toutes
les fois qu'il en seroit requis. Le comte de Foix convenoit de l'obligation de
l'hommage; mais il s'excusoit sur le rétablissement des fortifications, en ce
qu'elles n'avoient pas été détruites par sa taute & qu'elles avoient été ruinées
durant la guerre qu'il avoit eu à soutenir contre ses vassaux. Les arbitres le
condamnèrent à réédifier la tour 8c le château de Saverdun, & la paix fut
ainsi rétablie entre lui &t le comte Raimond.
LXVI. — Le vicomte de Béjîers engage une partie de ses domaines,
Raimond-Roger confirma^, le 27 de mars de l'an 1201, l'engagement qu'il
avoit fait, pour quinze mille sols melgoriens dont cinquante valoient un
marc d'argent, du château de Balaguier Se du pays de Chercorb, lequel com-
prenoit la "partie méridionale du diocèse de Mirepoix. Il se qualifie dans
l'acte, par la grâce de Dieu vicomte de Carcassonne, de Béziers, de Razès
SccrAlbi-*. Il déclare dans une autre charte avoir passé l'âge de quatorze ans.
Il donna en fief au seigneur de Faugères, du conseil de ses barons, le 6 d'avril
suivant, le château de Lunas, dans le diocèse de Béziers, avec tout ce qu'il
y possédoif à l'occasion de son père Roger &- de feue dame Adélaïde, sa
mère : il le déchargea de l'obligation de le lui rendre moyennant une somme
qu'il reçut en engagement, 8c lui assigna son remboursement sur les mines
de Villemagne 8c de Boussagues, dans le diocèse de Béziers. Il permit"^ la
même année aux églises d'Albigeois, de construire les bâtimens qu'elles juge-
roient à propos dans leurs domaines, sans prétendre aucun droit à cette
occasion. Divers seigneurs, entre autres Bernard de Villeneuve 8c Sicard de
Puylaurens, furent présens à cette concession. Il acquit^, au mois d'août de
l'an 1202, pour vingt mille sols melgoriens, de Guillaume-Pierre de Vintron,
tout ce que ce seigneur possédoit dans la paroisse de Saint-Amans de Val-
' Voyez tome VIII, Chartes, ce. 267 à 271. outre dans toutes les causes que les chevaliers du
' Ibid, Chartes, n. LXXIV, ce. 467, 468. Temple, leurs donats ou leurs hommes auront à
' C'est ici le lieu de mentionner les privilèges plaider devant la cour comtale, ils ne payeront
que le même vicomte accorda un peu plus tard à ni droits de justice, ni dépens. [A. M.]
l'ordre du Temple. (Acte d'octobre 1202, t. VIII, ^ Archives de l'église d'Albi. — [Voyez tome V,
ce. 483 à 485.) Renouvelant les chartes de son c. i335, n. 32j cet acte contient aussi concession
grand-père, Raimond-Trencavel, & de son père d'amortissement.]
Roger II, il leur confirma toutes leurs possessions '■' Cartulaire du château de Foix.
pribcntes & futures, sauf ses droits supérieurs. En
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. igS
toret, dans le château de Hautpoul, dans l'abbaye de Caunes, dans tout le
Cabardès, S<. depuis Saint-Pons jusques à Castres. 11 accorda', au mois de
novembre, des lettres de sauvegarde en iaveur de l'abbaye de Candeil, avec
divers privilèges. Enfin Bernard-Raimond de Capendu lui vendit-, l'année
suivante, pour treize mille sols melgoriens, le château de Vias, dans le dio-
cèse d'Agde, 8t le vicomte céda en même temps à ce seigneur la portion qu'il
avoii au château de Capendu, Se se réserva seulement le pouvoir de s'en
servir pour Jaire la guerre à ses ennemis & y plaider avec eux^.
LXVII. — Accord entre le comte de Toulouse &< l'abbé de Cluny, touchant
le lieu de Saint-Saturnin du Fort,
An 1201
La part que Raimond VI, comte de Toulouse, prit à la guerre qui s'éleva
en I20Î, entre Alfonse II, comte de Provence, St Guillaume IV, comte de
Forcalquier, l'obligea à résider aux environs du Rhône. Guillaume, mécon-
tent"* d'Âltonse, à qui il avoit donné en mariage Garsinde, sa petite-fille,
avec la plupart de ses domaines, révoqua une partie de cette donation en
faveur de Béatrix, sœur de Garsinde, son autre petite-fille, qu'il maria au
mois de juin de cette année avec André de Bourgogne, dauphin de Vien-
nois. Cette disposition ayant augmenté la brouilierie entre les comtes de
Provence Se de Forcalquier, ils eurent recours aux armes S<. se firent la guerre.
Guillaume pour se soutenir se ligua avec divers princes, entre autres avec le
comte de Toulouse, Se trouva moyen de mettre dans ses intérêts Sanche,
comte de Roussillon Se de Cerdagne, qui se déclara contre le comte de Pro-
vence, son neveu ^.
Durant cette guerre le comte de Toulouse passa un accord à Saint-Sa-
turnin du Port*^, aujourd'hui le Pont-Saint-Esprit, le i" de mai ou, selon
d'autres'', le i" de juin do l'an iio:, avec Hugues V, abbé de Cluny.
An I loi
' Archives de l'abbaye de Candeil.
' Cartuhiire du château ie Foix.
'En cette même année 1201 furent accordées
de nouvelles franchises au bourg de Rodez. On
peut voir dans de Gnujal, Etudes sur le Roucrgue,
t. 1, p. 295 & suiv. le texte de cet acte. Il porte
en substance confirmation des libertés concédées
par le précédent comte, exemption de tout péage
pour les marchands & gens de métiers dans un
rayon de quatre lieues autour de la ville. — Droit
pour tous les habitants de disposer de leurs biens.
— Ceux-ci peuvent construire librement des mai-
sons hors des murs; à l'intérieur des murs & dans
Ils fossés, chaque maison payera une albergue
d'un cavalier. — Les prud'hommes jugent entre le
comte, son baile & les bourgeois qui se prétendent
lésés par eux. [A. M.]
' Bouche, La chorographic ou description de la
Provence^ t. 2, p. 178.
* A cette année lîoi st rapporte un traité fort
curieux entre les Génois îk les habitants de Mont-
pellier. Nous analyserons sommairement cet acte
que rapporte M. Germain {^Histoire de la commune
de Montpellier, t. 2, pp. 422 à 426). — 1" Sauve-
garde réciproque entre les habitants des deux villes,
sauf quand les habitants de Montpellier se trou-
veront associés avec des gens de Pise ou de Vinti-
mille, ennemis de Gênes. — 2° Exemption de tous
péages à établir par la suite. — 3" Promesse des
deux parties de remettre k la justice le soin de
terminer leurs différends. — 4° Le traité ainsi
conclu est valable pour vingt-neuf ans. Ce traité
fut renouvelé plus tard, en 1225 (Voir plus bas
ad annum). [A. M.]
"• Gallia Christiana , nov. edit. t. 6, Instrum.
p . 3 o I .
' Guichcnon, Biitiothcca Scbusicir.a, p. 33r).
An 1202
196 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
Hugues, du consentement du prieur du monastère de Saint-Saturnin du
Port, & en considération des services que le comte Raimond avoit rendus à
t^ii°"°i"i5 l'ahbaye de Cluny Si aux autres monastères de sa dépendance, lui donna en
fief Se à ses successeurs un emi^lacement dans la ville de Saint-Saturnin pour
y construire un palais, à l'endroit où le comte avoit commencé à bâtir une
tour, à condition de payer tous les ans un marabotin à son abbaye. Il con-
vint en même temps que le comte avoit un droit d'albergue à Saint-Saturnin.
En conséquence de cet accord, Raimond fit hommage à l'abbé de Cluny Se
confirma la transaction ' que le comte, son père, avoit faite autrefois avec le
même monastère de Saint-Saturnin, Si promit que ses successeurs feroient
un semblable hommage aux abbés de Cluny, à chaque mutation de comte
ou d'abbé, sans être obligés néanmoins de sortir pour cela des limites de
leurs domaines. Sec. L'acte est daté de la grande église de Saint-Pierre, en
présence de divers religieux de l'ordre de Cluny, entre autres de Rostaing
de Sauve, prieur d'Anduze, Se de Rostaing d'Anduze, prieur de Vernède, de
Géraud, abbé de Cruas, de Raimond-Guillaume, juge &< chancelier du comte
Raimond, d'Adalbert de Novis, son juge Se assesseur au château de Beau-
caire. Sic
L^VIII. — Guerre entre les habitans de Toulouse i- ceux de Rahastens,
en Albigeois^ 6* entre les premiers &- le vicomte de Lomagne,
Pendant l'absence de Raimond, les consuls de Toulouse^, ayant assemblé
les communes de celte ville, se rendirent en corps d'armée au lieu de Saint-
Bas sur l'Agoût, situé vers le confluent de cette rivière Se du Tarn, pour
venger les injures qu'ils avoient reçues des seigneurs, des chevaliers Se des
habitans de Rabastens, en Albigeois. Ils étoient sur le point de passer l'Agoût
lorsque Pilfort de Rabastens Se un autre député de Rabastens vinrent, le
10 de juin de l'an 1202, demander à s'accommoder Se offrir de s'en rapporter
au jugement de Raimond, comte de Toulouse, 6* de sa cour. Les consuls de
Toulouse ayant accepté ces offres, les députés de Rabastens firent serment
entre les mains de Raimond de Récalt, viguier de Toulouse, qui le reçut au
nom du comte, de s'en tenir à la décision de ce prince Se de sa cour qui ter-
mineroit ce différend à Toulouse; cela fait, l'armée des Toulousains se retira.
C'est ici le plus ancien monument que nous ayons trouvé où il soit fait
mention de la ville de Rabastens, l'une des principales du diocèse d'Albi.
On voit encore que les consuls de Toulouse étoient alors dans l'usage de
venger à main armée leurs propres querelles, par un accord^ qu'ils passèrent,
deux ans après, avec Vézian, vicomte de Lomagne, Se Odon , son fils, sur
lesquels ils avoient assiégé le château d'Auvillar, situé sur la Garonne, à la
tête des communes de leur ville. Par cet acte les consuls de la ville Se des
' ToiTie V, Chartes & Diplômes, ce. 1293 à I2(;:>. ' Lafaille, Aniiala de Toulouse, Preuves, p. 55
' Lafaille, Annales de Toulouse, t. 1, Preuves, & suiv.
p. ,13 & S'.iiv.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
197
Ali 1202
faubourgs de Toulouse, au nombre de vingt-cinq d'un côté, & le vicomte de
Lomagne & son hls de l'autre, se pardonnèrent toutes les entreprises qu'ils
avoient faites les uns contre les autres. Se convinrent que les habiians de
Toulouse ne payeroient à Auvillar que la leude ancienne; exaction qui avoit
donné occasion à la guerre. L'acte est daté du siège du cbâteau d'Auvillar,
le 14 de juin de l'an 1:04, en présence de Géraud, comte d'Armagnac,
d'Odon de Lomagne, son cousin, de Raimond, évêque de Toulouse, de Ber-
nard de Marestang, de Pierre-R.iimond, frère du seigneur Raimond, comte de
Toulouse, de Bernard-Jourdain de l'Isle, de Jourdain de l'Isle, son fils (ou
plutôt son frère), de Bernard d'Orbessan, Sec. Ce dernier étoit aussi alors en
guerre contre les habitans de Toulouse avec lesquels il fit la paix la même
année. Il promit à quelc[ues-uns des consuls de cette ville, de les servir à
l'avenir dans leur armée avec quatre chevaliers, Sic. Ils reçurent sa promesse,
tant en leur nom que des autres qui étoient alors du chapitre {de capitula).
Géraud, comte d'Armagnac, dont nous venons de parler, tut le quatrième de
son nom; il accorda', en iigS, divers privilèges à l'abbaye de Grandsclve,
par un acte daté Philippe étant roi de France, Raimond comte de Toulouse,
6» Fulcrand évêque^,
LXIX. — Le comte de Folx marie son fils avec l'héritière de Castelbon.
Le comte d'Urgel le fait prisonnier.
Raimond-Roger, comte de Foix, fut présent à l'accord passé, le 10 de juin
de l'an 120?., entre les consuls de Toulouse & les seigneurs de Rabastens.
Comme il étoît toujours en guerre avec le comte d'Urgel il s'allia^, pour for-
■ Archives de l'abbaye de Grandselve.
' Ou troiiveri les actes indiqués par dom Vais-
sete au tome VIII de la présente édiiion, avec
plusieurs autres que nous avons tirés du cartu-
laire du Bourg, conserve aux archives munici-
pales de To'.ilouse. Remarquons que ces actes,
dont la liste suit, ne sont que des préliminaires
de paix 8c n'indiquent pas le motif de ces {guerres
que Us habitants de Toulouse soutinrent contre
la plupart des seigneurs Se des petites villes du
voisinage : i" c. 476, 10 juin 1202, paix entre
les habitants de Rabastens & la commune de
Toulouse; dom V'aissete vient d'analyser cette
pièce. — 2" c. 48c, ;> août 1202, traité de paix
avec les seigneurs, chevaliers & prudhommes de
Villemiir; cette dernière communauté dut se sou-
mettre entièrement, s'engager à réparer tous les
torts trjpinac & maUficiaj, qu'elle avait faits aux
Toulousains, 8c se soiimettre nu jugement des
consuls de Toulouse; le plus coupable, Bertrand
de ^'lllemur, vint lui-même faire amende hono-
rable; ils durent payer une indemnité de quatre
mille sous, deux mille pour les frais de l'expédi-
tion faite par les Toulousains, deux nulle a ré-
partir entre les plaignants, par les consuls de
cette ville. — 3° c. 491, 19 mars i2o,l, traité de
paix définitif avec la communauté de Rabastens.
Les consuls de Toulouse renoncèrent à toute de-
mande pécuniaire, mais les seigneurs de Rabas-
tens supprimèrent toutes les leudes 81 nouvelles
coutumes établies depuis moins de cinquante ans.
Ce seul fait prouverait que ces guerres étaient avant
tout commerciales & que les consuls de Toulouse
voulaient s'ouvrir les routes qui aboutissaient à
leur ville. — 4° i2c3, 29 mai, c. 493. Accord tout
semblable avec les consuls de Saverdun; seule-
ment l'abolition des leudes, toltes & usages éta-
blis nu pont de Saverdun est absolue & ne souffre
aucune restriction. — .'»" c. 496, 24 octobre i2o3.
Paix avec la ville de Gaillac; les deux parties
se remettent leurs griefs réciproques. — 6" c. 5oo,
i3 avril 1204. Paix avec les seigneurs de l'Ile-
Jourdain; mêmes clauses que pour Caillac. —.
7" r. 502, iCi avril 1204. Accord avec Bernard
d'Orbessan, analysé par dom \'aissete. — S" c. J04,
14 juin 1204. Traité de paix avec le vicomte da
Lomagne. (Voir dom Vaissete.) [A. M.J
' De Marca, H'ntoirc de Béarn, p. 720 8t suiv.
~: 108 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. TA.
An 1202 -'
tifier son parti, avec Arnaud, vicomte de CastcUxin ou de Ccrùagne, par le
mariage de Roger-Bernard, son fils aîné, avec Ermessinde, fille unique Si
héritière de ce vicomte. Le contrat fut passé à Tarascon, dans le pays de
Foix, le 10 de janvier de l'an 1202. Le vicomte Arnaud donna en dot à
Ermessinde, sa fille : 1° la comtorie de Caboed & tous les autres biens qui
t.'iu,''p!^uc. avoient appartenu à sa femme, mère de la même Ermessinde; 2° la vicomte
de Castelbon, dont il se réserva la jouissance, excepté les vallées d'Andorre
& de Saint-Jean. Le comte de Foix assigna en même temps, pour le douaire
de sa belle-fille, le Lordadois avec tout le pays situé jusqu'aux Pyrénées,
&" établit son fils comte & la femme de son fils comtesse. Enfin le comte de
Foix S<. le vicomte de Castelbon substituèrent tous ces biens en faveur des
enfans (jui naîtroient de ce mariage, lequel occasionna l'union de la vicomt»
de Castelbon, située au delà des Pyrénées, au domaine des comtes de Foix,
Raimond-Roger, appuyé de cette alliance, passa les Pyrénées' avec un corps
d'armée, se joignit au vicomte de Castelbon Se à divers seigneurs catalans,
alla chercher le comte d'Urgel S<. lui livra bataille, le 26 de février de
l'an i2o3; mais il eut le malheur d'être battu Se de demeurer prisonnier avec
ce vicomte, cinquante chevaliers &t cinq cents fantassins de son armée.
LXX. — Paix entre les comtes de Provence 6- de Forcalquier.
La fuerrc continuoit d'un autre côté entre les comtes de Provence 8<. de
Forcalc[uier. Le premier, ne pouvant^ résister à l'autre, appela à son secours
Pierre, roi d'Aragon, son frère, qui tint^ une assemblée à Cervera, dans le
Roussillon, au mois de septembre de l'an 1202, à laquelle les archevêques de
Narbonnc Se de Tarraa;one assistèrent, 8< où on dressa de nouveaux statuts
pour l'observation de la trêve S<. de la paix. Pierre s'avança ensuite dansja
Province &, étant arrivé vers le Rhône, il négocia la paix entre les deux
comtes & la conclut enfin heureusement avant le mois de novembre de
l'an 1202, par l'entremise de divers prélats Se seigneurs de la Province. Les
comtes de Provence Sv de Forcalquier étoienl, en effet, réconciliés dans ce
temps-là, comme il paroîf* par les actes d'une assemblée tenue alors à
Manosque ik dans laquelle le comte de Forcalquier termina les différends
qu'il avoit avec quelques seigneurs qui rcfusoient de lui rendre hommrge
pour les fiefs qu'ils possédoient dans son comté. Ils avoient remis de concert
la décision de ces différends à Raimond, comte de Toulouse; mais ce prince
ne pouvant y vaquer par lui-même, à cause que ses affaires dcmandoient S(.ii
retour dans sa capitale, il en avoit donné la commission à Guillaume de
Baux, à Géraud d'Ami, Guillaume-Laugicr de l'Isle 6c Pvostaing de Sabr-n,
son connétable. Ces arbitres condamnèrent les seigneurs qui étoient en diffé-
rend avec le comte de Forcalquier à lui rendre hommage 8<, après sa mort, à
■ îÇiiritn, Anih's, !. 2, ce, 49, .0?, & 07. ' M.irca Hifpanic-i, c. i3-ij.
' Bouche, f.n chorogtaphic ou description Ac td * V:Oi\i:iiSf Dfscriptioii île la Provence, t. 2, ip. 1S4
Provence, ti ?., p. f78 & siiiv. Ct s-.àv.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 199
AUonsc, comte de Pro\eiicc, son hciitier, à cause de Garsinde, sa fille, femme
de ce dernier. E^ntre les garants, que les parties se donnèrent mutuellement
pour l'observation du jugement, furent le comte de Provence lui-même,
Sanche, comte de Roussillon, Guillaume & Hugues de Baux, Géraud d'Ami,
Rostaing de Sabran, Svc, iS- par-dessus tous, ajoutent-ils, Raimond, comte de
Toulouse, Nous inférons de là que R.aimond fut un des principaux arbitres
de la paix entre les comtes de Provence & de Forcalquier. Géraud d'Ami,
dont nous venons de parler, étoit de la maison de Sabran 5 il reçut, en 1 198 ',
l'hommage de Raimond de Lunel pour quelques biens situés à Saint-Vincent
de Lunel-Vieil.
LXXI. — Accord entre le comte de Toulouse 6* Vévêque
de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
I-e comte Pv.aimond quitta donc les bords du Rhône vers l'automne de
l'an iao2 pour aller à Toulouse; mais il retourna bientôt après aux environs
de ce fleuve, & il s'y accorda*, au mois de décembre de la même année, le
siège impérial étant vacant, avec Bertrand de Pierrelaite, évêque de Saint-
Paul-Trois-Châteaux. On prétend^ que Pvaimond avoit fait auparavant une
cruelle guerre à ce prélat, qu'après avoir passé le Rhône à la tête d'une
armée d'hérétiques, il avoit ravagé tout le diocèse de Saint-Paul & que cette
exécution engagea l'évêque à taire la paix; mais ce fait ne paroît fondé sur
aucun monument, & il est certain que Raimond, comte de Toulouse, ne se
mit pas, du moins si tôt, à la tête des hérétiques. Quoi qu'il en soit, l'évêque
Bertrand de Pierrelatte, du consentement des chanoines de son église, des
chevaliers Si des bourgeois de Saint-Paul, promit à Raimond & à ses succes-
seurs de le servir en plaid £,• en guerre envers & contre tous, pour la ville
de Saint-Paul-Trois-Châteaux & pour les domaines de l'évêché qu'il possé-
doit actuellement & qu'il posséderoit dans la suite. Ce prélat donna un baiser
au comte pour marque de sa fidélité, & il promit de marcher en armes, à
ses dépens, toutes les fois qu'il y auroit une chevauchée commune pour le
comte dans ce pa\s. Ce prince promit à son tour à l'évêque, en le baisant
en signe de sa fidélité , de le protéger à ses dépens, en plaid 6- en guerre,
lui, son église & ses domaines. L'archidiacre, un chevalier & un bourgeois
de Saint-Paul promirent par serment, tant en leur nom qu'en celui de leurs
concitoyens, l'observation de ce traité qu'ils avoient négocié, à ce qu'il paroît,
& auquel Guillaume de Baux & Hugues, son frère, l'évêque de Cavaillon,
Bertrand de Durfort, Rostaing de Sabran, Sic, furent présens.
' Trésor des chants; Toilouse, snc 7, 11. 6'). ' Ma. Je Br'icnne, n. Sort. — Galll^t Clirhtiana,
(J. 314, orig. TeuUt, Liyt:ttcs du Trésor, t. 1, nov. eJ. t. 1, Instrum. p. 121.
p. '99] ' Gallia Chriitïana, nov. ai. iiij,
Au lioi
200 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
LXXII. — Vains efjorts de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier,
pour faire légitimer ses enj'ans du second lit.
Pierre, roi d'Aragon, & AU'onse II, comte de Provence, son frère, ayant
mis ordre aux affaires de Provence, se rendirent' à A4ontpellier; ils y étoient
à la fin de l'an 1202, La maladie ou la mort de Guillaume VIII, seigneur
de cette ville, les y attira sans doute; en effet, ce seigneur, par son testa-
ment, mit ses enfans sous la protection du premier.
Le désir extrême qu'avoit le seigneur de Montpellier de faire passer sa
succession sur la tète de Guillaume, son fils aîné 8t d'xVgnès, sa seconde
femme, qu'il avoit épousée du vivant de la première, fit qvi'il ménagea
l'amitié du pape Innocent III, dont il connoissoit le zèle contre ces sortes de
mariages illégitimes. C'est ce qui paroît par diverses lettres de ce pontife
adressées à Guillaume : par l'une, datée du^ 10 de juillet de l'an 1199, il le
prend sous sa protection avec tous ses domaines, à cause de son dévouement
au Saint-Siège; &., par une autre qu'il lui écrivit le même jour, en réponse
de celle dont ce seigneur avoit chargé le prévôt de Marseille, il le remercie
de tout ce qu'il avoit fait en faveur du siège apostolique, à l'exemple de ses
ancêtres. Il lui marque, sur la demande qu'il lui avoit faite d'envoyer un
légat à latere dans le pays pour y combattre l'hérésie, qu'il avoit destiné
frère Raynier pour cette fonction. Innocent écrivit deux autres lettres à Guil-
laume deux ans après. Par l'une 3, du i" de juillet, il lui donne avis qu'il
avoit nommé Jean, cardinal de Sainte-Prisque, pour légat dans la Province
contre les hérétiques, & le prie de le favoriser en tout ce qu'il pourroit. Par
l'autre, il prend sous sa protection la chapelle que ce seigneur avoit à Mont-
pellier, dans son palais, & qu'il avoit fort augmentée, 81 lui accorda divers
privilèges.
Guillaume, comptant sur la protection d'Innocent III, se hasarda enfin,
en 1202**, de prier ce pape de légitimer ses enfans du second lit, dans le
dessein de leur transmettre sa succession. Il lui fit demander cette grâce par
l'archevêque d'Arles, qui étoit alors à la cour romaine, &, pour l'obtenir plus
facilement, il fit valoir dans sa supplique les services que lui & ses ancêtres
avoient rendus au Saint-Siège. Il allégua de plus l'exemple du roi Philippe-
Auguste, dont le pape venoit de légitimer les enfans, nés comme les siens du
vivant dune femme légitime. Il représenta qu'il étoit soumis au pape plus
spécialement que ce prince, étant vassal de l'église de Maguelonne, qui rccon-
noissoit pour le temporel la suzeraineté du siège apostolique. 11 ajouta enfin
que le roi de France avoit un fils de la reine Ingelberge, sa première temmc,
' Bouche, Description ie la Provence, t. J, p. 185. ■• Innocent III, 1. 5, cpist. \^%. — Cf. Pottlunst,
■■ — Marca Hispànica, c. iSp.T. Regcsla, t. i, n. 1794, & voyez ce que M. Ccr-
' Innocent IIÏ, I. 2, cpist. 297 & seq, main <îit de cette .iffaire, Commune <ie Monîpclhcr,
' Gaiiel, Séries pracsulum Magalonensium,p. i66 i, lv-i,vii. Le mémoire du seigneur de Montpellier
£4 seq. est remarquable au point devr.e juridique. [A. M.j
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. :oi ~
An 1201
au lieu qu'il n'avoit Je la sienne aucune postérité masculine c[ui pût hériter
de ses domaines Se de son dévouement envers le Saint-Siège. Ces représenta-
tions ne firent pas beaucoup d'impression sur Innocent, cjui expose à Guil-
laume, dans la réponse qu'il lui fit, la différence qu'il y avoit entre son second
marias;e £< celui du roi Philippe : i° Lui, dit le pontife, le roi a été séparé
de sa femme par sentence de l'archevêque de Reims, au lieu que vous ne
vous êtes séparé de la vôtre que de votre propre autorité. 2° Philippe a épousé
sa seconde femme 8c en a eu deux enfans avant que d'avoir reçu la défense
de se marier avec elle; vous, au contraire, avez pris la vôtre au mépris de
l'Église qui, pour cela, vous a frappé d'anathème. 3° Le roi s'est séparé de la
reine sous prétexte d'affinité qu'il prétend prouver par témoins; pour vous,
vous avez répudié votre première temme sans raison; ainsi il n'y a aucune
présomption de légitimité en faveur de vos enfans du second lit. 4° Philippe
ne reconnoissant personne pour supérieur dans le temporel, continue le
pape, a pu se soumettre en ce point k notre juridiction, quoiqu'il eût pu
lui-même accorder celte dispense, non comme un père à ses enfans, mais
comme un prince à ses jujets; il n'en est pas de même de vous, qui êtes
soumis à d'autres, 8c vous n'avez pas assez d'autorité pour vous dispenser 'n ; ""^'"^'"o
vous-même sans le consentement de vos supérieurs. Pour toutes ces raisons,
ajoute Innocent, je suis obligé de surseoir encore le jugement de cette
affaire 8< de différer à vous accorder votre demande jusqu'à ce que vous
prouviez, s'il est possible, que votre faute est beaucoup moindre, 8< jusqu'à
ce que ma juridiction, pour décider un pareil cas, soit plus clairement éta-
blie : d'autant plus que la sainte Ecriture, les canons & les lois civiles
détestent les enfans nés d'un adultère. Innocent tâcha cependant de consoler
Guillaume par les témoignages d'une tendre affection 8<. d'un désir sincère
de lui faire plaisir en tout ce qu'il pourroit, selon Dieu Se l'honnêteté
publique.
LXXIII. — Testament de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier,
Nonobstant une réponse si peu f'avorable, le seigneur de Montpellier,
espérant toujours obtenir par son crédit auprès du pape une déclaration de
légitimité de ses enfans du second lit, les regarda comme s'ils eussent été en
effet légitimes. Se, étant tombé dangereusement malade au commencement
du mois de novembre de l'an i;o2, il disposa de tous ses domaines en leur
faveur par son testament ', daté du 4 de ce mois^ (S< non de l'an 1211 comme
il est marqué dans le Spicilêge par une erreur de copiste). Suivant cet acte,
il choisit sa sépulture dans le cimetière de l'abbaye de Grandselve, à laquelle
il lègue cent livres. Il tonde un anniversaire dans la cathédrale de iMague-
lonne 6< un autre dans le monastère de Saint-Félix, 8< fait des legs pieux à
' D \ch»ry, .S/T/'ci/f^j'um, t. 9, p. 1 jj & s«q. * Msi. AAuhdys, n. 82. — C3x\<i\,Scncs pracsa-
lum Magaloncnsium.
An 1202
;oi HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
l'abbaye de Saint-Gcniès, à l'hôpital du Saint-Elsprit, à la maison de Grand-
mont de Montherbedon, à l'hôpital de Saint-Guillem, aux églises de Saiiu-
Firmin & de Notre-Dame, à la chapelle tie son château, aux autres églises
& hôpitaux de Montpellier, &. à la chartreuse de Bonnefoy, dans le diocèse
de Viviers. Il ordonne d'habiller de pied en cap cent pauvres prêtres &. cinq
cents autres pauvres, de nourrir après sa mort, pendant cinq jours, cinq mille
pauvres chaque jour, de faire célébrer cinq mille messes pour le repos de son
âme, 8<c. Il confirme la donation que Guy, son oncle paternel, avoit faite
des moulins de l'Hérault, en faveur de l'abbaye de Valmagne, & nomme
quinze des principaux de Montpellier, entre lesquels étoit maître Guy (ion-
dateur de l'hôpital du Saint-Esprit de cette ville), pour payer ses dettes sur
la moitié de ses revenus'. Il fait héritier Guillaume, son fils aîné, à qui il
donne la ville de Montpellier avec ses dépendances S<. les châteaux & villages
de la Palti (ou Lates), de Montferrier, Castelnau, Castries, Loupian, Omelas,
Pouget, Popian, Montarnaud, Vindémian, Tressan, Saint-Pargoire, Saint-
Pons, Cornonsec, Montbazin, Frontignan, Miraval, Pignan, Saint- Georges,
Murviel, Moujolan & enfin tous ses domaines, depuis l'Hérault jusqu'au
Vidourle. Il donne à Thomas, son second fils, surnommé Tortose, le château
de Paulian, les droits qu'il avoit sur la ville de Tortose, en Catalogne, &
tous les biens qu'il possédoit au delà de l'Hérault, dans les diocèses de Lodève
Si de Béziers, avec mille sols de pension annuelle. Il lègue cent livres à
chacun de ses autres ([uatre fils, nommés Raimond, Bernard-Guillaume,
Guv & Burgondion, £< ordonne que le premier sera moine de Grandselve,
le second cb.anoine de Girone S<. de Lodève, le troisième moine de Cluny,
& le quatrième chanoine du Puy. Il ne donne à Marie, sa fille unique du
premier lit, que les deux cents marcs d'argent de sa dot, que le cojnte de
Toulouse & le comte de Comminges, son mari, lui dévoient, avec les habits
nuptiaux qui consistoient en quatre robes S<. quatre lits, avec clause expresse
que si son fils Guillaume étoit obligé de payer ces deux cents marcs, il auroit
action contre le comte de Comminges, qiii les avoit reçus, & contre ses cau-
tions, sauf le droit de Marie contre le même comte, contre celui de Tou-
louse S<. contre Rousselin & les garants que Barrai (vicomte de Marseille, son
premier mari) avoit donnés. Il lègue cent marcs d'argent à chacune de ses
deux filles, Agnès & Adélaïde, pour les marier. Il ordonne que si sa femme
Agnès avoit encore des enfans, les mâles seroient cZ^rc^ Se les filles religieuses.
Il lègue à la même Agnès, sa femme, tout ce qu'il lui avoit donné dans le
' Voici le tableau complet des legs pieun que Cun des antres hôpitaux; 1,000 aiiH religiciix Jg
Guillaume VIII fit par son testament, & M. Ger- Grammont; 100 sous à Grandselve; ico sous au5<
jnain ÇCommtme de Montpvlticj-y i, i.vil) est assez infirmes du pont de Castelnau; 100 inarcs d'ar-
disposé à y voir l'indice des remords deconicience gent pour la rédemption des captifs. — A Saint-
âe ce prince; .7,000 sous de Melgueil à la cathé- Firmin & à Nôtre-Dame des Tables deux calices,
drale de Maguelonrte pour \u\ anniversaire; valant chacun un marc &. demi. A la chartreuse
1,000 sDus à Saint-Félix de Montseau; Soo sous de Bonnefoy, dans le Vivarais, une certaine quan-
à Saint-Geniès; 1,000 sous à l'hôpital du Saint- tité de poisson salé par an. [A. M.J
Esprit} 200 à celui de Saint-Guillem; 5o à cha-
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 2o3
An 12C2
temps de son mariage avec elle, Se. l'entretien, tant pour elle que pour ses
enj'ans. Il fait une substitution graduelle de tous ses biens entre ses enfans,
savoir : d'abord de mâle en mâle 5c après eux de fille en fille, en commen-
çant par Marie, son aînée. A leur défaut, il leur substitue aussi graduelle- [. fn "[ '^,'°'
ment Raimond-Gaiicelin, seigneur de Lunel, son neveu, Raimond de Roque-
feuil Se Bérenger-Guillaume, ses autres neveux. Il déclare ensiiite qu'en
considération de la fidélité des babitans de Montpellier & des services qu'ils lui
avoient rendus 8< à ses prédécesseurs : i° Il change la coutume de cette ville
qui permettoit à ceux qui étoient majeurs de quatorze ans de disposer de
leurs biens, £<. ordonne qu'à l'avenir il faudra, pour cela, avoir atteint l'âge
de vingt-cinq ans, conj'ormément au droit écrit. 2° Il leur donne une liberté
entière de vendre Se d'acheter du sel. 3° Il leur accorde l'abolition de tous
les nouveaux péages. Il charge Guillaume, son fils 8t son héritier, d'acquitter
toutes ses dettes & de payer, entre autres, cinquante mille sols qu'il devoit à
Bonet, juif de Montpellier, de l'avis de quinze des principaux babitans de
cette ville, qu'il lui donne pour conseil S< c[u'il laisse pour administrateurs
de tous ses domaines, & défenseurs de sa femme 8c de ses enfans jusqu'à ce
que son fils aine eût atteint l'âge de vingt-cinq ans'. Il met les uns 8c les
autres sous la protection de Px.aimond, évtque d'Agde, son frère, de Guil-
laume, évèque de Maguelonne, 8c de Guy, prévôt de cette église, 8c en cas,
ajoute-t-il, qu'il s'élève quelque guerre dans le pays, je prie Bernard d'An-
duze 8c Etienne de Servian d'en prendre la défense. Il prie aussi ces prélats
d'excommunier son fils, par l'autorité apostolique, supposé qu'il n'exécutât
pas fidèlement ce testament, avec défense de mettre aucun juif pour baile à
Montpellier. Il laisse ses enfans, ses terres 8c ses sujets sous la protection Se
la garde de Dieu, de la vierge Marie, de la reine d'Aragon, du roi, son fils,
61 du comte de Toulouse. A la fin de l'acte il change le lieu de sa sépulture,
qu'il choisit dans la cathédrale de Maguelonne, Se donne cent marcs d'argent
k Clémence, sa sœur, avec ordre à son héritier de lui paver cette somme au
bout de l'an, à moins que Rostaing de Sabran, son mari, ne la lui paye.
Enfin il donne à sa femme Agnès le lieu de Casfelnau, le château de Mont-
ferrier, les bains de Montpellier, la leude du Peyrou 8c de l'Aigadou, Si le
cens des juifs, au lieu Se place du douaire qu'il lui avoit assigné dans le temps
de leur mariage.
Telles sont les dernières dispositions de Guillaume VIII, seigneur de
Montpellier, qui mourut peu de temps après. Guillaume de Fleix, évêque
de Maguelonne, procéda en effet, le 9 de novembre de l'an 1202, à l'ouver-
ture de son testament, en présence des témoins qui y avoient souscrit, entre
lesquels étoit Raimond, évoque d'Agde, frère de ce seigneur, Se de tous les
' Dom Vaissete n'insiste peut-être pas asses siif chaque mois, je recrutèrent euU-mêmes ert cas de
ce fait & n'indique pas les conditions auxquelles décès de l'un d'entre eux. C'était une dernier*
ces bourgeois durent administrer la ville. Ils pos- tentative de Guillaume VIII pour assurer à son âls
icdèrent à peu près toute la souveraineté, purent la jouissance de sort héritnge, en intéressant à sa
nommer & changer le baile, reçurent ses comptes cause les habitants de Itontpellicr. [A. M.]
~~ 204 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An 1202 '
principaux habitaiis de la ville. Guillaume, fils 8< héritier de Guillaume VIII,
promit en même temps de l'exécuter fidèlement & affirma qu'il étoit majeur
de ([uatorze ans.
LXXIV. — Mort de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier. — Son éloge.
Guillaume VIII mourut âgé d'environ quarante-cinq ans, après s'être
acquis l'amour de ses sujets par ses qualités personnelles 81 la douceur de son
gouvernement. Il s'appliqua en particulier à faire ceindre Montpellier de
nouvelles murailles 8<. donna' pouvoir, en ii96,à huit des principaux bour-
geois ou administrateurs de la ville, de conduire cet ouvrage à sa perfection.
Il paroît qu'il eut quelque différend avec l'évêque de Maguelonne 8c que leur
querelle fut portée devant le roi Philippe-Auguste, qui rendit là-dessus un
jugement^ auquel ce prélat promit d'obéir. Entre les monumens que ce sei-
gneur donna de sa piété, il exempta^, en ii8g, la maison du Temple de
Montpellier, dont Pierre de Saint-Grégoire étoit commandeur, de toute sorte
d'imposition dans ses domaines. Il exerça sa libéralité l'année suivante envers
le monastère de Montherbedon, de l'ordre de Grandmont, situé auprès de
Montpellier, & confirma'', en 1194, une donation que Guillaume de Mont-
pellier, moine, son aïeul, avoit faite en faveur de l'hôpital de Saint-Lazare de
cette ville. Il fit dédier, en i2oo\ l'église de Sainte-Croix de Montpellier,
qu'il avoit fait rebâtir, 8< fit du bien^ au monastère de Cassan; mais rien ne
fait plus d'honneur à sa mémoire que le zèle qu'il témoigna pour réprimer
l'hérésie qui, de son vivant, fit de si grands progrès dans la Province.
Ce zèle de Guillaume engagea un fameux docteur, nommé maître Alain
de Lisle, qui mourut^ à Clairvaux, en 1202, à lui dédier un traité qu'il avoit
t.^ni °p'°i''''i composé contre les hérétiques de son temps, contre les vaudois, les Juifs Se les
Sarrasins, 8<. qu'il avoit divisé pour cela en quatre parties. Alain, dans
l'épître dédicatoire^ de cet ouvrage, qualifie Guillaume, par la grâce de Dieu
prince de Montpellier, & le loue de ce que la grandeur de son esprit répond
à celle de sa naissance 8<. de sa dignité. Il déclare « qu'il le lui oHre 8< qu'il
« se soumet à son examen, parce qu'entre tous les princes de son temps, il
« étoit spécialement revêtu des armes de la foi, dont il étoit le fils & le
<( défenseur. » On'' prétend que cet Alain étoit natif de Montpellier. On se
fonde sans doute sur ce qu'il appelle Guillaume, son seigneur; mais il est
certain que cet auteur n'est pas différent'" d'Alain, né à Lille, en Flandres,
qui, ayant embrassé d'abord letat religieux dans l'ordre de Citeaux, fut
'Gnrlel, lAèe Je lu ville Je Montpellier, i'' part. ^ Gntiel, Séries praesulum Magalonen'ium. p. î6j,
p. 1.5!»} Séries praesulum Mag.iloi:ensiuni ^ p. 244. ^ IhiJ. p. 2.52.
' Tome VIII, Chartes, n. LXXII, ce. 462, 4(j.l. ' Albéric, C/ironieon, ni ailn. 1201.
' C:\t\e], Séries praesulum Magaloiicnrium, 'p. ;33 ' Alain, ÀJv. haeret. éd. 1612.
8t seq. ^ G^iri'^l^Series praesulum Magtilonensium^p, zCjt
■• Mss. J'Aubays, n. il, '" Casimir Ou'iiii, Je script, ceci, t. 2.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 2c5
ensuite évêque d'Auxerre 8c qui, s'étant démis de cet évêché en 1167, se
retira à Claiivaux où, il mourut en 1202, dans un âge extrêmement avancé.
Il composa divers autres ouvrages parmi lesquels il dédia à Ermengaud, abbé
de Saint-Gilles, son abrégé de l'un &. l'autre Testament'.
Guillaume VIII se rendit recommandable par divers autres endroits, & on
a déjà vu que plusieurs poètes provençaux vécurent à sa cour sous sa protec-
tion. Il augmenta considérablement son domaine, soit par la réunion de la
baronnie d'Omelas 8c de ses dépendances, soit par celle de la viguerie inféodée
de Montpellier, avec ses droits, que Guillaume de Montolieu lui vendit
en^ 1197- Il acquit aussi, au mois de juillet^ de l'an 1202, les droits cjue
l'abbaye d'Aniane possédoit dans la paroisse de Saint-Paul de Frontignan.
Enfin il paroît que la conduite de ce seigneur auroit été irréprochable, s'il
n'eût répudié sa femme légitime pour en épouser une seconde. Il est vrai
qu'il couvrit cette démarche sous le prétexte spécieux de laisser des enfans
mâles héritiers de ses domaines ; mais il y a lieu de croire que le dégoût
qu'il avoit d'Eudoxe Comnène, sa première femme, 8c la passion qu'il conçut
pour Agnès eurent la principale part à la répudiation de la première. Nous
savons d'ailleurs que Guillaume ne fut pas insensible à l'amour, 8c nous
trouvons'* dans une charte de l'abbaye de Franquevaux, au diocèse de Nimes,
datée de l'an 1192, un « frère Bernard de Montpellier, religieux de ce
« monastère 8c fils de Guillaume, fils de Mathilde. » On ne sauroit douter
que ce Bernard ne fût bâtard. Au reste, il paroît que le testament de Guil-
laume VIII eut d'abord son exécution; cas nous avons^ un hommage rendu
pour la seigneurie de Montpellier par Guillaume, seigneur de cette ville,
fils d'Agnès, à Guillaume d'Autignac, évêque de Maguelonne, qui succéda
en i2o3, à Guillaume de Fleix dans cet évêché.
LXXV. — Fondation des chartreuses de Bonnefoy ô* de Valbonne, — Seigneurs
6" évêques d'U-^ès. — Maison de Sabran,
La chartreuse de Bonnefoy, au diocèse de Viviers, dont le seigneur de
Montpellier fait mention dans son testament, subsistoit déjà dès le milieu''
' Dom Vaissete est tombé dans l'erreur com- Puyj mais il repousse avec raison l'identité éta-
miine qui fait confondre deux & peut-être trois blie entre Alain de Lille & l'auteur de la Summa
théologiens du nom d'Alain, qui ont vécu au ^uijripartilj. C{. Real-Encyclcpaejie fur protestan-
commencement du treizième siècle. Alain de Lille tische Théologie und Kirche, n.a. 1877, t. 1, p. 233
n'a rien à faire ici, & ayant passé la majeure par- & suiv. [A. M.]
tie de sa vie en Angleterre, il n'eut certainement ' Gariei, Séries praesulum Magalonemium, p. iHj.
aucune relation avec le midi de la France. Un ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXV, c. 479.
second Alanus est celui que l'on appelle de Podio — L'acte est du mois de juin.
& qui dédia une .Somme de l'Ecriture sainte, restée ■* Mis. d'Auhays; McUnga, vol. i.
inédite, à Ermengaud, abbé de Saint- Gilles. Le '' Cnr\t\, Séries praesulum Magalonensium , p. i-j^.
troisième serait l'auteur de la Summa ^uaJripjrtita " Voyez tome IV, p. 648 & suiv. une note four-
contra haerelicos W^aldenses. M. C. Schmidt, de nie aux nouveaux éditeurs p.^r M. l'abbé Rou-
Strasbourg, sans se prononcer positivement, tend chier. La fondation de Bonnefoy remonte pioLa-
à identifier ce dernier personnnge & Alain du blcment à l'an iij6. [A. M.|
An 1ZC2
An i2o3
"T T 206 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
An i2o3
du douzième siècle. Elle est située sur les frontières du Vêlai, Se c'est la plus
ancienne que nous sachions avoir été fondée dans la Province'. Celle de
Valbonne, dans le diocèse d'Uzès, vient ensuite; elle doit son origine à
Guillaume de Vénéjan, évêque d'Uzès, qui échangea^, au commencement
de l'an 1204, l'église d'Ornols contre celle de Bondillons, dans son diocèse,
avec l'abbé d'Aniane îk le prieur du monastère de Goudargues, dépendant
de cette abbaye, pour la donner aux chartreux, qui y établirent une maison
de leur ordre Se lui imposèrent le nom de Valbonne. 11 est vrai qu'il paroît
qu'il y avoit des religieux à Bondillons en 1198 & 1201; mais ils étoient
vraisemblablement bénédictins soumis au prieur de Goudargues.
Raimond, seigneur d'Uzès, fut présent à cet acte d'échange; il enrichit
l'année suivante la chartreuse de Valbonne par ses libéralités, 8c confirma ce
nouveau monastère dans la possession de tous les biens que les chevaliers,
ses vassaux, lui avoient donnés. Decan, son fils, ratifia cette concession au
mois de mars de l'an 1207, 8<. Bermond, seigneur d'Uzès, approuva, au mois
de juillet de l'an 1212, la donation de Pv.aimond, son père. Se de Decan,
son frère. Guillaume de Vénéjan, auparavant évêque d'U-^ès, reçut cette
dernière confirmation, tant en son nom qu'en celui de tout l'ordre des cliar-
treux.
Nous inférons de ces divers monumens que Raimond, surnommé Rascas,
seigneur^ d'Uzès, qui vivoit encore au mois de juin de l'an"* 1209, laissa
deux fils, Decan Si. Bermond; que Decan lui succéda dans la seigneurie
t fu °'^'^ï"', d'Uzès, Se que ce dernier étant mort sans enfans, Bermond, son frère, recueillit
sa succession. Il paroît que Bermond avoit déjà succédé à son frère dès la fin
de septembre de l'an 1211, car il est qualifié alors seigneur d'Ujès dans le
testament^ de Pierre-Constans de Saint-Gilles, qui le nomma pour un de ses
exécuteurs testamentaires. Il continua la postérité Se vendit, en 1222, dix-
huit pièces de terre, avec Guiraude, sa femme^, à la chartreuse de Valbonne.
Il se qualifie seigneur d'Ui^ès &■ d'Aymargues, dans une donation qu'il fit à ce
monastère quatre ans après.
Nous avons une autre donation faite à cette chartreuse, en 1228, par
Rainon, seigneur d'Uzès, fils de feu Rainon, Se par Guillaume de Martorel,
son frère. Ils possédoient la moitié de la seigneurie d'Uzès '' Se étoient^ de la
maison de Sabran, dont on voit divers actes dans les archives de la même
' Columbi, De episc. Vivanensihus.f. Ii5&se<j. n. 48. [Cf. Teulet, Layettes, t. i, p. Syi & suiv.
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXXIII, c. 534 l'acte est du 28 septembre 1211.]
8^ suiv. — [Remarquons que dom Vaissete n'a pas " Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXXII, c. j32.
publié la pièce qu'il indique, mais des donations — Archives de l'abbaye de Valbonne. [L'acte est
faites à la chartreuse de Valbonne par des raem- du 22 décembre 1222, 8c on n'y parle que de huit
bres de la famille d'Uzès, dont la plus ancienne pièces de terre.]
est de juillet i2o5.] — Archives de la chartreuse ' Ces deux frères ne possédaient qu'un quart de
de Valbonne. la seigneurie d'Uzès. Voyez à ce sujet Charvet,
' Voyez tome IV, îiote LU, p. 228. La première maison d'Unes, p. 93. [A. M.]
< Innocent III, Epistolae, t. 2, p. 349. ' Voyez tome IV, Note LU, p. 228.
'Trésor des chartes du roi; Toulouse, sac 2,
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 207
chartreuse. Guillaume de Sabran vendit entre autres à ce monastère, en 1207,
pour trois cents sols neufs ruimondins, un domaine dans la paroisse de Saint-
Paul de Sélérac, S< promit de faire latifier cette vente par Guillelmette, sa
femme. Il accorda, en I2i3, à ce même monastère & à tout l'ordre des char-
treux, une exemption de péage & d'usage dans le bois de Sabranenc. « Al-
(t modis, veuve de Rostaing de Sabran, connétable du comte de Toulouse,
(' vendit en I2i5, à la maison de Valbonne, le domaine de Cadenet, du
« consentement de Guillaume de Baux, par la grâce de Dieu prince
« d'Orange, 5< tuteur de Rostaing Se de Guillaume de Sabran, fils du même
(1 Rostaing. » Enfin divers autres seigneurs du voisinage firent beaucoup de
bien à cette chartreuse dans le temps de sa fondation '. De ce nombre furent
Géraud de Montaigu, Hélène, sa femme, Thibaud 8c Saurine, leurs enfans,
Rnimond, Géraud &!. Pierre-Géraud de Montaigu, frères. Sec.
Ouant à Guillaume de Vénéjan, évêque d'Uzès, qui avoit succédé, vers
l'an 1197, à Raimond, il se démit de cet évêché peu de temps après avoir
fondé la chartreuse de Valbonne & se retira dans cette solitude pour y passer
le reste de ses jours. Il vivoit encore en 1207. Ebrard, qui lui succéda dès
l'an 1204 8c qui possédoit encore l'évêché d'Uzès au mois d'août de l'an 1207,
eut pour successeur Raimond, auquel Rainon 8c Elzéar, seigneurs d'Uzès
en partie (de la maison de Sabran), firent hommage, au mois d'août de
l'an 1208, pour ce qu'ils possédoient dans le diocèse. Pvaimond Pelet fit hom-
mage, la même année, à Raimond, évêque d'Uzès, pour le château de Resson,
qu'il lui remit Se dont il lui fit donner les clefs, 8c, en témoignage de sa
fidélité, il fit arborer sur ce château l'étendard de Saint-Théodorit où était
un lion rouge.
LXXVl. — Le vicomte Raimond-Roger épouse Agnès de Montpellier;
il engage une partie de son domaine à l'évêque de Béliers,
Toutes les précautions de Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, pour
assurer sa succession à ses fils du second lit, furent inutiles, Pierre, roi
d'Aragon, qui connoissoit les prétentions de Marie, sa fille unique du pre-
mier lit. Se qui savoit que Bernard, comte de Comminges, son mari, ne cher-
clioit qu'une occasion de la répudier, songea à l'épouser peu de temps après
la mort de Guillaume, afin d'unir par là à son domaine les grands biens de
la maison de Montpellier. On prétend*, cependant, que le roi d'Aragon fut
d'abord favorable aux enfans du second lit; qu'au mois de décembre de
l'an i2o3 il maria Agnès, l'un de ces enfans, avec Raimond-Roger, vicomte
de Béziers 8c de Carcassonne, Si qu'il lui assura deux mille cent sols melgo-
riens en dot ; mais tout ce que nous avons de certain là-dessus c'est que ce
vicomte épousa^, en effet, la même année, Agnès de Montpellier; qu'elle
'Archives de l'abbaye de Valbonne. — Mjs. ^ Thulamu! de Montpellier, [^p. z'i ieVéi\ùon ie
d'AuBjys, n. 88. la Société archéologique de Montpellier. Le m?-
' O^Tie\, Séries praesulum Mctgaîonerisium,p, 2'j'\, riape eut lieu en octobre ]
An i2o3
An I20J
;o8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV, XX.
eut' vingt-cinc] mille sols melgoriens en dot, & que le vicomte, son mari, lui
assigna les châteaux de Pézénas Si de Torves pour son douaire.
Raimond-Roger confirma, le g d'octobre de l'an i2o3^, les privilèges que
Roger, son père, 6- Trencavel, son aïeul, avoient accordés à l'abbaye de
Grandselve, en présence de Rainiond, évêque d'Agde, de Calvet, abbé de
Saint-Aphrodise de Béziers, Sec. Il donna en fianc-alleu^, au mois de novembre
suivant, à l'abbaye de Boulbonne Se à Bérenger Valard, son abbé, une
maison située dans le faubourg de Saint-Vincent de Carcassonne, avec ordre
à ses baillis de cette ville, chrétiens 6- Jui/s, d'en faire jouir paisiblement ce
monastère. Il fit cette donation entre les mains 6- dans l'audience de Bérenger,
i.'iii °p'.°i"'2. évêque de Carcassonne, S; en présence de Raimond-Roger, comte de Foix,
de ses viguiers de Carcassonne, de Razès S<. de Béziers; de Raimond Lom-
bard, bailli de l'honneur comtal de Carcassonne, Sec. Le comte de Foix, que
le comte d'Urgel avoit fait prisonnier, le 26 de février de l'an i2o3, étoit
donc alors sorti de prison; à moins que la bataille, dans laquelle on prétend
qu'il fut pris, n'ait été donnée au mois de février de l'an i2o3, en commen-
çant l'année à l'Incarnation. Le vicomte Raimond-Roger engagea "*, au mois
de mai de l'an 1104, pour six mille sols melgoriens ou cent vingt marcs
d'argent, à Guillaume, évêque de Béziers, Se à son chapitre : 1° L'albergue
qu'il prétendoit sur eux, sur l'abbé de Saint-Aphrodise Se sur le village de
Lignan. 2° La justice pour les crimes d'homicide, d'adultère Se de vol, qu'il
avoit sur tous les ecclésiastiques du diocèse de Béziers, sur leurs familles Se
sur les lieux de Lignan Se d'Aspiran. Il fit cet engagement, dans lequel il
déclare qu'il étoit alors majeur de dix-huit ans, du conseil des barons de sa
cour ô» des bourgeois de Bé-[iers. Il met, entre les premiers, les viguiers de
Carcassonne Se de Béziers, Se Samuel, juif, haile de ses domaines. On assure^
qu'il déchargea en même temps l'évêque de Béziers de l'obligation où il étoit
de lui fournir cinc[uaiite chevaliers durant la guerre'^. Enfin il donna, du
conseil des grands de sa cour"^ , en 1206, à Pons de Bessan, la permission de
fortifier le lieu de Buat, dans le diocèse de Béziers.
LXXVn. — Consuls de Toulouse. — Chartes de Raimond VI, comte
de cette ville.
Il paroît que Raimond VI, comte de Toulouse, passa la plus grande partie
de Fan 1 2o3 aux environs du Rhône, Se qu'il étoit absent de Toulouse lorsque
les consuls^ 6" le commun conseil de cette ville Se du faubourg dressèrent une
ordonnance touchant le vol, le mercredi 12 de février de l'an 1202 (i2o3).
' Tome VIII, Chartes, n. XCIV, ce. 579 à 584. sur un acte de i2o3 (Voyez t. V, c. 1432, n. 91),
' Archives de l'abbaye de Grandselve. par lequel le vicomte permet aux chanoines de
' Archives de l'abbaye de Boulbonne, Saint-Nazaire de fortifier les églises de plusieurs
* Gallid Christlana, nov. éd. t. 6, Instr. c. 148 de leurs villages, à cause des ravages des gens de
& seq. guerre. [A. M. |
'' Andoque, Catalogue des évèijue! Je Béliers. ' Cartu'.aire du château de Foix.
' Cette assertion d'Ando^ue s'appuie sans doute " Catel, f/i:toire des comtes de Tolose, p. 228.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 200 — ; T
•' An 120J
On apprend par ce règlement que ce qu'on appeloit alors à Toulouse le
chapitre (capitulum) étoit composé de la principale bourgeoisie, de laquelle
les consuls, au nombre de vingt-cinq, étoient les cbefs, 8c c'est du nom de ce
chapitre qu'on leur donna depuis celui de capitoulsf que cette assemblée ou
chapitre composoit la cour du comte, qu'elle exerçoit la justice criminelle
dans tout le diocèse 8t que le vicaire ou viguier du comte y présidoit en
l'absence de ce prince'. Nous apprenons d'ailleurs que P^aimond VI étoit à
Nimes, au mois de septembre de cette année, 8c qu'il y donna alors deux
chartes : par la première ^ il confirma, le 1 1 de ce mois, en faveur de Ber-
nard, abbé de Psalmodi, en présence de Rostaing de Sabran, son connétable,
un diplôme que le roi Charles le Simple avoit accordé à ce monastère. Par
la seconde^, il maintint Hugues de Laudumon, vestiaire de l'église de Nimes
8c prieur de Saint-Saturnin de Cauvisson, dans les privilèges dont lui 8c ses
prédécesseurs avoient joui dans ce château. Ce prince confirma vers le même
temps, à Montsavez'*, auprès d'Avignon, les privilèges que le comte, son
père, avoit accordés autrefois aux frères du pont d'Avignon, en présence de
Guillaume, évêque d'Uzès, de Rostaing de Sabran, son connétable, 8cc.
LXXVIII. — Indie, sœur naturelle de Raimond VI, comte de Toulouse^
épouse Guillabert de Lautrec.
Raimond étoit de retour à Toulouse au mois d'octobre suivant, 8c il y con-
clut^ alors, dans son palais nommé le château Narbonnois, le mariage d'Indie,
sa sœur (naturelle), avec Guillabert, fils de Pierre-Ermengaud de Lautrec.
Indie eut cent marcs d'argent fin pour sa dot, pour laquelle Pierre-Ermen-
gaud, son beau-père, hypothéqua le château de Fiac, en Albigeois. Ce sei-
gneur étoit sans doute de la maison des vicomtes de Lautrec; mais nous ne
trouvons pas sa descendance. Guillabert, son fils, mourut quelque temps
après sans laisser d'enfans d'Indie, qui se remaria, en 1206, avec le seigneur
de risle-Jourdain. Il avoit un frère, nommé Hugues-Ermengaud, qui hérita
de Pierre-Ermengaud, leur père, 8c qui épousa Castelane, fille d'Aymeri de
Castelnau. Nous ne trouvons <* pas non plus la descendance de Frédol de
Lautrec qui, avec Géraud de Pépieux {de Pipionibus), son fils, fit en 1200,
à l'abbaye de Fontfroide, une donation qu'il promet de faire ratifier par
Rixovendis, sa sœur. Le comte Raimond donna à Bessières sur le Tarn^,
' L'année luiTantc, en 120^, les consuls de Tou- 'Registre i3i des chartes du roi, n. 370.
louse. continuant leurs tentatives pour diminuer ^ Bouche. La chorographie ou description âe la
les charges qui pesaient sur le commerce de la Provence, t. 2, p. i63. — Acta sanctorum, avril,
ville, firent une enquête contradictoire sur les t. 2, p. 261.
taxes que l'on devait payer à Saint-Jory au pé.ige ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXVIII, ce. .^98,
du comte. Cette enquête se fit par voie de témoi- 499-
gnages. Elle est fort curieuse. Voir tome VIII, ' Archives de l'abbaye de Fontfroide.
c. J07 & suiv. [A. M.) ' Archives de l'abbaye de Candeil.
' Registre 160 des chartes du roi, n. 84. — Ma-
billon, AnnaUs, I. 3, append. n. ^2.
VI. ,4
A,, ,^„3 2 10 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
quelciues jours après, des lettres de sauvegarde en faveur de l'abbave de Can-
deil. Etant à Castelsarrasin sur la Garonne, au mois de novembre suivant
il ' rit expédier de semblables lettres pour ses chers £■ fidèles, les bourgeois &
autres habitans de la ville de Cahors.
LXXIX. — Alort du comte Pierre de Lara, vicomte de Narbonne. —
Aymeri 111, son fils aîné &■ son successeur, fait hommage de sa vicomte au
comte de Toulouse.
t/iii "p."!"?. Raimond VI fit un voyage, au commencement de l'année suivante, dans le
diocèse de Narbonne, pour y laire reconnoître sa suzeraineté, de laquelle
An 1204 Fimengarde, vicomtesse de cette ville, Aymeri Si le comte Pierre de Lara,
neveux St successeurs de cette vicomtesse, s'étoient soustraits pour se sou-
mettre à celle des comtes de Barcelone 8<. rois d'Aragon. Pierre de Lara-',
après avoir iait démission, en 1194, de la vicomte de Narbonne en faveur
d'Aymeri III, son fils aîné, & s'être retiré à la cour de Castille, où il occu-
poit les premières dignités du royaume, mourut^, le 10 de juin de l'an 1202,
& fut inhumé dans le monastère de Horta, de l'ordre de Cîteaux, fondé par
les seigneurs de sa maison. Outre Aymeri, son aîné, à qui il avoit donné la
vicomte de Narbonne, il laissa de l'infante Sancie de Navarre, sa première
femme, plusieurs fils qui firent diverses branches en Espagne; entre autres
P».oderic ou Rodrigues, en faveur duquel il disposa du château de Montpezat,
dans la vicomte de Narbonne, qu'il s'étoit réservé en donnant cette vicomte à
•Aymeri. Il épousa en secondes noces Marguerite dont on ne connoît pas la
maison. On lui attribue la construction d'une tour pour servir de phare aux
vaisseaux qui sont en mer 6c qu'on appelle encore la tour du comte Pierre.
Elle est située au bord de la mer à une lieue & demie de Narbonne, auprès
d'une église champêtre nommée Saint-Pierre de la Mer.
11 ne paroît pas qu'Aymeri III, fils 8c successeur du comte Pierre de Lara
dans la vicomte de Narbonne, se soit soumis, du vivant de son père, à la
suzeraineté des" comtes de Toulouse, qui, en qualité de ducs & de comtes
particuliers de cette ville, avoient droit d'y dominer; on voit au contraire
que ce vicomte déclara qu'il exercerait le gouvernement 6- la domination sur
tout le pays de Narbonne dans un acte'* par lequel il dota, le 18 de février
de l'an 1202 (i2o3), pour l'âme du feu comte Pierre, son père, l'ermitage de
Saint-Victor, dans le diocèse de Narbonne, que frère Pierre de Lercio venoit
de fonder sous l'autorité du pape Innocent III. Aymeri se soumit cependant
enfin au comte de Toulouse, qui se rendit à Capestang, dans le diocèse de
Narbonne, au mois de mars de l'an 1204, pour recevoir son hommage. 11 est
marqué dans l'acte que ce vicomte, « ayant pris conseil de l'archevêque, des
' Archives de l'hôtel de ville de Cnhors. ' Voyez tome VII, Note VI, n. vi, pp. 17, 18,
' Salazar y Castro, Historici gcncalogica de la casa ^ Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXVII, te. 487
lie Lara, t. 1 , 1. 2 & 1. 3. — Catel, Mémoires Je à 489,
l'hiito'ne du Languedoc, p. oçj.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. 311 ~Z
An 1204
« chevaliers, des prud'liommes & des citoyens de Narbonne, il prêta serment
« de fidélité au comte Raimond pour tout ce qu'il avoit à Narbonne Se dans
<i la vicomte de cette ville, excepté pour ce qu'il tenoit de l'archevêque, qui
<i avoit la supériorité sur la moitié de la même ville, Se de son église. «
Avmeri reconnut en même temps tenir en fief du même comte de Toulouse,
les terres de Saint-Gervais, de Nairan, Sec, que son père avoit données en
engagement au père de ce prince. Bérenger, archevêque de Narbonne, le
maître des templiers de Provence 8t plusieurs autres personnes de considéra-
tion furent présentes à cet hommage'. Aymeri vécut depuis en bonne intel-
ligence avec le comte Raimond. 11 reçut, à la fin de la même année, l'hom-
mage de Dalmace de Creissel pour le château de Fenouillet, Se donna, au^
mois de juillet de l'an 1:08, à Rodrigues, son frère, 8c aux fils de ce dernier,
le château de Lac, dans le diocèse de Narbonne.
I/XXX. — Le roi d'Aragon engage les vicomtes de Millau de Gévaudan
au comte de Toulouse. — Troubles dans ce dernier pays, — Evêques de
Mende,
Nous ne voyons pas que Pierre, roi d'Aragon, ait formé le moindre obstacle
à l'hommage que le vicomte de Narbonne rendit au comte de Toulouse pour
sa vicomte, quelque intérêt qu'il eût à le contredire, à cause que les prédé-
cesseurs de ce vicomte avoient reconnu les siens pour leurs suzerains. Aussi
paroît-il que le roi 8( le comte furent toujours très-unis. Se que, loin d'avojr
ensemble quelque sujet de dispute, ils s'aidèrent mutuellement dans toutes
leurs affaires 8c se donnèrent réciproquement des marques d'une étroite
amitié. Ils eurent-^ à Millau, en Rouergue, au mois d'avril de l'an 1204,
une entrevue à laquelle Alfonse II, comte de Provence, frère du roi, se
trouva. Se ils passèrent alors un accord, suivant lequel le roi d'Aragon
engagea au comte Raimond la ville de Millau, les châteaux de Chirac,
Grèzes, Marvéjols, Sec, c'est-à-dire les domaines des anciennes vicomtes de
Gévaudan 8c de Millau, désignées dans l'acte sous le nom de comté de
Millau {/ de Gévaudan^, pour cent cinquante mille sols melgoriens, faisant
trois mille marcs d'argent. Le roi d'Aragon garantit cet engagement contre
Sanche, son oncle paternel, en cas que ce prince vînt à le disputer ou à en ('"i'îi"'",'"'";
ôter quelque chose, 8c donna pour caution le comte de Provence, son frère,
qui promit par serment d'observer fidèlement les conditions du traité.
L'un des motifs qui déterminèrent Pierre à faire cet engagement fut les^
diftérends qu'il avoit avec Guillaume de Peyre, évêque de Mende, qui, après
avoir chassé son baile du Gévaudan, assiégea Se prit sur lui la ville de Mar-
■ Voyez cet acte publié d'nprèî l'original (J. 314, 'Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXX, ce. 5i8
n. lo) dans Teulet, Layettes du Trésor .les chartes^ à 522.
t. i,p. 248. ■• Voyez tome IV, Note XXVI, n. xvi & suiv.
' Catel , Mémoires île l'histoire Au Languedoc, pp. iSy, 1 38.
p. ■>'/>■ '' Archives de l'évéché de Mende.
An
212 HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
véjols. Or il étoit moins à portée de faire valoir son autorité clans le pays
que le comte de Toulouse qui prit aussitôt possession de tous les domaines
qui venoient de lui être engagés. Guillaume de Peyre avoit succédé', en 1187,
dans 1 evêché de Mende, à Aldebert de Tournel, Se il le posséda jusqu'en 1 223.
11 eut plusieurs démêlés avec les habitans de cette ville qui le chassèrent, 8t
il n'y rentra qu'après avoir fait, en 1194, un accord avec eux, par lequel il
s'obligea à abolir les mauvaises coutumes qu'il avoit établies.
Mais la principale raison qui porta Pierre, roi d'Aragon, à engager les
vicomtes de Millau &. de Gévaudan au comte de Toulouse fut pour se mettre
en état de fournir à la dépense de son mariage avec Marie de Montpellier
& d'un voyage qu'il avoit projeté de faire à Pvome.
LXXXI. — Le comte de Commïnges répudie Marie de Montpellier.
On a dit plus haut que Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, fut à
peine décédé que le roi d'Aragon forma le dessein d'unir^ cette seigneurie à
ses domaines en épousant Marie, fille de ce seigneur du premier lit. L'union
de Pierre avec Raimond, comte de Toulouse, que Guillaume avoit laissé pour
principal protecteur de ses entans du second lit, h. l'autorité que ce dernier
avoit dans la Province 8t en particulier dans le diocèse de Maguelonne dont
il étoit comte particulier, lui firent espérer de réussir. En effet, le comte
Raimond favorisa entièrement le roi d'Aragon dans cette affaire, 8t nous
avons lieu de croire qu'il engagea Bernard, comte de Comminges, son cousin
germain, à répudier solennellement Marie. Bernard y étoit très-disposé de
lui-même, &, soit par dégoût pour la comtesse, sa femme, soit par un effet
de sa légèreté naturelle, soit enfin par quelque autre motif secret, il avoit déjà
fait une tentative pour s'en séparer du vivant de Guillaume, seigneur de
Montpellier. Il s'adressa pour cela à l'archevêque d'Auch Si à l'évêqué de
Comminges ; mais ces prélats refusèrent d'approuver son divorce & de donner
une sentence de séparation. Bernard, voyant que cette voie lui manquoit,
eut recours à une autre : il maltraita extrêmement Marie pour l'obliger à se
retirer d'elle-même, 8<. ses mauvaises manières à son égard allèrent si loin
qu'elle fut enfin contrainte de se réfugier, vers l'an 1200, à la cour du sei-
gneur de Montpellier, son père. Ce seigneur prit fort à cœur les intérêts de
sa fille, moins, à ce qu'il paroît, par amitié pour elle que par la crainte, si
son mariage avec Bernard venoit à se dissoudre, de la voir rentrer dans ses
prétentions à sa succession à laquelle ils avoient renoncé solennellement l'un
& l'autre dans leur contrat de mariage. Il se plaignit de la conduite de ce
comte envers Marie au pape Innocent III, qui écrivit à l'archevêque de Nar-
bonne, à l'évêqué de Comminges S<. aux chapitres d'Auch S<. de Toulouse
(le siège vacant) pour leur ordonner d'avertir le comte de Comminges de
' Galli.1 Christlana, nov. éd. t. I , p. 90 & seq. c. II. — Gnriel, Séries praesulum Magalonens'ium,
• Guillelmus de Podio L.iurcntii , Cltronkon , p. 2^6 S<. seq.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. ;i3 ~~
An 120^
reprendre Marie, de la traiter comme sa femme légitime, Si de recourir, s'il
étoit nécessaire, aux censures ecclésiastiques pour l'y contraindre; en sorte
que Bernard fut obligé de la rappeler & de la garder avec lui pendant la vie
de Guillaume.
Après la mort de ce seigneur, le comte de Comminges n'ayant plus à
craindre son crédit & se voyant au contraire appuyé par le roi d'Aragon, qui
avoit ses vues, & par le comte de Toulouse, qui les favorisoit, prit si bien ses
mesures qu'il répudia enfin Marie dans toutes les formes canoniques', sous
prétexte tiu'ils étoient conjoints du troisième au quatrième degré de consan-
guinité & d'affinité, & qu'il n'avoit pas été séparé légitimement de Béatrix
de Bigorre, sa première femme, qui étoit actuellement vivante. Bernard eut
deux filles de Marie de Montpellier qui furent censées légitimes. La pre-
mière, nommée Mathiide, épousa Sanche, seigneur d'Aure, fils d'Arnaud I,
vicomte de la Barthej l'autre, appelée Pétronille, fut mariée à Centulle II,
comte d'Astarac.
LXXXII. — Pierre, roi d'Aragon, épouse Marie, &• unit par là la seigneurie
de Montpellier à son domaine.
Par ce divorce Marie, étant libre de se remarier, épousa bientôt après ,.'in°p'^i"5
Pierre, roi d'Aragon. Leur contrat de mariage fut passé^ dans le cimetière de
la maison du Temple de Montpellier, le 5 de juin de l'an 1204^ : dans cet
acte Marie se constitua en dot la ville de Montpellier, les châteaux de Lates,
de Montferrier, d'Omelas, Sec, S<. généralement tous les domaines qui avoient
appartenu à feu Guillaume, son père, & les substitua en faveur du premier
enfant mâle qui naîtroit de son mariage avec le roi d'Aragon. Ce prince
assigna de son côté, pour le douaire de Marie, tout le comté de Roussillon,
depuis la fontaine de Salses jusques à la Cluse^,, pour en jouir pendant sa vie,
si elle lui survivoit. Pierre lui promit en même temps par serment « de ne
« la répudier jamais, de n'en épouser aucune autre pendant sa vie, 8t de ne
« rien aliéner des domaines de Montpellier qu'elle s'étoit constitués en dot. »
Il donna pour ses cautions le comte Sanche (son oncle), Alfonse, comte de
Provence, son frère, Guillaume de Baux 8<. Hugues, son frère, Rousselin,
vicomte & seigneur de Marseille, Pierre d'Ami, 8tc., lesquels firent tous un
pareil serment. Gui, prévôt de Maguelonne, 8v les principaux habitans de
Montpellier furent présens ; il est remarquable qu'entre ces habitans, Pons
de Vallauquez, Bertrand, son fils, & Pierre d'Estang, qui sont qualifiés che-
valiers, ne sont nommés qu'après quelques autres qui prennent le titre de
juriconsultes (causidicï) ou iX avocats. Le roi d'Aragon, pour se concilier la
' Innocent m, I. i5, EpUt. 121. ' Dom Vaissete se trompe; l'acte est d.iié du
* Gulllelmii» de Podio L.iurentii, Chronieon , i.Ojuin 1 204. Conférez M. Germain, Commani- <<<
c. II. — Catel, Mémoires Je l'histoire Au Langue- Montpellier, 1, pp. 267 à 269. [A. -M.)
doc, p. 669 8c SuiY. — D'Achcry, Spicilegium, t. 8, ' Marat Hispaniea, ce. 1 81 62.
p. lia & seq.
An i:
214 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
bienveillance des mêmes habitans, promit' alors, par serment, de conserver
leurs usages 6<. leurs coutumes. Deux jours après ^, le roi Pierre prêta serment
de fidélité à Guillaume, évêque de Maguelonne, dans l'église de Notre-Dame
de Montpellier, Se lui fit hommage pour la seigneurie de cette ville, en pré-
sence d'une" grande assemblée, à laquelle se trouvèrent Raimond, comte de
Toulouse, Bernard d'Anduze, Guillaume de Baux (prince d'Orange) &c
Hugues, son frère, AU'onse, comte de Provence, le comte Sanche Se tous les
principaux de Montpellier.
Nous inférons de là : 1° Que Raimond, comte de Toulouse, se trouva à la
célébration des noces du roi d'Aragon avec Marie, Se f|ue ces princes, que
Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, avoit nommés dans son testament
pour être les protecteurs & les défenseurs de ses enfans du second lit, aban-
donnèrent entièrement les intérêts de ces enfans, de même que Gui, prévôt
de Maguelonne, qu'il avoit nommé aussi pour la même fonction, Se qui hit
présent au contrat de mariage du roi Pierre avec Marie. :° Qu'Agnès, veuve
de Guillaume de Montpellier, fut obligée de quitter cette ville Se de se retirer
ailleurs avec ses enfans; mais il paroît qu'une partie des habitans de Mont-
pellier leur demeurèrent fidèles Se que ce tut le motif pour lequel le roi
d'Aragon proscrivit vers le même temps plusieurs de ces liabitans; nous ver-
rons d'ailleurs qu'il s'éleva alors divers troubles dans cette ville qui ne finent
causés, suivant toutes les apparences, que par l'attachement de ceux qui
tenoient le parti des enfans de Guillaume.
LXXXIII. — Pierre i- Marie font rédiger les coutumes de Montpellier
6* les confirment,
Pierre, roi d'Aragon, Se Marie firent quelque séjour à Montpellier après
leur mariage. Se ils y approuvèrent' conjointement, au mois d'août de
l'an 1204, les coutumes de cette ville qu'ils avoient fait rédiger pour en fixer
l'observation à l'avenir. Suivant ces coutumes, le seigneur de Montpellier
avoit pour chef de la justice dans cette ville un baile ou bailli qu'il chan-
geoit tous les ans. Cet officier choisissoit lui-même ses assesseurs, savoir : le
sous-baile, le juge, le vice-juge ou viguier, le greffier ou notaire, Sec, les-
quels n'étoient aussi qu'un an en charge. La ville étoit alors partagée en
sept quartiers, qu'on appeloit échelles, Se on continuoit de travaillera l'en-
tourer de murailles aux dépens des habitans. E.Wc étoit gouvernée par douze
des principaux d'entre eux, nommés consuls, qu'on élisoit tous les ans, qui
' Coutumes Je Montpellier; Mis, de Colhert, archéologique de Montpellier, & d'après deuk
n. 4936. manuscrits, de Paris (lat. 4666^ & de la facilité
' Tome VIII, Chartes, n. LXXXI, ce. 522, 523. de médecine de Montpellier, par M. Giraiid, dans
3 Coutumes Ae Montpellier ; Mss, de Culècrt, son Essai sur l'histoire du droit frani^ais, I, pr. 4*/
H. 4q36. ^— Thalamus ou Coutumes de Montpcl- & suiv.; enfin par M. Teulet, Layettes du Trésor,
lier. Ces coutumes de Montpellier ont été suc- t. 1, p. 205 & suiy. d'après une excellence copio
cessivement publiées en latin & en provençal du treizième siècle conservée aux archives natio-
âans le Petit ThalamAs, édition de la Société nales, J. 33p, n. 23. [A. M.]
ÎIISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX. iiT)
avoient soin de la police Si qui étoient comme les conseillers du gouverneur
ou lieutenant, à qui le seigneur de Montpellier coniîoit le soin de cette ville
pendant son absence. Le gouverneur ne pouvoit rien statuer touchant l'admi-
nistration de la ville sans l'avis de ces douze consuls, ni nommer le baile, en
l'absence du seigneur, que de leur conseil. Le seigneur n'avoit à Montpellier
aucun droit de taille, de quête, ni de prêt, sans la volonté & le consentement
des habitans qui étoient exempts de péage dans tous ses domaines; il y est
marqué enfin qu'on suivroit le droit écrit en tout ce qui n'étoit pas spécifié
dans ces coutumes.
Le roi d'Aragon les confirma après les avoir fait examiner & en avoir con-
féré avec plusieurs personnes savantes. 11 se rendit pour cela, le i5 d'août de
l'an 1204, dans l'église de Notre-Dame de Montpellier, & là, en présence de
tout le peuple de la ville qui s'y étoit assemblé, il promit solennellement,
tant pour lui que pour ses successeurs, de les observer fidèlement, avec ordre
à sa cour de Montpellier d'y conformer à l'avenir ses jugemens, 8c, à leur
défaut, de suivre le droit écrit. Il fît sceller de son sceau en plomb l'acte de
cette confirmation dans lequel il se qualifie roi d'Aragon, comte de Barce-
lone 6- seigneur de Montpellier. Il excepte cependant de ces privilèges dans
le même acte « tous ceux qu'il avoit exilés de Montpellier 8< de tout le
« domaine qui avoit appartenu à feu Guillaume, seigneur de cette ville, fils
« de la duchesse MathiKle, parce que, ajoute-t-il, ayant eu connoissance de
« leurs fautes, dans le temps que la seigneurie de Montpellier m'est échue,
K j'ai fait serment de ne jamais permettre qu'ils reviennent dans le pays, à
« la demande du peuple de cette ville. » // ordonne ensuite 6* enjoint à la
reine, sa femme, de confirmer ces coutumes de la même manière, soit avec
lui, soit sans lui, lorsqu'elle en sera requise par les habitans, auxquels il
ordonne de promettre de leur côté de les observer « sous le même serment
« c[u'il leur avoit fait de les garder lui-même dans la maison de la Milice
(( de Montpellier, lorsque la seigneurie de Montpellier lui ttoit échue, » St
il renouvela ce serment en présence de Gui, prévôt de l'église de Mague-
lonne '.
La confirmation de Marie est postérieure de quinze jours, sans que nous
en sachions la raison. L'acte qu'elle en donna est daté du 28 d'août suivant,
de la chambre du château de Montpellie»". Marie s'y. qualifie reine d'Aragon,
comtesse de Barcelone 6- dame de Montpellier, femme de Pierre, roi d'Aragon,
6» fille de Guillaume de Montpellier. Elle déclare qu'elle confirme ces cou-
tumes de sa propre volonté iy par le commandement dudit roi, son seigneur.
Elle se sert des mêmes termes S< fait le même serment que ce prince.
' Nous ne pouvons ici analyser ces coutumes de le prix de l'appui accordé au nouveau souverain
Montpellier, qui contiennent cent vingt-trois par les habitants. Mais si elles innovent au point
articles & sont des plus importantes; elles furent de vue politique, il n'en est pas de même au
empruntées textuellement à Montpellier par plu- point de vue civil j c'est plutôt, pour cette der-
lieurs villes. Rappelons seulement qu'elles consa- nière partie, la codification & la rédaction d'an-
craient l'abdication définitive du pouvoir sei- ciens usages. [A. M.]
gncurial en faveur des consuls, & qu'elles furent
An 1204
An 1104
216
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XX.
LXXXIV. — Voyage du roi d'Aragon à Rome où il est couronné
par le pape.
On a déjà dit que Pierre, roi d'Aragon, avoit formé alors le dessein de
faire le voyage de R.ome; c'étoit pour s'y faire couronner roi par le pape
Innocent III. Dans cette vue il partit' pour la Provence S<. se rendit à Mar-
seille, où il fit son testament^, le 4 d'octobre de l'an 1204. 11 déclare dans
cet acte qu'étant résolu d'aller visiter le tombeau des saints Apôtres, il fait sa
dernière disposition par laquelle il institue pour son héritier le fils qui naîtra
du mariage qu'il avoit contracté, & substitue à ce fils Alfonse, comte de Pro-
vence, son frère, même en cas qu'il eût une fille, à laquelle il se contente de
léguer la somme de six mille marcs d'argent en dot. Il laisse la reine Marie,
sa femme, sous la protection du même comte de Provence, son frère, qu'il
charge de prendre soin des affaires de cette princesse avec le conseil des che-
valiers 8c des prud'hommes de Montpellier. Pierre s'embarqua^ ensuite sur
cinq galères avec toute sa suite composée, entre autres, du comte Sanche, son
oncle, de l'archevêque d'Arles, du prévôt de Maguelonne, d'Hugues de Baux"^,
de Rousselin, vicomte de Marseille, &C. Il passa à Gênes 8t se rendit enfin à
Pv.ome, où Innocent lui fit des honneurs infinis 81 le couronna solennellement
roi d'Aragon, le 11 de novembre suivant. La veille de son couronnement, il
fit serment^ au pape de lui être obéissant Si à ses successeurs, de défendre la
foi catholique 8c de poursuivre les hérétiques. Ces sectaires avoient alors fait
de grands progrès dans la Province, où ils donnèrent occasion à une guerre
des plus sanglantes. Nous en allons rapporter les circonstances dans le livre
suivant''.
' Gesta comltum Barcinonensium, c. 24. — Gesta
Innocent. III, c. 120 & seq.
' Bouche, Description de la Provence, t. 2,
p. 160.
' Gcsta Innocent, III, c. 1 2o & seq.
^ Innocent III, 1. 6, Epist. 229.
■■ Gariel, Séries praesulum Ma^alonemiuni , p. 27.^.
— Bouche, La chorograpkic ou description de ta
Provence, p. |63.
' C'est probablement à cette même année 1204
que l'on doit rapporter la rédaction définitive des
anciennes coutumes de Carcassonnc (Teulet, t. 1,
p. 272 & suiv.). En effet, elles sont postérieures
aux djutumes de Montpellier de 1204. qu'elles
reproduisent presque entièrement, & antérieures à
12C9, date de la croisade contre les albigeois; car
elles ne parlent ni du comte de Montfort, ni du
roi de France. On n'en connaît plus qu'un ma-
nuscrit du milieu du treizième siècle, celui que
Teulet a employé. Elles avaient déji été publiées,
d'après ce même manuscrit, par M. Cros-Mayre-
vielle, dans les Mémoires de la Société des arts
& sciences de Carcassonne, t. 1, pp. 177 à 2o5j
dans le même volume on trouve une ancienne
traduction en langue vulgaire, qui doit dater du
quatorzième siècle, mais dont nous ignorons la
provenance. Sauf les douze ou treize derniers
articles, cette coutume est la reproduction tex-
tuelle des principaux articles de la coutume de
Alontpellicr, mutalis mutjndis. Beaucoup d'arti-
cles sur le droit co:iim:rcial ont notamment été
supprimés. [A. M.J
*> >»
m:mmmMmmBM:mm:m:mw:mpmm^mm
LIVRE VINGT ET UNIEME
1. — Progrès de l'hérésie dans la Province.
TOUTES les missions qu'on entreprit au douzième siècle pour la con- , 'j'J|'"''8;",-
version des hérétiques qui s'étoient répandus en divers endroits de la
Province n'eurent qu'un fruit passager. Saint Bernard, qui le premier An 1204
employa son zèle dans le Toulousain Si l'Albigeois contre ces sectaires, les
obligea à la vérité pour la plupart, en 1147, à renoncer à leurs erreurs, soit
par la force de son éloquence, soit par les divers prodiges que Dieu opéra
par ses mains; mais ils les reprirent bientôt après. I-a mission que le cardinal
de Saint-Chrysogone fit en 1178, dans les mêmes pavs, n'eut pas un succès
plus heureux, malgré les soins qu'il se donna pour taire une recherche exacte
de ceux qui s'étoient laissés séduire : les pénitences sévères qu'il imposa à
ceux qui turent convaincus, & la confiscation de leurs biens qui s'ensuivit,
ne firent qu'irriter' les esprits, & ne changèrent rien à la disposition des
cœurs. Enfin le cardinal Henri, évêque d'Albano, étant venu en ii8i dans
le haut Languedoc, à la tête d'un corps de troupes, pour réduire les héré-
tiques, autant par les armes que par la persuasion, fit d'abord quelques foibles , 'in "'^'"'"jj
progrès; mais il n'eut pas plutôt terminé son expédition que, la crainte ne
taisant plus d'impression sur les peuples, ils prêtèrent l'oreille comme aupa-
ravant aux discours séducteurs de leurs faux apôtres, 6t que l'erreur, au lieu
de diminuer, ne fit que prendre de nouvelles forces.
On se contenta depuis, en c^uelques conciles qui furent tenus dans la Pro-
vince ou ailleurs, entre autres dans celui de Montpellier*, assemblé en 119^,
d'anathématiser les hérétiques & d'ordonner que leurs biens seroicnt con-
' Nicolas Trivet, Chronicon, anw, 1178. ' B^luzc, Concilia Narhoncnsis frovinciae, p. jO.
An 120.J
2i8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXÎ.
risqués, conformément au concile de Latran de l'an 117g. "Les légats ordi-
naires, que les papes eurent soin d'envoyer dans le pays depuis le pontificat
d'Alexandre III, firent leurs efforts de leur côté pour ramener ces sectaires,
& plusieurs ecclésiastiques employèrent' leur plume à réfuter leur doctrine
perverse. Nous avons déjà parlé du traité que maître Alain, religieux de
Cîteaux Si auparavant évêque d'Auxerre, composa contre eux, vers la fin du
douzième siècle, & qu'il dédia à GuillaumeVIII, seigneur de Montpellier.
Bernard, abbé de Fontcaude, de l'ordre de Prémontré, dans le diocèse de
Narbonne, se mit aussi sur les rangs 8<. donna, vers le même temps, un traité
contre les vaudois & les ariens^ car on ne connoissoit pas encore^ le nom
d'albigeois sous lequel tous ces hérétiques furent ensuite compris.
II. — Erreurs des vaudois ^ des autres hérétiques. — Assemblée ou concile
de Narbonne. — Origine de l'abbaye de Fontcaude.
L'abbé de Fontcaude^ dit, dans cet ouvrage, que les hérétiques qu'il réfute
avoient commencé à répandre leurs erreurs sous le pontificat du pape Luce,
ce qu'on doit entendre sans doute de Liice II St non de Luce III, comme on
le prétend, à moins qu'il ne veuille parler que des vaudois; car il est certain
que les henriciens, qtii sont les mêmes que les hérétiques qu'il appelle ariens,
firent de grands progrès dans la Province au milieu du douzième siècle. Il
ajoute que Bernard, archevêque de Narbonne, prélat, dit-il, rempli de piété
& de religion & extrêmement zélé pour les intérêts de Dieu & l'honneur de
l'Égli-se, s'opposa comme un mur d'airain à leurs erreurs; qu'ayant convoqué
une grande assemblée, composée d'ecclésiastiques séculiers & réguliers, 8c de
laïques, il les y fit citer, &, qu'après un examen très-sérieux, ils furent con-
damnés. Bernard, archevêque de Narbonne, n'est pas différent de Bernard
Gaucelin qui posséda cet archevêché depuis l'an 1181 jusqu'en 1191; ainsi
on peut juger par là à peu près de l'époque de cette assemblée. L'abbé de
Fontcaude rapporte de plus que, malgré cette condamnation, les hérétiques
continuèrent à répandre leur venin en public 8c en particulier; que cela
engagea plusieurs ecclésiastiques 8c laïques zélés à entreprendre de les con-
vaincre de nouveau dans une autre assemblée; que, pour abréger la dispute,
les deux partis convinrent de choisir pour juge un prêtre nommé Raimond
de Daventer, homme également religieux 8c craignant Dieu, Se d'une nais-
sance très-illustre, mais encore plus distingué par ses mœurs 8c par sa con-
duite. Le jour marqué, dit cet abbé, les catholiques 8c les hérétiques s'étant
assemblés, les premiers proposèrent les chefs d'accusation qu'ils formoient
contre les autres; ceux-ci fournirent leurs reproches Se on disputa longtemps
de part 8c d'autre. Enfin Raimund de Daventer, avant pesé les raisons des
deux cotés, prononça que les hérétiques erroient sur tous les chets qu'on
' BibUothcca. Patrum, t. 24, &c. [Cf. livre XX, ' Voyez tome VII, Note XIII, pp. 34, 37, [&
p. 2o5, note 1.] nos observations à ce sujet, iiij,^
' Bihliothcca Pairum, t. 24, p. l585 & seq.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC, LIV. XXI. 210 " "
y An 1204
avoit produits contre eux. L'abbé de Foiitcaude, qui avoit été sans doute
présent à la conférence, résolut alors de rédiger par écrit les diverses autorités
dont on s'étoit servi pour & contre, afin, dit-il, de faire voir les f'ondemens
solides sur lesquels la foi catholique est appuyée & pour servir d'instruction
à plusieurs ecclésiastiques qui, par ignorance ou par défaut de livres, négli-
geant de résister aux sectaires, sont devenus un sujet de scandale aux fidèles.
C'est ce qui fait le sujet du traité de cet abbé, divisé en douze chapitres,
dans lesquels il expose les principales erreurs des hérétiques & donne des
armes pour les combattre. Ces erreurs étoient : 1° Qu'il ne falioit pas obéir
au pape Se aux autres prélats. 2° Que les pasteurs n'avoient aucune autorité.
3^ Que les simples laïques, 8<. les femmes mêmes, étoient en droit de prêcher
l'Évangile. 4° Que les prières des fidèles 8c les autres bonnes œuvres n'étoient
d'aucun secours pour les morts. 5° Qu'il n'y avoit pas de purgatoire Si que
l'âme, étant séparée du corps, alloit tout droit ou en paradis ou en enfer, ou, , 'îf, "'''";";,
selon d'autres, que les justes après leur mort n'alloient ni au ciel, ni en
paradis avant le jugement dernier; mais que leurs âmes étoient reçues en
attendant dans d'autres endroits. 6° Enfin qu'on ne devoit pas prier dans les
temples matériels, auxquels il ne falioit pas donner le nom d'église. Nous
dirons ici, par occasion, qu'il résulte de ce traité que l'abbaye de Fontcaude
subsistoit avant la fin du douzième siècle. Nous apprenons d'ailleurs qu'elle
étoit déjà fondée' dès l'an 1172, c'est tout ce que nous savons de son origine.
Elle est comprise aujourd'hui dans le diocèse de Saint-Pons 8c située à un
quart de lieue de la rivière d'Orb, sur les frontières des diocèses de Narbonne
&c de Béziers.
On assure^ que les hérétiques ne firent tant de progrès dans la Province
que par la négligence des princes séculiers Si des évêques qui, loin de les
réprimer, souffrirent qu'ils eussent des prêches 8t des cimetières publics, qu'ils
possédassent de grands biens dans le pays 8c qu'ils y eussent des établisse-
mens considérables. Un auteur -^ presque contemporain remarque qu'ils
n'étoient pas tous uniformes dans leur doctrine, que les uns étoient ariens,
les autres manichéens Se enfin les autres vaudois ou lyonois, Si que ceux-ci
disputoient vivement contre les premiers. Pour comble de malheur, ajoute-t-il,
le pa}S étoit alors rempli de différentes sortes de brigands, de routiers, de
voleurs, de malfaiteurs 8c d'usuriers manifestes; la plupart des séculiers
méprisoient tellement' les ecclésiastic[ucs qu'ils les regardoient pires que les
juifs, Se qu'ils disoient communément par imprécation : J'aimerois mieux être
prêtre que d'avoir Jliit telle chose. Les ecclésiastiques, de leur côté, n'osoient
se montrer en public, à cause de la haine qu'on leur portoit, 8c tâchoient de
déguiser leur état en cachant leur couronne qu'ils couvroient avec leurs che-
veux de derrière la tête, Les nobles Si les chevaliers destinoient rarement
leurs entans à l'état ecclésiastique 8c ne préscntoient aux évêques, pour des-
' Gall'ia Chriit'iana, nov. eJ. t. 6. ' Guillelnuis de Podio Laurentii, Cltron'icoii ,
' Cuillelmiis <ls Podio Laurtncii , Chrtnico'i , pratPat Si cap. (>•
p.-nsfat & cap. 6. ^
An 1204
2 20 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
servir les églises de leur domaine ou dont ils percevoient les dîmes, que les
fils de leurs fermiers ou de leurs domestiques^ en sorte que les évêques étoient
obligés d'ordonner les premiers venus ; enfin la noblesse suivoit librement
telle secte qu'elle vouloit cboisir, & les liérétiques étoient en si grande véné-
ration, qu'outre qu'ils étoient exempts de taille, de guet St de garde, la plu-
part des legs pieux que faisoient les mourans leur étoient destinés, & que
leurs maisons servoient d'asile assuré à tous ceux qui étoient en guerre contre
leurs'ennemis. Telle est la triste peinture que fait cet auteur de l'état déplo-
rable où étoit la Province à la fin du douzième siècle.
Cet historien fait mention, dans la suite', d'un fameux hérésiarque, nommé
maitre Sicard, surnommé Cellérier, qui dogmatisoit dans le château de Lom-
bers, en Albigeois. Il ajoute que les chevaliers 8c les bourgeois qui l'habi-
toient faisoient tant de cas de ce novateur qu'ils défièrent Guillaume, évêque
d'Albi, d'entrer en dispute avec lui; mais, dit-il, ce prélat le convainquit
aisément d'erreur, sans avoir cependant assez d'autorité pour l'empêcher de
demeurer en ce lieu S<. d'y dogmatiser.
Le Toulousain n'étoit pas moins infecté que l'Albigeois, & Fulcrand,
évêque^ de Toulouse, ne pouvant se faire payer des dîmes de son église,
étoit obligé de mener la vie d'un simple bourgeois & de plaider^ contre son
chapitre pour avoir du moins le revenu d'une simple prébende, afin d'avoir
de quoi subsister : les guerres particulières qui régnoient dans le pays ne lui
permettoient pas d'ailleurs de faire la visite de son diocèse sans être accom-
pagné d'une escorte.
Les hérétiques firent aussi de grands progrès dans les domaines du comte
de Foix Se dans ceux de Raimond-Roger, vicomte de Béziers & de Carcas-
sonne. On a déjà vu qu'il y avoit un grand nombre de vaudois à Béziers
lorsque Bertrand de Saissac, tuteur de ce jeune vicomte, fit, en iiga, une
promesse solennelle de les chasser de cette ville; mais, bien loin de l'exécuter,
il fut lui-même'* un des plus zélés sectateurs des hérétiques, & ils devinrent
si puissans dans le diocèse de Béziers que le vicomte-' fut obligé d'accorder,
en i2o3, aux chanoines de la cathédrale la permission de fortifier l'église de
Saint-Pierre du Bois, de crainte qu'ils ne s'en emparassent.
Éd. origin. Ce ne fut pas seulement dans le Languedoc que Ihérésie prit de nouvelles
t. lii, p. i3o. , * , . '^ , * '
forces à la fin du douzième siècle. Elle fit vers le même temps des progrès
étonnans dans la plupart des autres provinces du royaume Se même dans les
pays étrangers, entre autres en Italie'', en Flandres, en Lorraine & en Alle-
magne. Elle se répandit surtout dans-' le Nivernois, où un de ses suppôts,
nommé Thierri, fut brûlé en 1198. On brûla aussi dans ce pays, trois ans
' Giiilleliniis de Podio Laureutii, Chronicon , nullement question d'hérétiques, mais de gens de
praefat & cap. 4. guerre en général. Voyez plus haut, p. 208.
• nu. cap. 6. [A. M.)
' Catel, Mémoires, p. 889. ' Guillelmus Neubrigensis, 1. 2, c. ij. — Cf.
* Pierre de Vaux-Cernay, c. 2. Pag'- •'•d ann. 1179, n. 6 & soq.
'Andoque, Catalogue des cvê<iues Je Béliers, ' Robsrtus Altissiodorensis, CAronicoK.
p. 7J. — Dans l'acte dont il s'agit ici, il n'est
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
221
après, un autre hérétique appelé Évraud : c'étoit un chevalier à qui le comte
de Nevers avoit donné toute sa confiance Se qui avoit un neveu chanoine de
Nevers, nommé Guillaume. Celui-ci, aussi gâté que son oncle', se retira
après sa condamnation dans la province de Narbonne, où il fut extrêmement
honoré par les hérétiques, « tant à cause de son esprit, dit un auteur du
« temps, que parce qu'il avoit été instruit en France où étoit la source de la
« science & de la religion. » On brûla ^ encore huit de ces hérétiques à
Troyes en Champagne, l'an 1200.
Ces sectaires passèrent d'un autre côté les Pyrénées & cherchèrent à s'éta-
blir en Aragon 8<. en Catalogne; mais le roi Pierre II, qui régnoit alors dans
ces provinces, fit publier, en ii97,un^édit très-sévère contre les vaudois,
qu'on nommoit vulgairement sabbatatï, & qui se taisoient appeler pauvres
de Lyon, S<. leur ordonna de sortir de ses États dans un certain temps, à
peine d'être brûlés vifs & de confiscation de leurs biens'*. ,
Âii r ;
' Pierre de Vnux-Ceriiay, c. 3.
* Albcric, Chronicon.
' Marco. Hispanica, c. 1384 & iu'fr.
* L'hjriaie albigeoise, qui se développa surtout
dans le Languedoc, grâce à l'éiat politique de ce
pays qui favorisait ses progrès, fut beaucoup plus
répandue que ne le croit dom Vaissete, dans les
autres pays de l'Europe. C'est ce que M. Schmidt
prouve dune façon péremptoire dans son Histoire
Jes albigeois, que nous avons déjà citée plus d'une
fois. On a déjà vu (pp. 1 & z) que ce savant la
faisait naître dans les pays slaves de. l'Europe
orientale restés longtemps païens, & où des cir-
constances toutes pariiculièrcs favorisaient le dé-
veloppement de ces doctrines hétérodoxes. De là
elle prit tout naturellement sa route par l'Italie,
& au milieu du onzième siècle, vers io3.5, elle
était assez répandue dans la Lombardie pour que
l'Eglise dut exercer contre elle une longue répres-
sion. Un grand auto-da-fé «ut lieu à Monteforte
(Schmidt, I, p. 21 & suiv.), & les papes purent
croire^qu'ils avaient écrasé les ennemis de la foi j
vers le même temps périssaient à Orléans (loiz)
une partie des sectaires de France, qui tenaient
leur doctrine de ceux d'Italie. Mais l'auteur plus
haut cité prouve que ces doctrines continuèrent
à se propager, profitant des soucis de tous genres
qui détournaient ailleurs l'attention de la cour
romaine; pendant le reste du onzième & pendant
tout le douzième siècle, une foule de textes men-
tionnent l'existence de petites églises hérétiques
dans la plupart dis villes du nord de la pénin-
sule. C'est sans doute à cette époque que le ma-
nichéisme pénétra dans le midi de la France, qui
entretenait avec les républiques italiennes des re-
lations commerciales & politiques si actives. En
même temps les missionnaires hérétiques parcou-
raient le nord de la France, &, dès le commence-
ment du douzième siècle, on signale leur présence
en Champagne, en Picardie & en Flandre(I, p, 41).
Ces premiers sectaires font surtout des prosélytes
parmi les ouvriers, les gens de la basse classe que
frappaient davantage les vices 8t l'ignorance, alors
trop fréquents dans le bas clergé. De iii3 à 112.)
a lieu, dans les pays rhénans, la grande insur-
rection de Tanquelin; en ii5o, un soulèvement
analogue, dirigé par un certain Eon ou Eudes de
Stella, agite la Bretagne. Enfin à Cologne, en
1146, on trouve mentionnée une nouvelle église
de cathares (I, p. i53). Toutes ces églises, & sur-
tout celles de l'Italie & du midi de la France,
avaient des relations continuelles avec l'Orient,
avec les hétérodoxes bulgares, & il n'était pas de
ville en Italie qui ne contînt quelques partiians
de la nouvelle foi. En 1134, nous voyons brûler
plusieurs hérétiques à Vézelay (1, p. 87); d'autres
résident à Besançon. En 1170, ceux de Reims
subissent une terrible répression de la part de
l'archevcque Henri; d'autres poursuites qui ont
lieu en Flandre, amènent de grandes émigrations
vers l'Allemagne. Seule l'Angleterre resta isolée,
& l'Allemagne ne fut guère entamée que du côté
de Cologne. Toutes ces églises cathares furent du
reste facilement dispersées; ce fut dans le Midi
que la nouvelle secte put jouer un rôle politique.
Nous verrons plus tard qu'elle survécut long-
temps à la croisade de 1209, car In répression
continua durant presque tout le treizième siècle
en Italie. [A. M.]
An 120-j
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV, XXI.
III. — Le pape Innocent III nomme des commissaires contre
ces sectaires.
De si grands maux enflammèrent le zèle d'Innocent III. Ce pape fut à peine
monté sur la chaire de saint Pierre que l'archevêque d'Auch l'ayant informé
des progrès que les hérétiques faisoient dans la Gascogne Si les pays voisins,
il exhorta ce prélat, le \" d'avril' de l'an 1198, à agir vivement de concert
avec ses suffragans pour les faire chasser du pays de crainte qu'ils n'achevas-
sent de l'infecter, 8c à recourir pour cela, s'il étoit nécessaire, aux armes des
princes Si des peuples. Il écrivit^, le 21 du même mois, une lettre circulaire
aux archevêques d'Aix, Narbonne, Auch, Vienne, Arles, Embrun, Tarra-
gone Si Lyon, à leurs suffragans, Si aux princes, barons, comtes Si peuples
du pays pour leur notifier qu'ayant appris que \e%vaudois, cathares, patarins
S-; autres hérétiques répandoient leur venin dans ces provinces, il avoit nommé
frère Raynier, personnage d'une vie exemplaire, puissant en œuvres 81 en
paroles, Si frère Gui, homme craignant Dieu 8< appliqué aux oeuvres de cha-
rité, pour commissaires contre ces hérétiques. 11 les prie de procurer à ces
deux religieux tous les secours dont ils auroient besoin Si de les aider de
tout leur pouvoir, soit à ramener les sectaires, soit à les chasser s'ils refu-
soient de se convertir. Il enjoint en même temps à ces prélats de recevoir 8c
d'observer inviolablement tous les statuts que frère Raynier feroit contre les
hérétiques, avec promesse de les confirmer lui-même. 11 leur ordonne enfin
de faire garder les sentences d'excommunication que ce commissaire pronon-
ccroit contre les contumaces. « Outre cela, ajoute Innocent, nous ordon-
nons aux princes, aux comtes, Si à tous les barons 6- grands de vos pro-
vinces, Si nous leur enjoignons, pour la rémission de leurs péchés, de traiter
favorablement ces envoyés Si de les assister de toute leur autorité contre les
t hérétiques; de proscrire ceux que frère Raynier aura excommuniés, de
confisquer leurs biens Si d'user envers eux d'une plus grande rigueur s'ils
persistent à vouloir demeurer dans le pays après leur excommunication.
Nous lui avons donné plein pouvoir de contraindre les seigneurs à agir de
la sorte, soit par l'excommunication, soit en jetant l'interdit sur leurs terres.
Nous enjoignons aussi à tous les peuples de s'armer contre les hérétiques
lorsque frère Raynier 81 frère Gui jugeront à propos de le leur ordonner,
Se nous accordons à ceux qui prendront part à cette expédition pour la con-
'.' servation de la foi, la même indulgence que gagnent ceux qui visitent
l'église de Saint-Pierre de Rome ou celle de Saint-Jacques. Enfin nous
avons chargé frère Raynier d'excommunier solennellement tous ceux qui
favoriseront les hérétiques dénoncés, qui leur procureront le moindre
secours ou qui habiteront avec eux, 81 de leur infliger les mêmes peines.
'Innocent III, l. i, Epht. 8i. — [Potthast,
n. 69. J
'Innocent III, !. i, Epht. 9^. — [Potthast,
n. 9Ô.]
■ HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI. 2 23 ~
An 1 204
IV. — Origine de l'inquisition.
Frère Ravnier & frère Gui étoient deux religieux de l'ordre de Cîteaux. l 'Vii ""^'"i"',
Ils turent les premiers qui exercèrent dans la Province les fonctions de ceux
qu'on nomma depuis inquisiteurs. Ainsi c'est proprement à cette commission
qu'on doit rapporter l'origine de l'inquisition qui fut établie dans le pays
contre les albigeois & qui passa dans la suite dans les provinces voisines S<
les pays étrangers. Un célèbre historien' de nos jours fait remonter un peu
plus haut cette origine; il la rapporte au décret que le pape Luce III fit
en II 84, dans le concile de Vérone, pour ordonner aux évêques de recher-
cher, soit par eux-mêmes, soit par des commissaires, toutes les personnes sus-
pectes d'hérésie ; de décerner des peines différentes aux pénitens Se aux relaps,
8c enfin, après avoir employé les peines spirituelles contre les coupables, de
les abandonner au bras séculier. D'autres prétendent^ que le tribunal de
l'inquisition ne commença que lorsque le pape Innocent III dépouilla,
en 1204, les évêques de leur pouvoir 6< de leur juridiction ordinaire sur les
albigeois pour les transférer à frère Pierre de Castelnau 8c aux autres légats,
ses collègues, qu'il envoya alors dans la Province.
V. — Légation de frère Raynler i- de jrère Gui. — Evêques de Carcassonne.
Quoi qu'il en soit, le pape, peu de temps après avoir nommé frère Raynier
8<. frère Gui ses commissaires contre les hérétiques, envoya le premier en
K.spagne pour quelques affaires importantes dont il le chargea, en sorte que
frère Gui resta seul. Il écrivit", le i3 de mai de l'an 1198, aux mêmes prélats,
auxquels il avoit déjà recommandé ces deux religieux pour leur ordonner
d'obéir entièrement au dernier. Frère Raynier, étant de retour dans la Pro-
vince à la fin de l'année, le pape lui écrivit, le'* 23 de décembre, de même
qu'à frère Gui, son collègue, 8c à l'archevêque de Narbonne. Il leur marque
que l'évêque de Carcassonne, lui ayant demandé permission de se démettre
de son évêché, à cause de son grand âge qui le mettoit hors d'état d'avoir
soin du spirituel 8c du temporel de son église, surtout dans les circonstances
présentes oîi les hérétiques avoient séduit la plupart de ses diocésains, les-
r uels refusoient d'écouter les ministres de la .parole de Dieu, ils eussent à
1 'cevoir sa démission s'il éloit en effet hors d'état d'agir, avec ordre, dans ce
cas-là, de permettre aux chanoines de la cathédrale d'élire en sa place un
digne évêque capable de rappeler les errans. Il leur enjoint enfin d'employer
' Fleury, Histoire eccUiiastiijue, I, y3, n. 04. inander aux évêques d'user contre les hérétiques
' Henriquez, Annales Cistercienses, ad an. 1204, des droits de juridiction spirituelle qu'ils avaient
c. 3. — Cette seconde opinion semble la plus toujours possédés. [A. M.]
ex.Tcte; en effet, l'inquisition est à proprement 'Innocent III, 1. 1, Epist. i63.' — [Potthast,
pnrler un tribunal extraordinaire, & les canons n. 169.]
du concile de Vérone n'avaient fait que recom- ^ îbii. 1. i, Epist. 494. — [Potthast, n. î>o.\
In 1204
224
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
toute sorte de moyens pour chasser les hérétiques de la province de Nar-
bonne.
L'évêque de Carcassonne, qui demandoit à se démettre s'appeloit Othon
8< possédoit cet évêché au moins depuis l'an 1170. On prétend qu'il l'occu-
poit encore après l'an ' 1200, ce qui prouveroit qu'on ne reçut pas sa démis-
sion. Ce qu'il y a de certain, c'est que Bérenger, son neveu, archidiacre de
la cathédrale, desservie alors par les chanoines réguliers, lui avoit succédé*
dès l'an 1202. On ajoute^ qu'Othon donna à Guillelmette, religieuse de
l'ordre de Cîteaux, le lieu de Rieunette, dans son diocèse, où elle fonda un
monastère de son ordre, dont elle fut la première abbesse. Bérenger, évêque
de Carcassonne, exerça son zèle contre les hérétiques de cette ville qu'il
tâcha de ramener : il leur"* prêcha un jour entre autres, avec beaucoup de
force, leur reproclia leurs erreurs Si leur prédit tous les malheurs qui leur
arrivèrent; mais il avoit à faire à des sourds volontaires qui, loin de déférer
à ses exhortations, entrèrent en fureur contre lui, le chassèrent de la ville Se
firent publier à son de trompe une défense très-rigoureuse d'avoir aucun
commerce avec lui.
Le pape honora, au mois de juillet de l'an 1199, frère Raynier qui, jus-
qu'alors, n'avoit exercé que la fonction de simple commissaire, de celle de
son légat dans les provinces d'Embrun, Aix, Arles fit Narbonne, 8<.^ ordonna
aux métropolitains de ces quatre provinces de le recevoir comme légat à latere
8i comme sa propre personne; d'observer religieusement toutes ses ordon-
nances Si de l'aider principalement à extirper l'hérésie. Il recommanda'^ en
même temps ce légat à Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, qui, à ce
qu'il paroît, l'avoit sollicité de l'envoyer dans le pays'. Frère Raynier étant
' De Vie, Cltroaologia cpiscoporum Carxassonen-
sium, p. 79.
' Ihid. p. 80.
' Ihid. p. 75. — Le dernier acte du prédécesseur
immédiat d'Othon est du 17 juillet 1 166 (Cf. Ma-
h.\x\,Cartulciire ,\ , p. 407) ; Othon était évêque des le
17 juin 1170 [ihid. p. 408). Il avait été remplacé
par Bérenger en lioc, date de démêlés que ce der-
nier contribua à apaiser, 8c qui étaient relatifs i
l'abbaye d'Alet [ihid. p. 409). L'acte d'Othon pour
Rieunette, abbaye cistercienne du diocèse de Car-
cassonne, *e trouve ihid. p. i3j il est duïiS avril
Ii83; l'original existe aux archives de Carcas-
sonne. L'abbaye de Rieunette est d'ailleurs un
peu plus ancienne, & Guillelmette, si elle fut la
Br«mière abbesse de Rieunette, ne fut pas la fon-
datrice de In communauté, qui existait dés 1162
(V^ir ihid. pp. 21 & suiv.; & tome IV de cette
histoire, p. 647). La mort de l'évêque Oihon est
fixée par le nécrologe de Carcassonne au 8 des ides
(6 décembre), & par le nécrologe de Cassan aux
nones de décembre (5 décembre). Il dut mourir en
1 19.9 ou 1200. [A. M.J
^ Pierre de Vaux-Cernay, c. 7.
' Innocent III, 1. 2, Epist. 122 & suiv. — [Pot-
thast, n. 764, lettre du 7 juillet, & n. 78'», lettre
du 12 juillet I 199.]
* Innocent III, 1. ï, Epist. iSp. — [Potthasf,
n. 773, lettre du 10 juillet.]
' Guillaume VIII de Montpellier paraît s'être
fort occupé de ces affaires d'hérésie, & le pape l'em-
ploya plus d'une fois pour la répression des sec-
taires. C'est ainsi que le !"■ juillet 1201, le pape
lui recommande le nouveau légat, Jean, cardinal
de Saint-Prisque, & l'engage à lui prêter son assis-
tance dans l'accomplissement de sa difficile mis-
sion (Potthast, n. 1420). Quelques jours après il
ordonne à l'évêque d'Agde, Raimond, de livrer à
ce seigneur, pour être punis selon leurs démérites,
huit "hérétiques qu'il retenait prisonniers {ihid.
n. 1453.) En même temps. Innocent III renouve-
lait les privilèges spirituels accordés par ses pré-
décesseurs aux seigneurs de Montpellier & à la
chapelle de leur palais {ihid. n"' 1450-1452). Ce
qui n'empêchait pas le Souverain Pontife de re-
fuser son approbation au second mariage adul-
térin de Guillaume VIII, malgré les instances de
celui-ci. [A. M.]
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI,
22D
An 1104
tombé malade, le pape lui associa dans sa légation ' maître Pierre de Cas~
telnau, archidiacre de Magnelonne, qui embrassa bientôt après l'institut de
Cîteaux, dans l'abbave de Fontfroide, au diocèse de Narbonne, & dont nous t.'iM,''p'''i"'ï
aurons occasion de parler dans la suite.
VI. — Légation du cardinal de Sainte-Prisque,
Nous ignorons le succès de la légation de frère Raynier. Il paroît seule-
ment que Jean de Saint-Paul, cardinal-prêtre du titre de Sainte-Prisque,
l'avoit déjà remplacé au mois de juillet de l'an 1:00, car nous avons une
lettre que le pape Innocent III- écrivit alors à ce cardinal, qu'il qualifie légat
du Saint-Siège, en lui envoyant un décret qu'il avoit dressé, de l'avis des
archevêques 6- évêques qui étoient à la cour romaine. Par ce décret : 1° Tous
les fauteurs, receleurs & défenseurs des hérétiques sont déclarés infâmes Si
incapables de posséder aucun office public, d'être reçus en témoignage, de
tester, &c., s'ils ne se corrigent après la seconde monition. 2° 11 est ordonné
de déposer de tout office 8< bénéfice les ecclésiastiques qui sont dans le même
cas, St. de déclarer excommuniés tous ceux qui communiqueront avec les uns
& les autres. 3<» Le pape ordonne de confisquer leurs biens dans les terres
soumises à sa juridiction temporelle. Se il enjoint aux puissances séculières
d'en faire de même dans leurs domaines, avec ordre de les y contraindre par
les censures ecclésiastiques, supposé qu'il y eût de la négligence de leur part.
Le cardinal de Sainte-Prisque exerçoit sa légation à Montpellier, au^ mois
de novembre de la même année, lorsque Imbert, archevêque d'Arles, con-
sacra dans cette ville, par son ordre Se en sa présence, l'église de Sainte-
Croix, assisté des évêques Guillaume de Maguelonne, Raimond d'Agde,
Guillaume de Béziers, Artaud d'Elne &(. Guillaume d'Uzès.
Innocent III recommanda'* à Guillaume VIII, seigneur de Montpellier, ce
cardinal qu'il envoyoit, dit-il, légat dans les parties de Provence. La lettre
du pape à ce seigneur est datée du i" juillet, la quatrième année de son pon-
tificat, c'est-à-dire de l'an 1201 ; mais il est fort vraisemblable qu'il y a faute,
& qu'il faut lire la troisième & non la quatrième année du pontificat d'Inno-
cent. On vient de voir, en ettet, que le cardinal de Sainte-Prisque exerçoit
sa légation dans la Province dès le mois de novembre de l'an 1200, 8c même
dès le mois de juillet précédent; ainsi le pape Innocent aura écrit à Guil-
laume de Montpellier pour lui recommander ce cardinal dès le commence-
ment de sa légation, 8c elle aura commencé par conséquent au mois de juillet
' Innocent III, 1. 5, Epitt. 71; I. 1, Epist. i6y. cripiion commémorative de cette cérémonie. Vne
— jPotihast, n. 267; lettre du 8 juin 1198, & indulgence de douze jours fut accardée à tous ceux
1716, du 6 .loùt iioi]; Epist. ô^ I . — [Potthasi, qui visiteraient l'église une fois p.nr an, le jour
n. 579; lettre du 17 janxier 1 199.] anniversaire de la dédicace. [A. M.]
• Gariel, Séries praesuîum Magalonensium, p. 267 ^ Gariel, ut supra, p. 166 8c suiv. — — La Justesse
& suiv. — [Potthast, n. 1091.] de la conjecture de dont V.iissete est prouvée par
^Ciritl, Stries praesuîum Magalonensium,^. i6'>. l'inicription rappelée à la note précédente.
^ (Voyez au tome "V, Inscriptions, p. 22, Tins- [A. M.]
VI. ,5
^-.6 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXL
An 113^
de l'an 1200. Quoi qu'il en soit, Innocent prie Guillaume, par. cette lettre,
d'aider de tout son pouvoir le cardinal de Sainte-Prisque contre les héré-
tiques, « afin, dit-il, que ceux que la crainte de Dieu 81 le glaive spirituel
Il ne pourront ramener à la vérité, soient du moins assujettis par le glaive,
« matériel Se par la confiscation des biens, ce qu'ils paroissent appréhender
« davantatre, »
VU. — Troubles de l'église de Toulouse. — Èvêques de cette ville.
Tous les soins de ces divers légats n'avancèrent pas beaucoup la conversion
de ceux qui s'étoient laissés séduire, 8< le mal au contraire ne fit qu'empirer.
L'église' de Toulouse fut agitée surtout de divers troubles, après la mort de
Fulcrand, son évêque, arrivée au mois^ de septembre de l'an 1200. L'ambi-
tion & la brigue des prétendans à cet évêché firent que le siège épiscopal
demeura vacant pendant longtemps. Si il l'étoit encore au mois de mars^ de
l'année suivante, ce qui causa un grand préjudice k la foi catholique. Enfin
le chapitre de la cathédrale, ne pouvant se réunir pour le choix d'un évêque,
se partagea en deux factions'* : l'une élut Raimond-Arnaud, évêque de Com-
minges, qui avoit été auparavant ^ chanoine régulier & prévôt de la même
cathédrale; Si l'autre Raimond de Rabastens, archidiacre de l'église d'Agen.
Les deux contendans soutinrent leur élection Si portèrent leur querelle
devant le pape Innocent 111 qui leur donna à chacun un cardinal pour audi-
teur. L'évêque de Comminges gagna sa cause, 81 le pape ordonna, en 1201,
à Arnaud, abbé de Grandselve 81 à l'abbé de Belleperche, de mettre ce prélat
en possession de l'évêché de Toulouse; mais cela ne fut pas exécuté, 81 Rai-
mond de Rabastens fit si bien qu'on procéda à une nouvelle élection, 8<.
qu'il fut maintenu sur le siège épiscopal de Toulouse^. Il ne se disoit cepen-
dant qu évêque élu au mois de juin de l'an 1202, parce que l'archevêque de
Narbonnc, son métropolitain, refusa de le sacrer.
Sur ce refus, Raimond de Rabastens s'adressa à Rome 8<. demanda de nou-
veaux commissaires pour examiner la canonicité de son élection. Le pape'^
nomma pour cela Jean, évêque de Limoges, Si les abbés de la Sauve Si de la
ili. origin. Couronne qui, s'étant rendus à Toulouse, firent une enquête 81 confirmèrent
l'élection de Raimond. Ils écrivirent ensuite au chapitre de Narbonne une
lettre dan.s laquelle ils marquent « que la vacance du siège de Toulouse ayant
« été suivie de dissensions 81 de querelles qui avoient duré fort longtemps,
« enfin, après de grandes disputes, on avoit élu unanimement Raimond,
« archidiacre d'Agen, qu'on avoit calomnié à la cour romaine, ce qui avoit
' GuilUlmus de Podio Laurentii, c. 6, =• Gallia Chrhtiana , noT. éd. t. r , p. 10"6.
" Catel, Mémoires, p. 889. — Voyez tome VIII, " Lafaille, Annales de Toulouse, t. 1, append.
Chartes, n. LXXII, c. 462. p. Û4.
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXI, c. 4").';. " Baliize, Miscellanea, t. 6, p. 4)7.
* Cf. In causis, ''f , De eleclionihus & electorum
potestate.
I. m, p. i33.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXL 227
« engagé le pape à leur commettre l'examen de cette affaire; qu'ayant pro-
« cédé à leur commission avec toute la diligence possible, ils n'avoient rien
« trouvé qu'on pût opposer à l'élection de Raimond; qu'elle s'étoit faite
I' d'un commun accord, 8i que cet ecclésiastique étant capable de remplir
« dignement le siège de Toulouse, ils l'avoient confirmé, & qu'ils envoyoient
« l'élu à Narbonne pour s'y faire sacrer par son métropolitain; c'est pour-
« quoi, ajoutent-ils, nous vous exhortons à taire en sorte que l'archevêque
« de Narbonne fasse cette consécration, ou du moins son vicaire, avec le
.( nombre ordinaire de ses collègues, afin que l'église de Toulouse ne souffre
i( pas un plus long préjudice. » L'archevêque de Narbonne se rendit sans
doute à la demande des commissaires. Nous savons du moins que Raimond
de Rabastens fut sacré évêque, qu'il se qualifioit évêque de Toulouse ^ qu'il
étoit paisible possesseur de cet évêché au mois de décembre de l'an i2o3'.
Son élection fut cependant cassée bientôt après comme simoniaque, &. on lui
reprocha d'avoir obtenu par subreption les lettres de confirmation dont on
vient de parler.
VIII. — Diverses sectes d'hérétiques dans la Province. — Leurs mœurs,
leur croyance, leurs rit s.
Sous un tel évêque l'hérésie fit de nouveaux progrès dans le Toulousain.
Il y avoit"*, entre autres, dans ce pays, un des principaux hérétiques, nommé
Guillabert de Castres, qui demeuroit dans le château de Fanjaux, situé
aujourd'hui dans le diocèse de Mirepoix. Ce prédicant & plusieurs autres de
sa secte tenoient en ce lieu des assemblées publiques, où la principale noblesse
des environs se rendoit pour assister à leurs instructions. Tous ceux qui s'y
trouvoient adoraient les hérétiques en faisant plusieurs génuflexions devant
eux, à la dernière desquelles ils prononçoient ces mots : bénisse-^, prie^ Dieu
pour ce pécheur, Guillabert, dans une de ces assemblées qu'il tint vers
l'an 1204, associa à sa secte cinq dames de considération dont la plus quali-
fiée étoit Esclarmonde, sœur du comte de Foix 6t veuve de Jourdain, seigneur
de risle-Jourdain. Un témoin oculaire, qui s'y trouva & qui rendit sa dépo-
sition quarante ans après devant les inquisiteurs de Carcassonne, raconte
que la cérémonie se passa de la manière suivante : « Elle fut faite par le fils
« majeur de l'église de Toulouse assisté des autres hérétiques qui consolèrent
« 8c reçurent ces dames, lesquelles, à la demande des hérétiques, se rendirent
(' à Dieu 8i à l'Evangile, & promirent de ne plus jnanger à l'avenir ni chair,
« ni œufs, ni fromage; mais d'user seulement d'huile 8c de poisson. Elles
<i promirent aussi de ne pas jurer, ni mentir, de n'avoir aucun commerce
<i charnel tout le temps de leur vie. Se de ne jamais abandonner la secte par
>< aucune crainte de la mort. Après cette promesse, elles récitèrent le Pater
' Cîitel, Comtes Je Tolose, p. 23(5. — LafaUle, 'Tome VllI, Chartes, n. LXXVIII, 4- pièce
Ann.-iïe<, t. 1, append. p. '»*i. citée sous ce luiiTiéro.
An I2C4
An i;->^
28 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
« noster à la manière des hérétiques. Ceux qui leur imposèrent les mains
<i firent une lecture sur elles, en tenant le livre sur leur tête, & leur don-
i< nèrent enfin la paix; premièrement avec le livre Si ensuite avec l'épaule,
« après quoi ils adorèrent Dieu en taisant plusieurs génuflexions, » Ce
témoin ajoute que Raimond-Roger, comte de Foix, frère d'Esclarmonde, se
trouva à cette cérémonie avec plusieurs chevaliers 8c bourgeois & que tous
ceux qui y assistèrent, tant hommes que femmes, à la réserve du comte, ador
rèrent les hérétiques qui, après la cérémonie, leur donnèrent la paix en les
baisant deux fois au travers de la bouche; ce qu'ils firent ensuite entre eux.
On appeloit cette cérémonie Consolation. On la trouve décrite' à peu près de
la même manière dans divers autres monumens des inquisitions de Toulouse
St de Carcassonne.
Pierre, moine ^ de l'abbavc de Vaux-Cernav, dans le diocèse de Paris, qui
accompagna quelques années après Gui, son abbé & son oncle, missionnaire
dans la Province, raconte d'une manière un peu différente les cérémonies
(jue les hérétiques observoient pour installer leurs prosélytes dans leur secte.
t 'ih''p.'^'"''t ^' assure qu'après leur avoir fait renoncer entièrement à la foi de l'Eglise
romaine, le ministre prétendoit leur donner le Saint-Esprit en leur soufflant
sept fois dans la bouche; qu'il leur faisoit ensuite renoncer à leur baptême
&i leur conféroit celui des hérétiques qui consistoit à leur imposer les mains
sur la tête, à les baiser 6t à les revêtir d'un habit noir. Mais il pouvoit v
avoir autant de cérémonies dittérentes qu'il y avoit de diversité entre les sen-
timens de ces sectaires; car nous avons déjà remarqué qu'ils n'étoient pas
uniformes dans leur doctrine.
Cet auteur distingue ', en eftet, deux sortes d'hérétiques qui étoient alors
dans le pavs, 8c qu'on désigna dans la suite sous le nom général d'albigeois'^.
Il appelle les uns simplement hérétiques 8t les accuse d'admettre les deux
principes des manichéens avec les autres erreurs de Manès. Ils croyoient
aussi, selon cet historien, deux Christs, l'un bon 8v l'autre mauvais. Le der-
nier étoit, disoient-ils, né à Bethléem, l'autre n'avoit jamais ni bu, ni mangé
8< n'avoit jamais été que spirituellement dans le monde, dans le corps de
saint Paul. Ils ajoutoient plusieurs rêveries semblables. Quelques-uns d'entre
eux croyoient un seul créateur; mais ils soutenoient qu'il avoit eu deux fils,
Jésus-Christ 8c le Diable. Pierre de Vaux-Cernay témoigne que les uns Se
les autres regardoient l'Eglise romaine comme la prostituée de l'Apocalypse,
qu'ils rejetoient ses sacremens 8c la résurrection des morts; qu'ils admettoient
une espèce de métempsycose, 8cc. Ces hérétiques, continue-t-il, étoient divisés
en parfaits ou bons hommes, & en simples croyans. Les premiers, qui étoient
les ministres de la secte, portoient des habits noirs, affectoient de garder la
chasteté, abhorroient l'usage de la viande, des œufs Si du fromage; préten-
doient qu'ils ne mentoient jamais. Se soutenoient qu'il ne leur étoit pas
' ^'oyez tome VMI, Charles, n. CCXXIV, ' Pierre de Vaiix-Cernay, c. j.
" Pisne de \',t x -Cern.-.y, c. 2. '■ Voyez tome Vil, ^'otc XIII, p. ^4, 3.j.
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XXL ::i;
permis Je jurer. Les simples cro)ans menaient la vie commune &;. espévoient
se sauver par la toi des parfaits auxquels ils étoient unis. Avec cela, ces
croyans prétendoient pouvoir s'abandonner à toute sorte de crimes, Se se flat-
toient de taire leur salut sans les expier par la pénitence, pourvu ([u'ils
pussent réciter le Pater noster en mourant & recevoir l'imposition des mains
ou, comme on s'exprimoit dans la secte, la consolation de quelques-uns de
leurs ministres ou parfaits. Ceux-ci étoient divisés en fils majeurs 6- mineurs
ou en évêques Se en diacres. P'nfin cet historien les accuse d'avoir des prin-
cipes détestables sur l'impureté, de rejeter le culte des images, Stc.
La seconde secte établie alors dans la Province, suivant le même auteur,
étoit celle des Vaudois. Ceux-ci, dit-il, étoient mauvais, mais beaucoup moins
(lue les autres; ils s'accordoient avec les catholiques sur plusieurs articles Se
ne différoient que sur quelques-uns. Il fait consister principalement leurs
erreurs dans ces trois points : i° De porter des sandales à la manière des
apôtres. 2" D'assurer qu'il n'y avoit aucune occasion où il tût permis de jurer
Si de tuer. 3° Enfin de prétendre que dans un cas de nécessité ils pouvoient
consacrer le corps de Jésus-Christ sans avoir reçu les ordres, pourvu qu'ils por-
tassent leurs sandales.
IX. — Frère Pierre de Castelnau 6- J'rère Raoul, religieux de Fontjroide,
légats dans la Province, font abjurer l'erreur aux Toulousains.
Nous n'avons aucuns mémoires sur les autres circonstances de la légation
du cardinal de Sainte-Prisque dans la Province. Le pape Innocent III l'avoit
déjà remplacé, dès la fin de l'an i2o3, par frère Pierre de Castelnau 8c frère
Raoul, l'un Se l'autre religieux profès de l'abbaye de Fontfroide, au diocèse
de Narbonne, de l'ordre de Citeaux'. On a parlé du premier que le pape
avoit employé dans la même fonction, en 1199, dans le temps qu'il étoit
archidiacre de Maguelonne. On le dit^ natif de Montpellier, 6c on fait un
grand éloge ' de ses talens Se de ses vertus, de même que de son collègue
qui est qualifié maître ; ce qui prouve qu'il étoit docteur**. Ces deux religieux
commencèrent lerr légation par Toulouse, à cause, dit un auteur du'' temps,
(|uc c'étoit principalement de cette ville que le venin de l'erreur se répandoii
dans le reste du pays. Après leur arrivée, ils assemblèrent, le samedi i3 de
' La nomination île Pierre de Castelnau comme dernière engage l'iibbc de Cîteaux à leur ad-
légat paraît, en effet, être peu antérieure à jan- joindre un certain nombre de religieux (Potihast,
vier IÎ04. Du moins par plusieurs lettres du 29 n. iio.'SJ. [A. M.]
janvier de cette .inné», Innocent III cherchait à ' Gar\e\^Scries praesulum Magalonensium ,^. y.î\ ,
lui faciliter l'accomplissement de sa mission; par ' Pierre de Vaux-Cernay, c. 1.
In première, adressée à l'archevêque Bérenger, il ' Sa nomination, comme archidiacre de Mngue-
cngage ce prélat .i agir par la suite plus vigou- lonr.e, avait donné lieu à des démêlés entre l'évé
reusement contre les hérétiques; une autre lettre que& le chapitre de cette église, démêlés terminée
du même jour fait les mêmes exhortations aux par le pape. — Cf. M. Germain, Maguelotw sous
prélats de la province de Narbonne. Une troisième ses cic^ui-s, p. 47. [A. M.]
délègue, comme prédicateurs, l'abbé de Valmagne ' Pierre de Vaux-Cernay, c. 1.
(Pierre) & Raoul, chanoine de Narbonne; une
An 1204
An 1 104
23o HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
décembre de l'an iio3, les consuls £<. les principaux habitans', qui firent ser-
ment entre leurs mains, au nom de toute la ville, de garder la foi catholique
romaine. Les deux légats, avant que de recevoir ce serment, confirmèrent,
Mji"p°j"'^ ^" vertu du pouvoir qu'ils avoient reçu dvi pape, les libertés, les usages & les
coutumes de Toulouse, Si déclarèrent c[ue le serment que les consuls 8t les
habitans alloient leur prêter ne pourroit apporter aucun préjudice à ces
libertés; que tous ceux qui le prêteroient seroient tenus pour fidèles chré-
tiens, &c qu'il ne pourroit leur causer aucun dommage ni dans leurs per-
sonnes, ni dans leurs biens, quand même ils auroient été accusés auparavant
d'hérésie; mais que ceux qui retuseroient de le faire seroient déclarés excom-
muniés. L'acte fut passé en présence de Raimond, évoque de Toulouse, de
Guillaume de Gantez, abbé de Saint-Sernin, des hailes &- vïguïers du comte
de Toulouse St de plusieurs des plus notables de la ville, entre lesquels
étoient vingt consuls^ qui reçurent cette confirmation tant en leur nom qu'en
celui de leurs collègues, qui étaient alors du chapitre (^de capitula), &c de
tout le peuple de Toulouse.
Si nous en croyons le même historien^ que nous avons déjà cité, ce ne
fut pas sans rencontrer bien des difficultés que Pierre de Castelnau &(. maître
Raoul engagèrent enfin les Toulousains à abjurer l'erreur & à chasser les
hérétiques de leur ville, & ils furent obligés pour réussir d'en venir aux
menaces; mais, dit cet auteur, ces peuples, peu fidèles à leurs promesses, se
parjurèrent bientôt Se tinrent des assemblées nocturnes, où ils alloient
entendre leurs prédicans. Il ajoute que toutes les villes des environs étoient
infectées de l'hérésie Si que presque tous les barons de la Province favori-
soient ou recéloient les hérétiques.
X. — Saint Dominique passe à Toulouse.
Diego -^^ de Âzèbes, évèque d'Osma, en Espagne, qvi'Alfonse, roi de Cas-
tille, son souverain, envoyoit en ambassade vers les frontières du Dane-
mark £1 de la Suède pour négocier le mariage de l'infant Ferdinand , son
fils, avec une princesse du pays, arriva à Toulouse à peu près vers le même
temps; il étoit suivi de saint Dominique, sous-prieur de sa cathédrale, alors
desservie par des chanoines réguliers. Ces deux célèbres personnages, qui
eurent beaucoup de part dans la suite à la conversion des hérétiques de la
Province, logèrent à Toulouse chez un de ces sectaires que saint Dominique
persuada si bien, tant par sa douceur que par la force de ses raisons, qu'il se
convertit la nuit même de l'arrivée de ces deux hôtes, qui continuèrent
ensuite leur voyage.
' Catel, Hhlo'ire des comtes de Tolose, p. 236. — nique à Toulouse eut lieu, paraît-il, en i2o3j
\'oyez tome VIII, Chartes, n. CV, c, 6i3. cl. le texte de la Vie de saint Dominique de maî-
' Pierre de Vaux-Cernay, c. i. tre Humbert, cité par les Bollandistes, août, t. i,
' Praedara. Francorum facinora. — Trivet, Chro- p. 39.'). [\. M.] — Voyez tome VII, Note XV,
nicon, apud d'Achéry, Spicilegium, t. 8, p. 54:'). — pp. 42, 47.
Ce passage de Diego d'Osma & de saint Domi-
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI. :3i
XI. — Le roi d'Aragon condamne les hérétiques dans une conférence tenue
à Carcassonne en présence des légats.
On ' rapporte un ancien acte qui prouve que frère Raoul & frère Pierre
de Castelnau se rendirent de Toulouse à Carcassonne. « 11 y est marqué que
" Pierre, roi d'Aragon, étant à Carcassonne, au mois de février de l'an i2o3
« (1204), déclara qu'il avoit fait venir en sa présence les hérétiques d'un
.' côté, & l'évêque de Carcassonne, frère Raoul & frère Pierre de Castelnau,
« légats du pape, de l'autre, pour être instruit de Vhéresie des vaudois ; qu'on
" convainquit ces sectaires d'erreur, tant par divers témoignages de l'Ecriture
<' sainte que par les décrets de l'Eglise romaine qui furent produits; que ce
' prince, ayant entendu les raisons de part & d'autre, jugea qu'ils étoient
" hérétiques; qu'il donna une seconde audience à d'autres hérétiques, à la
c prière du viguicr du vicomte de Carcassonne, qu'il prit pour assesseurs
« treize fauteurs d'hérétiques, 8c autant de catholiques; qu'ayant interrogé
<■ Bernard de Simorre, évêque hérétique, & ses compagnons pour savoir s'ils
» croyoient un seul Dieu tout-puissant, créateur des choses visibles Se invi-
I' sibles, auteur de la loi de Moïse Se du Nouveau Testament, ils avoient
I répondu après plusieurs subterfuges par un blasphème horrible, qu'ils
• reconnoissoient trois dieux & même un plus grand nombre, dont l'un,
'• qui étoit le mauvais, avoit créé toutes les choses visibles & étoit auteur
" de la loi de Moïse; que Jésus-Christ n'étoit qu'un pur homme, né d'un
«' homme Se d'une femme; qu'ils svoient nié les sacremens de baptême
" Se de l'autel, S< la résurrection générale. Se protesté publiquement que
« la vierge Marie n'étoit pas née selon la chair de jiarens charnels; &
« qu'enfin les deux légats leur ayant suffisamment prouvé qu'ils étoient
« hérétiques par l'autorité du Nouveau Testament, il les avoit déclarés tels
« le jour suivant, en présence de l'évêque de Carcassonne Se de plusieurs
«' autres. »
XII. — Le pape dépouille les évêques de leur juridiction ordinaire pour la
donner à ses légats. — Brouilleries entre Varcherêque de Narbonne £* ces
derniers à cette occasion.
Le pape, pour déraciner plus efficacement l'erreur, donna à frère Pierre
de Castelnau Se à frère Raoul un plein pouvoir d'agir en son nom, avec ordre
k tous les évêques de les recevoir comme lui-même, de leur obéir absolu-
ment, Se de leur promettre par serment qu'ils exécuteroient fidèlement tous
leurs décrets en matière d'hérésie; en sorte ((u'il ota par là à ces prélats leur
' Benoit, Histoire des alhigeois, t. I, pr. p. 269 Document: inédits sur l'Albigeois, p. 227. Ces let-
& suiv. — Cet .Tcte a été publié, probablement très sont du reste indiquées par Guillaume de
d'après le même mnatiscrit, qui se trourait alors Tudèle, v. ôi j la chroniqu»; en prose n'a pas
entre les mains d'un particulier, par Compayré, employé ce passage. [A. M.J
An 12c
lui. oriB'ii.
:. III, p. ijd.
An 1204
132 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
juridiction ordinaire sur les liérétiques'. Un pouvoir si excessif & si inusité
brouilla bientôt les deux légats avec Bérenger, archevêque de Narbonne, 8c
avec la plupart des autres évêques de la Province qui soutïroient fort impa-
tiemment de se voir dépouillés, par deux simples religieux, d'une autorité
qu'ils tenoient immédiatement de Jésus-Christ, Se l'archevêque refusa^ nette-
ment de leur prêter le serment qu'ils exigeoicnt de lui. Les légats, pour l'y
contraindre, le déclarèrent suspens; mais il ne rit aucun cas de cette sen-
tence, 8v convoqua à l'ordinaire les évêques de la Province pour consacrer
Guillaume, élu évêque de Maguelonne. Les légats, irrités de sa démarche,
défendirent aussitôt aux évêques de s'assembler jusqu'à ce qu'enfin il consentit
de leur prêter le serment qu'ils demandoient. L'archevêque de Narbonne n'en
fit pas moins éclater ses plaintes contre les deux légats, qui, disoit-il, n'ayant
été nommés que pour agir contre les hérétiques 8c les chasser du pays,
étendent leur commission au delà des bornes 8c prétendent que c'est à eux,
privativement aux évêques Se au préjudice de leur juridiction, de punir tous
les crimes des ecclésiastiques.
Frère Pierre de Castelnau 8c frère Raoul formèrent à leur tour diverses
plaintes contre l'archevêque de Narbonne, qui tut accusé-^' auprès du pape
Innocent III : 1° D'une extrême négligence dans les fonctions de son minis-
tère, 8c de n'avoir pas encore visité ni sa province, ni son diocèse depuis
treize ans qu'il occupoitson siège; conduite, disoient-ils, qui n'avoit pas peu
contribué à l'accroissement de l'hérésie dans tout le pays, parce que les héré-
tiques, pour séduire les simples 8c leur faire voir les désordres du clergé,
citoient pour exemple la vie de ce prélat 8c des autres évêques, 8c attribuoient
à toute l'Eglise les vices des particuliers. 2° De soutenir que la simonie ne
ressentoit pas l'hérésie. 3° D'accorder sa protection 8c de donner retraite dans
un de ses châteaux à Nicol, chef des Aragonois ou brigands qui désoloient le
pays, quoique son prédécesseur l'eût excommunié publiquement dans les
châteaux de Capestang 8c de Cruscades, conformément au décret que le
concile de Latran avoit fait contre les Brabançons, les Aragonois, 8cc., décret
que ce prélat ne se mettoit d'ailleurs nullement en peine d'observer. 4° De
ne pas exercer l'hospitalité, de ne pas faire l'aumône 8c de s'absenter de sa
cathédrale, quoiqu'en pleine santé, jusqu'à huit ou quinze jours de suite;
ce qui faisoit que quelques-uns le regardoient comme un hérétiques 5° De
retenir en ses mains, contre les canons, les églises vacantes de Capestang 8c
de Montels. 6° D'avoir exigé quatre cents sols du teu évêque de Maguelonne
avant que de le consacrer. 7° D'avoir réduit à neuf, par négligence 8c par
malice, le nombre de dix-huit chanoines qu'il y avoit anciennement dans
' Innocent III ne tarda pas à étendre encore les comprend npiès cela les réciiir.inations des pré-
attributions des légats; une bulle du 6 décembre lats, & notamment celles de l'archevêque Bérenger
1204 donna à Pierre de Castelnau & à frère Raoul dont les vices étaient d'ailleurs notoires. [A. M.]
le droit d'enlever les bénéfices ecclésiastiques à ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXIX, c. ôc^ç.
tous ceux qui leur paraîtraient indignes. (Potthast, ' Innocent III, 1. 7, Epist, 7g, apud Manrique,
n. 2337.) C'était mettre tout le clergé du Langue- Clstercienses annales, ad ann. 1204. — [rotiliasti
doc entre les maitis de ces deux religieux. On n. 2224, 21 mai i2~4-]
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI. ^So "
An i:o.j
sa cathédrale. 8° De permettre k Bérenger de Monan', clianoine & archi-
diacre de son église, Si à maître P ., ahhé de Saint-Paul, de posséder plusieurs
bénéfices. 9° Enfin de souffrir que plusieurs moines Se chanoines réguliers
de son diocèse eussent quitté l'habit religieux pour mener une vie séculière
&t scandaleuse".
XlII. — Arnaud, abbé de Citeaux, associé aux deux autres légats.
Ces brouilleries engagèrent le pape Innocent III à nommer un nouveau
légat dans la Province pour l'associer à frère Pierre de Castelnau & à frère
Raoul. Il choisit pour cela Arnaud, surnommé Almaric"', abbé de Cîteaux,
religieux distingué par sa capacité, lequel ayant été auparavant, pendant trois
ans, abbé de Grandselve, au diocèse de Toulouse, connoissoit parfaitement
le pays, où il étoit en grande vénération'*; mais si cet abbé étoit recomman-
dable par sa vertu, on ne sauroit dire qu'il le fût beaucoup par sa naissance,
comme le prétendent, sans aucune preuve, deux modernes, dont l'un"' le fait
de la maison des ducs de Narbonne, 8t l'autre ^ de la famille des vicomtes de
Narbonne. Innocent III fit donc expédier, le 29 de mai de la septième année
de son pontificat ou de l'an 1:04, une nouvelle bulle^, dans laquelle il
nomme. ces trois religieux pour ses légats 8c se plaint beaucoup de la négli-
gence des évêques & des autres pasteurs. Il enjoint ensuite aux trois légats de
travailler de toutes leurs forces à extirper l'hérésie; d'excommunier les réfrac-
taires Si d'ordonner de sa part au roi Philippe, au prince Louis, son fils, , '^|'|-, "V^";-.
aux comtes, aux vicomtes Se aux barons du pays d'user de sévérité envers les
hérétiques, pour la rémission de leurs péchés; de les exiler, de les proscrire
8t de confisquer leurs biens. 11 accorde à ceux qui s'emploieront à cette œuvre
la même indulgence que gagnoient ceux qui alloient servir dans la Terre-
Sainte. « Et afin, ajoute-t-il, en adressant la parole aux trois religieux, que
<■ vous puissiez remplir plus librement les fonctions de la légation dont nous
I' vous chargeons, ou plutôt dont Dieu vous charge lui-même, nous vous
I' donnons un pouvoir plein Se entier dans les provinces d'Aix, Arles Se Nar-
" bonne, 8t dans les diocèses voisins ([ui peuvent être infectés d'hérésie, d'y
« détruire, d'y arracher Se d'y planter tout ce qui sera nécessaire; d'y punir
>' les contradicteurs. Sec. ■ Le pape accorde le même pouvoir à deux d'entre
les légats, supposé qu'ils ne pussent pas agir tous trois conjointement.
' [Corriger Moiijan.] lités d'administrateur qiii contribuèrent plus tard
' A la suite de ces accus.i'.ions , le pape enleva à son élévation. [A. M.]
i Bérenger Tabbaye de Montaragon, le 29 mai ' Langlois, Histoire des albigeois, 1. J, p. 65.
1104 (Potthast, n. ÎI26) ; dès le 3o mai i2o3, il '' Histoire de l'Académie des inscriptions & helles-
avait ordonné à ce prélat de se démettre de ce bé- lettres, t. 9, p. 2 18.
néfice (n. 1928). [A. M.j ' Innotent 111, 1, 7, Epist. 72, apud Manrique,
' Guillelmus de Podio Latirentii, c. 10. ut supra, c, 2. — [Potthast, n. 2229.] Cette lettre
' Arnaud Amauri, d'abord abbé du Poblet, en est du 3i mars 1204; le î3 (n. 2220) le Souverain
Cat.ilogne, fut abbé de Grandselve de septembre Pontife avait écrit à ce sujet à Philippe-Auguste.
1198 à novembre 1201 (Voyez tome IV, pp. 60-, [A. M.J
6:ri). Dès cette épotjue il déploya les grandes qua-
~ 234 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
An 1104 "
Innocent écrivit en même' temps au roi Philippe-Auguste, &, après avoir
expliqué 8c distingué clans sa lettre les fonctions des deux puissances dans le
gouvernement de l'Église, il l'exhorte à s'employer, soit par lui-même, soit
par le prince Louis, son fils, soit enfin par quelque personnage de considé-
ration, à arrêter le progrès de l'erreur, u Contraignez, lui dit-il, en vertu du
« pouvoir que vous avez reçu d'en haut, les comtes & les harons à confisquer
« les biens des hérétiques, Si usez d'une semblable peine envers ceux de ces
» seigneurs qui refuseront de les chasser de leurs terres. » Enfin il prie ce
prince d'assister de toutes ses forces l'abbé de Cîteaux Se les deux religieux
de Fontfroide, ses légats, afin que le glaive matériel se joigne dans cette
grande affaire au glaive spirituel. Il écrivit^ aussi alors à l'évêque d'Auxerre
& à divers autres prélats pour les engager à agir auprès du roi Se des autres
princes pour l'extirpation de l'hérésie.
XIV. — L'archevêque de Narbonne appelle au pape des procédures des légats.
Le pape chargea les trois légats, par une lettre du 27 de mai de la même
année, d'informer sur les divers chefs d'accusation qu'on intentoit contre
Bérenger, archevêque de Narbonne; il leur ordonne de se rendre dans cette
ville, & supposé la vérité des fjiits, de le déposer & de faire élire un autre
archevêque en sa place. « Que si, ajoute Innocent, ceux à qui l'élection
1 appartient, refusent d'obéir, vous nommerez vous-mêmes, un mois après,
t( un archevêque digne de gouverner. » Frère Pierre & frère Raoul n'atten-
dirent pas l'arrivée de l'abbé de Cîteaux pour procéder contre Bérenger qui,
de son côté, leur fit signifier un appel"' au pape, daté du 27 décembre 1204.
« Dans la seconde légation que le pape vous a commise 8<. à l'abbé de Cîteaux,
« dit l'archevêque de Narbonne dans cet acte, vous frère Pierre de Castelnau,
n auriez dû, lorsque vous étiez sur le point d'entrer dans la Province, m'ap-
« prendre votre arrivée par quelque lettre d'honnêteté; mais vous êtes venu
« à l'improviste 8c dans le temps que vous saviez que j'allois me mettre en
« chemin pour aller à Rome détromper le pape des fausses accusations que
K des flateurs avoient formées contre moi. Vous 8c frère Raoul, sans consulter
« l'abbé de Cîteaux, votre collègue, m'avez défendu, sous peine d'anathème
« &c de privation d'office Se de bénéfice, comme au dernier des clercs, de
« sortir de mon diocèse sous quelque prétexte que ce fût. » Il reproche
ensuite à frère Pierre de Castelnau d'avoir outrepassé sa commission sur cinq
différens articles, dans l'affaire de l'église de Capestang, 8c il ajoute : « Pour
« ces griefs 8c pour plusieurs autres, moi, Bérenger, archevêque de Nar-
« bonne, je vous récuse absolument, vous, frère Pierre de Castelnau, 8c vous»
« frère Raoul, moines de Fontfroide, comme suspects 8c comme mes oppres-
« seurs, 8c j'appelle de vos procédures au pape Innocent : je mets sous sa
■ Innocent III, 1. 7, Epist. -ji). — Dom Vaissete ' R.iinaldi, ann. 1 Î04, n"" 59 & 69.
se trompcj la bulle qu'il analyse est du 7 février ' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXIX, ce. ôop,
|2o5. Conférez Potthast, n. 24041 [A. M.J ûiu
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI. iSo
An 1204
« protection ma personne, toute l'église Si la province de Narbonne, Sec, Sic.
« Je renouvelle l'appel que j'ai déjà fait à Béziers, le jour de Saint-Barthé-
< lemy, au mois d'août dernier, avant votre arrivée dans la Province, en pré-
«■ sence de nos vénérables frères les évêques de Béziers, de Maguelonne Si de
lyodève, S<. de plusieurs autres personnes de considération; y ajoutant
•' néanmoins l'autre appel que j'ai fait ensuite à Narbonne, en plein chapitre,
" le jour de Saint-Capraisc, au mois d'octobre dernier. Enfin je renouvelle
" cet appel, parce que j'ai appris que vous, Arnaud, abbé de Cîteaux, leur , 'in °'^'^i"s
I' collègue, aviez procédé au préjudice de nos églises 81 de nos suffragans, en
I' exigeant, malgré les canons, le serment des clercs les uns contre les autres;
I' Si.encore parce que vous agissez d'une manière opposée à la douceur avec
" laquelle les autres légats qui ont été dans le pays en ont usé. Je vous
récuse aussi; j'appelle de vos procédures au pape. Si je vous indique 81 à
( vos collègues le dimanche de Quasimodo prochain pour poursuivre mon
i appel. Au reste, pour marquer mon respect envers le Saint-Siège Si le
1 désir que j'ai de conserver la foi, je déclare que je vous aiderai fidèlement
à chasser les hérétiques jusqu'à ce que je me mette en chemin pour la
<• poursuite de mon appel. « La signification de cet acte engagea les légats à
suspendre leurs procédures contre l'archevêque de Narbonne, Si ils envoyèrent
à Rome les informations qu'ils avoient faites contre ce prélat.
XV. — Suite de l'ajfaire de l'archevêque de Narbonne. — Les légats
suspendent l'évêque de Béliers.
Cependant frère Pierre de Castelnau, rebuté par les contradictions qu'il
rencontroit dans sa légation, écrivit au pape pour le prier instamment de
l'en décharger St lui permettre de retourner dans son monastère. Innocent
lui refusa sa demande, Si, pour l'encourager à continuer les fonctions de son
ministère, il lui fit espérer d'en recueillir de plus grands fruits par une lettre'
du 26 de janvier suivant. Le pape écrivit^, trois jours après, à l'archevêque
de Narbonne pour lui reprocher sa négligence à extirper l'hérésie de sa pro-
vince, 81 le refus qu'il faisoit de seconder en cela le zèle de frère Raoul Si
de frère Pierre de Castelnau, ses légats. Il reprend ensuite vivement ce prélat
de n'avoir pas voulu aller avec eux trouver le comte Raimond^ pour tâcher
de persuader conjointement à ce prince, de chasser les hérétiques de la Pro-
vince. Innocent reproche aussi à l'archevêque de Narbonne de n'avoir pas
voulu fournir un équipage convenable aux deux légats Si de ne leur avoir
donné qu'une seule monture. Il lui enjoint enfin de leur fournir tous les
équipages Si toutes les autres choses dont ils auroient besoin. Si de les aider
de tout son pouvoir dans l'exercice de leur légation. Il écrivit d'un autre
' Innocent III, 1. 7, Epist, 101, apud Manri- ' Il y a M. comllem dans Manrlqiiezj mais il
ijue, ad ann. 1 zoS, ci, — [Potthast, n. zSpi.] est évident que c'est une faute, 81 qu'il faut lire
' Innocent III, 1. 7, Epht. 14Î) iild, ç. ii — R, ctmitcm. \^Sote des Bénédictins.^
[Von indiquée dans Potthast. J
An iao5
An
206 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
côté au roi ', le 7 Je février de la même année, pour l'exhorter de nouveau à
marcher en personne, ou d'envoyer du moins le prince Louis, son iils, au
secours de l'abbé de Cîteaux 8<. de ses collègues. Il le prie instamment de les
protéger 8< d'obliger les comtes & les barons du royaume à proscrire les héré-
tiques Se à confisquer leurs biens, & de confisquer lui-même les domaines
des seigneurs qui refuseroient d'obéir à cet ordre ou qui favoriseroient les
sectaires.
Pierre de Castelnau 8< Raoul, sur le refus que l'archevêque de Narbonne
leur avoit fait d'aller avec eux sommer le comte de Toulouse de chasser les
hérétiques, s'adressèrent à l'évêque de Béziers, à qui ils firent la même
demande. Ce prélat refusa non-seulement de la leur accorder, mais il ne
voulut pas même avertir les consuls de la ville épiscopale d'abjurer l'erreur
5c de prendre la défense de l'Église contre les hérétiques, & il les empêcha
de faire cette monition. Les deux légats assemblèrent alors le clergé de
Béziers, enjoignirent publiquement à l'évêque d'excommunier les consuls de
cette ville, s'ils ne renonçoient à l'erreur dans un certain temps. Ce prélat
promit de le faire, mais il ne tint pas sa parole; les deux légats le déclarèrent
alors suspens jusqu'à ce qu'il se fût présenté devant le pape, & défendirent
au clergé du diocèse, en vertu d'obéissance & sous peine d'excommunication,
de lui obéir durant cet intervalle.
Nous apprenons toutes ces circonstances d'une lettre que le pape Inno-
cent III écrivit^, le 18 de février de l'an i2o5, à Tévêque d'Agde 8t à l'abbé
de Saint-Pons de Thomières. Il s'y plaint beaucoup de la négligence de
l'évêque de Béziers à extirper l'hérésie de son diocèse & de sa désobéissance
aux légats, 8<. confirme la sentence de suspense dont on vient de parler; il
leur ordonne en même temps de faire dénoncer ce prélat, comme suspens,
dans toutes les églises du diocèse de Béziers, jusqu'à ce qu'il se fût présenté
à Rome avec les lettres des légats; de défendre au clergé & au peuple de lui
obéir 8c de commettre en attendant (juelques personnes capables pour gou-
verner le diocèse. L'évêque de Béziers, qui fut suspendu par les légats, s'ap-
Éd.oiisiij. neloit Guillaume^ de Pvoquezel ; il avoit succédé, en 1 199, à Gaufrid de Mar-
seille. Nous ignorons les suites de son affaire. Il fut tué l'an i2o5 par lu
trahison des siens îk fut inhumé dans le cloître du monastère de Cassan,
dont il avoit été prieur régulier avant que de parvenir à l'épiscopat. E.rmen-
gaud lui succéda"*.
r-
' Innocent m, I. -, Ep'ist. 112, itlJ. c. 1. — du Pont, sur le bord de l'eau, là où passaient les
Voir plus hnut, p. i3J. Cette lettre a déjà été citée pèlerins venant de Gascogne. On y ordonne aux
par dom Vaissete sous une autre date. [A. M.] aubergistes de ne yendre aux voyageurs que des
' Innocent III, 1. 7, Epht. 242, apud Manri- marchandises de bonne qualité; ils doivent avoir
que, ad ann. i2o5, c. 2. — [Potthast, n. 2i25.] une mesure bonne &. légale; vendre au prix fixé;
' Gallia C/iristiana, t. 4, p. 415. fermer leurs maisons au premier coup de la clo-
^ Outre le règlement contre l'hérésie, indiqué che; ne point injurier les voyageurs; ils n'ont
par dom 'Vaissete, cette pièce contient plusieurs pis le droit de s'entremettre de la vente ou de
indications curieuses sur les auberges de Toulouse. l'achat de chevaux par les pèlerins. Sic. — Le
Nous y voyons les auberges établies dans la rue même acte expulse les jongleurs St jongleuses de
t. in,p. i3ii
HISTOIRE GENERALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI,
:?.7
An 1 icî)
XVI. — Le comte de Toulouse promet aux légats de chasser les hérétiques.
Déposition de Raimond de Rabastens^ évèqiie de cette ville.
On voit par ces différentes lettres du pape Innocent III que Pierre de
Castelnau & Raoul avoient dessein, avant latin de l'an 1204, d'aller trouver
Raimond, comte de Toulouse, pour le sommer de chasser les hérétiques de
ses États. Nous apprenons d'ailleurs' que ce prince se rendit enfin à leurs
remontrances & qu'il leur |)romit par serment de chasser les routiers & ks
hérétiques de ses domaines, & d'v rétahlir la paix. Raimond fit vraisembla-
blement ce serment au mois de mai de l'an i2o5, car nous savons que l'abbo
de Cîteaux Si ses deux collègues, s'étant rendvis vers ce temps-là à Toulouse,
ils y déposèrent Raimond de Rabastens, évêque de cette ville.
On a déjà dit que l'élection de ce prélat, quoique peu canonique dans son
origine, avoit été cependant confirmée par les commissaires du pape. Sa négli-
gence à remplir les fonctions épiscopales excita le zèle des légats, qui, avant
fait une nouvelle information, trouvèrent que lorsque le siège épiscopal de
Toulouse étoit vacant, Raimond de Rabastens avoit fait solliciter plusieurs
chanoines de lui donner leur suffrage; qu'ensuite, lorsqu'il fut élu pour la
seconde fois, il s'étoit lié par serment avec les chanoines qui lui avoient été
d'abord opposés. Se qu'après que sa première élection eut été cassée, il étoit
demeuré en possession de la maison épiscopale 8c avoit perçu les revenus de
l'évôché; sur cela ils le déposèrent solennellement. Ce prélat est qualifié, en
effet, autrefois évêque de Toulouse dans une lettre que le pape leur écrivit,
le 6 de* juillet de l'an iio:*), S< dans laquelle il rappelle toutes ces circons-
tances; d'où l'on doit inférer qu'il avoit été déposé au moins deux mois aupa-
ravant; mais il paroît que, malgré sa déposition, il se maintint encore quelque
temps dans son siège; car il est qualifié-* simplement évêque de Toulouse
dans un acte du mois de septembre suivant; Se nous verrons plus bas que
son successeur ne fut élu qu'à la fin de l'an i2o5. Peut-être appela-t-il au
pape de cette sentence, Se fit-il durer La procédure jusqu'à la fin de l'année,
(^uoi qu'il en soit, Innocent ordonna par la même lettre^ à l'ahbé de Cîteaux,
à Raoul i/ à Pierre, moines 'de Fontfroide, inquisiteurs du siège apostolique,
de destituer de son office Mascaron, prévôt de la cathédrale de Toulouse,
promu à cette dignité à la place de celui qui avoit été élu évêque de Com-
la ville; défend les fiinéraillci luxueuses; interdit
les démonsirations de deuil trop bruyantes (Voyez
tome VIII, ce. SiS, "116). — Peu après les consuls
de Toulouse Arent une enquête sur les lieux du
Toulousain & des pays environnants où devait se
payer la leude; nous connaissons par cet acte le
tarif en usage à Castelsarrasin, à Castelmaira, à
Pamiers, à Ax, à Mérens, à Castelnaudary, à La-
vaur, à Rabastens, à Avignonet, à Saint-Jory. Ce
furent les fermiers des leudes qui vinrent déposer
devant les consuls; cet acte passe en revue toutes
les routes qui venaient aboutir à Toulouse; une
seule paraît oubliée, c'est celle de Gascogne. (Voyez
tome VIII, c. 527 & siiiv.) [A. M.]
' Guillelmut de Podio Laurentii, c. 7.
' Innocent III, 1. 8, Eplst. 1 16. — [La lettre
est du !> juillet 120J; voyez Potthast, n. 2.");)7.j
^ Lafaitlc, Annales de Toulouse j t. 1, appcnd.
p. .■i7.
' Innocent III, ut supra. — [Les deux lettres
sont distinctes; la seconde est du ''' juillet inc'ij
Potthast, n. iSrt 1 .1
"■; ~ 238 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
An i2oa
minges, à cause que, suivant sa propre confession, il avoit été du complot
pour faire élire Raiinond de Rabastens, &. qu'il s'étoit par là rendu indigne
de posséder aucun bénéfice ecclésiastique.
XVII. — Monnaie de Toulouse.
Le comte Raimond étoit encore à Toulouse au mois de juillet de' cette
année; il promit alors par serment, dans le cloître de la Daurade, en faveur
de la cathédrale de Saint-Etienne, de la même église de Notre-Dame de la
Daurade, de celle de Saint-Sernin, de toutes les autres églises de Toulouse,
des consuls & de tout le peuple de cette ville & du faubourg, de ne jamais
clianger la monnoie sepîène de Toulouse, que le teu comte, son père, avoit
établie lorsqu'il avoit changé celle du comte Alfonse, son aïeul, 5t de ne
jamais rien diminuer de son poids S<. de son aloi. Il eut sans doute beaucoup
de part à un règlement que les consuls de Toulouse firent avec le commun
conseil au ^ mois de mars de la même année, suivant lequel personne ne
pouvoit être accusé d'hérésie après sa mort, à moins qu'il n'en eût été accusé
pendant sa vie, ou, qu'étant malade il ne se fût donné aux hérétiques, ou
qu'enfin il ne fût décédé entre leurs mains.
Le comte de Toulouse, s'étant rendu ensuite dans son comté d'Agenois,
confirma dans le monastère de Saint-Etienne d'Agen, le 4 d'août suivant,
conjointement^ avec le prieur St les religieux de Saint-Capraise de cette ville,
les habitans de la Salvetat, en Agenois, dans l'usage des coutumes de la ville
d'Agen. L'acte est daté, régnant Raimond, comte de Toulouse, B. étant
évêque d'Agen. Ce prieur 8< ses religieux avoient appelé, deux ans aupara-
vant, le comte en pariage pour le lieu de la Salvetat.
XVIII. — Le pape /ait grâce à l'archevêque de Narhonne.
i':d.oiij;i;i. Cependant Bérenger, archevêque de Narbonne, n'ayant osé ou pu entre-
prendre le voyage de Rome pour y poursuivre son appel, en fit ses excuses
au pape qui, dans sa"* réponse du 6 de juin de l'an i2o5, lui reproche d'avoir
interjeté cet appel dans la vue d'éluder sa condamnation. Le pape ajoute ;
« que les légats ayant jugé à propos d'y déférer, lui avoient envoyé leurs
« informations; qu'il avoit attendu son arrivée, mais qu'au lieu de compa-
' C.Ttel, Histoire Hes comtes de Tolose, p. 229 & apostoliques durent (aire procéder à une nou-
su!v. — Voyez tome VIII, c. Ô40, où nous pu- velle élection canonique (Potthast, n. 25i6). L'af-
blions cette pièce; il faut corriger dans notre f^i ire paraît du reste ne pas avoir eu de suites; du
texte, la date de 1207 en 120,'). [A. M.] moins le Gallia Christiana & après lui M.MabilIe
' Catel, Histoire des comtes de Tolose. — Voyez (t. IV, p. Soy) , n'admettent qu'un seul Raimond
tome VIII, c. 5 i3 & suiv.; la pièce est du 10 mars évcque d'Agde de 1192 à 12|3, Raimond II de
1235, & plus haut, p. 235. — Peu après le 25 Montpellier. [A. M.]
mai i2o5, le pape fit procéder contre l'évèque ' Archives de la connétablie de Bordeaux.
d'Agde, Raimond; il chargea de cette affaire Mi- '' Innocent III, Epist. 160, apiid Manriquc, ad
chel, archevêque d'Arles, & les abbés de V^almagne ann. i 2o5, c. 4, — [La lettre est du zÇ juin i 25 j ;
& de Saint-Guillem du Désert. Ces commissaires Potthast, n. 2552. J
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI. 289
« roître en personne ou d'envoyer quelqu'un en son nom pour le poursuivre,
« il s'étoit contenté de s'excuser par un envoyé sur ce qu'il n'avoit pu partir. »
Le pape lui dit ensuite que, suivant la rigueur du droit, il l'auroit dû juger
conformément aux informations; mais que, pour lui ôter tout prétexte de
murmurer, il vouloit bien encore lui accorder, pour se présenter en per-
sonne, un délai jusqu'à la Septuagésime prochaine; « que si, continue le
« pape, vous ne pouvez vous-même faire le voyage, soit par maladie, soit par
(( vieillesse, soit pour toute autre raison légitime, nous ferons décider cette
« affaire sur les lieux par des commissaires intelligens. Du reste nous renou-
« vêlons l'ordre que nous avons déjà donné, de vous défaire de l'abbaye de
« Montaragon. » Bérenger possédoit cette abbaye, située en Catalogne 8c
possédée par des chanoines réguliers, avant son élection à l'évêché de Lérida,
d'où il avoit passé à l'archevêché de Narbonne, 8<. il l'avoit toujours gardée
.depuis. Il obéit bientôt' sur cet article; 6t le prince Ferdinand, frère de
Pierre II, roi d'Aragon, S<. religieux profès de l'abbaye de Poblet, dans l'ordre
de Citeaux, en fut pourvu à sa place. Quant à l'archevêché de Narbonne, le
pape eut compassion de Bérenger, Se il écrivit^, l'année suivante, à l'abbé*
de Cîteaux & à ses deux collègues de le laisser en paix pour les crimes dont
il avoit été convaincu, parce qu'il vouloit lui donner le temps de Jàire péni~
tence.
XIX. — Voyage du rot d'Aragon à Montpellier ; il prend le château de
l'Escure sur les hérétiques, 6- promet Sancie, sa fille, en mariage à Rai-
mond, fils du comte de Toulouse.
Un auteur^ qui donne mal à propos le nom de Bertrand à l'archevêque
de Narbonne conjecture que le pape ne lui ordonna de se détaire de l'ab-
baye de Montaragon que pour seconder les vues qu'avoit Pierre, roi d'Aragon,
de la faire tomber à l'infant Ferdinand, son frère. Il est du moins certain
qu'Innocent fut toujours très-porté à faire plaisir à ce prince depuis qu'il
l'eût couronné à Rome, au mois de novembre de l'an 1204'*.
Pierre, à son retour sur les côtes de Provence, à la fin de la même année,
trouva' qu'AIfonse, comte de Provence, son frère, & le comte de Forcalquier
avoient rompu la paix, 8t que le premier étoit demeuré prisonnier de l'autre,
qui s'étoit saisi de tous ses Etats. Le roi d'Aragon se mit aussitôt en état de
délivrer par la force le comte, son frère, de sa prison, & obligea enfin le
' Manriquc, ad ann. iis/i, c. 4. faire couronner à Saragosse par l'archevêque de
Innocent III, 1. 9, Epist. 68, apud Raynaldi, Tarragone; promesse d'instituer un siège épisco-
ad ann. 1206, n. 27. [Lettre du 9 mai 1206; Pot- pal dans l'île de Majorque, s'il peut la conquérir;
thast, n. 2774,] permission de posséder les terres confisquées sur
' Manrique, Cistercienses annales, ad ann. 120,'), les hérétiques de son royaume; le pape renouvela
c. 4. ce dernier privilège, le 9 juin 1206 (Potthast,
■* Témoins les privilèges qu'il lui concéda par n. 2799). |A. M.|
quatre bulles du 16 juin i2o3 (Potthast, n°> 2543 '' Gesta comitum Bareinonemium, c, 2.f.
à 2.';46); permission à lui & à ses successeurs de se
An 1203
"T r~ 140 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
comte de Foicalquier à lui donner la liberté, à lui rendre ses domaines Se à
renouveler leur traité de paix. Il alla ensuite à Montpellier où il promit'
solennellement, le i"^ de mars de l'an i2o5, aux^douze consuls de cette ville,
tant en son nom qu'en celui de la reine Marie, sa femme, de conserver tou-
jours sous une même domination &. seigneurie la ville de Montpellier Si
tous les châteaux qui en dépendoient, qu'il avoit reçus en dot, 8c de n'en
jamais rien aliéner, avec pouvoir aux mêmes consuls de statuer tout ce qui
seroit nécessaire pour le gouvernement de la ville. Si de la faire murer sous
son autorité 8< celle de sa cour, 81 avec promesse de tenir toujours éloignés
ceux qu'il avoit exilés, lorsqu'il avoit pris possession de Montpellier. Marie,
sa femme, confirma cette concession quatorze jours après, au château de Col-
lioure, en Roussillon, dans la chambre de la reine ii> devant le seigneur-roi.
lis retournèrent ensuite à Montpellier 81 ils y confirmèrent^, le i3 de juin
suivant, les statuts &t les coutumes de la ville dont on fit la publication, le
même jour, dans la maison des consuls, située à la place des Herbes {in salaria
Herbariae).
' Nous inférons que le roi d'Aragon s'étoit mis en armes quelque temps
auparavant, 8<. qu'il avoit été en Albigeois faire la guerre aux hérétiques, d'une
lettre^ qu'Innocent III écrivit, le 5 de juillet de cette année, à ses légats. Ce
pape leur mande, en effet, » de donner personnellement en fief, à Pierre,
« roi d'Aragon, le château de VEscure [Scurrae) que ce prince avoit recouvré
« sur les hérétiques, à condition que comme la propriété de ce château appar-
(( tenoità saint Pierre; il en feroit un certain cens annuel à l'Eglise romaine.»
Éd.origin. Qr ce château n'est pas différent de celui de l'Escure, au diocèse d'Albi, dont
les seigneurs se uisoient hommagers du pape.
Le roi d'Aragon, ayant passé les Pyrénées, se rendit à Jacca'*, où il étoitau
commencement du mois d'août suivant; il revint joindre la reine à Collioure,
au mois de septembre. Cette princesse, en reconnoissance des bienfaits qu'elle
en avoit reçus, lui fit alors donation^ entre-vifs, tant du château 81 de la ville
de Montpellier que de toutes leurs dépendances, pour en jouir en commun
pendant leur vie & passer à leurs enfans après leur mort, avec une entière
liberté à ce prince d'en disposer à sa volonté si elle venoit à décéder sans
postérité.
Marie, reine d'Aragon, avoit accouché alors ou du moins elle accoucha
bientôt après d'une fille, nommée Sancie, que le roi Pierre promit en mariage*^,
au mois d'octobre suivant, au jeune Raimond, fils du comte de Toulouse,
par un accord qui fut passé entre eux à Florensac, dans le diocèse d'Agde.
Par cet acte ; 1° Pierre s'engage de donner en dot à sa fille la ville & le
' Voyez tome VIII, Chartes, n. LXXXI, ce. 523, ad ann. i io5, e. 3. — [La lettre est du |6 juin
•ji6. i2?5; cf. Potthast, n. 2540. J
' Manuscrits Je Colhert, n. 493,'î. — [Cf. Teulet, * Zurita, Anales de la corona ie Aragen, 1. 2,
, Layettes, t. 1, p- 288 & suiv. où cette pièce est c. ^ii.
publiée d'après la plus ancienne copie existante.] ' D'Achéry, Spic'tlegium, t. 8, p. 220 & luiy.
' Innocent UI, 1. 8, Epiit. 97, apiid Maniique, * Ihid. t. 8, p. 222 & suiv.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
241
An i2oâ
château de Montpellier, le château d'Omelas £<. toutes leurs dépendances.
2° 11 confirme les traités St les sermens conclus entre lui, le comte de Tou-
louse & le comte de Provence, son frère. 3° Il promet une amitié constante
au jeune R.aimond, qu'il reçoit en sa foi, & donne pour gage de sa promesse
le lieu de Castelnau avec les châteaux de Castries 8c de Montferrier, sauf le
droit que le comte de Toulouse y avoit d'ailleurs (en qualité de comte de
Melgueil). 4° Le comte promet de donner en mariage son fils Raimond, qu'il
avoit de la reine Jeanne, à Sancie, fille de Pierre, roi d'Aragon, 6* de Marie,
sa jemme, & dispose, à cause de ce mariage, du duché de Narbonne & du
comté de Toulouse, de leurs dépendances 'S< généralement de tout ce qu'il
possédoit, depuis l'Hérault jusqu'à la Gascogne, en faveur de son fils. 5° Il
assigne, pour le douaire de sa future belle-fille, les villes de Castelnaudary,
Castelsarrasin, Moissac Se Montauban avec leurs dépendances. 6° Il renou-
velle 5<. confirme les accords dont il étoit convenu avec le roi d'Aragon St le
comte de Provence. 7° Il s'engage, supposé que son fils vînt à mourir avant
son mariage avec Sancie ou après l'avoir épousée, de rendre aussitôt au roi,
son père, cette princesse qu'il prit par conséquent dès lors à sa cour pour la
faire élever. 8° Il promet de faire ratifier ces conventions par son fils dès que
ce jeune prince aura atteint l'âge de puberté. 9° Il assigne pour la sûreté de
sa promesse les châteaux de Montredon, de Cauvisson Se d'Aubays, dont
Elzéar d'Aubays avoit la garde. 10° Enfin le roi S< le comte s'engagent réci-
proquement, par serment prêté sur les saints évangiles, d'observer tous ces
articles, qui furent passés en présence d'un grand nombre de seigneurs des
deux cours, entre autres de Gaufred de Roquebertin, Raimond de Montcade,
Guillaume de Canet, de frère Examen de la Vate, prieur de l'hôpital de
Saint-Gilles Se châtelain d'Emposte, de Foulques, commandeur du Mas-
Dieu, de Bernard d'.Anduze, Bernard, son fils, Raimond de Sauve, Raimond
d'Arsac, Sec. Cet accord n'eut pas son exécution, parce que Sancie mourut'
en enfance*. L/C roi d'Aragon fit un voyage à Montpellier, au commencement
de l'année suivante. Se il y co.nfinna' alors la fondation du monastère de
Langogne, en Gévaudan.
■ Tome vu, Soie XXXV, n. i, pp. io3. 104.
' Ce contrat de m.Triage fut conclu pnr Pierre
d'Aragon, au mépris des droits de sa femme & des
promesses que lui-mcme lui avait faites par l'acte
de septembre 127"), que dom Vaisseie an..ly$e plus
haut, acte antérieur à la naissance de Sancie, 8c
rédigé alors qu'on ignorait quel serait le sexe de
l'enfant que la reine allait mettre au monde.
Aussi chercha-t-il à faire ratifier à Marie de
Montpellier cet acte qui la fraudait de ses droits
en disposant de son vivant d'une partie de la sei-
gneurie de Montpellier. La reine était alors à
Collioure, en Roussillon; son mari alla l'y trou-
ver 8c essaya de lui arracher son approbation ; la
luiîs fut long.ie; Mari; de Montpellier paraît
avoir résisté avec énergie. Elle ne céda qu'après
avoir pris conseil des prud'hommes de Montpel-
lier, 8( sur la menace que lui fît le roi de l'aban-
donner, elle 8c sa seigneurie, sans jamais lui prê-
ter aucun secours. Elle céda alors; mais de l'avis
des légistes qui l'entouraient elle fit une protesta-
tion secrète, qui nous est parvenue 8c qui nous
fournit tous ces détails. Cet acte, qui doit être
d'octobre ou de novembre 1206, a été publié par
M. Germain dans les Mémoires de la Société ar-
chéologique de Montpellier, année 1860, d'après
l'original conservé aujourd'hui à la Bibliothèque
nationale. On le trouvera au tome VIII de la pré-
sente édition, ce. 5i53, 53^. [A. M.]
5 Voyez tome V, Chartes, n. CXXXIH, c. 33c-.
VI.
>6
"777Iir~ -42 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC LIV. XXI.
XX. — Les légats déposent l'évêque de Viviers,
Les deux légats, Pierre de Castelnau St Raoul, après avoir déposé révêcjue
de Toulouse, se rendirent vers le Rhône & dans les provinces de Vienne 5c
d'Arles. Le premier étoit, en ' effet, dans le diocèse d'Uzès au mois de juillet
de l'an i2o5, & on assure^ qu'il tint, la même année, un concile à Arles,
où il fit dresser des statuts pour le gouvernement de l'église de cette ville. Ms
travaillèrent^ de concert, vers la fin de la même année, à la réformation de
l'église de Viviers, tant dans le chef que dans les membres, & obligèrent
l'évêque St tous les ecclésiastiques à leur promettre, par serment, de leur dire
la vérité sur tous les excès qu'ils avoient commis. Pendant l'information,
quelques chanoines accusèrent ce prélat de diverses choses très-graves, & on
trouva qu'il étoit, en effet, coupable de la plupart, tant par sa propre con-
fession que par la déposition des témoins. L'archevêque de Vienne, métro-
politain du pays, informé de la procédure, se rendit aussitôt à Viviers 8c
t. lu "p'^Hs. supplia instamment les légats de ne pas le déposer juridiquement, & de se
contenter de sa démission volontaire, parce qu'étant d'une grande naissance
& fort accrédité, il pourroit faire traîner l'affaire en longueur, ce qui tourne-
roit au préjudice de l'église de Viviers. Enfin l'évêque de Viviers se détermina
à donner sa démission, &- ne se réserva que l'office d'évèque. Les chanoines
s'assemblèrent ensuite pour procéder à l'élection de son successeur; mais les
légats leur défendirent de passer outre jusqu'à ce que le pape eût confirmé
la démission. Innocent III écrivit en conséquence, le 20 de janvier"* de
~T 7~ l'an 1206, au chapitre de Viviers une lettre dans laquelle il rapporte ce que
nous venons de dire &c approuve la conduite des légats « qui ont agi, dit-il,
« en cela avec prudence, parce qu'un évêque ne peut faire démission de son
« évêché sans la permission du Saint-Siège. » Le pape, après avoir confirmé
celle de l'évêque de Viviers, permet au chapitre d'élire un nouvel évêque en
présence des légats, dans le terme de huit jours, lesquels étant passés, il
ordonne aux légats de nommer un évêque par l'autorité apostolique. Il y a
une lacune dans les catalogues'' que nous avons des évêques de Viviers,
depuis l'an 1202 jusqu'en 1206. Ainsi nous ignorons le nom de celui qui se
démit de cet évêché vers la fin de l'an i2o5. Il est cependant fort vraisem-
blable qu'il n'est pas différent de Nicolas, qui occupa certainement ce siège
depuis l'an 1177 jusqu'en 1202, & que Bernon ou Burnon, qui lui avoit
déjà succédé en 1206, fut élu en sa place^.
■ Voyez tome VIII, Chartes, n. XXXII, c. 5r i. ' GalUa Chnstiana. — Coliimbi, De episcopis Vi-
' Gain a Christiana, nov. éd. t. i, p. i65. variensiius.
' Innocent III, 1. 8, Epist. 209, apud Manri- ^ Bernon était déjà évêque le 5 novembre 12- "1,
que, ad ann. i2o5. c. 2. date d'une concession personnelle d'Innocent III
* Innocent III, apud Manrique, ut supra. — en sa faveur. (^Potthast, n. 2604.) [A. M.]
[Pottliast, n. 2j3o ; la lettre est du 20 janvier 1 2o5
& non I 206.]
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXÎ. 243 ~ T
" An I20Û
XXI. — Election de Foulques de Marseille , poëte provençal, à l'évêché
de Toulouse.
Pierre de Casteinau tomba malade dans le temps qu'il vaquoit à l'exer-
cice de sa légation dans la province de Vienne. Il apprit alors' avec une joie
extrême que le chapitre de la cathédrale de Toulouse avoit élu enfin un
successeur à Raimond de Rabastens S< qu'il avoit choisi Foulques, abbé du
monastère de Florége ou du Toronet, au diocèse de Fréjus, en Provence, de
ro^re de Cîteaux.
Foulques étoit fils d'Alfonse, riche marchand de Gênes, établi à Marseille,
ce qui lui fit donner le nom de Foulquet de Marseille. Suivant sa Vie, écrite
parmi celles^ des anciens poètes provençaux, il cultiva dès sa jeunesse la
poésie vulgaire, dans laquelle il se distingua beaucoup. Après la mort de son
père, qui lui laissa de grands biens, il fréquenta les cours de divers princes,
protecteurs des poètes provençaux, entre autres celles de Richard, roi d'An-
gleterre, 6- du bon Raimond, comte de Toulouse. Il s'attacha surtout à celle
de Piarral, vicomte de Marseille, son seigneur, où il fit plusieurs chansons ou
poésies en l'honneur d'Adélaïde de Roquemartine, femme de ce vicomte, dont
il devint amoureux. Il témoigna aussi beaucoup d'amitié aux deux sœurs du
vicomte de Marseille, nommées l'une Laure de Sanjorlan, 8i l'autre Mabilie
de Pontevez. Alfonse, roi de Castille, l'honora de sa protection, & lorsque ce
prince eut été défait à Calatrava par les Sarrasins 8<. qu'il eut envoyé demander
du secours au pape, aux rois de France, d'Angleterre & d'Aragon, 8i au comte
de Toulouse; Foulques se donna beaucoup de mouvemens pour lui en pro-
curer auprès des barons du pays. La vicomtesse de Marseille, qui étoit une
dame très-vertueuse, ennuyée des amours Sa. des vers de Foulques, lui avant
donné ordre de se retirer de sa cour, il en fut au désespoir; il alla chercher
quelque consolation auprès de l'impératrice, fille de l'empereur Emmanuel &■
femme de Guillaume de Montpellier ^ princesse qu'on qualifie de chef ^ guide
de toute valeur, de toute courtoisie &- de tout enseignement. Elle agréa ses
services & le pria de faire des chansons pour elle, ce qu'il accepta volontiers.
La mort de la vicomtesse de Marseille, de Barrai, son époux, de Richard, roi
d'Angleterre, du bon comte Raimond de Toulouse & d'Alfonse II, roi d'Ara-
gon, lui causèrent tant de chagrin que, dégoûté du monde, il se fit religieux
de l'ordre de Cîteaux avec deux de ses fils, & fut élu bientôt après abbé du
Toronet; sa femme se fit en même temps religieuse de cet ordre. On trouve
ces circonstances de la vie de Foulques de Marseille, avant son élection à
l'épiscopat, dans deux anciens manuscrits de la Bibliothèque du roi, d'où l'on
doit conclure qu'il ne se retira au plus tôt dans le cloître que l'an 119g,
puisque Pv.ichard, roi d'Angleterre, mourut cette année. On trouve dix-neuf
■ Ciiillclintis de Poelio L.niirentii, c. ii. ' Mss. de la Bibliothèque du roi, n"' 722O &
7698.
"77T77~ -44 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXI.
de ses chansons' dans ces manuscrits. Elles sont adressées la plupart à une
i.'m,°".^'43. dame, nommée Nasimans, qui est sans doute le nom poétique qu'il donnoit
à sa maîtresse ou à la vicomtesse de Marseille, suivant l'usage de ses sem-
blables. Le Moine de Montaudon, poëte provençal qui vivoit vers la fin du
douzième siècle & au commencement du suivant, 8c qui, dans une de ses
chansons^, parle des plus célèbres troubadours de son temps ou de ceux qui
l'avoient précédé, met Foulques de Marseille au douzième rang. Voici le
couplet qui le regarde, que nous rapporterons dans sa langue originale :
E la do-:^ens sera Folquets,
De Marseïlla uns mercaders,
Que a faits un fol sagramen,
Çuant j'uret que chansos no jets ;
Et ani dison que Jb pervers f
Çu'el parjuret à son escien.
Plusieurs auteurs^' parlent de Folquet de Marseille Se de sa conversion après
avoir été jongleur. Jean de Nostradamus'* a écrit sa vie parmi celles des
poètes provençaux qu'il a données; mais il se trompe sur quelques articles,
entre autres lorsqu'il assure qu'fZ fut d'abord érêque de Marseille & ensuite
archevêque de Toulouse. Il ajoute qu'il était beau de sa personne, plaisant
£• libéral. On'"' prétend qu'il étoit profès de l'abbaye de Grandselve; mais il
n'y en a aucune preuve. Nous avons cru devoir entrer dans ce détail pour
faire connoître ce prélat qui joua un grand rôle dans l'affaire des albigeois.
Pierre de Castelnavi 8^ Raoul, son collègue, confirmèrent l'élection de<^
Foulques & le firent sacrer par l'archevêque d'Arles. L'archevêque de Nar-
bonne, métropolitain de Toulouse, contre les droits duquel se fit cette consé-
cration, en porta ses plaintes à Innocent III ; mais ce pape ne lui répondit
pas directement &C se contenta d'écrire un bref, le ii de mai de l'an 1206,
au chapitre de Narbonne, pour marquer que ce sacre s'étoit fait sans préju-
dice de la soiimission que l'église de Toulouse devoit à celle de Narbonne^.
Foulques vint ensuite à Toulouse, où il prit possession ^ de son église, le
dimanche 5 de février de l'an 120J (1206) £v prêcha ce jour-là sur l'évangile
de la semence, qui étoit celui du jour. Il trouva l'évêché de Toulouse extrê-
mement endetté; Raimond de Pv.abastens, son prédécesseur, en avoit engagé
la plupart des domaines, tant pour soutenir divers procès que pour faire la
guerre à Raimond-Fort de Beaupuy, son vassal. Il y avoit alors d'ailleurs,
dit-on, un si grand nombre d'ariens, de manichéens, d'hérétiques 6* de rau~
' Calel, Mémoires tic l'histoire du Langue.hc, ' Vincent de Bc.niivais, vt supra.
p. 891. '' Baluze, Miscelhneu, t. 6, p. ^3/.
' Jiid. ' La bulle est adressée directement à l'archevê-
^ Vincent de Beauvais, ipfcuZum Morale, part, "i, que & au chapitre de Narbonne (Voyez Potthast,
tit. 3. — Pétrarque, Triomfo d'amore, c. 4. n. 2778). [A. M.]
■• Nostradaraiis, Poites provençaux, p. 53 & suIt, ' Giiillelmiis de Podio Lniirentii, c. 6.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LANGUEDOC. LIV. XXl. 240 — T*
I An 1200
dois dans cette ville, que Foulques n'osoit se montrer & envoyer sans escorte
à l'abreuvoir public quatre mulets qu'il avoit amenés avec lui. Le comte de
Toulouse reconnut cependant ce prélat aussitôt après son élection, quoique
Raimond de Rabastens lui fût très-attaché; car nous avons' une donation
taite par ce prince à l'abbaye de Grandselve, le vendredi 24 de Jévrïer i2o5
(1206), P